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CONGRÈS
ARCHÉOLOGIQUE
IDE FT^AlSrOE
LXVP SESSION
SÉANCES GÉNÉRALES
TENUES
A MAÇON
EN 1899
PAR LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ARCHÉOLOGIE
POUR LA CONSERVATION ET LA DESCRIPTION DES MONUMENTS
PARIS
ALPH. PICARD
LIBRAIRE
82, rue Bonaparte
GAEN
H. DELESQUES
LIBRAIRE
2 et k, rue Froide
1901
CONGRES
ARCHÉOLOGIQUE
DE FRANCE
CONGRÈS
ARCHÉOLOGIQUE
IDE inrt.A.îsrOE
LXVI* SESSION
SÉANCES GÉNÉRALES
TENUES
A MAÇON
EN 181)9
PAR LA SOCIÉTK FRAXÇAISK D'ARCIIKOLOGIE
POUR LA CONSERVATION KT LA DESCRIPTION DES MONUMENTS
PARIS
ALPH. PICARD
LIBRAIRE
82, rue Bonaparte
CAEN
II. DEEESQLES
LIBRAIRE
2 et 'i. rue Froide
1901
THE J. PAUL GETTY CPNTBft
LIBRARY
CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE
DE FRANCE
LXVI^ SESSION
TENUE
A MAÇON
EN 1899
PROGRAMME
1. État des études archéologiques dans le département de
Saône-et-Loire depuis cinquante ans. — Donner une vue d'en-
semble des principaux travaux accomplis par les Sociétés savantes
ou les particuliers.
2. Étudier les gisements quaternaires dans Saùne-et-Loire et
en particulier la station deSolutré; déterminer sa place chrono-
logique au milieu des stations du même âge.
3. Décrire les stations, les oppida, les sépultures de l'époque
de la pierre polie ou néolithique dans le même département et
Congrès arciiéoi.ogiuui! de maçon. '
2 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE MACOX
en particulier le camp de Chassey. — Données chronologiques
fournies par l'étude des berges de la Saône.
4. Signaler les sépultures et les trouvailles de l'âge du bronze
et du premier âge de fer dans Saône-et-Loire et les départements
voisins.
5. Quels nouveaux renseignements pour l'histoire de l'art et
de l'industrie des Gaulois et des Gallo-Romains ont été fournis
par les explorations faites depuis quinze ans au Mont Beuvray et
dans les environs d'Autun?
6. Les sujets représentés sur les monuments de l'époque
gallo-romaine et en particulier sur les 'autels votifs et les tom-
beaux peuvent-ils apporter des éléments nouveaux pour l'his-
toire des diverses industries et des procédés employés par les
ouvriers ?
7. Quels sont les caractères particuliers des objets de l'époque
franque trouvés dans le département de Saône-et-Loire ? Les
comparer aux antiquités burgondes trouvées dans la région
comprise entre Dijon et Lyon, Bourg et Roanne.
8. Étudier les édifices religieux de l'époque romane, de la
période gothique et de la Renaissance, élevés dans le départe-
ment, en signalant leurs principaux caractères. — Citer les textes
permettant de dater les églises romanes encore existantes.
9. Quelle a été l'influence des grandes abbayes de la région
sur le développement des arts et en particulier de l'architecture?
10. Peut-on signaler des différences sensibles dans l'architec-
ture des diocèses de Mâcon, de Chalon et d'Autun?
PROGRAMME 3
11. Signaler les constructions féodales les plus importantes et
indiquer les caractères particuliers qu'elles présentent au point
de vue de la défense.
12. Essayer la reconstitution des maisons des époques romane
et gothique, d'après les constructions de Cluny, de Mâcon et
de Tournus. — Signaler et décrire les maisons les plus remar-
quables de l'époque gothique et de la Renaissance.
13. Dresser la carte archéologique de Saône-ct-Loire aux
différentes époques.
14. Signaler les peintures murales, verrières, tableaux, objets
mobiliers, orgues, pièces d'orfèvrerie et anciens ornements con-
servés dans les édifices religieux du département, et indiquer les
documents qui peuvent en faire connaître l'origine, la date, les
auteurs ou les donataires.
15. Faire connaître les œuvres d'art les plus remarquables
exécutées dans le pays depuis l'époque romane jusqu'à la fin du
xviii= siècle. Indiquer les musées et les collections particulières
où elles sont conservées.
16. Étudier les anciennes industries locales et faire connaître
ceux de leurs produits qui subsistent encore, ainsi que les instru-
ments de leur fabrication ofiVant un caractère spécial.
17. Épigraphie. — Signaler les inscriptions offrant un intérêt
spécial, soit au point de vue historique, soit pour leur rédaction
et leurs caractères paléographiques.
18. Numismatique. — Rappeler les découvertes numisma-
tiques les plus récentes et indiquer les éléments qu'elles peuvent
4 CONGRÈS ARCHl-OLOGiaUE DE MAÇON
apporter, soit pour rinterprétatioii et la date des monnaies, soit
pour l'indication des ateliers monétaires et leur durée.
Les membres du bureau de la Société française d' Archéologie
et du Congrès :
0= DE Marsy, E. Travers,
Directeur de la Société. Trésorier Je la Société.
Président du Congrès.
J. BULLIOT,
Inspecteur de la Société pour Saône-et- Loire.
Président de la Société Ëduenne.
Les Secrétaires généraux du Congrès :
A. DuRÉAULT, L. Lex,
Secrétaire perpétuel de l'Académie de Màcon. Archiviste de Saone-et-Loire.
F. Lacroix,
Trésorier de l'Académie de Màcon.
Tràoricr du Coiigirs.
ORDRE DES RÉUNIONS
MAÇON
Mercredi 14 Juin. 2 heures : Séance d'ouverture. — 4 heures:
Visite des monuments de Mâcon. — 8 heures 1/2 : Séance.
Jeudi i). j heures 25 du matin : Départ en chemin de fer pour
Cluny; Arrivée à 8 heures 40. Visite de la ville, des bâtiments
de l'ancienne abbaye, des églises et des palais abbatiaux d'Amboise
et de Bourbon. — Midi : Déjeuner. — 2 heures 31 : Départ en
chemin de fer pour Paray-le-Monial ; Arrivée à 4 heures 31.
Visite de la basihque. — 6 heures 13 : Départ pour Mâcon.
Arrivée pour souper à 9 heures 2 1 .
Vendredi 16. 8 heures 1/2 du matin: Séance. —2 heures:
Visite du Musée archéologique et de peinture, et de la Biblio-
thèque. — 8 heures 1/2: Séance.
Samedi ij. 6 heures 1/2 du matin: Excursion en voiture à
Solutré, Pierreclos, le château des Moines, Berzé-le-Châtel, etc.
Déjeuner à la Croix-Blanche. Retour à Mâcon pour dîner.
Dimanche iS. i heure 1/2 : Séance. — 7 heures : Banquet.
Lundi ip. 8 heures 42 du matin : Départ en chemin de fer
podr Bourg en Bresse; Arrivée à 9 heures 41. Visite de la ville
et de l'église de Brou. Déjeuner. — 2 heures 35 : Départ pour
Mâcon; arrivée à 3 heures 30. — 8 heures du soir : Séance de
clôture.
Mardi 20. 8 heures 40 du matin : Départ en chemin de fer
pour Tournus; Arrivée à 9 heures 17. Visite de l'église Saint-
Philibert, des bâtiments monastiques, de l'église de la Madeleine
6 CONGRÈS ARCHÉOLOGiaUK DE MAÇON
et du Musée. Déjeuner. — 2 heures 50: Départ pour Chalon-
sur-Saône; Arrivée à 3 heures 50. Visite de l'ancienne cathé-
drale de Saint-Vincent, du Musée et de la chapelle de l'Hôpital.
Dîner et coucher à Chalon-sur-Saône.
Mercredi 21.6 heures 35 du matin : Départ en chemin de fer
pour Autun. Arrêt à Chagny de 7 heures 22 à 8 heures 5. —
Arrivée à 9 heures 56. — Visite des monuments romains et du
Musée lapidaire. — Midi : Déjeuner. — 2 heures : Visite de la
cathédrale, du Musée de la Société Éduenne et du Musée de
la ville. — 5 heures 24: Départ d' Autun. — Arrêt à Chagny
de 6 heures 58 à 7 heures 44. — Arrivée à Chalon-sur-Saône
à 8 heures du soir.
Jeudi 22. Excursion flicultative à Beaune. Visite de l'Hôtel-
Dieu fondé par le chancelier Rolin. Visite de l'église. Musée.
CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE
DE MAÇON
BUREAU DU CONGRÈS
Président du Congres :
O'^ DE Marsy, directeur de la Société française d'Archéologie.
Assesseurs du Président du Congrès :
E. Travers, trésorier de la Société;
J. BuLLiOT, président de la Société Éduenne, inspecteur de la
Société.
Secrétaires généraux du Congrès :
A. DuRÉAULT, secrétaire perpétuel de l'Académie de Màcon;
L. Lex, conservateur des Archives départementales, de la Biblio-
thèque municipale et du Musée archéologique, archiviste de
l'Académie de Mâcon.
Trésorier du Congrès :
F. Lacroix, trésorier de l'Académie de Mâcon.
CONGRES ARCHEOLOGiaUE DE MAÇON
COMMISSION d'organisation DU CONGRES :
Adrien Arcelin, président de l'Académie de Mâcon et de la
Société d'Histoire et d'Archéologie de Chalon-sur-Saône. —
Louis AuTHELAiN, architecte, membre de l'Académie de
Mâcon. — Paul Canat de Chizy, membre du conseil de la
Société, associé de l'Académie de Mâcon. — Marcel LiS^a-
jous, président de la Société d'Histoire naturelle de Mâcon,
associé de l'Académie de Mâcon. — Jean Martin, conserva-
teur du Musée de Tournus, membre de l'Académie de Mâcon.
— Charles Pellorce, ancien maire de Mâcon, ancien prési-
dent de l'Académie de Mâcon. — Jules Protat, imprimeur,
associé de l'Académie de Mâcon. — Mgr Rameau, membre
de l'Académie de Mâcon. — Félix Reyssiè, avocat, ancien
président de l'Académie de Mâcon. — Jean Virey, archiviste-
paléographe, membre de l'Académie de Mâcon.
LISTE DES MEMBRES
MM.
AcARY (le Chanoine), curé provicaire de SaintA'incent.
AcY (Ernest d'), 40, boulevard Malesherbes, Paris.
Aii.i.AUD (Emile), maire de Saint-Jean-le-Vieux (Ain).
*AxauETiL (Eugène), avocat, Bayeux.
Arceux (Adrien), président de l'Académie de Mâcon, Chalon-sur-
Saône.
*AsHE (Révérend Thomas), Caen.
AuTHELAix, architecte, Mâcon.
*AvouT (Baron A. d'), inspecteur de la S. F. A., Dijon.
*Barrière-Flavv (Casimir), Toulouse.
*Beaumoxt (Comte Charles de), Chatigny, par Fondettcs (Indre-et-
Loire).
Bei.fort (A. de), Charnay-lés-Màcon.
Bexnet (M""" B. C), 5, rue de la Masse, Caen.
*Bexoist (Ernest de), Mâcon.
Berchem (Max van), membre de la Commission vaudoise des monu-
ments historiques, â Genève.
Bernard (Albert), secrétaire de la Société des Amis des Arts et des
Sciences, à Tournus.
Beroud (Abbé), Mionnay (Ain).
*Bertix (Docteur), Gray.
Béthl'ne (Prince de), Mâcon.
Biot (Docteur), Mâcon.
*Birot (Le docteur J.), 59, rue Victor-Hugo, Lyon.
*Bi.ANCHHT (J.-Adrien), membre de la Société nationale des Antiquaires
de France, secrétaire général de la Société française de numisma-
tique, â Paris.
*BoNNAULT n'HouET (Baron de), inspecteur divisionnaire de la S. F.
A., président de la Société historique, Compiègne.
*BoNNAULT d'Houët (Baronne de), Compiègne.
Nota. — L'astérisque placé devant les noms désigne les membres de la
Société française d'archéologie.
10 CONGRHS ARCHEOLOGiaUE DE MAÇON
MM.
Branges dk Civria (L'abbé de), Dôle (Jura).
*Briand (Paul), conservateur du Musée de la Société archéologique de
Touraine, Tours.
Broyer (Maxime), notaire honoraire, Mâcon.
Bruel (Alexandre), chef de section aux Archives nationales, Paris.
*Brune (Abbé), inspecteur de la S. F. A., Baume-les-Messieurs, par
Voiteur (Jura).
BucHALET (Philibert), maire de Mâcon.
BucHE (Joseph), professeur agrégé au Lycée, Bourg,
*Bllliot (J,-G.), inspecteur divisionnaire de la S, F. A., président de
la Société Eduenne, Autun.
*BoucHER DE Crèvecœur, 53, rue de la Tannerie, Abbeville.
*Caillemer (E.), correspondant 'de l'Institut, doyen de la Faculté de
droit, Lyon.
*Ca\at de Chizv (Nocl), licencié es lettres, Lyon.
*Canat de Chizy (Paul), membre du conseil de la S. F. A., Lyon.
Caket (Abbé), aumônier de la Visitation, Mâcon.
*Cauchemé (V.), inspecteur du palais, Compiégne.
Chalonge (Gaston de), conservateur du Musée, Paray-le-Monial.
Chaxtre (Ernest), sous-directeur du Muséum, Lyon.
Chantre (M""^ Ernest), Lyon.
Cheuzeville (Ludovic), conseiller général de Saônc-et-Loire, Beau-
bery (Saône-et-Loire).
Chevallier (Docteur Paul), Compiégne.
^Chevallier (Raymond), membre du conseil de la S. F. A.,Moyvillers
(Oise).
*Clermont-Tonnerre (Duc de), Ançy-le-Franc (Yonne).
CoRXUDET (Léon), lo, rue des Saints-Péres, Paris.
Corot (Henry), archéologue, Savoisy (Côte-d'Or).
Corroyer (Edouard), membre de l'Institut, inspecteur général des
édifices diocésains, délégué de la Société centrale des architectes,
14, rue de Courcelles, Paris.
*CouxEAU (Emile), La Rochelle.
Courtois (Félix), archiviste des usines du Creusot.
*CouTAN (Docteur), Rouen.
*Crusel (René), Abbeville.
Daussy (Paul), Compiégne.
LISTE DES MEMBRES II
MM.
*Dhchelette (Joseph), conservateur du Musée, Roanne.
*Decroos (Jérôme), trésorier de la Société des Antiquaires de la
Morinie, Saint-Omer.
*Demeui-dre (Amé), président du Cercle archéologique de Soignies
(Belgique).
*Demeuldre (M"'« Amé), Soignies (Belgique).
*Depoin (Joseph), secrétaire de la Société historique du Vexin,
Pontoise.
Desmette (Adolphe), avocat, 369, avenue Louise, Bruxelles.
DiDEi.OT (Chanoine), archiprétre de la cathédrale, Valence (Drôme).
*DiON (Comte Ad. de), inspecteur général de la S. F. A., président
de la Société archéologique de Rambouillet, Montfort-l'Amaury.
Driot (Jules), procureur de la République, Màcon,
Drioton (Clément), membre de la Commission des Antiquités, Dijon.
Dumoulin- (Fr.-Ch.), préfet de Saône-et-Loire, Mâcon.
*DuMON (Raoul), Paris.
*DuMUYS (Léon), conservateur-adjoint du Musée archéolog., Orléans.
DuPAsauiER (François), Saint-Jean-le-Priche (Saône-et-Loire).
Durand (Auguste), avocat, Mâcon. •
DuRÉAULT (Armand), secrétaire perpétuel de l'Académie, Mâcon,
*DuRET (Edmond), Saint-Germain-de-Marencennes, par Surgéres
(Charente-Inférieure) .
*Eysseric (Saint-Marcel), inspecteur de la S. F. A., Paris.
*Favarcq (Louis), 48, rue du Vernay, Saint-Ètienne.
Favre (Camille), archiviste paléographe, colonel-brigadier fédéral à
Vandœuvre, prés Genève.
*Fayolle (Marquis de), membre du conseil de la S. F. A., vice-prési-
dent et délégué de la Société historique du Périgord, Périgueux.
Feret (Abbé Pierre), docteur en théologie, curé de Saint-Mauncc-lés-
Charenton (Seine).
*Fleury (Gabriel), imprimeur à Mamers.
*FoRTS (Philippe des), archiviste-paléographe, Paris.
*Francs (François des), Orléans.
*Francard (Adolphe), avocat, délégué du Cercle archéologique de
Mons (Belgique).
Galland (Emile), conservateur des Eaux et Forêts, Mâcon.
12 CONGRES ARCHEOLOGIQ.UE DE MAÇON
MM.
*Garreau (Gustave), La Rochelle.
Gatellier (De), château de Béost, \"onnas (Ain).
Gaudet (Antoine), inspecteur des Eaux et Forêts, Mâcon.
*Gauthier (Jules), inspecteur delà S. F. A., à Besançon.
George (Henry), administrateur honoraire de l'enregistrement, lé,
boulevard Émile-Augier, Paris.
George, architecte, délégué de la Société académique d'architecture
de Lyon.
*Germain de Maidy (Léon), inspecteur divisionnaire de la S. F. A.,
secrétaire perpétuel de la Société d'archéologie lorraine, Nancy.
*Ghelli\-ck d'Ei.seghem (Comte Amaury de), délégué du gouverne-
ment belge, de l'Académie royale d'archéologie et de la Société
royale de numismatique de Belgique, 1 3 , rue de l'Industrie, Bruxelles.
GiLLOT (Docteur Xavier), vice-président de la Société d'histoire natu-
relle, Autun.
GiNDRiEz, architecte, directeur du Musée archéologique, Chalon-sur-
Saône.
Gloria (Henri), juge à Beaune.
*GoDFRAY (Henry-N.), trésorier des Etats de Jersey, Saint-Hélier,
Jersey.
GoiCHOT, architecte, Montceau-les-Mines.
GoiN (Louis), agronome, Anzy-le-Duc (Saône-et-Loire).
*GossET (Alphonse), architecte, délégué de l'Académie, Reims.
GossET (M"ie Alphonse), Reims.
*GoY (Pierre de), secrétaire de la Société des Antiquaires du Centre,
Bourges.
GuiBiER, notaire à Mâcon.
GuiFFREY (Jules), membre de l'Institut, administrateur de la manufac-
ture nationale des Gobelins, membre de la Société des Antiquaires
de France, Paris.
GuiFFREY (M™^ Jules), Paris.
GuiFFRKV (Jean), attaché au Musée du Louvre, Paris.
Haxkar (Paul), architecte, secrétaire et délégué de la Société d'ar-
chéologie de Bruxelles.
*Hélia\d (Comte Joseph d'), Laval.
LISTE DES MEMBRES Ij
MM.
*HuBERT (Joseph), architecte-ingénieur, délégué du Comité provincial
du Hainaut et de la Commission des monuments, Mons (Belgique).
*Hambyh, notaire à Mons (Belgique).
*Jamot (C), architecte, 25, rue Vaubecour, Lyon.
JoLivET (Abbé), curé de Berzé-la-Ville.
JoKTE (Emile), ingénieur, Paris.
*La Bourauère (Auguste de), Poitiers.
*Lacave-Laplagxe (Jean), avocat, Paris.
Lachesnais (De), villa Castellamare, Marseille.
Lacroix (Francisque), trésorier de l'Académie, président de l'Associa-
tion mâconnaise des Amis des sciences naturelles, Màcon.
*La Faige (E. Auber de), inspecteur de la S. F. A., Bussoles, par La
Palisse.
Lafen'ESTRE (Georges), membre de l'Institut, conservateur au Musée
du Louvre, Paris.
*Lafollye (Paul), délégué de la Société des architectes diplômés par
le gouvernement, Paris.
*La Grange (Baron Amaury de), délégué de la Société historique de
Tournai, Bois-Colombes (Seine).
*Lair (Comte Charles), inspecteur divisionnaire de la S. F. A., Blou
(Maine-et-Loire).
*Lair (Jules), ancien président de la Société de l'histoire de France et
de la Société de l'Ecole des Chartes, Paris.
*Lair (M""^ Jules), Paris.
*Lambertye (Comte Gaston de), Compiégne.
*La Perche (M'"-^), Compiégne.
*Latteux (Louis), Le-Mesnil-Saint-Firmin (Oise).
*Le Férox de Loxgcamp (A.), membre du comité de la S. F. A.,
Caen,
*Leeèvre-Poxtalis (Eugène), chargé de cours à l'Ecole des Chartes,
membre du Comité des Travaux Historiques et de la Société des Anti-
quaires de France, Paris.
*Legraxd (Charles), avocat, secrétaire de la Société des Antiquaires
de Morinie, Saint-Omer.
*Le Grix (E.), conservateur des forêts en retraite. Tours.
*Lemoine (M"'^ Alice), Saint-Servan.
I.j. CONGRES ARCHEOLOGiaUE DE MAÇON
MM.
Lexormaxd (Henry), Mâcon.
Lesaing (Edmond), directeur des contributions directes, Màcon.
*L'EsTOLRBEiLi.OK (Marquis de), député du Morbihan, inspecteur de la
S. F. A.
Lex (Léonce), archiviste du département, conservateur de la biblio-
thèque et du Musée archéologique, conservateur des collections de
l'Académie de Màcon.
*LiEBBE (Elias), 48, rue Pergolése, Paris.
LissAjous (Marcel), président de la Société d'histoire naturelle, Mâcon.
*LoE (Baron Alfred de), secrétaire général et délégué de la Société
d'archéologie de Bruxelles.
LoiSEAU (Léon), conservateur du Musée, Bourg.
LoYDREAU (Docteur Edouard), Neuilly, par Arnay-le-Duc.
*Macqueron (Henry), Abbeville.
Maxdix, architecte, délégué de la Société historique du Périgord,
Périgueux.
Mangenot (Alfred), conservateur des Forêts en retraite (Mâcon).
*Manoir (Gaston du), membre du comité de la S. F. A., Caen.
*Mareuse (Edgard), secrétaire du comité des Inscriptions parisiennes,
Paris.
*Marsal"x (Chanoine Léopold), secrétaire de la Société académique de
l'Oise, Beauvais.
Maritain (Paul), avocat, Bussiéres (Saône-et-Loire).
Marle (Paul), président de la Société des Amis des Sciences et des
Arts, Tournus.
*Marsv (Comte de), directeur de la S. F. A., Compiègne.
Martin (Félix), sénateur de Saôhe-et-Loire, Paris.
*Martix (Abbé J.-B.), correspondant du ministère de l'Instruction
publique, 205, rue Duguesclin, Lyon.
Martin, conservateur du Musée, Tournus.
*Matthieu (Ernest), avocat, secrétaire du Cercle archéologique,
Enghien (Belgique).
Matthieu (M'"'^ Ernest), Enghien (Belgique).
Maussier (J.-B.), ingénieur civil des mines, Saint-Galmier (Loire).
Mayor (Jacques), conservateur du musée Fol, à Genève.
*Méloi/.es (Marquis des), inspecteur de la S. F. A., secrétaire général
de la Société des Antiquaires du Centre, Bourges.
LISTE DES MEMBRES I5
MM.
Merle, juge au tribunal civil, Mâcon.
*MoNXLAR (Marquis de), membre du conseil de la S. F. A., ministre
plénipotentiaire, Paris.
*MoNERY (L.), Roanne, Loire.
MoNNECOVE (Félix Le Sergeant do), ancien député, Paris. .
MoRGON (Abbé), professeur à l'Institut Saint-Pierre, Bourg.
*MoRiNS Pons, Lyon.
MoNTET (Albert de), Chardonne-sur-Vevey (Vaud).
MuRARD (Comte de), Paris.
*Naef (Albert), chef du bureau des Monuments historiques, Courseaux-
sous-Vevey (Suisse).
*NuGUES (Alphonse), Romans (Drôme).
*OBERKAMPFr DE Dabrln (Baron), Alais.
*OssEViLLE (Comte Christian d'), Caen.
Paillard (Alphonse), ancien préfet, Charly (Saône- et- Loire),
Pellorce (Charles), ancien maire de Mâcon.
Pexdezec (Général), commandant la subdivision de Mâcon.
Perrin (Léon), ancien magistrat, Màcon.
Perrotin (Le Chanoine), curé archiprêtre de Saint-Pierre de Mâcon.
*Petit (Ernest), président de la Société des Sciences historiques et
naturelles de l'Yonne, Vausse (Yonne).
Philippe, inspecteur des Eaux et Forêts, Mâcon.
Picot (H. -F.), percepteur, Thoissey (Ain).
PixcHARD. architecte, Mâcon.
PiXETTE (Paul), Chalon-sur-Saône.
*PiNOTEAU (Baron A.), commandant d'état-major en retraite, Paris.
Plassard (Jules), 6, rue de la Boëtie, Paris.
Poils (Jean), délégué de la Société d'archéologie de Bru.\elles.
*PoRT-Roux (du). Romans.
*PoRT-Roux (M™"^ du), Romans.
PoNCix (Docteur), président de la Société des Sciences naturelles et
d'archéologie, Montrevel (Ain).
Poutiatixe (Prince Paul Arsenievitch), membre honoraire de l'Institut
archéologique de Saint-Pétersbourg.
*PouL (M™^ de), Compiégne.
Protat (Jules), imprimeur, Mâcon.
l6 COXGRKS ARCHHOLOGIQ.UE DE MACOX
MM.
Prlden't (Colonel), conservateur de la galerie des plans en relief des
Invalides, délégué du Club alpin français, Paris.
*QyARRH-REYBOURBOM (L.), délégué de la Société de géographie de
Lille et de la Société des Sciences et Lettres, Lille.
Q.LERCIZE (Eusébe de), Lucenay-l'Évêque (Saône-et-Loire).
Rameau (Mgr Barthélémy), prélat de la maison de Sa Sainteté, Màcon.
Raynaud (Jules), directeur de l'Ecole d'agriculture de Fontaines
(Saône-et-Loire).
*Régnier (Louis), délégué de la Société libre de l'Eure, Évreux.
Renkix (Henri), délégué de la Société d'archéologie de Bruxelles.
*Rey (Ferdinand), membre de la Commission des Antiquités de la
Côte-d'Or, Dijon.
Réveil (Docteur), La Pape, par Sathonay (Ain).
Reyssié (Félix), avocat, Mâcon.
*RiCHARD (Alfred), archiviste du département, inspecteur de la S. F. A.,
Poitiers.
*RiCHARD (Paul), homme de lettres, Lyon.
*RiCHARD (Pierre), architecte, délégué de la Société académique d'ar-
chitecture, 2, rue d'Oran, Lyon.
*RocHOL"x, Neuvy-Saint-Sépulcre (Indre).
*RouEDE (Camille), Chàtillon-sur-Indre (Indre).
Roy-Chevrier, Le Péage, par Givrv, prés l'Orbize (Saône-et-Loire).
*RoYER-CoLLARD (Paul), Paris.
*RuiLLÉ (E. Charil de), ancien conseiller à la cour d'appel d'Angers,
La Marmitiére-Saint- Barthélémy (Maine-et-Loire).
Saixt-Paul (Pasteur E.), Màcon,
*Saixt-Sald (Comte de), La \'alouze, par La Roche-Chalais (Dor-
dogne).
SAVOYE(Claudius), instituteur àOdenas, par Saint-Georges-de-Reneins
(Rhône).
*ScHOFFER (George-Valentin-Carl), membre de la Société d'archéolo-
gie d'Amsterdam.
*Sexs (Georges), Arras.
*Serbat (Emile), Paris.
*Serbat (Louis), élève de l'École des Chartes, Paris.
SiLVA (Ernest da), trésorier de la Société rovale des architectes et
archéologues portugais.
LISTE DES MEMBRES IJ
MM.
*SoiL (Eugène), délégué de l'Académie Royale d'archéologie de
Belgique et de la Société historique de Tournai, Tournai.
*SoREL (Alexandre), président honoraire du tribunal civil, Compiègne.
SouHESMES (Raymond de), délégué de l'Académie de Stanislas, Nancy.
*SuissE (Charles), architecte départemental, délégué de la Société
centrale des architectes, Dijon.
Tardy (Charles), vice-président de la Société des Sciences naturelles
de l'Ain, Bourg.
Tardy (Joseph), 30, Cours Morand, Lyon.
*Thiollier (Félix), m. n. r. du Comité des Travaux historiques, Saint-
Étienne.
*Thioi.lier (Noël), archiviste-paléographe, Saint-Étiennc.
Tol'rn'ier, conservateur des hypothèques, Màcon.
*Travers (Emile), trésorier et membre du comité de la S. F. A.,
délégué de l'Académie royale de l'Histoire de Madrid, Caen.
Teil du Havelt (Baron du), Charnay-lès-Màcon.
*Valois (Jules de), Aumâtre, par Oisemont (Somme).
*Vatin (Eugène), Senlis.
*Vatlv (M"^e Eugène), Senlis.
*Vayson (J.-A.), consul des Pays-Bas, Abbeville.
*Ver\euil (Ernest de), Mazan (Vaucluse).
*Verneuil (M™'^ Ernest de), Mazan (Vaucluse).
*Vii.LEFOSSE (A. Héron de), membre de l'Institut, président de la
Section d'archéologie du Comité des Travaux historiques, conser-
vateur au Musée du Louvre, délégué du Ministère de l'Instruction
publique, Paris.
ViLLEFOSSE (M"i^ A. Héron de), Paris.
Vingtrinier (Aimé), bibliothécaire de la ville, 32, rue Neuve, Lyon.
ViREY (Jean), archiviste-paléographe, Charnay-lès-Màcon.
Virey (Philippe), château de Montceau, par Prisse.
Vuillermet (François), rédacteur en chef de la Revue d'horUctilt un-
pratique, Poligny (Jura).
*Wii.soN (Sylv.-F.), major-général de l'armée anglaise, Beaumont
(Ile de Jersey).
Zeltener (de), à Paris.
CONGRl'-S ARCIIÉOLOGIQUE DE MACON. *
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
SÉANCE D'OUVERTURE DU MARDI 14 JUIN 1899
PRÉSIDENCE DE M. LE COMTE DE MARS Y
L'ouverture de la soixante-sixième session du Congrès archéo-
logique de France a eu lieu le mercredi 14 juin, à deux heures
de l'après-midi, dans le grand salon de l'Hôtel de Ville, mis obli-
geamment par M. le Maire à la disposition de la Société française
d'archéologie et de l'Académie de Mâcon.
M. le comte de Marsy, président du Congrès, prend place au
bureau, ayant auprès de lui MM. Buchalet, maire de Mâcon ;
A. Héron de Villefosse, membre de l'Institut, délégué de M. le
Ministre de l'Instruction publique; Arcelin, président de l'Aca-
démie de Mâcon ; le comte de Ghellinck d'Elseghem, délégué de
M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction publique de Bel-
gique; Duréault et Lex, secrétaires généraux du Congrès ;
Jules Lair, ancien président de la Société de l'Histoire de France;
le Rév. Th. Ashe ; Camille Favre, colonel brigadier de l'armée
fédérale; Albert Naef, chef du bureau des Monuments historiques
du canton de Vaud ; Emile Travers, trésorier de la Société;
Lacroix, trésorier du Congrès; et divers membres de l'Académie
de Mâcon et de la Commission d'organisation du Congrès.
Dans l'assemblée, on remarque des membres de la Société
française d'archéologie, des délégués des diverses compagnies
PROCES-VERBAUX I9
savantes, les principales autorités de la ville et un grand nombre
de dames, dont la plupart se sont jointes aux congressistes dans
leurs excursions.
M. le Président, en ouvrant la séance, donne la parole à
M. Buchalet, maire de la ville de Màcon.
M. le Maire souhaite, dans les termes les plus gracieux, la
bienvenue aux membres du Congrès, salue le représentant de
M. le Ministre de l'Instruction publique et remercie l'Académie
d'avoir provoqué la tenue à Màcon de ces assises archéologiques.
Il espère que chacun emportera un bon souvenir de Mâcon qui
s'efforcera de maintenir son vieux renom de cité hospitalière.
M, de Marsy lit ensuite le discours suivant :
« Monsieur le délégué du ministre,
« Mesdames, Messieurs,
« La Société française d'archéologie qui vient tenir son soixante-
sixième Congrès annuel dans le département de Saône-et-Loire a
déjà fait dans votre pays deux visites, mais elles remontent à un
demi-siècle. La première, en 1846, fut presque exclusivement
consacrée à Autun et à Chalon-sur-Saône. La seconde, en 1850,
fut une véritable chevauchée dans laquelle Caumont, entre
deux sessions à Auxerre et à Clermont-Ferrand, conduisit ses
fidèles à Tournus, Màcon, Cluny et Paray-le-Monial. Malgré la
difficulté des communications à cette époque, deux jours sut-
firent pour remplir ce programme. Il est vrai que tout le groupe
n'atteignait pas le chiffre des pairs de Charlemagne. L'un d'eux,
nonagénaire, survit seul, toujours droit comme un chcne, tou-
jours actif malgré son âge, c'est M. Léonce de Glanville, de
Rouen, qui en fut l'historien.
« A Màcon, la Société fut reçue par MM. de Surigny et Lacroix
20 CONGRES ARCHEOLOGiaUE DE MAÇON
père. Notre trésorier actuel, M. Lacroix, pat se glisser à la
suite des savants.
<■< Nous avons accueilli avec grand plaisir la proposition que
nous faisait l'Académie de Mâcon de venir tenir ici notre ses-
sion de 1899.
« L'Académie de Mâcon, qui sera bientôt centenaire, n'a pas eu,
comme beaucoup de ses sœurs, des moments de sommeil; elle
a toujours rendu au pays des services nombreux, encoura-
geant l'agriculture par ses concours annuels, protégeant les
lettres, les sciences et les arts. Mais, depuis qu'un généreux
donateur lui a permis de se mettre dans ses meubles, et d'acheter
le magnifique hôtel de Senecé, où elle se propose de nous don-
ner l'hospitalité, sa vie est devenue plus active encore et il suffi-
rait, pour l'attester, de montrer la liste sur laquelle, à côté de ses
trente membres titulaires, elle a inscrit ceux de trois cents
associés correspondants, appartenant presque tous au départe-
ment dont ils forment l'élite.
« C'est ainsi, Messieurs, que vous affirmez bien hautement ce
sentiment d'amour de votre province. En parcourant ces listes,
que l'on serait tenté de considérer comme des généalogies, où
les Lacretelle succèdent aux Lacretelle, les Rambuteau aux Ram-
buteau, les Pellorce aux Pellorce, les Lacroix aux Lacroix, etc.,
on voit le haut prix que vous attachez à cette origine locale, car
vous prenez soin de rappeler, pour les enfants du pays, le nom
du sol natal, et pour d'autres les titres ou les fonctions qui
vous les rattachent.
« A votre tète, je trouve Adrien Arcelin, mon ancien compagnon
d'études, un de mes camarades de cette Ecole des Chartes, où nous
étions ensemble, il y a trente-cinq ans, à une époque où il ne pensait
pas que la paléographie fût le chemin qui le conduirait à devenir
un de nos premiers géologues, un des maîtres de l'anthropologie.
PROCES-VERBAUX 2 1
Il est vrai qu'elle a vu bien d'autres de ses élèves suivre des voies
aussi différentes et, parmi ceux qui sont ici, je suis heureux de
féliciter l'un de nos anciens, M. Guiffrey, de sa récente élection à
l'Académie dés Beaux-Arts, et de saluer le colonel Favre, un des
officiers généraux les plus distingués de l'armée fédérale.
« Avec Arcisse de Caumont, j'ai appris à connaître les
Surigny, les Canat de Chizy et ce grand égyptologue trop long-
temps méconnu, Chabas, qu'en 1873, dans un voyage en Egypte,
Mariette me disait mériter autant que lui d'occuper une chaire
au Collège de France.
« J'ai aimé cet esprit si original, qui pendant longtemps a
animé vos séances par ses communications, le comte de Soultrait,
ce joyeux compagnon, et je n'oublierai pas que c'est lui qui
me servit d'introducteur dans le Forez auprès des membres de
la Diana, lorsque j'allais, en i885,y organiser le premier Congrès
que j'ai eu à diriger.
« Il est un nom. Messieurs, que l'on prononce souvent et tou-
jours avec respect au sein de votre Académie, c'est celui du
grand poète dont la statue s'élève à quelques pas d'ici et dont le
souvenir vit encore dans nos cœurs, bien que sa mort remonte à
plus de trente ans. Plus heureux que bien de mes contemporains,
j'ai encore été admis, en 1865, chez Lamartine, et j'ai été conduit
à Saint-Point par cet ami fidèle du poète dont le nom revient
souvent, M. Dubois. Je n'ai pas oublié l'accueil que nous fit le
grand homme dont l'âge n'avait pas courbé la haute spature et
que je vois encore appuyé contre une cheminée de porcelaine
peinte, je crois, par M"''^ Valentine de Cessiat, nous rappelant ses
souvenirs de 1848 et sa marche à l'Hôtel de Ville. Je n'ai pas
oublié non plus comment, nous guidant dans le parc, il s'éloigna
pour laisser M. Dubois nous conduire X la sépulture où il
repose et d'où on voudrait l'arracher aujourd'hui dans un
sentiment de patriotisme exagéré.
22
CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE MAÇON
« Depuis quelques années, un mouvement qui tend à s'accen-
tuer chaque jour porte de jeunes érudits à étudier nos anciens
édifices, et iious ne tarderons pas h avoir, grâce à eux, des des-
criptions des monuments de chaque province, de chaque diocèse;
leurs travaux peuvent être donnés comme des modèles, et je
citerai r Archéologie romane de F ancien diocèse de Mâcon de M. Jean
Virey, les Églises rornanes du Soissonnais de M. Eugène Lefèvre-
Pontalis, les Châteaux gascons de M. Lauzun, et ces œuvres
collectives entreprises par nos sociétés provinciales, comme la
Description du département de la Somme et Y Album archéologique
du Midi de la France.
« En même temps, l'enseignement de l'archéologie du moyen
âge tend à se répandre, et vous apprendrez avec plaisir que
l'Université de Clermont-Ferrand possède, depuis le commence-
ment de l'année, un cours d'art et d'archéologie de l'Auvergne,
dont le programme comporte une durée de cinq ans et qui a été
confié à notre confrère M. Henry du Ranquet.
« L'une des préoccupations de Caumont a toujours été de déve-
lopper parmi les membres du clergé l'étude et le goût de l'ar-
chéologie ; un certain nombre de séminaires possèdent cet ensei-
gnement, qui est souvent interrompu faute de professeurs
capables. Le grand séminaire d'Evreux vient d'en être de nou-
veau doté et c'est M. le chanoine Porée, notre inspecteur, qui
en est chargé, sous forme de conférences : il s'adjoindra M.
Louis Régnier, dont vous connaissez la haute compétence. Mais
si nous étudions avec soin nos monuments, avons-nous la même
sollicitude pour leur conservation ? Chaque jour, je suis l'écho
de plaintes sur les menaces de destruction de nos vieilles portes
de ville jugées trop étroites, de vieux donjons que l'on considère
comme de simples amas de pierres et que l'on réussit à renver-
ser comme la tour de Tarbes. Bien des monuments historiques.
PROCES-VERBAUX 2}
même parmi ceux qui sont classés, sont négligés et menacés de
disparaître, faute de quelque argent dépensé pour en boucher les
lézardes, pour en réparer les couvertures.
« Il ne suffit pas de cataloguer les monuments, il faudrait encore
en assurer la conservation réelle; nous avons, depuis quelques
années, une loi qui, si elle était appliquée, pourrait le faire;
mais ce qui manque, c'est l'argent, et le faible crédit répandu
sur toute la France ne peut y pourvoir.
« Oui, certes, les monuments sont protégés ; les députés en
parlent à la tribune, et dans de fréquents congrès, qui parfois
comme celui de l'Art public, à Bruxelles, au mois de septembre
dernier, revêtent un caractère officiel, on discute et on n'arrive
pas toujours à un résultat.
« Si notre confrère, M. Albert Naëf, a été assez heureux pour
faire adopter par le gouvernement vaudois un ensemble de dis-
positions analogues à celles de la loi française, la Belgique attend
encore le vote d'une loi déposée depuis plusieurs années
et l'insistance de M. Beernaert, président de la Chambre,
n'a pas encore réussi à la faire sortir des cartons. M. le comte
de GheUinck d'Elseghem, que M. le Ministre de l'Intérieur et
de l'Instruction publique de Belgique a bien voulu charger de le
représenter ici, pourra vous dire cependant que la Belgique
est un des pays où l'amour de l'art national est le plus vit, ce
qui n'empêche pas la maison des Bateliers à Gand de disparaître
pour céder la place à un fac-similé, plus fiicile à exécuter qu'une
restauration.
« L'an dernier je vous annonçai le projet de M. le Ministre de
l'Instruction publique de tenir en province, une année sur deux,
le Congrès des Sociétés savantes. L'expérience foite à Toulouse,
il y a quelques semaines, a grandement réussi. M. de Villetossc,
qui avait été investi de la mission de présider le Congrès, pourra
24 CONGRES ARCHEOLOGiaUE DE MAÇON
VOUS dire que les séances de la section d'Archéologie ont été
particulièrement suivies et que de nombreux membres de notre
société, tels que MM. Barrière-Flavy, Anthyme Saint-Paul, de
Lahondès, Pasquier, y ont fait des communications très appré-
ciées.
« Chaque année, dans cette réunion qui est notre assemblée
générale, j'ai à remplir une triste mission, celle de vous rappeler
les deuils qui sont venus frapper la société depuis notre der-
nier Congrès. Peut-être sont-ils moins nombreux que les années
précédentes, mais ils nous ont enlevé des membres distingués
et dont plusieurs étaient activement mêlés au mouvement de
notre existence.
« Le premier, M. Georges Sausse, n'avait pas trente ans. Offi-
cier distingué de notre marine, il avait brillamment conquis ses
épaulettes d'enseigne de vaisseau après de dures campagnes dans
l'Afrique ; et, dans ses dernières stations de la Méditerranée, il
avait mis à profit les loisirs que lui procurait la proximité de
Toulon pour étudier divers sujets importants d'archéologie qu'il
nous destinait, comme déjà il nous avait donné une étude sur
un galgal des environs de Caen. Dévoré par la fièvre africaine,
M. Sausse est mort soudainement à Caen, et nous publierons
prochainement ses recherches sur les fortifications liguriennes et
sur quelques chapelles romanes en Provence qu'accompagnent
des dessins et des plans soigneusement tracés.
« Louis Jarry, d'Orléans, décédé presque subitement à la fin
d'octobre, appartenait à une famille d'érudits. Son père avait
formé une riche collection qu'il n'avait cessé d'augmenter et que
l'un de ses fils, aujourd'liui auxiliaire de l'Institut, ne manquera
pas de continuer. M. Jarry avait pris une part active au Congrès
archéologique d'Orléans en 1892.
« Le comte Alphonse de la Guère était, depuis une quinzaine
PROCES-VERBAUX 2$
d'années, un des habitués de nos réunions. Généalogiste distin-
gué, épris de l'étude des questions artistiques, il luttait avec une
énergie surprenante contre une affection qui ne devait pas lui
pardonner et qui l'a enlevé à 53 ans. Vous vous rappelé/^
encore, Messieurs, les efforts qu'il faisait à Bourges pour suivre
nos séances, heureux de faire les honneurs de son hôtel et de
ses collections à ses amis.
(( M. Aimé Desmottes était aussi un habitué de nos congrès;
ce n'était pas un écrivain, bien qu'il eût été à même de rédiger
tout comme un autre des mémoires ; mais c'était un de nos grands
collectionneurs, et ceux qui n'ont pu pénétrer dans ses salons de la
place Royale, à Paris, qui recelaient tant de richesses en objets
du moyen âge, pièces de Limoges, bois sculptés, armes et bijoux,
ont vu dans les expositions quelques-uns des types de ces magni-
fiques séries. Souffrant depuis longtemps, M. Desmottes, qui
avait dépassé 70 ans, n'a pas voulu que ses collections tout
entières fussent dispersées, sans en faire profiter l'État et la ville
de Paris. Avec le goût éclairé qu'il possédait, il a fliit lui-
même un choix, en confiant à M"'^ Desmottes le soin d'exécuter
ses volontés, par la remise au musée Carnavalet d'une cire
d'Henri IV et d'autres objets.
« A ce propos, permettez-moi de m'arrêterun instant. A coup
sûr, il est très beau de donner après sa mort les objets précieux
que vous ne pouvez emporter dans un autre monde; mais n'est-
il pas plus méritoire de faire comme un de nos bons confrères,
qui, après avoir, pendant cinquante ans, travaillé à l'étroit, dans
la salle de lecture d'une de nos grandes bibliothèques de province,
est venu proposer à l'administration de sa ville de taire édifier à
ses frais, de son vivant, la salle qu'il rêvait. C'est ce qu'a fait notre
ami M. Auguste Janvier, d'Amiens, et vous l'en féliciterez avec
moi.
26 CONGRÈS ARCHÈOLOGiaUE DE MAÇON
« Président de Chambre à la Cour d'appel d'Amiens, M. Ernest
Audin, ancien président de la Société des Antiquaires de Picardie,
était un lettré et un amateur au vrai sens du mot, et le Musée
de Picardie, dont il était un des administrateurs, lui a dû plus
d'une de ses meilleures acquisitions, en même temps que les
ouvriers se rappelleront les services qu'il a rendus à la Société
industrielle de cette ville. Ami de mon père, il était le mien
depuis mon enfance et j'ai, avec tous ses collègues amiénois,
vivement regretté sa mort arrivée en quelques jours.
« M. Frédéfic Benoît, architecte à Lyon, est mort au Golfe
Juan, à 68 ans, au mois d'avril. Architecte de mérite, il avait
pris dans notre Société la place de son père qui avait été un des
doyens de notre compagnie, et je suis heureux de constater que
son fils, M. Louis Benoît, continuateur de ses travaux, a bien
voulu nous demander de l'associer aussi à notre Société, où le
"nom de Benoit aura ainsi figuré sans interruption depuis plus
d'un demi-siècle.
« C'est au Congrès de Brive, en 1890, que M. le docteur
Longy entra dans notre Société. Maire d'Eygurande pendant
plus de quarante ans et conseiller général de la Corrèze, il por-
tait un intérêt tout particulier au canton qu'il habitait, et
dont il avait écrit l'histoire. L'éloge de cette longue vie de
labeurs a été fliit, en termes .que je voudrais rappeler, par
M. Menault, inspecteur général de l'agriculture, lors d'un con-
cours, en 1897, où ce haut fonctionnaire remettait la croix
d'officier du Mérite agricole au docteur Longy, déjà depuis
longtemps officier de la Légion d'honneur.
« Belge d'origine, M. Charles Léman s'était depuis trente
ans fixé à Compiègne et, malgré les importantes entreprises com-
merciales dont il s'occupait avec une grande activité, malgré un
goût ardent pour les chasses à courre, il trouvait encore le
temps de suivre nos réunions en y apportant le même zèle.
PROCES-VERBAUX 2']
« J'ai peu connu M. le président Boivin-Cliampeaux, dont je
croyais que le nom terminerait cette liste. Ce fut, pendant près
de quarante ans, un magistrat consciencieux, un orateur à la
parole brillante, un écrivain distingué et, lorsqu'il fut atteint par
la loi de réforme de la magistrature, il occupait la haute situa-
tion de premier président à la Cour de Bourges. Rentré dans son
domaine de Champeaux près Bernay, M. Boivin-Champeaux y
reprit ses études sur les grands hommes de la Normandie, sur
l'histoire de la Révolution dans l'Eure, et tour à tour, la Société
des Antiquaires de Normandie, en lui conférant le titre de direc-
teur, la Société de l'Histoire de Normandie, en l'appelant b. la
présidence d'honneur, lui montrèrent en quelle haute estime
elles tenaient son caractère et ses travaux,
« La dernière de nos pertes, et je serais tenté de dire la plus
sensible, a été la mort, survenue jeudi dernier, de M. Eugène
de Robillard de Beaurepaire, notre secrétaire général depuis près
de trente ans. Si l'obligation de venir présider nos assises annuelles
ne m'avait forcé à prendre la route de Màcon au lieu de celle de
la Normandie, je serais aujourd'hui à accompagner,- au cimetière
d'Avranches, celui qui, depuis quinze ans, fut pour moi un ami
des plus sûrs, un guide des plus éclairés.
« Depuis que j'ai été appelé à prendre la direction de la
Société française d'Archéologie, j'ai vu successivement disparaître
de notre conseil ceux qui étaient nos plus fidèles soutiens; je ne
puis les citer tous, mais je dois rappeler parmi les principaux :
julien Travers, le savant universitaire ; Gaugain, qui fut cinquante
ans notre trésorier; Campion, qui avait été le collaborateur de
Caumont et était le continuateur de sa tradition ; Jules de Lau-
rière et Léon Palustre. C'est tout notre bureau qui disparaît avec
M. de Beaurepaire, mais j'aime à espérer que leurs enseignements
n'auront pas été perdus pour nous et que nous saurons nous
montrer dignes d'eux.
28 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE MAÇON
« Je n'ai pas besoin de dire le grand vide qu'apporte dans
toutes les Sociétés savantes de Normandie la mort de M. de
Beaurepaire- Outre ses fonctions de secrétaire général et de pré-
sident du comité de notre Société, il remplissait celles de direc-
teur de l'Association normande et de secrétaire de la Société des
Antiquaires de Normandie. Cet esprit charmant était un con-
teur délicat et l'histoire de sa province semblait n'avoir pas de
secrets pour lui, qu'il s'agit des événements de la grande Révolu-
tion ou des origines du Mont Saint-Michel. Au milieu d'articles
politiques et de conversations de salon, il trouvait le temps
d'écrire des livres comme le Caen monninental ou la préface du
bel ouvrage du marquis des Méloizes sur les vitraux de Bourges,
véritable histoire de l'art du verrier en Berry, qui restera comme
son testament.
« Nous avons à regretter aussi deux de nos membres étrangers.
M. le colonel Coëllo, membre de l'Académie Royale de l'Histoire,
à Madrid, était surtout connu par ses beaux travaux topogra-
phiques qui l'avaient mis à même de dresser la carte du Nord de
l'Espagne. Commissaire des expositions, il avait fait à Pans
de fréquents séjours et y comptait de nombreux amis. M.
Paul Genard, archiviste honoraire de la ville d'Anvers, était plus
que l'historien de sa ville natale, il en était l'àme. Aucune mani-
festation historique ou artistique n'avait lieu sans qu'il y fût
associé. Flamand dans toute Facception du terme, il avait con-
;servé les vieilles traditions et les anciens usages et, à l'entendre
parler de Rubens et de Plantin, on aurait cru qu'il sortait de
l'atelier du peintre pour aller à la maison du Marché du Vendredi
souper avec le maître imprimeur.
« Nous devons rappeler que, depuis notre dernière réunion,
plusieurs de nos confrères ont été l'objet de promotions ou de
nominations dans la Légion d'honneur. M. Paillard-Ducléré a
PROCES- VERBAUX 29
reçu la croix d'officier au mois Je juillet dernier pour ses services
diplomatiques; M. Moris, archiviste des Alpes-Maritimes, a été
nommé chevalier sur la proposition du Ministre de la guerre,
pour ses belles publications sur les guerres de la Révolution dans
les Alpes; M. Suisse, architecte diocésain, que nous som.mes
heureux devoir assistera ce Congrès comme délégué de la Société
centrale des Architectes, a reçu la même distinction pour les
beaux travaux de restauration exécutés par'lui, notamment à la
cathédrale de Dijon. Enfin, lors du Congrès des Sociétés savantes
à Toulouse, deux croix promises par le Ministre de l'Instruction
publique sont réservées l'une à M. Jules Gauthier, archiviste du
Doubs, notre inspecteur dans ce département; l'autre à l'un des
lauréats de notre grande médaille, il y a quelques années,
M. Ernest Rupin, l'auteur de V Œuvre de Limoges.
« Les palmes d'officier de l'Instruction publique ont été décernées
à MM. l'abbé d'Antessanty, inspecteur de l'Aube, et à M. l'abbé
Douillet, que nous féUciterons aussi de sa récente élection comme
président de la Société de Saint-Jean et de la récompense qu'il a
obtenue de l'Académie des Inscriptions pour sa publication des
Miracles de sainte Foy ; les palmes d'officier d'Académie à
MM. Prosper FalgairoUe, J. de Saint- Venant, et Bret.
« Chaque année nous voyons nos réunions plus suivies, et je
ne saurais trop m'en féliciter et remercier tous ceux qui veulent
bien y contribuer. Et d'abord, qu'il me soit permis de dire à
M. Héron de Villefosse, membre de l'Institut, combien j'ai été
touché de le voir, aujourd'hui encore, accepter la mission que lui
a confiée M. le Ministre de Tlnstruction publique et des Beaux-
Arts de venir ici représenter son département et le Comité des
Travaux historiques et scientifiques, dont il préside avec tant
d'autorité la Section d'Archéologie.
« Que les nombreux délégués des Sociétés savantes françaises
30 CONGRÈS ARCHÉOLOGiaUE DE MACOX
reçoivent aussi l'expression de notre gratitude pour leur concours,
et, parmi eux, je suis heureux de voir les représentants des prin-
cipales Sociétés d'architecture de France.
« J'aurais une longue énumération à faire si je voulais vous
citer les noms des Sociétés étrangères, belges et suisses notam-
ment, qui se sont fait représenter ici, et je dois tout particuliè-
rement remercier M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction
publique de Belgique qui a bien voulu confier une mission offi-
cielle à M. le comte de Ghellinck d'Elseghem, pour affirmer une
fois de plus les relations de bon voisinage qui régnent entre nos
deux pays, comme l'atteste chaque année la présence de nom-
breux archéologues aux Congrès français et belges.
« Je ne saurais trop remercier M. le Maire et les membres de
l'Administration municipale de Mâcon qui ont bien voulu mettre
à notre disposition les beaux salons de l'Hôtel de Ville.
« Tous les membres du Comité d'organisation du Congrès ont
droit aussi à votre reconnaissance, et notamment M. Duréault,
l'infatigable secrétaire général, que de graves préoccupations de
famille empêchent de prendre, dans ces derniers jours, une part
active aux travaux du Congrès; mon confrère M. Léonce Lex,
qui a pris la peine de rédiger un excellent guide du pays;
M. Francisque Lacroix, dont le dévouement s'est multiphé pour
assurer les logements, ainsi que MM. Authelain et Jules Protat.
« A tous, merci, au nom des membres du Congrès.
« Je déclare ouverte la soixante-sixième session du Congrès
archéologique de France. »
PROCES-VERBAUX 3 I
M. Héron de \'illefosse prend ensuite la parole en ces termes :
« Mesdames,
« Messieurs,
« Je serais bien ingrat si je ne remerciais pas mon cher ami, le
comte de Marsy, le savant directeur de la Société française
d'archéologie, des aimables paroles qu'il vient de m'adresser.
J'en suis plus touché que je ne saurais le dire. D'ailleurs, il con-
naît mes sentiments, il sait que j'ai accepté avec une véritable
joie la mission fort agréable de venir assister au Congrès archéo-
logique de Mâcon ; il sait combien je suis heureux d'avoir été
chargé de vous apporter aujourd'hui les vœux et les félicitations
du Comité des Travaux historiques.
« L'intérêt que le Ministère de l'Instruction publique attache aux
manifestations des Sociétés savantes a été affirmé cette année
d'une façon tout à fait particulière et plus solennelle qu'à l'ordi-
naire. Au moment de Pâques, au lieu d'attendre à Paris la visite
des délégués, le ministre et le comité, imitant l'exemple donné
depuis soixante-six ans par la Société française d'Archéologie, se
sont transportés en province; ils sont venus rendre hommage
aux Sociétés savantes sur le théâtre même de leurs exploits. C'est
là une preuve indéniable de l'importance de vos travaux et de la
place de plus en plus considérable qu'ils tiennent dans les préoc-
cupations publiques.
« J'arrive ici pour vous en apporter l'assurance ; mais j'y arrive
aussi avec la pensée d'y retrouver de bons et fidèles amis, d'excel-
lents confrères, de revoir avec eux cette belle et riche province
de Bourgogne où l'art, sous toutes ses formes et à toutes les
époques, offre à nos yeux charmés tant de sujets d'étude. Notre
but est de ranimer ou d'entretenir les études historiques ; nous
voulons faire aimer et respecter les souvenirs du passé; nous
32 CONGRES ARCHEOLOGiaUE DE MAÇON
sommes les missionnaires de l'archéologie. A vrai dire, notre
tâche ici est facile, car nous n'avons pas à prêcher notre doctrine,
nous n'avons qu'cà écouter et à apprendre.
« Bien peu de Sociétés en France ont un aussi glorieux passé et
ont rendu autant de services que l'Académie de Mâcon, la Société
de Chalon-sur-Saône et la Société Eduenne. Bien peu ont
exercé une aussi salutaire influence.
« J'ai jeté les yeux sur le programme du Congrès et j'y ai vu
que la première question nous invitait à tracer le tableau des
études archéologiques dans le département de Saône-et-Loire
depuis cinquante ans. Il suffirait. Messieurs, d'ouvrir les publica-
tions de ces sociétés pour répondre promptement et pertinem-
ment à cette première question.
« Un livre récemment paru, dû à la plume autorisée d'un des
doyens de l'archéologie française, d'un savant qui, pendant trente
années, a conduit et mené à bien, sans découragement et sans
lassitude, l'exploration d'un des points les plus intéressants de
notre territoire, répond à cette première demande. Il y répond
d'une manière éclatante et victorieuse pour la période la plus
attachante et la moins connue de notre histoire nationale : je
veux parler de notre vénéré confrère, M. Bulliot, et de son ouvrage
sur le Mont Beuvray, augmenté d'un précieux atlas par les soins
de M. F, Thiollier. C'est la vie de nos pères, c'est l'histoire de
leur industrie au temps de l'indépendance, c'est le tableau des
coutumes, des mœurs, de la civilisation et du caractère des Gau-
lois.
Ce que les historiens ne songeaient pas à nous apprendre,
M. Bulliot l'a lu dans les entrailles de la terre, il l'a deviné en
remuant la poussière qui couvrait le plateau de Bibracte, cette
poussière sacrée^ témoin des luttes et des derniers efforts des
défenseurs de la Gaule. Avec quel courage, avec quel oubli de
PROCES-VKRBAUX 3 3
lui-même, quelle sûreté et quelle précision dans ses recherches il
a poursuivi son labeur, vous le savez! Plusieurs fois j'ai eu le
bonheur de taire avec lui l'ascension de la montagne ; je compte
ces journées parmi les meilleures de ma vie. Arrivé à un âge où
d'autres se reposent, il travaille encore, il travaille toujours. Sans
lui, sans sa ferme volonté, sans son obstination nous en serions
encore à nous disputer, comme nos pères, sur l'emplacement de
Bibracte. Je n'hésite pas à dire que, depuis cinquante ans, il n'y
a pas eu en France une exploration conduite avec plus de méthode,
de persévérance et d'unité que celle de M. Bulliot au sommet du
Beuvray. Dans quelques jours nous irons lui porter le tribut
mérité de notre reconnaissance, le témoignage de notre respec-
tueuse admiration. Si nous ne le rencontrons pas sur le champ
de bataille où il a vaillamment combattu pour la cause de la
vérité, nous le trouverons au moins au milieu des trophées
qu'il a conquis et qu'il a réunis dans un vieil édifice, qui est
encore une de ses conquêtes, à l'hôtel du chancelier Rolin.
« Nous sommes en plein pays éduen ; vous me pardonnerez
de vous avoir dit un mot de Bibracte et de celui qui en a fait
revivre la mémoire. A quelques lieues de là se dresse aussi le
plateau d'Alise, autre sommet fameux dans notre histoire
nationale, dont la situation, il y a cinquante ans était au moins
aussi discutée que celle de Bibracte. Des fouilles célèbres ont
tranché cette question et tout le monde est d'accord aujourd'hui
sur la solution qui lui a été donnée. Mais l'histoire si attachante
de notre Gaule tient toujours en réserve de nouveaux problèmes
à résoudre. Dans un département voisin, sur le territoire des
Séquanes, on a trouvé récemment un document d'une impor-
tance exceptionnelle que le Musée de Lyon a recueilli. C'est
l'inscription gauloise de Coligny où tout reste encore mystérieux.
J'espère que nos confrères de l'Ain et du Jura nous apporteront
CONGRl'S ARCHÙOLOGiaUE l>r MAÇON 5
34 CONGRÈS ARCHÉOLOGiaUE DE MAÇON
des éclaircissements sur ce texte extraordinaire, sur les circons-
tances de sa découverte, sur la façon dont il faut l'interpréter et
le comprendre, en un mot sur tout ce qui peut nous aider à en
pénétrer les secrets. Ce serait un glorieux résultat à enregistrer
dans les procès-verbaux de ce Congrès.
« J'entendais tout à l'heure avec tristesse l'énumération des
pertes cruelles subies depuis un an par la Société française d'Archéo-
logie ! A voir l'affluence qui se presse dans cette salle, la Société
a su réparer ses pertes; les vides ont été comblés, de jeunes
recrues sont venues prendre la place de leurs aînés. Grâce à
Dieu, le goût de l'archéologie n'est pas près de s'éteindre ! Nous
ne sommes plus au temps où cette science était le monopole de
quelques vieux antiquaires ! Aujourd'hui la jeunesse s'y livre avec
ardeur et je me réjouis de voir dans cet auditoire ceux qui seront
un jour nos successeurs, ceux qui continueront nos traditions et
notre œuvre. Nos efforts ne seront pas perdus; nous laisserons
après nous quelque chose de bon et d'utile.
(( Le mérite de ce mouvement revient. Messieurs, aux Con-
grès qui font apprécier et aimer l'archéologie dans nos provinces,
aux directeurs dévoués et affables qui, comme mon cher cama-
rade, le comte de Marsy, savent grouper autour d'eux toutes les
bonnes volontés et s'attirer toutes les sympathies, aux sociétés
locales dont l'accueil est toujours si cordial et si chaleureux.
« Au nom du ministre de l'Instruction publique, au nom de
la section d'archéologie du Comité des Travaux historiques, je
salue avec joie l'ouverture du soixante-sixième Congrès archéolo-
gique de France, je souhaite longue vie, prospérité et succès à la
Société française d'archéologie, aux Sociétés savantes de Saône-et-
Loire,et à tous les représentants des autres sociétés françaises ou
étrangères accourus dans la ville de Màcon pour prendre part à
vos travaux. »
PROCES-VERBAUX 35
M. Arcelin commence la lecture d'un mémoire en réponse à
la première question du programme : État des études archéolo-
giques dans le département de Saône-et-Loire depuis cinquante ans.
Il passe en revue successivement les découvertes et les publi-
cations concernant les temps préhistoriques, l'âge du bronze,
l'âge du fer, l'époque gauloise et la période gallo-romaine.
La séance est levée à 4 heures.
DEUXIEME SEANCE DU 14 JUIN
PRÉSIDENCE DE M. LE COMTE DE MARSY
La séance est ouverte à 9 heures du soir.
Siègent au bureau : MM. Bruel, chef de section aux Archives
nationales ; Ernest Petit, président de la société des Sciences his-
toriques et naturelles de l'Yonne; Arcelin et Pellorce, président
et ancien président de l'Académie de Mâcon ; Emile Travers et
Lex.
M. le marquis de Surgères offre au Congrès son livre sur les
artistes de Nantes et sa brochure sur les anciens imprimeurs de
la même ville ; M. Henri Corot, ses diverses notices sur les
antiquités de la Bourgogne, et M. Paul Canat de Chizy plusieurs
de ses ouvrages et quelques études de son frère, feu M. Marcel
Canat de Chizy.
M. le Président donne lecture des questions du programme,
inscrit le nom des membres qui se proposent d'y répondre et
règle l'ordre du jour des séances suivantes.
La séance est levée à 10 heures.
36 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQ.UE DE MAÇON
PREMIÈRE SÉANCE DU 16 JUIN
PRÉSIDENCE DE M. LE COMTE DE MARSY
Siègent au bureau : MM. de Villefosse, le comte de Ghellinck
d'Elseghem, Arcelin, le marquis de Fayolle, Reyssié et Lex.
M. Reyssié offre au Congrès son livre sur le Cardinal de
Bouillon, ouvrage qui vient d'être récompensé par l'Académie
française. M. le Président lui adresse des remerciements et des
félicitations.
M. Léon Loiseau, conservateur du musée de Bourg, lit une
note sur le triptyque de cette collection, représentant la vie de
saint Jérôme, et daté de 15 18. Il croit que cette peinture, attri-
buée jusqu'ici à Michel Wohlgemuth (1434-15 19), est l'œuvre de
Bernard van Orley (1490-15 60), peintre ordinaire de Marguerite
d'Autriche, qui l'a fait travailler à l'église de Brou, mais que les
grisailles intérieures des volets pourraient être de Jean Perréal.
M. Ferdinand Rey, répondant à la quatrième question, énu-
mère les objets peu nombreux de l'âge du bronze trouvés à Chas-
sey, à Cheilly, à Santenay et dans les berges de la Saône. Les
découvertes relatives à l'âge du fer sont plus nombreuses, mais
leur relevé n'a pas encore été établi.
M. Clément Drioton décrit quatre « camps calcinés » qu'il a
explorés aux environs de Dijon. Ce sont le camp de César, à
Flavignerot et les enceintes du Bois-Brùlé, du Châtelet, à Etaules,
et du Châtelet, à Valsuzon. Il y a trouvé des débris d'objets de
tous les âges, depuis l'époque de la pierre taillée jusqu'à la période
franque.
PROCES- VERBAUX 37
M. Charles Tardy communique un mémoire sur les anciennes
enceintes de Bourg. Des traces d'appareil et des objets gallo-
romains avant été découverts dans cette ville, il croit à l'exis-
tence d'une cité antique non mentionnée dans la carte de
Peutinger.
M. Jean Martin, conservateur du musée de Tournus, énumère
ses découvertes récentes dans des dépendances de l'abbaye de
cette ville, dans le cloître notanmient, où il a exhumé cinq sar-
cophages et dans le parloir, ou locutorium, dont il a déterminé
l'emplacement. Il a aussi relevé des traces du monastère pri-
mitif.
M. J. Protat décrit des objets de ses collections provenant de
fouilles dans la région mâconnaise : vases funéraires en terre
et en verre, poteries, lampes, épingles, monnaies, trouvées dans
des sépultures gallo-romaines découvertes à Mâcon, et notam-
ment à l'angle des rues Charles-Rolland et Rambaud ; objets de
l'âge du bronze et de l'âge du fer ; trouvaille romaine de Saint-
Nizier (Ain), consistant en une statuette de bronze, une jambe
de bronze incrustée d'argent, etc. ; trouvailles romaines de Sen-
necé-lès-Mâcon et de Salornay-sur-Guye, comprenant des cuil-
lers et des bracelets en argent et des anneaux en or; produits
des berges de la Saône ; bagues et intailles.
A propos des lettres Q, A, P, gravées au pointillé sur le
manche de Ta cuiller d'argent trouvée à Salornay, M. de Ville-
fosse fait observer que ce sont évidemment les initiales des pré-
nom, nom et surnom du propriétaire de cet objet.
M. Léonce Lex lit des notes intéressantes sur les anciennes
faïenceries de la région.
M. Joseph Depoin lit, au nom de Mgr Rameau, une note
sur une visite du château de Berzé-le-Châtel en 1760, sur la
construction de cette forteresse et sur l'ancienne famille de Berzé.
38 CONGRÈS ARCHÉOLOGiaUE DE MAÇON
M. Lex explique la dénomination de Tour du Bœuf donnée à
une des tours de Berzc-le-Châtel. On prétend qu'un des seigneurs
V avait fait, enfermer un homme et un bœuf sans nourriture,
pour savoir lequel des deux vivrait le plus longtemps, et que
c'est l'homme qui aurait résisté.
M. Arcelin signale la publication faite par M. Furgeot, dans
le Cahinct historique, d'un inventaire du mobilier du château de
■Berzé au commencement du xV siècle.
M. Henri Corot énumère les cistes ou fragments de cistes en
bronze trouvés en France. On en connaît aujourd'hui une
dizaine, dont plusieurs proviennent de la Côte-d'Or, notam-
ment d'Alise au musée de Dijon, et de Civry-en-Montagne
au musée de Beaune.
M. Claudius Jamot soumet le texte d'une protestation contre
-la démolition de la chapelle et d'une tour du château de Vive-
rois (Puy-de-Dôme).
La séance est levée à 1 1 heures.
