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Full text of "Sermons de Iean Daillé : de la naissance, de la mort, resurrection, et ascension de nôtre Seigneur,"

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SecttoQ        '^    ^- 


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i^/«tjé:. 


SERMONS 

lEAND  AILLE 

DE   LA 

NAISSANCE,  DE  LÀ  MORT^ 

de  la  Refurredtion,  &  de  l'Aicenfîon 

de  nôtre  Seignevr; 

ET    DE    LA   DESCENTE 

du  Saint   Esprit  y^r 

les  Apôtres. 


/f' 


'^  *t^     GENEFEi 


/  * 


Pour  lean  Ant.  &  Samuel  De  Tournes^' 


'\v--^\* 


;r--vi«  '»t>,\ 


XxïvK'.«f5- 


A  MADAME 

LA  DVCHESSE 

DE    LA 

TRIMOVILLE 


ADAME3 


Encore  que  la  gloire  de  vôtre  Noni 
tres-illuftre  5  &  les  hautes  qualitez, 
dont  vous  l'avez  enrichie  ,  &  particu- 
lièrement l'incomparable  excellence, 
de  vôtre  efprit ,  &  la  parfaite  netteté  " 
&  foliditè  de  vôtre  jugement  me  de- 
yroient  faire  craindre  de  vous  prefen- 


E  P  I  T  R  E. 

ter  cet  ouvrage  groflîer  ,  &  mal  poli  j 
je  prens  neantmoins  la  hardiefie  de 
rexpofcr  à  votre  veuë  &mefmedcle 
confacrer  à  vôtre  Grandeur.  Car  j'ay 
creu,  que  la  dignité  du  fujet  excufera 
les  défauts  de  l'ouvrier  ^  Ôc  que  vôtre 
pieté  fupportcra  facilement  ce  que  la 
fèveritè  de  vôtre  jugement  ne  fçauroit 
abfoudre  {Ims  peine.  Outre  que  cette 
grave  douceur,  &  cette  majeftueufe 
debonnairetè  ^  qui  luifent  en  toutes 
vos  allions,  &c  qui  font  comme  la 
vive  couleur,  &:  l'aimable  teinture  de 
vos  autres  perTedions,  mcfontefpe- 
rer  cette  indulgence  ;  la  faveur  que 
vous  avez  faite  à  une  partie  de  cet 
ouvrage  me  la  promet  prefoue  afTeu- 
rémcnt.  Car  l'un  de  ces  Sermons, 
Madame»  ayant  desja  eu  l'honneur 
d'entrer  en  vôtre  cabinet ,   &  d'y  re- 

"cevoir  des  g;ratifications  ,  qui  font 
bien  haut  au  defllis  de  fon  mérite  y  le 
me  fuis  flatè  de  cette  opiwion  ,  que 

•^    •      *  VOUi 


E  P  I  T  R  E. 

vous  n'aurez  pas  defagreablc  de  voir 
les  autres,  dont  je  l'ai  accompagné, 
&c  qui  font  tous  enfemblele  volume 
que  j'ofe  publier  fous  la  protedion 
de  vôtre  Nom.  le  ne  vous  celeray 
point  5  Madame,  que  j'en  ai  pris 
l'occafion,  afin  de  vous  rendre  par  ce 
petit  hommage  ,  la  très  -  humble 
reconnoiflance  que  nous  devons  à 
vôtre  pietc  pour  la  grande  édification 
que  donne  aux  âmes  fidèles  &  la  con- 
fiance de  vôtre  foy  ,  &  la  pureté  de 
vos  meurs,  &  l'abondance  des  fruits 
de  vôtre  charité.  Vous  n'avez  point 
eu  honte  de  l'Evangile  ,  &  n'avez 
point  méprise  la  croix  du  Seigneur 
I E  S  V  S.  Vous  avez  préféré  la  baf- 
feffe  de  fa  maifon  ,  &  l'opprobre  de 
fon  pauvre  troupeau  aux  vaines  pom- 
pes du  monde  *,  par  une  generofîtè 
d'autant  plus  admirable ,  que  moins 
nous  en  voions  d'exemple  en  ce  mife- 
fable  temps,   où  les  avantages  de  la 

"^     3  terre, 


E  PI  T  R  E. 

terre  ^  &  les  illufions  de  l'erreur  ont 
fait  tcincderavao-es  dans  nos  E^Jifes, 
Vous  n'avez  pas  feulement  défendu 
la  vérité  contre  les  baffes  fubtilitez 
des  fophilles  ,  &  contre  les  petits 
tours  de  leur  chicane,  qui  n'cblouif- 
fent  que  les  mauvaifes  veuës  ,  ôc 
n'enibaraffent  que  lesefprits  foibles. 
Vous  elles  fouvent  entrée  pour  cette 
querelle  en  des  combats  beaucoup 
plus  redoutables  ,  où  vous  aviez 
contre  vous  les  Majeftez  les  plus  re- 
levées de  la  terre,  qui  nous  enviant 
un  II  glorieux  ornement  >emploioient 
pour  vous  arracher  de  nôtre  Com- 
munion les  plus  fortes  de  leurs  armes, 
les  faveurs  &  les  carcfles,  Mais  vôtre 
pieté  a  bien  fceu  vous  demefler  de 
ces  difficiles  rencontres.  Elle  a  dans 
ce  feul  point  refiftè  à  ^autorité  des 
puiflances  fouveraines  \  mais  d'une 
manière  fi  noble ,  &  avec  une  adreflc 
fi  délicate  ,  que  vous  Içs  «.y^z  vain- 
cues 


E  P  I  T  R  E. 

eues  fans  les  ofFenfer ,  &  avez  trionfé 
de  leurs  efforts  fans  perdre  leurs  bon- 
nes grâces.  A  cette  belle  &  invincible 
foy  vous  avez  joint ,  Madame, 
une  honeftetè  fi  haute ,  &  une  fandi- 
fication  de  meurs  fi  exade  ^  qu'elle 
n'édifie  pas  feulement  l'Eglife  j  elle 
eft  aufli  admirée  du  monde.  Et  Ci 
l'erreur  des  adverfaires  les  empefche 
de  louer  vôtre  créance,  cet  éclat  de 
pureté  &  d'intégrité ,  qu'ils  voient  en 
toute  vôtre  vie  ,  les  contraint  d'en 
reconnoiftre  la  bonté.  L'un  &  l'au- 
tre parti  eft  d'accord  ,  que  vous  eftes 
l'un  des  plus  excellens  ,  &c  des  plus 
achevez  patrons  de  vertu  ,  &  d'hon- 
neur qui  fe  voye  dans  nôtre  fiecle. 
l'avoue  ,  M  A  D  A  M  E  5  qu'en  quel- 
que-part des  chofes  humaines  ^  que 
le  treuvaft  une  forme  lï  rare ,  elle  ne 
laifTeroit  pas  d'cftre  lumineufe  &  ra- 
viflante  ,  mais  il  eft  pourtant  hors  de 
doute,  que  ce  haut  Heu  ,  pu  la  Pro- 

*     4         vidcnce 


E  P  I  T  R  E. 

vidence  vous  a  placée,  en  rcpand  la 
lumicre  ,  &  en  augmente  l'édifica- 
tion i  comme  nous  voions,  quede 
tous  les  feux  de  la  nature  il  n'y  en  a 
point  qui  éclairent  plus  loin ,  &  dont 
l'aélion  ait  une  plus  large  étendue, 
que  ceux  qui  luifent  dans  le  ciel  ,  la 
plus  élevée  région  de  l'univers.  le 
mets  aufli ,  Madame,  entre  les 
ornemens  de  vôtre  vertu  ces  perfe- 
ctions naturelles  &  acquifes  ,  que 
vous  pofledez  dans  un  haut  degré, 
un  entendement  vif  &  pénétrant,  un 
raifonnement  jufte ,  une  connoiflance 
exquife  de  toutes  les  belles  chofes, 
avecque  la  prudence  ,  qui  s'en  eft 
formée ,  &  qui  en  gouverne  iagement 
J'ufige  j  les  grâces  de  la  langue  &  de  la 
plume  y  la  majeftè  de  la  perfonne ,  & 
de  l'adion  j  &  enfin  un  grand  cou- 
rage 5  digne  du  fang  de  la  T  o  v  R 
&  de  N  A  s  s  A  V  ,  d'où  vous  eftes  née , 
^   de  çeluy  de  la  Trimoville, 


EPÏTRE. 
que  vous'  y  avez  heureufement  joint 
par  la  benedidion  de  vôtre  mariage. 
Vôtre  pieté  alTife  (  fi  je  l'ofe  ainfi  dire  ) 
au  milieu  de  tant  de  biens ,  en  eft  plus 
agréable  \  comme  un  riche  diamant 
lié  dans  un  bel  or  ;  &  ce  mélange 
de  tant  de  diverfes  merveilles  en  rend 
l'exemple  plus  vénérable,  &l'aclioa 
plus  vive  3  &  plus  efficace.  Toutes 
ces  grâces  ,  Madame,  nous 
obligent  d'une  humble  &  profonde 
reconnoiflance  envers  ce  fouverain 
SEIGNEVR,  qui  en  eft  l'unique 
auteur.  Et  je  confefle  que  ce  devoir 
vous  regarde  premièrement  5  puis  que 
^ous  eftes  proprement  le  fujet  5  que  (a 
bonne  &ç  puiflante  rnain  a  daigne 
former  ,  &  reveftir  Ci  magnifique- 
ment, &  où  il  a  fi  libéralement  ré- 
pandu les  prefents  de  fon  trefor  divin. 
Mais  certainement  puis  que  nous 
avons  part  en  fon  don,  pourl'edifi- 
fUÏoïï  Se  la  çonfolation  finguliere,^ 

qui 


E  P  I  T  R  E. 

qui  nous  en  revient,  nous  lui  en  de- 
vons aufïî  nos  remercimens  ;  &  ne 
{)ouvons  fans  ingratitude  manquer  à 
e  bénir  de  ce  qu'il  a  honore  d'un 
joyau  fî  précieux  nos  Eglifes ,  où  il 
vous  a  fait  naiftre,  &  où  il  vous  a 
fidèlement  confervee.  Pour  moy. 
Madame  ,  je  Pen  loue  de  tout 
mon  cœur  ,  &  le  prie  très -ardem- 
ment ,  que  pour  nous  continuer  cette 
faveur ,  il  vous  donne  une  très-lon- 
gue &:tres-heureufe  vie,  &  qu'il  cou- 
ronne la  pieté ,  que  fon  Efprit  a  pro- 
duite en  vous  félon  fon  bon  plaifir, 
de  {es  plus  chères  benedidions  fpîri- 
tuelles  &  temporelles  ,  Qu'il  affer- 
mifle  fon  alliance  dans  vôtre  maifon 
tres-illuftre,  &  que  Me  s  seignevr« 
vos  Enfans  puifTent  eftre  la  gloire  & 
la  joye  de  nôtre  pofteritc  ,  comme 
vous  efies  maintenant  la  nôtre  ,  de 
qu'il  accornpliflc  enfin  les  voeux  & 
iesfouhaits>que  vous  prefentez  tous 

les 


E  P  I  T  R  E. 

les  jours  à  fa  Majeftè  divine ,  arrofez 
de  vos  faintes  larmes ,  &  parfumez  de 
vos  foûpirs,  pour  en  obtenir  cette 
grâce.  Que  fi  dans  ces  nobles  &  ver- 
tueux exercices  ,  oiivouspourfuiuez 
vôtre  courfe  Chrétienne  ,  ce  livret, 
que  je  vous  prefente ,  pouvoit  treuver 
fon  lieu,  &c  retenir  par  fois  ou  vos 
greilles,  ou  vos  yeux ,  &  vous  faire 
palfer  quel<|ues  heures  fans  ennui  >  & 
s'il  eftoit  affez  heureux  pour  rendre 
quelque  petit  fervice  à  vôtre  dévo- 
tion 3  foit  pour  édifier  y  foit  pour 
confoler  vôtre  ame  ^  je  ferois ,  M  a- 
DAME,  le  plus  content  homme 
du  monde,  &c  bcnirois  toute  ma  vie 
le  jour  &  l'heure,  que  j'entrepris  ce 
travail.  Mais  quelque  fucces,  qu'il 
ayt  3  je  vous  afTeure  au  moins  , 
Ma  dame,  que  c'a  été  mon  deffein^ 
&  mon  defir  ;  *&  je  fupplie  tres-hum- 
blement  vôtre  bonté  de  diftinguer 
ie|on  la  lumière  de  fa  fageiTe;^  la  pureté 

de 


EPITRE. 

de  mon  intention  d'avecque  Fimper- 
feâiion  de  mon  ouvrage.  Pardonnez 
moy  l'une  >  s'il  vous  plaift.  Mada- 
me 5  comme  une  chofe  nce  d'une 
fpxblefle  involontaire  ;  &  daignez 
agréer  l'autre  ,  comme  un  fruit  de 
vos  mérites  &c  de  vos  faveurs,  &  du 
re{pe6lueux  reflentiment  que  j'en  ai, 
avec  une  inviolable  palFion  d'avoir  à 
jamais  l'horineur,   d'eftre, 

MADAME, 


Pe  Paris ,  ee  jo  jtué^ 
de  Mtrs  iCfi. 


Votre  tres'humhle ,  tres-cheijfdnt] 
^  tres'oblige  ferviteury 

D  A  I  L  L  fc'. 


TABLE 

DES    SERMONS 

contenus  en  ceVoLVME- 

De  la  N  A  I  s  s  A  N  c  e  de  notre 
Seignevr.   IIL 

I.  Sur  Galates ,  ch»4.  verf  4.  Page  1 
I  L  Sur  S.LuCych.z*fA.i.}.^.^.6.j.  p.39 
IlLSur  S.LuCych.i^f  A^.jujqu'au  lo.p.yi 

De  la  Mo  KT  de  notre  Sei- 
gnevr.  II. 

L    Sur  S.  Math,  ch.^^-  f.zuii.i^.  p.113 
I L  Sur  S.MarCj  ch.15.  f.ii.jufqu'au  37. 
page  148 

De  la  Res  VRRECTIGN  de  nôtre 
Seignevr.  VI. 

L     Sur  S.  Luc>  ch.2.4.  f*  13.  iufqu'au  irj, 
page  ic)^ 

I I.  Sur  S.  Luc>  ch.i4.  f.  iS.jufqu'au  35. 

m  Sur 


TABLE. 

I II.  Sur S.Luc^  ch.14.  i/,^6.\Hp^'au 45* 
Page  zy6 

I V.  Sur  S.  Luc,  ch.14.  f  .44.45.      p.311 

V.  ^^rS.  Lac3ch.i4.i^.4^.47.'     p-547 
V  L  Sur  S.  lean,  ch.ii.  iJ^.14.  ^.381 

Pe/' Ascension  ^e  Nôtre 
Seignevr  dans  les  ci  eux^  L 

L  Sur  les  Ades  5  ch.i.  -5^.  5>.io.iï.    /?.4i7 

Pe/^ Descente  ^^S a int Esprit 
furies Av or KI.S  IIL 

L     Sur  S.  learij  CL14.  f.i6.iy.     /^•455 
n.  iy/^r/^yAdrcsj  ch.i.)^.i.2.3.4.  p.499 
IIL  Sur  les  Ades,  ch.z.  f.^.jufqu'au  u* 
^^^^541. 

Fin  ^e'/^  Table* 


DE    LA 

NAISSANCE 

DE  NOSTRE  SEIGNEVR 
lESVS-CHRISt. 

SERMON  PREMIET^ 

Galat.  IV.  verf. 4. 

^ànd  l'accomfliffement  du  temps  efi 
hjenu ,  Dieu  a.  envoyé  [en  F  ils  fuit  de  femme  ^ 
(jrfftjet  à  U  loy. 


Hers  Frekesj 


La  plus  part  des  anciens  peuples.donf 
la  mémoire  eft  venue  jufques  à  nous^ 
avoient  accoutume  de.  célébrer  folen- 
nellement  la  naiflance  des  perfonnes,  à 
qui  on  avoit  quelque  grande  obligation, 
èc  de  confacrer  les  jours  j  qui  les  avoienc 
mis  au  monde.  G  eft  à  mon  avis  ce  qui 

â  a  autre- 


2  3e  la  Naiffance  du  Seigneur  I  e  s  v  s , 
a  autresfpis  porté  les  Chrétiens  à  infti- 
tuer  cette  fefte  de  Noël,qui  fe  folennize 
aujourd*huy  en  commémoration  de  la 
naiflance  du  Seigneur  lefus.  Car  voianc 
que  les  fujets  rendent  volontiers  cet 
honneur  à  leurs  Princes ,  &  les  difciples 
à  leurs  Maiftrcs,ils  penferent  ne  pouvoir 
manquer  fans  ingratitude  à  en  déférer 
autant  au  fouverain  Seigneur  &:  Maiftre 
de  l'universjle  vrai  Prince  de  nôtre  paix, 
qui  a  répa/idu  fon  fang^afin  de  confervcr 
le  nôtre  ,  &  qui  a  racheté  nôtre  liberté 
au  prix  de  fa  propre  vie  ;  le  grand  Pro- 
phète ,qui  d*vne  nuit  infernale  nous  a 
tirez  en  la  lumière  du  ciel,  nous  décou- 
*  vrant  tous  les  myfteres  de  Dieu,  &:  noits 
laiflant  non  vnefciencedouteufe,  &  in- 
capable de  nous  donner  aucune  confo- 
lation  5  mais  vne  fapience  certaine  ^ 
divine  qui  nous  rend  bien-heureux  à 
jamais  5Û  nous  la  recevons  avccque  foy. 
La  fuperftitionqui  fouille  tout  ce  qu'elle 
manie,  a  corrompu  peu  à  peu  cette  in-» 
flitution  d'ailleurs  affcz  plaiTlible,  &:  Ta 
enfin  tournée  en  cette  pompe  prefque 
mondaine,qui  fe  void  maintenant  en  la 
communion  de  Rome  Nous  tafchons 
quant  2hnous  de  la  ramener  à  la  pureté 

à:  fim- 


s  E  R  M  O   N        I.  2 

èc  fiinpiicicé  de  nôcre  (ainte  difciplinei 
vous  remoncranca  toutes  occalit>as,que 
le  Chrécien  eft  au  deiTus  des  ans ,  des 
mois  ,  5<:  des  jours  ,  comme  boaro-eois 
d'vne  Cité  bien  haut  élevée  au  defTas"  du 
Soleil  5  a^  des  autres  Allres ,  qui  font  &c 
mefuren  t  le  temps.  Toute  la  durée  con- 
fiftc  en  vu  point, mais  qui  embraflele-. 
ternité,toutégal  U  unifoime,  (ans  aucu- 
ne diverlité,  ni  bigarrure  d^ncervallesi 
Tout  (on  temps  ell  un  Noël  ,  &  une 
Pafque  perpétuelle  i  il  eft  partout  mar- 
qué d'une  douce  ^  fraiiche  commémo- 
ration des  exploits  de  Ton  Chrift.  Nous 
fentant  obligez  à  vendre  ce  devoir  au 
Seigneur  tous  les  jours  de  nôtre  vie, 
nous  emploioiîs  tres-voiontiers  celui-ci 
à  nous  en  acquitteri  mais  à  condition  de 
ne  le  point  exclurre  des  autres  parties  de 
nôtre  temps.Et  pour  addreffer  nos  efprits 
en  des  médications  dignes  d'un  il  laine 
exercice,) 'ai  ciioili  Saint  Paul  pour  nôtre 
guide  j  qui  en  ce  petit  paflâge,que  je 
viens  de  lire,  nous  expofe  brièvement  à 
la  verité,mais  neantmoins  plenement&r 
divinement  à  (bn  ordinaire  ,  le  temps  ôc: 
lafaflbn  de  la  venue  de  nôtre  Seigneur 
Icfus-Chriil  au  monde.  Ces  parties  font 
a     ^  ii  claires 


4     I^e  U  Ndjfance  du  Seigneur  I  e  s  v  s . 
fi  claires  dans  ce  texte,  que  chacun  tes  J 
peut  voir  de  luy  mefme.   c^mdtaccom- 
jliffeme/it  du  temps  e  fi  venu  ,  d\t'i\^  Dieu  a 
€nv<ty€[on  Fils  f m  de  femme  ^&fujet  à,  la  loy. 
L'Apôtre  remarque  en  premier  lieu  le 
temps  deTenvoy  du  Seigneur  au  mon- 
de, en  difant  qu'il  a  été  envoyé ,  quand 
raccomplijfemem  du  temps  efl  venu.   Dans 
les  verfetsprecedens  ildiloit.que  l'Egli- 
fe  durant  fon  enfancca  été  aflervie  à  la 
loy  Mofaïque,  comme  a  untutcutjou  à 
un  Pédagogue;le  Perc  celcfte  ayant  vou- 
lu qu'elle  demeuraft  en  cet  cftat  jufques 
à  ce  qu  elle  euft  atteint  un  âge  plus  meur^ 
&  par  manière  de  dire5les  ans  de  fa  ma- 
jorité.  Il  ajoute  maintenant,qiie  ce  ter- 
me étant  venu,  ce  temps  préfix  &  déter- 
miné par  le  Père  étant  accompli  (car 
c'eft  cequ'ilentendpar  faccomplîjfement 
ou  U  plénitude  du  temps  )  alors  lo  Chrift 
a  été  envoyé.  Car  ce  grand  Dieu,  qui  en 
fon  ccMifeil  éternel  a  difpenfd  les  faifon» 
de  toutes  les  chofcs  de  l'vnivers  les  fai- 
fant  naiftre ,  croiftre  ,  diminuer ,  &  finir 
chacune  en  leur  temps  préfix  ,  fans  qu'il 
foit  poflible  aux  caules  fécondes  de  le 
hafter,ou  de  le  retarder,  avoir  auffi  félon 
cet  ordre  pris  un  certain  terme  pour  en- 
voyer 


s  E  R  M  O  K     I.  Ji 

voyerfonFils  aumonde^afin  de  mettre 
TEglife  en  liberté.  Qji'ilen  ait  uféde  la 
force,  ôdla  raifon  de  ia  ibuveraine  fagef- 
fejqui  ne  fait  rien  iînon  en  temps,  ne 
nous  permet  pas  d'en  douter,  $c  les  Ora- 
cles du  vieux  Teftament ,  qui  defignenc 
fouvent  ce  temps-là,  nous  le  montrent 
clairement.    Et  que  la  plénitude  de  ce 
temps  fuft  venue, comme  dit TApôtre, 
c  cft  à  dire,que  tous  les  fiecles,^  tous  l&s 
ans  préfix  jufques  à  ce  terme,fu{îent  ple- 
nement,  &  entièrement  coulez,  fans 
qu'il  en  rcftaft  aucun ,  lors  que  lefus- 
Chrift  eft  venu  au  Monde  ;  cela  fe  peut 
auffivoir  par  les  circpnftances,dontles 
Prophètes  fe  font  fervis  pour  nous  le  dé- 
crire. Par  exemple  lacob  prédit5que  Sfilo,  ^'''*-49'- 
le  Pacifique ,  c'eft  à  dire  le  Meflie  vien- 
dra avant  que  le  fceptre  &  le  Legiflateur 
foient  ôtez  aux  Iuifs;&:  plufieurs  fiecles 
depuis  Aggée  prophetife ,  que  le  Meilîc  -^^^'^2. 
fera  révélé  durant  la  fubfiftence  du  fe-^' 
cond  Templeicarc'eften  cela,  que  con- 
âfte  l'avantage  de  gloire,qu'il  luy  donne 
au  deffus  du  premier,  auquel  en  toute 
autre  ciKîfe  il  étoit  inférieur;  &:  Mala- 
chie  à  raifon  de  cela  dit ,  que  le  Mcflie,  MaUch, 
qu  il  nomme  le  Seigneur  cherché  par  les  3i- 

a     3  Iuif|^- 


I 


'€>    De  la  Naijfarfce  du  Seig>jeur  I  e  s  v  s^ 
Iuifs,entreia  en  fon  Temple.    Par  ces 
Oracles  il  paroift,  queicMcfllc  dévoie 
eftre  exhibé  &:  reprcfcntc  an  monde  du- 
rant la  (ubfiftencc  de  l'état ,  &:  de  la  poli- 
ee  civile  &:  Ecclcfiaftiq'ie  des  Iuifs5&;  du 
fécond  Temple  de  lerufalem.   Or  quand 
le  Scicrnevir  Icfus  eft  venu  au    monde, 
cette  iubfiftence  spproihoit  fort  de  fà 
rfih,le.  fécond  Temple  ayant  etè  ruine  ,  &: 
Ifijct^ptre  &  le  L^gHateur  fc'eftàdire 
fr-se^i(eignesd'.'  la  M  îgiftrature  civile,&: 
dîConicil  de'«  Sag-s)  ayant  écèôtc aux 
la.fs  irente-dpî  ans  leulemL-nt  aptes  la 
tnort  de  lefus  ;  fans  que  cette  mifcrable 
nation  ait  jamais  pu  depuis  ce  temps  là 
-n  le.ver  ou  (on  Tcmple,ou  Ton  état;ayant 
dcvia  poiTc  près  de  feize  iî -clés  entiers 
en  la   plus  piroiable  condition,  oii  ait 
jamais  été  aucun  peuple,  efclave  par  tous 
les  endroits  de  {^s  dilpr  riions,  vivant  par 
tout  en  exil,&r  fous  les  loyx  d  autrui. Puis 
donc  que  julqucs  à  la  naifTance  de  nôtre 
lefusj^e  Meflie  n  avoir  point  encore  étc 
envoyc;5i:  puis  que  d'autre  parr  il  reftoic 
{]  peu  d  efpace  jufques  au  terme  préfcrit 
par  les  Prophètes;  il  ell  clair  qu'alors  la 
plénitude    du  temps  étoit  venue,  &  que 
pour  juflifier  la  foy  des  Oracles  de  Dieu 

il 


Sermon     I.  7 

il  falloit  que  le  Chrift  de  Dieu  vinft 
dans  ce  peu  de  temps,  qui  s'eft  pafTé  de- 
puis les  dernières  années  du  Roy  Hc- 
rode  5  jufques  à  la  prife  de  lerufalem  par 
Titus,-qui  eft  (  comme  vous  fçavez  )  pre- 
cifeméc  le  temps  auquel  nôtre  Seigneur 
lefus  eft  nai,&:  auquel  il  a*^vcfcu  en  terre, 
&c  après  y  avoir^accompli  l'œuvre  de 
nôtrç,redemptiQn,s'en  eft  retiré  dans  les 
cieux.  Mais  la  prédiction  de  Daniel  eft  Dan.^i 
encore  plus  precife.  Car  il  dit ,  que  de-  ~^- 

^  puis  nffuë  de  la  parole^^/zW  s\ri retourne^ 
ceft  à  dire  <iepuis  la  publication  de  la 

::permi{Iîon,que  les  Rois  de  Pcrfe  donnè- 
rent aux  luifs  de  s'en  retourner  ;en  leur 

cpaïs,pour  rebâtir,  le  Temple,  jufques  à  ce 
que  le  Chrift  foit  retranché  il  y  aura 
foixante  bc  deux  fema-  -^s ,  c'eft  à  dire, 
quatre  cens  trente  &:  *tre  ans, Car  par 
c^%.f€main€S'\2is\\  ent'  dTelon  le  ftile  or- 
dinaire des  Prophètes  ,  des  femaines 

-^ -années, ô«:  non  de  jours.  Or  depuis  la 
deuxiefrae  année  ;dii*Roy' Darius ,  lors 

jq.u^  la  permiflion  de  rcbâçin  Ici  Temple 
fut  donnée  &  publiée  ,  en  .fuiîc  de  la- 
quelle il  fut  rebâti  en  efier.,  depuis  çô 
temps-là,disnje  ,jufqtics  àla  mort  du  Sei- 
gneur leiiisri/  îisfeft  juftcmcnt  paflc 

a     4         quatre 


8  De  la  NaiffafJce  dit  Seigneur  I  e  s  y  s . 
quatre  cens  trente  U  quatre  ans ,  félon 
la  fupputation  des  meilleurs  Autheurs 
dcLi  Chronologie.  S'enfuit  donc  que 
raccompliffement  du  temps  étoit  venu, 
lorsque  le  Seigneur  lefus  fut  envoyé  au 
monde.  Ajouterai- je  encore  à  ces  en- 
fcignemens  fifolides  une  congruité  al- 
légorique ?  Certes  tous  les  luifs  ,  & 
pluficurs  Ghtétiens  après  eux  tiennent, 
que  les  fîx  jours  emploiez  en  la  création 
du  monde  fignificnt  les  fix  milliers  d'an- 
nées de  fa  durécfcar  ceft  vne  tradition 
très-commune,  &:  très-ancienne  dans 
les  écoles  des  vns  &  des  autres,  que  le 
monde  doit  durer  fix  mille  ans)  Comme 
donc  en  la  création  le  Soleil  ,  rimage 
fymbolique  du  Meffie  ,  parut  le  qua- 
ï^,  tricfme  jour,&:  non  plûtoft ,  ni  plus  tardi 
aulTi  a-t- j1  été  convenable,que  le  Chrift, 
le  Soleil  de  lufticc,  fuft  exhibé  &  mani- 
feflc  au  monde  dans  le  quatriefme  mil- 
lier de  fa  durée  ,  qui  répond  au  quatrief- 
me jour  de  fa  création.  Or  cequatrief^ 
me  milhcr  des  années  du  monde  ctoic 
-prés  de  fa  fin, quand  nôtre  Seigneur  lefiis 
naquit  (  car  il  fut  crucifié  l'an  du  monde 
trois  mille  neuf  cens ,  quatre-vint-un, 
c'cft  à  dire  dix-neuf  ans  feulemêt  avant 


^tn.  T. 


Sermon    I.  9 

que  le  quatriefme  millier  de  la  durée  du 
monde  fuft  achevé.  )    Il  ell  donc  clair 
qu'alois  auffi  félon  cette  méditation  al- 
légorique ,  raccompliffement  du  temps 
étoit  venu.  D  ou  vous  voyez  dvne  parc 
combien  eft  grade  la  ftupidite'  des  luifs, 
qui  attendent  encore  le  MefTie,  feize 
cens  cinquante  ans  après  l'accomplifle- 
ment  de  tous  les  temps  dans  lefquels  il 
avoit  été  promisi&:  de  l'autre  j  combien 
cft   certaine  &:à(îeurée  nôtre  foy  ,  de 
nous  qui  croiônS  ,  que  le  Seigneur  lefus 
éftleChrift.   Car  puis  que  leDieufou- 
veraia  avoit  prédit  tant  de  fiecles  aupa- 
ravant, &c  entant  de  falTons  ,  que  fon 
Meflie  vtendroit  precifément  au  temps 
de  la  naiffance,  de  la  vie.  Su  de  la  mort 
du  Seigneur  lefus;  &c  puis  que  d'autre 
part  en  tout  ce  temps-là  il  ne  fe  prefcnte 
aucun  autre  que  lui  ^àqui  cette  qualité 
foie  attribuée, ou  par  les  luifs,  ou  par 
aucune  autre  nation  ;  il  faut  biencon- 
clurre  de  necelTué,  qu'il  eft  véritable- 
ment lé  Meflîe  tant  de  fois  promis  par 
le  Seigneur,  Se  fi  ardemment  attandu 
par  fon  Eglife.   Et  quand  tant  d'autres 
enfeignemens ,  que  nous  avons  de  fa  ve- 
^  rite ,  Ô6  divinité  >   nous  manqueroienr, 

celui- 


10  T>eU  JNfaijfatjce  du  Seigneur  I  e  s  v  s . 
celuî-ci  feul  fuffiroit  i  étant  clair,  que  iî 
nôtre  lefns  n'cft  pas  le  Chrift,  il  faudra 
donc  condamner  ,  comme  autant  de 
faulTetez  &  d'illufions,  toutes  ces  pré- 
dirions de  Dieu  fous  le  Vieux  Tefta- 
ment  \  parti  defefperé ,  que  le  luif  ne 
prendra  jamais  ,  ni  certes  aucune  per- 
fonnc  de  jugement ,  qui  aura  exadcmêc 
coniîderétous  lestenans,  &  aboutiflans 
de  ct^  divins  Oracles  jle  rapport  admi- 
rablc^quife  trouve  entre  les  evenemens, 
&  les  predidions ,  juûifiant  tres-cvidc- 
ment  la  vérité  des  uns  &:  des  autres. 
<^ant  aux  plaintcs,que  fait  ici  le  profa- 
ne, de  ce  que  Dieu  n'a  pas  envoyé  fon 
Chrift  pKitoft  au  monde  \  elles  ne  méri- 
tent pas,que  Ton  y  ait  aucun  égard.  Il 
fuffit,que  nous  fçavons  queDieuTa  airiiî 
voulu.  Car  puis  qu'il  paioift  par  toutes 
fes  révélations,  &  notamment  par  celle- 
ci  j  que  TinteUigence.  ôd  la  fageiTe  de  ce 
grand  Dieu  cft  fouveraine,  qui  a  pu  pré- 
voir ,  &  prédire  dcs.chcXcs  fi  élQ.jgRé§s 
dansTaveniriSiT  que  de  là'nlcfmc  ^pjçq- 
;re  il  -eft.  clair ,  qi'C  c'eft  lui  qui  a  d'çver- 
jninéle  rempsderavencmentdu  CUrilb 
nous  devons  dés-là  tenir  pour  tout  affeu- 
Tç  y  q'vic  cctfc  difpenfatAQn  .cft  trcs-JMik, 

bien 


Sermon     I.  il 

bien  que  nous  en  ignorions  la  raifon. 
Certes  au  moins  voions  nous  en  cette 
oeuvre  les  marques  de  fa  conduite  ordi- 
naire. G  ar  corne  il  conduit  toutes  chofes 
à  leur  dernière  perfeftion  par  certains 
degrez;ainfi  a-t-ilfait  paiTerTEglife  par 
diverfes  œconomies,  comme  par'autanc 
d'âges  &:  d'intervalles ,  avant  que  de  lui 
donner  fa  perfeftion;  ce  qui  requeroir, 
queTexhibitiondu  Chrift  ,  le  confom- 
niateur  de  toutes  chofes,  ne  fe  filVpas 
des  le  commencement.   loint  qu'il  a  eré 
à  propos  de  préparer  le  monde  à  la  foy 
dVn  fi  grand  n>îracle,  par  plufieur^  lon- 
gues difciplines,&:reprefentatiôns  typi- 
ques. Car  puis  quet^onobftant  cette  dif- 
penfation  û  merveineuïè,  le  Ch«-ifta  ère 
méconnu  &l  rejccré  par  la  plus  grande 
partie  dugenrc  h'3lTicîiri;Gomhien  mofiins 
euft-il  ctc  creu,  s'il  fuft  venu  deVîe  cotii- 
mencernent,  non  prevén,  non  prédit, 
&:  non  atrandu  ?  Enfin  ïî'-le  monde  ne 
doit  durer  qu'en  vit  on' ^iix  milicans,!! 
ctoit  à  propos  pour  la  foy  de  la  Religion, 
que  le  Chrift  y  a  apportée,  qu'il  vinft  aux 
derniers  fiecles  plûrrft  qu'aux  preriiiers. 
Car  s'il  fuft  venu  des  les  premiers  temps, 
alTeurémenr  il  euft  t^té mccreu,  &  foup- 

çonne 


Il  De  la  TTatJfance  dtt  Seigneur  \^^  y  ^1 
çonné  parles  derniers  i  les  chofes  très- 
anciennes  étant  pour  la   plufpart   efti- 
mées  fabuleufes  par  les  hommes ,  au  lieu 
qu  ayant  été  manifefté  en  vn  temps,non 
trop  éloigné  du  nôtre  ,  &   d'abondant 
plus  éclairé  de  la  lumière  des  lettres  ^ 
difciplines ,  qu'aucun  autre  ficelé,  qui  aie 
jamais  été  ;  on  ne  fçauroit  révoquer  en 
doute  ni  fa  naiflance  ,  ni  fa  mort  i  atte- 
ftées  par  toutes  fortes  de  gens,  amis,  6^ 
ennemis,  Chrétiens,  luifs,  &  Paycns. 
Mais  c'eft  aflez  parlé  du  temps.  Venons 
maintenant  à  fon  envoy  mefme.  Pour  le 
bien  entendre,il  nous  faut  confiderer  la 
perfonne,  &  de  celui  qui  a  été  envoié,&: 
de  celui  qui  a  envoie  ;  &:  enfin  la  faffon 
decét  envoy.  Celui  qui  a  été  envoyé  eft 
le  Fils  de  Dieu;  celui  qui  Ta  envoie  c'eft 
Dieu'^  car  T Apôtre  dit,  c^nt  Dieu  a  en^ 
'voié  fon  Fils,    Quen  cette  tres-fainte 
&:  tres-glorieufe  Nature,  que  nous  ado- 
rons,&:  que  nous  appelions  Dieu ,  il  y  ait 
quelque  diftinftion  de  perfonncs,Moïfe, 
bL  les  anciens  Prophètes  l'avoient  desja 
lignifié  en  divcrfes  fortes  ;  mais  l'Evan- 
gile la  fi  clairement  enfeignc,qu'il  n'y  a 
plus  lieu  d'en  douter.  Or  qu'elle  eft  pre- 
cifément  la  manière  ,  &  la  forme  ,  ^  la 

diftindion 


s  E  K  M  O  N       I.  1} 

diftindion  desperfonnes  divines,  lef- 
pric  de  rhomme  ne  le  peut  comprendre, 
le  fini  netanr  pas  capable  de  concevoir 
Tinfini.  On  peut  montrer  par  l'Ecriture, 
ôc  que  ces  perfonnes^quant  à  leur  maniè- 
re de  fubfifter  font  tellement  diftinftes 
Tvne  d'avecque  l'autre ,  que  l'une  n'efl: 
pas  l'autre,  &  que  ncantmoins  quant  à 
leur  Nature  ,  elles  font  fi  ctroitement 
unies ,  qu'elles  ne  font  qu'vn  feul  Se 
mefme  Dieujbien  qu'au  refte  il  ne  nous 
foit  pas  poflible  de  comprendre  com- 
ment des  perfonnes  diftindes  &  diver- 
fes  Tune  de  l'autre,  fubfiftenten  une  feu- 
le &  mefme  Nature.  De  ces  perfonnes 
donc,  qui  fubfiftent  en  l'unique  Nature 
de  Dieu,  la  féconde  eft  appellée  le  fils 
dans  les  Ecritures;comme  quand  Efaye 
dit  en  la  predidionde  la  naiffance  du 
Me  (fie  ,  L!  Enfant  nous  eji  nai.le  Fils  nom  a.  ^A^«  9- 
éîedonné;^  dans  le  deuxiefmePfeaume,  ^' 
Bai  fez  le  Fils-^depeur  quil  ne  Ce  courrouce^,  Tfe.zAz^- 
Et  afin  que  Ton  ne  s'imagine  pas,  que  ce 
foit  vne  créature  nommée  Fils  par  fimi- 
litude  en  la  mefme  forte  que  les  Anges, 
ou  les  hommes  font  quelquesfois  hono- 
rez de  ce  nom  ,*  le  Saint  Efpritnous  dit 
exprcifément  ,  que  ce  Fil$  eft  le  Filsil"!^^ 

unique 


I. 


14  Delà  Nai/fa^ce duSelg/^eurlESVS. 
i{oyn.î.  tmiGiue  de  Dieu  i  &  ailleurs ,  que  ccÙ.fo^ 
^'  Fils  propre  i  ce  qui  ne  fcroic  pas ,  s'il  n  e- 
toit  Fils  de  Dieu, qu'en  la  melme  faiTon, 
que  le  font  les  créatures.  Saine  lean  le 
nommeauiri/^P4r^/^;c'eftà  direlapuii- 

x€>tn  I.  » 

T.cT-v/^^-fance,  &  la  vertu  du  Père,  à  la  parole 

'^^''''  duquel  Moïfe  attribue  toute  la  .création 
de  l'univers.    Salomon  pour  la  melme 

^'''^-  ^raifon  l'appelle  U Sapieme^.  Ccft  donc 
cette  féconde  perfonne  de  Ja  divinité, 
qui  a  été  envoyée  en  la  plénitude  des 
IQVCi^S'i Dieu  a  envoyé fon  Filî^dit  l'Apôtre. 
Celui  qui  l'a  envoyé  c'cll  Dieu yCcds, 
dire  le  Père,  la  première  peribnne  de  la 
Trinité.Carbien  que  le  Fils  foitDicu  de 
mefme  effence  ,  &:  de  mefme  éternité 
que  le  Père  ;  neantmoins  dans  les  lieux, 
oii  il  eft  qucllion  de  l'oeconomic  de  nô- 
tre rédemption, !c  nom  de  Dieu  fe  prend 
ordinairement  pour  le  Fere  particuliè- 
rement ;  comme  quand  le  Seigneur  dit, 
<3ue  Dieu  a  tant  aimé  le  mande^  au  il  a  donné 

ï^.  Ion  Fus  vnique  ^  apn  que  epiiconque  croit  en 
lui  ne  pertffe  point -i  &L  iouvcnt  ailleurs. 
Coniiderons  maintenant  quel  eft  cet 
eavoy,ou  cette  million  du  Fils.  Chacun 
fcait  quW;i;tfjrr  lignifie  hure  aller  quel- 
qu'un d'un  heu  daiiS  un  autre  s  de  forte 

que 


s  E  R  M  O  "N"       I.  15 

que  ce  que  die  TApôtre ,  que  le  Fils  a  été 
envoyé  far  le  Père  ,  ne  veut  dire  autre 
chofe ,  (iiion  que  par  la  volonté5&:  par  le 
mandement  du  Père  le  Fils  eft  venu  au 
monde.     Mais 'puis  que  le  Fils  eft   de 
mefmenature^que  le  Pere^il  eft  évident, 
qu  il  ne  va  ,  &  ne  vient  qu'en  la  mefme 
forte, &  au  mefme  fens,  que  le  Pcrejc'eft 
affavoir  non  par  un  mouvement  fembîa- 
ble  à  celui  des  corps,  quittant  le  Iieu,oà 
il  ctoit,^^  fe  rendant  en  celui ,  où  il  n'é- 
toit  pas  (  Dieu  étant  infini  ne  fe  meut 
poinren  ce  fens,  parce  qu'il  remplit  tout 
l'univers,  étant  par  tour,&:  dedans, ô^  de- 
hors le  monde.)  MaisTEcriture  dit ,  que 
Dieu  vient  dam  vn  lieu  ,  quand  il  y  mani- 
fefte  fa  préfcnce,  foit  par  les  œuvres, 
qu'il  y  faitrfoir  par  quelque  fymboie  ,  d\x 
figne  vifib]e5qu'il  y  propofe  anx  yeux  des 
hommes  ;  comme  quand  il  fe  montra  J 
Abraham,.^  à  lacob  fous  la  ferme  d'va 
homme,  &:  à  Moïfe  fous  celle  dVni>uif- 
fon   ardent.    C'eft  donc  ainii  qu'il  faut 
entendre  renvoy  du  Fils  ;  qui  fignific, 
que  le  Fils  félon  ]ê  bon  plaific  du  Pcré 
s'eftmanifefté  au  monde  par  la  nature 
humaine5qu'il  a  prife  à  foy,&  en  laquelle 
il  s'eft   rendu  vifible  \  *^  par  les  admi- 
rables 


16  De  la  Naijfa^ce  au  Seigneur  I E  s  v  S  T 
râbles  oeuvres  de  fageflc,  de  juftice^&dd 
boncé,qu'il  a  faites  duiant  les  jours  de  fa 
converiation  icy  bas.  Ceft  ce  que  TApô- 
tre  nous  déclare  5  en  difaiu,  que  ce  Fils 
envoyé  du  Père ,  a,  été  fait  de  femme  i  pa- 
roles qu'il  a  ajourées,  non  tant  pour  defi- 
gner  la  qualité  du  Fils,  que  pour  nous 
montrer  la  faflbn  ,  dont  il  a  été  cnvoyéy. 
aflavoifj  que  pour  exécuter  la  volonté  du 
Pere,qui  Icnvoioit,  il  a  reveftu  vne  chair 
humaine  faite  &:  formée  par  l'opération 
du  Saint  Efprit  de  la  propre  fubltance  de 
la  Bien-heureufe  Vierge  i   que  l'ayant 
veftuë  5  il  eft  demeuré  dans  fon  fein  juf- 
ques  au  terme  ordinaire,  lequel  étant  ac- 
complijil  cftnaiau  monde,  comme  les 
autres  hommes.  S.Iean  Cgnifîe  la  mcfme 
chofe, quand  il  dit^que  U  Farole  a  été  faite 
^  chair  ;  &  l'Apôtre  ailleurs,  que  Dieu  a  été 
16.  '   '  tnanifefié  en  chair.  D'ici  paroift ,  bc  quelle 
eft  la  perfonne  de  celui ,  dont  nous  célé- 
brons la  naiffance,  &:  quelle  la  nature, 
qu'ilaprife  ennaiffant  ,  &:  quelle  enfîa 
la  faffon  dont  il  fe  l'eft  unie.   Sa  perfonne 
car  c'cft  le  Fils  de  Dieu ,  engendré  de 
toute  eterniic  de  la  fubftance  du  Pcrcj^: 
fubfiftant  en  Dieu  devant  tous  les  fieclcsv 
ià  parole,  à:  fa  fapicnce  éternelle,  la 

rcfplcn- 


hxn  I. 

14. 


s  E  R  M  O  Tî      I.  I^ 

xefplendeur  de  fa  gloire ,  &:  la  marque 
cngravée  de  fa  perfonne  s  par  lequel  il  a 
fait  les  fiecles  ,  &c  formé,  conduit,  èc 
gouverné  fon  Eglife.    Mais  ce  que  die 
l'Apôtre  5  que  ce  fils  a  esté  fait  defemme^ 
nous   montre  atoffi  clairement  ,  quelle 
a  été  la  Nature ,  en  laquelle  il  s'eft  ma- 
nifefté  au  monde  i  affavoir  vne  nature 
humaine  ,  non  tombée  des  cieux  ,  ou  ex- 
traite de  quelque  matière  furn^mellej 
U  extraordinaire  (  comme  font  refvé 
divexs  hérétiques  5  foit  des  iiecles  paflez 
foit  du  nôtre)  mais  formée  d'une  vraye 
chair  humaine ,  en  telle  forte ,  que  nous 
pouvons  véritablement  dire  ,  qu'il  cft 
nôtre  os,  &:  nôtre  chair,  de  mefme  ef- 
fence ,  &:  de  mefmes  proprietez  ,  que 
nous.   Mais  d'ici  vous  voiez  encore,que 
cette  nature  humaine  du  Seigneur  eft 
nécdVne  Vierge  par  une  opération  di- 
vine, fans  l'entremife  de  Thomme.  Car 
bien  quefEcriture  dife  quelquefois  ceH)i 
qui  font  nais  de  femmes ,  pour  fignifier  les 
hommes  ;  fi  eft-ce  que  cette  exprelGon 
de  l'Apôtre  emporte  quelque  chofe  de 
pacticuher,  n*étant  pas  du  tout  fembla- 
ble  à  l'autre.  Car  il  ne  dit  pas  fimplemenr, 
que  le  Fils  de  Dieu  eft  nai  de  femme; 

b  '  mais 


i8    De  U  Naijfance  du  Seigneur  I  e  s  v  s . 
mais  qiù/  ejl  fait  de  femme,  Pourquoy^ 
Pour  nous  moncrer^qu'il  a  été  conceu  de 
la  chair  d'une  femme  feulement,  &;  non 
auffi  de  celle  d'un  homme,  comme  tous 
les  autres  hommesic'eft  à  dire,  quileft 
nai  d'une  Vierge.     Car  s'il  avoit  été 
conçeu  à  la  faflon  des  autres  hommes, 
fans  doute  TApôtreeuft  dit,  qu'il  a  été 
fait  d'un  homme  ,  &:  non,  comme  il  dit, 
d'une  femme  ,*  à  quoy  tend  auffi  àmon 
avis  l'expreffion  employée  par  le  Sei- 
gneur en  la  première  promefTe  du  Mef- 
fie  ,  conceuë  en  ces  mots ,  que  Ufemence 
ç^„  ,,  de  U  femme  hrifera  U  tefle  du  ferfent.  Car 
i/.       le  mot  Aç,  femme  en  ce  paflfage  de  l'Apô- 
tre figaifie  (iinplem^nt  le  fcxe  ,   &:  non 
l'état,  5^  la  qualité  de  laperfonne,  dont 
a  été  fait  le  Seigneur  i  étant  clair  par  le 
rapport  des  Evangeliftes,queç'étoit  vne 
Vierge.  Enfin  l'Apôtre  en  difant,  que  le. 
Fils  de  Dieu  n  tte  faic  de  femme  en  la 
mefm  e  forte  que  S.  lean  avoit  dit,  que  U 
Faroe  a  été  ftite  chair^  nous  montre,  qu'il 
s'cft  uni  en  unité  de  perfonne  cette  na- 
ture humaine  qu'il  a  prife  à  foy ,  en  telle 
forte  que  cet  homme,  qui  cft  nai  de  la 
laintc  V  iergc,qui  a  veicu  ,  &C  eft  mort  ea 
Iudéc-,&:  qui  rcgnc  maintenant  au  deifus 

des 


2J.ZZ.2- 


Sermon     L  i^ 

<îcscieux>  n'eft  pas  une  autre  perfonne 
que  le  Fils  de  Dieu  ,  mais  eft  le  Fils  de 
Dieu  melme  ,  éternel ,  &:  coëflentiel  au 
Père,  n'ayant  point  d'autre  fubfiftence 
que  la  iîcnne.Car  fi  le^ils  de  Dieu  avoic 
Amplement  habité  en  cette  chair-là  de 
la  faflbn  qu'il  a  habité  dans  les  faints 
hommes  (es  Prophètes  &  fcs  Apôtres 
par  vne  prefence  &:  efficace  continuelle 
de  fa  graceioh  ne  ponrroit  pas  dire,  que 
le  Fils  de  Bieu^  dt  été  f ah  de  U  femme  ,  ni 
qu'i/  Ait  été  fait  chatr  i  mais  bien  ,  qu'il  eft 
venu,ou  qu'il  a  habité  en  la  chair  >  ou  en 
une  perfonne  née  de  femme  i  comme 
vous  voiez ,  que  jamais  on  n'a  dit^que  le 
Fils  de  Dieu  ait  été  fait  chair,ni  qu'il  aie 
été  fait  de  femme  ,  quand  lean  Baptifte 
naquit,  bien  que  ce  fuil  vn  homme  au- 
quel le  Fils  de  Dieu  s'étoit  communiqué 
paT  une  grâce  extraordinaire.  Davan- 
tage fi  le  Fils  de  Dieu  n'avoit  aucune 
autre  union  avecque  la  chair  ,  qu'il  a 
prife^que  celle  qu'il  avoit  eue  autresfois 
avecque  la  flamme  du  buifTon  par  exem- 
ple, ou  avec  ces  fqrmes  humaines ,  où  il 
apparoiffoit  aux  Patriarches  ;  l'on  ne 
pourroir  pas  dire  non  plus  ,  qu'i/  a  et}  fait- 
chatr ,  ou  quil  a  été  fait  de  femme  i  comme 

b     2.  Ton 


20  Be  UNaiJfancedu  Seigneur  Iesvs. 
Ton  ne  dit  point  à  Toccafion  decesanc 
ciennes  apparitions ,  qu'il  s'eft  fait  ou 
flamme  ou  homme ,  &  beaucoup  moins 
encorejqu'il  ait  ctè  fait  alors  ou  de  flam- 
me ou  d'home.  Puis  donc  que  les  Apô- 
tres difent  non  fimplcment ,  que  le  Fils 
de  Dieu  a  habite  en  la  chair,  ou  dans  un 
homme  fait  de  chair,  mais  quilaé^è  fait 
chaïr^é'  ^^'il'  ^  été  fait  de  femme  ;  il  faut  ne- 
ceffaireraent  confefTer,  que  Tvnion  qu'il 
a  avec  cette  chair  prife  dans  le  fein  ,  ^ 
du  fang  de  la  fainte  Vierge5eft  tout  autre 
que  les  précédentes  j  qu'elle  eft  en  un 
mot  perfonnelle,  &:  telle  que  celle  de 
Tame  &  du  corps ,  &  qu  elle  lie  tres- 
étroitement  fes  deux  Natures,affavoir  la 
divine  &  Thumaine^en  un  feul  fujet ,  au- 
quel denômè  tantoft  de  Tune ,  &:  tantoft, 
de  Tautre  appartiennent  en  commun 
toutes  les  qualitez,&  proprietez  de  Tune 
^  de  lautrc.  C  eft  par  le  bénéfice  de 
cette  admirable  union,  que  nous  pou- 
vons dire  fans  faillir,  que  rEtcrneleft 
nai  en  temps  ;  que  le  Fils ,  qui  a  fait  le 
nionde,a  ctè  fait  de  femme  ;  que  le  Sei- 
gneur de  gloire  a  ctè  crucifié  i  que  Dieu 
a  répandu  fon  fang,&:  à  Toppcfite  pareil- 
lement 3  que  le  Fils  de  Thommeacrcc 

l'uni- 


Sermon     L  ii 

f  univers  ;  qu'un  home  jugera  le  monde; 
qu'un  crucifié  eft  Dieu  benic  éternelle- 
ment avecque  le  Père.  Voila  ,  chers 
Freres^quelîe  eft  la  perfonne  que  le  Père 
nous  a  envoyée  ;  un  Dieu,  mais  mani- 
fefté  en  chairs  la  Parole  éternelle  ,  mais 
faite  chair  ,*  le  Fils  de  Dieu  fubfiftant  de- 
vant tous  les  {îecles5mais  fait  de  femme 
en  la  plénitude  des  fiecles.  Et  ici  remar- 
quez, je  vous  prie,radmirable  abondâce 
des  écritures  de  l'Apôtre;  qui  dans  cette 
petite  fentence ,  comme  dans  un  riche 
arfenaljuous  fournit  les  armes ,  ou  pour 
mieux  dircjles  foudres  ncceffaires  pour 
abattre  fans  reflburce  toutes  les  herefîes, 
qui  fe  font  élevées  contre  la  fainte  do- 
ûrine  de  la  perfonne,  &  des  Natures  du 
Fils  de  Dieu.  Difant ,  que  Dieu  Ta  cn- 
voyèjil  montre  que  fa  perfonne  eft  autre 
<}ue  celle  du  Père,  contre  Sabellius ,  qui 
les  confondoir.  Difanr  qu'il  a  été  en- 
Voyè,&::mefme  envoyé  dehors  fcar  le  ter- 
me Grec  de  l'original  emporte  cela^  {\i^a'rréç: 
enfeigoe  ,  qu'il  fubiSftoir  avant  quedc'^^^** 
venir  au  monde  ;  contre  les  Samofate- 
i*iiens5Ô^:lesPhotiniens,qui  le  nioienr.  Le 
nommant  le  Fils  de  Dieu  ,  il  declare^qu'il 
eft  de  mefmc  nature  que  le  Perc, contre 

b     ^  Arius, 


tz  De  la  N'aijfa/ice  di^  Sel^»eurJtSVS* 
Arius  ,  qai  blafphcm  )ic  le  contraire- 
A)oû>  antique  ce  Fus  de  Diea  a  ct'efait  de 
femme ^i\u.\\t  pcr  biinvlieinenc  celai  q  à 
a  pris  jaffavoir  le  Fils  de  Dieu  ,  avec  ce 
qu'il  apris,a(ïavoir  la  nature  humaine; 
cancre  Neftorius,  qui  le  divifoit  en  deux 
perfonnes.  Enfin  ce  mot  f au d' fi mmc^ 
écablit  la  venté  de  fa  nature  humaine,  &C 
fa  confangiinuè  (  fi  je  Tofe  ainfi  dire  ) 
avecque  la  nôtre^contre  Marcion  &:  Ap- 
pelles, &rles  Anabipcillc<;  ;  qui  changent 
fa  chair  ou  en  un  fantôme,  ou  en  une  hu- 
manité d'une  tout  autre  maticre,  nature> 
&:  origine  que  la  nôtre.  Mais  outre  que 
rautoricèderApoftic,  &  des  autres  Ecri- 
tures eftablic,  que  le  Chnfl:  eft  comme 
nous  l'avons  reprcf^n'è,vrai  Dieu  &  vrai 
homme,vrai  Fils  de  Dieu,  &:  vrai  Fils  de 
l'homme  en  une  feule  &  mefme  perfon- 
neije  dis ,  que  la  chofe  mefinc  ,  &:  la  fin 
defoncnvoy  rcqueroit  neccflairement, 
qu'il  fuft  tel.  Car  il  a  été  envoyé  ,  6c  eQt. 
venu  au  monde  pour  fauver  le  genre 
humain.  Or  pour  exécuter  ce  dcflein,  il 
falloir neceflairemcnt  qu*jlfuft:  Dieu,  la 
créature  étant  trop  foible  pour  appaifer 
rire  du  Père  par  un  facrifice  d*un  prix  in- 
fini,pour  illuminer  les  cntendemens  des 

hommes 


s  1  R  M  O  N       I.  23 

hommes  naturellement  aveugles  ,  pour 
fanctifier  leurs  affedions ,  pour  lescon- 
ferver  contre  les  efforts  de  l'Enfer ,  &: 
pour  les  reffufciter  un  jour  en  la  bien- 
heureufe  immortalité  ;  tous  effets  requis 
pour  nous  mériter ,  &:  nous  donner  le  fa- 
lut.Mais  il  falloit  encore  que  ce  fuft  Dieu 
le  Fils^plûtoft  qu Vne  autre  perfonne  de  la 
fainte  Trinité  i  parce  qu'étantqueftion 
de  donner  aux  hommes  Je  droit  d'eftre 
cnfans  de  Dieu  ,&  de  reparer  en  l'uni- 
vers ce  qui  étoit  décheu  de  fa  première 
dignité  5  qui  pouvoit  plus  convenable- 
ment intervenir  pour  ces  deux  effets, 
que  celui  qui  eft  le  Fils  effentiel  de  Dieu, 
éc  le  Créateur  &:  l'Auteur  de  la  Nature 
des  chofes  ^  Mais  ce  mcfee  Libérateur-^ 
des  hommes  a  aufli  deu  eftre  homme, 
veu  que  la  feule  divinité  ne  pouvoitni 
agir  familièrement  avec  no  us ,  ni  fouffrir 
la  mort  pour  nous,  deux  chofes neant- 
moins  xieceffaires  à  nôtre  falut  i  puis  que 
d'vne  part  le  refïentiment  du  pechè  3i  de 
la  luftice  divine  nous  avoit  effarouchez, 
d/  que  de  l'autre  nos  crimes  ne  pouvoient 
eftre  expiez  autrement ,  que  par  la  mort 
d'une  vidime.  La  mefme  raiïbn  vouloit, 
que  le  Chrift  fuft  un  homme ,  non  forme 

b     4  d'one 


i4  ^<?  U  Naifa?îce  du  Seigneur  I  e  s  v  s. 
d'vne  matière  celefte,mais/^//  defemmei 
comme  dit  l'Apôtre ,  c'ell  à  dire  de  nô- 
tre fang,&  de  notre  parentè;parce  que  ni 
le  droit  de  nous  racheter  n*appartenoit 
fwlon  les  anciennes  loix  d'ifraël,  qu'à  ce- 
lui qui  eft  nôtre  proche  de  fang  ,  ni  les 
fbuftrances  d'un  étranger  ne  pouvoient 
tourner  à  Tacquit  de  nos  pênes,  ni  fes 
gloires  à  la  confolation  de  nos  ames.Mais 
bien  qu'il  ait  deu  naiftre  d'une  femme,  il 
a  neanrmoînsétè  ncceiTaire^que  ce  fuft 
d'une  femme  Vierge ,  par  {opération  du 
Saint  Efprit,&:  non  de  Thômc,  tant  pour 
fignaler  ia  naiflance  du  Prince  de  tout  le 
genre  humain  par  la  plus  illuftre  ,  &  là 
plus  finguliere  marque  qui  ait  jamais  été, 
>jque  principalement  pour  garantie  fa 
conception  de  toute  foiiilleure  origi- 
nelle i  &:  de  plus  encore  pour  nous  don-  ^ 
Jier  le  patron  de  nôtre  féconde  gênera- 
tion,quand  par  l'efficace  de  l'Efprit,  &: 
non  de  la  chair ,  nous  naiffons  enfans  de' 
Dieu.  Ainfi  voyez  vous,que  Tintereft  de 
nôtre  falut  requeroit  abfolument,  que  le 
Chrift  fuftprecifement  tel,  qu'il  nous  a 
érè  donné  en  effet.  Auffi  y  avoit-il  long- 
temps que  les  Oracles  du  vieux  Tefta- 
mcnr  nous  lavoient  ainfiproipis.  Car 

pour 


s  E  R  M  O  N       î.  2-5 

pour  en  alléguer  quelques-uns  djjn  grâd 
&:prefque  infini  nombre,  Efayenavoit- 
il  pas  prédit  que  ce  feroic  un  Dieu,quand 
il  nous  déclare  que  fon  vrai  nom  eft 
r  Admirable. le  Dieu  Fort.é  Vuïffxm,  le  Père  Efale 
de  ïeterniù.le  Prince  de  Paix  \  tous  tiltres  fi  ^•^• 
grands  &  fi  glorieus ,  qu*il  n'y  a  que  le 
feul  Ecerncl,qui  les  puiflTe  foûcenir  ?  Et 
n  avoit-il  pas  montre',que  ce  feroit  Dieu 
le  Fils ,  en  difant ,  que  le  Fils  noti^  a,  été 
donriè  ?  Mais  quand  il  dit  ,  que  l'Enfant 
nous  naiftra ,  &:  raefiîle  •  qu'il  étoir  desja 
nai,tant  il  tenoit  la  chofe  affeurée,  ne  fi- 
gnifie-t-ilpasjque  pour  nous  il  fe  fera 
homme  ?  &  home  encore  de  nôtre  fang, 
&c  de  nôtre  famille,puis  que  le  Seigneur 
rappelle  ,  U  feme^ce  deUfemme  ^^  que^/^-î- 
Moïfe  prédit ,  qu'il  r^ou^ferafufiiîédentre'^^^,^^^ 
jes  frères-,  &:  que  tous  les  derniers  Pro-^v 
pbetes4e  font  fortir  de Tefloc  de  Davidj 
Et  quant  à  fa  naiffance  d'une  Vierge, 
Efaïe  a  prédit  expreflcmcnr,  fw/,dit  il,  e[.j.i^. 
une  Vierge  fera  enceinîe.ér  enfantera  unFils\ 
&:  pour  combler  ces  enfeigccmens  >  il 
ajoute  la   plus  grande  merveille  ,   qui 
foit  en  toute  cette  difpenfation  de  Dieu^ 
^{favoir  Tunion  des  deux  natures  en  une 
fçulc  pcrfonne,  quand  il  dit ,  que  le  noni 

de  ce 


i^  "De  h  Naiffa^ce  du  Seigneur  I E  s  v  s  T 
de  ce  Fils  nai ,  d'une  Vierge  fera  Emma,- 
Tiuel^  ceftà  dire  Dieu  avecque  nous; 
Dieu,  mais  en  telle  forte,  qu'il  fera  aufli 
homme  corne  nous.  Les  types  Tavoient 
auiïï  figuré  tel  ,  que  les  Prophètes  l'a- 
voient  prédit.  Car  {ç,%  anciennes  appa- 
ritions fous  des  formes  humaines ,  cbau- 
choient  la  créance  de  fonincarnation>&: 
cette  célèbre  habitation  de  TEternel  en 
l'arche  en  reprefentoit  le  myftere.  Sa 
naiflance  d'une  Vierge  a  été  portraite  au 
plus  prés  du  vrai,  qu'il  fe  pouvoir ,  par  la 
naiflance  de  plufieurs  de  fes  types,com- 
me  d'ifaacjde  Iofcph,de  Samfon  ,  de  Sa- 
muel,tous  nais  de  femmes  fteriles,  auflî 
incapables  de  concevoir  que  les  Vier- 
ges.Retenons  conftamment  cette  admi- 
rable foy  ,  fondée  fur  tant  de  raifons, 
prédite  par  tant  d'anciens  Oracles ,  re- 
prefentée  par  tant  d'illuftres  figures  ,  fi 
authentiqucment  déclarée  en  tant  de 
lieux  de  l'Evangile,  &:  des  autres  écrits 
Apoftoliqucs.  Émbraflons  avec  une  fer- 
me créance  ce  Fils  de  Dieu,  nôtre  Em- 
manuel ,  tout  entier ,  comme  vraicment 
Dieu  ,  &:vraiemcnt  homme  ,  &:  vraic- 
ment vne  feule  perfonne.  Adorons  le, 
puis  que  c'eft  pour  nous,  qu'il  a  fait  tous 

CCS 


s  È  R  M  O  N       I.  -VJ 

ces'grands  miracles. Car  c'eft  pournous, 
qu'il  a  uni  enfemble  le  ciel  &  la  terre. 
Dieu  &:  rhomme,  reternicé  &  le  temps 
Tinfîni  &  le  fîni,rimmutabilitè  &:  la  naif- 
fance,la  baffefle  &:  la  hautefle ,  l'ignomi- 
nie  &  la  gloire.  L'Apôtre  ajoute  encore 
une  autre  merveille  de  cette  difpenfa- 
tionjc'eft  que  ce  Fils  de  Dieu  a  non  feu- 
lement etè  fait  de  femme ,  mais  auffi  a 
été  fait  fom  U  /^^;iignifiant  par  ces  mots  la 
condition,où  ileft  nai ,  &  oùilavefcu, 
tandis  qu'il  a  érèfurla  terre,  s'aflTujetif- 
fant  àlaloy deMoïfe,&:en  accomplif- 
fant  toutes  les  ordonnances,  jufquesà 
receuoir  la  circoncifion  en  foa  divin 
corpsjjufques  àpayer  au  Sanctuaire  les 
didrachmes ,  que  les  étrangers  fculs  y 
dévoient ,  &:  non  le  Fils  du  Roy  celcfte; 
jufques  à  manger  de  l'Agneau  Pafchal, 
fans  manquer  à  aucun  des  articles  de 
l'ancienne  alliance.  Car  TApôtre  em- 
ploie toujours  cette  faffoa  de  parler  e/lre 
fou^Uloy en  ceX^ns,pour  dire  eftreenla 
condition'des  hommes  luifs,  vivre  fous 
la  férule  de  Moïfe  ,  de  reconnoiftre  fa 
pedagogiejcomme  pour  exemple,quand 
il  dit,  (]u  il  fe fait  à  ceux.^ui  fo^t  fous  la  loy^  ^'^^  ''''  ^* 
comme  s'il  étoit  fom  la  loy^  ôc  au  contraire 


