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Full text of "Séances générales tenues à ... en ... par la Société française pour la conservation des monuments historiques"

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CONGRÈS 

ARCHÉOLOGIQUE 

IDE     FT^AlSrOE 


LXVP    SESSION 


SÉANCES    GÉNÉRALES 

TENUES 

A     MAÇON 

EN     1899 
PAR  LA  SOCIÉTÉ  FRANÇAISE  D'ARCHÉOLOGIE 

POUR  LA  CONSERVATION  ET  LA  DESCRIPTION  DES  MONUMENTS 


PARIS 

ALPH.    PICARD 

LIBRAIRE 

82,  rue  Bonaparte 


GAEN 
H.    DELESQUES 

LIBRAIRE 

2  et  k,  rue  Froide 


1901 


CONGRES 

ARCHÉOLOGIQUE 

DE     FRANCE 


CONGRÈS 

ARCHÉOLOGIQUE 

IDE     inrt.A.îsrOE 


LXVI*    SESSION 


SÉANCES    GÉNÉRALES 

TENUES 

A     MAÇON 

EN      181)9 
PAR  LA  SOCIÉTK   FRAXÇAISK   D'ARCIIKOLOGIE 

POUR  LA  CONSERVATION  KT  LA  DESCRIPTION  DES  MONUMENTS 


PARIS 

ALPH.     PICARD 

LIBRAIRE 

82,  rue  Bonaparte 


CAEN 
II.    DEEESQLES 

LIBRAIRE 

2  et  'i.  rue  Froide 


1901 


THE  J.   PAUL  GETTY  CPNTBft 
LIBRARY 


CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE 

DE    FRANCE 


LXVI^    SESSION 

TENUE 

A     MAÇON 

EN      1899 

PROGRAMME 

1.  État  des  études  archéologiques  dans  le  département  de 
Saône-et-Loire  depuis  cinquante  ans.  —  Donner  une  vue  d'en- 
semble des  principaux  travaux  accomplis  par  les  Sociétés  savantes 
ou  les  particuliers. 

2.  Étudier  les  gisements  quaternaires  dans  Saùne-et-Loire  et 
en  particulier  la  station  deSolutré;  déterminer  sa  place  chrono- 
logique au  milieu  des  stations  du  même  âge. 

3.  Décrire  les  stations,  les  oppida,  les  sépultures  de  l'époque 
de  la  pierre  polie  ou  néolithique   dans  le  même  département  et 

Congrès  arciiéoi.ogiuui!  de  maçon.  ' 


2  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  MACOX 

en  particulier  le  camp  de  Chassey.  —  Données  chronologiques 
fournies  par  l'étude  des  berges  de  la  Saône. 

4.  Signaler  les  sépultures  et  les  trouvailles  de  l'âge  du  bronze 
et  du  premier  âge  de  fer  dans  Saône-et-Loire  et  les  départements 
voisins. 

5.  Quels  nouveaux  renseignements  pour  l'histoire  de  l'art  et 
de  l'industrie  des  Gaulois  et  des  Gallo-Romains  ont  été  fournis 
par  les  explorations  faites  depuis  quinze  ans  au  Mont  Beuvray  et 
dans  les  environs  d'Autun? 

6.  Les  sujets  représentés  sur  les  monuments  de  l'époque 
gallo-romaine  et  en  particulier  sur  les 'autels  votifs  et  les  tom- 
beaux peuvent-ils  apporter  des  éléments  nouveaux  pour  l'his- 
toire des  diverses  industries  et  des  procédés  employés  par  les 
ouvriers  ? 

7.  Quels  sont  les  caractères  particuliers  des  objets  de  l'époque 
franque  trouvés  dans  le  département  de  Saône-et-Loire  ?  Les 
comparer  aux  antiquités  burgondes  trouvées  dans  la  région 
comprise  entre  Dijon  et  Lyon,  Bourg  et  Roanne. 

8.  Étudier  les  édifices  religieux  de  l'époque  romane,  de  la 
période  gothique  et  de  la  Renaissance,  élevés  dans  le  départe- 
ment, en  signalant  leurs  principaux  caractères.  —  Citer  les  textes 
permettant  de  dater  les  églises  romanes  encore  existantes. 

9.  Quelle  a  été  l'influence  des  grandes  abbayes  de  la  région 
sur  le  développement  des  arts  et  en  particulier  de  l'architecture? 

10.  Peut-on  signaler  des  différences  sensibles  dans  l'architec- 
ture des  diocèses  de  Mâcon,  de  Chalon  et  d'Autun? 


PROGRAMME  3 

11.  Signaler  les  constructions  féodales  les  plus  importantes  et 
indiquer  les  caractères  particuliers  qu'elles  présentent  au  point 
de  vue  de  la  défense. 

12.  Essayer  la  reconstitution  des  maisons  des  époques  romane 
et  gothique,  d'après  les  constructions  de  Cluny,  de  Mâcon  et 
de  Tournus.  —  Signaler  et  décrire  les  maisons  les  plus  remar- 
quables de  l'époque  gothique  et  de  la  Renaissance. 

13.  Dresser  la  carte  archéologique  de  Saône-ct-Loire  aux 
différentes  époques. 

14.  Signaler  les  peintures  murales,  verrières,  tableaux,  objets 
mobiliers,  orgues,  pièces  d'orfèvrerie  et  anciens  ornements  con- 
servés dans  les  édifices  religieux  du  département,  et  indiquer  les 
documents  qui  peuvent  en  faire  connaître  l'origine,  la  date,  les 
auteurs  ou  les  donataires. 

15.  Faire  connaître  les  œuvres  d'art  les  plus  remarquables 
exécutées  dans  le  pays  depuis  l'époque  romane  jusqu'à  la  fin  du 
xviii=  siècle.  Indiquer  les  musées  et  les  collections  particulières 
où  elles  sont  conservées. 

16.  Étudier  les  anciennes  industries  locales  et  faire  connaître 
ceux  de  leurs  produits  qui  subsistent  encore,  ainsi  que  les  instru- 
ments de  leur  fabrication  ofiVant  un  caractère  spécial. 

17.  Épigraphie.  — Signaler  les  inscriptions  offrant  un  intérêt 
spécial,  soit  au  point  de  vue  historique,  soit  pour  leur  rédaction 
et  leurs  caractères  paléographiques. 

18.  Numismatique.  —  Rappeler  les  découvertes  numisma- 
tiques  les  plus  récentes  et  indiquer  les  éléments  qu'elles  peuvent 


4  CONGRÈS    ARCHl-OLOGiaUE    DE    MAÇON 

apporter,  soit  pour  rinterprétatioii  et  la  date  des  monnaies,  soit 
pour  l'indication  des  ateliers  monétaires  et  leur  durée. 

Les  membres  du  bureau  de  la  Société  française  d' Archéologie 
et  du   Congrès  : 

0=  DE  Marsy,  E.  Travers, 

Directeur  de  la  Société.  Trésorier  Je  la  Société. 

Président  du  Congrès. 

J.  BULLIOT, 

Inspecteur  de  la  Société  pour  Saône-et- Loire. 

Président  de  la  Société  Ëduenne. 

Les  Secrétaires  généraux  du  Congrès  : 
A.  DuRÉAULT,  L.  Lex, 

Secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  de  Màcon.  Archiviste  de  Saone-et-Loire. 

F.  Lacroix, 

Trésorier  de  l'Académie  de  Màcon. 
Tràoricr  du  Coiigirs. 


ORDRE    DES    RÉUNIONS 

MAÇON 

Mercredi  14  Juin.  2  heures  :  Séance  d'ouverture.  —  4  heures: 
Visite  des  monuments  de  Mâcon.  —  8  heures  1/2  :  Séance. 

Jeudi  i).  j  heures  25  du  matin  :  Départ  en  chemin  de  fer  pour 
Cluny;  Arrivée  à  8  heures  40.  Visite  de  la  ville,  des  bâtiments 
de  l'ancienne  abbaye,  des  églises  et  des  palais  abbatiaux  d'Amboise 
et  de  Bourbon.  —  Midi  :  Déjeuner.  —  2  heures  31  :  Départ  en 
chemin  de  fer  pour  Paray-le-Monial  ;  Arrivée  à  4  heures  31. 
Visite  de  la  basihque.  —  6  heures  13  :  Départ  pour  Mâcon. 
Arrivée  pour  souper  à  9  heures  2 1 . 

Vendredi  16.  8  heures  1/2  du  matin:  Séance.  —2  heures: 
Visite  du  Musée  archéologique  et  de  peinture,  et  de  la  Biblio- 
thèque. —  8  heures  1/2:  Séance. 

Samedi  ij.  6  heures  1/2  du  matin:  Excursion  en  voiture  à 
Solutré,  Pierreclos,  le  château  des  Moines,  Berzé-le-Châtel,  etc. 
Déjeuner  à  la  Croix-Blanche.  Retour  à  Mâcon  pour  dîner. 

Dimanche  iS.   i  heure  1/2  :  Séance.  —  7  heures  :  Banquet. 

Lundi  ip.  8  heures  42  du  matin  :  Départ  en  chemin  de  fer 
podr  Bourg  en  Bresse;  Arrivée  à  9  heures  41.  Visite  de  la  ville 
et  de  l'église  de  Brou.  Déjeuner.  —  2  heures  35  :  Départ  pour 
Mâcon;  arrivée  à  3  heures  30.  —  8  heures  du  soir  :  Séance  de 
clôture. 

Mardi  20.  8  heures  40  du  matin  :  Départ  en  chemin  de  fer 
pour  Tournus;  Arrivée  à  9  heures  17.  Visite  de  l'église  Saint- 
Philibert,  des  bâtiments  monastiques,  de  l'église  de  la  Madeleine 


6  CONGRÈS  ARCHÉOLOGiaUK  DE  MAÇON 

et  du  Musée.  Déjeuner.  —  2  heures  50:  Départ  pour  Chalon- 
sur-Saône;  Arrivée  à  3  heures  50.  Visite  de  l'ancienne  cathé- 
drale de  Saint-Vincent,  du  Musée  et  de  la  chapelle  de  l'Hôpital. 
Dîner  et  coucher  à  Chalon-sur-Saône. 

Mercredi  21.6  heures  35  du  matin  :  Départ  en  chemin  de  fer 
pour  Autun.  Arrêt  à  Chagny  de  7  heures  22  à  8  heures  5.  — 
Arrivée  à  9  heures  56.  —  Visite  des  monuments  romains  et  du 
Musée  lapidaire.  —  Midi  :  Déjeuner.  —  2  heures  :  Visite  de  la 
cathédrale,  du  Musée  de  la  Société  Éduenne  et  du  Musée  de 
la  ville.  —  5  heures  24:  Départ  d' Autun.  — Arrêt  à  Chagny 
de  6  heures  58  à  7  heures  44.  —  Arrivée  à  Chalon-sur-Saône 
à  8  heures  du  soir. 

Jeudi  22.  Excursion  flicultative  à  Beaune.  Visite  de  l'Hôtel- 
Dieu  fondé  par  le  chancelier  Rolin.    Visite   de  l'église.  Musée. 


CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE 

DE     MAÇON 


BUREAU     DU    CONGRÈS 

Président  du  Congres  : 
O'^  DE  Marsy,  directeur  de  la  Société  française  d'Archéologie. 

Assesseurs  du  Président  du  Congrès  : 

E.  Travers,  trésorier  de  la  Société; 

J.  BuLLiOT,  président  de  la  Société  Éduenne,  inspecteur  de  la 
Société. 

Secrétaires  généraux  du  Congrès  : 

A.  DuRÉAULT,  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  de  Màcon; 

L.  Lex,  conservateur  des  Archives  départementales,  de  la  Biblio- 
thèque municipale  et  du  Musée  archéologique,  archiviste  de 
l'Académie  de  Mâcon. 

Trésorier  du  Congrès  : 

F.  Lacroix,  trésorier  de  l'Académie  de  Mâcon. 


CONGRES    ARCHEOLOGiaUE    DE    MAÇON 


COMMISSION     d'organisation     DU     CONGRES    : 

Adrien  Arcelin,  président  de  l'Académie  de  Mâcon  et  de  la 
Société  d'Histoire  et  d'Archéologie  de  Chalon-sur-Saône.  — 
Louis  AuTHELAiN,  architecte,  membre  de  l'Académie  de 
Mâcon.  —  Paul  Canat  de  Chizy,  membre  du  conseil  de  la 
Société,  associé  de  l'Académie  de  Mâcon.  —  Marcel  LiS^a- 
jous,  président  de  la  Société  d'Histoire  naturelle  de  Mâcon, 
associé  de  l'Académie  de  Mâcon.  —  Jean  Martin,  conserva- 
teur du  Musée  de  Tournus,  membre  de  l'Académie  de  Mâcon. 
—  Charles  Pellorce,  ancien  maire  de  Mâcon,  ancien  prési- 
dent de  l'Académie  de  Mâcon.  —  Jules  Protat,  imprimeur, 
associé  de  l'Académie  de  Mâcon.  —  Mgr  Rameau,  membre 
de  l'Académie  de  Mâcon.  —  Félix  Reyssiè,  avocat,  ancien 
président  de  l'Académie  de  Mâcon.  —  Jean  Virey,  archiviste- 
paléographe,  membre  de  l'Académie  de  Mâcon. 


LISTE   DES   MEMBRES 


MM. 


AcARY  (le  Chanoine),  curé  provicaire  de  SaintA'incent. 

AcY  (Ernest  d'),  40,  boulevard  Malesherbes,  Paris. 

Aii.i.AUD  (Emile),  maire  de  Saint-Jean-le-Vieux  (Ain). 

*AxauETiL  (Eugène),  avocat,  Bayeux. 

Arceux  (Adrien),  président  de  l'Académie  de  Mâcon,  Chalon-sur- 
Saône. 

*AsHE  (Révérend  Thomas),  Caen. 

AuTHELAix,  architecte,  Mâcon. 

*AvouT  (Baron  A.  d'),  inspecteur  de  la  S.  F.  A.,  Dijon. 

*Barrière-Flavv  (Casimir),  Toulouse. 

*Beaumoxt  (Comte  Charles  de),  Chatigny,  par  Fondettcs  (Indre-et- 
Loire). 

Bei.fort  (A.  de),  Charnay-lés-Màcon. 

Bexnet  (M"""  B.  C),  5,  rue  de  la  Masse,  Caen. 

*Bexoist  (Ernest  de),  Mâcon. 

Berchem  (Max  van),  membre  de  la  Commission  vaudoise  des  monu- 
ments historiques,  â  Genève. 

Bernard  (Albert),  secrétaire  de  la  Société  des  Amis  des  Arts  et  des 
Sciences,  à  Tournus. 

Beroud  (Abbé),  Mionnay  (Ain). 

*Bertix  (Docteur),  Gray. 

Béthl'ne  (Prince  de),  Mâcon. 

Biot  (Docteur),  Mâcon. 

*Birot  (Le  docteur  J.),  59,  rue  Victor-Hugo,  Lyon. 

*Bi.ANCHHT  (J.-Adrien),  membre  de  la  Société  nationale  des  Antiquaires 
de  France,  secrétaire  général  de  la  Société  française  de  numisma- 
tique, â  Paris. 

*BoNNAULT  n'HouET  (Baron  de),  inspecteur  divisionnaire  de  la  S.  F. 
A.,  président  de  la  Société  historique,  Compiègne. 

*BoNNAULT  d'Houët  (Baronne  de),  Compiègne. 

Nota.  —  L'astérisque   placé  devant  les  noms  désigne  les  membres  de  la 
Société  française  d'archéologie. 


10  CONGRHS  ARCHEOLOGiaUE  DE  MAÇON 

MM. 

Branges  dk  Civria  (L'abbé  de),  Dôle  (Jura). 

*Briand  (Paul),  conservateur  du  Musée  de  la  Société  archéologique  de 

Touraine,  Tours. 
Broyer  (Maxime),  notaire  honoraire,  Mâcon. 

Bruel  (Alexandre),  chef  de  section  aux   Archives  nationales,  Paris. 
*Brune  (Abbé),  inspecteur  de  la  S.  F.  A.,  Baume-les-Messieurs,  par 

Voiteur  (Jura). 
BucHALET  (Philibert),  maire  de  Mâcon. 
BucHE  (Joseph),  professeur  agrégé  au  Lycée,  Bourg, 
*Bllliot  (J,-G.),  inspecteur  divisionnaire  de  la  S,  F.  A.,  président  de 

la  Société  Eduenne,  Autun. 
*BoucHER  DE  Crèvecœur,  53,  rue  de  la  Tannerie,  Abbeville. 
*Caillemer  (E.),  correspondant  'de  l'Institut,  doyen  de  la  Faculté  de 

droit,  Lyon. 
*Ca\at  de  Chizv  (Nocl),  licencié  es  lettres,  Lyon. 
*Canat  de  Chizy  (Paul),  membre  du  conseil  de  la  S.  F.  A.,  Lyon. 
Caket  (Abbé),  aumônier  de  la  Visitation,  Mâcon. 
*Cauchemé  (V.),  inspecteur  du  palais,  Compiégne. 
Chalonge  (Gaston  de),  conservateur  du  Musée,  Paray-le-Monial. 
Chaxtre  (Ernest),  sous-directeur  du  Muséum,  Lyon. 
Chantre  (M""^ Ernest),  Lyon. 
Cheuzeville  (Ludovic),  conseiller  général    de  Saônc-et-Loire,  Beau- 

bery  (Saône-et-Loire). 
Chevallier  (Docteur  Paul),  Compiégne. 
^Chevallier  (Raymond),  membre  du  conseil  de  la  S.  F.  A.,Moyvillers 

(Oise). 
*Clermont-Tonnerre  (Duc  de),  Ançy-le-Franc  (Yonne). 
CoRXUDET  (Léon),  lo,  rue  des  Saints-Péres,  Paris. 
Corot  (Henry),  archéologue,  Savoisy  (Côte-d'Or). 
Corroyer  (Edouard),  membre  de  l'Institut,  inspecteur  général   des 

édifices  diocésains,  délégué  de  la  Société  centrale  des  architectes, 

14,  rue  de  Courcelles,  Paris. 
*CouxEAU  (Emile),  La  Rochelle. 
Courtois  (Félix),  archiviste  des  usines  du  Creusot. 
*CouTAN  (Docteur),  Rouen. 
*Crusel  (René),  Abbeville. 
Daussy  (Paul),  Compiégne. 


LISTE    DES    MEMBRES  II 

MM. 

*Dhchelette  (Joseph),  conservateur  du  Musée,  Roanne. 

*Decroos  (Jérôme),  trésorier  de    la    Société    des  Antiquaires  de  la 

Morinie,  Saint-Omer. 
*Demeui-dre  (Amé),  président   du  Cercle  archéologique   de  Soignies 

(Belgique). 
*Demeuldre  (M"'«  Amé),  Soignies  (Belgique). 
*Depoin   (Joseph),    secrétaire    de  la    Société   historique  du   Vexin, 

Pontoise. 
Desmette  (Adolphe),  avocat,  369,  avenue  Louise,  Bruxelles. 
DiDEi.OT  (Chanoine),  archiprétre  de  la  cathédrale,  Valence  (Drôme). 
*DiON  (Comte  Ad.  de),  inspecteur  général  de  la  S.  F.  A.,  président 

de  la  Société  archéologique  de  Rambouillet,  Montfort-l'Amaury. 
Driot  (Jules),  procureur  de  la  République,  Màcon, 
Drioton  (Clément),  membre  de  la  Commission  des  Antiquités,  Dijon. 
Dumoulin-  (Fr.-Ch.),  préfet  de  Saône-et-Loire,  Mâcon. 
*DuMON  (Raoul),  Paris. 

*DuMUYS  (Léon),  conservateur-adjoint  du  Musée  archéolog.,  Orléans. 
DuPAsauiER  (François),  Saint-Jean-le-Priche  (Saône-et-Loire). 
Durand  (Auguste),  avocat,  Mâcon.  • 

DuRÉAULT  (Armand),  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie,  Mâcon, 
*DuRET    (Edmond),    Saint-Germain-de-Marencennes,    par    Surgéres 

(Charente-Inférieure) . 
*Eysseric  (Saint-Marcel),  inspecteur  de  la  S.  F.  A.,  Paris. 
*Favarcq  (Louis),  48,  rue  du  Vernay,  Saint-Ètienne. 
Favre   (Camille),   archiviste  paléographe,  colonel-brigadier  fédéral  à 

Vandœuvre,  prés  Genève. 
*Fayolle  (Marquis  de),  membre  du  conseil  de  la  S.  F.  A.,  vice-prési- 
dent et  délégué  de  la  Société  historique  du  Périgord,  Périgueux. 
Feret  (Abbé  Pierre),  docteur  en  théologie,  curé  de  Saint-Mauncc-lés- 

Charenton  (Seine). 
*Fleury  (Gabriel),  imprimeur  à  Mamers. 
*FoRTS  (Philippe  des),  archiviste-paléographe,  Paris. 
*Francs  (François  des),  Orléans. 
*Francard   (Adolphe),  avocat,  délégué   du  Cercle  archéologique  de 

Mons  (Belgique). 
Galland  (Emile),  conservateur  des  Eaux  et  Forêts,  Mâcon. 


12  CONGRES  ARCHEOLOGIQ.UE  DE  MAÇON 


MM. 


*Garreau  (Gustave),  La  Rochelle. 

Gatellier  (De),  château  de  Béost,  \"onnas  (Ain). 

Gaudet  (Antoine),  inspecteur  des  Eaux  et  Forêts,  Mâcon. 

*Gauthier  (Jules),  inspecteur  delà  S.  F.  A.,  à  Besançon. 

George  (Henry),  administrateur  honoraire  de  l'enregistrement,  lé, 
boulevard  Émile-Augier,  Paris. 

George,  architecte,  délégué  de  la  Société  académique  d'architecture 
de  Lyon. 

*Germain  de  Maidy  (Léon),  inspecteur  divisionnaire  de  la  S.  F.  A., 
secrétaire  perpétuel  de  la  Société  d'archéologie  lorraine,  Nancy. 

*Ghelli\-ck  d'Ei.seghem  (Comte  Amaury  de),  délégué  du  gouverne- 
ment belge,  de  l'Académie  royale  d'archéologie  et  de  la  Société 
royale  de  numismatique  de  Belgique,  1 3 ,  rue  de  l'Industrie,  Bruxelles. 

GiLLOT  (Docteur  Xavier),  vice-président  de  la  Société  d'histoire  natu- 
relle, Autun. 

GiNDRiEz,  architecte,  directeur  du  Musée  archéologique,  Chalon-sur- 
Saône. 

Gloria  (Henri),  juge  à  Beaune. 

*GoDFRAY  (Henry-N.),  trésorier  des  Etats  de  Jersey,  Saint-Hélier, 
Jersey. 

GoiCHOT,  architecte,  Montceau-les-Mines. 

GoiN  (Louis),  agronome,  Anzy-le-Duc  (Saône-et-Loire). 

*GossET  (Alphonse),  architecte,  délégué  de  l'Académie,  Reims. 

GossET  (M"ie  Alphonse),  Reims. 

*GoY  (Pierre  de),  secrétaire  de  la  Société  des  Antiquaires  du  Centre, 
Bourges. 

GuiBiER,  notaire  à  Mâcon. 

GuiFFREY  (Jules),  membre  de  l'Institut,  administrateur  de  la  manufac- 
ture nationale  des  Gobelins,  membre  de  la  Société  des  Antiquaires 
de  France,  Paris. 

GuiFFREY  (M™^  Jules),  Paris. 

GuiFFRKV  (Jean),  attaché  au  Musée  du  Louvre,  Paris. 

Haxkar  (Paul),  architecte,  secrétaire  et  délégué  de  la  Société  d'ar- 
chéologie de  Bruxelles. 

*Hélia\d  (Comte  Joseph  d'),  Laval. 


LISTE    DES    MEMBRES  Ij 

MM. 

*HuBERT  (Joseph),  architecte-ingénieur,  délégué  du  Comité  provincial 
du  Hainaut  et  de  la  Commission  des  monuments,  Mons  (Belgique). 
*Hambyh,  notaire  à  Mons  (Belgique). 
*Jamot  (C),  architecte,  25,  rue  Vaubecour,  Lyon. 
JoLivET  (Abbé),  curé  de  Berzé-la-Ville. 
JoKTE  (Emile),  ingénieur,  Paris. 
*La  Bourauère  (Auguste  de),  Poitiers. 
*Lacave-Laplagxe  (Jean),  avocat,  Paris. 
Lachesnais  (De),  villa  Castellamare,  Marseille. 

Lacroix  (Francisque),  trésorier  de  l'Académie,  président  de  l'Associa- 
tion mâconnaise  des  Amis  des  sciences  naturelles,  Màcon. 
*La  Faige  (E.  Auber  de),  inspecteur  de  la  S.  F.  A.,  Bussoles,  par  La 

Palisse. 
Lafen'ESTRE  (Georges),  membre   de  l'Institut,  conservateur  au  Musée 

du  Louvre,  Paris. 
*Lafollye  (Paul),  délégué  de  la  Société  des  architectes  diplômés  par 

le  gouvernement,  Paris. 
*La  Grange  (Baron  Amaury  de),  délégué  de  la  Société  historique  de 

Tournai,  Bois-Colombes  (Seine). 
*Lair  (Comte  Charles),  inspecteur  divisionnaire  de  la  S.  F.  A.,  Blou 

(Maine-et-Loire). 
*Lair  (Jules),  ancien  président  de  la  Société  de  l'histoire  de  France  et 

de  la  Société  de  l'Ecole  des  Chartes,  Paris. 
*Lair  (M""^  Jules),  Paris. 
*Lambertye  (Comte  Gaston  de),  Compiégne. 
*La  Perche  (M'"-^),  Compiégne. 
*Latteux  (Louis),  Le-Mesnil-Saint-Firmin  (Oise). 
*Le   Férox  de   Loxgcamp  (A.),  membre  du  comité  de  la  S.  F.  A., 

Caen, 
*Leeèvre-Poxtalis  (Eugène),  chargé  de  cours  à  l'Ecole  des  Chartes, 
membre  du  Comité  des  Travaux  Historiques  et  de  la  Société  des  Anti- 
quaires de  France,  Paris. 
*Legraxd  (Charles),  avocat,  secrétaire  de  la  Société  des  Antiquaires 

de  Morinie,  Saint-Omer. 
*Le  Grix  (E.),  conservateur  des  forêts  en  retraite.  Tours. 
*Lemoine  (M"'^  Alice),  Saint-Servan. 


I.j.  CONGRES  ARCHEOLOGiaUE  DE  MAÇON 

MM. 

Lexormaxd  (Henry),  Mâcon. 

Lesaing  (Edmond),  directeur  des  contributions  directes,  Màcon. 

*L'EsTOLRBEiLi.OK  (Marquis  de),  député  du  Morbihan,  inspecteur  de  la 

S.  F.  A. 
Lex  (Léonce),  archiviste  du  département,  conservateur  de  la   biblio- 
thèque et  du  Musée  archéologique,  conservateur  des  collections  de 

l'Académie  de  Màcon. 
*LiEBBE  (Elias),  48,  rue  Pergolése,  Paris. 

LissAjous  (Marcel),  président  de  la  Société  d'histoire  naturelle,  Mâcon. 
*LoE  (Baron  Alfred   de),  secrétaire  général  et  délégué  de  la  Société 

d'archéologie  de  Bruxelles. 
LoiSEAU  (Léon),  conservateur  du  Musée,  Bourg. 
LoYDREAU  (Docteur  Edouard),  Neuilly,  par  Arnay-le-Duc. 
*Macqueron  (Henry),  Abbeville. 
Maxdix,  architecte,  délégué    de    la    Société    historique  du  Périgord, 

Périgueux. 
Mangenot  (Alfred),  conservateur  des  Forêts  en  retraite  (Mâcon). 
*Manoir  (Gaston  du),  membre  du  comité  de  la  S.  F.  A.,  Caen. 
*Mareuse  (Edgard),  secrétaire  du  comité  des  Inscriptions  parisiennes, 

Paris. 
*Marsal"x  (Chanoine  Léopold),  secrétaire  de  la  Société  académique  de 

l'Oise,  Beauvais. 
Maritain  (Paul),  avocat,  Bussiéres  (Saône-et-Loire). 
Marle  (Paul),  président  de  la  Société  des  Amis  des  Sciences  et  des 

Arts,  Tournus. 
*Marsv  (Comte  de),  directeur  de  la  S.  F.  A.,  Compiègne. 
Martin  (Félix),  sénateur  de  Saôhe-et-Loire,  Paris. 
*Martix  (Abbé  J.-B.),  correspondant  du   ministère   de   l'Instruction 

publique,  205,  rue  Duguesclin,  Lyon. 
Martin,  conservateur  du  Musée,  Tournus. 
*Matthieu    (Ernest),   avocat,   secrétaire     du     Cercle   archéologique, 

Enghien  (Belgique). 
Matthieu  (M'"'^  Ernest),  Enghien  (Belgique). 
Maussier  (J.-B.),  ingénieur  civil  des  mines,  Saint-Galmier  (Loire). 
Mayor  (Jacques),  conservateur  du  musée  Fol,  à  Genève. 
*Méloi/.es  (Marquis  des),  inspecteur  de  la  S.  F.  A.,  secrétaire  général 

de  la  Société  des  Antiquaires  du  Centre,  Bourges. 


LISTE   DES    MEMBRES  I5 

MM. 

Merle,  juge  au  tribunal  civil,  Mâcon. 

*MoNXLAR  (Marquis  de),  membre  du  conseil  de  la  S.  F.  A.,  ministre 

plénipotentiaire,  Paris. 
*MoNERY  (L.),  Roanne,  Loire. 

MoNNECOVE    (Félix  Le  Sergeant    do),   ancien   député,  Paris.    . 
MoRGON  (Abbé),  professeur  à  l'Institut  Saint-Pierre,  Bourg. 
*MoRiNS  Pons,  Lyon. 

MoNTET  (Albert  de),  Chardonne-sur-Vevey  (Vaud). 
MuRARD  (Comte  de),  Paris. 
*Naef  (Albert),  chef  du  bureau  des  Monuments  historiques,  Courseaux- 

sous-Vevey  (Suisse). 
*NuGUES  (Alphonse),  Romans  (Drôme). 
*OBERKAMPFr  DE  Dabrln  (Baron),  Alais. 
*OssEViLLE  (Comte  Christian  d'),  Caen. 
Paillard  (Alphonse),  ancien  préfet,  Charly  (Saône- et- Loire), 
Pellorce  (Charles),  ancien  maire  de  Mâcon. 
Pexdezec  (Général),  commandant  la  subdivision  de  Mâcon. 
Perrin  (Léon),  ancien  magistrat,  Màcon. 

Perrotin  (Le  Chanoine),  curé  archiprêtre  de  Saint-Pierre  de  Mâcon. 
*Petit  (Ernest),  président  de  la  Société  des  Sciences  historiques  et 

naturelles  de  l'Yonne,  Vausse  (Yonne). 
Philippe,  inspecteur  des  Eaux  et  Forêts,  Mâcon. 
Picot  (H. -F.),  percepteur,  Thoissey  (Ain). 
PixcHARD.  architecte,  Mâcon. 
PiXETTE  (Paul),  Chalon-sur-Saône. 

*PiNOTEAU  (Baron  A.),  commandant  d'état-major  en  retraite,  Paris. 
Plassard  (Jules),  6,  rue  de  la  Boëtie,  Paris. 
Poils  (Jean),  délégué  de  la  Société  d'archéologie  de  Bru.\elles. 
*PoRT-Roux  (du).  Romans. 
*PoRT-Roux  (M™"^  du),  Romans. 
PoNCix  (Docteur),  président  de   la  Société  des  Sciences  naturelles  et 

d'archéologie,  Montrevel  (Ain). 
Poutiatixe  (Prince  Paul  Arsenievitch),  membre  honoraire  de  l'Institut 

archéologique  de  Saint-Pétersbourg. 
*PouL  (M™^  de),  Compiégne. 
Protat  (Jules),  imprimeur,  Mâcon. 


l6  COXGRKS  ARCHHOLOGIQ.UE  DE  MACOX 

MM. 

Prlden't  (Colonel),  conservateur  de  la  galerie  des  plans  en  relief  des 
Invalides,  délégué  du  Club  alpin  français,  Paris. 

*QyARRH-REYBOURBOM  (L.),  délégué  de  la  Société  de  géographie  de 
Lille  et  de  la  Société  des  Sciences  et  Lettres,  Lille. 

Q.LERCIZE  (Eusébe  de),  Lucenay-l'Évêque  (Saône-et-Loire). 

Rameau  (Mgr  Barthélémy),  prélat  de  la  maison  de  Sa  Sainteté,  Màcon. 

Raynaud    (Jules),  directeur    de     l'Ecole   d'agriculture   de   Fontaines 
(Saône-et-Loire). 

*Régnier  (Louis),  délégué  de  la  Société  libre  de  l'Eure,  Évreux. 

Renkix  (Henri),  délégué  de  la  Société  d'archéologie  de  Bruxelles. 

*Rey  (Ferdinand),  membre  de  la  Commission    des  Antiquités   de  la 
Côte-d'Or,  Dijon. 

Réveil  (Docteur),  La  Pape,  par  Sathonay  (Ain). 

Reyssié  (Félix),  avocat,  Mâcon. 

*RiCHARD  (Alfred),  archiviste  du  département,  inspecteur  de  la  S.  F.  A., 
Poitiers. 

*RiCHARD  (Paul),  homme  de  lettres,  Lyon. 

*RiCHARD  (Pierre),  architecte,  délégué  de  la  Société  académique  d'ar- 
chitecture, 2,  rue  d'Oran,  Lyon. 

*RocHOL"x,  Neuvy-Saint-Sépulcre  (Indre). 

*RouEDE  (Camille),  Chàtillon-sur-Indre  (Indre). 

Roy-Chevrier,  Le  Péage,  par  Givrv,  prés  l'Orbize  (Saône-et-Loire). 

*RoYER-CoLLARD  (Paul),  Paris. 

*RuiLLÉ  (E.  Charil  de),  ancien  conseiller  à  la  cour  d'appel  d'Angers, 
La  Marmitiére-Saint- Barthélémy  (Maine-et-Loire). 

Saixt-Paul  (Pasteur  E.),  Màcon, 

*Saixt-Sald    (Comte  de),  La  \'alouze,  par  La  Roche-Chalais  (Dor- 
dogne). 

SAVOYE(Claudius),  instituteur  àOdenas,  par  Saint-Georges-de-Reneins 
(Rhône). 

*ScHOFFER  (George-Valentin-Carl),  membre  de  la  Société  d'archéolo- 
gie d'Amsterdam. 

*Sexs  (Georges),  Arras. 

*Serbat  (Emile),  Paris. 

*Serbat  (Louis),  élève  de  l'École  des  Chartes,  Paris. 

SiLVA   (Ernest  da),  trésorier  de   la  Société  rovale  des  architectes  et 
archéologues  portugais. 


LISTE    DES    MEMBRES  IJ 

MM. 

*SoiL  (Eugène),  délégué  de  l'Académie  Royale  d'archéologie  de 
Belgique  et  de  la  Société  historique  de  Tournai,  Tournai. 

*SoREL  (Alexandre),  président  honoraire  du  tribunal  civil,  Compiègne. 

SouHESMES  (Raymond  de),  délégué  de  l'Académie  de  Stanislas,  Nancy. 

*SuissE  (Charles),  architecte  départemental,  délégué  de  la  Société 
centrale  des  architectes,  Dijon. 

Tardy  (Charles),  vice-président  de  la  Société  des  Sciences  naturelles 
de  l'Ain,  Bourg. 

Tardy  (Joseph),  30,  Cours  Morand,  Lyon. 

*Thiollier  (Félix),  m.  n.  r.  du  Comité  des  Travaux  historiques,  Saint- 
Étienne. 

*Thioi.lier  (Noël),  archiviste-paléographe,  Saint-Étiennc. 

Tol'rn'ier,  conservateur  des  hypothèques,  Màcon. 

*Travers  (Emile),  trésorier  et  membre  du  comité  de  la  S.  F.  A., 
délégué  de  l'Académie  royale  de  l'Histoire  de  Madrid,  Caen. 

Teil  du  Havelt  (Baron  du),  Charnay-lès-Màcon. 

*Valois  (Jules  de),  Aumâtre,  par  Oisemont  (Somme). 

*Vatin  (Eugène),  Senlis. 

*Vatlv  (M"^e  Eugène),  Senlis. 

*Vayson  (J.-A.),  consul  des  Pays-Bas,  Abbeville. 

*Ver\euil  (Ernest  de),  Mazan  (Vaucluse). 

*Verneuil  (M™'^  Ernest  de),  Mazan  (Vaucluse). 

*Vii.LEFOSSE  (A.  Héron  de),  membre  de  l'Institut,  président  de  la 
Section  d'archéologie  du  Comité  des  Travaux  historiques,  conser- 
vateur au  Musée  du  Louvre,  délégué  du  Ministère  de  l'Instruction 
publique,  Paris. 

ViLLEFOSSE  (M"i^  A.  Héron  de),  Paris. 

Vingtrinier  (Aimé),  bibliothécaire  de  la  ville,  32,  rue  Neuve,  Lyon. 

ViREY  (Jean),  archiviste-paléographe,  Charnay-lès-Màcon. 

Virey  (Philippe),  château  de  Montceau,  par  Prisse. 

Vuillermet  (François),  rédacteur  en  chef  de  la  Revue  d'horUctilt un- 
pratique,  Poligny  (Jura). 

*Wii.soN  (Sylv.-F.),  major-général  de  l'armée  anglaise,  Beaumont 
(Ile  de  Jersey). 

Zeltener  (de),  à  Paris. 

CONGRl'-S   ARCIIÉOLOGIQUE   DE     MACON.  * 


PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉANCES 


SÉANCE  D'OUVERTURE  DU  MARDI  14  JUIN  1899 

PRÉSIDENCE    DE    M.    LE    COMTE    DE    MARS  Y 


L'ouverture  de  la  soixante-sixième  session  du  Congrès  archéo- 
logique de  France  a  eu  lieu  le  mercredi  14  juin,  à  deux  heures 
de  l'après-midi,  dans  le  grand  salon  de  l'Hôtel  de  Ville,  mis  obli- 
geamment par  M.  le  Maire  à  la  disposition  de  la  Société  française 
d'archéologie  et  de  l'Académie  de  Mâcon. 

M.  le  comte  de  Marsy,  président  du  Congrès,  prend  place  au 
bureau,  ayant  auprès  de  lui  MM.  Buchalet,  maire  de  Mâcon  ; 
A.  Héron  de  Villefosse,  membre  de  l'Institut,  délégué  de  M.  le 
Ministre  de  l'Instruction  publique;  Arcelin,  président  de  l'Aca- 
démie de  Mâcon  ;  le  comte  de  Ghellinck  d'Elseghem,  délégué  de 
M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction  publique  de  Bel- 
gique; Duréault  et  Lex,  secrétaires  généraux  du  Congrès  ; 
Jules  Lair,  ancien  président  de  la  Société  de  l'Histoire  de  France; 
le  Rév.  Th.  Ashe  ;  Camille  Favre,  colonel  brigadier  de  l'armée 
fédérale;  Albert  Naef,  chef  du  bureau  des  Monuments  historiques 
du  canton  de  Vaud  ;  Emile  Travers,  trésorier  de  la  Société; 
Lacroix,  trésorier  du  Congrès;  et  divers  membres  de  l'Académie 
de  Mâcon  et  de  la  Commission  d'organisation  du  Congrès. 

Dans  l'assemblée,  on  remarque  des  membres  de  la  Société 
française   d'archéologie,   des    délégués  des  diverses   compagnies 


PROCES-VERBAUX  I9 

savantes,  les  principales  autorités  de  la  ville  et  un  grand  nombre 
de  dames,  dont  la  plupart  se  sont  jointes  aux  congressistes  dans 
leurs  excursions. 

M.  le  Président,  en  ouvrant  la  séance,  donne  la  parole  à 
M.  Buchalet,  maire  de  la  ville  de  Màcon. 

M.  le  Maire  souhaite,  dans  les  termes  les  plus  gracieux,  la 
bienvenue  aux  membres  du  Congrès,  salue  le  représentant  de 
M.  le  Ministre  de  l'Instruction  publique  et  remercie  l'Académie 
d'avoir  provoqué  la  tenue  à  Màcon  de  ces  assises  archéologiques. 
Il  espère  que  chacun  emportera  un  bon  souvenir  de  Mâcon  qui 
s'efforcera  de  maintenir  son  vieux  renom  de  cité  hospitalière. 

M,  de  Marsy  lit  ensuite  le  discours  suivant  : 

«  Monsieur  le  délégué  du  ministre, 
«  Mesdames,  Messieurs, 

«  La  Société  française  d'archéologie  qui  vient  tenir  son  soixante- 
sixième  Congrès  annuel  dans  le  département  de  Saône-et-Loire  a 
déjà  fait  dans  votre  pays  deux  visites,  mais  elles  remontent  à  un 
demi-siècle.  La  première,  en  1846,  fut  presque  exclusivement 
consacrée  à  Autun  et  à  Chalon-sur-Saône.  La  seconde,  en  1850, 
fut  une  véritable  chevauchée  dans  laquelle  Caumont,  entre 
deux  sessions  à  Auxerre  et  à  Clermont-Ferrand,  conduisit  ses 
fidèles  à  Tournus,  Màcon,  Cluny  et  Paray-le-Monial.  Malgré  la 
difficulté  des  communications  à  cette  époque,  deux  jours  sut- 
firent  pour  remplir  ce  programme.  Il  est  vrai  que  tout  le  groupe 
n'atteignait  pas  le  chiffre  des  pairs  de  Charlemagne.  L'un  d'eux, 
nonagénaire,  survit  seul,  toujours  droit  comme  un  chcne,  tou- 
jours actif  malgré  son  âge,  c'est  M.  Léonce  de  Glanville,  de 
Rouen,  qui  en  fut  l'historien. 

«  A  Màcon,  la  Société  fut  reçue  par  MM.  de  Surigny  et  Lacroix 


20  CONGRES  ARCHEOLOGiaUE  DE  MAÇON 

père.  Notre  trésorier  actuel,  M.  Lacroix,  pat  se  glisser  à  la 
suite  des  savants. 

<■<  Nous  avons  accueilli  avec  grand  plaisir  la  proposition  que 
nous  faisait  l'Académie  de  Mâcon  de  venir  tenir  ici  notre  ses- 
sion de  1899. 

«  L'Académie  de  Mâcon,  qui  sera  bientôt  centenaire,  n'a  pas  eu, 
comme  beaucoup  de  ses  sœurs,  des  moments  de  sommeil;  elle 
a  toujours  rendu  au  pays  des  services  nombreux,  encoura- 
geant l'agriculture  par  ses  concours  annuels,  protégeant  les 
lettres,  les  sciences  et  les  arts.  Mais,  depuis  qu'un  généreux 
donateur  lui  a  permis  de  se  mettre  dans  ses  meubles,  et  d'acheter 
le  magnifique  hôtel  de  Senecé,  où  elle  se  propose  de  nous  don- 
ner l'hospitalité,  sa  vie  est  devenue  plus  active  encore  et  il  suffi- 
rait, pour  l'attester,  de  montrer  la  liste  sur  laquelle,  à  côté  de  ses 
trente  membres  titulaires,  elle  a  inscrit  ceux  de  trois  cents 
associés  correspondants,  appartenant  presque  tous  au  départe- 
ment dont  ils  forment  l'élite. 

«  C'est  ainsi,  Messieurs,  que  vous  affirmez  bien  hautement  ce 
sentiment  d'amour  de  votre  province.  En  parcourant  ces  listes, 
que  l'on  serait  tenté  de  considérer  comme  des  généalogies,  où 
les  Lacretelle  succèdent  aux  Lacretelle,  les  Rambuteau  aux  Ram- 
buteau,  les  Pellorce  aux  Pellorce,  les  Lacroix  aux  Lacroix,  etc., 
on  voit  le  haut  prix  que  vous  attachez  à  cette  origine  locale,  car 
vous  prenez  soin  de  rappeler,  pour  les  enfants  du  pays,  le  nom 
du  sol  natal,  et  pour  d'autres  les  titres  ou  les  fonctions  qui 
vous  les  rattachent. 

«  A  votre  tète,  je  trouve  Adrien  Arcelin,  mon  ancien  compagnon 
d'études,  un  de  mes  camarades  de  cette  Ecole  des  Chartes,  où  nous 
étions  ensemble,  il  y  a  trente-cinq  ans,  à  une  époque  où  il  ne  pensait 
pas  que  la  paléographie  fût  le  chemin  qui  le  conduirait  à  devenir 
un  de  nos  premiers  géologues,  un  des  maîtres  de  l'anthropologie. 


PROCES-VERBAUX  2 1 

Il  est  vrai  qu'elle  a  vu  bien  d'autres  de  ses  élèves  suivre  des  voies 
aussi  différentes  et,  parmi  ceux  qui  sont  ici,  je  suis  heureux  de 
féliciter  l'un  de  nos  anciens,  M.  Guiffrey,  de  sa  récente  élection  à 
l'Académie  dés  Beaux-Arts,  et  de  saluer  le  colonel  Favre,  un  des 
officiers  généraux  les  plus  distingués  de  l'armée  fédérale. 

«  Avec  Arcisse  de  Caumont,  j'ai  appris  à  connaître  les 
Surigny,  les  Canat  de  Chizy  et  ce  grand  égyptologue  trop  long- 
temps méconnu,  Chabas,  qu'en  1873,  dans  un  voyage  en  Egypte, 
Mariette  me  disait  mériter  autant  que  lui  d'occuper  une  chaire 
au  Collège  de  France. 

«  J'ai  aimé  cet  esprit  si  original,  qui  pendant  longtemps  a 
animé  vos  séances  par  ses  communications,  le  comte  de  Soultrait, 
ce  joyeux  compagnon,  et  je  n'oublierai  pas  que  c'est  lui  qui 
me  servit  d'introducteur  dans  le  Forez  auprès  des  membres  de 
la  Diana,  lorsque  j'allais,  en  i885,y  organiser  le  premier  Congrès 
que  j'ai  eu  à  diriger. 

«  Il  est  un  nom.  Messieurs,  que  l'on  prononce  souvent  et  tou- 
jours avec  respect  au  sein  de  votre  Académie,  c'est  celui  du 
grand  poète  dont  la  statue  s'élève  à  quelques  pas  d'ici  et  dont  le 
souvenir  vit  encore  dans  nos  cœurs,  bien  que  sa  mort  remonte  à 
plus  de  trente  ans.  Plus  heureux  que  bien  de  mes  contemporains, 
j'ai  encore  été  admis,  en  1865,  chez  Lamartine,  et  j'ai  été  conduit 
à  Saint-Point  par  cet  ami  fidèle  du  poète  dont  le  nom  revient 
souvent,  M.  Dubois.  Je  n'ai  pas  oublié  l'accueil  que  nous  fit  le 
grand  homme  dont  l'âge  n'avait  pas  courbé  la  haute  spature  et 
que  je  vois  encore  appuyé  contre  une  cheminée  de  porcelaine 
peinte,  je  crois,  par  M"''^  Valentine  de  Cessiat,  nous  rappelant  ses 
souvenirs  de  1848  et  sa  marche  à  l'Hôtel  de  Ville.  Je  n'ai  pas 
oublié  non  plus  comment,  nous  guidant  dans  le  parc,  il  s'éloigna 
pour  laisser  M.  Dubois  nous  conduire  X  la  sépulture  où  il 
repose  et  d'où  on  voudrait  l'arracher  aujourd'hui  dans  un 
sentiment  de  patriotisme  exagéré. 


22 


CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  MAÇON 


«  Depuis  quelques  années,  un  mouvement  qui  tend  à  s'accen- 
tuer chaque  jour  porte  de  jeunes  érudits  à  étudier  nos  anciens 
édifices,  et  iious  ne  tarderons  pas  h  avoir,  grâce  à  eux,  des  des- 
criptions des  monuments  de  chaque  province,  de  chaque  diocèse; 
leurs  travaux  peuvent  être  donnés  comme  des  modèles,  et  je 
citerai  r  Archéologie  romane  de  F  ancien  diocèse  de  Mâcon  de  M.  Jean 
Virey,  les  Églises  rornanes  du  Soissonnais  de  M.  Eugène  Lefèvre- 
Pontalis,  les  Châteaux  gascons  de  M.  Lauzun,  et  ces  œuvres 
collectives  entreprises  par  nos  sociétés  provinciales,  comme  la 
Description  du  département  de  la  Somme  et  Y  Album  archéologique 
du  Midi  de  la  France. 

«  En  même  temps,  l'enseignement  de  l'archéologie  du  moyen 
âge  tend  à  se  répandre,  et  vous  apprendrez  avec  plaisir  que 
l'Université  de  Clermont-Ferrand  possède,  depuis  le  commence- 
ment de  l'année,  un  cours  d'art  et  d'archéologie  de  l'Auvergne, 
dont  le  programme  comporte  une  durée  de  cinq  ans  et  qui  a  été 
confié  à  notre  confrère  M.  Henry  du  Ranquet. 

«  L'une  des  préoccupations  de  Caumont  a  toujours  été  de  déve- 
lopper parmi  les  membres  du  clergé  l'étude  et  le  goût  de  l'ar- 
chéologie ;  un  certain  nombre  de  séminaires  possèdent  cet  ensei- 
gnement, qui  est  souvent  interrompu  faute  de  professeurs 
capables.  Le  grand  séminaire  d'Evreux  vient  d'en  être  de  nou- 
veau doté  et  c'est  M.  le  chanoine  Porée,  notre  inspecteur,  qui 
en  est  chargé,  sous  forme  de  conférences  :  il  s'adjoindra  M. 
Louis  Régnier,  dont  vous  connaissez  la  haute  compétence.  Mais 
si  nous  étudions  avec  soin  nos  monuments,  avons-nous  la  même 
sollicitude  pour  leur  conservation  ?  Chaque  jour,  je  suis  l'écho 
de  plaintes  sur  les  menaces  de  destruction  de  nos  vieilles  portes 
de  ville  jugées  trop  étroites,  de  vieux  donjons  que  l'on  considère 
comme  de  simples  amas  de  pierres  et  que  l'on  réussit  à  renver- 
ser comme  la  tour  de  Tarbes.  Bien  des  monuments  historiques. 


PROCES-VERBAUX  2} 

même  parmi  ceux  qui  sont  classés,  sont  négligés  et  menacés  de 
disparaître,  faute  de  quelque  argent  dépensé  pour  en  boucher  les 
lézardes,  pour  en  réparer  les  couvertures. 

«  Il  ne  suffit  pas  de  cataloguer  les  monuments,  il  faudrait  encore 
en  assurer  la  conservation  réelle;  nous  avons,  depuis  quelques 
années,  une  loi  qui,  si  elle  était  appliquée,  pourrait  le  faire; 
mais  ce  qui  manque,  c'est  l'argent,  et  le  faible  crédit  répandu 
sur  toute  la  France  ne  peut  y  pourvoir. 

«  Oui,  certes,  les  monuments  sont  protégés  ;  les  députés  en 
parlent  à  la  tribune,  et  dans  de  fréquents  congrès,  qui  parfois 
comme  celui  de  l'Art  public,  à  Bruxelles,  au  mois  de  septembre 
dernier,  revêtent  un  caractère  officiel,  on  discute  et  on  n'arrive 
pas  toujours  à  un  résultat. 

«  Si  notre  confrère,  M.  Albert  Naëf,  a  été  assez  heureux  pour 
faire  adopter  par  le  gouvernement  vaudois  un  ensemble  de  dis- 
positions analogues  à  celles  de  la  loi  française,  la  Belgique  attend 
encore  le  vote  d'une  loi  déposée  depuis  plusieurs  années 
et  l'insistance  de  M.  Beernaert,  président  de  la  Chambre, 
n'a  pas  encore  réussi  à  la  faire  sortir  des  cartons.  M.  le  comte 
de  GheUinck  d'Elseghem,  que  M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et 
de  l'Instruction  publique  de  Belgique  a  bien  voulu  charger  de  le 
représenter  ici,  pourra  vous  dire  cependant  que  la  Belgique 
est  un  des  pays  où  l'amour  de  l'art  national  est  le  plus  vit,  ce 
qui  n'empêche  pas  la  maison  des  Bateliers  à  Gand  de  disparaître 
pour  céder  la  place  à  un  fac-similé,  plus  fiicile  à  exécuter  qu'une 
restauration. 

«  L'an  dernier  je  vous  annonçai  le  projet  de  M.  le  Ministre  de 
l'Instruction  publique  de  tenir  en  province,  une  année  sur  deux, 
le  Congrès  des  Sociétés  savantes.  L'expérience  foite  à  Toulouse, 
il  y  a  quelques  semaines,  a  grandement  réussi.  M.  de  Villetossc, 
qui  avait  été  investi  de  la  mission  de  présider  le  Congrès,  pourra 


24  CONGRES  ARCHEOLOGiaUE  DE  MAÇON 

VOUS  dire  que  les  séances  de  la  section  d'Archéologie  ont  été 
particulièrement  suivies  et  que  de  nombreux  membres  de  notre 
société,  tels  que  MM.  Barrière-Flavy,  Anthyme  Saint-Paul,  de 
Lahondès,  Pasquier,  y  ont  fait  des  communications  très  appré- 
ciées. 

«  Chaque  année,  dans  cette  réunion  qui  est  notre  assemblée 
générale,  j'ai  à  remplir  une  triste  mission,  celle  de  vous  rappeler 
les  deuils  qui  sont  venus  frapper  la  société  depuis  notre  der- 
nier Congrès.  Peut-être  sont-ils  moins  nombreux  que  les  années 
précédentes,  mais  ils  nous  ont  enlevé  des  membres  distingués 
et  dont  plusieurs  étaient  activement  mêlés  au  mouvement  de 
notre  existence. 

«  Le  premier,  M.  Georges  Sausse,  n'avait  pas  trente  ans.  Offi- 
cier distingué  de  notre  marine,  il  avait  brillamment  conquis  ses 
épaulettes  d'enseigne  de  vaisseau  après  de  dures  campagnes  dans 
l'Afrique  ;  et,  dans  ses  dernières  stations  de  la  Méditerranée,  il 
avait  mis  à  profit  les  loisirs  que  lui  procurait  la  proximité  de 
Toulon  pour  étudier  divers  sujets  importants  d'archéologie  qu'il 
nous  destinait,  comme  déjà  il  nous  avait  donné  une  étude  sur 
un  galgal  des  environs  de  Caen.  Dévoré  par  la  fièvre  africaine, 
M.  Sausse  est  mort  soudainement  à  Caen,  et  nous  publierons 
prochainement  ses  recherches  sur  les  fortifications  liguriennes  et 
sur  quelques  chapelles  romanes  en  Provence  qu'accompagnent 
des  dessins  et  des  plans  soigneusement  tracés. 

«  Louis  Jarry,  d'Orléans,  décédé  presque  subitement  à  la  fin 
d'octobre,  appartenait  à  une  famille  d'érudits.  Son  père  avait 
formé  une  riche  collection  qu'il  n'avait  cessé  d'augmenter  et  que 
l'un  de  ses  fils,  aujourd'liui  auxiliaire  de  l'Institut,  ne  manquera 
pas  de  continuer.  M.  Jarry  avait  pris  une  part  active  au  Congrès 
archéologique  d'Orléans  en  1892. 

«  Le  comte  Alphonse  de  la  Guère  était,  depuis  une  quinzaine 


PROCES-VERBAUX  2$ 

d'années,  un  des  habitués  de  nos  réunions.  Généalogiste  distin- 
gué, épris  de  l'étude  des  questions  artistiques,  il  luttait  avec  une 
énergie  surprenante  contre  une  affection  qui  ne  devait  pas  lui 
pardonner  et  qui  l'a  enlevé  à  53  ans.  Vous  vous  rappelé/^ 
encore,  Messieurs,  les  efforts  qu'il  faisait  à  Bourges  pour  suivre 
nos  séances,  heureux  de  faire  les  honneurs  de  son  hôtel  et  de 
ses  collections  à  ses  amis. 

((  M.  Aimé  Desmottes  était  aussi  un  habitué  de  nos  congrès; 
ce  n'était  pas  un  écrivain,  bien  qu'il  eût  été  à  même  de  rédiger 
tout  comme  un  autre  des  mémoires  ;  mais  c'était  un  de  nos  grands 
collectionneurs,  et  ceux  qui  n'ont  pu  pénétrer  dans  ses  salons  de  la 
place  Royale,  à  Paris,  qui  recelaient  tant  de  richesses  en  objets 
du  moyen  âge,  pièces  de  Limoges,  bois  sculptés,  armes  et  bijoux, 
ont  vu  dans  les  expositions  quelques-uns  des  types  de  ces  magni- 
fiques séries.  Souffrant  depuis  longtemps,  M.  Desmottes,  qui 
avait  dépassé  70  ans,  n'a  pas  voulu  que  ses  collections  tout 
entières  fussent  dispersées,  sans  en  faire  profiter  l'État  et  la  ville 
de  Paris.  Avec  le  goût  éclairé  qu'il  possédait,  il  a  fliit  lui- 
même  un  choix,  en  confiant  à  M"'^  Desmottes  le  soin  d'exécuter 
ses  volontés,  par  la  remise  au  musée  Carnavalet  d'une  cire 
d'Henri  IV  et  d'autres  objets. 

«  A  ce  propos,  permettez-moi  de  m'arrêterun  instant.  A  coup 
sûr,  il  est  très  beau  de  donner  après  sa  mort  les  objets  précieux 
que  vous  ne  pouvez  emporter  dans  un  autre  monde;  mais  n'est- 
il  pas  plus  méritoire  de  faire  comme  un  de  nos  bons  confrères, 
qui,  après  avoir,  pendant  cinquante  ans,  travaillé  à  l'étroit,  dans 
la  salle  de  lecture  d'une  de  nos  grandes  bibliothèques  de  province, 
est  venu  proposer  à  l'administration  de  sa  ville  de  taire  édifier  à 
ses  frais,  de  son  vivant,  la  salle  qu'il  rêvait.  C'est  ce  qu'a  fait  notre 
ami  M.  Auguste  Janvier,  d'Amiens,  et  vous  l'en  féliciterez  avec 
moi. 


26  CONGRÈS  ARCHÈOLOGiaUE  DE  MAÇON 

«  Président  de  Chambre  à  la  Cour  d'appel  d'Amiens,  M.  Ernest 
Audin,  ancien  président  de  la  Société  des  Antiquaires  de  Picardie, 
était  un  lettré  et  un  amateur  au  vrai  sens  du  mot,  et  le  Musée 
de  Picardie,  dont  il  était  un  des  administrateurs,  lui  a  dû  plus 
d'une  de  ses  meilleures  acquisitions,  en  même  temps  que  les 
ouvriers  se  rappelleront  les  services  qu'il  a  rendus  à  la  Société 
industrielle  de  cette  ville.  Ami  de  mon  père,  il  était  le  mien 
depuis  mon  enfance  et  j'ai,  avec  tous  ses  collègues  amiénois, 
vivement  regretté  sa  mort  arrivée  en  quelques  jours. 

«  M.  Frédéfic  Benoît,  architecte  à  Lyon,  est  mort  au  Golfe 
Juan,  à  68  ans,  au  mois  d'avril.  Architecte  de  mérite,  il  avait 
pris  dans  notre  Société  la  place  de  son  père  qui  avait  été  un  des 
doyens  de  notre  compagnie,  et  je  suis  heureux  de  constater  que 
son  fils,  M.  Louis  Benoît,  continuateur  de  ses  travaux,  a  bien 
voulu  nous  demander  de  l'associer  aussi  à  notre  Société,  où  le 
"nom  de  Benoit  aura  ainsi  figuré  sans  interruption  depuis  plus 
d'un  demi-siècle. 

«  C'est  au  Congrès  de  Brive,  en  1890,  que  M.  le  docteur 
Longy  entra  dans  notre  Société.  Maire  d'Eygurande  pendant 
plus  de  quarante  ans  et  conseiller  général  de  la  Corrèze,  il  por- 
tait un  intérêt  tout  particulier  au  canton  qu'il  habitait,  et 
dont  il  avait  écrit  l'histoire.  L'éloge  de  cette  longue  vie  de 
labeurs  a  été  fliit,  en  termes  .que  je  voudrais  rappeler,  par 
M.  Menault,  inspecteur  général  de  l'agriculture,  lors  d'un  con- 
cours, en  1897,  où  ce  haut  fonctionnaire  remettait  la  croix 
d'officier  du  Mérite  agricole  au  docteur  Longy,  déjà  depuis 
longtemps  officier  de  la  Légion  d'honneur. 

«  Belge  d'origine,  M.  Charles  Léman  s'était  depuis  trente 
ans  fixé  à  Compiègne  et,  malgré  les  importantes  entreprises  com- 
merciales dont  il  s'occupait  avec  une  grande  activité,  malgré  un 
goût  ardent  pour  les  chasses  à  courre,  il  trouvait  encore  le 
temps  de  suivre  nos  réunions  en  y  apportant  le  même  zèle. 


PROCES-VERBAUX  2'] 

«  J'ai  peu  connu  M.  le  président  Boivin-Cliampeaux,  dont  je 
croyais  que  le  nom  terminerait  cette  liste.  Ce  fut,  pendant  près 
de  quarante  ans,  un  magistrat  consciencieux,  un  orateur  à  la 
parole  brillante,  un  écrivain  distingué  et,  lorsqu'il  fut  atteint  par 
la  loi  de  réforme  de  la  magistrature,  il  occupait  la  haute  situa- 
tion de  premier  président  à  la  Cour  de  Bourges.  Rentré  dans  son 
domaine  de  Champeaux  près  Bernay,  M.  Boivin-Champeaux  y 
reprit  ses  études  sur  les  grands  hommes  de  la  Normandie,  sur 
l'histoire  de  la  Révolution  dans  l'Eure,  et  tour  à  tour,  la  Société 
des  Antiquaires  de  Normandie,  en  lui  conférant  le  titre  de  direc- 
teur, la  Société  de  l'Histoire  de  Normandie,  en  l'appelant  b.  la 
présidence  d'honneur,  lui  montrèrent  en  quelle  haute  estime 
elles  tenaient  son  caractère  et  ses  travaux, 

«  La  dernière  de  nos  pertes,  et  je  serais  tenté  de  dire  la  plus 
sensible,  a  été  la  mort,  survenue  jeudi  dernier,  de  M.  Eugène 
de  Robillard  de  Beaurepaire,  notre  secrétaire  général  depuis  près 
de  trente  ans.  Si  l'obligation  de  venir  présider  nos  assises  annuelles 
ne  m'avait  forcé  à  prendre  la  route  de  Màcon  au  lieu  de  celle  de 
la  Normandie,  je  serais  aujourd'hui  à  accompagner,- au  cimetière 
d'Avranches,  celui  qui,  depuis  quinze  ans,  fut  pour  moi  un  ami 
des  plus  sûrs,  un  guide  des  plus  éclairés. 

«  Depuis  que  j'ai  été  appelé  à  prendre  la  direction  de  la 
Société  française  d'Archéologie,  j'ai  vu  successivement  disparaître 
de  notre  conseil  ceux  qui  étaient  nos  plus  fidèles  soutiens;  je  ne 
puis  les  citer  tous,  mais  je  dois  rappeler  parmi  les  principaux  : 
julien  Travers, le  savant  universitaire  ;  Gaugain,  qui  fut  cinquante 
ans  notre  trésorier;  Campion,  qui  avait  été  le  collaborateur  de 
Caumont  et  était  le  continuateur  de  sa  tradition  ;  Jules  de  Lau- 
rière  et  Léon  Palustre.  C'est  tout  notre  bureau  qui  disparaît  avec 
M.  de  Beaurepaire,  mais  j'aime  à  espérer  que  leurs  enseignements 
n'auront  pas  été  perdus  pour  nous  et  que  nous  saurons  nous 
montrer  dignes  d'eux. 


28  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  MAÇON 

«  Je  n'ai  pas  besoin  de  dire  le  grand  vide  qu'apporte  dans 
toutes  les  Sociétés  savantes  de  Normandie  la  mort  de  M.  de 
Beaurepaire-  Outre  ses  fonctions  de  secrétaire  général  et  de  pré- 
sident du  comité  de  notre  Société,  il  remplissait  celles  de  direc- 
teur de  l'Association  normande  et  de  secrétaire  de  la  Société  des 
Antiquaires  de  Normandie.  Cet  esprit  charmant  était  un  con- 
teur délicat  et  l'histoire  de  sa  province  semblait  n'avoir  pas  de 
secrets  pour  lui,  qu'il  s'agit  des  événements  de  la  grande  Révolu- 
tion ou  des  origines  du  Mont  Saint-Michel.  Au  milieu  d'articles 
politiques  et  de  conversations  de  salon,  il  trouvait  le  temps 
d'écrire  des  livres  comme  le  Caen  monninental  ou  la  préface  du 
bel  ouvrage  du  marquis  des  Méloizes  sur  les  vitraux  de  Bourges, 
véritable  histoire  de  l'art  du  verrier  en  Berry,  qui  restera  comme 
son  testament. 

«  Nous  avons  à  regretter  aussi  deux  de  nos  membres  étrangers. 
M.  le  colonel  Coëllo,  membre  de  l'Académie  Royale  de  l'Histoire, 
à  Madrid,  était  surtout  connu  par  ses  beaux  travaux  topogra- 
phiques qui  l'avaient  mis  à  même  de  dresser  la  carte  du  Nord  de 
l'Espagne.  Commissaire  des  expositions,  il  avait  fait  à  Pans 
de  fréquents  séjours  et  y  comptait  de  nombreux  amis.  M. 
Paul  Genard,  archiviste  honoraire  de  la  ville  d'Anvers,  était  plus 
que  l'historien  de  sa  ville  natale,  il  en  était  l'àme.  Aucune  mani- 
festation historique  ou  artistique  n'avait  lieu  sans  qu'il  y  fût 
associé.  Flamand  dans  toute  Facception  du  terme,  il  avait  con- 
;servé  les  vieilles  traditions  et  les  anciens  usages  et,  à  l'entendre 
parler  de  Rubens  et  de  Plantin,  on  aurait  cru  qu'il  sortait  de 
l'atelier  du  peintre  pour  aller  à  la  maison  du  Marché  du  Vendredi 
souper  avec  le  maître  imprimeur. 

«  Nous  devons  rappeler  que,  depuis  notre  dernière  réunion, 
plusieurs  de  nos  confrères  ont  été  l'objet  de  promotions  ou  de 
nominations   dans  la  Légion  d'honneur.  M.  Paillard-Ducléré  a 


PROCES- VERBAUX  29 

reçu  la  croix  d'officier  au  mois  Je  juillet  dernier  pour  ses  services 
diplomatiques;  M.  Moris,  archiviste  des  Alpes-Maritimes,  a  été 
nommé  chevalier  sur  la  proposition  du  Ministre  de  la  guerre, 
pour  ses  belles  publications  sur  les  guerres  de  la  Révolution  dans 
les  Alpes;  M.  Suisse,  architecte  diocésain,  que  nous  som.mes 
heureux  devoir  assistera  ce  Congrès  comme  délégué  de  la  Société 
centrale  des  Architectes,  a  reçu  la  même  distinction  pour  les 
beaux  travaux  de  restauration  exécutés  par'lui,  notamment  à  la 
cathédrale  de  Dijon.  Enfin,  lors  du  Congrès  des  Sociétés  savantes 
à  Toulouse,  deux  croix  promises  par  le  Ministre  de  l'Instruction 
publique  sont  réservées  l'une  à  M.  Jules  Gauthier,  archiviste  du 
Doubs,  notre  inspecteur  dans  ce  département;  l'autre  à  l'un  des 
lauréats  de  notre  grande  médaille,  il  y  a  quelques  années, 
M.  Ernest  Rupin,  l'auteur  de  V Œuvre  de  Limoges. 

«  Les  palmes  d'officier  de  l'Instruction  publique  ont  été  décernées 
à  MM.  l'abbé  d'Antessanty,  inspecteur  de  l'Aube,  et  à  M.  l'abbé 
Douillet,  que  nous  féUciterons  aussi  de  sa  récente  élection  comme 
président  de  la  Société  de  Saint-Jean  et  de  la  récompense  qu'il  a 
obtenue  de  l'Académie  des  Inscriptions  pour  sa  publication  des 
Miracles  de  sainte  Foy  ;  les  palmes  d'officier  d'Académie  à 
MM.  Prosper  FalgairoUe,  J.  de  Saint- Venant,  et  Bret. 

«  Chaque  année  nous  voyons  nos  réunions  plus  suivies,  et  je 
ne  saurais  trop  m'en  féliciter  et  remercier  tous  ceux  qui  veulent 
bien  y  contribuer.  Et  d'abord,  qu'il  me  soit  permis  de  dire  à 
M.  Héron  de  Villefosse,  membre  de  l'Institut,  combien  j'ai  été 
touché  de  le  voir,  aujourd'hui  encore,  accepter  la  mission  que  lui 
a  confiée  M.  le  Ministre  de  Tlnstruction  publique  et  des  Beaux- 
Arts  de  venir  ici  représenter  son  département  et  le  Comité  des 
Travaux  historiques  et  scientifiques,  dont  il  préside  avec  tant 
d'autorité  la  Section  d'Archéologie. 

«  Que  les  nombreux  délégués  des  Sociétés  savantes  françaises 


30  CONGRÈS  ARCHÉOLOGiaUE  DE  MACOX 

reçoivent  aussi  l'expression  de  notre  gratitude  pour  leur  concours, 
et,  parmi  eux,  je  suis  heureux  de  voir  les  représentants  des  prin- 
cipales Sociétés  d'architecture  de  France. 

«  J'aurais  une  longue  énumération  à  faire  si  je  voulais  vous 
citer  les  noms  des  Sociétés  étrangères,  belges  et  suisses  notam- 
ment, qui  se  sont  fait  représenter  ici,  et  je  dois  tout  particuliè- 
rement remercier  M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction 
publique  de  Belgique  qui  a  bien  voulu  confier  une  mission  offi- 
cielle à  M.  le  comte  de  Ghellinck  d'Elseghem,  pour  affirmer  une 
fois  de  plus  les  relations  de  bon  voisinage  qui  régnent  entre  nos 
deux  pays,  comme  l'atteste  chaque  année  la  présence  de  nom- 
breux archéologues  aux  Congrès  français  et  belges. 

«  Je  ne  saurais  trop  remercier  M.  le  Maire  et  les  membres  de 
l'Administration  municipale  de  Mâcon  qui  ont  bien  voulu  mettre 
à  notre  disposition  les  beaux  salons  de  l'Hôtel  de  Ville. 

«  Tous  les  membres  du  Comité  d'organisation  du  Congrès  ont 
droit  aussi  à  votre  reconnaissance,  et  notamment  M.  Duréault, 
l'infatigable  secrétaire  général,  que  de  graves  préoccupations  de 
famille  empêchent  de  prendre,  dans  ces  derniers  jours,  une  part 
active  aux  travaux  du  Congrès;  mon  confrère  M.  Léonce  Lex, 
qui  a  pris  la  peine  de  rédiger  un  excellent  guide  du  pays; 
M.  Francisque  Lacroix,  dont  le  dévouement  s'est  multiphé  pour 
assurer  les  logements,  ainsi  que  MM.  Authelain  et  Jules  Protat. 

«  A  tous,  merci,  au  nom  des  membres  du  Congrès. 

«  Je  déclare  ouverte  la  soixante-sixième  session  du  Congrès 
archéologique  de  France.  » 


PROCES-VERBAUX  3  I 

M.  Héron  de  \'illefosse  prend  ensuite  la  parole  en  ces  termes  : 

«  Mesdames, 
«  Messieurs, 

«  Je  serais  bien  ingrat  si  je  ne  remerciais  pas  mon  cher  ami,  le 
comte  de  Marsy,  le  savant  directeur  de  la  Société  française 
d'archéologie,  des  aimables  paroles  qu'il  vient  de  m'adresser. 
J'en  suis  plus  touché  que  je  ne  saurais  le  dire.  D'ailleurs,  il  con- 
naît mes  sentiments,  il  sait  que  j'ai  accepté  avec  une  véritable 
joie  la  mission  fort  agréable  de  venir  assister  au  Congrès  archéo- 
logique de  Mâcon  ;  il  sait  combien  je  suis  heureux  d'avoir  été 
chargé  de  vous  apporter  aujourd'hui  les  vœux  et  les  félicitations 
du  Comité  des  Travaux  historiques. 

«  L'intérêt  que  le  Ministère  de  l'Instruction  publique  attache  aux 
manifestations  des  Sociétés  savantes  a  été  affirmé  cette  année 
d'une  façon  tout  à  fait  particulière  et  plus  solennelle  qu'à  l'ordi- 
naire. Au  moment  de  Pâques,  au  lieu  d'attendre  à  Paris  la  visite 
des  délégués,  le  ministre  et  le  comité,  imitant  l'exemple  donné 
depuis  soixante-six  ans  par  la  Société  française  d'Archéologie,  se 
sont  transportés  en  province;  ils  sont  venus  rendre  hommage 
aux  Sociétés  savantes  sur  le  théâtre  même  de  leurs  exploits.  C'est 
là  une  preuve  indéniable  de  l'importance  de  vos  travaux  et  de  la 
place  de  plus  en  plus  considérable  qu'ils  tiennent  dans  les  préoc- 
cupations publiques. 

«  J'arrive  ici  pour  vous  en  apporter  l'assurance  ;  mais  j'y  arrive 
aussi  avec  la  pensée  d'y  retrouver  de  bons  et  fidèles  amis,  d'excel- 
lents confrères,  de  revoir  avec  eux  cette  belle  et  riche  province 
de  Bourgogne  où  l'art,  sous  toutes  ses  formes  et  à  toutes  les 
époques,  offre  à  nos  yeux  charmés  tant  de  sujets  d'étude.  Notre 
but  est  de  ranimer  ou  d'entretenir  les  études  historiques  ;  nous 
voulons  faire  aimer  et  respecter  les  souvenirs  du  passé;   nous 


32  CONGRES  ARCHEOLOGiaUE  DE  MAÇON 

sommes  les  missionnaires  de  l'archéologie.  A  vrai  dire,  notre 
tâche  ici  est  facile,  car  nous  n'avons  pas  à  prêcher  notre  doctrine, 
nous  n'avons  qu'cà  écouter  et  à  apprendre. 

«  Bien  peu  de  Sociétés  en  France  ont  un  aussi  glorieux  passé  et 
ont  rendu  autant  de  services  que  l'Académie  de  Mâcon,  la  Société 
de  Chalon-sur-Saône  et  la  Société  Eduenne.  Bien  peu  ont 
exercé  une  aussi  salutaire  influence. 

«  J'ai  jeté  les  yeux  sur  le  programme  du  Congrès  et  j'y  ai  vu 
que  la  première  question  nous  invitait  à  tracer  le  tableau  des 
études  archéologiques  dans  le  département  de  Saône-et-Loire 
depuis  cinquante  ans.  Il  suffirait.  Messieurs,  d'ouvrir  les  publica- 
tions de  ces  sociétés  pour  répondre  promptement  et  pertinem- 
ment à  cette  première  question. 

«  Un  livre  récemment  paru,  dû  à  la  plume  autorisée  d'un  des 
doyens  de  l'archéologie  française,  d'un  savant  qui,  pendant  trente 
années,  a  conduit  et  mené  à  bien,  sans  découragement  et  sans 
lassitude,  l'exploration  d'un  des  points  les  plus  intéressants  de 
notre  territoire,  répond  à  cette  première  demande.  Il  y  répond 
d'une  manière  éclatante  et  victorieuse  pour  la  période  la  plus 
attachante  et  la  moins  connue  de  notre  histoire  nationale  :  je 
veux  parler  de  notre  vénéré  confrère,  M.  Bulliot,  et  de  son  ouvrage 
sur  le  Mont  Beuvray,  augmenté  d'un  précieux  atlas  par  les  soins 
de  M.  F,  Thiollier.  C'est  la  vie  de  nos  pères,  c'est  l'histoire  de 
leur  industrie  au  temps  de  l'indépendance,  c'est  le  tableau  des 
coutumes,  des  mœurs,  de  la  civilisation  et  du  caractère  des  Gau- 
lois. 

Ce  que  les  historiens  ne  songeaient  pas  à  nous  apprendre, 
M.  Bulliot  l'a  lu  dans  les  entrailles  de  la  terre,  il  l'a  deviné  en 
remuant  la  poussière  qui  couvrait  le  plateau  de  Bibracte,  cette 
poussière  sacrée^  témoin  des  luttes  et  des  derniers  efforts  des 
défenseurs  de  la  Gaule.  Avec  quel  courage,  avec  quel  oubli  de 


PROCES-VKRBAUX  3  3 

lui-même,  quelle  sûreté  et  quelle  précision  dans  ses  recherches  il 
a  poursuivi  son  labeur,  vous  le  savez!  Plusieurs  fois  j'ai  eu  le 
bonheur  de  taire  avec  lui  l'ascension  de  la  montagne  ;  je  compte 
ces  journées  parmi  les  meilleures  de  ma  vie.  Arrivé  à  un  âge  où 
d'autres  se  reposent,  il  travaille  encore,  il  travaille  toujours.  Sans 
lui,  sans  sa  ferme  volonté,  sans  son  obstination  nous  en  serions 
encore  à  nous  disputer,  comme  nos  pères,  sur  l'emplacement  de 
Bibracte.  Je  n'hésite  pas  à  dire  que,  depuis  cinquante  ans,  il  n'y 
a  pas  eu  en  France  une  exploration  conduite  avec  plus  de  méthode, 
de  persévérance  et  d'unité  que  celle  de  M.  Bulliot  au  sommet  du 
Beuvray.  Dans  quelques  jours  nous  irons  lui  porter  le  tribut 
mérité  de  notre  reconnaissance,  le  témoignage  de  notre  respec- 
tueuse admiration.  Si  nous  ne  le  rencontrons  pas  sur  le  champ 
de  bataille  où  il  a  vaillamment  combattu  pour  la  cause  de  la 
vérité,  nous  le  trouverons  au  moins  au  milieu  des  trophées 
qu'il  a  conquis  et  qu'il  a  réunis  dans  un  vieil  édifice,  qui  est 
encore  une  de  ses  conquêtes,  à  l'hôtel  du  chancelier  Rolin. 

«  Nous  sommes  en  plein  pays  éduen  ;  vous  me  pardonnerez 
de  vous  avoir  dit  un  mot  de  Bibracte  et  de  celui  qui  en  a  fait 
revivre  la  mémoire.  A  quelques  lieues  de  là  se  dresse  aussi  le 
plateau  d'Alise,  autre  sommet  fameux  dans  notre  histoire 
nationale,  dont  la  situation,  il  y  a  cinquante  ans  était  au  moins 
aussi  discutée  que  celle  de  Bibracte.  Des  fouilles  célèbres  ont 
tranché  cette  question  et  tout  le  monde  est  d'accord  aujourd'hui 
sur  la  solution  qui  lui  a  été  donnée.  Mais  l'histoire  si  attachante 
de  notre  Gaule  tient  toujours  en  réserve  de  nouveaux  problèmes 
à  résoudre.  Dans  un  département  voisin,  sur  le  territoire  des 
Séquanes,  on  a  trouvé  récemment  un  document  d'une  impor- 
tance exceptionnelle  que  le  Musée  de  Lyon  a  recueilli.  C'est 
l'inscription  gauloise  de  Coligny  où  tout  reste  encore  mystérieux. 
J'espère  que  nos  confrères  de  l'Ain  et  du  Jura  nous  apporteront 

CONGRl'S    ARCHÙOLOGiaUE    l>r    MAÇON  5 


34  CONGRÈS  ARCHÉOLOGiaUE  DE  MAÇON 

des  éclaircissements  sur  ce  texte  extraordinaire,  sur  les  circons- 
tances de  sa  découverte,  sur  la  façon  dont  il  faut  l'interpréter  et 
le  comprendre,  en  un  mot  sur  tout  ce  qui  peut  nous  aider  à  en 
pénétrer  les  secrets.  Ce  serait  un  glorieux  résultat  à  enregistrer 
dans  les  procès-verbaux  de  ce  Congrès. 

«  J'entendais  tout  à  l'heure  avec  tristesse  l'énumération  des 
pertes  cruelles  subies  depuis  un  an  par  la  Société  française  d'Archéo- 
logie !  A  voir  l'affluence  qui  se  presse  dans  cette  salle,  la  Société 
a  su  réparer  ses  pertes;  les  vides  ont  été  comblés,  de  jeunes 
recrues  sont  venues  prendre  la  place  de  leurs  aînés.  Grâce  à 
Dieu,  le  goût  de  l'archéologie  n'est  pas  près  de  s'éteindre  !  Nous 
ne  sommes  plus  au  temps  où  cette  science  était  le  monopole  de 
quelques  vieux  antiquaires  !  Aujourd'hui  la  jeunesse  s'y  livre  avec 
ardeur  et  je  me  réjouis  de  voir  dans  cet  auditoire  ceux  qui  seront 
un  jour  nos  successeurs,  ceux  qui  continueront  nos  traditions  et 
notre  œuvre.  Nos  efforts  ne  seront  pas  perdus;  nous  laisserons 
après  nous  quelque  chose  de  bon  et  d'utile. 

((  Le  mérite  de  ce  mouvement  revient.  Messieurs,  aux  Con- 
grès qui  font  apprécier  et  aimer  l'archéologie  dans  nos  provinces, 
aux  directeurs  dévoués  et  affables  qui,  comme  mon  cher  cama- 
rade, le  comte  de  Marsy,  savent  grouper  autour  d'eux  toutes  les 
bonnes  volontés  et  s'attirer  toutes  les  sympathies,  aux  sociétés 
locales  dont  l'accueil  est  toujours  si  cordial  et  si  chaleureux. 

«  Au  nom  du  ministre  de  l'Instruction  publique,  au  nom  de 
la  section  d'archéologie  du  Comité  des  Travaux  historiques,  je 
salue  avec  joie  l'ouverture  du  soixante-sixième  Congrès  archéolo- 
gique de  France,  je  souhaite  longue  vie,  prospérité  et  succès  à  la 
Société  française  d'archéologie,  aux  Sociétés  savantes  de  Saône-et- 
Loire,et  à  tous  les  représentants  des  autres  sociétés  françaises  ou 
étrangères  accourus  dans  la  ville  de  Màcon  pour  prendre  part  à 
vos  travaux.  » 


PROCES-VERBAUX  35 

M.  Arcelin  commence  la  lecture  d'un  mémoire  en  réponse  à 
la  première  question  du  programme  :  État  des  études  archéolo- 
giques dans  le  département  de  Saône-et-Loire  depuis  cinquante  ans. 
Il  passe  en  revue  successivement  les  découvertes  et  les  publi- 
cations concernant  les  temps  préhistoriques,  l'âge  du  bronze, 
l'âge  du  fer,  l'époque  gauloise  et  la  période  gallo-romaine. 

La  séance  est  levée  à  4  heures. 


DEUXIEME  SEANCE  DU  14  JUIN 

PRÉSIDENCE   DE    M.    LE   COMTE   DE  MARSY 

La  séance  est  ouverte  à  9  heures  du  soir. 

Siègent  au  bureau  :  MM.  Bruel,  chef  de  section  aux  Archives 
nationales  ;  Ernest  Petit,  président  de  la  société  des  Sciences  his- 
toriques et  naturelles  de  l'Yonne;  Arcelin  et  Pellorce,  président 
et  ancien  président  de  l'Académie  de  Mâcon  ;  Emile  Travers  et 
Lex. 

M.  le  marquis  de  Surgères  offre  au  Congrès  son  livre  sur  les 
artistes  de  Nantes  et  sa  brochure  sur  les  anciens  imprimeurs  de 
la  même  ville  ;  M.  Henri  Corot,  ses  diverses  notices  sur  les 
antiquités  de  la  Bourgogne,  et  M.  Paul  Canat  de  Chizy  plusieurs 
de  ses  ouvrages  et  quelques  études  de  son  frère,  feu  M.  Marcel 
Canat  de  Chizy. 

M.  le  Président  donne  lecture  des  questions  du  programme, 
inscrit  le  nom  des  membres  qui  se  proposent  d'y  répondre  et 
règle  l'ordre  du  jour  des  séances  suivantes. 

La  séance  est  levée  à  10  heures. 


36  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQ.UE  DE  MAÇON 


PREMIÈRE  SÉANCE  DU  16  JUIN 

PRÉSIDENCE   DE   M.    LE   COMTE   DE   MARSY 

Siègent  au  bureau  :  MM.  de  Villefosse,  le  comte  de  Ghellinck 
d'Elseghem,  Arcelin,  le  marquis  de  Fayolle,  Reyssié  et  Lex. 

M.  Reyssié  offre  au  Congrès  son  livre  sur  le  Cardinal  de 
Bouillon,  ouvrage  qui  vient  d'être  récompensé  par  l'Académie 
française.  M.  le  Président  lui  adresse  des  remerciements  et  des 
félicitations. 

M.  Léon  Loiseau,  conservateur  du  musée  de  Bourg,  lit  une 
note  sur  le  triptyque  de  cette  collection,  représentant  la  vie  de 
saint  Jérôme,  et  daté  de  15 18.  Il  croit  que  cette  peinture,  attri- 
buée jusqu'ici  à  Michel  Wohlgemuth  (1434-15 19),  est  l'œuvre  de 
Bernard  van  Orley  (1490-15  60),  peintre  ordinaire  de  Marguerite 
d'Autriche,  qui  l'a  fait  travailler  à  l'église  de  Brou,  mais  que  les 
grisailles  intérieures  des  volets  pourraient  être  de  Jean  Perréal. 

M.  Ferdinand  Rey,  répondant  à  la  quatrième  question,  énu- 
mère  les  objets  peu  nombreux  de  l'âge  du  bronze  trouvés  à  Chas- 
sey,  à  Cheilly,  à  Santenay  et  dans  les  berges  de  la  Saône.  Les 
découvertes  relatives  à  l'âge  du  fer  sont  plus  nombreuses,  mais 
leur  relevé  n'a  pas  encore  été  établi. 

M.  Clément  Drioton  décrit  quatre  «  camps  calcinés  »  qu'il  a 
explorés  aux  environs  de  Dijon.  Ce  sont  le  camp  de  César,  à 
Flavignerot  et  les  enceintes  du  Bois-Brùlé,  du  Châtelet,  à  Etaules, 
et  du  Châtelet,  à  Valsuzon.  Il  y  a  trouvé  des  débris  d'objets  de 
tous  les  âges,  depuis  l'époque  de  la  pierre  taillée  jusqu'à  la  période 
franque. 


PROCES- VERBAUX  37 

M.  Charles  Tardy  communique  un  mémoire  sur  les  anciennes 
enceintes  de  Bourg.  Des  traces  d'appareil  et  des  objets  gallo- 
romains  avant  été  découverts  dans  cette  ville,  il  croit  à  l'exis- 
tence  d'une  cité  antique  non  mentionnée  dans  la  carte  de 
Peutinger. 

M.  Jean  Martin,  conservateur  du  musée  de  Tournus,  énumère 
ses  découvertes  récentes  dans  des  dépendances  de  l'abbaye  de 
cette  ville,  dans  le  cloître  notanmient,  où  il  a  exhumé  cinq  sar- 
cophages et  dans  le  parloir,  ou  locutorium,  dont  il  a  déterminé 
l'emplacement.  Il  a  aussi  relevé  des  traces  du  monastère  pri- 
mitif. 

M.  J.  Protat  décrit  des  objets  de  ses  collections  provenant  de 
fouilles  dans  la  région  mâconnaise  :  vases  funéraires  en  terre 
et  en  verre,  poteries,  lampes,  épingles,  monnaies,  trouvées  dans 
des  sépultures  gallo-romaines  découvertes  à  Mâcon,  et  notam- 
ment à  l'angle  des  rues  Charles-Rolland  et  Rambaud  ;  objets  de 
l'âge  du  bronze  et  de  l'âge  du  fer  ;  trouvaille  romaine  de  Saint- 
Nizier  (Ain),  consistant  en  une  statuette  de  bronze,  une  jambe 
de  bronze  incrustée  d'argent,  etc.  ;  trouvailles  romaines  de  Sen- 
necé-lès-Mâcon  et  de  Salornay-sur-Guye,  comprenant  des  cuil- 
lers et  des  bracelets  en  argent  et  des  anneaux  en  or;  produits 
des  berges  de  la  Saône  ;  bagues  et  intailles. 

A  propos  des  lettres  Q,  A,  P,  gravées  au  pointillé  sur  le 
manche  de  Ta  cuiller  d'argent  trouvée  à  Salornay,  M.  de  Ville- 
fosse  fait  observer  que  ce  sont  évidemment  les  initiales  des  pré- 
nom, nom  et  surnom  du  propriétaire  de  cet  objet. 

M.  Léonce  Lex  lit  des  notes  intéressantes  sur  les  anciennes 
faïenceries  de  la  région. 

M.  Joseph  Depoin  lit,  au  nom  de  Mgr  Rameau,  une  note 
sur  une  visite  du  château  de  Berzé-le-Châtel  en  1760,  sur  la 
construction  de  cette  forteresse  et  sur  l'ancienne  famille  de  Berzé. 


38  CONGRÈS  ARCHÉOLOGiaUE  DE  MAÇON 

M.  Lex  explique  la  dénomination  de  Tour  du  Bœuf  donnée  à 
une  des  tours  de  Berzc-le-Châtel.  On  prétend  qu'un  des  seigneurs 
V  avait  fait,  enfermer  un  homme  et  un  bœuf  sans  nourriture, 
pour  savoir  lequel  des  deux  vivrait  le  plus  longtemps,  et  que 
c'est  l'homme  qui  aurait  résisté. 

M.  Arcelin  signale  la  publication  faite  par  M.  Furgeot,  dans 
le  Cahinct  historique,  d'un  inventaire  du  mobilier  du  château  de 
■Berzé  au  commencement  du  xV  siècle. 

M.  Henri  Corot  énumère  les  cistes  ou  fragments  de  cistes  en 
bronze  trouvés  en  France.  On  en  connaît  aujourd'hui  une 
dizaine,  dont  plusieurs  proviennent  de  la  Côte-d'Or,  notam- 
ment d'Alise  au  musée  de  Dijon,  et  de  Civry-en-Montagne 
au  musée  de  Beaune. 

M.  Claudius  Jamot  soumet  le  texte  d'une  protestation  contre 
-la  démolition  de  la  chapelle  et  d'une  tour  du  château  de  Vive- 
rois  (Puy-de-Dôme). 

La  séance  est  levée  à  1 1  heures. 


PROCES-VERBAUX  39 


DEUXIÈME  SÉANCE  DU  i6  JUIN 

PRÉSIDEXCE   DE   M.    LE   COMTE    DE    MARSV 

La  séance  est  ouverte  à  9  heures  du  soir. 

Siègent  au  bureau  MM.  de  Villefosse,  Arcelin,  Camille  Favre, 
J.  Soil,  l'abbé  Féret,  Pierre  de  Goy  et  Lex. 

M.  le  Président  donne  lecture  d'une  lettre  de  M.  Caillemer, 
doyen  de  la  Faculté  de  droit  de  Lyon,  qui  regrette  de  ne  pou- 
voir assister  au  Congrès.  Il  voulait  communiquer  un  sceau 
de  Jean  de  Blanot,  seigneur  d'Uxelles  et  professeur  en  droit, 
appendu  à  une  charte  de  1272,  et  il  aurait  parlé  de  Jean 
de  Mâcon  ou  Jean  de  Cluny,  qui  enseigna  aussi  le  droit  à 
Orléans  vers  la  fin  du  xiv^  siècle. 