PROCES-VERBAUX 39
DEUXIÈME SÉANCE DU i6 JUIN
PRÉSIDEXCE DE M. LE COMTE DE MARSV
La séance est ouverte à 9 heures du soir.
Siègent au bureau MM. de Villefosse, Arcelin, Camille Favre,
J. Soil, l'abbé Féret, Pierre de Goy et Lex.
M. le Président donne lecture d'une lettre de M. Caillemer,
doyen de la Faculté de droit de Lyon, qui regrette de ne pou-
voir assister au Congrès. Il voulait communiquer un sceau
de Jean de Blanot, seigneur d'Uxelles et professeur en droit,
appendu à une charte de 1272, et il aurait parlé de Jean
de Mâcon ou Jean de Cluny, qui enseigna aussi le droit à
Orléans vers la fin du xiv^ siècle.
M. Albert Naëf, chef du bureau des monuments historiques
du canton de Vaud, présente une revue d'ensemble des antiqui-
tés de la Suisse romande. Il examine successivement : à l'époque
préhistorique les stations lacustres, menhirs, pierres à écuelles,
sépultures à dalles, tumulus à ustion et à incinération ; à l'âge
de bronze et à l'âge de fer les cercueils en bois de l'époque de
la Tène ; aux périodes gallo-helvète et gallo-romaine les fouilles
de Vevey et d'Avenches, l'antique Aventicum; à l'époque bur-
gonde les cimetières.
Au moyen âge, l'architecture religieuse de cette partie de la
Suisse est marquée par le mélange des influences et des styles.
La cathédrale de Lausanne, avec son chœur du xn"" siècle et sa
nef du xiii« siècle, se rattache à l'école de la Haute-Bourgogne.
Les architectes militaires ont construit des tours en bois sur
40 CONGRES ARCHEOLOGIQUE DE MAÇON
des mottes féodales ou chàtelards aux x*^ et xi^ siècles ; au xii^
siècle, des châteaux du type bourguignon, avec des influences
allemandes ou italiennes, suivant les régions; au xiii^ siècle,
des donjons circulaires ; au xiv*^ siècle, des donjons carrés ; au
xv"= siècle, des bretèches en bois remplacés par des mâchicoulis
en pierre.
M. Claudius Savoye, instituteur à Odenas (Rhône), rend
compte des fouilles fliites dans le cimetière gallo-romain du coteau
de Saint-Amour (Saône-et-Loire). Les tombes, recouvertes de
dalles, renfermaient des ossements, des fragments de poteries
grises et rouges, une monnaie romaine, un style en bronze, un
couteau, un poignard en fer. En terminant sa lecture, M. Savoye
signale d'autres sépultures du même genre, découvertes sur le
territoire des communes de La Chapelle-de-Guinchayet deSaint-
Vérand (Saône-et-Loire).
M. le docteur Biot présente un petit buste en marbre blanc,
appartenant à M. Picot, percepteur à Thoissey, qu'on prétend
avoir été trouvé, il y a environ quinze ans, à Cormatin (Saône-
et-Loire) à 0"" 60 du sol, auprès de terrains riches en débris de
l'époque gallo-romaine. M. Biot a soumis des photographies de
cet objet à des archéologues de France et de l'étranger. Quelques-
uns ont voulu y voir Trajan, Marc- Antoine, Auguste, Néron,
Jules César, un empereur ou un général quelconque; d'autres
ne se sont pas prononcés.
Après examen du buste, MM. de Villefosse, de Marsy et Soil
échangent quelques observations et déclarent qu'ils pensent devoir
mettre en doute l'antiquité de cet objet qui est probablement de
la Renaissance.
M. Alphonse Nugues communique le relevé d'une inscription
en lettres inversées qui se trouve dans l'église du prieuré de
Granne (Drôme), édifice du xii^ siècle.
PROCES-VERBAUX 4I
M. de Monnecove propose une interprétation de cette inscrip-
tion, la pierre sur laquelle elle est gravée étant, selon lui, une
matrice destinée à tirer des plaques de plomb ou de bronze.
A l'appui de cette hypothèse, M. le marquis de Monclar
déclare avoir vu une plaque de schiste ou d'ardoise, ayant pro-
bablement servi à produire des empreintes, et dont les caractères
étaient renversés.
Une discussion s'engage entre MM. Nugues, de Monnecove,
de Marsy et Lex sur la date de cette inscription qui, d'un com-
mun accord, est fixée à la fin du xi= siècle ou au commencement
du xii^ siècle.
La séance est levée à lo heures 1/2.
42 CONGRES ARCHEOLOGIQUE DE MAÇON
SÉANCE DU i8 JUIN
PRÉSIDENXE DE M. LE COiMTE DE MARSY
La séance est ouverte à i heure 1/2.
Siègent au bureau: MM. Le Féron de Longcamp, le baron de
Bonnault d'Houët, Arcelin et Lex.
M. Paul Richard lit un mémoire sur le culte de saint Marcel
et de saint Valérien, fondateurs des églises de Chalon et de Tour-
nus. Il énumère dans la région comprise entre Lyon et Chalon
de nombreuses églises placées sous le vocable de ces saints.
M. Francisque Lacroix signale l'existence à Mâcon d'une
dizaine de tours carrées accolées à des maisons anciennes des rues
Sigorgne, Saint-Nizier, Philibert-Laguiche, de la Barre, Paradis,
de la Préfecture, Châtillon, de l'Epée, Franche et de la place de
la Baille. Ces tours ont toutes cinq étages et renferment des
escaliers à vis ; quelques-unes sont du xiv^ siècle, mais la plu-
part ne remontent qu'au xV siècle. M. Lacroix les considère
comme des « guettes » ou des « signaux ».
MM. Pierre Richard et E. Bourdon émettent l'avis que ces tours
si nombreuses encore à Lyon et ailleurs, ne sont que de simples
cages d'escaher.
M. Lex, questionné par M. le Président sur les indications
que les archives de Màcon peuvent fournir à cet égard, ne con-
naît aucun document qui puisse faire attribuer à ces tours une
destination militaire.
M. l'abbé Marchand énumère les stations préhistoriques
explorées par lui dans la région du Bas-Suran qui s'étend de
Varambon et Friev à Châteauroux.
PROCES-VERBAUX 43
M. Joseph Déchelette, conservateur du musée de Roanne,
signale la similitude qu'il a reconnue, d'accord avec M. Pitch,
conservateur du musée de Prague, entre les produits du Mont
Beuvray et ceux de Hradischt, près Stradonitz (Bohème). Cette
similitude est démontrée surtout par la poterie peinte, rouge et
blanche, à décors géométriques, par une technique spéciale de
l'émaillerie gauloise, et par les objets de verre et de bronze.
M. Pitch croit que T oppidum de Hradischt doit être identifié avec
la ville royale de Marbod, chef des Marcomans, détruite au
commencement du règne de Tibère. Tacite raconte qu'on y
voyait des marchands venus des provinces romaines, attirés par
l'appât du gain. Aux yeux de M. Pitch, ces marchands seraient
des Éduens. M. Déchelette pense, au contraire, que Hradischt
est un oppidum boïen et non germanique. La présence des types
de l'industrie éduenne s'y expliquerait par une migration de
Boïens que César contraignit à se fixer sur le territoire éduen,
après la défaite des Helvètes aux environs de Bibracte. Une par-
tie de ces émigrants serait retournée ensuite dans son pays d'ori-
gine.
M. Jean Virey étudie l'architecture romane dans notre région.
Les églises de Saint-Philibert de Tournus, de Chapaize et de
Farges peuvent être considérées comme les plus anciens proto-
types du style roman. L'abbaye de Cluny dut contribuer ensuite
à la construction de nouvelles églises. Quelle a été l'influence
de cette abbaye sur le développement des arts et en particulier de
l'architecture ? Tout ce que l'on peut admettre, c'est que Cluny
a été le centre de l'école bourguignonne ; mais, contrairement à
l'opinion de VioUet-le-Duc, il n'a pas existé d'école clunisienne
ayant ses procédés à elle. Si cette opinion était juste, toutes les
églises clunisiennes se ressembleraient ; or, les différentes écoles
provinciales ont soumis à leur influence les édifices clunisiens
44 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE MAÇON
qui se trouvent dans le rayon de leur action. D'autre part, on ne
distingue pas du tout en Bourgogne le style des églises cluni-
siennes de celles qui ne le sont pas.
On ne peut pas signaler de différences sensibles dans l'archi-
tecture religieuse de nos trois anciens diocèses : partout on
retrouve au même degré les caractères généraux du style roman
bourguignon à l'extérieur et à l'intérieur des édifices de cette
époque. Quelle a été la durée, chez nous, de l'architecture
romane ? C'est l'église de Saint- Albain qui en marque la fin : sa
structure générale est encore celle du xii^ siècle, mais les voûtes
sur croisées d'ogives et l'amortissement des fenêtres indiquent
déjà le XIII* siècle.
M. le Président fait connaître que M. Gindriez se proposait
d'entretenir le Congrès de l'œuvre de Vivant Denon. M. Gindriez
n'a pu venir à Mâcon et nos regrets lui seront transmis.
M. Adrien Blanchet donne lecture d'un mémoire de M. C.
Barrière-FIavy sur l'archéologie daas le département de Saône-et-
Loire, pendant la période burgonde, aux v* et vi* siècles.
M. Jean Martin dit quelques mots de l'influence de la dévo-
tion populaire sur le monnayage de l'abbaye de Tournus,
influence qui expliquerait l'alternance des noms de saint Philibert
et de saint Valérien dans les pièces tournusiennes du ix^ au xir
siècle.
La séance est levée à 4 1/2. " ■
PROCES-VERBAUX ^ 5
BANQUET
DIMANCHE l8 JUIN 1899
Le banquet traditionnel du Congrès, qui a eu lieu le dimanche
18 juin, à sept heures du soir, dans le grand salon de l'Hôtel de
Ville, a réuni plus de cent congressistes.
Au dessert, de nombreux toasts, très applaudis parles convives,
ont été portés par MM. le comte de Marsy, au nom de la Société
française d'Archéologie ; A. de Villefosse, au nom de M. le
Ministre de l'instruction publique ; Laneyrie, adjoint, au nom
de la municipalité de Mâcon ; le baron d'Avout, au nom de
l'Académie de Dijon ; Ad. Francart, au nom des Sociétés savantes
de Belgique ; Camille Favre, au nom des délégués des Sociétés
suisses; Pierre Richard, au nom de la Société centrale des archi-
tectes-français ; Cl. Jamot, au nom de la Société d'Architecture
de Lyon ; Emile Travers, trésorier, au nom de la Société fran-
çaise d'Archéologie ; et le comte d'Osseville.
46 CONGRÈS ARCHHOLOGiaUE DE MAÇON
SÉANCE DU 19 JUIN
PRÉSIDKKCE DE M. LE COMTE DE MARSY
La séance est ouverte à 8 heures du soir.
Siègent au bureau : MM. de Villefosse, Arcelin, le comte Lair,
le baron d'Avout, le comte de Ghellinck d'Elseghem, Déchelette
et Lex.
M. le docteur Birot, au nom de M. l'abbé J.-B. Martin et au
sien, décrit les sculptures de l'église d'Ainay, à Lyon, et présente
les photographies de très curieux chapiteaux des débuts de l'époque
romane.
M. Arcelin lit la fin de son mémoire sur la première question
et passe en revue les découvertes et publications relatives aux
époques barbare et franque, au moyen âge et aux temps
modernes.
M. J. Déchelette fait part au Congrès du résultat de ses fouilles
de 1898 au Mont-Beuvray.
M. Couneau communique une note de M. G. Musset, biblio-
thécaire de la ville de La Rochelle, sur la découverte faite à La
Rouillasse, commune de Soubise (Charente-Inférieure), d'un vase
en terre noire contenant plusieurs milliers de monnaies romaines.
M. le baron d'Avout rend compte de la séance tenue par le
Conseil administratif de la Société, le 17 juin dans laquelle les
récompenses suivantes ont été décernées :
GRANDES MÉDAILLES DE VERMEIL
MM. Adrien Arcelin, à Chalon-sur-Saône, et J.-C. Bulliot,
à Autun.
PROCES-VERBAUX 47
MÉDAILLES DE VERMEIL
MM. Léonce Lex, à Mâcon, et Joseph Déchelette-Despierres,
à Roanne.
MÉDAILLES d'aRGENT
MM. Jean Martin, à Tournus; l'abbé Jolivet, à Berzé-la-
Ville; Henry Corot, à Savoisy; Louis Favarcq, à Saint-Etienne.
médailles de bronze
M. l'abbé Gros, à Sainte-Foy (Loire).
Le Conseil accorde à M. Arcelin une subvention de 150 francs
pour l'aider à continuer ses fouilles de Solutré.
M. le Président annonce que le prochain Congrès archéolo-
gique aura lieu à Chartres. Puis il remercie une dernière fois la
ville et l'Académie de Mâcon, M. le Ministre de l'Instruction
publique, le gouvernement belge et les Sociétés françaises et
étrangères qui ont bien voulu envoyer des délégués, les membres
du Congrès et toutes les personnes qui ont facilité son succès
et contribué à son éclat.
A son tour, M. le comte de Ghellinck d'Elseghcm exprime sa
reconnaissance pour l'accueil si cordial qui lui a été fait. Il rap-
pelle d'une façon heureuse les liens qui ont jadis uni la Bourgogne
aux Flandres et ajoute qu'il emportera un souvenir inaltérable
de l'hospitalière cité de Mâcon.
M. le Président déclare close la soixante-sixième session du
Congrès archéologique de France.
La séance est levée à 10 heures 1/2.
COMPTE RENDU
DES
EXCURSIONS
VISITE DES MONUMENTS DE MAÇON '
Le mercredi 14 juin, après la séance d'ouverture, les membres
du Congrès ont été l'objet d'une réception très chaleureuse orga-
nisée par l'Académie de Mâcon à l'Hôtel Senecé. A 5 heures, on
se met en route pour visiter les monuments de la ville. Nous ne
pouvons mieux faire que d'emprunter 3. M. Lex les notices du
Guide qu'il a rédigé avec tant de soin pour les membres du
Congrès.
L'ancienne cathédrale de Saint-Vincent, classée parmi les
monuments historiques, fut presque entièrement démolie en
1799, sauf le porche, les deux tours avec la travée intermédiaire
et l'amorce des murs de la nef. La porte d'entrée et l'arcade qui
donnait accès dans la nef ont été murées en 1855, en même temps
qu'on restaurait le portail.
La nef et l'abside, qui ont disparu, dataient des xiii^ et xiv^
siècles. Les tours, carrées à la base, puis octogonales, furent
bâties au xii^ siècle, mais leur étage supérieur est une œuvre du
xiii^ siècle.
Un porche ouvert fut appliqué devant les clochers au milieu
du xii^ siècle, mais sa porte, évidemment romane, a été refaite au
EXCURSIONS 49
xv^ siècle. La baie qui fait communiquer le porche avec la
travée comprise entre les deux tours est surmontée d'un tympan
sculpté, divisé en cinq registres, où l'on voit encore, malgré
les mutilations : le paradis à droite et l'enfer à gauche; la
Résurrection ; les grands et les petits prophètes, le Christ dans
sa gloire, entouré de la Vierge, des apôtres et d'anges. La cin-
quième zone renferme des séraphins et des chérubins'.
Les chapiteaux du portail sont décorés de sujets qu'on a essaye
d'expliquer ainsi : à droite, le démon, du côté du porche, c'est-
à-dire hors de l'église, essaie d'y pénétrer, et l'ange, armé du
bouclier et de l'épée, du côté de l'entrée, lui barre le passage ; à
gauche, la scène de la Tentation sur la montagne : en tout cas
Satan d'une part et Jésus de l'autre.
Dans la travée bâtie entre les clochers, il y a des peintures
murales qui remontent à l'époque même de la construction des
bases des deux tours, c'est-à-dire au commencement du xu^ siècle,
et qui représentent deux scènes de la Résurrection : d'une part
les élus entrant dans le jardin de délices, d'autre part les damnés
précipités dans les flammes de l'enfer.
On voit à Mâcon un débris de maison romane, i, rue du
Pavillon, deux façades gothiques ii, rue Rochette, et 26, rue des
Ursulines, et plusieurs maisons du xv= siècle. La « Maison de
bois », qui date de la fin du xv"-" siècle ou du commencement
du xvi% n'a pas d'histoire. Il fout se contenter d'admirer au pre-
mier étage la décoration des colonnettes et des bandeaux garnis
de branches et de feuillages. Les chapiteaux supportent une
chaîne de personnages, d'animaux et de monstres plus ou moins
1. On trouvera l'histoire et la description de cette église dans l'ouvrage de
M. Jean Virey, Larchiteclure romane clans l'ancien diocèse de Maçon, p. 222.
CONGRI-S AKCHÉOLOGiaUK Dr. MACOX. ■^
50 CONGRES ARCIlÉOLOGiaUE DE MAÇON
spirituels et plus ou moins indécents. A l'intérieur, les maî-
tresses poutres du plafond du premier étage portent sur des cor-
beaux à figures.
Les autres édifices civils qui méritent une mention sont l'Hôtel
de Ville, ancien hôtel de Montrevel avec ses beaux salons
Louis XV et Louis XVI, l'hôtel de l'Académie, ancien hôtel de
Marnay, puis de Senecé, qui remonte au commencement du
xviii'^ siècle, l'Hôtel-Dieu construit en 1770, la Charité, bâtie sur
les plans de l'architecte Soufflot en 1775, la Préfecture et l'an-
cien évêché.
EXCURSION A CLUNY ET A PARAY-LE-MONIAL
Le jeudi 15 juin, les membres du Congrès arrivaient a Cluny
à 8 heures 1/2 du matin et commençaient immédiatement la
visite des monuments de la petite ville dont l'abbaye eut une
célébrité universelle.
La porte d'entrée de l'abbaye, formée de deux arcades en plein
cintre du xii'' siècle qui retombent sur des colonnettes, est encore
intacte. Le premier palais abbatial, bâti par Jean de Bourbon
(1456-1485), sert de Musée; le second, œuvre de Jacques d'Am-
boise (1485-15 10), est devenu l'Hôtel de Ville. Ces deux abbés
avaient fait bâtir l'Hôtel de Cluny à Paris.
Une construction du xii^ siècle très remaniée « dite des écuries
de saint Hugues » est convertie en halle et en théâtre. La belle
façade du « palais du pape Gelase » postérieure au séjour de ce
pontife à Cluny en 11 19, remonte au xiii^ et au xiV siècle. Elle
a été complètement restaurée en 1873. Il faut citer encore les
cloîtres et les logis du xviii'^ siècle, le ceUier du xiii^ siècle, les
deux tours carrées du Moulin et des Fromages, la tour ronde
de l'Observatoire et la tour de l'abbé Fabri, bâtie vers 1350.
EGLISI-: ABBATIALE DE CLUNY
Plan
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ÉGLISE ABBATIALE DI- CLUNY
Croisillon Nord
EXCURSIONS 51
L'immense église abbatiale qui mesurait 171 mètres de lon-
gueur était le plus grand édifice religieux de la chrétienté avant
la construction de Saint-Pierre de Rome. Bâtie de 1089 à 1131
et démolie de 181 1 à 1823, elle comprenait une nef flanquée de
doubles bas côtés et précédée d'un vaste narthcx gothique du
xiii^ siècle, un double transept, avec des absidioles et un chœur
très profond entouré d'un déambulatoire et de cinq chapelles
rayonnantes. Cinq clochers dominaient les toitures, mais les tours
romanes dites de l'Eau bénite et de l'Horloge sont seules con-
servées.
On peut se rendre compte de l'élévation et du style de cette
magnifique" église en admirant le croisillon méridional du grand
transept qui mesure 33 mètres sous voûte. Ses piliers cantonnés
de colonnes, son triforium à pilastres cannelés et sa voûte en
berceau brisé rappellent les travées de la cathédrale d'Autun et
de l'église de Paray-le-Monial. La chapelle de saint Etienne du
xii^ siècle, la chapelle Saint-Martial, œuvre du xiv= siècle et la
chapelle de Bourbon bâtie vers 1470 par l'abbé du même nom
sont les seuls débris encore intacts de cette véritable cathédrale
dont M. Penjon * et M. Jean Virey^ ont donné la description
complète dans leurs ouvrages.
L'église Notre-Dame (mon. hist.) est un édifice à trois nefs
reconstruit dans la seconde moitié du xiii'= siècle. Le porche qui
précédait la façade a été démoli en 1786,
L'église Saint-Marcel, construite en 11 59, n'est remarquable
que par son clocher roman, son abside ^, et par son grand béni-
tier, qui est une ancienne cuve baptismale du xiii^ siècle *.
1 . Cluny, la ville et l'abbaye, 111-8°.
2. L'arcbitecttire romane dans Tancien diocèse de Mdcofi, pp. 256-342.
3. Ibid., p. 242.
4. Viollet-le-Duc, Dictionnaire d'anhitccline, t. V, p. 539.
52 CONGRES ARCHEOLOGiaUE DE MAÇON
L'église Saint-Mayeul a été démolie en 1798. De la nef du
xi^ siècle et d'une des chapelles du xv% il est resté des débris que
les Bénédictins de l'ordre de Cluny viennent de réparer et d'en-
tourer d'un cloître,
La chapelle de l'hôpital renferme divers fragments d'un mau-
solée que le cardinal de Bouillon, abbé de Cluny, avait projeté
d'élever en réalise abbatiale à la mémoire de Frédéric-Maurice de
La Tour d'Auvergne, duc de Bouillon, et d'Eléonore de Bergh,
ses père et mère. Ces fragments sont : la sfttue du duc et celle
de la duchesse dans une attitude qui rappelle la conversion
au catholicisme obtenue du mari par sa femme, un ange et un
bas-relief représentant le combat de La Marfée, en marbre blanc.
Les statues et le bas-relief, qui sont des œuvres d'art tout à fait
remarquables, furent commandées en 1698 à un artiste français,
fixé à Rome, Pierre II Legros. Dans la même chapelle, on con-
serve le bâton d'une crosse dite « de saint Hugues », abbé de
Cluny (i 049-1 109).
Les maisons romanes des xii^ et xiii^ siècles de la place Notre-
Dame, de la rue de la République, de la rue d'Avril, de la rue
Neuve, de la rue du Merle et de la rue Dauphine, sont une des
curiosités archéologiques de Cluny les plus connues. Les portes
de l'enceinte qui sont encore debout sont celles de Saint-Mayeul
et de Saint-Odile.
Le musée mérite d'être visité. Au rez-de-chaussée, on conserve :
des débris de l'église abbatiale, la tombe de l'abbé Aimard
(x'^ siècle), celle de saint Hugues, richement décorée (xii" siècle),
onze grands chapiteaux romans à feuillages, à fleurs et à per-
sonnages, d'une valeur considérable ; des fragments du mausolée
du duc de Bouillon, des débris de maisons romanes, aujourd'hui
démolies. Au premier étage,, il y a une belle cheminée
ancienne, divers objets de l'époque gallo-romaine et du moyen
ÉGLISE DE PARAY-LE-MONIAL
Plan
EXCURSIONS 53
âge, quelques tableaux et dessins de Prud'hon, qui est né
à Cluny.
Après le déjeuner, les membres du Congrès se sont rendus
par le chemin de fer à Paray-le-Monial.
L'église de Notre-Dame qui est devenue la basilique du Sacré-
Cœur (mon. hist.) dépendait d'un prieuré de Cluny. Commencé
en 1004, remanié dans la seconde moitié du XT' siècle et ter-
miné vers le milieu du xii'^ siècle, cet édifice a été restaurée de
1857 à 1862 et le clocher central est une reproduction moderne
de l'ancienne tour. Le narthex, la façade et ses deux clochers
doivent être seuls attribués au xi^ siècle, mais la nef et tout le
chevet de l'église ne remontent qu'au xii'' siècle. Chaque travée,
voûtée en berceau brisé, se compose d'un arc en tiers-point qui
retombe sur des piles flanquées de trois colonnes et d'un pilastre
cannelé. Au-dessus, on voit un triforium à pilastres semblable
à celui de la cathédrale d'Autun.
Le rond-point du chœur, soutenu par huit colonnes monolithes,
se compose de trois chapelles rayonnantes qui s'ouvrent sur le
déambulatoire voûté d'arêtes comme les bas côtés de l'église. Dans
le croisillon nord, on voit l'ancienne vasque de la fontaine du
cloître transformée en bénitier aux armes de Jacques d'Amboise,
abbé de Cluny (1485-1510). Les chapelles du chœur renferment
un autel en pierre du xii" siècle et le tombeau de Jean de Damas,
mort en 1468.
Notre directeur, M. Eugène Lefèvre-Pontalis, a donné une
description complète de cette belle église romane en 1886 '.
Les bâtiments du prieuré remontent partie au xV siècle et par-
tie au xviii'^ siècle.
I. Èttiâe historique et archéologique sur r église de Para y-le-Moiiial, dans les
Mémoires de la Société Eduenne, nouvelle série, t. XIV. Le relevé de cette église
se trouve dans les Archives de la Cowviission des vioiiuinents historiques, t. I.
54 CONGRHS ARCHÉOLOGICIUE DE MAÇON
De l'église Saint-Nicolas , siège de la justice de paix, il ne reste
qu'un clocher carré surmonté d'un dôme du xvi^ siècle.
L'Hôtei de Ville (mon. hist.) est installé dans une maison
bâtie de 1525 à 1528 par un riche fabricant de serge, Pierre Jayet.
La façade est décorée de fins médaillons et d'élégantes sculptures.
Le musée eucharistique renferme des objets liturgiques anciens
et intéressants.
VISITE DU MUSÉE ARCHÉOLOGIQUE ET DE
LA BIBLIOTHÈQUE DE MAÇON
Le vendredi 16 juin, après la séance du soir, les membres du
Congrès se sont rendus au musée. La collection préhistorique,
qui comprend plus de dix mille pièces, a été formée par les dons
généreux de MM. Arcelin et Cousty et par les découvertes faites
à Solutré. La collection lapidaire se compose d'inscriptions
romaines, d'une mosaïque, de stèles, d'autels, de sarcophages,
de tombes juives, de débris romans du vieux Saint- Vincent,
d'une tombe du xiv*^ siècle. Il faut signaler encore des antiquités
gallo-romaines, une sépulture épiscopale du xiii'-' siècle, la col-
lection de monnaies.
A la Bibliothèque municipale, qui possède cent dix manuscrits,
on a beaucoup admiré une magnifique Cité de Dieu et une
Légende dorée du xv*^ siècle enrichies de miniatures.
EXCURSIONS 5 5
EXCURSION A SOLUTRÉ, PIERRECLOS,
BERZÉ-LA-VILLE ET BERZÉ-LE-CHATEL
Le samedi 17 juin, le Congrès a visité tout d'abord la station
préhistorique de Solutré qui occupe un petit plateau, situé entre
les habitations du village et l'escarpement de la uîontagne ; on y
trouve tant d'ossements que le lieu est dit « le Crot du Char-
nier ». L'industrie de Solutré correspond à plusieurs époques.
L'une d'elles est caractérisée par la fine pointe en feuille de
laurier, taillée avec beaucoup de soin, en silex, quelquefois
en cristal de roche. On a trouvé à Solutré un grand nombre de
sépultures préhistoriques, gallo-romaines et burgondes. Les osse-
ments de cheval y sont extraordinairement abondants.
La roche de Solutré était couronnée à l'époque romaine par
un castrum et au moyen âge par un château téodal, qui a été
rasé en 1435 et dont il reste peu de traces.
L'église de Solutré est du xii*" siècle.
Pierreclos. — Le -château, qui, avec la seigneurie, a successi-
vement appartenu aux Pierreclos, aux Chevricr, aux ducs de
Savoie, aux Bletterans. aux Rougemont et aux Michon, a été
assiégé par les Armagnacs en 1422 et en 1434, brûlé par les
Français en 147 1, et pris par les Protestants en 1562; il en reste
des parties anciennes, mais le gros des logis a été rebâti en 1665.
A côté du château, on voit le clocher et le chœur d'une église
du xii*-" siècle, décrite par M. Jean Virey '.
Berié-la- Ville. —La chapelle du Château des Moines de Cluny
(mon. hist.), aujourd'hui propriété particulière, paraît dater du
commencement du xir' siècle. La nef, le chœur et l'abside sont
I. Larchitecliire romane clans l'ancien diocèse de Ma'con, p. 179.
36 COXGRKS ARCHHOLOGiaUE DE MACOX
décorés de peintures murales de l'époque romane, qui n'ont été
découvertes sous le badigeon qu'en 1887. Celles de l'abside sont
d'une conservation parfaite. Elles représentent : dans une pre-
mière zone, les bustes des saints Abdon, Sennen, Dorothée,
Gorgon, Sébastien, Serge, autre Sébastien, Denis et Quintien;
dans une deuxième zone, les figures de deux saints abbés béné-
dictins, puis d'une part la légende et la mort de saint Biaise, et
d'autre part le martyr de saint Laurent ; dans une troisième zone,
les bustes de six saintes parmi lesquelles Agathe, Laurence et
Consorce ; dans une quatrième zone, sous la main bénissante de
Dieu le Père, le Christ de gloire, entouré de deux saints évêques,
de saint ,\'incent et de saint Laurent et de douze apôtres. Enfin
dans le chœur, sous l'oculus qui est percé au-dessus de l'abside,
on voit encore Dieu le Fils, sous la forme d'un agneau auréolé,
portant la croix nimbée et accosté d'anges ^
Ba\é-le-Châtel. — Le château était, avec celui de Solutré, un
des plus forts du Maçonnais. Il a successivement appartenu, ainsi
que la seigneurie, aux Berzé, aux Frolois, aux sires de Beaujeu,
aux ducs de Savoie, aux Rochebaron, aux d'Aumont et aux
Michon; le poète Hugues de Berzé, qui vivait au xiii^ siècle, y
est né. Il a été assiégé et pris par Guy de Saint-Trivier en 1346,
par les Armagnacs en 1421 et par les Ligueurs en 1591. Ses
difterentes enceintes, la porte d'entrée, les tours et une grande
partie des constructions du moyen âge restées debout ont été
l'objet d'importants remaniements.
I. MM. Lex et Martin ont décrit ces curieuses peintures romanes dans le
Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques et scientifiques, 1895,
p. 416, 5 planches.
EXCURSIONS 57
EXCURSION A BOURG ET A BROU
Cette excursion a eu lieu le lundi 19 juin. A Bourg-cn-Bressc,
les membres du Congrès ont visité l'église de Notre-Dame, cons-
truite de 1505 à 1545, dans le style de transition de l'art gothique
au goût de la Renaissance. Le clocher a été démoli en 1793 et
relevé depuis. Les boiseries et les stalles du chœur du xvi'' siècle
furent sculptées par le menuisier bressan Pierre Terrasson.
Le musée possède le triptyque de saint Jérôme provenant de
l'église de Brou ; c'est une belle œuvre du xv!*-" siècle.
L'église de Brou, de style gothique, unique en France par ses
sculptures, a été bâtie sous le vocable de saint Nicolas de Tolentin,
par Marguerite d'Autriche, fille de l'empereur Maximilien et de
Marie de Bourgogne, et veuve de Philibert le Beau, duc de Savoie.
Ses architectes furent le lyonnais Jean Perréal, dit Jehan de Paris
(1506-1512) et le flamand Van Boghem (15 13-1536); les por-
trayeurs, Aimé Picard, Jean Rolin, Jean de Saint-Amour et
Benoît de Montagna; les imagiers, Michel Colombe, les frères
Conrad et Thomas Meyt, Vambelli, Campitoglio, Benoît de
Serin, et Guibert et Thibaut de Salins; les feuillagiers, Jean
de Louhans et Aimé Carré; le menuisier, Pierre Terrasson, de
Bourg ^
La fiiçade est décorée de statues et de statuettes; celles de saint
André et saint Nicolas de Tolentino méritent une mention par-
ticulière.
A l'intérieur, on admire le jubé, orné de nombreuses sta-
tuettes ; celles qui couronnent la galerie sont un Ecce Homo avec
I. Baux (Jules), Histoire de Vcglisc de Brou, 1854, in-S". — Dufay, Ueglise de
Brou et ses tombeaux, 1867, in-12. — Jarrin (Charles), Brou, sa construction,
ses architectes, 1888, in-S».
58 CONGRES ARCHEOLOGIQ.UE DE MACOX
saint Nicolas de Tolentino, sainte Monique et saint Antoine,
à sa droite : un autre Ecce Homo, saint Augustin et saint Pierre
à sa gauche-. Sous le jubé, on voit des tableaux anciens.
Derrière l'autel moderne, on remarque à l'abside la devise
que Marguerite d'Autriche s'était composée après ses malheurs :
Fortune Infortune Fort Une, qu'on a cru pouvoir interpréter
ainsi : Fortuna infortunat fortiter unam. Cette devise se trouve
d'ailleurs un peu partout dans l'édifice, ainsi que les initiales P
(Philibert) et M (Marguerite).
Les stalles hautes abritent sous leurs dais 48 statuettes qui
représentent, à droite, 24 personnages de l'Ancien Testament, et
à gauche 24 personnages du Nouveau Testament. Les miséri-
cordes et les appuis sont curieux.
Les mausolées, dans le chœur, sont au nombre de trois.
Celui de Marguerite de Bourbon, mère de Philibert le Beau, à
droite, est en marbre blanc et noir et en albâtre. On y remarque,
outre la statue de la princesse, des sybilles, des pleureuses, des
génies, puis, à la tête, les statuettes de saint André et de sainte
Catherine, et, aux pieds, celles de sainte Agnès et de sainte
Marguerite.
Celui de Philibert le Beau, au centre, est également en marbre
blanc et noir. Le duc y est représenté vivant, revêtu de son
armure, et mort, à l'état de cadavre. Il est entouré, d'une part,
de génies, et, d'autre part, de sybilles.
Celui de Marguerite d'Autriche est à gauche. La duchesse s'y
voit aussi vivante et morte. Des statuettes de saints et de saintes
et des sybilles en décorent les piliers.
La chapelle de la Vierge renferme un retable merveilleux,
formé d'un seul bloc d'albâtre, où l'artiste a sculpté les Sept
joies de Marie : Annonciation, Visitation, Nativité, Adoration
des Mages, Apparition de Jésus à sa Mère, Descente du Saint-Esprit
3 m
a.
o
EXCURSIONS
59
sur hi Vierge, Assomption. A la partie supérieure du retable,
hi statue de la Vierge est entourée de sainte Marguerite et de
sainte Madeleine. Aux angles de la chapelle, on voit les statues
de saint André et saint Philippe.
Les vitraux les plus remarquables sont : ceux de la chapelle de
la Vierge, qui représentent l'Assomption; celui de la petite cha-
pelle des comtes de Pont-de-Vaux, à côté de l'oratoire de la
duchesse, où est peinte l'Apparition de Jésus-Christ à saint
Thomas; ceux du chœur, de la chapelle de Notre-Dame des
Sept-Douleurs et du transept. Ils ont été exécutés sur place par
Jean Perréal.
EXCURSION A TOURNUS ET A CHALON-SUR-SAONE
Le mardi 20 juin, la matinée a été consacrée à la visite de
l'ancienne église abbatiale de Saint-Philibert de Tournus, un des
édifices romans les plus curieux de toute la France, classé parmi
les monuments historiques'. Le narthex fermé dont l'étage supé-
rieur constitue une église à part, placée autrefois sous le vocable
de saint Michel, la nef, les bas-côtés, le chœur, l'abside et la crypte
qui régnent sous le chœur datent du commencement du xi^ siècle.
Le transept et les deux clochers carrés de la façade et de la croisée
ont été construits ou remaniés au milieu du xii" siècle; plusieurs
chapelles ont été ajoutées aux bas-côtés au xn"-" siècle et au
xV' siècle. Cet édifice a été, de 1845 à 1850, l'objet de très impor-
tantes réparations; la façade notamment a été refiiite à cette
époque.
I . On trouvera le relevé de cette église dans les Archives de h Commission des
Monuments historiques, t. I.
EXCURSIONS 59
sur la Vierge, Assomption. A hi partie supérieure du retable,
la statue de la Vierge est entourée de sainte Marguerite et de
sainte Madeleine. Aux angles de la chapelle, on voit les statues
de saint André et saint Philippe.
Les vitraux les plus remarquables sont : ceux de la chapelle de
la Vierge, qui représentent l'Assomption; celui de la petite cha-
pelle des comtes de Pont-de-Vaux, à côté de l'oratoire de la
duchesse, où est peinte l'Apparition de Jésus-Christ à saint
Thomas; ceux du chœur, de la chapelle de Notre-Dame des
Sept-Doulcurs et du transept. Ils ont été exécutés sur place par
Jean Perréal.
EXCURSION A TOURNUS ET A CHALON-SUR-SAONE
Le mardi 20 juin, la matinée a été consacrée à la visite de
l'ancienne église abbatiale de Saint-Philibert de Tournus, un des
édifices romans les plus curieux de toute la France, classé parmi
les monuments historiques'. Le narthex fermé dont l'étage supé-
rieur constitue une église à part, placée autrefois sous le vocable
de saint Michel, la nef, les bas-côtés, le chœur, l'abside et la crypte
qui régnent sous le chœ^ur datent du commencement du xr' siècle.
Le transept et les deux clochers carrés de la façade et de la croisée
ont été construits ou remaniés au milieu du xir siècle; plusieurs
chapelles ont été ajoutées aux bas-côtés au xiv siècle et au
xv^ siècle. Cet édifice a été, de 1845 à 1850, l'objet de très impor-
tantes réparations; la façade notamment a été refaite à cette
époque.
I . On trouvera le relevé de cette église dans les Archives de la Coiiiniissuvi des
Monuments historiques, t. I.
6o CONGRES ARCHÉOLOGiaUE DE MAÇON
Il faut signaler : à l'extérieur, les statues de saints accolées aux
meneaux et aux angles du clocher de la façade; à l'intérieur,
les piliers énormes, les peintures murales du xn% d*u xiii'^ et
du xv^ siècle et les pierres tombales rondes ou ovales du
narthex ; les peintures murales du xV^ siècle et la vierge romane
en bois, malheureusement dorée, de la chapelle de Notre-
Dame-la-Brune, dans le bas-côté sud; la peinture murale du
xiV' siècle représentant le Jugement dernier de la chapelle Saint-
Georges, dans le bas-côté nord. Dans le transept, l'inscription
RENCO ME FECiT révèle sans doute le nom de l'architecte de cette
partie de l'édifice au xii^ siècle ; dans la tribune du narthex, l'in-
scription inexpliquée gerlannvs abate isto moneterivm eile
remonte au xi'^ siècle. La crypte renferme un sarcophage et des
peintures murales du xii^ siècle.
L'église de la Madeleine, construite au xii^ siècle, remaniée au
xiV^ et au xv*^ siècle, a un portail élégamment décoré, mais le
tympan est resté uni. Un clocher carré s'élève sur la croisée du
transept. L'église Saint-Valérien avec son portail du xi'' siècle est
désaffectée.
Des constructions de l'ancienne abbaye il reste les deux tours
rondes du xiv'' siècle qui flanquaient la porte d'entrée; le cloître
du xi'= siècle et le parloir ouverts sur l'église au sud, la salle du
chapitre du xiii^ siècle, et le palais abbatial du xv* siècle. Ces deux
derniers bâtiments sont assez bien conservés et méritent d'être
visités.
Plusieurs maisons des xiii% xv^ et xvi^ siècles se voient encore
à Tournus. Signalons aussi une belle frise de l'époque romane
encastrée dans une façade moderne.
Le musée comprend des antiquités préhistoriques, une belle
série d'objets burgondes, des restes de monuments détruits et
des monnaies inédites de Tournus.
EXCURSIONS 6 1
Chalon-sur-Saône. — La cathédrale Saint-Vincent (mon. hist.)
est loin d'être un édifice homogène : la partie inférieure de la nef,
les bas-côtés et le transept sont du xii"' siècle, le chœur et l'abside
du XIII'' siècle, l'étage du triforium et des fenêtres supérieures du
xiv"-' siècle, plusieurs chapelles du xv^ siècle; enfin la façade et
ses deux clochers carrés à plates-formes ont été entièrement refaits
dans le style gothique, de 1825 à 1850. A l'intérieur, il y a de
nombreuses pierres tombales du moyen âge, une tapisserie
flamande de la Renaissance et une crosse en ivoire attribuée à
saint Loup, évêque de Chalon au vii^' siècle, etc.
Avant sa reconstruction, l'hôpital, fondé en 1528 dans l'île
de Saint-Laurent, avait une salle des malades dont les beaux
vitraux sont aujourd'hui dans la chapelle, où l'on voit aussi
une chaire et une porte en bois remarquablement sculptées du
XVII'' siècle.
Le palais épiscopal du xv-' siècle est dominé par une tour du
xiii" siècle.
Les autres tours qu'on rencontre en ville sont celle de Saudon,
dont la base paraît romaine et la partie haute mérovingienne, et
celle du Doyenné, qui remonte au x\'" siècle.
Le musée comprend une importante collection épigraphique et
lapidaire de l'époque romaine et du moyen âge, des vitrines
d'antiquités préhistoriques, des monnaies de Chalon, un beau
retable peint du xv" siècle représentant le martyre de saint Biaise
et une collection céramique.
62
CONGRES ARCHEOLOGiaUE DE MAÇON
EXCURSION A AUTUN
La journée du mercredi 21 juin a été consacrée à hi visite
archéologique d'Autun. Malgré son grand âge^ M. Bulliot, pré-
PORTE D ARROUX
sident de la Société Éduenne,' inspecteur de la Société française
d'archéologie, avait tenu à guider les membres du Congrès qui
ont été heureux de lui présenter leurs respectueux hommages et
d'entendre ses savantes explications.
Les monuments romains d'Autun ont tout d'abord attiré
l'attention.
La porte d'Arroux (mon. hist.) est la plus belle des deux
portes romaines d'Autun. Elle mesure i6"'7ode hauteur et 18^50
EXCURSIONS 63
de largeur, et se compose de deux grandes baies au centre pour
les voitures, et deux petites aux extrémités pour les piétons, avec
un étage d'arcades à jour. Elle a été réparée en 1841 et en 1875.
PORTE SAINT-ANDRIi
La porte Saint-André (mon. hist.) tire son nom d'une église
établie au moyen âge dans l'une des deux tours qui en flan-
quaient la face extérieure. Sa hauteur est de i4"'6o, et sa largeur
de 19"' 18. Réparée en 1847, elle a le même aspect que la porte
d'Arroux.
Le temple dit « de Janus « (mon. hist.), qu'on appelait au
moyen âge « tour de la Genetoic », est situé hors ville. C'était
un édifice carré dont il ne reste que deux pans de mur, hauts de
24 mètres, percés d'ouvertures et de niches en plein cintre. Au
64
CONGRES ARCHEOLOGIQ.UE DE MACOX
XVII'' siècle, il vivait encore trois faces, était pavé de mosaïque et
entouré de ruines importantes. Cet ancien temple a été consolidé
en 1874.
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TEMPLE DE JANUS
Le théâtre (mon. hist.), dont Remplacement, situé à l'extré-
mité de la promenade dite « des Marbres », est désigné sous le
nom de « Caves joyaux », n'existe pour ainsi dire plus que dans
ses lignes générales et dans ses contours. On a pu calculer que
EXCURSIONS 6)
plus de 30.000 spectateurs y trouvaient place à la fois. L'amphi-
théâtre est détruit depuis longtemps; il avait 154 mètres de
long dans son grand axe et 1 30 dans son petit.
La pierre de Couhard (mon. hist.), située à quelques centaines
de mètres au sud-est de la ville, est une masse pyramidale pleine,
en ruine, déforme quadrangulaire, haute de 33"' 15 et large de
22" 65. Construite en moellons du pays, elle se trouvait sur la
voie antique d'Autun à Lyon. Les opinions les plus diverses ont
été émises sur sa destination. Le voisinage d'un cimetière gallo-
romain donne à penser que c'est une tombe; mais les fouilles
qui y ont été pratiquées en 1640, 1840 et 1877, "'""t rien révélé
à ce sujet.
Les membres du Congrès ont visité ensuite la cathédrale
(mon. hist.), fondée en 1120, sous le vocable de saint Lazare,
consacrée en 1132, et remaniée vers 1470 par le cardinal Rolin,
qui fit reconstruire le chœur, la tour centrale et la flèche.
En avant de la fliçade, un porche ouvert, bâti en 1178, est
surmonté de deux tours refaites en 1873. La porte principale
en plein cintre est ornée d'un tympan qui représente le Jugement
dernier, œuvre du sculpteur Gislebertiis. Le trumeau, orné des
figures de saint Lazare et ses deux sœurs, fut détruit en 1766 et
reconstitué en 1863. La première archivolte est décorée de
médaillons où sont figurés les signes du zodiaque et les travaux
de chaque mois de l'année. Les chapiteaux représentent, à droite,
saint Jérôme et son lion, la conversion de saint Eustache, la
présentation au temple ; à gauche, l'apologue du loup et de la
grue, Agar et Ismaël chassés par Abraham et les vieillards de
l'Apocalypse louant le Seigneur. Dans les portes secondaires, on
voit David allant au combat et David tuant Goliath; un homme
faisant danser un ours, et une tête monstrueuse. D'autres chapi-
taux, qui couronnent les colonnes engagées des travées laté-
CONGRÉS ARCUtOLOGIQVh DK MALON. 5
66 CONGRÈS ARCHÉOLOGiaUt: DE MAÇON
raies du [porche, furent empruntés à l'une des portes romaines
aujourd'hui détruites.
CATHEDRALE D AUTUN
A l'intérieur, on remarque, entre la nef et les collatéraux,
de beaux chapiteaux représentant, à droite, le corps de saint
Vincent, Simon le Magicien, le Lavement des pieds, le Martyre
de saint Etienne, l'Arche sur le Mont Ararat, Judas, et, à
gauche, la Naissance de la Vierge, le Sacrifice d'Isaac, saint
Joachim, les Hébreux dans la fournaise, Daniel dans la fosse aux
EXCURSIONS 67
lions, Jésus sur le toit du Temple, la Résurrection, la Visite des
Mages à Hérode, la Fuite en Egypte.
La tribune des orgues date de la fin du xv'^ siècle, ainsi que la
plupart des chapelles qui renferment un vitrail orné d'un arbre
de Jessé, un retable du xvi" siècle et des fonts baptismaux. Dans
le transept, un célèbre tableau d'Ingres représente le martyre de
saint Symphorien. Dans le collatéral du chœur, on voit les statues
agenouillées du président Jeannin et de sa femme, Anne Guéniot,
œuvre de Nicolas Guillain, de Cambrai, et au-dessus le buste
de l'abbé Jeannin, frère du président. Sur le maître-autel, croix
et chandeliers remarquables du xviii'^ siècle.
Dans la sacristie du xvi*^ siècle, le trésor contient un suaire
en soie et de provenance orientale de la fin du x' ou du com-
mencement du XI*" siècle.
Le palais épiscopal comprend des parties anciennes, notamment
la salle de l'Otîicialité du w"" siècle. On y conserve aussi un trip-
tyque daté de 15 15, représentant la Cène et un portrait du cardi-
nal Rolin par un maître flamand, qui a été reproduit dans un
vitrail de la chapelle Saint-Vincent, à la cathédrale.
L'ancien réfectoire des chanoines (mon. hist.) est une œuvre
du xii'^ siècle.
L'hôtel Rolin (mon. hist.), est une élégante construction du
xv^ siècle.
La fontaine Saint-La/are (mon. hist.) est un petit monument
de la Renaissance (1543), qui comprend deux lanternes superpo-
sées. La lanterne supérieure, qui menaçait ruine, a été supprimée
en 1863 et reconstruite en 1891. •
La bibliothèque du grand séminaire renferme 150 manuscrits,
notamment un évangéliaire du viii'^ siècle, un sacramentaire du
ix"-' siècle, et un pontifical du xv^' siècle, orné de très belles minia-
tures.
68 CONGRÈS ARCHÉOLOGiaUE DE MAÇON
Le musée de l'Hôtel de Ville renferme une belle série de pote-
ries antiques, des bronzes, parmi lesquels le groupe dit « des
crupellaires », la célèbre inscription grecque chrétienne décou-
verte en 1839, et un médaillier riche en monnaies gauloises,
romaines et mérovingiennes.
Le musée lapidaire, installé en i8éi dans l'ancienne chapelle
romane de l'hôpital Saint-Nicolas, renferme des colonnes, des
chapiteaux, des statues, des stèles, des sarcophages, des mosaïques,
un tombeau dit « de Brunehaut » et plusieurs dalles funéraires.
Le musée Rolin, organisé à l'hôtel Rolin par la Société Éduenne,
n'est pas moins curieux par ses stèles, ses inscriptions, ses bas-
reliefs, ses statues et ses tombes. On y remarque également les
objets trouvés au Mont Beuvray par M. Bulliot, un fragment de
sculpture du y" siècle en marbre blanc, un portrait du cardinal
Rolin peint au xv-^ siècle et des monnaies diverses.
EXCURSION A BEAUNE
Le jeudi 22 juin, un grand nombre de membres du Congrès
se sont rendus à Beaune pour visiter les curieux monuments de
cette ville.
L'église Notre-Dame est une œuvre remarquable du xii'' siècle
dont le style présente les mêmes caractères que la cathédrale
d'Autun et l'église de Paray-le-Monial. La nef, recouverte d'un
berceau brisé, conserve son triforium à pilastres cannelés dans
les dernières travées, car les premières furent rebâties au
xii^' siècle en même temps que la façade. Les bas-côtés, voûtés
d'arêtes, sont flanqués de chapelles du xv^ siècle. Le beau clocher
EXCURSIONS 69
qui domine la coupole du carré du transept ne fut terminé qu'au
xiii<^ siècle. Trois chapelles rayonnantes s'ouvrent sur le déam-
bulatoire, mais les parties hautes du chœur furent remaniées au
xiv« siècle. Le porche du xiii*^ siècle qui précède trois magnifiques
portails de la même époque est célèbre par la légèreté de ses cinq
voûtes d'ogives qui retombent sur deux colonnes centrales'. Il
faut encore signaler les vantaux en bois du xV^ siècle des trois
portes occidentales, des tapisseries de la même date représentant
des scènes de la vie de la Vierge, des bas-reliefs de la Renaissance
et la porte romane qui se trouve dans le jardin du presbytère.
L'église Saint-Nicolas, bâtie au xiv« siècle, est surmontée d'un
beau clocher dont la flèche en pierre s'élève sur plan carré.
L'Hôtel-Dieu, fondé par Nicolas Rolin en 1443 est un des
meilleurs types de l'architecture civile du xV^ siècle avec son
auvent à trois pignons et avec les deux galeries en bois de sa
cour intérieure dont le puits est encore intact. Les toits élancés
sont garnis de crêtes et les lucarnes se distinguent par l'élégance
de leurs épis de plomb refondus dans les vieux moules. La voûte
en bois de la grande salle des malades aff'ecte la forme d'une
carène renversée et la cheminée de la cuisine mérite d'attirer
l'attention. M. l'abbé Bavard a écrit l'histoire de ce célèbre hôpi-
tal - qui possède de splendides tapisseries du xv-" siècle données
par les comtes de Flandre et un retable attribué à Van der Wey-
den qui représente le Jugement dernier. L'artiste a peint sur les
volets les portraits du pape Eugène IV, de Phihppe le Bon, du
chancelier Rolin et du cardinal Rolin.
1. On trouvera le relevé complet de cette belle église dans les Archiva de
h Commission des Monuments historiques, t. I.
2. Histoire de V Hôtel-Dieu de Beanne, i443-i8So(Beaune), 1881, in-S».
yO CONGRÈS ARCHÉOLOGiaUE DE MAÇON
Le beffroi carré dont la lanterne est flanquée de pinacles
remonte au commencement du xV^ siècle et les derniers débris
du château se composent de deux tours rondes.
La bibliothèque renferme une inscription gauloise et un autel
gallo-romain . Au musée, des ex-voto gallo-romains, trouvés à
Sainte-Sabine, représentent des enfants au maillot.
MÉMOIRES
I
RAPPORT
SUR I.KS
PROGRÉS DE L'ARCHÉOLOGIE
DANS LK
DÉPARTEWENT DE SAONE-ET-LOIRE
DE l'année 1846 A l'année 1899
PAR
M. ARCELIN
Messieurs,
J'ai commis l'imprudence de me charger bien tardivement du
compte rendu que je vais avoir l'honneur de vous présenter, et le
temps m'a manqué, à mon grand regret, pour lui donner toute
l'ampleur que comporterait l'historique de cinquante-trois années
d'études et d'investigations archéologiques. Je devrai me borner
à vous signaler les résultats généraux, espérant d'ailleurs que les
communications qui vous seront faites au cours des séances du
Congrès viendront combler les lacunes de mon rapport.
Nous prendrons pour point de départ la session tenue à
Autun par la Société française pour la conservation des monu-
ments historiques en 1846. On était alors dans la période la plus
brillante du mouvement de restauration scientifique auquel pré-
sidait avec tant d'autorité votre illustre fondateur, M. de Caumont.
72 CONGKl-S ARCIIEOLOGiaUE DH MAÇON
La Société tenait sa treizième session, inaugurée à Metz, conti-
nuée à Autun et à Chalon-sur-Saône, terminée à Lyon.
En relis'ant, il y a quelques jours, le compte rendu de cette
réunion, je voyais surgir devant moi, dans les brumes d'un passé
déjà bien loin de nous, une phalange d'infatigables érudits, qui
furent nos initiateurs et nos maîtres, et que la mort a frappés les
uns après les autres. Permettez-moi d'envoyer un souvenir ému
à ces absents regrettés et de saluer un des rares survivants des
temps héroïques de l'archéologie française, le vénérable président
de la Société Eduenne, M. BuUiot, que nous aurons le plaisir de
retrouver dans quelques jours à Autun, au poste d'honneur qu'il
n'a cessé d'occuper, ajoutant chaque année un fîeuron à sa cou-
ronne scientifique.
Je suivrai dans cette revue rétrospective l'ordre chronologique.
En l'an de grâce 1846, il n'était pas encore question des temps
préhistoriques; mais on se préoccupait déjà de recueillir les
traces encore peu connues de nos premiers ancêtres. Le Congrès
d' Autun inaugura dans notre région l'étude méthodique des
monuments celtiques et permit de pressentir l'importance qu'elle
y prendrait un jour. Mais on ne pouvait pas soupçonner alors
qu'avant les Celtes et les Gaulois, des populations innommées
avaient laissé partout des traces innombrables de leur existence
et de leurs industries. Boucher de Perthes n'avait pas encore
publié ses découvertes, accueillies au début comme de pures
rêveries. Quinze années se passèrent en discussions contradic-
toires et le problème de l'ancienneté géologique de l'homme ne
fut vraiment posé en France que vers l'année 186 1, a la suite
des belles recherches d'Edouard Lartet. Le livre fameux du géo-
logue anglais. Sir Charles Lyell, The Antiqiiity of Man, paru en
1863, fit surgir partout des chercheurs enflammés de zèle pour
l'exploration des voies nouvelles ouvertes à leur activité. L'année
L ARCHEOLOGIE DANS SAONE-ET-LOIRE 73
suivante, en 1864, un organe mensuel était créé par M. de
Mortillet, sous le titre Matériaux pour Vhistoire philosophique et
naturelle de r homme, dans le but de grouper et de coordonner les
résultats obtenus.
Le département de Saône-et-Loire ne tarda pas à entrer dans
le mouvement. Un géologue enlevé trop jeune à la science,
Henri de Ferry, en fut l'initiateur. Il publiait, au mois de mars
1867', le résultat de ses recherches, qui mettaient hors de doute
l'existence de l'homme quaternaire en Maçonnais. Il avait
retrouvé ses traces sur quatre points différents et posait comme
premiers jalons dans le champ de ses recherches la grotte de
Vergisson, l'atelier paléolithique de Charbonniètes, la station
de l'âge du renne de Solutré et la station moustérienne de la
Roche Bregnat, à Bussières.
Vers la même époque nous entreprîmes en collaboration l'ex-
ploration des riches gisements de Solutré. Le compte rendu de
nos fouilles fut présenté à l'Académie de Mâcon en 1868 et au
Congrès international d'anthropologie et d'archéologie préhisto-
rique, dont la troisième session se tint, la même année, à
Norwich^
Après la mort de M. de Ferry, les fouilles de Solutré furent
continuées par M.^'abhé Ducrost et par moi''. Notre ami M. de
Fréminville y fit aussi quelques travaux d'exploration. La collec-
tion de M. l'abbé Ducrost a été donnée par lui au Muséum de
Lyon ; vous pourrez voir la mienne dans les vitrines du Musée
1. De Ferry, V Anciennelc de T homme en Maçonnais, Gray, 1867, in-4.
2. De Ferry et Arcelin, VAge du Renne en Maçonnais, mémoire sur le gisement
arctiéotogique du crot du Charmer, inséré dans les Annales de V Académie de
Mâcon, ire série; t. VIII, 1869, P- 432-471; et dans : Transactions of thc
international Congress of prehistoric Archœology, third session, London, 1869,
p. 519.
3. Le Musée de Parav-le-Monial possède une série solutréenne recueillie dans
des fouilles récentes.
74 CONGRES ARCHEOLOGIQTJE DE MAÇON
de Mâcon. Celle de M. de Fréminville vient d'être acquise par
l'Académie de Màcon. Le cabinet archéologique de M. de Ferry
est conservé dans sa famille, à Bussières (Saône-et-Loire).
Je dois ajouter qu'à plusieurs reprises, l'Académie de Mâcon
et le Conseil général de Saône-et-Loire ont voulu s'associer aux
fouilles de Solutré par des subventions importantes.
L'exploration de ce riche gisement archéologique a donné
lieu à une bibliographie considérable dont les éléments sont
dispersés dans un grand nombre de recueils, parmi lesquels je
citerai surtout : les Annales de V Académie de Mâcon, les Archives du
Muséum de Lyon, la Revue du Lyonnais, les Matériaux pour l'histoire
primitive et naturelle de r homme, les Bulletins des Sociétés d'anthro-
pologie de Paris et de Lyon, la Revue archéologique, V Anthropologie ' .
Les travaux d'exploration s' étant poursuivis pendant plus de
trente ans, on ne sera pas surpris que les premiers comptes rendus
soient l'expression imparfaite et incomplète des fliits qui ne furent
mis en lumière que progressivement. J'ai résumé dans une note
publiée par V Anthropologie, en 1890, l'état de la question à cette
époque ^ Les fouilles opérées depuis, dont le compte rendu est
encore inédit, n'ont pas modifié sensiblement les résultats acquis
alors et que l'on peut considérer comme définitifs.
En résumé, le gisement de Solutré s'est formé lentement, dans
un talus d'éboulement où l'on peut constater la succession régu-
lière de cinq zones différentes' caractérisées par une faune et par
une industrie qui varient suivant le niveau stratigraphique.
1 . Consulter en particulier : Etudes sur la stalion prchisloriqtie de Solutré, par
MM. l'abbé Ducrost et D"" Lortet, dans les Archives du Muséum de Lyon,
t. I; i^c livraison, 1872, in-4.
Le Maçonnais préhistorique, par MM. de Ferry, Arcelin et Pruner-bey. Paris,
Reinwald, 1870, in-4° publié sous les auspices de l'Académie de Mâcon.
2. A. Arcelin, Les nouvelles fouilles de Solutré, près Mâcon (Saône-et-Loire),
dans V Anthropologie, 1890, p. 295.
L ARCHEOLOGIE DANS SAÔNE-ET-LOIRE 75
M. de Mortillet a pris cette station comme type d'une époque
irchéologique qu'il appelle l'époque solutréenne et qui aurait
)récédé l'époque quaternaire la plus récente ou magdalénienne '.
[e déclare qu'il m'est impossible de trouver à Solutré les carac-
ères sur lesquels s'est appuyé M. de Mortillet pour lui assigner
:ette position stratigraphique et chronologique. Les belles pointes
le lances et de flèches retrouvées en si grand nombre dans ce
gisement ne sont pas particulières à un horizon déterminé. Sur
:e point, je m'associe complètement aux conclusions formulées
3ar M. Piette d'après ses belles recherches dans les grottes du
Tîidi de la France et particulièrement à Brassempouy. Si l'on tient
:ompte des variations de la faune, il faut admettre que les zones
nférieures et les zones supérieures correspondent à deux climats
iifferents. Si Ton s'appuie sur les produits de l'industrie du silex
taillé, on constate que les pointes de lances et de flèches appar-
tiennent à la zone supérieure. Les zones inférieures renferment
les types moustériens et acheuléens. Mais si l'on considère le
travail de l'os et de la corne ainsi que les autres produits indus-
triels aux différents niveaux, on reconnaît que, dans leur ensemble,
ils offrent les plus grands rapports avec ce que M, de Mortillet
appelle l'industrie magdalénienne.
Solutré fait échec aux classifications dogmatiques et intransi-
geantes, qui ont eu peut-être leur excuse au début de nos études,
mais qui sont inconciliables avec les progrès de l'archéologie
préhistorique. De la base au sommet, Solutré appartient au qua-
ternaire récent et ne peut être assimilé, sauf bien entendu des
différences locales, qu'à l'époque glyptique de M. Piette.
Le département de Saône-et-Loire renferme les traces d'époques
plus anciennes. J'ai déjà nommé la grotte de Vergisson et la sta-
I. G. de Mortillet, le Préhisloriqiie, Fans, Rcinwald, 1885, in-8, p. 355 et
suiv.
76 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQ.UE DE MAÇON
tion de Charbonnières explorées par M. de Ferry ', où se révèlent
les caractères propres à l'époque moustérienne. Il faut y ajouter
la grotte de GermoUes fouillée par M. Méray, de Chalon-sur-
Saône. Le compte rendu de ces fouilles a été publié dans les
Mémoires de la Société d'histoire et d'archéologie de Chalon, en
1876-. Je citerai encore la station de la Senetrière, à Sennecey-
lès-Mâcon où M. Lafay a fait de très belles récoltes publiées dans
la Revue V Anthropologie en 1891 ' ; les grottes d'Agneux à RuUy
et de Cul les '^; les stations des environs de Digoin, et en parti-
culier celle de la Goulaine, dans le bassin de la Loire, que
M. Perot a fait connaître K
Les environs de Chalon ont révélé une époque plus ancienne
encore, que je n'hésite pas à rapporter au chelléen. MM. Lemosy
et Paul Pinette y ont recueilli, dans un banc de sables quater-
naires, reposant sur les marnes tertiaires de Saint-Côme, de beaux
spécimens de hachettes chelléennes. Ce banc de sable occupant
le niveau de dix mètres environ au-dessus de la vallée actuelle
de la Saône représente la terrasse interglaciaire des géologues''.
C'est le seul exemple d'un gisement appartenant aux alluvions
quaternaires, observé jusqu'à présent dans Saône-et-Loire.
Les temps préhistoriques ne s'arrêtent pas au quaternaire. Ils
empiètent considérablement sur l'époque géologique actuelle.
C'est ce qu'avait démontré l'étude des antiquités Scandinaves et
1. De Vqvx\,V Anciennetc de Vhomnie en Maçonnais, Grav, 1867.
2. Ch. Mcray, Fouilles de la caverne de Gerniolles, dans les Mémoires de la
Soc. dlnst. et d' arch.de Chalon-sur-Saône, t. VI, p. 251.
3. G. Lafay, Z.« ateliers préhistoriques de la Senetrière en Maçonnais, dans
V Anthropologie, Paris, 1891, p. 289-296.
4. De Mortillet, le Préhistorique, p. 281.
5. Rapport sur râtelier paléolithique de la Goulaine, par F. Perot, dans les
Mémoires de la Société Éduenne, nouvelle série, t. XXI; 1893, p. 347.
6. Mémoires de la Société des sciences naturelles de Saône-et-Loire, t. VI,
1885, p. 25.
l'archéologie dans saône-et-loire 77
es lacs de la Suisse. Nous en cherchâmes la confirmation dans
îs dépôts archéologiques des alluvions modernes de la Saône où
ous retrouvâmes, M. de Ferry et moi, des traces nombreuses des
idustries classées sous les rubriques : âge de la pierre polie ou
léolithique, âge de bronze, premier âge du fer'. Ces traces, en
867, se trouvaient réparties entre 84 stations, sur un parcours de
10 kilomètres, de Trévoux au delà de Chalon-sur-Saône.
Les berges de la Saône présentent un profil formé par le limon
[ue les inondations déposent chaque année dans le fond de la
■allée. Les différents âges archéologiques y sont représentés par
[es débris de l'industrie humaine, enfouis d'autant plus profon-
lément qu'ils sont plus anciens. Cette disposition a permis de
irer de l'étude des berges de la Saône des éléments chronolo-
giques et d'attribuer une durée de 7 à 10.000 ans au régime géo-
ogique actuel de la vallée.
Les limons modernes de la Saône reposent sur des marnes où
'on trouve des silex taillés suivant les types de nos stations paléo-
ithiques, accompagnés des animaux de la faune quaternaire. De
:es faits nous tirions la conclusion que l'homme quaternaire dans
los contrées n'avait pas moins de sept à dix mille ans.
MM. Legrand de Mercey et Chabas^ ont publié leurs obser-
v'ations sur deux points différents du cours de la Saône. Aux
environs de Chalon-sur-Saône, M. Chabas a étudié une zone
préhistorique à laquelle il croit pouvoir attribuer une antiquité
1. De Ferry, Le Maçonnais préhistorique, ch. IX, p. ^-^^ Annales de V Académie
le Mdcon, séance du 30 août 1868 ; A. Arcelin, Les Berges de la Sàdne, temps
celtiques : fer, bronze, pierre polie, dans les Annales de V Académie de Mdcon, i '•'-' série,
t. VIII, 1869, p. 392-414.
2. Legrand de Merce}', Les Berges de la Saône, dans Matériaux d'archéologie
et d'histoire : livr. IV, p. 61; IX, p. 132; XI, p. 167; XII, p. 188.
Chabas, Études sur Vantiquilc historique d'après les sources égyptiennes et les
monuments réputés préhistoriques, Chalon, 1872, in-8, p. 495.
yS CONGRÈS ARCHÉOLOGiaUE DE MAÇON
maximum de mille ans avant notre ère. M. Legrand de Mercey
s'abstient de toute évaluation, en raison de remaniements acci-
dentels opérés sur les points qu'il a étudiés. Il y a fait de très
belles récoltes, se rapportant aux âges de la pierre polie et du
bronze, dont le produit est conservé au Musée de Tournus.
L'époque de la pierre polie s'est affirmée avec une richesse
extraordinaire dans l'oppidum de Chassey, vaste camp retranché
dominant la vallée de la Dheune, exploré à diverses époques et à
différents points de vue par MM. BuUiot, de Longuy^ D' Loy-
dreau de Neuilly, Perrault. M. Flouest l'a fait connaître par un
excellent mémoire publié en 1869 dans les Mémoires de la Société
d'histoire et d'archéologie de Chalon', que complète un travail
de M. Perrault, inséré en 1870 dans une revue chalonnaise qui
n'a eu qu'une durée éphémère : les Matériaux d' archéologie et
d'histoire-. A part une courte communication au Congrès scienti-
fique d'Autun en 1876, M. le D' Loydreau de Neuilly n'a pas
encore publié le résultat de ses recherches. Tous ceux qui ont
visité ses magnifiques collections font des vœux pour que des
matériaux d'étude si importants soient mis à la portée du public
scientifique.
Le camp de Chassey n'était pas le seul oppidum occupé par les
populations de l'époque néolithique dans notre département.
Leurs traces ont été signalées dans les retranchements antiques
qui couronnent les sommets de Berzé-la-Ville, du Mont de Rême
à Change, de Monsard à Milly, du Camp-Varot à Rully, de
Châteaubeau à Saint-Martin-sous-Montaigu, de La Salle, etc. Il
1 . E. Flouest, Nûlice archéologique sur le camp de Chassey, dans les Mém. de
la Soc. d'hist. et d'arch. de Chalon-sur-Saône, t. V, p. 237-537; 9 pi.
2. E. Perrault, Note sur un foyer de l'dge de la pierre polie, découvert au camp
de Chassey, dans les Matériaux d'histoire et d'archéologie, Chalon-sur-Saône,
2^ année, no i, p. 201-228.
L ARCHEOLOGIE DANS SAONE-ET-LOIRE 79
est probable que des recherches bien conduites permettraient
d'augmenter considérablement le nombre de ces antiques refuges
préhistoriques occupés pour la plupart jusqu'à l'époque gallo-
romaine, et plus tard encore.
Le camp de Chassey a livré divers objets de l'époque franque.
