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SecttoQ '^ ^-
if./&
i^/«tjé:.
SERMONS
lEAND AILLE
DE LA
NAISSANCE, DE LÀ MORT^
de la Refurredtion, & de l'Aicenfîon
de nôtre Seignevr;
ET DE LA DESCENTE
du Saint Esprit y^r
les Apôtres.
/f'
'^ *t^ GENEFEi
/ *
Pour lean Ant. & Samuel De Tournes^'
'\v--^\*
;r--vi« '»t>,\
XxïvK'.«f5-
A MADAME
LA DVCHESSE
DE LA
TRIMOVILLE
ADAME3
Encore que la gloire de vôtre Noni
tres-illuftre 5 & les hautes qualitez,
dont vous l'avez enrichie , & particu-
lièrement l'incomparable excellence,
de vôtre efprit , & la parfaite netteté "
& foliditè de vôtre jugement me de-
yroient faire craindre de vous prefen-
E P I T R E.
ter cet ouvrage groflîer , & mal poli j
je prens neantmoins la hardiefie de
rexpofcr à votre veuë &mefmedcle
confacrer à vôtre Grandeur. Car j'ay
creu, que la dignité du fujet excufera
les défauts de l'ouvrier ^ Ôc que vôtre
pieté fupportcra facilement ce que la
fèveritè de vôtre jugement ne fçauroit
abfoudre {Ims peine. Outre que cette
grave douceur, & cette majeftueufe
debonnairetè ^ qui luifent en toutes
vos allions, &c qui font comme la
vive couleur, &: l'aimable teinture de
vos autres perTedions, mcfontefpe-
rer cette indulgence ; la faveur que
vous avez faite à une partie de cet
ouvrage me la promet prefoue afTeu-
rémcnt. Car l'un de ces Sermons,
Madame» ayant desja eu l'honneur
d'entrer en vôtre cabinet , & d'y re-
"cevoir des g;ratifications , qui font
bien haut au defllis de fon mérite y le
me fuis flatè de cette opiwion , que
•^ • * VOUi
E P I T R E.
vous n'aurez pas defagreablc de voir
les autres, dont je l'ai accompagné,
&c qui font tous enfemblele volume
que j'ofe publier fous la protedion
de vôtre Nom. le ne vous celeray
point 5 Madame, que j'en ai pris
l'occafion, afin de vous rendre par ce
petit hommage , la très - humble
reconnoiflance que nous devons à
vôtre pietc pour la grande édification
que donne aux âmes fidèles & la con-
fiance de vôtre foy , & la pureté de
vos meurs, & l'abondance des fruits
de vôtre charité. Vous n'avez point
eu honte de l'Evangile , & n'avez
point méprise la croix du Seigneur
I E S V S. Vous avez préféré la baf-
feffe de fa maifon , & l'opprobre de
fon pauvre troupeau aux vaines pom-
pes du monde *, par une generofîtè
d'autant plus admirable , que moins
nous en voions d'exemple en ce mife-
fable temps, où les avantages de la
"^ 3 terre,
E PI T R E.
terre ^ & les illufions de l'erreur ont
fait tcincderavao-es dans nos E^Jifes,
Vous n'avez pas feulement défendu
la vérité contre les baffes fubtilitez
des fophilles , & contre les petits
tours de leur chicane, qui n'cblouif-
fent que les mauvaifes veuës , ôc
n'enibaraffent que lesefprits foibles.
Vous elles fouvent entrée pour cette
querelle en des combats beaucoup
plus redoutables , où vous aviez
contre vous les Majeftez les plus re-
levées de la terre, qui nous enviant
un II glorieux ornement >emploioient
pour vous arracher de nôtre Com-
munion les plus fortes de leurs armes,
les faveurs & les carcfles, Mais vôtre
pieté a bien fceu vous demefler de
ces difficiles rencontres. Elle a dans
ce feul point refiftè à ^autorité des
puiflances fouveraines \ mais d'une
manière fi noble , & avec une adreflc
fi délicate , que vous Içs «.y^z vain-
cues
E P I T R E.
eues fans les ofFenfer , & avez trionfé
de leurs efforts fans perdre leurs bon-
nes grâces. A cette belle & invincible
foy vous avez joint , Madame,
une honeftetè fi haute , & une fandi-
fication de meurs fi exade ^ qu'elle
n'édifie pas feulement l'Eglife j elle
eft aufli admirée du monde. Et Ci
l'erreur des adverfaires les empefche
de louer vôtre créance, cet éclat de
pureté & d'intégrité , qu'ils voient en
toute vôtre vie , les contraint d'en
reconnoiftre la bonté. L'un & l'au-
tre parti eft d'accord , que vous eftes
l'un des plus excellens , &c des plus
achevez patrons de vertu , & d'hon-
neur qui fe voye dans nôtre fiecle.
l'avoue , M A D A M E 5 qu'en quel-
que-part des chofes humaines ^ que
le treuvaft une forme lï rare , elle ne
laifTeroit pas d'cftre lumineufe & ra-
viflante , mais il eft pourtant hors de
doute, que ce haut Heu , pu la Pro-
* 4 vidcnce
E P I T R E.
vidence vous a placée, en rcpand la
lumicre , & en augmente l'édifica-
tion i comme nous voions, quede
tous les feux de la nature il n'y en a
point qui éclairent plus loin , & dont
l'aélion ait une plus large étendue,
que ceux qui luifent dans le ciel , la
plus élevée région de l'univers. le
mets aufli , Madame, entre les
ornemens de vôtre vertu ces perfe-
ctions naturelles & acquifes , que
vous pofledez dans un haut degré,
un entendement vif & pénétrant, un
raifonnement jufte , une connoiflance
exquife de toutes les belles chofes,
avecque la prudence , qui s'en eft
formée , & qui en gouverne iagement
J'ufige j les grâces de la langue & de la
plume y la majeftè de la perfonne , &
de l'adion j & enfin un grand cou-
rage 5 digne du fang de la T o v R
& de N A s s A V , d'où vous eftes née ,
^ de çeluy de la Trimoville,
EPÏTRE.
que vous' y avez heureufement joint
par la benedidion de vôtre mariage.
Vôtre pieté alTife ( fi je l'ofe ainfi dire )
au milieu de tant de biens , en eft plus
agréable \ comme un riche diamant
lié dans un bel or ; & ce mélange
de tant de diverfes merveilles en rend
l'exemple plus vénérable, &l'aclioa
plus vive 3 & plus efficace. Toutes
ces grâces , Madame, nous
obligent d'une humble & profonde
reconnoiflance envers ce fouverain
SEIGNEVR, qui en eft l'unique
auteur. Et je confefle que ce devoir
vous regarde premièrement 5 puis que
^ous eftes proprement le fujet 5 que (a
bonne &ç puiflante rnain a daigne
former , & reveftir Ci magnifique-
ment, & où il a fi libéralement ré-
pandu les prefents de fon trefor divin.
Mais certainement puis que nous
avons part en fon don, pourl'edifi-
fUÏoïï Se la çonfolation finguliere,^
qui
E P I T R E.
qui nous en revient, nous lui en de-
vons aufïî nos remercimens ; & ne
{)ouvons fans ingratitude manquer à
e bénir de ce qu'il a honore d'un
joyau fî précieux nos Eglifes , où il
vous a fait naiftre, & où il vous a
fidèlement confervee. Pour moy.
Madame , je Pen loue de tout
mon cœur , & le prie très -ardem-
ment , que pour nous continuer cette
faveur , il vous donne une très-lon-
gue &:tres-heureufe vie, & qu'il cou-
ronne la pieté , que fon Efprit a pro-
duite en vous félon fon bon plaifir,
de {es plus chères benedidions fpîri-
tuelles & temporelles , Qu'il affer-
mifle fon alliance dans vôtre maifon
tres-illuftre, & que Me s seignevr«
vos Enfans puifTent eftre la gloire &
la joye de nôtre pofteritc , comme
vous efies maintenant la nôtre , de
qu'il accornpliflc enfin les voeux &
iesfouhaits>que vous prefentez tous
les
E P I T R E.
les jours à fa Majeftè divine , arrofez
de vos faintes larmes , & parfumez de
vos foûpirs, pour en obtenir cette
grâce. Que fi dans ces nobles & ver-
tueux exercices , oiivouspourfuiuez
vôtre courfe Chrétienne , ce livret,
que je vous prefente , pouvoit treuver
fon lieu, &c retenir par fois ou vos
greilles, ou vos yeux , & vous faire
palfer quel<|ues heures fans ennui > &
s'il eftoit affez heureux pour rendre
quelque petit fervice à vôtre dévo-
tion 3 foit pour édifier y foit pour
confoler vôtre ame ^ je ferois , M a-
DAME, le plus content homme
du monde, &c bcnirois toute ma vie
le jour & l'heure, que j'entrepris ce
travail. Mais quelque fucces, qu'il
ayt 3 je vous afTeure au moins ,
Ma dame, que c'a été mon deffein^
& mon defir ; *& je fupplie tres-hum-
blement vôtre bonté de diftinguer
ie|on la lumière de fa fageiTe;^ la pureté
de
EPITRE.
de mon intention d'avecque Fimper-
feâiion de mon ouvrage. Pardonnez
moy l'une > s'il vous plaift. Mada-
me 5 comme une chofe nce d'une
fpxblefle involontaire ; & daignez
agréer l'autre , comme un fruit de
vos mérites &c de vos faveurs, & du
re{pe6lueux reflentiment que j'en ai,
avec une inviolable palFion d'avoir à
jamais l'horineur, d'eftre,
MADAME,
Pe Paris , ee jo jtué^
de Mtrs iCfi.
Votre tres'humhle , tres-cheijfdnt]
^ tres'oblige ferviteury
D A I L L fc'.
TABLE
DES SERMONS
contenus en ceVoLVME-
De la N A I s s A N c e de notre
Seignevr. IIL
I. Sur Galates , ch»4. verf 4. Page 1
I L Sur S.LuCych.z*fA.i.}.^.^.6.j. p.39
IlLSur S.LuCych.i^f A^.jujqu'au lo.p.yi
De la Mo KT de notre Sei-
gnevr. II.
L Sur S. Math, ch.^^- f.zuii.i^. p.113
I L Sur S.MarCj ch.15. f.ii.jufqu'au 37.
page 148
De la Res VRRECTIGN de nôtre
Seignevr. VI.
L Sur S. Luc> ch.2.4. f* 13. iufqu'au irj,
page ic)^
I I. Sur S. Luc> ch.i4. f. iS.jufqu'au 35.
m Sur
TABLE.
I II. Sur S.Luc^ ch.14. i/,^6.\Hp^'au 45*
Page zy6
I V. Sur S. Luc, ch.14. f .44.45. p.311
V. ^^rS. Lac3ch.i4.i^.4^.47.' p-547
V L Sur S. lean, ch.ii. iJ^.14. ^.381
Pe/' Ascension ^e Nôtre
Seignevr dans les ci eux^ L
L Sur les Ades 5 ch.i. -5^. 5>.io.iï. /?.4i7
Pe/^ Descente ^^S a int Esprit
furies Av or KI.S IIL
L Sur S. learij CL14. f.i6.iy. /^•455
n. iy/^r/^yAdrcsj ch.i.)^.i.2.3.4. p.499
IIL Sur les Ades, ch.z. f.^.jufqu'au u*
^^^^541.
Fin ^e'/^ Table*
DE LA
NAISSANCE
DE NOSTRE SEIGNEVR
lESVS-CHRISt.
SERMON PREMIET^
Galat. IV. verf. 4.
^ànd l'accomfliffement du temps efi
hjenu , Dieu a. envoyé [en F ils fuit de femme ^
(jrfftjet à U loy.
Hers Frekesj
La plus part des anciens peuples.donf
la mémoire eft venue jufques à nous^
avoient accoutume de. célébrer folen-
nellement la naiflance des perfonnes, à
qui on avoit quelque grande obligation,
èc de confacrer les jours j qui les avoienc
mis au monde. G eft à mon avis ce qui
â a autre-
2 3e la Naiffance du Seigneur I e s v s ,
a autresfpis porté les Chrétiens à infti-
tuer cette fefte de Noël,qui fe folennize
aujourd*huy en commémoration de la
naiflance du Seigneur lefus. Car voianc
que les fujets rendent volontiers cet
honneur à leurs Princes , & les difciples
à leurs Maiftrcs,ils penferent ne pouvoir
manquer fans ingratitude à en déférer
autant au fouverain Seigneur &: Maiftre
de l'universjle vrai Prince de nôtre paix,
qui a répa/idu fon fang^afin de confervcr
le nôtre , & qui a racheté nôtre liberté
au prix de fa propre vie ; le grand Pro-
phète ,qui d*vne nuit infernale nous a
tirez en la lumière du ciel, nous décou-
* vrant tous les myfteres de Dieu, &: noits
laiflant non vnefciencedouteufe, & in-
capable de nous donner aucune confo-
lation 5 mais vne fapience certaine ^
divine qui nous rend bien-heureux à
jamais 5Û nous la recevons avccque foy.
La fuperftitionqui fouille tout ce qu'elle
manie, a corrompu peu à peu cette in-»
flitution d'ailleurs affcz plaiTlible, &: Ta
enfin tournée en cette pompe prefque
mondaine,qui fe void maintenant en la
communion de Rome Nous tafchons
quant 2hnous de la ramener à la pureté
à: fim-
s E R M O N I. 2
èc fiinpiicicé de nôcre (ainte difciplinei
vous remoncranca toutes occalit>as,que
le Chrécien eft au deiTus des ans , des
mois , 5<: des jours , comme boaro-eois
d'vne Cité bien haut élevée au defTas" du
Soleil 5 a^ des autres Allres , qui font &c
mefuren t le temps. Toute la durée con-
fiftc en vu point, mais qui embraflele-.
ternité,toutégal U unifoime, (ans aucu-
ne diverlité, ni bigarrure d^ncervallesi
Tout (on temps ell un Noël , & une
Pafque perpétuelle i il eft partout mar-
qué d'une douce ^ fraiiche commémo-
ration des exploits de Ton Chrift. Nous
fentant obligez à vendre ce devoir au
Seigneur tous les jours de nôtre vie,
nous emploioiîs tres-voiontiers celui-ci
à nous en acquitteri mais à condition de
ne le point exclurre des autres parties de
nôtre temps.Et pour addreffer nos efprits
en des médications dignes d'un il laine
exercice,) 'ai ciioili Saint Paul pour nôtre
guide j qui en ce petit paflâge,que je
viens de lire, nous expofe brièvement à
la verité,mais neantmoins plenement&r
divinement à (bn ordinaire , le temps ôc:
lafaflbn de la venue de nôtre Seigneur
Icfus-Chriil au monde. Ces parties font
a ^ ii claires
4 I^e U Ndjfance du Seigneur I e s v s .
fi claires dans ce texte, que chacun tes J
peut voir de luy mefme. c^mdtaccom-
jliffeme/it du temps e fi venu , d\t'i\^ Dieu a
€nv<ty€[on Fils f m de femme ^&fujet à, la loy.
L'Apôtre remarque en premier lieu le
temps deTenvoy du Seigneur au mon-
de, en difant qu'il a été envoyé , quand
raccomplijfemem du temps efl venu. Dans
les verfetsprecedens ildiloit.que l'Egli-
fe durant fon enfancca été aflervie à la
loy Mofaïque, comme a untutcutjou à
un Pédagogue;le Perc celcfte ayant vou-
lu qu'elle demeuraft en cet cftat jufques
à ce qu elle euft atteint un âge plus meur^
& par manière de dire5les ans de fa ma-
jorité. Il ajoute maintenant,qiie ce ter-
me étant venu, ce temps préfix & déter-
miné par le Père étant accompli (car
c'eft cequ'ilentendpar faccomplîjfement
ou U plénitude du temps ) alors lo Chrift
a été envoyé. Car ce grand Dieu, qui en
fon ccMifeil éternel a difpenfd les faifon»
de toutes les chofcs de l'vnivers les fai-
fant naiftre , croiftre , diminuer , & finir
chacune en leur temps préfix , fans qu'il
foit poflible aux caules fécondes de le
hafter,ou de le retarder, avoir auffi félon
cet ordre pris un certain terme pour en-
voyer
s E R M O K I. Ji
voyerfonFils aumonde^afin de mettre
TEglife en liberté. Qji'ilen ait uféde la
force, ôdla raifon de ia ibuveraine fagef-
fejqui ne fait rien iînon en temps, ne
nous permet pas d'en douter, $c les Ora-
cles du vieux Teftament , qui defignenc
fouvent ce temps-là, nous le montrent
clairement. Et que la plénitude de ce
temps fuft venue, comme dit TApôtre,
c cft à dire,que tous les fiecles,^ tous l&s
ans préfix jufques à ce terme,fu{îent ple-
nement, & entièrement coulez, fans
qu'il en rcftaft aucun , lors que lefus-
Chrift eft venu au Monde ; cela fe peut
auffivoir par les circpnftances,dontles
Prophètes fe font fervis pour nous le dé-
crire. Par exemple lacob prédit5que Sfilo, ^'''*-49'-
le Pacifique , c'eft à dire le Meflie vien-
dra avant que le fceptre & le Legiflateur
foient ôtez aux Iuifs;&: plufieurs fiecles
depuis Aggée prophetife , que le Meilîc -^^^'^2.
fera révélé durant la fubfiftence du fe-^'
cond Templeicarc'eften cela, que con-
âfte l'avantage de gloire,qu'il luy donne
au deffus du premier, auquel en toute
autre ciKîfe il étoit inférieur; &: Mala-
chie à raifon de cela dit , que le Mcflie, MaUch,
qu il nomme le Seigneur cherché par les 3i-
a 3 Iuif|^-
I
'€> De la Naijfarfce du Seig>jeur I e s v s^
Iuifs,entreia en fon Temple. Par ces
Oracles il paroift, queicMcfllc dévoie
eftre exhibé &: reprcfcntc an monde du-
rant la (ubfiftencc de l'état , &: de la poli-
ee civile &: Ecclcfiaftiq'ie des Iuifs5&; du
fécond Temple de lerufalem. Or quand
le Scicrnevir Icfus eft venu au monde,
cette iubfiftence spproihoit fort de fà
rfih,le. fécond Temple ayant etè ruine , &:
Ifijct^ptre & le L^gHateur fc'eftàdire
fr-se^i(eignesd'.' la M îgiftrature civile,&:
dîConicil de'« Sag-s) ayant écèôtc aux
la.fs irente-dpî ans leulemL-nt aptes la
tnort de lefus ; fans que cette mifcrable
nation ait jamais pu depuis ce temps là
-n le.ver ou (on Tcmple,ou Ton état;ayant
dcvia poiTc près de feize iî -clés entiers
en la plus piroiable condition, oii ait
jamais été aucun peuple, efclave par tous
les endroits de {^s dilpr riions, vivant par
tout en exil,&r fous les loyx d autrui. Puis
donc que julqucs à la naifTance de nôtre
lefusj^e Meflie n avoir point encore étc
envoyc;5i: puis que d'autre parr il reftoic
{] peu d efpace jufques au terme préfcrit
par les Prophètes; il ell clair qu'alors la
plénitude du temps étoit venue, & que
pour juflifier la foy des Oracles de Dieu
il
Sermon I. 7
il falloit que le Chrift de Dieu vinft
dans ce peu de temps, qui s'eft pafTé de-
puis les dernières années du Roy Hc-
rode 5 jufques à la prife de lerufalem par
Titus,-qui eft ( comme vous fçavez ) pre-
cifeméc le temps auquel nôtre Seigneur
lefus eft nai,&: auquel il a*^vcfcu en terre,
&c après y avoir^accompli l'œuvre de
nôtrç,redemptiQn,s'en eft retiré dans les
cieux. Mais la prédiction de Daniel eft Dan.^i
encore plus precife. Car il dit , que de- ~^-
^ puis nffuë de la parole^^/zW s\ri retourne^
ceft à dire <iepuis la publication de la
::permi{Iîon,que les Rois de Pcrfe donnè-
rent aux luifs de s'en retourner ;en leur
cpaïs,pour rebâtir, le Temple, jufques à ce
que le Chrift foit retranché il y aura
foixante bc deux fema- -^s , c'eft à dire,
quatre cens trente &: *tre ans, Car par
c^%.f€main€S'\2is\\ ent' dTelon le ftile or-
dinaire des Prophètes , des femaines
-^ -années, ô«: non de jours. Or depuis la
deuxiefrae année ;dii*Roy' Darius , lors
jq.u^ la permiflion de rcbâçin Ici Temple
fut donnée & publiée , en .fuiîc de la-
quelle il fut rebâti en efier., depuis çô
temps-là,disnje ,jufqtics àla mort du Sei-
gneur leiiisri/ îisfeft juftcmcnt paflc
a 4 quatre
8 De la NaiffafJce dit Seigneur I e s y s .
quatre cens trente U quatre ans , félon
la fupputation des meilleurs Autheurs
dcLi Chronologie. S'enfuit donc que
raccompliffement du temps étoit venu,
lorsque le Seigneur lefus fut envoyé au
monde. Ajouterai- je encore à ces en-
fcignemens fifolides une congruité al-
légorique ? Certes tous les luifs , &
pluficurs Ghtétiens après eux tiennent,
que les fîx jours emploiez en la création
du monde fignificnt les fix milliers d'an-
nées de fa durécfcar ceft vne tradition
très-commune, &: très-ancienne dans
les écoles des vns & des autres, que le
monde doit durer fix mille ans) Comme
donc en la création le Soleil , rimage
fymbolique du Meffie , parut le qua-
ï^, tricfme jour,&: non plûtoft , ni plus tardi
aulTi a-t- j1 été convenable,que le Chrift,
le Soleil de lufticc, fuft exhibé & mani-
feflc au monde dans le quatriefme mil-
lier de fa durée , qui répond au quatrief-
me jour de fa création. Or cequatrief^
me milhcr des années du monde ctoic
-prés de fa fin, quand nôtre Seigneur lefiis
naquit ( car il fut crucifié l'an du monde
trois mille neuf cens , quatre-vint-un,
c'cft à dire dix-neuf ans feulemêt avant
^tn. T.
Sermon I. 9
que le quatriefme millier de la durée du
monde fuft achevé. ) Il ell donc clair
qu'alois auffi félon cette méditation al-
légorique , raccompliffement du temps
étoit venu. D ou vous voyez dvne parc
combien eft grade la ftupidite' des luifs,
qui attendent encore le MefTie, feize
cens cinquante ans après l'accomplifle-
ment de tous les temps dans lefquels il
avoit été promisi&: de l'autre j combien
cft certaine &:à(îeurée nôtre foy , de
nous qui croiônS , que le Seigneur lefus
éftleChrift. Car puis que leDieufou-
veraia avoit prédit tant de fiecles aupa-
ravant, &c entant de falTons , que fon
Meflie vtendroit precifément au temps
de la naiffance, de la vie. Su de la mort
du Seigneur lefus; &c puis que d'autre
part en tout ce temps-là il ne fe prefcnte
aucun autre que lui ^àqui cette qualité
foie attribuée, ou par les luifs, ou par
aucune autre nation ; il faut biencon-
clurre de necelTué, qu'il eft véritable-
ment lé Meflîe tant de fois promis par
le Seigneur, Se fi ardemment attandu
par fon Eglife. Et quand tant d'autres
enfeignemens , que nous avons de fa ve-
^ rite , Ô6 divinité > nous manqueroienr,
celui-
10 T>eU JNfaijfatjce du Seigneur I e s v s .
celuî-ci feul fuffiroit i étant clair, que iî
nôtre lefns n'cft pas le Chrift, il faudra
donc condamner , comme autant de
faulTetez & d'illufions, toutes ces pré-
dirions de Dieu fous le Vieux Tefta-
ment \ parti defefperé , que le luif ne
prendra jamais , ni certes aucune per-
fonnc de jugement , qui aura exadcmêc
coniîderétous lestenans, & aboutiflans
de ct^ divins Oracles jle rapport admi-
rablc^quife trouve entre les evenemens,
& les predidions , juûifiant tres-cvidc-
ment la vérité des uns &: des autres.
<^ant aux plaintcs,que fait ici le profa-
ne, de ce que Dieu n'a pas envoyé fon
Chrift pKitoft au monde \ elles ne méri-
tent pas,que Ton y ait aucun égard. Il
fuffit,que nous fçavons queDieuTa airiiî
voulu. Car puis qu'il paioift par toutes
fes révélations, & notamment par celle-
ci j que TinteUigence. ôd la fageiTe de ce
grand Dieu cft fouveraine, qui a pu pré-
voir , & prédire dcs.chcXcs fi élQ.jgRé§s
dansTaveniriSiT que de là'nlcfmc ^pjçq-
;re il -eft. clair , qi'C c'eft lui qui a d'çver-
jninéle rempsderavencmentdu CUrilb
nous devons dés-là tenir pour tout affeu-
Tç y q'vic cctfc difpenfatAQn .cft trcs-JMik,
bien
Sermon I. il
bien que nous en ignorions la raifon.
Certes au moins voions nous en cette
oeuvre les marques de fa conduite ordi-
naire. G ar corne il conduit toutes chofes
à leur dernière perfeftion par certains
degrez;ainfi a-t-ilfait paiTerTEglife par
diverfes œconomies, comme par'autanc
d'âges &: d'intervalles , avant que de lui
donner fa perfeftion; ce qui requeroir,
queTexhibitiondu Chrift , le confom-
niateur de toutes chofes, ne fe filVpas
des le commencement. loint qu'il a eré
à propos de préparer le monde à la foy
dVn fi grand n>îracle, par plufieur^ lon-
gues difciplines,&:reprefentatiôns typi-
ques. Car puis quet^onobftant cette dif-
penfation û merveineuïè, le Ch«-ifta ère
méconnu &l rejccré par la plus grande
partie dugenrc h'3lTicîiri;Gomhien mofiins
euft-il ctc creu, s'il fuft venu deVîe cotii-
mencernent, non prevén, non prédit,
&: non atrandu ? Enfin ïî'-le monde ne
doit durer qu'en vit on' ^iix milicans,!!
ctoit à propos pour la foy de la Religion,
que le Chrift y a apportée, qu'il vinft aux
derniers fiecles plûrrft qu'aux preriiiers.
Car s'il fuft venu des les premiers temps,
alTeurémenr il euft t^té mccreu, & foup-
çonne
Il De la TTatJfance dtt Seigneur \^^ y ^1
çonné parles derniers i les chofes très-
anciennes étant pour la plufpart efti-
mées fabuleufes par les hommes , au lieu
qu ayant été manifefté en vn temps,non
trop éloigné du nôtre , & d'abondant
plus éclairé de la lumière des lettres ^
difciplines , qu'aucun autre ficelé, qui aie
jamais été ; on ne fçauroit révoquer en
doute ni fa naiflance , ni fa mort i atte-
ftées par toutes fortes de gens, amis, 6^
ennemis, Chrétiens, luifs, & Paycns.
Mais c'eft aflez parlé du temps. Venons
maintenant à fon envoy mefme. Pour le
bien entendre,il nous faut confiderer la
perfonne, & de celui qui a été envoié,&:
de celui qui a envoie ; &: enfin la faffon
decét envoy. Celui qui a été envoyé eft
le Fils de Dieu; celui qui Ta envoie c'eft
Dieu'^ car T Apôtre dit, c^nt Dieu a en^
'voié fon Fils, Quen cette tres-fainte
&: tres-glorieufe Nature, que nous ado-
rons,&: que nous appelions Dieu , il y ait
quelque diftinftion de perfonncs,Moïfe,
bL les anciens Prophètes l'avoient desja
lignifié en divcrfes fortes ; mais l'Evan-
gile la fi clairement enfeignc,qu'il n'y a
plus lieu d'en douter. Or qu'elle eft pre-
cifément la manière , & la forme , ^ la
diftindion
s E K M O N I. 1}
diftindion desperfonnes divines, lef-
pric de rhomme ne le peut comprendre,
le fini netanr pas capable de concevoir
Tinfini. On peut montrer par l'Ecriture,
ôc que ces perfonnes^quant à leur maniè-
re de fubfifter font tellement diftinftes
Tvne d'avecque l'autre , que l'une n'efl:
pas l'autre, & que ncantmoins quant à
leur Nature , elles font fi ctroitement
unies , qu'elles ne font qu'vn feul Se
mefme Dieujbien qu'au refte il ne nous
foit pas poflible de comprendre com-
ment des perfonnes diftindes & diver-
fes Tune de l'autre, fubfiftenten une feu-
le & mefme Nature. De ces perfonnes
donc, qui fubfiftent en l'unique Nature
de Dieu, la féconde eft appellée le fils
dans les Ecritures;comme quand Efaye
dit en la predidionde la naiffance du
Me (fie , L! Enfant nous eji nai.le Fils nom a. ^A^« 9-
éîedonné;^ dans le deuxiefmePfeaume, ^'
Bai fez le Fils-^depeur quil ne Ce courrouce^, Tfe.zAz^-
Et afin que Ton ne s'imagine pas, que ce
foit vne créature nommée Fils par fimi-
litude en la mefme forte que les Anges,
ou les hommes font quelquesfois hono-
rez de ce nom ,* le Saint Efpritnous dit
exprcifément , que ce Fil$ eft le Filsil"!^^
unique
I.
14 Delà Nai/fa^ce duSelg/^eurlESVS.
i{oyn.î. tmiGiue de Dieu i & ailleurs , que ccÙ.fo^
^' Fils propre i ce qui ne fcroic pas , s'il n e-
toit Fils de Dieu, qu'en la melme faiTon,
que le font les créatures. Saine lean le
nommeauiri/^P4r^/^;c'eftà direlapuii-
x€>tn I. »
T.cT-v/^^-fance, & la vertu du Père, à la parole
'^^'''' duquel Moïfe attribue toute la .création
de l'univers. Salomon pour la melme
^'''^- ^raifon l'appelle U Sapieme^. Ccft donc
cette féconde perfonne de Ja divinité,
qui a été envoyée en la plénitude des
IQVCi^S'i Dieu a envoyé fon Filî^dit l'Apôtre.
Celui qui l'a envoyé c'cll Dieu yCcds,
dire le Père, la première peribnne de la
Trinité.Carbien que le Fils foitDicu de
mefme effence , &: de mefme éternité
que le Père ; neantmoins dans les lieux,
oii il eft qucllion de l'oeconomic de nô-
tre rédemption, !c nom de Dieu fe prend
ordinairement pour le Fere particuliè-
rement ; comme quand le Seigneur dit,
<3ue Dieu a tant aimé le mande^ au il a donné
ï^. Ion Fus vnique ^ apn que epiiconque croit en
lui ne pertffe point -i &L iouvcnt ailleurs.
Coniiderons maintenant quel eft cet
eavoy,ou cette million du Fils. Chacun
fcait quW;i;tfjrr lignifie hure aller quel-
qu'un d'un heu daiiS un autre s de forte
que
s E R M O "N" I. 15
que ce que die TApôtre , que le Fils a été
envoyé far le Père , ne veut dire autre
chofe , (iiion que par la volonté5&: par le
mandement du Père le Fils eft venu au
monde. Mais 'puis que le Fils eft de
mefmenature^que le Pere^il eft évident,
qu il ne va , & ne vient qu'en la mefme
forte, & au mefme fens, que le Pcrejc'eft
affavoir non par un mouvement fembîa-
ble à celui des corps, quittant le Iieu,oà
il ctoit,^^ fe rendant en celui , où il n'é-
toit pas ( Dieu étant infini ne fe meut
poinren ce fens, parce qu'il remplit tout
l'univers, étant par tour,&: dedans, ô^ de-
hors le monde.) MaisTEcriture dit , que
Dieu vient dam vn lieu , quand il y mani-
fefte fa préfcnce, foit par les œuvres,
qu'il y faitrfoir par quelque fymboie , d\x
figne vifib]e5qu'il y propofe anx yeux des
hommes ; comme quand il fe montra J
Abraham,.^ à lacob fous la ferme d'va
homme, &: à Moïfe fous celle dVni>uif-
fon ardent. C'eft donc ainii qu'il faut
entendre renvoy du Fils ; qui fignific,
que le Fils félon ]ê bon plaific du Pcré
s'eftmanifefté au monde par la nature
humaine5qu'il a prife à foy,& en laquelle
il s'eft rendu vifible \ *^ par les admi-
rables
16 De la Naijfa^ce au Seigneur I E s v S T
râbles oeuvres de fageflc, de juftice^&dd
boncé,qu'il a faites duiant les jours de fa
converiation icy bas. Ceft ce que TApô-
tre nous déclare 5 en difaiu, que ce Fils
envoyé du Père , a, été fait de femme i pa-
roles qu'il a ajourées, non tant pour defi-
gner la qualité du Fils, que pour nous
montrer la faflbn , dont il a été cnvoyéy.
aflavoifj que pour exécuter la volonté du
Pere,qui Icnvoioit, il a reveftu vne chair
humaine faite &: formée par l'opération
du Saint Efprit de la propre fubltance de
la Bien-heureufe Vierge i que l'ayant
veftuë 5 il eft demeuré dans fon fein juf-
ques au terme ordinaire, lequel étant ac-
complijil cftnaiau monde, comme les
autres hommes. S.Iean Cgnifîe la mcfme
chofe, quand il dit^que U Farole a été faite
^ chair ; & l'Apôtre ailleurs, que Dieu a été
16. ' ' tnanifefié en chair. D'ici paroift , bc quelle
eft la perfonne de celui , dont nous célé-
brons la naiffance, &: quelle la nature,
qu'ilaprife ennaiffant , &: quelle enfîa
la faffon dont il fe l'eft unie. Sa perfonne
car c'cft le Fils de Dieu , engendré de
toute eterniic de la fubftance du Pcrcj^:
fubfiftant en Dieu devant tous les fieclcsv
ià parole, à: fa fapicnce éternelle, la
rcfplcn-
hxn I.
14.
s E R M O Tî I. I^
xefplendeur de fa gloire , &: la marque
cngravée de fa perfonne s par lequel il a
fait les fiecles , &c formé, conduit, èc
gouverné fon Eglife. Mais ce que die
l'Apôtre 5 que ce fils a esté fait defemme^
nous montre atoffi clairement , quelle
a été la Nature , en laquelle il s'eft ma-
nifefté au monde i affavoir vne nature
humaine , non tombée des cieux , ou ex-
traite de quelque matière furn^mellej
U extraordinaire ( comme font refvé
divexs hérétiques 5 foit des iiecles paflez
foit du nôtre) mais formée d'une vraye
chair humaine , en telle forte , que nous
pouvons véritablement dire , qu'il cft
nôtre os, &: nôtre chair, de mefme ef-
fence , &: de mefmes proprietez , que
nous. Mais d'ici vous voiez encore,que
cette nature humaine du Seigneur eft
nécdVne Vierge par une opération di-
vine, fans l'entremife de Thomme. Car
bien quefEcriture dife quelquefois ceH)i
qui font nais de femmes , pour fignifier les
hommes ; fi eft-ce que cette exprelGon
de l'Apôtre emporte quelque chofe de
pacticuher, n*étant pas du tout fembla-
ble à l'autre. Car il ne dit pas fimplemenr,
que le Fils de Dieu eft nai de femme;
b ' mais
i8 De U Naijfance du Seigneur I e s v s .
mais qiù/ ejl fait de femme, Pourquoy^
Pour nous moncrer^qu'il a été conceu de
la chair d'une femme feulement, &; non
auffi de celle d'un homme, comme tous
les autres hommesic'eft à dire, quileft
nai d'une Vierge. Car s'il avoit été
conçeu à la faflon des autres hommes,
fans doute TApôtreeuft dit, qu'il a été
fait d'un homme , &: non, comme il dit,
d'une femme ,* à quoy tend auffi àmon
avis l'expreffion employée par le Sei-
gneur en la première promefTe du Mef-
fie , conceuë en ces mots , que Ufemence
ç^„ ,, de U femme hrifera U tefle du ferfent. Car
i/. le mot Aç, femme en ce paflfage de l'Apô-
tre figaifie (iinplem^nt le fcxe , &: non
l'état, 5^ la qualité de laperfonne, dont
a été fait le Seigneur i étant clair par le
rapport des Evangeliftes,queç'étoit vne
Vierge. Enfin l'Apôtre en difant, que le.
Fils de Dieu n tte faic de femme en la
mefm e forte que S. lean avoit dit, que U
Faroe a été ftite chair^ nous montre, qu'il
s'cft uni en unité de perfonne cette na-
ture humaine qu'il a prife à foy , en telle
forte que cet homme, qui cft nai de la
laintc V iergc,qui a veicu , &C eft mort ea
Iudéc-,&: qui rcgnc maintenant au deifus
des
2J.ZZ.2-
Sermon L i^
<îcscieux> n'eft pas une autre perfonne
que le Fils de Dieu , mais eft le Fils de
Dieu melme , éternel , &: coëflentiel au
Père, n'ayant point d'autre fubfiftence
que la iîcnne.Car fi le^ils de Dieu avoic
Amplement habité en cette chair-là de
la faflbn qu'il a habité dans les faints
hommes (es Prophètes & fcs Apôtres
par vne prefence &: efficace continuelle
de fa graceioh ne ponrroit pas dire, que
le Fils de Bieu^ dt été f ah de U femme , ni
qu'i/ Ait été fait chatr i mais bien , qu'il eft
venu,ou qu'il a habité en la chair > ou en
une perfonne née de femme i comme
vous voiez , que jamais on n'a dit^que le
Fils de Dieu ait été fait chair,ni qu'il aie
été fait de femme , quand lean Baptifte
naquit, bien que ce fuil vn homme au-
quel le Fils de Dieu s'étoit communiqué
paT une grâce extraordinaire. Davan-
tage fi le Fils de Dieu n'avoit aucune
autre union avecque la chair , qu'il a
prife^que celle qu'il avoit eue autresfois
avecque la flamme du buifTon par exem-
ple, ou avec ces fqrmes humaines , où il
apparoiffoit aux Patriarches ; l'on ne
pourroir pas dire non plus , qu'i/ a et} fait-
chatr , ou quil a été fait de femme i comme
b 2. Ton
20 Be UNaiJfancedu Seigneur Iesvs.
Ton ne dit point à Toccafion decesanc
ciennes apparitions , qu'il s'eft fait ou
flamme ou homme , & beaucoup moins
encorejqu'il ait ctè fait alors ou de flam-
me ou d'home. Puis donc que les Apô-
tres difent non fimplcment , que le Fils
de Dieu a habite en la chair, ou dans un
homme fait de chair, mais quilaé^è fait
chaïr^é' ^^'il' ^ été fait de femme ; il faut ne-
ceffaireraent confefTer, que Tvnion qu'il
a avec cette chair prife dans le fein , ^
du fang de la fainte Vierge5eft tout autre
que les précédentes j qu'elle eft en un
mot perfonnelle, &: telle que celle de
Tame & du corps , & qu elle lie tres-
étroitement fes deux Natures,affavoir la
divine & Thumaine^en un feul fujet , au-
quel denômè tantoft de Tune , &: tantoft,
de Tautre appartiennent en commun
toutes les qualitez,& proprietez de Tune
^ de lautrc. C eft par le bénéfice de
cette admirable union, que nous pou-
vons dire fans faillir, que rEtcrneleft
nai en temps ; que le Fils , qui a fait le
nionde,a ctè fait de femme ; que le Sei-
gneur de gloire a ctè crucifié i que Dieu
a répandu fon fang,&: à Toppcfite pareil-
lement 3 que le Fils de Thommeacrcc
l'uni-
Sermon L ii
f univers ; qu'un home jugera le monde;
qu'un crucifié eft Dieu benic éternelle-
ment avecque le Père. Voila , chers
Freres^quelîe eft la perfonne que le Père
nous a envoyée ; un Dieu, mais mani-
fefté en chairs la Parole éternelle , mais
faite chair ,* le Fils de Dieu fubfiftant de-
vant tous les {îecles5mais fait de femme
en la plénitude des fiecles. Et ici remar-
quez, je vous prie,radmirable abondâce
des écritures de l'Apôtre; qui dans cette
petite fentence , comme dans un riche
arfenaljuous fournit les armes , ou pour
mieux dircjles foudres ncceffaires pour
abattre fans reflburce toutes les herefîes,
qui fe font élevées contre la fainte do-
ûrine de la perfonne, & des Natures du
Fils de Dieu. Difant , que Dieu Ta cn-
voyèjil montre que fa perfonne eft autre
<}ue celle du Père, contre Sabellius , qui
les confondoir. Difanr qu'il a été en-
Voyè,&::mefme envoyé dehors fcar le ter-
me Grec de l'original emporte cela^ {\i^a'rréç:
enfeigoe , qu'il fubiSftoir avant quedc'^^^**
venir au monde ; contre les Samofate-
i*iiens5Ô^:lesPhotiniens,qui le nioienr. Le
nommant le Fils de Dieu , il declare^qu'il
eft de mefmc nature que le Perc, contre
b ^ Arius,
tz De la N'aijfa/ice di^ Sel^»eurJtSVS*
Arius , qai blafphcm )ic le contraire-
A)oû> antique ce Fus de Diea a ct'efait de
femme ^i\u.\\t pcr biinvlieinenc celai q à
a pris jaffavoir le Fils de Dieu , avec ce
qu'il apris,a(ïavoir la nature humaine;
cancre Neftorius, qui le divifoit en deux
perfonnes. Enfin ce mot f au d' fi mmc^
écablit la venté de fa nature humaine, &C
fa confangiinuè ( fi je Tofe ainfi dire )
avecque la nôtre^contre Marcion &: Ap-
pelles, &rles Anabipcillc<; ; qui changent
fa chair ou en un fantôme, ou en une hu-
manité d'une tout autre maticre, nature>
&: origine que la nôtre. Mais outre que
rautoricèderApoftic, & des autres Ecri-
tures eftablic, que le Chnfl: eft comme
nous l'avons reprcf^n'è,vrai Dieu & vrai
homme,vrai Fils de Dieu, &: vrai Fils de
l'homme en une feule & mefme perfon-
neije dis , que la chofe mefinc , &: la fin
defoncnvoy rcqueroit neccflairement,
qu'il fuft tel. Car il a été envoyé , 6c eQt.
venu au monde pour fauver le genre
humain. Or pour exécuter ce dcflein, il
falloir neceflairemcnt qu*jlfuft: Dieu, la
créature étant trop foible pour appaifer
rire du Père par un facrifice d*un prix in-
fini,pour illuminer les cntendemens des
hommes
s 1 R M O N I. 23
hommes naturellement aveugles , pour
fanctifier leurs affedions , pour lescon-
ferver contre les efforts de l'Enfer , &:
pour les reffufciter un jour en la bien-
heureufe immortalité ; tous effets requis
pour nous mériter , &: nous donner le fa-
lut.Mais il falloit encore que ce fuft Dieu
le Fils^plûtoft qu Vne autre perfonne de la
fainte Trinité i parce qu'étantqueftion
de donner aux hommes Je droit d'eftre
cnfans de Dieu ,& de reparer en l'uni-
vers ce qui étoit décheu de fa première
dignité 5 qui pouvoit plus convenable-
ment intervenir pour ces deux effets,
que celui qui eft le Fils effentiel de Dieu,
éc le Créateur &: l'Auteur de la Nature
des chofes ^ Mais ce mcfee Libérateur-^
des hommes a aufli deu eftre homme,
veu que la feule divinité ne pouvoitni
agir familièrement avec no us , ni fouffrir
la mort pour nous, deux chofes neant-
moins xieceffaires à nôtre falut i puis que
d'vne part le refïentiment du pechè 3i de
la luftice divine nous avoit effarouchez,
d/ que de l'autre nos crimes ne pouvoient
eftre expiez autrement , que par la mort
d'une vidime. La mefme raiïbn vouloit,
que le Chrift fuft un homme , non forme
b 4 d'one
i4 ^<? U Naifa?îce du Seigneur I e s v s.
d'vne matière celefte,mais/^// defemmei
comme dit l'Apôtre , c'ell à dire de nô-
tre fang,& de notre parentè;parce que ni
le droit de nous racheter n*appartenoit
fwlon les anciennes loix d'ifraël, qu'à ce-
lui qui eft nôtre proche de fang , ni les
fbuftrances d'un étranger ne pouvoient
tourner à Tacquit de nos pênes, ni fes
gloires à la confolation de nos ames.Mais
bien qu'il ait deu naiftre d'une femme, il
a neanrmoînsétè ncceiTaire^que ce fuft
d'une femme Vierge , par {opération du
Saint Efprit,&: non de Thômc, tant pour
fignaler ia naiflance du Prince de tout le
genre humain par la plus illuftre , & là
plus finguliere marque qui ait jamais été,
>jque principalement pour garantie fa
conception de toute foiiilleure origi-
nelle i &: de plus encore pour nous don- ^
Jier le patron de nôtre féconde gênera-
tion,quand par l'efficace de l'Efprit, &:
non de la chair , nous naiffons enfans de'
Dieu. Ainfi voyez vous,que Tintereft de
nôtre falut requeroit abfolument, que le
Chrift fuftprecifement tel, qu'il nous a
érè donné en effet. Auffi y avoit-il long-
temps que les Oracles du vieux Tefta-
mcnr nous lavoient ainfiproipis. Car
pour
s E R M O N î. 2-5
pour en alléguer quelques-uns djjn grâd
&:prefque infini nombre, Efayenavoit-
il pas prédit que ce feroic un Dieu,quand
il nous déclare que fon vrai nom eft
r Admirable. le Dieu Fort.é Vuïffxm, le Père Efale
de ïeterniù.le Prince de Paix \ tous tiltres fi ^•^•
grands & fi glorieus , qu*il n'y a que le
feul Ecerncl,qui les puiflTe foûcenir ? Et
n avoit-il pas montre',que ce feroit Dieu
le Fils , en difant , que le Fils noti^ a, été
donriè ? Mais quand il dit , que l'Enfant
nous naiftra , &: raefiîle • qu'il étoir desja
nai,tant il tenoit la chofe affeurée, ne fi-
gnifie-t-ilpasjque pour nous il fe fera
homme ? & home encore de nôtre fang,
&c de nôtre famille,puis que le Seigneur
rappelle , U feme^ce deUfemme ^^ que^/^-î-
Moïfe prédit , qu'il r^ou^ferafufiiîédentre'^^^,^^^
jes frères-, &: que tous les derniers Pro-^v
pbetes4e font fortir de Tefloc de Davidj
Et quant à fa naiffance d'une Vierge,
Efaïe a prédit expreflcmcnr, fw/,dit il, e[.j.i^.
une Vierge fera enceinîe.ér enfantera unFils\
&: pour combler ces enfeigccmens > il
ajoute la plus grande merveille , qui
foit en toute cette difpenfation de Dieu^
^{favoir Tunion des deux natures en une
fçulc pcrfonne, quand il dit , que le noni
de ce
i^ "De h Naiffa^ce du Seigneur I E s v s T
de ce Fils nai , d'une Vierge fera Emma,-
Tiuel^ ceftà dire Dieu avecque nous;
Dieu, mais en telle forte, qu'il fera aufli
homme corne nous. Les types Tavoient
auiïï figuré tel , que les Prophètes l'a-
voient prédit. Car {ç,% anciennes appa-
ritions fous des formes humaines , cbau-
choient la créance de fonincarnation>&:
cette célèbre habitation de TEternel en
l'arche en reprefentoit le myftere. Sa
naiflance d'une Vierge a été portraite au
plus prés du vrai, qu'il fe pouvoir , par la
naiflance de plufieurs de fes types,com-
me d'ifaacjde Iofcph,de Samfon , de Sa-
muel,tous nais de femmes fteriles, auflî
incapables de concevoir que les Vier-
ges.Retenons conftamment cette admi-
rable foy , fondée fur tant de raifons,
prédite par tant d'anciens Oracles , re-
prefentée par tant d'illuftres figures , fi
authentiqucment déclarée en tant de
lieux de l'Evangile, &: des autres écrits
Apoftoliqucs. Émbraflons avec une fer-
me créance ce Fils de Dieu, nôtre Em-
manuel , tout entier , comme vraicment
Dieu , &:vraiemcnt homme , &: vraic-
ment vne feule perfonne. Adorons le,
puis que c'eft pour nous, qu'il a fait tous
CCS
s È R M O N I. -VJ
ces'grands miracles. Car c'eft pournous,
qu'il a uni enfemble le ciel & la terre.
Dieu &: rhomme, reternicé & le temps
Tinfîni & le fîni,rimmutabilitè &: la naif-
fance,la baffefle &: la hautefle , l'ignomi-
nie & la gloire. L'Apôtre ajoute encore
une autre merveille de cette difpenfa-
tionjc'eft que ce Fils de Dieu a non feu-
lement etè fait de femme , mais auffi a
été fait fom U /^^;iignifiant par ces mots la
condition,où ileft nai , & oùilavefcu,
tandis qu'il a érèfurla terre, s'aflTujetif-
fant àlaloy deMoïfe,&:en accomplif-
fant toutes les ordonnances, jufquesà
receuoir la circoncifion en foa divin
corpsjjufques àpayer au Sanctuaire les
didrachmes , que les étrangers fculs y
dévoient , &: non le Fils du Roy celcfte;
jufques à manger de l'Agneau Pafchal,
fans manquer à aucun des articles de
l'ancienne alliance. Car TApôtre em-
ploie toujours cette faffoa de parler e/lre
fou^Uloy en ceX^ns,pour dire eftreenla
condition'des hommes luifs, vivre fous
la férule de Moïfe , de reconnoiftre fa
pedagogiejcomme pour exemple,quand
il dit, (]u il fe fait à ceux.^ui fo^t fous la loy^ ^'^^ '''' ^*
comme s'il étoit fom la loy^ ôc au contraire
à ceux
2? Be U Naijfance du Seigneur I e s v s .
À ceux y (jui font fms U loy comme s'il étoif
pinsUloy\o\xi\ eft clair par roppoficion,
qu'il fait entre ces deux fortes de per-
fonnes , que comme pxr ceux , qui font
fans U loy y il cntcaà les Payensiainfi/^^r
ceuxy qui fontfotuU loy^ il fignifie les luifs
avecque les Profelytesjles uns fujets à la
loy , & les autres non ; c*eft alTavoir à
celle de Moyfe. Car autrement en pre-
nant la loy généralement pour toute ex-
preflîon de la volonté divine , de quel-
que ordre , quelle foit, lesPayensn'é-
toient pas fansloy,ni de droit,ni de fait*
On demande donc ici pourquoy le Sei-
gneur a voulu fubirlejoug de cette loy
Mofaïque,puis qu'il n y étoit,ce femble,
obligé, ni par la condition de fa nature
humaine , ni par la raifon de fa charge.
Non par la condition de fa nature hu-
maine; car il étoit exempt non feule-
îiient de pechc,mais mefme de toute in-
clination au péché , que cette loy pre-
fuppofc en ceux , à qui elle s'adrefTe;
t.Tm. I. d*oii vient , que TApôtre dit en quelque
^" lieu,qu*elle n*eft point mifc5 pour le jufte-
Non par la raifon de fa charge i Car
qu'ctoit il befoin pour nous fau ver , qu'il
fuft circoncis, ou quMmangeaft durôti
delà
s E il M O N I. 29
de la Pafque ludaïque, & qu'il obfer-
vaftles Sabbats? Tavouc qu'une tres-en-
ticre faincetè luy étoit neceflaire pour
nous juftifier. Mais qui ne void qu'une
telle faincetè n'eft pas attachée aux ru-
dimens de Moïre5& que Tes Anges dans
les cieux,& les fidèles dans le iîecle ave-
nir font tres-faints fansTaidcjOU la fu-
jettion de cette difcipline ? le dis donc
pour refoudre cette qucftionque îe Sei-
gneur s'eft aflujetti à la loy non par de-
voir, mais par charité, pour éviter le
fcandale5queles luifs^au milieu defquels
il vivoit^euffencpris de fon minilïere,
(î félon le droit , qu'il en avoit, il fe fufl:
exemp(?é de la loy. Afin que nom ne lesMx:.i?,
fcanddizions fxs , dit-il à PierrCjVa t ea à^^»
îamer, &: y jette le hameçon, &: paye
du premier poiflbn ^que tu prendras, les
didrachmes,qu'ils nous demandent. Ce
fut pour la mefrne raifon , qu'il voulut
recevoir le baptefme de lean ; Laijfe ^^^^
faire , lui dit- ij^pour maintenant. Car ainfi i f.
nous eft il convenable d accomplir toute ju-
Jiice^. Son Apôtre ufoit aulTî quelques-
fois d'une femblable œconomie, quand
pour ce regard il fe faifoitluif aux luifs,
obfcrvant leurs cérémonies , mefmes
depuis
30 BeU Naijfa^ce du Seigneur I e s v s .^
depuis la mort de fon Maiftre, pour leur
bienj&: non pour fa ncceflirè, proteftant
en divers lieux , que Chnfl: Tcn avoit.af-
franchi, &: combatrant nommémenc
dans cette Epître pour cette fienne liber-
té, le rapporte à vne pareille raifon ce
que le Fils de Dieu a voulu naiftre dans
vne érable , bi croiltre dans vne pauvre
mailon. Car bien qu'il ne fuft pas abfo-
lumefît neceffairc , il étoit neantmoins
tres-convenable pour Tacquifition de
nôtre falut, qu'il defcendiftjufques à ce
degré d'humiliation, tant pour effayer
toutes nosmiferes, & en avoir en fuite
plus de refîentimcnt &: de compafTion,
que pour nous apprendre dés le com-
mencement de fa vie le mépris de tout
ce que le monde admire , & pour nous
imprimer dans le cœur cette merveil-
leufe humilité, par laquelle il nous veut
conduirez la gloire i «?<: enfin pourcon-
folerlcs pauvres, confacrant leurs cafés,
ôi leurs cavernes à fa diicipline par cette
fienne naiffancejCn leur montrant , qu'il
netiendradcformais qu'à eux,.que de là
ils n'aillenr régner dans le ciel. Voila ce
que nous avons cftimè à propos de re-
marquer fur la naifl'ance du Seigneur
pour
s E R M O N I. Jî
pour la folennicé de ce jour. Car quant
àrafne ôc au bœuf, encre lefquelsnos
adverfaires de Rome font naiftre le Sau-
v€ur5&: telles autres circonftances, donc
ils afFadiffent l'Evangile , nous leur en
laiflbns le difcours, nous contentant de
ce que les Saints Apôtres nous en ont
enfeigné. Que refte-c-il maintenant
finon que nous célébrions à jamais avec--
quejoye la mémoire d'un fi grand my-
ftere, qui a ravi le ciel ,0^ affranchi la
terre f que nous adorions tousles jours
de nôtre vie avec une très-profonde dé-
votion ce divin Enfant , Roy des hom-
mes , ôidôsAng^s, que le Père nous a
donné en fa grande mifericor de ? Ceft
luy , Frères bien-aymez, qui a délivre le
monde de l'ancienne maledidion^ô*: qui
parfafainte prefence la changé enua
Paradisi qui au lieu de ces douloureufes
épines,que le premier Adam y avoir fe-
mées. Ta tout rempli des fruits de vie.
Avant fa naiflance cette terre étoit le
fepulcre du genre humain , un lieu exé-
crable 5 le repaire des démons. Depuis
que cet Enfaiu y eft nai , la mort & la
Hialedidion s*en font fuyes ; la paix de la
jufticey ont fleurfjrEfpnc de Dieu l'a
éclairée*
3z De U NdffAnce du Seigneur I e s v S *
éclairée i les (aines Anges l'ont habitée,
y chantant continuellement cet hymne
facré, dont ils faluërent la naiflance de
nôtre Roy i Gloire foit à Dieu dans les hmts
lieux y dr en terre paix aux hommes du bon
flaifir. Car tout étonnez de voir naiftre
en la terre celui qu'ils adorent au defTus
descieuXjils defcendirent promptement
ici bas i & imitant Thumanité de leur
Seigneur , ne dédaignèrent point de
communiquer leurjoye aux Bergers de
ludée i ô^ non contens d'avoir une fois
^.^^^.g contemplé cette merveille, ils fe tien-
i! u. nent encore aujourd'hui panche^ , defi-
rant d'y regarder jufques au fond. Et
certes à bon droit. Car ils y apprennent
ce que toute la Nature de Tunivers, ce
que les cieux , & leur gloire , ce que les
générations paffécs , &: toutes les précé-
dentes œconomies de l'Eglife ne leur
avoicnt pu enfeigner ; affavoir les pro-
fondeurs de la fapicnce de DicUjdivcrfc
entoures fortes, &: les abyfmes de ks
bonrez , & les trcfors de fa puiffance i U
naiffance de cet Eiîfant étant le grand
chcf-d'cruvre de Dicu^ au prix duquel la
c cation, & la confervation du monde,
iC tout rétablilTement delancien Ifracl
cft
s E R M O N I. jj
cft .feu de chofe. Imitons donc ces
Efpricsbien-heureus , étudiant affiduë-
ment ce myftere, & repaiffantnos âmes
d'une fi belle contemplation,* d'autant
plus qu outre le plaifir^ & la connoifTan-
ce, nous en rapporterons nôtre falur.
Quant aus Anges , ils n enflent pas laifle
deftrç heureux 5 quand le Fils de Dieu
lie fe fuft point manifeftè en la terre.
Mais fans fa naiflance,& fa rédemption,
nous fuflîons à jamais demeurez en la
mort. Le vieux Adam, le père de nôtre
première nature , ne nous mettoit au
monde>>que pour nous facrifier à la mort;
ôcnaiflant de lui nous entrions plûtofl:
dans les tcaebres du fepulcre que dans
la lumierç de la vie. Mais ce nouvel
homme a changé toute nôtre condition.
Ceft proprement aveeque lui,quenous
fommesnais. Le jour, qui le vid naiftre
en Bethlehem, ouvrit les cachots, où
nous étions enferrez,£^'répandit dans le
monde cette belle lumière i où mainte-
nant nous vivons &c refpirons. Carie
Père a fait corporellement habiter en
fonFils toutes kschofes neceflaires à
nôtre falut, lapuiflance de fa divinité
avecque les tendreflcs &c les reffentimcs
c de
*> l
34 Be U Naijfance du Seigrr. ir Ie s v si*
de nôtre Jiuraanicè. Ap(:.^ochez de-Juy
pécheurs, avec uneplene confiance. Que
f infirmitw* de fa chair ne vous fade point
douter de fa puiffance. Car il eft le fils
de Dieu, l'image du Père, le grand Dieu,
qui a crcè & confervc les fiecles. Que la
majeftè de fa divinité ne vous épou-
vante point. Car c't 't un Enfant fait
d'une femme, de vôtre fang, femblable à
vous en toutes chofcs, excepte le pcchè.
Mais,ô fidèles, ce n'eft pas aflez d'admi-
rer &: d'adorer ce myftere. Il en faut
faire nôtre profit, &: en tirer Tamende-
ment de nos mœurs. N eftimez pas que
Dieu ait fait ce grand miracle pour rem-
plir nos efprits d'une creufe fcicnce, &:
nos Ecoles d'un vain bruit, &: pour nous
donner fujet de difputer de l'incarna-
tion de fon Fils. Il eft defcendu en nô-
tre terre pour nous élever en fon ciel, &:
a pris nôtre nature , pour nous rendre
participans de 15 fienne. Rapportons y
donç,comme à fon but,tout ce que nous
a icienfeignè l'Apôtre. Premièrement,
puis que la charité de Dieu a ctèfi gran-
de envers le genre humain , que d'en-
voyer fon Fils unique pour le fauver,
quelle amour, & quelle rcconnoiflancc
ne
s E R M O N L 35
ne lui devons iioiis point ? Les hommes
Tavoienc morcellement offenfe' , & lui
faifoienr vne continuelle guerre par leur
defobeïiTance. Au lieu de l'enfer qu'ils
meritoienc, il a voulu leur donner la vie,
&C ce qui e(l infiniment plus> Timmorta-
licc bié-heureufe. Pour exécuter ce def-
fein il n a point fait difficulté de remuer
toutes les loixde la natures d'envoyer
fon Fils/a fapience &: Tes delices,en une
chair infirme &: mortelle, formant du
fang d'une femme, &:dânsfes entrailles
celui qu'il avoit de toute éternité engen-
dré de fon immuable fiibftance. De
quelles. foudres, ^ de quels enfers fera
digne nôtre ingratitude , fi nous n'ai-
mons celui , qui nous a tant aimez ? Si
nous ne faifons quelque chofe pour la
gloire d'un Seigneurjqui a tant fait pour
nôtre falut ? Mais encore combien fera
deteftable nôtre dureté fi nous n'aimons
point ceux qu'il a tant aimez , c'eit a dire
les hommes nos prochains? Car puis que
Dieu les a chéris jufques à ce poind, que
d'envoyer fon Fils pour les fauver , nous
Iqs devons tous regarder déformais com-
me des créatures fàcrées. Ne m'allcguez
point les vieux Cfimes,ni les marques de
c z Tire
3^ Be la Nai/a/icf du Seigneur I E s v s .
rire de Dieu , qui paroiffeivt encore fuf
eux. premièrement ce neft pas à vous
de leur en faire reproche , puis que vous
cftes coupable auflî bien qu eux. Mais
fouvenez vous encore que le Père cele-
fte a oublié le pafsc ; que fon Chrift a re-
nouvelle toutes chofes. Si la pauvreté
fi la mifere , ou l'ignorance , du quelque
autre qualité femblable rend l'homme
méprifable ; fouvenez vous, que de quel-
que condition, ôd de quelque ordre,qu'il
foit , puis qu il eft homme c'eft pour lui,
que Dieu a envoyé fon Fils. Aurez vous
le courage aptes cela , je ne diray pas de
loutrager , de lui ôter le bien,l'hopneur,
ou la vief carcc font-làdesadionsde
beftes ou de démons , &: non pas de
Chrétiensjmais de ne le point fervir, lui
que vôtre Maiftreatant honoré? Plain-
drez vous une pièce de vôtre pain , une
goûte de vôtre eau, vn denier de vôtre
trefor à celui, à qui vôtre Dieu n a point
épargné fon propre Fils? Mais de ce qu'a
fait le Fils fe reveftant de nôtre pauvre
nature, s'affujetiffant à nos mifcres ,&:
à la loy Mofaïque , apprenons aulTi la
leçon, qu'en recueille l'Apôtre ailleurs
vhu.2.6. ou il y ait 5 dit- U , (n mtfs un mefrne jentî-
•*^ ment.
Sermon I. 37
mefft.QuQCG Fils de Dieu naiffant d'une
pauvre femme &dans un fi pauvre lieu,
confonde &: mortifie en nous toutes les
pcnfées de nôtre orgueil. Entrons dans
cette étable de Bethl^hem, où il naquit,
& y dépouillons toute la folle opinion,
que nous avons de lexcellence des cho-
fes5qui fontefl:imées par le monde, de
nos richefles , de nôtce nobleffe , de nos
grandeurs. Le Fils de Dieu naiffant de
répoufe d'un charpentier, Se dans une
érechejnous aprend^que tous ces préten-
dus avantages ne font que des vanitezs
qu'ils font plûtoft capables de vous éloi-
gner,quc de vous aprochcr du Royaume
des cieux. Si vous les avez , ne vous en
glorifiez point. S'ils vous manquent>nc
vous en attriftez point. Vne feule chofe
eft neceffairejvraiement glorieufe & ex-
cellente, & digne de vos defirs 5 de nai-
ftre avecqueleFils de Dieu, c eft à dire
de fonEfprit , en quittant nôtre vieille
nature, & reveftant la fienne nouvelle. Si
nous naiffons ainfi avecque lui par une
vive foy, & une profonde humilité, nous
parviendrons un jour à la vraye gIoire,ô^
aurons dés maintenant une ferme, Se
folide confolâtion. Car fi les grandeurs
c 3 &:les
3^ De la Naiffa^ce du Seigneur I e s v s ,^
& les applaudiffemens du monde nous
manquent en cette Brthlchem du Sau-
veur,rnfTiftancc &: \ç:% louanges des Anges
ne nous y manqueront pa$. Ces bien-
heureux Elprits rhonorent de leur pre-
fenccjDieu &: fon Efprit y habite^Ô.: nous
y fera voir fes merveilles. Peut-eftre
mefme nous donnera-t-il le contente-
ment dy voir venir en nos jours les Sa-
ges de l'Orient , les grands du fiecle pour
y confacrcr leuis plus précieux trefors,
leur or & leur encens au fervice de foç
Fils i Et le Seigneur vueiUe bien -toft faire
luire fbn ccoille dans leurs cœurs pour les
y conduire Mais > dans quelque ccai, que
puifTe eftre ici bas cette petite Bethle-
hem,où Dieu a voulu nous faire naiftre,
toujours fommes nous afleurez qu'en
l'autre ficcie nous lenaiftrons dans un
nouveau domiciIe,dans une ville Royale,
la icrufalcm ccicfte , la vraye cité de
David, l'éternelle habitation de Japaix;
loutainli que le Fils de Dieu après s'eftre
hnmiliè > après avoir pris la forme de fe * -
vitcur , &: accomply le cours de fon
aneantifrcment5a ccè fouverainemct éle-
vé, &: couronne d'une immortelle gloira
Dieu nous cnfaffe la grâce. Amen.
DE LA
J) E LA
NAISSANCE
DE NOTRE SEIGNEVR
lESVS. CHRIST. ^
SERMON DEV.XïESUE.
Lvc XI, verf. I. 2. 3- 4. S- ^- 7-
1. Or av'mt en c^sjours-là , af^'^n Eait
fut fubtié de Upart de CefarAuguHc^ , que
tout le monde fuH enroolle i
2. (Cette première defcripion fut faites
tors que Cyrenim avoit le gouvernement de
Syrien.)
3. Ainfi tom aHoient pour élire enrooUezy
un chacuK en fa villes. ^
4. lofefh aup mont A de Galilée en ludee\^
ajfavoir de U ville de Nazareth en la ciîé^
de David , qui efl appef/ée Bethlehem , a
caufe quil et oit de U maifon, & famille de
David,
5. Pour epe enroolle avec que Marie-, fa
femmes , qui lui avoit et} fiancées , laquelle
et oit enceinte^.
c 4 ^- ^^
40 De la N*i{fance du Seigneur Ie s v s '
6. Et il avtfit ct»nme ils étaient la, que
fm terme pour enfanter fut acempli.
7. Et elle enfanta foH Fils premier naiy
ér l'emmaïUotta , é le coucha dans une
crèche, i caufe quU n'y avait point déplace
four eiix dans l'hajleleriej.
Her^ Frères ,
David prévoyant en la lumière de
JEfprit cette bien heureufc venue du
Fils de Dieu en la terre, dont nous cé-
lébrons aujourd'hui la mémoire, exhor-
te non feulement les hommes,raais aufïï
toutes les autres créatures, jufquesaux
plus fourdes, & aux plus infenfibles , à
TCe.^t. S ^" re'jouïr ; lettez cris d-éjouiffanceM' il,
^■7. i-9. avec trompettes, é- fonde cornet devant le
Rot, l'Eternel. Que la rner en mené hruit, ér
tout ce quelle contient , la terre & fes hahi-
tans. c^ue les fleuves 'lui applaudijfent .- que
les montagnes mènent joye au devant de l'E-
ternel. Car il vient pour juger la terres, il
jugera le monde en jufike , ^ les peuplés en
i^,n,.%. ''!""'■. En effet puis que la venue de ce
y.2o. grand Sauveur are'tabli l'univers en fa
vraye
s E R M O K I L 4î
vrayc dignité , TafFranchic de la fervi-
tude de corruption , &: de la vanité, à la-
quelle nôtre pechè lavoit affujetti ; il eft
bien raifonnable,quil fe réjouïfledela
caufe de fon bon- heur i & que fon con-
tentement foit maintenant auffi grand à
l'apparition du fécond Adam , que fcs
foûpirs étoient cuifans , & fon travail im-
portun dans le miferable état , où l'avoir
mis le premier. Auffi voicz vous que les
Anges, les prémices des œuvres de Dieu,
& les plus excellentes de fcs créatures,
s'acquittèrent de ce devoir, comme au
nom &L en la place de tout le refte de l'u-
niversiaiant receu ce nouveau Prince en
fon état , lors qu'il y fit fon entrée , avec
des acclamations , & des réjouïflances
nonpareilles. Leur joye illumina les ténè-
bres de la nuit y où il naquit , & leur har-
monie en adoucit l'horreur , ces faints, &C
bien-heureux efprits ayant alors enton-
né tous enfemble ce divin Cantique en-
regiftrè par TEvangelifte dans l'hiftoire
qu'il nous a la^ée de cette merveille;
Gloire foit a Dieu dans les hauts lieux , & en ^^^ ^
terre faix aux homme s du honflaifir. E^ili4.
ne faut pas douter , que toute la Nature
ne confcntift à leurs voix^^: qu elle n'euft
tefmoignè
41 De la Naiffmce au Seigneur I e s v s .^
termoigiiéfa joyc dans cecte occafion^û
fon Créateur lui avoit donné de ruucili-
g»nce&r des feus. Mais quant à nous.
Frères bien-ainicz,que le ciel a hono-
rez de ce riche prefentjnousnepouvôs
manquer à ce devoir fans defobeïr au
Prophète de Dieu, & fans nous rendre
coupables d'une horrible ingratitude,
loignons donc aujourd'hui nos voix à
celle des Anges. Méfions nous dans leur
divin concert ; &: chafTant Tennui, &: les
foucis de nos cœurs , recevons ce grand
Libérateur, que le Père nous envoie,
avec dautant plus de rcjcuïflancc , que
c'etl propremét pour nous qu'il eft venu.
Comme la mifere de la créature n'étoic
qu'un acceflfoire, & une dépendance de
nôtre malheur; femblablement auffi la
part qu'elle a en la délivrance de lefus-
Chrift, n'cft qu'une fuite de la felicité>
qu'il nous a apportée. C'cft à nous qu'ap-
partient & ce Sauveur,^: fon falut. C'eft
£/^;^, à nous ( comme dit Efaye ) que l'Enfant
9-5- eftnaii c'eftà^iousque 1^ Fils a été don-
né. Comme c'eft nôtre nature qu'il a
prifcjauffi font-ce nos maux qu'il a guai-
ris i auffi cft- ce nôtre bon-heur , qu'il a
acquis. Pour guider nos pcnfces dans une
fi fain-
s E * . M O K II. 43
fi fainte,&: fi heureufe aâion , j'ai choiiî
le texte 5 que vous m'avez olii lire, oii S.
Luc nous raconte cette miraculeufe
naiffance du Fils de Dieu en la terre,
nous en reprefentant diverfes circon-
ftances tres-notables. Et pour le foula-
gement de vôtre mémoire , je diviferai
toutes les confiderations^que nous avôs
à y faire5en cinq chefs principaux i dont
le premier fera du tem ps de la naiflance
du Seigneurile fécond du lieu ; le troi-
fiefmede la perfonne dont il eft nai; le
quatriefme de fa perionne propre ; & le
cinquiefme ôc dernier de l'appareil de fa
naiflance , ou de la faflbn, dont il fut
receu,naiflant au monde. Dieuvueillc
nous découvrir par fon Efprit les mer-
veilles Je fagefle, & de grâce , qui relui-
fenten chacune de ces chofes , afin que
les recevant avecque foy, nous adorions
ce divin Enfant , & reconnoifTions fa
Majefté à travers les baflefles 6^ les in-
firmitez de fa naiflance , k fa grande
gloire, 6^ à nôtre falut ctctnel.
Quant au temps auquel eftnai nôtre
Seigneur lefus-Chrift, S.Luc nous le
montre clairement , nous racontant5quc
ce fut fous Cefar Augufte i n'étant pas
poflîble
44 ^^ l^ Naijfafjce du Seigneur Ie s vs.'
pofïîble de le defigner par une marque
plus illuftre que par le nom de ce Prince,
le plus grand qui fuft alors au monde,
comme celui qui gouvernoit TEmpirc
Romain,&: regnoit fur la plus grande^ô^
la meilleure partie de la terre habitable.
Cen'eft pas feulement pour aflcurerla
vérité de fon hiftoire,que l'Evangelifte
Taainfi circonftantiée à la faflbn des
autres écrivains;tout récit vague,&: non
attache à quelque temps , étant à bon
droit fufped de faufletc i mais auflî pour
d'autres raifons plus importantes ; c*eft:
aflàvoir pour juftifier5que lefus eft vraic-
ment le Chrift , qui avoir été promis au
monde plufieurs fiecles auparavant. Car
Dieu dans les anciennes Ecritures n'a-
voit pas feulement prédit en gênerai^
qu'il viendroit un Chrift, un Libérateur
du genre humain; comme quand il dit
Ge«.5 r^.dés le Commencement de la Gencfcjque
i&iz.iz.\'^ fcmence de la femme brifera la tefte
iSz^-. ^^ fcrpenti & depuis, qu'en lafemence
'j'it. no.des Patriarches Abraham & Ifaac, toute
i/ 7 14 ^'^ ïcrre fera bénite j & par la bouche de
Balaam mefme , qu'une étoile fe lèvera
deIacob;&:parla plumcde fes Prophè-
tes j qu'il fera ^oi & Sacrificateur \ la
faflbn
s E R M O N 1 1- 4J
faffon de Melchifedec ; qu'une Vierge
enfantera un FUs i qu il fiifcitera un
grand Pafteur fur fon peuple , qui le pai- E^^ch.
lira félon fon bon plaifir i & une infinité ^^ ^^*
d'autres femblables. Mais pour affeurer
d'auantage nôtre foyjDieu avoir encore
pris le foin de defigner en quelques uns
de fes Oracles le temps auquel vicndroic
le Meflîei comme en la prediftionde
lacobjoù il fignifie clairement,qu il vien- Gen.^g-
dra furie point , que les luifs prendront ^^^-.^i^f^^,
le fceptre , & l'autorité des loix , c'eft à
dire la puiffance de gouverner leur Etat.
Depuis un autre Prophète marque aflez ,
évidemment qu il viendra durant la
fubfiftence du Temple de lerufalem. Or
au temps d'Augufte , ici expreffémenc
nommé par TEvangclifte , conviennent
ces deux marques.Carlefecond Temple
fubfiftoit encore alors en la ville de leru-
falem , &: l'Evangile nous aprendjque le
Seigneur Icfus y fit fon entrée j cette
deuxiefme maifon n'aiant été détruite
qu'environ cinquante cinq ans après la
mort d'Augufl:e,par Titus fils de Vefpa-
fienjEmpereurRoBfiain.Etcefutencorc ^
en ce mefme temps, que l'autorité du !
fceptre àc des loi:îC commença àfe de-
partir
i
4^ De la Naijfa^ce dfi Seigneur Iesvs^*
fârtir des luifs j la puiflance de leur Et^t
ecant alors tombée entre les mains d'un
étrangcr^aflavoir d'Herode, Idumcen ds
nation, homme profane, &: demi Pâyea>
lepKis injufteî&le plus cruel de tous les
hommes ; qui exercea fa tyrannie à Tabri,
& fous la faveur des Romains , Seigneurs
fouverains de la Syrie, & de la Paleftine;
y ayant e'tc maintenu premièrement par
Antoine, &: puis après par Augullc. Ec
cela mefme que touche ici rEvangelifi:e>
que par TEdit d'Augufte Ton fit en cha-
que ville des rooles du peuple des luifs,
aufTi bien que des autres nations, eftun
figne cvident,qu'ils avoient perdu Tauto-
ritè fouveraine de leur Etat , èc qu'ils
ctoient fujets à TEmpire des Romains. A
quoy j'ajoute encore, que les foixante &:
^^«.p- dix femaines prédites par Daniel, s'étant
"^' accomplies peu après la mort d'Augufte,
c'étoit juftement dans les dernières an-
nées de ce Prince, que devoitnaiftre] le
Chrift. Car encore que TEvangelitte ne
nous dile pas ici précifémenten quelle
année du règne d'Augufte naquit nôtre
Sauveur; neantmoins il cft aiic de l'ap-
prendre de ce qu'il remarque ci-apres^
que Ican Baptiftc commença à preicher
Tan
Sermon II. 47
l'an quinziefme de l'Empereur Tibère,
fucceffeur d'Augufte, &: que lefus avoir i^^cj^
environ trenre ans quand il fut bapcifé^i-
par kanife recueillant évidemment de
là que lefus étoit nai environ Tan qua-
rante & deuxiefme de Cefar Augufte;
qui, félon la fupputation des meilleurs^ô^
plus cxads Auteurs delà Chronologie,
croit Tan fept cens cinquante &: deuxief-
me depuis la fondation de la ville de
Rome,*c eft à dire environ Tan trois mille
neuf cens cinquante &: un delà création
du monde. Outre ces Oracles divins pro-
mettansle Chrift en ce temps-là il (em-
ble^ue les vers mefmes des Sibylles ce-
Icbres entr^ les Payens avoient prédit
quelque chofe de femblable> Dieu l'ayât
ainfi permis, pour rendre la juftification
de la vérité de fon Fils dautant plus aifée,
le ne me fonde pas fur ces écrits attri-
buez aux Sibylles, qui fe voient, '^3.: feli-
fent encore aujourd'hui, ôc que les do-
utes condamnent , avec beaucoup de
raifon , à rpon avis^comme faux 6c fuppo-
fez.Mais certainement il femble que Ton
peut recueillir des vers d'un Poète Ro-
main"*,&: desdiicours des anciens Gram- *^';r^//«
mairiens Payens, qui l'ont commenté,
uC
J^ 8 De U N'aijft/sce du Seigneur I e s V s .
que Tune des Sibylles avoit prédit, qu'il
viendroit quelque jour un grand Prince^
qui changeroic l'univers, & lui donneroic
une nouuelle forme , en chaffant peu à
peu félon les progrez de fon Empire,
rimpieté,levice,&:le malheuri& qu'il y
ccabliroic enfin un fiecle d'or plein de
bon-heur& de gloire j quieft juftement
ce, que les Prophètes de Dieu avt)ient
prédit du Meflîe. Et qu'elle promift la
venue de ce Libérateur du monde à peu
prés au temps que le Seigneur lefus eft
nai en la terre , il y a beaucoup d'appa-
rencciveu que ce Poëte pour gratifier un
Seigneur Romain, nomme Pollio,éip-
plique cette predidion à un fien fils,dont
Janaiflfance précéda celle de nôtre Sei-
gneur de quelques trente huit , ou trente
neuf ans feulement. Ainfi voiez vous,
que le temps aflîgné à la manifeftation
du Me/fie par les anciens Oracles fe ren-
contrant juftement fous l'Empire d'Au-
gufte,c'eft avec beaucoup de fagelTe & de
raifon,que S. Luc a ici fait exprcffémenc
mention de ce Prince à l'entrée de Thi-
ftoiredela naiffance du Seigneur lefus;
pour nous faire reconnoiftre par là , qu'il
cft véritablement le Mciîie promis au
peuple
Sermon II. 49
peuple d€ Dieujcomme celui qui eft ju-
ftctïienc nai au terme marqné par les
Prophètes anciens pour la venue du Mef-
fie. Nous avons à faire les mefmes confî-
derations fur le lieu de cette naiffance.
Car TEvangeliftenous raconte, quelefus
naquit ea Berhlehem ^ petite ville du
partage de la Tribu de luda, ici nom-
mée la cité de David, parce que ce faint
hcfmmcgrand Prince & grand Prophète
dlfraci , en croit forti , àc y avoir été
nourri durant les joursde fon enfance ea
lamaifon de fon père Haï, comme nous
l^apprenons des anciennes hiftoires du
Vieux Teftament. OrcVll: precifément
à cette ville-là jqu*étoit promife lanaif- ^^ ^
fance du Meirie^comme nous le liions eny« *.
ces mots dans le livre du Prophète Mi-
chécu^Iais toy , dit-il -, Bethlehem de devers ^'^ '^''
Efhrata^fetitefour eflre entre les milliers de
luda 5 de toj me fornra celuy^qui \ert domi-
natéuren ifrael ; ^Jes ijfu'és font dés^jaaisi
dés les jours éternels. ]^c^ luifs au temps du
Seigneurie tenoient tous ainflicomftie il ,
paroift premièrement de ce qUe leurs
Principaux Sacrificateurs ,&: leurs Scri-
bes ^enquisparle Roi Herode, où c eft
qup naiftroit le Cbrift 3 répondirent en ^
4. Bethlehem^
I. Sam,
42-
50 De U Naijfance du Seigneur I E s v s •
Bethlehem , & lui alléguèrent ce paflagc
itmy. deMichée; & puis après de ce quclcs
luifsjprefuppofant fauflement, que lefus
ctoit nai en Galilée, s'écrient contre lui;
L'Ecriture ne dit elle fos^ que le Chrift vien-
dra de U femence de David , à' de U bour-
gade de Bethlehem^ ou a été Davidî'En effet,
puisqueleMeffiedevoit cftre de la fe-
mence de David félon la chair , il étoit
fort à propos , qu'il nâquift en fa ville.
loint que la qualité de celieu-làfigni-
fioit , quelle feroit la nature de fon rè-
gne. Car fi leMeflîe euftdeueftreua
Monarque terreftre ( comme les luifs
fe Timaginent follement ) lerufalem, ou
Rome, ou quelqu'autre des plus grandes
& illuftres villes, qui fleuriflbient dans
le monde , euft été plus propre pour le
lieu de fanaiffance. Mais Dieu ordon-
nant qu'il naiife dans une petite ville,
xme bourgade plûtoft qu'une ville ,qui
n'avoit pas melme lieu entre les milliers
de luda-^commc dit le Prophète , qui n a-
voit enfin rien de grand , ni de remar-
quable,montre alTez par un commence-
ment fi peu mondain, quelercgnedu
Mertie ne feroit pas de ce fiecle, mais
toutfpirituel & divin. Ce fut donc en
cette
Sermon ît j|
cette ville de Bcthkhem , que naquit le
Seigneur lefuSjafin que dés-là nous vif-
fions en lui vne marque de fa charge.
Mais il ne faut pas oublier ce que S. Luc
nous raconte ici de loccafion, qui con-*
duifit Marie, Mère de lefus, en ce lieu-
là. Car la vérité eft, que lofeph, mari de
la fainte Vierge, n'habitoit pas dans
Bethlehem , mais dans Nazareth, petite
ville de Galilécjoii le Seigneur fut nour-^
ri depuis , & doii il fut appelle Naza^
rien^ce qui donna occafion au commun
peuple de croire, qu'il étoit nai en Gali-
lée. Mais ils s'abufoicnt lourdement en
cda.Car bien que la Galilée fuit le lieu
de leur demeure ordinaire, ncantmoins
ce fut d^ns Bethlehem , que Marie ac-
coucha du Seigneur lefjs. Et en voici
1 occafion. £/? ces jours Ufrr publié un edit
delapartd'AuguJle Cefar.dit l'Evangelifte,
que tout le monde fujl enroolé \ c'eft à dire
les hommes de tous les païs alors fujets
aux Romains. Car c'eftchofe familière
aux écrivains de ce temps-là tant facrez,
que profanes de dire lemonde-, ou U terre
habitable pour fignifier ce que Tempire
des Romains comprenoic en fon eften-
à % du^i
51 De U Naiffance du Sei^neurlzs^y si
duëi bien quà parler proprement, SC
fclon les raifons exades de la Géogra-
phie,!! s'en faille beaucoup que toute la
terre habitable n ait ctè alors fujette aux
Romains. Les Provinces de la Syrie , àc
de la Paleftine faifant donc partie de
l'empire , on y dreffa auffi fclon cet cdit
deCefar les rooles de tous les peuples,
&: de toutes les perfonnes^qui yhabi-
toicnt. Et rhiftoire fainte ajoûtc,que ce
fut la première defcription, ou le pre-
mier dénombrement & enroolement,
qui fe fit du peuple des luifsipour ce que
depuis il s'en fit encore un autre quel-
que dix ou onze ans après, lorsqu'Ar-
chelaiis fils d'Herode le grand ayant été
relegué,cc mefme Cyrenius , ou Quiri-
niusici nommé étant pour lors Gouver-
neur ordinaire de la Syrie dénombra ô^
enregiftra tout le peuple de ludéeicôme
le rapporte lofefe , l'hiftorien des luifs.
Mais cette féconde defcription fut par-
ticulière à la ludéejau lieu que la pre-
mière, dont il eft ici qucftion 5 fut uni-
verfellc,&: fe fit en tous les païs de'fem-
pire Romain, & non en la ludée feule-
ment. Ceft pourquoi rEvangclille la.
noname la premere pour la dillingucr
d'avccque
Sermon II. 5Î
d'ayecque la fuivante. Et il y a grande
apparence, qu'il faut la rapporter à là
feule curiofité d'Augufte , qui la fit faire
afin d apprendre exadement par ce
moien , non feulement les forces , &: les
provinces, &: les peuples de ce grand
empirejqu'ilgouvernoit , mais mefme le
nombre , Taage, Se les facultez de toutes
les perfonnesjquilui ëtoientfujetes ,par
undvânitefemblableà celle où felaifla
autresfois tomber David,^ dont il futfî
feverement châtié par le Seigneur,quand
il envoya loab pour dénombrer tout le
peuple , qui lui obeïflbit. Ce qu'ajoute
S.Luc, que Quirinius50u Cyrenius,com-
me il récrit changeant un peu la forme
du nomjCommefont ordinairement les
Grecs, quand ils prononcent les noms
Latins en leur langue , que ce Qu^rinius
dis-jc avoir alors le gouvernement de
Syrie^n eft pas fans diftculté ; étant clair
&c conftant par le témoignage tant de
lofefe, que deshiftoriens Grecs Se La-
tins 5 que celui qui gouvernoit la Syrie
en ce temps-là ( c'cft à dire vers les der-
nières années du règne d'Herode le
Grand) étoit ou Sextus Saturnius, ou
Quintilius Varus fon fucce (îeur Mais à
d 3 cela
^j 4 De U NaiJJ'ance au Seigneur I e s v s .
cela je répons , quil fe peut faire qu'au
piefme temps Q^irinius y ait etè en-
voyé par Augufte avec puiflance tc
commiflîon extraordinaire pour yfairG
ce dénombrement des peuples de Syrie;
a raifon dequoy il ait porté le titre de
gouverneur de la provinccauffi bien que
celui 5 qui en avoit la charge & Tautho-v
rite ordinaire. Cet edjt d^Auguftese-
xecutoit en laludée par Quirinii5s# &:
chacun fe rendant dans la ville de fa
tribu,&: de fa famille pour y eftre enroo-r
léjlofeph pourobeïr à cet ordre fut obli-
ge de venir de Nazareth en Bethlchem
la ville de David, de la race duquel il
étoit defcendu. Ily vint donc, & y em-r
mena avec lui Marie, qui lui avoit été
fiancée pour femme. Et comme elle
étoit dans le dernier mois def;igro(rc(re,
le terme de fon accouchement Tayanc
furprife duranr le fejour qu'ils firent dans
Bethlehem , elle y fit {t% couches , & y
mit ce divin enfant au monde. O lou-
veraine providence du Seigneur / Par
quels admirables détours conduis- tu tes
deffeins à leur fin i & avec quelle douce,
mais invincible force fçais tu ployer à
pnbuples volontez, &: lesmouvemcns
dç
Se R M o N IL 5f
de tes créatures 1 Marie ne fongeoit qu'à
tenir compagnie à lofeph fon cher & fi-
dèle c'poux, U à lui eftre dans ce voyage
àconfolation, & à foulagement. lofeph
ne penfoit qu à obeïr à l'ordre du Gou-
verneur de la Province > & le Gouver-
neur qu'à exécuter le commandement
d*Augufte;&!: Augufte n*avoit eu autre
but,que la fatisfadion de fa vaine & fu-
perbe curiofité. Et neantmoins ils fer-
vent tous enfemble à raccomplifîcmenc
duconfeilde Dieu. Augufte fans y pen-i
fer marque le logis deftiné à la naiffance
du Roy du monde. Ses officiers y appel-
lent lofeph , & lofeph y conduit Marie;
&: dans ces intentions fi diverfes ils tra-
vaillent cous pour un feul & mcfmo
cftet,pour juftifier les oracles du ciel , àc
pour faciliter aux hommes la créance
d'une vérité neceflaire à leur falut. Sans
cela lofeph fuft demeure en fa maifon;
Marie y euft fait fcs couches i &C ainfi
contre la foy des Prophètes celui qui
devoir naiflxe dans Bethlehem fuft nai
dans Nazareth. Pour empefcher ce de-
fordre Dieu permet 5 que la curiofité de
fçavoir le nobre de tous fcs fujets mon-
raft dans le cœur d'Auguftci& cette pen-
d 4 fcê
56 De U Naiffance di^ Seigneur Ie s v s. *
ice produit en ibitc tous les mouvcmens
peccfTaires pour exécuter leconfeilde
Dieu.IJc'îftpeu par dcsaccidens moins
relevez arracher lofephde Nazareth^ô»:
}c conduire dans BethlehcmMais outre
qu'en un fi grand fujet les infttumens ne
pouvoient eftre trop illuftrcs,!! a encore
particulièrement emploie Auguftejpour
montrer que les cœurs , Se les mouve-
mens des plus fuperbes Monarques ne
font pas moins en fa difpofîtion , que
ceux des plus iîmples Bergers. Et de
toute cette conduite , oùni la lumière
de rintclligence de Thomme , ni le dc(^
fein de fa uolonte na eu aucune part, il
paroift etîcorp que cette naiffance^aufli
bien que tout le minifterc de Chrift,
étoitpuremcnt l'œuvre de Dieu, qui le
menoit parla main droit à chacune des
çhofesjoù il Tavoit deftiné, à travers tous
les empefchcmens , & les embaras , qui
s y oppofoient de la part ou de la Nature
ou des hommes. Mais je viens à la per-
ibnne d'où naquit le Seigneur. Marie fu(:
Cet heureux vaiflcau , où le Fils de Dieu
fut conceu, &: forme', demeurant neuf
mois dans Ces flancs, jufques à ce que le
fcrrpc venu elle en accoucha dans la
ville
Sermon IL 57
•fille de Bethlehem. Elle reconoift elle
mcfme dans fon divin cantique , que ce ,
fut la pure grâce de Dieu, qui la choiiîc
pour un^fi glorieux miniftere , Mon âme, im x,
j^iVtWc-^magmfie le Seigneur y é' ^^^on ej^rït '^^^'^'^'
sefiégayeen Dieu y qui ej} mon Sauveur, Car
il a regardé lafctitejfe de fafervante^. Foiciy
certes dorefnavant tou6 aages me diront bien-
heureujk^. Si vous me demandez fa con-
dirion,le métier de Iofeph,à qui elle fut
mariée , montre afTez, qu'elle etoit fore
baffe félon la chair. Car l'Evangile nous
apprend,que ce faint homme étoit char-
pentier. Dieu pour braver l'orgueil de^^^^•'•ï^
Ja terre,&: fouler aux pieds toute nôtre ^^_^j,^ ^^
pompcjvoulut que cette pauvre fille fuft i.
la mère du Roy des Roys ; pour nous
montrer, qu'il n'a point la pauvreté en
horreur, & qu'il n'eftime pas nioins le
corps,ou le logis des petits, que celui deSr
grands* Mais quelque baffe &: méptifa-
ble,quefuft faconditiondansle monde,
elle étoit pourtant fortie d'une tres-il-
luftre tige , de l'eftoc de David, l'vn des
plus grands Roys, qui ait jamais porté
couronne. D'où vous voiez en paffant,
qu'elle eft la vanité des chofes humai-
pes, &: à quelles pitoiables révolutions
font
58 De U Naiffance du Seigneur I e s v s ^
font fujetccs les plus nobles , &: les plus
glorieufes maifons de la terre i puis que
le fang d'un fi grand Prince au bout de
quelques fiecles^eft réduit à une fi ex-
trefme bafTeffe , la Providence lui chan-
geant par un incomprehenfible jugement
ion fccptre en un rabot ; comme autres-
fois par vnc bénignité non moins mér-
veilleufc elle avoit transformé fa hou-
Jetteenfceptre. Et ici (e rencontre en-
core en nôtre Icfus une autre marque
du Meflîe, qui devoir naiftrede la tribu
de Iuda,& de la femence de David;com-
me vousfçavcz,que toutes les anciennes
Ecritures font plenes de cette prediftion.
Car Marie étoit vrayement le fang de
David,non feulement (^comme quelques
uns lont voulu dire ) parce que lofeph,
dont rtle étoit devenue la chair par le
droit de leur mariagCjCtoit de la maifon
6<: famille de David, ainfi que les Evan-
geliftes le tefinoignent expreffement s
mais auflî parce que de fon chef elle en
ctoit ifTuc elle mefmc.Il eft bien vrai,quc
S. Mathieu, &: S.Luc ne nous ont repre-
fente, que la généalogie de lofeph fim-
plcmenc , Ou non auffi celle de Marie
Mais ils en ont amfi ufc parce que les
luifs
Sermon IL 59
luifs de leur cemps,à qui ils avoient prin-
cip'alemcnt intereft de juftifier le fang,ôc
Textradion du Seigneur lefus^Tçavoienc
tous, comme une chofe alors commune,
que Marie écoic de mefme maifon , que
lofeph , qui Tépoufa , par ce qu'elle écoic
heritierespourconferver le nom, le fang,
ôz l'héritage de fon père dans fa famille,
félon la coûcume des luifs, ordinaire en
tel cas,fondée fur l'ordonnance de Moïfe
dans le livre des Nombres i de forte que
déduire la généalogie de lofeph c*étoit2\{ow^.
par mefme moien reprefenter celle de^^^^^^"^'
Marie. Au refte de toutes les femmes il
n'y eut jamais qu'elle feule , oùraccou-
chement fe foie rencontré enfemble
avecque la virginité. Les oracles d'Ifracl
avoienc prédit , dû ks types avoient fi-
guré,que le Chrift naiftroic de cette fortei
&: la pureté &C fainteté de fa perfonne , Se
les defleins de (es charges le requeroienc
neceflairement ainfi. Et comme nous
croions que Marie a été Vierge jufques
à cet enfantement , aufli fdmmes nous
perfuadez avec toute l'ancienne EgUfe,
qu'elle eft toujours demeurée Vierge de-
puisiétant tout a fait plus raifonnable de
ie tenir ainfi;Veu rexcelknce de ce divin
vaifTeau,
6o De U Nal/fa/tce du Seigneur I e s v s .
vaiffeau,que de favorifer le parti côcrairei
fans que TEcriture fainte nous y oblige
nulle part. Car quant à ceux5qui font ap-
peliez//ifr^j-^^ Seigneur dans TEvangile;
ce n'cft pas à dire qu'ils fuffent nais dVnc
mefme mère ; Au contraire il paroift par
d'autres lieux , qu'ils n'étoient que fes
coufins. Mais c eft une forme de langage
fort commune dans l'Ecriture^d appeller
' ^ /rer^/ ceux qui font d'un mefme fang. Et
quant à ce que dit ici S.Luc,que la Sainte
Vierge enfanta fon premier-naiicela n'in-
duit point non plus , qu'elle ait encore eu
quelque autre enfant depuis celui-là,mais
feulement, qu'elle n'en avoit eu aucun
avant luijétant la coutume de l'Ecriture
de nommer premier-nai le premier fruic
' d'une créature, foit qu'elle en ait d'autres
après cela , foit qu'elle n'en ait plus. Ec
enfin ce que dit S. Mathieu, que lofeph
ne connut point Marie- jufques à ce qu'el-
le euft enfante fon premier-nai , pofe
bien , qu'il ne la connut point durant ce
temps làimais n'induit pas non plus, qu'il
Tait connue depuis , ou après cela i non
plus que ce que nous lifons de Micol,fillc
;. Sxm. de Saiil , que//e rient fowt à'enfms juf^ues
^'^y au jour de fa mçrt y n'induit nullement
qu'elle
s E RM O M II. 61
qu'elle en ait eu quelqu'un après fa more.
C'eft ce que nous avons eftimé vous de-
voir dire de la mere.Quant à ïbn enfants
^ui eH f^jcomme dit le Prophetc^^i ra- ^^,^^ ^
cmterafager^eration ? Ceft un abylme de
nierveilles,qui ne fe peut épuifer.ravouc,
que cette chair, en laquelle il cft forti du
fein de Maricjeft une vraye chair humai-
ne, veftuc déroutes les proprietez ^
qualitez effentielles de nôtre naturejune
chairjque le lait nourrira^que lefommeil
foulagera, qui croiftrapeuàpeu :& qui
paffera par toutes les innocentes bafleffes
de nôtre vie. Mais tant y a^que cet enfant,
petit &: foibIe,comme vous le voiez , cft
un grand Dieu 5 éternel 6^ tout- puiflanr.
Si S.Luc ditici 5qu'ileftnai fous Cefar v
Augufteilefus dit lui-mefme ailleurs^qu'il^^"^'* ^'
eft avant qu'Abraham fuft engendrés vror. %.
avant que les montaignes fuflent aflîfes/^*
& avant que le monde fuft cree'.S'il cft le
premier-nai de Marie i auJÎî eft-illeFils
unique du Père éternel. Ilnaift aujour-
d'huy en la bourgade de Bethlchem;
Mais il eft de's le commencement avec
Dieu. Il vient maintenant en la terres
mais fes ifluës font dés les jours éternels.
S'il commence ici à refpirer nôtre airsil
> eft
6i Be la Ndjjance du Seigneur Ie s v s .
eft ailleurs fans commencement de vie,'
& fans fin de jours. Ici il a fa généalogie:
ailleurs il n'en a point. Il eft enfant i &:
neantmoins il eft le Père d éternité. Il
cft la femence de la femme, bc le fruit da
ventre de David i mais aufli eft-illa glo-
ricufe refplendeur, & la marque engra-
vée de la perfonne de Dieu. Marie Ta
porte dans fes flancs;&: c'cft lui qui porte
toutes chofes par fa parole puiffante*
Marie l'a tenu entre fes bras i & c'eft lui
qui foûtient les cieux &: la terre. O belle
éz divine énigme ! ô faint &: admirable
myftereiLa chair & la terre ne le peuvent
comprendre.Mais TEfprit du ciel nous la
révèle , Mes frères i nous apprenant que
ce lefus eft Dieu manifeftc' en chairjqu'il
a deux natures en luy , celle de Dieu, &:
celle de Thommc ; Tune vifible & palpa-
bleUautre invifiblc &: incomprehenûble>
Tune bornée dans Tefpace du lieu qu'elle
ocGupclautre immenfe &: infinie i Tune
formée du fang de Marie, l'autre mefme
que la fubftance de Dieu le Père , com-
muniquée au Fils par une génération
éternelle. Le inonde les void aujour-
d'huy unies en ce bien- heureux enfant;le
ciel allié avecque la terre, le Créateur
avccque
s E R M O N 1 1. ^}
avecque la creacure , rEfpric avecque la
chair , Dieu avecque Thomme dans vne
feule & mefme perfonnc. Chacune de
ces deux natures a gardé dans cette inef-
fable union fa piopre forme avec toutes
fes légitimes & neceflaires fuites. Euty-
chien5ne confondez point les chofesjquc
Dieu a diftinguées. La chair àbien été
unie avecque le Filsjmais elle n'a pas été
changée en la divinité du Fils ; & la divi-
nité du Fils à bien été unie avecque la
chair ; mais elle n'a pas été transformée
en chair. Cette union n'a rendu ni la
chairinfinie&impaffible ; ni la divinité
fini,e &pa{Iible. Mais pour'eftrediftin-
guéesjelles ne font pas pourtant feparées.
Neftorien , ne diuifez point ce que Dieu
a conjoint. Comme le corps & l'amené
font qu'une perfonne , bien que ce foienc
deux différentes naturesiainfi la divinité
du Fils & fa chair ne font qu'une perfon-
ne en Chrift, bien que la forme &: les
proprietez de^l'une foyent différentes de
celles de l'autre. S'il y a deux natures cq
luijtant y a que nous n'auons qu'un feul
Iefus5faitde lafemencede Dauid , nai
dans Bethlehem , crucifié , mort , refuf-
citèj& élevé au ciel ^ félon la chair j éter-
nel,
6^ De la Naijfance au Seigneur I E s v s .
neljtout-puiflanc , inlîai,createur &: con-
fervateur du mondc/elon TEfprit. Aufli
avions nousbefoin d'un tel Médiateur,
qui fuft homme pour foufFrir nos pênes,
&: Dieu pour les furmonterihomme pour
mourir, &: Dieu pour fc reffufciter des
morts. La chair lui ctoit necelTaire pour
eftre la vidime de nos péchez , & la di**
vinitè pour en cftrc le Sacrificateur.
Ou euft- il offert pour nous , s'il n euft eu
de la chaire du fang' Et comment Teuft
il offert s'il n'euft eu une majeftè fouve-
rainejcapablc de comparoiftre devant la
jufticeduPcre, &de foûcenir fa jufticc?
Ceft pour ces mefeics rajfons qu'outre la
vérité de nôtre nature, il en a pris les in-
firmitez ; la forme de ierviteur , & non
d'homme fimplementiayant été tenté en
toutes chofes , comme nous j excepté le
pechè feulement La faffon ôi les circon-
ftances de fa naiffance nous en fournif-
fcnt vn illuftrc échantillon. Car il naquit
dans un voyage, dans une l^ôtelerie^dans
une étable*Ilfut emmailloté, &: couché
dans une crèche, comme TEvangelifte le
remarque expreffcmcnt en la dernière
partie de ce texte. Combien eft diffé-
rente cette pompe de celle, qui fc void
en la
Sermon II. ^y
en la iiaifTance des enfans des Roys? Ils
naiffent en des palais , en des chambres
magnifiquement tapiflees , où l*or, Tar-
genc» &: lafoye reluifent de tous cotez,
lefus naift dans l'étable d'une hôtclerie.