M.  Albert  Naëf,  chef  du  bureau  des  monuments  historiques 
du  canton  de  Vaud,  présente  une  revue  d'ensemble  des  antiqui- 
tés de  la  Suisse  romande.  Il  examine  successivement  :  à  l'époque 
préhistorique  les  stations  lacustres,  menhirs,  pierres  à  écuelles, 
sépultures  à  dalles,  tumulus  à  ustion  et  à  incinération  ;  à  l'âge 
de  bronze  et  à  l'âge  de  fer  les  cercueils  en  bois  de  l'époque  de 
la  Tène  ;  aux  périodes  gallo-helvète  et  gallo-romaine  les  fouilles 
de  Vevey  et  d'Avenches,  l'antique  Aventicum;  à  l'époque  bur- 
gonde  les  cimetières. 

Au  moyen  âge,  l'architecture  religieuse  de  cette  partie  de  la 
Suisse  est  marquée  par  le  mélange  des  influences  et  des  styles. 
La  cathédrale  de  Lausanne,  avec  son  chœur  du  xn""  siècle  et  sa 
nef  du  xiii«  siècle,  se  rattache  à  l'école  de  la  Haute-Bourgogne. 
Les  architectes   militaires  ont  construit   des  tours  en  bois  sur 


40  CONGRES  ARCHEOLOGIQUE  DE  MAÇON 

des  mottes  féodales  ou  chàtelards  aux  x*^  et  xi^  siècles  ;  au  xii^ 
siècle,  des  châteaux  du  type  bourguignon,  avec  des  influences 
allemandes  ou  italiennes,  suivant  les  régions;  au  xiii^  siècle, 
des  donjons  circulaires  ;  au  xiv*^  siècle,  des  donjons  carrés  ;  au 
xv"=  siècle,  des  bretèches  en  bois  remplacés  par  des  mâchicoulis 
en  pierre. 

M.  Claudius  Savoye,  instituteur  à  Odenas  (Rhône),  rend 
compte  des  fouilles  fliites  dans  le  cimetière  gallo-romain  du  coteau 
de  Saint-Amour  (Saône-et-Loire).  Les  tombes,  recouvertes  de 
dalles,  renfermaient  des  ossements,  des  fragments  de  poteries 
grises  et  rouges,  une  monnaie  romaine,  un  style  en  bronze,  un 
couteau,  un  poignard  en  fer.  En  terminant  sa  lecture,  M.  Savoye 
signale  d'autres  sépultures  du  même  genre,  découvertes  sur  le 
territoire  des  communes  de  La  Chapelle-de-Guinchayet  deSaint- 
Vérand  (Saône-et-Loire). 

M.  le  docteur  Biot  présente  un  petit  buste  en  marbre  blanc, 
appartenant  à  M.  Picot,  percepteur  à  Thoissey,  qu'on  prétend 
avoir  été  trouvé,  il  y  a  environ  quinze  ans,  à  Cormatin  (Saône- 
et-Loire)  à  0""  60  du  sol,  auprès  de  terrains  riches  en  débris  de 
l'époque  gallo-romaine.  M.  Biot  a  soumis  des  photographies  de 
cet  objet  à  des  archéologues  de  France  et  de  l'étranger.  Quelques- 
uns  ont  voulu  y  voir  Trajan,  Marc- Antoine,  Auguste,  Néron, 
Jules  César,  un  empereur  ou  un  général  quelconque;  d'autres 
ne  se  sont  pas  prononcés. 

Après  examen  du  buste,  MM.  de  Villefosse,  de  Marsy  et  Soil 
échangent  quelques  observations  et  déclarent  qu'ils  pensent  devoir 
mettre  en  doute  l'antiquité  de  cet  objet  qui  est  probablement  de 
la  Renaissance. 

M.  Alphonse  Nugues  communique  le  relevé  d'une  inscription 
en  lettres  inversées  qui  se  trouve  dans  l'église  du  prieuré  de 
Granne  (Drôme),  édifice  du  xii^  siècle. 


PROCES-VERBAUX  4I 

M.  de  Monnecove  propose  une  interprétation  de  cette  inscrip- 
tion, la  pierre  sur  laquelle  elle  est  gravée  étant,  selon  lui,  une 
matrice  destinée  à  tirer  des  plaques  de  plomb  ou  de  bronze. 

A  l'appui  de  cette  hypothèse,  M.  le  marquis  de  Monclar 
déclare  avoir  vu  une  plaque  de  schiste  ou  d'ardoise,  ayant  pro- 
bablement servi  à  produire  des  empreintes,  et  dont  les  caractères 
étaient  renversés. 

Une  discussion  s'engage  entre  MM.  Nugues,  de  Monnecove, 
de  Marsy  et  Lex  sur  la  date  de  cette  inscription  qui,  d'un  com- 
mun accord,  est  fixée  à  la  fin  du  xi=  siècle  ou  au  commencement 
du  xii^  siècle. 

La  séance  est  levée  à  lo  heures  1/2. 


42  CONGRES  ARCHEOLOGIQUE  DE  MAÇON 


SÉANCE  DU  i8  JUIN 

PRÉSIDENXE   DE   M.    LE   COiMTE   DE   MARSY 

La  séance  est  ouverte  à  i  heure  1/2. 

Siègent  au  bureau:  MM.  Le  Féron  de  Longcamp,  le  baron  de 
Bonnault  d'Houët,  Arcelin  et  Lex. 

M.  Paul  Richard  lit  un  mémoire  sur  le  culte  de  saint  Marcel 
et  de  saint  Valérien,  fondateurs  des  églises  de  Chalon  et  de  Tour- 
nus.  Il  énumère  dans  la  région  comprise  entre  Lyon  et  Chalon 
de  nombreuses  églises  placées  sous  le  vocable  de  ces  saints. 

M.  Francisque  Lacroix  signale  l'existence  à  Mâcon  d'une 
dizaine  de  tours  carrées  accolées  à  des  maisons  anciennes  des  rues 
Sigorgne,  Saint-Nizier,  Philibert-Laguiche,  de  la  Barre,  Paradis, 
de  la  Préfecture,  Châtillon,  de  l'Epée,  Franche  et  de  la  place  de 
la  Baille.  Ces  tours  ont  toutes  cinq  étages  et  renferment  des 
escaliers  à  vis  ;  quelques-unes  sont  du  xiv^  siècle,  mais  la  plu- 
part ne  remontent  qu'au  xV  siècle.  M.  Lacroix  les  considère 
comme  des  «  guettes  »  ou  des  «  signaux  ». 

MM.  Pierre  Richard  et  E.  Bourdon  émettent  l'avis  que  ces  tours 
si  nombreuses  encore  à  Lyon  et  ailleurs,  ne  sont  que  de  simples 
cages  d'escaher. 

M.  Lex,  questionné  par  M.  le  Président  sur  les  indications 
que  les  archives  de  Màcon  peuvent  fournir  à  cet  égard,  ne  con- 
naît aucun  document  qui  puisse  faire  attribuer  à  ces  tours  une 
destination  militaire. 

M.  l'abbé  Marchand  énumère  les  stations  préhistoriques 
explorées  par  lui  dans  la  région  du  Bas-Suran  qui  s'étend  de 
Varambon  et  Friev  à  Châteauroux. 


PROCES-VERBAUX  43 

M.  Joseph  Déchelette,   conservateur  du  musée  de  Roanne, 
signale  la  similitude  qu'il  a  reconnue,  d'accord  avec  M.   Pitch, 
conservateur  du  musée  de  Prague,  entre  les  produits  du  Mont 
Beuvray  et  ceux  de  Hradischt,  près  Stradonitz  (Bohème).  Cette 
similitude  est  démontrée  surtout  par  la  poterie  peinte,  rouge  et 
blanche,  à  décors  géométriques,  par  une  technique  spéciale  de 
l'émaillerie  gauloise,   et  par  les  objets  de  verre   et  de  bronze. 
M.  Pitch  croit  que  T oppidum  de  Hradischt  doit  être  identifié  avec 
la  ville  royale  de  Marbod,   chef  des   Marcomans,   détruite   au 
commencement  du   règne  de  Tibère.  Tacite  raconte   qu'on  y 
voyait  des  marchands  venus  des  provinces  romaines,  attirés  par 
l'appât  du  gain.  Aux  yeux  de  M.  Pitch,  ces  marchands  seraient 
des  Éduens.  M.  Déchelette  pense,  au  contraire,   que   Hradischt 
est  un  oppidum  boïen  et  non  germanique.  La  présence  des  types 
de  l'industrie  éduenne    s'y  expliquerait  par  une  migration  de 
Boïens  que  César  contraignit  à  se  fixer  sur  le  territoire  éduen, 
après  la  défaite  des  Helvètes  aux  environs  de  Bibracte.  Une  par- 
tie de  ces  émigrants  serait  retournée  ensuite  dans  son  pays  d'ori- 
gine. 

M.  Jean  Virey  étudie  l'architecture  romane  dans  notre  région. 
Les  églises  de  Saint-Philibert  de  Tournus,  de  Chapaize  et  de 
Farges  peuvent  être  considérées  comme  les  plus  anciens  proto- 
types du  style  roman.  L'abbaye  de  Cluny  dut  contribuer  ensuite 
à  la  construction  de  nouvelles  églises.  Quelle  a  été  l'influence 
de  cette  abbaye  sur  le  développement  des  arts  et  en  particulier  de 
l'architecture  ?  Tout  ce  que  l'on  peut  admettre,  c'est  que  Cluny 
a  été  le  centre  de  l'école  bourguignonne  ;  mais,  contrairement  à 
l'opinion  de  VioUet-le-Duc,  il  n'a  pas  existé  d'école  clunisienne 
ayant  ses  procédés  à  elle.  Si  cette  opinion  était  juste,  toutes  les 
églises  clunisiennes  se  ressembleraient  ;  or,  les  différentes  écoles 
provinciales  ont  soumis  à  leur  influence  les  édifices  clunisiens 


44  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  MAÇON 

qui  se  trouvent  dans  le  rayon  de  leur  action.  D'autre  part,  on  ne 
distingue  pas  du  tout  en  Bourgogne  le  style  des  églises  cluni- 
siennes  de  celles  qui  ne  le  sont  pas. 

On  ne  peut  pas  signaler  de  différences  sensibles  dans  l'archi- 
tecture religieuse  de  nos  trois  anciens  diocèses  :  partout  on 
retrouve  au  même  degré  les  caractères  généraux  du  style  roman 
bourguignon  à  l'extérieur  et  à  l'intérieur  des  édifices  de  cette 
époque.  Quelle  a  été  la  durée,  chez  nous,  de  l'architecture 
romane  ?  C'est  l'église  de  Saint- Albain  qui  en  marque  la  fin  :  sa 
structure  générale  est  encore  celle  du  xii^  siècle,  mais  les  voûtes 
sur  croisées  d'ogives  et  l'amortissement  des  fenêtres  indiquent 
déjà  le  XIII*  siècle. 

M.  le  Président  fait  connaître  que  M.  Gindriez  se  proposait 
d'entretenir  le  Congrès  de  l'œuvre  de  Vivant  Denon.  M.  Gindriez 
n'a  pu  venir  à  Mâcon  et  nos  regrets  lui  seront  transmis. 

M.  Adrien  Blanchet  donne  lecture  d'un  mémoire  de  M.  C. 
Barrière-FIavy  sur  l'archéologie  daas  le  département  de  Saône-et- 
Loire,  pendant  la  période  burgonde,  aux  v*  et  vi*  siècles. 

M.  Jean  Martin  dit  quelques  mots  de  l'influence  de  la  dévo- 
tion populaire  sur  le  monnayage  de  l'abbaye  de  Tournus, 
influence  qui  expliquerait  l'alternance  des  noms  de  saint  Philibert 
et  de  saint  Valérien  dans  les  pièces  tournusiennes  du  ix^  au  xir 
siècle. 

La  séance  est  levée  à  4  1/2.  "  ■ 


PROCES-VERBAUX  ^  5 

BANQUET 

DIMANCHE    l8    JUIN    1899 

Le  banquet  traditionnel  du  Congrès,  qui  a  eu  lieu  le  dimanche 
18  juin,  à  sept  heures  du  soir,  dans  le  grand  salon  de  l'Hôtel  de 
Ville,  a  réuni  plus  de  cent  congressistes. 

Au  dessert,  de  nombreux  toasts,  très  applaudis  parles  convives, 
ont  été  portés  par  MM.  le  comte  de  Marsy,  au  nom  de  la  Société 
française  d'Archéologie  ;  A.  de  Villefosse,  au  nom  de  M.  le 
Ministre  de  l'instruction  publique  ;  Laneyrie,  adjoint,  au  nom 
de  la  municipalité  de  Mâcon  ;  le  baron  d'Avout,  au  nom  de 
l'Académie  de  Dijon  ;  Ad.  Francart,  au  nom  des  Sociétés  savantes 
de  Belgique  ;  Camille  Favre,  au  nom  des  délégués  des  Sociétés 
suisses;  Pierre  Richard,  au  nom  de  la  Société  centrale  des  archi- 
tectes-français ;  Cl.  Jamot,  au  nom  de  la  Société  d'Architecture 
de  Lyon  ;  Emile  Travers,  trésorier,  au  nom  de  la  Société  fran- 
çaise  d'Archéologie  ;  et    le    comte   d'Osseville. 


46  CONGRÈS  ARCHHOLOGiaUE  DE  MAÇON 

SÉANCE  DU    19  JUIN 

PRÉSIDKKCE   DE   M.    LE   COMTE   DE   MARSY 

La  séance  est  ouverte  à  8  heures  du  soir. 

Siègent  au  bureau  :  MM.  de  Villefosse,  Arcelin,  le  comte  Lair, 
le  baron  d'Avout,  le  comte  de  Ghellinck  d'Elseghem,  Déchelette 
et  Lex. 

M.  le  docteur  Birot,  au  nom  de  M.  l'abbé  J.-B.  Martin  et  au 
sien,  décrit  les  sculptures  de  l'église  d'Ainay,  à  Lyon,  et  présente 
les  photographies  de  très  curieux  chapiteaux  des  débuts  de  l'époque 
romane. 

M.  Arcelin  lit  la  fin  de  son  mémoire  sur  la  première  question 
et  passe  en  revue  les  découvertes  et  publications  relatives  aux 
époques  barbare  et  franque,  au  moyen  âge  et  aux  temps 
modernes. 

M.  J.  Déchelette  fait  part  au  Congrès  du  résultat  de  ses  fouilles 
de  1898  au  Mont-Beuvray. 

M.  Couneau  communique  une  note  de  M.  G.  Musset,  biblio- 
thécaire de  la  ville  de  La  Rochelle,  sur  la  découverte  faite  à  La 
Rouillasse,  commune  de  Soubise  (Charente-Inférieure),  d'un  vase 
en  terre  noire  contenant  plusieurs  milliers  de  monnaies  romaines. 

M.  le  baron  d'Avout  rend  compte  de  la  séance  tenue  par  le 
Conseil  administratif  de  la  Société,  le  17  juin  dans  laquelle  les 
récompenses  suivantes  ont  été  décernées  : 

GRANDES   MÉDAILLES   DE    VERMEIL 

MM.  Adrien  Arcelin,  à  Chalon-sur-Saône,  et  J.-C.  Bulliot, 
à  Autun. 


PROCES-VERBAUX  47 

MÉDAILLES    DE    VERMEIL 

MM.  Léonce  Lex,  à  Mâcon,  et  Joseph  Déchelette-Despierres, 
à  Roanne. 

MÉDAILLES    d'aRGENT 

MM.  Jean  Martin,  à  Tournus;  l'abbé  Jolivet,  à  Berzé-la- 
Ville;  Henry  Corot,  à  Savoisy;  Louis  Favarcq,  à  Saint-Etienne. 

médailles  de  bronze 
M.  l'abbé  Gros,  à  Sainte-Foy  (Loire). 

Le  Conseil  accorde  à  M.  Arcelin  une  subvention  de  150  francs 
pour  l'aider  à  continuer  ses  fouilles  de  Solutré. 

M.  le  Président  annonce  que  le  prochain  Congrès  archéolo- 
gique aura  lieu  à  Chartres.  Puis  il  remercie  une  dernière  fois  la 
ville  et  l'Académie  de  Mâcon,  M.  le  Ministre  de  l'Instruction 
publique,  le  gouvernement  belge  et  les  Sociétés  françaises  et 
étrangères  qui  ont  bien  voulu  envoyer  des  délégués,  les  membres 
du  Congrès  et  toutes  les  personnes  qui  ont  facilité  son  succès 
et  contribué  à  son  éclat. 

A  son  tour,  M.  le  comte  de  Ghellinck  d'Elseghcm  exprime  sa 
reconnaissance  pour  l'accueil  si  cordial  qui  lui  a  été  fait.  Il  rap- 
pelle d'une  façon  heureuse  les  liens  qui  ont  jadis  uni  la  Bourgogne 
aux  Flandres  et  ajoute  qu'il  emportera  un  souvenir  inaltérable 
de  l'hospitalière  cité  de  Mâcon. 

M.  le  Président  déclare  close  la  soixante-sixième  session  du 
Congrès  archéologique  de  France. 

La  séance  est  levée  à  10  heures  1/2. 


COMPTE  RENDU 


DES 


EXCURSIONS 


VISITE  DES  MONUMENTS  DE  MAÇON     ' 

Le  mercredi  14  juin,  après  la  séance  d'ouverture,  les  membres 
du  Congrès  ont  été  l'objet  d'une  réception  très  chaleureuse  orga- 
nisée par  l'Académie  de  Mâcon  à  l'Hôtel  Senecé.  A  5  heures,  on 
se  met  en  route  pour  visiter  les  monuments  de  la  ville.  Nous  ne 
pouvons  mieux  faire  que  d'emprunter  3.  M.  Lex  les  notices  du 
Guide  qu'il  a  rédigé  avec  tant  de  soin  pour  les  membres  du 
Congrès. 

L'ancienne  cathédrale  de  Saint-Vincent,  classée  parmi  les 
monuments  historiques,  fut  presque  entièrement  démolie  en 
1799,  sauf  le  porche,  les  deux  tours  avec  la  travée  intermédiaire 
et  l'amorce  des  murs  de  la  nef.  La  porte  d'entrée  et  l'arcade  qui 
donnait  accès  dans  la  nef  ont  été  murées  en  1855,  en  même  temps 
qu'on  restaurait  le  portail. 

La  nef  et  l'abside,  qui  ont  disparu,  dataient  des  xiii^  et  xiv^ 
siècles.  Les  tours,  carrées  à  la  base,  puis  octogonales,  furent 
bâties  au  xii^  siècle,  mais  leur  étage  supérieur  est  une  œuvre  du 
xiii^  siècle. 

Un  porche  ouvert  fut  appliqué  devant  les  clochers  au  milieu 
du  xii^  siècle,  mais  sa  porte,  évidemment  romane,  a  été  refaite  au 


EXCURSIONS  49 

xv^  siècle.  La  baie  qui  fait  communiquer  le  porche  avec  la 
travée  comprise  entre  les  deux  tours  est  surmontée  d'un  tympan 
sculpté,  divisé  en  cinq  registres,  où  l'on  voit  encore,  malgré 
les  mutilations  :  le  paradis  à  droite  et  l'enfer  à  gauche;  la 
Résurrection  ;  les  grands  et  les  petits  prophètes,  le  Christ  dans 
sa  gloire,  entouré  de  la  Vierge,  des  apôtres  et  d'anges.  La  cin- 
quième zone  renferme  des  séraphins  et  des  chérubins'. 

Les  chapiteaux  du  portail  sont  décorés  de  sujets  qu'on  a  essaye 
d'expliquer  ainsi  :  à  droite,  le  démon,  du  côté  du  porche,  c'est- 
à-dire  hors  de  l'église,  essaie  d'y  pénétrer,  et  l'ange,  armé  du 
bouclier  et  de  l'épée,  du  côté  de  l'entrée,  lui  barre  le  passage  ;  à 
gauche,  la  scène  de  la  Tentation  sur  la  montagne  :  en  tout  cas 
Satan  d'une  part  et  Jésus  de  l'autre. 

Dans  la  travée  bâtie  entre  les  clochers,  il  y  a  des  peintures 
murales  qui  remontent  à  l'époque  même  de  la  construction  des 
bases  des  deux  tours,  c'est-à-dire  au  commencement  du  xu^  siècle, 
et  qui  représentent  deux  scènes  de  la  Résurrection  :  d'une  part 
les  élus  entrant  dans  le  jardin  de  délices,  d'autre  part  les  damnés 
précipités  dans  les  flammes  de  l'enfer. 

On  voit  à  Mâcon  un  débris  de  maison  romane,  i,  rue  du 
Pavillon,  deux  façades  gothiques  ii,  rue  Rochette,  et  26,  rue  des 
Ursulines,  et  plusieurs  maisons  du  xv=  siècle.  La  «  Maison  de 
bois  »,  qui  date  de  la  fin  du  xv"-"  siècle  ou  du  commencement 
du  xvi%  n'a  pas  d'histoire.  Il  fout  se  contenter  d'admirer  au  pre- 
mier étage  la  décoration  des  colonnettes  et  des  bandeaux  garnis 
de  branches  et  de  feuillages.  Les  chapiteaux  supportent  une 
chaîne  de  personnages,  d'animaux  et  de  monstres  plus  ou  moins 


1.  On  trouvera  l'histoire  et  la  description  de  cette  église  dans  l'ouvrage  de 
M.  Jean  Virey,  Larchiteclure  romane  clans  l'ancien  diocèse  de  Maçon,  p.  222. 

CONGRI-S   AKCHÉOLOGiaUK    Dr.    MACOX.  ■^ 


50  CONGRES    ARCIlÉOLOGiaUE    DE    MAÇON 

spirituels  et  plus  ou  moins  indécents.  A  l'intérieur,  les  maî- 
tresses poutres  du  plafond  du  premier  étage  portent  sur  des  cor- 
beaux à  figures. 

Les  autres  édifices  civils  qui  méritent  une  mention  sont  l'Hôtel 
de  Ville,  ancien  hôtel  de  Montrevel  avec  ses  beaux  salons 
Louis  XV  et  Louis  XVI,  l'hôtel  de  l'Académie,  ancien  hôtel  de 
Marnay,  puis  de  Senecé,  qui  remonte  au  commencement  du 
xviii'^  siècle,  l'Hôtel-Dieu  construit  en  1770,  la  Charité,  bâtie  sur 
les  plans  de  l'architecte  Soufflot  en  1775,  la  Préfecture  et  l'an- 
cien évêché. 

EXCURSION  A  CLUNY  ET  A  PARAY-LE-MONIAL 

Le  jeudi  15  juin,  les  membres  du  Congrès  arrivaient  a  Cluny 
à  8  heures  1/2  du  matin  et  commençaient  immédiatement  la 
visite  des  monuments  de  la  petite  ville  dont  l'abbaye  eut  une 
célébrité  universelle. 

La  porte  d'entrée  de  l'abbaye,  formée  de  deux  arcades  en  plein 
cintre  du  xii''  siècle  qui  retombent  sur  des  colonnettes,  est  encore 
intacte.  Le  premier  palais  abbatial,  bâti  par  Jean  de  Bourbon 
(1456-1485),  sert  de  Musée;  le  second,  œuvre  de  Jacques  d'Am- 
boise  (1485-15 10),  est  devenu  l'Hôtel  de  Ville.  Ces  deux  abbés 
avaient  fait  bâtir  l'Hôtel  de  Cluny  à  Paris. 

Une  construction  du  xii^  siècle  très  remaniée  «  dite  des  écuries 
de  saint  Hugues  »  est  convertie  en  halle  et  en  théâtre.  La  belle 
façade  du  «  palais  du  pape  Gelase  »  postérieure  au  séjour  de  ce 
pontife  à  Cluny  en  11 19,  remonte  au  xiii^  et  au  xiV  siècle.  Elle 
a  été  complètement  restaurée  en  1873.  Il  faut  citer  encore  les 
cloîtres  et  les  logis  du  xviii'^  siècle,  le  ceUier  du  xiii^  siècle,  les 
deux  tours  carrées  du  Moulin  et  des  Fromages,  la  tour  ronde 
de  l'Observatoire  et  la  tour  de  l'abbé  Fabri,  bâtie  vers  1350. 


EGLISI-:     ABBATIALE     DE     CLUNY 
Plan 


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ÉGLISE     ABBATIALE     DI-     CLUNY 
Croisillon    Nord 


EXCURSIONS  51 

L'immense  église  abbatiale  qui  mesurait  171  mètres  de  lon- 
gueur était  le  plus  grand  édifice  religieux  de  la  chrétienté  avant 
la  construction  de  Saint-Pierre  de  Rome.  Bâtie  de  1089  à  1131 
et  démolie  de  181 1  à  1823,  elle  comprenait  une  nef  flanquée  de 
doubles  bas  côtés  et  précédée  d'un  vaste  narthcx  gothique  du 
xiii^  siècle,  un  double  transept,  avec  des  absidioles  et  un  chœur 
très  profond  entouré  d'un  déambulatoire  et  de  cinq  chapelles 
rayonnantes.  Cinq  clochers  dominaient  les  toitures,  mais  les  tours 
romanes  dites  de  l'Eau  bénite  et  de  l'Horloge  sont  seules  con- 
servées. 

On  peut  se  rendre  compte  de  l'élévation  et  du  style  de  cette 
magnifique"  église  en  admirant  le  croisillon  méridional  du  grand 
transept  qui  mesure  33  mètres  sous  voûte.  Ses  piliers  cantonnés 
de  colonnes,  son  triforium  à  pilastres  cannelés  et  sa  voûte  en 
berceau  brisé  rappellent  les  travées  de  la  cathédrale  d'Autun  et 
de  l'église  de  Paray-le-Monial.  La  chapelle  de  saint  Etienne  du 
xii^  siècle,  la  chapelle  Saint-Martial,  œuvre  du  xiv=  siècle  et  la 
chapelle  de  Bourbon  bâtie  vers  1470  par  l'abbé  du  même  nom 
sont  les  seuls  débris  encore  intacts  de  cette  véritable  cathédrale 
dont  M.  Penjon  *  et  M.  Jean  Virey^  ont  donné  la  description 
complète  dans  leurs  ouvrages. 

L'église  Notre-Dame  (mon.  hist.)  est  un  édifice  à  trois  nefs 
reconstruit  dans  la  seconde  moitié  du  xiii'=  siècle.  Le  porche  qui 
précédait  la  façade  a  été  démoli  en  1786, 

L'église  Saint-Marcel,  construite  en  11 59,  n'est  remarquable 
que  par  son  clocher  roman,  son  abside  ^,  et  par  son  grand  béni- 
tier, qui  est  une  ancienne  cuve  baptismale  du  xiii^  siècle  *. 

1 .  Cluny,  la  ville  et  l'abbaye,  111-8°. 

2.  L'arcbitecttire  romane  dans  Tancien  diocèse  de  Mdcofi,  pp.  256-342. 

3.  Ibid.,  p.  242. 

4.  Viollet-le-Duc,  Dictionnaire  d'anhitccline,  t.  V,  p.  539. 


52  CONGRES  ARCHEOLOGiaUE  DE  MAÇON 

L'église  Saint-Mayeul  a  été  démolie  en  1798.  De  la  nef  du 
xi^  siècle  et  d'une  des  chapelles  du  xv%  il  est  resté  des  débris  que 
les  Bénédictins  de  l'ordre  de  Cluny  viennent  de  réparer  et  d'en- 
tourer d'un  cloître, 

La  chapelle  de  l'hôpital  renferme  divers  fragments  d'un  mau- 
solée que  le  cardinal  de  Bouillon,  abbé  de  Cluny,  avait  projeté 
d'élever  en  réalise  abbatiale  à  la  mémoire  de  Frédéric-Maurice  de 
La  Tour  d'Auvergne,  duc  de  Bouillon,  et  d'Eléonore  de  Bergh, 
ses  père  et  mère.  Ces  fragments  sont  :  la  sfttue  du  duc  et  celle 
de  la  duchesse  dans  une  attitude  qui  rappelle  la  conversion 
au  catholicisme  obtenue  du  mari  par  sa  femme,  un  ange  et  un 
bas-relief  représentant  le  combat  de  La  Marfée,  en  marbre  blanc. 
Les  statues  et  le  bas-relief,  qui  sont  des  œuvres  d'art  tout  à  fait 
remarquables,  furent  commandées  en  1698  à  un  artiste  français, 
fixé  à  Rome,  Pierre  II  Legros.  Dans  la  même  chapelle,  on  con- 
serve le  bâton  d'une  crosse  dite  «  de  saint  Hugues  »,  abbé  de 
Cluny  (i  049-1 109). 

Les  maisons  romanes  des  xii^  et  xiii^  siècles  de  la  place  Notre- 
Dame,  de  la  rue  de  la  République,  de  la  rue  d'Avril,  de  la  rue 
Neuve,  de  la  rue  du  Merle  et  de  la  rue  Dauphine,  sont  une  des 
curiosités  archéologiques  de  Cluny  les  plus  connues.  Les  portes 
de  l'enceinte  qui  sont  encore  debout  sont  celles  de  Saint-Mayeul 
et  de  Saint-Odile. 

Le  musée  mérite  d'être  visité.  Au  rez-de-chaussée,  on  conserve  : 
des  débris  de  l'église  abbatiale,  la  tombe  de  l'abbé  Aimard 
(x'^  siècle),  celle  de  saint  Hugues,  richement  décorée  (xii"  siècle), 
onze  grands  chapiteaux  romans  à  feuillages,  à  fleurs  et  à  per- 
sonnages, d'une  valeur  considérable  ;  des  fragments  du  mausolée 
du  duc  de  Bouillon,  des  débris  de  maisons  romanes,  aujourd'hui 
démolies.  Au  premier  étage,,  il  y  a  une  belle  cheminée 
ancienne,  divers  objets  de  l'époque  gallo-romaine  et  du  moyen 


ÉGLISE     DE    PARAY-LE-MONIAL 
Plan 


EXCURSIONS  53 

âge,    quelques    tableaux  et   dessins    de    Prud'hon,    qui   est    né 
à  Cluny. 

Après  le  déjeuner,  les  membres  du  Congrès  se  sont  rendus 
par  le  chemin  de  fer  à  Paray-le-Monial. 

L'église  de  Notre-Dame  qui  est  devenue  la  basilique  du  Sacré- 
Cœur  (mon.  hist.)  dépendait  d'un  prieuré  de  Cluny.  Commencé 
en  1004,  remanié  dans  la  seconde  moitié  du  XT'  siècle  et  ter- 
miné vers  le  milieu  du  xii'^  siècle,  cet  édifice  a  été  restaurée  de 
1857  à  1862  et  le  clocher  central  est  une  reproduction  moderne 
de  l'ancienne  tour.  Le  narthex,  la  façade  et  ses  deux  clochers 
doivent  être  seuls  attribués  au  xi^  siècle,  mais  la  nef  et  tout  le 
chevet  de  l'église  ne  remontent  qu'au  xii''  siècle.  Chaque  travée, 
voûtée  en  berceau  brisé,  se  compose  d'un  arc  en  tiers-point  qui 
retombe  sur  des  piles  flanquées  de  trois  colonnes  et  d'un  pilastre 
cannelé.  Au-dessus,  on  voit  un  triforium  à  pilastres  semblable 
à  celui  de  la  cathédrale  d'Autun. 

Le  rond-point  du  chœur,  soutenu  par  huit  colonnes  monolithes, 
se  compose  de  trois  chapelles  rayonnantes  qui  s'ouvrent  sur  le 
déambulatoire  voûté  d'arêtes  comme  les  bas  côtés  de  l'église.  Dans 
le  croisillon  nord,  on  voit  l'ancienne  vasque  de  la  fontaine  du 
cloître  transformée  en  bénitier  aux  armes  de  Jacques  d'Amboise, 
abbé  de  Cluny  (1485-1510).  Les  chapelles  du  chœur  renferment 
un  autel  en  pierre  du  xii"  siècle  et  le  tombeau  de  Jean  de  Damas, 
mort  en  1468. 

Notre  directeur,  M.  Eugène  Lefèvre-Pontalis,  a  donné  une 
description  complète  de  cette  belle  église  romane  en  1886  '. 

Les  bâtiments  du  prieuré  remontent  partie  au  xV  siècle  et  par- 
tie au  xviii'^  siècle. 

I.  Èttiâe  historique  et  archéologique  sur  r église  de  Para y-le-Moiiial,  dans  les 
Mémoires  de  la  Société  Eduenne,  nouvelle  série,  t.  XIV.  Le  relevé  de  cette  église 
se  trouve  dans  les  Archives  de  la  Cowviission  des  vioiiuinents  historiques,  t.   I. 


54  CONGRHS    ARCHÉOLOGICIUE    DE    MAÇON 

De  l'église  Saint-Nicolas  ,  siège  de  la  justice  de  paix,  il  ne  reste 
qu'un  clocher  carré  surmonté  d'un  dôme  du  xvi^  siècle. 

L'Hôtei  de  Ville  (mon.  hist.)  est  installé  dans  une  maison 
bâtie  de  1525  à  1528  par  un  riche  fabricant  de  serge,  Pierre  Jayet. 
La  façade  est  décorée  de  fins  médaillons  et  d'élégantes  sculptures. 

Le  musée  eucharistique  renferme  des  objets  liturgiques  anciens 
et  intéressants. 


VISITE    DU    MUSÉE    ARCHÉOLOGIQUE    ET    DE 
LA    BIBLIOTHÈQUE    DE    MAÇON 

Le  vendredi  16  juin,  après  la  séance  du  soir,  les  membres  du 
Congrès  se  sont  rendus  au  musée.  La  collection  préhistorique, 
qui  comprend  plus  de  dix  mille  pièces,  a  été  formée  par  les  dons 
généreux  de  MM.  Arcelin  et  Cousty  et  par  les  découvertes  faites 
à  Solutré.  La  collection  lapidaire  se  compose  d'inscriptions 
romaines,  d'une  mosaïque,  de  stèles,  d'autels,  de  sarcophages, 
de  tombes  juives,  de  débris  romans  du  vieux  Saint- Vincent, 
d'une  tombe  du  xiv*^  siècle.  Il  faut  signaler  encore  des  antiquités 
gallo-romaines,  une  sépulture  épiscopale  du  xiii'-'  siècle,  la  col- 
lection de  monnaies. 

A  la  Bibliothèque  municipale,  qui  possède  cent  dix  manuscrits, 
on  a  beaucoup  admiré  une  magnifique  Cité  de  Dieu  et  une 
Légende  dorée  du  xv*^  siècle  enrichies  de  miniatures. 


EXCURSIONS  5  5 

EXCURSION  A  SOLUTRÉ,   PIERRECLOS, 
BERZÉ-LA-VILLE  ET  BERZÉ-LE-CHATEL 

Le  samedi  17  juin,  le  Congrès  a  visité  tout  d'abord  la  station 
préhistorique  de  Solutré  qui  occupe  un  petit  plateau,  situé  entre 
les  habitations  du  village  et  l'escarpement  de  la  uîontagne  ;  on  y 
trouve  tant  d'ossements  que  le  lieu  est  dit  «  le  Crot  du  Char- 
nier ».  L'industrie  de  Solutré  correspond  à  plusieurs  époques. 
L'une  d'elles  est  caractérisée  par  la  fine  pointe  en  feuille  de 
laurier,  taillée  avec  beaucoup  de  soin,  en  silex,  quelquefois 
en  cristal  de  roche.  On  a  trouvé  à  Solutré  un  grand  nombre  de 
sépultures  préhistoriques,  gallo-romaines  et  burgondes.  Les  osse- 
ments de  cheval  y  sont  extraordinairement  abondants. 

La  roche  de  Solutré  était  couronnée  à  l'époque  romaine  par 
un  castrum  et  au  moyen  âge  par  un  château  téodal,  qui  a  été 
rasé  en  1435  et  dont  il  reste  peu  de  traces. 

L'église  de  Solutré  est  du  xii*"  siècle. 

Pierreclos.  —  Le -château,  qui,  avec  la  seigneurie,  a  successi- 
vement appartenu  aux  Pierreclos,  aux  Chevricr,  aux  ducs  de 
Savoie,  aux  Bletterans.  aux  Rougemont  et  aux  Michon,  a  été 
assiégé  par  les  Armagnacs  en  1422  et  en  1434,  brûlé  par  les 
Français  en  147 1,  et  pris  par  les  Protestants  en  1562;  il  en  reste 
des  parties  anciennes,  mais  le  gros  des  logis  a  été  rebâti  en  1665. 

A  côté  du  château,  on  voit  le  clocher  et  le  chœur  d'une  église 
du  xii*-"  siècle,  décrite  par  M.  Jean  Virey  '. 

Berié-la- Ville.  —La  chapelle  du  Château  des  Moines  de  Cluny 
(mon.  hist.),  aujourd'hui  propriété  particulière,  paraît  dater  du 
commencement  du  xir'  siècle.  La  nef,  le  chœur  et  l'abside  sont 

I.  Larchitecliire  romane  clans  l'ancien  diocèse  de  Ma'con,  p.  179. 


36  COXGRKS  ARCHHOLOGiaUE  DE  MACOX 

décorés  de  peintures  murales  de  l'époque  romane,  qui  n'ont  été 
découvertes  sous  le  badigeon  qu'en  1887.  Celles  de  l'abside  sont 
d'une  conservation  parfaite.  Elles  représentent  :  dans  une  pre- 
mière zone,  les  bustes  des  saints  Abdon,  Sennen,  Dorothée, 
Gorgon,  Sébastien,  Serge,  autre  Sébastien,  Denis  et  Quintien; 
dans  une  deuxième  zone,  les  figures  de  deux  saints  abbés  béné- 
dictins, puis  d'une  part  la  légende  et  la  mort  de  saint  Biaise,  et 
d'autre  part  le  martyr  de  saint  Laurent  ;  dans  une  troisième  zone, 
les  bustes  de  six  saintes  parmi  lesquelles  Agathe,  Laurence  et 
Consorce  ;  dans  une  quatrième  zone,  sous  la  main  bénissante  de 
Dieu  le  Père,  le  Christ  de  gloire,  entouré  de  deux  saints  évêques, 
de  saint  ,\'incent  et  de  saint  Laurent  et  de  douze  apôtres.  Enfin 
dans  le  chœur,  sous  l'oculus  qui  est  percé  au-dessus  de  l'abside, 
on  voit  encore  Dieu  le  Fils,  sous  la  forme  d'un  agneau  auréolé, 
portant  la  croix  nimbée  et  accosté  d'anges  ^ 

Ba\é-le-Châtel.  —  Le  château  était,  avec  celui  de  Solutré,  un 
des  plus  forts  du  Maçonnais.  Il  a  successivement  appartenu,  ainsi 
que  la  seigneurie,  aux  Berzé,  aux  Frolois,  aux  sires  de  Beaujeu, 
aux  ducs  de  Savoie,  aux  Rochebaron,  aux  d'Aumont  et  aux 
Michon;  le  poète  Hugues  de  Berzé,  qui  vivait  au  xiii^  siècle,  y 
est  né.  Il  a  été  assiégé  et  pris  par  Guy  de  Saint-Trivier  en  1346, 
par  les  Armagnacs  en  1421  et  par  les  Ligueurs  en  1591.  Ses 
difterentes  enceintes,  la  porte  d'entrée,  les  tours  et  une  grande 
partie  des  constructions  du  moyen  âge  restées  debout  ont  été 
l'objet  d'importants  remaniements. 


I.  MM.  Lex  et  Martin  ont  décrit  ces  curieuses  peintures  romanes  dans  le 
Bulletin  archéologique  du  Comité  des  travaux  historiques  et  scientifiques,  1895, 
p.  416,  5  planches. 


EXCURSIONS  57 

EXCURSION  A  BOURG  ET  A  BROU 

Cette  excursion  a  eu  lieu  le  lundi  19  juin.  A  Bourg-cn-Bressc, 
les  membres  du  Congrès  ont  visité  l'église  de  Notre-Dame,  cons- 
truite de  1505  à  1545,  dans  le  style  de  transition  de  l'art  gothique 
au  goût  de  la  Renaissance.  Le  clocher  a  été  démoli  en  1793  et 
relevé  depuis.  Les  boiseries  et  les  stalles  du  chœur  du  xvi''  siècle 
furent  sculptées  par  le  menuisier  bressan  Pierre  Terrasson. 

Le  musée  possède  le  triptyque  de  saint  Jérôme  provenant  de 
l'église  de  Brou  ;  c'est  une  belle  œuvre  du  xv!*-"  siècle. 

L'église  de  Brou,  de  style  gothique,  unique  en  France  par  ses 
sculptures,  a  été  bâtie  sous  le  vocable  de  saint  Nicolas  de  Tolentin, 
par  Marguerite  d'Autriche,  fille  de  l'empereur  Maximilien  et  de 
Marie  de  Bourgogne,  et  veuve  de  Philibert  le  Beau,  duc  de  Savoie. 
Ses  architectes  furent  le  lyonnais  Jean  Perréal,  dit  Jehan  de  Paris 
(1506-1512)  et  le  flamand  Van  Boghem  (15 13-1536);  les  por- 
trayeurs,  Aimé  Picard,  Jean  Rolin,  Jean  de  Saint-Amour  et 
Benoît  de  Montagna;  les  imagiers,  Michel  Colombe,  les  frères 
Conrad  et  Thomas  Meyt,  Vambelli,  Campitoglio,  Benoît  de 
Serin,  et  Guibert  et  Thibaut  de  Salins;  les  feuillagiers,  Jean 
de  Louhans  et  Aimé  Carré;  le  menuisier,  Pierre  Terrasson,  de 
Bourg  ^ 

La  fiiçade  est  décorée  de  statues  et  de  statuettes;  celles  de  saint 
André  et  saint  Nicolas  de  Tolentino  méritent  une  mention  par- 
ticulière. 

A  l'intérieur,  on  admire  le  jubé,  orné  de  nombreuses  sta- 
tuettes ;  celles  qui  couronnent  la  galerie  sont  un  Ecce  Homo  avec 

I.  Baux  (Jules),  Histoire  de  Vcglisc  de  Brou,  1854,  in-S".  —  Dufay,  Ueglise  de 
Brou  et  ses  tombeaux,  1867,  in-12.  —  Jarrin  (Charles),  Brou,  sa  construction, 
ses  architectes,  1888,  in-S». 


58  CONGRES  ARCHEOLOGIQ.UE  DE  MACOX 

saint  Nicolas  de  Tolentino,  sainte  Monique  et  saint  Antoine, 
à  sa  droite  :  un  autre  Ecce  Homo,  saint  Augustin  et  saint  Pierre 
à  sa  gauche-.  Sous  le  jubé,  on  voit  des  tableaux  anciens. 

Derrière  l'autel  moderne,  on  remarque  à  l'abside  la  devise 
que  Marguerite  d'Autriche  s'était  composée  après  ses  malheurs  : 
Fortune  Infortune  Fort  Une,  qu'on  a  cru  pouvoir  interpréter 
ainsi  :  Fortuna  infortunat  fortiter  unam.  Cette  devise  se  trouve 
d'ailleurs  un  peu  partout  dans  l'édifice,  ainsi  que  les  initiales  P 
(Philibert)  et  M  (Marguerite). 

Les  stalles  hautes  abritent  sous  leurs  dais  48  statuettes  qui 
représentent,  à  droite,  24  personnages  de  l'Ancien  Testament,  et 
à  gauche  24  personnages  du  Nouveau  Testament.  Les  miséri- 
cordes et  les  appuis  sont  curieux. 

Les  mausolées,  dans  le  chœur,  sont  au  nombre  de  trois. 

Celui  de  Marguerite  de  Bourbon,  mère  de  Philibert  le  Beau,  à 
droite,  est  en  marbre  blanc  et  noir  et  en  albâtre.  On  y  remarque, 
outre  la  statue  de  la  princesse,  des  sybilles,  des  pleureuses,  des 
génies,  puis,  à  la  tête,  les  statuettes  de  saint  André  et  de  sainte 
Catherine,  et,  aux  pieds,  celles  de  sainte  Agnès  et  de  sainte 
Marguerite. 

Celui  de  Philibert  le  Beau,  au  centre,  est  également  en  marbre 
blanc  et  noir.  Le  duc  y  est  représenté  vivant,  revêtu  de  son 
armure,  et  mort,  à  l'état  de  cadavre.  Il  est  entouré,  d'une  part, 
de  génies,  et,  d'autre  part,  de  sybilles. 

Celui  de  Marguerite  d'Autriche  est  à  gauche.  La  duchesse  s'y 
voit  aussi  vivante  et  morte.  Des  statuettes  de  saints  et  de  saintes 
et  des  sybilles  en  décorent  les  piliers. 

La  chapelle  de  la  Vierge  renferme  un  retable  merveilleux, 
formé  d'un  seul  bloc  d'albâtre,  où  l'artiste  a  sculpté  les  Sept 
joies  de  Marie  :  Annonciation,  Visitation,  Nativité,  Adoration 
des  Mages,  Apparition  de  Jésus  à  sa  Mère,  Descente  du  Saint-Esprit 


3    m 


a. 


o 


EXCURSIONS 


59 


sur  hi  Vierge,  Assomption.  A  la  partie  supérieure  du  retable, 
hi  statue  de  la  Vierge  est  entourée  de  sainte  Marguerite  et  de 
sainte  Madeleine.  Aux  angles  de  la  chapelle,  on  voit  les  statues 
de  saint  André  et  saint  Philippe. 

Les  vitraux  les  plus  remarquables  sont  :  ceux  de  la  chapelle  de 
la  Vierge,  qui  représentent  l'Assomption;  celui  de  la  petite  cha- 
pelle des  comtes  de  Pont-de-Vaux,  à  côté  de  l'oratoire  de  la 
duchesse,  où  est  peinte  l'Apparition  de  Jésus-Christ  à  saint 
Thomas;  ceux  du  chœur,  de  la  chapelle  de  Notre-Dame  des 
Sept-Douleurs  et  du  transept.  Ils  ont  été  exécutés  sur  place  par 
Jean  Perréal. 


EXCURSION  A  TOURNUS  ET  A  CHALON-SUR-SAONE 

Le  mardi  20  juin,  la  matinée  a  été  consacrée  à  la  visite  de 
l'ancienne  église  abbatiale  de  Saint-Philibert  de  Tournus,  un  des 
édifices  romans  les  plus  curieux  de  toute  la  France,  classé  parmi 
les  monuments  historiques'.  Le  narthex  fermé  dont  l'étage  supé- 
rieur constitue  une  église  à  part,  placée  autrefois  sous  le  vocable 
de  saint  Michel,  la  nef,  les  bas-côtés,  le  chœur,  l'abside  et  la  crypte 
qui  régnent  sous  le  chœur  datent  du  commencement  du  xi^  siècle. 
Le  transept  et  les  deux  clochers  carrés  de  la  façade  et  de  la  croisée 
ont  été  construits  ou  remaniés  au  milieu  du  xii"  siècle;  plusieurs 
chapelles  ont  été  ajoutées  aux  bas-côtés  au  xn"-"  siècle  et  au 
xV'  siècle.  Cet  édifice  a  été,  de  1845  à  1850,  l'objet  de  très  impor- 
tantes réparations;  la  façade  notamment  a  été  refiiite  à  cette 
époque. 

I .  On  trouvera  le  relevé  de  cette  église  dans  les  Archives  de  h  Commission  des 
Monuments  historiques,  t.  I. 


EXCURSIONS  59 

sur  la  Vierge,  Assomption.  A  hi  partie  supérieure  du  retable, 
la  statue  de  la  Vierge  est  entourée  de  sainte  Marguerite  et  de 
sainte  Madeleine.  Aux  angles  de  la  chapelle,  on  voit  les  statues 
de  saint  André  et  saint  Philippe. 

Les  vitraux  les  plus  remarquables  sont  :  ceux  de  la  chapelle  de 
la  Vierge,  qui  représentent  l'Assomption;  celui  de  la  petite  cha- 
pelle des  comtes  de  Pont-de-Vaux,  à  côté  de  l'oratoire  de  la 
duchesse,  où  est  peinte  l'Apparition  de  Jésus-Christ  à  saint 
Thomas;  ceux  du  chœur,  de  la  chapelle  de  Notre-Dame  des 
Sept-Doulcurs  et  du  transept.  Ils  ont  été  exécutés  sur  place  par 
Jean  Perréal. 


EXCURSION  A  TOURNUS  ET  A  CHALON-SUR-SAONE 

Le  mardi  20  juin,  la  matinée  a  été  consacrée  à  la  visite  de 
l'ancienne  église  abbatiale  de  Saint-Philibert  de  Tournus,  un  des 
édifices  romans  les  plus  curieux  de  toute  la  France,  classé  parmi 
les  monuments  historiques'.  Le  narthex  fermé  dont  l'étage  supé- 
rieur constitue  une  église  à  part,  placée  autrefois  sous  le  vocable 
de  saint  Michel,  la  nef,  les  bas-côtés,  le  chœur,  l'abside  et  la  crypte 
qui  régnent  sous  le  chœ^ur  datent  du  commencement  du  xr' siècle. 
Le  transept  et  les  deux  clochers  carrés  de  la  façade  et  de  la  croisée 
ont  été  construits  ou  remaniés  au  milieu  du  xir  siècle;  plusieurs 
chapelles  ont  été  ajoutées  aux  bas-côtés  au  xiv  siècle  et  au 
xv^  siècle.  Cet  édifice  a  été,  de  1845  à  1850,  l'objet  de  très  impor- 
tantes réparations;  la  façade  notamment  a  été  refaite  à  cette 
époque. 

I .  On  trouvera  le  relevé  de  cette  église  dans  les  Archives  de  la  Coiiiniissuvi  des 
Monuments  historiques,  t.  I. 


6o  CONGRES  ARCHÉOLOGiaUE  DE  MAÇON 

Il  faut  signaler  :  à  l'extérieur,  les  statues  de  saints  accolées  aux 
meneaux  et  aux  angles  du  clocher  de  la  façade;  à  l'intérieur, 
les  piliers  énormes,  les  peintures  murales  du  xn%  d*u  xiii'^  et 
du  xv^  siècle  et  les  pierres  tombales  rondes  ou  ovales  du 
narthex  ;  les  peintures  murales  du  xV^  siècle  et  la  vierge  romane 
en  bois,  malheureusement  dorée,  de  la  chapelle  de  Notre- 
Dame-la-Brune,  dans  le  bas-côté  sud;  la  peinture  murale  du 
xiV'  siècle  représentant  le  Jugement  dernier  de  la  chapelle  Saint- 
Georges,  dans  le  bas-côté  nord.  Dans  le  transept,  l'inscription 
RENCO  ME  FECiT  révèle  sans  doute  le  nom  de  l'architecte  de  cette 
partie  de  l'édifice  au  xii^  siècle  ;  dans  la  tribune  du  narthex,  l'in- 
scription inexpliquée  gerlannvs  abate  isto  moneterivm  eile 
remonte  au  xi'^  siècle.  La  crypte  renferme  un  sarcophage  et  des 
peintures  murales  du  xii^  siècle. 

L'église  de  la  Madeleine,  construite  au  xii^  siècle,  remaniée  au 
xiV^  et  au  xv*^  siècle,  a  un  portail  élégamment  décoré,  mais  le 
tympan  est  resté  uni.  Un  clocher  carré  s'élève  sur  la  croisée  du 
transept.  L'église  Saint-Valérien  avec  son  portail  du  xi''  siècle  est 
désaffectée. 

Des  constructions  de  l'ancienne  abbaye  il  reste  les  deux  tours 
rondes  du  xiv''  siècle  qui  flanquaient  la  porte  d'entrée;  le  cloître 
du  xi'=  siècle  et  le  parloir  ouverts  sur  l'église  au  sud,  la  salle  du 
chapitre  du  xiii^  siècle,  et  le  palais  abbatial  du  xv*  siècle.  Ces  deux 
derniers  bâtiments  sont  assez  bien  conservés  et  méritent  d'être 
visités. 

Plusieurs  maisons  des  xiii%  xv^  et  xvi^  siècles  se  voient  encore 
à  Tournus.  Signalons  aussi  une  belle  frise  de  l'époque  romane 
encastrée  dans  une  façade  moderne. 

Le  musée  comprend  des  antiquités  préhistoriques,  une  belle 
série  d'objets  burgondes,  des  restes  de  monuments  détruits  et 
des  monnaies  inédites  de  Tournus. 


EXCURSIONS  6 1 

Chalon-sur-Saône.  —  La  cathédrale  Saint-Vincent  (mon.  hist.) 
est  loin  d'être  un  édifice  homogène  :  la  partie  inférieure  de  la  nef, 
les  bas-côtés  et  le  transept  sont  du  xii"'  siècle,  le  chœur  et  l'abside 
du  XIII''  siècle,  l'étage  du  triforium  et  des  fenêtres  supérieures  du 
xiv"-'  siècle,  plusieurs  chapelles  du  xv^  siècle;  enfin  la  façade  et 
ses  deux  clochers  carrés  à  plates-formes  ont  été  entièrement  refaits 
dans  le  style  gothique,  de  1825  à  1850.  A  l'intérieur,  il  y  a  de 
nombreuses  pierres  tombales  du  moyen  âge,  une  tapisserie 
flamande  de  la  Renaissance  et  une  crosse  en  ivoire  attribuée  à 
saint  Loup,  évêque  de  Chalon  au  vii^'  siècle,  etc. 

Avant  sa  reconstruction,  l'hôpital,  fondé  en  1528  dans  l'île 
de  Saint-Laurent,  avait  une  salle  des  malades  dont  les  beaux 
vitraux  sont  aujourd'hui  dans  la  chapelle,  où  l'on  voit  aussi 
une  chaire  et  une  porte  en  bois  remarquablement  sculptées  du 
XVII''  siècle. 

Le  palais  épiscopal  du  xv-'  siècle  est  dominé  par  une  tour  du 
xiii"  siècle. 

Les  autres  tours  qu'on  rencontre  en  ville  sont  celle  de  Saudon, 
dont  la  base  paraît  romaine  et  la  partie  haute  mérovingienne,  et 
celle  du  Doyenné,  qui  remonte  au  x\'"  siècle. 

Le  musée  comprend  une  importante  collection  épigraphique  et 
lapidaire  de  l'époque  romaine  et  du  moyen  âge,  des  vitrines 
d'antiquités  préhistoriques,  des  monnaies  de  Chalon,  un  beau 
retable  peint  du  xv"  siècle  représentant  le  martyre  de  saint  Biaise 
et  une  collection  céramique. 


62 


CONGRES  ARCHEOLOGiaUE  DE  MAÇON 


EXCURSION  A  AUTUN 

La  journée   du  mercredi  21  juin  a  été  consacrée    à   hi  visite 
archéologique  d'Autun.  Malgré  son  grand  âge^  M.  Bulliot,  pré- 


PORTE    D  ARROUX 


sident  de  la  Société  Éduenne,'  inspecteur  de  la  Société  française 
d'archéologie,  avait  tenu  à  guider  les  membres  du  Congrès  qui 
ont  été  heureux  de  lui  présenter  leurs  respectueux  hommages  et 
d'entendre  ses  savantes  explications. 

Les  monuments  romains  d'Autun  ont  tout  d'abord  attiré 
l'attention. 

La  porte  d'Arroux  (mon.  hist.)  est  la  plus  belle  des  deux 
portes  romaines  d'Autun.  Elle  mesure  i6"'7ode  hauteur  et  18^50 


EXCURSIONS  63 

de  largeur,  et  se  compose  de  deux  grandes  baies  au  centre  pour 
les  voitures,  et  deux  petites  aux  extrémités  pour  les  piétons,  avec 
un  étage  d'arcades  à  jour.  Elle  a  été  réparée  en  1841  et  en  1875. 


PORTE    SAINT-ANDRIi 


La  porte  Saint-André  (mon.  hist.)  tire  son  nom  d'une  église 
établie  au  moyen  âge  dans  l'une  des  deux  tours  qui  en  flan- 
quaient la  face  extérieure.  Sa  hauteur  est  de  i4"'6o,  et  sa  largeur 
de  19"'  18.  Réparée  en  1847,  elle  a  le  même  aspect  que  la  porte 
d'Arroux. 

Le  temple  dit  «  de  Janus  «  (mon.  hist.),  qu'on  appelait  au 
moyen  âge  «  tour  de  la  Genetoic  »,  est  situé  hors  ville.  C'était 
un  édifice  carré  dont  il  ne  reste  que  deux  pans  de  mur,  hauts  de 
24  mètres,  percés  d'ouvertures  et  de  niches  en  plein  cintre.   Au 


64 


CONGRES  ARCHEOLOGIQ.UE  DE  MACOX 


XVII''  siècle,  il  vivait  encore  trois  faces,  était  pavé  de  mosaïque  et 
entouré  de  ruines  importantes.  Cet  ancien  temple  a  été  consolidé 
en  1874. 


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TEMPLE    DE   JANUS 


Le  théâtre  (mon.  hist.),  dont  Remplacement,  situé  à  l'extré- 
mité de  la  promenade  dite  «  des  Marbres  »,  est  désigné  sous  le 
nom  de  «  Caves  joyaux  »,  n'existe  pour  ainsi  dire  plus  que  dans 
ses  lignes  générales  et  dans  ses  contours.  On  a   pu  calculer  que 


EXCURSIONS  6) 

plus  de  30.000  spectateurs  y  trouvaient  place  à  la  fois.  L'amphi- 
théâtre est  détruit  depuis  longtemps;  il  avait  154  mètres  de 
long  dans  son  grand  axe  et  1 30  dans  son  petit. 

La  pierre  de  Couhard  (mon.  hist.),  située  à  quelques  centaines 
de  mètres  au  sud-est  de  la  ville,  est  une  masse  pyramidale  pleine, 
en  ruine,  déforme  quadrangulaire,  haute  de  33"'  15  et  large  de 
22"  65.  Construite  en  moellons  du  pays,  elle  se  trouvait  sur  la 
voie  antique  d'Autun  à  Lyon.  Les  opinions  les  plus  diverses  ont 
été  émises  sur  sa  destination.  Le  voisinage  d'un  cimetière  gallo- 
romain  donne  à  penser  que  c'est  une  tombe;  mais  les  fouilles 
qui  y  ont  été  pratiquées  en  1640,  1840  et  1877,  "'""t  rien  révélé 
à  ce  sujet. 

Les  membres  du  Congrès  ont  visité  ensuite  la  cathédrale 
(mon.  hist.),  fondée  en  1120,  sous  le  vocable  de  saint  Lazare, 
consacrée  en  1132,  et  remaniée  vers  1470  par  le  cardinal  Rolin, 
qui  fit  reconstruire  le  chœur,  la  tour  centrale  et  la  flèche. 

En  avant  de  la  fliçade,  un  porche  ouvert,  bâti  en  1178,  est 
surmonté  de  deux  tours  refaites  en  1873.  La  porte  principale 
en  plein  cintre  est  ornée  d'un  tympan  qui  représente  le  Jugement 
dernier,  œuvre  du  sculpteur  Gislebertiis.  Le  trumeau,  orné  des 
figures  de  saint  Lazare  et  ses  deux  sœurs,  fut  détruit  en  1766  et 
reconstitué  en  1863.  La  première  archivolte  est  décorée  de 
médaillons  où  sont  figurés  les  signes  du  zodiaque  et  les  travaux 
de  chaque  mois  de  l'année.  Les  chapiteaux  représentent,  à  droite, 
saint  Jérôme  et  son  lion,  la  conversion  de  saint  Eustache,  la 
présentation  au  temple  ;  à  gauche,  l'apologue  du  loup  et  de  la 
grue,  Agar  et  Ismaël  chassés  par  Abraham  et  les  vieillards  de 
l'Apocalypse  louant  le  Seigneur.  Dans  les  portes  secondaires,  on 
voit  David  allant  au  combat  et  David  tuant  Goliath;  un  homme 
faisant  danser  un  ours,  et  une  tête  monstrueuse.  D'autres  chapi- 
taux,    qui    couronnent    les  colonnes  engagées  des  travées  laté- 

CONGRÉS  ARCUtOLOGIQVh  DK  MALON.  5 


66  CONGRÈS  ARCHÉOLOGiaUt:  DE  MAÇON 

raies  du  [porche,  furent  empruntés  à  l'une  des  portes  romaines 
aujourd'hui  détruites. 


CATHEDRALE    D  AUTUN 


A  l'intérieur,  on  remarque,  entre  la  nef  et  les  collatéraux, 
de  beaux  chapiteaux  représentant,  à  droite,  le  corps  de  saint 
Vincent,  Simon  le  Magicien,  le  Lavement  des  pieds,  le  Martyre 
de  saint  Etienne,  l'Arche  sur  le  Mont  Ararat,  Judas,  et,  à 
gauche,  la  Naissance  de  la  Vierge,  le  Sacrifice  d'Isaac,  saint 
Joachim,  les  Hébreux  dans  la  fournaise,  Daniel  dans  la  fosse  aux 


EXCURSIONS  67 

lions,  Jésus  sur  le  toit  du  Temple,  la  Résurrection,  la  Visite  des 
Mages  à  Hérode,  la  Fuite  en  Egypte. 

La  tribune  des  orgues  date  de  la  fin  du  xv'^  siècle,  ainsi  que  la 
plupart  des  chapelles  qui  renferment  un  vitrail  orné  d'un  arbre 
de  Jessé,  un  retable  du  xvi"  siècle  et  des  fonts  baptismaux.  Dans 
le  transept,  un  célèbre  tableau  d'Ingres  représente  le  martyre  de 
saint  Symphorien.  Dans  le  collatéral  du  chœur,  on  voit  les  statues 
agenouillées  du  président  Jeannin  et  de  sa  femme,  Anne  Guéniot, 
œuvre  de  Nicolas  Guillain,  de  Cambrai,  et  au-dessus  le  buste 
de  l'abbé  Jeannin,  frère  du  président.  Sur  le  maître-autel,  croix 
et  chandeliers  remarquables  du  xviii'^  siècle. 

Dans  la  sacristie  du  xvi*^  siècle,  le  trésor  contient  un  suaire 
en  soie  et  de  provenance  orientale  de  la  fin  du  x'  ou  du  com- 
mencement du  XI*"  siècle. 

Le  palais  épiscopal  comprend  des  parties  anciennes,  notamment 
la  salle  de  l'Otîicialité  du  w""  siècle.  On  y  conserve  aussi  un  trip- 
tyque daté  de  15 15,  représentant  la  Cène  et  un  portrait  du  cardi- 
nal Rolin  par  un  maître  flamand,  qui  a  été  reproduit  dans  un 
vitrail  de  la  chapelle  Saint-Vincent,  à  la  cathédrale. 

L'ancien  réfectoire  des  chanoines  (mon.  hist.)  est  une  œuvre 
du  xii'^  siècle. 

L'hôtel  Rolin  (mon.  hist.),  est  une  élégante  construction  du 
xv^  siècle. 

La  fontaine  Saint-La/are  (mon.  hist.)  est  un  petit  monument 
de  la  Renaissance  (1543),  qui  comprend  deux  lanternes  superpo- 
sées. La  lanterne  supérieure,  qui  menaçait  ruine,  a  été  supprimée 
en  1863  et  reconstruite  en  1891.    • 

La  bibliothèque  du  grand  séminaire  renferme  150  manuscrits, 
notamment  un  évangéliaire  du  viii'^  siècle,  un  sacramentaire  du 
ix"-' siècle,  et  un  pontifical  du  xv^'  siècle,  orné  de  très  belles  minia- 
tures. 


68  CONGRÈS  ARCHÉOLOGiaUE  DE  MAÇON 

Le  musée  de  l'Hôtel  de  Ville  renferme  une  belle  série  de  pote- 
ries antiques,  des  bronzes,  parmi  lesquels  le  groupe  dit  «  des 
crupellaires  »,  la  célèbre  inscription  grecque  chrétienne  décou- 
verte en  1839,  et  un  médaillier  riche  en  monnaies  gauloises, 
romaines  et  mérovingiennes. 

Le  musée  lapidaire,  installé  en  i8éi  dans  l'ancienne  chapelle 
romane  de  l'hôpital  Saint-Nicolas,  renferme  des  colonnes,  des 
chapiteaux,  des  statues,  des  stèles,  des  sarcophages,  des  mosaïques, 
un  tombeau  dit  «  de  Brunehaut  »  et  plusieurs  dalles  funéraires. 

Le  musée  Rolin,  organisé  à  l'hôtel  Rolin  par  la  Société  Éduenne, 
n'est  pas  moins  curieux  par  ses  stèles,  ses  inscriptions,  ses  bas- 
reliefs,  ses  statues  et  ses  tombes.  On  y  remarque  également  les 
objets  trouvés  au  Mont  Beuvray  par  M.  Bulliot,  un  fragment  de 
sculpture  du  y"  siècle  en  marbre  blanc,  un  portrait  du  cardinal 
Rolin  peint  au  xv-^  siècle  et  des  monnaies  diverses. 


EXCURSION  A  BEAUNE 


Le  jeudi  22  juin,  un  grand  nombre  de  membres  du  Congrès 
se  sont  rendus  à  Beaune  pour  visiter  les  curieux  monuments  de 
cette  ville. 

L'église  Notre-Dame  est  une  œuvre  remarquable  du  xii''  siècle 
dont  le  style  présente  les  mêmes  caractères  que  la  cathédrale 
d'Autun  et  l'église  de  Paray-le-Monial.  La  nef,  recouverte  d'un 
berceau  brisé,  conserve  son  triforium  à  pilastres  cannelés  dans 
les  dernières  travées,  car  les  premières  furent  rebâties  au 
xii^'  siècle  en  même  temps  que  la  façade.  Les  bas-côtés,  voûtés 
d'arêtes,  sont  flanqués  de  chapelles  du  xv^  siècle.  Le  beau  clocher 


EXCURSIONS  69 

qui  domine  la  coupole  du  carré  du  transept  ne  fut  terminé  qu'au 
xiii<^  siècle.  Trois  chapelles  rayonnantes  s'ouvrent  sur  le  déam- 
bulatoire, mais  les  parties  hautes  du  chœur  furent  remaniées  au 
xiv«  siècle.  Le  porche  du  xiii*^  siècle  qui  précède  trois  magnifiques 
portails  de  la  même  époque  est  célèbre  par  la  légèreté  de  ses  cinq 
voûtes  d'ogives  qui  retombent  sur  deux  colonnes  centrales'.  Il 
faut  encore  signaler  les  vantaux  en  bois  du  xV^  siècle  des  trois 
portes  occidentales,  des  tapisseries  de  la  même  date  représentant 
des  scènes  de  la  vie  de  la  Vierge,  des  bas-reliefs  de  la  Renaissance 
et  la  porte  romane  qui  se  trouve  dans  le  jardin  du  presbytère. 

L'église  Saint-Nicolas,  bâtie  au  xiv«  siècle,  est  surmontée  d'un 
beau  clocher  dont  la  flèche  en  pierre  s'élève  sur  plan  carré. 

L'Hôtel-Dieu,  fondé  par  Nicolas  Rolin  en  1443  est  un  des 
meilleurs  types  de  l'architecture  civile  du  xV^  siècle  avec  son 
auvent  à  trois  pignons  et  avec  les  deux  galeries  en  bois  de  sa 
cour  intérieure  dont  le  puits  est  encore  intact.  Les  toits  élancés 
sont  garnis  de  crêtes  et  les  lucarnes  se  distinguent  par  l'élégance 
de  leurs  épis  de  plomb  refondus  dans  les  vieux  moules.  La  voûte 
en  bois  de  la  grande  salle  des  malades  aff'ecte  la  forme  d'une 
carène  renversée  et  la  cheminée  de  la  cuisine  mérite  d'attirer 
l'attention.  M.  l'abbé  Bavard  a  écrit  l'histoire  de  ce  célèbre  hôpi- 
tal -  qui  possède  de  splendides  tapisseries  du  xv-"  siècle  données 
par  les  comtes  de  Flandre  et  un  retable  attribué  à  Van  der  Wey- 
den  qui  représente  le  Jugement  dernier.  L'artiste  a  peint  sur  les 
volets  les  portraits  du  pape  Eugène  IV,  de  Phihppe  le  Bon,  du 
chancelier  Rolin  et  du  cardinal  Rolin. 


1.  On  trouvera  le  relevé  complet  de  cette  belle  église  dans  les  Archiva  de 
h  Commission  des  Monuments  historiques,  t.  I. 

2.  Histoire  de  V Hôtel-Dieu  de  Beanne,  i443-i8So(Beaune),  1881,  in-S». 


yO  CONGRÈS  ARCHÉOLOGiaUE  DE  MAÇON 

Le  beffroi  carré  dont  la  lanterne  est  flanquée  de  pinacles 
remonte  au  commencement  du  xV^  siècle  et  les  derniers  débris 
du  château  se  composent  de  deux  tours  rondes. 

La  bibliothèque  renferme  une  inscription  gauloise  et  un  autel 
gallo-romain .  Au  musée,  des  ex-voto  gallo-romains,  trouvés  à 
Sainte-Sabine,  représentent  des  enfants  au  maillot. 


MÉMOIRES 


I 

RAPPORT 

SUR   I.KS 

PROGRÉS  DE  L'ARCHÉOLOGIE 

DANS    LK 

DÉPARTEWENT  DE  SAONE-ET-LOIRE 

DE    l'année    1846    A    l'année     1899 

PAR 

M.     ARCELIN 


Messieurs, 

J'ai  commis  l'imprudence  de  me  charger  bien  tardivement  du 
compte  rendu  que  je  vais  avoir  l'honneur  de  vous  présenter,  et  le 
temps  m'a  manqué,  à  mon  grand  regret,  pour  lui  donner  toute 
l'ampleur  que  comporterait  l'historique  de  cinquante-trois  années 
d'études  et  d'investigations  archéologiques.  Je  devrai  me  borner 
à  vous  signaler  les  résultats  généraux,  espérant  d'ailleurs  que  les 
communications  qui  vous  seront  faites  au  cours  des  séances  du 
Congrès  viendront  combler  les  lacunes  de  mon  rapport. 

Nous  prendrons  pour  point  de  départ  la  session  tenue  à 
Autun  par  la  Société  française  pour  la  conservation  des  monu- 
ments historiques  en  1846.  On  était  alors  dans  la  période  la  plus 
brillante  du  mouvement  de  restauration  scientifique  auquel  pré- 
sidait avec  tant  d'autorité  votre  illustre  fondateur,  M.  de  Caumont. 


72  CONGKl-S    ARCIIEOLOGiaUE    DH    MAÇON 

La  Société  tenait  sa  treizième  session,  inaugurée  à  Metz,  conti- 
nuée à  Autun  et  à  Chalon-sur-Saône,  terminée  à  Lyon. 

En  relis'ant,  il  y  a  quelques  jours,  le  compte  rendu  de  cette 
réunion,  je  voyais  surgir  devant  moi,  dans  les  brumes  d'un  passé 
déjà  bien  loin  de  nous,  une  phalange  d'infatigables  érudits,  qui 
furent  nos  initiateurs  et  nos  maîtres,  et  que  la  mort  a  frappés  les 
uns  après  les  autres.  Permettez-moi  d'envoyer  un  souvenir  ému 
à  ces  absents  regrettés  et  de  saluer  un  des  rares  survivants  des 
temps  héroïques  de  l'archéologie  française,  le  vénérable  président 
de  la  Société  Eduenne,  M.  BuUiot,  que  nous  aurons  le  plaisir  de 
retrouver  dans  quelques  jours  à  Autun,  au  poste  d'honneur  qu'il 
n'a  cessé  d'occuper,  ajoutant  chaque  année  un  fîeuron  à  sa  cou- 
ronne scientifique. 

Je  suivrai  dans  cette  revue  rétrospective  l'ordre  chronologique. 
En  l'an  de  grâce  1846,  il  n'était  pas  encore  question  des  temps 
préhistoriques;  mais  on  se  préoccupait  déjà  de  recueillir  les 
traces  encore  peu  connues  de  nos  premiers  ancêtres.  Le  Congrès 
d' Autun  inaugura  dans  notre  région  l'étude  méthodique  des 
monuments  celtiques  et  permit  de  pressentir  l'importance  qu'elle 
y  prendrait  un  jour.  Mais  on  ne  pouvait  pas  soupçonner  alors 
qu'avant  les  Celtes  et  les  Gaulois,  des  populations  innommées 
avaient  laissé  partout  des  traces  innombrables  de  leur  existence 
et  de  leurs  industries.  Boucher  de  Perthes  n'avait  pas  encore 
publié  ses  découvertes,  accueillies  au  début  comme  de  pures 
rêveries.  Quinze  années  se  passèrent  en  discussions  contradic- 
toires et  le  problème  de  l'ancienneté  géologique  de  l'homme  ne 
fut  vraiment  posé  en  France  que  vers  l'année  186 1,  a  la  suite 
des  belles  recherches  d'Edouard  Lartet.  Le  livre  fameux  du  géo- 
logue anglais.  Sir  Charles  Lyell,  The  Antiqiiity  of  Man,  paru  en 
1863,  fit  surgir  partout  des  chercheurs  enflammés  de  zèle  pour 
l'exploration  des  voies  nouvelles  ouvertes  à  leur  activité.  L'année 


L  ARCHEOLOGIE    DANS    SAONE-ET-LOIRE  73 

suivante,  en  1864,  un  organe  mensuel  était  créé  par  M.  de 
Mortillet,  sous  le  titre  Matériaux  pour  Vhistoire  philosophique  et 
naturelle  de  r homme,  dans  le  but  de  grouper  et  de  coordonner  les 
résultats  obtenus. 

Le  département  de  Saône-et-Loire  ne  tarda  pas  à  entrer  dans 
le  mouvement.  Un  géologue  enlevé  trop  jeune  à  la  science, 
Henri  de  Ferry,  en  fut  l'initiateur.  Il  publiait,  au  mois  de  mars 
1867',  le  résultat  de  ses  recherches,  qui  mettaient  hors  de  doute 
l'existence  de  l'homme  quaternaire  en  Maçonnais.  Il  avait 
retrouvé  ses  traces  sur  quatre  points  différents  et  posait  comme 
premiers  jalons  dans  le  champ  de  ses  recherches  la  grotte  de 
Vergisson,  l'atelier  paléolithique  de  Charbonniètes,  la  station 
de  l'âge  du  renne  de  Solutré  et  la  station  moustérienne  de  la 
Roche  Bregnat,  à  Bussières. 

Vers  la  même  époque  nous  entreprîmes  en  collaboration  l'ex- 
ploration des  riches  gisements  de  Solutré.  Le  compte  rendu  de 
nos  fouilles  fut  présenté  à  l'Académie  de  Mâcon  en  1868  et  au 
Congrès  international  d'anthropologie  et  d'archéologie  préhisto- 
rique, dont  la  troisième  session  se  tint,  la  même  année,  à 
Norwich^ 

Après  la  mort  de  M.  de  Ferry,  les  fouilles  de  Solutré  furent 
continuées  par  M.^'abhé  Ducrost  et  par  moi''.  Notre  ami  M.  de 
Fréminville  y  fit  aussi  quelques  travaux  d'exploration.  La  collec- 
tion de  M.  l'abbé  Ducrost  a  été  donnée  par  lui  au  Muséum  de 
Lyon  ;  vous  pourrez  voir  la  mienne  dans  les  vitrines  du    Musée 

1.  De  Ferry,  V Anciennelc  de  T homme  en  Maçonnais,  Gray,  1867,  in-4. 

2.  De  Ferry  et  Arcelin,  VAge  du  Renne  en  Maçonnais,  mémoire  sur  le  gisement 
arctiéotogique  du  crot  du  Charmer,  inséré  dans  les  Annales  de  V Académie  de 
Mâcon,  ire  série;  t.  VIII,  1869,  P-  432-471;  et  dans  :  Transactions  of  thc 
international  Congress  of  prehistoric  Archœology,  third  session,  London,  1869, 
p.  519. 

3.  Le  Musée  de  Parav-le-Monial  possède  une  série  solutréenne  recueillie  dans 
des  fouilles  récentes. 


74  CONGRES    ARCHEOLOGIQTJE    DE    MAÇON 

de  Mâcon.  Celle  de  M.  de  Fréminville  vient  d'être  acquise  par 
l'Académie  de  Màcon.  Le  cabinet  archéologique  de  M.  de  Ferry 
est  conservé  dans  sa  famille,  à  Bussières  (Saône-et-Loire). 
Je  dois  ajouter  qu'à  plusieurs  reprises,  l'Académie  de  Mâcon 
et  le  Conseil  général  de  Saône-et-Loire  ont  voulu  s'associer  aux 
fouilles  de  Solutré  par  des  subventions  importantes. 

L'exploration  de  ce  riche  gisement  archéologique  a  donné 
lieu  à  une  bibliographie  considérable  dont  les  éléments  sont 
dispersés  dans  un  grand  nombre  de  recueils,  parmi  lesquels  je 
citerai  surtout  :  les  Annales  de  V Académie  de  Mâcon,  les  Archives  du 
Muséum  de  Lyon,  la  Revue  du  Lyonnais,  les  Matériaux  pour  l'histoire 
primitive  et  naturelle  de  r homme,  les  Bulletins  des  Sociétés  d'anthro- 
pologie de  Paris  et  de  Lyon,  la  Revue  archéologique,  V Anthropologie  ' . 

Les  travaux  d'exploration  s' étant  poursuivis  pendant  plus  de 
trente  ans,  on  ne  sera  pas  surpris  que  les  premiers  comptes  rendus 
soient  l'expression  imparfaite  et  incomplète  des  fliits  qui  ne  furent 
mis  en  lumière  que  progressivement.  J'ai  résumé  dans  une  note 
publiée  par  V Anthropologie,  en  1890,  l'état  de  la  question  à  cette 
époque  ^  Les  fouilles  opérées  depuis,  dont  le  compte  rendu  est 
encore  inédit,  n'ont  pas  modifié  sensiblement  les  résultats  acquis 
alors  et  que  l'on  peut  considérer  comme  définitifs. 

En  résumé,  le  gisement  de  Solutré  s'est  formé  lentement,  dans 
un  talus  d'éboulement  où  l'on  peut  constater  la  succession  régu- 
lière de  cinq  zones  différentes'  caractérisées  par  une  faune  et  par 
une  industrie  qui  varient  suivant  le  niveau  stratigraphique. 

1 .  Consulter  en  particulier  :  Etudes  sur  la  stalion  prchisloriqtie  de  Solutré,  par 
MM.  l'abbé  Ducrost  et  D""  Lortet,  dans  les  Archives  du  Muséum  de  Lyon, 
t.  I;  i^c  livraison,  1872,  in-4. 

Le  Maçonnais  préhistorique,  par  MM.  de  Ferry,  Arcelin  et  Pruner-bey.  Paris, 
Reinwald,  1870,  in-4°  publié  sous  les  auspices  de  l'Académie  de  Mâcon. 

2.  A.  Arcelin,  Les  nouvelles  fouilles  de  Solutré,  près  Mâcon  (Saône-et-Loire), 
dans  V Anthropologie,  1890,  p.  295. 


L  ARCHEOLOGIE    DANS    SAÔNE-ET-LOIRE  75 

M.  de  Mortillet  a  pris  cette  station  comme  type  d'une  époque 
irchéologique  qu'il  appelle  l'époque  solutréenne  et  qui  aurait 
)récédé  l'époque  quaternaire  la  plus  récente  ou  magdalénienne '. 
[e  déclare  qu'il  m'est  impossible  de  trouver  à  Solutré  les  carac- 
ères  sur  lesquels  s'est  appuyé  M.  de  Mortillet  pour  lui  assigner 
:ette  position  stratigraphique  et  chronologique.  Les  belles  pointes 
le  lances  et  de  flèches  retrouvées  en  si  grand  nombre  dans  ce 
gisement  ne  sont  pas  particulières  à  un  horizon  déterminé.  Sur 
:e  point,  je  m'associe  complètement  aux  conclusions  formulées 
3ar  M.  Piette  d'après  ses  belles  recherches  dans  les  grottes  du 
Tîidi  de  la  France  et  particulièrement  à  Brassempouy.  Si  l'on  tient 
:ompte  des  variations  de  la  faune,  il  faut  admettre  que  les  zones 
nférieures  et  les  zones  supérieures  correspondent  à  deux  climats 
iifferents.  Si  Ton  s'appuie  sur  les  produits  de  l'industrie  du  silex 
taillé,  on  constate  que  les  pointes  de  lances  et  de  flèches  appar- 
tiennent à  la  zone  supérieure.  Les  zones  inférieures  renferment 
les  types  moustériens  et  acheuléens.  Mais  si  l'on  considère  le 
travail  de  l'os  et  de  la  corne  ainsi  que  les  autres  produits  indus- 
triels aux  différents  niveaux,  on  reconnaît  que,  dans  leur  ensemble, 
ils  offrent  les  plus  grands  rapports  avec  ce  que  M,  de  Mortillet 
appelle  l'industrie  magdalénienne. 

Solutré  fait  échec  aux  classifications  dogmatiques  et  intransi- 
geantes, qui  ont  eu  peut-être  leur  excuse  au  début  de  nos  études, 
mais  qui  sont  inconciliables  avec  les  progrès  de  l'archéologie 
préhistorique.  De  la  base  au  sommet,  Solutré  appartient  au  qua- 
ternaire récent  et  ne  peut  être  assimilé,  sauf  bien  entendu  des 
différences  locales,  qu'à  l'époque  glyptique  de  M.  Piette. 

Le  département  de  Saône-et-Loire  renferme  les  traces  d'époques 
plus  anciennes.  J'ai  déjà  nommé  la  grotte  de  Vergisson  et  la  sta- 

I.  G.  de  Mortillet,  le  Préhisloriqiie, Fans,  Rcinwald,  1885,  in-8,  p.  355  et 
suiv. 


76  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQ.UE  DE  MAÇON 

tion  de  Charbonnières  explorées  par  M.  de  Ferry  ',  où  se  révèlent 
les  caractères  propres  à  l'époque  moustérienne.  Il  faut  y  ajouter 
la  grotte  de  GermoUes  fouillée  par  M.  Méray,  de  Chalon-sur- 
Saône.  Le  compte  rendu  de  ces  fouilles  a  été  publié  dans  les 
Mémoires  de  la  Société  d'histoire  et  d'archéologie  de  Chalon,  en 
1876-.  Je  citerai  encore  la  station  de  la  Senetrière,  à  Sennecey- 
lès-Mâcon  où  M.  Lafay  a  fait  de  très  belles  récoltes  publiées  dans 
la  Revue  V Anthropologie  en  1891  '  ;  les  grottes  d'Agneux  à  RuUy 
et  de  Cul  les '^;  les  stations  des  environs  de  Digoin,  et  en  parti- 
culier celle  de  la  Goulaine,  dans  le  bassin  de  la  Loire,  que 
M.  Perot  a  fait  connaître  K 

Les  environs  de  Chalon  ont  révélé  une  époque  plus  ancienne 
encore,  que  je  n'hésite  pas  à  rapporter  au  chelléen.  MM.  Lemosy 
et  Paul  Pinette  y  ont  recueilli,  dans  un  banc  de  sables  quater- 
naires, reposant  sur  les  marnes  tertiaires  de  Saint-Côme,  de  beaux 
spécimens  de  hachettes  chelléennes.  Ce  banc  de  sable  occupant 
le  niveau  de  dix  mètres  environ  au-dessus  de  la  vallée  actuelle 
de  la  Saône  représente  la  terrasse  interglaciaire  des  géologues''. 
C'est  le  seul  exemple  d'un  gisement  appartenant  aux  alluvions 
quaternaires,  observé  jusqu'à  présent  dans  Saône-et-Loire. 

Les  temps  préhistoriques  ne  s'arrêtent  pas  au  quaternaire.  Ils 
empiètent  considérablement  sur  l'époque  géologique  actuelle. 
C'est  ce  qu'avait  démontré  l'étude  des  antiquités  Scandinaves  et 

1.  De  Vqvx\,V Anciennetc  de  Vhomnie  en  Maçonnais,  Grav,  1867. 

2.  Ch.  Mcray,  Fouilles  de  la  caverne  de  Gerniolles,  dans  les  Mémoires  de  la 
Soc.  dlnst.  et  d' arch.de  Chalon-sur-Saône,  t.  VI,  p.  251. 

3.  G.  Lafay,  Z.«  ateliers  préhistoriques  de  la  Senetrière  en  Maçonnais,  dans 
V Anthropologie,  Paris,  1891,  p.  289-296. 

4.  De  Mortillet,  le  Préhistorique,  p.  281. 

5.  Rapport  sur  râtelier  paléolithique  de  la  Goulaine,  par  F.  Perot,  dans  les 
Mémoires  de  la  Société  Éduenne,  nouvelle  série,  t.  XXI;  1893,  p.  347. 

6.  Mémoires  de  la  Société  des  sciences  naturelles  de  Saône-et-Loire,  t.  VI, 
1885,  p.  25. 


l'archéologie  dans  saône-et-loire  77 

es  lacs  de  la  Suisse.  Nous  en  cherchâmes  la  confirmation  dans 
îs  dépôts  archéologiques  des  alluvions  modernes  de  la  Saône  où 
ous  retrouvâmes,  M.  de  Ferry  et  moi,  des  traces  nombreuses  des 
idustries  classées  sous  les  rubriques  :  âge  de  la  pierre  polie  ou 
léolithique,  âge  de  bronze,  premier  âge  du  fer'.  Ces  traces,  en 
867,  se  trouvaient  réparties  entre  84  stations,  sur  un  parcours  de 
10  kilomètres,  de  Trévoux  au  delà  de  Chalon-sur-Saône. 

Les  berges  de  la  Saône  présentent  un  profil  formé  par  le  limon 
[ue  les  inondations  déposent  chaque  année  dans  le  fond  de  la 
■allée.  Les  différents  âges  archéologiques  y  sont  représentés  par 
[es  débris  de  l'industrie  humaine,  enfouis  d'autant  plus  profon- 
lément  qu'ils  sont  plus  anciens.  Cette  disposition  a  permis  de 
irer  de  l'étude  des  berges  de  la  Saône  des  éléments  chronolo- 
giques et  d'attribuer  une  durée  de  7  à  10.000  ans  au  régime  géo- 
ogique  actuel  de  la  vallée. 

Les  limons  modernes  de  la  Saône  reposent  sur  des  marnes  où 
'on  trouve  des  silex  taillés  suivant  les  types  de  nos  stations  paléo- 
ithiques,  accompagnés  des  animaux  de  la  faune  quaternaire.  De 
:es  faits  nous  tirions  la  conclusion  que  l'homme  quaternaire  dans 
los  contrées  n'avait  pas  moins  de  sept  à  dix  mille  ans. 

MM.  Legrand  de  Mercey  et  Chabas^  ont  publié  leurs  obser- 
v'ations  sur  deux  points  différents  du  cours  de  la  Saône.  Aux 
environs  de  Chalon-sur-Saône,  M.  Chabas  a  étudié  une  zone 
préhistorique  à  laquelle  il  croit  pouvoir  attribuer  une  antiquité 

1.  De  Ferry,  Le  Maçonnais  préhistorique,  ch.  IX,  p.  ^-^^  Annales  de  V  Académie 
le  Mdcon,  séance  du  30  août  1868  ;  A.  Arcelin,  Les  Berges  de  la  Sàdne,  temps 
celtiques  :  fer,  bronze, pierre  polie,  dans  les  Annales  de  V Académie  de  Mdcon,  i  '•'-'  série, 
t.  VIII,  1869,  p.  392-414. 

2.  Legrand  de  Merce}',  Les  Berges  de  la  Saône,  dans  Matériaux  d'archéologie 
et  d'histoire  :  livr.  IV,   p.    61;  IX,  p.  132;  XI,  p.  167;  XII,  p.  188. 

Chabas,  Études  sur  Vantiquilc  historique  d'après  les  sources  égyptiennes  et  les 
monuments  réputés  préhistoriques,  Chalon,  1872,  in-8,  p.  495. 


yS  CONGRÈS  ARCHÉOLOGiaUE  DE  MAÇON 

maximum  de  mille  ans  avant  notre  ère.  M.  Legrand  de  Mercey 
s'abstient  de  toute  évaluation,  en  raison  de  remaniements  acci- 
dentels opérés  sur  les  points  qu'il  a  étudiés.  Il  y  a  fait  de  très 
belles  récoltes,  se  rapportant  aux  âges  de  la  pierre  polie  et  du 
bronze,  dont  le  produit  est  conservé  au  Musée  de  Tournus. 

L'époque  de  la  pierre  polie  s'est  affirmée  avec  une  richesse 
extraordinaire  dans  l'oppidum  de  Chassey,  vaste  camp  retranché 
dominant  la  vallée  de  la  Dheune,  exploré  à  diverses  époques  et  à 
différents  points  de  vue  par  MM.  BuUiot,  de  Longuy^  D' Loy- 
dreau  de  Neuilly,  Perrault.  M.  Flouest  l'a  fait  connaître  par  un 
excellent  mémoire  publié  en  1869  dans  les  Mémoires  de  la  Société 
d'histoire  et  d'archéologie  de  Chalon',  que  complète  un  travail 
de  M.  Perrault,  inséré  en  1870  dans  une  revue  chalonnaise  qui 
n'a  eu  qu'une  durée  éphémère  :  les  Matériaux  d' archéologie  et 
d'histoire-.  A  part  une  courte  communication  au  Congrès  scienti- 
fique d'Autun  en  1876,  M.  le  D'  Loydreau  de  Neuilly  n'a  pas 
encore  publié  le  résultat  de  ses  recherches.  Tous  ceux  qui  ont 
visité  ses  magnifiques  collections  font  des  vœux  pour  que  des 
matériaux  d'étude  si  importants  soient  mis  à  la  portée  du  public 
scientifique. 

Le  camp  de  Chassey  n'était  pas  le  seul  oppidum  occupé  par  les 
populations  de  l'époque  néolithique  dans  notre  département. 
Leurs  traces  ont  été  signalées  dans  les  retranchements  antiques 
qui  couronnent  les  sommets  de  Berzé-la-Ville,  du  Mont  de  Rême 
à  Change,  de  Monsard  à  Milly,  du  Camp-Varot  à  Rully,  de 
Châteaubeau  à  Saint-Martin-sous-Montaigu,  de  La  Salle,  etc.  Il 


1 .  E.  Flouest,  Nûlice  archéologique  sur  le  camp  de  Chassey,  dans  les  Mém.  de 
la  Soc.  d'hist.  et  d'arch.  de  Chalon-sur-Saône,  t.  V,  p.  237-537;  9  pi. 

2.  E.  Perrault,  Note  sur  un  foyer  de  l'dge  de  la  pierre  polie,  découvert  au  camp 
de  Chassey,  dans  les  Matériaux  d'histoire  et  d'archéologie,  Chalon-sur-Saône, 
2^  année,  no  i,  p.  201-228. 


L  ARCHEOLOGIE    DANS    SAONE-ET-LOIRE  79 

est  probable  que  des  recherches  bien  conduites  permettraient 
d'augmenter  considérablement  le  nombre  de  ces  antiques  refuges 
préhistoriques  occupés  pour  la  plupart  jusqu'à  l'époque  gallo- 
romaine,  et  plus  tard  encore. 

Le  camp  de  Chassey  a  livré  divers  objets  de  l'époque  franque. 
Un  grand  nombre  de  points  stratégiques  furent  habités  sans 
interruption  depuis  les  temps  les  plus  anciens  jusqu'au  moyen 
âge,  et  les  débris  des  âges  les  plus  récents  masquent  ceux  des 
époques  antérieures  qu'il  serait  fort  intéressant  de  rechercher. 

Il  existe  dans  le  département  de  Saône-et-Loire  un  certain 
nombre  de  monuments  dits  mégalithiques  dont  quelques-uns 
se  rapportent  sans  doute  aux  temps  préhistoriques.  M.  Monnier 
en  a  donné  un  recensement  incomplet  dans  V Annuaire  deSaône- 
el- Loire  de  1859.  M.  BuUiot  a  fiiit  connaître  ceux  de  l'Autunois, 
menhirs,  pierres  branlantes,  pierres  à  bassins,  dans  un  beau  livre 
sur  lequel  je  reviendrai  tout  à  l'heure.  Sous  réserve  d'une  attri- 
bution précise,  le  nombre  de  ces  monuments  mégalithiques  ou 
présumés  tels  s'élève  à  98.  Citons  en  particulier  les  menhirs  de 
Boyer',  de  La  Chapelle-sous-Brancion-,  de  Couches,  de  Saint- 
Micaud;  le  dolmen  du  bois  de  Morphée  à  Suin  '  ;  l'alignement 
de  Saint-Pantaléon,  près  d'Autun^. 