Un grand nombre de points stratégiques furent habités sans
interruption depuis les temps les plus anciens jusqu'au moyen
âge, et les débris des âges les plus récents masquent ceux des
époques antérieures qu'il serait fort intéressant de rechercher.
Il existe dans le département de Saône-et-Loire un certain
nombre de monuments dits mégalithiques dont quelques-uns
se rapportent sans doute aux temps préhistoriques. M. Monnier
en a donné un recensement incomplet dans V Annuaire deSaône-
el- Loire de 1859. M. BuUiot a fiiit connaître ceux de l'Autunois,
menhirs, pierres branlantes, pierres à bassins, dans un beau livre
sur lequel je reviendrai tout à l'heure. Sous réserve d'une attri-
bution précise, le nombre de ces monuments mégalithiques ou
présumés tels s'élève à 98. Citons en particulier les menhirs de
Boyer', de La Chapelle-sous-Brancion-, de Couches, de Saint-
Micaud; le dolmen du bois de Morphée à Suin ' ; l'alignement
de Saint-Pantaléon, près d'Autun^.
Des trouvailles consistant en silex taillés et en hachettes polies
néolithiques ont été signalées dans cinquante-huit localités, sans
1. Malcriaux iV archéologie et d' histoire, Chalon-sur-Saône, 1869, p. 125;
pi. XVII.
2. IhiJ., p. 127; pi. XVIII.
3. Bulliot, Essai sur le système dcjensij des Romains, p. 85.
4. E. Chantre, Les menhirs du CIjamp de la Justice ou alignement de Sain t-
Panlalêon, près Autim {Saône-et-Loire), dans les Matériaux pour V histoire primitive
et naturelle deThomme, 1885, p. 4)5-
Ces menhirs signalés par M. Rigolot, d'Autun, à la Commission des monu-
ments mégalithiques, ont été redressés en partie par les soins de cet explora-
teur.
8o CONGRÈS ARCHÈOLOGIdUE DE MAÇON
compter les stations proprement dites au nombre de trente. Mais
on ne saurait être trop réservé quand il s'agit d'attribuer un âge
déterminé à une trouvaille isolée. L'étude des berges de la Saône
et les fouilles du Beuvray nous ont appris que l'usage d'instru-
ments en pierre taillée ou polie s'est perpétué dans nos régions
jusqu'à une époque très voisine de la conquête romaine.
L'âge du bronze a laissé des traces assez nombreuses, éparses
sur notre territoire. J'ai relevé quatre-vingt-six trouvailles isolées
d'outils ou d'armes en bronze recueillis dans vingt-deux localités.
Dans ce nombre la Saône compte pour soixante-sept trouvailles.
On pourrait y ajouter un grand nombre d'objets figurant sous
l'étiquette de Mâcon, dans plusieurs collections françaises ou
étrangères, mais leur origine est très douteuse. Ils proviennent
en effet de la collection de M™'' Febvre, où l'on voyait bien
quelques bronzes trouvés à Mâcon ou aux environs, mais dont la
plus grande partie provenait du vieux cuivre acheté pour la fonte
par une usine de notre ville.
On a rencontré dans cinq localités, à Anzy-le-Duc, à Audour,
à Curgy, à Sarry, à La Truchère, de ces amas d'objets en bronze
étudiés sous le nom de trésors ou de cachettes de fondeur.
MM. Chantre, Bulliot, de Mortillet ont publié celles d 'Anzy % de
Curgy ^ et de Sarry'. La trouvaille de La Truchère se trouve en
partie dans la collection de M. Legrand de Mercey au Musée de
Tournus. Celle d'Audour, que je connais grâce à l'obligeance de
M. le comte de Dortans, est encore inédite. Il est inutile
d'ajouter que toutes ces trouvailles ne se rapportent pas à l'âge
1. E. Chantre, Matériaux pour rhisloire priiiiitive et naturelle de Vbonime,
t. Vm, 1873; pi. n.
2. Bulliot, Essai sur le système défensif des Romains, p. 148.
5. De Mortillet, fe Musée préhistorique; pi. lxx et lxxi; Récoltes de M. le
Dr Bailleau.
L ARCHÉOLOGIE DANS SAÔNE-ET-LOIRE 8l
du bronze proprement dit; un certain nombre d'entre elles
doivent être classées dans l'âge du fer. On sait en effet que l'em-
ploi simultané de ces deux métaux a marqué les débuts de
l'époque du fer.
Je ne connais pas une seule sépulture de l'âge du bronze dans
le département. L'époque de la pierre polie nous en a donné
sept ou huit. Les fouilles de Solutré ont mis au jour un nombre
considérable de sépultures dont les plus récentes datent de l'époque
franque, et les plus anciennes, une quarantaine, de l'époque quater-
naire. On a contesté l'âge de ces dernières. Les rites funéraires
observés, la forme des crânes recueillis contrariaient certaines
théories. Je crois avoir fait la part de chaque époque et je ne doute
pas que l'homme quaternaire soit réellement représenté parmi
les restes humains extraits des foyers de l'âge du renne. Je les
ai recueillis de mes propres mains et dans des conditions qui
écartent de mon esprit toute crainte de confusion. Nous possé-
dons une autre relique humaine, datant de la même époque, le
crâne dit de La Truchère, découvert par M. Legrand de Mcrcey
dans les marnes quaternaires de la Saône, en 1868. MM. Hamy et
de Quatrefages l'ont pris pour le type d'une des races quater-
naires. Il est conservé actuellement au Musée de Tournus '.
I. A. Arcelin, Les Scpultiires de Vdge du Renne de Sohitré, dans la Revue des
questions scientifiques de Bruxelles, t. III, p. 349.
Broca, Sur les crânes de Solutré, dans les Bulletins delà Société d'anthropologie de
Paris, séance du 6 novembre 1873, p. 819.
Hamy, Sur les ossements humains de Solutré, dans le Bulletin de la Soc. d'an-
thropologie de Paris, 1873, séance du 20 novembre, p. 842.
D"" Pruner-bey, le Maçonnais préhistorique; Supp\émt:nt de Quatrefages et
Hamy, Crdniaethnica, p. 64 et 87.
De Quatrefages, Introduction à Vétiide des races humaines, p. 70, fig. 59-60;
Hommes fossiles et hommes sauvages, fig. 45, 46, 47, p. 76.
Dr Pruner-bey, Description du crâne de La Truchère, dans les Matériaux d'archéo-
logie et d'histoire, Chalon-sur-Saône, 1869, n" XII, p. 188; pi. xxv et xxvi.
CoNGRl':S ARCHÉOI.OGiaUE DK MAÇON. 6
82 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE MAÇON
Cette digression anthropologique nous a ramenés en arrière.
Je reprends la suite de mon exposé.
Nous étions arrivés à l'époque où le fer fait sa première appa-
rition. On peut voir dans les collections publiques et privées de
Mâcon et de Chalon un certain nombre d'outils et d'armes en
bronze qui se rapportent au premier âge du fer, à la civilisation
d'Hallstatt : haches à douille et à ailerons, lames d'épées à
encoches et à languette, pointes de lances à douille, pointes
de flèches à ailerons, rasoirs, grandes épingles, etc. Les dragages
de la Saône ont fourni la plupart de ces objets. Je possède une
poignée d'épée à antennes du type d'Halstatt venant également
de la Saône. Le type de la Tène est représenté dans la riche col-
lection de M. Grozelier, à Chalon.
M. de Fréminville a exploré sur la commune d'Igé une qua-
rantaine de sépultures par inhumation du premier âge du fer. Le
compte rendu de ces fouilles a paru dans les Annales de l' Académie
de Mâcon\ L'auteur a figuré les principaux objets, bracelets
ouverts en bronze fondu, ornés de traits gravés; rasoirs en bronze ;
fragments de lames d'épée en fer ; grains de collier en verroterie
et bracelets en schiste. J'ai fouillé moi-même cinq tumuli du
même âge sur la commune de Verzé. On a signalé des trouvailles
se rapportant à cette époque dans onze localités.
Quelques sépultures, par inhumation ou par incinération,
généralement sous tumulus, plus ou moins imparfaitement
explorées, doivent être attribuées à l'époque gauloise. Les tombelles
du plateau de Montmort, fouillées par M. Carion, méritent une
mention spéciale. Ce sont des sépultures par incinération. On y
a trouvé, avec des débris de poterie, d'armes et d'armures en fer,
une lame d'épée tordue intentionnellement suivant un rite
I. De Frcniinville, Les Toiiilvlles (Vlgc, dans les Annales de V Académie de
Miicoii, 2* série, t. I, p. 97; 5 pi., 1878.
L ARCHEOLOGIE DANS SAOXE-ET-LOIRE 83
funéraire bien connu. Le produit Je ces fouilles est au Musée de la
Société Éduenne. M. Carion a émis l'opinion que le plateau de
Montmort pouvait être le lieu de la bataille livrée par César aux
Helvètes.
Si l'on met à part les sépultures et les monnaies, la civilisation
des Gaulois de l'histoire, antérieurs à la conquête romaine, a
laissé généralement peu de traces. C'est une civilisation muette.
Les Gaulois n'écrivaient pas : donc pas d'inscriptions gravées sur
métal ou sur pierre; ils ne construisaient pas de grands édifices et
vivaient le plus souvent sous des huttes en clayonnages et en bois.
Leurs croyances mythologiques ne se manifestaient pas sous la
forme de sculptures.
Partout où les générations humaines se sont succédé sans
interruption, les humbles vestiges de cette civilisation ont disparu
sous des constructions plus récentes. Un catalogue complet des
trouvailles de monnaies gauloises serait donc indispensable pour
établir la géographie de nos contrées à l'époque qui nous occupe.
En nous aidant de ces indices nous pouvons affirmer l'existence
de quelques centres d'habitation plus ou moins importants :
Mâcon, Tournus et Chalon sur la Saône; l'oppidum de Chassey,
celui de Suin; auxquels il faut probablement ajouter ceuxd'Anost,
de Gourdon, du mont Dardon à Uxeau, du mont de Glenne
à La Grande- Verrière, du mont de Rème à Change. A Saint-
Aubin-en-Charollais, au finage de Cologne, M. Bulliot a signalé
des vestiges gaulois très importants couvrant un plateau de vingt
hectares ' .
Par suite de circonstances rares dans l'histoire des peuples, les
ruines de l'antique capitale des Éducns, de la citadelle de Bibracte
étaient restées jusqu'à nos jours vierges de toute profanation, sous
I. Mémoires de la Soc. Éduenne, t. V, nouvelle série, p. 485.
84 CONGRÈS ARCHÉOLOGICIUE DE MAÇON
les ombres épaisses de la forêt qui les recouvre, au sommet du
mont Beuvray. Dans les dernières années qui précédèrent l'ère
chrétienne, le vieil oppidum fut abandonné et ses habitants se
portèrent en masse dans la ville nouvelle qui s'élevait sur les
bords de l'Arroux, à 25 kilomètres de là, sous le nom d'Augus-
todunum. L'identification de Bibracte avec le Beuvray, longtemps
controversée, est maintenant mise hors de doute. Les travaux
d'exploration accomplis au Beuvray ont définitivement tranché
la question.
Les fouilles commencées en 1865 par M. Garenne, continuées en
1866 par M. le V'^ d'Aboville, furent dirigées depuis l'année 1867
avec une irréprochable méthode par M. Bulliot. Une série de
comptes rendus publiés dans les Mémoires de la Société Éduenne
de 1872 à 1892, en ont feit connaître les superbes résultats. Ces
comptes rendus viennent d'être réunis, par leur auteur, en
deux volumes accompagnés d'un album de 61 planches par
MM. Thiollier'.
Le mont Beuvray forme un massif dont le point culminant est à
820 mètres d'altitude et dont la base s'étale sur une circonférence
de 20 kilomètres. L'oppidum occupait au sommet de ce massif
imposant une surface de 135 hectares protégée par de solides
murailles de terre, retenues par des poutres assemblées entre elles.
Des fossés en défendaient l'accès. On y pénétrait par des portes
flanquées de bastions et de tours en bois. A l'intérieur, on dis-
tingue trois quartiers différents correspondant à des plateaux
séparés les uns des autres par de petites vallées.
Les fouilles de M. Bulliot ont mis au jour les restes d'un temple,
d'un forum où se tient encore une foire importante et de nom-
breuses habitations : les unes assez luxueuses construites en pierres,
I. J.-G. Bulliot, Fouilles du mont Beuvray, ancienne Bibracte, de iS6y à iSçf,
2 vol. in-8, Autun, 1899.
L ARCHEOLOGIE DANS SAO\E-ET-LOIRE 85
ornées de mosaïques; les autres plus modestes, bâties en pisé et
en bois. Ces dernières abritaient les industries les plus diverses
parmi lesquelles la métallurgie et rémaillerie paraissent avoir tenu
la première place.
Au lieu dit La Pierre-de-la-Wivre est un rocher taillé de main
d'homme dominant un plateau nivelé artificiellement, où
M. Bulliot place le lieu d'assemblée des chefs gaulois.
Le savant explorateur a donné les plus intéressants détails sur
les procédés de construction, la disposition des édifices, leur mode
de chauffage, les industries des habitants, la céramique, les rites
funéraires. Au Beuvray, on pratiquait l'incinération et les cendres
des morts reposaient souvent au centre de la maison, sous le foyer
domestique ou l'enclume du forgeron. M. BuUiot s'est associé des
collaborateurs pour l'étude des questions techniques : M. de
Fontenay pour l'étude des procédés propres à l'émaillerie;
M. Anatole de Barthélémy pour la numismatique. La série des
monnaies romaines du Beuvray ne permet pas de remonter au
delà de l'an 65 avant J.-C. Elle s'arrête à l'an 5 de notre ère,
sous l'empereur Auguste. La céramique a fourni des spécimens
précieux de l'art gaulois. On remarque en particulier des vases
peints, à ornements géométriques, où l'on a cru voir la trace
d'influences grecques ou orientales, mais qui sont bien certaine-
ment de fabrication indigène, comme l'a démontré M. J.Déche-
lette, le savant conservateur du Musée de Roanne, devenu aussi
le collaborateur de M. Bulliot, pour la continuation des fouilles
du Beuvray'.
Quelques hachettes en pierre polie et des lames de silex ont
été recueillies parmi des débris de maisons. Faut-il les attribuer
aux premiers habitants du Beuvray préhistorique ? L'usage de
I. J. Dcchelette, Les Vases peints gallo-romains dit M 11 sec de Roanne, dans la
évite archèoloi;iqite, 3e série, t. XXVI, 1895, p. 196.
86 COXGKÈS ARCHÉOLOGIQUE DE MACOX
ces outils primitifs s'était-il perpétué parmi les métallurgistes de
l'époque gauloise si habiles dans l'art de travailler le fer ? Cette der-
nière hypothèse est peu vraisemblable. Mais comme ces outils en
pierre taillée et polie se trouvent incontestablement au milieu
des cabanes, associés à beaucoup d'autres objets mobiUers, on
peut supposer qu'ils étaient conservés à titre d'amulettes et de
talismans. On sait en effet que le culte des pierres, y compris
les instruments préhistoriques, tenait une place considérable
dans les superstitions des anciens.
Je ne m'étendrai pas davantage sur la question du Beuvray.
Peut-être même en ai-je trop dit sur un sujet que vous aurez
beaucoup plus de plaisir et de profit à entendre traiter dans
quelques jours, à Autun, par M. Bulliot lui-même, en visitant
les belles collections de la Société Eduenne où se trouve la plus
grande partie du produit des fouilles. Le reste est au Musée de
Saint-Germain.
Entre rx\utun gallo-romain et le Beuvrav gaulois, le contraste
est saisissant.
Ici une population rude et illettrée d'artisans et de guerriers,
cantonnée au milieu des bois sous des huttes grossières ; là une
ville ouverte à tous les raffinements de la civilisation romaine,
aux lettres, aux sciences, aux arts, attirant dans ses écoles floris-
santes une jeunesse nombreuse, fière de se proclamer la sœur
et l'émule de Rome. Que s'est-il donc passé ? Le fond de la popu-
lation n'a pas changé. Ce sont toujours les fils des Gaulois du
Beuvray qui peuplent les riches demeures de la cité nouvelle.
L'habitant d'Augustodunum est le Gaulois asservi, romanisé. La
conquête l'a dépouillé de ses antiques libertés ; il a perdu ses
vieilles mœurs, son organisation sociale, politique et religieuse.
ÎVlalgré tous ces changements, l'archéologie découvre un fond
irréductible où l'âme gauloise est toujours vivante. A côté de
l'archéologie dans saône-et-loire 87
beaux fragments d'architecture, de rares débris de sculpture
où rayonnent les grandes traditions de l'art, on est surpris de
trouver dans les riches collections autunoises une multitude de
monuments funéraires ou religieux qui étonnent par leur rudesse
et par leur symbolisme étrange. Les archéologues d'autrefois ont
fait des prodiges d'érudition pour expliquer ce symbolisme et
ces figures de dieux et de déesses par la mythologie de Rome,
de la Grèce ou de la Chaldée.
La nouvelle école archéologique y voit tout simplement la sur-
vivance des anciennes croyances locales, se manifestant sous des
formes inusitées au temps de la Gaule indépendante. Les vain-
queurs n'ont pas romanisé les consciences. Les écoles méniennes
n'ont pas effacé l'œuvre séculaire des collèges druidiques. Une
nuée de génies, de fées, de déesses des fontaines, des eaux et des
bois, de dieux au maillet ou à la roue, de personnages fantas-
tiques innommés et incompris aujourd'hui, surgissent comme
pour protester contre l'invasion des dieux étrangers.
Il y a longtemps que ces idées ont cours k Autun. L'éminent
archéologue du pays éduen, M. Bulliot, a toujours revendiqué
avec une ardeur et une foi qu'on pourrait croire ataviques, en
faveur du génie gaulois, l'influence et la place qui lui sont dues.
Cette manière de voir est amplement justifiée par la belle série
des monuments lapidaires du Musée d'Autun. Sur plus de cent
cinquante images de divinités extraites des laraires domestiques
et des cancels compitaux, il s'en trouve quatre ou cinq seule-
ment rappelant les dieux classiques : un torse en grès de Jupiter
tonnant, le Mercure classique figuré sur un autel mutilé, une
tête de Vénus, la partie inférieure d'une statue de la même
déesse et le torse d'une femme drapée; sans compter de nom-
breuses représentations de Mercure accommodées à la mode
gauloise avec des attribu ts particuliers.
88 CONGRÈS ARCHÉOLOGiaUE DE MAÇON
Depuis l'année 1846, les collections autunoises ont subi d'im-
portantes transformations, par suite de l'acquisition du Musée
Jovet, puis de l'Hôtel Rollin, siège de la Société Éduenne, où se
trouve le Musée particulier de cette laborieuse Compagnie, enri-
chi par les libéralités de son président, M. BuUiot.
Les nombreuses publications de la Société Éduenne sont riches
en documents concernant l'archéologie d'Autun et les localités
du départem'ent où des trouvailles intéressantes se sont pro-
duites. Ne pouvant tout citer, je dois me borner, à regret, aux
travaux qui offrent l'intérêt le plus général.
VAutun archéologique', dû à la collaboration des secrétaires de
la Commission des antiquités d'Autun et de la Société Éduenne % |
publié en 1848, donne une description complète des monuments
gallo-romains connus à cette époque à Autun ; les auteurs font
l'historique du Musée, des fouilles exécutées par les soins de la
Commission des antiquités, et ajoutent à leurs savants commen-
taires de nombreuses figures intercalées dans le texte.
Quelques années plus tard, en 1856, M. BuUiot publiait son
Essai sur le système défensif des Romains K II y passe en revue toutes
les localités du territoire éduen occupées par des postes militaires à
l'époque gallo-romaine, les camps retranchés, les châteaux, les
tours, les huttes, et conclut à une organisation spéciale pour la
protection du territoire et des voies de communication.
On doit encore à l'infatigable président de la Société Éduenne un
beau travail sur la Mission et le Culte de saint Martin d'après la légende
et les monuments populaires, depuis l'an 560 jusqu'à nos jours 4,
1. Un vol. in-8 de xv-300 p., Autun, 1848,
2. MM. l'abbé Devoucoux et J. de Fontenay.
3 . Bulliot, Essai sur le système dèfensif des Romains dans le pays éduen . Autun,
1856,' in-8 de vi-2s6 p., 9 planches.
4. Mémoires de la Soc. Eduenne, t. XVI-XIX, 1888-1891.
L ARCHEOLOGIE DANS SAOXE-ET-LOIRE 89
OÙ l'archéologie tient une place considérable. Les historiens
du grand apôtre des Gaules nous apprennent que saint Martin
visita le pays éduen à la fin du iW siècle.,
« Partout où saint Martin avait porté ses pas et sa parole, nous
dit M. Bulliot, guéri un malade, supprimé un temple, coupé un
arbre sacré, renversé une idole', exorcisé une fontaine, chassé
les génies des rochers, accompli un miracle, la tradition s'est
emparée du fait et en a maintenu le souvenir avec une ténacité
sans égale. « Grâce à ses souvenirs et aux nombreux vocables où
figure le nom de saint Martin, le savant archéologue suit le
grand thaumaturge dans ses pérégrinations en pays éduen,
d'Avallon à Dijon, de Dijon à Beaune et à Chalon, puis à Autun
dans les montagnes du Morvan, pour ne quitter ses traces qu'à
la Loire.
Il montre qu'il existe un parallélisme complet entre la légende
et certains vestiges archéologiques. Partout où un vocable quel-
conque perpétue le nom du saint, on retrouve quelques débris
de temples ou d'oratoires païens, quelque fontaine sacrée, quelque
rocher, quelque pierre à bassins, où très souvent les supersti-
tions antiques, purifiées par le christianisme, ont laissé des traces
encores très vivantes. Il fliut lire le beau livre de M. Bulliot pour
comprendre quel contingent l'archéologie peut fournir à l'étude
des croyances populaires, et quelle lumière ces croyances jettent
à leur tour sur les superstitions païennes. C'est un commen-
taire très suggestif des monuments lapidaires' conservés dans les
musées de la région, et des ruines éparses à travers les sites
parfois si pittoresques du pays éduen.
Quelques monuments relatifs à l'épigraphie autunoise méritent
une mention spéciale : la très précieuse inscription chrétienne en
. langue grecque, découverte, en 1839, dans le polyandre de Saint-
Pierre-l'Étrier, a donné lieu à de nombreux travaux résumés et
90 CONGRLS ARCHEOLOGiaUE DE MAÇON
discutés par M. Roidot, dans les Mémoires de la Société Ediienm\
Faut-il l'attribuer à la fin du ii^ siècle comme le pensaient le cardi-
nal Pitra, M. Franck, le Révérend Wharton Bouth Marriot, ou
à la fin du iii*^ siècle, comme le propose M. Roidot, ou doit-on
la rajeunir encore, suivant l'opinion de Kirchoff et de Rossignol ?
La découverte faite en 1882 par M. Ramsa}- de l'inscription dite
d'Abercius, évêque d'Hiéropolis ^, qui est du 11^ siècle et offre
avec l'inscription d'Autun des analogies frappantes, ferait pencher
en faveur de la date la plus ancienne.
M. le général Creuly a tiré de deux inscriptions de Bourbon-
Lancy et d'Autun un fragment de généalogie de la famille
d'Eporedirix, personnage éduen nommé dans les Commentaires
de César ' . Je ne veux pas omettre Tinscription votive à la déesse
Bibracte, conservée au Cabinet des antiques de la Bibliothèque
nationale-^. Enfin je citerai les inscriptions céramiques trouvées
à Autun et publiées avec d'autres inscriptions sur verre, sur
bronze et sur plomb, par M. Harold de Fontenay >.
La numismatique gauloise et gallo-romaine n'a pas été négligée
par les membres de la Société Éduenne. MM. de Monard,
Chappuis, Rossignol, Anatole de Barthélémy lui ont consacré des
notes plus ou moins étendues *".
1. T. XVI. 1888.
2 . Hiéraple, en Phrygie.
3 . Annales de la Soc. Eduenne, t. V, p. 290.
4. Mémoires de la Soc. Eduenne, t. III, nouvelle série, 1874, p. 299; pi.
5. Mémoires de la Soc. Eduenne, t. III, 1874, p. 331-449, et t. IV, p. 137.
6. De Monard, Xumis>natii]ue des Eduens, dans les Annales Soc. Eduenne, t. 11^
1844, p. 5 ; 2 cartes, 16 pi. et fig.
C. Chappuis, Note sur des monnaies gauloises et romaines, trouvées à Autun ,
dans les Mém. Soc. Eduenne, t. II, 1873, p. 397.
A. de Barthélémy, Etude sur les monnaies antiques recueillies au Beuvray, de
i86-/ à i8-j2, dans les Mém. Soc. Éduenne, t. II, 1873, p. 149.
C. Rossignol, Monnaies des Éduens pendant et après la conquête, t. VIII, 1879»
p. 207.
L ARCHEOLOGIE DANS SAONE- ET-LOIRE 9I
Je dois citer encore quelques travaux importants concernant la
topographie autunoise et les voies de communication à l'époque
gallo-romaine, par MM. BuUiot ' et Vincent Durand -.
La ville de Chalon était le port le plus important des Éduens sur
la Saône. Les empereurs y établirent un préfet de la flotte fluviale.
Aussi l'époque gallo-romaine y a-t-elle laissé des traces nom-
breuses, recueillies par les soins de la Société d'histoire et d'ar-
chéologie. Le Musée de Chalon, inauguré en 1863, renferme
une belle série de bronzes, et des collections céramiques, prove-
nant d'un legs de M.Jules Chevrier. Les collections lapidaires infi-
niment moins riches que celles d'Autun, comprennent cependant
quelques monuments intéressants : une inscription votive consa-
crée à un dieu Bacon; deux inscriptions votives à Mercure et à
Hercule par l'Éduen Sextius Orgius; des bas-reliefs de Mercure,
d'Hercule, de la déesse Epona, du dieu au marteau; un groupe
d'exécution barbare, mais curieux par ses détails représentant un
gladiateur terrassé par un lion; une statue mutilée de Mercure; le
tombeau monumental d'un sévir augustal.
On voit à Chalon dans une propriété particulière le bas-relief
funéraire bien connu du cavalier Albanus, dont la Société d'his-
toire et d'archéologie a fait exécuter des moulages. Le Musée de
Chalon s'est enrichi récemment d'une belle mosaïque décou-
verte à Sens, près de Sennecey-le- Grand, dont le sujet principal
représente une course de chars. La plupart de ces monuments
1. Bulliot, Observations Iiistoriqiics et urcbeologiques sur les fouilles irAu^ustodu-
nuni pratiquées en 1866 à Vintèrieur de Tenceinte romaine, pour l'établisseineut du
cheviin de fer de Chagnx à Étaiio-, dans les Mém. de la Soc. Edueiiue, t. I, 1872,
p. 349; 2 pi. Légende détaillée du plan par MM. Roidot-Deleage et H. de
Fontenay, p. 372.
2. Kote sur les stations et voies antiques du pays e'duen, dans les Mémoires de la
Société Eduenne, t. VII, 1878, p. 149.
Voies romaines d'Autun à Besançon, dans les Mémoires Soc. Edueniu\ t. I, 1872,
P- 534-
92 CONGRÈS ARCHEOLOGIdUE DE MAÇON
ont été l'objet de travaux publiés dans les Mémoires de la Société
d' histoire et d'archéologie, sous les noms de MM. Diard, Coutu-
rier, Paul et Marcel Canat de Chizy, Jules Chevrier. Je signa-
lerai plus particulièrement un mémoire de M. Paul Canat de
Chizy sur des mosaïques découvertes à Sens et à Ormes'; une
étude sur les inscriptions antiques des villes de Chalon-sur-
Saône et de Mâcon^, par M. Marcel Canat de Chizy; le compte
rendu des fouilles opérées à Saint-Jean-des -Vignes aux frais de
la Société, par M. Jules Chevrier '; un mémoire du docteur
Gaspard sur les voies romaines de la Bresse chalonnaise^.
Les publications de la Société d'histoire et d'archéologie se
distinguent par le luxe des figures et des planches dues pour la
plupart à des membres de cette Compagnie. M. Jules Chevrier,
qui fut un de ses collaborateurs les plus assidus, à qui l'on doit
la création et l'organisation du Musée de Chalon, enrichi après
sa mort par le legs de ses belles collections, joignait à une érudi-
tion très étendue et très sûre un beau talent d'artiste qu'il mettait
volontiers au service de l'archéologie.
La ville de Mâcon, simple castrum élevé tardivement au rang
de cité, n'eut vraisemblablement qu'une importance assez secon-
daire à l'époque qui nous occupe : les ruines gallo-romaines y
sont rares. Vous verrez cependant au Musée quelques débris
d'inscriptions et de monuments, et le sujet principal d'une
mosaïque découverte à Placé il y a quelques années.
1. Paul Canat, Notice sur les mosaïques de Sens et de Noiry, dans les Mcvi. de
la Soc. d'hist. et d'arch.,t. III, 1854, p. 129; 2 pi.
2. Marcel Canat de Chizy, Inscriptions antiques de la ville de Chalon-sur-Saône,
dans les Mi'm. Soc. d'hist. et d'arch., t. III, 1854, p. 217-276; 5 pi.
5. J. Chevrier, Fouilles de Saint-Jean-des-Vignes, près Chalon-sur-Saône, dans
les Mèm. Soc. d'hist. et d'arch., t. III; 1854, p. 277; 4 pi.
4. B. Gaspard, Mémoires sur les routes romaines de la Bresse chalonitaise, dans
les Mc'w. Soc. d'hist. et d'arch., t. III, 1854, p. 505 ; carte.
L ARCHEOLOGIE DANS SAONE-ET-LOIRE 9J
Le Musée de Mâcon est de création récente. Tous ceux de
mes concitoyens qui fréquentaient comme moi il y a quarante
ans notre bibliothèque publique doivent se rappeler le crocodile
et le serpent à sonnettes, empaillés l'un et l'autre, qui pendant
de longues années symbolisèrent l'enseignement par les yeux,
dans la salle de lecture. Les rares curiosités recueillies depuis
le commencement du siècle étaient soigneusement conservées
dans de mystérieuses vitrines, loin des regards profanes.
Vlalgré la sollicitude de l'Académie et le zèle de quelques-uns de
;es membres, parmi lesquels je dois un souvenir tout particulier
i M. Tony Lacroix, notre regretté collègue, qui fit les plus
ouables efforts pour rassembler les éléments des collections
ocales, le Musée de Mâcon ne fut définitivement constitué, grâce
LU concours éclairé de la municipalité, qu'en 1876. Vous verrez
:e qu'il est devenu sous l'habile direction de M. Lex, son dévoué
:onservateur.
Je dois ajouter qu'en l'absence de collections publiques, des
:ollections privées importantes s'étaient formées à Mâcon. Celle
le M'^^'Febvre, bien connue de tous les archéologues, fut malheu-
eusement dispersée, à sa mort, par ses héritiers. Notre collègue
vl. Lacroix nous invite à visiter le beau cabinet de numismatique
;t d'archéologie formé par son père. Les collections de M. Jules
'rotat et de M""" Dumont nous seront ouvertes également.
En faisant le dépouillement des mémoires publiés par les
Sociétés savantes du département et des travaux de toute nature
ntéressant l'archéologie, j'ai relevé les noms de toutes. les loca-
ités où des trouvailles ont été signalées, sépultures, monuments
apidaires, inscriptions, bronzes, ruines de villas ou d'oratoires
mtiques, mottes fortifiées ou autres, voies romaines. Leur
lombre s'élève à 352. En y ajoutant les trouvailles relatives aux
;ges préhistoriques j'arrive au nombre total de 595 localités sur
94 CONGRES ARCHEOLOGiaUE DE MAÇON
589 communes. Le temps m'a manqué pour reporter tous ces
noms sur une carte. C'est un travail depuis longtemps réclamé
et qui paîlerait aux yeux beaucoup mieux qu'un simple dénom-
brement statistique.
L'époque barbare a laissé des vestiges importants dans le
département. Tous les archéologues connaissent les belles trou-
vailles de M. Henri Baudot, dans le cimetière burgonde de
Charnay-lès-Chalon, éditées avec luxe par la Commission des
antiquités de la Côte-d'Or, en 1860'. Les fouilles opérées en
1866 dans le cimetière de Saint-Jean-des-Vignes et à La Grange-
Frangy par les soins de la Société d'histoire et d'archéologie de
Chalon ont mis au jour des sépultures intéressantes des époques
mérovingienne et carlovingienne. On peut en lire le compte rendu,
fait par M. Chevrier, dans les Mémoires de cette Société^. On
voit au Musée de Chalon un beau sarcophage carlovingien pro-
venant de ces fouilles. La même Société a publié, en 1895, la
sépulture burgonde de Balleure ', et en 1890 le compte rendu des
fouilles de M. Bidault, dans un vaste cimetière du même âge, à
Noiron-lès-Cîteaux (Côte-d'Or) *.
M. Legrand de Mercey a fait connaître ses fouilles dans les
cimetières burgondes de Lugny et de Fissy'. Enfin, vous lirez
1 . Henri Baudot, Mémoire sur les sépultures des Barbares de Tépoque iiieroviu-
gietine découvertes en Bourgogne et particulièrement à Charnay, dans les Mémoires
de la Commission des antiquités de la Côte-d'Or, t. V, années 1857-60.
2. J. Chevrier, les Fouilles de Saint-Jean-des-Vignes, loc. cit., et t. V, p. i ;
Les fouilles de la Grange-Frangy, àzns les Mém. Soc.d'hist. et d'arch.,l. V, 1866-
69, p. 221; 3 pi.
3. A. Arcelin, La sépulture barbare de Balleure, dans les Mém. Soc. d'hist. et
d'arch., t. VIII, 1895, p. 79.
4. L. Bidault, Rapport sur les sépultures nn'rovingiennes de Xoiron-lès-Cileaiix,
dans les Mém. Soc.d'hist. et d'arcb., t. VIII, p. 91 ; 5 pi.
5 . Legrand de Mercey, Assemblée générale de la Soc. des amis des arts de Tour-
nus, broch. in-8, 1882, p. 13.
L ARCHEOLOGIE DANS SAONE-ET-LOIRE 95
dans le dernier volume paru des Annales de V Académie de
Mâcon ' le compte rendu des recherches de M. Martin dans les
nécropoles barbares de Tournus et des environs, à Dulphey, près
de Mancey,à Farges,à Royer. Vous verrez au Musée de Tournus,
dont M. Martin est le très zélé conservateur, le résultat de ces
belles explorations. Tout récemment de nouvelles tombes méro-
vingiennes et carlovingiennes ont été rencontrées à Tournus sous
le cloître roman de Saint-Ardoin qui dépend de l'église Saint-
Philibert.
Parmi les trouvailles se rapportant aux siècles du moyen âge
antérieur à l'an looo, je citerai encore les belles pièces d'orfè-
vrerie découvertes à Gourdon consistant en un plateau et une
burette en or massif, actuellement au Musée du Louvre, décrits
et figurés dans les Mémoires de la Société d'histoire et d' archéologie
de Chalon"-. Un sarcophage en marbre blanc du Musée d'Au-
tun, d'origine antique mais transformé postérieurement au
VII* siècle, d'après M. BuUiot, pour recevoir les restes de saint
Francovée ou saint Franchet ' ; enfin je vous signalerai, dans le
médaillier de la Société d'histoire et d'archéologie de Chalon,
une précieuse série de monétaires chalonnais, décrite dans les
Mémoires de cette Société, par MM. Bessy et H. Batault ^
L'archéologie monumentale a donné • lieu à de nombreuses
monographies dont le détail m'entraînerait bien au delà des limites
permises et du temps dont je puis disposer. Parcourons le dépar-
tement à vol d'oiseau. Voici la chapelle de Berzé-la-Ville, que vous
1. 3<; série, t. IV, 1899.
2. T. 1, 1846, p. 287 ; pi.
3. Bulliot, 'Sotice sur tin sarcophage en marbre blanc du Muscc d'Aulun, dans
les Annales Soc. Éduenne, 1862-64, P- 237.
4. Mémoire de la Soc. d'hist. et d'arch. de Chalon-sur-Saône, t. I, 1846, p. 233 ;
t. II, 1850, p. 187; t. V, 1866-69, p. 69; t. VI, 1872-76, p. 203.
96 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQ.UE DE MAÇON
visiterez et dont les curieuses fresques du xii^ siècle, découvertes
par M. le curé Jolivet, ont été récemment publiées par M. Lex ',
l'Abbatiale de Cluny, un grand nom mêlé à l'histoire du monde
entier, Saint-Philibert de Tournus, la basilique de Paray-le-Monial,
qui figurent parmi les excursions projetées. A Chalon, que vous ne
ferez que traverser, la cathédrale de Saint- Vincent % les restes de
ses fortifications gallo-romaines et du moyen âge ' pourront
attirer votre attention ainsi que les beaux vitraux du xvi' siècle
de la chapelle de l'hôpital^. Si vous aviez le temps de feuilleter
les Mémoires de la Société d'histoire et d'archéologie, vous y
trouveriez d'intéressantes notices sur les peintures murales du
xii^ siècle de Saint-Vincent de Mâcon^, sur le tombeau de Pierre
le Vénérable à Cluny '^, sur l'abbaye de Lancharre^, sur les
églises de Saint-Désert^, de Saint-Marcel 9, sur la crosse en bois
1. Lex, Peintures tJiiirales du XII<^siècîe,àBcrzé-la-Vï\\e, 1895, 8 p., 6 pi., in-8.
2. Louis de Cissey, Souvenirs historiques de Vcglise Saint-Vincent de Chalon.
dans les Mèm. Soc. d'hist. et d'arch. de Chalon, t. II, 1846, p. 115.
3. L.Niepce, Des diverses fortifications de Chalon, dans les Mcm. Soc. dlnst. et
d'arch. de Chalon, t. II, 1850, p. 1-106; 2 plans, 4 planches.
4. L'abbé Dorey, Description des vitraux de Vhôpital de Chalon, XVI^ siècle,
dans les Mèm. Soc. d'hist. et d'arch. de Chalon, t. I, 1844-46, p. 215.
Eugène Millard, Encore quelques mots sur les vitraux de l'hôpital de Chalon,
dans les Mêm. Soc. d'hist. et d'arch. de Chalon, t. I, 1845, p. 226.
5. A. de Surigny, Peintures murales de l'église Saint-Vincent de Mdcon, XII^
siècle, dans les Mcm. Soc. d'hist. et d'a/xh. de Chalon, t. II, 1850, p. 197, 2 pi.
6. A. de Surigny, Deux mots sur le tombeau de Pierre le Vénérable à Cluny,
dans les Mèm. Soc. d'hist. et d'arch. de Chalon, t. IV, 1863, p. 373.
7. Henri Batault, Xotice historique sur Vabbaye des bénédictines de Lancharre et
le prieuré du Puley, dans les Méni. Soc. d'hist. et d'arch. de Chalon, t. III, 1854,
p. 1-128; pi.
8. M. Canat de Chizy, Notice sur l'église de Saint-Désert, ses fortifications et
les peintures murales découvertes dans une de ses chapelles, dans les Mém. Soc.
d'hist. et d'arch. de Chalon, t. I, 1846, p. 317-393 ; 6 planches.
9. Abbé Cazet, Notice historique et archéologique sur l'église de Saint-Marcel,
dans les Mém. Soc. d'hist. et d'arch. de Chalon, t. I, 1846, p. 139.
L ARCHEOLOGIE DANS SAONE-ET-LOIRE 97
ie Saint-Loup", signées des noms de MM. de Surigny, Henri
^atault, Marcel Canat, de Cissey, Léopold Niepce, l'abbé Cazet.
\ Autun, vous visiterez la belle cathédrale de Saint-Lazare,
lécrite dans V Autun archéologique-. Les Mémoires de la Société
Éduenne sont riches en documents sur le moyen âge. Je citerai
.les notices intéressantes sur l'ancien réfectoire du chapitre
i'Autun', sur le château du Riveau et la citadelle d'Autun^, sur
'église et l'ancienne croix du Breuib', sur le château de Mont-
:enis et ses carreaux émaillés", sur l'église de Curgy?, par
MM. BuUiot, Picard, Fyot, Félix et Henri Courtois, Noël Thiol-
ier; puis les travaux de MM. de Fontenay et Rossignol, sur la
lumismatique autunoise^.
Aucun des domaines si variés de l'archéologie du moyen
îge n'a été négligé par nos collègues de la Société Éduenne et
'aurais à mentionner encore, si le temps me le permettait, une
quantité de notices concernant le mobilier, la sigillographie,
les manuscrits et les dalles funéraires de la région. Je ne veux
pas oublier l'épigraphie autunoise d'Harold de Fontenay 9, un
vaillant érudit, enlevé trop jeune à la science, qui a laissé à sa
ville natale un recueil en trois volumes des inscriptions du
1. H. Batault, Notice sur une crosse en ivoire, nue croix processionnelle et un
:handelier en bronze de Vcpoque romane, dans les Mèin. Soc. d'Iiist. et d'arch. de
Chaton, t. IV, p. i6, 2 planches.
2. P. 168.
3. Annales de la Soc. Éduenne, t. VI, 1862-64, P- i)!-
4. Me'ni. delà Soc. Éduenne, t. VIII, 1879, p. 233; pi.
5. Ibid., t.XXY, 1897.
6. Ilnd., t. X, 1881, p. 119.
7. Ibid., t. XXVI, p. 249.
8. De Fontenay, Nouvelle étude de jetons, .\utun, 1850, in-8 de 184 p.
Rossignol, De^ libertés de la Bourgogne d'après les jetons des Etals, .\utun, 1851,
in-8 de 304 p.
9. De Fontenay, Épig rapine autunoise, inscriptions du moyen âge et des temps
modernes, 3 volumes in-4, 1883-86.
Congrus ARCHÉOLociauE du maçon. 7
^8 CONGRES AKCHEOLOGIQUE DE ,MACOX
moyen âge et des temps modernes, propres à éclairer l'histoire
d'Autun ; puis enfin une très remarquable étude d'ensemble sur
l'architecture romane dans l'ancien diocèse de Màcon par
M. Jean Virey^ Contrairement à l'opinion de Viollet-le-Duc, et
d'accord avec MM. Quicherat, Robert de Lasteyrie, Anthyme
Saint-Paul, M. Virey ne croit pas à l'existence d'une prétendue
école clunisienne. Toutes les églises du Maçonnais diffèrent entre
elles par leurs caractères individuels autant que de l'église abba-
tiale mère, et appartiennent, par leurs caractères généraux, à la
grande école bourguignonne. M. Virey justifie cette manière de
voir par l'étude de quatre-vingts monuments remontant à
l'époque romane en tout ou en partie, mais il ne méconnaît pas
le rôle si important de Cluny dans la diffusion à travers l'Eu-
rope du style bourguignon. On ne peut que féliciter M. Virey
d'avoir entrepris ce travail, en l'engageant à le continuer pour
l'époque gothique.
Les Sociétés savantes n'ont pas absorbé toute l'activité scien-
tifique de notre région. Je ne dois pas omettre les œuvres indé-
pendantes qui rentrent dans le cadre de vos études ; par exemple
la série des Annuaires du département de Saône-et- Loire, qui, sous
la direction de M. Monnier d'abord, puis de M. Siraud actuel-
lement, ont rendu de très grands services à l'archéologie et à
l'histoire locale, en les vulgarisant. On trouve dans V Annuaire
de 1859 l'inventaire par commune de tout ce qui pouvait, à cette
époque, intéresser l'histoire et l'archéologie. Le savant abbé
Devoucoux, depuis évèque d'Evreux, a donné dans Y Annuaire
de 185 1 une histoire moaumentale du département.
1. J. Virey, Varcbiteclun dans les diocèses d'Aulun et de Mdcoii, dans les
Mémoires de la Société Èdiienne, t. XVII, 1889; t. XVIII, 1890; t. XIX, 1891 ;
carte.
L*ARCHÉOLOGIE DANS SAONE-ET-LOIRE 99
On doit à M. Moiinier un inventaire, qui serait aujourd'hui
à compléter et à reviser, des monuments mégalithiques ou
réputés celtiques, inséré dans ï Annuaire de 1873.
L'éminent égyptologue Chabas, dont la ville de Chalon doit
honorer la mémoire par un monument, publiait, en 1872, ses
Etudes sur l'antiquité historique d'après les sources égyptiennes
elles monuments réputés préhistoriques \ Le titre de cet ouvrage
souligne ses tendances. L'auteur démontre que bon nombre
de monuments préhistoriques de l'Europe occidentale, et du
Chalonnais en particulier, rentrent dans le cadre des chro-
nologies orientales. Les grands travaux accomplis depuis en
ÉgyP^^j ^î^ Chaldée, ont confirmé les vues de Chabas.
M. Lex a publié dans divers recueils, notamment dans les
comptes rendus du Congrès annuel des Sociétés des Beaux-Arts
des départements et dans le Bulletin archéologique du Comité
des travaux historiques, une série d'études sur l'ancienne église
de Saint-Clément-lès-Mâcon, sur les anciens hôtels de ville de
Mâcon, et les fliïenceries du département de Saône-et-Loire %
sur le mausolée de Louis de Valois dans l'église de La Guichc '
et celui du duc de Bouillon à l'Hôtel-Dieu de Cluny^, sur les
peintres Le Bault^ et Perrier^ et les collections d'objets d'art de
Mgr Moreau, dernier évêque de Mâcon 7.
Vous dirai-je aussi la part que les artistes de Saône-ct-Loire
1. Chalon-sur-Saône, 1872, un vol. in-8 de ))9 p., H* édition. Cet ouvrage
a eu deux éditions.
2. Lex, Ao/('A' ('/ clocuiiitiils pour servira rtnstoire du dèparkvicitl de Saôiw-ct-
Loire, 1887, 144 p. in-8.
3. Id., 1894, II p., I pi. in-8.
4. /(/., 1S90, 14 p., 4 pi. in-8.
5. /(/., 1896, 15 p., I pi. in-8.
6. Id., 1888, 16 p. in-8.
7. /(/., 1898, 3) p., I pi. iii-8.
100 CONGRES ARCHEOLOGIQ.UE DE MACOX •
ont prise au développement des recherches archéologiques?
MM. Paul Martin, Perret, de Surigny à Mâcon, Chevrier, Canat
de Chizy à-Chalon ont mis plus d'une fois leur crayon ou leur
burin au service de l'érudition pour lui faciliter l'étude des
monuments. Le Chalon pittoresque et démoli de M. Jules Chevrier
est une œuvre essentiellement archéologique.
Le programme qui m'était tracé ne m'a pas permis de com-
prendre dans ce compte rendu les travaux purement historiques,
mais il ne faut pas oublier que l'histoire et l'archéologie sont
inséparables et s'éclairent réciproquement. Vous me reprocheriez
de passer sous silence les grands recueils historiques où nous
avons tant à puiser : VInventaire des archives départetnentales, par
MM. Ragut, Michon, Bénet et Lex, les inventaires des archives
communales de Mâcon, Tournus et Chalon, par MM. Michon,
Lex, Millot. Puis la publication de nos Cartulaires ; en première
ligne ceux de Cluny, édités avec tant d'érudition par M. Bruel ;
les Cartulaires de l'Église d'Autun^ et de révéché d'Autun-,
que nous devons à M. de Charmasse, l'auteur distingué de tant
d'excellents travaux historiques; le Cartulaire de Saint-Vincent
de Mâcon, par M. Ragut, précieux à consulter, malgré de trop
nombreuses incorrections ' ; les Cartulaires des prieurés de Saint-
Marcel-lès-Chalon ■♦ et de Paray-le-Monial>, par MM. Canat de
Chizy et Ulysse Chevalier. Parmi les recueils généraux si utiles
aux archéologues, je citerai encore le livre des Fiefs du Méconnais,
édité par M.. Lex, sous les auspices de l'Académie de Mâcon, puis
enfin des recueils héraldiques par MM. Harold de Fontenay, Adrien
1. Un vol. in-4, pi.; 1865 (Société Éduenne).
2. Un vol. in-4, carte; 1880 (Société Éduenne).
3. Un vol. in-4, 1864 (Académie de Mâcon).
4. Un vol. in-8, 1894 (Soc. d'hist. et d'archéologie de Chalon-sur-Saône),
5. Un vjI. in-8, 1891 (Société d'hist. et d'archéologie de Chalon-sur-Saône).
L ARCHEOLOGIE DANS SAONE-ET-LOIRE lOI
Arcelin, Henri Bouchot", concernant Autun, le Maçonnais
et les autres bailliages compris dans la circonscription du dépar-
tement.
Je m'arrête, Messieurs, avec le regret d'avoir retenu si long-
temps votre attention pour vous présenter, en définitive, un
travail rempli de lacunes. J'aurai atteint mon but, si je laisse
dans vos esprits une impression générale sur les travaux archéo-
logiques accomplis dans notre région.
I. Harold de Fontenay, Armoriai des evéques d' Autun; Armoriai d' Autun.
A. Arcelin, Indicateur héraldique et généalogique du Maçonnais, Mâcon, 1866,
un vol. in-8 de xxxi-487 p.
H. Bouchot, Armoriai de la généralité de Bourgogne, extrait de V Armoriai
général de France, 2 vol. in-8, Dijon, 1875 .
II
ÉTUDE
SUR
L'AGE DU BRONZE
DANS LE
DÉPARTEMENT DE LA COTE-D'OR
PAR
FERDINAND REY
La quatrième question du programme est relative aux sépul-
tures et aux trouvailles de l'âge du bronze et du premier âge
du fer dans la Saône-et-Loire et les départements voisins.
Ce mode de rédaction, laissant une grande latitude, j'ai pensé
qu'il ne serait point sans intérêt de donner un aperçu des décou-
vertes de l'âge du bronze dans le département de la Côte-d'Or,
d'autant plus que mes recherches m'ont fait rencontrer dans
nos musées ou dans les collections particulières un certain
nombre d'objets provenant de cette région.
Je me contenterai pour la seconde partie de ce sujet, c'est-à-
dire pour le premier âge du fer, de présenter les photographies
d'objets peu connus ou inédits, en m'abstenant d'exposer les
thèses relatives à l'introduction des métaux en Europe,
ETUDE SUR L AGE DU BRONZE DANS LA COTE-D OR I03
les attaques dont l'âge du bronze a été l'objet, ainsi que
les motifs invoqués par les partisans d'un âge du cuivre.
Ce serait m'écarter du but de nos Congrès qui est, avant tout,
de faire connaître les découvertes locales, afin de les com-
parer avec les monuments du même genre dispersés dans
toute la France.
La Côte-d'Or ne possède ni tourbières, ni palafittes, et ses
monuments mégalithiques ont à peu près disparu. Faute d'in-
dices pouvant provoquer des trouvailles de 1 âge du bronze, on
conçoit que l'attention de nos archéologues se soit portée, de
préférence, sur les nombreux tumulus de la région.
Les belles découvertes de Magny-Lambert leur faisaient espérer
la rencontre de curieux objets du premier âge du fer; les sépul-
tures de l'époque marnienne ne manquaient point non plus, et
si une heureuse chance ne favorisait point leurs efforts, ils
pouvaient du moins étudier les coutumes et les rites funéraires
de peuples disparus.
Disons-le de suite, l'âge du bronze n'a laissé que peu de
traces dans la Côte-d'Or si l'on s'en tient à la nomenclature des
objets recueillis; mais la grande dispersion de ces objets fait
espérer de nouvelles trouvailles dans l'avenir, et la variété des
types témoigne d'un long usage du bronze dans nos contrées.
Les haches, dit M- de Mortillet, sont les premiers instruments
de bronze dont l'emploi se soit généralisé, c'est donc par elles
que nous commencerons cette étude, pour passer ensuite aux
poignards, aux épées, aux couteaux, faucilles, ciseaux et pointes
de flèches.
Nous bornerons à ces seuls objets nos recherches, car ce sont
eux qui caractérisent le mieux une époque.
104 CONGRÈS ARCHEOLOGiaUE DE MAÇON
Haches.
M. deMortillet, que nous venons de citer, donne la classifica-
tion suivante des haches en bronze d'après leur ancienneté :
1° Haches à bords droits — 2° Haches à talons — 3° Haches à
ailerons — 4° Haches à douilles — 5° Haches plates et Haches
votives. Nous croyons devoir apporter, avec le plus grand nombre
des auteurs, une modification à cet ordre, en mentionnant la
hache plate au premier rang. Par sa forme, elle nous semble
dériver naturellement de la hache en pierre polie des temps
robenhausiens. Les haches de la Côte-d'Or proviennent des
cachettes de fondeur de Santenay, de Nan-sous-Thil et de Tanay.
Il s'en est également rencontré quelques-unes, lors de la grande
découverte d'armes et d'objets en bronze qui fut faite, le 19 no-
vembre 1860, sur le territoire de la ferme de l'Épineuse, au
milieu de la plaine des Laumes. Toutes les autres haches ont
été trouvées isolément. Nous énumérons dans le tableau suivant
celles dont nous avons eu connaissance.
Nous en aurions fini avec les types des haches que nous
avons rencontrés dans la Côte-d'Or, s'il ne nous restait à parler
d'une grande hache à deux tranchants trouvée à Cîteaux et fai-
sant actuellement partie de la collection de M. l'abbé Morillot,
curé doyen de Sombernon.
M. Morillot a consacré une intéressante notice à cet objet, et
contrairement à l'opinion de M. de Mortillet, le considère comme
une hache votive et non comme un lingot. Il l'assimile à une
arme analogue de la station lacustre de Locras et lui donne une
haute antiquité. Dimensions : Long. o"'40. Largeur des tran-
chants mousses et assez évasés ©"'092. Poids 3 kilos. Un trou
d'inégale grosseur traverse la hache en son milieu o'''oo9 et
o™ 006.
ÉTUDE SUR L AGE DU BRONZE DANS LA COTE-DOR
105
PROVENANCES DETENTEURS
OBSERVATIONS
HACHES PLATES
0, II
0,06
Saint-Léger- des-
Fourches
0,11;
0,06;
Uuesme
Musée de Dijon
Musée de Châtillon
HACHES A BORDS DROITS
0,155
0,056
0,032
0,032
2
0, 19
0,07
Santenay '
Santenay
Belleneuve
Musée d'Autun
Musée d'Autun
Musée de Dijon
HACHES A TALONS
o, 21
0,185
o, "95
0,145
0,155
0,186
Dessus cassé manquant.
Sans doute votive. — Poids
148 gr.
Les bords resserrent Tinstru-
ment dans son milieu. Si-
milaires : Vienne, Isère.
Saint-Germain 600. 2»
Une hache de la trouvaille
de Sarry, Saône-et-Loire.
Poids 790 gr.
Poids 3SS gr.
Cassée au milieu. Poids
350 gr.
Talon cassé.
Talons arqués, nervure en
relief, anneau latéral non
percé, taillant droit.
Talons rectangulaires, bou-
ton latéral au lieu de l'an-
neau. Ornement : bouton
en relief, lame unie.
Talons droits et longs, lame
épaisse et courte, taillant
affilé et fortement cintré.
Hache identique, talon brisé.
Sommet échancré. Talons
intermédiaires, d'une lon-
gueur égale i celle de la
lame.
Talons intermédiaires entre
le rectangulaire et l'arqué.
Décrite par M. de Moriillet
sous le n" 680.
bronze à Santenay, par M. de Longuy, dans les Mémoires de la Société Ediienne,
'75-
0,101
0,046
0,043
0,054
0,042
0,047
0,058
0,055
0,053
Santenay
Santenay
Santenay
Santenay
Tanay -
Tanay
Tanav
Tanay
Pouilly-sur-Saône
Musée d'Autun
Musée d'Autun
Musée d'Autun
Musée d'Autun
Collection Jobard
Collection Jobard
Collection Jobard
Collection Jobard
Collection Jobard
Saint-Germain, 617
Uâgc du
1873, P
Nous re
par M. Paul Jobard
2 mai 1898.
produisons pour les haches de la cachette de Tanay, la description donnée
Paul lobard à la séance de la Commission des antiquités de la Côtc-d Or, le
io6
CONGRES ARCHEOLOGIQIJE DE MAÇON
Lon-
gueur
Largeur
du
taillant
PROVENANCES
DÉTENTEURS
OBSERVATIONS
- 1 1
HACHES A AILERONS (AVEC
1
OU SANS ANNEAU LATERAL)
I
6
0, lé
0,0)
Saint-Jean-de-Losne
Musée de Dijon
Ailerons médians, pas d'an-
neau, raccourcie par l'affû-
tage.
2
7
0, I 1
0, 04
Payny-Ia -Ville
Musée de Dijon
Ailerons médians, pas d'an-
neau.
3
8
0,15
0,04
Nan-sous-Tliil
Musée de Semur
Sommet échancré. Anneau
latéral.
4
o, 15
0,04
Nan-sous-Thil
Musée de Semur
Brisée en son milieu. Anneau
latéral.
S
Nan-sous-Thil
Musée de Semur
Anneau latéral.
6
9
0, 155
0,034
Nod.
Musée de Châtillon
Anneau latéral.
7.8,
Ferme de l'Épineuse
Saint- Germain.
Sont d'un type identique aux
9
Plaine des Launaes
précédentes.
10 et
11
Fleurey-snr-Ouche
Anciennement Coll.
Baudot.
Anneau latéral, sommet lu-
nule. L'une est brisée.
HACHES j
\ DOUILLES
0, 10
0,04
Nan-sous-Tliil
Musée de Semur
Ont une douille circulaire et
1,2,
lO
à
à
un anneau latéral.
5.4
II
0, II
0,035
Nan-sous-Thil
Nan-sous-Thil
Musée de Semur
Musée de Semur
Id.
Ornement composé de lignes
se coupant en forme de
croix de Saint-André com-
prises dans un parallélo-
gramme placé sur les
grandes faces.
6
12
0,135
0,033
Cliaugey
Musée de Ciiâtillon
Douille quadrilatérale, angles
arrondis, tranchant aigui-
7
Cerilly
Musée de Châtillon
sé.
Brute de fonte et très mince.
8
0, 10
0,35
Beire-le-Châtel
Coll. Abbé Morillot
Douille quadrilatérale, angles
arrondis, porte sur ses
faces la figure de deux
ailerons simulés. Tran-
chant bien affilé.
Cette énumération est bien peu considérable sans doute, mais
il s'en dégage un point important que nous tenons à noter; c'est
que notre contrée a fourni des spécimens, sinon de toutes les
variétés, mais du moins de tous les types de la classification des
haches que nous donnions au commencement de ce paragraphe.
ETUDE SUR L AGE DU BRONZE DANS LA COTH-D OK
107
Poignards.
La Côte-d'Or n'a donné qu'un nombre très restreint de poi-
gnards. Ils appartiennent en général à l'époque larnaudienne ou
à celle de transition qui l'a précédée. Tous ont été rencontrés
isolément et sans leur poignée.
-T3 Z
■g î!
= ?.
PROVENANCES
DÉTENTEURS
OBSERVATIONS
^°
1 oc
JÉ5.
j
I
0,285
0,06
Brion-sur-Ource
M. Bertillonà Nicey
Epoque de transition, large
base, deux rivets.
2
0,23
0,042
Dans la Saône. Au-
xonni".
Saint-Germain, n" 724
Deux rivets. Décrit dans le
Miiu'f préhistorique, n° 882.
0, u
0,02
Varennes près Beaune
Musée de Beaune
I.anie incomplète.
4
0, 14
0, 13
Savoisy
SemonJ
Coll.D"-Brulard.Dijon
Même collection.
Deux rivets. Présente une
arête médiane.
6
I)
0, 21)
0,056
Massingy-les-Vit-
teaux.
Coll. D'- Marchand.
Dijon.
Lame à deux rivets, remar-
qu.able par les curieuses
nervures, fuselées .i leurs
extrémités, qui la parta-
gent en son milieu.
7
0, 12
0,051
Malmaisons, c" de
'l'onillon.
Coll. Guilleminotf.de
Chasseigne.
Pointe cassée. Base ovale
portant quatre trous de ri-
vets disposés deux par
deux.
8
0, II 5
0,042
Meloisey
Coll. C"^ de Juigné,
Beaune.
Lame triangulaire, à base
large et arrondie, à trois
rivets, trouvée dans un
tumulus. Tous les caracte-
resde l'époque morgienne.
Nous pouvons rapprocher le poignard désigné sous le n° 2
d'une lame provenant de Saunière, Saône-et-Loire, découverte
au confluent de la Saône et du Doubs. Cette lame n'en diffère
que par sa longueur et par sa base un peu plus arrondie. Long.
0"' 148. Larg. à hauteur des deux rivets o"'040. Collection de
M. Court, à Dijon. Elle a fait l'objet d'une communication à
la Commission des antiquités de la Côte-d'Or, de la part de
son possesseur.
I08 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE MAÇON
Épées.
La remarque que nous faisions sur la rareté des poignards est
également applicable aux épées.
Nous pouvons cependant en citer trois, du type dit de Vaudre-
vanges, dont nous parlerons tout à l'heure.
4° Une épée trouvée dans les fouilles du canal de Bourgogne,
signalée par M. Bruzard dans le Bulletin de la Société des
sciences historiques et naturelles de Semnr (1887).
Cette épée à soie plate porte quatre rivets. «
5° Une épée brisée en deux parties et privée de sa poignée
venant de Fleurey-sur-Ouche '.
6° Une belle lame, martelée à deux rivets, appartenant à
M. Drioton, àDijon,et provenant de Saint-Jean-de-Losne. Long.
o"47.
7° Un tronçon d'épée, composé d'une soie plate à six rivets
et de la partie inférieure de la lame, trouvé à Cessey-sur-Tille.
Long. 0^30 (Musée de Dijon).
Les autres épées possédées par le même Musée ne sont point
originaires du département.
L'une, à base droite sans étranglement, provient de Royau-
mont (Seine-et-Oise). Elle est à deux rivets.
Les deux autres, recueillis dans la Saône-et-Loire, ont été ren-
contrées : celle à deux rivets et à triple nervure, à Lays-sur-le-
Doubs. Long. ©""jS; celle à languette, dans la Saône, entre
Tournus et Mâcon. Long. o'"56.
En dehors de cette énumération, nous ne connaissons que
des fragments d'épées en bronze trouvés à Veuxhaules, Malain,
Auxonne, et dans les cachettes de fondeur de Tanay et de San-
tenay.
I . Cf. Compte remtu des travaux de F Académie de Dijon, 1828- 1829, p. 25 3 et s.
ÉTUDE SUR l'âge DU BRONZE DANS LA CÔTE-d'oR IO9
Nous avons omis à dessein de décrire, au commencement de
2 paragraphe, les trois épées du type dit de Vaudrevanges, à
luse de leur importance et pour leur donner plus de place dans
ette étude.
La plus connue, celle désignée sous le nom d'épée d'Alise,
lisait partie des objets recueillis sur le territoire de la ferme de
Épineuse, en 1860, découverte dont nous avons déjà parlé.
M. de Mortillet la décrit ainsi dans son Musée préhistorique,
'^ 906 : « Épée à poignée de bronze, pommeau à jour, plaque
rapportée et tenue par trois rivets au milieu de la poignée.
Lalameest cassée, mais il ne doit pas en manquer beaucoup,
les épées de ce type n'étant jamais bien longues. Crans à la base
[ de la lame, le tranchant est abattu des deux côtés, n
Une arme absolument identique a été découverte, depuis la
)ublication du Musée préhistorique, au Pouillot, commune de
lûmes (Haute-Marne), et M. Flouest en a fait l'objet d'une
ommunication à la Société des Antiquaires de France
'Mémoires, 1883, t. XLIII). Cette épée était d'une longueur
otale de o"'8i.
Nous voyons par là que les épées du type de celle d'Alise
l'étaient pas aussi courtes qu'on a bien voulu le supposer.
2° Une deuxième épée nous est indiquée dans les Mémoires
ie VAcadéviie de Dijon, d'après une communication de M. Bau-
iot (1828-1829). Elle avait été découverte peu d'années aupa-
ravant, au bas du parc de l'ancien château de Vergy. Cette arme,
l'un bronze pâle, paraît avoir été faite, dit l'auteur, d'un seul jet
lame et poignée. Long. ©""yj.
Qu'est devenue cette épée? Nous n'avons pu jusqu'à présent
en suivre la trace, mais il nous reste du moins sa reproduction,
qui nous permet de l'assimiler à celle de Vaudrevanges.
no CONGRES ARCHEOLOGiaUE DE MAÇON
3° M. Camille Rover, qui eut l'heureuse chance de découvrir
dans le tumulus de Charmoiselles, commune de Rolampont
(Haute-Marne), une épée de ce même type, nous transmet un
précieux renseignement qu'il tient de M. Salomon Reinach, sur
une 3"^ épée provenant de la Côte-d'Or. Cette arme, trouvée en
1803, passa en 1851, de la collection Comarmond, de Lyon, au
Briti^h Muséum.
Elle est connue sous le nom d'épée de Montausain; mais,
comme cette localité n'existe point dans la Côte-d'Or, il y a tout
lieu de supposer avec M. A. Bertrand que la désignation qu'elle
portait a été mal lue, et que, selon toute vraisemblance, il faut
corriger Montausain par Mont Auxois.
Comme nous donnons la reproduction de ces trois armes,
nous n'insisterons pas davantage sur l'étude d'un type bien
connu quoique fort rare jusqu'ici.
En tout cas, il est important de remarquer que la Côte-d'Or
et la Haute-Marne ont fourni cinq épées à poignée, en bron:ieet
à lames à crans, ne différant entre elles que par la plaque rap-
portée ou les cordons de cette poignée.
Les Mémoires de rAcadémie de Dijon (1828-1829), nous font
également connaître une épée identique à celle de Vergy, trouvée
dans le département de l'Aube, à Méricourt, sur une propriété de
la baronne de Bouvet. Cette arme, renfermée dans une sépulture,
était accompagnée d'ossements réduits en poussière. Elle a été
depuis, et comme l'épée de Vergy, laissée dans l'oubli, à une
époque où l'étude des armes en bronze n'avait point l'attrait
actuel.
Nous ne voulons point terminer ce paragraphe sans citer une
autre épée excessivement curieuse, conservée au Musée de Beaune
et trouvée dans la Saône, à Chalon.
Cette arme s'écarte de tous les modèles connus: elle est cintrée
ÉTUDE SUR l'âge DU BRONZE DANS LA CÔTE-d'oR I I I
au milieu et se rapproche par sa forme de notre sabre de cavalerie
légère. La soie plate bien qu'incomplète porte six trous de rivets.
La lame à crans et à pointe mousse présente en son milieu
une forte nervure. Long, totale i"'o2. Larg. o"'o30 à 0^035.
Soie o"' 045.
Lances.
C'est dans la plaine des Laumes et sur le territoire de la ferme
de l'Épineuse que furent découvertes la plus grande partie des
lances connues dans la Côte-d'Or.
On en rencontra dix-huit accompagnées de deux sabots de
lance. Plusieurs de ces armes étaient brisées ou recourbées. Elles
sont au Musée de Saint-Germain. La plus intéressante, sans con-
tredit, est celle dont la douille allongée est ornée de plusieurs
cordons parallèles. M. de Mortillet l'a décrite sous le n° 940,
Musée préhistorique.
Notons en passant que certains archéologues ont voulu voir
un outil propre à creuser dans les lances recourbées dont nous
parlions tout à l'heure '.
La découverte de ces lances, des haches et de l'épée dont nous
avons parlé, attira l'attention, et bien qu'étant d'une époque
antérieure à la conquête contribua, dit-on, à faire entreprendre
les fouilles d'Alise.
Nos cachettes de fondeur n'ont jamais fourni de lances et
celles que nous pouvons citer ont été recueillies isolément, j
Trois sont au Musée de Dijon et proviennent de Venarey, de
Gissey et de La Vougeoux, prèsMesmont. Elles diffèrent par leur
iorme et la longueur de leur douille. Longueurs respectives,
o"'r6, o'"i9, o'"i5.
I . Cf. John Evans, Vdgc du hron~r, liislntiiuiils, armes cl onuiiii-iits de la
Giaudi'-Brelaoïie cl de Flrlaiiilc, p. 225.
112
CONGRES ARCHEOLOGiaUE DE MAÇON
Une quatrième, provenant de Saint-Jean-de-Losne, fait partie
de la collection Drioton, à Dijon. Long, o"' 164.
Citons, encore une lance de la collection Baudot, trouvée à
Fleurey, une lance recueillie à Semond signalée par le D"" Bru-
lard et celle de Pralon (collection Mallard à Dijon). L. 0,221.
Couteaux.