Les enfans des Rois font receus au mon-
de avec de grandes cérémonies dans
raffemblce des Princes , &: des Princef-
fes de Tc'tat. Il n y eut autre compagnie
à lanailTance de lefus, que celle de fa
mère 5 5^ d*un pauvre charpentier. Les
enfans des Roys font receus dans la
pourpre, comme autres- fois ceux des
Empereurs Romains, ou dans lefarin,&:
dans le velours^ou dans la plus fine &: la
plus precieufe toile de Hollande ; cou-
vers de fuperbes langes, couchez en de
riches berceaux lefus fuft enveloppé de
miferables drappeaux, & couche dans
une crèche. Qui ne s*ctonnera d'une fi
grande baflTefle, telle qu'en effet il n'eft;
pas pofrible,que Tefciave leplusabjet
naiffe plus pauvrement ? Qiii ne s'éton-
nera , que le Roy de f univers n'ait pas
feulement eu la chambre d'une hôtcle-
rie pour y naiftre? que le Maiftre du ciel
&de la terre foitnaidans une érable?
quecclai,quireveftlcs aftresdclurtiiere,'
t & qui
66 De U Naijfunce du- Seigneur I e s v s .
6e: qui pare toutes les créatures de leur
gloire , ait été enveloppé en de mifera-
blcs drappeaux?que celui qui eft aflis fur
un thrônc éternel , 6l qui donne aux
Princes leurs fceptres, &: leurs couron-
nes^ait été couché dans une crèche? que
le Seigneur des armées, à qui mille mil-
lions d'Anges font continuellement la
court, foitnai en folitude , affiftè d'urt
pauvre homme ,&: dVne femme feule-
ment ? l'avoue, chers Frères, que cette
extrefme bafleffe nous doit étonner , d^
ravir les hommes &: les Anges en admi-
ration : Mais je dis , qu elle ne nous doiC
pas fcandalizer. Si la croix de lefus ne
nous ofFcnfe point i fon étable,& fa cre-
che,ô^ fes linges nous choqueront beau-
coup moins. Ce n'eft pas la foible(re-,ni
l'impuiffance , qui Ta fait dcfcendre juf-
gues-là. Ceft fa bontéi & lamour qu'il
a eue pour nous. Il s'eft anéanti foi-mef-
ff'- mc,dit l'Apôtre. Ilpouvoit paroiftre en
forme de Dieus mais il a volontairement
pris celle d'un cfclave.Si vous en doutez,
regardez qtf au mefme temps qu'il n'àift
dans 1 obfcuritè de cette ctable, les An-
ges quittent le ciel , &c en viennent an-
ji©ncerla nouvelle aux honxmcs. Il fe
forme
Sermon II. Cj
forme de nbuveaux aftres en \'i Nature,
pour nous conduire à fon berceauiô£ des
Seigneurs viennent de loin adorer celui
qui n'avoir pas eu une chambre chez les
fiens. le confefle,que lefus pouvoir eftre
vrai homme fansnaiftre iî pauvrement:
Mais la charge quil venoit exercer au
monde, requeroit cette baffefle. Il étoic
fort convenable , que celui qui avoir à
mourir fur une croix,ne nâquift pas dans
les richefles5&: dans la gloire d*un palais;
& qu'une vie , qui fe deuoit finir dans
une extrême ignominie, fe commençait
fans aucune pompe mondaine. Il falloic
que fon enfance répondift à fes autres
aages. Il eft hai dans un voyage;^ toure
fa vie n'a été qu'un pèlerinage A certe
entrée il n'eut pas une chambre pour y
naiftre \ Aulli n'eut- il pas depuis où re-
pofer fon chef. Il n'y eut pomt de place
pour lui 5 ni pour les fiens dans l'hôrele-
rie. Cétoit Timage, 6«: le prefage de ce
qui lui arriva depuis dans le monde, où
les fiens mefmes le rejerterent. La bar-
barie de l'hôte predifoit la fureur des
luifs, qui ne l'ont point receu , & du
monde 5 qui ne Ta point reconnu. Ses
drapeauxjô^: la paille de la crèche , où il
e 2 fut
é? BeUNaijfxnceda Se!g»e«rJESVS.
fut couche, écoient le pronoftic de la
honte de fa mort, de fa nudité &: de fa
couronne d'épines. Mais en tout cela il a
eu auffi égard à nôtre inftrudion & con-
folation. NailTant dans la pauvretè5il la
fanftifiée. Il a fleftri l'orgueil du monde>
ôi confacrè riiumilitè deTEglife,* pour
apprendre aux riches à ne point s'enor-
gueillir s'ils ont des biens, qu'il a dédai-
gnez 5 & aux pauvres à ne point perdre
courage, poureftre dans une bafleflejOii
il aparté. Voila, Fidèles , ce que nous
avions à vous dire de la naiflance du
Seigneur lefus. Puisqu'il eft tel que les
Prophètes Tavoient promis , nai au téps>
au lieu, &: en la faflon qu'ils Tavoienc
prédit plufîeursûecles auparavant, rece-
vons le pour le vray Meflîe de Dieu, le
Médiateur, &: le Rédempteur unique du
genre humain. Adorons-le , 51 l'aimons
fur toutes chofes ; que fa gloire foir le
dertcin de nôtre vie j que fa volonté en
foit la règle s que fon exemple en foit le
patron. Vous voiez ce qu'il a fait pour
nou.s,*&: de quelle hauteur de gloire , ca
quel abyfme de baflefle il eft defcendu.
Pour nous, régénérer en la vie des An-
fr^, ges. il eft nai en celle des hommes ', il eft
nai
l.Cor.t
9-
S E R M O N ' 1 1. €9
nai d'une pauvre fiUe^afiaque nous peuf-
ûons naillre de Dieu II a pris nôtre chair
pour nous communiquer fonEfprit,&a
reveftu nos hontes, afin de nous parer
de fa gloire. Il eft nai dans la folicude,
pour nous aflbcier en la compagnie des
Anges ; en un voyage, pour nous donner
droit en la maifondc Dieu; dansl'cta-
ble d'une hôtelerie , pour nous loger
dans lepalais duciel.Il a etè couvert de
drapeauxi pour nous reveftir d'incorru-
ption:Ôi comme dit S. Paul , il s'eft fait
pauvre, pour nous rendre riches. Quel
refpeâ: , &c quelle obeiflance ne devons
nous point à une fi miraculeufe amour?
Chers Frères, toute la reconnoiffance
qu'il nous en demande eft,que nous fui-
rions {c$ traces ,' & que par Tefficace,
d'une fainte Si ardente amour,nous nous
changions en cette belle forme , qu'il
nous prefcnte en foy-mefmei & que le
fentiment de charité &c d'humihièjqui a
été en lui,fo.it auflî en nous, & que nôtre
vie foit tellement tirce furlafienne , que
chacun de nous puiflc véritablement
dire aveeque l'Apôtre , Ce ^^'ef^pa^moy'^'^^-^'
qui vis. Cefi Chrisi qui vit en moy\& ce que
j^ va m^LtntenAnt en la chair y je vk en lafoy
e 5 dtp
30.
70 BeU Naifjance du Seigneur I E s v s .'
du Fils de Dieu , ^ui ma aimé , (^ sefi
do/2ifé foi-mcfme pour moy. Que ce jour qui
-le vid naiftre en la ville de Bethlehem,
le voie auffi naiftre dans nos cœurs, &: les
changer d'etables en palais, & en fan-
fluairesdu Souverain; les parfumant de
Fodeur de Ion innocence,^, les éclairant
de la b^uté de fa lumière. Que ce di-
vin Enfant ne dédaigne point d*y en-
trer , Qn'rt y croiffe, ^. s'y fortifie peu à
pcu.pour y régner à jamais. Il y entrera
voUntiers , quelque paiîvre que foit ce
logement 5 & indigne en toutes fa (Ton s
delà Maiçftéd*un fi grand Roy , pour-
veu que vous l'y receviez avecque foy,
qtie vous n ayez pas honte de fon Evan-
gilc,&: que vous preniez une ferme refo-
lution defiVire Ôdde fouftrir pour fa gloi-
rccequ'jl a fait, &: fouflfert pour vôtre
faluti ccftàdire de communiquer vos
richeflés à vos frères, comme il vous a
communiqué lesfiennes; de les aimer,
comme il vousa aimez; de leur quitter
ce peu de deniers , qu'ils vous doivent,
comme ilvous a quitté les talens , que
vous lui deviez i de leur pardonner ces
petites oiïsnfes , dont vous vousplai-
gnezjCommvi il vous a pardonné tous vos
crimcsi
SermonII. 7î
crimes ; de renoncer aux grandeurs Se
aux pompes du monde pour Tamour de
lui, vous fouvenant de Tétable &: de la
crechejoù il a été gifant pour Tamour de
VOUSJ& enfin de fupporter humblemenr,
&: patiemment les incommoditez de ce
pèlerinage terreftrè , la rudefle & l'in-
humanité du monde>chez qui vous lo-
gez,&: la pauvreté &: baffeffc , où il vous
réduit ordinairement. Ceft Tenfeigne-
nient que vous donne la naiffance du
Seigneur ; c'eft le fruit que vous en de-
vez tirer, &: la meilleure preparation,que
vous puiffiez apporter demain à fa table.
Car comme fa naiffance ctoit le prepa-
ratif de fa morts auffi la méditation, de
Tune eft la vraie difpofitipnrequife pour
participer 'au feflin dédié àlacomme-
moratiojj .de l'autre. Lui mefme nous
vueille faire îa grâce d'avoir part à la
mortification de fa première vie , de au
mérite de fa croix, afin que. nous. l'ayons
auflî quelque jour à J^ gloire de fa fé-
conde vie, &: à Teternité de fon royau-
me celcfte.» Amen.
DE LA
D£ LA
NAISSANCE
DE NOSTRÈ SEIGNEVR
IBSVS-CHRIST.
SERMON TROISI^SMB.
Lvc X I, verf13.14.15.r6j7.18. 19.10.
13. £t fouddif) Avecque t Ange il y tut
une multitude des armées célestes louant
I>ti^fi 5 & dilant^
14.. Gloire (o't \ D'eu dans les lieux très-
hauts , é' en terre paix i envers les hom^nes
ho ?ne volonté-
i^. Et il avint après que les A/ge^ s en
furent allez d avec eux au ciel ^ que ces gems-
li ^ ajfavoir les Bergers , dirent entreux^
Allons donc j/tfques en Bethlehem , ^ votons
ce' te chofe qui ej} avenue ^ que le Seigneur
nous a notifie^.
16. ils vinrent donc a grande hajle ^ à*
treuverent Marie , (jr lofe^h , C' l^ petit en-
fant gifant en U crèche^.
17. Et quand ils t eurent veu , /// divul-
guèrent
Sermon II Î. 73
guerent ce (fui leur avoit èiè dit touchant
ce petit enfant.
18. Dont tûî46 ceux-, ejui les ouïrent^ iê-
merveillerent des chofes qui leur ètoient
dites far les Bergers.
19. Et Marie garàoitfoigneufement toutes
ces choÇesJles ruminant en [on cœur.
20. Pms après les Bergers s en retour-
nèrent , glorifiant , c^ loùmt Dteu de toutes
les chofes quils avaient ouïes ^^eu'ésjelon
quil leur en av oit été parle. ^
Hers pRERÈS'J^^ilfa.^i- '
Bien que nôtre Sc^igneUrlefusGhrift
ait vécu ici bas au milieu des hommes
dans une cxtrefme baffèiTe , cachant les
merveilles de fa divinité fous le voile
d'une chair infirme, ôd fcmblable à la
nôtre en toutes chofes, excepte le pé-
ché ;{îeft-ce que fa Majeftè nelaiflbiC
pas de jetcer quelques éclairs à travers
cette forme de fcrviteur , qu'il avoic
prife, tels que ceux qui les confidcroient
attentivement3&: avec des yeux purifiez,
y appercevoient une gloire digne du
Fils
74 l^e U Naiffa^ce du Seigneur I e s v S .'
Fik vnique de Dieu ; Jout ainfi qu en
la Nature vous voiez. (buvent, que quâd
le SokU eft couvert de fombres & épais
lîuages^il ne laifle pas de répandre des
rayonsjqui nous le font réconnoiftcejen-
core que fâ vraie , §^.propre forme ne
fe montre pas alors à nos fens. Cela fq
peut remarquer dans l'hiftoire de la/ vie
du Seigaçur , oii vous voiez toujours
rayonner ouelques éclats de fa lumière,
divine fujHs ombres de l'infirmité hu-
maine. Les miracles y accompagnent les
fouffrances, & le ciel y eft toujours mefiè
avecquc la terre.Cette diverfitè y paroift
dés fa naiflance ; cette trifte étable, où il
-naquit, cette honteufe crèche, oiJ il fut
couche r-aiant été éclairées de tantde
feux, & de tant de g4oii:e,que toute ame
sion pailîonnée pouvoic aifément juger
!nonobilant le fcandale de fa baflefle,
qu'il étoit vraiement l'enfant promis par
les anciens Prophètes pour la redcption
del'Egfifc. Car pour ne point parler du
fccrct de- fa conception , & de la mer-
veille de ce fein biçn-heureux, oùil fut
éonceu^ôi d'où il fprtit fans en violer la
Virginité s cet entant, ébranla tout le
irfondc dés f^. çaUOtince. U attira. ies
.Il ' Angcs^
s E R M ON HT. ^ 7)
Anffes, &; les hommes dans cette étable,
où il etoit gifant , les Mages de l'Orient,
6^ les Bergers de ludée 5 c'eftadireles
Sages ; &: les ignorans. Il alluma un nou-
vel aftre dans ^ie firmament, pour con-
duire les premiers à fon berceau y^Y
fit venir les autres par l'apparition dua
Ange,qui convertie lanuit en jour, pour
leur donner une image du changeiyient,
que ce nouveau naialloit faire dans l'u-
nivers.Dés qu'il y paroia,le ciel iç faluç,
&: envoie fes divines armées pour be.nir
Dieu.de fa venue\&:.cn féliciter la terre.
S. Luc nous reprefente une partie de ces
merveilles dans le pafTage quenous avos
choifi pourraaion de ce jour , çonfacre
à la mémoire de la naiffance du Sei-
gneur par vn confentcment prefque
univerfel de tous les Chrctiens.Cardans
ce facrè texte vous entendez d enxrée un
chœur d'Anges entonnant hautement
un cantique en l'honneur de cette naif-
fance,&: difant tous enfemble. Gloire fott
k Dieu à^ns les lieux très- hauts , & en terre
paix •■> & envers les hommes bonne volonté.
Vous y verrez en fuite une troupe de
Bergers qui ayant eu le bon heur d'eftre
les difciple5A les auditeurs des Anges,
trans-
7 (S T>eU Naiffance du Se tgneur I e s v s ^
transformez foudainement en autres
hommes, &: brûlans d'un nouveau feu,
courent en la bourgade de Bcthlchem,y
voient lefus fraifchement nai ; &: après y
avoir publié fa gloire, &: rempli tous
ceux qu'ils y rencontrèrent, d'admira-
tion & d'étonnement^fe retirent en joye
chez euxjbeniflant Dieu de la grâce qu'il
leur avpit faite. Ce feront , sM plaid au
Seigneur, les deux pointSjdont nous vous
entretiendrons encet cxercice,le canti-
que des Anges, &: Thommage des Ber-
gers. Dieu vucille tellement touchernos
cœurs de fon Efprit , que nons le glori-
fions à leur exemple,&: recevions &: ado^
rions fon Fils , reconnoilTcint les trefors
de béatitude &: de grâce qui habitent en
lui, fans nous fcandalifer des bafleflcs &
des infirmitez ,qui y paroiflenr,
S.Lucdifoit dans les verfets precc^
dens, qu'un Ange du Seigneur s'apparut
de nuit aux Bergers de la campagne de
Bcthlchcm,& leur ann6ça,que le Chrift
de DieUjlc Sauveur du monde, etoit nai
dans cette petite ville. Il ajoute mainte-
nanr,que ibadain avec céc Ange il y eue
une multitude des armées celeftes,
lûliansDjcu, &: chantans l'hymne facrc,
que
Sermon I J I. 77
que nous orrons incontinent. L'Ecriture
emploie le mot, que nous avons traduit
année, ipouv Cignidcr généralement toute
multitude rangée par ordre,de quelques
chofes que ce foit. D'où vient qu elle
appelle affez fouvent les Planètes, &c les
autres étoiles, l'armée des cietix i parce
qu'elles y font fagemcnt difpofées, &; s'y
meuvent avec tant d'art, & d'adrefle,
qu'il n'y a rien dans l'univers de plus
beaujui de plus raviflant. Ceit ainfi que
l'entend Moyfe dans le Deuteronome,Df«f.i7,
quand pour décrire lepcchè de Tidola-^-
tre , S^ïlfefrofterne , à^ix.-W^àe'vant le So^
ïeil^ou devant U Lune , ou devant choie que
ce foit de l'armée des deux ,• & les Prophè-
tes pareillement , quand ils fe plaignent'
en tant de lieux de ceux qui hàùjfent des •
autels-^ qui fe proftcrnent fur les toits, ou
qui y font des parfums a t armée des deux:
Et Efaye, quand nous reprefentant lej-^v?^
jour des grands jngcmcns de DieUjil dit, ^ ..
que toute l'armée des deux [e fundra. Et S. ^^^- ^î-r-
Eftienne dans les Ades,quand il dir,que il^ j'^ '
le Seigneur offensé contre Ifraël l'aban- ^-^
donna afervir l'armée , ou la gendarmerie ^^•5'^"^*
du ciel. Mais quelques- fpis l'Ecriture par ^.^^^ ^
l'armée <^^/a^^;cfignifie les Saints Anges; 4^.
premie-
' ^ 8 Bel a Naijfa^ce du Seigneur I e s v s •
premièrement parce que ces bien-heu-
reux Efprits font les habicans du ciel5fon
ornement , &: fa gloire , comme les ci-
toyens font la beauté d'vne ville , & les
mariniers celle d'un vaifleau. Et c*eft
pour unefemblable raifon^que Moïfe
Gf«.:i. ^ppgjlç /^j armées de U ter re^lowicslcs
créatures dont le Seigneur Ta remplie,
diftinguees en leurs 'genres , &: en leurs
cfpeces. Secondement les Anges font
nommez l'armée des cieux^ parce que leur
nombre eft très- grand, &: que toute leur
multitude eft diilinguec en fes ordres,
& rangée fous fes chefs ; comme une ar-
mée fous fes Capitaines. Et enfin parce
qu'ils font les miniftres de Dieu , &: les
inftrumens dont fa puiffance fe fert pour
les plus grandes de les œuvres, environ-
nant là haut dans les cieux le glorieux
trône de fa Majeftè , comme une armée
le pavillon de fon General, veillant,mat-
chant, &agi(Ilint félon fes ordres; foie
pour abattre les forces de fes ennemis,
foit pour défendre &: protéger fes en-
fans contre les a(Tauts> ou les embufchcs
^ du Diable. D'où vient que David \q^
21. n o m m e /^/ ^ rmées de l'fJer/iel^e s m'rf7tjlyes
H b. i. ^. igs exécuteurs de fon bo^fLùfir^ au me i m c
^^' \ fcns
Sermon III: 79
fens que TApôtre les appelle ejprïts aàmi-
wjlrateurs ; & le Pfalmifte fiuvanc çcîiq
belle figure 5 leur approprie les fondions
èc les termes de la milice, chantant que
[A^ge du Seigneur carnée kl' entaur. de ceux s.
qui lecraignenS.C'cA ainfi qu'il faut pren-
dre l'armée celejie dans la vilîon de Mi- /. T^h
chée^où il die, c\uUaveu le Seigneur aj^ls^'"'^"^'
fur [on trone'té* faute l'armée des cieux^ c eft
à dire Taflemblée des Anges , quiaj^ifioit
devant lut a fa droite^ é' ^ /^ gauchz^. Et
c'eft en ce fens que S. Luc Tencend en ce
lieujquand il dit, ^\i il y eut une multitude
des armées celé si es avec que t Ange '-^ c'eft à
dire, qu'un grand nombre d'Anges quit-
tant le ciel , leur camp , ô^. leur logement
ordinaire,vinrent en terre & fe joignant
à celui de leurs compagnons , qui avoit
porté aux Bergers k bien- heureufe nou-
velle de la naiflan^ce de lefus , fe mirent à
louer Dieu tous enfemble. Certaine-
ment il étoit bien raifonnable , que cette
divine armée ceiebraft la naiflance de
fon Seigneur; & leur maiftrefaifant fon
entrée en la terre,il euft e'tè de raauvaife
grâce qu'ils ne reuflent point honoré de
leur compagnie. Ce futàcecoup qu'ils
quittèrent k ciel fans regret j pour veriir
voir
8o BeU NaiJ[ance du Seigneur I e s v s .
voir ici bas une chofe plus grande, & pltîS
admirable , que toute la gloire des cieux.
O heureufe terre, que la naiffance de
lefus a purifiée de tous fes malheurs/
qu'elle a changé en un Paradis , où les
Anges fe plaifent^où ils viennent,^ où ils
fe tiennent auflî volontiers, que là haut
au deffus des étoiles» Ci devant ils ne la
regardoient qu avec horreur , comme le
fejour du malheur i comme le partage du
pechè &: de la mort ; &: comme le règne
des idoles &: des demons.Ils n'y venoienc
qu'à contre-coeur^pour y frapper, &: pour
y combattre. Déformais vous les y verrez
aflidus,montans& defcendans fur ce Fils
de rhommedont ils honorent aujour-
d'hui la naiffance ; le fcrvans après fes
combats , le confolans dans fon agonie;
faifans la garde dans fon fepulcre,accom-
pagnans fontrionfe 5 afliftans ks fervi-
teursjéclairans leurs prifons, brifans leurs
chaînes,volans alentour d'eux i prefens
dans leurs affemblées, &: prenans parc
dans tous les biens , & dans tous les maux
qui leur arrivent. L'enfant aujourd'hui
nai à Bechlchcm a fait toutes ces mer-
veilles Son corps a attire ces divines
aiglci ici bas ; à: par fa prcftace il a rendu
nôtre
Sermon III. 8t
nàttc terre digne de loger les arrhees du
ciel. II eft vrai que la lumière Ô£ lavoi^i
de celui qui paria aux Bergers , fuffifoic
pour les ravir, &: pour marquer la>naif-
fance du Seigneur. Mais le Père éternel
uoulut que la pompe en fuft plus illuftre
par la prcfence d'une multitude innom-
brable. Le ciel fournit une infinirè
d'yeux &: de voix au fpedacle ôd à la
louange de cette merveille , afin de fup-
pléer à rabfence , de au (ilence des hom-
mes.Mais comme toutes les difpolîtions
de Dieu regardent nôtre édification,
cette multitude d'Anges n'a pas feule-
ment fervi à la pompe ; Elle a aufiî efè
utile pour nôtre foy. Car fi la depcfition D^^t.if,
de deux, ou trois hommes fuffîtpour af-
feurer la vérité d'un fait; quelle force
doit avoir le tefmoignage d'une multi-
tude d'Anges,d'une armée celefte,afreu-
rans tous d'une voix , que lefus nai en
Bethlehem eft nôtre Sauveur,pour vain-
cre les cœurs des Bergers , U les nôtres^
&: pour nous faire recevoir certe verit©
avec une plene & entière- certitude?
" L'incrcdulitè n'a déformais plus d'excu-
fe,qui rejette impudemment une chofé
certifiée fi authentiqucment par les fa-s
f crées
Si DeU Naijftnce du Seigneur I £ s v s •
facrées bouches du ciehqui fait Dicu,^:
fes miniftrcs menteurs , en blasfemant
le Chrift, qu il a fi magnifiquement re-
commandé. Mais le Seigneur a encore
voulu par cet exemple des Anges nous
formera lunion , & fonder nos faintcs
& religieufes aflembléesmous montrant,
que ce n*eft pas aflez de le louer chacun
à part. Quand un de ks fidèles Miniftres
annonce fon Evangile auxhommes,nous
devons nous affembler autour de lui, 6^
joindre nos langues à la fienne,& élever
cnfemble au ciel nos mains , & nos voix
a l'imitation de ces Anges , celebrans
tout d'un accord5les myfteres de la bonté
&: de la fapience de Dieu. Cette troupe
d*Anges eft le patron & Timage de
foutes les faintes Eglifes^ôd: aflemblées
des Chrétiens, où refonnent en divers
lieux de la terre les louanges de leur
Rédempteur. Car ces Anges bien-heu-
reux lo'ùoient Dieu , dit l'Evangeliftc. Ils ^
nous font nôtre leçon , & commencent
le cantique, afin que nous les fuivions.
Et à la vérité nous fommes plus que ftu-
pidesjfi leur chant ne nous réveille ,■ & fi
leur zcle n'allume dans nos cœurs une
iainte ardeur de bénir Dieu, & de pu-
blies
Sermon 1 1 L 83
blier fes louanges. Car ceft nous prin-
cipalement, que cecte bonne nouvelle
regarde. C'eft à nous qu appartient ce
Chrift 5 quik annoncent. Qu^ntàeuxj
côme ils étoient très- heureux , exempts
ôc du péché , &c des maux qui le fuivent^
ils n avoient point de befoin de redeni-
ption.Et pour juftifier leurs reffcntimési
il n'eft point neceflaire de poferavee
quelques-unsj que lefus-Chrift leur ait
acquis quelque grâce par fa médiation:
& ce que dit l'Apôtre S. Paul, que Dieu ^ê'-
a recueilli, dr rajfemblé en un far [on Fils les ''*
chûfes, qui font dans les deux , & celles qui
font en la terre \ quil les a reconciliées far lui
ayant fait la faix par le fang de fa Croix, ^'^' '' '''*
cela dis-je s'entend de la reiiniondes
Anges avccque les hommes. Car nôtre
pechè ayant rompu lalliance du ciel, ô^
de la terre,entant que les Anges ne peu-
vent avoir de communion avccque les
ennemis de leur Seigneur , la mort de
lefus-Chrift expiant & effaçant nôtre
pechè , a par mefme moien rétabli la
paix, & la bonne intelligence, qui doic
eftre entre ces deuxprincipales'parties
de runivers,rctat des Anges,5.!: celui de?
hommes.C cft donc la joy e, qu'ils ont de
f 2. nôtre
S4 Be U N diffame du Seigneur I e s v s »
nôtre bon-heur, &: l'admiration où ils
font de la bonté &: de la fagefle de nôtre
commun Seigneur,qui les fait éclatej en
fa louange; &. non à proprement parler
leurintereft particulier. lugez quel doit
cftre nôtre raviflement i quelles nos be-
nedidions , &: nos adions de grâces ; de
nous , que la naiffance du Fils de Dieu
délivre du dernier de tous les malheurs,
de la fervitude du péché àL des démons,
&: de la mort éternelle. Joignons donc
nos voix avec cette armée celefte i àc
ayons nuit & jour dans le cœur & dans
la bouche le divin cantique qu'elle en-
tonna alors en ludée s qui a été & com-
pose & confervè pour nous; Gloire foit à.
Dieu dans les lieux très-hauts^ difent ces
bien-heureux Efprits, & ^n terre faix ; en-
vers les hommes bonne volonté. Ce canti-
que contient peu de paroles , &: beau-
coup de fens^rcprefentant en ces dix, ou
douze mots, les fruits & les effets de la
naiffance de nôtre Sauveur, qui confi—
ftent en ces trois points principalement,
la gloire de Dieuja paix de la terre, ô^
la bonne volonté du Seigneur envers les
hommes. Il y a fimplcment dans lori-
ginal,C/^/>^ kpieUyC;' enterrepaixjccciui
fe
s E R M O K I IL S J
fe peut refoûdre en deux faffons ; ou pour
dire , A Dieu ejl l a gloire ^^ Ufaix ejl en U
^^f^f^enlamefmcforte, que nous dilons
à la fin de loraiion Dominicale, ^^ /^j/ <r/2
le regne^é" UpHiffance-iér 1'^ gloire y ou pour
dire 5 A Dieu [oit gloire ^ à* ^^ terre faix y
comme nôtre Bible la traduit.En la pre-
mière forte c'eft une fentence , qui nous
dit ce que la naiiîance de lefus-Chrift a
fait dans le monde; quelle y a établi la
gloire de Dieu dans le ciel, & la paix en
la terre. En la féconde c'cftun fouhait,
qui defire que cette naiflance foitfuivic
de fon effet ; qu'elle tourne à la gloire de
Dieu,&à la paix des hommes. Et il im-
porte fort peu en laquelle de ces deux
faiTons nous le prenions, le tout revenant
à un; affavoir que par la naiffance de
Chrift, Dieu efl glorifié, la terre pacifiée,
^ la bonne volonté déclarée aux hom-
mes. Les Anges commencent par ces
mots > Gloire ejl , ou gloire [oit à Dieu dans
les lieux très-hauts ^ c'eft à dire dans les
cieux ,1a plus haute partie du monde. Le
Seigneur nouseft reprefentédans l'Ecri-
ture comme habitant là haut dans le
ciel , qui pour cette raifon eft fouvent
appelle fof^ thrme^^ De là vient que quel-
f 3 qucs-
8 ^ BeU Naijfance du Seigneur I e s v s ^
ques-uns lient ces paroles, dans les lieux
preS'hautS:,zvccquG le nom de Dieu; com-
me fi les Anges difoient s Gloire foit à Die/^
qui ejldam les lieux très- hauts i tilcre qui
cft fouvenc donne à Dieu dans TEcricure,
comme coût aucommepcement de To-
raifon Dominicale , &: dans une infinité
d'autres lieuxmon pour exclurre fa pre-
fenccde la terre & des autres parties de
runivers,maispour nous montrer, que
ceftduciel,quefa puiflance gouverne
les créatures , y ayant aflîs les premières^
^ les plus univerfelles caufes de tous les
çbmgemens, qui leur nrrivcntide faffon
qu'il nV a point d'endroit au monde, où
fa vertu,&: famajeftè paroiffe plus vifi-
blement>&: où il nous en donne déplus
illuitrcsenfciirnemens. Cette expofition
eft bonneimais elle n'eft pas neceffaire.
Car les paroles des Anges fc peuvent
prendre fimpkment pour un fouhait,
que gloire foit donnée à Dieu dans les
cieiîXiqu'ilyfoità jamais lolic & bénit
par (es Anges : &: le fens eft prefque
niefme en l'une & en l'autre interpréta-
tion. Ils commencent par la gloire de
Dieu , parce que c'eft le dernier & le
plus haut elïet de toutes fes œuvres , &:
le
Sert^ok III. 87
le tributjquelui doivent toutes les créa-
tures raifonnablcs , &: duquel feul elles
font capables 5 ne pouvant autre chofe
que louera bénir ce fouverain Seigneur
pour tant de graccs^que fa bonté répand
fur elles?, & fur tout Je refte du monde.
'Lz gloire de Die» fignifie deux chofes dâs
TEcriturc ; premièrement fes vertus
niefmes,fa puiffance , fa fagcffe/a bonté,
&: en un mot toutes les hautes qualitez,
qui font en lui , & qui ne peuvent eftrc
dignement comprifes, ni par leshom-
mes,ni par les Anges, accablant par ma-
nière de dire les forces de Tintelligencc
de celui,qui entreprend de les concevoir
par leur immenfc grandeur, & parleur
poids infini. ( car le mot de gloire"^ en nw*
Hébreu veut proprement dire pefan-
tcuï)M2LÏsh gloire de Dieu fe prend auffi
en TEcriiurepour Tcclarde fes admira-
bles vertus,pour leur luftre, & la lumiè-
re, quelles jettent au dehors, dans les
yeux des créatures raifonnablcs ,qui k^
reconnoiflent par leurs effets, & les con-
fcAentëi les louent en fuite. Ceft ainû
que les faints Anges Tentendent en ce
lieu, quand ils dilent, Gloire foif a Dieify
fouhaitant>non que DicM foit orné de
f 4 puiffanccj
68 BeU N'ailfance du Seigneur I e s v s ^
puiffancc , &: de fagefTc , 6c de fes autres
vertus i fc'eO: une gloire , qui ne lui man-
que jamais ; m-ixis bien que cette fienne
gloire foie comiuë,6«: magnifiée : qu'elle
donne dansiez yeux de tout ce qu'il y a
d'intelligences dans le monde,& qu elle
tire de leurs bouches le^louanges^qu'el-
k mérite. Certainement il nya pas une
dès œuvres d^e Dieu,qui ne découvre fes
divines vertusicomme il n'y a point d'é-
toile, qui ne jette de la lumière. Mais
comme entre lesctoiles, bien qu'elles
loyent toutes lumineufes,il y en a pour-
tant qui luirent,& refplendiffent beau-
coup plus vivement,que les autres ,• ainfl
entre les œuvres de cette fouveraine
Majertc il y a une grande diverfitê ; Se il
éclate beaucoup plus de feu, fx: de lu-
mière dan5 les unes que dans les autres.
Mais s'il y en a aucune , où fe dccouure
clairement Finfînie grandeur de fa bon-
té, de fa puiffanccjdefajufticej&defa
faintccè, fageffe ,& divinité ; c'eftfans
point de doute la naifTance de fon Fils
en la terre, & la rédemption du genre
humain, dont cette naiflance a été com-
me laprefacc,i^ la première partie.Tous
les autres gran;{ls chefs - d'œuvres de
Dieu,
Sermon III. S9
Dicu,la délivrance d'Ifraël hors de TE-
gypte 5 fon éiabliffement en Canaan, &:
la création mcfme de Tunivers , n a-
voienc point fi clairemGnt montre quelle
eft fa Majeftè , comme a fait ce dernier
miracle. Sa bonté y reluit d'une faffon
tres-illuftre, en ce qu'il a eu pitié des
hommes ,<juc lepechècn rendoit indi-
gnes, & pour les tirer de la mort, a en-
voyé fon Fils unique au monde,&: a ab-
baifsè jufques-là le Seigneur de gloire,
que de vouloir qu'il prift nôtre chair,&:
nâquift dans un extrefme aneantiffemêc.
En la création il donnoit à des creatu-
res,.quidcvrai ne meritoientpasfes fa-
veurs, mais qui auifi n'avoyent pas pro-
voqué fa colère. Ici il fait du bien à des
coûpablesià des gens, qui non feulement
ne font pas dignes de fes grâces , mais
qui de plus font dignes de famaledi-
àion. Là il donnoit à des innocens des
biens excellens à la vérité , mais mua-
blés pourtant , comme rifTuë l'a montre.
Ici il donne à des pécheurs des biens im-
muables, la vie, le ciel, l'éternité, &foa
Fils mille fois plus précieux , que tout
cela. Mais fi fa mifericorde y paroift,fa
|uftice n'y ^luit pas moins ? en ce qu'il ^
mieux
90 De U Naiffkfice du Seigneur I E s v s^
mieux aimé voir fon très-cher Fils , fon
amour, ôi fcs dcJices, plongé dans un
honteux &: indigne ancantilTcment,
veftu de la forme d*un efciave , naiflant
dans un étable', nourri dans la mifere,
abbreuvè de fiel, &clouèàune croix,
que de laiffer le pèche impuni. Et quant
à fa fageflejoùs'cft-elle jamais plus clai-
rement montrée , que dans laccord
qu'elle a fait de fcs deux divines vertus,
c'eft à dire de fa mifericorde &: de fa ju-
ftice? ayant treuvè dans k s riches , &
inépuifablcs trcfors de fon intelligence,
ce miraculeux moien de pardonner au
pécheur fans laiffer le pechè impuni?
transférant la pêne de nos crimes fur le
picige qu'il nous a donnè?de faffon qu*il
ufe tout enfemble &: dune clémence in-
finie en nous remettant toutes nos ini-
quitez , & nous donnant la vie & l'im-
mortalité gratuitement, fans quïl nous
en coûte une feule goûte de nôtre fang,
&: d'une rigoureufe, &: inexorable ju-
ftice,en ce qu'il a tire du Seigneur lefus
uneplene&: entière fatisfaftion de tou-
tes nos offenfes ? Sa puiffance y eft aulîl
tout a fait admirable, qui avecque les
li^iircffes , avecque Totablc &: la crech^
d*u a
Sermoîj III- 91
a-un enfant , avecque les foibleffes de
f^chaii-,avecque fa pauvreté & fes fouf-
frances ; avecque l'ignominie & les op-
probres de fa croix va ruiner l'empire du
Diableiconfondrc les démons &: les ido-
lesjarracherlesfoudres àh Loy; étein-
dre l'enfer, veincre la mort, ouvrir le
ciel, fonder l'éternité, & bâtir un nou-
veau monde incorruptible , Sd immor-
tel. Puis-que Dieu afi magnifiquement
de'ployc toutes ces divines vertus en la
pailTance ,&c en l'œuvre de fon Fils, vous
voiez, Chers Freres.que c'cft à bon droit
que les Anges s'e'crient en cette occa-
fion , Glûire fait a Dieu dans les lieux tres-
te«;comme s'ils difoient; C'ell main-
tenant que le ciel doit ouvrir tout ce
qu'il y a de bouches là haut dans fcs plus
relevez fanftuaires ,pour bénir &: célé-
brer les bontez, U les juttices, la fagefle
& la puilTance de Dieu. Ce que nous en
avons veu ci-devant eftpeu de chofe au
prix de ce que nous en de'couvreà cette
heure la naiffance de fonFils.Et ne vous
eftonnez pas de ce qu'ils veulent que
Dieu en foit glorifie dans les lieux trcs-
hauts. Car ce n'cftpasen la terre feule-
ment , que les Anges en beniffentle
Seigneur,
^1 Be la Naijfance du. Seigneur 1 1 s v s;
Seigneur. Leurplus doux,(3^ leur plus or-
dmaire exercice là haut dans lescieux
eftd admirer &;de loiier les merveilles
que Dieu a déployées en Tœuvre de
\.vierre ^^^^^ rcdcmprion. Ils fe tiennent conti-
T.U. nuellement panchez fur ce divin propi-
tiatoircjdefirans de le regarder jufqu au
fond ; Et à bon droit/puis que c eft par là
j^/:^ que Dieu leur a donné à connoiftre dans
^ les lieux celeftes les prorfondeurs de fa fa-
pience, qui eft diverfe en toutes fortes.
Mais 5 chers Frères , fi les cieux donnent
de la gloire à Dieu en cette occafion>
pour eftre en la terre nous ne laiffons pas
d'eftre obligez à lui rendre le mefme
devoir. Pour bien nous enacquiter ce
n^eftpas aflTez de prononcer ce cantique
de la bouche '■> il faut le chanter du cœur,
& reconnoiftre premièrement les mer-
veilles de ce grand bcnciîce de Dieu,-puiç
i embraffer avec une vraie ôc vive foy,
recevant ce Fils^qu'il nous a donné, avec
Tefpeâ:;& de plus remplir nos cœurs , &
jios meurs de feslolianges;& enfin con-
'vier5& amener nos prochains à fa con-
lîoiflance le plus qu il nous fera poflible.
Le deuxiefme article du cantique des
faints Anges eft > paix en terre \ & le troi-
fiefme^
Sermon III. 93
fieftne , bon/^e volonté envers 'le s hommes.
L'ancien interprète Latin joint ces deux
parties en une,&: les traduit âinChPaixfoU
en terre émx hommes de bonne vôlonte. Et à
la vérité, en lifanc ainfi îToppcfition de
cet article avecque le précèdent , Gloire
foit à Die f( dans les lieux très-hauts -^ eft
beaucou-p plus nette, & plus achevée,
toutes les paroles de Tun étant évidem-
ment oppofées à celles deTautre, la faix
à la gloires , la terre au ciel , les hommes de
bonne volonté à Dieu. Et quant à ce que
quelques-uns ont autresfois abusé de ces
mots ^ paix foit aux hommes de bonne volonr
te > comme s'ils favorifoient la caufe du
franc-arbitre5&: fignifioicntjque les hom-
mes par la force de leur volonté fe pre-
paroient eux mefmes à recevoir la paix
de Dieu^ou quoy que c'en foie , comme â
cette œuvre dépcndoit de leur volonté,
& non de la grâce divine j cela dis-je eft
hors de raifon, ô^neprouientque de Ti-
gnorance de ces gens. C^ïparles hommes
de bonne volonté l'interprète Latin entend
félon le ftilc & la frafe du langage Hé-
breu,les hommes du bon plaifir de Dieu,
^ c'eftàdireceuxàqui Dieu veut du bieni
ceux qu'il a favorifez de fon amour, ies
choiilf-
54 T>^ U Naijfance du SeigneurltSY %1
choififtanc félon fon propos arreftèjcet-
te bonne volonté devant s'entendre de
celle de Dieu, & non de celle des hom-
mcs;& ainfi il n'y a rien d*abfurd , ni de
dangereux dans cette expofition de l'in-
terprete Latin. Neantmoins parce que
les exemplaires Grecs lifent ordinaire-
ment. Paix en terre , ^ envers les hommes
bonne volonté , ne s'en treuvant pas un
qui favorize l'autre leâ:ure5il vaut mieux
s'y tenir , & diftinguer cet hymne en
trois articles , comme nous avons fait au
commencement. Comme dans le pre-
mier ils fouhairent , Gloire à Dieu dans les
lieux très-hauts^ auffi annoncent-ils dans
le fécond faix a la terre, La paix s'cft
maintenue dans les hauts lieux \ mais le
pechè la bannie de la terre , & y a rem-
pli toutes chofes d'une trifte &: mortelle
guerre, ayant rompu les facréesallian-
ces,qu elle avoir avecque les autres par-
ties de la nature. Car l'homme qui en eft
l'habitant & le feigneur,ctantmal avec-
que Dieu, la terre eft en guerre avec-
que le ciel, &: avec elle mefme. Avec-
que le ciel : premièrement parce que
Dieu,qui en eit le Roy,la hrjfTant à caufe
du pechè dont elle eft infedée, décoche
continuel-
Sermon III. 5^î
continuellement contr'clie les traits de
fa jufticc vangerefle., découvrant de ces
hauts lieux>où il habite, fa colère contre
toute impiété, pourfuivant le monde
avecvnvifage tout allumé de courroux,
& lui prefentant une main armée de
foudres pour le perdre. Secondement,
parce que les Anges, qui fuivent tous les
mouvemens deleur Seigneur voiant la
terre en cet état, ont auflî rompu avec
elle, ne lui montrant que des glaives
flamboyanSjau lieu delà faveur, &de
la protedion qu'elle en euft eue, fi elle
fuft demeurée dans fa première condi-
tion.Mais la terre a aulfi guerre avec elle
mefme, toutes les parties de fa nature
étant bandées les unes contre les autres,
& toutes foûlevées contre l'homme 5 a
qui elles étoient fujettes. L'homme
mefme,rhonneur &: la gloire de la ter-
re^ne jouît d'aucun repos. Sa confciencc
eft un petit théâtre de confufion , 6c
d'horreur50Ù le fentiment du pèche , Se
de la juftice divine déchire toutenpie-
ces,y femant la frayeur , ôi la douleurjle
regret du pafsè, & la crainte de l'avenir.
Le vice de l'autre côté tyrannize toutes
les parties de foname , y excitant une
perpe-
nf.s-'î-
^6 JDeU Naijfance du Seigneur I é s v s ,
perpétuelle (édition, &: faifant mirera-*
blement entrechoquer Tes partions les^
unes contre les autres. Outre cette
guerre commune à tous les hommes en
rétat de la nature corropuë, il y en avoit
encore une autre en la terre, qui divi-
foit les parties du genre humainiaffavoir
Talienation des Gentils &: des luifs fe-
parez les uns des autres par la loy , corne
paruneparoy entremoyenne. Au lieu
de cette vilaine & hideufe divifion , les
Anges annoncent maintenant la paix à
la terre par le bénéfice de cet enfant
nouveau nai. Auili eft-il nommé le ?rince
défais par le Prophète En effet il a aboli
toutes ces guerres & inimitiez, ayant ré-
concilié la terre premièrement avecque
le ciel 5 & puis avec elle mefme. Car
quant au ciel, ilaappaisè la colère de
DieUjfatisfaifant à fa juftice. Il a changé
fon courroux en faveur, ^ fa haine eu
amour : de fafTon que nous avons paix
avecque lui par la foy de lefus- Chrift. Il
nous regarde 5 & nous traitte déformais
comme fes cnfans , &: non comme Çc%
ennemis. Le Seigneur lefus a par mefme
moien remis les Anges en bonne intel-
ligence avccnpus. llsioiu déformais nos
concitoyens,
Sermon 1 1 f. 97
concitoy€ns5&: nés frères. Nous fommes^
eux &L nous, ralliez fous le fccptrede
Chrift. Et quant à nous mefmes , il a
mis la paix dans nos Gonfciences,& dans
nos cœurs , nous affeurantde nôtre par-
don55^ de la grâce de Dieu^nôrrefouve-
rain IiJge,5£ nous délivrant de la tyran-
nie du vicc5&: de fcs coAvoitifes.il a pa-
reillement abbatu la cloifon, qui fepa-
roit les Gentils d'avecque les luifs^
ayant créé les deux peuples en un feul
homme nouveau , Rechange les loups
&leslyons, les vipeies &lesafpicsea
agneaux, &: en colombes. Le ciel rit
maintenant à la tcrre,&: la terre bénit le
ciel. Le commerce eft libre de l'un à
Tautrç. Le ciel répand de toutes parts
fes biens, & fes faveurs fur nous i & nous
lui envoions de toutes parts nos prières^
&;nosbenedi6tions. Que s'il y a encore
quelque partie troublée de cette an*
eienae guerre j ce n'eft pas la faute de
nôtre Sauveur, qui a abondamment fait
de fa part tout ce qui étoit neceflaire
pour la pacification du môde^mais celle
des hommes,qui aiment mieux les ténè-
bres que la lumière , & le traittent com-
me les Kedarins traitfoient autresfois
g . David
9$ DeU Naijfmce àii Seigneur I e s v s .
^^'•"^' David (on type , ^uand je leur farte de
faixjdït-'ûjes voila à la guerres, C'eftpar
la fureur des démons que TEvangile de
Chrift eft devenu oceafion de guerre;
comme il s en plaint lui mefmeen quel-
que lieu , où regardant le trifte événe-
ment qu avoit fa prédication par la ma-
lice de la plufpart des hotntncs^Nepe/ifez
Mai. 10, 1 . . 1 - r ' i •
^. pasy dit- il , ^ue jejûis venu mettre la patx en
la terre. Vy fuis venu mettre fépée. Mais de
quelque faffon que les hommes le reçoi-
vent ,&: quelque difpoficion qu'ils ayent
après louïe de fon Evangile, tant y a que
àc fa nature , & félon le deflein de fa
charge il eft le Prince de paix , & la paix
dje la terre. Enlîn les Anges ajoutent en
troifiefme lieu , envers les hommes ^onne
W^;//^ifignifiant par ce mot ou la fource
ou TefFet de la paix que lefus Chrift nous
a apportée. La fource \ fi vous prenez cette
bonne volonté pour l'amour de Dieu
envers le genre humain, qui Ta porté à
envoyer fon Fils , ôi à le livrer à la mort
pour nôtre falut/elon ce que dit le Sei-
gneur , que Dieu a tellement aime le monde,
ijuil a donne fon Fils uniques, afin que qui-
conque croit en lui ne periffe point y mais ait
U vie eîernellx^^ L'effet ; fi vous çncendcz
pas
Sermons III. 99
par cette bon?ie volmù de Dieu^ Vâffc&ion
tendre & paternelle dont il cmbraîTe les
fideles,les aimant comme fes enfans, &:
leur communiquant libéralement toutes
les grâces necefiaires à leur falut, la lu-
mière de fon Efprit,pour les (andifier ôc
confoler,- la protedion de la providence
pour les garantir & CGnrerver5&: les met-
tre enfin dans une plcne poflc/Iîon de
l'héritage celefte. Tel eft3Freres bien-ai-
mez, le cantique dont les Anges hono-
rèrent la naiffance du Seigneur lefus;
Voions maintenant l'hommage que lui
rendirent les Éergers , tefmoins èc audi-
teurs de l'aflemblée &: de l'harmonie de
ces divins Meflagcrs. Après que les Anges^
dit l'Evangelifte, s en furent allez d'avec
eux au ciel , ils dirent enfreux , Allons àonc .
jufquenBethUhent.é' voions cette chçfe^ qut
ejl avenue ^que le Seigneur mm a notifiée. Ils
ne penlerent point à partir tandis qu'ils
virent la lumière, ô£ entendirent les ac-
cords & la mélodie de l'armce celefte.
Mais dés que les Anges fe furent retirez^
ils commencèrent à faire une ferieufe re-
flexion fur la merveille qu'ilsavoient ap-
prifejen quoy ils nous donnent une belle
kçon de ruminer attentivement TEvan-
100 De la Nai/fa/^ce Jff Seigneur Iesys>
gilcquand il nous eftpreïchè, & de Vim^
primer fi bien dans nos cœurs , qu*il y
prene racine ,&: y fructifie lors mcfme
qu'il ne retentit plus dans nos oreillesiau
contraire de la plufpart qui fentent bien
quelques émotions tandis que le fervi-
teur de Dieu parle^mais n'y fongent plus
après cela , lafFedion de leur efprit s'é-
vanouïffant avecque le fon de fcs paro-*
les. Ce n'eft pas en vain non plus que SJ
Lac remarque,qu*ils s'animèrent les uns
les autres dans le deffein d obeïr à la voiK
cclefteipour nous montrer , qu'il ne fiiffic
pas que chacun penfe à part aux leçons
de la parole divine ; mais que nous nous
devons Tofficc d*une mutuelle exhorta-
tion les uns aux autres. Et notez qu'ils
'apportent à Dieu ce qu'ils avoient appris
de fes Anges i roio/^s , difent-ils , ce qne le
Setgneurnom Anotifîe. A la vérité ce ne
font pas des Anges qui nous prefchent
aujourd'hui l'Evangile. Mais de quelque
ordre que foit leur perfonne , il faut pen-
fer â la dignité de celui , au nom duquel
ils no^ parlent, &: dont ils nous annon-
cent la doctrine i & nous fouvenir,que
quels que foient fes Miniftres,il efl: nôtre
fouverain Seigneur ? auquel nous devons
touc^
Sermon III. loi
coûte obeïffance. Et Dieu vueillc^quc
nous la lui rendions aufli promtequeles
Bergers à la parole de TAnge. Il ne leur
avoir pas cxpreffément cômandè d'aller
en Bethlehem. Mais c'eftoit aflez de leur
avoir montré le lieu , où étoit caché le
trefor de Dieu , pour leur donner le defir,
&: leur faire prendre la refolution d'y al-
ler. Ainfi devons nous chacun félon la
mefure de nôtre foy Se connoiiTance, fui-
vre allègrement , où Dieu nous appelle;
& laifTer là tout autre foin, quelque doux
& important qu'il foitjpour nous rendre
auprès de fon Chrift , quand il nous fait
l'honneur de nous découvrir où il cft;
Comme vous voiez , qUe ces Bergers fans
«araufcr à leurs troupeaux,fans attendre
le lever du jour , ni alléguer aucune autre
cxcufe^s'acheminerécdroità cette bien-
heureufe Bethlehem , où ils apprenoient
qu'étoit le Sauveur du monde.Èt le defir
de le voir leur donnant de l'impatience,
ils vmrent a grand hafle , dit TEvangeliftc,
ér trouvèrent Marie & lofeph y (jrie petit
enfant gifant en la crèche^. O Diei? quel
fpedaclc!&: combien contraire aux com-.
munes apparences de ce qu'ils chcrr
choiemi Ils c berchoient un enfant royab
g 3 ^ils
lot 3eUNaiJfance dtéSeigneurlt^Yf,^
&: ils en treuvenc un nai dans une ex-
trefme pauvreté. Vne etableétoic fon pa-
lais ; une crèche fon berceau ; au lieu de
pourpre , de foye,&: de fin lin,!! étoit en-
velopoè en 'de miferables langes. Vn
pauvre vieillard , & une jeune fille fai-,
foienc toute fa Court. Qj^el rude aflaut
a la fov de ces Bergers, de voir dans une
telle bafleffe celui quMs devoiécembraf-
fer pour leur Seigneur , &: pour le Prince
de tout leur peuple ? de voir gifant dans
une étable celui qui de voit fe feoir fur
le trônc,5^ dont ils attandoient le réta-
blifTcment de l'Empire d'Ifraël ? Quelle
confufion de pcnfées devoit produire
dans leurs cœurs une chofc apparem-
ment fi éloignée de ce qui leur avoir été
annoncé , &: de Tcfperance qu'ils en
avoient conceuë ? Sur tout fi vous confi-
derez, qu'ils étoient luifs, nourris dans
Timaigination qu'avoir ce peuple & qu'il
retient encore aujourd'hui,que le Meffie
doiteftre un grand & fupcrbe Monar-
que, fleuriffant en gloire mondaine, bc
conquérant funivers à force d'armes
charnelles ? Mais rien de tout cela ne les
troubla. Leur foy fe maintint ferme&:
inébranlable. Elle trionfa de tous ces aC^
fautsj
Sermon 1 1 Î 105
fautsjparce que la lumière & la voix ce-
lefte •demeuroit profondément impri-
mée dans leurs cœurs ; & Tautoritè du
tefmoignage divin furmonra aifément
toute la contradidion, que cette trifte
^ méprifable apparence faifoit nafftre
dans leurs fcns. Ils Tçavoicnt que ce
Dieu, dont la parole avoir daigne retctir
dans leurs oreilles 5 a une puilTance , $C
une fa^fle infinib 3 qui tourne quand il
veut 5 les ténèbres en lumière ,Sd Tinfir-
mitè en force 5 te prend fouvcnt plaifir
à faire fes plus grandes œuvres avecque
leschofes les plus foibles. Ils fçavoient,
que d'un coffret de jonc exposé à la mer-
ci de Teau d une rivkre, il avoir autres-
fois tire le grand Moïfe 5 &: d\m fruit
abandonné en avoir fait le Libérateur
4i'Ifraëh& que depuis il avoir changé un
pauvre petit Berger en un vaillant, de
glorieux Monarque. Ils imitentdonc ici
la pieté de leur père Abraham ; Su fur la
foy de rOracle divin, croienr contre ef-
peranee^Â: ne font point de doute , que
ce pauvre enfant , quelque foiblct ôc
abjet qu'ils le viffent, ne'fuft le Sauveur,
ieChrift, le Seigneur ; parce que Dieu
Tavoic dit,dcnt la parole eft d'une verirè
g 4 infail*
104 Be U Naijfance au Seigneur I E S v S ^
lible, &: plus ferme que Icscieuxmef*
mes. Mais ils ne fcconrcncerencpas de
croirciils communiquèrent aux autres ia
grâce que Dieu leur avoir faite , divul-
gsns^ ajoute S. Lucr^ quï leur avait été dit
touchafJtce fetit enfA/it. Les voici changez
jde Bergers en Prédicateurs , ou pour
fnieux dire en Anges. Carpourquoy ne
parlerons nous pas d*eux ainfi magnifia
quement , puis que nous le pouvons
avecqu» vente, étant clair, qu'ils furent
les mcflagcrs de Dieu, 3?: qu'ils rendirent
^ux autres l'office que leur avoient ren-
du les Anges?puis qu'ils fervirentà forti-
fier la foy de lofeph > &: de Marie mef-
me ? &: qu'ils fervent encore aujourd'hui
à l'édification de la nôtre ? Et c'çft pour
pela que le Seigneur a voulu que Icuf hi-
ftoire fuftçonfignée dans fes Ecrjturesî
parce que leur fimplicitè, & toutes les
autres çirconftances de la chofe jufti-?
fient clairement la vérité de leur tefr
moignage. le fçai bien qwç le fourcil de
la chair dédaigne cette faflbn d'agir 3 &^
voudroit que Dieu emploiaft pourpu-
blierfes myfteres les langues des grâds,
& des fagcs plûtoft que celles des petits ,
Mais c'cft à delTcin qu'il en ufe autre-
menta
Sermon III. ioj
ment , accompliflîtnc fe louange par h
bouche des enfanç , tant pour humilier
nôtre vanité , qne pour éprouver lobeïf-
fanee de nôtre foy > U pour glorifier la
vertu de fa m^in, qui reluit avec dautanç
plus d'éelac , que plus il y a d'infirmité
dans les inftrumens qu il emploie. Vous
en avez ici un exemple. Car la prédica-
tion de ces Bergers, bien qu apparemméc
à confiderer leur condition, elle ne dcuft
eftre receuë par les hommes qu avec ri-
fée , ne fut pourtant pas fans effet i côme
S. Luc le rapporte , en ces mots , ^ue tous
ceux qui les ouïrent s émerveillèrent des
cbofes qiiils leur diÇoient, Il eft vrai , qu il
n ajoute point q«e cette admiration des
hommes<iit produit aucun bon fruit ; ou
que ces gens foient paflez de Tétonne-
ment jurques à la foi , comme il arrive
affez fouvent , que TEvangile ébranle
amplement Tefptft de ceux qui recou-
rent ; ils s'étonnent des merveilles de
cette dodlrine^^: en demetfrent-là. Mais
tant y-a qu'il étoit très- utile pour la gloire
de Dieu , &: pour nôtre édification, que
cette vifion des Bergers fuft divulguée,
tant pour rendre Tincredulitè des luifs
inexcufablcjque pour affermir la foi des
ïo^ BeUNaiJfarjceduSeigneurl^svsl
croians. Au(Ii voyez-vous que la bien-
heureufe Vierge ne laiffa pas tomber
Jeurs paroles en Tair s Marie , dit S. Luc,
gurdûit [oigneufement toutes ces chofes^les ru-
minant en [on cœur. Son cœur fut le ^aif-
(eau où ce précieux trefor fut déposé,
pour y eftre fidèlement garde, jufques à
ce que le temps de Je communiquer aux
Apdtresjà: aux Difciples , fuft venu. Ce
qu'il ajoute, que la S-^ Vierge rumincit
toutes ces chofesyGgniûe le foin qu'elle pre-
noit de raffembler,^ de comparer les
unes aux autres, toutes les chofes qui fai-
foient à la gloire du Seigneur. Ceft un
bel exempkjFideles^qui vous oblige à ne
laifTer rien perdre de tout ce que vous en-
tendez de laparoledivine,^ de tous les
enfeignemens de la vérité , & providen-
ce du Seigneur>les thefaurizant dans vos
mémoires ; les examinant , & rapportant
les uns aux autres, pourétablir de plus en
plus dans vos coeurs la foy de fa gloire, &
de fadivinitè; Enfin TEvangelifte ajoute,
que les Bergers s en retournèrent ^ florifians
^ lôùans Dieu de toutes les chofes quils
avoiet ouïes é" 'vcués^felon qtiïl leur en avoit
ét€ parle. Ceft un itiagnifique tefmoi-
gnage que Saint Luc rend à leur foy , qui
viftorieufes
Seb^mo^ III. Î07
viftorieufe de tous les fcandales , qui fe
prefenterentàeux, remporta uneplene
aiTeurance de cette haute vérité , que le
Seigneur leur avoit révélée i Et pourre-
connoifTance d'une fi excellente grace^ils
lui prefentent leurs benedidions5&: leurs
louanges , fe retirans joyeux , &: contens
d'avoir appris un fecret fi falutaireA^oila, ^
Fidèles , ce que contient le texte de l'E-
vangile.Maisce n'eft pas aflez de Tavoir
entendu,^ d'en avoir compris le fens. 11
nous !c faut appliquer, &: en tirer les en-
feignemens qu'il nous prefente pour l'é-
dification & confôlation de nos âmes.
Vous voiez le tefmoignage que le ciel ô^
la terre rendtnt au Seigneur lefus. Em-
braifez-le donc pour vôtre Sauveur. Imi-
tez le zèle des Anges , la diligence de
Marie, & la foy des Bergers. De quelque
condition, que vous foyez, grands & pe-
tits , fçavans & ignorans , venez dans
Bethlehem,&: y adorez le Prince de Paix.
Si vous eft:es grâds, penfez que les Anges,
dont la gloire eft incomparablement plus
excellente que celle de tous les hommes,
quittèrent le ciel pour venir au berceau
delefus. Apres cet exemple il n'y a ni
noble(îe d'extraaioir?<f ni grandeur de
maifon?
10 8 DeUKaiJfincê dtéScigneurlE^v^^.
maifon , ni emiiience de (çavoir, ni hon-
neur de dignité, qui vous puifledifpcn-
fcr de vous humilier devant ce divin en-
fant. Si vous cftes petitSjles Bergers de
Bethlehera vous apprennent que le ciel
ne dédaigne point la baffeffe, & qu'il n y
a point de pauvreté fi abjede,qui ne foit
bien venue auprès de lefus Chrift. Que
laneantiflement du Seigneur ne vous
ttipuble point. Si fes langes , & fa crèche
nempefcherent point ces Bergers de
croire fa dignité, &: de s'élever de fon
berceau au deflus des cieux '; combien
moins en devons nous eftre fcandahzez?
Nous qui fçavons que Dieu avoir promis
un tel Meflîe,&: prédit, i^"\\ momeroit
Vf^S'2, comme un Çurgeon devant luiy ^ comme une
racine qui fort dune terre alterée-i fans for-
me ni apparence , n ayant rien en lui a 1<lj
voir, quifajfe quon le defire^ ? Nous qui
fçavons que c'eft non ia neceffirc , mais
l'amour du genre humain , qui la abaifle
dans cette trifte condiàon?&: que fa pau-
vvrcic eft nôtre richeffc , fon abaiffement
/lôtre exaltation , ô^ fon opprobre nôtte
gloire ? Nous, qui du fond de cette infir-
mité lavons vcu s'clcver peu à peu dans
unefouvcraincgtandeur par fa rcfurre-
dion.
Sermon II I. 109
dion,&par fon afccnfion dans le ciel, &:
avons été fpedaceurs, non de ks foi-
blefles feulement , conime ces Bergers,
raaisauflî de (qs combats, de fa vidoire,
& de foa trionfe ? Que fon aneantiffe-
ment au lieu de troubler nôtre foy , en-
flamme nôtre amour envers lui, & nôtre
charité envers (es membres. Car quelle
afFedionne devons nous point à celui,
qui pour nous ftuver s'eft humilié juf-
ques-là? Pour nous il a laifTc les délices
du ciel ; & au lieu de la forme de Dieu, a
pris celle d*un ferviteur; étant nai ici bas
comme un homme , 5c encore comme
le plus pauvre des hommes. N eft-il pas
raifonnable5que pour lui nous renoncions
à la terre, &: à tout ce que nous penfons
qu'elle ait de grand ou de doux i à fes ri-
cheffes , à fes honneurs , à ks plaifirs? âc
que nous exercions envers nos frères un
petit échantillon de la liberalitè,dont il a
usé envers nous ? que nous leur faffions
part de nos biens, comme il nous a com-
muniqué les iîens ? Contemplons auilî
dans ce tableau le portrait de TEglife de
Chriftjqui nous y eft reprefentè. C'eftré-
cable de Bethlehem,un lieu bas& pauvre,
k méprifable,où Ton ne voit ni Roys, ni
Pontifes,
I. Cor.i.
ïio Delà Nâifpime dit Seigneur I e s v s .
Pontifes, ni Grands,mais feulement unis
fillcun vieillardj^: quelques Bcrgcrs;peu
de nobles , peu de fagcs , peu de grands,
ç comme dit S. Paul , mais des perfonncs
infirmes , & les moins eftimée^ dans le
monde. Que cette crifte apparence ne
nous la fade point dedaigner.Toute pau-
vre que vous la voieziclle â l'honneur
de loger le Fils de Dieu. Il s'y plaift, & y
a depofé tous i^s trcfors ; &: y diftribue la
vie iiTcternitè. Sa parole y habite ; fon
Efprit y a choifi fon domicile \ & fes An-
ges campent tout alentour d'elle. Dieu
y eft lolié ; fon nem y eft glorifié , tandis
qu'il eft blasfemè dans les fuperbes pa-
lais du monde. MaiSjFideles^puis que les
difciples du Seigneur doivent élire où il
eftjapres l'avoir vificè dans Bethlehem>
&: y avoir veu avecque les Bergers les in-
firmitcz de fon enfance , &: les baflcjflres
de fon aneantiflement 5 vifitons-le auilî
dans lecicl,oii il s'eft retire , &: y contem-
plons les merveilles de fa gloire. Garli
ces Bergers furent épris d'un fi ardent
defir de voir fon berceau ; combien plus
devons nous avoir de paflion de voir fon
trône ? Defirons , comme fon Apôtre*
de déloger i pour eltrc avecque Un \ &: cii
aicandaac
Sermon III. m
attandantla venue de ce jour bien-heu-
reux,qui nous élèvera auprès de fa per-
fonne , ayons y continuellement nos
cœursjnos penfces^nos afFedions, & nos
cfperances. Arrachons les de cette mi-
fcrable terre.plenc d'horreur &; de mal-
heur,& qui n'a rien de bon, que la paix>
que lefus lui a laiflee. Converfonsd^
maintenant dans le ciel, où eft nôtre
lefus , non enveloppé de langes , non
couvert d'infirmité, mais veftu d'une lu-
miere,d'une force,& d'une gloire louve-
rainejnon plusgifant dans une étable en
la compagnie de quelques pauvres gens^
mais aflis fur le trône de Dieu fon Per<e5
&: environne de Ces fainres&glorieufes
armées. Allons dans ce lieu bien-heu-
reux y & comme Jefus eft defcendu en
nôtre terre pour nous fauver , montons
en fon ciel pour le pofleder. N'ayons
^lus de commerce avecque les chofes
d'ici bas. Foulons aux pieds toutes les
vanitez de la terre i renonçons & à fcs
vices, 6<: à fes biens; à fon ambition , à
fon luxe, à fcs voluptcz, & à fes pompes.
Que nos plaifirs ôc nos pafTions foienc
dans le ciel. Convoitons fcs treforsj
pourc haffons fa gloire j travaillons pour
fon
m De la Naijfance du Seigneur 1 1 s v s .
fon éternité i & étant fans cefleprofter-*
nez aux pieds de I E S V S , n'aimons ô^
n'adorons que lui. Beniflbns-le,^: le glo-
rifions dans la compagnie des Angesy
nous meflant dans leurs divins concerts^
&: commençant de bonne heure à y
tenir nôtre partie, & à chanter alaigrc-
mentavec eux ce faint cantique , qu'ils
nous ont aujourd'hui appris , Gloire foU k
Dieu dans les hauts lieux , en terre paix^ ^
envers les hommes bonne volonté^ Amen.
BE LA
DE LA MORT
DE NOTRE SEIGNEVR
lESVS-CHRlST.
SERMON PREMIER.
Surles verfcts 2L12.&: i^duChap.XVI;
de l'Evangile (elonS. Matthiev.
a.1. D/f lors lefns commenta k déclarer à fés
difcîples <juil Ivci falloit aller en I erufalem •> #
foHjfnr beaucoup de chofesde la part des Anciens ^
ç^ des principaux Sacrificateurs; ^ des Scribes^
■QT cjlre mis a morty qt rejfptjciter le troijtefrne jour-,
22. Alors Pierre t ayant pris à part ^ fè prit
n le tafifer , àifant Seigneur , aye pitié de toy.
Ceci ne t'aviendra points
15. Mais lui s' étant retourné , dit à Pierre%
Va arrière de moi Sathan j Xu rnes en Jcandale,
Car tu ne comprens point les cho/ès cjui font dé
Dieu \ mais les chofes qui font des hommes-.
Hers Frere^s
S'il y a aucun lujet > où fe j uftifîe clai^
h rement
114 'De la Mort du Seigneur I e s v S .
rement là vérité de ce que dit Efaye^
1^''^^ que les voyes ô^ les penfe'es de Dieu ne
font pas les nôtres ; c'eft le myftere de la
mort &: paflion de nôtre Seigneur lefus-
Chrift,à la mémoire duquel ce jour a été
confacrè par les Chrétiens. Caroùeft
celui des hommes en lefprit duquel il
fuft jamais tombe que le Père de Teter-
nitè deuft foufFrir la mort,-&: le Seigneur
de gloire eftrc plongé dans la dernière
ignominies. ^ le Fils deladiledionde
Dieu, &: fon unique bcnedidion , eftre
fait maledidion ? Et qui fe fuft encore
imaginé , que la vie euft deu eftre ac-
quife par la mort,la royauté par la croix?
la gloire naiftre de Tignorainie, & la be-
îiediftion de lamaledidion ?Et neant-
moinsc'eftcequis'eftfaiten la paflion
de lefus-Chrift par la volonté, &: par le
confeil préordonnè de Dieu. Auffi fça-
vez vous , que ce myftere choqua d'a-
bord les efprits de tous les hommes,
Iuifs,& Gentils; les uns s'en étant fcan-
j.fcAT. dalifez , & les autres moquez, félon ce
^^ ''4- que TApôtre nous a laiffé par écrit, que
lefus 1 a puiflance^Si la fapience de Dieu,
a été fcandale aux luifs , &: folie aux
Grecs, C'cft pourquoi k Seigneur pre-
voyanc
Sermon I. îij
voyant dans fbn infinie f^igelîe combien
ce myftere fembleroit étrange, & ia--
erôiable auxiiomtnes,pour les en rendre
Capables, &c leur en faciliter la créance^
prit le foin de le figurer ôc prédire en di-
verles manières plufieurs fieclcs avant
Te venement de la chof^Bfin que quand
elle arrivcroit, chacun pim reconnoiftrc
nonqbftant la répugnance de fcs fens, &c
de fa raifon , que c'eft Tœuvre de TEter-
nel , &: l'exécution de fon confeil.Et ou-
tre ces vieux types, & oracles , contenus
dans les anciennes Ecritures des Pro-
phètes de Dieu , lefus-Chnft nôtre Sau-
veur prit encore le foin durant les jours
de fa chair , d'en avertir lui mefme fes
difciples de bonne heure,afin qu'vn évé-
nement fi merveilleux, & fi contraire à
toute apparence ^ ne les furprift point.
C'eft ce qu'il fait dans le texte^que nous
venons de vous lire 5 où il prédit aux
ficns tout ce quMs virent accompli quel-
que temps aprcs en un jour femblableâ
celui-ci. l'eji ai choifi les paroles pout
fujet de cette adioniparce qu'elles con-
tiennent tout ce grand myftere , que
nous avons maintenant à méditer, tant
pour fatisfaire à la dévotion de ce jour,
h X que
îi6 Delà Mort du Seigfieur I e s v s T
que pour nous préparer à recevoir Di-*
manche prochain, fur la table du Sei-
gneur 3 les fruits de cette douloureufe ^
precieufe mort, qu il prédit ici à ics dif-
ciples , & qu'il fouffrit réellement en
fon temps ainfi qu il Tavoit predite.Vous
y verrez lefuAlhrift rejette & outragé
avec un extrême opprobre parles Sa-
crificateurs, & tout le confcil des luifs,
mis à mort par les Gentils , &: reffufcitè
en gloire malgré la fureur des uns & des
autres. Vous y- verrez Tétonnement &: la
contradidiion de S* Pierre à une nou-
velle fi fafcheufe , & fi contraire à fes?
fens & à fes defirs ; &: la fainte feveritè
du Seigneur lefjs à detefter & repoufler
rinjufte &: injurieux confeil de l'incon-
liderée &: charnelle affedion de fon dif-
ciple. Car ce font làjComme vous lavez
peu remarquer vous mefmcs, les trois
points qui nous font reprcfentez en ce
rexte,la predidion de la mort de Chrift;
la vaine émotion de S. Pierre, & la rude
corredion qu'en fait le Seigneur. Nous
ks expliquerons brièvement , s'il plaift
au Seigneur,pour vouspiopofcr en fuite
les fruits ineftimables , qui nous revien-
nent de cette mcrvcilleufe mort du
Sauveur
s E R M O N I. 117
Sauveur du monde, U vous montrer les
devoirs auxquels ils nous obligent.
Dés lors , dit rEvangeliae , lefus com-
mença, A àecUrer à fis dtjcifles qtiU luif^Hoit
aller en leritÇdem , &foujfrir beaucoup de
chofes de Ufart des Anciens .é" des prlnci-
faux Sacrifcateurs,& desScrihes.&eflremis
à mort, & rejfufciter le troifiefme jour, La
fouveraine fegclTe du Seigneur paroift
en cette fienne conduite , comme par
tout ailleurssen ce qu'il commença alors
feulement à découvrir fa pafTion àfes
difciples. lufques là il leur avoir teu ce
myftere , ou s'il leur en avoir touché
quelque chofe,il ne l'avoit exprimé qu é
general,&: obfcurémenr, & en telle forte
qu'ils ne l'avoient pas bien comprisipar-
ce que leur foy étant encore extrême-
ment foible 5 il avoit été à propos de la
mefnager , & manier délicatement, juf-
ques à ce qu'elle fe fortifiaft peu à peu,
&: fe rcndift capable de foûtenir le choc
d'une vérité fi rude, &fi éloignée de
leur imagination félon la divine maxi-
me qu'il nous donne luimefme ailleurs ^^^^^^
de ne mettre le vin nouveau qu'en des 17,
vaiffeaux neufs, c'eft à dire, d'accommo-
der ôd de proportionner nôtre prcdica-
h 3 tion
liS De U Mort du Seigneur I E s v S .
Jtion & nôtre difcipline à la poitée de
ceux à qui nous avons affaire. Mais
maintenant qu'il venoit de reconnoi-
ftre la force U raccroiffement de la foy
de {es Apôtres • par cette belle hc genc-
reufe confefCon , qu'ils avoient faite^par
la bouche de S.Pierre difant franche-
ment qu als le tenoient pour le Chrift, le
M^t. r.<-^^^^ ^" ^^^^ vivant, comme S. Matthieu
is.i6. Ta raconté dans les verfets precedens;
aiant,dis jctirè cette expérience de leur
foy 5 il ne leur cache pas davantage ce
grand fecret : ôi fcachanr bien que la
confiance qu'ils avoicnt en lui étoitaffcz
ferme pour les cmpefclur de quitter fî^
difcipline, & pour vaincre lareïiftance
que leurs fens feroient à cette vente,
des lors il la leur déclare \ c'eft à dire,
qu'ilialeur annonce ouvertcment,pour
les préparer &: fortifier de bonne heure
contre un fi grand combat.II leur décou-
vre donc qu'il ira enlerufalcm, &que
les principaux des luifs l'y perfecutcrof,
& lui feront fouffrir beaucoup de chofes,
le la mort rnefmei&: qu'en fuite il refluf^
citera le troifiefme jour. Cette predi-
ûion eft un argument tout évident de fa
4ivinitc,& de la vérité de fa miffion ce^
lefte
Se B. M o N I. "9
lefte. Car d'où cuft-il pu apprendre
d'ailleurs , que de la lumière de Dieu , à
qui toutes chofes font prefentes, quelles
feroient à l'avenir les penfécs de tant
d'hommes ? les affeaions,& refolutions
de leurs coeurs , 5i quels les fuccez de
leurs deffeins ? Certainement en cela
mefme qu'il leur parle ainfi de fon mfir-
raitè,il leur donne des alTeuran^s de
fa gloirej& en leur predifant fa mort, U
* leur montre par mefme moien quil elt
Dieujmeflant d'une faffon admirable 1»
vertu defonEfprit tout puiffant, avec-
que les marques de fa chair infirme. Et
ce tefmoignage qu'il donne ici a les
Apôtres de la vérité de fon envoy, nous
cndoitperfuader auffi bien qu'eux ;n y
aiant nulle apparence , qu'ils euflent
voulu feindre, Sc lui attribuer cette pre-
^li^ion , s'ils ne l'euffent véritablement
entendue de fa bouche , avant l'événe-
ment des chofes , ainii qu'ils nous le ra-
content unanimement, S.Marc & S.Luc
la recitant toutde mefme que S.Mat-
thieu en cet endroit, loint qu'ils nous
rapportent ailleurs d'autres prediftions
dii Seigneur, qui n'ont été accomplies
ou'aprcs leur mort; comme celle de I*
jio J>e U ^ort âti Sei^f^eu?" Tes y s-
deftruAiôn de kmfa!em,&: des grande^
perfecucions de rEgliic, 6c de fon éten^
due par coac le monde. Mais cette
meime preditftion du Seigneur, & tou-
tes ks autres lemhlables nous appi;çn-
jfient encore clairement une vente im-
portante contre les advcrfaires de la
grâce de Dieu;c'qft affavoir^que les mou-
vemcg^s du cœur de l'homme ne font
pasvag^ies & incertains, & dépcndans
d*une caufe tellement libre , qu'il foit
toujours en elle de s'attacher à l'un ou à
l'autre de deux partis contraires. Car il
celaetôic , Ton ne pourroit prédire avec
certitude quelles feront les volontez &:
les allions des hommes à l'avenir. Par
exemple 5 le Seigneur n'euft pu prévoir
affeurémentce que refoudroient , & fe-
roiént les Scribes & Sacrificateurs des
Juifs, parce que, félon cette fuppofition^
leurs volontez dévoient toujours de-s
jneurer maiftrefles d elles- mefmcs , &:
également capables de fc porter Si à
faire ce que lefus- Chrift dit ici , & à ne
le faire pas. Or les prediftions de Dieu
font certaines & infaillibles i de forte
qu*ii n*eft pas pofTible qu'elles ne s'ac-
éipmplififcnt. Certainement il n'etoit
àonç
s E R M O n' I. Ilî
donc pas poffible non plusjque les cœurs
de CCS miferables îuifs vouluflenrjOu fiP-
fcnt autre chofe , que ce que die ici le
Seigneur. Leurs volontez s y dévoient
déterminer aiTeurcment i ô<: il y avoic
dans la liaifon Ôc enchaifneure des cho-
\'/es,des caufes qui les rangeroient infail-
liblement à ce parti ,* le Seigneur les
voioit, &S Tcvenement qui en rcfulteroic
en fuite. D où s'enfuit que cette indif-
férence aux deux partis d'une contradi-
âion 5 que Ion attribue à la volonté hu- à
maine,& en laquelle on fait confiftcr fa m
libertè^n'eit qu'une imagination qui n'a "
point de fondement ni en la nature des
chofes mefmes, ni en la parole de Dieu.
Mais pour revenir à riotre texte , le Sei-
gneur prédit à fcs diCciylcs^quHfûuffyiroif
beaucoup de chofes en lerufdem de lu fart des
Ancien s ^0* des frmcipaux Sacrificater4rs , é*
des Scribes. Ceft precifcmentce qui arri-
va à la fefte de la Pafque ; de forte quq
nous ne fçaurions treuver un meilleur
commentaire de cette prediftion, que
rhiftoire de la pailion mefme du Sei-
gneur , comme nous l'avonf; enregiftree
dans les livres des Evangeliftes ; oii ces
Saints Auteurs ndtis racontent, que les
princi-
1 12 De la Mort au Seigneur I e s v s .
principaux Sacrificateurs , & les Scribes
des luifss'aflemblercntavecqueles An-
cienSjc'eft à dire ceux 4u grand confeil,
nommé Sanhédrin , quis'appelloientles
Anciens en la mefme forte, & pour la
mefme raifon , que les Romains nom-
moient Sénateurs , c'eft à dire Anciens,
les Surintendans de leur Etat;à caufe que
la plufpart de ceux qui compofoient ces
corps , étoient perfonnes d'aage & d'ex-
périence. Tous C(^^ gens, qui croient les
conduâ:eurs,& les chefs d'Ifraël s'affera-
blerent en la fallede Caïphele premier
bL le fouverain Sacrificateur; &:U pouf-
fez &: animez d*une envie & malignité
infernalejtinrent confeil i où il fut refolu
de fe faifir de Iefus,& de le faire mourir.
Apres cette abominable dehberation,
di^ne^non d'une aflemblee de Sacrifica-
leurs & de Miniftres de Dieu , mais d'un
Concile de démons, ils envoiercnt une
troupe de foldats pour Texecuter.Et afin
cjue Tien ne manquai!: à l'horreur de cet-
te impiété , un des Apôtres du Seigneur
;ayant vendu pour la fomme d'environ
quinze efcus, un fang plus précieux que
«ôut l'univers cnfcmble, fervit de guide
aux ennemis de foa bt>u Maifti'e ; & le
trahiflant
Sermon I. 123
trâhiflant par un baifer , leur mit» meC-
chammenc entre les mains celui qui lui
avoir fait l'honneur de Tappeller au plus
haut miniftere de Ton Eglife. Vous fça-
vez comment ces méchans empoignans
violemmentle Saint des Saints au miheu
de fes difciples innocens , le menèrent
chez Caïphe 5 Vous fçavez les outrages
^ lesindignitezqui lui furent faites en
cette affemblée impiejcommentfous de
faufles & calomnieufes accufations de
hlasfcfme , & de fedition , ces enragez
condanerent celui qu'ils dévoient ado-
rer ,• comment ils lui crachèrent au vifa-
ge,^ le frappèrent à coups de verges ^ &:
après s'eftre moquez de lui , & lui avoir
fait tout ce que peut faire la plus barba-
re infolenccjle prefenterent enfin àPi-
late 5 homme Romain 5 Gouverneur de
leur Etat; qu'ils animèrent contre lui
autant qu'il leur fut poffible;& maîgrè la
eonnoiffance qu'il avoit de fon innocen-
ce , le forcèrent parla furie & l'impor-
tunitè de leur paflîon , à l'abandonnera
leur rage. D'où vous voyez,pour vous le
dire en pafTantjCombien cft vaine la fan-
taifie de ceux, qui fe figurent que les
fouverains Pontifes , ÔC les Conciles de
l'EgUfe
Ii4 ^^ ^^ ^oYt dti Seigneur I E S v s"
FEglife ne peuvent errer. Car fi vous
avez égard à l'extérieur , il ne manquoic
à cette compagnie aucune des condi-
tions neceffaires pour la rendre légiti-
me. Elle étoit compofée des Sacrifica-
teurs, à qui Dieu avoit donne fon allian-
cex&; en la bouche defquels il avoit mis
la parole de vérité; les meflagers de l'E-
ternel des armées , dont les lèvres gar-
doient la fcier^ce; & aqui Dieu avoit
fait tant de magnifiques promefles. Ils
ctoient convoquez par leur fouverain
Pontife, prefidant en perfonne au milieu
dcleuraflemblée. Et neantmoins vous
voyez qu*avec tout cela,ils tombct dans
la plus groflîere , & la pluspernicieufe
erreur qui fut jamais 5 ^ que ces bou-
ches , dont l'office étoit d'cftre les ora-
cles du peuple de Dieu, prononcent la
pîiis follc,&:laplus detcftable impietc>
que le Diable piiifTe infpireràfes efcla-
ves.Ils rejettent le falut du monde, le
fondement de TEglife , le Prince d'eter-
jiiec , le Chrift unique de Dieu & des-
bommes. Ils perfecutent celui qu'ils dé-
voient fervir &s embraffer 5 comme leur
Sauveur. Ils traittcnt le Saint des Saints
comme un brigand ; &: bien loin de Ip
iprefcher
Sermon I. îiy
prefcher ôd recommander aux autres,ils
le baffouënt , & le condamnent cruelle-
ment eux-mefmesje déclarant impie ÔC
blasfemateur. Ne vous étônez donc pas,
û depuis il eft fouvenc arrivé, que les
Pontifes & les Conciles des Chrétiens ,
{oient tombez en des erreurs évidem-
ment contraires à la parole de Dieu,
nonobftant le glorieux titre qu ils prenr
nent de depofitaires de la vericè, & d'in-
faillibles Dodeurs de la foy.Car ils n'ont
pas plus de promefTes que les Sacrifica-
teurs en avaient autresfois entre les
Iuifsi&:Dieua permis que les uns &:les
autres ay-entfait de fi lourdes fautes, ex-
preffément pour nous apprendre à ne
dépendre que de lui, & à attacher nos
cœurs à fa feule parole , pour ne rien
croire que ce qu*il a daigné nous y en-
fcigncr. Mais le Seigneur ne prédit pas
feulement, que les principaux desluifs
lui feront foufFrir beaucoup de maux i II
ajoûte,que leur fureur ira jufques laque
de le mettre à mort. Car Pilâte vaincu
par kurimportunitc, le condamna à la
mort de la croix i &: après Tavoir fait
fbueter6<: couronnerd'épines jTenvoia
en m\ lieu proche de lerufalem, nommé
Calvaire,
U6 De la Mort du Sekneur I E s y S.
Calvaire , où il fut exécuté. le n eh rap-
porterai pas routes lcscirconftancés,qu(î
vous pouvez voir dans J'hiftoire Evan-
gelique.Ie remarquerai feulement j que
cette forte de mort,qu'il fouffrit, étoit la
plus infâme qui fuft alors. Gar on n'y
condamnoit d ordinaire que les efcla-
^s,&: les brigandsj&: les criminels de
kze Majeftè > ô^ les auteurs de quelque
fcdition. Outre rignominie,elle étoit in-
finiment cruelle &:douloureufc. Car le
patient étoit étendu fur une croix, (q^
pieds clouez fur la tige, & fcs mains fur
les bras de ce funefte bois i où on le laif^
foit confumer peu à peu , parmi des dou-
leurs horribles, la grande quantité de
nerfs,qui aboutiflent de toutes parts aux
mains & aux pieds> rendant ces parties-
^^/ j. là extrêmement fcnlîbles. Enfin cette
i;- mort de la croix avoit encore ceci de
^''''"^'particulier, quelle étoit expreffemcnt
maudite de Dieu en fa Loy , comme le
remarque l'Apôtre, y rapportant cette
claufe,qui fe lit dans le Deutcronome,
Mmdit eU quicanque fendmhois. Telle
cft la mort, que le Seigneur lefus fout-
frit félon fa prcdiûion i &: il ne faut pas
négliger cequ il a} vûc^: ici Qxpi'ellcjiiiei,
que"
!2.2
Sermon I. 127
que ces chofes lui arriveroient en la ville
de lerufalem Car cette circonftance ag-
grave d'un côté Tindignirè de la chofe,
qu'une horreur fi étrange fcfoitcommi-
fe,non dans quelque lieu barbare, habité
par des idolâtres y mais en lerufalem , le
îanduaire de Dieu,^ ville de paixj'écolc
des PropheceSjôi: le domicile de la pieté;
& de l'autre accroift encore l'ignominie
de ce fupplice,que lefus fouffrit non dans
un coin écarté Se foliraire , mais à la veue
du plus grand peuple qui fuft en tout
rOrient.Ec bien que la difpoiicion de l'é-
tat mefme d'Ifraël le reqiiift ainfi , le
grand Confeil de Sanhédrin , qui feul
avoir la connoiffance de cette forte de
caufeSjOÙ il s'agiflbit de la religion,ayanc
fonfiege en la ville de lerufalem i de
forte que tous ceux qu'il condamnoic
croient exécutez en ce lieu -là 5 à quoi il
femble que le Seigneur regarde, quand il
dit en quelque endroit de l'Evangile fur
ce mefmc fujet , ûfû' il néchet point qùmcun^^^
Prophète meure hors de lerufalem j outre
celajdis-je) lafouveraine providence du
Père l'ordonna ainfi jafin que la grande
vidime vrayement expiatoire de nos
péchez, fuft immolée dans le lieu faa-
difiè
1 1 8 BeU Mort au Seigneur I e s \r s .
difiè pour fon fcrvice , &; hors duquel iî
n'ctoic. pas permis d offrir les facf ificcs
par lefquels elle avoit ctè figurée. loinr
que la foy de cecte mort étant abfolu-
ment nece0aire pour le falut dumonde^
ôi la fondation de rEglife,il étoit à pro-
posjque le fait fuft très notoireicomme il
le fut 5 s'étant paffé dans la plus fameufe
Villede rOrient5&: où il y avoit conti-
îiuellement une grande multitude de
luifs & de Payens j &r encore en la folcn-
nitè de laPafque,qui outre les habitans y
avoit attire un nombre infini de gens de
toutes les parties du monde. Mais voicz
ici je vous prie , la bonté & la fagefle du
Seigneur ,- qui fçachant bien la play,e que
cette trifte déclaration de fa mort alloit
faire dans les coeurs encore infirmes de
fesdifciplesjyajoûte incontinent le rc-
medejeur promettant après l'horreur de
fa croiXjlajoye ô^ la merveille defare-
furre<5l:ion, difant qu*// reffufcitera au troi-
fiefmejour'i Ne vous éfoubicz point, dit-
4l. Cette mort ne m^engloutira pas. Elle
ne me tiendra que trois jours. le tefTui-
citeray au troifiefmc. Ce ne fera qu'un
brouillardjou un nuage , qui fe difllpera
en peu de temps ,&: me rendra à vôtre
vcuS
s E îl M O N L 129
veiîëplus luifant & plus glorieux qu'au-
paravant. En quoy les minillres de l'E-
vangile o.nc un belexeniiplede joindrç
toujours da;?s leurs prédications la gloi-
re delâr refurrcûion avec l'ignominie
de la croix, pour relever les cfpritsdé
leurs auditeurs ; qui ne treuvancen \;l
mort du Seigneur 5 que des apparences
d'infirmité ÔC des (peûacles d'horreurj
demeurent cftrayez jufques à ce qu'ils le
voyent fortir du tombeau dans une vie
celefte & divine ; comme un foleil , qui
après les ténèbres d une courte nuid , fè
levé le matin plusbeau,& plus éclatanjÉ
que jamais. Enfin il faut encore remar-
quer que le Seigneur prédit ces chofes,
non feulement comme véritables, mais
auffi comme neceffaircs, en dif^nt, qu'il
lui falloit aller en lerufalem^ô»: y fouffrir:
Et il en parle ailleurs en la meûne forte,
comme quand ildifoit àdeuxdefcsdif-
ciples après fa rcfurredion , N e falloit- il^^^'^^'
fas que le Chrifi fjuffrijl ces chofes. ér qtt Ainfi'ùd, ^4.
il entraFi enfagloirt^^ & ailleurs encore,
Q^\ il falloit que toutes les chofes écrites de lui
far les ?ro^l^çtes fufent Accomplies. Certai-
nement il n etoit pas abfolument necef-
fairc>que le Fils de Dieu fouffrift. Il étoit
i cïiiit,
130 De la Mort du Seigneur Ie s v s .
en fa liberté de lailTer périr le genre ha-
maindans fonpechè. Mais prefupposè
en Dieu le confeil &: la volonté de fau-
vcr les hommes , &: de les relever de
leur ruine , il a fallu neceffairemcnt que
pour conduire cette grande œuvre à fa
fin 5 le Fils intervinft en qualité de Mé-
diateur , & qu'il fatisfîft par fa mort à la
juftice divine y qui ne peut pardonner le
péché , qu'il ne foit expié par un facri-
ficcice qui ne peut eftre que par un fang,
Gu une mort d'une valeur infinie i &: nul
n'en peut offrir une telle , s'il n'cft Diea
bénit eternellement:Au moien de quoy
vous voyez 5 que Dieu ayant eu la bonté
de vouloir fauver le monde , il a fallu
pour des-interefler fa juftice , qu'il affu-
jettift fon Fils unique à la mort, pour
reflfufciter en fuitte,& relever nôtre na-
ture en fa perfonne. Et c'cft ce que fi-
gnifioient tant de types,&: d'oracles fous
le vieux Teftament,oti le Chrift étoit rc-
. prefentc comme mourant , qui tous fu(^
ient demeurez vains & fans cfFetjfi lefus
n'euft fouffert. N'étant donc pas poflîble
qu'un feul ïota de la parofte de Dieu
tombe par tcrre^ou s'en aille A neant^il a
fallu encore inévitablement , que le
Chrift
Sermon I. ijt
Chrift fbnffrift. Mais ni Cette neceflîcèj
que le Seigneur oppofe ici aux défies 6ù
auxpenfées defes Apôtres, comme une
forte barrière, ni TefperanGe de fa refur-
redion prochaine^qu'il y mcfle pour ad-
doucir l'amertume de cette farcheufc
nouvelle, ne peut retenir la véhémence
de S. Pierre. 11 s'élance, & prenant foa
Maiftre à part ^fe mit a le ta/ifer-, dit TE-
vangelifte,^//if;?/, Seigmur ^ ayes pitié de
toi. Cécile t* aviendra foirât. Ce que nôtre
Bible a traduit, Ayes pitii ^^/^;,*eft une* ;>iiû!^
manière de parler ordinaire dans le lan- £<
gage Syrien, que parloit alors S. Pierre,
bc dans TArabefque , & qui fe treuve
mefmes quelquefois dans l'ancienne
verûon Grecque du Vieux Teftamentj
que Ton appelle des Seprantei&: comme
il paroift clairement par la confidera-
tion des lieux , où elle fe rencontre , elle
fignifîe Amplement , ce que nous difons
en vulgaire , a Dïen nefUife., ou Dieu m en
garde , ouja na-v^ie^nc^ i comme l'a auffi
tres-bien traduit en ce lieu le vieux In-
terprète Latin , *& l'Auteur tant de la* Abff^
verfion Syriaque du nouveau Teftamêt , ^ ^'
que celui de l'Arabefque.C'eR donc tout
de mefme que fi S. Pierre àiÇon^Seig^eur-^
\ i Diett
a te.
152. De la Mort du Seigfjeur I E s v s .
Dieu t'en garde s ou i Bteu ne plaife. Cela ne
i arriver a point. Paroles qui tcfmoignent
une extrefme émotion dans refprit de
ce pauvre Apôtre^qui remporta jufques-
là que de tirer le Seigneur à part5Comme
s'il euft eu quelque grad fecret à lui dire;
ou peut-eftre pour n'avoir pas la har-
dieffe de le reprendre devant les autres,
bien que de quelque faflbn qu'on Ten-
teiide^toûjours y eut-il de Texcezd'eaT
treprendre tant que cela. Et cette faillie
procédé en partie d'ignorance, en partie
d'amour &: d'affedion vers le Seigneur,
&: étoit enfin méfiée d'une prefomption
charnelle. Car pour l'ignorancc,il paroift
clairement , que jufques-là il n'a voit pas
fceu que le Chrift deuft fouffrir la mort
pour nous -3 étant évident que s'illeuft
fceu, il ne fe fuft point troublé d'enten-
dre une veritè,qui lui euft été desja con-
nucjbien loin de la combattre & rcjct-
i«c/8. ter fi fièrement. Et S.Luc remarque la
mefme ignorance dans les autres difci-
plesinous racontant,que lors que le Sei-
gneur leur parla de fa mort , ils n'enten-
dirent rien en ces chofes,quc ce difcours
leur étoit câchè , & qu'ils nentendoient
"point ce quilleurdifoit. l'avoue que cette
ignorance
Î4-
s E R M O K • I. IJJ
ignorance avoit été par le pafle excufa-
ble en eux; à caufe que raccomplifle-
ment des predidions de ce myftere n'en
avoit pas encore éclairci le fens , & que
le voile de laLôy le cachoit; defaffon
qu'elle n'elloit poitit préjudiciable au
falut des fidèles , qui ne laiflbient pas
d'eftre fauvez par le mérite du Meffie à
venir , encore qu'ils ne compriflent pas
dfftindement la manière dont il nous
racheteroit , affavoir par la mort de la
croixjla révélation divine étant la mefu-
rc de nôtre foy. Mais depuis que le Sei-
gneur lefus Chrift eut expreflement dé-
claré ce fecret à fes Apôtres, corne nous
l'avons entendu en des termes qui ne
laiflbient aucun fujet d'en douter ; leurs
ïgnorances,&: leurs doutes fur ce point
font évidemment blafmablcs. Car coni-
ment pourroit-on excufer S^ Pierre, qui
venant d'entendre de la bouche de celui
qu'il reconnoift eftré'le Chriftje Fils du
Dieu vivant 5 qu'iilui falloit fouffrir la
mortiau lieu de recevoir^ette vérité
avecfoy^non feulement la révoque en
doute,mais la rejette co^ume une chofe
faufle Se abfurde, & qui n'aura, ni ne
pourra avoir lieu , Aî/ieuneflaife, dit-il,
i ; CeU
X34' ^^ ^^ ^(^t au Sctgn eu
Cela n arrivera point ? & il ofc mefmes re-
prendre le Seigneur de Tavoirdite, com-
me le tefmoignc TEvangcIifte ? Mais an
milieu de ce dcfordre , paroifl: auffi foa
afFedion envers le Seigneuruelle qu*il ne
peut ouïr ni fouffnr qu'il lui arrive du
m;a'. Car il eft clair que c'eft de là que
naiffoic cette forte contradiction , qu'il
oppofeaux paroles de fm Maiftre. En
quoy il s'cft laiffé aller à la préemption
de fa chairicntreprenant mal à propos de
reprendre fon Seigneur , &: s'ingerant de
lui donner confeilicomme s'il euftmieux
entendu que lui l-^s dcM^oirs de fa charge.
Et que celle ait ciè la faute de cet Apô.-
tre en cetfe inconfiderée réplique > la ré-
ponfe du Seigneur le montre clairement^
Car bien qu'il fufl !a douceur & la bonté
mefme , qui fupportoit la rudcfledefes
enfans avec une patience admirable , n'é-
teignant jamais le lumignon fumant , ni
ne brifant le rofeau cafle, neantmoins
il fut tellement épris d'une )ufte indigna-
tion à cette étrange proportion de Saine
Pierre, qu'il le rabroiia tres-rudemenc
avec une adion & des paroles qui tef-
moignoient la plus fenfible offcnfc qui fe
puide, 1 1 fe retourna , dit i'E vangcJifte,
comnae
Sermon L 13J
comme 'fi le difcours de TApôtre euft
ibiiillè fes faintes oreilles 5 ainfi que nous
avons accoutumé de rompre brufque-
mcnt avec ceux qui nous entretiennent
de chofes facheufes & oflFenfives , en leur
tournant le dos. loint qu'il vouloit que
fcs autres difciples entendiffent fa répon-
ce , & fceuflent avec quel reffentiment il
prenoit ce qui lui avoit été dit, tant pour
les inftruire eux mefmes , que pour mor-
tifier davantage la témérité de S. Pier|:c>
en le châtiant non en fecret & à part,
mais en la prefence des autres. En fuite de
cette adipn , qui devoit-desja percer le
cœur de fon difciple jufques au vif, il
ajoute ces paroles foudroiantes. Fa ank-
Yt de moy Satan ; Tu mes en fcandale. Car
tu ne comprens foint les chofes qui font de
Dieu \ mais les chofes qui font des hommes.
O Dieu I quel devint alors ce pauvre dif-
ciple ! voyant ce bon & foHvcrain Sei-
gneur fi offensé de fon prétendu confeil,
&: fi indigné contre lui : entendant cette
mcfme bouche facrée, qui avoit nague-
res loliè & élevé fa foi dans le ciel, le
précipiter maintenant par manière de
dire jufques dans les enfers \ &: au lieu de
ces douces paroles , Tu es bien- heureux
i 4 Simof»
1^6 De la Mort du Seigneur I e s v s^
Sifnônpsde lonài- Tu es PterrèyO- fur cette
pierre jedijîeray mon Eglife ^ tonner main-
tenant celles ci 5 Fa arriéré de moy Satan.
Tu m'es en fcandAc^. Peut^éftrc, Chers
frères, que la faute de l'Apôtre fe pou-
voir guérir àmoinSj'veu raraente arnôur
qu'il portoitàfonMaiftre. Mais le Sei-
gneur a ménagé cette occafionpour hô-
trebieni &^ voulu nous montrer en la
personne de cedifciple, l'un de fes plus
grands &: plus favorifcz miniftres, com-
bien il a en abomination la prefomption
de nôtre chair, afin de nous former par
cér exemple à une famte & hwmble do-
cilité. SPierreen refiftant àccs fouffran-
€es du Seigneur avoit eu , ce me femblç,
une bonne intentionilui femblànt que ce
feroit chofe indigne que le Fils de Dieu
combalt en cet opprobre. Et neantmoins
vous voiez comment le Seigneur le ren-
voie; &: fans écouter feulement fes pré-
tendus avis, dés la première propofition
qu*illui en fait, il rappelle Satan -i & lui
comtnande de fe retirer, ^ lui reproche
qu'il lui eft enfcandale : tous rermes,côme
vous voiez , très piquans , 6c qui tefmoi-
gnent une irritation , 5c une deteflationi
èxtrefme. Car quel mot fçauricz-vou^
treuve^
s E R M O N I. 137
treuvcr plus rude , 5c plus offenfif que
celui de Sacan>qui eft le nom du Diable,
& fignifie pnopïcmcnt adverfaire^lc Sei-
gneur montrant par là , qu'il ten'oit pour
iotï ennemi, &:pour organe de Satan,
quiconque le vouloit détourner de (ouf-
frir les chofes, auxquelles il étoit ap-
pelle par le Pere.Et en effet S. Pierre re-
iîftant à ce confeil de Dieu par un zélé
incofifiderè , faifoit fans y penfer^l'office
d^un ennemi , & d'un miniftre de Satan.
11 ajoute qu'il lui eft en fcandale ; parce
qu'il le dérournoit de fa vocation , &:
l'empefclîoit entant qu'en lui étoit, de
rendre à fon Père cette admirable obeïf-
fance,qu'il lui demandoit pour fà gloire,
6l pour le falut du monde; de forte qu'il
ne tint pas à cet Apôtre , que lui mefme
& route i'Eglife ne demeuraft prfvée de
la grâce de Dieu, & de fon royaume;
tant eft aveuglé nôtre prudence dans les
chofes celeftes i Et le Seigneur décou-
vre en fuite la fource de tout ce mal,
quand il ajoute , Car tune comfrens foint
les chofes qui font àc Vieu > mm les chofes
qui font des hommes. ]>io\xs ne voionspas
les raifons de cette profonde fîtpiènces
gu^eft cachée dans toutes les voycs de
Dieuà
ï^ De la Mtirt dd Seigneur I e s v s .