Des  trouvailles  consistant  en  silex  taillés  et  en  hachettes  polies 
néolithiques  ont  été  signalées  dans  cinquante-huit  localités,  sans 

1.  Malcriaux   iV archéologie   et  d' histoire,   Chalon-sur-Saône,    1869,   p.    125; 

pi.  XVII. 

2.  IhiJ.,  p.  127;  pi.  XVIII. 

3.  Bulliot,  Essai  sur  le  système  dcjensij  des  Romains,  p.  85. 

4.  E.  Chantre,  Les  menhirs  du  CIjamp  de  la  Justice  ou  alignement  de  Sain t- 
Panlalêon,  près  Autim  {Saône-et-Loire),  dans  les  Matériaux  pour  V histoire  primitive 
et  naturelle  deThomme,  1885,  p.  4)5- 

Ces  menhirs  signalés  par  M.  Rigolot,  d'Autun,  à  la  Commission  des  monu- 
ments mégalithiques,  ont  été  redressés  en  partie  par  les  soins  de  cet  explora- 
teur. 


8o  CONGRÈS  ARCHÈOLOGIdUE  DE  MAÇON 

compter  les  stations  proprement  dites  au  nombre  de  trente.  Mais 
on  ne  saurait  être  trop  réservé  quand  il  s'agit  d'attribuer  un  âge 
déterminé  à  une  trouvaille  isolée.  L'étude  des  berges  de  la  Saône 
et  les  fouilles  du  Beuvray  nous  ont  appris  que  l'usage  d'instru- 
ments en  pierre  taillée  ou  polie  s'est  perpétué  dans  nos  régions 
jusqu'à  une  époque  très  voisine  de  la  conquête  romaine. 

L'âge  du  bronze  a  laissé  des  traces  assez  nombreuses,  éparses 
sur  notre  territoire.  J'ai  relevé  quatre-vingt-six  trouvailles  isolées 
d'outils  ou  d'armes  en  bronze  recueillis  dans  vingt-deux  localités. 
Dans  ce  nombre  la  Saône  compte  pour  soixante-sept  trouvailles. 
On  pourrait  y  ajouter  un  grand  nombre  d'objets  figurant  sous 
l'étiquette  de  Mâcon,  dans  plusieurs  collections  françaises  ou 
étrangères,  mais  leur  origine  est  très  douteuse.  Ils  proviennent 
en  effet  de  la  collection  de  M™''  Febvre,  où  l'on  voyait  bien 
quelques  bronzes  trouvés  à  Mâcon  ou  aux  environs,  mais  dont  la 
plus  grande  partie  provenait  du  vieux  cuivre  acheté  pour  la  fonte 
par  une  usine  de  notre  ville. 

On  a  rencontré  dans  cinq  localités,  à  Anzy-le-Duc,  à  Audour, 
à  Curgy,  à  Sarry,  à  La  Truchère,  de  ces  amas  d'objets  en  bronze 
étudiés  sous  le  nom  de  trésors  ou  de  cachettes  de  fondeur. 
MM.  Chantre,  Bulliot,  de  Mortillet  ont  publié  celles  d 'Anzy  %  de 
Curgy ^  et  de  Sarry'.  La  trouvaille  de  La  Truchère  se  trouve  en 
partie  dans  la  collection  de  M.  Legrand  de  Mercey  au  Musée  de 
Tournus.  Celle  d'Audour,  que  je  connais  grâce  à  l'obligeance  de 
M.  le  comte  de  Dortans,  est  encore  inédite.  Il  est  inutile 
d'ajouter  que  toutes  ces  trouvailles  ne  se  rapportent  pas  à  l'âge 


1.  E.  Chantre,   Matériaux  pour   rhisloire  priiiiitive  et  naturelle  de  Vbonime, 
t.  Vm,  1873;  pi.  n. 

2.  Bulliot,  Essai  sur  le  système  défensif  des  Romains,  p.  148. 

5.  De  Mortillet,  fe  Musée  préhistorique;  pi.  lxx  et  lxxi;    Récoltes   de  M.  le 
Dr  Bailleau. 


L  ARCHÉOLOGIE    DANS    SAÔNE-ET-LOIRE  8l 

du  bronze  proprement  dit;  un  certain  nombre  d'entre  elles 
doivent  être  classées  dans  l'âge  du  fer.  On  sait  en  effet  que  l'em- 
ploi simultané  de  ces  deux  métaux  a  marqué  les  débuts  de 
l'époque  du  fer. 

Je  ne  connais  pas  une  seule  sépulture  de  l'âge  du  bronze  dans 
le  département.  L'époque  de  la  pierre  polie  nous  en  a  donné 
sept  ou  huit.  Les  fouilles  de  Solutré  ont  mis  au  jour  un  nombre 
considérable  de  sépultures  dont  les  plus  récentes  datent  de  l'époque 
franque,  et  les  plus  anciennes,  une  quarantaine,  de  l'époque  quater- 
naire. On  a  contesté  l'âge  de  ces  dernières.  Les  rites  funéraires 
observés,  la  forme  des  crânes  recueillis  contrariaient  certaines 
théories.  Je  crois  avoir  fait  la  part  de  chaque  époque  et  je  ne  doute 
pas  que  l'homme  quaternaire  soit  réellement  représenté  parmi 
les  restes  humains  extraits  des  foyers  de  l'âge  du  renne.  Je  les 
ai  recueillis  de  mes  propres  mains  et  dans  des  conditions  qui 
écartent  de  mon  esprit  toute  crainte  de  confusion.  Nous  possé- 
dons une  autre  relique  humaine,  datant  de  la  même  époque,  le 
crâne  dit  de  La  Truchère,  découvert  par  M.  Legrand  de  Mcrcey 
dans  les  marnes  quaternaires  de  la  Saône,  en  1868.  MM.  Hamy  et 
de  Quatrefages  l'ont  pris  pour  le  type  d'une  des  races  quater- 
naires. Il  est  conservé  actuellement  au  Musée  de  Tournus  '. 

I.  A.  Arcelin,  Les  Scpultiires  de  Vdge  du  Renne  de  Sohitré,  dans  la  Revue  des 
questions  scientifiques  de  Bruxelles,  t.  III,  p.  349. 

Broca,  Sur  les  crânes  de  Solutré,  dans  les  Bulletins  delà  Société  d'anthropologie  de 
Paris,  séance  du  6  novembre  1873,  p.  819. 

Hamy,  Sur  les  ossements  humains  de  Solutré,  dans  le  Bulletin  de  la  Soc.  d'an- 
thropologie de  Paris,  1873,  séance  du  20  novembre,  p.  842. 

D""  Pruner-bey,  le  Maçonnais  préhistorique;  Supp\émt:nt  de  Quatrefages  et 
Hamy,  Crdniaethnica,  p.  64  et  87. 

De  Quatrefages,  Introduction  à  Vétiide  des  races  humaines,  p.  70,  fig.  59-60; 
Hommes  fossiles  et  hommes  sauvages,  fig.  45,  46,  47,  p.  76. 

Dr  Pruner-bey,  Description  du  crâne  de  La  Truchère,  dans  les  Matériaux  d'archéo- 
logie et  d'histoire,  Chalon-sur-Saône,  1869,  n"  XII,  p.  188;  pi.  xxv  et  xxvi. 

CoNGRl':S   ARCHÉOI.OGiaUE    DK    MAÇON.  6 


82  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  MAÇON 

Cette  digression  anthropologique  nous  a  ramenés  en  arrière. 
Je  reprends  la  suite  de  mon  exposé. 

Nous  étions  arrivés  à  l'époque  où  le  fer  fait  sa  première  appa- 
rition. On  peut  voir  dans  les  collections  publiques  et  privées  de 
Mâcon  et  de  Chalon  un  certain  nombre  d'outils  et  d'armes  en 
bronze  qui  se  rapportent  au  premier  âge  du  fer,  à  la  civilisation 
d'Hallstatt  :  haches  à  douille  et  à  ailerons,  lames  d'épées  à 
encoches  et  à  languette,  pointes  de  lances  à  douille,  pointes 
de  flèches  à  ailerons,  rasoirs,  grandes  épingles,  etc.  Les  dragages 
de  la  Saône  ont  fourni  la  plupart  de  ces  objets.  Je  possède  une 
poignée  d'épée  à  antennes  du  type  d'Halstatt  venant  également 
de  la  Saône.  Le  type  de  la  Tène  est  représenté  dans  la  riche  col- 
lection de  M.  Grozelier,  à  Chalon. 

M.  de  Fréminville  a  exploré  sur  la  commune  d'Igé  une  qua- 
rantaine de  sépultures  par  inhumation  du  premier  âge  du  fer.  Le 
compte  rendu  de  ces  fouilles  a  paru  dans  les  Annales  de  l' Académie 
de  Mâcon\  L'auteur  a  figuré  les  principaux  objets,  bracelets 
ouverts  en  bronze  fondu,  ornés  de  traits  gravés;  rasoirs  en  bronze  ; 
fragments  de  lames  d'épée  en  fer  ;  grains  de  collier  en  verroterie 
et  bracelets  en  schiste.  J'ai  fouillé  moi-même  cinq  tumuli  du 
même  âge  sur  la  commune  de  Verzé.  On  a  signalé  des  trouvailles 
se  rapportant  à  cette  époque  dans  onze  localités. 

Quelques  sépultures,  par  inhumation  ou  par  incinération, 
généralement  sous  tumulus,  plus  ou  moins  imparfaitement 
explorées,  doivent  être  attribuées  à  l'époque  gauloise.  Les  tombelles 
du  plateau  de  Montmort,  fouillées  par  M.  Carion,  méritent  une 
mention  spéciale.  Ce  sont  des  sépultures  par  incinération.  On  y 
a  trouvé,  avec  des  débris  de  poterie,  d'armes  et  d'armures  en  fer, 
une   lame  d'épée    tordue   intentionnellement  suivant    un    rite 

I.  De  Frcniinville,  Les  Toiiilvlles  (Vlgc,  dans  les  Annales  de  V Académie  de 
Miicoii,  2*  série,  t.  I,  p.  97;  5  pi.,  1878. 


L  ARCHEOLOGIE    DANS    SAOXE-ET-LOIRE  83 

funéraire  bien  connu.  Le  produit  Je  ces  fouilles  est  au  Musée  de  la 
Société  Éduenne.  M.  Carion  a  émis  l'opinion  que  le  plateau  de 
Montmort  pouvait  être  le  lieu  de  la  bataille  livrée  par  César  aux 
Helvètes. 

Si  l'on  met  à  part  les  sépultures  et  les  monnaies,  la  civilisation 
des  Gaulois  de  l'histoire,  antérieurs  à  la  conquête  romaine,  a 
laissé  généralement  peu  de  traces.  C'est  une  civilisation  muette. 
Les  Gaulois  n'écrivaient  pas  :  donc  pas  d'inscriptions  gravées  sur 
métal  ou  sur  pierre;  ils  ne  construisaient  pas  de  grands  édifices  et 
vivaient  le  plus  souvent  sous  des  huttes  en  clayonnages  et  en  bois. 
Leurs  croyances  mythologiques  ne  se  manifestaient  pas  sous  la 
forme  de  sculptures. 

Partout  où  les  générations  humaines  se  sont  succédé  sans 
interruption,  les  humbles  vestiges  de  cette  civilisation  ont  disparu 
sous  des  constructions  plus  récentes.  Un  catalogue  complet  des 
trouvailles  de  monnaies  gauloises  serait  donc  indispensable  pour 
établir  la  géographie  de  nos  contrées  à  l'époque  qui  nous  occupe. 
En  nous  aidant  de  ces  indices  nous  pouvons  affirmer  l'existence 
de  quelques  centres  d'habitation  plus  ou  moins  importants  : 
Mâcon,  Tournus  et  Chalon  sur  la  Saône;  l'oppidum  de  Chassey, 
celui  de  Suin;  auxquels  il  faut  probablement  ajouter  ceuxd'Anost, 
de  Gourdon,  du  mont  Dardon  à  Uxeau,  du  mont  de  Glenne 
à  La  Grande- Verrière,  du  mont  de  Rème  à  Change.  A  Saint- 
Aubin-en-Charollais,  au  finage  de  Cologne,  M.  Bulliot  a  signalé 
des  vestiges  gaulois  très  importants  couvrant  un  plateau  de  vingt 
hectares  ' . 

Par  suite  de  circonstances  rares  dans  l'histoire  des  peuples,  les 
ruines  de  l'antique  capitale  des  Éducns,  de  la  citadelle  de  Bibracte 
étaient  restées  jusqu'à  nos  jours  vierges  de  toute  profanation,  sous 

I.  Mémoires  de  la  Soc.  Éduenne,  t.  V,  nouvelle  série,  p.  485. 


84  CONGRÈS    ARCHÉOLOGICIUE    DE    MAÇON 

les  ombres  épaisses  de  la  forêt  qui  les  recouvre,  au  sommet  du 
mont  Beuvray.  Dans  les  dernières  années  qui  précédèrent  l'ère 
chrétienne,  le  vieil  oppidum  fut  abandonné  et  ses  habitants  se 
portèrent  en  masse  dans  la  ville  nouvelle  qui  s'élevait  sur  les 
bords  de  l'Arroux,  à  25  kilomètres  de  là,  sous  le  nom  d'Augus- 
todunum.  L'identification  de  Bibracte  avec  le  Beuvray,  longtemps 
controversée,  est  maintenant  mise  hors  de  doute.  Les  travaux 
d'exploration  accomplis  au  Beuvray  ont  définitivement  tranché 
la  question. 

Les  fouilles  commencées  en  1865  par  M.  Garenne,  continuées  en 
1866  par  M.  le  V'^  d'Aboville,  furent  dirigées  depuis  l'année  1867 
avec  une  irréprochable  méthode  par  M.  Bulliot.  Une  série  de 
comptes  rendus  publiés  dans  les  Mémoires  de  la  Société  Éduenne 
de  1872  à  1892,  en  ont  feit  connaître  les  superbes  résultats.  Ces 
comptes  rendus  viennent  d'être  réunis,  par  leur  auteur,  en 
deux  volumes  accompagnés  d'un  album  de  61  planches  par 
MM.  Thiollier'. 

Le  mont  Beuvray  forme  un  massif  dont  le  point  culminant  est  à 
820  mètres  d'altitude  et  dont  la  base  s'étale  sur  une  circonférence 
de  20  kilomètres.  L'oppidum  occupait  au  sommet  de  ce  massif 
imposant  une  surface  de  135  hectares  protégée  par  de  solides 
murailles  de  terre,  retenues  par  des  poutres  assemblées  entre  elles. 
Des  fossés  en  défendaient  l'accès.  On  y  pénétrait  par  des  portes 
flanquées  de  bastions  et  de  tours  en  bois.  A  l'intérieur,  on  dis- 
tingue trois  quartiers  différents  correspondant  à  des  plateaux 
séparés  les  uns  des  autres  par  de  petites  vallées. 

Les  fouilles  de  M.  Bulliot  ont  mis  au  jour  les  restes  d'un  temple, 
d'un  forum  où  se  tient  encore  une  foire  importante  et  de  nom- 
breuses habitations  :  les  unes  assez  luxueuses  construites  en  pierres, 

I.  J.-G.  Bulliot,  Fouilles  du  mont  Beuvray,  ancienne  Bibracte,  de  iS6y  à  iSçf, 
2  vol.  in-8,  Autun,  1899. 


L  ARCHEOLOGIE    DANS    SAO\E-ET-LOIRE  85 

ornées  de  mosaïques;  les  autres  plus  modestes,  bâties  en  pisé  et 
en  bois.  Ces  dernières  abritaient  les  industries  les  plus  diverses 
parmi  lesquelles  la  métallurgie  et  rémaillerie  paraissent  avoir  tenu 
la  première  place. 

Au  lieu  dit  La  Pierre-de-la-Wivre  est  un  rocher  taillé  de  main 
d'homme  dominant  un  plateau  nivelé  artificiellement,  où 
M.  Bulliot  place  le  lieu  d'assemblée  des  chefs  gaulois. 

Le  savant  explorateur  a  donné  les  plus  intéressants  détails  sur 
les  procédés  de  construction,  la  disposition  des  édifices,  leur  mode 
de  chauffage,  les  industries  des  habitants,  la  céramique,  les  rites 
funéraires.  Au  Beuvray,  on  pratiquait  l'incinération  et  les  cendres 
des  morts  reposaient  souvent  au  centre  de  la  maison,  sous  le  foyer 
domestique  ou  l'enclume  du  forgeron.  M.  BuUiot  s'est  associé  des 
collaborateurs  pour  l'étude  des  questions  techniques  :  M.  de 
Fontenay  pour  l'étude  des  procédés  propres  à  l'émaillerie; 
M.  Anatole  de  Barthélémy  pour  la  numismatique.  La  série  des 
monnaies  romaines  du  Beuvray  ne  permet  pas  de  remonter  au 
delà  de  l'an  65  avant  J.-C.  Elle  s'arrête  à  l'an  5  de  notre  ère, 
sous  l'empereur  Auguste.  La  céramique  a  fourni  des  spécimens 
précieux  de  l'art  gaulois.  On  remarque  en  particulier  des  vases 
peints,  à  ornements  géométriques,  où  l'on  a  cru  voir  la  trace 
d'influences  grecques  ou  orientales,  mais  qui  sont  bien  certaine- 
ment de  fabrication  indigène,  comme  l'a  démontré  M.  J.Déche- 
lette,  le  savant  conservateur  du  Musée  de  Roanne,  devenu  aussi 
le  collaborateur  de  M.  Bulliot,  pour  la  continuation  des  fouilles 
du  Beuvray'. 

Quelques  hachettes  en  pierre  polie  et  des  lames  de  silex  ont 
été  recueillies  parmi  des  débris  de  maisons.  Faut-il  les  attribuer 
aux  premiers   habitants  du  Beuvray  préhistorique  ?  L'usage  de 

I.  J.  Dcchelette,  Les  Vases  peints  gallo-romains  dit  M 11  sec  de  Roanne,  dans  la 
évite  archèoloi;iqite,  3e  série,  t.  XXVI,  1895,  p.  196. 


86  COXGKÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  MACOX 

ces  outils  primitifs  s'était-il  perpétué  parmi  les  métallurgistes  de 
l'époque  gauloise  si  habiles  dans  l'art  de  travailler  le  fer  ?  Cette  der- 
nière hypothèse  est  peu  vraisemblable.  Mais  comme  ces  outils  en 
pierre  taillée  et  polie  se  trouvent  incontestablement  au  milieu 
des  cabanes,  associés  à  beaucoup  d'autres  objets  mobiUers,  on 
peut  supposer  qu'ils  étaient  conservés  à  titre  d'amulettes  et  de 
talismans.  On  sait  en  effet  que  le  culte  des  pierres,  y  compris 
les  instruments  préhistoriques,  tenait  une  place  considérable 
dans  les  superstitions  des  anciens. 

Je  ne  m'étendrai  pas  davantage  sur  la  question  du  Beuvray. 
Peut-être  même  en  ai-je  trop  dit  sur  un  sujet  que  vous  aurez 
beaucoup  plus  de  plaisir  et  de  profit  à  entendre  traiter  dans 
quelques  jours,  à  Autun,  par  M.  Bulliot  lui-même,  en  visitant 
les  belles  collections  de  la  Société  Eduenne  où  se  trouve  la  plus 
grande  partie  du  produit  des  fouilles.  Le  reste  est  au  Musée  de 
Saint-Germain. 

Entre  rx\utun  gallo-romain  et  le  Beuvrav  gaulois,  le  contraste 
est  saisissant. 

Ici  une  population  rude  et  illettrée  d'artisans  et  de  guerriers, 
cantonnée  au  milieu  des  bois  sous  des  huttes  grossières  ;  là  une 
ville  ouverte  à  tous  les  raffinements  de  la  civilisation  romaine, 
aux  lettres,  aux  sciences,  aux  arts,  attirant  dans  ses  écoles  floris- 
santes une  jeunesse  nombreuse,  fière  de  se  proclamer  la  sœur 
et  l'émule  de  Rome.  Que  s'est-il  donc  passé  ?  Le  fond  de  la  popu- 
lation n'a  pas  changé.  Ce  sont  toujours  les  fils  des  Gaulois  du 
Beuvray  qui  peuplent  les  riches  demeures  de  la  cité  nouvelle. 
L'habitant  d'Augustodunum  est  le  Gaulois  asservi,  romanisé.  La 
conquête  l'a  dépouillé  de  ses  antiques  libertés  ;  il  a  perdu  ses 
vieilles  mœurs,  son  organisation  sociale,  politique  et  religieuse. 
ÎVlalgré  tous  ces  changements,  l'archéologie  découvre  un  fond 
irréductible  où  l'âme  gauloise  est  toujours  vivante.   A  côté  de 


l'archéologie  dans  saône-et-loire  87 

beaux  fragments  d'architecture,  de  rares  débris  de  sculpture 
où  rayonnent  les  grandes  traditions  de  l'art,  on  est  surpris  de 
trouver  dans  les  riches  collections  autunoises  une  multitude  de 
monuments  funéraires  ou  religieux  qui  étonnent  par  leur  rudesse 
et  par  leur  symbolisme  étrange.  Les  archéologues  d'autrefois  ont 
fait  des  prodiges  d'érudition  pour  expliquer  ce  symbolisme  et 
ces  figures  de  dieux  et  de  déesses  par  la  mythologie  de  Rome, 
de  la  Grèce  ou  de  la  Chaldée. 

La  nouvelle  école  archéologique  y  voit  tout  simplement  la  sur- 
vivance des  anciennes  croyances  locales,  se  manifestant  sous  des 
formes  inusitées  au  temps  de  la  Gaule  indépendante.  Les  vain- 
queurs n'ont  pas  romanisé  les  consciences.  Les  écoles  méniennes 
n'ont  pas  effacé  l'œuvre  séculaire  des  collèges  druidiques.  Une 
nuée  de  génies,  de  fées,  de  déesses  des  fontaines,  des  eaux  et  des 
bois,  de  dieux  au  maillet  ou  à  la  roue,  de  personnages  fantas- 
tiques innommés  et  incompris  aujourd'hui,  surgissent  comme 
pour  protester  contre  l'invasion  des  dieux  étrangers. 

Il  y  a  longtemps  que  ces  idées  ont  cours  k  Autun.  L'éminent 
archéologue  du  pays  éduen,  M.  Bulliot,  a  toujours  revendiqué 
avec  une  ardeur  et  une  foi  qu'on  pourrait  croire  ataviques,  en 
faveur  du  génie  gaulois,  l'influence  et  la  place  qui  lui  sont  dues. 
Cette  manière  de  voir  est  amplement  justifiée  par  la  belle  série 
des  monuments  lapidaires  du  Musée  d'Autun.  Sur  plus  de  cent 
cinquante  images  de  divinités  extraites  des  laraires  domestiques 
et  des  cancels  compitaux,  il  s'en  trouve  quatre  ou  cinq  seule- 
ment rappelant  les  dieux  classiques  :  un  torse  en  grès  de  Jupiter 
tonnant,  le  Mercure  classique  figuré  sur  un  autel  mutilé,  une 
tête  de  Vénus,  la  partie  inférieure  d'une  statue  de  la  même 
déesse  et  le  torse  d'une  femme  drapée;  sans  compter  de  nom- 
breuses représentations  de  Mercure  accommodées  à  la  mode 
gauloise  avec  des  attribu  ts  particuliers. 


88  CONGRÈS  ARCHÉOLOGiaUE  DE  MAÇON 

Depuis  l'année  1846,  les  collections  autunoises  ont  subi  d'im- 
portantes transformations,  par  suite  de  l'acquisition  du  Musée 
Jovet,  puis  de  l'Hôtel  Rollin,  siège  de  la  Société  Éduenne,  où  se 
trouve  le  Musée  particulier  de  cette  laborieuse  Compagnie,  enri- 
chi par  les  libéralités  de  son  président,  M.  BuUiot. 

Les  nombreuses  publications  de  la  Société  Éduenne  sont  riches 
en  documents  concernant  l'archéologie  d'Autun  et  les  localités 
du  départem'ent  où  des  trouvailles  intéressantes  se  sont  pro- 
duites. Ne  pouvant  tout  citer,  je  dois  me  borner,  à  regret,  aux 
travaux  qui  offrent  l'intérêt  le  plus  général. 

VAutun  archéologique',  dû  à  la  collaboration  des  secrétaires  de 
la  Commission  des  antiquités  d'Autun  et  de  la  Société  Éduenne  %  | 
publié  en  1848,  donne  une  description  complète  des  monuments 
gallo-romains  connus  à  cette  époque  à  Autun  ;  les  auteurs  font 
l'historique  du  Musée,  des  fouilles  exécutées  par  les  soins  de  la 
Commission  des  antiquités,  et  ajoutent  à  leurs  savants  commen- 
taires de  nombreuses  figures  intercalées  dans  le  texte. 

Quelques  années  plus  tard,  en  1856,  M.  BuUiot  publiait  son 
Essai  sur  le  système  défensif  des  Romains  K  II  y  passe  en  revue  toutes 
les  localités  du  territoire  éduen  occupées  par  des  postes  militaires  à 
l'époque  gallo-romaine,  les  camps  retranchés,  les  châteaux,  les 
tours,  les  huttes,  et  conclut  à  une  organisation  spéciale  pour  la 
protection  du  territoire  et  des  voies  de  communication. 

On  doit  encore  à  l'infatigable  président  de  la  Société  Éduenne  un 
beau  travail  sur  la  Mission  et  le  Culte  de  saint  Martin  d'après  la  légende 
et  les  monuments  populaires,  depuis  l'an  560  jusqu'à  nos  jours  4, 


1.  Un  vol.  in-8  de  xv-300  p.,  Autun,  1848, 

2.  MM.  l'abbé  Devoucoux  et  J.  de  Fontenay. 

3 .  Bulliot,  Essai  sur  le  système  dèfensif  des  Romains  dans  le  pays  éduen .  Autun, 
1856,'  in-8  de  vi-2s6  p.,  9  planches. 

4.  Mémoires  de  la  Soc.  Eduenne,  t.  XVI-XIX,  1888-1891. 


L  ARCHEOLOGIE    DANS    SAOXE-ET-LOIRE  89 

OÙ  l'archéologie  tient  une  place  considérable.  Les  historiens 
du  grand  apôtre  des  Gaules  nous  apprennent  que  saint  Martin 
visita  le  pays  éduen  à  la  fin  du  iW  siècle., 

«  Partout  où  saint  Martin  avait  porté  ses  pas  et  sa  parole,  nous 
dit  M.  Bulliot,  guéri  un  malade,  supprimé  un  temple,  coupé  un 
arbre  sacré,  renversé  une  idole',  exorcisé  une  fontaine,  chassé 
les  génies  des  rochers,  accompli  un  miracle,  la  tradition  s'est 
emparée  du  fait  et  en  a  maintenu  le  souvenir  avec  une  ténacité 
sans  égale.  «  Grâce  à  ses  souvenirs  et  aux  nombreux  vocables  où 
figure  le  nom  de  saint  Martin,  le  savant  archéologue  suit  le 
grand  thaumaturge  dans  ses  pérégrinations  en  pays  éduen, 
d'Avallon  à  Dijon,  de  Dijon  à  Beaune  et  à  Chalon,  puis  à  Autun 
dans  les  montagnes  du  Morvan,  pour  ne  quitter  ses  traces  qu'à 
la  Loire. 

Il  montre  qu'il  existe  un  parallélisme  complet  entre  la  légende 
et  certains  vestiges  archéologiques.  Partout  où  un  vocable  quel- 
conque perpétue  le  nom  du  saint,  on  retrouve  quelques  débris 
de  temples  ou  d'oratoires  païens,  quelque  fontaine  sacrée,  quelque 
rocher,  quelque  pierre  à  bassins,  où  très  souvent  les  supersti- 
tions antiques,  purifiées  par  le  christianisme,  ont  laissé  des  traces 
encores  très  vivantes.  Il  fliut  lire  le  beau  livre  de  M.  Bulliot  pour 
comprendre  quel  contingent  l'archéologie  peut  fournir  à  l'étude 
des  croyances  populaires,  et  quelle  lumière  ces  croyances  jettent 
à  leur  tour  sur  les  superstitions  païennes.  C'est  un  commen- 
taire très  suggestif  des  monuments  lapidaires' conservés  dans  les 
musées  de  la  région,  et  des  ruines  éparses  à  travers  les  sites 
parfois  si  pittoresques  du  pays  éduen. 

Quelques  monuments  relatifs  à  l'épigraphie  autunoise  méritent 

une  mention  spéciale  :  la  très  précieuse  inscription  chrétienne  en 

.  langue  grecque,  découverte,  en  1839,  dans  le  polyandre  de  Saint- 

Pierre-l'Étrier,  a  donné  lieu  à  de  nombreux  travaux  résumés  et 


90  CONGRLS  ARCHEOLOGiaUE  DE  MAÇON 

discutés  par  M.  Roidot,  dans  les  Mémoires  de  la  Société  Ediienm\ 
Faut-il  l'attribuer  à  la  fin  du  ii^  siècle  comme  le  pensaient  le  cardi- 
nal Pitra,  M.  Franck,  le  Révérend  Wharton  Bouth  Marriot,  ou 
à  la  fin  du  iii*^  siècle,  comme  le  propose  M.  Roidot,  ou  doit-on 
la  rajeunir  encore,  suivant  l'opinion  de  Kirchoff  et  de  Rossignol  ? 
La  découverte  faite  en  1882  par  M.  Ramsa}-  de  l'inscription  dite 
d'Abercius,  évêque  d'Hiéropolis ^,  qui  est  du  11^  siècle  et  offre 
avec  l'inscription  d'Autun  des  analogies  frappantes,  ferait  pencher 
en  faveur  de  la  date  la  plus  ancienne. 

M.  le  général  Creuly  a  tiré  de  deux  inscriptions  de  Bourbon- 
Lancy  et  d'Autun  un  fragment  de  généalogie  de  la  famille 
d'Eporedirix,  personnage  éduen  nommé  dans  les  Commentaires 
de  César  ' .  Je  ne  veux  pas  omettre  Tinscription  votive  à  la  déesse 
Bibracte,  conservée  au  Cabinet  des  antiques  de  la  Bibliothèque 
nationale-^.  Enfin  je  citerai  les  inscriptions  céramiques  trouvées 
à  Autun  et  publiées  avec  d'autres  inscriptions  sur  verre,  sur 
bronze  et  sur  plomb,  par  M.  Harold  de  Fontenay  >. 

La  numismatique  gauloise  et  gallo-romaine  n'a  pas  été  négligée 
par  les  membres  de  la  Société  Éduenne.  MM.  de  Monard, 
Chappuis,  Rossignol,  Anatole  de  Barthélémy  lui  ont  consacré  des 
notes  plus  ou  moins  étendues *". 

1.  T.  XVI.  1888. 

2 .  Hiéraple,  en  Phrygie. 

3  .  Annales  de  la  Soc.  Eduenne,  t.  V,  p.  290. 

4.  Mémoires  de  la  Soc.  Eduenne,  t.  III,  nouvelle  série,  1874,  p.  299;  pi. 

5.  Mémoires  de  la  Soc.  Eduenne,  t.  III,  1874,  p.  331-449,  et  t.  IV,  p.  137. 

6.  De  Monard,  Xumis>natii]ue  des  Eduens,  dans  les  Annales  Soc.  Eduenne,  t.  11^ 
1844,  p.  5  ;  2  cartes,  16  pi.  et  fig. 

C.  Chappuis,  Note  sur  des  monnaies  gauloises  et  romaines,  trouvées  à  Autun , 
dans  les  Mém.  Soc.  Eduenne,  t.  II,  1873,  p.  397. 

A.  de  Barthélémy,  Etude  sur  les  monnaies  antiques  recueillies  au  Beuvray,  de 
i86-/  à  i8-j2,  dans  les  Mém.  Soc.  Éduenne,  t.  II,  1873,  p.  149. 

C.  Rossignol,  Monnaies  des  Éduens pendant  et  après  la  conquête,  t.  VIII,  1879» 
p.  207. 


L  ARCHEOLOGIE    DANS    SAONE- ET-LOIRE  9I 

Je  dois  citer  encore  quelques  travaux  importants  concernant  la 
topographie  autunoise  et  les  voies  de  communication  à  l'époque 
gallo-romaine,  par  MM.  BuUiot  '  et  Vincent  Durand -. 

La  ville  de  Chalon  était  le  port  le  plus  important  des  Éduens  sur 
la  Saône.  Les  empereurs  y  établirent  un  préfet  de  la  flotte  fluviale. 
Aussi  l'époque  gallo-romaine  y  a-t-elle  laissé  des  traces  nom- 
breuses, recueillies  par  les  soins  de  la  Société  d'histoire  et  d'ar- 
chéologie. Le  Musée  de  Chalon,  inauguré  en  1863,  renferme 
une  belle  série  de  bronzes,  et  des  collections  céramiques,  prove- 
nant d'un  legs  de  M.Jules  Chevrier.  Les  collections  lapidaires  infi- 
niment moins  riches  que  celles  d'Autun,  comprennent  cependant 
quelques  monuments  intéressants  :  une  inscription  votive  consa- 
crée à  un  dieu  Bacon;  deux  inscriptions  votives  à  Mercure  et  à 
Hercule  par  l'Éduen  Sextius  Orgius;  des  bas-reliefs  de  Mercure, 
d'Hercule,  de  la  déesse  Epona,  du  dieu  au  marteau;  un  groupe 
d'exécution  barbare,  mais  curieux  par  ses  détails  représentant  un 
gladiateur  terrassé  par  un  lion;  une  statue  mutilée  de  Mercure;  le 
tombeau  monumental  d'un   sévir  augustal. 

On  voit  à  Chalon  dans  une  propriété  particulière  le  bas-relief 
funéraire  bien  connu  du  cavalier  Albanus,  dont  la  Société  d'his- 
toire et  d'archéologie  a  fait  exécuter  des  moulages.  Le  Musée  de 
Chalon  s'est  enrichi  récemment  d'une  belle  mosaïque  décou- 
verte à  Sens,  près  de  Sennecey-le- Grand,  dont  le  sujet  principal 
représente  une    course  de  chars.  La  plupart  de  ces  monuments 

1.  Bulliot,  Observations  Iiistoriqiics  et  urcbeologiques  sur  les  fouilles  irAu^ustodu- 
nuni  pratiquées  en  1866  à  Vintèrieur  de  Tenceinte  romaine,  pour  l'établisseineut  du 
cheviin  de  fer  de  Chagnx  à  Étaiio-,  dans  les  Mém.  de  la  Soc.  Edueiiue,  t.  I,  1872, 
p.  349;  2  pi.  Légende  détaillée  du  plan  par  MM.  Roidot-Deleage  et  H.  de 
Fontenay,  p.  372. 

2.  Kote  sur  les  stations  et  voies  antiques  du  pays  e'duen,  dans  les  Mémoires  de  la 
Société  Eduenne,  t.  VII,  1878,  p.  149. 

Voies  romaines  d'Autun  à  Besançon,  dans  les  Mémoires  Soc.  Edueniu\  t.  I,  1872, 
P-  534- 


92  CONGRÈS  ARCHEOLOGIdUE  DE  MAÇON 

ont  été  l'objet  de  travaux  publiés  dans  les  Mémoires  de  la  Société 
d' histoire  et  d'archéologie,  sous  les  noms  de  MM.  Diard,  Coutu- 
rier, Paul  et  Marcel  Canat  de  Chizy,  Jules  Chevrier.  Je  signa- 
lerai plus  particulièrement  un  mémoire  de  M.  Paul  Canat  de 
Chizy  sur  des  mosaïques  découvertes  à  Sens  et  à  Ormes';  une 
étude  sur  les  inscriptions  antiques  des  villes  de  Chalon-sur- 
Saône  et  de  Mâcon^,  par  M.  Marcel  Canat  de  Chizy;  le  compte 
rendu  des  fouilles  opérées  à  Saint-Jean-des -Vignes  aux  frais  de 
la  Société,  par  M.  Jules  Chevrier ';  un  mémoire  du  docteur 
Gaspard  sur  les  voies  romaines  de  la  Bresse  chalonnaise^. 

Les  publications  de  la  Société  d'histoire  et  d'archéologie  se 
distinguent  par  le  luxe  des  figures  et  des  planches  dues  pour  la 
plupart  à  des  membres  de  cette  Compagnie.  M.  Jules  Chevrier, 
qui  fut  un  de  ses  collaborateurs  les  plus  assidus,  à  qui  l'on  doit 
la  création  et  l'organisation  du  Musée  de  Chalon,  enrichi  après 
sa  mort  par  le  legs  de  ses  belles  collections,  joignait  à  une  érudi- 
tion très  étendue  et  très  sûre  un  beau  talent  d'artiste  qu'il  mettait 
volontiers  au  service  de  l'archéologie. 

La  ville  de  Mâcon,  simple  castrum  élevé  tardivement  au  rang 
de  cité,  n'eut  vraisemblablement  qu'une  importance  assez  secon- 
daire à  l'époque  qui  nous  occupe  :  les  ruines  gallo-romaines  y 
sont  rares.  Vous  verrez  cependant  au  Musée  quelques  débris 
d'inscriptions  et  de  monuments,  et  le  sujet  principal  d'une 
mosaïque  découverte  à  Placé  il  y  a  quelques  années. 

1.  Paul  Canat,  Notice  sur  les  mosaïques  de  Sens  et  de  Noiry,  dans  les  Mcvi.  de 
la  Soc.  d'hist.  et  d'arch.,t.  III,  1854,  p.  129;  2  pi. 

2.  Marcel  Canat  de  Chizy,  Inscriptions  antiques  de  la  ville  de  Chalon-sur-Saône, 
dans  les  Mi'm.  Soc.  d'hist.  et  d'arch.,  t.  III,  1854,  p.  217-276;  5  pi. 

5.  J.  Chevrier,  Fouilles  de  Saint-Jean-des-Vignes,  près  Chalon-sur-Saône,  dans 
les  Mèm.  Soc.  d'hist.  et  d'arch.,  t.  III;  1854,  p.  277;  4  pi. 

4.  B.  Gaspard,  Mémoires  sur  les  routes  romaines  de  la  Bresse  chalonitaise,  dans 
les  Mc'w.  Soc.  d'hist.  et  d'arch.,  t.  III,  1854,  p.  505  ;  carte. 


L  ARCHEOLOGIE    DANS    SAONE-ET-LOIRE  9J 

Le  Musée  de  Mâcon  est  de  création  récente.  Tous  ceux  de 
mes  concitoyens  qui  fréquentaient  comme  moi  il  y  a  quarante 
ans  notre  bibliothèque  publique  doivent  se  rappeler  le  crocodile 
et  le  serpent  à  sonnettes,  empaillés  l'un  et  l'autre,  qui  pendant 
de  longues  années  symbolisèrent  l'enseignement  par  les  yeux, 
dans  la  salle  de  lecture.  Les  rares  curiosités  recueillies  depuis 
le  commencement  du  siècle  étaient  soigneusement  conservées 
dans  de  mystérieuses  vitrines,  loin  des  regards  profanes. 
Vlalgré  la  sollicitude  de  l'Académie  et  le  zèle  de  quelques-uns  de 
;es  membres,  parmi  lesquels  je  dois  un  souvenir  tout  particulier 
i  M.  Tony  Lacroix,  notre  regretté  collègue,  qui  fit  les  plus 
ouables  efforts  pour  rassembler  les  éléments  des  collections 
ocales,  le  Musée  de  Mâcon  ne  fut  définitivement  constitué,  grâce 
LU  concours  éclairé  de  la  municipalité,  qu'en  1876.  Vous  verrez 
:e  qu'il  est  devenu  sous  l'habile  direction  de  M.  Lex,  son  dévoué 
:onservateur. 

Je  dois  ajouter  qu'en  l'absence  de  collections  publiques,  des 
:ollections  privées  importantes  s'étaient  formées  à  Mâcon.  Celle 
le  M'^^'Febvre,  bien  connue  de  tous  les  archéologues,  fut  malheu- 
eusement  dispersée,  à  sa  mort,  par  ses  héritiers.  Notre  collègue 
vl.  Lacroix  nous  invite  à  visiter  le  beau  cabinet  de  numismatique 
;t  d'archéologie  formé  par  son  père.  Les  collections  de  M.  Jules 
'rotat  et  de  M"""  Dumont  nous  seront  ouvertes  également. 

En  faisant  le  dépouillement  des  mémoires  publiés  par  les 
Sociétés  savantes  du  département  et  des  travaux  de  toute  nature 
ntéressant  l'archéologie,  j'ai  relevé  les  noms  de  toutes. les  loca- 
ités  où  des  trouvailles  ont  été  signalées,  sépultures,  monuments 
apidaires,  inscriptions,  bronzes,  ruines  de  villas  ou  d'oratoires 
mtiques,  mottes  fortifiées  ou  autres,  voies  romaines.  Leur 
lombre  s'élève  à  352.  En  y  ajoutant  les  trouvailles  relatives  aux 
;ges  préhistoriques  j'arrive  au  nombre  total  de  595  localités  sur 


94  CONGRES  ARCHEOLOGiaUE  DE  MAÇON 

589  communes.  Le  temps  m'a  manqué  pour  reporter  tous  ces 
noms  sur  une  carte.  C'est  un  travail  depuis  longtemps  réclamé 
et  qui  paîlerait  aux  yeux  beaucoup  mieux  qu'un  simple  dénom- 
brement statistique. 

L'époque  barbare  a  laissé  des  vestiges  importants  dans  le 
département.  Tous  les  archéologues  connaissent  les  belles  trou- 
vailles de  M.  Henri  Baudot,  dans  le  cimetière  burgonde  de 
Charnay-lès-Chalon,  éditées  avec  luxe  par  la  Commission  des 
antiquités  de  la  Côte-d'Or,  en  1860'.  Les  fouilles  opérées  en 
1866  dans  le  cimetière  de  Saint-Jean-des-Vignes  et  à  La  Grange- 
Frangy  par  les  soins  de  la  Société  d'histoire  et  d'archéologie  de 
Chalon  ont  mis  au  jour  des  sépultures  intéressantes  des  époques 
mérovingienne  et  carlovingienne.  On  peut  en  lire  le  compte  rendu, 
fait  par  M.  Chevrier,  dans  les  Mémoires  de  cette  Société^.  On 
voit  au  Musée  de  Chalon  un  beau  sarcophage  carlovingien  pro- 
venant de  ces  fouilles.  La  même  Société  a  publié,  en  1895,  la 
sépulture  burgonde  de  Balleure  ',  et  en  1890  le  compte  rendu  des 
fouilles  de  M.  Bidault,  dans  un  vaste  cimetière  du  même  âge,  à 
Noiron-lès-Cîteaux  (Côte-d'Or)  *. 

M.  Legrand  de  Mercey  a  fait  connaître  ses  fouilles  dans  les 
cimetières  burgondes  de  Lugny  et  de  Fissy'.  Enfin,  vous  lirez 

1 .  Henri  Baudot,  Mémoire  sur  les  sépultures  des  Barbares  de  Tépoque  iiieroviu- 
gietine  découvertes  en  Bourgogne  et  particulièrement  à  Charnay,  dans  les  Mémoires 
de  la  Commission  des  antiquités  de  la  Côte-d'Or,  t.  V,  années  1857-60. 

2.  J.  Chevrier,  les  Fouilles  de  Saint-Jean-des-Vignes,  loc.  cit.,  et  t.  V,  p.  i  ; 
Les  fouilles  de  la  Grange-Frangy,  àzns  les  Mém.  Soc.d'hist.  et  d'arch.,l.  V,  1866- 
69,  p.  221;   3  pi. 

3.  A.  Arcelin,  La  sépulture  barbare  de  Balleure,  dans  les  Mém.  Soc.  d'hist.  et 
d'arch.,  t.  VIII,  1895,  p.  79. 

4.  L.  Bidault,  Rapport  sur  les  sépultures  nn'rovingiennes  de  Xoiron-lès-Cileaiix, 
dans  les  Mém.  Soc.d'hist.  et  d'arcb.,  t.  VIII,  p.  91  ;  5  pi. 

5  .  Legrand  de  Mercey,  Assemblée  générale  de  la  Soc.  des  amis  des  arts  de  Tour- 
nus,  broch.  in-8,   1882,  p.  13. 


L  ARCHEOLOGIE    DANS    SAONE-ET-LOIRE  95 

dans  le  dernier  volume  paru  des  Annales  de  V Académie  de 
Mâcon  '  le  compte  rendu  des  recherches  de  M.  Martin  dans  les 
nécropoles  barbares  de  Tournus  et  des  environs,  à  Dulphey,  près 
de  Mancey,à  Farges,à  Royer.  Vous  verrez  au  Musée  de  Tournus, 
dont  M.  Martin  est  le  très  zélé  conservateur,  le  résultat  de  ces 
belles  explorations.  Tout  récemment  de  nouvelles  tombes  méro- 
vingiennes et  carlovingiennes  ont  été  rencontrées  à  Tournus  sous 
le  cloître  roman  de  Saint-Ardoin  qui  dépend  de  l'église  Saint- 
Philibert. 

Parmi  les  trouvailles  se  rapportant  aux  siècles  du  moyen  âge 
antérieur  à  l'an  looo,  je  citerai  encore  les  belles  pièces  d'orfè- 
vrerie découvertes  à  Gourdon  consistant  en  un  plateau  et  une 
burette  en  or  massif,  actuellement  au  Musée  du  Louvre,  décrits 
et  figurés  dans  les  Mémoires  de  la  Société  d'histoire  et  d' archéologie 
de  Chalon"-.  Un  sarcophage  en  marbre  blanc  du  Musée  d'Au- 
tun,  d'origine  antique  mais  transformé  postérieurement  au 
VII*  siècle,  d'après  M.  BuUiot,  pour  recevoir  les  restes  de  saint 
Francovée  ou  saint  Franchet  '  ;  enfin  je  vous  signalerai,  dans  le 
médaillier  de  la  Société  d'histoire  et  d'archéologie  de  Chalon, 
une  précieuse  série  de  monétaires  chalonnais,  décrite  dans  les 
Mémoires  de  cette  Société,  par  MM.  Bessy  et  H.  Batault  ^ 

L'archéologie  monumentale  a  donné  •  lieu  à  de  nombreuses 
monographies  dont  le  détail  m'entraînerait  bien  au  delà  des  limites 
permises  et  du  temps  dont  je  puis  disposer.  Parcourons  le  dépar- 
tement à  vol  d'oiseau.  Voici  la  chapelle  de  Berzé-la-Ville,  que  vous 


1.  3<;  série,  t.  IV,  1899. 

2.  T.  1,  1846,  p.  287  ;  pi. 

3.  Bulliot,   'Sotice  sur  tin  sarcophage  en  marbre  blanc  du  Muscc  d'Aulun,  dans 
les  Annales  Soc.  Éduenne,  1862-64,  P-  237. 

4.  Mémoire  de  la  Soc.  d'hist.  et  d'arch.  de  Chalon-sur-Saône,  t.  I,  1846,  p.  233  ; 
t.  II,   1850,  p.  187;  t.  V,  1866-69,  p.  69;  t.  VI,  1872-76,  p.  203. 


96  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQ.UE  DE  MAÇON 

visiterez  et  dont  les  curieuses  fresques  du  xii^  siècle,  découvertes 
par  M.  le  curé  Jolivet,  ont  été  récemment  publiées  par  M.  Lex  ', 
l'Abbatiale  de  Cluny,  un  grand  nom  mêlé  à  l'histoire  du  monde 
entier,  Saint-Philibert  de  Tournus,  la  basilique  de  Paray-le-Monial, 
qui  figurent  parmi  les  excursions  projetées.  A  Chalon,  que  vous  ne 
ferez  que  traverser,  la  cathédrale  de  Saint- Vincent  %  les  restes  de 
ses  fortifications  gallo-romaines  et  du  moyen  âge  '  pourront 
attirer  votre  attention  ainsi  que  les  beaux  vitraux  du  xvi'  siècle 
de  la  chapelle  de  l'hôpital^.  Si  vous  aviez  le  temps  de  feuilleter 
les  Mémoires  de  la  Société  d'histoire  et  d'archéologie,  vous  y 
trouveriez  d'intéressantes  notices  sur  les  peintures  murales  du 
xii^  siècle  de  Saint-Vincent  de  Mâcon^,  sur  le  tombeau  de  Pierre 
le  Vénérable  à  Cluny '^,  sur  l'abbaye  de  Lancharre^,  sur  les 
églises  de  Saint-Désert^,  de  Saint-Marcel 9,  sur  la  crosse  en  bois 

1.  Lex,  Peintures  tJiiirales du XII<^siècîe,àBcrzé-la-Vï\\e,  1895,  8  p., 6  pi.,  in-8. 

2.  Louis  de  Cissey,  Souvenirs  historiques  de  Vcglise  Saint-Vincent  de  Chalon. 
dans  les  Mèm.  Soc.  d'hist.  et  d'arch.  de  Chalon,  t.  II,  1846,  p.  115. 

3.  L.Niepce,  Des  diverses  fortifications  de  Chalon,  dans  les  Mcm.  Soc.  dlnst.  et 
d'arch.  de  Chalon,  t.  II,  1850,  p.  1-106;  2  plans, 4  planches. 

4.  L'abbé  Dorey,  Description  des  vitraux  de  Vhôpital  de  Chalon,  XVI^  siècle, 
dans  les  Mèm.  Soc.  d'hist.  et  d'arch.  de  Chalon,  t.  I,  1844-46,  p.  215. 

Eugène  Millard,  Encore  quelques  mots  sur  les  vitraux  de  l'hôpital  de  Chalon, 
dans  les  Mêm.  Soc.  d'hist.  et  d'arch.  de  Chalon,  t.  I,  1845,  p.  226. 

5.  A.  de  Surigny,  Peintures  murales  de  l'église  Saint-Vincent  de  Mdcon,  XII^ 
siècle,  dans  les  Mcm.  Soc.  d'hist.  et  d'a/xh.  de  Chalon,  t.  II,  1850,  p.  197,  2  pi. 

6.  A.  de  Surigny,  Deux  mots  sur  le  tombeau  de  Pierre  le  Vénérable  à  Cluny, 
dans  les  Mèm.  Soc.  d'hist. et  d'arch. de  Chalon,  t.  IV,  1863,  p.  373. 

7.  Henri  Batault,  Xotice  historique  sur  Vabbaye  des  bénédictines  de  Lancharre  et 
le  prieuré  du  Puley,  dans  les  Méni.  Soc.  d'hist.  et  d'arch.  de  Chalon,  t.  III,  1854, 
p.  1-128;  pi. 

8.  M.  Canat  de  Chizy,  Notice  sur  l'église  de  Saint-Désert,  ses  fortifications  et 
les  peintures  murales  découvertes  dans  une  de  ses  chapelles,  dans  les  Mém.  Soc. 
d'hist.  et  d'arch.  de  Chalon,  t.  I,  1846,  p.  317-393  ;  6  planches. 

9.  Abbé  Cazet,  Notice  historique  et  archéologique  sur  l'église  de  Saint-Marcel, 
dans  les  Mém.  Soc.  d'hist.  et  d'arch.  de  Chalon,  t.  I,  1846,  p.  139. 


L  ARCHEOLOGIE    DANS    SAONE-ET-LOIRE  97 

ie  Saint-Loup",  signées  des  noms  de  MM.  de  Surigny,  Henri 
^atault,  Marcel  Canat,  de  Cissey,  Léopold  Niepce,  l'abbé  Cazet. 
\  Autun,  vous  visiterez  la  belle  cathédrale  de  Saint-Lazare, 
lécrite  dans  V Autun  archéologique-.  Les  Mémoires  de  la  Société 
Éduenne  sont  riches  en  documents  sur  le  moyen  âge.  Je  citerai 
.les  notices  intéressantes  sur  l'ancien  réfectoire  du  chapitre 
i'Autun',  sur  le  château  du  Riveau  et  la  citadelle  d'Autun^,  sur 
'église  et  l'ancienne  croix  du  Breuib',  sur  le  château  de  Mont- 
:enis  et  ses  carreaux  émaillés",  sur  l'église  de  Curgy?,  par 
MM.  BuUiot,  Picard,  Fyot,  Félix  et  Henri  Courtois,  Noël  Thiol- 
ier;  puis  les  travaux  de  MM.  de  Fontenay  et  Rossignol,  sur  la 
lumismatique   autunoise^. 

Aucun  des  domaines  si  variés  de  l'archéologie  du  moyen 
îge  n'a  été  négligé  par  nos  collègues  de  la  Société  Éduenne  et 
'aurais  à  mentionner  encore,  si  le  temps  me  le  permettait,  une 
quantité  de  notices  concernant  le  mobilier,  la  sigillographie, 
les  manuscrits  et  les  dalles  funéraires  de  la  région.  Je  ne  veux 
pas  oublier  l'épigraphie  autunoise  d'Harold  de  Fontenay 9,  un 
vaillant  érudit,  enlevé  trop  jeune  à  la  science,  qui  a  laissé  à  sa 
ville  natale  un    recueil  en    trois  volumes   des  inscriptions   du 

1.  H.  Batault,  Notice  sur  une  crosse  en  ivoire,  nue  croix  processionnelle  et  un 
:handelier  en  bronze  de  Vcpoque  romane,  dans  les  Mèin.  Soc.  d'Iiist.  et  d'arch.  de 
Chaton,  t.  IV,  p.  i6,  2  planches. 

2.  P. 168. 

3.  Annales  de  la  Soc.  Éduenne,  t.  VI,  1862-64,  P-  i)!- 

4.  Me'ni.  delà  Soc. Éduenne,  t.  VIII,  1879,  p.  233;  pi. 

5.  Ibid., t.XXY,  1897. 

6.  Ilnd.,  t.  X,  1881,  p.  119. 

7.  Ibid.,  t.  XXVI,  p.  249. 

8.  De  Fontenay,  Nouvelle  étude  de  jetons,  .\utun,  1850,  in-8  de  184  p. 
Rossignol, De^  libertés  de  la  Bourgogne  d'après  les  jetons  des  Etals,  .\utun,  1851, 

in-8  de  304  p. 

9.  De  Fontenay,  Épig rapine  autunoise,  inscriptions  du  moyen  âge  et  des  temps 
modernes,  3  volumes  in-4,  1883-86. 

Congrus  ARCHÉOLociauE  du  maçon.  7 


^8  CONGRES  AKCHEOLOGIQUE  DE  ,MACOX 

moyen  âge  et  des  temps  modernes,  propres  à  éclairer  l'histoire 
d'Autun  ;  puis  enfin  une  très  remarquable  étude  d'ensemble  sur 
l'architecture  romane  dans  l'ancien  diocèse  de  Màcon  par 
M.  Jean  Virey^  Contrairement  à  l'opinion  de  Viollet-le-Duc,  et 
d'accord  avec  MM.  Quicherat,  Robert  de  Lasteyrie,  Anthyme 
Saint-Paul,  M.  Virey  ne  croit  pas  à  l'existence  d'une  prétendue 
école  clunisienne.  Toutes  les  églises  du  Maçonnais  diffèrent  entre 
elles  par  leurs  caractères  individuels  autant  que  de  l'église  abba- 
tiale mère,  et  appartiennent,  par  leurs  caractères  généraux,  à  la 
grande  école  bourguignonne.  M.  Virey  justifie  cette  manière  de 
voir  par  l'étude  de  quatre-vingts  monuments  remontant  à 
l'époque  romane  en  tout  ou  en  partie,  mais  il  ne  méconnaît  pas 
le  rôle  si  important  de  Cluny  dans  la  diffusion  à  travers  l'Eu- 
rope du  style  bourguignon.  On  ne  peut  que  féliciter  M.  Virey 
d'avoir  entrepris  ce  travail,  en  l'engageant  à  le  continuer  pour 
l'époque  gothique. 

Les  Sociétés  savantes  n'ont  pas  absorbé  toute  l'activité  scien- 
tifique de  notre  région.  Je  ne  dois  pas  omettre  les  œuvres  indé- 
pendantes qui  rentrent  dans  le  cadre  de  vos  études  ;  par  exemple 
la  série  des  Annuaires  du  département  de  Saône-et- Loire,  qui,  sous 
la  direction  de  M.  Monnier  d'abord,  puis  de  M.  Siraud  actuel- 
lement, ont  rendu  de  très  grands  services  à  l'archéologie  et  à 
l'histoire  locale,  en  les  vulgarisant.  On  trouve  dans  V Annuaire 
de  1859  l'inventaire  par  commune  de  tout  ce  qui  pouvait,  à  cette 
époque,  intéresser  l'histoire  et  l'archéologie.  Le  savant  abbé 
Devoucoux,  depuis  évèque  d'Evreux,  a  donné  dans  Y  Annuaire 
de  185 1  une  histoire  moaumentale  du   département. 


1.  J.  Virey,  Varcbiteclun  dans  les  diocèses  d'Aulun  et  de  Mdcoii,  dans  les 
Mémoires  de  la  Société  Èdiienne,  t.  XVII,  1889;  t.  XVIII,  1890;  t.  XIX,  1891  ; 
carte. 


L*ARCHÉOLOGIE   DANS    SAONE-ET-LOIRE  99 

On  doit  à  M.  Moiinier  un  inventaire,  qui  serait  aujourd'hui 
à  compléter  et  à  reviser,  des  monuments  mégalithiques  ou 
réputés  celtiques,  inséré  dans  ï Annuaire  de  1873. 

L'éminent  égyptologue  Chabas,  dont  la  ville  de  Chalon  doit 
honorer  la  mémoire  par  un  monument,  publiait,  en  1872,  ses 
Etudes  sur  l'antiquité  historique  d'après  les  sources  égyptiennes 
elles  monuments  réputés  préhistoriques  \  Le  titre  de  cet  ouvrage 
souligne  ses  tendances.  L'auteur  démontre  que  bon  nombre 
de  monuments  préhistoriques  de  l'Europe  occidentale,  et  du 
Chalonnais  en  particulier,  rentrent  dans  le  cadre  des  chro- 
nologies orientales.  Les  grands  travaux  accomplis  depuis  en 
ÉgyP^^j  ^î^  Chaldée,  ont  confirmé  les  vues  de  Chabas. 

M.  Lex  a  publié  dans  divers  recueils,  notamment  dans  les 
comptes  rendus  du  Congrès  annuel  des  Sociétés  des  Beaux-Arts 
des  départements  et  dans  le  Bulletin  archéologique  du  Comité 
des  travaux  historiques,  une  série  d'études  sur  l'ancienne  église 
de  Saint-Clément-lès-Mâcon,  sur  les  anciens  hôtels  de  ville  de 
Mâcon,  et  les  fliïenceries  du  département  de  Saône-et-Loire  % 
sur  le  mausolée  de  Louis  de  Valois  dans  l'église  de  La  Guichc  ' 
et  celui  du  duc  de  Bouillon  à  l'Hôtel-Dieu  de  Cluny^,  sur  les 
peintres  Le  Bault^  et  Perrier^  et  les  collections  d'objets  d'art  de 
Mgr  Moreau,  dernier  évêque  de  Mâcon  7. 

Vous  dirai-je  aussi  la    part  que  les  artistes  de  Saône-ct-Loire 


1.  Chalon-sur-Saône,  1872,  un  vol.  in-8  de  ))9  p.,  H*  édition.  Cet  ouvrage 
a  eu  deux  éditions. 

2.  Lex,  Ao/('A'  ('/  clocuiiitiils  pour  servira  rtnstoire  du  dèparkvicitl  de  Saôiw-ct- 
Loire,  1887,  144  p.  in-8. 

3.  Id.,   1894,  II  p.,  I  pi.  in-8. 

4.  /(/.,  1S90,  14  p.,  4  pi.  in-8. 

5.  /(/.,  1896,  15  p.,  I  pi.  in-8. 

6.  Id.,  1888,  16  p.  in-8. 

7.  /(/.,  1898,  3)  p.,  I  pi.  iii-8. 


100  CONGRES  ARCHEOLOGIQ.UE  DE  MACOX       • 

ont  prise  au  développement  des  recherches  archéologiques? 
MM.  Paul  Martin,  Perret,  de  Surigny  à  Mâcon,  Chevrier,  Canat 
de  Chizy  à-Chalon  ont  mis  plus  d'une  fois  leur  crayon  ou  leur 
burin  au  service  de  l'érudition  pour  lui  faciliter  l'étude  des 
monuments.  Le  Chalon  pittoresque  et  démoli  de  M.  Jules  Chevrier 
est  une  œuvre  essentiellement  archéologique. 

Le  programme  qui  m'était  tracé  ne  m'a  pas  permis  de  com- 
prendre dans  ce  compte  rendu  les  travaux  purement  historiques, 
mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  l'histoire  et  l'archéologie  sont 
inséparables  et  s'éclairent  réciproquement.  Vous  me  reprocheriez 
de  passer  sous  silence  les  grands  recueils  historiques  où  nous 
avons  tant  à  puiser  :  VInventaire  des  archives  départetnentales,  par 
MM.  Ragut,  Michon,  Bénet  et  Lex,  les  inventaires  des  archives 
communales  de  Mâcon,  Tournus  et  Chalon,  par  MM.  Michon, 
Lex,  Millot.  Puis  la  publication  de  nos  Cartulaires ;  en  première 
ligne  ceux  de  Cluny,  édités  avec  tant  d'érudition  par  M.  Bruel  ; 
les  Cartulaires  de  l'Église  d'Autun^  et  de  révéché  d'Autun-, 
que  nous  devons  à  M.  de  Charmasse,  l'auteur  distingué  de  tant 
d'excellents  travaux  historiques;  le  Cartulaire  de  Saint-Vincent 
de  Mâcon,  par  M.  Ragut,  précieux  à  consulter,  malgré  de  trop 
nombreuses  incorrections  '  ;  les  Cartulaires  des  prieurés  de  Saint- 
Marcel-lès-Chalon  ■♦  et  de  Paray-le-Monial>,  par  MM.  Canat  de 
Chizy  et  Ulysse  Chevalier.  Parmi  les  recueils  généraux  si  utiles 
aux  archéologues,  je  citerai  encore  le  livre  des  Fiefs  du  Méconnais, 
édité  par  M..  Lex,  sous  les  auspices  de  l'Académie  de  Mâcon,  puis 
enfin  des  recueils  héraldiques  par  MM.  Harold  de  Fontenay,  Adrien 


1.  Un  vol.  in-4,  pi.;  1865  (Société  Éduenne). 

2.  Un  vol.  in-4,  carte;  1880  (Société  Éduenne). 

3.  Un  vol.  in-4,  1864  (Académie  de  Mâcon). 

4.  Un  vol.  in-8,  1894  (Soc.  d'hist.  et  d'archéologie  de  Chalon-sur-Saône), 

5.  Un  vjI.  in-8,  1891  (Société  d'hist.  et  d'archéologie  de  Chalon-sur-Saône). 


L  ARCHEOLOGIE    DANS    SAONE-ET-LOIRE  lOI 

Arcelin,  Henri  Bouchot",  concernant  Autun,  le  Maçonnais 
et  les  autres  bailliages  compris  dans  la  circonscription  du  dépar- 
tement. 

Je  m'arrête,  Messieurs,  avec  le  regret  d'avoir  retenu  si  long- 
temps votre  attention  pour  vous  présenter,  en  définitive,  un 
travail  rempli  de  lacunes.  J'aurai  atteint  mon  but,  si  je  laisse 
dans  vos  esprits  une  impression  générale  sur  les  travaux  archéo- 
logiques accomplis  dans  notre  région. 


I.  Harold  de  Fontenay,  Armoriai  des  evéques  d' Autun;  Armoriai  d' Autun. 

A.  Arcelin,  Indicateur  héraldique  et  généalogique  du  Maçonnais,  Mâcon,  1866, 
un  vol.  in-8  de  xxxi-487  p. 

H.  Bouchot,  Armoriai  de  la  généralité  de  Bourgogne,  extrait  de  V Armoriai 
général  de  France,  2  vol.   in-8,  Dijon,   1875  . 


II 
ÉTUDE 

SUR 

L'AGE    DU    BRONZE 

DANS    LE 

DÉPARTEMENT  DE  LA  COTE-D'OR 

PAR 

FERDINAND     REY 


La  quatrième  question  du  programme  est  relative  aux  sépul- 
tures et  aux  trouvailles  de  l'âge  du  bronze  et  du  premier  âge 
du  fer  dans  la  Saône-et-Loire  et  les  départements  voisins. 

Ce  mode  de  rédaction,  laissant  une  grande  latitude,  j'ai  pensé 
qu'il  ne  serait  point  sans  intérêt  de  donner  un  aperçu  des  décou- 
vertes de  l'âge  du  bronze  dans  le  département  de  la  Côte-d'Or, 
d'autant  plus  que  mes  recherches  m'ont  fait  rencontrer  dans 
nos  musées  ou  dans  les  collections  particulières  un  certain 
nombre  d'objets  provenant  de  cette  région. 

Je  me  contenterai  pour  la  seconde  partie  de  ce  sujet,  c'est-à- 
dire  pour  le  premier  âge  du  fer,  de  présenter  les  photographies 
d'objets  peu  connus  ou  inédits,  en  m'abstenant  d'exposer  les 
thèses    relatives    à    l'introduction     des     métaux     en     Europe, 


ETUDE    SUR    L  AGE    DU    BRONZE    DANS    LA    COTE-D  OR  I03 

les  attaques  dont  l'âge  du  bronze  a  été  l'objet,  ainsi  que 
les  motifs  invoqués  par  les  partisans  d'un  âge  du  cuivre. 

Ce  serait  m'écarter  du  but  de  nos  Congrès  qui  est,  avant  tout, 
de  faire  connaître  les  découvertes  locales,  afin  de  les  com- 
parer avec  les  monuments  du  même  genre  dispersés  dans 
toute  la  France. 

La  Côte-d'Or  ne  possède  ni  tourbières,  ni  palafittes,  et  ses 
monuments  mégalithiques  ont  à  peu  près  disparu.  Faute  d'in- 
dices pouvant  provoquer  des  trouvailles  de  1  âge  du  bronze,  on 
conçoit  que  l'attention  de  nos  archéologues  se  soit  portée,  de 
préférence,  sur  les  nombreux  tumulus  de  la  région. 

Les  belles  découvertes  de  Magny-Lambert  leur  faisaient  espérer 
la  rencontre  de  curieux  objets  du  premier  âge  du  fer;  les  sépul- 
tures de  l'époque  marnienne  ne  manquaient  point  non  plus,  et 
si  une  heureuse  chance  ne  favorisait  point  leurs  efforts,  ils 
pouvaient  du  moins  étudier  les  coutumes  et  les  rites  funéraires 
de  peuples  disparus. 

Disons-le  de  suite,  l'âge  du  bronze  n'a  laissé  que  peu  de 
traces  dans  la  Côte-d'Or  si  l'on  s'en  tient  à  la  nomenclature  des 
objets  recueillis;  mais  la  grande  dispersion  de  ces  objets  fait 
espérer  de  nouvelles  trouvailles  dans  l'avenir,  et  la  variété  des 
types  témoigne  d'un  long  usage  du  bronze  dans  nos  contrées. 

Les  haches,  dit  M-  de  Mortillet,  sont  les  premiers  instruments 
de  bronze  dont  l'emploi  se  soit  généralisé,  c'est  donc  par  elles 
que  nous  commencerons  cette  étude,  pour  passer  ensuite  aux 
poignards,  aux  épées,  aux  couteaux,  faucilles,  ciseaux  et  pointes 
de  flèches. 

Nous  bornerons  à  ces  seuls  objets  nos  recherches,  car  ce  sont 
eux  qui  caractérisent  le  mieux  une  époque. 


104  CONGRÈS  ARCHEOLOGiaUE  DE  MAÇON 

Haches. 

M.  deMortillet,  que  nous  venons  de  citer,  donne  la  classifica- 
tion suivante  des  haches  en  bronze  d'après  leur  ancienneté  : 
1°  Haches  à  bords  droits  —  2°  Haches  à  talons  —  3°  Haches  à 
ailerons  —  4°  Haches  à  douilles  —  5°  Haches  plates  et  Haches 
votives.  Nous  croyons  devoir  apporter,  avec  le  plus  grand  nombre 
des  auteurs,  une  modification  à  cet  ordre,  en  mentionnant  la 
hache  plate  au  premier  rang.  Par  sa  forme,  elle  nous  semble 
dériver  naturellement  de  la  hache  en  pierre  polie  des  temps 
robenhausiens.  Les  haches  de  la  Côte-d'Or  proviennent  des 
cachettes  de  fondeur  de  Santenay,  de  Nan-sous-Thil  et  de  Tanay. 
Il  s'en  est  également  rencontré  quelques-unes,  lors  de  la  grande 
découverte  d'armes  et  d'objets  en  bronze  qui  fut  faite,  le  19  no- 
vembre 1860,  sur  le  territoire  de  la  ferme  de  l'Épineuse,  au 
milieu  de  la  plaine  des  Laumes.  Toutes  les  autres  haches  ont 
été  trouvées  isolément.  Nous  énumérons  dans  le  tableau  suivant 
celles  dont  nous  avons  eu  connaissance. 

Nous  en  aurions  fini  avec  les  types  des  haches  que  nous 
avons  rencontrés  dans  la  Côte-d'Or,  s'il  ne  nous  restait  à  parler 
d'une  grande  hache  à  deux  tranchants  trouvée  à  Cîteaux  et  fai- 
sant  actuellement  partie  de  la  collection  de  M.  l'abbé  Morillot, 
curé  doyen  de  Sombernon. 

M.  Morillot  a  consacré  une  intéressante  notice  à  cet  objet,  et 
contrairement  à  l'opinion  de  M.  de  Mortillet,  le  considère  comme 
une  hache  votive  et  non  comme  un  lingot.  Il  l'assimile  à  une 
arme  analogue  de  la  station  lacustre  de  Locras  et  lui  donne  une 
haute  antiquité.  Dimensions  :  Long.  o"'40.  Largeur  des  tran- 
chants mousses  et  assez  évasés  ©"'092.  Poids  3  kilos.  Un  trou 
d'inégale  grosseur  traverse  la  hache  en  son  milieu  o'''oo9  et 
o™  006. 


ÉTUDE   SUR    L  AGE  DU    BRONZE    DANS    LA    COTE-DOR 


105 


PROVENANCES         DETENTEURS 


OBSERVATIONS 


HACHES    PLATES 


0,  II 

0,06 

Saint-Léger- des- 
Fourches 

0,11; 

0,06; 

Uuesme 

Musée  de  Dijon 
Musée    de  Châtillon 


HACHES    A    BORDS    DROITS 


0,155 

0,056 

0,032 

0,032 

2 

0, 19 

0,07 

Santenay  ' 
Santenay 

Belleneuve 


Musée  d'Autun 
Musée  d'Autun 

Musée  de  Dijon 


HACHES    A   TALONS 


o,  21 
0,185 
o,  "95 

0,145 
0,155 


0,186 


Dessus  cassé  manquant. 

Sans  doute  votive.  —  Poids 
148  gr. 

Les  bords  resserrent  Tinstru- 
ment  dans  son  milieu.  Si- 
milaires :  Vienne,  Isère. 
Saint-Germain  600.  2» 
Une  hache  de  la  trouvaille 
de  Sarry,  Saône-et-Loire. 


Poids  790  gr. 

Poids  3SS  gr. 

Cassée  au  milieu.  Poids 
350  gr. 

Talon  cassé. 

Talons  arqués,  nervure  en 
relief,  anneau  latéral  non 
percé,  taillant  droit. 

Talons  rectangulaires,  bou- 
ton latéral  au  lieu  de  l'an- 
neau. Ornement  :  bouton 
en  relief,  lame  unie. 

Talons  droits  et  longs,  lame 
épaisse  et  courte,  taillant 
affilé   et  fortement  cintré. 

Hache  identique,  talon  brisé. 

Sommet  échancré.  Talons 
intermédiaires,  d'une  lon- 
gueur égale  i  celle  de  la 
lame. 

Talons  intermédiaires  entre 
le  rectangulaire  et  l'arqué. 
Décrite  par  M.  de  Moriillet 
sous  le  n"  680. 


bronze  à  Santenay,  par  M.  de  Longuy,  dans  les  Mémoires  de  la  Société  Ediienne, 
'75- 


0,101 
0,046 
0,043 

0,054 
0,042 


0,047 


0,058 


0,055 
0,053 


Santenay 
Santenay 
Santenay 

Santenay 
Tanay  - 


Tanay 


Tanav 


Tanay 
Pouilly-sur-Saône 


Musée  d'Autun 
Musée  d'Autun 
Musée   d'Autun 

Musée  d'Autun 
Collection  Jobard 


Collection  Jobard 


Collection  Jobard 


Collection  Jobard 
Collection  Jobard 


Saint-Germain,   617 


Uâgc  du 

1873,  P 

Nous  re 

par  M.  Paul  Jobard 

2  mai  1898. 


produisons  pour  les  haches  de   la   cachette  de    Tanay,    la   description  donnée 
Paul  lobard  à  la  séance  de  la  Commission  des  antiquités  de  la  Côtc-d  Or,  le 


io6 


CONGRES   ARCHEOLOGIQIJE    DE    MAÇON 


Lon- 
gueur 

Largeur 

du 
taillant 

PROVENANCES 

DÉTENTEURS 

OBSERVATIONS 

-         1                1 

HACHES    A    AILERONS    (AVEC 

1 
OU    SANS    ANNEAU    LATERAL) 

I 

6 

0,  lé 

0,0) 

Saint-Jean-de-Losne 

Musée  de  Dijon 

Ailerons  médians,  pas  d'an- 
neau, raccourcie  par  l'affû- 
tage. 

2 

7 

0,  I  1 

0,  04 

Payny-Ia -Ville 

Musée  de  Dijon 

Ailerons  médians,  pas   d'an- 
neau. 

3 

8 

0,15 

0,04 

Nan-sous-Tliil 

Musée  de  Semur 

Sommet   échancré.    Anneau 
latéral. 

4 

o,  15 

0,04 

Nan-sous-Thil 

Musée  de  Semur 

Brisée  en  son  milieu.  Anneau 

latéral. 

S 

Nan-sous-Thil 

Musée  de  Semur 

Anneau  latéral. 

6 

9 

0,  155 

0,034 

Nod. 

Musée  de  Châtillon 

Anneau  latéral. 

7.8, 

Ferme  de  l'Épineuse 

Saint- Germain. 

Sont  d'un  type  identique  aux 

9 

Plaine    des   Launaes 

précédentes. 

10  et 
11 

Fleurey-snr-Ouche 

Anciennement  Coll. 
Baudot. 

Anneau   latéral,  sommet  lu- 
nule. L'une  est  brisée. 

HACHES    j 

\    DOUILLES 

0,  10 

0,04 

Nan-sous-Tliil 

Musée  de  Semur 

Ont  une  douille  circulaire  et 

1,2, 

lO 

à 

à 

un  anneau  latéral. 

5.4 

II 

0,  II 

0,035 

Nan-sous-Thil 
Nan-sous-Thil 

Musée  de  Semur 
Musée  de  Semur 

Id. 

Ornement  composé  de  lignes 
se  coupant   en  forme  de 
croix  de  Saint-André  com- 
prises  dans  un  parallélo- 
gramme    placé      sur     les 
grandes  faces. 

6 

12 

0,135 

0,033 

Cliaugey 

Musée  de  Ciiâtillon 

Douille  quadrilatérale,  angles 
arrondis,  tranchant  aigui- 

7 

Cerilly 

Musée  de  Châtillon 

sé. 
Brute  de  fonte  et  très  mince. 

8 

0,  10 

0,35 

Beire-le-Châtel 

Coll.  Abbé  Morillot 

Douille  quadrilatérale,  angles 
arrondis,    porte    sur     ses 
faces    la   figure    de   deux 
ailerons     simulés.     Tran- 
chant bien  affilé. 

Cette  énumération  est  bien  peu  considérable  sans  doute,  mais 
il  s'en  dégage  un  point  important  que  nous  tenons  à  noter;  c'est 
que  notre  contrée  a  fourni  des  spécimens,  sinon  de  toutes  les 
variétés,  mais  du  moins  de  tous  les  types  de  la  classification  des 
haches  que  nous  donnions  au  commencement  de  ce  paragraphe. 


ETUDE   SUR  L  AGE    DU   BRONZE   DANS    LA    COTH-D  OK 


107 


Poignards. 

La  Côte-d'Or  n'a  donné  qu'un  nombre  très  restreint  de  poi- 
gnards. Ils  appartiennent  en  général  à  l'époque  larnaudienne  ou 
à  celle  de  transition  qui  l'a  précédée.  Tous  ont  été  rencontrés 
isolément  et  sans  leur  poignée. 


-T3    Z 

■g  î! 

=  ?. 

PROVENANCES 

DÉTENTEURS 

OBSERVATIONS 

^° 

1    oc 

JÉ5. 

j 

I 

0,285 

0,06 

Brion-sur-Ource 

M.  Bertillonà  Nicey 

Epoque    de  transition,  large 
base,  deux  rivets. 

2 

0,23 

0,042 

Dans  la  Saône.  Au- 
xonni". 

Saint-Germain, n"  724 

Deux   rivets.  Décrit  dans  le 
Miiu'f  préhistorique,  n°  882. 

0,  u 

0,02 

Varennes  près  Beaune 

Musée  de  Beaune 

I.anie  incomplète. 

4 

0, 14 
0,  13 

Savoisy 
SemonJ 

Coll.D"-Brulard.Dijon 
Même  collection. 

Deux    rivets.  Présente   une 
arête  médiane. 

6 

I) 

0,  21) 

0,056 

Massingy-les-Vit- 
teaux. 

Coll.  D'-  Marchand. 
Dijon. 

Lame  à  deux  rivets,  remar- 
qu.able    par   les  curieuses 
nervures,  fuselées  .i  leurs 
extrémités,   qui   la   parta- 
gent en  son  milieu. 

7 

0,  12 

0,051 

Malmaisons,  c"  de 
'l'onillon. 

Coll.  Guilleminotf.de 

Chasseigne. 

Pointe    cassée.    Base    ovale 
portant  quatre  trous  de  ri- 
vets   disposés    deux    par 
deux. 

8 

0,  II 5 

0,042 

Meloisey 

Coll.  C"^  de  Juigné, 
Beaune. 

Lame     triangulaire,   à   base 
large  et  arrondie,  à  trois 
rivets,   trouvée    dans    un 
tumulus.  Tous  les  caracte- 

resde  l'époque  morgienne. 

Nous  pouvons  rapprocher  le  poignard  désigné  sous  le  n°  2 
d'une  lame  provenant  de  Saunière,  Saône-et-Loire,  découverte 
au  confluent  de  la  Saône  et  du  Doubs.  Cette  lame  n'en  diffère 
que  par  sa  longueur  et  par  sa  base  un  peu  plus  arrondie.  Long. 
0"' 148.  Larg.  à  hauteur  des  deux  rivets  o"'040.  Collection  de 
M.  Court,  à  Dijon.  Elle  a  fait  l'objet  d'une  communication  à 
la  Commission  des  antiquités  de  la  Côte-d'Or,  de  la  part  de 
son  possesseur. 


I08         CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  MAÇON 

Épées. 

La  remarque  que  nous  faisions  sur  la  rareté  des  poignards  est 
également  applicable  aux  épées. 

Nous  pouvons  cependant  en  citer  trois,  du  type  dit  de  Vaudre- 
vanges,  dont  nous  parlerons  tout  à  l'heure. 

4°  Une  épée  trouvée  dans  les  fouilles  du  canal  de  Bourgogne, 
signalée  par  M.  Bruzard  dans  le  Bulletin  de  la  Société  des 
sciences  historiques  et  naturelles  de  Semnr  (1887). 

Cette  épée  à  soie  plate  porte  quatre  rivets.  « 

5°  Une  épée  brisée  en  deux  parties  et  privée  de  sa  poignée 
venant  de  Fleurey-sur-Ouche '. 

6°  Une  belle  lame,  martelée  à  deux  rivets,  appartenant  à 
M.  Drioton,  àDijon,et  provenant  de  Saint-Jean-de-Losne.  Long. 
o"47. 

7°  Un  tronçon  d'épée,  composé  d'une  soie  plate  à  six  rivets 
et  de  la  partie  inférieure  de  la  lame,  trouvé  à  Cessey-sur-Tille. 
Long.  0^30  (Musée  de  Dijon). 

Les  autres  épées  possédées  par  le  même  Musée  ne  sont  point 
originaires  du  département. 

L'une,  à  base  droite  sans  étranglement,  provient  de  Royau- 
mont  (Seine-et-Oise).  Elle  est  à  deux  rivets. 

Les  deux  autres,  recueillis  dans  la  Saône-et-Loire,  ont  été  ren- 
contrées :  celle  à  deux  rivets  et  à  triple  nervure,  à  Lays-sur-le- 
Doubs.  Long.  ©""jS;  celle  à  languette,  dans  la  Saône,  entre 
Tournus  et  Mâcon.  Long.  o'"56. 

En  dehors  de  cette  énumération,  nous  ne  connaissons  que 
des  fragments  d'épées  en  bronze  trouvés  à  Veuxhaules,  Malain, 
Auxonne,  et  dans  les  cachettes  de  fondeur  de  Tanay  et  de  San- 
tenay. 

I .   Cf.  Compte  remtu  des  travaux  de  F  Académie  de  Dijon,  1828- 1829,  p.  25  3  et  s. 


ÉTUDE    SUR    l'âge    DU    BRONZE    DANS    LA  CÔTE-d'oR  IO9 

Nous  avons  omis  à  dessein  de  décrire,  au  commencement  de 
2  paragraphe,  les  trois  épées  du  type  dit  de  Vaudrevanges,  à 
luse  de  leur  importance  et  pour  leur  donner  plus  de  place  dans 
ette  étude. 

La  plus  connue,  celle  désignée  sous  le  nom  d'épée  d'Alise, 
lisait  partie  des  objets  recueillis  sur  le  territoire  de  la  ferme  de 
Épineuse,  en  1860,  découverte  dont  nous  avons  déjà  parlé. 

M.  de  Mortillet  la  décrit  ainsi  dans  son  Musée  préhistorique, 
'^  906  :  «  Épée  à  poignée  de  bronze,  pommeau  à   jour,  plaque 

rapportée  et   tenue  par  trois  rivets  au  milieu  de  la  poignée. 

Lalameest  cassée,  mais  il  ne  doit  pas  en  manquer  beaucoup, 

les  épées  de  ce  type  n'étant  jamais  bien  longues.  Crans  à  la  base 
[  de  la  lame,  le  tranchant  est  abattu  des  deux  côtés,  n 

Une  arme  absolument  identique  a  été  découverte,  depuis  la 
)ublication  du  Musée  préhistorique,  au  Pouillot,  commune  de 
lûmes  (Haute-Marne),  et  M.  Flouest  en  a  fait  l'objet  d'une 
ommunication  à  la  Société  des  Antiquaires  de  France 
'Mémoires,  1883,  t.  XLIII).  Cette  épée  était  d'une  longueur 
otale  de  o"'8i. 

Nous  voyons  par  là  que  les  épées  du  type  de  celle  d'Alise 
l'étaient  pas  aussi  courtes  qu'on  a  bien  voulu  le  supposer. 

2°  Une  deuxième  épée  nous  est  indiquée  dans  les  Mémoires 
ie  VAcadéviie  de  Dijon,  d'après  une  communication  de  M.  Bau- 
iot  (1828-1829).  Elle  avait  été  découverte  peu  d'années  aupa- 
ravant, au  bas  du  parc  de  l'ancien  château  de  Vergy.  Cette  arme, 
l'un  bronze  pâle,  paraît  avoir  été  faite,  dit  l'auteur,  d'un  seul  jet 
lame  et  poignée.  Long.  ©""yj. 

Qu'est  devenue  cette  épée?  Nous  n'avons  pu  jusqu'à  présent 
en  suivre  la  trace,  mais  il  nous  reste  du  moins  sa  reproduction, 
qui  nous  permet  de  l'assimiler  à  celle  de  Vaudrevanges. 


no  CONGRES  ARCHEOLOGiaUE  DE  MAÇON 

3°  M.  Camille  Rover,  qui  eut  l'heureuse  chance  de  découvrir 
dans  le  tumulus  de  Charmoiselles,  commune  de  Rolampont 
(Haute-Marne),  une  épée  de  ce  même  type,  nous  transmet  un 
précieux  renseignement  qu'il  tient  de  M.  Salomon  Reinach,  sur 
une  3"^  épée  provenant  de  la  Côte-d'Or.  Cette  arme,  trouvée  en 
1803,  passa  en  1851,  de  la  collection  Comarmond,  de  Lyon,  au 
Briti^h  Muséum. 

Elle  est  connue  sous  le  nom  d'épée  de  Montausain;  mais, 
comme  cette  localité  n'existe  point  dans  la  Côte-d'Or,  il  y  a  tout 
lieu  de  supposer  avec  M.  A.  Bertrand  que  la  désignation  qu'elle 
portait  a  été  mal  lue,  et  que,  selon  toute  vraisemblance,  il  faut 
corriger  Montausain  par  Mont  Auxois. 

Comme  nous  donnons  la  reproduction  de  ces  trois  armes, 
nous  n'insisterons  pas  davantage  sur  l'étude  d'un  type  bien 
connu  quoique  fort  rare  jusqu'ici. 

En  tout  cas,  il  est  important  de  remarquer  que  la  Côte-d'Or 
et  la  Haute-Marne  ont  fourni  cinq  épées  à  poignée,  en  bron:ieet 
à  lames  à  crans,  ne  différant  entre  elles  que  par  la  plaque  rap- 
portée ou  les  cordons  de  cette  poignée. 

Les  Mémoires  de  rAcadémie  de  Dijon  (1828-1829),  nous  font 
également  connaître  une  épée  identique  à  celle  de  Vergy,  trouvée 
dans  le  département  de  l'Aube,  à  Méricourt,  sur  une  propriété  de 
la  baronne  de  Bouvet.  Cette  arme,  renfermée  dans  une  sépulture, 
était  accompagnée  d'ossements  réduits  en  poussière.  Elle  a  été 
depuis,  et  comme  l'épée  de  Vergy,  laissée  dans  l'oubli,  à  une 
époque  où  l'étude  des  armes  en  bronze  n'avait  point  l'attrait 
actuel. 

Nous  ne  voulons  point  terminer  ce  paragraphe  sans  citer  une 
autre  épée  excessivement  curieuse,  conservée  au  Musée  de  Beaune 
et  trouvée  dans  la  Saône,  à  Chalon. 

Cette  arme  s'écarte  de  tous  les  modèles  connus:  elle  est  cintrée 


ÉTUDE    SUR    l'âge    DU  BRONZE    DANS    LA    CÔTE-d'oR  I  I  I 

au  milieu  et  se  rapproche  par  sa  forme  de  notre  sabre  de  cavalerie 
légère.  La  soie  plate  bien  qu'incomplète  porte  six  trous  de  rivets. 
La  lame  à  crans  et  à  pointe  mousse  présente  en  son  milieu 
une  forte  nervure.  Long,  totale  i"'o2.  Larg.  o"'o30  à  0^035. 
Soie  o"' 045. 

Lances. 

C'est  dans  la  plaine  des  Laumes  et  sur  le  territoire  de  la  ferme 
de  l'Épineuse  que  furent  découvertes  la  plus  grande  partie  des 
lances  connues  dans  la  Côte-d'Or. 

On  en  rencontra  dix-huit  accompagnées  de  deux  sabots  de 
lance.  Plusieurs  de  ces  armes  étaient  brisées  ou  recourbées.  Elles 
sont  au  Musée  de  Saint-Germain.  La  plus  intéressante,  sans  con- 
tredit, est  celle  dont  la  douille  allongée  est  ornée  de  plusieurs 
cordons  parallèles.  M.  de  Mortillet  l'a  décrite  sous  le  n°  940, 
Musée  préhistorique. 

Notons  en  passant  que  certains  archéologues  ont  voulu  voir 
un  outil  propre  à  creuser  dans  les  lances  recourbées  dont  nous 
parlions  tout  à  l'heure  '. 

La  découverte  de  ces  lances,  des  haches  et  de  l'épée  dont  nous 
avons  parlé,  attira  l'attention,  et  bien  qu'étant  d'une  époque 
antérieure  à  la  conquête  contribua,  dit-on,  à  faire  entreprendre 
les  fouilles  d'Alise. 

Nos  cachettes  de  fondeur  n'ont  jamais  fourni  de  lances  et 
celles  que  nous  pouvons  citer  ont  été  recueillies  isolément,  j 

Trois  sont  au  Musée  de  Dijon  et  proviennent  de  Venarey,  de 
Gissey  et  de  La  Vougeoux,  prèsMesmont.  Elles  diffèrent  par  leur 
iorme  et  la  longueur  de  leur  douille.  Longueurs  respectives, 
o"'r6,  o'"i9,  o'"i5. 

I .  Cf.  John  Evans,  Vdgc  du  hron~r,  liislntiiuiils,  armes  cl  onuiiii-iits  de  la 
Giaudi'-Brelaoïie  cl  de  Flrlaiiilc,  p.  225. 


112 


CONGRES    ARCHEOLOGiaUE    DE    MAÇON 


Une  quatrième,  provenant  de  Saint-Jean-de-Losne,  fait  partie 
de  la  collection  Drioton,  à  Dijon.  Long,  o"'  164. 

Citons,  encore  une  lance  de  la  collection  Baudot,  trouvée  à 
Fleurey,  une  lance  recueillie  à  Semond  signalée  par  le  D""  Bru- 
lard  et  celle  de  Pralon  (collection  Mallard  à  Dijon).  L.  0,221. 

Couteaux. 

Nous  ne  connaissons  que  sept  couteaux  dans  la  Côte-d'Or  et 
une  lame  brisée,  mais  ces  échantillons  appartiennent  à  six  variétés 
différentes.  Ils  sont  à  douilles,  ou  fondus  d'un  seul  jet,  ou  à  soie. 


s  ^ 

•A  ° 

■„    3 

0    - 
-1    %L 

PROVENANCES 

DÉTENTEURS 

OBSERVATIONS 

I 

3 

21 
22 

0,198 

o,iS 

Ferme  de  l'Épineuse 
Venarey 

Vix 

Saint-Germain 
Musée  de  Semur 

Musée  de  ChâtiUon 

Couteau  à  douille. 

Couteau  à  douille,  lame  mar- 
telée. 

Fondu  d'un  seul  jet  lame  et 
manche,  ce  dernier  plat  et 
à  jour  devait  être  complé- 

4 

23 

o,:6i 

Pothières 

Musée  de  Châtiilon 

té   à   l'aide  de    morceaux 
de  bois  ou  de  corne. 
Fondu  d'un  seul  jet.  Manche 
incomplet  portant  de  petits 
ailerons  destinés  à  mainte- 
nir des  plaques  rapportées. 
Semblable  à  un  couteau  dé- 
couvert dans  l'Aube.  Musce 

S 

0,204 

Vaulebon,  c'de  Poi- 

C""    Paulin  Pineau, 

préhistorique,  n°  877. 
Fondu    d'un    seul    jet,    soie 

seul 

Pommard. 

allant     en     s'épaississant, 
percée  d'un  trou  et  ornée 
au  dos,  à  l'endroit  où  com- 
mence la  lame   de  lignes 

é 

Veuxhaules 

» 

chevronnées. 
Couteau  à  soie.  Cordons  fes- 
tonnés sur  le  plat  comme 
ornementation    et   signes 

7 

24 

0,52 

Mirebeau  sur-Bèze 

C""  de  M.  le  cons" 
Millon,  à  Dijon. 

chevronnés  sur  le  dos. 
Similaire  :  Station  lacustre  de 

Concise,  lac  de  Neuchâtel. 