à  ceux 


2?  Be  U  Naijfance  du  Seigneur  I  e  s  v  s . 
À  ceux  y  (jui  font  fms  U  loy  comme  s'il  étoif 
pinsUloy\o\xi\  eft  clair  par  roppoficion, 
qu'il  fait  entre  ces  deux  fortes  de  per- 
fonnes ,  que  comme  pxr  ceux  ,  qui  font 
fans  U  loy  y  il  cntcaà  les  Payensiainfi/^^r 
ceuxy  qui  fontfotuU  loy^  il  fignifie  les  luifs 
avecque  les  Profelytesjles  uns  fujets  à  la 
loy ,  &  les  autres  non  ;  c*eft  alTavoir  à 
celle  de  Moyfe.  Car  autrement  en  pre- 
nant la  loy  généralement  pour  toute  ex- 
preflîon  de  la  volonté  divine  ,  de  quel- 
que ordre  ,  quelle  foit,  lesPayensn'é- 
toient  pas  fansloy,ni  de  droit,ni  de  fait* 
On  demande  donc  ici  pourquoy  le  Sei- 
gneur a  voulu  fubirlejoug  de  cette  loy 
Mofaïque,puis  qu'il  n  y  étoit,ce  femble, 
obligé,  ni  par  la  condition  de  fa  nature 
humaine  ,  ni  par  la  raifon  de  fa  charge. 
Non  par  la  condition  de  fa  nature  hu- 
maine; car  il  étoit  exempt  non  feule- 
îiient  de  pechc,mais  mefme  de  toute  in- 
clination au  péché ,  que  cette  loy  pre- 
fuppofc  en  ceux  ,  à  qui  elle  s'adrefTe; 
t.Tm.  I.  d*oii  vient ,  que  TApôtre  dit  en  quelque 
^"  lieu,qu*elle  n*eft  point  mifc5  pour  le  jufte- 
Non  par  la  raifon  de  fa  charge  i  Car 
qu'ctoit  il  befoin  pour  nous  fau ver ,  qu'il 
fuft  circoncis, ou  quMmangeaft durôti 

delà 


s  E  il  M  O  N       I.  29 

de  la  Pafque  ludaïque,  &  qu'il  obfer- 
vaftles  Sabbats?  Tavouc qu'une  tres-en- 
ticre  faincetè  luy  étoit  neceflaire  pour 
nous  juftifier.  Mais  qui  ne  void  qu'une 
telle  faincetè  n'eft  pas  attachée  aux  ru- 
dimens  de  Moïre5&  que  Tes  Anges  dans 
les  cieux,&  les  fidèles  dans  le  iîecle  ave- 
nir font  tres-faints  fansTaidcjOU  la  fu- 
jettion  de  cette  difcipline  ?   le  dis  donc 
pour  refoudre  cette  qucftionque  îe  Sei- 
gneur s'eft  aflujetti  à  la  loy  non  par  de- 
voir, mais  par  charité,   pour  éviter  le 
fcandale5queles  luifs^au  milieu  defquels 
il  vivoit^euffencpris  de  fon  minilïere, 
(î  félon  le  droit ,  qu'il  en  avoit,  il  fe  fufl: 
exemp(?é  de  la  loy.  Afin  que  nom  ne  lesMx:.i?, 
fcanddizions  fxs ,  dit-il  à  PierrCjVa  t  ea  à^^» 
îamer,  &:  y  jette  le  hameçon,  &:  paye 
du  premier  poiflbn  ^que  tu  prendras, les 
didrachmes,qu'ils  nous  demandent.  Ce 
fut  pour  la  mefrne  raifon  ,  qu'il  voulut 
recevoir  le  baptefme  de  lean  ;   Laijfe ^^^^ 
faire ,  lui  dit-  ij^pour  maintenant.  Car  ainfi  i  f. 
nous  eft  il  convenable  d  accomplir  toute  ju- 
Jiice^.  Son  Apôtre  ufoit  aulTî  quelques- 
fois  d'une  femblable  œconomie,  quand 
pour  ce  regard  il  fe  faifoitluif  aux  luifs, 
obfcrvant  leurs  cérémonies  ,  mefmes 

depuis 


30  BeU  Naijfa^ce  du  Seigneur  I  e  s  v  s  .^ 
depuis  la  mort  de  fon  Maiftre,  pour  leur 
bienj&:  non  pour  fa  ncceflirè,  proteftant 
en  divers  lieux ,  que  Chnfl:  Tcn  avoit.af- 
franchi,  &:  combatrant  nommémenc 
dans  cette  Epître  pour  cette  fienne  liber- 
té, le  rapporte  à  vne  pareille  raifon  ce 
que  le  Fils  de  Dieu  a  voulu  naiftre  dans 
vne  érable ,  bi  croiltre  dans  vne  pauvre 
mailon.  Car  bien  qu'il  ne  fuft  pas  abfo- 
lumefît  neceffairc ,  il  étoit  neantmoins 
tres-convenable  pour  Tacquifition  de 
nôtre  falut,  qu'il  defcendiftjufques  à  ce 
degré  d'humiliation,  tant  pour  effayer 
toutes  nosmiferes,  &  en  avoir  en  fuite 
plus  de  refîentimcnt  &:  de  compafTion, 
que  pour  nous  apprendre  dés  le  com- 
mencement de  fa  vie  le  mépris  de  tout 
ce  que  le  monde  admire  ,  &  pour  nous 
imprimer  dans  le  cœur  cette  merveil- 
leufe humilité,  par  laquelle  il  nous  veut 
conduirez  la  gloire  i  «?<:  enfin  pourcon- 
folerlcs  pauvres,  confacrant  leurs  cafés, 
ôi  leurs  cavernes  à  fa  diicipline  par  cette 
fienne  naiffancejCn  leur  montrant ,  qu'il 
netiendradcformais  qu'à  eux,.que  de  là 
ils  n'aillenr  régner  dans  le  ciel.  Voila  ce 
que  nous  avons  cftimè  à  propos  de  re- 
marquer fur  la  naifl'ance   du  Seigneur 

pour 


s  E  R  M  O  N     I.  Jî 

pour  la  folennicé  de  ce  jour.  Car  quant 
àrafne  ôc  au  bœuf,  encre  lefquelsnos 
adverfaires  de  Rome  font  naiftre  le  Sau- 
v€ur5&:  telles  autres  circonftances,  donc 
ils  afFadiffent  l'Evangile  ,  nous  leur  en 
laiflbns  le  difcours,  nous  contentant  de 
ce  que  les  Saints  Apôtres  nous  en  ont 
enfeigné.  Que  refte-c-il  maintenant 
finon  que  nous  célébrions  à  jamais  avec-- 
quejoye  la  mémoire  d'un  fi  grand  my- 
ftere,  qui  a  ravi  le  ciel  ,0^  affranchi  la 
terre f  que  nous  adorions  tousles  jours 
de  nôtre  vie  avec  une  très-profonde  dé- 
votion ce  divin  Enfant ,  Roy  des  hom- 
mes ,  ôidôsAng^s,  que  le  Père  nous  a 
donné  en  fa  grande  mifericor de  ?  Ceft 
luy ,  Frères  bien-aymez,  qui  a  délivre  le 
monde  de  l'ancienne  maledidion^ô*:  qui 
parfafainte  prefence  la  changé  enua 
Paradisi  qui  au  lieu  de  ces  douloureufes 
épines,que  le  premier  Adam  y  avoir  fe- 
mées.  Ta  tout  rempli  des  fruits  de  vie. 
Avant  fa  naiflance  cette  terre  étoit  le 
fepulcre  du  genre  humain  ,  un  lieu  exé- 
crable 5  le  repaire  des  démons.  Depuis 
que  cet  Enfaiu  y  eft  nai ,  la  mort  &  la 
Hialedidion  s*en  font  fuyes  ;  la  paix  de  la 
jufticey  ont  fleurfjrEfpnc  de  Dieu  l'a 

éclairée* 


3z  De  U  NdffAnce  du  Seigneur  I  e  s  v  S  * 
éclairée  i  les  (aines  Anges  l'ont  habitée, 
y  chantant  continuellement  cet  hymne 
facré,  dont  ils  faluërent  la  naiflance  de 
nôtre  Roy  i  Gloire  foit  à  Dieu  dans  les  hmts 
lieux  y  dr  en  terre  paix  aux  hommes  du  bon 
flaifir.  Car  tout  étonnez  de  voir  naiftre 
en  la  terre  celui  qu'ils  adorent  au  defTus 
descieuXjils  defcendirent  promptement 
ici  bas  i  &  imitant  Thumanité  de  leur 
Seigneur  ,  ne  dédaignèrent  point  de 
communiquer  leurjoye  aux  Bergers  de 
ludée  i  ô^  non  contens  d'avoir  une  fois 
^.^^^.g contemplé  cette  merveille,  ils  fe  tien- 
i!  u.  nent  encore  aujourd'hui  panche^ ,  defi- 
rant  d'y  regarder  jufques  au  fond.  Et 
certes  à  bon  droit.  Car  ils  y  apprennent 
ce  que  toute  la  Nature  de  Tunivers,  ce 
que  les  cieux ,  &  leur  gloire ,  ce  que  les 
générations  paffécs ,  &:  toutes  les  précé- 
dentes œconomies  de  l'Eglife  ne  leur 
avoicnt  pu  enfeigner  ;  affavoir  les  pro- 
fondeurs de  la  fapicnce  de  DicUjdivcrfc 
entoures  fortes,  &:  les  abyfmes  de  ks 
bonrez ,  &  les  trcfors  de  fa  puiffance  i  U 
naiffance  de  cet  Eiîfant  étant  le  grand 
chcf-d'cruvre  de  Dicu^  au  prix  duquel  la 
c  cation,  &  la  confervation  du  monde, 
iC tout rétablilTement delancien  Ifracl 

cft 


s  E   R  M  O  N       I.  jj 

cft  .feu  de  chofe.     Imitons  donc  ces 
Efpricsbien-heureus  ,  étudiant  affiduë- 
ment  ce  myftere,  &  repaiffantnos  âmes 
d'une  fi  belle  contemplation,*  d'autant 
plus  qu  outre  le  plaifir^  &  la  connoifTan- 
ce,  nous  en  rapporterons  nôtre  falur. 
Quant  aus  Anges ,  ils  n  enflent  pas  laifle 
deftrç  heureux  5  quand  le  Fils  de  Dieu 
lie  fe  fuft  point  manifeftè  en  la  terre. 
Mais  fans  fa  naiflance,&  fa  rédemption, 
nous  fuflîons  à  jamais  demeurez  en  la 
mort.  Le  vieux  Adam,  le  père  de  nôtre 
première  nature  ,  ne  nous  mettoit  au 
monde>>que  pour  nous  facrifier  à  la  mort; 
ôcnaiflant  de  lui  nous  entrions  plûtofl: 
dans  les  tcaebres  du  fepulcre  que  dans 
la  lumierç  de  la  vie.    Mais  ce  nouvel 
homme  a  changé  toute  nôtre  condition. 
Ceft  proprement  aveeque  lui,quenous 
fommesnais.  Le  jour,  qui  le  vid  naiftre 
en  Bethlehem,  ouvrit  les  cachots,  où 
nous  étions  enferrez,£^'répandit  dans  le 
monde  cette  belle  lumière  i  où  mainte- 
nant nous  vivons  &c  refpirons.  Carie 
Père  a  fait  corporellement  habiter  en 
fonFils  toutes  kschofes  neceflaires  à 
nôtre  falut,  lapuiflance  de  fa  divinité 
avecque  les  tendreflcs  &c  les  reffentimcs 

c        de 


*>  l 


34   Be  U  Naijfance  du  Seigrr.  ir  Ie  s  v  si* 
de  nôtre  Jiuraanicè.   Ap(:.^ochez  de-Juy 
pécheurs, avec  uneplene  confiance. Que 
f  infirmitw*  de  fa  chair  ne  vous  fade  point 
douter  de  fa  puiffance.  Car  il  eft  le  fils 
de  Dieu,  l'image  du  Père, le  grand  Dieu, 
qui  a  crcè  &  confervc  les  fiecles.  Que  la 
majeftè  de  fa  divinité   ne   vous  épou- 
vante point.     Car  c't 't  un  Enfant  fait 
d'une  femme, de  vôtre  fang,  femblable  à 
vous  en  toutes  chofcs,  excepte  le  pcchè. 
Mais,ô  fidèles,  ce  n'eft  pas  aflez  d'admi- 
rer &:  d'adorer  ce  myftere.    Il  en  faut 
faire  nôtre  profit,  &:  en  tirer  Tamende- 
ment  de  nos  mœurs.  N  eftimez  pas  que 
Dieu  ait  fait  ce  grand  miracle  pour  rem- 
plir nos  efprits  d'une  creufe  fcicnce,  &: 
nos  Ecoles  d'un  vain  bruit,  &:  pour  nous 
donner  fujet  de  difputer  de  l'incarna- 
tion de  fon  Fils.    Il  eft  defcendu  en  nô- 
tre terre  pour  nous  élever  en  fon  ciel,  &: 
a  pris  nôtre  nature ,  pour  nous  rendre 
participans  de  15  fienne.  Rapportons  y 
donç,comme  à  fon  but,tout  ce  que  nous 
a  icienfeignè  l'Apôtre.  Premièrement, 
puis  que  la  charité  de  Dieu  a  ctèfi  gran- 
de envers  le  genre  humain  ,  que  d'en- 
voyer fon  Fils  unique  pour  le  fauver, 
quelle  amour,  &  quelle rcconnoiflancc 

ne 


s  E  R  M  O  N       L  35 

ne  lui  devons  iioiis  point  ?  Les  hommes 
Tavoienc  morcellement  offenfe'  ,  &  lui 
faifoienr  vne  continuelle  guerre  par  leur 
defobeïiTance.  Au  lieu  de  l'enfer  qu'ils 
meritoienc,  il  a  voulu  leur  donner  la  vie, 
&C  ce  qui  e(l  infiniment  plus>  Timmorta- 
licc  bié-heureufe.  Pour  exécuter  ce  def- 
fein  il  n  a  point  fait  difficulté  de  remuer 
toutes  les  loixde  la  natures  d'envoyer 
fon  Fils/a  fapience  &:  Tes  delices,en  une 
chair  infirme  &:  mortelle,  formant  du 
fang  d'une  femme,  &:dânsfes  entrailles 
celui  qu'il  avoit  de  toute  éternité  engen- 
dré de  fon  immuable  fiibftance.  De 
quelles. foudres,  ^  de  quels  enfers  fera 
digne  nôtre  ingratitude  ,  fi  nous  n'ai- 
mons celui ,  qui  nous  a  tant  aimez  ?  Si 
nous  ne  faifons  quelque  chofe  pour  la 
gloire  d'un  Seigneurjqui  a  tant  fait  pour 
nôtre  falut  ?  Mais  encore  combien  fera 
deteftable  nôtre  dureté  fi  nous  n'aimons 
point  ceux  qu'il  a  tant  aimez ,  c'eit  a  dire 
les  hommes  nos  prochains?  Car  puis  que 
Dieu  les  a  chéris  jufques  à  ce  poind,  que 
d'envoyer  fon  Fils  pour  les  fauver  ,  nous 
Iqs  devons  tous  regarder  déformais  com- 
me des  créatures  fàcrées.  Ne  m'allcguez 
point  les  vieux  Cfimes,ni  les  marques  de 

c     z  Tire 


3^    Be  la  Nai/a/icf  du  Seigneur  I E  s  v  s . 
rire  de  Dieu ,  qui  paroiffeivt  encore  fuf 
eux.  premièrement  ce  neft  pas  à  vous 
de  leur  en  faire  reproche ,  puis  que  vous 
cftes  coupable  auflî  bien  qu  eux.  Mais 
fouvenez  vous  encore  que  le  Père  cele- 
fte  a  oublié  le  pafsc  ;  que  fon  Chrift  a  re- 
nouvelle toutes  chofes.  Si  la  pauvreté 
fi  la  mifere ,  ou  l'ignorance  ,  du  quelque 
autre  qualité  femblable  rend  l'homme 
méprifable  ;  fouvenez  vous,  que  de  quel- 
que condition,  ôd  de  quelque  ordre,qu'il 
foit ,  puis  qu  il  eft  homme  c'eft  pour  lui, 
que  Dieu  a  envoyé  fon  Fils.  Aurez  vous 
le  courage  aptes  cela ,  je  ne  diray  pas  de 
loutrager  ,  de  lui  ôter  le  bien,l'hopneur, 
ou  la  vief  carcc  font-làdesadionsde 
beftes  ou  de  démons ,  &:   non  pas  de 
Chrétiensjmais  de  ne  le  point  fervir,  lui 
que  vôtre  Maiftreatant  honoré?  Plain- 
drez vous  une  pièce  de  vôtre  pain  ,  une 
goûte  de  vôtre  eau,  vn  denier  de  vôtre 
trefor  à  celui,  à  qui  vôtre  Dieu  n  a  point 
épargné  fon  propre  Fils?  Mais  de  ce  qu'a 
fait  le  Fils  fe  reveftant  de  nôtre  pauvre 
nature,  s'affujetiffant à  nos  mifcres  ,&: 
à  la  loy  Mofaïque  ,  apprenons  aulTi  la 
leçon, qu'en  recueille  l'Apôtre  ailleurs 
vhu.2.6.  ou  il  y  ait  5  dit-  U ,  (n  mtfs  un  mefrne  jentî- 
•*^  ment. 


Sermon    I.  37 

mefft.QuQCG  Fils  de  Dieu  naiffant  d'une 
pauvre  femme  &dans  un  fi  pauvre  lieu, 
confonde  &:  mortifie  en  nous  toutes  les 
pcnfées  de  nôtre  orgueil.  Entrons  dans 
cette  étable  de  Bethl^hem,  où  il  naquit, 
&  y  dépouillons  toute  la  folle  opinion, 
que  nous  avons  de  lexcellence  des  cho- 
fes5qui  fontefl:imées  par  le  monde,  de 
nos  richefles ,  de  nôtce  nobleffe ,  de  nos 
grandeurs.  Le  Fils  de  Dieu  naiffant  de 
répoufe  d'un  charpentier,  Se  dans  une 
érechejnous  aprend^que  tous  ces  préten- 
dus avantages  ne  font  que  des  vanitezs 
qu'ils  font  plûtoft  capables  de  vous  éloi- 
gner,quc  de  vous  aprochcr  du  Royaume 
des  cieux.  Si  vous  les  avez  ,  ne  vous  en 
glorifiez  point.  S'ils  vous  manquent>nc 
vous  en  attriftez  point.  Vne  feule  chofe 
eft  neceffairejvraiement  glorieufe  &  ex- 
cellente, &  digne  de  vos  defirs  5  de  nai- 
ftre  avecqueleFils  de  Dieu,  c  eft  à  dire 
de  fonEfprit ,  en  quittant  nôtre  vieille 
nature,  &  reveftant  la  fienne  nouvelle. Si 
nous  naiffons  ainfi  avecque  lui  par  une 
vive  foy,  &  une  profonde  humilité,  nous 
parviendrons  un  jour  à  la  vraye  gIoire,ô^ 
aurons  dés  maintenant  une  ferme,  Se 
folide  confolâtion.   Car  fi  les  grandeurs 

c     3        &:les 


3^    De  la  Naiffa^ce  du  Seigneur  I  e  s  v  s  ,^ 
&  les  applaudiffemens  du  monde  nous 
manquent  en  cette  Brthlchem  du  Sau- 
veur,rnfTiftancc  &:  \ç:%  louanges  des  Anges 
ne  nous  y  manqueront  pa$.    Ces  bien- 
heureux Elprits  rhonorent  de  leur  pre- 
fenccjDieu  &:  fon  Efprit  y  habite^Ô.:  nous 
y  fera  voir  fes  merveilles.     Peut-eftre 
mefme   nous  donnera-t-il  le  contente- 
ment dy  voir  venir  en  nos  jours  les  Sa- 
ges de  l'Orient ,  les  grands  du  fiecle  pour 
y  confacrcr  leuis  plus  précieux  trefors, 
leur  or  &  leur  encens  au  fervice  de  foç 
Fils  i  Et  le  Seigneur  vueiUe  bien  -toft  faire 
luire  fbn  ccoille  dans  leurs  cœurs  pour  les 
y  conduire  Mais  >  dans  quelque  ccai,  que 
puifTe  eftre  ici  bas  cette  petite  Bethle- 
hem,où  Dieu  a  voulu  nous  faire  naiftre, 
toujours   fommes  nous    afleurez  qu'en 
l'autre  ficcie  nous  lenaiftrons   dans  un 
nouveau  domiciIe,dans  une  ville  Royale, 
la  icrufalcm  ccicfte  ,   la   vraye  cité  de 
David,  l'éternelle  habitation  de  Japaix; 
loutainli  que  le  Fils  de  Dieu  après s'eftre 
hnmiliè  >  après  avoir  pris  la  forme  de  fe  *  - 
vitcur  ,   &:  accomply  le    cours  de  fon 
aneantifrcment5a  ccè  fouverainemct  éle- 
vé, &:  couronne  d'une  immortelle  gloira 
Dieu  nous  cnfaffe  la  grâce.  Amen. 

DE  LA 


J)  E    LA 

NAISSANCE 

DE  NOTRE   SEIGNEVR 
lESVS. CHRIST.  ^ 

SERMON   DEV.XïESUE. 

Lvc  XI,  verf.  I.  2. 3- 4.  S- ^- 7- 

1.  Or  av'mt  en c^sjours-là  ,  af^'^n  Eait 
fut  fubtié  de  Upart  de  CefarAuguHc^ ,  que 
tout  le  monde  fuH  enroolle  i 

2.  (Cette  première  defcripion  fut  faites 
tors  que  Cyrenim  avoit  le  gouvernement  de 

Syrien.) 

3.  Ainfi  tom  aHoient  pour  élire  enrooUezy 

un  chacuK  en  fa  villes.  ^ 

4.  lofefh  aup  mont  A  de  Galilée  en  ludee\^ 
ajfavoir  de  U  ville  de  Nazareth  en  la  ciîé^ 
de  David  ,  qui  efl  appef/ée  Bethlehem  ,  a 
caufe  quil  et  oit  de  U  maifon,  &  famille  de 
David, 

5.  Pour  epe  enroolle  avec  que  Marie-,  fa 
femmes  ,  qui  lui  avoit  et}  fiancées ,  laquelle 

et  oit  enceinte^. 

c      4  ^-   ^^ 


40    De  la  N*i{fance  du  Seigneur  Ie  s  v  s  ' 

6.  Et  il  avtfit  ct»nme  ils  étaient  la,  que 
fm  terme  pour  enfanter  fut  acempli. 

7.  Et  elle  enfanta  foH  Fils  premier  naiy 
ér  l'emmaïUotta  ,  é  le  coucha  dans  une 
crèche,  i  caufe  quU n'y  avait  point  déplace 
four  eiix  dans  l'hajleleriej. 


Her^  Frères  , 

David  prévoyant  en  la  lumière  de 
JEfprit  cette  bien  heureufc  venue  du 
Fils  de  Dieu  en  la  terre,  dont  nous  cé- 
lébrons aujourd'hui  la  mémoire,  exhor- 
te non  feulement  les  hommes,raais  aufïï 
toutes  les  autres  créatures,  jufquesaux 
plus  fourdes,  &  aux  plus  infenfibles  ,  à 
TCe.^t.  S  ^"  re'jouïr  ;  lettez  cris  d-éjouiffanceM'  il, 
^■7.  i-9.  avec  trompettes,  é-  fonde  cornet  devant  le 
Rot,  l'Eternel.    Que  la  rner  en  mené  hruit,  ér 
tout  ce  quelle  contient ,  la  terre  &  fes  hahi- 
tans.    c^ue  les  fleuves  'lui  applaudijfent .-  que 
les  montagnes  mènent  joye  au  devant  de  l'E- 
ternel.  Car  il  vient  pour  juger  la  terres,  il 
jugera  le  monde  en  jufike ,  ^  les  peuplés  en 
i^,n,.%.  ''!""'■.  En  effet  puis  que  la  venue  de  ce 
y.2o.    grand  Sauveur  are'tabli  l'univers  en  fa 

vraye 


s  E  R  M  O  K       I L  4î 

vrayc  dignité  ,  TafFranchic  de  la  fervi- 
tude  de  corruption ,  &:  de  la  vanité,  à  la- 
quelle nôtre  pechè lavoit  affujetti  ;  il  eft 
bien  raifonnable,quil  fe  réjouïfledela 
caufe  de  fon  bon- heur  i  &  que  fon  con- 
tentement foit  maintenant  auffi  grand  à 
l'apparition  du  fécond  Adam  ,  que  fcs 
foûpirs  étoient  cuifans ,  &  fon  travail  im- 
portun dans  le  miferable  état ,  où  l'avoir 
mis  le  premier.  Auffi  voicz  vous  que  les 
Anges,  les  prémices  des  œuvres  de  Dieu, 
&  les  plus  excellentes  de  fcs  créatures, 
s'acquittèrent  de  ce  devoir,  comme  au 
nom  &L  en  la  place  de  tout  le  refte  de  l'u- 
niversiaiant  receu  ce  nouveau  Prince  en 
fon  état ,  lors  qu'il  y  fit  fon  entrée ,  avec 
des  acclamations  ,  &  des  réjouïflances 
nonpareilles.  Leur  joye  illumina  les  ténè- 
bres de  la  nuit  y  où  il  naquit ,  &  leur  har- 
monie en  adoucit  l'horreur ,  ces  faints,  &C 
bien-heureux  efprits  ayant  alors  enton- 
né tous  enfemble  ce  divin  Cantique  en- 
regiftrè  par  TEvangelifte  dans  l'hiftoire 
qu'il  nous  a  la^ée  de  cette  merveille; 
Gloire  foit  a  Dieu  dans  les  hauts  lieux ,  &  en  ^^^  ^ 
terre  faix  aux  homme  s  du  honflaifir.  E^ili4. 
ne  faut  pas  douter  ,  que  toute  la  Nature 
ne  confcntift  à  leurs  voix^^:  qu  elle  n'euft 

tefmoignè 


41  De  la  Naiffmce  au  Seigneur  I  e  s  v  s  .^ 
termoigiiéfa  joyc  dans  cecte  occafion^û 
fon  Créateur  lui  avoit  donné  de  ruucili- 
g»nce&r  des  feus.    Mais  quant  à  nous. 
Frères  bien-ainicz,que  le  ciel  a  hono- 
rez de  ce  riche  prefentjnousnepouvôs 
manquer  à  ce  devoir  fans  defobeïr  au 
Prophète  de  Dieu,  &  fans  nous  rendre 
coupables  d'une   horrible  ingratitude, 
loignons  donc  aujourd'hui  nos  voix  à 
celle  des  Anges.  Méfions  nous  dans  leur 
divin  concert  ;  &:  chafTant  Tennui,  &:  les 
foucis  de  nos  cœurs ,  recevons  ce  grand 
Libérateur,  que  le  Père  nous  envoie, 
avec  dautant  plus  de  rcjcuïflancc  ,  que 
c'etl  propremét  pour  nous  qu'il  eft  venu. 
Comme  la  mifere  de  la  créature  n'étoic 
qu'un  acceflfoire,  &  une  dépendance  de 
nôtre  malheur;  femblablement  auffi  la 
part  qu'elle  a  en  la  délivrance  de  lefus- 
Chrift,  n'cft  qu'une  fuite  de  la  felicité> 
qu'il  nous  a  apportée. C'cft  à  nous  qu'ap- 
partient &  ce  Sauveur,^:  fon  falut.  C'eft 
£/^;^,     à  nous  (  comme  dit  Efaye  )  que  l'Enfant 
9-5-      eftnaii  c'eftà^iousque  1^  Fils  a  été  don- 
né.  Comme  c'eft  nôtre  nature  qu'il  a 
prifcjauffi  font-ce  nos  maux  qu'il  a  guai- 
ris  i  auffi  cft- ce  nôtre  bon-heur ,  qu'il  a 
acquis. Pour  guider  nos  pcnfces  dans  une 

fi  fain- 


s  E  * .  M  O  K      II.  43 

fi  fainte,&:  fi  heureufe  aâion ,  j'ai  choiiî 
le  texte  5  que  vous  m'avez  olii  lire,  oii  S. 
Luc  nous  raconte  cette  miraculeufe 
naiffance  du  Fils  de  Dieu  en  la  terre, 
nous  en  reprefentant  diverfes  circon- 
ftances  tres-notables.  Et  pour  le  foula- 
gement  de  vôtre  mémoire  ,  je  diviferai 
toutes  les  confiderations^que  nous  avôs 
à  y  faire5en  cinq  chefs  principaux  i  dont 
le  premier  fera  du  tem  ps  de  la  naiflance 
du  Seigneurile  fécond  du  lieu  ;  le  troi- 
fiefmede  la  perfonne  dont  il  eft  nai;  le 
quatriefme  de  fa  perionne  propre  ;  &  le 
cinquiefme  ôc  dernier  de  l'appareil  de  fa 
naiflance  ,  ou  de  la  faflbn,  dont  il  fut 
receu,naiflant  au  monde.  Dieuvueillc 
nous  découvrir  par  fon  Efprit  les  mer- 
veilles Je  fagefle,  &  de  grâce ,  qui  relui- 
fenten  chacune  de  ces  chofes ,  afin  que 
les  recevant  avecque  foy,  nous  adorions 
ce  divin  Enfant ,  &  reconnoifTions  fa 
Majefté  à  travers  les  baflefles  6^  les  in- 
firmitez  de  fa  naiflance  ,  k  fa  grande 
gloire,  6^  à  nôtre  falut  ctctnel. 

Quant  au  temps  auquel  eftnai  nôtre 
Seigneur  lefus-Chrift,  S.Luc  nous  le 
montre  clairement ,  nous  racontant5quc 
ce  fut  fous  Cefar  Augufte  i  n'étant  pas 

poflîble 


44  ^^  l^  Naijfafjce  du  Seigneur  Ie  s vs.' 
pofïîble  de  le  defigner  par  une  marque 
plus  illuftre  que  par  le  nom  de  ce  Prince, 
le  plus  grand  qui  fuft  alors  au  monde, 
comme  celui  qui  gouvernoit  TEmpirc 
Romain,&:  regnoit  fur  la  plus  grande^ô^ 
la  meilleure  partie  de  la  terre  habitable. 
Cen'eft  pas  feulement  pour  aflcurerla 
vérité  de  fon  hiftoire,que  l'Evangelifte 
Taainfi  circonftantiée  à  la  faflbn  des 
autres  écrivains;tout  récit  vague,&:  non 
attache  à  quelque  temps ,  étant  à  bon 
droit  fufped  de  faufletc  i  mais  auflî  pour 
d'autres  raifons  plus  importantes  ;  c*eft: 
aflàvoir  pour  juftifier5que  lefus eft  vraic- 
ment  le  Chrift  ,  qui  avoir  été  promis  au 
monde  plufieurs  fiecles  auparavant.  Car 
Dieu  dans  les  anciennes  Ecritures  n'a- 
voit  pas  feulement  prédit  en  gênerai^ 
qu'il  viendroit  un  Chrift,  un  Libérateur 
du  genre  humain;  comme  quand  il  dit 
Ge«.5  r^.dés  le  Commencement  de  la  Gencfcjque 
i&iz.iz.\'^  fcmence  de  la  femme  brifera  la  tefte 
iSz^-.  ^^  fcrpenti  &  depuis,  qu'en  lafemence 
'j'it.  no.des  Patriarches  Abraham  &  Ifaac,  toute 
i/  7 14  ^'^  ïcrre  fera  bénite  j  &  par  la  bouche  de 
Balaam  mefme  ,  qu'une  étoile  fe  lèvera 
deIacob;&:parla  plumcde  fes  Prophè- 
tes j  qu'il  fera  ^oi  &  Sacrificateur  \  la 

faflbn 


s  E  R  M  O  N       1 1-  4J 

faffon  de  Melchifedec  ;  qu'une  Vierge 
enfantera  un  FUs  i   qu  il   fiifcitera  un 
grand  Pafteur  fur  fon  peuple ,  qui  le  pai-  E^^ch. 
lira  félon  fon  bon  plaifir  i  &  une  infinité  ^^  ^^* 
d'autres  femblables.  Mais  pour  affeurer 
d'auantage  nôtre  foyjDieu  avoir  encore 
pris  le  foin  de  defigner  en  quelques  uns 
de  fes  Oracles  le  temps  auquel  vicndroic 
le  Meflîei  comme  en  la  prediftionde 
lacobjoù  il  fignifie  clairement,qu  il  vien-  Gen.^g- 
dra  furie  point , que  les luifs prendront ^^^-.^i^f^^, 
le  fceptre ,  &  l'autorité  des  loix ,  c'eft  à 
dire  la  puiffance  de  gouverner  leur  Etat. 
Depuis  un  autre  Prophète  marque  aflez     , 
évidemment   qu  il  viendra  durant  la 
fubfiftence  du  Temple  de  lerufalem.  Or 
au  temps  d'Augufte  ,  ici  expreffémenc 
nommé  par  TEvangclifte ,  conviennent 
ces  deux  marques.Carlefecond Temple 
fubfiftoit  encore  alors  en  la  ville  de  leru- 
falem ,  &:  l'Evangile  nous  aprendjque  le 
Seigneur  Icfus  y  fit  fon  entrée  j  cette 
deuxiefme  maifon  n'aiant  été  détruite 
qu'environ  cinquante  cinq  ans  après  la 
mort  d'Augufl:e,par  Titus  fils  de  Vefpa- 
fienjEmpereurRoBfiain.Etcefutencorc  ^ 

en  ce  mefme  temps,  que  l'autorité  du         ! 
fceptre  àc  des  loi:îC  commença  àfe  de- 

partir 

i 


4^  De  la  Naijfa^ce  dfi  Seigneur  Iesvs^* 
fârtir  des  luifs  j  la  puiflance  de  leur  Et^t 
ecant  alors  tombée  entre  les  mains  d'un 
étrangcr^aflavoir  d'Herode,  Idumcen  ds 
nation,  homme  profane,  &:  demi  Pâyea> 
lepKis  injufteî&le  plus  cruel  de  tous  les 
hommes  ;  qui  exercea  fa  tyrannie  à  Tabri, 
&  fous  la  faveur  des  Romains ,  Seigneurs 
fouverains  de  la  Syrie,  &  de  la  Paleftine; 
y  ayant  e'tc  maintenu  premièrement  par 
Antoine,  &:  puis  après  par  Augullc.   Ec 
cela  mefme  que  touche  ici  rEvangelifi:e> 
que  par  TEdit  d'Augufte  Ton  fit  en  cha- 
que ville  des  rooles  du  peuple  des  luifs, 
aufTi  bien  que  des  autres  nations,  eftun 
figne  cvident,qu'ils  avoient  perdu  Tauto- 
ritè  fouveraine  de  leur  Etat  ,  èc  qu'ils 
ctoient  fujets  à  TEmpire  des  Romains.  A 
quoy  j'ajoute  encore,  que  les  foixante  &: 
^^«.p-  dix  femaines  prédites  par  Daniel, s'étant 
"^'       accomplies  peu  après  la  mort  d'Augufte, 
c'étoit  juftement  dans  les  dernières  an- 
nées de  ce  Prince,  que  devoitnaiftre]  le 
Chrift.  Car  encore  que  TEvangelitte  ne 
nous  dile  pas  ici  précifémenten  quelle 
année  du  règne  d'Augufte  naquit  nôtre 
Sauveur;  neantmoins  il  cft  aiic  de  l'ap- 
prendre de  ce  qu'il  remarque  ci-apres^ 
que  Ican  Baptiftc  commença  à  preicher 

Tan 


Sermon     II.  47 

l'an  quinziefme  de  l'Empereur  Tibère, 
fucceffeur  d'Augufte,  &:  que  lefus  avoir i^^cj^ 
environ  trenre  ans  quand  il  fut  bapcifé^i- 
par  kanife  recueillant  évidemment  de 
là  que  lefus  étoit  nai  environ  Tan  qua- 
rante &  deuxiefme  de  Cefar  Augufte; 
qui,  félon  la  fupputation  des  meilleurs^ô^ 
plus  cxads  Auteurs  delà  Chronologie, 
croit  Tan  fept  cens  cinquante  &:  deuxief- 
me depuis  la  fondation  de  la  ville  de 
Rome,*c  eft  à  dire  environ  Tan  trois  mille 
neuf  cens  cinquante  &:  un  delà  création 
du  monde.  Outre  ces  Oracles  divins  pro- 
mettansle  Chrift  en  ce  temps-là  il  (em- 
ble^ue  les  vers  mefmes  des  Sibylles  ce- 
Icbres  entr^  les  Payens  avoient  prédit 
quelque  chofe  de  femblable>  Dieu  l'ayât 
ainfi  permis,  pour  rendre  la  juftification 
de  la  vérité  de  fon  Fils  dautant  plus  aifée, 
le  ne  me  fonde  pas  fur  ces  écrits  attri- 
buez aux  Sibylles,  qui  fe  voient, '^3.:  feli- 
fent  encore  aujourd'hui,  ôc  que  les  do- 
utes condamnent  ,  avec  beaucoup  de 
raifon ,  à  rpon  avis^comme  faux  6c  fuppo- 
fez.Mais  certainement  il  femble  que  Ton 
peut  recueillir  des  vers  d'un  Poète  Ro- 
main"*,&:  desdiicours  des  anciens  Gram-  *^';r^//« 
mairiens  Payens,  qui  l'ont  commenté, 


uC 


J^  8  De  U  N'aijft/sce  du  Seigneur  I  e  s  V  s . 
que  Tune  des  Sibylles  avoit  prédit,  qu'il 
viendroit  quelque  jour  un  grand  Prince^ 
qui  changeroic  l'univers,  &  lui  donneroic 
une  nouuelle  forme  ,  en  chaffant  peu  à 
peu  félon  les  progrez  de  fon  Empire, 
rimpieté,levice,&:le  malheuri&  qu'il  y 
ccabliroic  enfin  un  fiecle  d'or  plein  de 
bon-heur&  de  gloire  j  quieft  juftement 
ce, que  les  Prophètes  de  Dieu  avt)ient 
prédit  du  Meflîe.  Et  qu'elle  promift  la 
venue  de  ce  Libérateur  du  monde  à  peu 
prés  au  temps  que  le  Seigneur  lefus  eft 
nai  en  la  terre  ,  il  y  a  beaucoup  d'appa- 
rencciveu  que  ce  Poëte  pour  gratifier  un 
Seigneur  Romain,  nomme  Pollio,éip- 
plique  cette  predidion  à  un  fien  fils,dont 
Janaiflfance  précéda  celle  de  nôtre  Sei- 
gneur de  quelques  trente  huit ,  ou  trente 
neuf  ans  feulement.  Ainfi  voiez  vous, 
que  le  temps  aflîgné  à  la  manifeftation 
du  Me/fie  par  les  anciens  Oracles  fe  ren- 
contrant juftement  fous  l'Empire  d'Au- 
gufte,c'eft  avec  beaucoup  de  fagelTe  &  de 
raifon,que  S.  Luc  a  ici  fait  exprcffémenc 
mention  de  ce  Prince  à  l'entrée  de  Thi- 
ftoiredela  naiffance  du  Seigneur  lefus; 
pour  nous  faire  reconnoiftre  par  là ,  qu'il 
cft  véritablement  le  Mciîie  promis  au 

peuple 


Sermon     II.  49 

peuple  d€  Dieujcomme  celui  qui  eft  ju- 
ftctïienc  nai  au  terme  marqné  par  les 
Prophètes  anciens  pour  la  venue  du  Mef- 
fie. Nous  avons  à  faire  les  mefmes  confî- 
derations  fur  le  lieu  de  cette  naiffance. 
Car  TEvangeliftenous  raconte,  quelefus 
naquit  ea  Berhlehem  ^  petite  ville  du 
partage  de  la  Tribu  de  luda,  ici  nom- 
mée la  cité  de  David,  parce  que  ce  faint 
hcfmmcgrand  Prince  &  grand  Prophète 
dlfraci ,  en  croit  forti ,  àc  y  avoir  été 
nourri  durant  les  joursde  fon  enfance  ea 
lamaifon  de  fon  père  Haï,  comme  nous 
l^apprenons  des  anciennes  hiftoires  du 
Vieux  Teftament.  OrcVll:  precifément 
à  cette  ville-là  jqu*étoit  promife  lanaif- ^^  ^ 
fance  du  Meirie^comme  nous  le  liions  eny«  *. 
ces  mots  dans  le  livre  du  Prophète  Mi- 
chécu^Iais  toy ,  dit-il  -,  Bethlehem  de  devers  ^'^  '^'' 
Efhrata^fetitefour  eflre  entre  les  milliers  de 
luda  5  de  toj  me  fornra  celuy^qui  \ert  domi- 
natéuren  ifrael  ;  ^Jes  ijfu'és  font  dés^jaaisi 
dés  les  jours  éternels.  ]^c^  luifs  au  temps  du 
Seigneurie  tenoient  tous  ainflicomftie  il  , 
paroift  premièrement  de  ce  qUe  leurs 
Principaux  Sacrificateurs  ,&:  leurs  Scri- 
bes ^enquisparle  Roi  Herode,  où  c eft 
qup  naiftroit  le  Cbrift  3  répondirent  en  ^ 
4.  Bethlehem^ 


I.  Sam, 


42- 


50  De  U  Naijfance  du  Seigneur  I E  s  v  s  • 
Bethlehem ,  &  lui  alléguèrent  ce  paflagc 
itmy.  deMichée;  &  puis  après  de  ce  quclcs 
luifsjprefuppofant  fauflement,  que  lefus 
ctoit  nai  en  Galilée,  s'écrient  contre  lui; 
L'Ecriture  ne  dit  elle  fos^  que  le  Chrift  vien- 
dra de  U  femence  de  David ,  à' de  U  bour- 
gade de  Bethlehem^  ou  a  été  Davidî'En  effet, 
puisqueleMeffiedevoit  cftre  de  la  fe- 
mence de  David  félon  la  chair ,  il  étoit 
fort  à  propos  ,  qu'il  nâquift  en  fa  ville. 
loint  que  la  qualité  de  celieu-làfigni- 
fioit ,  quelle  feroit  la  nature  de  fon  rè- 
gne. Car  fi  leMeflîe  euftdeueftreua 
Monarque  terreftre  (  comme  les  luifs 
fe  Timaginent  follement  )  lerufalem,  ou 
Rome,  ou  quelqu'autre  des  plus  grandes 
&  illuftres  villes,  qui  fleuriflbient  dans 
le  monde ,  euft  été  plus  propre  pour  le 
lieu  de  fanaiffance.  Mais  Dieu  ordon- 
nant qu'il  naiife  dans  une  petite  ville, 
xme  bourgade  plûtoft  qu'une  ville  ,qui 
n'avoit  pas  melme  lieu  entre  les  milliers 
de  luda-^commc  dit  le  Prophète ,  qui  n  a- 
voit  enfin  rien  de  grand  ,  ni  de  remar- 
quable,montre  alTez  par  un  commence- 
ment fi  peu  mondain,  quelercgnedu 
Mertie  ne  feroit  pas  de  ce  fiecle,  mais 
toutfpirituel  &  divin.  Ce  fut  donc  en 

cette 


Sermon     ît  j| 

cette  ville  de  Bcthkhem ,  que  naquit  le 
Seigneur  lefuSjafin  que  dés-là  nous  vif- 
fions  en  lui  vne  marque  de  fa  charge. 
Mais  il  ne  faut  pas  oublier  ce  que  S.  Luc 
nous  raconte  ici  de  loccafion,  qui  con-* 
duifit  Marie,  Mère  de  lefus,  en  ce  lieu- 
là.  Car  la  vérité  eft,  que  lofeph,  mari  de 
la  fainte  Vierge,  n'habitoit  pas  dans 
Bethlehem ,  mais  dans  Nazareth,  petite 
ville  de  Galilécjoii  le  Seigneur  fut  nour-^ 
ri  depuis ,  &  doii  il  fut  appelle  Naza^ 
rien^ce  qui  donna  occafion  au  commun 
peuple  de  croire,  qu'il  étoit  nai  en  Gali- 
lée. Mais  ils  s'abufoicnt  lourdement  en 
cda.Car  bien  que  la  Galilée  fuit  le  lieu 
de  leur  demeure  ordinaire,  ncantmoins 
ce  fut  d^ns  Bethlehem  ,  que  Marie  ac- 
coucha du  Seigneur  lefjs.  Et  en  voici 
1  occafion.  £/?  ces  jours  Ufrr  publié  un  edit 
delapartd'AuguJle  Cefar.dit  l'Evangelifte, 
que  tout  le  monde  fujl  enroolé  \  c'eft  à  dire 
les  hommes  de  tous  les  païs  alors  fujets 
aux  Romains.  Car  c'eftchofe  familière 
aux  écrivains  de  ce  temps-là  tant  facrez, 
que  profanes  de  dire  lemonde-,  ou  U  terre 
habitable  pour  fignifier  ce  que  Tempire 
des  Romains  comprenoic  en  fon  eften- 

à     %  du^i 


51  De  U  Naiffance du Sei^neurlzs^y si 
duëi  bien  quà  parler  proprement,  SC 
fclon  les  raifons  exades  de  la  Géogra- 
phie,!! s'en  faille  beaucoup  que  toute  la 
terre  habitable  n  ait  ctè  alors  fujette  aux 
Romains.  Les  Provinces  de  la  Syrie ,  àc 
de  la  Paleftine  faifant  donc  partie  de 
l'empire ,  on  y  dreffa  auffi  fclon  cet  cdit 
deCefar  les  rooles  de  tous  les  peuples, 
&:  de  toutes  les  perfonnes^qui  yhabi- 
toicnt.  Et  rhiftoire  fainte  ajoûtc,que  ce 
fut  la  première  defcription,  ou  le  pre- 
mier dénombrement  &  enroolement, 
qui  fe  fit  du  peuple  des  luifsipour  ce  que 
depuis  il  s'en  fit  encore  un  autre  quel- 
que dix  ou  onze  ans  après,  lorsqu'Ar- 
chelaiis  fils  d'Herode  le  grand  ayant  été 
relegué,cc  mefme  Cyrenius ,  ou  Quiri- 
niusici  nommé  étant  pour  lors  Gouver- 
neur ordinaire  de  la  Syrie  dénombra  ô^ 
enregiftra  tout  le  peuple  de  ludéeicôme 
le  rapporte  lofefe ,  l'hiftorien  des  luifs. 
Mais  cette  féconde  defcription  fut  par- 
ticulière à  la  ludéejau  lieu  que  la  pre- 
mière, dont  il  eft  ici  qucftion  5  fut  uni- 
verfellc,&:  fe  fit  en  tous  les  païs  de'fem- 
pire  Romain,  &  non  en  la  ludée  feule- 
ment. Ceft  pourquoi  rEvangclille  la. 
noname  la  premere  pour   la  dillingucr 

d'avccque 


Sermon    II.  5Î 

d'ayecque  la  fuivante.  Et  il  y  a  grande 
apparence,  qu'il  faut  la  rapporter  à  là 
feule  curiofité  d'Augufte  ,  qui  la  fit  faire 
afin  d  apprendre  exadement  par  ce 
moien ,  non  feulement  les  forces ,  &:  les 
provinces,  &:  les  peuples  de  ce  grand 
empirejqu'ilgouvernoit ,  mais  mefme  le 
nombre ,  Taage,  Se  les  facultez  de  toutes 
les  perfonnesjquilui  ëtoientfujetes  ,par 
undvânitefemblableà  celle  où  felaifla 
autresfois  tomber  David,^  dont  il  futfî 
feverement  châtié  par  le  Seigneur,quand 
il  envoya  loab  pour  dénombrer  tout  le 
peuple ,  qui  lui  obeïflbit.  Ce  qu'ajoute 
S.Luc,  que  Quirinius50u  Cyrenius,com- 
me  il  récrit  changeant  un  peu  la  forme 
du  nomjCommefont  ordinairement  les 
Grecs,  quand  ils  prononcent  les  noms 
Latins  en  leur  langue ,  que  ce  Qu^rinius 
dis-jc  avoir  alors  le  gouvernement  de 
Syrie^n  eft  pas  fans  diftculté  ;  étant  clair 
&c  conftant  par  le  témoignage  tant  de 
lofefe,  que  deshiftoriens  Grecs  Se  La- 
tins 5  que  celui  qui  gouvernoit  la  Syrie 
en  ce  temps-là  (  c'cft  à  dire  vers  les  der- 
nières années  du  règne  d'Herode  le 
Grand)  étoit  ou  Sextus  Saturnius,  ou 
Quintilius  Varus  fon  fucce (îeur  Mais  à 

d     3  cela 


^j 4    De  U  NaiJJ'ance  au  Seigneur  I  e  s  v  s . 
cela  je  répons ,  quil  fe  peut  faire  qu'au 
piefme  temps  Q^irinius  y  ait  etè  en- 
voyé par  Augufte   avec    puiflance    tc 
commiflîon  extraordinaire  pour  yfairG 
ce  dénombrement  des  peuples  de  Syrie; 
a  raifon  dequoy  il  ait  porté  le  titre  de 
gouverneur  de  la  provinccauffi  bien  que 
celui  5  qui  en  avoit  la  charge  &  Tautho-v 
rite  ordinaire.  Cet  edjt  d^Auguftese- 
xecutoit  en  laludée  par  Quirinii5s#  &: 
chacun  fe  rendant  dans  la  ville   de  fa 
tribu,&:  de  fa  famille  pour  y  eftre  enroo-r 
léjlofeph  pourobeïr  à  cet  ordre  fut  obli- 
ge de  venir  de  Nazareth  en  Bethlchem 
la  ville  de  David, de  la  race  duquel  il 
étoit  defcendu.  Ily  vint  donc, &  y  em-r 
mena  avec  lui  Marie,  qui  lui  avoit  été 
fiancée   pour  femme.    Et  comme  elle 
étoit  dans  le  dernier  mois  def;igro(rc(re, 
le  terme  de  fon  accouchement  Tayanc 
furprife  duranr  le  fejour  qu'ils  firent  dans 
Bethlehem  ,  elle  y  fit  {t%  couches ,  &   y 
mit  ce  divin  enfant  au  monde.  O  lou- 
veraine  providence  du  Seigneur  /  Par 
quels  admirables  détours  conduis- tu  tes 
deffeins  à  leur  fin  i  &  avec  quelle  douce, 
mais  invincible  force  fçais   tu  ployer  à 
pnbuples  volontez,  &:  lesmouvemcns 

dç 


Se  R  M  o  N   IL  5f 

de  tes  créatures  1  Marie  ne  fongeoit  qu'à 
tenir  compagnie  à  lofeph  fon  cher  &  fi- 
dèle c'poux,  U  à  lui  eftre  dans  ce  voyage 
àconfolation,  &  à  foulagement.  lofeph 
ne  penfoit  qu  à  obeïr  à  l'ordre  du  Gou- 
verneur de  la  Province  >  &  le  Gouver- 
neur qu'à  exécuter  le  commandement 
d*Augufte;&!:  Augufte  n*avoit  eu  autre 
but,que  la  fatisfadion  de  fa  vaine  &  fu- 
perbe  curiofité.  Et  neantmoins  ils  fer- 
vent tous  enfemble  à  raccomplifîcmenc 
duconfeilde  Dieu.  Augufte  fans  y  pen-i 
fer  marque  le  logis  deftiné  à  la  naiffance 
du  Roy  du  monde.  Ses  officiers  y  appel- 
lent lofeph ,  &  lofeph  y  conduit  Marie; 
&:  dans  ces  intentions  fi  diverfes  ils  tra- 
vaillent cous  pour  un  feul  &  mcfmo 
cftet,pour  juftifier  les  oracles  du  ciel ,  àc 
pour  faciliter  aux  hommes  la  créance 
d'une  vérité  neceflaire  à  leur  falut.  Sans 
cela  lofeph  fuft  demeure  en  fa  maifon; 
Marie  y  euft  fait  fcs  couches  i  &C  ainfi 
contre  la  foy  des  Prophètes  celui  qui 
devoir  naiflxe  dans  Bethlehem  fuft  nai 
dans  Nazareth.  Pour  empefcher  ce  de- 
fordre  Dieu  permet  5  que  la  curiofité  de 
fçavoir  le  nobre  de  tous  fcs  fujets  mon- 
raft  dans  le  cœur d'Auguftci&  cette  pen- 

d     4  fcê 


56    De  U  Naiffance  di^  Seigneur  Ie  s  v s.    * 

ice  produit  en  ibitc  tous  les  mouvcmens 

peccfTaires  pour  exécuter  leconfeilde 

Dieu.IJc'îftpeu  par  dcsaccidens  moins 

relevez  arracher  lofephde  Nazareth^ô»: 

}c  conduire  dans  BethlehcmMais  outre 

qu'en  un  fi  grand  fujet  les  infttumens  ne 

pouvoient  eftre  trop  illuftrcs,!!  a  encore 

particulièrement  emploie  Auguftejpour 

montrer  que  les  cœurs  ,  Se  les  mouve- 

mens  des  plus  fuperbes  Monarques  ne 

font  pas  moins   en  fa  difpofîtion ,  que 

ceux  des  plus  iîmples  Bergers.     Et  de 

toute  cette  conduite  ,  oùni  la  lumière 

de  rintclligence  de  Thomme  ,  ni  le  dc(^ 

fein  de  fa  uolonte  na  eu  aucune  part,  il 

paroift  etîcorp  que  cette naiffance^aufli 

bien  que  tout  le  minifterc  de  Chrift, 

étoitpuremcnt  l'œuvre  de  Dieu,  qui  le 

menoit  parla  main  droit  à  chacune  des 

çhofesjoù  il  Tavoit  deftiné,  à  travers  tous 

les  empefchcmens ,  &  les  embaras ,  qui 

s  y  oppofoient  de  la  part  ou  de  la  Nature 

ou  des  hommes.  Mais  je  viens  à  la  per- 

ibnne  d'où  naquit  le  Seigneur. Marie  fu(: 

Cet  heureux  vaiflcau ,  où  le  Fils  de  Dieu 

fut  conceu,  &:  forme',  demeurant  neuf 

mois  dans  Ces  flancs,  jufques  à  ce  que  le 

fcrrpc  venu  elle  en  accoucha  dans  la 

ville 


Sermon     IL  57 

•fille  de  Bethlehem.  Elle  reconoift  elle 
mcfme  dans  fon  divin  cantique  ,  que  ce    , 
fut  la  pure  grâce  de  Dieu,  qui  la  choiiîc 
pour  un^fi  glorieux  miniftere  ,  Mon  âme,  im  x, 
j^iVtWc-^magmfie le  Seigneur  y  é' ^^^on  ej^rït '^^^'^'^' 
sefiégayeen  Dieu  y  qui  ej}  mon  Sauveur,  Car 
il  a  regardé  lafctitejfe  de  fafervante^.  Foiciy 
certes  dorefnavant  tou6  aages  me  diront  bien- 
heureujk^.  Si  vous  me  demandez  fa  con- 
dirion,le  métier  de  Iofeph,à  qui  elle  fut 
mariée ,  montre  afTez,  qu'elle  etoit  fore 
baffe  félon  la  chair.   Car  l'Evangile  nous 
apprend,que  ce  faint  homme  étoit char- 
pentier. Dieu  pour  braver  l'orgueil  de^^^^•'•ï^ 
Ja  terre,&:  fouler  aux  pieds  toute  nôtre  ^^_^j,^  ^^ 
pompcjvoulut  que  cette  pauvre  fille  fuft  i. 
la  mère  du  Roy  des  Roys  ;  pour  nous 
montrer, qu'il  n'a  point  la  pauvreté  en 
horreur,  &  qu'il  n'eftime  pas  nioins  le 
corps,ou  le  logis  des  petits, que  celui  deSr 
grands*  Mais  quelque  baffe  &:  méptifa- 
ble,quefuft  faconditiondansle  monde, 
elle  étoit  pourtant  fortie  d'une  tres-il- 
luftre  tige  ,  de  l'eftoc  de  David,  l'vn  des 
plus  grands  Roys,  qui  ait  jamais  porté 
couronne.  D'où  vous  voiez  en  paffant, 
qu'elle  eft  la  vanité  des  chofes  humai- 
pes,  &:  à  quelles  pitoiables  révolutions 

font 


58  De  U  Naiffance  du  Seigneur  I  e  s  v  s  ^ 
font  fujetccs  les  plus  nobles ,  &:  les  plus 
glorieufes  maifons  de  la  terre  i  puis  que 
le  fang  d'un  fi  grand  Prince  au  bout  de 
quelques  fiecles^eft  réduit  à  une  fi  ex- 
trefme  bafTeffe ,  la  Providence  lui  chan- 
geant par  un  incomprehenfible  jugement 
ion  fccptre  en  un  rabot  ;  comme  autres- 
fois  par  vnc  bénignité  non  moins  mér- 
veilleufc  elle  avoit  transformé  fa  hou- 
Jetteenfceptre.  Et  ici  (e  rencontre  en- 
core en  nôtre  Icfus  une  autre  marque 
du  Meflîe,  qui  devoir  naiftrede  la  tribu 
de  Iuda,&  de  la  femence  de  David;com- 
me  vousfçavcz,que  toutes  les  anciennes 
Ecritures  font  plenes  de  cette  prediftion. 
Car  Marie  étoit  vrayement  le  fang  de 
David,non  feulement  (^comme  quelques 
uns lont  voulu  dire  )  parce  que lofeph, 
dont  rtle  étoit  devenue  la  chair  par  le 
droit  de  leur  mariagCjCtoit  de  la  maifon 
6<:  famille  de  David,  ainfi  que  les  Evan- 
geliftes  le  tefinoignent  expreffement  s 
mais  auflî  parce  que  de  fon  chef  elle  en 
ctoit ifTuc  elle  mefmc.Il  eft  bien  vrai,quc 
S.  Mathieu,  &:  S.Luc  ne  nous  ont  repre- 
fente,  que  la  généalogie  de  lofeph  fim- 
plcmenc  ,  Ou  non  auffi  celle  de  Marie 
Mais  ils  en  ont  amfi  ufc  parce  que  les 

luifs 


Sermon     IL  59 

luifs  de  leur  cemps,à  qui  ils  avoient  prin- 
cip'alemcnt  intereft  de  juftifier  le  fang,ôc 
Textradion  du  Seigneur  lefus^Tçavoienc 
tous,  comme  une  chofe  alors  commune, 
que  Marie  écoic  de  mefme  maifon ,  que 
lofeph  ,  qui  Tépoufa  ,  par  ce  qu'elle  écoic 
heritierespourconferver  le  nom,  le  fang, 
ôz  l'héritage  de  fon  père  dans  fa  famille, 
félon  la  coûcume  des  luifs,  ordinaire  en 
tel  cas,fondée  fur  l'ordonnance  de  Moïfe 
dans  le  livre  des  Nombres  i  de  forte  que 
déduire   la  généalogie  de  lofeph  c*étoit2\{ow^. 
par  mefme  moien  reprefenter  celle  de^^^^^^"^' 
Marie.  Au  refte  de  toutes  les  femmes  il 
n'y  eut  jamais  qu'elle  feule  ,  oùraccou- 
chement  fe    foie   rencontré    enfemble 
avecque  la  virginité.  Les  oracles  d'Ifracl 
avoienc  prédit ,  dû  ks  types  avoient  fi- 
guré,que  le  Chrift  naiftroic  de  cette  fortei 
&:  la  pureté  &C  fainteté  de  fa  perfonne ,  Se 
les  defleins  de  (es  charges  le  requeroienc 
neceflairement  ainfi.     Et  comme  nous 
croions  que  Marie  a  été  Vierge  jufques 
à  cet  enfantement  ,  aufli  fdmmes  nous 
perfuadez  avec  toute  l'ancienne  EgUfe, 
qu'elle  eft  toujours  demeurée  Vierge  de- 
puisiétant  tout  a  fait  plus  raifonnable  de 
ie  tenir  ainfi;Veu  rexcelknce  de  ce  divin 

vaifTeau, 


6o  De  U  Nal/fa/tce  du  Seigneur  I  e  s  v  s . 
vaiffeau,que  de  favorifer  le  parti  côcrairei 
fans  que  TEcriture  fainte  nous  y  oblige 
nulle  part.  Car  quant  à  ceux5qui  font  ap- 
peliez//ifr^j-^^  Seigneur  dans  TEvangile; 
ce  n'cft  pas  à  dire  qu'ils  fuffent  nais  dVnc 
mefme  mère  ;  Au  contraire  il  paroift  par 
d'autres  lieux  ,  qu'ils  n'étoient  que  fes 
coufins.  Mais  c  eft  une  forme  de  langage 
fort  commune  dans  l'Ecriture^d  appeller 
'  ^  /rer^/ ceux  qui  font  d'un  mefme  fang.  Et 
quant  à  ce  que  dit  ici  S.Luc,que  la  Sainte 
Vierge  enfanta  fon  premier-naiicela  n'in- 
duit point  non  plus ,  qu'elle  ait  encore  eu 
quelque  autre  enfant  depuis  celui-là,mais 
feulement,  qu'elle  n'en  avoit  eu  aucun 
avant  luijétant  la  coutume  de  l'Ecriture 
de  nommer premier-nai  le  premier  fruic 
'  d'une  créature,  foit  qu'elle  en  ait  d'autres 
après  cela  ,  foit  qu'elle  n'en  ait  plus.  Ec 
enfin  ce  que  dit  S.  Mathieu,  que  lofeph 
ne  connut  point  Marie-  jufques  à  ce  qu'el- 
le euft  enfante  fon  premier-nai  ,  pofe 
bien  ,  qu'il  ne  la  connut  point  durant  ce 
temps  làimais  n'induit  pas  non  plus,  qu'il 
Tait  connue  depuis ,  ou  après  cela  i  non 
plus  que  ce  que  nous  lifons  de  Micol,fillc 
;. Sxm.  de  Saiil ,  que//e  rient  fowt  à'enfms  juf^ues 
^'^y     au  jour  de  fa  mçrt  y  n'induit  nullement 

qu'elle 


s  E  RM  O  M       II.  61 

qu'elle  en  ait  eu  quelqu'un  après  fa  more. 
C'eft  ce  que  nous  avons  eftimé  vous  de- 
voir dire  de  la  mere.Quant  à  ïbn  enfants 
^ui  eH  f^jcomme  dit  le  Prophetc^^i  ra-  ^^,^^  ^ 
cmterafager^eration  ?  Ceft  un  abylme  de 
nierveilles,qui  ne  fe  peut  épuifer.ravouc, 
que  cette  chair,  en  laquelle  il  cft  forti  du 
fein  de  Maricjeft  une  vraye  chair  humai- 
ne, veftuc  déroutes  les  proprietez  ^ 
qualitez  effentielles  de  nôtre  naturejune 
chairjque  le  lait  nourrira^que  lefommeil 
foulagera,  qui  croiftrapeuàpeu  :&  qui 
paffera  par  toutes  les  innocentes  bafleffes 
de  nôtre  vie. Mais  tant  y  a^que  cet  enfant, 
petit  &:  foibIe,comme  vous  le  voiez ,  cft 
un  grand  Dieu  5  éternel  6^  tout- puiflanr. 
Si  S.Luc  ditici  5qu'ileftnai  fous  Cefar        v 
Augufteilefus  dit  lui-mefme  ailleurs^qu'il^^"^'*  ^' 
eft    avant  qu'Abraham   fuft  engendrés  vror.  %. 
avant  que  les  montaignes  fuflent  aflîfes/^* 
&  avant  que  le  monde  fuft  cree'.S'il  cft  le 
premier-nai  de  Marie  i  auJÎî  eft-illeFils 
unique  du  Père  éternel.  Ilnaift  aujour- 
d'huy   en  la   bourgade   de  Bethlchem; 
Mais  il  eft  de's  le  commencement  avec 
Dieu.    Il  vient  maintenant  en  la  terres 
mais  fes  ifluës  font  dés  les  jours  éternels. 
S'il  commence  ici  à  refpirer  nôtre  airsil 