Dieu ; mais examinons feulement (es
ccuvrcs félon les règles & les maximes
de la prudcce humaine;quin ont qu'une
vainc ombre,&: une fauflfe apparence de
laifon.C'eft juftement ce qui abufa Saint
Pierre. Car la mort & l'ignominie paf-
lancdansle jugement humain pour des
maux cxtrcfmes^ilcrcut qu'il étoit de
É>n 'devoir dempefcher autant qu'il
pourroit , le Fils de Dieu de les foujffrir;
îî;econfiderant pas les grandes & admi-
rables caufes de la conduite de Dieu en
cette œuvre. Que ce zèle ardent du Sei-
gneur lefus allume une flamme fembla-
ble dans nos ccrurs,* pour cheminer cou-
rageufement dans nôtre vocation , &
tenir pour un Saxan, quiconque nous en
Tcut détourner fous quelque prétexte,
&: avec quelque affection que cd foit;
fiift-cc un difciple , fuft-ce nôtre enfant,
fuft-cc un Apôtrcj^: comme dit S.Paul>
«n Ange du ciel. N'y preftons pas mefme
îorcille. Rompons promptement avec
Satan, dp quelque organe , qu'il fe ferve
pour nous fcandalifer j & lui difons har-
diment des Tabord , Va arrière de mo')/^
Satan* Mais faifons aulTi nôtre profit de
iCclcc picoiable faute de Pierre , que l'E-
criture
Sermon I. îj9
criturc nous propofe pour nôtre inftru-
âion. Donnons nous garde d'y tomber
jamais ; & pour cet effet adorons avec
une parfaite docilité toutes les yeiitez
de Dieu,nous contentans de fa Volontés
fans jamais rien entreprendre au con-
traire, quelques plaufibles que nous pa-
roiffcnt les raifons de nôtre chair. N*al-
Icguons point nos bonnes intentions, là
où il eft queftion du fer.vice de Dieu. Le
Seigneur lefus avec cette fienne ref-
ponfe comme avec un marteau de fer, a
mis en pièces toute cette prefomption
de rhomme ; brifant en un mot toure la
prudence de la chair, & la renvoiant aux
enfers , comme va fruit &: une produ-
dion de Satan, qui avecque les belles SC
fpecieufes couleurs, dont il farde fcs fug-
geftions , ne cherche qu'à nous débau-
cher de la vérité & du falut i qui Sepend
tout entier de la voix & de Tordre de
Dieu, & non de la fantaifie, ou des in-
ventions des hommes. Embraflbns fur
tout avec une ardente foy la mort du
Seigneur; qui lui a été fi precieufe, que
non feulement il l'a foufferte çonftam-
ment &: genereufement , mais n'a pas
mefmes pu fupporter la moindre parole
de
I ^o BeU Mort du Seigneur I E s V s •
de Ton Apôtre au contraire , recorinoiÀ
fant que c'ctoit le principal de fa voca-
tion, & le grand chef-d*œuvre de lafa-
gefle,bontè,& juftice du Pere.Etouifons
à fon exemple , tout ce que la chair oze
gazouiller contre ce grande adorable
myftere. Auffi ferions nous beaucoup
plus inexcufables , que S.Pierre , fi nous
tombions maintenant dans une erreur
femblableàla fienne. Car pour lui^il ne
fçavoit pasencore les raifons de ce tny-
ftere;qu*il apprit depuis , tant de la bou-
che de fon Maiftrcjque de la lumière du
Saint Efprit,dont ilfut baptizè; & qu'il
cnfeigna fidèlement à TEglife , &: par fa
prédication 5 d«: par fes divines épîtres,
qu'il nousalaifleeSj&furtoutparlapre-
miercioù comme s'il eult eudeflein de
reparer le fcandale de cette refiftance,
qu'il avôitfaiteàlamortdu Seigneur au
ÎC'mps de fon ignornnce , il nous inftruic
«xcellemment de fa necefllîtè , &: de fes
fruits, conformément à ce que tout le
refte de l'Ecriture nous en dit. Premiè-
rement cette mort a parfaitement ex-
pié le pechè du monde ; le fang,la fouf-
f rance,& la malédiction de cet innocenr
Agneaujqui fut immole en !acroix,ayant
fatisfait
s E R M O N I. I4t
fatisfait pour nous àlajuftice du Pères
ce facrifîce plus précieux que toutes les
viftimes, & toutes les richefles de Tuni-
vers,a par fa douce odeur appaisè la co-
lère de Dieu contre pous , &c nous l'a
rendu propice & favorabkjfelon ce que
dit S. Pierre que lefm-ChriJÎ a forte msi.vkrrz
péchez en [on corps fur le hoîs , é que far fa "•''^•
b^tture nom avons été guéris En après cette
mort a ouvert & fondé nôtre fandifi-
cation , en laquelle confifte principale-
ment nôtre falut,& fans laquelle nul ne
verra Dieu.Car premièrement cette rcr
miflîon de nos pechez^qu'elle nous a ac-
quifceft le feul principe de nôtre fainte-
tè ,' n'étant pas polTible en l'état où nous
fommes maintenant, que nous aimions
Dieu véritablement , fi nous ne fommes
arteurez qu'il nous pardonne tant de pe-
diezj dont nous fommes coupables ; au
lieu que voiant par la croix de Chrift,
qu'il eft preft de nous embrafîer en lui,
&: d'oublier toutes nos fautes paffées,
nous prenons ctîurage de l'aimer, éi£ de
le {ervir, en quoi confifte ( comme Vous
fçavezj la vraie faintetè. Joint que ^ette
grande &: fouveraine amour quele Père
& le Fils nous témoiguentj'un aiant ex-
posé
141 I>e U Mort du Seigneur I £ s v s .
posé fon Vnique à une mort (i cruelle, &
Tautre Talanc volontairement foufferfe
pour nous , touche nos âmes d'une réci-
proque amour envers eux. De plus, le
Saint Efprit , la feule &: unique caufe de
toute faintetè ,&: charité, nous a été ac-
quis par la mort de Icfus-Chrift. Car ce
facrè gage de l'amour de Dieu ne fe don-
nant qu à ceux,à qui le Perc eft propice,
il eft évident que jamais nous ne Teuf-
fions receu, fi le Fils n eufl: par fa doulou-
reufe mort appaisè le Père envers nous;
Si bien qu'il eft clair que fans cela ncius
fuflîons éternellement demeurez dans
lafervitudcdu pechè. En après cet il-
luftrc enfeignement que la croix de.
lefus-Chriftnous prefente,de l'extref-
me horreur &: malignité infinie du pe-
chè,telle qu'il n'a pûeftre expié, que par
la mort du Seigneur de gIoire,allume en
nos cœurs une ardente haine contre une
fi exécrable pefte i mortifiant les afFe-
âions &: les palTions que nous avions na-
turellement au mal : à raifon dequoi l'A-
pôtre dit, que nôtre vieil homme a été
crucifié avec lefus-Chnft , &: que nous
fommesmorcsavccquc lui. Eiifin cette
mort du Seiencur fcrt ciicoïc à nôtre
faniii-
Sermon L î4-
fandificationj en ce qu'elle nous pre-
fente comme dans un excellent tableau,
les vives & achevées effigies de lobeiT-
iance , charité , foy , patience, humilité,
bénignité , confiance , & en un mot de
toutes les vertus efquelles confifte la
faintetè deTame fidèle 5 félon ce que dir
S. Pierre, que Chrijl afouffert four nom^^'^''^*
nom laij[a?it un patron , aj^n que nous enfui-'^^^
vionsfes traces. Mais fi cette mort a été
neceflaire pour nôtre juftification &:
fanaification,_elle ne Teft pas moins
pour nôtre confolation. Or première-
ment c'eft elle qui a répandu dans nos
âmes tout ce qu'il y a dejoye-fpirituclle,
par le feniiment de la paix de Dieu,
qu'elle nous a meritée,-6d par refperance
de Timmortalitè, qu'elle nous a acquife.
Sans elle nos confciences fcroientdans
un continuel efFroy i comme vous voicz
par expérience , que tous ceux qui cher-
chent leur falut ailleurs qu'en elle, n'ont
aucune vraye & folide confoIation,étanc
inceffamment dans le doute & dans l'in-
certitude. Mais cette mort du Seigneur
nous foûtient Zz nous confolc particu*
lierement dans les foulFrances^necef-
fairement attachées à la profefTion de
l'Evangile?
144 ^^ U Mort du Seigneuries y ^^o
l'Evangile i où jîous demeurerions en-*'
crloutis/i Texemple ô^ la vidoirc de ce
divin crucifié , qui a fandifiè toutes nos
croixparlavertu delaiîenne 5 ne nous
relevcit le couragemous montrant qini
eft bien raifonnable^que nous ne foyons
pas exempts des maux pat où il eft pafsè,
puisqu'il eft nôtre Chef &: nôtre Mai-
ftre,&: nous ks membres,^ fes difciples;
&:que comme l'infamie &: les douleqrs
qu*il a fubies,ne l'ont pointempefchè,ni
d'eftre le bicn-aimè de Dieu, ni de mon-
ter en fon royaume j nos épreuves tout
de mefme, quelque rudes Ôi honteufcs
qu elles femblent à la chair , ne nous
priveront pourtant jarliais ni de fa dile-
dionjni de fon héritage. Doùparoift
enfin que de toutes les oeuvres de Dieu
il n'y en a , &: n'y en peut avoir aucune,
d où il lui revienne une plus grande , &:
plus abondante gloire , que de la mort
de fon Fils ; étant clair qu'il n'y a point
de plus illuftre,&: de plus magnifique
document de fa puifTance/agcire, jufti-
ccô^ mifcricorde infinie , que la rédem-
ption du genre hiifnaiu, méritée &: pro-
curée par cette mort , de la faffon que
nous venons de le dircConfcflbns donc
avec
Sermon I. I4j
avec S. Paul,qiie quoy que s'en imagine
rextravagance du luif &c du Gentil, qui
s*cn fcandalife , ou s'en moqUe, c*eft
ncancrnoins véritablement la puiflancc
6c la fapience de Dieu , le chef-d'œuvre
de fa grandeur , le falut des horhmes , 5t
Tadmiration des Anges ; ôd au lieu dé
cette def eftable voix , que la chair inspi-
ra à Pierre dans le trouble de fon i8;noi-
rance^ fi juftem^u, &r fi rudement thâ^
tiée par le Seigneur , difohs tout au con-
traire^A Dieu ne plàife que Icfu<;-Ghriri:
n'ait point fouffert pour nous. 'Cela lui
eft arrivé ; & bénit foit le Pcré qui l'a:
ainfi ordonné, &: bénit foit le Fils qui y
a confenti ; & maudite (bit la folle pru*
dcnce de la chaire dufang, qui treuve
quelque chofe à redire dans cette faintë
éc adorable difpêfation du Seigneur. Ce
font- là, Frères bien-aimcz, les penfées
qui doivent fandifier vos cœurs , pour
vous approcher dignemeht de cette
table facrce,oi^i le myftere de cette ad-
mirable mort vous fera & reprefentè 5c
communiqué Dimanche prochain. lefus*
Chrift vous y fera offert mort pourvoi
péchez , froiffé pour vos iniquitez^aianc
en luylavenuneceflaire pour la iidur-
k heure
14^ Delà Mort du Seigneur I e s r s .
riture &: la coufolation de vos âmes. Ap-
portez y des cœurs préparez à bien re-
cevoir ce grand & ineftiaiable prefentt
touchez d'une finccre repentance de vo!5
fautes , ô^ d*unc vive fqy , qui n embraffc
autre Sauveur , que lefus , & ne cherche
fon faiut qu'en fa feule croix. Apportez
y une ferme refolution de bien ^ faintc-
ment vivre à l'avenir. Dépoiiil|ez aux
pieds delà croix de lefus-Chrift toutes
les folles paflîons de vôtre chaire Vun la
haine; Tautre Tavarice; l'un Tambitioni
lautre la luxure: chacun toi|s les vices,
dont il fe fent travaillé. Regardez le Sei-
gneur lefus fouffrant pour vous en la
çroix,& vous atirez honte de vos fautes.
Ambitieux, comment avez vous le cœuc
de fonger aux vanitez de la terre , voiant
le Roy de gloire en croix pour vous? Lu-
xurieux, comment n'avez vous point
horreur de vos falcs plaifirs, voiant le
Fils de Dieu mener une vie , & fouffrir
une mort û douloureufe pour vous? Ava-
ricieuxjcomment cftcs vous fi afpre après
les biens & les commoditez delà terre,
faifant profefTion d'eftre le difciple de
celui , qui a vefcu dans la pauvreté, & eft
mortnudlur une croix ? Et vous, ame
colère
s E K U o tj î, ii\.y
Colère & impla.cable,çômcnt haïflez vous
vos fieres,&: vos amis,voyanc ie Seigneur
lefus fouffrn: la mort pour fes ennemis?
Eft-ce là pécheurs, Timprellion que. la
mort du Fih de Uieu a faite dans Vos
coeurs? Eft-céainiî qu'il a mortifié vos
viCes.par la vertu de fa croix? Uenoncez-
y au moins déformais \ revcftcz les en-
trailles de fa bénignité 5^ chaiiè. Remet-
tez gayc*net à vos frères les- deniers qâ'ils
vous doivent, puis que le Seigneur vous a
acquis par fa moficla remife des talés que
vous deviez a Dieu.Nefoycz pas chiches
de vosaumofnes à celui qui vous adoanè
tout fon fang. Souffrez gayement ces lé-
gères incammoditez,qui fe prefentent en
nôtre courfe,pour Phonneur de celui qui
a fouffert la maledidion de la croix pour
vôtre falut* Aimez celui qui vous a tant
aimez)&î Je fcrvez fidèlement , puis qu'il
vous a rachetez par fon fang précieux. Si
nous le faifons, comme je refpere5&: len
fupplie de toutes mes affedions , Chcr$
FrereS)il news paillra,&: nous conduira,^^
nous confolera en ce fiecle ; &: nouscou-
ronnera en f autre de cette fouveraine &s
I cterncUe gloire, qu'il nous garde dans les
deux. AlNSJ^TbOIT*!!.
k z DELA
h8
DE LA MORT
DE NOSTRE SEIGNEVR
lESVS-CHRIST.
SERMON DEFXIESME.
Sut les vcrfets zz. 15. 14. 15. 26. 17.28.2^.
30-31 3M5-H.3536 37- du Chap: X y.
de l'Evangile félon S.Marc.
22. Et puis les gendarmes le rfienerent en
h place de Golgotha^ qui vaut autant à dire
que laplace dutejl,
23. Puis ils lui donnèrent a boire du vin
tnixtionne avec de la ntyrre , mais il ne le
pritpoint^
24. Et cfuand ils l'eurent crucifie y ils dé-
partirent Jes veftemens , en jettant le fort
fur iceux i pour fc avoir ce que chacun en
remporterait .
25. Or eftoit-il trois heures quand ils le
crucifièrent.
2é. Et le di6îon de la condamnation por*
toit en écrit, LE ROT DES IFIPS.
27. ils crucifièrent atifitavecque lui deux
brigands , tun a fa mxin droite , é' l^^titre h \
fagauchc^» "
' 28. 4inf$
Swr m o k II. 149
iS. Ai9ffif ut Ac<:ûmf lie l'Ecriture, qui âity
Et il â. été mis au rang des malfaiteurs,
-a^. Et ceux qui fa([oient frés de la lui
ai fuient outrages , hochans leurs f€fles , ér
âifahs y Hé toi qui desfais le Temfle , é" ^^^
trots jours le rebahùj
30. Sauve toy toj-mefme ^ érdefce» dt
la croix, #
31. Semhlablernent auj^i les priffcipaux
Sacrificateurs mefmefe moc quarts av^cque les
Scribes difoient les uns aux autres ^ Ha fauve
Us autres-t Une fe peut fauver foy-mefmt^.
31. ^e le Chrijl-, le Roy d^lfraél défende
maintenant de la croix , afin que nous /c-»
voyions (^ croyions. Et ceux aufii qui étoient
crucifie'^ avecque lui , lui àifùient outrages^
33. M^is quand il fut fi x heures -^ ténè-
bres fur eh faites fur tout le pais jufques à
neuf heures.
-54. Et à neuf heures lefuscria à haute
^oix , difant , Eloi^ Etoï, lammafaba^hanfi
qui vaut autant a dire que , M4in Dieu , mon
Dieuy pourquoy m' as- tu abandonné ?
5 W ^^ q^^iq^^s-uns de ceux , qui étoltnt
là p^ens , aiant oui cela , dif oient , Foici il
appelle Elic^.
? «36. Etquelcun accourut é' emplit unc^
éponge de vinaigre , é' ^^ ^^^ ^ [entoura' un
k 5 rçfeaUi
150 De U Mon du Seignei^l^ e s v S .
YoÇeAUyé'lui en batUa a hotrei di[ant^ Valons
fi Elie vie^.^ra pour Coter.
57. Et lejus afres avoir jetù i4n ^nd
tri ^ rendit iejprit.
Ij HiiRS FjBLERES^f
Bien qu'il nV ait aucun jour en Tan-
iiec,qui ne doive eftre confacrc à la mé-
ditation de la mort du Seigneur lefus,
J'unique caufe de toute nôtre vie , & de
tout nôtre bon heur i fi eft-cc que nous
fommes particuliercmentobHgcz àem-
ploier celui-ci en ce falutaire exercices
tant parce qu'il eft folennellement dediè
à cet uf^ige entre les Chrétiens, que par-
ce que c'cft le temps de nôtre prépara-
tion à la fainte Ccne , à laquelle nous
fommçs conviez pour Dimanche pro-
chain. Afiu donc de fatisfaire à la dé-
votion de ce jour, & pour nous acquiter
d'un fi necelTaire devoir, j*ai choi^pour
lefujetde cette aftion le textequrvqus
avez oi:ï,oii S- Marc nous raconte cette
^ouloureufe Se precieufe mort^que lefus
\ç plis unique du Pcre^ fait homme pour
\ nôtre
s E RM O K IL IJI
l^ôtre falut , fouffric jadis en ludéc , pour
rexpiâtion de nos crimes. A la vérité,
j'eufle bien defirè de vous en pouvoir ex-
pliquer rhiftoire entière , les préparatifs
du Seigneur à ce grand combarjangoiffc
de fon ame , & les grumeaux de fang
qu'elle lui tira des vencsdansle jardin
des oliviers, k violence de ceux qui te
prirent, Timpietè deslutfs qui l'accufe-
rent ; Tinjudicc de Pilate^qui le condam-
na, la profanetè d'Herodc^qui s'en moc-
qua ,rin(olencc des bourreaux, qui le
foiieterent5&: qui le couronnèrent d'épi*
r*es,&: le codVrircc de crach'ats, de coups,
& d'outrages ; n'y aiant rien en tout cela
qui ne foit plein de myfteres très-utiles à
nôtre édification & confolation. Mais
l'heure deftinée à ces exercices ne fuffi-r
fant pas pour un fi ample &: fi «tendu
fujetîj'ai été obligé de me réduire à con-
fiderer feulement la dernière partie du
tableau,que nous en â laiiTé l'Evangelifte
ojj vous voiez lefus en fuite de l'inique ô^
cruelle condamnation de Pilate^conduit
en la montagne de Calvaire, & là cîoiiè
tout nud à une croix entre deux brigands
crucifiez pour leurs forfaits 5fouffrir en
cette extrefme ignominie , les douleurs
k 4 les
Iji He la Mort duSeigKearÎESvs'.
les plu. aiguës, & les outrages & oppro-
bres U plus ûnglans qui fe puiffent dire,
& après avoir paffc quelques heures dans
çe't eiat fi cruel, & fi honteux , que le So-
leil s'en cacha d horreur , e'clattct tout à
coupenunetres-an-.ere cojnpiainte , 8c
enfin rendre fon Efprit au ii}iheu de cçs
tourmens, Et bien que l'çrdre de cette
narration foit a^ez clair de lui mefme,
neantmoins pour vôtre plus grand foula-
gement > nous diviferons tout nôtre dif-
cours en trois parties principales. La
première contiendra les chofes qui pré-
cédèrent le crucifiement du Seigneur : la
féconde, le crucifiement mcfme avec (es
çirconftances,& la troific{mc,la mort en
laquelle fe termina la foufFrance du Sei-
gneur en la croix.
^ Dans la première partie ilncfepre^
fente que deux points à confiderer : l'un,
que le Seigneur fut mené au Calvaire ; &
l'autre qu-.Ircfufa du vin mixtionnè de
niyrre,quon luy bailla à boire. Je laifle là
les foi.gcs de plufieurs anciens for le pre-
mier point qui tiennent qu'Adam le père
du genre humain,e'toit enterré au lieu 014
le Seigneur fut crucifié ; afin que la terre
pu repofoitle corps du premier. pécheur,
fuft
Hleron,
^Sermok II. ^ m
fuft la première arrofée & purifiée du
fang du Sauveur du monde i pretendans
que c écoic la raifan pourquoy ce lieu
ecoic nommé Golgoiha en Hébreu , ÔC
Calvaire en Lacm;c'eft à dire la place du
Teft. Cette opiniort a été à bon droii^
châtiée par S-Ierofme, * côipe une çradi- * ^^^
tionvaine,& fondée fur la feule fantaifie ^^jj^
dcceuxquilontmifeen avant-, & ileft<- vbj.
évident que la raifon de ce nom eft jufte-
nient c#lle qu eti allègue ce dode Père,
affavoir^que le lieu étoit nomme Golgo-
tha, ou Calvaire , parce qu'il étoit plciri
detefts, decarcaffcs, &: doffemens de
morts , come étant le lieu où l'on execu-
coit les malfaideurs à mort,&: où Ion en-
terroit leurs corps. Le Seigneur fut con-
duo en ce lieu infâme , afin que cette cir-
catiftance rendilUon fupplice plus igno-
minieux. Cétoit là toute l'intention d^
hommes qui le faifoient mourir : Mais le ^
Père éternel , quigouverna toute la pa^- 7
fion de fon Fils avec une providence tres-
particuliere,rçgardoit ailleurs, comme Iç
remarque divinement le faint Apôtre
dans fon Epître aux Hébreux , où il nous
cnfeigne , que lefus fouffrit hors la porte «^^. <j.
de krufalem , pour fandifier le peuple "*
pV
154 De la Mort du Seig^eur^ESvs*
par fon propre fang , afin d'accomplir
l'ancienne figure des viûimes hidaï-
ques , dont le fang étoit porte dans le
Sanduaire pour lexpiation du pechc^
Car les corps des animaux immolez en
eette forte de facrifices , étoient brûlez
hors du camp , félon Texpreflc ordon-
if^it'j^ nznce de MoiCc y au i6. Au Levitique. A
27. . . \
quoy nous pouvons encore jomdre \\n
autre type , aflavoir cekiydubouc Ha-
zazeUqui au grand jour folcnacl de la
purification, étoit envoyé dans ledefcrt
hors du camp &c de la cité d'Ifraël, char-
ge des péchez du peuple. Le Seigneur,
la vraie vidime dlfraël5& Tunique pro-
pitiation du monde, reprefenté parces
figuresjaiant chargé fur foy nos peôhez,
pour les emporter fur fon corps , a<|i fi
que parle S. Pierre , [a pareillement çcè
conduit hors de Ierufalem,le typedc
l'état & delà republique des enfans de
Dieu dans un lieu infâme &: deftinè aux
feuls malfaiftcurs ; pour vous apprendre,
ô Chrétienjque lefiis s'dl fait anatheme
pour vous 5 qu'il a été retranché , & no»
Vm.$. four foy^ comme l'avoir prédit Daniel;
^^' que votontairement , & pour Tamour
qu'il vous a portée,il a été côme feparc,
& re-
s E R H*0 N II. IJ5
& rejette pour un temps de la commu-
nion du peuple des bien-heureux. Il ^ft
forti de laville depaix, afin dcvousy
introduire, êc établir pour jamais .- 11 eft
allé au Calvaire , le fejour de l'horreur»
de la mort, & de rinfamie, afin de voiTs
en tirer : ôc comme l'Apôtre exprime le
tout en un mot 5 il a été fût mdedïcîïony Gd. 3^
Afin de vetis en racheter. Mais quelque hi- '''
deux que fuft ce trifte lieu,où il a.^'cè
conduit pour vous 5 il ne laifla pas d'y
planterles trophées de fa viftoire.L'hor-
rcur du Calvaire rehaulTa Ja gloire de
lefus&: la puanteur de ce lieu infâme,
tout couvert de vilenie , &: de pourritu-
re, n'a pas empefchè la douce odeur de
fon facrifice , de s'clevcr jufques aux
cicux dans le plus haut fanftuaire de
Timmoftalitè, & de fe répandre en fuite
par tout l'univers. Le Seigneur étant
donc parvenu en ce lien, oùfc dcvoic
exécuter fon fupplicc , avant que de le
mettre en la croix, on lui donna à boire
("dit rEuangelifte ) du vin mixtionnè
avec dé la myrre , mais il ne le frit pint.
Quelques-uns imputent ce breuvage à
la cruauté des Iuifs;comme fi noncon-
fetis d'affliger tous les autres fens du
Seigneur,
j^6 De la Mort du SégneHy\^%vC
Seigneur ils euffent encore voulu tra-
'piller fon palais bL fa langue de cec
amertume. Mais il y a > ce me femblc,
beaucoup plus d'apparence de le rap-
porter Amplement à une coûtume,qui fo
pratiquoit ordinairement parmi ce peu-
ple. Car ceux quiont curieufementre-
» G^.cherchèlcursanciquitez5*difent avoir
ï^^- treuvè dans leurs livres, que jadis quand
le criminel étoit condamné à la mort,
on luy faifoit boire du vin d'encens,pour
Tcnyvrer promcement, bi lui troubler
lej'igementjafia qu'aianr par ce moien
les {^\\s> comme noyez &: endormis , il
cuft moins de crainte & d'efFioy , & fen-
tift moins les tourmensj&s les douleurs
de fon fupplice:&: comme c'étoit leur
ordinaire d'abufer ridiculement de la
Sainte Ecriture , qu*ils fondoicnt cet
ufage fur ce que nous lifons dans les
yyov.3r. proverbes, Donne:^Ucervoife à celui qui
s en VA ferir , ^ le vin ^ ceux qui ont le cœur
^/#/r>i comme file Sage en ce lieu- là qui
regarde évidemment ailleurs, avoir vou-
lu nous ordonner de faire cnyvrer les
patiens prefts à eftre exécutera mort.Cc
vin mixrionnè de myrre^qu'ils prefcntc-
rent au Seigneur avant qu» de le mettre
ca
^ ' Se Ti M o K JI- iy7
en croix , «tbit fans doute de cette na-
ture, ft préparé pourcéc ufage. Et ce
breuvage étant tel que nous venons de
vous !fe décrire,propre & à troubler la rai-
fôn , & à adoucir le fentiment de la dou-
leur , ilnefaut pas s'étonner que le Sei-
gneur l'ait refusé ; puis que tait les quali-
tez de fa perfonne,que le dclTeindefa
paflîon'requeroient & qu'il euft les fer s
nets à: raflîs jufques au dernier de fes
foûpirs, &: qu'il rcffentift vivemenr ks
douleurs de ce (upplice, qu'il foufFioit
pour nous. Apres qu'il eut rejette ce
breuvage , ces impies exécuteurs de la
cruauté des luifs le mirent en croix ; ôi
Vcft la féconde & la principale partie de
tette aclionioù nous aurons à confiderer
preniiierement la chofe mefme , c'eft â
dire le crucifiement du Seigneur, &: puis
en fuite les circonftances que TEvange-
lifte en déduit. Quant à la chofe rtiefme,
il nous la reprefente en un mot,en difanc
Amplement qu'ils le crucifièrent i parciè
que ce fupplicc étant commun alors par-^
iTii la plufpart des nations ; il étoit connu
àjchacunjôibien que la révérence du Sei-
gneuren aitaboli l'ufage entre les Ghié-
tiens,.fi eft- ce qu'à peine y-a-t'il -aucun en
lf,glife
158 De la Mort du Seigneur I è s v l#
l'EgUfe^ui ne fçache ce qu^cétoit. Ofi
cloiioit les pieds &: les mains du JUimmel
à un bois fait en la forme que Ton peint
ordinairement la croix; puis aiant (ilancè
le pied de ce bois en terre ^ en telle forte
que le tronc deineuroit clevè en haut, oa
laifToitlà le patient attaché, jufques à ce
que la douleur des tourmens Teuft peu
à peu confunlè ; fauf que le plus fouveut,
après les avoir fait languir quetquetêps,
plus ou moins félon la qualité de leurs
crimes, on abregeoit leur foufFranceea
haftant leur mort par quelque coupd'é-
pée,ou de lance;coma1e on en ufa envers
les brigands crucifiez avec nôtre Sci-
gn^r. Maij outre tçs douleurs » quj^
ctoient cxtrefmcs dans ce fupplice , îa
honte en étoit auflitrcs-grande. Car on
n'avoit accoutumé défaire mourir en la
croix <jue les pires, & les plus infâmes
criminels ; ceux que la baffeffe de leur
condition , ou Texcez de leurs forfaits
rendoit indignes d aucune confideration,
telsqu'étoicnt desefclaves fugitifs,ou des
voleurs publics, ouïes aureurs d'une ré-
bellion contre les Magiftrats d'un Etat.
A quoy il faut ajoilcer que les luifs avoiêt
particulièrement cette forte de fupplice
en
Sermon II. i^^
en execratioa>à caufe de la malediCbion,
à laquelle il aflT^ecciffbic les paciens, félon
cette épouvantable voix de leur Ipy ^^ue^'*'^'^'
mmdit eft tout homme qui fend au bots.
G'eft donc ce cruel, & infâme, & abonW-
nable fupplice, qui fut alors exécuté fur la
tres-innocente,tres-jufte , &: tres-fainte
perfônc du Seigneur Icfiis.Ce facrè corps,
le précieux ouvrage du S. Efprit,le domi-
cilc de la faintetè , le temple de la divi-
nité : ce corps , à qui les hommes &: les
Anges doivent une adoration fouverai-
ne., fut alors cloliè à une croix par les
mains des bourreaux. Ces pures, &:falu-
taires mains , qui avoient guéri tant de
maladies, qui avoient rendu le mouve-
ment aux paralytiques, la veuë aux aveu-
gles , iQuïe aux fourds , qui avoient été
tant de fois reconnues & révérées parla
nature, furent alors cruellement tranf-
percées de doux i &; l'abominable fer du
luif viola les pieds qui portoient le Sau-
veur du monde ,(S«: que les flots de la mer
.mefme,le plus fourd, &: le plus infenfiblc
des elcmens , avoieiat fi humblement re-
fpedez. Mais quelque cruel, honteux ^
maudit que fuft ce fupplice en lui-mef-
me,fi eft- ce que les circonftances qui ac-
compa-
léo Delà Mort du Seigneurl e S v s .
compagnerent la croix de lefus, rendent
encor le fien plus grief ,& plus indigne-
L'Evangelifte nous en remarque quel-
ques-tmt^s , qt^il nous faut maincenanE
cônfiderer. La preniiere eft, que le Sei-
gneur aiant éce crucifié nud, les gendar-
mes Romains , miniftres de cette cruelle
ti inique execufion, partagèrent fesvc-
ftemcns,en jeitant le fort pour fçavoir ce
que chacun en emporteroit. l'avoué que
cétoit l'ordinaire que les dépouilles des
patiens condamnez à mort par la fenien-
ce des luges, demeuraffent aux exécu-
teurs; comme il fe pratiqije encore au-
jourd'hui. Mais tant-y-a que c'eft une in-
dignité infupportablcde voir réduit à la
nudité celui qui reveft les cieux de leurs
ctoilcs,la terre de fes fleurs , les elemçns,
& les autres créatures de tout ce qu'elles
ont de beauté &: de perfeaion;& que
trois ou quatre marauts jouent, par ma-
nière de dire , à trois dez l'habit du fou-
verain Seigneur de l'univers. Odoux&:
mifericordieux lefusîà quel point de baf-
felTe t'a réduit l'amour que tu nous as
portée ; Tune t'es pas contenté de dé-
pouiller pour nous la fv>rmc de Dieu , &:
de prendre celle d'un homme , ctanc
treuve
Sermon II. i^i
treuvè en la figure d'un ferviteur : Ce ne
t*a pasécèaffez de renoncer pour nous
àla gloire de tes riche{îes,&: det'aflujec-
tir à une grande pauvreté , n'aiant pas
mefmeseu durantles jours de ta chaire
ce que tu donnes aux oifeaux,&aux
moindres animaux, un lieu pour rcpofcr
ton chef. Tuas meimeslaiffé pour nous
ce pauvre habit qui couvroit toncorpsî
&C aiant tout quitte aux hommes>n*as re-
tenu pour toy que la nuditèjla diiette, la
foufFrance > la douleur &: rignominie,
Carc'cft auflî pour nous. Frères bien-
aimez, qu'il s'efl: mis en cet état. Ceft
pour nous remplir qu'il s'eft anéanti foi-
mefme. Il s'eft dépoiiillè pour nous
veftir. Sa nudité eftnôtreornement, &
fa pauvreté nôtre richeffe. Le Père nous
Ta élevé tout nud fur une croix^ pour
nous montrer qu'il n'y avoir rien en lui
qui ne foit devenu nôtre par fon anean-
tiffement. Ceft à nous qu'appartient f^
juftice,fa faintetè , fon ciel , fon immor-
talité , fa gloire , &: tous les trefors de
cette divine naturcjquihabitoyent cor-
porellementen lui. Il ne s'eft dépoiiillè
de ces precieus, àc éternels joiaux , que
pour nous en parer i afin qu'en ctani;
ï couverts.
léx De UMort âtiSeïgntur Ies vs.
couverts, nous puiffions déformais entrer
dans la maifon de Dieu , & vivre en la
compagnie des Anges,- d'où nôtre nudi-
tèj& nôtre extrefme mifcre nous avoic
bannis pour jamais. Mais S.Marc ajoute
en fécond lieu , que le difton de fa con-
damnation portoit en écrit, Le Roy des-
Juifs, Les autres Evangeliftes nous ap-
prennent 5 que ce fut Pilate qui mit ce
titre , ou éloge du Seigneur au haut de la
croix.Il y a apparence que c'étoft alors la
coutume entre les Romains de déclarer
pour lexempleje crime des malfaiteurs
quils faifoient mourir, &: de l'écrire en
grofles lettres fur un petit aix,que Ton af-
lîchoitauhautdu gibet,oûs'executoienE
lescriminelsjafin que chacun le puftlire.
Or il eft clair par l'Hiftoire fainte , que le
crime fous le faux prétexte duquel lefus
fut injuftement condamne à Tinftance &:
follicitationdes luifs , c'étoit d'avoir at-
tenté contre lamajeftè de l'ctatdes Ro-
mains , en fe voulant faire Roy des luifs.
Mais neantmoins au lieu de le conce-
voir en ces termes , Pilate écrivit Ample-
ment , lefus Nazarien Roy des luifs ; &:
n y voulut rien changer, quelque remon-
trance que lui en fiffent les luifs , fçanda-
s E R M O N I L J^j
lîzez,&: piquez de voir que malgré rou-,
te leur fureur , leur Gouverneur mefme
dÔHoit à Icfus une qualité, quMs ne pou-
vpienc foufïrir:nommant leur Koy celui
qu'ils hayfToienc mortellement. Er cela
n'arriva pas ainlî fans une particulière
difpenfation deDieu. Qi^iant àPilatc,il
y a bien de l'apparence qu'il n'avoit autre
pcfée, que de le vanger en quelque forte
de la malignité & opiniâtreté dcsiuifs,
qui lui avoient fait condamner malgré
lui une perfonne dont il reconnoifloic
aflez finnocence ; &c que pour leur faire
d'épit^il mit dans cette affiche ce qu'ils
avoient le plus en horreur, leur donnant
un crucifié pour leur Roy. Mais cepen-
dant ce mefme Dieu, qui avoit autrefois
bénit fon Ifracl par la langue de Balaam,
& qui tout fraifchement avoit déclare
une des merveilles de l'Evangiîepar la
bouche de Caïphe, gouverna auffi cette
fois la main &: la plume de Pilate par
une fecrette providence, pour orner con-
tre fa propre penfée^la croix du Seigneur
lefus 5 du vrav & légitime éloge qui lui
appartenoit. Tu as dit vrai^ô Pilate. Cà
lefus cft en effet le Roy des luifs , le
Prince promis à cette nation , nai d0
1 i kut
a
1^4- ^^ l^ ^ort du Seigneur I e s v s ."
leur fang, &: manifeftè pour leur falut'fi^
pour le nôtre. Maintien hardiment le
titre que tu lui as donné ; Que la pailîon
des luifs.ne t y fafle rien changer.Cc qup
tuas écrit demeurera ferme à jamais
malgré leur fureur \ le monde en a desja
reconnu la vérité. Toy-mefme Tenten-
dras un jour tout autrement , que tu ne
faifois quand tu l'écrivis ; & alors ces
mefmes bouches 5 qui blasfement main-
tenant contre ce divin crucifièi feront
contraintes de lui donner la gloire,qu el-
les lai voulurent jadis ôter.C eft à la con-
duite de cette mefme providence, mes
Freres^qu'il faut rapporter ce que racon-
tent les autres Evangeliftes, que Pilate
écrivit ce didon de la prétendue con«*
damnation du Seigneur en trois langues,
cnHebreu,en Grec,&:en Latinrpour fi-
gnificr par là comme par un fecretpre-
fage , que le nom & la gloire de lefus (e
prefcheroit en toutes languesj^ que les
plus grands peuples de l'univers recon-
noillroient, & beniroient chacun en fon
langage, la monarchie fpirituellc de ce
divin crucifié. L'Evangclifte remarque
en troidefmelieu, que Con crucifia, aufi
àeux brigands avecque le Seigneur , l'un a /a
mam
Sermon IL i6$
mAtn droites , é* l'autre kfagauche-.é' ^infh
dit-il,/»/ Accomplie CEcriture.qui dït^ Et il a,
été mis au rang des malfaicieurs. Le mot de
hrïgand aianc dans Tufage des langues
originelles une fignification plus éten-
due qu en la nôtre , j'eftime affez vrai-
femblablece que difcnt quelques hom-
mes doftes , que les deux malfaiteurs
dont il eft ici queftionjn'ctoient pas Am-
plement voleurs , mais feditieux , qui fc
îbûlevant en armes, fous prétexte de la
liberté de leur pais opprimée par les Ro-
mains, s'étoient mis à détroufler les paf-
fans; crime fort ordinaire parmi les luifs
en ce temps-lài&dont étoit nommé-
ment coupable ce Barrabas , à qui Pilate
fie grâce; THiftoire fainte tefmoignant^'^^'^'^'
qu'il étoit prifonnier avec fes compli-
ces pour fedition 6c pour meurtre. 11 y
a donc apparence que ces deux étoient
des complices de Barrabasi& qu'à caufe
de la conformité de leur crime avec ce-
lui dont le Seigneur avoir été fauffe-
ment accufé, ils furent & condamnez au
mefme fupplice , & exécutez avecque
lui. Les luifs en prirent avidement loc-
cafion, afin de flétrir davantage le Sei-
gneur par l'opprobre de cette infâme
1 5 compa-
l66 De U Mort du Seigneur I e s v s .
compagnie. S'il euft été crucifié feul, fa
caufe euil: peu fembler n'avoir rien de
commun avecque les malfaiteurs. Ceft
pourquoy ils le mcflent avec des malfai-
teurs reconnus uq,iverfellement coupa-
bles par leur propre confefTion ; afin de
noircir , ou tour au moins de failir & de
tacher {oïv innocence par ce vilain me-
la?nge. £c afin que rien ne manquait à
ropp.obre , ils ne le crucifieiiC pas lim-
pleme.it avec eux, mais au milieu d'eux;
poiir donner à cncédre par le rang qu*ils
lui donnoienijqu'il éroit le Capitaine de
la rebellionje Prince de la {édition, &: le
pire de coub les brigans. Ames Chré-
tiennes 5 n'avcz-vous point d'horreur
d*vnefi épouvantable indignité î que le
Saint des Saints pafle pour le chef des
impies ; que le Roi des hommes &: des
Anges foit rangé avecque les plus infâ-
mes brigandsilugcz par là qu elle eft Ta-
mour qu'il vous porte s puis que pour
vous élever en la compagnie des Anges,
il a voulu fouffriren celle des brigands,
ôd pour vous faire juftes , il n'a point eu
d'horreur d'eftre tenu pour un mefchanr.
S.Marc pour adoucir le fcandale d'un
f raicrcment fi écrange,allcgue un ancien
Oiaçlçs
Sermon IL 1^7
Oracle ; qui avoit f^dic fept ou huit fic-
elés auparavant , que le Méfie feroit mis ^f^ie^^,
£u YAngdes malfaiteurs. Ces paroles font ^^•
tirées du 55. chapitre dTfayejOÙ ce faint
homme décrivant i'hiftoirc duChriftà
venir, avertit expreflement qoîil deli-
vreroit les fiens , & les enrichiroit des
de'poliilles de leurs ennemiSjnon par une
pompe mondaine de victoires & de
triomphes 5 mais en mourant pour eux
en la compagnie des iniques ; il fart a,-
géra, les puïjfans comme fon butin , dit-il,
farce quil aura éfandufon ame l la morty éf
quïl aura été ;» y- au rang dês tranfgrejfeurs.
D'oùvousvoiez combien eft admirable
Tefficace de la providence de Dieu , qui
fçait tellement ploier les cœurs des met-
chans , qu ils accomplirent fcs Oracles,
lors mefmcs qu'ils penfent le plus obfti-
îiement refifter à fa volontG;& avancent
cela mefme , qu'ils défirent le plus de
reculer &: d'anéantir. Ces luifs aflbcians
le Seigneur avec des brigans5découvrent
ce qu'ils pretendoient cacher i & au lieu
de lui ôter par cet opprobre le nomô^
les enfeignesdu MelTiejilsle reveftent
de l'une de fes plus illuftres marques.
ÏXoxx s'cfuit que tant s'en faut que cette
1 4 indi-
J^S ï^e U Mort du Seigneur I e s v s .
indignité doive trouver nôtre foy,qu0
tout au contraire elle la doit affermir,
comme étant Tune des c ho fes que les
Prophètes avoient nommément attri-^
bucesauChriftde Dieu. Mais je viens
à la quiltriefme circonftancc de la croix
du Seigneur > remarquée parTEvange-
Jifte : Ceux cjui pafoie;7t prés de là y lui di-
[oient outrages , dit i 1 , hochans leurs te/ies,
& difans y Hé toi qui des fais le Temple^ é' ^n
trois jours le r eh ajlls, fauve toy toyrnefme , ^
defce/i de la w/.v.Quelle cruauté plus ma-
ligne fe fçauroit-on imaginer, que celle
<le ces méchans qui non contens d'avoir
attaché une perfonne fi fainte & fi in-
nocente aune cioix/infulcent encore
fièrement à fa mifere , fe moquant info-
lémenr de lui voir foufFrir àcs tourmens,
qui dévoient tirer des laimes des amcs
Jes plus inhumaines ? Certainement ces
coups de leurs langues étoient encore
plus perçans,&: plus venimeux,que ceux
fie leurs doux. Car rien ne navre plus
vivement une bonne ame , que d ouïr
que chacun eftime, qu^elle eft abandon-
née de Dieu.Ceft ce que Dauid déplore
le plus dans fes calamitez, quelles ou -
yroient la bouche des mefchans en rifées
& en
s E K M O N II. l6p
&: en outrages de fa foy, &: de fon elpe-
rance en Dieu. Et tel étoit ce cuifant &:
corrofif vinaigre, que les luifs verfent ici
cruellement dans les playes de lefus tour-
nans fa paiTion en rifée,hochans la tefte,
&accompagnans cette adion moqueufe
de paroles piquantes. S. Marc rapporte
Yun de leurs plus outrageux langages , où
reprochans au Seigneur ce qu'il avoir dit
autrefois qu'en trois jours il releveroit le
temple,ils fe moquent de ce qu'au befoin
il ne déploie pas maintenant la puiflancc
qu'il s'attribuoit. Mais la rage de la paf-
fion les aveugle, &: leur fait follement
abufer à leur perdition des faintes & vé-
ritables paroles du Seigneur. Ileftbien
vrai qu en leurparlant du facrè temple de
fon corps 5 il leur avoir dit , Ahbatez fc^
temple ci , (jr en trcis jours je le relèverai.
Mais cela ne fignifioit pas qu'ils deuft
defcendre de laçroix^ou empefcherque
lonnele mift à mort. Au contraire eu
leur difant qu'ils rabbatifient, &: qu'il le
releveroit en trois jours^il montroit affez
clairement > que ce divin temple feroit
abbatu & démoli par leur fureur , àC
qu'aiant érè trois jours en ruine^alors il le
releveroit. Il falloit donc voir ce terme
écoule
lyo De U M en du Seigneur I e s v s .
écoulé en vain,avant que d accufer lefus
d'impuiflance^ou de vanitè;&: non triom-
pher ainfiprécipitément dés les premiers
momcns de ce combat ,| fans fe donner
la patience d'attendre deux ou trois jours
feulement. Alors tu eufles veu , ô impie
&: infenfé moqueur,qu'il n*y a rien fi vé-
ritable que la parole de nôtre lefus i bc
rien^de plus fot ni de plus furieux que tes
railleries profanes. Car le troifiefme jour
vid fortir du tombeau , vivant & immor-
teljcelui que tu avois cloué à la croix\ &:
abbatu dans le fepulcrc ; ni ton fer, ni ta
pierre , ni tes gardes, ni aucun des inftru-
mens de ta cruauté n aiant pu refifter à la
vertu de ce divin crucifié , que tu outra-
ges avccquetantd'infolence, ni Tempef-
cherde relever glorieufement , félon fa
parole, le temple que ta fureur avoir rui-
né. Mais c'eft lordinaire des incrédules
de tourner ainh la croix &: les miferes
des fidèles , en matière de moquerie ,
comme fi nos efperances étoient vaines,
fous ombre qu'elles ne font pas accom-
plies dés maintenant. Ce qu'ils voient
Ces tabernacles de terre, où nous fomnics
logez,fujctsaux mefmes infirmitez que
les autres , battijs de mefmes , ou pires
orages,
s E R M O N 1 1. 171
orages;detruits &: démolis par la vîolen-
ce,ou des maladieSîOU des hommes, leur
fait croire que G*eft extravagance à nous
d'efperer qu'ils feront éternels Mais fans
nous émouvoir de leurs moqueries , at-
tendons le terme de Dieu en patience;
ce temps bien heureux deftinè à rebâtir
le temple de lefusjà relever de la pouf-
fiere toutes les pierres dontileft con-
ftruit; & ne doutons point, quoy qu'en
puifledire le monde, que fi nousavons
maintenant part en fa croix , nous ne
Taions auflî un jour en fa refurrection.
Or S. Marc ajoûce, qu'outre les pailans
& le commun peuple, les fri^cipaux Sa-
crificateurs mefme fe moquant avec que les
Scribes, difoient les uns anx autre s ^ll a fauve
les autres , // ne Ce peut fauver joy-mefmc^.
^ue le Chrïjl , le Roy d'ifra'él , dejcendc^
maintenant de la croix , afin que nom Ic^
voyions ér croyions. Voiez, je vous priCjFi-
deles , combien eft foible l'huile exté-
rieure & matérielle pour empefcher les
hornmes de tomber dans Terreur. Ceux-
ci ctoient du fang de Levisconfacrez dés
leur enfance au rniniftere divin i établis
Dofteurs en Ifraël par les formes delà
vocation les plus folenneiles qui fepuif-
fenCj
tyt De U Mort du Seigneur I e s v s ^
fent i les depofitâires de la fcience, de la
^^•'•loy , & de la veritè,les Anges & les mef-
fagers de rEtcrnel des armées. Et neanc-
moins avecque tous ces beaux titres ils
ne lâiflent pas de fe tromper vilainement
fur le fondement du falut , perfecutant le
Chrift^qu il falloit fuivreile crucifiant au
lieu de radoter^&rà la pcrfecution ajou-
tant fièrement la moquerie. Mais confi-
derez encore la malignité & l'extrava-
gance de leur jugement ; // a fauve les
autres^ difent-ils. S'ils le croyoient^com-
inentne le reconnoiflbient-ils point pour
un homme divin , puis qu'il ne lui étoit
pas poffible de fau ver tant de perfonnes
de diverfes maladies , &de lamortmef-
mejautrementqueparunc vertu divine?
ït s'ils ne le croyoicnt pas , pourquoy lui
en faifoicnt- ils reproche ? MaisTanean-
tiflemct oùil étoit, les fcandalife de telle
forte, qu'il leur fa;t mécroire jufques aux
chofes qu'ils avoient veuës de leurs yeux.
Parce qu'il ne fe fauve pas lui-mefmc, ils
doutent contre la foy de leurs propres
fens,qu'ilait jamais fauve aucun autre;&:
-ent tellement imprimé dans leur efprit
qu'il fe delivreroit de la croix s'il en avoit
la puiflancc, qu'ils aimentmicux nier les
miracles.
Sermon IL 175
miracles , dont ils avoient été eux raef-
mes les tefmoins , que de confefler en
lui la vertu d'où ils procedoient. Au
lieu que tout au rebours il falloir avoir
reconnu dans la lumière de fes œuvres
precedentes,que fa puiflance étoit telle,
que s'il deraeuroit en la mort , c'ctoit fa
volonté , & non fa foibleffe qui Ty rete-
noit 5 comme il parut incontinent après
par l'événement. Mais c'eft une erreur
tres-groffiere à la vérité, & néantmoins
tres-ordinaire aux enfans de ce fieclejdc
conclurre que le Seigneur ne puifTe pas
une chofe/ous ombre qu'il ne la fait pas^
èc del'accufer d'imbécillité , s'il n'exé-
cute pas tout ce que s'imagine leur fan-
taifie, la plus part du temps tres-injufte,
ôc tres-déraifonnable. lefus avoit encore
fur vôtre croix, ô luif incrédule, la mef-
me vertu que vous lui avez veu déploier
fi magnifiquement au milieu de vous, en
illuminant vos aveugles , en gueriflant
vos malades,& en refTufcitat vos morts;
ôc s'il n'en ufe pour foy-mefme , ce n'eft
pas qu'il ne luy foit auflî facile de fe tirer
dé vôtre croix , qu'il lui a été de tirer un
Lazare de fon lepijlcre. C'eft l'afFedion
de vôtre falut qui lui fait négliger le
foin
174 J^^ ^^ ^ort au Seigneur Ie s v s .
foin de fa délivrance. 11 ne fc fauve pas
foy-mefme parce qu'il veut vous fauver;
Il fouffre toute cette malediâ:ion,afin de
vous en délivrer. Sa patience eft un ar-
gument de fon amour, inonde fonim-
puiffance. L'autre raifonnement de ces
miferables n'eft pas meilleur, où ils le
fomment de defcendre s*il eft îe Chrift,
le Roy dlfraël , afin difent-ils , que nous
le voyions & le croyions. Car ils prefup-
pofentfauffemcnt queleMeffieJe Roy
promis à Ifraël , ne doit ni languir, ni
mourir en la croix;tout au contraire de
ce qu avoient prédit &: figuré les Pro-
phètes , qu'avant que démonter fur le
trôncjilferoit méprisèjOutragè, & misa
mort dans un extrcfme aneantiffement.
Et en effet le deflfein de nôtre falut,pour
lequel ilvenoit au monde, Tobligeoic
neceffiirement à eftre ainfi conditionè;
de faflbn que requérir que nôtre lefus
defcendift de la croix pour perfuader
qu'il étoit véritablement le Chrift> c'é-
toit lui demander qu'il renonçaft à la
charge &: a la nature du Chrift , &: qu'il
ceflaft de l'eftre 5 pournous faire croire
qu'il l'cft. Mais lalourcc de toute cette
fureur n'cHoic autic que laprcfoniptioa
qu'avoicnc
s E R MO N IL Î^J
qu'avoienteu ces malheureux de laiflcr
là TEcriture Sainte , pour fuivre les fpe-
culations de leur efprit. Car s'étant for-
gez un Chrifttel que leur fens charnel
le concevoit , ils rejetcerent celui que
Dieuleur avoir promis & envoie. Et ce
qui leur eft arrive à l'endroit du Sei-
grieurjarrive maintenant à divers autres
à Tegard de fon corps myftique. Aiant
tiré fur les idées de leurs propres diC-
cours un faux portrait de TEglifejils mé-
prifent celle qui en a les vraies marques;
&:lacaufe de leur fcandale eft encore
cette mefme croix , qui fit autrefois raé-
conaoiTtre fon chef aux Iuifs;D oii nous
avons à apprcndrCjmes Freresjànous af-
fujettir en toute humilité à l'Ecriture de
Dieu,* à ne point prefumerd'eftre fages
au delà de fcs divins enfeignemens ; & à
ne chercher ni le Chrift , ni fon Eglife,
que dans les defcriptions qu'elle nous en
a faites. Mais je reviens ànôtre Evange-
lifte , qui pour nous montrer combien
étoituniverfelle cette profane impiété
des luifs contre lefus-Chrift nôtre Sau-
veur, ajoute qu'il n'étoit pas jufques aux
brigans crucifiez avecque lui , qui ne lui
diflcatdes outrages.Oùctoit alors cette
prétendue
Yj^ De h Mort du Seigneur I £ s v S .
prétendue lumipre de l'Eglife, qui Imt
toujours, ace que difent quelques-uns,
dans les chaires defes Dodeurs5& dans
la fuite de leurs peuples ? Ici le Scribe Ô^
le Sacrificateur , les premiers & les der-
niers du peuple blasfement horriblcmét
contre le Chrift de Dieu , & tous enlem-
ble fe moquent infolemment deîui &: de
fon falut. Vne il abominable confpira-
tion ctoit-elle la depofitaire de la foy Ô5
delà veritè?N'eft-il pas évident que TE-
glifeetoit cachée, ce peu de fidèles où
elle fubfiftoit, n'ofant paroiftre dans uns
fi violente , 6^ fi univcrfelle perfecution?
Au refte le mot de hrigxnds dont S. Marc
ufe en ce lieu fignifie Tordre &: le genre
de tels malfaideurs, & nô chacun d eux
en particulier. Il veut direfimplement
en gênerai, que cette forte de gens mci-
me,que le reflentiment de leurs forfaits^
&: la fouftrance du fupplice devoir avoit
humiliez, outrageoit aufli le Seigneur,
tant cette rage croit univerfclle parmi
ce peuple. Car vous fçavez que des deux
malfaiteurs , qui furent exécutez auec-
que le Seigneur, Tun fe convertit mira-
culeufement à lui , ^ redargua les blas-
fcfmes defoncompagaon^bien loin d'y
adhc-
Sermon IL i^
adherer,ou d'en proférer de femblabjes.
lufques icy vous avez entendu ^ mes
Frères , les outrages des hommes contre
leurScigneur. S. Marc nous raconte en
fuitele reflentimentque la Natmxeuc
defafouffrancejle Soleil s'étant foudai-
nement caché, &: tout le pais étant de-
meuré couvert de ténèbres jufques à
neuf heures. Quand ce prodige arriva il
étoit (ix heures à leur conte , c eft à dire
midi au nôtre ; & ce jour là étant le
quatorziefme de la Lune, comme il pa-
roift de ce que c'étoit le jour de Pafqucs^
la Lune étoit en fon plein; & direde-
ment oppofée au Soleil ; c'eft à dire , en
une telle affîette ; que félon le cours, Se
la fuite des caufes naturelles 5 il n'étoic
pas poflîble que le Soleil fouffrift de-
clipfe, puis qu'il ne la foufFre jamais,
quenlaconjondion des deux luminai-
res , quand le corps de la Lune s'inter-
pofant entre le Soleil , & nôtre terre,
nous dérobe fes rayons.D où s'enfuit ne-
ce(rairement,que robfcurciffement du
Soleil arrive à la paflîon du Seigneur , a
été extraordinaire , &c furnaturel. Il y a
mot pour mot dans l'original, que tef^e^
hnsffre/it faites fur toute U ttrre^y ce qui
m a donne
ioo.
178 Be ta Mort du Seigneur I E s V S .
a donné occafion à pluûeurs anciens 5^
modernes, de croire que cette eclipfe
fut univerfclle , & qu elle couvrit tout
nôtre hemifphere. Mais il y a beaucoup
plus d'apparence à ce que tient Orige-
* ^^JS' ne% & qui a été fuivi par l'Interprète de
inliJLnos Bibles , que les Evangeliftes par toute
i'^c. 27 la terre entendent toutle païsdeludée,
'^^'^' par une faflbn de parler fort commune
en l'Ecritureide faflbn qu'il n'y ait eu que
le malheureux pais où fut crucifié le
Seigneur, qui ait fouffert ces ténèbres.
Quelques-uns prennent ce miracle pour
un ligne de ce qui arriva peu apresjquâd
le refte du monde jouïffant de la con-î
noiflance de Dieu,&: de fon Chrift,la lu-
mière du Soleil myftique , la nation àc%
luifs demeura couverte de ténèbres
cpaiflcs de l'ignorance ^ de l'erreur.
Les autres le prennent pour un tefmoi-
gnage de l'horreur du forfait des luifs,
la Nature fermant par manière de dire,
fcs yeux pour ne point voir une impiété
fi exécrable. Quelques uns eftimcnt que
le Soleil vifible s'éteignit pour montrer
que IcSoleildelufticefoufFroit. Quoy
qu'il en foit , ce prodige fi étrange étoit
unavertiffcmcntccleftepour piquer la
ftupidicè
Sermon IL 179
ftùpiditè des Iuifs5&: les réveiller de leur
profond afloupiflemenc Et en effet iî leur
endurcifTement n'euft été prodigieux, &
tout a fait irrémédiable , il p/eft pas poili-
ble> qu'un fi épouvantable enfeignement
de Tire de Dieu fe manifeftant d'une faf-
fon fi terrible par cet extraordinaire
changement des voyes de la Naturef
n'euit fait quelque impreilion dans leurs '
cœursjpour les obliger à confiderer Ôrla
grandeur de ce crucifié, & leur propre
impiété. Mais fi l'obfcurciflement duSo-
ieil vifible nous montre Thorreur de cet-
te croix èc de cette fouffrance, la voix &C
les paroles mefmes du Soleil de luftice
nous la tefmoignent encore beaucoup
plus clairement Car TEvangeliftc rap-
porte, que lefiis aiant paffé trois heures
entières dans rignominie , & dans les
tourmens ) s'écria à hauttf voix fur les
neuf heures i c'eft à dire environ les trois
heures après tnidy ^ Eloï ^ Etûïjawmafa-
hanhani ,• qui font paroles Syriaques, qui
fignifient comme S. Marc les interprète
lui mefine, Mo^ Dieu , mon Dieu y pourquoi
mas tu Ahxnâonne ? Quelle &: combien
terrible doit avoir été 1 angoifle de cette
iainte ame,qui lui a peu tirer de la bouche
m t deé
l8 o De la Mort du^ Seigneur I ]E s V s .
des paroles fi ccranges ? Elles avoient
desja été confacréesàce myftere par le
Prophète David, qui commence ainfilc
Pfeaume ix. où il décrit la paflfion du
Meilîedont il étoit comme vous fçavez.
Tune des plus illuftres figures. Certai-
nement fi vous ne confiderez que les
douleurs du corps , divers Martyrs en
ontfoufFert de plus grandes que celles
de la croix, fans fe plaindre, que Dieu les
euftdelaifîez. Difons donc qu'il y a eu
autre chofc que cela dans le fupplice du
Seigneur lefus, &: qu'outre les tourm&ns
du corps jfonamea encore fouffert au
dedans une triftefle épouvantable, &:
une deftrefle fi grande , qu'elle euftétè
capable d engloutir mille fois fans ref-
fource tous les autres hommes de Tuni-
verssau lieu que lefus par fa divine vertu
en eft forti vidorieux & triomphant.
Mais fa vidoire n'empcfche pas qu'il
n'ait véritablement reftenti l'horreur du
péril ; ôi qu'il n'ait été faifi dans un fi ef-
froiable combat , de toutes les innocen-
tes douleurs &c émotions ; dont fa tres-
fainte nature humaine étoit capable.
Car il voyoit l'ire de Dieu allumée con-
tre le pcchc, dont il faifoit l'cxpiarioni
il
Sermon IL i8i
il voyoit la malediftion dénoncée au
genre humain, s*attachanc à lui, qui en
ctoitle pleige.Son amcen cette rencon-
tre étoit meflée de divers mouvcmens
difFerens ; ^ coname d'un côté elle étoit
vivcnîent touchée de leffroy, de la dou-
leur, & de la trifteffe convenable à vnc
natijire fenfible ,* aulfi de l'autre étoit elle
pleine de foy,&: d'efperance, &: d'une
afleurée confiance de venir à bout de ce
dur combat. Les premières paroles de
fon exclamation , Mo/j Dieu mon Dieuj
nous reprefentent ces derniers mouve-
mens. Car ce qu'il l'appelle fon Dieu
avecque tant d'ardeur, répétant ce doux
nom par deux fois coup fur coupjmontre
qu'il avoir recours à lui en fon angoifle,
&: fe tenoit afleurè de fa protedion fous
l'abri de fon bouclier. Les derniers mots,
fourquoy niaé tu abandonne , exprim.ent
l'autre mouvement; & nous témoignent
qu'en cette extrémité il étoit atteint
jufques au vif, &: ne reflentoit en ce rri-
fte moment aucune confolation,ni re-
confort de la part de fon Père. le fçai
bien que je marche ici en des abyfmes;
où il nous faut eftre dautant plus rete-
rius,que quelques uns de nos adverfaires
m 3 ont
î8l De la Mort du Sei^^eurltÈvs.
pnt pris de la liberté de nos expreflion5>
pccafion de nous calomnier. Apres avoir
donc proteftè en tome humilité , delà
foiblelTe de nos entendemens &c à com-
prendre , &ca reprefemcrun fi grand d£
lî terrible myftere , nous talcherons
i^eanrmoins de vous en donner quelque
petit cc!airciflemcnr,autnnt que nqus le
permet la brièveté du temps qui nous
prefle. Dieu communique deux chofes
à la créature raifonnable de's cette vicfa
faintetè&fa gIoire,chacune félon la me-
fure convenable. La faintetè confifte en
lafoy, en refperance , en lacharitè;la
gloire eft une fouverainc joye &: confo-
ïation,qui eft comme un rayon de la fé-
licité dont nous jouirons en Pautre fie-
çle. Dieu ne communique jamais la
gloire fans la faintetè i mais fi fait il bien
par fois pour un temps,la faintetè fans la
gloirc,ricn n'empefchant qu'une creatu-
xc faintenefoit pour quelque temps pri-
vée de toutfentiment de joye. le dis
donc que ce que crie ici le Seigneur,que
Dieu fa abandonné, fe doit entendre à
regard de la féconde communicationjôe:
non de ia première. Quant àlacharitè,
^ à la foy 5 & aux autres vertus qui çt\
depen-
Sermon IL iSj
<îepenclent,cllcs ont etè toujours fouve-
xaines en lui. L'influence de ces divins
rayons du Père n a jamais cefle en cette
ame fainte &: bénite, non pas mefmes
Ç)our le moindre moment. Mais quant à
cette grande lumière de joye , que nous
avonsappelléeg/wf 5 il n'en eft pas de
mefme. Dieu la lui avoir communiquée
en abondance durant tout le refte de fa
vie y faifant inceflamment reluire dans
fon cœur une douce & agréable image
des contentemens du paradis, dont le
reflentiment furpaffe toutes les penfées
de nos entendemens^à raifon de quoy
S. Pierre la nomme , u^e joye glorieufe (^ ^^^^^^^
ineffable. Mais quand il entra dans le
combat de fes dernières foufFrances , où
il fut fait pechè &: maledidion pour
iious,Dieu alors retira de cette ame tres-
fainte le rayon de cette glorieufe joye,
qui y avoir toujours relui jufques alors,-dc
forte qu'en étant privée,elle perdit pour
l'heure les fentimens de toute joye pre-
Xentc , lui reftant feulement Felperance
de la joye future. Mais les tourmens que
fouffroit le Seigneur , détournant fon
cfprit delaconfiderationdeTavenir, bc
l occupant tout entier dans le reflenti-
m 4 ment
îS4 TieU Mort du Seigneur I e s v s ^
inent de la douleur, de là vint Icxtre-
me triftcffe &: angoifle où il fut réduit.
Ceft ce que nous témoigne cette amcrc
complainte ; Mon Dieu^mon Dieufourqiwy
moé-tuahuridonne. L'Evangeliftc la rap-
porte en Syïiîi^uc , Elot\ Elût, Ummâfa-
ha^hmi-, afin de nous faire comprendre
ce qu'il ajoûcc, quele rapport des pre-
miers mots , Elot^ Eloi , c cft à iintmon
J^ieumon T>ieu,2LVcc le nom d'Elie donna
occafion à quelqu'un des afllftans de
dire, que lefus appel/oit Elie i ^ gjue quel-
cjHun accourant emplit une éponge de vinai-
gre,é l^ ayant mije a lentour à un rofeau , ////
en hxilla a hoire-^difant^Voyonsfi Elle viendra
pourToter. Il y en a qui eftiment que ce
fat quelqu'un des foldats Romains qui
n'entendant pas le Syriaque,&: ayant oiii
parler d'Elie parmi les luifs , s'imagina
que c'ctoit lui que le Seigneur appelloit
en criant, Eloï, Eloï. Les autres veulent
queç'aitetèunluif^qui par malice, &:
non par ignorance ait ainfi pris les paro-
les du Seigneur à contrcfens,dctournan^
à Elie,ce qu'il entendoit de Dieu ; comc
de vray nous ne fçavons que trop com-
bien les adverfaires de la vérité font en-
clins àtodrelesplusfimples &: les plus
. clairs
s E R M O N 1 1. l8j
clairs langages de ceux qui en font pro-
felTion 5 pour en tirer des fens ou faux 5c
fcandaleux, ou impertinensà: ridicules.
Quoi qu'il enfoitccs mal-heureux gar-
nemens tournèrent en rifée cette fauitc
& terrible voix du Fils de Dieu , qui de-
voir les faire trembler d'horreunde forte
qu'au lieu d*en eftre tant foit peu tou-
chez, ils continuèrent leurs infolences
jufques au boutj& pour dernier mets lui
fervirent du vinaigre dans une éponge
liée à Tentour d'un rofcau ^ pour accom-
plir ce que David avoir prophetizè tant^^ .
de lieclcs auparavant 5 quand parlant en 22.
la perfonne de Chrift au Pfcaume 65?.
Ils mont donne , dit-il , du fiel en mon répits^
é" €n mafoifHs mont ahhreuiJe de vinaigre.
Car les autres Evangeliftes difent notam-
ment que le Seigneur avoir dit ^l'aifoif:
d'où paroift que ce breuvage étoit autre
que le premier mixtionnè avec de la
myrrc,dont nous avons parle au com-
mencement. Saint Marc ajoute qu'après
avoir fouffert tant de douleurs, ôc d'indi-
gnité z 5 ayant jette un grand cri^ il rendit fi-
nalement iej^rit. Ce cri témoigna qu'il
ne mouroit pas comme les autres , par
line fimple neccflîtè de la nature, qui
mattce
l8^ De la Mort du Sei^neurlz^y %1
mattce par les tourmcns perd peu à peu
toutes fes forces , & fuccombe enfin à
la douleur, mais pluftoft par la libre di-
fpofition de fa volontè,à laquelle il n euft
pas été plus difficile de le tirer de la
croix,quede lui donner la force de jetter
un tel cri dans cette extrémité. Mais fc
contentant d*âvoir montré cet échan-
tillon de fa divine puiffance , pour ache-
ver fon facrifice, cette divine hoftie ren-
dit enfin l'efprit entre les mains du PereJ
Gar puis que la mort étoit le gage du
péché 5 il étoit neceflaire que nôtre plege
la fouffrift.afin d afïeurer nôtre foy ic nos
cfperances,& d accomplir tant les preu^
ves de fa charité , que les exemples de fa
patience.
VoihjFreres bicn-aimez, ce que nous
avions à vous dire pour cette heure,fur la
paffion du Seigneur lefus. Lui mefme
vueille avecquele doit de fon Efprit gra-
ver toute cette fainte & myfterieufe hi-
ftoiredans nos cœurs; y planter fa croix;
y enfoncer fes doux & fcs efpines s y ver-
fer fon fang précieux ; y portraire au vif
l'image de Tes tourmens,dc fes douleurs,
de ics angoiffes & de fa morts afin que
tiOTX feulement ce )oûrd'hui,mai5 tous les
aPtres
Sermon II. 187
autres encore jufqu'au dernier de nos
foûpirs,nous ayons ee divin crucifié de-
vant nos yeux i que nous ne penfions, &:
n'aimions que lui ; que fa paffion foit nô-
tre entretien , & fa mort nos délices 5 &:
fa croix la règle de le patron de toute
nôtre vie. Ce crucifiè,mes Frères, cftle
fcandale du Iuif,ôi: la moquerie du Gen-
tih Maisc'eftla puiflance de Dieu ; le
grand myûere de fa bonté & de fon
amour envers les hommes : letreforde
fafapience , où habite corporellcment
Ja plénitude de toute la divinité. Aufli
voiez vous que S. Paul, ce grand Apôtre,
ravi jufqu'au troifiefme Ciel , après le
commerce des Anges, ôdlaveuedupa-
radis,&: la connoiflance des fecrc ts inef-
fables,ne veut ni ne fe propofe de fçavoir
autre chofcjque lefus Chrift crucifié. Et
de vray qu'y a-t'il de neccflaircfoit pour
nôtre fanftification, foit pour nôtre con-
folafion,que cette croix du Seigneur ne
nous fournifle en abondance , comme
une vive fourcc de tout bien ? Permet-
tez moy pour la fin de vous en toucher
brièvement quelques exemples.Premie-
rementjCette palfion du Seigneur vous
fîîontre combien le pechè eft horrible;
lS8 De U Mort du Seigneur I e s v s .
qui n'a peu eftre expié que par un fi pro-
fond aneantiflement du Fils de Dieu.
Cette pefte cft fi maligne , que pour la
guérir il a fallu boûlcverfer toute la na-
ture 5 depuis le plus haut des cicux ,juf-
ques aux plus profonds abyfmes. Il a
fallu qu'un Dieu fe fift homme , que la
gloire fuft changée en ignominie, que le
Prince de vie s'afliijcttift à la mort 5 que
lun & lautre Soleil fouffrift une horrible
cclipfe, que le Saint des Saints pendift
entre deux voleursj&: que le Fils unique
& bien aimé fuit abandonné du Perc
cternel. Chre'tien, quel commerce pou-
vez vous plus avoir avccque le pechè,
après avoir reconnu qu'il eft d'une fi
maudite &: fi deteftable nature? Chan-
gez, changez en haine & en horreur
contre lui tout ce que vous avez eu de
pitié pour vôtre Sauveur. S'il vous a
fâché de voir ce Saint &: innocent
Agneau entre les mains des iniques i fi
fon fang coulant de tous cotez par les
playcs de fespieds&: defes mains vous
a donné de la douleur ; fi vous n'avez
peu ouïr fans indignation les moqueries,
les outrages , &: les infolences de cCS
garnemcns de luifs contre leur fouve-
rain
Sermon II. 18^
rain bien-faiceur '•> fi les ténèbres dont le
ciel fe noircit, &: les triftes àc épouvan-
tables paroles duSeigaeiirjVâWJS ontfaifi
d'une jufte horreur ; penfcz que le pcchè
eft la feule caufè de tout ce dcfordre.
Mais cette mefme méditation doit auffi
confoler les pauvres pécheurs i & les af-
feurer que quelque énormes que foienc
leurs crim es, ils en treuveront la remif-
fion en lefus-Chrift. Car je vous prie,
quelle iniquité y a-t'il au monde,qu'unc
fiplene & fi entière fatisfaûion n'ait
purgée ? Quelle peine peuvent mériter
les plus horribles péchez \ que le Sei-
gneur n*ait acquittée? la honte, la dou-
leur ^ l'opprobre, la nudité, les coups, les
playes ? Il a foufFei t rangoifle,la malcdi-
â:ion,lamort , & eft demeuré dans cet
abyfme d'ignominie près d'un jourèn-
tier,depuis l'heure qu'il fut pris, jufques à
celle qu'il rendit l'efprit. Il a foufFerc
tout cela avec une patience , douceur,
foûmiffion , & humilité nompareille,
ayant ravi en cet état Dieu & les Anges,
dont il étoit Tunique fpedacle. Ne crai-
gnez donc point, pécheur. Approchez
déformais du trône de Dieu avec affeu-
rance, puis que vous eftes couvert d'une
fi par-
190 De U Mort dti Seigneur I E s v S .
fi parfaite juftice , & muni d'une fatisfa^
ftion fi accomplie. Apprenez aufli de
cette croix,mes Frères , quelle a ctè Ta-
mour de Dieu , & de fon Chrift envers
nous.Le Père nous a donne fon Fils uni-
que, c'cft à dire un joyau mille fois plus
précieux , que n'eft le ciel & la terre
avecque toute la plénitude de leurs ri-
chefTes. Il ne nous l'a pas Amplement
donne : il Ta livré à la mort pour nous;
il a permis que pour nous il fouffrift tou-
tes fortes d'horreurs &: d outrages i II
nous a affedionnez jufques-là , que pour
nous avoir &^ nous unir avec foi , nous
qui de nature fommes enfans d'ire, il a
en quelque faflon abandonné le Fils de fa
dileftion. Et ce divin Fils s'eft volontai-
rement foûmis à ce confeil de fon Perej
ileft defcendu dans nos abyfmes pour
nous en tirer 3 il areceu fur fa pcrfonne
innocête tous les coups que nous avions
méritez , pour nous en délivrer j il a ré-
pandu fon fang pour conferver le nôtrej
&n*a point refuse d'eftrc fait maledi-
ftion , afin que nous fuflions bcnits. O
incomprchenfiblc amour 1 ô divine &:
ineffable aiïcaioniô cœurs plus dursque
Icmatbrc &: facicr , fi nous n'avon$ du
teffen-
SERMON IL 191
reffentiment d'une bonté &c d'une grâce
fi mcrveilleufc ! fi nous ne faifons tout
ce qui nous fera poflîble pour la gloire dô
celui,qui a tout fait & foufFert pour nô-
tre falut / Mais cette mefme penfee nous
doit auffi infiniment confoler par Tafleu-
rance qu'elle nous donne de l'amour de
Dieu envers nous. Que craignons nous
plus déformais ? Qui nous a donné foa
Fils unique , que nous peut il plus refu-
fer ? Qui n'a pas épargné fon fang pour
nouSjdcquoy nous fera-i'il chiche?Mife-
rable incrédulité , pourquoy outrages- tu
un fi bon Dieu en te défiant de fa grâce?
Comment un fi clair & fi admirable en-
feignemêt de fon amour ne t'à-t-il point
encore perfuadè, qu'il n'y a point de bil
qu'il ne te vueille, ôc qu'il ne te fafle en
effet , pourveu feulement que tu ayes Iç
courage de le croire, & de l'attendre de
lui? Mais,chers Frères, fouvenez vous
auffi pour la fin , que ce divin crucifié efl
le patron de nôtre vie i le moule (ur|le-
quel nousfommesjcttez,& auquel nous
devons eftre rendus conformes : bc cela
en deux fafTons. Premièrement à l'é-
gard de TaneantifTement &C de la fouf-
france > Et fccondement à l'égard de la
patience
ï^L De la Mon du SeigneMr I e s v s.
patience & de Tinnocence. Chaflez de
vos cœurs cette fauffe imagination , que
TEglife doive profperer en la terre ? Soa
chef y a été crucifié, perfecutè &: outragé
par toutes fortes de gens, de grande &: de
petite condition. N'attendez pas une con-
dition meilleure que celle de vôtre Mai-
ftre. Préparez vous à fon combat fi vous
defirez d'avoir part en fon triôphe. Mais
fuportez ces épreuves d'une faflbn digne
de luij-dans une conftâte innocencejdou-
ceur,& debonairetèjfans murmurer cotre
Dieu, fans vous irriter contre les hômes.
Et pour cet effet attachez à la croix de
vôtre Sauveur tous les membres de vôtre
vieil hommei les tranfperçant genereufe-
ment avec fcs doux, 6c fes épines ; mor-
tifiant par la méditation de fes foufFran-
ces toutes les affedions charnelles &: ter-
reftrcs de vosaraes, l'ambition, lavarice^
la volupté, la luxure, la gourmandife, l'y-
vrogaerie, la haine, Tenvicle defirde
vangeance,&: autres fcmblables, pour vi-
vre fainrement, jufl:ement,fobrement, 6c
religicu{emenr;afin qu'après avoir eu part
en la croix du Seigneur Icfus ici bas en Ja
terre , vous l'ayez aulfi un jour là haut au
ciel en fon éccrnelle gloire. Amen.
DE LA
DE LA
RESVRRECTION
DE NOTRE SEIGNEVR
lESVS-GHRIST.
SERMON PREMIER.
Sti'r le3 verfets 15. 14. i j. lé. 17. 18. 19. lo,
zisf, 2X. 15. 14. 15. 26. & 17. du
Chap.XXIV.derEvangile
félon S. Lvc.
13; Or voici deux dentreux et oie m en
chemin en ce mefme jour ^pour aJkren vnc^
botirgade^ nommée E^mmam -, laque /h et oit
loin de lemfalem d' environ foîxantejlades.
14. Lefcjnels devifoient entreu x de toutes
ces chofes , cjui étoient avenues.
15. Avint donc comme ils devifoient é"
en conféraient entreux-, cfuelefus aufilui-
mefme s' étant approche fe mit a cheminer
avec eux.
1(3. Mats leurs yeux étoient retentts^qu ils
ne le peuffcnt reconnotsirç^,
17. Et il leur dit , ^elsfont ces propos -,
n que
19 4 ^^ l^ Refurre5îio?i du Seig^eurli^ s vs."
^ue V0U6 tenez tntre voks en cheminant , C'
fourquoy eHes vous triHes^.
18. Alors Cun deux qui avoit nom Cleo^
fas , ré fondit é* lui dit > Es-tu fe ut étranger
en lerufalem 5 qui ne [caches foint les chofes,
qui y font avenues ces jours ci ?
19. Et il leur dit , ^ue/Ies? ils répondi-
rent 5 Touchant le[u6 le Nazarien , qui a été
homme Prophète ^puijfant en œuvres é' ^^
faroles devant Dieu , & tout lepeuplç_j,
20. Et comment les principaux Sacrifia ,
tateurs (jr ^os Gouverneurs l'ont livré en con-
damnation de mort ^ l'ont crucifié. ^
21. Or ejperions nous que cefuH celui qui
devoit délivrer ifra'él , é' encore avecquç^
tout cela celi aujourd'hui le troifiefme joury
que ces chofes font avenues.
22. Maà au fi quelques femmes des nôtres
nom ont grandement étonnez , qui ont été de
grand m<itin au fepulcre.
23 . Et n ayant point treuve fon corps font
venue s -^ disant , que me f me s elles avoient veu
une vifion d'Anges , qui di fuient , ^il ejl
vivant.
2 4 . Dont aucuns des ho très font a/te^ até
fepulcre j ér ont treuvé atnfi que les femmes
avoient dit\ mAis quxnt i /«/, ils ne l'ont
point veu. *
25. Alors
s E H M O N I. 19^
15, Alors il leur dit , gem dèpourveus dé
fi/7s 5 dr térdifs de co^ur a. croire a. toutes les
chofes , cjtte les Prophètes ont annoncée si
2.6. Nefailoit-îlfasque le Chrijl fouf-
frift ces choses , ér ^ftainfi il cntrajl en fa,
gloires f
17. Puis corfîmençant par MoïÇe , é' 7^^-
V:int par tom les Prophètes , // leur âeclaroit
en tomes les écritures les cl^ojes qui étoieni
de lui.
Hers Frères ,
Cette refurreâion du Seigneur lefus^
idont nous cieiebrons la mémoire , con-
tenant la dçmonftrationde fà divinité^
lajuftification de Ton Evangile^lappuy
& le fondement de nôtre foy, il acte
extremenient important & pourfa gloi-
re, «5^ pour nôtre falut, qu'elle fuft clai-
rement S: certainement approuve'e aux
Saints Apôtres, qui en ont écè les jur^
^ authentiques témoins.Ceft pourquoy
le Seigneur lefus après eftre forti du fc-
pulcre,a voulu demeurer quarante jours
avec eux ici bas en terre j avant que de
h X moncet
1^6 De la Refurr, dit Seig^enr Ies v s.^
monter au ciel i fe montrant familiicTe-
ment à CUX5& leur donnantdurantcd
temps- làjtoutes les preuves les plus évi-
dentes &: les plus fenfibles de la vrayc^
divine , &: celeftc vie, en laquelle il s*é-
toit rétabli par fa main puiflante , ayant
vidorieufement rompu les liens de la
mort.Ec les Evangeliftes pour nôtre édr-
fication tc confolation nous en ont dili-
gemment reprcfentè Thiftoire dans leurs
livres , oii nous contons jufques à dix
apparitions du Seigneur à (es difciples
depuis fa rcfurredion. Il fc montra pre-
tMAYc mierementàMarie Magdelene ; "& in-
'^^- , continent après à elle, & à l'autre ^ Ma-
28-9- ^^^ ' P"^^ 1^ meime jour a Cleopas ôd à
c M,xrc un autre difciple fur le chemin de leru-
Lc24. f^l^ni à Emmaiis. *^ Puis il s apparut à S.
»;. Pierre; "^ôi en fuitte àtouslesonze Apô-
^f'"^' très affemblez en mefme lieu. ^ Huit
< ^uh. jours après il fe montra encore à eux,
^^■'^' quand il guérit l'incrédulité de Thomas;
La fepiiefme apparition eft defcriteau
vingt-uniefmc de Saint lean, quand ilfc
prelenra à Pierre5&: A divers autres difci-
^ , pies furies rives du lac de Tiberias/ La
,. huitiefme , quand il affcura fes difciples
en Galilée, & fut adore d'eux tousjcomc
le
s E K M O N I. 197
le raconte S. Matthieu à la fin de fon
Evangile. La neuviefme eft celte donc
parle Saint Luc en ce mefme chapitre, ^ ^ ^
d ou nous avons tire notre texte , quand
le Seigneur leur donna la commilîion de
prefcher&de convertir le monde. Et^
la dernière fut celle de la montagne des
oliviers '* où il les mena, &: après leur** ^^^
avoir donné divers ordres , fc retira de ^'
la terre au ciel, étant en leur prefence &:
(bus leurs yeux, vifiblement enlevé fur
«ne nue. Et il y a bien de lapparencc
qu'outre tout cela il fe manifefta encore
en d'autres manières , veu que S.Paul au
quinziefme de la première Epître aux
Corinthiens nous apprend qu'il avoic
auflî été veu dç Iaques,&: de plus de cinq
cent frères à une féale fois. Comme le
S. Efprit a pris le foin de configncr ces
apparitions du Seigneur dans Çqs Ecritu-
res ; auffi devons nous , chers Frères, les
méditer diligemment , pour affermir de
plus en plus dans nos cœurs, la créance
defarefurreûionjla vive &: unique four-
ce de toute la joye &: fainteté des âmes
fidèles. Cette apparition nommément
dont nous vous avons leu Thiftoire , eft
Tune des plus illuftres;&: où le Seigneur
n 5 donne
}^i De la Refurr. du S.€tgneur I e s v s .
4onneàfes bien- aimez difciplesd'auiîî
clairs enfeignemens de fon amour , de la
bocc,&: de (a fàpience divine. Employons
donc cette journée à la confidcrcr i &: y
xemarquons avec une faintc attention
tout ce que TEvangeliftc nous y propofe.
11 nous en reprefence premieremêt 1 oc-
cafion 5 un voyage de deux des difciples
du Seigneurs puis la manière, donc le
Seigneur fe joignit à eux fur le chemin
fans qu'ils le connufTent ; & en fuite leur
entretien. Ce font les principaux points
que nous toucherons en cette adion,!!
Dieu le permet. Icfus,qui daigna hono-
rer la compagnie de CCS deux difciples
de la preTepce de fon corps , vucille fa-
vorifer nôtre affemblée de celle de fon
Efprit5& fe treuver ici au milieu de nous,
^ nous découvrir Tes niyftcres , & infpi-
rerfon divin feu dans nos cœurs, afin
qu embrafez d une vive foy, & d'une ar-
dente amour, nous laiffions là nôtre Em-
malis^pour nous rendre en fa lerufalem,
nous joindre à la compagnie de iç.s bien-
heureux difciples , &: ne vaquer défor-
mais toute nôtre vie à autre chofe , qii*à
prcfcher les merveilles de fa gloire.
Ainfifoit-il.
L'Evangc-
Sermon L i^^
L'Evangelifte nous apprend exprefle-
menc, que Tun de ces deux difciples à qui
le Seigneu» s apparut , étoit Cleopas. II
nous taift le nom de l'autre ; & quelques
anciens devinent que c'étoit S. Luc s les
jk^ autres Nathanaël.Mais quant à S. Luc,ce
qu'il dit a l'entrée de fon Evangile, qu'il a
appris ce qu'il en e'crit, de ceux qui l'ont ^^ ^^
veu dés le commencement , &: ont été
miniftres de la parole , femble induire
qu'il n'avoir pas veu ces chofes lui mef-
me. Et quant à Nathanael, la conjedure
n'en eftfondéç? que fur la feule imagina-
tion de ceux,qui la mettent en avant. Le
ineilleur &c le plus feur eft de retenir nô-
tre curiofitè dans les bornes de l'Ecritu-
re, pour ignorer patiemment ce qu'elle
ne nous a point déclaré i Au lieu de per-
dre Je temps à rechercher curieufemenc
ce qu'elle taift, employons le pliiroftà
méditer utilement ce qu'elle nous a ex-
primé. Cleopas donc &:cét au^redifci-
pie , 4c qui |ious ignorons le nom , après
avoir entendu le rapport des femmes,
qui avoiçnt viGtè àés le matin le fcpulcre
du Seigneur , partirent ce mefme jour de
leriifalem, pour venir en une petite ville,
nommée Emmaiis. Ccft celle qui depuis
.n 4 fut
loo Be la Refurr. du Seigneur Ie s v g.
fut appellée Nicopolisi & l'Evangelifte
nous avertit, qu^clle n'écoit qu'à (oixante
ftades de Icrufalem, c'eft à dife fcpt mil-
les & demie , ou trois ou quatre de nos
licuës. Car les huit ftades font un millc^
& les deux milles font environ une de
nos lieues. Il eft mal-aisè de dire quel
croit le deflein de ce voyage ifi cétoit
quelque affaire domeftique , qui les tiroit
là 5 ou la peur des Iuifs,qui les chaflbit de
lerufalem. Tant y a que cetélbigneraent
cft une preuve de leur infirmité. Carapres
les predidions de leur bon Maiftre, & les
témoignages de ces femmes , qui affeu-
roient que fon corps n'ctoit plus dans Te
fepulcre , c'eft merveille que leur foy , &;
lamour qu'ils portoient au Seigneur le-
fus, leur ait peu permettre de fe retirer
avant que d*cftre entièrement éclaircis
de fa refurredion. Mais c eft un des traits
de nôtre impatience naturelle. Si Dieu
diffère tant foit peu les bénéfices , que
nous attendons de lui, nous en perdons
incontinent lefperancc. Ainfi Moïfe ayâc
un peu tarde fur la montagne, Ifraël s'i-
piagina incontinent, qu'il ne retourne-
roit plus ; &: cette folle pcnfée les précipi-
ta dans ndolatric. Ces difciples fembla-
blçm^l
Sermon I. loi
blement voyant luire le troifiefmejour
fans leur rendre le Seigneur Iefus,partenc
auflî toc de lerufaleni ? fans fc donner la
patience d'attendte la fin de cette jour-
ïiécj qui etoit venue à la vérité , mais n'é-
toit pas encore paflce.Tant y a que fi leur
foy & leur pièce etoit aftoiblie , elle n'é-
toic pourtant pas cceince ; &: fi la doute
& Timpatience tira leurs corps de ces
funeftes lieux, oi^i il a'voienc veu fouflrir
le Sauveur du monde, elle n'en peut ar-^
racher leurs efprits. Ils emportent leru-
falem , & leur lefiis avec eux j & en ont
Famé tellement plene , qu'ils ne pitavent
durant le chemin, ni fe taire, ni parler
d'autre chofe. ils devifoient entreux , die
S. Luc, de toutes ceschofes qui et oient ave-
nuèsAo, la mort de leur Maiftre, de fa fe-
pulture, de la fuicte de fes difciples, &:
des difcours de Marie Magdelene & des
autres femmes. Et là deflus fans doutai
leur revenoient en Tefpric les merveilles
qu'ils avoient ouïes5&: celtes qu'ils avoiêc
veuës,avant la mort de lefus , fa fageflfe,
fa puiflance , fa gloire i & puis {ç,s infirmi-
tez5&: fes opprobres ; les contraires argu-
nicns de leur efpoir, &:de leur crainte.
Qç% objets fi différents les encretenoienr,
leur
201 Be U Refurr, du Seigneur I e s v s .
leur relevant, ô^ leur abbatant le courage
tour à tour.Quand ils penfoient à tant de
faintetè^&c de fagefle, à tant de miracles,,
&: à tant de bonté , qrfils avoient veu &:
rouchèen lefusChrift, ils nepouvoienc
quitter la créance qu'ils avoient eue de fa
grandeur, ni lefperance des biens, qu'ils
s'en étoient promis. Mais Thorrcur, la
ïiontejlamortjlefepulcrejOÙ ils lavoienc
veu depuis trois jours,leurarrachoicnt in-
continent ces douces penfées de refprit,
& les faifoient difparoiftre, comme fi ce
n^euft été qu'un fonge agréable , dont à
nôtrcf éveil nous reconnoiflbns lafaulTe-
lé avecque regret. Mais ô bonté du Sel-»
gneur,qui ne laifle jamais fes chers enfans
fans fecours, tandis que ces deux perfon-
îies s'entretiennent de leurs peines , fe
communiquant inutilement l'un àTautre
îeurs déplaifirs , leur étonnement>Ieur
douleur,leurs doutes & leurs craintes , &:
n'apprenant chacun de la bouche de fon
compagnon que des chofcs plus capables
de les embrouiller 5 que de les éclairciri
voici lefus lefujetde leur entretien qui
fe joint à eux, leur apportant en fa pre-
fence divine le vrai remède de lôurS
«naux i séunt a^^roch} , dit TEvangelifte,
il fe
Sermon I. loj
itfe mit à chemwer avec eux. D où vous
voyez, mes Frères , combien eft véritable
ce que le Prophète avoit prédit de lui,
qu'il n'cteindroit point le lumignon fu-£r^ve ^^
mantjninebriferoit le rofeau cafle;fi-3-
gnifiantparces mots la douceur & béni-
gnité dont il ufe envers les infirmes. Mais
en cela mefme vous avez auflî un accom-
pliflement de ft promefle qu'il avoit faite
auxfiens de fetreuverau milieu d'eux,
toutes les fois qu'ils feroient enfemble en
fon nom.Il eft vrai qu*il s'cloigne de ceux,
qui parlent de lui de de Tes myfteres avec
un efprit de contradiftion, qui n*cndî-
(putcnt que pour s'en de'goûter, &: n ont
autre but que de treuver des difficultez
cnfaveritè^pour pouvoir accomplir fans
remords de confcience,^ defir qu'ils onç
de la quitter :Sa vangeance pourfuit ceux
qui ont un fi ma} heureux deflein; Au liea
de fon Efprit il leur envoyé celui de l'er-
reur ôc du menfonge ; qui les affermir,
comme Balaam autrefois , dans la pafiion
ide l'iniquité; & fouvent des doutes où ils
fe jouoient au commenccment,les pouffe
dans l'abyfme ou d'une groffierefuper- ^
ftition , ou d*une impiété brutale. Mais
quant à ceux qui aiir.éc le Seigneur lefus,
qui
lo 4 T>eU Refun. du Seigneur I e s v s .'
qui affeftionnent fa vente, quin^n de-
vifent &: n'en confèrent que pour la
treuver,&: rembrafferjtels qu'étoient ces
deux difciplesià ceax-là il tend la main,
il vient volontiers au milieu d'eux , &:
quelque foibles qu'ils foient,ne dédaigne
point de les foalager,les délivrant de l'a-
gitation où leur foiblefle les retient; &
les mettant fur le ferme ik'une pleine &:
entière perfuafion de fon Evangile. Si la
compagnie,fi la douceur,fi la luiyiiere de
ce grand Sauveur nous cft agréable,
chers Frères , attirons le au milieu de
nous par la bonté de nosdifcours , & par
la finceritè de nos intentions. Ne foyons
jamais enfemble fans parler de lui. Laif-
fonslàce monde , fesvanitez &:fes or-
dures, qui rempliflent ordinairement
toutes nos converfarions. Car comme
c'eft l'inviter &: lui ouvrir la porte, que
de parler de lui ; auflî effc ce le cha(rcr,&
attirer fon enneniii au milieu de nous,
que de nous entretenir du vice & du
monde. Les Démons prcfident en telles
compagnies. Ils y enflamment les coeurs;
ils y cmbrafent la langue d'un feu fale &c
infernal, au des-honneur de Dieu, &:
à la perdition des hommes. Vous voiez
encore
Sermon I. lof
encore que ce h'eft pas alTez de fanctifici:
au Seigneur lefus , &: à fes myfteres , les
heures que nous nous treuvons ici dans
l'Eglifei II nou<; demande aufli toutes les
autres parties de nôtre vie. Soit à la mai-
fbn,foit dehors, à la ville ,&: àla campa-
gne 5 dans nos demeures & dans nos
voyages, les fidèles ne doivent jamais
eftre enfemble , fans penfer en leur Sei-
gneur; fans tafcherdc Tavoir au milieu
d'eux. Car quant à lui il ne fait point de
différence entre les heures &: les lieux.
Par toutou des âmes religieufes traittent
de fes myfteres en la crainte de Dieu Sc
avecque refped , c'eft fon temple & foa
autehil ne manque jamais d*y rcprefen-
ter fidèlement fa divinitèiEt fi fon corps
n'y vient pas ,fon Efprit y eft toujours
tres-affeurémenti bien que par fois ceux
là mefme qu'il favorifc de fa prefence
ne s'en apperçoivent pas fur l'heure. Ccft
ce qui ariiv.a à ces deux fidelles. Car en-
core qu'ils reuffent au milieu d'eux5ils ne
le purent reconnoiftre. Ce n'eft pas qu'il
fufl: invifible;ou que la forme ou la tî^ille
de fon facrè corps fur changée i II retint
après fa refurredion àc conlervc encore
maintenant dans fa gloire , cette mefme
forme
io6 De U Refurr, dti Seigneur I e s v ^.
forme ^ nature en laquelle il avoir con-
versé en terre avec (ç^^ difciples, & en
laquelle il avoir été crucifié. Et ce que
i^'''^'''^' dit S. Marc, quil fe montra àfes detîX
difciples en une autre forme qu il n a-
voit fait à Marie Magdelene,fe doit en-
tendre ou de fon habit &: de fa faflbn, ou
de lopinion & des fens des perfonnesà
qui il s'apparut, Marie rayant pris pour
un jardinier.&j: ceux ci pour un voyageur
étranger. Mais au fond il prefentoit par
tout aux fiens une feule & mefme forme
de corps 5 &: de vi(age , à fçavoir la fien-
ne naturelle; & nous devons tenir pour
des illufions toutes les apparitions , ou
Ton prétend qu'il fe montre aux 'hom-
mes fous des formes étrangères ; &: avoir
pitié de l'erreur de ceux qui prennent
pour lui une chofe , qui a la forme d'une ,
miette de pain, oij d'une goijte de vin.
A Dieu ne plaife qu'un fi bon &: fi fage
Seigneur fe joue de fes enfans , ou qu'il
outrage ainfi fa propre gloire , renfermât
fa nature celefte dans une fi bafle ôi fi
indigne image. Mais s'il avoir fa vraye
forme, qu'cll-cedonc qui empefchoitces
deux difciples de le rcconnoillre.^Deux
nuids avoient-ellcs GiTacè de Icurcfpritj
l'ait
Sermon I. 107
Fair & Timage d'une perfonne , qu'ils
avoientfichercmét aimée>pour ne point
s'appercevoir que c'ctoit lefiis qui le
prefentoitàcux? Chers Freres,ce n'étoit
pas cela.L'Evangelifte nous apprend ex-
preflcment la véritable caufe d'un fi
ôcrange effet, en difant queieurs yeux
étaient retenue, \c(us n'ccoit point changé.
Maislaveuëde fes difcipl^es étoit alte-
rcejdc forte qu'ils ne difcernoient pas ce
qu'ils voyoient 5 &: n'y voyoient pas ce
qui y étoit. C'eft pourquoy ils leprennct
pour un autre. Il eft: vrai que le trouble
extrefme où étoit leur efprit, pouvoit
avoir aftoibli leurs fens, comraenous
voyons tous les jours que les paflîons de
l'ame, fur tout quand elles font cxccffi-
ves,broiiillent la lumière des yeux,& ap-
pefantiffent la fubtilitè des oreilles, ôc
infedentlegoût, &: émouflent l'attou-
chement mefmes.Mais outre la pafTioa
une autre caufe agiffoit ici fans point d«
doute. C'eft que le Seigneur qui les vou-
loit feulement inftruire&: les tirer dou-
cement de l'erreur . &: de la peine où il
les voyoit,afin d'exécuter ce deffein, re-
tint pour un temps la force de leurs yeux.
D*où vous voyez que c'eft de luiquede-
pend
2o8 De U Refurr. clu Seigneur I e s V s.
pend toute la vigueur de nos fens. Nou^
en avons les faculcez &: ks organes: Mais
ceft le ciel qui nous en prcfte Tufage,
Nos yeux &: nos oreilles n*exercent leurs
fondions qu'autant que celui qui nous
les a donnez, y verfe les fecrets rayons de
fabenediftion. Sans le fccours de cettç
lumière 5 nous ne jouirions d aucune de
ces excellentes facultez. FideleSjremer-
ciez en donc le Seigneur, &: recônoiflez;
que non feulement Tœil &: loreille , mais
chacun des fervices que vous en recevez
à tous les momês en voyant,&: en oyant^
font de fes bénéfices, pour employer reli-
gieufement à fa gloire une vie que vous
tenez fi entièrement de fa grâce. Et pen-
fez encore en vous mefmes , que fi les
yeux du corps , quelque grande facilite
que leur ait donnée la nature à voir & à
difcerner les objets, mécônoiffent neant-
jnoins ceux qui leur font lesplus familiers,
quand le Seigneur arrefte , ou retient le
fecours de fon influence fecrette ; com-
bien plus le fens de nos âmes , ont befoirt
de fa divine lumière, pour rcconnoiftre
les choies intclljgiblcs,&: fur tout les fpi-
rituelles ? Et priez en fuite le Seigneur
qu'il_ tienne \o\!k^ y os fens ouvcrs , & f^Jt
louc
Se R M o k I. 20^
tout les yeux de vos entendemens illu-
minczîafin que vous puiilicz voir & àiC-
cerner falumiere d'avecque les ténèbres
&: fa vérité d'avecque l'erreur. Ce n'eft
pasaffezj ô divin lefus, que tuteprefen-
tes à nous, & te mefles en nôtre compa-
gnie , & que ru mettes devant nos yeux
coûte la gloire de ta refurreclion &. de ta
vie. Nous ne verrons aucune de tes lu-
mierçs , quelque éclattantes qu elles
foieuten elles mcfmeSjSd quelque prc's de
pous que nous les ayons, iîtu ne délies
Ros fens , & ne vcrfes dans nos yeux une
force celeftei& ne nous donne coy-me(-
me dequoy voir ce que tu nous montres;
Sans cela nous te reconnoiftrons beau-
coup moins, que ne firent ccsdifciples
autrefois, quand tu leur retins les yeux.
Mais, chers Frères, ce ne fut pas propre-
ment pour fe cacher à fes dilciples, qu'il
leur retint alors les yeux. Ce fut un my-
fterc de fon amourj^ une conduitte de fà
fageffe i qui voulut doucement préparer
leur fens,avantquede fe découvrira eux,;
faifant peu à peu entrer cette lumière ce-
lefte dans leurs âmes, & les inftruifant de
ià vérité , avant que de la leur raontrec
coûte nuë> Il les aecoftei Se s acomodanc
0) à Topi-
z\ o De U Refurr. au Seigneur I £ s v s T
à I*opinion qu'ils avoient de lui le pre-
nant pour un étranger, il leur demande
quelle eft Toccafion de latriftelTequipa-
roiflbit fur leur vifage , & le fujet de leur
entretien ? Il fçavoit tout ce qui en ctoit
auflî bien qu'eux mefmes , &ceft cequi
lamenoit là.Mais il ufe de cette conduit-
te,afin de leur ouvrir le cœur , & de faire
naiftre loccafion de les inftruirc. Com*
bien de fois traittc-t'il le« fiens en la mef-
me forte ? leur adreffant fourdement les
lumières defes enfeignemcns , àc leur
prefentant des maiftres de fa pieté en
des perfonnes50ii d'abord ils ne voyoient
rien defcmblable ? Mais fi la fagcfle &: la
bonté du Seigneur paroift en cette de-
raande5pour laquelle il s'ouvre la porte à
Tinftruàion de fes bien aimez difciples,
Fexcez de leur trouble ne paroift pas
moires en la réponfe qu'ils lui font. Car
Cleopas au lieu de répondre & de fatis-
faire àfaqueftion , lui demandes'ileft le
feulétranger en lerufalem, qui ne fçachc
pointleschofes ,quiy étoient arrivées?
Voyez 5 je vous prie , queilc eft la nature
des grandes paffions. tlles occupent tel-
lement nos âmes, qu'elles nous font ima-
giner que tous les autres en font pleins
au (Il
Se KM ON I. 211
auffîbien que nous. Cleopas penfe que
chacun fçait la caufe de fon trouble ; Il
lui femble que c'cR «ne injuftice de ne
fçavoir pas une chofe lî grande &: fi im-
portance. Une difpenfe aucun des habi-
tans de lerufalera de cette connoifTan-
ce. Il ne permet pas mefme aux étran-»
gers de l'ignorer. 11 veut que tous fça-
chentrintereftî qu'il y avoir. Es-tu feui
étranger d^rts lerufalem , dit- il , ^//i nefça^
chesfoimce qui s'yeflfaJTe ces jours ci? O
que ce reproche étoit doux au Seigneur
lefus ! de s'ouïr reprendre à Cleopas d'i-
gnorer ce qu'il avoir fouffert lui mefmc!
6 que cette émotion lui étoit agréable»
qtfi portoit un évident témoignage de
reftime,que ces difciples faiioient de
lui5&: de l'extrême vénération en laquel-
le ils Tavoicnt. Mais le Seigneur pour
l'engager plus avant lui demande fans fe
defcouvrir que lies étoient enfin ces cho-
fes fi célèbres, dont il treuvoit étrange
qu'il n'euft pas la connoiffance.Sur qu,oy
ces deux diiciples lui ouvrant leur cœur,
lui répondent , que c' étoit touchant lefus U
N d'arien , qui a été homme Prophète , d i-
kni-'ûsjpuijfant en œuvres à"' ^^ f croies dé-
VAnt Diett p & devant tout le p€ufl(L^'-> Et
o 3. * comment
^ 1 1 BeU Rejurr. du Seigneur I e s v s T
comment nos Sacrifie ateur s Cr nos Couver"
neuts lont livre en condamnation de mort é*
tent cntcifièà quoy ils âjorncnt^Or ejperions
nom que ce fufl celui qui devoit délivrer
ifrael , ^ encore avecque tout cela ceH au-
jourd'hui letroifiefme jour^ que ces choses [ont
avenues. Mais aufii quelques femmes des ni-
très nom ont fort étonnez , qui ont été de
grand matin aufefulcrz^ \ Et n ayant point
treuvé fon corps font venues , difant , que^
mefmes elles avoient veu une vifion d Anges ^
qui difoient 5 ^il efl pivant. Dont aucuns
des nôtres font alle2aufepulcre^& ont treuvé
Mnft que les femmes avoient dît \ mais quant
à luiytls ne l'ont point veu. Le cœur de ces
deux fidèles difciples paroift tout nfid
dans cette réponfe plene de fimplicitè
& d'ingenuitè. Elle découvre franche-
ment leur foy , & leur doute i leur el'pe-
rance,& leur crainte ; ^ parmi tout cela
leur amourenvers Iefus,&lcur zèle à fa
gloire, accompagné d'une fainte genero*
ïitè.Car premierement,ils lui rendent un
excellent témoignage,le nommant /'^w;-
me Prophete^puiffant en œuvres^ycn paroles
devmt Dieu cjr tout le peuples. Puis ils dé-
clarent l'efperance qu'ils avoient en lui,
qu'il devoit eftre le rédempteur d'ifraëlj
& en
s E R M O N I. 2I5
& en troifiefme lieu , ils ne dilîîmulenc
point les chofes qui la troubloient , fa
mort&fo|i enterrements & enfin en
quatriefme lieu , ils communiquent de
bonne foy à cet ctrâger les raifons qu'ils
avoient de ne perdre pas encore cette
efperance.Leur foy fe reconnoift claire-
ment en ce que nonobftant tout le fcan-
dale de la croix de Icfus Chriftjils le te-
noient encore pour un grand & puiflanc
Prophète, &c leur zèle en ce que noil
contensdele croire, ils le declaroienc
mcfme aux autres', communiquant fran-
chement ces petites étincelles de la lu-
mière qui leurreftoit, au premier venu,
qui les mettoit fur ce difcours , tâchaiit
de les attirer & de les gagner à leur Mai-
ftrc. Car fi vous confiderez l'horreur de
ce temps-là , & la fureur des luifs, & la
haine publique contre lefus , &c Toppro-
bre & Tinfamie de fon facrè nom , vous
îivoucrez que ç'étoit beaucoup que ces
deux hommes non feulement reticnent
la créance qu'ils avoient eue de la vérité
de fon miniftere , fans que la violence
d'un fi cruel orage Teuft éteinte ,* mais
que d'abondant encQre ils s'en ouvrent
aux autics , la crainte de tout ce peuple
o 5 egarnè
^14- De la Refurr, du Seigneur I e s v s ^
enragé n*ayant peu forcer Tamonr &: le
refpeft qu'ils avoienr pour leur Maiftre.