Nous ne connaissons que sept couteaux dans la Côte-d'Or et
une lame brisée, mais ces échantillons appartiennent à six variétés
différentes. Ils sont à douilles, ou fondus d'un seul jet, ou à soie.
s ^
•A °
■„ 3
0 -
-1 %L
PROVENANCES
DÉTENTEURS
OBSERVATIONS
I
3
21
22
0,198
o,iS
Ferme de l'Épineuse
Venarey
Vix
Saint-Germain
Musée de Semur
Musée de ChâtiUon
Couteau à douille.
Couteau à douille, lame mar-
telée.
Fondu d'un seul jet lame et
manche, ce dernier plat et
à jour devait être complé-
4
23
o,:6i
Pothières
Musée de Châtiilon
té à l'aide de morceaux
de bois ou de corne.
Fondu d'un seul jet. Manche
incomplet portant de petits
ailerons destinés à mainte-
nir des plaques rapportées.
Semblable à un couteau dé-
couvert dans l'Aube. Musce
S
0,204
Vaulebon, c'de Poi-
C"" Paulin Pineau,
préhistorique, n° 877.
Fondu d'un seul jet, soie
seul
Pommard.
allant en s'épaississant,
percée d'un trou et ornée
au dos, à l'endroit où com-
mence la lame de lignes
é
Veuxhaules
»
chevronnées.
Couteau à soie. Cordons fes-
tonnés sur le plat comme
ornementation et signes
7
24
0,52
Mirebeau sur-Bèze
C"" de M. le cons"
Millon, à Dijon.
chevronnés sur le dos.
Similaire : Station lacustre de
Concise, lac de Neuchâtel.
Musée prèhislorique, n» 722.
Couteau à manche rond et
à jour terminé par trois
anneaux, d'une conserva-
8
S''' Ju Chat, c-' de
Val-Suz m
Musée de Dijon
tion remarquable.
Traces d'ornementations,
lame incomplète et sans
manche.
ÉTUDE SUR l'âge DU BRONZE DANS LA CÔTE-DOR II3
Faucilles.
Les faucilles ne se sont guère rencontrées qu'à Santcnay.
M. de Longuy les a ainsi décrites :
1° Faucille avec bouton en cône plat, lame à trois rainures
au talon, bout rond; longueur de la demi-circonférence au dos
o'"i9. Largeur de la lame au milieu o"'025. Poids 80 gr.
2° Faucille identique. Longueur de la demi-circonférence au
dos o"M9. Largeur de la lame au milieu o"'024. Poids 79 gr.
3° Faucille à lame sans rainure, bouton de l'attache rond;
longueur de la demi-circonférence au dos o"' 17. Largeur 0"' 23.
Poids 80 gr.
Sept autres faucilles plus ou moins incomplètes ont été égale-
ment recueillies.
Ciseaux
Le Musée de Dijon possède plusieurs ciseaux ; mais comme
leur provenance est incertaine nous les passerons sous silence.
Les autres musées du département et les collections particu-
lières que nous avons pu visiter n'en contiennent aucun. Citons
donc seulement, après M. de Mortillet, un grand ciseau à froid
en métal de cloche (bronze blanc), découvert à Semur (Saint-
Germain, n° 679).
Flèches,
Les flèches de la Côte-d'Or sont, sauf quelques rares excep-
tions, à pédoncule et à barhelures. Celle à douille du Musée de
Dijon est d'origine inconnue, La ferme de l'Épineuse a fourni
une pointe de flèche triangulaire percée d'un trou vers son
extrémité. Beaune et Meloisey en ont donné deux où les barhe-
lures sont remplacées par des parties arrondies.
Congrès ARCiiÉOLoniauE de maçon. 8
114 CONGRES ARCHEOLOGIQUE DE MAÇON
Parmi celles du type ordinaire nous pouvons en citer une
recueillie à La Vougeoux, près Mesmont (Musée de Dijon).
Une autre à Saint-Broing-les-Moines (Musée de Châtillon).
Deux de Meloisey et une de Saint-Romain (Collection Chan-
garnier, à Beaune). "
Ces flèches diffèrent beaucoup par leurs dimensions et varient
entre o'"025 et o"'o6o de longueur sur o'"oi2 et o'"022 de lar-
geur.
Notons encore Bremur, Pommard, Vic-sous-Thil où l'on en
rencontra. A Meloisey, la récolte fut abondante.
Nous avons esquissé àgrands traits la description des objets de
l'âge du bronze trouvés dans le département, mais cette étude
n'est qu'un simple aperçu. La moisson est peu abondante,
malgré l'extrême obligeance avec laquelle les savants conser-
vateurs de nos Musées de Dijon, Beaune, Châtillon et Semur,
MM. Marchand, Changarnier, Lorimy et Creuzé, ont facilité nos
recherches, ainsi que les collectionneurs dont nous donnons les
noms. Un point important est cependant à noter, point sur
lequel nous attirions déjà votre attention en commençant, c'est
que la présence d'objets de l'âge du bronze a été constatée par
nous dans 43 communes.
La question des sépultures ne nous arrêtera pas longtemps.
Il n'en existe à peu près point d'officiellement constatées.
Nous pouvons cependant citer à Busseaux une sépulture qui
nous est indiquée par M. le docteur Brulard, où plusieurs
squelettes absolument pulvérisés étaient accompagnés de trois
aiguilles en os, d'une en bronze et d'un perçoir en ivoire, d'une
longueur de o'"o8à o"' 10. On y a également rencontré quelques
débris de silex.
M. Flouest, dans le Bulletin de la Société de Semur, décrit une
quinzaine de sépultures découvertes à Veuxhaules en 1860 et
ÉTUDE SUR l'âge DU BRONZE DANS LA CÔTE-d'oR II5
1868. Les corps étaient renfermés dans des coffres composés par
Jes dalles en pierre de o"'40 à C^jo. Une épée en bronze à double
:ranchant et à arête médiane de 0^485 accompagnait l'un des
squelettes. Cette épée rappelait, par sa forme, celles de l'âge du
fer trouvées dans les environs.
Des épingles à collerettes, des pendeloques, un vase de couleur
rouge brique en terre grossière, un marteau-hache en corne de
cerf ont été également rencontrés. Ces objets nous semblent bien
appartenir à la dernière époque de l'âge du bronze, mais malheu-
reusement M. Flouest n'a pas assisté aux fouilles et il n'a pu
:^ue rétablir les faits en se livrant à une enquête.
Je n'entreprendrai point, comme je le disais en commençant,
de traiter la seconde partie de la question relative à l'âge du fer.
Elle tient trop de place dans la Côte-d'Or, ses monuments, étu-
diés par les membres de nos Sociétés archéologiques, sont
beaucoup plus connus que ceux de l'époque du bronze.
Les célèbres découvertes de Magny-Lambert ont été exposées
tout au long dans les Mémoires de la Société des Antiquaires de
France. M. Bertrand y démontre l'analogie des trouvailles faites
dans nos galgals bourguignons avec les objets rencontrés à
Hallstatt ou dans le nord de l'Italie.
Il est cependant ici un nom que je citais tout à l'heure, que
les archéologues ne doivent point oublier, c'est celui de
M. Flouest, qui fut l'instigateur de ces belles découvertes et dont
le monde savant doit déplorer la perte.
Il s'est heureusement trouvé des continuateurs de son œuvre
parmi les membres de nos Sociétés archéologiques.
La commission des antiquités de la Côte-d'Or a subventionné
â Minot des fouilles qui déjà ont donné de beaux résultats.
Le vicomte d'Ivory dans le canton d'Aignay, le docteur Bru-
lard dans les environs de Châtillon, M. Jobard à Fleurey ont
I I 6 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE MAÇON
recueilli de nombreux objets qui viennent chaque jour enrichir
nos musées ou leurs collections particulières. La Société archéo-
logique de Châtillon, sous la direction de son savant et dévoué
président M. Lorimy, n'est point restée en arrière et elle a pro-
fité de l'avantage de sa situation, dans l'arrondissement le plus
riche en tumulus, pour pousser activement les fouilles.
Quant à notre collègue et ami M. Corot, il s'est entièrement
consacré à ces intéressantes recherches et il opère avec le plus
grand succès dans les environs de Minot; aussi avons-nous la
ferme confiance qu'il ajoutera bientôt de nouvelles épéts aux
24 épéesdu type de Hallstatt qu'il a décrites ou découvertes.
APPENDICE
Depuis la présentation de ce mémoire, M. l'abbé Breuil, de
Paris, nous a signalé différents objets provenant de la Côte-d'Or,
qui font partie de la collection de M. le chanoine Greenvv'ell, à
Durham (Angleterre) :
1° Une épée à poignée plate portant cinq trous de rivets,
lame pistiliforme : L. o"" 6475 (Dijon) ;
2° Une énorme lame recueillie à Beaune, quelque peu ana-
logue à celle décrite par M. de Mortillet, sous le n° 707 du Musée
préhistorique; elle en diffère cependant par les crans, la forme
de la base et la longueur : L. 0^6725.
Saulieu a fourni deux poignards, et Dijon une faucille, à la
même collection.
I
ETUDE SUR L AGE DU BRONZE DANS LA COTE-D OR II7
LÉGENDE
Pl. a.
HACHES TROUVÉES DANS LA COTE-d'oR
Haches plates.
Fig. I. Saint-Léger-de-Fourches Musée de Dijon.
2. Duesme (i) Musée de Chàtillon-sur-Seine.
Hache à bords droits.
3. Belleneuve (2) Bords resserrant le milieu Musée de Dijon.
Haches à talons.
4. Tanay — anneau latéral non percé Collection Jobard, Dijon.
5. Tanay (3) bouton en relief Id.
6. Pouilly-sur-Saône (5) Id.
7. Tanay (4) taillant très cintré Id.
Haches à ailerons sans anneau latéral.
8. Saint-Jean-de-Losne (6) Musée de Dijon.
9. Pagny-la-Ville (7) Musée de Dijon.
Haches à ailerons avec anneau latéral.
10. Nod (9) Musée de Châtillon-sur-Seine.
11. Nan-sous-Thil (8) Musée de Semur.
12. Nan-sous-Thil Musée de Semur.
Haches à douilles.
15. Chaugey (12) douille quadrilatérale Musée de Châtillon-sur-Seine.
14. Nan-sous-Thil (10) Musée de Semur.
15. Nan-sous-Thil (11). Ornement en ) -.r . . c
r , ■ i r. ■ . , . ^ Musée de Semur.
lorme de croix de Samt-Andre S,
Pl. B.
Épées.
16. Beaune. — A beaucoup d'analogie 1 ^ ,, . 1 i-, - 1 ,-1
,, , ^, °. ï Collection du RevJ Chanoine
avec celle de Plougescamp de- f „ n 1-. 1 \ 1
, », r ,, . 1 Greenwell Durham Angle -
ente dans le Musée prehisto- \
'^ 1 terre,
rique sous le n" 707.
Note. — Le nombre des figures .lyant été augmenté depuis l'impression de ce
mémoire, on est prié de ne tenir compte que des numéros portés dans la légende. —
Les numéros placés entre parenthèses sont les anciens numéros désignés dans les
tableaux sous le nom de numéros des figures.
i[8
CONGRÈS ARCHÉOLOGIdUE DE MAÇON
17. Dijon Même collection.
i8. Épcedite deMontausain (Monf Auxois) British Muséum.
19. Vergy Id.
20. Alise Musée de Saint-Germain.
21. Cessey Musée de Dijon.
Pl. C.
Poignards.
22.. Massingy-lès-Vitteaux
2 3 . Type commun dans la Côte-d'Or. ,
Celui qui est représenté provient
de Saunière (Saône-et-Loire) )
Lances.
24. Venarey
25. Gissey
26. La Vougeoux, prèsMesmont
27. Saint-Jean-de-Losne
Couteaux.
28. Veuxhaules
29. Mirebeau-sur-Bèze (24)
30. Vix (22)
31. Venarey (21)
52. Pothières (23)
Flèches.
33. Diflférents types de flèches de la \
Côte-d'Or. Les trois dernières f
proviennent de Meloisey et de i
Beaune. ;
Collection du D^Marchant, Dijon.
Collection Court, Dijon.
Musée de Dijon.
Id.
Id.
Collection Drioton, Dijon.
Collection Drioton, Dijon.
Collection Millon, Dijon.
Musée de Châtillon.
Musée de Semur.
Musée de Châtillon.
Collection Changarnier, Beaune.
Pl. D.
Épées de la Saône-et-Loire conservées dans les Musées de la Côte-dOr.
34. Lays-sur-le-Doubs Musée de Dijon.
35. Épée trouvée dans la Saône entre \ -li
Tournus et Mâcon )
36. Chalon Musée de Beaune.
Sépultures de Veuxhaules (Côte-d'Or).
37. Épingles à collerettes. Marteau hache encorne de cerf, pendeloques en
bronze. Vase de couleur rouge en terre grossière.
Pl. a
HACHES TROUVÉES DANS LA COTE-D'OR
I 2
4 S
678 9 10
tllll
II 12 13 14 15
1
Pl. B
ÉPÉES DE LA COTE-D'OR
Pl. C
POIGNARDS, LANCES, COUTEAUX ET FLÈCHES
DE LA COTE-D'OR
28 29 30
Pl. D
ÉPÉES DE LA SAONE-ET-LOIRE ET SÉPULTURES
DE VEUXHAULES (COTE-D'OR)
34
III
LE HRADISCHT
DE
STRADONIC EN BOHÊME
ET LES
FOUILLES DE BIBRACTE.
PAR
M. JOSEPH DÉCHELETTE
Parmi les stations celtiques connues jusqu'à ce jour en France,
aucune ne surpasse en intérêt l'oppidum de Bibracte, honoré
parfois du titre de Pompéi gauloise, que justifie, dans une cer-
taine mesure, l'état de conservation exceptionnelle des restes
d'habitations.
Les fouilles, commencées en 1867, n'ont pas encore permis
d'explorer toute la superficie de ce vaste oppidum; mais une
portion importante des quartiers habités ont été successivement
déblayés, grâce au zèle de M. BuUiot'. Guidé par ses bienveillants
conseils, j'ai continué moi-même les travaux depuis 1897. Tout
en poursuivant ces recherches, j'ai pu visiter, durant ces dernières
années, dans les principaux musées de la France et de l'étranger,
les collections provenant des autres stations celtiques et étudier
l'archéologie comparée de la fin du second âge du fer,
I. G. Bulliot, Foiiilks du mont BcHi/ra^'. Autun, 1899, 2 vol. in-8, avec
un album de planches par F. et N. ThioUier.
120 CONGRES ARCHEOLOGIQ.UE DE MAÇON
Le présent mémoire, rédigé à l'aide des notes rapportées d'un
voyage en Bohême, se limite à la monographie d'un oppidum
qui, malgré son éloignement du pays éduen, offre néanmoins
avec le Mont Beuvray des points de ressemblance aussi caracté-
ristiques qu'inattendus. A travers le vaste territoire où rayonna
la civilisation dite de la Tène, de l'Océan Atlantique à la Prusse
orientale, on ne saurait trouver un autre exemple d'une analogie
si complète entre les types industriels de deux villes gauloises.
J'essaierai d'indiquer les traits les plus frappants de cette res-
semblance, étude d'autant plus intéressante que, grâce à l'abon-
dance des matériaux, cette esquisse nous donnera une idée géné-
rale assez précise de la période archéologique à laquelle ces sta-
tions appartiennent.
Je ne crois pas inutile de présenter quelques explications sur
le système de classification dont je fais usage, système suivi
depuis quinze ans par tous les archéologues de l'Europe cen-
trale, de la Scandinavie, de l'Italie, mais encore trop rarement
adopté chez nous.
C'est en 1885 que feu Otto Tischler, professeur cà Koenisberg,
proposa, dans une communication mémorable à la Société
allemande d'anthropologie, une classification méthodique de la
période, jusque là assez confuse, qui s'étend depuis l'époque
hallstattienne ou premier âge du fer, jusqu'au commencement de
l'ère chrétienne '.
Cette période protohistorique des quatre derniers siècles avant
notre ère est appelée époque de la Tène, du nom d'une station
I. Correspondeui-Blatt der deutschen Geselîscbaft Jiïr AnlhropoL, 1885, p. 157.
A la page 172 de ce recueil, on trouve, réunis sur une même planche, les
types d'épées et de fibules caractéristiques pour chacune des trois périodes de
la Tène. Ces dessins ont été reproduits dans le Catalogue illustré du Musée de
Saint-Germain, après correction des confusions typographiques qui se sont
glissées dans les légendes accompagnant les dessins du Corrcspoudeni-Blatt.
LE HRADISCHT DE STRADONIC EN BOHEME 121
célèbre située sur le lac de Neuchatel. Elle a vu fleurir, chez les
peuples de race celtique et au delà de leur territoire, une civili-
sation nouvelle, pleine de vitalité et caractérisée surtout par le
développement et la diffusion de l'industrie du fer. A l'aide d'ob-
servations multiples, Tischler réussit à lui appliquer une division
chronologique tripartite, dont chaque phase correspond à une
évolution déterminée de certains types caractéristiques, tels que
l'épée et la fibule.
Depuis lors et bien que Tischler n'ait jamais eu le loisir de
publier un travail d'ensemble sur cette époque de la Tène, sa
classification n'a pas tardé à devenir classique à l'étranger. Elle a
rendu à la science d'incontestables services. Chez nous, malgré
les efii"orts de quelques archéologues, tels que M. Salomon
Reinach, qui ont reconnu et proclamé dès le premier jour la
supériorité du système de Tischler sur celui de Gabriel de
Mortillet, les dénominations d'époque niarniennc et époque beu-
vraysienne, adoptées par ce dernier, sont encore le plus souvent
usitées. Or ces divisions de Mortillet, qui semblent correspondre
vaguement aux première et troisième divisions de Tischler, ont
le tort d'être tout à la fois un peu confuses et tout à fait insuffi-
santes : confuses, parce que leur auteur n'a jamais tracé nettement
leurs caractères différentiels et que si les sépultures de la Marne
appartiennent pour la plupart à l'époque gauloise primitive,
on y rencontre parfois les types de l'époque ' récente et plus
fréquemment encore ceux de l'époque moyenne; insuffisantes,
parce que la longue durée du développement de l'industrie cel-
tique depuis l'époque hallstattienne jusqu'au principat d'Auguste,
comporte évidemment plus de deux subdivisions.
L'époque de la Tène est actuellement représentée dans la plu-
part des pays d'Europe. Le centre de diffusion de cette culture
celtique n'est pas bien exactement connu et les causes qui ont
122 CONGRES ARCHEOLOGIQUE DE MAÇON
motivé son rayonnement rapide restent à déterminer, mais, du
moins, des découvertes nombreuses permettent déjà de lui assi-
gner de vastes frontières que sans cesse de nouvelles recherciies
reculent au nord, au sud et à l'est.
Tracées sur la carte de l'Europe actuelle, ces limites embrassent
la Haute-Italie, la Suisse, la France et les Iles Britanniques, puis
franchissant la zone des anciennes langues celtiques, elles
touchent la Scandinavie méridionale, atteignent la Prusse orien-
tale et gagnent l'Adriatique, en enveloppant non seulement
l'Allemagne mais encore la Bohême, l'Autriche-Hongrie, la
Bosnie et l'Herzégovine. Quant à la péninsule ibérique, jusqu'à
ce jour, à ma connaissance, aucune découverte des types de la
Tène n'y a été signalée, à part quelques fibules : il y a là une
lacune singulière qui ne doit sans doute être attribuée qu'à l'insuf-
fisance des travaux archéologiques en Espagne et en Portugal.
On conçoit aisément qu'une culture occupant un territoire
aussi étendu ne saurait présenter partout une entière homogénéité.
En Bohême, région celtique, placée au centre de l'Europe, elle
a pénétré de bonne heure. De nombreuses nécropoles à inhuma-
tion ont livré un mobilier semblable à celui des sépultures de
la Marne, la céramique exceptée. Dans certaines régions son
influence s'est heurtée à des traditions locales persistantes ou à
' d'autres courants étrangers. Elle s'est d'ailleurs répandue len-
tement et progressivement, par voie commerciale plutôt qu'à
la suite de conquêtes ou de migrations; aussi les contrées les
plus éloignées du centre d'expansion de cette nouvelle industrie
n'ont-elles pu en connaître les types les plus anciens. Il est
fort intéressant de constater qu'à cet égard, les archéologues
du Nord et du Midi de l'Europe sont conduits à des constata-
tions analogues : tandis qu'en PoméranieM. Schumann observe
LK HRADISCHT DE STRADOXIC EN BOHEME I23
l'absence des formes de la Tène I', M. Hoernes fait de son côté
la même remarque, pour la Bosnie-Herzégovine^. Le berceau de
la Tène ne doit donc être recherché ni parmi les tribus illy-
riennes du Sud, ni près des peuples germaniques de l'Europe
du Nord, mais dans quelque région jusqu'à ce jour indéter-
minée du vaste territoire celtique.
L'oppidum ou Hradischt de Stradonic est situé dans la partie
orientale du continent de la Tène, au centre de la Bohême, à
32 kilomètres au sud-ouest de Prague. Son assiette géographique
est formée par un plateau dont l'altitude ne dépasse pas 385 mètres.
A ses pieds coule un affluent de la Vltava, la Berounka, dont le
lit constituait pour l'oppidum une défense naturelle.
Le nom de Hradischt (Hradistë), composé de deux mots
slaves, grad, ville fortifiée, oppidum, et istc> terre, emplacement,
est porté en Bohême par un grand nombre d'anciennes localités
fortifiées. M. Pic, conservateur de la section archéologique du
Musée de Prague, a dressé la carte générale de ces Hradischts,
dont le nombre est supérieur à 200'^. Il ressort de cette statis-
tique que celui de Stradonic est le seul, parmi ceux antérieurs
à l'époque romaine, qui paraisse avoir été défendu par une
muraille en pierre.
La superficie de l'oppidum mesure environ 140 hectares 5. Elle
1. Hugo Schumann, Die JVajJcn tind Schmuchsachen Pommerns iiir Zeit des La
Téne Einfimses, dans les Beitrâgc :^. Gesch. u. AJterth. Pommerns, Berlin, 1898,
p. 25.
2. M. Hoernes, VÈpoqiie de la Tène en Bosnie, Paris, 1900.
3. Cf. le mot russe gorod (Nijnii Nov-gorod) et les noms de lieux serbo-
croates Grad, Gradina, Gradisce, etc.
4. Pic, Arch. Vy^kinn ve slrednich Cechach, Prague, 1893. Stara hradistc
V Cechach, pi. m.
$. Un plan sommaire du Hradischt figure dans l'ouvrage de Much, Kunsthist.
Atlas, pi. 8f^, fig. 2.
124 CONGRÈS ARCHÉOLOG1Q.UE DE MAÇON
est donc sensiblement égale à celle du Mont Beuvray (135 hec-
tares). Dans la région environnante, d'un aspect assez pittoresque,
apparaissent çà et là de nombreux villages et des établissements
industriels, séparés par des forêts. Le sol de la ville antique est
livré à la culture. Ce sont les travaux agricoles qui ont amené
les découvertes archéologiques, car l'oppidum n'a malheureu-
sement pas été exploré méthodiquement.
Aussi est-il difficile de savoir en quoi consistaient les habita-
tions et les ateliers, de connaître leur plan et la nature de leurs
matériaux. Du mur d'enceinte lui-même, détruit entièrement,
c'est à peine si l'on croit retrouver quelques vestiges. Les gens
de la localité affirment qu'il était en pierre ; les matériaux auraient
été utilisés pour les constructions voisines. Mais ce mur était-
il établi, comme ceux de Bibracte et de la plupart de nos oppida,
suivant la méthode gauloise ? L'absence des fiches en fer si abon-
dantes dans le voisinage des remparts construits en trois maté-
riaux, me porterait à répondre négativement. Quelques sondages
dissiperaient sans doute toute incertitude sur cette importante
question.
En dehors de la Gaule, le système classique de construction
des remparts gaulois s'est cependant rencontré, d'une part, en
Ecosse, à Burghead", de l'autre, à Alt Kônig, dans la province
de Nassau^.
A Stradonic, ce n'est donc pas, comme au Mont Beuvray,
l'oppidum lui-même avec son système défensif et ses fonds d'habi-
tations qui doit retenir notre attention, mais uniquement les
objets divers recueillis dans les fouilles.
Wilhclm Baer, Der vorgeschichtliche Mensch, éd. Hellwald, Leipzig, 1880, p.
670. Cinq pages de cet ouvrage sont consacrées à Stradonic.
1. Young, Notes of ihe ramparts of Burghead. as revealed hy récent excavations,
dans les Proceedingsof the Soc. of aiilh. ofScotîand, t. I, 189 1, p. 455.
2. Annalen des Vereins filr Nassauich Alterth., t. 18, 1884.
LE HRADISCHT DE STRADOXIC EN BOHEME 125
La première trouvaille importante remonte au 2 août 1877;
elle consistait en un trésor de 200 monnaies d'or celtiques, dont
je parlerai plus loin. Auparavant une masse énorme d'ossements
d'animaux avait déjà été recueillie. La découverte du trésor eut
pour résultat immédiat d'engager les cultivateurs à remuer le
sol plus profondément. On ouvrit des tranchées. Elles furent
prodigieusement fructueuses. On estime à plus de 20.000 le
nombre des objets exhumés.
Une grande partie de ces richesses fut dispersée sans profit
pour la science. Le sort funeste d'une station aussi féconde,
véritablement livrée au pillage par des fouilleurs avides et igno-
rants, serait un des exemples les plus frappants à invoquer à
l'appui de la nécessité d'une législation spéciale concernant les
fouilles archéologiques, telle qu'elle est réclamée maintenant
dans certains pays. Un témoin des fouilles de Stradonic,
M. Osborne, exagère sans doute en les comparant pour la
richesse et l'abondance à celles de Hallstatt et des palafittes de la
Suisse, mais il est sûr que les collections publiques n'ont recueiUi
qu'une partie de ces précieuses récoltes.
Le musée de Prague en détient la meilleure part. Le reste
est conservé dans les musées de Vienne et de Dresde. Je ne par-
lerai pas de certaines collections particulières, formées dans
le voisinage de l'oppidum à une époque où une bande de faus-
saires audacieux, mais heureusement inexpérimentés et naïfs, livra
au commerce de grossières imitations des antiquités de Stradonic.
Les falsifications prirent naissance quand le sol de l'oppidum com-
mençant à s'épuiser, ne suffisait plus i\ la demande des amateurs.
L'industrie des faussaires assura pendant quelques années encore
aux fouilles du Hradischt, sa fertilité intensive. Il serait toutefois
difficile à un archéologue quelque peu expérimenté de se laisser
surprendre par de telles contretaçons.
126 ' CONGRÈS ARCHÉOLOGIQ.UE DE MAÇON
J'ai pu étudier à loisir les objets conservés à Prague et à Vienne,
grâce à l'extrême obligeance des directeurs de ces deux musées,
MM. Pic, Hoernes et Szombathy; qu'il me soit permis de leur
adresser mes vifs remerciements ' .
Mon intention n'est point de procéder à l'inventaire détaillé
de toutes ces richesses. Ai-je besoin de dire qu'un travail
aussi étendu ne saurait être demandé à un carnet de voyage ?
Jusqu'à ce jour en effet, bien que ces découvertes aient été sou-
vent mentionnées, on ne leur a encore consacré que de courtes
notices, accompagnées d'illustrations clairsemées^. Mais je suis
heureux d'annoncer que M. le D"" Pic travaille à la rédaction
d'une grande monographie de cette station. L'Académie de
Prague, en ajoutant cette publication aux précédents volumes
consacrés à la Bohême préhistorique, s'acquerra de nouveaux
titres à la reconnaissance des archéologues.
Quanta moi je m'attacherai surtout à indiquer le /craVj- géné-
ral des fouilles de Stradonic, en notant les traits essentiels qui
rapprochent cette station de l'oppidum éduen. Certaines catégories
d'objets retiendront donc particulièrement mon attention. J'aurai
soin de mentionner tout ce qui est de nature à fournir quelque
donnée chronologique.
J'examinerai successivement : i^'Les monnaies. 2° Les fibules.
1. Je dois à M. Hoernes notamment la communication des documents qui
ont servi à l'illustration de cette notice.
2. Bibliographie : Osborne, Der Hradischt bel Stradonic in Bohmen uni die
daselbstgef. pràhist. Gegenstànde {Separat-Abdruck a. Sit^unghe. d. Natur. Gesell.
« Isis »), Dresde, 1878. — Du même, Mittheil. der Anthrop. Gesell. in Wien,
t. X, p. 234. — D"" Voss, Correspond. -Blatt der deulsch. Gesell. fier Anthrop., nie,
1878, no 4. — De Hochstetter, Mittheil. der Anthrop. Gesell. in Wien,
t. VIII, p. 142. — Undset, Das erste Auftrelen des Eisens in Nord-Eiiropa,
1882, p. 46. — Dr Pic, A rcheologicky Vy{kum ve Strednich Cechach, Prague,
1897, p. 106. — M. Hoernes, Urgeschichte des Menschen, p. 644, signale déjà
l'analogie de Bibracte, de Stradonic et de G urina en Carinthie.
LE HRADISCHT DE STRADONIC EN BOHEME 12']
3° Les émaux. 4° Les vases peints. 5° Les armes. 6° Certains
objets divers. J'essaierai ensuite de rechercher la date de l'occu-
pation de l'oppidum et la natiofialité des habitants.
L LES MONNAIES
J'ai déjà dit que la découverte d'un trésor de 200 monnaies d'or
avait été le point de départ des fouilles de Stradonic. Ces pièces,
dispersées par les inventeurs, appartenaient au monnayage bar-
bare connu en numismatique sous le nom populaire, devenu
classique, de Regenbogcnschiisselcheii.
Une autre cachette de ces mêmes pièces, très répandues en
Bohême et en Bavière, et d'une importance beaucoup plus con-
sidérable — on en a évalué le prix à 16.000 florins — avait été
découverte en 1771 à Podmohl, près de Stradonic.
Comme au Mont Beuvray, où plus de 1 100 monnaies antiques
(1030 gauloises, 114 romaines) sans compter les pièces frustes,
ont été recueillies une à une depuis 1867 ', le numéraire égaré
sur le sol de Stradonic au tempsdeson occupation est considé-
rable. J'ai trouvé au total 450 exemplaires, dans les collections
de Prague et de Vienne et dans la collection du prince de Furs-
temberg.
Quelques exemplaires de^ Regenbogen figurent parmi le fonds de
Stradonic, aux Musées de Prague et de Vienne (pi. II, fig. 1-3)-
Ces diverses variétés sont classées aux Boïens, depuis la publi-
cation que Streber leur a consacrée en 1860, dans les Comptes
rendus de l'Académie de Vienne ^ Toutefois Streber, en les attri-
1. Voir notre Inventaire des monnaies antiques recueillies au Mont Beuvray de
i86j à iSç}S, extrait de la Revue numismatique, 1899, p. 129.
2. Franz Streber, Ueber die sog. Regeubogenschusselcjen, Munich, 1860 et 1S62.
128 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE MAÇON
buant au v"-" siècle ou au iv'' siècle avant J.-C, leur donnait une
trop haute antiquité. Son opinion était déjà combattue par
Longpérier qui faisait remarquer la similitude du poids de ces
monnaies avec celui de l'aureus romain, frappé pendant les
deux derniers siècles de la République ÇRev. Numisiii., 1863,
p. 145). Aujourd'hui les numismates placent en général l'émis-
sion de ces monnaies barbares au i'^'' siècle avant notre ère
seulement. Les deux types les plus abondants correspondent aux
n°' 9459 et 9467-68 de V Atlas de M. de la Tour (pi. XL). On
trouve aussi parmi les monnaies d'or quelques unités aux types
suivants: Germani, pi. XXXVIII, n° 9367; Boii, pi. XXXIX,
n° 9424; Boii, pi. XL, n° 9449 \
A côté de ces monnaies d'or, le groupe numériquement le
plus important est formé par une série de petites pièces en
argent dont le module minuscule rappelle celui des oboles de
Marseille : au droit, une tête barbare tournée à gauche; au revers,
un cheval, parfois sanglé, galopant à gauche (pi. II, fig. 4, 6).
Le style de cette dernière figure, par ses articulations globu-
leuses rappelle les types monétaires des Séquanes et des Eduens.
On compte de 300 à 350 de ces oboles, dont la moitié n'ont été
frappées que sur une face, celle du cheval, le droit de la pièce
restant lisse. Un petit nombre sont en or.
Que nous soyons ici en • présence d'une monnaie indigène,
c'est ce que fait pressentir non seulement son extrême abondance,
mais encore la présence d'un certain nombre de flans en argent
de même module, qui, préparés pour la frappe, n'ont reçu aucune
empreinte. Le n° 9472 de la Bibliothèque nationale classé aux
I. La plus récente étude se rattachant à ce monnayage est celle de M. B.
Rebcr : //; dcr Sclm'ei:^ aufgefiuidene Rcgeiih. und verivatidtc Gold))nhi:ien, dans
V Indicateur d'antiquités suisses, 1900, no 4.
LE HRADISCHT DE STRADOXIC EN BOHEME I29
3oii (Atlas, pi. XL) est encore une des variétés recueillies au
Iradischt.
En dehors de ces deux groupes qui paraissent constituer le
nonnayage local, on rencontre certains types étrangers dont il
:st très intéressant de connaître la composition, car elle jette
[uelque lumière sur les relations commerciales que les habitants
le l'oppidum entretenaient avec les peuples voisins. Rome n'est
•eprésenté que par un as et un demi-as de la République, au
ype de Janus bifrons et du rostre de navire'. L'absence de toute
nonnaie impériale est un fait dont je n'ai pas besoin de faire
•essortir l'importance.
Comme monnaies étrangères, j'ai noté en outre les types
suivants :
1° Sept bronzes coulés, type barbare au taureau cornupète
informe, appartenant à la fin du monnayage gaulois; abondant
:hez les Helvètes, les Éduens, les Ségusiaves et les Séquanes
^pl. II, fig. 5). Il constitue à lui seul le quart des récoltes
du Beuvray. M. Osborne l'indique comme la monnaie la
plus abondante de Stradonic, après les Regenbogensch. et les
petites oboles d'argent. Je n'en ai compté cependant que sept
exemplaires.
2° Quatorze tétradrachmes en argent, imités des monnaies de
Philippe II de Macédoine, type répandu dans les régions du
Danube (cf. Atlas de la Tour, pi. XLVI-XLVII). Ces exemplaires
sont assez frustes.
3° Treize deniers helvètes au rameau. Arg. (^//^«, pi. XXXVIII,
9322 ; Meyer, Beschreibung der in der Schwei'{^ aufgefiindenen gal-
lischen Mun^en, pi. I, n°' 15-30). Trois exemplaires au Mont
Beuvray.
I. Osborne, toc. cit., p. 241.
Congrès ARCHtoLociQUE di- maçon. 5
130 CONGRES ARCHEOLOGiaUE DE MAÇON
4° Deux pièces Helvètes en bas or, au type du quadrige. (Cf.
Atlas, pi. XXXVIII, n° 9306). Un exemplaire au MontBeuvray.
5° Un bronze fondu helvète (Atlas, pi. XXXVIII, n° 9361).
6° Une monnaie d'argent des Vindelici (Atlas, pi. XXXVIII,
n°9388). Personnage ailé tenant un torques.
7° Trois bronzes coulés des Lingons. Au droit, un personnage
porteur d'un torques, marchant à droite, qui peut se rapprocher
du type précédent. Au revers, un ours et un serpent. (Atlas,
pi. XXXII, n° 8124). Deux exemplaires au Mont Beuvray.
8° Trois bronzes coulés classés aux Leuci, type du sanglier
(Atlas, pi. XXXVII, 9044 ou 9078). Un exemplaire au Mont
Beuvray.
9° Deux deniers d'argent, de la série à la légende KAA ou
KAAEAOT, commune dans l'est de la Gaule et autrefois attribuée
aux Éduens (Atlas, pi. XXXII, n°8i78). Vingt-quatre exem-
plaires au Mont Beuvray.
Il ressort en outre de cette étude numismatique que non seu-
lement le numéraire helvète est abondant à Stradonic, mais que
les monnaies de la Gaule qui y circulent, sont aussi celles que le
commerce apportait dans l'ancienne Helvétie, comme en témoigne
la description des monnaies gauloises trouvées en Suisse, publiée
dans les Mémoires de la Société de Zurich en 1863 et que j'ai
déjà citée. On peut s'assurer par cet inventaire que tous les
types communs à Bibracte et à Stradonic se rencontrent dans
l'Helvétie.
IL — FIBULES
La collection des fibules provenant de Stradonic est abondante
et variée. On en compte au musée de Prague environ trois cents
I
LE HRADISCHT DE STRADONIC EN BOHEME I3I
dont un petit nombre en argent et en or, près de cent cinquante
sn fer, les autres en bronze. Le musée de Vienne en possède une
centaine en fer et en bronze.
Parmi ces dernières, il s'en trouve deux qui sont restées ina-
chevées (pi. I, fig. I et 2). Elles démontrent clairement que
Stradonic n'était pas seulement une place de guerre et un empo-
rium, mais encore, comme le Mont Beuvray, un centre de fabri-
cation métallurgique. Au reste, des creusets et des outils de
fondeurs, des scories de fer et divers autres débris ont été retirés
des décombres. Les deux fibules inachevées laissent déjà recon-
naître vaguement la forme qu'elles devaient revêtir : l'une
(fig. 2) est en fer, avec un porte-agrafe percé d'une ouverture
allongée, une nodosité sur l'arc et, à la naissance de la tige brisée
qui formera les spires du ressort, un appendice destiné à en devenir
la griffe. L'autre fibule embryonnaire (fig. i) est en bronze et de
forme semblable, moins la griffe.
On sait que la fibule de la Tène est formée d'un fil métallique
d'une seule pièce ; tour à tour cylindrique ou aplati, rectiligne,
spiraliforme ou cintré, ce fil constitue successivement les
diverses parties de la fibule, savoir V ardillon ou épingle, le ressort
et Varc où l'on peut distinguer la tête, près du ressort, et le pied,
opposé à la tête ; au pied de l'arc est fixé le porte-agrafe. Le
ressort est toujours bilatéral, c'est-à-dire que les spires s'enroulent
symétriquement de part et d'autre de la tête ; la partie rectiligne
du ressort, réunissant les deux groupes de spires porte le nom
de corde du ressort (fig. 2, c).
De ces diverses parties constitutionnelles de la fibule de la
Tène, la plus intéressante pour l'étude et le classement typolo-
gique de cet objet, c'est le pied de l'arc et ses appendices.
La fibule de la Tène I (pi. I, fig. 3 et 4) porte à l'extrémité
du pied un appendice caudal dont le rôle est purement
132 CONGRES ARCHEOLOGiaUE DE MAÇON
décoratif : relevé obliquement au-dessus du porte-agrafe, tout en
restant li-bre, il s'appuie contre la flice dorsale de l'arc; à son
extrémité est fixé, soit une petite boule, soit un disque, ce dernier
quelquefois orné de corail ou d'émail.
En Bohême, une masse considérable de fibules du type clas-
sique de la Tène I, commun dans l'est de la Gaule et en Suisse,
ont été découvertes à Dux en 1881 '. Cette fibule s'est rencon-
trée dans plusieurs autres stations de la Bohême, notamment
dans la nécropole de Langugest, cimetière de l'époque de la
Tène I, fouillée méthodiquement par M. le chevalier de Weinzierl -.
Plus tard, h l'époque de la Tène II, l'appendice n'est plus sim-
plement adossé mais lié à l'arc, au moyen d'un petit annelet ou
d'un bouton (pi. I, fig. 5).
Enfin avec la Tène III, cet appendice caudal fait désormais corps
avec l'arc. La forme en s ^désormais disparu. Le bouton ou anneau
des types antérieurs, maintenant sans emploi, se trouve supprimé
ou ne subsiste que comme rudiment et motif d'ornementation
(pi. I, fig. 9, 10 et 12). En même temps le porte-agrafe, bénéficiant
de cette modification, commence à se développer et à revêtir
parfois la forme d'une plaque percée à jour'.
Tel est le schéma de cette évolution, mais chacun des trois
groupes comprend d'abondantes variétés. Celles de la Tène III
sont cependant les plus nombreuses; elles sont aussi les plus
intéressantes, car plusieurs ont donné naissance aux fibules dites
provinciales-romaines, ou chez nous, gallo-romaines. En efiiet,
1. V. Much, Kwisthist. Atlas, pi. 87 et 88.
2. Chevalier Robert de Weinzierl, Das La Tène-Grabfeld von Langugest hei
Bilin, in Bohtnen, Brunswick, 1899.
3. Tischler, Ueber die Formen der Geiuandnadeln, dans les Beitrâge :^ur Anthrop.
u. Uergesch. Bayerns, t. IV, 1881. — Du même, le chapitre « die Geiuandna-
deln oder Fiheln » dans Touvriige de A. B. Meyer : Gtirina in Obergailthal (Carin-
thie), Dresde, 1885.
LE HRADISCHT DE STRADONIC EN BOHEME
133
l'industrie italique, lors de sa diffusion dans l'Europe centrale,
n'arrêta pas le développement de la fibule de la Tène, qui se
poursuivit jusqu'au temps des invasions germaines, tout au moins
dans certaines régions. Il semble qu'un très petit nombre de
fibules du premier siècle de notre ère, telles que la fibule à char-
nière, soit originaires d'Italie. Parmi les fibules récentes delà Tène
et leurs dérivés immédiats, il n'est donc pas toujours aisé de dis-
tinguer les types proprement gaulois de ceux qui sont postérieurs
à la conquête.
A la fin de la Tène III, le type
de la fibule subit plusieurs modi-
fications qui ont pour but d'aug-
menter la solidité et la fixité du
ressort. 1° Celui-ci, en raison de
sa largeur parfois excessive, — on
comptait jusqu'à 70 spires et plus
sur certaines fibules de la Tène II
— était sujet à se cintrer. On obvia à cet inconvénient
par plusieurs procédés, soit en élargissant la tête de l'arc afin que
le ressort se trouvcât assujetti sur toute sa longueur, soit en greffant
sur cette tête deux petits
appendices latéraux (fig. i,
b). Ceux-ci, tout d'abord
simples lamelles plates,
s'agrandissent peu à peu,
revêtent la forme demi-
cylindrique et finissent par
envelopper entièrement le
ressort d'une douille cylindrique ou quadrangulaire. 2° La
corde du ressort était jusqu'alors complètement libre et par
conséquent exposée à se fausser : on l'assujettit au moyen
134 CONGRES ARCHEOLOGiaUE DE MAÇON
d'une griffe ou crochet destiné à maintenir sa forme rectilisfne
(fig. 2, a).
A côte de ces perfectionnements de solidité, il en est qui n'ont
d'autre objectif que de parachever la décoration de cet objet de
toilette ; ils portent sur la plaque du porte-agrafe, souvent délica-
tement ajourée, ou sur l'ornementation de l'arc.
Après ces explications préliminaires sur les fibules de la Tène,
en général, passons à l'examen de celles de Stradonic.
1. PL I, fig. 3 et 4. Ce type classique de la Tène I n'est repré-
senté, au Musée de Vienne, que par trois ou quatre exemplaires
de Stradonic. Ce nombre est trop faible pour indiquer une
occupation de l'oppidum au temps de la Tène primitive.
2. PI. I, fig. 5. Type de la Tène IL II ne se rencontre pas
au Beuvray, non plus que le précédent', parmi les fibules en
bronze. Quant aux fibules en fer de Bibracte, elles sont malheu-
reusement trop incomplètes pour que l'on puisse reconnaître
leur forme exacte. A Stradonic, la fibule de la Tène II est au
contraire une des plus abondantes.
Si ce type a pris naissance au troisième et au second siècle
avant notre ère, comme le pensait Tischler, il serait toutefois
imprudent de ne pas lui reconnaître, tout au moins dans cer-
taines régions, une assez longue survivance. Je citerai à ce sujet,
un fait caractéristique. A Ornavasso, dans la Haute-Italie, pro-
vince de Novare, M. Bianchetti a fouillé deux riches nécropoles,
dont l'une, du second siècle, fut abandonnée en l'an 89 avant
J.-C. C'est la nécropole de San Bernardo^ Celle de Persona,
dont les plus anciennes monnaies datent de 88, lui succéda
1 . C'est par erreur que le baron de Trôltsch dans sa Ftind-Statistik (Stuttgart,
1884) indique le Beuvray parmi les stations où s'est rencontrée la fibule de la
Tène primitive. En général, les données de cet auteur sont insuffisantes et
inexactes.
2. EnncoïiiznchQni, I ^epoîcreii di Ornavasso, Turin, 2 vol., 1895.
LE HRADISCHT DE STRADONIC EN BOHEME I35
immédiatement. Or la fibule de la Tène II à longua molla spirala,
qui domine à San Bernardo, continue d'être la plus abondante
dans les tombes de Persona. Bien plus, on la trouve associée,
dans dix-huit de ces sépultures, à des monnaies d'Auguste, dont
quatre frappées sous Tibère. Il y aurait donc lieu de rechercher
dans quelle mesure la survivance si frappante à Ornavasso, de la
fibule de la Tène II, durant la période suivante, pourrait être
généralisée. En général, je crois que les données chronologiques
appuyées sur la fibule de la Tène II doivent êtfe contrôlées avec
soin par l'étude des autres objets.
3. PI. I, fig. 8. Fibule de la Tène II, avec forme spéciale de
l'arc qui s'élargit en plaque rectangulaire, à nervure dorsale. Une
dizaine d'exemplaires en bronze.
4. PL I, fig. 7. Type de la Tène III de la forme la plus simple.
C'est un des type.s les plus abondants de Stradonic. Ces fibules
sont les unes en fer, les autres en bronze.
5. PI. I, fig, 6. Fibules en fer de la Tène III, commune
à Stradonic et à Bibracte. La forme précédente paraît n'en être
qu'une variante.
6. PI. I, fig. II. Fibule à ressort coiffe d'une coquille (m/7
schalenfôrmigen Kopfe). Plusieurs exemplaires en bronze et en
argent ; un seul en or. Ce type s'est rencontré à Nauheim, nécro-
pole à incinération de la fin de la Tène III, située aux environs
de Francfort et datée par des monnaies de la seconde moitié du
premier siècle avant notre ère. Elle a été trouvée dans beaucoup
d'autres localités, notamment, en France, à Châlons et à Besançon.
Le Mont Beuvray n'en compte qu'un seul spécimen.
7. PI. I, fig. 10. Type connu en Allemagne sous le nom
de fibule de Nauheim en raison de son abondance dans cette
nécropole. La fibule de Nauheim est commune en Gaule, notam-
ment à Bibracte et en Auvergne (Corent et Gergovie). Elle est
13e CONGRES ARCHEOLOGIQ.UE DE MAÇON
caractérisée par un ressort à quatre spires, sans griffe, un arc
faiblement infléchi, à dos plat, et qui s'amincit de la tête au pied.
Cet arc est souvent orné dans sa partie large de bandes longi-
tudinales, ciselées. La corde du ressort passe en dessous l'arc.
Cette forme, très répandue, est tout à fait caractéristique pour
la fin de la Tène III.
8. PI. I, fig. 12. Fibule à ailettes naissantes. On rencontre
fréquemment dans les régions situées au sud du Danube, dans
la Pannonie et leJvîorique, une fibule à laquelle les archéologues
allemands ont donné le nom de fibule à ailettes (^FUïgelfibel^. Elle
se distingue par l'élargissement de la tête de l'arc, par le large
développement du porte-agrafe très souvent élégamment ajouré;
et surtout par la présence de deux ailettes accolées, quelquefois
chargées de petites cornes, et qui prennent naissance sur le
disque de l'arc. La statistique des monnaies, associées à cette
fibule norico-pannonique, permet de la classer aux deux premiers
siècles de notre ère. Mais elle a eu pour ascendant direct une
variété de la Tène III qui est précisément ce type de Stradonic.
Sur cette dernière, on distingue, appliqué à une des faces
latérales de la nodosité de l'arc, un appendice recourbé, embryon
de l'ailette. Près de cinquante exemplaires de ce modèle ou de
ses variétés figurent parmi les trouvailles de Stradonic.
En Gaule, si nous ne rencontrons pas exactement ce même
type, nous avons du moins une forme similaire à Bibracte,
à Alésia, à Gergovie et dans d'autres oppida. La fibule gauloise
possède deux ailerons greffés sur un petit disque perpendiculaire
à l'arc et déjà plus développés et plus saillants que ceux du modèle
de Stradonic; son porte-agrafe est ajouré, mais sa particularité
la plus importante consiste dans l'apparition de la griffe du ressort.
Toutes les fibules à ailettes naissantes de Bibracte, de Gergo-
vie et d' Alésia, sauf peut-être de rares exceptions, sont munies
LE HRADISCHT DE STRADONIC EN BOHEME I37
de cette griffe. L'importance de cette nouvelle pièce, pour le
classement chronologique de la fibule n'a pas échappé à Tischler,
mais il a reconnu lui-même qu'il était excessif de faire de cette par-
ticularité de construction un caractère distinctif entre les formes
proprement gauloises et les formes gallo-romaines, puisque la
fibule à griffe figure non seulement dans les récoltes du Beuvray,
mais encore parmi celles d'Alésia '. Il serait plus juste de dire que
l'emploi de la griffe s'est répandu durant la seconde moitié du
premier siècle avant notre ère. Au reste. Tischler se trompe assu-
rément lorsqu'à propos de cette fibule, il ajoute que la fin de
l'occupation du Mont Beuvray est incertaine ^ Cette assertion
montre qu'il connaissait mal la composition des trouvailles numis-
matiques de Bibracte. Tout au contraire, celles-ci fournissent à
cet égard les conclusions chronologiques les plus précises,
zomme nous l'avons dit.
En Gaule, la fibule à ailettes a disparu de bonne heure sans
donner naissance à aucun dérivé, tandis que la forme correspon-
dante de Stradonic devint le prototype de la fibule norico-panno-
nique.
9. En parlant incidemment de Stradonic, Tischler a fait obser-
ver que parmi les objets retirés de ces fouilles il s'en trouve un
petit nombre qui appartiennent à une époque évidemment beau-
coup plus récente que la masse des autres trouvailles. Ce second
groupe est distinct, ajoute-t-il, et ne saurait se confondre avec
le premier. Je ne vois qu'une fibule — mais, rien autre — à
laquelle cette observation puisse s'appliquer. C'est la fibule à
arbalète (pi. I, fig. 14) répandue dans l'Europe septentrionale,
et qui se rencontre aussi en Bohême et dans l'Allemagne
du centre. Le spécimen unique de Stradonic, conservé au Musée
1. Gurina, p. 26.
2. Ihid., p. 26.
1^8 CONGRÈS ARCHHOLOGiaUH DE MAÇON
de Vienne, type ù arbalète munie d'un bouton à trois de ses
extrémités, n'est certainement pas antérieur au troisième siècle
après J'.-C. On ne saurait attacher aucune importance à cette
unité d'autant qu'en l'absence de tout inventaire des fouilles
certaines pièces étrangères aux trouvailles de Stradonic ont pu
être glissées aisément dans les lots d'objets vendus.
10. PI. I, fig. 13. Je signale enfin un exemplaire d'une fibule
à décoration oculée (Augenfibel). Si différente qu'elle puisse
paraître des types de la Tène III, cette fibule en constitue
cependant un dérivé immédiat. M. Oscar Almgren a donné la
géographie de ce type et en a indiqué l'évolution '. Elle apparaît
dès l'époque d'Auguste et ne dépasse pas le premier siècle. On l'a
recueillie fréquemment en Bohême.
III. — BRONZES ÉMAILLÉS
Lorsque M. Bulliot annonça, en 1872, la découverte d'ateliers
d'émailleurs dans les ruines de Bibracte, cette communication
fut accueillie avec une certaine réserve, tant elle semblait impré-
vue. Il fallut cependant se rendre ci l'évidence quand le compte-
rendu des fouilles eut livré à la publicité les témoignages maté-
riels qui justifiaient les conclusions de M. Bulliot ^.
Depuis ce jour les découvertes se sont multipliées. Aujour-
d'hui on est en mesure d'affirmer que les émaux du Beuvray
appartiennent non seulement à l'émaillerie gauloise, mais encore
à une phase relativement récente de cette industrie. MM. Bulliot
1. Oscar Almgren, Studien ûher Nordcnropàische Fihelformen, Stockholm,
1897, p. 21 et pi. III.
2. J.-G. Bulliot et de Fontenay, L'art de Vémailterie che:; tes Èduens, Mèm.
de ta Soc. Èduenne, nouvelle série, t. IV, 1875. Inséré ensuite dans les Fouiltes
du Beuvray.
LE HRADISCHT DE STRADOXIC EN BOHEME 139
it de Fontenay, dans un intéressant ouvrage devenu classique,
)nt fait connaître ce que les fouilles de Bibracte nous ont
•évélé des procédés industriels de ses émaiUeurs.
Une nouvelle histoire de l'émaillerie gauloise, depuis ses ori-
gines, à l'époque de la Tène I, vers l'an 400, jusqu'au premier
liècle après notre ère, devrait présenter l'inventaire des trouvailles
lujourd'hui nombreuses tant en France que dans les Iles Britan-
liques et l'Europe centrale'.
Dans cet inventaire, les clous en bronze émaillé de Stradonic
'pi. II, fig. 10, II, 12) se placeraient à côté de ceux de Bibracte
'pi. II, fig. 7, 8, 9), auxquels ils sont tout à fait identiques,
M les fouilles de Stradonic avaient été méthodiques, il n'est
point douteux que des vestiges d'ateliers d'émailleurs eussent
ké reconnus dans l'oppidum bohémien comme à Bibracte. On
joit d'autant plus regretter le manque d'informations sur les
;onditions du gisement de ces objets que jusqu'ici les ateliers
d'émailleurs gaulois du Mont Beuvray sont les seuls connus.
Cluant aux produits de cette industrie, tels que nous les ont
livrés ces deux stations, ils se sont rencontrés ailleurs. J'en indi-
querai rapidement la répartition en Europe, après quelques
explications préalables sur leur origine.
L'émail gaulois n'est, comme on le sait, après Tischler, que le
succédané du corail. Cette matière, recherchée au v^etau iv'^ siècles
pour l'ornementation des objets de parure, comptait parmi les
produits que le commerce méditerranéen importait en Gaule.
M. Salomon Reinach a montré comment la clientèle du corail
I. Tischler s'est occupé de l'émail gaulois, mais n'a donné que des aperçus
généraux : Beitràge ^ur Geschichte des Sporns sowie des vor und nachrômischen
Emails, dans les Mittheil. der Anthrop. Gesells. in J^î'eH, Sitzungsberichte, 1889,
t. XIX, p. 162. Voir aussi Virchow : Das Graberfeld von Koban, p. 66.
140 CONGRES ARCHEOLOGiaUE DE MAÇON
3e déplaça vers la fin du iv^ siècle '. Les marchés de l'Inde l'acca-
parèrent au détriment de la Gaule; c'est alors que l'industrie
indigène, tirant parti des circonstances, parvint à substituer à la
matière première qui faisait défaut un simili-produit, propre aux
mêmes usages. Ce simili-produit fut l'émail, matière vitreuse
et opaque, colorée en rouge sanguin et offrant avec le corail
une telle ressemblance que souvent l'on ne parvient pas à les
distinguer l'un de l'autre sans l'aide d'un microscope ou de
l'analyse chimique.
Presque toutes les collections de fibules de la Tène XXXI pos-
sèdent quelques exemplaires dont le pied porte un disque métal-
lique orné de corail ou d'une pâte vitreuse de couleur rouge
sang; ces disques de fibules nous révèlent la première technique
de l'émaillerie gauloise. L'émail se présente alors sous la forme
d'une pastille fixée au disque par un simple rivet central;
d'autres fois il concourt à l'ornementation de l'arc qui offre alors
une cannelure longitudinale, servant de logement à la pâte
vitreuse.
Mais le procédé de fixage de la pastille d'émail, au moyen d'un
rivet central ou d'une sertissure dans une alvéole enduite de
résine, ne permettait pas d'obtenir une adhérence parfaite. L'art
de l'émaillerie proprement dit ne prit vraiment naissance que par
la découverte de procédés permettant de fixer directement la
substance vitreuse sur le métal par l'action du feu. Cette décou-
verte appartient-elle en propre aux artisans de la Gaule ou est-
elle due à l'influence de l'art oriental ?
Sans parler du texte de Philostrate si souvent cité mais dont
l'appUcation est discutée, l'étude des monuments ne me paraît
nullement justifier une origine orientale. C'est en vain que l'on
I. Salomon Rtinâch, Le corail dans V Industrie celtique, dans la Revue celtique,
1899, P-I3-
LE HRADISCHT DE STRADONIC EX BOHEME I4I
zhercherait à reconnaître sur les émaux gaulois les traces d'un
îtyle ou d'une technique étrangère : ces timides essais d'une
industrie naissante ne décèlent pas d'autre préoccupation que
l'intention d'imiter le corail. Ainsi s'explique tout à la fois l'em-
ploi constant de la couleur rouge et aussi, comme nous allons le
voir, la forme peu variée des pièces émaillées.
Durant les trois périodes de la Tène, les émaux celtiques sont
des émaux rouge sanguin, à peu près exclusivement appliqués
sur des fibules, des pommeaux et des clous ou bossettes, pièces
d'applique de petites dimensions, servant elles-mêmes à l'orne-
mentation de divers objets. Ce n'est que plus tard, au temps de
l'empire romain, que, dans les Iles Britanniques, l'industrie cel-
tique, s'affranchissant des vieilles traditions, parvient à produire
de riches émaux polychromes où le jaune et le bleu s'associent
au rouge traditionnel. En même temps se développent les dimen-
sions des pièces émaillées, à larges surfaces champlevées; c'est
alors qu'apparaissent ces belles plaques de harnachement
émaillées (horses trappings) dont les musées d'Angleterre et
d'Ecosse possèdent de riches collections'.
Mais les émaux polychromes britanniques constituent, dans
l'industrie celtique, un groupe isolé et distinct, plus récent que
le groupe continental. Au commencement de l'époque impériale,
tandis que partout ailleurs l'art de la Tène cédait peu à peu la
place à la culture gréco-romaine, dans les Iles Britanniques,
mieux défendues des influences étrangères par leur situation
géographique, il atteignait au contraire son plus haut degré de
développement, et conservait le style et les traditions décora-
I. Voir surtout Kemble et Franks, Horae ferales, 1863, pi. xvii. Une utile
bibliograpliie des travaux anglais relatifs aux émaux bretons se trouve dans l'inté-
ressante notice de M. Paul Reinecke : Ans der priihist. Sammhuig des Mabiicr
Aller thumsvereins, extrait de la Zeilschrifldes Ver. der Rhcinischen Gesch., t. IV,
Mayence, 1900, p. 357.
142 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE MAÇON
tives de l'Europe centrale. Je ne m'occuperai pas présentement
des émaux polychromes delà Grande Bretagne. Ils appartiennent
comme beaucoup d'autres objets de même provenance, à une
époque de survivance de l'art celtique, qu'il conviendrait, ce
me semble, de désigner dans les classifications archéologiques
sous le nom de période de la Tène IV, pour bien marquer sa
date relative.
M. P. Reinecke, du musée de Mayence, a consacré à l'étude
de ces émaux britanniques quelques pages très intéressantes. Il
propose de rapporter à ce groupe le texte de Philostrate qui écri-
vait au temps de Septime Sévère; le rapprochement me semble
ingénieux et fort acceptable'.
Je dois surtout m'occuper ici des émaux monochromes de la
Tène III, c'est-à-dire de la bossette en bronze dans laquelle on
a pratiqué des incisions cruciformes servant d'alvéoles à l'émail
(pi. II, fig. 9 et 12), ces incisions sont parfois multiples et
rayonnantes (pi. II, fig. 7, 10). D'autres fois les hachures, à
tailles croisées, serrées et de faible profondeur, recouvrent toute
la surface de la bossette. Il s'agit de rechercher comment l'indus-
trie de l'émaillerie gauloise a passé de la pastille d'émail ou simili
cabochon de corail de la Tène I au clou strié de la Tène III.
Les plus anciens clous émaillés de l'époque celtique — je n'en
connais pas dans les tombes -de la Champagne — se trouvent
au Musée de Bienne (Suisse) et proviennent de la station même
de la Tène. Malgré leur origine, et bien que Tischler en ait fait
brièvement mention, ils sont encore inédits et peu connus. Ces
clous, au nombre de douze environ et tous en fer, se composent
d'une tige courte, longue de près de deux centimètres, fixée à
une large tète en forme de disque, d'un diamètre de un à deux
I. Reinecke, Zeitschrift des Ver. der Rbeinischen GeselL, t. IV, 1900, p. 356.
LE HRADISCHT DE STRADONIC EN BOHEME I43
centimètres. Le disque est plat, mais ses bords se relèvent verti-
calement de manière à former une bâte.
La tête du clou convertie ainsi en cupule a été remplie d'une
substance vitreuse, colorée en rouge sanguin. Un examen atten-
tif permet de constater que l'émail fait corps avec le métal ; ce
n'est plus une pastille épaisse au centre comme celles des fibules
précédentes, mais une mince pellicule qui recouvre le métal
d'une sorte d'épiderme et dont l'adhérence a été obtenue par
l'action du feu sans le secours d'un rivet central.
Les clous en fer émaillés de la Tène sont les prototypes des
bossettes striées du Mont Beuvray. Ils ont pu comme ces der-
nières servir à la décoration de divers objets, notamment des
umbos de bouclier. Les récoltes archéologiques recueillies dans le
blockhaus de la Tène appartiennent à la seconde et à la troisième
période de Tischler, mais comme le clou de fer à pellicule d'émail,
sans gravures sous-jacentes, n'apparaît dans aucune station de la
Tène III, je crois donc pouvoir le classer à la Tène II. Il ne s'est
rencontré ailleurs, à ma connaissance, que dans une station de
l'Allemagne centrale, aux Gleichberge près Rômhild' où l'on n'a
recueiUi qu'un seul autre objet émaillé, à savoir une fibule de la
Tène II, dont je parlerai plus loin.
Les émailleurs gaulois ne tardèrent pas à introduire dans cette
flibrication des clous d'ornements, un nouveau perfectionnement,
permettant à l'ouvrier de supprimer la bâte circulaire, de fabri-
quer des bossettes plus saillantes, par conséquent plus décoratives
que des clous à tête plate et surtout d'augmenter l'adhérence de
l'émail. Ce perfectionnement, très simple, consista à couvrir
de hachures la surface de la bossette avant l'émaillage. Le bronze
se prêtant mieux que le fer à cette opération fut dès lors exclu-
I. G. Jacob, Die Gleichberge hei Rômhild, Halle, 1S87, p. 55.
144 CONGRES ARCHEOLOGIQ.UE DE MAÇON
sivement employé. Nous arrivons ainsi à une nouvelle technique
de l'émail gaulois, celle du Mont Beuvray et de Stradonic. Mais
ici encore quelques distinctions sont nécessaires.
Si l'on étudie l'ensemble des bossettes gravées et émaillées,
dispersées dans les collections de la France, de l'Allemagne, de
l'Autriche-Hongrie, des Iles Britanniques, on constate que
quelques-unes sont entièrement couvertes de petites hachures
quadrillées ou de raies parallèles multiples, creusées au burin sur
toute la surface du métal; d'autres présentent seulement une
décoration cruciale nettement tracée, formée de deux rainures
assez profondes se coupant à angle droit.
Typologiquement, je crois les bossettes à hachures multiples
antérieures aux bossettes à décoration cruciale.
L'outil du graveur creusa tout d'abord des tailles légères et
informes dans le métal destiné à être entièrement revêtu d'une
pellicule émaillée. Mais on reconnut à l'usage que cette pellicule
offrait une fragilité excessive. On en arriva à la supprimer, et à
se contenter de pratiquer dans la bossette une profonde incision
cruciale qui reçut seule la substance vitreuse dont elle cons-
tituait le logement. Telle fut, dans l'industrie celtique, l'ori-
gine de l'émail champlevé, que les fibules de la Tène I et les
clous en fer du musée de Bienne ne pouvaient encore faire pres-
sentir.
Cette théorie sur la technique et le développement de l'émail-
lerie gauloise s'écarte des idées admises jusqu'à ce jour. Je ne
crois pas en effet que les bossettes quadrillées ou à rainures
multiples aient présenté, après application de l'émail, cette alter-
nance de parties métalliques, laissées à nu, et de parties émaillées
qui est propre au champlevé. Je pense au contraire que tout
d'abord la bossette hémi-sphérique, dérivée des. pastilles de corail
de la Tène I et des clous de fer à calotte émaillée de la Tène II,
LE HRADISCHT DE STRADONIC E\ BOHEME I45
(ffraitelle aussi l'aspect d'un cabochon d'émail rouge, où le métal
[isparaissait entièrement sous la coque vitreuse. Mon opinion
le repose pas sur de simples conjectures typologiques. Elle se
ustifie tout d'abord par l'examen des nombreuses calottes d'émail
rouvées dans les ateliers de Bibracte et reproduites dans Tou-
rage de M. BuUiot. Ces coques, analogues à des pointes de
oquilles d'œufs, mais assez épaisses, présentent sur leur surface
n terne et concave l'empreinte distincte des hachures ou stries
reusées en tous sens et souvent sans régularité sur la bossette
,e métal. On avait expliqué la présence et l'abondance de ces
échets de capsules en admettant que la fabrication des émaux
.u Beuvray comportait trois opérations successives : i° Application
e l'émail sur toute la surface de la pièce gravée; 2° Cuisson;
° Polissage ayant pour but de débarrasser la bossette de sa
oque vitreuse et de mettre à nu le métal entre les tailles rem-
lies d'émail. En réalité, cette dernière opération n'avait d'autre
bjet que de polir la coque vitreuse mais sans la détruire : ainsi
explique le dessin très négligé des gravures de certaines bossettes.
>omme elles devaient disparaître entièrement sous une couche
'émail opaque, l'ouvrier graveur n'avait pas à se préoccuper de
?ur régularité. Il suffisait que l'adhérence de l'émail fut assurée
ar ce procédé. En raison de la fragilité de la coque, nous ne
ou vous nous étonner qu'elle ne se soit pas conservée sur la plu-
art des bossettes de nos collections. Cependant il en existe au
loins un spécimen qui suffirait à justifier ces explications :
n des deux casques à clous émaillés du Musée Britannique,
iorte plusieurs bossettes semblables à celles du Mont Beuvray,
nais presque plates et couvertes de fines hachures quadrillées.
)r l'une d'elles a conservé deux fragments de la coque
.'émail qui recouvrait les tailles sous-jacentes.
Au Mont Beuvray comme à Stradonic, les deux techniques de
Congrès archeologiquk de maçon. lo
146 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE MAÇON
la bossette à pellicule d'émail et de la hossette à décoration cruciale
sont représentées l'une el; l'autre. Il est possible que le premier
procédé ait survécu quelque temps à l'apparition du second.
C'est moins la régularité des tailles que leur profondeur qui peut
indiquer si telle bossette appartient à l'une ou l'autre des tech-
niques. Si la taille est superficielle et n'offre pas assez de pro-
fondeur pour loger l'émail, il est évident que cette matière avait
été appliquée sous la forme pelliculaire. Si au contraire, les gra-
vures du nétal sont régulières, larges et profondes, nous avons
sans doute affaire à un émail champlevé.
Voici maintenant quelques indications sur la répartition des
émaux de la Tène III. Je classe à cette période tous les émaux
à hachures et à décoration rayonnante ou cruciale dont nous
venons de parler.
1° Bossette ou clou à tête hémisphérique, à stries rayonnantes,
à hachures quadrillées ou à décoration cruciale, toujours en
bronze et de dimensions variables (PL II, fig. 7-12). Le modèle
ordinaire mesure un ou deux centimètres de diamètre, mais
on en rencontre de beaucoup plus petits. Le plus souvent, l'émail
qui remplissait les stries et à plus forte raison la pellicule, ont
disparu; celle-ci subsiste cependant, en partie, comme je l'ai dit,
sur l'un des clous d'un casque du Musée Britannique.
Le clou à tête émaillée s'"est rencontré à Bibracte, à Corent
(Puy-de-Dôme), à Gergovie', à Boviolles (Meuse) dans les pro-
vmces rhénanes (Musée de Mayence), en Angleterre et cà Stra-
donic. Dans les centres de production, à Bibracte et à Stradonic,
les exemplaires recueillis proviennent surtout de déchets de flibri-
cation {Emaillerie gauloise, pi. VIII, i, 2, 3) ; ailleurs, on le
I. Clous émaillés provenant de Corent ou de Gergovie, peut-être de ces deux
oppida, conservés au Musée de Roanne.