> eft 


6i    Be  la  Ndjjance  du  Seigneur  Ie  s  v  s . 
eft  ailleurs  fans  commencement  de  vie,' 
&  fans  fin  de  jours.  Ici  il  a  fa  généalogie: 
ailleurs  il  n'en  a  point.  Il  eft  enfant  i  &: 
neantmoins  il  eft  le  Père  d  éternité.  Il 
cft  la  femence  de  la  femme,  bc  le  fruit  da 
ventre  de  David  i  mais  aufli  eft-illa  glo- 
ricufe  refplendeur,  &  la  marque  engra- 
vée  de  la  perfonne  de  Dieu.  Marie  Ta 
porte  dans  fes  flancs;&:  c'cft  lui  qui  porte 
toutes   chofes    par  fa  parole  puiffante* 
Marie  l'a  tenu  entre  fes  bras  i  &  c'eft  lui 
qui  foûtient  les  cieux  &:  la  terre.  O  belle 
éz  divine  énigme  !  ô  faint  &:  admirable 
myftereiLa  chair  &  la  terre  ne  le  peuvent 
comprendre.Mais  TEfprit  du  ciel  nous  la 
révèle ,  Mes  frères  i  nous  apprenant  que 
ce  lefus  eft  Dieu  manifeftc'  en  chairjqu'il 
a  deux  natures  en  luy  ,  celle  de  Dieu,  &: 
celle  de  Thommc  ;  Tune  vifible  &  palpa- 
bleUautre invifiblc &:  incomprehenûble> 
Tune  bornée  dans  Tefpace  du  lieu  qu'elle 
ocGupclautre  immenfe  &: infinie  i  Tune 
formée  du  fang  de  Marie,  l'autre  mefme 
que  la  fubftance  de  Dieu  le  Père  ,  com- 
muniquée au  Fils  par  une  génération 
éternelle.    Le  inonde  les  void  aujour- 
d'huy  unies  en  ce  bien-  heureux  enfant;le 
ciel  allié  avecque  la  terre,  le  Créateur 

avccque 


s  E  R  M  O  N      1 1.  ^} 

avecque  la  creacure ,  rEfpric  avecque  la 
chair ,  Dieu  avecque  Thomme  dans  vne 
feule  &  mefme  perfonnc.   Chacune  de 
ces  deux  natures  a  gardé  dans  cette  inef- 
fable union  fa  piopre  forme  avec  toutes 
fes  légitimes  &  neceflaires  fuites.  Euty- 
chien5ne confondez  point  les  chofesjquc 
Dieu  a  diftinguées.  La  chair  àbien  été 
unie  avecque  le  Filsjmais  elle  n'a  pas  été 
changée  en  la  divinité  du  Fils  ;  &  la  divi- 
nité du  Fils  à  bien  été  unie  avecque  la 
chair  ;  mais  elle  n'a  pas  été  transformée 
en  chair.    Cette  union  n'a  rendu  ni  la 
chairinfinie&impaffible  ;  ni  la  divinité 
fini,e  &pa{Iible.   Mais  pour'eftrediftin- 
guéesjelles  ne  font  pas  pourtant  feparées. 
Neftorien  ,  ne  diuifez  point  ce  que  Dieu 
a  conjoint.  Comme  le  corps  &  l'amené 
font  qu'une  perfonne ,  bien  que  ce  foienc 
deux  différentes  naturesiainfi  la  divinité 
du  Fils  &  fa  chair  ne  font  qu'une  perfon- 
ne en  Chrift,  bien  que  la  forme  &:  les 
proprietez  de^l'une  foyent  différentes  de 
celles  de  l'autre.  S'il  y  a  deux  natures  cq 
luijtant  y  a  que  nous  n'auons  qu'un feul 
Iefus5faitde  lafemencede  Dauid  ,  nai 
dans  Bethlehem ,  crucifié ,  mort ,  refuf- 
citèj&  élevé  au  ciel  ^  félon  la  chair  j  éter- 
nel, 


6^    De  la  Naijfance  au  Seigneur  I E  s  v  s . 
neljtout-puiflanc ,  inlîai,createur  &:  con- 
fervateur  du  mondc/elon  TEfprit.  Aufli 
avions  nousbefoin  d'un  tel  Médiateur, 
qui  fuft  homme  pour  foufFrir  nos  pênes, 
&:  Dieu  pour  les  furmonterihomme  pour 
mourir,  &:  Dieu  pour  fc  reffufciter  des 
morts.    La  chair  lui  ctoit  necelTaire  pour 
eftre  la  vidime  de  nos  péchez ,  &  la  di** 
vinitè   pour  en  cftrc  le   Sacrificateur. 
Ou  euft-  il  offert  pour  nous ,  s'il  n  euft  eu 
de  la  chaire  du  fang'  Et  comment  Teuft 
il  offert  s'il  n'euft  eu  une  majeftè  fouve- 
rainejcapablc  de  comparoiftre  devant  la 
jufticeduPcre,  &de  foûcenir  fa  jufticc? 
Ceft  pour  ces  mefeics  rajfons  qu'outre  la 
vérité  de  nôtre  nature,  il  en  a  pris  les  in- 
firmitez  ;  la  forme  de  ierviteur  ,  &  non 
d'homme  fimplementiayant  été  tenté  en 
toutes  chofes ,  comme  nous  j   excepté  le 
pechè  feulement  La  faffon  ôi  les  circon- 
ftances  de  fa  naiffance  nous  en  fournif- 
fcnt  vn  illuftrc  échantillon.  Car  il  naquit 
dans  un  voyage, dans  une  l^ôtelerie^dans 
une  étable*Ilfut  emmailloté,  &:  couché 
dans  une  crèche,  comme  TEvangelifte  le 
remarque  expreffcmcnt  en  la  dernière 
partie  de  ce   texte.   Combien  eft  diffé- 
rente cette  pompe  de  celle,  qui  fc  void 

en  la 


Sermon     II.  ^y 

en  la  iiaifTance  des  enfans  des  Roys?  Ils 
naiffent  en  des  palais ,  en  des  chambres 
magnifiquement  tapiflees ,  où  l*or,  Tar- 
genc»  &:  lafoye  reluifent  de  tous  cotez, 
lefus  naift  dans  l'étable  d'une  hôtclerie. 
Les  enfans  des  Rois  font  receus  au  mon- 
de avec  de  grandes  cérémonies  dans 
raffemblce  des  Princes ,  &:  des  Princef- 
fes  de  Tc'tat.  Il  n  y  eut  autre  compagnie 
à  lanailTance  de  lefus,  que  celle  de  fa 
mère  5  5^  d*un  pauvre  charpentier.  Les 
enfans  des  Roys  font  receus  dans  la 
pourpre,  comme  autres- fois  ceux  des 
Empereurs  Romains,  ou  dans  lefarin,&: 
dans  le  velours^ou  dans  la  plus  fine  &:  la 
plus  precieufe  toile  de  Hollande  ;  cou- 
vers  de  fuperbes  langes,  couchez  en  de 
riches  berceaux  lefus  fuft  enveloppé  de 
miferables  drappeaux,  &  couche  dans 
une  crèche.  Qui  ne  s*ctonnera  d'une  fi 
grande  baflTefle,  telle  qu'en  effet  il  n'eft; 
pas  pofrible,que  Tefciave  leplusabjet 
naiffe  plus  pauvrement  ?  Qiii  ne  s'éton- 
nera ,  que  le  Roy  de  f  univers  n'ait  pas 
feulement  eu  la  chambre  d'une  hôtcle- 
rie pour  y  naiftre?  que  le  Maiftre  du  ciel 
&de  la  terre  foitnaidans  une  érable? 
quecclai,quireveftlcs  aftresdclurtiiere,' 

t         &  qui 


66  De  U  Naijfunce  du-  Seigneur  I  e  s  v  s . 
6e:  qui  pare  toutes  les  créatures  de  leur 
gloire  ,  ait  été  enveloppé  en  de  mifera- 
blcs  drappeaux?que  celui  qui  eft  aflis  fur 
un  thrônc  éternel  ,  6l  qui  donne  aux 
Princes  leurs  fceptres,  &:  leurs  couron- 
nes^ait  été  couché  dans  une  crèche?  que 
le  Seigneur  des  armées,  à  qui  mille  mil- 
lions d'Anges  font  continuellement  la 
court,  foitnai  en  folitude , affiftè  d'urt 
pauvre  homme  ,&:  dVne  femme  feule- 
ment ?  l'avoue,  chers  Frères,  que  cette 
extrefme  bafleffe  nous  doit  étonner ,  d^ 
ravir  les  hommes  &:  les  Anges  en  admi- 
ration :  Mais  je  dis ,  qu  elle  ne  nous  doiC 
pas  fcandalizer.  Si  la  croix  de  lefus  ne 
nous  ofFcnfe  point  i  fon  étable,&  fa  cre- 
che,ô^  fes  linges  nous  choqueront  beau- 
coup moins.  Ce  n'eft  pas  la  foible(re-,ni 
l'impuiffance  ,  qui  Ta  fait  dcfcendre  juf- 
gues-là.  Ceft  fa  bontéi  &  lamour  qu'il 
a  eue  pour  nous.  Il  s'eft  anéanti  foi-mef- 
ff'-  mc,dit  l'Apôtre.  Ilpouvoit  paroiftre  en 
forme  de  Dieus  mais  il  a  volontairement 
pris  celle  d'un  cfclave.Si  vous  en  doutez, 
regardez  qtf  au  mefme  temps  qu'il  n'àift 
dans  1  obfcuritè  de  cette  ctable,  les  An- 
ges quittent  le  ciel ,  &c  en  viennent  an- 
ji©ncerla  nouvelle  aux  honxmcs.   Il  fe 

forme 


Sermon     II.  Cj 

forme  de  nbuveaux  aftres  en  \'i  Nature, 
pour  nous  conduire  à  fon  berceauiô£  des 
Seigneurs  viennent  de  loin  adorer  celui 
qui  n'avoir  pas  eu  une  chambre  chez  les 
fiens.  le  confefle,que  lefus  pouvoir  eftre 
vrai  homme  fansnaiftre  iî  pauvrement: 
Mais  la  charge  quil  venoit  exercer  au 
monde, requeroit  cette  baffefle.  Il  étoic 
fort  convenable  ,  que  celui  qui  avoir  à 
mourir  fur  une  croix,ne  nâquift  pas  dans 
les  richefles5&:  dans  la  gloire  d*un  palais; 
&  qu'une  vie ,  qui  fe  deuoit  finir  dans 
une  extrême  ignominie,  fe  commençait 
fans  aucune  pompe  mondaine.  Il  falloic 
que  fon  enfance  répondift  à  fes  autres 
aages.  Il  eft  hai  dans  un  voyage;^  toure 
fa  vie  n'a  été  qu'un  pèlerinage  A  certe 
entrée  il  n'eut  pas  une  chambre  pour  y 
naiftre  \  Aulli  n'eut- il  pas  depuis  où  re- 
pofer  fon  chef.  Il  n'y  eut  pomt  de  place 
pour  lui  5  ni  pour  les  fiens  dans  l'hôrele- 
rie.  Cétoit  Timage,  6«:  le  prefage  de  ce 
qui  lui  arriva  depuis  dans  le  monde,  où 
les  fiens  mefmes  le  rejerterent.  La  bar- 
barie de  l'hôte  predifoit  la  fureur  des 
luifs,  qui  ne  l'ont  point  receu ,  &  du 
monde  5  qui  ne  Ta  point  reconnu.  Ses 
drapeauxjô^:  la  paille  de  la  crèche  ,  où  il 

e     2         fut 


é?   BeUNaijfxnceda  Se!g»e«rJESVS. 
fut  couche,  écoient  le  pronoftic   de  la 
honte  de  fa  mort,  de  fa  nudité  &:  de  fa 
couronne  d'épines. Mais  en  tout  cela  il  a 
eu  auffi  égard  à  nôtre  inftrudion  &  con- 
folation.   NailTant  dans  la  pauvretè5il la 
fanftifiée.  Il  a  fleftri  l'orgueil  du  monde> 
ôi  confacrè  riiumilitè  deTEglife,*  pour 
apprendre  aux  riches  à  ne  point  s'enor- 
gueillir s'ils  ont  des  biens,  qu'il  a  dédai- 
gnez 5  &  aux  pauvres  à  ne  point  perdre 
courage,  poureftre  dans  une  bafleflejOii 
il  aparté.   Voila,  Fidèles ,  ce  que  nous 
avions  à  vous  dire  de  la  naiflance   du 
Seigneur lefus.   Puisqu'il  eft  tel  que  les 
Prophètes  Tavoient  promis ,  nai  au  téps> 
au  lieu,  &:  en  la  faflon  qu'ils  Tavoienc 
prédit  plufîeursûecles  auparavant, rece- 
vons le  pour  le  vray  Meflîe  de  Dieu,  le 
Médiateur,  &:  le  Rédempteur  unique  du 
genre  humain.   Adorons-le  ,  51  l'aimons 
fur  toutes  chofes  ;  que  fa  gloire  foir  le 
dertcin  de  nôtre  vie  j  que  fa  volonté  en 
foit  la  règle  s  que  fon  exemple  en  foit  le 
patron.   Vous  voiez  ce  qu'il  a  fait  pour 
nou.s,*&:  de  quelle  hauteur  de  gloire  ,  ca 
quel  abyfme  de  baflefle  il  eft  defcendu. 
Pour  nous,  régénérer  en  la  vie  des  An- 
fr^,      ges.  il  eft  nai  en  celle  des  hommes  ',  il  eft 

nai 


l.Cor.t 
9- 


S  E  R  M  O  N  '  1 1.  €9 

nai  d'une  pauvre  fiUe^afiaque  nous  peuf- 
ûons  naillre  de  Dieu  II  a  pris  nôtre  chair 
pour  nous  communiquer  fonEfprit,&a 
reveftu  nos  hontes,  afin  de  nous  parer 
de  fa  gloire.    Il  eft  nai  dans  la  folicude, 
pour  nous  aflbcier  en  la  compagnie  des 
Anges  ;  en  un  voyage,  pour  nous  donner 
droit  en  la  maifondc  Dieu;  dansl'cta- 
ble  d'une  hôtelerie ,  pour  nous   loger 
dans  lepalais  duciel.Il  a  etè  couvert  de 
drapeauxi  pour  nous  reveftir  d'incorru- 
ption:Ôi  comme  dit  S.  Paul ,  il  s'eft  fait 
pauvre,  pour  nous  rendre  riches.  Quel 
refpeâ: ,  &c  quelle  obeiflance  ne  devons 
nous  point  à  une  fi  miraculeufe  amour? 
Chers  Frères,  toute  la reconnoiffance 
qu'il  nous  en  demande  eft,que  nous  fui- 
rions {c$  traces ,'  &    que  par  Tefficace, 
d'une  fainte  Si  ardente  amour,nous  nous 
changions  en  cette  belle  forme  ,  qu'il 
nous  prefcnte  en  foy-mefmei  &  que  le 
fentiment  de  charité  &c  d'humihièjqui  a 
été  en  lui,fo.it  auflî  en  nous,  &  que  nôtre 
vie  foit  tellement  tirce  furlafienne  ,  que 
chacun  de  nous   puiflc    véritablement 
dire  aveeque  l'Apôtre  ,   Ce  ^^'ef^pa^moy'^'^^-^' 
qui  vis.  Cefi  Chrisi  qui  vit  en  moy\&  ce  que 
j^  va  m^LtntenAnt  en  la  chair  y  je  vk  en  lafoy 

e     5         dtp 


30. 


70    BeU  Naifjance  du  Seigneur  I E  s  v  s .' 
du  Fils  de  Dieu  ,  ^ui  ma  aimé ,  (^   sefi 
do/2ifé  foi-mcfme pour moy.  Que  ce  jour  qui 
-le  vid  naiftre  en  la  ville  de  Bethlehem, 
le  voie  auffi  naiftre  dans  nos  cœurs, &:  les 
changer  d'etables  en  palais,  &  en  fan- 
fluairesdu  Souverain;  les  parfumant  de 
Fodeur  de  Ion  innocence,^,  les  éclairant 
de  la  b^uté  de  fa  lumière.  Que  ce  di- 
vin Enfant  ne  dédaigne  point  d*y  en- 
trer ,  Qn'rt  y  croiffe,  ^.  s'y  fortifie  peu  à 
pcu.pour  y  régner  à  jamais.  Il  y  entrera 
voUntiers ,  quelque  paiîvre que  foit  ce 
logement  5  &  indigne  en  toutes  fa  (Ton  s 
delà  Maiçftéd*un  fi  grand  Roy  ,  pour- 
veu  que  vous  l'y  receviez  avecque  foy, 
qtie  vous  n  ayez  pas  honte  de  fon  Evan- 
gilc,&:  que  vous  preniez  une  ferme  refo- 
lution  defiVire  Ôdde  fouftrir  pour  fa  gloi- 
rccequ'jl  a  fait,  &:  fouflfert  pour  vôtre 
faluti  ccftàdire  de  communiquer  vos 
richeflés  à  vos  frères,  comme  il  vous  a 
communiqué  lesfiennes;  de  les  aimer, 
comme  il  vousa  aimez;  de  leur  quitter 
ce  peu  de  deniers  ,  qu'ils  vous  doivent, 
comme  ilvous  a  quitté  les  talens , que 
vous  lui  deviez  i  de  leur  pardonner  ces 
petites  oiïsnfes  ,  dont  vous  vousplai- 
gnezjCommvi  il  vous  a  pardonné  tous  vos 

crimcsi 


SermonII.  7î 

crimes  ;  de  renoncer  aux  grandeurs  Se 
aux  pompes  du  monde  pour  Tamour  de 
lui,  vous  fouvenant  de  Tétable  &:  de  la 
crechejoù  il  a  été  gifant  pour  Tamour  de 
VOUSJ&  enfin  de  fupporter  humblemenr, 
&:  patiemment  les  incommoditez  de  ce 
pèlerinage  terreftrè  ,  la  rudefle  &  l'in- 
humanité du  monde>chez  qui  vous  lo- 
gez,&:  la  pauvreté  &:  baffeffc ,  où  il  vous 
réduit  ordinairement.  Ceft  Tenfeigne- 
nient  que  vous  donne  la  naiffance  du 
Seigneur  ;  c'eft  le  fruit  que  vous  en  de- 
vez tirer, &:  la  meilleure  preparation,que 
vous  puiffiez  apporter  demain  à  fa  table. 
Car  comme  fa  naiffance  ctoit  le  prepa- 
ratif  de  fa  morts  auffi  la  méditation,  de 
Tune  eft  la  vraie  difpofitipnrequife  pour 
participer 'au  feflin  dédié  àlacomme- 
moratiojj  .de  l'autre.  Lui  mefme  nous 
vueille  faire  îa  grâce  d'avoir  part  à  la 
mortification  de  fa  première  vie  ,  de  au 
mérite  de  fa  croix,  afin  que. nous. l'ayons 
auflî  quelque  jour  à  J^  gloire  de  fa  fé- 
conde vie,  &:  à  Teternité  de  fon  royau- 
me celcfte.»  Amen. 


DE   LA 


D£    LA 

NAISSANCE 

DE  NOSTRÈ  SEIGNEVR 
IBSVS-CHRIST. 

SERMON  TROISI^SMB. 
Lvc  X I,  verf13.14.15.r6j7.18. 19.10. 

13.  £t  fouddif)  Avecque  t  Ange  il  y  tut 
une  multitude  des  armées  célestes  louant 
I>ti^fi  5  &  dilant^ 

14..  Gloire  (o't  \  D'eu  dans  les  lieux  très- 
hauts  ,  é'  en  terre  paix  i  envers  les  hom^nes 
ho  ?ne  volonté- 

i^.  Et  il  avint  après  que  les  A/ge^  s  en 
furent  allez  d  avec  eux  au  ciel  ^  que  ces gems- 
li  ^  ajfavoir  les  Bergers  ,  dirent  entreux^ 
Allons  donc  j/tfques  en  Bethlehem  ,  ^  votons 
ce' te  chofe  qui  ej}  avenue ^  que  le  Seigneur 
nous  a  notifie^. 

16.  ils  vinrent  donc  a  grande  hajle  ^  à* 
treuverent  Marie ,  (jr  lofe^h  ,  C'  l^  petit  en- 
fant gifant  en  U  crèche^. 

17.  Et  quand  ils  t  eurent  veu ,  ///  divul- 

guèrent 


Sermon     II  Î.  73 

guerent  ce  (fui  leur  avoit  èiè  dit  touchant 
ce  petit  enfant. 

18.  Dont  tûî46  ceux-,  ejui  les  ouïrent^  iê- 
merveillerent  des  chofes  qui  leur  ètoient 
dites  far  les  Bergers. 

19.  Et  Marie garàoitfoigneufement  toutes 
ces  choÇesJles  ruminant  en  [on  cœur. 

20.  Pms  après  les  Bergers  s  en  retour- 
nèrent ,  glorifiant ,  c^  loùmt  Dteu  de  toutes 
les  chofes  quils  avaient  ouïes  ^^eu'ésjelon 
quil  leur  en  av oit  été  parle.  ^ 


Hers    pRERÈS'J^^ilfa.^i-  ' 

Bien  que  nôtre  Sc^igneUrlefusGhrift 
ait  vécu  ici  bas  au  milieu  des  hommes 
dans  une  cxtrefme  baffèiTe  ,  cachant  les 
merveilles  de  fa  divinité  fous  le  voile 
d'une  chair  infirme,  ôd  fcmblable à  la 
nôtre  en  toutes  chofes,  excepte  le  pé- 
ché ;{îeft-ce  que  fa  Majeftè  nelaiflbiC 
pas  de  jetcer  quelques  éclairs  à  travers 
cette  forme  de  fcrviteur  ,  qu'il  avoic 
prife,  tels  que  ceux  qui  les  confidcroient 
attentivement3&:  avec  des  yeux  purifiez, 
y  appercevoient  une  gloire  digne   du 

Fils 


74  l^e  U  Naiffa^ce  du  Seigneur  I  e  s  v  S .' 
Fik  vnique  de  Dieu  ;  Jout  ainfi  qu  en 
la  Nature  vous  voiez.  (buvent,  que  quâd 
le  SokU  eft  couvert  de  fombres  &  épais 
lîuages^il  ne  laifle  pas  de  répandre  des 
rayonsjqui  nous  le  font  réconnoiftcejen- 
core  que  fâ  vraie  ,  §^.propre  forme  ne 
fe  montre  pas  alors  à  nos  fens.  Cela  fq 
peut  remarquer  dans  l'hiftoire  de  la/  vie 
du  Seigaçur ,  oii  vous  voiez  toujours 
rayonner  ouelques  éclats  de  fa  lumière, 
divine  fujHs  ombres  de  l'infirmité  hu- 
maine. Les  miracles  y  accompagnent  les 
fouffrances,  &  le  ciel  y  eft  toujours  mefiè 
avecquc  la  terre.Cette  diverfitè  y  paroift 
dés  fa  naiflance  ;  cette  trifte  étable,  où  il 
-naquit,  cette  honteufe  crèche,  oiJ  il  fut 
couche r-aiant  été  éclairées  de  tantde 
feux,  &  de  tant  de  g4oii:e,que  toute  ame 
sion  pailîonnée  pouvoic  aifément  juger 
!nonobilant  le  fcandale  de  fa  baflefle, 
qu'il  étoit  vraiement  l'enfant  promis  par 
les  anciens  Prophètes  pour  la  redcption 
del'Egfifc.  Car  pour  ne  point  parler  du 
fccrct  de- fa  conception  ,  &  de  la  mer- 
veille de  ce  fein  biçn-heureux,  oùil  fut 
éonceu^ôi  d'où  il  fprtit  fans  en  violer  la 
Virginité  s  cet  entant,  ébranla  tout  le 
irfondc  dés  f^.  çaUOtince.  U  attira. ies 
.Il  '  Angcs^ 


s  E  R  M  ON      HT.  ^        7) 

Anffes,  &;  les  hommes  dans  cette  étable, 
où  il  etoit  gifant ,  les  Mages  de  l'Orient, 
6^  les  Bergers  de  ludée  5  c'eftadireles 
Sages  ;  &:  les  ignorans.  Il  alluma  un  nou- 
vel aftre  dans  ^ie  firmament,  pour  con- 
duire les  premiers  à  fon  berceau  y^Y 
fit  venir  les  autres  par  l'apparition  dua 
Ange,qui  convertie  lanuit  en  jour,  pour 
leur  donner  une  image  du  changeiyient, 
que  ce  nouveau  naialloit  faire  dans  l'u- 
nivers.Dés  qu'il  y  paroia,le  ciel  iç  faluç, 
&:  envoie  fes  divines  armées  pour  be.nir 
Dieu.de  fa  venue\&:.cn  féliciter  la  terre. 
S.  Luc  nous  reprefente  une  partie  de  ces 
merveilles  dans  le  pafTage  quenous  avos 
choifi  pourraaion  de  ce  jour  ,  çonfacre 
à  la  mémoire  de  la  naiffance  du   Sei- 
gneur par    vn   confentcment  prefque 
univerfel  de  tous  les  Chrctiens.Cardans 
ce  facrè  texte  vous  entendez  d  enxrée  un 
chœur  d'Anges   entonnant  hautement 
un  cantique  en  l'honneur  de  cette  naif- 
fance,&:  difant  tous  enfemble.  Gloire fott 
k  Dieu  à^ns  les  lieux  très- hauts ,  &  en  terre 
paix  •■>  &  envers  les  hommes  bonne  volonté. 
Vous  y  verrez  en  fuite  une  troupe  de 
Bergers  qui  ayant  eu  le  bon  heur  d'eftre 
les  difciple5A  les  auditeurs  des  Anges, 

trans- 


7  (S  T>eU  Naiffance  du  Se  tgneur  I  e  s  v  s  ^ 
transformez  foudainement  en  autres 
hommes,  &:  brûlans  d'un  nouveau  feu, 
courent  en  la  bourgade  de  Bcthlchem,y 
voient  lefus  fraifchement  nai  ;  &:  après  y 
avoir  publié  fa  gloire,  &:  rempli  tous 
ceux  qu'ils  y  rencontrèrent,  d'admira- 
tion &  d'étonnement^fe  retirent  en  joye 
chez  euxjbeniflant  Dieu  de  la  grâce  qu'il 
leur  avpit  faite.  Ce  feront ,  sM  plaid  au 
Seigneur,  les  deux  pointSjdont  nous  vous 
entretiendrons  encet  cxercice,le  canti- 
que des  Anges,  &:  Thommage  des  Ber- 
gers. Dieu  vucille  tellement  touchernos 
cœurs  de  fon  Efprit ,  que  nons  le  glori- 
fions à  leur  exemple,&:  recevions  &:  ado^ 
rions  fon  Fils  ,  reconnoilTcint  les  trefors 
de  béatitude  &:  de  grâce  qui  habitent  en 
lui,  fans  nous fcandalifer  des  bafleflcs  & 
des  infirmitez  ,qui  y  paroiflenr, 

S.Lucdifoit  dans  les  verfets  precc^ 
dens, qu'un  Ange  du  Seigneur  s'apparut 
de  nuit  aux  Bergers  de  la  campagne  de 
Bcthlchcm,&  leur  ann6ça,que  le  Chrift 
de  DieUjlc  Sauveur  du  monde,  etoit  nai 
dans  cette  petite  ville. Il  ajoute  mainte- 
nanr,que  ibadain  avec  céc  Ange  il  y  eue 
une  multitude  des  armées  celeftes, 
lûliansDjcu,  &:  chantans  l'hymne  facrc, 

que 


Sermon     I  J  I.  77 

que  nous  orrons  incontinent. L'Ecriture 
emploie  le  mot,  que  nous  avons  traduit 
année, ipouv  Cignidcr  généralement  toute 
multitude  rangée  par  ordre,de  quelques 
chofes  que  ce  foit.   D'où  vient  qu  elle 
appelle  affez  fouvent  les  Planètes,  &c  les 
autres  étoiles,  l'armée  des  cietix  i  parce 
qu'elles  y  font  fagemcnt  difpofées,  &;  s'y 
meuvent  avec  tant  d'art,  &  d'adrefle, 
qu'il  n'y  a  rien  dans  l'univers  de  plus 
beaujui  de  plus  raviflant.  Ceit  ainfi  que 
l'entend  Moyfe  dans  le  Deuteronome,Df«f.i7, 
quand  pour  décrire  lepcchè  de  Tidola-^- 
tre  ,    S^ïlfefrofterne  ,  à^ix.-W^àe'vant  le  So^ 
ïeil^ou  devant  U  Lune ,  ou  devant  choie  que 
ce  foit  de  l'armée  des  deux  ,•  &  les  Prophè- 
tes pareillement  ,  quand  ils  fe  plaignent' 
en  tant  de  lieux  de  ceux  qui  hàùjfent  des   • 
autels-^  qui  fe  proftcrnent  fur  les  toits,  ou 
qui  y  font  des  parfums  a  t armée  des  deux: 
Et  Efaye,  quand  nous  reprefentant  lej-^v?^ 
jour  des  grands  jngcmcns  de  DieUjil  dit,  ^  .. 
que  toute  l'armée  des  deux [e  fundra.    Et  S.  ^^^-  ^î-r- 
Eftienne  dans  les  Ades,quand  il  dir,que  il^  j'^  ' 
le  Seigneur  offensé  contre  Ifraël  l'aban-  ^-^ 
donna  afervir  l'armée  ,  ou  la  gendarmerie  ^^•5'^"^* 
du  ciel.  Mais  quelques-  fpis  l'Ecriture  par  ^.^^^  ^ 
l'armée  <^^/a^^;cfignifie  les  Saints  Anges;  4^. 

premie- 


'  ^  8    Bel  a  Naijfa^ce  du  Seigneur  I  e  s  v  s  • 
premièrement  parce  que  ces  bien-heu- 
reux Efprits  font  les  habicans  du  ciel5fon 
ornement ,  &:  fa  gloire ,  comme  les  ci- 
toyens font  la  beauté  d'vne  ville  ,  &  les 
mariniers  celle  d'un  vaifleau.    Et  c*eft 
pour  unefemblable  raifon^que  Moïfe 
Gf«.:i.  ^ppgjlç  /^j  armées  de  U  ter re^lowicslcs 
créatures  dont  le  Seigneur  Ta  remplie, 
diftinguees  en  leurs  'genres ,  &:  en  leurs 
cfpeces.   Secondement  les  Anges  font 
nommez  l'armée  des  cieux^  parce  que  leur 
nombre  eft  très- grand, &:  que  toute  leur 
multitude  eft  diilinguec  en  fes  ordres, 
&  rangée  fous  fes  chefs  ;  comme  une  ar- 
mée fous  fes  Capitaines.  Et  enfin  parce 
qu'ils  font  les  miniftres  de  Dieu  ,  &:  les 
inftrumens  dont  fa  puiffance  fe  fert  pour 
les  plus  grandes  de  les  œuvres,  environ- 
nant là  haut  dans  les  cieux  le  glorieux 
trône  de  fa  Majeftè ,  comme  une  armée 
le  pavillon  de  fon  General, veillant,mat- 
chant,  &agi(Ilint  félon  fes  ordres;  foie 
pour  abattre  les  forces  de  fes  ennemis, 
foit  pour  défendre  &:  protéger  fes  en- 
fans  contre  les  a(Tauts>  ou  les  embufchcs 
^    du  Diable.     D'où  vient  que  David  \q^ 
21.       n  o  m  m  e  /^/  ^  rmées  de  l'fJer/iel^e  s  m'rf7tjlyes 
H  b.  i.  ^.  igs  exécuteurs  de  fon  bo^fLùfir^  au  me  i  m  c 
^^'  \  fcns 


Sermon     III:  79 

fens  que  TApôtre  les  appelle  ejprïts  aàmi- 
wjlrateurs  ;  &  le  Pfalmifte  fiuvanc  çcîiq 
belle  figure  5  leur  approprie  les  fondions 
èc  les  termes  de  la  milice,  chantant  que 
[A^ge  du  Seigneur  carnée  kl' entaur. de  ceux  s. 
qui  lecraignenS.C'cA  ainfi  qu'il  faut  pren- 
dre l'armée  celejie  dans  la  vilîon   de  Mi-  /.  T^h 
chée^où  il  die,  c\uUaveu  le  Seigneur  aj^ls^'"'^"^' 
fur  [on  trone'té*  faute  l'armée  des  cieux^  c  eft 
à  dire  Taflemblée  des  Anges  ,  quiaj^ifioit 
devant  lut  a  fa  droite^  é'  ^  /^  gauchz^.    Et 
c'eft  en  ce  fens  que  S.  Luc  Tencend  en  ce 
lieujquand  il  dit,  ^\i  il  y  eut  une  multitude 
des  armées  celé  si  es  avec  que  t  Ange  '-^  c'eft  à 
dire,  qu'un  grand  nombre  d'Anges  quit- 
tant le  ciel ,  leur  camp  ,  ô^.  leur  logement 
ordinaire,vinrent  en  terre  &  fe  joignant 
à  celui  de  leurs  compagnons ,   qui  avoit 
porté  aux  Bergers  k  bien- heureufe  nou- 
velle de  la  naiflan^ce  de  lefus ,  fe  mirent  à 
louer  Dieu   tous  enfemble.    Certaine- 
ment il  étoit  bien  raifonnable  ,  que  cette 
divine  armée  ceiebraft  la  naiflance  de 
fon  Seigneur;  &  leur  maiftrefaifant  fon 
entrée  en  la  terre,il  euft  e'tè  de  raauvaife 
grâce  qu'ils  ne  reuflent  point  honoré  de 
leur  compagnie.  Ce  futàcecoup  qu'ils 
quittèrent  k  ciel  fans  regret  j  pour  veriir 

voir 


8o  BeU  NaiJ[ance  du  Seigneur  I e  s  v  s . 
voir  ici  bas  une  chofe  plus  grande,  &  pltîS 
admirable ,  que  toute  la  gloire  des  cieux. 
O  heureufe  terre,  que  la  naiffance  de 
lefus  a  purifiée  de  tous   fes  malheurs/ 
qu'elle  a  changé  en  un  Paradis  ,  où  les 
Anges  fe  plaifent^où  ils  viennent,^  où  ils 
fe  tiennent  auflî  volontiers,  que  là  haut 
au  deffus  des  étoiles»  Ci  devant  ils  ne  la 
regardoient  qu  avec  horreur ,  comme  le 
fejour  du  malheur  i  comme  le  partage  du 
pechè  &:  de  la  mort  ;  &:  comme  le  règne 
des  idoles  &:  des  demons.Ils  n'y  venoienc 
qu'à  contre-coeur^pour  y  frapper,  &:  pour 
y  combattre. Déformais  vous  les  y  verrez 
aflidus,montans&  defcendans  fur  ce  Fils 
de  rhommedont  ils  honorent  aujour- 
d'hui la  naiffance  ;  le  fcrvans  après  fes 
combats ,  le  confolans  dans  fon  agonie; 
faifans  la  garde  dans  fon  fepulcre,accom- 
pagnans  fontrionfe  5  afliftans  ks  fervi- 
teursjéclairans  leurs  prifons,  brifans  leurs 
chaînes,volans  alentour  d'eux  i  prefens 
dans  leurs  affemblées,  &:  prenans  parc 
dans  tous  les  biens ,  &  dans  tous  les  maux 
qui  leur  arrivent.    L'enfant  aujourd'hui 
nai  à  Bechlchcm  a  fait  toutes  ces  mer- 
veilles   Son  corps  a  attire  ces  divines 
aiglci  ici  bas  ;  à:  par  fa  prcftace  il  a  rendu 

nôtre 


Sermon     III.  8t 

nàttc  terre  digne  de  loger  les  arrhees  du 
ciel.   II  eft  vrai  que  la  lumière  Ô£  lavoi^i 
de  celui  qui  paria  aux  Bergers  ,  fuffifoic 
pour  les  ravir,  &:  pour  marquer  la>naif- 
fance  du  Seigneur.  Mais  le  Père  éternel 
uoulut  que  la  pompe  en  fuft  plus  illuftre 
par  la  prcfence  d'une  multitude  innom- 
brable.    Le    ciel    fournit  une  infinirè 
d'yeux  &:  de  voix  au  fpedacle  ôd  à  la 
louange  de  cette  merveille  ,  afin  de  fup- 
pléer  à  rabfence  ,  de  au  (ilence  des  hom- 
mes.Mais  comme  toutes  les  difpolîtions 
de  Dieu   regardent  nôtre  édification, 
cette  multitude  d'Anges  n'a  pas  feule- 
ment fervi  à  la  pompe  ;  Elle  a  aufiî  efè 
utile  pour  nôtre  foy.  Car  fi  la  depcfition  D^^t.if, 
de  deux,  ou  trois  hommes  fuffîtpour  af- 
feurer  la  vérité  d'un  fait;  quelle  force 
doit  avoir  le  tefmoignage  d'une  multi- 
tude d'Anges,d'une  armée  celefte,afreu- 
rans  tous  d'une  voix ,  que  lefus  nai  en 
Bethlehem  eft  nôtre  Sauveur,pour  vain- 
cre les  cœurs  des  Bergers ,  U  les  nôtres^ 
&:  pour  nous  faire  recevoir  certe  verit© 
avec  une  plene   &  entière-  certitude? 
"  L'incrcdulitè  n'a  déformais  plus  d'excu- 
fe,qui  rejette  impudemment  une  chofé 
certifiée  fi  authentiqucment  par  les  fa-s 

f  crées 


Si  DeU  Naijftnce  du  Seigneur  I £  s  v  s • 
facrées  bouches  du  ciehqui  fait  Dicu,^: 
fes  miniftrcs  menteurs ,  en  blasfemant 
le  Chrift,  qu  il  a  fi  magnifiquement  re- 
commandé. Mais  le  Seigneur  a  encore 
voulu  par  cet  exemple  des  Anges  nous 
formera  lunion  ,  &  fonder  nos  faintcs 
&  religieufes  aflembléesmous  montrant, 
que  ce  n*eft  pas  aflez  de  le  louer  chacun 
à  part. Quand  un  de  ks  fidèles  Miniftres 
annonce  fon  Evangile  auxhommes,nous 
devons  nous  affembler  autour  de  lui,  6^ 
joindre  nos  langues  à  la  fienne,&  élever 
cnfemble  au  ciel  nos  mains ,  &  nos  voix 
a  l'imitation  de  ces  Anges  ,  celebrans 
tout  d'un  accord5les  myfteres  de  la  bonté 
&:  de  la  fapience  de  Dieu.  Cette  troupe 
d*Anges  eft  le  patron  &  Timage  de 
foutes  les  faintes  Eglifes^ôd:  aflemblées 
des  Chrétiens,  où  refonnent  en  divers 
lieux  de  la  terre  les  louanges  de  leur 
Rédempteur.  Car  ces  Anges  bien-heu- 
reux lo'ùoient  Dieu  ,  dit  l'Evangeliftc.  Ils  ^ 
nous  font  nôtre  leçon  ,  &  commencent 
le  cantique,  afin  que  nous  les  fuivions. 
Et  à  la  vérité  nous  fommes  plus  que  ftu- 
pidesjfi  leur  chant  ne  nous  réveille  ,■  &  fi 
leur  zcle  n'allume  dans  nos  cœurs  une 
iainte  ardeur  de  bénir  Dieu,  &  de  pu- 
blies 


Sermon     1 1  L  83 

blier  fes  louanges.  Car  ceft  nous  prin- 
cipalement, que  cecte  bonne  nouvelle 
regarde.  C'eft  à  nous  qu  appartient  ce 
Chrift  5  quik  annoncent.  Qu^ntàeuxj 
côme  ils  étoient  très- heureux  ,  exempts 
ôc  du  péché  ,  &c  des  maux  qui  le  fuivent^ 
ils  n  avoient  point  de  befoin  de  redeni- 
ption.Et  pour  juftifier  leurs  reffcntimési 
il  n'eft  point  neceflaire  de  poferavee 
quelques-unsj  que  lefus-Chrift  leur  ait 
acquis  quelque  grâce  par  fa  médiation: 
&  ce  que  dit  l'Apôtre  S.  Paul,  que  Dieu  ^ê'- 
a  recueilli,  dr  rajfemblé  en  un  far  [on  Fils  les  ''* 
chûfes,  qui  font  dans  les  deux ,  &  celles  qui 
font  en  la  terre  \  quil  les  a  reconciliées  far  lui 
ayant  fait  la  faix  par  le  fang  de  fa  Croix,  ^'^'  ''  '''* 
cela  dis-je  s'entend  de  la  reiiniondes 
Anges  avccque  les  hommes.  Car  nôtre 
pechè  ayant  rompu  lalliance  du  ciel,  ô^ 
de  la  terre,entant  que  les  Anges  ne  peu- 
vent avoir  de  communion  avccque  les 
ennemis  de  leur  Seigneur ,  la  mort  de 
lefus-Chrift  expiant  &  effaçant  nôtre 
pechè  ,  a  par  mefme  moien  rétabli  la 
paix,  &  la  bonne  intelligence,  qui  doic 
eftre  entre  ces  deuxprincipales'parties 
de  runivers,rctat  des  Anges,5.!:  celui  de? 
hommes.C  cft  donc  la  joy e,  qu'ils  ont  de 

f    2.        nôtre 


S4    Be  U  N diffame  du  Seigneur  I  e  s  v  s  » 
nôtre  bon-heur,  &:  l'admiration  où  ils 
font  de  la  bonté  &:  de  la  fagefle  de  nôtre 
commun  Seigneur,qui  les  fait  éclatej  en 
fa  louange;  &.  non  à  proprement  parler 
leurintereft  particulier.  lugez  quel  doit 
cftre  nôtre  raviflement  i  quelles  nos  be- 
nedidions ,  &:  nos  adions  de  grâces  ;  de 
nous ,  que  la  naiffance  du  Fils  de  Dieu 
délivre  du  dernier  de  tous  les  malheurs, 
de  la  fervitude  du  péché  àL  des  démons, 
&:  de  la  mort  éternelle.  Joignons  donc 
nos  voix  avec  cette  armée  celefte  i  àc 
ayons  nuit  &  jour  dans  le  cœur  &  dans 
la  bouche  le  divin  cantique  qu'elle  en- 
tonna alors  en  ludée  s  qui  a  été  &  com- 
pose &  confervè  pour  nous;  Gloire foit à. 
Dieu  dans  les  lieux  très-hauts^  difent  ces 
bien-heureux  Efprits,  &  ^n  terre  faix  ;  en- 
vers les  hommes  bonne  volonté.  Ce  canti- 
que contient  peu  de  paroles ,  &:  beau- 
coup de  fens^rcprefentant  en  ces  dix,  ou 
douze  mots,  les  fruits  &  les  effets  de  la 
naiffance  de  nôtre  Sauveur, qui  confi— 
ftent  en  ces  trois  points  principalement, 
la  gloire  de  Dieuja  paix  de  la  terre,  ô^ 
la  bonne  volonté  du  Seigneur  envers  les 
hommes.    Il  y  a  fimplcment  dans  lori- 
ginal,C/^/>^  kpieUyC;'  enterrepaixjccciui 

fe 


s  E  R  M  O  K       I  IL  S J 

fe  peut  refoûdre  en  deux  faffons  ;  ou  pour 
dire ,  A  Dieu  ejl  l  a  gloire  ^^  Ufaix  ejl  en  U 
^^f^f^enlamefmcforte,  que  nous  dilons 
à  la  fin  de loraiion  Dominicale, ^^ /^j/ <r/2 
le  regne^é"  UpHiffance-iér  1'^ gloire  y  ou  pour 
dire  5  A  Dieu  [oit  gloire  ^  à*  ^^  terre  faix  y 
comme  nôtre  Bible  la  traduit.En  la  pre- 
mière forte  c'eft  une  fentence  ,  qui  nous 
dit  ce  que  la  naiiîance  de  lefus-Chrift  a 
fait  dans  le  monde;  quelle  y  a  établi  la 
gloire  de  Dieu  dans  le  ciel,  &  la  paix  en 
la  terre.  En  la  féconde  c'cftun  fouhait, 
qui  defire  que  cette  naiflance  foitfuivic 
de  fon  effet  ;  qu'elle  tourne  à  la  gloire  de 
Dieu,&à  la  paix  des  hommes.  Et  il  im- 
porte fort  peu  en  laquelle  de  ces  deux 
faiTons  nous  le  prenions, le  tout  revenant 
à  un;  affavoir  que  par  la  naiffance  de 
Chrift,  Dieu  efl glorifié,  la  terre  pacifiée, 
^  la  bonne  volonté  déclarée  aux  hom- 
mes. Les  Anges  commencent  par  ces 
mots  >  Gloire  ejl ,  ou  gloire  [oit  à  Dieu  dans 
les  lieux  très-hauts  ^  c'eft  à  dire  dans  les 
cieux  ,1a  plus  haute  partie  du  monde.  Le 
Seigneur  nouseft  reprefentédans  l'Ecri- 
ture comme  habitant  là  haut  dans  le 
ciel ,  qui  pour  cette  raifon  eft  fouvent 
appelle  fof^  thrme^^  De  là  vient  que  quel- 

f    3  qucs- 


8  ^  BeU  Naijfance  du  Seigneur  I  e  s  v  s  ^ 
ques-uns  lient  ces  paroles,  dans  les  lieux 
preS'hautS:,zvccquG  le  nom  de  Dieu;  com- 
me fi  les  Anges  difoient  s  Gloire foit  à  Die/^ 
qui  ejldam  les  lieux  très- hauts  i  tilcre  qui 
cft  fouvenc  donne  à  Dieu  dans  TEcricure, 
comme  coût  aucommepcement  de  To- 
raifon  Dominicale  ,  &:  dans  une  infinité 
d'autres  lieuxmon  pour  exclurre  fa  pre- 
fenccde  la  terre  &  des  autres  parties  de 
runivers,maispour  nous  montrer,  que 
ceftduciel,quefa  puiflance  gouverne 
les  créatures ,  y  ayant  aflîs  les  premières^ 
^  les  plus  univerfelles  caufes  de  tous  les 
çbmgemens,  qui  leur  nrrivcntide  faffon 
qu'il  nV  a  point  d'endroit  au  monde,  où 
fa  vertu,&:  famajeftè  paroiffe  plus  vifi- 
blement>&:  où  il  nous  en  donne  déplus 
illuitrcsenfciirnemens.  Cette  expofition 
eft  bonneimais  elle  n'eft  pas  neceffaire. 
Car  les  paroles  des  Anges  fc  peuvent 
prendre  fimpkment  pour  un  fouhait, 
que  gloire  foit  donnée  à  Dieu  dans  les 
cieiîXiqu'ilyfoità  jamais  lolic  &  bénit 
par  (es  Anges  :  &:  le  fens  eft  prefque 
niefme  en  l'une  &  en  l'autre  interpréta- 
tion. Ils  commencent  par  la  gloire  de 
Dieu  ,  parce  que  c'eft  le  dernier  &  le 
plus  haut  elïet  de  toutes  fes  œuvres ,  &: 

le 


Sert^ok    III.  87 

le  tributjquelui  doivent  toutes  les  créa- 
tures raifonnablcs ,  &:  duquel  feul  elles 
font  capables  5  ne  pouvant  autre  chofe 
que  louera  bénir  ce  fouverain  Seigneur 
pour  tant  de  graccs^que  fa  bonté  répand 
fur  elles?,  &  fur  tout  Je  refte  du  monde. 
'Lz gloire  de  Die»  fignifie  deux  chofes  dâs 
TEcriturc  ;    premièrement  fes   vertus 
niefmes,fa  puiffance ,  fa  fagcffe/a  bonté, 
&:  en  un  mot  toutes  les  hautes  qualitez, 
qui  font  en  lui ,  &  qui  ne  peuvent  eftrc 
dignement  comprifes,  ni  par  leshom- 
mes,ni  par  les  Anges,  accablant  par  ma- 
nière de  dire  les  forces  de  Tintelligencc 
de  celui,qui  entreprend  de  les  concevoir 
par  leur  immenfc  grandeur,  &  parleur 
poids  infini.  (  car  le  mot  de  gloire"^  en  nw* 
Hébreu  veut  proprement  dire  pefan- 
tcuï)M2LÏsh gloire  de  Dieu  fe  prend  auffi 
en  TEcriiurepour  Tcclarde  fes  admira- 
bles vertus,pour  leur  luftre,  &  la  lumiè- 
re, quelles  jettent  au  dehors,  dans  les 
yeux  des  créatures  raifonnablcs  ,qui  k^ 
reconnoiflent  par  leurs  effets,  &  les  con- 
fcAentëi  les  louent  en  fuite.    Ceft  ainû 
que  les  faints  Anges  Tentendent  en  ce 
lieu,  quand  ils  dilent,  Gloire  foif  a  Dieify 
fouhaitant>non  que  DicM  foit  orné  de 
f     4  puiffanccj 


68    BeU  N'ailfance  du  Seigneur  I  e  s  v  s  ^ 
puiffancc  ,  &:  de  fagefTc ,  6c  de  fes  autres 
vertus  i  fc'eO:  une  gloire ,  qui  ne  lui  man- 
que jamais  ;  m-ixis  bien  que  cette  fienne 
gloire  foie comiuë,6«:  magnifiée  :  qu'elle 
donne  dansiez  yeux  de  tout  ce  qu'il  y  a 
d'intelligences  dans  le  monde,&  qu  elle 
tire  de  leurs  bouches  le^louanges^qu'el- 
k  mérite.  Certainement  il  nya  pas  une 
dès  œuvres  d^e  Dieu,qui  ne  découvre  fes 
divines  vertusicomme  il  n'y  a  point  d'é- 
toile, qui  ne  jette  de  la  lumière.   Mais 
comme  entre  lesctoiles,  bien  qu'elles 
loyent  toutes  lumineufes,il  y  en  a  pour- 
tant qui  luirent,&  refplendiffent  beau- 
coup plus  vivement,que  les  autres  ,•  ainfl 
entre  les  œuvres  de  cette  fouveraine 
Majertc  il  y  a  une  grande  diverfitê  ;  Se  il 
éclate  beaucoup  plus  de  feu,  fx:  de  lu- 
mière dan5  les  unes  que  dans  les  autres. 
Mais  s'il  y  en  a  aucune ,  où  fe  dccouure 
clairement  Finfînie  grandeur  de  fa  bon- 
té, de  fa  puiffanccjdefajufticej&defa 
faintccè,  fageffe  ,&  divinité  ;  c'eftfans 
point  de  doute  la  naifTance  de  fon  Fils 
en  la  terre,  &  la  rédemption  du  genre 
humain, dont  cette  naiflance  a  été  com- 
me laprefacc,i^  la  première  partie.Tous 
les  autres  gran;{ls  chefs  -  d'œuvres  de 

Dieu, 


Sermon    III.  S9 

Dicu,la  délivrance  d'Ifraël  hors  de  TE- 
gypte  5  fon  éiabliffement  en  Canaan,  &: 
la    création  mcfme  de   Tunivers  ,  n  a- 
voienc  point  fi  clairemGnt  montre  quelle 
eft  fa  Majeftè  ,  comme  a  fait  ce  dernier 
miracle.  Sa  bonté  y  reluit  d'une  faffon 
tres-illuftre,  en  ce  qu'il  a  eu  pitié  des 
hommes  ,<juc  lepechècn  rendoit  indi- 
gnes, &  pour  les  tirer  de  la  mort,  a  en- 
voyé fon  Fils  unique  au  monde,&:  a  ab- 
baifsè  jufques-là  le  Seigneur  de  gloire, 
que  de  vouloir  qu'il  prift  nôtre  chair,&: 
nâquift  dans  un  extrefme  aneantiffemêc. 
En  la  création  il  donnoit  à  des  creatu- 
res,.quidcvrai  ne  meritoientpasfes  fa- 
veurs, mais  qui  auifi  n'avoyent  pas  pro- 
voqué fa  colère.  Ici  il  fait  du  bien  à  des 
coûpablesià  des  gens, qui  non  feulement 
ne   font  pas  dignes  de  fes  grâces ,  mais 
qui  de  plus  font  dignes  de  famaledi- 
àion.  Là  il  donnoit  à  des  innocens  des 
biens  excellens  à  la  vérité  ,  mais  mua- 
blés  pourtant ,  comme  rifTuë  l'a  montre. 
Ici  il  donne  à  des  pécheurs  des  biens  im- 
muables, la  vie,  le  ciel,  l'éternité,  &foa 
Fils  mille  fois  plus  précieux  ,  que  tout 
cela.  Mais  fi  fa  mifericorde  y  paroift,fa 
|uftice  n'y  ^luit  pas  moins  ?  en  ce  qu'il  ^ 

mieux 


90   De  U  Naiffkfice  du  Seigneur  I E  s  v  s^ 
mieux  aimé  voir  fon  très-cher  Fils ,  fon 
amour,  ôi  fcs  dcJices,  plongé  dans  un 
honteux    &:    indigne    ancantilTcment, 
veftu  de  la  forme  d*un  efciave  ,  naiflant 
dans  un  étable',  nourri  dans  la  mifere, 
abbreuvè  de  fiel,  &clouèàune  croix, 
que  de  laiffer  le  pèche  impuni.  Et  quant 
à  fa  fageflejoùs'cft-elle  jamais  plus  clai- 
rement  montrée  ,  que  dans   laccord 
qu'elle  a  fait  de  fcs  deux  divines  vertus, 
c'eft  à  dire  de  fa  mifericorde  &:  de  fa  ju- 
ftice?  ayant  treuvè  dans  k  s  riches  ,  & 
inépuifablcs  trcfors  de  fon  intelligence, 
ce  miraculeux  moien  de  pardonner  au 
pécheur  fans  laiffer  le  pechè   impuni? 
transférant  la  pêne  de  nos  crimes  fur  le 
picige  qu'il  nous  a  donnè?de  faffon  qu*il 
ufe  tout  enfemble  &:  dune  clémence  in- 
finie en  nous  remettant  toutes  nos  ini- 
quitez  ,  &  nous  donnant  la  vie  &  l'im- 
mortalité gratuitement,  fans  quïl  nous 
en  coûte  une  feule  goûte  de  nôtre  fang, 
&:  d'une  rigoureufe,  &:  inexorable  ju- 
ftice,en  ce  qu'il  a  tire  du  Seigneur  lefus 
uneplene&:  entière  fatisfaftion  de  tou- 
tes nos  offenfes  ?  Sa  puiffance  y  eft  aulîl 
tout  a  fait  admirable,  qui  avecque  les 
li^iircffes ,  avecque  Totablc  &:  la  crech^ 

d*u  a 


Sermoîj     III-  91 

a-un  enfant ,  avecque  les  foibleffes  de 
f^chaii-,avecque  fa  pauvreté  &  fes  fouf- 
frances  ;  avecque  l'ignominie  &  les  op- 
probres de  fa  croix  va  ruiner  l'empire  du 
Diableiconfondrc  les  démons  &:  les  ido- 
lesjarracherlesfoudres  àh  Loy;  étein- 
dre l'enfer,  veincre  la  mort, ouvrir  le 
ciel,  fonder  l'éternité,  &  bâtir  un  nou- 
veau monde  incorruptible  ,  Sd  immor- 
tel. Puis-que  Dieu  afi  magnifiquement 
de'ployc  toutes  ces  divines  vertus  en  la 
pailTance  ,&c  en  l'œuvre  de  fon  Fils,  vous 
voiez,  Chers  Freres.que  c'cft  à  bon  droit 
que  les  Anges  s'e'crient  en  cette  occa- 
fion  ,  Glûire  fait  a  Dieu  dans  les  lieux  tres- 
te«;comme  s'ils  difoient;  C'ell  main- 
tenant  que  le  ciel  doit  ouvrir  tout  ce 
qu'il  y  a  de  bouches  là  haut  dans  fcs  plus 
relevez  fanftuaires  ,pour  bénir  &:  célé- 
brer les  bontez,  U  les  juttices,  la  fagefle 
&  la  puilTance  de  Dieu.  Ce  que  nous  en 
avons  veu  ci-devant  eftpeu  de  chofe  au 
prix  de  ce  que  nous  en  de'couvreà  cette 
heure  la  naiffance  de  fonFils.Et  ne  vous 
eftonnez  pas  de  ce  qu'ils  veulent  que 
Dieu  en  foit  glorifie  dans  les  lieux  trcs- 
hauts.  Car  ce  n'cftpasen  la  terre  feule- 
ment ,  que  les  Anges  en  beniffentle 

Seigneur, 


^1  Be  la  Naijfance  du.  Seigneur  1 1  s  v  s; 
Seigneur.  Leurplus  doux,(3^  leur  plus  or- 
dmaire  exercice  là  haut  dans  lescieux 
eftd  admirer  &;de  loiier  les  merveilles 
que  Dieu  a  déployées  en  Tœuvre  de 
\.vierre  ^^^^^  rcdcmprion.  Ils  fe  tiennent  conti- 
T.U.  nuellement  panchez  fur  ce  divin  propi- 
tiatoircjdefirans  de  le  regarder  jufqu  au 
fond  ;  Et  à  bon  droit/puis  que  c  eft  par  là 
j^/:^  que  Dieu  leur  a  donné  à  connoiftre  dans 
^  les  lieux  celeftes  les  prorfondeurs  de  fa  fa- 
pience,  qui  eft  diverfe  en  toutes  fortes. 
Mais  5  chers  Frères ,  fi  les  cieux  donnent 
de  la  gloire  à  Dieu  en  cette  occafion> 
pour  eftre  en  la  terre  nous  ne  laiffons  pas 
d'eftre  obligez  à  lui  rendre  le  mefme 
devoir.  Pour  bien  nous  enacquiter  ce 
n^eftpas  aflTez  de  prononcer  ce  cantique 
de  la  bouche  '■>  il  faut  le  chanter  du  cœur, 
&  reconnoiftre  premièrement  les  mer- 
veilles de  ce  grand  bcnciîce  de  Dieu,-puiç 
i  embraffer  avec  une  vraie  ôc  vive  foy, 
recevant  ce  Fils^qu'il  nous  a  donné, avec 
Tefpeâ:;&  de  plus  remplir  nos  cœurs ,  & 
jios  meurs  de  feslolianges;&  enfin  con- 
'vier5&  amener  nos  prochains  à  fa  con- 
lîoiflance  le  plus  qu  il  nous  fera  poflible. 
Le  deuxiefme  article  du  cantique  des 
faints  Anges  eft  >  paix  en  terre  \  &  le  troi- 

fiefme^ 


Sermon     III.  93 

fieftne  ,  bon/^e  volonté  envers 'le s  hommes. 
L'ancien  interprète  Latin  joint  ces  deux 
parties  en  une,&:  les  traduit  âinChPaixfoU 
en  terre  émx  hommes  de  bonne  vôlonte.  Et  à 
la  vérité, en  lifanc  ainfi  îToppcfition  de 
cet  article avecque  le  précèdent  ,  Gloire 
foit  à  Die f(  dans  les  lieux  très-hauts -^  eft 
beaucou-p  plus  nette,  &  plus  achevée, 
toutes  les  paroles  de  Tun  étant  évidem- 
ment oppofées  à  celles  deTautre,  la  faix 
à  la  gloires ,  la  terre  au  ciel ,  les  hommes  de 
bonne  volonté  à  Dieu.  Et  quant  à  ce  que 
quelques-uns  ont  autresfois  abusé  de  ces 
mots  ^  paix  foit  aux  hommes  de  bonne  volonr 
te  >  comme  s'ils  favorifoient  la  caufe  du 
franc-arbitre5&:  fignifioicntjque  les  hom- 
mes par  la  force  de  leur  volonté  fe  pre- 
paroient  eux  mefmes  à  recevoir  la  paix 
de  Dieu^ou  quoy  que  c'en  foie ,  comme  â 
cette  œuvre  dépcndoit  de  leur  volonté, 
&  non  de  la  grâce  divine  j  cela  dis-je  eft 
hors  de  raifon,  ô^neprouientque  de  Ti- 
gnorance  de  ces  gens.  C^ïparles  hommes 
de  bonne  volonté  l'interprète  Latin  entend 
félon  le  ftilc  &  la  frafe  du  langage  Hé- 
breu,les  hommes  du  bon  plaifir  de  Dieu, 
^  c'eftàdireceuxàqui  Dieu  veut  du  bieni 
ceux  qu'il  a  favorifez  de  fon  amour,  ies 

choiilf- 


54  T>^  U Naijfance du SeigneurltSY %1 
choififtanc  félon  fon  propos  arreftèjcet- 
te  bonne  volonté  devant  s'entendre  de 
celle  de  Dieu,  &  non  de  celle  des  hom- 
mcs;&  ainfi  il  n'y  a  rien  d*abfurd ,  ni  de 
dangereux  dans  cette  expofition  de  l'in- 
terprete  Latin.   Neantmoins  parce  que 
les  exemplaires  Grecs  lifent  ordinaire- 
ment. Paix  en  terre  ,  ^  envers  les  hommes 
bonne  volonté  ,  ne  s'en  treuvant  pas  un 
qui  favorize  l'autre  leâ:ure5il  vaut  mieux 
s'y  tenir  ,  &  diftinguer  cet  hymne  en 
trois  articles ,  comme  nous  avons  fait  au 
commencement.  Comme  dans  le  pre- 
mier ils  fouhairent ,  Gloire  à  Dieu  dans  les 
lieux  très-hauts^  auffi  annoncent-ils  dans 
le  fécond  faix  a  la  terre,     La  paix  s'cft 
maintenue  dans  les  hauts  lieux  \  mais  le 
pechè  la  bannie  de  la  terre ,  &  y  a  rem- 
pli toutes  chofes  d'une  trifte  &:  mortelle 
guerre,  ayant  rompu  les  facréesallian- 
ces,qu  elle  avoir  avecque  les  autres  par- 
ties de  la  nature. Car  l'homme  qui  en  eft 
l'habitant  &  le  feigneur,ctantmal  avec- 
que Dieu,  la  terre  eft  en  guerre  avec- 
que le  ciel,  &:  avec  elle  mefme.   Avec- 
que le  ciel  :  premièrement  parce  que 
Dieu,qui  en  eit  le  Roy,la  hrjfTant  à caufe 
du  pechè  dont  elle  eft  infedée,  décoche 

continuel- 


Sermon    III.  5^î 

continuellement  contr'clie  les  traits  de 
fa  jufticc  vangerefle.,  découvrant  de  ces 
hauts  lieux>où  il  habite,  fa  colère  contre 
toute   impiété,  pourfuivant  le  monde 
avecvnvifage  tout  allumé  de  courroux, 
&  lui  prefentant  une   main  armée  de 
foudres  pour  le  perdre.  Secondement, 
parce  que  les  Anges,  qui  fuivent  tous  les 
mouvemens  deleur  Seigneur  voiant  la 
terre  en  cet  état,  ont  auflî  rompu  avec 
elle,   ne  lui  montrant  que  des  glaives 
flamboyanSjau  lieu  delà  faveur,   &de 
la  protedion  qu'elle  en  euft  eue,  fi  elle 
fuft  demeurée  dans  fa  première  condi- 
tion.Mais  la  terre  a  aulfi  guerre  avec  elle 
mefme,  toutes  les  parties  de  fa  nature 
étant  bandées  les  unes  contre  les  autres, 
&  toutes  foûlevées  contre  l'homme  5  a 
qui   elles  étoient  fujettes.     L'homme 
mefme,rhonneur  &:  la  gloire  de  la  ter- 
re^ne  jouît  d'aucun  repos. Sa  confciencc 
eft  un  petit  théâtre  de  confufion  ,  6c 
d'horreur50Ù  le  fentiment  du  pèche  ,  Se 
de  la  juftice  divine  déchire  toutenpie- 
ces,y  femant  la  frayeur ,  ôi  la  douleurjle 
regret  du  pafsè,  &  la  crainte  de  l'avenir. 
Le  vice  de  l'autre  côté  tyrannize  toutes 
les  parties  de  foname ,  y  excitant  une 

perpe- 


nf.s-'î- 


^6  JDeU  Naijfance  du  Seigneur  I é  s  v  s , 
perpétuelle  (édition,  &:  faifant mirera-* 
blement  entrechoquer  Tes  partions  les^ 
unes  contre   les  autres.     Outre  cette 
guerre  commune  à  tous  les  hommes  en 
rétat  de  la  nature  corropuë,  il  y  en  avoit 
encore  une  autre  en  la  terre,  qui  divi- 
foit  les  parties  du  genre  humainiaffavoir 
Talienation  des  Gentils  &:  des  luifs  fe- 
parez  les  uns  des  autres  par  la  loy ,  corne 
paruneparoy  entremoyenne.    Au  lieu 
de  cette  vilaine  &  hideufe  divifion  ,  les 
Anges  annoncent  maintenant  la  paix  à 
la  terre  par  le  bénéfice  de  cet  enfant 
nouveau  nai. Auili  eft-il  nommé  le  ?rince 
défais  par  le  Prophète  En  effet  il  a  aboli 
toutes  ces  guerres  &  inimitiez,  ayant  ré- 
concilié la  terre  premièrement  avecque 
le  ciel  5  &  puis  avec  elle  mefme.    Car 
quant  au  ciel,  ilaappaisè  la  colère  de 
DieUjfatisfaifant  à  fa  juftice.  Il  a  changé 
fon  courroux  en  faveur,  ^  fa  haine  eu 
amour  :  de  fafTon  que  nous  avons  paix 
avecque  lui  par  la  foy  de  lefus-  Chrift.  Il 
nous  regarde  5  &  nous  traitte  déformais 
comme  fes  cnfans ,  &:  non  comme  Çc% 
ennemis.  Le  Seigneur  lefus  a  par  mefme 
moien  remis  les  Anges  en  bonne  intel- 
ligence avccnpus.  llsioiu  déformais  nos 

concitoyens, 


Sermon     1 1  f.  97 

concitoy€ns5&:  nés  frères. Nous  fommes^ 
eux  &L  nous,  ralliez  fous  le  fccptrede 
Chrift.  Et  quant  à  nous  mefmes ,  il  a 
mis  la  paix  dans  nos  Gonfciences,&  dans 
nos  cœurs ,  nous  affeurantde  nôtre  par- 
don55^  de  la  grâce  de  Dieu^nôrrefouve- 
rain  IiJge,5£  nous  délivrant  de  la  tyran- 
nie du  vicc5&:  de  fcs  coAvoitifes.il  a  pa- 
reillement abbatu  la  cloifon,  qui  fepa- 
roit  les  Gentils  d'avecque  les  luifs^ 
ayant  créé  les  deux  peuples  en  un  feul 
homme  nouveau  ,  Rechange  les  loups 
&leslyons,  les  vipeies  &lesafpicsea 
agneaux,  &:  en  colombes.  Le  ciel  rit 
maintenant  à  la  tcrre,&:  la  terre  bénit  le 
ciel.  Le  commerce  eft  libre  de  l'un  à 
Tautrç.  Le  ciel  répand  de  toutes  parts 
fes  biens, &  fes  faveurs  fur  nous  i  &  nous 
lui  envoions  de  toutes  parts  nos  prières^ 
&;nosbenedi6tions.  Que  s'il  y  a  encore 
quelque  partie  troublée  de  cette  an* 
eienae  guerre  j  ce  n'eft  pas  la  faute  de 
nôtre  Sauveur,  qui  a  abondamment  fait 
de  fa  part  tout  ce  qui  étoit  neceflaire 
pour  la  pacification  du  môde^mais  celle 
des  hommes,qui  aiment  mieux  les  ténè- 
bres que  la  lumière ,  &  le  traittent  com- 
me les  Kedarins  traitfoient  autresfois 

g  .     David 


9$  DeU  Naijfmce  àii  Seigneur  I  e  s  v  s . 
^^'•"^' David  (on  type  ,  ^uand  je  leur  farte  de 
faixjdït-'ûjes  voila  à  la  guerres,  C'eftpar 
la  fureur  des  démons  que  TEvangile  de 
Chrift  eft  devenu  oceafion  de  guerre; 
comme  il  s  en  plaint  lui  mefmeen  quel- 
que lieu  ,  où  regardant  le  trifte  événe- 
ment qu  avoit  fa  prédication  par  la  ma- 
lice de  la  plufpart  des  hotntncs^Nepe/ifez 