Les Sacrificateurs,les Gouverneurs, &
tour Ifraël venoient de le condamner
comme un impofteur;&: ces deux fidel-
les effaçant par manière de dire Tabo-
minable éloge de cette inique fentcnce,
difent franchement au contraire que ç*a
été un Prophète 5 &: pour montrer qu'ils
ne le tenoient pas pour Tun de cç^s com-
muns &: ordinaires miniftres de Dieu, à
qui fa parole d0nne cette qualité , ils
ajoutent encore, que c'étoit vn Prophète
puiflant en paroles & en œuvres devant
Dieu5& devant le peuple. C'eft le titre
que S. Eftienne donne àMoïfe, le plus
grand de tous les Prophètes , &: le type
iîngulier du Meflîe, au feptiefme des
Aâes,difant qu'il étoit grand en dits &:
en faits. Et comme je prens fes paroles
pour fa prédication, cette dodrine cele-
fte plene de vérité &: de fapienx:e divi-
ne, qu'il avoit prefchée aux luifs > ravif-
fant les Anges &: les hommes, inftrui-
fant le^ plus ignoransi&: confondant les
plusobftinez ; auili entcns-;e par fes œu-
VW) non feulement fes miracles , mais
^l'.ifi fa bonté , & fa faintctè , & tous ces
|iierveil«3
s E R M O N I. 115
merveilleux cfFets d*une charité & pieté
plus qu'humaine, qui reluifoienc dans
toutes les adions de (a vie. Ofacrez
féaux de la vérité de la Prophétie de
nôtre lefus, quelle & combien puiffante
étoit vôtre efficace dans les bonnes 6c
faintes âmes ; puis qu'après une fi hon-
teufe croix , &: dans Thoireur d*un Ican-
dalefi enormejvous nelaiflez pas de ti-
rer du cœur &c de la bouche de ces deux
diiciplesjcette glorieufe confeflion , que
ce crucifie , Topprobre & la maledidion
publique des luifs, étoit neantmoins un
grand Prophète: Puis que telle étoit &
leurcreance,& leur profcffion dgnslcs
te^iebres mefmes de cette Dclipfei Ames
Chrétiennes quelle doit eftre mainte-
nant la nôtre, qui avons veu fortirce
grand Soleil des nuages qui le cachèrent
alorsiqui l'avons veu môter fur le thrône
de Dieu,&: refplandir en une fouveraine
gloire 5 malgré toutes les fumées de Fen-
fer, &:tous les brouillards de la terre?
Mais comme nous donnons volontiers
à Cleopas5Ô<: à fon compagnon la louan-
ge de cette foy &: de ce zele;auffi ne de-
vons nous pas diflîmuler l'infirmité qui
raccompagne , & qui paroift premiè-
rement
21^ De la Refurr. du Seigneur I E s v sv
renient en ce qu'ils ne donnent à lefus
que la qualité de Prophète , que ceux de
fes ennen:iis qui ont quelque refte de fens
&: de pudeur, ne lui ont jamais rcfufcë,
témoin Mahomet , ô^ avant lui Porphirc
'^Ew/e^cQ^efnic , qui ^ parmi toutes les horreurs
*^',^',/,qu'il vomit contre leChriftianifûie > re-
ly^moiir. eonnoift pourtant que lefus étoit^n faint
^7'^''^^&: divin pcrfonnagejconduit de Dieu du-
rant fa vie,^ élevé au ciel après {êi mort.
Pour rendre à ce Souverain Seigneur la
gloire qui lui cft deuë> il falloit dire qu'il
étoit le Rédempteur du monde5le Meflie
de DieUjla Parole du Perc cterneljle Roy
de gloircjle Prince du fiecle à venir. Se-
condement, Timperfodion de leur foy
fe voit encore en ce qu'rts difent. Ore/pe-
rions nom que cefufi celtn qui deufi délivrer
IjrÀtl \ 6c cela en deux faflons i premiè-
rement pour le fond mefme de cette
erperance,qu'ils en avoient euëi&: fecon--
dément pour fon altération &: fa déca-
dence. Carileft évident par Toppoiitiofi
qu'ils font entre ce qu'ils avoient efperè
de lefus , &: ce qui lui étoit arrivé, qu'a*
vant fa mort ils fe promettoient que le
Seigneur récablitoit Ifraël en fon ancien
Kiftre, le délivrant de la fervitude des
Ropiains^
s E R M O N T. 217
Romains , &: lui donnant la gloire d'un
empire mondain.Et c*étoic rimaginacion
non de ces deux feulement , mais des
Apôtres mefmes, comme il paroift ^^^ uanh.
divers lieux de rEvangile,& notamment i^^'*^
par la queftion qu'ils lui font , qui feroit ''^'
le plus grand en fon Royaume 5 & la de-
mande de la femme de Zebedee le fup-
pliant qu'en fon Royaume , l'un de fes
cnfans fuftà fadextre &: l'autre à fa gau-
che. Et de cette erreur naiflbit le fcan-
dale qu'ils prenoient de la croix du Sei-
gneur i toutes les fois qu'il leur en par-
loitine pouvant accorder cette fouftran-
ce & cette mort avecque les vidoires»
l'empire , & l'honneur, &: la gloire terre-
ftrè qu'ils fe promettoient de lui. Ayes^"^^-^
fine de toy-iXm dit S.PierreiC^/^ ne iavien-
drapûint:^ S.Luc nous advertit expreflc-
ment au dix-hui£biefme de cet Evangile,
que quand il leur prédit que le Fils de
l'homme feroit mis à mort en lerufalem .''' ^"^
avec une extrelme ignominie 5 ils n en-
tendirent rien en ce ^ifcours, l'ombre de
leur faufle imagination cachant à leur
efprit le fens de fès paroles. Et après que
fa mort melmc leur eût arraché la fccon-
âic de CCS erreurs , à fçavoirla créance
qu'ils
aiS Be U Reft^rr. du Seigneur I e s v s .^
qu ils avoienc eue , que le Chrift ne fouf-
friroit point, elle ne peut pourtant leur
ôterla première, à fçavoir qu'il releve-
><f?. 1.6. ^^^fl'^'f^f temporel d'Ifraël. Car un peu
avant fon Afcenfion ils lui demandent
encore , quand ce fera qu'il rétablira le
royaume d'Ifraël? &, tant il cft diiBcile à
rhomme de fe deTaire des préjugez &:
des opinions charnelles,ils ne furent tout
à fait délivrez de cette groflîere imagi-
nation , qu*apres que le divin feu du ciel,
dont lefus Chrift les haptiza , les eut pur-
gez,& plenement perfuadez de la nature
fpirituelle du royaume du Seigneur.Mais
Je dis en fécond lieu,que cette cfperanca
mefme qu'ils avoient eue du rétabliffe*
ment d'Ifraël par le Seigneur , fut entiè-
rement ébranlée par fa paffion. Et c'eft
ce que témoignent C(^s deux difciples,
quand ils difent au temps ^oX^h nous ej}e'^
rions y &: non au prerent,;;^?»/ eJperonsM eft
Vrai que û ce choq fî rude Tavoit grande-
ment ébranlée , & comme portée tout à
fait par terre , la parole des femmes & de
S. Pierre,a{reurant que le corps de lefus
n'étoit plus au fepulcre,& le tefmoignage
des Anges depofant qu'il vivoit , l'avoir
yn peu rcmifc. Et c cft ce qu'ils fignifienc
en la
Se RM ON I. 2.1^
en la dernière partie de leur réponfe, où
lis propofenc cette confideration, qui les
tenoic en balance , fufpendus entre la
crainte & refperance,entre la foy de Tin-
credulitè. Cefttoutce que le Seigneur
vouloit fçavoir d'eux. Aianc tiré cette
confeflîon de leur bouche , 31 voiant la
maladie de leur cœur combattu entre ces
penfées contraires, ilV applique aufli-toft
les remèdes convenables, la cenfure,la
remontrance,&^ Tenfeigncment. Ogepis,
dit-il , dépotérvem de Cens , & tdrdifs de^
cœur à croire a toutes les chofes , cjue les ?io-
fhtes om prononcées! Ne fallûit-il pas que
le Chrijlfûufrijl ces chofes , & cjtiaïnfi H en-
traji en fa gloire 1 Tavouë que la reprc-
henfion eft vive & piquante. M^ auffi
faut-il reconnoiftre que leur faute ctoic
grande,^ leur ftupiditèétrange,& digne
d'eftre ainfi traittée. Car outre les Ora-
cles des Prophetes>quiavoient en tant de
lieux, & en termesfi clairs, &: avec des
types fi illuftres, prédit & préfiguré les
fouffrances du Meflie , lefus les en avoic
lui mefme avertis par plufieurs fois, leur
dénonçant expreffément qu'il feroit cru-
cifié en Ierufakm,&: qu il reffufciteroit le
îroifiefme jour. Et ncantnK)ins après touc
cda.
210 De U Refurr, du Seigneur I e s v s.^
cela, ils demeurèrent auflî étônez quand
ils virent arriver la chofe , que fi jamais
auparavant ils n'en eufTent entendu par-
ler. Il les blâme de deux chofes : Tune
qu'ils etoient depourvcus de fens. l'autre
qu'ils etoient tardifs de cœur à croire
TEcriture. Quant à la première, c'eft vn
reproche que le Saint Efprit fait par tout
aux pécheurs 5 les nommant fols & in-
fenfez,quelque fages &: avifez qu ils pen-
fent eftre. S.Paul enufe ainfî envers les
Galates , qui fe laiflbient piper aux faux
Docleurs , & par leur perfuafioi; mef-
Cd^ii, loient Moïfe avec lefus Chrift, InfenÇez.
dit- il, qui vota a enforcelez^ pourfulrequ^
vous noheïj^iez à la vérité f En effet quoy
qu'cn^dife la chair & le monde , il n'y a
point de folie ni de forfenerie plus gran-»
de,que de rcjctter la parole du Seigneur,
&: de lui oppofer nés penfees & nos
imaginations , quelque bien fondées
qu'elles femblent. Que fi ces fidèles mé-
ritent d eftre appeliez fols &: deftituez
de fens,pour n'avoir pas compris ce que
Dieu leur avoit revelè touchant le Chrift
en fa parolejde quels noms étoit digne la
rage des kiifs,qui refiftoient fièrement à
ibnconfeil,& avoient été fi furieux, que
de
s E R M O N I. 2ZÎ
de crucifier le Seigneur de gloire ? Mais
il ajoute qu ils font tardifs de cœur à croire
toutes les chofes que les Prophètes ont pronon-
cées. C'eft là la vraye fource &: de nôtre
ignorance, & de tous nos autres maux,
que nous ne pouvons abbaiffer nos
cœurs fous le refpeâ: de la parole de
Dieu^pour embrafler avec foy ce qu'elle
nous propofe.Nos fantailies &: celles des
autres hommes nous femblent beau-
coup plus croiables ; & là où FEcriture y
cft contraire nous aimons mieux feindre
qu'elle eft obfcure 5 que de choquer nos
fentimens pour Tamour d'elle. Or,chers
Frères , cette reprehenfion du Seigneur
eft digne d'une finguliere confîderation.
Car premièrement en ce qu'il appelle fes
difciples infenfcz & tardifs de cœur, à
caufe qu'ils ignoroient le myftere dp fa
croix 5 il nous montre que la vraye fa-
geffe eft de connoiftre la volonté de
Dieu,S<: non les fciences & les induftries
du monde, qui ne font que folie & vani-
té. Secondement , ce qu'il leur reproche
leur pefanteur à croire les Prophète.^,
nous fait voir que la Sainte Ecriture elt
le trefor des myfteres de Dieu , & la
vraye école>oii il nous faut adreffer pour
les
tit De la Refurr, au Seigneur I e s v s .
les apprendre. , Il ne blâme pas k% difci^
pies de ne pas croire ce que dît l'Eglife:
Ainfi n'aviennc; car celle quife glori-
fioit cilors d eftre rEglife,étoit une com-
pagnie d'aveugles furieux» & lui ajouter
foy euft été fe précipiter dans la forfcn-
nerie & dans la perdition. Mais il les
reprend de ne pas croire les Prophètes;
figne évident que c eft par leur parole,
ôd non par la prédication de TEglifc de
chaque ficelé, qu'il faut juger de la folie,
ou de la fagefle des hommes. De plus le
Seigneur nous montre encore , que TE-
criture eft alTez claire pour nous faire
entendre la vérité qu'elle contient Car
fi elleétoitfiobfcure,que nul particulier
n'en puft comprendre le fens ; comment
le Seigneur appelleroit-il (^% difciplcs
des gens grofTiers &: fans entendement,
pour n'avoir pas compris ce que difenc
les Prophètes ? Seroit-ce un procédé
bienraifonnable que d'accuferun hom-
me d'eftre ou brutal , ou incrédule, pour
avoir manqué foit à entendre une cnig-
niC^foitàla croire?Et notez que c eft des
predidions des anciens Prophètes que
parle nôtre Seigneur. Si c'ctoit donc
cftre fans intelligence & fans foy, que de
n'y
Sermon I. xxj
n'y avoir pas apris ce qu'ils difoient da
Chrift à venir; pour qui doivent paffer
ceux qui ne peuvent apprendre ces niy-
fteresdans rÉvangile ,où ils font expri-
mez & reprefentez dans une luKiierejqui
furpafTc dautant celle du Vieux Tefta-
ment , que la clarté du Soleil en plein
midyeft plus grande que celle des etoil-
Ics durant la nuiâ: ? Enfin d'ici mefme il
paroift encore 5 que Terreur des compa-
gnies qui prennent le nom d'£glire,n'ex-
cufe point les particuliers, qui vivent au
milieu d'elles, s'ils combattent ou igno-
rent quelqu'une des veritez de l'Ecri-
ture.Toute la Synagogue oîiétoient nais,
&: où avoient été nourris ces deux difci-
ples, tenoit que le Chrift ne foufFriroic
point.Etneantmoins le Seigneur ne laif-
fe pas de les reprendre rudement com-
me coupables d'une ftupiditc &: incré-
dulité très-grande, pour n'avoir pas creu
que le Chrift fouffriroit , attendu que les
Prophètes l'enfeignoient.FideleSjétudicz
donc foigneufement cette parole pour
vous garantir de ce blâme. Sondez les
Ecrituresjfans vousamuferàceux qui les
accufent d'obfcuritè. Croyez avec af-
feurance tout ce qu'elles prononcent de
Dieu,
214 Be la Refurr, du Seigneur I e s v s .
Dieu5&: de fon Chrift. Autrement vous
aurez beau alléguer ô£ les Pontifes^&cles
Pères, &: l'Eglife, &:tels autres grands
noms , dont on épouvante les fimplesjle
Seigneur tient pourinfenfez àL incrédu-
les tous ceux qui rejettent ce que fes Pro-
phètes &: fes Apôtres nous ontenfcignè
dans fes Ecritures. Mais après cette rude
réprimande, il leur donne la lumière de
fon inftruftion. Ne falloit-il fa^^A'\t-\\^qHe
le Chrifi foujfrïfi ces châfes , é' quainfi //
entrafl ef9 fa gloire? Leur trouble venoit de
ce -que lefus avoit foufFert , & encore une
mort fi cruelle & û ignominieufe que
celle de la croix. Il leur fembloit que cela
ne s'accordoit pas avecque la qualité de
Mellîe qu'il avoit prife^ & qu'ils avoienc
creu lui appartenir ; parce qu'ils ne coa-
çevoient fous ce nom qu'une perfonne
glorieufe & triomphante, entièrement
éloignée des bafleflcs & des opprobres
cil ils avoient veu leur lefus. Cétoit-là le
motif de toute leur doute ; Tunique ori-
gine de leur fcandale. Le Seigneur va
donc au devanr;&: leuf accordant que le
Chrift devoir jouïr d'une fouveraine
gloire, il les avertit qu'avâc que d y entrer,
il lui
St RM Ô N î. 12Ç
ilIuifalloitpaiTer paruncextrermc fouf-
ff an€e,*& qu'il ne devoir monter fur Ton
thrône qiie par les degrez de la croix.
D OTi s'enfuit que tant s'en faut qu'ils
deuflent s'etonner d'avoir veu tnourir
lefus en cet opprobre , ou entrer pour
Gela en quelque doute de la vérité de fa
charge i que tout au contraire cesfouf-
franccs les dévoient affermir dans la
créance qu'ils en avoient , comme fai-
fant la première Se là principale partie
defon mihiftere.ïl ne leur déclare point
encore, quelle eft la nature de cette gloi-
rcioù le Chrift dcvoit ciîre élevé après
fes fouifrancesi à fçavoir fpirituelle &r
celefte5Ô£ non temporelle ou mondaine,
comme ils s'ctoient imaginez. Il va au
plus pre(rant,&; fceontente pour ce couj^
de les guérir de leur principale & plus
pernicieufe erreur, en leur môtrant qu'il
falloit que le Chrift fouffriftjparce qu'en
étant une fois perfuadeZjil leur feroit eil
fuittc fort âisè de comprendre le reftei
en quoy il nous donne une excellente^
leçon de procéder judicieufcment &:
avec ordre dans la deduftiondc la do-
ctrine celefte i allant toûjduts aiix arti-
cles les plus neceffaires, éc dont nos
p auditeur^
iz6 De la Refurr. di* Seignfur Ie s r s J
auditeurs ont le plus de befoin d'eftrC
informez. Au reftc il ne dit pas (impie-
ment, qu'il etoit convenable ou bieiî
feant que le Chrift fouffrift ; comme il
avoit dit autrefois parlant de recevoir le
baptefmc de lean, qu'// lui étoit convenu-
hle d'accomplir toute jujlicc^. Mais il die
qu*il falloit qu'il fouftnft , par ce que Tun
n'ctoit que de la bien-feancejau lieu que
Tautre eft de la neceflïtc.îl pouvoir eftrc
le Chrift, & nous fauvcr fans recevoir le
baptefmc de Ican,ni s aflujettir aux dif-
ciplincs ceremonielles de la Loy. Mais
il n'étoit pas ^poffiblc qu'il fuft nôtre
Chrift 5 ni qu'il nous rachetaft fans mou-
rir, l'avoue que le Fils de Dieu eft morr
volontairement, & non necefTairemenr*
Car nulle autre force , nulle autre raifon
que celle de fon amour, ne Ta obligé à fe
faire nôtre Médiateur, ou à entrepren-
dre la rédemption du monde. Mais
l'ayant une fois entreprife,& ayant veftu
cette çhigrge , il a fallu neceflairement
qu'il foufFiirt pour s'en acquitter : Com-
me il eft en la liberté d'un homme de ne
pas employer fon argenr pour un débi-
teur infolvablci mais quand il s'cft une
fois confticuè fon pleige, les Loix l'obli-
genc
s E R M O >3 I. 1XJ
genr nerefTairemenc à facisfaire pour lui.
Ec que Ton ne m'allègue pointjque c'eft
la volonté & le decrec de Dieu,^^ non la
raifonou lanarure de la chofe mefmCi
qui a rendu la foufFiancc de Chrift ne-
ceiTaire. Favouë que Dieu Ta ainfi voulu
& ordonné \ & qu'il en avoic mcfnie
déclare fa volonté en diverfcs fortes^
avant que de l'exécuter. Mais ce vou-
loir & ce decrec de Dieu eft un argu-
ment tout évident delà neceffitèdc la
chofe. Car pourquoy l'euft il voulue ^
ordonnée, iî eilen'euft été neceflaire?
Les inclinations & les volontcz natu-
relles de Chrift y repugnoientiellcs dcfi^
roient que cette coupe pafTafl arrière de
lui; Elle choquoit la raifon &: le fens
commun des hommes j Comment donc
cettefouveraine rage(re,qui ne veut riea
qui ne foit parfaitement raifonnable,
euftelleconfenti fans neccfTnèàun évé-
nement fi fcaodaleux ? Mais l'amour du
genrehumain, qui nefc pouvoitfauvaf
lans cela,y a ployé ia volonté &: du Pcre
& du Fris ,• Car c'eft une loy éternelle
gravée haut &: bas dans toutes les parties
de l'univers , que le pechè doit eftie
puni, Si la jufticc contciicécde forte que
p ^ le
1 18 DeU Refurr. dt$ Seigneur I e s v s .
le Chrift ayant encrepris de ftuver les-
hommes pécheurs pour fatisftirc à la
charirè du Pcre envers eux , il ai fallu de
rccefTicè qu'il expiaft leurs crimes c'cfl:
à dire qu'il répaiidift fon fang pour eux
&: en leur place. C*efl: ce que le Seigneur
remontre à fes chers difciples , quand il
leur dit ici avecque tant de véhémence»
Ne fxlloit tl pts que le Chrijl fouffrijl ces
thofes ? Comme s\\ euft dit, C*étoit une
chofe de tout point neceffaire. Il ne
pouvôit à moins que de ce grand anean-
tiflement fatisfaire aux devoirs de fa
charge, ni executet Tœuvre qu*il avoic
cntreprife. Car dans le ftiîc du Saint Ef-
prit,qai eft celui du langage H breUîrin-
terrogation a la force d'une affirmation
véhémente. Mais jijur leur faire plus
doucement entrer dans l'eTprit une pro-
pofition fi difficile, il leurfic voir au long
par l'Ecriture, que Dieu l'avoir ainfi pro-
pofée dés le cômencemcnt ; rapportant
àc les oracles & les types , où les fouf-
frances du Chrift avoient ctè foit prédi-
tes, foit reprefentées plufieurs fiecles
avant leur événement i Erc'cft ce qu'en-
tend i'Eva igclifle qu.nvJ il aoûre, que
comm.fjçAnt f^r Moi[e^O-fmvxntfxr tous les
Fro^heiej
s fim M o N I. Z19
Frûphetes , // le»r JecUmt en toutes les Ecri^
tares les ih»fes qui étoient de lui Car je i ap-
porte cela non gcneialtmenc à tout ce
<]ue le Vieux Tcftam^nt avoit prédit du
Chnft à venir j mais particulièrement 4
ce qui rtgardoit fcs fotfFiances, & fare-
furredionila liaifondeces vcrfets avec-
que les precedens requérant évidem-
ment, que nous le prenions en ce fens.
11 donnoit à ces deux difciples la mefme
inftrucVion^qu'il leur donna depuis à tous
enfcmble , comme S. Luc le rapporte ci
après, en leur difant , // eïi atnfi écrit , ér^^<^ H
éinÇifalloitque U Chrijl fouffnji ^ refufci"'^^'
îaft des morts le tro'fiejrr/e jour, D*où vous
voyez , mes Frères , que la vraye mciha-
de de bien enfc igner l'Evargile eft en Ip
comparant avecque Moïfe & les Pro-
phètes 5 rapportant les veritez preCentes
à leurs vieilles figures, en mefurant lc$
corps de la nouvelle alliance avecquç
les ombres de Tancienne , ^ confron^
tant les vives images que Chriftnousa"
données aux derniers fiecles avecque les
crayons que Moïfe en ^voit tire?: dés
jadis. Car ce n*efl:pas en vain, ni fans uri
profond deflein, que Diey a fait mar-
cher tant de hérauts de^vancfon Fils j U
P 3 q^^'ii
Z}0 De la Refurr. d-^ Sergyieur I E s v s.
qu'il nous a confcrvè leur voix & leurs
tableaux dans les livres du Vieux Tefta-
menc.Il l'a fait tout expres,afin que nous
y'creuvions la demonftration &: la jufti-
fication de l'Evangilci écantevident que
ce rapport qui paroift entre les prédi-
rions &: les evenemens, les copies &: les
originaux 5 les modelles ôd les chofes
meimes,ne peut cftre finon l'ouvrage de
fa ibuveraine & éternelle fapience. Et
pluft au Seigneur que nous euflîons ici
ce divin difcours de lefus, qui remplit
les cœurs de ces deux difciples d'une
nouvelle flamme de joye , de foy & de
zèle ; tant il leur montra clairement les
merveilles de fes myftercs dans les Ecri-
tures. Mais puis qu'il n'a pas voulu que
fon Evangelifte nous le reprcfentaft^foit
pour exercer nôtre foy, foit pour quel-
que autre raifon qui nous eft inconnue;
elT.îVons de treuvernous mermesdans
les Prophètes , ce qu'il y fit alors remar-
quer à fes difciples. Certainement pour
peu que vous y apportiez d'afFc-ftion , il
ne fera pas difficile d'y defcouvrir pres-
que par tour,la croix de Chrift,& fesfa-
lûtairesfoufFiance5. Cet Adam endormi
à qui Dieu ouvre le côté pour #n tirer
Ton
s E R M O N î. 151
fo|flfEvc,nous peint dés Tentrée que TE-
glife naiftroit de la mort ^ des playes de
fon Chrift;&: ce que nous voyons un peu
âpres que la femence de la femme brife-
ra la tefte du ferpcnc , &: que leferpenc
luibrifcra ie talon ; qu^eft-ce finonune
predidion de la fanglante vidoire , que
le Meflîe a remportée fur Satan ; Tccra-
lant à la vérité , mais par les fouffranccs,
qu'il a fubies en fa plgs baffe nature?
Cette peati enlevée par la main de Dieu
de deffus le dos d'une brebis pour en
couvrir la nudité de l'homme , eft auflî
un emblème de la robe myft-ique de nô-
tre juftice &:den-ôcre falut, quicoiitela
vie au vrai Agneau de Dieu. Abel tuè
par fon frère , lofepîi vendu par les fiens,
& de la foffc élevé fur lethrône, Noë
enfeveli dans une arche pour conferver
îe mondc5&: devenir le Père d'un fécond
Universjfaac immole &: reiTjfcitèfur la
montagn-ede Moria, &c le bélier envoyé
.du ciel d^ facrifiè en fa place,&: lacob ac-
quérant des femmes au prix d'une labo-
fieufe fervitude , & l'agneau tuè en
Egypte pour fauver les premiers nez d'I-
fraël , de le ferpent élevé fur le bois pour
guérir lfracl.3 étoient autant de figures
p 4 de
z}z De la Refurr. du Sei^et^y I e s v s T
4clamo6t& du facrificc du Meffie. ^ça
dis autart des viûimes de latecLçn ial?çr-
|?^le^ qui crioiçnc toutes hautei;x)!ent que
pôtre r^luc- ne fe pouvoir acqiKfir que
parle fang; que le Mtflîe par cox^fe^uenc
repandroïc lefien , puis qu'il devoir çofi-
ferver le nôtre. Samfon reprçfente la
lîîcfmeverijèdunc autre fortç , perdant
gayement fa vie pour accabler les enne-^
xxyis de Ton peuple ; &: David pafTanc par
niillc & mille morts avant que de s ajf-
f^oirfurletrônçd'Ifraëli &: Iona3 jette
dans la mer pour appaifer lora^ç , en-
glouti & vomi par la baléne avant que
de convertir les Gentiis.Enfin à pêne y a-
t'il aucune délivrance tant foie peu nota-
ble f & toutes celles qui font notables fi-
guroient le falut deCluift ) où vous ne
voyez quelque enfeignement de ks fouf-
frances. Et qu'il fallnft ainfi prendre ces
fîgures,les cracks celcftes le montroient
f{di^n- clairement predifanr expreflement que
leChrift feroit navré pour nos forfaits,
froifsè pour nos iniquitez, meurtri pour
nôtre guerifon , affligé , mené à la cuerie,
enlevé de la force de l'angoiffe, & de la
condamnation , retranché de la terre des
divans i quil niettroit foiyame eaobla-
s E R M Ô N L Z3J
don .pour le pechè , qu'il épandroit f^
vie à la mort, qu'il porteroit les péchez
de pluiîeufs,qu'il feroic retrânchè5&: non^^^. 9^
pour foy. le iVaurois jamais fait, fi je 6,
voulois ici ramafler tout ce qui fe peuç
dire fur ce fujer. Ge peu que nous avons -^
touché fuffic pour juftifier ce que dit Iq
Seigneur à fcs difciples : &: pour montreç
qu*ils étoient vraycu^enc depourveusde
fens, & tardifs de cœur à croire , puis
qu après tant d avertiffemcns fi précis , 6C
fi exprès , ils fefcandalizoient encore de
fa mort, & de fon opprobre. Dieu vueil-
le. Frères bien-aimez, que cette leçoQ
nous foit auflî utile qu'à eux.* quelle al-
lume un femblable feu dans nos cœurs,
de foy de d'amour envers ce divin crucir
fié; de charité &: de bien-vueillance en.-
vers tous fes difciples. Que fa croix noui^
édifie 5 ainfi qu'elle fcandaliza les homes
au commencement s que ce foit nôtr^
confolation & nôtre joye ; au lieu qu'elle
fut la cheute 6c la ruine de plufiéurs.
Qu'elle nous foit un argument de fa ve*
rite 5 & une preuve de fa charge ; qu elle
nous attire à lui, au lieu quelle en dé-
goûte les autres.Cette éroîx,ô araes fide*
les^eftla fource de vôtre vie^S^ le fon dé-
mène
2tî4- De U Refurr du Seigneur I e s v s .
dcment de vôtre immortalité. Cette
croix abrife la tefte de vos ennemis i elle
a défait les demonsi elle a defarmè la loyi
clic a efteinc l'enfer *> elle a vaincu la
mort ,* elle a fandifiè le fepulcre ; elle a
ouvert le ciel , & acquis le fanduaire
de leternitè. Beniflcz un fupplice û fa-
lutaire j une ignominie fi glorieufe , &:
vous fou venez que c eft pour vous qu'il a
fallu que le Fils de Dieu fuft cloue à ce
crifte bois. O incomprehenlible mer-
veille de fa divine charitèi Vous ne pou-
viez eftre garantis de la mort , fi le Roy
de gloire ne la fouffroit pour vous,Vne fi
dure condition ne Ta peu empefcher
d'entreprendre de vous fauver. Il a
mieux aimé mourir fur une croix , &;
vous voir vivre dans le ciel , que de
jouir de fon ciel &: vous voir dans les
enfers. Au nom de Dieu, Chers Frères,
ne foyez pas fi ingrats que de ne point
aimer un Rédempteur fi aimable. Em-
braflez le au fortir de ce grand combat,
où il eft entré pour vous. Adorez-le
&: admirez la lumière , qu*il nous apor-
ce de ce tombeau , d où il eft refufcitè
en une nouvelle %c immortelle vie. Sui-
vez-le & Gonverfcz avccquc lui dés
mainte-
s E R M O N L 23J
maintenant en pureté , en juftice j ea
faintetè , afin d'avoir quelque jour part
cnlâ joye, en la gloire, &en leternitè
de fon Royaume celellç. Dieu nous en
Êiffe la gr^cc. Ainsi soit-il.
D£ LA
25^
D£ LA
RESVRRECTION
DE NOSTRE SEIGNEVR
lESVS-CHRIST.
SERMON DEVXIESUE.
Sur les tcrfets i8. 29. 30. 31. 32. 33 34. 35»
du Chap. X X 1 V. de l'Evangile
félon S. Lvc.
!.%• Ainfiils approchèrent de la bourgade^
eu ils allouent , mais lui fùjoit fembUnt
daller plus loin,
29. Farqitot ils le parforcerent , difanSy
Demeure avec nous ; car le foir comrf eme i
'venir y dr lejourejldesja décline. Il e^tra
donc pour demeurer avec eux.
30. Et avi?}t que comme il etott a table
avec eux^ilprit le pain. (^ rendit grâces ^puis
l ayant rompu le leur diflnbua.
31. Adonc leurs yeux furent ouvers , telle-
Tnent quils le reconnurent , mais il fe dijpa^
THt de devant eux.
32. Alors ils dirent entr eux >i Notre lœur
m bruloit il pas dedans nous^quandilparlott
À /JOUS
s È R M O K II. 157
d mus par le chemin , & mous dedaroit les
Ecritures ?
5j Et fe levant au mefmt infiant , ils
retournèrent en lerufulem^ ou ils treuverent
les onze afjemhkz y&ceuxqui itoient avec
tux.
34. ^i diÇoient , Le Seigneur efi vraye-
ment reffufcite , & s efi apparu à Simon.
3^. DO'SC ceux ci aufi récitèrent les chofes^
éfuileur étaient avenues en chemin , & com^
ment il avoït été reconnu d'eux en rompant
le pjiin.
Hers Frères;
Bien que toutes les aftions de Iefu«
Chrift , tandis qu'il a été en la terre,
foient dignes d'une très-grande confi-
deration,comme étant plenes dune bon-
té, fageffc, & juftice divine i neantmoius
entre les autres celles qu il a faites de-
puis fa refurredion doivent eftre pefccs
avec une fi iguliere bc extraordinaire
attétionsfoit par ce qu'elles s'exerçoienc
par une nature humaine, délivrée des in-
firmitezjdonc elle avoic écè enveloppée
avant
158 De la Refurf. du Seigneur I ê s v s.
avant la croix ; ôd deiormajs rcveftuS
d'immortalité ; foie pare< que c'étoiciic
les dernières de la vie qiuipofla fur la
terre; nôtre efpric ayant accoutumé de
ne rien remarquer plus curieufcment
dans la vie des grands homes , que Jours
dernières adions &: paroles .- (oit enfin
parce qu'elles nous fonc très ut iles,Gianc
toutes autant d'appuis de nôtre foy.&: de
fondemens de nôtre pieiè , entant que
cefoftt de claires & irréfragables preu-
ves de là refurreftion &: de la divinité
du Seigneur. Ces jôwrs fc devant donc
particulierementemployerà les méditer
félon Tufage de tous les Chrétiens , qui
les ont confacrez à la mémoire de ce
grand myftere ; j*ai choilî , Chers Frères,
le texte que vous avez entendu, pour
cftre le fujet de cet exercice , parce qu'il
contient Tune des plus mémorables, &:
des plus mervcilleufes adions du Fils de
Dieu depuis fa refurrcdion.C'cft que le
jour mcfme qu'il rciTufcita, ce divin Sçi*
gneur n'ayant rien plus àcœur^que Tin-
ilrudion de (es dilciples , neceffaire ^
pourfagloirejôd pourleialut du monde,
en voiant deux pai tir de lerulalcm pour
fe retirer en Emmaiis , afin de leur faci-
liter
Sermon II, 13^
liter la créance de la vérité , & fe mani-
fefterplus commodément à eux, fe mit
en leur compagnie , fans qu'ils le recon-
nuflenti Se ayant pris fon temps leur dé-
clara par le chemin , que les fouffrances
de Chrift avoient été ordonnées dans le
confeilde Dicu,& prédites en fes Ecri-
tures, ôc ne dévoient point par confe-
quent les troubler , ni ébranler lefpc-
rance qu'ils avoient conccuë de lui. Et
après leur avoir levé ce fcandale ^ il leur
fit l'honneur d'entrer dans leur maifon,
comme ils furent arrivez en la bourga-i
de,-oiis'étant mis à table, il fe découvrit
à eux ; & après ce témoignage de fa di-
vinité &dcfon amour, fe retira prom-
ptement de leur prefence , laiffant leurs
cœurs pleins de tant de confolation, de
foy, & d'ardeur, que piquez decesfe-
crets éguillons ils partirent à l'heure
mefme5&: retournèrent en Ierufalcm,oiit-
ils firent part de leur bon-heur aux Apô-
tres, & aux autres difciples leurs confrè-
res. A la vérité, je ne vous ai leu , que la
dernière partie de cette fainte hiftoirci
parce que le temps deftiné à ces adions,
nefufîîroit à vous l'expliquer toute en-
tière 5 àc peut eftre y en a t'il parmi vous
qui
140 Tie U Refurr. du Seigneuf I e s v si*
qui fe fouvicnnent qu'aucrcsfois nous eri
àuons ici expofé le commeticemenr-
Mais cette fin que vous en avez enten-
duë,nous fournira affez d'en feigne mens
de pieté , & de confolat;ion fpirituelle,
pour remplir cette heure \ fi no.us âppfor-
cons en cette médication le zèle, &: l'at-
tention que mente un tellujet. Pour
vous y aider , nous confidererons par or-
dre toutes les parties du tableau , ovi la
plume de TEvangelifte nous Ta reprefen-
tc-,premierement , comment le Seigneur
j'arrefta avec les deux difciplesdans la
bourgade d'Emmaiis \ fecondement ,
comment ils le reconnurent; en troi-
fiefme lieu comment il difpartiti & en
fuite la merveille & le difcours des deux
difciplesileur retour en lerufalem^Si Tc-
tatoùils treuverentles Apôtres i & en-
fin la communication qu ils curent les
lins avecque les autres. Ce font là les fix
points, que nous traitterons en cette
l(3:iouv^fi^^ieu nous daigne aflifter de
cette grâce falutaire ^que nous lui avoft^
demandée, & que nous lui demandons
encore pour l'amour de fon Fils lefus
Chtift nôtre Seigneur.
Pour donc déduire Ictout en cet ordre,
l'Evange-
Sermon II. x4i
TEvangclifte nous dit d^entrée , parlanc
de Iclus, 5c des deux difciples, qu'ils ap-
prochercc de la bourgade où ils alloienc,
qui étoïc Emmaiis, comme il l'a ditci-
devantidiftaocede Iciufalemde trois ou^
quatre petites Ikuës feulement. Ce che-
min fans doute fut bien court à ces
deux perfonnagcs i le divin entretien de
ce nouveau &: inconnu compagnon de
leur voyage, leur en foulageant la peine,
êc leur ctormant tellement les fens,
qu'attachez à fa bouche , 5c ne penfans
qu'aux belles 5c admirables chofes qui
en fortoient , ils ne fongeoient point au
travail du marcher. Mais le plaifir donc
ils joUiffoienr, fut troublé, quand arrivez
au logis, au lieu qu'ils s'attendoient d'y
pofleder cette douce compagnie avec-
que plus de commodité , ils fe virent fur
le point de la perdre , par ce que le Sel*
^/jeuryàit S. l^ucfiifoit femhUnt d'aSerplui
loi». Il nous faut de necciruè un peu ar-
refter fur ce pas ,• tant par ce que vous
treuverez peiireflre étrange , que lefus
le Prince de vérité femble avoir use de
quelque efpece de dillîmulation , bien
qu'en une chofe légère 5C innocenteique
4*âMcan,t qu'en efi:t les .anciens 5c mo-
g darnç$
1 41 I>e U Rëfurr du Seigneur I E s V s .
dernes avocats de la fourberie & de»
équivoques^ont abusé de ce texte pour y
fonder leur fraude. Mais à Dieu ne plai-
fe , que le menfonge treuve de la faveur
dans les aftions de celui qui^ft la vérité j ^
ou que le parfait & fouvtrain patron de
la {înceritèait fait ce qu'il nous défends
ou qu'il y ait eu de Tobliquitè dans les
2/ a> faits de cc\\M^enU bouche duquel n a pint
Tierre - ^'^^ treuve de frauder. Pour le raontrerjje
HZ, n'aurai pas ici recours a l^btilitè de
Saint Auguftin , qui pour défendre cette
adionTevapore en allegorie,pretendant
que ce que fait ici le Seigncur,fut une fi-
gure, par laquelle il reprefentoit ce qu'il
accomplit depuis > & que ce plus loin-
tain voyage dont il fit femblant^étoit
Timage de fa retraitte dans le ciel , où il
monta quarante jours après. Tavouë
que cette défaite eft tirée de trop loin;
&: qu'il ctoit difficile , pour ne pas dire
impoflible à ces deux difciples,de pren-
dre l'adion du Seigneur en un tel fens.
Sans donc en venir là,)e dirai feulement
qu à coniiderer cette adion en elle mef-
me 5 il n'y a rien eu en elle d'oblique ni
de frauduleux. Et pour le bien enten-
dre, il faut fçavoir qu&le menfonge n'eft
autre
autre chofe qi?unè contrariété entre la
^enfec idc h^ïce cœur, &: ce que nous
faifohs pâroMhe au dehors, fojc parnos
paroles, quàihd'noLis difons \c contraire
dccequehons âvônsau cœur > foie par
"hok aftiotls', ?iîia*nd nous en ^atforis qui
ôgnifieric le concratrè .cle ce que nous
ivons dari^riiiïié. î\iàîi Aie dire? vous,
l"e Seigneur cri cet en jfôft ne fait-il' pas
le contraire de ce qu*il avoir en Tapen-
fee? Preraiefdniènt il fetiii>1e que l'Evan-
geliftè le pofe àinfi e^tprëfleriicnt, difant
"K^nilfitfembUr^'f H' aller plus loin. Gac faire
fenibianr d^ijite chofe eft fa'iré'paroiftre
au dehors, qûd l^on'à 'une penfée , pu
undefrein,qo'e l'on n'a pas en clTeV. Puis
àpres,la choîc'hiefme le montre ainîï ce
femblc5P\^idemnicnt'. Car de quelque
faffotf que: Pon" prenc les termes cm-
ployeii patrEvangelifte, ûfauC'il pour-
tant allouer, qùMs fignifîent qu'au lieu
qtie les" dcttx difciples s^arrcrt'jient 3^
Emm.îiivJfè^Séigaeur fe mcttprr en adi^^
tJeçàflïrù^tf^-delcs hi{ïerl^,& d'aller
|)!us;ioin/ Ô't^ctla nVrt-i( pas contraire a
èe qiriî aybit en la p,cnfée, 5^ qu^il fie, en
effer,pu1s q'ù^i^ViVre fe^-deux dif-
ci^îes 5 (aiir'^Wsif outre pdurlofs', cômb
^''^''^ q z nous
X44 ^^ l^ Refurr. dté Seigneur I E s V s .
nous rapprenons parla fuitte de ce tcx--
tcf Chers Frères, pour commencer par
cette dernière objeftion, d*du dépend
réclaireiflement de toute la difîicultCt
je refpons que de vrai le Seigneur voyic
fes difciples s'ârrefter, ne s'arreftapaî
comme eux^mais que prenant congé, ôc
levant le pied il fe preparoit à paffcr
outre;& c'eft ce que TEvangelifte appel-
Xcfdirefemblant d^ aller flué loinibc j'avoue
encore que cette adion procède quel-
que fois d*une ferme & arreftéc refolu-
tion de paffer outre. Car c*cft juftemenc
ce qu*euft fait le Seigneur , s'il euft eu
intention d^allcr plus loin. Mais j'ajoute
que cette aftion n'a pas toujours necef-
fairement ce fens là; elle fignifie quel-»
quefois feulement une volonté condi-
tionnée de pafler outre, ficen'cftque
Ton foit inftamment requis de demeu-
rer ; ou le deflein que Ton a d'eflayer 6^
de reconnoiftre la volonté de ceux avec
qui l'on agit ainfi.Car il en eft des adions
tout de mefme que des paroles. Les pa-
roles félon les diverfes manières, donc
nous les rangeons , & prononçons dans
nôtre langage,ont des fens differens, &:
quelque foismcfme contraires: comme
quand
Sermon IL 24 j
quand pour fignifier qu'un homme eft
méchant nous àiÇom^o l'homme de bieni
Quelquefois nos paroles excédent la
vente de ce que nous voulons fignifkri
comme quand les Ifraëlites , pour figni-
fier que les villes de Canaan croient for-
tes & munies de murailles extrême-
ment hautes , difent, cruelles font clofesDenk i.
jufquaux cieux.^ il y a une infinité d'au*^^*
très manières de parler femblables dans
nôtre langage, que les maiftres de la
Grammaire & de Teloquence ont foi-
gneufement remarquées , &: qu'ils ap-
pellent communément trofes^ ou figures.
le dis donc qu'il y a des adions qui font
fujettes à la mefmc ambiguitè , & qui fi-
gnifient quelquefois des chofes & des
penfées diverfes ,ou mefme contraires,
félon le différent air qu'on leur donne,
&: les diverfes circonftances , qui les ac-
compagnent. Nôtre Seigneur n'écoute
point la Cananéenne > il ne luy répond 3/4«^.
rienjil fait plusjil la rebute, & lui dit qu'il J^.^"'^
n'eftpas à propos que les chiens ayent
le pain des enfans.Et neantmcins il n'y a
perfonne qui ne voye , & n'avoue que
cette fiennc aûion fignifioit, non un«
ferme &: arreftée volonté de luirefufer
q 5 c%
24^ ^^ ^^ ^^y^^^- ^' Seig^eiUf I e s v s.
cç qu'ellp. demandoic, m^is le defleia
feulement c}'exei:cer fa fpy , & dVprou-
yerfa patience. Et dans la vie commu-
ne les pères en u(eut tous Je§ Jours ainfi
efiyersleurs çnfans , les m^iftrps envers
leurs difciples, les nlari^ eiTV;0rs leurs^
fçmmes. Et, dans rivGgcVdeia<;:i.vilitè or-
,dinaire5il y a quantaèd^aftionsqui ont
de femblabk s lens figurez , comme pour
Xie nous pas eioignçr d^ çiotte fujer,quâd
nous rcfiftons aux inftanccs d'un ami qui
âefnede nous retenir enfamaifon, &:
auquel nous nous laifTons vaincre enfin ,-
ce reroiteftrc impertinent que de pren-
dre telles honn(ftti;t,z pour des crimesi
bc celui qui ious qmbrc de cela nouscoii-
damncioit ou de epcnfongc ou d*incon-
ftance,feroit lui mefinc ridicule) Tout
àinfi donc que Ton n auroit nulle^raifon
d'acculer de menterie oude fraude, ua
homme qui dans fon langage fe fera fer-
vi d'une hypei bole , ou d'une ironie , ou
de quelqu'une de ces autres figurc's,s*il le
fait à propos ; pour ce que ou fa pronon-r
ciation,ou la tiffure de fon difcouismon-
tre affcz quel cft Ion fens;de mefme auflî
cnefl: il de cette forte d'adions , que
nous avons nommées figuréi^s. Leurs tir-^
conftanccs
Sermon IL 247
canftanccs découvrant ce qi* elles fîgni*
fient, Ton ne peut raifonnablement ac-
cufer celui qui les fait , de fraude ou de
mçnterie,fous ombre que quelquefois on
les employé en autre fens. Or ileftevi-.
dent que celle du Seigneur en ce lieu eft
de ce rang-làifignifiant non précifeméc
qu'il cuft intention d aller plus loin,mai$
feulement qu'il pafTeroic outre^fi les priè-
res & les inftances de ces deux difciples
nelobligeoientà s arrefterrlà. Et quant
à ce que l'Evangclifte dit qu'il fit fera-
blant d'aller plus loinjc'eft un terme qu'il
ne faut pas^prefler ; &c qui exprime feu-
lement l'apparence , & non le fond deU
chofe , fignifiant iîmplement que le Sei-
gneur fit en cette occafîon tout de mef-
me qu'il euft fait , iî au fond il euft été
abfolumentrefolu d'aller plus loin. Où
eft celui qui fift fcrupule de dire parlant
de cette CananeennCydont nous venons
de rapporter l'exemple que le Seigneur^,
faifoit femblant de lui vouloir refufer.
la grâce, qu'elle dcfiioit > ou qui s'accro-
chaft fur ce terme , fi l'Evangeliftequi
recite cette hiftoire , s'en étoit fervi? Et.
néantmoins tous avouent qu'il n'y eut
aucune fraude,ni difilmulation ainfi prp-
q 4 premcac
i4-8 I>e U Rêfurr. du Sttgneur Ie s v s .
premcnt nommée dans Tadioli de nô-
46. ^^^ Seigneur. Et quand S. Marc ayant
raconté que le vaifleau des difciples
écoiragicè de la tourmente > ajoute que
le Seigneur vint à eux fur la mer , & les
Touloit pafler^ qui ne voit qu'il euft peu
dire touc de mefmc c^uH fatfoit femblant
delesv0ulûir fajfer'y (ans entendre par là
autre chofe , finon qu'il faifoit ce qu'il
cuftfait,fi au fond il cuft eu la volonté
& ledeflein de pafTcr outre ? Soit donc
conclu que ni les termes de TEvangc-
iifte, ni le fait du Sogiieum'induifent
nullement ce que prétendent les advo-
catsdu menfonge, qu*ily ait eu aucune
fraude ni obliquité dans cette adion de
nôtre Seigneur, &: que par confequent
elle ne favorife nullement les deguifc-
mcnsjnilesmenfonges & équivoques de
cts gensjqui fe donnent la licence de fi-
gaifierau dehors le contraire de ce qu'ils
cicnncnt caché au dedans de leur cœurs
& cela avec des paroles , & des adions
qui ne peuvent raifonnablement s'en-
tendre autrement; nirufage,ni lesloyx
de Dieu & des hommes ne permettant
point,qu on les prcne en un autre fens;&:
nul de ceux qui \ts voyent, ou q^ii les
efcoutcnt
Sermon IL z49
efcotitent ne les pouvant interpréter
que de cette forte. Mais cette difputc
étant éloignée de nôtre fujet , & n eftanc
pas fort obfcure au fond, puis que ce n'eft
que la partions que Tintereft de la chair,
qui y forment de la difRitiliè , je reviens
à mon texte; oùTEvangelifte nous dit,
que les difciples voyant que le Seigneur
faifoit (emblant d'aller plus loin , le fur-
c^refit-idifans , Demeure avecque now \ car li
Jcir commence a vemr^cjr le jour ejl desja Je-
cline, Qjiand il dit, qu'//j- le forcèrent^ ou
le contraignirent ^'ûcutctiA non qu'ils lui
firent violence , ou qu'jls larrcfterent
malgré qu'il eneufts mais que parTin-
ftance , l'ardeur & la franchife de leurs
prières ils Tobligerent à demeurer avec^^SF.r^^
eux j au mefme fens que ce meime au-'^-
thcur dit dans le livre des Aâ:es> que Ly-
die contraignit Paul é'fa compagnie ,* c'eft à
dire qu'a force de prières elle les retint ^'''•'^
chez elle ;& dans la Genefe dans un fait
\ tout femblablc à celui-ci , Mcïfe dit des
deux Anges envoyez pour ruiner Sodo-
me,que Lot les contraignit d'entrer en fa
maifon s c'eft à dire qu'il les prefTa tant &:
fi inftamment, qu'ils firent enfince qu'il
dcûroir. Pour obtenir cette grâce du
Seigneur,
25© Be la Refurr. du Seigneur I e s v s •
Seigneur, les deux difciples lui reprefen-
cent>qu'il fe faifoic tard, & que s'il paffoit
outre il femettroic en danger deftre fur-
pris par les ténèbres, dans des lieux éloi-
gnez de fon logement. Pauvres gens i ils
îiepenfoient psmquece fuft le Soleil de
jufticCyqui fait le jour par tout où il eft ,ô2
que la nuit ne peut jamais envelopper .Ils
ne penfoient pas que c'étoit le Seigneur,
quieft par tout en feuretè,autant en la fo-
litude , que dans les villes les plus habi-
tées. Ils Graignoient pour lui , & ils dé-
voient craindre pour eux mefmes. Ce
qu'ils ajoutent que le jour eft desjade-
cKnè eft pour éclaircir ce qu'ils avoient
dit que le foir commençoit à veninparce
que dans leur langage le foir ^ ou le vejpre
iîgnifie toute la partie du jour^qui fe paffc
depuis midy jufqua la nuit. Ceftpour
dire que raprcfdinée étoit desja fort
avancée, & que le Soleil alloit au cou-
chant. Et peuteftre que le defir de rete-
nir le Seigneurjleur fait hauffer & ampli-
fier cette penfce^ce qu'ils eurent le temps
dcretournercn Ieruralem{ comme nous
l'entendrons cy apresjmontrant , ce fem-
ble>que le jour n*étoit pas fi fort auancè,
qu'il n'en reftaft encore quelques heures.
Le
Sermon IL M^
Le Seigneur vaincu par une fi naïve &; Q
innocente prière leur accorde ce qu'ils
demandent , & entrA pur demeurer avec
eux, O divine bonté du MutVicîôadmir
rable bon heur des difciples î Le. Maiftre
ferend incontinent au dcfir des fiensiôc
toute cette image de refiftance qu'il leur
oppofe quelquefois a cft qu'un myfterç
de fon amour i pour allumer leurs cœurs,
pour enflammer Jeurs prières , pour
cprouverla confiance de leur pieté. C eft
ainfi qu'il voulut que lacob lui arcachaft
fa benediaion ; &: la Cananéenne la guer
rKondcfafille. Il refufe afin que nous
le preflions, prenant plaifir à nous voir
lutter contrelui par les efforts d'un (aine
zèle, & d'une courageufe perfevtrance.
Fidèles , qui avez appris ces fccrets dans
fon ecole,ne vous effrayez point, quand
il traitera de cette forte avccqne vous.
S'il fait (cmblanc de pafler outre,f\ifiiTez-
le hardim-nt i f:ncez le , comme fï tcx
cesdifciples,&: ne le quittez point qu'U
lîf foiteFtrècl^cz vous pour y demeurer^
&s'y faire connoiftre à vous. Non, Sei-
gneur; ne nous laiiTepomt. Puis que tu
as da'gnè nous honorer de tacompagnie^,
vucUks âufli habiter dans no^maiions.
Emrg
î-fi 'De U Refurr. d» Seigneur I E s v s .
Entre fous ces mifcrablcs toits, &: nous y
découvre tcsmyfteres,& temanifefteà
nous : que nous y contemplions ton vifa^
gc,&y apprenions avecquejoyc quieft
ce doux &: débonnaire Seigneur,qui nous
a ouvert tant de merveilles. La nuit s'ap-
proche > Les ténèbres vont couvrir la
ferre. Ne nous abandonne point dans
cette horreur : car ceftnous qu'elle me-
nace s Quant à toy, Seigneur , tu portes
par tout la lumière &: la joye avecque
toy. Demeure donc avecque tes fervi-
teurs ; que ta prcfence les affeure 5 que ta
bouche les inftruife ; q«e ta main les re-
paiffciqueta parole les éclaire. Ccft-là,
Chers Frères , c« qu'il nous faut dire au
Seigneur; & fi nous le preffons ainfi, il
nous accordera nos defirs très affeuré*
ment, félon fagracieufe promeffe, qu*il
ouvre à celui qui heurte 5 qu'il entre chez
celui qui Tappcllc^ qu*il eft au milieu de
tous ceux qui s'aflemblent en fon nom.
Mais confiderez aufli le bon heur de ces
deux difciples. Ils arreftent chez eux le
Prince de vie & de gloire, & fous Timage
& l'habit d un pauvre voyageur , ils lo-
m,i^2. S^"f '^ Seigneur de lunivers. L'Apôtre
en i'Epitrc aux Hébreux exalte Thofpita-
litc>
Sermon II. i^j
l/tCjdc ce qu'elle a fait loger des Anges à
quelques uns fans qu'ils en fceuflent rien.
Elle procura beaucoup plus d avantage à
ces deux-ci. Car elle amena dans leur
maiion, non un Ange , mais le Souverain
Moaarque des hommes & des Anges.
Fidèles, imitez leur charité , fi vous défi-
rez d'avoir part en leur benediftion.
Ouvrez vos maifons aux étrangers i Ne
les y recevez pas feulement. Attirez les
yiallez au devant d'eux» comme Abra-
ham; Forcez-les d'entrer , comme ces
deux difciples. Contraignez-les comme
Lydie. Car le Seigneur aime une ardente
charité ; celle qui prefle les hommes de
recevoir fes aflîftances ; &: non celle à
qui il les faut arracher par force. Sut
tout ayez foin de ceux qui font capables
de vous inftruire en la parole : de vous
expliquer les myfteres de la croix i & de
vous montrer lefusChrift dans les Ecri-
tures.Qui fçait s'il ne vous arrivera poinc
d'avoir le Seigneur lui mcfmc en leur
perfonnc ? Que dis-je,qui le fçait ? Noa
Chers Frères , n'en doutez pointi Toutes
les fois que vous recevez un des fervi-
teurs du Seigneur , un de fes plus pauvres
membres, vô|ifle logez lui mef^pe. il fera
cheg
2 54 ^^ ^^ Refurr, da Seigneur I e s v s .
cheîs^vous , &i "vôtre table auflî bien
qu'il fut à celle des difciplesenEmmaiis.
Que fi vous ne Ty voyez point , auflî ne
faifoient ilspasnon plus aucomtnencc-
ment. Mais fi vos fens he Ty peuvent ap-
percevoir , vôtre foy certes , l'y doit ré-
connoiftre, puisque fa parole noiTs pro-
met que qui reçoit fcs ferviteurs ,1e re-
'^o!&ls. Ç^^^ ' ^ ^^ quiconefue recueille tun dis
}%.^or f lia petits de fesfreres-^il lerecuei/ie lui mef-
me. Et fi vous n'y appercevez pas le
Seigneur des Tcntrée , il fe fera bien fen~
tir à vous par la vertu de fa divine pTefèn^-
ce.Ceft ce qui arriva aux deux difciplesi
Car le Seigneur content de leurdocilicé^
de leur affedionj^ de leur charitè,fe dé-
couvre enfin à eux ,- & leur fait voir vi-
vant celui qu'ils croyoïcnt mort Etdvintj
dit rEvangc'hfte,^//^ comme il eîioitk table
avec eux , il frit le pdn & rendit gr mes ^fuk
ï Ayant rompis le leur âtfirthuA. Alors leurs
jeux furent envers^ tellement quils le recon-
nurent. Quelques uns des Doftcurs de la
communion Romaine prétendent que ce
pairi diftribuè par le Seigneur à ces deu^tf
difciplcs , fut celui de la fainre Cene^
donra ce qu'ils difent , il leur adminiilra
le Sacrement j &: abiîfenc •niuitcde ce
paflage
» s E B. M O N 1 1. 255
partage , pour confirmer Tufage que deux
de leurs Conciles ''^ ont établi au milieu * ^c^»»-
d'eux , de ne diftribuer que le pain ^acrè^^*^^
au peuple Chrécien/ansleur faire parc de
la coupe; dircftement contre Tinditu-
.cion du Seigneur, contre ^ordonnance
cxprefle de TApôcre, qui commande à
chacun de s'éprouver foi-n«efme, ôc ainii
de manger de ce pain , & boire de cette
coupe,& enfin contre la coutume de TE-
glifeuniverfclle, durant mille ou douz«
cents ans, qui demeure encore dans tou-
tes les communions des Chrétiens, non
fujettes au Pape. Maispremieremenr>
quand bien on leur accorderoit> que TE-
vangeliftc parle ici de la Sainte Cène,
toujours ne s enfuivroit'il pas qu'elle aie
ctè diftribuée par le Seigneur a ces deux
difciplcs, fous une cfpece feulement. Ca^t
tout ainfi que par une figure qui compred
un tout fous le nom de Tunedefespac-
ties,ils veulent, que lé mot de pain figni-
fie la confecration de rEuchariftie encie-
re,c eft à dire 6£ du pain &: du calice; nous
dirions que dans le mefme mot eft pa-
reillement comprife la diftribution de
Tun ôi de laucre , n'y ayant non plus de
diiScukè en cetcesjdernicre expofkion,
qu'en
z^6 De la Refurr. in Seigneur Ies v s^
qu'en la prctniere.Mais je dis en fécond
lieu , que c'eft la feule paffion de leur
mauvaifc caufe,qui leur a infpirè cetto
fuppofirion , n*y ayant rien dans le texte
qui induife, que Icfus Chrift ait donné
le facrement à ces deux difciplcs ; & en
effet plufieurs de TEglife Romaine mef-
me,vaincus ^r Tevidence de la vérité,
nous donnent ici les mains , hL interprè-
tent ce paffage d'un repas commun \ ÔC
c'eftlàoù nous conduit le fil &: la fuite
mefme de cette hiftoire , que ces fidè-
les ayant achevé leur petit voyage ,&:
ayant fait entrer le Seigneur en leur
maifon , ils le firent afleoir à table > pour
lui dofincr à fouper. Quoi ? quand ce
USi.27. mefme S. Luc raconte dans les Adcs,
?5- que S. Paul dans le vaiffeau qui lepor-
toit à Romc,prit du pain , &c rendit grâ-
ces à Dieu devant tous, & l'ayant rompu
commença à raanger,veut il dire quM fie
la Gène ? tous ne font- ils pas <l'accord,
qu'il entend un repas commun ? Et donc
pourquoy prendrons nous autrement ce
qu'il dit ici en la mefme forte du Sei-
gneur lefus , Ç[[itl prit dupaw^ é* re/idit
grâces , é* (J^e C ayant romfu , // le dijlrihua >
Jyla.is oucrp (ju'il n'y a rien qui nous
pbligç
s E R M O N IL 25^
oblige à enceiidce ces paroles du facrc-
mcnc ,11 y a uae raifoa qui nous force à
ne les prendce pas cii ce fens. Car biea
que, nos adveiiaires precendenCîqu'il eft
permis de ne diftribuer aux commun ians
qu'une feule. c{pe ce du Sacrement, ils
confciTcncneancmoins que Tonne pcuc
les conficrer que coûtes deux enfemblc.
Or,ilnc paroiit point ici que le Seigneuc
aie pris ou bcni ïa. coupe. S. Luc ne parle
que du pain. Ceaainpmenc il n'eft donc
pas ici queftion du Sacrement, qui ne fe
fajt jamais ians la coupe . Et quant à
quelques pères qu'ils alleguem,U femble
qu'ils ayent entendu non que le Sei-
gneur ait ici cclebrè l'Euchariilie , mais
bien quelque choie de myftique 5 àC
qu'ayant voulu que les deux diiçipies le,
reconnuifent en la fraction du pain pre-
cifemcnt , il ait (îgnifiè par la,quec'efE
dans Tufage du facrement de fon pain,&^
dans l'unité de l'Eglife , reprefenceepar
le pain,qucroa5re^vb fa çqnnoiiTance.
£t quand ces Pere^ auroient creu que le
5cJgneur donna le facrement à cesdeux
diTciplcs , nous ne ferions pas oblige^ à
fuivre ce qu'ils diroient fansraifoniétanc
' clair &: confeisè de chacun qu*il leur ar-
t rive
158 De U Refttrr. du Seigneur I e s v s:
rive quelquefois de fe tromper en Tex-
pofition de l'Ecriture. Soit donc conclu
que rien ne nous oblige à entendre ce
texte autrement que d'un repas com-
mun , auquel ces deux difciples conviè-
rent leur divin horte. MaiSjdirez vous,
comment & pourquoi le reconnurent-
ils plûtoft alors qu'auparavant ?Que pou-
voit avoir cette fradion du pain de plus
propre & de plus efficace pour leur dé-
couvrir que c'étoit le Seigneur,quen'a-
voiteu le longdifcours, qu'il leur avoic
tenu par le chemin?Car il femble que ce
fut le moyen qui le leur fit reconnoi-
ftrctant par ce que TEvangelifte dit ici,
que quAndii eut rômfu (jr diftnhuè U faWy
alors tls le reconnurent \ que par ce qu'ils
racomeront ci après eux mefmes aux
Apôtres , que lefus avoit crè reconnu
d'eux en la tradion du pain, c'cft à dire,
comme le prétendent nos adverfaires,
par la fradion du pain. Ici, mes Frères,
je ne veux point m'aider de l'expédient
de plufieui's interprètes de TEglife Ro-
maine,qui tiênent que le Seigneur avoit
une faflon particulière de rompre le
pain^le mettant en pièces , & le taillant
en morceaux avec la main feule, auflî
propre-
Sermon II. 2^^
proprenienr^que s'il Icuft coupe avec un
coûceau ; & que c'cft par là qu'il fut re-
connu par CCS deuxdifcipks.Ieconfefre
volontiers que cette invention eft grof-
fiere^ô^ plus digne de rifée que de confia
deration y joint que la licence qu'elle
prend de fuppofer hardimcrdes chofcs,
dont l'Ecriture ne die rien > &: de multi-
plier les miracles à fa fantaifie fans nulle
necefTirèjeft de très mauvais &: très dan-
gereux exemple. Mais je diray premiè-
rement qu'il n'eft pasbefoin de pre fup-
pofer, que la fraftion du pain, ou autre
adion du Seigneur lefus à tablerait été la
marque particulière par oii il ait été re-
connu. Tout cela iignifie feulement le
temps, auquel arriva cette reconnoif-
fance ; c'en eft la circonftance & non la
caufe ; Quand ell ce qu'ils le rcconnu-
rent?quandil leurcut diftribuè le pain.
Et ce qu'ils diront ci après ,qu'/7 .ei/é?//
été reconnu deux en UfraBion dfipaln.ncH
pas à dire fariafracfion , comme veulent
nos adverfaires , mais bien fimplement ^
lors de la fracîion , en rompant le pain i
comme le traduit nôtre Bible, c'eft à
dire, lors qu'il le rompit.Mais d'où vient
qu'ils reconnurent alors celui qu'ils
t 2, avoicnç
2éo De la Rejurr. du Seigneur I e s v s .'
avoienc veu & olii durant tout le che-^
min fans le reconoiftre ? L'Evangelifte
nous en dit ici exprefTcmcnt la raifon;
Alors-^ d i t- i 1 5 leurs jeux furent ouvert s jte /le-
ment qu'ils le reconnurent. Ci- devant il
nous a avertis au commencement de
cette hiftoire , que leurs jeux ètoient reîe-
nu6\de fdffon quils ne le f eurent reconnoïjire.
Maintenant il nous dit que leurs yeux
furent ouverts ^tellement quils le reconnu-
rent. Apres cela qu*eft-il befoin de cher-
cher hors d'eux quelque autre caufe de
cette reconnoiffance ? Comme quand^il
Cet. 21. cft dit dans la Gcnefe, que Dieu ouvrit
ï> les yeux d'Agar , &: qu'elle vit un puis,
qu'elle n'avoit point apperceu aupara-
vant:& dans Thiftoire d'Elizéejque Dieu
ouvrit les yeux defon garçon, & qu'a-
. lors il vit une montagne plene de cha-
17. riots de feuiTEcriture fignifie par là que
Dieu leur leva réblouïflement , ou quel-
que autre empefchement , qui comme
un voile retenoit leurs fcns. Ici tout de
mefme S.Luc difant que les yeux des
difciples furent ouverts , il entend que
cequiconfondoit leur veuë &: l'empef-
choic de rcconnoiftre leur bon Maiftre
prefentjquelquc familier que leur en fuft
, robjer>
""Sermon IL léi
Tobjetîque cela, dis je, fut alors ôtè par
fa merveilleufepuiflance > de fa (Ton que
leurs fens ayant recouvré leurlibertè^
remarquèrent & difcernerent airément
celui qu'ils avoientjufques là &C veu, Se
ouï , èc entretenu fans le reconnoiftre.
D'où paroift que ce qui les avoit empef-
chez de le reconnoiltrCjétoit non la va-
riation de fa vraye ôd naturelle forme;
mais le voile Se robfcurciflcmcnt de
leurs fens ; &: que le changement etoic
arrivé non en fa pcrfonne , mais en la
leur. A cela vous pouuez ajouter que
leurs fens étant une fois en liberté, ils
purent remarquer en fon adion , des
chofes qui les aidèrent à fortir de Ter-
reur oij ils avoient été jufques lï^^Sc à re-
connoiftre que c'étoitaffeuremct lefus;
comme par exemple , ce qu'ils lui virent
prendrcbenir,^: diftribucr le pain. Car
cen'éroit pas la coutume que celui qui
étoit invité ou receu &: traittè , coupaft
&diftribuaftle pain. Cétoit le Maiftre
du logis 5 celui qui donnoit à manger,
qui avoit accoutumé de fervir ainfi du
pain dés l'entrée du repas à ceux qu'il
avoit conviez ou reccuschcz lui. lefus
donc faifant cet office , montroit par là
r 5 qu'il
Z<D 1 De la Refurr. du Seigneur I e s v s*,
qu'il ctoit le Maiftre & le père de famil-
le;ce qui leur pue donner occaiîon de ie
douter qui il ctoir, &: de le confidercr
plus iittentivemcncqu'ils n*avoierit fait.
Joint qu'il fe peut auflifaire>que Tadioa
de grâces donc il bénit la table , ayant
quelque chofc de particulier,comme ils
l'ouïrent prononccrjclle leur re'vcilla i e-
fpritide forte que fe fouvenantquc c'e-
toic celle dont Icfus avoit accoutumé
d'ufer étant avec eux, ils furent par là
confirmez dans le foupçon qu'ils avoiéc,
que c'étoitlui: &' ayant examiné le tout
en eux mefmes, & ouvert tout ce qu'ils
^voient de fen5,pour le bien confiderer^
ils reconnurent enfin que c'êtoit lui
mefme affeurement. Quels furent en
cet inftant les mouvemés de leurs amcsi
leur étonnement , de voir en vie celui
que trois jours auparavant ils avoicnc
veu mourir fur une croix, & envelop-
per dans un fuaire, & pofer dans le tom-
beau î leur joye, d'avoir recouvre leur
Maiftre,& de voir rclevc'es par fa vie les
liantes &: douces efpcrances que fa mort
avoit abbatuësilciT fecrette honte , d'a-
voir vcu&'oiii fi long-temps entr'eux
ijcux une fi grande , fi chère, &: fi divine
perfonnc
Sermon II. a^l
pcrfonnc fans la reconaoiftre î Javoir
veUjs'il fautainû dire , le Soleil defcen-
du au milieu d'eux, fans l'avoir peu dif-
cerner ? Mais candis que la confuûon de
ces pallions fi diverfes tient leurs âmes
comme charmées, Se ravies hors dVlles
mefmts, lefu^ , dit TEvangehftc , dijpirut
de devant eux, O doux &: gracieux iiei-
gneur , pourquoi t'envoles-cu fi vifte de
la venë de tes chers difcipKs ? pourquoi
leur arraches tn fi foudainement d'entre
les bras une fi agréable jouïfTauce ? A pei-
ne t'ont ils reconnu , qie tu Icslaiflcs,
difparoiffant comme un éclair. Mais,
Frères bien-aimc-z , ce fag/ Seigneur ne
fait rien que j'jllement &: utilement pour
lesficns. Cétoit aflez pour l'édification
de leurs cœurs, qu'il les eufl: déliurez de
I J'erreur, «S«r de la doute où ils étoient \ SC
qu'il leur euft fait rcconnoiftre par de
certaines & indubitables preuves la vé-
rité de fa refurreftion , leur montrant les
crophées de fa victoire , les rayons de (a
gloire, ôdies fondemens de leur bon-
heur. Il avoir aufG à penfer aux autresià
qui il fe manîfcfta pareillement en diver-
fes raanicres:Ioint qu'il fe fit encore voir
à peux-ci mefme peu de temps après dans
r 4 râfTem'
a^4 pel^ Refurr. du Sergp^eurltsvs".
raflcmbicc des Apônes , commeS. Luc
le racontera ci-aprcs ; de force qu'il ne
rnanqna r»cfî a leur conlojhriqri. Et il firt
à propos 5 qu'il les quitiaft ainfi foudai-
nemenr, afin que fon dcparc les obligeaft
à retourner en lerufalcm, côme ils firent,
pour communiquer leur joye aux autres,
ël exercer leur charité envers eux, com-
me ils avoienc montre &ù for-rifiè leur foy
envers lui II en ufa ainfi envers fes autres
difciples, ne converfant avec eux durant
ces quarante jours qu'il demeura (uv la
terre , qu'autant qu'il écoic neceffaire
pour leur montrer la vérité de fa rcfur^
reâion i de peur qu'une plus longue con-
verfâtion ne leur fift encore defirer fa
demeure ici basi comme nous n'y foni-
nies que trop enclins de nôtre nature. Sa
prefence releva &: affermit leur foy. Son
départ purifia leurs affections , leur mon-
trant que ce ne fqroic plus déformais eft
Ja ferre qu'il le fiiudroit chercher; &
^^ comme dit l'Apôtre, qu'encore qu'ils
ï^. rcuflent connu fclon la chair , mainte-
nant ils fe dévoient accoutumer de bon-
ne heujc à ne l'y connoifire plus. Ce
départ les preparoit a fon Afcenfion dans
U cicl,le comble de fa gloire, & Taccom-
plilTç-
SS R M O N IL 2^5
plifTement de nôtre nouvelle vie. Au
refte la curiofice humaine a recherché il
y a long-rennps , de quelle fafToa le Sei-
gneur dirparuc ainfi à lesdiiciplcs. Ori-
gène efpnr grande fubtil , mais hardi 5^
encreprenaiix , eftimequefon corps de-
puis la refurredion eroit de telle nature,
qn*il fe rendoic viiible de invifible , come
il lui plaifoic ; qualité qu*il attribue auilî
à la fubftance des Anges^de faflbn qu en
cécendroit il prétend qu*il difparur, non
en ferrant ou s'éloignant du liei où il
etoit avec ces deux difciples , mais feule-
ment e« retirant h foissM faut auifi dire,
les couleurv,la forme,&: les autres ijuali-
tez fenfibies de fon corps, qu'il avoit ci-
devant comme étalées ôc déployées de-
vant leurs fens. Mais cette fantaifie eft &:
vaine &: dangereufe. Dangereufe , parce
qu*elîe anéantit la vraye nature du corps
du Seigneur , la iiibtilifant en une effence
fpirituelle & angclique j au lieu que la
gloire qa il a reveftuë, ne lui a oftè aucu-
ne des proprietez & qualirez eflentielles
d*un vrai corps , entre lefquelles eftTé-
paiffeur , la forme , la figure , &: ;>'i.l m'eft
permis d*ufer de ce terme, la vifibilitè.
Mais cette opinion eft auflî vaine ; côme
cella
\aB.8.
'166 De la Refurr. dt* Seigneur I e s v S •
celle qui n'eft fondée fur aucune autorité
deTtc i ure. Car de ce que dit ici S.Luc,
que le Seigneur dijpzrut de devant [es diici-
pies , li ne s enluit non plus que Ion corps
ait été tendu invifible > que celui de Phi-
lippe, de qui il ditaillcufs q^ic l' E /j, m df^
Seigneur l'ayant ravi , l Eunuque ne le vïd
^." "' fins C'cft une falTon de pai icr coumiune
dans les Auteurs du langage Grec, pour
fignifier qu'une chofe eft ôtée de la veaë
des hommes. CVft donc à dire non quç
le Seigneur fe rendit invjfible , ou quM
s'évanoiiic comme un phantôiiu- , ce qui
cft dircftcmcnt contraire à ce que l'E-
criture nous enfeigne de la nature d fon
corps, mais bien qu'il fe retua fi foudai-
nementdela prefencedc te^ dtuxdiici-
ples que la viftcfTc de fon éloigtumcnc
fut comme imperceptible à leurs lens : ce
qui convient tres-bit n a Tagilirè que tous
les Cl^étiens attribuent aux corps refluf-
citez. Et cet effet de fa puiflance confir-
ma entièrement les deux difciples cnla
créance qu ils avoient que c'ctoit vérita-
blement lelus.Et alors repafTant par leur
cfprit ce qu'ils avojent veu &: ouï,& Tim-
preflion quMs en avoient fentie en eux-
mefmes , ils s'étonnent de leur propre
ftupiditè»
s E K M O N II. 2.<^7
jftupiditc, comment tant de marques fi
cvidenrcs de leur lefus ne leuravoienc
point ouvert l'efprit pour reconaoiftre
que ce ne pouvoir eftre autre, que lui qui
parloir à eux : No're cœnr^ difent-ils , rte
brulok-ilfits AU dedans de notv.^quand il par-
lait a ^cfusparlf chemi/^ , dr nom decUroit
les Ecritures ! Comment ne Tavons nous
point reconnu des-lors?Comment outjç
fa douceur fingulierc , outre rcxccllence
ordinaire delà dodrine , Sucette admi-
rable manière d'enfcigner 5 qui lui efl:
particulière 5 cette force encore ôC cette
efficace divine, qui forçant de fa bouche
ÔC fecoulant dans nos amcs pari'oieilie,
mettoit nôtre cœur tout en feu , n'a t elle
point réveille nos fens t Comment cette
flamme cclefte,que nous avions tant de
fois connue & éprouvée, a-t'elle pu brû-
ler à ce coup dans nos cœurs, fans nous
faire connoiftre celui qui l'y allumoit?
Cette ardeur dont ils parlent , {ignifie les
grands & violensmouvemensd admira-
tion,de joie, d'affedion , de defir, d'efpe-
rance,& autres pafTions fpirituelles , que
l'entretien du Seigneur avoir caufées
dans leurs cœurs. C'cft TefFct decctef-
prit celefte, qui accompagne la parole de
168 De U Refurr. au Seigneur IesvsT
Dieu,ouvrant les cœurs des fîdelles , 6^
les touchant vivement au dedans, tandis
qu'elle leur eft prefchée au dehors :&
pour nous reprcfentcr cette efficace , elle
cft fouvent comparée à un feu i comme
quand leremie difoit , q'^iUvoh eu dans
kr.io. f on cœur comme un feu Ardent enferre en fe s
os-i (jr tel quil ne lefouvoit fu^porfer. Ec
David dit quelque part en mefme fens,
que fon cœur sVtoit échaufé au dedans
TfM.s9 de lui,&: que le feu s'étoit embrazè dans
fa méditation. L'Apôtre dans l'Epitre
t^ "^ aux Hébreux nous defcric cette force de
la parole de Dieu en ces mots, qu'elle eft
vive& plene d'efficace, &:plus pénétran-
te qu'une épée à deux trenchansiqu elle
atteint &: qu'elle divife Tamc, l'efprit, les
jointures, &: les moelles , & juge les pen-
fées & les intentions du cœur. Et c'eft
pour la mcfme raifon que TEcriture don-
ne quelquefois aux miniftres de cette pa-
role des éloges li glorieux , difant qu'ils
convertiflent les âmes humaines , qu'ils
^.for.fo.illuminent les entendcmcns,qu'ils renou-
^'^'' vellent les hommes ; qu'ils ruinent les
fortcreflcs, &: dctruifent lesconfeilsôc
toute hauceffe qui s'élève contre lacon-
ïioiffimcc de Dieu i Ik. amènent toute
pen(ée
Sermon II. 169
penfee prifonniere à l'obeiflancc de
Chrift. Et cettecomparai^onc^ufeuex-
prim#fortbien cette vertu delà parole
divine ; parce que le feu eft le plus vif,&:
le plus adif de tous Icselemens, qui
éclaire, qui échauffe , qui fond les plus
durs métaux, qui nettoyé les plus im-
purs, qui change ce qu'il faifit > qui fe
meut inceffamment éc sVleve toujours
en haut, Se y porte ce qu'il a converti en
fa nature. Qui ne void que c cft une
claire Se naïve image de ce que la paro-
le de Dieu fait en nos âmes ? Car c'eft ce
my{liquefeu5quidiflîpant les ténèbres
de nôtre ignorance nous illumine en la
connoiffancc de la vérité ; qui allume
dans nos cœurs l'amour de Dieu &: du
prochainjqui amollit toute la dureté de
nôtre nature , pliant Se fondant nos vo-
lontcz , Se de rebelles qu elles croient,
les faifant devenir fouples & obeïiTan-
tes j qui purifie nos entrailles , y brûlant
Se confumant les affedions de lâchait;
qui nous transforme miraculeufemenr>
de lourds, pefans. Se maffifs que nous
étions,nous rendant vifs, adifs, Se allè-
gres ,&: nous élevant continuellement
en haut par l'ardeur de cette foy qu'elle
nous
17-0 I>e U Reftirr. au Seigneur I e s v s .
nous donne \ ôc nous tenant dans tînt
continuel élanc vers le ciel, qtri ne cef-
fera jamais , que nous n*y foyons entrez
comme dans le vrai lieu de nôtre repos.
Mais bien que la parole de Dieu aie
toujours cette efficace en elle mcfmc,fi
eft-ce qu'elle ne Ta jamais deploiée iî
clairement , qu'en la bouche de lefus
Chriftjqui avoir l'un &: l'autre , & des lè-
vres plcnes de grâces pour prefcher au
dehors, &: la vertu rpirituclle pour vivi-
fier au dedans j d'où vient que fcs en-
nemis mcfme confefloient que jamais
^'^^'^' homme n'avoit parlé comjne Inijôd tous
généralement s'cmcrveilloient des pa-
roles de grâce qui forroient de fa bou-
che. Mais encore faut il ajouter que cct-
Luc 4. te fois-ci particulièrement il avoitré-
3^- pandu ce feu celefte dans lésâmes de
ces deux difciples d'une falTon extraor-
dinaire 5 afin que cetic flamme nouvelle
5c non accoutumée leur fuft un argu-
ment afleurè de fa vie,6<^ de fa divinité.
Et nous avons enfuitteun témoignage
qui nous 'montre combien ctoit vif ^
agiflant ce feu , que le Seigneur avoit
allumé dans leurs cœurs. (Z^ax fc leva?jt
âti'mejnie mji^m y dit TEvangeliftc, Us
retourne^
Sermon II. 171
retour ri ère »t e^ lerufa/em , oà ils treuverent
les onze anémiiez» , é' ^^^^ f «^ étaient av€c
eus. Il éioit raid , & il ne pouvoir plus
gueres relier de jour : &: il y avoirpour
trois ou quatre heures de chemin de là
jufques en lerufalem , &: ils ne sVroient
poinr repofcz depuis leur arrivée. Mais
cerre nouvelle flamme que la bouche
du Seigîieur leur avoir foufflée dans le
cœur, ne leur donne point de repos.
Elle les rourmente de forre , qu'oubliant
& leur repas , & leur rravail,&: fans con-
fiderer ni le chemin , ni la nuir prochai-
ne , ils parrent d'Emmaiis , ils vonr, ou
pour mieux dire, ils courent en lerufa-
lem.Et voyez,ic vous prie , commcnr les
mouvemens de ce divin feu ne font ja-
mais vains , ni les peines de la pierè fans
recompeni'e.Ils rrcuverenr les onzc(c*cfl:
à dire le collège des Apôtresjaflcmbîcz
avecque lesaurres difciples.Cclcur étoit
desjci une grande confolation de voir ce
(acre rroupeàu, non efpars 6^ diifipèpar
la croix de leur Maiftre ^ mais veillant
hc pafTant la première partie de la nuit
enfemblc dans un mefme lieu ; atren-
danr avec une fainre impatience fac-^
complifTement de leur dcfîr,& la eonfir-
marion
zjt BeU Eefurr' â($ Seigneur I e s v s .
macion de leur ciperanccEltaiit entrez,
comme ils vouloient ouvrir la bouche
pour communiquer à cetcc afTcmblce
les bonnes nouvelles qu'ils apporcojenr,
les autres les préviennent , <S<: obligenc
leur charité avant que d'en avoir reccu.
loffice, qu'elle leur venoit rendre ;Z<?
Seigneur , leur difent ils ^y? vrajement ref-
fufclth Ce n'eft plus un vam foupçon
fonde fur la vifijnde quelques femmes;,
C'eft une chofe affeuréc &: qui ne leçoiE
plus de doute ; Cardilent-ils , i//^^^-
faru à Simon. Njs advcrfaires de Rome
ôc quelques autres avec eux , ayant la.
tefte plenede la principauté de S. Pierre,
ne manquent pas d'y rapporter ceci;
comme fi le Seigneur s'écoic apparu à lui,,
premier qu'aux autres , à cauftî qu'il étoic
le premier des Apôtres. A ce conte, ce
fcroitàla Magdeleincqu'appartiendroic
la primauté, puis qu'il coolie que c'eft
elle qui le vid la première. Etmcfmejil
n'eft pas ,bica certain que S Pierre Tait
veu avant les deux diiciples, fe pouvant
faire qu'il s'apparut à Ton Apôtre depuis
les avoir lailTvîzà Emnialis. Et quand, il,
l'auroit veu avant €ux, ilyauroit plus
d'apparence d'en coatluirc i'ardcur 4ç
fa foy>
Se R M o iï II. i-73
ià foy , que fà prétendue principauté;
Eftant couru \t matin âu fepulcrc , & nV
ayant point treu v è !c Seigneur y travaille
de l'impatience de le voir, il n avoit ccC-
se d'y penrcr5&: d'en demander h grâce à
Dièu, jufques à ce qu'elle lui fut enfin
accordée. Peut eftre âuili que le Seigneur
voulut le fecourirde fa veuc {>lus prom-
tement que les autres, parce qu'après 1^
faute qu'il avoit faite j il en âvoit plus de
befoin qu'aucun autre. Mais Cleopas&:
fon compagnon en échange de cette
douce nouvelle font aufïï part de leur
bon-heur aujc Apôtres : leur récitant , die
S. Luc 5 Its chofes qui leur étoient avemesi
(jr comment il avoit été reconnu d'eux crk
tombant lé pain. O admirable concert
des difciples du Seigneurs qui lavant ouï
&:veu en divers lieux, les uns à la cam-
pagne , & les autres à la ville , mcflent
maintenant leurs voix pour la commune
confolation des uns & des autres j Ce fuC
lefus qui difpofa &: concerta le tout en
OGttc forte, afinq^Lie cette rencontre af-
ferraift leur foy ,& la nôtre. Recevons
doncFreres bien-aimez, la fainte&non
fufpefte depofirion , que ces témoins
innoccns raflemblez de divers endroits
f rendent
rrj 4 Be U Refurr. du Seigneur I e s v s .
rendent unanimement à la refurreârion
du Seigneur ,*6d qui a été confirmée de-
puis par fes autres apparitions, & par fon
Afcenfion dans les cieux , &: par le bap-
tefme de l'Efprit le jour de la Pentecofte,
& par les miracles de (es Apôtres> & par
lefangde fes Martyrs, ôipar laconver-
fiondu monde , & par les effets conti-
nuels de fa providence fur fon Eglife de-
puis feize cent tantd*annéesi& en eftant
plenement perfuadez difons avec ces
bien-heureux difciples , Le Seigneur ejl
vraiement rejfufcite. Ne le difons pas de la
bouche feulement. Que toute nôtre vie
le prefche;changée en la forme de ce ref-
fulcitè 5 &: portant les marques de fa ver-
tu, en une vive & accomplie fandifica-
f ion ,* Que fa parole allume un divin feu
dans nos cœur$ ; qui y confume tout ce
qu*il y a de charnel &: de terreftre ; qui
nous enflamme de zele,d'amour,& d'ef-
perance 5 qui nettoyé toutes nos afFe-
ftions , & les change en une fainte ar-
deur de courir après le Seigneur, &: d'a-
voir continuellement nos âmes en ce
bien-heureux fanduaire de Timmorta-
litè,oii il a élevé nôtre threfor. Adorons
la divinité du Maiftre i 6^ imitons la foy
Sermon II. 27 j
libellante des difciples ; nous edifianc
mutuellcmenc à leur exemple i nousçn-
trecomoiuniquanc les grâces que le Sei-
gneur nous a faites, &: les rapportant cha-
cun à Tutilitè de (es frères i honorant nos
affemblees y courant avec zèle , quittant
les logis Se les commoditez de nôtre
Emmaii^, de nos demeures particulières^
pour nous rendre en cette fainte compa-
gnie , cù prefident les Apôtres du Sei-
gneur,où fe prefchent les témoignages do
fa gloire, &: où il fetreuve lui meimèen
perfonne au milieu des {îens,& où il leur
donne fa paix , & les feelle de fon Efprir^
en attendant qu'il les glorifie là haut dan^
les cieux. A lui^avecque le Pcrc^^le
Saint Efprit foit honneur &c gloire > aux
iiecles des ûecles. Amen.
DE LA
cow»coc/oco«oooo'^coa^co^5cocowc^cocowcoîs^cf
VE LA
RESVRRECTION
DE NOTRE SEIGNEVR
lESVS. CHRIST.
SERMON TROISIESME.
Sur les vcrfcts 56. 57. 58. 39. 40. 4i.4x.45;
du Ghap. X X I V. de TEvangilc
félon S. Lvc.
3^. J?/ comme ils teneient ces propos-i Jefnf
ivi ;»f f/w^ Ce présent A m milietc d'eux , ^
/^i^r ^/> , Paix 'uoffsfoit.
37. J^/r/âr ^/i^^ tout troublez & épouvnH^
$ez penfoient voir un e/prit.
^i. Dfint il leur dit , Pourquoy efles vous
trouble:^t (j; pourquoy rmntent penfemens en
vos cœurs.
39. Voie^^mes mxlns -^ é* ntes pieds ; car
ceFî moy-mefme, Tajlez moj , ^ voiez i Car
un ejprït na ni chw-, ni os , comme vous
'voiez que fat.
40. ^and il eut dit ces chojesy il leur
montra [es ma ns ."jr jes pieds.
41. Mai cçmme encore de joye ils ne
croioient
Sermon III. 177
erotoient foint t é* s emervtïUoient -^ il leur
dth Ave:^vous ici quelque chofe à mmger^
41. Et ils lui prefenterent une pièce dc^
foijfû/j rôti y (^ d'un rayon de mieL
43. Ei Caiamprisyilen mangea deuartt
eux.
Reres Bien-aimex,
Le commun ufage de tous les Chré-
tiens aiant confacrè ces jours à la mé-
moire de la refurreclion du Scjgneur,j'ai
eftimc ne pouvoir-mieux emploier cette
heure,qu'à la méditation de ce texte,où
vous voyez le Sauveur du monde fe prc-
fentant vivant à fes chers difciplcs après
le combat de la croix, & leur montrant
par claires &: invincibles preuves la vé-
rité de ce corps vidorieux de la more,
quHIavoitfraifchement relevé du tom-
beau, après avoir fouffert pour nôtre
falut toutes les chofes neceffaires à la fa-
tisfadion de la juftice divine. Car l'Evan-
gclifteS. Luc aiant raconté dans la pre-
mière partie de ce chapitre l'ctonnc-
ment de quelques femmes religieufcs,
f 3 qui
27 8 I>e la Refurr. du Seigneur I e s v s T
qui étant allées dés le macin au fepulcre,
où le corps du Seigneur avoir été mis
trois jours auparavant , ne lytreuverenc
plus ,&: furent averties par deux Ange$
^u'il étoïc rcflufcitè des morts 5 &: aianc
ajouté en fuite que deux des difciples
étant fortis de la ville pour aller à Ém-
maus,Iefus s'apparut lui mefme a eux, ôû
les entretint de cemyftere par le chemin,
&: fe fit cônnoiftre à eux ; dont ils eurent
tantdejoye, qu*à Theure mefme ils re-
tournèrent fur leurs pas en lerùfalem, &S
y firent part de ceite bonne nouvelle aux
Ap6tres5&: aux autres difciples : TEvan-
gclifieaiant déduit ccé chofes, paurfuic
maintenant cette divine hiftoircj^ nous
reprefenie que cous ces fidèles étant dans
un mefme lieu , &: de vifant enfemble des
merveilles de cette bien-heureufe jour-
née , le Seigneur fe treuva foudainemenc
au milieu d'cuxi&: après les avoir faluëz,
reconnoifiant que fa veuc les avoit trou-
bIez,pour lever toute doute , leur fit tou-
cher fes pieds & (es mains3&: mefme pour
combattre tous les rcftes de l'incrédulité,
commanda qu'on lui apportaft à manger,
^ mangea en leur prefence , àc leur ra-
ftefchit en fuite h mémoire des avertif-
fcmcns
Sermon III. 279
femens qu'il leur avoicautresfois donnez
de ces chofes^ôi: des oracles de l'Ecriture,
où elles avoient été prédites dés jadis,
leur ouvrant lefprit pour les bien enten-
dre. Ge fera là , mes Frères , le fujec de
cette adion ; Pour le déduire par ordre,
nousy coniîdereronsavecquc la grâce de
Dieu 5 trois points diftinûement l'un
après l'autre ; Premièrement l'apparition
mefme du Seigneur lefus ; &: puis les
deux preuves qu'il emploie pour affeurcr
fes difciples de la vérité de fa refurrc-
dion ; celle de la veuë & de lattouchc^
ment 5 Scelle du manger. Apportez à
cette méditation , mes Frères, une atten-
tion digne 6c de la Majeftè de ce fouvc-
rain Scjgneur,qui fe communique à nous,
&:de la merveille des myfteres mefmes
qu'il nous y découvre , &: de la confola-
tion &r du falut qui nous en reviendra, â
nous nous acquittons religieufement de
ce fajcrè devoir.
Comme le fcandale de la croix du Sei^
gneur lefus avoir écarté fes difciples çà
&: là en divers lieux, la lumière de fa re-
farredion les raffembla dans un mefme
logis. Les Apôtres s'y rendirent les pre-
iniers,& les deux difciples partis le matin
f 4. pour
7.8q De la Refurr. di^ Seigxeur.l^ s v s,
pour Emmaiis y vinrenç iur le foir. Tan*
disque cette fainte croupe rallume fes
efperanceSjramafTarit enunles diverfcs
çtincelles, que le Seignçur leur avoic
prefentées fçparemcnt » & joignant ço
que les feq:îmes avoient oui avec ce
qu avoit veu S. Pierre , &: ajoutant à Tun
& à l'autre ce que rapportoient ces dçu:^
difciples les derniers venus s danscéc
inftant coipme ils tenoient ces prapos-^ ait
rEvangeliftc 5 lefus lai mefmc feprejef7ta
AU milieu deux , é' leur dit , Faix fou avec-
que vous, Ççft un accompli0ement de
MAuk çe qu'il leur av.pit promis autrefois dqr-
JH.LO, çant les jours dç fa chair, qu'il fetreuvcr
roit au milieu de ceux qui feroientaG-
fcmblezenfonnom. lugezdelà,FidaT
les , combien eft excellent & falutaire
Tufage des faintes afTcrablées, &:com-^
bien grande & irréparable eft la perte
que font ceux qui s'en abfentent , ou les
ncgligent-I'avouë que depuis que le Sei-
gneur eft monté dans le fanûuaire des
cieux,qui le doit recevoir jufques au re-
tabliffcment de toutes chofes, il ne fe
treuve pas prefent corporellemen(dan$
nos aflemblccs, comme il fit en celle de
«esprçmiers difciples. Mais fi fa chair
eu eft
Sermon III. iSi
en eft abfente/a dmnitè y eft prefentc^
foji Efpnt y prefide , fa majeftè & fa lu-
niiere s'y communiquent aux âmes fi-
dclcs, &: y accroiflent leur confolacion,
éc leur fanaification. Car jamais ce fou-
vcrain Seigneur n'hanore aucun fidèle
de fa prefence , qu'il ne le gratifie de
quelqu'une de fes divines faveurs. Mais
pour l'atrircr au milieu de nous, mes
Frcres, imitons ie zèle de ces premiers
difciples Quand le Seigneur vint au mi-
lieu d'eux, ils s'entretenoientnon des
chofes du monde 5 mais des merveilles
de fa refurrcftion. Sandifions nos af-
(imblces en la mefme forte, y apportant
desames plenesde foy & de dévotion,
des penfées pures &: chaftes , n y parlant
que du ciel &: de (es myftercs , &c bannif-
fant de ces façre? lieux tous difcours
profanes ou vains. Si le Seigneur nous
voit ainfi difpofez i^ il viendra fans doute
au milieu de nous; il s'y plaira, & ho-
norera nos congrégations de fa prefence
falutaire ; il y exaucera nos oraifons,&y
recevra nos ferviccs. Si y animera nos
cœurs de fon feu celé (le, ô^ nous rem-
plira de fa connoiffance &: de fa joye.
Mais fi nous en ufons autrement, fi nous
apportons
iSx De U Refurr. du Seigneur I e s v s .
apportons dans ces faintes aflemblées
les foucis du monde , & its profanes en-
tretiens, lefusChrift s'en éloignera i &:
pour punir nôtre ingratitude , il permet-
tra que les démons y prenentfa place, ^
y rempliflent tout d'erreur 5 de vices, &
de troubles. Car venir ici pour entrete-
nir fa curiofitè,ou fon babil,c'eft s'aflem-
bleraunom du monde, & de lachair,ô£
non en celui du Seigneur. Ici vous voicz
encore comment lefus Chrift fupporte
les infirmes, ne brifant point le rofeau
cafsè , &: n'éteignant point le lumignon
qui fumei comment il fe prefcnte à ceux
qui le cherchent, &: donne de nouveaux
tàlens à ceux qui ménagent bien les pre-
miers.Certainement il y avoit beaucoup
de foiblefTc en fcs difciples , comme
toute cette hiftoirc le tefmoigne. Mais
parce que le fond de. leur cœur étoic
bon, & plein d'une vraie amour envers
lui, & d'un pur &:fincere defirdeprofi-
ier,il ne les dédaigne point; Les voiant
occupez en la méditation de fa refurrc-
clion , &c ménageans foigneufement les
premières lumières qu'il leur en av#ic
données pour s'éclaircir Se s'affermir
en cette fainte créance il les fecoiirt
prompte-
Sermon III. 285
promptement, &c leur en prefente une
nouvelle beaucoup plus grande &c plus
éclatante, que tout ce qu'ils avoient veu
jufques-là Pleuft à Dieu, Fidèles, qu'il
nous tircuvafl: amfî trivaillans à nôtre in-
ftrudion, rnminans les leçons dcfcs Ecri-
tures, confidcrans lescnlcîgnemcns qia'il
TOUS a baillez! 11 vicndcoit Uîi mcfme re-
foudre ce qui nous reftede doutes, il rem-
plifoit nos fens de fa lumière,^: nous cx>n-
fîrmeroic entièrement en ia vérité, cou-
ronnant de nouvelles' grâces celles qu'il
nousâdesja faites. Car il ouvre à ceuxqui
heurtent , ôd fe prefente à ceux qui le
cherchenr, &: , fi quelqu'un, dit- il,, veut-
faire la volonté de mon Père» celui-là
cônnoiftra de la doâirine. Au contraire,il
laiffe dans les ténèbres ceux qui deda-i-
gnenc fa clarté 5 &: replonge dans Terreur
ceux qui mèpnfent les premiers enfei-
gnemens de fa vérité. Et ici, je vous prie^
remarquez la fageffe de fa conduicte en la
difpenfàtion 'de fa lumière. Il ne la pre-
fente pas route ^entière du premier coup,
à fes difciples. Vne fi grande fplendeur
les euft furpris & comme êbloiiîs II y pré-
pare peu à peu leurs fens, fe manifeftant
à eux par divers degrez. 11 leur fait pre-
mièrement
^84 ^^ la Refurr. du Seigneur I E s v S .
micremcnt dire cette merveille par fe»
Anges; puis il fc montre lui mefme à eux,
mais feparement; alun ici, & à l'autre là>
en divcrfes manicresi& aiantainfi difpo-
fé leurs cœurs par ces premières tein-
tures de la vérité , pour achever leur foy,
il feprefcnte enfin à eux tous enfemblc.
Car la veuë de chacun à part pouvoir
eftrc fufpedei&bien qu'il n'y euftnul
fujet de douter,neantmoins la chair , qui
cft ingenieufe à fe tromper, n'euft pas
manqué de dire, que c'étoitunefFet de
la mélancolie, le jeu d'une forte imagi-
nation. Le Seigneur donc pour dcfarmer
entièrement Tincrcdulitè , fe montre à
eux tous enfcmble;& ce fut pour la mef-
me raifon,qu'il fe fit encore voir depuis
à^lus de cinq cent frères à une fois,com-
me le témoigne S. Paul au quinziefme
de la première aux Corinthiens. Et cer-
Ccsilétoit nect flaire que ce myftere fuft
clairement & puiflamment établi i par ce
qu'il étoitqueftion,non de le faire fim-
plcment croire aux Apôtres pour le falut
&: pour la conlolation de leurs ames,mais
de les en rendre pubhcs ÔC authentiques
témoins,pour en pou voir certifier la véri-
té à tottt l'univers. Au rcftcTEvange-
lifte
Sermon III. 18 j
lifte ne nous exprime pas comment le
Seigneur entra dans la chambre où ces
fidèles étoient alTcrnblez.Mais il ne faut
pas douter que cette entrée n'ait été
miraculeufe , lefus aiant par fa glorieufc
vertu (îpromptement ouverte refermé
les portes du lieu , que nul de la compa-
gnie ne s*en apperccut, ce divin hoftc
s'étantlà foudainement prefentè au mi- ^^^^s,
lieu d eux ; Car il étoit nuit ; Se S. lean 19.
décrivant à mon avis la mefme appari-
tion, remarque expreflement que les
portes du lieu , où les difciples étoient
affemblezjétoient fermées pour la crain-
te qu'ils avoientdesluifs. Et bien que
Saint Luc ne ledife pas formellement,
neantmoins il le fignific aflezpar lafaC-
fon mefme de ce langage bref,&: coupe,
comme ils tenaient ces fropos^Iefus fe prefen^
Sa au milieu d'eux. Cela fufïit pour le mi-
racle de cette entrée. Ce qu'y ajoutent la
plufpartde ceux de la communion Ro-
maine, que le corps du Seigneur péné-
tra les dimeniîons de la porte fermée, &
pafTa à travers fonépaiffcur , eft un fan-
gç ne de la feule palTion qu'ils ont pour
leur traaffubftantiationj àc n'aiant aucun
autre fondement que leur imagination
preocu-
18^ De la Refurr. dt* Seigneur Ie s v s .
preocupéc, ô^ d'ailleurs choquant leâ
maximes de la rai(biïô«: de rEcnture i
donc l'une nous apprend que la chair du
Seigneur eft un vrai corps; ::?<: laurre que
c'cilune chofe impofTible &: contradi-
ûoire , que deux vrais corps n'occupent
qu'un (cul& mefme heu i chaque corps
rempliflanr neccflaircment un efpace
égala fa propre quantité. Le Seigneur
étant donc miraculeufement entré dans
lelieu où les difciples étoienc aiTcmblez,
ôi s'étanc prefcntè au milieu deux , les
faluadeces douces & agréables paroles.