Musée prèhislorique,  n»  722. 
Couteau   à  manche  rond  et 

à  jour  terminé   par   trois 

anneaux,  d'une   conserva- 

8 

S'''  Ju  Chat,  c-'  de 
Val-Suz  m 

Musée  de  Dijon 

tion  remarquable. 
Traces        d'ornementations, 
lame    incomplète   et  sans 
manche. 

ÉTUDE    SUR    l'âge    DU    BRONZE    DANS    LA    CÔTE-DOR  II3 

Faucilles. 

Les  faucilles  ne  se  sont  guère  rencontrées  qu'à  Santcnay. 
M.  de  Longuy  les  a  ainsi  décrites  : 

1°  Faucille  avec  bouton  en  cône  plat,  lame  à  trois  rainures 
au  talon,  bout  rond;  longueur  de  la  demi-circonférence  au  dos 
o'"i9.  Largeur  de  la  lame  au  milieu  o"'025.  Poids  80  gr. 

2°  Faucille  identique.  Longueur  de  la  demi-circonférence  au 
dos  o"M9.  Largeur   de  la   lame  au  milieu  o"'024.  Poids  79  gr. 

3°  Faucille  à  lame  sans  rainure,  bouton  de  l'attache  rond; 
longueur  de  la  demi-circonférence  au  dos  o"'  17.  Largeur  0"'  23. 
Poids  80  gr. 

Sept  autres  faucilles  plus  ou  moins  incomplètes  ont  été  égale- 
ment recueillies. 

Ciseaux 

Le  Musée  de  Dijon  possède  plusieurs  ciseaux  ;  mais  comme 
leur  provenance  est  incertaine   nous  les  passerons  sous  silence. 

Les  autres  musées  du  département  et  les  collections  particu- 
lières que  nous  avons  pu  visiter  n'en  contiennent  aucun.  Citons 
donc  seulement,  après  M.  de  Mortillet,  un  grand  ciseau  à  froid 
en  métal  de  cloche  (bronze  blanc),  découvert  à  Semur  (Saint- 
Germain,  n°  679). 

Flèches, 

Les  flèches  de  la  Côte-d'Or  sont,  sauf  quelques  rares  excep- 
tions, à  pédoncule  et  à  barhelures.  Celle  à  douille  du  Musée  de 
Dijon  est  d'origine  inconnue,  La  ferme  de  l'Épineuse  a  fourni 
une  pointe  de  flèche  triangulaire  percée  d'un  trou  vers  son 
extrémité.  Beaune  et  Meloisey  en  ont  donné  deux  où  les  barhe- 
lures sont  remplacées  par  des  parties  arrondies. 

Congrès  ARCiiÉOLoniauE  de  maçon.  8 


114  CONGRES    ARCHEOLOGIQUE   DE    MAÇON 

Parmi  celles  du  type    ordinaire  nous  pouvons   en    citer  une 

recueillie  à  La  Vougeoux,  près  Mesmont  (Musée  de  Dijon). 

Une  autre  à  Saint-Broing-les-Moines  (Musée  de   Châtillon). 

Deux  de  Meloisey  et  une  de  Saint-Romain  (Collection  Chan- 

garnier,  à  Beaune).  " 

Ces  flèches  diffèrent  beaucoup  par  leurs  dimensions  et  varient 
entre  o'"025  et  o"'o6o  de  longueur  sur  o'"oi2  et  o'"022  de  lar- 
geur. 

Notons  encore  Bremur,  Pommard,  Vic-sous-Thil  où  l'on  en 
rencontra.  A  Meloisey,  la  récolte  fut  abondante. 

Nous  avons  esquissé  àgrands  traits  la  description  des  objets  de 
l'âge  du  bronze  trouvés  dans  le  département,  mais  cette  étude 
n'est  qu'un  simple  aperçu.  La  moisson  est  peu  abondante, 
malgré  l'extrême  obligeance  avec  laquelle  les  savants  conser- 
vateurs de  nos  Musées  de  Dijon,  Beaune,  Châtillon  et  Semur, 
MM.  Marchand,  Changarnier,  Lorimy  et  Creuzé,  ont  facilité  nos 
recherches,  ainsi  que  les  collectionneurs  dont  nous  donnons  les 
noms.  Un  point  important  est  cependant  à  noter,  point  sur 
lequel  nous  attirions  déjà  votre  attention  en  commençant,  c'est 
que  la  présence  d'objets  de  l'âge  du  bronze  a  été  constatée  par 
nous  dans  43  communes. 

La  question  des  sépultures  ne  nous  arrêtera  pas  longtemps. 
Il  n'en  existe  à  peu  près  point  d'officiellement  constatées. 
Nous  pouvons  cependant  citer  à  Busseaux  une  sépulture  qui 
nous  est  indiquée  par  M.  le  docteur  Brulard,  où  plusieurs 
squelettes  absolument  pulvérisés  étaient  accompagnés  de  trois 
aiguilles  en  os,  d'une  en  bronze  et  d'un  perçoir  en  ivoire,  d'une 
longueur  de  o'"o8à  o"'  10.  On  y  a  également  rencontré  quelques 
débris  de  silex. 

M.  Flouest,  dans  le  Bulletin  de  la  Société  de  Semur,  décrit  une 
quinzaine  de  sépultures  découvertes  à   Veuxhaules  en   1860  et 


ÉTUDE   SUR   l'âge   DU    BRONZE    DANS   LA    CÔTE-d'oR         II5 

1868.  Les  corps  étaient  renfermés  dans  des  coffres  composés  par 
Jes  dalles  en  pierre  de  o"'40  à  C^jo.  Une  épée  en  bronze  à  double 
:ranchant  et  à  arête  médiane  de  0^485  accompagnait  l'un  des 
squelettes.  Cette  épée  rappelait,  par  sa  forme,  celles  de  l'âge  du 
fer  trouvées  dans  les  environs. 

Des  épingles  à  collerettes,  des  pendeloques,  un  vase  de  couleur 
rouge  brique  en  terre  grossière,  un  marteau-hache  en  corne  de 
cerf  ont  été  également  rencontrés.  Ces  objets  nous  semblent  bien 
appartenir  à  la  dernière  époque  de  l'âge  du  bronze,  mais  malheu- 
reusement M.  Flouest  n'a  pas  assisté  aux  fouilles  et  il  n'a  pu 
:^ue  rétablir  les  faits  en  se  livrant  à  une  enquête. 

Je  n'entreprendrai  point,  comme  je  le  disais  en  commençant, 
de  traiter  la  seconde  partie  de  la  question  relative  à  l'âge  du  fer. 
Elle  tient  trop  de  place  dans  la  Côte-d'Or,  ses  monuments,  étu- 
diés par  les  membres  de  nos  Sociétés  archéologiques,  sont 
beaucoup    plus    connus   que  ceux    de  l'époque  du  bronze. 

Les  célèbres  découvertes  de  Magny-Lambert  ont  été  exposées 
tout  au  long  dans  les  Mémoires  de  la  Société  des  Antiquaires  de 
France.  M.  Bertrand  y  démontre  l'analogie  des  trouvailles  faites 
dans  nos  galgals  bourguignons  avec  les  objets  rencontrés  à 
Hallstatt  ou  dans  le  nord  de  l'Italie. 

Il  est  cependant  ici  un  nom  que  je  citais  tout  à  l'heure,  que 
les  archéologues  ne  doivent  point  oublier,  c'est  celui  de 
M.  Flouest, qui  fut  l'instigateur  de  ces  belles  découvertes  et  dont 
le  monde  savant  doit  déplorer  la  perte. 

Il  s'est  heureusement  trouvé  des  continuateurs  de  son  œuvre 
parmi  les  membres  de  nos  Sociétés  archéologiques. 

La  commission  des  antiquités  de  la  Côte-d'Or  a  subventionné 
â  Minot  des  fouilles  qui  déjà  ont  donné  de  beaux  résultats. 

Le  vicomte  d'Ivory  dans  le  canton  d'Aignay,  le  docteur  Bru- 
lard  dans  les   environs  de  Châtillon,  M.  Jobard  à  Fleurey  ont 


I  I  6  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   MAÇON 

recueilli  de  nombreux  objets  qui  viennent  chaque  jour  enrichir 
nos  musées  ou  leurs  collections  particulières.  La  Société  archéo- 
logique de  Châtillon,  sous  la  direction  de  son  savant  et  dévoué 
président  M.  Lorimy,  n'est  point  restée  en  arrière  et  elle  a  pro- 
fité de  l'avantage  de  sa  situation,  dans  l'arrondissement  le  plus 
riche  en  tumulus,  pour  pousser  activement  les  fouilles. 

Quant  à  notre  collègue  et  ami  M.  Corot,  il  s'est  entièrement 
consacré  à  ces  intéressantes  recherches  et  il  opère  avec  le  plus 
grand  succès  dans  les  environs  de  Minot;  aussi  avons-nous  la 
ferme  confiance  qu'il  ajoutera  bientôt  de  nouvelles  épéts  aux 
24  épéesdu  type  de  Hallstatt  qu'il  a  décrites  ou  découvertes. 


APPENDICE 

Depuis  la  présentation  de  ce  mémoire,  M.  l'abbé  Breuil,  de 
Paris,  nous  a  signalé  différents  objets  provenant  de  la  Côte-d'Or, 
qui  font  partie  de  la  collection  de  M.  le  chanoine  Greenvv'ell,  à 
Durham  (Angleterre)  : 

1°  Une  épée  à  poignée  plate  portant  cinq  trous  de  rivets, 
lame  pistiliforme  :  L.  o""  6475  (Dijon)  ; 

2°  Une  énorme  lame  recueillie  à  Beaune,  quelque  peu  ana- 
logue à  celle  décrite  par  M.  de  Mortillet,  sous  le  n°  707  du  Musée 
préhistorique;  elle  en  diffère  cependant  par  les  crans,  la  forme 
de  la  base  et  la  longueur  :  L.  0^6725. 

Saulieu  a  fourni  deux  poignards,  et  Dijon  une  faucille,  à  la 
même  collection. 


I 


ETUDE  SUR  L  AGE  DU  BRONZE  DANS  LA  COTE-D  OR     II7 

LÉGENDE 

Pl.  a. 
HACHES     TROUVÉES     DANS     LA     COTE-d'oR 

Haches  plates. 

Fig.  I.  Saint-Léger-de-Fourches  Musée  de  Dijon. 

2.  Duesme  (i)  Musée  de  Chàtillon-sur-Seine. 

Hache  à  bords  droits. 

3.  Belleneuve  (2)  Bords  resserrant  le  milieu      Musée  de  Dijon. 

Haches  à  talons. 

4.  Tanay  —  anneau  latéral  non  percé       Collection  Jobard,  Dijon. 

5.  Tanay  (3)  bouton  en  relief  Id. 

6.  Pouilly-sur-Saône  (5)  Id. 

7.  Tanay  (4)  taillant  très  cintré  Id. 

Haches  à  ailerons  sans  anneau  latéral. 

8.  Saint-Jean-de-Losne  (6)  Musée  de  Dijon. 

9.  Pagny-la-Ville  (7)  Musée  de  Dijon. 

Haches  à  ailerons  avec  anneau  latéral. 

10.  Nod  (9)  Musée  de    Châtillon-sur-Seine. 

11.  Nan-sous-Thil  (8)  Musée  de  Semur. 

12.  Nan-sous-Thil  Musée  de  Semur. 

Haches  à  douilles. 

15.  Chaugey  (12)  douille  quadrilatérale     Musée  de     Châtillon-sur-Seine. 

14.  Nan-sous-Thil  (10)  Musée  de  Semur. 

15.  Nan-sous-Thil  (11).  Ornement  en    )      -.r     .     .    c 

r  ,         ■     i    r.  ■       .     ,   .    ^      Musée  de  Semur. 

lorme  de  croix  de  Samt-Andre    S, 

Pl.  B. 
Épées. 

16.  Beaune.  —  A  beaucoup  d'analogie   1      ^  ,,      .        1      i-,  -    1   ,-1 

,,      ,     ^,                     °.     ï  Collection  du    RevJ   Chanoine 

avec  celle  de   Plougescamp  de-  f  „             n     1-.    1           \      1 

,      »,     r         ,,  .         1  Greenwell    Durham    Angle - 
ente  dans  le   Musée    prehisto-  \ 

'^                1  terre, 
rique  sous  le  n"  707. 

Note.  —  Le  nombre  des  figures  .lyant  été  augmenté  depuis  l'impression  de  ce 
mémoire,  on  est  prié  de  ne  tenir  compte  que  des  numéros  portés  dans  la  légende.  — 
Les  numéros  placés  entre  parenthèses  sont  les  anciens  numéros  désignés  dans  les 
tableaux  sous  le  nom  de  numéros  des  figures. 


i[8 


CONGRÈS  ARCHÉOLOGIdUE  DE  MAÇON 


17.  Dijon  Même  collection. 

i8.  Épcedite  deMontausain  (Monf  Auxois)  British  Muséum. 

19.  Vergy  Id. 

20.  Alise  Musée  de  Saint-Germain. 

21.  Cessey  Musée  de  Dijon. 


Pl.   C. 

Poignards. 

22..  Massingy-lès-Vitteaux 

2  3 .  Type  commun  dans  la  Côte-d'Or.     , 
Celui  qui  est  représenté  provient 
de  Saunière  (Saône-et-Loire)        ) 
Lances. 

24.  Venarey 

25.  Gissey 

26.  La  Vougeoux,  prèsMesmont 

27.  Saint-Jean-de-Losne 

Couteaux. 

28.  Veuxhaules 

29.  Mirebeau-sur-Bèze  (24) 

30.  Vix  (22) 

31.  Venarey  (21) 
52.  Pothières  (23) 

Flèches. 

33.  Diflférents  types  de   flèches  de  la    \ 

Côte-d'Or.   Les  trois    dernières    f 

proviennent    de  Meloisey  et  de    i 

Beaune.  ; 


Collection  du  D^Marchant,  Dijon. 
Collection  Court,  Dijon. 


Musée  de  Dijon. 

Id. 

Id. 
Collection  Drioton,  Dijon. 

Collection  Drioton,  Dijon. 
Collection  Millon,  Dijon. 
Musée  de  Châtillon. 
Musée  de  Semur. 
Musée  de  Châtillon. 


Collection  Changarnier,  Beaune. 


Pl.  D. 

Épées  de  la  Saône-et-Loire  conservées  dans  les  Musées  de  la  Côte-dOr. 

34.  Lays-sur-le-Doubs  Musée  de  Dijon. 

35.  Épée  trouvée  dans  la  Saône  entre    \  -li 

Tournus  et  Mâcon  ) 

36.  Chalon  Musée  de  Beaune. 

Sépultures  de  Veuxhaules  (Côte-d'Or). 

37.  Épingles  à  collerettes.  Marteau  hache  encorne  de  cerf,  pendeloques  en 
bronze.  Vase  de  couleur  rouge  en  terre  grossière. 


Pl.  a 


HACHES    TROUVÉES    DANS    LA    COTE-D'OR 


I  2 


4  S 


678  9  10 

tllll 

II  12  13  14  15 


1 


Pl.  B 


ÉPÉES    DE    LA    COTE-D'OR 


Pl.  C 


POIGNARDS,    LANCES,    COUTEAUX   ET    FLÈCHES 
DE    LA    COTE-D'OR 


28  29  30 


Pl.  D 


ÉPÉES    DE    LA    SAONE-ET-LOIRE    ET   SÉPULTURES 
DE   VEUXHAULES    (COTE-D'OR) 


34 


III 
LE  HRADISCHT 


DE 


STRADONIC    EN    BOHÊME 

ET   LES 

FOUILLES    DE    BIBRACTE. 

PAR 

M.    JOSEPH   DÉCHELETTE 


Parmi  les  stations  celtiques  connues  jusqu'à  ce  jour  en  France, 
aucune  ne  surpasse  en  intérêt  l'oppidum  de  Bibracte,  honoré 
parfois  du  titre  de  Pompéi  gauloise,  que  justifie,  dans  une  cer- 
taine mesure,  l'état  de  conservation  exceptionnelle  des  restes 
d'habitations. 

Les  fouilles,  commencées  en  1867,  n'ont  pas  encore  permis 
d'explorer  toute  la  superficie  de  ce  vaste  oppidum;  mais  une 
portion  importante  des  quartiers  habités  ont  été  successivement 
déblayés, grâce  au  zèle  de  M.  BuUiot'. Guidé  par  ses  bienveillants 
conseils,  j'ai  continué  moi-même  les  travaux  depuis  1897.  Tout 
en  poursuivant  ces  recherches,  j'ai  pu  visiter,  durant  ces  dernières 
années,  dans  les  principaux  musées  de  la  France  et  de  l'étranger, 
les  collections  provenant  des  autres  stations  celtiques  et  étudier 
l'archéologie  comparée  de  la  fin  du  second  âge  du  fer, 

I.  G.  Bulliot,  Foiiilks  du  mont  BcHi/ra^'.  Autun,  1899,  2  vol.  in-8,  avec 
un  album  de  planches  par  F.  et  N.  ThioUier. 


120  CONGRES  ARCHEOLOGIQ.UE  DE  MAÇON 

Le  présent  mémoire,  rédigé  à  l'aide  des  notes  rapportées  d'un 
voyage  en  Bohême,  se  limite  à  la  monographie  d'un  oppidum 
qui,  malgré  son  éloignement  du  pays  éduen,  offre  néanmoins 
avec  le  Mont  Beuvray  des  points  de  ressemblance  aussi  caracté- 
ristiques qu'inattendus.  A  travers  le  vaste  territoire  où  rayonna 
la  civilisation  dite  de  la  Tène,  de  l'Océan  Atlantique  à  la  Prusse 
orientale,  on  ne  saurait  trouver  un  autre  exemple  d'une  analogie 
si  complète  entre  les  types  industriels  de  deux  villes  gauloises. 

J'essaierai  d'indiquer  les  traits  les  plus  frappants  de  cette  res- 
semblance, étude  d'autant  plus  intéressante  que,  grâce  à  l'abon- 
dance des  matériaux,  cette  esquisse  nous  donnera  une  idée  géné- 
rale assez  précise  de  la  période  archéologique  à  laquelle  ces  sta- 
tions appartiennent. 

Je  ne  crois  pas  inutile  de  présenter  quelques  explications  sur 
le  système  de  classification  dont  je  fais  usage,  système  suivi 
depuis  quinze  ans  par  tous  les  archéologues  de  l'Europe  cen- 
trale, de  la  Scandinavie,  de  l'Italie,  mais  encore  trop  rarement 
adopté  chez  nous. 

C'est  en  1885  que  feu  Otto  Tischler,  professeur  cà  Koenisberg, 
proposa,  dans  une  communication  mémorable  à  la  Société 
allemande  d'anthropologie,  une  classification  méthodique  de  la 
période,  jusque  là  assez  confuse,  qui  s'étend  depuis  l'époque 
hallstattienne  ou  premier  âge  du  fer,  jusqu'au  commencement  de 
l'ère  chrétienne  '. 

Cette  période  protohistorique  des  quatre  derniers  siècles  avant 
notre  ère  est  appelée  époque  de  la  Tène,  du  nom  d'une  station 

I.  Correspondeui-Blatt  der  deutschen  Geselîscbaft  Jiïr  AnlhropoL,  1885,  p.  157. 
A  la  page  172  de  ce  recueil,  on  trouve,  réunis  sur  une  même  planche,  les 
types  d'épées  et  de  fibules  caractéristiques  pour  chacune  des  trois  périodes  de 
la  Tène.  Ces  dessins  ont  été  reproduits  dans  le  Catalogue  illustré  du  Musée  de 
Saint-Germain,  après  correction  des  confusions  typographiques  qui  se  sont 
glissées  dans  les  légendes  accompagnant  les  dessins  du  Corrcspoudeni-Blatt. 


LE    HRADISCHT    DE    STRADONIC    EN    BOHEME  121 

célèbre  située  sur  le  lac  de  Neuchatel.  Elle  a  vu  fleurir,  chez  les 
peuples  de  race  celtique  et  au  delà  de  leur  territoire,  une  civili- 
sation nouvelle,  pleine  de  vitalité  et  caractérisée  surtout  par  le 
développement  et  la  diffusion  de  l'industrie  du  fer.  A  l'aide  d'ob- 
servations multiples,  Tischler  réussit  à  lui  appliquer  une  division 
chronologique  tripartite,  dont  chaque  phase  correspond  à  une 
évolution  déterminée  de  certains  types  caractéristiques,  tels  que 
l'épée  et  la  fibule. 

Depuis  lors  et  bien  que  Tischler  n'ait  jamais  eu  le  loisir  de 
publier  un  travail  d'ensemble  sur  cette  époque  de  la  Tène,  sa 
classification  n'a  pas  tardé  à  devenir  classique  à  l'étranger.  Elle  a 
rendu  à  la  science  d'incontestables  services.  Chez  nous,  malgré 
les  efii"orts  de  quelques  archéologues,  tels  que  M.  Salomon 
Reinach,  qui  ont  reconnu  et  proclamé  dès  le  premier  jour  la 
supériorité  du  système  de  Tischler  sur  celui  de  Gabriel  de 
Mortillet,  les  dénominations  d'époque  niarniennc  et  époque  beu- 
vraysienne,  adoptées  par  ce  dernier,  sont  encore  le  plus  souvent 
usitées.  Or  ces  divisions  de  Mortillet,  qui  semblent  correspondre 
vaguement  aux  première  et  troisième  divisions  de  Tischler,  ont 
le  tort  d'être  tout  à  la  fois  un  peu  confuses  et  tout  à  fait  insuffi- 
santes :  confuses,  parce  que  leur  auteur  n'a  jamais  tracé  nettement 
leurs  caractères  différentiels  et  que  si  les  sépultures  de  la  Marne 
appartiennent  pour  la  plupart  à  l'époque  gauloise  primitive, 
on  y  rencontre  parfois  les  types  de  l'époque  '  récente  et  plus 
fréquemment  encore  ceux  de  l'époque  moyenne;  insuffisantes, 
parce  que  la  longue  durée  du  développement  de  l'industrie  cel- 
tique depuis  l'époque  hallstattienne  jusqu'au  principat  d'Auguste, 
comporte  évidemment  plus  de  deux  subdivisions. 

L'époque  de  la  Tène  est  actuellement  représentée  dans  la  plu- 
part des  pays  d'Europe.  Le  centre  de  diffusion  de  cette  culture 
celtique  n'est  pas  bien  exactement  connu  et  les  causes  qui  ont 


122  CONGRES  ARCHEOLOGIQUE  DE  MAÇON 

motivé  son  rayonnement  rapide  restent  à  déterminer,  mais,  du 
moins,  des  découvertes  nombreuses  permettent  déjà  de  lui  assi- 
gner de  vastes  frontières  que  sans  cesse  de  nouvelles  recherciies 
reculent  au  nord,  au  sud  et  à  l'est. 

Tracées  sur  la  carte  de  l'Europe  actuelle,  ces  limites  embrassent 
la  Haute-Italie,  la  Suisse,  la  France  et  les  Iles  Britanniques,  puis 
franchissant  la  zone  des  anciennes  langues  celtiques,  elles 
touchent  la  Scandinavie  méridionale,  atteignent  la  Prusse  orien- 
tale et  gagnent  l'Adriatique,  en  enveloppant  non  seulement 
l'Allemagne  mais  encore  la  Bohême,  l'Autriche-Hongrie,  la 
Bosnie  et  l'Herzégovine.  Quant  à  la  péninsule  ibérique,  jusqu'à 
ce  jour,  à  ma  connaissance,  aucune  découverte  des  types  de  la 
Tène  n'y  a  été  signalée,  à  part  quelques  fibules  :  il  y  a  là  une 
lacune  singulière  qui  ne  doit  sans  doute  être  attribuée  qu'à  l'insuf- 
fisance des  travaux  archéologiques  en  Espagne  et  en  Portugal. 

On  conçoit  aisément  qu'une  culture  occupant  un  territoire 
aussi  étendu  ne  saurait  présenter  partout  une  entière  homogénéité. 
En  Bohême,  région  celtique,  placée  au  centre  de  l'Europe,  elle 
a  pénétré  de  bonne  heure.  De  nombreuses  nécropoles  à  inhuma- 
tion ont  livré  un  mobilier  semblable  à  celui  des  sépultures  de 
la  Marne,  la  céramique  exceptée.  Dans  certaines  régions  son 
influence  s'est  heurtée  à  des  traditions  locales  persistantes  ou  à 
'  d'autres  courants  étrangers.  Elle  s'est  d'ailleurs  répandue  len- 
tement et  progressivement,  par  voie  commerciale  plutôt  qu'à 
la  suite  de  conquêtes  ou  de  migrations;  aussi  les  contrées  les 
plus  éloignées  du  centre  d'expansion  de  cette  nouvelle  industrie 
n'ont-elles  pu  en  connaître  les  types  les  plus  anciens.  Il  est 
fort  intéressant  de  constater  qu'à  cet  égard,  les  archéologues 
du  Nord  et  du  Midi  de  l'Europe  sont  conduits  à  des  constata- 
tions analogues  :  tandis  qu'en  PoméranieM.  Schumann  observe 


LK    HRADISCHT    DE    STRADOXIC    EN    BOHEME  I23 

l'absence  des  formes  de  la  Tène  I',  M.  Hoernes  fait  de  son  côté 
la  même  remarque,  pour  la  Bosnie-Herzégovine^.  Le  berceau  de 
la  Tène  ne  doit  donc  être  recherché  ni  parmi  les  tribus  illy- 
riennes  du  Sud,  ni  près  des  peuples  germaniques  de  l'Europe 
du  Nord,  mais  dans  quelque  région  jusqu'à  ce  jour  indéter- 
minée du  vaste  territoire  celtique. 

L'oppidum  ou  Hradischt  de  Stradonic  est  situé  dans  la  partie 
orientale  du  continent  de  la  Tène,  au  centre  de  la  Bohême,  à 
32  kilomètres  au  sud-ouest  de  Prague.  Son  assiette  géographique 
est  formée  par  un  plateau  dont  l'altitude  ne  dépasse  pas  385  mètres. 
A  ses  pieds  coule  un  affluent  de  la  Vltava,  la  Berounka,  dont  le 
lit  constituait  pour  l'oppidum  une  défense  naturelle. 

Le  nom  de  Hradischt  (Hradistë),  composé  de  deux  mots 
slaves,  grad,  ville  fortifiée,  oppidum,  et  istc>  terre,  emplacement, 
est  porté  en  Bohême  par  un  grand  nombre  d'anciennes  localités 
fortifiées.  M.  Pic,  conservateur  de  la  section  archéologique  du 
Musée  de  Prague,  a  dressé  la  carte  générale  de  ces  Hradischts, 
dont  le  nombre  est  supérieur  à  200'^.  Il  ressort  de  cette  statis- 
tique que  celui  de  Stradonic  est  le  seul,  parmi  ceux  antérieurs 
à  l'époque  romaine,  qui  paraisse  avoir  été  défendu  par  une 
muraille  en  pierre. 

La  superficie  de  l'oppidum  mesure  environ  140  hectares  5.  Elle 

1.  Hugo  Schumann,  Die  JVajJcn  tind  Schmuchsachen  Pommerns  iiir  Zeit  des  La 
Téne  Einfimses,  dans  les  Beitrâgc  :^.  Gesch.  u.  AJterth.  Pommerns,  Berlin,  1898, 
p.  25. 

2.  M.  Hoernes,  VÈpoqiie  de  la  Tène  en  Bosnie,  Paris,  1900. 

3.  Cf.  le  mot  russe  gorod  (Nijnii  Nov-gorod)  et  les  noms  de  lieux  serbo- 
croates  Grad,  Gradina,  Gradisce,  etc. 

4.  Pic,  Arch.  Vy^kinn  ve  slrednich  Cechach,  Prague,  1893.  Stara  hradistc 
V  Cechach,  pi.  m. 

$.  Un  plan  sommaire  du  Hradischt  figure  dans  l'ouvrage  de  Much,  Kunsthist. 
Atlas,  pi.  8f^,  fig.  2. 


124  CONGRÈS  ARCHÉOLOG1Q.UE  DE  MAÇON 

est  donc  sensiblement  égale  à  celle  du  Mont  Beuvray  (135  hec- 
tares). Dans  la  région  environnante,  d'un  aspect  assez  pittoresque, 
apparaissent  çà  et  là  de  nombreux  villages  et  des  établissements 
industriels,  séparés  par  des  forêts.  Le  sol  de  la  ville  antique  est 
livré  à  la  culture.  Ce  sont  les  travaux  agricoles  qui  ont  amené 
les  découvertes  archéologiques,  car  l'oppidum  n'a  malheureu- 
sement pas  été  exploré  méthodiquement. 

Aussi  est-il  difficile  de  savoir  en  quoi  consistaient  les  habita- 
tions et  les  ateliers,  de  connaître  leur  plan  et  la  nature  de  leurs 
matériaux.  Du  mur  d'enceinte  lui-même,  détruit  entièrement, 
c'est  à  peine  si  l'on  croit  retrouver  quelques  vestiges.  Les  gens 
de  la  localité  affirment  qu'il  était  en  pierre  ;  les  matériaux  auraient 
été  utilisés  pour  les  constructions  voisines.  Mais  ce  mur  était- 
il  établi,  comme  ceux  de  Bibracte  et  de  la  plupart  de  nos  oppida, 
suivant  la  méthode  gauloise  ?  L'absence  des  fiches  en  fer  si  abon- 
dantes dans  le  voisinage  des  remparts  construits  en  trois  maté- 
riaux, me  porterait  à  répondre  négativement.  Quelques  sondages 
dissiperaient  sans  doute  toute  incertitude  sur  cette  importante 
question. 

En  dehors  de  la  Gaule,  le  système  classique  de  construction 
des  remparts  gaulois  s'est  cependant  rencontré,  d'une  part,  en 
Ecosse,  à  Burghead",  de  l'autre,  à  Alt  Kônig,  dans  la  province 
de  Nassau^. 

A  Stradonic,  ce  n'est  donc  pas,  comme  au  Mont  Beuvray, 
l'oppidum  lui-même  avec  son  système  défensif  et  ses  fonds  d'habi- 
tations qui  doit  retenir  notre  attention,  mais  uniquement  les 
objets  divers  recueillis  dans  les  fouilles. 

Wilhclm  Baer,  Der  vorgeschichtliche  Mensch,  éd.  Hellwald,  Leipzig,  1880,  p. 
670.  Cinq  pages  de  cet  ouvrage  sont  consacrées  à  Stradonic. 

1.  Young,  Notes  of  ihe  ramparts  of  Burghead.  as  revealed  hy  récent  excavations, 
dans  les  Proceedingsof  the  Soc.  of  aiilh.  ofScotîand,  t.  I,  189 1,  p.  455. 

2.  Annalen  des  Vereins  filr  Nassauich  Alterth.,  t.  18,  1884. 


LE    HRADISCHT    DE    STRADOXIC    EN    BOHEME  125 

La  première  trouvaille  importante  remonte  au  2  août  1877; 
elle  consistait  en  un  trésor  de  200  monnaies  d'or  celtiques,  dont 
je  parlerai  plus  loin.  Auparavant  une  masse  énorme  d'ossements 
d'animaux  avait  déjà  été  recueillie.  La  découverte  du  trésor  eut 
pour  résultat  immédiat  d'engager  les  cultivateurs  à  remuer  le 
sol  plus  profondément.  On  ouvrit  des  tranchées.  Elles  furent 
prodigieusement  fructueuses.  On  estime  à  plus  de  20.000  le 
nombre  des  objets  exhumés. 

Une  grande  partie  de  ces  richesses  fut  dispersée  sans  profit 
pour  la  science.  Le  sort  funeste  d'une  station  aussi  féconde, 
véritablement  livrée  au  pillage  par  des  fouilleurs  avides  et  igno- 
rants, serait  un  des  exemples  les  plus  frappants  à  invoquer  à 
l'appui  de  la  nécessité  d'une  législation  spéciale  concernant  les 
fouilles  archéologiques,  telle  qu'elle  est  réclamée  maintenant 
dans  certains  pays.  Un  témoin  des  fouilles  de  Stradonic, 
M.  Osborne,  exagère  sans  doute  en  les  comparant  pour  la 
richesse  et  l'abondance  à  celles  de  Hallstatt  et  des  palafittes  de  la 
Suisse,  mais  il  est  sûr  que  les  collections  publiques  n'ont  recueiUi 
qu'une  partie  de  ces  précieuses  récoltes. 

Le  musée  de  Prague  en  détient  la  meilleure  part.  Le  reste 
est  conservé  dans  les  musées  de  Vienne  et  de  Dresde.  Je  ne  par- 
lerai pas  de  certaines  collections  particulières,  formées  dans 
le  voisinage  de  l'oppidum  à  une  époque  où  une  bande  de  faus- 
saires audacieux,  mais  heureusement  inexpérimentés  et  naïfs,  livra 
au  commerce  de  grossières  imitations  des  antiquités  de  Stradonic. 
Les  falsifications  prirent  naissance  quand  le  sol  de  l'oppidum  com- 
mençant à  s'épuiser,  ne  suffisait  plus  i\  la  demande  des  amateurs. 
L'industrie  des  faussaires  assura  pendant  quelques  années  encore 
aux  fouilles  du  Hradischt,  sa  fertilité  intensive.  Il  serait  toutefois 
difficile  à  un  archéologue  quelque  peu  expérimenté  de  se  laisser 
surprendre  par  de  telles  contretaçons. 


126   '       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQ.UE  DE  MAÇON 

J'ai  pu  étudier  à  loisir  les  objets  conservés  à  Prague  et  à  Vienne, 
grâce  à  l'extrême  obligeance  des  directeurs  de  ces  deux  musées, 
MM.  Pic,  Hoernes  et  Szombathy;  qu'il  me  soit  permis  de  leur 
adresser  mes  vifs  remerciements  ' . 

Mon  intention  n'est  point  de  procéder  à  l'inventaire  détaillé 
de  toutes  ces  richesses.  Ai-je  besoin  de  dire  qu'un  travail 
aussi  étendu  ne  saurait  être  demandé  à  un  carnet  de  voyage  ? 
Jusqu'à  ce  jour  en  effet,  bien  que  ces  découvertes  aient  été  sou- 
vent mentionnées,  on  ne  leur  a  encore  consacré  que  de  courtes 
notices,  accompagnées  d'illustrations  clairsemées^.  Mais  je  suis 
heureux  d'annoncer  que  M.  le  D""  Pic  travaille  à  la  rédaction 
d'une  grande  monographie  de  cette  station.  L'Académie  de 
Prague,  en  ajoutant  cette  publication  aux  précédents  volumes 
consacrés  à  la  Bohême  préhistorique,  s'acquerra  de  nouveaux 
titres  à  la  reconnaissance  des  archéologues. 

Quanta  moi  je  m'attacherai  surtout  à  indiquer  le /craVj- géné- 
ral des  fouilles  de  Stradonic,  en  notant  les  traits  essentiels  qui 
rapprochent  cette  station  de  l'oppidum  éduen.  Certaines  catégories 
d'objets  retiendront  donc  particulièrement  mon  attention.  J'aurai 
soin  de  mentionner  tout  ce  qui  est  de  nature  à  fournir  quelque 
donnée  chronologique. 

J'examinerai  successivement  :  i^'Les  monnaies.  2°  Les  fibules. 

1.  Je  dois  à  M.  Hoernes  notamment  la  communication  des  documents  qui 
ont  servi  à  l'illustration  de  cette  notice. 

2.  Bibliographie  :  Osborne,  Der  Hradischt  bel  Stradonic  in  Bohmen  uni  die 
daselbstgef.  pràhist.  Gegenstànde  {Separat-Abdruck  a.  Sit^unghe.  d.  Natur.  Gesell. 
«  Isis  »),  Dresde,  1878.  —  Du  même,  Mittheil.  der  Anthrop.  Gesell.  in  Wien, 
t.  X,  p.  234.  — D""  Voss,  Correspond. -Blatt  der  deulsch.  Gesell. fier  Anthrop., nie, 
1878,  no  4.  —  De  Hochstetter,  Mittheil.  der  Anthrop.  Gesell.  in  Wien, 
t.  VIII,  p.  142.  —  Undset,  Das  erste  Auftrelen  des  Eisens  in  Nord-Eiiropa, 
1882,  p.  46.  —  Dr  Pic,  A rcheologicky  Vy{kum  ve  Strednich  Cechach,  Prague, 
1897,  p.  106.  — M.  Hoernes,  Urgeschichte  des  Menschen,  p.  644,  signale  déjà 
l'analogie  de  Bibracte,  de  Stradonic  et  de  G  urina  en  Carinthie. 


LE    HRADISCHT    DE    STRADONIC    EN    BOHEME  12'] 

3°  Les  émaux.  4°  Les  vases  peints.  5°  Les  armes.  6°  Certains 
objets  divers.  J'essaierai  ensuite  de  rechercher  la  date  de  l'occu- 
pation de  l'oppidum  et  la  natiofialité  des  habitants. 


L    LES    MONNAIES 

J'ai  déjà  dit  que  la  découverte  d'un  trésor  de  200  monnaies  d'or 
avait  été  le  point  de  départ  des  fouilles  de  Stradonic.  Ces  pièces, 
dispersées  par  les  inventeurs,  appartenaient  au  monnayage  bar- 
bare connu  en  numismatique  sous  le  nom  populaire,  devenu 
classique,  de  Regenbogcnschiisselcheii. 

Une  autre  cachette  de  ces  mêmes  pièces,  très  répandues  en 
Bohême  et  en  Bavière,  et  d'une  importance  beaucoup  plus  con- 
sidérable —  on  en  a  évalué  le  prix  à  16.000  florins  —  avait  été 
découverte  en  1771  à  Podmohl,  près  de  Stradonic. 

Comme  au  Mont  Beuvray,  où  plus  de  1 100  monnaies  antiques 
(1030  gauloises,  114  romaines)  sans  compter  les  pièces  frustes, 
ont  été  recueillies  une  à  une  depuis  1867 ',  le  numéraire  égaré 
sur  le  sol  de  Stradonic  au  tempsdeson  occupation  est  considé- 
rable. J'ai  trouvé  au  total  450  exemplaires,  dans  les  collections 
de  Prague  et  de  Vienne  et  dans  la  collection  du  prince  de  Furs- 
temberg. 

Quelques  exemplaires  de^  Regenbogen  figurent  parmi  le  fonds  de 
Stradonic,  aux  Musées  de  Prague  et  de  Vienne  (pi.  II,  fig.  1-3)- 
Ces  diverses  variétés  sont  classées  aux  Boïens,  depuis  la  publi- 
cation que  Streber  leur  a  consacrée  en  1860,  dans  les  Comptes 
rendus  de  l'Académie  de  Vienne  ^  Toutefois  Streber,  en  les  attri- 

1.  Voir  notre  Inventaire  des  monnaies  antiques  recueillies  au  Mont  Beuvray  de 
i86j  à  iSç}S,  extrait  de  la  Revue  numismatique,  1899,  p.  129. 

2.  Franz  Streber,  Ueber  die  sog.  Regeubogenschusselcjen,  Munich,  1860  et  1S62. 


128  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  MAÇON 

buant  au  v"-"  siècle  ou  au  iv''  siècle  avant  J.-C,  leur  donnait  une 
trop  haute  antiquité.  Son  opinion  était  déjà  combattue  par 
Longpérier  qui  faisait  remarquer  la  similitude  du  poids  de  ces 
monnaies  avec  celui  de  l'aureus  romain,  frappé  pendant  les 
deux  derniers  siècles  de  la  République  ÇRev.  Numisiii.,  1863, 
p.  145).  Aujourd'hui  les  numismates  placent  en  général  l'émis- 
sion de  ces  monnaies  barbares  au  i'^''  siècle  avant  notre  ère 
seulement.  Les  deux  types  les  plus  abondants  correspondent  aux 
n°'  9459  et  9467-68  de  V Atlas  de  M.  de  la  Tour  (pi.  XL).  On 
trouve  aussi  parmi  les  monnaies  d'or  quelques  unités  aux  types 
suivants:  Germani,  pi.  XXXVIII,  n°  9367;  Boii,  pi.  XXXIX, 
n°  9424;  Boii,  pi.  XL,  n°  9449  \ 

A  côté  de  ces  monnaies  d'or,  le  groupe  numériquement  le 
plus  important  est  formé  par  une  série  de  petites  pièces  en 
argent  dont  le  module  minuscule  rappelle  celui  des  oboles  de 
Marseille  :  au  droit,  une  tête  barbare  tournée  à  gauche;  au  revers, 
un  cheval,  parfois  sanglé,  galopant  à  gauche  (pi.  II,  fig.  4,  6). 
Le  style  de  cette  dernière  figure,  par  ses  articulations  globu- 
leuses rappelle  les  types  monétaires  des  Séquanes  et  des  Eduens. 
On  compte  de  300  à  350  de  ces  oboles,  dont  la  moitié  n'ont  été 
frappées  que  sur  une  face,  celle  du  cheval,  le  droit  de  la  pièce 
restant  lisse.  Un  petit  nombre  sont  en  or. 

Que  nous  soyons  ici  en  •  présence  d'une  monnaie  indigène, 
c'est  ce  que  fait  pressentir  non  seulement  son  extrême  abondance, 
mais  encore  la  présence  d'un  certain  nombre  de  flans  en  argent 
de  même  module,  qui,  préparés  pour  la  frappe,  n'ont  reçu  aucune 
empreinte.  Le  n°  9472  de  la  Bibliothèque  nationale  classé  aux 


I.  La  plus  récente  étude  se  rattachant  à  ce  monnayage  est  celle  de  M.  B. 
Rebcr  :  //;  dcr  Sclm'ei:^  aufgefiuidene  Rcgeiih.  und  verivatidtc  Gold))nhi:ien,  dans 
V Indicateur  d'antiquités  suisses,  1900,  no  4. 


LE    HRADISCHT    DE    STRADOXIC    EN    BOHEME  I29 

3oii  (Atlas,  pi.  XL)   est  encore  une  des  variétés  recueillies  au 
Iradischt. 

En  dehors  de  ces  deux  groupes  qui  paraissent  constituer  le 
nonnayage  local,  on  rencontre  certains  types  étrangers  dont  il 
:st  très  intéressant  de  connaître  la  composition,  car  elle  jette 
[uelque  lumière  sur  les  relations  commerciales  que  les  habitants 
le  l'oppidum  entretenaient  avec  les  peuples  voisins.  Rome  n'est 
•eprésenté  que  par  un  as  et  un  demi-as  de  la  République,  au 
ype  de  Janus  bifrons  et  du  rostre  de  navire'.  L'absence  de  toute 
nonnaie  impériale  est  un  fait  dont  je  n'ai  pas  besoin  de  faire 
•essortir  l'importance. 

Comme  monnaies  étrangères,  j'ai  noté  en  outre  les  types 
suivants  : 

1°  Sept  bronzes  coulés,  type  barbare  au  taureau  cornupète 
informe,  appartenant  à  la  fin  du  monnayage  gaulois;  abondant 
:hez  les  Helvètes,  les  Éduens,  les  Ségusiaves  et  les  Séquanes 
^pl.  II,  fig.  5).  Il  constitue  à  lui  seul  le  quart  des  récoltes 
du  Beuvray.  M.  Osborne  l'indique  comme  la  monnaie  la 
plus  abondante  de  Stradonic,  après  les  Regenbogensch.  et  les 
petites  oboles  d'argent.  Je  n'en  ai  compté  cependant  que  sept 
exemplaires. 

2°  Quatorze  tétradrachmes  en  argent,  imités  des  monnaies  de 
Philippe  II  de  Macédoine,  type  répandu  dans  les  régions  du 
Danube  (cf.  Atlas  de  la  Tour,  pi.  XLVI-XLVII).  Ces  exemplaires 
sont  assez  frustes. 

3°  Treize  deniers  helvètes  au  rameau.  Arg.  (^//^«,  pi.  XXXVIII, 
9322  ;  Meyer,  Beschreibung  der  in  der  Schwei'{^  aufgefiindenen  gal- 
lischen  Mun^en,  pi.  I,  n°'  15-30).  Trois  exemplaires  au  Mont 
Beuvray. 

I.  Osborne,  toc.  cit.,  p.  241. 

Congrès  ARCHtoLociQUE  di-  maçon.  5 


130  CONGRES  ARCHEOLOGiaUE  DE  MAÇON 

4°  Deux  pièces  Helvètes  en  bas  or,  au  type  du  quadrige.  (Cf. 
Atlas,  pi.  XXXVIII,  n°  9306).  Un  exemplaire  au  MontBeuvray. 

5°  Un  bronze  fondu  helvète  (Atlas,  pi.  XXXVIII,  n°  9361). 

6°  Une  monnaie  d'argent  des  Vindelici  (Atlas,  pi.  XXXVIII, 
n°9388).  Personnage  ailé  tenant  un  torques. 

7°  Trois  bronzes  coulés  des  Lingons.  Au  droit,  un  personnage 
porteur  d'un  torques,  marchant  à  droite,  qui  peut  se  rapprocher 
du  type  précédent.  Au  revers,  un  ours  et  un  serpent.  (Atlas, 
pi.  XXXII,  n°  8124).  Deux  exemplaires  au  Mont  Beuvray. 

8°  Trois  bronzes  coulés  classés  aux  Leuci,  type  du  sanglier 
(Atlas,  pi.  XXXVII,  9044  ou  9078).  Un  exemplaire  au  Mont 
Beuvray. 

9°  Deux  deniers  d'argent,  de  la  série  à  la  légende  KAA  ou 
KAAEAOT,  commune  dans  l'est  de  la  Gaule  et  autrefois  attribuée 
aux  Éduens  (Atlas,  pi.  XXXII,  n°8i78).  Vingt-quatre  exem- 
plaires au  Mont  Beuvray. 

Il  ressort  en  outre  de  cette  étude  numismatique  que  non  seu- 
lement le  numéraire  helvète  est  abondant  à  Stradonic,  mais  que 
les  monnaies  de  la  Gaule  qui  y  circulent,  sont  aussi  celles  que  le 
commerce  apportait  dans  l'ancienne  Helvétie,  comme  en  témoigne 
la  description  des  monnaies  gauloises  trouvées  en  Suisse,  publiée 
dans  les  Mémoires  de  la  Société  de  Zurich  en  1863  et  que  j'ai 
déjà  citée.  On  peut  s'assurer  par  cet  inventaire  que  tous  les 
types  communs  à  Bibracte  et  à  Stradonic  se  rencontrent  dans 
l'Helvétie. 


IL    —    FIBULES 

La  collection  des  fibules  provenant  de  Stradonic  est  abondante 
et  variée.  On  en  compte  au  musée  de  Prague  environ  trois  cents 


I 


LE    HRADISCHT    DE    STRADONIC    EN    BOHEME  I3I 

dont  un  petit  nombre  en  argent  et  en  or,  près  de  cent  cinquante 
sn  fer,  les  autres  en  bronze.  Le  musée  de  Vienne  en  possède  une 
centaine  en  fer  et  en  bronze. 

Parmi  ces  dernières,  il  s'en  trouve  deux  qui  sont  restées  ina- 
chevées (pi.  I,  fig.  I  et  2).  Elles  démontrent  clairement  que 
Stradonic  n'était  pas  seulement  une  place  de  guerre  et  un  empo- 
rium,  mais  encore,  comme  le  Mont  Beuvray,  un  centre  de  fabri- 
cation métallurgique.  Au  reste,  des  creusets  et  des  outils  de 
fondeurs,  des  scories  de  fer  et  divers  autres  débris  ont  été  retirés 
des  décombres.  Les  deux  fibules  inachevées  laissent  déjà  recon- 
naître vaguement  la  forme  qu'elles  devaient  revêtir  :  l'une 
(fig.  2)  est  en  fer,  avec  un  porte-agrafe  percé  d'une  ouverture 
allongée,  une  nodosité  sur  l'arc  et,  à  la  naissance  de  la  tige  brisée 
qui  formera  les  spires  du  ressort,  un  appendice  destiné  à  en  devenir 
la  griffe.  L'autre  fibule  embryonnaire  (fig.  i)  est  en  bronze  et  de 
forme  semblable,  moins  la  griffe. 

On  sait  que  la  fibule  de  la  Tène  est  formée  d'un  fil  métallique 
d'une  seule  pièce  ;  tour  à  tour  cylindrique  ou  aplati,  rectiligne, 
spiraliforme  ou  cintré,  ce  fil  constitue  successivement  les 
diverses  parties  de  la  fibule,  savoir  V ardillon  ou  épingle,  le  ressort 
et  Varc  où  l'on  peut  distinguer  la  tête,  près  du  ressort,  et  le  pied, 
opposé  à  la  tête  ;  au  pied  de  l'arc  est  fixé  le  porte-agrafe.  Le 
ressort  est  toujours  bilatéral,  c'est-à-dire  que  les  spires  s'enroulent 
symétriquement  de  part  et  d'autre  de  la  tête  ;  la  partie  rectiligne 
du  ressort,  réunissant  les  deux  groupes  de  spires  porte  le  nom 
de  corde  du  ressort  (fig.  2,  c). 

De  ces  diverses  parties  constitutionnelles  de  la  fibule  de  la 
Tène,  la  plus  intéressante  pour  l'étude  et  le  classement  typolo- 
gique de  cet  objet,  c'est  le  pied  de  l'arc  et  ses  appendices. 

La  fibule  de  la  Tène  I  (pi.  I,  fig.  3  et  4)  porte  à  l'extrémité 
du    pied    un    appendice    caudal    dont    le   rôle   est     purement 


132  CONGRES  ARCHEOLOGiaUE  DE  MAÇON 

décoratif  :  relevé  obliquement  au-dessus  du  porte-agrafe,  tout  en 
restant  li-bre,  il  s'appuie  contre  la  flice  dorsale  de  l'arc;  à  son 
extrémité  est  fixé,  soit  une  petite  boule,  soit  un  disque,  ce  dernier 
quelquefois  orné  de  corail  ou  d'émail. 

En  Bohême,  une  masse  considérable  de  fibules  du  type  clas- 
sique de  la  Tène  I,  commun  dans  l'est  de  la  Gaule  et  en  Suisse, 
ont  été  découvertes  à  Dux  en  1881  '.  Cette  fibule  s'est  rencon- 
trée dans  plusieurs  autres  stations  de  la  Bohême,  notamment 
dans  la  nécropole  de  Langugest,  cimetière  de  l'époque  de  la 
Tène  I,  fouillée  méthodiquement  par  M.  le  chevalier  de  Weinzierl  -. 

Plus  tard,  h  l'époque  de  la  Tène  II,  l'appendice  n'est  plus  sim- 
plement adossé  mais  lié  à  l'arc,  au  moyen  d'un  petit  annelet  ou 
d'un  bouton  (pi.  I,  fig.  5). 

Enfin  avec  la  Tène  III,  cet  appendice  caudal  fait  désormais  corps 
avec  l'arc.  La  forme  en  s  ^désormais  disparu.  Le  bouton  ou  anneau 
des  types  antérieurs,  maintenant  sans  emploi,  se  trouve  supprimé 
ou  ne  subsiste  que  comme  rudiment  et  motif  d'ornementation 
(pi.  I,  fig.  9,  10  et  12).  En  même  temps  le  porte-agrafe,  bénéficiant 
de  cette  modification,  commence  à  se  développer  et  à  revêtir 
parfois  la  forme  d'une  plaque  percée  à  jour'. 

Tel  est  le  schéma  de  cette  évolution,  mais  chacun  des  trois 
groupes  comprend  d'abondantes  variétés.  Celles  de  la  Tène  III 
sont  cependant  les  plus  nombreuses;  elles  sont  aussi  les  plus 
intéressantes,  car  plusieurs  ont  donné  naissance  aux  fibules  dites 
provinciales-romaines,  ou  chez  nous,  gallo-romaines.  En  efiiet, 

1.  V.  Much,  Kwisthist.  Atlas,  pi.  87  et  88. 

2.  Chevalier  Robert  de  Weinzierl,  Das  La  Tène-Grabfeld  von  Langugest  hei 
Bilin,  in  Bohtnen,  Brunswick,  1899. 

3.  Tischler,  Ueber  die  Formen  der  Geiuandnadeln,  dans  les  Beitrâge  :^ur  Anthrop. 
u.  Uergesch.  Bayerns,  t.  IV,  1881.  —  Du  même,  le  chapitre  «  die  Geiuandna- 
deln oder  Fiheln  »  dans  Touvriige  de  A.  B.  Meyer  :  Gtirina  in  Obergailthal  (Carin- 
thie),  Dresde,  1885. 


LE    HRADISCHT    DE    STRADONIC    EN    BOHEME 


133 


l'industrie  italique,  lors  de  sa  diffusion  dans  l'Europe  centrale, 
n'arrêta  pas  le  développement  de  la  fibule  de  la  Tène,  qui  se 
poursuivit  jusqu'au  temps  des  invasions  germaines,  tout  au  moins 
dans  certaines  régions.  Il  semble  qu'un  très  petit  nombre  de 
fibules  du  premier  siècle  de  notre  ère,  telles  que  la  fibule  à  char- 
nière, soit  originaires  d'Italie.  Parmi  les  fibules  récentes  delà  Tène 
et  leurs  dérivés  immédiats,  il  n'est  donc  pas  toujours  aisé  de  dis- 
tinguer les  types  proprement  gaulois  de  ceux  qui  sont  postérieurs 
à  la  conquête. 

A  la  fin  de  la  Tène  III,  le  type 
de  la  fibule  subit  plusieurs  modi- 
fications qui  ont  pour  but  d'aug- 
menter la  solidité  et  la  fixité  du 
ressort.  1°  Celui-ci,  en  raison  de 
sa  largeur  parfois  excessive,  —  on 
comptait  jusqu'à  70  spires  et  plus 
sur  certaines  fibules  de  la  Tène  II 
—  était  sujet  à  se  cintrer.  On  obvia  à  cet  inconvénient 
par  plusieurs  procédés,  soit  en  élargissant  la  tête  de  l'arc  afin  que 
le  ressort  se  trouvcât  assujetti  sur  toute  sa  longueur,  soit  en  greffant 

sur  cette  tête  deux  petits 
appendices  latéraux  (fig.  i, 
b).  Ceux-ci,  tout  d'abord 
simples  lamelles  plates, 
s'agrandissent  peu  à  peu, 
revêtent  la  forme  demi- 
cylindrique  et  finissent  par 
envelopper  entièrement  le 
ressort  d'une  douille  cylindrique  ou  quadrangulaire.  2°  La 
corde  du  ressort  était  jusqu'alors  complètement  libre  et  par 
conséquent    exposée    à    se    fausser  :   on   l'assujettit   au   moyen 


134  CONGRES  ARCHEOLOGiaUE  DE  MAÇON 

d'une  griffe  ou  crochet  destiné  à  maintenir  sa  forme  rectilisfne 
(fig.  2,  a). 

A  côte  de  ces  perfectionnements  de  solidité,  il  en  est  qui  n'ont 
d'autre  objectif  que  de  parachever  la  décoration  de  cet  objet  de 
toilette  ;  ils  portent  sur  la  plaque  du  porte-agrafe,  souvent  délica- 
tement ajourée,  ou  sur  l'ornementation  de  l'arc. 

Après  ces  explications  préliminaires  sur  les  fibules  de  la  Tène, 
en  général,  passons  à  l'examen  de  celles  de  Stradonic. 

1.  PL  I,  fig.  3  et  4.  Ce  type  classique  de  la  Tène  I  n'est  repré- 
senté, au  Musée  de  Vienne,  que  par  trois  ou  quatre  exemplaires 
de  Stradonic.  Ce  nombre  est  trop  faible  pour  indiquer  une 
occupation  de  l'oppidum  au  temps  de  la  Tène  primitive. 

2.  PI.  I,  fig.  5.  Type  de  la  Tène  IL  II  ne  se  rencontre  pas 
au  Beuvray,  non  plus  que  le  précédent',  parmi  les  fibules  en 
bronze.  Quant  aux  fibules  en  fer  de  Bibracte,  elles  sont  malheu- 
reusement trop  incomplètes  pour  que  l'on  puisse  reconnaître 
leur  forme  exacte.  A  Stradonic,  la  fibule  de  la  Tène  II  est  au 
contraire  une  des  plus  abondantes. 

Si  ce  type  a  pris  naissance  au  troisième  et  au  second  siècle 
avant  notre  ère,  comme  le  pensait  Tischler,  il  serait  toutefois 
imprudent  de  ne  pas  lui  reconnaître,  tout  au  moins  dans  cer- 
taines régions,  une  assez  longue  survivance.  Je  citerai  à  ce  sujet, 
un  fait  caractéristique.  A  Ornavasso,  dans  la  Haute-Italie,  pro- 
vince de  Novare,  M.  Bianchetti  a  fouillé  deux  riches  nécropoles, 
dont  l'une,  du  second  siècle,  fut  abandonnée  en  l'an  89  avant 
J.-C.  C'est  la  nécropole  de  San  Bernardo^  Celle  de  Persona, 
dont  les   plus  anciennes  monnaies  datent  de   88,   lui  succéda 

1 .  C'est  par  erreur  que  le  baron  de  Trôltsch  dans  sa  Ftind-Statistik  (Stuttgart, 
1884)  indique  le  Beuvray  parmi  les  stations  où  s'est  rencontrée  la  fibule  de  la 
Tène  primitive.  En  général,  les  données  de  cet  auteur  sont  insuffisantes  et 
inexactes. 

2.  EnncoïiiznchQni,  I ^epoîcreii  di  Ornavasso,  Turin,  2  vol.,  1895. 


LE    HRADISCHT    DE    STRADONIC    EN    BOHEME  I35 

immédiatement.  Or  la  fibule  de  la  Tène  II  à  longua  molla  spirala, 
qui  domine  à  San  Bernardo,  continue  d'être  la  plus  abondante 
dans  les  tombes  de  Persona.  Bien  plus,  on  la  trouve  associée, 
dans  dix-huit  de  ces  sépultures,  à  des  monnaies  d'Auguste,  dont 
quatre  frappées  sous  Tibère.  Il  y  aurait  donc  lieu  de  rechercher 
dans  quelle  mesure  la  survivance  si  frappante  à  Ornavasso,  de  la 
fibule  de  la  Tène  II,  durant  la  période  suivante,  pourrait  être 
généralisée.  En  général,  je  crois  que  les  données  chronologiques 
appuyées  sur  la  fibule  de  la  Tène  II  doivent  êtfe  contrôlées  avec 
soin  par  l'étude  des  autres  objets. 

3.  PI.  I,  fig.  8.  Fibule  de  la  Tène  II,  avec  forme  spéciale  de 
l'arc  qui  s'élargit  en  plaque  rectangulaire,  à  nervure  dorsale.  Une 
dizaine  d'exemplaires  en  bronze. 

4.  PL  I,  fig.  7.  Type  de  la  Tène  III  de  la  forme  la  plus  simple. 
C'est  un  des  type.s  les  plus  abondants  de  Stradonic.  Ces  fibules 
sont  les  unes  en  fer,  les  autres  en  bronze. 

5.  PI.  I,  fig,  6.  Fibules  en  fer  de  la  Tène  III,  commune 
à  Stradonic  et  à  Bibracte.  La  forme  précédente  paraît  n'en  être 
qu'une  variante. 

6.  PI.  I,  fig.  II.  Fibule  à  ressort  coiffe  d'une  coquille  (m/7 
schalenfôrmigen  Kopfe).  Plusieurs  exemplaires  en  bronze  et  en 
argent  ;  un  seul  en  or.  Ce  type  s'est  rencontré  à  Nauheim,  nécro- 
pole à  incinération  de  la  fin  de  la  Tène  III,  située  aux  environs 
de  Francfort  et  datée  par  des  monnaies  de  la  seconde  moitié  du 
premier  siècle  avant  notre  ère.  Elle  a  été  trouvée  dans  beaucoup 
d'autres  localités,  notamment,  en  France,  à  Châlons  et  à  Besançon. 
Le  Mont  Beuvray  n'en  compte  qu'un  seul  spécimen. 

7.  PI.  I,  fig.  10.  Type  connu  en  Allemagne  sous  le  nom 
de  fibule  de  Nauheim  en  raison  de  son  abondance  dans  cette 
nécropole.  La  fibule  de  Nauheim  est  commune  en  Gaule,  notam- 
ment à  Bibracte  et  en  Auvergne  (Corent  et  Gergovie).  Elle  est 


13e  CONGRES  ARCHEOLOGIQ.UE  DE  MAÇON 

caractérisée  par  un  ressort  à  quatre  spires,  sans  griffe,  un  arc 
faiblement  infléchi,  à  dos  plat,  et  qui  s'amincit  de  la  tête  au  pied. 
Cet  arc  est  souvent  orné  dans  sa  partie  large  de  bandes  longi- 
tudinales, ciselées.  La  corde  du  ressort  passe  en  dessous  l'arc. 

Cette  forme,  très  répandue,  est  tout  à  fait  caractéristique  pour 
la  fin  de  la  Tène  III. 

8.  PI.  I,  fig.  12.  Fibule  à  ailettes  naissantes.  On  rencontre 
fréquemment  dans  les  régions  situées  au  sud  du  Danube,  dans 
la  Pannonie  et  leJvîorique,  une  fibule  à  laquelle  les  archéologues 
allemands  ont  donné  le  nom  de  fibule  à  ailettes  (^FUïgelfibel^.  Elle 
se  distingue  par  l'élargissement  de  la  tête  de  l'arc,  par  le  large 
développement  du  porte-agrafe  très  souvent  élégamment  ajouré; 
et  surtout  par  la  présence  de  deux  ailettes  accolées,  quelquefois 
chargées  de  petites  cornes,  et  qui  prennent  naissance  sur  le 
disque  de  l'arc.  La  statistique  des  monnaies,  associées  à  cette 
fibule  norico-pannonique,  permet  de  la  classer  aux  deux  premiers 
siècles  de  notre  ère.  Mais  elle  a  eu  pour  ascendant  direct  une 
variété  de  la  Tène  III  qui  est  précisément  ce  type  de  Stradonic. 
Sur  cette  dernière,  on  distingue,  appliqué  à  une  des  faces 
latérales  de  la  nodosité  de  l'arc,  un  appendice  recourbé,  embryon 
de  l'ailette.  Près  de  cinquante  exemplaires  de  ce  modèle  ou  de 
ses  variétés  figurent  parmi  les  trouvailles  de  Stradonic. 

En  Gaule,  si  nous  ne  rencontrons  pas  exactement  ce  même 
type,  nous  avons  du  moins  une  forme  similaire  à  Bibracte, 
à  Alésia,  à  Gergovie  et  dans  d'autres  oppida.  La  fibule  gauloise 
possède  deux  ailerons  greffés  sur  un  petit  disque  perpendiculaire 
à  l'arc  et  déjà  plus  développés  et  plus  saillants  que  ceux  du  modèle 
de  Stradonic;  son  porte-agrafe  est  ajouré,  mais  sa  particularité 
la  plus  importante  consiste  dans  l'apparition  de  la  griffe  du  ressort. 

Toutes  les  fibules  à  ailettes  naissantes  de  Bibracte,  de  Gergo- 
vie et  d' Alésia,  sauf  peut-être  de  rares  exceptions,  sont  munies 


LE    HRADISCHT    DE    STRADONIC    EN    BOHEME  I37 

de  cette  griffe.  L'importance  de  cette  nouvelle  pièce,  pour  le 
classement  chronologique  de  la  fibule  n'a  pas  échappé  à  Tischler, 
mais  il  a  reconnu  lui-même  qu'il  était  excessif  de  faire  de  cette  par- 
ticularité de  construction  un  caractère  distinctif  entre  les  formes 
proprement  gauloises  et  les  formes  gallo-romaines,  puisque  la 
fibule  à  griffe  figure  non  seulement  dans  les  récoltes  du  Beuvray, 
mais  encore  parmi  celles  d'Alésia  '.  Il  serait  plus  juste  de  dire  que 
l'emploi  de  la  griffe  s'est  répandu  durant  la  seconde  moitié  du 
premier  siècle  avant  notre  ère.  Au  reste.  Tischler  se  trompe  assu- 
rément lorsqu'à  propos  de  cette  fibule,  il  ajoute  que  la  fin  de 
l'occupation  du  Mont  Beuvray  est  incertaine  ^  Cette  assertion 
montre  qu'il  connaissait  mal  la  composition  des  trouvailles  numis- 
matiques  de  Bibracte.  Tout  au  contraire,  celles-ci  fournissent  à 
cet  égard  les  conclusions  chronologiques  les  plus  précises, 
zomme  nous  l'avons  dit. 

En  Gaule,  la  fibule  à  ailettes  a  disparu  de  bonne  heure  sans 
donner  naissance  à  aucun  dérivé,  tandis  que  la  forme  correspon- 
dante de  Stradonic  devint  le  prototype  de  la  fibule  norico-panno- 
nique. 

9.  En  parlant  incidemment  de  Stradonic,  Tischler  a  fait  obser- 
ver que  parmi  les  objets  retirés  de  ces  fouilles  il  s'en  trouve  un 
petit  nombre  qui  appartiennent  à  une  époque  évidemment  beau- 
coup plus  récente  que  la  masse  des  autres  trouvailles.  Ce  second 
groupe  est  distinct,  ajoute-t-il,  et  ne  saurait  se  confondre  avec 
le  premier.  Je  ne  vois  qu'une  fibule  —  mais,  rien  autre  —  à 
laquelle  cette  observation  puisse  s'appliquer.  C'est  la  fibule  à 
arbalète  (pi.  I,  fig.  14)  répandue  dans  l'Europe  septentrionale, 
et  qui  se  rencontre  aussi  en  Bohême  et  dans  l'Allemagne 
du  centre.  Le  spécimen  unique  de  Stradonic,  conservé  au  Musée 

1.  Gurina,  p.  26. 

2.  Ihid.,  p.  26. 


1^8  CONGRÈS  ARCHHOLOGiaUH  DE  MAÇON 

de  Vienne,  type  ù  arbalète  munie  d'un  bouton  à  trois  de  ses 
extrémités,  n'est  certainement  pas  antérieur  au  troisième  siècle 
après  J'.-C.  On  ne  saurait  attacher  aucune  importance  à  cette 
unité  d'autant  qu'en  l'absence  de  tout  inventaire  des  fouilles 
certaines  pièces  étrangères  aux  trouvailles  de  Stradonic  ont  pu 
être  glissées  aisément  dans  les  lots  d'objets  vendus. 

10.  PI.  I,  fig.  13.  Je  signale  enfin  un  exemplaire  d'une  fibule 
à  décoration  oculée  (Augenfibel).  Si  différente  qu'elle  puisse 
paraître  des  types  de  la  Tène  III,  cette  fibule  en  constitue 
cependant  un  dérivé  immédiat.  M.  Oscar  Almgren  a  donné  la 
géographie  de  ce  type  et  en  a  indiqué  l'évolution  '.  Elle  apparaît 
dès  l'époque  d'Auguste  et  ne  dépasse  pas  le  premier  siècle.  On  l'a 
recueillie  fréquemment  en  Bohême. 

III.    —    BRONZES     ÉMAILLÉS 

Lorsque  M.  Bulliot  annonça,  en  1872,  la  découverte  d'ateliers 
d'émailleurs  dans  les  ruines  de  Bibracte,  cette  communication 
fut  accueillie  avec  une  certaine  réserve,  tant  elle  semblait  impré- 
vue. Il  fallut  cependant  se  rendre  ci  l'évidence  quand  le  compte- 
rendu  des  fouilles  eut  livré  à  la  publicité  les  témoignages  maté- 
riels qui  justifiaient  les  conclusions  de  M.  Bulliot  ^. 

Depuis  ce  jour  les  découvertes  se  sont  multipliées.  Aujour- 
d'hui on  est  en  mesure  d'affirmer  que  les  émaux  du  Beuvray 
appartiennent  non  seulement  à  l'émaillerie  gauloise,  mais  encore 
à  une  phase  relativement  récente  de  cette  industrie.  MM.  Bulliot 

1.  Oscar  Almgren,  Studien  ûher  Nordcnropàische  Fihelformen,  Stockholm, 
1897,  p.  21  et  pi.  III. 

2.  J.-G.  Bulliot  et  de  Fontenay,  L'art  de  Vémailterie  che:;  tes  Èduens,  Mèm. 
de  ta  Soc.  Èduenne,  nouvelle  série,  t.  IV,  1875.  Inséré  ensuite  dans  les  Fouiltes 
du  Beuvray. 


LE    HRADISCHT    DE    STRADOXIC    EN    BOHEME  139 

it  de  Fontenay,  dans  un  intéressant  ouvrage  devenu  classique, 
)nt  fait  connaître  ce  que  les  fouilles  de  Bibracte  nous  ont 
•évélé  des  procédés  industriels  de  ses  émaiUeurs. 

Une  nouvelle  histoire  de  l'émaillerie  gauloise,  depuis  ses  ori- 
gines, à  l'époque  de  la  Tène  I,  vers  l'an  400,  jusqu'au  premier 
liècle  après  notre  ère,  devrait  présenter  l'inventaire  des  trouvailles 
lujourd'hui  nombreuses  tant  en  France  que  dans  les  Iles  Britan- 
liques  et  l'Europe  centrale'. 

Dans  cet  inventaire,  les  clous  en  bronze  émaillé  de  Stradonic 
'pi.  II,  fig.  10,  II,  12)  se  placeraient  à  côté  de  ceux  de  Bibracte 
'pi.  II,  fig.  7,  8,  9),  auxquels  ils  sont  tout  à  fait  identiques, 
M  les  fouilles  de  Stradonic  avaient  été  méthodiques,  il  n'est 
point  douteux  que  des  vestiges  d'ateliers  d'émailleurs  eussent 
ké  reconnus  dans  l'oppidum  bohémien  comme  à  Bibracte.  On 
joit  d'autant  plus  regretter  le  manque  d'informations  sur  les 
;onditions  du  gisement  de  ces  objets  que  jusqu'ici  les  ateliers 
d'émailleurs  gaulois  du  Mont  Beuvray  sont  les  seuls  connus. 
Cluant  aux  produits  de  cette  industrie,  tels  que  nous  les  ont 
livrés  ces  deux  stations,  ils  se  sont  rencontrés  ailleurs.  J'en  indi- 
querai rapidement  la  répartition  en  Europe,  après  quelques 
explications  préalables  sur  leur  origine. 

L'émail  gaulois  n'est,  comme  on  le  sait,  après  Tischler,  que  le 
succédané  du  corail.  Cette  matière,  recherchée  au  v^etau  iv'^  siècles 
pour  l'ornementation  des  objets  de  parure,  comptait  parmi  les 
produits  que  le  commerce  méditerranéen  importait  en  Gaule. 

M.  Salomon  Reinach  a  montré  comment  la  clientèle  du  corail 


I.  Tischler  s'est  occupé  de  l'émail  gaulois,  mais  n'a  donné  que  des  aperçus 
généraux  :  Beitràge  ^ur  Geschichte  des  Sporns  sowie  des  vor  und  nachrômischen 
Emails,  dans  les  Mittheil.  der  Anthrop.  Gesells.  in  J^î'eH,  Sitzungsberichte,  1889, 
t.  XIX,  p.  162.  Voir  aussi  Virchow  :  Das  Graberfeld  von  Koban,  p.  66. 


140  CONGRES  ARCHEOLOGiaUE  DE  MAÇON 

3e  déplaça  vers  la  fin  du  iv^  siècle  '.  Les  marchés  de  l'Inde  l'acca- 
parèrent au  détriment  de  la  Gaule;  c'est  alors  que  l'industrie 
indigène,  tirant  parti  des  circonstances,  parvint  à  substituer  à  la 
matière  première  qui  faisait  défaut  un  simili-produit,  propre  aux 
mêmes  usages.  Ce  simili-produit  fut  l'émail,  matière  vitreuse 
et  opaque,  colorée  en  rouge  sanguin  et  offrant  avec  le  corail 
une  telle  ressemblance  que  souvent  l'on  ne  parvient  pas  à  les 
distinguer  l'un  de  l'autre  sans  l'aide  d'un  microscope  ou  de 
l'analyse  chimique. 

Presque  toutes  les  collections  de  fibules  de  la  Tène  XXXI  pos- 
sèdent quelques  exemplaires  dont  le  pied  porte  un  disque  métal- 
lique orné  de  corail  ou  d'une  pâte  vitreuse  de  couleur  rouge 
sang;  ces  disques  de  fibules  nous  révèlent  la  première  technique 
de  l'émaillerie  gauloise.  L'émail  se  présente  alors  sous  la  forme 
d'une  pastille  fixée  au  disque  par  un  simple  rivet  central; 
d'autres  fois  il  concourt  à  l'ornementation  de  l'arc  qui  offre  alors 
une  cannelure  longitudinale,  servant  de  logement  à  la  pâte 
vitreuse. 

Mais  le  procédé  de  fixage  de  la  pastille  d'émail,  au  moyen  d'un 
rivet  central  ou  d'une  sertissure  dans  une  alvéole  enduite  de 
résine,  ne  permettait  pas  d'obtenir  une  adhérence  parfaite.  L'art 
de  l'émaillerie  proprement  dit  ne  prit  vraiment  naissance  que  par 
la  découverte  de  procédés  permettant  de  fixer  directement  la 
substance  vitreuse  sur  le  métal  par  l'action  du  feu.  Cette  décou- 
verte appartient-elle  en  propre  aux  artisans  de  la  Gaule  ou  est- 
elle  due  à  l'influence  de  l'art  oriental  ? 

Sans  parler  du  texte  de  Philostrate  si  souvent  cité  mais  dont 
l'appUcation  est  discutée,  l'étude  des  monuments  ne  me  paraît 
nullement  justifier  une  origine  orientale.  C'est  en  vain  que  l'on 

I.  Salomon  Rtinâch,  Le  corail  dans  V Industrie  celtique,  dans  la  Revue  celtique, 
1899,  P-I3- 


LE    HRADISCHT    DE    STRADONIC    EX   BOHEME  I4I 

zhercherait  à  reconnaître  sur  les  émaux  gaulois  les  traces  d'un 
îtyle  ou  d'une  technique  étrangère  :  ces  timides  essais  d'une 
industrie  naissante  ne  décèlent  pas  d'autre  préoccupation  que 
l'intention  d'imiter  le  corail.  Ainsi  s'explique  tout  à  la  fois  l'em- 
ploi constant  de  la  couleur  rouge  et  aussi,  comme  nous  allons  le 
voir,  la  forme  peu  variée  des  pièces  émaillées. 

Durant  les  trois  périodes  de  la  Tène,  les  émaux  celtiques  sont 
des  émaux  rouge  sanguin,  à  peu  près  exclusivement  appliqués 
sur  des  fibules,  des  pommeaux  et  des  clous  ou  bossettes,  pièces 
d'applique  de  petites  dimensions,  servant  elles-mêmes  à  l'orne- 
mentation de  divers  objets.  Ce  n'est  que  plus  tard,  au  temps  de 
l'empire  romain,  que,  dans  les  Iles  Britanniques,  l'industrie  cel- 
tique, s'affranchissant  des  vieilles  traditions,  parvient  à  produire 
de  riches  émaux  polychromes  où  le  jaune  et  le  bleu  s'associent 
au  rouge  traditionnel.  En  même  temps  se  développent  les  dimen- 
sions des  pièces  émaillées,  à  larges  surfaces  champlevées;  c'est 
alors  qu'apparaissent  ces  belles  plaques  de  harnachement 
émaillées  (horses  trappings)  dont  les  musées  d'Angleterre  et 
d'Ecosse  possèdent  de  riches  collections'. 

Mais  les  émaux  polychromes  britanniques  constituent,  dans 
l'industrie  celtique,  un  groupe  isolé  et  distinct,  plus  récent  que 
le  groupe  continental.  Au  commencement  de  l'époque  impériale, 
tandis  que  partout  ailleurs  l'art  de  la  Tène  cédait  peu  à  peu  la 
place  à  la  culture  gréco-romaine,  dans  les  Iles  Britanniques, 
mieux  défendues  des  influences  étrangères  par  leur  situation 
géographique,  il  atteignait  au  contraire  son  plus  haut  degré  de 
développement,   et    conservait  le  style  et  les  traditions  décora- 

I.  Voir  surtout  Kemble  et  Franks,  Horae  ferales,  1863,  pi.  xvii.  Une  utile 
bibliograpliie  des  travaux  anglais  relatifs  aux  émaux  bretons  se  trouve  dans  l'inté- 
ressante notice  de  M.  Paul  Reinecke  :  Ans  der  priihist.  Sammhuig  des  Mabiicr 
Aller thumsvereins,  extrait  de  la  Zeilschrifldes  Ver.  der  Rhcinischen  Gesch.,  t.  IV, 
Mayence,  1900,  p.  357. 


142  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  MAÇON 

tives  de  l'Europe  centrale.  Je  ne  m'occuperai  pas  présentement 
des  émaux  polychromes  delà  Grande  Bretagne.  Ils  appartiennent 
comme  beaucoup  d'autres  objets  de  même  provenance,  à  une 
époque  de  survivance  de  l'art  celtique,  qu'il  conviendrait,  ce 
me  semble,  de  désigner  dans  les  classifications  archéologiques 
sous  le  nom  de  période  de  la  Tène  IV,  pour  bien  marquer  sa 
date  relative. 

M.  P.  Reinecke,  du  musée  de  Mayence,  a  consacré  à  l'étude 
de  ces  émaux  britanniques  quelques  pages  très  intéressantes.  Il 
propose  de  rapporter  à  ce  groupe  le  texte  de  Philostrate  qui  écri- 
vait au  temps  de  Septime  Sévère;  le  rapprochement  me  semble 
ingénieux  et  fort  acceptable'. 

Je  dois  surtout  m'occuper  ici  des  émaux  monochromes  de  la 
Tène  III,  c'est-à-dire  de  la  bossette  en  bronze  dans  laquelle  on 
a  pratiqué  des  incisions  cruciformes  servant  d'alvéoles  à  l'émail 
(pi.  II,  fig.  9  et  12),  ces  incisions  sont  parfois  multiples  et 
rayonnantes  (pi.  II,  fig.  7,  10).  D'autres  fois  les  hachures,  à 
tailles  croisées,  serrées  et  de  faible  profondeur,  recouvrent  toute 
la  surface  de  la  bossette.  Il  s'agit  de  rechercher  comment  l'indus- 
trie de  l'émaillerie  gauloise  a  passé  de  la  pastille  d'émail  ou  simili 
cabochon  de  corail  de  la  Tène  I  au  clou  strié  de  la  Tène  III. 

Les  plus  anciens  clous  émaillés  de  l'époque  celtique  —  je  n'en 
connais  pas  dans  les  tombes  -de  la  Champagne  —  se  trouvent 
au  Musée  de  Bienne  (Suisse)  et  proviennent  de  la  station  même 
de  la  Tène.  Malgré  leur  origine,  et  bien  que  Tischler  en  ait  fait 
brièvement  mention,  ils  sont  encore  inédits  et  peu  connus.  Ces 
clous,  au  nombre  de  douze  environ  et  tous  en  fer,  se  composent 
d'une  tige  courte,  longue  de  près  de  deux  centimètres,  fixée  à 
une  large  tète  en  forme  de  disque,  d'un  diamètre  de  un  à  deux 

I.  Reinecke,  Zeitschrift  des  Ver.  der  Rbeinischen  GeselL,  t.  IV,  1900,  p.  356. 


LE    HRADISCHT    DE    STRADONIC    EN  BOHEME  I43 

centimètres.  Le  disque  est  plat,  mais  ses  bords  se  relèvent  verti- 
calement de    manière  à  former  une  bâte. 

La  tête  du  clou  convertie  ainsi  en  cupule  a  été  remplie  d'une 
substance  vitreuse,  colorée  en  rouge  sanguin.  Un  examen  atten- 
tif permet  de  constater  que  l'émail  fait  corps  avec  le  métal  ;  ce 
n'est  plus  une  pastille  épaisse  au  centre  comme  celles  des  fibules 
précédentes,  mais  une  mince  pellicule  qui  recouvre  le  métal 
d'une  sorte  d'épiderme  et  dont  l'adhérence  a  été  obtenue  par 
l'action  du  feu  sans  le  secours  d'un  rivet  central. 

Les  clous  en  fer  émaillés  de  la  Tène  sont  les  prototypes  des 
bossettes  striées  du  Mont  Beuvray.  Ils  ont  pu  comme  ces  der- 
nières servir  à  la  décoration  de  divers  objets,  notamment  des 
umbos  de  bouclier.  Les  récoltes  archéologiques  recueillies  dans  le 
blockhaus  de  la  Tène  appartiennent  à  la  seconde  et  à  la  troisième 
période  de  Tischler,  mais  comme  le  clou  de  fer  à  pellicule  d'émail, 
sans  gravures  sous-jacentes,  n'apparaît  dans  aucune  station  de  la 
Tène  III,  je  crois  donc  pouvoir  le  classer  à  la  Tène  II.  Il  ne  s'est 
rencontré  ailleurs,  à  ma  connaissance,  que  dans  une  station  de 
l'Allemagne  centrale,  aux  Gleichberge  près  Rômhild'  où  l'on  n'a 
recueiUi  qu'un  seul  autre  objet  émaillé,  à  savoir  une  fibule  de  la 
Tène  II,  dont  je  parlerai  plus  loin. 

Les  émailleurs  gaulois  ne  tardèrent  pas  à  introduire  dans  cette 
flibrication  des  clous  d'ornements,  un  nouveau  perfectionnement, 
permettant  à  l'ouvrier  de  supprimer  la  bâte  circulaire,  de  fabri- 
quer des  bossettes  plus  saillantes,  par  conséquent  plus  décoratives 
que  des  clous  à  tête  plate  et  surtout  d'augmenter  l'adhérence  de 
l'émail.  Ce  perfectionnement,  très  simple,  consista  à  couvrir 
de  hachures  la  surface  de  la  bossette  avant  l'émaillage.  Le  bronze 
se  prêtant  mieux  que  le  fer  à  cette  opération  fut  dès  lors  exclu- 

I.  G.  Jacob,  Die  Gleichberge  hei  Rômhild,  Halle,  1S87,  p.  55. 


144  CONGRES  ARCHEOLOGIQ.UE  DE  MAÇON 

sivement  employé.  Nous  arrivons  ainsi  à  une  nouvelle  technique 
de  l'émail  gaulois,  celle  du  Mont  Beuvray  et  de  Stradonic.  Mais 
ici  encore  quelques  distinctions  sont  nécessaires. 

Si  l'on  étudie  l'ensemble  des  bossettes  gravées  et  émaillées, 
dispersées  dans  les  collections  de  la  France,  de  l'Allemagne,  de 
l'Autriche-Hongrie,  des  Iles  Britanniques,  on  constate  que 
quelques-unes  sont  entièrement  couvertes  de  petites  hachures 
quadrillées  ou  de  raies  parallèles  multiples,  creusées  au  burin  sur 
toute  la  surface  du  métal;  d'autres  présentent  seulement  une 
décoration  cruciale  nettement  tracée,  formée  de  deux  rainures 
assez  profondes  se  coupant  à  angle  droit. 

Typologiquement,  je  crois  les  bossettes  à  hachures  multiples 
antérieures  aux  bossettes  à  décoration  cruciale. 

L'outil  du  graveur  creusa  tout  d'abord  des  tailles  légères  et 
informes  dans  le  métal  destiné  à  être  entièrement  revêtu  d'une 
pellicule  émaillée.  Mais  on  reconnut  à  l'usage  que  cette  pellicule 
offrait  une  fragilité  excessive.  On  en  arriva  à  la  supprimer,  et  à 
se  contenter  de  pratiquer  dans  la  bossette  une  profonde  incision 
cruciale  qui  reçut  seule  la  substance  vitreuse  dont  elle  cons- 
tituait le  logement.  Telle  fut,  dans  l'industrie  celtique,  l'ori- 
gine de  l'émail  champlevé,  que  les  fibules  de  la  Tène  I  et  les 
clous  en  fer  du  musée  de  Bienne  ne  pouvaient  encore  faire  pres- 
sentir. 

Cette  théorie  sur  la  technique  et  le  développement  de  l'émail- 
lerie  gauloise  s'écarte  des  idées  admises  jusqu'à  ce  jour.  Je  ne 
crois  pas  en  effet  que  les  bossettes  quadrillées  ou  à  rainures 
multiples  aient  présenté,  après  application  de  l'émail,  cette  alter- 
nance de  parties  métalliques,  laissées  à  nu,  et  de  parties  émaillées 
qui  est  propre  au  champlevé.  Je  pense  au  contraire  que  tout 
d'abord  la  bossette  hémi-sphérique,  dérivée  des. pastilles  de  corail 
de  la  Tène  I  et  des  clous  de  fer  à  calotte  émaillée  de  la  Tène  II, 


LE    HRADISCHT    DE    STRADONIC    E\    BOHEME  I45 

(ffraitelle  aussi  l'aspect  d'un  cabochon  d'émail  rouge,  où  le  métal 
[isparaissait  entièrement  sous  la  coque  vitreuse.  Mon  opinion 
le  repose  pas  sur  de  simples  conjectures  typologiques.  Elle  se 
ustifie  tout  d'abord  par  l'examen  des  nombreuses  calottes  d'émail 
rouvées  dans  les  ateliers  de  Bibracte  et  reproduites  dans  Tou- 
rage  de  M.  BuUiot.  Ces  coques,  analogues  à  des  pointes  de 
oquilles  d'œufs,  mais  assez  épaisses,  présentent  sur  leur  surface 
n terne  et  concave  l'empreinte  distincte  des  hachures  ou  stries 
reusées  en  tous  sens  et  souvent  sans  régularité  sur  la  bossette 
,e  métal.  On  avait  expliqué  la  présence  et  l'abondance  de  ces 
échets  de  capsules  en  admettant  que  la  fabrication  des  émaux 
.u  Beuvray  comportait  trois  opérations  successives  :  i°  Application 
e  l'émail  sur  toute  la  surface  de  la  pièce  gravée;  2°  Cuisson; 
°  Polissage  ayant  pour  but  de  débarrasser  la  bossette  de  sa 
oque  vitreuse  et  de  mettre  à  nu  le  métal  entre  les  tailles  rem- 
lies  d'émail.  En  réalité,  cette  dernière  opération  n'avait  d'autre 
bjet  que  de  polir  la  coque  vitreuse  mais  sans  la  détruire  :  ainsi 
explique  le  dessin  très  négligé  des  gravures  de  certaines  bossettes. 
>omme  elles  devaient  disparaître  entièrement  sous  une  couche 
'émail  opaque,  l'ouvrier  graveur  n'avait  pas  à  se  préoccuper  de 
?ur  régularité.  Il  suffisait  que  l'adhérence  de  l'émail  fut  assurée 
ar  ce  procédé.  En  raison  de  la  fragilité  de  la  coque,  nous  ne 
ou  vous  nous  étonner  qu'elle  ne  se  soit  pas  conservée  sur  la  plu- 
art  des  bossettes  de  nos  collections.  Cependant  il  en  existe  au 
loins  un  spécimen  qui  suffirait  à  justifier  ces  explications  : 
n  des  deux  casques  à  clous  émaillés  du  Musée  Britannique, 
iorte  plusieurs  bossettes  semblables  à  celles  du  Mont  Beuvray, 
nais  presque  plates  et  couvertes  de  fines  hachures  quadrillées. 
)r  l'une  d'elles  a  conservé  deux  fragments  de  la  coque 
.'émail  qui  recouvrait  les  tailles  sous-jacentes. 
Au  Mont  Beuvray  comme  à  Stradonic,  les  deux  techniques  de 

Congrès  archeologiquk  de  maçon.  lo 


146  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  MAÇON 

la  bossette  à  pellicule  d'émail  et  de  la  hossette  à  décoration  cruciale 
sont  représentées  l'une  el;  l'autre.  Il  est  possible  que  le  premier 
procédé  ait  survécu  quelque  temps  à  l'apparition  du  second. 
C'est  moins  la  régularité  des  tailles  que  leur  profondeur  qui  peut 
indiquer  si  telle  bossette  appartient  à  l'une  ou  l'autre  des  tech- 
niques. Si  la  taille  est  superficielle  et  n'offre  pas  assez  de  pro- 
fondeur pour  loger  l'émail,  il  est  évident  que  cette  matière  avait 
été  appliquée  sous  la  forme  pelliculaire.  Si  au  contraire,  les  gra- 
vures du  nétal  sont  régulières,  larges  et  profondes,  nous  avons 
sans  doute  affaire  à  un  émail  champlevé. 

Voici  maintenant  quelques  indications  sur  la  répartition  des 
émaux  de  la  Tène  III.  Je  classe  à  cette  période  tous  les  émaux 
à  hachures  et  à  décoration  rayonnante  ou  cruciale  dont  nous 
venons  de  parler. 

1°  Bossette  ou  clou  à  tête  hémisphérique,  à  stries  rayonnantes, 
à  hachures  quadrillées  ou  à  décoration  cruciale,  toujours  en 
bronze  et  de  dimensions  variables  (PL  II,  fig.  7-12).  Le  modèle 
ordinaire  mesure  un  ou  deux  centimètres  de  diamètre,  mais 
on  en  rencontre  de  beaucoup  plus  petits.  Le  plus  souvent,  l'émail 
qui  remplissait  les  stries  et  à  plus  forte  raison  la  pellicule,  ont 
disparu;  celle-ci  subsiste  cependant,  en  partie,  comme  je  l'ai  dit, 
sur  l'un  des  clous  d'un  casque  du  Musée  Britannique. 

Le  clou  à  tête  émaillée  s'"est  rencontré  à  Bibracte,  à  Corent 
(Puy-de-Dôme),  à  Gergovie',  à  Boviolles  (Meuse)  dans  les  pro- 
vmces  rhénanes  (Musée  de  Mayence),  en  Angleterre  et  cà  Stra- 
donic.  Dans  les  centres  de  production,  à  Bibracte  et  à  Stradonic, 
les  exemplaires  recueillis  proviennent  surtout  de  déchets  de  flibri- 
cation  {Emaillerie  gauloise,  pi.   VIII,  i,    2,  3)  ;  ailleurs,  on  le 


I.  Clous  émaillés  provenant  de  Corent  ou  de  Gergovie,  peut-être  de  ces  deux 
oppida,  conservés  au  Musée  de  Roanne. 


LE    HRADISCHT    DE    STRADONIC    EN    BOHÊME  I47 

trouve  parfois  fixé  aux  objets  de  parure  ou  aux  pièces  d'armure 
qu'il  était  destiné  à  orner.  Voici  l'énumération  de  ces  objets. 

a)  Garniture  de  ceinturon  en  bronze  en  forme  de  tige  allon- 
gée et  cintrée,  se  terminant  d'un  côté  par  une  douille  dans 
laquelle  se  fixait  le  cuir  du  ceinturon,  de  l'autre  par  un  crochet. 
La  pièce  est  ajourée  d'ouvertures  circulaires  qui  servaient  de 
logement  aux  bossettes  émaillées.  Une  de  ces  garnitures  de  cein- 
:urons,  incomplète  et  déformée,  est  reproduite  dans  le  mémoire 
le  MM.  BuUiot  et  de  Fontenay.  En  la  comparant  aux  exemplaires 
bien  conservés  du  Musée  de  Mayence,  qui  en  explique  la  destina- 
tion, on  constate  que  les  unes  et  les  autres  n'offrent  que  de  légères 
i^ariantes.M.  Lindenschmit  fils  a  donné  dans  un  des  derniers  cahiers 
des  Alterihûmer  ^  la  liste  des  quelques  spécimens  connus  (trouvés 
dans  la  province  de  Starkenbourg,  en  Haute  Bavière,  près  de 
Berlin,  en  Basse- Autriche,  en  Alsace).  Il  faut  ajouter  à  cette 
iiste  un  autre  exemplaire  trouvé  à  Aubeterre,  commune  de  Broût- 
Vernet,  Allier  (collection  Bertrand,  de  MouHns);  c'est  le  seul 
que  j'aie  rencontré  en  France. 