Mai.  10,  1 .      .  1  -     r  '  i  • 

^.  pasy  dit-  il ,  ^ue  jejûis  venu  mettre  la  patx  en 
la  terre.  Vy  fuis  venu  mettre  fépée.  Mais  de 
quelque  faffon  que  les  hommes  le  reçoi- 
vent ,&:  quelque  difpoficion  qu'ils  ayent 
après  louïe  de  fon  Evangile,  tant  y  a  que 
àc  fa  nature  ,  &  félon  le  deflein  de  fa 
charge  il  eft  le  Prince  de  paix  ,  &  la  paix 
dje  la  terre.  Enlîn  les  Anges  ajoutent  en 
troifiefme  lieu  ,  envers  les  hommes  ^onne 
W^;//^ifignifiant  par  ce  mot  ou  la  fource 
ou  TefFet  de  la  paix  que  lefus  Chrift  nous 
a  apportée.  La  fource  \  fi  vous  prenez  cette 
bonne  volonté  pour  l'amour  de  Dieu 
envers  le  genre  humain,  qui  Ta  porté  à 
envoyer  fon  Fils ,  ôi  à  le  livrer  à  la  mort 
pour  nôtre  falut/elon  ce  que  dit  le  Sei- 
gneur ,  que  Dieu  a  tellement  aime  le  monde, 
ijuil  a  donne  fon  Fils  uniques,  afin  que  qui- 
conque croit  en  lui  ne  periffe point  y  mais  ait 
U  vie  eîernellx^^  L'effet  ;  fi  vous  çncendcz 

pas 


Sermons     III.  99 

par  cette  bon?ie  volmù  de  Dieu^  Vâffc&ion 
tendre  &  paternelle  dont  il  cmbraîTe  les 
fideles,les  aimant  comme  fes  enfans,  &: 
leur  communiquant  libéralement  toutes 
les  grâces  necefiaires  à  leur  falut,  la  lu- 
mière de  fon  Efprit,pour  les  (andifier  ôc 
confoler,-  la  protedion  de  la  providence 
pour  les  garantir  &  CGnrerver5&:  les  met- 
tre enfin  dans  une  plcne  poflc/Iîon  de 
l'héritage  celefte.  Tel  eft3Freres  bien-ai- 
mez,  le  cantique  dont  les  Anges  hono- 
rèrent la  naiffance  du  Seigneur  lefus; 
Voions  maintenant  l'hommage  que  lui 
rendirent  les  Éergers ,  tefmoins  èc  audi- 
teurs de  l'aflemblée  &:  de  l'harmonie  de 
ces  divins  Meflagcrs.  Après  que  les  Anges^ 
dit  l'Evangelifte,  s  en  furent  allez  d'avec 
eux  au  ciel ,  ils  dirent  enfreux ,  Allons  àonc . 
jufquenBethUhent.é'  voions  cette  chçfe^  qut 
ejl  avenue ^que  le  Seigneur  mm  a  notifiée.  Ils 
ne  penlerent  point  à  partir  tandis  qu'ils 
virent  la  lumière,  ô£  entendirent  les  ac- 
cords &  la  mélodie  de  l'armce  celefte. 
Mais  dés  que  les  Anges  fe  furent  retirez^ 
ils  commencèrent  à  faire  une  ferieufe  re- 
flexion fur  la  merveille  qu'ilsavoient  ap- 
prifejen  quoy  ils  nous  donnent  une  belle 
kçon  de  ruminer  attentivement  TEvan- 


100  De  la  Nai/fa/^ce  Jff  Seigneur  Iesys> 
gilcquand  il  nous  eftpreïchè,  &  de  Vim^ 
primer  fi  bien  dans  nos  cœurs  ,  qu*il  y 
prene  racine  ,&:  y  fructifie  lors  mcfme 
qu'il  ne  retentit  plus  dans  nos  oreillesiau 
contraire  de  la  plufpart  qui  fentent  bien 
quelques  émotions  tandis  que  le  fervi- 
teur  de  Dieu  parle^mais  n'y  fongent  plus 
après  cela  ,  lafFedion  de  leur  efprit s'é- 
vanouïffant  avecque  le  fon  de  fcs  paro-* 
les.  Ce  n'eft  pas  en  vain  non  plus  que  SJ 
Lac  remarque,qu*ils  s'animèrent  les  uns 
les  autres  dans  le  deffein  d  obeïr  à  la  voiK 
cclefteipour  nous  montrer ,  qu'il  ne  fiiffic 
pas  que  chacun  penfe  à  part  aux  leçons 
de  la  parole  divine  ;  mais  que  nous  nous 
devons  Tofficc  d*une  mutuelle  exhorta- 
tion les  uns  aux  autres.    Et  notez  qu'ils 
'apportent  à  Dieu  ce  qu'ils  avoient  appris 
de  fes  Anges  i  roio/^s ,  difent-ils ,  ce  qne  le 
Setgneurnom Anotifîe.    A  la  vérité  ce  ne 
font  pas  des  Anges  qui  nous  prefchent 
aujourd'hui  l'Evangile.  Mais  de  quelque 
ordre  que  foit  leur  perfonne ,  il  faut  pen- 
fer  â  la  dignité  de  celui ,  au  nom  duquel 
ils  no^  parlent,  &:  dont  ils  nous  annon- 
cent la  doctrine  i  &  nous  fouvenir,que 
quels  que  foient  fes  Miniftres,il  efl:  nôtre 
fouverain  Seigneur  ?  auquel  nous  devons 

touc^ 


Sermon     III.  loi 

coûte  obeïffance.  Et  Dieu  vueillc^quc 
nous  la  lui  rendions  aufli  promtequeles 
Bergers  à  la  parole  de  TAnge.  Il  ne  leur 
avoir  pas  cxpreffément  cômandè  d'aller 
en  Bethlehem.  Mais  c'eftoit  aflez  de  leur 
avoir  montré  le  lieu ,  où  étoit  caché  le 
trefor  de  Dieu ,  pour  leur  donner  le  defir, 
&:  leur  faire  prendre  la  refolution  d'y  al- 
ler. Ainfi  devons  nous  chacun  félon  la 
mefure  de  nôtre  foy  Se  connoiiTance,  fui- 
vre  allègrement ,  où  Dieu  nous  appelle; 
&  laifTer  là  tout  autre  foin,  quelque  doux 
&  important  qu'il  foitjpour  nous  rendre 
auprès  de  fon  Chrift  ,  quand  il  nous  fait 
l'honneur  de  nous  découvrir  où  il  cft; 
Comme  vous  voiez ,  qUe  ces  Bergers  fans 
«araufcr  à  leurs  troupeaux,fans  attendre 
le  lever  du  jour ,  ni  alléguer  aucune  autre 
cxcufe^s'acheminerécdroità  cette  bien- 
heureufe  Bethlehem ,  où  ils  apprenoient 
qu'étoit  le  Sauveur  du  monde.Èt  le  defir 
de  le  voir  leur  donnant  de  l'impatience, 
ils  vmrent  a  grand  hafle ,  dit  TEvangeliftc, 
ér  trouvèrent  Marie  &  lofeph  y  (jrie petit 
enfant  gifant  en  la  crèche^.  O  Diei?  quel 
fpedaclc!&:  combien  contraire  aux  com-. 
munes  apparences  de  ce  qu'ils  chcrr 
choiemi  Ils  c berchoient  un  enfant royab 

g     3         ^ils 


lot  3eUNaiJfance dtéSeigneurlt^Yf,^ 
&:  ils  en  treuvenc  un  nai  dans  une  ex- 
trefme  pauvreté. Vne  etableétoic  fon  pa- 
lais ;  une  crèche  fon  berceau  ;  au  lieu  de 
pourpre ,  de  foye,&:  de  fin  lin,!!  étoit  en- 
velopoè  en 'de  miferables  langes.  Vn 
pauvre  vieillard  ,  &  une  jeune  fille  fai-, 
foienc  toute  fa  Court.  Qj^el  rude  aflaut 
a  la  fov  de  ces  Bergers, de  voir  dans  une 
telle bafleffe  celui  quMs  devoiécembraf- 
fer  pour  leur  Seigneur ,  &:  pour  le  Prince 
de  tout  leur  peuple  ?  de  voir  gifant  dans 
une  étable  celui  qui  de  voit  fe  feoir  fur 
le  trônc,5^  dont  ils  attandoient  le  réta- 
blifTcment  de  l'Empire  d'Ifraël  ?  Quelle 
confufion  de  pcnfées  devoit  produire 
dans  leurs  cœurs  une  chofc  apparem- 
ment fi  éloignée  de  ce  qui  leur  avoir  été 
annoncé  ,  &:  de  Tcfperance  qu'ils  en 
avoient  conceuë  ?  Sur  tout  fi  vous  confi- 
derez,  qu'ils  étoient  luifs,  nourris  dans 
Timaigination  qu'avoir  ce  peuple  &  qu'il 
retient  encore  aujourd'hui,que  le  Meffie 
doiteftre  un  grand  &  fupcrbe  Monar- 
que, fleuriffant  en  gloire  mondaine,  bc 
conquérant  funivers  à  force  d'armes 
charnelles  ?  Mais  rien  de  tout  cela  ne  les 
troubla.  Leur  foy  fe  maintint  ferme&: 
inébranlable.  Elle  trionfa  de  tous  ces  aC^ 

fautsj 


Sermon     1 1  Î  105 

fautsjparce  que  la  lumière  &  la  voix  ce- 
lefte  •demeuroit  profondément  impri- 
mée dans  leurs  cœurs  ;  &  Tautoritè  du 
tefmoignage  divin  furmonra  aifément 
toute  la  contradidion,  que  cette  trifte 
^  méprifable  apparence  faifoit  nafftre 
dans  leurs  fcns.    Ils  Tçavoicnt  que  ce 
Dieu,  dont  la  parole  avoir  daigne  retctir 
dans  leurs  oreilles  5  a  une  puilTance  ,  $C 
une  fa^fle  infinib  3  qui  tourne  quand  il 
veut  5  les  ténèbres  en  lumière  ,Sd  Tinfir- 
mitè  en  force  5  te  prend  fouvcnt  plaifir 
à  faire  fes  plus  grandes  œuvres  avecque 
leschofes  les  plus  foibles.  Ils  fçavoient, 
que  d'un  coffret  de  jonc  exposé  à  la  mer- 
ci de  Teau  d  une  rivkre,  il  avoir  autres- 
fois  tire   le  grand  Moïfe  5  &:  d\m  fruit 
abandonné  en  avoir  fait  le  Libérateur 
4i'Ifraëh&  que  depuis  il  avoir  changé  un 
pauvre  petit  Berger  en  un  vaillant,  de 
glorieux  Monarque. Ils  imitentdonc  ici 
la  pieté  de  leur  père  Abraham  ;  Su  fur  la 
foy  de  rOracle  divin,  croienr  contre  ef- 
peranee^Â:  ne  font  point  de  doute  ,  que 
ce  pauvre  enfant  ,  quelque  foiblct  ôc 
abjet  qu'ils  le  viffent,  ne'fuft  le  Sauveur, 
ieChrift,  le  Seigneur  ;  parce  que  Dieu 
Tavoic  dit,dcnt  la  parole  eft  d'une  verirè 

g     4         infail* 


104  Be  U  Naijfance  au  Seigneur  I E  S  v  S  ^ 
lible,  &:  plus  ferme  que  Icscieuxmef* 
mes.  Mais  ils  ne  fcconrcncerencpas  de 
croirciils  communiquèrent  aux  autres  ia 
grâce  que  Dieu  leur  avoir  faite  ,  divul- 
gsns^  ajoute  S.  Lucr^  quï  leur  avait  été  dit 
touchafJtce  fetit  enfA/it.  Les  voici  changez 
jde  Bergers   en   Prédicateurs  ,  ou  pour 
fnieux  dire  en  Anges.  Carpourquoy  ne 
parlerons  nous  pas  d*eux  ainfi  magnifia 
quement ,  puis  que   nous  le   pouvons 
avecqu»  vente,  étant  clair,  qu'ils  furent 
les  mcflagcrs  de  Dieu, 3?:  qu'ils  rendirent 
^ux  autres  l'office  que  leur  avoient  ren- 
du les  Anges?puis  qu'ils  fervirentà  forti- 
fier la  foy  de  lofeph  >  &:  de  Marie  mef- 
me  ?  &:  qu'ils  fervent  encore  aujourd'hui 
à  l'édification  de  la  nôtre  ?  Et  c'çft  pour 
pela  que  le  Seigneur  a  voulu  que  Icuf  hi- 
ftoire  fuftçonfignée  dans  fes  Ecrjturesî 
parce  que  leur  fimplicitè,  &  toutes  les 
autres  çirconftances  de  la  chofe  jufti-? 
fient  clairement  la  vérité  de  leur  tefr 
moignage.  le  fçai  bien  qwç  le  fourcil  de 
la  chair  dédaigne  cette  faflbn  d'agir  3  &^ 
voudroit  que  Dieu  emploiaft  pourpu- 
blierfes  myfteres  les  langues  des  grâds, 
&  des  fagcs  plûtoft  que  celles  des  petits , 
Mais  c'cft  à  delTcin  qu'il  en  ufe  autre- 

menta 


Sermon     III.  ioj 

ment ,  accompliflîtnc  fe  louange  par  h 
bouche  des  enfanç ,  tant  pour  humilier 
nôtre  vanité ,  qne  pour  éprouver  lobeïf- 
fanee  de  nôtre  foy  >  U  pour  glorifier  la 
vertu  de  fa  m^in,  qui  reluit  avec  dautanç 
plus  d'éelac ,  que  plus  il  y  a  d'infirmité 
dans  les  inftrumens  qu  il  emploie.  Vous 
en  avez  ici  un  exemple.  Car  la  prédica- 
tion de  ces  Bergers,  bien  qu  apparemméc 
à  confiderer  leur  condition,  elle  ne  dcuft 
eftre  receuë  par  les  hommes  qu  avec  ri- 
fée  ,  ne  fut  pourtant  pas  fans  effet  i  côme 
S.  Luc  le  rapporte ,  en  ces  mots ,  ^ue  tous 
ceux  qui  les  ouïrent  s  émerveillèrent  des 
cbofes  qiiils  leur  diÇoient,  Il  eft  vrai ,  qu  il 
n  ajoute  point  q«e  cette  admiration  des 
hommes<iit  produit  aucun  bon  fruit  ;  ou 
que  ces  gens  foient  paflez  de  Tétonne- 
ment  jurques  à  la  foi ,  comme  il  arrive 
affez  fouvent  ,  que  TEvangile  ébranle 
amplement  Tefptft  de  ceux  qui  recou- 
rent ;  ils  s'étonnent  des  merveilles  de 
cette  dodlrine^^:  en  demetfrent-là.  Mais 
tant  y-a  qu'il  étoit  très- utile  pour  la  gloire 
de  Dieu  ,  &:  pour  nôtre  édification,  que 
cette  vifion  des  Bergers  fuft  divulguée, 
tant  pour  rendre  Tincredulitè  des  luifs 
inexcufablcjque  pour  affermir  la  foi  des 


ïo^  BeUNaiJfarjceduSeigneurl^svsl 
croians.    Au(Ii  voyez-vous  que  la  bien- 
heureufe  Vierge  ne  laiffa  pas  tomber 
Jeurs  paroles  en  Tair  s  Marie ,  dit  S.  Luc, 
gurdûit [oigneufement  toutes  ces  chofes^les  ru- 
minant en  [on  cœur.  Son  cœur  fut  le  ^aif- 
(eau  où  ce  précieux  trefor  fut  déposé, 
pour  y  eftre  fidèlement  garde,  jufques  à 
ce  que  le  temps  de  Je  communiquer  aux 
Apdtresjà:  aux  Difciples ,  fuft  venu.  Ce 
qu'il  ajoute,  que  la  S-^  Vierge  rumincit 
toutes  ces  chofesyGgniûe  le  foin  qu'elle  pre- 
noit  de  raffembler,^  de  comparer  les 
unes  aux  autres,  toutes  les  chofes  qui  fai- 
foient  à  la  gloire  du  Seigneur.    Ceft  un 
bel  exempkjFideles^qui  vous  oblige  à  ne 
laifTer  rien  perdre  de  tout  ce  que  vous  en- 
tendez de  laparoledivine,^  de  tous  les 
enfeignemens  de  la  vérité ,  &  providen- 
ce du  Seigneur>les  thefaurizant  dans  vos 
mémoires  ;  les  examinant  ,  &  rapportant 
les  uns  aux  autres,  pourétablir  de  plus  en 
plus  dans  vos  coeurs  la  foy  de  fa  gloire,  & 
de  fadivinitè;  Enfin  TEvangelifte ajoute, 
que  les  Bergers  s  en  retournèrent  ^  florifians 
^  lôùans  Dieu  de  toutes  les  chofes   quils 
avoiet  ouïes  é"  'vcués^felon  qtiïl  leur  en  avoit 
ét€  parle.   Ceft  un  itiagnifique  tefmoi- 
gnage  que  Saint  Luc  rend  à  leur  foy ,  qui 

viftorieufes 


Seb^mo^     III.  Î07 

viftorieufe  de  tous  les  fcandales ,  qui  fe 
prefenterentàeux,  remporta  uneplene 
aiTeurance  de  cette  haute  vérité ,  que  le 
Seigneur  leur  avoit  révélée  i  Et  pourre- 
connoifTance  d'une  fi  excellente  grace^ils 
lui  prefentent  leurs  benedidions5&:  leurs 
louanges ,  fe  retirans  joyeux  ,  &:  contens 
d'avoir  appris  un  fecret  fi  falutaireA^oila,  ^ 
Fidèles ,  ce  que  contient  le  texte  de  l'E- 
vangile.Maisce  n'eft  pas  aflez  de  Tavoir 
entendu,^  d'en  avoir  compris  le  fens.  11 
nous  !c  faut  appliquer,  &:  en  tirer  les  en- 
feignemens  qu'il  nous  prefente  pour  l'é- 
dification &  confôlation  de  nos  âmes. 
Vous  voiez  le  tefmoignage  que  le  ciel  ô^ 
la  terre  rendtnt  au  Seigneur  lefus.    Em- 
braifez-le  donc  pour  vôtre  Sauveur.  Imi- 
tez le  zèle  des  Anges  ,  la  diligence  de 
Marie,  &  la  foy  des  Bergers.  De  quelque 
condition,  que  vous  foyez,  grands  &  pe- 
tits ,  fçavans  &  ignorans  ,  venez  dans 
Bethlehem,&:  y  adorez  le  Prince  de  Paix. 
Si  vous  eft:es  grâds,  penfez  que  les  Anges, 
dont  la  gloire  eft  incomparablement  plus 
excellente  que  celle  de  tous  les  hommes, 
quittèrent  le  ciel  pour  venir  au  berceau 
delefus.    Apres  cet  exemple  il  n'y  a  ni 
noble(îe  d'extraaioir?<f  ni  grandeur  de 

maifon? 


10 8  DeUKaiJfincê dtéScigneurlE^v^^. 
maifon ,  ni  emiiience  de  (çavoir,  ni  hon- 
neur de  dignité, qui  vous puifledifpcn- 
fcr  de  vous  humilier  devant  ce  divin  en- 
fant. Si  vous  cftes  petitSjles  Bergers  de 
Bethlehera  vous  apprennent  que  le  ciel 
ne  dédaigne  point  la  baffeffe,  &  qu'il  n  y 
a  point  de  pauvreté  fi  abjede,qui  ne  foit 
bien  venue  auprès  de  lefus  Chrift.  Que 
laneantiflement  du  Seigneur  ne  vous 
ttipuble  point.  Si  fes  langes ,  &  fa  crèche 
nempefcherent  point  ces  Bergers  de 
croire  fa  dignité,  &:  de  s'élever  de  fon 
berceau  au  deflus  des  cieux  ';  combien 
moins  en  devons  nous  eftre  fcandahzez? 
Nous  qui  fçavons  que  Dieu  avoir  promis 
un  tel  Meflîe,&:  prédit,  i^"\\  momeroit 
Vf^S'2,  comme  un  Çurgeon  devant  luiy  ^  comme  une 
racine  qui  fort  dune  terre  alterée-i  fans  for- 
me ni  apparence ,  n  ayant  rien  en  lui  a  1<lj 
voir,  quifajfe  quon  le  defire^  ?  Nous  qui 
fçavons  que  c'eft  non  ia  neceffirc  ,  mais 
l'amour  du  genre  humain  ,  qui  la  abaifle 
dans  cette  trifte  condiàon?&:  que  fa  pau- 
vvrcic  eft  nôtre  richeffc  ,  fon  abaiffement 
/lôtre  exaltation  ,  ô^  fon  opprobre  nôtte 
gloire  ?  Nous,  qui  du  fond  de  cette  infir- 
mité lavons  vcu  s'clcver  peu  à  peu  dans 
unefouvcraincgtandeur  par  fa  rcfurre- 

dion. 


Sermon    II I.  109 

dion,&par  fon  afccnfion  dans  le  ciel,  &: 
avons  été  fpedaceurs,  non  de  ks  foi- 
blefles  feulement ,  conime  ces  Bergers, 
raaisauflî  de  (qs  combats,  de  fa  vidoire, 
&  de  foa  trionfe  ?  Que  fon  aneantiffe- 
ment  au  lieu  de  troubler  nôtre  foy ,  en- 
flamme nôtre  amour  envers  lui,  &  nôtre 
charité  envers  (es  membres.  Car  quelle 
afFedionne  devons  nous  point  à  celui, 
qui  pour  nous  ftuver  s'eft  humilié  juf- 
ques-là?  Pour  nous  il  a  laifTc  les  délices 
du  ciel  ;  &  au  lieu  de  la  forme  de  Dieu,  a 
pris  celle  d*un  ferviteur;  étant  nai  ici  bas 
comme  un  homme ,  5c  encore  comme 
le  plus  pauvre  des  hommes.  N  eft-il  pas 
raifonnable5que  pour  lui  nous  renoncions 
à  la  terre,  &:  à  tout  ce  que  nous  penfons 
qu'elle  ait  de  grand  ou  de  doux  i  à  fes  ri- 
cheffes ,  à  fes  honneurs ,  à  ks  plaifirs?  âc 
que  nous  exercions  envers  nos  frères  un 
petit  échantillon  de  la  liberalitè,dont  il  a 
usé  envers  nous  ?  que  nous  leur  faffions 
part  de  nos  biens,  comme  il  nous  a  com- 
muniqué les  iîens  ?  Contemplons  auilî 
dans  ce  tableau  le  portrait  de  TEglife  de 
Chriftjqui  nous  y  eft  reprefentè.  C'eftré- 
cable  de  Bethlehem,un  lieu  bas&  pauvre, 
k  méprifable,où  Ton  ne  voit  ni  Roys,  ni 

Pontifes, 


I.  Cor.i. 


ïio  Delà  Nâifpime  dit  Seigneur  I  e  s  v  s . 
Pontifes, ni  Grands,mais feulement  unis 
fillcun  vieillardj^:  quelques  Bcrgcrs;peu 
de  nobles ,  peu  de  fagcs ,  peu  de  grands, 
ç  comme  dit  S.  Paul ,  mais  des  perfonncs 
infirmes ,  &  les  moins  eftimée^  dans  le 
monde.  Que  cette  crifte  apparence  ne 
nous  la  fade  point  dedaigner.Toute  pau- 
vre que  vous  la  voieziclle  â  l'honneur 
de  loger  le  Fils  de  Dieu.  Il  s'y  plaift,  &  y 
a  depofé  tous  i^s  trcfors  ;  &:  y  diftribue  la 
vie  iiTcternitè.  Sa  parole  y  habite  ;  fon 
Efprit  y  a  choifi  fon  domicile  \  &  fes  An- 
ges campent  tout  alentour  d'elle.  Dieu 
y  eft  lolié  ;  fon  nem  y  eft  glorifié ,  tandis 
qu'il  eft  blasfemè  dans  les  fuperbes  pa- 
lais du  monde.  MaiSjFideles^puis  que  les 
difciples  du  Seigneur  doivent  élire  où  il 
eftjapres  l'avoir  vificè  dans  Bethlehem> 
&:  y  avoir  veu  avecque  les  Bergers  les  in- 
firmitcz  de  fon  enfance  ,  &:  les  baflcjflres 
de  fon  aneantiflement  5  vifitons-le  auilî 
dans  lecicl,oii  il  s'eft  retire ,  &:  y  contem- 
plons les  merveilles  de  fa  gloire.  Garli 
ces  Bergers  furent  épris  d'un  fi  ardent 
defir  de  voir  fon  berceau  ;  combien  plus 
devons  nous  avoir  de  paflion  de  voir  fon 
trône  ?  Defirons ,  comme  fon  Apôtre* 
de  déloger  i  pour  eltrc  avecque  Un  \  &:  cii 

aicandaac 


Sermon     III.  m 

attandantla  venue  de  ce  jour  bien-heu- 
reux,qui  nous  élèvera  auprès  de  fa  per- 
fonne  ,  ayons  y  continuellement  nos 
cœursjnos  penfces^nos  afFedions,  &  nos 
cfperances.  Arrachons  les  de  cette  mi- 
fcrable  terre.plenc  d'horreur  &;  de  mal- 
heur,&  qui  n'a  rien  de  bon,  que  la  paix> 
que  lefus  lui  a  laiflee.  Converfonsd^ 
maintenant  dans  le  ciel,  où  eft  nôtre 
lefus  ,  non  enveloppé  de  langes ,  non 
couvert  d'infirmité,  mais  veftu  d'une  lu- 
miere,d'une  force,&  d'une  gloire  louve- 
rainejnon  plusgifant  dans  une  étable  en 
la  compagnie  de  quelques  pauvres  gens^ 
mais  aflis  fur  le  trône  de  Dieu  fon  Per<e5 
&:  environne  de  Ces  fainres&glorieufes 
armées.  Allons  dans  ce  lieu  bien-heu- 
reux y  &  comme  Jefus  eft  defcendu  en 
nôtre  terre  pour  nous  fauver ,  montons 
en  fon  ciel  pour  le  pofleder.  N'ayons 
^lus  de  commerce  avecque  les  chofes 
d'ici  bas.  Foulons  aux  pieds  toutes  les 
vanitez  de  la  terre  i  renonçons  &  à  fcs 
vices,  6<:  à  fes  biens;  à  fon  ambition  ,  à 
fon  luxe,  à  fcs  voluptcz,  &  à  fes  pompes. 
Que  nos  plaifirs  ôc  nos  pafTions  foienc 
dans  le  ciel.  Convoitons  fcs  treforsj 
pourc  haffons  fa  gloire  j  travaillons  pour 

fon 


m  De  la  Naijfance  du  Seigneur  1 1  s  v  s . 
fon  éternité  i  &  étant  fans  cefleprofter-* 
nez  aux  pieds  de  I  E  S  V  S  ,  n'aimons  ô^ 
n'adorons  que  lui.  Beniflbns-le,^:  le  glo- 
rifions dans  la  compagnie  des  Angesy 
nous  meflant  dans  leurs  divins  concerts^ 
&:  commençant  de  bonne  heure  à  y 
tenir  nôtre  partie,  &  à  chanter  alaigrc- 
mentavec  eux  ce  faint  cantique  ,  qu'ils 
nous  ont  aujourd'hui  appris ,  Gloire foU  k 
Dieu  dans  les  hauts  lieux  ,  en  terre paix^  ^ 
envers  les  hommes  bonne  volonté^  Amen. 


BE  LA 


DE  LA  MORT 

DE   NOTRE   SEIGNEVR 
lESVS-CHRlST. 

SERMON   PREMIER. 

Surles  verfcts  2L12.&:  i^duChap.XVI; 
de  l'Evangile  (elonS.  Matthiev. 

a.1.  D/f  lors  lefns  commenta  k  déclarer  à  fés 
difcîples  <juil  Ivci  falloit  aller  en  I erufalem  •>  # 
foHjfnr  beaucoup  de  chofesde  la  part  des  Anciens ^ 
ç^  des  principaux  Sacrificateurs;  ^  des  Scribes^ 
■QT  cjlre  mis  a  morty  qt  rejfptjciter  le troijtefrne  jour-, 

22.  Alors  Pierre  t  ayant  pris  à  part  ^  fè  prit 
n  le  tafifer  ,  àifant  Seigneur ,  aye  pitié  de  toy. 
Ceci  ne  t'aviendra  points 

15.  Mais  lui  s' étant  retourné ,  dit  à  Pierre% 
Va  arrière  de  moi  Sathan  j  Xu  rnes  en  Jcandale, 
Car  tu  ne  comprens  point  les  cho/ès  cjui  font  dé 
Dieu  \  mais  les  chofes  qui  font  des  hommes-. 


Hers  Frere^s 


S'il  y  a  aucun  lujet  >  où  fe  j  uftifîe  clai^ 

h  rement 


114  'De  la  Mort  du  Seigneur  I  e  s  v  S . 
rement  là  vérité  de  ce  que  dit  Efaye^ 
1^''^^  que  les  voyes  ô^  les  penfe'es  de  Dieu  ne 
font  pas  les  nôtres  ;  c'eft  le  myftere  de  la 
mort  &:  paflion  de  nôtre  Seigneur  lefus- 
Chrift,à  la  mémoire  duquel  ce  jour  a  été 
confacrè  par  les  Chrétiens.  Caroùeft 
celui  des  hommes  en  lefprit  duquel  il 
fuft  jamais  tombe  que  le  Père  de  Teter- 
nitè  deuft  foufFrir  la  mort,-&:  le  Seigneur 
de  gloire  eftrc  plongé  dans  la  dernière 
ignominies.  ^  le  Fils  deladiledionde 
Dieu,  &:  fon  unique  bcnedidion  ,  eftre 
fait  maledidion  ?  Et  qui  fe  fuft  encore 
imaginé ,  que  la  vie  euft  deu  eftre  ac- 
quife  par  la  mort,la  royauté  par  la  croix? 
la  gloire  naiftre  de  Tignorainie,  &  la  be- 
îiediftion  de  lamaledidion  ?Et  neant- 
moinsc'eftcequis'eftfaiten  la  paflion 
de  lefus-Chrift  par  la  volonté,  &:  par  le 
confeil  préordonnè  de  Dieu.  Auffi  fça- 
vez  vous  ,  que  ce  myftere  choqua  d'a- 
bord les  efprits  de  tous  les  hommes, 
Iuifs,&  Gentils;  les  uns  s'en  étant  fcan- 
j.fcAT.  dalifez ,  &  les  autres  moquez,  félon  ce 
^^  ''4-  que  TApôtre  nous  a  laiffé  par  écrit,  que 
lefus  1  a  puiflance^Si  la  fapience  de  Dieu, 
a  été  fcandale  aux  luifs  ,  &:  folie  aux 
Grecs,   C'cft  pourquoi  k  Seigneur  pre- 

voyanc 


Sermon    I.  îij 

voyant  dans  fbn  infinie  f^igelîe  combien 
ce  myftere  fembleroit  étrange,  &  ia-- 
erôiable  auxiiomtnes,pour  les  en  rendre 
Capables,  &c  leur  en  faciliter  la  créance^ 
prit  le  foin  de  le  figurer  ôc  prédire  en  di- 
verles  manières  plufieurs  fieclcs  avant 
Te  venement  de  la  chof^Bfin  que  quand 
elle  arrivcroit,  chacun  pim  reconnoiftrc 
nonqbftant  la  répugnance  de  fcs  fens,  &c 
de  fa  raifon ,  que  c'eft  Tœuvre  de  TEter- 
nel ,  &:  l'exécution  de  fon  confeil.Et  ou- 
tre ces  vieux  types,  &  oracles ,  contenus 
dans  les  anciennes  Ecritures  des  Pro- 
phètes de  Dieu  ,  lefus-Chnft  nôtre  Sau- 
veur prit  encore  le  foin  durant  les  jours 
de  fa  chair  ,  d'en  avertir  lui  mefme  fes 
difciples  de  bonne  heure,afin  qu'vn  évé- 
nement fi  merveilleux,  &  fi  contraire  à 
toute  apparence  ^  ne  les  furprift  point. 
C'eft  ce  qu'il  fait  dans  le  texte^que  nous 
venons  de  vous  lire  5  où  il  prédit  aux 
ficns  tout  ce  quMs  virent  accompli  quel- 
que temps  aprcs  en  un  jour  femblableâ 
celui-ci.  l'eji  ai  choifi  les  paroles  pout 
fujet  de  cette  adioniparce  qu'elles  con- 
tiennent tout    ce  grand  myftere  ,  que 
nous  avons  maintenant  à  méditer,  tant 
pour  fatisfaire  à  la  dévotion  de  ce  jour, 

h     X       que 


îi6  Delà  Mort  du  Seigfieur  I  e  s  v  s  T 
que  pour  nous  préparer  à  recevoir  Di-* 
manche  prochain,  fur  la  table  du  Sei- 
gneur 3  les  fruits  de  cette  douloureufe  ^ 
precieufe  mort,  qu  il  prédit  ici  à  ics  dif- 
ciples ,  &  qu'il  fouffrit  réellement  en 
fon  temps  ainfi  qu  il  Tavoit  predite.Vous 
y  verrez  lefuAlhrift  rejette  &  outragé 
avec  un  extrême  opprobre  parles  Sa- 
crificateurs, &  tout  le  confcil  des  luifs, 
mis  à  mort  par  les  Gentils  ,  &:  reffufcitè 
en  gloire  malgré  la  fureur  des  uns  &  des 
autres.  Vous  y- verrez  Tétonnement  &:  la 
contradidiion  de  S*  Pierre  à  une  nou- 
velle fi  fafcheufe  ,  &  fi  contraire  à  fes? 
fens  &  à  fes  defirs  ;  &:  la  fainte  feveritè 
du  Seigneur  lefjs  à  detefter  &  repoufler 
rinjufte  &:  injurieux  confeil  de  l'incon- 
liderée  &:  charnelle  affedion  de  fon  dif- 
ciple.  Car  ce  font  làjComme  vous  lavez 
peu  remarquer  vous  mefmcs,  les  trois 
points  qui  nous  font  reprcfentez  en  ce 
rexte,la  predidion  de  la  mort  de  Chrift; 
la  vaine  émotion  de  S.  Pierre,  &  la  rude 
corredion  qu'en  fait  le  Seigneur.  Nous 
ks  expliquerons  brièvement ,  s'il  plaift 
au  Seigneur,pour  vouspiopofcr  en  fuite 
les  fruits  ineftimables ,  qui  nous  revien- 
nent de   cette   mcrvcilleufe  mort  du 

Sauveur 


s  E  R  M  O  N      I.  117 

Sauveur  du  monde,  U  vous  montrer  les 
devoirs  auxquels  ils  nous  obligent. 

Dés  lors ,  dit  rEvangeliae ,  lefus  com- 
mença, A  àecUrer  à  fis  dtjcifles  qtiU  luif^Hoit 
aller  en  leritÇdem ,  &foujfrir  beaucoup  de 
chofes  de  Ufart  des  Anciens  .é"  des  prlnci- 
faux  Sacrifcateurs,&  desScrihes.&eflremis 
à  mort, &  rejfufciter  le  troifiefme  jour,  La 
fouveraine  fegclTe  du  Seigneur  paroift 
en  cette  fienne  conduite ,  comme  par 
tout  ailleurssen  ce  qu'il  commença  alors 
feulement  à  découvrir  fa  pafTion  àfes 
difciples.  lufques  là  il  leur  avoir  teu  ce 
myftere  ,  ou  s'il  leur  en  avoir  touché 
quelque  chofe,il  ne  l'avoit  exprimé  qu  é 
general,&:  obfcurémenr,  &  en  telle  forte 
qu'ils  ne  l'avoient  pas  bien  comprisipar- 
ce  que  leur  foy  étant  encore  extrême- 
ment foible  5  il  avoit  été  à  propos  de  la 
mefnager ,  &  manier  délicatement,  juf- 
ques  à  ce  qu'elle  fe  fortifiaft  peu  à  peu, 
&:  fe  rcndift  capable  de  foûtenir  le  choc 
d'une  vérité  fi  rude,  &fi  éloignée  de 
leur  imagination  félon  la  divine  maxi- 
me qu'il  nous  donne  luimefme  ailleurs  ^^^^^^ 
de  ne  mettre  le  vin  nouveau  qu'en  des  17, 
vaiffeaux  neufs, c'eft  à  dire,  d'accommo- 
der ôd  de  proportionner  nôtre  prcdica- 

h     3  tion 


liS      De  U  Mort  du  Seigneur  I E  s  v  S . 
Jtion  &  nôtre  difcipline  à  la  poitée  de 
ceux  à  qui  nous  avons  affaire.     Mais 
maintenant  qu'il  venoit  de  reconnoi- 
ftre  la  force  U  raccroiffement  de  la  foy 
de  {es  Apôtres  •  par  cette  belle  hc  genc- 
reufe  confefCon ,  qu'ils  avoient  faite^par 
la  bouche  de  S.Pierre  difant  franche- 
ment qu als  le  tenoient  pour  le  Chrift,  le 
M^t.  r.<-^^^^  ^"  ^^^^  vivant,  comme  S.  Matthieu 
is.i6.    Ta  raconté  dans  les  verfets  precedens; 
aiant,dis  jctirè  cette  expérience  de  leur 
foy  5  il  ne  leur  cache  pas  davantage  ce 
grand  fecret  :  ôi  fcachanr  bien  que  la 
confiance  qu'ils  avoicnt  en  lui  étoitaffcz 
ferme  pour  les  cmpefclur  de   quitter  fî^ 
difcipline,  &  pour  vaincre  lareïiftance 
que  leurs  fens  feroient  à  cette  vente, 
des  lors  il  la  leur  déclare  \  c'eft  à  dire, 
qu'ilialeur  annonce  ouvertcment,pour 
les  préparer  &:  fortifier  de  bonne  heure 
contre  un  fi  grand  combat.II  leur  décou- 
vre donc  qu'il  ira  enlerufalcm,  &que 
les  principaux  des  luifs  l'y  perfecutcrof, 
&  lui  feront  fouffrir  beaucoup  de  chofes, 
le  la  mort  rnefmei&:  qu'en  fuite  il  refluf^ 
citera  le  troifiefme  jour.    Cette  predi- 
ûion  eft  un  argument  tout  évident  de  fa 
4ivinitc,&  de  la  vérité  de  fa  miffion  ce^ 

lefte 


Se  B.  M  o  N   I.  "9 

lefte.    Car   d'où  cuft-il  pu  apprendre 
d'ailleurs ,  que  de  la  lumière  de  Dieu ,  à 
qui  toutes  chofes  font  prefentes,  quelles 
feroient  à  l'avenir  les  penfécs  de  tant 
d'hommes  ?  les  affeaions,&  refolutions 
de  leurs  coeurs  ,  5i  quels  les  fuccez  de 
leurs  deffeins  ?   Certainement  en  cela 
mefme  qu'il  leur  parle  ainfi  de  fon  mfir- 
raitè,il  leur  donne  des  alTeuran^s  de 
fa  gloirej&  en  leur  predifant  fa  mort,  U 
*  leur  montre  par  mefme  moien  quil  elt 
Dieujmeflant  d'une  faffon  admirable  1» 
vertu  defonEfprit  tout  puiffant,  avec- 
que  les  marques  de  fa  chair  infirme.  Et 
ce  tefmoignage  qu'il  donne  ici  a  les 
Apôtres  de  la  vérité  de  fon  envoy,  nous 
cndoitperfuader  auffi  bien  qu'eux ;n y 
aiant    nulle   apparence ,  qu'ils  euflent 
voulu  feindre,  Sc  lui  attribuer  cette  pre- 
^li^ion  ,  s'ils  ne  l'euffent  véritablement 
entendue  de  fa  bouche  ,  avant  l'événe- 
ment des  chofes ,  ainii  qu'ils  nous  le  ra- 
content unanimement,  S.Marc  &  S.Luc 
la  recitant  toutde  mefme  que  S.Mat- 
thieu  en  cet  endroit,   loint  qu'ils  nous 
rapportent  ailleurs  d'autres  prediftions 
dii  Seigneur,  qui  n'ont  été  accomplies 
ou'aprcs  leur  mort;  comme  celle  de  I* 


jio  J>e  U  ^ort  âti  Sei^f^eu?"  Tes  y  s- 
deftruAiôn  de  kmfa!em,&:  des  grande^ 
perfecucions  de  rEgliic,  6c  de  fon  éten^ 
due  par  coac  le  monde.  Mais  cette 
meime  preditftion  du  Seigneur,  &  tou- 
tes ks  autres  lemhlables  nous  appi;çn- 
jfient  encore  clairement  une  vente  im- 
portante contre  les  advcrfaires  de  la 
grâce  de  Dieu;c'qft  affavoir^que  les  mou- 
vemcg^s  du  cœur  de  l'homme  ne  font 
pasvag^ies  &  incertains,  &  dépcndans 
d*une  caufe  tellement  libre  ,  qu'il  foit 
toujours  en  elle  de  s'attacher  à  l'un  ou  à 
l'autre  de  deux  partis  contraires.  Car  il 
celaetôic  ,  Ton  ne  pourroit  prédire  avec 
certitude  quelles  feront  les  volontez  &: 
les  allions  des  hommes  à  l'avenir.  Par 
exemple  5  le  Seigneur  n'euft  pu  prévoir 
affeurémentce  que  refoudroient ,  &  fe- 
roiént  les  Scribes  &  Sacrificateurs  des 
Juifs, parce  que,  félon  cette  fuppofition^ 
leurs  volontez  dévoient  toujours  de-s 
jneurer  maiftrefles  d elles- mefmcs ,  &: 
également  capables  de  fc  porter  Si  à 
faire  ce  que  lefus-  Chrift  dit  ici ,  &  à  ne 
le  faire  pas.  Or  les  prediftions  de  Dieu 
font  certaines  &  infaillibles  i  de  forte 
qu*ii  n*eft  pas  pofTible  qu'elles  ne  s'ac- 
éipmplififcnt.    Certainement  il   n'etoit 

àonç 


s  E  R  M  O  n'     I.  Ilî 

donc  pas  poffible  non  plusjque  les  cœurs 
de  CCS  miferables  îuifs  vouluflenrjOu  fiP- 
fcnt  autre  chofe ,  que  ce  que  die  ici  le 
Seigneur.  Leurs  volontez  s  y  dévoient 
déterminer  aiTeurcment  i  ô<:  il  y  avoic 
dans  la  liaifon  Ôc  enchaifneure  des  cho- 
\'/es,des  caufes  qui  les  rangeroient  infail- 
liblement à  ce  parti  ,*  le  Seigneur  les 
voioit,  &S  Tcvenement  qui  en  rcfulteroic 
en  fuite.  D  où  s'enfuit  que  cette  indif- 
férence aux  deux  partis  d'une  contradi- 
âion  5  que  Ion  attribue  à  la  volonté hu-  à 

maine,&  en  laquelle  on  fait  confiftcr  fa  m 

libertè^n'eit  qu'une  imagination  qui  n'a  " 

point  de  fondement  ni  en  la  nature  des 
chofes  mefmes,  ni  en  la  parole  de  Dieu. 
Mais  pour  revenir  à  riotre  texte ,  le  Sei- 
gneur prédit  à  fcs  diCciylcs^quHfûuffyiroif 
beaucoup  de  chofes  en  lerufdem  de  lu  fart  des 
Ancien  s  ^0*  des  frmcipaux  Sacrificater4rs ,  é* 
des  Scribes.  Ceft  precifcmentce  qui  arri- 
va à  la  fefte  de  la  Pafque  ;  de  forte  quq 
nous  ne  fçaurions  treuver  un  meilleur 
commentaire  de  cette  prediftion,  que 
rhiftoire  de  la  pailion  mefme  du  Sei- 
gneur ,  comme  nous  l'avonf;  enregiftree 
dans  les  livres  des  Evangeliftes  ;  oii  ces 
Saints  Auteurs  ndtis  racontent, que  les 

princi- 


1 12  De  la  Mort  au  Seigneur  I  e  s  v  s . 
principaux  Sacrificateurs ,  &  les  Scribes 
des  luifss'aflemblercntavecqueles  An- 
cienSjc'eft  à  dire  ceux  4u  grand  confeil, 
nommé  Sanhédrin ,  quis'appelloientles 
Anciens  en  la mefme forte,  &  pour  la 
mefme  raifon ,  que  les  Romains  nom- 
moient  Sénateurs ,  c'eft  à  dire  Anciens, 
les  Surintendans  de  leur  Etat;à  caufe  que 
la  plufpart  de  ceux  qui  compofoient  ces 
corps ,  étoient  perfonnes  d'aage  &  d'ex- 
périence. Tous  C(^^  gens,  qui  croient  les 
conduâ:eurs,&  les  chefs  d'Ifraël  s'affera- 
blerent  en  la  fallede  Caïphele  premier 
bL  le fouverain Sacrificateur;  &:U pouf- 
fez &:  animez  d*une  envie  &  malignité 
infernalejtinrent  confeil  i  où  il  fut  refolu 
de  fe  faifir  de  Iefus,&  de  le  faire  mourir. 
Apres  cette  abominable  dehberation, 
di^ne^non  d'une  aflemblee  de  Sacrifica- 
leurs  &  de  Miniftres  de  Dieu ,  mais  d'un 
Concile  de  démons,  ils  envoiercnt une 
troupe  de  foldats  pour  Texecuter.Et  afin 
cjue  Tien  ne  manquai!:  à  l'horreur  de  cet- 
te impiété  ,  un  des  Apôtres  du  Seigneur 
;ayant  vendu  pour  la  fomme  d'environ 
quinze  efcus,  un  fang  plus  précieux  que 
«ôut  l'univers  cnfcmble,  fervit  de  guide 
aux  ennemis  de  foa  bt>u  Maifti'e  ;  &  le 

trahiflant 


Sermon     I.  123 

trâhiflant  par  un  baifer  ,  leur  mit»  meC- 
chammenc  entre  les  mains  celui  qui  lui 
avoir  fait  l'honneur  de  Tappeller  au  plus 
haut  miniftere  de  Ton  Eglife.  Vous  fça- 
vez  comment  ces  méchans  empoignans 
violemmentle  Saint  des  Saints  au  miheu 
de  fes  difciples  innocens ,  le  menèrent 
chez  Caïphe  5  Vous  fçavez  les  outrages 
^  lesindignitezqui  lui  furent  faites  en 
cette  affemblée  impiejcommentfous  de 
faufles  &  calomnieufes  accufations  de 
hlasfcfme  ,  &  de  fedition  ,  ces  enragez 
condanerent  celui  qu'ils  dévoient  ado- 
rer ,•  comment  ils  lui  crachèrent  au  vifa- 
ge,^  le  frappèrent  à  coups  de  verges  ^  &: 
après  s'eftre  moquez  de  lui ,  &  lui  avoir 
fait  tout  ce  que  peut  faire  la  plus  barba- 
re infolenccjle  prefenterent  enfin  àPi- 
late  5  homme  Romain  5  Gouverneur  de 
leur  Etat;  qu'ils  animèrent  contre  lui 
autant  qu'il  leur  fut  poffible;&  maîgrè  la 
eonnoiffance  qu'il  avoit  de  fon  innocen- 
ce ,  le  forcèrent  parla  furie  &  l'impor- 
tunitè  de  leur  paflîon ,  à  l'abandonnera 
leur  rage.  D'où  vous  voyez,pour  vous  le 
dire  en  pafTantjCombien  cft  vaine  la  fan- 
taifie  de  ceux,  qui  fe  figurent  que  les 
fouverains  Pontifes ,  ÔC  les  Conciles  de 

l'EgUfe 


Ii4  ^^  ^^  ^oYt  dti  Seigneur I E  S  v  s" 
FEglife  ne  peuvent  errer.  Car  fi  vous 
avez  égard  à  l'extérieur ,  il  ne  manquoic 
à  cette  compagnie  aucune  des  condi- 
tions neceffaires  pour  la  rendre  légiti- 
me. Elle  étoit  compofée  des  Sacrifica- 
teurs, à  qui  Dieu  avoit  donne  fon  allian- 
cex&;  en  la  bouche  defquels  il  avoit  mis 
la  parole  de  vérité;  les  meflagers  de  l'E- 
ternel des  armées ,  dont  les  lèvres  gar- 
doient  la  fcier^ce;  &  aqui  Dieu  avoit 
fait  tant  de  magnifiques  promefles.  Ils 
ctoient  convoquez  par  leur  fouverain 
Pontife,  prefidant  en  perfonne  au  milieu 
dcleuraflemblée.  Et  neantmoins  vous 
voyez  qu*avec  tout  cela,ils  tombct  dans 
la  plus  groflîere  ,  &  la  pluspernicieufe 
erreur  qui  fut  jamais  5  ^  que  ces  bou- 
ches ,  dont  l'office  étoit  d'cftre  les  ora- 
cles du  peuple  de  Dieu,  prononcent  la 
pîiis  follc,&:laplus  detcftable  impietc> 
que  le  Diable  piiifTe  infpireràfes  efcla- 
ves.Ils  rejettent  le  falut  du  monde,  le 
fondement  de  TEglife ,  le  Prince  d'eter- 
jiiec  ,  le  Chrift  unique  de  Dieu  &  des- 
bommes.  Ils  perfecutent  celui  qu'ils  dé- 
voient fervir  &s  embraffer  5  comme  leur 
Sauveur.  Ils  traittcnt  le  Saint  des  Saints 
comme  un  brigand  ;  &:  bien  loin  de  Ip 

iprefcher 


Sermon     I.  îiy 

prefcher  ôd  recommander  aux  autres,ils 
le  baffouënt ,  &  le  condamnent  cruelle- 
ment eux-mefmesje  déclarant  impie  ÔC 
blasfemateur.  Ne  vous  étônez  donc  pas, 
û  depuis  il  eft  fouvenc  arrivé, que  les 
Pontifes  &  les  Conciles  des  Chrétiens , 
{oient  tombez  en  des  erreurs  évidem- 
ment contraires  à   la  parole  de  Dieu, 
nonobftant  le  glorieux  titre  qu  ils  prenr 
nent  de  depofitaires  de  la  vericè,  &  d'in- 
faillibles Dodeurs  de  la  foy.Car  ils  n'ont 
pas  plus  de  promefTes  que  les  Sacrifica- 
teurs en  avaient   autresfois   entre  les 
Iuifsi&:Dieua  permis  que  les  uns  &:les 
autres  ay-entfait  de  fi lourdes  fautes,  ex- 
preffément  pour  nous  apprendre  à  ne 
dépendre  que  de  lui,  &  à  attacher  nos 
cœurs  à  fa  feule  parole  ,  pour  ne  rien 
croire  que  ce  qu*il  a  daigné  nous  y  en- 
fcigncr.  Mais  le  Seigneur  ne  prédit  pas 
feulement,  que  les  principaux  desluifs 
lui  feront  foufFrir  beaucoup  de  maux  i  II 
ajoûte,que  leur  fureur  ira  jufques  laque 
de  le  mettre  à  mort.  Car  Pilâte  vaincu 
par  kurimportunitc,  le  condamna  à  la 
mort  de  la  croix  i  &:  après  Tavoir  fait 
fbueter6<:  couronnerd'épines  jTenvoia 
en  m\  lieu  proche  de  lerufalem,  nommé 

Calvaire, 


U6     De  la  Mort  du  Sekneur  I E  s  y  S. 
Calvaire ,  où  il  fut  exécuté.    le  n  eh  rap- 
porterai pas  routes  lcscirconftancés,qu(î 
vous  pouvez  voir  dans  J'hiftoire  Evan- 
gelique.Ie  remarquerai  feulement  j  que 
cette  forte  de  mort,qu'il  fouffrit,  étoit  la 
plus  infâme  qui  fuft  alors.   Gar  on  n'y 
condamnoit  d  ordinaire  que  les  efcla- 
^s,&:  les  brigandsj&: les  criminels  de 
kze  Majeftè  >  ô^  les  auteurs  de  quelque 
fcdition. Outre  rignominie,elle  étoit  in- 
finiment cruelle  &:douloureufc.   Car  le 
patient  étoit  étendu  fur  une  croix,  (q^ 
pieds  clouez  fur  la  tige,  &  fcs  mains  fur 
les  bras  de  ce  funefte  bois  i  où  on  le  laif^ 
foit  confumer  peu  à  peu  ,  parmi  des  dou- 
leurs horribles,  la  grande  quantité  de 
nerfs,qui  aboutiflent  de  toutes  parts  aux 
mains  &  aux  pieds>  rendant  ces  parties- 
^^/  j.    là  extrêmement  fcnlîbles.   Enfin  cette 
i;-        mort  de  la  croix  avoit  encore  ceci  de 
^''''"^'particulier,  quelle  étoit   expreffemcnt 
maudite  de  Dieu  en  fa  Loy ,  comme  le 
remarque  l'Apôtre, y  rapportant  cette 
claufe,qui  fe  lit  dans  le  Deutcronome, 
Mmdit  eU  quicanque  fendmhois.    Telle 
cft  la  mort,  que  le  Seigneur  lefus  fout- 
frit  félon  fa  prcdiûion  i  &:  il  ne  faut  pas 
négliger  cequ  il  a} vûc^:  ici  Qxpi'ellcjiiiei, 

que" 


!2.2 


Sermon     I.  127 

que  ces  chofes  lui  arriveroient  en  la  ville 
de  lerufalem  Car  cette  circonftance  ag- 
grave d'un  côté  Tindignirè  de  la  chofe, 
qu'une  horreur  fi  étrange  fcfoitcommi- 
fe,non  dans  quelque  lieu  barbare,  habité 
par  des  idolâtres  y  mais  en  lerufalem  ,  le 
îanduaire  de  Dieu,^  ville  de  paixj'écolc 
des  PropheceSjôi:  le  domicile  de  la  pieté; 
&  de  l'autre  accroift  encore  l'ignominie 
de  ce  fupplice,que  lefus  fouffrit  non  dans 
un  coin  écarté  Se  foliraire ,  mais  à  la  veue 
du  plus  grand  peuple  qui  fuft  en  tout 
rOrient.Ec  bien  que  la  difpoiicion  de  l'é- 
tat mefme  d'Ifraël  le  reqiiift   ainfi ,  le 
grand  Confeil  de  Sanhédrin ,  qui  feul 
avoir  la  connoiffance  de  cette  forte  de 
caufeSjOÙ  il  s'agiflbit  de  la  religion,ayanc 
fonfiege  en  la  ville  de  lerufalem  i  de 
forte  que  tous  ceux   qu'il  condamnoic 
croient  exécutez  en  ce  lieu -là  5  à  quoi  il 
femble  que  le  Seigneur  regarde,  quand  il 
dit  en  quelque  endroit  de  l'Evangile  fur 
ce  mefmc  fujet ,  ûfû' il néchet point  qùmcun^^^ 
Prophète  meure  hors  de  lerufalem  j  outre 
celajdis-je)  lafouveraine  providence  du 
Père  l'ordonna  ainfi  jafin  que  la  grande 
vidime  vrayement   expiatoire  de  nos 
péchez,  fuft  immolée  dans  le  lieu  faa- 

difiè 


1 1 8      BeU  Mort  au  Seigneur  I  e  s  \r  s . 
difiè  pour  fon  fcrvice  ,  &;  hors  duquel  iî 
n'ctoic.  pas  permis  d  offrir  les  facf ificcs 
par  lefquels  elle  avoit  ctè  figurée.   loinr 
que  la  foy  de  cecte  mort  étant  abfolu- 
ment  nece0aire  pour  le  falut  dumonde^ 
ôi  la  fondation  de  rEglife,il  étoit  à  pro- 
posjque  le  fait  fuft  très  notoireicomme  il 
le  fut  5  s'étant  paffé  dans  la  plus  fameufe 
Villede  rOrient5&:  où  il  y  avoit  conti- 
îiuellement  une  grande  multitude   de 
luifs  &  de  Payens  j  &r  encore  en  la  folcn- 
nitè  de  laPafque,qui  outre  les  habitans  y 
avoit  attire  un  nombre  infini  de  gens  de 
toutes  les  parties  du  monde.    Mais  voicz 
ici  je  vous  prie  ,  la  bonté  &  la  fagefle  du 
Seigneur ,-  qui  fçachant  bien  la  play,e  que 
cette  trifte  déclaration  de  fa  mort  alloit 
faire  dans  les  coeurs  encore  infirmes  de 
fesdifciplesjyajoûte  incontinent  le  rc- 
medejeur  promettant  après  l'horreur  de 
fa  croiXjlajoye  ô^  la  merveille  defare- 
furre<5l:ion,  difant  qu*//  reffufcitera  au  troi- 
fiefmejour'i  Ne  vous  éfoubicz  point,  dit- 
4l.   Cette  mort  ne  m^engloutira  pas.  Elle 
ne  me  tiendra  que  trois  jours.  le  tefTui- 
citeray  au  troifiefmc.    Ce  ne  fera  qu'un 
brouillardjou  un  nuage  ,  qui  fe  difllpera 
en  peu  de  temps  ,&:  me  rendra  à  vôtre 


vcuS 


s  E  îl  M  O  N       L  129 

veiîëplus  luifant  &  plus  glorieux  qu'au- 
paravant.  En  quoy  les  minillres  de  l'E- 
vangile o.nc  un  belexeniiplede  joindrç 
toujours  da;?s  leurs  prédications  la  gloi- 
re delâr  refurrcûion  avec  l'ignominie 
de  la  croix,  pour  relever  les  cfpritsdé 
leurs  auditeurs  ;  qui  ne  treuvancen  \;l 
mort  du  Seigneur  5  que  des  apparences 
d'infirmité  ÔC  des  (peûacles  d'horreurj 
demeurent  cftrayez  jufques  à  ce  qu'ils  le 
voyent  fortir  du  tombeau  dans  une  vie 
celefte  &  divine  ;  comme  un  foleil ,  qui 
après  les  ténèbres  d  une  courte  nuid ,  fè 
levé  le  matin  plusbeau,&  plus  éclatanjÉ 
que  jamais.    Enfin  il  faut  encore  remar- 
quer que  le  Seigneur  prédit  ces  chofes, 
non  feulement  comme  véritables,  mais 
auffi  comme  neceffaircs,  en  dif^nt,  qu'il 
lui  falloit  aller  en  lerufalem^ô»:  y  fouffrir: 
Et  il  en  parle  ailleurs  en  la  meûne  forte, 
comme  quand  ildifoit  àdeuxdefcsdif- 
ciples  après  fa  rcfurredion ,  N e falloit- il^^^'^^' 
fas  que  le  Chrifi  fjuffrijl  ces  chofes. ér  qtt  Ainfi'ùd,  ^4. 
il  entraFi  enfagloirt^^  &  ailleurs  encore, 
Q^\  il  falloit  que  toutes  les  chofes  écrites  de  lui 
far  les  ?ro^l^çtes  fufent  Accomplies.  Certai- 
nement il  n  etoit  pas  abfolument  necef- 
fairc>que  le  Fils  de  Dieu  fouffrift.  Il  étoit 

i         cïiiit, 


130      De  la  Mort  du  Seigneur  Ie  s  v  s . 
en  fa  liberté  de  lailTer  périr  le  genre  ha- 
maindans  fonpechè.   Mais  prefupposè 
en  Dieu  le  confeil  &:  la  volonté  de  fau- 
vcr  les  hommes ,   &:   de  les  relever  de 
leur  ruine ,  il  a  fallu  neceffairemcnt  que 
pour  conduire  cette  grande  œuvre  à  fa 
fin  5  le  Fils  intervinft  en  qualité  de  Mé- 
diateur ,  &  qu'il  fatisfîft  par  fa  mort  à  la 
juftice  divine  y  qui  ne  peut  pardonner  le 
péché ,  qu'il  ne  foit  expié  par  un  facri- 
ficcice  qui  ne  peut  eftre  que  par  un  fang, 
Gu  une  mort  d'une  valeur  infinie  i  &:  nul 
n'en  peut  offrir  une  telle ,  s'il  n'cft  Diea 
bénit  eternellement:Au  moien  de  quoy 
vous  voyez  5  que  Dieu  ayant  eu  la  bonté 
de  vouloir  fauver  le  monde ,  il  a  fallu 
pour  des-interefler  fa  juftice ,  qu'il  affu- 
jettift  fon  Fils  unique  à  la  mort,  pour 
reflfufciter  en  fuitte,&  relever  nôtre  na- 
ture en  fa  perfonne.  Et  c'cft  ce  que  fi- 
gnifioient  tant  de  types,&:  d'oracles  fous 
le  vieux  Teftament,oti  le  Chrift  étoit  rc- 
.  prefentc  comme  mourant ,  qui  tous  fu(^ 
ient  demeurez  vains  &  fans  cfFetjfi  lefus 
n'euft  fouffert.  N'étant  donc  pas  poflîble 
qu'un  feul  ïota  de  la  parofte    de  Dieu 
tombe  par  tcrre^ou  s'en  aille  A  neant^il  a 
fallu  encore  inévitablement  ,   que  le 

Chrift 


Sermon     I.  ijt 

Chrift  fbnffrift.  Mais  ni  Cette  neceflîcèj 
que  le  Seigneur  oppofe  ici  aux  défies  6ù 
auxpenfées  defes  Apôtres, comme  une 
forte  barrière,  ni  TefperanGe  de  fa  refur- 
redion  prochaine^qu'il  y  mcfle  pour  ad- 
doucir  l'amertume  de  cette  farcheufc 
nouvelle,  ne  peut  retenir  la  véhémence 
de  S.  Pierre.  11  s'élance,  &  prenant  foa 
Maiftre  à  part  ^fe  mit  a  le  ta/ifer-,  dit  TE- 
vangelifte,^//if;?/,  Seigmur ^  ayes  pitié  de 
toi.  Cécile  t* aviendra  foirât. Ce  que  nôtre 
Bible  a  traduit,  Ayes  pitii  ^^/^;,*eft  une*  ;>iiû!^ 
manière  de  parler  ordinaire  dans  le  lan-  £< 
gage  Syrien,  que  parloit  alors  S.  Pierre, 
bc  dans  TArabefque  ,  &  qui  fe  treuve 
mefmes  quelquefois  dans  l'ancienne 
verûon  Grecque  du  Vieux  Teftamentj 
que  Ton  appelle  des  Seprantei&:  comme 
il  paroift  clairement  par  la  confidera- 
tion  des  lieux ,  où  elle  fe  rencontre ,  elle 
fignifîe  Amplement ,  ce  que  nous  difons 
en  vulgaire ,  a  Dïen  nefUife.,  ou  Dieu  m  en 
garde ,  ouja  na-v^ie^nc^  i  comme  l'a  auffi 
tres-bien  traduit  en  ce  lieu  le  vieux  In- 
terprète Latin  ,  *&  l'Auteur  tant  de  la*  Abff^ 
verfion  Syriaque  du  nouveau  Teftamêt ,  ^  ^' 
que  celui  de  l'Arabefque.C'eR  donc  tout 
de  mefme  que  fi  S.  Pierre  àiÇon^Seig^eur-^ 

\     i  Diett 


a  te. 