Faix Jûit avecquevoHs. Au témoignage de
la veuë , à laquelle il prefentoit la forme
& la figure de fon corps , il ajoute celui
de l'ouïe , afin que par le ton de fa voix
qui leur étoit familicre,ils reconnufTcnt
plus affeurement, que c^'toit vraiemenc
lui qu'ils voioient. Quelques uns des m-
terpretes philofophent fort fur cette
paiXjqu'illeurfouhaitte , &: y cherchent
de grands myfteres , alleguans ici tout ce
que l'Ecriture nous apprend de la paix,
qu€ le Seigneur nous a acquife par fa
mort , &: de celle qu'il nous a comman-
de d'entretenir avecquc nos frères, l'a-
voue qu'il en cil le Pruicc>comme Efayc
l'avoir
Sermon III. ' 287
Tâvoit prédit; &: que la paix eft le vrai
ouvrage de toute fa médiation, le fruit
de fa mort,& Teffet de fes fouffrancesi&J:
qu'aiant fiaifchement vaincu nos ennc-
misjappaifé Dieu ,& aboli l'inimitié 4u
ciel û de la terre parlefacr4fice delà
croix ,il pouvoit juîlementau fortir àf^
fon combçau publier cette bonne nou-
velle à fes difciples , & les affeurer de
ce qu'a voient chanté les Aiiges à (a naif-i»^ «.
iànce , que gloire etoit àDieudans ies^"^*
lieux très hauts , & en terre paix aux
hommes du bon plaifir. Mais bien que
ces chofesfoient toutes très- véritables,
il femble neantmoins qu'elles ne foient
pas ici amenées à propos. Car il eft évi-
dent que ces mots, Paixfoit avecque vous^
ne font qu'un formulaire de falutation
ordinaire entre les Hébreux, comme il
paroift par une infinité d'endroits de l'E-
criture , où il eft emploie. C*eft autant
que ce que nous diîbns en nôtre langa-
ge, Dieu vous garde , ou Dieu [oit avecque
vous; le mot de paix fignifiant dans le
langage des Hchicum fante & projferite,
C eft donc fimplcment une falutation de
nô.tre Seigaeur,par laquelle il fouhaittc
à fes difciples tout bon-heur & conten-
tement
z%% De la Refurr. du Seigneur I e s v s '
tcmenc bi toute profpcnrè félon la faf^
. fonOrdinaire de ceux de la nation: d'où
il eft nai félon la chair. Mais TEvange-
lifté ponrfuit , & dit , que les dïfciples tout
troubla & épouvantez pe»joie/ft voir U9t
eJhrit.O étrange foiblelfc de nôtre natu-
jreiCes Apôtres croioicnt la refurrcftioa
de leur cher Maiftre \ ils la confeflbicnty
& difoient n'agueres en Ton abfcnce,/^
Seigneur eft vraicment reffufiite; Et main-
tenant qu'il Te prefente à eux , ils fe
troublent ,* Ils ont peur de ce qu'ils fou-
haitent, Se Tunique fujet deleurconfo-
lation les épouvante. Quel étrange & in-
comprehenfible meflange eft celui-ci?
Ils s'afleurent,& ils craignent i quand ils
ne le voient point5ils croient qu'il eft vi-
vant, &: en doutent quand ils le voicnn
Sa prcfence qui les devoir réjouïr,les ef-
fraye y elle ébranle dans leur coeur ce
qu'elle y devoir confirmer. Ils ajoutent
foy à Pierre, leur témoignât qu'il l'a veu;
&C ils la refufent à leurs propres yeux,
qui les artcurent qu'ils le voient. Chers
Frères, j'avoue que cette agitation des
Apôtres a'ccoïc p^s cxenue de faute;
Lcut Mailhe les avo-t lî fidèlement pré-
parez, à cctcc vcuë, qu'elle ne leur dévoie
pas
Sermon III. 28^
pas fembler écrange j Mais j bfe dire
neantmoins qu'elle procedoit plus d'in-
firmirè,quede maliccjç'éc/OJC;Une fimplq
erreurj«5^ non une défiance formée. Le^
grandes & foudaines &l extraordinaire^
partions caufent fouvent de.femblabUs
altérations dans nos fens ilcs furprénaiu
fi violemment que d'abor4nous ne peiH
fonspas voir ce que nous voions jufqucsf
à ce qu aiant pçis le loifir de le regarder
&c deJe maniée &:confideFçr à diveriJÊ^
fois , nous nous en afleurqiis çnfin peu à
peu. Cckcc qui arriva alors aux difçi-
pies. Ils avoient veu mourir lefus fur
une croix , il n y avoit que trois }ours:ils
Tavoient veu^^nvelopper dar^s, un fuaire,
& enterrer dans un tombeau. Lesdif-
cours de Pierre &: des autres^quoyquW
videmment reccus , quoy qu'embrailez
mefrae avecque foy , n avaient, pourtant
pas entièrement purgé leur efpcit de ces
triltcsfencimens,^*: lavoient laifsè en-
core touç plein de ces horribles imagçs^
C'eft ce qui fait qu'ils tre (raillent àfg
veuëjfufpendus entre la foy prefente 4^
leurs fens 5 & la fraifche mémoire de ci^
qu'ils avoi/^nt veu n'aguercs. feint qpe, .la
faffon dont il Se prefente à eux augméte
1 kuj
X90 Be la Refarr. dté Seigneur I £ s v s.
leur trouble j paroiffanc là tout à coup au
milieu d'eux , fans qu*ils peuffcnt com-
prendre comment, ni par où il y étoit
venu. Etceft de là fans doute que nâ-
quitlapenfée qu'ils eurent que c'étoic
une{prit,&: non la vraye chair du Sei-
gneur qui fe prefentoit à eux.Car Taiant
veu tandis qu'il converfoit avec eux,
marcher &: cheminer comme les autres
hommes , &: fe mouvoir d*une falTon
coiivenable & ordinaire à nôtre nature;
ils concluent que le fujet qu^ls^ voient
maintcnant^n eft pas veritablemct lefus,
de cequilctoit miraculeufement entré
dans ce logis & en cette chambre ; le
trouble où ils étoient , ne-i^eur donnant
pas le loiiir de confiderer > que ce divin
Maiftre.qu'ils avoient veu autrefois che-
miner fur la mer,&: s'éloigner d'un lieu
àc s a{)prochei: d'un autre en un inftanr,
auroit ^éu aifement ouvrir &: refermer
les portes d'une maifon, & tranfporter
foudainement fon corps en un lieu où il
n'étoitpas auparavant, fans dépouiller
la vérité de fa nature.D où il me femble
que nous pouvons rccucillif , que l'opi-
nion des Apôtres en ce fait étoit non
abfolum'ent , que lefus Chrift ne fuftpas
rcffufcitc
Sermon Î 1 1. z^i
reflufcitè ("car ils croioienc le contraire,
ôc ravoientexpreflementconfcfsè) mais
feulement que cet objet qui fe prefentaic
alors à eux n'étoic pas vencablement le
Seigneuns'imaginacque c'écoit un efpric,
c cft à dire un Ange, qui leur venoic don-
ner quelque inftrudion là deflus > 5ù leur
reprefentcrla refurrcûion du Scjgoeur,
en aianc pris pour cér efFer la forme &: la
voix. Telle fut Terreur de ces fideles,qui
croians S. Pierre en prifon , fe figurèrent
quec'etoitun Ange, qui avoir heurté à
la porte de la maifon , où ils croient , &:
avoit parlé d'une voix femblable à la
fienne, comme le raconte S. Luc au dou-
ziefme des Ades. Nôtre Seigneur permit
que fes Apôtres tombaient dans cette
faulTe imagination , afin d'avoir occafion
deleurjuftificr plus clairement fa refur-
reftion par toutes fortes de preuves les
plus fenfibles. Ainfi par la merveille de
fa difpenfation , leur doutera fervi àlaf-*
fermiffement de nôtre foy, & leur erreur
à rerabliflement de la veritè.Gar il ne hs
laifla pas long temps dans cette illufiorij
mais mettant auflî- tort: la main à l'œuvre,
il larracha immédiatement de leurs
cœurs , ôc y imprima la vérité par des
t 1 moiens
192. ^^ l^ Refurr. du Seigneur I e s v s .
moiens fi evidens, qu'il ne leurrefta plus
aucune doute. D*abord il reprend Tagi-
tation &: Thelhation de leur efprit iur
une chofe fi claire. Pourquoy ejîes vota
troublez. yUwx dit-il, & fourquoj montent
fenfemens en vos cœurs ? 11 marque leur
trouble &: la licence de leurs penfécs;
leur découvrant que c'étoient là les deux
caufes de leur erreur ; & les avertiffant de
les reprimer l'une & lautrcpour pouvoir
bien &: faincmcnt juger de la vérité de
ce qu'ils voioienr. La premiere,afçavoir
le trouble embarafle Tefprit , & Tempcf-
chedsreconnoiftreles objets les plus fa-
miliers, le rendant aveugle dans la plus
claire lumière. Nous en voions tous les
Jours l'expérience, quand Tctonnements
la frayeur,la crainte , la colère, TenviCjla
haine, ou quelque autre paflîon violente
^ faiïï l'ame d'un homme. Ce trouble,
comme fi c'étoit un nuage, lui dérobe la
clarté; & lui deguife tellement toutes
chofcs,qu'il ne peut rien appercevoir net-
tement. Le Seigneur avertit donc fes dif-
ciples de rafleoir &: de remettre leur
,. clprit en fa vraie &: légitime affiete,le dé-
livrant de cette importune agitation , où
Tavoit mis Icurétonnement, pour confi-
derer
Sermon III. 29c
derer avec un fens calme & raflîs ce qui
fe prcfentoit à euxi leur reprochant four-
dément en ces mots 5 Pourquoy ejles vous
trouble:^^ quMs n*avoienf point fujetde
Icdre. Dans l'autre partie de ce verfet
il reprend le peu de foin qu'ils avoienc
de rabbatre les penfees, que le trouble ds
leur cfprit faifoit najftre en eux; figni-
fiantquela hbertè qu'ils leur donnoient»
écoit ce qui fufFoquoit en eux la connoiC-
fance de la vente ; Pourquoy y dit iï, des
f entées montent elles en vos cœur 5^ Cer-
tainement quand il fe prcfcntc quelque
apparence d'abfurduè , il n'eft pas pofli-
blc que nôtre entendement n'en foit
choque, & qu'il ne remue diverfes pen-
{ét% en luy mefme pour fe développer
du doute 5 où il cft. Mais il faut ncant-
moinsen telles occafions' gouverner nos
penrécs,&les arrefter dans la fobrietè,
leur tenant la bride haute , fans donner
à la chair la licence qu'elle demande de
ramener toutes chofes à la portée de fes
fens grofïïcis. Autrement fi nous laiflbns
monter ces penfées dans nos cœurSjCorah-
me parle ici nôtre Seigneur , elle* y ré-
pandront une fi e'paiflc dbfcuritè , que
•Mous netreuveroiis rien de clair au mode.
t 5 Et
194 -Z)^ /^ Refurr, du Seigneur I E s v s .
Et comme vous voiez cjuc les nifagcs
qui s'élèvent en Tair , offufquent Ja lu-
mière du Soleil , &: dérobent à nôtre
veuë les chofes que nous apercevions le
plus nettement, ainfi nous en arrive t'il
quand nous permettons à nos préten-
dues penfées & raifons de s'élever trop
licenticufcment contre la parole de
Dieu. Ce brouillard fious hit peu à peu
tïiéconnoiftre & puis ignorer entière-
ment les chofes les plus manifcftes5&
que nous voyions auparavant le plus
clairement. Mais le Seigneur aiant ainfi
châtie le trouble, & les vains raifonne-
mens de fes Apôtres,les ramené en fuite
à la vérité; leuren propofant pour pre-
mière preuve le tefmoignagc de leurs
propres fens ; Voiez mes mains cr wespiedsy
d i t- i 1 5 Car ce H moy me (me. Tafiez. moy ^
votez : car un ejprit na ni chair , ni os , com--
me vous voie:^ que fai. Et aiant dit ces
chofes ^ il leur montra -^ dit l'Evangelifte,
fesm^insé" fi^ pieds. Le doute où ils
étoient, que ce qu*ils voioient ne fuft un
cfprit,les empefchoit de le recevoirpour
le Seigneur Icfus , dont ils reconnoif-
foient d'ailleurs toutes les marques dans
€ét objet.Cette pçnféc élevée dans leurs
cœurs
Sermon III. 2^5;
cœurs comme un nuage , embarraffoic
leur jugeme^it. Le Seigneur Tabbat & la
difTipe excellemment, leur en,montranc
la vanité par une preuve fetifible, tirée
de ce que les efprits n'ont ni chair ni os;
étant des fubftances immatérielles &:
incorporelles , comme chacun le con-
fefleiauiieu que lobjet qu'ils voioicnt
avoir &: chair ic os , comme il le leur fie
reconnoiftre & par leur veuë &C par leur
attouchement. D où s enfuit quec'étoit
vraiement Iefus,comme il dit , C'ejf moy
mefme) •& que les Apôtres le dévoient
recqnnoiftre &: embrafTer pour tel > puis
qu'ils étoient déformais aflez certifiez
que ce n'étoit pas un efpritila feule ima-
gination qui les en avoit fait douter.
Cette preuve eft admirable , & nous
fournir divers enfeignemens, qu'il nous
faut foigneufement remarquer. Premiè-
rement elle établit Tufage du raifonne-
ment, mefmes dans les chofes de la reli-
gion; voulant que les Apôtres reconuf-
fcnt que le corps du Seigneur n'étoit pas
un efprit , de ce qu ils voioient qu'il
avoit chair & os i contre l'extravagance
de ceux, qui rejettent tous difcours &:
raifonncmens comme incertains , &
t 4 douteux.
19 6 De U Refurr. du Seigneur I e s v s .
douteux. L autorité du i^eigneur afFran-
chit ki nôtre raifon des injuftes liens,
dont ces2;cns la veulent earottcr. Se-
condement , cette preuve nows enfci-
gne que lé Seigneur a de la chair & des
osaTîefme depuis fa refurreftion; ce qui
renvcrfe la refverie premièrement de
tous ceux qui fuppofent que le corps du
Seigneur eil non un véritable corps>maii
>in fantofme & une apparence feulemêt;
comme Marcion 6^ divers autres Tont
autrefois dogmatizè ;ô<: deceux pareil-
lement qui lui accordant une vraie chaif
durant les jours qui précédèrent fa CBoix,
prétendent qu'à fa refurredion il prit ua
corps d*une fubftance, bc d'une nature
toute autre : n'aiant ni les membres ni
la forme d'un corps humain.ravouc que
fes qualitez font différentes^, entant que
c'cft un corps gloricux,immortel, ôd im-
paflTiblejà raifon dequoy S. Paul le nom-
me fpirituel &: çeleftc. Mais tant y a que
le Seigneur protefte ici que le fond &: la
forme de fa nature cfl toute mefme ; ô2
qu'elle confifte en chair & en os comme
auparavant. D'oui s'enfuit que nous rece-
vrons auffi en la grande &: dernière rc-
furreftion ces mefmes corps qucnou^
avonsj
Sermon III. '^V
avpns,cort(iftans encore comme aujour-
d'hui en une maffe de chair & d os di-
ftinguée en divers membres , taillée &:
formée &: figuréc^commeellceft main-
tenaftt, bien que veftuë de gloire , au
lieu de cette infirmité qui Tenvironne.
Car puis que le Seigneur cft le patron de
nôtre vie,&: que nos corps doivent eftre
rendus conformes au fien, la vérité du
fien établit évidement celle des nôtres.
Confolez vous,pauvre chair \ miferables
oSjréjouïflTez vous. Vous aurez auffi parc
en la gloire du royaume celefte. Ce grad
jour n'effacera que vôrre infirmité ; il
Cbnfcrvera & enrichira vôtre nature ^
vôtre formeâl ne 1* abolira pas. Ne crai-
gnez point Toutrage dont vous menacer
ceux qui prétendent que vous ferez
anéantis,^: qu au lieu de vous, nous n'au-
rons plus que des corps d'air, purement
fpirituels fans cette diftindion de mem-
bres , & cette forme que nous avons
maintenant. La forme U. la foliditè du
corps de lefus vous alTeurede la confer-
vation de la vôtre, contre toutes les fan-
taifies de ces gens. Mais l'autre partie de
lapfeuve ici employée par le Seigneur,
n'eft pas moins confidêrable , qui fait re-
connoillrQ
Z98 I>e U Refurr- . du Seigfseur I e s v s.
connoiftrela folidicè de foncorpsà fes
Apôtres par la veuc & par Tattouchc-
lïient. Foiezmcs mains ér nies fieds ^ die
le fus 'yTaJlez nwy.é" votez, \ car un ejprit nA
ni chair ni os , comme vêus voiez ^u0 fai:
c'eft à dire comme vous reconnoiflez par
vos fens que j'en ai. Ce procédé auto-
rize clairement la foy des fens i & pre-
fuppofe que là où ils nous tefmoignent
légitimement une chofe >nous pouvons
&c devons la croire telle qu'ils nous la rc -
prefentent. le dis légitimement i par ce
que )*avouë , que quelquefois ils nous
rapportent les çhofes autres qu elles rie
font en elles mefmesjmais cela ne leur
arrive jamais que quand il leur manque
quelqu'une des conditions requifesdans
leurs vraies &: légitimes fondions. Ler-
reur qu'on leur attribue naift toujours de
quelque caufc hors d'eux i comme par
exemple ce qu'une tour quarrée de loin
nous paroift ronde ^provient de la trop
grande diftance ; ce qu'un bâton droit
nous (emble tors dans l'eau procède de
la nature du milieu par où nous le voiôsi
ce qu'une chofe douce femble amere à
un malade , vient de findifpofition 5c
de lalteration de fon palais. Mais quand
les
Sermon III. ^99
ks objets des fens font dans une jufte di-
ftânce5leurs organes bien difpofez , &: le
milieu par lequel ils font leurs fondions,
convenable i alors leur apprchenûon cft
véritable &: certaine; de fafîon quctonc
cela s'étant rencontre dans la veuë 6c
dans Tartouchement du Seigneur fait par
les Apôtres> ils dévoient enfuitte s'affeu-
rer,comme il le leur commande, que cc-
toit lui fans doute,&: non un efpritjou une
autre chofe. Car Ton ne peut dire ni que
kurs yeux, ôi leurs doigts, les organes de
leurveuë &c de leur attouchement fuf-
fent mal difpofez i ni que le corps du
Seigneur fuft trop éloigné deuxj ils le
manioientini qu'ily euft rien à dire de
toutes les chofes requifes dans la natu-
relle & légitime fondion des fens. Auffi .-.
voicz vous qu'eux mefmes allèguent ce
tefmoignage de la vérité de leur connoif-
fance , comme certain & infaillible : Ce
^ue mt^ avons ûjii , difcnt-ils , ce que ?îous ,. j,^^ j.
avons veu de nos pofres yeux ^ ce que?jou6i'
Avons conîimf le-, é ce ^ue nos propres mains
ont îoache de la parole de vie-^nous vous l' an-
nonçons.Uoi\ paroift premièrement la fo-
lie de ceux qui rejettent le tefmoignage
desfcns,ccmmeinçcrcain& frivole, ôc
nous
500 "De la Refurr. du Serg^ettr I e s v s^
nous défendent de rien recevoir de cô
qu'ils nous reprefenecnt, comme afleurc-
lïient veritableijufques à vouloir que Ton
doute fi la neige cft blanche , le miel
doux, & Tabûnthe amer. Que faites
vous > miferables &: forfenez que vous
cftes ? Vous renverfez Tetat entier de
nôtre vie ; vous'la plongez dans un abyf-
me de ténèbres , & la changez toute en
une longue illufion. Vous (appez les fon-
demens de toutes nos cpnnoiflancesjôc
condamnez tout le genre humain à un
aveugleracnr , &: à une furditè éternelle.
Vous outragez la providence du Créa-
teur, &: voulez que toute Tindrudion
qu'il nous donne de ks œuvres , ne foie
qu'unefourberie, puis que félon vous il
nous a baillé des guides &: des maiftres
trompeurs, pour nous conduire dans ce
grand & fuperbe théâtre du monde, ôC
pour nous en montrer les merveilles.
Mais outre l'état de la nature , que vous
renverfez, vous choquez encore celui de
la grâce , que le Seigneur a fondé dans les
âmes de fcs Apôtres , & dans les nôtres
parleminiftercde nos fens ; fauflcmenc
& inutilement fi on vous en croit, puis
gue vous prétendez que coût leur tcfmoi-
gnagç
s E R M ON Iir. 50J
gnage n'eft que piperie & illufion. Cetce
mcltne preuve ici cmploiée , par le Sei-
gneur, nous montre combien eft vaine
Tinvention de nos advcrfaires de Rome,
qui fous ombre d exalter la foy df crçdi-
tent les fens le plus qu'ils peuvent , dans
les chofes de la religion, pour faire paiTer
leurs fongcs , quoy qu'ils foieat évidem-
ment contraires aux fens & à laraifon. Il
eft vrai que l'Evangile nousenfeigne des
chofes dont les fcns ne peuvent juger,
parce qu'elles ne tombent pas fous leur
apprchenfion; &: de celles-là jeconfcffc
qu'il les faut croire encore que nous ne
les voyions ni ne les touchions. Mais
quant à celles qui tombent fous nos fens,
la religion ne nous a jamais permis d'en
juger contre leur foy; au contraire elle
nous oblige ici manifcftement à fuivre
leurs jugemens fur tels fujets. lefus Chrift
cft Dieu,& la divinité eft une nature qui
ne tombe pas fous nosicns. Ici j'avoue
qu'il faut que la foy s'élève au dcflusdu
fens >&: que ceferoixune impiété de ne
pas croire la divinité du Seigneur, fous
ombre que nos yeux, ni nos mains n'en
reconnoiflent pas^ 1a forme en lui. Mais
Âq ce mefrae kfus Chxill nos iens nous
rapportent
3^1 De la Refurr. du Seigneur I e $ v s .
rapportent que c*eft un homme, que Ton
corps eft une chair humaine. Tant s*cii
faut que ce foitbien fait de le mecroire
ou d'en douter, fous ombre que la foy eft
au delTus du fens s que tout au contraire
c'eft une extrefme impiété , que de cho-
quer leur depofition , &: jamais la foy ne
renverfeles légitimes témoignages des
fens. Le fens,!a raifon &: la foy font tous
des dons d'un mcfme Dieu , quinefe
peuvent entrechoquer.C'eft ce que nous
avons à apprendre ici en gênerai. Mais
pour defcendre au particulier , ce procé-
dé duSeigneur avec fes Apôtres réfute
nommément deux erreurs de TEglife
Romaine fur le point de TEuchariftie, &:
établit clairement les veritcz que nous
leur oppofons. Sur ce fuiet il y a deux
grandes queftions entr'cux &: nous^com-
ine vous fçaveziLa première (î ce Sacre-
ment eft du pain ; la féconde s'il eft pro*
prement &: en fabftance le corps naturel
de lefus Chrift. Appliquons lapreuve du
Seigneur, &: la dodrine qui cnrefultc,
à Tune, &: àTautre. Voions tt tâtons ce
fujeti comme le Seigneur commande ici
à fcsdifciples. Interrogeons nos yeux ÔC
nos doigts que c'eft qu'ils vQient,&: qu'ils
maïueni:
s E X M a-K III. 303
manient. Ils repondront conformément
les uns & les autres que c*eft du pain.
Croions donc en toute feurecè fur leur
foy^que c'eft vraiement du pain. Si vous
recufez ou infirmez leur tefmoignage en
cet endroit, vous TafFolbliffez tout de
mefme cnfoccafion où le Seigneur la
emploie. S'il eft vrai ( comme vous le
fuppofez) que fous ces apparences de
pain que nos fcns reconnoiflent au Sa-
crement foit cachée une fubftance toute
autre que celle du pain ; il pouvoit donc
eftrefemblablement , que fous les appa-
rences du corps de Chrift veuës & tou-
chées parlesdifciples 5 fuft cachée une
toute autre nature que la fienne. Si mes
fens m'abufent en l'un de ces deux fu-
jets , ceux des Apôtres les ontauifipû
tromper en l'antre. Or le Seigneur, leur
recommandant le tefmoignage de leurs
fens 5 comme un vrai & légitime moien
de laconnoiiTance de fon corps , pre-
fuppofe qu'il eft valable , certain , Se non
trompeur. Il faut donc avouer aufïî ne-
cêffairement qu'il n'y a non plus de fal-
lace,ni d'incertitude en la depofition de
nos fensfurlefujet de l'Euchariftie ; ^
que comme les Apôtres s'aflcurerenc fur
la
304 T>eU Refurr, du ^igrieur I e s v s .
la foy de leurs fens que ce qu'ils voioiene
ecoit véritablement le corps de Chrifty
nous devons pareillement croire fur la
depolition des nôtres que ce que nous
voions en TEucariftie eft véritablement
du pain. Vous ne pouvez douter de leur
tefmoignage en cet endroit, que vous
n'ébranliez celui des Apôtres i que vous
ne trahiffiez à Marcion la vérité de la
chair de lefus Chrift ^luifourniffaût des
armes pour en éluder les preuves5&: que
vousnefaflîez flotter dans une mifeva-
ble incertitude toutes les fciences &: les
connoiflances des hommes. Quant à
l'autre controverle, elle fe peut d'autant
plus clairement vuider par la dodrine
du Seigneur en ce lieu, qu'il y eftque-
ttion de (on mefme corps,qu'iImontroit
alors à fes Apôtres. Ils doutoient fi ce
quife prefentoit à eux étoit vraiemenc
fon corps -, &: non plufl:oft quelque fan-
tofme.Le Seigneur pour les en éclaircir,
leur commande de le rco;ardcr &: de le
manier;pour conclurre de la chair ô^ des
os qu'ils reconnoilTent en lui parleurs
fens , qu'il n'ctoit pas un cfprit , mais ce
mefme Icfus, qu'ils avoient veuci-de-
vant.Cette preuve poic clairement deux
chofcss
Sermon II L 50J
chofcsil*une que le corps de Chrift eft
de chair &: d'os. L autre qu'il eft vifible
Se palpable , c eft à dire tel que nos yeux
peuvent recôÉoiftre fa chair ôc fa majGTe,
di nos doigts la manier. S'il eft donc en
TEucariftie, nos yeux y verront la diftin-
â:ion de fes membres, &: nos m^ins y
toucheront la molleffe de fa chair , & la
dureté de fes os 5 tout ainfi que les Apô-
tres dans l'objet qu'il leur prefenta alors.
Or il eft evident5& confefsè par nos ad-
vcrfaires , que nos fens ne treuvent rien
de tout cela dans TEucariftie. Certaine-
ment il faut donc avouer que le corps
du Seigneur n'y eft pas. Ils répondent,
que le Seigneur paffa bien par le miheu
de ceux de Nazareth, qui le vouloient ^eUay^
précipiter , Se s'échappa de leurs mains, »^{'' *»
comme le raconte S. Luc au q'^acriefmep^^^^^
defon Evangile ; étant par confequent^i/^^e cA.
cntr'eux fans qu'ils le vifïent , ou le tou- ^^'
chaffentjà quoi ils ajoutent l'exemple
de quelques Saints délivrez de la main
de leurs perfecuteurs en la mefme forte.
Mais cette inftance eft impertinente Sc
hors de propos. Car pour prcfuppofer
avec eux ( ce qui ncantmoins leur pour-
voit eftre contj^ûèjque ces Nazariens ne
y viflcnc
}o ^ DeU Refurr. du Seipettr I e s v S .
vilTenc &: ne touchaflent point le Sei-
gneur , quand il fe fauva de leurs mains;
qui ne voit que fi cela eft vrai, il arriva
ainfi parce qu'il lia leurs fénspar fa ver-
tu toute puifTante , retenant la force na-
turelle de leurs yeux &: de leurs mains
jufques à ce qu*il fuft en feuretc? Au lieu
que dansTEucariftie^aulTi bien que dans
fon apparition à fes Apôtres, il laiffe nos
fens en plene liberté , & bien loin de
nous foullraire Tobjet dont il eft que-
ftion 5 nous le prefente, 5j nous le baille,
& nous le met mefme non fimplement
en la main , mais en la bouche & en Te-
ftomac. S*il y etoit donc véritablement
prefent,nous l'y verrions &: l'y touche-
rionsitoutainfi que firent alors les Apô-
tres.Et quant aux accidens du pain,c'eft
une enveloppe trop mince & trop foible
pour cmpefcherles fondions de nôtre
attouchement ; loint que cela mefmes
que la fubftance de l'Eucariftic tient
dans un petit morceau de pain , juftifie
aflez à nos fens qu'elle n'eft pas le corps
de Chriftinul ne s'etant jamais imaginé,
que ce qui ell enclos dans un morceau
de pain,foit un vrai corps humain. Enfin
ce qu'ils ajoutent qu'il le peut faire par
Sermon III. 307
la vertu divinCjque le corps du Seigneur
ioic en un lieu à la faffon des efprits, fans
y occuper aucune place i cela dis-je, de-
ftruit évidemment ce que le Seigneur
pofe en cet endroit , que Ton corps cft
palpableiétant clair qu'il ne le fera pas,
s'il eft dans un lieu de la fafTon , qu'ifc le
fuppofenr, cetceimaginaire faflbnd exi-
ftence étant par leur propre confeflîon
imperceptible à tous nos fens. Retenons
donc fermement malgré toutes les illu-
fîons de leur chicanerie 5 la vérité du
corps du Seigneur,comme il l'établit ici
lui mefmeid'autant plus que la féconde
preuve par laquelle il en éclaircit fcs
difciples) ne convient non plusàTEu-
cariftie ^ que la première. Car voiant
que de joye ils ne croioient point enco-
ïc.àC s'émervcilloient, il leur dii^Ave!^
votfs ici quelque choÇe a, manger f Et ils lut
fnÇenterent , dit TEvangelifte , une pièces
^e poijfon rôti -i ^ d'un rayon de miel ; Bi
l'aiant pris , il en mangea, devant eux, La
manducation étant une des aftions na-
turelles d'un vrai corps humain , il eft
clair que tout vrai corps humain en eft
capable, c'eft à dire qu'il la peut exercer,
l'avoue que les corps glorifiez ne l'cxer-
v 2, cent
}o8 DeU Refurr. du Seigneur î e s v s .^
cent jamais > mais cela procède, non de
:;Ce qu'ils en foicnt incapables ,ou qu'ils
ayent manque 'des organes neceflairesà
cela 5 de la bouche , du gofier , de l'efto-
macjmais de ce qu'ils n en ont pas befoin,
étant foûtenus parla vivifiante vertu de
TEi^^rit ,&non parTufage des alimens;
comme il paroift par lexemple du Sei-
gneur en cet endroit , qni mangea , non
pour aucune fiennc necellîiè , mais feule-
ment pour affermir la foy de fes Apôtres,
&: guérir toute leur incrédulité. Puis doc
que ce corps prétendu par nosadverfai-
res dans TEucariftie étant en cet état eft
par leur propre confeflîon entièrement
incapable &: de cette adion U de toute
autre femblable, à caufe de rmdiftin-
âion &: de la confufion de fes parties
fous un point; tenons pour tout afleurè
que ce n eft nullement le vrai & naturel
corps de lefus Chrift ; toutainfique les
Apôtres reconnurent par cette aftion
qu'ils lui vixent faire, que ce n'étoit pas
un fantofme , comme ils s'étoient ima-
ginez au commencement , mais un vrai
corps humain.Sur quoy nous avons à re-
marquer d'un côté , combien eft trouble
le mouvement de nos afFcdionSjpuis que
la
Sermon III. 309
la joye des Apôtres les empefchoic de
bien reconnoiftre fon fujetis'embaraiTant
elle mefmeparfa propre précipitation^
& de lautre combien eft doux & indul-
gent ce fouverain Seigneur, qui daigne fi
mifericordieuiiment fecourir Tinfirmitè
des fiens,Ieurdônantun nouveau moien
pour charter toute doute de leurs cœurs.
Et puis qu'il a fi diligemment 5 & fi ma-
gnifiquement établi la vérité ^ farefur-
redioniembraflons-là/reres b^n aimear,
avec une entière foy. Adorons ce divin
refrufcitè^reccvons la paix qu'il nous pre-
fente ; jouïffonsde la lumière qu'il nous
apporte,- efperons ce qu'il nous promet»
& faifons ce qu'il nous commande. Ec
comme ces faints Apôtres aiant une fois '
veu les lumieres5& couché les merveilles
*de fon corps glorieux, renoncèrent à la
chair & à la terre ,6i confacreienc toute
leur vie à l'étude de la bien-heureufe im-
mortalité, en publiant,ôi communiquant
le myftere à toutes nacionsipouflez d'une
femblable ardeur, laifibns-là toutes ces
chofes baffes , dont nous fentons tous les
jours la vanité & la corruption ; & cou-
rons après ce nouveau Seigneur, le vrai
Prince de la vie ôc de réternitè;cher-
V 5 chons
jio 1)6 U Refurr. du Seigneur I E s v s .
chons fon roiaume &: la jufticc , & fai-*^
fons part de fes threfors à nos prochains,
afin qu'après avoir ici bas imité façon-
verfation , & accompli fon œuvre 5 en
toute patience, & purciè, un jour nous
reffufcitions auffi en fa gloire pourvi^
vre ®ncr cternelkment avecque luû
Amek.
DM LA
DE LA
RESVRRECTION
DE NOSTRE SEIGNEVR
lESVS-CHRIST.
SERMON QVATRIESME.
Sur les verfets 44. 45. du Chap.
XXlV.de rEvangile félon
S. Lvc.
44. Pu^ , lefus 5 leur dît , Ce font ici les
frofos , c]H€ je vous tenois , quand fétois en-
core Avec que vous -^qu ïi f Allait , que toutes
les chofes ^ qui [ont écrites de moi enlaLoy
de Moïfey éés Prophètes^, & Pfeaumes fujfent
accomplies,
45. Alors il leur ouvrit l'entendement
pour entendre les Ecritures.
Hers Freresi
Si vous confiderez la prédication, &
retabliffement de l'Evangile dans le
monde par la foy , que les hommes y
V 4 ont
}I2, I>e U Refurr. du Sei£;;eurlEsys.
ont ajoutée 5 le recevant pour une do-
ftiine veritableila refurreftion de nôtre
Seigneur lefus Chrift en eft le principal.
Se le plus important article. C'eft la clef^
& la dcmonftration de tout le refte;
étant clair, que fi lefus a êtè refTufcitè
des morts par la puiffance divine ( com-
me il n'eft pas polîible, qu'il lait été au:,
trement ) il eft fans doute le Fils , & le
Chrift de Dieu, &: fon tefmoin ; doù
s'enfuit evidcmmcnt.& invinciblement
que Ta Hoarine eft veritable,n étant pas
imaginable , que Dieu euft voulu prcfter
ni cmploier la miraculcufe puiflance
pour relever du tombeau en une vie
glorieufe & celcfte une perfonne qui
euft pris fon nom en^^vain,&: quifefuft
fauflement attribué la qualité de fou
Prophète. Ccft pourquoy TApôtre Saint
lio^.r, Pa^l^ditque lefus Chrift a ète flcftement
decUre Fils de Bieu en fui(fmc€ félon /'£"-
firitde fm^tf cation par U refurr eci ion des
morts \ Parce que fa refurreftion étant
une preuve conveincante de famiflion,
elle nous juftifie plcnement la vérité de
fa prédication , &r nommément de la
qualité de Fils de Dieu , qu'il se toit
toujours conftamment attribuée. De là
vient
Se KM ON IV. 3ÎÎ
vient encore 5 qu'envoiant fes Apôtres
pour convertir le monde, il a voulu qu'ils
pofafTent ce myftere comme pour le^"^;'^^;
fondement de leur predicationîafTeurantîir' 3.1/.
un chacun, qu il eftreffufcitè desmorts,^'^^^
afin qu'en fuite nul ne fift difficulté de le
recevoir comme Dodcur Se Prophète
fouverain du genre humain. Et c*cfl: par-
ticulièrement en cela que confiftoit leur
charge, Ac rendre tefmoignâge , que Chrift
etoit reflufcitè des morts ,* comme il Ç^' ^^^
roift par le difcours de S. Pierre dans leji.^.
premier chapitre des Aftes. Sans cela,
comme dit S. Paul fur un autre ftier,/r/»r for. r;.
fredicationeufl été vaine. Cette rcfuire-^w-
âion du Seigneur étant donc d'une iî
grande importance 5que toute radrr^ni-
ftration&de leur charge &: de nôtre foy
en dépendoit JI a été fur tout neceffiiro,
que fa vérité fuft clairemcrr c'cabiie
dans Tefprit des faints Apôiir5 ; cntella
forte, qu'il ne leur en reftaft aucune
doute. Ceft pourquoy le Seigneur lelus
demeura encore quarante )onis avec
eux après fa refurredionidurant Icfquels
il ne leur juftifia pas feulement la vernc
de fa vie , & de fa nature humaine p.u le
tefmoignage dekursfens>sVtant tair ^
voir-,
314 ^^ l'^ Refurr. du Seig^enr I e s v s .
voir, & ouïr & toucher à eux plufieurs
fois, & en diverfes manières ; mais de
plus encore pour leur donner un entier
cclaircifle^ent de ce myftere , leur re-
prefenta&: leur fit entendre les prédi-
rions de cette merveille , & celles qu'il
leur en 3voit faites lui mefme avant fa
mort, & celles que les anciens Prophè-
tes en avoient confignées plufieurs fic-
elés auparavant dans les livres du Vieux
Teftamentjy ajoutant les raifons,qui re-
queroient neceflairement^que le Chnft
mouruft , & reffufcitaft des morts, corne
il avoit fait; De forte qu'après cette in-
ftrudion ils demeurèrent nonfcuicméc
perfuadez &c convaincus à pur & à plein
de la vérité de la refurredion de leur
Maiftre, mais encore entièrement fatis-
faits bc éclaircis de fes caufes , & de fa
neceffitèj ny treuvant plus rien après
cela,qui leur femblaft étrange & incroia-
ble 5 comme elle leur avoir femblèda-
bord; mais tout au contraire reconnoif-
fant , quelle e'toit fi conforme à la vo-
lonté, & aux confcils de DieUjôd fi con-
venable à la raifon des chofes mefmes,
qu'il n'avoir pas ctè poflrible^qu'U arrivaft
autrement. S. Luc a emploie ce dernier
chapi*
Sermon IV. 3IÎ
chapitre de fon Evangile à nous décrire
cette admirable hiftoirej nous y repre-
fentarft une partie des apparitions du
Seigneur à fes Apôtres après fa refurrc-
dion , ôc des divins difcours; qu'il leur
tint fur ce fujet. Ces jours aiant été con-
facrez par l'ufage des Chrctiens à la mé-
moire de ce grand myftere ; )*ai eftimè,
qu'il feroit à propos de vous expliquer
en cette a£lion les paroles , que vous
avez ouïes , &: qui viennent en fuite de
quelques autres 5 que nous avons autres
fois traitées en de femblables occa-
fions. Car TEvangelifte a ci- devant ra-
conte comment le Seigneur après s'eftrs
apparu aux deux difciples allans en Em-
maiis 5 fe prefenta le mefme jour à fes
Apôtres affemblez en lerufalcm , Se leur
montra fes mains U fes pieds , ôc^ur
leur ôter tout foupçon d'illufion, man-
gea du poiflbn &c du miel devant eux.
Maintenant S. Luc ajoute , qu après
cette claire & convaincante preuve de la
vérité de fon corps, pour les affeurer de
plus en plus , il leur parla , & leuf tint
divers difcours fur ce fujet 5 dont il nous
rapporte un bref fommaire en ces motsi
Ce f0/iî ici 3 leur dit-il , les propos quejc^
}l^ De U Refurr. du Seigneur I e s v s .
vous tenois , quand jètois encore Avecque^
vous quilféiUoit que toutes leschofcsy qui
font écrites de moy en la, Loy de Motfe > é' es
Prophètes , é' es Pfeaumes fujjent accomplies.
En fuite TEvangelifte dit , ç{u alors il leur
ouvrit [entendement four entendre les Bcyi^
tures. Ce font les deux points , que nous
nous propofons de traiter , s'il plaift à
Dieu ,dans cette adion ; premièrement
ce que le Seigneur lefus dit àfesdifci-»
plesiôd fecondcmcnt ce qu illeur fitiFun,
qu'il les fit reffouvenir des difcours,qu'il
leur avoir desja tenus autresfois fur ce
fujet ; l'autre, qu*il leur ouvrit Tcntende-
ment pour bien comprendre les oracles
des Ecritures , qu'il leur avoit mis en
avant.
Quant au premier point, vous avez
desja ouï les propres paroles du Seigneur
à fes Apôtres, & difciples ; C^y^;!^/ iciy
leur dit- il , les propos -^ que jevoustenoisy
quand fétois encore avecque vous. En leur
ramenant dans Tcfprit les avertiffemens,
qu'il leur avoit dcsja donnez ci-devant,
il leur reproche fourdement leur ou-
bliancc , ic le peu de foin, qu'ils avoient
eu de bien mettre &: retenir dans leurs
cœurs les divines leçons, qu'ils avoierc
ouïes
s 1£ R M O N IV. 317
ouïes de fa bouche.Et voiez^jc vous prie,
combien cette négligence des enfeigne-
iTiens du Seigneur eft dangereufe. Peu
s'en fallut , qu elle ne ruinaft toute la foy
des Apôtres ; & elle Teuft fait fans doute,
fi lefus Chrift par fa bonté n'euft fecouru
leur foiblelfe au befoin i Encore fut-elle
caufe j qu alors mcfme ils receurcnt fon
fecours avecque pêne , & ne fe rendirent
qu'après plufieurs grands efforts de fa
grâce. Au lieu que s'ils euffent bien re-
marqué &: retenu ce qu'il leur avoir pre**
'dit de bonne heure tant de fa mort , que
de fïrefurredion , ils n'euffent treuvc ni
Tune ni l'autre étrange. Ni l'ignominie
de f une, ni la gloire de Tautre ne les euft
ni furpris 5 ni troublez. Au contraire ce
pU^nftucl accompliflement de fa predi-
dion 5 euft augmenté & aftVrmi leur foy;
puis qu'ilcontenoitun évident argument
de fa verirè &c divinité. Mais aiant & ap-
porté peu d'attention des le commence-
ment à bien entendre ce qu'il leur en
avoitdit,&y aiant ii peu fongé depuis,
qu'enfin ils en avoient entièrement per-
du la mémoire -, de là vint, que quand ils
le virent cloué à une croix, ôc peu après
renferme dans un tombeau , ils en furent
iiiiîni-
5i8 De U Refarr. du SeigpfeurlESvs.
infiniment econnez dc Ibandalizez , cet
événement fi trifte 5c lî contraire à leurs
penfées , aiant lourdement ébranli 6c
prefque renverse toutesleurs cfpcrancesi
&: que depuis encore , quand après cet
cfclandre il fe prefenta à eux vivant ^ ils
s'éblouïuent à cette belle lumière ,c<i ne
pouvant croire une choie fi merveilleufc,
ôi fi éloignée de leur attante, ils prirent
le Seigneur pout un fantofme, & fa veuc
pour une illufion. Ceft ce qu'il leurre-
proche ici;Pourquoy vous troublez vous?
dit-il- Pourquoy avez vous tant de diffi-
culté a croire ce que vous voicz ? Et juf-
quesaquand vôîre cfprit refiftera-t'il à la
foy de au tefmoigoage de , vos propres
fensi comme sM ccoic queftion d'une
chofe nouvelle 6c inopinée, ôc dont vous
n'eu (fiez jamais ouï parler ? Vous n'avez
rien vcuîCn: ne voiez rien encore 5 que je
ne vous culTc desja prédit ci-dcvanr> 6c à
qaoy jcn'curte fidèlement préparé vôtre
créance par mes avertiffemens. Faites an
peu d'effort fur vôtre mémoire, &c rame-
nez en vôtre cfprit les choies, dont il n'a
pas confcrvé le louvenir, comme il de-
voir. Et vous treuvercz , que tout ccc'h
qui vous paroift fi cua-;.gc, n'cit precife-
ment
s E R M O N I V. $19
ment que cela mefme , que je vous difois
autresfois^-quand j'écois encore avecque
vous. Si vous m avez tenu pour véritable,
vous deviez de's lors vous eftre rcprefen-
tèenlapenféetout ce qui eft arrivé de-
puis i &c le croire avant Tevenemenc
mefmeibien loin d en douter & de vous
en troubler maintenâr, que vous le voiez
accompli. Ceft la remontrance que le
Seigneur fait ici à (es difciples en ces
mocs. Ce font ici les prof os que je vous te-
nois quitriâfétois encore avecque vous L'An-
ge qui s'apparut aux femmes prés du fe-»
pulcre5&: qui leur annonça l'heureufe
nouvelle de la refurreftion de lefus, leur
en avoir désja dit autant. Pourquoy cher- luc 24.
chez vous^lcur difoit-il , e;jtre les morts celui ^•7-
qtii ejl vivant f il ri eft f oint ici ; mais il eft
rejfufcitè ^tiilvous Jouvienne comment il
ptrla .i vous^ quand il étoit encore en Galilée-^
diÇiint. , qiiil fal/oit, que le Fils de [hommz^
fuft livre entre les muns des mal-vivans ,* (^
quilfuft crucifié , -:^ quil reffufcitaft autroi^
Jiefmejour.Ea effet nous lifons en S.Marc, '^^•'^'9.
& en S. Luc , que le Seigneur durant les^^'.
jours de fa chair avoic exprefiement pre-^^ 9-
dit àfes Apôcrcs tout ce-quilui devoit^,^'^' '
arriver s c'cft à dire 5c fa mort , ic fa re-
furredion
3 lo' De U Refurr, du Seigneur T e s v s .
iurredion. Et S- Matthieu tefmoigne,
qu'il leur avoit donné cet avertiflement,
non une fois, ni deux,mais plufieurs foisi
rapportât jufques à trois divers difcours, '
qu'il leur avoit tenus fur ce fujet en pa-
roles claires & expreffes ; le premier
dans le chapitre feiziefme; le fécond
dans le chapitre dix-feptiefme ; & le
dernier dans le vingtiefme i leur difant
^^^^conftamment&: formellement, (\yxenU
2i.&i7.vi/le de I erufalem tl feroit livre aux frinci-
'^^'^^° faux Sacrtfcateurs-ié' aux Scrihes^:^ par eux
condamne a mort^ ^ livré aux nations , four
s en moquer-i (jr le fouet er^ ^ le crucifier i m dû
quil rcffufciterott au troifiefme jour.CcQ: ce
qu'il leur avoit dit àeuxfeuls à part. A
quoy il faut encore ajouter divers autres
cnfeignemens de la mefme vérité, qu'ils
lui avoient ouï donner aux autres, en
paroles un peu plus couvertes , mais
neantmoins artez claires, ^intelligibles;
Jean 2, commc cc qu'il avoit dit aux luifs,^^^^^-
>^- tez ce temple ci , é* ^n trois jours je le relevé-
>*4/;entendant ion corps; & ce qu'il avoit
dit aux Scribes & Farifiens lui deman-
MAttb. dansunfigne; qtt^figne ne leur feroit point
* ' donne, fmon celui de la nos le Prophète. Car
comme lo nos fut 4« ventre de U h aie ne trois
jours
Se R M o N IV. 321
jûurs ér trois nuits \ qiUinfi ferait te Fils de
{Ifome dxns la terre trois jours é' trois ntàtSi,
le laifTc divers autres difcours , femez çà
&: là dansi'Evangile^qui fe rapportoienc
là mefrtieicotnme ce qu'il dic en S. leaa
à André & à Philippe fur le lujer de Ta
glorification , que/ le grain de froment ^^^^ ^^
tombant en la terre ne meurt ^il demeure Çeuh 14.
mais que s il meurt , // apporte beaucoup de
fruit ; $c à Nicodeme que comn:îc Moïfe
avoit eleveleferpentau defert\ ainfifa/Ioit-il^-^"^ 5*
que le Fils de l homme fuft eleve , afin que '^'
quiconque croit en lui ne perijje point , m vis
Ait la vie éternelle^. Tels croient les dit-
cours que l&Seigneur lefus avoit tenus
âfes Apôtres ,de ramort,&: defarcfur-
reftion future.tandis qu*il vivoit &: con-
verfoit avec eux.D oii paroift d\m coftè
fa divinité, en ce quil fçavoic &: predi-
foit fi punduellement les chofes à venir,
& qui dependoietit apparemment drla
volonté des hommes, & véritablement
de la providence de Dieu \ & de l'autre
rétrange ftupiditè de nôtre nature dans
l'intelligence des myfteres de Dieu. Cat
premièrement les Èvangeliftes remar-
quent expreffement, que dés le com-
mencement quelque claires que fuffent
X ces
311 BeU Refurr» dti Seigneur I e s v S .
ces prcdidions du Seigneur, les Apôtres
^2.^' ^" ne les avoient pourtant point enten-
dues ; lis n entendirent rien de ces chofe^y
LuciS ditS.Luc, muis ce frof 05 leur étoit cacheter
34. c>9. ils n entendaient point ce quiileurdifoit ; àC
^^' aîlleurs encore , Cette parole leur étoit tel--
le ment cachées , quils ne la compre noient
pointée craign-oient de l'en interroger. Vous
vous en étonnerez fans doute , & me
demanderez pourquoy & comment le
Seigneur leur aiant dit en ces termes
clairs &: exprès, quUferoit mis à mort , é*
rejfufciteroit des morts le troifiefme jour ^ ils
ne peurent comprendre des paroles fi
fimples,ôi fi intelligibles. Aquoyje ré-
pons,que c'e'toit la chofe , & non les pa-
roles, qu'ils n entendirent pas. Ils fça-
voient bien qui étoit le Fils de l'homme;
ils n'ignoroient pas ce que fignifioit ejlre
rnis à mort & rejfufciter y Mais nonobftanc
tout cela ils ne pouvoient concevoirle
vrai Ô^ naïf fcns de cette fentence i&
s'imaginoicnt qu'elle devoir fignifier
toute autre chofe plûcoft que ce qu'em-
portent ces paroles en leur vraie &: Am-
ple ô^naïfvefignification. D'oùparoift^
qu'alors & en gênerai avant la plene ^
entière manifcftation du Fils de Dieu,
les
Sermon I V. nj
les fidèles ne içavoient pas encore là
more Se la refurre Aion d^i Meffie.Car (i
c'euftérè un article expies de leur foy^
comme il l'eft î^ujourdiiui de la nôtre,
les difciples qui tenoicilt lefuspourle
vraiMcflie^n euflfcnt eu aucune difficulté
a enccndrejouà recevoir ce qu'il leur di-
foie de fa mort Se de fa refjrredion;
Mais tant s en faut qu'ils creuflcnc cela
du Meffie , que tour au contraire ils s*i-
magmoienc avecque le commun des
luifs, félon la traditive de leurs Rabbins,
que le Meflîe feroic un grand Prince
mondain , qui s'éleveroic dans une fou-
veraine gloire,fans jamais eftre dcfa!t,ni
mis à more par fesennemisifelon le lan-
gage des troupes en S. lean , Nor^s avo'^s '^^
entendu fAr la, loy ^ que le chrisidcmeurt^^'^^
tternellement s Comment dis tu donc , quïl
faut que le Fils de l'homme fott enlev}fCcitt
mefme erreur embioliilîa aufli refpric
des Apôcres ; Se les empisfcha fembla-
blement de comprendre le difcours aé
leur Maiftre.Car cranç prévenus de cet--
te fauffe Se charnelle opinion , que Id
Meffie vivroic. touiours fur la terrien
profperitè fans . jamais yoir. la more, M
xroianc fcrmemenc que léfus croit, fe
xi ' MèiTîes'
314 T>^ l^ R€furr. du Seigneur Ie s v s.
Meffie ils ne peurcnt (buf&ir, ni admet-
tre en leur cœur la penfée de fa mott, ni
par confequent de fa refurredion; Ec
fuppofant félon ce faux prejugè,qu il n'é-
toic pas vrai que leur lefus deuft mou-
rir^le refped qu'ils lui portoient,le te-
nant pour leFils de Dieu , leur faifoit
conclurrc , qu'encore que fes paroles
fcmblaffent fignifier, qu'il mourroit,el!es
ne le fignifioient pas pourtant;mais bien
quelque autre chofe , qu'ils ne compre-
noient point. C eft là , chers Frères, la
vraie raifon , qui fit treuver obfcur aux
Apôtres ce langage du Seigneur fi clair
& fi intelligible, & qui les fit tâtonner
^ broncher dans la lumière du midi,
tout de raefme que s'ils euffent été en
ténèbres i d'où vous devez apprendre en
partant , combien eft grande la force des
préjugez charnels, &: combien elle eft
contraire à l'intelligence & à la créance
delà vérité. Or n'aiant pas entendu ces
predidions du Seigneur dés le corn*
mencement > qu'ils les avoient ouïes , ce
n eft pas merveilles , qu'en fuite ils les
euffent négligées &r oubliées peu à peu.
Seulement y a t'il dequov s'étonner,que
la chofe mefme quand ils la virent
arriver
Sermon IV. 31$
arriver contre leur penfée, ne leur en
euft réveillé le fouvenir ^ pour les reti-
rer de Terreur où ils avoient été , èc leur
faire comprendre fenfiblement , q^'^
c'écoit'là juftement ce qu'avoir voulu
dire le Seigneur en tant de dilcours,
qu il leur avoic tenus fur ce fujet. Ec
parce qu'ils manquoient encore à un fi
légitime & fi raifonnable devoir , leur
doux &: débonnaire Maiftre les follicitc
d'y pcnfer , &: leur tire roieille Cs'il faut
ainfi dire ) pour les délivrer de leur af-
foupifleme^t,& leur faire ouvrir les yeux
&: les fens à la confideration d'une vé-
rité fi excellente , qu'ils avoient fi non-
chalamment laifsè écouler de leur mé-
moire. Mais outre fes propres predi-
dions^il leur répète encore un autre en-
feignement de ce myftere , qu'il leur
avoir auffi donne étant ci-devant avec
eux ; c'eft aflavoir les oracles de l'ancien
Tcftament,od la mort 5c la rcfurreftion
du MeiEe avoient été reprefcnrées tant
de fiecles auparavant i Ce font ici lespro-
pos ^fie je Vû/M te/^ûis^àit iU cjuandfétoi^s en-
core aveccjue vom , qiiil fJlott cjue toutes les
chûfes qtti fo/^t écrites de moj en la loy dc^
àlotfe^ é^^^s les Frophctes , & dmsles
-X 3. Pjeaumes
^i6 De la Refurr. du Seigneur I e s V s .
FJe^wTnes furent accomplies. Nous avons
prcmicrcn.ccà rcniaïquer en ces paro-
les une illuftrc divilion de tous les liures
du Vieux Teftamcnc, en trois parties,*
affavoir la loy de Moife^les Prophètes, U.
les Pfeaumes. C eft prccifernenr celle,
que fuivoient les anciens luifs, à qui ces
oracles de Dieu avoicnc ctè commis , ^
que leur pofteritè retient encore aujour-
d'hui à peu près. Car il paroi ft par lofe-
Ihre j phejque de (on temps , c'cft à dire queU
coMre que cinquante ans après la mort de nô^
^!pon. j.j.^ Scigneur,ccs livres divins^'toicnc di-
vifcz en trois parties, dont la première
étoir la Z^^5qui comprend les cinq livres
de Moïfe 5 la féconde les Frophetes^ qui
conîcnoit les hiOoircs fainics ; comme
celles des luges, de Samuel, des Roys, &:
autres, avecque les révélations des Pro-
pheréV.ErayeJercmicoEzcchiel, Daniel,
& des douze petits conjoints en un feul
volume. La troifiefme croit des livres
nommez Hagiografhcs -^ qui comprenoit
les Pfeaumes , les Proverbes, i'Eccle-
liafte , &: le Caïuique de Salomon. Les
luifs modernes divifent auifi depuis
long temps le Vieux Tcftament en ces
crois fartics. Seulement en rangeriC-ils
Se R M o N IV. 317
les livres un pcuaucremenc dans la fé-
conde éctroiliefme patie. Or le Sei-
gneur en cet endroit fuit^ & aucorize
clairement cette première divifion rap-
portée par lofephe; en nommant expref-
fement les deux premières parties par
leurs noms ordinaires, 2i(fzvo\v la Loy de
Moïfe,^ les Prophètes]^ lignifiant la troi-
fiefme affavoir celle des H aghgrap h es, pat
le nom des P/èaumes ; parce que c'en
étoitfe premier 5 &: le plus grand, &: le
plus excellent livre , par une figure affez
commune dans le langage divin &c hu-
main, de fignificr un tout par le nom de
la plus noble de l'es parties. D'où vous
avez à apprendre en pafTanr, que les li-
vres des Maccabccs^^ de Tobic , oC de
ludith , ^ de la Sapicncc , & de i'Eccie-
fiaftiquefont hors du Canon des Ecri-
tures du Vieux Teftamcnt ,- coï/re la
violence de Rcmeioui veut les y fourrer
à toute force. Car ils ne fe rrcuvent en
aucune des trois parties , ciquclles le
Fils de Dieu com.prend ici tontes les
vieilles Ecritures; étant certain , qu'ils
n'appartiennent ni à la Le y de islcife^ni
aux Prophètes , ni aux Pic a» mes. Ai.ffi
efc il clair , que ni le Seigneur», ni pas un
X 4 de
5i8 De U Refurr. du Seigneur Ie s v s'
dcfes Apôtres ne fe fervent jamais de
leurauthoritè ; &: qu'entre tant detef-
moignages.qu'ils allèguent à toute heure
du Vieux Teftament, il ne s'en trcuve
pasunfeul tire d^aucun de ces fix volu-
mes y qui en effet n ont ctc ni écrits pouf
laplujpartjcnEbreu, la langue origi-
nelle de Tancicn peuple, ni rcceus dans
le canon des livres divins par aucuns
luifsfoit anciens, (bit modernes ; bien
que ce Toità leur natjon,que Bieu^com-
mis fes oracles \ comme le dit exprefleméc
TApôtrcSaintPaul, Secondement vous
voiezicicommentle Seigneur félon fa
coutume, a recours à Tautoritè des Ecri-
tures pour confirmer fa dodrinei^ après
avoir certifié fes Apôtres de fa refurrc-
dion par le tcfmoignage de leurs pro-
pres fens, leur montre d'abondant, que
cette vcricc etoit conforme aux oracles
de Dieu ; ne penfant pas qu'une chofe fe
doive ou fc puifle fuflîfamment établir
en la religion fans leur tcfmoignage. De
plus il fit voir à fes Apôtres , que toutes
les chofes , qui lui ctoient arrivées , c'eft
à dire fa mort &: fa refurreclion, avoienc
été prédites dans les ancienes Ecritures.
D'où paroift la vanité & l'impudence de
U
s E R I^ O N IV. 315>
h nouvelle Méthode fcomme on l'appellej
qui pictend &: luppofe , que TEcriture
ne dit rieDjque ce qui s'y lit formeliemcc
^ en autant de mots. Car i! cft bien cer-
tain, que Ton ne treuve nulle part dans
l'ancienne Ecriture, cette veriiè cou-
chée en autant de ipavoks^^ffeJefus Fils
de Marie <i mourra en Ucroix^O! ^ji^'^l^^jp^f-^
citera au troifîefme iour '-, E t n cân t ni o i n s
par ce qu elle s'en peut conclurre par
bons &, kgitimes raifoiint mens , le Sei-
gneur ne feint point d'affirmer, quelle
y eït écrite , En quatriefme lieu , il nous
montre l'immuable fermeté bc vérité de
la parole de Dieu , en pofanr,qu'il falloir
que routes les chofes, qui y croient écri^
tes de lui/uiTent accomplies ; c'eft à dire
qu'il n'eft pas poffible , qu*aucune des
chofes quelle contient , demeure fans
effet. Enfin il fait fouvcnir {qs difciples,
qu'il leur avoir de'sja dit autresfois ces
mefmes chofes, qu'il kur met prefcn-
tement en avant S. Luc ne nous les rap-
porte pas par le menu;Mais ce qu'il ajou-
te , qu'/7 leur ouvrit tentaiâement faur en'-
tendre les Ecritures^ nous montre aifcz,
qu'il leur allégua les tefmoignagcs de
îiloife, & des Prophètes U des P-lèan-
mes
33^ T)c U Rejun'du Setgneur Ie s v s .
mes pour prouver Ton dire i puis qu'il les
éclaira de fon Efprit pour les bien enten-
dre. Quant à ce qu'il leur en avoir tou-
ché autiCbfois avant fa mort, les Evange-
liftes nous racontent bien ( comme nous
Tavons dit ci dcvantj qu'il leur avoit pré-
dit fa croiXj&fa refurredion,&: lesavoit
inftruits en generaljque toutes les chofes,
qui avoient été écrites de lui par les Pro-
jLaciS phetes feroient faites &: accomplies..
51. Mais nous n'y trouvons point les dif-
cours particuliers, où il leur montra , que
Icsanciennes Ecritures euflent prédit de
lui , qu'il devoir mourir ôd reffufciter le
troifiefme jour ; fi ce n'eft qu'en quelque
lieu il rapporte comme nous l'avons re-
marqué, le figne de lonas à farefarre-
£lion. D'où il paroift , que les Evangeli-
ftes n'ont pas écrir parle menu toutes les
particularitez foit de fa vie, foit des dif-
cours du Seigneur ; mais nous en ont
feulement proposé ce qui étoit impor-
tant ÔL neccflaire à nôirc falucTelonTa-
j^^^j^, verrifTement exprès , que nous donne
30. jr. S. Iean,que lepi^ fit pluficurs figues qui ne
font point écrits en [on livre ^ mais que les
chofes , que nous y lifons^ y fo>vt écrites , afn
^ue nom croyons (jHCjcfns ejl le Chrijl^ le Fils
de
Sermon IV. 331
dt Dieu-, & que croUnt nous aionsvicfar
[on //^w.Maiscequeni S.Luc en ce lien,
ni les autres Evangeliftes ailleurs ne nous
rcprefentent pas particulièrement , afla-
voirque les anciennes Ecritures avoient
prédit les chofes accomplies en leflis
Chriftjcela nous fera aise à reconnoiftre
pour nôtre édification, fi nous les lifons
ô:; les fondons diligemment 5 en y appli-
quant les ouvertures U, les lumières, que
les Apôtres nous ont données i lelaifîe
là fa naiiTancc , H fa prédication, & fes
mirâdes,& les autres parties de fa difpen-*
iâtion, toutes clairement prédites & pré-
figurées dans le Vieux Tcîlamcnt. Mais
quant à fa mort ^ à fa refurrectionj-donc ^
il eft proprement queftion , où eft le
Chrétien tant (bit peu verse dans ces di-
vins livres^qui n'y ait remarqué ces deux
l'nyfteres , & prédits dans les oracles , ô^
figurez dans les types de lancienne al-
liance ? Efaye ne prédit pas, ilraconte^^^^^^^^
clairement la mort , comme (1 c ciilt ete,^. vf.
unechcfe desja arrivée; Daniel la pofe-2.16.
en termes exprès -, David nous découvre,
qu'il la foufFrii oit fur une croix. Vous la
voiez portraite en la mort d'Abel , en
Timmolation myftic|ue d'Ifaac,dans le
facrifice
jji Be U Refiirr di4 Seigneur I e s vs.
facrifice de l'Agneau Palchalj& de coûtes
les vidimes Mofaïques , en la mort de
Samfon , & dans les mortels périls , où
pafla David pour monter fur le trône ; &:
dans la plus grande partie des tableaux
& des myfteres du premier peuple, l'en
dis autant de fa refurrec^iûn.LtsPk3Lumes
la predifent formellement , là où le
py:,^ I, Meflîe eft introduit , difancque Dieu na-
bdndofinera point foname au fepulcre >,& ne
permettra point que [on bien- aimé fente cor-
ruption.Lcs Prophètes ne l'annoncent pas
moins clairement, quand de ce mefme
Meffie, qu'ils nous reprefentent comme
mort & retranché pour nous, ilsprote-
ftent que c'eft un Roy eterneh dont lem-
pire ne defaudra jamais ; &c difcnt no-
^^^- tamtncnt qu après qr^efonamefe fera mife
^^. en oblation pour le pèche , il prolongera fes
Bf'îS'Jo.jffurs 5 jouira defon labeur (jr en fera rajfaftè;
montrant évidemment parla, que de la
mort, qu'il devoit fouffrir pour le pechè
du mondejil refTufciteroit en une vie glo-
rieufe & éternelle. Cette refurredion du
Chrift eft femblablemcnt reprefentée
dans les figures des Prophètes , 5i de la
loy. Nôtre Chrift eft le lonas, foitanc en
vie du ventre de- la balene après y avoir
été
Sermon IV. jjj
été enfcvcli trois jours. Ccft TAdam, fc
réveillant du profond dormir , où il don-
na fa propre chair pour former fon épou-
fe. Ôeft le Noc , le Héraut de juftice, le
Prince &le père du fécond monde , for-
çant miraculeufement de l'arche, où
comme dans un fepulcre myftique> il
avoir foufFcrt les horreurs du déluge de
DieUjfans y eftre fubmcrgè. Ceft Tlfaac,
vivant èc devenant le Patriarche du peu-
ple de Dieu , après avoir été étendu fous
le glaive de fon Père; cet ifaacoùlcs
luifsmefmes femblenr avoir reconnu ce
myftere, quand ils difent, quil a parte
fa croix y^àéte recouvre d'entre les morts\
& encore aujourd'hui ils ^xxcxxt Bien far
fon facrifîce de leur vouloir effre propice^.
Ceft encore le lofeph monté de lafoffe
fur le trône ; & après tant d'horreurs
mortellcs,quela cruauté de fes frères dé-
naturez lui fit fouffrir 5 confervè malgré
eux ,& élevé en une fouveraine dignité.
C eft le Moïfe , qui de la mort , à laquelle
il avoit écé condamne, devint le Legifla-
teur &:lePrince d'iGael. Puis donc que
la mort &: la refurredion du Me/fie
avoient été écrites en tant de faffons dans
la loy j dan^ les Prophètes , Se dans les
Ffeaumesi
354- ^^ ^^ Eefurr, du Seigneur I È s v s.
Pfeaumes ; vous voiez , chers Freresjquâf
fcs Apôcres n'avoienc nulle occafîon de
fc troubler de ce que ces chofes ecoienc
arrivées à lerus^mais que coucau contrai-
re, &: eux & nous devons reconnoiftre
par cela mefme, qu'il eft veritab'emcnc
ceMeiîie promis par les anciennes Ecri-
tures , veu qu'il en porte li clairement les
marques, qui ne conviennent qua lui
feul 5 d'entre tous les hommes , qui onc
jamais écè au mondcne s'en étant encore
treuvèaucun autre que lui quiapreseftre
mort fur une croix, ait été reffufcitèle
troifîefme jour en une vie immortelle50ii
duquel mefme on l'ait feulement voulu
faire croire. C'eft: la leçon que donna
jadis le Seigneur lefus à fes Apôtresileur
levant ce qui leur reftoit d'étonnemenc
par la confrontation des evenemés qu'ils
voioient, avecque les oracles , &: les figu-
res , où ils avoient été reprcfcntez des
jadis par la fageffe de Dieu. Mais il ne fe
contenta pas de cet enfeignement.il agic
après avoir parle ;& éclaira leurs cœurs
après avoir frappe leurs oreilles. Alon^
dit S. Luc dans l'autre partie de nôtre
texte , // leur ouvrit i' e m en dément four en-
tendre les Ecritures, lufques ici \\ avoic
fait
Sermon IV. 335
fait rojfiïce d*un fage &: excellent Do-
dicnxitiram de [on trefor chofes nouvelles à' i-^\z'
anciennes , & mettant devant les yeux de
fes auditeurs les raifons &c demôftrations
delà vérité dans une claire &: évidente
lumière. Cequ'ilfait maintenant napar-
tient qu'à Dieu. Car il n'y a que lui, qui
ait la clef de l'entendement humain,
& qui puifTe Touvrir , & y faire entrer la
vente. Tout ce que peut faire l'homme
eft de la propofer à fon prochain, & d'en
prefenter les images à fon efprit & à fes
fens. D'où nous avons une invincible
preuve delà divinité du Seigneur lefus.
Car de quelle creacure avons nous Ja-
mais leu dans les faints livres, (\\i elle ait
êuvert l'entendement de t hommes f Aufli
voiez-vousjque le S. Efprit, le feul auteur
de tout ce que nous avons dâs nos cœurs,
de lumipres&î^ de bons mouvemens, eft
appelle l'EJpnt de Chùft , c'cft à dire , qui
nous eft envoie ôddirpensè par fa volon-
té. Mais de l'autre part reluit en cette
.fienne action', la grandeur de fa bonté &:
defafagefle. De fa bonté. Carvoiezje
vous prie, comment il fupporte fes difci*
pies, ^ ne leur épargne aucun des efforts
de fa grâce pour les gagner ? il fe preienta
vivant
55^ De U Refurr. du Seigneur I e s v s *
vivant à leurs yeux ; Il voulut qu'ifs le
touchaffent de leurs mains. Ce n eft pas
tout. 11 leur répète fes premières leçons^
^ leur propofe routes les parties de l'E-
criture > la Loy , les Prophètes, les Pfeau-
mes. Encore ne fe contenta-t-il pas de
cela. Il ouvrit enfin leur entendement
pour bien comprendre ce qu'il leur avoit
fait lire des Ecritures de Dieu. Mais ce
flitauffi un trait de fa fagefTe, de remplir
leurs fcns ôc leur efprit de cette vérité,^
de la graver &: imprimer fi profondeméc
dans leurs cœurs ;, que jamais rien ne fuft
capable de l'en effacerjpuis qu'il lesavoic
choifis pour en rendre par touttefmoi-
gnage &: pour la perfuader à l'univers.
Au reftc ceci nous apprend combien peu
valent fans fa grâce intérieure les paroles
&: les prédications , &: les exhortations,
qui nous font adreffées au dehors. Quel-
le voix y eut-il jamais plus forte , & plus
perfuafive^que celle de lefus Chrift ? Et
quels auditeurs y eut-il jamais, qui félon
toute apparence deuffent" eftre mieux
difpofez à bien écouter ^ recevoir la vé-
rité, que fes difciples Tctoient alors? Et
neanimoins toutes ces lumières , qu'ils
voioient fortir de fa bouche facree ?
toutes
s E R M O N I V. 557
toutes ces aiuoritez & depoficions des
anciennes Ecritures, quil leurmettoic
en leur vrai jourstout cet admirable rap-
port , qtfil leur montroit èntsii^ les fi-
gures 5 & la vérité , les predidions &: les
evencmens ; tout cela dis-je , ne peut les
gagner entièrement, ni abbacre tout à
fait la doute & la défiance. Il fallut
que TEfprit de Icfus y mift la main ; 5c
qu'il parlaft à leurs cœurs, comme fa
langue avoit parlé à leurs oreilles ; &C
qu'il ouvrift leurs entendemens pour y
faire entrer la vérité à pur &c à plein
viftorieufc. Et ne mVUeguez point que
cette a6tion fut extraordinaire. l'avoue
quelle reçoit voirement, foit pour Tor-
dre ( car ce furent les premiers de tous
les hommes , à qui fut perfuadè ce my-
ftere j foitpourla mefure &la fermeté
'delaconnoiflancej-nul n*enaiant jamais
ccè plus fortement perfuadé. Mais quant
au refte , je foûtiens que la vérité de l'E-
vangile n'entre daas lentendemetic
d'aucun fidèle , autrement que par ujie
Semblable opération divine , félon ce
que dit IC' Seigneur, quc^ul /^eviexity ^i
mfeut venir k luit fi le Père ne le tire, d'où
ilçpclut,que tous l^sJideUs fo»t e/^feigne^'^ ^_
^B. 16
H-
558 De U Refurr. du Seigneur Ie s v s •
de Dieu, Et l'un des plus ardens avocats
du franc arbitre confefle fur nôtre texte,
que k parole de Dieu décrit le don de
la foy a^cque les mefmes paroles , que
l'Evangelifte a ici emploiées pour expri-
mer celui de rintelligence , difant , que
Dieu ouvre le cœur des ferfonnes qui croient y
comme de Lydie par exemple, tout de
mefme qu'il eft dit en ce lif u, que le Sei-
gneur ^«i^r// ï entendement de fesdifci-
ples. Signe évident que l'un &: l'autre
de ces prefens eft de mefmo genre, c*cft
à dire une pure grâce, puiffante & effi-
cace , & infailliblement fuivie de fon
effet. Enfin remarquez encore ici , je
vous prie , comment l'enfeignement in-
térieur eft attaché à celui de l'Ecriture.
JeÇus ouvrit ï! entendement à fes difcifles.
Pourquoy ? Fut ce pour leur faire croire
&: comprendre des traditions , ou des
révélations non écrites? Nullement;
mais, dit TEvangelifte;^ afin quilsenten*
dlfjent les Ecritures ; figne evidentjque les
chofcs 5 que nous enfeigne l'Efprit de
lefus au dedans,^ pour l'intelligence 6^
la perfuafion defquelles il nous eft don-
né , font ces mefmes veritez, qu'il a gra-
vées dans fes Ecritures i &: non des
chofes.
5.EKMON IV. 33?
chofes , ou inconnues &: inouïes aux au-
tres hommes,comme prétendent les En-
thourafte.s>&: ceux qui le vantent d'avoir
des revèlatipns particu!ieres,tels que les
Montanilles jadis, kc divers Moines de
iacommunionPlQmaine en ces derniers
fiecies,-oub'^i;liees 4^ niain en main par
tradition , comme veulent nos advcrfai-
res. L'Ecriture de Dieu, eft le vrai con-
trerôoUe ^ àp Jafoy dp l'Eglife , & de
renfeignetnent ^u Saint Efprit. Mçn-
trez-mV ce que vous dites; fi vousrvou-
lez me perfuader,quc c'eft. derEfprit de
Jefus> que vous le tenez. Si vôtre do-
ftrine neit pas dans les Ecritures , vous
vous abufczde vous imaginer, que le
Saint E(prit ;i>itiïii(e.dans vôtre enten-
kemçnt. Il n'ouvre nos entendemens
que pour nous faire enrçndre les Ecri-
tures de Dieu. Ainfi avons nous à moa
avis fuffifamment ccl^irci le vrai fens de
ce texte. MaisTabu^s^qu en font ceux de
Rome en faveur de deux de leurs er-
reurs, m oblige à refondre briefvement
leurs fophifmes avant que de finir. Ils
tiennent, comme vous fçavcz,que iefus
Chrift eft encore aujourd'hui avecque
jes fidèles à Icgard de fon corps , rccî-
y % lement
J40 De U Refurr. du Seigntur\e.%v%.
lement prefcnt à ce qu'ils pretcndcnti
fur leurs autels, dans leurs ciboires, &
dans leurs niains^dans leurs bouches , &
dans leurs eftomacs mefmes, coures les
fois qu'ils communient à TEucariftic.
Nous difons que cela n'eft , ni ne peut
eftrc \ puis que le Fils de Dieu aexpref-
fementdit qu'àTegardde fa nature hu-
maine , & par conséquent de fon corps,
lexnn. quc noni nc C avons fds mAintenAnt AVCC''
fw o ^«^ notts ^ & TApôtre que Chrift à cet
4. égard n elt pas lur la terre. Peut on plus
formcllemêc choquer & démentir Chrift
& fon Apôtre?Les uns difent,que Chrift
n*eft pas maintenant avccque nousj affa-
Yoir à i'cgard de fa nature humaine ; les
autres , au contraire foûtiennent qu*ily
eft à ce mefme égard. Donc pour nous
perfuader, qu'en cela il n'y a point de
concradidion, ils mettent ce texte çn
avant , &: allèguent , qu'il pofe, que lefus
Chrift n'étoit pas avecque fes Apôtres,
quand il s'apparut à eux , & leur tint
ledifcours que nous avons expliquè,par-
ce que le Seigneur die , Ce font ici les
propos éjue je ^jom tenois , quanà j et ois en-
core avecque vous ; d'où ils concluent,
que
s E R M O N I V. 54.Î
que lors qu il parloit cette fois-ci,il n'e-
coit plus avec eux. Et neantmoins il eft
clair , quM étoit avec eux , dans une
mefme chambre, parlant à eux ; doù
fenfuit , que Ton peut dire qu*il n eft plus
maintenant avecque nous encore qu'il
y foit. le répons en un mot , que TEvan-
gelifte tefmoigne très affirmativement^
que le Seigneur étoit alors avec fes Apô-
tres 5 mais que ni lui ni le Seigneur ne
nient nulle part, qu'il n'y fuft pas;cela ne
fc pouvant dire fans mentir , puis qu'il y
ctoit. Et quant à ce que dit le Seigneur,
parlant du temps de fa converfation pré-
cédente avec fes Apôtres, ^uanâfétois^
encore avecque vous , que cela induit bien^
que depuis ce temps là il avoir été ab-
fent d'eux^affavoir au temps de h mort,
quand il quitta & fes Apôtres &: le mon-
de mefme ; mais non qu'il ftift abfcnc
d'eux lors mefme qu'il fe prefenra à eux
reffufcitè &: vivant, ^ mangea &r' parla
en leur ^vçfencc ^ar/dj éiûts emcre avec-^
que vous , fignific* claucment & iimple-
ment, '^i^^^^ que je mefo/fefepare d'avec^
que vous , Avant ma mort ; avar^î que je
Uiff'affe le mondes. D'où s'etrfliit bien, que
durant cette iîcnne abfence ç'cflàdire
y 3 durant
34^- ^e la Refurr. du È'eigneur I e s v s .
durant qu'il tue en 1 état de mort i il n*e*
toit pas avec eux à Tegard de fa nature
humaine ( ce qui eft très- vrai & ne re-
çoit nulle contradiftion) mais non qu'il
ne fuft pas non plus avec eux , quand
aptes Ta refurreftion il leur parla dans là
charnbre,oii il s'apparut à eux. Qu'en ce
fécond temps Icfus Chrift ne fuft pas
avec eux , qui le voioient, Toioient, &: le
touchoient , ni lui ni Saint Luc ne le
difentni ici,ni nulle partail(eurs(à Dieu
ne plaife qu'Usaient tenu un langage fi
évidemment faux Si incompatible avéc-
gue la vérité ) il n'y a que la paflîon de
nos advcrfairesjqui l'a fongè.Ainfivoiez
vous qu'il n'y a rien ici qui puifTe ou re-
foudre, ou addoucir Thorrible & palpa-
ble contradiftion de leur erreur 5 qui
pofe que lefus Chrift eft avecquenous
^u mefme tempSjdont l'Ecriture dit qu'il
n'y eft pas 5 &: foûtient qu'il eft fur la
terre > au mefme temps dont l'Apôtre
protefte qu'il n'y eft pas. Ils ne reufTifTent
pas mieux daRsleur féconde attaqueioii
de ce que dit l'Evangeliftc, que le Sei-
gneur ouvrit l'entendement de fes Apôtres
four entendre les Ecritures , ils concluent
qu'elles font denc obfcureijôfffe moquét
de
s E R M O K IV. 345
de nous, &: nousaccufentde nousyan-
ter,^«(r nous nj trenvons mile difficulte^que mi
mm y entendons teutes chofes, &que nom -^^^
âijons que tout y eHflm clair que le jour.
Premièrement , quant à ce qu'Us nous
imputent , c'eft une impofture & une
calomnie toute évidente. Nous dHonî?
que les chofes neceffaires à la foy & aux
bonnes mœurs, & en un motaufalut
font clairement enfeignées dans les
faintes EcricuresjMais que toutes choies
yfoientd4/m; que les Prophéties, qui
y font contenues n'aient nulle oblcu-
ritè avant que l'événement les ait éclair-
cies & expliquées,^ qu'il n'y ait nulmy-
ftere, nulle faffon de parler, que nous
n'entendions bien; c'eft ce que jamais
nul de nous n'a dit, & que nul ne peut
dircs'il n'eft infensè. Et quant à leur ar-
gument , qui conclut l'obfcunte des
Ecritures de ce que les Apôtres eurent
befoin pour les entendre , que le bei-
gneurleur ouvrift l'er»endement;)c dis
qu'il cft vain &c impertinent. Car s il
c'toit valable , il induiroit>que la doftri-
ne de l'Eglife eft obfcure abfli bien que
celle de l'Ecriture ; étant évident que
l'ouverture de l'entendement K la lu-
y ^ mieie
544 ^^ '^ Refurr. au Seigfieur lî.%vsl
micredu Saint Efprit nous eft auffi ne-
cclTaire pour entendre &: croire Tune^ .
que pour comprendre & recevoir Tau- i
tre.Dites moy,je vous prie , adverfaircs^
ces paroles de lefus Chrift à fcs Apôtres,
Luc i8. le Fils de t homme étant tirrive en lerufalem,
l^^^^^' fera fris ^ mjurie ^ hajfoue ^ fouette é'misa
mortimais au troifiefme jour il reffufc itéra ;
ces paroles-làjdis-je, font elles obfcures
& intelligibles? Certainement je ne croi
pas que vous ledificz. Carquefçauroit
on dire de plus clair & de plus aisé à
entendre? Et neantmoins les Apôtres ne
les peuvent entendre. Ce difcours fi clair
qu'il ne le fçauroit eftre davantage,
quand il feroit écrit avecque les propres
rayons du Soleil^leur fut caché ; &; ils
n'entendirent point ce que le Seigneur
VQuloitdire. C'cft donc mal rafcnner
à vous de conclurre que l'Ecriture eft
obfcure, de ce qu'ils ne lentendirent
» pas jufques à ce que lefus leur eut ouvert
lefensj comme fi vous induifiez que la,
lumière du Soleil eft obfcutc en plein
midi de ce que l'aveugle nai nepûtjar
mais la voir jufques à ce que lefus lui
eut ouvert les yeux. Ne rejertons point
rifnperfeftion de nôtre nature fur la ré-
vélation
Sermon IV* jfj
vclation de Dieu. Si nous n'entendons
pas fa parole , ce n'eft pas qu'elle foit ob-
(cure , mais c*eft que nous avons la veuë
mauvaife j Ce n*cft pas qu'il fe foie mal
expliqué y mais c'eft que nous fommes
tardifs & pefans , ôincgligens, dcqut
nous avons les fcns pleins de fantaifiesjô^
de préjugez charnels, qui les couvrent
comme autant de tayes , &c les cmpef-
chentde voir leschofes les plus claires.
Ceft contre ce vice-là, que Icfecours,
de lefus nous eft neceflaire ^ &: non con-
tre le défaut de lenfeignement de Dieu,
auquel à vrai dire Tonne peut imputer
de défaut fans blasphème. AufTivoiez
vous que le Pfalmifte pour entendre la
loy , demande à Dieu , qu'il éclairciffc,
non la loy, mais fcs yeux ; Decmvre mes'^f-^^i-
jeux^àit'iU afin que je regarde les merveilles^ '
de ta loy \ figne évident, que ce qu'il ne
les regardoit pas , c'etoit la faute de fes
yeuxi&: non des merveilles de la I0V5 qui
etoient afTez claires^^ affcz expofées en
veuë, fi fes yeus euffent été ouverts 6c
difpofez comme il faut. Mais , chers
Frères , je voi bien , que ce difcours eft
desja trop long. Finiflbns-le en priant le
Seigneur lefus que de ce haut trône o ■
,gloir':r^
34^ De la Refurr. du Seigneur I e s v s .^
gloire, où il efl: maintenanc âffis à la dex-
tre de fonPere, il daigne ouvrir nos en-
tcndemens , comme il fie autresfois ceux
de fes Apôtres,par la vertu de fon Efpric
toutpuiffantjafin que nous puiffions bien
entendre fes Ecrttures , & y voir & ad-
mirer les myfferes de fa fapience , qui y
font enfeignez > àc embraffer particuliè-
rement la vérité de fa precieufe mort &:
de fa glorîeufe refurreftion^^^uiycftfî
cfairement & fi magnifiquement établie;
& lui prefentcr Dimanche prochain à fa
table des âmes plenes de foy & de repen-
Cance, 8c bien ouvertes par fa grâce pour
^ recevoir les biens celeftes,la mannej&r
le pain de vie , & le fruit du fep éternel,
dont il nous repaiftrâ , &: nous raflafiera,
s'il lui plaift, à fa gloire & à nôtre falut.
Amen-
DE LA
347-
DE LA
RESVRRECTION
DE NOSTRÊ SEIGNEVR
lESVS-CHRlST.
SERMON CJN'QJIESME.
Sur les verfets 4e. 47- du Chapr
X X I V. de l'Evangile félon
S. Lvc.
46. Et il leur dit^ il ejl Ainfi écrit ^ é*
dnfifalioit.que lechrijl fouffrijl ^ é' rejfufci-
iaji des morts le troijiefme jour,
47. Et qu'on prelchaji en fon nom U te-
tentunceié' l^ remiJ?ion des peche^par toi^îes
nAtions 5 encommerîç^nt depuis îerufalem.
Hers Fîleress
Apres avoir célèbre la mémoire de la
mort &de larefurreftion de nôtre Sei--
gneur lefus Chrift, &: participé par la
gtace au fruit de Ton (acrifîce ^ Aquoy
fçaurions nous mainteîiant plus vtile-
mmx§
348 De U Refurr. au Seigneur Ie s v jJ
ment > ou plus à propos appliquer nos en-
cendemens,qu*àla médication des caufes»
& des raifons de ces deux grands my ftc-
tcsfic de la prédication de la bien-heu-
reufe nouvelle de nôtre paix avec Dieu>
qui s'en cft enfuivie ? Ce fera donc mes
Freresjle fujet en la confidcration duquel
nous emploierons cette heure, s'ilplaift
au Seigneur 5 pour vous donner Texpofi-
tion U rcclairciffcmcnt de fes paroles,
que nous avons leucs; où pofant expreC-
icmcnt la neceflîcè tant de fa mort, que
àc fa refurredion, ôdde la prédication,
qui en a ctè faite dans le monde , il nous
montre évidemment, que ces trois effets
ont eu leurs caufes & leurs raifons telles
qu*il n'ctoit pas poflîble , qu'ils n'euffent
leur accompliflement ; & nous donne oc-
cafion de les réchercher & de les appren-
dre. Sur quoy nous avons d abord à re-
marquer l'admirable fagefle du Seigneur
lefus en Tindruâiion de fes Apôtres. Car
il la commença par leurs fens, comme
parles premiers ô^ les plus faciles & fa-
miliers inftrumens de toute nôtre con-
jioiflancejleuraiant fait voir,oUir,& tou-
cher la vérité de fa refurredion avant
coûtes chofcs. Et bien que la demonftra-
lion
Sermon V. 349
tion fcnfiblc d'une fi grande & fi divine
incrvcille fuffift pour clorre la bouche à
Tincredulitè ; néantmoins pour affermir
leur foy , &: leur faire reconnoiftre , que
cette mort & cette refurredion , qu'ils
avoient vcucs à Tocil, n étoient rie moins,
que des avantures fortuites , ou naturel-
les > outre la grandeur des chofes mefmes
qui le tefmoignoit atfez , il leur mit puis
après en avant les predidions , qu'ils ea
avoient ouïes autrefois eux mefines de
fa propre bouche > & celles, que Dieu en
avoir confignées dans fes anciens oracles,
plufîeurs ficelés auparavant î d'où il pa- *
roiffoit clairement , que tout cela etoic
une œuvre du Dieu Souvcrain^ordonnce
devant les temps en fon confeil , gouver-
née par fa Sapience, & adniiniftrée ÔC
exécutée par fon invincible puifTance.
Puis afin de leur ôcer Téconnement, qu'il
fçavoit bien qui refteroit encore après
cela dans leurs efprits , & pour calmer^
arrefter toute leur agitation fur un fujet fi
étrange, il leur déclara enfia les "raifons,
qui avoient induit la fagcflc de Dieu à
vouloir, que fon Ghrill fo'.ffrift lamorr,
^ qu'il reflufcitaft j le deffjin pour lequel
il l avoit cnvQic au mondcjéunt tel, que
pour
|5c> De U Refurr- dt^Selgrseurl^^yî.
pour en venir a bout il avoic fallu de ne-
ceiricc,que les chofeiarrivairent ain(î,.ô^
non autrement. Car aprcs ces trois
eclairciflcmens , il ne reftoit plus dp
doute, ni de trouble dans les cœurs des
Apôtres ; le tdmoignage de leurs fens
leur juftifiant plenement l'eûrerde la
chofe i les oracles des Ecritures l^s con-
veineant,que Dieu^dont k puiffance eft
infînie,en ctoit le vrai auteur i & la de-
monftration des raifons de ce myrtere,
leurenôtant tout Tctonnement, &: les
fatisfaifant fi plenement, qu ils n'avoient
plus qu'à adorer la bonté de Dieu, qui
avoit daigné refoudre, faire , & exécuter
pournôtre falut,une œuvre fi grande , &:
îi plene de raifon &: de fapience,quelque
étrange qu'elle femble d*abord à nos
fens. Ceft là la fuite &: le progrez des
enfeignemens, que le Seigneur donna à
-fes Apôtres de la vérité de (es mylleres;
Et fon exemple nous aprend ,quec'efl:
l'ordre qu'il faut tenir en la demonftra^
tiondefon Evangile; commençant par
le tefmoignage qu en ont rendu les Apô-
tres, perfuadcz par la veuc 6c par l'at-
touchement des chofcs mefmes ; puis y
ajoutant la preuve coaveincante , qui
se»
Sermon V. 3jt
s*en tire des predidions & des figures di*
Vieux Teftament ; &: enfin confideranc
fon myftcre en lui mefme, & en décou-
vrant la divinité , par la lumière des rai-
fons,qui s y treuvent , de par la liaifon &:
lenchaifneure de toutes fes parties , n'y
en aiant aucune , qui n'ait fa caufe,d*oii
elle dépend non moins évidemment,
que necelTairement. Le Seigneur vueil-
le lui mefme nous ouvrir tenteridement^
comme il fit autrefois à fes difciples5afiii
que nous puiflîons bien reconnoiftre, 62
droiccment comprendre &: les oracles
deiesEcritureSjô^lesraifonsde la divi-
ne fagefle , qui reluifent clairement en
fon Evangile. Il die donc ici à fes Apô-
tres ; Il ejl aififi écrit , & ^i^fi frlloit- il , que
le Clmjlfoujfrift , ^ reffufcitasi des morts le
troifiefme jour. Etqiion freÇchaJl en fon nom
lu ref entame -, &U remifion des péchez par
toutes nations yen commençant depuis leru"
Calent, Il parle de trois chofes , comme
vous voiez,delamortdu Chrift, de fa
refurredion, ^ de la prédication de fon
Evangile. De ces trois chofes les deux
premières étoient dcsja accomplies^
quand il tenoic ce difcoursjla troifiefmc,
arflavoir la prédication de Evangile , ne
rétoic
3 5i Be U Refnrr. du Seigneur I E s v s .
Fécoit pas encore,maîs le devoit eftre en
bref, &: le fut aufli en effet. Nous les
traitterons toutes trois par ordrCjmoien-
nant fa gracci &: examinerons ce qu'il en
dit > affavoir premièrement , quilefi écrit
qu elles arriveroi^ent ainfi qu elles font
arrivéesiôC fecondement, qu il faMc en
effet qu elles arrivaffent ainfi. Ce qu'il
dit, qnileOiainffécrity fe rapporte aux
divines Ecritures du Vieux Teflamenti
cil chacun de ces trois points avoit été
reprefentè par la volonté de Dieu , &:
par le miniftere de Ces Prophètes long-
temps avant l'événement j &: cela en
deux faffons ; premièrement par divers
oraclesiqui predifoient les uns plus clai-
rement , & les autres plus obfcurement,
que chacune de ces chofes arriveroit
en fon temps; àc fecondement par les
types , & les fymboles myfliques, qui les
avoient fi proprement figurées, qu'étant
une fois arrivées, il eft aise de les y re-
connoiflre , & de s appcrcevoir que le
deflein de la divine fapience avoit été
de les y portraire. Mais cequilaioûtc,
quilfal/ûit qu elles àïtiv^dcntai/iJi^Cigm-
fie la liaiibn , que chacune de ces trois
chofes avoit avccque les fias , caufes. êc
raisons, j
à
s E B. M O N V. 35|
raifons, d'où elle dcpendoic ; telle & il
étroite ^ & iî ncceflairc , qu'il n'etoit pas
poflible , qu'elles n'arrivaffenc point, ou
qu'elles arrivaient autrement. Qiianc
aux deux premières, alTavoir la more &:
la refurredion du Chrill , qu*il en ait éù
écrit dans les livres du Vieux Teftamenr^
c'eft chofe que nul fidèle tant foit peu
versé dans cette ledure ne peut ignorer;
ces divins volumes étant tout pleins ou
de prédictions , ou de figures à^. Tun bC
de l'autre de ces deux grands myfteres;
Et dautanc que vous en avez fouvent été
entretenus , & qu'encore tout frefche-
ment nous vous en montrafmes leudy
dernier fur les paroles précédentes un
échantillon fufl[î(ant,nous ne nous y arre-^»
fierons pas pour cette heure h &c nous
contenterons d'éclaircir & de juftifier ce
qu'en dit le Seigneur en fécond lieu quV/
fa//oit , que le Chriftfoufrifi , é* reffufcitaft
^//^/îqu'ila fait. Lapredidion^que Dieu
afaitejdes chofes dans fes Ecritures , eft
un argument certain de leur événement
fuf ur , parce qu'elle confient une décla-
ration du confeil qu'il a pris, ou de le$
faire,oude permettre qu'elles fe faflentj
de forte que fon confeil étant immuable,
z & fon
354 ^^ l^ Refurr. dtê Seigneur Ie s v s.
ô«:fon ordonnance d'une exécution in-
faillible , &: fa parole d'une vérité pure
& inalterablci quelle que foit la caufe &
la raifon des chofes, qu'il a prédites , il
n*eft pas poflîble, qu elles n'arrivent tout
ainfi qu*il les a prédites. Mais la predi-
ftion ne nous montre pas pourtant,quel-
le eft leur nature en elles mefmes ; parce
qu'à parler proprement & exadcment,
les chofes n'arrivent pas à caufe qu elles
avoient été prédites; mais au contraire,
elles ont été preditesjà caufe qu elles dé-
voient arriver ; étant clair, que Dieu
avantque de les prédire avoit desja re-
folu , qu'elles arriveroient 5 & que dans
la lumière de fa connoiffance infinie
elles font avant que d*eftre prédites. le
confefle donc que de ce qu'il eft écrit
dans les anciens oracles , que le Chrift
foufFriroit &: reffufciteroit ^es morts.
Ion peut très bien conclurre , que cel*
devoitainfi arriver, & que c'étoitla vo-
lontè,& le confeil de Dieu,qu'il arrivaft.
Mais cette connoiffancc n'arrefte pas
tout le mouvement de nôtre efpriti ni
ne lui apprend pas tout ce qu'il dcfirc
fçavoir fur ce fujet. 11 voit bien par là ,
que Dieu l'a ainfi voulu & i efolu \ mais
il ne
s E R^M ON V. 3JJ
i\ ne Voit pas pdurquoy il la ainfi voulu.
Et la chofe,dont il s agit,étant infiniment
étrange, & contraire aux communes ap-
parences de la raifon , alTavoir que Dieii
ait voulu que fort Fils bien-aimè^Ia fain-
tetè & la juftice mefme/ouffriftune mort
fi infâme i &: fi douloureufei ne pouvant
nous figurer 5 qu^il ait cbnfcnti à un evc-
hement fi incroiable , fans quelque gran-
de raîfon , nous demandons quelle elle
eft i & recherchohs cequefe peut eftre,
quia induit le Seigneur à un tel confeil.
Et là pour nous fatisfaire,ilfàut de necef-
fitè confiderér la chofe en elle mefme , ^
en fa propre nature , mettant à part les
oracles , qui en ont prédit Tevenement.
C cft donc-là 5 à mon àviis , que Icfus
Chrifl: regarde en ee lieu ; quand il diti
Ol}àil fallûit que le Chriji foufrifi & reffuf-
citajl i Dieu , dit-il, lavoit ainfi voulu SC
ordonne , comipe il paroift par les pre-
diâions^quilcnavoit données dans les
Ecritures. Mais il né la pas ainfi voulu
ni ordonné fans raifon s les fins , que fé
propofoitfafapience dans Tenvoy de fort
Chrift,requerant neceffai rement ^ que le
Chrifl: mouruft & reflufcîtaft -, il fàtîoit
que cela fufl: pour conduite à chef, l'œu-
E ^ Vfcj
3 j^ De U Eefurr. Ju Sif^ffeur I e s v s^
vrc qu'il avoit cntrcprifc. Ccftlà le fens
des paroles du Scigneur.Rcraarqucz pre-
mièrement , qu'il n€ dit pas fimplcmenc
qu'il falloit que le Fils de Dietê fauffri/l;
mais notamment <^ilfAlloit , que le Chrijl
ifif^jfriH. l'avoue que ces deux mots figni-
fient une mefme perfonnc au fond8;mais
ils ne la fignifîent pas en la mefme forte,
& fous une mefme confideration Le Fils
de Bieu cft fimplenient la féconde per-
fonne de la Trinité i Le Chrifi eft bien
cette mefme perfonne , mais vcftuë de
nôtre chair &: envoice au monde pour
nous fauver. Il n'eft; point de Chrétien,
qui doute que nulle ncccilitc n obligeoit
Dieu d'envoier fon Fils ici bas , ni de le
manifcfter en nôtre chair, ni de fauver le
genre humain , en nous délivrant de la
iDort,oii nous nous étions précipitez par
nôtre pechc. C cft un bénéfice que nous
ne devons tout entier, qu'à fa pure &: vo-
lontaire amour ; & s'il cuft voulu, nul
droit,nulle )uftice , nulle raifon hors fon
bon plaifir , ne l'euft empefchè de traitter
les hommes , comme il a fait les démons,
les laiiTant fans refTource dans leur per-
dition. Mais quand une fois Dieu fléchi
par fon amour envers )es hommes , eue
rcfolu
s E R M O N V. 557
rcfolu de donner fon Fils , & de rétablir
nôtre Chrift ,c*cft à dire delevcftirdc
nôtre chair, &de lui impofcr la charge
de nous fauver ; après ce deffeinliè &:
forinc,il a fallu que le Chrift fouffrift , àc
que le Père y confcntiftic'eft à dire ( pour
exprimer cette vérité avccque les termes
de Tccolc } que la more du Seigneur a été
neceflaire^non fimplcment>& abfolumct,
mais prcfupposè en lui & en Dieu fon
Petè , le confeil & le dcflein de fauver le
genre humain. La raifon en eft évidente.
Car les hommes étant feparez de Dieu,
& plongez ^n fa maledidion & en la
mort à caufe de leurs péchez , il eft clair,
, que pour les fauver, il a fallu de neccffuè
leur procurer la remiffion de leurs pé-
chez. Le Fils de Dieu aiant donc entre-
pris,par la charge de Chrift,qu'il a receue
du Père, de fauver les hommes, vous
voiez que la fin ôi le deffein de cette
charge l'a neceffairemenr obligé à nous
procurer la remiffion de nos péchez , ce
qui ne fe pouvoir autrement, que par fa
mort. Pourquoynon? (me direz vous)
Dieu flcchi parla feule rcq^efte ôi: vo-
lonté de fon Chnft ne pouvoit-il pas
nousrcmçttre purement 6c timpkmert
z } nos
î 5» I>ela Refurr. du Seigneur I g s v s '
nos fautes, fans obliger notre Sauveur i
mourir? le répons, que cela ne fe pou-
voir. Car comme Dieu cft mifericor-
dieux , auflî cft-il jufte ; & comme x\ eft
benin envers les hommes, auflleftille
luge de l'univers, & le protcfteur, & le
pomervatcur de fes Ipyx. Si la mifericor-
del encline à vouloir nôtre falut,- la ju-
Oice le porte à ne point pcrmcttre,que le
pèche demeure impuni , & la faintetè de
les propres loyx violée. Car il a établi
cette immuable & éternelle loy dans le
monde,&: en a mefme grave le fentimcnt
dans les amcs de tous les hommes , que le
pèche doit eftre puni de mort. Ceft une
règle neceffaire & univerfelle dans le
monde raifonnable, qui ne fouffre point
d cxceptibn. Chrift donc pour Tau ver \^^.
hommes félon fa charge, & la volonté de
lan^fcriçordedu Père. anece/Tairement
foufFertIa mort, donti^voit entrepris
de nous exempter, & paie de fon fang la
pêne, que nous devions, afin de nous en
acquitter, Ne me dites point, que ceft
fjorncr Ja toute puiffance de Dieu. Ce
P cft pas moy, ni aucune créature, quila
fetient dans ces bornes. Ceft fa propre
^•Ifticcfe faintçtc,& fa yeritè, f j comme
ce
s E R M O K V. ÎÎ9
ce n eft nullement nier fa toute puiffancc
de dire , qu il ne peut ni mentir , ni ou-
blier fa bénignité ; ce n eft pas non plus
la choquer de dire qu'il ne peut rien faire
dmjufte. Or ceferoit une injuftice de
laiffer lepechè fans punition. Tant s'en
faut > que ce foit une impuiffance , de ne
pouvoir mourir , ni mentir, ni faire quel-
que injuftice ; que tout au contraire c'eft
une foiblefle U une impuiffance bien
grande d eftre capable de quelqu'une de
ces chofes. Ne me reprochez point non
plus , que c eft outrager la Sapience dç
Dieu , de l'attacher à ce feulmoiendç
nousfauver. Ceft en fa parole, la vraie^^
école de fa fageffe,que nous avons appris ^^ ^
cette vérité. Car outre ce que le Seigneur ^^« 3.
dit ici expreffement, & en deux autres ''^'
lieux encore ç\\iil falloit quîlfouffriJl'Aoxx
Apôtre prefuppofe evidemmenc en di-
vers lieux cette mefmeneceiîiièiCommç
en fEpitre aux Romains^où de ce que nul ^«^-^
dés hommes na peu eftre juftifièparla ^^ ^^
loy, il conclut, qu'il faut que nousfoions;
juftifiezparle fangdeChrift;3^ en TEpi-
tre auxEbreux, où de ce que les facrifices
Mofaïques n'ont peu nous purifier réel-
lement de nos péchez , il induit , qu'il a
a, 4 faiiu>
5^0 Be la Refurr. du Selg^retirl e s v s .
fallu, que nous fulFrons purgez par le fa*
f.br.10. crificc de la croix cic Icfns Chnft ; & de
iw-c-ce qu'il ne refte plus de faciificcpour
ceux 5 qui pèchent volontairement, il
^^rio.prouve qu'il n'y a plus d'efperance de
%<S'i7- pardon pour ceux , qui font telsj preuves
toutes vaines & fans force , fi vous ne
prefuppofez,qu'il n'eft paspolTible , que
Dieu juftifie les homnîes5&: leur pardon-
ne leurs péchez, fi premieremét ils n'ont
été expiez par lafatisfadion de là jufti-
ce 5 ôf par l'exécution de la pêne qu'ils
méritent. A quoy fe rapporte encore ce
que le mefme Apôtre dit, que Dieu a
étabii nôtre propitiation nu fang de
f{$m.i. Chrifl- , 4?/r> de démontrer fa. ju/Uce- Car
*^ comment at'ilfaitparoiftrefajuftice en
TeffuGon decefang pour nos péchez, fl
fa juftice ne rcqueroir pas neceifTaire-
ment que le pcchè fuft expié par le fang,
jean^. ^ eft à dire par le fupplice , qu'il mérite?