F)  Cinq  casques,  dont  deux  en  bronze,  conservés  au  Musée 
Britannique,  et  trois  en  fer  (deux  trouvés  en  France,  le  troisième 
^n  Istrie)  sont  ornés  de  clous  émaillés.  L'extrême  rareté  de  ces 
irmes  défensives  dans  les  collections  d'antiquités  celtiques  prête 
an  grand  intérêt  à  ces  casques  de  la  TèneIII,qui  n'ont  pas  encore 
été  rapprochés.  Etant  donné  la  distance  géographique  considé- 
rable qui  sépare  les  lieux  de  provenance,  nous  sommes  autorisés 
à  croire  que  l'emploi  des  clous  émaillés  pour  la  décoration  des 
casques  gaulois  était  une  mode  assez  usuelle.  Je  me  dispenserai 
de  décrire  les  casques  d'Agen  et  d'Alise  dont  on  trouvera  les 
dessins  dans  la  Revue  archéologique,  1879,  t.  37,  p.  216.  Le  troi- 

I.  Alterthûmer ,  t.  IV,  pi.  51. 


1^8  CONGRÈS  ARCHÉOLOGiaUE  DE  MAÇON 

sième  casque  en  fer,  à  clous  émaillés,  a  été  publié  récemment  par 
M.  Szombathy,  dans  son  compte  rendu  des  fouilles  d'Idria,  près 
Baca,  nécropole  dont  les  premières  sépultures  appartiennent  à  la 
fin  de  l'époque  hallstattienne,  les  plus  récentes  à  la  première 
époque  romaine.  Chaque  couvre-joue  est  renforcé  de  plusieurs 
bossettes  que  M.  Szombathy  décrit  comme  étant  en  fer,  avec 
application  d'émail  sanguin  '.  Ceux  du  Musée  Britannique  sont 
en  bronze  et  d'une  exécution  plus  recherchée.  Le  premier,  trouvé 
dans  la  Tamise,  près  du  pont  de  Waterloo  en  1868,  est  un 
casque  à  cornes  coniques,  en  bronze  battu.  Les  joints  du  métal 
sont  assujettis  par  de  petits  rivets  à  tête  ronde,  très  rapprochés 
les  uns  des  autres.  Le  devant  de  la  calotte  présente  trois 
bossettes,  très  légèrement  bombées  et  creusées  de  hachures; 
elles  sont  fixées  au  casque  par  une  virole  centrale.  C'est  sur 
un  de  ces  clous  que  j'ai  reconnu  les  restes  d'une  pellicule 
émaillée  recouvrant  les  hachures.  Le  second  casque  britan- 
nique est  de  provenance  inconnue;  il  a  fait  partie  de  la  collection 
Meyrick  et  a  été  donné  au  Musée  par  W.  Franks  en  1872.  Il 
diffère  essentiellement  du  premier  par  l'absence  de  cornes,  par 
sa  forme  conique  et  par  la  présence  d'un  long  couvre-nuque. 
Cette  partie  du  casque,  ornée  d'une  décoration  géométrique  cur- 
viligne dans  le  style  de  la  Tène,  porte  en  outre  deux  bossettes 
quadrillées  où  l'on  distingue  encore  quelques  traces  d'émail  entre 
les  hachures.  Une  autre  bossette  semblable  mais  plus  grande 
est  fixée  latéralement  sur  chaque  tempe,  au  point  d'attache  des 
mentonnières  qui  ont  disparu  -. 

1 .  Joseph  Szombathy,  Das  GrahfclJ  ~ii  Idria  hei  Baca  in  dcr  Grafschaft  Gôr~, 
Vienne,  1901,  p.  48,  fig.  179. 

2.  Tandis  que  je  corrige  les  dernières  épreuves  de  ce  mémoire,  je  reçois 
de  M.  P.  Reinecko  un  article  récemment  inséré  dans  les  Verhandltingen  der  Ber- 
liner  anthropoloijischiii  GcnUscbaft  (séance  du  15  décembre  1900),  où  figure  le 


à 


LE    HRADISCHT    DE    STRADOXIC    EN    BOHEME 


149 


1°  'Pommeau  de.  harnachement  (PI.  II,  tig.  13  et  15).  Le  bou- 
ton terminal  de  ce  pommeau  présente  les  mêmes  gravures  que 
la  bossette  précédente.  Trouvé  à  Bibracte,  à  Stradonic  et  près 
du  Rhin  (musée  de  Mayence). 

3°  Éperon.  On  a  recueilli  à  Stradonic  plusieurs  spécimens  d'un 
modèle  d'éperon,  à  pointe  conique,  souvent  recourbée  légère- 
ment et  muni  de  boutons  latéraux.  Un  seul  de  ces  éperons,  con- 
servé au  Musée  de  Prague,  présente  une  décoration  cruciale 
émaillée  sur  chacun  des  boutons  latéraux  (PI.  II,  tig.  16). 

Tischler  en  parlant  de  l'éperon  de  Stradonic',  a  émis  l'opi- 
nion que  cet  objet  d'équipement  n'avait  pas  été  inventé  par  les 
Grecs  ou  les  Romains,  mais  qu'il  est  d'origine  barbare.  Quoi 
qu'il  en  soit,  il  demeure  incontestable  que  les  peuples  de  culture 
celtique  possédaient,  à  l'époque  de  la  Tène  III,  ce  type  d'éperon 
dont  la  forme  caractéristique  s'est  déjà  rencontrée  non  seule- 
ment au  Hradischt,  mais  à  la  Tène,  dans  le  Holstein,  à  Rondsen 
et  à  Slup  (Prusse  occidentale),  enfin  à  Alise -Sainte- Reine 
(musée  de  Saint-Germain).  Je  publie  le  dessin  de  l'exemplaire 

dessin  d'un  autre  fragment  de  casque  de  la  Tène,  avec  bossettes  émaillées.  Le 

nombre  des  objets  de  cette  série  se  trouve  donc  porté  à  six.  I!  s'agit  là  encore 
d'un  couvre-joue,  mais  les  trois  bossettes  sont  accom- 
pagnées d'une  curieuse  décoration  représentant  r.n 
oiseau,  de  profil  à  droite  ;  on  y  remarque  la  stylisation 
très  accentuée  qui  caractérise  les  produits  de  l'art 
celtique. 

Cette  paragnathide  fait  partie  d'un  casque  (de 
bronze?),  trouvé  à  Vini  Vrh,  près  Sainte-Marguerite, 
en  Carniole.  Le  dessin  publié  par  M.  Reinecke  est 
emprunté  au  recueil  photographique  des  antiquités 
du  Musée  de  Laibach,  récemment  livré  au  commerce 
par  M.  A.  Mùllner.  Le  casque  est  en  très  mauvais  état 
de  conservation.    Comme  le    recueil    du    Musée  de 

Laibach  ne  reproduit  que  le  couvre-joue,  on  ne  peut  savoir  quelle  est  la  forme 

générale  du  casque. 

I.  Tischler,  Bcïiràge,  p.  162. 


1^0  J-    DÉCHELETTE 

de  Stradonic  auquel  les  autres  ressemblent  pour  la  forme  mais 
non  pour  la  décoration,  car  je  n'en  connais  pas  d'autre  spécimen 
émaillé. 

4°  Fibules.  Commune,  nous  l'avons  vu,  à  l'époque  de  la 
Tène  I,  la  fibule  émaillée  disparaît  presque  entièrement  de 
l'industrie  celtique  durant  les  périodes  suivantes,  sauf  dans  le 
nord  de  l'Europe.  On  a  trouvé  cependant,  ainsi  que  je  l'ai  dit  plus 
haut,  aux  Gleichberge,  près  Rômhild  dans  l'Allemagne  centrale, 
une  fibule  de  la  Tène II  dont  l'arc  porte  trois  incrustations  d'émail 
rouge. 

Dans  l'Europe  septentrionale,  au  contraire,  parmi  les  objets 
appartenant  à  la  Tène  récente,  on  rencontre  une  fibule  caracté- 
ristique en  fer  ou  en  bronze,  dont  l'arc  est  orné  d'un  ou  de  plu- 
.  sieurs  disques  en  bronze,  à  décoration  cruciale,  émaillée,  de  cou- 
leur rouge  sang.  Cette  fibule  est  répandue  en  Poméranie,  en 
Danemark  et  dans  l'île  de  Bornholm.  En  Poméranie  on  trouve 
encore  un  deuxième  type  de  fibule  à  arc  émaillé  :  les  rainures  de 
l'arc  qui   contiennent  l'émail  rouge  affectent  la  forme  d'un  H'. 

Ces  deux  fibules  indiquent  clairement  que  ce  sont  les  procédés 
mêmes  de  l'émaillerie  gauloise  et  non  pas  seulement  les  objets 
émaillés  qui  ont  pénétré  dans  le  nord  de  l'Europe,  à  l'époque 
de  la  Tène  III,  car  ces  types,  qui  font  défaut  partout  ailleurs, 
appartiennent  en  propre  à  l'archéologie  nordique. 

^°  Boucle  en  hronie  (V\.  II,  fig.  14).  Trouvée  à  Stradonic,  elle 
porte  au  centre  le  même  bouton  à  décoration  cruciale  que 
l'éperon  mentionné  plus  haut. 

6°  Le  musée  de  Prague  conserve,  parmi  les  objets  de  Strado- 
nic, une  chaîne  en  bronie  dont  les  anneaux  sont  réunis  par  une 
pièce  émaillée.  Celle-ci    se  compose  d'un   bouton  quadrangu- 

I.  Schumann,  loc.  cil.,  p.  38,  t.  II.  —  Undset,  Das  erste  Auflreten,  passim. 


LE    HRADISCHT    DE    STRADONIC    EN   BOHEME  I  5  I 

laire,  accostée  de  deux  appendices  de  même  forme  mais  plus 
petits.  Le  rectangle  central  et  les  deux  appendices  latéraux  ont 
reçu  les  uns  et  les  autres  une  décoration  cruciale  à  émail  sanguin. 
La  même  ornementation  se  retrouve  sur  une  petite  agrafe  de  cein- 
turon en  bronze,  à  crochet  zoomorphique,  suivant  le  goût  de  la 
Tène,  découverte  à  Dienheim  et  conservée  au  musée  de 
Mayence. 

Je  n'ai  pas  parlé,  dans  cet  inventaire  des  émaux  de  la  Tène 
III,  des  deux  boucliers  celtiques  du  Musée  Britannique  (Kemble 
et  Franks,  Horae  ferales,  pi.  XV).  De  ces  deux  boucliers  le  plus 
ancien  trouvé  dans  la  rivière  Witham,  est  orné  de  corail  et  non 
d'émaux.  L'autre,  trouvé  en  1857  dans  la  Tamise,  près  de  Bat- 
tersea,  à  umbo  circulaire,  décoré  avec  une  égale  richesse,  présente 
vingt-sept  boutons  d'émail  rouge  dont  la  technique  est  toute 
différente  de  celle  dont  je  viens  d'étudier  le  développement.  On 
pourrait  donner  à  ce  genre  d'émaux  le  nom  d'émaux  réticulés. 
Ces  boutons  se  composent  en  effet  d'une  pastille  d'émail  fixée 
au  métal  par  un  rivet  central  et  recouverte  d'une  m///^' métallique 
cruciforme,  d'un  travail  très  délicat.  Je  ne  connais  qu'un  autre 
exemple  de  ces  émaux  à  coiffe  réticulée,  ce  sont  les  fibules  de 
la  Tène,  découvertes  à  Nonsberg  (Tyrol)  et  conservées  au  musée 
d'Inspruck. 

Je  suis  tenté  de  classer  parmi  les  ustensiles  démailleurs  un  objet 
en  argile,  trouvé  au  Mont  Beuvray  par  M.  Bulliot  et  regardé 
par  son  inventeur  comme  un  moule  de  pâtisserie  en  raison  de  sa 
ressemblance  avec  nos  gaufres.  Ce  n'est  là  de  ma  part  qu'une 
simple  hypothèse,  que  fait  naître  surtout  la  présence  de  cet  objet 
dans  les  deux  centres  de  fabrication  actuellement  connus  d'émaux 
gaulois.  La  ressemblance  de  ces  tablettes  d'argile  avec  nos 
gaufres  en  indique  assez  la  forme  et  les  dimensions.  La  fig.  19, 
pi.  II,   reproduit    un    fragment    trouvé   à   Bibracte  (Musée  de 


Ij2  CONGRÈS  ARCHÉOLOGiaUE  DE  MAÇON 

Saint-Germain).  Les  fragments  n°  17  et  18  de  la  même  planche 
proviennent  de  Stradonic  (musée  de  Vienne). 

La  collection  du  prince  de  Furstenberg,  près  de  Stradonic, 
comprend  un  certain  nombre  d'objets  trouvés  au  Hradischt.  J'y 
ai  remarqué  à  travers  une  masse  de  grossières  falsifications,  un 
autre  fragment  de  tablette  d'argile,  avec  les  mêmes  rangées  de 
cases,  celles-ci  circulaires  et  non  rectangulaires  comme  les  précé- 
dentes. Leur  diamètre  mesure  six  à  sept  millimètres  sur  une 
profondeur  égale.  Cet  objet  est  entouré  d'un  lot  d'antiquités 
fausses  ou  suspectes,  mais  sa  propre  authenticité  n'est  pas  con- 
testable. 

En  dehors  du  Beuvray  et  de  Stradonic,  je  n'ai  retrouvé  cette 
tablette  d'argile  qu'au  musée  de  Saintes.  Le  fragment  conservé 
dans  cette  collection  provient  de  Saintes  même  et  l'on  a  en  outre 
recueilli  dans  cette  ville  un  dé  en  bronze,  émaillé  de  rouge  san- 
guin. 

Comme  celui  de  la  collection  de  Furstenberg,  il  présente  des 
cases  circulaires,  qui  renferment  encore  des  parcelles  de  charbon. 
Sur  toutes  ces  tablettes  on  reconnaît  l'action  du  feu.  Je  suis 
porté  à  croire  qu'elles  ont  servi  de  récipient  à  une  matière 
fusible,  qui  se  débitait  en  petits  pains  ou  pastilles.  Cette  matière 
fusible  ne  serait-elle  pas  l'émail  rouge,  qu'il  convenait  de  réduire 
en  petits  cuboïdes  ou  en  pastilles,  pour  faciliter  la  fabrication 
des  menus  objets  auxquels  on  l'appliquait  ?  L'examen  des 
formes  des  petits  débris  d'émail  brut,  trouvés  à  Bibracte,  laisse 
à  cette  explication  son  caractère  encore  conjectural. 

IV.   —    LA    CÉRAMIQUE 

La  poterie  des  oppida  de  la  Gaule  n'a  pas  encore  été  l'objet 
d'une  étude  d'ensemble.  Les  récoltes  les  plus  abondantes  pro- 
viennent particulièrement  de  Bibracte  et  du  Crêt-Châtelard,  com- 


LE    HRADISCHT    DE    STRADONIC    EN    BOHÊME  I53 

mune  de  Saint-Marcel-de-Félines  (Loire),  oppidum  fouillé 
méthodiquement,  mais  dont  les  trouvailles  sont  encore  inédites. 
Cette  céramique  offre  une  curieuse  variété  de  types.  Auprès  de 
vases  d'une  fabrication  encore  grossière,  on  remarque  de  nom- 
breux modèles  indigènes,  façonnés  au  tour,  dont  le  galbe  élégant 
et  le  décor  démontrent  que  vers  l'époque  de  César,  les  Gaulois 
avaient  conduit  l'industrie  fictile  à  un  degré  déjà  avancé  de 
perfection. 

Au  Mont  Beuvray,  les  tessons  de  vernis  rouge  de  flibrique 
italique,  estampillés  de  marques  arrétines  connues,  se  mêlent 
aux  produits  indigènes.  C'est  au  temps  de  César  et  d'Auguste 
que  les  potiers  d'Arezzo  réussirent  à  exporter  en  Gaule  leur 
belle  céramique,  bientôt  imitée  par  les  Gaulois.  Mais  on  doit  se 
garder  de  classer  parmi  les  vases  de  provenance  étrangère  tous 
ceux  auxquels  la  pureté  de  la  forme  et  la  finesse  de  la  pâte  prête 
un  aspect  artistique. 

Sans  entrer  dans  une  description  détaillée,  je  me  bornerai  à 
faire  observer,  au  sujet  des  formes,  que  leurs  caractères  essen- 
tiels peuvent  se  résumer  ainsi  :  Dans  les  vases  à  liquides,  dispa- 
rition du  profil  caréné  des  périodes  antérieures  et  prédominance 
de  la  forme  ovoïde.  Rareté  des  anses  qui  ne  se  rencontrent  que 
sur  des  cruches  blanches  ou  jaunâtres,  de  fabrique  italique.  Pour 
la  décoration,  emploi  fréquent  d'instruments  en  bois  ou  en  corne, 
à  dents  de  peigne,  permettant  de  tracer  sur  la  panse  des  zones 
ondées,  sinuées,  ou  réticulées. 

Mais  à  côté  de  ces  vases,  à  ornements  gravés,  dont  le  style 
conserve  quelque  chose  de  primitif,  malgré  l'habileté  de  l'exécu- 
tion, apparaissent  de  curieuses  poteries  qui  semblent,  à  première 
vue,  se  rattacher  à  la  céramique  classique  du  vieil  art  hellénique. 
Il  s'agit  des  vases  peints  à  décoration  géométrique,  particulière- 
ment abondants  à  la  fin  de  l'époque  celtique  et  au  commence- 


154  CONGRES  ARCHEOLOGIQUE  DE  MAÇON 

ment  de  l'époque  impériale  dans  le  centre  de  la  Gaule.  Je  leur 
ai  déjà  consacré  en  1895,  dans  la  Revue  archéologique',  une 
monographie  où  j'ai  essayé  de  décrire  leurs  caractères  essentiels, 
mais  alors  j'étais  loin  de  penser  que  cette  poterie  gauloise  eût 
ra)'onné  jusqu'en  Bohême  et  ce  n'est  pas  sans  surprise  que  je  me 
suis  trouvé,  au  musée  de  Prague,  en  présence  de  plusieurs 
vitrines  de  tessons  de  cette  espèce,  provenant  tous  de  Stradonic, 
exclusivement. 

Les  formes,  peu  variées,  se  réduisent  à  trois  ou  même  à  deux 
types  :  le  gutîiis  ovoïde  ou  vase  à  liquides  et  le  bol  ou  oUa,  à 
lèvre  renforcée  d'un  rebord  arrondi.  La  décoration  est  obtenue 
par  l'application  de  couleurs  ocreuses,  d'un  brun  noir  ou  violacé, 
sur  fond  blanc  uni.  La  zone  blanche  est  encadrée  de  bandes 
rouges,  mais  la  base  du  vase  conserve  souvent  sa  couleur  natu- 
relle, d'un  jaune  clair  rosacé. 

Le  caractère  de  la  décoration  géométrique  permet  de 
distinguer  deux  groupes  :  l'un,  à  décor  curviligne  dans  le  style 
classique  de  la  Tène,  c'est-à-dire  dérivé  de  motifs  serpentins, 
tels  que  la  double  volute;  l'autre  à  décor  rectiligne,  où  prédo- 
minent les  lignes  en  zig-zag,  les  damiers,  les  chevrons,  les 
pyramides.  La  décoration  rectilinéaire  qui  est  la  plus  récente,  a 
remplacé  la  précédente,  lorsque  l'art  de  la  Tène,  en  présence 
de  l'art  classique  méditerranéen,  avait  perdu  son  originalité 
propre  et  tendait  à  disparaître  de  toutes  les  régions  celtiques,  les 
Iles  Britanniques  exceptées.  Cependant  quelques  spécimens 
du  groupe  ancien  se  rencontrent  en  petit  nombre  jusque  dans 
la    première  moitié  du  premier   siècle  de  notre  ère. 

On  trouve  aussi  au  Mont  Beuvray,  comme  à  Stradonic,  des 
vases  ornés  de  simples  bandes  parallèles,  alternativement  rouges 

I.  Les  vases  peints  gallo-romains  du  Musée  de  Roanne,  extrait  de  la  Revue  archéo- 
logique (Planche  en  couleur),  1895. 


LE    HRADISCHT    DE    STRADOXIC    EN   BOHEME  I55 

et  blanches,  disposées  horizontalement  (pi.  III,  fig.  3)  et  aussi 
des  semis  de  pastilles  blanches  sur  fond  rouge  ou  rouges  sur  fond 
noir  (pi.  III,  fig.  I,  deStradonic  et  fig.  4  du  Beuvray). 

Par  l'ensemble  de  ses  caractères,  cette  poterie  peinte  forme 
un  groupe  tout  à  fait  distinct.  Le  moindre  tesson  de  cette 
fiUTîille  se  reconnaît  aussi  aisément  qu'un  fragment  de  poterie 
sigillée  ou  de  vase  hellénique.  J'insiste  sur  ce  point,  car  la  dési- 
gnation de  poterie  peinte  à  décoration  géométrique  est  en  elle- 
même  bien  imprécise.  Elle  pourrait  s'appliquer  à  certains  produits 
de  l'époque  néolithique  aussi  bien  qu'aux  vases  actuels  de  la 
Kabylie.  La  poterie  dont  il  s'agit  ici  doit  donc  être  désignée  sous 
le  nom   de  poterie  peinte  du  type  de  Bibracte. 

Lorsque  j'ai  tenté  de  délimiter,  il  y  a  cinq  ans,  son  aire  de 
dispersion,  je  ne  connaissais  encore  qu'un  bien  petit  nombre  de 
collections  étrangères.  Je  ne  pouvais  donc  signaler  la  présence  de 
cette  céramique  que  dans  le  centre  de  la  Gaule  —  surtout  à 
Bibracte,  au  Crêt  Châtelard  (commune  de  Saint-Marcel  de 
Félines)  et  à  Roanne,  —  à  Montaux,  près  Gaillac,  à  Lezoux,  à 
Moulins  et  en  Normandie.  Actuellement  je  suis  en  mesure 
d'étendre  les  limites  géographiques  de  cette  poterie  bien  au  delà 
des  frontières  de  la  Gaule.  Le  Hradischt  de  Stradonic,  en  pre- 
mier lieu,  a  livré  un  grand  nombre  de  tessons  peints,  tout  à  fiiit 
semblables  à  ceux  du  Mont  Beuvray  et  présentant  les  mêmes 
variétés.  A  défaut  de  reproductions  en  couleurs,  les  quelques 
fragments  de  la  planche  III  (fig.  1-6)  ne  peuvent  donner  une 
idée  de  l'ensemble  de  la  récolte  ni  de  la  similitude  parfaite 
des  échantillons  de  la  Gaule  et  de  ceux' de  Stradonic.  Il  est 
cependant  intéressant  de  comparer,  par  exemple,  le  fragment  du 
Beuvray,  fig.  7,  avec  celui  de  Stradonic,  fig.  6.  Les  bandes  hori- 
zontales, parallèles,  le  semis  de  pastilles  blanches  sur  fond  rouge 
ou  brun,  sont  encore  des  motifs  communs  aux  deux  groupes.  On 


156  CONGRÈS  ARCHÉOLOGiaUE  DE  MAÇON 

en  noterait  beaucoup  d'autres,  sans  doute,  si  l'ensemble  des 
deux  récoltes  était  publié.  La  similitude  n'est  pas  seulement 
dans  la  forme,  dans  la  technique  et  le  décor,  mais  aussi  dans  la 
nature  et  la  couleur  de  la  pâte,  d'un  jaune  clair,  rosacé. 

J'aborderai  plus  loin,  dans  la  seconde  partie  de  cette  étude, 
l'examen  des  conclusions  que  sembleraient  autoriser  les  analo- 
gies frappantes  des  récoltes  de  Stradonic  et  du  Mont  Beuvray. 
J'aurai  alors  à  rechercher  la  part  qui  peut  être  attribuée  à  des 
influences  commerciales,  dans  l'explication  des  faits  observés. 
On  comprend  quelle  importance  présente  à  cet  égard,  l'inven- 
taire des  trouvailles  d'objets  similaires  dans  d'autres  stations.  Je 
dois  donc  compléter  les  indications  précédentes  par  l'énuméra- 
tion  des  régions  où  s'est  encore  rencontrée  la  céramique  peinte 
du  type  de  Bibracte. 

La  collection  la  plus  riche  en  spécimens  de  cette  nature,  c'est  la 
collection  céramique  du  musée  de  Roanne.  Le  plus  grand  nombre 
des  vases  peints  provient  d'un  cimetière  gallo-romain,  ouvert 
dès  le  commencement  de  l'époque  impériale.  Viennent  ensuite 
les  beaux  vases  de  Toppidum  du  Crêt-Châtelard,  encore  iné- 
dits et  ceux  qu'ont  livrés  d'autres  localités  du  Forez  et  du  Bour- 
bonnais. Ces  vaisseaux  ont  souvent  servi  d'urne  funéraire.  L'un 
d'eux,  grand  bol  à  zones  rouges  et  blanches,  sans  dessins  géomé- 
triques, trouvé  à  Villeret  (Loire),  contenait,  avec  des  ossements 
incinérés,  deux  fibules  de  bronze,  à  disque  médian,  type  qui  se 
rencontre  déjà  au  temps  d'Auguste  dans  les  récoltes  du  Mont 
Beuvray  et  que  quelques  archéologues  rajeunissent  à  tort.  Je 
citerai  encore  les  vases  peints  de  Chaizieu  (Loire),  conservés  au 
musée  de  Montbrison;  cette  nécropole  du  temps  d'Auguste  ou  de 
ses  premiers  successeurs,  a  livré  quelques  bronzes  coulés  gau- 
lois, et  des  fibules  dérivées  de  celles  de  la  Tène  III.  Dans  les 
ateliers  céramiques  de   Lezoux,   de  Montverdun,   de   Banassac, 


LE  HRADISCHT    DE    STRADONIC    EN   BOHEME  I57 

quelques  tessons  démontrent  que  la  flibrication  de  ces  vases  y  a 
précédé  celle  de  la  poterie  sigillée.  Au  nord-ouest  de  la  Gaule, 
Tabbé  Cochet  a  recueilli  ce  type  céramique  en  Normandie.  Le 
musée  de  Rouen  en  conserve  un  spécimen  provenant  d'Alisay. 

Les  découvertes  de  Bibracte  nous  fournissent  la  preuve  que 
cette  poterie  était  répandue  en  Gaule  dans  la  seconde  moitié  du 
premier  siècle  avant  notre  ère.  Mais  les  trouvailles  de  la  Cham- 
pagne méritent  tout  particulièrement  de  fixer  l'atteniion,  parce 
qu'elles  lèvent  toute  incertitude  sur  l'origine  purement  indigène 
de  cette  céramique.  Je  veux  parler  des  vases  de  la  collection 
Morel',  trouvés  à  Beine  (Marne),  et  à  Prunay  (Marne)  et  d'un 
certain  nombre  de  vaisseaux  similaires,  du  musée  de  Saint-Ger- 
main. L'engole  blanc  n'apparaît  pas  encore,  mais  le  décor  curvi- 
ligne est  tout  à  fait  dans  le  style  de  la  Tène,  comme  sur  les  vases 
de  Bibracte,  d'ancien  style.  Or  la  forme  du  grand  vase  ovoïde  de 
Prunay  est  une  des  formes  typiques  de  la  céramique  marnienne. 
C'est  un  des  vases  classiques  de  la  sépulture  de  Somme  Bionne  et 
des  autres  tombes  de  la  Tène  L  D'où  cette  conclusion  importante 
que  la  décoration  peinte  apparaît  tout  d'abord  dans  la  céramique 
gauloise  sur  des  vases  de  la  Tène  I,  dont  la  forme  ne  trahit 
en  rien  l'imitation  d'un  modèle  hellénique. 

En  réalité,  tout  est  indigène  dans  cette  céramique,  et  les 
tentatives  de  rapprochement  de  ces  vases  gaulois  avec  les 
types  mycéniens  me  paraissent  stériles.  Il  se  peut  cependant  que 
la  vue  des  vases  grecs  ait  suggéré  aux  potiers  gaulois  l'idée 
d'appliquer  le  procédé  de  la  peinture  à  la  décoration  de  leur 
poterie.  Les  vases  grecs  du  iv^  siècle  découverts  dans  quelques 
tombes  de  la  Champagne  sont  des  vases  à  figures  et  l'art  celtique 
qui  proscrivait  ce  genre  de  représentations,  sans  doute  pour  obéir 

I.  Léon  Morel,  la  Champagne  souterraine,  Reims,  1898.  Un  vol.  de  texte  et 
un  album  de  planches.  Les  vases  peints  sont  figurés  en  tète  du  texte. 


158  CONGRÈS  ARCHÉOLOGiaUE  DE  MAÇON 

à  certaines  prescriptions  religieuses,  ne  pouvait-  trouver  là  une 
source  d'inspiration  ornementale.  Si  les  céramistes  gaulois  imi- 
tèrent la- technique  grecque  dans  une  certaine  mesure,  ils  eurent 
soin  de  conserver  à  l'ornementation  son  caractère  indigène.  La  céra- 
mique de  la  Tène  lutta  victorieusement  contre  la  pénétration  des 
vases  grecs.  C'est  à  la  technique  d'Arezzo  seule,  importée  plus  tard 
en  Gaule  à  la  suite  des  envahisseurs,  qu'était  réservé  le  privilège 
de  conquérir  la  clientèle  gauloise. 

De  la  Gaule,  sa  patrie  d'origine,  la  céramique  peinte,  bénéfi- 
ciant de  l'expansion  de  la  culture  celtique,  rayonna  dans  la  direc- 
tion de  l'est,  tandis  qu'au  nord,  elle  ne  franchit  pas  la  Manche. 
Grâce  à  des  découvertes  récentes,  les  types  céramiques  de  la 
Tène  III,  en  usage  dans  les  Iles  Britanniques,  commencent  à  être 
à  peu  près  connus.  Or  jamais,  si  je  ne  me  trompe,  aucun  fragment 
de  cette  poterie  peinte  n'y  a  été  recueilli.  Si  les  Bretons  en 
avaient  fait  usage,  il  semble  qu'elle  figurerait  parmi  les  vases 
cinéraires  d'Aylesford,  nécropole  à  incinération  de  la  fin  du 
second  âge  de  fer.  Elle  est  remplacée  en  Angleterre  par  une  autre 
espèce  de  poterie  à  décoration  géométrique  de  même  style,  bien 
que  de  technique  différente.  Celle-ci  apparaît  dans  les  fouilles 
récentes  de  Glastonbury  (Somersetshire)  ',  curieux  village 
palafitte  de  l'époque  celtique,  de  Hunsbury-,  oppidum  voisin 
de  Northampton,  et  de  quelques  autres  stations.  J'en  publierai 
prochainement  quelques  spécimens,  qu'il  serait  utile  de 
rapprocher  de  nos  vases  peints,  pour  bien  constater  l'étroite 
parenté  des  divers  motifs  décoratifs  de  ces  deux  groupes  céra- 
miques contemporains.  Le  thème  de  cette  ornementation  cur- 
viligne se  trouvait  si  conforme  au  goût    des  peuples  celtiques, 

1.  The  british  Lake-viîla^e  tiear  Glastonbury  (recueil  de  diverses  notices  déjà 
publiées    dans  des   périodiques    anglais).  Caunton,    1899. 

2.  Sir  Henry  Dryden,  Hunsbury  or  Dànes  Camp,  s.  1.  n.  d.,  pi.  v,  fig.  12. 


LE    HRADISCHT    DE    STRADONIC    EN    BOHEME  I59 

que  les  potiers  pouvaient  en  épuiser  les  combinaisons  linéaires, 
sans  craindre  de  lasser  leur  clientèle.  Les  vases  bretons  sont 
d'ailleurs  des  bols  ou  des  vases  ovoïdes,  non  anses,  de  pâte  grise 
ou  noirâtre,  souvent  lustrée,  façonnés  à  la  main.  Leurs  dessins 
ont  été  gravés  dans  l'argile  fraîche,  au  moyen  d'un  instrumenta 
pointe  mousse. 

La  distribution  de  la  poterie  peinte,  à  l'est  de  la  Gaule,  présente 
un  intérêt  tout  particulier,  par  rapport  à  Stradonic.  Entre  ces  deux 
points  extrêmes,  Bibracte  et  l'oppidum  bohémien,  retrouve-t-on 
les  traces  d'une  voie  commerciale,  jalonnée  par  des  vases  ou  des 
tessons  de  cette  famille  céramique?  Quelques  découvertes  per- 
mettent de  tracer  l'amorce  de  cette  route,  jusqu'en  Helvétie 
seulement.  Le  musée  de  Saint-Germain  conserve  un  fragment 
typique  de  cette  poterie,  provenant  de  la  Haute-Savoie.  Au 
musée  de  Genève,  j'ai  vu  deux  ollas  entières,  l'une  à  dessins 
géométriques,  bandes  verticales  et  losange  réticulé,  l'autre  beau- 
coup plus  curieuse,  avec  un  essai  de  représentation  figurée,  asso- 
ciée à  la  décoration  linéaire  :  une  frise  d'oiseaux,  les  ailes  éployées 
peints  en  rouge  foncé  sur  fond  rouge  brique  fait  le  tour  du  vase; 
elle  est  encadrée  par  deux  zones  de  couleur  blanche.  La  forme 
ollaire  et  les  dimensions  se  rapportent,  comme  la  technique,  aux 
types  éduo-ségusiaves.  Jouxtens,  dans  le  canton  de  Vaud  (musée 
de  Lausanne),  Avenches,  Berne  et  Constance  ont  livré  aussi 
quelques  débris  de  cette  poterie.  Enfin  elle  est  représentée  au 
musée  de  Mayence  par  quelques  grands  vases  entiers  de  forme 
ovoïde,  trouvés  dans  la  région  rhénane  et  publiés  dans  les 
Alterthûmer  '. 

I.  Allerth.,  t.  I,  vi,  6,  et  III,  vi,  4. 


l60  CONGRES    ARCHÉOLOGIQ.UE    DE    MAÇON 

V.    —    ARMES    ET  OUTILS 

A  Stradonic,  l'os  et  la  corne  ont  servi  à  la  confection  d'un 
grand  nombre  d'instruments,  tels  que  des  perçoirs  et  des  aiguilles. 

Les  outils  et  ustensiles  en  fer,  tels  que  couteaux,  ciseaux, 
poinçons,  anneaux,  chaînes,  clés,  clous,  etc.,  sont  abondam- 
ment représentés  dans  les  collections  de  Prague  et  de  Vienne, 
mais,  à  l'exception  d'une  série  nombreuse  de  pointes  de  lances 
et  de  javelots,  les  armes  sont  fort  rares.  Je  n'aurais  guère  à  signa- 
ler que  quelques  fragments  d'épées,  du  type  de  la  Tène  récente. 
J'ajoute  que  les  fouilles  du  Mont  Beuvray  présentent  cette  même 
particularité  de  l'extrême  rareté  des  épées,  si  abondantes  cepen- 
dant dans  d'autres  stations  gauloises.  A  Bibracte,  le  fait  s'explique 
en  partie  par  la  conquête  romaine.  Les  cinquante  dernières 
années  de  la  ville  éduenne  sont  postérieures  à  l'arrivée  de  César. 
Il  est  permis  de  croire  que  lorsque  la  Gaule  asservie  eut  livré  ses 
armes  à  son  vainqueur,  celui-ci  ne  lui  concéda  pas  l'autorisation 
de  les  reprendre,  avant  que  la  romanisation  des  nouvelles  provinces 
eut  été  consommée.  Au  reste  la  population  résidant  à  Bibracte, 
si  l'on  en  juge  par  les  vestiges  exhumés  de  ses  demeures,  est 
toute  différente  de  celle  que  l'on  pourrait  s'attendre  à  rencontrer 
dans  cette  forteresse  puissante.  Si  l'imagination  la  peuple  de 
guerriers,  l'archéologie  y  découvre  surtout  de  laborieux  artisans. 
A  Stradonic,  les  traces  d'une  exploitation  industrielle,  égale- 
ment active,  sont  nombreuses,  mais  les  observations  précises, 
recueillies  à  Bibracte,  sur  le  caractère  des  habitations,  font  entiè- 
rement défaut. 

Parmi  les  fragments  d'armes  trouvés  à  Stradonic,  il  en  est  un 
que  je  signalerai  spécialement.  Je  veux  parler  d'un  petit  bronze 
du  musée  de  Prague,  en  forme  de  tête  humaine,  qui  se  trouve  être 
exactement  semblable  à  un  second  exemplaire,  découvert  à  Corent 


LE  HRADISCHT    DE    STRADONIC    EX  BOHEME 


i6r 


(Puy-de-Dôme),  et  conservé  au  musée  de  Roanne.  L'exemplaire 
arverne  est  dessiné  ci-contre  (fig.  3)  mais  cette  reproduction 
passerait  facilement  pour  celle  du  bronze  de  Prague,  tant  est 
complète  la  ressemblance  des  deux  objets.  Tous  deux  mesurent 
environ  trois  centimètres  de 
hauteur  et  sont  en  bronze 
fondu,  creux  à  l'intérieur. 
Au  sommet  de  la  tête  est 
pratiquée  une  ouverture  évi- 
demment destinée  au  passage 
d'une  tige  à  rivet.  Les  traits 
du  visage  suffiraient  à  établir 
le  caractère  celtique  de  ces 
bronzes.  On  reconnaît  aisé- 
ment dans  le  dessin  des  yeux, 
dans  l'allongement  et  l'obliquité  des  paupières,  dans  la  stylisation 
de  la  chevelure  et  la  symétrie  de  ses  mèches,  les  particularités  de  la 


Trouvé  à  CoRENT  (Puy-de-Dôme). 
Gr.  d'exécution. 


Fig-  4- 

Poignards  anthropoïdes,  d'après  Lindenschmit  tils. 

A.  Musée  de  Pesth.  —  B.  Coll.  Ritter,  à  Neuch.itel.   Long.  446  mill. 

représentation  du  visage  humain,  sur  les  monnaies  de  la  Gaule. 
Q.uant  à  la  destination  de  cet  objet,  elle  ne  me  semble  pas  dou- 


Congrès  archéologique  de  maçon. 


l62  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQ.UE  DE  MAÇON 

teuse.  Je  vois  là  deux  nouveaux  spécimens  du  pommeau  des 
poignards  anthropoïdes  de  l'époque  de  la  Tène.  Ces  poignards, 
dont  on  connaît  actuellement  de  nombreux  exemplaires,  pré- 
sentent les  caractères  suivants  :  large  lame  en  fer,  à  deux  tran- 
chants et  à  pointe  effilée,  poignée  en  bronze,  Hmitée  en  haut  et 
en  bas  par  une  paire  d'antennes  dirigées  en  sens  contraire  et  sou- 
vent munies  de  boules  terminales  (lig.  4).  La  soie  de  la  lame  qui 
traverse  la  fusée  est  rivée  à  une  pièce  sphéroïdale  ou  bouton  de 
bronze,  posé  entre  les  antennes.  Ce  bouton  terminal  est  souvent, 
remplacé  par  une  tête  virile,  celle  de  nos  petits  bronzes  de  Corent 
et  de  Stradonic.  Un  petit  fragment  d'un  de  ces  poignards,  l'extré- 
mité d'une  antenne  avec  bouton  terminal,  s'est  rencontré  éga- 
lement au  Mont  Beuvray  (Musée  de  Saint-Germain). 

M.  Salomon  Reinach  a  démontré  aisément,  à  l'encontre  d'une 
étrange  explication  proposée  par  feu  Lindenschmit',  que  ces 
armes  appartiennent  à  l'archéologie  de  la  Tène.  Mais  ils  prove- 
naient tous  jusqu'ici  de  trouvailles  isolées.  Les  pommeaux  de 
Stradonic  et  de  Corent,  le  fragment  recueilli  à  Bibracte,  confirment 
l'attribution  de  ce  type  de  poignard  à  l'industrie  gauloise.  Le  pom- 
meau d'un  poignard  trouvé  à  Tesson,  arrondissement  de  Saintes] 
(Musée  de  Saint-Germain),  est  exactement  semblable  à  ceux  del 
Corent  et  de  Stradonic.  De  plus,  ces  trouvailles  démontrenti 
clairement  que  l'emploi  de  cette  arme  a  duré  jusqu'à  l'époquel 
de  la  Tène  IIL  Son  prototype  est  bien  certainement  le  poignarcj 
à  antennes  hallasttien,  où  apparaît  déjà  (Sacken,  Das  Grabf.  v\ 
Hallstatt,  pi.  V,  fig.  1 1)  le  pommeau  sphéroïdal.  La  transformatiorj 
d'une  sphère  terminale  en  tête  humaine  est  une  des  évolution; 
que  l'on  rencontre  constamment  dans  l'étude  du  développemen 
des  formes  plastiques.  Le  pommeau  du  poignard  à  antennes  pou 

I.  Salomon  Reinach,  V  Anthropologie,  1895,  p.  18  ;  Lindenschmit,  J//t'/7/;;ï/««r| 
t.  IV, IV,  2,  et  IV,  25. 


LE    HRADISCHT    DE    STRADONIC    EN   BOHEME  163' 

vait  d'autant  moins  y  échapper  que  la  poignée  de  cette  arme  affec- 
tait déjà,  par  la  disposition  des  antennes,  une  vague  forme  anthro- 
poïde. Je  classerai  donc  à  la  Tène  I  celles  de  ces  armes  qui  ont 
gardé  le  pommeau  sphérique  et  aux  périodes  suivantes  les  poi- 
gnards à  tête  humaine. 

VI .    —     OBJETS     DIVERS 

Les  monnaies,  les  fibules,  les  émaux  et  la  céramique  m'ont 
fourni  les  points  de  comparaison  les  plus  frappants  entre  les  trou- 
vailles des  deux  oppida.  Je  mentionnerai  plus  brièvement  cer- 
tains autres  objets  communs  également  à  l'archéologie  de 
Stradonic  et  à  celle  de  Bibracte  ou,  pour  mieux  dire,  appartenant 
en  propre  à  la  civilisation  de  la  Tène  III.  On  les  rencontre  dans 
plusieurs  stations  de  cette  même  époque  et  quelques-uns  peuvent 
être  considérés  comme  des  «  fossiles  directeurs  »  propres  à  gui- 
der l'archéologie  dans  l'étude  de  ces  antiquités. 

I.  Anneaux  et  bracelets  de  verre.  (PL  III,  fig.  8-12.)  La  col- 
lection de  grains  de  collier  de  Stradonic,  au  seul  musée  de 
Prague,  ne  comprend  pas  moins  de  cinq  à  six  cents  numéros.  Ces 
grains  de  collier  comparés  aux  types  plus  anciens,  en  diffèrent  par 
la  forme  et  la  couleur.  Leur  forme  est  celle  d'un  anneau  à  sec- 
tion elliptique.  On  peut  les  diviser  en  quatre  variétés,  d'après  le 
nombre  des  nuances  qui  entrent  dans  la  coloration  du  verre. 

Premier  groupe,  verre  uni  :  Bleu  foncé,  jaune,  vert  clair,  blanc 
translucide. 

Deuxième  groupe,  verre  bicolore  :  Bleu  et  jaune,  bleu  et  blanc. 

Troisième  groupe,  verre  tricolore  :  Jaune,  bleu  et  gris  ;  jaune 
pâle,  bleu  et  blanc;  jaune  avec  cercles  bleus  mouchetés  de  blanc. 

Quatrième  groupe,  verre  à  quatre  couleurs  :  uni  avec  cercles 
tricolores,  jaune,  bleu  foncé  et  blanc. 


164  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQ.UE  DE  MAÇON 

Dans  chacun  des  trois  derniers  groupes,  les  nuances  diverses 
sont  disposées  tantôt  en  tranches  parallèles  ou  en  spirales,  tantôt 
en  mouchetures  ou  en  cercles  polychromes;  quelques  grains  pré- 
sentent des  nodosités  ou  mamelons. 

Les  bracelets  de  verre  sont  des  cercles  côtelés,  de  couleur  bleu 
foncé;  la  côte  médiane  est  souvent  ornée  d'un  filet  ou  petit 
rinceau  de  couleur  jaune  ou  blanche. 

Les  bracelets  de  verre  bleu  et  les  grains  de  collier  unis  ou  à 
cercles  blancs  et  bleus  sur  fond  jaune  ou  bleu  se  rencontrent  à 
toutes  les  périodes  de  la  Tène,  mais  le  type  des  grains  de  colliers 
mouchetés,  ou  à  bandes  spiraliformes,  de  plusieurs  couleurs,  est 
particulier  à  la  Tène  IIL  La  forme  de  ces  grains,  gros  et  larges 
anneaux  à  section  elliptique,  permet  aussi  de  les  distinguer  faci- 
lement des  verroteries  de  l'époque  mérovingienne.  Ils  se  retrouvent 
non  seulement  dans  lesoppida  de  la  Gaule  —  le  musée  de  Roanne 
en  possède  une  série  provenant  de  Gergovie  ;  le  Mont  Beuvray 
en  Uvre  abondamment  ■ —  mais  dans  la  plupart  des  stations  de 
la  Tène  IIL  La  collection  du  musée  de  Prague  réunit  toutes 
les  variétés  connues. 

Dans  la  composition  des  nuances,  une  particularité  mérite 
d'être  notée.  Alors  que  le  blanc,  le  jaune,  le  bleu  foncé  ou  le 
bleu  clair,  le  gris  et  le  vert  sont  représentés,  je  n'ai  jamais  vu, 
ni  à  Prague,  ni  dans  aucun  autre  Musée,  pour  l'époque  de  la 
Tène,  un  grain  de  collier,  un  bracelet  ou  une  verroterie  de  cou- 
leur rouge.  Comment  s'expliquer  cette  exclusion  d'une  nuance 
très  goûtée  des  Gaulois,  comme  le  prouve  la  coloration  rouge 
de  leurs  émaux  et  leurs  vases  peints  ?  L'émail  n'étant  qu'une 
substance  vitreuse,  puisque  les  Gaulois  connaissaient  l'émail 
sanguin,  la  coloration  en  rouge  du  verre  dont  on  fabriquait  les 
grains  de  collier  ne  pouvait  présenter  aucune  difficulté.  On  doit 
croire  que  l'ambre  rougeâtre  qui  servait  également  à  confection- 


LE    HRADISCHT    DE    STRADONIC    EN    BOHEME  165 

ner  des  grains  de  collier  constituait  un  produit  naturel  que  la 
clientèle  préférait  au  verre  rouge. 

2.  Anneaux  et  rouelles  de  bronze.  (PL  IV,  fig.  6-10.)  J'ai  compté 
au  Musée  de  Prague,  plus  de  500  annelets  en  bronze  de  dimen- 
sions diverses;  ils  sont  également  très  communs  dans  toutes 
les  stations  de  la  Tène  III.  Quelques  numismates  estiment  que 
ces  annelets  ont  pu  faire  office  de  monnaie  :  leur  abondance 
à  Stradonic  ne  serait  pas,  il  est  vrai,  un  argument  à  invoquer  à 
l'appui  de  cette  thèse;  nous  avons  vu  que  le  nombre  des  grains 
de  collier  n'est  pas  moins  élevé. 

Les  rouelles  sont  beaucoup  moins  abondantes;  leur  diamètre 
varie  entre  15  et  50  millimètres  :  le  nombre  des  jantes  est  tantôt 
ie  quatre,  tantôt  de  huit;  quelques-unes  ont  leur  circonférence 
dentelée  (pi.  IV,  fig.  8),  comme  les  deniers  serrati  de  la  Répu- 
blique romaine,  qui  au  dire  de  Tacite  étaient  particulièrement 
recherchés  par  les  Germains.  Parmi  les  fibules  de  Stradonic, 
:ertaines  portent  une  de  ces  rouelles  en  bronze,  passées  dans 
l'arc  (pi.  I,  fig.  5),  ce  qui  tendrait  à  faire  considérer  celles-ci 
comme  des  amulettes. 

3.  Une  autre  série  d'objets  de  bronze  qu'il  est  intéressant  de 
retrouver  en  assez  grand  nombre  à  Stradonic,  ce  sont  de  petites 
balances,  se  composant  d'un  fléau  et  de  deux  plateaux  circulaires, 
suspendus  chacun  par  trois  ou  quatre  chaînettes.  Parmi  les 
25  fléaux  du  Musée  de  Prague,  certains  sont  minuscules,  d'une 
longueur  de  5  à  6  centimètres.  (PI.  IV,  fig.  12.) 

Un  de  ces  petits  fléaux  de  balance  en  bronze  du  Mont  Beuvray, 
est  conservé  au  musée  de  Saint-Germain  ;  un  autre,  de  Gergovie, 
au  musée  de  Roanne.  Je  crois  qu'à  côté  des  fléaux  et  des  plateaux, 
il  faut  placer,  comme  appartenant  encore  à  ce  modèle  de  balance 
la  série  de  petites  tiges  bifides,  communes  à  Stradonic,  dont 
la  figure    13,  pi.   IV,  reproduit  un  exemplaire.  M.  Bulliot   et 


l66  CONGRÈS  ARCHÈOLOGiaUE  DE  MAÇON 

moi,  nous  en  avons  recueilli  plusieurs  à  Bibracte.  Leur  destination 
paraissait  difficile  à  établir,  mais  j'ai  vu  au  musée  de  Zurich  une 
petite  balance  complète  du  modèle  de  Stradonic  et  de  Bibracte  : 
le  fléau  est  suspendu  à  une  tige  tout  à  fait  analogue  à  celles-ci. 
Il  y  a  lieu  de  croire  que  dans  les  emporta  celtiques  où  affluaient 
des  monnaies  étrangères  de  types  très  variables,  la  vérification 
du  poids  des  espèces  nécessitait  l'emploi  de  ces  instruments,  qui 
peuvent  encore  avoir  servi  à  certains  industriels,  tels  que  les 
orfèvres  ou  les  émailleurs. 

4.  Le  petit  objet,  en  bronze,  à  deux  branches  recourbées, 
d'inégale  longueur,  que  reproduit  la  figure  3,  pi.  IV,  est  d'un 
emploi  inconnu.  Quoi  qu'il  en  soit,  c'est  encore  un  des  objets 
très  caractéristiques  des  stations  de  la  Tène  III.  Il  est  abondant 
dans  les  substructions  du  Mont  Beuvray  ;  j'en  ai  compté  plusieurs 
spécimens  dans  les  vitrines  de  Stradonic,  à  Prague. 

5.  Voici  encore  un  petit  bronze,  représenté  par  plusieurs 
spécimens  dans  les  récoltes  de  Stradonic  et  du  Mont  Beuvray. 
(PI.  IV,  fig.  I,  I  bis,  2.)  La  forme  et  les  dimensions  habituelles 
sont  celles  de  l'exemplaire  que  reproduit  la  figure  i  bis.  La  forme 
est  celle  d'un  T  dont  la  barre  horizontale  est  légèrement  cintrée 
en  croissant.  La  tige  est  courte  et  revêt  également  à  son  extré- 
mité une  forme  lunulée.  Ces  petits  bronzes  sont  en  métal  fondu, 
assez  minces,  sans  la  moindre  trace  d'ornementation;  comme 
on  le  voit  sur  le  dessin,  la  tranche  présente  un  chanfrein  ou 
biseau  bien  marqué. 

Ilétaitassez  difficile  de  leur  donner  un  nom.  Leur  abondance 
dans  les  habitations  de  Bibracte,  où  les  objets  de  toilette  sont  les 
plus  nombreux,  portait  à  les  classer  dans  cette  catégorie,  mais 
les  découvertes  de  Stradonic  lèvent  toute  incertitude.  En  com- 
parant les  figures  i  et  2  de  la  planche  IV,  on  reconnaît  aisé- 
ment que  le  second  est  un  manche  de  miroir,  dont  la  forme 


LE    HRADISCHT    DE    STRADOXIC    EN   BOHEME  167 

dérive  du  type  plus  rudimentaire  que  reproduit  la  figure  i .  Ce  qui 
confirme  cette  attribution,  c'est  que  l'on  a  précisément  recueilli 
tant  à  Stradonic  qu'à  Bibracte  des  miroirs  ou  fragments  de  miroirs 
métalliques,  de  forme  circulaire,  qui  peuvent  s'ajuster  par  une 
soudure  à  ces  manches  en  bronze.  Il  y  a  certainement  lieu  de  s'éton- 
ner que  les  Gaulois  se  soient  contentés  d'un  mode  d'assemblage 
aussi  fragile,  ou  plutôt,  cet  objet  témoigne  de  la  perfection  des 
procédés  de  soudure  qu'ils  employaient.  Cela  nous  rappelle  le 
témoignage  de  Pline  sur  l'habileté  des  métallurgistes  gaulois  et  sur 
l'invention  de  l'étamage  attribuée  aux  Bituriges.  L'allongement 
du  croissant  que  l'on  observe  sur  la  figure  2  a  eu  précisément 
pour  objet  de  consolider  la  monture. 

Le  miroir  métallique  est  un  objet  que  les  Gaulois  ont 
emprunté  à  l'industrie  hellénique  ou  gréco-romaine.  Dans  le 
miroir  grec,  le  manche  et  le  disque  sont  d'une  seule  pièce.  A 
l'époque  impériale,  on  trouve  de  petits  disques  assez  semblables 
à  ceux  des  oppida,  mais  quelquefois  rectangulaires  ou  percés  de 
petits  trous  le  long  du  bord.  Le  manche  est  souvent  évidé,  en 
forme  de  double  fuseau.  Mais  quelle  était  la  forme  exacte  des 
miroirs  romains,  antérieurement  à  l'ère  chrétienne?  Il  fondrait 
élucider  cette  question  pour  connaître  exactement  l'origine  de  ce 
type  du  miroir  gaulois  de  la  Tène  III.  Malheureusement  on  est 
bien  loin  d'être  exactement  renseigné  sur  l'industrie  italique  du 
premier  siècle  avant  notre  ère. 

Quoi  qu'il  en  soit,  ce  manche  de  miroir  est  un  objet  caractéris- 
tique pour  cette  époque.  Je  l'ai  retrouvé  parmi  les  récoltes  de  la 
forêt  de  Compiègne  (musée  de  Saint-Germain),  des  environs  de 
Besançon  (musée  de  Besançon),  de  Windisch  (Suisse),  au  musée 
de  Zurich,  avec  des  fibules  de  la  Tène  et  des  objets  romains. 

Le  musée  de  Lausanne  en  possède  aussi  un  exemplaire. 

Les  disques  sont  unis,  sans  aucune  gravure  au  revers,  tandis 


lé8  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  MAÇON 

que  dans  les  Iles  Britanniques  où  l'art  de  la  Tène  a  laissé  ses 
produits  les  plus  artistiques,  on  connaît  une  série  de  miroirs  cir- 
culaires gravés  de  dessins  géométriques,  de  style  celtique. 

6.  On  sait  combien  sont  rares  les  représentations  figurées  dans 
l'art  celtique.  A  Bibracte,  on  ne  peut  signaler  que  quelques  manches 
de  couteaux  en  bronze,  dont  l'extrémité  revêt  la  forme  d'une  tète 
de  cheval  ou  de  bovidé,  et  urie  série  de  chenets  d'argile  à  tête  de 
bélier.  Stradonic  est  mieux  partagé.  Les  chenets  en  terre  cuite 
font,  il  est  vrai,  défaut,  mais  les  vitrines  du  musée  de  Prague 
renferment  quelques  petites  figurines  en  bronze  d'animaux  divers 
dont  le  style  n'a  rien  de  classique.  Le  sangHer  occupe  naturel- 
lement le  premier  rang.  Mais  la  perle  de  ces  petites  collections 
est  une  minuscule  figurine  en  bronze,  haute  seulement  de  cinq 
centimètres,  représentant  un  personnage  viril,  nu,  ithyphallique, 
tenant  de  la  main  droite  un  carnyx  ou  trompette  recourbée,  se 
terminant  en  un  large  pavillon.  Ce  précieux  petit  objet,  de 
travail  gaulois  et  d'une  belle  patine,  présente  tous  les  caractères 
d'une  authenticité  incontestable. 

7.  Les  figures  11  et  15,  pi.  IV,  représentent  un  autre  type 
des  petits  bronzes  de  Stradonic.  Le  coulant  auquel  est  adaptée 
une  sorte  de  palmette,  munie  d'un  crochet  à  son  revers,  me  fait 
considérer  cet  objet  comme  une  agrafe  de  ceinturon.  Les  fouilles 
de  Bibracte  ont  livré  l'extrémité  d'un  objet  semblable. 

8.  J'indiquerai  aussi  parmi  les  objets  d'importation,  qui 
caractérisent  cette  époque  de  transition,  des  bagues  en  or,  en 
argent,  en  bronze  et  en  fer,  munis  de  chatons  à  intailles.  Chez 
les  Gaulois  de  Bibracte,  le  goût  des  pierres  gravées,  portées 
comme  chaton  d'anneaux  était  aussi  très  répandu. 

9.  Le  bracelet  en  fer,  à  bouts  tordus  en  spirale,  est  un  type 
fort  commun  dans  toute  l'Europe.  Plusieurs  archéologues,  tels 
que  Gabriel  de  Mortillet,  L.  Lindenschmit,  Strobel  en  ont  étudié 


LE    HRADISCHT    DE    STRADONIC    EN   BOHÊME  169 

Torigine  et  la  durée'.  Il  y  aurait  lieu  actuellement  de  réviser  ces 
recherches  ou  de  les  compléter.  Je  me  borne  pour  l'instant  h 
constater  que  ce  type  apparaît  en  Gaule  pour  la  première  fois 
parmi  les  récoltes  de  Bibracte.  Le  modèle  était  peut-être  italique. 
On  le  trouve  dans  la  Haute-Italie,  à  Ornavasso  dans  la  nécropole 
de  Persona,  ouverte  en  l'an  87  av.  J.-C.  et  abandonnée  au  temps 
de  Domitien.  Il  paraît  avoir  subsisté  assez  longtemps.  Le  spéci- 
men de  la  figure  14,  planche  IV,  muni  d'une  chaînette,  provient 
de  Stradonic,  qui  en  a  livré  plusieurs  autres. 

10.  Le  commerce  italique  expédiait  aux  oppida  de  la  Gaule 
centrale,  au  temps  de  César  et  d'Auguste,  de  grandes  quantités 
d'amphores  de  vin  et  quelques  vases  d'Arezzo.  A  Stradonic,  où 
les  fouilleurs  n'ont  pas  pris  la  peine  de  recueillir  tous  les  tessons 
de  poterie  commune,  j'ai  reconnu  un  seul  débris  de  col  d'am- 
phore, du   type  de  Bibracte,  mais  pas  de  poterie  sigillée. 

1 1.  Je  termine  par  une  courte  mention  d'une  curieuse  série  de 
dés  en  os,  rappelant  nos  dominos,  sauf  que  quelques-uns,  tout 
en  étant  plats  et  allongés,  sont  gravés  de  cercles  sur  plus  de  deux 
faces.  PI.  III,  fig.  1 3  et  14.  Sans  m'arrêter  à  en  décrire  les  variétés, 
je  constate  que  ces  mêmes  dés  en  os  apparaissent  dans  un  autre 
milieu  celtique,  bien  éloigné  de  la  Bohême,  en  Grande-Bretagne, 
au  lake-village  de  Glastonbury  dont  j'ai  déjà  parlé,  à  propos  des 
poteries.  J'ai  vu  au  musée  de  Glastonbury  cinq  dés  en  os,  plats  et 
allongés,  gravés  sur  quatre  faces,  pareils  à  ceux  de  Hradischt.  Les 
fibules  trouvées  dans  cette  station  appartiennent  à  la  Tène  III. 
-  Le  musée  de  Bienne,  si  riche  en  antiquités  gauloises,  conserve 
aussi  des  dés  similaires,  mais  je  n'en  connais  pas  exactement  la 
provenance.  L'un  de  ces  dés  présente  par  hasard  la  même  parti- 

I.  G.  de  Mortillet,  dans  la  Rev.arch.,  1866,  et  dans  les  Matâiaux,  t.  III, 
p.  20,  et  t.  IV,  p.  203.  —  Altertb.,  t.  II,  v,  3.  Pour  les  observations  de 
Strobel,  voir  le  dernier  article  de  Mortillet. 


lyO  CONGRES  ARCHEOLOGIQUE  DE  MAÇON 

cularité  qu'un  de  ceux  de  Stradonic  :  il  est  resté   inachevé  et 
encore  adhérent  à  un  autre  cube. 

Beaucoup  d'autres  menus  objets  mériteraient  l'attention,  entre 
autres  le  type  d'anneau  de  bronze,  à  nodosités  globuleuses  ou 
à  figurations  (pi.  IV,  fig.  4  et  5)  connu  aussi  des  Eduens  de 
Bibracte  et  la  série  des  outils  en  fer.  Lorsque  M.  Pic  aura  publié 
une  monographie  générale  des  antiquités  de  Stradonic,  alors 
seulement  on  en  pourra  mesurer  la  variété  et  l'abondance,  dont 
cette  notice  ne  présente  qu'un  aperçu. 

VIL   CONCLUSIONS 

J'ai  étudié  sommairement  les  types  les  plus  caractéristiques 
du  Hradischt  de  Stradonic.  Il  me  reste,  en  m'aidant  de  cet  inven- 
taire comparatif,  à  rechercher  l'époque  de  son  occupation,  en 
passant  parfois  du  domaine  de  l'archéologie  à  celui  de  l'histoire. 

Cette  question  a  déjà  soUicité  l'attention  de  plusieurs  auteurs. 
En  1881,  M.  Osborne  lui  consacrait  un  mémoire  dans  les  Mittbeil. 
der  Anthrop.  Gesells.  in  Wien  et  plus  récemment,  M.  Pic  présentait 
une  solution  nouvelle. 

On  sait  que  les  tribus  celtiques  des  Boïens  constituent  le  pre- 
mier groupe  ethnique  dont  l'histoire  ait  enregistré  la  présence 
dans  le  Boïohemum'.  La  Bohême  a  gardé  jusque  dans  la  forme 
actuelle  de  son  nom  le  souvenir  de  cette  occupation.  En  l'an  58 
avant  notre  ère,  certaines  tribus  boïennes  se  joignent  aux  Hel- 
vètes abandonnant  leur  territoire,  pour  pénétrer  en  Gaule.  Mais 
ce  corps  d'émigrants  que  César  évalue,  non  peut-être  sans  exagé- 
ration, à  32.OQO,  y  compris  les  femmes  et  les  enfants,  ne  consti- 
tuaitpas  toute  la  nation  boïenne.  D'autres  tribus  étaient  demeurées 
sur  leur  domaine,  puisqu'au  témoignage  de  Tacite,  les  Marco- 
mans  eurent  tout  d'abord  à  les  combattre,  pour  s'emparer  à  leur 

I.   Tacite,  Germanie,  28. 


LE    HRADISCHT    DE    STRADOXIC    EN   BOHEME  I7I 

tour  du  Boïohemuni  ' .  Plusieurs  historiens  modernes  %  notam- 
ment Mûllenhoff,  contestent,  il  est  vrai,  cette  assertion  de  Tacite 
et  regardent  l'abandon  de  la  Bohême  par  les  Boïens  comme  anté- 
rieur à  l'arrivée  des  Marcomans.  En  effet,  au  temps  de  leur 
émigration  partielle  en  Gaule,  les  Boïens,  d'après  César  (B.  g., 
I,  5),  occupent  le  Norique,  et  la  destruction  de  leur  nation,  rap- 
portée par  Strabon  (VII,  m,  ii),  fut  l'œuvre  des  Daces,  com- 
mandés par  Boirebisias.  Ce  dernier  événement,  qui  a  eu  pour 
théâtre  le  pays  situé  au  sud  du  Danube,  remonte  à  l'an  45  environ 
avant  J.-C.  Toutefois,  en  présence  du  texte  de  Tacite,  il  est  vrai- 
semblable d'admettre  que,  si  la  ruine  de  la  nation  boïcnne  était 
consommée  au  milieu  du  premier  siècle,  quelques  tribus  réus- 
sirent toutefois  à  se  maintenir  en  Bohème  jusqu'à  la  conquête  de 
Marbod.  Celle-ci  fut  accomplie  environ  vers  l'an  12-10  avant  l'ère 
chrétienne.  L'arrivée  des  Slaves  qui  succédèrent  aux  Germains  eut 
lieu  à  une  date  incertaine  que  l'on  place  en  général  vers  le  v^  siècle, 
mais  que  quelques  savants  proposent  de  reculer  de  plusieurs  siècles. 
La  question  de  la  nationalité  des  habitants  du  Hradischt  recevra 
donc  une  solution  différente  suivant  que  l'occupation  de  cet 
oppidum  sera  considérée  comme  antérieure  ou  postérieure  à  l'an 
10.  Assurément  le  faciès  proprement  celtique  de  la  civilisation 
dont  on  retrouve  ici  les  restes  est  de  toute  évidence,  ainsi  qu'il 
ressort  de  l'ensemble  des  rapprochements  qui  précèdent;  toutefois 
cette  constatation  serait  loin  d'avoir,  à  elle  seule,  une  portée 
suffisante  pour  couper  court  à  toute  discussion  d'ordre  ethnique. 
La  culture  de  la  Tène  est  bien  celle  des  peuplades  gauloises, 
mais  elle  s'est  répandue  en  Europe  au  delà  des  limites  des  langues 

1 .  Praecipiia  Marcomannonim  gloria  viresqiw  atque  ipsa  ctiaiii  wdes,  pulsis 
oliin  Boiis,virtuti  parla.    (Germanie,  XLII). 

2.  MùllenhofF,  Dents.  Alterthitmskunde,  II,  p.  265  ;  Niese,  Kellische  Wanderuu- 
gcn,  dans  le  Zeitschrift  fur  dents.  Alterlhm,  1898,  p.  129.  Ce  dernier  suppose 
une  alliance  entre  les  Daces  et  les  Marcomans. 


172  CONGRES  ARCHEOLOGIQ.UE  DE  MAÇON 

celtiques.  Si  les  Germains  fixés  près  du  Rhin  ou  du  Danube  diffé- 
raient de  leurs  voisins  par  le  langage,  la  religion  et  les  institu- 
tions, par  contre  leur  civilisation  présentait  avec  celle  des  Gau- 
lois  d'assez  grandes    ressemblances    sous  le  rapport  des   types 
industriels,  de  l'armement  et  du  costume, 
-  L'attribution  aux  Marcomans  d'un  oppidum  qui  rappelle  de  si 
près  ceux  de  la  Gaule  ne  serait  donc  pas,  à  première  vue,  incom- 
patible avec  les  données  de  l'archéologie.  C'est  d'ailleurs  à  cette 
solution,  où  ils  ont  été  conduits  par  des  arguments  différents, 
que  M,  Osborne,   tout  d'abord,  et,  après  lui,  M.  Pic,  se  sont 
arrêtés.  Le  premier  invoque  des  considérations  que  je  crois  tout 
à  fait  inacceptables.  Ne  connaissant  la  poterie  peinte  à  décora- 
tion géométrique  que  par  les  rares  spécimens  des  pays  rhénaux, 
publiés  par  feu  Lindenschmit,  il  lui  attribue  gratuitement  une 
origine     germanique    et    ajoute    que    les    Gaulois    ignoraient 
l'usage  du  tour  avant  la  conquête,  affirmation  à  coup  sûr  très 
contestable  et  en  tous  cas  sans  valeur  dans  son  argumentation  '. 
M.  Pic  a  eu  l'occasion  d'exposer  incidemment  ses  vues  person- 
nelles sur  ce  problème,  dans  le  compte  rendu  des  fouilles  d'une 
autre  station  archéologique  importante  de  la  Bohême,  la  nécro- 
pole  à  incinération  de   Pichore  près  Dobfichov    (^Archeologicky 
Vyzkiim  ve  strednicb  Cecbach,  1897,  p.  64).  Avant  d'examiner  les 
conclusions  intéressantes  de  l'auteur,  je  dois,  pour  l'intelligence 
de  ce  qui  suit,  dire  quelques  mots  des  fouilles  de  Pichore.  Il  s'agit 
là  d'une  nécropole  de  la  Bohême  qui  a  livré  à  ses  explorateurs 
131  sépultures  à  inhumation.  Le  mobilier  des  tombes  comprend 
une  collection  abondante  de  fibules,  en  tout  180  exemplaires.  La 
fibule  bioculée  forme  à  elle  seule  le  tiers  de  la  récolte.  Viennent 
ensuite  la  fibule  norico-pannonique  à  double  bouton,  la  fibule 
à  disque  médian  et  quelques  types  encore  plus  voisins  des  formes 

I.  Mittheil.  der  anthrop.  Geselhchaft  Ui  IVien,  t.  X,  i88i,p.  246. 


LE    HRADISCHT    DE    STRADONIC    EN    BOHÊME  I73 

de  la  Tène  III.  En  résumé,  aucune  des  formes  de  Stradonic,  si 
ce  n'est  la  fibule  oculée,  dont  j'ai  noté  un  seul  exemplaire.  La 
céramique  se  compose  surtout  de  vases  non  anses,  portant  une 
ornementation  très  caractéristique  de  méandres  et  de  lignes 
ponctuées  tracées  en  creux.  La  nécropole  a  rendu  aussi  des  vases 
de  bronze  du  commencement  de  l'époque  impériale  et  des  armes 
abondantes,  épées,  fers  de  lance,  umbos  circulaires,  apparentées 
aux  dernières  formes  de  la  Tène. 

M.  Pic  assigne  l'an  50  après  notre  ère  au  commencement  de  ce 
cimetière  qui  aurait  été  utilisé  jusqu'à  la  fin  du  second  siècle.  Je 
ne  craindrais  pas  de  reculer  quelque  peu  la  date  initiale  :  la  fibule 
bioculée  (Arcb.  Fy:{kiun,  pi.  XXIV,  fig.  4  et  passini)  était  déjà 
connue  au  temps  d'Auguste';  la  fibule  à  disque  médian  {Arcb. 
Fy:ikiiiii,  pi.  XXIV,  fig.  i),  la  fibule  droite  à  dos  cannelé  {Arch. 
Vy\him,  pi.  XL,  fig.  12)  apparaissent  au  Mont  Beuvray  à  la  même 
époque.  Plusieurs  autres  types  sont  des  dérivés  immédiats  de  la 
Tène  III.  Je  tiens  même  de  M.  Pic  que  quelques  petits  frag- 
ments de  vases  peints  du  type  de  Stradonic  ont  été  recueillis  à 
Pichofe.  Je  reporterais  donc  volontiers  au  premier  quart  du 
premier  siècle  l'ouverture  des  fosses  les  plus  anciennes. 

On  voit  quel  intérêt  ofi're  cette  nécropole,  comparée  à  Stra- 
donic. Les  deux  stations  présentent  deux  cultures  distinctes  mais 
qui  paraissent  s'être  succédé  immédiatement  l'une  à  l'autre, 
de  même  que  dans  la  Gaule,  à  la  même  époque,  on  voit  la  civili- 
sation romaine  remplacer  la  culture  celtique. 

Revenons  maintenant  aux  idées  de  M.  Pic  à  l'égard  des  sta- 
tions protohistoriques  de  la  Bohême. 

Dans  une  dissertation  très  documentée,  il  aborde  le  problème 
ardu  de  la  géographie  ethnique  de  la  Germanie,  et  comparant 
les  indications  fournies  par  César  et  Tacite  aux  données  de  Tar- 

'     I.  V.  Oscar  Almgrcn,  loc.cil.,  p.  25,  pi.  III. 


174  CONGRES  ARCHEOLOGiaUE  DE  MAÇON 

chéologie,  bien  souvent  opposant  les  unes  aux  autres,  il  s'efforce 
de  déterminer  le  territoire  occupé  par  chacune  des  diverses  tribus 
fixées  au  nord  du  Danube  :  Boïens,  Marcomans,  Hermandures, 
Quades  et  Cotins.  Adversaire  résolu  de  l'opinion  commune  qui 
placerait  au  v^  siècle  l'arrivée  des  Slaves  dans  le  Boïohemum, 
M.  Pic  croit  reconnaître  déjà  les  restes  des  ancêtres  directs  de  la 
nation  tchèque  dans  les  tombes  de  Pichofe,  du  premier  siècle  de 
notre  ère. 

En  ce  qui  concerne  les  Boïens^  leurs  traces,  au  centre  de  la 
Bohême,  se  trouveraient  seulement  dans  certains  groupes  de  sépul- 
tures à  inhumation,  et,  contrairement  à  ce  que  dit  César  de  l'adop- 
tion du  rite  de  l'incinération  chez  les  Gaulois,  les  Boïens  n'en 
auraient  point  fait  usage.  A  l'est  de  la  Bohême,  en  Moravie,  des 
sépultures  contemporaines  des  précédentes,  renfermeraient  les 
restes  des  Cotins  historiques.  Quant  à  l'oppidum  de  Stradonic, 
on  ne  doit  pas  y  chercher  les  vestiges  d'une  occupation  boïenne, 
et  ses  défenseurs  ne  seraient  autres  que  les  Marcomans  de 
Marhod.  Le  Hradischt  doit  donc  être  identifié  avec  le  Marobo- 
dunum  dont  parle  Tacite  dans  ses  récits  sur  la  guerre  des 
Marcomans. 

«  On  sait,  dit  M.  Pic,  par  les  textes  historiques  que  ces  Marcomans 
ont  séjourné  en  Bohême  au  moins  au  temps  de  Marbod,  durant  les 
trente  années  comprises  entre  l'an  12  avant  notre  ère  et  l'an  19  du 
siècle  suivant.  Au  rapport  de  César,  les  Marcomans  comptaient  tout 
d'abord  parmi  les  tribus  qui  avaient  occupé  la  Gaule  orientale  sous 
le  commandement  d'Arioviste.  Ils  ont  ensuite  envahi  la  Bohême,  sous 
la  conduite  de  Marbod,  vers  l'an  10  ou  9  avant  notre  ère.  Il  s'agit  donc 
de  savoir  si,  à  cette  époque,  on  distingue  en  Bohème  les  traces  d'un 
courant  envahisseur  venu  de  l'ouest.  A  cet  égard,  je  me  permets  d'al- 
léguer le  fait  suivant  :  Les  villes  gauloises  de  Bibracte  et  d'Alcsia 
furent  conquises  par  César.  Le  musée  de  Saint- Germain  possède  une 
riche  collection  de  ces  deux  stations  gauloises.  Deux  séries  d'objets 
m'ont  frappé  parmi  ces  collections.  A  Alésia  et  à  Bibracte,  s'est  rencon- 


LE    HRADISCHT    DE    STRADOXIC    EN    BOHEME 


175 


trée  une  céramique  particulière,  caractérisée  par  des  vaisseaux  de  forme 
allongée,  façonnés  au  tour,  de  couleur  rouge  et  blanche  ou  encore 
d'une  autre  couleur.  Cette  céramique  est  née  de  modèles  o-recs  évi- 
demment importés    au  centre  de  la  Gaule  par  Marseille.  » 

M.  Pic  signale  ensuite  la  ressemblance  des  fibules  de  fer  de 
Bibracte  et  d'Alésia  avec  celles  du  Hradischt  et  passe  à  la  géogra- 
phie des  vases  peints  : 

«  Les  formes  de  ces  vases  dits  d'Alésia  et  de  Bibracte,  sont 
ensuite  reproduites  dans  l'Europe  centrale  au  commencement  de 
l'époque  romaine;  cette  technique  de  la  décoration  peinte  traverse  le 
Rhin.  Je  n'ai  vu  des  vases  semblables  qu'au  musée  de  Wiesbaden,  au 
musée  de  Darmstadt,  sans  indication  de  provenance,  puis  en  Suisse,  au 
musée  de  Berne  —  provenance  d'Eugiwald  prés  de  Berne,  avec  fibule 
d'Alésia  ;  —  au  musée  de  Constance,  provenance  d'Eschenz  entre 
Constance  et  Bâle;  de  Constance  même,  seulement  des  tessons.  Dans 
toute  la  Germanie  méridionale,  ces  vaisseaux  rouges  et  blancs  n'appa- 
raissent pas.  Mais  voici  qu'un  îlot  de  cette  même  céramique  surprit  à 
l'est  avec  la  même  fibule  en  fer,  dans  notre  territoire  de  Bohême,  à  la 
forteresse  de  Stradonic,  près  de  Beroun,  sans  que  l'on  puisse  distinguer 
à  première  vue  aucune  transition  géographique.  Et  comme  on  ne  peut 
penser  que  deux  industries  produisant  les  mêmes  types  se  soient  déve- 
loppées indépendamment  l'une  de  l'autre  à  Stradonic  et  à  Alésia,  c'est 
une  hypothèse  possible  et  digne  de  notre  examen  que  de  rechercher 
si  la  technique  du  style  des  vases  d'Alésia  aurait  été  transportée  à 
Stradonic  par  quelque  intermédiaire. 

«  Suivant  moi  le  fait  s'explique  de  la  façon  suivante  : 

«  L'histoire  nous  apprend  que  les  Marcomans  furent  avec  les  autres 
tribus  suèves,  chassés  sous  le  roi  Ariovistc  au  deLà  du  Rhin,  au  plus 
tard  l'an  57  avant  J.-C.'.  Obligés  de  repasser  le  fleuve  à  nouveau,  ils 
séjournèrent  quelque  temps  sur  le  haut  Main,  d'où  une  expédition  de 
Drusus  les  poussa  en  Bohême  (12-9  av.  J.-C.)... 

«  On  sait  que  l'an  21  après  J.-C.  les  Séquanes  et  les  Eduens  sous  le 
commandement  de  Sacrovir,  se  soulevèrent  contre  Tibère.  Plus  tard,  se 
manifestait  en  Gaule,  une  résistance  opiniâtre,  dirigée  surtout  contre 
l'introduction  du  cadastre  romain.  Au  temps  de  cette  rébellion  des  Gau- 

I.  César,  De  hcU .  gallico,  I,  li-lu. 


176  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  MAÇON 

lois  contre  Rome,  se  place  l'organisation  de  l'empire  de  Marbod, 
adversaire  redouté  des  Romains.  Il  ne  serait  donc  pas  étonnant  que 
les  Eduens  et  les  Séquanes  en  révolte  eussent  tourné  leur  attention  vers 
ce  nouveau  foyer  de  résistance  contre  la  puissance  romaine  et  renouvelé 
avec  les  Marcomans  une  ancienne  alliance.  Tacite  dit  que  lors  de  la  prise 
de  la  ville  de  Marbod  [par  Catualda,  chef  Gothon,  allié  des  Romains], 
en  l'an  19  après  J.-C,  on  y  trouva  des  vivandiers  et  des  négociants 
venus  des  provinces  rouiaiues,  entraînés  là  par  l'amour  du  lucre  et 
l'oubli  de  leur  patrie".  Nous  ne  pouvons  nous  soustraire  à  l'impé- 
rieuse tentation  de  voir  une  relation  entre  ces  Séquanes  et  ces 
Eduens  et  la  céramique  de  la  forteresse  de  Stradonic.  A  une  époque 
voisine  du  début  de  notre  ère,  celle-ci  était  une  grande  ville  industrielle. 
Bibracte  et  Alesia  s'y  trouvent  en  quelque  sorte  transportées  en  partie 
et  comme  il  n'est  pas  admissible  que  les  vases  aient  voyagé  de  la  Gaule 
à  Stradonic,  sans  stations  intermédiaires,  nous  devons  penser  que  des 
émigrants  sont  venus  de  la  Gaule  centrale  à  Stradonic,  où  ils  se  sont 
livrés  à  la  fabrication  des  vases  et  des  fibules  suivant  la  technique 
gauloise.  Au  temps  de  César,  des  Boïens  avaient  émigré  au  pays  des 
Eduens  et  avaient  été  incorporés  à  ce  peuple.  11  est  possible  qu'un 
souvenir  vivant  de  l'ancien  Boiohemum  se  fut  conservé  chez  ces 
Boïens  au  temps  de  Marbod.  Stradonic  enfin  est  l'unique  ville  antique 
de  la  Bohême,  qui,  située  sur  une  hauteur,  soit  entourée  d'une  muraille, 
ce  qui  démontre  une  origine  gauloise... 

«  Selon  toute  vraisemblance  nous  pouvons  donc  prétendre  que  la 
forteresse  de  Stradonic  est  le  Marobodunum  historique  et  les  provin- 
ciaux rencontrés  là  par  les  soldats  de  Catualda  n'étaient  autres  que  les 
mécontents  des  Eduens  et  des  Séquanes  qui  attendaient  de  Marbod 
la  défaite  des  armées  romaines-  ». 

M.  Pic  arrive  ensuite  à  l'examen  des  nécropoles  de  Dobrichov  et 
de  Tuklat.  Suivant  lui,  ces  sépultures  ne  peuvent  être  celles 
des  Marcomans.  Tacite,  après  avoir  raconté  la  prise  de  la  forte- 
resse de  Marbod,  ajoute   que  celui-ci  dut  chercher   un  refuge 

1.  Tacite,  Ann.,  II,  62.  Veteres  illic  Suevorum  pr^edae,  et  nostris  e  provin- 
ciis  lixae  ac  negociatores  reperti  ;  quos  jus  commercii,  dein  cupido  augendi 
pecuniam,  postremum  oblivio  patriae  suis  quemque  ab  sedibus  hostilem  in 
agrum  transtulit. 

2.  Vît,  Arch.  Vyikuw,  1897,  p.  106  et  suiv. 


LE    HRADISCHT    DE    STRADOXIC    EN   BOHEME  177 

chez  les  Romains,  ses  anciens  adversaires,  et  qu'il  mourut  déchu 
de  sa  renommée  à  cause  de  l'excès  de  son  ambition.  Catualda, 
vaincu  à  son  tour  par  les  Hermundures  partagea  le  même  sort 
et  fut  relégué  à  Fréjus  dans  la  Gaule  Narbonnaise,       , 

Quant  aux  barbares  qui  les  avaient  suivis  l'un  et  l'autre,  dans 
la  crainte,  ajoute  Tacite,  que  leur  présence  ne  troublât  le  calme 
des  provinces  romaines,  on  les  étabUt  au  delà  du  Danube  entre 
les  fleuves  Marus  et  Cusus,  et  on  leur  donna  pour  roi  Vannius, 
de  la  nation  des  Quades  ^ 

M.  Pic  estime  que  ces  barbares,  transportés  au  delà  du  Danube, 
constituaient  tout  le  corps  de  nation  des  Marcomans,  et  que  ceux- 
ci,  par  conséquent,  ne  doivent  plus  être  recherchés  en  Bohème 
après  l'an  19.  Ainsi  s'expliquerait  la  disparition  rapide  des  types 
industriels  de  Stradonic  au  premier  siècle.  Quant  aux  vainqueurs 
des  Marcomans,  les  Hermundures,  ils  ontdû  mener  une  existence 
misérable  et  éprouver  un  dépérissement  rapide  :  ce  ne  sont  pas 
leurs  restes  qui  se  rencontrent  dans  la  nécropole  de  Dobrichov, 
mais  bien  ceux  des  Tchèques,  ancêtres  des  habitants  actuels  de 
la  Bohême.  A  l'appui  de  cette  thèse,  M.  Pic  affirme  que  les 
vases  funéraires  du  type  de  Dobrichov,  les  vases  à  méandres  poin- 
tillés «  apparaissent  seulement  là  où  l'on  a  parlé  slave  et  nulle 
part  ailleurs  ». 

Tel  est  dans  son  ensemble  le  système  de  M.  Pic  sur  le  passé 
protohistorique  de  la  Bohème,  système  dont  la  discussion  inté- 
resse comme  on  le  voit,  non  seulement  l'archéologie  de  l'Europe 
centrale,  mais  celle  de  la  Gaule  propre. 

Je  n'ai  pas  à  suivre  l'érudit  directeur  du  musée  de  Prague, 
dans  ses  intéressantes  investigations  sur  les  ancêtres  de  la  nation 
bohémienne;  mais  il  me  permettra   de  lui  présenter  quelques 

I.  Tacite,  Aiiiiah's,U,  63. 

Congrès  archéologique  de  maçon.  '* 


lyS  CONGRÈS  ARCHÉOLOGiaUE  DE  MAÇON 

objections  pour  ce  qui  concerne  l'attribution  de  Stradonic  aux 
Marcomans,  associés  à  une  colonie  éduo-séquane. 

Alors  que  je  ne  connaissais  pas  encore  les  publications  de 
M.  Pic,  lors  de  ma  visite  au  musée  de  Prague,  en  1899,  la 
similitude  des  antiquités  de  Stradonic  et  de  Bibracte  m'avait 
très  vivement  frappé.  J'avais  éprouvé  la  surprise  que  M.  Pic 
avait  lui-même  ressentie  au  musée  de  Saint-Germain  devant  les 
vitrines  de  Bibracte.  Cette  ressemblance  imprévue  d'une  station 
du  Boïohemum,  au  temps  celtique,  avec  un  oppidum  éduen 
m'avait  immédiatement  rappelé  à  l'esprit  le  récit  de  César  tou-  J 
chant  l'émigration  des  guerriers  boïens  sur  le  territoire  éduen. 

Comme  M.  Pic,  j'avais  pensé  que  l'archéologie  pouvait  ici 
compléter  en  toute  certitude  les  renseignements  de  l'histoire  et 
découvrir  les  traces  du  retour  d'un  groupe  de  Boïens  dans  leur 
ancienne  patrie  ' . 

Un  an  s'est  écoulé  depuis  ma  visite  au  Musée  de  Prague,  et 
depuis  lors  après  avoir  poursuivi  mes  recherches  archéologiques 
sur  la  période  de  la  Tène  dans  les  musées  d'Europe,  je  suis  obligé 
de  reconnaître  que  si,  d'une  part,  les  analogies  des  trouvailles 
de  Stradonic  et  de  Bibracte  restent  à  mes  yeux  un  fait  acquis 
et  d'un  très  haut  intérêt,  d'autre  part,  cette  ressemblance  ne 
m'apparaît  plus  avec  ce  caractère  tout  à  fait  exceptionnel  et 
imprévu  que  j'étais  porté  à  lui  attribuer  tout  d'abord.  Je  consi- 
dère actuellement  que  la  présence  à  Stradonic  d'un  groupe  éduo- 
boien  est  une  hypothèse  possible,  mais  elle  ne  me  paraît  plus 
nécessaire  pour  expliquer  les  faits  observés. 

Le  principal  argument  en  faveur  de  cette  thèse  de  l'exode  est 
fourni  par  la  poterie  peinte.  Mais  il  repose  sur  une  observation 

I.  Il  ne  saurait  être  question  ici  d'une  nouvelle  émigration  de  toute  la 
nation  boïenne  qu'un  texte  de  Tacite  mentionne  encore  en  Gaule,  près  du  pays 
éduen  au  temps  de  Vitellius  (Histor.,  II,  c.  lxi). 


LE    HRADISCHT    DE    STRADOXIC    EN    BOHEME  I79 

d'ordre  négatif,  sur  l'absence  de  cette  poterie  entre  la  Suisse 
orientale  et  Stradonic.  Or  l'histoire  de  l'archéologie  nous 
enseigne  que  de  tels  arguments  n'ont  souvent  qu'une  existence 
précaire.  Pour  ne  citer  qu'un  seul  exemple,  M.  de  Hochstetter, 
n'a-t-il  pas  pendant  longtemps  soutenu  énergiquement  que  la 
civihsation  dite  de  la  Tène  n'avait  point  dépassé  le  Danube? 
Aujourd'hui,  dans  les  provinces  danubiennes  et  illyriennes,  l'ar- 
chéologie de  cette  période  compte  une  portion  importante  de 
son  domaine.  De  même,  on  estimait  jusqu'à  ces  dernières 
années  que  la  durée  de  la  civilisation  dite  de  Hallstatt  s'était 
prolongée  en  Haute-Bavière  jusqu'à  l'époque  romaine  et  que 
l'époque  de  la  Tène  n'y  était  pas  représentée.  On  sait  main- 
tenant, depuis  la  découverte  de  nouvelles  nécropoles,  que  cette 
dernière  culture  s'est  au  contraire  manifestée  dans  cette  région 
comme  dans  les  provinces  voisines. 

La  statistique  des  trouvailles  nous  montre  la  poterie  peinte 
celtique  répartie  dans  presque  toute  les  parties  de  la  Gaule,  sauf 
dans  le  sud-est,  puis  sur  le  Rhin  et  en  Suisse  jusqu'à  Berne. 
D'un  jour  à  l'autre  de  nouvelles  découvertes  peuvent  étendre  cette 
aire  géographique  et  achever  de  jalonner  la  voie  commerciale, 
reliant  le  Boiohemum  au  territoire  éduen.  L'abondance  des  mon- 
naies helvètes  dins  le  numéraire  de  Stradonic  laisse  pressentir  déjà 
l'existence  de  cette  route.  On  peut  se  demander  si  elle  n'aurait 
pas  conduit  peu  à  peu  la  technique  des  vases  peints  et  des  émaux 
gaulois  jusqu'à  Stradonic,  point  terminus  de  leur  diffusion,  sans 
qu'il  paraisse  nécessaire  de  recourir  à  une  migration  pour  expli- 
quer un  fait  dû  à  l'expansion  naturelle  d'une  civilisation  prospère. 

C'est  là  une  question  problématique,  dont  l'avenir  appor- 
tera sans  doute  la  solution.  Grâce  à  sa  situation  géogra- 
phique, la  Bohême  placée  au  centre  de  l'Europe,  fut  de  tout 
temps  pénétrée  profondément  par  des  éléments  étrangers,  partis 


l80  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQ.UE  DE  MAÇON 

souvent  de  directions  opposées.  Aussi  l'étude  de  ses  antiquités 
présentert-elle  un  intérêt  tout  particulier.  Dans  ses  recherches 
sur  les  temps  de  l'âge  du  bronze  en  Bohême,  M.  Pic  a 
reconnu  et  mis  en  relief  la  variété  curieuse  des  types  céramiques. 
Parmi  les  courants  étrangers  dont  il  retrouve  alors  des  traces,  il 
en  est  un  qui  relie  déjà  la  Gaule  à  la  Bohême.  Les  vases  de  nos 
dolmens  se  retrouvent  au  Musée  de  Prague.  A  l'époque  hallstat- 
tienne,  les  mohyly  ou  tumuli  de  la  Bohême  méridionale  reçoivent 
le  même  mobilier  que  les  tombelles  de  la  Franche-Comté.  Enfin, 
quand  la  civilisation  de  la  Tène  rayonne  en  Europe,  elle  pénètre 
de  bonne  heure  en  Bohême.  Sa  dernière  phase  est  celle  de  sa 
plus  large  diffusion  en  Europe,  et  pour  cette  période  de  grande 
expansion  commerciale,  il  paraît  inutile,  afin  d'expliquer  des 
analogies  d'ordre  archéologique,  de  recourir  à  l'hypothèse  d'une 
migration. 

Je  ferai  une  autre  objection  à  la  thèse  de  M.  Pic  :  elle  est  rela- 
tive à  l'époque  qu'il  assigne  à  la  destruction  du  Hradischt.  D'après 
les  monnaies  et  l'ensemble  des  types  industriels,  je  ne  crois  pas 
qu'on  soit  autorisé  à  faire  descendre  cet  événement  jusqu'à  Tan 
19  après  notre  ère. 

Si  Stradonic  est  une  forteresse  fondée  à  l'arrivée  des  Marcomans 
et  ruinée  au  moment  de  leur  expulsion,  son  existence  n'aurait 
eu  qu'une  durée  de  trente  ans,  entre  l'an  12  environ  avant  J.-C.  et 
l'an  19  après  J.-C.  Or,  en  étudiant  les  trouvailles  numismatiques, 
j'ai  signalé  l'absence  de  toute  monnaie  impériale  romaine;  cette 
constatation  s'accorde  difficilement  avec  l'hypothèse  d'une  occu- 
pation exclusivement  contemporaine  d'Auguste  et  de  Tibère. 
Alors  que  le  numéraire  est  abondant  et  les  monnaies  étrangères 
représentées  par  des  types  variés,  ne  serait-il  pas  singulier  que 
celles  de  César  et  d'Auguste  fassent  entièrement  défaut  et 
suffirait-il,  pour    expliquer    cette     lacune,  d'alléguer    que   les 


LE    HRADISCHT    DE    STRADOXIC    EX  BOHEME  l8l 

hostilités  incessantes  entre  les  Romains  et  les  Marcomans  n'étaient 
pas  de  nature  à  favoriser  les  échanges  entre  les  deux  peuples  ? 