152.       De  la  Mort  du  Seigfjeur  I E  s  v  s . 
Dieu  t'en  garde  s  ou  i  Bteu  ne  plaife.  Cela  ne 
i  arriver  a  point.  Paroles  qui  tcfmoignent 
une  extrefme  émotion  dans  refprit  de 
ce  pauvre  Apôtre^qui  remporta  jufques- 
là  que  de  tirer  le  Seigneur  à  part5Comme 
s'il  euft  eu  quelque  grad  fecret  à  lui  dire; 
ou  peut-eftre  pour  n'avoir  pas  la  har- 
dieffe  de  le  reprendre  devant  les  autres, 
bien  que  de  quelque  faflbn  qu'on  Ten- 
teiide^toûjours  y  eut-il  de  Texcezd'eaT 
treprendre  tant  que  cela.  Et  cette  faillie 
procédé  en  partie  d'ignorance,  en  partie 
d'amour  &:  d'affedion  vers  le  Seigneur, 
&:  étoit  enfin  méfiée  d'une  prefomption 
charnelle. Car  pour  l'ignorancc,il  paroift 
clairement ,  que  jufques-là  il  n'a  voit  pas 
fceu  que  le  Chrift  deuft  fouffrir  la  mort 
pour  nous -3  étant  évident  que  s'illeuft 
fceu,  il  ne  fe  fuft  point  troublé  d'enten- 
dre une  veritè,qui  lui  euft  été  desja  con- 
nucjbien  loin  de  la  combattre  &  rcjct- 
i«c/8.  ter  fi  fièrement.  Et  S.Luc  remarque  la 
mefme  ignorance  dans  les  autres  difci- 
plesinous  racontant,que  lors  que  le  Sei- 
gneur leur  parla  de  fa  mort ,  ils  n'enten- 
dirent rien  en  ces  chofes,quc  ce  difcours 
leur  étoit  câchè  ,  &  qu'ils  nentendoient 
"point  ce  quilleurdifoit.  l'avoue  que  cette 

ignorance 


Î4- 


s  E  R  M  O  K  •  I.  IJJ 

ignorance  avoit  été  par  le  pafle  excufa- 
ble  en  eux; à  caufe  que  raccomplifle- 
ment  des  predidions  de  ce  myftere  n'en 
avoit  pas  encore  éclairci  le  fens ,  &  que 
le  voile  de  laLôy  le  cachoit;  defaffon 
qu'elle  n'elloit  poitit  préjudiciable  au 
falut  des  fidèles  ,  qui  ne  laiflbient  pas 
d'eftre  fauvez  par  le  mérite  du  Meffie  à 
venir ,  encore  qu'ils  ne  compriflent  pas 
dfftindement  la  manière  dont  il  nous 
racheteroit ,  affavoir  par  la  mort  de  la 
croixjla  révélation  divine  étant  la  mefu- 
rc  de  nôtre  foy.  Mais  depuis  que  le  Sei- 
gneur lefus  Chrift  eut  expreflement  dé- 
claré ce  fecret  à  fes  Apôtres,  corne  nous 
l'avons  entendu  en  des  termes  qui  ne 
laiflbient  aucun  fujet  d'en  douter  ;  leurs 
ïgnorances,&:  leurs  doutes  fur  ce  point 
font  évidemment blafmablcs.  Car  coni- 
ment  pourroit-on  excufer  S^  Pierre,  qui 
venant  d'entendre  de  la  bouche  de  celui 
qu'il  reconnoift  eftré'le  Chriftje  Fils  du 
Dieu  vivant 5  qu'iilui  falloit  fouffrir  la 
mortiau  lieu  de  recevoir^ette  vérité 
avecfoy^non  feulement  la  révoque  en 
doute,mais  la  rejette  co^ume  une  chofe 
faufle  Se  abfurde,  &  qui  n'aura,  ni  ne 
pourra  avoir  lieu ,  Aî/ieuneflaife,  dit-il, 

i     ;         CeU 


X34'       ^^  ^^  ^(^t  au  Sctgn  eu 
Cela  n  arrivera  point  ?  &  il  ofc  mefmes  re- 
prendre le  Seigneur  de  Tavoirdite,  com- 
me le  tefmoignc  TEvangcIifte  ?  Mais  an 
milieu  de  ce  dcfordre ,  paroifl:  auffi  foa 
afFedion  envers  le  Seigneuruelle  qu*il  ne 
peut  ouïr  ni  fouffnr  qu'il  lui  arrive  du 
m;a'.  Car  il  eft  clair  que  c'eft  de  là  que 
naiffoic  cette  forte  contradiction  ,  qu'il 
oppofeaux  paroles  de  fm  Maiftre.     En 
quoy  il  s'cft  laiffé  aller  à  la  préemption 
de  fa  chairicntreprenant  mal  à  propos  de 
reprendre  fon  Seigneur  ,  &:  s'ingerant  de 
lui  donner  confeilicomme  s'il  euftmieux 
entendu  que  lui  l-^s  dcM^oirs  de  fa  charge. 
Et  que  celle  ait  ciè  la  faute  de  cet  Apô.- 
tre  en  cetfe  inconfiderée  réplique  >  la  ré- 
ponfe  du  Seigneur  le  montre  clairement^ 
Car  bien  qu'il  fufl  !a  douceur  &  la  bonté 
mefme  ,  qui  fupportoit  la  rudcfledefes 
enfans  avec  une  patience  admirable  ,  n'é- 
teignant jamais  le  lumignon  fumant ,  ni 
ne  brifant  le  rofeau  cafle,  neantmoins 
il  fut  tellement  épris  d'une  )ufte  indigna- 
tion à  cette  étrange  proportion  de  Saine 
Pierre,  qu'il  le  rabroiia  tres-rudemenc 
avec  une  adion  &  des  paroles  qui  tef- 
moignoient  la  plus  fenfible  offcnfc  qui  fe 
puide,    1 1  fe  retourna ,  dit  i'E vangcJifte, 

comnae 


Sermon     L  13J 

comme  'fi  le  difcours  de  TApôtre  euft 
ibiiillè  fes  faintes  oreilles  5  ainfi  que  nous 
avons  accoutumé  de  rompre    brufque- 
mcnt  avec  ceux  qui  nous  entretiennent 
de  chofes  facheufes  &  oflFenfives ,  en  leur 
tournant  le  dos.   loint  qu'il  vouloit  que 
fcs  autres  difciples  entendiffent  fa  répon- 
ce ,  &  fceuflent  avec  quel  reffentiment  il 
prenoit  ce  qui  lui  avoit  été  dit,  tant  pour 
les  inftruire  eux  mefmes ,  que  pour  mor- 
tifier davantage  la  témérité  de  S.  Pier|:c> 
en  le  châtiant  non  en  fecret  &  à  part, 
mais  en  la  prefence  des  autres.  En  fuite  de 
cette  adipn ,  qui  devoit-desja  percer  le 
cœur  de  fon  difciple  jufques  au  vif,  il 
ajoute  ces  paroles  foudroiantes.  Fa  ank- 
Yt  de  moy  Satan  ;  Tu  mes  en  fcandale.    Car 
tu  ne  comprens  foint  les  chofes  qui  font  de 
Dieu  \  mais  les  chofes  qui  font  des  hommes. 
O  Dieu  I  quel  devint  alors  ce  pauvre  dif- 
ciple !  voyant  ce  bon  &  foHvcrain  Sei- 
gneur fi  offensé  de  fon  prétendu  confeil, 
&:  fi  indigné  contre  lui  :  entendant  cette 
mcfme  bouche  facrée,  qui  avoit nague- 
res  loliè  &  élevé  fa    foi  dans  le  ciel,  le 
précipiter  maintenant  par  manière  de 
dire  jufques  dans  les  enfers  \  &:  au  lieu  de 
ces  douces  paroles  ,  Tu  es  bien- heureux 

i    4         Simof» 


1^6  De  la  Mort  du  Seigneur  I e  s  v  s^ 
Sifnônpsde  lonài-  Tu  es  PterrèyO-  fur  cette 
pierre jedijîeray  mon  Eglife  ^  tonner  main- 
tenant celles  ci  5  Fa  arriéré  de  moy  Satan. 
Tu  m'es  en  fcandAc^.  Peut^éftrc,  Chers 
frères,  que  la  faute  de  l'Apôtre  fe  pou- 
voir guérir  àmoinSj'veu  raraente  arnôur 
qu'il  portoitàfonMaiftre.  Mais  le  Sei- 
gneur a  ménagé  cette  occafionpour  hô- 
trebieni  &^  voulu  nous  montrer  en  la 
personne  de  cedifciple,  l'un  de  fes  plus 
grands  &:  plus  favorifcz  miniftres,  com- 
bien il  a  en  abomination  la  prefomption 
de  nôtre  chair,  afin  de  nous  former  par 
cér  exemple  à  une  famte  &  hwmble  do- 
cilité. SPierreen  refiftant  àccs  fouffran- 
€es  du  Seigneur  avoit  eu  ,  ce  me  femblç, 
une  bonne  intentionilui  femblànt  que  ce 
feroit  chofe  indigne  que  le  Fils  de  Dieu 
combalt  en  cet  opprobre.  Et  neantmoins 
vous  voiez  comment  le  Seigneur  le  ren- 
voie; &:  fans  écouter  feulement  fes  pré- 
tendus avis,  dés  la  première  propofition 
qu*illui  en  fait,  il  rappelle  Satan -i  &  lui 
comtnande  de  fe  retirer,  ^  lui  reproche 
qu'il  lui  eft  enfcandale  :  tous  rermes,côme 
vous  voiez  ,  très  piquans  ,  6c  qui  tefmoi- 
gnent  une  irritation ,  5c  une  deteflationi 
èxtrefme.    Car  quel  mot  fçauricz-vou^ 

treuve^ 


s  E  R  M  O  N      I.  137 

treuvcr  plus  rude  ,  5c  plus  offenfif  que 
celui  de  Sacan>qui  eft  le  nom  du  Diable, 
&  fignifie  pnopïcmcnt  adverfaire^lc  Sei- 
gneur montrant  par  là ,  qu'il  ten'oit  pour 
iotï  ennemi,  &:pour  organe  de  Satan, 
quiconque  le  vouloit  détourner  de  (ouf- 
frir  les  chofes,  auxquelles  il  étoit  ap- 
pelle par  le  Pere.Et  en  effet  S.  Pierre  re- 
iîftant  à  ce  confeil  de  Dieu  par  un  zélé 
incofifiderè  ,  faifoit  fans  y  penfer^l'office 
d^un  ennemi ,  &  d'un  miniftre  de  Satan. 
11  ajoute  qu'il  lui  eft  en  fcandale  ;  parce 
qu'il  le  dérournoit  de    fa  vocation  ,  &: 
l'empefclîoit  entant  qu'en  lui  étoit,  de 
rendre  à  fon  Père  cette  admirable  obeïf- 
fance,qu'il  lui  demandoit  pour  fà  gloire, 
6l  pour  le  falut  du  monde;  de  forte  qu'il 
ne  tint  pas  à  cet  Apôtre  ,  que  lui  mefme 
&  route  i'Eglife  ne  demeuraft  prfvée  de 
la  grâce  de  Dieu,  &  de  fon  royaume; 
tant  eft  aveuglé  nôtre  prudence  dans  les 
chofes  celeftes  i  Et  le  Seigneur  décou- 
vre en  fuite  la  fource  de  tout  ce  mal, 
quand  il  ajoute  ,  Car  tune comfrens  foint 
les  chofes  qui  font  àc  Vieu  >  mm  les  chofes 
qui  font  des  hommes.  ]>io\xs  ne  voionspas 
les  raifons  de  cette  profonde  fîtpiènces 
gu^eft  cachée  dans  toutes  les  voycs  de 

Dieuà 


ï^      De  la  Mtirt  dd  Seigneur  I  e  s  v  s . 
Dieu  ;  mais  examinons  feulement  (es 
ccuvrcs  félon  les  règles  &  les  maximes 
de  la  prudcce  humaine;quin  ont  qu'une 
vainc  ombre,&:  une  fauflfe  apparence  de 
laifon.C'eft  juftement  ce  qui  abufa  Saint 
Pierre.   Car  la  mort  &  l'ignominie  paf- 
lancdansle  jugement  humain  pour  des 
maux  cxtrcfmes^ilcrcut  qu'il  étoit  de 
É>n  'devoir   dempefcher    autant  qu'il 
pourroit ,  le  Fils  de  Dieu  de  les  foujffrir; 
îî;econfiderant  pas  les  grandes  &  admi- 
rables caufes  de  la  conduite  de  Dieu  en 
cette  œuvre.  Que  ce  zèle  ardent  du  Sei- 
gneur lefus  allume  une  flamme  fembla- 
ble  dans  nos  ccrurs,*  pour  cheminer  cou- 
rageufement  dans  nôtre  vocation  ,  & 
tenir  pour  un  Saxan,  quiconque  nous  en 
Tcut  détourner  fous  quelque  prétexte, 
&:  avec  quelque  affection  que  cd  foit; 
fiift-cc  un  difciple  ,  fuft-ce  nôtre  enfant, 
fuft-cc  un  Apôtrcj^:  comme  dit  S.Paul> 
«n  Ange  du  ciel. N'y  preftons  pas  mefme 
îorcille.  Rompons  promptement  avec 
Satan,  dp  quelque  organe  ,  qu'il  fe  ferve 
pour  nous  fcandalifer  j  &  lui  difons  har- 
diment des  Tabord ,   Va  arrière  de  mo')/^ 
Satan*   Mais  faifons  aulTi  nôtre  profit  de 
iCclcc  picoiable  faute  de  Pierre  ,  que  l'E- 
criture 


Sermon    I.  îj9 

criturc  nous  propofe  pour  nôtre  inftru- 
âion.  Donnons  nous  garde  d'y  tomber 
jamais  ;  &  pour  cet  effet  adorons  avec 
une  parfaite  docilité  toutes  les  yeiitez 
de  Dieu,nous  contentans  de  fa  Volontés 
fans  jamais  rien  entreprendre  au  con- 
traire, quelques  plaufibles  que  nous  pa- 
roiffcnt  les  raifons  de  nôtre  chair.  N*al- 
Icguons  point  nos  bonnes  intentions,  là 
où  il  eft  queftion  du  fer.vice  de  Dieu.  Le 
Seigneur  lefus  avec  cette  fienne  ref- 
ponfe  comme  avec  un  marteau  de  fer,  a 
mis  en  pièces  toute  cette  prefomption 
de  rhomme  ;  brifant  en  un  mot  toure  la 
prudence  de  la  chair,  &  la  renvoiant  aux 
enfers ,  comme  va  fruit  &:  une  produ- 
dion  de  Satan,  qui  avecque  les  belles  SC 
fpecieufes  couleurs, dont  il  farde  fcs  fug- 
geftions  ,  ne  cherche  qu'à  nous  débau- 
cher de  la  vérité  &  du  falut  i  qui  Sepend 
tout  entier  de  la  voix  &  de  Tordre  de 
Dieu,  &  non  de  la  fantaifie,  ou  des  in- 
ventions des  hommes.  Embraflbns  fur 
tout  avec  une  ardente  foy  la  mort  du 
Seigneur;  qui  lui  a  été  fi  precieufe,  que 
non  feulement  il  l'a  foufferte  çonftam- 
ment  &:  genereufement ,  mais  n'a  pas 
mefmes  pu  fupporter  la  moindre  parole 

de 


I  ^o  BeU  Mort  du  Seigneur  I E  s  V  s • 
de  Ton  Apôtre  au  contraire ,  recorinoiÀ 
fant  que  c'ctoit  le  principal  de  fa  voca- 
tion, &  le  grand  chef-d*œuvre  de  lafa- 
gefle,bontè,&  juftice  du  Pere.Etouifons 
à  fon  exemple  ,  tout  ce  que  la  chair  oze 
gazouiller  contre  ce  grande  adorable 
myftere.  Auffi  ferions  nous  beaucoup 
plus  inexcufables ,  que  S.Pierre ,  fi  nous 
tombions  maintenant  dans  une  erreur 
femblableàla  fienne.  Car  pour  lui^il  ne 
fçavoit  pasencore  les  raifons  de  ce  tny- 
ftere;qu*il  apprit  depuis ,  tant  de  la  bou- 
che de  fon  Maiftrcjque  de  la  lumière  du 
Saint  Efprit,dont  ilfut  baptizè;  &  qu'il 
cnfeigna  fidèlement  à  TEglife  ,  &:  par  fa 
prédication  5  d«:  par  fes  divines  épîtres, 
qu'il  nousalaifleeSj&furtoutparlapre- 
miercioù  comme  s'il  eult  eudeflein  de 
reparer  le  fcandale  de  cette  refiftance, 
qu'il  avôitfaiteàlamortdu  Seigneur  au 
ÎC'mps  de  fon  ignornnce  ,  il  nous  inftruic 
«xcellemment  de  fa  necefllîtè ,  &:  de  fes 
fruits,  conformément  à  ce  que  tout  le 
refte  de  l'Ecriture  nous  en  dit.  Premiè- 
rement cette  mort  a  parfaitement  ex- 
pié le  pechè  du  monde  ;  le  fang,la  fouf- 
f  rance,&  la  malédiction  de  cet  innocenr 
Agneaujqui  fut  immole  en  !acroix,ayant 

fatisfait 


s  E  R  M  O  N       I.  I4t 

fatisfait  pour  nous  àlajuftice  du  Pères 
ce  facrifîce  plus  précieux  que  toutes  les 
viftimes,  &  toutes  les  richefles  de  Tuni- 
vers,a  par  fa  douce  odeur  appaisè  la  co- 
lère de  Dieu  contre  pous ,  &c  nous  l'a 
rendu  propice  &  favorabkjfelon  ce  que 
dit  S.  Pierre  que  lefm-ChriJÎ  a  forte  msi.vkrrz 
péchez  en  [on  corps  fur  le  hoîs ,  é  que  far  fa  "•''^• 
b^tture  nom  avons  été  guéris  En  après  cette 
mort  a  ouvert  &  fondé  nôtre  fandifi- 
cation  ,  en  laquelle  confifte  principale- 
ment nôtre  falut,&  fans  laquelle  nul  ne 
verra  Dieu.Car  premièrement  cette  rcr 
miflîon  de  nos  pechez^qu'elle  nous  a  ac- 
quifceft  le  feul  principe  de  nôtre  fainte- 
tè ,'  n'étant  pas  polTible  en  l'état  où  nous 
fommes  maintenant,  que  nous  aimions 
Dieu  véritablement ,  fi  nous  ne  fommes 
arteurez  qu'il  nous  pardonne  tant  de  pe- 
diezj  dont  nous  fommes  coupables  ;  au 
lieu  que  voiant  par  la  croix  de  Chrift, 
qu'il  eft  preft  de  nous  embrafîer  en  lui, 
&:  d'oublier  toutes  nos  fautes  paffées, 
nous  prenons  ctîurage  de  l'aimer,  éi£  de 
le  {ervir,  en  quoi  confifte  (  comme  Vous 
fçavezj  la  vraie  faintetè.  Joint  que  ^ette 
grande  &:  fouveraine  amour  quele  Père 
&  le  Fils  nous  témoiguentj'un  aiant  ex- 
posé 


141  I>e  U  Mort  du  Seigneur  I  £  s  v  s . 
posé  fon  Vnique  à  une  mort  (i  cruelle,  & 
Tautre  Talanc  volontairement  foufferfe 
pour  nous ,  touche  nos  âmes  d'une  réci- 
proque amour  envers  eux.  De  plus,  le 
Saint  Efprit ,  la  feule  &:  unique  caufe  de 
toute  faintetè  ,&:  charité,  nous  a  été  ac- 
quis par  la  mort  de  Icfus-Chrift.  Car  ce 
facrè  gage  de  l'amour  de  Dieu  ne  fe  don- 
nant qu  à  ceux,à  qui  le  Perc  eft  propice, 
il  eft  évident  que  jamais  nous  ne  Teuf- 
fions  receu,  fi  le  Fils  n  eufl:  par  fa  doulou- 
reufe  mort  appaisè  le  Père  envers  nous; 
Si  bien  qu'il  eft  clair  que  fans  cela  ncius 
fuflîons  éternellement  demeurez  dans 
lafervitudcdu  pechè.  En  après  cet  il- 
luftrc  enfeignement  que  la  croix  de. 
lefus-Chriftnous  prefente,de  l'extref- 
me  horreur  &:  malignité  infinie  du  pe- 
chè,telle  qu'il  n'a  pûeftre  expié,  que  par 
la  mort  du  Seigneur  de  gIoire,allume  en 
nos  cœurs  une  ardente  haine  contre  une 
fi  exécrable  pefte  i  mortifiant  les  afFe- 
âions  &:  les  palTions  que  nous  avions  na- 
turellement au  mal  :  à  raifon  dequoi  l'A- 
pôtre dit,  que  nôtre  vieil  homme  a  été 
crucifié  avec  lefus-Chnft  ,  &:  que  nous 
fommesmorcsavccquc  lui.  Eiifin  cette 
mort  du  Seiencur  fcrt  ciicoïc  à  nôtre 


faniii- 


Sermon     L  î4- 

fandificationj  en  ce  qu'elle  nous  pre- 
fente  comme  dans  un  excellent  tableau, 
les  vives  &  achevées  effigies  de  lobeiT- 
iance  ,  charité ,  foy ,  patience,  humilité, 
bénignité  ,  confiance ,  &  en  un  mot  de 
toutes  les  vertus  efquelles  confifte  la 
faintetè  deTame  fidèle  5  félon  ce  que  dir 
S.  Pierre,  que  Chrijl  afouffert  four  nom^^'^''^* 
nom  laij[a?it  un  patron ,  aj^n  que  nous  enfui-'^^^ 
vionsfes  traces.   Mais  fi  cette  mort  a  été 
neceflaire   pour  nôtre  juftification  &: 
fanaification,_elle  ne  Teft  pas  moins 
pour  nôtre  confolation.  Or  première- 
ment c'eft  elle  qui  a  répandu  dans  nos 
âmes  tout  ce  qu'il  y  a  dejoye-fpirituclle, 
par  le  feniiment  de  la  paix  de  Dieu, 
qu'elle  nous  a  meritée,-6d  par  refperance 
de  Timmortalitè,  qu'elle  nous  a  acquife. 
Sans  elle  nos  confciences  fcroientdans 
un  continuel  efFroy  i  comme  vous  voicz 
par  expérience ,  que  tous  ceux  qui  cher- 
chent leur  falut  ailleurs  qu'en  elle,  n'ont 
aucune  vraye  &  folide  confoIation,étanc 
inceffamment  dans  le  doute  &  dans  l'in- 
certitude. Mais  cette  mort  du  Seigneur 
nous  foûtient  Zz  nous  confolc  particu* 
lierement  dans  les  foulFrances^necef- 
fairement  attachées  à  la  profefTion  de 

l'Evangile? 


144     ^^  U  Mort  du  Seigneuries  y  ^^o 
l'Evangile  i  où  jîous  demeurerions  en-*' 
crloutis/i  Texemple  ô^  la  vidoirc  de  ce 
divin  crucifié  ,  qui  a  fandifiè  toutes  nos 
croixparlavertu  delaiîenne  5  ne  nous 
relevcit  le  couragemous  montrant  qini 
eft  bien  raifonnable^que  nous  ne  foyons 
pas  exempts  des  maux  pat  où  il  eft  pafsè, 
puisqu'il  eft  nôtre  Chef  &:  nôtre  Mai- 
ftre,&:  nous  ks  membres,^  fes  difciples; 
&:que  comme  l'infamie  &:  les  douleqrs 
qu*il  a  fubies,ne  l'ont  pointempefchè,ni 
d'eftre  le  bicn-aimè  de  Dieu, ni  de  mon- 
ter en  fon  royaume  j  nos  épreuves  tout 
de  mefme, quelque  rudes  Ôi  honteufcs 
qu  elles  femblent  à  la  chair  ,  ne  nous 
priveront  pourtant  jarliais  ni  de  fa  dile- 
dionjni  de  fon  héritage.  Doùparoift 
enfin  que  de  toutes  les  oeuvres  de  Dieu 
il  n'y  en  a ,  &:  n'y  en  peut  avoir  aucune, 
d  où  il  lui  revienne  une  plus  grande ,  &: 
plus  abondante  gloire  ,  que  de  la  mort 
de  fon  Fils  ;  étant  clair  qu'il  n'y  a  point 
de  plus  illuftre,&:  de  plus  magnifique 
document  de  fa  puifTance/agcire,  jufti- 
ccô^  mifcricorde  infinie  ,  que  la  rédem- 
ption du  genre  hiifnaiu,  méritée  &:  pro- 
curée par  cette  mort ,  de  la  faffon  que 
nous  venons  de  le  dircConfcflbns  donc 

avec 


Sermon    I.  I4j 

avec  S.  Paul,qiie  quoy  que  s'en  imagine 
rextravagance  du  luif  &c  du  Gentil,  qui 
s*cn  fcandalife  ,  ou  s'en  moqUe,  c*eft 
ncancrnoins  véritablement  la  puiflancc 
6c  la  fapience  de  Dieu ,  le  chef-d'œuvre 
de  fa  grandeur ,  le  falut  des  horhmes ,  5t 
Tadmiration  des  Anges  ;  ôd  au  lieu  dé 
cette  def  eftable  voix  ,  que  la  chair  inspi- 
ra à  Pierre  dans  le  trouble  de  fon  i8;noi- 
rance^  fi  juftem^u,  &r  fi  rudement  thâ^ 
tiée  par  le  Seigneur ,  difohs  tout  au  con- 
traire^A  Dieu  ne  plàife  que  Icfu<;-Ghriri: 
n'ait  point  fouffert  pour  nous.  'Cela  lui 
eft  arrivé  ;  &  bénit  foit  le  Pcré  qui  l'a: 
ainfi  ordonné,  &:  bénit  foit  le  Fils  qui  y 
a  confenti  ;  &  maudite  (bit  la  folle  pru* 
dcnce  de  la  chaire  dufang,  qui  treuve 
quelque  chofe  à  redire  dans  cette  faintë 
éc  adorable  difpêfation  du  Seigneur.  Ce 
font- là,  Frères  bien-aimcz,  les  penfées 
qui  doivent  fandifier  vos  cœurs  ,  pour 
vous  approcher  dignemeht  de  cette 
table facrce,oi^i  le  myftere  de  cette  ad- 
mirable mort  vous  fera  &  reprefentè  5c 
communiqué  Dimanche  prochain. lefus* 
Chrift  vous  y  fera  offert  mort  pourvoi 
péchez  ,  froiffé  pour  vos  iniquitez^aianc 
en  luylavenuneceflaire  pour  la  iidur- 

k  heure 


14^  Delà  Mort  du  Seigneur I e s r s . 
riture  &:  la  coufolation  de  vos  âmes.  Ap- 
portez y  des  cœurs  préparez  à  bien  re- 
cevoir ce  grand  &  ineftiaiable  prefentt 
touchez  d'une  finccre  repentance  de  vo!5 
fautes ,  ô^  d*unc  vive  fqy  ,  qui  n  embraffc 
autre  Sauveur ,  que  lefus ,  &  ne  cherche 
fon  faiut  qu'en  fa  feule  croix.  Apportez 
y  une  ferme  refolution  de  bien  ^  faintc- 
ment  vivre  à  l'avenir.  Dépoiiil|ez  aux 
pieds  delà  croix  de  lefus-Chrift  toutes 
les  folles  paflîons de  vôtre  chaire  Vun  la 
haine;  Tautre  Tavarice;  l'un  Tambitioni 
lautre  la  luxure:  chacun  toi|s  les  vices, 
dont  il  fe  fent  travaillé.  Regardez  le  Sei- 
gneur lefus  fouffrant  pour  vous  en  la 
çroix,&  vous  atirez  honte  de  vos  fautes. 
Ambitieux,  comment  avez  vous  le  cœuc 
de  fonger  aux  vanitez  de  la  terre  ,  voiant 
le  Roy  de  gloire  en  croix  pour  vous?  Lu- 
xurieux, comment  n'avez  vous  point 
horreur  de  vos  falcs  plaifirs,  voiant  le 
Fils  de  Dieu  mener  une  vie  ,  &  fouffrir 
une  mort  û  douloureufe  pour  vous? Ava- 
ricieuxjcomment  cftcs  vous  fi  afpre  après 
les  biens  &  les  commoditez  delà  terre, 
faifant  profefTion  d'eftre  le  difciple  de 
celui ,  qui  a  vefcu  dans  la  pauvreté,  &  eft 
mortnudlur  une  croix  ?  Et  vous,  ame 

colère 


s  E  K  U  o  tj     î,  ii\.y 

Colère  &  impla.cable,çômcnt  haïflez  vous 
vos  fieres,&:  vos  amis,voyanc  ie  Seigneur 
lefus  fouffrn:  la  mort  pour  fes  ennemis? 
Eft-ce  là  pécheurs,  Timprellion  que.  la 
mort  du  Fih  de  Uieu  a  faite  dans  Vos 
coeurs?  Eft-céainiî  qu'il  a  mortifié  vos 
viCes.par  la  vertu  de  fa  croix?  Uenoncez- 
y  au  moins  déformais  \  revcftcz  les  en- 
trailles de  fa  bénignité  5^  chaiiè. Remet- 
tez gayc*net  à  vos  frères  les- deniers  qâ'ils 
vous  doivent,  puis  que  le  Seigneur  vous  a 
acquis  par  fa  moficla  remife  des  talés  que 
vous  deviez  a  Dieu.Nefoycz  pas  chiches 
de  vosaumofnes  à  celui  qui  vous  adoanè 
tout  fon  fang.  Souffrez  gayement  ces  lé- 
gères incammoditez,qui  fe  prefentent  en 
nôtre  courfe,pour  Phonneur  de  celui  qui 
a  fouffert  la  maledidion  de  la  croix  pour 
vôtre  falut*  Aimez  celui  qui  vous  a  tant 
aimez)&î  Je  fcrvez  fidèlement ,  puis  qu'il 
vous  a  rachetez  par  fon  fang  précieux.  Si 
nous  le faifons,  comme  je  refpere5&:  len 
fupplie  de  toutes  mes  affedions ,  Chcr$ 
FrereS)il  news  paillra,&:  nous  conduira,^^ 
nous  confolera  en  ce  fiecle ;  &:  nouscou- 
ronnera  en  f autre  de  cette  fouveraine  &s 
I     cterncUe  gloire,  qu'il  nous  garde  dans  les 

deux.     AlNSJ^TbOIT*!!. 

k     z        DELA 


h8 

DE  LA  MORT 

DE  NOSTRE  SEIGNEVR 
lESVS-CHRIST. 

SERMON   DEFXIESME. 

Sut  les  vcrfets  zz.  15. 14. 15.  26. 17.28.2^. 

30-31  3M5-H.3536  37- du  Chap:  X  y. 

de  l'Evangile  félon  S.Marc. 

22.  Et  puis  les  gendarmes  le  rfienerent  en 
h  place  de  Golgotha^  qui  vaut  autant  à  dire 
que  laplace  dutejl, 

23.  Puis  ils  lui  donnèrent  a  boire  du  vin 
tnixtionne  avec  de  la  ntyrre  ,  mais  il  ne  le 
pritpoint^ 

24.  Et  cfuand  ils  l'eurent  crucifie  y  ils  dé- 
partirent Jes  veftemens  ,  en  jettant  le  fort 
fur  iceux  i  pour  fc avoir  ce  que  chacun  en 
remporterait . 

25.  Or  eftoit-il  trois  heures  quand  ils  le 
crucifièrent. 

2é.  Et  le  di6îon  de  la  condamnation  por* 
toit  en  écrit,  LE   ROT  DES  IFIPS. 

27.  ils  crucifièrent  atifitavecque lui  deux 
brigands ,  tun  a  fa  mxin  droite  ,  é'  l^^titre  h    \ 
fagauchc^»  " 

'  28.   4inf$ 


Swr  m  o  k     II.  149 

iS.  Ai9ffif ut  Ac<:ûmf  lie  l'Ecriture, qui  âity 
Et  il  â.  été  mis  au  rang  des  malfaiteurs, 

-a^.  Et  ceux  qui  fa([oient  frés  de  la  lui 
ai  fuient  outrages  ,  hochans  leurs  f€fles ,  ér 
âifahs  y  Hé  toi  qui  desfais  le  Temfle ,  é"  ^^^ 
trots  jours  le  rebahùj 

30.  Sauve  toy  toj-mefme  ^  érdefce»  dt 
la  croix,      # 

31.  Semhlablernent  auj^i  les  priffcipaux 
Sacrificateurs  mefmefe  moc  quarts  av^cque  les 
Scribes  difoient  les  uns  aux  autres  ^  Ha  fauve 
Us  autres-t  Une fe peut  fauver  foy-mefmt^. 

31.  ^e  le  Chrijl-,  le  Roy  d^lfraél  défende 
maintenant  de  la  croix ,  afin  que  nous  /c-» 
voyions  (^  croyions.  Et  ceux  aufii  qui  étoient 
crucifie'^  avecque  lui ,  lui  àifùient  outrages^ 

33.  M^is  quand  il  fut  fi  x  heures  -^  ténè- 
bres fur  eh  faites  fur  tout  le  pais  jufques  à 
neuf  heures. 

-54.  Et  à  neuf  heures  lefuscria  à  haute 
^oix ,  difant ,  Eloi^  Etoï,  lammafaba^hanfi 
qui  vaut  autant  a  dire  que ,  M4in  Dieu ,  mon 
Dieuy  pourquoy  m' as- tu  abandonné  ? 

5  W  ^^  q^^iq^^s-uns  de  ceux ,  qui  étoltnt 
là  p^ens  ,  aiant  oui  cela ,  dif oient ,  Foici  il 
appelle  Elic^. 

?     «36.  Etquelcun  accourut  é'  emplit  unc^ 
éponge  de  vinaigre ,  é'  ^^  ^^^  ^  [entoura' un 

k     5  rçfeaUi 


150      De  U  Mon  du  Seignei^l^  e  s  v  S . 
YoÇeAUyé'lui  en  batUa  a  hotrei  di[ant^  Valons 
fi  Elie  vie^.^ra  pour  Coter. 

57.    Et  lejus  afres  avoir  jetù  i4n  ^nd 
tri  ^  rendit  iejprit. 


Ij  HiiRS    FjBLERES^f 


Bien  qu'il  nV  ait  aucun  jour  en  Tan- 
iiec,qui  ne  doive  eftre  confacrc  à  la  mé- 
ditation de  la  mort  du  Seigneur  lefus, 
J'unique  caufe  de  toute  nôtre  vie ,  &  de 
tout  nôtre  bon  heur  i  fi  eft-cc  que  nous 
fommes  particuliercmentobHgcz  àem- 
ploier  celui-ci  en  ce  falutaire  exercices 
tant  parce  qu'il  eft  folennellement  dediè 
à  cet  uf^ige  entre  les  Chrétiens,  que  par- 
ce que  c'cft  le  temps  de  nôtre  prépara- 
tion à  la  fainte  Ccne  ,  à  laquelle  nous 
fommçs  conviez  pour  Dimanche  pro- 
chain. Afiu  donc  de  fatisfaire  à  la  dé- 
votion de  ce  jour,  &  pour  nous  acquiter 
d'un  fi  necelTaire  devoir,  j*ai  choi^pour 
lefujetde  cette  aftion  le  textequrvqus 
avez  oi:ï,oii  S-  Marc  nous  raconte  cette 
^ouloureufe  Se  precieufe  mort^que  lefus 
\ç  plis  unique  du  Pcre^  fait  homme  pour 
\  nôtre 


s  E  RM  O  K       IL  IJI 

l^ôtre  falut ,  fouffric  jadis  en  ludéc ,  pour 
rexpiâtion  de  nos  crimes.  A  la  vérité, 
j'eufle  bien  defirè  de  vous  en  pouvoir  ex- 
pliquer rhiftoire  entière ,  les  préparatifs 
du  Seigneur  à  ce  grand  combarjangoiffc 
de  fon  ame ,  &  les  grumeaux  de  fang 
qu'elle  lui  tira  des  vencsdansle  jardin 
des  oliviers,  k  violence  de  ceux  qui  te 
prirent,  Timpietè  deslutfs  qui  l'accufe- 
rent  ;  Tinjudicc  de  Pilate^qui  le  condam- 
na, la  profanetè  d'Herodc^qui  s'en  moc- 
qua  ,rin(olencc  des  bourreaux,  qui  le 
foiieterent5&:  qui  le  couronnèrent  d'épi* 
r*es,&:  le  codVrircc  de  crach'ats,  de  coups, 
&  d'outrages  ;  n'y  aiant  rien  en  tout  cela 
qui  ne  foit  plein  de  myfteres  très-utiles  à 
nôtre  édification  &  confolation.  Mais 
l'heure  deftinée  à  ces  exercices  ne  fuffi-r 
fant  pas  pour  un  fi  ample  &:  fi  «tendu 
fujetîj'ai  été  obligé  de  me  réduire  à  con- 
fiderer  feulement  la  dernière  partie  du 
tableau,que  nous  en  â  laiiTé  l'Evangelifte 
ojj  vous  voiez  lefus  en  fuite  de  l'inique  ô^ 
cruelle  condamnation  de  Pilate^conduit 
en  la  montagne  de  Calvaire,  &  là  cîoiiè 
tout  nud  à  une  croix  entre  deux  brigands 
crucifiez  pour  leurs  forfaits  5fouffrir en 
cette  extrefme  ignominie ,  les  douleurs 

k     4        les 


Iji      He  la  Mort  duSeigKearÎESvs'. 
les  plu.  aiguës,  &  les  outrages  &  oppro- 
bres U  plus  ûnglans  qui  fe  puiffent  dire, 
&  après  avoir  paffc  quelques  heures  dans 
çe't  eiat  fi  cruel,  &  fi  honteux  ,  que  le  So- 
leil s'en  cacha  d  horreur ,  e'clattct  tout  à 
coupenunetres-an-.ere  cojnpiainte  ,  8c 
enfin  rendre  fon  Efprit  au  ii}iheu  de  cçs 
tourmens,  Et  bien  que  l'çrdre  de  cette 
narration  foit  a^ez  clair  de  lui  mefme, 
neantmoins  pour  vôtre  plus  grand  foula- 
gement  >  nous  diviferons  tout  nôtre  dif- 
cours  en  trois  parties  principales.     La 
première  contiendra  les  chofes  qui  pré- 
cédèrent le  crucifiement  du  Seigneur  :  la 
féconde,  le  crucifiement  mcfme  avec  (es 
çirconftances,&  la  troific{mc,la  mort  en 
laquelle  fe  termina  la  foufFrance  du  Sei- 
gneur en  la  croix. 

^  Dans  la  première  partie  ilncfepre^ 
fente  que  deux  points  à  confiderer  :  l'un, 
que  le  Seigneur  fut  mené  au  Calvaire  ;  & 
l'autre  qu-.Ircfufa  du  vin  mixtionnè  de 
niyrre,quon  luy  bailla  à  boire.  Je  laifle  là 
les  foi.gcs  de  plufieurs  anciens  for  le  pre- 
mier point  qui  tiennent  qu'Adam  le  père 
du  genre  humain,e'toit  enterré  au  lieu  014 
le  Seigneur  fut  crucifié  ;  afin  que  la  terre 
pu  repofoitle  corps  du  premier. pécheur, 

fuft 


Hleron, 


^Sermok    II.       ^    m 
fuft  la  première  arrofée  &  purifiée  du 
fang  du  Sauveur  du  monde  i  pretendans 
que  c  écoic  la  raifan  pourquoy  ce  lieu 
ecoic  nommé  Golgoiha  en  Hébreu  ,  ÔC 
Calvaire  en  Lacm;c'eft  à  dire  la  place  du 
Teft.   Cette  opiniort  a  été  à  bon  droii^ 
châtiée  par  S-Ierofme,  *  côipe  une  çradi-  *       ^^^ 
tionvaine,&  fondée  fur  la  feule  fantaifie  ^^jj^ 
dcceuxquilontmifeen  avant-,  &  ileft<- vbj. 
évident  que  la  raifon  de  ce  nom  eft  jufte- 
nient  c#lle  qu  eti  allègue  ce  dode  Père, 
affavoir^que  le  lieu  étoit  nomme  Golgo- 
tha,  ou  Calvaire  ,  parce  qu'il  étoit  plciri 
detefts,  decarcaffcs,  &:  doffemens  de 
morts ,  come  étant  le  lieu  où  l'on  execu- 
coit  les  malfaideurs  à  mort,&:  où  Ion  en- 
terroit  leurs  corps.  Le  Seigneur  fut  con- 
duo  en  ce  lieu  infâme ,  afin  que  cette  cir- 
catiftance  rendilUon  fupplice  plus  igno- 
minieux. Cétoit  là  toute  l'intention  d^ 
hommes  qui  le  faifoient  mourir  :  Mais  le       ^ 
Père  éternel  ,  quigouverna  toute  la  pa^-       7 
fion  de  fon  Fils  avec  une  providence  tres- 
particuliere,rçgardoit  ailleurs,  comme  Iç 
remarque   divinement  le  faint  Apôtre 
dans  fon  Epître  aux  Hébreux  ,  où  il  nous 
cnfeigne ,  que  lefus  fouffrit  hors  la  porte  «^^.  <j. 
de  krufalem ,  pour  fandifier  le  peuple  "* 

pV 


154  De  la  Mort  du  Seig^eur^ESvs* 
par  fon  propre  fang ,  afin  d'accomplir 
l'ancienne  figure  des  viûimes  hidaï- 
ques ,  dont  le  fang  étoit  porte  dans  le 
Sanduaire  pour  lexpiation  du  pechc^ 
Car  les  corps  des  animaux  immolez  en 
eette  forte  de  facrifices ,  étoient  brûlez 
hors  du  camp  ,  félon  Texpreflc  ordon- 
if^it'j^  nznce  de  MoiCc y  au  i6.  Au  Levitique.  A 

27.  .    .    \ 

quoy  nous  pouvons  encore  jomdre  \\n 
autre  type ,  aflavoir  cekiydubouc  Ha- 
zazeUqui  au  grand  jour  folcnacl  de  la 
purification,  étoit  envoyé  dans  ledefcrt 
hors  du  camp  &c  de  la  cité  d'Ifraël,  char- 
ge des  péchez  du  peuple.  Le  Seigneur, 
la  vraie  vidime  dlfraël5&  Tunique  pro- 
pitiation  du  monde,  reprefenté  parces 
figuresjaiant  chargé  fur  foy  nos  peôhez, 
pour  les  emporter  fur  fon  corps ,  a<|i fi 
que  parle  S.  Pierre ,  [a  pareillement  çcè 
conduit  hors  de  Ierufalem,le  typedc 
l'état  &  delà  republique  des  enfans  de 
Dieu  dans  un  lieu  infâme  &:  deftinè  aux 
feuls  malfaiftcurs  ;  pour  vous  apprendre, 
ô  Chrétienjque  lefiis  s'dl  fait  anatheme 
pour  vous  5  qu'il  a  été  retranché ,  &  no» 

Vm.$.  four  foy^  comme  l'avoir  prédit  Daniel; 

^^'       que  votontairement  ,  &  pour  Tamour 
qu'il  vous  a  portée,il  a  été  côme  feparc, 

&  re- 


s  E  R  H*0  N       II.  IJ5 

&  rejette  pour  un  temps  de  la  commu- 
nion du  peuple  des  bien-heureux.  Il  ^ft 
forti  de  laville  depaix,  afin  dcvousy 
introduire,  êc  établir  pour  jamais .- 11  eft 
allé  au  Calvaire  ,  le  fejour  de  l'horreur» 
de  la  mort,  &  de  rinfamie,  afin  de  voiTs 
en  tirer  :  ôc  comme  l'Apôtre  exprime  le 
tout  en  un  mot  5  il  a  été  fût  mdedïcîïony  Gd.  3^ 
Afin  de  vetis  en  racheter.  Mais  quelque  hi-  ''' 
deux  que  fuft  ce  trifte  lieu,où  il  a.^'cè 
conduit  pour  vous  5  il  ne  laifla  pas  d'y 
planterles  trophées  de  fa  viftoire.L'hor- 
rcur  du  Calvaire  rehaulTa  Ja  gloire  de 
lefus&:  la  puanteur  de  ce  lieu  infâme, 
tout  couvert  de  vilenie  ,  &:  de  pourritu- 
re, n'a  pas  empefchè  la  douce  odeur  de 
fon  facrifice  ,  de  s'clevcr  jufques  aux 
cicux  dans  le  plus  haut  fanftuaire  de 
Timmoftalitè,  &  de  fe  répandre  en  fuite 
par  tout  l'univers.  Le  Seigneur  étant 
donc  parvenu  en  ce  lien,  oùfc  dcvoic 
exécuter  fon  fupplicc  ,  avant  que  de  le 
mettre  en  la  croix,  on  lui  donna  à  boire 
("dit  rEuangelifte  )  du  vin  mixtionnè 
avec  dé  la  myrre ,  mais  il  ne  le  frit  pint. 
Quelques-uns  imputent  ce  breuvage  à 
la  cruauté  des  Iuifs;comme  fi  noncon- 
fetis  d'affliger   tous  les  autres  fens  du 

Seigneur, 


j^6  De  la  Mort  du  SégneHy\^%vC 
Seigneur  ils  euffent  encore  voulu  tra- 
'piller  fon  palais  bL  fa  langue  de  cec 
amertume.  Mais  il  y  a  >  ce  me  femblc, 
beaucoup  plus  d'apparence  de  le  rap- 
porter Amplement  à  une  coûtume,qui  fo 
pratiquoit  ordinairement  parmi  ce  peu- 
ple. Car  ceux  quiont  curieufementre- 
»  G^.cherchèlcursanciquitez5*difent  avoir 
ï^^-  treuvè  dans  leurs  livres,  que  jadis  quand 
le  criminel  étoit  condamné  à  la  mort, 
on  luy  faifoit  boire  du  vin  d'encens,pour 
Tcnyvrer  promcement,  bi  lui  troubler 
lej'igementjafia  qu'aianr  par  ce  moien 
les  {^\\s>  comme  noyez  &:  endormis ,  il 
cuft  moins  de  crainte  &  d'efFioy ,  &  fen- 
tift  moins  les  tourmensj&s  les  douleurs 
de  fon  fupplice:&:  comme  c'étoit  leur 
ordinaire  d'abufer  ridiculement  de  la 
Sainte  Ecriture  ,  qu*ils  fondoicnt  cet 
ufage  fur  ce  que  nous  lifons  dans  les 
yyov.3r. proverbes,  Donne:^Ucervoife  à  celui  qui 
s  en  VA  ferir ,  ^  le  vin  ^  ceux  qui  ont  le  cœur 
^/#/r>i  comme  file  Sage  en  ce  lieu- là  qui 
regarde  évidemment  ailleurs,  avoir  vou- 
lu nous  ordonner  de  faire  cnyvrer  les 
patiens  prefts  à  eftre  exécutera  mort.Cc 
vin  mixrionnè  de  myrre^qu'ils  prefcntc- 
rent  au  Seigneur  avant  qu»  de  le  mettre 

ca 


^  '     Se  Ti  M  o  K    JI-  iy7 

en  croix  ,  «tbit  fans  doute  de  cette  na- 
ture, ft  préparé  pourcéc  ufage.     Et  ce 
breuvage  étant  tel  que  nous  venons  de 
vous  !fe  décrire,propre  &  à  troubler  la  rai- 
fôn ,  &  à  adoucir  le  fentiment  de  la  dou- 
leur ,  ilnefaut  pas  s'étonner  que  le  Sei- 
gneur l'ait  refusé  ;  puis  que  tait  les  quali- 
tez  de  fa  perfonne,que  le  dclTeindefa 
paflîon'requeroient  &  qu'il  euft  les  fer  s 
nets  à:  raflîs  jufques  au  dernier  de  fes 
foûpirs,  &:  qu'il  rcffentift  vivemenr  ks 
douleurs  de  ce  (upplice,   qu'il  foufFioit 
pour  nous.    Apres  qu'il  eut  rejette  ce 
breuvage  ,  ces  impies  exécuteurs  de  la 
cruauté  des  luifs  le  mirent  en  croix  ;  ôi 
Vcft  la  féconde  &  la  principale  partie  de 
tette  aclionioù  nous  aurons  à  confiderer 
preniiierement  la  chofe  mefme  ,  c'eft  â 
dire  le  crucifiement  du  Seigneur,  &:  puis 
en  fuite  les  circonftances  que  TEvange- 
lifte  en  déduit.  Quant  à  la  chofe  rtiefme, 
il  nous  la  reprefente  en  un  mot,en  difanc 
Amplement  qu'ils  le  crucifièrent  i  parciè 
que  ce  fupplicc  étant  commun  alors  par-^ 
iTii  la  plufpart  des  nations  ;  il  étoit  connu 
àjchacunjôibien  que  la  révérence  du  Sei- 
gneuren  aitaboli  l'ufage  entre  les Ghié- 
tiens,.fi  eft- ce  qu'à  peine  y-a-t'il -aucun  en 

lf,glife 


158  De  la  Mort  du  Seigneur  I  è  s  v  l# 
l'EgUfe^ui  ne  fçache  ce  qu^cétoit.  Ofi 
cloiioit  les  pieds  &:  les  mains  du  JUimmel 
à  un  bois  fait  en  la  forme  que  Ton  peint 
ordinairement  la  croix;  puis  aiant  (ilancè 
le  pied  de  ce  bois  en  terre ^  en  telle  forte 
que  le  tronc deineuroit  clevè  en  haut,  oa 
laifToitlà  le  patient  attaché,  jufques  à  ce 
que  la  douleur  des  tourmens  Teuft  peu 
à  peu  confunlè  ;  fauf  que  le  plus  fouveut, 
après  les  avoir  fait  languir  quetquetêps, 
plus  ou  moins  félon  la  qualité  de  leurs 
crimes,  on  abregeoit  leur  foufFranceea 
haftant  leur  mort  par  quelque  coupd'é- 
pée,ou  de  lance;coma1e  on  en  ufa  envers 
les  brigands  crucifiez  avec  nôtre  Sci- 
gn^r.  Maij  outre  tçs  douleurs  »  quj^ 
ctoient  cxtrefmcs  dans  ce  fupplice  ,  îa 
honte  en  étoit  auflitrcs-grande.  Car  on 
n'avoit  accoutumé  défaire  mourir  en  la 
croix <jue  les  pires,  &  les  plus  infâmes 
criminels  ;  ceux  que  la  baffeffe  de  leur 
condition ,  ou  Texcez  de  leurs  forfaits 
rendoit  indignes  d  aucune  confideration, 
telsqu'étoicnt  desefclaves  fugitifs,ou  des 
voleurs  publics,  ouïes  aureurs  d'une  ré- 
bellion contre  les  Magiftrats  d'un  Etat. 
A  quoy  il  faut  ajoilcer  que  les  luifs  avoiêt 
particulièrement  cette  forte  de  fupplice 


en 


Sermon     II.  i^^ 

en  execratioa>à  caufe  de  la  malediCbion, 
à  laquelle  il  aflT^ecciffbic  les  paciens,  félon 
cette  épouvantable  voix  de  leur  Ipy  ^^ue^'*'^'^' 
mmdit  eft  tout  homme  qui  fend  au  bots. 
G'eft  donc  ce  cruel,  &  infâme,  &  abonW- 
nable  fupplice,  qui  fut  alors  exécuté  fur  la 
tres-innocente,tres-jufte  ,  &:  tres-fainte 
perfônc  du  Seigneur  Icfiis.Ce  facrè  corps, 
le  précieux  ouvrage  du  S.  Efprit,le  domi- 
cilc  de  la  faintetè  ,  le  temple  de  la  divi- 
nité :  ce  corps ,  à  qui  les  hommes  &:  les 
Anges  doivent  une  adoration  fouverai- 
ne.,  fut  alors  cloliè  à  une  croix  par  les 
mains  des  bourreaux.  Ces  pures,  &:falu- 
taires  mains ,  qui  avoient  guéri  tant  de 
maladies, qui  avoient  rendu  le  mouve- 
ment aux  paralytiques, la  veuë  aux  aveu- 
gles ,  iQuïe  aux  fourds  ,  qui  avoient  été 
tant  de  fois  reconnues  &  révérées  parla 
nature,  furent  alors  cruellement  tranf- 
percées  de  doux  i  &;  l'abominable  fer  du 
luif  viola  les  pieds  qui  portoient  le  Sau- 
veur du  monde  ,(S«:  que  les  flots  de  la  mer 
.mefme,le  plus  fourd,  &:  le  plus  infenfiblc 
des  elcmens ,  avoieiat  fi  humblement  re- 
fpedez.  Mais  quelque  cruel,  honteux  ^ 
maudit  que  fuft  ce  fupplice  en  lui-mef- 
me,fi  eft- ce  que  les  circonftances  qui  ac- 

compa- 


léo  Delà  Mort  du  Seigneurl  e  S  v  s . 
compagnerent  la  croix  de  lefus,  rendent 
encor  le  fien  plus  grief  ,&  plus  indigne- 
L'Evangelifte  nous  en  remarque  quel- 
ques-tmt^s ,  qt^il  nous  faut  maincenanE 
cônfiderer.  La  preniiere  eft,  que  le  Sei- 
gneur aiant  éce  crucifié  nud,  les  gendar- 
mes Romains ,  miniftres  de  cette  cruelle 
ti  inique execufion, partagèrent  fesvc- 
ftemcns,en  jeitant  le  fort  pour  fçavoir  ce 
que  chacun  en  emporteroit.  l'avoué  que 
cétoit  l'ordinaire  que  les  dépouilles  des 
patiens  condamnez  à  mort  par  la  fenien- 
ce  des  luges, demeuraffent  aux  exécu- 
teurs; comme  il  fe  pratiqije  encore  au- 
jourd'hui. Mais  tant-y-a  que  c'eft  une  in- 
dignité infupportablcde  voir  réduit  à  la 
nudité  celui  qui  reveft  les  cieux  de  leurs 
ctoilcs,la  terre  de  fes  fleurs ,  les  elemçns, 
&  les  autres  créatures  de  tout  ce  qu'elles 
ont  de  beauté  &:  de  perfeaion;&  que 
trois  ou  quatre  marauts  jouent,  par  ma- 
nière de  dire  ,  à  trois  dez  l'habit  du  fou- 
verain  Seigneur  de  l'univers.  Odoux&: 
mifericordieux  lefusîà  quel  point  de  baf- 
felTe  t'a  réduit  l'amour  que  tu  nous  as 
portée  ;  Tune  t'es  pas  contenté  de  dé- 
pouiller pour  nous  la  fv>rmc  de  Dieu  ,  &: 
de  prendre  celle  d'un   homme  ,  ctanc 


treuve 


Sermon     II.  i^i 

treuvè  en  la  figure  d'un  ferviteur  :  Ce  ne 
t*a  pasécèaffez  de  renoncer  pour  nous 
àla  gloire  de  tes  riche{îes,&:  det'aflujec- 
tir  à  une  grande  pauvreté  ,  n'aiant  pas 
mefmeseu  durantles  jours  de  ta  chaire 
ce  que  tu  donnes  aux  oifeaux,&aux 
moindres  animaux,  un  lieu  pour  rcpofcr 
ton  chef.  Tuas  meimeslaiffé  pour  nous 
ce  pauvre  habit  qui  couvroit  toncorpsî 
&C  aiant  tout  quitte  aux  hommes>n*as  re- 
tenu pour  toy  que  la  nuditèjla  diiette,  la 
foufFrance  >  la  douleur  &:  rignominie, 
Carc'cft  auflî  pour  nous.  Frères  bien- 
aimez, qu'il  s'efl: mis  en  cet  état.  Ceft 
pour  nous  remplir  qu'il  s'eft  anéanti  foi- 
mefme.  Il  s'eft  dépoiiillè  pour  nous 
veftir.  Sa  nudité  eftnôtreornement,  & 
fa  pauvreté  nôtre  richeffe.  Le  Père  nous 
Ta  élevé  tout  nud  fur  une  croix^  pour 
nous  montrer  qu'il  n'y  avoir  rien  en  lui 
qui  ne  foit  devenu  nôtre  par  fon  anean- 
tiffement.  Ceft  à  nous  qu'appartient  f^ 
juftice,fa  faintetè ,  fon  ciel ,  fon  immor- 
talité ,  fa  gloire  ,  &:  tous  les  trefors  de 
cette  divine  naturcjquihabitoyent  cor- 
porellementen  lui.  Il  ne  s'eft  dépoiiillè 
de  ces  precieus,  àc  éternels  joiaux  ,  que 
pour  nous  en  parer  i  afin  qu'en  ctani; 

ï         couverts. 


léx      De  UMort  âtiSeïgntur  Ies vs. 
couverts,  nous  puiffions  déformais  entrer 
dans  la  maifon  de  Dieu ,  &  vivre  en  la 
compagnie  des  Anges,- d'où  nôtre  nudi- 
tèj&  nôtre  extrefme  mifcre  nous  avoic 
bannis  pour  jamais.   Mais  S.Marc  ajoute 
en  fécond  lieu  ,  que  le  difton  de  fa  con- 
damnation  portoit  en  écrit,  Le  Roy  des- 
Juifs,   Les  autres  Evangeliftes  nous  ap- 
prennent 5  que  ce  fut  Pilate  qui  mit  ce 
titre  ,  ou  éloge  du  Seigneur  au  haut  de  la 
croix.Il  y  a  apparence  que  c'étoft  alors  la 
coutume  entre  les  Romains  de  déclarer 
pour lexempleje  crime  des  malfaiteurs 
quils  faifoient  mourir,  &:  de  l'écrire  en 
grofles  lettres  fur  un  petit  aix,que  Ton  af- 
lîchoitauhautdu  gibet,oûs'executoienE 
lescriminelsjafin  que  chacun  le  puftlire. 
Or  il  eft  clair  par  l'Hiftoire  fainte  ,  que  le 
crime  fous  le  faux  prétexte  duquel  lefus 
fut  injuftement  condamne  à  Tinftance  &: 
follicitationdes  luifs ,  c'étoit  d'avoir  at- 
tenté contre  lamajeftè  de  l'ctatdes  Ro- 
mains ,  en  fe  voulant  faire  Roy  des  luifs. 
Mais  neantmoins  au  lieu  de  le  conce- 
voir en  ces  termes ,  Pilate  écrivit  Ample- 
ment ,  lefus  Nazarien  Roy  des  luifs  ;  &: 
n  y  voulut  rien  changer,  quelque  remon- 
trance que  lui  en  fiffent  les  luifs ,  fçanda- 


s  E  R  M  O  N       I  L  J^j 

lîzez,&:  piquez  de  voir  que  malgré  rou-, 
te  leur  fureur ,  leur  Gouverneur  mefme 
dÔHoit  à  Icfus  une  qualité,  quMs  ne  pou- 
vpienc  foufïrir:nommant  leur  Koy  celui 
qu'ils  hayfToienc  mortellement.  Er  cela 
n'arriva  pas  ainlî  fans  une  particulière 
difpenfation  deDieu.  Qi^iant  àPilatc,il 
y  a  bien  de  l'apparence  qu'il  n'avoit  autre 
pcfée,  que  de  le  vanger  en  quelque  forte 
de  la  malignité  &  opiniâtreté  dcsiuifs, 
qui  lui  avoient  fait  condamner  malgré 
lui  une  perfonne  dont  il  reconnoifloic 
aflez  finnocence  ;  &c  que  pour  leur  faire 
d'épit^il  mit  dans  cette  affiche  ce  qu'ils 
avoient  le  plus  en  horreur,  leur  donnant 
un  crucifié  pour  leur  Roy.  Mais  cepen- 
dant ce  mefme  Dieu,  qui  avoit  autrefois 
bénit  fon  Ifracl  par  la  langue  de  Balaam, 
&  qui  tout  fraifchement  avoit  déclare 
une  des  merveilles  de  l'Evangiîepar  la 
bouche  de  Caïphe,  gouverna  auffi  cette 
fois  la  main  &:  la  plume  de  Pilate  par 
une  fecrette  providence, pour  orner  con- 
tre fa  propre  penfée^la croix  du  Seigneur 
lefus  5  du  vrav  &  légitime  éloge  qui  lui 
appartenoit.  Tu  as  dit  vrai^ô  Pilate.  Cà 
lefus  cft  en  effet  le  Roy  des  luifs ,  le 
Prince  promis  à  cette  nation  ,  nai  d0 

1     i        kut 


a 


1^4-  ^^  l^  ^ort  du  Seigneur  I  e  s  v  s ." 
leur  fang,  &:  manifeftè  pour  leur  falut'fi^ 
pour  le  nôtre.  Maintien  hardiment  le 
titre  que  tu  lui  as  donné  ;  Que  la  pailîon 
des  luifs.ne  t  y  fafle  rien  changer.Cc  qup 
tuas  écrit  demeurera  ferme  à  jamais 
malgré  leur  fureur  \  le  monde  en  a  desja 
reconnu  la  vérité.  Toy-mefme  Tenten- 
dras  un  jour  tout  autrement ,  que  tu  ne 
faifois  quand  tu  l'écrivis  ;  &  alors  ces 
mefmes  bouches  5  qui  blasfement  main- 
tenant contre  ce  divin  crucifièi  feront 
contraintes  de  lui  donner  la  gloire,qu  el- 
les lai  voulurent  jadis  ôter.C  eft  à  la  con- 
duite de  cette  mefme  providence,  mes 
Freres^qu'il  faut  rapporter  ce  que  racon- 
tent les  autres  Evangeliftes,  que  Pilate 
écrivit  ce  didon  de  la  prétendue  con«* 
damnation  du  Seigneur  en  trois  langues, 
cnHebreu,en  Grec,&:en  Latinrpour  fi- 
gnificr  par  là  comme  par  un  fecretpre- 
fage ,  que  le  nom  &  la  gloire  de  lefus  (e 
prefcheroit  en  toutes  languesj^  que  les 
plus  grands  peuples  de  l'univers  recon- 
noillroient,  &  beniroient  chacun  en  fon 
langage,  la  monarchie  fpirituellc  de  ce 
divin  crucifié.  L'Evangclifte  remarque 
en  troidefmelieu,  que  Con  crucifia,  aufi 
àeux  brigands  avecque  le  Seigneur ,  l'un  a  /a 

mam 


Sermon     IL  i6$ 

mAtn  droites ,  é*  l'autre  kfagauche-.é'  ^infh 
dit-il,/»/  Accomplie  CEcriture.qui  dït^  Et  il  a, 
été  mis  au  rang  des  malfaicieurs.  Le  mot  de 
hrïgand  aianc  dans  Tufage  des  langues 
originelles  une  fignification  plus  éten- 
due qu  en  la  nôtre  ,  j'eftime  affez  vrai- 
femblablece  que  difcnt  quelques  hom- 
mes doftes  ,  que  les  deux  malfaiteurs 
dont  il  eft  ici  queftionjn'ctoient  pas  Am- 
plement voleurs ,  mais  feditieux ,  qui  fc 
îbûlevant  en  armes,  fous  prétexte  de  la 
liberté  de  leur  pais  opprimée  par  les  Ro- 
mains, s'étoient  mis  à  détroufler  les  paf- 
fans;  crime  fort  ordinaire  parmi  les  luifs 
en  ce  temps-lài&dont  étoit  nommé- 
ment coupable  ce  Barrabas ,  à  qui  Pilate 
fie  grâce;  THiftoire  fainte  tefmoignant^'^^'^'^' 
qu'il  étoit  prifonnier  avec  fes  compli- 
ces pour  fedition  6c  pour  meurtre.  11  y 
a  donc  apparence  que  ces  deux  étoient 
des  complices  de  Barrabasi&  qu'à  caufe 
de  la  conformité  de  leur  crime  avec  ce- 
lui dont  le  Seigneur  avoir  été  fauffe- 
ment  accufé,  ils  furent  &  condamnez  au 
mefme  fupplice ,  &  exécutez  avecque 
lui.  Les  luifs  en  prirent  avidement  loc- 
cafion,  afin  de  flétrir  davantage  le  Sei- 
gneur par  l'opprobre  de  cette  infâme 

1     5        compa- 


l66  De  U  Mort  du  Seigneur  I  e  s  v  s . 
compagnie.  S'il  euft  été  crucifié  feul,  fa 
caufe  euil:  peu  fembler  n'avoir  rien  de 
commun  avecque  les  malfaiteurs. Ceft 
pourquoy  ils  le  mcflent  avec  des  malfai- 
teurs reconnus  uq,iverfellement  coupa- 
bles par  leur  propre  confefTion  ;  afin  de 
noircir  ,  ou  tour  au  moins  de  failir  &  de 
tacher  {oïv  innocence  par  ce  vilain  me- 
la?nge.  £c  afin  que  rien  ne  manquait  à 
ropp.obre  ,  ils  ne  le  crucifieiiC  pas  lim- 
pleme.it  avec  eux,  mais  au  milieu  d'eux; 
poiir  donner  à  cncédre  par  le  rang  qu*ils 
lui  donnoienijqu'il  éroit  le  Capitaine  de 
la  rebellionje  Prince  de  la  {édition, &:  le 
pire  de  coub  les  brigans.  Ames  Chré- 
tiennes 5  n'avcz-vous  point  d'horreur 
d*vnefi  épouvantable  indignité  î  que  le 
Saint  des  Saints  pafle  pour  le  chef  des 
impies  ;  que  le  Roi  des  hommes  &:  des 
Anges foit rangé  avecque  les  plus  infâ- 
mes brigandsilugcz  par  là  qu  elle  eft  Ta- 
mour  qu'il  vous  porte  s  puis  que  pour 
vous  élever  en  la  compagnie  des  Anges, 
il  a  voulu  fouffriren  celle  des  brigands, 
ôd  pour  vous  faire  juftes  ,  il  n'a  point  eu 
d'horreur  d'eftre  tenu  pour  un  mefchanr. 
S.Marc  pour  adoucir  le  fcandale  d'un 
f raicrcment  fi  écrange,allcgue  un  ancien 

Oiaçlçs 


Sermon     IL  1^7 

Oracle  ;  qui  avoit  f^dic  fept  ou  huit  fic- 
elés auparavant  ,  que  le  Méfie  feroit  mis  ^f^ie^^, 
£u  YAngdes  malfaiteurs.  Ces  paroles  font  ^^• 
tirées  du  55.  chapitre  dTfayejOÙ  ce  faint 
homme  décrivant  i'hiftoirc  duChriftà 
venir,  avertit  expreflement  qoîil  deli- 
vreroit  les  fiens  ,  &  les  enrichiroit  des 
de'poliilles  de  leurs  ennemiSjnon  par  une 
pompe  mondaine  de    victoires   &  de 
triomphes  5  mais  en  mourant  pour  eux 
en  la  compagnie  des  iniques  ;  il  fart  a,- 
géra,  les  puïjfans  comme  fon  butin  ,  dit-il, 
farce  quil  aura  éfandufon  ame  l  la  morty  éf 
quïl  aura  été  ;»  y-  au  rang  dês  tranfgrejfeurs. 
D'oùvousvoiez  combien  eft  admirable 
Tefficace  de  la  providence  de  Dieu  ,  qui 
fçait  tellement  ploier  les  cœurs  des  met- 
chans ,  qu  ils  accomplirent  fcs  Oracles, 
lors  mefmcs  qu'ils  penfent  le  plus  obfti- 
îiement  refifter  à  fa  volontG;&  avancent 
cela  mefme ,  qu'ils  défirent  le  plus  de 
reculer  &:  d'anéantir. Ces  luifs  aflbcians 
le  Seigneur  avec  des  brigans5découvrent 
ce  qu'ils  pretendoient  cacher  i  &  au  lieu 
de  lui   ôter  par  cet  opprobre  le  nomô^ 
les  enfeignesdu  MelTiejilsle  reveftent 
de  l'une  de  fes  plus  illuftres  marques. 
ÏXoxx  s'cfuit  que  tant  s'en  faut  que  cette 

1     4         indi- 


J^S     ï^e  U  Mort  du  Seigneur  I  e  s  v  s . 
indignité  doive  trouver  nôtre  foy,qu0 
tout  au  contraire  elle  la  doit  affermir, 
comme  étant  Tune  des  c ho fes  que  les 
Prophètes  avoient  nommément    attri-^ 
bucesauChriftde  Dieu.  Mais  je  viens 
à  la  quiltriefme  circonftancc  de  la  croix 
du  Seigneur  >  remarquée  parTEvange- 
Jifte  :  Ceux  cjui  pafoie;7t prés  de  là  y  lui  di- 
[oient  outrages ,  dit  i  1 ,  hochans  leurs  te/ies, 
&  difans  y  Hé  toi  qui  des  fais  le  Temple^  é'  ^n 
trois  jours  le  r eh ajlls, fauve  toy  toyrnefme ,  ^ 
defce/i  de  la  w/.v.Quelle  cruauté  plus  ma- 
ligne fe  fçauroit-on  imaginer,  que  celle 
<le  ces  méchans  qui  non  contens  d'avoir 
attaché  une  perfonne  fi  fainte  &  fi  in- 
nocente  aune  cioix/infulcent  encore 
fièrement  à  fa  mifere  ,  fe  moquant  info- 
lémenr  de  lui  voir  foufFrir  àcs  tourmens, 
qui  dévoient  tirer  des  laimes  des  amcs 
Jes  plus  inhumaines  ?  Certainement  ces 
coups  de  leurs  langues  étoient  encore 
plus  perçans,&:  plus  venimeux,que  ceux 
fie  leurs  doux.    Car  rien  ne  navre  plus 
vivement  une  bonne  ame  ,  que  d  ouïr 
que  chacun  eftime,  qu^elle  eft  abandon- 
née de  Dieu.Ceft  ce  que  Dauid  déplore 
le  plus  dans  fes  calamitez,  quelles  ou - 
yroient  la  bouche  des  mefchans  en  rifées 

&  en 


s  E  K  M  O  N       II.  l6p 

&:  en  outrages  de  fa  foy,  &:  de  fon  elpe- 
rance  en  Dieu.  Et  tel  étoit  ce  cuifant  &: 
corrofif  vinaigre,  que  les  luifs  verfent  ici 
cruellement  dans  les  playes  de  lefus  tour- 
nans  fa  paiTion  en  rifée,hochans  la  tefte, 
&accompagnans  cette  adion  moqueufe 
de  paroles  piquantes.  S.  Marc  rapporte 
Yun  de  leurs  plus  outrageux  langages ,  où 
reprochans  au  Seigneur  ce  qu'il  avoir  dit 
autrefois  qu'en  trois  jours  il  releveroit  le 
temple,ils  fe  moquent  de  ce  qu'au  befoin 
il  ne  déploie  pas  maintenant  la  puiflancc 
qu'il  s'attribuoit.  Mais  la  rage  de  la  paf- 
fion  les  aveugle,  &:  leur  fait  follement 
abufer  à  leur  perdition  des  faintes  &  vé- 
ritables paroles  du  Seigneur.  Ileftbien 
vrai  qu  en  leurparlant  du  facrè  temple  de 
fon  corps  5  il  leur  avoir  dit ,  Ahbatez  fc^ 
temple  ci  ,  (jr  en  trcis  jours  je  le  relèverai. 
Mais  cela  ne  fignifioit  pas  qu'ils  deuft 
defcendre  de  laçroix^ou  empefcherque 
lonnele  mift  à  mort.  Au  contraire  eu 
leur  difant  qu'ils  rabbatifient,  &:  qu'il  le 
releveroit  en  trois  jours^il  montroit  affez 
clairement  >  que  ce  divin  temple  feroit 
abbatu  &  démoli  par  leur  fureur  ,  àC 
qu'aiant  érè  trois  jours  en  ruine^alors  il  le 
releveroit.    Il  falloit  donc  voir  ce  terme 

écoule 


lyo  De  U  M  en  du  Seigneur  I  e  s  v  s . 
écoulé  en  vain,avant  que  d  accufer  lefus 
d'impuiflance^ou  de  vanitè;&:  non  triom- 
pher ainfiprécipitément  dés  les  premiers 
momcns  de  ce  combat  ,|  fans  fe  donner 
la  patience  d'attendre  deux  ou  trois  jours 
feulement.  Alors  tu  eufles  veu ,  ô  impie 
&:  infenfé  moqueur,qu'il  n*y  a  rien  fi  vé- 
ritable que  la  parole  de  nôtre  lefus  i  bc 
rien^de  plus  fot  ni  de  plus  furieux  que  tes 
railleries  profanes.  Car  le  troifiefme  jour 
vid  fortir  du  tombeau  ,  vivant  &  immor- 
teljcelui  que  tu  avois  cloué  à  la  croix\  &: 
abbatu  dans  le  fepulcrc  ;  ni  ton  fer,  ni  ta 
pierre  ,  ni  tes  gardes,  ni  aucun  des  inftru- 
mens  de  ta  cruauté  n  aiant  pu  refifter  à  la 
vertu  de  ce  divin  crucifié ,  que  tu  outra- 
ges avccquetantd'infolence,  ni  Tempef- 
cherde  relever  glorieufement ,  félon  fa 
parole,  le  temple  que  ta  fureur  avoir  rui- 
né. Mais  c'eft  lordinaire  des  incrédules 
de  tourner  ainh  la  croix  &:  les  miferes 
des  fidèles ,  en  matière  de  moquerie , 
comme  fi  nos  efperances  étoient  vaines, 
fous  ombre  qu'elles  ne  font  pas  accom- 
plies dés  maintenant.  Ce  qu'ils  voient 
Ces  tabernacles  de  terre,  où  nous  fomnics 
logez,fujctsaux  mefmes  infirmitez  que 
les  autres ,  battijs  de  mefmes ,  ou  pires 

orages, 


s  E  R  M  O  N     1 1.  171 

orages;detruits  &:  démolis  par  la  vîolen- 
ce,ou  des  maladieSîOU  des  hommes,  leur 
fait  croire  que  G*eft  extravagance  à  nous 
d'efperer  qu'ils  feront  éternels  Mais  fans 
nous  émouvoir  de  leurs  moqueries ,  at- 
tendons le  terme  de  Dieu  en  patience; 
ce  temps  bien  heureux  deftinè  à  rebâtir 
le  temple  de  lefusjà  relever  de  la  pouf- 
fiere  toutes  les  pierres  dontileft  con- 
ftruit;  &  ne  doutons  point,  quoy  qu'en 
puifledire  le  monde,  que  fi  nousavons 
maintenant  part  en  fa  croix  ,  nous  ne 
Taions  auflî  un  jour  en  fa  refurrection. 
Or  S.  Marc  ajoûce,  qu'outre  les  pailans 
&  le  commun  peuple,  les  fri^cipaux Sa- 
crificateurs mefme  fe  moquant  avec  que  les 
Scribes, difoient  les  uns  anx  autre  s  ^ll  a  fauve 
les  autres ,  //  ne  Ce  peut  fauver  joy-mefmc^. 
^ue  le  Chrïjl  ,  le  Roy  d'ifra'él  ,  dejcendc^ 
maintenant  de  la  croix ,  afin  que  nom  Ic^ 
voyions  ér  croyions.  Voiez,  je  vous  priCjFi- 
deles  ,  combien  eft  foible  l'huile  exté- 
rieure &  matérielle  pour  empefcher  les 
hornmes  de  tomber  dans  Terreur.  Ceux- 
ci  ctoient  du  fang  de  Levisconfacrez  dés 
leur  enfance  au  rniniftere  divin  i  établis 
Dofteurs  en  Ifraël  par  les  formes  delà 
vocation  les  plus  folenneiles  qui  fepuif- 

fenCj 


tyt  De  U  Mort  du  Seigneur  I  e  s  v  s  ^ 
fent  i  les  depofitâires  de  la  fcience,  de  la 
^^•'•loy ,  &  de  la  veritè,les  Anges  &  les  mef- 
fagers  de  rEtcrnel  des  armées.  Et  neanc- 
moins  avecque  tous  ces  beaux  titres  ils 
ne  lâiflent  pas  de  fe  tromper  vilainement 
fur  le  fondement  du  falut ,  perfecutant  le 
Chrift^qu  il  falloit  fuivreile  crucifiant  au 
lieu  de  radoter^&rà  la  pcrfecution  ajou- 
tant fièrement  la  moquerie.  Mais  confi- 
derez  encore  la  malignité  &  l'extrava- 
gance de  leur  jugement  ;  //  a  fauve  les 
autres^  difent-ils.  S'ils  le  croyoient^com- 
inentne  le  reconnoiflbient-ils  point  pour 
un  homme  divin ,  puis  qu'il  ne  lui  étoit 
pas  poffible  de  fau  ver  tant  de  perfonnes 
de  diverfes  maladies ,  &de  lamortmef- 
mejautrementqueparunc  vertu  divine? 
ït  s'ils  ne  le  croyoicnt  pas ,  pourquoy  lui 
en  faifoicnt- ils  reproche  ?  MaisTanean- 
tiflemct  oùil  étoit,  les  fcandalife  de  telle 
forte, qu'il  leur  fa;t  mécroire  jufques  aux 
chofes  qu'ils  avoient  veuës  de  leurs  yeux. 
Parce  qu'il  ne  fe  fauve  pas  lui-mefmc,  ils 
doutent  contre  la  foy  de  leurs  propres 
fens,qu'ilait  jamais  fauve  aucun  autre;&: 
-ent  tellement  imprimé  dans  leur  efprit 
qu'il  fe  delivreroit  de  la  croix  s'il  en  avoit 
la  puiflancc,  qu'ils  aimentmicux  nier  les 

miracles. 