/(0W.5. Ajoutez à cela, que l'Ecriture cnfeigne
t&^' par tout , que Dieu a excellemment
montre Ion amour envers nous en li-
vrant fon Fils à la rwort pour nous;ce qui
femble ne pouvoir fubfifter , C\ la remif-
fi.'ndenos péchez, pour laquelle il cft
mortj nercqueroic point qu'il mouruft,
pouvant
Sermon V. 3^1
pouvant nous eftre donnée par la pure
libéralité de Dieu fans aucune fatisfa-
ûion. Enfin outre ces enfeignemens de
TEcriture , cette vérité reluit encore
dans le commun &:-univerfelfentimenc
des nations, qut'ontprefque toutes im-
molé des vidimes , &. répandu du fang,
non d'animaux feulement , mais d'hom-
mes mefmes5pourobtenir de la divinité
la paix & la remilTion de leurs crimes?
figaç cvident,qu*elles avoient cette per-
fuafion fichée bien avant dans leuts
cœurs, qu'il n cft pas poiTible^quc Dieu
îaiffe le pechè des hommes impuni, ni
que fa jufticç demeure fans eftre fatis-
faite par la mort ou du pécheur mefme>
ou de quelque autre en fa place. D ou
paroift clairement que le Chrift aianc
entrepris de nous procurer envers Dieu
la remilfion de nos péchez pour nous fau-
ver, cela ne fe pouvant fans fatisfaire fa
juftice en fouffrant la pêne de nos pé-
chez, /7 A fallu , comme il dit ici lui
mefme, quil fouifrifti c'eft à dire qu'il
mouruft pour nous en la croix. Mais la
neccflîtè de fa refurredion eft encore
plus évidente, que celle de fa mortifelon
ce que dit exprelTcment Saint Picne,
36r De la Refun. du Seigneur Ie s rs "
qu'il n'êtott fasfefihle , ^uitfiift raem e»
Umen. Car étant un homme ccJcfte ,
comme celui qui avoite'tèconceu par la
veftu du SaintEfprit,& c'toit parcon-
Icquent immortel dans la vraie & origi-
nelle conftitution de fa nature; après
avoir fatisfait à ce que fa charge avoit
requis de lui, qu'il mouruft pour nous,
il a fallu de neceflîtè , qu'il reprift la vie,
qu'il n'avoir de'pouiUc'c, que pour cette
oecafion. Joint que fort innocence tres-
parfaite, & la fouveraine faintetè , dont
fa mort mefmc avoit e'tè une œuvre , &
un fruit divin,ne permettoient pas, qu'il
dcmeuraft dans la mort plus longtemps,
que l'avoit requis rexfiation de nos pé-
chez. D'où s'enfuit qu'aiant accompli
cette expiation, la juftice de Dieu raef-
me , comme étant déformais plenement
fatjsfaite, avoit intercft de le relever
delà mort. Autrement l'une de fcs loyx
fondamentales , qui ordonne la vie Se
l'immortalité à l'innocence & à la par-
faite faintetè , fuft demeurée enfrainte
&violéejce qui eft routa faitimpe/Iible.
De plus, la charge du Chrilt vouloir ne-
ceffairement, qnil fuft rcffufcitc en une
vie celcftc & immortelle après avoit
fouft'ctc
s E R M O H V. 3^3
fouffcrtla mort. Gac il eft évident , que
s'ilfuft demeuré dans la mort, ilneutt
pas été poirible , ni qu'il nous euft donne
en fa perfonne , le patronde nôtre gloi-
re , dont la refurreaion eft la principale
partie , ni qu'il nous euft envoie le Saine
Efprit des cieux pour nous enleignerSC
confoler.ni qu'il euft porte lelangde
fonfacrifice dans le fanduairc nonfaïc
de main,ni qu'il fe fuft affis furie trône
de fon ccgneà la dextre du Père ,ni que
de là il euft gouverne, confervè , & con-
duit fon Eglifeà la bien-heureufe im-
mortalité; chofes , qui font toutes évi-
demment de l'office du Meffie.Soit donc
conclu , qu'il a fallu , qu'il relTufcitaft des
morts, non feulement parce que ce a
avoir e'tè prédit , mais aulTi par ce que la
nature de la cl^ofc mefme lerequeroiç
necefTairement. Aiant ainfi juftifie ia
neceffitè Se de la morç , . &de la refurre-
aion de nôtre Sauveur , rcfte le troifiei-
me point ; affavoir la prédication de 1 b-
vangile par toutes les nations , que le
geigneur exprime en ce^ mots, qu'ainjî
eft- il écrit,& qu'ainfifaut il, que fmprej-
(he au nom au. Chrijl li repmam , &: U re-
mïSion des péchez par mtes Iff natms-, e»
i^ ^emme»'
3^4- Be URefurr. du Seigneur 1^^%]
commen^Ant depuis lemfalem. Première-
ment il cft evident^que par ces paroles
il fignific TEvangile , qui neft autre
chofe , que la prédication de la repen-
tance àc de la remiffion des pechez,faite
au nom du Chrift mort & refufcitè pour
nous. Cette prédication a deux parties,
comme vous voies:. L'une eft la pro-
meffe, qu'elle nous fait delà remipon de^
mospeche:^; en quoy'eft auilî compris,
comme une neceffaire & infeparable
fuite , le don du Saint Efprit pour nous
fandifier &confôler, & celui de la vie
cternelle. L'autre eft la ftipulation du
devoir,ou de la condition , qu^elle nous
demande pour recevoir ce grand béné-
fice de Dieu ; c'eft que nous nous repan-
Cions de nos mauvaifes voies, &.nous
converti/fions à Dieu ; en quoi eft enclo-
fe la foy; la première & principale par-
tie de la repcntance Evangelique, &: qui
feule 3 a parler proprement & exade-
ment , eft la condition de la nouvelle al-
liance. 11 eft vrai , que fous la difpenfa-
tion Mofaïquc les Prophètes prefchoict
anflî la rcpentance &: la remiffion des
pcchcz;&: mefmc en quelque fens au
Tfûm de ChriHi étant clair, que toute la
nemiffion.
s E B. M O N V- Î^J
remiflîon, gra^ & faveur,que les mini-
ftres de Dieu ont jamais promifc aux
hommes de fa parc,eft fondée fur la more
du Chrift, & que jamais il n'y eut,6^ n'y
aura autre Nom , donné aux horamcs^-^- 4»
fous le Cïc\ par lequel il nous faille eHre fiu-^^'
vez. Neantmoins par ce que la perfon-
ne du Chrift n'avoit pas encore été ma-
nifeftée, comme elle a été en la pléni-
tude des temps , de là vient que 1 Ecri-
ture reftreint particulièrement au temps
de cette manifeftation la prédication
faite au nom du ChriH. Et à la vérité ce
fut proprement alors,que la grâce fut en
tout fens prefchée enfon nom. Car outre
que cette grâce annoncée maintenant
aux hommes dépend de la mort & du
facrifice de Chrift(ce qui convenoit auflî
à celle 5 que Ton prefchoit durant les fic-
elés precedens ) il y a ceci de particulier
en rÊvangile ; premièrement que la rai-
fon, qu'a cette grâce en la mort & en la
refurredion de Chrift, cft clairement 5c
cxpreffement déclarée; au heu que jadis
elle étoit ou teuc &:fupprimée entière-
ment , ou du moins tres-obfcurement
reprefentée; fecondement , qu'au lieu
que les premiers miniltrcs n'étoient fim-
pleraenç
3S^ Be la Rtfurr. du Seigneur I e s v s^
plemenc envoiez,que de la parc de Dieif,
& ne parloient que de lui & de Ton nom,
fans dire nulle part, que le Chrift leur
euft donne leur charge i maintenant les
Prédicateurs de l'Evangile fc nomment
expreflement Minïfiresde Chrijî .d^L^^LX-
lent aux hommes de fapart, &: parfoii
commandement; comme de celui, qui
les aenvoiez, &:leur a prefcrit la règle
de leur miniftere, & prorais de ratifier
tout ce qu'ils feront en fon nom. Leur
charge dépend tellement de lui^quc c'eft
par manière de dire pour lui &: en fa
place,qu*ils prefchent , étans fes Lieute-
nans &: fes ambaffadeurs ; Nous femmes
i.cor.^. ^if l'un d'eux, ambaffadeurs four Chrijl\
N ous fuf fiions four Chriji , que vous fiiez
reconcilie^^à Dieu. D'où vient, que l'Ecri-
ture attribue à lefus Chrift mefme la
prédication de fes ferviteurs ^ difant,
T.phcf. 2. qu il a eva^gelizè la faix aux Gentils ; non
'^" qu'en perionne il leur cuft prcfchè l'E-
vangile ; ( Car il ne fortit point de la lu*
dée durant les jours de fa chair , â raifon
dequoy il eft auffi nommé miniflre delà
circoncifion) mais parce qu'il leur avoit
fi. fait poicer cette bonne &: ncurculc nou-
velle de la bouche de fes Apôtres s félon
la
Sermon V. i€y
la règle de droit , que chacun cft eftitnè
avoir fait 5 ce qu'il a fait par un autre. Il
y a encore deux autres différences entre
la'predicatioa légale , & TEvangelique,
ici expreffement touchées par nôtre Sei-
gneur; Tune qu'au lieu que celle-là ne
s'addreflbit , qu'au feul peuple des Juifs,
celle-ci,comme il dit^a été portée à tou-
tes les nations du monde; L autrCjque la
première commença en la montagne de
Sinaï ; au lieu que TEvangelique a com-
mencé en lerufalem, comme dit ici le
Seigneur. Sur quoy vous ave? à remar-
quer en paffant un illuftre enfeignement
de la vérité & de la divinité de lefus
Chrift.Car quand il tint ce difcours à ks
difciples, les chofes, qu'il prédit, non
feulement n'étoient pas encore ni faites,
ni commencées, mais il n'y avoit mefmc
aucune apparence humaine, qu'elles fe
peufTent faire. Les nations étoient toutes
plongées dans le Paganifme , &: irrccon-
ciHablement feparées d'avccque le peu-
pie de Dieu , tant par leur propre aver-
fion,quepar la barrière de la loy,qui
fembloitinfurmontable ; jufques-là,que
les Apôtres mefmes , encore long-temps
depuis, les avoient en horreur, &n'o-
foienc
}é8 De la. Refurr. du Seigneur I e s v s .
foientles approcher, ou leur parler. Et
les luifs , & notaitiment ceux de lerufa-
lemjbrûlaient de haine & de fureur con-
tre le nom de lefus i & s'il y en avoit^ii
quelques-uns moins animez contre lui>
Tinfamie de fa croix avoir éteint en eux
tout ce qu'ils pauvoient avoir eu de bon-
ne volonté pour lui. Sç^% difciples mef-
mcs , quie'toient deftinez pour les mini-
ftres &: les exécuteurs de cette merveil-
le5y étoient û mal difpofez en toutes for-
tes, qu'il ne paroiffoit aucune étincelle
de raifon d'attendre d'eux un fi grand
effet. Et neantmoins vousvoiezjjqu'au
milieu de toutes ces impoflîbihtez appa-
rentes , lefus Chrift ne laiffe pas de dire,
que cela fera; & ne le dit pas mefme fim-
plementimais ditjqu'il faut que cela foiti
en parlant clairement come d'une chofe
certaine, infaillible, ncceflaire, &: inévi-
table. Et l'effet montra peu après , qu'il
difoit vrai \ la divine puiflance aiant tel-
lement applani toutes ces montagnes de
difficultez & d'impoffibilitez , qui dans
la nature des chofes mcfmes, s*oppo-
foientde toutes parts à la prédication de
l'Evangile , qu'il fut prefchè à toutes
NationSjCn cômcnçant depuis lerufalc,
precife-
Sermon V. 3^5^
jprecifement comme i'avoic a(reurè nôcre
Icfas. D*oùpouvoiE-il avoir appris uns
telle vericè,avanc qu'elle full arrivée, {i.:5
deDieu, danslefeulconfeil duquel elle
fubliftoïc alors? Et cela indaicclairemv^nc^
ou qu'il écoit Dieu mefme , comme nous
le croions,ou que du moins il écoic veri--
tablcment envoie de Dieu j ce qui fuffic
pour montrer la vérité &: divinité de fà
dodrine 5 contre les infidèles (5<: les im-
pies. Mais confiderons maintenant les
deux chofes qu*il dit decccte predicatioii
de fon Evangile i Tune quM eft e'cnC)
qu*elle fe fera i S^Tautrequ il faut qu'elle
feface. Pour la première, ellç ett évi-
dente par les Ecritures du Vieux Tcfta-
menc , oii noustreiivons prédit. S^repre-
fentè en diverfes fortes , tout ce qae diç
ici le Seigneur. Car premièrement jque la
repentance 5c la remiiïîon des péchez
deufteftreprefcbeeau nom duGhtift. il
n'y a prefque aucun oracle touchant le
Meffie,qui ne le iîgnifie , ou clairement*
ou obfcurement i Comme quand TEcri-^
tureprotefte des l'entrée que la fememeGeni-
de Ufer^mebrifera la tejie âH> ferfenî^^ ?^^Gen ^é
après que cette mefme f: in en ce fera laj.
benedidion des nations > étant évidente
à a que
570 ^^ /^ Refurr. dt* Seigneur I e s v s .
que fans la rcmiflion de nos péchez , ni U
défaite du diable , ni la bencdidion des
hommes ne peut avoir aucun lieu. Ail-
leurs Dieu predifant lalliance , qu'il a
traittce avec fon peuple par le moien du
ïer.i-i^. Meffie ; le leur fardon^erdi leur imquitey
?4- dit- il,^ ^e mefouviendrMplus de leur pèche.
Mais Efaye nous fuffit, predifant expref-
Ur^- ". fcment , que le Meffie en jujlifiera plujieurs
far U connoijfance ^ quils auront de luho^'iX
tvangelizera aux pauvres , é' publiera deli-*
Bf,6u. V rameaux captifs , ^ aux aveugles le recou-
vrement de la veuè , quil mettra en liberté^
ceux qui font foulez , (jr publiera l'an agréable
du Seigneur.Et ce mefme Prophète voianc
dcsja en efprit les Apôtres travaillans à
cette fainte œuvre, s'écrie quelque parc
£y:^2.7.tout ravi de joie, 0 que les pieds font beaux
de ceux qui evangelizent la paix ^(^ qui pu*
blientlefalut^Sfant à S ion , Ton Dieu regnel
Et quant aux figures , les expiations léga-
les des {acrifices Mofaïqucs ne rcprefcn-
toient toutes autre cliofe , que cette re-
mipondesfechez , méritée aux croians par
lia mort du Chrift,&: annoncée aux hom-
mes en fon nom par fcs miniftres.Secon-
demcnt les mcfaics Ecritures avoienc
aufli clairement prédit ce qu'ajoute ici le
Seigneur^
Sermon V. 371
Seigneur, que ccc Evangik du Chrift fe-
roic anuoncè , non aux luifs feulemenr,
mais à toutes les Nations. Qus fe peut il
dire de plus exprès , que cet illultre ora-
cle d'Efayej'où Dieu le Père parlant ati
Me jfTie , C'^^ ^eu de chofe ,à\l-\\^(ju€ tu me ^'^''^^' ^
fois Çervitcurpur rétablir les t ^ïhit > de I acohy
f^ four restaurer les de foLitionsd'ljr^'èL Je
t'ai mefme donne four lumière aux naiionsi
afin que tu fois mon falut jufques ^ux bouts
de la terre ? A quoy il faut ajouter vous les
lieux où eft prédite la vocation des Gen-
tils fous le Mwflie ; f afvelleraimmfeuplc^^^'^^'
celui yCjui nefi f oint mon feuple» le te don- oxn.j.
nerai les nations pour ton her/4aze. Et en ;t', .
Daniel , Tof^s peuples^ nation s -^ ^ lan-^ues lut ,.
ferviront. Mon nom fera grand entre tes Ma-
tions depuis iOrient jf^fques en Occider/t.
lonas, prefchant la repentancc à ceux de
Ninive au fortir du ventre de labalene^
figura ce qu'avoir prédit Efaye, &: que
nous raconte l'hiftoife Chrétienne , que
lefus forti du tombeau ^ annoncé aux
Gentils par la bc>ache de Tes Apôtres la
grâce ôr ia rcmiflîon en croiant, &: fc rc-
pantant de leurs péchez. Enfin nous treu-
vous encore clairement prédit dans les
incin>esEcricures ce qu'ajoute leSeigneùi:
aa 2 e»
57^ Tie la Refurr. du Seigneur I E s v s .
en troiliefme lieu , que cette predicatidtt
de fon Evangile commencera en Icrufa-
lem. Efaye,ôd Michcc le^^prononccnt ex-
preffcment , Lu loj , difent ces deux Pro-
Mkh.^. phetes ^ fort ira, de S ion , ^ la parole du Set-
^ gneur de lerufalem \ appellant TEvangile U
farolede Dieu^ félon le ftilc des Ecritures.
David l'avoic fignifiè long-temps avant
eux , bien qu'un peu plus obfcurcmenti
Tf. no. Le Seigf2euyA'\t-i\ parlant au MciVi^^tranf-
^' mettra de Sion lefceftrede ta force i c*eft à
dire ton Evangile, ta parole '■> le vrai fce-
ptredela puiflancedece divin Roy. A
quoyfe rapporte fcmblablement , ce qui
Tf.zS.is. ^jj. jjjg^ Efaye^en parlant du Mcflîejquc
c'ett en Sion5que Dieu fondera cette pierre
precieufe-^oM éprouvée ,* ^ ce qu'ailleurs en-
core ce mefme Prophète , donne à Sion,
£7:40.9. ou à lerufalem la qualité &: la charge
d'annoncer de bonnes nouvelles , &: d'e-
vangt:lizer aux autres la veruc de nôtre
Dieuifigne évident quecVft à cette ville-
là. que ce grand falut devoir cftre premiè-
rement prefclièjpour cftre dc-Jà5Comme
de fon centre , rc'pandu an long ô.: au lar-
ge jufques aux bouts du monde. Ainlî
voiez vous maintenant combien eft véri-
table ce que le Seigneur dit ici^qu'ile toit
écrit.
s E R M G N V. 373
écrit, que fon Evangile feroit prefchèa
toutes nations en commençant depuis
lerufalem. Mais ce quilajontejqu'il fal-
loir, que cela faft ainfi , n eft pas moins
évident. Car fi vous coniidereZjCeChrift
promis de Dieu dans fes Ecritures , tel
qu il nous y eft reprefentè , vous recon-
noiftrez aifement que fa nature , 6i fa
charge, & fa dignité requeroient necef-
fairement, que fon Evangile fuft ainfi
prefchè ^en commençant par lerulalem,
& fuivant puis après aux autres nations.
Premièrement ceMeifie devant brizcr
la tefte de lanciçn ferpent (ç'eftà dire
de Satan) & apporter à (es fujets la re-
Hiiffion de leurs pechez,&une abondante
connoiflance de Dieu, & les convertir à
fon ferviee^ôi leur révéler fa juftice & fa
redemptioM, &en un mot leur communi-
quer fon falutjcomme ilparoift par tou-
tes les anciennes Ecritures, & fon peuple
devant eftre auflî un peuple de franc
vouloir , comme chante le Pfalmifte ; ilvf.ne.^,
eft clair par mefme moien , que ce fien
empire fpiricuel a deu s'c'tablir , non à
coups d'épées,& à force d'armes , comme
Tont fottement Se impertinemment refvè
les luifsirii par la terreur des inquifitions«r
aa ^ ott
574 Delà Eefurr, du Sfigffeur I e s v S .
jou par la violence d'une domination
mondaine, comme fe rimaginent mal à
propos quelques uns ries Chrétiens;
jnais par la pei(ua(ion delà prédication,
ôd par la donceur de rcnfeignemenr»
comme le pofe ici le Seigneur ; en pu-
bliant fa grace,&: en exhortant les hom-
mes a \'^ repenrance, 6c au vrai fervi-
ce de Dieu,eii ion Nom. Secondement
le MUlie aianr été promis première-
mei.taifraëlf &: puis en fuifte aux N.^-
tiors j qui ne voir> qu'il a fallu pour le
facier en Sion , &: l'y faire feoir furie
}i.'ii' ttôive de David jq^'e la prédication de
(oïi Evangile commertçaft en lerufalem,
& que ce divin fceptre de fa force y fift
fes premiers exploits ? &:; que de-là il fe
tournaft auj^ autres peuples pour les
amener fous fon joug de paix, &: leur-
faire part de la benedidion , que les an-
pen.22. ciens oracles difent notamment , que
^^- toutes les nations de la terre auront en
lui? Ceftprecifement ce qu'entend ici
le Scigneur,&: qui félon fa parole, & par
fon ordre arriva quelque temps après;
quand fes Apôtres ^rcvertus de la vertu
de fon Efprit , prcfchcrent fon Evangile
premièrement en la ville de lerufalem;
Se R M ON V. 37J
puis en fuite aux Gentils avec un fuccez
miraculeux. Voila, Frères bien- aimez,
ce que nous avions à vous dire fur ce
texte , & de la mort, & refurredion du
Seigneur Iefus5&: delà prédication de
fon Evangile dans le Monde. Méditons
le attentivementjSi Timprirapus profon-
dement dans nos mémoires , ^ dans
nos cœurs , pour en tirer les riches uti-
litez, qu'il contient5tant pour nôtre édi-
fication , que pour nôtre confolation.
EmbraiTons premièrement l'invincible
preuve de la vérité de la dodrine Chré-
tienne, que nous fournit cet admirable
rapport,quellea& avecque les oracles
&:les figures du Vieux Teftament, &;
avecque la nature des chofcs mefmes.
Retenons fermement cette demonftra-'
tïon.dc loppofons conftamment,corame
iinbouclie.r impénétrable, à Tmlblence
des profanes,aux menues chicaneries de
rimpietè,aux doutes &: aux froideurs de
Tincredulitè , &: à tous les fofifmes de
l'enfer , & du monde. Car je vous prie,
quelle religion, quelle difcipline , quelle
philofophic , & quelle fapience y eut- il
jamais tntre les hommes fembîable à
celle ci ? dont les myftercs aient été &c
a a 4 prédits
37^ J^^ l^ J^cfttrr. du Seîgfieur I e s v s .
prédits par les oracles de Dieu, &: figurez;
par fcsuîftitutions & difporKioas, n*il,ô^
deux mille ans, avant qu'elle fuft pref-.
chee ? dont tous les enfeignemens s'ac-
cordent parfaitement, &: avecque les
plus anciennes, les plus vénérables, &: les
plus diuines Ecritures de l'univers, &
avecque toutes les lumières de la nature
des chofes mefmes ? De qui peut cftre
iinon de Dieu, ce Chrift, dont il a pris le
foin de prédire àc de porrraire en tant
de faffons, toute la difpenfation , tant de
fiecle^ avant fa venue? Et quelle peut
cftre finon véritable & celefte, une pré-
dication,que le ciel aVHDic promife , &: à,
laquelle il avoit de fi bonne heure pre--
paré notre créance , & que la terre a re-
ceuë, malgré tous fes efforts contre elle„
&:qui fctreuve au fond toute telle qu'il
nous la falloit pour nôtre falut ? n'étant
pas poflTible d'accorder , fans la pofer, ni
la juftice de Dieu avec fa mifericorde, ni
le bon heur des hommes avecque le pre-
fent état de leur nature , ni lesveritez,
que nous connoiflbns &: croions toutes
cgakment, les unes avecque les autres?
Ce feul lefus, mort & reflufcitè pour
jipus 5 met la paix par tout, Il illumine
feul
Sermon V. 377
fcul toutes Icscenebrcsde la nature , Se
t<>utes les obfcuricez des antiquitez de
TEglife. Il reconcilie feul le ciel avecqvie
la terre, les hommes avec Dieu , nos
defirs avecque nos fentimens. Recevons-
le donc pour le vrai Profère du mon4e>&:
pour Tunique Dofteur du genre humain.
Et adorons en foite lafouveraine purecè
delà jufticc de Dieu, qui a mieux airaè
voir mourir fon Fils 3 &: verfer tout (on
fang fur une croix, que de laifler le pechè
impuni;&: fon inefFable &c incomprehen-
fible amour envers nous, qui la fait con-
fentir à livrer pour nôtre rançon une vie,
qui lui étoit fi chère , plûtoftque de nous
laifler périr. La juftice s'oppofoitàla gra-
ce,que fa bonté nous vouloir faire; 11 faut,
difoit-elle à Dieu, que ton Fils meure, iî
tu veux fauvcr les pécheurs. O Dieu éter-
nel ! oùcftla créature, foir terreftrcjfoic
celcftejqui fe treuuant ferrée entre ces
deux neceflîtez , ne preferaft fon fang à
celui de l'étranger ? linnoçent au crimi-
nel ? le faint au pécheur } & qui n'aimaft
mieux voir périr pour jamais tout ce qu'il
y adecoupables , que de permettre que
Icurfalut coûtaftla moindre fouffrance,
pu la moindre infamie i une perfon-ne û
intime
378 De la Refurr, du Seigneur Iilsy s.
intime &: fi chère ? lugez de combien
Tamour , que Dieu nous porte , furpaffc
tout ce que nous avons de plus tendres
compaffions envers les miferables i puis
qu'en cette rencontre il n a pas épargne
le Fils de fa diledion pour nous racheter
du dernier & éternel mal-heur , qui fans
cela nous étoit inévitable. Mais penfez
aufE combien eft exécrable Tingratitude
des incrédules , qui mcprifent opiniâtre-
ment une graccjqui coûte fi cher à Dieu,
foulant indignement aux pieds ce grand
myftere de fon amour; & combien eft
déplorable nôtre lâcheté , & nôtre froi-
deur 5 de nous , qui nous vantant de le
croire,fervons fi mal &: fi imparfaitement
un Dieu, qui nous a tant aimez. Il a fait
pour nôtre falut des miracles inouïs au
monde ; qui ont étonne toute la nature
depuis le haut des cicuxjufques aux pro-
fondeurs de la terre. Et nousqucfaifons
nous pour fa gloire ? Chers Frères , il eft
difficile de le dire i &; il fcroit fans doute /
bien plus aisé de remarquer dans nôtre
vie ce qui eft propre à faire blafphemer
fon nora,que d'y trcuver ce qui eft capa-
ble de le glorifier. Sera-ce donc pour
nc4ar> qu*il aura déploie fur nous tant de
grâces
s E R M O N V. 379
grâces & de lumières f Son Chdft fera-
t-il more &: reflufcitè pour nous en vain?
& la voix de fes Apôtres aura- 1 elle per^
ce tant dç lieux, &c taiu de lieclcs pour
venir frapper nos oreilles iautilcment?
Sa fainte providence ne recueillira-t-elle
aucun fruit de tant de foins, quelle a eus
de nous?de (apirole^qu ellea conlervée
pure au milieu de nous, ôi: desSacrcmens,
avecque lefquels elle nous en a encore
tout frefchement feellè la prédication?
A Dieu ne plaife , Frères bien-aimez,
que nous nous rendions coupables d'une
fi horrible ingratitude^que fa juftice erfiti
ne fçauroit laifTer impunie^quelque forte
^ ardente que foit la palTion de ffon
amour pour nôtre falut. Q^e les rayons
de fon Soleil de juftice, qui luifcntde-
puisfi long-temps (ur nous, amollifïent
donc enfin la dureté de nos cœurs i&;:
que nôtre reconnoiffance réponde à (es
bénéfices. 11 nous prefence la remiflîon
de nos péchez 5c (on falut en lefus
Chrift; mais il nai's demande pour en
jouïrlafoy&:la repentaqccj &: il n'effc
pas poffible de recevoir ce qu'il nous
ofFre fans faire ce quM nous ordonne.
Obc^lTons lui doïTç une bonne fois , & re-
îionçant
38« T>e U Refurr. du Seifntur I e s v s.
nonçant chacun à fon pechc , vivons Ô^
mourons à ce grand Sauveur , qui cft
niorr S^ reffufcitè pour nous ; afin qu'a-
près avoir eu part au mérite de fa mort,
&: à refficace de fa refurreftion , nous
l^àionsauffi un jour à fa gloire. Amen.
DE LA
DE LA
RESVRRECTION
DE NOSTRE SEIGNEVR
lESVS-CHRIST.
SERMON SIXIESME.
Sur le f. 14- àix Chap. XX I. de l'Evan--
gile félon S. Iean.
24. Nûifs fcavû/js , ^ue le îefmoigrjaoe
clu difciplc 5 qui a écrit ces chofes èfi ve-
riiahle y ou dig?2edefoy.
Hers Frères,
De toutes les mervcilîds , que iroqs
raconte TEvangile à pêne y en â--t-U
aucune , qui foie digr>e dVne plus gran-
de confideracion , que la refurreftion du
Seigneur Iesv s d'entre les morts. ^Prc-
mieremenc la chofc'âftiiitîaiméc étran-
ge en die mcime^, & beaucoup plijs
difficile
581 De U Refurr, du Seigneur 1 e s v s .
difficile à croire , qu aucuiC des autres
hiftoires facrces. Car bien que les mira-
cles faits par le Seigneur ici bas durant
les jours de fa chair nous raviffent ; (i cft-
ce que lexcmple de plufîeurs autres fem-
blablesen addoucic un peu lamerveilt^
& en rend la créance plus facile ; au lieu
que fa refurredion eft un exploit fingu-
lier, &: un chvf-d'œuvre unique enioa
cfpece) ni le monde, ni TEglifc n'aianc
jamais rien ouï ni connu de fcmblable. Il
s'étoic veu des Prophètes enlfraël, qui
avoient autresfois , comme Icfus dans les
derniers tempsjchangè la nature des ele-
mens, &: des autres créatures animcesjôi
inaniméesj-qui avoient guéri des lépreux,
&: des malades , &: mefmes relevé des
morts du tombeau. Mais il ne s'eft jamais
veu aucun autre, que Icfusj qui après un0
cruelle &: honceule mortfe foit rcfTafcirè
foy-merme en une glorieufe &: divine
vie. . Mais fi la foy de ce rayftere eft diffi-'
cile , aufiî ell-elle infiniment importante^
puis qu'a vrai dire c'eft la clef de tous les
autres, qui les ouvre a nôrrc entende-
ment , &: lui en rend la créance ai(ee
quelque grands & incomprehenfiblcs
qu ils f oient d'ailleurs. Car où eft l'home,
^ui
Sermon VI. 385
qui ajoutant une entière foy à ce que
nous enlifonsdans i'Evangilejpuifle plus
refufer fa créance à aucune des autres
chofeSîqui nous y font ou racontées , ou
promifes? Si vous croiez5que lefus Ghrift
s'eft refTufcitè des morts, comment pour--
rez vous douter de fa divinité ? Quelle
difficulté pourrez vous plus treuvei dans
les autres veritez de fa dodrinejfîune
fois vous eftes perfuadè de celle cif Ceft
à mon avis pour ces confîderations, que
Saint lean après avoir ci devant décrit la
miraculeufe hiftoire de cette refurre-
â:ion 5 protefte ici expreflemenc avant
que de finir fon Evangile , que le ccfmoi-
gnagc^qu'il en a rendu eft véritable &:
digne de foy.Ec bien que l'innocéce de la
vie, la gloire des miracles, rexcellcncede
la doftrinc ? & les effets de la prédica-
tion des Apôtres aucorizentaflez tout ce
quMsdifenr, Se nous obligent évidem-
ment à le recevoir comme les paroles de
perfonnes divines &: celeftes , incapables
par confequent de nous repaiftre dé
menfongesineantmoins j'eftime qu'il fera
tres-uciie pour la confufion des irreli-
gieux, &: pour la confirmation des fidè-
les, deconfiderer^ d'éclaircir particu-
licremenc
584 I^eU Éefurr. du Seigneur I £ s v s .
liercmcnt la proteftacion , que fait ici
S. lean de la verirè de fa depofinon. Ce
fera donc la tafchc de cette action , où
nous étendrons à tous les confrères de
cet Apôtre ce qu'il dit de foy en parti-
culierjétant affez évident , que la raifoa
en eftmefme;& vous ferons voirfcom^
me j'efpere^ avecque la grâce du Sei-
gneur, par de bonnes & claires preuves*
que le tefmoignage, qu'ils nous ont ren-
du delà refurredion de leur Maiftre,
cft irréprochable &: authentique, àc tel-
lement digne defoy,qu'il ne penreftre
rejette 5 que par des perfonnes injuftes^
& tout a fait déraifonnables.
Tout homme qui tefmoigne quelque
€4¥ofe de faux, le fait ou contre fa con-
fcience, feignant &: afleurant aux autres
ce qu'il ne croit paslui'mefme , ouil le
fait en la lîmplicitè de (on cœur,croiant
bien lui mefme ce qu'il dit à autrui^mais
le croiant mal a propos , (S: aiant receu
pour véritable ce qui ne Teft pas en eiïer.
L'on ne fçauroit s'imaginer aucun faux
tefmoin ^qui ne pèche en Tune, ou en
l'autre forte; ou qui ne trompcjou qui ne
'foit trompe. Or quiconque examinera
cette caufe exaftcment ôi fans paflion,
avouera
Sermon VI. îg j
aVoi»cra fans difficulté, que ni l'une ni
1 autre de ces deux fautes ne peut eftre
reprochée aux Apôtres de lefus Chrift
furie tefmoignage qu'.ls ont rendu de fà
refurreaion. ConfiderÔs-les toutes deux
1 une après l'autre. Quant à la première,
files Apotrcs n'euffentvra.ement crcu
«nleur confcience,que le Seigneur e'toïc
rcflufcitc des morts; pourquoy l'euffenc
Ils dit, ecrir,& publié avecque rantd'ar-^
deur,8d de conftance,faifant & fouffranc
toutes chofes pour le perfuader aux au-
tres ? Toutes les ad.ons de l'homme nort
iiifense procèdent de quelque raifo.,
vraie, ou faulTe, folide ou apparentes
Ma.s particulièrement rimpofture& la
hthon ne fe fait jamais (ans motif & fans
de«em;parce qu'étant contraire à la na-
ture , ,1 faut qu'il intervienne quelque
confideration étrangère, qui nous l'aria-
che comme par force. L'homme ne for-
ge jamais un menfongepour ntfant. Si
donc les difciples de lefus Chrift avoiet
teint fa refurrecT:ion ,ilfaudroitdene.
ccflitè que quelque grande & puifTante
raifon les y euft comme forcez. Car de
dire qu'ils l'aient fait pour fe jouer, ou
pour donner du paJTe temps aux auttesj
b b qui
^%G Delà Refurr. du Sei^eur 1 1 s v s :
qui cft le deffein des Poëces dans Tin-
vention & compofition de leurs fables,
il ne fe peuc i puis qu il euft fallu eftrc
plus que furieux pour prendre fon plaifir
à feindre anechofe,qui attiroit fur eux
la haine de leurs concitoicns , la colère
bc les châtimens de leurs Magiftrats ÔC
enfin la mort mcfme, &; les plus cruels ^
plus honteux fupplices. Puis qu'il ne fe
treuve perfonne entre les hommes, qui
acheté fon plaifir à ce prix-là, il faut que
les profanes avouent , que fi les Apôtres
ont feint la refurredion de lefus Chrift,
ils auront été induits à le faire pour quel-
que raifon fer ieufe i Et cette raifon ne
fe peut imaginer autre , qu'une exceffivc
affedion envers leur Maiftre, ou un ar-
dent defir d'acquérir foit de la gloire,
foit des richcffes 6^ du crédit dans le
monde. Mais il eft evident,que nulle de
ces paflîons ne peut avoir eu lieu dans ce
fait des Apôtres Car je veux qu'ils aient
aimé leur Maiftre très ardemment du-
rant fa vie pour les hautes efperances;
qu'il leur faifoit concevoir d'avoirquel-
quc jour une grande part en fon règne;
qui ne voit que fa croix venant à décou-
vrir la vanité de leurs penfées,toutc l'af-
fedion.
Sermon V L 387
fcàionjquils avoienceue pour lui aupa-
f àvânc.devoit par toute raKbn^ non le re-
froidir &: s'éteindre feulement, mais en^
core fe changer en dcpit & en haine
contre lui , pour avoir ainfi été abufez?
D'où il fuft arrive, qu'au heu de le loiier,
ils FeufTenc décrié , au lieu de le feindre
reflufcitèjils leuffenc accusé d'impofture.
Mais quand 1 amour, qu'ils porcoient à
ieurMaiftre^cuftpeu foûteniruflifi ruds
choc fans s'altérer ou s'affoiblir ; qui croi-
ra que pour relever la réputation d'un
crucifièjils euffent voulu expofer leur viô
à tant de niiferes& de difgraces ? Nul ne
treuve étrange ce que nous lifons dans
l'hiftoire Romaine , qu'un certain Procu-
lus ait juré d'avoir veu Romulus depuis fa
mort avec une taille plus riche ^ & une
faffon plus venerablcqu'il n'avoit durant
fa vie^monterau ciel, & ordonner qu'ox^
f adoraft déformais comme Dieu. Car il
pouvoit fans aucun fien péril facrifîef
cette fidion à Taffc aion^ qu'il lui portoit,
à la fatisfaftion du peuple, & à la feuretè
du Sénat , foupçonnè d'avoir fait mourir
ce Prince ; Puis cette fable écoit ouïe de /
chacun avec plaifir , & atriroit (ur (bn f
auteur les bénédictions , 6c les applaudif-
bb z femens
388 De la Refurr' duSeigneur\t^v$.
femens du public.Mais ici fc rencontrent
toutes chofes contraires. Car le tefmoi-
gnage des Apôtres fe rendoit non àuti
Roy, mais à un crucifié i II fe publioit au
milieu d'un peuple non ami, mais enne-
mi du défunt , qui venoit de le faire
mourir fur une croix entre deux bri-
gands. Il apportoit aux Apôtres non les
applaudiffemens , mais la haine & l'exé-
cration de leur patrie; puis qua peine
curent-ils ouvert la bouche pour publier
cette refurreftion, que les fergensles
faifirent, lesMagiftrats les condamne-
rentjles bourreaux les fouëterent publi-
quementjtoute leur nation s'cmeut con-
tr'eux avec une forfcnerie incroiable.
Quelle apparence, que des créatures
doiiécsde la moindre étincelle de fens
commun fc peuflent refoudre à fubir
tant de maux fi réels & fi véritables pour
gratifier d'un vain , faux , & imaginaire
honneur les froides cendres d'un ami
mort ? Il refte donc à dire , que c'ait été
ou l'avarice , ou l'ambition , qui les ait
pouffez à ccdefTein; deux partions, qui
fnnt à la vérité très vioIenccs,&: qui ont
foLivent porté les hommes à des chofes
incroiables , ^ nommément à feindre
diverfes
i
Sermon VI. 38$^
dîvcrfes bourdes pour établir de fauffes
religions au monde. Mais rhiltoire des
Apôtres les juftifie plcnemcnr de Tun 5C
de l'autre foupçon.Car quant au defir de
fe faire valoir , & d'acquérir de la fuite,
& des moiens dans le monde;avec qu'el-
le couleur les peut on accufer d'avoir
eu cette intention en publiant la refur-
redion , & TEvangilc de leur Maiftre?
C'étoient des pefcheurs ; métier fi bas,
que rarement y voit-on naiftrc de fi
hauts defleins.Mais fupposèjque ceux-ci
par quelque extraordinaire avanture en
cuffent été rendus capables; qui ne voir,
que pour en venir à bout ils euflenc
avant toutes chofes aflemblè leurs petits
moiens^leurs barqueSj& leurs filets,& fe
fuflent mis ou à traffiquerjOU à voler fur
les lacs, oùils étoientnais , & nourris?
Qua^nd donc nous leur voions prendre
une route toute contraire , laifler- U tout
ce qu'ils poifedoient, leurs maifons,&
leurs batteaux, &c jetrerlàpar manière
de dire ce qu*ils avoicnt de levain pro-
pre à enfler &: groffir la petite mafTe de
leurs biens ; ne devons nous pas con-^
clurrCjqu'ils étoient entièrement cxépts
de cette cupidité ? Mais encore quelle
b b } appa-
3^0 De la Refury. du Seigneur I e s v s .
apparence y a-t-il5qae pour fe rendre
grands ils fc fuflentavifez d'aller prcf-
cher,qu un homme notoirement mort
en la croix étoit reflufcitè &. vivantPNe
regaïdezpointàce qui a fuivileur pré-
dication i Ceft un événement, que nul
efprit humain ne pouvoir prévoir dans
la lumière de fon difcours naturel. Mais
figurez vous ces pauvres gens après une
fî tragique fin de celui, qu'ils avoient
' choifi &: fuivi pour Maiftre;figurez vous,
que dans rextrefme confufion, où ils dé-
voient eftre félon toute raifon , voiant
leurs efperances coupe'esdés la racine
par ce defaftre impreveu , ils aient pensé
à fe faire grandsjcomment leur pouvoir-»?
il entrer dans Tefprit , que pour y parve-
nir il falloir aller prefcher aux luifs , que
Iefus,qu'ils avoient crucifié, etoit reffuf-
citè des morts: Au contraire comment
pouvoient-ils ignorer, que ce feroit le
vrai moien 5 non de s'agrandir, mais de
fe perdrefL'es mains des luifs étoient en-
core toutes rouges du fang de leur Mai-
ftre, ô^ leurs cœurs enflammez de haine
contre ceux , qui dcfendoicnt fbn nom,
jufques à les excommunier & interdire^
comme des perfonnes ms^udiçeji, €om -
Qient
s E R M O N V I. 591
ment pouvoient-ils attédre autre chofe,
que ruïnc ^^confufion allant prefcher à
ces gens, la rcfurredion & la fouveraine
gloire de lefus ? C'cft donc une imagi-
nation impertinente de dire qu'ils l'aient
fait pour acquérir du crédit , &: des ri-
chefles ; & certes auflî extravagantCjque
fi Ton difoit que quelcun fe fuft précipite
d'une haute tour pour conferver &: pro-
longer fa vie, ou qu'il fe fuft jette à corps
perdu dans un grand feu pour fe rafraif-
chir. Mais je veux, qu'ils aient eu fi peu
de fens , que d'attendre de la grandeur
& des richelTes d'une prédication fi
odieufei comment au moins l'expérien-
ce ne les tira t'elle point de cette|u:reur ?
commentles verges des Sacrificateurs,
&lcs pierres du peuple ne farracherent
elles point de leur efprit ? Comment
napprirent-ils point par des enfeigne-
mens fi fenfibles , que c'étoit folie d'ef-
perer de cette fidion prétendue le fuc-
cez, qu'ils s'en croient promis ? Com-
ment continuoient ils après cela à la
prefcher plus ardemment , que jamais,
fans fe rebuter par tant de maux,qu'elle
leur fit encourir ? Mais il n'eft pas befoin
d'argumenter, qu ils n'ont peu avoir un
b b 4 tel
5 9^ I>e U Rêfurr. du Seigneur I e s v s .
tel deflein , puis que toute leur vie mons-
tre aflez.qu'ils ne l'ont pas eu. Car fi la
çonvoitife de s'aggrandir les euft pouf-
fez à cette predication^iis euflent ména-
gé durant le cours de leur miniftere les
occafions , qui feprefentoient de faire
leurs affaires : ils cuffent amafle de lar-
gent,levc des gens , faifi des places, re-
poufle leurs ennemis , comme ils en cu-
rent le moienparle miraculeux fivccez
de leur miniftere , &: comme Font prati-
que depuiSjtous ceux qui ont ctè picquez
de cette paillon , un Theudas , un ludas
Galileen, un Barchocebas , un Maho-
met , & autres ; Et pose qu'au commen-
ccmentils fe foient un peu retenus pour
acquérir réputation de modeftie ; fi eft-
ccquetoftou tardjlseuffcnt enfin cela-
tè&: découvert leur dcffein après avoir
aucunement établi & alTcurè leur parti.
Mais en toute leur vie il ne paroiltrien
deteli&nuI,quenous fçachions, ne les
en a jamais accufez. Ils perfevercrenc
jufques à leurs derniers foûpirs dans leur
première povretc ; fans train , & (ans
équipage avecunc fîprodigieufc fruga-
litè,que le plus habile d'eux tous gagnoic
U vie à trav^illet dç fcs n?ai|i5>bien qu'il
s E H M O K VL 39)
rende tefmoignage à fes difciples de l'a-
voir fi ardemment aimè>qu'ils lui eufTent
volontiers donne jufques à leurs propres
yeux , s'il en euft eu befoin. Quand vous
voiez un Mahomet pratiquer fccrete-
ment à la Mecque en Arabie ; quand
vous le voiez, fa mine éventée, s'en-
fuir la nuit à la fourdine , fe retirer dans
le defert, y attroupper des gens de main,
affieger des places, prendre les marques
de la royautè^en cueillir les fruits, la do-
mination>Ie luxela pompe , les voluptez
jufques à avoir quatorze femmes ,laiircr
cette belle forme de difciplinc à Ces fuc-
eefleurs , leur ordonnant d'avancer leur
empire avecque le fer &: le feu rapres
cela il ne faut pas demander ce qui meuc
cet homme à publier cette groihere &:
iidicule religion, dontila empoifonnè
rOrient & le Midi. Ce procédé montre
évidemment, que ce fut la feule convoi-
tifede fe faire grandi & quand fa loy
ri'auroit autre marque de faufletèjcellc
ci fuffit pour ouvrir les yeux à toute per-
fonne de médiocre jugement, & lui
montrer que cet impofteur fa feinte,
puis que la feindre etoit un moien fi ap-
pareoimeni: utile poux p^ry^nir à la
grandeur
J94 ^^ l^ Refurr, du Seigneur I E s v s .
grandeur mondaine , où il s'cft élcvc-
Mais quant aux Apôtres, au lieu de fc re-
tirer dans les lieux écartez,ils fe montrè-
rent, &:vefcurent dans les villes les plus
peuplées, & les plus fameufcs dcTuni-
versjoù il croit impoffible de rien remuer
fans eftre découvert, pour la majeftèdc
Tempire Romain , qui y refîdoit. Et bien
que les perfecutions , quon leurfaifoit,
fuflent capables de jetter hors des gonds
les perfonnes les plus infenfiblcsi fi cft-ce
qu'ils n oppoferent jamais la moindre re-
fiflience aux cruautez de leurs ennemis,
ni ne convièrent leurs difciples à ufer de
voie de fait pour les recourre,bien qu'ils
en cuffent grand nombre , &: capables de
faire quelque chofc , s'ils euffent voulu
s'en fcrvir. On les voioit crrans çà , àc là,
fans maifon , fans deniers, fans fuite, fans
plâifir ni contentement , nuds, deftituez,
calomniez, haïsjfouetez , lapidez, pcrfe-
cutezparlesMagiftrats, &: par Icspeu^
ples,& tous,un,ou deux exceptez , après
une fi funçfte forme de vie, mourans de
mort violente & honteufe i laiflans pour
tout empire à leurs fucceffeurs le patron
de ccttctriftedifcipline, & le comman-
dement dejjfifuivre exaâ:cmcnt> de ne
rien
Sermon VI. 395
rien convoicer^niGraindrejde ne rien ôcer
;i autrui fous quelque prétexte que ce
foit,&:deneleur rien refufer du nôtre,
non pasnôtrefang^ni nôtre viemefme,
s*ils enontbefoin. Et de fait cette fainte
&: innocente dodrine^confacrée parleur
exemplc,eut tant d'efficace , que plus de
deux cens ans après leur mort , leur fede
aiant desja rempli Tunivers , quelque ^
cruelle boucherie , que Ton fift de leurs
difciples durant tout ce temps-là , on ne
leur fçauroit reprocher, qu ils aient ja-
niaiSîje ne dirai pas levé des armées, ou
furprisdes villes, ou tramé des coiiju-
rations , mais non pas mefme tiré unç
feule épce pour leur defenfe. Ce feroic
donc une folie toute manifefte de foup-
çonner que ces perfonnages aient ctè in-
duits à feindre la refurredion de leur
Maiftre par avarice, ou cupidité de s'ag-
grandirjpuis que c'eft une paffion,qui n'a-*
voit point de lieu en euXjâ: telle au refte,
que quand ils en enflent été travaillez,
cette forte de feinte euft été beaucoup
plusnuifible, qu'utile à fes interefts.Mais
ilparoiftauffipar les mefmçs çcnfidera-
tions, que le defir de Ja gloire nepeuc
non plus les avoir incitera forger cette
hiftoire.
}9 é î)e U Refurr. du Seigyjeur I e s v s ^
hiftoirc. Car premièrement ce mal ne
loge d'ordinaire , qu'en des perfonncs
nées & nourries en de grands lieux j &
ccux-ci,comme chacun fçaic, n étoient
que pauvres pefchcurs, qui naYoient ja-
mais rien veu,que les rivages , les eaux,
& les poiflbns de leurs lacs. Puis, fi c'é-
toit l'ambition, qui les picquoit \ doù
vient , qu'au lieu de s'attribuer l'inven-
tion de cette dodrincpar laquelle ils fe
vouloient fignaler, ils en donnent l'hon-
neur tout entier à un autre ? Comment
trahiffoient-ils fi miferablement leur
paflîon , la fruftrant de ce qu'il y avoit
de plus glorieux en leur minifterc? D'a-
vantage comment eft-il poflible^que
pour parvenir à la gloire ils priflent un
chemin, où ils voioient clairement , que
des le premier pas ils rencontreroient le
fouet & le gibet > ou une éternelle infa-
mie parmi les hommes de leur nation,ou
une totale exftindion de leur nom,& de
leur vie ? Car quant à cette fouveraine
gloire , où ils ont été, &: feront à jamais,
étant par tout célébrez comme les mai-
ftres &: les lumières du genre humain,
l'on ne peut dire, qu'ils aient preveu,quç
f elle feroit Tiffuë de leur cntreprife , {w%
\eut
s E R M O K VI. $9y
leur attribuer une force d'entendement
divine &: furnacurelle , c'eft à dire fans
leur accorder ce que nous denîàndonsi
étant clair , qu'il n'y a point d'efprit pu-
rement humain 5 qui peuft detelscom-
mencemens attendre, ou prévoir un tel
fuccez ; qui s'en peuft promettre autre
fin,qu'une extrefme confufion. De dire
ici qu'encore 5 qu'ils ne previffent, que
hontes Se fupplices dans les fuites de
leur deffein, ils n'ont pas lailTé deTcm-
brairer,aimant mieux acquérir une mau-
vaife réputation de brouillons & de fe-
ditieux,que de n'en avoir point du tour;
celaîdis- je, ne fe peut alléguer. Car pre-
mièrement, cette fureur eft fi rare dans
une pcrfonne, qui a encore quelque ufa-
gedefaraifonnaturelle,que de toute la
mémoire des hommes on n'en rapporte
qu'un feul exemple, d'un certain Hero-
ftrate ce me femble , qui picquè de la
feule envie qu'il avoir de faire parler de
lui, s'avifa de brûler le Temple d'Ephe-
fcjle plus lupcrbe bâcimêt, qui fuft alors
au monde. Mais c'étoit un homme feul;
au lieu qu'il eft ici queftion de i'adion
de plufieurs pcrfonnes, de centou fix
vingt pour le moins , qui tous d'un com-
mun
59% I>( /^ Refarr. au Seigjteur I e s v s .
ïhim accord s'allèrent expofer aux oiî^
tragcs de leur nation , à Tindignation de
leurs fupcrieurs , aux croix &: aux fuppli-
ccsjôi àla maledidion des peuples, pour
foûtenir qu'un homme n'agueres cruci-
fié eft maintenant vivant. Comment
ctoit-il poflîble,que tant de gens fuflcnt
tous enfemble fi furieux , que d'acheter
à ce prix une fi infâme gloire? Puis après
le fait de cet Heroftrate croit une bou-
tade 5 laquelle aiant une fois poufTée
hors de fon efprit , c'eft à dire l'aianc
exécutée en effet , il nepouvoit plus la
retrafter jaulieuque la prédication de
pos Apôtres etoit un deffeiu de tres-loti-
gue fuircjoi^i après avoir avancé quelques
pas ils pou voient changer d'efprit , bC
s'exempter des fouffrances, renonçant
à l'Evangile ; ce qu'ils n'ont pas fait
neantmoins,mais ont tous conftamment
perfevcrc à le publier , & à le maintenir;
jufques à le feellcr la plufpart de leur
propre fang. Enfin ce maraut qui brûla
le Temple d'Ephefc, navoit aucun autre
inoien de faire parler de lui; ôc s'il lui
cuft été pofTible derctairc &: de rétablir
ce bâtiment après l'avoir défait > qui
doute > qu'il n'cuil pris ce parti, &: qu'en
contcn-
Sermon VI. 59^
contentant fa vanité il euftctè bien aife
deconferver auffi Ton honneur,& fa vie?
Il écoic en la main des difciples de lefus
d'cternifer leur nom en faifant le re-
bours de ce qu'ils firent,ou en retradant
leur prédication, après l'avoir continuée
quelque temps. Quelles louanges n cuf-
fenc ils point reccuës de toute leur na-
tion , fi au lieu de prefcber, comme ils
firent î que lefus etoit reflufcitè, ils euC-
fent publiquement proteftè de leur er-
reur île jour de la Pentecofte en cette
gcofle àflemblée de peuple , qui fe treu-
voit alors en la ville de lerufalem r* ou iî
au moins quelques années après ils cuf-
fent fait la mefme déclaration ? Si c euft
donc été fimplement la vaine gloire, qui
les euft pouffez , ils en euflent fans doute
use de la forte s n'étant pas poffiblc,
qu'un homme n'aime mieux avoir de la
réputation avecquc le grè &c la louange
de fbn peuple,avecque laife &: Je repos
de fa peifonnÇjque de Tacheter avecquc
la haine &; l'exécration publique , avec-
quc le péril , ou pour mieux dire , la
ruine toute afleqrce de foy , &: des fiens.
Et quand vous pofcricz, que tous les dif^
ciples ne fuflen£,pas capables de renon-
cer
J|.oo L>e la Refurr. du Seigneui^ I E s v s •
cer à une il étrange paflîon ; du moins
n*écoic-il pas poilîble , qu'encre (îx vingt
&; cane de perfonnes il ne s'en treuvall
quelcunerqui de cette frenefic revinft en
fon bon (ens. Car où eft Thomme , pour
fi fortement ambitieux qu'il puifleeftre,
qui aiant forgé un conte, aimaft mieux
fouffrirlefer & le feu , que de confcffer
de l'avoir feint ? Il fe treuve des hom^
mes qui fe plaifent à feindre , &: à fairç
paffer leurs fidlions pour des verijcez^
mais qui vueillentfe facrificr à la haine
de tout le monde,encourir mille difgra-
ccs,fou{Fcir Je fouet, U la gefne , &: enfin
la mort,pour foûtenir , que ce qu'ils fça-
vent eftrc faux, ce qu'ils ont feint eux
mefmes , eft véritable , pouvant s'exem-
pter de tout danger en confefTant, qu'ils
l'ont feint ; je dis afleurement qu'il ne
s'en eft jamais treuve, ni ne s'en trcu-
vera à l'avenir, qui foient fots & vains
jufques à ce point. Ce n'eft pas merveil-
ThUo^ le,qu*un Sophifte Grec fe foit diverti à'
{trate, ^qy^s pciudte uu jc uc fçai quel Apollo-
nius deThyane, qu'il nous Tait fait de-
mi Dieu, &: tel qu'il a voulu , l'exemtanc
de la mort, &: le rcveftant d'une natu-
re immortelle i qu'il, iajf exposé publi-
quement
Sermon Vf. 401
qtiement ce fien tableau fi mignrarde-
ment travaillé , aux yeux des hommes
vains , comme lui. Mais fi au lieu de cm
louange's,que les paffans jeccent fur (èk
ouvrage comme autant de douces , &;
agreâbles,fleurs,quclcun de Ton vivant
l'euft arracliè de ce beau cabinet ,- où il
agençoit & attiiFoit ccrce idole tout à
fon aife, pout le tirer en juftice devant
les-iriibunaux des Magi^lrats , & là lui
faire faintement répondre furfafoy, &s
fur fon honneur, de la vérité, ou fauf-
fetèdefon hiftoirci je ne doute poinr^
qu il n'euft: dés le premier mot abandon-^
ne fon prétendu heros,& confefsè fon in-^
duftrie à le feindre, plûcoft que de rece-
voir aucun trouble pour la garantie de
fon RomaniEn effetnous neiifoas pointj
que jamais il ait prefsè aucun d'y ajouter
foy. Le livre mefme^qu'iien a fait,eft
composé de telle forte, qu'il cft aisé^
voir qu'il demande à fes Icdcurs l'admi-
ration d>C la louange de fon art , plûtofl
que la créance de ce qu'il recite. Mais
les auteurs de nôtre Religion ont endu-
ré pour maintenir leur prétendue fiaiorl
plus<^e tourmens Si de maux,que jamais
homme n'en fcuftrift pour foiitenirau-
< G cuné
401 De U Refarr. du Seigneur Iesvs.
cune veritèjquelque importance qu elfe
fuft. Concilions donc que ce n'a pas écè
}a vanicè, qui les a induis à cela i n'écanc
pas poflîblc > que la vanité ne fe fuft ren-
due à tant de funeus affauts, qu on leur a
inutilement livrez pour leur faire nier S£.
defavouër ce qu'ils prefchoient: &: en*
corc pour les obliger feulement à ne
le prefcher point. Doù paroift ce que
nous difions au commencemenr,que les
Apôtres n*ont point feint la refurredion
de lefus Chrift, puis que nulle confidc-
ration ne les pouvoir induire àlafein-
drc5& qu au contraire toutes les raifons
du monde les obligeoient à ne la fein-
dre pas ; mais qu'ils Tout creuë en leur
confcience > & ont etè perfuadez eux
jnefmes en leur cœur de ce qu'ils pref«
choient aux autres; aflavoir que lefus
ctoit véritablement reffufcitè des morts,
' &C monté au deffus des cieux. Or que
cette créance , qu'ils en avoient, n'ait
pas etè une trom^^eufe apprchenfi in*
fauflement imprimée en leur efprit,il cft
aise de le reconnoiftre en confiderant
cxaâ:em::nt toutes les circonftances de
cette affaire. Car s'il eftoic queftien dé
quelque chofe univerfelle, hautement
élevée
s Ê R M ô îî VI. 403
^levce au deffus des fens , comme les
jpropoficionsdélâ Philofophie Gontcm-
plative i j'âVoueqiie lesdifciplesdu Sei-
gneur, rudes &: inexpcrimente^ en teïleà
fciences^pourt-oient eftre foupçonnez dé
s'y eftre abufez i écânt facile aux fimples
de fe troitîper ci\ tels fujcts j qui par
faute d avoir rintelligence eîCcrcée dan^
le raifonnenient, ont une extrefmepene
à en concevoir la vericè,&: prenentaifé.
ment les premières ombres, quifc pre-
fentent à eux pour le corps des chofeS
mefmes. Mais il ne s'agit ici, que d'une
perfonne ûngulicre , d'un homme qu'ils
âvoient veu, fréquente, & pratiqué con-
tinuellement par refpace de quatre ouf
cinq ans ,* dont le refpedô^ l'amour pre-
mièrement, puis auffi la compafTiorî kai
avoit outre cette longue conVcrfation^
très -profondement grave la forme, la
taiIle,laYaiïon , &: les lineamens du vî-
fage dans toutes les parties de lamei
d'un homme , qui fe prefente àeux , nort
quinze ou vingt ans,mais trois jours feu-,
lement depuis fonabfcnce,* d'un hofe-
me cnfinjquis'apparoift àeuXj non une
ou deux fois feulement, mais plufie^rs/
par l'cfpace de quarante jours , qu'il de*
ce % meura
404 I>e U Refurr. du Seigneur I e s v s .
meiira fur la terre i non en leur frappant
légèrement la veuë, comme un éclair,
mais leur parlant 5 &: leur tenant divers
longs difcours , mangeant avec eux fa-
milièrement 5 leur faifant toucher fon
corps, &: y difcerner la dureté des os d'à-
vecque la moUeffe de la chair , les cica-
trices de fes playes d avecque les autres
endroits non blefrezj& ainfi fe commu-
niquant à tous leurs fens. Il leur étoit
donc fi facile de s'afleurer fi c*ctoit
vraiement lefus, ou non, qu'ils n'ont peu
y eftre trompez, û ce n'eft qu'ils laienc
voulu. Mais tant s'en faut qu'ils euflent
aucune apparente raifon de vouloir eftre
trompez en ce fait , qu'au contraire ils
avoient toutes les raifons du monde de
ne le pas vouloir; comme nous l'avons
déduit cy devant.Aufli nous racontent-
ils,qu'ils ne fe rendirent pas dés la pre-
mière veuë, mais qu'ils en firent divers
eiïais, ne pouvant fe perfuader ce qu'ils
oioient>voioienf,&: touchoient ,jufques
à ce que par plufieurs rcïrerées applica-
tions de leurs fens ils en eurent entiere-
mentépié^ reconnu la vérité. Enciïcç
quand une ponnoilTance acquife par
quelcun de nos fcnscft.faulTc & trom-
peufc
I
Sermon VI. 405
peufe au fond , elle eft auffi ordinaire-
ment foible , &C lâche , &: femblable à
cette vaine & légère opinion , que nous
avons en dormant des objets , auxquels
nous fongcons > telle que bien que n(jus
les penfions voir , neantmoins nôtre
efprit reflcnt en foy-mefm e , qu'il y a je
ne fçai quoi de vuide dans fon appre-
henfion , n aiant garde de s'y appuïer Se
afferm ir, comme fur les chofes, que
nous voions en veillant j D*où vient^qu'il
nous arrive quelquefois de fonger > que
nous fongeonsîparce que l'efprit ne fçaù-
roit fi peu manier , & retafter ces fiennes
opérations, qu'il n'enreconnoiffcaifé-
ment .la vanité. Or tant s'en faut, que la
créance, qu'avoient les Apôtres d'avoir
veu lefus Chrift vivant depuis fa mort,
fuft une opinion foible &:Icgerei que
tout au contraire ça etc la plus ferme , SC
la plus entière perfuafion, quifutjamâis.
Car ils l'ont foûtenuë jufqu à la dernière
goutte de leur fang;&: non contens de la
retenir conftamment en eux mefmes, ils
l'ont publiée, &: prefche'e aux autres,non
à leurs vçiiins , ou compatriotes feule-»
trient , mais à tous les hommes du mon-
de 5 depuis les derniers bouts de TO-
4 ce 3 riçnç
4o6 Bêla R^furr. du S0ig?7çurUsy^.
rient jufqu'ag fond de l'Occident i les
rreflant delà recevoir avec une ardeur
k afpretè incroiable, Enfin pourclorre
cette preuve, sM y a eu de Terreur en la
créance qu'ils avoient davoir vcu leur
Maiftre reffjfcitè,elle venoit ou du fujer,
qui voioit,oudel objet, qui ctoit veu;
du premier , comme fi les organes de
leurs fens n'etoient pas difpofez conve-
nablement pour faire leurs fondions i du
(econd , comme fi lobjet , qui fe prefen-
toit âeux étoit trop éloigné d'eux,où s'il
paroiffoit fous une forme femblablc à ce
qu'ils penfoient voir. Il eft clair,quei'oa
ne peut ici alléguer ni l'une , ni l'autre de
ces caufes. Car pour la première, qui eft-
ce qui euft troublé les fens des Apôtres?
Ce ncpeuteftrelevin. Car quand ils y
auroient été aulTi fujets , comme il eft;
çonftant,qu'iIs étoient fobres & retenus;
foijjours eft-ce une chofe inouïe, que le
vin foit capable de faire une telle illufion
par l'efpace de quarantejours,&:àren-
droit de tant de diverfes perfonnes. l'en
dis autant de la mélancolie. Car qui
croira . que les fens de quatre , ou cinq
cens perfonnes foient demeurez durant
tant de jours tellement obfc4c? de cette
àunieuf^
Sermon VI. 407
humeur, qu'ils aient tous eu conftâmcnc
une tnefme illufion durant un fi long ef-
pace? Bien que j'eftime, que letefmoi-
gnage, que rendit Proculus delà déifi-
cation de Romulu^etoit une pure fiâion
pour libérer le Sénat Romain des foup-
çons du peuple ; fi eftce que je ne treu-
verois pas fort étrange , qu'un homme
fcul profondement plongé dans les pen-
fées^que celui- ci avoit alors dansrefprir,
félon toute appaiece^euft été en ce point
abusé par fcm imagination, qui fait affez
fouvent de pareils rours aux pauvres
hommes. Mais c'cft chofe inouïe ^ im-
poflible félon toute raifon , qu onze per-
fonnes, quefix-vir.gr, que cinq cens de
tous fexes , aages , & temperamcns aient
été toutes enfcmble à une fois fiitppées
d'une mcfme imagination i les vifions de
tant de gens étant neccffaircmentdiffc-
renty les unes des autres. Or ce ne fut
pas un fculdifciple^quivid lefos Chnft
relTufcitè , U qui l'aient vcuraffeura aux
autres (cela pourroit eftre fujet à quelque
foupçon ) mais tous les onze Apôtres,
mais'plufieurs fcmmes^mais divers autres
4ifciples le virent pareillement; affeu-
j:^jispous>nP|i de lavoir ouï dire à d'au-
ce 4 trts,
4o8 Tie h Sefurr. d» Seigneur I e s V s .
très, mais de 1 avoir ouï eux niefmes de
leurs oreilles , de lavoir vcu & contem-
plé de leurs yeux , de l'aVoir touche de
kurs mains; non l'un en une forme, Se
Tautreen une autre ; mais tous en un
mefme état ; non feulement à part, l'un
ici,& l'autre là, mais aufll phifieurs en^
Icmble, quelquefois deux , quelquefois
dix,queIqucfois onze,& mcfmes jufques
a cinq cens tous à une fois ; rapportant
chacun plufieurs longs difconrs , qu'il
leur avoit tenus; & qu'après quarante
jours de diverfes ronverfations , qu'ils
avoicnt eues avccque lui, ils l'avoienc
enfin veu s'clevcr en haut fur une nuë
vers le ciel , eux c'tans avecque lui fur la
montagne des Oliviers prés de lerufa-
lem. Ilfaudroiteftrenon Wïe, ou me-
hmcoliqucmais infcnsè & enrage tout a
fait , pour croire que tout cela n'ait ctè,
qu'une i/lufiondu vin, ou de lamelanco,
lie. D'abondant dans les ptifonnes abu^
fces par cette humeur l'on découvre,
finon dés le commencement, au moins à
a longue quelque marque de leur ma-
ladie; li'éfantpas poffiblc, qu'un cfprit
ainfi indifposc exerce long-temps fcs
fpncaions naturelles fans fi^irc pfiroiftre
fort
Sermon VI. 40^
fou défaut; comme uft* montre , qui a
quelcun de fes reflbrs de'reglè 5 ne peut
long- temps jouer, que Ton ne s*enap-
perçoive. Mais jamais Ton ne remarqua
dans le refte desadions , & de la vie des
Apôtres aucun figne de cette maladie.
Autrement iln'euftpasétèpoJTible , que
tant de gens par tous les endroits du
monde eulTent fi ardemment receu leur
prédication , ni que leurs perfecuteurs les
puflent fi furieufement tourmentez. Leur
erreur les euft plûtoft émeus à pitié , qu'à
haine. Car il n'y a point d'homme rai-
fonnable, qui puiffe avoir une fi mauvaife
opinion de l'humanité de ces ficcles-là,
que de croire qu'ils cuflent voulu traiter,
comme criminels &; mal-faiteursjceux
qu'ils euffent reconnus mélancoliques,
c'eft à dire malades. Concluons donc que
s*il y avoir eu de labus en cette vifion
des difciples , il ne feroit pas procédé de
leur part. Mais beaucoup moins peut on
en imputer la caufe à Tobjet , qui (e pre-
fentoitàeux. Premièrement on ne peut
ici alléguer la diftance; puis quece qu'ils
voioient croit avec eux^dans uoe mefine
chambrej& à une mefine table/e faifant
mcf^e toucher de maoicr à çux. L'on
4XO De U Refurr, h Seigneur I £ s v s ^
ne peut dire noji^ plus, que çait crè un
fantôme, ou un corps iolide ô^ maffif,
formé à la femblance de lefus, qui après
^voir pour quelque temps abuse les
Apôtres par cette faufle apparence fc
foit enfin evanouï en Tair. Car unte|
effet étant évidemment miraculeux, il
ne peut avoir lieu, que par l'opération de
quelque caufe fpirituclle , & immaté-
rielle, tels que font les efprits , que nous
appelions Anges \ les forces de la nature
inférieure n étant pas capables d'un tel
ouvrage; de faffon que les plus grands
ennemis du Chriftianifme , qui font les
athées ôd les philofophes n'auront garde
démettre cela en avant, puis qu'ils ne
reconnoiflent aucunes femblables fub-
ftancefjous'ijsenpofent quelques unes
ils les attachent aux fpheres des cieux^
fans leur donner aucun commerce avec-
<jue les chofes , qui font au dcflbus de 1^
Lune.EtquâtauxIuifs,&: aux Mahome-
tans,& autres adverfaires de TEvangile,
qui confciTcntaA^ecque nous,quc les An-
ges agiflent fouvcnt ici bas , ils ne peu-
vent non plus fe prévaloir de cette
créance contre nous. Car fi un Efprit
aïoit fait une parçil^e fourberie aux.
* Apôtres^
Sir M ON VI. 4M
Apôtres , il faudroit rreceffaireracnt que
ce fuft un mauvais efprit de Tordre de
ceux, que Ton appelle demùn$\ puifqufe
les bons Anges ne font point d*illufions,
ni n'induifent les hommes en erreur , ni
ne mentent , comme euil fait celui- ci,
enafTeurantpartant de fois, qu'il étoic
lefus. Mais que ce n'ait point etè un dé-
mon non plus , la nature de la doArinc
Evangelique le montre aflez. Car com-
ment un mauvais efprit euft-il ordonné
des chofes fi bonnes , fi fainres , hi fi uni^
verfellement falutaires f fi parfaitement
conformes à toutes les veritez,que Diei»
avoit révélées aux hommes foit en la na-
ture,foitenla Loy,&! fi diredementop-
pofees à toutes les volontcz des démons?
Ainfi avons nous fuffifamment prouvé,
que les Apôtres n'ont ni trompé , ni été
trompez dans le tefmoignage, qu'ils ont
rcdu de la refurredion de leur Maiftre,
puis que ni rafiFedion , qu'ils lui por-
jtoient,ni le defir d'acquerirou grandeur,
ou gloire dans le monde5ni aucune autre
paflîon ne pouvoir les induire à en fein-
dre rhiftoire-, & que de Tautre part la
difpofition & de leurs perfonnes , & de
U cbofe mcfme . ne fouftloic pas , que
ruiufios,
412. Be la Refurr du Seigneur I e s v s .
Tillufion ir,ou la déception y cuft aucun
lieu. D où s'enfuit neceflaircment &:
évidemment, que leur tefmoignage eft
veritable>&: c'eftce que dit S. lean dans
nôtre texte ; & que le rejetter, c'eft non
fimplementune incrédulité, mais une
fureur & une frenefie. Car depuis que
le monde fubfifte, jamais il ne fut ren-
du tefmoignage de chofc aucune fi clair,
&fi authentique ,quc celui-ci; la divi-
ne providence aiant tellement conduit,
& aflbrti toutes les circonftances de cet-
te affaire , qu*il ne s y en treuve aucune,
qui ne décharge la parole de fes fervi-
teurs de toutombrage & foupçon,& qui
ncjuftifie évidemment leur bonne foy,
comme nous venons de vous le repre-
fenter , & comme vous le reconnoiftrez
de vousmefmes, plus vous examinerez
toutes les parties de cette caufe. Em-
braffons donc avec une plenc &: entière
foy la prédication de ces hommes divins.
Ecoutons-les comme la bouche de la
vcritc mefme. Recevons chez nous cet
admirable refufcitè, qu'ils nous annon-
cent, tout ainû que fi nous l'avions veu
nousmefmes, ôi avions mis nos doigts
dans les cicatrices dcfon corps.' Mais,
Frères
s E RM d N VI. 4Ï5
Frères bien- aimez, il faut croire cette
prédication des faims Apôtres du cœur,
â: non de la bouche feulement. Car û
c^eft au monde un crime &: un mal- heur
cxtrefme de rcjetter le tefmoignage d'u-
ne fi claire,&: fi illuftre vérité ; nôtre fau-
te fera incomparablement plus étrange,
&: nôtre condannation plus rigoureufe,
fi ne doutant point de fa vérité , nous ne
laiflons pas de vivre , comme fi nous ne
doutions point de fa fauffetè. le fçai bicà
que nous faifons tous profefUon de croire
ce tefmoignage , ôi que nous dirions vo-
lontiers chacun de nous avec S. lean , le
fçai qiiîl eft véritable \ & que nous pren-
drions à grand outrage que Ton nous ac-
cufaft d en douter. Mais pleuft à Dieu,
que nous euflîons autant d'horreur de le
démentir en effetjcomme nous en avons
de le renier en paroles ! Nôtre bouche
donne aux Apôtres la loliange d avoir die
vraiiMais nôtre vie \c:s accufe d eftre faux
tefnioins. Nos langues confencentàleur
depofitioni &: nos mœurs la démentent.
Car fi vous tenez pour véritable ce que
difent ces faints hommes , que lefus eft
refTjfcitè des morts, &: qu'il eft vivani:,5^
aflîs^ à la dextre de Dieu dans une fou ve-
4T 4 J^^l^ Rêfurr, du Sel^rjeuf I e s V s .^
raine gloire i comment lui portez vous Û
peu de refpcd? comment faites vous fi
peud'ctatdc fuivre les loyx de fa-difci-
plinc celefte? Les Apôtres difcnt qu'il ne
reçoit en fa gloire ni les larrons, ni les
paillards , ni les adultères, ni les yvro-
gnes , ni les avaricieux , ni les perfonnes
entachées d'autres vices femblables. Ils
difent, qu'il a protcftè,que nous n'aurons
jamais de part en fon Royaume , fi nôtre
juftice n'abonde au deflus de celle dés
Scribes, & des Pharifiens,*fi nous ne fom-
mes régénérez d'enhaut , fi nous ne fom-
mes nouvelles créatures, mortes au mon*
de & à fcs cupiditez,vivantes à Dieu & à
fa juftice. En confcience eft ce recort-
noiftre ce tefmoignage pour véritable,
que de fe veautrer dans les ordures du
monde > & de faire tout le contraire de
ce qu'il requiert de nous ? Ces mefmds
tefmoins difent que lefus Chrift tient &:
garde là haut dans les cieux une bien*
heureufe immortalité, une plene abon-
dance de tous biens ,^-qu^iI donnera tres-
affeurcment à ceux qui lui obéiront , &
que c eft entre fes mains facrées quVft
nôtre trefor,nôtrevie,&: nôtre gloire. En
confcience eft-ce tenir ce tefmoignage
pour
pour véritable , que de laiffer là ( comme
nous faifons la plurpari)uneri haate cfpc-
rance, & d enfouir mifcrablemenr nos
tœars dans la bouc, ôi ne tirer lesfujets
de nos joyes ôc de nos cnnuïs , q'je de la
terre feulement ? Ceft une trop groflîeré
erreur, que de s'imaginer des thofes fi
incompatibles. Si vous teniez pour vêri^
table ce que difent les Apôtres, que leius
Chrift cft refldfcitè des morts, vous croi-
riez auflî tres-alTjuiémentce qu'ils ajoû-
tenr,qu'il cft le Prince , le Sauveur, & le
Prophète du genre humain; &(ivous
aviez cette creance,vous obéiriez à fa vo-
lonté pour parvenir à fa gloire; n'étant
pas pollîble ni de le croire reflufcitè fana
le reconnoiftre pour un homme divin, ni
d'cftre perfuaiè de fa divinité fansajoû^
ter foy à fa dodrine>ni de croire enfin fa
dodrine fans defirer fon falut , de fe con^
former à (es loix. Car nôtre nature n'eft
pas^graces à Dieu , (i inhumaine , & fi en-
nemie d'elle mefme, que de pouvoir dé-
diigner les chofes , où elle e(l perfuadéc
que conûfte fon fouverain bon- heur.Puis
donc que vôtre vie termoigne , que vous
mefprilez la volonté du Seigneur , tenez
pour tout afTeurè , que vous œ croiez
non
41. i^ T>e la Refurr. du Seigneur I E s v s.
non plus ni fon Evangile , ni fa refurre-r
d:ion i d'où s*en(uic, que iî vous demeu-
rez en cet état 5 vous n'aurez jamais au-
cune part en fon falut, qui efi promis,
comme vous fçavcz , non à ceux, qui
font profeflîon de croire , mais à ceux,
qui croient en effet. Dieu vueille vous
ouvrir les yeux pour voir le periI,où vous
eftes , afin que faifis d'une jufte frayeuri
vous écoutiez déformais fidèlement la
voix de c^s divins tcfmoins , &: ajoutiez
une foy eiitiere à leur dodrine , pour
éprouver quelque jour la vérité de leurs
promeffes , en voiant & contemplant
éternellement dans les cieux ce bien-
heureux refifufcitèjle Prince de vie & de
gloire^qu'ils virent autrefois fur la terre*
A luiavecque le Père & le Saint Efprit*
vrai Dieu bénit aux fiecles des {îecles»
foit honneur , &: gloire $ & louange*
Amen.
PÊ LA
J
41?
" " ■«
SERMON DE
LASCENSION
DE NOSTPxE SEIGNEVR
lESVS-C H RI ST. h
Sur les veifets 5?. 10. 11. du Chap. I.
des AcTiiS.
9. Et ^Hand il eiit du tes chofes , il fut éUve
eux le regardant , (^ une naéë le fontenant r con-
forta de devant leurs yeux,
10. Et comme ils Avoient les yeux fiche\yers
le ciel > luy s en allant , voici deux hommes fe pre-
fenterent devant eux en veQemens blancs,
11. LefcjHels aùfii dirent y Hommes GrJiléenSi
pourjfuoy vom arrefiez voîu regardant an ciel ?
Ce lefiu ici , ^//z a été élevé en haut dCavîcqn^^
*OQm au, ciel , viendra ainfi e^ue vo-m rayc^
contemple allant au aeJi
HuRs Freresî
Encore que cette tnefme afcéuiiod
du Seigneur Iesvs y à laq elle on à
dd eonfacrè
s
4i8 De l'Afcenfto» du Seigneur
confacrè ce jour , montre affez , que la
religion de fes vrais difciples doit eftre
non arrachée aux jours , ni aux mois , ni
aux faifons de Tannée , mais fimple, fpi-
rituelle , & libre des liens du temps , au
deffus duquel nôtre Prince eft élevé
dans le domicile de reternitè,felon Tex-
^efle ordonnance de fon Apôtre ; ^e
Col. 2.16. nul ne vom condanne en dtfiin^ion iun
jourdefejle^ ou de nouvelle Lune , ou de Sab-
bats ; Neantmoins puis que le myftere
que Ton célèbre aujourd'hui entre les
Chrétiens eft divin & falutaire , &: trcs-
digne de nôtre méditation; nous nous
accommoderons volontiers à Tufage
commun,emploiant cette heure en cet-
te confideration ; Seulement laiflcrons
nous la les abus, que la fuperftition des
hommes y a introduits , hc les vaines
pompes de Terreur indignes de la fim-
^ plicitè du Chriftianifme , & plus capa-
bles d'attacher les hommes à la terre,
que de les élever dans le ciel , où eft
monté leur Sauveur ; & nous tenant fo-
brementà la vérité de TEcriturc, nous
vous propoferons fidèlement ce qu'elle
enfeignc de TAfcenfion de nôtre Sei-
gneur. Elle nous eft brièvement répre-
fentce
feiitée dans le texte , que voqs avez en-
tendu 5 tiré du premier chapitre des
Adcs 5 où S. Luc nous racojnte, que Icfuç
après avoir conversé quarante joursay<ec
fes difciples depuis fa refurreûion , leur
parlant des clidfes qui appartiennenit aa
royaume de Dieu , les aflcmbla fur la
montagne des Oliviers y où leur aiant
donne Tordre de prefcher foa Evangile
cnludée, ôf en Samarie, jufques aux
bouts de la terre , & leur aiant promis la
grâce du Saint Efprit, il fut élevé en leur
prefence, une nuée le foûcenant,&: l'em-
portant de devant leurs yeux ; à quoy il
ajoute > que comme ils regardaient efli
haut, ôc tout pleins d'étonnement te-
noient les yeux fixement tournez au ciel,
deux Anges fe prcfenterent à eux en vcr
ftemens Wa^ics, ^ leçaiTeurerentq^ie
lefus étoit élevé dans le ciel , 8c qu'il e>a
defcendroit un jour enîamefme forte,
qu'ils Ty avoifent veu monter. Pourfa-
tisfaire tant à i Vxpofition de ce texte,
qu'à la dignité du myftere qui nous y eft
proposé, aous confidererons trois chofcs
en cette action, moiennant lagrace du
Seigneur ; Premièrement rafcenûoa
mefme de lefus au ci<*l , &C les^circon-
d d z ftanccs
410 De ÏAfcenfion du Seigneur
fiances qui nous en font reprcfenteesj
Secondement les caufes & les raifons de
cette fiennc afcenlîon ,* & enfin fes ef-
fcts.Quantà la chofe mefme,S.Luc nous
en remarque le temps, le lieu, la faffon,
^ la fuite. Le temps fut le quarantiefme
jour depuis la refurredion du Seigneur.
11 voulue converfer tout cet efpace de
temps avecque les difciples avant que
de les quitter,afin de leur approuver , &
perfuader la vérité de fa refurreftionv
pardesfignes, & des tefmoignages in-
dubitables. Car s'il s'en fuft allé inconti-
nent après seftre montré à eux le pre-
mier Jour, une fi courte & fi légère preu-
ve n'euft pas guéri toutes les doutes
dont leur ame éroit combattue fur une
chofe fi étrange. Ils euflTent pris une telle
apparition pour une illufion de leurs
fcnsi au lieu que raiantveu& touché à
diverfes fois , &: en différentes manières
parl'efpacede quarante jours, & quel-
ques uns feparcment , & tous enfemble;
il ne leur reftoit plus aucune ombre, ni
apparence de difficulrc. Vne fi longue,
&: fiexade épreuve laiifa dans leurs ef-
prits une plene Se entière perfuafion de
la vie de leur Miillrc ; telle qu'ils ea
avoienc
Iesvs Christ. Sermon.' 411
avoient befoin pour prefcher conftam-
ment fon Evangile dans le monde au mi-
lieu des oppoiicions , &: contredirions
e'pouvantables, qu'ils y dévoient rencon-
trer. Et quand* ce (ejour du Seigneur en
la terrejn'euft |*âs été neceflai re pour eux,
toujours reçoit- il pour nous ; afin de pur-
ger toutes les objedions , que k chair
cuft peu faire à nôtre foy,&pour de-
farmer les Sophiftes de tous les moiens,
par lefquels ilseuflent peu nous rendre
fufpcde cette prédication Apcftolique,
Déformais on ne peut reprocher aux dit
ciples Terreur de leurs yeux, ni la déce-
ption de leurs autres fcns. Cela n'eft pas
allegable contre une créance fi bien fon-
dée; appuyée d'une expérience de qua-
rante jours. Mais de nous demander
pourquoy le Seigneur monta au ciel le
quarantiefme jour precifément , & non
plutoft ni plus tard ; c'eft à mon avis une
puérile, &: peu raifonnable curiofuè. Iç
n'eftime pas qu'il (oit befoin de philofo-
pher fur les nombres, ni d'y chercher des
inyftcres. CVft alfez que quarante jouis
croient ftffi ^ans pour fonder &: affermir
lafoy des Apôtres fur la refurredion du
Seigneur. Car fupposè qu'il fuft monté aq
d d 3 ciei
411 T>e tAfcenjion du Seigneur
ciel le vingc-ncuviefme jour, ou le qua-
rante & vnierme, ou tel autre que Ton
voudra i toujours en pourroit-on deman-
der auflî bien que du quarantiefme,pour-
quoy le Seigneur l'auroit choifi. Ce que
^^^ij^'^difent quelques Anciens, ^q les Apô-
^Jl ' 'très aiant été dans une profonde angoifle
durant les quarante heures , que le Sei-
gneur fut dans la mort, il étoitàpropos
qu'ils jouïflent de fa bien-heureufepre-
lènce l'efpace d autant de jours , cela5dis-
je, eftuncpenfée, qui peut paffer pour
jolie; mais je ne fçai fi elle doit eftrere-
ceuë pour une bonne & folide raifon.
Apres tout, s'il y a du myftere dans ce
nombre de quarante , il lefautlaifTer à
Dieu, comme une chofe qui furpafle nô-
tre portée i & nous^ fou venir de lavertif-
fement , que le Seigneur donna à fes dif-
ciples un peu avant que de les quitter;
j^.i, ^^^ ^^ ^^^^ ^'^ft refervè la conno)flance
7. * & la difpenfation des ceps & des faifons.
Le lieu , d où fe fit lafcenfiondu Sei-
gneur, tut la montagne des Oliviers, oii
étoitfituéeBethanie. Delà il étoit allé à
lacroix;delàmefme, il s en alla dans les
cieux. Vn mefme lieu le vid partir, &:
pour le combat , &^ pour le triomphe ; ^
pour
Iesvs Christ. Sermon. a-H
pour la mort, 6^ pour la gloire. Aianc
donc affemblè fes difciples , c'eft à dire &:
fes Apôtres, &: les autres fidèles, qui
croioient en lui dans ce facrè lieujqui eut
rhônncur de recevoir les dernières traces
de fes pieds en la terre , aiant parle à eux,
comme il les beniflbit, ainfi que le rap-
porte expreflement S. Luc à la fin de fon
Evangile^il fut élevé eux le regardant , ô£
une nuée le foûccnant, fut emporté de
devant leurs yeux. Enoch avoir été au-
tresfoisravi de deffus la terre pour aller
vivre avec Dieu i mais nous n'aprenons
point que ce fut en la prelence d'aucun.
Elie fut depuis enlevé dans un chariot
de feu ; mais il n eut qu'un feul Elizée
pourtefmoinde cette gloire. L'afcenfioii
du Seigneur fe fie en prefence des onze
Apôtres, & de plufieurs autres difciples
le voians,&: le regardans avec une at-
tention extrefme de dcflu^ un lieu haut
& découvert , tel que vops pouvez bien
penfer qu'éroit cette montagne i parce
qu'il importoit pour lafoy &:pour lefa-
lut du genre humain, que la vérité de fa
gloire fuft certifiée par la depofition de
plufieurs tefmoins irréprochables. Au
rcfte il n eft pas befoinde vous dire^ qne
dd 4 ^Ç
414 "De Ï^Afcenfion duSeigmar
ce fuft feulement fa nature humaine , qui
fut élevée de à^Rws laicrrei Car vous
fçavez allez que fa divinité eft par tout
prefentei & qu'à parler proprement elle
ne dcfcend, ni ne montcircmpliflant tout
à la fois& les cicux ^ la terre. Or fi le
Seigneur fut ainfi élevé par la vertu de fa
divmitè Iculement & immédiatement,*
oufice futaulTi par le commandement
de fa volonté humaine, &: par Taftion de
la faculté motrice de foncorps,qui étant
déformais doiié de qyaiitez celeftes &;
fqrnaturelles foit capable de feguindcr
en haut, &: de voler en l'air, par manière
de dire , peut eftre n eft- il pas fort necef^
faire de lerechercher.Encoreque s'jlfal-
loit s en exprimer^j'eftimerois ce dernier
parti fort vrai femblable,* y aiant grande
apparcnrc,que les corps glorifiez ont une
Jegerctéjô.: agilité capable de toutes fo r-r
tes de mouvcmens.Et en cela il n'y a rien
de contrane à la nature d'un vrai corps.
Car fi les ailes des oifeaux font capables
de fcûrenir leurs ccrps, & de les porter
en l'air, quelques ma ffifs &: pefans qu'ils
foient,pourquoycét Ffpiir vivifiant, qui
^nimc les corps glorifiez, ne pourroit-il
ôvoir^ine femblable vertu? Autre chofe
l£svs Christ. Sermon^ 4M
eft de s'imaginer (comme font nos ad-
verfaircs ) un corps , qui pénètre un autre
corps, 6c qui palTe à travers fes d imen-
fionsCar tout corps occupant neceflaire-
ment un efpace de lieu cgal à fa quanti-
té ; c'eft dépouiller la chair du Seigneur
de la vérité de fa nature, de feindre que?
maintenant elle puifle eftre dans un lieu
fans roccuper.Et c'eft fans raifon , qu'ils
veulent appuyer cette erreur par fon en-
trée dans'le ciel. Car outre qu'il n'efl:
pas bien confiant, que le corps du ciel
foit folide &: maffif,fe treuvant quantité
de grands hommes dans les écoles &:
du monde, &: de TEglife^qui tiennent,
que c'eft une nature liquide , & déliée &:
femblable à rair,fauf qu elle eft beaucoup
plus pure,outre cela, dis-je, qui leur a dit,
.que le facrè corps du Seigneur fe pre-
fentant, les cieux ne fe foient pas ouvq-ts
pour lui faire place?que feuls de toutes les
Créatures ils aient refiftçau mouvement
de leur Maiftre ? Ils s'ctoienc ouverts au-
tresfois pour honorer fon baptefme,^ y
envoier cette divine colombe, qui def-
cendit alors fur lui en forq^e corporelle
&vifible. Combien plus spuvruent-ils
pour lerçceYoij:Iui mefmc, &:pourjouïr
4z6 De l^Afcerijïon du Seigneur
de la plus haute gioire,qiu leur foit ja-
mais arrivée? Car il n'y a point de crea-
turejUi fi rcvekhe qu'elle ne lui obeïfle,
ni fi ftupide qu'elle ne reflente j comme
par un fecret inftind, que leur plus grad
honneur eft de le fervir. Les vents & les
flotSjles plus violentes natures^quifoienc
au monde,fe taifoient, quand il parloit>
les pains multiplioient; les poiffons lui
payoient tribut > les maladies ,& toutes
lesmalignitez de leurs caufes fe chan-
geoient pour lui plaire. A fa mort les
pierres fe fendirent de dueil ; la terre
trembla, & le Soleil s'obfcurcit , les nues
mefmes, les jouets des vents forcèrent
leur mouvement à fon ordre^ô.: fe parant
d'un extraordinaire éclat s'arreftereht
fur la montagne de Tabor^pour lui fervir
de pavillon. Et quand il quitta la terre,
nôtre Evacgclifte nous raconte,qu'il en
vint une incontinent , qui fe mettant
fous (es pieds , 5d l'environnant glorieu-
fement, fut comme le chariot de fjn
triomphe. Tavouc qu'elle lui rendit ce
fupcrbe office pour la\ompe plûtoft
qt^e pour la neceffitc ; Ce facrè corps
qu'elle enlevoitn'aiant befoin d'aucune
force étrangère 3 ni pour l'emporter, ni
pour
Iesvs Christ. Sermon. 417
pour le foûtcnir. Mais tant y a que ce
miniftere des nues nous montre , qu'il
n'y a point de créatures , qui ne rendent
une prompte & fidèle obcïfTance au Sei-
gneur, penfez je vous prie, mes Frères,
quels devinrent les cœurs des difciples,
quand ils virent un miracle fi nouveau^
quel fut leur éconnement ; quelle leur
douleur,leurjoye,leur regret, leur crain-
te &Ieur efperancc; leur étonnemenr,
pour la merveille d'un fi étrange mou-
vementileur douleur, pour la feparation
d'un fi bon Maiftre, qui leur étoit arra-
ché d'entre les bras au point qu'ils le
pofledoient avec le plus de contente-
ment s leur joye , pour cette fouveraine
gloire ; où il étoit élevé devant leurs
yeux ; leur rcgret,pour le bon-hear,qu'ils
perdoient,*Ieur crainte , pour la folitude,
où ils demeuroient^ &: leur cfperance
enfin pour la part qu'ils pouvoient atten-
dre au triomphe de leur Seigneur. Dans
la confufion de tant de paflîons contrai-
res , tout ce qu'ils avaient d'amc &: de
fens fiiivit lefias dans le Ciel. îl n'y eut
que leurs corps , qui demeurèrent fijrla
montagne des Oliviers , ieur$ vifages
êc leurs yeux tournez en haut 5 &: regar-
dant
4i8 JÛe fAfcenfiûn du Seigneur
dant fixement fans fiUer leur bon-heur
s'enfuyant aux CieuxiContemplant pre-
mièrement le divin Corps de leur Mai-
ftrc autant qu'il leur f>t permis de le
voir s & puis cette nue iriomphale5qui le
\int environner , & enfin quand elle fut
hors de leur veuë, fa route &: le chemin
qu'elle avoir fait en l'air, criant tous s'il
faut ainfi dire,en leur filcnce ; Seigneur
pourquoy nous as-tu quittez ? pourquoy
îèpares-tu ce que l'amour & la foy
avoieni fi étroitement conjoint ? que ne
demeures-tu avecque nous en la terre? ou
que ne nous enleves-tu avecque toi dans
le Ciel? Cependant Icfus s'eloignant tou-
jours de plus en plus , fc rendit bien-toft
après dans les Cieux. Mais la douccur,ÔC
la grandeur de cette gloire ne lui fit pas
oublier fes chers difciples. Car comme
ils etoient dans cette cxtafe. Voici deux
hommes { dicThiftoire fainte) quijepre-
pmere/ft devant eux en veïîemens blancs.
Cet habit blanc, le doux & affeurè fym-
fcolede la pureté, &: delà joye des natu-
res ccleiles, vous montre affezquec'é-
to ent des Anges.Ces bié-heureux efprits
i^voicnt annoncé &: fa conception à la
VicrgeaS: fa naiffanccauxBcrger5,& fî^
rcfurrç-
ÏESVs Christ. Sermon- 4z^
rcfurredion aux faintes femmes. Il écoic
bien raifonnable qu'ils cercifiaffent fou
afcenfion aux difciples, & leur prediffent
fa dernière venue -, & que comme ils la-
voient fervi dans fe^Gombats.en la tenta-
cion du defert , & en Tagonie du jardin
des Oliviers, ils jouïiTent auffi de la gloire
de fon triomphe , &: fiflent partie de fa
pompe ; Hommes Galiléensy difent-ils aux
Apôtres 5 fourquoy vous arrejfez, vohs re-
gardait au ciel? Ce leÇm tclqui a, été élevée»
haut davecque votis au ciel , viendra ai^fi
que vou^ l'avez contemple allant an ciel- Ce
neftpas pour lestancer qu'ils leur tien-
nent ce difcours (leurpafîîon etoit trop
raifonnable) mais pour les ramener à eux
mefmes, & pour addoucir leur cnmiy;
comme s'ils leur difoient jCeftenvain,
que vous vous arreftez ici. Vôtre lefus
eft dans fon ciel ; a«: vous ne le pouvez
fuivre pour cette heure. Travaillez à la
tafche,qu'il vous a donnée avant que de
partir; &: vous rejouïîTant du glorieux
écatjOii le Père Ta élevé , attendez fon re-
tour en patience. Car pour eftre monté
au ciel , il n*a pas quitte le monde. Il le
gouvernera par fa providence jufqua ce
qu'il vienne encore une fois pour le juger.
Alors
i^^o Bel'Afce^fiân du Seigneur
Alors il viendra tel que vous Tavez veu
s'en aller maintenant en cette mefme
chair que vous avez touchée; veftude
cette mefme gloire , que vous avez con-
templéejmontè encore fur une nuë , &:
environné de millions d*Anges. Ceft la
confolation, que ces deux Meflagers du
Seigneur donnèrent à i^s chers Apôtres.
Certainement s'il euftdeu venir tous les
jours en corps & en ame fur leur table,
dans leur pain &: dans leur bouche pour
y imprimer les germes de rimmortalitè
(comme TEglife Romaine l'enfeignejc'é-
toit ici le lieu de le dire. Ce que les
Anges le taifent dans cette occafion, eft
un fort argument de la vanité de cette
imagination s ce qu'ils ne promettent
aux difciples, qu'une venue du Seigneur
en corps , vilîble , & pompeufc, &: glo-
rieufe , telle qu'avoit été fon afcenfion,
eft un figne évident, que cette autre,que
1 W nous fait fecrctte , invifible, & im-
perceptible , & qui n'a rien de commun
avec fon afcenfion au ciel, n'eft qu'une
pure fi£bion; ô^ que félon l'avertiflcment
du Maifcrc il nous faut bien donner gar-
de d'ajoacer foy à ceux , qui nous dilenr,
z(>. " voici ïi eU d^mnos cahinets -^ il y eftdef-
cen-
Iesvs Christ. Sermon. 451
cendu du ciel invifiblement. C'eft là.
Chers Frères , ce que l'Evangelifte nous
reprefente de Thiftoire , & des circon-
(lances de lafcenfion du Seigneur au
ciel.Confiderons en maincenaiu les rai-
fonsle dis donc premierementiqu'il fal-
loir neccffairement , que Iesvs montaft
au ciehpuis que les oracles du Vieux Tc-
ftament avoient promis , que le Chrift y
monreroit. David Tavoic clairement
prédit mille ans avant Tevenement de
la chofe ; Tu esmonù enhaut , dit- il , tu as j^'
mené captifs des ^rifonniers ; tu as f m des
doHS pour diftribuer entre les hommes , (^
mefmes entre les revefches^afin qu'ils demeu-^
rem au lieu de ï Eternel DieuiQ?" que cet-
te predidion appartienne au Melfie, ou-
tre que toute la cbntexrure du Pfeaume
le montre évidemment , l'Apôtre ne
nous permet pas d'en douter, raportant
exprefîement ces paroles à Tafceniion
du Seigneur. A cette prédiction fl claire f/;.^.
il faut joindre les types 5 &:les modelles^-
du Chrift , fous la vieille alliance, qui fi-
gurent aifez clairement cette partie de
la dilpenfarion ; comme eni'hiftoirc de
Iofeph,que vous voicz non limplemenc
fortir de prifon pour vivre en fa premiè-
re
431* ^c l'Afcenfion du Seigneur
re condition , mais monter après fa deli^
vrance en un état glorieux à la droite
d'un grand Roy avecque puiffance fuï
tout fon Royaume; &: en celle de Moïfci
qui après la publication de la loy monta
au fommet de Sinaï ; & en celle de Da-
vidjoù vous lifez qu'après tant de fueurS
&: de combats , il ne fut pa^^ feulement
délivré de la main de fes ennemis pour
mener de là en avant entre les fiens une
vie particulière, telle quVcoit la fienne
avant qu'il euftétè oint,mais que déplus
il monta en Sion , ôc s'alTic fur le trônei
d'Ifraël j peintures qui reprefentoient
évidemment, que le vrai lofeph i le vrai
Moïfe,&; le vrai David (c'cù. à dire le
MeffieJ àTiffuë de fes fouffrances U de
fes travaux ne demeureroit pas fur la
terre avecque les autres hommes dans
une vie femblable à celle , qu'il avoit
vefcue* durant les jours de lachair^mais
qu'il feroit élevé dans un lieu, & dans
une dignité convenable à fa grandeur^
ceftà dire dans le ciel, fur le trône de
fon Pcre.Le mefraeétoit encore fignifiè
par le fouverain Sacrificateur , quand
après avoir oftert les vi(3*imes hors du
fanduaire^pour expier les péchez de fon
Ifracl,
Îesvs Christ. Sermon. 435
îfracl,il entroicdaas le faiac des faines
faic de main,pour y comparoiftre devant
Dieu avecque le fang de fan faetifîcej
fîg'ire exceiieiue , qui moncroic des lors>
que le vrai Pontife de i'iftaël myftiqiie
fceftà dire le Chrift ) après avoir im-
molé en terré la vraie & fpirituclle vi-
dirae,entreroicdansle ciel y le vrai fan-
ftuaire non fait de main , pour y coiTji.
paroiftre avecque la verra dé fon éternel
facrificé. lefeis donc étant la perfonné
prédite par ces Prophéties , & reprefen -
tée par ces types, il a ctè necefTiir'e , que
pour remplir ces ombres , &c vérifier ces
anciens oracles , il montaft au ciel après
fa refurreftion. Mais afin de mieux voir
la fageffe de ce confeil de Dieu , confia
dcrons maintenant en gênerai les rai-
fons , pour lerquelles il a fallu , que le
Chrifl: montaft au Cieh car l'homme euft
trouvé beaucoup plus àpropos, qu'il fuft
demeuré ici bas, comme il paroiftparl'e^
xemple de ceux de la communion dé
Rome^qui nonobftant la profel]ion,qu'ils
font>de croire qu'il eft au ciel , veulent
heanrmoins , qu'il foie auffî en la terre
dans leui^s boeGes^^ fur leurs autels, en
tous les endroits du mo^de à la fois, lé
4Î4- ^^ I^AfcenfioH du Seigneur
dis donc que la raifon &: de la nature
humaine du Chrift,& de chacune de fes
charges,&: de nôtre utilité de nous tous,
qui fommes fes fidèles, requeroitqua-
pres avoir achevé Texpiation de nos pé-
chez en la terre, il montaft au ciel com-
me il a fait , & y demeuraft côme il fera,
jufques à la confommation des fiecles.Sa
nature humaine premièrement le reque-
roit ainfi. Car le Chrift cft un homme
celefte,comme Tenfeignc S.Paul, entant
'•^'"'•^^* qu'il a été conceu du Saint Efprit , prin-
"^ * cipe celefte ,& furnaturel. Or il eft de la
fagefle divine de donner à toutes chofes
des lieux convenables , &: proportion-
nez à leur nature. Ainfi au premier hom-
me , qui étoit terre Itre , elle aflîgna pour
fa demeure,unlieuterreftre; affavoirlc
jardin d'Eden. Il falloir donc qu'au fé-
cond Adam , qui eft celefte.elle donnaft,
non la terre , mais le ciel pour fon domi-
cile, &: s*il faut ainfi dire , pour fon élé-
ment. Mais comme vous voiez que les
chofes naturelles demeurent quelques-
fois pour un peu de temps hors dû lieu
de leur repos, quelque caufe furvenue
hors la condition de leur nature les y
obligeant i de mefmc auffi cet homme
divin.