On  ne  saurait,  d'autre  part,  expHquer  ce  fait,  en  soutenant, 
comme  le  fait  M.  Undset*,  que  les  habitants  de  Stradonic,  dans 
leurs  relations  commerciales  internationales,  acceptaient  diffici- 
lement le  numéraire  étranger;  nous  trouvons  au  contraire,  parmi 
leurs  monnaies,  de  nombreuses  pièces  d'argent  et  de  bronze, 
frappées  en  Gaule  et  en  Helvétie. 

Depuis  la  conquête  du  Norique  (an  i6  avant  J.-C),  de  la 
Pannonie  (an  lo  av.  J.-C),  de  la  Rhétie  et  de  la  Vindélicie  (an 
15  av.  J.-C),  la  frontière  romaine  touchait  au  Boiohemum.  Les 
monnaies  d'Auguste,  au  témoignage  de  M.  Osborne,  se  ren- 
contrent dans  les  dépôts  monétaires  de  cette  contrée. 

La  composition  des  fibules  me  paraît  également  donner  lieu  à 
des  objections  sérieuses.  On  a  vu  en  effet  que  les  formes  les  plus 
récentes  du  Mont  Beuvray,  celles  que  l'on  doit  classer  dans  la 
catégorie  des  premières  fibules  provinciales-romaines  et  parmi  les 
plus  récentes  de  la  Tène  III,  en  un  mot  les  fibules  contemporaines 
d'Auguste,  font  défaut  à  Stradonic,  où  l'on  trouve  par  contre, 
en  abondance,  celle  de  la  Tène  IL  Or,  dans  l'hypothèse  de 
M.  Pic,  l'occupation  de  Stradonic  commencerait  à  peu  près  au 
moment  où  celle  de  Bibracte  finirait,  puisque  l'abandon  de 
Bibracte  date  de  l'an  5  environ  av.  J.-C.  On  devrait  donc  s'at- 
tendre à  rencontrer  dans  l'oppidum  bohémien  les  types  les  plus 
récents  du  Beuvray.  C'est  précisément  l'inverse  qui  se  produit. 

Les  types  de  fibules  auxquels  je  fais  allusion  ici,  sont  les  fibules 
à  griff"es,  dont  j'ai  parlé  plus  haut,  celles  ci  disques  médian  et 
celles  à  cannelures  dorsales,  toutes  communes  au  Mont  Beuvray. 
Ces  diff'érents  types  ne  sont  d'ailleurs  pas  étrangers  à  l'archéo- 

I.  Loc.  cil.,  p.  so. 


l82  CONGRÈS  ARCHÉOLO(iiaUE  DE  MAÇON 

logie  de  la  Bohême,  puisqu'on  les  voit  tous  apparaître  dans  les 
tombes  de  Pichofe. 

En  résumé,  je  suis  porté  à  considérer  Stradonic  comme  un 
oppidum  boien  fondé  dans  le  cours  du  premier  siècle  et  détruit 
peut-être  à  l'arrivée  de  Marbod,  vers  l'an  lo  avant  J.-C.  Sa  ruine 
ne  serait  donc  antérieure  que  de  quelques  années  seulement  à 
l'abandon  du  Mont  Beuvray. 

Je  ne  songe  nullement  à  nier  les  traces  de  l'influence  romaine 
sur  la  civilisation  de  Stradonic,  mais  j'ai  montré  que  les  types 
industriels  qui  semblent  d'origine  italienne,  apparaissent  déjà  à 
Bibracte  avant  l'an  5. 

Au  milieu  des  conjectures  encore  discutables  que  provoquent 
les  belles  découvertes  de  Stradonic  et  leur  comparaison  avec 
celles  de  Bibracte,  un  fait  irréductible  subsiste  que  l'archéologie 
de  la  Tène  doit  retenir  :  c'est  l'étroite  similitude  de  deux  centres 
de  culture  celtique,  qui,  bien  que  séparés  par  une  distance  de  deux 
cents  lieues,  nous  donnent  en  quelque  sorte  deux  images  semblables 
et  se  complétant  l'une  par  l'autre  d'une  même  civilisation. 

Aujourd'hui  que  les  limites  extérieures  de  la  culture  de  la 
Tène  sont  à  peu  près  connues,  on  commence  à  distinguer  quelques 
groupes  géographiques  secondaires  dans  ce  vaste  territoire,  trop 
étendu  pour  offrir  une  parfaite  unité.  Lorsque  les  confins  de  ces 
subdivisions  intérieures  seront  déterminés  exactement,  nous 
saurons  si  Stradonic  comparé  à  Bibracte,  forme  vraiment  un  îlot 
détaché  du  continent  de  la  Tène  III,  îlot  de  formation  acciden- 
telle,.ou  si  au  contraire  les  deux  oppida,  reliés  par  une  suite  con- 
tinue de  stations  similaires  appartiennent  à  une  de  ces  grandes 
provinces  de  la  fin  du  second  âge  du  fer  dont  on  entrevoit  déjà 
la  prochaine  déHmitation. 


Pl,  I. 


FIBULES    DE    STRADONIC 

Demi-grandeur. 


Pl.  II. 


Fig.  1-6,  10-12,  14-18.    —    FOUILLES    DE    STRADONIC 

Fig-  7.  8,  9,   13,   19.  —   FOUILLES    DU    MONT    BEUVR.\Y 

Demi-grandeur. 


1 


Pl.  III. 


Fig.  4  et  7.   -    FOUILLES    DU    MONT    BLUVRAY 

F'g-  1-3,  S,  6,  8-14.  -  FOUILLES    DE    STRADOXIC 

Dcmi-çïrandeur. 


Pl.   IV 


FOUILLES    DE    STRADONIC 

Demi-grandeur. 


IV 


FOUILLES    MACONNAISES' 


PAR 
M.    JULES    PROTAT 


Tous  ceux  qui  se  sont  occupés  du  Maçonnais  gallo-romain, 
archéologues,  numismates  et  collectionneurs,  tous  ceux  qui  se 
sont  passionnés  pour  l'étude  des  problèmes  de  notre  très 
ancienne  histoire  locale,  ont  déploré  la  disparition  presque  com- 
plète des  monuments  antiques  et  l'absence  de  documents  et  de 
renseignements  sur  une  époque  qui  fut  certainement  très  floris- 
sante dans  notre  région. 

Les  générations  qui  nous  ont  précédés  ne  nous  ont  presque 
rien  laissé. 

De  nombreux  monuments  s'élevaient  partout  sur  notre  sol 
maçonnais,  au  i"  et  au  ii^  siècle  ;  à  diverses  reprises,  les  sub- 
structions  en  ont  été  mises  au  jour  ;  d'importants  trésors,  de 
magnifiques  objets  d'art  ont  été  exhumés. 

Les  rares  inscriptions  romaines  qui  nous  sont  parvenues  nous 
parlent  aussi  de  temples  et  de  statues. 

I.  Tous  les  objets  décrits  dans  ce  mémoire  ont  été  reproduits  dans  les 
Annales  de  l'Académie  de  Mdcon,  3e  Série,  t.  V,  pi.  I  à  XXX. 


184  CONGRÈS  ARCHÉOLOGiaUE  DE  MAÇON 

Nous  savons,  par  quelques  lignes  d'une  chronique  moderne, 
qu'un  vaste  temple  s'élevait  sur  l'emplacement  de  l'hôpital  actuel 
de  Mcâcon  ;  lors  de  la  construction  de  cet  hôpital,  vers  1764,  on 
en  découvrit  les  fondations,  en  même  temps  que  l'on  mettait 
au  jour  un  merveilleux  trésor  ;  mais  le  plan  des  fondations  de  ce 
temple  n'a  pas  été  relevé  et  le  trésor  (bijoux,  statues  d'argent, 
30.000  monnaies)  fut  en  partie  fondu,  le  reste  dispersé  sans 
qu'il  en  ait  été  fait  inventaire. 

L'enceinte  de  l'oppidum  gallo-romain  de  Màcon  était  encore 
visible,  paraît-il,  sur  quelques  points,  il  y  a  50  ans;  mais  il  serait 
bien  difficile  de  la  restituer  de  nos  jours. 

Des  mosaïques  ont  été  trouvées  à  Saint-Clément,  lors  de  la 
construction  du  chemin  de  fer,  d'autres  à  Placé,  en  1841  ;  il 
ne  reste  rien  des  unes  ni  des  autres.  Plus  récemment  une  autre 
mosaïque  a  été  exhumée  à  Placé;  grâce  au  zèle  de  M.  Lex, 
archiviste  départemental  et  conservateur  des  collections  munici- 
pales, un  important  fragment  de  ce  pavage  est  entré  au  musée 
de  Maçon  ;  mais  les  substructions  qui  accompagnaient  la 
mosaïque  ont  disparu  et  actuellement  une  maison  moderne 
s'élève  sur  l'emplacement  de  la  villa  romaine. 

La  vieille  cité  mâconnaise  s'étendait  certainement  sur  une 
large  superficie,  puisque  l'on  a  trouvé  des  traces  de  construc- 
tions romaines  sur  des  points  très  éloignés  du  centre  de  la  ville, 
mais  ces  points  n'ont  pas  été  repérés. 

Le  sanatorium  romain  était  établi  à  4  kilomètres  de  la  ville, 
il  n'en  reste  guère  actuellement  que  le  nom  '. 

Par  le  nombre  et  l'importance  des  trouvailles  faites  depuis 
30  ans  dans  notre  sol  maçonnais,  on  peut  juger  de  la  quantité 


I.  Aujourd'hui  la  Séiiétrière,  ferme  isolée  au  sommet  d'une  colline  (La  Gri- 
sière)  qui  domine  la  ville  au  nord,  et  voisine  d'un  atelier  paléolithique. 


FOUILLES    MACOWAISES  I8^ 

•  ^ 

considérable  d'objets  archéologiques  qui  ont  dû  être  exhumes 
durant  les  siècles  écoulés  et  qui  sont  à  jamais  perdus. 

Les  collectionneurs  n'ont  pourtant  pas  manqué  à  diverses 
époques  :  on  peut  citer  quelques  noms  d'amateurs  qui,  au 
xviii'^  siècle  et  au  commencement  du  xix^,  avaient  acquis  des 
objets  romains  provenant  de  trouvailles  mâconnaises  ;  mais  les 
collections  anciennes  ont  été  dispersées  sans  avoir  été  décrites  ni 
cataloguées  et  actuellement  il  n'en  reste  rien  '. 

Quelle  belle  série  pourtant  on  aurait  pu  constituer  et  que 
de  précieux  documents  pour  notre  histoire  locale  ! 

Ce  n'est  pas  uniquement  le  sol  de  la  ville  qui  a  été  fertile  en 
débris  archéologiques  ;  tout  autour  de  Màcon  et  sur  un  vaste 
rayon,  dans  toute  la  campagne  voisine,  on  trouve  encore  aujour- 
d'hui des  traces  de  l'occupation  romaine  (substructions,  poteries, 
monnaies,  objets  de  bronze  ou  autres);  mais  ces  découvertes  se 
font  de  plus  en  plus  rares,  car  l'intensive  culture  moderne  boule- 
verse le  sol  plus  profondément  chaque  année. 

Si  tous  les  points  où  des  trouvailles  de  quelque  importance  ont 
été  fiiites  avaient  été  soigneusement  relevés,  ils  constitueraient 
actuellement  un  véritable  réseau  du  plus  grand  intérêt  pour  nos 
études  d'archéologie  mâconnaise. 

Je  ne  parle  pas  des  voies  romaines  qui  convergeaient  vers 
Mâcon  ;  elles  aussi  ont  disparu  en  très  grande  partie,  sans  que 
leur  tracé,  cà  quelques  rares  exceptions  près,  ait  été  relevé. 

Le  musée  de  Mâcon  est  pauvre  en  objets  romains  ;  les  collec- 
tions locales  ne  sont  pas  riches,  mais  elles  contiennent  pourtant 

I.  Il  faut  faire  exception  pour  l'importante  collection  numismatique  (époque 
romaine)  du  lieutenant  particulier  au  présidial  de  Mâcon,  Cl.  Bernard,  le  chro- 
niqueur Maçonnais.  Le  catalogue  de  ses  monnaies  a  été  imprimé  à  Mâcon,  en 
1750,  peu  de  temps  après  sa  mort  ;  j'en  possède  un  e.xemplaire;  c'est  un  inven- 
taire de  114  pages,  restreint  aux  seules  monnaies  d'or  et  d'argent,  et  no  don- 
nant pas  l'origine  des  pièces. 


l86  CONGRÈS  ARCHÉOLOGiaUE  DE  MAÇON 

bon  nombre  d'objets  curieux  qu'il  importerait  de  ne  pas  laisser 
disperser  .sans  en  conserver  l'image  et  la  description. 

Il  conviendrait,  ce  me  semble,  de  ne  pas  suivre  les  anciens 
errements,  mais,  au  contraire,  de  léguer  à  ceux  qui  nous 
suivront  tous  les  matériaux  capables  d'être  utilisés  plus  tard  à  la 
reconstitution  de  notre  glorieux  passé. 

C'est  dans  ce  but  que  j'ai  entrepris  de  reproduire  et  de  décrire 
sommairement  quelques  objets,  de  provenance  certaine,  trouvés 
dans  la  région  mâconnaise,  et  qui  font  partie  de  mes  collections. 

Je  m'abstiendrai  de  toute  dissertation,  m'appliquant  unique- 
ment à  donner  des  renseignements  précis  et  des  reproductions 
exactes. 

MAÇON 

Le  sol  de  la  ville  de  Mâcon,  particulièrement  le  quartier  de  Saint- 
Brice,  entre  le  cimetière  actuel  et  la  rue  Rambuteau,  renferme 
d'innombrables  sépultures  romaines;  cette  nécropole  s'étend  sur 
une  grande  partie  du  haut  de  la  ville,  à  droite  et  à  gauche  de  la 
ligne  du  chemin  de  fer,  à  droite  et  à  gauche  de  la  rue  Victor- 
Hugo,  dans  la  rue  Rambaud,  et  des  deux  côtés  de  la  rue  Gam- 
betta;  la  surface  ainsi  délimitée  peut  être  assimilée  à  un  rec- 
tangle de  400  mètres  sur  500  mètres  de  côté,  c'est-à-dire  à  une 
superficie  de  20  hectares. 

Il  y  a  quelques  années,  j'eus  l'occasion  de  fouiller  un  jardin 
voisin  de  la  rue  Rambaud  que  l'on  pouvait  supposer  riche  en 
sépultures  romaines  car,  à  diverses  reprises,  les  voisins  avaient 
fait  des  découvertes  de  ce  genre.  Ce  jardin  est  celui  de  la  Caisse 
d'épargne  actuelle  (il  est  indiqué  sur  la  planche  I  par  un  point 
rouge). 

Les  fouilles  entreprises  sur  une  superficie  de  60  mètres  carrés 


FOUILLES    MACONNAISES  I  87 

seulement  et  sur  une  profondeur  variant  entre  2  mètres  et  2"'  50 
restituèrent  plus  de  70  sépultures,  sépultures  par  incinération, 
superposées  souvent  et  resserrées  dans  un  lit  de  cendres  conte- 
nant des  traces  de  charbon  de  bois.  L'incinération  était  générale- 
ment incomplète,  plusieurs  squelettes  d'adultes  ont  été  trouvés 
entiers. 

Chaque  sépulture  se  composait,  à  peu  d'exceptions  près,  d^'une 
urne  funéraire  dont  la  forme  est  très  variable,  d'un  lacrymatoire 
en  verre,  rarement  intact,  et  d'un  petit  vase  généralement  en 
terre  samienne;  ce  petit  vase,  en  forme  de  pocule  et  en  argile  rare, 
avait  probablement  servi  à  recevoir  l'eau  lustrale;  il  était  toujours 
brisé  en  deux  ou  trois  fragments.  Cette  coutume  de  briser  un 
objet  sur  le  bord  de  la  tombe  subsistait  encore  naguère  sur 
quelques  points  de  la  région'. 

Chaque  urne  contenait  des  cendres  et  des  os  calcinés;  beau- 
coup d'entre  elles  renfermaient  en  outre  quelques  menus  objets 
en  pâte  d'émail,  en  bronze  ou  en  verre.  J'ai  rencontré  aussi, 
dans  ces  urnes,  quelques  rares  monnaies;  la  plus  ancienne  est  un 
grand  bronze  d'Auguste,  la  plus  rapprochée  de  nous,  un  moyen 
bronze  d'Antonin  le  Pieux. 

Au  fond  d'une  belle  urne  de  forme  ovoïde  se  trouvait  un 
grand  bronze  de  Julie,  fille  de  Titus. 

Les  urnes  sont  généralement  en  terre,  leur  type  varie  beau- 
coup; plusieurs  vases  n'ont  aucunement  la  forme  funéraire  et 
sont  de  simples  poteries  grossières.  Chaque  vase  funéraire  était 
recouvert  par  un  couvercle  de  poterie  quelconque  plus  ou  moins 
bien  adapté  aux  dimensions  du  vase.  Je  n'ai  rencontré  que  trois 
urnes  en  verre,  une  seule,  ornée  de  côtes  en  relief,  et  remar- 
quable par  ses  irisations,  a  pu  être  conservée  intacte. 

I.  A  Solutré,  on  brisait  et  on  jetait  dans  la  fosse  le  cierge  qui  avait  servi  aux 
funérailles  ;  je  tiens  ce  renseignement  de  l'abbé  Ducrost. 


I 


l88  CONGRÈS    ARCHÈOLOGIQIJE    DE    MAÇON 

Outre  les  urnes  funéraires,  j'ai  recueilli,  dans  ce  vaste  lit  de 
cendres.,  des  poteries  de  toutes  sortes,  des  œnochoés  la  plupart 
brisées,  plusieurs  coupes  ou  patères  grandes  et  petites,  en  terre 
ordinaire  ou  en  terre  samienne,  un  petit  canthare  à  deux  anses, 
une  lampe. 

Une  œnochoé  en  verre  excessivement  mince,  mais  sans  irisa- 
tion;5,  était  brisée,  j'ai  pu  la  reconstituer;  elle  a,  par  sa  légèreté 
quelque  analogie  avec  les  verres  vénitiens  du  xvi^  siècle. 

Une  grande  urne  en  verre  mesure  i6  centimètres  de  haut  sur 
un  diamètre  de  19  centimètres  1/2. 

Il  faut  également  signaler  une  sépulture  d'enfant;  les  cendres 
sont  enfermées  dans  une  petite  œnochoé  en  verre,  à  panse  carrée, 
le  vase  de  verre  était  lui-même  emprisonné  avec  quelques 
fragments  d'os  d'enfants  entre  deux  blocs  de  pierre  évidés  inté- 
rieurement. 

Les  mêmes  fouilles  ont  donné  une  urne  en  terre  ordinaire 
avec  un  lacrymatoire,  l'obturation  de  l'urne  est  obtenue  par  un 
simple  fragment  de  poterie;  à  côté  de  cette  urne  se  trouvait  un 
vase  dont  je  n'ai  pu  déterminer  l'usage  d'une  façon  certaine,  il  res- 
semble à  un  moderne  lampion  et  porte  à  l'intérieur,  au  centre, 
une  douille  verticale;  il  est  probable  que  cette  douille  était  des- 
tinée à  recevoir  la  mèche  d'un  luminaire,  et  que  le  vase  est  une 
lampe  d'une  forme  spéciale  et  peu  connue. 

Les  objets  en  verre  étaient  assez  variés  :  un  petit  vase  poly- 
chrome, de  divers  tons  bleus  mêlés  de  blanc,  dont  je  ne  possède 
que  des  fragments,  devait  avoir  la  forme  d'un  canthare,  les 
attaches  des  deux  anses  existent  encore,  ce  verre  est  d'une  con- 
stitution analogue  à  ceux  auxquels  la  technique  italienne  a 
donné  le  nom  de  millcfiori  ;  deux  spécimens  de  mascarons 
en  verre  moulé  dont  une  tête  de  Méduse,  une  aiguille  en 
ivoire,  une  épingle    en  ivoire  également   se  terminant  par  un 


FOUILLES    MACONNAISES  189 

buste  de  femme,  une  monnaie  fixée  au  bras  de  l'un  des  sque- 
lettes, une  grande  œnochoé  en  verre,  à  panse  carrée^,  qui  conte- 
nait également  des  cendres  et  avait  par  conséquent  servi  d'urne 
funéraire;  puis  4  monnaies  dont  j'ai  parlé  plus  haut. 

Il  fil  ut  encore  mentionner  divers  fragments  de  poteries  sigillées, 
les  unes  en  terre  samienne,  les  autres  en  argile  ordinaire.  Les 
ornements  figurent  des  feuilles  d'ache,  des  pampres,  des  têtes 
humaines,  des  décors  géométriques,  des  écailles  (imbrications), 
des  plumes,  des  animaux,  quelques-uns  de  ces  ornements  sont 
fixés  par  le  procédé  de  la  barbotine  '  ;  l'un  des  fragments  repré- 
sente le  sacrifice  d'un  chevreau  avec  les  outils  du  sacrificateur  : 
simpule,  aspersoir,  bâton  d'augure,  vase  et  couteau. 

Ce  sont  des  spécimens  très  variés  de  l'industrie  fictile  gallo- 
romaine. 

Les  marques  de  potiers  sont  peu  nombreuses.  Les  objets  de 
bronze  et  de  fer  trouvés  en  dehors  des  urnes  se  réduisent  à  deux 
fibules,  une  cuiller  en  bronze,  des  anneaux,  un  disque  et  un  clou 
de  cuivre  et  une  lame  de  couteau  triangulaire  en  fer. 

Je  n'aurais  pu  décrire  tous  les  menus  objets  trouvés  dans 
chaque  urne  funéraire;  ces  objets  sans  grand  intérêt,  se  répètent 
le  plus  souvent;  voici  ce  qu'une  de  ces  urnes  contenait  :  une  agrafe 
de  bronze,  en  deux  pièces  bombées  avec  un  grand  nombre  de  petits 
cabochons,  de  bronze  également,  proviennent  probablement  d'une 
ceinture  de  cuir  sur  laquelle  les  cabochons  devaient  être  rivés  ; 
deux  agrafes  plus  petites,  une  médaille  très  oxydée,  munie  d'une 
hélière  et  figurant  un  génie  ailé,  deux  anneaux  en  fer,  un  manche 
d'outil  en  fer  se  terminant  par  une  torsade,  une  série  de  grains 
de  collier  en  pâte  d'émail,  une  amulette,  également  en  pâte 
d'émail    qui,  vraisemblablement,  formait    le   centre  du   collier, 

I.  M.  J.  Déchdette  a  signalé  récemment  ce  même  procédé  de  barbotine  sur 
des  vases  trouvés  à  Saint-Rémy  (Allier),  Revue  archcolo'^iqite,  1901. 


190  CONGRES  ARCHEOLOGiaUE  DE  MAÇON 

des  fragments  d'ambre  fondu  et  de  verre  fondu,  enfin  des  débris 
d'os  calcinés;  l'urne  était  remplie  entièrement  par  tout  ce  mobi- 
lier funéraire. 

Une  quantité  considérable  de  grands  clous  en  fer,  dont 
quelques-uns  sont  complètement  exempts  d'oxydation,  la  posi- 
tion de  ces  clous  et  de  nombreuses  traces  de  planches  vermou- 
lues me  font  croire  que  les  corps  des  adultes  qui  n'étaient  pas 
complètement  détruits  par  l'incinération  étaient  parfois  recueillis 
avec  l'urne  funéraire,  dans  un  cercueil  en  bois;  dans  ce  cas, 
l'urne  était  placée  à  côté  de  la  tête  du  défunt. 

SAINT-NIZIER  (Ain) 

L'importante  trouvaille  de  Saint-Nizier  (Ain)  remonte  égale- 
ment à  plusieurs  années.  Un  cultivateur  découvrit,  à  quelques 
pas  de  son  habitation,  une  série  d'objets  en  bronze  de  grand 
intérêt  : 

1°  Une  jambe  de  bronze  incrustée  d'argent;  la  statue  totale 
devait  avoir  environ  53  centimètres  de  hauteur.  (Voir  la 
planche.) 

2°  Une  épaisse  plaque  de  bronze,  de  forme  rectangulaire  très 
allongée,  également  incrustée  d'argent  (rinceaux,  feuilles  et 
fruits  de  lierre)  figurant  un  carquois  rempli  de  flèches  et  appar- 
tenant très  probablement  à  la  même  statue. 

3°  Un  fragment  de  bronze  rectangulaire  représentant  une  dra- 
perie  flottante;  sa  hauteur  est  de  17  centimètres    sur    une  lar- ^ 
geur  de  14.  ^ 

4°  Une  statuette  de  Mercure,   haute   de    19   centimètres  1/2. 

5°  Un  manche  de  clef,  en  bronze  également,  représentant 
vaguement  l'avant-corps  d'un  lévrier,  la  tête  reposant  sur  les  deux 
pattes  de  devant  de  l'animal. 


tï:. 


llPililiiSSiSs 


JAMBE     DE    BRONZE     INCRUSTÉE     D'ARGENT 


FOUILLES    MACONNAISES  Ipl 

6°  Un  objet  en  trois  pièces  qui  constitue  un  brûle-parfums  et, 
bien  qu'incomplet,  affecte  la  forme  du  classique  encensoir  reli- 
gieux. 

7°  Une  petite  base  cubique,  creuse,  qui  pouvait  servir  de  sup- 
port à  une  statuette. 

8°  Des  monnaies  en  bronze. 

Le  style  de  la  jambe  de  bronze  et  sa  technique  impeccable  nous 
reportent  à  la  belle  époque  de  l'art  grec  et  nous  font  vivement 
regretter  de  n'avoir  pu  retrouver  des  fragments  plus  importants 
de  la  statue;  la  jambe  est  revêtue  d'une  cnémide  incrustée  d'ar- 
gent et  sa  riche  ornementation  a  été  merveilleusement  conservée, 
les  incrustations  sont  solidement  serties  dans  le  bronze  ^ 

Une  magnifique  patine  foncée  recouvre  l'objet  entier;  il  a 
figuré  à  l'Exposition  de  1878,  auTrocadéro  ^. 

Se  basant  sur  la  forme  des  ornements  incrustés  qui  ont 
quelque  analogie  avec  des  foudres,  M.  de  Longperrier  avait  émis 
l'opinion  que  la  statue  pouvait  bien  être  celle  de  Jupiter;  mais 
la  présence  du  carquois,  que  M.  de  Longperrier  n'avait  pas  vu, 
indiquerait  plutôt  une  statue  d'Apollon,  d'autant  plus  que  les 
principales  figurations  de  ce  dieu  le  représentent  avec  la  chla- 
myde  flottante  derrière  les  épaules  et  que  la  draperie  à  larges 
plis  pourrait  bien  être  un  fragment  de  cette  chlamyde;  sa  largeur 
de  14  centi4iiètres  correspond  parfaitement  à  la  largeur  des 
épaules  d'une  statue  dont  la  taille  totale  est  de  53  centimètres. 

Les  massifs  de  maçonnerie  en  ciment  romain  trouvés  presque 
à  fleur  du  sol,  au  cours  de  mes  recherches  et  à  quelques  pas  de 
la  cachette,  ont  une   importance  trop  considérable   pour  avoir 

1.  Ce  mode  de  décoration  s'est  rencontré  plusieurs  fois  déjà  sur  des 
bronzes  trouvés  à  Mâcon  ou  en  Maçonnais. 

2.  Depuis  la  tenue  du  Congrès  de  Mâcon  cette  jambe  a  également  été  expo- 
sée, l'an  dernier,  au  Petit  Palais  (Exposition  rétrospective  de  l'Art  français),  avec 
d'autres  objets  de  mes  collections. 


192  CONGRES    ARCHEOLOGIQXIE    DE    MAÇON 

appartenu  à  une  simple  villa  ;  ces  massifs  constituent  probable- 
ment les  substructions  d'un  temple  antique. 

La  statuette  de  Mercure,  de  médiocre  valeur  artistique,  repré- 
sente le  dieu  debout,  nu,  coiffé  du  pétase  et  tenant  une  bourse 
de  chaque  main  :  l'une  des  bourses  s'est  détachée  et  a  été  égarée 
pendant  les  fouilles. 

Le  manche  de  la  clef  en  bronze  se  termine  par  un  anneau  de 
suspension;  de  la  clef  elle-même,  en  fer,  il  ne  reste  que  la  partie 
solidement  enchâssée  dans  le  bronze,  le  surplus  a  été  détruit  par 
l'oxydation. 

Le  brùle-parfums  en  trois  pièces  est  excessivement  simple  de 
forme  et  privé  d'ornementation,  les  deux  pièces  principales  sont 
chacune  percées  de  trois  trous  se  correspondant  et  ayant  pour 
but  de  laisser  passer  les  chaînettes  de  suspension  de  l'appareil, 
chaînettes  qui  n'ont  pas  été  retrouvées. 

Quant  aux  monnaies,  elles  étaient  au  nombre  de  cinq.  La 
plus  ancienne  est  un  moyen  bronze  de  Tibère;  puis  viennent 
deux  moyens  bronzes,  l'un  d'Antonin  le  Pieux,  l'autre  de  Marc- 
Aurèle;  enfin,  les  plus  récentes  sont  deux  grands  bronzes,  l'un 
de  Commode  avec  son  buste  jeune  et  imberbe,  l'autre  de  Lucile, 
sa  sœur. 

La  monnaie  de  Commode,  datée  de  la  quatrième  puissance 
tribunitienne  de  cet  empereu-r,  a  été  frappée  du  vivant  de  Marc- 
Aurèle,  la  pièce  est  fruste. 

On  peut  fixer  l'époque  de  l'enfouissement  de  ces  objets  au 
miheu  du  règne  de  Commode  ou  aux  dernières  années  de  ce 
règne,  vers  190  après  J.-C.  J 

Voici  maintenant  un  objet  trouvé  dans  la  Saône  en  face  de 
Montmerle;  c'est  l'anse  d'une  œnochoé  de  bronze  qui  pouvait 
avoir  de  25  à  30  centimètres  de  haut,  le  diamètre  de  l'orifice  du 
vase  mesurait  9  à  10  centimètres.  (Voir  la  planche.)  L'anse  était 


COLL.    I.   PI10T»T  •    ll«CO<< 


ANSE    INCRUSTÉE    D'ARGENT   TROUVÉE    DANS    LA  SAONE   :   GR.  NAT 


FOUILLES    MACONNAISES  I93 

soudée  au  col  par  un  motif  d'ornementation  se  terminant  par  deux 
têtes  d'oiseau  symétriquement  placées,  et  venant  s'adapter  hori- 
zontalement au  rebord  de  l'orifice  du  vase.  Sur  toute  sa  longueur, 
cette  anse  porte  une  décoration  en  bas-relief  assez  variée  ;  tous 
ces  motifs  étaient  cernés  de  fils  d'argent  incrustés  qui  ont  dis- 
paru en  partie  par  l'usure  ou  l'oxydation.  En  haut,  on  reconnaît 
des  outils  de  sacrifice  passés  dans  une  gaine  et  un  lièvre  sus- 
pendu par  les  pattes  de  derrière;  en  bas  est  figurée  la  porte  d'un 
camp  avec  des  tentes  au  second  plan,  la  décoration  se  continuait 
sur  la  panse  qui  n'a  pas  été  retrouvée. 

Je  mentionnerai  aussi  une  anse  en  bronze  ornée  à  sa  base 
d'un  masque  de  Silène,  une  balance  romaine  à  peson  et  deux 
panthères  accroupies  en  bronze  également,  l'une  d'elle  appuie  la 
patte  droite  sur  un  médaillon  orné  d'un  aigle  éployé.  Fr.  Lenor- 
mant  auquel  j'avais  montré  cette  petite  panthère,  se  demandait  si 
elle  n'était  pas  destinée  à  orner  un  casque  ou  une  enseigne 
militaire;   ce  curieux   objet  provient  de  Verdun-sur- Saône. 

SALORNAY-SUR-GUYE   ET   SENNECÉ 

La  trouvaille  faite  à  Salornay-sur-Guye  en  1882  se  compose  de 
deux  bracelets  d'argent,  deux  bagues  en  or  et  une  cuiller  d'argent. 
Les  bracelets  massifs,  légèrement  elliptiques,  sont  ouverts  en 
forme  de  fer  à  cheval,  à  l'imitation  des  bracelets  gaulois,  mais 
ils  sont  bien  romains,  romains  comme  le  bracelet  d'or  de  même 
forme  et  de  mêmes  dimensions  que  possède  le  musée  de  Bourg  ^ 

La  petite  bague  d'or  est  massive,  elle  a  perdu  son  chaton,  la 
grosse  bague  est  creuse  et  contient  encore  de  la  résine;  elle  est 

I.  Ce  bracelet  d'or,  trouvé  à  Brou,  était  du  reste  accompagné  de  nombreuses 
monnaies  romaines  ;  c'est  certainement  par  erreur  qu'il  a  été  attribué  à  l'époque 
gauloise. 

Congrès  "ARCHÉoLOGiauE  de  maçon.  '3 


194  CONGRES  ARCHEOLOGIQUE  DE  MAÇON 

ornée  d'une  intaille  sur  cornaline  figurant  un  guerrier  debout, 
casqué,  portant  un  bouclier  et  un  glaive  vertical;' la  cuiller  d'ar- 
gent, élégante  de  forme,  coudée  au  point  d'attache  de  la  spatule 
est  marquée,  à  la  pointe,  de  trois  lettres  que  j'avais  lues  :  O.  A  P. 

J'avais  pris  ces  lettres  pour  un  poinçon  de  maître,  M.  A. 
Héron  de  Villefosse  a  bien  voulu  rectifier  ma  lecture  et  m'indi- 
quer  que  ce  sont  les  initiales  du  nom  du  propriétaire  de  l'objet  : 
Q  AP. 

Aucune  monnaie  n'accompagnait  cette  trouvaille.  Un  fait 
absolument  remarquable  c'est  que,  quelques  années  auparavant, 
on  avait  fait,  à  Sennecéprès  Mâcon,  dans  le  parc  de  M.  André,  une 
trouvaille  absolument  identique  :  un  bracelet  d'argent  de  même 
forme  et  de  même  poids,  une  bague  d'or,  également  creuse  et 
ornée  d'une  intaille,  objets  tout  à  fiiit  similaires  à  ceux  de 
Salornay.  Mais,  à  Sennecé,  on  avait  recueilli,  en  même  temps, 
une  vingtaine  de  monnaies  de  l'époque  de  Gordien  le  Pieux  et 
de  ses  prédécesseurs,  ce  qui  nous  fixe  sur  la  date  approximative 
de  l'enfouissement  des  deux  petits  trésors.  J'ai  pu  faire  entrer 
également  la  trouvaille  de  Sennecé  dans  ma  collection,  ces  bijoux 
sont  identiques  à  ceux  de  Salornay  à  part  l'intaille  de  la  bague 
qui  représente,  très  grossièrement  gravée,  une  figure  assise  ten- 
dant la  main  à  un  enfant  debout. 

DIVERS 

Il  me  reste  à  décrire  les  bagues  et  les  intailles  trouvées  dans  la 
région  mâconnaise. 

Les  trois  premières  bagues  sont  en  or,  la  première  creuse,  les 
autres  massives,  elles  ont  été  trouvées  en  Bresse,  dans  les  envi- 
rons de  Pont-de-Vaux,  et  faisaient  partie  de  la  collection  de 
M.  Benoît,  ancien  notaire;  les  intailles  dont  elles  sont  ornées 


FOUILLES    MACONN AISES  195 

représentent  :  la  première  une  Victoire  ailée,  la  deuxième  un 
personnage  indéterminé,  la  troisième  un  guerrier  debout,  casqué, 
portant  un  bouclier  et  une  haste. 

La  quatrième  bague,  en  or  aussi  et  massive,  a  été  également 
recueillie  en  Bresse,  à  Saint-Cyr-sur-Menthon,  la  pierre  dont 
elle  est  ornée  figure  un  moissonneur. 

La  bague  qui  porte  le  n°  5  est  en  bronze,  son  intaille  est  une 
sardonix  de  très  beau  style,  elle  représente  deux  Amours  présidant 
à  un  combat  de  coqs;  cette  bague  a  été  trouvée  dans  le  lit  de  la 
Saône,  la  surface  du  métal  est  recouverte  en  partie  d'oxyde  de  fer. 

Les  autres  intailles  sur  jaspe  ou  sur  cornaline,  recueil- 
lies par  des  cultivateurs  ou  des  terrassiers  représentent  :  un  por- 
trait de  Domitien;  une  tête  de  femme  à  droite;  un  Cupidon 
jouant  avec  le  simpule;  un  cavalier  à  droite,  un  génie  tenant 
un  rameau  et  une  faucille;  une  femme  assise  à  gauche,  entourée 
de  divers  attributs  peu  distincts,  et  un  génie  ailé,  à  droite,  appuyé 
sur  une  longue  haste  ;  cette  dernière  pierre  provient  du  sommet 
de  la  montagne  de  Suin,  elle  a  été  recueillie  dans  le  cimetière 
qui  entoure  l'église,  en  même  temps  que  des  monnaies  romaines 
et  gauloises. 


V 


LE  CIMETIÈRE  GALLO-ROMAIN 

DE    SAINT-AMOUR 

(saone-et-loire) 

PAR 

M.    SAVOYE 


Ce  cimetière  antique  est  situé  sur  le  versant  occidental  du 
coteau  sur  lequel  est  bâti  le  petit  bourg  de  Saint-Amour,  près 
des  hameaux  des  Bertheaux  et  de  la  Ville,  non  loin  de  la  limite 
du  Beaujolais  et  du  Mcâconnais. 

A  diverses  reprises  les  travaux  de  culture  exécutés  en  ce  lieu 
ont  ramené  au  jour  des  débris  archéologiques  d'époques  diverses, 
en  faisant  découvrir  des  tombes  formées  d'un  caisson  en 
dalles  brutes,  ou  grossièrement  équarries,  tirées  des  coteaux 
jurassiques  voisins.  Près  de  là  sourdent  des  sources  qui  n'ont  sans 
doute  pas  été  sans  influence  sur  le  premier  établissement  de 
l'homme  sur  ce  point. 

Nous  ne  nous  occuperons  pas  des  découvertes  antérieures  à 
1870,  elles  n'ont  laissé  qu'un  vague  souvenir  dans  l'esprit  des 
habitants  du  pays. 

Vers  1894,  un  sieur  Santé  exhuma  une  dizaine  de  tombes  qui 
furent  détruites  sans  que  le  bruit  de  leur  trouvaille  parvînt 
aux  oreilles  d'aucun  archéologue.  Plus  récemment,  en  1889, 
M.  Mantoux,  acquéreur  du  champ,  rencontra  à  une  profondeur 


LE    CIMETIERE    GALLO-ROMAIN    DE   SAINT-AMOUR  I97 

moyenne  de  soixante  centimètres  quatre  autres  sépultures  vides 
de  leur  contenu,  qu'il  nous  fut  donné  de  voir. 

Une  cinquième  tombe  ayant  été  découverte,  on  nous  donna 
l'autorisation  de  la  fouiller.  M.  Ernest  Chantre,  directeur  adjoint 
du  Muséum  de  Lyon,  voulut  bien  se  rendre  sur  les  lieux,  le  22 
octobre  de  la  môme  année,  et  nous  prêter  le  secours  de  sa  grande 
expérience  en  ce  genre  de  recherches. 

Le  caisson  paraissait  intact  et  se  présentait  à  nous  avec  les 
caractères  des  tombes  précédentes  :  dalles  posées  de  champ  for- 
mant un  quadrilatère  légèrement  plus  étroit  vers  les  pieds  et 
orienté  de  l'ouest  à  l'est.  Deux  tuiles  romaines  à  rebords 
remplaçaient  une  dalle  sur  l'un  des  côtés.  Le  tout  était  recouvert 
de  pierres  plates. 

La  terre  qui  remplissait  l'intérieur,  enlevée  à  la  main  avec  pré- 
caution, laissa  apercevoir  deux  squelettes  superposés,  étendus 
sur  le  dos,  les  bras  allongés  le  long  du  corps  et  privés  de  leurs 
tètes.  Le  squelette  supérieur,  par  la  gracilité  des  os  et  sa  taille 
peu  élevée,  approximativement  i™  58,  parut  appartenir  à  une 
femme  ou  à  un  adolescent.  Au-dessous  reposait  un  individu  de 
haute  stature,  environ  i"'  85,  fortement  charpenté  et  très  vigou- 
reux, comme  le  prouvait  le  grand  développement  de  sesempreintes 
musculaires. 

En  raison  du  peu  de  longueur  du  caisson,  i"' 3  5,  les  corps  avaient 
été  déposés  les  jambes  repliées  violemment  sous  les  cuisses,  les 
genoux  touchant  la  paroi  du  fond.  Il  ne  s'agissait  pas  ici  de  corps 
décharnés  préalablement  comme  on  l'a  constaté  parfois  à  l'époque 
néolithique;  nous  nous  sommes  assuré  que  tous  les  ossements 
des  squelettes  étaient  bien  dans  leur  connexité  naturelle. 

Les  os  pouvant  donner  lieu  à  des  mensurations  anthropomé- 
triques, mis  de  côté  par  M.  Chantre,  furent  malheureusement 
brisés  par  un  employé  d'octroi  qui  n'eut  pas  pour  cette  poussière 


1 


1^8        ■   CONGRÈS  ARCHÉOLOGiaUE  DE  MAÇON 

humaine  la  tendresse  d'un  archéologue.  La  seule  remarque  ana- 
tomique,  qui  put  être  faite  de  visu,  c'est  que  l'humérus  du  plus 
grand  individu  présentait  la  perforation  olécrânienne  constatée 
généralement  chez  les  races  les  plus  primitives.  A  part  ce  carac- 
tère d'atavisme  partiel,  les  autres  ossements  ne  présentaient  rien 
d'anormal . 

Les  tètes  avaient  dû  être  enlevées  après  l'inhumation,  car  il 
restait,  entre  les  troncs  des  squelettes  et  le  haut  de  la  tombe, 
l'espace  nécessaire  pour  les  loger.  Ajoutons  que  cette  violation 
avait  eu  lieu  lorsque  les  chairs  avaient  disparu.  Nous  avons  trouvé, 
en  effet,  un  maxillaire  inférieur  brisé,  muni  de  ses  dents,  qui 
avait  dû  se  détacher  au  moment  de  l'enlèvement  des  crânes. 

Pour  ne  citer  que  des  exemples  du  même  genre  tirés  des  envi- 
rons, dans  une  sépulture  sur  foyer,  de  Solutré,  signalée  par 
MM.  de  Ferry  et  Arcelin  au  Congrès  international  d'anthropolo- 
gie et  d'archéologie  préhistorique  deNorwich,  en  1868,  le  cadavre 
qui  ne  paraissait  aucunement  avoir  été  dérangé,  était  privé  de  sa 
tête.  La  même  anomalie  s'est  rencontrée  dans  un  cimetière  antique 
que  nous  avons  commencé  à  fouiller,  en  novembre  1898,  à 
Saint-Georges-de-Reneins  (Rhône),  non  loin  de  la  Saône,  à  la 
hauteur  du  gué  et  des  palafittes  de  Grelonges. 

Comme  mobilier  funéraire,  cette  sépulture  double  nous  a 
fourni  des  fragments  d'un  vase  à  libations  ou  à  victuailles, 
en  terre  grise,  de  forme  pure  et  gracieuse,  placé  à  la  hauteur  des 
têtes. 

Une  sixième  tombe,  exhumée  quelques  jours  plus  tard,  renfer- 
mait un  squelette  dont  la  tête  était  broyée  en  morceaux  très  menus, 
et  sans  doute  intentionnellement,  car  tous  les  autres  ossements 
se  trouvaient  en  bon  état.  Un  vase  brisé,  de  même  nature  et  de 
même  forme  que  celui  signalé  dans  la  sépulture  précédente,  se 
trouvait  également  près  de  la  tête.  A  la  hauteur  du  bassin  nous 


LE    CIMETIERE    GALLO-ROMAIN    DE    SAINT-AMOUR  I99 

avons  recueilli  un  petit  cylindraen  bronze  dans  lequel  M.  Georges 
Guigue,  archiviste  du  département  du  Rhône,  reconnut  un  style 
à  écrire. 

A  l'exception  de  la  sépulture  double,  tous  les  tombeaux  con- 
tenaient des  corps  étendus  sur  le  dos,  les  jambes  allongées  et  les 
bras  le  long  du  corps. 

Les  recherches  effectuées  sur  l'emplacement  des  tombes  pré- 
cédemment détruites  donnèrent  les  objets  suivants  :  une  monnaie 
romaine  très  oxydée  ;  des  fragments  de  poteries  rouges  couvertes 
d'un  vernis  brillant  et  ornées  de  dessins  en  relief;  des  débris  fort 
nombreux  de  vases  en  terre  grise;  des  tuiles  à  rebords  avec  une 
marque  de  fabrique  formée  de  deux  demi-cercles  concentriques 
retrouvée  dans  une  cinquantaine  de  gisements  gallo-romains 
du  Beaujolais  ;  une  lame  de  couteau  en  fer  boursouflée  par  la 
rouille,  avec  un  seul  coupant  et  d'une  longueur  de  quatorze 
centimètres;  une  lame  de  poignard  en  fer,  avec  deux  tranchants 
et  deux  trous  de  rivets,  de  vingt-cinq  centimètres  de  longueur. 
Ce  dernier  objet  rejeté  par  l'ouvrier  dans  le  sol  fraîchement  remué 
ne  put  être  retrouvé. 

Des  renseignements  fournis  par  les  gens  du  pays,  il  résulte 
qu'il  existe  en  ce  lieu  un  cimetière  antique,  d'environ  un  demi- 
hectare  de  superficie,  composé  de  groupes  de  tombes  séparés  par 
des  intervalles  sans  trace  de  sépulture. 

Les  violations  observées  pourraient  bien  être  le  fait  des  hordes 
pillardes  d'Outre-Rhin  lorsqu'elles  se  ruèrent  sur  les  terres  enso- 
leillées de  notre  belle  Gaule.  Un  passage  de  Cassiodore,  rapporté 
par  Cartailhac',  nous  apprend,  par  exemple,  qu'une  des  attribu- 
tions des  sayons  des  Goths  était  de  faire  ouvrir  les  tombeaux  où 
l'on  soupçonnait  des  trésors  et  de  faire  respecter  en  même  temps 

I.  Matériaux,  3=  série,  t.  III,  p.  525,  1886. 


200  CONGRtS  ARCHEOLOGiaUF.  DE  MACOX 

les  cendres  des  morts.  Dans  l'examen  de  conscience  des  Germains 
du  ix^  siècle,  les  prêtres  avaient  placé  cette  interrogation  :  N'as- 
tu  pas  volé  et  pillé  un  tombeau  ? 

Outre  les  débris  romains  cités  plus  haut,  des  silex  taillés  pré- 
sentant les  caractères  de  l'industrie  néolithique  ont  été  recueillis  à 
la  surface  du  sol.  Leur  grand  nombre  exclut  toute  idée  de  silex 
placés  comme  amulettes  près  des  morts;  d'autre  part  nous  n'avons 
rencontré  aucun  de  ces  instruments  entaillés  profondément,  trou- 
vés dans  les  tombes  franques  et  mérovingiennes  et  qui  ont  été 
utilisés  comme  pierres  à  briquet.  La  présence  des  silex  ouvrés 
permet  de  supposer  que  la  nécropole  de  Saint-Amour  peut  ren- 
fermer des  sépultures  plus  anciennes  que  celles  que  nous  venons 
de  décrire. 

Nous  ajouterons,  pour  terminer,  que  des  groupes  de  tombes 
sous  dalles  ont  été  découvertes  à  diverses  reprises  dans  la  région 
de  Saint-Amour.  Signalons  entre  autres  les  sépultures,  en  nombre 
indéterminé,  détruites  il  y  a  une  cinquantaine  d'années,  à  cent 
cinquante  mètres  de  notre  cimetière,  autour  des  maisons  des 
Bertheaux,  par  un  nommé  Nigrand.  Vers  la  même  époque,  des 
tombes  anciennes,  contenant  des  objets  en  bronze  vendus  à 
un  chiffonnier,  étaient  également  bouleversées  par  les  cultivateurs, 
sur  le  territoire  d'une  commune  limitrophe.  Juliénas,  au  lieu  dit 
les  Paquelets.  Plus  récemment,  trois  tombes  sous  dalles  furent 
découvertes,  en  1897,  sur  le  versant  oriental  du  mont  Bessay, 
commune  de  Saint- Vérand,  le  long  d'un  ancien  chemin  reliant 
Juliénas  à  Leynes. 

Il  est  à  regretter  que  ces  diverses  sépultures  n'aient  pas  été 
étudiées  par  des  archéologues  consciencieux  avec  tout  le  soin 
qu'elles  méritent. 


VI 


UN  BUSTE   ROMAIN 

EN  MARBRE  BLANC 
TROUVÉ    A     CORMATIN 

(saône-et-loire) 

PAR 

MM.  le  D'  BIOT  et   F.  PICOT. 


Il  y  a  une  quinzaine  d'années,  un  propriétaire  de  Cormatin 
(Saône-et-Loire),  en  faisant  démolir  un  vieux  mur,  au  lieu  dit 
«  La  Chaume  »,  trouva  dans  les  fondations,  à  60  centimètres 
environ  du  sol,  un  buste  en  marbre  blanc,  dont  l'un  de  nous, 
M.  Picot,  alors  percepteur  à  Cormatin,  devint  acquéreur.  Lors 
des  fêtes  d'installation  de  l'Académie  de  Mâcon  à  l'hôtel  Senccé, 
répondant  au  désir  exprimé  par  notre  président  d'orner  les  salles 
de  l'hôtel,  en  y  exposant  des  objets  anciens  ou  intéressants, 
M.  Picot,  devenu  notre  associé  correspondant,  nous  confia  cette 
précieuse  sculpture. 

La  pensée  nous  vint  alors  d'étudier  et  de  décrire  ce  buste,  qui 
passait  pour  celui  de  l'empereur  Trajan,  et  de  vérifier  l'exacti- 
tude de  cette  attribution  qui  nous  semblait  au  moins  discutable. 
Ses  deux  expressions  sont  bien  différentes,  suivant  qu'on  l'exa- 
mine de  face  ou  de  profil. 


202  CONGRÈb  ARCHÉOLOGIQUE  DE  MAÇON 

Le  profil,  noble,  digne,  demi  élancé,  à  la  lèvre  dédaigneuse,  à 
la  physionomie  élevée,  aristocratique  si  l'on  peut  ainsi  dire, 
semble  indiquer  un  personnage  aux  pensées  larges,  profondes, 
planant  au-dessus  des  bassesses  de  la  nature  humaine  qu'il  paraît 
regarder  avec  une  certaine  hauteur. 

La  face,  au  contraire,  large,  aplatie,  avec  un  diamètre  bi-tem- 
poral  énorme,  un  front  surbaissé  et  coupé  d'un  pli  transversal 
profond,  des  lèvres  lippues,  un  cou  à  la  Domitien,  donne  la 
pénible  impression  de  l'homme  aux  pensées  viles,  méchantes, 
barbares,  bestiales. 

Cependant,  même  de  face,  l'énergie  du  regard,  la  crànerie  de 
la  pose  dénotent  l'habitude  de  l'autorité,  du  commandement,  et 
attestent  que  celui  qu'on  a  voulu  représenter  n'est  pas  un  être 
banal. 

Les  ornements  qui  agrémentent  son  thorax  :  boucliers,  trophée,, 
tête  de  Méduse,  baudrier,  etc.,  indiquent  nettement  un  guerrier, 
peut-être  un  conquérant. 

La  tête  de  Gorgone,  qui,  sur  l'épaule  droite  du  buste,  étale  sa 
face  grimaçante  au  milieu  d'une  égide  à  bords  recroquevillés, 
n'est-elle  pas  l'indice  de  la  valeur  d'un  chef  redouté,  dont  la  vue 
seule  suffit  à  terrifier  ses  ennemis  et  les  disperser,  comme  la  tête 
de  Méduse  pétrifiait  ceux  qui  la  regardaient. 

La  poitrine  est  garnie  d'une  cuirasse  retenue  à  gauche  par  une 
bretelle  aux  chaînons  plats,  et  sur  le  pectoral  de  cette  cuirasse  on 
voit  un  trophée  dont  la  nature  et  l'assemblage  des  pièces  ne 
laissent  pas  de  doute  sur. le  rôle  de  conquérant  —  et  de  conqué- 
rant des  Gaules  —  que  représente  le  buste. 

En  effet,  de  chaque  côté  de  l'armure  qui  forme  le  centre  de  ce 
trophée,  on  voit  des  boucliers  suspendus  aux  deux  moignons.  A 
droite,  ce  sont  deux  boucliers  gaulois  allongés  et  placés  en  forme 
de  croix  ;  à  gauche,  c'est  un  bouclier  rond,  avec  rayons  allant  de 


U\    BUSTE    ROMAIN    TROUVK    A    CORMATIN  203. 

la  périphérie  au  centre,  qui  est  lui-même  recouvert  d'une  plaque 
d'apparence  lisse.  L'ensemble  de  ce  bouclier  rappelle  le  bouclier 
franc  tel  qu'on  le  voit  représenté  dans  les  divers  ouvrages  qui 
traitent  de  ces  questions.  Cependant  celui-ci  en  diffère  par  un 
plus  grand  nombre  de  rayons  et  la  plaque  centrale  manque  de 
cet  ombilic  saillant,  de  cet  umbo  dont  la  présence  a  tellement 
caractérisé  l'armure  que  ce  terme  seul  sert  souvent  à  en  désigner 
l'ensemble. 

Voici  les  principales  dimensions  de  ce  buste  : 

Hauteur  totale  du  sommet  de  la  tête  à  la  base 

du  thorax i8  cent. 

Largeur  d'une  épaule  à  l'autre 12.5 

Diamètre  mento-bregmatique 9 

—  bi-maxillaire 5.5 

—  bi-auriculaire 6.4 

—  bi-temporal 6 

—  occipito-frontal 7.2 

—  transverse  du  cou 4.9 

—  antéro-postérieur  du  cou 4.4 

Longueur  du  nez 2 

Largeur  des  narines 1.3 

Pour  élucider  dans  la  mesure  du  possible  cette  question  em- 
barrassante d'identification,  nous  eûmes  l'idée  d'en  appeler  à  une 
sorte  de  référendum. 

Ayant  fait  reproduire  ce  buste,  grandeur  naturelle,  de  fice  et 
de  profil,  par  la  phototypie,  nous  avons  adressé  cette  reproduc- 
tion à  tous  les  conservateurs  des  musées  de  France,  aux  conserva- 
teurs des  principaux  musées  de  l'étranger  et  aux  amateurs  le  plus 
en  vue,  dont   nous  avons  trouvé  les  noms  dans    VAfifinaire  des 


204 


CONGRES  ARCHEOLOGiaUE  DE  MAÇON 


collectionneurs,  gracieusement  mis  à  notre  disposition  par  notre 
ami  M.  -Jules  Protat.  Nous  avions  joint  à  cette  phototypie 
une  sorte  de  circulaire  par  laquelle  nous  demandions  de  nous 
indiquer  :  i°  à  quel  personnage  on  l'attribuait;  2°  quelle  pouvait 
être  la  destination  de  ce  buste. 

Nous  avons  reçu  une  quarantaine  de  réponses,  dont  quelques- 
unes  reflètent  une  étude  sérieuse,  approfondie,  provenant  de  véri- 
tables connaisseurs,  ayant  scrupuleusement  analysé,  pesé,  discuté 
chacun  des  caractères  constitutifs  de  ce  morceau  :  traits  de  la  figure, 
ornements,  etc.;  d'autres,  plus  laconiques,  se  bornent  à  énoncer 
une  opinion,  sans  l'étayer  sur  des  preuves  scientifiques  qui 
puissent  forcer  la  conviction. 

A  tous,  nous  adressons  nos  remerciements  pour  l'obligeance 
que  chacun  a  mis  à  nous  répondre,  remerciements  d'autant  plus 
sincères  que  la  tâche  était  plus  ardue,  car  le  nombre  des  réponses 
est  loin  d'être  en  rapport  avec  celui  des  envois. 

Dépouillant  ce  scrutin  et  classant  les  appréciations,  comme 
dans  un  vote,  par  le  chiffre  des  unités  exprimées,  nous  trouvons  : 

Trajan 7  voix. 

Marc-Antoine 4     — 

Auguste 3     — 

Néron 3      — 

Jules  César 2     — 

Agrippa 

Claude 

Constance  Chlore 

Labienus 

Septmie  ou  Alexandre  Sévère 

Tibère • 

Titus 

Valentinien 


BUSTE    EN    MARBRE 
(Gra 


'    TROUVÉ    A    CORMATIN 

I'RIGINAL). 


UN     BUSTE    ROMAIN    TROUVE    A    CORMATIN  205 

Vespasien i     voix 

Un  général,  pas  empereur 2       — 

puis  7  réponses  ne  formulant  aucune  appréciation  ferme. 

Les  caractères  sur  lesquels  ont  appuyé  nos  honorables  corres- 
pondants pour  attribuer  ce  buste  à  Trajan  ont  été  : 

1°  La  richesse  du  costume  militaire; 

2°  Le  bouclier  hexagonal  représenté  sur  le  trophée  qui  orne 
la  cuirasse  et  qui  se  voit  sur  les  monnaies  de  Trajan  (Cohen, 
!'•'  édition,  n°  53); 

3°  L'égide,  parfois  ornée,  comme  ici,  d'une  tête  de  Méduse, 
sur  les  monnaies  de  Trajan; 

4°  Le  bouclier  des  Daces,  semblable  à  celui  qui  se  retrouve  sur 
la  colonne  Trajane; 

5°  La  bosse  du  front; 
6°  Les  rides  du  front; 
7°  L'abaissement  des  cheveux  sur  le  front  ; 
8°  La  forme  un  peu  ondulée  du  nez; 
9°  La  largeur  de  la  bouche; 
10°  Le  pli  de  la  lèvre  supérieure; 
11°  Le  sillon  profond  à  la  base  du  nez; 
12°  Les  sillons  profonds  qui  descendent  des  ailes  du  nez  au 
menton  ; 

13°  Les  sillons  qui  coupent  verticalement  les  joues  dans  leur 
région  postérieure  ; 

14°  L'absence  de  barbe,  tandis  que  les  empereurs  qui  ont 
succédé  à  Trajan  ont  tous  porté  la  barbe; 

15°  Enfin,  la  ressemblance  de  ce  buste  avec  celui  de  Marciane, 
sœur  de  Trajan. 

Les     détails    qui    semblent    caractéristiques    et    indubitables 


20é  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQXJE   DE   MAÇON 

pour  attribuer  ce  buste  à  Trajan  sont  nombreux;  quelques- 
uns,  cependant,  ont  été  appréciés  inversement  :  la  cuirasse,  en 
particulier,  avec  sa  tête  de  Méduse,  fait  dire  à  un  de  nos  cor- 
respondants :  «  C'est  évidemment  un  empereur,  car  eux  seuls 
«  portaient  la  cuirasse  avec  tête  de  Méduse,  à  l'exception  de 
«  Trajan,  dont  la  cuirasse  avait  une  tête  d'Isis.  » 

Cette  même  tête  de  Méduse  sert  de  thème  à  quelques-uns 
pour  affirmer  que  ce  buste  ne  peut  être  celui  d'un  empereur 
romain,  considérant  que  cette  tête  n'est  pas  un  attribut  impérial  ; 
ils  en  concluent  que  ce  doit  être  l'effigie  de  quelque  chef  préto- 
rien, ou  d'un  centurion. 

D'autres  ont  même  été  plus  loin,  et  dans  leur  réponse 
semblent  contester  l'authenticité  du  morceau,  précisément  à 
cause  de  la  tête  de  Gorgone  dans  le  bouclier  recroquevillé. 
D'ailleurs,  chacun  des  caractères  déjà  indiqués  a  été  diversement 
apprécié  et  a  servi  de  pivot  aux  argumentations  les  plus  dispa- 
rates. 

Quelques  personnes  ont  trouvé  que  la  facture  de  ce  buste  était 
lourde,  peu  affinée,  due  probablement  à  un  artiste  médiocre. 
Plusieurs  de  nos  correspondants  en  fixent  l'époque  à  la  lin  du 
iii^  siècle  ou  au  début  du  iv^,  et  le  rapprochent  des  bustes  en 
marbre  trouvés  en  grand  nombre  aux  Martres  Tolosanes,  vers 
1830. 

D'autres,  au  contraire,  ne  craignent  pas  d'affirmer  que  ce 
morceau  a  été  très  probablement  apporté  de  Rome,  qu'il  est  dû  à 
un  artiste  grec  ou  romain,  qu'il  est  d'un  beau  style,  qu'il  a  une 
grande  valeur  et  mérite  les  honneurs  d'un  grand  musée,  ajoutant 
que  les  sculptures  gallo-romaines  sont  beaucoup  plus  grossières 
et  attestent  une  pénible  décadence  de  l'art.  Le  fini  de  certains 
détails  remarqués  dans  ce  buste  ne  laissent  pas  de  doute  sur  son 
origine  et  sa  date. 


UN    BUSTE    ROMAIN    TROU\E    A    CORMATIN  207 

En  tout  cas,  d'un  avis  un  peu  général,  ce  serait  l'effigie  de 
Trajan,  déjà  un  peu  câgé. 

Cette  diversité  d'opinion  vous  démontre,  Messieurs,  que  la 
question  est  loin  d'être  tranchée.  Le  sera-t-elle  jamais?  Et  n'en 
est-il  pas  souvent  de  même  en  face  de  tout  morceau  antique, 
lorsque  manquent  certains  caractères  absolument  probants,  ne 
permettant  pas  le  doute. 

Pour  nous,  s'il  nous  est  permis  de  formuler  une  opinion,  après 
tant  d'hommes  compétents  qui  nous  ont  adressé  la  leur,  nous 
dirions  :  l'artiste  a  eu  l'intention  de  représenter  Trajan  ;  c'en 
est  bien  le  profil,  mais  l'inhabilité  du  sculpteur  n'a  pas  donné  aux 
traits  la  même  valeur  de  face,  et  la  trop  grande  largeur  de  la  tête 
diminue  la  beauté  et  l'harmonie  de  l'ensemble,  supprimant  par 
là-même  l'unité  de  la  ressemblance. 

C'est  comme  une  photographie  faite  par  un  débutant  dont 
l'appareil  ne  serait  pas  placé  exactement  en  face  du  sujet  et  à 
hauteur  convenable;  dans  ce  cas-là,  vous  le  savez,  la  physionomie 
est  déformée. 

Quant  à  la  destination  de  ce  buste,  les  réponses  reçues  sont 
presque  unanimes  pour  le  considérer  comme  ayant  été  un  orne- 
ment dans  une  villa  somptueuse,  chez  quelque  riche  gallo- 
romain,  j 

D'autres  ont  voulu  y  voir  quelque  présent  fait  par  l'empereur 
lui-même  à  un  fidèle  serviteur  ou  à  un  centurion. 

Quelques-uns  ont  pensé  qu'il  avait  pu  être  une  effigie  impé- 
riale destinée  à  être  présentée  à  la  foule  et  portée  au  haut  d'une 
hampe,  pendant  les  cérémonies.  Mais  il  nous  semble  que  ses 
dimensions  relativement  exiguës,  la  présence  du  trou  inférieur, 
destiné  évidemment  à  contenir  un  goujon,  dans  le  but  de  le  fixer 
sur  un  socle,  ne  laissent  aucun  doute  sur  sa  destination  d'orne- 
ment, en  même  temps  que  de  glorification  du  maître,  dans  la 
demeure  d'un  citoyen  fortuné  de  la  région. 


208  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQ.UE  DE  MAÇON 

D'ailleurs,  la  localité  d'où  provient  ce  buste  a  été  très  riche  en 
débris  de  l'époque  romaine  :  vases,  monnaies,  lampes,  ustensiles 
de  fer,  de  bronze,  armes,  etc.,  et  M.  Picot,  l'un  de  nous,  pendant 
son  séjour  à  Cormatin,  a  pu  rassembler  une  collection  des  plus 
riches,  des  plus  variées.  D'autre  part,  M.  le  capitaine  Hannezo, 
un  de  nos  associés  correspondants,  a  fait  paraître  un  travail 
très  intéressant  sur  des  hipposandales  trouvées  dans  la  même 
région.  La  tradition  locale  rapporte  qu'une  ville  romaine  tout 
entière  existait  non  loin  de  là;  et  il  serait  désirable  que  des 
fouilles  méthodiques  pussent  être  entreprises  pour  remettre  au 
jour  les  richesses  que  la  terre  a  peut-être  recouvertes. 


Cette  note  était  achevée,  lorsque  nous  avons  reçu  de 
M.  Joulin,  de  Toulouse,  directeur  des  poudres  et  salpêtres,  une 
très  aimable  lettre,  par  laquelle  il  nous  signalait  l'existence^^dans 
les  vitrines  du  Musée  d'Arles,  d'une  tête,  sans  corps,  qui  lui 
avait  semblé  très  exactement  semblable  à  celle  de  ce  buste,  mais 
il  n'a  pu  avoir  aucun  renseignement  sur  ce  fragment,  qui  ne 
portait  aucune  inscription.  De  notre  côté,  le  temps  nous  a  man- 
qué pour  échanger  avec  le  conservateur  du  Musée  une  corres- 
pondance qui  aurait  peut-être  apporté  quelque  indication  com- 
plémentaire. 


VII 


L'ARCHÉOLOGIE    BARBARE 

DANS    LE    DÉPARTEMENT    DE     SAONE- ET -LOIRE 
PENDANT  LA  PÉRIODE  BURGONDE 

PAK 

M.  BARRIÈRE-FLAVY 


La  partie  orientale  du  département  actuel  de  Saône-et-Loire, 
et  principalement  les  bords  de  la  Saône,  me  paraissent  avoir  été 
occupés  par  les  Burgondes,  dès  les  premiers  temps  de  leur  prise 
de  possession  du  sol  gaulois. 

En  443,  lorsque  l'empereur  Valentinien  II  concéda  à  ces 
barbares,  culbutés,  refoulés  par  les  hordes  d'Attila,  une  vaste 
étendue  de  territoire  où  il  leur  fut  permis  de  se  fixer,  il  est 
probable  qu'ils  se  répandirent  et  rayonnèrent  même  au  delà  des 
limites  qui  leur  étaient  assignées,  non  par  troupes  nombreuses, 
mais  par  groupes  isolés,  par  familles  peut-être;  sans  opposition 
de  la  part  de  la  population  gallo-romaine,  tant  leurs  mœurs 
douces  et  paisibles  étaient  loin  de  porter  dans  les  campagnes 
l'effroi  qu'y  répandaient  les  Francs,  tant  leur  caractère  savait 
se  plier  aisément  aux  coutumes  romaines. 

C'est  là  une  particularité  qui  me  semble  résulter  des  Hiits 
nombreux  que  j'ai  pu  constater  dans  les  six  cents  lieux  environ 
de  sépultures,,  relevés  dans  la  Biirgondia  (Bourgogne  française  et 
Suisse  occidentale).  Il  n'est  pas  rare,  en  effet,  de  rencontrer  de 

Congrès  ARCHÉoLooiauE  de  maçon.  I4 


210  CONGRES  ARCHEOLOGIQ.UE  DE  MAÇON 

tout  petits  cimetières,  de  véritables  sépultures  de  famille,  formés 
de  quatre,  cinq,  dix  tombes,  dont  le  mobilier  funéraire  offre  tous 
les  caractères  de  l'industrie  burgonde,  qui  se  rencontrent  bien 
loin  du  centre  de  l'occupation,  pourtant  fort  étendue,  de  ces 
barbares,  et  comme  disséminés  dans  des  régions  où  les  sépul- 
tures d'un  autre  aspect,  ayant  contenu  les  restes  de  Francs,  se 
montrent  en  abondance.  Il  semble  que  ces  familles  burgondes 
aient  vécu  seules,  sans  aucun  contact  avec  leurs  voisins,  dans 
ces  lieux  où  elles  avaient  fixé  leur  résidence  pour  des  causes 
diverses. 

La  donation  faite  par  Sigismond  en  516  au  monastère  de 
Saint-Maurice  d'Agaune,  comprenait-elle  l'intégralité  du  terri- 
toire occupé  un  demi-siècle  plus  tôt,  par  les  premiers  Burgondes, 
comme  le  pense  Roger  de  Belloguet  '  ;  cela  est  possible,  mais  non 
certain,  car  ce  vaste  pays  avait  pour  limite  occidentale  le  cours  de 
l'Ain.  Or  il  est  incontestable,  à  notre  avis,  que  la  première 
Sapaudia  s'étendit  jusqu'à  la  Saône. 

Si  l'on  entre,  en  effet,  dans  l'examen  approfondi  des  mobiliers 
funéraires  des  trente-six  ou  trente-huit  stations  burgondes  que 
la  Saône-et-Loire  nous  a  fournies,  si  l'on  compare  les  objets  qui  en 
sont  sortis,  avec  ceux  que  les  cimetières  du  cœur  de  la  Sapaudia 
ont  déjà  livrés,  il  ne  saurait  rester  un  doute  dans  l'esprit  à  cet 
égard. 

Le  mode  d'inhumation  signalé  chez  les  Burgondes  de  Saône- 
et-Loire  et  que  nous  retrouvons  aussi  chez  les  Francs  %  ne 
caractérise  en  rien,  à  mon  sens,  un  peuple  déterminé  des  inva- 
sions :  car  chez  tous,  on  a  constaté  des  sépultures  analogues. 

Dans  les  nécropoles  étendues  et  minutieusement  explorées,  les 
tombes  de  factures  diverses  marquent  certainement  des  époques 

1.  Roger  de  Belloguet,  Carte  du  premier  royaume  de  Bourgogne,  Dijon,  1848. 

2.  Sépultures  faites  de  pierres  ou  de  dalles. 


L  ARCHEOLOGIE    BARBARE  DAXS    SAOXE-ET-LOIRE  2  I  I 

différentes,  d'où  Ton  peut  ensuite  déterminer  l'âge  de  celles  qui 
composent  uniformément  un  seul  cimetière.  D'ailleurs  les  usages, 
la  nature  du  sol,  maintes  circonstances  ont  certainement  modi- 
fié le  genre  des  inhumations. 

Dans  la  Saône-et-Loire,  comme  dans  plusieurs  régions  de  la 
Bourgogne,  les  sépultures  sous  dalles,  sortes  de  dolmens  souter- 
rains, ainsi  que  le  dit  judicieusement  un  savant  archéologue  de 
Savoie  '-,  ne  sont  pas  propres  aux  Burgondes,  car  nous  en  consta- 
tons de  semblables  dans  toutes  les  parties  de  l'ancienne  Gaule, 
sur  les  bords  du  Rhin  et  en  Belgique  ^.  Mais  si,  nous  basant 
sur  les  observations  faites  dans  la  Gaule  Belgique  par  de  savants 
antiquaires  de  ce  pays,  nous  appliquons  aux  sépultures  qui  nous 
occupent  les  conclusions  que  ceux-ci  ont  tirées  de  l'examen  des 
tombes  franques  :  nous  verrons  que  leur  système  peut  se  concilier 
avec  les  indications  fort  précises  fournies  à  cet  égard  par  divers 
archéologues  et  notamment  par  M.  J.  Martin,  le  distingué 
conservateur  du  Musée  de  Tournus. 

En  effet,  les  sépultures  en  terre  libre  —  ou  peut-être  en  des 
coffres  de  bois  maintenant  disparus  —  doivent  être  rapportées 
aux  premiers  temps  des  invasions  barbares  en  Gaule,  soit,  pour 
le  Nord,  aux  Francs-Saliens,  aux  Ripuaires,  à  la  fin  du  ix"  et  au 
commencement  du  v''  siècle.  Les  tombes  immédiatement  posté- 
rieures sont  faites  de  moellons,  de  blocs  et  de  dalles  de  pierre  : 
c'est  la  fin  du  V^  et  le  vi^  siècle,  époque  précédant  l'apparition  des 
tombes  monolithes  ou  sarcophages.  Or,  la  date  approximative  de 
ces  sépultures  coïncide  bien  avec  l'arrivée  des  Burgondes  sur  le 
sol  de  la  Gaule  :  le  milieu  du  V  siècle. 

1.  M.  Le  Roux  et  Ch.  Marteaux,  Les  sépultures  burgondes  dans  la  Haute- 
Savoie,  Annecy,  1899,  p.  25. 

2.  Lindenschmit,  Das  gernianische  Toiitenlager  hein  Sel^en,  Maycnce,  1848. 
L'intéressant  cimetière  franc  d'Harmignies  (Belgique),  fouillé  par  M.  le  baron 


212  CONGRES  ARCHEOLOGiaUE  DE  MAÇON 

Je  n'ai  pas  à  m'étendre  sur  le  mobilier  funéraire  des  barbares, 
mais  à  préciser  les  caractères  des  objets  trouvés  dans  les 
cimetières  des  bords  de  la  Saône  que  je  rapporte  au  milieu 
du  v=  siècle. 

Les  armes  ne  présentent  aucune  particularité.  Elles  sont  rares 
dans  les  milieux  franchement  burgondes,  ainsi  que  cela  a  été 
observé  par  M.  A.  lahn  \  et  parfois  même  totalement  incon- 
nues ^  La  lourde  hache  massive,  à  large  tranchant  en  crois- 
sant tronqué,  la  vraie  bipenne  de  Sidoine  Apollinaire  et  de  Gré- 
goire de  Tours  '>,  et  surtout  le  fort  scramasax,  sont  à  peu  près 
les  seules  armes,  avec  quelques  lances,  recueillies  auprès  des  restes 
des  sujets^ de  Gondebaud.  L'épée,  l'arme  du  chef,  existe  à  titre 
d'exception. 

La  bijouterie  joue  toujours  un  rôle  important  chez  les  dames 
burgondes,  comme  chez  toutes  les  compagnes  des  autres  bar- 
bares; et  le  goût  de  la  parure,  depuis  quatorze  siècles,  ne  s'est 
point  amoindri  chez  leurs  descendants. 

Le  collier  toutefois  est  plus  simple,  moins  luxueux  et  moins 
brillant  que  celui  des  Francs  mérovingiens.  L'ambre  y  domine 
presque  toujours,  et  les  grains  de  verre  ou  de  pâte  céramique 
émaillée  sont  plus  ténus,  aux  couleurs  moins  éclatantes. 

La  fibule  n'est  plus  ici  la  fibule  gothique,  dite  à  rayons,  celle 
que  l'abbé  Cochet  comparait  à  une  main  ouverte'*.  Celle-ci 
n'existe  point  dans  l'industrie  des  Burgondes;  nous  ne  la  trouvons 

de  Loë,  et  dont  le  mobilier  funéraire,  très  riche,  est  entré  dans  sa  belle  collec- 
tion à  Bruxelles,  a  fourni  à  l'étude  spéciale  des  tombes  des  exemples  absolu- 
ment remarquables. 

1.  A.  lahn.  Die  geschichte  der  Burgundioiien  und  Biirgundiens  bis  :{um  Ende  der 
/  £)yKfl?//e,  Halle,  1874.  Band  I,  p.  109. 

2.  Ed.  de  Fellenberg,  Das  Grdherfeld  hei  Elisried,  Zurich,  1886. 

3.  Sidoine  Apollinaire,  Panégyrique  de  Majorien,  vers  246.  —  Grégoire  de 
Tours,  Hist.  eccUsiast.  des  Francs,  lib.  II,  ch.  40. 

4.  Abbé  Cochet,  La  Normandie  souterraine,  1854,  p.  228-317.    - 


L  ARCHEOLOGIE  BARBARE    DANS    SAONE-ET-LOIRE  213 

absolument  que  chez  les  Wisigoths  et  les  Francs,  et  les  très 
rares  spécimens  recueillis  dans  l'étendue  de  l'ancienne  Biirgoudia 
proviennent  manifestement  de  cimetières  francs  '. 

C'est,  au  contraire,  la  broche  ronde  ou  polygonale,  souvent 
quadrilobée,  à  laquelle  on  a  donné  la  dénomination  de  bv/an- 
tine,  en  fer  plaqué  d'une  feuille  d'or  et  rehaussée  de  filigranes  et 
de  verroteries  serties  dans  des  bâtes,  que  l'on  recueille  partout 
en  Bourgogne,  et  par  conséquent  en  Saône-et-Loire,  dans  les 
sépultures  des  barbares.  Je  ferai  observera  ce  sujet  que  les  fibules 
de  cette  catégorie,  que  les  tombes  franques  et  alamaniques  des 
bords  du  Rhin  ont  si  souvent  restituées,  diff^èrent  de  celles  des 
Burgondes  par  leurs  dimensions  généralement  plus  grandes,  et 
surtout  par  la  teinte  des  verroteries  qui  est  habituellement  rouge 
vif,  alors  que  le  plus  souvent  le  cabochon  des  broches  burgondes 
est  coloré  en  bleu,  en  vert  et  autres  nuances  pâles  -. 

L'agrafe  du  ceinturon  burgonde  est  particulièrement  remar- 
quable par  son  développement  et  aussi  par  l'ornementation  de 
ses  plaque  et  contre-plaque. 

La  Saône-et-Loire  a  fourni  le  premier  type,  peut-être,  de  boucle 
de  cette  espèce,  actuellement  connu.  Je  veux  parler  de  la  plaque 
trouvée  près  de  Montbellet,  vers  1705,  au  dire  de  Montfaucon,  et 
que  l'évêque  de  Mâcon  adressa  à  Gaignières,  en  la  lui  présentant 
comme  une  coiff'ure  de  femme  '. 

1.  Ce  sont  les  stations  de  Vidy  (canton  de  Vaud),  au  Musée  de  Lausanne; 
—  de  Brochon  et  de  Sainte-Sabine  (Côte-d'Or),  ancienne  coll.  Baudot,  au 
Musée  de  Saint-Germain;  —  de  Saint-Euphrône  (Côte-d'Or),  au  Musée  de 
Semur-en-Auxois  ;  —  de  Poisy  (Haute-Savoie),  au  Musée  d'Annecy  ;  —  enfin 
quelques  sépultures  de  Charnay,  absolument  franques. 

2.  Cf.  Barrière-Flavy,  Un  cimetière  de  V époque  des  invasions  barbares  dans  h 
Jura  bernois  (Bassecourt),  in  Bulletin  archéologique  du  Comité  des  trav.  hist.  et 
scientif.,  1898. 

3.  D.  Montfaucon,  l'Antiquité  dévoilée,  t.  V,  17 10,  2^  part.  —  D'  Rigollot, 
Recherches  historiques  sur  les  peuples  de  race  t'eutonique,  qui  envahirent  la  Gaule  an 
V^  siècle,  Mémoires  de  la  Soc.  des  Antiquaires  de  Picardie,  t.  X,   1850. 


214  CONGRES    ARCHEOLOGIQTJE    DE    MAÇON 

Depuis,  les  découvertes  se  sont  multipliées,  et  les  boucles  de 
ce  genre,  recueillies  en  abondance,  ornent  les  Musées  deTournus, 
des  Antiquités  Nationales  à  Saint-Germain,  le  Cabinet  des 
Médailles  à  la  Bibliothèque  Nationale,  etc..  '.  Or,  toutes  ces 
plaques  procèdent  incontestablement  d'un  même  type,  répandu 
surtout  dans  le  centre  de  la  Sapaudia  primitive  du  milieu  du 
v^  siècle  :  le  Jura,  le  Doubs,  la  Savoie,  les  cantons  suisses  de 
Vaud,  Fribourg,  et  une  partie  de  celui  de  Berne.  C'est  partout  la 
plaque  de  fer  rectangulaire,  très  grande,  ornée  au  moyen  du  pla- 
cage d'une  feuille  d'argent,  quelquefois  d'or,  dont  les  dessins 
sont  soit  gaufrés,  soit  découpés  après  application.  Parfois  l'orne- 
mentation est  rehaussée  de  quelques  grains  de  verroterie  de 
nuance  variée,  grenat,  saphir,  améthyste,  disséminés  par  l'artiste 
à  la  surface  du  fer. 

Le  motif  qui  domine  dans  la  décoration  est  l'enroulement  du 
serpent,  dont  l'influence  Scandinave  est  d'autant  plus  positive 
que  c'est  dans  ces  régions  septentrionales  qu'il  faut  placer,  selon 
Eug.  Beauvois,  le  berceau  des  Burgondes  ^  L'artiste  a  ensuite 
ajouté  un  panneau  central,  ordinairement  triangulaire,  entouré 
d'encadrements  formés  de  dessins  géométriques,  soit  même  de 
palmettes,  de  griffes  de  monstres  et  jusqu'à  des  chapelets  d'osse- 
ments, comme  cela  se  voit  sur  l'agrafe  remarquable  d'En  Julienne 
près  Tournus;  il  a  encore  détaché  des  médaillons  imitant  des 
bractéates,  où  se  voient  des  têtes  monstrueuses,  des  débris  d'^^ni- 
maux  fantastiques. 

1.  Les  anciennes  collections  Fèvre  et  H.  Baudot  ont  été  acquises  par  le 
Musée  de  Saint-Germain.  Il  convient  de  citer  encore  les  collections  de  MM.  le 
vicomte  de  La  Chapelle,  au  château  d'Uxelles,  et  L.  Lacroix,  à  Mâcon,  les 
Musées  de  Chalon-sur-Saône  et  d'Annecy  (Haute-Savoie),  qui  renferment  des 
pièces  provenant  de  sépultures  barbares  de  Saône-et-Loire. 

2.  Eug.  Beauvois,  Histoire  légendaire  des  Francs  et  des  Burgondes,  Paris, 
Copenhague,  i%G-]\  Origine  des  Burgondes,  Dijon,  1869. 


L  ARCHEOLOGIE   BARBARE    DANS   SAONE-ET-LOIRE  21) 

Toute  cette  ornementation,  dont  la  Saône-et-Loire  a  donné 
sans  contredit  les  plus  riches  comme  les  plus  rares  spécimens, 
nous  la  retrouvons  plus  ou  moins  exacte,  grossière  ou  délicate, 
dans  les  cimetières  du  Jura  (à  Macornay',  Soyria,  Marnoz, 
Recanoz,  Chavannes-Courlans,  Clairvaux,  Plainoiseau  \..)  du 
Doubs  (à  Cramans,  Vuillecin,  Sauvagney-les-Pins,  Chaffois'...) 
de  la  Savoie  (à  La  Balme^,  à  Flérier  5...)  dans  la  Suisse  occiden- 
tale (à  Fétigny  ^,  àElisried,  Weissenbùhl,  Rosenbûhl,  Eichbùhl  '). 

Remarquons  enfin  que  sur  la  majeure  partie  de  ces  plaques 
on  ne  relève  aucun  symbole  chrétien  :  ce  qui  confirme  bien  mon 
opinion  déjà  exposée,  attendu  surtout  que  Paul  Orose  nous 
apprend  que  peu  après  leur  arrivée  en  Gaule,  les  Burgondes  ne 
tardèrent  pas  à  embrasser  le  christianisme^.  Les  plaques  à  orne- 
mentation barbare  ayant  un  cachet  Scandinave,  et  sans  signe 
chrétien,  coïncident  donc  avec  la  première  période  de  l'occupa- 
tion de  la  Bourgogne  par  ces  Barbares.  C'est  bien  cela  que  nous 
remarquons  au  premier  chef  dans  les  cimetières  des  bords  de  la 
Saône,  aux  environs  de  Tournus. 

La  description  de  ces  belles  boucles  n'est  pas  à  faire  ici  : 
M.  J.  Martin  en  a  excellemment  parlé  dans  son  beau  travail,  et 
la  magnifique  planche  en  couleurs  sortie  des  presses  de  M.  Protat 
en  dit  plus  long  que  tout  mémoire  ^. 

La  première  période  de  l'art  des  Burgondes  dut  être  de  courte 

1.  Musée  de  Lons-le- Saunier. 

2.  Musées  de  Lons-le-Saunier  et  de  Besançon. 

3.  Musée  de  Besançon. 

4.  Musée  de  Genève. 

5.  Musée  d'Annecy. 

6.  Musée  de  Fribourg. 

7.  Musée  de  Berne. 

8.  Paul  Orose,  Hist.  Lih.,  VII,  ch.  32,  anno  567. 

9.  J.  Martin,  Sépultures  barbares  sous  dalles  brutes  des  environs  de  Tournus. 
Annales  de  l'Académie  de  Mdcon,  3e  série,  t.  II,  1898. 


L 


2l6  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQ.UE  DE  MAÇON 

durée,  et  nous  assistons  bientôt  à  la  manifestation  des  nouvelles 
croyances  sur  ces  mêmes  plaques  de  fer  revêtues  des  signes  du 
paganisme  qui  s'en  va  :  le  serpent,  leswastika,  etc..  Ce  mélange 
de  symboles  si  disparates  est  intéressant  à  noter,  car  il  va  bientôt 
céder  la  place  aux  boucles  de  bronze,  vraiment  chrétiennes,  dont 
la  profusion  en  Saône-et-Loire,  dans  le  Jura,  dans  le  Doubs  et 
surtout  dans  le  canton  de  Vaud,  est  digne  d'attirer  l'attention. 

Pour  les  plaques  de  fer,  que  j'appellerai  de  transition,  nous 
n'en  voyons  guère  en  Saône-et-Loire  qu'à  Charnay,  dont  les 
exemplaires  peuvent  se  rapprocher  de  ceux  de  la  Savoie,  et  des 
cantons  de  Vaud  et  de  Fribourg. 

L'agrafe  chrétienne  en  bronze  est  surtout  représentée  par  la 
plaque  au  type  de  Daniel  dans  la  fosse  aux  lions.  Les  bords  de  la 
Saône  en  ont  donné  un  certain  nombre,  malheureusement  leur 
provenance  exacte  n'est  pas  connue;  et  l'ancienne  collection 
Fèvre  • —  aujourd'hui  au  Musée  de  Saint-Germain  — •  et  celle  de 
M.  Lacroix  en  renferment  des  spécimens  intéressants. 

Ce  qui  vient  encore  à  l'appui  de  mon  système,  c'est  la  forme 
des  poteries  recueillies  dans  la  plupart  des  cimetières  de  Saône- 
et-Loire.  Elle  reproduit  exactement  celle  des  urnes  funéraires 
vraiment  burgondes  et  caractéristiques  du  canton  de  Vaud,  et 
va  se  modifiant,  s'amoindrissant  dans  son  développement  supé- 
rieur, à  mesure  que  l'on  s'éloigne  du  centre  de  la  Burgondia  et 
que  l'on  se  rapproche  des  régions  soumises  aux  Francs. 

Ces  urnes,  faites  d'une  base  sphéroïdale  surmontée  d'une  sorte 
de  cornet  plus  ou  moins  haut  et  évasé,  nous  les  signalons  à 
Tournus,  lieu  dit  En  Julienne',  à  Charnay-,  où  le  galbe  de  la 
poterie  ne  le  cède   en  rien  aux  vases  du  Jura  et  du   Doubs  :  à 


1 .  Musée  de  Tourniis. 

2.  Musée  des  Antiquités  nationales  à  Saint-Germain. 


L  ARCHEOLOGIE    BARBARE  DAN'S  SAO\E-ET-LOI RE  217 

Boussières,  Chargey-lez-Gray,  Arc  et  Senans  ' ,  et  à  ceux  de 

la  Suisse  :  à  Daillens,  Assens,  Severy,  Allens-sur-le-Mont,  etc.  ^ 

Je  crois  avoir  suffisamment  indiqué  les  raisons  pour  lesquelles 
)e  considère  les  environs  de  Tournus  et  les  bords  de  la  Saône  en 
général,  comme  ayant  été  habités,  dès  le  milieu  du  v^  siècle,  par 
les  Barbares  de  Gunther.  Les  dépouilles  plus  ou  moins  bien  con- 
servées, extraites  des  cimetières  découverts  dans  la  Saône-et-Loire, 
ne  nous  semblent  point  laisser  de  doute  à  cet  égard. 

Reste  Charnay,  cette  vaste  et  riche  tiécropole  d'où  Baudot  a 
exhumé  les  plus  étonnantes  productions  de  l'art  des  Barbares.  Le 
défaut  d'observation  rigoureuse  au  moment  de  l'ouverture  de 
chaque  tombe,  ne  nous  permet  plus  de  reconstituer  les  sépul- 
tures telles  qu'elles  s'offrirent  aux  yeux  de  l'antiquaire  dijonnais, 
et  de  préciser  la  nature,  la  richesse  de  chacune  d'elles,  pour  en 
tirer  des  probabilités,  sinon  une  certitude  sur  l'âge  du  cimetière 
et  la  nationalité  de  ceux  qui  y  furent  inhumés. 

La  situation  stratégique  de  Charnay,  entre  la  Saône  et  le 
Doubs,  en  dut  fliire  un  poste  occupé  de  tout  temps  par  tous 
les  peuples;  les  restes  de  voie  antique,  les  débris  nombreux  de 
toute  nature,  de  tuiles  et  de  poteries  romaines,  en  font  surabon- 
damment foi. 

Les  Barbares  se  fixèrent  également  dans  ce  lieu  qui  a  reçu  les 
restes  de  générations  successives  que  l'on  ne  peut  déterminer 
aujourd'hui. 

Il  faut  écarter  toute  idée  de  bataille,  opinion  maintenant 
surannée,  et  qui  ne  résiste  pas  à  cette  considération  :  l'orienta- 
tion, ou  mieux  la  régularité  de  la  presque  totalité  des  tombes,  et 
la  présence  auprès  des  squelettes,  des  armes  et  des  bijoux.  Le 
désordre  de   certaines  sépultures   provient   presque   toujours  de 

1.  Musée  de  Besançon. 

2.  Musée  de  Lausanne. 


2l8  CONGRÈS  ARCHÉOLOGiaUE  DE  MACOX 

violations  remontant  à  des  époques  reculées,,  ou  du  mouvement 
naturel  des  terres.  Après  un  combat  quelconque,  le  vaincu, 
dépouillé  de  ses  vêtements  et  de  ses  armes,  était  simplement  jeté 
dans  une  fosse  commune. 

Il  y  a  évidemment  à  Charnay  des  Burgondes,  qui  sont 
certes,  je  crois,  en  majorité  ;  mais  il  y  a  aussi  des  Francs,  recon- 
naissables  à  la  grosse  et  massive  boucle  ovale  en  potin,  fixée  à 
la  lanière  du  ceinturon  par  des  goupilles  de  bronze  ;  aux  agrafes 
de  bronze,  triangulaires  *ou  arrondies,  à  grossières  décorations 
barbares;  aux  plaques  rectangulaires  en  fer,  non  plus  plaquées, 
mais  damasquinées  d'argent  ou  de  fils  de  laiton,  analogues  à  celles 
qui  abondent  chez  le  Franc  des  bords  de  la  Meuse,  et  aussi  du 
Rhin  moyen  ;  enfin  à  l'armement  varié,  composé  de  lances  fra- 
mées,  de  haches  francisques,  de  boucliers  et  surtout  de  l'angon. 

A  mon  avis  donc,  Charnay  est  une  nécropole  où  plusieurs 
générations  de  Barbares,  appartenant  à  des  peuples  différents,  ont 
été  inhumées.  Elle  présente,  à  cet  égard  seulement,  les  mêmes 
caractères  que  Herpès  en  Charente  ',  que  Caranda,  dans  l'Aisne  ^. 