Sermon    IL  175 

miracles ,  dont  ils  avoient  été  eux  raef- 
mes  les  tefmoins ,  que  de  confefler  en 
lui  la  vertu  d'où  ils  procedoient.  Au 
lieu  que  tout  au  rebours  il  falloir  avoir 
reconnu  dans  la  lumière  de  fes  œuvres 
precedentes,que  fa  puiflance  étoit  telle, 
que  s'il  deraeuroit  en  la  mort ,  c'ctoit  fa 
volonté ,  &  non  fa  foibleffe  qui  Ty  rete- 
noit  5  comme  il  parut  incontinent  après 
par  l'événement.  Mais  c'eft  une  erreur 
tres-groffiere  à  la  vérité,  &  néantmoins 
tres-ordinaire  aux  enfans  de  ce  fieclejdc 
conclurre  que  le  Seigneur  ne  puifTe  pas 
une  chofe/ous  ombre  qu'il  ne  la  fait  pas^ 
èc  del'accufer  d'imbécillité  ,  s'il  n'exé- 
cute pas  tout  ce  que  s'imagine  leur  fan- 
taifie,  la  plus  part  du  temps  tres-injufte, 
ôc  tres-déraifonnable.  lefus  avoit  encore 
fur  vôtre  croix,  ô  luif  incrédule, la  mef- 
me  vertu  que  vous  lui  avez  veu  déploier 
fi  magnifiquement  au  milieu  de  vous,  en 
illuminant  vos  aveugles ,  en  gueriflant 
vos  malades,&  en  refTufcitat  vos  morts; 
ôc  s'il  n'en  ufe  pour  foy-mefme  ,  ce  n'eft 
pas  qu'il  ne  luy  foit  auflî  facile  de  fe  tirer 
dé  vôtre  croix  ,  qu'il  lui  a  été  de  tirer  un 
Lazare  de  fon  lepijlcre.  C'eft  l'afFedion 
de  vôtre  falut  qui  lui  fait  négliger  le 

foin 


174     J^^  ^^  ^ort  au  Seigneur  Ie  s  v  s . 
foin  de  fa  délivrance.    11  ne  fc  fauve  pas 
foy-mefme  parce  qu'il  veut  vous  fauver; 
Il  fouffre  toute  cette  malediâ:ion,afin  de 
vous  en  délivrer.   Sa  patience  eft  un  ar- 
gument de  fon  amour,  inonde  fonim- 
puiffance.   L'autre  raifonnement  de  ces 
miferables  n'eft  pas  meilleur,  où  ils  le 
fomment  de  defcendre  s*il  eft  îe  Chrift, 
le  Roy  dlfraël ,  afin  difent-ils ,  que  nous 
le  voyions  &  le  croyions.  Car  ils  prefup- 
pofentfauffemcnt  queleMeffieJe  Roy 
promis  à  Ifraël ,  ne  doit  ni  languir,  ni 
mourir  en  la  croix;tout  au  contraire  de 
ce  qu  avoient  prédit  &:   figuré  les  Pro- 
phètes ,  qu'avant  que  démonter  fur  le 
trôncjilferoit  méprisèjOutragè,  &  misa 
mort  dans  un  extrcfme  aneantiffement. 
Et  en  effet  le  deflfein  de  nôtre  falut,pour 
lequel  ilvenoit  au  monde,  Tobligeoic 
neceffiirement  à  eftre  ainfi  conditionè; 
de  faflbn  que  requérir  que  nôtre  lefus 
defcendift  de  la  croix  pour  perfuader 
qu'il  étoit  véritablement  le  Chrift>  c'é- 
toit  lui  demander  qu'il  renonçaft  à  la 
charge  &:  a  la  nature  du  Chrift  ,  &:  qu'il 
ceflaft  de  l'eftre  5  pournous  faire  croire 
qu'il  l'cft.  Mais  lalourcc  de  toute  cette 
fureur  n'cHoic  autic  que  laprcfoniptioa 

qu'avoicnc 


s  E  R  MO  N       IL  Î^J 

qu'avoienteu  ces  malheureux  de  laiflcr 
là  TEcriture  Sainte  ,  pour  fuivre  les  fpe- 
culations  de  leur  efprit.   Car  s'étant  for- 
gez un  Chrifttel  que  leur  fens  charnel 
le  concevoit  ,  ils  rejetcerent  celui  que 
Dieuleur  avoir  promis  &  envoie.  Et  ce 
qui  leur  eft  arrive  à  l'endroit  du  Sei- 
grieurjarrive  maintenant  à  divers  autres 
à  Tegard  de  fon  corps  myftique.    Aiant 
tiré  fur  les  idées  de   leurs  propres  diC- 
cours  un  faux  portrait  de  TEglifejils  mé- 
prifent  celle  qui  en  a  les  vraies  marques; 
&:lacaufe  de  leur  fcandale  eft  encore 
cette  mefme  croix  ,  qui  fit  autrefois  raé- 
conaoiTtre  fon  chef  aux  Iuifs;D  oii  nous 
avons  à  apprcndrCjmes  Freresjànous  af- 
fujettir  en  toute  humilité  à  l'Ecriture  de 
Dieu,* à  ne  point  prefumerd'eftre  fages 
au  delà  de  fcs  divins  enfeignemens  ;  &  à 
ne  chercher  ni  le  Chrift ,  ni  fon  Eglife, 
que  dans  les  defcriptions  qu'elle  nous  en 
a  faites.  Mais  je  reviens  ànôtre  Evange- 
lifte  ,  qui  pour  nous  montrer  combien 
étoituniverfelle  cette  profane  impiété 
des  luifs  contre lefus-Chrift  nôtre  Sau- 
veur, ajoute  qu'il  n'étoit  pas  jufques  aux 
brigans  crucifiez  avecque  lui ,  qui  ne  lui 
diflcatdes  outrages.Oùctoit alors  cette 

prétendue 


Yj^      De  h  Mort  du  Seigneur  I  £  s  v  S . 
prétendue  lumipre  de  l'Eglife,  qui  Imt 
toujours,  ace  que  difent  quelques-uns, 
dans  les  chaires  defes  Dodeurs5&  dans 
la  fuite  de  leurs  peuples  ?  Ici  le  Scribe  Ô^ 
le  Sacrificateur ,  les  premiers  &  les  der- 
niers du  peuple  blasfement  horriblcmét 
contre  le  Chrift  de  Dieu ,  &  tous  enlem- 
ble  fe  moquent  infolemment  deîui  &:  de 
fon  falut.    Vne  il  abominable  confpira- 
tion  ctoit-elle  la  depofitaire  de  la  foy  Ô5 
delà  veritè?N'eft-il  pas  évident  que  TE- 
glifeetoit  cachée,  ce  peu  de  fidèles  où 
elle  fubfiftoit,  n'ofant  paroiftre  dans  uns 
fi  violente ,  6^  fi  univcrfelle  perfecution? 
Au  refte  le  mot  de  hrigxnds  dont  S.  Marc 
ufe  en  ce  lieu  fignifie  Tordre  &:  le  genre 
de  tels  malfaideurs,  &  nô  chacun  d  eux 
en  particulier.   Il  veut  direfimplement 
en  gênerai,  que  cette  forte  de  gens  mci- 
me,que  le  reflentiment  de  leurs  forfaits^ 
&:  la  fouftrance  du  fupplice  devoir  avoit 
humiliez,  outrageoit  aufli  le  Seigneur, 
tant  cette  rage  croit  univerfclle  parmi 
ce  peuple.  Car  vous  fçavez  que  des  deux 
malfaiteurs ,  qui  furent  exécutez  auec- 
que  le  Seigneur,  Tun  fe  convertit mira- 
culeufement  à  lui ,  ^  redargua  les  blas- 
fcfmes  defoncompagaon^bien  loin  d'y 

adhc- 


Sermon     IL  i^ 

adherer,ou  d'en  proférer  de  femblabjes. 
lufques   icy  vous  avez  entendu  ^  mes 
Frères ,  les  outrages  des  hommes  contre 
leurScigneur.    S.  Marc  nous  raconte  en 
fuitele  reflentimentque  la  Natmxeuc 
defafouffrancejle  Soleil  s'étant  foudai- 
nement  caché,  &:  tout  le  pais  étant  de- 
meuré couvert  de  ténèbres    jufques   à 
neuf  heures.  Quand  ce  prodige  arriva  il 
étoit  (ix  heures  à  leur  conte ,  c  eft  à  dire 
midi  au  nôtre  ;  &  ce  jour  là  étant  le 
quatorziefme  de  la  Lune,  comme  il  pa- 
roift  de  ce  que  c'étoit  le  jour  de  Pafqucs^ 
la  Lune  étoit  en  fon  plein;  &  direde- 
ment  oppofée  au  Soleil  ;  c'eft  à  dire  ,  en 
une  telle  affîette  ;  que  félon   le  cours,  Se 
la  fuite   des  caufes  naturelles  5  il  n'étoic 
pas  poflîble  que  le  Soleil  fouffrift  de- 
clipfe,  puis  qu'il  ne  la  foufFre  jamais, 
quenlaconjondion  des  deux  luminai- 
res ,  quand  le  corps  de  la  Lune  s'inter- 
pofant  entre  le  Soleil ,  &  nôtre  terre, 
nous  dérobe  fes  rayons.D  où  s'enfuit  ne- 
ce(rairement,que  robfcurciffement  du 
Soleil  arrive  à  la  paflîon  du  Seigneur ,  a 
été  extraordinaire  ,  &c  furnaturel.    Il  y  a 
mot  pour  mot  dans  l'original,  que  tef^e^ 
hnsffre/it  faites  fur  toute  U  ttrre^y  ce  qui 

m        a  donne 


ioo. 


178  Be  ta  Mort  du  Seigneur  I E  s  V  S . 
a  donné  occafion  à  pluûeurs  anciens  5^ 
modernes,  de  croire  que  cette  eclipfe 
fut  univerfclle ,  &  qu  elle  couvrit  tout 
nôtre  hemifphere.  Mais  il  y  a  beaucoup 
plus  d'apparence  à  ce  que  tient  Orige- 
*  ^^JS'  ne%  &  qui  a  été  fuivi  par  l'Interprète  de 
inliJLnos  Bibles ,  que  les  Evangeliftes  par  toute 
i'^c.  27  la  terre  entendent  toutle  païsdeludée, 
'^^'^'  par  une  faflbn  de  parler  fort  commune 
en  l'Ecritureide  faflbn  qu'il  n'y  ait  eu  que 
le  malheureux  pais  où  fut  crucifié  le 
Seigneur,  qui  ait  fouffert  ces  ténèbres. 
Quelques-uns  prennent  ce  miracle  pour 
un  ligne  de  ce  qui  arriva  peu  apresjquâd 
le  refte  du  monde  jouïffant  de  la  con-î 
noiflance  de  Dieu,&:  de  fon  Chrift,la  lu- 
mière du  Soleil  myftique  ,  la  nation  àc% 
luifs  demeura  couverte  de  ténèbres 
cpaiflcs  de  l'ignorance  ^  de  l'erreur. 
Les  autres  le  prennent  pour  un  tefmoi- 
gnage  de  l'horreur  du  forfait  des  luifs, 
la  Nature  fermant  par  manière  de  dire, 
fcs  yeux  pour  ne  point  voir  une  impiété 
fi  exécrable.  Quelques  uns  eftimcnt  que 
le  Soleil  vifible  s'éteignit  pour  montrer 
que  IcSoleildelufticefoufFroit.  Quoy 
qu'il  en  foit ,  ce  prodige  fi  étrange  étoit 
unavertiffcmcntccleftepour  piquer  la 

ftupidicè 


Sermon     IL  179 

ftùpiditè  des  Iuifs5&:  les  réveiller  de  leur 
profond  afloupiflemenc  Et  en  effet  iî  leur 
endurcifTement  n'euft  été  prodigieux,  & 
tout  a  fait  irrémédiable ,  il  p/eft  pas  poili- 
ble>  qu'un  fi  épouvantable  enfeignement 
de  Tire  de  Dieu  fe  manifeftant  d'une  faf- 
fon  fi  terrible  par  cet  extraordinaire 
changement  des  voyes  de  la  Naturef 
n'euit  fait  quelque  impreilion  dans  leurs  ' 
cœursjpour  les  obliger  à  confiderer  Ôrla 
grandeur  de  ce  crucifié,  &  leur  propre 
impiété.  Mais  fi  l'obfcurciflement  duSo- 
ieil  vifible  nous  montre  Thorreur  de  cet- 
te croix  èc  de  cette  fouffrance,  la  voix  &C 
les  paroles  mefmes  du  Soleil  de  luftice 
nous  la  tefmoignent  encore  beaucoup 
plus  clairement  Car  TEvangeliftc  rap- 
porte, que  lefiis  aiant  paffé  trois  heures 
entières  dans  rignominie  ,  &  dans  les 
tourmens  )  s'écria  à  hauttf  voix  fur  les 
neuf  heures  i  c'eft  à  dire  environ  les  trois 
heures  après  tnidy  ^  Eloï  ^  Etûïjawmafa- 
hanhani  ,•  qui  font  paroles  Syriaques,  qui 
fignifient  comme  S.  Marc  les  interprète 
lui  mefine,  Mo^  Dieu ,  mon  Dieu  y  pourquoi 
mas  tu  Ahxnâonne  ?  Quelle  &:  combien 
terrible  doit  avoir  été  1  angoifle  de  cette 
iainte  ame,qui  lui  a  peu  tirer  de  la  bouche 

m     t  deé 


l8  o  De  la  Mort  du^  Seigneur  I  ]E  s  V  s . 
des  paroles  fi  ccranges  ?  Elles  avoient 
desja  été  confacréesàce  myftere  par  le 
Prophète  David,  qui  commence  ainfilc 
Pfeaume  ix.  où  il  décrit  la  paflfion  du 
Meilîedont  il  étoit  comme  vous  fçavez. 
Tune  des  plus  illuftres  figures.  Certai- 
nement fi  vous  ne  confiderez  que  les 
douleurs  du  corps  ,  divers  Martyrs  en 
ontfoufFert  de  plus  grandes  que  celles 
de  la  croix, fans  fe  plaindre,  que  Dieu  les 
euftdelaifîez.  Difons  donc  qu'il  y  a  eu 
autre  chofc  que  cela  dans  le  fupplice  du 
Seigneur  lefus,  &:  qu'outre  les  tourm&ns 
du  corps  jfonamea  encore  fouffert  au 
dedans  une  triftefle  épouvantable,  &: 
une  deftrefle  fi  grande  ,  qu'elle  euftétè 
capable  d  engloutir  mille  fois  fans  ref- 
fource  tous  les  autres  hommes  de  Tuni- 
verssau  lieu  que  lefus  par  fa  divine  vertu 
en  eft  forti  vidorieux  &  triomphant. 
Mais  fa  vidoire  n'empcfche  pas  qu'il 
n'ait  véritablement  reftenti  l'horreur  du 
péril  ;  ôi  qu'il  n'ait  été  faifi  dans  un  fi  ef- 
froiable  combat ,  de  toutes  les  innocen- 
tes douleurs  &c  émotions  ;  dont  fa  tres- 
fainte  nature  humaine  étoit  capable. 
Car  il  voyoit  l'ire  de  Dieu  allumée  con- 
tre le  pcchc,  dont  il  faifoit  l'cxpiarioni 

il 


Sermon     IL  i8i 

il  voyoit  la  malediftion  dénoncée  au 
genre  humain,  s*attachanc  à  lui,  qui  en 
ctoitle  pleige.Son  amcen  cette  rencon- 
tre étoit  meflée  de  divers  mouvcmens 
difFerens  ;  ^  coname  d'un  côté  elle  étoit 
vivcnîent  touchée  de  leffroy,  de  la  dou- 
leur, &  de  la  trifteffe  convenable  à  vnc 
natijire  fenfible  ,*  aulfi  de  l'autre  étoit  elle 
pleine  de  foy,&:  d'efperance,  &:  d'une 
afleurée  confiance  de  venir  à  bout  de  ce 
dur  combat.  Les  premières  paroles  de 
fon  exclamation  ,  Mo/j  Dieu  mon  Dieuj 
nous  reprefentent  ces  derniers  mouve- 
mens.  Car  ce  qu'il  l'appelle  fon  Dieu 
avecque  tant  d'ardeur,  répétant  ce  doux 
nom  par  deux  fois  coup  fur  coupjmontre 
qu'il  avoir  recours  à  lui  en  fon  angoifle, 
&:  fe  tenoit  afleurè  de  fa  protedion  fous 
l'abri  de  fon  bouclier.  Les  derniers  mots, 
fourquoy  niaé  tu  abandonne  ,  exprim.ent 
l'autre  mouvement;  &  nous  témoignent 
qu'en  cette  extrémité  il  étoit  atteint 
jufques  au  vif,  &:  ne  reflentoit  en  ce  rri- 
fte  moment  aucune  confolation,ni  re- 
confort de  la  part  de  fon  Père.  le  fçai 
bien  que  je  marche  ici  en  des  abyfmes; 
où  il  nous  faut  eftre  dautant  plus  rete- 
rius,que  quelques  uns  de  nos  adverfaires 

m     3  ont 


î8l  De  la  Mort  du  Sei^^eurltÈvs. 
pnt  pris  de  la  liberté  de  nos  expreflion5> 
pccafion  de  nous  calomnier.  Apres  avoir 
donc  proteftè  en  tome  humilité  ,  delà 
foiblelTe  de  nos  entendemens  &c  à  com- 
prendre ,  &ca  reprefemcrun  fi  grand  d£ 
lî  terrible  myftere  ,  nous  talcherons 
i^eanrmoins  de  vous  en  donner  quelque 
petit  cc!airciflemcnr,autnnt  que  nqus  le 
permet  la  brièveté  du  temps  qui  nous 
prefle.  Dieu  communique  deux  chofes 
à  la  créature  raifonnable  de's  cette  vicfa 
faintetè&fa  gIoire,chacune  félon  la  me- 
fure  convenable.  La  faintetè  confifte  en 
lafoy,  en  refperance ,  en  lacharitè;la 
gloire  eft  une  fouverainc  joye  &:  confo- 
ïation,qui  eft  comme  un  rayon  de  la  fé- 
licité dont  nous  jouirons  en  Pautre  fie- 
çle.  Dieu  ne  communique  jamais  la 
gloire  fans  la  faintetè  i  mais  fi  fait  il  bien 
par  fois  pour  un  temps,la  faintetè  fans  la 
gloirc,ricn  n'empefchant  qu'une  creatu- 
xc  faintenefoit  pour  quelque  temps  pri- 
vée de  toutfentiment  de  joye.  le  dis 
donc  que  ce  que  crie  ici  le  Seigneur,que 
Dieu  fa  abandonné,  fe  doit  entendre  à 
regard  de  la  féconde  communicationjôe: 
non  de  ia  première.  Quant  àlacharitè, 
^  à  la  foy  5  &  aux  autres  vertus  qui  çt\ 

depen- 


Sermon     IL  iSj 

<îepenclent,cllcs  ont  etè  toujours  fouve- 
xaines  en  lui.  L'influence  de  ces  divins 
rayons  du  Père  n  a  jamais  cefle  en  cette 
ame  fainte  &:  bénite,  non  pas  mefmes 
Ç)our  le  moindre  moment.  Mais  quant  à 
cette  grande  lumière  de  joye  ,  que  nous 
avonsappelléeg/wf  5  il  n'en  eft  pas  de 
mefme.  Dieu  la  lui  avoir  communiquée 
en  abondance  durant  tout  le  refte  de  fa 
vie  y  faifant  inceflamment  reluire  dans 
fon  cœur  une  douce  &  agréable  image 
des  contentemens  du  paradis,  dont  le 
reflentiment  furpaffe  toutes  les  penfées 
de  nos  entendemens^à  raifon  de  quoy 
S.  Pierre  la  nomme ,  u^e  joye  glorieufe  (^  ^^^^^^^ 
ineffable.  Mais  quand  il  entra  dans  le 
combat  de  fes  dernières  foufFrances ,  où 
il  fut  fait  pechè  &:  maledidion  pour 
iious,Dieu  alors  retira  de  cette  ame  tres- 
fainte  le  rayon  de  cette  glorieufe  joye, 
qui  y  avoir  toujours  relui  jufques  alors,-dc 
forte  qu'en  étant  privée,elle  perdit  pour 
l'heure  les  fentimens  de  toute  joye  pre- 
Xentc ,  lui  reftant  feulement  Felperance 
de  la  joye  future.  Mais  les  tourmens  que 
fouffroit  le  Seigneur  ,  détournant  fon 
cfprit  delaconfiderationdeTavenir,  bc 
l occupant  tout  entier  dans  le  reflenti- 

m     4        ment 


îS4  TieU  Mort  du  Seigneur  I  e  s  v  s  ^ 
inent  de  la  douleur,  de  là  vint  Icxtre- 
me  triftcffe  &:  angoifle  où  il  fut  réduit. 
Ceft  ce  que  nous  témoigne  cette  amcrc 
complainte  ;  Mon  Dieu^mon  Dieufourqiwy 
moé-tuahuridonne.  L'Evangeliftc  la  rap- 
porte en  Syïiîi^uc  ,  Elot\  Elût,  Ummâfa- 
ha^hmi-,  afin  de  nous  faire  comprendre 
ce  qu'il  ajoûcc,  quele  rapport  des  pre- 
miers mots  ,  Elot^  Eloi  ,  c  cft  à  iintmon 
J^ieumon  T>ieu,2LVcc  le  nom  d'Elie  donna 
occafion  à  quelqu'un  des  afllftans  de 
dire,  que  lefus  appel/oit  Elie  i  ^  gjue  quel- 
cjHun  accourant  emplit  une  éponge  de  vinai- 
gre,é  l^  ayant  mije  a  lentour  à  un  rofeau ,  //// 
en  hxilla  a  hoire-^difant^Voyonsfi  Elle  viendra 
pourToter.  Il  y  en  a  qui  eftiment  que  ce 
fat  quelqu'un  des  foldats  Romains  qui 
n'entendant  pas  le  Syriaque,&:  ayant  oiii 
parler  d'Elie  parmi  les  luifs  ,  s'imagina 
que  c'ctoit  lui  que  le  Seigneur  appelloit 
en  criant,  Eloï,  Eloï.  Les  autres  veulent 
queç'aitetèunluif^qui  par  malice,  &: 
non  par  ignorance  ait  ainfi  pris  les  paro- 
les du  Seigneur  à  contrcfens,dctournan^ 
à  Elie,ce  qu'il  entendoit  de  Dieu  ;  comc 
de  vray  nous  ne  fçavons  que  trop  com- 
bien les  adverfaires  de  la  vérité  font  en- 
clins àtodrelesplusfimples  &:  les  plus 

.  clairs 


s  E  R  M  O  N      1 1.  l8j 

clairs  langages  de  ceux  qui  en  font  pro- 
felTion  5  pour  en  tirer  des  fens  ou  faux  5c 
fcandaleux,  ou  impertinensà:  ridicules. 
Quoi  qu'il  enfoitccs  mal-heureux  gar- 
nemens  tournèrent  en  rifée  cette  fauitc 
&  terrible  voix  du  Fils  de  Dieu  ,  qui  de- 
voir les  faire  trembler  d'horreunde  forte 
qu'au  lieu  d*en  eftre  tant  foit  peu  tou- 
chez, ils  continuèrent  leurs  infolences 
jufques  au  boutj&  pour  dernier  mets  lui 
fervirent  du  vinaigre  dans  une  éponge 
liée  à  Tentour  d'un  rofcau  ^  pour  accom- 
plir ce  que  David  avoir  prophetizè  tant^^  . 
de lieclcs  auparavant 5  quand  parlant  en 22. 
la  perfonne   de  Chrift  au  Pfcaume  65?. 
Ils  mont  donne ,  dit-il ,  du  fiel  en  mon  répits^ 
é"  €n  mafoifHs  mont ahhreuiJe  de  vinaigre. 
Car  les  autres  Evangeliftes  difent  notam- 
ment que  le  Seigneur  avoir  dit  ^l'aifoif: 
d'où  paroift  que  ce  breuvage  étoit  autre 
que  le  premier  mixtionnè  avec  de  la 
myrrc,dont  nous  avons  parle  au  com- 
mencement.  Saint  Marc  ajoute  qu'après 
avoir  fouffert  tant  de  douleurs,  ôc  d'indi- 
gnité z  5  ayant  jette  un  grand  cri^  il  rendit  fi- 
nalement  iej^rit.    Ce  cri  témoigna  qu'il 
ne  mouroit  pas  comme  les  autres  ,  par 
line  fimple  neccflîtè  de  la  nature,  qui 

mattce 


l8^  De  la  Mort  du  Sei^neurlz^y  %1 
mattce  par  les  tourmcns  perd  peu  à  peu 
toutes  fes  forces ,  &  fuccombe  enfin  à 
la  douleur,  mais  pluftoft  par  la  libre  di- 
fpofition  de  fa  volontè,à  laquelle  il  n  euft 
pas  été  plus  difficile  de  le  tirer  de  la 
croix,quede  lui  donner  la  force  de  jetter 
un  tel  cri  dans  cette  extrémité.  Mais  fc 
contentant  d*âvoir  montré  cet  échan- 
tillon de  fa  divine  puiffance ,  pour  ache- 
ver fon  facrifice,  cette  divine  hoftie  ren- 
dit enfin  l'efprit  entre  les  mains  du  PereJ 
Gar  puis  que  la  mort  étoit  le  gage  du 
péché  5  il  étoit  neceflaire  que  nôtre  plege 
la  fouffrift.afin  d  afïeurer  nôtre  foy  ic  nos 
cfperances,&  d  accomplir  tant  les  preu^ 
ves  de  fa  charité ,  que  les  exemples  de  fa 
patience. 

VoihjFreres  bicn-aimez,  ce  que  nous 
avions  à  vous  dire  pour  cette  heure,fur  la 
paffion  du  Seigneur  lefus.  Lui  mefme 
vueille  avecquele  doit  de  fon  Efprit  gra- 
ver toute  cette  fainte  &  myfterieufe  hi- 
ftoiredans  nos  cœurs;  y  planter  fa  croix; 
y  enfoncer  fes  doux  &  fcs  efpines  s  y  ver- 
fer  fon  fang  précieux  ;  y  portraire  au  vif 
l'image  de  Tes  tourmens,dc  fes  douleurs, 
de  ics  angoiffes  &  de  fa  morts  afin  que 
tiOTX  feulement  ce  )oûrd'hui,mai5  tous  les 

aPtres 


Sermon     II.  187 

autres  encore  jufqu'au  dernier  de  nos 
foûpirs,nous  ayons  ee  divin  crucifié  de- 
vant nos  yeux  i  que  nous  ne  penfions,  &: 
n'aimions  que  lui  ;  que  fa  paffion  foit  nô- 
tre entretien ,  &  fa  mort  nos  délices  5  &: 
fa  croix  la  règle  de  le  patron  de  toute 
nôtre  vie.  Ce  crucifiè,mes  Frères,  cftle 
fcandale  du  Iuif,ôi:  la  moquerie  du  Gen- 
tih  Maisc'eftla  puiflance  de  Dieu  ;  le 
grand  myûere  de  fa  bonté  &  de  fon 
amour  envers  les  hommes  :  letreforde 
fafapience  ,  où  habite  corporellcment 
Ja  plénitude  de  toute  la  divinité.  Aufli 
voiez  vous  que  S.  Paul,  ce  grand  Apôtre, 
ravi  jufqu'au  troifiefme  Ciel  ,  après  le 
commerce  des  Anges,  ôdlaveuedupa- 
radis,&:  la  connoiflance  des  fecrc  ts  inef- 
fables,ne  veut  ni  ne  fe  propofe  de  fçavoir 
autre  chofcjque  lefus  Chrift  crucifié.  Et 
de  vray  qu'y  a-t'il  de  neccflaircfoit  pour 
nôtre  fanftification,  foit  pour  nôtre  con- 
folafion,que  cette  croix  du  Seigneur  ne 
nous  fournifle  en  abondance  ,  comme 
une  vive  fourcc  de  tout  bien  ?  Permet- 
tez moy  pour  la  fin  de  vous  en  toucher 
brièvement  quelques  exemples.Premie- 
rementjCette  palfion  du  Seigneur  vous 
fîîontre  combien  le  pechè  eft  horrible; 


lS8  De  U  Mort  du  Seigneur  I  e  s  v  s . 
qui  n'a  peu  eftre  expié  que  par  un  fi  pro- 
fond aneantiflement  du  Fils  de  Dieu. 
Cette  pefte  cft  fi  maligne  ,  que  pour  la 
guérir  il  a  fallu  boûlcverfer  toute  la  na- 
ture 5  depuis  le  plus  haut  des  cicux  ,juf- 
ques  aux  plus  profonds  abyfmes.  Il  a 
fallu  qu'un  Dieu  fe  fift  homme  ,  que  la 
gloire  fuft  changée  en  ignominie,  que  le 
Prince  de  vie  s'afliijcttift  à  la  mort  5  que 
lun  & lautre  Soleil fouffrift  une  horrible 
cclipfe,  que  le  Saint  des  Saints  pendift 
entre  deux  voleursj&:  que  le  Fils  unique 
&  bien  aimé  fuit  abandonné  du  Perc 
cternel.  Chre'tien,  quel  commerce  pou- 
vez vous  plus  avoir  avccque  le  pechè, 
après  avoir  reconnu  qu'il  eft  d'une  fi 
maudite  &:  fi  deteftable  nature?  Chan- 
gez, changez  en  haine  &  en  horreur 
contre  lui  tout  ce  que  vous  avez  eu  de 
pitié  pour  vôtre  Sauveur.  S'il  vous  a 
fâché  de  voir  ce  Saint  &:  innocent 
Agneau  entre  les  mains  des  iniques  i  fi 
fon  fang  coulant  de  tous  cotez  par  les 
playcs  de  fespieds&:  defes  mains  vous 
a  donné  de  la  douleur  ;  fi  vous  n'avez 
peu  ouïr  fans  indignation  les  moqueries, 
les  outrages ,  &:  les  infolences  de  cCS 
garnemcns  de  luifs  contre  leur  fouve- 

rain 


Sermon     II.  18^ 

rain  bien-faiceur  '•>  fi  les  ténèbres  dont  le 
ciel  fe  noircit,  &:  les  triftes  àc  épouvan- 
tables paroles  duSeigaeiirjVâWJS  ontfaifi 
d'une  jufte  horreur  ;  penfcz  que  le  pcchè 
eft  la  feule  caufè  de  tout  ce  dcfordre. 
Mais  cette  mefme  méditation  doit  auffi 
confoler  les  pauvres  pécheurs  i  &  les  af- 
feurer  que  quelque  énormes  que  foienc 
leurs  crim es,  ils  en  treuveront  la  remif- 
fion  en  lefus-Chrift.    Car  je  vous  prie, 
quelle  iniquité  y  a-t'il  au  monde,qu'unc 
fiplene  &  fi  entière  fatisfaûion  n'ait 
purgée  ?   Quelle  peine  peuvent  mériter 
les  plus  horribles  péchez  \  que  le  Sei- 
gneur n*ait  acquittée?  la  honte,  la  dou- 
leur ^  l'opprobre,  la  nudité,  les  coups,  les 
playes  ?  Il  a  foufFei  t  rangoifle,la  malcdi- 
â:ion,lamort  ,  &  eft  demeuré  dans  cet 
abyfme  d'ignominie  près  d'un  jourèn- 
tier,depuis  l'heure  qu'il  fut  pris,  jufques  à 
celle  qu'il  rendit  l'efprit.     Il  a  foufFerc 
tout  cela  avec  une  patience  ,  douceur, 
foûmiffion  ,    &   humilité   nompareille, 
ayant  ravi  en  cet  état  Dieu  &  les  Anges, 
dont  il  étoit  Tunique  fpedacle.  Ne  crai- 
gnez donc  point,  pécheur.    Approchez 
déformais  du  trône  de  Dieu  avec  affeu- 
rance,  puis  que  vous  eftes  couvert  d'une 

fi  par- 


190  De  U  Mort  dti  Seigneur  I E  s  v  S . 
fi  parfaite  juftice ,  &  muni  d'une  fatisfa^ 
ftion  fi  accomplie.  Apprenez  aufli  de 
cette  croix,mes  Frères ,  quelle  a  ctè  Ta- 
mour  de  Dieu ,  &  de  fon  Chrift  envers 
nous.Le  Père  nous  a  donne  fon  Fils  uni- 
que, c'cft  à  dire  un  joyau  mille  fois  plus 
précieux  ,  que  n'eft  le  ciel  &  la  terre 
avecque  toute  la  plénitude  de  leurs  ri- 
chefTes.  Il  ne  nous  l'a  pas  Amplement 
donne  :  il  Ta  livré  à  la  mort  pour  nous; 
il  a  permis  que  pour  nous  il  fouffrift  tou- 
tes fortes  d'horreurs  &:  d  outrages  i  II 
nous  a  affedionnez  jufques-là ,  que  pour 
nous  avoir  &^  nous  unir  avec  foi ,  nous 
qui  de  nature  fommes  enfans  d'ire,  il  a 
en  quelque  faflon  abandonné  le  Fils  de  fa 
dileftion.  Et  ce  divin  Fils  s'eft  volontai- 
rement foûmis  à  ce  confeil  de  fon  Perej 
ileft  defcendu  dans  nos  abyfmes  pour 
nous  en  tirer  3  il  areceu  fur  fa  pcrfonne 
innocête  tous  les  coups  que  nous  avions 
méritez ,  pour  nous  en  délivrer  j  il  a  ré- 
pandu fon  fang  pour  conferver  le  nôtrej 
&n*a  point  refuse  d'eftrc  fait  maledi- 
ftion  ,  afin  que  nous  fuflions  bcnits.  O 
incomprchenfiblc  amour  1  ô  divine  &: 
ineffable  aiïcaioniô  cœurs  plus  dursque 
Icmatbrc  &:  facicr  ,  fi  nous  n'avon$  du 

teffen- 


SERMON       IL  191 

reffentiment  d'une  bonté  &c  d'une  grâce 
fi  mcrveilleufc  !  fi  nous  ne  faifons  tout 
ce  qui  nous  fera  poflîble  pour  la  gloire  dô 
celui,qui  a  tout  fait  &  foufFert  pour  nô- 
tre falut  /  Mais  cette  mefme  penfee  nous 
doit  auffi  infiniment  confoler  par  Tafleu- 
rance  qu'elle  nous  donne  de  l'amour  de 
Dieu  envers  nous.  Que  craignons  nous 
plus  déformais  ?  Qui  nous  a  donné  foa 
Fils  unique  ,  que  nous  peut  il  plus  refu- 
fer  ?  Qui  n'a  pas  épargné  fon  fang  pour 
nouSjdcquoy  nous  fera-i'il  chiche?Mife- 
rable  incrédulité ,  pourquoy  outrages- tu 
un  fi  bon  Dieu  en  te  défiant  de  fa  grâce? 
Comment  un  fi  clair  &  fi  admirable  en- 
feignemêt  de  fon  amour  ne  t'à-t-il  point 
encore  perfuadè,  qu'il  n'y  a  point  de  bil 
qu'il  ne  te  vueille,  ôc  qu'il  ne  te  fafle  en 
effet ,  pourveu  feulement  que  tu  ayes  Iç 
courage  de  le  croire,  &  de  l'attendre  de 
lui?  Mais,chers  Frères,  fouvenez  vous 
auffi  pour  la  fin ,  que  ce  divin  crucifié  efl 
le  patron  de  nôtre  vie  i  le  moule  (ur|le- 
quel  nousfommesjcttez,&  auquel  nous 
devons  eftre  rendus  conformes  :  bc  cela 
en  deux  fafTons.  Premièrement  à  l'é- 
gard de  TaneantifTement  &C  de  la  fouf- 
france  >  Et  fccondement  à  l'égard  de  la 

patience 


ï^L  De  la  Mon  du  SeigneMr  I  e  s  v  s. 
patience  &  de  Tinnocence.  Chaflez  de 
vos  cœurs  cette  fauffe  imagination  ,  que 
TEglife  doive  profperer  en  la  terre  ?  Soa 
chef  y  a  été  crucifié,  perfecutè  &:  outragé 
par  toutes  fortes  de  gens,  de  grande  &:  de 
petite  condition. N'attendez  pas  une  con- 
dition meilleure  que  celle  de  vôtre  Mai- 
ftre.  Préparez  vous  à  fon  combat  fi  vous 
defirez  d'avoir  part  en  fon  triôphe.  Mais 
fuportez  ces  épreuves  d'une  faflbn  digne 
de  luij-dans  une  conftâte  innocencejdou- 
ceur,&  debonairetèjfans  murmurer  cotre 
Dieu,  fans  vous  irriter  contre  les  hômes. 
Et  pour  cet  effet  attachez  à  la  croix  de 
vôtre  Sauveur  tous  les  membres  de  vôtre 
vieil  hommei  les  tranfperçant  genereufe- 
ment  avec  fcs  doux,  6c  fes  épines  ;  mor- 
tifiant par  la  méditation  de  fes  foufFran- 
ces  toutes  les  affedions  charnelles  &:  ter- 
reftrcs  de  vosaraes,  l'ambition, lavarice^ 
la  volupté,  la  luxure,  la  gourmandife,  l'y- 
vrogaerie,  la  haine,  Tenvicle  defirde 
vangeance,&:  autres  fcmblables,  pour  vi- 
vre fainrement,  jufl:ement,fobrement,  6c 
religicu{emenr;afin  qu'après  avoir  eu  part 
en  la  croix  du  Seigneur  Icfus  ici  bas  en  Ja 
terre ,  vous  l'ayez  aulfi  un  jour  là  haut  au 
ciel  en  fon  éccrnelle  gloire.   Amen. 

DE  LA 


DE    LA 

RESVRRECTION 

DE   NOTRE   SEIGNEVR 
lESVS-GHRIST. 

SERMON   PREMIER. 

Sti'r  le3  verfets  15. 14.  i  j.  lé.  17. 18. 19.  lo, 
zisf,  2X.  15.  14.  15.  26.  &  17.  du 
Chap.XXIV.derEvangile 
félon  S.  Lvc. 

13;  Or  voici  deux  dentreux  et  oie  m  en 
chemin  en  ce  mefme  jour  ^pour  aJkren  vnc^ 
botirgade^  nommée  E^mmam  -,  laque /h  et  oit 
loin  de  lemfalem  d' environ foîxantejlades. 

14.  Lefcjnels  devifoient  entreu x  de  toutes 
ces  chofes ,  cjui  étoient  avenues. 

15.  Avint  donc  comme  ils  devifoient  é" 
en  conféraient  entreux-,  cfuelefus  aufilui- 
mefme  s' étant  approche  fe  mit  a  cheminer 
avec  eux. 

1(3.  Mats  leurs  yeux  étoient  retentts^qu  ils 
ne  le  peuffcnt  reconnotsirç^, 

17.   Et  il  leur  dit ,  ^elsfont  ces  propos -, 

n  que 


19 4  ^^  l^ Refurre5îio?i du Seig^eurli^ s vs." 
^ue  V0U6  tenez  tntre  voks  en  cheminant ,  C' 
fourquoy  eHes  vous  triHes^. 

18.  Alors  Cun deux  qui avoit  nom Cleo^ 
fas ,  ré  fondit  é*  lui  dit  >  Es-tu  fe  ut  étranger 
en  lerufalem  5  qui  ne  [caches  foint  les  chofes, 
qui  y  font  avenues  ces  jours  ci  ? 

19.  Et  il  leur  dit ,  ^ue/Ies?  ils  répondi- 
rent 5  Touchant  le[u6  le  Nazarien ,  qui  a  été 
homme  Prophète  ^puijfant  en  œuvres  é'  ^^ 
faroles  devant  Dieu ,  &  tout  lepeuplç_j, 

20.  Et  comment  les  principaux  Sacrifia  , 
tateurs  (jr  ^os  Gouverneurs  l'ont  livré  en  con- 
damnation  de  mort  ^  l'ont  crucifié.    ^ 

21.  Or  ejperions  nous  que  cefuH  celui  qui 
devoit  délivrer  ifra'él ,  é'  encore  avecquç^ 
tout  cela  celi  aujourd'hui  le  troifiefme  joury 
que  ces  chofes  font  avenues. 

22.  Maà  au  fi  quelques  femmes  des  nôtres 
nom  ont  grandement  étonnez ,  qui  ont  été  de 
grand  m<itin  au  fepulcre. 

23 .  Et  n  ayant  point  treuve  fon  corps  font 
venue  s -^  disant ,  que  me f me  s  elles  avoient  veu 
une  vifion  d'Anges  ,  qui  di fuient  ,  ^il  ejl 
vivant. 

2  4 .  Dont  aucuns  des  ho  très  font  a/te^  até 
fepulcre  j  ér  ont  treuvé  atnfi  que  les  femmes 
avoient  dit\  mAis  quxnt  i  /«/,  ils  ne  l'ont 
point  veu.  * 

25.  Alors 


s  E  H  M  O  N     I.  19^ 

15,  Alors  il  leur  dit ,  gem  dèpourveus  dé 
fi/7s  5  dr  térdifs  de  co^ur  a.  croire  a.  toutes  les 
chofes ,  cjtte  les  Prophètes  ont  annoncée  si 

2.6.  Nefailoit-îlfasque  le  Chrijl  fouf- 
frift  ces  choses  ,  ér  ^ftainfi  il  cntrajl  en  fa, 
gloires  f 

17.  Puis  corfîmençant  par  MoïÇe ,  é'  7^^- 
V:int  par  tom  les  Prophètes ,  //  leur  âeclaroit 
en  tomes  les  écritures  les  cl^ojes  qui  étoieni 
de  lui. 


Hers  Frères  , 


Cette  refurreâion  du  Seigneur  lefus^ 
idont  nous  cieiebrons  la  mémoire ,  con- 
tenant la  dçmonftrationde  fà  divinité^ 
lajuftification  de  Ton  Evangile^lappuy 
&  le  fondement  de  nôtre  foy,  il  acte 
extremenient  important  &  pourfa  gloi- 
re, «5^  pour  nôtre  falut,  qu'elle  fuft clai- 
rement S:  certainement  approuve'e  aux 
Saints  Apôtres,  qui  en  ont  écè  les  jur^ 
^  authentiques  témoins.Ceft  pourquoy 
le  Seigneur  lefus  après  eftre  forti  du  fc- 
pulcre,a  voulu  demeurer  quarante  jours 
avec  eux  ici  bas  en  terre  j  avant  que  de 

h     X        moncet 


1^6     De  la  Refurr,  dit  Seig^enr  Ies  v  s.^ 
monter  au  ciel  i  fe  montrant  familiicTe- 
ment  à  CUX5&  leur  donnantdurantcd 
temps- làjtoutes  les  preuves  les  plus  évi- 
dentes &:  les  plus  fenfibles  de  la  vrayc^ 
divine ,  &:  celeftc  vie,  en  laquelle  il  s*é- 
toit  rétabli  par  fa  main  puiflante  ,  ayant 
vidorieufement  rompu  les  liens  de  la 
mort.Ec  les  Evangeliftes  pour  nôtre  édr- 
fication  tc  confolation  nous  en  ont  dili- 
gemment reprcfentè  Thiftoire  dans  leurs 
livres  ,  oii  nous  contons  jufques  à  dix 
apparitions  du  Seigneur  à  (es  difciples 
depuis  fa  rcfurredion.  Il  fc  montra  pre- 
tMAYc  mierementàMarie  Magdelene  ;  "&  in- 
'^^-   ,  continent  après  à  elle,  &  à  l'autre  ^  Ma- 
28-9-     ^^^  '  P"^^  1^  meime  jour  a  Cleopas  ôd  à 
c  M,xrc  un  autre  difciple  fur  le  chemin  de  leru- 
Lc24.  f^l^ni  à  Emmaiis.  *^  Puis  il  s  apparut  à  S. 
»;.        Pierre;  "^ôi  en  fuitte  àtouslesonze  Apô- 
^f'"^'   très  affemblez   en  mefme  lieu.  ^  Huit 
<  ^uh.   jours  après  il  fe  montra  encore  à  eux, 
^^■'^'     quand  il  guérit  l'incrédulité  de  Thomas; 
La  fepiiefme  apparition  eft  defcriteau 
vingt-uniefmc  de  Saint  lean,  quand  ilfc 
prelenra  à  Pierre5&:  A  divers  autres  difci- 
^    ,     pies  furies  rives  du  lac  de  Tiberias/ La 
,.         huitiefme ,  quand  il  affcura  fes  difciples 
en  Galilée,  &  fut  adore  d'eux  tousjcomc 

le 


s  E  K  M  O  N     I.  197 

le  raconte  S.  Matthieu  à  la  fin  de  fon 
Evangile.  La  neuviefme  eft  celte  donc 
parle  Saint  Luc  en  ce  mefme  chapitre,  ^  ^  ^ 
d  ou  nous  avons  tire  notre  texte ,  quand 
le  Seigneur  leur  donna  la  commilîion  de 
prefcher&de  convertir  le  monde.  Et^ 
la  dernière  fut  celle  de  la  montagne  des 
oliviers  '*  où  il  les  mena,  &:  après  leur**  ^^^ 
avoir  donné  divers  ordres ,  fc  retira  de  ^' 
la  terre  au  ciel, étant  en  leur  prefence  &: 
(bus  leurs  yeux,  vifiblement  enlevé  fur 
«ne  nue.  Et  il  y  a  bien  de  lapparencc 
qu'outre  tout  cela  il  fe  manifefta  encore 
en  d'autres  manières ,  veu  que  S.Paul  au 
quinziefme  de  la  première  Epître  aux 
Corinthiens  nous  apprend  qu'il  avoic 
auflî  été  veu  dç  Iaques,&:  de  plus  de  cinq 
cent  frères  à  une  féale  fois.  Comme  le 
S.  Efprit  a  pris  le  foin  de  configncr  ces 
apparitions  du  Seigneur  dans  Çqs  Ecritu- 
res ;  auffi  devons  nous ,  chers  Frères,  les 
méditer  diligemment ,  pour  affermir  de 
plus  en  plus  dans  nos  cœurs,  la  créance 
defarefurreûionjla  vive  &:  unique  four- 
ce  de  toute  la  joye  &:  fainteté  des  âmes 
fidèles.  Cette  apparition  nommément 
dont  nous  vous  avons  leu  Thiftoire  ,  eft 
Tune  des  plus  illuftres;&:  où  le  Seigneur 

n     5        donne 


}^i  De  la  Refurr.  du  S.€tgneur  I  e  s  v  s . 
4onneàfes  bien- aimez  difciplesd'auiîî 
clairs  enfeignemens  de  fon  amour ,  de  la 
bocc,&:  de  (a  fàpience  divine. Employons 
donc  cette  journée  à  la  confidcrcr  i  &:  y 
xemarquons  avec  une  faintc  attention 
tout  ce  que  TEvangeliftc  nous  y  propofe. 
11  nous  en  reprefence  premieremêt  1  oc- 
cafion  5  un  voyage  de  deux  des  difciples 
du  Seigneurs  puis  la  manière,  donc  le 
Seigneur  fe  joignit  à  eux  fur  le  chemin 
fans  qu'ils  le  connufTent  ;  &  en  fuite  leur 
entretien.  Ce  font  les  principaux  points 
que  nous  toucherons  en  cette  adion,!! 
Dieu  le  permet.  Icfus,qui  daigna  hono- 
rer la  compagnie  de  CCS  deux  difciples 
de  la  preTepce  de  fon  corps ,  vucille  fa- 
vorifer  nôtre  affemblée  de  celle  de  fon 
Efprit5&  fe  treuver  ici  au  milieu  de  nous, 
^  nous  découvrir  Tes  niyftcres  ,  &  infpi- 
rerfon  divin  feu  dans  nos  cœurs,  afin 
qu  embrafez  d  une  vive  foy,  &  d'une  ar- 
dente amour,  nous  laiffions  là  nôtre  Em- 
malis^pour  nous  rendre  en  fa  lerufalem, 
nous  joindre  à  la  compagnie  de  iç.s  bien- 
heureux difciples ,  &:  ne  vaquer  défor- 
mais toute  nôtre  vie  à  autre  chofe ,  qii*à 
prcfcher  les  merveilles  de  fa  gloire. 
Ainfifoit-il. 