LE HRADISCHT DE STRADONIC EN BOHÊME I47
trouve parfois fixé aux objets de parure ou aux pièces d'armure
qu'il était destiné à orner. Voici l'énumération de ces objets.
a) Garniture de ceinturon en bronze en forme de tige allon-
gée et cintrée, se terminant d'un côté par une douille dans
laquelle se fixait le cuir du ceinturon, de l'autre par un crochet.
La pièce est ajourée d'ouvertures circulaires qui servaient de
logement aux bossettes émaillées. Une de ces garnitures de cein-
:urons, incomplète et déformée, est reproduite dans le mémoire
le MM. BuUiot et de Fontenay. En la comparant aux exemplaires
bien conservés du Musée de Mayence, qui en explique la destina-
tion, on constate que les unes et les autres n'offrent que de légères
i^ariantes.M. Lindenschmit fils a donné dans un des derniers cahiers
des Alterihûmer ^ la liste des quelques spécimens connus (trouvés
dans la province de Starkenbourg, en Haute Bavière, près de
Berlin, en Basse- Autriche, en Alsace). Il faut ajouter à cette
iiste un autre exemplaire trouvé à Aubeterre, commune de Broût-
Vernet, Allier (collection Bertrand, de MouHns); c'est le seul
que j'aie rencontré en France.
F) Cinq casques, dont deux en bronze, conservés au Musée
Britannique, et trois en fer (deux trouvés en France, le troisième
^n Istrie) sont ornés de clous émaillés. L'extrême rareté de ces
irmes défensives dans les collections d'antiquités celtiques prête
an grand intérêt à ces casques de la TèneIII,qui n'ont pas encore
été rapprochés. Etant donné la distance géographique considé-
rable qui sépare les lieux de provenance, nous sommes autorisés
à croire que l'emploi des clous émaillés pour la décoration des
casques gaulois était une mode assez usuelle. Je me dispenserai
de décrire les casques d'Agen et d'Alise dont on trouvera les
dessins dans la Revue archéologique, 1879, t. 37, p. 216. Le troi-
I. Alterthûmer , t. IV, pi. 51.
1^8 CONGRÈS ARCHÉOLOGiaUE DE MAÇON
sième casque en fer, à clous émaillés, a été publié récemment par
M. Szombathy, dans son compte rendu des fouilles d'Idria, près
Baca, nécropole dont les premières sépultures appartiennent à la
fin de l'époque hallstattienne, les plus récentes à la première
époque romaine. Chaque couvre-joue est renforcé de plusieurs
bossettes que M. Szombathy décrit comme étant en fer, avec
application d'émail sanguin '. Ceux du Musée Britannique sont
en bronze et d'une exécution plus recherchée. Le premier, trouvé
dans la Tamise, près du pont de Waterloo en 1868, est un
casque à cornes coniques, en bronze battu. Les joints du métal
sont assujettis par de petits rivets à tête ronde, très rapprochés
les uns des autres. Le devant de la calotte présente trois
bossettes, très légèrement bombées et creusées de hachures;
elles sont fixées au casque par une virole centrale. C'est sur
un de ces clous que j'ai reconnu les restes d'une pellicule
émaillée recouvrant les hachures. Le second casque britan-
nique est de provenance inconnue; il a fait partie de la collection
Meyrick et a été donné au Musée par W. Franks en 1872. Il
diffère essentiellement du premier par l'absence de cornes, par
sa forme conique et par la présence d'un long couvre-nuque.
Cette partie du casque, ornée d'une décoration géométrique cur-
viligne dans le style de la Tène, porte en outre deux bossettes
quadrillées où l'on distingue encore quelques traces d'émail entre
les hachures. Une autre bossette semblable mais plus grande
est fixée latéralement sur chaque tempe, au point d'attache des
mentonnières qui ont disparu -.
1 . Joseph Szombathy, Das GrahfclJ ~ii Idria hei Baca in dcr Grafschaft Gôr~,
Vienne, 1901, p. 48, fig. 179.
2. Tandis que je corrige les dernières épreuves de ce mémoire, je reçois
de M. P. Reinecko un article récemment inséré dans les Verhandltingen der Ber-
liner anthropoloijischiii GcnUscbaft (séance du 15 décembre 1900), où figure le
à
LE HRADISCHT DE STRADOXIC EN BOHEME
149
1° 'Pommeau de. harnachement (PI. II, tig. 13 et 15). Le bou-
ton terminal de ce pommeau présente les mêmes gravures que
la bossette précédente. Trouvé à Bibracte, à Stradonic et près
du Rhin (musée de Mayence).
3° Éperon. On a recueilli à Stradonic plusieurs spécimens d'un
modèle d'éperon, à pointe conique, souvent recourbée légère-
ment et muni de boutons latéraux. Un seul de ces éperons, con-
servé au Musée de Prague, présente une décoration cruciale
émaillée sur chacun des boutons latéraux (PI. II, tig. 16).
Tischler en parlant de l'éperon de Stradonic', a émis l'opi-
nion que cet objet d'équipement n'avait pas été inventé par les
Grecs ou les Romains, mais qu'il est d'origine barbare. Quoi
qu'il en soit, il demeure incontestable que les peuples de culture
celtique possédaient, à l'époque de la Tène III, ce type d'éperon
dont la forme caractéristique s'est déjà rencontrée non seule-
ment au Hradischt, mais à la Tène, dans le Holstein, à Rondsen
et à Slup (Prusse occidentale), enfin à Alise -Sainte- Reine
(musée de Saint-Germain). Je publie le dessin de l'exemplaire
dessin d'un autre fragment de casque de la Tène, avec bossettes émaillées. Le
nombre des objets de cette série se trouve donc porté à six. I! s'agit là encore
d'un couvre-joue, mais les trois bossettes sont accom-
pagnées d'une curieuse décoration représentant r.n
oiseau, de profil à droite ; on y remarque la stylisation
très accentuée qui caractérise les produits de l'art
celtique.
Cette paragnathide fait partie d'un casque (de
bronze?), trouvé à Vini Vrh, près Sainte-Marguerite,
en Carniole. Le dessin publié par M. Reinecke est
emprunté au recueil photographique des antiquités
du Musée de Laibach, récemment livré au commerce
par M. A. Mùllner. Le casque est en très mauvais état
de conservation. Comme le recueil du Musée de
Laibach ne reproduit que le couvre-joue, on ne peut savoir quelle est la forme
générale du casque.
I. Tischler, Bcïiràge, p. 162.
1^0 J- DÉCHELETTE
de Stradonic auquel les autres ressemblent pour la forme mais
non pour la décoration, car je n'en connais pas d'autre spécimen
émaillé.
4° Fibules. Commune, nous l'avons vu, à l'époque de la
Tène I, la fibule émaillée disparaît presque entièrement de
l'industrie celtique durant les périodes suivantes, sauf dans le
nord de l'Europe. On a trouvé cependant, ainsi que je l'ai dit plus
haut, aux Gleichberge, près Rômhild dans l'Allemagne centrale,
une fibule de la Tène II dont l'arc porte trois incrustations d'émail
rouge.
Dans l'Europe septentrionale, au contraire, parmi les objets
appartenant à la Tène récente, on rencontre une fibule caracté-
ristique en fer ou en bronze, dont l'arc est orné d'un ou de plu-
. sieurs disques en bronze, à décoration cruciale, émaillée, de cou-
leur rouge sang. Cette fibule est répandue en Poméranie, en
Danemark et dans l'île de Bornholm. En Poméranie on trouve
encore un deuxième type de fibule à arc émaillé : les rainures de
l'arc qui contiennent l'émail rouge affectent la forme d'un H'.
Ces deux fibules indiquent clairement que ce sont les procédés
mêmes de l'émaillerie gauloise et non pas seulement les objets
émaillés qui ont pénétré dans le nord de l'Europe, à l'époque
de la Tène III, car ces types, qui font défaut partout ailleurs,
appartiennent en propre à l'archéologie nordique.
^° Boucle en hronie (V\. II, fig. 14). Trouvée à Stradonic, elle
porte au centre le même bouton à décoration cruciale que
l'éperon mentionné plus haut.
6° Le musée de Prague conserve, parmi les objets de Strado-
nic, une chaîne en bronie dont les anneaux sont réunis par une
pièce émaillée. Celle-ci se compose d'un bouton quadrangu-
I. Schumann, loc. cil., p. 38, t. II. — Undset, Das erste Auflreten, passim.
LE HRADISCHT DE STRADONIC EN BOHEME I 5 I
laire, accostée de deux appendices de même forme mais plus
petits. Le rectangle central et les deux appendices latéraux ont
reçu les uns et les autres une décoration cruciale à émail sanguin.
La même ornementation se retrouve sur une petite agrafe de cein-
turon en bronze, à crochet zoomorphique, suivant le goût de la
Tène, découverte à Dienheim et conservée au musée de
Mayence.
Je n'ai pas parlé, dans cet inventaire des émaux de la Tène
III, des deux boucliers celtiques du Musée Britannique (Kemble
et Franks, Horae ferales, pi. XV). De ces deux boucliers le plus
ancien trouvé dans la rivière Witham, est orné de corail et non
d'émaux. L'autre, trouvé en 1857 dans la Tamise, près de Bat-
tersea, à umbo circulaire, décoré avec une égale richesse, présente
vingt-sept boutons d'émail rouge dont la technique est toute
différente de celle dont je viens d'étudier le développement. On
pourrait donner à ce genre d'émaux le nom d'émaux réticulés.
Ces boutons se composent en effet d'une pastille d'émail fixée
au métal par un rivet central et recouverte d'une m///^' métallique
cruciforme, d'un travail très délicat. Je ne connais qu'un autre
exemple de ces émaux à coiffe réticulée, ce sont les fibules de
la Tène, découvertes à Nonsberg (Tyrol) et conservées au musée
d'Inspruck.
Je suis tenté de classer parmi les ustensiles démailleurs un objet
en argile, trouvé au Mont Beuvray par M. Bulliot et regardé
par son inventeur comme un moule de pâtisserie en raison de sa
ressemblance avec nos gaufres. Ce n'est là de ma part qu'une
simple hypothèse, que fait naître surtout la présence de cet objet
dans les deux centres de fabrication actuellement connus d'émaux
gaulois. La ressemblance de ces tablettes d'argile avec nos
gaufres en indique assez la forme et les dimensions. La fig. 19,
pi. II, reproduit un fragment trouvé à Bibracte (Musée de
Ij2 CONGRÈS ARCHÉOLOGiaUE DE MAÇON
Saint-Germain). Les fragments n° 17 et 18 de la même planche
proviennent de Stradonic (musée de Vienne).
La collection du prince de Furstenberg, près de Stradonic,
comprend un certain nombre d'objets trouvés au Hradischt. J'y
ai remarqué à travers une masse de grossières falsifications, un
autre fragment de tablette d'argile, avec les mêmes rangées de
cases, celles-ci circulaires et non rectangulaires comme les précé-
dentes. Leur diamètre mesure six à sept millimètres sur une
profondeur égale. Cet objet est entouré d'un lot d'antiquités
fausses ou suspectes, mais sa propre authenticité n'est pas con-
testable.
En dehors du Beuvray et de Stradonic, je n'ai retrouvé cette
tablette d'argile qu'au musée de Saintes. Le fragment conservé
dans cette collection provient de Saintes même et l'on a en outre
recueilli dans cette ville un dé en bronze, émaillé de rouge san-
guin.
Comme celui de la collection de Furstenberg, il présente des
cases circulaires, qui renferment encore des parcelles de charbon.
Sur toutes ces tablettes on reconnaît l'action du feu. Je suis
porté à croire qu'elles ont servi de récipient à une matière
fusible, qui se débitait en petits pains ou pastilles. Cette matière
fusible ne serait-elle pas l'émail rouge, qu'il convenait de réduire
en petits cuboïdes ou en pastilles, pour faciliter la fabrication
des menus objets auxquels on l'appliquait ? L'examen des
formes des petits débris d'émail brut, trouvés à Bibracte, laisse
à cette explication son caractère encore conjectural.
IV. — LA CÉRAMIQUE
La poterie des oppida de la Gaule n'a pas encore été l'objet
d'une étude d'ensemble. Les récoltes les plus abondantes pro-
viennent particulièrement de Bibracte et du Crêt-Châtelard, com-
LE HRADISCHT DE STRADONIC EN BOHÊME I53
mune de Saint-Marcel-de-Félines (Loire), oppidum fouillé
méthodiquement, mais dont les trouvailles sont encore inédites.
Cette céramique offre une curieuse variété de types. Auprès de
vases d'une fabrication encore grossière, on remarque de nom-
breux modèles indigènes, façonnés au tour, dont le galbe élégant
et le décor démontrent que vers l'époque de César, les Gaulois
avaient conduit l'industrie fictile à un degré déjà avancé de
perfection.
Au Mont Beuvray, les tessons de vernis rouge de flibrique
italique, estampillés de marques arrétines connues, se mêlent
aux produits indigènes. C'est au temps de César et d'Auguste
que les potiers d'Arezzo réussirent à exporter en Gaule leur
belle céramique, bientôt imitée par les Gaulois. Mais on doit se
garder de classer parmi les vases de provenance étrangère tous
ceux auxquels la pureté de la forme et la finesse de la pâte prête
un aspect artistique.
Sans entrer dans une description détaillée, je me bornerai à
faire observer, au sujet des formes, que leurs caractères essen-
tiels peuvent se résumer ainsi : Dans les vases à liquides, dispa-
rition du profil caréné des périodes antérieures et prédominance
de la forme ovoïde. Rareté des anses qui ne se rencontrent que
sur des cruches blanches ou jaunâtres, de fabrique italique. Pour
la décoration, emploi fréquent d'instruments en bois ou en corne,
à dents de peigne, permettant de tracer sur la panse des zones
ondées, sinuées, ou réticulées.
Mais à côté de ces vases, à ornements gravés, dont le style
conserve quelque chose de primitif, malgré l'habileté de l'exécu-
tion, apparaissent de curieuses poteries qui semblent, à première
vue, se rattacher à la céramique classique du vieil art hellénique.
Il s'agit des vases peints à décoration géométrique, particulière-
ment abondants à la fin de l'époque celtique et au commence-
154 CONGRES ARCHEOLOGIQUE DE MAÇON
ment de l'époque impériale dans le centre de la Gaule. Je leur
ai déjà consacré en 1895, dans la Revue archéologique', une
monographie où j'ai essayé de décrire leurs caractères essentiels,
mais alors j'étais loin de penser que cette poterie gauloise eût
ra)'onné jusqu'en Bohême et ce n'est pas sans surprise que je me
suis trouvé, au musée de Prague, en présence de plusieurs
vitrines de tessons de cette espèce, provenant tous de Stradonic,
exclusivement.
Les formes, peu variées, se réduisent à trois ou même à deux
types : le gutîiis ovoïde ou vase à liquides et le bol ou oUa, à
lèvre renforcée d'un rebord arrondi. La décoration est obtenue
par l'application de couleurs ocreuses, d'un brun noir ou violacé,
sur fond blanc uni. La zone blanche est encadrée de bandes
rouges, mais la base du vase conserve souvent sa couleur natu-
relle, d'un jaune clair rosacé.
Le caractère de la décoration géométrique permet de
distinguer deux groupes : l'un, à décor curviligne dans le style
classique de la Tène, c'est-à-dire dérivé de motifs serpentins,
tels que la double volute; l'autre à décor rectiligne, où prédo-
minent les lignes en zig-zag, les damiers, les chevrons, les
pyramides. La décoration rectilinéaire qui est la plus récente, a
remplacé la précédente, lorsque l'art de la Tène, en présence
de l'art classique méditerranéen, avait perdu son originalité
propre et tendait à disparaître de toutes les régions celtiques, les
Iles Britanniques exceptées. Cependant quelques spécimens
du groupe ancien se rencontrent en petit nombre jusque dans
la première moitié du premier siècle de notre ère.
On trouve aussi au Mont Beuvray, comme à Stradonic, des
vases ornés de simples bandes parallèles, alternativement rouges
I. Les vases peints gallo-romains du Musée de Roanne, extrait de la Revue archéo-
logique (Planche en couleur), 1895.
LE HRADISCHT DE STRADOXIC EN BOHEME I55
et blanches, disposées horizontalement (pi. III, fig. 3) et aussi
des semis de pastilles blanches sur fond rouge ou rouges sur fond
noir (pi. III, fig. I, deStradonic et fig. 4 du Beuvray).
Par l'ensemble de ses caractères, cette poterie peinte forme
un groupe tout à fait distinct. Le moindre tesson de cette
fiUTîille se reconnaît aussi aisément qu'un fragment de poterie
sigillée ou de vase hellénique. J'insiste sur ce point, car la dési-
gnation de poterie peinte à décoration géométrique est en elle-
même bien imprécise. Elle pourrait s'appliquer à certains produits
de l'époque néolithique aussi bien qu'aux vases actuels de la
Kabylie. La poterie dont il s'agit ici doit donc être désignée sous
le nom de poterie peinte du type de Bibracte.
Lorsque j'ai tenté de délimiter, il y a cinq ans, son aire de
dispersion, je ne connaissais encore qu'un bien petit nombre de
collections étrangères. Je ne pouvais donc signaler la présence de
cette céramique que dans le centre de la Gaule — surtout à
Bibracte, au Crêt Châtelard (commune de Saint-Marcel de
Félines) et à Roanne, — à Montaux, près Gaillac, à Lezoux, à
Moulins et en Normandie. Actuellement je suis en mesure
d'étendre les limites géographiques de cette poterie bien au delà
des frontières de la Gaule. Le Hradischt de Stradonic, en pre-
mier lieu, a livré un grand nombre de tessons peints, tout à fiiit
semblables à ceux du Mont Beuvray et présentant les mêmes
variétés. A défaut de reproductions en couleurs, les quelques
fragments de la planche III (fig. 1-6) ne peuvent donner une
idée de l'ensemble de la récolte ni de la similitude parfaite
des échantillons de la Gaule et de ceux' de Stradonic. Il est
cependant intéressant de comparer, par exemple, le fragment du
Beuvray, fig. 7, avec celui de Stradonic, fig. 6. Les bandes hori-
zontales, parallèles, le semis de pastilles blanches sur fond rouge
ou brun, sont encore des motifs communs aux deux groupes. On
156 CONGRÈS ARCHÉOLOGiaUE DE MAÇON
en noterait beaucoup d'autres, sans doute, si l'ensemble des
deux récoltes était publié. La similitude n'est pas seulement
dans la forme, dans la technique et le décor, mais aussi dans la
nature et la couleur de la pâte, d'un jaune clair, rosacé.
J'aborderai plus loin, dans la seconde partie de cette étude,
l'examen des conclusions que sembleraient autoriser les analo-
gies frappantes des récoltes de Stradonic et du Mont Beuvray.
J'aurai alors à rechercher la part qui peut être attribuée à des
influences commerciales, dans l'explication des faits observés.
On comprend quelle importance présente à cet égard, l'inven-
taire des trouvailles d'objets similaires dans d'autres stations. Je
dois donc compléter les indications précédentes par l'énuméra-
tion des régions où s'est encore rencontrée la céramique peinte
du type de Bibracte.
La collection la plus riche en spécimens de cette nature, c'est la
collection céramique du musée de Roanne. Le plus grand nombre
des vases peints provient d'un cimetière gallo-romain, ouvert
dès le commencement de l'époque impériale. Viennent ensuite
les beaux vases de Toppidum du Crêt-Châtelard, encore iné-
dits et ceux qu'ont livrés d'autres localités du Forez et du Bour-
bonnais. Ces vaisseaux ont souvent servi d'urne funéraire. L'un
d'eux, grand bol à zones rouges et blanches, sans dessins géomé-
triques, trouvé à Villeret (Loire), contenait, avec des ossements
incinérés, deux fibules de bronze, à disque médian, type qui se
rencontre déjà au temps d'Auguste dans les récoltes du Mont
Beuvray et que quelques archéologues rajeunissent à tort. Je
citerai encore les vases peints de Chaizieu (Loire), conservés au
musée de Montbrison; cette nécropole du temps d'Auguste ou de
ses premiers successeurs, a livré quelques bronzes coulés gau-
lois, et des fibules dérivées de celles de la Tène III. Dans les
ateliers céramiques de Lezoux, de Montverdun, de Banassac,
LE HRADISCHT DE STRADONIC EN BOHEME I57
quelques tessons démontrent que la flibrication de ces vases y a
précédé celle de la poterie sigillée. Au nord-ouest de la Gaule,
Tabbé Cochet a recueilli ce type céramique en Normandie. Le
musée de Rouen en conserve un spécimen provenant d'Alisay.
Les découvertes de Bibracte nous fournissent la preuve que
cette poterie était répandue en Gaule dans la seconde moitié du
premier siècle avant notre ère. Mais les trouvailles de la Cham-
pagne méritent tout particulièrement de fixer l'atteniion, parce
qu'elles lèvent toute incertitude sur l'origine purement indigène
de cette céramique. Je veux parler des vases de la collection
Morel', trouvés à Beine (Marne), et à Prunay (Marne) et d'un
certain nombre de vaisseaux similaires, du musée de Saint-Ger-
main. L'engole blanc n'apparaît pas encore, mais le décor curvi-
ligne est tout à fait dans le style de la Tène, comme sur les vases
de Bibracte, d'ancien style. Or la forme du grand vase ovoïde de
Prunay est une des formes typiques de la céramique marnienne.
C'est un des vases classiques de la sépulture de Somme Bionne et
des autres tombes de la Tène L D'où cette conclusion importante
que la décoration peinte apparaît tout d'abord dans la céramique
gauloise sur des vases de la Tène I, dont la forme ne trahit
en rien l'imitation d'un modèle hellénique.
En réalité, tout est indigène dans cette céramique, et les
tentatives de rapprochement de ces vases gaulois avec les
types mycéniens me paraissent stériles. Il se peut cependant que
la vue des vases grecs ait suggéré aux potiers gaulois l'idée
d'appliquer le procédé de la peinture à la décoration de leur
poterie. Les vases grecs du iv^ siècle découverts dans quelques
tombes de la Champagne sont des vases à figures et l'art celtique
qui proscrivait ce genre de représentations, sans doute pour obéir
I. Léon Morel, la Champagne souterraine, Reims, 1898. Un vol. de texte et
un album de planches. Les vases peints sont figurés en tète du texte.
158 CONGRÈS ARCHÉOLOGiaUE DE MAÇON
à certaines prescriptions religieuses, ne pouvait- trouver là une
source d'inspiration ornementale. Si les céramistes gaulois imi-
tèrent la- technique grecque dans une certaine mesure, ils eurent
soin de conserver à l'ornementation son caractère indigène. La céra-
mique de la Tène lutta victorieusement contre la pénétration des
vases grecs. C'est à la technique d'Arezzo seule, importée plus tard
en Gaule à la suite des envahisseurs, qu'était réservé le privilège
de conquérir la clientèle gauloise.
De la Gaule, sa patrie d'origine, la céramique peinte, bénéfi-
ciant de l'expansion de la culture celtique, rayonna dans la direc-
tion de l'est, tandis qu'au nord, elle ne franchit pas la Manche.
Grâce à des découvertes récentes, les types céramiques de la
Tène III, en usage dans les Iles Britanniques, commencent à être
à peu près connus. Or jamais, si je ne me trompe, aucun fragment
de cette poterie peinte n'y a été recueilli. Si les Bretons en
avaient fait usage, il semble qu'elle figurerait parmi les vases
cinéraires d'Aylesford, nécropole à incinération de la fin du
second âge de fer. Elle est remplacée en Angleterre par une autre
espèce de poterie à décoration géométrique de même style, bien
que de technique différente. Celle-ci apparaît dans les fouilles
récentes de Glastonbury (Somersetshire) ', curieux village
palafitte de l'époque celtique, de Hunsbury-, oppidum voisin
de Northampton, et de quelques autres stations. J'en publierai
prochainement quelques spécimens, qu'il serait utile de
rapprocher de nos vases peints, pour bien constater l'étroite
parenté des divers motifs décoratifs de ces deux groupes céra-
miques contemporains. Le thème de cette ornementation cur-
viligne se trouvait si conforme au goût des peuples celtiques,
1. The british Lake-viîla^e tiear Glastonbury (recueil de diverses notices déjà
publiées dans des périodiques anglais). Caunton, 1899.
2. Sir Henry Dryden, Hunsbury or Dànes Camp, s. 1. n. d., pi. v, fig. 12.
LE HRADISCHT DE STRADONIC EN BOHEME I59
que les potiers pouvaient en épuiser les combinaisons linéaires,
sans craindre de lasser leur clientèle. Les vases bretons sont
d'ailleurs des bols ou des vases ovoïdes, non anses, de pâte grise
ou noirâtre, souvent lustrée, façonnés à la main. Leurs dessins
ont été gravés dans l'argile fraîche, au moyen d'un instrumenta
pointe mousse.
La distribution de la poterie peinte, à l'est de la Gaule, présente
un intérêt tout particulier, par rapport à Stradonic. Entre ces deux
points extrêmes, Bibracte et l'oppidum bohémien, retrouve-t-on
les traces d'une voie commerciale, jalonnée par des vases ou des
tessons de cette famille céramique? Quelques découvertes per-
mettent de tracer l'amorce de cette route, jusqu'en Helvétie
seulement. Le musée de Saint-Germain conserve un fragment
typique de cette poterie, provenant de la Haute-Savoie. Au
musée de Genève, j'ai vu deux ollas entières, l'une à dessins
géométriques, bandes verticales et losange réticulé, l'autre beau-
coup plus curieuse, avec un essai de représentation figurée, asso-
ciée à la décoration linéaire : une frise d'oiseaux, les ailes éployées
peints en rouge foncé sur fond rouge brique fait le tour du vase;
elle est encadrée par deux zones de couleur blanche. La forme
ollaire et les dimensions se rapportent, comme la technique, aux
types éduo-ségusiaves. Jouxtens, dans le canton de Vaud (musée
de Lausanne), Avenches, Berne et Constance ont livré aussi
quelques débris de cette poterie. Enfin elle est représentée au
musée de Mayence par quelques grands vases entiers de forme
ovoïde, trouvés dans la région rhénane et publiés dans les
Alterthûmer '.
I. Allerth., t. I, vi, 6, et III, vi, 4.
l60 CONGRES ARCHÉOLOGIQ.UE DE MAÇON
V. — ARMES ET OUTILS
A Stradonic, l'os et la corne ont servi à la confection d'un
grand nombre d'instruments, tels que des perçoirs et des aiguilles.
Les outils et ustensiles en fer, tels que couteaux, ciseaux,
poinçons, anneaux, chaînes, clés, clous, etc., sont abondam-
ment représentés dans les collections de Prague et de Vienne,
mais, à l'exception d'une série nombreuse de pointes de lances
et de javelots, les armes sont fort rares. Je n'aurais guère à signa-
ler que quelques fragments d'épées, du type de la Tène récente.
J'ajoute que les fouilles du Mont Beuvray présentent cette même
particularité de l'extrême rareté des épées, si abondantes cepen-
dant dans d'autres stations gauloises. A Bibracte, le fait s'explique
en partie par la conquête romaine. Les cinquante dernières
années de la ville éduenne sont postérieures à l'arrivée de César.
Il est permis de croire que lorsque la Gaule asservie eut livré ses
armes à son vainqueur, celui-ci ne lui concéda pas l'autorisation
de les reprendre, avant que la romanisation des nouvelles provinces
eut été consommée. Au reste la population résidant à Bibracte,
si l'on en juge par les vestiges exhumés de ses demeures, est
toute différente de celle que l'on pourrait s'attendre à rencontrer
dans cette forteresse puissante. Si l'imagination la peuple de
guerriers, l'archéologie y découvre surtout de laborieux artisans.
A Stradonic, les traces d'une exploitation industrielle, égale-
ment active, sont nombreuses, mais les observations précises,
recueillies à Bibracte, sur le caractère des habitations, font entiè-
rement défaut.
Parmi les fragments d'armes trouvés à Stradonic, il en est un
que je signalerai spécialement. Je veux parler d'un petit bronze
du musée de Prague, en forme de tête humaine, qui se trouve être
exactement semblable à un second exemplaire, découvert à Corent
LE HRADISCHT DE STRADONIC EX BOHEME
i6r
(Puy-de-Dôme), et conservé au musée de Roanne. L'exemplaire
arverne est dessiné ci-contre (fig. 3) mais cette reproduction
passerait facilement pour celle du bronze de Prague, tant est
complète la ressemblance des deux objets. Tous deux mesurent
environ trois centimètres de
hauteur et sont en bronze
fondu, creux à l'intérieur.
Au sommet de la tête est
pratiquée une ouverture évi-
demment destinée au passage
d'une tige à rivet. Les traits
du visage suffiraient à établir
le caractère celtique de ces
bronzes. On reconnaît aisé-
ment dans le dessin des yeux,
dans l'allongement et l'obliquité des paupières, dans la stylisation
de la chevelure et la symétrie de ses mèches, les particularités de la
Trouvé à CoRENT (Puy-de-Dôme).
Gr. d'exécution.
Fig- 4-
Poignards anthropoïdes, d'après Lindenschmit tils.
A. Musée de Pesth. — B. Coll. Ritter, à Neuch.itel. Long. 446 mill.
représentation du visage humain, sur les monnaies de la Gaule.
Q.uant à la destination de cet objet, elle ne me semble pas dou-
Congrès archéologique de maçon.
l62 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQ.UE DE MAÇON
teuse. Je vois là deux nouveaux spécimens du pommeau des
poignards anthropoïdes de l'époque de la Tène. Ces poignards,
dont on connaît actuellement de nombreux exemplaires, pré-
sentent les caractères suivants : large lame en fer, à deux tran-
chants et à pointe effilée, poignée en bronze, Hmitée en haut et
en bas par une paire d'antennes dirigées en sens contraire et sou-
vent munies de boules terminales (lig. 4). La soie de la lame qui
traverse la fusée est rivée à une pièce sphéroïdale ou bouton de
bronze, posé entre les antennes. Ce bouton terminal est souvent,
remplacé par une tête virile, celle de nos petits bronzes de Corent
et de Stradonic. Un petit fragment d'un de ces poignards, l'extré-
mité d'une antenne avec bouton terminal, s'est rencontré éga-
lement au Mont Beuvray (Musée de Saint-Germain).
M. Salomon Reinach a démontré aisément, à l'encontre d'une
étrange explication proposée par feu Lindenschmit', que ces
armes appartiennent à l'archéologie de la Tène. Mais ils prove-
naient tous jusqu'ici de trouvailles isolées. Les pommeaux de
Stradonic et de Corent, le fragment recueilli à Bibracte, confirment
l'attribution de ce type de poignard à l'industrie gauloise. Le pom-
meau d'un poignard trouvé à Tesson, arrondissement de Saintes]
(Musée de Saint-Germain), est exactement semblable à ceux del
Corent et de Stradonic. De plus, ces trouvailles démontrenti
clairement que l'emploi de cette arme a duré jusqu'à l'époquel
de la Tène IIL Son prototype est bien certainement le poignarcj
à antennes hallasttien, où apparaît déjà (Sacken, Das Grabf. v\
Hallstatt, pi. V, fig. 1 1) le pommeau sphéroïdal. La transformatiorj
d'une sphère terminale en tête humaine est une des évolution;
que l'on rencontre constamment dans l'étude du développemen
des formes plastiques. Le pommeau du poignard à antennes pou
I. Salomon Reinach, V Anthropologie, 1895, p. 18 ; Lindenschmit, J//t'/7/;;ï/««r|
t. IV, IV, 2, et IV, 25.
LE HRADISCHT DE STRADONIC EN BOHEME 163'
vait d'autant moins y échapper que la poignée de cette arme affec-
tait déjà, par la disposition des antennes, une vague forme anthro-
poïde. Je classerai donc à la Tène I celles de ces armes qui ont
gardé le pommeau sphérique et aux périodes suivantes les poi-
gnards à tête humaine.
VI . — OBJETS DIVERS
Les monnaies, les fibules, les émaux et la céramique m'ont
fourni les points de comparaison les plus frappants entre les trou-
vailles des deux oppida. Je mentionnerai plus brièvement cer-
tains autres objets communs également à l'archéologie de
Stradonic et à celle de Bibracte ou, pour mieux dire, appartenant
en propre à la civilisation de la Tène III. On les rencontre dans
plusieurs stations de cette même époque et quelques-uns peuvent
être considérés comme des « fossiles directeurs » propres à gui-
der l'archéologie dans l'étude de ces antiquités.
I. Anneaux et bracelets de verre. (PL III, fig. 8-12.) La col-
lection de grains de collier de Stradonic, au seul musée de
Prague, ne comprend pas moins de cinq à six cents numéros. Ces
grains de collier comparés aux types plus anciens, en diffèrent par
la forme et la couleur. Leur forme est celle d'un anneau à sec-
tion elliptique. On peut les diviser en quatre variétés, d'après le
nombre des nuances qui entrent dans la coloration du verre.
Premier groupe, verre uni : Bleu foncé, jaune, vert clair, blanc
translucide.
Deuxième groupe, verre bicolore : Bleu et jaune, bleu et blanc.
Troisième groupe, verre tricolore : Jaune, bleu et gris ; jaune
pâle, bleu et blanc; jaune avec cercles bleus mouchetés de blanc.
Quatrième groupe, verre à quatre couleurs : uni avec cercles
tricolores, jaune, bleu foncé et blanc.
164 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQ.UE DE MAÇON
Dans chacun des trois derniers groupes, les nuances diverses
sont disposées tantôt en tranches parallèles ou en spirales, tantôt
en mouchetures ou en cercles polychromes; quelques grains pré-
sentent des nodosités ou mamelons.
Les bracelets de verre sont des cercles côtelés, de couleur bleu
foncé; la côte médiane est souvent ornée d'un filet ou petit
rinceau de couleur jaune ou blanche.
Les bracelets de verre bleu et les grains de collier unis ou à
cercles blancs et bleus sur fond jaune ou bleu se rencontrent à
toutes les périodes de la Tène, mais le type des grains de colliers
mouchetés, ou à bandes spiraliformes, de plusieurs couleurs, est
particulier à la Tène IIL La forme de ces grains, gros et larges
anneaux à section elliptique, permet aussi de les distinguer faci-
lement des verroteries de l'époque mérovingienne. Ils se retrouvent
non seulement dans lesoppida de la Gaule — le musée de Roanne
en possède une série provenant de Gergovie ; le Mont Beuvray
en Uvre abondamment ■ — mais dans la plupart des stations de
la Tène IIL La collection du musée de Prague réunit toutes
les variétés connues.
Dans la composition des nuances, une particularité mérite
d'être notée. Alors que le blanc, le jaune, le bleu foncé ou le
bleu clair, le gris et le vert sont représentés, je n'ai jamais vu,
ni à Prague, ni dans aucun autre Musée, pour l'époque de la
Tène, un grain de collier, un bracelet ou une verroterie de cou-
leur rouge. Comment s'expliquer cette exclusion d'une nuance
très goûtée des Gaulois, comme le prouve la coloration rouge
de leurs émaux et leurs vases peints ? L'émail n'étant qu'une
substance vitreuse, puisque les Gaulois connaissaient l'émail
sanguin, la coloration en rouge du verre dont on fabriquait les
grains de collier ne pouvait présenter aucune difficulté. On doit
croire que l'ambre rougeâtre qui servait également à confection-
LE HRADISCHT DE STRADONIC EN BOHEME 165
ner des grains de collier constituait un produit naturel que la
clientèle préférait au verre rouge.
2. Anneaux et rouelles de bronze. (PL IV, fig. 6-10.) J'ai compté
au Musée de Prague, plus de 500 annelets en bronze de dimen-
sions diverses; ils sont également très communs dans toutes
les stations de la Tène III. Quelques numismates estiment que
ces annelets ont pu faire office de monnaie : leur abondance
à Stradonic ne serait pas, il est vrai, un argument à invoquer à
l'appui de cette thèse; nous avons vu que le nombre des grains
de collier n'est pas moins élevé.
Les rouelles sont beaucoup moins abondantes; leur diamètre
varie entre 15 et 50 millimètres : le nombre des jantes est tantôt
ie quatre, tantôt de huit; quelques-unes ont leur circonférence
dentelée (pi. IV, fig. 8), comme les deniers serrati de la Répu-
blique romaine, qui au dire de Tacite étaient particulièrement
recherchés par les Germains. Parmi les fibules de Stradonic,
:ertaines portent une de ces rouelles en bronze, passées dans
l'arc (pi. I, fig. 5), ce qui tendrait à faire considérer celles-ci
comme des amulettes.
3. Une autre série d'objets de bronze qu'il est intéressant de
retrouver en assez grand nombre à Stradonic, ce sont de petites
balances, se composant d'un fléau et de deux plateaux circulaires,
suspendus chacun par trois ou quatre chaînettes. Parmi les
25 fléaux du Musée de Prague, certains sont minuscules, d'une
longueur de 5 à 6 centimètres. (PI. IV, fig. 12.)
Un de ces petits fléaux de balance en bronze du Mont Beuvray,
est conservé au musée de Saint-Germain ; un autre, de Gergovie,
au musée de Roanne. Je crois qu'à côté des fléaux et des plateaux,
il faut placer, comme appartenant encore à ce modèle de balance
la série de petites tiges bifides, communes à Stradonic, dont
la figure 13, pi. IV, reproduit un exemplaire. M. Bulliot et
l66 CONGRÈS ARCHÈOLOGiaUE DE MAÇON
moi, nous en avons recueilli plusieurs à Bibracte. Leur destination
paraissait difficile à établir, mais j'ai vu au musée de Zurich une
petite balance complète du modèle de Stradonic et de Bibracte :
le fléau est suspendu à une tige tout à fait analogue à celles-ci.
Il y a lieu de croire que dans les emporta celtiques où affluaient
des monnaies étrangères de types très variables, la vérification
du poids des espèces nécessitait l'emploi de ces instruments, qui
peuvent encore avoir servi à certains industriels, tels que les
orfèvres ou les émailleurs.
4. Le petit objet, en bronze, à deux branches recourbées,
d'inégale longueur, que reproduit la figure 3, pi. IV, est d'un
emploi inconnu. Quoi qu'il en soit, c'est encore un des objets
très caractéristiques des stations de la Tène III. Il est abondant
dans les substructions du Mont Beuvray ; j'en ai compté plusieurs
spécimens dans les vitrines de Stradonic, à Prague.
5. Voici encore un petit bronze, représenté par plusieurs
spécimens dans les récoltes de Stradonic et du Mont Beuvray.
(PI. IV, fig. I, I bis, 2.) La forme et les dimensions habituelles
sont celles de l'exemplaire que reproduit la figure i bis. La forme
est celle d'un T dont la barre horizontale est légèrement cintrée
en croissant. La tige est courte et revêt également à son extré-
mité une forme lunulée. Ces petits bronzes sont en métal fondu,
assez minces, sans la moindre trace d'ornementation; comme
on le voit sur le dessin, la tranche présente un chanfrein ou
biseau bien marqué.
Ilétaitassez difficile de leur donner un nom. Leur abondance
dans les habitations de Bibracte, où les objets de toilette sont les
plus nombreux, portait à les classer dans cette catégorie, mais
les découvertes de Stradonic lèvent toute incertitude. En com-
parant les figures i et 2 de la planche IV, on reconnaît aisé-
ment que le second est un manche de miroir, dont la forme
LE HRADISCHT DE STRADOXIC EN BOHEME 167
dérive du type plus rudimentaire que reproduit la figure i . Ce qui
confirme cette attribution, c'est que l'on a précisément recueilli
tant à Stradonic qu'à Bibracte des miroirs ou fragments de miroirs
métalliques, de forme circulaire, qui peuvent s'ajuster par une
soudure à ces manches en bronze. Il y a certainement lieu de s'éton-
ner que les Gaulois se soient contentés d'un mode d'assemblage
aussi fragile, ou plutôt, cet objet témoigne de la perfection des
procédés de soudure qu'ils employaient. Cela nous rappelle le
témoignage de Pline sur l'habileté des métallurgistes gaulois et sur
l'invention de l'étamage attribuée aux Bituriges. L'allongement
du croissant que l'on observe sur la figure 2 a eu précisément
pour objet de consolider la monture.
Le miroir métallique est un objet que les Gaulois ont
emprunté à l'industrie hellénique ou gréco-romaine. Dans le
miroir grec, le manche et le disque sont d'une seule pièce. A
l'époque impériale, on trouve de petits disques assez semblables
à ceux des oppida, mais quelquefois rectangulaires ou percés de
petits trous le long du bord. Le manche est souvent évidé, en
forme de double fuseau. Mais quelle était la forme exacte des
miroirs romains, antérieurement à l'ère chrétienne? Il fondrait
élucider cette question pour connaître exactement l'origine de ce
type du miroir gaulois de la Tène III. Malheureusement on est
bien loin d'être exactement renseigné sur l'industrie italique du
premier siècle avant notre ère.
Quoi qu'il en soit, ce manche de miroir est un objet caractéris-
tique pour cette époque. Je l'ai retrouvé parmi les récoltes de la
forêt de Compiègne (musée de Saint-Germain), des environs de
Besançon (musée de Besançon), de Windisch (Suisse), au musée
de Zurich, avec des fibules de la Tène et des objets romains.
Le musée de Lausanne en possède aussi un exemplaire.
Les disques sont unis, sans aucune gravure au revers, tandis
lé8 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE MAÇON
que dans les Iles Britanniques où l'art de la Tène a laissé ses
produits les plus artistiques, on connaît une série de miroirs cir-
culaires gravés de dessins géométriques, de style celtique.
6. On sait combien sont rares les représentations figurées dans
l'art celtique. A Bibracte, on ne peut signaler que quelques manches
de couteaux en bronze, dont l'extrémité revêt la forme d'une tète
de cheval ou de bovidé, et urie série de chenets d'argile à tête de
bélier. Stradonic est mieux partagé. Les chenets en terre cuite
font, il est vrai, défaut, mais les vitrines du musée de Prague
renferment quelques petites figurines en bronze d'animaux divers
dont le style n'a rien de classique. Le sangHer occupe naturel-
lement le premier rang. Mais la perle de ces petites collections
est une minuscule figurine en bronze, haute seulement de cinq
centimètres, représentant un personnage viril, nu, ithyphallique,
tenant de la main droite un carnyx ou trompette recourbée, se
terminant en un large pavillon. Ce précieux petit objet, de
travail gaulois et d'une belle patine, présente tous les caractères
d'une authenticité incontestable.
7. Les figures 11 et 15, pi. IV, représentent un autre type
des petits bronzes de Stradonic. Le coulant auquel est adaptée
une sorte de palmette, munie d'un crochet à son revers, me fait
considérer cet objet comme une agrafe de ceinturon. Les fouilles
de Bibracte ont livré l'extrémité d'un objet semblable.
8. J'indiquerai aussi parmi les objets d'importation, qui
caractérisent cette époque de transition, des bagues en or, en
argent, en bronze et en fer, munis de chatons à intailles. Chez
les Gaulois de Bibracte, le goût des pierres gravées, portées
comme chaton d'anneaux était aussi très répandu.
9. Le bracelet en fer, à bouts tordus en spirale, est un type
fort commun dans toute l'Europe. Plusieurs archéologues, tels
que Gabriel de Mortillet, L. Lindenschmit, Strobel en ont étudié
LE HRADISCHT DE STRADONIC EN BOHÊME 169
Torigine et la durée'. Il y aurait lieu actuellement de réviser ces
recherches ou de les compléter. Je me borne pour l'instant h
constater que ce type apparaît en Gaule pour la première fois
parmi les récoltes de Bibracte. Le modèle était peut-être italique.
On le trouve dans la Haute-Italie, à Ornavasso dans la nécropole
de Persona, ouverte en l'an 87 av. J.-C. et abandonnée au temps
de Domitien. Il paraît avoir subsisté assez longtemps. Le spéci-
men de la figure 14, planche IV, muni d'une chaînette, provient
de Stradonic, qui en a livré plusieurs autres.
10. Le commerce italique expédiait aux oppida de la Gaule
centrale, au temps de César et d'Auguste, de grandes quantités
d'amphores de vin et quelques vases d'Arezzo. A Stradonic, où
les fouilleurs n'ont pas pris la peine de recueillir tous les tessons
de poterie commune, j'ai reconnu un seul débris de col d'am-
phore, du type de Bibracte, mais pas de poterie sigillée.
1 1. Je termine par une courte mention d'une curieuse série de
dés en os, rappelant nos dominos, sauf que quelques-uns, tout
en étant plats et allongés, sont gravés de cercles sur plus de deux
faces. PI. III, fig. 1 3 et 14. Sans m'arrêter à en décrire les variétés,
je constate que ces mêmes dés en os apparaissent dans un autre
milieu celtique, bien éloigné de la Bohême, en Grande-Bretagne,
au lake-village de Glastonbury dont j'ai déjà parlé, à propos des
poteries. J'ai vu au musée de Glastonbury cinq dés en os, plats et
allongés, gravés sur quatre faces, pareils à ceux de Hradischt. Les
fibules trouvées dans cette station appartiennent à la Tène III.
- Le musée de Bienne, si riche en antiquités gauloises, conserve
aussi des dés similaires, mais je n'en connais pas exactement la
provenance. L'un de ces dés présente par hasard la même parti-
I. G. de Mortillet, dans la Rev.arch., 1866, et dans les Matâiaux, t. III,
p. 20, et t. IV, p. 203. — Altertb., t. II, v, 3. Pour les observations de
Strobel, voir le dernier article de Mortillet.
lyO CONGRES ARCHEOLOGIQUE DE MAÇON
cularité qu'un de ceux de Stradonic : il est resté inachevé et
encore adhérent à un autre cube.
Beaucoup d'autres menus objets mériteraient l'attention, entre
autres le type d'anneau de bronze, à nodosités globuleuses ou
à figurations (pi. IV, fig. 4 et 5) connu aussi des Eduens de
Bibracte et la série des outils en fer. Lorsque M. Pic aura publié
une monographie générale des antiquités de Stradonic, alors
seulement on en pourra mesurer la variété et l'abondance, dont
cette notice ne présente qu'un aperçu.
VIL CONCLUSIONS
J'ai étudié sommairement les types les plus caractéristiques
du Hradischt de Stradonic. Il me reste, en m'aidant de cet inven-
taire comparatif, à rechercher l'époque de son occupation, en
passant parfois du domaine de l'archéologie à celui de l'histoire.
Cette question a déjà soUicité l'attention de plusieurs auteurs.
En 1881, M. Osborne lui consacrait un mémoire dans les Mittbeil.
der Anthrop. Gesells. in Wien et plus récemment, M. Pic présentait
une solution nouvelle.
On sait que les tribus celtiques des Boïens constituent le pre-
mier groupe ethnique dont l'histoire ait enregistré la présence
dans le Boïohemum'. La Bohême a gardé jusque dans la forme
actuelle de son nom le souvenir de cette occupation. En l'an 58
avant notre ère, certaines tribus boïennes se joignent aux Hel-
vètes abandonnant leur territoire, pour pénétrer en Gaule. Mais
ce corps d'émigrants que César évalue, non peut-être sans exagé-
ration, à 32.OQO, y compris les femmes et les enfants, ne consti-
tuaitpas toute la nation boïenne. D'autres tribus étaient demeurées
sur leur domaine, puisqu'au témoignage de Tacite, les Marco-
mans eurent tout d'abord à les combattre, pour s'emparer à leur
I. Tacite, Germanie, 28.
LE HRADISCHT DE STRADOXIC EN BOHEME I7I
tour du Boïohemuni ' . Plusieurs historiens modernes % notam-
ment Mûllenhoff, contestent, il est vrai, cette assertion de Tacite
et regardent l'abandon de la Bohême par les Boïens comme anté-
rieur à l'arrivée des Marcomans. En effet, au temps de leur
émigration partielle en Gaule, les Boïens, d'après César (B. g.,
I, 5), occupent le Norique, et la destruction de leur nation, rap-
portée par Strabon (VII, m, ii), fut l'œuvre des Daces, com-
mandés par Boirebisias. Ce dernier événement, qui a eu pour
théâtre le pays situé au sud du Danube, remonte à l'an 45 environ
avant J.-C. Toutefois, en présence du texte de Tacite, il est vrai-
semblable d'admettre que, si la ruine de la nation boïcnne était
consommée au milieu du premier siècle, quelques tribus réus-
sirent toutefois à se maintenir en Bohème jusqu'à la conquête de
Marbod. Celle-ci fut accomplie environ vers l'an 12-10 avant l'ère
chrétienne. L'arrivée des Slaves qui succédèrent aux Germains eut
lieu à une date incertaine que l'on place en général vers le v^ siècle,
mais que quelques savants proposent de reculer de plusieurs siècles.
La question de la nationalité des habitants du Hradischt recevra
donc une solution différente suivant que l'occupation de cet
oppidum sera considérée comme antérieure ou postérieure à l'an
10. Assurément le faciès proprement celtique de la civilisation
dont on retrouve ici les restes est de toute évidence, ainsi qu'il
ressort de l'ensemble des rapprochements qui précèdent; toutefois
cette constatation serait loin d'avoir, à elle seule, une portée
suffisante pour couper court à toute discussion d'ordre ethnique.
La culture de la Tène est bien celle des peuplades gauloises,
mais elle s'est répandue en Europe au delà des limites des langues
1 . Praecipiia Marcomannonim gloria viresqiw atque ipsa ctiaiii wdes, pulsis
oliin Boiis,virtuti parla. (Germanie, XLII).
2. MùllenhofF, Dents. Alterthitmskunde, II, p. 265 ; Niese, Kellische Wanderuu-
gcn, dans le Zeitschrift fur dents. Alterlhm, 1898, p. 129. Ce dernier suppose
une alliance entre les Daces et les Marcomans.
172 CONGRES ARCHEOLOGIQ.UE DE MAÇON
celtiques. Si les Germains fixés près du Rhin ou du Danube diffé-
raient de leurs voisins par le langage, la religion et les institu-
tions, par contre leur civilisation présentait avec celle des Gau-
lois d'assez grandes ressemblances sous le rapport des types
industriels, de l'armement et du costume,
- L'attribution aux Marcomans d'un oppidum qui rappelle de si
près ceux de la Gaule ne serait donc pas, à première vue, incom-
patible avec les données de l'archéologie. C'est d'ailleurs à cette
solution, où ils ont été conduits par des arguments différents,
que M, Osborne, tout d'abord, et, après lui, M. Pic, se sont
arrêtés. Le premier invoque des considérations que je crois tout
à fait inacceptables. Ne connaissant la poterie peinte à décora-
tion géométrique que par les rares spécimens des pays rhénaux,
publiés par feu Lindenschmit, il lui attribue gratuitement une
origine germanique et ajoute que les Gaulois ignoraient
l'usage du tour avant la conquête, affirmation à coup sûr très
contestable et en tous cas sans valeur dans son argumentation '.
M. Pic a eu l'occasion d'exposer incidemment ses vues person-
nelles sur ce problème, dans le compte rendu des fouilles d'une
autre station archéologique importante de la Bohême, la nécro-
pole à incinération de Pichore près Dobfichov (^Archeologicky
Vyzkiim ve strednicb Cecbach, 1897, p. 64). Avant d'examiner les
conclusions intéressantes de l'auteur, je dois, pour l'intelligence
de ce qui suit, dire quelques mots des fouilles de Pichore. Il s'agit
là d'une nécropole de la Bohême qui a livré à ses explorateurs
131 sépultures à inhumation. Le mobilier des tombes comprend
une collection abondante de fibules, en tout 180 exemplaires. La
fibule bioculée forme à elle seule le tiers de la récolte. Viennent
ensuite la fibule norico-pannonique à double bouton, la fibule
à disque médian et quelques types encore plus voisins des formes
I. Mittheil. der anthrop. Geselhchaft Ui IVien, t. X, i88i,p. 246.
LE HRADISCHT DE STRADONIC EN BOHÊME I73
de la Tène III. En résumé, aucune des formes de Stradonic, si
ce n'est la fibule oculée, dont j'ai noté un seul exemplaire. La
céramique se compose surtout de vases non anses, portant une
ornementation très caractéristique de méandres et de lignes
ponctuées tracées en creux. La nécropole a rendu aussi des vases
de bronze du commencement de l'époque impériale et des armes
abondantes, épées, fers de lance, umbos circulaires, apparentées
aux dernières formes de la Tène.
M. Pic assigne l'an 50 après notre ère au commencement de ce
cimetière qui aurait été utilisé jusqu'à la fin du second siècle. Je
ne craindrais pas de reculer quelque peu la date initiale : la fibule
bioculée (Arcb. Fy:{kiun, pi. XXIV, fig. 4 et passini) était déjà
connue au temps d'Auguste'; la fibule à disque médian {Arcb.
Fy:ikiiiii, pi. XXIV, fig. i), la fibule droite à dos cannelé {Arch.
Vy\him, pi. XL, fig. 12) apparaissent au Mont Beuvray à la même
époque. Plusieurs autres types sont des dérivés immédiats de la
Tène III. Je tiens même de M. Pic que quelques petits frag-
ments de vases peints du type de Stradonic ont été recueillis à
Pichofe. Je reporterais donc volontiers au premier quart du
premier siècle l'ouverture des fosses les plus anciennes.
On voit quel intérêt ofi're cette nécropole, comparée à Stra-
donic. Les deux stations présentent deux cultures distinctes mais
qui paraissent s'être succédé immédiatement l'une à l'autre,
de même que dans la Gaule, à la même époque, on voit la civili-
sation romaine remplacer la culture celtique.
Revenons maintenant aux idées de M. Pic à l'égard des sta-
tions protohistoriques de la Bohême.
Dans une dissertation très documentée, il aborde le problème
ardu de la géographie ethnique de la Germanie, et comparant
les indications fournies par César et Tacite aux données de Tar-
' I. V. Oscar Almgrcn, loc.cil., p. 25, pi. III.
174 CONGRES ARCHEOLOGiaUE DE MAÇON
chéologie, bien souvent opposant les unes aux autres, il s'efforce
de déterminer le territoire occupé par chacune des diverses tribus
fixées au nord du Danube : Boïens, Marcomans, Hermandures,
Quades et Cotins. Adversaire résolu de l'opinion commune qui
placerait au v^ siècle l'arrivée des Slaves dans le Boïohemum,
M. Pic croit reconnaître déjà les restes des ancêtres directs de la
nation tchèque dans les tombes de Pichofe, du premier siècle de
notre ère.
En ce qui concerne les Boïens^ leurs traces, au centre de la
Bohême, se trouveraient seulement dans certains groupes de sépul-
tures à inhumation, et, contrairement à ce que dit César de l'adop-
tion du rite de l'incinération chez les Gaulois, les Boïens n'en
auraient point fait usage. A l'est de la Bohême, en Moravie, des
sépultures contemporaines des précédentes, renfermeraient les
restes des Cotins historiques. Quant à l'oppidum de Stradonic,
on ne doit pas y chercher les vestiges d'une occupation boïenne,
et ses défenseurs ne seraient autres que les Marcomans de
Marhod. Le Hradischt doit donc être identifié avec le Marobo-
dunum dont parle Tacite dans ses récits sur la guerre des
Marcomans.
« On sait, dit M. Pic, par les textes historiques que ces Marcomans
ont séjourné en Bohême au moins au temps de Marbod, durant les
trente années comprises entre l'an 12 avant notre ère et l'an 19 du
siècle suivant. Au rapport de César, les Marcomans comptaient tout
d'abord parmi les tribus qui avaient occupé la Gaule orientale sous
le commandement d'Arioviste. Ils ont ensuite envahi la Bohême, sous
la conduite de Marbod, vers l'an 10 ou 9 avant notre ère. Il s'agit donc
de savoir si, à cette époque, on distingue en Bohème les traces d'un
courant envahisseur venu de l'ouest. A cet égard, je me permets d'al-
léguer le fait suivant : Les villes gauloises de Bibracte et d'Alcsia
furent conquises par César. Le musée de Saint- Germain possède une
riche collection de ces deux stations gauloises. Deux séries d'objets
m'ont frappé parmi ces collections. A Alésia et à Bibracte, s'est rencon-
LE HRADISCHT DE STRADOXIC EN BOHEME
175
trée une céramique particulière, caractérisée par des vaisseaux de forme
allongée, façonnés au tour, de couleur rouge et blanche ou encore
d'une autre couleur. Cette céramique est née de modèles o-recs évi-
demment importés au centre de la Gaule par Marseille. »
M. Pic signale ensuite la ressemblance des fibules de fer de
Bibracte et d'Alésia avec celles du Hradischt et passe à la géogra-
phie des vases peints :
« Les formes de ces vases dits d'Alésia et de Bibracte, sont
ensuite reproduites dans l'Europe centrale au commencement de
l'époque romaine; cette technique de la décoration peinte traverse le
Rhin. Je n'ai vu des vases semblables qu'au musée de Wiesbaden, au
musée de Darmstadt, sans indication de provenance, puis en Suisse, au
musée de Berne — provenance d'Eugiwald prés de Berne, avec fibule
d'Alésia ; — au musée de Constance, provenance d'Eschenz entre
Constance et Bâle; de Constance même, seulement des tessons. Dans
toute la Germanie méridionale, ces vaisseaux rouges et blancs n'appa-
raissent pas. Mais voici qu'un îlot de cette même céramique surprit à
l'est avec la même fibule en fer, dans notre territoire de Bohême, à la
forteresse de Stradonic, près de Beroun, sans que l'on puisse distinguer
à première vue aucune transition géographique. Et comme on ne peut
penser que deux industries produisant les mêmes types se soient déve-
loppées indépendamment l'une de l'autre à Stradonic et à Alésia, c'est
une hypothèse possible et digne de notre examen que de rechercher
si la technique du style des vases d'Alésia aurait été transportée à
Stradonic par quelque intermédiaire.
« Suivant moi le fait s'explique de la façon suivante :
« L'histoire nous apprend que les Marcomans furent avec les autres
tribus suèves, chassés sous le roi Ariovistc au deLà du Rhin, au plus
tard l'an 57 avant J.-C.'. Obligés de repasser le fleuve à nouveau, ils
séjournèrent quelque temps sur le haut Main, d'où une expédition de
Drusus les poussa en Bohême (12-9 av. J.-C.)...
« On sait que l'an 21 après J.-C. les Séquanes et les Eduens sous le
commandement de Sacrovir, se soulevèrent contre Tibère. Plus tard, se
manifestait en Gaule, une résistance opiniâtre, dirigée surtout contre
l'introduction du cadastre romain. Au temps de cette rébellion des Gau-
I. César, De hcU . gallico, I, li-lu.
176 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE MAÇON
lois contre Rome, se place l'organisation de l'empire de Marbod,
adversaire redouté des Romains. Il ne serait donc pas étonnant que
les Eduens et les Séquanes en révolte eussent tourné leur attention vers
ce nouveau foyer de résistance contre la puissance romaine et renouvelé
avec les Marcomans une ancienne alliance. Tacite dit que lors de la prise
de la ville de Marbod [par Catualda, chef Gothon, allié des Romains],
en l'an 19 après J.-C, on y trouva des vivandiers et des négociants
venus des provinces rouiaiues, entraînés là par l'amour du lucre et
l'oubli de leur patrie". Nous ne pouvons nous soustraire à l'impé-
rieuse tentation de voir une relation entre ces Séquanes et ces
Eduens et la céramique de la forteresse de Stradonic. A une époque
voisine du début de notre ère, celle-ci était une grande ville industrielle.
Bibracte et Alesia s'y trouvent en quelque sorte transportées en partie
et comme il n'est pas admissible que les vases aient voyagé de la Gaule
à Stradonic, sans stations intermédiaires, nous devons penser que des
émigrants sont venus de la Gaule centrale à Stradonic, où ils se sont
livrés à la fabrication des vases et des fibules suivant la technique
gauloise. Au temps de César, des Boïens avaient émigré au pays des
Eduens et avaient été incorporés à ce peuple. 11 est possible qu'un
souvenir vivant de l'ancien Boiohemum se fut conservé chez ces
Boïens au temps de Marbod. Stradonic enfin est l'unique ville antique
de la Bohême, qui, située sur une hauteur, soit entourée d'une muraille,
ce qui démontre une origine gauloise...
« Selon toute vraisemblance nous pouvons donc prétendre que la
forteresse de Stradonic est le Marobodunum historique et les provin-
ciaux rencontrés là par les soldats de Catualda n'étaient autres que les
mécontents des Eduens et des Séquanes qui attendaient de Marbod
la défaite des armées romaines- ».
M. Pic arrive ensuite à l'examen des nécropoles de Dobrichov et
de Tuklat. Suivant lui, ces sépultures ne peuvent être celles
des Marcomans. Tacite, après avoir raconté la prise de la forte-
resse de Marbod, ajoute que celui-ci dut chercher un refuge
1. Tacite, Ann., II, 62. Veteres illic Suevorum pr^edae, et nostris e provin-
ciis lixae ac negociatores reperti ; quos jus commercii, dein cupido augendi
pecuniam, postremum oblivio patriae suis quemque ab sedibus hostilem in
agrum transtulit.
2. Vît, Arch. Vyikuw, 1897, p. 106 et suiv.
LE HRADISCHT DE STRADOXIC EN BOHEME 177
chez les Romains, ses anciens adversaires, et qu'il mourut déchu
de sa renommée à cause de l'excès de son ambition. Catualda,
vaincu à son tour par les Hermundures partagea le même sort
et fut relégué à Fréjus dans la Gaule Narbonnaise, ,
Quant aux barbares qui les avaient suivis l'un et l'autre, dans
la crainte, ajoute Tacite, que leur présence ne troublât le calme
des provinces romaines, on les étabUt au delà du Danube entre
les fleuves Marus et Cusus, et on leur donna pour roi Vannius,
de la nation des Quades ^
M. Pic estime que ces barbares, transportés au delà du Danube,
constituaient tout le corps de nation des Marcomans, et que ceux-
ci, par conséquent, ne doivent plus être recherchés en Bohème
après l'an 19. Ainsi s'expliquerait la disparition rapide des types
industriels de Stradonic au premier siècle. Quant aux vainqueurs
des Marcomans, les Hermundures, ils ontdû mener une existence
misérable et éprouver un dépérissement rapide : ce ne sont pas
leurs restes qui se rencontrent dans la nécropole de Dobrichov,
mais bien ceux des Tchèques, ancêtres des habitants actuels de
la Bohême. A l'appui de cette thèse, M. Pic affirme que les
vases funéraires du type de Dobrichov, les vases à méandres poin-
tillés « apparaissent seulement là où l'on a parlé slave et nulle
part ailleurs ».
Tel est dans son ensemble le système de M. Pic sur le passé
protohistorique de la Bohème, système dont la discussion inté-
resse comme on le voit, non seulement l'archéologie de l'Europe
centrale, mais celle de la Gaule propre.
Je n'ai pas à suivre l'érudit directeur du musée de Prague,
dans ses intéressantes investigations sur les ancêtres de la nation
bohémienne; mais il me permettra de lui présenter quelques
I. Tacite, Aiiiiah's,U, 63.
Congrès archéologique de maçon. '*
lyS CONGRÈS ARCHÉOLOGiaUE DE MAÇON
objections pour ce qui concerne l'attribution de Stradonic aux
Marcomans, associés à une colonie éduo-séquane.
Alors que je ne connaissais pas encore les publications de
M. Pic, lors de ma visite au musée de Prague, en 1899, la
similitude des antiquités de Stradonic et de Bibracte m'avait
très vivement frappé. J'avais éprouvé la surprise que M. Pic
avait lui-même ressentie au musée de Saint-Germain devant les
vitrines de Bibracte. Cette ressemblance imprévue d'une station
du Boïohemum, au temps celtique, avec un oppidum éduen
m'avait immédiatement rappelé à l'esprit le récit de César tou- J
chant l'émigration des guerriers boïens sur le territoire éduen.
Comme M. Pic, j'avais pensé que l'archéologie pouvait ici
compléter en toute certitude les renseignements de l'histoire et
découvrir les traces du retour d'un groupe de Boïens dans leur
ancienne patrie ' .
Un an s'est écoulé depuis ma visite au Musée de Prague, et
depuis lors après avoir poursuivi mes recherches archéologiques
sur la période de la Tène dans les musées d'Europe, je suis obligé
de reconnaître que si, d'une part, les analogies des trouvailles
de Stradonic et de Bibracte restent à mes yeux un fait acquis
et d'un très haut intérêt, d'autre part, cette ressemblance ne
m'apparaît plus avec ce caractère tout à fait exceptionnel et
imprévu que j'étais porté à lui attribuer tout d'abord. Je consi-
dère actuellement que la présence à Stradonic d'un groupe éduo-
boien est une hypothèse possible, mais elle ne me paraît plus
nécessaire pour expliquer les faits observés.
Le principal argument en faveur de cette thèse de l'exode est
fourni par la poterie peinte. Mais il repose sur une observation
I. Il ne saurait être question ici d'une nouvelle émigration de toute la
nation boïenne qu'un texte de Tacite mentionne encore en Gaule, près du pays
éduen au temps de Vitellius (Histor., II, c. lxi).
LE HRADISCHT DE STRADOXIC EN BOHEME I79
d'ordre négatif, sur l'absence de cette poterie entre la Suisse
orientale et Stradonic. Or l'histoire de l'archéologie nous
enseigne que de tels arguments n'ont souvent qu'une existence
précaire. Pour ne citer qu'un seul exemple, M. de Hochstetter,
n'a-t-il pas pendant longtemps soutenu énergiquement que la
civihsation dite de la Tène n'avait point dépassé le Danube?
Aujourd'hui, dans les provinces danubiennes et illyriennes, l'ar-
chéologie de cette période compte une portion importante de
son domaine. De même, on estimait jusqu'à ces dernières
années que la durée de la civilisation dite de Hallstatt s'était
prolongée en Haute-Bavière jusqu'à l'époque romaine et que
l'époque de la Tène n'y était pas représentée. On sait main-
tenant, depuis la découverte de nouvelles nécropoles, que cette
dernière culture s'est au contraire manifestée dans cette région
comme dans les provinces voisines.
La statistique des trouvailles nous montre la poterie peinte
celtique répartie dans presque toute les parties de la Gaule, sauf
dans le sud-est, puis sur le Rhin et en Suisse jusqu'à Berne.
D'un jour à l'autre de nouvelles découvertes peuvent étendre cette
aire géographique et achever de jalonner la voie commerciale,
reliant le Boiohemum au territoire éduen. L'abondance des mon-
naies helvètes dins le numéraire de Stradonic laisse pressentir déjà
l'existence de cette route. On peut se demander si elle n'aurait
pas conduit peu à peu la technique des vases peints et des émaux
gaulois jusqu'à Stradonic, point terminus de leur diffusion, sans
qu'il paraisse nécessaire de recourir à une migration pour expli-
quer un fait dû à l'expansion naturelle d'une civilisation prospère.
C'est là une question problématique, dont l'avenir appor-
tera sans doute la solution. Grâce à sa situation géogra-
phique, la Bohême placée au centre de l'Europe, fut de tout
temps pénétrée profondément par des éléments étrangers, partis
l80 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQ.UE DE MAÇON
souvent de directions opposées. Aussi l'étude de ses antiquités
présentert-elle un intérêt tout particulier. Dans ses recherches
sur les temps de l'âge du bronze en Bohême, M. Pic a
reconnu et mis en relief la variété curieuse des types céramiques.
Parmi les courants étrangers dont il retrouve alors des traces, il
en est un qui relie déjà la Gaule à la Bohême. Les vases de nos
dolmens se retrouvent au Musée de Prague. A l'époque hallstat-
tienne, les mohyly ou tumuli de la Bohême méridionale reçoivent
le même mobilier que les tombelles de la Franche-Comté. Enfin,
quand la civilisation de la Tène rayonne en Europe, elle pénètre
de bonne heure en Bohême. Sa dernière phase est celle de sa
plus large diffusion en Europe, et pour cette période de grande
expansion commerciale, il paraît inutile, afin d'expliquer des
analogies d'ordre archéologique, de recourir à l'hypothèse d'une
migration.
Je ferai une autre objection à la thèse de M. Pic : elle est rela-
tive à l'époque qu'il assigne à la destruction du Hradischt. D'après
les monnaies et l'ensemble des types industriels, je ne crois pas
qu'on soit autorisé à faire descendre cet événement jusqu'à Tan
19 après notre ère.