Iesvs Christ. Sermom. 4jj
divin , qui félon le légitime & originel
de fa nature, ne devoit vivre &: conver-
fer que dans le ciel, a été pour des rai-
fons pu ticulieres arreftè pour quelques
années en nôtre terre i aflçavoir pour
l'œuvre de nôtre rédemption, qui ne fe
pouvoit accomplir fans faire & foufFrir
ici bas les chofes,quc lefusy afaites, ÔC
foufFertes. Commue -donc vous voiez en
la nature , que chaque fujcr reprend fon
lieu, & fon élément , auflî-tcîl que ceffe
la raifon,quirentcnoit hors extraordi-
naireraent i la pierre defcend vers le
centre du monde, 6c l'eau coule en bas,
dés que la force, qui lesfufpendoit ca
hâut,vient à manquer; Ainfi a-t il été en
toutes faffons convenable, queleChrift
priftfon vol dans le ciel, dés que cette
œuvre, qui len tqnoit liors,a été accom-
plie. Mais fa charge lobligeoit auffi évi-
demment àcelamefme. 11 eft comme
vous fçavez,le Prophete,le Sacrificateur
ôc le Roy du genre humain. Or il ne pou-
voit bien & dcuëmcnc s'acquitter de
toutes les fondions de ces divins offices
fans monter au ciel. Car pour le pre-
mier , s'il fuft demeure en la terre , il ne
nous euft peu cnfeigner,ni fi pleinement,
' e e 2 ni fi
43<^ I>^ l^Afcenfion du Seigneur
ni fi clairement , ni fi convenablement,
comme il a faicécant monté au ciel. 11
ne nous euft pas enfeigaè fon afcenfion,
ni la gloire,qui l'a enfuivie j leçon, néan-
moins tres-neceifairef comme nous le di-
rons incontinent) pour la perfcdion de
nôtre foy & de nôtre fandification. La
clarté des enfeignemens^qu'il nous don-
ne,euft aufli été beaucoup moindre s'il
fe fuft arreftè ici bas, puis que pour illu-
miner nos cœurs , il falloir neccffaire-^
ment y faire defcendre le Saint Efprir,
dont les trefors étant comme renfermez
& ferrez dans les cieux , il a été necef-
fliire,que nôtre Prophète y montaft pour
les ouvrir 5 &verfer de là dans les âmes
defes difciples, la lumière requife pour
leur inftrudion j comme il le difoit lui
mefme à (ts Apôtres j llvouseftexfeàient
que je m en aïU^ . Car fi je ne m en vais^ le
ConfûUteur ne viendra point a vous ; é' fi
je m en vais , ;> vom l envoierai.Enûn. la di-
gnité de fa Prophétie requeroit aufli cela
mefme. Vne chaire de bois , ou de mar-
bre ici bas en terre fuffit à un Prophcte
terrcftre & particulier ; mais au Prophè-
te de tout le genre humain , dont la voix
doit eltrc entcnduc,aon en ludée, ou en
Grèce,
Iesvs Christ. Sermok. 437
Grèce , en lerufalem , ou à Rome feuie-
mencmais par tous les endroits de l'u-
nivers , Ton ne pouvoir fans indécence
donner un autre chaire,que le ciel.C eft-
là un ficge vraiement digne de lui ; non
ces montagnes , &c ces lacs de ludée , où
il enfeignoit jadis durant les jours de (ba
humiliation. De cette chaire celefte,
élevée au de(îus de rout fon auditoire
f c*eft à dire au deffus de l'univers entier)
il fait ouïr fa fainte voix aux Anges , &C
auxhommes,inftruifant]e ciel & la ter-
re d'une faflbn vraiement digne de lui;
envoiant fa parole , Se les rayons de fon
Efprit en tous lieux pour difliper l'igno-
rance, &: apprendre à chacun tous les
myfteres de la fouverainc fageffe. Sa
facrificature requeroit pareillement,
qu'il montaft au ciel. Car puis que touc
Sacrificateur doit avoir un faniluaire
poury comparoiftrc devant la divinité,
^ pour la rendre propice à fon peuple
par la vertu du fang de fon hoftie,- qui ne
voidqueie Chrift pour faire cette fon-
£lion facerdotale , n'a peu 5 ni deu avoir
un autre fanftuaire , que le ciel ? Car
étant Sacrificateur non temporel , corne
ceux de Levi autrefois, mais éternel ; ôd
ce 3 aianç
4}8 'Deï^AfcenJion du Seigneur
aiant crè conlacie nonparla main d'un
horome^côme Aaron5&:: fesdefccndans,
mais par le Père Souverain i & enfin
aiantéic donné cV dcftinè non pour un
coin de la terre,mais pour l'univers tout
entier ; il eft évident, que pour obletver
tn cil endroit la proportion, & la bien-
feance,que la fageffe divine a fi admira-
blement gardée en toutes fes œuvres, ce
Sacrificateur devoit avoir un fanâ:uairc,
non corruptible , mais etcrr cl i non fait
de main d'homme 5 mais formé de la
propre main de Dieu, non particulier,
mais univerfel , c'tft à dire le ciel en un
mot^n'y aiant dans tout le monde aucun
autre lieu que le ciel , auquel toutes c^^
conditions appartiennent. Concluons
donc qu'à cet égard il éroit aufll necef-
faire5que lefus après avoir immolé fa vi-
âime en terre^allafl: au ciel , pour y pre-
fenrer fon fang, c'cft à dire la vertu de
fon facrificcjau grand & fouverain Dieu,
& y ccmparoiftre devant fon éternelle
Wajeftè, afin de procurer la paix au gen-
re humam. Enfin fa Royauté requeroit
a"ilîlam<fme chofe. Car le Royaume
du Chrift étant, non un empire mon-
dain, qui ne s'étende, qwe fur quelques
nations?
Iesvs Chris t. Sermon. 43^
nations feulement, mais un étatcelefte,
éternel , & univerfel (d où vient que le
Seigneur lefus le nomme ordinairement
\c Royaume des deux ) chacun comprend
affez , que le ciel eft le vrai Ôi légitime
Palais de ce Monarque, nyaiantpoint
d'autre lieu en tout Tunivers^qui foit pro-
pre U convenable aie loger. Mais j a-
joute encore, que nôtre intereft, de nous,
qui fommes fesfujetSjlobligeoit de mon-
ter au ciel r Notre foy , nôtre efperance,
&: nôtre charité ne pouvant cftre par-
faites fans cela. Car quelle affeurance
pouvions nous prendre de l'entière vi-
doire du Seigneur, ôi de l'acquifition de
la bien-heureufe immortalité , qu'il a
faite pour nous , fi nous ne lavions veu,
non feulement reffufcitcr des morts ( car
plufieurs fontreffufcitcz , qui n'ont pas
laifsè de mourir encore après cela,com-
me le Lazare^Ôi divers autres ; mais aufïi
monter au ciel, le vrai domicile de l'in-
corruption.ÔC de leternitè ? Et quelle je
vousprie,fcroit encores nôtre efperance,
fi lefus Chrift ne l'avoir affermie, & re-
levée en portant nôtre nature dans le
ciel, comme une arre,&:ungage,q;a'il
nous a donné , afin de fonder 6l d'affeu-
e c 4 icr
44-Q 2>^ rAfcefifion dti Seigneur
rcr refperance , que nous avons d'y vivre
aufliunjour avecque lui ? Enfin nousne
pouvions avoir une parfaite charité, s'il
fuft demeure en la terre. Car la charité,
qu'il vouloir allumer dans nos cœurs,
n'eft pas une aJÏcdion charnelle, &: en-
fantine i mais une pure , &: fpirituelle , ôi
divine amour. Or elle n'cuft peu eftre
telle , fi nous cuffîons toujours eu la chair
du Seigneur ici bas au milieu de nous.
Cela mcfme , que nos adverfaires la pcn-
fent avoir ( bien qu*ils ne Taient point en
cffctj corrompt leur dileftion, & la fait
dégénérer en une afl^edion puerilc,toute
attachée à la prefence charnelle de ce
qu'elle aime. Et telle etoit l'amour des
difciples , pendant que le Seigneur de*
meura avec eux fur la terre. Pour Tcf-
purer, & la perfcdionncr, ^ la changer
en une charité vraiement Chrétienne , il
a faUu,que lefus retiraft fa nature humai-r
neau ciel, afin qu'eux &:nous peufiions
vraiement dire comme l'Apôtre wY^;/^
zXoY. ;. ^c connoiffonsferfonne félon h chair: Mef-
mes encore que noH6 aions connu Chrijl félon
U chair : toutesfois maintenant notps ne le
connoipnsphi^. Voila quelles ont ctè les
caufcs , qui ont oblige le Seigneur .-fus à
ontci"
Iesvs Christ. Sermon. 441
IBontcr au ciel après avoir exécuté l'œu-
vre de nôtre rédemption en la terre.
Voions maintenant en troifiefme & der-
nier lieu , quels ont été lesetïets de Ion
afcenfion. Chers Freres^le nombre en eft
fi grand, qu il feroit difficile de vous les
rcprcfcnter tous. Nous n'en toucherons,
que les deuxprincipaux^auxquels il fera
aisé de ramener la plus grande partie
des autres i le premier , la captivité &:
remprifonnement.de nos ennemis; le
,/econdj la diftribution des dons & des
grâces celeftes entre les hommes. Ce
font les deux principales pompes de ce
triomphe du Seigneur. Pour le premier;
l'Ecriture nous fait mention de quatre
ennemis àéhitsSc emprifonnez par lefus
Chrift,a{rçavoirlepechè, le diable, le
monde ,& la mort. ravouë,que c'eftà
la croix de Chrift, que cette vidoire eft
principalement deuë; mais il eftclair>
que fon afcenfion y a aulTi eu fa part. Il
a défait le péché en deux faflbns s pre-
mièrement en nousle remettant , ôc lui
ôtant la force qu'il avoit de nous con-
damner; Secondement en le dépcuil-
lant de Tempire tyrannique , qu'il exer-
goiten nos membres par les convoitifcs
4e
44* ^^ I^Afce^ffion dit Seigneur
de notre chair. La mort de Chrift cftia
première & principale caufe de cette
deTaite du pechc. Car en fa croix il a
anéanti la condemnation du pechè par
la fatisfadion de la juftice divine , nous
rachetant de la mort, qui étoit le gage
du pechè,par la malcdidion qu'il a fouf-
ferte pour nous,*Etlàmefmc encore il a
crucifie nôtre vieil homme, & éteint ks
convoitifes,tant par les tefmoignages,
qu'il nous y a donnez de fon amour &:
de rhorreur de' nôtre pechè^que par l'e-
xemple & le patron tres-accompli, qu'il
nous y a reprefentè,de la plus excellen-
te & admirable faintetè , qui fe puifle
îmaginer.Mais fon afcenfion a auffi con-
tribué à Tune & à l'autre partie de cette
viâoire. Car puis que la remillîon des
péchez expiez en la croix de Chrift
(c*eft à dire nôtre iuftification) ne fe
peut obtenir fans la foy;vous voicz com-
bien fon afcenfion au ciel, a contribué à
nôtre juftification , puis qu'en montant
au ciel il a élevé & afleurè nôtre foy,qui
fcroit nulle ("comme nous l'avons touche
lî'agueres ) fi le Chrift fuft demeuré ici
bas en terre. En mourant il a paie nôtre
dcttesEn montant au ciel » il nous en a
fourni
Iesvs Christ. Sermon. 4.4^
fourni une quittance fi authentique , Se
en fi bonne forme , que déformais nous
ne pouvons plus eftre en peine pour cct-
te partie là. Et quant aux convoitifes , &C
aux corruptions de nôtre nature , qui ne
fçait combien Tafcenfion du Seigneur a
ferviàles corriger, puis qu'en montanc
au ciel il y a élevé avecque lui nos cœurs
&: nos afFedions , les arrachant de cette
miferable terre & les attirant à luy par
le defir de cette belle &: heureufe im-
mortalité,qu il nous y montre en fa per-
fonne?Nôtre premier & principal enne-
mi , c'eft à dire le pechè , ainfi deTait &:
fubjuguç, le fécond affavoir le diable , a
ctc deftruit par mefme moien , étant
c!air,que ce n'efi: que le pechè^cuiTavoit
rendu nôtre tyran,&: qui lui fournifToit
toutes les armes dont il nous combat-
toit, lefus Chrift nous aiant juftifiez &:
fanctifiez , tant par fa mort, que par ion.
afcenfion au ciel , le diable n'a plus la
puiflancCjnide nous tormenter pour nos
crimes , ni de nous feduire par nos
convoitifes. l'en dis autant du monde,
nôtre troifiefme ennemi. Car quelle for-
ce peuvent déformais avoir fur nous,ou
fçs charmes , ou fes cruautez > puis que
lefus
444 ^^ V Afcenfwn du Seigneur
Icfus Chrift nous a fait voir en mourant,
que les péchez auxquels le monde nous
attirejfont des horreurs , qui ne fc peu-
vent expier , que par lamalediftion de
Dieu ? ô^ puis qu'en montant au ciel,
il nous a montré , que les peines & les
fouffrancesjdont le monde nous mena-
ce/e terrr ineront toutes en une immor-
telle & g^r rieufe vie?Et que peuvent en-
fin les mauvais exemples des mondains,
que nous voions tous les jours pcrirdans
les ordures de leurs iniquitez, contre le
patron de lefus Chrift , que nous avons
vcu élevé par une fouffrance de peu de
durée en une vie & en une gloire cclefte
& éternelle ? La mort , le dernier enne-
mi, a aufli été defaitte par la croix,& par
Tafcenfion de lefus Chrift ; qui lui a ar-
raché des mains la feule arme , qui nous
la devoir faire craindre, à fçavoir la ma-
ledidion &: la condannation de laloy.
Celt ainfi que Tafcenfion du Seigneur a
captivé tous nos ennemis. Pour bien
vous reprefcnterfon triomphe , figurez-
vous,Fideles5qu alentour de cette nuée,
qui l'enleva au ciel, fuivoient enchaifnez
d'un côte les péchez,^ les vices de tous
les hoBfimeSjlorgueiljla vanicc,ravarice,
la
Iesvs Christ. Sermon. 44J
la luxure , rincemperance , Tenvie^U
cruauté , rinjuftice , d>C cous les autres
monftres de cette nature , veincus &: dé-
truits par le SeigneunQue de l'autre côté
ctoienctraifncz les de m jns5avecque tou-
tes leurs noires armées i non fiers &re*
doutabIe5,conime autresfois5maisliez 32
couverts de honte, &: d'ignominie i Que
le monde venoit puis après avec fès
dards, mais époiatez, avec fes artifices,
mais découverts , avec fes glaives & fes
craics,mais rompus 6c brifez;que la more
enfin la dernière de cette funefte bande,
fuivoic apres^mais dépouillée de cequ el-
le avoir eu de redoutable. C'écoientles
captifs,que lefus mena en triomphcquâd
il monta dans les cieux 5^ que le S. Pro-
phète vid en efpric à l'entour de fon char
viftorieux, quand il s'écria , Tu es mo/ite pf.és.is.
en haut : Tu as fût , du emmené desfnfor,'
nier s* Le fécond eiïcc de fv>n afcenfioa
confifte aux dons, &£ aux grâces, donc il a
enrichi l'Eglife. Ce i^uc dans ie ciel, qu'il
prit ces fruits & ces lumières , dont il fit
largelTeauxhommrs , ^ cette eau vivi-
fiante , dont il inonda la terre. Ceft pour-
quoy le Pralmiftc coare cette efFufion de
{'^^ grâces encre les marques & les pompes
de
44^ ^^ l'Afcenfi^n du Seigneur
de fon triomphe 5 Tuas^ du- il y prfsdej
dons pour dijlribuer entre les hommes. Son
afcenfion ouvrit le ciel, & lecielctanc
ouvert difl:illa,ou pour mieux dire>pleur,
& verfa en grande abondance une ri-
che pkiye d or fur la terre5qui en renou-
vella toute la face en peu de temps , y
faifant tout à coup germer,^ croiftrc Ja
plus belle ôd la plus divine moiflbn , qui
jamais y euft été veuë. Car incontinent
après que le Seigneur fut au cielje Saint
Efprit defcendit en la terre , & y forma
en un inftant) des Apôtres , des Prophè-
tes, des Evangeliftcs , dcsDocteurS) bC
par eux , comme par autant de canaux,
qu'il fe tailla lui mefme de fa propre
mainjfe répandit en tous les lieux du
monde habitablcivivifiant , & reveftant
devcrdure^de fltDrs,^: de fruits, jufques
aux plus iirides , & fteriles landes &C
bruyères. Ces dons de TEfprit, nous ont
tous tirez de la mort ; nous ont tous ani-
mez, & tranfplantezdans le jardm de
Dieuicommc chacun le confeiTe. Or c'ell
rafccnfion du Seigneur, qui nous les a
procurez. Si je ne rnen va^s-^le Cofjfolateur^
tEfpr'tt ne viendra foint , difoit le Sei-
gneur. 11 s*enfuit donc, que c*c(l fon
afcenfion>
Iesvs Christ. Sermon. 447
afcenfion, qui nous a donné la vic&ia
foy, de en un mot le Chriftianifme tout
entier. D où paroift combien eft vaine
robjedion que la chair forme en cet en-
droit contre la vérité de ce myftere; di-
faiît , que ce nous euft été une beaucoup
plus grande confolation d'avoir le Sei-
gneur ici bas avecque nous en terre.
Cela auroit quelque lieUjfi s'en allant au
cieljil nous avoit laifTez feuls , àc orphe-
lins en la terre ; mais il n'en eft pas ainfi.
Il nous a donné fon Efprit pour demeu-
rer à jamais avecque nous , qui fupplce
très- abondamment à l'abfence de fon
corps. Il n'écoit pas bcfoin, que Rome,
pour remédier à ce défaut, s'avifaft de
faire avaler la chair de le fus Chrift aux
hommes, le portant tout entier (à ce
qu'elle dit) jufqucs dans leurs eftomacs.
Car bien que la fubftance de fa chair foit
dans le ciel , fon fruid , fon efficace , fa
vertu, &: fon Efprir eft en la terre. 11 n*eft
pas befoin,que le Soleil defcende ici bas
pouréclaircr, échauffer &: vivifier la na-
ture. Sans fortir de ce haut pavillon,quc
Dieu lui a posé dans le ciel,il communi-
que très- facilement 5 ôi tres-commodc-
ment fa clarté, fa chaleur,^ cous les
biens
4.4S I>e l'Afcenfion dti Seigneur
biens à la terre par les rayons de cettd
bclic lLimiere,qu il épand en un momenc
dans tous les lieux de Tunivers. Beau-
coup moins eftilneceffairc, que nôtre
Soleil de jufticeabbaifTe Ton corps & fa
fubftance ici bas> pour nous faire part de:
fa vie. Car demeurant allîs là haut fur
ce glorieux trône de Ton Père il nous
communique fa paix , fa vie , 5^ fa joyé
tres-aifcment, & tres-convenablcmenc
par les rayons de fon Efprit, qui remplif-
fcnt toute fon Eglife. Réjouïflez vous
donCjfideles, de ce que le Seigneur Jefus
elt monte dans les cieux.BenilTcz le jour
de {o\\ triomphe, l'afTcurance de vôtre
liberté &: de vôtre gloire ! O jour bien-
heureux, qui as mis fin à nôtre fervitude
parla captivité de toutes les puiflances,
qui nous étoient contraires l qui as en-
chaifnè nos tyrans , &; les as menez en
montre : qui as clevè nôtre chair au dcf-
fus des cieux ; 6^ de ce miferable domi*
cile dclamort,&: de la vanité Tas tranf-
portée dans le glorieux fanduaire de
l'immortalité! Ceft là, Frcresbien-ai-
mcz, qu'il nous faut déformais chercher
nôtre Ghriftnion ici bas entre les morts,
comme faifoiçnc les femmei5-.qui Ta-
voicnc
Iesvs Christ. Sermon. 44.9
voient fuivi de Galilcc^ou dans les mains
d'un homme mortel, comme quelques
uns aujourd'hui. Si vous dcfirez avoir
quelque chofe de luijon Efpricfa vie> fa
confolation , la vertu de fa chair & de
fon fang , élevez vos cœurs en haut dans
le Temple de rcternitc. Comme ancien-
nement les Ifraelites fous la vieille al-
liance attachoient leurs affedions àj'ar-
che &: au Temple de Icrufalem ', ainfî
maintenant nous faut- il adrcffcr toutes
nos dévotions au ciel ; le fanâuaire de
nôtre vraie arche , la fource de nôtre
bonheur. Que les autres aillent en la Pa-
leftine , ou à Lorete. Vôtre Religion , ô
Chrctien,eft d'aller au çici ,* d'y eftrc^S^
d'y converfer dés main tenant. Vôtre ttc-
for yeft; Que vôtre coeur y fott auffi.
Ayez toujours devant les yeux la gloT
rieufe entrée , qu'y fit le Seigneur autre*
foiSjUn jour pareil à celui-ci. Apprenez 7
à ne plus craindre vos anciens ennemis..
Car pourquoy les craindrions nous, pms
que nôtre chef en a triomphe ? C'eft eii
vain, que tu nous menaces , ô pechè:Ta
ne nous peux condannetrpwis que lefus
nous a juftifiez; puisqu'il cft mort 6z
lefliîfcitè &: monte à la dextre du Perc.
- -^f- :•, .. le
450 Be l'AfcenÇion au Seigneur
le vo\ dans fou ciel les affeurcz trofces
de la vidoire , qu'il a remportée fur toy.
Car s'il ne t'avoic défait , le Père ne lau-
roit pas élevé fur ce trône fouvcrain , où
jelcvoi. Les diables ne nous doivent
non plus faire de peur;car ils ne peuvent
faire du mal à ceux qui font délivrez du
pechè. Et quant au monde, bien qu'à
vrai dire il ne foit pas fort à craindre de
luimefmefcarqu'eft-ce^finon une figu-
re,qui paffe ? Etqu'eft ce desbiensjqu'il
nous montre pour nous piper , finon des
glaces luifantes &des jouets d'enfans?^
mais tant y a que quel qu'il foitj nôtre
Seigneur, montant aujourd'hui dans les
cieuxjui a otè tout ce qu'il avoit de for-
ce. Car ô fidèle , comment pouvez vous
déformais ou craindre, ou aimerle mon-
de après avoir veu le ciel,oii lefusChrift
eft monter* comment defireriez vous les
triftes délices de l'Egypte , après avoir
veu l'immortalité & la gloire de ce grad
Roi?ADieuneplaife,qucles convoitifes
de la terre abbaiflcnt des efprits , que
leius appelle au ciel ; ou que les ombres
des chofcs periiTables retiennent ceux
qui pofledent des biens éternels. Que li
le monde vous menace , cette mefmc
penlJe
Iêsvs Cîiuis t. ^Sermon. 45! .
p'cnfee vous doit auffi affeurer conere
Uiijcar puis que lefus eft au ciel 5, il ne fe
fait rien en la terre,que fous fes yeux, SC
par fon ordre. S'il a la puilîance ôc la fa-
gclTe de gouverner le ciel , il ne lui fera
pas difficile de reprimer les hommesi
Ceft en vain,, que vous nous épouvan-
tez, ô monde. Nos honneurs font dans
Je ciel 5 entre les mains de lefus Chrift^
qui. en eft le depoûtaire; biciihautau
deffusde vous^dans un lieualTeurjc con-
tre tous les traies de vôtre. fureur. . Et
quant à la mort, le dernier de nos enne.-
mis, l'afcenfîon du Stigneur natis a aujlî
affeurezcontr'elle. Ceft à cette liçiirc;^
que je puis dire hardiment , 0 mort oit' esi
î^t vicfoire? 0 fepulcre oh ejl\ton. igtiVlon f
Mon Chrift eh decruifant' le-pechè, a
auffi tranfpercè la mort. La mort n'eft
plus pour moi, qu'un fanfofme,& une
idole ; une carcafle foible & vaine; une
balene de Ionas,qui nous engloutira fans
nous nuire, ^ ne manquera pas de nous
vomir un jour vivàns, fains &: entiers fur
le rivage, pour aller en fuite pofTeder le
ciel avecquc nôtre chef. Vivez donc ea
affeurance j fidèles, ^ faircsctat, que
îiennevous empcfchcra de jouir de ce
ff 2 ciel
451 Be rAfcenfondu Seigneur
ciel bien-heureux, où vous avez veu au-
jourd'hui monter le Seigneur en fa gloi-
re ;ou pour mieux dire , faites état avec
Saint Paul, que vous y eftes aufli montez
vous mefmes avecque lefus 5 que vous
avez triomphe avecque lui , &: qu'avec-
que lui vous eftes affis dans ces lieux ce-
leftes, & y vivez & régnez desja en lui.
Et pleins de confolation & d^ joyc>
tenez déformais le monde pour un pais
étranger, & la vie que vous y menez,
pour un pèlerinage de peu de jours, afpi-
rans ardemment au but,& au prix de vô-
cre vocation fupetfielle , n aians nuit &
jour autre penfée, ni afFeftion dans le
cœur,que le Seigneur Iefus,& le ciel où
il eft monté pour vous y préparer le lieu
de vôtre demeure éternelle. Am e n.
DE LA
DE LA
DESCENTE
DV SAINT ESPRIT
SVR LES APOTRES.
SERMON PREMIER.
Sur les verfets i6. 17. duChap. XIV.
de l'Evangile félon S. Iean.
16, le prierai le Père i é'il'ovm donnera,
un autre Confolateurpeur demeurer avecque
vous éternellement.
17. AiTavoir i'EJprit de vérité , que le
monde ne peut recevoir , four ce quil ne le
voidé'^^^^connoifl. Mais vous le connoif-
fe:^; car il demeure avtcque vvm > & fit^ en
vous.
Hers Frères;
Entre tous les jouis de Tannée à pêne
ff } yen
454 T)e U descente du S. Esprit
y en a t'il aucun plus confldeiable pour
les fidcles,que celui dont les Chrétiens
folennifcnt aujourd'hui la rccmoire.Car
s'il cft raifonnablc, comme l'ont juge
lapiufparr des anciens peuples, qui ont
çu quelque réputation de fagefle , de cé-
lébrer les jours de la naifla^ice dcsgrâds
perfonnagcsjqui ont acquis de la gloire:
â leur patrie foit parles exploits de leur
valeur , foit par les belles ^ rares inven-i-
tions de leur efprit 5 ou pour le'gouver-
nement de l'Etat, ou pourTeclairciffer
ment des fciences;combien plus fommes
nous obligez à remarquer & à honorer
cette Pentecofte, qui a éclairé la naiflan-
ce non d'unCjOU de deux persones, mais
d'un Etat tout entier, &: encore d'un
Etat^non terrcftrc, &j pcrifiablejmaisce-
lelle & immortel ? du plus divin Etat,
que le monde ait ir.maisveu , qui d'un
petit &: foible commencement a rempli
l'univers , & s'cft élevé au deffus des
cieux,&: n'aura point d'autre mefure de
fa durée , que l'eternitè ? qui a apporte
les loyx &: la juftice aux hommes , ^ a
allume au milieu d'eux la lumière de la
vraie fapience,&: a publie par tout la dd-
ârine de la fouvc raine félicite ? Car ce
fur les Apôtres, Sermon I. 45^
fut ce jour-là precifement , que naquit
TEglife (Chrétienne , à laquelle feule
('comme vous fçavcz ) appartient toute
cette gloire.Le Seigneur lefus,qui en eft
le Perc , 4'avt>it conceuë en luy mefrae
long- temps auparavant , mefmes devant
la création des deux. Mais il ne la mit
proprement au monde qu'au jour de la
Pentecofte,qui fuivit fa refurreftion , & .
fon afcenfion dans les cieux.Ce fut alors
que ce fruit immortel, formé fî myfte-
rieufement, fortit en la lumière des
hommes i &c que cet Etat bien- heureux
tant de fois promis par les anciens ora^
clés de Dieu , bL fi paflionncment atten*
du par les iiecles precedcns parut enfin
en Sion. Ce fut- là, que Ton vid tomber
descieux cette divine jeunefTe du Mef^
fie,miraculeufcment produite par la ver-
tu de la lumière de rEfprit i comme une
rofée, que l'aube de quelque belle jour-
née verfe foudainement fur laterreiainfi
que l'avoit autresfois chanté Tun des Pro-
phètes dlfraël. Car ce fut alors, que les^^ ^^^
Apôtres, les prémices, de cette fainte^.
Pvcpubliquc 5 furent confommez&con-
facrez, &: qu'ils acquirent lavraye forme
de Chrétiens,* la flamme, dont ils furent
ff 4 batife?j
4^5 De U Befcetjte du S. Esprit
batifcz , îiiant par {on invincible eftica'ce
aboli tout ce qu'ils avoicnt de vieux ^
deniaLeriel5&: transformé leurs perfon-
ncs en autant de vaiffcaux neufs, capa-
bles de recevoir &: de garder édclcmcnt
ce nouveau vin de TEvangilcjdont ils fu-
rent remplis en un moment. Ce fur en-
core ce mefmc jour, que ces faintsMi-
niftres de Dieu aiani jertc dans cette
grande multitude de îuifs là aflemblez,
quelques étincelles de ce divin feu, qu'ils
avoientreceu du cieljle virent prendre
fi vtvcment qu'il en changea iufquesà
jiB.i. trois mille 5 qui naiffant ce mefnie jour
^^- qu'ils avoicnt été engendrez , furent
ajoutez à TEglife. ^avantage fi l'ancien
peuple foknnizoitfaintement avec une
fcfte anniverfaire îe cinquantiermc jour
de leur fortie hors d'Egypte , parce qu'a-
lors fur la montagne de Sinaï leur fut
publiée laLoy, qui n'eft au fond à vrai
direjque leminillere de la mort > avec
(Combien plus de dévotion &: de recon-
noiflance devons nous célébrer la mé-
moire de cette bicn-heureufe Penteco-
fl:e,à laquelle fut revtjè &: prefchc dans
Sion l'Evangile de lelus Chrift , la puif-
fanec de Dieu à falut. le miniftcrede
TEfpric,
fur les Afotres. Sermon I. 4S7
rEfpric 5 de la jiiftice,& de la vie , la dis-
cipline du cieUrunique voie de la fagef-
re,&: de l'immortalité? A la dévotion de
ce jour nous avons encore ajouté le my-
ftere de la fainte table; étant bien rai-
fonnable de n oublier pas cette mort
fanglante, quinousy eft ramenieuë ôr
reprcrentée5quandileft queftionde cé-
lébrer la naiffancederEglifeChrétien-
ncipuis qu*il eft évident, que c'eft parla
mort de lefus qu'elle a été engendrée.
Les douleurs de fa mort ont été comme
les tranchées de fon miraculeux accou-
chement. Car rEfprit,quimit l'Eglife
au monde , étoit le fruit & le prix de la
croix du Seigneur. iugez,FideîeS5qucllâ
doit eftre l'attention &: l'ardeur de vos
âmes dans une fi fainte occafîon,oii vous
avez à folennizer la mémoire de deux
myfteres figrands,&: fi divins. L'Efpric
éternel, l'auteur de ce grand miracle>
vueille vous baptizer de fon feu celefte,
&: confumant dans vos cœurs touccc
qu'il y a de terre , de crafle^^ d'ordure,
les purifier , & les raffiner, & les remplir
de faintcs penféesiafin que vous acquit-
tant fidèlement du rcfpecl , que vous
devez:,& à la Pentecofte de l'Eglife, 6^ à
la
4^8 Be la, 'Descente ^/i^ S. E s p r i t
la table du Seigneur,vous receviez de fa
plénitude la paix>la joyc, la confplation,
&:lafaiiuetc, qu*ilnousa acquife par fa
niort,&: qu'il nous communique par fon
Efprit.Pour vous rendre dans un devoir
fi falutaire lefervice, qui meferapofli-
ble , je tafcherai de vous expofer > s'il
plaift au Seigneur , fes paroles> que vous
avez entendues ,* où il promet à fes Apô-
tres le divin prefent, qu'il leur donna le
jour de la Pentecofle i bc puis je confide-
rerai comment il les accomplit peu de
temps après , & enfin je vous reprefen-
terai brièvement les principaux ufages>
que nous en devons tirerjfoit pour nôtre
édification, foit auffi pour nôtre confo-
lation.
Le Seigneur lefus en la dernière nuit»
qu'il pafla en cette chair mortelle qu'il
avoit veftuë pour nôtre faluc , aiant
averti les Apôtres de fa mort prochai-
ne, &: les voiant extrêmement troublez
&attrifl:tz d'une fi fâcheufc nouvelle,
les fortifie &: lesconfolc foigneufemenr.
Et entre plufieurs choies, qu*illeurre-
prefente pour ce dcflein , leur promet
nommément de leur cnvoier le S. Efpric
pour les conduire5&: k ur addoucir par fa
prcfcncç
fur les Apôtres. Sermon I. 459
prcfence Tennui de fon abfence s le prie*
rm le Pere-iàii-'il-, ér il vous donnera un Autre
ConÇoUteur^pour demeurer avecquevôus etef^
Keliement i aflavoir / hfprit de verit}:, que le
tmnde ne peut recevoir , pource cjuil ne le
njoit , ^ nele connoifl point \ Mais vous le
ùonnoiffez.. Car il demeure avecque vousy
(^fera en vous. Il n'y a point de parole en
tout ce difcours 5 qui ne frappe au but du
Seigneur i ceft à dire qui ne fer vc à la
eonfolation de Tes Apôtres. Première-
ment il leur promet d'obtenir du Père ua
autre Confolaceur pour eux, qui ne les
quittera jamais. Puis il leur explique plus
particulièrement quel eft ce Confolateur,
que le Père leqr envoiera ; ajoutant 5 que
c'eft; l'EJpritdeverlie^mcQnj\n au monde.
Riais non à eux , &: aux fideles,à qyi i! eft
familier. Ce font les deux points, qu'il
nous faut examiner l'un après l'autre
pour bien entendre ces paroles du Sei-
gncur,la pramefle d'un ConfolateurjSi^ la
defcription de ce Confolateur. Ce qu'il
àiit d'entrée,/^ prierai k ?erc-,àz^o\t desja
grandement foulager rafflidion de Tes
pauvres difciples ; Pour vous quitter, dit-
il,jc ne vous oublierai pas. Ne vous figu-
rez pas,que b mort foit capable d'étein-
drcj
4<30 Ife la Befcente du S. E s p r i r
dre , ou d'altcrer TafFedion ,qiic je vous
porte. Sicile prive mon corps de la vie,
que vous y voyez , jamais elle n effacera
de mon ame la memoire,& le foin de vos
perfonnes. Mon amour fera plus forte,
que la mort ; &: lors qu'éloigné de vous je
ferai avecque le Pcre, je ne manquerai,
pas de lui parler de vous , &: d'obtenir c^
fa bonté ce qui fera neceffaire pour vôtre
canfolation. Cette friere ,qu*il doit faire
au Perejcft fon interceffion envers Dieu
en faveur de ceux^qui croient en lui ,* ce
qu'il ne faut pas entendre baffement;
comme û le Seigneur profternè à genoux
prefentoit encore fes oraifons au Père,
comme autresfois durant les jours de fà
chair. Cela ne conviendroit pas bien à
rétat de cette fouverainegloircoù ileft
maintenant dans lescieux , affis fur le
trône de Dieu , &:de là gouvernant tou-
tes cliofes avec une puiflance & une ma-
jfeftè incomprehenfible. Sa prière , ou fa
êférn- demande (car le mot ici emploie fignifie
««• proprement demander ) cette demande,
dis- je , qu'il fait là haut pour les fiens eft
Tcfficace de lamorr^quilafouffertepotir
nous en la plénitude des tcmpS5la vertu
du farg,qu'il a répandu, & l'autorité & la
valeur
far les Jpotres. Sermon I. A-Si
valeur du facrifice , qu'il aofFerCjc'eft ea
un mot le mérite de fa palTîon , qui tou-
jours frais devant Dieu le follicite (s'il
faut ainfi direjcontinuellemét pour nous,
éteignant fa colère, & deflerrant la main
de fa bonté , 5c en tirant les grâces & les
biens, qui nous font neceflaires pour par-
venir en fon royaume. Et qu'il le faille
ainfi entendre l'Apôtre nous le montre
dans TEpitre aux Ebrcux , où il dit par-
lant du fang du Seigneur , que iefd^g de Ehxu
tajperfionfrononce chofes meilleures , que ce- ^
lutdAhel'y nous montrant par ces mots,
que le fang du Seigneur demande & ob-
tient pour nous la grâce &: la mifericorde
d'une manière femblable à celle, que le
fang d'Abel attira fur Caïn la juflicc & la
vangeance du ciehaffavoir non en jettanc
quelque voix, ou proférant quelques pa-
roles articulées , mais en montrant à
Dieu un jufte fujet de courroux, & l'irri-
tant par ce moien contre Tauteurd'unfi
exécrable aflaffinac. lefus & fon fang in-
tercèdent pour nous envers le Père en la
mefme forte \ non propremejit en profé-
rant des prières, Se desoraifons , mais
bien en excitant efficacement fon amour,
& fa bencficencc envers nous par la fain-
tetè
4(^1 De U Defcente dti S. EsPRir
tetè & la bonne odeur de fon divin, SC
cres-accompli facrifice, que le Seigneur
comparoiflant dans le fanduairc celefte
lui reprefente incefTammenc ,• n'étant
pas podiblc^que le Père le regarde qu aa
mefme inftanr il ne lui fouvienne de
cette admirable obcïïTance, qu'il lui a
rendue jufques à la mort de la croix, &j:
que le fbuvenir d'une fi haute & fi pre-
cieufe oblation ne Tappaife envers nous,
& ne le difpofe aufli toft à nous faire part
de tous fes bies félon lebefoin,que nous
en avons,de fa grâce en ce fiecle^ &: de fa
gloire en l'autre i C'cft ainfi fans doute,
que le Seigneur entend ici , (\\x\\prierA le
Vere-i ou qu'il demandera au Père pour (qs
Apôtres. Et il fait expreflement mention
du P^r^, parce quec'eftla perfonne, qui
dans la caufe de nôtre falut, tient le lieu
de lugej&r du Confervateur des droits de
la divinité, vers lequel en cette qualité le
Fils agit & intercède pour nous, comme
nôtre Médiateur pour fatisfaire à faju-
ftice, & en fuite obtenir de lui nôtre grâ-
ce , afin qu'avec fon congé &: par fon au-
thorité nous recevions les trefors du ciel,
dont nôtre péché nous rendoitôi indi-
gnes,&: incapables. C eft en ce fcns , & à
cér
Te.tn n.
fur les Afkres. Sermon L 4^5
Cet égard que le Père nous donne fes
grâces. Ca.r au furplus cette beneficence
appartient aufli au Fils ; qui aiant en
fuite de fon facrificc receu la plénitude
de toutes les grâces dufiecîe avenir ^,0^
nommément tous les treforsde TEiprit*
en faitlargefleàtous fes vrais difciples,
les leur .diftribuant lui mefme comme il
le juge à propos. Auflî voiez vous que
comme il dit, que le Père leur donnera le
Confûlateuryiïàxt expreffement ailleurs,
qu'il le leur envoieralui mcfmcylevûus
€ '/A oie rai y dit-il jfEJp rit de vérité de par ^^ ^
mon Pere;&c ailleurs cncove fïjemen vais^ 16. 9,
jevouf envoierai leConfolateur. Et c'eft à
lui nommément , que S. Pierre le rap-
porte, lors que parlant des merveilles de
cet Efprit 5 dont ils avoient çrè battifez,
Je fus y dit-il , aianî été élenie par la dexire\âe ^i?. z.
Dieu , ^ receu de fon F ère la promeffe^ du ^^'
Saint Ejj^rit-y a rè'^ and 11 ce que maintenant
^ousvoie:^^ (^ oie:^. Ainlî donc quand Je
Seigneur dit ici , le demanderaiau Père , ^
il njous donnera un autre ConfoUtenr ; Il
entend que icPere fléchi par foninter-
ceiTion accordera &: confcntira, que le
Saint Efprit leur foir donne & envoie,
aflavoir par fon Fils bien^aimè. Le mdc
de
4^4 ^^ l^ Defcente ^/^ S. E s P r i t.^
àcParaclet ici emploie dans l'original, ^
que nous avons tï2iàuitCo?ifoUteur ^hiQn
que Grec d'extradionjétoir neantmoins
en ufage , auflî bien que divers autres
termes de la mefme origine , entre les
Ebreux dans le langage Caldcen>ou Sy-
riaque , que l'on parloit en ludée au
temps , que le Seigneur Icfus étoit en la
terreicomme il paroift & de ce que l'In-
terprète Syriaque du nouveau Tefta-
ment le rerient dans fa verlion tant ici,
qu'ailleurs; &: de ce que le Paraphraftc
Caldéen du Vieux Teftament s'en%ft
quelquefois fervi 5 comme notamment à
Ja fin du feiziefme chapitre de lob, où
il le met pour dire ce que nous avons
lob 16. xraduit des hara?jgueurs. Les dodes ont
remarqué , que ce mot dans Tufage des
Syriens fignifie celui , qui parle bien>
élégamment 5, & à propos ; comme en
effet entre les Grecs', d'où il eft origi-
naire, il a accoutumé de fe prendre pour
un Avocat,ou un Confultanti perfonnes,
qui font ordinairement profeflîon d'é-
loquence , &: s'étudient à mieux parler,
que le comun des hommes. De là vient,
que les Syriens appelloient ainiî ,ouun
Maillre &: un Dofteur, qui nou»5 cnfei-
gnc
fur les Apotyes. Sermon L 4(7^
gne clairement ,6^ en telle force qu'a-
vecque la fcience des chofes il nous
donne d a contente ment parla beauté;
& la netteté de Ton langage , ou un
Confolateur , qui par la fagcfle , ^ 1 a-
gceable, douceur de fesdifcouts , char-
me nàtre ennu?, &: foulage nos peines;
au enfin un interpr^îpe, ou un truchemer;
qui nous fert de bouche ^ de langue,
parlant pour nous,dans les occafions , où
fans liii nous demeurerions muets, n'é-
tant pas capables de nous y faire enten-
dre nous mefmes.Infques-là le Sei^eur
Iiefu^ avoit été en tous ces fens le Para-
clef de (es Apôtres. Car premièrement it
avl)it été leur Dofteurjqui leur avoit ap-
pris ce qu'il fallojt qu'ils fçeuffent pour
lorSjdcs rnyftere$; de fon royaume , avec
des paroles fi admirables, ôc une falTon
d enfeigner fi agréable &: fi puiflante,
que quelques rudes &c groffiers qu^'ils
fpflent d'eux mefmes , il les avoit cous
gagnez par les doux attraits de fa divine
bouche ; Et c'eft pourquoy un Prophète
difoit de lui , que grâce eH è^anduè er^fes ^^' ^-^'^"
lèvres', ^ fes ennemis mefmes écoient
contraints de confeffer, que JAm^àhom- ^''^" ^
me n avoit fàrle comme lui. Puis après il les
g g avoit
466 DeU Defcefitedté S. Esprit
avoit fidèlement confolez,fa parole ver-
fant,s*il faut ainfi dire, dans leurs cœurs;
un baume fi excellent , qu'au milieu des
craintes, & des pênes, où ils vivoicnt en
fa compagnie , ils avoient toujours ctè
joyeux & contens ; à quoi il faut rappor-
ter cette manière fi douce & fi debon-
iiaire,dontillestrairtoit, fupportânt bc-
nignement leurs rudeffes > comme une
nourrice les infirmitcz de fon enfanrj
s*accommodant à leur portée , & ne W
cxpofant à aucun danger j comme ils
le reconnoiffent eux mefmes , avoiiant
qu'il n'avpient eu faute de rien durant
tout le temps, qu'il avoit ctè avec eux.
Enfin il leur avoit auflî fervi d'interprète
tw quelque forte , prenant la parole pour
cux,lors que les adverfaires vouloiént ou
les blâmer , ou les queftionnet j pour ne?
point ajourer ici les oraifons, qu'il pre-
fentoit continuellement pour eux aii
Pere , leur fervant de bouche à cet égard
pour obtenir du ciel toutes les bcnedi-
â:ions5& faveurs,quileur croient neceC-
faires. C'eft particulièrement en ce fens,
&: à cet égard, que S. lean lui donne ce
Ttom en fa première Epitrc ^ Si (juelcfw a
fechl'y fîOHs avons un ?4radet(c^t il y a ainfl
dans
fur les Apstra. Sermon I. 4.-^7
<îans Toriginal ) envers le Perc^ , ajfavûir^.u^nï.^
tefus ChrÏÏi te jt^B€^\ c'ertà dire ua Avo-^*
cat,un InterceiTeur, qui parle pour nous.
Ses difciples erant donc affligez de fe
voir fur le point de perdre un Dodeur*
un Confolaeeur , &: un inrerprete fi ex^
cellent , àt tout le bon heur de leur vie;
il leur promet , que le Père leur en don-
nera un autre i entendant par là le Saint
Efprit) comme nous le verrons incon-
tinent* En effet ce nom de Paracletaw
fcns^que nous l'avons expliqué, lui con-
vient parfaitement. Car premièrement
cet Efprit eft le grand Dodeur de l'E-
gUfe i fans la lumière duquel tous les
enfeignemens des hommes font inutiles,
iln'y a que lui qui nous puiffe faire en-
tendre, ôc cmbraffer les myfteres du
ciel. L'homme animal n'y entend rien.
Ceft rEfprit de Dieu , qui nous les fait'* ^''' '^
connoatre. Et comme nul des hommes
neconnoift les chofes des hommes, fi-
non Tciprit deThomme, qui eft en lui;
pareillement auilî nul n'a connu les cho-
fes de Dieujfinon TEfpritde Dieu. Ceft
un Dodeur, dont la parole eft de feuj
qui pénètre par tout ^ &: iniprmie fes en-
feignemens dansies amcs , où il fe com-
g g z muniqucj
468 De U mfcente du S. E s p r i t
munique , en caraderes ineffaçables. II
n'y a ni oreille fî fermée , qu'il n'ouvre
aifément,ni cœur fi rude, qu'il ne poliffe,
ni volonté fi revefche5qu'il ne captive. Et
bien que fa force foie ferme &: invinci-
ble,elle ne laiffe pas d'eftre tout cnfemblo
infiniment douce &: agréable. Mais ce
mefme Efprit confole auiîî les fidèles,
avec une efficace toute celefte , s'infi-
nuant dans le fond de leurs coeurs , ef-
fuyant leurs larraesjbandant leurs playes,
& en ôcant toute l'inflammation , appai-
fant leur douleur , calmant leurs craintes
&y répandant de fi vifs fentimens de la
diledion de Dieu , que fouvent au mi-
lieu mefme des plus grandes afflidions ils
en demeurent ravis , fentant au dedans
d'eux des douceurs & des joyes fecretes,
que nul ne fçauroit exprimer. C'eftla
voix de ce divin Confolatcur,qm a formé
tout ce qu'il y eue jamais de Martyrs , bC
de fidèles ,fous l'une & l'autre alliance, à
cette confiance , &: patience admirable,
que leurs plus grands ennemis n'ont peu
voir fans éconnemcnt. Enfin le S. Efprit
cft auffi le Paraclet des fidèles, entant
qu'il eft leur interprète , qui parle pour
eux, &: k Dieu , & aux hommes. A Dieu;
car
furies Apôtres, Sermok I. A-6$
car mfçachant pïnt ce que nous ^^'^^^^ j,^^^
frier comme il appartient ^ ceftlui qui fou- 25. '
lageaiit nos foiblefles fait requefie pur
nous par des foupirs qui ne fe peuvent expri^
mer^zinCi que TApôtre l'enfeigne ,• c cft à
dire qu'il délie nos cœurs & nos langues,
& nous infpire dès penrées,& des paro-
les agréables au Seigneur , avec une telle
efficace -, qu'il femble que ce foit plûtoft
lui qui parle , que chacun de nous. Aux
hommes; carceft lui, qui adreffe nos
cœurs &: nos langues , quand nous.avons
affaire à eux pour la caufe de l'Evangile.
Il eft nôtre trucheman dans ces occa-
fions-làvqui nous donne une bouche de
fageffe , à laquelle le monde ne peut refi-
fter , fclon ce que difoit le Seigneur ;
j^uand ils vous livreront , n aie z point dc^^^f^^-
fmci quoy > ou comment vous par 1er e'^ car
en ce mefme infiant vous fera donne ce que^
vous aurez a dire^. Carcenefip^svous.qui
parlez\mais cefi l'Ejprit de votre Pere^ , qui
f^rle en vous. Voila ce que fignifie le Sei-
gneur kfus 5 quand il nomme ici rEfprit,
qu'il envoieraà {es K^oiics , Far aclet, ou
Confolateur. Mais il dit que c'eft un autre
Confolatcur,- le diftinguant d'avec foy-
wefme ^ qui jufques-la avoit été leur
g g 3 Gonlpla-
470 De U Defcenh ^v S. E s p r i t
Confolateur pour les raifons , & de la
faffon, que nous lavons nagucres tou-
ché. D où paroîft contre Timpietè de
ceux, qui confondent les perfonnes de la
iainre &gloncufe Tnnitè,que le S.Efpric
a une fubfiftence autre que celle du Filsi
Tun étant engendré du Perc & lautte
procédant du Père & du Fils; Carfi,non
feulement la nature , mais auflî la perfon-
ne du Fils étoit mefme,que celle du Sainç
Efpritiileft évident, que cétEfpritne
pourroit eftrc nommé un Confolateur
autre que îe Fils. Mais outre la diftin-
fl:ion de leurs perfonnes , il y a au/Ti de la
différence dans la faffon, dont ils nous
confoicr.t ; k Scfgaeur laiant propre-
inentfait en expiant nos péchez, enfa-
ti^faifant à la juilicc de Dieu,en nous ra-
chetant de la u.Oit , .binons méritant le
falut; au lieu que le S. Efiirit nous com-
munique & iefus Chiifl: &: tous (es biens.
L'un nous a acquis le Royaume celeftei
L'autre nous en met en poiTeirion. Uun
nous en a mérité le droit; L'autre nous
en donne la joniffance. Mais le Seigneur
ajoute, que le Père leur donnera cet au-
tre Confolateur four demenrer avec eux
<ternea.ment. Le mot de demeurer em-
ploie
ftr Us Jipotres. Si^iAOV l. 471
ploie ici & dans le vctfet fuivant a une
grande force. Car l'Ectitute fignifie or-
dinairement par là, qu'une chofc s'atta-
che fixement & conftâmcnt à une autre; ^^^^ ^
comme quand elle dit, que Ucelered^ii.
Dieu demeure far celui qui defihett m Ftls;
elle entend qu'elle s'y attache ,& y habi-
te, fans Jamais en de'ioger, le tourmen-
tant inccffamment fans le coniumer , 8c
le travaillant toujours fans jamais le dé-
truire entièrement. Elle dit femblablc-
mentàl'oppofite , que la grâce de Dieu,
{on amour, ou fa benediaion demeure
avec ceux à qui il la communique , d'une
faffontrcs-intime , pénétrant leurs âmes,
&: s'y tenant conftamment fans les aban-
donner. D'où vient, qu'ils font nommez
le Temfle de Die»,&fa "'"'fi" ' ^ ^"^ "^j"
me pour exprimer cette glorieufe & ad-
mirable communication , qu'il promet-
toit à fonEglife pour le temps duMeflie,, c„ ^
dit ordinairement à fon peuple , qu'// ha- ^^^^^^
bitcra au milieu deux , comme le rapporte
S. Paul. Mefmes, cequi cftàmonavis
fort confiderable , les Ebreux pour figni-
fier la divinité ufentfouvent d'un mot,
qui veut proprement dire /-* demeure , ou scheki.
Ihditatim , nommant aigfi le Seigneur "•»•
gg 4 pour
47i ^^^^ 'Oefcente i/« S. E s r R i t
pour la graec , qu'il fait aux pauvres
hommes de demeurer avec eux. ' C'eft
en ce fens que lefusChrift prend ici ce
mot 5 quand il dit ,que le ConfoUtturde--
meurcra avec fis difcipUs^ entendant par-là
une rcfidence de cette douce &, fainte
divinité V non paflagcre & provifionel-
le feulement , mais ferme ,confl:ante5&:
perpetuelleinon pour quelques jours, ou
pour quelques années, mais pourtoû-
jours:Et pour les en afleurer d'avantage,
il ajoute exprefTcment , quV/ demeurera
avec eux éternellement. En quoy il fait
évidemment oppofition entre la demeu-
re de fa chair { c'eft à dire de fa nature
humaine) avec fes Apôtres, &: celle de
cet autre Confolateur^qu'il leur promet.
Quant à lui , il ne vefcutavec eux félon
la chair,que quelques années feulement
qui étant alors prefque achevées,il étoît
furie point de les quitter. Mais,dit-il,ne
craignez point,qu'il en arrive de mefme
de cet autre Confolatcur, que je vous
envoierai. U ne vous quittera jamais>
comme je fuis maintenant oblige pour
les interefts de vôtre falut, à m'éloigacr
de vous félon la chair. Il demeurera
cterncUcmeni avccque vous \ de forte
fur les Àfûtrts, S E r M o n I. 47$
que mon abfence ne vous doit point
troubler, puis que je vous fournirai un fi
bon & fi fidèle Confolareur. O douce &:
heureufe affeuranceiQi^e pou voie il leur
promettre davantage? N eft-ce pas évi-
demment les afleurer de leur falut eter-
ne],puis que ce grand Confolateur porte
neceffairement la joye 5 & la félicité fou-
veraine dans toutes les âmes , où il dai-
gne loger, n'étant pas poffible , que celui
qui a chez foy untelhofte ne foit bien-
heureux. Remarquez-le en paflant je
vous priejmes Freresicontre ceux,qui ne
peuvent fouffrir que nous difions, quela
perfeverance, & la félicite des Saints eft
certaine & immuable, & qui nous ac-
cufent de renverfer la nature , & de dé-
pouiller Thomme de fa volonté & liber-
té , &: d'éteindre l'étude & la folicitude
des bonnes œuvres, bc d'abolir Tufage
des prieres,par cette dodrine. Et neant-
moins ils font contraints de confefler
ici, que la perfeverance des Apôtres-
étoit affeurée i comme en eiffet il faut ou
avouer , que les promeflfes du Seigneur
font vaines , ^ illufoires , ce qui ne fe
peut feulement penfer fans horreur y ou
dire; qu'il n étoit pas poflible , que le
ConfolateuT;
474 ^^ '^ Befcente dté S. E s p r i t
Confolateur délogcaft jamais d'avccquc
les Apôtres , puis qu*il leur dit, qu*il de-
meurera avec eux cternellement. Que fi
la certitude de la perfcverancc des
Apôtres n'a ni renverse la nature de
leurs amesjni ôtè à leur volonté ce qu el-
le doit avoir de liberté» ni refroidi l'ar-
deur de leurs oraifons, ni relâché leurs
foins , ou leur zèle dans la pieté» â£ dans
les bonnes oeuvres ; qui ne void , que
c'eft une vainc &: impertinente calom-
nie d'accufer cette fainte doûrine de
tous ces mauvais effets ? Mais je pafle
plusoutre, &dis que cette promefledu
Seigneur ne montre pas feulement, qu'il
fe peut faire que tous les vrais fidèles
perfevercnt certainement ô^ infaillible-
ment dans le falut ,& qu'ils en foienc
afleurcz , fans ncantmoins tomber dans
ces inconveniens ; mais que de plus elle
induir , qu'ils y perfevereront en efFct,&
qu'ils peuvent par confequent s'en af-
feurer fur la foy du Fils de Dieu. Car
lefus Chrift ne demanda pas ce divin,
confiant, & éternel Confolateur pour
fes Apôtres fculs. 11 le demanda & l'ob-
tint fans doute pour tous fesfidelcs,de
quelque temps » qu'ils foient i comme il
proteftc
fur les Âpitres. Sermon I. 47^
protefte expreffemcnt lui n/iefme ci
après > le ne prie point feulemenij pour eux^ i^^ 17.
dit- il , mciU aup pour ceux , quïcroimt en ''''*
Tnoy par leur paroles-, afin que tous [oient un^
ainfi que toi Vere^ , es en moy , & moye^ toj.
Mais puis que ce jour doit plûcofi: eftie
emploie à confoler vos âmes , qn à com-
battre l'erreur , je laiffe la difpute pour
\ette heure,ô^ reviens à mon texte.où le
Seigneur après avoir promis un Conior
lateurâfes Apôtres, leur montre qui il
cftdansle verfctluivant, aflavoir^dit-il,
rEjprit de vérité, que le monde ne peut rece-
qjoir ,pource qutl ne le void ni ne le connoifi.
Mais vous le connoijfez'yCAr H demeure avec-
quevous,&fera en vous. Il était desia affez
évident par la qualité àtConfolateur,<\\x\\
13l donnée à celui qui devoit eltre envoie
du Père, que c'eft le Saint Efprit, qu'il
entend , la troifiefme perfonne de la
Sainte Trinité. Ncantmoins pour ne
leur en laiffer aucune doute , &- afTeurer
de tout point leurs efprics par la gran-
deur de ce Confolateur , il dit exnreffé-
ment,que ç eft lEJprit de vérité i titre,qui
ne convient à proprement parler , qu'à
cet Efprit éternel , l'auteur 6^ le Doaeflr
unique de la veriiè; ^ qui n eft jamais en
ef?et
47^ ^^ UBefcente ch S. I^sprit
effet attribué à d*autre , qu'à lui dans les
faintes Ecritures. Car tous les autres
cfprife fontou faux & menteurs j comme
les démons & ceux d entre les hommes^
qui leur reflemblent ;ou s'ils connoififentC
& embraffent la vérité , comme les An-
ges & les fidèles , c'eft par la lumière de
ce divin Efprit , qui la leur a enfeignée
& perfuadec i de forte qu'il n'y a que lui
feul en qui la vérité foit comme en fa
fource. Ellceft ailleurs par communica-
tion ; elle eft en lui originairement. La
vérité eft fa nature \ ce n'eft qu un orne-
ment ajoute à celle des autres. En lui
elle eft neceflaircm^nt ; dans les autres
en telle forte, que {ans lui ils pourroienc
la perdre , & la perdraient affeurément.
Les Anges &: les hommes peuvent eftre
Anges , & hommes fans avoir la vérité,
comme il eft clair par Texperience^mais
il eft impoilible, que le Saint Efprit foit
aurre,que vérité. Mais outre fa nature il
eft encore appelle BJhrit de vérité^ a caufe
de fon effetiparce que c'eft lui feuKqui la
montre aux hommes.ravouë que les Mi-
niftresdeDicunous la proposent,* mais
il n'y a que cet Efprit, qui nous la perfua^
^e, D où paroift,que fanîjfa divine clartç
nos
furies Apètres. Sermon L 477
nos encendemens ne font que ténèbres,
ignorancej&erreur.Et je n'eu veux autre
preuve, que les horribles egaremens de
ceux, qui n*ont pas été adreffez par ce
fouverain Dodeur. Car qu eft - ce de
toute leur philofopie, de leurs fupcrfti-
tions, & religions , qu uncahos d'extra-
vagances &: d'incertitudes? au lieu que là
où luit cet Efprit^là fe treuvela veritèjle-
vidence5& la certitude. Mais le Seigneur
pour mieux faire concevoir à Ces Apô-
tres lexcellence de ce Confolateur,qu'iI
leur promet 5 ajoûce que ce neft pas un
prefent commun , où tous les hommes
aiencpart, mais une grâce &: une faveur
particulière aux feulsbic aimez de Dieu,
Le monde , dit- il , nef eut recevoir cet EJprif
ConfoUteur-i C eft un don auquel le mon--
de n'a point de part. Ceft comme s'il
leurdifoitjainfi quautrcsfois Éfaye aux^/:^^.2.
vrais fidèles ; Les ténèbres couvriront la
terre ^ ér l*obfcurne les fe impies ; maà CEter^
ml fe levers fur vomy& J^ gloire apparaîtra
furvom. Et cette conlideracionobligeoic
les Apôtres à faire dautantpius d'état de
ce prefent , à l'attendre avec ardeur, de à
le recevoir (S*: pofTeder avec un extraor-
dmaire relpeà,- puis que naturellement
nous
478 Be la Befcente du S. EspriI^
nous cftimons plus les chofes rares, que
les communes; &1I n'y a point davan-
( ^^cs^qi e nous cheriflîons plus, que ceux
qui nous font particuliers. Par le monde le
S'^gneur entend ici , comme fouvent
ailleurs 5 ceux des hommes , qui demeu-
rent dans rétat d'ignorance & de pechè,
ou nous naiflbns, ô^qui fl^ntTautre par-
tie du genre humain oppofée àFEglife;
c*eft à dire au corps Ôd: à la focietè de
ceux, qui font paflcz de Tétat de nature
enceluide grace,& qui ont communion
avec Dieu par lefus Chrift. 11 ajoute la
raifon, pourquoy le monde ne peut rece-
voir le S. Efpritjtirée de ce c\\\il?jelevoit
(^ ne le ccnnoïft fo'mt. Pour la bien com-
prendre il faut fe fouvenir , qu'il parle
ici du S.Efpritjcntant queConfolateurj
entant qu'il répand dans les cœurs la
paix , bc la joie de Dieu , &: la fandifica-
tion. Ainfi recevoir le Saint Elprit ceft
avoir part à fa confolation, & à fa grâce
fandifiante. Ceft ce qu'entend le Sei-
gneur difantjque le monde ne peut rece-
voir le S. Efpric ; Et la raifon, qu'il en ap-»
portCjCft claire ^parcc àii-W^quil ne le vota
ni ne le connoïfi fomt. Ce Coafolateur
étant Elprit, &: d'une naturctres-lîmple
6c très-
fur les Afotres. Sermon I. 47^
&: très- éloignée du mélange des corps,&:
de la matière , il n*eftpomt expose aux
yeux, ni aux autres fens corporels. Mais
auffi n'eft-ce pas ce que fignifie le mot de
voir en ce lieu. Ceft pourquoy le Sei-
gneur ajoute , que le monde m le connoïft
pints^owi montrer , que par cette veuë il
entend la connoiflance,c'eft à dire la foy,
qui eft la feule manière de connoiftre les
chofesfpirituclles , tandis que nousfom-
mes ici bas.Le monde donc n aiant point
de foy,& ne croiant ni le S. Efprit , ni les
autres chofcs divines,mais étant entière-
ment attaché \ laterre> & aux chofes ter-
reftres, ôd periflables \ il eft évident qu'il
ne peut recevoir la confojation du Saint
Efprit, qui ne fe donne , qu'aux fidèles»
D où s enfuivent deux veritez importan-
tes \ L*une,quc ce divin Confolateur ne
déploie cette force celefte, par laquelle il
fandifie & confole , (înon dans lésâmes
de ceux , qui connoiflent Dieu par la foy.
Laiirrie, qu'en tous ceux , qui ont cette
connoifTancc, le S. Efprit fe communique
en qualité de Confolateur j c eft à dire,
que quiconque croit véritablement, a
partenla fajncecè, Ô£ en la confolation;
félon lenfeigncraent de l'Apôtre, que/
480 De U Defcente ^// S. E s p R i T
quelcun n'afoint l'LJprit de çhrift ^ cclm-Û
neïtfo'mt k lui, Aulfi voie z vous , que le
Seigneur ajoute ici dans l'autre partie
de l'oppofition , Mais vom le connep^ez:^
vous qui n elles pas du mondcjvous cou-
noiffcz le S.Efpritjque le monde ignore;
car il demeure en vous , dit- il , é' Hfera en
vous. Comme s'il difoit5c'eft pourquoy il
fera en vou$.La raifon pourquoy le mon-
de ne peut recevoir le Confolateur5c'eft
par ce qu'il ne le connoift point. La rai-
fon pourquoy vous le recevez^c'eft parce
que vous le connoiflez. Mais ce que le
Seigneur dit, qu'ils le connoiflent par cp
qu'/7 demeure en eux , nous montre , que
cela mefme,que les fidèles croient &:
connoiflent le Saint Efprir , eft un de fes
dons, & que nul ne le pçyt voir, que par
fa propre lumicrcifelon la confiante do-
ftrine de S,Paul,que lafoy eftun don de
^.Ath, Dieu. Et c'eft ce que fignifioit le Sei-
gneur,quand il difoir à S. Pierre , que et
nétoitfas la cbairnile/ang , maisfon Perc^
ce le (le qui lui avoit révèle le mjflere de Ufoy,
Mais me direz vous , lî les Apôtres
avoientdesjale S. Efprit demeurant en
cux^qu'eft-cç que le Seigneur promet,
que le Perc le. leur donnera pour de-
meurer
ïr.17,
fur les Afûtres. Sermon I. ^%i
ineurer avec eux éternellement ? La ré-
ponfe eft aifée, qu'eux àc les autres fidè-
les avant eux , avoient eu quelque mefa-
re de la lumière &: delà grâce du Saint
Efprit ("autrement ih neuflcnt eu ni la
connoiiTaaceni la commuûion de Dieu,-
puis que Tune 6i l'autre eft un don de
l*£fpriti mais ils n'avoient pas encore
eu cette riche abondance deJumiere àL
de grâce, que les Prophètes avoient pro-
ttiife au temps du nouveau Teftamcnr^
oii rEfprit fe manifefta à pur & à plein
en qualité de Confolateur, répandanc
dans les anies fidèles un feu, une con-
noiffance , une amour, & une joye , qui
jufques-là n'avoient jamais été veues
dans TEglife. Quand le Seigneur dit,
que fes Apôtres connoiffentle S. Efprir,'
éc qn il demeure en eux , il Tentend du
premier degré de connoiiTance &: de
grâce; quand il leur promet le Confo-
lateur ^our demeurer cternellemct avec
etrx, ilTentendde ce fécond. Et il n'y a
point de fidèle à qui il n'arrive quelque
chofe de fenabîable. C'cft le S. Efprit^
qui ouvre nos cœurs dés le commence-
ment 5 8i qui nous donne de croire à l'E-
vangile 5 comme il enufa envers Lydie;
48x T>e U Befcente ^» S. Es P ri t
Puis quand par lefficace de fa vertu
nous avons crcu au Fils dç Dieui il vcrfe
alors dans nos cœurs une nouvelle lu-
mière de grâce , nous fanftifiant &: nous
confolanc , & nous fecourant en tous
nos combats , de fon onâ:ioncelefte,pac
laquelle il nous fait veincre le monde>&:
toutes les puiffances ennemies de nôtre
falut. Telle eft la promeffe, que le Sei-
gneur fait à fes Apôtres. 11 Taccomplic
magnifiquement cinquante jours après;
lors qu aiant fouffert & veincu la mort,
&:s'écant montré vivant à fes chers dif-
ciples , &: étant monté dans les cieux à
leur vcuë & en leur prefence,il répandit
fur eux comme ils étoient affemblezen
la ville de lerufalem, le matin de la Pen-
tecolle, de ce bien-heureux fanduaire
de l'immortalité, où il étoit entré dix
4^. % jours auparavant, leConfolateur promis
avec un riche &: glorieux fymbole de fa
divine prefence, un vent grand &: impé-
tueux aiant foudainement rempli la
miifon , oij ils étoient, &: des langues
départiesxomme de fcu,s'étant inconti-
nent apparues , &: pofées fur chacun
d'eux. Il différa Inexécution de fi pro-
meircjufq Lies là, -parce quil falloit, qu'il
entrait
fur les Apôtres* Sermon L 4^3
ihtraft dans le ciel avant que le Conîd-
iateur defccndift en la terre ;& que le
fandtuaire cclefte fufl: ouvert par !e fang
de la victime éternelle 5 5^ par la com-
parution du Sacrificateur iouverain en
' ces faints lieux , avant que cette flamme
divine en fortifl:. loint que jufqucs là les
Apôtres aiant eu kTus Chrift vivant
avec eux la plus grand partie de ce têps-
là, n*avoient pas eu befoin de ce fecours;
Mais quand ii les eut laiiTez n'aians plus
déformais de Maiftre, ni de Cond adeur
au milieu d'eux, il ne tarda plus guerd
à les viGterjleur en voiant dix jours après
leConfolateur. Et ici admirez , je vous
prie,la fagefledeDieuen la correfpon-
dance de deux cvenemens , dont Tutl
avoit été Tombre &: le modelle de Tau-
trci Moïfe àvoit promis la Lov avant
que delà donner.Chrift prom t le Gonfo-
lateur avant que àt i'envoier.Laloy fut
donnée le jour delà Pentecoftç; Et TE-
vangile fut revelè ^, publié le mefrae
jour pareillement. Dieu pour manifeftef
fa Loy vint veftu d'un feu terrible, & de
tempeftes eiï: ayantes. Le S Efpritpour
manifeiler TEvangile vint dans un fcii
doux U agréable, fc pofant paifiblenvint
h h if ittr
484 T>e UHefcente â/i^ S. Esprit
fur les Apôtres : parce que la Loy cft uij
miniftere de mort , & rÉvangile au con-
traire eft vn miniftere de vie. La Loy fut
donnée dans un defertiparce que c'étoic
une alliance avec une feule nation; L'E-
vangile fut publié dans une Ville , plene
de toutes fortes de peuples \ parce que
c'eft une alliance univerfelle , avecque
toutes nations & langues. Aurefte il ne
faut que regarder les Apôtres depuis
cette myfterieufe apparition , pour re-
connoiftre que lefus leur donna vérita-
blement alors le grand Confolateur,
FEfprit de veritc,qu'il leur avoir promis.
Ci-devanc ils ignoroient le myliere de ,
la croix, & neconcevoient lefalutde
Chrift, que fortconfufément. Auffi toft
que cette flamme les eut éclairez, ilsen-
tendirenj: tout le confeil du Père ; Ils vi-
rent à nud tous les abyfmes de fa fapien-
ceills ne les virent pas feulement \ ils les
expliquèrent aux autres. Avant cela ik
bégayoicntgrofîîerement , ne fçachant
que leur langue de Galilée. Apres ce di-
vin feu , ils parlent toutes fortes de lan-
gages. Ce nouveau Dodeur leur apprit
en un moment toutes les veritez du ciel,
bi toutes les paroles de la terre. Il n y eut
plus
fur les Apôtres, Sermon L 4? j
plus d'erreur, ni d'ignorâce en leur cœur.
Ce que les Phiiofophes des Grecs, ce que
les Rabbins des Ebreus,cc que tous les
fages de iunivers ignoroient^fut tout dé-
couvert en un moment à ces pauvres pef-
cheurs. Mais rEfprit ne leur fut pas
moins libéral de {à confolation , que de
fa vérité. Avant qu'ils l'euffent receu , le
moindre bruit les troubloit^les bacons &:
les glaives dVne troupe de maraux les
avoient mis en fuite.Depujs que le feu de
la Pentecofte les a touchez, ils ne crai-
gnent plus rien. Ils fe prcfentent hardi-
ment au Temple , &: devant les plus re-
doutables tribunaux. Ils y répondent
franchement ; &: foufFrent les plus hon-
teux fupplices avecque joye. Ils s'éten-
dent de Icrufalcm en la ludée^ &: puis en
fuite par toute la terre habitable, ôd mal-
gré toutes les oppofitions,qu'ils y rencon-
trent , continuent leut deflein i %i au mi-
lieu des opprobres , des tourmens 3 & des
morts , demeurent toujours contens , &:
heureux, glorifiant leurChrift &:benif-
fant la grâce qu'il leur avoit faite. Certai-
nement c'écoit donc vraiemeiu le Cof^fo-
lateurdu Père éternel qu'ils receurenc , n'y
aiantrien en toute la nature capable de
h h 3 donner
48^ Be la Defcefjîeda S. Esprit
donner ov) de maintcinr en nous une fi
vive iV fi efficace confblation. Enfin Ic(us
Çhrift leur avoir pi omis , que ce Confo-
laceur dcmeureioii tcernellcment avec
eux. Atifli voiczvous, quel Efprjr, qui
leur fut donné le jour de la Pentecofte ne
les abandonna jamais. Il demeura fidèle-
ment avec eux jufqu*aux derniers fcûpirs
de leur viejles conduifant^ô.: les fortifiant
fi puiflamment, que pas un deux ne lâ-
cha le pied. Ils perfevcrerent tous dans
cette haute pictè,&: glorifièrent leur Mair
ftre par une confiante & inébranlable fi-
délité au iriilieu de toutes les tempeftesi
que Satan fufcita de toutes parts côtr'eux,
aiant mcfm.e prefque tousfeeljè la vérité
de leur fang. Ce Saint Confolateur les af-
filia dans les feux 5 & fur les croix, & fous
les haches &: les glaives , ^ addoucit tel-
lement leurs pênes, qu'ils [oiifFioienc
avecquc joye ce que les autres hommes
ne peuvent voir ^nipcnfer fans horreur.
Voila^Fideles^qucUe fut cette Pentecofte
Chrétienne , promife par le Seigneur
lefus à fes Apôtres dans les paroles de
nôtre texte,&: peu de temps après accom-
plie au mefme jour que nous foiennizons
wiaintenaqt. Reftie, que nous y prenions
part,
fur les Apôtres, Sermon I. 487
part 5 & que nous appliquant chacun les
enfeignemens que contient ce grand
myftere nous enfaflîons tous nôtre pro-
fit à la gloire de Dieu, & au falut de nos
amcs. Premièrement l'efficace de cet
Éfprit à enfeigner &c à confoler les Apô-
tres nous découvre clairement fa nature
& fa qualité; puis fa nature ôc fa qualité
nous montrent quel eft celefus, qui le
promit & Tenvoia félon la parole qu'il
en avoit donnée. Car pour le premier,
quel autre Efprit , que celui de Dieu,
éternel & tout-puiffant , feroit capable
de changer ainii miracuhsufement des
pefcheurs en Dofteius ? l'ignorance en
fciencejlafoibleffeenforce, la trifteffe
en joie, la timidité en courage , & en un
mot des hommes en Anges. Qui pour-
roit autre que lui ou avoir exécuté, ou
avoir feulement entrepris une fî grande
œuvre ? de reformer lunivers , de con-
vertir le monde à Dieu, d*aboIir & le Pa-
ganifme , &: le ludaïfme , d'arracher les
démons ^ les Dieux de leurs temples,
les Philofophes & les Rabbins de leurs
chaires,les anciennesdevotions fondées
â: ccôblies par une longue fuktc defie-
clesjdes cœurs des grands^ des petits?
h h 4- Cherchez
4^8 De U Befce'/Jfe ^^ S. Es ? n i r
Cherchez tout ce qu'a fait rcfpritdel^
chair &: du monde, delà Philorophic,&:
de ia fupcrflition i vous ne treuvcrexî
point, que jamais il ait, je ne dirai pas
çxccutç 5 mais feiilcment attente, ni en-
trepris rien de femblable. Certainement
ii faut donc confcfTcrj que cet Efprit>
qui animoit les Apôtres , étoit tout au-
tre que celui du monde ; que c'etoit TE-
fprit de Dieu , le S. Efprit de vérité. Et
pour le fécond j puis qu'il eft évidente
qu il n y a que Dieu qui puifle donner
fon Efpritjil faut paircillemét avouer que
lefus , qui promit premièrement, & puis
donna en effet celui-ci à fes Apôtres , eft
vraiemcnç Dieu, le Fils éternel du Père,
le grand Prophète des cieux, prédit par
les oracles anciens , manifcdc en la plé-
nitude des temps , le Roy des hommes
&- des Anges. Cette facrce Pcntccofte
cft un invincible enfeignement & de lo-
ngine de (ov[ Efprit, & de fa divinité.
Adorons-le donc humblement 5 comme
nôtre fouverain Seigneur ; Adorons fon
Efprit , comme nôtre unique Confola-
tcur. Recevons fa dodrine avec une
entière foy. Avant cette divine Pcnte-
çofte,ôi fes rniraculeufes fuitcs^ceux qui
fur les Àfofres. Sermon I. 489
en doucoient pechoient à la vcritè ; puis
que I5 prédication & leso-'uvres du Sei-
gneur juftifioienc aflez clairement ce
qu'il etoit^pour obliger des lors à croire
en lui Mais fi eft ce neantmoins que Tin-
crédulité cft devenue tout autrement
criminelle , &inexcufâble > depuis que
le S. Efprit a appofé à l'Evangile un feau
fi divin, &: fi authentique. Qui avoit bla-
fphemè le Fils , pouvoir obtenir pardon
de fa faute, quelque noire qu'elle fuft.
Mais qui aura blafpliemè contre le Saint
Efprit>qui aura rejette fa demonftration,
S>c ne fe fera rendu à fa voix &. à fa lu-
mierejpour celui-là il n'y a point d'efpe-
rance de pardon ni en cefiecle, nien
l'autre. 11 ne refte plus d'autre lumière
pour-diflîper les ténèbres. Celui que le
Confolateur n*aur^ point converti, eft
perdu fans reflburce. Il n'y a plus d'autre
feu pour lui que celui, qui doit dévorer
les adverfaires. A Dieu ne plaife , Frères
bien- aimez, que nous tombions dans un
fi épouvantable malheur. Rêverons les
enfeignemens-de l'Efprit j admirons fon
feu defcendu des cieux. Refpeûons les
Miniftres de lefus , qu'il confacra d'une
<î meryeilleufç ipanicre s recevons fans
hefiter
490 T>e U Befiente dtt S. E s p r i t
hclîter les myltercs 5 qu'ils nous annon-^
centEt ne vousofïen(czpas5Je vows prie
comme fi c'ctoic vous outrager, que de
vous exhorter à croire l'Evangile. Bien
que la profeflîon de cette foy foitfort
commune ^ fa vérité eft fort rare. Tous
fc vantent de croire ; mais il y en a peu,
qui croient en effet. Car en confcience
fi nous croiyons , que lefus eft le vrai
Dieu &: la vie éternelle, ne laimerions
nous pas? ne nous emploierions nous pas
àfonfervicc Ôd à fa gloire? Ferions nous
pas ce qu'il command e ? Fuy rions nous
pas ce qu'il défend ? Aurions nous pas le
cœur au ciel, où il eft ? N'aurions nous
pas de la paflîon pour fonnom , &: de la
charité pourfes ferviteurs ? le ne veux
pas ajouter combien nous fommes éloi-
gnez de cette difpofition. N05 avarices,
nos vanitez,nos inimitiez,nos meurs en-
fin toutes Payennes ,& qui ne différent '
prcfque en rien de celles des idolâtres &:
des mondains , ne montrent que trop ce
qui eneft. Ces œuvres de nôtre chair
font trop manifcftcs pour les pouvoir ou
nier>ou excufer. Mais je n'ai dcffcin de
faire ici rougir perfonne. l'en laiflo le
jugement tout entier à vps confcienccs.
Examinez
Jfir les Apôtres, Sermon L 491
Examinez en leurlumierc, s*il eft bien
vrai,que vous croiez TEvangile de lefus.
Ne vousarrcftezpasàce qu'en aie vôtre
langucjni à ce que vos voifins en témoi-
gnent. II faut que vôtre cœur y confen-
te;que vôtre confcience ne vous fafTc
aucun reproche au contraire; qu'elle le
prononce elle mefme après en avoir fait
î'enquefte.Ne lui donnez point de repoSj
que vous n'en aicz tiré cette confefTion,
que vous croiez. Méditez les cnfeigne-
mens de la vérité ; Priez le Seigneur
Iefus,qui en eft le Perc^Sd fon Efprir, qui
en eft le Dodeur,jufques à ce que vôtre
ame ait en elle une vive &: profonde
perfuafion de fon Evangile. Car fans cela
vous ne pouvez recevoir le Confolateur.
L*incredulitè rend le monde incapable
de le recevoir. Mais fi vous le connoif-
fez véritablement, comme les Apôtres,
le Seigneur vous le donnera 5 comme à
eux. Car ce n eft pas pour eux feulement,
qu'il l'a demandé au Père. Cette flam-
me celefte,& cette Pertecofte qui la di-
fpenfejapparticnt à tous \t% vrais croians.
11 n'y en a pas un , que ce Confolateur ne
feelle pour le jour de la rédemption, qu'il
ne purifie | &: ne fortifie, & ne réjouiffe
49^ 7>e U Befcente dt$ S. Esprit
en quelque mefure. Surquoy nous avons
à remarquer en fuite la bonté &: la fagefle
du Seigneur; Sa bonté en ce que fe reti-
rant de la terrcil nous a laiffe un fi excel-
lent Confolateur, qui a toute la lumière
& toute la vertu neccflaires pour nous
conduire & gouverner au milieu de tant
d'ennemis ; Sa fageffe, en ce qu'il nous a
donné fon Efprit pour Confolateur > afin
de nettoier nos âmes ,& d'y allumer une
amour purement fpintuelle, fans nul mé-
lange d'aucun fcntiment charnel , & i:er-
reftrcé Car fi nôtre conducteur étoit un
homme , nos âmes s'attacheroient à fà
prcfence charnelle, & nôtre pieté dcvien-
droit groflîere 5 félon l'inclination que
nous avons naturellement aux chofesde
cette condition. D'où paroift combien
eft contraire àcette intction du Seigneur
la dévotion de ceux , qui cherchent en-/
core fa chair ici bas& qui veulent l'avoir
dans leurs bouches & dans leurs efto-
macs. Si c'etoit la l'un des moiens, qu'il
avoitdeflein d'cmploïcr pour nous con-
foler durant nôtre pèlerinage ici bas, il
l'euft dit fans doute à fcs difciples dans
l'ennui où il les voioit ; H les euftavertis,
qu encore que fa chair dcuft devenir invi-
fible
fur les Apôtres. S e r m o N I. 495
fibk fur la rerre,ils ne laifferoient pas de
Ty avoir toujours prefente dans le Sa-
crement, qu'il venoic, de leur donner.
Et neantmoins il ne leur dit rien de fem-
biable. Il oppofe toujours conftamment
la venue &: la prefence de fon Efprità
rabfence &: à Téloignement de foa
Corps i & il leur avoit desja dit ailleurs,
qu'ils ne Tauroient pas toujours avec
eux ;& qu'il ne feroit point dans les ca-
binetsjou dans les ciboires; ce qui ne fe
peut entendre qu'à Tégard de fon corps; ^7,5.21
non plus que ce que dit S. Pierre , qu'il
faut que les oieux le conticnent jufqu'à
laconfommationdesfiecles ; ^ tant s'en
faut que le Sacrement induife la prefen-
ce de fa chair ici bas, qu'au contraire il
en fuppofc évidemment l'abfence , puis
qu'il en eft le mémorial, & qu'en le pre-
nant nous annonçons la mort du Sei-
gneur jufqucs a ce qu'il vienneifigne évi-
dent, qu'il n'eft doac pas venu. Mais ce
divin Confolateur > qu'il nous a laifsè,
fupplce abondament à fon abfcnce,nou5
fournifïant richement tout ce qui eft:
neceifaire à nôtre joye , & à nôtre falur.
l'avoue qu'il nous faut participer au
Corps àL au Sang du Seigneur. Mais il
n'eft
494 ^^ ^^ I>efce?it€ du S. E s p r t t
n ell pas beloia , qu'il defcende en \à
terre pour cela Ce m^fme Erpric,qui fait
le reftc, nous donne auffi cette faince ^
falutaire coramuuioni Premièrement en
G€ qa'il nous applique le mérite de cet-
te chair roon pue, & la vertu de ce Sang
répandu pour nous , nourriflant &: ab-
brcuvantnos âmes de ce divin fuc, fclon
ce que difoit le Seigneur^que cefi tEjpYtt
^^^^ ' qui vivifier. Secondement en ce qu*il
nous conjoint avec ce corps du Fils de
Dieu, nous faifant devenir Tes membres^
os de (es os,& chair de fa chair , étant le
lien commun de lui ôc de nous. Car cet
Efprit,qui eft en lefus Chrift, comme en
nôtre chefjcft auffi celui , qui nous ani-
^ „ me. Chrift &: nous n'aiant qu'un mefme
13. Efprit nous ne fommes qu*un mefmc
corps, félon la dodrinedeS. PauUqui
fonde ce que Chrift, 6^ nous tous ne
fommes qu'un mcfme corps > fur ce que
nous avons tous écè battifez en un
mefme Efprit. Enfin c'eft encore ce
mefme Efprir> qui nous rend conformes
au Corps du Seigneur , & maintenant à
l'égard delà croix, qu'il nous donne la
force &: le courage àc porter après lui; ôc
en 1 autre ficcle , àlVgud de la rcfurre-^
ûion
fur les Apôtres. S e r m o m li 495
dion 5c de la gloire, félon le dire de T A-
pôtre , Si VEf^rït decelui ^qatAreffuÇcite^^^^
le fus des morts habite envoies ^ celmquÏA
rejfujcit} Chnfi des morts vivifiera aufit vos
corps mortels à caufe de [on BJprit habitant en
vous. Contentons nousdonc^chcrs Fre-
res^de ce Confolateur tout puiffant , que-
le Fils nous a donne pour nous gouver-
ner5&: nous foûtenir durant fon abfcncc
corporelle.Rcfpedonsfesyeux; &:nous
gardons bien de le contrifter , ou de l'ir-
riter. Vivons , comme devant lui, puis
qu'il daigne demeurer au milieu de
nous. Il hait rordure,5c aime la pureté fur
toutes chofes. Nettoyons nos corps &:
nos cœurs de toute foiiilîeure ^ pollu-
tion, puis qu'il leur fait Thonneur d'y lo-
ger,commedans fes temples. Chaifons
bien loin du fanftuairede cette grande
divinité les voluptez deshonneftcs , les
vilenies de l'avarice , & les faletez des
mauvais difcours. Que lachaftetè, la
tempérance , & la faadification,fans la-
quelle nul ne verra Dieu,luifeut toii-
jours chez nous. Cet Efprit ne peut fouf-
frir la difcorde , ni la haine i &; fuit les
lieux oii il n y a point de paix. Si nous
voulons qu'il s'aime entre nous , étei-
gnons
49^ ^^ i^ 'Defcente ^« S. Es p r 1 1
gnons ces animofitez infernales , ces ftî-
rieufes inimitiez, ces colères &; ces ma-
lignitez, qui brûlent au milieu de nous,
&: qui infedenc nôtre air d'une fi noirCi
& fi puante fumee.Q[u'unc douce & cor-
diale amitié nous uniiTe tousenfemble.
Imitons ces Saints Apôtres de lefiis , qui
curent les prémices de fon Efprit. Ce
grand Confolateur ne leur eut pas plû-
toft etè envoie 5 que toutes les bafîefîes
de leur vie précédente ceffercnt, leur
riotes,6^ leurs malentendus^leurs imagi-
nations tcrreftrcs, leurs craintes &: leurs
foiblefles.Ils ne penferent plus qu'au ciel,-
lorigine de leur nouveau baptefirle; ô£
ne parlèrent plus,que des chofes magni-
fiques de Dieu. Ils rompirent tous les
attachemens de la terre,& fe donnèrent
tout entiers au fervice de leur Maiftre.
Ils prient,ils prerclicnt,ils aiment ardem-
ment leurs prochains, &: ne font avec
*j; ,!j^ eux qu un coeur &c une ame (comme die
rhiftoire facrée J Tous les biens de cette
nouvelle & bien heureule republique
deviennent communs; tellement qu'il
n y avoit entrVux m mendiant ni necef-
fitcux. Suivons ce riche exemple. Qup
leur zèle Ôd leur charité Ibienc Icspatrôs
de
furies Afûtres. Sermon I. 497
de nôtre vie. Alors ce Confolatcur,
qui nous a etè laifsè par le Seigneur
Iesvs fe plaira au milieu de nous. Il
nous multipliera tous les jours fes grâces
&: fes lumières. Il elTuyera nos larmes ; il
foulagcra nos ennuiss il foûtiendra nos
infîrmiteziil nous reniplira de contente-
ment &:de joye. Apportons furtoutces
faintes difpofîtions à cette table facrée,
&:nousy ferons abbreuvez de l'Efpric
de Clirift , dZ repeus de fon immortelle
manne. O grand, &: divin Confolateurj
ôEfprit de vérité, daigne habiter éter-
nellement aiî milieu de nous, quelque
indignes que nous foions de ta grâce.
Ne nous ôre point ta falutaire prefence»
fans laquelle nous ne fommes que mi-
ferc & mal-heur. Renouvelle tes an*
ciens miracles en la guerifon de nos
maux. Que ton feu celefte délie nos
langues , &: illumine nos yeux , &c
échauffe nos cœurs. Qj£*il étende les
mainsy que Tavarice avoir nouées ; qu'il
fonde les âmes , que la froideur & j'a-
verfîon avoic glacées i qu'il affermifîe
les foibles i qu'il réjouïfle les affligez;
qu'il nous conduife tous en feurctè dans
ce defertj où nous errons 5 jufqucs ace
ii cjue
49^ ^^l^ Befcente dft S. Esprit
que par les falutaires adrcfles de tes di-
vins cnfeignemens nous parvenions
dans ce ciel bien- heureux, où tu vis &:
règnes éternellement avecque le Pcre
&: le Fils, vrai & feul Dieu bénit aux
{iecles des fîecles. Ame h.
DB LA
49>
DE LA
DESCENTE
D V S A INT ESPRIT
SVR LES APOTK^S.
^^ERMÔN VEV
Sur les verfets r. 2. 3. 4.
des Acte
\.\ Et. comme le jot^r dt U Femecajlp^
s'accomiflïfjoify ils étoient tom d'un accord
dans un mefme lieu, -,
z. Alors il ^c fit fouddine-menî un fdn du
cielycomme d'un vent foufjlant en véhémence^
qui remplit toute U maifon-^ouils étaient aps:
^f j. Et leur apparurent des langues de par-
iiesycomme de feu, ér fe pofa fur chacun d eux.
4. Dont ils furent tous remplis du Saint
EJprit , ^ commewreni à parler langages
étranges-^ainfique C Ej^rïtUur donoit afarky.
Hers Frers^5
Ençr^ les cérémonies , cjué Moife
ïi 7. Or do nui
joo De U T>efcente du S. Esprit
ordonna jadis aux Ifraclùcs , il inftitua
trois grandes feftcs iolennellcs la Pafquc,
la Pencccofte , & les Tabernacles , com-
mandanc à tous les hommes de ce peuple
de les célébrer chaq*ne année rcligieu-
femenc en comparoiflant devant l'arche
de Dieu , pour lui rendre les hommages
de leur fojWd de l ur dévotion à fon fer-
vice.Et q^iyiux deux autres il nVft pas
befoind'^^Brlerpour cette heure. Mais
la PentecWpetoit precifément celle qui
cft nommée dans les hvres du vieux Te-
ftamsnt U fefle de U moiffon , à caufe du
Cemps,oii elle fe renconcioit ) & désire-
i»/V^j ;p^rce qu'ils ofFroient alors au Sci-
^^"f gneur les premiers fruits de leurs champs,
en témoignage de leur reconnoiiTance;
Enfin elle eft aufTi appellée U fejle des [e-^
muin^ 'y parce que depuis laPafque ils
^. contoient jufques aiepttemames ^c eit a
dire quarante &: neuf jours, & celebroient
la journée fuivante , c*cft àdirelacin-
quantiefmc ; à raifon dequoi les Grecs
l'ont nommée PentecoHe , d'un mot , qui
dans leur langage fignifie ctnquantiefme^
Ils honoroienL amlî ce jour> parce que
c'étoïc celui auquel Dieu leur avoir don-
ne fa loy i comme il paioiilpar TExodc,
où
fur les Âfotres, S e R M on 1 1. 501
où Moviè remarque exprc.flemcnt, que la^^^'^'?-
loy tut prononcée par le Seigneur le troi-
{îefmc jourduiroifitTmenioiSjc'eftà dire
precifément le cinquaniicfmeiour après
rimmolat'ori de TAgnean Pakhalj&la
fortie d'Kraël hors d'fgvpte , arrivée
(comme vous fçavez ) le quatorziefme
jour du piecedcnt mois. Puis que lal-
liance^oùils enttcrenr alors avec Dieu»
croit le cornble &: de (es bénéfices, & de
leur honnciu^leur grand &: unique avan-
tage au dtflus de toutes les nations du
monde,& la dernière fin de tous les mi-
racles de l'Egypte 5 ainfi que le Seigneur
mefme le te{moigne,d fant aux IfracliteSjE^»^*
Fous Ave^^veu ce qu< ) ni fait aux Egyptiens^ '^***
Cr que ]e vous At fuYitz fur des atjles d aigle
four vcw amener à moy \ il ne f^iut pas s'é-
tonner , sMs obfervoicnt ce jour avecquc
tant de foin, &r de dévotion. Et pour en
éclaiicir la raifon leurs Doâeuis ont ac-
coutumé demploier ici uneccmparai-
fon , difant , que Dieu fit alors à Icxirs pè-
res comme feroit un giand Monarque
à quelcun de fcs plus chers fervitcurs,
détenu dans une dure &: cruelle capti-
vité , & le fupphant avecque larmes de
Icn délivrer i auquel étant touche d'une
ii 5 vive
502 BeU Defcente du S.' Esprit
yive compaffion de fon mal heur,il pro-^»
mtctroit de le tirer de pene,î5<: meCme de
lui donner (a fille en maiiagc dans un eer-
tain temps j ce qu'apprenant le pauvre
çaptifjôi attendant la liberté 6^ fa gloire
avec une ]oyc plcne d'impacience5il côce
toutes les (cmaines, tous les jours3Ô<: tou-
tes les heures, q'u fe paflent jufqucs à ce
que le deiirè terme de fon bon heur foie
venu i Que le Seigneur tout de mefme
voiant leurs Pères opprimez en Eg3'pte
fous une cruelle fervitudc^fléchi par leurs
miferes & par leurs fupphcations leur
avoit promis de le$ tirer de cette mal-
heureufe condition 5 &: mefmes de les
honorer ftpt femaines après , de fon al-
]iance,Icur donnant la Loy, fa chcre ô£
biçp-aimee fille , en mariage ; Queles
Ifraclites ravis de la grâce , qu'il leur fai-
foit , & ea defirant impatiemment la
jouïflance , contèrent foigneufcment ces
fc^t femaines, &:çes quarante neuf joursj
jufques à ce qu'enfin Dieu fe communi-
quant vjfiblement à eux en fa plus écla-
tante gloire 5 & le ur parlant de fa propre
bouche accomplit magnifiquement & (es
promeffesjô»: leurs efperanccs. Ilsdi(enr>
que c eft en mçn^oi|:e de çel^ ,*que Mo ïfc
leur
far les Jpotres. Sekmo}^ IL pj
leur a ordonné de conter ainfi tous les
ans les fept femaines , qui fe paflent de-
puis lâPafque jufquesàla Pentecofteicc
qu'ils obfervent encore aujourd'hui avec
une tres-fcrupuleufe fuperftition. Car
leur Pafque achevée , dés qu'ils voient
les étoiles au ciel commencer un autre
jour, retenant debout en grande dévo-
tion ils font cette prière à haute voix;
Béni fois tu,Seigneur notre Bieu^Roy du mon-
de -) qui nom as fan^iifiez par tes commande-*
mens , é' ^om as commande de conter les
jours de devant la moiffon , dont celui-ci ejh
le premier. Ils continuent ainfi tous les
foirs , remarquant toujours en termes
exprès le nombre des jours &: des femai^
nes,jufques au foir, qui commence leur
Pentecofte. Quant à nous Frères ,bien-
aimez, lefus Chnft le Soleil de juftice,
dilTipant les ombres de la nuit par l'a-
bondance de fa divine lumière , nous a
bien affranchis à la vcricc de robferva-
tion de ce qu'il y a de ceremonielen
cette fefte. Mais tant y a que nous ne
laiffons pas d'eftre obligez à méditer
avec zèle le bénéfice , que nous rcceui^
mes de fa bontè,quand il daigna nous ré-
véler plenement la volonté du Père, &:
i i 4 mani-
504 I>e U Defcente ^/^ S. E s p r i t
nianifefter au monde la gloire de fon al*
liance. Et fi les anccilres âts juifs contè-
rent les jours de leur Pentecofte avec
impatience , les Apôtres nos Patriarches
n attendirent pas la leur avecque moins
de dcfir àc d'ardeur- Et fi la pofteritè des
premiers a célébré Ja niemofredc leur
bon-heur en tous les âges avecque joyç
& admirationinous qui (ommes la pofte-
ritè des féconds ne devons pas moins
avoir de contentement,d'afïcaion,&: de
raviflcmcnt pour la grâce, qu'il leur fie,
& à nous tous en eux, quand il leur
dôna les divines lumières de fon Efprir,
Encore eft-ce faire tort au Seigneur, de
parler fi foiblement de fes bénéfices. La
joye & la dévotion de fa Pentecofte
doit furpaffer celle de l'ancien Ifracl
d'autant, que le ciel eft au defTus delà
terre, le corps au defTus de l'ombre, &
Icfus Chriftaudeflus de Moïfe. Leur
Pentecofte vit fumer Sinaïi La nôtre a
vcu luire Sion. Laleurfaifit leurs coeurs
de frayeur, & de crainte; La nôtre a
rempli nos âmes de confolation,& de
joye. La leur folenniza un mariage» qui'
s'eft rompu ; La nôtre nous a receus
dans une alliance éternelle. La leur ne
regardoiç
fur les Afotres. Se RM ov IL 50 j
regardoit qu'une nation i La nôtre ap-
partient à tous les peuples du monde.
Ces brandons , qui parurent alors en
Sinaï n éclairèrent que le defert; Les
flahimes que Sion a veuës aujourd'hui»
illuminent tout l'univers. Maisfi nous
devons vacqucr en tout temps à la mé-
ditation 5 &: reconnoiffance de ce grand
bénéfice de Dieu, nous fommes particu-
lièrement obligez àyemploier cejour^
que tous les Chrétiens ont conHu rè a fa
mémoire, Çeft pourquoy nous avons
choifi pour le fujet de cette aftion le
texte 5 que nous venons de vous lire , oii
S. Luc noi^s en reprefente brièvement
rhiftoire,làdefcentedu Saint Efprit en
la terre^ôd les effets , qu'il produifit en la
perfonne des Apôtres , qui furent bawi-
zez de fes flamities félon la promefTe de
leur Maiftre. Fidefes^oiez attentifs à un
fi merveilleux myftere. Ce feu,que vous
vetrez aujourd'hui defcendre du ciel en
Sion,eft le fruit de la naiffance , 6^ de h
mortjdufepulere &: de larefurredion,
&: des autres miracles de lefus. Ceft le
feau des œuvres de Dieu , l'origine de
l'Eglife , la femence de l'eternitè, &:le
principe du fécond umversjinainortel^ô^
incor-
50^ De la Defcente dn S.Esprit
incorruptible. Ce fut ce divin feu , qui
changea les douze Apôtres du Seigneur,
&: de pefcheurs de Galilée les fit Amhaf-
fadeurs du Souverain , les Dodcurs &
les Maiftres du genre humain. Ce feu
fondit^n un inftanttour ccqu*il y avoit
en euxdegroiTier, & de charnel, & leur
donna de nouveaux cœurs,&: de nouvel-
les langues. Ce feu puiifia tout le mon-
de en peu d'années , & de Icrufalem s'é-
pandant par tout ailleurs atteignit, &:
confuma avec une force incroiablc,mal-
grè les oppofitions des hommes & des
demonsjtout ce que l'ignorance & le pè-
che y avoit amafsè de craffe & d'ordure,
& veftit le ciel &: la terre d'une forme
toute nouvelle. O belle , &: glorieufe
flamme, unique perfcdion des hommes,
unique fource de vie & d'immortalité,
Dieu & fon Fils lefus vueille aujourd'hui
te verfer au milieu de nous, &: nous bat-
tizer de tes ondes ccleftes, afin que nous
puifTions dignement parler de tes myfte-
reSjô^ remporter de cette méditation,^:
de cette facrée table, oùnousfommcs
co.i'^'ez, une fanâification ^ ujncjoye
folidc &:. confiante à jamais, qui après
nous avoir foûtenus 6l confolez en ce
fiecle
fur les Apôtres. S e rm o k ' 1 1. J07
fiecle nous ekve là haut en la gloire de
celui qui eft avenir. Amen.
Pour mieux faire notre profit de la
veuë de ce tableau, où S. Luc nous a rcr-
prefentè la defcentedu Saint Efprit en
la terrcjnous y confidererons^s'il plaift au
Seigneur, ces cinq points parordreiPre-r
rnierement le tempsjauquel la chofc ar-
riva ; ce fut le jour de la Pentecofte ; Se-
condement le lieu oii elle arriva ; ce fut
en la ville de lerufaletri; entroiflefme
lieu les perfonncs^fur qui le S. Efprit def-
cendit , affavoir fur tous les Apôtres , &
rétat oùils étoient alors;Ils étoienttous
d'un accord dans un mefmelieu. Puis
nous verrons la forme de cette miracu-
leufe defcente ,• qui çonfifte en ce qu'a-
près un grand vent , qui remplit toute la
maifon,des langues divifees , comme de
feu, fe poferent fur chacun d'eux; Et
enfin nous contemplerons les effets^ que
ce feu produifit dans les perfonnesdes
Apôtres > Ceft , qu'il les remplit du Sainç
Efprit, &:îeuj donna la grâce dé parler
toutes fortes de langues. Pour commen-
cer par le premier de cqs points, S. Luc
pour nous remarquer le têps de ce grand
HiiraclCjdit) qu'il arriva comme le jour de U
FemecoJIe
joS De U Befcente </^ S. E s p R t T
FentecdBe sAccomfltffoit. Il ne faut pas
prendic ces paroles, comme elks Ion-
ncnt dans nôtre commun laiigagc , pc5ur
dire , que cVtoit fur la fin du joui, com-
me la fgfte de la Pentccoftc s'achevoit.
Car le Saint Elprjt defcendit fur les
Apôtres dés le matin , comme ilparoift
clairement par ledilcours, que S. Pierre
tient ci après aux luifs leur difant, qu'il
iî*étoit que la rroifiefmc heure du jour;
ceft à dire neuf heures avant midy en
contant à nôtre mode. Mais c'eftune
faflbn de parler tirée du largage Hé-
breu , aflez ordinaire à ces divins au*
theurs de dire qu'un jour , ou qu'un an
r«c2. saccomflit dés qu'il eft venu, &: qu'il
''* Commence à couler. Ainfi S. Luc dit
ailIcur5,^i^^W/f j huit jours furent accûmflà
pour circanctr l Enfant^ pour dire fimple-
ment 5 que le huitiefme Jour étoit venu,
^•^^ & nan pafsèou achevé. Et leremie pre-
dir5qiie Babylon fera punie 4/>ra que foi"
xantt (^ dix Ans Auront été accomptis\ c'cft à
dire quand les foixante &: neuf paflez,
le foixante & dixiefme fera venu. Car il
cft certain , que ce fut precifément Tan
foixante & dixicfme, que ce jugement
de Dieu fut exécuté. Bien que pour l'ex-
pofitioa
Xi.
furies Apôtres Sermon H. jo^
poficioa de nôtre texte peut-eftre fuffi*
roic il de remarquer , que lesluifs com-
mencent leuis jours au (oir, ô^nonau
matin, comme nous. Car en commen-
çant le jour de la Pentecofte , dont il eft
ici qutftion, dés le loir précèdent félon
Tordre des luifs, il cft évident , que Ton
pourtoir dire , mefmes enlentendant à
nôtre fjffon ordinaire , qu'à neuf heures
du m^tin ( c'cft à dire à la troilîefrae
heure des lu.fs ) la Pentecofte saccorh--
flî(foiri^m% qu'ace conte les cinq parts en
étant desja paflces il n*en reftoïc plus que
troi^ Car de vingt &: quatre heures , en
quoy confiftoit ce jour, les qmnzese-
toient desja écoulées, & il n'y en avoir
pIusqueneufàpalTer. Mais pourquoy le
Saint Efprit choifit il particulièrement
ce jour pour deicendre fur les Apôtres?
Ne fcmble-t*il point , qu'il cuti: été plus à
propos pour liurconi lation, quecedi'
vinfeu les euft battizczou immédiate^
ment après la rcfurredion de leur Mai-
ftre,ou du moins incontinent après fon
afcenfion dans les deux ? Chers FrereSf
nous pourrions nous contenter de dire,
qu il y a de la tementè à fonder les caufes
des termes &: ^dbs faifons , que Dieu aC-
figne
510 De h BeÇcente ^/> S. E s p n î f
ligne à chaque cho(è ; telles queftions (t
pouvant faire de tout autre temps, où il
les comnfienceroit.Gar fupposc,qu'il euft
envoie le Saint Eiprit aux Apôtres tel au-^
trc jour, que vous voudrez \ un curieux
demandera toujours, pourquoi illauroit
fait ce jour-là, &pourquoy non plûtoft,
ou plus tard ? Mais il me femble, que fans
avoir receurs a cette réponfe , il y a des
raifons de ce choix capables de nous fa-
tisfaire. le ne m'arrefterai pas ici à philo-
fopher avec quelques anciens fur la pex-
fedion du nombre de fept, &: de quaran-
te neuf , produit par la multiplication de
fept en foi mefme. Cefont desmyfteres
plus fubtils 5 que folides, & plus propres à
contenter Tefprit d'un curieux , qu'à édi-
fier l'ame d un Chrétien. le dirai feule-
ment qu'il a été- très à propos, que ce
rayftcre s accomplift le jour delà Pcnte-
coftcpourajullerde tout point la vérité
avecque les types^qui favoient autresfois
reprelèntée fous le Vieux Teftament.