L'Evangc- 


Sermon     L  i^^ 

L'Evangelifte  nous  apprend  exprefle- 
menc,  que  Tun  de  ces  deux  difciples  à  qui 
le  Seigneu»  s  apparut ,  étoit  Cleopas.  II 
nous  taift  le  nom  de  l'autre  ;  &  quelques 
anciens  devinent  que  c'étoit  S.  Luc  s  les 
jk^  autres  Nathanaël.Mais  quant  à  S.  Luc,ce 
qu'il  dit  a  l'entrée  de  fon  Evangile,  qu'il  a 
appris  ce  qu'il  en  e'crit,  de  ceux  qui  l'ont  ^^  ^^ 
veu  dés  le  commencement ,  &:  ont  été 
miniftres  de  la  parole  ,  femble  induire 
qu'il  n'avoir  pas  veu  ces  chofes  lui  mef- 
me.  Et  quant  à  Nathanael,  la  conjedure 
n'en  eftfondéç?  que  fur  la  feule  imagina- 
tion de  ceux,qui  la  mettent  en  avant.  Le 
ineilleur  &c  le  plus  feur  eft  de  retenir  nô- 
tre curiofitè  dans  les  bornes  de  l'Ecritu- 
re, pour  ignorer  patiemment  ce  qu'elle 
ne  nous  a  point  déclaré  i  Au  lieu  de  per- 
dre Je  temps  à  rechercher  curieufemenc 
ce  qu'elle  taift,  employons  le  pliiroftà 
méditer  utilement  ce  qu'elle  nous  a  ex- 
primé. Cleopas  donc  &:cét  au^redifci- 
pie , 4c  qui  |ious  ignorons  le  nom ,  après 
avoir  entendu  le  rapport  des  femmes, 
qui  avoiçnt  viGtè  àés  le  matin  le  fcpulcre 
du  Seigneur ,  partirent  ce  mefme  jour  de 
leriifalem,  pour  venir  en  une  petite  ville, 
nommée  Emmaiis.  Ccft  celle  qui  depuis 

.n    4        fut 


loo  Be  la  Refurr.  du  Seigneur  Ie s  v g. 
fut  appellée  Nicopolisi  &  l'Evangelifte 
nous  avertit,  qu^clle  n'écoit  qu'à  (oixante 
ftades  de  Icrufalem,  c'eft  à  dife  fcpt  mil- 
les &  demie  ,  ou  trois  ou  quatre  de  nos 
licuës.  Car  les  huit  ftades  font  un  millc^ 
&  les  deux  milles  font  environ  une  de 
nos  lieues.  Il  eft  mal-aisè  de  dire  quel 
croit  le  deflein  de  ce  voyage  ifi  cétoit 
quelque  affaire  domeftique  ,  qui  les  tiroit 
là  5  ou  la  peur  des  Iuifs,qui  les  chaflbit  de 
lerufalem.  Tant  y  a  que  cetélbigneraent 
cft  une  preuve  de  leur  infirmité. Carapres 
les  predidions  de  leur  bon  Maiftre,  &  les 
témoignages  de  ces  femmes ,  qui  affeu- 
roient  que  fon  corps  n'ctoit  plus  dans  Te 
fepulcre ,  c'eft  merveille  que  leur  foy ,  &; 
lamour  qu'ils  portoient  au  Seigneur  le- 
fus,  leur  ait  peu  permettre  de  fe  retirer 
avant  que  d*cftre  entièrement  éclaircis 
de  fa  refurredion.  Mais  c  eft  un  des  traits 
de  nôtre  impatience  naturelle.  Si  Dieu 
diffère  tant  foit  peu  les  bénéfices ,  que 
nous  attendons  de  lui,  nous  en  perdons 
incontinent lefperancc. Ainfi Moïfe  ayâc 
un  peu  tarde  fur  la  montagne,  Ifraël  s'i- 
piagina  incontinent,  qu'il  ne  retourne- 
roit  plus  ;  &:  cette  folle  pcnfée  les  précipi- 
ta dans  ndolatric.  Ces  difciples  fembla- 

blçm^l 


Sermon     I.  loi 

blement  voyant  luire  le  troifiefmejour 
fans  leur  rendre  le  Seigneur  Iefus,partenc 
auflî  toc  de  lerufaleni  ?  fans  fc  donner  la 
patience  d'attendte  la  fin  de  cette  jour- 
ïiécj  qui  etoit  venue  à  la  vérité  ,  mais  n'é- 
toit  pas  encore  paflce.Tant  y  a  que  fi  leur 
foy  &  leur  pièce  etoit  aftoiblie  ,  elle  n'é- 
toic  pourtant  pas  cceince  ;  &:  fi  la  doute 
&  Timpatience  tira  leurs  corps  de  ces 
funeftes  lieux, oi^i il a'voienc  veu  fouflrir 
le  Sauveur  du  monde,  elle  n'en  peut  ar-^ 
racher  leurs  efprits.  Ils  emportent  leru- 
falem  ,  &  leur  lefiis  avec  eux  j  &  en  ont 
Famé  tellement  plene ,  qu'ils  ne  pitavent 
durant  le  chemin,  ni  fe  taire,  ni  parler 
d'autre  chofe.  ils  devifoient  entreux ,  die 
S.  Luc,  de  toutes  ceschofes  qui  et  oient  ave- 
nuèsAo,  la  mort  de  leur  Maiftre,  de  fa  fe- 
pulture,  de  la  fuicte  de  fes  difciples,  &: 
des  difcours  de  Marie  Magdelene  &  des 
autres  femmes.  Et  là  deflus  fans  doutai 
leur  revenoient  en  Tefpric  les  merveilles 
qu'ils  avoient  ouïes5&:  celtes  qu'ils  avoiêc 
veuës,avant  la  mort  de  lefus ,  fa  fageflfe, 
fa  puiflance ,  fa  gloire  i  &  puis  {ç,s  infirmi- 
tez5&:  fes  opprobres  ;  les  contraires  argu- 
nicns  de  leur  efpoir,  &:de  leur  crainte. 
Qç%  objets  fi  différents  les  encretenoienr, 

leur 


201  Be  U  Refurr,  du  Seigneur  I  e  s  v  s . 
leur  relevant,  ô^  leur  abbatant  le  courage 
tour  à  tour.Quand  ils  penfoient  à  tant  de 
faintetè^&c  de  fagefle,  à  tant  de  miracles,, 
&:  à  tant  de  bonté ,  qrfils  avoient  veu  &: 
rouchèen  lefusChrift,  ils  nepouvoienc 
quitter  la  créance  qu'ils  avoient  eue  de  fa 
grandeur, ni lefperance  des  biens,  qu'ils 
s'en  étoient  promis.  Mais  Thorrcur,  la 
ïiontejlamortjlefepulcrejOÙ  ils lavoienc 
veu  depuis  trois  jours,leurarrachoicnt  in- 
continent ces  douces  penfées  de  refprit, 
&  les  faifoient  difparoiftre,  comme  fi  ce 
n^euft  été  qu'un  fonge  agréable ,  dont  à 
nôtrcf  éveil  nous  reconnoiflbns  lafaulTe- 
lé  avecque  regret.  Mais  ô  bonté  du  Sel-» 
gneur,qui  ne  laifle  jamais  fes  chers  enfans 
fans  fecours,  tandis  que  ces  deux  perfon- 
îies  s'entretiennent  de  leurs  peines ,  fe 
communiquant  inutilement  l'un  àTautre 
îeurs  déplaifirs  ,  leur  étonnement>Ieur 
douleur,leurs  doutes  &  leurs  craintes ,  &: 
n'apprenant  chacun  de  la  bouche  de  fon 
compagnon  que  des  chofcs  plus  capables 
de  les  embrouiller  5  que  de  les  éclairciri 
voici  lefus  lefujetde  leur  entretien  qui 
fe  joint  à  eux,  leur  apportant  en  fa  pre- 
fence  divine  le  vrai  remède  de  lôurS 
«naux  i  séunt  a^^roch} ,  dit  TEvangelifte, 

il  fe 


Sermon     I.  loj 

itfe  mit  à  chemwer  avec  eux.  D  où  vous 
voyez,  mes  Frères ,  combien  eft  véritable 
ce  que  le  Prophète  avoit  prédit  de  lui, 
qu'il  n'cteindroit  point  le  lumignon  fu-£r^ve  ^^ 
mantjninebriferoit  le  rofeau  cafle;fi-3- 
gnifiantparces  mots  la  douceur  &  béni- 
gnité dont  il  ufe  envers  les  infirmes. Mais 
en  cela  mefme  vous  avez  auflî  un  accom- 
pliflement  de  ft  promefle  qu'il  avoit  faite 
auxfiens  de  fetreuverau  milieu  d'eux, 
toutes  les  fois  qu'ils  feroient  enfemble  en 
fon  nom.Il  eft  vrai  qu*il  s'cloigne  de  ceux, 
qui  parlent  de  lui  de  de  Tes  myfteres  avec 
un  efprit  de  contradiftion,  qui  n*cndî- 
(putcnt  que  pour  s'en  de'goûter,  &:  n  ont 
autre  but  que  de  treuver  des  difficultez 
cnfaveritè^pour  pouvoir  accomplir  fans 
remords  de  confcience,^  defir  qu'ils  onç 
de  la  quitter  :Sa  vangeance  pourfuit  ceux 
qui  ont  un  fi  ma}  heureux  deflein;  Au  liea 
de  fon  Efprit  il  leur  envoyé  celui  de  l'er- 
reur ôc  du  menfonge  ;  qui  les  affermir, 
comme  Balaam  autrefois ,  dans  la  pafiion 
ide  l'iniquité;  &  fouvent  des  doutes  où  ils 
fe  jouoient  au  commenccment,les  pouffe 
dans  l'abyfme  ou  d'une  groffierefuper-  ^ 
ftition  ,  ou  d*une  impiété  brutale.  Mais 
quant  à  ceux  qui  aiir.éc  le  Seigneur  lefus, 

qui 


lo  4  T>eU  Refun.  du  Seigneur  I  e  s  v  s .' 
qui  affeftionnent  fa  vente,  quin^n  de- 
vifent  &:  n'en  confèrent  que  pour  la 
treuver,&:  rembrafferjtels  qu'étoient  ces 
deux  difciplesià  ceax-là  il  tend  la  main, 
il  vient  volontiers  au  milieu  d'eux  ,  &: 
quelque  foibles  qu'ils  foient,ne  dédaigne 
point  de  les  foalager,les  délivrant  de  l'a- 
gitation où  leur  foiblefle  les  retient;  & 
les  mettant  fur  le  ferme  ik'une  pleine  &: 
entière  perfuafion  de  fon  Evangile.  Si  la 
compagnie,fi  la  douceur,fi  la  luiyiiere  de 
ce  grand  Sauveur  nous  cft  agréable, 
chers  Frères ,  attirons  le  au  milieu  de 
nous  par  la  bonté  de  nosdifcours ,  &  par 
la  finceritè  de  nos  intentions.  Ne  foyons 
jamais  enfemble  fans  parler  de  lui.  Laif- 
fonslàce  monde  ,  fesvanitez  &:fes  or- 
dures, qui  rempliflent  ordinairement 
toutes  nos  converfarions.  Car  comme 
c'eft l'inviter  &:  lui  ouvrir  la  porte,  que 
de  parler  de  lui  ;  auflî  effc  ce  le  cha(rcr,& 
attirer  fon  enneniii  au  milieu  de  nous, 
que  de  nous  entretenir  du  vice  &  du 
monde.  Les  Démons  prcfident  en  telles 
compagnies.  Ils  y  enflamment  les  coeurs; 
ils  y  cmbrafent  la  langue  d'un  feu  fale  &c 
infernal,  au  des-honneur  de  Dieu,  &: 
à  la  perdition  des  hommes.  Vous  voiez 

encore 


Sermon     I.  lof 

encore  que  ce  h'eft  pas  alTez  de  fanctifici: 
au  Seigneur  lefus ,  &:  à  fes  myfteres ,  les 
heures  que  nous  nous  treuvons  ici  dans 
l'Eglifei  II  nou<;  demande  aufli  toutes  les 
autres  parties  de  nôtre  vie.  Soit  à  la  mai- 
fbn,foit  dehors,  à  la  ville  ,&:  àla  campa- 
gne 5  dans  nos  demeures  &  dans  nos 
voyages,  les  fidèles  ne  doivent  jamais 
eftre  enfemble ,  fans  penfer  en  leur  Sei- 
gneur; fans  tafcherdc  Tavoir  au  milieu 
d'eux.  Car  quant  à  lui  il  ne  fait  point  de 
différence  entre  les  heures  &:  les  lieux. 
Par  toutou  des  âmes  religieufes  traittent 
de  fes  myfteres  en  la  crainte  de  Dieu  Sc 
avecque  refped ,  c'eft  fon  temple  &  foa 
autehil  ne  manque  jamais  d*y  rcprefen- 
ter  fidèlement  fa  divinitèiEt  fi  fon  corps 
n'y  vient  pas  ,fon  Efprit  y  eft  toujours 
tres-affeurémenti  bien  que  par  fois  ceux 
là  mefme  qu'il  favorifc  de  fa  prefence 
ne  s'en  apperçoivent  pas  fur  l'heure. Ccft 
ce  qui  ariiv.a  à  ces  deux  fidelles.  Car  en- 
core qu'ils  reuffent  au  milieu  d'eux5ils  ne 
le  purent  reconnoiftre.  Ce  n'eft  pas  qu'il 
fufl:  invifible;ou  que  la  forme  ou  la  tî^ille 
de  fon  facrè  corps  fur  changée  i  II  retint 
après  fa  refurredion  àc  conlervc  encore 
maintenant  dans  fa  gloire ,  cette  mefme 

forme 


io6     De  U  Refurr,  dti  Seigneur  I  e  s  v  ^. 
forme  ^  nature  en  laquelle  il  avoir  con- 
versé en  terre  avec  (ç^^  difciples,  &  en 
laquelle  il  avoir  été  crucifié.  Et  ce  que 
i^'''^'''^' dit  S.  Marc,  quil  fe  montra  àfes  detîX 
difciples  en  une  autre  forme  qu  il  n  a- 
voit  fait  à  Marie  Magdelene,fe  doit  en- 
tendre ou  de  fon  habit  &:  de  fa  faflbn,  ou 
de lopinion  &  des  fens  des  perfonnesà 
qui  il  s'apparut, Marie  rayant  pris  pour 
un  jardinier.&j:  ceux  ci  pour  un  voyageur 
étranger.  Mais  au  fond  il  prefentoit  par 
tout  aux  fiens  une  feule  &  mefme  forme 
de  corps  5  &:  de  vi(age ,  à  fçavoir  la  fien- 
ne  naturelle;  &  nous  devons  tenir  pour 
des  illufions  toutes  les  apparitions  ,  ou 
Ton  prétend  qu'il  fe  montre  aux 'hom- 
mes fous  des  formes  étrangères  ;  &:  avoir 
pitié  de  l'erreur  de  ceux  qui  prennent 
pour  lui  une  chofe ,  qui  a  la  forme  d'une    , 
miette  de  pain,  oij  d'une goijte de  vin. 
A  Dieu  ne  plaife  qu'un  fi  bon  &:  fi  fage 
Seigneur  fe  joue  de  fes  enfans ,  ou  qu'il 
outrage  ainfi  fa  propre  gloire  ,  renfermât 
fa  nature  celefte  dans  une  fi  bafle  ôi  fi 
indigne  image.    Mais  s'il  avoir  fa  vraye 
forme, qu'cll-cedonc  qui  empefchoitces 
deux  difciples  de  le  rcconnoillre.^Deux 
nuids  avoient-ellcs  GiTacè  de  Icurcfpritj 

l'ait 


Sermon     I.  107 

Fair  &  Timage  d'une  perfonne ,  qu'ils 
avoientfichercmét  aimée>pour  ne  point 
s'appercevoir  que  c'ctoit  lefiis  qui  le 
prefentoitàcux?  Chers  Freres,ce  n'étoit 
pas  cela.L'Evangelifte  nous  apprend  ex- 
preflcment  la  véritable  caufe  d'un  fi 
ôcrange  effet,  en  difant  queieurs yeux 
étaient  retenue, \c(us  n'ccoit  point  changé. 
Maislaveuëde  fes  difcipl^es  étoit  alte- 
rcejdc  forte  qu'ils  ne  difcernoient  pas  ce 
qu'ils  voyoient  5  &:  n'y  voyoient  pas  ce 
qui  y  étoit. C'eft  pourquoy  ils  leprennct 
pour  un  autre.  Il  eft:  vrai  que  le  trouble 
extrefme  où  étoit  leur  efprit,  pouvoit 
avoir  aftoibli  leurs  fens,  comraenous 
voyons  tous  les  jours  que  les  paflîons  de 
l'ame,  fur  tout  quand  elles  font  cxccffi- 
ves,broiiillent  la  lumière  des  yeux,&  ap- 
pefantiffent  la  fubtilitè  des  oreilles,  ôc 
infedentlegoût,  &:  émouflent  l'attou- 
chement mefmes.Mais  outre  la  pafTioa 
une  autre  caufe  agiffoit  ici  fans  point  d« 
doute.  C'eft  que  le  Seigneur  qui  les  vou- 
loit  feulement  inftruire&:  les  tirer  dou- 
cement de  l'erreur .  &:  de  la  peine  où  il 
les  voyoit,afin  d'exécuter  ce  deffein,  re- 
tint pour  un  temps  la  force  de  leurs  yeux. 
D*où  vous  voyez  que  c'eft  de  luiquede- 

pend 


2o8  De  U  Refurr.  clu  Seigneur  I e  s  V s. 
pend  toute  la  vigueur  de  nos  fens.  Nou^ 
en  avons  les  faculcez  &:  ks  organes:  Mais 
ceft  le  ciel  qui  nous  en  prcfte  Tufage, 
Nos  yeux  &:  nos  oreilles  n*exercent  leurs 
fondions  qu'autant  que  celui  qui  nous 
les  a  donnez,  y  verfe  les  fecrets  rayons  de 
fabenediftion.  Sans  le  fccours  de  cettç 
lumière  5  nous  ne  jouirions  d  aucune  de 
ces  excellentes  facultez.  FideleSjremer- 
ciez  en  donc  le  Seigneur,  &:  recônoiflez; 
que  non  feulement  Tœil  &:  loreille  ,  mais 
chacun  des  fervices  que  vous  en  recevez 
à  tous  les  momês  en  voyant,&:  en  oyant^ 
font  de  fes  bénéfices,  pour  employer  reli- 
gieufement  à  fa  gloire  une  vie  que  vous 
tenez  fi  entièrement  de  fa  grâce.  Et  pen- 
fez  encore  en  vous  mefmes  ,  que  fi  les 
yeux  du  corps ,  quelque  grande  facilite 
que  leur  ait  donnée  la  nature  à  voir  &  à 
difcerner  les  objets,  mécônoiffent  neant- 
jnoins  ceux  qui  leur  font  lesplus  familiers, 
quand  le  Seigneur  arrefte  ,  ou  retient  le 
fecours  de  fon  influence  fecrette  ;  com- 
bien plus  le  fens  de  nos  âmes ,  ont  befoirt 
de  fa  divine  lumière,  pour  rcconnoiftre 
les  choies  intclljgiblcs,&:  fur  tout  les  fpi- 
rituelles  ?  Et  priez  en  fuite  le  Seigneur 
qu'il_  tienne  \o\!k^  y  os  fens  ouvcrs ,  &  f^Jt 

louc 


Se  R  M  o  k    I.  20^ 

tout  les  yeux  de  vos  entendemens  illu- 
minczîafin  que  vous  puiilicz  voir  &  àiC- 
cerner  falumiere  d'avecque  les  ténèbres 
&:  fa  vérité  d'avecque  l'erreur.  Ce  n'eft 
pasaffezj  ô  divin  lefus,  que  tuteprefen- 
tes  à  nous,  &  te  mefles  en  nôtre  compa- 
gnie ,  &  que  ru  mettes  devant  nos  yeux 
coûte  la  gloire  de  ta  refurreclion  &.  de  ta 
vie.  Nous  ne  verrons  aucune  de  tes  lu- 
mierçs  ,  quelque  éclattantes  qu  elles 
foieuten  elles  mcfmeSjSd  quelque  prc's  de 
pous  que  nous  les  ayons,  iîtu  ne  délies 
Ros  fens  ,  &  ne  vcrfes  dans  nos  yeux  une 
force  celeftei&  ne  nous  donne  coy-me(- 
me  dequoy  voir  ce  que  tu  nous  montres; 
Sans  cela  nous  te  reconnoiftrons  beau- 
coup moins,  que  ne  firent  ccsdifciples 
autrefois,  quand  tu  leur  retins  les  yeux. 
Mais,  chers  Frères,  ce  ne  fut  pas  propre- 
ment pour  fe  cacher  à  fes  dilciples,  qu'il 
leur  retint  alors  les  yeux.  Ce  fut  un  my- 
fterc de  fon  amourj^  une  conduitte  de  fà 
fageffe  i  qui  voulut  doucement  préparer 
leur  fens,avantquede  fe  découvrira  eux,; 
faifant  peu  à  peu  entrer  cette  lumière  ce- 
lefte  dans  leurs  âmes,  &  les  inftruifant  de 
ià  vérité  ,  avant  que  de  la  leur  raontrec 
coûte  nuë>  Il  les  aecoftei  Se  s  acomodanc 

0)  à  Topi- 


z\  o  De  U  Refurr.  au  Seigneur  I  £  s  v  s  T 
à  I*opinion  qu'ils  avoient  de  lui  le  pre- 
nant pour  un  étranger,  il  leur  demande 
quelle eft  Toccafion  de  latriftelTequipa- 
roiflbit  fur  leur  vifage  ,  &  le  fujet  de  leur 
entretien  ?  Il  fçavoit  tout  ce  qui  en  ctoit 
auflî  bien  qu'eux  mefmes  ,  &ceft  cequi 
lamenoit  là.Mais  il  ufe  de  cette  conduit- 
te,afin  de  leur  ouvrir  le  cœur ,  &  de  faire 
naiftre loccafion  de  les  inftruirc.  Com* 
bien  de  fois  traittc-t'il  le«  fiens  en  la  mef- 
me  forte  ?  leur  adreffant  fourdement  les 
lumières  defes  enfeignemcns  ,  àc  leur 
prefentant  des  maiftres  de  fa  pieté  en 
des  perfonnes50ii  d'abord  ils  ne  voyoient 
rien  defcmblable  ?  Mais  fi  la  fagcfle  &:  la 
bonté  du  Seigneur  paroift  en  cette  de- 
raande5pour  laquelle  il  s'ouvre  la  porte  à 
Tinftruàion  de  fes  bien  aimez  difciples, 
Fexcez  de  leur  trouble  ne  paroift  pas 
moires  en  la  réponfe  qu'ils  lui  font.  Car 
Cleopas  au  lieu  de  répondre  &  de  fatis- 
faire  àfaqueftion ,  lui  demandes'ileft  le 
feulétranger  en  lerufalem,  qui  ne  fçachc 
pointleschofes  ,quiy  étoient  arrivées? 
Voyez  5  je  vous  prie ,  queilc  eft  la  nature 
des  grandes  paffions.  tlles  occupent  tel- 
lement nos  âmes,  qu'elles  nous  font  ima- 
giner que  tous  les  autres  en  font  pleins 

au  (Il 


Se  KM  ON        I.  211 

auffîbien  que  nous.  Cleopas  penfe  que 
chacun  fçait  la  caufe  de  fon  trouble  ;  Il 
lui  femble  que  c'cR  «ne  injuftice  de  ne 
fçavoir  pas  une  chofe  lî  grande  &:  fi  im- 
portance. Une  difpenfe  aucun  des  habi- 
tans  de  lerufalera  de  cette  connoifTan- 
ce.  Il  ne  permet  pas  mefme  aux  étran-» 
gers  de  l'ignorer.  11  veut  que  tous  fça- 
chentrintereftî  qu'il  y  avoir.  Es-tu  feui 
étranger  d^rts  lerufalem ,  dit- il ,  ^//i  nefça^ 
chesfoimce  qui  s'yeflfaJTe  ces  jours  ci?  O 
que  ce  reproche  étoit  doux  au  Seigneur 
lefus  !  de  s'ouïr  reprendre  à  Cleopas  d'i- 
gnorer ce  qu'il  avoir  fouffert  lui  mefmc! 
6  que  cette  émotion  lui  étoit  agréable» 
qtfi  portoit  un  évident  témoignage  de 
reftime,que  ces  difciples  faiioient  de 
lui5&:  de  l'extrême  vénération  en  laquel- 
le ils  Tavoicnt.  Mais  le  Seigneur  pour 
l'engager  plus  avant  lui  demande  fans  fe 
defcouvrir  que  lies  étoient  enfin  ces  cho- 
fes  fi  célèbres,  dont  il  treuvoit  étrange 
qu'il  n'euft  pas  la  connoiffance.Sur  qu,oy 
ces  deux  diiciples  lui  ouvrant  leur  cœur, 
lui  répondent ,  que  c' étoit  touchant  lefus  U 
N d'arien ,  qui  a  été  homme  Prophète ,  d i- 
kni-'ûsjpuijfant  en  œuvres  à"'  ^^  f  croies  dé- 
VAnt  Diett  p  &  devant  tout  le p€ufl(L^'->  Et 

o     3.      *   comment 


^  1 1  BeU  Rejurr.  du  Seigneur  I  e  s  v  s  T 
comment  nos  Sacrifie ateur s  Cr  nos  Couver" 
neuts  lont  livre  en  condamnation  de  mort  é* 
tent  cntcifièà  quoy  ils  âjorncnt^Or  ejperions 
nom  que  ce  fufl  celui  qui  devoit  délivrer 
ifrael  ,  ^  encore  avecque  tout  cela  ceH  au- 
jourd'hui  letroifiefme  jour^  que  ces  choses  [ont 
avenues.  Mais  aufii  quelques  femmes  des  ni- 
très  nom  ont  fort  étonnez  ,  qui  ont  été  de 
grand  matin  aufefulcrz^  \  Et  n  ayant  point 
treuvé  fon  corps  font  venues ,  difant ,  que^ 
mefmes  elles  avoient  veu  une  vifion  d  Anges ^ 
qui  difoient  5  ^il  efl  pivant.  Dont  aucuns 
des  nôtres  font  alle2aufepulcre^&  ont  treuvé 
Mnft  que  les  femmes  avoient  dît  \  mais  quant 
à  luiytls  ne  l'ont  point  veu.  Le  cœur  de  ces 
deux  fidèles  difciples  paroift  tout  nfid 
dans  cette  réponfe  plene  de  fimplicitè 
&  d'ingenuitè.  Elle  découvre  franche- 
ment leur  foy  ,  &  leur  doute  i  leur  el'pe- 
rance,&  leur  crainte  ;  ^  parmi  tout  cela 
leur  amourenvers  Iefus,&lcur  zèle  à  fa 
gloire, accompagné  d'une  fainte  genero* 
ïitè.Car  premierement,ils  lui  rendent  un 
excellent  témoignage,le  nommant /'^w;- 
me  Prophete^puiffant  en  œuvres^ycn  paroles 
devmt  Dieu  cjr  tout  le  peuples.  Puis  ils  dé- 
clarent l'efperance  qu'ils  avoient  en  lui, 
qu'il  devoit  eftre  le  rédempteur  d'ifraëlj 

&  en 


s  E  R  M  O  N       I.  2I5 

&  en  troifiefme  lieu ,  ils  ne  dilîîmulenc 
point  les  chofes  qui  la  troubloient  ,  fa 
mort&fo|i  enterrements  &  enfin  en 
quatriefme  lieu ,  ils  communiquent  de 
bonne  foy  à  cet  ctrâger  les  raifons  qu'ils 
avoient  de  ne  perdre  pas  encore  cette 
efperance.Leur  foy  fe  reconnoift  claire- 
ment en  ce  que  nonobftant  tout  le  fcan- 
dale  de  la  croix  de  Icfus  Chriftjils  le  te- 
noient  encore  pour  un  grand  &  puiflanc 
Prophète,  &c  leur  zèle  en  ce  que  noil 
contensdele  croire,  ils  le  declaroienc 
mcfme  aux  autres',  communiquant  fran- 
chement ces  petites  étincelles  de  la  lu- 
mière qui  leurreftoit,  au  premier  venu, 
qui  les  mettoit  fur  ce  difcours ,  tâchaiit 
de  les  attirer  &  de  les  gagner  à  leur  Mai- 
ftrc.  Car  fi  vous  confiderez  l'horreur  de 
ce  temps-là ,  &  la  fureur  des  luifs,  &  la 
haine  publique  contre  lefus ,  &c  Toppro- 
bre  &  Tinfamie  de  fon  facrè  nom ,  vous 
îivoucrez  que  ç'étoit  beaucoup  que  ces 
deux  hommes  non  feulement  reticnent 
la  créance  qu'ils  avoient  eue  de  la  vérité 
de  fon  miniftere ,  fans  que  la  violence 
d'un  fi  cruel  orage  Teuft  éteinte  ,*  mais 
que  d'abondant  encQre  ils  s'en  ouvrent 
aux  autics ,  la  crainte  de  tout  ce  peuple 

o     5         egarnè 


^14-  De  la  Refurr,  du  Seigneur  I  e  s  v  s  ^ 
enragé  n*ayant  peu  forcer  Tamonr  &:  le 
refpeft  qu'ils  avoienr  pour  leur  Maiftre. 
Les  Sacrificateurs,les  Gouverneurs, & 
tour  Ifraël  venoient  de  le  condamner 
comme  un  impofteur;&:  ces  deux  fidel- 
les  effaçant  par  manière  de  dire  Tabo- 
minable  éloge  de  cette  inique  fentcnce, 
difent  franchement  au  contraire  que  ç*a 
été  un  Prophète  5  &:  pour  montrer  qu'ils 
ne  le  tenoient  pas  pour  Tun  de  cç^s  com- 
muns &:  ordinaires  miniftres  de  Dieu,  à 
qui  fa  parole  d0nne  cette  qualité ,  ils 
ajoutent  encore, que  c'étoit  vn  Prophète 
puiflant  en  paroles  &  en  œuvres  devant 
Dieu5&  devant  le  peuple.  C'eft  le  titre 
que  S.  Eftienne  donne  àMoïfe,  le  plus 
grand  de  tous  les  Prophètes ,  &:  le  type 
iîngulier  du  Meflîe,  au  feptiefme  des 
Aâes,difant  qu'il  étoit  grand  en  dits  &: 
en  faits.  Et  comme  je  prens  fes  paroles 
pour  fa  prédication,  cette  dodrine  cele- 
fte  plene  de  vérité  &:  de  fapienx:e  divi- 
ne, qu'il  avoit  prefchée  aux  luifs  >  ravif- 
fant  les  Anges  &:  les  hommes,  inftrui- 
fant  le^  plus  ignoransi&:  confondant  les 
plusobftinez  ;  auili  entcns-;e  par  fes  œu- 
VW)  non  feulement  fes  miracles  ,  mais 
^l'.ifi  fa  bonté ,  &  fa  faintctè ,  &  tous  ces 

|iierveil«3 


s  E  R  M  O  N       I.  115 

merveilleux  cfFets  d*une  charité  &  pieté 
plus  qu'humaine,  qui  reluifoienc  dans 
toutes  les  adions  de  (a  vie.  Ofacrez 
féaux  de  la  vérité  de  la  Prophétie  de 
nôtre  lefus,  quelle  &  combien  puiffante 
étoit  vôtre  efficace  dans  les  bonnes  6c 
faintes  âmes  ;  puis  qu'après  une  fi  hon- 
teufe  croix  ,  &:  dans  Thoireur  d*un  Ican- 
dalefi  enormejvous  nelaiflez  pas  de  ti- 
rer du  cœur  &c  de  la  bouche  de  ces  deux 
diiciplesjcette  glorieufe  confeflion ,  que 
ce  crucifie  ,  Topprobre  &  la  maledidion 
publique  des  luifs,  étoit  neantmoins  un 
grand  Prophète:  Puis  que  telle  étoit  & 
leurcreance,&  leur  profcffion  dgnslcs 
te^iebres  mefmes  de  cette  Dclipfei  Ames 
Chrétiennes  quelle  doit  eftre  mainte- 
nant la  nôtre,  qui  avons  veu  fortirce 
grand  Soleil  des  nuages  qui  le  cachèrent 
alorsiqui  l'avons  veu  môter  fur  le  thrône 
de  Dieu,&:  refplandir  en  une  fouveraine 
gloire  5  malgré  toutes  les  fumées  de  Fen- 
fer,  &:tous  les  brouillards  de  la  terre? 
Mais  comme  nous  donnons  volontiers 
à  Cleopas5Ô<:  à  fon  compagnon  la  louan- 
ge de  cette  foy  &:  de  ce  zele;auffi  ne  de- 
vons nous  pas  diflîmuler  l'infirmité  qui 
raccompagne  ,  &  qui  paroift  premiè- 
rement 


21^  De  la  Refurr.  du  Seigneur  I E  s  v  sv 
renient  en  ce  qu'ils  ne  donnent  à  lefus 
que  la  qualité  de  Prophète ,  que  ceux  de 
fes  ennen:iis  qui  ont  quelque  refte  de  fens 
&:  de  pudeur,  ne  lui  ont  jamais  rcfufcë, 
témoin  Mahomet ,  ô^  avant  lui  Porphirc 
'^Ew/e^cQ^efnic  ,  qui  ^  parmi  toutes  les  horreurs 
*^',^',/,qu'il  vomit  contre  leChriftianifûie  >  re- 
ly^moiir. eonnoift  pourtant  que  lefus  étoit^n  faint 
^7'^''^^&:  divin  pcrfonnagejconduit  de  Dieu  du- 
rant fa  vie,^  élevé  au  ciel  après  {êi  mort. 
Pour  rendre  à  ce  Souverain  Seigneur  la 
gloire  qui  lui  cft  deuë>  il  falloit  dire  qu'il 
étoit  le  Rédempteur  du  monde5le  Meflie 
de  DieUjla  Parole  du  Perc  cterneljle  Roy 
de  gloircjle  Prince  du  fiecle  à  venir.  Se- 
condement, Timperfodion  de  leur  foy 
fe  voit  encore  en  ce  qu'rts  difent.  Ore/pe- 
rions  nom  que  cefufi  celtn  qui  deufi  délivrer 
IjrÀtl  \  6c  cela  en  deux  faflons  i  premiè- 
rement pour  le  fond  mefme  de  cette 
erperance,qu'ils  en  avoient  euëi&:  fecon-- 
dément  pour  fon  altération  &:  fa  déca- 
dence. Carileft  évident  par  Toppoiitiofi 
qu'ils  font  entre  ce  qu'ils  avoient  efperè 
de  lefus ,  &:  ce  qui  lui  étoit  arrivé,  qu'a* 
vant  fa  mort  ils  fe  promettoient  que  le 
Seigneur  récablitoit  Ifraël  en  fon  ancien 
Kiftre, le  délivrant  de  la  fervitude  des 

Ropiains^ 


s  E  R  M  O  N       T.  217 

Romains ,  &:  lui  donnant  la  gloire  d'un 
empire  mondain.Et  c*étoic  rimaginacion 
non  de  ces  deux  feulement ,  mais  des 
Apôtres  mefmes, comme  il  paroift  ^^^ uanh. 
divers  lieux  de  rEvangile,&  notamment  i^^'*^ 
par  la  queftion  qu'ils  lui  font ,  qui  feroit  ''^' 
le  plus  grand  en  fon  Royaume  5  &  la  de- 
mande de  la  femme  de  Zebedee  le  fup- 
pliant  qu'en  fon  Royaume ,  l'un  de  fes 
cnfans  fuftà  fadextre  &:  l'autre  à  fa  gau- 
che.  Et  de  cette  erreur  naiflbit  le  fcan- 
dale  qu'ils  prenoient  de  la  croix  du  Sei- 
gneur i  toutes  les  fois  qu'il  leur  en  par- 
loitine  pouvant  accorder  cette  fouftran- 
ce  &  cette  mort  avecque  les  vidoires» 
l'empire ,  &  l'honneur,  &:  la  gloire  terre- 
ftrè  qu'ils  fe  promettoient  de  lui.    Ayes^"^^-^ 
fine  de toy-iXm  dit  S.PierreiC^/^ ne  iavien- 
drapûint:^  S.Luc  nous  advertit  expreflc- 
ment  au  dix-hui£biefme  de  cet  Evangile, 
que  quand  il  leur  prédit  que  le  Fils  de 
l'homme  feroit  mis  à  mort  en  lerufalem  .'''  ^"^ 
avec  une  extrelme  ignominie  5  ils  n  en- 
tendirent rien  en  ce  ^ifcours,  l'ombre  de 
leur  faufle  imagination  cachant  à  leur 
efprit  le  fens  de  fès  paroles.  Et  après  que 
fa  mort  melmc  leur  eût  arraché  la  fccon- 
âic  de  CCS  erreurs ,  à  fçavoirla  créance 

qu'ils 


aiS  Be  U  Reft^rr.  du  Seigneur  I  e  s  v  s  .^ 
qu  ils  avoienc  eue ,  que  le  Chrift  ne  fouf- 
friroit  point,  elle  ne  peut  pourtant  leur 
ôterla  première,  à  fçavoir  qu'il  releve- 
><f?.  1.6.  ^^^fl'^'f^f  temporel  d'Ifraël.  Car  un  peu 
avant  fon  Afcenfion  ils  lui  demandent 
encore ,  quand  ce  fera  qu'il  rétablira  le 
royaume  d'Ifraël?  &,  tant  il  cft  diiBcile  à 
rhomme  de  fe  deTaire  des  préjugez  &: 
des  opinions  charnelles,ils  ne  furent  tout 
à  fait  délivrez  de  cette  groflîere  imagi- 
nation ,  qu*apres  que  le  divin  feu  du  ciel, 
dont  lefus  Chrift  les  haptiza ,  les  eut  pur- 
gez,&  plenement  perfuadez  de  la  nature 
fpirituelle  du  royaume  du  Seigneur.Mais 
Je  dis  en  fécond  lieu,que  cette  cfperanca 
mefme  qu'ils  avoient  eue  du  rétabliffe* 
ment  d'Ifraël  par  le  Seigneur ,  fut  entiè- 
rement ébranlée  par  fa  paffion.  Et  c'eft 
ce  que  témoignent  C(^s  deux  difciples, 
quand  ils  difent  au  temps  ^oX^h  nous  ej}e'^ 
rions  y  &:  non  au  prerent,;;^?»/  eJperonsM  eft 
Vrai  que  û  ce  choq  fî  rude  Tavoit  grande- 
ment ébranlée  ,  &  comme  portée  tout  à 
fait  par  terre ,  la  parole  des  femmes  &  de 
S.  Pierre,a{reurant  que  le  corps  de  lefus 
n'étoit  plus  au  fepulcre,&  le  tefmoignage 
des  Anges  depofant  qu'il  vivoit  ,  l'avoir 
yn  peu  rcmifc.  Et  c  cft  ce  qu'ils  fignifienc 

en  la 


Se  RM  ON     I.  2.1^ 

en  la  dernière  partie  de  leur  réponfe,  où 
lis  propofenc  cette  confideration,  qui  les 
tenoic  en  balance ,  fufpendus  entre  la 
crainte  &  refperance,entre  la  foy  de  Tin- 
credulitè.  Cefttoutce  que  le  Seigneur 
vouloit  fçavoir  d'eux.  Aianc  tiré  cette 
confeflîon  de  leur  bouche ,  31  voiant  la 
maladie  de  leur  cœur  combattu  entre  ces 
penfées  contraires,  ilV  applique  aufli-toft 
les  remèdes  convenables,  la  cenfure,la 
remontrance,&^  Tenfeigncment.  Ogepis, 
dit-il  ,  dépotérvem  de  Cens ,  &  tdrdifs  de^ 
cœur  à  croire  a  toutes  les  chofes ,  cjue  les  ?io- 
fhtes  om  prononcées!  Ne  fallûit-il  pas  que 
le  Chrijlfûufrijl  ces  chofes ,  &  cjtiaïnfi  H  en- 
traji  en  fa  gloire  1  Tavouë  que  la  reprc- 
henfion  eft  vive  &  piquante.  M^  auffi 
faut-il  reconnoiftre  que  leur  faute  ctoic 
grande,^  leur  ftupiditèétrange,&  digne 
d'eftre  ainfi  traittée.  Car  outre  les  Ora- 
cles des  Prophetes>quiavoient  en  tant  de 
lieux,  &  en  termesfi clairs, &: avec  des 
types  fi  illuftres,  prédit  &  préfiguré  les 
fouffrances  du  Meflie ,  lefus  les  en  avoic 
lui  mefme  avertis  par  plufieurs  fois,  leur 
dénonçant  expreffément qu'il  feroit  cru- 
cifié en  Ierufakm,&:  qu  il  reffufciteroit  le 
îroifiefme  jour.  Et  ncantnK)ins  après  touc 

cda. 


210  De  U  Refurr,  du  Seigneur  I  e  s  v  s.^ 
cela,  ils  demeurèrent  auflî  étônez  quand 
ils  virent  arriver  la  chofe ,  que  fi  jamais 
auparavant  ils  n'en  eufTent  entendu  par- 
ler. Il  les  blâme  de  deux  chofes  :  Tune 
qu'ils  etoient  depourvcus  de  fens. l'autre 
qu'ils  etoient  tardifs  de  cœur  à  croire 
TEcriture.  Quant  à  la  première,  c'eft  vn 
reproche  que  le  Saint  Efprit  fait  par  tout 
aux  pécheurs  5  les  nommant  fols  &  in- 
fenfez,quelque  fages  &:  avifez  qu  ils  pen- 
fent  eftre.  S.Paul  enufe  ainfî  envers  les 
Galates  ,  qui  fe  laiflbient  piper  aux  faux 
Docleurs ,  &  par  leur  perfuafioi;  mef- 
Cd^ii,  loient  Moïfe  avec  lefus  Chrift,  InfenÇez. 
dit- il,  qui  vota  a  enforcelez^  pourfulrequ^ 
vous  noheïj^iez  à  la  vérité  f  En  effet  quoy 
qu'cn^dife  la  chair  &  le  monde  ,  il  n'y  a 
point  de  folie  ni  de  forfenerie  plus  gran-» 
de,que  de  rcjctter  la  parole  du  Seigneur, 
&:  de  lui  oppofer  nés  penfees  &  nos 
imaginations  ,  quelque  bien  fondées 
qu'elles  femblent.  Que  fi  ces  fidèles  mé- 
ritent d  eftre  appeliez  fols  &:  deftituez 
de  fens,pour  n'avoir  pas  compris  ce  que 
Dieu  leur  avoit  revelè  touchant  le  Chrift 
en  fa  parolejde  quels  noms  étoit  digne  la 
rage  des  kiifs,qui  refiftoient  fièrement  à 
ibnconfeil,&  avoient  été  fi  furieux,  que 

de 


s  E  R  M  O  N      I.  2ZÎ 

de  crucifier  le  Seigneur  de  gloire  ?  Mais 
il  ajoute  qu  ils  font  tardifs  de  cœur  à  croire 
toutes  les  chofes  que  les  Prophètes  ont  pronon- 
cées. C'eft  là  la  vraye  fource  &:  de  nôtre 
ignorance,  &  de  tous  nos  autres  maux, 
que  nous  ne  pouvons  abbaiffer  nos 
cœurs  fous  le  refpeâ:  de  la  parole  de 
Dieu^pour  embrafler  avec  foy  ce  qu'elle 
nous  propofe.Nos  fantailies  &:  celles  des 
autres  hommes  nous  femblent  beau- 
coup plus  croiables  ;  &  là  où  FEcriture  y 
cft  contraire  nous  aimons  mieux  feindre 
qu'elle  eft  obfcure  5  que  de  choquer  nos 
fentimens  pour  Tamour  d'elle.  Or,chers 
Frères ,  cette  reprehenfion  du  Seigneur 
eft  digne  d'une  finguliere  confîderation. 
Car  premièrement  en  ce  qu'il  appelle  fes 
difciples  infenfcz  &  tardifs  de  cœur,  à 
caufe  qu'ils  ignoroient  le  myftere  dp  fa 
croix  5  il  nous  montre  que  la  vraye  fa- 
geffe  eft  de  connoiftre  la  volonté  de 
Dieu,S<:  non  les  fciences  &  les  induftries 
du  monde,  qui  ne  font  que  folie  &  vani- 
té. Secondement ,  ce  qu'il  leur  reproche 
leur  pefanteur  à  croire  les  Prophète.^, 
nous  fait  voir  que  la  Sainte  Ecriture  elt 
le  trefor  des  myfteres  de  Dieu  ,  &  la 
vraye  école>oii  il  nous  faut  adreffer  pour 

les 


tit     De  la  Refurr,  au  Seigneur  I  e  s  v  s . 
les  apprendre. ,  Il  ne  blâme  pas  k%  difci^ 
pies  de  ne  pas  croire  ce  que  dît  l'Eglife: 
Ainfi  n'aviennc;  car  celle  quife  glori- 
fioit  cilors  d  eftre  rEglife,étoit  une  com- 
pagnie d'aveugles  furieux»  &  lui  ajouter 
foy  euft  été  fe  précipiter  dans  la  forfcn- 
nerie  &  dans  la  perdition.  Mais  il  les 
reprend  de  ne  pas  croire  les  Prophètes; 
figne  évident  que  c  eft  par  leur  parole, 
ôd  non  par  la  prédication  de  TEglifc  de 
chaque  ficelé, qu'il  faut  juger  de  la  folie, 
ou  de  la  fagefle  des  hommes. De  plus  le 
Seigneur  nous  montre  encore ,  que  TE- 
criture  eft  alTez  claire  pour  nous  faire 
entendre  la  vérité  qu'elle  contient  Car 
fi  elleétoitfiobfcure,que  nul  particulier 
n'en  puft  comprendre  le  fens  ;  comment 
le  Seigneur  appelleroit-il  (^%  difciplcs 
des  gens  grofTiers  &:  fans  entendement, 
pour  n'avoir  pas  compris  ce  que  difenc 
les  Prophètes  ?   Seroit-ce  un  procédé 
bienraifonnable  que  d'accuferun  hom- 
me d'eftre  ou  brutal ,  ou  incrédule,  pour 
avoir  manqué  foit  à  entendre  une  cnig- 
niC^foitàla  croire?Et  notez  que  c  eft  des 
predidions  des  anciens  Prophètes  que 
parle  nôtre  Seigneur.    Si  c'ctoit  donc 
cftre  fans  intelligence  &  fans  foy,  que  de 

n'y 


Sermon     I.  xxj 

n'y  avoir  pas  apris  ce  qu'ils  difoient  da 
Chrift  à  venir;  pour  qui  doivent paffer 
ceux  qui  ne  peuvent  apprendre  ces  niy- 
fteresdans  rÉvangile  ,où  ils  font  expri- 
mez &  reprefentez  dans  une  luKiierejqui 
furpafTc  dautant  celle  du  Vieux  Tefta- 
ment ,  que  la  clarté  du  Soleil  en  plein 
midyeft  plus  grande  que  celle  des  etoil- 
Ics  durant  la  nuiâ:  ?  Enfin  d'ici  mefme  il 
paroift  encore  5  que  Terreur  des  compa- 
gnies qui  prennent  le  nom  d'£glire,n'ex- 
cufe  point  les  particuliers,  qui  vivent  au 
milieu  d'elles,  s'ils  combattent  ou  igno- 
rent quelqu'une  des  veritez  de  l'Ecri- 
ture.Toute  la  Synagogue  oîiétoient  nais, 
&:  où  avoient  été  nourris  ces  deux  difci- 
ples,  tenoit  que  le  Chrift  ne  foufFriroic 
point.Etneantmoins  le  Seigneur  ne  laif- 
fe  pas  de  les  reprendre  rudement  com- 
me coupables  d'une  ftupiditc  &:  incré- 
dulité très-grande,  pour  n'avoir  pas  creu 
que  le  Chrift  fouffriroit ,  attendu  que  les 
Prophètes  l'enfeignoient.FideleSjétudicz 
donc  foigneufement  cette  parole  pour 
vous  garantir  de  ce  blâme.  Sondez  les 
Ecrituresjfans  vousamuferàceux  qui  les 
accufent  d'obfcuritè.  Croyez  avec  af- 
feurance  tout  ce  qu'elles  prononcent  de 

Dieu, 


214     Be  la  Refurr,  du  Seigneur  I  e  s  v  s . 
Dieu5&:  de  fon  Chrift.    Autrement  vous 
aurez  beau  alléguer  ô£  les  Pontifes^&cles 
Pères,  &:  l'Eglife,  &:tels  autres  grands 
noms ,  dont  on  épouvante  les  fimplesjle 
Seigneur  tient  pourinfenfez  àL  incrédu- 
les tous  ceux  qui  rejettent  ce  que  fes  Pro- 
phètes &:  fes  Apôtres  nous  ontenfcignè 
dans  fes  Ecritures.  Mais  après  cette  rude 
réprimande,  il  leur  donne  la  lumière  de 
fon  inftruftion.  Ne falloit-il fa^^A'\t-\\^qHe 
le  Chrifi  foujfrïfi  ces  châfes  ,  é'  quainfi  // 
entrafl  ef9  fa  gloire?  Leur  trouble  venoit  de 
ce  -que  lefus  avoit  foufFert ,  &  encore  une 
mort  fi  cruelle  &  û  ignominieufe  que 
celle  de  la  croix. Il  leur  fembloit  que  cela 
ne  s'accordoit  pas  avecque  la  qualité  de 
Mellîe  qu'il  avoit  prife^  &  qu'ils  avoienc 
creu  lui  appartenir  ;  parce  qu'ils  ne  coa- 
çevoient  fous  ce  nom  qu'une  perfonne 
glorieufe  &  triomphante,  entièrement 
éloignée  des  bafleflcs  &  des  opprobres 
cil  ils  avoient  veu  leur  lefus.  Cétoit-là  le 
motif  de  toute  leur  doute  ;  Tunique  ori- 
gine de  leur  fcandale.    Le  Seigneur  va 
donc  au  devanr;&:  leuf  accordant  que  le 
Chrift   devoir   jouïr   d'une   fouveraine 
gloire, il  les  avertit  qu'avâc  que  d  y  entrer, 

il  lui 


St  RM  Ô  N        î.  12Ç 

ilIuifalloitpaiTer  paruncextrermc  fouf- 
ff  an€e,*&  qu'il  ne  devoir  monter  fur  Ton 
thrône  qiie  par  les  degrez  de  la  croix. 
D  OTi  s'enfuit  que  tant  s'en  faut  qu'ils 
deuflent  s'etonner  d'avoir  veu  tnourir 
lefus  en  cet  opprobre  ,  ou  entrer  pour 
Gela  en  quelque  doute  de  la  vérité  de  fa 
charge  i  que  tout  au  contraire  cesfouf- 
franccs  les  dévoient  affermir  dans  la 
créance  qu'ils  en  avoient ,  comme  fai- 
fant  la  première  Se  là  principale  partie 
defon  mihiftere.ïl  ne  leur  déclare  point 
encore, quelle  eft  la  nature  de  cette  gloi- 
rcioù  le  Chrift  dcvoit  ciîre  élevé  après 
fes  fouifrancesi  à  fçavoir  fpirituelle  &r 
celefte5Ô£  non  temporelle  ou  mondaine, 
comme  ils  s'ctoient  imaginez.  Il  va  au 
plus  pre(rant,&;  fceontente  pour  ce  couj^ 
de  les  guérir  de  leur  principale  &  plus 
pernicieufe  erreur,  en  leur  môtrant  qu'il 
falloit  que  le  Chrift  fouffriftjparce  qu'en 
étant  une  fois  perfuadeZjil  leur  feroit  eil 
fuittc  fort  âisè  de  comprendre  le  reftei 
en  quoy  il  nous  donne  une  excellente^ 
leçon  de  procéder  judicieufcment  &: 
avec  ordre  dans  la  deduftiondc  la  do- 
ctrine celefte  i  allant  toûjduts  aiix  arti- 
cles les  plus  neceffaires,   éc  dont  nos 

p  auditeur^ 


iz6  De  la  Refurr.  di*  Seignfur  Ie  s r  s  J 
auditeurs  ont  le  plus  de  befoin  d'eftrC 
informez.  Au  reftc  il  ne  dit  pas  (impie- 
ment,  qu'il  etoit  convenable  ou  bieiî 
feant  que  le  Chrift  fouffrift  ;  comme  il 
avoit  dit  autrefois  parlant  de  recevoir  le 
baptefmc  de  lean,  qu'//  lui  étoit  convenu- 
hle  d'accomplir  toute  jujlicc^.  Mais  il  die 
qu*il  falloit  qu'il  fouftnft ,  par  ce  que  Tun 
n'ctoit  que  de  la  bien-feancejau  lieu  que 
Tautre  eft  de  la  neceflïtc.îl  pouvoir  eftrc 
le  Chrift,  &  nous fauvcr  fans  recevoir  le 
baptefmc  de  Ican,ni  s  aflujettir  aux  dif- 
ciplincs  ceremonielles  de  la  Loy.  Mais 
il  n'étoit  pas  ^poffiblc  qu'il  fuft  nôtre 
Chrift  5  ni  qu'il  nous  rachetaft  fans  mou- 
rir, l'avoue  que  le  Fils  de  Dieu  eft  morr 
volontairement,  &  non  necefTairemenr* 
Car  nulle  autre  force  ,  nulle  autre  raifon 
que  celle  de  fon  amour,  ne  Ta  obligé  à  fe 
faire  nôtre  Médiateur,  ou  à  entrepren- 
dre la  rédemption  du  monde.  Mais 
l'ayant  une  fois  entreprife,&  ayant  veftu 
cette  çhigrge ,  il  a  fallu  neceflairement 
qu'il  foufFiirt  pour  s'en  acquitter  :  Com- 
me il  eft  en  la  liberté  d'un  homme  de  ne 
pas  employer  fon  argenr  pour  un  débi- 
teur infolvablci  mais  quand  il  s'cft  une 
fois  confticuè  fon  pleige,  les  Loix  l'obli- 

genc 


s  E   R  M  O  >3       I.  1XJ 

genr  nerefTairemenc  à  facisfaire  pour  lui. 
Ec  que  Ton  ne  m'allègue  pointjque  c'eft 
la  volonté  &  le  decrec  de  Dieu,^^  non  la 
raifonou  lanarure  de  la  chofe  mefmCi 
qui  a  rendu  la  foufFiancc  de  Chrift  ne- 
ceiTaire.  Favouë  que  Dieu  Ta  ainfi  voulu 
&  ordonné  \  &  qu'il  en  avoic  mcfnie 
déclare  fa  volonté  en  diverfcs  fortes^ 
avant  que  de  l'exécuter.  Mais  ce  vou- 
loir &  ce  decrec  de  Dieu  eft  un  argu- 
ment tout  évident  delà  neceffitèdc  la 
chofe.  Car  pourquoy  l'euft  il  voulue  ^ 
ordonnée,  iî  eilen'euft  été  neceflaire? 
Les  inclinations  &  les  volontcz  natu- 
relles de  Chrift  y  repugnoientiellcs  dcfi^ 
roient  que  cette  coupe  pafTafl  arrière  de 
lui;  Elle  choquoit  la  raifon  &:  le  fens 
commun  des  hommes  j  Comment  donc 
cettefouveraine  rage(re,qui  ne  veut  riea 
qui  ne  foit  parfaitement  raifonnable, 
euftelleconfenti  fans  neccfTnèàun  évé- 
nement fi  fcaodaleux  ?  Mais  l'amour  du 
genrehumain,  qui  nefc  pouvoitfauvaf 
lans  cela,y  a  ployé  ia  volonté  &:  du  Pcre 
&  du  Fris  ,•  Car  c'eft  une  loy  éternelle 
gravée  haut  &:  bas  dans  toutes  les  parties 
de  l'univers  ,  que  le  pechè  doit  eftie 
puni, Si  la  jufticc  contciicécde  forte  que 

p     ^         le 


1 18  DeU  Refurr.  dt$  Seigneur  I  e  s  v  s . 
le  Chrift  ayant  encrepris  de  ftuver  les- 
hommes  pécheurs  pour  fatisftirc  à  la 
charirè  du Pcre  envers  eux  ,  il  ai  fallu  de 
rccefTicè  qu'il  expiaft  leurs  crimes  c'cfl: 
à  dire  qu'il  répaiidift  fon  fang  pour  eux 
&:  en  leur  place. C*efl:  ce  que  le  Seigneur 
remontre  à  fes  chers  difciples  ,  quand  il 
leur  dit  ici  avecque  tant  de  véhémence» 
Ne  fxlloit  tl  pts  que  le  Chrijl  fouffrijl  ces 
thofes  ?  Comme  s\\  euft  dit,  C*étoit  une 
chofe  de  tout  point  neceffaire.  Il  ne 
pouvôit  à  moins  que  de  ce  grand  anean- 
tiflement  fatisfaire  aux  devoirs  de  fa 
charge,  ni  executet  Tœuvre  qu*il  avoic 
cntreprife.  Car  dans  le  ftiîc  du  Saint  Ef- 
prit,qai  eft  celui  du  langage  H  breUîrin- 
terrogation  a  la  force  d'une  affirmation 
véhémente.  Mais  jijur  leur  faire  plus 
doucement  entrer  dans  l'eTprit  une  pro- 
pofition  fi  difficile,  il  leurfic  voir  au  long 
par  l'Ecriture, que  Dieu  l'avoir  ainfi  pro- 
pofée  dés  le  cômencemcnt  ;  rapportant 
àc  les  oracles  &  les  types ,  où  les  fouf- 
frances  du  Chrift  avoient  ctè  foit  prédi- 
tes, foit  reprefentées  plufieurs  fiecles 
avant  leur  événement  i  Erc'cft  ce  qu'en- 
tend i'Eva  igclifle  qu.nvJ  il  aoûre,  que 
comm.fjçAnt f^r Moi[e^O-fmvxntfxr tous  les 

Fro^heiej 


s  fim  M  o  N     I.  Z19 

Frûphetes ,  //  le»r  JecUmt  en  toutes  les  Ecri^ 
tares  les  ih»fes  qui  étoient  de  lui  Car  je  i  ap- 
porte cela  non  gcneialtmenc  à  tout  ce 
<]ue  le  Vieux  Tcftam^nt  avoit  prédit  du 
Chnft  à  venir  j  mais  particulièrement  4 
ce  qui  rtgardoit  fcs  fotfFiances,  &  fare- 
furredionila  liaifondeces  vcrfets  avec- 
que  les  precedens  requérant  évidem- 
ment,  que  nous  le  prenions  en  ce  fens. 
11  donnoit  à  ces  deux  difciples  la  mefme 
inftrucVion^qu'il  leur  donna  depuis  à  tous 
enfcmble  ,  comme  S.  Luc  le  rapporte  ci 
après, en  leur  difant ,  //  eïi  atnfi  écrit ,  ér^^<^  H 
éinÇifalloitque  U  Chrijl  fouffnji  ^  refufci"'^^' 
îaft  des  morts  le  tro'fiejrr/e  jour,   D*où  vous 
voyez ,  mes  Frères ,  que  la  vraye  mciha- 
de  de  bien  enfc  igner  l'Evargile  eft  en  Ip 
comparant  avecque  Moïfe  &  les  Pro- 
phètes 5  rapportant  les  veritez  preCentes 
à  leurs  vieilles  figures,  en  mefurant  lc$ 
corps  de  la  nouvelle  alliance   avecquç 
les  ombres  de  Tancienne  ,  ^  confron^ 
tant  les  vives  images  que  Chriftnousa" 
données  aux  derniers  fiecles  avecque  les 
crayons  que  Moïfe  en  ^voit  tire?:  dés 
jadis.  Car  ce  n*efl:pas  en  vain,  ni  fans  uri 
profond  deflein,  que  Diey  a  fait  mar- 
cher tant  de  hérauts  de^vancfon  Fils  j  U 

P    3      q^^'ii 


Z}0  De  la  Refurr.  d-^  Sergyieur  I E  s v s. 
qu'il  nous  a  confcrvè  leur  voix  &  leurs 
tableaux  dans  les  livres  du  Vieux  Tefta- 
menc.Il  l'a  fait  tout  expres,afin  que  nous 
y'creuvions  la  demonftration  &:  la  jufti- 
fication  de  l'Evangilci  écantevident  que 
ce  rapport  qui  paroift  entre  les  prédi- 
rions &:  les  evenemens, les  copies  &:  les 
originaux  5  les  modelles  ôd  les  chofes 
meimes,ne  peut  cftre  finon  l'ouvrage  de 
fa  ibuveraine  &  éternelle  fapience.  Et 
pluft  au  Seigneur  que  nous  euflîons  ici 
ce  divin  difcours  de  lefus,  qui  remplit 
les  cœurs  de  ces  deux  difciples  d'une 
nouvelle  flamme  de  joye ,  de  foy  &  de 
zèle  ;  tant  il  leur  montra  clairement  les 
merveilles  de  fes  myftercs  dans  les  Ecri- 
tures. Mais  puis  qu'il  n'a  pas  voulu  que 
fon  Evangelifte  nous  le  reprcfentaft^foit 
pour  exercer  nôtre  foy,  foit  pour  quel- 
que autre  raifon  qui  nous  eft  inconnue; 
elT.îVons  de  treuvernous  mermesdans 
les  Prophètes ,  ce  qu'il  y  fit  alors  remar- 
quer à  fes  difciples.  Certainement  pour 
peu  que  vous  y  apportiez  d'afFc-ftion  ,  il 
ne  fera  pas  difficile  d'y  defcouvrir  pres- 
que par  tour,la  croix  de  Chrift,&  fesfa- 
lûtairesfoufFiance5.  Cet  Adam  endormi 
à  qui  Dieu  ouvre  le  côté  pour  #n  tirer 

Ton 


s  E  R  M  O  N       î.  151 

fo|flfEvc,nous  peint  dés  Tentrée  que  TE- 
glife  naiftroit  de  la  mort  ^  des  playes  de 
fon  Chrift;&:  ce  que  nous  voyons  un  peu 
âpres  que  la  femence  de  la  femme  brife- 
ra  la  tefte  du  ferpcnc ,  &:  que  leferpenc 
luibrifcra  ie  talon  ;  qu^eft-ce  finonune 
predidion  de  la  fanglante  vidoire ,  que 
le  Meflîe  a  remportée  fur  Satan  ;  Tccra- 
lant  à  la  vérité ,  mais  par  les  fouffranccs, 
qu'il  a  fubies  en  fa  plgs  baffe  nature? 
Cette  peati  enlevée  par  la  main  de  Dieu 
de  deffus  le  dos  d'une  brebis  pour  en 
couvrir  la  nudité  de  l'homme ,  eft  auflî 
un  emblème  de  la  robe  myft-ique  de  nô- 
tre juftice  &:den-ôcre  falut,  quicoiitela 
vie  au  vrai  Agneau  de  Dieu.  Abel  tuè 
par  fon  frère  ,  lofepîi  vendu  par  les  fiens, 
&  de  la  foffc  élevé  fur  lethrône,  Noë 
enfeveli  dans  une  arche  pour  conferver 
îe  mondc5&:  devenir  le  Père  d'un  fécond 
Universjfaac  immole  &:  reiTjfcitèfur  la 
montagn-ede  Moria,  &c  le  bélier  envoyé 
.du  ciel  d^  facrifiè  en  fa  place,&:  lacob  ac- 
quérant des  femmes  au  prix  d'une  labo- 
fieufe  fervitude  ,  &  l'agneau  tuè  en 
Egypte  pour  fauver  les  premiers  nez  d'I- 
fraël ,  de  le  ferpent  élevé  fur  le  bois  pour 
guérir  lfracl.3  étoient  autant  de  figures 

p     4  de 


z}z     De  la  Refurr.  du  Sei^et^y  I e  s  v  s T 
4clamo6t&  du  facrificc  du  Meffie.  ^ça 
dis  autart des  viûimes  de  latecLçn ial?çr- 
|?^le^  qui  crioiçnc  toutes  hautei;x)!ent  que 
pôtre  r^luc- ne  fe  pouvoir  acqiKfir  que 
parle  fang;  que  le  Mtflîe  par  cox^fe^uenc 
repandroïc  lefien  ,  puis  qu'il  devoir  çofi- 
ferver  le  nôtre.     Samfon  reprçfente  la 
lîîcfmeverijèdunc  autre  fortç  ,  perdant 
gayement  fa  vie  pour  accabler  les  enne-^ 
xxyis  de  Ton  peuple  ;  &:  David  pafTanc  par 
niillc  &  mille  morts  avant  que  de  s  ajf- 
f^oirfurletrônçd'Ifraëli  &:  Iona3  jette 
dans  la  mer  pour  appaifer  lora^ç  ,  en- 
glouti &  vomi  par  la  baléne  avant  que 
de  convertir  les  Gentiis.Enfin  à  pêne  y  a- 
t'il  aucune  délivrance  tant  foie  peu  nota- 
ble f  &  toutes  celles  qui  font  notables  fi- 
guroient  le  falut  deCluift  )  où  vous  ne 
voyez  quelque  enfeignement  de  ks  fouf- 
frances.  Et  qu'il  fallnft  ainfi  prendre  ces 
fîgures,les  cracks  celcftes  le  montroient 
f{di^n-  clairement  predifanr  expreflement  que 
leChrift  feroit  navré  pour  nos  forfaits, 
froifsè  pour  nos  iniquitez,  meurtri  pour 
nôtre  guerifon  ,  affligé  ,  mené  à  la  cuerie, 
enlevé  de  la  force  de  l'angoiffe,  &  de  la 
condamnation  ,  retranché  de  la  terre  des 
divans  i  quil  niettroit  foiyame  eaobla- 


s  E  R  M  Ô  N       L  Z3J 

don  .pour  le  pechè ,  qu'il  épandroit  f^ 
vie  à  la  mort,  qu'il  porteroit  les  péchez 
de  pluiîeufs,qu'il  feroic  retrânchè5&:  non^^^.  9^ 
pour  foy.     le  iVaurois  jamais  fait,  fi  je 6, 
voulois  ici  ramafler  tout  ce  qui  fe  peuç 
dire  fur  ce  fujer.   Ge  peu  que  nous  avons    -^ 
touché  fuffic  pour  juftifier  ce  que  dit  Iq 
Seigneur  à  fcs  difciples  :  &:  pour  montreç 
qu*ils  étoient  vraycu^enc  depourveusde 
fens,  &  tardifs  de  cœur  à  croire  ,  puis 
qu  après  tant  d  avertiffemcns  fi  précis ,  6C 
fi  exprès  ,  ils  fefcandalizoient  encore  de 
fa  mort,  &  de  fon  opprobre.  Dieu  vueil- 
le.  Frères  bien-aimez,  que  cette  leçoQ 
nous foit  auflî  utile  qu'à  eux.*  quelle  al- 
lume un  femblable  feu  dans  nos  cœurs, 
de  foy  de  d'amour  envers  ce  divin  crucir 
fié;  de  charité  &:  de  bien-vueillance  en.- 
vers  tous  fes  difciples.  Que  fa  croix  noui^ 
édifie  5  ainfi  qu'elle  fcandaliza  les  homes 
au  commencement  s  que  ce  foit  nôtr^ 
confolation  &  nôtre  joye  ;  au  lieu  qu'elle 
fut  la  cheute  6c  la  ruine  de  plufiéurs. 
Qu'elle  nous  foit  un  argument  de  fa  ve* 
rite  5  &  une  preuve  de  fa  charge  ;  qu  elle 
nous  attire  à  lui,  au  lieu  quelle  en  dé- 
goûte les  autres.Cette  éroîx,ô  araes  fide* 
les^eftla  fource  de  vôtre  vie^S^  le  fon  dé- 
mène 


2tî4-    De  U  Refurr  du  Seigneur  I  e  s  v  s . 
dcment  de  vôtre  immortalité.     Cette 
croix  abrife  la  tefte  de  vos  ennemis  i  elle 
a  défait  les  demonsi  elle  a  defarmè  la  loyi 
clic  a  efteinc  l'enfer  *>  elle  a  vaincu  la 
mort  ,*  elle  a  fandifiè  le  fepulcre  ;  elle  a 
ouvert  le  ciel  ,  &  acquis  le  fanduaire 
de  leternitè.    Beniflcz  un  fupplice  û fa- 
lutaire  j  une  ignominie  fi  glorieufe  ,  &: 
vous  fou  venez  que  c  eft  pour  vous  qu'il  a 
fallu  que  le  Fils  de  Dieu  fuft  cloue  à  ce 
crifte  bois.    O  incomprehenlible  mer- 
veille de  fa  divine  charitèi Vous  ne  pou- 
viez eftre  garantis  de  la  mort ,  fi  le  Roy 
de  gloire  ne  la  fouffroit  pour  vous,Vne  fi 
dure  condition  ne  Ta  peu  empefcher 
d'entreprendre  de  vous  fauver.     Il  a 
mieux  aimé  mourir  fur  une  croix  ,  &; 
vous  voir  vivre  dans  le  ciel  ,   que  de 
jouir  de  fon  ciel  &:  vous  voir  dans  les 
enfers.   Au  nom  de  Dieu,  Chers  Frères, 
ne  foyez  pas  fi  ingrats  que  de  ne  point 
aimer  un  Rédempteur  fi  aimable.    Em- 
braflez  le  au  fortir  de  ce  grand  combat, 
où  il  eft  entré  pour  vous.    Adorez-le 
&:  admirez  la  lumière  ,  qu*il  nous  apor- 
ce  de  ce  tombeau  ,  d  où  il  eft  refufcitè 
en  une  nouvelle  %c  immortelle  vie.  Sui- 
vez-le &  Gonverfcz    avccquc  lui  dés 

mainte- 


s  E  R  M  O  N      L  23J 

maintenant  en  pureté ,  en  juftice  j  ea 
faintetè ,  afin  d'avoir  quelque  jour  part 
cnlâ  joye,  en  la  gloire,  &en  leternitè 
de  fon  Royaume  celellç.  Dieu  nous  en 
Êiffe  la gr^cc.   Ainsi  soit-il. 


D£  LA 


25^ 


D£    LA 

RESVRRECTION 

DE  NOSTRE  SEIGNEVR 
lESVS-CHRIST. 

SERMON   DEVXIESUE. 

Sur  les  tcrfets  i8.  29. 30. 31. 32. 33  34. 35» 

du  Chap.  X  X  1  V.  de  l'Evangile 

félon  S.  Lvc. 

!.%•  Ainfiils  approchèrent  de  la  bourgade^ 
eu  ils  allouent  ,  mais  lui  fùjoit  fembUnt 
daller  plus  loin, 

29.  Farqitot  ils  le  parforcerent  ,  difanSy 
Demeure  avec  nous  ;  car  le  foir  comrf  eme  i 
'venir  y  dr  lejourejldesja  décline.  Il  e^tra 
donc  pour  demeurer  avec  eux. 

30.  Et  avi?}t  que  comme  il  etott  a  table 
avec  eux^ilprit  le  pain.  (^  rendit  grâces  ^puis 
l ayant  rompu  le  leur  diflnbua. 

31.  Adonc  leurs  yeux  furent  ouvers ,  telle- 
Tnent  quils  le  reconnurent ,  mais  il  fe  dijpa^ 
THt  de  devant  eux. 

32.  Alors  ils  dirent  entr  eux  >i  Notre lœur 
m  bruloit  il  pas  dedans  nous^quandilparlott 

À  /JOUS 


s  È  R  M  O  K       II.  157 

d  mus  par  le  chemin  ,  &  mous  dedaroit  les 
Ecritures  ? 

5j  Et  fe  levant  au  mefmt  infiant ,  ils 
retournèrent  en  lerufulem^  ou  ils  treuverent 
les  onze  afjemhkz  y&ceuxqui  itoient  avec 
tux. 

34.  ^i  diÇoient ,  Le  Seigneur  efi  vraye- 
ment  reffufcite ,  &  s  efi  apparu  à  Simon. 

3^.  DO'SC  ceux  ci  aufi  récitèrent  les  chofes^ 
éfuileur  étaient  avenues  en  chemin ,  &  com^ 
ment  il  avoït  été  reconnu  d'eux  en  rompant 
le  pjiin. 