Si Stradonic est une forteresse fondée à l'arrivée des Marcomans
et ruinée au moment de leur expulsion, son existence n'aurait
eu qu'une durée de trente ans, entre l'an 12 environ avant J.-C. et
l'an 19 après J.-C. Or, en étudiant les trouvailles numismatiques,
j'ai signalé l'absence de toute monnaie impériale romaine; cette
constatation s'accorde difficilement avec l'hypothèse d'une occu-
pation exclusivement contemporaine d'Auguste et de Tibère.
Alors que le numéraire est abondant et les monnaies étrangères
représentées par des types variés, ne serait-il pas singulier que
celles de César et d'Auguste fassent entièrement défaut et
suffirait-il, pour expliquer cette lacune, d'alléguer que les
LE HRADISCHT DE STRADOXIC EX BOHEME l8l
hostilités incessantes entre les Romains et les Marcomans n'étaient
pas de nature à favoriser les échanges entre les deux peuples ?
On ne saurait, d'autre part, expHquer ce fait, en soutenant,
comme le fait M. Undset*, que les habitants de Stradonic, dans
leurs relations commerciales internationales, acceptaient diffici-
lement le numéraire étranger; nous trouvons au contraire, parmi
leurs monnaies, de nombreuses pièces d'argent et de bronze,
frappées en Gaule et en Helvétie.
Depuis la conquête du Norique (an i6 avant J.-C), de la
Pannonie (an lo av. J.-C), de la Rhétie et de la Vindélicie (an
15 av. J.-C), la frontière romaine touchait au Boiohemum. Les
monnaies d'Auguste, au témoignage de M. Osborne, se ren-
contrent dans les dépôts monétaires de cette contrée.
La composition des fibules me paraît également donner lieu à
des objections sérieuses. On a vu en effet que les formes les plus
récentes du Mont Beuvray, celles que l'on doit classer dans la
catégorie des premières fibules provinciales-romaines et parmi les
plus récentes de la Tène III, en un mot les fibules contemporaines
d'Auguste, font défaut à Stradonic, où l'on trouve par contre,
en abondance, celle de la Tène IL Or, dans l'hypothèse de
M. Pic, l'occupation de Stradonic commencerait à peu près au
moment où celle de Bibracte finirait, puisque l'abandon de
Bibracte date de l'an 5 environ av. J.-C. On devrait donc s'at-
tendre à rencontrer dans l'oppidum bohémien les types les plus
récents du Beuvray. C'est précisément l'inverse qui se produit.
Les types de fibules auxquels je fais allusion ici, sont les fibules
à griff"es, dont j'ai parlé plus haut, celles ci disques médian et
celles à cannelures dorsales, toutes communes au Mont Beuvray.
Ces diff'érents types ne sont d'ailleurs pas étrangers à l'archéo-
I. Loc. cil., p. so.
l82 CONGRÈS ARCHÉOLO(iiaUE DE MAÇON
logie de la Bohême, puisqu'on les voit tous apparaître dans les
tombes de Pichofe.
En résumé, je suis porté à considérer Stradonic comme un
oppidum boien fondé dans le cours du premier siècle et détruit
peut-être à l'arrivée de Marbod, vers l'an lo avant J.-C. Sa ruine
ne serait donc antérieure que de quelques années seulement à
l'abandon du Mont Beuvray.
Je ne songe nullement à nier les traces de l'influence romaine
sur la civilisation de Stradonic, mais j'ai montré que les types
industriels qui semblent d'origine italienne, apparaissent déjà à
Bibracte avant l'an 5.
Au milieu des conjectures encore discutables que provoquent
les belles découvertes de Stradonic et leur comparaison avec
celles de Bibracte, un fait irréductible subsiste que l'archéologie
de la Tène doit retenir : c'est l'étroite similitude de deux centres
de culture celtique, qui, bien que séparés par une distance de deux
cents lieues, nous donnent en quelque sorte deux images semblables
et se complétant l'une par l'autre d'une même civilisation.
Aujourd'hui que les limites extérieures de la culture de la
Tène sont à peu près connues, on commence à distinguer quelques
groupes géographiques secondaires dans ce vaste territoire, trop
étendu pour offrir une parfaite unité. Lorsque les confins de ces
subdivisions intérieures seront déterminés exactement, nous
saurons si Stradonic comparé à Bibracte, forme vraiment un îlot
détaché du continent de la Tène III, îlot de formation acciden-
telle,.ou si au contraire les deux oppida, reliés par une suite con-
tinue de stations similaires appartiennent à une de ces grandes
provinces de la fin du second âge du fer dont on entrevoit déjà
la prochaine déHmitation.
Pl, I.
FIBULES DE STRADONIC
Demi-grandeur.
Pl. II.
Fig. 1-6, 10-12, 14-18. — FOUILLES DE STRADONIC
Fig- 7. 8, 9, 13, 19. — FOUILLES DU MONT BEUVR.\Y
Demi-grandeur.
1
Pl. III.
Fig. 4 et 7. - FOUILLES DU MONT BLUVRAY
F'g- 1-3, S, 6, 8-14. - FOUILLES DE STRADOXIC
Dcmi-çïrandeur.
Pl. IV
FOUILLES DE STRADONIC
Demi-grandeur.
IV
FOUILLES MACONNAISES'
PAR
M. JULES PROTAT
Tous ceux qui se sont occupés du Maçonnais gallo-romain,
archéologues, numismates et collectionneurs, tous ceux qui se
sont passionnés pour l'étude des problèmes de notre très
ancienne histoire locale, ont déploré la disparition presque com-
plète des monuments antiques et l'absence de documents et de
renseignements sur une époque qui fut certainement très floris-
sante dans notre région.
Les générations qui nous ont précédés ne nous ont presque
rien laissé.
De nombreux monuments s'élevaient partout sur notre sol
maçonnais, au i" et au ii^ siècle ; à diverses reprises, les sub-
structions en ont été mises au jour ; d'importants trésors, de
magnifiques objets d'art ont été exhumés.
Les rares inscriptions romaines qui nous sont parvenues nous
parlent aussi de temples et de statues.
I. Tous les objets décrits dans ce mémoire ont été reproduits dans les
Annales de l'Académie de Mdcon, 3e Série, t. V, pi. I à XXX.
184 CONGRÈS ARCHÉOLOGiaUE DE MAÇON
Nous savons, par quelques lignes d'une chronique moderne,
qu'un vaste temple s'élevait sur l'emplacement de l'hôpital actuel
de Mcâcon ; lors de la construction de cet hôpital, vers 1764, on
en découvrit les fondations, en même temps que l'on mettait
au jour un merveilleux trésor ; mais le plan des fondations de ce
temple n'a pas été relevé et le trésor (bijoux, statues d'argent,
30.000 monnaies) fut en partie fondu, le reste dispersé sans
qu'il en ait été fait inventaire.
L'enceinte de l'oppidum gallo-romain de Màcon était encore
visible, paraît-il, sur quelques points, il y a 50 ans; mais il serait
bien difficile de la restituer de nos jours.
Des mosaïques ont été trouvées à Saint-Clément, lors de la
construction du chemin de fer, d'autres à Placé, en 1841 ; il
ne reste rien des unes ni des autres. Plus récemment une autre
mosaïque a été exhumée à Placé; grâce au zèle de M. Lex,
archiviste départemental et conservateur des collections munici-
pales, un important fragment de ce pavage est entré au musée
de Maçon ; mais les substructions qui accompagnaient la
mosaïque ont disparu et actuellement une maison moderne
s'élève sur l'emplacement de la villa romaine.
La vieille cité mâconnaise s'étendait certainement sur une
large superficie, puisque l'on a trouvé des traces de construc-
tions romaines sur des points très éloignés du centre de la ville,
mais ces points n'ont pas été repérés.
Le sanatorium romain était établi à 4 kilomètres de la ville,
il n'en reste guère actuellement que le nom '.
Par le nombre et l'importance des trouvailles faites depuis
30 ans dans notre sol maçonnais, on peut juger de la quantité
I. Aujourd'hui la Séiiétrière, ferme isolée au sommet d'une colline (La Gri-
sière) qui domine la ville au nord, et voisine d'un atelier paléolithique.
FOUILLES MACOWAISES I8^
• ^
considérable d'objets archéologiques qui ont dû être exhumes
durant les siècles écoulés et qui sont à jamais perdus.
Les collectionneurs n'ont pourtant pas manqué à diverses
époques : on peut citer quelques noms d'amateurs qui, au
xviii'^ siècle et au commencement du xix^, avaient acquis des
objets romains provenant de trouvailles mâconnaises ; mais les
collections anciennes ont été dispersées sans avoir été décrites ni
cataloguées et actuellement il n'en reste rien '.
Quelle belle série pourtant on aurait pu constituer et que
de précieux documents pour notre histoire locale !
Ce n'est pas uniquement le sol de la ville qui a été fertile en
débris archéologiques ; tout autour de Màcon et sur un vaste
rayon, dans toute la campagne voisine, on trouve encore aujour-
d'hui des traces de l'occupation romaine (substructions, poteries,
monnaies, objets de bronze ou autres); mais ces découvertes se
font de plus en plus rares, car l'intensive culture moderne boule-
verse le sol plus profondément chaque année.
Si tous les points où des trouvailles de quelque importance ont
été fiiites avaient été soigneusement relevés, ils constitueraient
actuellement un véritable réseau du plus grand intérêt pour nos
études d'archéologie mâconnaise.
Je ne parle pas des voies romaines qui convergeaient vers
Mâcon ; elles aussi ont disparu en très grande partie, sans que
leur tracé, cà quelques rares exceptions près, ait été relevé.
Le musée de Mâcon est pauvre en objets romains ; les collec-
tions locales ne sont pas riches, mais elles contiennent pourtant
I. Il faut faire exception pour l'importante collection numismatique (époque
romaine) du lieutenant particulier au présidial de Mâcon, Cl. Bernard, le chro-
niqueur Maçonnais. Le catalogue de ses monnaies a été imprimé à Mâcon, en
1750, peu de temps après sa mort ; j'en possède un e.xemplaire; c'est un inven-
taire de 114 pages, restreint aux seules monnaies d'or et d'argent, et no don-
nant pas l'origine des pièces.
l86 CONGRÈS ARCHÉOLOGiaUE DE MAÇON
bon nombre d'objets curieux qu'il importerait de ne pas laisser
disperser .sans en conserver l'image et la description.
Il conviendrait, ce me semble, de ne pas suivre les anciens
errements, mais, au contraire, de léguer à ceux qui nous
suivront tous les matériaux capables d'être utilisés plus tard à la
reconstitution de notre glorieux passé.
C'est dans ce but que j'ai entrepris de reproduire et de décrire
sommairement quelques objets, de provenance certaine, trouvés
dans la région mâconnaise, et qui font partie de mes collections.
Je m'abstiendrai de toute dissertation, m'appliquant unique-
ment à donner des renseignements précis et des reproductions
exactes.
MAÇON
Le sol de la ville de Mâcon, particulièrement le quartier de Saint-
Brice, entre le cimetière actuel et la rue Rambuteau, renferme
d'innombrables sépultures romaines; cette nécropole s'étend sur
une grande partie du haut de la ville, à droite et à gauche de la
ligne du chemin de fer, à droite et à gauche de la rue Victor-
Hugo, dans la rue Rambaud, et des deux côtés de la rue Gam-
betta; la surface ainsi délimitée peut être assimilée à un rec-
tangle de 400 mètres sur 500 mètres de côté, c'est-à-dire à une
superficie de 20 hectares.
Il y a quelques années, j'eus l'occasion de fouiller un jardin
voisin de la rue Rambaud que l'on pouvait supposer riche en
sépultures romaines car, à diverses reprises, les voisins avaient
fait des découvertes de ce genre. Ce jardin est celui de la Caisse
d'épargne actuelle (il est indiqué sur la planche I par un point
rouge).
Les fouilles entreprises sur une superficie de 60 mètres carrés
FOUILLES MACONNAISES I 87
seulement et sur une profondeur variant entre 2 mètres et 2"' 50
restituèrent plus de 70 sépultures, sépultures par incinération,
superposées souvent et resserrées dans un lit de cendres conte-
nant des traces de charbon de bois. L'incinération était générale-
ment incomplète, plusieurs squelettes d'adultes ont été trouvés
entiers.
Chaque sépulture se composait, à peu d'exceptions près, d^'une
urne funéraire dont la forme est très variable, d'un lacrymatoire
en verre, rarement intact, et d'un petit vase généralement en
terre samienne; ce petit vase, en forme de pocule et en argile rare,
avait probablement servi à recevoir l'eau lustrale; il était toujours
brisé en deux ou trois fragments. Cette coutume de briser un
objet sur le bord de la tombe subsistait encore naguère sur
quelques points de la région'.
Chaque urne contenait des cendres et des os calcinés; beau-
coup d'entre elles renfermaient en outre quelques menus objets
en pâte d'émail, en bronze ou en verre. J'ai rencontré aussi,
dans ces urnes, quelques rares monnaies; la plus ancienne est un
grand bronze d'Auguste, la plus rapprochée de nous, un moyen
bronze d'Antonin le Pieux.
Au fond d'une belle urne de forme ovoïde se trouvait un
grand bronze de Julie, fille de Titus.
Les urnes sont généralement en terre, leur type varie beau-
coup; plusieurs vases n'ont aucunement la forme funéraire et
sont de simples poteries grossières. Chaque vase funéraire était
recouvert par un couvercle de poterie quelconque plus ou moins
bien adapté aux dimensions du vase. Je n'ai rencontré que trois
urnes en verre, une seule, ornée de côtes en relief, et remar-
quable par ses irisations, a pu être conservée intacte.
I. A Solutré, on brisait et on jetait dans la fosse le cierge qui avait servi aux
funérailles ; je tiens ce renseignement de l'abbé Ducrost.
I
l88 CONGRÈS ARCHÈOLOGIQIJE DE MAÇON
Outre les urnes funéraires, j'ai recueilli, dans ce vaste lit de
cendres., des poteries de toutes sortes, des œnochoés la plupart
brisées, plusieurs coupes ou patères grandes et petites, en terre
ordinaire ou en terre samienne, un petit canthare à deux anses,
une lampe.
Une œnochoé en verre excessivement mince, mais sans irisa-
tion;5, était brisée, j'ai pu la reconstituer; elle a, par sa légèreté
quelque analogie avec les verres vénitiens du xvi^ siècle.
Une grande urne en verre mesure i6 centimètres de haut sur
un diamètre de 19 centimètres 1/2.
Il faut également signaler une sépulture d'enfant; les cendres
sont enfermées dans une petite œnochoé en verre, à panse carrée,
le vase de verre était lui-même emprisonné avec quelques
fragments d'os d'enfants entre deux blocs de pierre évidés inté-
rieurement.
Les mêmes fouilles ont donné une urne en terre ordinaire
avec un lacrymatoire, l'obturation de l'urne est obtenue par un
simple fragment de poterie; à côté de cette urne se trouvait un
vase dont je n'ai pu déterminer l'usage d'une façon certaine, il res-
semble à un moderne lampion et porte à l'intérieur, au centre,
une douille verticale; il est probable que cette douille était des-
tinée à recevoir la mèche d'un luminaire, et que le vase est une
lampe d'une forme spéciale et peu connue.
Les objets en verre étaient assez variés : un petit vase poly-
chrome, de divers tons bleus mêlés de blanc, dont je ne possède
que des fragments, devait avoir la forme d'un canthare, les
attaches des deux anses existent encore, ce verre est d'une con-
stitution analogue à ceux auxquels la technique italienne a
donné le nom de millcfiori ; deux spécimens de mascarons
en verre moulé dont une tête de Méduse, une aiguille en
ivoire, une épingle en ivoire également se terminant par un
FOUILLES MACONNAISES 189
buste de femme, une monnaie fixée au bras de l'un des sque-
lettes, une grande œnochoé en verre, à panse carrée^, qui conte-
nait également des cendres et avait par conséquent servi d'urne
funéraire; puis 4 monnaies dont j'ai parlé plus haut.
Il fil ut encore mentionner divers fragments de poteries sigillées,
les unes en terre samienne, les autres en argile ordinaire. Les
ornements figurent des feuilles d'ache, des pampres, des têtes
humaines, des décors géométriques, des écailles (imbrications),
des plumes, des animaux, quelques-uns de ces ornements sont
fixés par le procédé de la barbotine ' ; l'un des fragments repré-
sente le sacrifice d'un chevreau avec les outils du sacrificateur :
simpule, aspersoir, bâton d'augure, vase et couteau.
Ce sont des spécimens très variés de l'industrie fictile gallo-
romaine.
Les marques de potiers sont peu nombreuses. Les objets de
bronze et de fer trouvés en dehors des urnes se réduisent à deux
fibules, une cuiller en bronze, des anneaux, un disque et un clou
de cuivre et une lame de couteau triangulaire en fer.
Je n'aurais pu décrire tous les menus objets trouvés dans
chaque urne funéraire; ces objets sans grand intérêt, se répètent
le plus souvent; voici ce qu'une de ces urnes contenait : une agrafe
de bronze, en deux pièces bombées avec un grand nombre de petits
cabochons, de bronze également, proviennent probablement d'une
ceinture de cuir sur laquelle les cabochons devaient être rivés ;
deux agrafes plus petites, une médaille très oxydée, munie d'une
hélière et figurant un génie ailé, deux anneaux en fer, un manche
d'outil en fer se terminant par une torsade, une série de grains
de collier en pâte d'émail, une amulette, également en pâte
d'émail qui, vraisemblablement, formait le centre du collier,
I. M. J. Déchdette a signalé récemment ce même procédé de barbotine sur
des vases trouvés à Saint-Rémy (Allier), Revue archcolo'^iqite, 1901.
190 CONGRES ARCHEOLOGiaUE DE MAÇON
des fragments d'ambre fondu et de verre fondu, enfin des débris
d'os calcinés; l'urne était remplie entièrement par tout ce mobi-
lier funéraire.
Une quantité considérable de grands clous en fer, dont
quelques-uns sont complètement exempts d'oxydation, la posi-
tion de ces clous et de nombreuses traces de planches vermou-
lues me font croire que les corps des adultes qui n'étaient pas
complètement détruits par l'incinération étaient parfois recueillis
avec l'urne funéraire, dans un cercueil en bois; dans ce cas,
l'urne était placée à côté de la tête du défunt.
SAINT-NIZIER (Ain)
L'importante trouvaille de Saint-Nizier (Ain) remonte égale-
ment à plusieurs années. Un cultivateur découvrit, à quelques
pas de son habitation, une série d'objets en bronze de grand
intérêt :
1° Une jambe de bronze incrustée d'argent; la statue totale
devait avoir environ 53 centimètres de hauteur. (Voir la
planche.)
2° Une épaisse plaque de bronze, de forme rectangulaire très
allongée, également incrustée d'argent (rinceaux, feuilles et
fruits de lierre) figurant un carquois rempli de flèches et appar-
tenant très probablement à la même statue.
3° Un fragment de bronze rectangulaire représentant une dra-
perie flottante; sa hauteur est de 17 centimètres sur une lar- ^
geur de 14. ^
4° Une statuette de Mercure, haute de 19 centimètres 1/2.
5° Un manche de clef, en bronze également, représentant
vaguement l'avant-corps d'un lévrier, la tête reposant sur les deux
pattes de devant de l'animal.
tï:.
llPililiiSSiSs
JAMBE DE BRONZE INCRUSTÉE D'ARGENT
FOUILLES MACONNAISES Ipl
6° Un objet en trois pièces qui constitue un brûle-parfums et,
bien qu'incomplet, affecte la forme du classique encensoir reli-
gieux.
7° Une petite base cubique, creuse, qui pouvait servir de sup-
port à une statuette.
8° Des monnaies en bronze.
Le style de la jambe de bronze et sa technique impeccable nous
reportent à la belle époque de l'art grec et nous font vivement
regretter de n'avoir pu retrouver des fragments plus importants
de la statue; la jambe est revêtue d'une cnémide incrustée d'ar-
gent et sa riche ornementation a été merveilleusement conservée,
les incrustations sont solidement serties dans le bronze ^
Une magnifique patine foncée recouvre l'objet entier; il a
figuré à l'Exposition de 1878, auTrocadéro ^.
Se basant sur la forme des ornements incrustés qui ont
quelque analogie avec des foudres, M. de Longperrier avait émis
l'opinion que la statue pouvait bien être celle de Jupiter; mais
la présence du carquois, que M. de Longperrier n'avait pas vu,
indiquerait plutôt une statue d'Apollon, d'autant plus que les
principales figurations de ce dieu le représentent avec la chla-
myde flottante derrière les épaules et que la draperie à larges
plis pourrait bien être un fragment de cette chlamyde; sa largeur
de 14 centi4iiètres correspond parfaitement à la largeur des
épaules d'une statue dont la taille totale est de 53 centimètres.
Les massifs de maçonnerie en ciment romain trouvés presque
à fleur du sol, au cours de mes recherches et à quelques pas de
la cachette, ont une importance trop considérable pour avoir
1. Ce mode de décoration s'est rencontré plusieurs fois déjà sur des
bronzes trouvés à Mâcon ou en Maçonnais.
2. Depuis la tenue du Congrès de Mâcon cette jambe a également été expo-
sée, l'an dernier, au Petit Palais (Exposition rétrospective de l'Art français), avec
d'autres objets de mes collections.
192 CONGRES ARCHEOLOGIQXIE DE MAÇON
appartenu à une simple villa ; ces massifs constituent probable-
ment les substructions d'un temple antique.
La statuette de Mercure, de médiocre valeur artistique, repré-
sente le dieu debout, nu, coiffé du pétase et tenant une bourse
de chaque main : l'une des bourses s'est détachée et a été égarée
pendant les fouilles.
Le manche de la clef en bronze se termine par un anneau de
suspension; de la clef elle-même, en fer, il ne reste que la partie
solidement enchâssée dans le bronze, le surplus a été détruit par
l'oxydation.
Le brùle-parfums en trois pièces est excessivement simple de
forme et privé d'ornementation, les deux pièces principales sont
chacune percées de trois trous se correspondant et ayant pour
but de laisser passer les chaînettes de suspension de l'appareil,
chaînettes qui n'ont pas été retrouvées.
Quant aux monnaies, elles étaient au nombre de cinq. La
plus ancienne est un moyen bronze de Tibère; puis viennent
deux moyens bronzes, l'un d'Antonin le Pieux, l'autre de Marc-
Aurèle; enfin, les plus récentes sont deux grands bronzes, l'un
de Commode avec son buste jeune et imberbe, l'autre de Lucile,
sa sœur.
La monnaie de Commode, datée de la quatrième puissance
tribunitienne de cet empereu-r, a été frappée du vivant de Marc-
Aurèle, la pièce est fruste.
On peut fixer l'époque de l'enfouissement de ces objets au
miheu du règne de Commode ou aux dernières années de ce
règne, vers 190 après J.-C. J
Voici maintenant un objet trouvé dans la Saône en face de
Montmerle; c'est l'anse d'une œnochoé de bronze qui pouvait
avoir de 25 à 30 centimètres de haut, le diamètre de l'orifice du
vase mesurait 9 à 10 centimètres. (Voir la planche.) L'anse était
COLL. I. PI10T»T • ll«CO<<
ANSE INCRUSTÉE D'ARGENT TROUVÉE DANS LA SAONE : GR. NAT
FOUILLES MACONNAISES I93
soudée au col par un motif d'ornementation se terminant par deux
têtes d'oiseau symétriquement placées, et venant s'adapter hori-
zontalement au rebord de l'orifice du vase. Sur toute sa longueur,
cette anse porte une décoration en bas-relief assez variée ; tous
ces motifs étaient cernés de fils d'argent incrustés qui ont dis-
paru en partie par l'usure ou l'oxydation. En haut, on reconnaît
des outils de sacrifice passés dans une gaine et un lièvre sus-
pendu par les pattes de derrière; en bas est figurée la porte d'un
camp avec des tentes au second plan, la décoration se continuait
sur la panse qui n'a pas été retrouvée.
Je mentionnerai aussi une anse en bronze ornée à sa base
d'un masque de Silène, une balance romaine à peson et deux
panthères accroupies en bronze également, l'une d'elle appuie la
patte droite sur un médaillon orné d'un aigle éployé. Fr. Lenor-
mant auquel j'avais montré cette petite panthère, se demandait si
elle n'était pas destinée à orner un casque ou une enseigne
militaire; ce curieux objet provient de Verdun-sur- Saône.
SALORNAY-SUR-GUYE ET SENNECÉ
La trouvaille faite à Salornay-sur-Guye en 1882 se compose de
deux bracelets d'argent, deux bagues en or et une cuiller d'argent.
Les bracelets massifs, légèrement elliptiques, sont ouverts en
forme de fer à cheval, à l'imitation des bracelets gaulois, mais
ils sont bien romains, romains comme le bracelet d'or de même
forme et de mêmes dimensions que possède le musée de Bourg ^
La petite bague d'or est massive, elle a perdu son chaton, la
grosse bague est creuse et contient encore de la résine; elle est
I. Ce bracelet d'or, trouvé à Brou, était du reste accompagné de nombreuses
monnaies romaines ; c'est certainement par erreur qu'il a été attribué à l'époque
gauloise.
Congrès "ARCHÉoLOGiauE de maçon. '3
194 CONGRES ARCHEOLOGIQUE DE MAÇON
ornée d'une intaille sur cornaline figurant un guerrier debout,
casqué, portant un bouclier et un glaive vertical;' la cuiller d'ar-
gent, élégante de forme, coudée au point d'attache de la spatule
est marquée, à la pointe, de trois lettres que j'avais lues : O. A P.
J'avais pris ces lettres pour un poinçon de maître, M. A.
Héron de Villefosse a bien voulu rectifier ma lecture et m'indi-
quer que ce sont les initiales du nom du propriétaire de l'objet :
Q AP.
Aucune monnaie n'accompagnait cette trouvaille. Un fait
absolument remarquable c'est que, quelques années auparavant,
on avait fait, à Sennecéprès Mâcon, dans le parc de M. André, une
trouvaille absolument identique : un bracelet d'argent de même
forme et de même poids, une bague d'or, également creuse et
ornée d'une intaille, objets tout à fiiit similaires à ceux de
Salornay. Mais, à Sennecé, on avait recueilli, en même temps,
une vingtaine de monnaies de l'époque de Gordien le Pieux et
de ses prédécesseurs, ce qui nous fixe sur la date approximative
de l'enfouissement des deux petits trésors. J'ai pu faire entrer
également la trouvaille de Sennecé dans ma collection, ces bijoux
sont identiques à ceux de Salornay à part l'intaille de la bague
qui représente, très grossièrement gravée, une figure assise ten-
dant la main à un enfant debout.
DIVERS
Il me reste à décrire les bagues et les intailles trouvées dans la
région mâconnaise.
Les trois premières bagues sont en or, la première creuse, les
autres massives, elles ont été trouvées en Bresse, dans les envi-
rons de Pont-de-Vaux, et faisaient partie de la collection de
M. Benoît, ancien notaire; les intailles dont elles sont ornées
FOUILLES MACONN AISES 195
représentent : la première une Victoire ailée, la deuxième un
personnage indéterminé, la troisième un guerrier debout, casqué,
portant un bouclier et une haste.
La quatrième bague, en or aussi et massive, a été également
recueillie en Bresse, à Saint-Cyr-sur-Menthon, la pierre dont
elle est ornée figure un moissonneur.
La bague qui porte le n° 5 est en bronze, son intaille est une
sardonix de très beau style, elle représente deux Amours présidant
à un combat de coqs; cette bague a été trouvée dans le lit de la
Saône, la surface du métal est recouverte en partie d'oxyde de fer.
Les autres intailles sur jaspe ou sur cornaline, recueil-
lies par des cultivateurs ou des terrassiers représentent : un por-
trait de Domitien; une tête de femme à droite; un Cupidon
jouant avec le simpule; un cavalier à droite, un génie tenant
un rameau et une faucille; une femme assise à gauche, entourée
de divers attributs peu distincts, et un génie ailé, à droite, appuyé
sur une longue haste ; cette dernière pierre provient du sommet
de la montagne de Suin, elle a été recueillie dans le cimetière
qui entoure l'église, en même temps que des monnaies romaines
et gauloises.
V
LE CIMETIÈRE GALLO-ROMAIN
DE SAINT-AMOUR
(saone-et-loire)
PAR
M. SAVOYE
Ce cimetière antique est situé sur le versant occidental du
coteau sur lequel est bâti le petit bourg de Saint-Amour, près
des hameaux des Bertheaux et de la Ville, non loin de la limite
du Beaujolais et du Mcâconnais.
A diverses reprises les travaux de culture exécutés en ce lieu
ont ramené au jour des débris archéologiques d'époques diverses,
en faisant découvrir des tombes formées d'un caisson en
dalles brutes, ou grossièrement équarries, tirées des coteaux
jurassiques voisins. Près de là sourdent des sources qui n'ont sans
doute pas été sans influence sur le premier établissement de
l'homme sur ce point.
Nous ne nous occuperons pas des découvertes antérieures à
1870, elles n'ont laissé qu'un vague souvenir dans l'esprit des
habitants du pays.
Vers 1894, un sieur Santé exhuma une dizaine de tombes qui
furent détruites sans que le bruit de leur trouvaille parvînt
aux oreilles d'aucun archéologue. Plus récemment, en 1889,
M. Mantoux, acquéreur du champ, rencontra à une profondeur
LE CIMETIERE GALLO-ROMAIN DE SAINT-AMOUR I97
moyenne de soixante centimètres quatre autres sépultures vides
de leur contenu, qu'il nous fut donné de voir.
Une cinquième tombe ayant été découverte, on nous donna
l'autorisation de la fouiller. M. Ernest Chantre, directeur adjoint
du Muséum de Lyon, voulut bien se rendre sur les lieux, le 22
octobre de la môme année, et nous prêter le secours de sa grande
expérience en ce genre de recherches.
Le caisson paraissait intact et se présentait à nous avec les
caractères des tombes précédentes : dalles posées de champ for-
mant un quadrilatère légèrement plus étroit vers les pieds et
orienté de l'ouest à l'est. Deux tuiles romaines à rebords
remplaçaient une dalle sur l'un des côtés. Le tout était recouvert
de pierres plates.
La terre qui remplissait l'intérieur, enlevée à la main avec pré-
caution, laissa apercevoir deux squelettes superposés, étendus
sur le dos, les bras allongés le long du corps et privés de leurs
tètes. Le squelette supérieur, par la gracilité des os et sa taille
peu élevée, approximativement i™ 58, parut appartenir à une
femme ou à un adolescent. Au-dessous reposait un individu de
haute stature, environ i"' 85, fortement charpenté et très vigou-
reux, comme le prouvait le grand développement de sesempreintes
musculaires.
En raison du peu de longueur du caisson, i"' 3 5, les corps avaient
été déposés les jambes repliées violemment sous les cuisses, les
genoux touchant la paroi du fond. Il ne s'agissait pas ici de corps
décharnés préalablement comme on l'a constaté parfois à l'époque
néolithique; nous nous sommes assuré que tous les ossements
des squelettes étaient bien dans leur connexité naturelle.
Les os pouvant donner lieu à des mensurations anthropomé-
triques, mis de côté par M. Chantre, furent malheureusement
brisés par un employé d'octroi qui n'eut pas pour cette poussière
1
1^8 ■ CONGRÈS ARCHÉOLOGiaUE DE MAÇON
humaine la tendresse d'un archéologue. La seule remarque ana-
tomique, qui put être faite de visu, c'est que l'humérus du plus
grand individu présentait la perforation olécrânienne constatée
généralement chez les races les plus primitives. A part ce carac-
tère d'atavisme partiel, les autres ossements ne présentaient rien
d'anormal .
Les tètes avaient dû être enlevées après l'inhumation, car il
restait, entre les troncs des squelettes et le haut de la tombe,
l'espace nécessaire pour les loger. Ajoutons que cette violation
avait eu lieu lorsque les chairs avaient disparu. Nous avons trouvé,
en effet, un maxillaire inférieur brisé, muni de ses dents, qui
avait dû se détacher au moment de l'enlèvement des crânes.
Pour ne citer que des exemples du même genre tirés des envi-
rons, dans une sépulture sur foyer, de Solutré, signalée par
MM. de Ferry et Arcelin au Congrès international d'anthropolo-
gie et d'archéologie préhistorique deNorwich, en 1868, le cadavre
qui ne paraissait aucunement avoir été dérangé, était privé de sa
tête. La même anomalie s'est rencontrée dans un cimetière antique
que nous avons commencé à fouiller, en novembre 1898, à
Saint-Georges-de-Reneins (Rhône), non loin de la Saône, à la
hauteur du gué et des palafittes de Grelonges.
Comme mobilier funéraire, cette sépulture double nous a
fourni des fragments d'un vase à libations ou à victuailles,
en terre grise, de forme pure et gracieuse, placé à la hauteur des
têtes.
Une sixième tombe, exhumée quelques jours plus tard, renfer-
mait un squelette dont la tête était broyée en morceaux très menus,
et sans doute intentionnellement, car tous les autres ossements
se trouvaient en bon état. Un vase brisé, de même nature et de
même forme que celui signalé dans la sépulture précédente, se
trouvait également près de la tête. A la hauteur du bassin nous
LE CIMETIERE GALLO-ROMAIN DE SAINT-AMOUR I99
avons recueilli un petit cylindraen bronze dans lequel M. Georges
Guigue, archiviste du département du Rhône, reconnut un style
à écrire.
A l'exception de la sépulture double, tous les tombeaux con-
tenaient des corps étendus sur le dos, les jambes allongées et les
bras le long du corps.
Les recherches effectuées sur l'emplacement des tombes pré-
cédemment détruites donnèrent les objets suivants : une monnaie
romaine très oxydée ; des fragments de poteries rouges couvertes
d'un vernis brillant et ornées de dessins en relief; des débris fort
nombreux de vases en terre grise; des tuiles à rebords avec une
marque de fabrique formée de deux demi-cercles concentriques
retrouvée dans une cinquantaine de gisements gallo-romains
du Beaujolais ; une lame de couteau en fer boursouflée par la
rouille, avec un seul coupant et d'une longueur de quatorze
centimètres; une lame de poignard en fer, avec deux tranchants
et deux trous de rivets, de vingt-cinq centimètres de longueur.
Ce dernier objet rejeté par l'ouvrier dans le sol fraîchement remué
ne put être retrouvé.
Des renseignements fournis par les gens du pays, il résulte
qu'il existe en ce lieu un cimetière antique, d'environ un demi-
hectare de superficie, composé de groupes de tombes séparés par
des intervalles sans trace de sépulture.
Les violations observées pourraient bien être le fait des hordes
pillardes d'Outre-Rhin lorsqu'elles se ruèrent sur les terres enso-
leillées de notre belle Gaule. Un passage de Cassiodore, rapporté
par Cartailhac', nous apprend, par exemple, qu'une des attribu-
tions des sayons des Goths était de faire ouvrir les tombeaux où
l'on soupçonnait des trésors et de faire respecter en même temps
I. Matériaux, 3= série, t. III, p. 525, 1886.
200 CONGRtS ARCHEOLOGiaUF. DE MACOX
les cendres des morts. Dans l'examen de conscience des Germains
du ix^ siècle, les prêtres avaient placé cette interrogation : N'as-
tu pas volé et pillé un tombeau ?
Outre les débris romains cités plus haut, des silex taillés pré-
sentant les caractères de l'industrie néolithique ont été recueillis à
la surface du sol. Leur grand nombre exclut toute idée de silex
placés comme amulettes près des morts; d'autre part nous n'avons
rencontré aucun de ces instruments entaillés profondément, trou-
vés dans les tombes franques et mérovingiennes et qui ont été
utilisés comme pierres à briquet. La présence des silex ouvrés
permet de supposer que la nécropole de Saint-Amour peut ren-
fermer des sépultures plus anciennes que celles que nous venons
de décrire.
Nous ajouterons, pour terminer, que des groupes de tombes
sous dalles ont été découvertes à diverses reprises dans la région
de Saint-Amour. Signalons entre autres les sépultures, en nombre
indéterminé, détruites il y a une cinquantaine d'années, à cent
cinquante mètres de notre cimetière, autour des maisons des
Bertheaux, par un nommé Nigrand. Vers la même époque, des
tombes anciennes, contenant des objets en bronze vendus à
un chiffonnier, étaient également bouleversées par les cultivateurs,
sur le territoire d'une commune limitrophe. Juliénas, au lieu dit
les Paquelets. Plus récemment, trois tombes sous dalles furent
découvertes, en 1897, sur le versant oriental du mont Bessay,
commune de Saint- Vérand, le long d'un ancien chemin reliant
Juliénas à Leynes.
Il est à regretter que ces diverses sépultures n'aient pas été
étudiées par des archéologues consciencieux avec tout le soin
qu'elles méritent.
VI
UN BUSTE ROMAIN
EN MARBRE BLANC
TROUVÉ A CORMATIN
(saône-et-loire)
PAR
MM. le D' BIOT et F. PICOT.
Il y a une quinzaine d'années, un propriétaire de Cormatin
(Saône-et-Loire), en faisant démolir un vieux mur, au lieu dit
« La Chaume », trouva dans les fondations, à 60 centimètres
environ du sol, un buste en marbre blanc, dont l'un de nous,
M. Picot, alors percepteur à Cormatin, devint acquéreur. Lors
des fêtes d'installation de l'Académie de Mâcon à l'hôtel Senccé,
répondant au désir exprimé par notre président d'orner les salles
de l'hôtel, en y exposant des objets anciens ou intéressants,
M. Picot, devenu notre associé correspondant, nous confia cette
précieuse sculpture.
La pensée nous vint alors d'étudier et de décrire ce buste, qui
passait pour celui de l'empereur Trajan, et de vérifier l'exacti-
tude de cette attribution qui nous semblait au moins discutable.
Ses deux expressions sont bien différentes, suivant qu'on l'exa-
mine de face ou de profil.
202 CONGRÈb ARCHÉOLOGIQUE DE MAÇON
Le profil, noble, digne, demi élancé, à la lèvre dédaigneuse, à
la physionomie élevée, aristocratique si l'on peut ainsi dire,
semble indiquer un personnage aux pensées larges, profondes,
planant au-dessus des bassesses de la nature humaine qu'il paraît
regarder avec une certaine hauteur.
La face, au contraire, large, aplatie, avec un diamètre bi-tem-
poral énorme, un front surbaissé et coupé d'un pli transversal
profond, des lèvres lippues, un cou à la Domitien, donne la
pénible impression de l'homme aux pensées viles, méchantes,
barbares, bestiales.
Cependant, même de face, l'énergie du regard, la crànerie de
la pose dénotent l'habitude de l'autorité, du commandement, et
attestent que celui qu'on a voulu représenter n'est pas un être
banal.
Les ornements qui agrémentent son thorax : boucliers, trophée,,
tête de Méduse, baudrier, etc., indiquent nettement un guerrier,
peut-être un conquérant.
La tête de Gorgone, qui, sur l'épaule droite du buste, étale sa
face grimaçante au milieu d'une égide à bords recroquevillés,
n'est-elle pas l'indice de la valeur d'un chef redouté, dont la vue
seule suffit à terrifier ses ennemis et les disperser, comme la tête
de Méduse pétrifiait ceux qui la regardaient.
La poitrine est garnie d'une cuirasse retenue à gauche par une
bretelle aux chaînons plats, et sur le pectoral de cette cuirasse on
voit un trophée dont la nature et l'assemblage des pièces ne
laissent pas de doute sur. le rôle de conquérant — et de conqué-
rant des Gaules — que représente le buste.
En effet, de chaque côté de l'armure qui forme le centre de ce
trophée, on voit des boucliers suspendus aux deux moignons. A
droite, ce sont deux boucliers gaulois allongés et placés en forme
de croix ; à gauche, c'est un bouclier rond, avec rayons allant de
U\ BUSTE ROMAIN TROUVK A CORMATIN 203.
la périphérie au centre, qui est lui-même recouvert d'une plaque
d'apparence lisse. L'ensemble de ce bouclier rappelle le bouclier
franc tel qu'on le voit représenté dans les divers ouvrages qui
traitent de ces questions. Cependant celui-ci en diffère par un
plus grand nombre de rayons et la plaque centrale manque de
cet ombilic saillant, de cet umbo dont la présence a tellement
caractérisé l'armure que ce terme seul sert souvent à en désigner
l'ensemble.
Voici les principales dimensions de ce buste :
Hauteur totale du sommet de la tête à la base
du thorax i8 cent.
Largeur d'une épaule à l'autre 12.5
Diamètre mento-bregmatique 9
— bi-maxillaire 5.5
— bi-auriculaire 6.4
— bi-temporal 6
— occipito-frontal 7.2
— transverse du cou 4.9
— antéro-postérieur du cou 4.4
Longueur du nez 2
Largeur des narines 1.3
Pour élucider dans la mesure du possible cette question em-
barrassante d'identification, nous eûmes l'idée d'en appeler à une
sorte de référendum.
Ayant fait reproduire ce buste, grandeur naturelle, de fice et
de profil, par la phototypie, nous avons adressé cette reproduc-
tion à tous les conservateurs des musées de France, aux conserva-
teurs des principaux musées de l'étranger et aux amateurs le plus
en vue, dont nous avons trouvé les noms dans VAfifinaire des
204
CONGRES ARCHEOLOGiaUE DE MAÇON
collectionneurs, gracieusement mis à notre disposition par notre
ami M. -Jules Protat. Nous avions joint à cette phototypie
une sorte de circulaire par laquelle nous demandions de nous
indiquer : i° à quel personnage on l'attribuait; 2° quelle pouvait
être la destination de ce buste.
Nous avons reçu une quarantaine de réponses, dont quelques-
unes reflètent une étude sérieuse, approfondie, provenant de véri-
tables connaisseurs, ayant scrupuleusement analysé, pesé, discuté
chacun des caractères constitutifs de ce morceau : traits de la figure,
ornements, etc.; d'autres, plus laconiques, se bornent à énoncer
une opinion, sans l'étayer sur des preuves scientifiques qui
puissent forcer la conviction.
A tous, nous adressons nos remerciements pour l'obligeance
que chacun a mis à nous répondre, remerciements d'autant plus
sincères que la tâche était plus ardue, car le nombre des réponses
est loin d'être en rapport avec celui des envois.
Dépouillant ce scrutin et classant les appréciations, comme
dans un vote, par le chiffre des unités exprimées, nous trouvons :
Trajan 7 voix.
Marc-Antoine 4 —
Auguste 3 —
Néron 3 —
Jules César 2 —
Agrippa
Claude
Constance Chlore
Labienus
Septmie ou Alexandre Sévère
Tibère •
Titus
Valentinien
BUSTE EN MARBRE
(Gra
' TROUVÉ A CORMATIN
I'RIGINAL).
UN BUSTE ROMAIN TROUVE A CORMATIN 205
Vespasien i voix
Un général, pas empereur 2 —
puis 7 réponses ne formulant aucune appréciation ferme.
Les caractères sur lesquels ont appuyé nos honorables corres-
pondants pour attribuer ce buste à Trajan ont été :
1° La richesse du costume militaire;
2° Le bouclier hexagonal représenté sur le trophée qui orne
la cuirasse et qui se voit sur les monnaies de Trajan (Cohen,
!'•' édition, n° 53);
3° L'égide, parfois ornée, comme ici, d'une tête de Méduse,
sur les monnaies de Trajan;
4° Le bouclier des Daces, semblable à celui qui se retrouve sur
la colonne Trajane;
5° La bosse du front;
6° Les rides du front;
7° L'abaissement des cheveux sur le front ;
8° La forme un peu ondulée du nez;
9° La largeur de la bouche;
10° Le pli de la lèvre supérieure;
11° Le sillon profond à la base du nez;
12° Les sillons profonds qui descendent des ailes du nez au
menton ;
13° Les sillons qui coupent verticalement les joues dans leur
région postérieure ;
14° L'absence de barbe, tandis que les empereurs qui ont
succédé à Trajan ont tous porté la barbe;
15° Enfin, la ressemblance de ce buste avec celui de Marciane,
sœur de Trajan.
Les détails qui semblent caractéristiques et indubitables
20é CONGRÈS ARCHÉOLOGIQXJE DE MAÇON
pour attribuer ce buste à Trajan sont nombreux; quelques-
uns, cependant, ont été appréciés inversement : la cuirasse, en
particulier, avec sa tête de Méduse, fait dire à un de nos cor-
respondants : « C'est évidemment un empereur, car eux seuls
« portaient la cuirasse avec tête de Méduse, à l'exception de
« Trajan, dont la cuirasse avait une tête d'Isis. »
Cette même tête de Méduse sert de thème à quelques-uns
pour affirmer que ce buste ne peut être celui d'un empereur
romain, considérant que cette tête n'est pas un attribut impérial ;
ils en concluent que ce doit être l'effigie de quelque chef préto-
rien, ou d'un centurion.
D'autres ont même été plus loin, et dans leur réponse
semblent contester l'authenticité du morceau, précisément à
cause de la tête de Gorgone dans le bouclier recroquevillé.
D'ailleurs, chacun des caractères déjà indiqués a été diversement
apprécié et a servi de pivot aux argumentations les plus dispa-
rates.
Quelques personnes ont trouvé que la facture de ce buste était
lourde, peu affinée, due probablement à un artiste médiocre.
Plusieurs de nos correspondants en fixent l'époque à la lin du
iii^ siècle ou au début du iv^, et le rapprochent des bustes en
marbre trouvés en grand nombre aux Martres Tolosanes, vers
1830.
D'autres, au contraire, ne craignent pas d'affirmer que ce
morceau a été très probablement apporté de Rome, qu'il est dû à
un artiste grec ou romain, qu'il est d'un beau style, qu'il a une
grande valeur et mérite les honneurs d'un grand musée, ajoutant
que les sculptures gallo-romaines sont beaucoup plus grossières
et attestent une pénible décadence de l'art. Le fini de certains
détails remarqués dans ce buste ne laissent pas de doute sur son
origine et sa date.
UN BUSTE ROMAIN TROU\E A CORMATIN 207
En tout cas, d'un avis un peu général, ce serait l'effigie de
Trajan, déjà un peu câgé.
Cette diversité d'opinion vous démontre, Messieurs, que la
question est loin d'être tranchée. Le sera-t-elle jamais? Et n'en
est-il pas souvent de même en face de tout morceau antique,
lorsque manquent certains caractères absolument probants, ne
permettant pas le doute.
Pour nous, s'il nous est permis de formuler une opinion, après
tant d'hommes compétents qui nous ont adressé la leur, nous
dirions : l'artiste a eu l'intention de représenter Trajan ; c'en
est bien le profil, mais l'inhabilité du sculpteur n'a pas donné aux
traits la même valeur de face, et la trop grande largeur de la tête
diminue la beauté et l'harmonie de l'ensemble, supprimant par
là-même l'unité de la ressemblance.
C'est comme une photographie faite par un débutant dont
l'appareil ne serait pas placé exactement en face du sujet et à
hauteur convenable; dans ce cas-là, vous le savez, la physionomie
est déformée.
Quant à la destination de ce buste, les réponses reçues sont
presque unanimes pour le considérer comme ayant été un orne-
ment dans une villa somptueuse, chez quelque riche gallo-
romain, j
D'autres ont voulu y voir quelque présent fait par l'empereur
lui-même à un fidèle serviteur ou à un centurion.
Quelques-uns ont pensé qu'il avait pu être une effigie impé-
riale destinée à être présentée à la foule et portée au haut d'une
hampe, pendant les cérémonies. Mais il nous semble que ses
dimensions relativement exiguës, la présence du trou inférieur,
destiné évidemment à contenir un goujon, dans le but de le fixer
sur un socle, ne laissent aucun doute sur sa destination d'orne-
ment, en même temps que de glorification du maître, dans la
demeure d'un citoyen fortuné de la région.
208 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQ.UE DE MAÇON
D'ailleurs, la localité d'où provient ce buste a été très riche en
débris de l'époque romaine : vases, monnaies, lampes, ustensiles
de fer, de bronze, armes, etc., et M. Picot, l'un de nous, pendant
son séjour à Cormatin, a pu rassembler une collection des plus
riches, des plus variées. D'autre part, M. le capitaine Hannezo,
un de nos associés correspondants, a fait paraître un travail
très intéressant sur des hipposandales trouvées dans la même
région. La tradition locale rapporte qu'une ville romaine tout
entière existait non loin de là; et il serait désirable que des
fouilles méthodiques pussent être entreprises pour remettre au
jour les richesses que la terre a peut-être recouvertes.
Cette note était achevée, lorsque nous avons reçu de
M. Joulin, de Toulouse, directeur des poudres et salpêtres, une
très aimable lettre, par laquelle il nous signalait l'existence^^dans
les vitrines du Musée d'Arles, d'une tête, sans corps, qui lui
avait semblé très exactement semblable à celle de ce buste, mais
il n'a pu avoir aucun renseignement sur ce fragment, qui ne
portait aucune inscription. De notre côté, le temps nous a man-
qué pour échanger avec le conservateur du Musée une corres-
pondance qui aurait peut-être apporté quelque indication com-
plémentaire.
VII
L'ARCHÉOLOGIE BARBARE
DANS LE DÉPARTEMENT DE SAONE- ET -LOIRE
PENDANT LA PÉRIODE BURGONDE
PAK
M. BARRIÈRE-FLAVY
La partie orientale du département actuel de Saône-et-Loire,
et principalement les bords de la Saône, me paraissent avoir été
occupés par les Burgondes, dès les premiers temps de leur prise
de possession du sol gaulois.
En 443, lorsque l'empereur Valentinien II concéda à ces
barbares, culbutés, refoulés par les hordes d'Attila, une vaste
étendue de territoire où il leur fut permis de se fixer, il est
probable qu'ils se répandirent et rayonnèrent même au delà des
limites qui leur étaient assignées, non par troupes nombreuses,
mais par groupes isolés, par familles peut-être; sans opposition
de la part de la population gallo-romaine, tant leurs mœurs
douces et paisibles étaient loin de porter dans les campagnes
l'effroi qu'y répandaient les Francs, tant leur caractère savait
se plier aisément aux coutumes romaines.
C'est là une particularité qui me semble résulter des Hiits
nombreux que j'ai pu constater dans les six cents lieux environ
de sépultures,, relevés dans la Biirgondia (Bourgogne française et
Suisse occidentale). Il n'est pas rare, en effet, de rencontrer de
Congrès ARCHÉoLooiauE de maçon. I4
210 CONGRES ARCHEOLOGIQ.UE DE MAÇON
tout petits cimetières, de véritables sépultures de famille, formés
de quatre, cinq, dix tombes, dont le mobilier funéraire offre tous
les caractères de l'industrie burgonde, qui se rencontrent bien
loin du centre de l'occupation, pourtant fort étendue, de ces
barbares, et comme disséminés dans des régions où les sépul-
tures d'un autre aspect, ayant contenu les restes de Francs, se
montrent en abondance. Il semble que ces familles burgondes
aient vécu seules, sans aucun contact avec leurs voisins, dans
ces lieux où elles avaient fixé leur résidence pour des causes
diverses.
La donation faite par Sigismond en 516 au monastère de
Saint-Maurice d'Agaune, comprenait-elle l'intégralité du terri-
toire occupé un demi-siècle plus tôt, par les premiers Burgondes,
comme le pense Roger de Belloguet ' ; cela est possible, mais non
certain, car ce vaste pays avait pour limite occidentale le cours de
l'Ain. Or il est incontestable, à notre avis, que la première
Sapaudia s'étendit jusqu'à la Saône.
Si l'on entre, en effet, dans l'examen approfondi des mobiliers
funéraires des trente-six ou trente-huit stations burgondes que
la Saône-et-Loire nous a fournies, si l'on compare les objets qui en
sont sortis, avec ceux que les cimetières du cœur de la Sapaudia
ont déjà livrés, il ne saurait rester un doute dans l'esprit à cet
égard.
Le mode d'inhumation signalé chez les Burgondes de Saône-
et-Loire et que nous retrouvons aussi chez les Francs % ne
caractérise en rien, à mon sens, un peuple déterminé des inva-
sions : car chez tous, on a constaté des sépultures analogues.
Dans les nécropoles étendues et minutieusement explorées, les
tombes de factures diverses marquent certainement des époques
1. Roger de Belloguet, Carte du premier royaume de Bourgogne, Dijon, 1848.
2. Sépultures faites de pierres ou de dalles.
L ARCHEOLOGIE BARBARE DAXS SAOXE-ET-LOIRE 2 I I
différentes, d'où Ton peut ensuite déterminer l'âge de celles qui
composent uniformément un seul cimetière. D'ailleurs les usages,
la nature du sol, maintes circonstances ont certainement modi-
fié le genre des inhumations.
Dans la Saône-et-Loire, comme dans plusieurs régions de la
Bourgogne, les sépultures sous dalles, sortes de dolmens souter-
rains, ainsi que le dit judicieusement un savant archéologue de
Savoie '-, ne sont pas propres aux Burgondes, car nous en consta-
tons de semblables dans toutes les parties de l'ancienne Gaule,
sur les bords du Rhin et en Belgique ^. Mais si, nous basant
sur les observations faites dans la Gaule Belgique par de savants
antiquaires de ce pays, nous appliquons aux sépultures qui nous
occupent les conclusions que ceux-ci ont tirées de l'examen des
tombes franques : nous verrons que leur système peut se concilier
avec les indications fort précises fournies à cet égard par divers
archéologues et notamment par M. J. Martin, le distingué
conservateur du Musée de Tournus.
En effet, les sépultures en terre libre — ou peut-être en des
coffres de bois maintenant disparus — doivent être rapportées
aux premiers temps des invasions barbares en Gaule, soit, pour
le Nord, aux Francs-Saliens, aux Ripuaires, à la fin du ix" et au
commencement du v'' siècle. Les tombes immédiatement posté-
rieures sont faites de moellons, de blocs et de dalles de pierre :
c'est la fin du V^ et le vi^ siècle, époque précédant l'apparition des
tombes monolithes ou sarcophages. Or, la date approximative de
ces sépultures coïncide bien avec l'arrivée des Burgondes sur le
sol de la Gaule : le milieu du V siècle.
1. M. Le Roux et Ch. Marteaux, Les sépultures burgondes dans la Haute-
Savoie, Annecy, 1899, p. 25.
2. Lindenschmit, Das gernianische Toiitenlager hein Sel^en, Maycnce, 1848.
L'intéressant cimetière franc d'Harmignies (Belgique), fouillé par M. le baron
212 CONGRES ARCHEOLOGiaUE DE MAÇON
Je n'ai pas à m'étendre sur le mobilier funéraire des barbares,
mais à préciser les caractères des objets trouvés dans les
cimetières des bords de la Saône que je rapporte au milieu
du v= siècle.
Les armes ne présentent aucune particularité. Elles sont rares
dans les milieux franchement burgondes, ainsi que cela a été
observé par M. A. lahn \ et parfois même totalement incon-
nues ^ La lourde hache massive, à large tranchant en crois-
sant tronqué, la vraie bipenne de Sidoine Apollinaire et de Gré-
goire de Tours '>, et surtout le fort scramasax, sont à peu près
les seules armes, avec quelques lances, recueillies auprès des restes
des sujets^ de Gondebaud. L'épée, l'arme du chef, existe à titre
d'exception.
La bijouterie joue toujours un rôle important chez les dames
burgondes, comme chez toutes les compagnes des autres bar-
bares; et le goût de la parure, depuis quatorze siècles, ne s'est
point amoindri chez leurs descendants.
Le collier toutefois est plus simple, moins luxueux et moins
brillant que celui des Francs mérovingiens. L'ambre y domine
presque toujours, et les grains de verre ou de pâte céramique
émaillée sont plus ténus, aux couleurs moins éclatantes.
La fibule n'est plus ici la fibule gothique, dite à rayons, celle
que l'abbé Cochet comparait à une main ouverte'*. Celle-ci
n'existe point dans l'industrie des Burgondes; nous ne la trouvons
de Loë, et dont le mobilier funéraire, très riche, est entré dans sa belle collec-
tion à Bruxelles, a fourni à l'étude spéciale des tombes des exemples absolu-
ment remarquables.
1. A. lahn. Die geschichte der Burgundioiien und Biirgundiens bis :{um Ende der
/ £)yKfl?//e, Halle, 1874. Band I, p. 109.
2. Ed. de Fellenberg, Das Grdherfeld hei Elisried, Zurich, 1886.
3. Sidoine Apollinaire, Panégyrique de Majorien, vers 246. — Grégoire de
Tours, Hist. eccUsiast. des Francs, lib. II, ch. 40.
4. Abbé Cochet, La Normandie souterraine, 1854, p. 228-317. -
L ARCHEOLOGIE BARBARE DANS SAONE-ET-LOIRE 213
absolument que chez les Wisigoths et les Francs, et les très
rares spécimens recueillis dans l'étendue de l'ancienne Biirgoudia
proviennent manifestement de cimetières francs '.
C'est, au contraire, la broche ronde ou polygonale, souvent
quadrilobée, à laquelle on a donné la dénomination de bv/an-
tine, en fer plaqué d'une feuille d'or et rehaussée de filigranes et
de verroteries serties dans des bâtes, que l'on recueille partout
en Bourgogne, et par conséquent en Saône-et-Loire, dans les
sépultures des barbares. Je ferai observera ce sujet que les fibules
de cette catégorie, que les tombes franques et alamaniques des
bords du Rhin ont si souvent restituées, diff^èrent de celles des
Burgondes par leurs dimensions généralement plus grandes, et
surtout par la teinte des verroteries qui est habituellement rouge
vif, alors que le plus souvent le cabochon des broches burgondes
est coloré en bleu, en vert et autres nuances pâles -.
L'agrafe du ceinturon burgonde est particulièrement remar-
quable par son développement et aussi par l'ornementation de
ses plaque et contre-plaque.
La Saône-et-Loire a fourni le premier type, peut-être, de boucle
de cette espèce, actuellement connu. Je veux parler de la plaque
trouvée près de Montbellet, vers 1705, au dire de Montfaucon, et
que l'évêque de Mâcon adressa à Gaignières, en la lui présentant
comme une coiff'ure de femme '.
1. Ce sont les stations de Vidy (canton de Vaud), au Musée de Lausanne;
— de Brochon et de Sainte-Sabine (Côte-d'Or), ancienne coll. Baudot, au
Musée de Saint-Germain; — de Saint-Euphrône (Côte-d'Or), au Musée de
Semur-en-Auxois ; — de Poisy (Haute-Savoie), au Musée d'Annecy ; — enfin
quelques sépultures de Charnay, absolument franques.
2. Cf. Barrière-Flavy, Un cimetière de V époque des invasions barbares dans h
Jura bernois (Bassecourt), in Bulletin archéologique du Comité des trav. hist. et
scientif., 1898.
3. D. Montfaucon, l'Antiquité dévoilée, t. V, 17 10, 2^ part. — D' Rigollot,
Recherches historiques sur les peuples de race t'eutonique, qui envahirent la Gaule an
V^ siècle, Mémoires de la Soc. des Antiquaires de Picardie, t. X, 1850.
214 CONGRES ARCHEOLOGIQTJE DE MAÇON
Depuis, les découvertes se sont multipliées, et les boucles de
ce genre, recueillies en abondance, ornent les Musées deTournus,
des Antiquités Nationales à Saint-Germain, le Cabinet des
Médailles à la Bibliothèque Nationale, etc.. '. Or, toutes ces
plaques procèdent incontestablement d'un même type, répandu
surtout dans le centre de la Sapaudia primitive du milieu du
v^ siècle : le Jura, le Doubs, la Savoie, les cantons suisses de
Vaud, Fribourg, et une partie de celui de Berne. C'est partout la
plaque de fer rectangulaire, très grande, ornée au moyen du pla-
cage d'une feuille d'argent, quelquefois d'or, dont les dessins
sont soit gaufrés, soit découpés après application. Parfois l'orne-
mentation est rehaussée de quelques grains de verroterie de
nuance variée, grenat, saphir, améthyste, disséminés par l'artiste
à la surface du fer.
Le motif qui domine dans la décoration est l'enroulement du
serpent, dont l'influence Scandinave est d'autant plus positive
que c'est dans ces régions septentrionales qu'il faut placer, selon
Eug. Beauvois, le berceau des Burgondes ^ L'artiste a ensuite
ajouté un panneau central, ordinairement triangulaire, entouré
d'encadrements formés de dessins géométriques, soit même de
palmettes, de griffes de monstres et jusqu'à des chapelets d'osse-
ments, comme cela se voit sur l'agrafe remarquable d'En Julienne
près Tournus; il a encore détaché des médaillons imitant des
bractéates, où se voient des têtes monstrueuses, des débris d'^^ni-
maux fantastiques.
1. Les anciennes collections Fèvre et H. Baudot ont été acquises par le
Musée de Saint-Germain. Il convient de citer encore les collections de MM. le
vicomte de La Chapelle, au château d'Uxelles, et L. Lacroix, à Mâcon, les
Musées de Chalon-sur-Saône et d'Annecy (Haute-Savoie), qui renferment des
pièces provenant de sépultures barbares de Saône-et-Loire.
2. Eug. Beauvois, Histoire légendaire des Francs et des Burgondes, Paris,
Copenhague, i%G-]\ Origine des Burgondes, Dijon, 1869.
L ARCHEOLOGIE BARBARE DANS SAONE-ET-LOIRE 21)
Toute cette ornementation, dont la Saône-et-Loire a donné
sans contredit les plus riches comme les plus rares spécimens,
nous la retrouvons plus ou moins exacte, grossière ou délicate,
dans les cimetières du Jura (à Macornay', Soyria, Marnoz,
Recanoz, Chavannes-Courlans, Clairvaux, Plainoiseau \..) du
Doubs (à Cramans, Vuillecin, Sauvagney-les-Pins, Chaffois'...)
de la Savoie (à La Balme^, à Flérier 5...) dans la Suisse occiden-
tale (à Fétigny ^, àElisried, Weissenbùhl, Rosenbûhl, Eichbùhl ').
Remarquons enfin que sur la majeure partie de ces plaques
on ne relève aucun symbole chrétien : ce qui confirme bien mon
opinion déjà exposée, attendu surtout que Paul Orose nous
apprend que peu après leur arrivée en Gaule, les Burgondes ne
tardèrent pas à embrasser le christianisme^. Les plaques à orne-
mentation barbare ayant un cachet Scandinave, et sans signe
chrétien, coïncident donc avec la première période de l'occupa-
tion de la Bourgogne par ces Barbares. C'est bien cela que nous
remarquons au premier chef dans les cimetières des bords de la
Saône, aux environs de Tournus.
La description de ces belles boucles n'est pas à faire ici :
M. J. Martin en a excellemment parlé dans son beau travail, et
la magnifique planche en couleurs sortie des presses de M. Protat
en dit plus long que tout mémoire ^.
La première période de l'art des Burgondes dut être de courte
1. Musée de Lons-le- Saunier.
2. Musées de Lons-le-Saunier et de Besançon.
3. Musée de Besançon.
4. Musée de Genève.
5. Musée d'Annecy.
6. Musée de Fribourg.
7. Musée de Berne.
8. Paul Orose, Hist. Lih., VII, ch. 32, anno 567.
9. J. Martin, Sépultures barbares sous dalles brutes des environs de Tournus.
Annales de l'Académie de Mdcon, 3e série, t. II, 1898.
L
2l6 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQ.UE DE MAÇON
durée, et nous assistons bientôt à la manifestation des nouvelles
croyances sur ces mêmes plaques de fer revêtues des signes du
paganisme qui s'en va : le serpent, leswastika, etc.. Ce mélange
de symboles si disparates est intéressant à noter, car il va bientôt
céder la place aux boucles de bronze, vraiment chrétiennes, dont
la profusion en Saône-et-Loire, dans le Jura, dans le Doubs et
surtout dans le canton de Vaud, est digne d'attirer l'attention.
Pour les plaques de fer, que j'appellerai de transition, nous
n'en voyons guère en Saône-et-Loire qu'à Charnay, dont les
exemplaires peuvent se rapprocher de ceux de la Savoie, et des
cantons de Vaud et de Fribourg.
L'agrafe chrétienne en bronze est surtout représentée par la
plaque au type de Daniel dans la fosse aux lions. Les bords de la
Saône en ont donné un certain nombre, malheureusement leur
provenance exacte n'est pas connue; et l'ancienne collection
Fèvre • — aujourd'hui au Musée de Saint-Germain — • et celle de
M. Lacroix en renferment des spécimens intéressants.
Ce qui vient encore à l'appui de mon système, c'est la forme
des poteries recueillies dans la plupart des cimetières de Saône-
et-Loire. Elle reproduit exactement celle des urnes funéraires
vraiment burgondes et caractéristiques du canton de Vaud, et
va se modifiant, s'amoindrissant dans son développement supé-
rieur, à mesure que l'on s'éloigne du centre de la Burgondia et
que l'on se rapproche des régions soumises aux Francs.
Ces urnes, faites d'une base sphéroïdale surmontée d'une sorte
de cornet plus ou moins haut et évasé, nous les signalons à
Tournus, lieu dit En Julienne', à Charnay-, où le galbe de la
poterie ne le cède en rien aux vases du Jura et du Doubs : à
1 . Musée de Tourniis.
2. Musée des Antiquités nationales à Saint-Germain.
L ARCHEOLOGIE BARBARE DAN'S SAO\E-ET-LOI RE 217
Boussières, Chargey-lez-Gray, Arc et Senans ' , et à ceux de
la Suisse : à Daillens, Assens, Severy, Allens-sur-le-Mont, etc. ^
Je crois avoir suffisamment indiqué les raisons pour lesquelles
)e considère les environs de Tournus et les bords de la Saône en
général, comme ayant été habités, dès le milieu du v^ siècle, par
les Barbares de Gunther. Les dépouilles plus ou moins bien con-
servées, extraites des cimetières découverts dans la Saône-et-Loire,
ne nous semblent point laisser de doute à cet égard.
Reste Charnay, cette vaste et riche tiécropole d'où Baudot a
exhumé les plus étonnantes productions de l'art des Barbares. Le
défaut d'observation rigoureuse au moment de l'ouverture de
chaque tombe, ne nous permet plus de reconstituer les sépul-
tures telles qu'elles s'offrirent aux yeux de l'antiquaire dijonnais,
et de préciser la nature, la richesse de chacune d'elles, pour en
tirer des probabilités, sinon une certitude sur l'âge du cimetière
et la nationalité de ceux qui y furent inhumés.
La situation stratégique de Charnay, entre la Saône et le
Doubs, en dut fliire un poste occupé de tout temps par tous
les peuples; les restes de voie antique, les débris nombreux de
toute nature, de tuiles et de poteries romaines, en font surabon-
damment foi.
Les Barbares se fixèrent également dans ce lieu qui a reçu les
restes de générations successives que l'on ne peut déterminer
aujourd'hui.
Il faut écarter toute idée de bataille, opinion maintenant
surannée, et qui ne résiste pas à cette considération : l'orienta-
tion, ou mieux la régularité de la presque totalité des tombes, et
la présence auprès des squelettes, des armes et des bijoux. Le
désordre de certaines sépultures provient presque toujours de
1. Musée de Besançon.
2. Musée de Lausanne.
2l8 CONGRÈS ARCHÉOLOGiaUE DE MACOX
violations remontant à des époques reculées,, ou du mouvement
naturel des terres. Après un combat quelconque, le vaincu,
dépouillé de ses vêtements et de ses armes, était simplement jeté
dans une fosse commune.
Il y a évidemment à Charnay des Burgondes, qui sont
certes, je crois, en majorité ; mais il y a aussi des Francs, recon-
naissables à la grosse et massive boucle ovale en potin, fixée à
la lanière du ceinturon par des goupilles de bronze ; aux agrafes
de bronze, triangulaires *ou arrondies, à grossières décorations
barbares; aux plaques rectangulaires en fer, non plus plaquées,
mais damasquinées d'argent ou de fils de laiton, analogues à celles
qui abondent chez le Franc des bords de la Meuse, et aussi du
Rhin moyen ; enfin à l'armement varié, composé de lances fra-
mées, de haches francisques, de boucliers et surtout de l'angon.
A mon avis donc, Charnay est une nécropole où plusieurs
générations de Barbares, appartenant à des peuples différents, ont
été inhumées. Elle présente, à cet égard seulement, les mêmes
caractères que Herpès en Charente ', que Caranda, dans l'Aisne ^.
Cela n'empêche point que ces trois remarquables stations
offrent des sujets variés d'études, et ouvrent le champ à des
hypothèses, à des problèmes qui ne seront pas de longtemps
résolus.
Il n'est pas possible, dans un mémoire tout restreint, d'entrer
dans des considérations plus approfondies sur certaines questions
que nous n'avons fait que résumer et sur lesquelles nous nous
étendrons dans notre travail sur les Arts industriels des peuples
Barbares de la Gaule, du F^ au FIIP siècle.