Car cette vieille alliance, que Dieu trait-
ta en la main de Moïfe avecque le peu-
ple d'Ifraëi, étoit comme vous fçavezjla
figure de la nouvelle, contraûée avecque
nouspar le moien de kfuS Chrift. Tuut
ainli
fur les Àpûfres. Sermon II. 511
ainfi donc que le Seigneur lefus, nôtre
Pafqae myftique, voulut eftre immole
fur la croix , au mefmejour que rancien
Agneau étoit facrifiè félon laLoy Mo-
faïque, afin que cette rencontre éveillaft
les efprits des fidèles , & les portaft à re-
chercher en lui Texpiation & lafandifi-
cation figurée par TAgneau ; de mefrae
auffi a t'il voulu, que fa nouvelle alliance
fuft établie & rcpreferitée entre les hom-
mes au mefme jour , que l'ancienne avôic
été publiée fur la terre ; afin qu'une A
belle &: fi exafte correfpondance entre
ces chofes nous fift reconnoifi:re , que
Dieu en eft véritablement l'auteur. Tout
ainfi donc que Moïfc, le Médiateur de
l'ancienne alliance immola fon Agneau^
& défit les Egyptiens ', de fortit magnifi-
quement des abyfines de la merrouge,&:
monta fur le fommct de Sinaï avant que
faLoy fuft publiée ; de mefme auffi a-t'il
fallu que lefus, le Médiateur de la nou-
velle alliance ofFrift fa vidime, &: entraft
dans les abyfmcs de la mort ôc de l'enfer,
&en reffuîcitaft glorieufement , & fufb
enfin élevé dans le ciel, le vrai & éternel
fanduaire de Dieu , avant que fon Evan-
gile fuft confignè entre les mains de fe$
Miniftres
5Ï1 'be U Defceme ^/^ S. Es i» r 1 1
Miniftres àc de fon peuple. Ec comme il
a écè à propos , que les efprics du premier
peuple fuflent préparez à l'olive de faLoy
par les mervcillcs,qui fe paffercnt durant
quarante-neuf jours depuis la mort de
l'Agneau jufques à la Pentecofte, n écanc
pas convenablcque des fensgroflîers , &:
qui n'étoient pour tout exercez>ni accou-
tumez qu'à des chofes baffes & fcrvilcs
fuffent foudainement admis à la veue
d'un (\ grand myftere ; de mefme aufTi a-
t'ilécè neceflaircque les cœurs des Apô-
tres fuffent peu à peu changez par les ter-
ribles fpedacles de ces fept femaines, où
ils virent leurs lefus mort &:reffufcitè&
elevè dans les cieux, afin de pouvoir
après cette confecration recevoir conve-
nablement les flammes du Confolateur.
C'eft pour cela, qne lefus Chrift voulue
qu'ils fuffent les tefmoins &: de fa mort
éc de fa rcfurrcdion. Ceft pour cela qu'il
voulut monter dans le ciel , le vrai Sinaï
de DieUjCn leur prefenceCeftpour cela
qu'il voulut 3 que mefme après fonafcen-
fion ils den>euraffent encore dix jours
cnfemble en prières & oraifons conti-
nuelles -y attandant avec une humble dé-
votion rEfprit,qu'il leur avoir promis. Il
ne
fnr ks Apôtres. Sermon II. 51?
ne falloic pas moins de préparatifs pour
recevoir un fi grand hofte. Mais en ce
recardemenc , outre leur propre confi-
deracion le Seigneur eut auffi égard à
nous. Car il écoit à propos que ce mira-
cle fuft illuftre , &: qu'il vinft foudaine-
ment à la connoilTance d'une grande
quantité de gens, qui en peuflent rendre
témoignage, &: en porter la nouvelle en
divers lieux, puis quelcdcffein du Sei-
gneur étoit d'étendre fon Evangile par
toutTunivers. Le jour de la Pentecofte
étoit fort propre pour cela, la dévotion
de cette felte aiant affemblè dans la ville
delerufalem une infinie multittîde de
peuples i à la veuë defquels, & comme
fous leurs yeux le Saint Efprit defceiidic
du ciel fur les Apôtres de lefus ; ce qui
fervit non feulement à leur édification,
un fpedaclc fi étrange les aiant premiè-
rement étonnez,5^ puis en fjite amenez,
al ouïe ^ à la foy de !a prédication de
l'Evangile ; maisauflîà l'inftruftion des
autres , à qui ils en firent part. La Pen-
tccofte fut comme la trompette, quiles
affembîa tous de divers pa'ïs, & dedi-
verf^^s langues à laudiancc du Saint
Efpiit, afin qu aiant veu 5<^ ouïfes mer-
k k veilles
514 Be ta Befcente duS^ Esprit
veilles ils lui fetvifTent comme d'autant
de herauds pour porter la renommée
de fa glorieufe vertu dans toutes les na-
tions du monde. C'ctoit pour une fem-
blable raifon 5 que le Seigneur avoir ac-
coutume de monter en lerufalem aux
jours des grandes &c iolenncUcs fcftes,
Jean 2. comme s. lean Ta expreffément remar-
/. &7. q<jè en divers lieux de fon Evangikiafia
*°' que le fruit de fes miracles &: de fa pré-
dication fuft plus grand & plus abon-
dant. C'cft à ce mefmedeflcin, qne je
rapporte le lieu, où le Saint Efprit def-
ce ndir fur les Apcti -s. Car ce fut en la
\Agî,i.4.\\Vx de [erufalcm,lc Seigneur leur aiant
nommément cômandè de ne s'en point
départir, mais dV attendre laccomp'if-
femertde fa promefTe. Il y avoitlong-
temps qiie les Prophètes avoient pro-
mis cette gloire à lerufalem. Vous fça-
Tf.nc.iy^^ que David avoir chanté mille ans
auparavant, que le puiff.uit fceptre du
Meffie feroit tranfmis de Sion ; que ce
feroiten ce lieu-là qu'il paroiflroir pre-
mièrement, &qnc de là il comcnccroit
les conquertes, domtant & aflujettifTanc
fes ennemis pour feigneurier au milieu
deux. Efayc &: Michée comme pour
expliquer
ptr les Àfotres, Sermon II. 515
expliquer ce que David avoic entendu
parce /?f/?/rf ,difenc expreflement en la
predidion de rétabliflement & du rcgné^;^^^''
du Mcllîp 5 que c'eft de ïeruf/ilem que for- 2.
tira la pan^le du Seig^jeur (c'eft à dire l'E-
vangile ) mx derniers temps ; en k pléni-
tude des (îecles. Ces oracles furent pre-
cifement accomplis au jour delaPcnre-
cofte Chrétienne. Ce fut alors, que TE-
vangile (que l'Ecriture appelle fimple-
ilicin là parole de Dieu ou du Seigneur à
caufe de fon excellence ) fur première-
ment prcfchèenla terre. Avant cela, il
avûit été promis ôc ébauché. Alors &:
non plûcoft,il fut annonce, fans enigmts,
fans obfcuritez , fans aucun mélaiige de
la Loy.Car/'£^'^^^//^ à parler proprcméc
eft labonne & heureufe nouvelle du fa-
lutjnonà acquerirjmaiS desja acquis par
le Chrift de Dieu; delà remiflion du.
pechè obtenue par fon fang , de la vie &
de la joye communiquée parfonEforin
de forte que ces chofe^ n'aiant écè ac-
complies, que par la mort 6^ par Tafcen- ^
fion du Seigneur lêfus dans les cieux j &?
par l'envoi de fon Efptit ch la terre ; l'E-
vangile à vrai dire ne commença d*efl:ré
jpreichè au monde, que precifément ati
k k i jour
^i6 De la Defcente ^/# S. Es P Ri T
jour de cette Pentecofte Apoftolique,&:
nonplûtoft. Ce divin fceptre du Chrifl:
de Dieu parut alors en lerufalem , & du
premier coup qu'il frappa, abbatit trois
mille âmes fous fes pieds. Ce fut là qu'il
aflemblafon armée en une fainte pom-
pe, & qu'il verfa premièrement fur la
terre la rofée myftique de fa jeuttelTe,
éclofe & produite foudainement du feia
de l'aurore de ce beau jour. Ce fut de là
que ce fceptre fortit peu de jours après,
étendant par tout fes glorieufes conque-
ftes vers l'Orient, & l'Occident, le Midi
& le Septentrion. Et véritablement il
ctoitbien raifonnable, que la nouvelle
alliance fuft premièrement publiée en
ce lieu là plûcoft qu'ailleurs. La Loy fut
baillée dans la folitude du defert , parce
que c'étoit une alliance folitaire , qui
n'appartenoijcqu à une feule nationipar-
ce encore que c'étoit une alliance fteri-
le , incapable de rien produire , non plus
quelles rochers &: les fablons de fon Ara-
bie. L'Evangile a écè baillé dans lerufa-
lem > la plu$ belle &: ia plus peuplée ville
de rOiient, & alors particulièrement
remplie , outre k% habitans naturels,
d'une innombrable multitude de gens,
de
furies Apôtres, Sermon IL 517
de tous climats, & de toutes langues»
parce que c'écoic une alliance univer-
felle, qui embraffoit tous les peuples du
inonde , & qui par une fécondité non
jamais veuë auparavant dans la nature,
alloit engendrer à Dieu des nations en-
tières en un feul jour. Quant à ceux , fur
qui le Saint Efprit defcendit au jour dç
cette grande Pentecofte , c'étoient fans
point de doute fes Apôtres. Car c'cft
d'eux que parle S. Luc i qui après avoir
dit, que Matthias fut mis d'un commun
accord au nombre des onze Apôtres,
ajoure maintenant , quV/j- étoienî tous af*
femhle:^dans unntefme UeuAc ne voi pour-
tant pas grand inconvénient en ce que
pofent quelques anciens, qu'outre Ics^"^
douze Apôtres les fix vingt perfonnes,
dont il ell pav'è dans le chapitre précè-
dent, étoient afflî prefens. De fçavoir
s'ils eurent dés lors part avecque les
Apôtres aux miraculeux dons du Saint
Efprit, où s'ils le receurent feulement
depuis par l'impofition de leurs mainsâ
qui le peut dire, puis que TEcriture le
raid ? Certainement S. Lnc nous dit feu-
lement,que le SeiQ-neur commanda à fcs
Apôtres d'attendre le batclme de fon ' '"^^
k k 5 Efp'it
5^8 Be h Befcente du S. E s p R i t
Efpritdanslcrufalcm ; Une parle d'au-î
Clins autres;^ l'excellence de leur mini-
ftcrc fcmble requérir en quelque forte^
qu'ils aiegtreccu cette grâce avant tous
les autres : & j'avoue que cette conlîde-
ration nie fait pancherà la créance de
ceux qui tiennent, que le Saint Efprit
defceudic la première fois fur les Apô-
tres feuleinent.Mais je n'eftime pas que
cette opinion foit ni fi évidente, ni fi uti-
le, qu'il la faille tenir necefïairement. le
croi que le plusfeur eftde poferce que
l'Ecritirre dit5fans fe travailler beaucoup
à recherchercequelletaift. Quoy qu'il
cnfoit5cllenQus apprend que ces bien-
heureux fidèles, à qui le Saint Efprit fe
communiqua , étoient tous d'un accord
dans un mefme lieu. S. Luc remarque
l^Hc 24.exprefremen|: dans fon Evangile , que
f^-^s- lefus avant que de fe retirer d'avec eux
fur la montagne deBethanie, les bénit
&:leurcommfinda de s'arrcfter à leru-
falem jufqucs à ce qu'ils fuffent reveftus
delà vertu d eiihauj: ; qu'en fuite ils fe
retirerentecla ville après l'avoir adoré,
& que pleins dcjoye &: d'cfperance ils
fîemeuroient tous enfemble, hc fe te-
noient continuellement dans le Temple
loiianc
fur les Apôtres, Sermon II. 519
loiianc & glontianc Dieu. Ccft ainfi
q i ils palTcrcnt les neuf jours iuivans. Ec
le dixielme, qui ne fie que redoubler
leur zèle & leur dévotion, crant enfirt
venu, le Seigneur ne retarda pas davan-
tage leur bon heur.ll envoialeO^tfîoTa-
teur promis, qui les treuva fous enfemWe
occupez fans douce en ces faiî^ts exer-
cices de la prière & de la fandifica^ien
dans une parfaite concorde. Remar-
quez, Fidèles, en quelles âmes defcend
rEfpritceUfte. 11 honore de fon falu- ,
taire feu,8d de la bien heureufe prefence
ceux qui font en union,ceux que Tamour
fpirituelle lie &: entretient enfemblc
dans une douce paix.Ceft à ceux là,que
le Seigneur lefusTavoic promis y Si deux "^^f^^^
d entre vo'^ s accordent fur Uterre^ de toutes '^^■^*^
chofeSi quils demanderont il leur fera fait de
mon Pere^cjui csî éscieux Car oh il y a deux
ou trois perfon^ es aff emblée s en ni >n nom , j(?
fu's la au milieu d'eux C eft a cerx- là que
le Prophète avoit donné long temps au^
parafant la bcnedidion &: la vie pour
partage; Tondion facrée du ianduaire
de Dieu , & la rofée de Tes montagnes;
Voici 0 que cejl chofe bonne , ^ que ceji chofe^^'^'''^''
pUifante, que frères s'entretiennent me fines
kk 4. enfcmbli
52.0 De la De fiente JuS.EsvKir
enfimblel C'ejf comme cette huile frecieufe
if^nduè fur la tejle d'Jaron , ^ comme U
rojée, qui defiend fur U montagne de Sion.
Ce Saint Efpiit, Tunique auteur de tou-
tes graces,aime la pjiix & la douceur.- Il
ne à^kç^vA , & n'habite , que dans les
cœurs, où il lacrcuve. 11 fuit les âmes
ficres , &: bruyantes , que la haine &: la
di(corde,lenvie & la malignité tienent
dans un trouble continue) : &r comme
l'EcPtire nous le reprcientedans la vi*
r,/^.i.ic,/^<^^ dTiicil vicni & fe plaift , non dans
les tourbillons & dans les flammes, ea
dr s efpnrs de fci ^ de falpeftre,dans les
violerc(.sdcspafl]ons,maisdansun fon
coy ^ fubtiJ, dans le calme d'un cœur
tranquille , qu'une humble & fincere
charité conferve dans une paix éternel-
le. Chers Frères , imitons l'union & la
concorde des Apôtres, fi nous voulons
avoir part en leur battcfme cclefte. Per-
feverons enfc mble en prieres^ôd bannif-
fant du milieu de nous la difcorde , & la
haine,&: le trouble & la confufion qu'el-
le y met, attendons tous d'un commun
accord avec patience, joye , & douceur,
laccomplifTemenr des precieufes pro-
méfies du Seigneur lefus. G cft à quoy
nous
furies Afùtres, Sermon II. 51Î
nous oblige encore le myftere delà table,
à laquelle nous fommes conviez, de ce
pain peftri de plufieurs grains en une feu-
le mafle, &: decevincoulèdepluiîeurs
raifins en une feule liqueur,pour nous ex-
primer l'image de nôtre union en lefus
Chrift. Si la nature^ou la fortune,comme
on parle, nous a divifezique la main & la
voix du Seigneur nous unifie ,* que refpe-
rance de fes grâces nous raffemble en fa
lerufalcm , tous attentifs à un mcfme def-
fein^tous occupez dans un mefme travail.
Dés qu'il nous verra en cet état, fa Pcnte-
cofte viendra. Il en hâtera le terme, 52
répandra fur nous les faintes lumières de
fon Confolateur. Sur le point qu'il fut
communiqué aux Apôtres, S. Luc nous
raconte , qu'/V fefit foudAinemenî un fon dt4
cielycomme d'un vent fouf fiant en véhémence y
qui remplit toute la maifon^ou ils étoient ap's.
En difant,que et fon vint descieux^il mon-
tre que ce n'étoit pas un vent ordinaire,
produit en l'air par des caufes naturelles^
&: s'il euft été tel on l'euft olii &: fenti
dans lés autres lieux de lerufalem i mais
que Dieu l'avoir forme & envoie des
cieux extraordinairement au lieu , où les
Apôtres étoient aiTsmble? pour eilre
comme
511 De la Defcente dié S. Esprit
çomne i'âvaut coureur & le fourrier (îe
fon S^inr brpiir,ôc pour fîgaifier la venue
& la prcfence de û Mjicllè prcftc à en-
trer dans cette maili^n -, fclon ce que
""^chante le Pfaimifte , quM fait des vents
fcs mcfTgcrs. Amli voiez va«js qnVn la
terre on a ace ûiimè d'accompagner les
entrées des Rovs dans leurs vilh s du {ovi
. de la trompe tre, ^ Ju bruit de l'artillerie,
que Ton tire en telles occafii^ns pour ren-
dre leur venue plus pompeufc5&: remplir
par ce moien les elprit-^ de leurs fujets,
de révérence , d'admiration , &: de joye.
Dieu en ufe à peu près en la mefme forte,
quand il vient manifcftcr fa majcftè à Tes
ferviteurs d'une faffon particulière. Ainfi
dans la vifion d'Elie en Oicb , dont nous
parlions nagneres,rEcriiure dit, que TE-
ternel fil- marcher devant lui un grand
r. J^w vent impetiicux, fenJant les montagnes
X9.1'' &: bnlant les rochrrs&. q j'apres le vent
vmt encore un gjand tremblement ,6^
qu'nnmcdiarcment après pafTa la glo-
jJv-4. ricufe Drcie-K'edu Scg; leur devant tlie.
Ezechicl fembiablemcnc dans la dcfcri-
ptiondecetrefipe.be &: magnifique vi-
fion , dont il fat favonzè, nous parle dés
rentrée d'un vent impétueux, qui vcnoiç
de
fur les Apôtres. Sermon IL 525
,âe devers Aquilon, &r d'une greffe nuée,
Uà'Mn feu encorcillè. Et lorsque Dieu
bailla fa Loy à IfraëUfur le point que fa
majcftè vint la prononcer elle mefme,
TEcriture nous raconte,qu'il y eut dés le
matin des tonnerres , des éclairs, <Sc une
crroffe nuée furlefommet deSinaï avec
un fon de cornet retentiffant fi épouvan-^A^^
cablement,quenon feulement le peuple 'J:^^V
enétoit effrayè^mais la montagne mefme
en trembloit toute depuis le pied jufqu a
la cime, fumante éclairant de toutes
parts. Uufage de ces fignes marchans de-
vant la Majeftè du Seigneur eft pour ab-
batre les cœurs des hommes , 6c les faifir
d'une faintc frayeur, &: les difpofer par ce
moien à recevoir fa prefence avec une
humilité convenable. Ceft ce qui apprit
à Elie à envelopper fon vifage de fa man-
ceîine , fe tenant ainfi devant Dieu avec
un profond refped" à Tentrce de (a ca-
verne ; comme les Séraphins, qui fe cou-
vrent de leurs aides toutes les fois qu'ils
comparoiffent devant la lumière de fa
gloire. Tavouë que ce vent impétueux
qui foufflafoudainement avec un bruit,&:
une violence extrefmc dans la maifon ou
^'toicnt les Apôtres , feryit auffi à cela
' mefniej
ï9-
514. De U Defcente du S. Esprit
mefmejalterant leurs cœurs, &: les rem-
plifiant d une religieufe révérence , afin
que cette grande divinité de TEfprit ce-
lefte, y fuft receuë dignement. Neant-
moins ce n'étoit pas là fon principal ufa-
ge. Aulîi voiez vous que l'Ecriture ne dit
point,qu'ils aient été faifis de crainte;au
lieu qu'elle témoigne expreflement des
Ifraëlites , qui virent les tempeftes 5&
entendirent les tonnerres de Sinaïjqu'ils
-Ex.io. en furent tellement effrayez, que tout
Cremblans ils fe tenoient loin , nofant
approcher de la mpmagne, & prièrent
enfin Moïfe , que Dieu ne parlaft plus à
mb.ii. eux. L'Apôtre fait nommément cette
obfervation ; Vousnejles fas venta , dit- il
aux Chrétiens , au retemiffement de U
trompeté. ni a Uvoix des paroles^ Uquellt^
ceux , ejui toioient requirent que la parole ne
leur fujl pins longuement adrejfic^' Et à la
vcritè cette différence des préparatifs
convient fort bien à la nature de cha-
cune des deux alliances. Car la Loy étant
le miniftere delà crainte &: de la mort,
il étoit à propos qu'elle fLift publiée par-
mi la terreur &: rcffroy,avec toute cette
épouvantable pompe de tonnerres, de
fwdres > de fumées jde îX)iiibillons,de
nue,
l8.
furks Apôtres. Sermon II. 51.3^
nue , d obfcuritè , & de tremble menf de
terre. L'Evangile au contraire étant l'al-
liance de grace5deconfolation5&: de vie,
ilaétcraifonnabie que TEfpritqui Tap-
portoit ici bas,fe prefentaft dans un tout
autre équipage, glorieux ô^ magnifique
àlaveritc, mais doux ôc agréable tout
enfemble; qui donnaft du refped,& non
de rcl&oi i de la révérence , àc non de la
crainte. Tel étoit le fon de ce vent , qui
entra devant le Confolateur , dans la
maifon des Apôtres. Il les ravit ; mais il
ne les troubla point. Illeshumiliaimais
fans les épouvanter , leur reprefentanc
une vertu puiflanre , mais bien faifante.
Car ce vent écoit proprement le fymbole
de l'Efprit , qui leur avoir érè promis;
Douce &: agréable force , dont tout Tef--
fort ne tend , qu'à perfuader &: à fauver.
lefus Chrift leur avoir desja rendu cette
énigme familière, quand pour leur don-
ner les prémices de fon Efprit il avoir
foufflè fur eux,en leur difant , Recevez le ^'"^^ ^^'
Sâifît EJprit i Et auparavant encore lors
qu inftruifant Nicodeme il avoir cxpref*
fément compare l'Efprit , auteur de nô-
tre régénération ^ à un vent-yquifoutfle
où il veut ;> 6c qui fe fait ouïr à nous,fans ^'^'«'^3-S»
que
51^ De U de fc ente daS. Esprit
que nous fçachions d où il vient, ni où it
va. Et ce rapport de la nature du vent
avec celle de TElprit de Dieu eflcaufe,
que TEcriture lui en a donne le nom ; le
mot à'BJprit en fon origine, fignifianc
proprement unfouffle,ou un vent. Car
cette troifiefrae pcrfonne de la fainte ô^
glorieufe Trinité étant incomprehen-
fible en elle merme^l'Ecriture pour nous
Texprimcr aucunement , emploie ce
nom emprunté des créatures. Mais ou-
tre la prefence du SaintEfprit, ce vent
venu foudainement du ciel , foufflant
avecimpctuoliîè, & rempliflant en un.
inftant la maiConoù les Apôtres ctoienc
alTemblez^reprefcntoit excellemment la
iiature,!aqualitè,&^ laftion de la fainte
doflirincjqu'il ailoit imprimer dans leurs
cœurs, pareillemêt defcenduc des cieux,-
& formée dans le fanclnaire de Dieu au
delTus déroutes les cauies naturej-es, &:.
de là foudainement envoiee ici bas, lor^
que To'n n'y penfoit pas,ôi: d*uneefficâce'
toute femblable, qui vole prompteraenG
d'un bout des cieux à Taiurc , perçant 6^
penetrai"k4: toutes choies, comme un vio-
lent &: invincible vent, fans que rien ait
peu lui relîfter, ni arrciler fa courfe , ou
Tcmpef-
De U Defceffte ^// S. E s p R i t 517
Tempelchcrde remplir runivers,&: de
fc fdire fentir dans tous fcs climats^
Apres cette préparation (î magiifique le
Saint Efprit entre lui mefiTie dans l'af-
fcmtlée des Apôtres ; des U/igues âefar->
ties .Comme de ftti , leur apparurent ^Aix. Saine
\j\C'ii^je fûfajur chacun d eux. Vous fça-
vez bic-n,qL)C ces formes de langues dé-*
parties, comme de feu , que virent les
faints Apôcrcs,n*éroient pas la perfonne
mefme du Saint Hfprit ; non plus, aue
la colombc,qui defcendit fur le Seigneur
Icfus a fon buftefme. Car estant Dieu
comme il cftifon effence , eft non feule-
ment invifible à nos yeux, mais mcfmcs
incomprehenfible à nos enrcndemens.
Elle n'étoitpas non plus enclofc là de-
dans. Car bien loin de pouvoir eftrc ren-
fermée dans une fi petite forme , les
cieuxdes cieux ne la peuvent contenir
eux-mefmes. Mais les efpeces, &• appa-
rences des choies externes n'étoient que
les fymboles de la prcfence de fa grâce,
accompagnant l'efficace, dont il agifToit
dans les cœurs, &: fignifiant qu'il y met-
toit des qualitez fpiiituelles, analogues
& proportionnées aux qualitez feniîbles,
qu'elles prefcntoienc aux fcns. Dieu euft
peu
5i8 De la Befcente <a&^ S, E s p r i t
peu bien aifément produire tous ce?
effets dans lésâmes de (es ferviteurs^ les
inftruire de fa volontè,&: leur donner les
facultez,qualicez5&: habitudes , que bon
lui fembloit/ans y emploier aucuns Sym-
boles de cette nature. Mais il en a usé
autrement i premièrement pour les tou-
cher plus puiflamment, nôtre pcfantcur
&: ftupiditè étant telle, que nous ne con-
cevons^que foiblcment les chofes, qui ne
frappent point nos fens. Car qui ne void^
que ce buiffon brûlant, qu il prefentaaux
yeux de MoiTe dans le defert, quand il fe
communiqua à tui, le frappa tout autre-
ment, que n'euftfait Tinliradion d;^ fa
volontè,s'il la lui euft donnée fimplcmec
au dedans fans ce magnifique ligne? Mais
j^ajoûte encore que lemploi de fcmbla-
bles fymboles affermit grandement la foy
& de fes ferviteurs , &: des autres. Car ces
lignes viûbles, qu'ils voient au dehors les
certifient de plus en plus , que les con-
noilîances &: les impreffions,qu ils reçoi-
vent dans leurs ames,font les dons, ^ les
ouvrages de Dieu en eux, & nonles pro-
ductions de leur cfpritioude leur ima-
gination, comme le blafpheme^it le&jpro-
fanes. Et quand ces aides leroi^t inu-
tiles
far les Apotfès. Seri^ôn lî. 519
tiles à leur égard , toujours fervent elle^
grandement à eonveincre Tinipudence
des impies ; qui font fi ingénieux àfe
tromper, que ne pouvant nier , que Ton
ne voie quelquesfois entre les hommes
des elFets , qui furpafTcnt les forces de is
caufes naturelles & matérielles , ils ai-
ment mieux les attribuer à l'imagina-
tion,contre toute apparence de raifom
que d avouer qu'aucune caufe furnatu-
relie, & fpiriruelle agiffe dans leshom^
mes. Mais ces fymboles, dont Dieu ac-
compagnoit fcs vifions , réfutent claire-
ment la refvcrie de ces mal-heureux. Car
il faut eftre pire qu'hypocondriaque pour
croire,qu'un buiflan ardent fur la terre,
^ des langues départies comme de feu^
qui paroiffent dans l'air, & un vent im-
pétueux rettipUffant foudainement une
maifon foient les ouvrages deTimagi-
nation de ceux qui les voient. C'eft-là
Fufagc de toute cette force de fignes en
generaLMais en particulier ils ont ordi-
nairement chacun, leur rapport à la grâ-
ce, dont ils accompagnent le don & l^ef-
fer. Ainfi le buiflbn ardent fans fe coil^
fumer, que Moïfe vid au defert, étôit
lemblefme de ce que Dieu exécuta p^
11 lui^
j'3o *^^ l^ Ifèfcente du S. E s p r i t
iui,c*cftà dire de la confervation d'IC-
raël au milieu des perilsjôc des morts. Ec
la colombe quidefccndic fur lefus , re-
prefentoic la douceur ôdlafimplicitè de
fa nature, & cette debonnairctè fouve-
raine,en laquelle il exerça fa charge. Ici
pareillement ces langues départies comme
de feu -t qui fe pofeient fur chacun des
ApôrreSjOnt une claire analogie aveçque
les grâces , que le Saint Efprit leur com-
muniqua &: avecque le miniftere, auquel
il les confacra. La grâce qu*ils receurent
de luijfut le don de uonvertir Içs nations
du monde a la foy du Fils de Dieu par la
parole de TEvangile. Quelle autre image
îçauriez vous penfer plus propre à rcf/re-
fenter ce don , que des langues départies
comme de feu ? La langue, qui eft le na-
turel inftrument de la parole, fignifîoit
que Dieu leur donneroit la grâce d*ex-
pliquer convenablement fes myfteres , &
qu'il mettroit fa parole dans leurs bou-
ches. La divifion de ces langues reprc-
kntoit la divcriirè de la grâce, qui leur
étoit donnee,fi abondante &: de tant de
formesjqu'il n'y avoir ni myftere qu'ils ne
connuflenCjni langage qu'ils ncparlaiTent.
Enqaoy eft c onfiderabk la merveille de
la
fur les 'Apôty^s. S e r m d n I L 531
la providence de Dieu /qui tourne &
change les chofcs , comme bon lui fem-
bleavec une exquife iagcfle. La diverlitè
des langues écoïc une raaledidion furlè
genre humain. Maintenant il en fait lor-
ganede fa benedidion. Aucresfois elle
avoïc fçrvi à détruire Babel. Maintenant
elle fertà bâtir Sion. Alors Dieu avoir
départi les langues des hommes pour lès
.feparer les uns des autres. Maintenant ii
divife celles de ks A pôtres pour les raf-
fembler, & les Unir tous en ftn Fils. Le
feu de ces langues lîgnifioit Tcfficacc de
la parole donnée aux Apôtres par le
Saint Efprit , & la vertu qu elle avoit d'é-
clairer les entendemcns des hommes^
d enflammer leurs cœurs ,&: de les met-
tre au mefme état, que lavoixdeChriit
avoir nagueres mis ceux defcs deuxdif-
ciples,qui difoient, Notre cœtir»ehruloit-iluiLi,t.
fas àedans noH4\ qumd ilparloit à noH6 par le
chemin f Ce, feu reprefentoit encore la -
.force qu auroit leurdodrine pour confu-
mer la vanité de la chair , & détruire fa
hautefle, U pour repurger &: renouvellet
toutes chofcs. Car vous fçavez que le feu
clementairp a toutes ces qualirez dans la
.4iature. Il éclaire^il échauffe^ il nettoie,
il 1 il
lear.
4-
5îi l>e U Defcefite ^;^ S. E s p r i t
il raffinc,il détruit &: confume , il polit &
perfedionne,felonla divcrfitè des fujets
où il agit.Ceft juftemeru Timage de Tef-
ficace fpirituclle de la doûrine des Apô-
tres.La langue de Moïfe étoit pefante ôd
cmpefckéc. Celle des Apôtres étoit de
feu, le plus adif de toutes les chofes na-
turelles i parce que la Loy, la doftrine du
premier \ ne fait qu'embarrafler les con-
fciences, &: émouvoir fans refoudre; au
lieu que TEvangile, la dodrine desfe-
conds,refout & démcfle le cœur de tou-
tes (^ angoiffes , le confolc , le réjouît &
le vivifie i tous effets , dont une langue
pefante eft incapable. Tajoûte cncore>
que la propriété qu a le feu de fe commu-
niquer fans diminution , fignifioit que la
grâce , que l'Efprit donnoit aux Apôtrcs>
feroit telle , que fans en rien perdre ils
pourroient en faire part à tous les fujets
biendifpofez à la recevoir ; comme en
parloir nôtre Seigneur à la Samaritaine,
difant^qu elle feroit en eux une fontaine,
une vive fource de grâce , de fandifica-
tion,&: de miracles. Enfin ce que ces lan-
gues de feu fe poferent 1 6c comme porte
ïov\^\ïi2\^s aprent fur les Apôtres , mon-
troic^que la grâce de l'Efprit fe rcpoferoic
pour
fur tes A foires. Sermon II. 535
pour jamais fur eux. Les grâces, que Dieu
avoit autresfois données aux Prophètes,
étoient comme des cclairs , qui leur paf-
foient par refprit , mais ne s'y arreftoient
pas.Car Davidjô^ Efaye par exemple n*a-
voient pas toujours le don de la Prophé-
tie. Ils en jouïffoient autant que duroic
leur raviflemcnt i au lieu que la grâce du
Saint Efpritjlc don des langues, & autres,
relidoicnt conftamment dans les Apô-
tres, & étoient en leurs âmes à la faffon
des facultez , ou des habitudes morales,
L efFet, que produifit en eux une commu-
nication fi admirable , nous eft enfin rc-
prefentè parS. Luc en ces motSy ils furent
tot46 remplis du Samt FJprit , ^ commencè-
rent a parler langages étranges -^ ainfi que^
l^EJprit leur don non afarler. Voicz , Fidc-
lesjcomment il n y a rien de vain ni dans
les promeffes , ni dans les fîgnes du Sei-
gncur.Il avoit promis le Confolaceur à fcs
Apôtres ; ô^ il le donna en telle abon-
dance,qu*ils en font remplis.Le fymbole,
qu'il leur en rnontra, Cgnifioit , qu'il mul-
tiplieroit leurs largues,^ leur tailleroit
à chacun la fienne en plufieurs autres ,&
ils en fcntent auflTKCoft naiftre pluCeurs
différentes, àL s*étonnent copament elles
11 3 ont*
ont peu fi foudâinemenc fe formét en fi
srand nombre dans une feule bouché. Er
bien qu'ils le tefientent ^ le voient dans
cette nouvelle lumiere,ils ont de la pêne
a le croire ; &: pour s'en affeurer , ils en
fontreflâyi &: treuvent, qu'ils Tçavent
parler en effet des langues les plus étran-
gères, les plus éloignées de la leur natu-
relle.Tavouë^que des le commencement?
ils avoient receu quelques dons du Saint
Efprir. Autrement ils n'eufTent pas creu
enlefusj'niperfeverè en fa dodrine, & le
Seigneur difoit lui mefme à Tun d'eux
que Ion Père celefte lui avoir reVelè fà'^
connoiflfance , qu'il ne r^sveleque parla
lumière de fon Erprit. le confeflejque
depuis larefurredion de lefus ils en re-
çeurentune plus grande mefure , quand
foufflant fur eux , il leurdit, Receve^le
Stiïnt Efprit: Mais tout cela nVtoitque
des préparatifs hL des eflays , au prix de
ce que leur donna cette divine Pente-
coftc. Avant cela ils croioientj^ mais
foiblement. Ils voioient; mais peu de
chofes. Leur connoiflance étoit fort
confufe. Ils avoient veu les grands mira-
cles de Dieu , la croix & Icïcpulcre du
Chrifti mais fans en çomprçndTC nette-
1"^ menç
fur les Apotrei, Sermon TÎ. 5J5
ment les raifons i nila faflbn du falut,ni
h vraie forme de TEglife-C'eft pourquoy
vous les voyez encore refver n'agueres
après leur imaginaire royaume d'ifraël,
&: fon recabliffcment. Mais ce feu, qui
s'aflic Tur eux , diflipa enfin toutes ces
ombres. Il demefla leurs doutes 5 il re-
purgea leurs erreurs &: leurs imagina-
tions puériles,^ leur fit voir tout ce grâé
myftere jufqu'au fond dans une claire &:
plene lumière. 11 accomplit ceqifcle
Seigneur en avoit prédit j II \cm e/sfeilm'^^^^ '^'
toutes chûfes'y &: leur répéta & déchiffra^ *
Celles 5 quVls avoiené 'dèics^ans ks ëft-^
tendre. 'El en fuite de cette abondante,'
claire 6^ ferme connc^iffance de toùpl^^
fapience &c borne de Dieu en ife^,
Chrifi: , il alluma dan^rèursames uèc;
amour & un zèle incomparable à fa gloiw
re & y confumant le refte des affeaions
baffes & puériles, qui y étoient deméu--
rées , les embraza d'un ferme &: ardéhf
dcfir de reternitè , &c d'une parfaite cha;*
riiè envers tous les hommes. Il leur
donna des Courages héroïques , une ma-
gnanimité invincible , des cœurs de
lyons,& des langues d'Anges. Et com-
me le feu de nos fournaifes fond les
U 4 plus
i^è De la Défient ( du S. Es prit
plus durs métaux, & de maffcs rudes , &
groflîeres en fait de beaux vafes , clairs,
& Juifans.les délices & les ornemens des
plus fupcrbcs maifons ; ainfi cette flam-
me myftique de rEfpritcelcfte reforma
les. Apôtres en un moment. Depuis
qu,eUe les eut atteints , amollifTant &c
tondant ( s'il faut ainfi parler ; toute la
m^edcleur nature, la ne ttoiant & la
raffinant par fa vertu , & la durcifl^ant en
fuite en une toute autre forme , elle en
fit de nouveaux hommes, lesvaiffeaux
4e la maifon de Dieu, l'ornement &le
bpn-heur de la terre, lesinftrumensde
la vic,& delà félicité des homes. Voila,
Çidclesjce que nous avions à vous dire
iur Ihiftoire de la Pentecofte Apofto,
Jjque, Ayons en continuellementTimaee
devant les yeux;premierehient pour bé-
nir le_ Seigneur de ce qu'il a daigné faire
une fi grande grâce aux hommes, leur
ouvrant par la lumière de ce divin feu
lesmyfteres de fa fagclTc , & ks mer-
veilles de fon amour. NVliimez pas,que
nous n aïons point de part en ce bénéfi-
ce, fous ombre que nous vivons tant de
iiecles après les Apôtre;.C'cft pour nous
que leur furent données ce? langues ce^
" Jçftesi
fur les Apôtres, S e r m o n 1 1. 557
leftes; G eft pour nousjque leur fut com-
muniquée une fi miraculeulc grâce. La
lumière qui nous conduit aujourd'hui,
eft toute venue* de leur feu. Et nôtre foy,
5^ nôtre joye j tout ce que nous a\K)ns de
bien en ce.lrecle, & tout ce que nous en
efperons en l'autre , eft coule de leur
fource. Sanslaflammejqui luifit alors fur
eux , nous ferions encore dans les ténè-
bres de l'ignorance, ô^ .dans les abyfmes
de lamort.Remercions donc le Seigneur
dccequ'il a daigne allumer fur la terre
une fi grande , & fi heureufe lumière.
Cheminons à fa clarté , &: ufons de fon
bénéfice. Ecoutons ces langues venues
du ciel, avec une humble dévotion; Re-
cevons dans nos cœurs avecquerefped
le feu qu'elles y veulent mettre. Ne
foions pas fi mal- avifeZj que de mcpr ifer
l'allianee^oii elles nous appellent. Gar
comme c'eftjci laplus merveilleufe des
difpenfations de Dieu^ajuflî eft-cc la der-
nière. Pécheur , fi vous n'en faites vôtre
profit, il n'y a plus de falut pour vous»
Qui avoit outrage le Père , pouvoir eftre
guéri par le Fils i &: qui avoit rejette le
Fils, pouvoir eftre converti par le Saine
Efprit. Mais quiconque a blafphemè
contre
5}S De la Befcente du S. Esprit
contre le Saint Efprit , il n'y a plus de
remiflîon pour lui. Que fi nous avons ho-
noré fa voix 5 & creu fincerement fa pa-
role , réjouïflbns nous , & nous égayons
devanfDieu. Vn rayon de fa lumière,
une étincelle de fon feu, vaut mieux,
que tout réclat &: toute la pompe des
biens de la terre. Car ce feu met la paix
dans toutes lésâmes, où il loge v II en
chafTe Tennuy , & les délivre de cette
importune inquietude,qui rend tous les
autres hommes mil heureux.Mais com-
me cet Efprit eft pur &: faint , que nos
joyes foient auffi de mefme, divines &:
fpirituelles. Arrière de nous la brutalité
des lujfs, qui ne mettent toute lajoye
de leur Pentecofte, qu'en la chair, &: au
vin,difant mefmcs effrontément, que
fans chair ilnya point de réjouïflance.
Vôtre joye , ame Chrétienne, eft d\ine
toute autre nature. Elle n'aîftde TEfpric
d'enhaut; elle fc nourrit dans fes pures
fiammes. Chrift avec fon ciel en eft i*u-
jnique fujet.Mais puis que le Saint Efprit
ne fe communique pas tout aune fois;
puis qu'après le fouffle de Icfusjil a en-
core un autre feu à nous donner;ne vous
coHtcntez pas , Fidèles, de la part que
VOUjJ
furies Apkres. Sermon II. 539
wù^ en avez dés-jà reGeuë,* fotez con-
vDÎteux de fcs grâces. Ne dites jamais,
c'eft affcz. CroiflTcz de foy en foy , d'e-
fperance en efperance. Apres les mietes,
demandez lui le pain entier ; lesftam-
mes après les étincelles; l'ardeur & le
zèle après la connoiffance ; la magnani-
mité après Taffection ^la jcye & le con-
tentement après la foy. Et fi vous lui de-
mandez fes grâces inftammcnt 5^ hum-
blement \ il vous les donnera fans faute.
N'eftimez pas qu'après !a fanftification
des Apôtres , il fe foit retiré dans les
cicux. Cette heureufe Pentecofte,qui il-
lumina le monde de d ffu^ la montagne
de Sion ,durc encore aujourd'hui. Ce
vent qui remplit alors la maifbti , fouffle
encore dansTEglife , ^ ce feu, qui s'afTit
fut les Apôtres, luit encore au milieu de
nous. Le grand ConfolateurvFEfprit de
lefus yeft prefent, preft afe pofer fur
nous,&ànous donner fon feu &: fa In*
miere, fi nous rappelions &: l'attendons,
comme firent les Apôtres,avec une vive
foy, une ardente charité, & une concor-
de ^ union vraiement fraternelle. Le
pain & le vin de cette facrée table nous
font meftncsde*fymboles de faprescce.
Car
540 'De U Befcente J« S. E s p r i t
Car comme il accompagna de la vérité
de fa grace^lcsfigncs , & les marques ex-
traordinaires , que les Apôtres virent à
ces commencemens de rÈglife ; aufli ne
manquera-t-ilpas maintenant d'accom-
pagner nos Sacremens de fon efficace. Il
vient avecque Teau de nôtre battcfme,&:
nous donne efFcftivement la netteté & la
nouveauté de vie , qu'elle nous promet.
Il vient avecque le pain & le vin de nôtre
Cène, & nous donne vraiement la vian-
de & le breuvage, que reprefentent ces
éleroens ; Et Saint Paul nous le montre
^f.^,^affez lors que faifant allufion à la coupe
17. facrée , il dit que nous avons tous et} ah-
breuvez de CEJprit, Qu'il vienne donc ce
divin & éternel Efptit du Père & du Filsi
qu'il vienne , & qu*il accompagne fes in-
ftitutionsjfa parole,& fa Cenei& qu'il ac-
complifTe en nous tout ce qu'elles nous
reprefentent. Qu'il repofe fur nousxom-
me autresfois fur les Apôtres i Qu'il
cclaire & échauffe nos cœurs , les rem-
pliffant de fa lumière &: de fa joye, &:
gouvernant toute nôtre vie à fa gloire ôç
à nôtre falut. Amen.
J>Z 14
Î4'
DE LA
DESCENTE
D V S AINT ESPRIT
SVR LES APOTRES.
SERMON T'KPISIESME.
Sut lc3 vcrfets 5. 6. 7. 8. 9- 1° n-i2'.i5
du Ghap. 1 1. des Ac T E s.
5. Or y avoit-il des luifs [ejûtêrHons tn
lerufdem , hQmmes dévots , de toute nation^
qui efi fous le ciel.
6. ^^pres do»c que le huit en fut fait y
une multitude vint enfemblc^-i Uquellefut
toute imeué\ pourtant qu un chacun Us oioit
parler en leur propre langage^.
7. Dont totisétoient étonnez^ ^ semer^
veilloient^dtfans l'un k l'autre^ \ Voici tous
ceus qui par le '/Jt ne font ils pas Gaiiléens?
8. Comment donc un chacun de nous les
cious nous parler en notre propre langages -^
auquel nous fofnmes nais?
9. Parthtens , ér ^ediens , & ElamiteSy
^ ncus qui habitons en Mefopotamie -ié en
îudécjy
^(\.z De la Befcente du S. Esprit
luSe y& tn Cappadoce , ?ont ér Afic_^.
10. Et Phrjgie ,' c^ Pamphylie-, e^ Egypf^y
Cr dans les pattes de Ljbie qui ejl à l'endroit
de Cjrenè-, à* ^^^^ -> cjntnous tenons à Rome ;
11. Tant luïfs , que Profelytes ; Cre teins
é* Aréihes , nous les oions parler chacun en
9J0S propres langues les chofes magnifiques
de Dieu,
il. ils étoient donc tous étonnez ^é" »e
fçAv oient que penfer^ difans l'un à l' autres ^
c^e veut dire ceci ?
Vy Et les autres fe mocquanty difoient^
Ceji quils fantplems de vin doux.
Hers Frères;
La mort du Seigneur IeCus,dont nous
avons eelcbrè ce matin la bien-heureufe
mémoire , a été la vraie caufe de cette
admirable dcfcente du Saint Efprit fur
les Apôtres, qui arriva cinquante jours
après, au propre jour de laPentecofteé
Ce fut la croix de Chrift, qui ouvrit le
ciel , àc qui en tira ces divines eaux de
lumière âidcjoye, dont rEglifeaétè
battizéc. £t comme autresfois dans le
delcrt
fur les Apôtres. Sermon HI. 545
dcferc la verge de MoïTe changea la nar
ture du rocherjô^ quelque dur qu'il fuft,
le fondit en une fource iî vive ô2 fi abon-
dante, qu elle fuffit pour abbrcuver tout
l'ancien Ifraëh de mefnie auflî lefus , la
pierre éternelle, aiant été frappé en la
plénitude des fiecles , de la maledidion
de la Loy, c'eftàdirede la mort, qu'il
fouffrift en la croix y a répandu dans le
monde, qui n'étoit avant cela qu'un de-
fert fterile bL altéré , ces rivières falutai-
res,dont Efaye avoir parlé fi long- temps
auparavantiqui ont rqouï la terre,arrosè^"^'^'^*'
&; abbreuvè le fécond Ifraël de Dieu. Et
bien quife cette grâce cekfte nous fbit re-
prefentéedans les Ecritures, &: dans l'un
4e nos facremens fous la fig.ire & fous le
nom d'eau , à caufe de fa pureté &: de
Tefficace qu'elle a pour neccoier &: ré-
générer les hommes, fi eft-ce qu'elle a
auflî la force & la proprietèdn vin. Elle
fait oublier lafauvrete aux miferables , ^ la '^^f^- J^-
pe/tea ceux qui ferijfent. Elle charme tous
Jesfoucis, àc meclaconfolation, & la
gayetè dans les amcs defolcfes. Elle délie
les langues les plus rudes,&: donne de la
tiardieife aux plus timides.C'eft elle qui
réjouît vraicn^cnt le cœur de L' hcmme \ àc ^,'^^^
i'Oil
544 ^^ ^^ Befcente du S. E s i» r i T
Ton en peut dire fans hyperbole ce que
^, lotam difoit autresfois du fruit de la vi^
^ gne,^//V//é' eHUjoje de Dieti (jr des homes.
Auflieft-ce cette divine liqueur quen- '
tendoit le Seigneur lefus^quand il difoit
à fes difciples fur le fujct de la coupe de
^ fa famte Ccne 5 le vous dis que depuis cette
26.2^'. heure je m boirai fins de ce fruit ici de vigne
jufquA ce jour4a , que je le boirai nouveau
avec que vom au Royaume de mon FereX^ovi
il paroift> que les profanes , qui difoient
que les Apôtres et oient pleins de vin doux^
rencontrerét mieux, qu'ils ne penfoient.
Ce'toit vraiement du vin , ô luifs incré-
dules, quioperoit de fi étranges effets
en euxi mais un vin nouveau, &touc
autre^que n eftcelui que vous entendez^
Ceftunvinjqui échauffe rame,mais fans
la troubler; qui la réjouît, mais fans la
tromper;qui la remplit , non d'erreur , ôd
de fauffesvifions, mais de lumière &:de
vérité. Le vin auquel vous pcnfez, noie
àC engourdit les fens i Celui ci lesrc-
veille.L'autre éteint la raifon&la pru-
dence ; celui-ci met la vraie fageffe dans
nos cœurs. L'autre gâte ôides-honore
nôtre naturcjchangcant l'homme en une
bcfte^ ou en une idole 5 Celui ci nous
relevé
furies Apkres. Sekmom III. 54 j
relève au delfus de nous mcfmes , &:
d'hommes nous tiansforme en Anges.
Aiancdoncauffi beu de ce vin celette
par la grâce du Seigneur en la facrée
coupe , donr il nous a feftinez ce matin,
j'ai eftimè qu'il ne fera pas hors de pro-
pos dcmploier cette heure à confiderer
les mouvemens, ^lesaftions, que ce
nouveau breuvage praduilît dans les
Apôtres immédiatement après qu'ils en
curent pris les prémices ^ pour les imiter
déformais chacun félon la mefuré àc la
portion,qu^ le Maiftre nous en a donnée*
Nous vifmes Dimanche dernier la def-.
cente de ce précieux don , envoie du ciel
en la terre.Nous le vifmes fe répandre
dans les Saints Apôtres , comme en fcs
propres vaifTeauXjformez & préparez à
cela par la mifericordc Ac Dieu;&: nous
côfiderafmes les premières impreflîonsj
qu'il fit en euxilcs lumières & les vertus
extraordinaires ^ dont il les reveftit en
un inftant. Maintenant pour bien en-
tendre la fuite de ce miracle contenue
dans le texte de Saint Lucque nous ve~
nonsdc vous hre, nous méditerons s*U
plaift au Seigneur, deux chofes Tune
après fautre ; premièrement ce que
m m firent
54^ ^^ l^ Defie^uda S. Esprit
fi'cent ks Apôtres après avoir receu le
Saint Efprit i c cft qu'ils prc(chcrcnc l'E-
vangile au peuple alors affemblè en la
ville de lerufalemi fecondemcnt quels
furent les mouvemens du peuple fur
cette predicaxion , affavoir Tadmiratioa
des uns ,&: la moquerie des autres. Ecoii-
tons le tout avec une religieufc atten-
tio i^priaat le Seigrieur qu'il nous falfe la
grâce de profiter en fon école , d admi-
rer de p!us en plus le myftere de fon
Chrifl:& de rapporter ce qj'il nous en a
reVelè,a fa gloire , à nôtre confolation,
&à Tedification de nos prochains, de
quelque langue^ou condition qu'ils puif-
fent eftre. Qy ^nt au fait des Apôtres,il
paroift clairement par le tiflu de cet-
te narration de Saint. Luc , qu'incon-
tinêt après avoir été battizez de i'Efprit
de la promcfTe , & reveftusdcla vertu
d*enbaût,ils fe mirent à prcfchcr TEvan-
gile de leur Maiftre ; & encore qiie cela
ne foit pas nommément exprime , il y a
neantmoins grande apparence, que ce
fut dans le Tempîe, qu'ils firent leur pre-
mière prédication , vcu que c'étoitle
lieu ^ où félon le rapport de Saint Luc ils
étoicnt le plus fouvcnt, &: preCque afli-
ducmenr
furies Apôtres. ^'B.KUOri III. 547
duëmcnc depuis, rafcenfion de lefbs.
Chrill au ciel. De là lebrtiic de cette ^3
ineiveiile s'ctanc cpandu par toute la
ville , attira une grande multitude de
gens, luifs ô^ Profclytes de toutes lan-
gues bL nationsi qui entendant eux mcf-
mes les Apôtres prefchaas'j rcconnurene
rétrangc changement arrivé en leurs
perfonnes i d ©ù naquit la contufion 6c
rétonncmcnt, dont nous aurons à par-
ler dans la féconde partie de cette adlîo.
Mais en celle-ci nous avoris à confide-
rer premièrement la matière, &;puis li
forme de cette prédication des Apôtres.
S.Luc nous apprend qu'elle eh croie la
matière , quand il dit , (\uilsfarlûierit les
ehofes magnifiques de /)/>//, u Tant d*un mot,
qui fignifie dans le langage de TEcriture,-* ^^^
grandeur^majeftèjô^ magnificence, ou *^^''*
des ehofes hautes 5 & relevées > comme
au premier livre des Chroniques, quand
David remerciant le Seigneur de ce
qu'il le combloit d'honneur bc de gloire,
èc établiiToit fon alliance avecquc lui^-^^-'^-^'"''
par une admirable bonté, die , qu'il en a *
usé de la (ont four f tire co^miUre toutes
fes grandeurs i & dan* les Pfeaumes iî ap-
pelle ainfi la gloire., qu'il efpcroit du^-'-*'^*^'
m lu % Seigneiii:
54^ Delà l>efceme du S. Esprit
Seigneur , diianc , que Die% accroijlra fes
grandetirs. Car les interprètes Grecs ont
emploie en ces lieux le mefme mot, que
nous lilbns en celui ci. L'auteur de TÉc-
clefiaftique , qui a écrit en ce langage,
hcvi fert affez fouvent pour fignifier les
œuvres , ou les proprietcz de Dieu les
plusilluftres, &: les plus merveilleufes;
comme quand il dit en parlant de la pu-
blication de la Loy, que les yeux des
I7.IO.V Ifraclites virent U grmdeuf-i ou la, m^gm-
i8. ?. /(f^/?r(? de la gloire de Dieu i &: lorsque
!^'"!^^ parlant des myfteres de fa providence.
42. 28. ^î elï-ce 5 dit il. tj/ui fondera ces magnifia
^ *^^' ce?9ces f &c ainfi ailleurs. Ici fuivantce
ftile il n'y a point de doute , que S. Luc
par les magnïficence.s , ou les chofes magm-
f que s de Dieu , n'entende les myfteres de
l'Evangile , les qualicez dii Seigneur,qui
y font manifeftées , &: les œuvres , qui y
ont été exécutées, fon infinie amour en-
vers le genre humain , lenvoy de foa
Fils, fonaneantiffcment jfamortjfare-
furredion^fon afcenfion,fa divinitè,&: la
grâce & la gloire préparée à ceux qui
lui obcï{rent,&: en un mot tout ce fecrec
de pieté , que S. Paul appelle grdndfAns
con(redit,'6C dont ilnous propoic briève-
ment
fur les Apôtres > Sermon III. 549
ment ces principaux ^ plus neceflfaires
articles , Dieu mamfcjle en chair ^]ufiife en ^-^'^-l^
E(prit ^ vendes A^ges -.prefche auxGentilsy
creu au monde-^ ér élevé en gloire^ . E a e fFe c
bien que les œuvres de Dieu tant en la
création &; confervation du monde,
qu'en rétabliffement de Tancienne al-
liance au milieu d'Ifraël, foient toutes
grandes & magnifiques, & telles, que
1 on ne peut nier , qu'il n'y ait déploie en
diverfes faflbns tres-illulires les mer-
veilles de fa puifTanccde fa bonté &: de
fa fageffe; fi faut il avouer pourtant i que
celles de TEvangile font tout autrement
hautes & fublimes ; & qu'au prix de la
vive & ineffable abondance de la gloire,
qui y refplendit de toutes parts , les au-
tres manifeftations de Dieu ne font que
de petits crayons,dcs ombres, & des ex-
pteffions obfcures de fa divine grâdeur.
D'où s'enfuit, que c'cft à bon droit,que
les chofcs de l'Evangile font feules nom-
mées les magnificences de Dieu i à raifon de
leur excellence & eminence au defius
de tout le refte. C'cft pour la mefmc
confideration , que S. Paul en parle tou-
jours avec tant de porape , &: de digniic,
les nommant les abondamment excellentes ^':^^^^
m m 5 richejfes
55c> I^U Befcente ^« S. E s p r i t
riche (fcs ^e fa grâce &: les riche ffes wcompre-
r^^'^^- he^fibles de chr^Jl, & difanc que TEvan-
Epkif. ^^\c cft un myfiere teu dés les tmps jadà , ^
r;r.^ 4 ^^^^^^'^ ^^-^ e/2fa?is des hommçs dans les ati"
r "• 'W/^^^rj,lemyIlerc, où C amour é Uhe^
-^"^•'"giig^jif^ ^g j)lf,i^ „*fj,g Sauveur envers Ic^
hommes eji apparue , ou la vie (jr Cirnmorta-
liù ont été ?ntfes en lumière; où reluit U
^tbr.io, vive image des chofcs j dmt la Loy navoit
ï- ^ne les ombres\^i\c c cft lapuiffance de Dieti
A falut, le minîjlere de l'Efprit.dela jufttce &
^nm.i. delà vie, le miroifer, ou nous contemplons la
Tcor. 3.<?^^^'^^ ^^ ^^^« ^/^^^ découverte , é-y fommes
'^.s^.iS. transformez en U me fme image de gloire en
gloire, comme deparfonEfprilCc fut donc
çét Evangile, que les Apôtres prefche-
rentiilorsdans lerufalem publiquement,
à la veuc &: à 1 Wïe de tou.s,dans le Tem-
ple mefoie , le lieu le plus liluftre, le plus
cclairc, -^^ le plus fréquente, qui fuft en
toiitrOrient. O admirable changement:
Nagueres ils çachoient honteufêment
leurs livrées i ils fuioient lâchement
î-nefme en la prefencc de leur Maiftre.Le
moindre vent leurfaifoit peur, Jufques-
jà que la voix d une fimplc fervante fit re-
lier le Seigneur avec exécration à celui
4-eux tous 5 qui fcmbloit le plus ardent,
Bici^
fur les Apôtres, S^KUotJ III. 551
Bien loin de le prefcher ils faifoient mef-
me fembiant de ne le pas connoiftre*
Maintenant ils fortent de leurs cachet-
tes,& cherchent ceux qu*ilsfuioicnté Ils
vont dcfier ceux qu'ils craignoienc , 6c
comparoiflent hardiment devant cet
amas d'enragez > qui avoient fait mourir
leur Maiftrc , & qui avoient encore les
mains toutes rouges de Ton fang, &:Jes
cœurs pleins de fureur après une impiété
fi horrible. Ils ne coniîderent ni leur
multitude, ni leur rage; ni lapafîîon de
leurs Magiftrats, ni les glaives de leurs
Gouverneurs, ni leurs foliets , ni leurs
croix, ni leurs pierres, ni leurs feux. Ils
leur juftifient celui qu'ils avoient con-
damné; Ils glorifient celui qu'ils avoient
flcfi:ri & dcbhonorè , adorent celui qu'ils
avoient blafphemè, élèvent dans le ciel
celui qu'ils avoient cloUè au plus infâme
de tous les gibbcts. Ils les preffent de re-
connoiftre leur erreur, &c de fervirreli-
gieufement avec eux , celui qu'ils avoient
fi cruellement crucifié. Oui entendit
jamais parler d'une li grande merve^lle?
Certainement quand il n'y auroit eu que
cela , c'eft aflez pour faire voir à toute
persôn e d ef{>rrt Ron preocupè>que c'écoic
mm 4 wne?
J5X Df U Befcente ^/^ S. Es p r i t
une force ancre qu'humaine , qui pouflbic
& conduifoic Je cœur &: la langue des
Apôtres de lefus. Mais pour fiircroift de
miracle il faut confidercr la forme de leur
prédication , qui n'étoir pas moins étran-
ge que fa marftte.Car Us parloient de ces
chofes magnifiques de Dieu à des gens
de diverfes nations & langues, en telle
forte , qu'ils écoient entendus d eux tous,
Surquoy Ton fait une qucftion, ne'e non
de Tambiguitè, ou perplexité du texte
facrè, qui eft fort clair en cet endroit,
mais de lopinion de quelques anciens,
dont le nom eft célèbre dans TEglife
Chrétienne. Car Ion demande, files
Apôtres parloient les langues de tous les
peuples alors aflemblez, ou fi ne parlant
que leur feule langue maternelle , ils ne
laifToient pas dcftrc entendus par toutes
ces perfonnes de différentes nations.
Quelques anciens ont fuivi ce dernier
parti, où leur authoritè a range grande
quantité de Dodeurs modernes de la
thryi: communion Romaine, Ils difent donc
^m^n.& ^"^ ^^"^ ainfique félon la tradition lu-
ai*ms, daïque rapportée par lautheur du livre
^P-^^' de la Sapienccjla manne, que Dieu dôna
T^ux Ifraclitcs dans le dçfcrt^avoit en clic
la
fur les A^atres. S E r m o t4 1 1 i. 555
îa force de coûte forte de delices,&C s'ac-
commodoic au goiift de cous,ô^: s'attrem-
pant à leur delîr ferabloic eftre à chacun
en particulier la viande qu'il aimoïc le
mieux, & n'ecanc qu'un fçul &: fimple
aliment en fa fubftance, en étoicpki-
fieurs en vertu S^ en qualité ,* de mefme
aulïî le langage, que les Apôtres par-
loient en cette affemblee, bien que ce ne
faft qu'un feul langage au fond &: quant
à la forme & au fondes paroles, avoic
neantmoinsia force & la vertu déplu-
fleurs , fe pliant & fe conformant telle-
ment à la portée & intelligence de ceux,
qui récoucoient, que chacun d'eux le
prenoit pour le fien naturel. Ils veulent
par exemple que S, Pierre prononçant
cts paroles de Texhortation , qu*il fit,
Homrnes ifraèlites^ les prononçant dis je
une feule fois en Hebreu> chacun des af-
fîftans les prenoit pour des paroles de la
langue maternelle ; que le Grec les re-
cevoir comme paroles Grecques,* que
l'Egyptien y treuvoic le fon des termes
de la langue Egyptienne, qui retidentce
mefme fens ; que le Parthe & le Perfe,5«:
l'Arabe les entendoient chacun en fon
idiome. Vne feule voix fe changeoit en
pluficurs
5^4 ^^ i^ Befcente <flf// S. E s f r i t
pliifieurs diverfes formes , & félon les
oreilles , où elle tomboit , devenoic
Ebraïquc, Egyptienne, Arabcfquc> ou
Perfienne i tous y concevant un mefme
fensibien que s'ils euffent etè obligez à
l'expliquer de la langue, l'un leuft ex-
primé en un mor,&: lautrc en un autre
tout différent i comme vous voiez,qu*en
montrant les carafteres de nos chiffres
à desgens de diverfes nations Ailemans,
François , Anglois,Efpagnols,&: Italiens,
ils entendent tous le nombra^qu'ils fi-
gnifîentjfi c'efl un trois , ou un quatre,ou
un dixibien que s*il cil queftion de nom-
mer le nombre , ils Tcxprimcnt en mots
differeîiSjChacun lui donnant le nom u(i-
ic en fa langue. Mais quant à cela,il n y a
aucun miracle , cette commune intelli-
gence naiffant de ce que toutes ces na-
tions de rOccident fc fervent de mef-
mes figures en écrivant,; mais non de
mefmes mots en parlant polir fîgnifîer
les nombres ; au lieu que le changement
des fons, qui rendoit alors le fens des
Apôtres intelligible aux pcrfonnes de
diverfes langues , &: nations , arrivoit en
leurs paroles par un extraordinaire &:
;niraculeux effet de la toute puiflfance
divine.
ur les Apôtres. S ex m on: I II, 5^-
j^ivine. le n'aurois pas fi long temps in-
fiftèfurune imagination fi étrange, fi le
noni &: raïuhoritède ceux qui l'ont mue
Cîl avant , & de (feux qui Tout défendue
ne m'y avoit obligé. Mais pour bien r
foudre la queftion, j'eftime qu'il faut tu
tout pofer ces deux chofes, comme cl ^.
resjcertaines &: indubitables; L'une que
les Apôtres receurenc du Saint Efprit \c
don d'entendre &: de parler diversion-
gages; L'autre qu'ils uférent de ce do !
&: parlèrent en effet divers langages
dans cette aflembjée de laPentecotle.
Car pour le premier point, que ce feu c®--
leftcjdont ils furent battifez, les ait ren-
dus capables d entendre &: de parler lei^;
langues des autres peuples différentes
de la leur , la forme des langues divifeci
& départies, en laquelle il leur apparue,
* le montre évidemment; & S. Luc le pro-
nonce expreflement, quand après avoir
dit, qu'ils furent remplis du Saint Efprit,
il ajoute immédiatement qai// commen-
cèrent a parler langages étranges. E t q u a n d
ni la forme dufigne, ni le témoignage
de l'Evangelifte ne nous l'auroiçnt pas
appris, toujours me femble*t-il qu'il n'y
ayroit point d apparence de le nier- Car
cette
55^ jD^ l^ Befcente du S. Es P r i t
cette cfFufion du Saint Efpric fur le$
Apôtres leur ayant été promife comme
leur grande & dernière perfedionpour
les rcveftir de toutes les grâces , donc
Dieu enrichit fon Eglifc à ces commen-
cemens, & qui leur croient particuliè-
rement neceflaires pour l'exercice de
leur Apoftolat > qui croira qu'entre les
autres dons celui des langues , fi excel-
lent & fi utile pour femcr l'Evangile
dans le monde, ne leur euft point été
donné? Certainement c'eft Tune des gra-
ces,que Ictus Chrift promit aux croians;
^'^^^^Cefom iiij à'wiX^lesfignesquiaccdmpa"
gneront ceux qui auront cr eu \ Ils jetteront
hors les diables far mon nom \ ils parleront
nouveaux langages ; c'eft à dire comme
cnacun void, des langages qu'ils n'en-
^^ j^ tcndoient pas auparavant. Et S. Luc ra-
1^5.46. contera cy- après, que Saint Pierre étant
venu à loppe en la maifon du Centenier
Corneille, le Saint Efprit defcenditfijr
ceux qui Técoutoient, & qu'ils parlèrent
divers langages5&: S.Paul met le don de
parler divers langages, &: de les inter-
préter, entre les grâces que le S. Efprit
-^ rcpandoit alors fur les fidclcs, & l'alle-
10. juc entre les dons les plus merveilleux;
fur les Afotres, Germon il l. jj7
^mndbieny ait '\\, je parlerais les langages ^-^^^-^r
des hommes, voire des Anges , & que je naie *
foint charité , jefuis comme t airain qui re-
donne : & ailleurs il tefmoigne, que Dieu
lavoit particulièrement enrichi de cette
gtSiCCyqu il pariait plus de langages^ que les j ^^^;
autres fidèles. 11 f^ut donc tenir pourx4is.
indubitable, &: que les Apôtres receu-
rent le don des langues, & qu'ils 1ère-
ceurent le jour de la Pentecofte, puis
qu'alors le S. Efprit les reveftit de toutes
les parties neccflaires tantàTufage, qu'à
Tornement de leur miniftere.Mais je dis
en fécond lieu qu'aiant receu ce don , ils
en uferent aufli le jour de la Pentecofte,
&: parlèrent divers langages en effet. Ec
les paroles & les circonftancçs de ce
texte le montrent évidemment. Car
S. Luc le dit formcUeraenrjComme nous
l'avons rcprefentè, aflavoir que les Apô-
tres parloienî langages étranges , ainfi quc^ Mi.i,^
t EJprtt leur donnait à parler ; & il raconte,^-
que de ces gens de diverfes nations , qui
fe treuvoient alors en Ierufalem,chacun
les ûioitparler en fon propre langage, 11 ne
pouvoit dire en termes plus exprés,quil$
parloient en divers langages , autres que
le leur naturel. L'étonneraent de ces
peuples,
55? T>e U Defcente dû S^EsPkît
peuples > &:la caufe qu'ils en allèguent^
conclut aufli la mefmc chofe. To^i ceu^ el
quiparlem , difcnt-ils , ne font- ils f as GaU-
ieens ? Comment àonc un chacun de noU6 les
û'ions nom parler en notrepfopre langage ? où
vous voicz, qu'ils opporeac lanacion des
Apôtres à Icurlangdgeiiîgueevidentjque
]e langage qu'ils parloienc-étoit autre que
celui de leur nation,c'cllà dire autre que
le Galilcen. Et s'il en cuft été autrement,
le miracle euft ctè non de la parc des
Apôtres(carccn*efl:pas merveille que des
Ebreux parlent Ebreu, des Galilécns Ga-
liléen ) mais plûtoft en ceux qui les écou-
toient 3 car c'eft de vrai>ane chofe digne
d e'tonnenient , qu un Pardie ou un Egy-
ptien,qui n a jamais appris autre langue,
que celle de fa nation , entende le langa-
ge d'un homme qui lui parle Ebreu , ou
Galiléen. A ce conte il cull fallu direy
que le Saint Efprit étoit defcendu fur ces
peuples plûtoft que furies Apôtres;&: les
profanes fe fuflent moquez de ceux qui
e'coutoienr plûtoft, que de ceux qui par-
loicnt.Celamelmc qu'ils difent, que les
Apôtres 5 font pleins de vin doux , montre
claircmcnrjque ce qtâ'il y avoit d'étrange
en ce fait ctoit au parler des Apôtres, &:
non
fm les Afotres. S e rm o k 1 1 î. 559
non dans l'ouïe , &: intelligence des peu- ^^^^.^
ples.Ec quant àcequc-quelques-uns op-c^r^^.
pofent , que c eft une chofe impoflible 6^'*^^*
contradidoire^qu'un mefme homme par-
le divers langages en un mefme moment;
ceft une ob)caion frivole. Car S. Luc
ne dit pas,que chaque Apôtre parlaft en
un mefme moment les divers langages de
cous ces peuples à la fois (ce qui feroit à
la vérité une chofe ridicule, monftrueufe
& inimaginableOM lis il dit feulemé',quc
les Apôtres parloient les chofes magnifi-
ques de Dieu en la langue de chacune de
ces nations. Or qui nous cmpefche de
concevoir, ou que tandis qu*un Apôtre
cntretenoit par exemple les Egyptiens
en leur languc,un autre parloir aux Perfes
en la leur,un autre aux Parthes , unautte
aux Arabes pareillement , &: ainfi confe-
queramenc desautres> tous parlant en un
mefme tempsjmais en divers endroits &:
cantons du Temple , Ô^ à diverfes gens,
chacun à raflemblée d'une nation ? ou
<ju*un meime Apôtre parlaft tantoftà une
nation,& tantoft à l'autre , félon qu'elles
fe rendoient prés de lui , à chacune en fa
propre langue? Mais ces chofes ainfi prc-
iuppofécs pour certaines ôt indubitable*-,
copime
^6o De la Befcente du S- E s p r i t
comme nous venons de les montrer, fî
quelqu'un s y accordant ajoute encore en
troiiicirne lieu, que lors que S.Pierre prie
la narole5& que les autres Apôtres fc tai-
fant, il parla feul à ralTemblée générale
de toutes ces nationsjil arriva par un fur-*
croift de miracle, que fon diicours bien
que prononce en une feule langue, fut
neantmoiusau mcfme moment entendu
par toutes les nations là prefentes , Dieu
éclairant extraordinairemenr leurs en-
tendemens, & leur donnant par une nou-
velle lumière, Tintelligence de ce qu'ils
n'euflent pas compris autrement \ fi quel-
qu'un dis je, veut ajouter cetroifiefme
pointjje n cftime pas, que nous y devions
beaucoup refiftenconfeflant pourtant in-
genuëment, que je ne voirien dans ce
texte , où Ion puifTc fonder ou appuyer
cette conjefture avec quelque fermeté.
Car ce que di/ènt les troupes qu'elles en-
tendent toutes dans les difcours des
Apôtres les chofes mcig^iifïques de Dieu ^x\z
nulle difficulté , étautpns comme nous
l'avons expose, qu'elles entêdoient toutes
les Apôtres , parce qu'ils leur parloient à
chacune en fa langue. Et la harangue de
S. Pierre , bien que prononcée par lui en
un
fur les Apôtres. SerMoist III. 5^1
un feul langage pouvoir âifémenc venir
à la connôiflartcc de tous ; parce que la
plufparc des aflTçmblez entendant la lan-
gue Ebraïque, dont la religion &: le zélé
du ludaïfmc leur recômandoit l'ufage^
& y aiant grande apparence > que ce fut
ceile , que leur parla S. Pierre ; ils pou-
voient interpréter fon difcôirs chacun à
ceux de leur nation , qui ne rcntédoiene
pas. loînt qu'il n'y auroit nulle abfurdirë
à dire , que S. Pierre ou les autres Apô-
tres prirent la pêne d'expliquer ces mef-
mes chofes , qu'il prononça au coniiiien-
cemenc en Ebreu,de les expliquer dis-
je, puis âpres en 3'autres langues, afin
que chacun des afliitans les peuft en-
tendre. Soit donc ccMclu, que les Apô-
tres annoncèrent l'Evangile du Seigneur
lefus aux nations, qui étolent alors dans
lerufaleiTijà chacune en fa langue natu-
irclle. Venons maintenant à l'effet que
produifit cette miraculeufe prédication
dans les efprits de leurs auditeurs i Et
pour le bien entendre il nous fautconiî-
derer d'entrée i premièrement qui ih
etoient , & puis quelle ctoit roccafion^
qui les avoir tous affcmblez en ce mel-
me lieu; Pour le premier, S. Luc nous
h n rcnfcigoe
5^1 De U De fiente ^» S. E s p R i T
l'cnfeigne très exademenc ,• nous décla-
rant quel écoic leurpaïs, quelle leur lan-
gue &: leur nation , éi leur religion. Leurs
patries &; leurs langues étoient fort di-
verfes, fe treuvant des gens dans cette af-
sêblée de la plufpart des pais, qui étoient
alors connus dans l'empire des Romains,
& dans les provinces voifines.S. Luc nous
l'exprime par une faflbn de parler hyper-
bolique , en difant , c^ily en avoit de tou-
te nation qui eft fons le ciel ; en la mefme
forte 5 que le Seigneur dit aux Ifraëlites,
qu'il s'en alloit répandre la crainte d'eux
bL de leur nom 5 {\iv les peuples qui étoient
^^^- ^ fiu6 tom les deux i fignifiant , non precifé-
ment & exadernent tous les peuples du
monde,fans en excepter un feu!, mais en
gros & confufément une grande multi-
tude, 6r feulement la plus grande partie
de ceux qui étoient connus. L'Evange-
lifte en remarque & en nomme quelques
uns des plus fameux en chaque partie du
monde. Du côté de l'Orient , il dit qu'il
yavoitdes Parthes, desMedes,&: des
Elamites , c'efl: à dire des gens nais &:
nourris enccspaïs-là. Pour les Parthes,
&:IesMcdcs ,leur nom ell affez connu
dans le monde, tant de fiecles qui fe font
écoulez
^5
, fur les Apetres. Sermon II I. 5,^5
i^oulez depuis leur ancienne gloire,
Faianc encore pu en efFacer la mémoire.
Quelques-uns pienenc les Flamttesço\iï:s.cnciiui
ceux,que nous appelions communemenc
\ts Ajfyne^SyOu^GutXcs Perres,aa milieu
defquels l'honneur de lempire a long-
temps fleuri aucresfûis,6^ y Heurit encore
maincenanc. Mais il paroia elairemenc
par les lieux du Vieux-Teftament, où i\Efi,.2:
en eftfait mention, que les Elamitesf y-
etoieatun peuple particulier, autre (\MCrX'
les Aflyriens nilesPerfes; 3d le mefiiic
que celui que les écrivains Payens^appel-'^^^-^^^
lent les Elime^ens,&: placent leur païs,^:?;,
qu ils nomment Elimaïde, prés des Su-s^^^^^
fiens&dcs Medesi comme le montre \tf^^'^
rappoft,& des noms , ^ des chofesmef- ■'''
mes attribuées à ce peuple. S.Luc nome
en fuite la Mefofotamie , riche & heureux
païs, que le Tigre & l'Eufrate bâigaenr,
l'environnant de côté & d autre , eftimc
alors le plus fertile de Tuni vers.Il fait auffi
mention delaludée, appellanr ainfià
mon avis non feulement la Province, où
lerufalem écoit fituée,mais auffi les a^itres
voifines , comme la Galilée, &fembla-
bles,qui comprenoient ce que nous nom-
mons aujourd'huy U terre Sx'm^^ Dz%
j64 ^e t^ Defcente Jf4 S. E^ ?RtT ^
pais fituez à l'Occident il nomme TA-
ficlaPhrygiej&la Pamphylie, Provin-»
cesdel'Afie mineur affez connues, &:
Tiflc de Crete,que nous appelions main-
tenant Candie dans la mer de la Grèce;
& plus loin enfin la ville de Rome , en
ee temps-là la première & la plus noble
cité dumonde,lefiege du plus redouta-
ble empire, qui ait jamais été. Des pais
méridionaux il remarque l'Arabie , tres-
celebre dans les écriturestant de rEglife
que du monde i &: TEgypte qui n'cft pas
moins renommée ; & plus avant vers le
couchant le long delà mer Méditerra-
née, la Libye,&: la Province de Cyrene;
ô^ enfin ducôtè de Septentrion il parle
de la Cappadoce, & du Pont , Provinces!
voifines Tune de lautre audcffisdela
Syrie, en tirant vers la mer noire. Il y
avoir donc diverfes perfonnes de cha-
cun de ces pais da . b la multitude qni en-
tendit lejourdelaPentcroftc la prédi-
cation des Apôtres. Quant à leur reli-
gion, ils tenoient&ruivojcnt'tous, la
ludaïque , Ôd il n'y avoit à cet égard au-
tre différence encr'cux, que celle qu'y
remarque Saint Luciaflavoir que les uns
«'toient luifs, &: les autres Profelytcsj
c'eit
furies Apâtres. Sermok III. 5^î
c'eft a dire que les uns écoienc de la race
a*Abraham , &: d'Ifraël , nais & élevez
dés leurs anccftres dans l'alliance de
Dieu , & qui avoient receu d'eux leur
religion de père en fils i les autres étant
Payens d'extradion avoient renoncé à
Terreur, & à Tidolatric des nations,pour
cmbrafler la créance &c le fervicedes
Iuifs> en recevant la marque facrée dans
leur corps , affavoir la circoncifion , SZ
entrant parce moien en la communion
du peuple d*lfrael. Car ce font ceux-là
que les luifs appelloicnt Profelytes,^ que
l'Ecriture du Vieux- Teftament nomme
ordinairement les étrangers étans dans
les portes d'IlVaël. Et cette divifionde
ceux , qui faifoient profeflîon de la Loy
Mofaïqucen luifs Ô^ en Profelytcs , cft
générale ôife doit appliquer à chacune
des nations ci devant nommécs;en telle
forte , que nous concevions5que de ceux
de Mefopotamie par exemple, les uns
croient luifs d*extradion , les autres
étoient Profelytes ; ô^ ainfi des Arabes
&: des Pcrfes,&: de tous les autres , dont
les noms font emploiez dans ce roole.Et
ne vous éronncz pas, que la nation &: la
religion ludaïque fuftainiî cpanduëeft
nn } tant
fi^ De la Defcehte i« S. E s p r i t
tant de païs. Car premiercmenrpoiu'
les Piorelytcs , nous fçavons qinl yen
avoir beaucoup, Se de divcrfes fortes
p^rmi les peuples du monde, &: dans
Rome mcfme,quel(|ue bafFouée qu'y fuft
la Loy de Moife ; Quclquesfois mefmes
il y a eu des Princes &: des Princcflcs,
fTÂ q«il'«"Cembiafleei conime lorcphcle
^2. raconte particulièrement d'Hdene,
Reine âtz Adiabeniens &d*Ifates,&: de
Monobaz. )ys du niermc païs. Et
quant aux luifs naturels, il eft clair par
les hiftûires de l'antiquité , qu'outre les
habitans de lerufalem U de toute la lu-
dée, qui faifoit comme le tronc, & h
tige de la nation, il yen avoit plufieurs
branches epanduës,&: con\me tranfplan-
tces çà & Li en divers païs aux quatre
coins du monde ; où ils vivoient çn leur
feligion,^.: avoient mefmes en quelques
endroits de très grandes 6c tres-famen-
fes Synagogues. Ileft vrai,quecçux que
Nabucodonozor avoit tranfportez en
Babylone,&: dans les païs de fon cmpi-
rcjcurenr congé fous Cyrus de retourner
en ludeei Et en effet ils y vinrent en grad
nombre, Se y rétablirent la ville de leru-
falem,&: le Temple. Mais tant y a qu'il
en
furies Apôtres. Sermon III. 5^7
en demeura dans l'Orient une multitu-
de non moindre , en Caldée , en Mefo-
potamie , &: dans le païs des Parthesi
comme il paroift tant par les livres d'Ef-
dras &: de Nehemie,que par les hiftoires
de cette nation ; qui témoignent qu'il y
en avoit une telle abondance en Orient,
que l'une des plus belles, & plus renom-
mées Synagogues du ludaïfme étoit
celle de Babylone. Depuis, les perfecu-
tions d'Antiochus , ^ des autres Grecs
Macédoniens , les répandirent encore
en divers lieux,& notamment dans tou-
tes les Provinces de l'empire Romain,
oii il y en avoir prefque par tout un nom-
bre infiai, &: notamment à Alexandrie,
ôc entouterEgypte3&:àRome mefmei^^^^
jufques-là que les hiftonens nous racon-i;.^/;.//.
cent , qu'une de leurs amb^flades v étant ^ "^^ ^"^
venuërilletreuvaplusde nuit mille luits 7,,^. /.
habitans à Rome^qui raccompagncreDt 2. c^.4,
âTaudiançedc TEmpereur. En quoy eft
admirable la providence de Dieu d'avoir
ainfi confervè les difperfions de c,ette
pauvre nation en des lieux -fi éloignez^ôc
comme en autant de mondes difterents
parmi les haines 6c les vexât ion s-. des
Çentils y q^ui-ibufFroienc§£ approuyoient
n n 4 toutes
56S De la De feinte ^/// S. E s r r i T
toutes les autres religions , mais haïf-
foient &: abhorroienc celle-ci. Et je ne
doute points que ce fouverain Seigneur
n*en ait ainfi usé tout exprès pour dé-
grolîîr peuà peu les nations par le com-
merce de ce peuple, qui portoit par tout
Ikfoy,^ fes Ecritures, & dêfrichoitfs'il
faut ainfi parler ) les cœurs des Gentils,^
&:les preparoit de loin à recevoir en leur
|:empslafemencede fon Evangile. Dieu
fcmoit par ce moien les principes des
demonftrations de fa vérité dans tous
lesclimaçs de la terre, le Vieux-Tefta-
mcnt , dont les luifs avof ent rempli le
monde , contenant une claire & invin-
cible preuve du Nouveau. Et c'eftàce
tiiefme deflein que je rapporte ce qu il
difpofa par fa providence, que les livres
du Vieux-Teftamentfuflcnt traduits en
prec,la plus commune &: la plus univer-
felle langue du mondcjcnviron trois cens
ans avant la prédication des Apôtres,
afin que le crefor de fa connoifTance fe
çommuniquaft plusaiféraent à tous les
peuples de la terre. Mais pour revenir
aux luifs fejournans alors en la ville de
Icrufalem ,S. Luc outre leur païs &: leur
religion, nous apprend encore leur zèle
^ leur
furîes Apôtres. Sermon III: '5^^
$clcm atFeftion à la loy, quand il dit,que
çVcoienc des perfonnes devoces;comme
en effet nous fçavons , qu'il n y eut ja-
mais de peuple fi zélé pour fa loy^, que
celui des luifs. Si vous me demandez ce
qui ppuvoit avoir raflemblè des gens de
pais éc de climats fi différents, &: fi éloi-
gnez les uns des autres dans un mefme
lieu;il m cft maintenant fort aise de vous
fatisfaire,6^ de répondre en deux mors,
que c'ctoit en partie la grandeur de la
ville de lerufalem , en partie anilîTéru-
de & Taffeftion de la religion , ôc enfla
la dévotion delà fefte. Car pour le pre-
mier, lerufalem étant en ce temps-là
Tune des plus grandes & des plus fameu-
les villes de l'Orient , comme nous l'ap-
prenons des livres des écrivains anciens,
nori feulement des luifs, maisauffi des
Payens tant Grecs, que Romains, il ne
faut pas douter qu'il n'y euft continuel-
lement grande quantité d'écrangers,les
uns quiyfaifoientleur demeure &: ha-
bitation ordinaire , les autres qui y fe-
journoient feulement à temps pour leurs
affaires , ou pour le commerce ; comme
vous yoiez que cela arrive dans les gran-
des & pcpuleufcs villes , telle qu'eft au-
jourd'hui
57^ ^^ ^^ T>efcente ^/^ S. E s p^r i t
jourd'hui par exemple celle de Paris
dans ce Royaume , à laquelle il fcmble
que lerufalem ne cedoic nullement, ni
pour la vafte étepduë de ks murailles,
ni pour l'innombrable multitude de fon
peuple.Mais outre cette qualité , lerufa-
lem en avoir encore une autre confide-
rableiC eft qu elle écoit le fiege du Tem-
ple , àc la Métropole de la religion lu-
daïque, Técole & la pépinière principale i
de fes facrificateurs,miniftres,doâ:eurs,
.& religieuxjde faflon que les luifs zelez
y venoient de toutes parts , &: y en-
voioient leurs enfans pour eftreexafte-
ment inftruits en la Loy ; comme vous
voiez, que nôtre S. Paul natif de Tarfe
cnCilicie dit qu'il avoir neantmoins été
nourri aux pieds de Gamaliel en lerufa*
leqi.; U S.Luc nous parle dans ce livre
'^^'^' d'une Synagogue des Alexandrins , &:
des Cyreniensi ligne évident, que les
luifs étrangers a\«3ientdans cette gran-
de ville , leurs affemblécs & leurs collè-
ges, diftribuez & feparcz félon leurs na-
tions. Mais outre tous ceux là qui fai-
foicnt plus de rcfidençe en lerufalem, la
feftc de la Pentccoièe y en avoit encore
attire de toutes les Provinces dé leurs
demeures
fur les Àpâtres. Sermon ' I FI. -fj^
tîcnienres une grande mulricude. Car
cécoic principalement en cecemps-là,à
Pafques, «5«: à la Pentecofte , quils ve-
noient vifiter ces faints lieux ,& y faire
leurs dévotions , h cauie de la rencontre
de ces deux feftes, qui ne ionr éloignées
Tune de l'autre, que de quaranre-ncuf
jours feulement. Cette grande multitude
de gens rarriaffcz de toutes langues ô£
nations oiant la prédication des Apôtres
futdiverfemét touchée. D'abord le bruit
d'un fait fi étrange les émeut toas y ôc
comme il arrive dans les chofes nouvel-»-
les &: extraordinaires, leur donnalacu-
riofitè de voir 5^ de reconnoiftre ce qui
enétoit. Ils viennent au lieuoùétoienc
les Apôtres ; ils entendent eux meflïies
ce qu'on leur en avoir die , & cette veuë
leur aiant appris la vérité yèc non la caufe
du fait , le trouble &: rémorion des uns
s'augmente3& les porte à raifonner fur un
événement fi merveilleuxiles autressen
lîioquent profanemcnt. Ce font le^ deux
effets, que produifit le premier coup du
miracle dans les cfprits de cts peuples.
Lesuns s'en étonnent, &: les autres s'en
rient. S. Luc nous reprefente les difcours
des uns , Sç des autres. Les premiers
difentj
57^ ^^ la Defcevtâ du S. Esprit
difcnt ; Voici ceux ci ^ui parlent , ne font ils
fas Gdiléens ? Comment donc un chacun de
nous les o'ons nous parler en nos propres Un-*
gués les chofi's magnifiques de Dieu ? Ces
paroles contiennent la caufe de leur
ctonncment. Ils pouvoient auflî alléguer
ce que nous avons touche ci devant , la
liberté que prenoient des gens de fi bafle
condition de parler d'un fùjet fi odieux,
qu'ctoit alors le nom de TEvangile de
lefus , fans cfpe^ance ni apparence quel-
conque de profit , ôd avec un péril tres-
cvident d'encourir toutes forres de maux
& d'ignominies jufques à la mort mefine.
Car à bien confidererletouton treuve-
ra qu'une telle hardieffe ne pouvoir en
telles perfonnes procéder d'ailleurs , que
d'une force Se infpiration plus qu'humai-
ne. Mais laiflant cette raifon,ils en met-
tent deux autres en avanr,qui ne font pas
moins confiderables. L'une eft,quede
pauvres Galilcens, que chacun fçavoit
ûiTez n'cftre jamais fortis de ladée , &:
avoir etè nourris dans la bafleiTe de mé-
tiers & d'exercices mécaniques fur les ri-
vages du lac de Tiberiasjfans lettres , ôi
fans doftrinejqni ne pailoient il y a deux
jours,que le patois de leurs villag :s , en-^
tendent
fur Us Apôtres. Sermon III. yyj
tendent àc parlent njaintenant, non un,
ou deux langages voifins ^ aians quel-
que rapport 6c rcffemblancc avecque le
leur , mais ceux de tous les peuples de
la terre , jufques aux plus éloignez,
avecque lefquels ils ne pouvoient avoir
eu aucun commerce i comme fi aujour-
clhui unpaiTan, qui n'auroit jamais mis
le pied hos de cette bourgade , venoic
foudainement à nous parler le Latin, le
Grec, ritalien,rEfclavon, T Allemand,
rArabe,le Perfan,ôi autres langijcs étran-
gères. L'autre raifon eft tirée du fond ôC
dafensde leurs d^fcours;que des perfon-
nes fi rudes & fi ignorantes, &qui n'a-
voient jamais fait profeflîon des fciences,
ni eu aucun commerce avecque les mai-
ftres , qui les enfeigneni, Icurvenoient
prefcherleschofes magn fi jucsde Dieu;
une admirable Théologie , nouvelle ô£
inouïe jufques-la, haute ôc relevée au
deffus de celle des autres hommes , &:
mefmes des plus Içavans Doftcurs de la
Loy i raifonnable au refte & bien tifluc,
qui n'attribuoir à Dieu , que des chofes
dignes de la majeftè &: de la gloire d une
fi grande divinité. Ces pauvres gens tout
étonnez ne fçavent àquoy scntenirj U.
ne
574 ^e U Befcente ^^ S. E s p r i t
ne pouvanc pcnctrer eux mefmes dans !i
raifon d'une chofe (î cciange,ca{chenc de
s'en éclâircii chacun avec Ion prochain,
difant l'un à l'autre , ^/.r veut dire cea't
Ceft-là le vrai ufage des miracles. Ils
doivent piquer refpricdes hommes, &:
les porter à s'enquérir , & à s'inftruire de
laveritc. Car letonnementeft inutile,
s'il neft accompagné du dcfîr d'appren-
dre 5 s'il ne nous met au cœur & en là
bouche, le mouvement,&: le langage de
ces luifs,^(? veut dire ceci ? Quand Dieu
void , que les œuvres produifent ce fruic
ennousjilne manque jamais de nous in-^
ftruire. JJ tire nôtre cfprit de cette in--
quietude,&: l'arrefte parles lumières dei
fa vérité , & nous apprend ce que veu-
lent diueles chofes, que nous admirons*
C'eft prccilement ce qui arriva à cç^%
luifs, dont S. Pierre contenta inconti-
nent la jufte curiofuc i leur montrant,
que rEfprit de lefus eroit l'auteur du
changement , qu'ils. voioient en leurs
pcribnnes ; d'où s'enfiiivit leur convcr-
fionà la foy du Chnftianifme. Maisô
prodige de brutalirèlil fe treuva des en-»
ragez dans cette multitude , qui eurenC
l'audace de tourner coût ce terrible
myllcre
fur les Afotres* Sermon III. 57 j
myftere en rifée , fe moquant effronté-
ment de ces divins herauds du Seigneur^
6£ les accufant impudemment d'eHrc^
fleins de vin doux. Qui croiroit qu'il y
peulT: avoir des hommcs,ou afTez fots, ou
aiïez médians pour rire dans une choie
fi ferieufe ? pour proférer , ou pour pen-
fer feulement une calomnie fi froide &:
finoiref fi groffiere &: fi malicieufe ? fi
contraire à la raifon & au fens mefme,
qui n'a ni ombre,ni apparence de vérité?
Regardez Fideles>avec une jufte frayeur,
de quelles hon/eurs eft capable la natu-
re des hommes , lors que Satan s'eft une
foisemparè de leurs cœurs ! Car fi Dieu
fuftluimefmcdefQendudescieuxen la
terre.vcftu de fa plus éclatante gloire, A
pêne fa Majeftè fe fuft elle montrée plus
clairement , qu'en ce miracle. Et néant--
moins ces niifcrables s'en moquét^Sc ont
J'ame fi dure bL fi ftupide , que de voir &:
de manier('s'il faut ainfi direjtoute cette
merveille fans en eftre touchez. C'é-
toient fans doute ces mefmes pour-
ceaux, qui avoient infolemment foulè
aux pieds les perles du Seigneur Iefus>
que fes luniicres & fcs miracles avoient
ïx\\s eu fureur. Us avoient appelJè le
Maifire,
57^ D^ ^^ Defceme î« S. Es p ri t
Maiftre, blafphcmaceur de démoniaque^
mangeur &: beuveur, &: homme demau-
vaife vie. Maintenant ils fe moquent
auffi de fon Efpric , 6c crachent au vifage
de cette glorieufe Majeftè, & outragent
indignement fes minifl:res,6^1es accu-
fciU d'yvrognerie. Ceft ainfi que Dieu
vangc le mépris , qu'ils avôient fait de
fivrf Filsjles livrant à Satan, qui repandit
é'ûns leur cœur cet aveuglement & cet-
te fareur. Apres cela ne vous étonnez
pas fi les enfans de ce fiecle rejettent
pôtrc doftrine , & s'ils font fourds à la
voix de Dieu.Car puis que la lumière, de
la gloire divine du Saint Efprit a été fu-
jetce à la rifée des hommes ; ce n eft pas
chofe étrange, qu'ils fe moquent de nô-
tre prédication , claire à la vérité , mais
fimplc, &;qui na rien d'extraordinaire.
Humilions nous devant le Seigneur, Se
adorons fes myftercs avec crainte &:
tremblement , de peur de tomber entre
fes mains,&: d'éprouver la feveritè de fort
jufte jugement, fi nous méprifons les lu-
mières de fa mifcricorde. Car fa colè-
re ne tarda pas long temps à accabler
ces profanes. Elle changea bien-toft
siprqs, leur ris en pleurs , U leurs moque-
ries^
y&r Us Apûtres. Sermot^t Itî. 57^
tics en angoifles & en defefpoirs. C eft
Une des traditiohs desluifs^ que leloit
de la première Pentecofte à la monta-
gne de Sinai il fouffloit un mauvais venr,
cruel,&: pcftilentieux, qu'ils nomment lé
brigand^ outécorcheur , *pour exterminer
tout le peuple dlfracl, s il euft manqué à J^J^
recevoir la Loy de Dieu avecque re-
fpcd. Vn vent encore plus furieux,qu'ils
n'imaginent celui-là, punit leuringrati*-
tude, lors qu'ils eurent méchamment
méprisé la Penrecofte de Icfus, le feu de
Sion,la Loy de rEfprit de vie» Car Dieu
aiant quelque temps attendu leur repan-
(ance, lafcha enfin fon Ange extesmi-
nateur contre cette race moqueufe de
profane , qui la ruina de fond en comble
par le glaive^ par la pefte & la famine,S^
détruilit avecque le feu cette ville & ce
Temple, qui avoient été les tefmoins de
leur fureur { Se difperfa aux quatre vents
des cieux y les mal- heureux reftes de ces
impies , leur tenant le pied fur la gorge^
fans qu'il leurfoitpoflîble de fe relever
nulle part.Et pour fe vanger notamment
de leur profane moquerie* il les a mis
par tout en opprobre. Ces moqueurs
furent bien-tott après , & ont toujours
57? De U Defcente du S. E s p r ï t
ctè depuis, &: font encore aujourd'hui la
riie'e, la fable &: la moquerie de toutes
les autres nations du monde. Chers
Frères, fuïons leur impietè,fi nous avons
horreur de leur mal heur. Prenons garde,
qu'il ne bourgeonne parmi nous quelque
racine d'amertume,&: de profanciè Re-
cevons & adorons avec un profond re-
fped les grands & précieux mvfteres de
rEfprit du SeJgneur.ReconnoilTons dans
les difcours de fesminiflrcs les marques
de fa gloire,qui y reluifent fi clairement.
Ne doutons point que ce ne foit fa divi-
nitè,qui parle U agit en eux. Car d'où
auroient-ils appris d'ailleurs, que de lui,
ces langues étrangères, que toutes les na-
tions du monde reconnoiffcnt aujour-
d'hui en leurs bouches ? Quelle autre
vertu que lafienne peut avoir formé en
un inftant des langues fi groflîeres,à tant
de tons, datant de voix fi différentes?
Etqiiipeut avoir raflT^m'^-è toutes les
langues de l'univers dans une feule bou-
che; finon celui-là mcfme, qui avoir au-
tresfois divise l'unique langue du gen-
re humain en une irfinicè de formes dif-
férentes? Quel autre Erprii,que celui de
Pieu peut avoir versé tant de connoif-
fancc
fur les 'Apôtres. Sermon IIL 57^
fance & de lagcfTc en des cœurs fi rudes?
Ccrrainemenc ce dix eft fi clairement
atteftè ôc confirme par des depofitions fi
authcnciques, que nul ne peut douter dç
fa vérité fans renoncer au fens commun.
Mais outre Tauthoritè ôc la bonne foy
des tefiiioins,qui ns nous peuîb, ni ne
nous doit eftre fufpede , nous oions en-
core aujourd'hui dans l'Evangile ces
fnefmes langues, qui prerchcrent jadis
dans lerufakm ; Nous leur entendons
encore raconter aujourd'hui les magni-
ficences de Dieu. La feule qualité des
choies 5 qu'elles nous difent, montre
^(Tezique ceft le ciel , qui les a inftruites.
Comparez leur dodrine avecque la plus
belle,^: la plus admirée Philofophie5quc
la Grèce ait jamais formée dans le pro-
fond loifirde Tes dodes , ^ fubtiles éco-
lesiVous verrez que toute lafagrfledes
hommes n'efl: qu'une ombre^ô^ un fonge
au prix de l'Evangile de ces pauvres peC-
cheurs de Galilée. C*eft donc fans point
de doute rEfprit de Dieu , qui les a tou-
chez ,&: qui par l'impreiTion de fon feu
celcfte les a reveftiidela lumière de far
veriiè > ô^ de fa fapience. Cemefme
Efprit 5 qui avoic autresfois changé un
o Q ^ pauvre
5S0 De Ullefcente du S. Esprit
pauvre banni ^vi Ltgiflateur, un petit
berger en un grand Roy , un bouvier ea
un Prophetc,efl celui qui transforme au-^
jourd'huy le cœur & la langue de ce$
Galile'ens, &qui cy-aprcs encore leur
ijoindra un Paul,de loup devenu agneau,
& pour mieux dire , Pafteur, auflî ardent
à paiftre le troupeau, qu*il avoir ctè à le
ravager. Ceftce mefme Efprit , Frères
bien aimez, qui du Royaume de ténè-
bres nous a tranfportez en la merveiU
leufe lumière de l'Evangile , & qui d'eC-
claves de Satan nous a faits enfans de
Dieu. C'cft lui qui nous a lavez & régé-
nérez dans les eaux de nôtre battefmei
&r c'eft lui encore qui nousarépeus ôc
abbreiivez ce marin à la table du Sei»
gneur lefus Nos fignes font différents
d'avec ceux , que reccurent alors les
Apôtres. Mais une mefme vertu agit
dans les uns & dans le.^ autres. Ets*ilya
de la diverfitè en la mefure de nos dons,
tant y a quelamaffe &: lafubftance en
eft mefme. Puis que nous avons receu
une mefme grâce , ménageons-la avec
là mefme diligence. Ce divin feu chan-
gea les Apôtres , & les fit devenir tout
î»uues,qu'ils n ç toient auparavant. Avant
fi(Y les ApeMs. Stv-Mov 111. jSi
cela ils s'atnufoient àlapefchc, i leurs
filets, & à leur lac deTiberiasi Avant
cela ils fongcoient je ne fçai quel ima-
ginaire Royaume d'un Ifraëlraondain.SC
fe rcpaiffoient de ces chimères. Depuis
<juc le feu de lefus fut tombé fur eux, ils
oublient toutes ces refveriesîils laiffent-
Talcs ombres baffes & legeres.IIs ne pen-
fcnt plus qu'au ciel ; Si ne parler plus que
de lui. Les magnificences de Dieu rem-
pliffcnt leur cœur,& leur bouche. Fidc-
Ics.que ce bié heureux jour voie auffi ua
pareil changement en nous ; Que ce feu
de l'Efprit, que nous avons rcceu dans la
parolc,& dans le Sacrement.purifie auffi
nos cœurs & nos langues ; & y confume
par fa divine vertu toutes nos vieilles
refveriesilcs imaginationsjes affeaions,
& les paroles de lâchait & du fang. Ou-
blions nos filcts,& nos lacs,& tenôceons
aux efperances decemiferablcmondc,
qui ne fait que paffer. Que ces cœurs,8£
ces bouches,qui ont fi longtemps fervi le
vice & la vanité, deviennent déformais
les organes de l'Efprir de Dieu.C'eft affez
rampé dans les baffcffes des homes &dc
leur terre. Ame Chre'tienncpenftz de-
forpiais aux chofes magnifiques de Pieu,
99 ^ Apre?
J81 m la Defcente du S. Es prit
Apres en avoir veu la gloire, après ce que
lefusChnft vous en a montré en fa refur-
reâ:ion,& en fon afccnlîon i après les lu-
mières dcfon Efpritjpouvez vous encore
foiiillf^rcn la tcrre,5d admirer ou fa craf-
fe & {c^ e^cremens, ou fes noires &: m-
conftantes vapeurs ? Pcnfezpluftoftace
ciel, où eft entre lefus Chrift , &: d où il
a répandu tant de merveilles dans le
monde , &: où il nous garde la gloire &:
l'immortalité. Ayez-le toujours devant
les yeux, le Chrift qui y regne,&: les An-
ges , qui l'y fervent , &: les Samts qui y
triomphent,& I éternité qui y fleurit; &:
vous fouvenez , que fi quelqu'un eft en
Chrift, il doit eftre nouvelle créature,
puis que les chofes vieilles fontpafTées,
&r que toutes chofes ont été faites nou-
velles. A celui qui les a miraculeufement
renouvellées par le fang de fon Fils, ôd:
par le feu de fon Efprit , vrai Dieu bcnic
éternellement avec eux , foit toute
gloire & louange aux ficelés desfieclesr
Amen.
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