Cela  n'empêche  point  que  ces  trois  remarquables  stations 
offrent  des  sujets  variés  d'études,  et  ouvrent  le  champ  à  des 
hypothèses,  à  des  problèmes  qui  ne  seront  pas  de  longtemps 
résolus. 

Il  n'est  pas  possible,  dans  un  mémoire  tout  restreint,  d'entrer 
dans  des  considérations  plus  approfondies  sur  certaines  questions 
que  nous  n'avons  fait  que  résumer  et  sur  lesquelles  nous  nous 
étendrons  dans  notre  travail  sur  les  Arts  industriels  des  peuples 
Barbares  de  la  Gaule,  du  F^  au  FIIP  siècle. 

Nous  devons  bien  faire  ressortir  cette  particularité  que  le  dépar- 
tement de  Saône-et-Loire,  si  riche  d'une  part  en  antiquités  gau- 

1.  Collect.  Ph.  Delamain,  à  Jarnac  (Charente). 

2.  Collect.  F.  Moreau,  au  Musée  des  Antiquités  Nationales  de  Saint-Germain. 


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CARTE 

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DE  SAÔNE&LOIRK 
durant 

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par 

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■   189g    • 


L  ARCHEOLOGIE    BARBARE    DANS   SAÔ\E-ET-LOIRH  219 

loises,  auxquelles  l'éminent  président  de  la  Société  Éduenne, 
M.  Bulliot,  vient  de  consacrer  un  très  remarquable  ouvrage, 
depuis  longtemps  attendu,  tient  encore  un  rang  particulièrement 
distingué  dans  l'archéologie  de  l'époque  des  invasions  barbares, 
principalement  au  point  de  vue  de  l'industrie  des  Burgondes. 
M.  J.  Martin,  je  l'ai  déjà  dit,  a  eu  l'honneur  de  faire  ressortir 
l'intérêt  vraiment  puissant  qui  s'attache  aux  découvertes  des 
environs  de  Tournus. 

J'ai  essayé,  à  mon  tour,  d'apporter  quelques  considérations 
d'ensemble  sur  les  stations  burgondes  découvertes  dans  l'une  des 
régions  où  s'offrent  les  manifestations  les  plus  variées  comme  les 
plus  riches  et  les  plus  intéressantes  de  l'art  industriel  de  ces 
Barbares. 


La  carte  de  Saône-et-Loire,  jointe  à  ce  mémoire,  renferme  le 
nom  des  localités  pu  des  cimetières  plus  ou  moins  importants 
ont  été  fouillés,  bouleversés  ou  simplement  reconnus.  En  voici 
la  nomenclature  avec  notes  bibliographiques  '  : 

AuTUN.  Cf.  Mémoires  de  la  Société  Éduenne,  nouvelle  série,  t.  XII, 

1884,  p.  424. 
Chalon-sur-Saône.  Mémoires  de  la  Société  d'hisloire  et  d'archéologie 

de    Chalon-sur-Saône,   t.    III,     1856.    (Mémoire   de  M.    de 

Surigny.) 
Changey.  Société  d'histoire  cl  d'archéologie  de  Beanne,  1889,  p.  59. 

(Mémoire  de  M.  Cornu.) 

I .  Cette  liste  est  extraite  du  Répertoire  général  des  stations  barbares  de  la  Gaule 
qui  doit  compléter  notre  travail  sur  les  Arts  industriels  des  peuples  Barbares  dt 
la  Gaule  du  V'^  au  VIII^  siècle,  actuellement  sous  presse. 


220  CONGRES  ARCHEOLOGiaUE  DE  MAÇON 

Chapaize.  J.  Martin,  Sépultures  barbares  sons  dalles  brutes  des 
environs  de  Tournus  (^Annales  de  V Académie  de  Mâcon,  y  série, 
t.  II, -1898).  —  Collection  de  M.  le  vicomte  de  La  Cha- 
pelle, au  château  d'Uxelles. 

Chardonnay,  J.  Martin,  Sépultures  barbares  sous  dalles  brutes  des 
environs  de  Tournus  (Annales  de  F  Académie  de  Mâcon,  y  série, 
t.  II,  1898). 

Charnay-lès-Chalon.  h.  Baudot,  Mémoire  sur  les  Sépultures  des 
Barbares  de  l'époque  mérovingienne  en  Bourgogne.  —  Mémoires 
de  la  Commission  des  Antiquités  de  la  Côte-d'Or,  t.  V,  1857- 
1860.  —  Musée  des  Antiquités  nationales  de  Saint-Germain- 
en-Laye. 

Chasse  Y.  Mémoires  de  la  Société  Eduenne,  nouvelle  série,  t.  XVII, 
1890,  p.  461  ;  t.  XVIII,  1891,  p.  466. 

Cheilly.  Cf.  A.  Bertrand,  les  Bijoux  de  Jouy-k-Comte  et  les  cime- 
tières mérovingiens  de  la  Gaule,  1879. 

CoLLONGE.  J.  Martin,  Sépultures  barbares  sous  dalles  brutes  des 
environs  de  Tournus  (Annales  de  r Académie  de  Mâcon,  y  série, 
t.  II,  1898). 

Cruzille.  Id. 

DuLPHEY.  Revue  archéologique,  y  série,  t.  XX,  1892,  p.  265. 
(Note  de  M.  Hamy.)  —  J.  Martin,  Sépultures  barbares 
sous  dalles  brutes  des  environs  de  Tournus  (Annales  de  l'Aca- 
démie de  Mâcon,  y  série,  t.  II,  1898).   Musée  de  Tournus. 

Farges-lès-Macon.  Revue  archéologique,  y  série,  t.  XX,  1892, 
p.  265.  (Note  de  M.  Hamy.)  —  Musée  de  Tournus. 

FissY.  Société  des  amis  des  Arts  et  Sciences  de  Tournus,  1882, 
t.  III,  p.  13.  —  Legrand  de  Mercey,  Notice  sur  d'anciens 
cimetières  du  canton  de  Lugny.  — J.  Martin,  Sépultures  bar- 
bares sous  dalles  brutes  des  environs  de  Tournus  (Annales  de 
l'Académie  de  Mâcon,  y  série,  t.  II,  1898). 

Génelard.  Mémoires  de  la  Société  Éduenne,  nouvelle  série,  t.  IX, 
Autun,  1880,  p.  519.  (Procès- verbaux.) 


L  ARCHEOLOGIE    BARBARE    DANS    SAONE-ET-LOIRE  221 

GouRDON.  Mémoires  de  la  Société  d'histoire  et  d'archéologie  de 
Chalon-sur-Saône,  t.  I,  1 844-1 846,  p.  287.  (Mémoire  de 
M.  Rossignol.)  —  Bibliothèque  Nationale.  Cabinet  des 
Médailles. 

La  Grange-Frangy.  Mémoires  de  la  Société  d'hist.  et  d'archéol.  de 
Chalon-sur-Saône,  t.  V,  1869,  p.  221.  (Note  de  M.  J. 
Chevrier.) 

JuGY.  Renseignements  fournis  par  M.  J.  Martin. 

Lacrost.  Id. 

Laives.  j.  Martin,  Sépultures  barbares  sous  dalles  brutes  des  envi- 
rons de  Tournus  (Annales  de  F  Académie  de  Mdcon,  y  série, 
t.  II,  1898). 

LUGNY.    Id. 

Maçon.  Bulletin  de  la  Société  des  Sciences  historiques  et  naturelles 
deVYonne,  1860,  t.  XIV,  p.  i.  (Note  de  M.  Challe.)  — 
Mémoires  de  V Académie  de  Mdcon,  t.  II,  p.  xxxi-298,  t.  V, 
p.  293.  —  Musée  de  la  Commission  des  Antiquités  de  la 
Côte-d'Or,  à  Dijon.  —  Musée  d'Annecy  (Haute- Savoie). 

Mellecey.  Mémoires  de  la  Société  d'histoire  et  d'archéologie  de 
Chalon-sur-Saône,  t.  V,    1866.  (Note  de  M.  J.   Chevrier.) 

—  Musée  de  Chalon-sur-Saône. 

MoNTBELLET.  D.  Montfaucon,  l' Antiquité  expliquée,  t.  V,  17 10, 
2^  part.,  p.  192.  —  D'  RigoUot,  Recherches  sur  les  peuples 
de  race  Icutoniqtie  qui  envahirent  la  Gaule  au  V"  siècle.  — 
Mémoires  de  la  Société  des  Antiquaires  de  Picardie,  t.  X,  1850. 

—  Baudot,  Mémoire  sur  les  sépultures  des  barbares  de  Bour- 
gogne, 1860,  p.  loi.  —  Bibliothèque  nationale.  Cabinet 
des  Médailles,  n°  4631. 

OzENAY.  Renseignement  fourni  par  M.  J.  Martin. 

Flottes.  J.  Martin,  Sépultures  barbares  sous  dalles  bPutes  des  envi- 
rons de  Tournus  {Annales  de  V Académie  de  Mdcon,  y  série, 
t.  II,  1898).  —  Musée  de  Tournus. 

Pourlans.  h.  Baudot,  Mémoire  sur  les  sépultures  barbares  de 
Bourgogne,  1860,  p.  162. 


222  CONGRES  ARCHEOLOGiaUE  DE  MAÇON 

Remigny.  Mémoires  de  la  Société  Éduenne,  nouvelle  série,  t.  XVII, 
p.  460.  (Note  de  M.  Bulliot.) 

RoYER.  J.  Martin,  Sépultures  barbares  sous  dalles  brutes  des  envi- 
rons de  Tournas  (^Annales  de  VAcadéniie  de  Mdcon,  3^  série, 
t.  II,  1898). 

Saint-Emiland.  Mémoires  de  la  Société  Éduenne,  nouvelle  série, 
t.  XVII,  1890,  p.  51e. 

Saint- Jean-de-Vaux.  Mémoires  de  la  Société  d'histoire  et  d'archéo- 
logie de  Chalon-sur-Saône,  t.  I,  1844-45-46,  p.  241.  (Note  de 
M.  Couturier.) 

Saint-Jean-des- Vignes.  Mémoires  de  la  Société  d'histoire  et  d'ar- 
chéologie de  Chalon-sur-Saône,  t.  V,  1866.  (Note  de  M.  J.  Che- 
vrier.)  —  Musée  de  Chalon-sur-Saône. 

Sassangy.  h.  Baudot,  Mémoire  sur  les  sépultures  des  Barbares  de 
Bourgogne,  1860,  p.  131. 

Sennecey-le-Grand.  Renseignement  fourni  par  M.  J.  Martin. 

SiM ANDRE.  J.  Man'm,  Sépultures  barbares  SOUS  dalles  brutes  des  envi- 
rons de  Tournus  {Annales  de  F  Académie  de  Mdcon,  y  série, 
t.  II,  1898). 

Tournus.  Revue  archéologique,  y  série,  t.  XX,  1892,  p.  265. 
(Note  de  M.  Hamy.)  ^ — J.  Marnn,  Sépultures  barbares  sous 
dalles  brutes  des  environs  de  Tournus  ÇAnnales  de  l'Académie 
de  Mdcon,  ^  série,  t.  II,  1898).  —  Musée  de  Tournus. 

UcHizY.  J.  Martin,  Sépultures  barbares  sous  dalles  brutes  des  envi- 
rons de  Tournus  (^Annales  de  l'Académie  de  Mdcon,  y  série, 
t.  II,  1898). 

Vers.  J.  Martin,  Id. 

Le  Villars.  J.  Martin,  Id. 


VIII 
DÉCOUVERTES 

ARCHÉOLOGIQUES 

DANS  LES  DÉPENDANCES 

DE  L'ÉGLISE  ABBATIALE  DE  TOURNUS 

PAR 

|M.   J.   MARTIN 


Les  travaux  préparatoires  exécutés  pour  la  réparation  projetée 
du  cloître,  dit  de  Saint- Ardain,  qui  joint  au  midi  l'église  abba- 
tiale de  Saint-Philibert  de  Tournus,  ont  fait  découvrir  des  sub- 
structions  et  un  certain  nombre  de  sépultures  intéressantes  et 
fort  anciennes. 

CLOÎTRE 

C'est  dans  la  partie  de  ce  cloître,  où  en  1056  fut  enterré  saint 
Ardain  ',  que  des  fouilles  ont  fait  retrouver  cinq  sarcophages  en 
grès,  tous  ouverts  et  sans  couvercles  ;  un  seul  était  entier  quoique 
partagé  par  un  mur  dont  les  fondations  passaient  sous  le  tom- 
beau; les  autres  cercueils  avaient  été  coupés,  l'un  pour  le  passage 

I.  Nouvelle  histoire  de  Tournus,  par  un  chanoine  de  cette  abbaye.  Dijon, 
1730,  I  vol.  in-4. 


224  CONGRES  ARCHEOLOGIQUE  DE  MAÇON 

du  même  mur  transversal,  deux  autres  dans  le  sens  de  la  largeur 
pour  l'empâtement  des  murs  de  la  grande  nef  de  l'église,  et  un 
cinquième  placé  plus  profondément,  dont  il  ne  restait  que  l'ex- 
trémité inférieure  pour  l'empâtement  des  piliers  et  du  mur  du 
cloître  à  l'ouest  ;  ce  dernier  sarcophage  B  devait  primitivement 
toucher  du  côté  de  la  tête  l'ancien  mur  C  qui  sépare  à  l'ouest  le 
cloître  du  parloir. 

Ce  fragment  de  cercueil  B  contenait,  de  la  terre  noire  très 
humide  et  stratifiée  de  forme  mamelonnée,  devant  provenir  de 
vase  amenée  par  une  infiltration  d'eau  tombant  goutte  à  goutte; 
cette  terre  recouvrait  des  fragments  de  tibia  et  des  ossements 
métacarpiens  ' . 

Le  sarcophage  entier,  très  orné,  était  creusé  dans  un  bloc 
de  grès  à  gros  grains  ;  à  l'extérieur,  du  côté  de  la  tête,  on  voit 
sculpté  en  relief  deux  croix  pattées  soutenues  d'un  pied  arrondi, 
rappelant  la  croix  pattée  des  menhirs  bretons,  marque  typique  de 
l'époque  mérovingienne  -;  les  côtés  extérieurs  du  coffre  sont 
décorés  de  stries  disposées  diagonalement  en  arête  de  poisson  '. 

Ces  sépultures,  bien  antérieures  à  la  construction  de  la  grande 
nef  et  du  cloître  qui  sont  du  commencement  du  xi^  siècle,  ont 
dû  être  violées  par  les  Hongrois  en  987*. 


1.  Ce  coffre  avait  à  cette  extrémité  o™  27  à  l'intérieur  sur  o™  40  de  profon- 
deur et  était  recouvert  d'un  couvercle  également  en  grès,  bombé  à  l'extérieur 
et  concave  à  l'intérieur. 

2.  Sur  la  plupart  des  coffres  funéraires  trouvés  à  Saint-Germain-l'Auxerrois, 
à  Saint-Séverin  comme  à  Saint-Pol,  on  retrouve  la  croix  des  Loc'hs  bretons  (H. 
du  Cleusiou,  Aii  national,  p.  98). 

3.  Ce  sarcophage  mesure  :  extérieurement  2n>  17  de  longueur,  sur  une  hauteur 
de  cm  55  et  une  largeur  de  0^  79  du  côté  de  la  tête  et  va  en  se  rétrécissant  aux 
pieds  ;  l'intérieur  est  creusé  sur  une  longueur  de  i  '^  ^)  ;  à  o™  43  de  hauteur 
à  la  tête  et  om  40  aux  pieds  ;  o  ™  57  de  largeur  du  côté  de  la  tête  et  o™  J2  du 
côté  des  pieds. 

4.  Nouvelle  histoire  de  Ton  m  us,  Juénin,  p.  69. 


DECOUVERTES    ARCHEOLOGIQ.UES    A    TOURXUS 


--) 


Dans  ce  même  cloître,  un  peu  plus  à  l'est,  séparées  par  un  mur 
de  I"'  80  d'épaisseur,  se  trouvent  d'autres  sépultures  paraissant 
plus  récentes  ;  l'une  formée  d'un  côté  par  un  mur  en  pierres 
sèches  et  de  l'autre  côté  de  pierres  posées  diagonalement;  des 
deux  côtés  du  chef,  on  voyait  une  pierre  taillée  de  C"  25  X 
0"'  II,  posée  verticalement,  le  tout  était  recouvert  par  trois  dalles 
de  o""  127  d'épaisseur,  portant  des  traces  de  taille".  Le  sque- 
lette avait  les  mains  croisées  sur  l'abdomen,  et  dans  les  mains  un 
morceau  de  porphyre  vert  de  forme  rectangulaire  très  mince  et 
poli^.  Dans  les  fouilles  de  sépultures  de  barbares  de  l'époque 
mérovingienne,  faites  à  Charnay,  M.  H.  Baudot  constate  aussi 
la  présence  de  morceaux  de  marbre  vert  antique,  arrachés  sans 
doute,  nous  dit  l'auteur,  à  quelques  monuments  romains, 
paraissant,  ainsi  que  quelques  fragments  de  succin  ou  cristal  vol- 
canique qui  y  furent  aussi  recueillis,  s'expliquer  par  les  idées 
superstitieuses  que  les  anciens  attachaient  à  ces  substances  talis- 
maniques  '. 

Un  mur  en  pierre  de  o  "'  30  d'épaisseur  séparait  cette  sépulture 
d'une  autre  faite  en  maçonnerie,  enduite  intérieurement  de  mor- 
tier; ce  tombeaif  affectait  la  forme  d'un  losange  tronqué  aux 
deux    extrémités  •♦  :    trois    dalles  brutes    le    recouvraient  et    le 

1 .  Ce  tombeau  mesurait  :  à  la  tète  o"'  37  de  largeur,  o™  60  aux  épaules  et 
se  rétrécissait  un  peu  vers  les  pieds;  sa  longueur  était  de  2"'  50  et  sa  protondeur 
de  o  m  40. 

2.  Un  cercueil  à  peu  prés  semblable  a  été  découvert  en  juillet  iiS9M,dans  l'en- 
ceinte de  l'abbave,  en  faisant  les  canaux  de  la  ville;  il  contenait  aussi  le  même 
objet  brisé. 

3.  H.  Bâudox,  Si'pnlturi'  (les  l'cirhares  de  repoqtieiiii'raviiigii'niii',  Mémoira  de  la 
Commission  des  aiiliquile's  du  département  de  la  Côte-d'Or,  Dijon,  1860,  i  vol. 
in-4. 

4.  Il  mesurait  en  largeur  du  côté  de  la  tête  0"  45,  au  tiers  environ  o">  54  et  se 
rétrécissait  aux  pieds  à  o"'  35  ;  sa  longueur  était  de  2"'  1 5  et  sa  prolondeur  de 
o  "M  5  • 

CoXGREs'ARCHÉOLOGiaUH    DK  MAÇON.  'S 


226  COXGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  MAÇON 

squelette  de  i""  95  de  longueur  avait  la  tête  recouverte  d'un 
capuchon  en  étoffe  de  laine. 

Toutes' ces  sépultures  étaient  orientées  de  l'ouest  à  l'est,  les 
pieds  au  levant. 

Au  niveau  et  jusqu'à  la  base  des  sarcophages  en  grès,  se  trou- 
vaient mélangés  à  de  la  terre  noire  des  débris  de  briques  noircies 
par  le  feu,  et  des  restes  de  carreaux  émaillés,  brun  uni,  ayant 
o  "'  197  de  côté;  quelques  débris  de  tuiles  dites  romaines  y  ont 
aussi  été  recueillis  '. 


LE   LOCUTORIUM 

Avant  d'arriver  au  cloître  dont  nous  venons  de  parler,  on  tra- 
verse une  salle  rectangulaire  de  10"'  45  de  longueur  sur  6°"  éo  de 
largeur,  dont  la  voûte  en  berceau  est  soutenue  latéralement  par 
une  série  d'arcades  en  plein  cintre  reposant  sur  des  pilastres  ser- 
vant d'ornement  aux  murs  de  cette  salle. 

C'est  l'endroit  que  le  père  Chifflet,  dans  son  Histoire  de  l'abbaye 
de  Tournas  \  appelle  le  petit  cloître  voûté,  où  passait  la  grande 
procession  du  jour  de  Pâques.  Le  chanoine  Juénin,  notre  autre 
historien,  y  voit  bien  plutôt  un  chauffoir  qu'un  cloître  '  ;  pour 
moi,  c'est  le  locutorium  ou  parloir  indiqué  dans  le  livre  des 
usages  de  l'abbaye '*,  peut-être  bien  la  salle  où  l'aumônier  de 
l'abbaye  faisait  aux  pauvres  la  distribution  des  aumônes. 


1.  Un  incendie  considérable  détruisit  en   1006  une  partie  de    l'abbave  (v 
Juénin,  p.  85). 

2.  Histoire  de  l'abbave  royale  et  collégiale  île   Toiinius,  p.   clvii  (157),  Dijon, 
1664. 

3.  Nouvelle  histoire  de  Tounius,  Juénin,  p.  92. 

4.  Ecrit  par  Claude  Berthet,  sous-prieur  et  aumônier,  qui   mourut  en  1625 
(Nouvelle   histoire  de  Tourr.ns,  p.  74). 


DECOUVERTES  ARCHÉOLOGIQUES  A  TOURNUS       227 

Le  parloir  était  remblayé  au  niveau  de  la  base  des  pilastres  D 
du  côté  du  narthex  de  l'église.  Ces  pilastres  reposent  sur  un  mas- 
sif recouvert  de  dalles  terminées  par  un  chanfrein  et  une  plate- 
bande  en  saillie  E,  devant  primitivement  servir  de  bancs  autour 
de  la  salle.  En  effet,  à  C"  42  de  profondeur,  nous  avons  retrouvé 
un  pavage  en  gros  carreaux  rectangulaires,  qui  paraît  être  le  carre- 
lage primitif  F,  établi  lors  de  la  construction  de  la  voûte  et  des 
pilastres,  puisqu'il  repose  directement  sur  les  empâtements  du 
mur  du  côté  de  l'église  et  du  mur  parallèle  du  côté  des  grandes 
caves ' . 

En  suivant  les  substructions  du  côté  du  narthex,  on  voit  qu'elles 
s'arrêtent  à  6  "^  70  de  l'entrée ,  en  finissant  brusquement  à 
angle  droit  G,  mais  on  les  retrouve  2  mètres  plus  loin  en  H. 
Dans  la  partie  interrompue,  on  constate  une  ouverture  et  der- 
rière un  sarcophage  en  grès,  ouvert  et  enclavé  en  partie  dans 
l'empâtement  des  murs  du  parloir,  à  r  "'  40  au-dessous  de  la  base 
des  pilastres,  on  retrouve  les  fondations  des  murs  du  narthex  de 
l'église. 

Au-dessus  du  sol,  cette  ouverture,  qui  se  trouvait  entre  le 
troisième  et  le  quatrième  pilastre,  a  été  remplie  par  de  la  maçon- 
nerie. 

Nous  sommes  donc  ici  de\ant  la  porte  par  où  passait  ancien- 
nement la  grande  procession  de  Pâques  :  Et  alors  la  procession 
passant  par  le  parloir  se  dirige  vers  la  nef  de  l'église  vieille  ^ . 

Le  sarcophage  enclavé  dans  ces  substructions,  ainsi  qu'un  autrt 
semblable  le  joignant  \  sont  placés  tous  deux  devant  cette  entrée, 

1 .  Ces  empâtements  ont  une  saillie  de  o  ■"  1 7  au-dessous  dudit  carrelage  et 
vont  en  s'élargissant  jusqu'à  o"i  70  d'épaisseur,  à  i  mètre  de  profondeur. 

2.  Et  tune  processio  transiens  per  locutorium  tendit  o.d  iiaveni  ecclcsix  vett'iis. 
Un  fit  secunda  statio  (le  livre  des  usages  du  processionnal  de  V abbaye  de  Tournas,  par 
Claude  de  Vignancourt  (mss.  du  xvic  siècle). 

3.  Cette  seconde  sépulture  était   recouverte  d'une  partie  de  son  couvercle, 


228  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  MAÇON 

peut-être  sur  la  demande  de  leurs  premiers  possesseurs,  par 
esprit  d'humilité,  suivant  l'usage  des  premiers  siècles,  afin  que 
leurs  frères,  les  foulant  aux  pieds  en  passant,  pensent  à  leur  accor- 
der une  prière  '. 

Ces  sarcophages  étaient  placés  au  même  niveau  que  ceux  simi- 
laires A  découverts  dans  le  cloître  Saint-Ardain  ;  des  traces  d'in- 
cendie, bois  et  fragments  de  tuiles  dites  romaines,  noircies,  ont 
été  trouvés  dans  cet  endroit,  de  o  ""  40  à  o  ™  éo  au-dessous  du 
passage. 

La  voûte  du  parloir,  les  arcs  doubleaux  et  les  pilastres  qui  la 
soutiennent  sont  postérieurs  à  la  construction  du  narthex. 

Des  touilles  fliites  le  long  du  mur  opposé,  contre  les  grandes 
caves,  n'ont  mis  à  jour  que  des  ossements  gisant  pêle-mêle,  sauf 
à  l'extrémité  est,  où  nous  avons  rencontré  un  tombeau  formé  de 
dalles  taillées  à  gros  éclats  et  dressées  sur  champ  ;  il  était  recou- 
vert d'un  double  rang  de  dalles  minces  de  3  à  4  cent,  d'épaisseur, 
et  il  contenait  les  restes  d'un  pèlerin;  nous  y  avons  recueilli  des 
coquilles  percées  de  deux  trous,  genre  Pecten  Jacobi,  les  restes 
d'un  bcâton,  et  des  fragments  de  tissus  recouvrant  des  plaques 
de  cuivre  ^. 

aussi  en  grès  et  de  forme  prismatique  ;  le  reste  du  couvercle  avait  été  brisé  et  une 
partie  des  fragments  tombés  dans  l'intérieur  du  coffre  ;  sous  ces  débris,  un  squelette 
entier  ;  à  côté  de  lui,  les  ossement  d'un  autre.  Ce  sarcophage  mesure  intérieure- 
ment I  ni  89  de  longueur,  sur  une  largeur  de  0"^  52  à  la  tête  et  de  0™  40  aux 
pieds;  les  angles  en  sont  arrondis, l'intérieur  comme  l'extérieur  taillés  en  feuilles 
de  fougère;  la  hauteur  totale  sans  le  couvercle,  o"'  55. 

1 .  De  Caumont,  Abécédaire  d'archéologie  religieuse,  p.  60. 

2.  Cette  sépulture  avait  :  i m  90  de  longueur,  c"  43  de  largeur  du  côté  de  la 
tête  et  Qi"  30  du  côté  des  pieds,  o™  33  de  profondeur;  les  dalles  le  recouvrant 
n'étaient  qu'à  Qi"  60  au-dessous  du  carrelage  primitif;  une  des  plaques  de 
cuivre  ayant  0""  065  X  o™  055  était  entourée  de  tissu  et  légèrement  arrondie, 
suivant  la  forme  du  bras  prés  duquel  elle  fut  trouvée,  à  gauche  ;  une  autre  plaque 
était  placée  sur  le  fémur  du  même  côté. 


DECOUVERTES  ARCHEOLOGIQ.UES  A  TOURNUS        229 

l'ancien   monastère 

La  présomption  d'ancienneté  du  mur  C  séparant  le  parloir  du 
cloître,  se  trouve  confirmée  par  l'examen  des  fondations  de  ce 
mur. 

En  dessous  du  carrelage  primitif,  établi  directement  sur  les 
empâtements  des  murs  du  parloir  soutenant  la  voûte,  nous 
avons  rencontré  deux  rangs  de  petites  pierres  rouges  K',  puis 
une  grande  assise  de  pierre  blanche  L,  le  tout  d'une  épaisseur  de 
o"'47;  en  creusant  toujours,  une  plinthe  ayant  o  "^  20  de  hau- 
teur et  une  saillie  de  o  '"  05,  et  des  pierres  blanches'  taillées 
M,  établie  sur  les  fondations  et  l'empâtement  de  ce  mur. 

Le  niveau  du  bâtiment  existant  avant  le  locutoriu  était  donc 
de  o  "'  67  plus  bas,  soit  extérieurement  le  niveau  du  cloître, 
retrouvé  par  M.  Sauvageot,  architecte  des  monuments  histo- 
riques. 

Ce  mur,  auquel  aurait  été  adossé  postérieurement  celui  du 
cloître  ^,  n'est  pas  lié  avec  celui  qui  limite  les  grandes  caves  au 
sud  ;  il  se  continue  et  se  trouve  masqué  dans  les  grandes  caves 
par  un  revêtement  de  o  "'  50  d'épaisseur,  servant  à  supporter  des 
voûtes  faites  bien  postérieurement. 

La  base,  jusqu'à  3  mètres  de  hauteur,  ne  présente  pas  de  traces 
de  reconstitution.  Serait-elle  celle  du  mur  du  monastère  primitif, 
détruit  par  l'incendie  de  937  ou  de  1006,  qui  s'étendait  sur  cet 
espace  destiné  plus  tard  à  conserver  le  produit  des  dixmeset  connu 
sous  le  nom  de  grandes  caves  ? 


1.  Corallien     inférieur,    provenant     des  carrières  des    Justices     (Tounnis 
appartenant  à  l'abbave. 

2.  Corallien  blanc,  ou  Kimnieridgien;  ces  carrières  n'existent  plus. 

3.  Au  xie  siècle. 


230  CONGRES  ARCHEOLOGIQUE  DE  MAÇON 

Le  sol  du  narthex  de  l'église,  ainsi  que  celui  des  bâtiments 
dont  nous  venons  de  parler,  a  été  certainement  remblayé  et  si, 
comme  nous  l'avons  fait  au  locutorium,  on  abaissait  le  niveau 
actuel  deo^  40  à  o™  50,  nous  retrouverions  sans  doute  les  restes 
du  pavage  F  qui  existait  lors  de  la  construction  de  ce  parloir,  où 
l'on  entrait  par  la  porte  retrouvée.  En  creusant  un  mètre  plus 
bas,  nous  devrions  être  sur  le  sol  primitif,  celui  du  seuil  de 
cette  porte,  au  niveau  des  couvercles  des  tombeaux  mérovingiens 
récemment  découverts,  et  au-dessous  des  traces  d'incendie  que 
nous  y  avons  constaté. 

Les  substructions,  les  restes  du  mur  qui  sépare  le  parloir  du 
cloître  et  les  murs  du  narthex  seraient  donc  probablement  anté- 
rieurs au  x"  siècle. 


POURTOUR    DE    L  EGLISE 

Du  côté  nord  parallèlement  au  narthex,  les  fouilles  faites  pour 
l'établissement  des  égouts  de  la  ville  firent  découvrir,  à  i"'40  de 
profondeur,  des  sépultures.  A  la 'tête  de  plusieurs  squelettes  se 
trouvait  un  vase  en  terre  grise  noirâtre,  très  quartzeuse,  de  forme 
ovoïde,  à  large  col  rabattu,  et  muni  d'un  goulot  et  d'une  anse  : 
hauteur  o"  20  à  o™  23  sur  un  diamètre  à  la  panse  de  o™  18  à 
C"  20  '  ;  plusieurs  sépultures  étaient  indiquées  par  une  pierre 
plantée  verticalement  \ 


1 .  Il  y  a  quelques  années,  à  30  mètres  au  nord,  devant  la  maison  Coste 
(anciennement  le  Doyenné),  on  trouva  aussi  un  vase.  —  Les  mêmes  vases  ont 
déjà  été  rencontrés  il  y  a  dix  ans  dans  une  nécropole  joignant  l'emplacement  de 
l'ancien  château  de  Préty,  chez  M.  le  capitaine  Gainier;  ils  sont  actuellement  au 
Musée  d^  Tournus. 

2.  Ces  marques  de  sépultures  ont  aussi  été  constatées  à  Beaufer,  près  du  cime- 
tière de  l'époque  mérovingienne  du  Roy  Guillaume  (Tournus). 


ÉGLISE  S' 


LOCVTORIVM 


Cotcp 


ELéi^ctliotx- 


ILIBERT 


CLOITRE   S^ARDAIN 


XI ^  Siècle 


Niveau,  du.  aol  ati  XfX^siicic 
Niveaui.  du  cAiTeLtgc  au  X\'lff^cU 


Niveau,  du.  carrela^  au  XI*  siècic 


^       en  (rnès 


DECOUVERTES    ARCHÈOLOGICLUES    A  TOURNUS  2^1 

Devant  la  porte  du  transept  nord,  un  couvercle  de  sarcophage 
en  pierre,  de  forme  prismatique,  orné  d'une  grande  croix  fleuron- 
née  sculptée  en  relief,  rappelant  le  couvercle  trouvé  en  1855  à 
Nevers  dans  l'église  abbatiale  de  Saint-Martin  et  déposé  actuelle- 
ment au  Musée  lapidaire  de  la  Porte  du  Croux  ;  ce  couvercle 
avait  été  mutilé  antérieurement. 

A  côté  et  toujours  devant  la  porte  du  transept,  une  sépulture 
sous  dalles  brutes  :  hi  tête  du  squelette  paraissait  avoir  eu  la  f^ice 
tournée  contre  la  terre,  et  les  ouvriers  m'ont  assuré  avoir  trouvé 
sous  le  crâne  une  pièce,  moyen  bronze  de  Magnence,  qu'ils  m'ont 
remise. 

Place  des  Arts,  en  face  la  petite  porte  du  logis  abbatial,  une 
autre  sépulture  faite  de  murs  en  pierres  sèches,  de  2"'  20  de  lon- 
gueur, s'élargissant  des  pieds  jusqu'aux  épaules  et  là  ne  laissant 
que  la  place  du  chef,  le  tout  recouvert  de  dalles  brutes  de  o"'  10 
à  G™  12  d'épaisseur,  rappelant  celle  du  cloître  Saint-Ardain  pré- 
cédemment décrite.  Cette  sépulture  contenait  un  squelette  aux 
pieds  duquel  on  trouva  une  espèce  de  soulier  très  bizarre  formé 
de  deux  parties  retenues  ensemble  par  une  couture  dont  les  points 
sont  espacés  de  cinq  millimètres  :  la  semelle  et  le  montant  de  la 
tige  du  côté  du  talon  sont  d'une  seule  pièce,  il  n'a  que  o"'040  de 
diamètre  à  la  cheville,  et  à  o""  095  de  hauteur  on  voit  un  trou 
rond  de  G""  015  de  diamètre;  une  peau  froncée  beaucoup  plus 
mince  semble  avoir  dû  servir  à  envelopper  le  dessus  du  pied. 

Le  dessus  de  ce  tombeau  n'était  qu'à  i  mètre  de  profondeur; 
sur  o""  20  de  terre  s'étendait  une  bande  d'argile  calcinée  de 
G'"  20  d'épaisseur,  recouverte  de  cendres  et  de  débris  de  charbon  ; 
ce  foyer  était  visible  sur  une  étendue  de  plus  de  2  mètres,  et 
précisément  établi  sur  le  sol  primitif. 

A  quelques  mètres  de  là,  dans  une  sépulture  formée  de  pierres 
brutes  placées  sur   champ    et    recouvertes    de   fortes  dalles,   les 


232  CONGRES  ARCHEOLOGiaUE  DE  MAÇON 

ouvriers  trouvèrent  en  fragments  une  plaque  de  porphyre  vert 
en  tout  semblable  à  celle  trouvée  dans  le  cloître  Saint- Ardain. 
Ces  sépultures  sous  dalles  rappellent  le  type  des  sépultures 
barbares  trouvées  dans  les  nécropoles  du  Roy  Guillaume,  de 
Dulphey,  Farges  et  Flottes,  mais  les  pierres  qui  les  recouvrent 
sont  plus  épaisses. 


IX 


INFLUENCE 


DE    LA 


DÉVOTION    POPULAIRE 

SUR    LE 

MONNAYAGE  DE  L'ABBAYE   DE  TOURNUS 


M.    J.    MARTIN 


Une  monnaie  recueillie  en  1890  et  la  trouvaille  fliite  en 
1895  à  Tournus,  décrite  par  M.  Paul  Pinette,  membre  associé  de 
l'Académie  de  Mâcon ',  jettent  un  jour  tout  nouveau  sur  l'his- 
toire monétaire  de   l'abbaye  de  Tournus. 

Cette  pièce  prouve  que  les  abbés  de  Tournus  monnoyèrcnt 
alternativement  au  nom  de  saint  Valérien  et  de  saint  Philibert. 

Quand  les  moines  de  Noirmoutiers,  sous  la  conduite  de 
Geilon,  obtinrent  de  Charles  le  Chauve  l'abbaye  de  Tt>urnus 
en  875  -,  le  monastère  qui  s'y  trouvait  était  sous  le  vocable 
de  saint  Valérien  \ 

1.  Ga:{ettc  numismatique  française,  1897. 

2.  La  donation  porte  :  Ahbatiam  saticti  VaJcriaui  caslrum  Tretioirl>iinii  quod 
est  ex  eadem  abhatia  et  Turuutium  viUam. 

5.  Valérien,  martyr  pour  la  foi,  fut  décapité  à  Tournus,  par  ordre  de  Priscus, 
le  15  septembre  177. 


234  CONGRÈS  ARCHÉOLOGiaUE  DE  MAÇON 

En  renouvelant  les  privilèges  donnés  par  Charles  le  Chauve  à 
Geilon,  le  roi  Eudes,  en  889,  accorda  à  l'abbé  Blitgaire  le  droit  de 
battre  monnaie.  L'abbé  Geilon  avait  bien  fait  consentir  les 
moines  de  Saint- Valérien  à  vivre  avec  les  siens  sous  la  règle 
de  Saint-Philibert,  mais  il  fut  convenu  que  l'abbaye  resterait 
sous  le  vocable  de  saint  Valérien. 

Les  monnaies  frappées  sous  Blitgaire  sont  sans  doute  celles  qui 
portent,  d'un  côté  :  SCS.  VALERIAN,  et  au  revers  :  TORNVCO 
CAST.  (Bibl.  Nat.,  n°  1419). 

MONNAIES    DE   TOURNUS 

Malgré  tout,  une  certaine  rivalité  subsista  entre  les  religieux. 
et  le  conflit  devint  aigu  en  946,  à  la  mort  d'Aimin,  7*=  abbé. 
Gilbert,  comte  de  Chalon,  voulut  imposer  un  abbé  de  son  choix 
aux  religieux,  mais  la  plupart  quittèrent  le  monastère  avec  leurs 
reliques  et  se  retirèrent  successivement  à  Mâcon,  puis  à  Saint- 
Pourçain',  de  946  à  949.  Leur  départ,  nous  dit  Pierre  de  Saint- 
Julien  ^,  fut  pour  la  Bourgogne  le  signal  d'une  infinité  de  maux, 
car  tout  le  monde  attribuait  ces  malheurs  à  une  punition  divine 
et  à  l'éloignement  des  saintes  reliques;  aussi,  à  leur  retour, 
furent-ils  reçus  en  libérateurs. 

Ces  religieux  n'avaient  emporté  parmi  leurs  reliques  que  le 
corps  de  saint  Philibert,  ce  qui  prouve  peu  de  dévotion  à  cette 
époque  pour  saint  Valérien  encore  dans  son  tombeau. 

Quelques  années  plus  tard,  l'abbé  Hervé,  en  955,  obtint  du  roi 
Lothaire,  le  renouvellement  des  privilèges  de  l'abbaye  et  du  droit 
de  monnayage,  avec  la  condition  que  le  nom  du  roi  y  serait 
inscrit, 

1.  Chronique  de  Tourmn,  par  Falcon.  Monnaies  xi^  siècle,  Bibl.  de  Tournus. 

2.  Antiquités  de  Tournus,  p.  515  a  524. 


LE  MONNAYAGE    DE    L  ABBAYE    DE   TOURNUS  25) 

Ne  serait-ce  pas  vers  cette  époque,  malgré  l'opinion  de 
M.  Anatole  de  Barthélémy  qui  ne  les  croit  pas  antérieures  au 
XII''  siècle,  qu'auraient  été  frappées  les  monnaies  sur  les- 
quelles on  lit  :  SCI  PHILIBERTI  MON.,  et  au  revers  : 
LOTARIIT.  EEISNSINE  (Lotarii  régis  insigne)  (Bibl.  Nat., 
n°  1415). 

Le  successeur  d'Hervé,  l'abbé  Etienne,  avait,  nous  dit  Juenin  ', 
une  dévotion  particulière  à  saint  Valérien,  dont  il  fit  exhumer 
le  corps;  cette  translation  eut  lieu  vers  979.  Les  auteurs  Falcon  et 
Garnier  nous  parlent  de  nombreux  miracles  obtenus  par  son 
intercession  à  cette  occasion. 

Puis  l'abbé  Bernier,  au  commencement  du  xi""  siècle,  fit  bâtir 
une  église  à  Tournus  sous  le  vocable  de  ce  saint,  aussi  les  mon- 
naies récemment  découvertes  avec  la  légende  :  SCI  VALERIAN, 
et  au  revers  HEINRICVS  REX,  conservées  au  Musée  de 
Tournus,  sont-elles  de  cette  époque  ?  ^ 

Cette  ferveur  au  culte  de  saint  Valérien  a  dû  se  ralentir  sous 
son  successeur,  car  la  Bibliothèque  Nationale  pos.sède  un  denier 
argent  sans  nom  de  patron  ;  d'un  côté  :  HEINRICVS  REX,  et 
au  revers  :  TORNUCIVM  CAS.  (Bibl.  Nat.,  n''  1414). 

L'abbaye  de  Saint- Valérien  ne  devait  pas  changer  de  nom,  mais 
le  peuple  '  n'appelait  plus  cette  abbaye  que  du  nom  de  Saint-Phi- 
libert; aussi  sous  Philippe  P'  (1060-1108),  les  monnaies  chan- 
gèrent encore,  et  nous  en  possédons  sur  lesquelles  on  lit  : 
FILIPVS  REX,  et  au  revers  :  SCI  FILIBTI,  pour  Filiberti. 
(Musée  de  Tournus.) 

Enfin,  depuis  la  dernière  consécration  de  l'église  à  Notre- 
Dame,  saint    \'alérieii    et    saint    Philibert,    faite    par    le    pape 

1.  Nouvelle  histoire  de  fabbaye  de  Tournits,  Dijon,  1730. 

2.  Manuscrits  des.  Xh  et  XI I^  sièeles,  de  la  Bibliothèque  de  Tournus 

3.  Antiquités  de  Tournus,  par  Pierre  de  Saint-Julien. 


236  CONGRÈS  ARCHÉOLOGiaUE  DE  MAÇON 

Calixte  II,  en  1120,  sans  doute  en  vertu  d'une  bulle  qui  n'est  pas 
parvenue  jusqu'à  nous,  on  ne  frappa  plus  de  monnaies  qu'au  nom. 
de  saint  Valérien  :  SCI  VALERIAN.  I^.  TORNVCIO  CAST. 
(Bibl.  Nat.,  n°'  1417-1418.  Musée  de  Tournus).  Ces  deniers, 
suivant  l'opinion  des  numismates,  ont  dû  être  frappés  aux 
xii^  et  xiii*^  siècles,  jusque  sous  Louis  le  Jeune. 


X 


LES   EDIFICES  RELIGIEUX 

DE 

L'ÉPOQUE     ROMANE 
EN     SAONE-ET-LOIRE 

PAR 

M.   JEAN    VIREY 


Le  département  de  Saônc-et-Loire  qui  forme  actuellement, 
au  point  de  vue  ecclésiastique,  la  circonscription  du  diocèse 
d'Autun,  était  autrefois  partagé  entre  trois  diocèses,  celui 
d'Autun,  celui  de  Chalon  et  celui  de  Mâcon.  C'est  de  ce  dernier 
que  je  me  suis  plus  spécialement  occupé  dans  un  travail  publié 
depuis  une  douzaine  d'années'.  Ce  mémoire  en  est  le  résumé  : 
toutefois  la  connaissance  que  j'ai  acquise  des  principaux  édifices 
du  département  m'a  permis  d'étendre  le  champ  de  ma  première 
étude,  et  d'y  vérifier  l'exactitude  des  caractères  généraux  précé- 
demment exposés. 

Je  me  propose  de  répondre  à  trois  questions  du  programme, 
en  montrant  les  principes  adoptés  par  les  architectes  de  notre 
région  au  xi^  et  au  xii"'  siècle,  n'ayant  pas  fait  une  étude  suffisante 

I.  L Architecture  romane  dans  Taiicieii  diocèse  de  Mdcoii,  dans  les  Màitoires 
de  la  Société  Edueinie,  iiouvcIIl'  série,  t.  XVII,  X\'II1  et  XIX;  tinif^e  à  part, 
Paris,  1892,  in-8. 


238  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  MAÇON 

des  monuments  de  la  période  gothique  et  de  la  Renaissance  dans 
notre  département  pour  prétendre  vous  en  exposer  les  caractères. 

Au  point  de  vue  du  nombre  des  édifices,  de  leur  importance 
et  de  leur  intérêt  archéologique,  c'est  l'époque  romane  qui  est 
la  mieux  représentée  en  Saône-et-Loire  :  il  me  suffira  de  citer 
Saint-Philibert  de  Tournus,  la  cathédrale  d'Autun,  l'église  du 
prieuré  de  Paray-le-Monial,  en  y  ajoutant,  puisqu'il  est  impos- 
sible de  passer  un  pareil  nom  sous  silence,  les  restes  de  l'église 
abbatiale  de  Cluny.  Ceux-là  sont  des  monuments  de  premier 
ordre,  mais  combien  d'autres  font  encore  bonne  figure  à  côté  : 
Anzy-le-Duc,  Bois-Sainte -Marie,  Chapaize,  Châteauneuf,  Gour- 
don,  Semur-en-Brionnais;  et  si  je  voulais  nommer  toutes  les 
églises  en  totalité  ou  en  grande  partie  romanes,  je  ne  crois  pas 
exagérer  en  vous  affirmant  que  mon  énumération  en  compren- 
drait bien  au  delà  d'une  centaine. 

A  quelle  région  mieux  qu'à  la  nôtre  peut-on  appliquer  le 
témoignage  du  chroniqueur  Raoul  Glaber,  qui  fut  moine  à 
Cluny  dans  la  première  moitié  du  xi"^  siècle  ?  Bien  qu'il  ait  été 
fort  souvent  cité,  permettez-moi  de  vous  le  redire  :  «  Comme 
la  3^  année  après  l'an  mil  était  sur  le  point  de  commencer,  on  se 
mit  par  toute  la  terre,  et  particulièrement  dans  les  Gaules  et  en 
Italie,  à  renouveler  les  vaisseaux  des  églises,  quoique  la  plupart 
fussent  assez  somptueusement  établis  pour  se  passer  d'une  telle 
opération.  Mais  chaque  nation  chrétienne  rivalisait  à  qui  aurait 
le  temple  le  plus  remarquable.  On  eût  dit  que  le  monde  se 
secouait  pour  dépouiller  sa  vieillesse  et  revêtir  une  robe  blanche 
d'églises.  Enfin  presque  tous  les  édifices  religieux,  cathédrales, 
moùtiers  des  saints,  chapelles  de  villages,  furent  convertis  par 
les  fidèles  en  quelque  chose  de  mieux.  » 

«  De  ce  fait  si  remarquable,  écrit  Jules  QjLiicherat,  qu'il  a  pu 
frapper  un  écrivain  indifférent  autant  qu'on  peut  l'être  au  mou- 


LES    ÉDIFICES    RELIGIEUX    DE    l'ÉPOQUE    ROMANE  239 

vement  des  arts,  on  a  saisi  depuis  longtemps  la  portée  morale  », 
mais  ce  n'est  pas  cela  ici  qui  nous  occupe,  et  «  le  texte  dit  plus 
que  cela.  En  effet,  quand  il  explique  que  des  monuments  déjà 
dignes  d'approbation  étaient  jetés  par  terre  pour  faire  place  à 
d'autres  monuments  plus  louables,  il  donne  à  entendre  que  la 
génération  de  l'an  mil  posséda  le  moyen  de  foire  mieux  ou,  pour 
le  moins,  autrement  que  les  générations  précédentes.  Il  constate 
donc  un  progrès  de  l'art.  » 

Avons-nous  au  moins  de  cette  époque  un  monument  daté, 
bien  authentique,  nous  démontrant  de  quelle  nature  fut  ce 
progrès  qui  ne  consista  pas  à  mieux  décorer  l'église  mais  à  la 
mieux  construire  ?  Saint-Philibert  de  Tournus  nous  offre  un  type 
remarquable  autant  qu'original  de  l'architecture  des  premières 
années  du  xi'  siècle.  Mais  est-ce  le  plus  ancien  de  nos  monu- 
ments, et  ne  pourrons-nous  pas  faire  ressortir  les  pratiques 
nouvelles  introduites  dans  l'art  du  bâtiment  par  comparaison 
avec  des  édifices  religieux  antérieurs  à  l'an  mil  ? 

Malheureusement  l'autre  terme  de  la  comparaison  nous 
échappe  :  nous  n'avons  pas  autour  de  nous  de  spécimen  d'archi- 
tecture d'une  antiquité  pareille,  si  ce  n'est  peut-être  dans 
quelques  parties  de  l'église  même  de  Saint-Philibert  de  Tournus. 
Et  d'ailleurs  je  suis  persuadé  que  l'interprétation  du  texte  du 
vieux  chroniqueur  ainsi  donnée  par  J.  Quicherat  dans  son 
étude  de  V Architecture  romane,  est  d'une  logique  trop  rigou- 
reuse. Il  ne  faut  pas  exagérer  outre  mesure  la  rénovation  très 
réelle  de  l'architecture  après  l'an  mil,  et  faire  correspondre  à 
cette  date  une  ligne  de  démarcation  trop  accusée  entre  deux 
époques  artistiques.  Comme  l'écrit  M.  Anthyme  Saint-Paul, 
«  bien  des  églises  bâties  avant  la  fin  du  x'^  siècle  et  même  dans 
les  dernières  années  du  ix^  ont  déjà  le  caractère  roman  que 
doivent  conserver  les  écoles  où  elles  sont  situées  et  peuvent  être 


240  CONGRÈS  ARCHÉOLOGiaUE  DE  MAÇON 

réunies  aux  églises  du  xi^  siècle,  tandis  qu'en  d'autres  régions  les 
types  ne  se  constituèrent  qu'à  la  fin  du  règne  de  Robert  ou 
même  plus 'tard  encore  ». 

Les  terreurs  de  l'an  mil  qui  expliqueraient  le  peu  de  solidité 
donnée  à  la  construction  des  églises,  puisque  d'un  seul  coup  la 
fin  du  monde  allait  tout  anéantir,  ne  furent  pas  si  universelles 
qu'on  l'a  cru  :  «Les  moines  et  les  évêques  combattirent  eux-mêmes 
cette  croyance  en  la  fin  du  monde,  en  expliquant  aux  peuples 
le  vrai  sens  du  passage  de  l'Apocalypse  qui  l'avait  provoqué. 
Abbon,  le  célèbre  abbé  de  Saint-Benoît-sur-Loire,  parcourut  la 
France  pour  réfuter  l'erreur  et  rendre  la  confiance  aux  fidèles.  » 

Quoi  qu'il  en  soit,  et  spécialement  pour  nous,  Saint-Philibert 
marque  l'avènement  de  l'architecture  romane.  On  peut  citer 
dans  le  voisinage  même  de  Tournus  deux  autres  églises,  celle  de 
Chapaize  et  celle  de  Farges,  desquelles  il  serait  bien  difficile  de 
dire  si  elles  sont  de  quelques  années  antérieures  ou  postérieures 
à  Saint-Philibert  :  en  raison  de  la  similitude  de  leur  structure 
on  peut  admettre  qu'elles  sont  contemporaines. 

Le  grand  nombre  d'églises  romanes  que  l'on  remarque  dans 
cette  région  de  la  Bourgogne,  notamment  sur  la  rive  droite  de  la 
Saône,  s'explique  surtout  par  l'abondance  d'excellents  matériaux 
de  construction.  Une  autre  cause  de  la  multiplication  des  édifices 
religieux  est  la  proximité  de  l'abbaye  de  Cluny,  dont  la  commu- 
nauté si  nombreuse  et  si  prospère  au  xi^  siècle  envoyait  dans 
tous  nos  environs  des  religieux  pour  installer  des  prieurés  qui 
furent  l'origine  d'une  multitude  de  paroisses. 

C'est  ici  peut-être  l'occasion  d'examiner  quelle  a  été  l'in- 
fluence de  Cluny  sur  le  développement  des  arts,  et  en  particu- 
lier de  l'architecture. 

Le  bruit  que  l'on  a  fait  autour  d'une  prétendue  école  Cluni- 
sienne  n'est  pas  encore  éteint.  Viollet-le-Duc  qui  regarde  Cluny 


LES   EDIFICES    RELIGIEUX    DE  l'ÉPOQUE    ROMANE  24 1 

comme  le  berceau  de  la  civilisation  moderne,  a  considérablement 
exagéré  l'influence  architecturale  de  la  grande  abbaye  pendant 
la  période  romane  :  il  parle  sans  cesse  de  l'école  clunisiennc,  sans 
que  l'on  puisse  jamais  discerner  à  quels  caractères  il  entend  qu'on 
la  reconnaisse.  Tout  ce  que  l'on  peut  admettre,  c'est  Cluny 
centre  de  l'école  bourguignonne.  Que  l'ordre  clunisien  se  soit 
distingué  par  son  goût  pour  les  arts,  pour  les  belles  constructions,  • 
c'est  incontestable  :  nous  n'en  voulons  pour  preuve  que  les 
éloquentes  récriminations  de  saint  Bernard  '  qui  semblent  viser 
directement  le  luxe  d'églises  telles  que  Cluny  ou  Vézelay;  mais 
il  n'a  pas  existé  d'école  clunisienne  ayant  eu  des  procédés 
propres.  Viollet-le-Duc,  hanté  de  cette  idée  que  l'art  roman  est 
purement  religieux  et  monastique,  emprisonné  dans  des  formules, 
ennemi  de  la  nouveauté  et  du  progrès,  va  jusqu'à  dire  :  «  Des 
centres  comme  Cluny,  lorsqu'ils  envoyaient  leurs  moines  cimen- 
teurs  pour  bâtir  un  prieuré  dans  un  lieu  plus  ou  moins  éloigné 
de  l'abbaye-mère,  les  expédiaient  avec  des  programmes  arrêtés, 
des  recettes  admises,  des  poncifs,  dont  ces  architectes  clercs  ne 
pouvaient  et  ne  devaient  s'écarter.  L'architecture,  soumise  ainsi 
à  un  régime  théocratique,  non  seulement  n'admettait  pas  de 
dispositions  nouvelles,  mais  reproduisait  à  peu  prés  partout  les 


I.  Dans  V Apologie  adressée  en  11 24  à  Guillaume,  abbé  de  Saint-Thierry  de 
Reims,  de  l'observance  de  Cluny,  saint  Bernard,  après  avoir  réprimandé  les 
abbés  de  la  pompe  mondaine  dont  ils  s'entouraient,  s'en  prend  A  «  la  hauteur 
des  églises,  leur  excessive  longueur,  l'inutile  ampleur  de  leurs  nefs,  leurs  riches 

matériaux  polis  avec  tant  de  soin,  leurs  peintures  occupant  le  regard qui, 

appelant  sur  elles  l'attention  des  fidèles  venus  pour  se   recueillir,    représentent 

assez   le  culte  tout  matériel   des  anciens  Juifs Aux   voûtes  sont 

appendues,  avec  un  grand  luxe,  non  des  couronnes,  mais  des  pierres  pré- 
cieuses, des  roues,  entourées  de  flambeaux  et  non  moins  brillantes  par  les 
matières  qui  y  sont  incrustées Au  lieu  de  candélabres,  des  arbres  gigan- 
tesques en  bronze  massif,  travaillés  avec  une  extrême  patience,  et  aussi  étince- 
lants  de  pierres  précieuses  que  de  lumières Que  ne  révérons-nous 

Congrès  ARCHÉoLor.iatE  dk  hwcoN.  '6 


242  CONGRES  ARCHHOLOGiaUE  DE  MAÇON 

mêmes  formes,  sans  tenter  de  progresser.  ^)  S'il  en  était  ainsi, 
et  il  est  facile  de  mettre  l'erreur  en  évidence  comme  l'a  fait 
M,  Anthyme  Saint-Paul,  l'archéologue  qui  a  le  mieux  et  le  plus 
complètement  réfuté  la  théorie  de  Viollet-le-Duc,  tous  les 
monuments  clunisiens  devraient  se  ressembler  :  or,  les  différentes 
écoles  provinciales  ont  soumis  à  leur  influence  toutes  les  con- 
'structions  clunisiennes  qui  se  trouvaient  dans  le  rayon  de  leur 
action  :  Saint-Etienne  de  Nevers  est  absolument  différent  de 
Cluny;  l'église  clunisienne  de  Mozat  dans  le  Puy-de-Dôme 
présente  les  caractères  du  style  auvergnat;  Saint-Martin-des- 
Champs,  à  Paris,  dont  le  chœur  reconstruit  vers  1130,  au 
moment  même  où  s'achevait  l'abbaye-mère  consacrée  en  1131, 
ne  suit  en  rien    les  traditions  de  l'école  bourguignonne. 

Il  y  a  quelques  jours,  je  visitais  dans  le  Jura  suisse  la. célèbre 
abbaye  de  Romainmotier  que  l'on  a  appelée  le  Cluny  de  la 
Suisse,  et  qui  fut  soumise  à  notre  abbaye  bourguignonne  dès 
la    première    moitié   du   x^  siècle.   L'église    passe    pour    avoir 

du  moins,  poursuit  saint  Bernard,  les  saintes  images  dont  est  pavé  le  sol  que 
l'on  foule  aux  pieds  ?  Souvent  on  crache  sur  la  bouche  d'un  ange,  souvent  le 
talon  des  passants  frappe  le  visage  d'un  saint.  Et  pourquoi,  si  l'on  ne  veut  pas 
épargner  ces  figures  sacrées,  pourquoi  du  moins  ne  pas  ménager  les  riches 
couleurs  ?  Pourquoi  décorer  ce  qui  doit  être  aussitôt  souillé,  pourquoi  peindre  ce 
qui  doit  inévitablement  être  foulé  aux  pieds  ?  Que  font  ces  belles  formes  quand 
elles  sont  criblées  de  poussière  ?.. Dans  les  cloîtres,  devant  des  con- 
frères occupés  à  lire,  que  vient  faire  cette  ridicule  monstruosité,  cette  espèce 
de  beauté  curieusement  difforme  ou  cette  belle  difformité  ?  A  quoi  bon  ces- 
singes  impurs,  ces  lions  furieux,  ces  centaures  monstrueux,  ces  sagittaires  ? 
Que  signifient  ces  tigres  tachetés,  ces  soldats  en  bataille,  ces  chasseurs  donnant 
du  cor  ?  Ici  est  un  quadrupède  à  queue  de  serpent,  là  un  poisson  à  tète  de 
quadrupède.  Voici  une  bête,  cheval  par  devant  et  chèvre  par  derrière  ;  voilà 
un  animal  cornu  terminé  en  cheval.  On  voit  plusieurs  corps  pour  une  tête,  et 
plusieurs  têtes  pour  un  seul  corps.  Telle  est  pourtant  l'étonnante  variété  de 
ces  formes  fantastiques  qu'on  a  plus  de  plaisir  à  lire  sur  le  marbre  que  dans 
son  livre,  et  qu'on  aime  mieux  passer  le  temps  à  les  admirer  tour  à  tour  qu'à 
méditer  sur  la  loi  de  Dieu » 


LES    ÉDIFICES    RELIGIEUX    DE   l'ÉPOQUE    ROMANE  2^3 

été  reconstruite  au  début  du  xi^  siècle,  sous  le  gouvernement  de 
l'abbé  Odilon,  opinion  qui  me  paraît  en  partie  justifrée.  Or,  loin 
de  constater  dans  ce  monument  une  analogie  même  lointaine 
avec  l'abbaye-mère,  j'ai  constaté  une  similitude  frappante  avec 
deux  églises  monastiques  de  ce  département,  qui  n'ont  jamais 
appartenu  à  Cluny,  je  veux;dire  avec  Saint-Philibert  de  Tour- 
nus  et  Chapaize. 

D'un  autre  côté,  il  est  impossible^en  Bourgogne  de  distinguer 
par  le  style  les  églises  clunisiennes  de  celles  qui  ne  le  sont  pas. 
Dans  les  environs  mêmes  de  Cluny,  parmi  ces  prieurés  qui  s'éle- 
vaient si  serrés  à  l'ombre  de  l'église? abbatiale,  les  églises  con- 
struites par  les  moines  ne  diffèrent  pas  des  autres  et  n'ont  entre 
elles  aucune  analogie  évidente.  Les  distinctions  que  l'on  peut 
y  établir  sont  individuelles,  et  tous  ces  monuments  appar- 
tiennent à  ce  qu'on  est  convenu  d'appeler  l'école  bourgui- 
gnonne. 

Presque  toujours  bien  orientées,  en  vertu  d'une  coutume 
liturgique, 'c'est-à-dire  tournées  de  manière  à  présenter  le  chœur 
à  l'orient,  la  façade  principale  à  l'occident,  nos  églises  sont 
construites  différemment  suivant  qu'on  les  trouve  dans  le  bassin 
de  la  Loire  ou  dans  la  vallée  de  la  Saône,  et  cette  observation 
m'amène  à  ouvrir  encore  une  parenthèse  pour  répondre  tout 
de  suite  cà  une  question  du  programme. 

Peut-on  signaler  des  différences  sensibles  dans  rarchitccture  des 
diocèses  de  Mâcon,  de  Chalon  et  d'Autun  ?  —  Non,  il  n'y  a  pas,  de 
diocèse  à  diocèse,  de  différences  qui  méritent  d'être  signalées  : 
la  seule  remarque  que  j'ai  pu  faire,  c'est  que  dans  l'ancien  dio- 
cèse d'Autun  beaucoup  de  nefs  d'églises,  comme  cà  Anzy-le-Duc, 
Bragny-en-Charollais,  Gourdon,Toulon-sur-Arroux  sont  voûtées 
d'arêtes,  tandis  que  l'ancien  diocèse  de  Mâcon  se  distingue  par 
l'emploi  exclusif  de  la  voûte  en  berceau. 


244  CONGRES  ARCHEOLOGIQUE  DE  MAÇON 

Il  est  incontestable-  aussi  que  certains  édifices,  la  cathédrale 
d'Autun  par  exemple,  ont  eu  dans  leur  voisinage,  comme  sur 
l'église  de  Laizy,  une  influence  évidente,  mais  je  ne  crois  pas 
possible  de  différencier  nettement  les  caractères  de  l'architec- 
ture d'un  de  nos  trois  anciens  diocèses  par  rapport  aux  deux 
autres.  Ici  et  là  se  retrouvent  les  caractères  communs  à  toute 
l'école  de  Bourgogne;  et  cependant  les  monuments  du  Brionnais 
et  en  général  ceux  de  la  vallée  de  la  Loire  se  distinguent  au 
premier  coup  d'œil  de  ceux  du  Chalonnais  ou  du  Maçonnais. 
Là,  c'est  la  beauté  de  l'appareil,  la  richesse  dans  la  décoration, 
une  sculpture  grasse  et  abondante,  des  détails  soignés;  ici,  une 
construction  sévère  en  petits  moellons  plus  ou  moins  réguliè- 
rement disposés,  et  la  décoration  réduite  à  sa  plus  simple  expres- 
sion. Il  ne  fliut  pas  chercher  l'explication  de  cette  différence 
ailleurs  que  dans  la  nature  des  matériaux  que  l'on  a  pris  presque 
partout  sur  place  pour  construire  les  églises. 

Dans  la  partie  du  département  qui  appartient  au  bassin  de  la 
Loire,  en  maints  endroits  la  pierre  se  retire  par  bancs  d'une 
certaine  épaisseur  et  se  taille  facilement,  tandis  que  les  carrières 
de  la  vallée  de  la  Saône  offrent  généralement  des  matériaux 
d'une  structure  serrée,  cassante,  peu  propre  au  travail  du  sculp- 
teur. Voilà  pourquoi  nous  trouvons  d'un  côté  l'emploi  fréquent 
de  colonnettes  surmontées  de  chapiteaux  délicatement  sculptés, 
de  pilastres  couverts  de  cannelures  et  d'ornements  variés,  des 
linteaux  et  des  tympans  où  sont  représentés  des  personnages  en 
demi-relief;  et  de  l'autre,  une  ornementation  très  pauvre  qui 
contredit  la  vieille  réputation  de  richesse  de  l'architecture  bour- 
guignonne. Il  suffit  de  citer  les  noms  de  quelques  édifices  : 
Semur-en-Brionnais,  Saint-Julien-de-Jonzy,  Anzy-le-Duc,  Bois- 
Sainte-Marie,  Paray-le-Monial  d'un  côté,  et  de  l'autre  Saint- 
Philibert  de  Tournus,   Uchizy  et  Saint-Hippolyte,  pour  que  le 


à 


LES    EDIFICES    RELIGIEUX    DE    L  EPOQ.UE    ROMANE  245 

contraste  s'établisse  dans  l'esprit  de  ceux  qui  ont  visité  ces 
régions. 

Dans  la  vallée  de  la  Saône,  au  xi^  siècle,  la  construction  en 
petits  moellons  est  seule  en  usage;  la  présence  du  moyen  appareil 
suffit  souvent  à  caractériser  une  reprise  du  xir  siècle:  à  Tournus 
par  exemple  le  narthex  et  la  nef  sont  en  petits  moellons,  tandis 
que  les  étages  supérieurs  des  clochers  et  la  grande  abside  sont 
construits  en  pierres  d'appareil;  à  Chapaize,  le  chœur  du  xii' 
siècle  se  distingue  ainsi  du  reste  de  l'église  bâtie  au  début  du 
xi^  siècle;  à  Màcon,  au  Vieux  Saint-Vincent,  la  base  des  tours  est 
formée  de  pierres  de  petit  échantillon,  mais  on  ne  peut  pas 
étendre  cette  observation  à  la  partie  occidentale  du  département. 

En  abordant  l'étude  des  caractères  généraux  de  l'architecture 
romane  en  Saône-et-Loire,  je  rappelle  sommairement  que  l'école 
bourguignonne,  placée  entre  l'école  des  bords  du  Rhin  et  l'école 
provençale,  participe  des  deux,  et  de  la  seconde  surtout.  Elle  a  en 
commun  avec  la  première  ces  plates-bandes  verticales  qui  divisent 
les  parois  extérieures  des  murs,  et  qu'on  a  appelées  «  bandes 
lombardes  »,  allant  joindre  sous  les  corniches  de  petites  arcatures 
en  plein  cintre  servant  de  modillons.  Ce  genre  d'ornementation 
qu'on  retrouve  très  fréquemment  dans  la  vallée  de  la  Saône  se 
rencontre  aussi  non  seulement  dans  les  églises  rhénanes,  mais 
en  Lombardie  et  en  Fouille,  à  Saint-Trophime  d'Arles,  à  Bourg- 
Saint-Andéol,  en  Catalogne,  et  même  jusqu'en  Suéde. 

De  même  qu'en  Provence,  on  trouve  en  Bourgogne  l'emploi 
du  berceau  brisé:  on  le  constate  chez  nous  dès  le  xi*-'  siècle.  Si 
nous  avions  besoin  du  plein  cintre  pour  caractériser  l'architec- 
ture romane,  nous  ne  saurions  pas  comment  classer  les  deux 
tiers  de  nos  églises  construites  au  xi'=  etauxii^  siècle. 

L'influence  de  l'école  auvergnate  se  retrouve  dans  un  certain 
nombre  de  localités,  notamment  à  Tournus. 


246  CONGRÈS  ARCHÈOLOGiaUE  DE  MAÇON 

Nous  avons  bien  peu  de  dates  de  construction  pour  nos 
monuments.  Si  nous  ne  sommes  pas  trop  embarrassés  pour  leur 
classification  chronologique,  grâce  à  la  comparaison  des  caractères 
qui  nous  permet  de  reconnaître  si  tel  édifice  est  antérieur  ou 
postérieur  à  tel  autre,  il  est  moins  aisé  de  fixer  l'époque  précise 
à  laquelle  il  a  été  bâti.  Aussi,  sauf  pour  certaines  églises  cons- 
truites sous  l'influence  immédiate  de  l'abbaye  de  Tournus,  dont 
l'église  fut  consacrée  en  10 19,  et  que  nous  n'hésitons  pas  à 
attribuer  à  la  première  moitié  du  xi^  siècle,  sauf  pour  les  églises 
qui  ont  avec  l'abbatiale  de  Cluny  une  analogie  de  construction 
évidente,  pour  celles  où  l'on  retrouve  les  mêmes  dispositions,  la 
même  ornementation  qu'à  Saint-Marcel  de  Cluny  reconstruit 
en  II 59,  ou  que  dans  certaines  églises  à  date  connue  des  dépar- 
tements limitrophes,  comme  Belleville-sur-Saône^  dont  la  pre- 
mière dédicace  eut  lieu  en  1158  et  la  deuxième  consécration  en 
II 79,  ou  Saint-Nicolas  de  Beaujeu,  construit  en  11 27  et  con- 
sacré en  II 32,  l'hésitation  est  aussi  grande  que  légitime  quand 
il  faut  dire  si  une  église  appartient  à  la  fin  du  xi^  ou  au  premier 
quart  du  xii^  siècle. 

La  construction  bourguignonne  est  éminemment  solide,  le 
grand  nombre  d'églises  actuellement  existantes  et  datant  du 
xi^  ou  du  XII'  siècle  en  est  une  preuve  irréfutable.  La  pierre 
étant  abondante,  on  n'a  pas  cherché  à  l'économiser,  et  on  agéné- 
ralement  donné  une  grande  épaisseur  aux  murs,  là  même  où  les 
nefs  n'étaient  pas  voûtées. 

Fréquemment  les  toitures  sont  posées  directement  sur  les 
reins  des  voûtes  ;  elles  sont  faites  à  angle  très  ouvert,  et  par 
conséquent  très  plates,  et  exclusivement  en  dalles  de  pierre 
appelées  «  laves  »  dans  tout  le  pays  qui  s'étend  sur  la  rive 
droite  de  la  Saône.  Dans  un  certain  nombre  de  nos  égfises  soit 
du  Chalonnais,  soit  du  Maçonnais  comme  Saint-Martin-de-Laives 


LES   ÉDIFICES    RELIGIEUX    DE    l'ÈPOQ.UE    RO.MAXE  247 

et  Saint-Julien,  près  Sennecey-le-Grand,  l'emploi  de  la  pierre 
a  été  si  exclusif  que,  même  en  haut  des  clochers,  la  pyramide 
courte  en  laves  constituant  la  toiture  vient  reposer  sur  une 
voûte  en  forme  de  coupole  :  ce  qui  démontre  bien  l'erreur  trop 
souvent  commise  dans  la  restauration  de  nos  clochers  quand  on 
y  adapte  une  pyramide  aiguë  ou  une  flèche  :  l'amortissement 
des  tours  romanes  de  nos  régions  doit  être  une  toiture  très  sur- 
baissée qui  conserve  au  monument  son  caractère  et  son  style. 
On  a  bien  élevé  au  xii^  siècle  des  pyramides  en  maçonnerie 
d'un  angle  sensiblement  plus  aigu,  mais  le  nombre  en  est  si 
restreint  qu'on  peut  les  considérer  comme  des  exceptions. 

Examinons  maintenant  le  plan  de  nos  édifices  :  le  plus  simple 
consiste  en  une  nef  immédiatement  suivie  d'une  abside  en 
hémicycle.  Ce  plan  ne  comporte  pas  de  clocher,  mais  simplement 
un  clocher-arcade  au-dessus  du  mur  qui  sépare  la  nef  de  l'abside 
comme  à  Saint-Martin-de-Lixy. 

Un  second  plan  très  fréquemment  adopté  est  le  suivant  :  une 
nef  voûtée  ou  plus  souvent  non  voûtée,  suivie  d'une  travée  de 
chœur  généralement  couverte  par  une  coupole  au-dessus  de 
laquelle  s'élève  le  clocher,  et  d'une  abside  en  hémicycle.  C'est 
le  type  le  plus  habituel. 

Lorsque  la  travée  de  chœur  précédant  l'abside  est  flanquée 
d'un  croisillon  à  droite  et  à  gauche  et  devient  ainsi  une  croisée 
de  transept,  on  a  le  plan  en  forme  de  croix  latine. 

Dans  les  églises  à  trois  nefs  le  plan  le  plus  simple  consiste  en 
trois  nefs  voûtées  suivies  d'un  transept  sans  saillie  à  l'extérieur, 
et  d'un  chœur  composé  simplement  d'une  abside  en  hémicycle 
ouvrant  directement  sur  la  croisée  du  transept,  comme  à  Farges, 
Saint-Vincent-des-Prés,  Sigy-le-Chcâtel. 

A  Uchizy  et  à  Saint-Hippolyte,  nous  remarquons  trois  neis 


248  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  MAÇON 

voûtées  communiquant  avec  un  transept  faisant  saillie  à  l'exté- 
rieur, et  un  chœur  formé  d'une  travée  droite  et  d'une  abside  en 
hémicycle;  Une  absidiole  est  ouverte  dans  le  mur  oriental  de 
chaque  croisillon. 

La  disposition  est  encore  différente  A  Chapaize,  à  Iguerande, 
à  Châteauneuf,  à  Saint-Laurent-en-Brionnais  :  ce  sont  trois  nefs 
voûtées,  coupées  par  un  transept  faisant  plus  ou  moins  saillie  à 
l'extérieur,  et  un  chœur  qui  est  le  prolongement  des  trois  nefs, 
chaque  partie  étant  composée  d'une  travée  droite  et  d'une  abside 
ou  absidiole  en  hémicycle. 

Toutes  ces  variétés  de  plan  ont  été  employées  concurremment 
et  ne  permettent  pas  d'assigner  une  date  aux  édifices. 

A  la  cathédrale  d'Autun,  nous  trouvons  trois  nefs,  un  tran- 
sept faisant  saillie  à  l'extérieur,  et  un  chœur  en  hémicycle,  pré- 
cédé de  deux  travées  droites  et  flanqué  de  deux  absidioles.  Il 
n'y  a  pas  de  déambulatoire. 

Celui-ci  existe  d'ailleurs  assez  rarement  :  on  en  voit  à  Tour- 
nus,  à  Bois-Sainte-Marie,  à  Paray-le-Monial,  et  il  y  en  avait  un 
à  Cluny. 

Quant  au  plan  de  l'église  abbatiale  de  Cluny,  conçue  dans  les 
proportions  gigantesques  que  vous  s.ivez,  il  ne  peut  être  comparé 
à  ceux  que  nous  venons  de  décrire.  Au  delà  du  narthex  élevé 
vers  1220  par  l'abbé  Rolland,  qui,  bien  gothique  par  ses  voûtes 
établies  sur  croisées  d'ogives,  offrait  cependant  un  exemple,  fré- 
quent en  Bourgogne,  de  la  persistance  du  style  en  usage  au  siècle 
précédent  par  l'emploi  des  pilastres  cannelés  accompagnés  d'une 
ornementation  purement  romane,  nous  trouvons  une  nef  prin- 
cipale flanquée  à  droite  et  à  gauche  d'un  double  collatéral. 
Après  la  onzième  travée,  les  nefs  étaient  coupées  par  un  pre- 
mier transept,  le  plus  grand  dont  vous  avez  vu  le  croisillon  méri- 
dional, où  s'ouvraient  quatre  chapelles  en  hémicycle;   puis  les 


LES    EDIFICES    RELIGIEUX    DE    L  ÉPOCIUE    ROMANE  249 

cinq  nefs  se  prolongeaient  encore  pendant  deux  travées;  puis 
c'était  le  deuxième  transept,  et  enfin  le  chœur  entouré  d'un  déam- 
bulatoire avec  cinq  chapelles  rayonnantes. 

Si  de  l'examen  du  plan  nous  passons  à  celui  des  voûtes,  nous 
constaterons  que  la  plus  grande  partie  des  églises  à  une  seule  nef 
sont  plafonnées  dans  toute  la  longueur  de  la  nef,  et  ne  présentent 
de  voûtes  qu'au  chœur  :  c'est  généralement  une  coupole  octo- 
gonale ou  ovoïde  sur  trompes  en  cul-de-four  qui  couvre  la  tra- 
vée au-dessus  de  laquelle  s'élève  le  clocher  :  c'est  toujours  un 
cul-de-four  plein  cintre  ou  brisé  que  l'on  trouve  au-dessus  de 
l'abside  et  des  absidioles. 

On  rencontre  cependant  à  Chissey,  à  Laize  et  à  Ameugny  des 
églises  à  une  seule  nef  voûtée  en  berceau  brisé,  renforcé  par  des 
doubleaux  en  cintre  brisé,  mais  ce  sont  plutôt  des  exceptions. 

Dans  les  églises  à  trois  nefs,  nef  et  collatéraux  sont  toujours 
voûtés.  La  nef  a  presque  toujours  un  berceau  brisé  renforcé 
par  des  doubleaux  ;  à  Farges  seulement  on  ne  trouve  pas  de 
doubleaux,  mais  les  dimensions  de  la  nef  sont  si  restreintes  et 
les  supports  tellement  massifs  que  les  dangers  offerts  par  la 
poussée  de  la  voûte  n'étaient  vraiment  pas  à^'craindre.  La  pré- 
sence constante  de  voûtes  en  berceau  au-dessus  de  la  grande  net 
est,  comme  je  l'ai  dit  plus  haut,  un  caractère  spécial  à  la  vallée 
de  la  Saône,  car  dans  la  vallée  de  la  Loire  et  notamment  dans 
l'ancien  diocèse  d'Autun,  à  Anzy-le-Duc,  à  Gourdon,  A  1  an- 
cienne église  de  Toulon-sur-Arroux,  à  Bragny-en-Charollais, 
la  nef  est  voûtée  par  des  compartiments  d'arêtes. 

La  forme  plein-cintre  au  berceau  de  la  nef  se  rencontre  assez 
rarement  :  on  peut  en  citer  toutefois  des  exemples,  à  S.iiiu-\  in- 
cent-des-Prés,  à  Iguerande.  Quant  à  la  voûte  de  Saint-Philibert 
de  Tournus,  composée  d'une  série  de  berceaux  transversaux, 
elle  est  à  l'état  d'exception. 


250  CONGRES  ARCHEOLOGIQUE  DE  MAÇON 

Les  collatéraux  sont  voûtés  par  des  compartiments  d'arêtes 
séparés  par  des  doubleaux,  rarement  en  berceau  plein  cintre.  On 
remarque  à  Brancion,  dans  l'ancien  diocèse  de  Chalon,  un  bas- 
côté  couvert  par  un  demi-berceau  contrebutant  la  voûte  de  la 
nef.  Vous  verrez  aussi  des  demi-berceaux  au  premier  étage  du 
narthex  de  Saint-Philibert  de  Tournus  :  ce  n'est  d'ailleurs  pas  la 
seule  particularité  commune  avec  les  monuments  de  l'Auvergne 
que  présente  cet  édifice. 

Le  clocher  repose  habituellement  sur  une  voûte  en  coupole 
octogonale  ou  ovoïde  sur  trompes  en  cul-de-four;  mais  en  cette 
même  place,  le  berceau  plein  cintre  ou  brisé  constitue  une 
exception  encore  assez  fréquente  à  la  règle.  Dans  les  églises 
construites  avec  un  certain  luxe  comme  l'abbatiale  de  Cluny, 
Paray-le-Monial,  Saint-Philibert  de  Tournus,  Châteauneuf,  la 
coupole  qui  s'élève  au-dessus  de  la  croisée  a  été  montée  au 
xii^  siècle,  de  façon  à  former  une  véritable  lanterne. 

Lorsque  le  chœur  comprend  une  travée  droite  avant  l'abside, 
cette  travée  est  voûtée  par  un  compartiment  d'arêtes  ou  plus 
souvent  encore  par  un  berceau  plein  cintre  ou  brisé.  Quand  une 
travée  vient  s'interposer  entre  les  absidioles  et  les  croisillons, 
cette  travée  est  voûtée  de  la  même  façon  que  les  collatéraux. 

Les  croisillons  du  transept  sont  généralement  voûtés  en  ber- 
ceau plein  cintre  ou  brisé  perpendiculaire  à  la  nef.  Dans  quelques 
églises  où  la  nef  est  voûtée  en  berceau  brisé,  les  croisillons  sont 
couverts  par  un  berceau  en  plein  cintre. 

Le  berceau  plein  cintre  ou  brisé,  la  voûte  d'arêtes,  la  coupole 
au-dessous  des  clochers,  voilà  donc  les  seuls  genres  de  voûte 
pratiqués  dans  cette  partie  de  la  Bourgogne  à  l'époque  romane, 
c'est-à-dire  au  xi^  et  au  xii^  siècles.  La  voûte  sur  croisée  d'ogives 
y  est  totalement  inconnue. 

Ces  voûtes  ont  été  portées  à  des  hauteurs  différentes  :  il  y  a 


LES  ÉDIFICES    RELIGIEUX    DE    l'ÉPOQUE    ROM.WE  2)1 

un  contraste  entre  les  voûtes  surbaissées  établies  au  xi*^  siccle 
à  l'église  de  Farges  et  à  Saint- Vincent-des-Prés,  et  les  voûtes 
majestueuses,  aussi  élevées  que  celles  des  cathédrales  gothiques, 
que  vous  avez  pu  admirer  à  Cluny  et  à  Paray-le-Monial.  En 
général,  les  voûtes  bourguignonnes  sont  assez  hautes;  tantôt  la 
nef  s'élève  notablement  au-dessus  des  bas  côtés,  ce  qui  permet 
de  l'éclairer  directement  par  des  fenêtres  en  plein  cintre;  tantôt 
les  bas  côtés  sont  montés  de  telle  sorte  qu'une  seule  toiture  à 
deux  rampants  couvre  les  trois  nefs,  et  la  lumière  n'est  fournie 
que  par  la  façade  et  les  collatéraux.  A  Châteauneuf,  où  les  collaté- 
raux ont  des  voûtes  très  élevées,  l'architecte  a  ouvert  dans  les 
murs  de  la  nef  des  fenêtres  en  pénétration  dans  la  voûte. 

On  peut  se  demander  s'il  n'y  a  pas  à  tirer  de  la  hauteur  rela- 
tive des  voûtes  ou  de  leur  brisure  des  éléments  sérieux  pour 
dater  les  églises:  je  ne  le  crois  pas.  Dès  une  époque  très  reculée, 
on  a  monté  des  voûtes  à  une  très  grande  hauteur,  témoin 
l'église  de  Saint-Philibert  de  Tournus  :  il  est  vrai  que  dans  cet 
exemple  l'artifice  employé,  emprunté  déjà  aux  voûtes  du  rez-de- 
chaussée  du  narthex  de  la  même  église,  n'a  guère  été  imité. 
L'architecte  a  imaginé,  pour  élever  sans  danger  les  murs  latéraux 
percés  de  vastes  fenêtres  en  les  déchargeant  de  la  poussée  des 
voûtes,  de  faire  une  série  de  berceaux  perpendiculaires  à  l'axe 
qui  se  contrebutent  les  uns  les  autres  et  annihilent  la  poussée. 

Pourquoi  ce  système  n'a-t-il  pas  rencontré  plus  d'imitateurs  ? 
Ne  serait-ce  qu'une  question  d'esthétique,  et  le  goût  des  archi- 
tectes bourguignons  a-t-il  été  choqué  de  la  perspective  heurtée  et 
disgracieuse  d'une  nef  ainsi  voûtée?  Quoi  qu'il  en  soit,  nos 
ancêtres  ont  trouvé  de  bonne  heure  dans  le  berceau  brisé  un 
moyen  d'atténuer  les  inconvénients  de  la  voûte  en  berceau  plein 
cintre  qui  déversait  peu  à  peu  les  murs  et  les  piles  en  dehors. 
Viollet-le-Duc  dit  que  le  berceau  brisé  fut  adopté  dans  une  par- 


252  CONGRES  ARCHEOLOGiaUE  DE  MAÇON 

tie  de  la  Bourgogne  dès  le  commencement  du  xii^  siècle  :  il  est 
permis  d'aller  plus  loin  que  lui  et  d'affirmer,  comme  Jules 
Quicherat,  que  le  xi^  siècle  l'employait  déjà. 
'  Ainsi,  dès  le  xi*  siècle,  et  peut-être  dès  la  première  moitié  du 
XI*  siècle,  la  forme  du  plein  cintre  a  été  heureusement  modifiée 
en  Bourgogne  par  l'emploi  très  fréquent  du  cintre  brisé.  Mais  il 
faut  se  garder  de  tirer  cette  conclusion  qu'une  église  dont  les 
voûtes  et  les  arcs  sont  en  plein  cintre  est  rigoureusement  plus 
ancienne  que  telle  autre  où  l'on  a  fait  usage  du  cintre  brisé.  La 
première  forme  est  évidemment  la  plus  ancienne,  mais  elle  a  été 
employée  pendant  longtemps  après  que  l'autre  était  déjà  fort 
répandue,  et  l'on  pourrait  citer  des  édifices  où  tous  les  arcs  en 
plein  cintre  sont  d'une  construction  postérieure  d'environ  un 
siècle  aux  arcs  brisés  de  tel  autre.  A  Saint-Laurent-en-Brionnais, 
première  moitié  du  xii^ siècle,  règne  le  plein  cintre;  àChapaize, 
première  moitié  du  xi^  siècle,  le  cintre  brisé.  Quelques  églises 
oftVent  un  mélange  de  plein  cintre  et  de  cintre  brisé.  C'est  dans 
la  vallée  de  la  Loire  que  le  plein  cintre  s'est  le  mieux  défendu. 

Une  meilleure  indication,  quand  il  s'agit  de  dater  un  monu- 
ment, se  tire  du  doublement  des  arcs:  il  est  certain  que  les  arcs 
les  plus  anciens  sont  simples,  et  que  ce  n'est  qu'avec  le  temps, 
dans  le  but  d'abord  d'ajouter  à  leur  solidité,  puis  dans  un  but  de 
décoration,  qu'on  s'est  mis  à  doubler  les  arcs  et  arcades.  Dans 
notre  région,  il  ne  faut  guère  compter  sur  le  profil  des  moulures 
comme  élément  de  date  :  car  beaucoup  d'édifices,  du  côté  de  la 
vallée  de  la  Saône,  sont  totalement  dépourvus  d'ornemen- 
tation. En  outre,  il  ne  faut  rien  attendre  du  profil  des  claveaux 
des  grandes  arcades  qui  sont  toujours  à  arêtes  vives.  Les  grandes 
arcades  de  la  nef  sont  en  plein  cintre,  non  doublées,  à  Chapaize,  à 
Iguerande;  elles  sont  en  cintre  brisé  non  doublées  à  Larges,  à 
Saint-Vincent-des-Prés,  à  Uchizy;  elles  sont  en  cintre  brisé, 
doublées,  à  Chcâteauneuf. 


LES   ÉDIFICES    RELIGIEUX    DE    l'ÉPOQ.UE    ROMANE  2)3 

-  Les  grandes  arcades  de  la  croisée  du  transept  sont  doublées 
plus  fréquemment;  il  s'agissait  d'abord  de  soutenir  d'une  façon 
efficace  la  masse  du  clocher,  et  d'un  autre  côté  l'arc  doublé 
nécessitant  des  pieds-droits  en  plus,  on  pouvait  orner  l'entrée 
du  chœur  avec  des  colonnes  engagées  qui  jouent  un  rôle  utile 
dans  la  construction.  Il  en  est  ainsi  à  Iguerande,  à  Péronne,  à 
Chânes,  à  Pierreclos,  Châteauneuf,  Vauban,  Ligny,  Saint-Lau- 
rent-en-Brionnais.  Ailleurs,  à  Chapaize,  à  Farges,  Saint-Vincent- 
des-Prés,  Ameugny,  Blanot,  Donzy-le-Pertuis,  Uchizy,  etc., 
églises  appartenant  au  xi'=  siècle,  les  grandes  arcades  de  la  croi- 
sée ne  sont  pas  doublées. 

En  examinant  le  plan  des  piliers,  nous  voyons  que  la 
forme  la  plus  simple,  la  plus  ancienne  aussi,  est  la  lorme  cylin- 
drique. Les  gros  massifs  ronds  en  maçonnerie  qui  soutiennent 
les  voûtes  du  narthex  et  celles  de  la  nef  dans  l'église  Saint- 
Philibert  à  Tournus,  se  retrouvent  à  Farges,  à  Chapaize  et  à 
Saint-Vincent-des-Prés.  On  ne  rencontre  cette  catégorie  de  piliers 
que  dans  des  édifices  de  la  première  moitié  du  xi'^  siècle. 

Le  pilier  rectangulaire,  contemporain  du  pilier  circulaire,  est 
assez  rare  :  on  en  constate  l'existence  à  la  croisée  du  transept  de 
l'église  de  Farges. 

Le  pilier  cruciforme,  simple,  sans  application  de  pilastres  ni 
de  colonnes  engagées,  est  ancien  aussi:  on  le  trouve  notamment 
à  l'église  d'Uchizy,  qui  est  de  la  seconde  moitié  du  xi^  siècle. 

On  remarque  à  la  nef  d'Iguerande  des  piliers  élevés  sur  un 
plan  carré,  cantonnés  sur  les  quatre  faces  de  colonnes  engagées, 
qui  doivent  être  de  la  fin  du  xi<=  siècle  :  souvent  au  lieu  de  quatre 
colonnes,  on  n'en  trouve  que  trois  et  un  pilastre  à  la  quatrième 
face;  généralement  le  pilastre  est  tourné  vers  le  collatéral, 
d'autres  fois  vers  la  nef,  quand  il  est  garni  de  cannelures,  comme 
à  Cluny,  à  Paray-le-Monial,  à  Autun. 


:254  CONGRES  ARCHEOLOGIQ.UE  DE  MAÇON 

Le  plan  le  plus  compliqué  est  celui  d'un  pilier  cruciforme  can- 
tonné de  colonnes  ou  de  pilastres  :  on  le  rencontre  à  la  croisée 
du  transept  de  l'église  d'Iguerande,  à  celle  de  l'église  de  Château- 
neuf,  et  aussi  à  Saint-Laurent-en-Brionnais. 

Deux  grandes  divisions  s'imposent  dans  l'examen  des  nefs, 
suivant  qu'elles  sont  uniques  ou  flanquées  de  collatéraux:  c'est 
dans  la  première  que  l'on  range  la  majorité  des  églises  rurales, 
généralement  plafonnées  et  sans  intérêt.  A  Taizé  et  à  Chissey, 
où  la  nef  est  voûtée,  des  arcades  en  cintre  brisé,  appliquées 
contre  les  murs  latéraux,  supportent  les  sommiers  de  la  voûte; 
à  Ameugny,  on  voit  de  gros  pilastres  soutenir  à  leurs  retombées 
les  arcs  doubleaux  ;  à  Chissey,  des  colonnes  engagées  remplissent 
le  même  office. 

Les  églises  à  nef  et  collatéraux  sont  entièrement  voûtées  : 
lorsque  la  nef  n'a  pas  de  fenêtres,  l'élévation  intérieure  est  fort 
simple  :  le  nu  du  mur  qui  s'élève  au-dessus  des  grandes  arcades 
se  continue  par  la  courbe  de  la  voûte,  voûte  simple  et  sans  divi- 
sions comme  à  Farges,  partagée  par  des  doubleaux  comme  à  Saint- 
Vincent-des-Prés . 