Nous devons bien faire ressortir cette particularité que le dépar-
tement de Saône-et-Loire, si riche d'une part en antiquités gau-
1. Collect. Ph. Delamain, à Jarnac (Charente).
2. Collect. F. Moreau, au Musée des Antiquités Nationales de Saint-Germain.
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L ARCHEOLOGIE BARBARE DANS SAÔ\E-ET-LOIRH 219
loises, auxquelles l'éminent président de la Société Éduenne,
M. Bulliot, vient de consacrer un très remarquable ouvrage,
depuis longtemps attendu, tient encore un rang particulièrement
distingué dans l'archéologie de l'époque des invasions barbares,
principalement au point de vue de l'industrie des Burgondes.
M. J. Martin, je l'ai déjà dit, a eu l'honneur de faire ressortir
l'intérêt vraiment puissant qui s'attache aux découvertes des
environs de Tournus.
J'ai essayé, à mon tour, d'apporter quelques considérations
d'ensemble sur les stations burgondes découvertes dans l'une des
régions où s'offrent les manifestations les plus variées comme les
plus riches et les plus intéressantes de l'art industriel de ces
Barbares.
La carte de Saône-et-Loire, jointe à ce mémoire, renferme le
nom des localités pu des cimetières plus ou moins importants
ont été fouillés, bouleversés ou simplement reconnus. En voici
la nomenclature avec notes bibliographiques ' :
AuTUN. Cf. Mémoires de la Société Éduenne, nouvelle série, t. XII,
1884, p. 424.
Chalon-sur-Saône. Mémoires de la Société d'hisloire et d'archéologie
de Chalon-sur-Saône, t. III, 1856. (Mémoire de M. de
Surigny.)
Changey. Société d'histoire cl d'archéologie de Beanne, 1889, p. 59.
(Mémoire de M. Cornu.)
I . Cette liste est extraite du Répertoire général des stations barbares de la Gaule
qui doit compléter notre travail sur les Arts industriels des peuples Barbares dt
la Gaule du V'^ au VIII^ siècle, actuellement sous presse.
220 CONGRES ARCHEOLOGiaUE DE MAÇON
Chapaize. J. Martin, Sépultures barbares sons dalles brutes des
environs de Tournus (^Annales de V Académie de Mâcon, y série,
t. II, -1898). — Collection de M. le vicomte de La Cha-
pelle, au château d'Uxelles.
Chardonnay, J. Martin, Sépultures barbares sous dalles brutes des
environs de Tournus (Annales de F Académie de Mâcon, y série,
t. II, 1898).
Charnay-lès-Chalon. h. Baudot, Mémoire sur les Sépultures des
Barbares de l'époque mérovingienne en Bourgogne. — Mémoires
de la Commission des Antiquités de la Côte-d'Or, t. V, 1857-
1860. — Musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-
en-Laye.
Chasse Y. Mémoires de la Société Eduenne, nouvelle série, t. XVII,
1890, p. 461 ; t. XVIII, 1891, p. 466.
Cheilly. Cf. A. Bertrand, les Bijoux de Jouy-k-Comte et les cime-
tières mérovingiens de la Gaule, 1879.
CoLLONGE. J. Martin, Sépultures barbares sous dalles brutes des
environs de Tournus (Annales de r Académie de Mâcon, y série,
t. II, 1898).
Cruzille. Id.
DuLPHEY. Revue archéologique, y série, t. XX, 1892, p. 265.
(Note de M. Hamy.) — J. Martin, Sépultures barbares
sous dalles brutes des environs de Tournus (Annales de l'Aca-
démie de Mâcon, y série, t. II, 1898). Musée de Tournus.
Farges-lès-Macon. Revue archéologique, y série, t. XX, 1892,
p. 265. (Note de M. Hamy.) — Musée de Tournus.
FissY. Société des amis des Arts et Sciences de Tournus, 1882,
t. III, p. 13. — Legrand de Mercey, Notice sur d'anciens
cimetières du canton de Lugny. — J. Martin, Sépultures bar-
bares sous dalles brutes des environs de Tournus (Annales de
l'Académie de Mâcon, y série, t. II, 1898).
Génelard. Mémoires de la Société Éduenne, nouvelle série, t. IX,
Autun, 1880, p. 519. (Procès- verbaux.)
L ARCHEOLOGIE BARBARE DANS SAONE-ET-LOIRE 221
GouRDON. Mémoires de la Société d'histoire et d'archéologie de
Chalon-sur-Saône, t. I, 1 844-1 846, p. 287. (Mémoire de
M. Rossignol.) — Bibliothèque Nationale. Cabinet des
Médailles.
La Grange-Frangy. Mémoires de la Société d'hist. et d'archéol. de
Chalon-sur-Saône, t. V, 1869, p. 221. (Note de M. J.
Chevrier.)
JuGY. Renseignements fournis par M. J. Martin.
Lacrost. Id.
Laives. j. Martin, Sépultures barbares sous dalles brutes des envi-
rons de Tournus (Annales de F Académie de Mdcon, y série,
t. II, 1898).
LUGNY. Id.
Maçon. Bulletin de la Société des Sciences historiques et naturelles
deVYonne, 1860, t. XIV, p. i. (Note de M. Challe.) —
Mémoires de V Académie de Mdcon, t. II, p. xxxi-298, t. V,
p. 293. — Musée de la Commission des Antiquités de la
Côte-d'Or, à Dijon. — Musée d'Annecy (Haute- Savoie).
Mellecey. Mémoires de la Société d'histoire et d'archéologie de
Chalon-sur-Saône, t. V, 1866. (Note de M. J. Chevrier.)
— Musée de Chalon-sur-Saône.
MoNTBELLET. D. Montfaucon, l' Antiquité expliquée, t. V, 17 10,
2^ part., p. 192. — D' RigoUot, Recherches sur les peuples
de race Icutoniqtie qui envahirent la Gaule au V" siècle. —
Mémoires de la Société des Antiquaires de Picardie, t. X, 1850.
— Baudot, Mémoire sur les sépultures des barbares de Bour-
gogne, 1860, p. loi. — Bibliothèque nationale. Cabinet
des Médailles, n° 4631.
OzENAY. Renseignement fourni par M. J. Martin.
Flottes. J. Martin, Sépultures barbares sous dalles bPutes des envi-
rons de Tournus {Annales de V Académie de Mdcon, y série,
t. II, 1898). — Musée de Tournus.
Pourlans. h. Baudot, Mémoire sur les sépultures barbares de
Bourgogne, 1860, p. 162.
222 CONGRES ARCHEOLOGiaUE DE MAÇON
Remigny. Mémoires de la Société Éduenne, nouvelle série, t. XVII,
p. 460. (Note de M. Bulliot.)
RoYER. J. Martin, Sépultures barbares sous dalles brutes des envi-
rons de Tournas (^Annales de VAcadéniie de Mdcon, 3^ série,
t. II, 1898).
Saint-Emiland. Mémoires de la Société Éduenne, nouvelle série,
t. XVII, 1890, p. 51e.
Saint- Jean-de-Vaux. Mémoires de la Société d'histoire et d'archéo-
logie de Chalon-sur-Saône, t. I, 1844-45-46, p. 241. (Note de
M. Couturier.)
Saint-Jean-des- Vignes. Mémoires de la Société d'histoire et d'ar-
chéologie de Chalon-sur-Saône, t. V, 1866. (Note de M. J. Che-
vrier.) — Musée de Chalon-sur-Saône.
Sassangy. h. Baudot, Mémoire sur les sépultures des Barbares de
Bourgogne, 1860, p. 131.
Sennecey-le-Grand. Renseignement fourni par M. J. Martin.
SiM ANDRE. J. Man'm, Sépultures barbares SOUS dalles brutes des envi-
rons de Tournus {Annales de F Académie de Mdcon, y série,
t. II, 1898).
Tournus. Revue archéologique, y série, t. XX, 1892, p. 265.
(Note de M. Hamy.) ^ — J. Marnn, Sépultures barbares sous
dalles brutes des environs de Tournus ÇAnnales de l'Académie
de Mdcon, ^ série, t. II, 1898). — Musée de Tournus.
UcHizY. J. Martin, Sépultures barbares sous dalles brutes des envi-
rons de Tournus (^Annales de l'Académie de Mdcon, y série,
t. II, 1898).
Vers. J. Martin, Id.
Le Villars. J. Martin, Id.
VIII
DÉCOUVERTES
ARCHÉOLOGIQUES
DANS LES DÉPENDANCES
DE L'ÉGLISE ABBATIALE DE TOURNUS
PAR
|M. J. MARTIN
Les travaux préparatoires exécutés pour la réparation projetée
du cloître, dit de Saint- Ardain, qui joint au midi l'église abba-
tiale de Saint-Philibert de Tournus, ont fait découvrir des sub-
structions et un certain nombre de sépultures intéressantes et
fort anciennes.
CLOÎTRE
C'est dans la partie de ce cloître, où en 1056 fut enterré saint
Ardain ', que des fouilles ont fait retrouver cinq sarcophages en
grès, tous ouverts et sans couvercles ; un seul était entier quoique
partagé par un mur dont les fondations passaient sous le tom-
beau; les autres cercueils avaient été coupés, l'un pour le passage
I. Nouvelle histoire de Tournus, par un chanoine de cette abbaye. Dijon,
1730, I vol. in-4.
224 CONGRES ARCHEOLOGIQUE DE MAÇON
du même mur transversal, deux autres dans le sens de la largeur
pour l'empâtement des murs de la grande nef de l'église, et un
cinquième placé plus profondément, dont il ne restait que l'ex-
trémité inférieure pour l'empâtement des piliers et du mur du
cloître à l'ouest ; ce dernier sarcophage B devait primitivement
toucher du côté de la tête l'ancien mur C qui sépare à l'ouest le
cloître du parloir.
Ce fragment de cercueil B contenait, de la terre noire très
humide et stratifiée de forme mamelonnée, devant provenir de
vase amenée par une infiltration d'eau tombant goutte à goutte;
cette terre recouvrait des fragments de tibia et des ossements
métacarpiens ' .
Le sarcophage entier, très orné, était creusé dans un bloc
de grès à gros grains ; à l'extérieur, du côté de la tête, on voit
sculpté en relief deux croix pattées soutenues d'un pied arrondi,
rappelant la croix pattée des menhirs bretons, marque typique de
l'époque mérovingienne -; les côtés extérieurs du coffre sont
décorés de stries disposées diagonalement en arête de poisson '.
Ces sépultures, bien antérieures à la construction de la grande
nef et du cloître qui sont du commencement du xi^ siècle, ont
dû être violées par les Hongrois en 987*.
1. Ce coffre avait à cette extrémité o™ 27 à l'intérieur sur o™ 40 de profon-
deur et était recouvert d'un couvercle également en grès, bombé à l'extérieur
et concave à l'intérieur.
2. Sur la plupart des coffres funéraires trouvés à Saint-Germain-l'Auxerrois,
à Saint-Séverin comme à Saint-Pol, on retrouve la croix des Loc'hs bretons (H.
du Cleusiou, Aii national, p. 98).
3. Ce sarcophage mesure : extérieurement 2n> 17 de longueur, sur une hauteur
de cm 55 et une largeur de 0^ 79 du côté de la tête et va en se rétrécissant aux
pieds ; l'intérieur est creusé sur une longueur de i '^ ^) ; à o™ 43 de hauteur
à la tête et om 40 aux pieds ; o ™ 57 de largeur du côté de la tête et o™ J2 du
côté des pieds.
4. Nouvelle histoire de Ton m us, Juénin, p. 69.
DECOUVERTES ARCHEOLOGIQ.UES A TOURXUS
--)
Dans ce même cloître, un peu plus à l'est, séparées par un mur
de I"' 80 d'épaisseur, se trouvent d'autres sépultures paraissant
plus récentes ; l'une formée d'un côté par un mur en pierres
sèches et de l'autre côté de pierres posées diagonalement; des
deux côtés du chef, on voyait une pierre taillée de C" 25 X
0"' II, posée verticalement, le tout était recouvert par trois dalles
de o"" 127 d'épaisseur, portant des traces de taille". Le sque-
lette avait les mains croisées sur l'abdomen, et dans les mains un
morceau de porphyre vert de forme rectangulaire très mince et
poli^. Dans les fouilles de sépultures de barbares de l'époque
mérovingienne, faites à Charnay, M. H. Baudot constate aussi
la présence de morceaux de marbre vert antique, arrachés sans
doute, nous dit l'auteur, à quelques monuments romains,
paraissant, ainsi que quelques fragments de succin ou cristal vol-
canique qui y furent aussi recueillis, s'expliquer par les idées
superstitieuses que les anciens attachaient à ces substances talis-
maniques '.
Un mur en pierre de o "' 30 d'épaisseur séparait cette sépulture
d'une autre faite en maçonnerie, enduite intérieurement de mor-
tier; ce tombeaif affectait la forme d'un losange tronqué aux
deux extrémités •♦ : trois dalles brutes le recouvraient et le
1 . Ce tombeau mesurait : à la tète o"' 37 de largeur, o™ 60 aux épaules et
se rétrécissait un peu vers les pieds; sa longueur était de 2"' 50 et sa protondeur
de o m 40.
2. Un cercueil à peu prés semblable a été découvert en juillet iiS9M,dans l'en-
ceinte de l'abbave, en faisant les canaux de la ville; il contenait aussi le même
objet brisé.
3. H. Bâudox, Si'pnlturi' (les l'cirhares de repoqtieiiii'raviiigii'niii', Mémoira de la
Commission des aiiliquile's du département de la Côte-d'Or, Dijon, 1860, i vol.
in-4.
4. Il mesurait en largeur du côté de la tête 0" 45, au tiers environ o"> 54 et se
rétrécissait aux pieds à o"' 35 ; sa longueur était de 2"' 1 5 et sa prolondeur de
o "M 5 •
CoXGREs'ARCHÉOLOGiaUH DK MAÇON. 'S
226 COXGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE MAÇON
squelette de i"" 95 de longueur avait la tête recouverte d'un
capuchon en étoffe de laine.
Toutes' ces sépultures étaient orientées de l'ouest à l'est, les
pieds au levant.
Au niveau et jusqu'à la base des sarcophages en grès, se trou-
vaient mélangés à de la terre noire des débris de briques noircies
par le feu, et des restes de carreaux émaillés, brun uni, ayant
o "' 197 de côté; quelques débris de tuiles dites romaines y ont
aussi été recueillis '.
LE LOCUTORIUM
Avant d'arriver au cloître dont nous venons de parler, on tra-
verse une salle rectangulaire de 10"' 45 de longueur sur 6°" éo de
largeur, dont la voûte en berceau est soutenue latéralement par
une série d'arcades en plein cintre reposant sur des pilastres ser-
vant d'ornement aux murs de cette salle.
C'est l'endroit que le père Chifflet, dans son Histoire de l'abbaye
de Tournas \ appelle le petit cloître voûté, où passait la grande
procession du jour de Pâques. Le chanoine Juénin, notre autre
historien, y voit bien plutôt un chauffoir qu'un cloître ' ; pour
moi, c'est le locutorium ou parloir indiqué dans le livre des
usages de l'abbaye '*, peut-être bien la salle où l'aumônier de
l'abbaye faisait aux pauvres la distribution des aumônes.
1. Un incendie considérable détruisit en 1006 une partie de l'abbave (v
Juénin, p. 85).
2. Histoire de l'abbave royale et collégiale île Toiinius, p. clvii (157), Dijon,
1664.
3. Nouvelle histoire de Tounius, Juénin, p. 92.
4. Ecrit par Claude Berthet, sous-prieur et aumônier, qui mourut en 1625
(Nouvelle histoire de Tourr.ns, p. 74).
DECOUVERTES ARCHÉOLOGIQUES A TOURNUS 227
Le parloir était remblayé au niveau de la base des pilastres D
du côté du narthex de l'église. Ces pilastres reposent sur un mas-
sif recouvert de dalles terminées par un chanfrein et une plate-
bande en saillie E, devant primitivement servir de bancs autour
de la salle. En effet, à C" 42 de profondeur, nous avons retrouvé
un pavage en gros carreaux rectangulaires, qui paraît être le carre-
lage primitif F, établi lors de la construction de la voûte et des
pilastres, puisqu'il repose directement sur les empâtements du
mur du côté de l'église et du mur parallèle du côté des grandes
caves ' .
En suivant les substructions du côté du narthex, on voit qu'elles
s'arrêtent à 6 "^ 70 de l'entrée , en finissant brusquement à
angle droit G, mais on les retrouve 2 mètres plus loin en H.
Dans la partie interrompue, on constate une ouverture et der-
rière un sarcophage en grès, ouvert et enclavé en partie dans
l'empâtement des murs du parloir, à r "' 40 au-dessous de la base
des pilastres, on retrouve les fondations des murs du narthex de
l'église.
Au-dessus du sol, cette ouverture, qui se trouvait entre le
troisième et le quatrième pilastre, a été remplie par de la maçon-
nerie.
Nous sommes donc ici de\ant la porte par où passait ancien-
nement la grande procession de Pâques : Et alors la procession
passant par le parloir se dirige vers la nef de l'église vieille ^ .
Le sarcophage enclavé dans ces substructions, ainsi qu'un autrt
semblable le joignant \ sont placés tous deux devant cette entrée,
1 . Ces empâtements ont une saillie de o ■" 1 7 au-dessous dudit carrelage et
vont en s'élargissant jusqu'à o"i 70 d'épaisseur, à i mètre de profondeur.
2. Et tune processio transiens per locutorium tendit o.d iiaveni ecclcsix vett'iis.
Un fit secunda statio (le livre des usages du processionnal de V abbaye de Tournas, par
Claude de Vignancourt (mss. du xvic siècle).
3. Cette seconde sépulture était recouverte d'une partie de son couvercle,
228 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE MAÇON
peut-être sur la demande de leurs premiers possesseurs, par
esprit d'humilité, suivant l'usage des premiers siècles, afin que
leurs frères, les foulant aux pieds en passant, pensent à leur accor-
der une prière '.
Ces sarcophages étaient placés au même niveau que ceux simi-
laires A découverts dans le cloître Saint-Ardain ; des traces d'in-
cendie, bois et fragments de tuiles dites romaines, noircies, ont
été trouvés dans cet endroit, de o "" 40 à o ™ éo au-dessous du
passage.
La voûte du parloir, les arcs doubleaux et les pilastres qui la
soutiennent sont postérieurs à la construction du narthex.
Des touilles fliites le long du mur opposé, contre les grandes
caves, n'ont mis à jour que des ossements gisant pêle-mêle, sauf
à l'extrémité est, où nous avons rencontré un tombeau formé de
dalles taillées à gros éclats et dressées sur champ ; il était recou-
vert d'un double rang de dalles minces de 3 à 4 cent, d'épaisseur,
et il contenait les restes d'un pèlerin; nous y avons recueilli des
coquilles percées de deux trous, genre Pecten Jacobi, les restes
d'un bcâton, et des fragments de tissus recouvrant des plaques
de cuivre ^.
aussi en grès et de forme prismatique ; le reste du couvercle avait été brisé et une
partie des fragments tombés dans l'intérieur du coffre ; sous ces débris, un squelette
entier ; à côté de lui, les ossement d'un autre. Ce sarcophage mesure intérieure-
ment I ni 89 de longueur, sur une largeur de 0"^ 52 à la tête et de 0™ 40 aux
pieds; les angles en sont arrondis, l'intérieur comme l'extérieur taillés en feuilles
de fougère; la hauteur totale sans le couvercle, o"' 55.
1 . De Caumont, Abécédaire d'archéologie religieuse, p. 60.
2. Cette sépulture avait : i m 90 de longueur, c" 43 de largeur du côté de la
tête et Qi" 30 du côté des pieds, o™ 33 de profondeur; les dalles le recouvrant
n'étaient qu'à Qi" 60 au-dessous du carrelage primitif; une des plaques de
cuivre ayant 0"" 065 X o™ 055 était entourée de tissu et légèrement arrondie,
suivant la forme du bras prés duquel elle fut trouvée, à gauche ; une autre plaque
était placée sur le fémur du même côté.
DECOUVERTES ARCHEOLOGIQ.UES A TOURNUS 229
l'ancien monastère
La présomption d'ancienneté du mur C séparant le parloir du
cloître, se trouve confirmée par l'examen des fondations de ce
mur.
En dessous du carrelage primitif, établi directement sur les
empâtements des murs du parloir soutenant la voûte, nous
avons rencontré deux rangs de petites pierres rouges K', puis
une grande assise de pierre blanche L, le tout d'une épaisseur de
o"'47; en creusant toujours, une plinthe ayant o "^ 20 de hau-
teur et une saillie de o '" 05, et des pierres blanches' taillées
M, établie sur les fondations et l'empâtement de ce mur.
Le niveau du bâtiment existant avant le locutoriu était donc
de o "' 67 plus bas, soit extérieurement le niveau du cloître,
retrouvé par M. Sauvageot, architecte des monuments histo-
riques.
Ce mur, auquel aurait été adossé postérieurement celui du
cloître ^, n'est pas lié avec celui qui limite les grandes caves au
sud ; il se continue et se trouve masqué dans les grandes caves
par un revêtement de o "' 50 d'épaisseur, servant à supporter des
voûtes faites bien postérieurement.
La base, jusqu'à 3 mètres de hauteur, ne présente pas de traces
de reconstitution. Serait-elle celle du mur du monastère primitif,
détruit par l'incendie de 937 ou de 1006, qui s'étendait sur cet
espace destiné plus tard à conserver le produit des dixmeset connu
sous le nom de grandes caves ?
1. Corallien inférieur, provenant des carrières des Justices (Tounnis
appartenant à l'abbave.
2. Corallien blanc, ou Kimnieridgien; ces carrières n'existent plus.
3. Au xie siècle.
230 CONGRES ARCHEOLOGIQUE DE MAÇON
Le sol du narthex de l'église, ainsi que celui des bâtiments
dont nous venons de parler, a été certainement remblayé et si,
comme nous l'avons fait au locutorium, on abaissait le niveau
actuel deo^ 40 à o™ 50, nous retrouverions sans doute les restes
du pavage F qui existait lors de la construction de ce parloir, où
l'on entrait par la porte retrouvée. En creusant un mètre plus
bas, nous devrions être sur le sol primitif, celui du seuil de
cette porte, au niveau des couvercles des tombeaux mérovingiens
récemment découverts, et au-dessous des traces d'incendie que
nous y avons constaté.
Les substructions, les restes du mur qui sépare le parloir du
cloître et les murs du narthex seraient donc probablement anté-
rieurs au x" siècle.
POURTOUR DE L EGLISE
Du côté nord parallèlement au narthex, les fouilles faites pour
l'établissement des égouts de la ville firent découvrir, à i"'40 de
profondeur, des sépultures. A la 'tête de plusieurs squelettes se
trouvait un vase en terre grise noirâtre, très quartzeuse, de forme
ovoïde, à large col rabattu, et muni d'un goulot et d'une anse :
hauteur o" 20 à o™ 23 sur un diamètre à la panse de o™ 18 à
C" 20 ' ; plusieurs sépultures étaient indiquées par une pierre
plantée verticalement \
1 . Il y a quelques années, à 30 mètres au nord, devant la maison Coste
(anciennement le Doyenné), on trouva aussi un vase. — Les mêmes vases ont
déjà été rencontrés il y a dix ans dans une nécropole joignant l'emplacement de
l'ancien château de Préty, chez M. le capitaine Gainier; ils sont actuellement au
Musée d^ Tournus.
2. Ces marques de sépultures ont aussi été constatées à Beaufer, près du cime-
tière de l'époque mérovingienne du Roy Guillaume (Tournus).
ÉGLISE S'
LOCVTORIVM
Cotcp
ELéi^ctliotx-
ILIBERT
CLOITRE S^ARDAIN
XI ^ Siècle
Niveau, du. aol ati XfX^siicic
Niveaui. du cAiTeLtgc au X\'lff^cU
Niveau, du. carrela^ au XI* siècic
^ en (rnès
DECOUVERTES ARCHÈOLOGICLUES A TOURNUS 2^1
Devant la porte du transept nord, un couvercle de sarcophage
en pierre, de forme prismatique, orné d'une grande croix fleuron-
née sculptée en relief, rappelant le couvercle trouvé en 1855 à
Nevers dans l'église abbatiale de Saint-Martin et déposé actuelle-
ment au Musée lapidaire de la Porte du Croux ; ce couvercle
avait été mutilé antérieurement.
A côté et toujours devant la porte du transept, une sépulture
sous dalles brutes : hi tête du squelette paraissait avoir eu la f^ice
tournée contre la terre, et les ouvriers m'ont assuré avoir trouvé
sous le crâne une pièce, moyen bronze de Magnence, qu'ils m'ont
remise.
Place des Arts, en face la petite porte du logis abbatial, une
autre sépulture faite de murs en pierres sèches, de 2"' 20 de lon-
gueur, s'élargissant des pieds jusqu'aux épaules et là ne laissant
que la place du chef, le tout recouvert de dalles brutes de o"' 10
à G™ 12 d'épaisseur, rappelant celle du cloître Saint-Ardain pré-
cédemment décrite. Cette sépulture contenait un squelette aux
pieds duquel on trouva une espèce de soulier très bizarre formé
de deux parties retenues ensemble par une couture dont les points
sont espacés de cinq millimètres : la semelle et le montant de la
tige du côté du talon sont d'une seule pièce, il n'a que o"'040 de
diamètre à la cheville, et à o"" 095 de hauteur on voit un trou
rond de G"" 015 de diamètre; une peau froncée beaucoup plus
mince semble avoir dû servir à envelopper le dessus du pied.
Le dessus de ce tombeau n'était qu'à i mètre de profondeur;
sur o"" 20 de terre s'étendait une bande d'argile calcinée de
G'" 20 d'épaisseur, recouverte de cendres et de débris de charbon ;
ce foyer était visible sur une étendue de plus de 2 mètres, et
précisément établi sur le sol primitif.
A quelques mètres de là, dans une sépulture formée de pierres
brutes placées sur champ et recouvertes de fortes dalles, les
232 CONGRES ARCHEOLOGiaUE DE MAÇON
ouvriers trouvèrent en fragments une plaque de porphyre vert
en tout semblable à celle trouvée dans le cloître Saint- Ardain.
Ces sépultures sous dalles rappellent le type des sépultures
barbares trouvées dans les nécropoles du Roy Guillaume, de
Dulphey, Farges et Flottes, mais les pierres qui les recouvrent
sont plus épaisses.
IX
INFLUENCE
DE LA
DÉVOTION POPULAIRE
SUR LE
MONNAYAGE DE L'ABBAYE DE TOURNUS
M. J. MARTIN
Une monnaie recueillie en 1890 et la trouvaille fliite en
1895 à Tournus, décrite par M. Paul Pinette, membre associé de
l'Académie de Mâcon ', jettent un jour tout nouveau sur l'his-
toire monétaire de l'abbaye de Tournus.
Cette pièce prouve que les abbés de Tournus monnoyèrcnt
alternativement au nom de saint Valérien et de saint Philibert.
Quand les moines de Noirmoutiers, sous la conduite de
Geilon, obtinrent de Charles le Chauve l'abbaye de Tt>urnus
en 875 -, le monastère qui s'y trouvait était sous le vocable
de saint Valérien \
1. Ga:{ettc numismatique française, 1897.
2. La donation porte : Ahbatiam saticti VaJcriaui caslrum Tretioirl>iinii quod
est ex eadem abhatia et Turuutium viUam.
5. Valérien, martyr pour la foi, fut décapité à Tournus, par ordre de Priscus,
le 15 septembre 177.
234 CONGRÈS ARCHÉOLOGiaUE DE MAÇON
En renouvelant les privilèges donnés par Charles le Chauve à
Geilon, le roi Eudes, en 889, accorda à l'abbé Blitgaire le droit de
battre monnaie. L'abbé Geilon avait bien fait consentir les
moines de Saint- Valérien à vivre avec les siens sous la règle
de Saint-Philibert, mais il fut convenu que l'abbaye resterait
sous le vocable de saint Valérien.
Les monnaies frappées sous Blitgaire sont sans doute celles qui
portent, d'un côté : SCS. VALERIAN, et au revers : TORNVCO
CAST. (Bibl. Nat., n° 1419).
MONNAIES DE TOURNUS
Malgré tout, une certaine rivalité subsista entre les religieux.
et le conflit devint aigu en 946, à la mort d'Aimin, 7*= abbé.
Gilbert, comte de Chalon, voulut imposer un abbé de son choix
aux religieux, mais la plupart quittèrent le monastère avec leurs
reliques et se retirèrent successivement à Mâcon, puis à Saint-
Pourçain', de 946 à 949. Leur départ, nous dit Pierre de Saint-
Julien ^, fut pour la Bourgogne le signal d'une infinité de maux,
car tout le monde attribuait ces malheurs à une punition divine
et à l'éloignement des saintes reliques; aussi, à leur retour,
furent-ils reçus en libérateurs.
Ces religieux n'avaient emporté parmi leurs reliques que le
corps de saint Philibert, ce qui prouve peu de dévotion à cette
époque pour saint Valérien encore dans son tombeau.
Quelques années plus tard, l'abbé Hervé, en 955, obtint du roi
Lothaire, le renouvellement des privilèges de l'abbaye et du droit
de monnayage, avec la condition que le nom du roi y serait
inscrit,
1. Chronique de Tourmn, par Falcon. Monnaies xi^ siècle, Bibl. de Tournus.
2. Antiquités de Tournus, p. 515 a 524.
LE MONNAYAGE DE L ABBAYE DE TOURNUS 25)
Ne serait-ce pas vers cette époque, malgré l'opinion de
M. Anatole de Barthélémy qui ne les croit pas antérieures au
XII'' siècle, qu'auraient été frappées les monnaies sur les-
quelles on lit : SCI PHILIBERTI MON., et au revers :
LOTARIIT. EEISNSINE (Lotarii régis insigne) (Bibl. Nat.,
n° 1415).
Le successeur d'Hervé, l'abbé Etienne, avait, nous dit Juenin ',
une dévotion particulière à saint Valérien, dont il fit exhumer
le corps; cette translation eut lieu vers 979. Les auteurs Falcon et
Garnier nous parlent de nombreux miracles obtenus par son
intercession à cette occasion.
Puis l'abbé Bernier, au commencement du xi"" siècle, fit bâtir
une église à Tournus sous le vocable de ce saint, aussi les mon-
naies récemment découvertes avec la légende : SCI VALERIAN,
et au revers HEINRICVS REX, conservées au Musée de
Tournus, sont-elles de cette époque ? ^
Cette ferveur au culte de saint Valérien a dû se ralentir sous
son successeur, car la Bibliothèque Nationale pos.sède un denier
argent sans nom de patron ; d'un côté : HEINRICVS REX, et
au revers : TORNUCIVM CAS. (Bibl. Nat., n'' 1414).
L'abbaye de Saint- Valérien ne devait pas changer de nom, mais
le peuple ' n'appelait plus cette abbaye que du nom de Saint-Phi-
libert; aussi sous Philippe P' (1060-1108), les monnaies chan-
gèrent encore, et nous en possédons sur lesquelles on lit :
FILIPVS REX, et au revers : SCI FILIBTI, pour Filiberti.
(Musée de Tournus.)
Enfin, depuis la dernière consécration de l'église à Notre-
Dame, saint \'alérieii et saint Philibert, faite par le pape
1. Nouvelle histoire de fabbaye de Tournits, Dijon, 1730.
2. Manuscrits des. Xh et XI I^ sièeles, de la Bibliothèque de Tournus
3. Antiquités de Tournus, par Pierre de Saint-Julien.
236 CONGRÈS ARCHÉOLOGiaUE DE MAÇON
Calixte II, en 1120, sans doute en vertu d'une bulle qui n'est pas
parvenue jusqu'à nous, on ne frappa plus de monnaies qu'au nom.
de saint Valérien : SCI VALERIAN. I^. TORNVCIO CAST.
(Bibl. Nat., n°' 1417-1418. Musée de Tournus). Ces deniers,
suivant l'opinion des numismates, ont dû être frappés aux
xii^ et xiii*^ siècles, jusque sous Louis le Jeune.
X
LES EDIFICES RELIGIEUX
DE
L'ÉPOQUE ROMANE
EN SAONE-ET-LOIRE
PAR
M. JEAN VIREY
Le département de Saônc-et-Loire qui forme actuellement,
au point de vue ecclésiastique, la circonscription du diocèse
d'Autun, était autrefois partagé entre trois diocèses, celui
d'Autun, celui de Chalon et celui de Mâcon. C'est de ce dernier
que je me suis plus spécialement occupé dans un travail publié
depuis une douzaine d'années'. Ce mémoire en est le résumé :
toutefois la connaissance que j'ai acquise des principaux édifices
du département m'a permis d'étendre le champ de ma première
étude, et d'y vérifier l'exactitude des caractères généraux précé-
demment exposés.
Je me propose de répondre à trois questions du programme,
en montrant les principes adoptés par les architectes de notre
région au xi^ et au xii"' siècle, n'ayant pas fait une étude suffisante
I. L Architecture romane dans Taiicieii diocèse de Mdcoii, dans les Màitoires
de la Société Edueinie, iiouvcIIl' série, t. XVII, X\'II1 et XIX; tinif^e à part,
Paris, 1892, in-8.
238 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE MAÇON
des monuments de la période gothique et de la Renaissance dans
notre département pour prétendre vous en exposer les caractères.
Au point de vue du nombre des édifices, de leur importance
et de leur intérêt archéologique, c'est l'époque romane qui est
la mieux représentée en Saône-et-Loire : il me suffira de citer
Saint-Philibert de Tournus, la cathédrale d'Autun, l'église du
prieuré de Paray-le-Monial, en y ajoutant, puisqu'il est impos-
sible de passer un pareil nom sous silence, les restes de l'église
abbatiale de Cluny. Ceux-là sont des monuments de premier
ordre, mais combien d'autres font encore bonne figure à côté :
Anzy-le-Duc, Bois-Sainte -Marie, Chapaize, Châteauneuf, Gour-
don, Semur-en-Brionnais; et si je voulais nommer toutes les
églises en totalité ou en grande partie romanes, je ne crois pas
exagérer en vous affirmant que mon énumération en compren-
drait bien au delà d'une centaine.
A quelle région mieux qu'à la nôtre peut-on appliquer le
témoignage du chroniqueur Raoul Glaber, qui fut moine à
Cluny dans la première moitié du xi"^ siècle ? Bien qu'il ait été
fort souvent cité, permettez-moi de vous le redire : « Comme
la 3^ année après l'an mil était sur le point de commencer, on se
mit par toute la terre, et particulièrement dans les Gaules et en
Italie, à renouveler les vaisseaux des églises, quoique la plupart
fussent assez somptueusement établis pour se passer d'une telle
opération. Mais chaque nation chrétienne rivalisait à qui aurait
le temple le plus remarquable. On eût dit que le monde se
secouait pour dépouiller sa vieillesse et revêtir une robe blanche
d'églises. Enfin presque tous les édifices religieux, cathédrales,
moùtiers des saints, chapelles de villages, furent convertis par
les fidèles en quelque chose de mieux. »
« De ce fait si remarquable, écrit Jules QjLiicherat, qu'il a pu
frapper un écrivain indifférent autant qu'on peut l'être au mou-
LES ÉDIFICES RELIGIEUX DE l'ÉPOQUE ROMANE 239
vement des arts, on a saisi depuis longtemps la portée morale »,
mais ce n'est pas cela ici qui nous occupe, et « le texte dit plus
que cela. En effet, quand il explique que des monuments déjà
dignes d'approbation étaient jetés par terre pour faire place à
d'autres monuments plus louables, il donne à entendre que la
génération de l'an mil posséda le moyen de foire mieux ou, pour
le moins, autrement que les générations précédentes. Il constate
donc un progrès de l'art. »
Avons-nous au moins de cette époque un monument daté,
bien authentique, nous démontrant de quelle nature fut ce
progrès qui ne consista pas à mieux décorer l'église mais à la
mieux construire ? Saint-Philibert de Tournus nous offre un type
remarquable autant qu'original de l'architecture des premières
années du xi' siècle. Mais est-ce le plus ancien de nos monu-
ments, et ne pourrons-nous pas faire ressortir les pratiques
nouvelles introduites dans l'art du bâtiment par comparaison
avec des édifices religieux antérieurs à l'an mil ?
Malheureusement l'autre terme de la comparaison nous
échappe : nous n'avons pas autour de nous de spécimen d'archi-
tecture d'une antiquité pareille, si ce n'est peut-être dans
quelques parties de l'église même de Saint-Philibert de Tournus.
Et d'ailleurs je suis persuadé que l'interprétation du texte du
vieux chroniqueur ainsi donnée par J. Quicherat dans son
étude de V Architecture romane, est d'une logique trop rigou-
reuse. Il ne faut pas exagérer outre mesure la rénovation très
réelle de l'architecture après l'an mil, et faire correspondre à
cette date une ligne de démarcation trop accusée entre deux
époques artistiques. Comme l'écrit M. Anthyme Saint-Paul,
« bien des églises bâties avant la fin du x'^ siècle et même dans
les dernières années du ix^ ont déjà le caractère roman que
doivent conserver les écoles où elles sont situées et peuvent être
240 CONGRÈS ARCHÉOLOGiaUE DE MAÇON
réunies aux églises du xi^ siècle, tandis qu'en d'autres régions les
types ne se constituèrent qu'à la fin du règne de Robert ou
même plus 'tard encore ».
Les terreurs de l'an mil qui expliqueraient le peu de solidité
donnée à la construction des églises, puisque d'un seul coup la
fin du monde allait tout anéantir, ne furent pas si universelles
qu'on l'a cru : «Les moines et les évêques combattirent eux-mêmes
cette croyance en la fin du monde, en expliquant aux peuples
le vrai sens du passage de l'Apocalypse qui l'avait provoqué.
Abbon, le célèbre abbé de Saint-Benoît-sur-Loire, parcourut la
France pour réfuter l'erreur et rendre la confiance aux fidèles. »
Quoi qu'il en soit, et spécialement pour nous, Saint-Philibert
marque l'avènement de l'architecture romane. On peut citer
dans le voisinage même de Tournus deux autres églises, celle de
Chapaize et celle de Farges, desquelles il serait bien difficile de
dire si elles sont de quelques années antérieures ou postérieures
à Saint-Philibert : en raison de la similitude de leur structure
on peut admettre qu'elles sont contemporaines.
Le grand nombre d'églises romanes que l'on remarque dans
cette région de la Bourgogne, notamment sur la rive droite de la
Saône, s'explique surtout par l'abondance d'excellents matériaux
de construction. Une autre cause de la multiplication des édifices
religieux est la proximité de l'abbaye de Cluny, dont la commu-
nauté si nombreuse et si prospère au xi^ siècle envoyait dans
tous nos environs des religieux pour installer des prieurés qui
furent l'origine d'une multitude de paroisses.
C'est ici peut-être l'occasion d'examiner quelle a été l'in-
fluence de Cluny sur le développement des arts, et en particu-
lier de l'architecture.
Le bruit que l'on a fait autour d'une prétendue école Cluni-
sienne n'est pas encore éteint. Viollet-le-Duc qui regarde Cluny
LES EDIFICES RELIGIEUX DE l'ÉPOQUE ROMANE 24 1
comme le berceau de la civilisation moderne, a considérablement
exagéré l'influence architecturale de la grande abbaye pendant
la période romane : il parle sans cesse de l'école clunisiennc, sans
que l'on puisse jamais discerner à quels caractères il entend qu'on
la reconnaisse. Tout ce que l'on peut admettre, c'est Cluny
centre de l'école bourguignonne. Que l'ordre clunisien se soit
distingué par son goût pour les arts, pour les belles constructions, •
c'est incontestable : nous n'en voulons pour preuve que les
éloquentes récriminations de saint Bernard ' qui semblent viser
directement le luxe d'églises telles que Cluny ou Vézelay; mais
il n'a pas existé d'école clunisienne ayant eu des procédés
propres. Viollet-le-Duc, hanté de cette idée que l'art roman est
purement religieux et monastique, emprisonné dans des formules,
ennemi de la nouveauté et du progrès, va jusqu'à dire : « Des
centres comme Cluny, lorsqu'ils envoyaient leurs moines cimen-
teurs pour bâtir un prieuré dans un lieu plus ou moins éloigné
de l'abbaye-mère, les expédiaient avec des programmes arrêtés,
des recettes admises, des poncifs, dont ces architectes clercs ne
pouvaient et ne devaient s'écarter. L'architecture, soumise ainsi
à un régime théocratique, non seulement n'admettait pas de
dispositions nouvelles, mais reproduisait à peu prés partout les
I. Dans V Apologie adressée en 11 24 à Guillaume, abbé de Saint-Thierry de
Reims, de l'observance de Cluny, saint Bernard, après avoir réprimandé les
abbés de la pompe mondaine dont ils s'entouraient, s'en prend A « la hauteur
des églises, leur excessive longueur, l'inutile ampleur de leurs nefs, leurs riches
matériaux polis avec tant de soin, leurs peintures occupant le regard qui,
appelant sur elles l'attention des fidèles venus pour se recueillir, représentent
assez le culte tout matériel des anciens Juifs Aux voûtes sont
appendues, avec un grand luxe, non des couronnes, mais des pierres pré-
cieuses, des roues, entourées de flambeaux et non moins brillantes par les
matières qui y sont incrustées Au lieu de candélabres, des arbres gigan-
tesques en bronze massif, travaillés avec une extrême patience, et aussi étince-
lants de pierres précieuses que de lumières Que ne révérons-nous
Congrès ARCHÉoLor.iatE dk hwcoN. '6
242 CONGRES ARCHHOLOGiaUE DE MAÇON
mêmes formes, sans tenter de progresser. ^) S'il en était ainsi,
et il est facile de mettre l'erreur en évidence comme l'a fait
M, Anthyme Saint-Paul, l'archéologue qui a le mieux et le plus
complètement réfuté la théorie de Viollet-le-Duc, tous les
monuments clunisiens devraient se ressembler : or, les différentes
écoles provinciales ont soumis à leur influence toutes les con-
'structions clunisiennes qui se trouvaient dans le rayon de leur
action : Saint-Etienne de Nevers est absolument différent de
Cluny; l'église clunisienne de Mozat dans le Puy-de-Dôme
présente les caractères du style auvergnat; Saint-Martin-des-
Champs, à Paris, dont le chœur reconstruit vers 1130, au
moment même où s'achevait l'abbaye-mère consacrée en 1131,
ne suit en rien les traditions de l'école bourguignonne.
Il y a quelques jours, je visitais dans le Jura suisse la. célèbre
abbaye de Romainmotier que l'on a appelée le Cluny de la
Suisse, et qui fut soumise à notre abbaye bourguignonne dès
la première moitié du x^ siècle. L'église passe pour avoir
du moins, poursuit saint Bernard, les saintes images dont est pavé le sol que
l'on foule aux pieds ? Souvent on crache sur la bouche d'un ange, souvent le
talon des passants frappe le visage d'un saint. Et pourquoi, si l'on ne veut pas
épargner ces figures sacrées, pourquoi du moins ne pas ménager les riches
couleurs ? Pourquoi décorer ce qui doit être aussitôt souillé, pourquoi peindre ce
qui doit inévitablement être foulé aux pieds ? Que font ces belles formes quand
elles sont criblées de poussière ?.. Dans les cloîtres, devant des con-
frères occupés à lire, que vient faire cette ridicule monstruosité, cette espèce
de beauté curieusement difforme ou cette belle difformité ? A quoi bon ces-
singes impurs, ces lions furieux, ces centaures monstrueux, ces sagittaires ?
Que signifient ces tigres tachetés, ces soldats en bataille, ces chasseurs donnant
du cor ? Ici est un quadrupède à queue de serpent, là un poisson à tète de
quadrupède. Voici une bête, cheval par devant et chèvre par derrière ; voilà
un animal cornu terminé en cheval. On voit plusieurs corps pour une tête, et
plusieurs têtes pour un seul corps. Telle est pourtant l'étonnante variété de
ces formes fantastiques qu'on a plus de plaisir à lire sur le marbre que dans
son livre, et qu'on aime mieux passer le temps à les admirer tour à tour qu'à
méditer sur la loi de Dieu »
LES ÉDIFICES RELIGIEUX DE l'ÉPOQUE ROMANE 2^3
été reconstruite au début du xi^ siècle, sous le gouvernement de
l'abbé Odilon, opinion qui me paraît en partie justifrée. Or, loin
de constater dans ce monument une analogie même lointaine
avec l'abbaye-mère, j'ai constaté une similitude frappante avec
deux églises monastiques de ce département, qui n'ont jamais
appartenu à Cluny, je veux;dire avec Saint-Philibert de Tour-
nus et Chapaize.
D'un autre côté, il est impossible^en Bourgogne de distinguer
par le style les églises clunisiennes de celles qui ne le sont pas.
Dans les environs mêmes de Cluny, parmi ces prieurés qui s'éle-
vaient si serrés à l'ombre de l'église? abbatiale, les églises con-
struites par les moines ne diffèrent pas des autres et n'ont entre
elles aucune analogie évidente. Les distinctions que l'on peut
y établir sont individuelles, et tous ces monuments appar-
tiennent à ce qu'on est convenu d'appeler l'école bourgui-
gnonne.
Presque toujours bien orientées, en vertu d'une coutume
liturgique, 'c'est-à-dire tournées de manière à présenter le chœur
à l'orient, la façade principale à l'occident, nos églises sont
construites différemment suivant qu'on les trouve dans le bassin
de la Loire ou dans la vallée de la Saône, et cette observation
m'amène à ouvrir encore une parenthèse pour répondre tout
de suite cà une question du programme.
Peut-on signaler des différences sensibles dans rarchitccture des
diocèses de Mâcon, de Chalon et d'Autun ? — Non, il n'y a pas, de
diocèse à diocèse, de différences qui méritent d'être signalées :
la seule remarque que j'ai pu faire, c'est que dans l'ancien dio-
cèse d'Autun beaucoup de nefs d'églises, comme cà Anzy-le-Duc,
Bragny-en-Charollais, Gourdon,Toulon-sur-Arroux sont voûtées
d'arêtes, tandis que l'ancien diocèse de Mâcon se distingue par
l'emploi exclusif de la voûte en berceau.
244 CONGRES ARCHEOLOGIQUE DE MAÇON
Il est incontestable- aussi que certains édifices, la cathédrale
d'Autun par exemple, ont eu dans leur voisinage, comme sur
l'église de Laizy, une influence évidente, mais je ne crois pas
possible de différencier nettement les caractères de l'architec-
ture d'un de nos trois anciens diocèses par rapport aux deux
autres. Ici et là se retrouvent les caractères communs à toute
l'école de Bourgogne; et cependant les monuments du Brionnais
et en général ceux de la vallée de la Loire se distinguent au
premier coup d'œil de ceux du Chalonnais ou du Maçonnais.
Là, c'est la beauté de l'appareil, la richesse dans la décoration,
une sculpture grasse et abondante, des détails soignés; ici, une
construction sévère en petits moellons plus ou moins réguliè-
rement disposés, et la décoration réduite à sa plus simple expres-
sion. Il ne fliut pas chercher l'explication de cette différence
ailleurs que dans la nature des matériaux que l'on a pris presque
partout sur place pour construire les églises.
Dans la partie du département qui appartient au bassin de la
Loire, en maints endroits la pierre se retire par bancs d'une
certaine épaisseur et se taille facilement, tandis que les carrières
de la vallée de la Saône offrent généralement des matériaux
d'une structure serrée, cassante, peu propre au travail du sculp-
teur. Voilà pourquoi nous trouvons d'un côté l'emploi fréquent
de colonnettes surmontées de chapiteaux délicatement sculptés,
de pilastres couverts de cannelures et d'ornements variés, des
linteaux et des tympans où sont représentés des personnages en
demi-relief; et de l'autre, une ornementation très pauvre qui
contredit la vieille réputation de richesse de l'architecture bour-
guignonne. Il suffit de citer les noms de quelques édifices :
Semur-en-Brionnais, Saint-Julien-de-Jonzy, Anzy-le-Duc, Bois-
Sainte-Marie, Paray-le-Monial d'un côté, et de l'autre Saint-
Philibert de Tournus, Uchizy et Saint-Hippolyte, pour que le
à
LES EDIFICES RELIGIEUX DE L EPOQ.UE ROMANE 245
contraste s'établisse dans l'esprit de ceux qui ont visité ces
régions.
Dans la vallée de la Saône, au xi^ siècle, la construction en
petits moellons est seule en usage; la présence du moyen appareil
suffit souvent à caractériser une reprise du xir siècle: à Tournus
par exemple le narthex et la nef sont en petits moellons, tandis
que les étages supérieurs des clochers et la grande abside sont
construits en pierres d'appareil; à Chapaize, le chœur du xii'
siècle se distingue ainsi du reste de l'église bâtie au début du
xi^ siècle; à Màcon, au Vieux Saint-Vincent, la base des tours est
formée de pierres de petit échantillon, mais on ne peut pas
étendre cette observation à la partie occidentale du département.
En abordant l'étude des caractères généraux de l'architecture
romane en Saône-et-Loire, je rappelle sommairement que l'école
bourguignonne, placée entre l'école des bords du Rhin et l'école
provençale, participe des deux, et de la seconde surtout. Elle a en
commun avec la première ces plates-bandes verticales qui divisent
les parois extérieures des murs, et qu'on a appelées « bandes
lombardes », allant joindre sous les corniches de petites arcatures
en plein cintre servant de modillons. Ce genre d'ornementation
qu'on retrouve très fréquemment dans la vallée de la Saône se
rencontre aussi non seulement dans les églises rhénanes, mais
en Lombardie et en Fouille, à Saint-Trophime d'Arles, à Bourg-
Saint-Andéol, en Catalogne, et même jusqu'en Suéde.
De même qu'en Provence, on trouve en Bourgogne l'emploi
du berceau brisé: on le constate chez nous dès le xi*-' siècle. Si
nous avions besoin du plein cintre pour caractériser l'architec-
ture romane, nous ne saurions pas comment classer les deux
tiers de nos églises construites au xi'= etauxii^ siècle.
L'influence de l'école auvergnate se retrouve dans un certain
nombre de localités, notamment à Tournus.
246 CONGRÈS ARCHÈOLOGiaUE DE MAÇON
Nous avons bien peu de dates de construction pour nos
monuments. Si nous ne sommes pas trop embarrassés pour leur
classification chronologique, grâce à la comparaison des caractères
qui nous permet de reconnaître si tel édifice est antérieur ou
postérieur à tel autre, il est moins aisé de fixer l'époque précise
à laquelle il a été bâti. Aussi, sauf pour certaines églises cons-
truites sous l'influence immédiate de l'abbaye de Tournus, dont
l'église fut consacrée en 10 19, et que nous n'hésitons pas à
attribuer à la première moitié du xi^ siècle, sauf pour les églises
qui ont avec l'abbatiale de Cluny une analogie de construction
évidente, pour celles où l'on retrouve les mêmes dispositions, la
même ornementation qu'à Saint-Marcel de Cluny reconstruit
en II 59, ou que dans certaines églises à date connue des dépar-
tements limitrophes, comme Belleville-sur-Saône^ dont la pre-
mière dédicace eut lieu en 1158 et la deuxième consécration en
II 79, ou Saint-Nicolas de Beaujeu, construit en 11 27 et con-
sacré en II 32, l'hésitation est aussi grande que légitime quand
il faut dire si une église appartient à la fin du xi^ ou au premier
quart du xii^ siècle.
La construction bourguignonne est éminemment solide, le
grand nombre d'églises actuellement existantes et datant du
xi^ ou du XII' siècle en est une preuve irréfutable. La pierre
étant abondante, on n'a pas cherché à l'économiser, et on agéné-
ralement donné une grande épaisseur aux murs, là même où les
nefs n'étaient pas voûtées.
Fréquemment les toitures sont posées directement sur les
reins des voûtes ; elles sont faites à angle très ouvert, et par
conséquent très plates, et exclusivement en dalles de pierre
appelées « laves » dans tout le pays qui s'étend sur la rive
droite de la Saône. Dans un certain nombre de nos égfises soit
du Chalonnais, soit du Maçonnais comme Saint-Martin-de-Laives
LES ÉDIFICES RELIGIEUX DE l'ÈPOQ.UE RO.MAXE 247
et Saint-Julien, près Sennecey-le-Grand, l'emploi de la pierre
a été si exclusif que, même en haut des clochers, la pyramide
courte en laves constituant la toiture vient reposer sur une
voûte en forme de coupole : ce qui démontre bien l'erreur trop
souvent commise dans la restauration de nos clochers quand on
y adapte une pyramide aiguë ou une flèche : l'amortissement
des tours romanes de nos régions doit être une toiture très sur-
baissée qui conserve au monument son caractère et son style.
On a bien élevé au xii^ siècle des pyramides en maçonnerie
d'un angle sensiblement plus aigu, mais le nombre en est si
restreint qu'on peut les considérer comme des exceptions.
Examinons maintenant le plan de nos édifices : le plus simple
consiste en une nef immédiatement suivie d'une abside en
hémicycle. Ce plan ne comporte pas de clocher, mais simplement
un clocher-arcade au-dessus du mur qui sépare la nef de l'abside
comme à Saint-Martin-de-Lixy.
Un second plan très fréquemment adopté est le suivant : une
nef voûtée ou plus souvent non voûtée, suivie d'une travée de
chœur généralement couverte par une coupole au-dessus de
laquelle s'élève le clocher, et d'une abside en hémicycle. C'est
le type le plus habituel.
Lorsque la travée de chœur précédant l'abside est flanquée
d'un croisillon à droite et à gauche et devient ainsi une croisée
de transept, on a le plan en forme de croix latine.
Dans les églises à trois nefs le plan le plus simple consiste en
trois nefs voûtées suivies d'un transept sans saillie à l'extérieur,
et d'un chœur composé simplement d'une abside en hémicycle
ouvrant directement sur la croisée du transept, comme à Farges,
Saint-Vincent-des-Prés, Sigy-le-Chcâtel.
A Uchizy et à Saint-Hippolyte, nous remarquons trois neis
248 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE MAÇON
voûtées communiquant avec un transept faisant saillie à l'exté-
rieur, et un chœur formé d'une travée droite et d'une abside en
hémicycle; Une absidiole est ouverte dans le mur oriental de
chaque croisillon.
La disposition est encore différente A Chapaize, à Iguerande,
à Châteauneuf, à Saint-Laurent-en-Brionnais : ce sont trois nefs
voûtées, coupées par un transept faisant plus ou moins saillie à
l'extérieur, et un chœur qui est le prolongement des trois nefs,
chaque partie étant composée d'une travée droite et d'une abside
ou absidiole en hémicycle.
Toutes ces variétés de plan ont été employées concurremment
et ne permettent pas d'assigner une date aux édifices.
A la cathédrale d'Autun, nous trouvons trois nefs, un tran-
sept faisant saillie à l'extérieur, et un chœur en hémicycle, pré-
cédé de deux travées droites et flanqué de deux absidioles. Il
n'y a pas de déambulatoire.
Celui-ci existe d'ailleurs assez rarement : on en voit à Tour-
nus, à Bois-Sainte-Marie, à Paray-le-Monial, et il y en avait un
à Cluny.
Quant au plan de l'église abbatiale de Cluny, conçue dans les
proportions gigantesques que vous s.ivez, il ne peut être comparé
à ceux que nous venons de décrire. Au delà du narthex élevé
vers 1220 par l'abbé Rolland, qui, bien gothique par ses voûtes
établies sur croisées d'ogives, offrait cependant un exemple, fré-
quent en Bourgogne, de la persistance du style en usage au siècle
précédent par l'emploi des pilastres cannelés accompagnés d'une
ornementation purement romane, nous trouvons une nef prin-
cipale flanquée à droite et à gauche d'un double collatéral.
Après la onzième travée, les nefs étaient coupées par un pre-
mier transept, le plus grand dont vous avez vu le croisillon méri-
dional, où s'ouvraient quatre chapelles en hémicycle; puis les
LES EDIFICES RELIGIEUX DE L ÉPOCIUE ROMANE 249
cinq nefs se prolongeaient encore pendant deux travées; puis
c'était le deuxième transept, et enfin le chœur entouré d'un déam-
bulatoire avec cinq chapelles rayonnantes.
Si de l'examen du plan nous passons à celui des voûtes, nous
constaterons que la plus grande partie des églises à une seule nef
sont plafonnées dans toute la longueur de la nef, et ne présentent
de voûtes qu'au chœur : c'est généralement une coupole octo-
gonale ou ovoïde sur trompes en cul-de-four qui couvre la tra-
vée au-dessus de laquelle s'élève le clocher : c'est toujours un
cul-de-four plein cintre ou brisé que l'on trouve au-dessus de
l'abside et des absidioles.
On rencontre cependant à Chissey, à Laize et à Ameugny des
églises à une seule nef voûtée en berceau brisé, renforcé par des
doubleaux en cintre brisé, mais ce sont plutôt des exceptions.
Dans les églises à trois nefs, nef et collatéraux sont toujours
voûtés. La nef a presque toujours un berceau brisé renforcé
par des doubleaux ; à Farges seulement on ne trouve pas de
doubleaux, mais les dimensions de la nef sont si restreintes et
les supports tellement massifs que les dangers offerts par la
poussée de la voûte n'étaient vraiment pas à^'craindre. La pré-
sence constante de voûtes en berceau au-dessus de la grande net
est, comme je l'ai dit plus haut, un caractère spécial à la vallée
de la Saône, car dans la vallée de la Loire et notamment dans
l'ancien diocèse d'Autun, à Anzy-le-Duc, à Gourdon, A 1 an-
cienne église de Toulon-sur-Arroux, à Bragny-en-Charollais,
la nef est voûtée par des compartiments d'arêtes.
La forme plein-cintre au berceau de la nef se rencontre assez
rarement : on peut en citer toutefois des exemples, à S.iiiu-\ in-
cent-des-Prés, à Iguerande. Quant à la voûte de Saint-Philibert
de Tournus, composée d'une série de berceaux transversaux,
elle est à l'état d'exception.
250 CONGRES ARCHEOLOGIQUE DE MAÇON
Les collatéraux sont voûtés par des compartiments d'arêtes
séparés par des doubleaux, rarement en berceau plein cintre. On
remarque à Brancion, dans l'ancien diocèse de Chalon, un bas-
côté couvert par un demi-berceau contrebutant la voûte de la
nef. Vous verrez aussi des demi-berceaux au premier étage du
narthex de Saint-Philibert de Tournus : ce n'est d'ailleurs pas la
seule particularité commune avec les monuments de l'Auvergne
que présente cet édifice.
Le clocher repose habituellement sur une voûte en coupole
octogonale ou ovoïde sur trompes en cul-de-four; mais en cette
même place, le berceau plein cintre ou brisé constitue une
exception encore assez fréquente à la règle. Dans les églises
construites avec un certain luxe comme l'abbatiale de Cluny,
Paray-le-Monial, Saint-Philibert de Tournus, Châteauneuf, la
coupole qui s'élève au-dessus de la croisée a été montée au
xii^ siècle, de façon à former une véritable lanterne.
Lorsque le chœur comprend une travée droite avant l'abside,
cette travée est voûtée par un compartiment d'arêtes ou plus
souvent encore par un berceau plein cintre ou brisé. Quand une
travée vient s'interposer entre les absidioles et les croisillons,
cette travée est voûtée de la même façon que les collatéraux.
Les croisillons du transept sont généralement voûtés en ber-
ceau plein cintre ou brisé perpendiculaire à la nef. Dans quelques
églises où la nef est voûtée en berceau brisé, les croisillons sont
couverts par un berceau en plein cintre.
Le berceau plein cintre ou brisé, la voûte d'arêtes, la coupole
au-dessous des clochers, voilà donc les seuls genres de voûte
pratiqués dans cette partie de la Bourgogne à l'époque romane,
c'est-à-dire au xi^ et au xii^ siècles. La voûte sur croisée d'ogives
y est totalement inconnue.
Ces voûtes ont été portées à des hauteurs différentes : il y a
LES ÉDIFICES RELIGIEUX DE l'ÉPOQUE ROM.WE 2)1
un contraste entre les voûtes surbaissées établies au xi*^ siccle
à l'église de Farges et à Saint- Vincent-des-Prés, et les voûtes
majestueuses, aussi élevées que celles des cathédrales gothiques,
que vous avez pu admirer à Cluny et à Paray-le-Monial. En
général, les voûtes bourguignonnes sont assez hautes; tantôt la
nef s'élève notablement au-dessus des bas côtés, ce qui permet
de l'éclairer directement par des fenêtres en plein cintre; tantôt
les bas côtés sont montés de telle sorte qu'une seule toiture à
deux rampants couvre les trois nefs, et la lumière n'est fournie
que par la façade et les collatéraux. A Châteauneuf, où les collaté-
raux ont des voûtes très élevées, l'architecte a ouvert dans les
murs de la nef des fenêtres en pénétration dans la voûte.
On peut se demander s'il n'y a pas à tirer de la hauteur rela-
tive des voûtes ou de leur brisure des éléments sérieux pour
dater les églises: je ne le crois pas. Dès une époque très reculée,
on a monté des voûtes à une très grande hauteur, témoin
l'église de Saint-Philibert de Tournus : il est vrai que dans cet
exemple l'artifice employé, emprunté déjà aux voûtes du rez-de-
chaussée du narthex de la même église, n'a guère été imité.
L'architecte a imaginé, pour élever sans danger les murs latéraux
percés de vastes fenêtres en les déchargeant de la poussée des
voûtes, de faire une série de berceaux perpendiculaires à l'axe
qui se contrebutent les uns les autres et annihilent la poussée.
Pourquoi ce système n'a-t-il pas rencontré plus d'imitateurs ?
Ne serait-ce qu'une question d'esthétique, et le goût des archi-
tectes bourguignons a-t-il été choqué de la perspective heurtée et
disgracieuse d'une nef ainsi voûtée? Quoi qu'il en soit, nos
ancêtres ont trouvé de bonne heure dans le berceau brisé un
moyen d'atténuer les inconvénients de la voûte en berceau plein
cintre qui déversait peu à peu les murs et les piles en dehors.
Viollet-le-Duc dit que le berceau brisé fut adopté dans une par-
252 CONGRES ARCHEOLOGiaUE DE MAÇON
tie de la Bourgogne dès le commencement du xii^ siècle : il est
permis d'aller plus loin que lui et d'affirmer, comme Jules
Quicherat, que le xi^ siècle l'employait déjà.
' Ainsi, dès le xi* siècle, et peut-être dès la première moitié du
XI* siècle, la forme du plein cintre a été heureusement modifiée
en Bourgogne par l'emploi très fréquent du cintre brisé. Mais il
faut se garder de tirer cette conclusion qu'une église dont les
voûtes et les arcs sont en plein cintre est rigoureusement plus
ancienne que telle autre où l'on a fait usage du cintre brisé. La
première forme est évidemment la plus ancienne, mais elle a été
employée pendant longtemps après que l'autre était déjà fort
répandue, et l'on pourrait citer des édifices où tous les arcs en
plein cintre sont d'une construction postérieure d'environ un
siècle aux arcs brisés de tel autre. A Saint-Laurent-en-Brionnais,
première moitié du xii^ siècle, règne le plein cintre; àChapaize,
première moitié du xi^ siècle, le cintre brisé. Quelques églises
oftVent un mélange de plein cintre et de cintre brisé. C'est dans
la vallée de la Loire que le plein cintre s'est le mieux défendu.
Une meilleure indication, quand il s'agit de dater un monu-
ment, se tire du doublement des arcs: il est certain que les arcs
les plus anciens sont simples, et que ce n'est qu'avec le temps,
dans le but d'abord d'ajouter à leur solidité, puis dans un but de
décoration, qu'on s'est mis à doubler les arcs et arcades. Dans
notre région, il ne faut guère compter sur le profil des moulures
comme élément de date : car beaucoup d'édifices, du côté de la
vallée de la Saône, sont totalement dépourvus d'ornemen-
tation. En outre, il ne faut rien attendre du profil des claveaux
des grandes arcades qui sont toujours à arêtes vives. Les grandes
arcades de la nef sont en plein cintre, non doublées, à Chapaize, à
Iguerande; elles sont en cintre brisé non doublées à Larges, à
Saint-Vincent-des-Prés, à Uchizy; elles sont en cintre brisé,
doublées, à Chcâteauneuf.
LES ÉDIFICES RELIGIEUX DE l'ÉPOQ.UE ROMANE 2)3
- Les grandes arcades de la croisée du transept sont doublées
plus fréquemment; il s'agissait d'abord de soutenir d'une façon
efficace la masse du clocher, et d'un autre côté l'arc doublé
nécessitant des pieds-droits en plus, on pouvait orner l'entrée
du chœur avec des colonnes engagées qui jouent un rôle utile
dans la construction. Il en est ainsi à Iguerande, à Péronne, à
Chânes, à Pierreclos, Châteauneuf, Vauban, Ligny, Saint-Lau-
rent-en-Brionnais. Ailleurs, à Chapaize, à Farges, Saint-Vincent-
des-Prés, Ameugny, Blanot, Donzy-le-Pertuis, Uchizy, etc.,
églises appartenant au xi'= siècle, les grandes arcades de la croi-
sée ne sont pas doublées.
En examinant le plan des piliers, nous voyons que la
forme la plus simple, la plus ancienne aussi, est la lorme cylin-
drique. Les gros massifs ronds en maçonnerie qui soutiennent
les voûtes du narthex et celles de la nef dans l'église Saint-
Philibert à Tournus, se retrouvent à Farges, à Chapaize et à
Saint-Vincent-des-Prés. On ne rencontre cette catégorie de piliers
que dans des édifices de la première moitié du xi'^ siècle.
Le pilier rectangulaire, contemporain du pilier circulaire, est
assez rare : on en constate l'existence à la croisée du transept de
l'église de Farges.
Le pilier cruciforme, simple, sans application de pilastres ni
de colonnes engagées, est ancien aussi: on le trouve notamment
à l'église d'Uchizy, qui est de la seconde moitié du xi^ siècle.
On remarque à la nef d'Iguerande des piliers élevés sur un
plan carré, cantonnés sur les quatre faces de colonnes engagées,
qui doivent être de la fin du xi<= siècle : souvent au lieu de quatre
colonnes, on n'en trouve que trois et un pilastre à la quatrième
face; généralement le pilastre est tourné vers le collatéral,
d'autres fois vers la nef, quand il est garni de cannelures, comme
à Cluny, à Paray-le-Monial, à Autun.
:254 CONGRES ARCHEOLOGIQ.UE DE MAÇON
Le plan le plus compliqué est celui d'un pilier cruciforme can-
tonné de colonnes ou de pilastres : on le rencontre à la croisée
du transept de l'église d'Iguerande, à celle de l'église de Château-
neuf, et aussi à Saint-Laurent-en-Brionnais.
Deux grandes divisions s'imposent dans l'examen des nefs,
suivant qu'elles sont uniques ou flanquées de collatéraux: c'est
dans la première que l'on range la majorité des églises rurales,
généralement plafonnées et sans intérêt. A Taizé et à Chissey,
où la nef est voûtée, des arcades en cintre brisé, appliquées
contre les murs latéraux, supportent les sommiers de la voûte;
à Ameugny, on voit de gros pilastres soutenir à leurs retombées
les arcs doubleaux ; à Chissey, des colonnes engagées remplissent
le même office.
Les églises à nef et collatéraux sont entièrement voûtées :
lorsque la nef n'a pas de fenêtres, l'élévation intérieure est fort
simple : le nu du mur qui s'élève au-dessus des grandes arcades
se continue par la courbe de la voûte, voûte simple et sans divi-
sions comme à Farges, partagée par des doubleaux comme à Saint-
Vincent-des-Prés .
Les nefs de Saint-Philibert de Tournus et de Chapaize offrent
un type beaucoup plus curieux : les voûtes sont munies de dou-
bleaux portant à leurs impostes sur des colonnes engagées dans
les murs gouttereaux. A leur base,- ces colonnes engagées reposent
elles-mêmes sur le tailloir des gros piliers cylindriques qui sou-
tiennent les retombées des grandes arcades. Dans l'axe de chaque
travée, au-dessus de la grande arcade, s'ouvre une fenêtre en
plein cintre. A Uchizy, des pilastres rectangulaires servent de
pieds-droits aux doubleaux de la voûte. Toutes ces nefs sont
absolument dénuées d'ornementation.
A Châteauneuf-en-Brionnais, où la nef est assez richement
décorée par des cordons de perles et des bandeaux chargés de
LES ÉDIFICES RELIGIEUX DE L EPOQ.UE ROMANE 255
petits disques plats, qui courent au-dessus des grandes arcades
dans toute la longueur de l'édifice, il n'y a ni triforium comme
à l'église de Semur-en-Brionnais, ni ces arcatures aveugles que
l'on voit à la cathédrale d'Autun, à Toulon-sur- Arroux, à Gour-
don, à Paray-le-Monial, et qui existaient aussi à l'église abba-
tiale de Cluny.
Les collatéraux, d'une largeur généralement moitié moindre
que la nef, sont voûtés en berceau ou plus souvent encore par des
compartiments d'arêtes séparés par des doubleaux.
Le clocher s'élève toujours, sauf de très rares exceptions^ au-
dessus de la croisée du transept. Les clochers en fliçade sont fort
rares : parmi les églises de village, Bragny-en-Charollais est une
des seules à en posséder. Les autres spécimens que l'on peut citer
de tours en façade appartiennent à des édifices beaucoup plus
importants, comme Perrecy-les-Forges, Paray-le-Monial, la cathé-
drale d'Autun, l'ancienne église abbatiale de Cluny, le Vieux
Saint- Vincent à Mâcon, Saint-Philibert de Tournus.
Les croisillons, généralement voûtés en berceau perpendicu-
laire à la direction de la nef, sont accompagnés de chapelles en
hémicycle ouvertes dans le mur oriental à Uchizy, à Saint-Hippo-
lyte, à Gourdon et à Anzy-le-Duc, mais cette disposition n'est
pas habituelle.
Le chœur, d'habitude moins large que la nef, est aussi moins
élevé sous voûtes: l'église de Donzy-le-Pertuis présente le type
le plus rudimentaire, une simple niche en hémicycle voûtée en
eul-de-four; ailleurs, le chœur qui se termine toujours par une
abside en hémicycle voûtée en cul-de-four est précédé d'une
travée droite qui le sépare de la croisée du transept. Cette travée
est voûtée d'arêtes ou plus souvent en berceau brisé. C'est au
fond du chœur, contre la paroi semi-circulaire que s'applique la
décoration d'arcatures que l'on retrouve partout en Brionnais
256 CONGRÈS ARCHÊOLOGIQ.UE DE MAÇON
et dans tout le Charolhus ainsi qu'aux environs de Cluny. Dans
le Maçonnais, au contraire, sauf à Chânes et à Péronne, le fond
du chœur est nu sans autre décoration que l'ouverture des
fenêtres. Ces arcatures en plein cintre, à l'archivolte richement
ornée retombant sur des pilastres sculptés ou cannelés ou des
colonnes, ont été en usage fréquent au xii= siècle : l'ancienne
église de Dun, celle de La Chapelle-sous-Dun, celles de Mussy-
sous-Dun, de Chcâteauneuf, de Vauban, de Ligny, de Saint-
Laurent-en-Brionnais, de Saint-Bonnet-de-Cray, etc., nous en
offrent des exemples. Les églises possédant un déambulatoire
avec chapelles rayonnantes sont rares: il faut citer Saint-Phili-
bert de Tournus, Paray-le-Monial et le Bois-Sainte-Marie; le
chœur de l'église d'Anzy-le-Duc avec ses cinq chapelles mérite
aussi d'être mentionné.
Si nous examinons maintenant l'extérieur de nos églises, nous
nous arrêterons d'abord aux façades. Sans parler de quelques
églises monastiques comme Uchizy et Blanot qui en ont tou-
jours été dépourvues, les façades de notre région sont habi-
tuellement fort simples : leurs dispositions accusent nettement la
division intérieure en trois nefs, soit par la présence de toitures
en appentis couvrant les collatéraux, soit par des contreforts
placés dans l'axe des piliers de la nef, si une même toiture à deux
rampants abrite la nef et les collatéraux comme à Farges, Igue-
rande. Le Puley, Saint- Martin-de-Laives.
N'oublions pas de mentionner dès maintenant un accessoire
de la façade dont notre pays offre de nombreux et importants
spécimens: je veux parler des narthex et des porches de l'époque
romane. Le narthex le plus remarquable par son ancienneté est
celui de Saint-Philibert à Tournus ; le plus important par ses
dimensions était celui de l'église abbatiale de Cluny, aujourd'hui
LES ÉDIFICES RELIGIEUX DE L'ÉPOaUE ROMANE 257
complètement détruit. Bien que construit dans la première
partie du xiii'' siècle, il était encore bien roman par ses dispo-
sitions générales et son ornementation. Le plus riche au point
de vue de l'art est celui de Charlieu : je le cite bien qu'il n'appar-
tienne pas à notre département, mais il faisait partie du diocèse
de Mâcon, et comme c'est notre plus pur chef-d'œuvre de sculp-
ture décorative, je n'ai garde de l'abandonner. Nous avons ici
même, à Mâcon, le narthex de l'ancienne cathédrale de Saint-
Vincent. Énumérons encore les porches de la cathédrale d'Autun,
de Paray-le-Monial, de Perrecy-les-Forges, de Villars-sur-Saône,
en regrettant qu'une revue aussi sommaire ne nous laisse pas le
loisir d'étudier en détail ces œuvres diverses.
Le rez-de-chaussée de la façade est toujours percé en son milieu
d'une porte en plein cintre, très simple à Brancion, à Chapaize, à
Clessé, etc., et ornée de sculptures ou flanquée de colonnettes ou
de pilastres supportant les retombées d'archivoltes, comme à
Farges, Iguerande, Châteauneuf, Marcigny-sur-Loire , Varennes-
l'Arconce, Saint-Germain-des-Bois. Je me borne à mentionner,
puisque j'y reviendrai plus loin, les belles portas aux riches
sculptures de Saint-Julien-de-Jonzy, de Semur-en-Brionnais, de
Perrecy-les-Forges, d'Anzy-le-Duc, de Montceaux-l'Etoile, sans
oublier le célèbre portail de la cathédrale d'Autun et celui du
Vieux Saint Vincent à Mâcon.
Au-dessus de la porte se trouve soit un oculus à Farges, Semur-
en-Brionnais, soit bien plus souvent une fenêtre en plein cintre
éclairant la nef à Saint-Vincent-des-Prés, Iguerande, Jalogny.
Dans nombre d'églises, la fenêtre ainsi ouverte dans le mur de
façade au-dessus de'la porte est décorée avec un soin particulier et
cantonnée de colonnettes dans ses pieds droits à Chapaize, Châ-
teauneuf, Anzy-le-Duc. S'il s'agit d'une façade d'église à une
seule nef plafonnée, la baie ainsi placée au-dessus de la porte.
Congrès ARciiÉOLOGiauE de hacon. '7
258 CONGRES ARCHEOLOGiaUE DE MAÇON
dans le pignon, éclaire le comble plutôt que la nef à Cotte,
Donzy-le-Royal, Clessé). Dans un édifice à trois nefs, la partie de
façade correspondant aux collatéraux est quelquefois percée de
fenêtres comme à Chapaize, Châteauneuf. Des bandes verticales
et arcatures lombardes complètent la décoration de la façade à
Chapaize, Saint-Vincent-des-Prés, Cotte, Clessé.
Si nous considérons maintenant l'élévation latérale, elle se pré-
sente sous deux aspects, suivant que l'édifice est à une seule
nef, ou à trois nefs couvertes par une seule toiture ; ou quand
l'église est à trois nefs et quand les murs gouttereaux de la nef
centrale s'élèvent au-dessus du toit des bas côtés.
Dans le premier cas, nous voyons le mur latéral tantôt complè-
tement nu, simplement percé par les fenêtres; tantôt décoré de
bandes verticales alternant avec les fenêtres à Clessé, Cotte,
Péronne, se détachant en légère saillie sur le parement du mur;
tantôt, si l'église est voûtée, muni de contreforts plus ou moins
massifs et saillants. A la base du toit règne une corniche, habituel-
lement tout unie, parfois supportée par des modillons frustes ou
sculptés.
Dans le second cas, il y a deux étages de muraille à examiner :
celui qui correspond au collatéral, et celui qui correspond à la
partie haute de la nef. Au bas côté comme à la nef, la division
intérieure en travées est accusée à l'extérieur par des contre-
forts alternant avec les fenêtres. En faible saillie à Uchizy et à
Saint-Hippolyte, ces contreforts se réduisent parfois, et c'est le
cas des églises les plus anciennes, à de simples bandes verticales
qui décorent l'élévation du bas côté, montent le long du mur
de la nef et se rejoignent sous le toit par une série d'arcatures
lombardes en guise de corniche comme à Saint-Vincent-des-Prés,
Chapaize, Saint-Julien près Sennecey-le-Grand, Saint-Martin-de-
Laives.
LES ÉDIFICES RELIGIEUX DE l'ÉPOCIUE ROMANE 259
L'élévation du mur de clôture des croisillons du transept ne se
distingue souvent^ lorsque la saillie du transept est nulle, que
par le changement de toiture ou le niveau inférieur ou supérieur
auquel elle est montée. A Farges, la toiture des croisillons est
moins élevée que celle des collatéraux ; habituellement, au con-
traire elle s'élève au-dessus à Saint- Vincent-des-Prés, Chapaize,
Châteauneuf, Saint-Laurent-en-Brionnais.
Le mur de clôture du croisillon est limité à droite et à gauche
par des contreforts ou de simples bandes verticales, et présente
en son milieu, à un niveau plus élevé qu'aux bas côtés, l'ouver-
ture d'une fenêtre en plein cintre. L'église de Châteauneuf
offre le seul exemple d'une façade de transept ornée d'un bel
oculus encadré de moulures.
Avant de quitter l'élévation latérale, il faut signaler, dans un
certain nombre d'églises, l'existence de portes parfois fort inté-
ressantes ou remarquables par leur décoration. Je rappelle en
passant la belle porte du croisillon nord à Paray-le-Monial et les
portes latérales de Châteauneuf, de Semur-en-Brionnais, de
Varennes-l'Arconce^ du Bois-Sainte-Marie.
Le chevet de nos églises présente en plan la saillie toujours
semi-circulaire d'absides et d'absidioles en nombre variable.
Dans l'élévation, nos absides sont en général d'une décoration
fort simple, je cite comme exception Saint-Philibert de Tournus
dont les chapelles r?,yonnantes sont montées sur plan rec-
tangulaire ; sous la corniche de la grande abside on remarque de
ces placages en pierres de couleurs variées formant comme un
revêtement de mosaïque : ce sont encore là deux caractères
empruntés à l'Auvergne par l'architecte de cette grande église
bourguignonne.
Dans les constructions soignées et au xii^ siècle seulement,
le mur des absides est renforcé à sa base par une plinthe simple
260 CONGRÈS ARCHÉOLOGiaUE DE MAÇON
OU moulurée : je l'ai constaté notamment à Chapaize, à Cluny,
à Châteauneuf, à Paray-le-Monial. Parfois, comme à Château-
neuf, les fenêtres de l'abside sont décorées avec plus de soin que
les autres ; il en est de même à Paray-le-Monial où les baies de
la grande abside sont encadrées dans un système d'arcatures
soutenues par des pilastres cannelés. Les fenêtres des absides, en
nombre impair, sont séparées les unes des autres par des contre-
forts assez peu saillants et de section rectangulaire. A Saint-Vin-
cent-des-Prés, Donzy-le-Royal, Chânes, Châteauneuf, au Bois-
Sainte-Marie, à La Chapelle-sous-Brancion, on trouve à l'abside
des contreforts en forme de colonnes engagées.
La toiture de l'abside, appuyée sur les reins de la voûte en cul-
de-four, est soutenue à sa naissance par une corniche de profil
fort simple. Ce sont souvent trois bandeaux de pierres en retrait
les uns sous les autres, le bandeau supérieur surplombant les infé-
rieurs. Cette corniche est portée soit sur des modillons sculptés,
comme à Iguerande, à Lys, à Châteauneuf; soit sur l'extrados
d'une série d'arcatures en plein cintre, comme à Paray-le-Monial,
Chapaize, Saint- Vincent-des-Prés, Donzy-le-Pertuis, Cotte, le
Bois-Sainte-Marie, etc.
Dans notre promenade autour de l'église, nous n'avons point
encore eu l'occasion de parler du clocher : c'est qu'il émerge au-
dessus des toitures, au cœur même de la construction, au-dessus
du carré du transept. Il est fort rare de rencontrer des tours
portant de fond, placées soit en façade, soit latéralement, comme
les tours octogonales du Vieux Saint-Vincent à Mâcon : je dois
citer pourtant les deux petits clochers qui s'élèvent au-dessus du
porche de la cathédrale d'Autun ; les deux clochers qui
occupent la même situation à l'église de Paray-le-Monial. Le
narthex de Saint-Philibert de Tournus est surmonté également
de deux tours, dont l'une, celle du nord, a été au xii^ siècle
LES ÉDIFICES RELIGIEUX DE l'ÉPOQUE ROMANE 201
terminée par un clocher. Le beau clocher de Perrecy-les-Forges
est aussi élevé au-dessus du porche; mais les églises rurales
n'offrent pour ainsi dire pas d'exe'.nples de tours élevées en
dehors de la croisée du transept.
On peut établir deux groupes, celui des clochers montés, dans
toute leur hauteur, sur plan carré ou rectangulaire, et celui des
tours abandonnant le plan carré au-dessus des toitures de la nef
pour passer au plan octogonal.
Bien que la Bourgogne, et en particulier le département de
Saône-et-Loire, passe pour être riche en clochers octogonaux, il
ne faut pas croire que la majorité de nos églises en soit pours'ue.
La forme octogonale est toujours restée assez rare, et si j'élimine
les tours de Semur-en-Brionnais et de Saint-Albain, qui ne sont
franchement romanes ni l'une ni l'autre, vous ne pourrez la
constater qu'aux clochers de l'ancienne cathédrale de Saint-Vin-
cent de Mâcon, au-dessus du croisillon du grand transept de
l'église abbatiale de Cluny, à Saint-Marcel de Cluny, à Paray-le-
Monial, à Anzy-le-Duc, à Palinges, à Clessé, à Loche et à
Saint-Gengoux-le-Royal. En admettant, ce qui est possible, une
ou deux omissions de ma part, vous voyez que la liste des
clochers octogonaux n'est pas interminable.
Le type le plus ordinaire est donc celui du clocher carré, le
plus simple et le plus facile à monter.
Carrés ou octogonaux, quel a été le couronnement de nos
clochers du xr et du xii' siècle ? Je prétends qu'ils ont été en
grande majorité couverts par des toitures dont l'angle au som-
met était obtus. Pour le xi^ siècle, cela ne me paraît pas faire de
doute ; nous avons encore des clochers carrés de cette époque
qui ont reçu à leur partie supérieure une voûte en forme de cou-
pole portant sur ses reins une toiture en pavillon à quatre pans,
très obtuse, faite de ces grandes dalles en pierres plates du pays
202 CONGRÈS ARCHÉOLOGiaUE DE MAÇON
appelées laves : je peux citer deux églises où l'on voit cette
disposition, Saint-Julien près Sennecey-le-Grand et Saint-Martin-
de-Laives^ et je crois bien qu'elles ne sont pas les seules.
Il est certain qu'au xii^ siècle, peut-être dès le courant du xi%
on se mit à élever des pyramides en maçonnerie : il en subsiste
quelques-unes qui remontent probablement à cette époque.
Les toitures en bâtière, comme à Lys et à Domange, sont fort
rares dans notre région.
Une petite église. Saint- Martin-de-Lixy, possède simplement
un clocher arcade que l'on peut dater de la première moitié du
xii'^ siècle.
Les bandes lombardes et lesarcatures que nous avons déjà ren-
contrées dans la décoration des façades, dans les élévations laté-
rales, au pourtour des absides, se retrouvent aussi aux clochers :
tous nos clochers octogonaux en possèdent, comme à Anzy-le-
Duc, dans la vallée de la Loire, et à Saint-Gengoux-le-Royal,
Clessé, Loche, etc., en Maçonnais.
Parmi les tours carrées, les unes sont ornées d'arcatures et de
bandes lombardes, ce sont celles qu'on trouve dans la vallée de
la Saône : Chapaize, Uchizy, Saint- Vincent-des-Prés, Massy,
Farges, Saint-Hippolyte, La Vineuse, Taizé, Flagy, Ameugny;
les autres n'ont ni bandes appliquées ni arcatures : on les ren-
contre à Iguerande sur les bords de la Loire, et dans la même
vallée à Châteauneuf, Saint-Julien-de-Jonzy, Saint-Laurent-en-
Brionnais, Varennes.
Je devrais maintenant, si je ne craignais d'abuser de votre
attention, revenir en arrière pour insister sur l'ornementation et
la sculpture, ne serait-ce que pour appuyer encore une fois sur le
contraste présenté à cet égard par les deux régions dont se com-
pose notre département, l'une tributaire de la Loire, l'autre de
la Saône. Dans cette dernière, la décoration se réduit à ces enca-
LES ÉDIFICES RELIGIEUX DE l'ÉPOQUE ROMANE 263
drements formés d'aixatures et de bandes lombardes dont il vient
d'être question ; les autres motifs, zigzags et dents de scie, appar-
tiennent plus encore à la construction qu'à la décoration ; et,
sauf dans de très grandes églises comme la cathédrale de Saint-
Vincent de Chalon, Saint-Philibert de Tournus, l'abbatiale de
Cluny, le narthex du Vieux Saint-Vincent de Mâcon, où parmi
une décoration assez riche on distingue d'intéressantes séries de
chapiteaux historiés, on ne voit guère de pilastres cannelés, ni de
colonnettes, et les rares chapiteaux que l'on rencontre y sont
pauvrement sculptés.
Dans l'autre région au contraire la sculpture s'épanouit partout,
grasse, abondante, et en même temps d'une sûreté et d'un goût
parfaits, qui étonneraient si l'on ne se sentait ici sous l'influence
des modèles de l'antiquité. C'est bien du « faire » des tailleurs
d'images de l'école du porche de Charlieu que Viollet-le-Duc a
pu écrire que leur ciseau égale la pureté du ciseau grec. Et en
eff'et, dans le Brionnais, vers le milieu du xii'= siècle, quelle mer-
veilleuse éclosion de chefs-d'œuvre encore trop peu connus,
chapiteaux, linteaux et tympans sculptés à Arcy près d'Anzy-le-
Duc à Monceaux-l'Étoile où est figurée la scène de l'Ascension,
à Saint-Julien-de-Jonzy, etc. Il nous faut remercier les auteurs
de l'Art roman à Charlieu et en Brionnais d'avoir initié le grand
public à toutes ces belles choses.
Je veux encore, avant de finir, insister sur la durée de l'archi-
tecture romane dans notre région, car les constructeurs ont eu
beaucoup de peine à l'abandonner.
Vous apercevrez tout contre la ligne du chemin de fer en
allant à Tournus, un peu avant la station de Fleurville, au village
de Saint-Albain , une église qui marque bien la transition du
style roman au style gothique tout en conservant encore la struc-
ture romane : c'est un édifice à trois nefs avec transept et chœur
264 CONGRÈS ARCHÉOLOGiaUE DE MAÇON
composé d'une travée et d'une abside polygonale. La construction
paraît absolument homogène et sans reprises à aucune époque si
ce n'est à la façade : or, la nef est une œuvre romane, voûte
principale en berceau brisé avec doubleaux et collatéraux voûtés
d'arêtes ; au transept, la croisée est voûtée en coupole sous
un clocher octogonal; aux croisillons, on voit apparaître les
croisées d'ogives. Le chœur, polygonal, est également voûté
sur croisées d'ogives. Quelle date attribuer à ce monument, c'est
assez difficile à dire : la section des croisées d'ogives est fort gros-
sière et présente un profil prismatique. Toutes les fenêtres sont
amorties par un linteau découpé en forme d'arc trilobé. Je suis
bien tenté d'assigner à cette église la date du xiii^ siècle.
Il est d'ailleurs évident que parmi nos églises de campagne il
y en a plus d'une sans caractères bien tranchés, d'une struc-
ture vaguement romane, qui remonte seulement au xiii^ ou
même au xiV^ siècle.
Vous avez vu à Cluny la charmante église de Notre-Dame :
notre département renferme encore d'autres spécimens de
l'époque gothique dont il est inutile que je vous fournisse l'énu-
mération. Quant à l'époque de la Renaissance, elle n'a pas, que
je sache, laissé grand'chose d'intéressant en Saône-et-Loire, au
moins pour ce qui concerne l'architecture religieuse ; mais dans
le département de l'Ain, notre voisin, vous trouverez à Notre-
Dame de Bourg, et surtout à l'église de Brou, des monuments
dignes de retenir votre attention.
SAlNT-BARTHnLEMY
DE FARGES
Pi..
CHATEAUNKUE
SAINT-VINCENT-
DES-PRES
SAINT-PIERRE D UCHIZY
SAINT-ANDRE D IGLERANDE
(Éclicllc de 2 Vï "'"' P^r niL'iic)
Pi.. 'i
ïnm
ELEVAIIOX DU CHŒUR UT DU CLOCHER
COUPE EN LOKG
ÉGLISE DE CIIAPAIZE ( Échelle de 2 '/., """ par nictrc )
Pi..
m]
1H "5 v'"'"^'^ - '
ANZV-Li:-DUC
Élévation intérieure de la nef.
I
Pi.
GOURDOX
Une travée de la nef.
I
Pi
SAIXT-IlIPPOLYTl:
Abside et clocher transformé en tour de défense.
Pl. r
s EM L' R - !■: \ - H Iv I O X X AI S
Une travée de la nef.
Pi
SHMLR-HK-BRIONKAIS
Abside et clocher.
XI
TOURS DE GUET
DANS
LA VILLE DE MAÇON
M. F. LACROIX
Jusqu'ici, personne n'a signalé la présence, dans l'intérieur de la
ville de Mâcon, d'un certain nombre de tours carrées, dépassant
d'au moins un étage les maisons environnantes. Il m'a semblé
intéressant de mentionner ce fait et de soumettre l'attribution
que j'en ai admise à l'appréciation des membres si compétents
du Congrès archéologique.
Ces tours présentent comme caractère commun d'avoir cinq
étages, de posséder un escalier en spirale éclairé par de petites
fenêtres dont les encadrements semblent dater des xni% xiv^ ou
xv^ siècles; d'avoir au dernier étage une pièce ou grenier avec
quatre fenêtres, enfin d'être surmontées d'un petit toit à quatre
pans coupés, allongés ou surbaissés. Les fenêtres de l'étage
supérieur sont disposées de telle sorte qu'au moins deux d'entre
elles regardent la campagne, et deux autres font f-ice à celles
d'une tour semblable, parallèlement située à environ cent
mètres de distance.
266 CONGRÈS ARCHÉOLOGICiUE DE MAÇON
Nous avons reconnu et visité dix de ces tours :
1° Rue Sigorgne, n° 5.
2° Rue Saint-Nizier, n° 4.
3° Rue Philibert-Laguiche, n° 37.
4° Rue de la Barre, n° 5 .
5° Rue Paradis, n° 3.
6° Place de la Baille, n° 6.
7° Rue de la Préfecture (Saints-Anges).
8° Rue Châtillon.
9° Rue de l'Épée.
10° Rue Franche.
Les n"' I et 5 dominent la Bresse et la campagne au Sud
(route de Lyon).
Les n°' 2, 3, 4, les régions sud et ouest (hauteurs de Charnay).
Le n° 6, toute la Bresse et l'Ouest.
Le n° 7, la campagne, au Nord et à l'Ouest (la Grisière).
Les n°' 8, 9, 10, la Bresse et le cours de la Saône.
La tour de la rue Sigorgne possède tout contre les fenêtres
regardant le sud, au 4^ et au 5^ étage, des bancs en pierre.
Celle de la rue PhiHbert-Laguiche a une charpente tellement
forte et considérable qu'elle n'était pas destinée à supporter
simplement la toiture, mais bien plutôt une ou plusieurs cloches
pouvant sonner le tocsin, si l'attribution que je donne à ces
édifices est d'être un poste d'observation.
La tour de la rue Paradis fut visitée en 1870 par des officiers
d'artillerie, qui étaient d'avis d'y installer un canon à longue
portée, si les circonstances devaient l'exiger.
Quel pouvait donc être l'usage de ces tours? Assurément elles
contribuaient à desservir les maisons dont elles faisaient partie
intégrante, comme aujourd'hui. Quelques personnes admettent
TOURS DE GUET DANS LA VILLE DE MACOX 267
que cet étage supérieur était une sorte de terrasse couverte où
les habitants de la maison venaient prendre le frais. J'avoue que,
dans ce cas, l'espace était bien étroit et mal commode, car les
murs de la pièce, simplement crépis au mortier, font supposer que
c'était habituellement un simple grenier. Il me semble plus
rationnel d'y voir des guettes qui servaient à explorer les environs
de la ville et à donner l'alarme en cas de danger.
Rappelons-nous qu'aux époques troublées de notre histoire,
alors que de grands seigneurs se disputaient la possession de pro-
vinces ou de places fortes, des bandes armées parcouraient le
pays, soudoyées par qui voulait les payer, mettant tout à feu et à
sang. Plus tard, au temps des guerres religieuses, ligueurs et hugue-
nots cherchaient aussi à s'emparer des villes pour les mettre au
pillage, sous prétexte de religion. Alors les milices urbaines
chargées de la défense de leurs cités étaient obligées de faire
bonne garde pour ne pas être surprises. Naturellement il devait y
avoir des postes d'observation placés sur les points élevés pour
surveiller la campagne, afin qu'au premier signal, tout le monde
pût se préparer à repousser une attaque et se porter rapidement
sur le point des murailles le plus menacé.
Des signaux convenus d'avance, un appel à l'aide d'un porte-
voix ou d'une trompe^ le tocsin, tels étaient les moyens usités au
moyen âge pour avertir d'un danger imminent soit l'ennemi,
soit le feu. La distance qui sépare toutes ces tours permet l'adop-
tion d'un quelconque de ces moyens d'avertissement.
En outre, leur situation à une faible distance de l'ancienne
enceinte fortifiée, alors qu'on n'en rencontre pas dans les autres
maisons de la ville, semble indiquer qu'elles rentraient bien dans
un plan systématique de défense militaire.
XII
NOS FAIENCERIEiS
PAR
M. L. LEX
La seizième question du programme de ce Congrès est formulée
en ces termes . «■ Étudier les anciennes industries locales et faire
connaître ceux de leurs produits qui subsistent encore, ainsi que
les instruments de leur fabrication offrant un caractère spécial. »
Nous nous proposons d'}' répondre, dans la mesure du possible,
en donnant lecture des notes que nous avons recueillies sur les
anciennes faïenceries de notre région : Mâcon, CharoUes, Bour-
bon-Lancy, Les Pys et Digoin, dans le département de Saône-et-
Loire ; Bourg, Meillonas et Pont-de-Vaux, dans le département de
l'Ain. Ces manufactures ont lutté péniblement contre celles de
Lyon, de Moulins, de Roanne, de Nevers, de Moustiers et de
Marseille qui ont véritablement inondé le pays de leurs produits ;
il n'est pas rare, néanmoins, de trouver chez nous des pièces
locales dans les vitrines des collectionneurs aussi bien que sur
les dressoirs des ménagères.
Mâcon. — Vers 1750 ', le sieur François Rey établit sur la
paroisse Saint-Étienne une faïencerie ; il l'installa ensuite, en
I. « Il y a environ trente ans », dit le document de 1779, que nous citons
plus loin (Archives de Mâcon, CC. 64, n° 15).
NOS FAÏENCERIES 269
1754, hors ville, en face de la porte Saint-Antoine, dans un ter-
rain d'environ quatre coupées et trois quarts que les échevins lui
avaient cédé à condition de « faire construire des édifices ' sui-
vant le plan et l'alignement approuvés par Mgr l'Intendant » et à
charge de payer annuellement quinze livres de rente et un denier
de servis. La modicité de ce prix s'explique, car le sieur Rey
« faisoit beaucoup de marchandises et ouvrages utiles et agréables
au public- ^). La manufacture avait obtenu de bonne heure
le titre de royale, ce qui l'exonérait des droits des termes, mais
les débuts de l'affaire furent rendus pénibles par la création, au
faubourg de la Barre 3, de deux établissement similaires et rivaux,
que dirigeaient, en 1779, les sieurs Truc et Buy.
En 1768'* François Rey, âgé de cinquante ans, mourait,
d'« une maladie aiguë causée par les fatigues en tout genre qu'il
.avoit essuyées», laissant Antoinette Buissonnat, sa seconde
femme depuis 1756 ^, et neuf enfants des deux lits, à la tète de
l'entreprise et de « beaucoup de dettes ». Aidée de François
Arban ^, un de ses meilleurs faïenciers, la veuve continua à tra-
vailler : en 1775, elle fit bénir par le curé de Saint-Étienne de
« nouveaux bâtiments et fourneaux 7 »; en 1779, elle obtint des
échevins une exemption de la moitié des droits d'octroi dus sur
les charbons et les bois nécessaires à son industriel Par suite du
1. La maison d'habitation construite par Rey porto actuellement le n^' 18 de
la rue de Saône ; les ateliers, les fours et les chantiers se trouvaient à droite
et à gauche dans les terrains de l'ancienne courtine située entre le bastion de
Saint-Antoine et le bastion de Crèvecœur.
2. Archives de Mâcon, BB. 204, f°s 4 et 5, et DD. i, n" 83.
3. Aujourd'hui rue Rambuteau.
4. Archives de Mâcon, GG. 21, 18 janvier 1768.
5. Id., GG. 19, 27 avril 1756.
6. Il assistait à la cérémonie de 1775 (GG. 21), et avait une tille en 1779
(GG. 22, 23 août).
7. Id., GG. 21, 10 novembre 177).
8. Id., ce. 64, no 15.
270 CONGRES ARCHEOLOGIQ.UE DE MAÇON
mariage, en 1781 ', de Marie-Toussaint Rey, sa fille, avec Jean
Jambon, natif de Chénas, maître grammairien à Mâcon, la
manufacture passa aux mains de cette dernière famille entre les
mains de laquelle elle est restée jusqu'à l'époque récente de sa
disparition (i8é8).
Au dire du seigneur de Meillonas, dire qui était d'un rival et
par conséquent sujet à caution, la terre de Mâcon était « géné-
ralement reconnue pour inférieure au bon ^ ». Nous avons
néanmoins des pièces d'une pâte fine^et d'une décoration élé-
gante, mais, il est vrai, d'un émail médiocre, sorties des ateliers
de François Rey : tel un plat de la seconde moitié du siècle der-
nier, qui fait partie de la collection J. Protat, de Mâcon, et qui
est signé :
faits
par
moy
Saunier
A
MACON 5
Ce Saunier, alias Jean Saulnier, est évidemment un artiste du
dehors, car l'état civil de Mâcon ne contient aucun acte à son
nom.
Quoique Buy soit bien un patronyme maçonnais, nous n'a-
vons pas trouvé non plus dans les registres paroissiaux la moindre
trace du faïencier de ce nom. Cependant une Marie Buy, veuve
de Pierre Courtois, demeurant sur la paroisse de Saint-Étienne,
1. Archives de Mâcon, GG. 23, 20 novembre 1781.
2. Mémoire aux Syndics de Bresse. Voir plus loin.
3. Voir la planche que nous devons à l'obligeance bien connue de
M, J. Protat d'avoir pu faire exécuter.
y.
o
u
<
NOS FAÏENCERIES 27 I
épousa le 20 août 1792, François Frère, « fayancier, résidant
dans cette paroisse depuis plusieurs années », fils majeur de
défunts Léonard Frère, « en son vi^ ant fayancier, de Nevers »,
et de Suzanne Cassagne. Parmi les témoins figurent un Honoré
Bayol, faïencier au faubourg de la Barre, et un Claude Dougny,
« peintre en fa3'ance », demeurant sur la paroisse Saint-Pierre '.
Joseph Truc était venu de Lyon vers 1760; on le qualifiait,
en 176 1, d' « ouvrier travaillant dans la manufacture de fayance^ ».
Il eut un fils, appelé comme lui Joseph, qui mourut « fayen-
cier », à l'âge de 4^ ans, le 12 nivôse an V (i^"" janvier 1797 ').
Quant à François Arban, alias Arband, il était fils de Claude
Arban, « tourneur en fayance », et de Claudine Genevois + ; son
-parrain fut François Rey (14 décembre 1754 '). En 1782, on le
disait « fayancier ^ ». Il mourut le 4 mars 1828, laissant un
fils, Guillaume Arban, « fayencier » lui aussi ".
Nous avons relevé encore la présence à Mâcon, au commence-
ment de ce siècle, d'un « peintre en fayance », originaire de
Rouen, où il s'était sans doute formé à la décoration. C'est
Pierre-Jacques-Noël Lenormand, époux de Marie-Marguerite
Romand, dont la signature se trouve sur les registres paroissiaux
de l'égUse Saint-Pierre en 1805, et qui meurt le 9 mars 1824, à
l'âge de 78 ans ^.
1. Archives de Mâcon, GG. 24 bis provisoire.
2. Le 16 septembre 1761, on enterra sa fille Blandine, morte la veille, âgée
de deux ans, née de Marguerite Ribiet, sa femme, à Lyon, paroisse et abbaye
de Saint-Michel d'Ainay (Archives de Mâcon, GG. 20).
3. Archives de Mâcon. Registres de l'état civil, 12 nivôse an V.
4. Ils s'étaient mariés le 12 janvier 175 1 (Archives de Màcon, GG. 19).
5. Il était né l'avant-veille (Id., ilmi.).
6. Le 16 janvier 1782, on baptisa sa fille Pierrette, née la veille, de Trançoisc
Fêtu(Id., GG. 23).
7. Id. Reg. de l'état civil, 5 mars 1828.
8. Id., ihid., 10 mars 1824.
272 CONGRES ARCHEOLOGIQ.UE DE MAÇON
Enfin il y a un artiste dont le séjour en notre ville donne
la clef de la ressemblance frappante des produits de Mâcon et
de ceux de Meillonas, qu'il est souvent fort difficile de distin-
guer les uns des autres. Nous voulons parler de Protais Pidoux,
qui est désigné en 1766 comme « directeur de la manufacture
de fayance établie à Mâcon ' », et en 1767 comme « fabriquant
en fayance ^ ». Nous n'hésitons pas à l'identifier avec l'auteur des
jardinières et des plats signés Pidoux à Miliona, iy6j .
Dans les plats, les assiettes, les jardinières, les fontaines, les
bassins, les raviers, moutardiers, sucriers, huiliers, sahères et
autres faïences fabriquées au xviii^ siècle, la couleur caractéris-
tique est le violet de tous les tons ; les autres couleurs domi-
nantes sont le bleu, le jaune, le rose et le vert. Jamais de rouge
vif, comme on pourra s'en assurer en examinant les échantillons
que nous avons groupés au musée de la ville.
Au point de vue du dessin, la particularité des faïences de
Mâcon est que les feuilles et les fleurs sont souvent, dans les
pièces usuelles surtout, bordées d'un filet noir qui en déhmite
les contours.
Une des pièces les plus intéressantes sorties des ateliers de
Mâcon à cette époque est le plat appartenant à M. J. Protat, que
nous avons déjà nommé. Il y a lieu de signaler aussi un porte-
montre, une écritoire, deux brûle -parfums et une jardinière
conservés par M™= veuve Jambon, de Mâcon 5. Enfin on peut
citer le plat recueiUi à Mâcon par M. A. Suppo, de Saint-
1. Archives de Mâcon, EE. 58, 11° 15.
2. Le 24 mai 1767, naissance et baptême de Christin Pidoux, fils dudit Pro-
tais et de [Marie-Marguerite-Simonie Défontaine. Parmi les personnes pré-
sentes, il y a un Buy (Id., GG. 20).
3. M. Cantrel, chef de bureau à la direction générale de l'enregistrement et
des domaines, à Paris, possède aussi quelques belles pièces d'ancien Mâcon.
CLICHÉ^DE M. N. THIOLLIER
PLAT AUX ARMES DE MAÇON (XVIIIe Siècle).
Collection A. SUPPO, de Saint-Étienne
NOS FAIKNCERIES 27^
Etienne, qui porte, au fond, une arbalète et un carquois sur
lequel l'artiste parait bien avoir voulu reproduire les armes de
notre ville'.
Depuis les premières années de ce siècle on n'a plus fait chez
nous que des faïences décorées communes.
Charolhs. — La manufacture de cette ville, qui est une mai-
son de premier ordre aujourd'hui, a été fondée il y a prés de
soixante ans par M. Prost père pour fabriquer la fliïence com-
mune. Dix ans après, M. Prost tïls transporta ses ateliers dans
l'ancien prieuré de la Madeleine et commença à faire des pièces
de valeur dans lesquelles il substitua la faïence stannifère au cail-
loutage ^ Depuis cette époque, la production artistique de Cha-
rolles a pris un développement considérable. La décoration est
polychrome; M. Prost fils a inventé un bleu spécial, dit hicu de
Cbarolles, qui peut rivaliser avec les teintes similaires de Nevers
et de Moustiers. Sa marque comprenait jusqu'à ces dernières
années un P et un H (Prost Hippolyte), mariés et suivis de
deux f et d'un .5- minuscules en forme de paraphe ; elle se com-
pose aujourd'hui d'une marguerite dont la tige traverse un m
minuscule et du mot Cbarolles en toutes lettres.
Bourbon- Lancy. — La faïencerie de Bourbon-Lancy n'a jamais
été signalée et nous ne savons rien de ses produits. Mais nous
avons trouvé dans les anciens registres de la paroisse Saint-
1. Voir la planche. — Ce plat est rond et mesure 01127) de diamètre.
Lémail est rosé. L'arbalète est violette et jaune; le carquois, violet ; les filets
delà bordure sont noirs ; les gros pois, jaunes ; les petits pois, violets. Il y avait
à Màcon une compagnie d'arbalétriers.
2. On sait que pour la faïence stannifère, dont le nom vient de Toxyde
d'étain qui entre dans sa composition, on utilise toutes les terres, quelle que
soit leur couleur, et un émail opaque, tandis que pour le cailloutage on n'em-
ploie que des terres blanches et un émail transparent.
Congrès ARCHÊoLooiaLE di maçon. iS
274 CONGRES ARCHEOLOGIQ.UE DE MAÇON
Léger de cette ville deux actes concernant des faïenciers, quon
ne peut confondre avec les « potiers en terre » mentionnés à la
même époq'ue : mariage, le 27 avril 1693, de François Pèlerin,
faïencier, avec Marthe Legros ; baptême, le 31 janvier 1698,
d'Étiennette, née la veille d'un autre François ', faïencier, et de
Marthe Gogin -.
Les Pys. — ■ Au hameau de ce nom, qui dépend de la com-
mune de La Motte-Saint-Jean et qui est situé sur la rive droite
de la Loire, à quatre kilomètres en aval de Digoin, il v avait
au milieu du xviii^ siècle une faïencerie qui a été étudiée par
M. G. Bonnet '. Elle appartenait en 1775 à un sieur Pérouse, de
Roanne, qui y fabriquait des plats et des assiettes à bords géné-
ralement festonnés, dont l'émail était, en dessous, de teinte brune
ou violette, tantôt uniforme, tantôt mouchetée. La décoration,
toujours en bleu, comprenait au centre un panier de fruits, un
bouquet, une fleurette, et sur le marli une bande divisée en
compartiments ou ornée de motifs qui rappellent vaguement
ceux de Rouen et de Nevers. M. le D' Tuloup, de Digoin, a
réuni une collection importante de ces plats ; nous en avons
nous-même recueilli un certain nombre d'exemplaires.
« Les produits de la faïencerie des Pys, dit M. Bonnet, n'étaient
pas de qualité inférieure. La pâte, de nuance rosée et jaunâtre
après la cuisson, était fine et résistante et d'une assez grande
plasticité. L'émail, d'un beau blanc, surtout pour les petits
objets, est généralement fendillé dans les grandes pièces -^. »
1. Son nom patronymique est resté en blanc dans l'acte, mais ce ne peut
être François Pèlerin, dont la veuve, Marthe Legros, se remaria le 26 jan-
vier 17 12.
2. Archives de Bourbon-Lancy, GG. 4.
5. Xotes pour servir à l'histcin' du Charollais, Chagnv. 1893, in-12, p. 92 et
suiv.
4. P. ili.
NOS FAÏENCERIES 275
M. Bonnet a procédé à des fouilles sur l'emplacement des
anciens fours des Pys ; il y a trouvé aussi « des fragments de
vases et assiettes peints par de véritables artistes. Le genre de
décoration qu'on y remarque est polychrome, et les fleurs,
feuillages et fruits, disposés dans le goût de l'époque, sont des-
sinés et peints avec une délicatesse et un fini remarquables. S'il
existe chez les amateurs de céramique des spécimens de ces
faïences, nous sommes persuadé qu'ils sont considérés, même
par les "connaisseurs, comme appartenant aux beaux produits de
Nevers dont ils rappellent assez bien l'ornementation et les cou-
leurs » '.
Digoi?î. — En 1775, le sieur Pérouse transporta sa tabrique
des Pys à Digoin où il l'installa sur la place du Petit-Port, dans
les anciens bâtiments du logis du Dauphin. L'établissement de
cette nouvelle manufacture fut autorisé par un arrêt du Conseil
du mois d'août 1776. Courtépée, l'historien de la Bourgogne,
disait en 1779 qu'elle avait « de la réputation », mais il ne nous
renseigne pas exactement sur le nombre de ses ouvriers qu'il
évalue quelque part à plus de cinquante, et ailleurs à plus de
cent -. « La terre est fine et abondante », ajoute-t-il "'. Peu
après son installation a Digoin, le sieur Pérouse s'associa un sieur
Caquet. Il acheta aussi le moulin de Neuzy pour y traiter ses
matières premières. Tout cela disparut dans les années qui sui-
virent la Révolution.
« Nous avons pu constater, dit M. Bonnet, la densité de la
pâte et sa parfaite homogénéité. On ne retrouve sur aucun des
produits de Digoin les lambrequins et la corbeille des Pys en
1. P. 113.
2. Description du duché de BoHrc;ogiH\X. IV, Paris, Dijon, etc., 1779. in-i:,
p. 18 et 76.
5. //'/(/., p. 18.
27e CONGRES ARCHEOLOGIQ.UE DE MAÇON
camaïeu bleu. Ils sont remplacés par des fleurs de diverses
nuances groupées par deux ou trois et jetées comme au hasard
sur l'émail' Le dessin est gracieux. Les formes et le style des
fleurs se rapprochent des taïences de Strasbourg, mais, de même
qu'à Nevers, la couleur rouge ne fut jamais employée à Digoin
ni aux Pys. L'émail, le plus souvent;, dans les pièces délicate-
ment travaillées ou de petite dimension, est d'un blanc laiteux,
sans aucune tressaillure. Quant aux grands récipients, l'émail
n'avait pas la même pureté, il s"en faut de beaucoup, mais ces
vases indiquent néanmoins le degré de perfection atteint dans la
préparation et la cuisson des terres '. »
La manufacture actuelle de Digoin est une succursale des
importants établissements céramiques de MM. Utzschneider et
C''^, de Sarreguemines. Elle fut créée, en 1876, par suite de
l'annexion de l'Alsace et de la Lorraine, et pour conserver sur le
marché français une marque justement réputée. On y fait la
faïence flne, à pâte blanche et couverte transparente, sans décors
ou avec décors imprimés et coloriés soit sur le vernis, soit des-
sous.
Bourg. — Une faïencerie fonctionnait à Bourg, en 1791, qui
donnait des produits analogues à ceux de Mâcon, manière
ancienne.
Meillonas. — C'est au mois de décembre 1761 que M. Gas-
pard-Constant-Hugues de Marron, baron de Meillonas, encou-
ragé par la réussite des essais qu'il avait tentés depuis dix-huit
mois, songea à donner quelque importance à sa fabrication ^ Il
fit venir un faïencier franc-comtois, le sieur Gautherot, dont les
établissements de Doubs et du Cordonnet étaient en chômage.
1. P. 118 et 119.
2. Voir son Mémoire aux Syndics de Bresse, publié par M. E. Millier, Notice
sur les faïences artistiques de Meillonas, 1877. in-8, p. 10 et suiv.
NOS FAÏENCERIES 277
Celui-ci amena avec lui sept maîtres et treize de ses meilleurs
ouvriers. Dix ans après, en 1772, c'est un sieur Maurel qui
avait la direction de la manufacture.
M. de Marron se piquait de pouvoir produire « la plus belle
et la plus excellente fayance qu'il y ait en France », et on peut
dire hardiment qu'il était près du vrai. Qui n'admire, en effet,
les vases, les bouquetiers, les soupières, les bénitiers, les fon-
taines, les sucriers, les moutardiers, ornés de roses pâles ou de
fraîches marguerites, et à feuillages dessinés ou même peints par
la baronne de Meillonas, née Carrelet de Loisy, et marqués d'un
A et d'un R conjugués suivis ou non d'un m minuscule (JKin),
ou encore les plats et les assiettes à paysages variés, animaux tels
que vaches, moutons, chèvres, chiens, oiseaux et personnages
bergers et bergères, chinois ? On a signalé depuis longtemps
la belle jardinière signée PiDOUx/t'a7, 26 octobre 176), à xMiliona.
M. Etienne Milliet, de Bourg, l'historien de la faïence de Meil-
lonas, croit avec M. Jacquemart et la Galette des Beaux -Arts que
cet artiste venait de Moustiers '. Il fout l'identifier sans aucun
doute avec le Protais Pidoux qui travailla à Mâcon en 1766 et
en 1767.
Il y a des pièces de Meillonas au Musée de Cluny, à Paris, et
dans beaucoup de collections particulières de notre région. Leurs
couleurs dominantes sont le rose, le bleu, le jaune et le vert.
M. Milliet en vante surtout « l'élégance de la forme, la finesse
de la .pâte, la beauté du dessin » ^
En 1804, il y avait encore à Meillonas dix-huit ouvriers. Jus-
qu'en 1832 on a continué à y fabriquer les faïences émaillées
et décorées '.
1. P. 9.
2. P. 6.
3. P. 26.
278 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE MAÇON
M. Joly a essayé il y a quelques années d'y ressusciter la pro
duction artistique.
Pont-de-Vaiix. — Léonard Racle, l'architecte de Voltaire, qui
était originaire de Dijon, en même temps qu'il transporta, à la
fin du XVIII" siècle, sa poterie de Versoix, près Genève, à Pont-
de-Vaux, y créa un atelier d'où sortait de la faïence blanche à
rehauts d'or. Racle est mort à Pont-de-Vaux en 1791 et sa
fabrique ne paraît pas lui avoir survécu ' .
I. A. Jacquemart, Histoire de la Céramique, V-àx\s, 1873, iii-8, p. 482.
XIII
VISITE DU CHATEAU DE BERZÉ
EN 1706
PAR
Mgr RAMEAU
Il y eut au commencement du siècle dernier une visite officielle
du château et de la terre de Berzé.
Cet acte de visite m'a paru offrir un double intérêt, d'abord
en énumérant les parties principales du château qui existent
encore, puis en révélant l'état d'abandon et de délabrement où
pouvait tomber un manoir féodal abandonné à des fermiers ;
résultat regrettable et assez fréquent à cette époque, car les
seigneurs étaient appelés loin de leurs terres par des charges
diverses, ou par des emplois à la cour.
Donc, le 15 janvier 1706, haut et puissant seigneur Louis
d'Aumont de Rochebaron, pair de France, gouverneur de Bou-
logne et très-haut seigneur Louis de Crevans, duc d'Humières,
gouverneur de Compiègne, héritier de Monseigneur Louis-Marie
d'Aumont de Rochebaron, duc d'Aumont, comte de Berzé,
Joncy, Cenves, et autres lieux, donnèrent procuration à M*" Nico-
las Moreau lieutenant en la maréchaussée de Mâcon, pour faire
la visite du château et de la terre de Berzé tenus en ferme par le
sieur Bouchacourt.
Bornons-nous à la visite du château.
A l'entrée, appelée la Barrière, dit l'acte, il n'y a ni barrière.
28o CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE MAÇON
ni guichet au pont-levis, mais seulement quelques restes de
chaînes et des planches sur le fossé pour le passage ; les murailles
de l'entrée sont en partie renversées.
Le portail, ouvert entre deux tours, a son guichet un peu
rompu ; au-dessus est le corps de garde, auquel on arrive par un
escalier pratiqué dans la tour orientale.
Au château, l'acte de visite signale :
1° La grande salle, à côté de la grande tour carrée, dont le fer-
mier a fait une grange à battre le blé, et une écurie de brebis
pleine de fiente, et dont il abattu les croisées pour faire entrer
son bétail.
2° Une chapelle, ouverte à côté de cette salle, et transformée
également en écurie.
3° Les chambres, savoir, la chambre de Madame, la chambre
du billard, et une pièce voisine remplie de fiente.
4° Les tours, savoir, la grande tour, dite tour carrée, ayant
quatre étages et des planchers en mauvais état, la tour de Mont-
girard toute découverte, la tour du Comte dont le toit est prêt
à tomber, et la tour du trésor. L'origine de certains de ces noms
ne nous est malheureusement pas connue. Toutes ces tours
existent encore.
Sortant du château, on examina l'extérieur et les terrasses. Or,
dit l'acte, les courtines des murailles du corps de logis et de l'en-
ceinte sont en partie par terre les tours des murailles d'enceinte
ont leurs couverts prêts à tomber.
Ici s'arrête la visite du château'. La mention des tours des
murailles d'enceinte est, comme on le voit, bien brève, et ne
satisfait pas notre curiosité-. Deux de ces tours attirent bien vite
1. Archiv. départ. B. 1296, 0° 38.
2. On en remarque encore quatre, mais décapitées, sur une gravure moderne
(vue du château).
VISITE DU CHATEAU DE BHRZÉ 28 1
l'attention ; l'une d'elles, décapitée, clôt la terrasse au couchant
et fait corps avec le mur d'une hauteur considérable qui soutient
la terrasse. On l'appelle vulgairement la tour du bœuf, pour main-
tenir une vieille légende que tout le monde connaît, et dont
l'extravagance a fiiit tout le crédit auprès du peuple*
A l'autre extrémité de la terrasse, est une autre tour assez bien
conservée, avec escalier à l'intérieur. Peut-être était-ce le colom-
bier, dont parle l'acte de visite, mais sans désigner son emplace-
ment. Tout à côté est une ancienne chapelle abandonnée et trans-
formée en serre; le style roman dans lequel elle a été construite,
indique son antiquité. Ce fut par suite de cet abandon, qu'une
autre chapelle fut ouverte dans le donjon, ou tour carrée, comme
on l'a vu plus haut. L'arsenal et les prisons étaient également
dans cette tour, ou donjon.
Après ce rapide aperçu, l'archéologue se demandera naturelle-
ment à quelle date remonte ce manoir féodal, et quel en fut le
constructeur. Nos documents sont muets sur ces questions. Ce
qu'ils nous disent, c'est qu'en 991 il y avait déjà un castelle, ou
castrum de Berié '. Un Geofroi, époux d'Alexandra, y signe un
acte en faveur de Cluny. Mais qu'était ce castrum primitif? Pro-
bablement une de ces hautes et fortes tours, entourées de fossés,
dont il nous reste un remarquable spécimen à La Salle, près
Mâcon.
Quel put être celui de ces nobles de Berzé qui donna à ce ch.i-
teau des premiers temps l'assiette et les proportions que nous
lui voyons aujourd'hui ? Peut-être n'est-il pas téméraire d'attri-
buer la construction première à cet Hugues de Berzé, que Ton
trouve cité de 1140 à 1171, celui de cette famille qui a laissée
nos cartulaires les titres les plus nombreux de sa richesse et de
I. .-\. Bruel, Cartid. de Cluny. r\°^ 2567 et 2907.
282 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE MAÇON
sa puissance. Outre sa terre de Berzé, il avait la justice de Pier-
reclos,de Sologny,de Serrières et de Milly, dont les gens devaient
guet et garde' à son château. En 1 140, il exempte l'Abbé de
Cluny, l'Abbaye et leurs hommes, des droits de péage sur ses
terres, moyennant la somme de 1.300 sols et 2 marcs d'argent '.
Vers l'an 1147, il vend ses dîmes de Pierreclos au Chapitre de
Saint- Vincent de Mâcon,au prix de 1.700 sols monnaie de Mâcon,
plus 30 sols pour sa femme qui approuve l'acte ^.
Vers le même temps, il donne à l'église de Mâcon la chapelle
de son château, <( capellam in supradicto castello sitam », avec
ses dîmes et oblations, et les prémices dues par tous les habi-
tants, u in castello habitantium ' ». Cette chapelle, ayant baptis-
tère et desservie par un chapelain, a été l'origine de la petite
paroisse de Berzé-le-Châtel. Elle fut reconstruite et dédiée, le
18 avril 1502, par Etienne de Longvy, évêque de Mâcon,
comme on le voit par l'inscription qui se lit autour d'un large
vaisseau en pierre qui sert de bénitier.
Ce puissant seigneur de Berzé nous est encore connu par sa
présence à la grande Assemblée de Mâcon, tenue en 11 54 en
fliveur de Cluny, et par une lettre du pape Alexandre III, en
laveur de l'abbaye de Tournus''.
Comme si toute cette richesse et toute cette puissance ne
suffisaient point à sa gloire, il v ajouta le mérite personnel d'être
un littérateur. On lui attribue, en effet, un poème de 838
vers en vieux français, connu sous le titre de Bible ou seignor
de Bar^i, dont les érudits allemands n'ont pas manqué de
s'occuper. On |a également de lui une lettre d'une élégante lati-
1. A. Bruel, Cartul. de Cluny, n° 4069.
2. Cartul. de Saint-Vincent, charte 584.
3. Ibid., charte 550.
4. Severt, Archiepisc. Lugdun, p. 244, et Juénin, Nouvelle hist. de Tournus,
Preuves, p. 166.
VISITE DU CHATEAU DE BERZK 2 (S 3
nité, qu'il adressa au roi Louis VII, vers iiéo, pour le prier
d'obtenir de l'évèque de Mâcon un archidiaconat destiné à son fils,
chanoine de Saint- Vincent '. Ce fils, Gauthier de Berzé, fut en
effet archi-diacre, titre que lui donnent plusieurs chartes de
Saint-Vincent.
On peut attribuer à ce personnage la réédification du château-
fort de Berzé, plutôt qu'à ses prédécesseurs ou successeurs, qui
furent plus occupés aux croisades qu'aux coûteuses constructions,
au commencement et à la fin de ce xir siècle.
Il faut signaler des traits de famille entre le château-fort de
Berzé et celui de Pierreclos, dont les tours et les murs en terrasse
s'élèvent sur un monticule avancé dans la vallée de la petite
Grosne.
La chapelle du château de Pierreclos, dont il reste des débris
intéressants, et qui date de la première moitié du xii^ siècle % doit
être contemporaine du château. A cette date, le puissant Hugues
de Berzé était seigneur justicier de Pierreclos, et la seigneurie a
passé à ses successeurs jusqu'en 1403 ''. Ne peut-on pas penser
qu'il fut à la fois le constructeur de Berzè et de Pierreclos, ces
deux demeures féodales qui font l'ornement des premiers monts
du Maçonnais? Quoi qu'il en soit, il n'est pas douteux pour
nous que ces deux constructions du XII^siècle furent l'œuvre d'une
même famille, celles des nobles de Berzé.
Un dernier mot pour terminer cette courte notice.
Les nobles de Berzé se sont éteints en Geofroi de Berzé, sei-
gneur de Berzé et de Saint-Germain-du-Plain, mon vers l'an
1320, et en dame Simone de Berzé, son héritière et sa sœur,
femme de Mile de Frolois, seigneur Bourguignon, morte en
1. Duchesnc, Hist. Franc. Script., IV, p. 707.
2. J. Virey, l'Architecture romane dans l'ancien diocèse de Miicon, p. 179.
3. Archiv. départ. B. 1350
284 CONGRÈS ARCHÉOLOGiaUE DE MAÇON
1327. Tous deux furent inhumés en l'église abbatiale de Tour-
nus. Le tombeau du premier fut brisé par les Huguenots en 1562;
mais la pierre tombale de Simone de Berzé se voit encore dans
la même église, contre le mur septentrional, ornée d'une belle
inscription en lettres capitales, que M. de Caumont a reproduite
dans son Abécédaire tï archéologie .
Berzé et Tournus, ces deux noms ne sont point, on le voit,
étrangers l'un à l'autre.
TABLES
TABLE GENERALE
Congrès de Mâcon.
Programme i
Ordre des réunions )
Liste des membres du Congrès 7
Procès verbaux des séances.
Séance d'ouverture du 14 juin 1899 i>S
Deuxième séance du 14 juin 3 5
Première séance du 16 juin 3^
Deuxième séance du 16 jum 39
Séance du 18 juin 43
Banquet 4 S
Séance du 19 juin 4<^^
Compte rendu des excursions.
Visite des monuments de Màcon 4^
Excursion à Cluny et Paray-le-Monial )0
Visite du Musée archéologique et de la Bibliothèque de Màcon . . 54
Excursion à Solutré, Pierreclos, Berzé-la-\'ille et Berzé-le-Chàtel . 5 5
Excursion à Bourg et à Brou )7
Excursion à Tournus et à Chalon-sur-Saône 59
Excursion à Autun ^''î
EXCURSION A BEAUNE
Mémoires
I. Rapport sur les progrès de l'Archéologie dans le département
de Saône-et-Loire, de l'année 1846 à l'année 1899, par
M. Arcelin ' '
286 TABLES
II. Étudesur l'âge du bronze dans le département delà Côte-
d'Or, par M. Ferdinand Rey 102
III. Le Hradischt de Stradonic en Bohême et les fouilles de
Bibracte, par M. Joseph Déchelette 119
IV. Les fouilles mâconnaises, par M. Jules Protat 183
V. Le cimetière gallo-romain de Saint-Amour (Saône-et-
Loire), par M. Savoye 196
VI. Un buste romain en marbre blanc, trouvé à Cormatin
(Saône-et-Loire), par MM. le D' Biot et F. Picot 201
VIL L'Archéologie barbare dans le département de Saône-et-
Loire, pendant la période burgonde, par M. Barrière-Flavy 209
V^III. Découvertes archéologiques dans les dépendances de
l'église abbatiale de Tournus, par M. J. Martin 225
IX. Influence de la dévotion populaire sur le monnayage de
l'abbaye de Tournus, par M. J. Martin 233
X. Les édifices religieux de l'époque romane en Saône-et-Loire,
par M. Jean Virev 237
XL Les tours de guet dans la ville de Màcon, par M. F. Lacroix. 265
XII. Nos faïenceries, par M. L. Lex 268
XIII. Visite du château de Berzé, en 1766, par Mgr Rameau. . . . 279
Tables 285
TABLE MÉTHODIQUE
Époques préhistorique, gauloise et roaiaine.
Voir, à la Table générale, les Mémoires I, II, III, IV, V et VI.
Moyen Age et Renaissance.
Voir, à la Table générale, les Mémoires VII, VIII, IX, X et XL
Temps modernes.
Voir, à la Table générale, les Mémoires XII et XIII.
TABLES
287
TABLE DES NOMS D'AUTEURS
de iiiénioires^ de comiiitiiiicalions, de discours et de photographies^ et des
lauréats du Congrès ' .
Arcelin (Adr.), 35, 38, 46, 71.
Avout (le baron Ad. d'), 46.
Barriùre-Flavy (C), 44, 209;
218 ^.
Biot (le docteur), 40, 201.
Bourdon (E.), 42.
Buchalet, 19.
BuUiot (J.), 47, 62.
Caillemer. 39.
(lanat de Chi/y (Paul), 33.
Corot (Henri), 33, 38, 47.
Dcchelette (Joseph), 43, 46, 47,
119.
Drioton (Clément), 36.
' Lacroix (Francisque), 42, 265.
L.aneyrie, 44.
! Lex (Léonce), 37, 58,41,42,47,
268.
Loiseau (Léon), 36.
I Marchand (l'abbé), 42.
I Marsy (le comte de), 19, 40, 41,
j 44,47-
I Martin (Jean), 37, 44, 47, 223.
: 233.
I Martin (l'abbé J.-B.), 46.
Monclar (le marquis de), 41.
I Monnecove (1-. de, 41.
Musset (G.), 46.
Nugues, 40, 41.
Osseville (le ct)mte d'), 44.
Favarcq (Louis), 47.
Favre (Camille), 44.
Francart (Ad.), 44.
^ Picot (F.), 196
Ghellinck d'Eseghem (le comte ' Protat (Jules), 37, 183
de), 47.
Janiot (Claudius), 38, 44.
Jolivet (l'abbé), 47.
Rameau (Mgr), 37, 279.
Rey (Ferdinand), 36, 10:
Reyssié, 36.
I . Pour les auteurs des dessins et phcito.-^raphies, le nom e>t suivi des lettres
(/ ou pi}.
Nous regrettons que les clichés mis gracieusement à la disposition de l.\
Société française d'Archéologie par l'Académie de Màcon ne soient pas signés.
Nous prions leurs auteurs de recevoir ici l'expression de toute notre gratitude.
288
TABLES
Richard Paul), 42.
Richard (Pierre), 42, 44.
Savove (ClaïKlius), 40, 19e.
Soil (J.), 40.
Surgères (le marquis de), 33.
Tardy(Ch.), 37-
ThioUier (N.), 270 ph., 272 ph.
Travers (Emile), 44.
Villefosse (A. Héron de), 31, 40,
44.
Virey (Jean), 43, 237.
TABLES 289
TABLE DES PLANCHES ET FIGURES ■
1. Église abbatiale de Cluny. Plan 50
2. Id, Côté nord .• 50
3. Eglise de Paray-le-Monial. Plan 52
4. Église de Brou. Jubé 56
5. Id. Tombeau de Philippe le Beau 58
6. Église Saint-Philibert de Tournus. Masques romans derrière
les orgues 60
7. Autun. Porte d'Arroux 62
8. Id. Porte Saint-André 63
9. Id, Temple de Janus 64
10. Id. Cathédrale 66
11. Haches trouvées dans la Côte-d'Or 118
12. Épées de la Côte-d'Or 118
13. Poignards, lances, couteaux et flèches de la Côte-d'Or. ... 118
14. Épées de la Saône-et-Loire et sépultures de ^'ieuxhaules
(Côte-d'Or) 118
15 et lé. Fibules de la Téne 133
17. Paragnathide d'un casque trouvé en Carniole 149
18. Bronze en forme de tête humaine trouvé à Corent (Puv-dc-
Dôme) 161
19. 20. Poignards anthropoïdes 161
21. Fibules de Stradonic 182
22, 23, 24. Objets divers. Fouilles de Stradonic et du Mont
Beuvray 182
25. Jambe de bronze incrustée d'argent 190
26. Anse incrustée d'argent trouvée dans la Saône 192
27. 28. Buste en marbre blanc trouvé à Cormatin 204
29. Carte du département de Saône-et-Loire durant l'occupation
burgonde (v^-vi^ siècles) 218
30. Église Saint-Philibert de Tournus. Locutorium ; cloître
Saint-Ardain (xi"-' siècle) 230
I. Pour les planches hors texte, la page indiquée est celle qui précède la
plandie.
Congrès archëoi.ogique pf macox. '■)
290 TABLES
31. Saint-Barthélemy-de-Farges. — Eglise de Châteauneuf. —
Saint-Vincent-des-Prés. — Saint-Pierre d'Uchizy. —
Saint-André d'Iguerande 264
32. Église de Chapaize. Élévation du chœur et du clocher;
coupe en long, plan 264
?î ÉMise d'Anzv-le-Duc. Élévation intérieure de la nef 264
34. Gourdon. Une travée de la net 264
35. Église de Saint-Hippolytc. Abside et clocher transformé en
tour de défense 264
36. Église de Semur-en-Brionnais. Une travée de la nef 264
37. Semur-en-Brionnais. Abside et clocher 264
38. Plat de la faïencerie Rey, de Mâcon (xviii^ siècle) 270
39. Plat aux armes de Mâcon (id.) 272
COLLECTION
DES COMPTES RENDUS
DES CUXGIIÈS AlICJlÉOJ.OlilurKS
DE FRANCE
Volumes in-S" brochés, avec de nombreuses illustrations
dans le texte et planches hors texte.
I.a Société française d'Archéologie possède encore un certain
nombre d'exemplaires des comptes rendus des Congrès archéologiques,
de 1847 à 1897. Le prix en a été fixé ainsi qu'il suit :
1847 Sens (Tours, Angoulème, Limoges) " 6 IV.
1848 (Falaise, Vaux-sur-Laison, Bernay, Trouville) i »
1849 Bourges épuisé
1850 Auxerre, Clermont-Ferrand (Cluny) 6
185 1 Laon, Nevers (Gisors, Orléans) 4 »
1852 Dijon (Sens, Toulouse) épuisé
1853 Troyes (Les Andelys, Bayeux, Laval) 4 >■
1854 MouHns (Dijon, Avranches) 6 »
1855 Châlons-sur-Marne, Aix-en-Provence, Avignon
(Le Puy) b ..
1856 Nantes (Verneuil, Le Neubourg, Louviers). . :; »
1857 Mende, Valence (Grenoble) 3 »
1858 Périgueux, Cambrai (Louviers, Alençon, Lisieux). . . . épuisé
1859 Strasbourg (Rouen, Saint-Lô, Vire) . . épuisé
1860 Dunkerque (Le Mans, Cherbourg) . . . ^ »
1861 Reims (Laigle, Dives, Bordeaux) 3
1862 Saumur, Lyon (Le Mans, Klheuf, Dives) . . ; »
1863 Rodez, Albi (Le Mans) 1
I . Les localités dont les noms sont placés entre parenthèses sont celles où la
Société française d'Archéologie a tenu des séances générales dont les comptes
rendus sont compris dans les volumes des Congrès.
292 TABLES
1864 Fontenay-le-Comte (Évreux, Falaise, Troyes) 4 fr.
1865 Montauban, Cahors, Guéret 3 >,
i8é6 Senli^, Aix, Nice 3 »
1867 Paris (Pont-Audemer) j »
i8é8 Carcassonne, Perpignan, Narbonne, Béziers 3 »
1869 Loches 3 »
1870 Lisieux (Moulins) 3 »
1871 Angers (Le Mans) 3 »
1872 Vendôme 3 »
1873 Châteauroux 4 »
1874 Agen, Toulouse 6 »
1875 Châlons-sur-Marne (Rouen, Inauguration de la statue
d'Arcisse de Caumont, à Bayeux) 6 »
1876 Arles 8 »
1877 Senlis (Département du Lot) 4 »
1878 Le Mans, Laval (Département des Basses-Alpes) 3 »
1879 Vienne 6 »
1880 Arras, Tournay (Franche-Comté) 3 »
1881 Vannes (Bernay) 3 »
1882 Avignon 3 »
1883 Caen (Coutances, Jersey et Fréjus). 6 »
1884 Pamiers, Foix, Saint-Girons é »
1885 Montbrison, Roanne 6 »
1886 Nantes é »
1887 Soissons, Laon (Reims) 6 »
1888 Dax, Bayonne (Navarre espagnole) 8 »
1889 Évreux (Eure) 8 »
1890 Brive (Corréze) 8 »
1891 Besançon (Jura, Doubs et Suisse) 10 »
1892 Orléans. 10 »
1893 Abbeville 10 »
1894 Saintes, La Rochelle . 10 »
1895 Clermont-Ferrand 10 »
1896 Morlaix, Brest 10 »
1897 Nîmes 10 »
1898 Bourges ; 10 »
1899 Mâcon 10 »
1 900 Chartres 10 »
TABLES 293
On trouvera l'analyse détaillée de ces volumes dans la Biblio^^raphic
des Travaux bisliviques publiés par les Sociétés savantes de la France,
dressée par R. de Lasteyrie et Eug. Lefèvre-Ponialis, Paris, Inip. Nat.,
1898, in-4'^', p. 216-219.
Les demandes doivent être adressées à M. Emile Travers, directeur-
adjoint et trésoiier, 18, rue des Chanoines, à Cacn. L'expédition sera
faite par le chemin de ter, à la station désignée (le port étant à la
charge du destinataire).
Certains volumes n'existant plus qu'à un très petit nombre d'exem-
plaires, le bureau ne peut s'engager à envoyer tous les volumes qui
pourraient être demandés au cas où ils n'existeraient plus en magasin.
Le manque d'un ou de plusieurs volumes ne pourra motiver le
refus de l'envoi.
Dans la huitaine qui suivra l'expédition, le prix des volumes sera
recouvré par la poste, sauf indication contraire.
MALON, PHOTAT 1 RÉRES, IMPRIMEURS
GETTY CENTER LINRARY
3 3125 00670 3645
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