Les  nefs  de  Saint-Philibert  de  Tournus  et  de  Chapaize  offrent 
un  type  beaucoup  plus  curieux  :  les  voûtes  sont  munies  de  dou- 
bleaux portant  à  leurs  impostes  sur  des  colonnes  engagées  dans 
les  murs  gouttereaux.  A  leur  base,-  ces  colonnes  engagées  reposent 
elles-mêmes  sur  le  tailloir  des  gros  piliers  cylindriques  qui  sou- 
tiennent les  retombées  des  grandes  arcades.  Dans  l'axe  de  chaque 
travée,  au-dessus  de  la  grande  arcade,  s'ouvre  une  fenêtre  en 
plein  cintre.  A  Uchizy,  des  pilastres  rectangulaires  servent  de 
pieds-droits  aux  doubleaux  de  la  voûte.  Toutes  ces  nefs  sont 
absolument  dénuées  d'ornementation. 

A  Châteauneuf-en-Brionnais,  où  la  nef  est  assez  richement 
décorée  par  des  cordons  de  perles  et  des  bandeaux  chargés  de 


LES  ÉDIFICES    RELIGIEUX    DE  L  EPOQ.UE    ROMANE  255 

petits  disques  plats,  qui  courent  au-dessus  des  grandes  arcades 
dans  toute  la  longueur  de  l'édifice,  il  n'y  a  ni  triforium  comme 
à  l'église  de  Semur-en-Brionnais,  ni  ces  arcatures  aveugles  que 
l'on  voit  à  la  cathédrale  d'Autun,  à  Toulon-sur- Arroux,  à  Gour- 
don,  à  Paray-le-Monial,  et  qui  existaient  aussi  à  l'église  abba- 
tiale de  Cluny. 

Les  collatéraux,  d'une  largeur  généralement  moitié  moindre 
que  la  nef,  sont  voûtés  en  berceau  ou  plus  souvent  encore  par  des 
compartiments  d'arêtes  séparés  par  des  doubleaux. 

Le  clocher  s'élève  toujours,  sauf  de  très  rares  exceptions^  au- 
dessus  de  la  croisée  du  transept.  Les  clochers  en  fliçade  sont  fort 
rares  :  parmi  les  églises  de  village,  Bragny-en-Charollais  est  une 
des  seules  à  en  posséder.  Les  autres  spécimens  que  l'on  peut  citer 
de  tours  en  façade  appartiennent  à  des  édifices  beaucoup  plus 
importants,  comme  Perrecy-les-Forges,  Paray-le-Monial,  la  cathé- 
drale d'Autun,  l'ancienne  église  abbatiale  de  Cluny,  le  Vieux 
Saint- Vincent  à  Mâcon,  Saint-Philibert  de  Tournus. 

Les  croisillons,  généralement  voûtés  en  berceau  perpendicu- 
laire à  la  direction  de  la  nef,  sont  accompagnés  de  chapelles  en 
hémicycle  ouvertes  dans  le  mur  oriental  à  Uchizy,  à  Saint-Hippo- 
lyte,  à  Gourdon  et  à  Anzy-le-Duc,  mais  cette  disposition  n'est 
pas  habituelle. 

Le  chœur,  d'habitude  moins  large  que  la  nef,  est  aussi  moins 
élevé  sous  voûtes:  l'église  de  Donzy-le-Pertuis  présente  le  type 
le  plus  rudimentaire,  une  simple  niche  en  hémicycle  voûtée  en 
eul-de-four;  ailleurs,  le  chœur  qui  se  termine  toujours  par  une 
abside  en  hémicycle  voûtée  en  cul-de-four  est  précédé  d'une 
travée  droite  qui  le  sépare  de  la  croisée  du  transept.  Cette  travée 
est  voûtée  d'arêtes  ou  plus  souvent  en  berceau  brisé.  C'est  au 
fond  du  chœur,  contre  la  paroi  semi-circulaire  que  s'applique  la 
décoration  d'arcatures  que  l'on   retrouve  partout  en   Brionnais 


256  CONGRÈS  ARCHÊOLOGIQ.UE  DE  MAÇON 

et  dans  tout  le  Charolhus  ainsi  qu'aux  environs  de  Cluny.  Dans 
le  Maçonnais,  au  contraire,  sauf  à  Chânes  et  à  Péronne,  le  fond 
du  chœur  est  nu  sans  autre  décoration  que  l'ouverture  des 
fenêtres.  Ces  arcatures  en  plein  cintre,  à  l'archivolte  richement 
ornée  retombant  sur  des  pilastres  sculptés  ou  cannelés  ou  des 
colonnes,  ont  été  en  usage  fréquent  au  xii=  siècle  :  l'ancienne 
église  de  Dun,  celle  de  La  Chapelle-sous-Dun,  celles  de  Mussy- 
sous-Dun,  de  Chcâteauneuf,  de  Vauban,  de  Ligny,  de  Saint- 
Laurent-en-Brionnais,  de  Saint-Bonnet-de-Cray,  etc.,  nous  en 
offrent  des  exemples.  Les  églises  possédant  un  déambulatoire 
avec  chapelles  rayonnantes  sont  rares:  il  faut  citer  Saint-Phili- 
bert de  Tournus,  Paray-le-Monial  et  le  Bois-Sainte-Marie;  le 
chœur  de  l'église  d'Anzy-le-Duc  avec  ses  cinq  chapelles  mérite 
aussi  d'être  mentionné. 

Si  nous  examinons  maintenant  l'extérieur  de  nos  églises,  nous 
nous  arrêterons  d'abord  aux  façades.  Sans  parler  de  quelques 
églises  monastiques  comme  Uchizy  et  Blanot  qui  en  ont  tou- 
jours été  dépourvues,  les  façades  de  notre  région  sont  habi- 
tuellement fort  simples  :  leurs  dispositions  accusent  nettement  la 
division  intérieure  en  trois  nefs,  soit  par  la  présence  de  toitures 
en  appentis  couvrant  les  collatéraux,  soit  par  des  contreforts 
placés  dans  l'axe  des  piliers  de  la  nef,  si  une  même  toiture  à  deux 
rampants  abrite  la  nef  et  les  collatéraux  comme  à  Farges,  Igue- 
rande.  Le  Puley,  Saint- Martin-de-Laives. 

N'oublions  pas  de  mentionner  dès  maintenant  un  accessoire 
de  la  façade  dont  notre  pays  offre  de  nombreux  et  importants 
spécimens:  je  veux  parler  des  narthex  et  des  porches  de  l'époque 
romane.  Le  narthex  le  plus  remarquable  par  son  ancienneté  est 
celui  de  Saint-Philibert  à  Tournus  ;  le  plus  important  par  ses 
dimensions  était  celui  de  l'église  abbatiale  de  Cluny,  aujourd'hui 


LES   ÉDIFICES    RELIGIEUX    DE    L'ÉPOaUE    ROMANE  257 

complètement  détruit.  Bien  que  construit  dans  la  première 
partie  du  xiii''  siècle,  il  était  encore  bien  roman  par  ses  dispo- 
sitions générales  et  son  ornementation.  Le  plus  riche  au  point 
de  vue  de  l'art  est  celui  de  Charlieu  :  je  le  cite  bien  qu'il  n'appar- 
tienne pas  à  notre  département,  mais  il  faisait  partie  du  diocèse 
de  Mâcon,  et  comme  c'est  notre  plus  pur  chef-d'œuvre  de  sculp- 
ture décorative,  je  n'ai  garde  de  l'abandonner.  Nous  avons  ici 
même,  à  Mâcon,  le  narthex  de  l'ancienne  cathédrale  de  Saint- 
Vincent.  Énumérons  encore  les  porches  de  la  cathédrale  d'Autun, 
de  Paray-le-Monial,  de  Perrecy-les-Forges,  de  Villars-sur-Saône, 
en  regrettant  qu'une  revue  aussi  sommaire  ne  nous  laisse  pas  le 
loisir  d'étudier  en  détail  ces  œuvres  diverses. 

Le  rez-de-chaussée  de  la  façade  est  toujours  percé  en  son  milieu 
d'une  porte  en  plein  cintre,  très  simple  à  Brancion,  à  Chapaize,  à 
Clessé,  etc.,  et  ornée  de  sculptures  ou  flanquée  de  colonnettes  ou 
de  pilastres  supportant  les  retombées  d'archivoltes,  comme  à 
Farges,  Iguerande,  Châteauneuf,  Marcigny-sur-Loire ,  Varennes- 
l'Arconce,  Saint-Germain-des-Bois.  Je  me  borne  à  mentionner, 
puisque  j'y  reviendrai  plus  loin,  les  belles  portas  aux  riches 
sculptures  de  Saint-Julien-de-Jonzy,  de  Semur-en-Brionnais,  de 
Perrecy-les-Forges,  d'Anzy-le-Duc,  de  Montceaux-l'Etoile,  sans 
oublier  le  célèbre  portail  de  la  cathédrale  d'Autun  et  celui  du 
Vieux  Saint  Vincent  à  Mâcon. 

Au-dessus  de  la  porte  se  trouve  soit  un  oculus  à  Farges,  Semur- 
en-Brionnais,  soit  bien  plus  souvent  une  fenêtre  en  plein  cintre 
éclairant  la  nef  à  Saint-Vincent-des-Prés,  Iguerande,  Jalogny. 
Dans  nombre  d'églises,  la  fenêtre  ainsi  ouverte  dans  le  mur  de 
façade  au-dessus  de'la  porte  est  décorée  avec  un  soin  particulier  et 
cantonnée  de  colonnettes  dans  ses  pieds  droits  à  Chapaize,  Châ- 
teauneuf, Anzy-le-Duc.  S'il  s'agit  d'une  façade  d'église  à  une 
seule  nef  plafonnée,  la  baie  ainsi   placée  au-dessus  de  la  porte. 

Congrès  ARciiÉOLOGiauE  de  hacon.  '7 


258  CONGRES  ARCHEOLOGiaUE  DE  MAÇON 

dans  le  pignon,  éclaire  le  comble  plutôt  que  la  nef  à  Cotte, 
Donzy-le-Royal,  Clessé).  Dans  un  édifice  à  trois  nefs,  la  partie  de 
façade  correspondant  aux  collatéraux  est  quelquefois  percée  de 
fenêtres  comme  à  Chapaize,  Châteauneuf.  Des  bandes  verticales 
et  arcatures  lombardes  complètent  la  décoration  de  la  façade  à 
Chapaize,  Saint-Vincent-des-Prés,  Cotte,  Clessé. 

Si  nous  considérons  maintenant  l'élévation  latérale,  elle  se  pré- 
sente sous  deux  aspects,  suivant  que  l'édifice  est  à  une  seule 
nef,  ou  à  trois  nefs  couvertes  par  une  seule  toiture  ;  ou  quand 
l'église  est  à  trois  nefs  et  quand  les  murs  gouttereaux  de  la  nef 
centrale  s'élèvent  au-dessus  du  toit  des  bas  côtés. 

Dans  le  premier  cas,  nous  voyons  le  mur  latéral  tantôt  complè- 
tement nu,  simplement  percé  par  les  fenêtres;  tantôt  décoré  de 
bandes  verticales  alternant  avec  les  fenêtres  à  Clessé,  Cotte, 
Péronne,  se  détachant  en  légère  saillie  sur  le  parement  du  mur; 
tantôt,  si  l'église  est  voûtée,  muni  de  contreforts  plus  ou  moins 
massifs  et  saillants.  A  la  base  du  toit  règne  une  corniche,  habituel- 
lement tout  unie,  parfois  supportée  par  des  modillons  frustes  ou 
sculptés. 

Dans  le  second  cas,  il  y  a  deux  étages  de  muraille  à  examiner  : 
celui  qui  correspond  au  collatéral,  et  celui  qui  correspond  à  la 
partie  haute  de  la  nef.  Au  bas  côté  comme  à  la  nef,  la  division 
intérieure  en  travées  est  accusée  à  l'extérieur  par  des  contre- 
forts alternant  avec  les  fenêtres.  En  faible  saillie  à  Uchizy  et  à 
Saint-Hippolyte,  ces  contreforts  se  réduisent  parfois,  et  c'est  le 
cas  des  églises  les  plus  anciennes,  à  de  simples  bandes  verticales 
qui  décorent  l'élévation  du  bas  côté,  montent  le  long  du  mur 
de  la  nef  et  se  rejoignent  sous  le  toit  par  une  série  d'arcatures 
lombardes  en  guise  de  corniche  comme  à  Saint-Vincent-des-Prés, 
Chapaize,  Saint-Julien  près  Sennecey-le-Grand,  Saint-Martin-de- 
Laives. 


LES    ÉDIFICES    RELIGIEUX    DE    l'ÉPOCIUE    ROMANE  259 

L'élévation  du  mur  de  clôture  des  croisillons  du  transept  ne  se 
distingue  souvent^  lorsque  la  saillie  du  transept  est  nulle,  que 
par  le  changement  de  toiture  ou  le  niveau  inférieur  ou  supérieur 
auquel  elle  est  montée.  A  Farges,  la  toiture  des  croisillons  est 
moins  élevée  que  celle  des  collatéraux  ;  habituellement,  au  con- 
traire elle  s'élève  au-dessus  à  Saint- Vincent-des-Prés,  Chapaize, 
Châteauneuf,  Saint-Laurent-en-Brionnais. 

Le  mur  de  clôture  du  croisillon  est  limité  à  droite  et  à  gauche 
par  des  contreforts  ou  de  simples  bandes  verticales,  et  présente 
en  son  milieu,  à  un  niveau  plus  élevé  qu'aux  bas  côtés,  l'ouver- 
ture d'une  fenêtre  en  plein  cintre.  L'église  de  Châteauneuf 
offre  le  seul  exemple  d'une  façade  de  transept  ornée  d'un  bel 
oculus  encadré  de  moulures. 

Avant  de  quitter  l'élévation  latérale,  il  faut  signaler,  dans  un 
certain  nombre  d'églises,  l'existence  de  portes  parfois  fort  inté- 
ressantes ou  remarquables  par  leur  décoration.  Je  rappelle  en 
passant  la  belle  porte  du  croisillon  nord  à  Paray-le-Monial  et  les 
portes  latérales  de  Châteauneuf,  de  Semur-en-Brionnais,  de 
Varennes-l'Arconce^  du  Bois-Sainte-Marie. 

Le  chevet  de  nos  églises  présente  en  plan  la  saillie  toujours 
semi-circulaire  d'absides  et  d'absidioles  en  nombre  variable. 
Dans  l'élévation,  nos  absides  sont  en  général  d'une  décoration 
fort  simple,  je  cite  comme  exception  Saint-Philibert  de  Tournus 
dont  les  chapelles  r?,yonnantes  sont  montées  sur  plan  rec- 
tangulaire ;  sous  la  corniche  de  la  grande  abside  on  remarque  de 
ces  placages  en  pierres  de  couleurs  variées  formant  comme  un 
revêtement  de  mosaïque  :  ce  sont  encore  là  deux  caractères 
empruntés  à  l'Auvergne  par  l'architecte  de  cette  grande  église 
bourguignonne. 

Dans  les  constructions  soignées  et  au  xii^  siècle  seulement, 
le  mur  des  absides  est  renforcé  à  sa  base  par  une  plinthe  simple 


260  CONGRÈS  ARCHÉOLOGiaUE  DE  MAÇON 

OU  moulurée  :  je  l'ai  constaté  notamment  à  Chapaize,  à  Cluny, 
à  Châteauneuf,  à  Paray-le-Monial.  Parfois,  comme  à  Château- 
neuf,  les  fenêtres  de  l'abside  sont  décorées  avec  plus  de  soin  que 
les  autres  ;  il  en  est  de  même  à  Paray-le-Monial  où  les  baies  de 
la  grande  abside  sont  encadrées  dans  un  système  d'arcatures 
soutenues  par  des  pilastres  cannelés.  Les  fenêtres  des  absides,  en 
nombre  impair,  sont  séparées  les  unes  des  autres  par  des  contre- 
forts assez  peu  saillants  et  de  section  rectangulaire.  A  Saint-Vin- 
cent-des-Prés,  Donzy-le-Royal,  Chânes,  Châteauneuf,  au  Bois- 
Sainte-Marie,  à  La  Chapelle-sous-Brancion,  on  trouve  à  l'abside 
des  contreforts  en  forme  de  colonnes  engagées. 

La  toiture  de  l'abside,  appuyée  sur  les  reins  de  la  voûte  en  cul- 
de-four,  est  soutenue  à  sa  naissance  par  une  corniche  de  profil 
fort  simple.  Ce  sont  souvent  trois  bandeaux  de  pierres  en  retrait 
les  uns  sous  les  autres,  le  bandeau  supérieur  surplombant  les  infé- 
rieurs. Cette  corniche  est  portée  soit  sur  des  modillons  sculptés, 
comme  à  Iguerande,  à  Lys,  à  Châteauneuf;  soit  sur  l'extrados 
d'une  série  d'arcatures  en  plein  cintre,  comme  à  Paray-le-Monial, 
Chapaize,  Saint- Vincent-des-Prés,  Donzy-le-Pertuis,  Cotte,  le 
Bois-Sainte-Marie,  etc. 

Dans  notre  promenade  autour  de  l'église,  nous  n'avons  point 
encore  eu  l'occasion  de  parler  du  clocher  :  c'est  qu'il  émerge  au- 
dessus  des  toitures,  au  cœur  même  de  la  construction,  au-dessus 
du  carré  du  transept.  Il  est  fort  rare  de  rencontrer  des  tours 
portant  de  fond,  placées  soit  en  façade,  soit  latéralement,  comme 
les  tours  octogonales  du  Vieux  Saint-Vincent  à  Mâcon  :  je  dois 
citer  pourtant  les  deux  petits  clochers  qui  s'élèvent  au-dessus  du 
porche  de  la  cathédrale  d'Autun  ;  les  deux  clochers  qui 
occupent  la  même  situation  à  l'église  de  Paray-le-Monial.  Le 
narthex  de  Saint-Philibert  de  Tournus  est  surmonté  également 
de  deux  tours,  dont  l'une,  celle  du   nord,  a  été  au  xii^  siècle 


LES  ÉDIFICES    RELIGIEUX    DE    l'ÉPOQUE    ROMANE  201 

terminée  par  un  clocher.  Le  beau  clocher  de  Perrecy-les-Forges 
est  aussi  élevé  au-dessus  du  porche;  mais  les  églises  rurales 
n'offrent  pour  ainsi  dire  pas  d'exe'.nples  de  tours  élevées  en 
dehors  de  la  croisée  du  transept. 

On  peut  établir  deux  groupes,  celui  des  clochers  montés,  dans 
toute  leur  hauteur,  sur  plan  carré  ou  rectangulaire,  et  celui  des 
tours  abandonnant  le  plan  carré  au-dessus  des  toitures  de  la  nef 
pour  passer  au  plan  octogonal. 

Bien  que  la  Bourgogne,  et  en  particulier  le  département  de 
Saône-et-Loire,  passe  pour  être  riche  en  clochers  octogonaux,  il 
ne  faut  pas  croire  que  la  majorité  de  nos  églises  en  soit  pours'ue. 
La  forme  octogonale  est  toujours  restée  assez  rare,  et  si  j'élimine 
les  tours  de  Semur-en-Brionnais  et  de  Saint-Albain,  qui  ne  sont 
franchement  romanes  ni  l'une  ni  l'autre,  vous  ne  pourrez  la 
constater  qu'aux  clochers  de  l'ancienne  cathédrale  de  Saint-Vin- 
cent de  Mâcon,  au-dessus  du  croisillon  du  grand  transept  de 
l'église  abbatiale  de  Cluny,  à  Saint-Marcel  de  Cluny,  à  Paray-le- 
Monial,  à  Anzy-le-Duc,  à  Palinges,  à  Clessé,  à  Loche  et  à 
Saint-Gengoux-le-Royal.  En  admettant,  ce  qui  est  possible,  une 
ou  deux  omissions  de  ma  part,  vous  voyez  que  la  liste  des 
clochers  octogonaux  n'est  pas  interminable. 

Le  type  le  plus  ordinaire  est  donc  celui  du  clocher  carré,  le 
plus  simple  et  le  plus  facile  à  monter. 

Carrés  ou  octogonaux,  quel  a  été  le  couronnement  de  nos 
clochers  du  xr  et  du  xii'  siècle  ?  Je  prétends  qu'ils  ont  été  en 
grande  majorité  couverts  par  des  toitures  dont  l'angle  au  som- 
met était  obtus.  Pour  le  xi^  siècle,  cela  ne  me  paraît  pas  faire  de 
doute  ;  nous  avons  encore  des  clochers  carrés  de  cette  époque 
qui  ont  reçu  à  leur  partie  supérieure  une  voûte  en  forme  de  cou- 
pole portant  sur  ses  reins  une  toiture  en  pavillon  à  quatre  pans, 
très  obtuse,  faite  de  ces  grandes  dalles  en  pierres  plates  du  pays 


202  CONGRÈS  ARCHÉOLOGiaUE  DE  MAÇON 

appelées  laves  :  je  peux  citer  deux  églises  où  l'on  voit  cette 
disposition,  Saint-Julien  près  Sennecey-le-Grand  et  Saint-Martin- 
de-Laives^  et  je  crois  bien  qu'elles  ne  sont  pas  les  seules. 

Il  est  certain  qu'au  xii^  siècle,  peut-être  dès  le  courant  du  xi% 
on  se  mit  à  élever  des  pyramides  en  maçonnerie  :  il  en  subsiste 
quelques-unes  qui  remontent  probablement  à  cette  époque. 

Les  toitures  en  bâtière,  comme  à  Lys  et  à  Domange,  sont  fort 
rares  dans  notre  région. 

Une  petite  église.  Saint- Martin-de-Lixy,  possède  simplement 
un  clocher  arcade  que  l'on  peut  dater  de  la  première  moitié  du 
xii'^  siècle. 

Les  bandes  lombardes  et  lesarcatures  que  nous  avons  déjà  ren- 
contrées dans  la  décoration  des  façades,  dans  les  élévations  laté- 
rales, au  pourtour  des  absides,  se  retrouvent  aussi  aux  clochers  : 
tous  nos  clochers  octogonaux  en  possèdent,  comme  à  Anzy-le- 
Duc,  dans  la  vallée  de  la  Loire,  et  à  Saint-Gengoux-le-Royal, 
Clessé,  Loche,  etc.,  en  Maçonnais. 

Parmi  les  tours  carrées,  les  unes  sont  ornées  d'arcatures  et  de 
bandes  lombardes,  ce  sont  celles  qu'on  trouve  dans  la  vallée  de 
la  Saône  :  Chapaize,  Uchizy,  Saint- Vincent-des-Prés,  Massy, 
Farges,  Saint-Hippolyte,  La  Vineuse,  Taizé,  Flagy,  Ameugny; 
les  autres  n'ont  ni  bandes  appliquées  ni  arcatures  :  on  les  ren- 
contre à  Iguerande  sur  les  bords  de  la  Loire,  et  dans  la  même 
vallée  à  Châteauneuf,  Saint-Julien-de-Jonzy,  Saint-Laurent-en- 
Brionnais,  Varennes. 

Je  devrais  maintenant,  si  je  ne  craignais  d'abuser  de  votre 
attention,  revenir  en  arrière  pour  insister  sur  l'ornementation  et 
la  sculpture,  ne  serait-ce  que  pour  appuyer  encore  une  fois  sur  le 
contraste  présenté  à  cet  égard  par  les  deux  régions  dont  se  com- 
pose notre  département,  l'une  tributaire  de  la  Loire,  l'autre  de 
la  Saône.  Dans  cette  dernière,  la  décoration  se  réduit  à  ces  enca- 


LES    ÉDIFICES    RELIGIEUX    DE    l'ÉPOQUE    ROMANE  263 

drements  formés  d'aixatures  et  de  bandes  lombardes  dont  il  vient 
d'être  question  ;  les  autres  motifs,  zigzags  et  dents  de  scie,  appar- 
tiennent plus  encore  à  la  construction  qu'à  la  décoration  ;  et, 
sauf  dans  de  très  grandes  églises  comme  la  cathédrale  de  Saint- 
Vincent  de  Chalon,  Saint-Philibert  de  Tournus,  l'abbatiale  de 
Cluny,  le  narthex  du  Vieux  Saint-Vincent  de  Mâcon,  où  parmi 
une  décoration  assez  riche  on  distingue  d'intéressantes  séries  de 
chapiteaux  historiés,  on  ne  voit  guère  de  pilastres  cannelés,  ni  de 
colonnettes,  et  les  rares  chapiteaux  que  l'on  rencontre  y  sont 
pauvrement  sculptés. 

Dans  l'autre  région  au  contraire  la  sculpture  s'épanouit  partout, 
grasse,  abondante,  et  en  même  temps  d'une  sûreté  et  d'un  goût 
parfaits,  qui  étonneraient  si  l'on  ne  se  sentait  ici  sous  l'influence 
des  modèles  de  l'antiquité.  C'est  bien  du  «  faire  »  des  tailleurs 
d'images  de  l'école  du  porche  de  Charlieu  que  Viollet-le-Duc  a 
pu  écrire  que  leur  ciseau  égale  la  pureté  du  ciseau  grec.  Et  en 
eff'et,  dans  le  Brionnais,  vers  le  milieu  du  xii'=  siècle,  quelle  mer- 
veilleuse éclosion  de  chefs-d'œuvre  encore  trop  peu  connus, 
chapiteaux,  linteaux  et  tympans  sculptés  à  Arcy  près  d'Anzy-le- 
Duc  à  Monceaux-l'Étoile  où  est  figurée  la  scène  de  l'Ascension, 
à  Saint-Julien-de-Jonzy,  etc.  Il  nous  faut  remercier  les  auteurs 
de  l'Art  roman  à  Charlieu  et  en  Brionnais  d'avoir  initié  le  grand 
public  à  toutes  ces  belles  choses. 

Je  veux  encore,  avant  de  finir,  insister  sur  la  durée  de  l'archi- 
tecture romane  dans  notre  région,  car  les  constructeurs  ont  eu 
beaucoup  de  peine  à  l'abandonner. 

Vous  apercevrez  tout  contre  la  ligne  du  chemin  de  fer  en 
allant  à  Tournus,  un  peu  avant  la  station  de  Fleurville,  au  village 
de  Saint-Albain ,  une  église  qui  marque  bien  la  transition  du 
style  roman  au  style  gothique  tout  en  conservant  encore  la  struc- 
ture romane  :  c'est  un  édifice  à  trois  nefs  avec  transept  et  chœur 


264  CONGRÈS  ARCHÉOLOGiaUE  DE  MAÇON 

composé  d'une  travée  et  d'une  abside  polygonale.  La  construction 
paraît  absolument  homogène  et  sans  reprises  à  aucune  époque  si 
ce  n'est  à  la  façade  :  or,  la  nef  est  une  œuvre  romane,  voûte 
principale  en  berceau  brisé  avec  doubleaux  et  collatéraux  voûtés 
d'arêtes  ;  au  transept,  la  croisée  est  voûtée  en  coupole  sous 
un  clocher  octogonal;  aux  croisillons,  on  voit  apparaître  les 
croisées  d'ogives.  Le  chœur,  polygonal,  est  également  voûté 
sur  croisées  d'ogives.  Quelle  date  attribuer  à  ce  monument,  c'est 
assez  difficile  à  dire  :  la  section  des  croisées  d'ogives  est  fort  gros- 
sière et  présente  un  profil  prismatique.  Toutes  les  fenêtres  sont 
amorties  par  un  linteau  découpé  en  forme  d'arc  trilobé.  Je  suis 
bien  tenté  d'assigner  à  cette  église  la  date  du  xiii^  siècle. 

Il  est  d'ailleurs  évident  que  parmi  nos  églises  de  campagne  il 
y  en  a  plus  d'une  sans  caractères  bien  tranchés,  d'une  struc- 
ture vaguement  romane,  qui  remonte  seulement  au  xiii^  ou 
même  au  xiV^  siècle. 

Vous  avez  vu  à  Cluny  la  charmante  église  de  Notre-Dame  : 
notre  département  renferme  encore  d'autres  spécimens  de 
l'époque  gothique  dont  il  est  inutile  que  je  vous  fournisse  l'énu- 
mération.  Quant  à  l'époque  de  la  Renaissance,  elle  n'a  pas,  que 
je  sache,  laissé  grand'chose  d'intéressant  en  Saône-et-Loire,  au 
moins  pour  ce  qui  concerne  l'architecture  religieuse  ;  mais  dans 
le  département  de  l'Ain,  notre  voisin,  vous  trouverez  à  Notre- 
Dame  de  Bourg,  et  surtout  à  l'église  de  Brou,  des  monuments 
dignes  de  retenir  votre  attention. 


SAlNT-BARTHnLEMY 
DE    FARGES 


Pi.. 


CHATEAUNKUE 


SAINT-VINCENT- 
DES-PRES 


SAINT-PIERRE  D  UCHIZY 


SAINT-ANDRE    D  IGLERANDE 


(Éclicllc  de  2  Vï  "'"'  P^r  niL'iic) 


Pi..  'i 


ïnm 


ELEVAIIOX     DU     CHŒUR     UT    DU    CLOCHER 


COUPE    EN     LOKG 


ÉGLISE    DE    CIIAPAIZE    (  Échelle  de  2  '/.,  """  par  nictrc  ) 


Pi.. 


m] 


1H   "5  v'"'"^'^    -   ' 


ANZV-Li:-DUC 
Élévation   intérieure   de    la   nef. 


I 


Pi. 


GOURDOX 
Une    travée    de    la   nef. 


I 


Pi 


SAIXT-IlIPPOLYTl: 
Abside    et   clocher    transformé  en    tour    de    défense. 


Pl.  r 


s  EM  L'  R  -  !■:  \  -  H  Iv  I O  X  X  AI  S 
Une    travée   de    la    nef. 


Pi 


SHMLR-HK-BRIONKAIS 
Abside    et    clocher. 


XI 


TOURS    DE   GUET 

DANS 

LA   VILLE   DE  MAÇON 


M.    F.    LACROIX 


Jusqu'ici,  personne  n'a  signalé  la  présence,  dans  l'intérieur  de  la 
ville  de  Mâcon,  d'un  certain  nombre  de  tours  carrées,  dépassant 
d'au  moins  un  étage  les  maisons  environnantes.  Il  m'a  semblé 
intéressant  de  mentionner  ce  fait  et  de  soumettre  l'attribution 
que  j'en  ai  admise  à  l'appréciation  des  membres  si  compétents 
du  Congrès  archéologique. 

Ces  tours  présentent  comme  caractère  commun  d'avoir  cinq 
étages,  de  posséder  un  escalier  en  spirale  éclairé  par  de  petites 
fenêtres  dont  les  encadrements  semblent  dater  des  xni%  xiv^  ou 
xv^  siècles;  d'avoir  au  dernier  étage  une  pièce  ou  grenier  avec 
quatre  fenêtres,  enfin  d'être  surmontées  d'un  petit  toit  à  quatre 
pans  coupés,  allongés  ou  surbaissés.  Les  fenêtres  de  l'étage 
supérieur  sont  disposées  de  telle  sorte  qu'au  moins  deux  d'entre 
elles  regardent  la  campagne,  et  deux  autres  font  f-ice  à  celles 
d'une  tour  semblable,  parallèlement  située  à  environ  cent 
mètres  de  distance. 


266  CONGRÈS    ARCHÉOLOGICiUE    DE    MAÇON 

Nous  avons  reconnu  et  visité  dix  de  ces  tours  : 

1°  Rue  Sigorgne,  n°  5. 
2°  Rue  Saint-Nizier,  n°  4. 
3°  Rue  Philibert-Laguiche,  n°  37. 
4°  Rue  de  la  Barre,  n°  5 . 
5°  Rue  Paradis,  n°  3. 
6°  Place  de  la  Baille,  n°  6. 
7°  Rue  de  la  Préfecture  (Saints-Anges). 
8°  Rue  Châtillon. 
9°  Rue  de  l'Épée. 
10°  Rue  Franche. 

Les  n"'  I  et  5  dominent  la  Bresse  et  la  campagne  au  Sud 
(route  de  Lyon). 

Les  n°'  2,  3,  4,  les  régions  sud  et  ouest  (hauteurs  de  Charnay). 

Le  n°  6,  toute  la  Bresse  et  l'Ouest. 

Le  n°  7,  la  campagne,  au  Nord  et  à  l'Ouest  (la  Grisière). 

Les  n°'  8,  9,  10,  la  Bresse  et  le  cours  de  la  Saône. 

La  tour  de  la  rue  Sigorgne  possède  tout  contre  les  fenêtres 
regardant  le  sud,  au  4^  et  au  5^  étage,  des  bancs  en  pierre. 

Celle  de  la  rue  PhiHbert-Laguiche  a  une  charpente  tellement 
forte  et  considérable  qu'elle  n'était  pas  destinée  à  supporter 
simplement  la  toiture,  mais  bien  plutôt  une  ou  plusieurs  cloches 
pouvant  sonner  le  tocsin,  si  l'attribution  que  je  donne  à  ces 
édifices  est  d'être  un  poste  d'observation. 

La  tour  de  la  rue  Paradis  fut  visitée  en  1870  par  des  officiers 
d'artillerie,  qui  étaient  d'avis  d'y  installer  un  canon  à  longue 
portée,  si  les  circonstances  devaient  l'exiger. 

Quel  pouvait  donc  être  l'usage  de  ces  tours?  Assurément  elles 
contribuaient  à  desservir  les  maisons  dont  elles  faisaient  partie 
intégrante,  comme  aujourd'hui.  Quelques  personnes  admettent 


TOURS    DE    GUET    DANS    LA    VILLE    DE    MACOX  267 

que  cet  étage  supérieur  était  une  sorte  de  terrasse  couverte  où 
les  habitants  de  la  maison  venaient  prendre  le  frais.  J'avoue  que, 
dans  ce  cas,  l'espace  était  bien  étroit  et  mal  commode,  car  les 
murs  de  la  pièce,  simplement  crépis  au  mortier,  font  supposer  que 
c'était  habituellement  un  simple  grenier.  Il  me  semble  plus 
rationnel  d'y  voir  des  guettes  qui  servaient  à  explorer  les  environs 
de  la  ville  et  à  donner  l'alarme  en  cas  de  danger. 

Rappelons-nous  qu'aux  époques  troublées  de  notre  histoire, 
alors  que  de  grands  seigneurs  se  disputaient  la  possession  de  pro- 
vinces ou  de  places  fortes,  des  bandes  armées  parcouraient  le 
pays,  soudoyées  par  qui  voulait  les  payer,  mettant  tout  à  feu  et  à 
sang.  Plus  tard,  au  temps  des  guerres  religieuses,  ligueurs  et  hugue- 
nots cherchaient  aussi  à  s'emparer  des  villes  pour  les  mettre  au 
pillage,  sous  prétexte  de  religion.  Alors  les  milices  urbaines 
chargées  de  la  défense  de  leurs  cités  étaient  obligées  de  faire 
bonne  garde  pour  ne  pas  être  surprises.  Naturellement  il  devait  y 
avoir  des  postes  d'observation  placés  sur  les  points  élevés  pour 
surveiller  la  campagne,  afin  qu'au  premier  signal,  tout  le  monde 
pût  se  préparer  à  repousser  une  attaque  et  se  porter  rapidement 
sur  le  point  des  murailles  le  plus  menacé. 

Des  signaux  convenus  d'avance,  un  appel  à  l'aide  d'un  porte- 
voix  ou  d'une  trompe^  le  tocsin,  tels  étaient  les  moyens  usités  au 
moyen  âge  pour  avertir  d'un  danger  imminent  soit  l'ennemi, 
soit  le  feu.  La  distance  qui  sépare  toutes  ces  tours  permet  l'adop- 
tion d'un  quelconque  de  ces  moyens  d'avertissement. 

En  outre,  leur  situation  à  une  faible  distance  de  l'ancienne 
enceinte  fortifiée,  alors  qu'on  n'en  rencontre  pas  dans  les  autres 
maisons  de  la  ville,  semble  indiquer  qu'elles  rentraient  bien  dans 
un  plan  systématique  de  défense  militaire. 


XII 


NOS    FAIENCERIEiS 


PAR 
M.     L.     LEX 


La  seizième  question  du  programme  de  ce  Congrès  est  formulée 
en  ces  termes  .  «■  Étudier  les  anciennes  industries  locales  et  faire 
connaître  ceux  de  leurs  produits  qui  subsistent  encore,  ainsi  que 
les  instruments  de  leur  fabrication  offrant  un  caractère  spécial.  » 
Nous  nous  proposons  d'}'  répondre,  dans  la  mesure  du  possible, 
en  donnant  lecture  des  notes  que  nous  avons  recueillies  sur  les 
anciennes  faïenceries  de  notre  région  :  Mâcon,  CharoUes,  Bour- 
bon-Lancy,  Les  Pys  et  Digoin,  dans  le  département  de  Saône-et- 
Loire  ;  Bourg,  Meillonas  et  Pont-de-Vaux,  dans  le  département  de 
l'Ain.  Ces  manufactures  ont  lutté  péniblement  contre  celles  de 
Lyon,  de  Moulins,  de  Roanne,  de  Nevers,  de  Moustiers  et  de 
Marseille  qui  ont  véritablement  inondé  le  pays  de  leurs  produits  ; 
il  n'est  pas  rare,  néanmoins,  de  trouver  chez  nous  des  pièces 
locales  dans  les  vitrines  des  collectionneurs  aussi  bien  que  sur 
les  dressoirs  des  ménagères. 

Mâcon.  —  Vers  1750  ',  le  sieur  François  Rey  établit  sur  la 
paroisse   Saint-Étienne  une  faïencerie  ;  il  l'installa  ensuite,    en 

I.  «  Il  y  a  environ  trente  ans  »,  dit  le  document  de  1779,  que  nous  citons 
plus  loin  (Archives  de  Mâcon,  CC.  64,  n°  15). 


NOS    FAÏENCERIES  269 

1754,  hors  ville,  en  face  de  la  porte  Saint-Antoine,  dans  un  ter- 
rain d'environ  quatre  coupées  et  trois  quarts  que  les  échevins  lui 
avaient  cédé  à  condition  de  «  faire  construire  des  édifices  '  sui- 
vant le  plan  et  l'alignement  approuvés  par  Mgr  l'Intendant  »  et  à 
charge  de  payer  annuellement  quinze  livres  de  rente  et  un  denier 
de  servis.  La  modicité  de  ce  prix  s'explique,  car  le  sieur  Rey 
«  faisoit  beaucoup  de  marchandises  et  ouvrages  utiles  et  agréables 
au  public-  ^).  La  manufacture  avait  obtenu  de  bonne  heure 
le  titre  de  royale,  ce  qui  l'exonérait  des  droits  des  termes,  mais 
les  débuts  de  l'affaire  furent  rendus  pénibles  par  la  création,  au 
faubourg  de  la  Barre  3,  de  deux  établissement  similaires  et  rivaux, 
que  dirigeaient,  en  1779,  les  sieurs  Truc  et  Buy. 

En  1768'*  François  Rey,  âgé  de  cinquante  ans,  mourait, 
d'«  une  maladie  aiguë  causée  par  les  fatigues  en  tout  genre  qu'il 
.avoit  essuyées»,  laissant  Antoinette  Buissonnat,  sa  seconde 
femme  depuis  1756  ^,  et  neuf  enfants  des  deux  lits,  à  la  tète  de 
l'entreprise  et  de  «  beaucoup  de  dettes  ».  Aidée  de  François 
Arban  ^,  un  de  ses  meilleurs  faïenciers,  la  veuve  continua  à  tra- 
vailler :  en  1775,  elle  fit  bénir  par  le  curé  de  Saint-Étienne  de 
«  nouveaux  bâtiments  et  fourneaux  7  »;  en  1779,  elle  obtint  des 
échevins  une  exemption  de  la  moitié  des  droits  d'octroi  dus  sur 
les  charbons  et  les  bois  nécessaires  à  son  industriel  Par  suite  du 

1.  La  maison  d'habitation  construite  par  Rey  porto  actuellement  le  n^'  18  de 
la  rue  de  Saône  ;  les  ateliers,  les  fours  et  les  chantiers  se  trouvaient  à  droite 
et  à  gauche  dans  les  terrains  de  l'ancienne  courtine  située  entre  le  bastion  de 
Saint-Antoine  et  le  bastion  de  Crèvecœur. 

2.  Archives  de  Mâcon,  BB.  204,  f°s  4  et  5,  et  DD.  i,  n"  83. 

3.  Aujourd'hui  rue  Rambuteau. 

4.  Archives  de  Mâcon,  GG.  21,  18  janvier  1768. 

5.  Id.,  GG.  19,  27  avril  1756. 

6.  Il  assistait  à  la  cérémonie  de  1775  (GG.  21),  et  avait  une  tille  en  1779 
(GG.  22,  23  août). 

7.  Id.,  GG.  21,  10  novembre  177). 

8.  Id.,  ce.  64,  no  15. 


270  CONGRES  ARCHEOLOGIQ.UE  DE  MAÇON 

mariage,  en  1781  ',  de  Marie-Toussaint  Rey,  sa  fille,  avec  Jean 
Jambon,  natif  de  Chénas,  maître  grammairien  à  Mâcon,  la 
manufacture  passa  aux  mains  de  cette  dernière  famille  entre  les 
mains  de  laquelle  elle  est  restée  jusqu'à  l'époque  récente  de  sa 
disparition  (i8é8). 

Au  dire  du  seigneur  de  Meillonas,  dire  qui  était  d'un  rival  et 
par  conséquent  sujet  à  caution,  la  terre  de  Mâcon  était  «  géné- 
ralement reconnue  pour  inférieure  au  bon  ^  ».  Nous  avons 
néanmoins  des  pièces  d'une  pâte  fine^et  d'une  décoration  élé- 
gante, mais,  il  est  vrai,  d'un  émail  médiocre,  sorties  des  ateliers 
de  François  Rey  :  tel  un  plat  de  la  seconde  moitié  du  siècle  der- 
nier, qui  fait  partie  de  la  collection  J.  Protat,  de  Mâcon,  et  qui 
est  signé  : 

faits 

par 

moy 

Saunier 

A 

MACON  5 

Ce  Saunier,  alias  Jean  Saulnier,  est  évidemment  un  artiste  du 
dehors,  car  l'état  civil  de  Mâcon  ne  contient  aucun  acte  à  son 
nom. 

Quoique  Buy  soit  bien  un  patronyme  maçonnais,  nous  n'a- 
vons pas  trouvé  non  plus  dans  les  registres  paroissiaux  la  moindre 
trace  du  faïencier  de  ce  nom.  Cependant  une  Marie  Buy,  veuve 
de  Pierre  Courtois,  demeurant  sur  la  paroisse  de  Saint-Étienne, 

1.  Archives  de  Mâcon,  GG.  23,  20  novembre  1781. 

2.  Mémoire  aux  Syndics  de  Bresse.  Voir  plus  loin. 

3.  Voir  la  planche  que  nous  devons  à  l'obligeance  bien  connue  de 
M,  J.  Protat  d'avoir  pu  faire  exécuter. 


y. 

o 
u 
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NOS    FAÏENCERIES  27  I 

épousa  le  20  août  1792,  François  Frère,  «  fayancier,  résidant 
dans  cette  paroisse  depuis  plusieurs  années  »,  fils  majeur  de 
défunts  Léonard  Frère,  «  en  son  vi^  ant  fayancier,  de  Nevers  », 
et  de  Suzanne  Cassagne.  Parmi  les  témoins  figurent  un  Honoré 
Bayol,  faïencier  au  faubourg  de  la  Barre,  et  un  Claude  Dougny, 
«  peintre  en  fa3'ance  »,  demeurant  sur  la  paroisse  Saint-Pierre  '. 

Joseph  Truc  était  venu  de  Lyon  vers  1760;  on  le  qualifiait, 
en  176 1,  d'  «  ouvrier  travaillant  dans  la  manufacture  de  fayance^  ». 
Il  eut  un  fils,  appelé  comme  lui  Joseph,  qui  mourut  «  fayen- 
cier  »,  à  l'âge  de  4^  ans,  le  12  nivôse  an  V  (i^""  janvier   1797  '). 

Quant  à  François  Arban,  alias  Arband,  il  était  fils  de  Claude 

Arban,  «  tourneur  en  fayance  »,  et  de  Claudine  Genevois  +  ;  son 

-parrain  fut  François  Rey  (14  décembre  1754  ').  En  1782,  on  le 

disait  «   fayancier  ^  ».   Il  mourut   le  4  mars   1828,  laissant  un 

fils,  Guillaume  Arban,  «  fayencier  »  lui  aussi  ". 

Nous  avons  relevé  encore  la  présence  à  Mâcon,  au  commence- 
ment de  ce  siècle,  d'un  «  peintre  en  fayance  »,  originaire  de 
Rouen,  où  il  s'était  sans  doute  formé  à  la  décoration.  C'est 
Pierre-Jacques-Noël  Lenormand,  époux  de  Marie-Marguerite 
Romand,  dont  la  signature  se  trouve  sur  les  registres  paroissiaux 
de  l'égUse  Saint-Pierre  en  1805,  et  qui  meurt  le  9  mars  1824,  à 
l'âge  de  78  ans  ^. 

1.  Archives  de  Mâcon,  GG.  24  bis  provisoire. 

2.  Le  16  septembre  1761,  on  enterra  sa  fille  Blandine,  morte  la  veille,  âgée 
de  deux  ans,  née  de  Marguerite  Ribiet,  sa  femme,  à  Lyon,  paroisse  et  abbaye 
de  Saint-Michel  d'Ainay  (Archives  de  Mâcon,  GG.  20). 

3.  Archives  de  Mâcon.  Registres  de  l'état  civil,  12  nivôse  an  V. 

4.  Ils  s'étaient  mariés  le  12  janvier  175 1  (Archives  de  Màcon,  GG.  19). 

5.  Il  était  né  l'avant-veille  (Id.,  ilmi.). 

6.  Le  16  janvier  1782,  on  baptisa  sa  fille  Pierrette,  née  la  veille,  de  Trançoisc 
Fêtu(Id.,  GG.  23). 

7.  Id.  Reg.  de  l'état  civil,  5  mars  1828. 

8.  Id.,  ihid.,  10  mars  1824. 


272  CONGRES  ARCHEOLOGIQ.UE  DE  MAÇON 

Enfin  il  y  a  un  artiste  dont  le  séjour  en  notre  ville  donne 
la  clef  de  la  ressemblance  frappante  des  produits  de  Mâcon  et 
de  ceux  de  Meillonas,  qu'il  est  souvent  fort  difficile  de  distin- 
guer les  uns  des  autres.  Nous  voulons  parler  de  Protais  Pidoux, 
qui  est  désigné  en  1766  comme  «  directeur  de  la  manufacture 
de  fayance  établie  à  Mâcon  '  »,  et  en  1767  comme  «  fabriquant 
en  fayance  ^  ».  Nous  n'hésitons  pas  à  l'identifier  avec  l'auteur  des 
jardinières  et  des  plats  signés  Pidoux  à  Miliona,   iy6j . 

Dans  les  plats,  les  assiettes,  les  jardinières,  les  fontaines,  les 
bassins,  les  raviers,  moutardiers,  sucriers,  huiliers,  sahères  et 
autres  faïences  fabriquées  au  xviii^  siècle,  la  couleur  caractéris- 
tique est  le  violet  de  tous  les  tons  ;  les  autres  couleurs  domi- 
nantes sont  le  bleu,  le  jaune,  le  rose  et  le  vert.  Jamais  de  rouge 
vif,  comme  on  pourra  s'en  assurer  en  examinant  les  échantillons 
que  nous  avons  groupés  au  musée  de  la  ville. 

Au  point  de  vue  du  dessin,  la  particularité  des  faïences  de 
Mâcon  est  que  les  feuilles  et  les  fleurs  sont  souvent,  dans  les 
pièces  usuelles  surtout,  bordées  d'un  filet  noir  qui  en  déhmite 
les  contours. 

Une  des  pièces  les  plus  intéressantes  sorties  des  ateliers  de 
Mâcon  à  cette  époque  est  le  plat  appartenant  à  M.  J.  Protat,  que 
nous  avons  déjà  nommé.  Il  y  a  lieu  de  signaler  aussi  un  porte- 
montre,  une  écritoire,  deux  brûle -parfums  et  une  jardinière 
conservés  par  M™=  veuve  Jambon,  de  Mâcon  5.  Enfin  on  peut 
citer  le  plat  recueiUi  à    Mâcon    par    M.    A.   Suppo,    de   Saint- 


1.  Archives  de  Mâcon,  EE.  58,  11°  15. 

2.  Le  24  mai  1767,  naissance  et  baptême  de  Christin  Pidoux,  fils  dudit  Pro- 
tais et  de  [Marie-Marguerite-Simonie  Défontaine.  Parmi  les  personnes  pré- 
sentes, il  y  a  un  Buy  (Id.,  GG.  20). 

3.  M.  Cantrel,  chef  de  bureau  à  la  direction  générale  de  l'enregistrement  et 
des  domaines,  à  Paris,  possède  aussi  quelques  belles  pièces  d'ancien  Mâcon. 


CLICHÉ^DE  M.  N.  THIOLLIER 


PLAT    AUX    ARMES    DE    MAÇON    (XVIIIe  Siècle). 
Collection  A.  SUPPO,  de  Saint-Étienne 


NOS    FAIKNCERIES  27^ 

Etienne,  qui  porte,  au  fond,  une  arbalète  et  un  carquois  sur 
lequel  l'artiste  parait  bien  avoir  voulu  reproduire  les  armes  de 
notre  ville'. 

Depuis  les  premières  années  de  ce  siècle  on  n'a  plus  fait  chez 
nous  que  des  faïences  décorées  communes. 

Charolhs.  —  La  manufacture  de  cette  ville,  qui  est  une  mai- 
son de  premier  ordre  aujourd'hui,  a  été  fondée  il  y  a  prés  de 
soixante  ans  par  M.  Prost  père  pour  fabriquer  la  fliïence  com- 
mune. Dix  ans  après,  M.  Prost  tïls  transporta  ses  ateliers  dans 
l'ancien  prieuré  de  la  Madeleine  et  commença  à  faire  des  pièces 
de  valeur  dans  lesquelles  il  substitua  la  faïence  stannifère  au  cail- 
loutage  ^  Depuis  cette  époque,  la  production  artistique  de  Cha- 
rolles  a  pris  un  développement  considérable.  La  décoration  est 
polychrome;  M.  Prost  fils  a  inventé  un  bleu  spécial,  dit  hicu  de 
Cbarolles,  qui  peut  rivaliser  avec  les  teintes  similaires  de  Nevers 
et  de  Moustiers.  Sa  marque  comprenait  jusqu'à  ces  dernières 
années  un  P  et  un  H  (Prost  Hippolyte),  mariés  et  suivis  de 
deux  f  et  d'un  .5-  minuscules  en  forme  de  paraphe  ;  elle  se  com- 
pose aujourd'hui  d'une  marguerite  dont  la  tige  traverse  un  m 
minuscule  et  du  mot  Cbarolles  en  toutes  lettres. 

Bourbon- Lancy.  —  La  faïencerie  de  Bourbon-Lancy  n'a  jamais 
été  signalée  et  nous  ne  savons  rien  de  ses  produits.  Mais  nous 
avons  trouvé   dans  les  anciens   registres   de   la   paroisse  Saint- 


1.  Voir  la  planche.  —  Ce  plat  est  rond  et  mesure  01127)  de  diamètre. 
Lémail  est  rosé.  L'arbalète  est  violette  et  jaune;  le  carquois,  violet  ;  les  filets 
delà  bordure  sont  noirs  ;  les  gros  pois,  jaunes  ;  les  petits  pois,  violets.  Il  y  avait 
à  Màcon  une  compagnie  d'arbalétriers. 

2.  On  sait  que  pour  la  faïence  stannifère,  dont  le  nom  vient  de  Toxyde 
d'étain  qui  entre  dans  sa  composition,  on  utilise  toutes  les  terres,  quelle  que 
soit  leur  couleur,  et  un  émail  opaque,  tandis  que  pour  le  cailloutage  on  n'em- 
ploie que  des  terres  blanches  et  un  émail  transparent. 

Congrès  ARCHÊoLooiaLE  di    maçon.  iS 


274  CONGRES  ARCHEOLOGIQ.UE  DE  MAÇON 

Léger  de  cette  ville  deux  actes  concernant  des  faïenciers,  quon 
ne  peut  confondre  avec  les  «  potiers  en  terre  »  mentionnés  à  la 
même  époq'ue  :  mariage,  le  27  avril  1693,  de  François  Pèlerin, 
faïencier,  avec  Marthe  Legros  ;  baptême,  le  31  janvier  1698, 
d'Étiennette,  née  la  veille  d'un  autre  François  ',  faïencier,  et  de 
Marthe  Gogin  -. 

Les  Pys.  — ■  Au  hameau  de  ce  nom,  qui  dépend  de  la  com- 
mune de  La  Motte-Saint-Jean  et  qui  est  situé  sur  la  rive  droite 
de  la  Loire,  à  quatre  kilomètres  en  aval  de  Digoin,  il  v  avait 
au  milieu  du  xviii^  siècle  une  faïencerie  qui  a  été  étudiée  par 
M.  G.  Bonnet  '.  Elle  appartenait  en  1775  à  un  sieur  Pérouse,  de 
Roanne,  qui  y  fabriquait  des  plats  et  des  assiettes  à  bords  géné- 
ralement festonnés,  dont  l'émail  était,  en  dessous,  de  teinte  brune 
ou  violette,  tantôt  uniforme,  tantôt  mouchetée.  La  décoration, 
toujours  en  bleu,  comprenait  au  centre  un  panier  de  fruits,  un 
bouquet,  une  fleurette,  et  sur  le  marli  une  bande  divisée  en 
compartiments  ou  ornée  de  motifs  qui  rappellent  vaguement 
ceux  de  Rouen  et  de  Nevers.  M.  le  D'  Tuloup,  de  Digoin,  a 
réuni  une  collection  importante  de  ces  plats  ;  nous  en  avons 
nous-même  recueilli  un  certain  nombre  d'exemplaires. 

«  Les  produits  de  la  faïencerie  des  Pys,  dit  M.  Bonnet,  n'étaient 
pas  de  qualité  inférieure.  La  pâte,  de  nuance  rosée  et  jaunâtre 
après  la  cuisson,  était  fine  et  résistante  et  d'une  assez  grande 
plasticité.  L'émail,  d'un  beau  blanc,  surtout  pour  les  petits 
objets,  est  généralement  fendillé  dans  les  grandes  pièces  -^.  » 

1.  Son  nom  patronymique  est  resté  en  blanc  dans  l'acte,  mais  ce  ne  peut 
être  François  Pèlerin,  dont  la  veuve,  Marthe  Legros,  se  remaria  le  26  jan- 
vier 17 12. 

2.  Archives  de  Bourbon-Lancy,  GG.   4. 

5.  Xotes  pour  servir  à  l'histcin'  du  Charollais,  Chagnv.  1893,  in-12,  p.  92  et 
suiv. 

4.   P.    ili. 


NOS    FAÏENCERIES  275 

M.  Bonnet  a  procédé  à  des  fouilles  sur  l'emplacement  des 
anciens  fours  des  Pys  ;  il  y  a  trouvé  aussi  «  des  fragments  de 
vases  et  assiettes  peints  par  de  véritables  artistes.  Le  genre  de 
décoration  qu'on  y  remarque  est  polychrome,  et  les  fleurs, 
feuillages  et  fruits,  disposés  dans  le  goût  de  l'époque,  sont  des- 
sinés et  peints  avec  une  délicatesse  et  un  fini  remarquables.  S'il 
existe  chez  les  amateurs  de  céramique  des  spécimens  de  ces 
faïences,  nous  sommes  persuadé  qu'ils  sont  considérés,  même 
par  les  "connaisseurs,  comme  appartenant  aux  beaux  produits  de 
Nevers  dont  ils  rappellent  assez  bien  l'ornementation  et  les  cou- 
leurs »  '. 

Digoi?î.  —  En  1775,  le  sieur  Pérouse  transporta  sa  tabrique 
des  Pys  à  Digoin  où  il  l'installa  sur  la  place  du  Petit-Port,  dans 
les  anciens  bâtiments  du  logis  du  Dauphin.  L'établissement  de 
cette  nouvelle  manufacture  fut  autorisé  par  un  arrêt  du  Conseil 
du  mois  d'août  1776.  Courtépée,  l'historien  de  la  Bourgogne, 
disait  en  1779  qu'elle  avait  «  de  la  réputation  »,  mais  il  ne  nous 
renseigne  pas  exactement  sur  le  nombre  de  ses  ouvriers  qu'il 
évalue  quelque  part  à  plus  de  cinquante,  et  ailleurs  à  plus  de 
cent  -.  «  La  terre  est  fine  et  abondante  »,  ajoute-t-il  "'.  Peu 
après  son  installation  a  Digoin,  le  sieur  Pérouse  s'associa  un  sieur 
Caquet.  Il  acheta  aussi  le  moulin  de  Neuzy  pour  y  traiter  ses 
matières  premières.  Tout  cela  disparut  dans  les  années  qui  sui- 
virent la  Révolution. 

«  Nous  avons  pu  constater,  dit  M.  Bonnet,  la  densité  de  la 
pâte  et  sa  parfaite  homogénéité.  On  ne  retrouve  sur  aucun  des 
produits    de   Digoin  les  lambrequins  et  la  corbeille  des  Pys  en 

1.  P.  113. 

2.  Description  du  duché  de BoHrc;ogiH\X.   IV,  Paris,   Dijon,  etc.,  1779.   in-i:, 

p.  18  et  76. 

5.   //'/(/.,  p.  18. 


27e  CONGRES  ARCHEOLOGIQ.UE  DE  MAÇON 

camaïeu  bleu.  Ils  sont  remplacés  par  des  fleurs  de  diverses 
nuances  groupées  par  deux  ou  trois  et  jetées  comme  au  hasard 
sur  l'émail'  Le  dessin  est  gracieux.  Les  formes  et  le  style  des 
fleurs  se  rapprochent  des  taïences  de  Strasbourg,  mais,  de  même 
qu'à  Nevers,  la  couleur  rouge  ne  fut  jamais  employée  à  Digoin 
ni  aux  Pys.  L'émail,  le  plus  souvent;,  dans  les  pièces  délicate- 
ment travaillées  ou  de  petite  dimension,  est  d'un  blanc  laiteux, 
sans  aucune  tressaillure.  Quant  aux  grands  récipients,  l'émail 
n'avait  pas  la  même  pureté,  il  s"en  faut  de  beaucoup,  mais  ces 
vases  indiquent  néanmoins  le  degré  de  perfection  atteint  dans  la 
préparation  et  la  cuisson  des  terres  '.  » 

La  manufacture  actuelle  de  Digoin  est  une  succursale  des 
importants  établissements  céramiques  de  MM.  Utzschneider  et 
C''^,  de  Sarreguemines.  Elle  fut  créée,  en  1876,  par  suite  de 
l'annexion  de  l'Alsace  et  de  la  Lorraine,  et  pour  conserver  sur  le 
marché  français  une  marque  justement  réputée.  On  y  fait  la 
faïence  flne,  à  pâte  blanche  et  couverte  transparente,  sans  décors 
ou  avec  décors  imprimés  et  coloriés  soit  sur  le  vernis,  soit  des- 
sous. 

Bourg.  —  Une  faïencerie  fonctionnait  à  Bourg,  en  1791,  qui 
donnait  des  produits  analogues  à  ceux  de  Mâcon,  manière 
ancienne. 

Meillonas.  —  C'est  au  mois  de  décembre  1761  que  M.  Gas- 
pard-Constant-Hugues de  Marron,  baron  de  Meillonas,  encou- 
ragé par  la  réussite  des  essais  qu'il  avait  tentés  depuis  dix-huit 
mois,  songea  à  donner  quelque  importance  à  sa  fabrication  ^  Il 
fit  venir  un  faïencier  franc-comtois,  le  sieur  Gautherot,  dont  les 
établissements  de  Doubs  et  du  Cordonnet  étaient  en  chômage. 

1.  P.  118  et  119. 

2.  Voir  son  Mémoire  aux  Syndics  de  Bresse,  publié  par  M.   E.  Millier,  Notice 
sur  les  faïences  artistiques  de  Meillonas,  1877.  in-8,  p.   10  et  suiv. 


NOS    FAÏENCERIES  277 

Celui-ci  amena  avec  lui  sept  maîtres  et  treize  de  ses  meilleurs 
ouvriers.  Dix  ans  après,  en  1772,  c'est  un  sieur  Maurel  qui 
avait  la  direction  de  la  manufacture. 

M.  de  Marron  se  piquait  de  pouvoir  produire  «  la  plus  belle 
et  la  plus  excellente  fayance  qu'il  y  ait  en  France  »,  et  on  peut 
dire  hardiment  qu'il  était  près  du  vrai.  Qui  n'admire,  en  effet, 
les  vases,  les  bouquetiers,  les  soupières,  les  bénitiers,  les  fon- 
taines, les  sucriers,  les  moutardiers,  ornés  de  roses  pâles  ou  de 
fraîches  marguerites,  et  à  feuillages  dessinés  ou  même  peints  par 
la  baronne  de  Meillonas,  née  Carrelet  de  Loisy,  et  marqués  d'un 
A  et  d'un  R  conjugués  suivis  ou  non  d'un  m  minuscule  (JKin), 
ou  encore  les  plats  et  les  assiettes  à  paysages  variés,  animaux  tels 
que  vaches,  moutons,  chèvres,  chiens,  oiseaux  et  personnages 
bergers  et  bergères,  chinois  ?  On  a  signalé  depuis  longtemps 
la  belle  jardinière  signée  PiDOUx/t'a7,  26  octobre  176),  à  xMiliona. 
M.  Etienne  Milliet,  de  Bourg,  l'historien  de  la  faïence  de  Meil- 
lonas, croit  avec  M.  Jacquemart  et  la  Galette  des  Beaux -Arts  que 
cet  artiste  venait  de  Moustiers  '.  Il  fout  l'identifier  sans  aucun 
doute  avec  le  Protais  Pidoux  qui  travailla  à  Mâcon  en  1766  et 
en  1767. 

Il  y  a  des  pièces  de  Meillonas  au  Musée  de  Cluny,  à  Paris,  et 
dans  beaucoup  de  collections  particulières  de  notre  région.  Leurs 
couleurs  dominantes  sont  le  rose,  le  bleu,  le  jaune  et  le  vert. 
M.  Milliet  en  vante  surtout  «  l'élégance  de  la  forme,  la  finesse 
de  la  .pâte,  la  beauté  du  dessin  »  ^ 

En  1804,  il  y  avait  encore  à  Meillonas  dix-huit  ouvriers.  Jus- 
qu'en 1832  on  a  continué  à  y  fabriquer  les  faïences  émaillées 
et  décorées  '. 

1.  P.  9. 

2.  P.  6. 

3.  P.  26. 


278  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  MAÇON 

M.  Joly  a  essayé  il  y  a  quelques  années  d'y  ressusciter  la  pro 
duction  artistique. 

Pont-de-Vaiix.  —  Léonard  Racle,  l'architecte  de  Voltaire,  qui 
était  originaire  de  Dijon,  en  même  temps  qu'il  transporta,  à  la 
fin  du  XVIII"  siècle,  sa  poterie  de  Versoix,  près  Genève,  à  Pont- 
de-Vaux,  y  créa  un  atelier  d'où  sortait  de  la  faïence  blanche  à 
rehauts  d'or.  Racle  est  mort  à  Pont-de-Vaux  en  1791  et  sa 
fabrique  ne  paraît  pas  lui  avoir  survécu  ' . 

I.  A.  Jacquemart,  Histoire  de  la  Céramique,  V-àx\s,  1873,  iii-8,  p.  482. 


XIII 

VISITE  DU  CHATEAU  DE   BERZÉ 

EN    1706 

PAR 
Mgr     RAMEAU 


Il  y  eut  au  commencement  du  siècle  dernier  une  visite  officielle 
du  château  et  de  la  terre  de  Berzé. 

Cet  acte  de  visite  m'a  paru  offrir  un  double  intérêt,  d'abord 
en  énumérant  les  parties  principales  du  château  qui  existent 
encore,  puis  en  révélant  l'état  d'abandon  et  de  délabrement  où 
pouvait  tomber  un  manoir  féodal  abandonné  à  des  fermiers  ; 
résultat  regrettable  et  assez  fréquent  à  cette  époque,  car  les 
seigneurs  étaient  appelés  loin  de  leurs  terres  par  des  charges 
diverses,  ou  par  des  emplois  à  la  cour. 

Donc,  le  15  janvier  1706,  haut  et  puissant  seigneur  Louis 
d'Aumont  de  Rochebaron,  pair  de  France,  gouverneur  de  Bou- 
logne et  très-haut  seigneur  Louis  de  Crevans,  duc  d'Humières, 
gouverneur  de  Compiègne,  héritier  de  Monseigneur  Louis-Marie 
d'Aumont  de  Rochebaron,  duc  d'Aumont,  comte  de  Berzé, 
Joncy,  Cenves,  et  autres  lieux,  donnèrent  procuration  à  M*"  Nico- 
las Moreau  lieutenant  en  la  maréchaussée  de  Mâcon,  pour  faire 
la  visite  du  château  et  de  la  terre  de  Berzé  tenus  en  ferme  par  le 
sieur  Bouchacourt. 

Bornons-nous  à  la  visite  du  château. 

A  l'entrée,  appelée  la  Barrière,  dit  l'acte,  il  n'y  a  ni  barrière. 


28o  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  MAÇON 

ni  guichet  au  pont-levis,  mais  seulement  quelques  restes  de 
chaînes  et  des  planches  sur  le  fossé  pour  le  passage  ;  les  murailles 
de  l'entrée  sont  en  partie  renversées. 

Le  portail,  ouvert  entre  deux  tours,  a  son  guichet  un  peu 
rompu  ;  au-dessus  est  le  corps  de  garde,  auquel  on  arrive  par  un 
escalier  pratiqué  dans  la  tour  orientale. 

Au  château,  l'acte  de  visite  signale  : 

1°  La  grande  salle,  à  côté  de  la  grande  tour  carrée,  dont  le  fer- 
mier a  fait  une  grange  à  battre  le  blé,  et  une  écurie  de  brebis 
pleine  de  fiente,  et  dont  il  abattu  les  croisées  pour  faire  entrer 
son  bétail. 

2°  Une  chapelle,  ouverte  à  côté  de  cette  salle,  et  transformée 
également  en  écurie. 

3°  Les  chambres,  savoir,  la  chambre  de  Madame,  la  chambre 
du  billard,  et  une  pièce  voisine  remplie  de  fiente. 

4°  Les  tours,  savoir,  la  grande  tour,  dite  tour  carrée,  ayant 
quatre  étages  et  des  planchers  en  mauvais  état,  la  tour  de  Mont- 
girard  toute  découverte,  la  tour  du  Comte  dont  le  toit  est  prêt 
à  tomber,  et  la  tour  du  trésor.  L'origine  de  certains  de  ces  noms 
ne  nous  est  malheureusement  pas  connue.  Toutes  ces  tours 
existent  encore. 

Sortant  du  château,  on  examina  l'extérieur  et  les  terrasses.  Or, 
dit  l'acte,  les  courtines  des  murailles  du  corps  de  logis  et  de  l'en- 
ceinte sont  en  partie  par  terre les  tours  des  murailles  d'enceinte 

ont  leurs  couverts  prêts  à  tomber. 

Ici  s'arrête  la  visite  du  château'.  La  mention  des  tours  des 
murailles  d'enceinte  est,  comme  on  le  voit,  bien  brève,  et  ne 
satisfait  pas  notre  curiosité-.  Deux  de  ces  tours  attirent  bien  vite 

1.  Archiv.  départ.  B.  1296,  0°  38. 

2.  On  en  remarque  encore  quatre,  mais  décapitées,  sur  une  gravure  moderne 
(vue  du  château). 


VISITE    DU    CHATEAU    DE    BHRZÉ  28 1 

l'attention  ;  l'une  d'elles,  décapitée,  clôt  la  terrasse  au  couchant 
et  fait  corps  avec  le  mur  d'une  hauteur  considérable  qui  soutient 
la  terrasse.  On  l'appelle  vulgairement  la  tour  du  bœuf,  pour  main- 
tenir une  vieille  légende  que  tout  le  monde  connaît,  et  dont 
l'extravagance  a  fiiit  tout  le  crédit  auprès  du  peuple* 

A  l'autre  extrémité  de  la  terrasse,  est  une  autre  tour  assez  bien 
conservée,  avec  escalier  à  l'intérieur.  Peut-être  était-ce  le  colom- 
bier, dont  parle  l'acte  de  visite,  mais  sans  désigner  son  emplace- 
ment. Tout  à  côté  est  une  ancienne  chapelle  abandonnée  et  trans- 
formée en  serre;  le  style  roman  dans  lequel  elle  a  été  construite, 
indique  son  antiquité.  Ce  fut  par  suite  de  cet  abandon,  qu'une 
autre  chapelle  fut  ouverte  dans  le  donjon,  ou  tour  carrée,  comme 
on  l'a  vu  plus  haut.  L'arsenal  et  les  prisons  étaient  également 
dans  cette  tour,  ou  donjon. 

Après  ce  rapide  aperçu,  l'archéologue  se  demandera  naturelle- 
ment à  quelle  date  remonte  ce  manoir  féodal,  et  quel  en  fut  le 
constructeur.  Nos  documents  sont  muets  sur  ces  questions.  Ce 
qu'ils  nous  disent,  c'est  qu'en  991  il  y  avait  déjà  un  castelle,  ou 
castrum  de  Berié  '.  Un  Geofroi,  époux  d'Alexandra,  y  signe  un 
acte  en  faveur  de  Cluny.  Mais  qu'était  ce  castrum  primitif?  Pro- 
bablement une  de  ces  hautes  et  fortes  tours,  entourées  de  fossés, 
dont  il  nous  reste  un  remarquable  spécimen  à  La  Salle,  près 
Mâcon. 

Quel  put  être  celui  de  ces  nobles  de  Berzé  qui  donna  à  ce  ch.i- 
teau  des  premiers  temps  l'assiette  et  les  proportions  que  nous 
lui  voyons  aujourd'hui  ?  Peut-être  n'est-il  pas  téméraire  d'attri- 
buer la  construction  première  à  cet  Hugues  de  Berzé,  que  Ton 
trouve  cité  de  1140  à  1171,  celui  de  cette  famille  qui  a  laissée 
nos  cartulaires  les  titres  les  plus  nombreux  de  sa  richesse  et  de 

I.   .-\.   Bruel,  Cartid.  de  Cluny.  r\°^  2567  et  2907. 


282  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  MAÇON 

sa  puissance.  Outre  sa  terre  de  Berzé,  il  avait  la  justice  de  Pier- 
reclos,de  Sologny,de  Serrières  et  de  Milly,  dont  les  gens  devaient 
guet  et  garde' à  son  château.  En  1 140,  il  exempte  l'Abbé  de 
Cluny,  l'Abbaye  et  leurs  hommes,  des  droits  de  péage  sur  ses 
terres,  moyennant  la  somme  de  1.300  sols  et  2  marcs  d'argent  '. 
Vers  l'an  1147,  il  vend  ses  dîmes  de  Pierreclos  au  Chapitre  de 
Saint- Vincent  de  Mâcon,au  prix  de  1.700  sols  monnaie  de  Mâcon, 
plus  30  sols  pour  sa  femme  qui  approuve  l'acte  ^. 

Vers  le  même  temps,  il  donne  à  l'église  de  Mâcon  la  chapelle 
de  son  château,  <(  capellam  in  supradicto  castello  sitam  »,  avec 
ses  dîmes  et  oblations,  et  les  prémices  dues  par  tous  les  habi- 
tants, u  in  castello  habitantium  '  ».  Cette  chapelle,  ayant  baptis- 
tère et  desservie  par  un  chapelain,  a  été  l'origine  de  la  petite 
paroisse  de  Berzé-le-Châtel.  Elle  fut  reconstruite  et  dédiée,  le 
18  avril  1502,  par  Etienne  de  Longvy,  évêque  de  Mâcon, 
comme  on  le  voit  par  l'inscription  qui  se  lit  autour  d'un  large 
vaisseau  en  pierre  qui  sert  de  bénitier. 

Ce  puissant  seigneur  de  Berzé  nous  est  encore  connu  par  sa 
présence  à  la  grande  Assemblée  de  Mâcon,  tenue  en  11 54  en 
fliveur  de  Cluny,  et  par  une  lettre  du  pape  Alexandre  III,  en 
laveur  de  l'abbaye  de  Tournus''. 

Comme  si  toute  cette  richesse  et  toute  cette  puissance  ne 
suffisaient  point  à  sa  gloire,  il  v  ajouta  le  mérite  personnel  d'être 
un  littérateur.  On  lui  attribue,  en  effet,  un  poème  de  838 
vers  en  vieux  français,  connu  sous  le  titre  de  Bible  ou  seignor 
de  Bar^i,  dont  les  érudits  allemands  n'ont  pas  manqué  de 
s'occuper.  On  |a  également  de  lui  une  lettre  d'une  élégante  lati- 

1.  A.  Bruel,  Cartul.  de  Cluny,  n°  4069. 

2.  Cartul.  de  Saint-Vincent,  charte  584. 

3.  Ibid.,  charte  550. 

4.  Severt,  Archiepisc.  Lugdun,  p.  244,  et  Juénin,  Nouvelle  hist.  de  Tournus, 
Preuves,  p.  166. 


VISITE    DU    CHATEAU    DE    BERZK  2 (S  3 

nité,  qu'il  adressa  au  roi  Louis  VII,  vers  iiéo,  pour  le  prier 
d'obtenir  de  l'évèque  de  Mâcon  un  archidiaconat  destiné  à  son  fils, 
chanoine  de  Saint- Vincent '.  Ce  fils,  Gauthier  de  Berzé,  fut  en 
effet  archi-diacre,  titre  que  lui  donnent  plusieurs  chartes  de 
Saint-Vincent. 

On  peut  attribuer  à  ce  personnage  la  réédification  du  château- 
fort  de  Berzé,  plutôt  qu'à  ses  prédécesseurs  ou  successeurs,  qui 
furent  plus  occupés  aux  croisades  qu'aux  coûteuses  constructions, 
au  commencement  et  à  la  fin  de  ce  xir  siècle. 

Il  faut  signaler  des  traits  de  famille  entre  le  château-fort  de 
Berzé  et  celui  de  Pierreclos,  dont  les  tours  et  les  murs  en  terrasse 
s'élèvent  sur  un  monticule  avancé  dans  la  vallée  de  la  petite 
Grosne. 

La  chapelle  du  château  de  Pierreclos,  dont  il  reste  des  débris 
intéressants,  et  qui  date  de  la  première  moitié  du  xii^  siècle  %  doit 
être  contemporaine  du  château.  A  cette  date,  le  puissant  Hugues 
de  Berzé  était  seigneur  justicier  de  Pierreclos,  et  la  seigneurie  a 
passé  à  ses  successeurs  jusqu'en  1403  ''.  Ne  peut-on  pas  penser 
qu'il  fut  à  la  fois  le  constructeur  de  Berzè  et  de  Pierreclos,  ces 
deux  demeures  féodales  qui  font  l'ornement  des  premiers  monts 
du  Maçonnais?  Quoi  qu'il  en  soit,  il  n'est  pas  douteux  pour 
nous  que  ces  deux  constructions  du  XII^siècle  furent  l'œuvre  d'une 
même  famille,  celles  des  nobles  de  Berzé. 

Un  dernier  mot  pour  terminer  cette  courte  notice. 

Les  nobles  de  Berzé  se  sont  éteints  en  Geofroi  de  Berzé,  sei- 
gneur de  Berzé  et  de  Saint-Germain-du-Plain,  mon  vers  l'an 
1320,  et  en  dame  Simone  de  Berzé,  son  héritière  et  sa  sœur, 
femme  de   Mile  de  Frolois,   seigneur  Bourguignon,   morte   en 

1.  Duchesnc,  Hist.  Franc.  Script.,  IV,  p.  707. 

2.  J.  Virey,  l'Architecture  romane  dans  l'ancien  diocèse  de  Miicon,  p.   179. 

3.  Archiv.  départ.  B.   1350 


284  CONGRÈS  ARCHÉOLOGiaUE  DE  MAÇON 

1327.  Tous  deux  furent  inhumés  en  l'église  abbatiale  de  Tour- 
nus.  Le  tombeau  du  premier  fut  brisé  par  les  Huguenots  en  1562; 
mais  la  pierre  tombale  de  Simone  de  Berzé  se  voit  encore  dans 
la  même  église,  contre  le  mur  septentrional,  ornée  d'une  belle 
inscription  en  lettres  capitales,  que  M.  de  Caumont  a  reproduite 
dans  son  Abécédaire  tï archéologie . 

Berzé  et  Tournus,  ces  deux  noms  ne  sont  point,  on  le  voit, 
étrangers  l'un  à  l'autre. 


TABLES 


TABLE    GENERALE 

Congrès  de  Mâcon. 

Programme i 

Ordre  des  réunions ) 

Liste  des  membres  du  Congrès 7 

Procès  verbaux  des  séances. 

Séance  d'ouverture  du  14  juin  1899 i>S 

Deuxième  séance  du  14  juin 3  5 

Première  séance  du   16  juin 3^ 

Deuxième  séance  du  16  jum 39 

Séance  du   18  juin 43 

Banquet 4  S 

Séance  du  19  juin 4<^^ 

Compte  rendu  des  excursions. 

Visite  des  monuments  de  Màcon 4^ 

Excursion  à  Cluny  et  Paray-le-Monial )0 

Visite  du  Musée  archéologique  et  de  la  Bibliothèque  de  Màcon .  .  54 

Excursion  à  Solutré,  Pierreclos,  Berzé-la-\'ille  et  Berzé-le-Chàtel .  5  5 

Excursion  à  Bourg  et  à  Brou )7 

Excursion  à  Tournus  et  à  Chalon-sur-Saône 59 

Excursion  à  Autun ^''î 

EXCURSION  A  BEAUNE 
Mémoires 

I.   Rapport  sur  les  progrès  de  l'Archéologie  dans  le  département 
de    Saône-et-Loire,   de  l'année    1846   à   l'année    1899,  par 

M.  Arcelin '  ' 


286  TABLES 

II.   Étudesur  l'âge  du  bronze  dans  le  département  delà Côte- 

d'Or,  par  M.  Ferdinand  Rey 102 

III.  Le   Hradischt  de  Stradonic  en  Bohême  et  les  fouilles  de 

Bibracte,  par  M.  Joseph  Déchelette 119 

IV.  Les  fouilles  mâconnaises,  par  M.  Jules  Protat 183 

V.  Le  cimetière   gallo-romain    de    Saint-Amour  (Saône-et- 

Loire),  par  M.  Savoye 196 

VI.   Un    buste   romain   en    marbre  blanc,  trouvé  à   Cormatin 

(Saône-et-Loire),  par  MM.  le  D'  Biot  et  F.  Picot 201 

VIL  L'Archéologie  barbare  dans  le  département  de  Saône-et- 
Loire,  pendant  la  période  burgonde,  par  M.  Barrière-Flavy     209 
V^III.  Découvertes    archéologiques    dans    les    dépendances    de 

l'église  abbatiale  de  Tournus,  par  M.  J.  Martin 225 

IX.   Influence  de  la  dévotion  populaire  sur  le  monnayage   de 

l'abbaye  de  Tournus,  par  M.  J.  Martin 233 

X.   Les  édifices  religieux  de  l'époque  romane  en  Saône-et-Loire, 

par  M.  Jean  Virev 237 

XL   Les  tours  de  guet  dans  la  ville  de  Màcon,  par  M.  F.  Lacroix.      265 

XII.  Nos  faïenceries,  par  M.  L.  Lex 268 

XIII.   Visite  du  château  de  Berzé,  en  1766,  par  Mgr  Rameau. .  .  .      279 

Tables 285 


TABLE    MÉTHODIQUE 

Époques  préhistorique,  gauloise  et  roaiaine. 

Voir,  à  la  Table  générale,  les  Mémoires  I,  II,  III,  IV,  V  et  VI. 
Moyen  Age  et  Renaissance. 

Voir,  à  la  Table  générale,  les  Mémoires  VII,  VIII,  IX,  X  et  XL 
Temps  modernes. 

Voir,  à  la  Table  générale,  les  Mémoires  XII  et  XIII. 


TABLES 


287 


TABLE  DES   NOMS  D'AUTEURS 

de   iiiénioires^  de  comiiitiiiicalions,  de  discours  et  de  photographies^    et   des 
lauréats  du  Congrès  ' . 


Arcelin  (Adr.),  35,  38,  46,  71. 
Avout  (le  baron  Ad.  d'),  46. 

Barriùre-Flavy     (C),    44,     209; 

218  ^. 
Biot  (le  docteur),  40,  201. 
Bourdon  (E.),  42. 
Buchalet,  19. 
BuUiot  (J.),  47,  62. 

Caillemer.  39. 

(lanat  de  Chi/y  (Paul),  33. 

Corot  (Henri),  33,  38,  47. 

Dcchelette  (Joseph),  43,  46,  47, 

119. 
Drioton  (Clément),  36. 


'    Lacroix  (Francisque),  42,  265. 

L.aneyrie,  44. 
!    Lex  (Léonce),  37,  58,41,42,47, 
268. 

Loiseau  (Léon),  36. 

I    Marchand  (l'abbé),  42. 

I    Marsy  (le  comte  de),  19,  40,  41, 

j       44,47- 

I    Martin    (Jean),    37,  44,  47,  223. 

:     233. 

I   Martin  (l'abbé  J.-B.),  46. 

Monclar  (le  marquis  de),  41. 
I   Monnecove  (1-.  de,  41. 

Musset  (G.),  46. 


Nugues,  40,  41. 

Osseville  (le  ct)mte  d'),  44. 


Favarcq  (Louis),  47. 

Favre  (Camille),  44. 

Francart  (Ad.),  44. 

^  Picot  (F.),  196 

Ghellinck    d'Eseghem    (le   comte   '    Protat  (Jules),  37,  183 

de),  47. 


Janiot  (Claudius),  38,  44. 
Jolivet  (l'abbé),  47. 


Rameau  (Mgr),  37,  279. 
Rey  (Ferdinand),  36,  10: 
Reyssié,  36. 


I .  Pour  les  auteurs  des  dessins  et  phcito.-^raphies,  le  nom  e>t  suivi  des  lettres 
(/  ou  pi}. 

Nous  regrettons  que  les  clichés  mis  gracieusement  à  la  disposition  de  l.\ 
Société  française  d'Archéologie  par  l'Académie  de  Màcon  ne  soient  pas  signés. 
Nous  prions  leurs  auteurs  de  recevoir  ici  l'expression  de  toute  notre  gratitude. 


288 


TABLES 


Richard  Paul),  42. 
Richard  (Pierre),  42,  44. 

Savove  (ClaïKlius),  40,  19e. 

Soil  (J.),  40. 

Surgères  (le  marquis  de),  33. 

Tardy(Ch.),  37- 


ThioUier  (N.),  270  ph.,  272  ph. 
Travers  (Emile),  44. 

Villefosse  (A.  Héron  de),  31,  40, 

44. 
Virey  (Jean),  43,  237. 


TABLES  289 


TABLE  DES  PLANCHES  ET  FIGURES  ■ 

1.  Église  abbatiale  de  Cluny.  Plan 50 

2.  Id,                        Côté  nord  .• 50 

3.  Eglise  de  Paray-le-Monial.  Plan 52 

4.  Église  de  Brou.  Jubé 56 

5.  Id.             Tombeau  de  Philippe  le  Beau 58 

6.  Église  Saint-Philibert  de  Tournus.  Masques  romans  derrière 

les  orgues 60 

7.  Autun.  Porte  d'Arroux 62 

8.  Id.      Porte  Saint-André 63 

9.  Id,      Temple  de  Janus 64 

10.  Id.      Cathédrale 66 

11.  Haches  trouvées  dans  la  Côte-d'Or 118 

12.  Épées  de  la  Côte-d'Or 118 

13.  Poignards,  lances,  couteaux  et  flèches  de  la  Côte-d'Or.  ...  118 

14.  Épées  de  la    Saône-et-Loire  et  sépultures  de  ^'ieuxhaules 

(Côte-d'Or) 118 

15  et  lé.   Fibules  de  la  Téne 133 

17.  Paragnathide  d'un  casque  trouvé  en  Carniole 149 

18.  Bronze  en  forme  de  tête  humaine  trouvé  à  Corent  (Puv-dc- 

Dôme) 161 

19.  20.   Poignards  anthropoïdes 161 

21.  Fibules  de  Stradonic 182 

22,  23,  24.   Objets  divers.   Fouilles    de   Stradonic   et  du    Mont 

Beuvray 182 

25.  Jambe  de  bronze  incrustée  d'argent 190 

26.  Anse  incrustée  d'argent  trouvée  dans  la  Saône 192 

27.  28.   Buste  en  marbre  blanc  trouvé  à  Cormatin 204 

29.  Carte  du  département  de  Saône-et-Loire  durant  l'occupation 

burgonde  (v^-vi^  siècles) 218 

30.  Église    Saint-Philibert   de    Tournus.    Locutorium  ;    cloître 

Saint-Ardain  (xi"-'  siècle) 230 

I.  Pour  les  planches  hors  texte,  la  page  indiquée  est  celle   qui   précède   la 
plandie. 

Congrès  archëoi.ogique  pf  macox.  '■) 


290  TABLES 

31.  Saint-Barthélemy-de-Farges.  —   Eglise  de  Châteauneuf. — 

Saint-Vincent-des-Prés.   —    Saint-Pierre    d'Uchizy.   — 
Saint-André  d'Iguerande 264 

32.  Église  de   Chapaize.  Élévation    du   chœur  et  du  clocher; 

coupe  en  long,  plan 264 

?î     ÉMise  d'Anzv-le-Duc.  Élévation  intérieure  de  la  nef 264 

34.  Gourdon.  Une  travée  de  la  net 264 

35.  Église  de  Saint-Hippolytc.  Abside  et  clocher  transformé  en 

tour  de  défense 264 

36.  Église  de  Semur-en-Brionnais.  Une  travée  de  la  nef 264 

37.  Semur-en-Brionnais.  Abside  et  clocher 264 

38.  Plat  de  la  faïencerie  Rey,  de  Mâcon  (xviii^  siècle) 270 

39.  Plat  aux  armes  de  Mâcon  (id.) 272 


COLLECTION 

DES  COMPTES  RENDUS 

DES  CUXGIIÈS  AlICJlÉOJ.OlilurKS 

DE   FRANCE 

Volumes  in-S"  brochés,  avec  de  nombreuses  illustrations 
dans  le  texte  et  planches  hors  texte. 


I.a  Société  française  d'Archéologie  possède  encore  un  certain 
nombre  d'exemplaires  des  comptes  rendus  des  Congrès  archéologiques, 
de  1847  à  1897.  Le  prix  en  a  été  fixé  ainsi  qu'il  suit  : 

1847  Sens  (Tours,  Angoulème,  Limoges)  " 6  IV. 

1848  (Falaise,  Vaux-sur-Laison,  Bernay,  Trouville) i      » 

1849  Bourges épuisé 

1850  Auxerre,  Clermont-Ferrand  (Cluny) 6 

185 1  Laon,  Nevers  (Gisors,  Orléans) 4     » 

1852  Dijon  (Sens,  Toulouse) épuisé 

1853  Troyes  (Les  Andelys,  Bayeux,  Laval) 4      >■ 

1854  MouHns  (Dijon,  Avranches) 6     » 

1855  Châlons-sur-Marne,    Aix-en-Provence,  Avignon 

(Le  Puy) b     .. 

1856  Nantes  (Verneuil,  Le  Neubourg,  Louviers).  .  :;      » 

1857  Mende,  Valence  (Grenoble) 3      » 

1858  Périgueux,  Cambrai  (Louviers,  Alençon,  Lisieux).  .  .  .  épuisé 

1859  Strasbourg  (Rouen,  Saint-Lô,  Vire) .  .  épuisé 

1860  Dunkerque  (Le   Mans,  Cherbourg)    .    .                         .  ^     » 

1861  Reims  (Laigle,  Dives,  Bordeaux) 3 

1862  Saumur,  Lyon  (Le  Mans,  Klheuf,   Dives)  .  .  ;      » 

1863  Rodez,  Albi  (Le  Mans) 1 

I .  Les  localités  dont  les  noms  sont  placés  entre  parenthèses  sont  celles  où  la 
Société  française  d'Archéologie  a  tenu  des  séances  générales  dont  les  comptes 
rendus  sont  compris  dans  les  volumes  des  Congrès. 


292  TABLES 

1864  Fontenay-le-Comte  (Évreux,  Falaise,  Troyes) 4  fr. 

1865  Montauban,  Cahors,  Guéret 3  >, 

i8é6  Senli^,  Aix,  Nice 3  » 

1867  Paris  (Pont-Audemer) j  » 

i8é8  Carcassonne,   Perpignan,  Narbonne,  Béziers 3  » 

1869  Loches 3  » 

1870  Lisieux  (Moulins) 3  » 

1871  Angers  (Le  Mans) 3  » 

1872  Vendôme 3  » 

1873  Châteauroux 4  » 

1874  Agen,  Toulouse 6  » 

1875  Châlons-sur-Marne  (Rouen,  Inauguration  de  la  statue 

d'Arcisse  de  Caumont,  à  Bayeux) 6  » 

1876  Arles 8  » 

1877  Senlis  (Département  du  Lot) 4  » 

1878  Le  Mans,  Laval  (Département  des  Basses-Alpes) 3  » 

1879  Vienne 6  » 

1880  Arras,  Tournay  (Franche-Comté) 3  » 

1881  Vannes  (Bernay) 3  » 

1882  Avignon 3  » 

1883  Caen  (Coutances,  Jersey  et  Fréjus). 6  » 

1884  Pamiers,  Foix,  Saint-Girons é  » 

1885  Montbrison,  Roanne 6  » 

1886  Nantes é  » 

1887  Soissons,  Laon  (Reims) 6  » 

1888  Dax,  Bayonne  (Navarre  espagnole) 8  » 

1889  Évreux  (Eure) 8  » 

1890  Brive   (Corréze) 8  » 

1891  Besançon  (Jura,  Doubs  et  Suisse) 10  » 

1892  Orléans. 10  » 

1893  Abbeville 10  » 

1894  Saintes,  La  Rochelle  . 10  » 

1895  Clermont-Ferrand 10  » 

1896  Morlaix,   Brest 10  » 

1897  Nîmes 10  » 

1898  Bourges ; 10  » 

1899  Mâcon 10  » 

1 900  Chartres 10  » 


TABLES  293 

On  trouvera  l'analyse  détaillée  de  ces  volumes  dans  la  Biblio^^raphic 
des  Travaux  bisliviques  publiés  par  les  Sociétés  savantes  de  la  France, 
dressée  par  R.  de  Lasteyrie  et  Eug.  Lefèvre-Ponialis,  Paris,  Inip.  Nat., 
1898,  in-4'^',  p.  216-219. 


Les  demandes  doivent  être  adressées  à  M.  Emile  Travers,  directeur- 
adjoint  et  trésoiier,  18,  rue  des  Chanoines,  à  Cacn.  L'expédition  sera 
faite  par  le  chemin  de  ter,  à  la  station  désignée  (le  port  étant  à  la 
charge  du  destinataire). 

Certains  volumes  n'existant  plus  qu'à  un  très  petit  nombre  d'exem- 
plaires, le  bureau  ne  peut  s'engager  à  envoyer  tous  les  volumes  qui 
pourraient  être  demandés  au  cas  où  ils  n'existeraient  plus  en  magasin. 

Le  manque  d'un  ou  de  plusieurs  volumes  ne  pourra  motiver  le 
refus  de  l'envoi. 

Dans  la  huitaine  qui  suivra  l'expédition,  le  prix  des  volumes  sera 
recouvré  par  la  poste,  sauf  indication  contraire. 


MALON,     PHOTAT    1  RÉRES,    IMPRIMEURS 


GETTY  CENTER  LINRARY 


3  3125  00670  3645 


'^'