Hers  Frères; 


Bien  que  toutes  les  aftions  de  Iefu« 
Chrift  ,  tandis  qu'il  a  été  en  la  terre, 
foient  dignes  d'une  très-grande  confi- 
deration,comme  étant  plenes  dune  bon- 
té, fageffc,  &  juftice  divine  i  neantmoius 
entre  les  autres  celles  qu  il  a  faites  de- 
puis fa  refurredion  doivent  eftre  pefccs 
avec  une  fi  iguliere  bc  extraordinaire 
attétionsfoit  par  ce  qu'elles  s'exerçoienc 
par  une  nature  humaine, délivrée  des  in- 
firmitezjdonc  elle  avoic  écè  enveloppée 

avant 


158     De  la  Refurf.  du  Seigneur  I  ê  s  v  s. 
avant  la  croix  ;    ôd  deiormajs  rcveftuS 
d'immortalité  ;  foie  pare<  que  c'étoiciic 
les  dernières  de  la  vie  qiuipofla  fur  la 
terre; nôtre  efpric  ayant  accoutumé  de 
ne  rien   remarquer  plus  curieufcment 
dans  la  vie  des  grands  homes ,  que  Jours 
dernières  adions  &:  paroles .- (oit  enfin 
parce  qu'elles  nous  fonc  très  ut iles,Gianc 
toutes  autant  d'appuis  de  nôtre  foy.&:  de 
fondemens  de  nôtre  pieiè  ,  entant  que 
cefoftt  de  claires  &  irréfragables  preu- 
ves de  là  refurreftion  &:  de  la  divinité 
du  Seigneur.  Ces  jôwrs  fc  devant  donc 
particulierementemployerà  les  méditer 
félon  Tufage  de  tous  les  Chrétiens  ,  qui 
les  ont  confacrez  à  la  mémoire  de  ce 
grand  myftere  ;  j*ai  choilî ,  Chers  Frères, 
le  texte  que  vous  avez  entendu,  pour 
cftre  le  fujet  de  cet  exercice  ,  parce  qu'il 
contient  Tune  des  plus  mémorables,  &: 
des  plus  mervcilleufes  adions  du  Fils  de 
Dieu  depuis  fa  refurrcdion.C'cft  que  le 
jour  mcfme  qu'il  rciTufcita,  ce  divin  Sçi* 
gneur  n'ayant  rien  plus  àcœur^que  Tin- 
ilrudion  de  (es  dilciples  ,  neceffaire  ^ 
pourfagloirejôd  pourleialut  du  monde, 
en  voiant  deux  pai  tir  de  lerulalcm  pour 
fe  retirer  en  Emmaiis ,  afin  de  leur  faci- 
liter 


Sermon     II,  13^ 

liter  la  créance  de  la  vérité ,  &  fe  mani- 
fefterplus  commodément  à  eux,  fe  mit 
en  leur  compagnie ,  fans  qu'ils  le  recon- 
nuflenti  Se  ayant  pris  fon  temps  leur  dé- 
clara par  le  chemin ,  que  les  fouffrances 
de  Chrift  avoient  été  ordonnées  dans  le 
confeilde  Dicu,&  prédites  en  fes  Ecri- 
tures, ôc  ne  dévoient  point  par  confe- 
quent  les  troubler  ,  ni  ébranler  lefpc- 
rance  qu'ils  avoient  conccuë  de  lui.  Et 
après  leur  avoir  levé  ce  fcandale  ^  il  leur 
fit  l'honneur  d'entrer  dans  leur  maifon, 
comme  ils  furent  arrivez  en  la  bourga-i 
de,-oiis'étant  mis  à  table,  il  fe  découvrit 
à  eux  ;  &  après  ce  témoignage  de  fa  di- 
vinité &dcfon  amour,  fe  retira prom- 
ptement  de  leur  prefence  ,  laiffant  leurs 
cœurs  pleins  de  tant  de  confolation,  de 
foy,  &  d'ardeur,  que  piquez  decesfe- 
crets  éguillons  ils  partirent  à  l'heure 
mefme5&:  retournèrent  en  Ierufalcm,oiit- 
ils  firent  part  de  leur  bon-heur  aux  Apô- 
tres, &  aux  autres  difciples  leurs  confrè- 
res. A  la  vérité,  je  ne  vous  ai  leu  ,  que  la 
dernière  partie  de  cette  fainte  hiftoirci 
parce  que  le  temps  deftiné  à  ces  adions, 
nefufîîroit  à  vous  l'expliquer  toute  en- 
tière 5  àc  peut  eftre  y  en  a  t'il  parmi  vous 

qui 


140  Tie  U  Refurr.  du  Seigneuf  I  e  s  v  si* 
qui  fe  fouvicnnent  qu'aucrcsfois  nous  eri 
àuons  ici  expofé  le  commeticemenr- 
Mais  cette  fin  que  vous  en  avez  enten- 
duë,nous  fournira  affez  d'en  feigne  mens 
de  pieté  ,  &  de  confolat;ion  fpirituelle, 
pour  remplir  cette  heure  \  fi  no.us  âppfor- 
cons  en  cette  médication  le  zèle,  &:  l'at- 
tention que  mente  un  tellujet.  Pour 
vous  y  aider ,  nous  confidererons  par  or- 
dre toutes  les  parties  du  tableau  ,  ovi  la 
plume  de  TEvangelifte  nous  Ta  reprefen- 
tc-,premierement ,  comment  le  Seigneur 
j'arrefta  avec  les  deux  difciplesdans  la 
bourgade  d'Emmaiis  \  fecondement  , 
comment  ils  le  reconnurent;  en  troi- 
fiefme  lieu  comment  il  difpartiti  &  en 
fuite  la  merveille  &  le  difcours  des  deux 
difciplesileur  retour  en  lerufalem^Si  Tc- 
tatoùils  treuverentles  Apôtres  i  &  en- 
fin la  communication  qu  ils  curent  les 
lins  avecque  les  autres.  Ce  font  là  les  fix 
points,  que  nous  traitterons  en  cette 
l(3:iouv^fi^^ieu  nous  daigne  aflifter  de 
cette  grâce  falutaire  ^que  nous  lui  avoft^ 
demandée,  &  que  nous  lui  demandons 
encore  pour  l'amour  de  fon  Fils  lefus 
Chtift  nôtre  Seigneur. 
Pour  donc  déduire  Ictout  en  cet  ordre, 

l'Evange- 


Sermon     II.  x4i 

TEvangclifte  nous  dit  d^entrée ,  parlanc 
de  Iclus,  5c  des  deux  difciples,  qu'ils  ap- 
prochercc  de  la  bourgade  où  ils  alloienc, 
qui  étoïc  Emmaiis,  comme  il  l'a  ditci- 
devantidiftaocede  Iciufalemde  trois  ou^ 
quatre  petites  Ikuës  feulement. Ce  che- 
min fans  doute  fut  bien  court  à  ces 
deux  perfonnagcs  i  le  divin  entretien  de 
ce  nouveau  &:  inconnu  compagnon  de 
leur  voyage,  leur  en  foulageant  la  peine, 
êc  leur  ctormant  tellement  les  fens, 
qu'attachez  à  fa  bouche  ,  5c  ne  penfans 
qu'aux  belles  5c  admirables  chofes  qui 
en  fortoient ,  ils  ne  fongeoient  point  au 
travail  du  marcher.  Mais  le  plaifir  donc 
ils  joUiffoienr,  fut  troublé,  quand  arrivez 
au  logis,  au  lieu  qu'ils  s'attendoient  d'y 
pofleder  cette  douce  compagnie  avec- 
que  plus  de  commodité ,  ils  fe  virent  fur 
le  point  de  la  perdre  ,  par  ce  que  le  Sel* 
^/jeuryàit  S.  l^ucfiifoit  femhUnt  d'aSerplui 
loi».  Il  nous  faut  de  necciruè  un  peu  ar- 
refter  fur  ce  pas  ,•  tant  par  ce  que  vous 
treuverez  peiireflre  étrange  ,  que  lefus 
le  Prince  de  vérité  femble  avoir  use  de 
quelque  efpece  de  dillîmulation  ,  bien 
qu'en  une  chofe  légère  5C  innocenteique 
4*âMcan,t  qu'en  efi:t  les  .anciens  5c  mo- 

g  darnç$ 


1 41  I>e  U  Rëfurr  du  Seigneur  I E  s  V  s . 
dernes  avocats  de  la  fourberie  &  de» 
équivoques^ont  abusé  de  ce  texte  pour  y 
fonder  leur  fraude.  Mais  à  Dieu  ne  plai- 
fe ,  que  le  menfonge  treuve  de  la  faveur 
dans  les  aftions  de  celui  qui^ft  la  vérité j  ^ 
ou  que  le  parfait  &  fouvtrain  patron  de 
la  {înceritèait  fait  ce  qu'il  nous  défends 
ou  qu'il  y  ait  eu  de  Tobliquitè  dans  les 
2/ a>  faits  de  cc\\M^enU  bouche  duquel  n  a  pint 
Tierre  -  ^'^^  treuve  de  frauder.  Pour  le  raontrerjje 
HZ,  n'aurai  pas  ici  recours  a  l^btilitè  de 
Saint  Auguftin  ,  qui  pour  défendre  cette 
adionTevapore  en  allegorie,pretendant 
que  ce  que  fait  ici  le  Seigncur,fut  une  fi- 
gure, par  laquelle  il  reprefentoit  ce  qu'il 
accomplit  depuis  >  &  que  ce  plus  loin- 
tain voyage  dont  il  fit  femblant^étoit 
Timage  de  fa  retraitte  dans  le  ciel ,  où  il 
monta  quarante  jours  après.  Tavouë 
que  cette  défaite  eft  tirée  de  trop  loin; 
&:  qu'il  ctoit  difficile ,  pour  ne  pas  dire 
impoflible  à  ces  deux  difciples,de  pren- 
dre l'adion  du  Seigneur  en  un  tel  fens. 
Sans  donc  en  venir  là,)e  dirai  feulement 
qu  à  coniiderer  cette  adion  en  elle  mef- 
me  5  il  n'y  a  rien  eu  en  elle  d'oblique  ni 
de  frauduleux.  Et  pour  le  bien  enten- 
dre, il  faut  fçavoir  qu&le  menfonge  n'eft 

autre 


autre  chofe  qi?unè  contrariété  entre  la 
^enfec  idc  h^ïce  cœur,  &:  ce  que  nous 
faifohs  pâroMhe  au  dehors,  fojc  parnos 
paroles,  quàihd'noLis  difons  \c  contraire 
dccequehons  âvônsau  cœur  >  foie  par 
"hok  aftiotls',  ?iîia*nd  nous  en  ^atforis  qui 
ôgnifieric  le  concratrè  .cle  ce  que  nous 
ivons  dari^riiiïié.    î\iàîi  Aie  dire?  vous, 
l"e  Seigneur  cri  cet  en  jfôft  ne  fait-il' pas 
le  contraire  de  ce  qu*il  avoir  en  Tapen- 
fee?  Preraiefdniènt  il  fetiii>1e que  l'Evan- 
geliftè  le  pofe  àinfi  e^tprëfleriicnt,  difant 
"K^nilfitfembUr^'f  H' aller  plus  loin.  Gac  faire 
fenibianr  d^ijite  chofe  eft  fa'iré'paroiftre 
au  dehors,  qûd  l^on'à  'une  penfée ,  pu 
undefrein,qo'e  l'on  n'a  pas  en  clTeV.  Puis 
àpres,la  choîc'hiefme  le  montre  ainîï  ce 
femblc5P\^idemnicnt'.   Car  de  quelque 
faffotf  que:  Pon"  prenc   les  termes  cm- 
ployeii  patrEvangelifte,  ûfauC'il pour- 
tant allouer, qùMs  fignifîent  qu'au   lieu 
qtie  les"  dcttx  difciples   s^arrcrt'jient  3^ 
Emm.îiivJfè^Séigaeur  fe  mcttprr  en  adi^^ 
tJeçàflïrù^tf^-delcs  hi{ïerl^,&  d'aller 
|)!us;ioin/ Ô't^ctla  nVrt-i(  pas  contraire  a 
èe  qiriî  aybit  en  la  p,cnfée,  5^  qu^il  fie, en 
effer,pu1s  q'ù^i^ViVre  fe^-deux  dif- 

ci^îes  5  (aiir'^Wsif  outre  pdurlofs',  cômb 
^''^''^  q     z         nous 


X44  ^^  l^  Refurr.  dté  Seigneur  I E  s  V  s . 
nous  rapprenons  parla  fuitte  de  ce  tcx-- 
tcf  Chers  Frères,  pour  commencer  par 
cette  dernière  objeftion,  d*du  dépend 
réclaireiflement  de  toute  la  difîicultCt 
je  refpons  que  de  vrai  le  Seigneur  voyic 
fes  difciples  s'ârrefter,  ne  s'arreftapaî 
comme  eux^mais  que  prenant  congé,  ôc 
levant  le  pied  il  fe  preparoit  à  paffcr 
outre;&  c'eft  ce  que  TEvangelifte  appel- 
Xcfdirefemblant  d^ aller  flué  loinibc  j'avoue 
encore  que  cette  adion  procède  quel- 
que fois  d*une  ferme  &  arreftéc  refolu- 
tion  de  paffer  outre.  Car  c*cft  juftemenc 
ce  qu*euft  fait  le  Seigneur ,  s'il  euft  eu 
intention  d^allcr  plus  loin.  Mais  j'ajoute 
que  cette  aftion  n'a  pas  toujours  necef- 
fairement  ce  fens  là;  elle fignifie quel-» 
quefois  feulement  une  volonté  condi- 
tionnée de  pafler  outre,  ficen'cftque 
Ton  foit  inftamment  requis  de  demeu- 
rer ;  ou  le  deflein  que  Ton  a  d'eflayer  6^ 
de  reconnoiftre  la  volonté  de  ceux  avec 
qui  l'on  agit  ainfi.Car  il  en  eft  des  adions 
tout  de  mefme  que  des  paroles.  Les  pa- 
roles félon  les  diverfes  manières,  donc 
nous  les  rangeons ,  &  prononçons  dans 
nôtre  langage,ont  des  fens  differens,  &: 
quelque  foismcfme  contraires:  comme 

quand 


Sermon    IL  24  j 

quand  pour  fignifier  qu'un  homme  eft 
méchant  nous  àiÇom^o  l'homme  de  bieni 
Quelquefois  nos  paroles   excédent  la 
vente  de  ce  que  nous  voulons  fignifkri 
comme  quand  les  Ifraëlites  ,  pour  figni- 
fier que  les  villes  de  Canaan  croient  for- 
tes &   munies  de  murailles  extrême- 
ment hautes  ,  difent,  cruelles  font  clofesDenk  i. 
jufquaux  cieux.^  il  y  a  une  infinité  d'au*^^* 
très  manières  de  parler  femblables  dans 
nôtre  langage, que  les  maiftres  de  la 
Grammaire  &  de  Teloquence  ont  foi- 
gneufement  remarquées ,  &:  qu'ils  ap- 
pellent communément  trofes^  ou  figures. 
le  dis  donc  qu'il  y  a  des  adions  qui  font 
fujettes  à  la  mefmc  ambiguitè ,  &  qui  fi- 
gnifient  quelquefois  des  chofes  &  des 
penfées  diverfes  ,ou  mefme  contraires, 
félon  le  différent  air  qu'on  leur  donne, 
&:  les  diverfes  circonftances ,  qui  les  ac- 
compagnent. Nôtre  Seigneur  n'écoute 
point  la  Cananéenne  >  il  ne  luy  répond  3/4«^. 
rienjil  fait  plusjil  la  rebute,  &  lui  dit  qu'il  J^.^"'^ 
n'eftpas  à  propos  que  les  chiens  ayent 
le  pain  des  enfans.Et  neantmcins  il  n'y  a 
perfonne  qui  ne  voye  ,  &  n'avoue  que 
cette  fiennc  aûion   fignifioit,  non  un« 
ferme  &:  arreftée  volonté  de  luirefufer 

q     5  c% 


24^  ^^  ^^  ^^y^^^-  ^'  Seig^eiUf  I  e  s  v s. 
cç  qu'ellp.  demandoic,  m^is  le  defleia 
feulement  c}'exei:cer  fa  fpy  ,  &  dVprou- 
yerfa  patience.  Et  dans  la  vie  commu- 
ne les  pères  en  u(eut  tous  Je§  Jours  ainfi 
efiyersleurs  çnfans ,  les  m^iftrps  envers 
leurs  difciples,  les  nlari^  eiTV;0rs  leurs^ 
fçmmes.  Et, dans  rivGgcVdeia<;:i.vilitè  or- 
,dinaire5il  y  a  quantaèd^aftionsqui  ont 
de  femblabk  s  lens  figurez ,  comme  pour 
Xie  nous  pas  eioignçr  d^  çiotte  fujer,quâd 
nous  rcfiftons  aux  inftanccs  d'un  ami  qui 
âefnede  nous  retenir  enfamaifon,  &: 
auquel  nous  nous  laifTons  vaincre  enfin ,- 
ce  reroiteftrc  impertinent  que  de  pren- 
dre telles  honn(ftti;t,z  pour  des  crimesi 
bc  celui  qui  ious  qmbrc  de  cela  nouscoii- 
damncioit  ou  de  epcnfongc  ou  d*incon- 
ftance,feroit  lui  mefinc  ridicule)  Tout 
àinfi  donc  que  Ton  n  auroit  nulle^raifon 
d'acculer  de  menterie  oude  fraude,  ua 
homme  qui  dans  fon  langage  fe  fera  fer- 
vi  d'une  hypei  bole  ,  ou  d'une  ironie ,  ou 
de  quelqu'une  de  ces  autres  figurc's,s*il  le 
fait  à  propos  ;  pour  ce  que  ou  fa  pronon-r 
ciation,ou  la  tiffure  de  fon  difcouismon- 
tre  affcz  quel  cft  Ion  fens;de  mefme  auflî 
cnefl:  il  de  cette  forte  d'adions  ,  que 
nous  avons  nommées  figuréi^s. Leurs  tir-^ 

conftanccs 


Sermon    IL  247 

canftanccs  découvrant  ce  qi*  elles  fîgni* 
fient,  Ton  ne  peut  raifonnablement  ac- 
cufer  celui  qui  les  fait ,  de  fraude  ou  de 
mçnterie,fous  ombre  que  quelquefois  on 
les  employé  en  autre  fens.  Or  ileftevi-. 
dent  que  celle  du  Seigneur  en  ce  lieu  eft 
de  ce  rang-làifignifiant  non  précifeméc 
qu'il  cuft  intention  d  aller  plus  loin,mai$ 
feulement  qu'il  pafTeroic  outre^fi  les  priè- 
res &  les  inftances  de  ces  deux  difciples 
nelobligeoientà  s  arrefterrlà.  Et  quant 
à  ce  que  l'Evangclifte  dit  qu'il  fit  fera- 
blant  d'aller  plus  loinjc'eft  un  terme  qu'il 
ne  faut  pas^prefler  ;  &c  qui  exprime  feu- 
lement l'apparence  ,  &  non  le  fond  deU 
chofe  ,  fignifiant  iîmplement  que  le  Sei- 
gneur fit  en  cette  occafîon  tout  de  mef- 
me  qu'il  euft  fait  ,  iî  au  fond  il  euft  été 
abfolumentrefolu  d'aller  plus  loin.  Où 
eft  celui  qui  fift  fcrupule  de  dire  parlant 
de  cette  CananeennCydont  nous  venons 
de  rapporter  l'exemple  que  le  Seigneur^, 
faifoit  femblant  de  lui  vouloir  refufer. 
la  grâce,  qu'elle  dcfiioit  >  ou  qui  s'accro- 
chaft  fur  ce  terme  ,  fi  l'Evangeliftequi 
recite  cette  hiftoire ,  s'en  étoit  fervi?  Et. 
néantmoins  tous  avouent  qu'il  n'y  eut 
aucune  fraude,ni  difilmulation  ainfi  prp- 
q     4  premcac 


i4-8    I>e  U  Rêfurr.  du  Sttgneur  Ie  s  v s . 
premcnt  nommée  dans  Tadioli  de  nô- 
46.       ^^^  Seigneur.    Et  quand  S.  Marc  ayant 
raconté  que  le    vaifleau   des  difciples 
écoiragicè  de  la  tourmente  >  ajoute  que 
le  Seigneur  vint  à  eux  fur  la  mer ,  &  les 
Touloit  pafler^  qui  ne  voit  qu'il euft  peu 
dire  touc  de  mefmc  c^uH  fatfoit  femblant 
delesv0ulûir  fajfer'y  (ans  entendre  par  là 
autre  chofe  ,  finon  qu'il  faifoit  ce  qu'il 
cuftfait,fi  au  fond  il  cuft  eu  la  volonté 
&  ledeflein  de  pafTcr  outre  ?  Soit  donc 
conclu  que    ni  les  termes  de  TEvangc- 
iifte,  ni  le  fait  du  Sogiieum'induifent 
nullement  ce  que  prétendent  les  advo- 
catsdu  menfonge,  qu*ily  ait  eu  aucune 
fraude  ni  obliquité  dans  cette  adion  de 
nôtre  Seigneur, &:  que  par  confequent 
elle  ne  favorife  nullement  les  deguifc- 
mcnsjnilesmenfonges  &  équivoques  de 
cts  gensjqui  fe  donnent  la  licence  de  fi- 
gaifierau  dehors  le  contraire  de  ce  qu'ils 
cicnncnt  caché  au  dedans  de  leur  cœurs 
&  cela  avec  des  paroles ,  &  des  adions 
qui  ne  peuvent   raifonnablement  s'en- 
tendre autrement;  nirufage,ni  lesloyx 
de  Dieu  &  des  hommes  ne  permettant 
point,qu  on  les  prcne  en  un  autre  fens;&: 
nul  de  ceux  qui  \ts  voyent,  ou  q^ii  les 

efcoutcnt 


Sermon     IL  z49 

efcotitent  ne  les  pouvant  interpréter 
que  de  cette  forte.  Mais  cette  difputc 
étant  éloignée  de  nôtre  fujet ,  &  n  eftanc 
pas  fort  obfcure  au  fond,  puis  que  ce  n'eft 
que  la  partions  que  Tintereft  de  la  chair, 
qui  y  forment  de  la  difRitiliè ,  je  reviens 
à  mon  texte;  oùTEvangelifte  nous  dit, 
que  les  difciples  voyant  que  le  Seigneur 
faifoit  (emblant  d'aller  plus  loin ,  le  fur- 
c^refit-idifans ,  Demeure  avecque  now  \  car  li 
Jcir  commence  a  vemr^cjr  le  jour  ejl  desja  Je- 
cline,  Qjiand  il  dit,  qu'//j-  le  forcèrent^  ou 
le  contraignirent  ^'ûcutctiA  non  qu'ils  lui 
firent  violence  ,  ou  qu'jls  larrcfterent 
malgré  qu'il  eneufts  mais  que  parTin- 
ftance  ,  l'ardeur  &  la  franchife  de  leurs 
prières  ils  Tobligerent  à  demeurer  avec^^SF.r^^ 
eux  j  au  mefme  fens  que  ce  meime  au-'^- 
thcur  dit  dans  le  livre  des  Aâ:es>  que  Ly- 
die contraignit  Paul  é'fa  compagnie  ,*  c'eft  à 
dire  qu'a  force  de  prières  elle  les  retint ^'''•'^ 
chez  elle  ;&  dans  la  Genefe  dans  un  fait 
\  tout  femblablc  à  celui-ci ,  Mcïfe  dit  des 
deux  Anges  envoyez  pour  ruiner  Sodo- 
me,que  Lot  les  contraignit  d'entrer  en  fa 
maifon  s  c'eft  à  dire  qu'il  les  prefTa  tant  &: 
fi  inftamment,  qu'ils  firent  enfince  qu'il 
dcûroir.     Pour  obtenir  cette  grâce  du 

Seigneur, 


25©  Be  la  Refurr.  du  Seigneur  I  e  s  v  s  • 
Seigneur,  les  deux  difciples  lui  reprefen- 
cent>qu'il  fe  faifoic  tard,  &  que  s'il  paffoit 
outre  il  femettroic  en  danger  deftre  fur- 
pris  par  les  ténèbres,  dans  des  lieux  éloi- 
gnez de  fon  logement.  Pauvres  gens  i  ils 
îiepenfoient  psmquece  fuft  le  Soleil  de 
jufticCyqui  fait  le  jour  par  tout  où  il  eft  ,ô2 
que  la  nuit  ne  peut  jamais  envelopper  .Ils 
ne  penfoient  pas  que  c'étoit  le  Seigneur, 
quieft  par  tout  en  feuretè,autant  en  la  fo- 
litude ,  que  dans  les  villes  les  plus  habi- 
tées. Ils  Graignoient  pour  lui ,  &  ils  dé- 
voient craindre  pour  eux  mefmes.  Ce 
qu'ils  ajoutent  que  le  jour  eft  desjade- 
cKnè  eft  pour  éclaircir  ce  qu'ils  avoient 
dit  que  le  foir  commençoit  à  veninparce 
que  dans  leur  langage  le  foir  ^  ou  le  vejpre 
iîgnifie  toute  la  partie  du  jour^qui  fe  paffc 
depuis  midy  jufqua  la  nuit.  Ceftpour 
dire  que  raprcfdinée  étoit  desja  fort 
avancée,  &  que  le  Soleil  alloit  au  cou- 
chant. Et  peuteftre  que  le  defir  de  rete- 
nir le  Seigneurjleur  fait  hauffer  &  ampli- 
fier cette  penfce^ce  qu'ils  eurent  le  temps 
dcretournercn  Ieruralem{  comme  nous 
l'entendrons  cy  apresjmontrant ,  ce  fem- 
ble>que  le  jour  n*étoit  pas  fi  fort  auancè, 
qu'il  n'en  reftaft  encore  quelques  heures. 

Le 


Sermon     IL  M^ 

Le  Seigneur  vaincu  par  une  fi  naïve  &;  Q 
innocente  prière  leur  accorde  ce  qu'ils 
demandent  ,  &  entrA  pur  demeurer  avec 
eux,  O  divine  bonté  du  MutVicîôadmir 
rable  bon  heur  des  difciples  î  Le.  Maiftre 
ferend  incontinent  au  dcfir  des  fiensiôc 
toute  cette  image  de  refiftance  qu'il  leur 
oppofe  quelquefois  a cft  qu'un  myfterç 
de  fon  amour  i  pour  allumer  leurs  cœurs, 
pour  enflammer  Jeurs  prières  ,  pour 
cprouverla  confiance  de  leur  pieté. C  eft 
ainfi  qu'il  voulut  que  lacob  lui  arcachaft 
fa  benediaion  ;  &:  la  Cananéenne  la  guer 
rKondcfafille.  Il  refufe  afin  que  nous 
le  preflions,  prenant  plaifir  à  nous  voir 
lutter  contrelui  par  les  efforts  d'un  (aine 
zèle, &  d'une  courageufe  perfevtrance. 
Fidèles ,  qui  avez  appris  ces  fccrets  dans 
fon  ecole,ne vous  effrayez  point,  quand 
il  traitera  de  cette  forte  avccqne  vous. 
S'il  fait  (cmblanc  de  pafler  outre,f\ifiiTez- 
le  hardim-nt  i  f:ncez  le  ,  comme  fï  tcx 
cesdifciples,&:  ne  le  quittez  point  qu'U 
lîf  foiteFtrècl^cz  vous  pour  y  demeurer^ 
&s'y  faire  connoiftre  à  vous.  Non,  Sei- 
gneur; ne  nous  laiiTepomt.  Puis  que  tu 
as  da'gnè  nous  honorer  de  tacompagnie^, 
vucUks  âufli  habiter  dans  no^maiions. 

Emrg 


î-fi     'De  U  Refurr.  d»  Seigneur  I E  s  v  s . 
Entre  fous  ces  mifcrablcs  toits,  &:  nous  y 
découvre  tcsmyfteres,&  temanifefteà 
nous  :  que  nous  y  contemplions  ton  vifa^ 
gc,&y  apprenions  avecquejoyc  quieft 
ce  doux  &:  débonnaire  Seigneur,qui  nous 
a  ouvert  tant  de  merveilles.  La  nuit  s'ap- 
proche >  Les  ténèbres  vont  couvrir  la 
ferre.    Ne  nous  abandonne  point  dans 
cette  horreur  :  car  ceftnous  qu'elle  me- 
nace s  Quant  à  toy,  Seigneur ,  tu  portes 
par  tout  la  lumière  &:  la  joye  avecque 
toy.    Demeure  donc  avecque  tes  fervi- 
teurs  ;  que  ta  prcfence  les  affeure  5  que  ta 
bouche  les  inftruife  ;  q«e  ta  main  les  re- 
paiffciqueta  parole  les  éclaire.  Ccft-là, 
Chers  Frères  ,  c«  qu'il  nous  faut  dire  au 
Seigneur;  &  fi  nous  le  preffons  ainfi,  il 
nous  accordera  nos  defirs  très  affeuré* 
ment,  félon  fagracieufe  promeffe,  qu*il 
ouvre  à  celui  qui  heurte  5  qu'il  entre  chez 
celui  qui  Tappcllc^  qu*il  eft  au  milieu  de 
tous  ceux  qui  s'aflemblent  en  fon  nom. 
Mais  confiderez  aufli  le  bon  heur  de  ces 
deux  difciples.    Ils  arreftent  chez  eux  le 
Prince  de  vie  &  de  gloire,  &  fous  Timage 
&  l'habit  d  un  pauvre  voyageur  ,  ils  lo- 
m,i^2.  S^"f  '^  Seigneur  de  lunivers.  L'Apôtre 
en  i'Epitrc  aux  Hébreux  exalte  Thofpita- 

litc> 


Sermon     II.  i^j 

l/tCjdc  ce  qu'elle  a  fait  loger  des  Anges  à 
quelques  uns  fans  qu'ils  en  fceuflent  rien. 
Elle  procura  beaucoup  plus  d  avantage  à 
ces  deux-ci.  Car  elle  amena  dans  leur 
maiion,  non  un  Ange ,  mais  le  Souverain 
Moaarque  des  hommes  &  des  Anges. 
Fidèles,  imitez  leur  charité  ,  fi  vous  défi- 
rez  d'avoir  part  en  leur  benediftion. 
Ouvrez  vos  maifons  aux  étrangers  i  Ne 
les  y  recevez  pas  feulement.  Attirez  les 
yiallez  au  devant  d'eux»  comme  Abra- 
ham; Forcez-les  d'entrer  ,  comme  ces 
deux  difciples.  Contraignez-les  comme 
Lydie.  Car  le  Seigneur  aime  une  ardente 
charité  ;  celle  qui  prefle  les  hommes  de 
recevoir  fes  aflîftances  ;  &:  non  celle  à 
qui  il  les  faut  arracher  par  force.  Sut 
tout  ayez  foin  de  ceux  qui  font  capables 
de  vous  inftruire  en  la  parole  :  de  vous 
expliquer  les  myfteres  de  la  croix  i  &  de 
vous  montrer  lefusChrift  dans  les  Ecri- 
tures.Qui  fçait  s'il  ne  vous  arrivera  poinc 
d'avoir  le  Seigneur  lui  mcfmc  en  leur 
perfonnc  ?  Que  dis-je,qui  le  fçait  ?  Noa 
Chers  Frères ,  n'en  doutez  pointi  Toutes 
les  fois  que  vous  recevez  un  des  fervi- 
teurs  du  Seigneur ,  un  de  fes  plus  pauvres 
membres, vô|ifle  logez  lui  mef^pe.  il  fera 

cheg 


2  54     ^^  ^^  Refurr,  da  Seigneur  I  e  s  v  s . 
cheîs^vous  ,  &i  "vôtre  table  auflî  bien 
qu'il  fut  à  celle  des  difciplesenEmmaiis. 
Que  fi  vous  ne  Ty  voyez  point ,  auflî  ne 
faifoient  ilspasnon  plus  aucomtnencc- 
ment.  Mais  fi  vos  fens  he  Ty  peuvent  ap- 
percevoir ,  vôtre  foy  certes ,  l'y  doit  ré- 
connoiftre,  puisque  fa  parole  noiTs pro- 
met que  qui  reçoit  fcs  ferviteurs  ,1e  re- 
'^o!&ls.  Ç^^^  '  ^  ^^  quiconefue  recueille  tun  dis 
}%.^or  f  lia  petits  de  fesfreres-^il  lerecuei/ie  lui  mef- 
me.    Et  fi  vous   n'y  appercevez  pas  le 
Seigneur  des  Tcntrée ,  il  fe  fera  bien  fen~ 
tir  à  vous  par  la  vertu  de  fa  divine  pTefèn^- 
ce.Ceft  ce  qui  arriva  aux  deux  difciplesi 
Car  le  Seigneur  content  de  leurdocilicé^ 
de  leur  affedionj^  de  leur  charitè,fe  dé- 
couvre enfin  à  eux  ,-  &  leur  fait  voir  vi- 
vant celui  qu'ils  croyoïcnt  mort  Etdvintj 
dit rEvangc'hfte,^//^ comme  il eîioitk table 
avec  eux ,  il  frit  le  pdn  &  rendit  gr mes  ^fuk 
ï Ayant  rompis  le  leur  âtfirthuA.   Alors  leurs 
jeux  furent  envers^  tellement  quils  le  recon- 
nurent. Quelques  uns  des  Doftcurs  de  la 
communion  Romaine  prétendent  que  ce 
pairi  diftribuè  par  le  Seigneur  à  ces  deu^tf 
difciplcs  ,  fut  celui  de  la   fainre  Cene^ 
donra  ce  qu'ils  difent ,  il  leur  adminiilra 
le  Sacrement  j  &:  abiîfenc  •niuitcde  ce 

paflage 


»  s  E  B.  M  O  N      1 1.  255 

partage ,  pour  confirmer  Tufage  que  deux 
de  leurs  Conciles ''^  ont  établi  au  milieu  * ^c^»»- 
d'eux ,  de  ne  diftribuer  que  le  pain  ^acrè^^*^^ 
au  peuple  Chrécien/ansleur  faire  parc  de 
la  coupe;  dircftement  contre  Tinditu- 
.cion  du  Seigneur,  contre  ^ordonnance 
cxprefle  de  TApôcre,  qui  commande  à 
chacun  de  s'éprouver  foi-n«efme,  ôc  ainii 
de  manger  de  ce  pain ,  &  boire  de  cette 
coupe,&  enfin  contre  la  coutume  de  TE- 
glifeuniverfclle,  durant  mille  ou  douz« 
cents  ans,  qui  demeure  encore  dans  tou- 
tes les  communions  des  Chrétiens, non 
fujettes  au  Pape.     Maispremieremenr> 
quand  bien  on  leur  accorderoit>  que  TE- 
vangeliftc  parle  ici  de  la  Sainte  Cène, 
toujours  ne  s  enfuivroit'il  pas  qu'elle  aie 
ctè  diftribuée  par  le  Seigneur  a  ces  deux 
difciplcs,  fous  une  cfpece  feulement.  Ca^t 
tout  ainfi  que  par  une  figure  qui  compred 
un  tout  fous  le  nom  de  Tunedefespac- 
ties,ils  veulent,  que  lé  mot  de  pain  figni- 
fie  la  confecration  de  rEuchariftie  encie- 
re,c  eft  à  dire  6£  du  pain  &:  du  calice; nous 
dirions  que  dans  le  mefme  mot  eft  pa- 
reillement comprife  la  diftribution  de 
Tun  ôi  de  laucre  ,  n'y  ayant  non  plus  de 
diiScukè  en  cetcesjdernicre  expofkion, 

qu'en 


z^6  De  la  Refurr.  in  Seigneur  Ies  v  s^ 
qu'en  la  prctniere.Mais  je  dis  en  fécond 
lieu  ,  que  c'eft  la  feule  paffion  de  leur 
mauvaifc  caufe,qui  leur  a  infpirè  cetto 
fuppofirion ,  n*y  ayant  rien  dans  le  texte 
qui  induife,  que  Icfus  Chrift  ait  donné 
le  facrement  à  ces  deux  difciplcs  ;  &  en 
effet  plufieurs  de  TEglife  Romaine  mef- 
me,vaincus  ^r  Tevidence  de  la  vérité, 
nous  donnent  ici  les  mains ,  hL  interprè- 
tent ce  paffage  d'un  repas  commun  \  ÔC 
c'eftlàoù  nous  conduit  le  fil  &:  la  fuite 
mefme  de  cette  hiftoire  ,  que  ces  fidè- 
les ayant  achevé  leur  petit  voyage  ,&: 
ayant  fait  entrer  le  Seigneur  en  leur 
maifon ,  ils  le  firent  afleoir  à  table  >  pour 
lui  dofincr  à  fouper.  Quoi  ?  quand  ce 
USi.27.  mefme  S.  Luc  raconte  dans  les  Adcs, 
?5-  que  S.  Paul  dans  le  vaiffeau  qui  lepor- 
toit  à  Romc,prit  du  pain ,  &c  rendit  grâ- 
ces à  Dieu  devant  tous,  &  l'ayant  rompu 
commença  à  raanger,veut  il  dire  quM  fie 
la  Gène  ?  tous  ne  font- ils  pas  <l'accord, 
qu'il  entend  un  repas  commun  ?  Et  donc 
pourquoy  prendrons  nous  autrement  ce 
qu'il  dit  ici  en  la  mefme  forte  du  Sei- 
gneur lefus  ,  Ç[[itl  prit  dupaw^  é*  re/idit 
grâces ,  é*  (J^e  C ayant  romfu ,  //  le  dijlrihua  > 
Jyla.is  oucrp  (ju'il  n'y  a  rien  qui   nous 

pbligç 


s  E  R  M  O  N     IL  25^ 

oblige  à  enceiidce  ces  paroles  du  facrc- 
mcnc  ,11  y  a  uae  raifoa  qui  nous  force  à 
ne  les  prendce  pas  cii  ce  fens.  Car  biea 
que,  nos  adveiiaires  precendenCîqu'il  eft 
permis  de  ne  diftribuer  aux  commun ians 
qu'une  feule.  c{pe ce  du  Sacrement,  ils 
confciTcncneancmoins  que  Tonne  pcuc 
les  conficrer  que  coûtes  deux  enfemblc. 
Or,ilnc  paroiit point  ici  que  le  Seigneuc 
aie  pris  ou  bcni  ïa.  coupe. S.  Luc  ne  parle 
que  du  pain.  Ceaainpmenc  il  n'eft  donc 
pas  ici  queftion  du  Sacrement,  qui  ne  fe 
fajt  jamais  ians  la  coupe  .  Et  quant  à 
quelques  pères  qu'ils  alleguem,U  femble 
qu'ils  ayent  entendu  non  que  le  Sei- 
gneur ait  ici  cclebrè  l'Euchariilie  ,  mais 
bien  quelque  choie  de  myftique  5  àC 
qu'ayant  voulu  que  les  deux  diiçipies  le, 
reconnuifent  en  la  fraction  du  pain  pre- 
cifemcnt  ,  il  ait  (îgnifiè  par  la,quec'efE 
dans  Tufage  du  facrement  de  fon  pain,&^ 
dans  l'unité  de  l'Eglife  ,  reprefenceepar 
le  pain,qucroa5re^vb  fa  çqnnoiiTance. 
£t  quand  ces  Pere^  auroient  creu  que  le 
5cJgneur  donna  le  facrement  à  cesdeux 
diTciplcs ,  nous  ne  ferions  pas  oblige^  à 
fuivre  ce  qu'ils  diroient  fansraifoniétanc 
'   clair  &:  confeisè  de  chacun  qu*il  leur  ar- 

t       rive 


158     De  U  Refttrr.  du  Seigneur  I  e  s  v  s: 
rive  quelquefois  de  fe  tromper  en  Tex- 
pofition  de  l'Ecriture.  Soit  donc  conclu 
que  rien  ne  nous  oblige  à  entendre  ce 
texte  autrement  que  d'un  repas  com- 
mun ,  auquel  ces  deux  difciples  conviè- 
rent leur  divin  horte.    MaiSjdirez  vous, 
comment  &  pourquoi  le  reconnurent- 
ils  plûtoft  alors  qu'auparavant ?Que  pou- 
voit  avoir  cette  fradion  du  pain  de  plus 
propre  &  de  plus  efficace  pour  leur  dé- 
couvrir que  c'étoit  le  Seigneur,quen'a- 
voiteu  le  longdifcours,  qu'il  leur  avoic 
tenu  par  le  chemin?Car  il  femble  que  ce 
fut  le  moyen  qui   le  leur  fit  reconnoi- 
ftrctant  par  ce  que  TEvangelifte  dit  ici, 
que  quAndii  eut  rômfu  (jr  diftnhuè  U  faWy 
alors  tls  le  reconnurent  \  que  par  ce  qu'ils 
racomeront  ci  après  eux  mefmes   aux 
Apôtres  ,  que  lefus  avoit  crè  reconnu 
d'eux  en  la  tradion  du  pain,  c'cft  à  dire, 
comme  le  prétendent  nos  adverfaires, 
par  la  fradion  du  pain.   Ici,  mes  Frères, 
je  ne  veux  point  m'aider  de  l'expédient 
de  plufieui's  interprètes  de  TEglife  Ro- 
maine,qui  tiênent  que  le  Seigneur  avoit 
une  faflon  particulière  de    rompre  le 
pain^le  mettant  en  pièces ,  &  le  taillant 
en  morceaux  avec  la  main  feule,  auflî 

propre- 


Sermon     II.  2^^ 

proprenienr^que  s'il  Icuft  coupe  avec  un 
coûceau  ;  &  que  c'cft  par  là  qu'il  fut  re- 
connu par  CCS  deuxdifcipks.Ieconfefre 
volontiers  que  cette  invention  eft  grof- 
fiere^ô^  plus  digne  de  rifée  que  de  confia 
deration  y  joint  que  la  licence  qu'elle 
prend  de  fuppofer  hardimcrdes  chofcs, 
dont  l'Ecriture  ne  die  rien  >  &:  de  multi- 
plier les  miracles  à  fa  fantaifie  fans  nulle 
necefTirèjeft  de  très  mauvais  &:  très  dan- 
gereux exemple.  Mais  je  diray  premiè- 
rement qu'il  n'eft  pasbefoin  de  pre fup- 
pofer, que  la  fraftion  du  pain,  ou  autre 
adion  du  Seigneur  lefus  à  tablerait  été  la 
marque  particulière  par  oii  il  ait  été  re- 
connu. Tout  cela  iignifie  feulement  le 
temps,  auquel  arriva  cette  reconnoif- 
fance  ;  c'en  eft  la  circonftance  &  non  la 
caufe  ;  Quand  ell  ce  qu'ils  le  rcconnu- 
rent?quandil  leurcut  diftribuè  le  pain. 
Et  ce  qu'ils  diront  ci  après  ,qu'/7  .ei/é?// 
été  reconnu  deux  en  UfraBion  dfipaln.ncH 
pas  à  dire  fariafracfion ,  comme  veulent 
nos  adverfaires ,  mais  bien  fimplement  ^ 
lors  de  la  fracîion ,  en  rompant  le  pain  i 
comme  le  traduit  nôtre  Bible,  c'eft  à 
dire,  lors  qu'il  le  rompit.Mais  d'où  vient 
qu'ils    reconnurent    alors    celui  qu'ils 

t     2,       avoicnç 


2éo    De  la  Rejurr.  du  Seigneur  I  e  s  v  s .' 
avoienc  veu  &  olii  durant  tout  le  che-^ 
min  fans  le  reconoiftre  ?  L'Evangelifte 
nous  en  dit  ici  exprefTcmcnt  la  raifon; 
Alors-^  d  i  t-  i  1 5  leurs  jeux  furent  ouvert  s  jte /le- 
ment  qu'ils  le  reconnurent.    Ci- devant  il 
nous  a   avertis  au  commencement  de 
cette  hiftoire  ,  que  leurs  jeux  ètoient  reîe- 
nu6\de  fdffon  quils  ne  le  f  eurent  reconnoïjire. 
Maintenant  il  nous  dit  que  leurs  yeux 
furent  ouverts  ^tellement  quils  le  reconnu- 
rent. Apres  cela  qu*eft-il  befoin  de  cher- 
cher hors  d'eux  quelque  autre  caufe  de 
cette  reconnoiffance  ?  Comme  quand^il 
Cet.  21.  cft  dit  dans  la  Gcnefe,  que  Dieu  ouvrit 
ï>        les  yeux  d'Agar ,  &:  qu'elle  vit  un  puis, 
qu'elle  n'avoit  point  apperceu  aupara- 
vant:&  dans  Thiftoire  d'Elizéejque  Dieu 
ouvrit  les  yeux  defon  garçon,  &  qu'a- 
.     lors  il  vit  une  montagne  plene  de  cha- 
17.       riots  de  feuiTEcriture  fignifie  par  là  que 
Dieu  leur  leva  réblouïflement ,  ou  quel- 
que autre  empefchement ,  qui  comme 
un  voile  retenoit  leurs  fcns.   Ici  tout  de 
mefme  S.Luc  difant  que  les  yeux  des 
difciples  furent  ouverts ,  il  entend  que 
cequiconfondoit  leur  veuë  &:  l'empef- 
choic  de  rcconnoiftre  leur  bon  Maiftre 
prefentjquelquc  familier  que  leur  en  fuft 

,  robjer> 


""Sermon    IL  léi 

Tobjetîque  cela,  dis  je,  fut  alors  ôtè  par 
fa  merveilleufepuiflance  >  de  fa  (Ton  que 
leurs  fens  ayant  recouvré  leurlibertè^ 
remarquèrent  &  difcernerent  airément 
celui  qu'ils  avoientjufques  là  &C  veu,  Se 
ouï ,  èc  entretenu  fans  le  reconnoiftre. 
D'où  paroift  que  ce  qui  les  avoit  empef- 
chez  de  le  reconnoiltrCjétoit  non  la  va- 
riation de  fa  vraye  ôd  naturelle  forme; 
mais  le  voile    Se  robfcurciflcmcnt  de 
leurs  fens  ;  &:  que  le  changement  etoic 
arrivé  non  en  fa  pcrfonne  ,  mais  en  la 
leur.    A  cela  vous  pouuez  ajouter  que 
leurs  fens  étant  une  fois  en  liberté,  ils 
purent  remarquer  en  fon  adion ,  des 
chofes  qui  les  aidèrent  à  fortir  de  Ter- 
reur oij  ils  avoient  été  jufques  lï^^Sc  à  re- 
connoiftre que  c'étoitaffeuremct  lefus; 
comme  par  exemple  ,  ce  qu'ils  lui  virent 
prendrcbenir,^:  diftribucr  le  pain.  Car 
cen'éroit  pas  la  coutume  que  celui  qui 
étoit  invité  ou  receu  &:  traittè ,  coupaft 
&diftribuaftle  pain.  Cétoit  le  Maiftre 
du  logis  5  celui  qui  donnoit  à  manger, 
qui  avoit  accoutumé  de  fervir  ainfi  du 
pain  dés  l'entrée  du  repas   à  ceux  qu'il 
avoit  conviez  ou  reccuschcz  lui.    lefus 
donc  faifant  cet  office  ,  montroit  par  là 

r     5  qu'il 


Z<D  1  De  la  Refurr.  du  Seigneur  I  e  s  v  s*, 
qu'il  ctoit  le  Maiftre  &  le  père  de  famil- 
le;ce  qui  leur  pue  donner  occaiîon  de  ie 
douter  qui  il  ctoir,  &:  de  le  confidercr 
plus  iittentivemcncqu'ils  n*avoierit  fait. 
Joint  qu'il  fe  peut  auflifaire>que  Tadioa 
de  grâces  donc  il  bénit  la  table ,  ayant 
quelque  chofc  de  particulier,comme  ils 
l'ouïrent  prononccrjclle  leur  re'vcilla  i  e- 
fpritide  forte  que  fe  fouvenantquc  c'e- 
toic  celle  dont  Icfus  avoit  accoutumé 
d'ufer  étant  avec  eux,  ils  furent  par  là 
confirmez  dans  le  foupçon  qu'ils  avoiéc, 
que  c'étoitlui:  &' ayant  examiné  le  tout 
en  eux  mefmes,  &  ouvert  tout  ce  qu'ils 
^voient  de  fen5,pour  le  bien  confiderer^ 
ils  reconnurent  enfin  que  c'êtoit  lui 
mefme  affeurement.  Quels  furent  en 
cet  inftant  les  mouvemés  de  leurs  amcsi 
leur  étonnement ,  de  voir  en  vie  celui 
que  trois  jours  auparavant  ils  avoicnc 
veu  mourir  fur  une  croix,  &  envelop- 
per dans  un  fuaire,  &  pofer  dans  le  tom- 
beau î  leur joye,  d'avoir  recouvre  leur 
Maiftre,&  de  voir  rclevc'es  par  fa  vie  les 
liantes  &:  douces  efpcrances  que  fa  mort 
avoit  abbatuësilciT  fecrette  honte  ,  d'a- 
voir vcu&'oiii  fi  long-temps  entr'eux 
ijcux  une  fi  grande ,  fi  chère,  &:  fi  divine 

perfonnc 


Sermon     II.  a^l 

pcrfonnc  fans  la  reconaoiftre  î  Javoir 
veUjs'il  fautainû  dire  ,  le  Soleil  defcen- 
du  au  milieu  d'eux,  fans  l'avoir  peu  dif- 
cerner  ?  Mais  candis  que  la  confuûon  de 
ces  pallions  fi  diverfes  tient  leurs  âmes 
comme  charmées,  Se  ravies  hors  dVlles 
mefmts,  lefu^ ,  dit  TEvangehftc  ,  dijpirut 
de  devant  eux,   O  doux  &:  gracieux  iiei- 
gneur ,  pourquoi  t'envoles-cu  fi  vifte  de 
la  venë  de  tes  chers  difcipKs  ?  pourquoi 
leur  arraches  tn  fi  foudainement  d'entre 
les  bras  une  fi  agréable  jouïfTauce  ?  A  pei- 
ne t'ont  ils  reconnu  ,  qie  tu  Icslaiflcs, 
difparoiffant  comme  un  éclair.     Mais, 
Frères  bien-aimc-z  ,  ce  fag/  Seigneur  ne 
fait  rien  que  j'jllement  &:  utilement  pour 
lesficns.   Cétoit  aflez  pour  l'édification 
de  leurs  cœurs,  qu'il  les  eufl:  déliurez  de 
I  J'erreur,  «S«r  de  la  doute  où  ils  étoient  \  SC 
qu'il  leur  euft  fait  rcconnoiftre  par  de 
certaines  &  indubitables  preuves  la  vé- 
rité de  fa  refurreftion ,  leur  montrant  les 
crophées  de  fa  victoire  ,  les  rayons  de  (a 
gloire,  ôdies  fondemens  de  leur  bon- 
heur. Il  avoir  aufG  à  penfer  aux  autresià 
qui  il  fe  manîfcfta  pareillement  en  diver- 
fes raanicres:Ioint  qu'il  fe  fit  encore  voir 
à  peux-ci mefme  peu  de  temps  après  dans 

r     4  râfTem' 


a^4    pel^  Refurr.  du  Sergp^eurltsvs". 
raflcmbicc  des  Apônes ,  commeS.  Luc 
le  racontera  ci-aprcs  ;  de  force  qu'il  ne 
rnanqna  r»cfî  a  leur  conlojhriqri.  Et  il  firt 
à  propos  5  qu'il  les  quitiaft  ainfi  foudai- 
nemenr,  afin  que  fon  dcparc  les  obligeaft 
à  retourner  en  lerufalcm,  côme  ils  firent, 
pour  communiquer  leur  joye  aux  autres, 
ël  exercer  leur  charité  envers  eux,  com- 
me ils  avoienc  montre  &ù  for-rifiè  leur  foy 
envers  lui  II  en  ufa  ainfi  envers  fes  autres 
difciples,  ne  converfant  avec  eux  durant 
ces  quarante  jours  qu'il  demeura  (uv  la 
terre  ,   qu'autant  qu'il  écoic  neceffaire 
pour  leur  montrer  la  vérité  de  fa  rcfur^ 
reâion  i  de  peur  qu'une  plus  longue  con- 
verfâtion  ne  leur  fift  encore  defirer  fa 
demeure  ici  basi  comme  nous  n'y  foni- 
nies  que  trop  enclins  de  nôtre  nature.  Sa 
prefence  releva  &:  affermit  leur  foy.  Son 
départ  purifia  leurs  affections ,  leur  mon- 
trant que  ce  ne  fqroic  plus  déformais  eft 
Ja  ferre  qu'il    le  fiiudroit  chercher;   & 
^^      comme  dit  l'Apôtre,  qu'encore  qu'ils 
ï^.       rcuflent  connu  fclon  la  chair ,  mainte- 
nant ils  fe  dévoient  accoutumer  de  bon- 
ne heujc  à  ne  l'y   connoifire  plus.    Ce 
départ  les  preparoit  a  fon  Afcenfion  dans 
U  cicl,le  comble  de  fa  gloire,  &  Taccom- 

plilTç- 


SS  R  M  O  N      IL  2^5 

plifTement  de  nôtre  nouvelle  vie.    Au 
refte  la  curiofice  humaine  a  recherché  il 
y  a  long-rennps ,  de  quelle  fafToa  le  Sei- 
gneur dirparuc  ainfi  à  lesdiiciplcs.   Ori- 
gène  efpnr  grande  fubtil ,  mais  hardi  5^ 
encreprenaiix  ,  eftimequefon  corps  de- 
puis la  refurredion  eroit  de  telle  nature, 
qn*il  fe  rendoic  viiible  de  invifible  ,  come 
il  lui  plaifoic  ;  qualité  qu*il  attribue  auilî 
à  la  fubftance  des  Anges^de  faflbn  qu  en 
cécendroit  il  prétend  qu*il  difparur,  non 
en  ferrant  ou  s'éloignant  du  liei  où  il 
etoit  avec  ces  deux  difciples ,  mais  feule- 
ment e«  retirant  h  foissM  faut  auifi  dire, 
les  couleurv,la  forme,&:  les  autres  ijuali- 
tez  fenfibies  de  fon  corps,  qu'il  avoit  ci- 
devant  comme  étalées  ôc  déployées  de- 
vant leurs  fens.  Mais  cette  fantaifie  eft  &: 
vaine  &:  dangereufe.  Dangereufe  ,  parce 
qu*elîe  anéantit  la  vraye  nature  du  corps 
du  Seigneur ,  la  iiibtilifant  en  une  effence 
fpirituelle  &  angclique  j  au  lieu  que  la 
gloire  qa il  a  reveftuë,  ne  lui  a  oftè  aucu- 
ne des  proprietez  &  qualirez  eflentielles 
d*un  vrai  corps ,  entre  lefquelles  eftTé- 
paiffeur ,  la  forme  ,  la  figure ,  &:  ;>'i.l  m'eft 
permis  d*ufer  de  ce  terme,  la  vifibilitè. 
Mais  cette  opinion  eft  auflî  vaine  ;  côme 

cella 


\aB.8. 


'166  De  la  Refurr.  dt*  Seigneur  I  e  s  v  S  • 
celle  qui  n'eft  fondée  fur  aucune  autorité 
deTtc  i  ure.  Car  de  ce  que  dit  ici  S.Luc, 
que  le  Seigneur  dijpzrut  de  devant  [es  diici- 
pies  ,  li  ne  s  enluit  non  plus  que  Ion  corps 
ait  été  tendu  invifible  >  que  celui  de  Phi- 
lippe, de  qui  il  ditaillcufs  q^ic  l' E /j, m  df^ 
Seigneur  l'ayant  ravi ,  l Eunuque  ne  le  vïd 
^."  "'  fins  C'cft  une  falTon  de  pai  icr  coumiune 
dans  les  Auteurs  du  langage  Grec,  pour 
fignifier  qu'une  chofe  eft  ôtée  de  la  veaë 
des  hommes.  CVft  donc  à  dire  non  quç 
le  Seigneur  fe  rendit  invjfible  ,  ou  quM 
s'évanoiiic  comme  un  phantôiiu- ,  ce  qui 
cft  dircftcmcnt  contraire  à  ce  que  l'E- 
criture nous  enfeigne  de  la  nature  d  fon 
corps,  mais  bien  qu'il  fe  retua  fi  foudai- 
nementdela  prefencedc  te^  dtuxdiici- 
ples  que  la  viftcfTc  de  fon  éloigtumcnc 
fut  comme  imperceptible  à  leurs  lens  :  ce 
qui  convient  tres-bit  n  a  Tagilirè  que  tous 
les  Cl^étiens  attribuent  aux  corps  refluf- 
citez.  Et  cet  effet  de  fa  puiflance  confir- 
ma entièrement  les  deux  difciples  cnla 
créance  qu  ils  avoient  que  c'ctoit  vérita- 
blement lelus.Et  alors  repafTant  par  leur 
cfprit  ce  qu'ils  avojent  veu  &:  ouï,&  Tim- 
preflion  quMs  en  avoient  fentie  en  eux- 
mefmes  ,  ils  s'étonnent  de  leur  propre 

ftupiditè» 


s  E  K  M  O  N       II.  2.<^7 

jftupiditc, comment  tant  de  marques  fi 
cvidenrcs  de  leur  lefus  ne  leuravoienc 
point  ouvert  l'efprit    pour  reconaoiftre 
que  ce  ne  pouvoir  eftre  autre,  que  lui  qui 
parloir  à  eux  :  No're  cœnr^  difent-ils ,  rte 
brulok-ilfits  AU  dedans  de  notv.^quand  il  par- 
lait a  ^cfusparlf  chemi/^  ,  dr  nom  decUroit 
les  Ecritures  !  Comment  ne  Tavons  nous 
point  reconnu  des-lors?Comment  outjç 
fa  douceur  fingulierc ,  outre  rcxccllence 
ordinaire  delà  dodrine  , Sucette  admi- 
rable manière  d'enfcigner  5  qui  lui  efl: 
particulière  5  cette  force  encore  ôC  cette 
efficace  divine,  qui  forçant  de  fa  bouche 
ÔC  fecoulant  dans  nos  amcs  pari'oieilie, 
mettoit  nôtre  cœur  tout  en  feu ,  n'a  t  elle 
point  réveille  nos  fens  t  Comment  cette 
flamme  cclefte,que  nous  avions  tant  de 
fois  connue  &  éprouvée,  a-t'elle  pu  brû- 
ler à  ce  coup  dans  nos  cœurs,  fans  nous 
faire  connoiftre  celui  qui  l'y  allumoit? 
Cette  ardeur  dont  ils  parlent ,  {ignifie  les 
grands  &  violensmouvemensd  admira- 
tion,de  joie,  d'affedion ,  de  defir,  d'efpe- 
rance,&  autres  pafTions  fpirituelles  ,  que 
l'entretien  du    Seigneur  avoir   caufées 
dans  leurs  cœurs.  C'cft  TefFct  decctef- 
prit  celefte,  qui  accompagne  la  parole  de 


168  De  U  Refurr.  au  Seigneur  IesvsT 
Dieu,ouvrant  les  cœurs  des  fîdelles ,  6^ 
les  touchant  vivement  au  dedans,  tandis 
qu'elle  leur  eft  prefchée  au  dehors  :& 
pour  nous  reprcfentcr  cette  efficace  ,  elle 
cft  fouvent  comparée  à  un  feu  i  comme 
quand  leremie  difoit ,  q'^iUvoh  eu  dans 

kr.io.  f on  cœur  comme  un  feu  Ardent  enferre  en  fe  s 
os-i  (jr  tel  quil  ne  lefouvoit  fu^porfer.  Ec 
David  dit  quelque  part  en  mefme  fens, 
que  fon  cœur  sVtoit  échaufé  au  dedans 

TfM.s9  de  lui,&:  que  le  feu  s'étoit  embrazè  dans 
fa  méditation.   L'Apôtre  dans  l'Epitre 

t^  "^  aux  Hébreux  nous  defcric  cette  force  de 
la  parole  de  Dieu  en  ces  mots,  qu'elle  eft 
vive&  plene  d'efficace,  &:plus  pénétran- 
te qu'une  épée  à  deux  trenchansiqu  elle 
atteint  &:  qu'elle  divife  Tamc,  l'efprit,  les 
jointures,  &:  les  moelles ,  &  juge  les  pen- 
fées  &  les  intentions  du  cœur.  Et  c'eft 
pour  la  mcfme  raifon  que  TEcriture  don- 
ne quelquefois  aux  miniftres  de  cette  pa- 
role des  éloges  li  glorieux  ,  difant  qu'ils 
convertiflent  les  âmes  humaines ,  qu'ils 

^.for.fo.illuminent  les  entendcmcns,qu'ils  renou- 

^'^''  vellent  les  hommes  ;  qu'ils  ruinent  les 
fortcreflcs,  &:  dctruifent  lesconfeilsôc 
toute  hauceffe  qui  s'élève  contre  lacon- 
ïioiffimcc  de  Dieu  i  Ik.  amènent  toute 

pen(ée 


Sermon     II.  169 

penfee  prifonniere  à  l'obeiflancc  de 
Chrift.  Et  cettecomparai^onc^ufeuex- 
prim#fortbien  cette  vertu  delà  parole 
divine  ;  parce  que  le  feu  eft  le  plus  vif,&: 
le  plus  adif  de  tous  Icselemens,  qui 
éclaire,  qui  échauffe  ,  qui  fond  les  plus 
durs  métaux,  qui  nettoyé  les  plus  im- 
purs, qui  change  ce  qu'il  faifit  >  qui  fe 
meut  inceffamment  éc  sVleve  toujours 
en  haut,  Se  y  porte  ce  qu'il  a  converti  en 
fa  nature.  Qui  ne  void  que  c  cft  une 
claire  Se  naïve  image  de  ce  que  la  paro- 
le de  Dieu  fait  en  nos  âmes  ?  Car  c'eft  ce 
my{liquefeu5quidiflîpant  les  ténèbres 
de  nôtre  ignorance  nous  illumine  en  la 
connoiffancc  de  la  vérité  ;  qui  allume 
dans  nos  cœurs  l'amour  de  Dieu  &:  du 
prochainjqui  amollit  toute  la  dureté  de 
nôtre  nature ,  pliant  Se  fondant  nos  vo- 
lontcz  ,  Se  de  rebelles  qu  elles  croient, 
les  faifant  devenir  fouples  &  obeïiTan- 
tes  j  qui  purifie  nos  entrailles ,  y  brûlant 
Se  confumant  les  affedions  de  lâchait; 
qui  nous  transforme  miraculeufemenr> 
de  lourds,  pefans.  Se  maffifs  que  nous 
étions,nous  rendant  vifs,  adifs,  Se  allè- 
gres ,&:  nous  élevant  continuellement 
en  haut  par  l'ardeur  de  cette  foy  qu'elle 

nous 


17-0     I>e  U  Reftirr.  au  Seigneur  I  e  s  v  s . 
nous  donne  \  ôc  nous  tenant  dans  tînt 
continuel  élanc  vers  le  ciel,  qtri  ne  cef- 
fera  jamais ,  que  nous  n*y  foyons  entrez 
comme  dans  le  vrai  lieu  de  nôtre  repos. 
Mais  bien  que  la  parole    de  Dieu  aie 
toujours  cette  efficace  en  elle  mcfmc,fi 
eft-ce  qu'elle  ne  Ta  jamais  deploiée  iî 
clairement ,  qu'en  la   bouche  de  lefus 
Chriftjqui  avoir  l'un  &:  l'autre ,  &  des  lè- 
vres plcnes  de  grâces  pour  prefcher  au 
dehors,  &:  la  vertu  rpirituclle  pour  vivi- 
fier au  dedans  j  d'où  vient  que  fcs  en- 
nemis mcfme  confefloient  que  jamais 
^'^^'^'    homme  n'avoit  parlé  comjne  Inijôd  tous 
généralement  s'cmcrveilloient  des  pa- 
roles de  grâce  qui  forroient  de  fa  bou- 
che. Mais  encore  faut  il  ajouter  que  cct- 
Luc  4.  te  fois-ci  particulièrement  il   avoitré- 
3^-       pandu  ce  feu  celefte  dans  lésâmes  de 
ces  deux  difciples  d'une  falTon  extraor- 
dinaire 5  afin  que  cetic  flamme  nouvelle 
5c  non  accoutumée  leur  fuft  un  argu- 
ment afleurè  de  fa  vie,6<^  de  fa  divinité. 
Et  nous  avons  enfuitteun  témoignage 
qui   nous  'montre  combien  ctoit  vif  ^ 
agiflant  ce  feu ,  que  le  Seigneur  avoit 
allumé  dans  leurs  cœurs.  (Z^ax  fc  leva?jt 
âti'mejnie  mji^m  y    dit  TEvangeliftc,  Us 

retourne^ 


Sermon       II.  171 

retour  ri  ère  »t  e^  lerufa/em ,  oà  ils  treuverent 
les  onze  anémiiez» ,  é'  ^^^^  f  «^  étaient  av€c 
eus.  Il  éioit  raid  ,  &  il  ne  pouvoir  plus 
gueres  relier  de  jour  :  &:  il  y  avoirpour 
trois  ou  quatre  heures  de  chemin  de  là 
jufques  en  lerufalem  ,  &:  ils  ne  sVroient 
poinr  repofcz  depuis  leur  arrivée.  Mais 
cerre  nouvelle  flamme  que  la  bouche 
du  Seigîieur  leur  avoir  foufflée  dans  le 
cœur,  ne  leur  donne  point  de  repos. 
Elle  les  rourmente  de  forre ,  qu'oubliant 
&  leur  repas ,  &  leur  rravail,&:  fans  con- 
fiderer  ni  le  chemin  ,  ni  la  nuir  prochai- 
ne ,  ils  parrent  d'Emmaiis ,  ils  vonr,  ou 
pour  mieux  dire,  ils  courent  en  lerufa- 
lem.Et  voyez,ic  vous  prie ,  commcnr  les 
mouvemens  de  ce  divin  feu  ne  font  ja- 
mais vains ,  ni  les  peines  de  la  pierè  fans 
recompeni'e.Ils  rrcuverenr  les  onzc(c*cfl: 
à  dire  le  collège  des  Apôtresjaflcmbîcz 
avecque  lesaurres  difciples.Cclcur  étoit 
desjci  une  grande  confolation  de  voir  ce 
(acre  rroupeàu,  non  efpars  6^  diifipèpar 
la  croix  de  leur  Maiftre  ^  mais  veillant 
hc  pafTant  la  première  partie  de  la  nuit 
enfemblc  dans  un  mefme  lieu  ;  atren- 
danr  avec  une  fainre  impatience  fac-^ 
complifTement  de  leur  dcfîr,&  la  eonfir- 

marion 


zjt  BeU  Eefurr' â($  Seigneur  I  e  s  v  s . 
macion  de  leur  ciperanccEltaiit  entrez, 
comme  ils  vouloient  ouvrir  la  bouche 
pour  communiquer  à  cetcc  afTcmblce 
les  bonnes  nouvelles  qu'ils  apporcojenr, 
les  autres  les  préviennent ,  <S<:  obligenc 
leur  charité  avant  que  d'en  avoir  reccu. 
loffice,  qu'elle  leur  venoit  rendre  ;Z<? 
Seigneur ,  leur  difent  ils  ^y?  vrajement  ref- 
fufclth  Ce  n'eft  plus  un  vam  foupçon 
fonde  fur  la  vifijnde  quelques  femmes;, 
C'eft  une  chofe  affeuréc  &:  qui  ne  leçoiE 
plus  de  doute  ;  Cardilent-ils ,  i//^^^- 
faru  à  Simon.  Njs  advcrfaires  de  Rome 
ôc  quelques  autres  avec  eux ,  ayant  la. 
tefte  plenede  la  principauté  de  S.  Pierre, 
ne  manquent  pas  d'y  rapporter  ceci; 
comme  fi  le  Seigneur  s'écoic  apparu  à  lui,, 
premier  qu'aux  autres ,  à  cauftî  qu'il  étoic 
le  premier  des  Apôtres.  A  ce  conte,  ce 
fcroitàla  Magdeleincqu'appartiendroic 
la  primauté,  puis  qu'il  coolie  que  c'eft 
elle  qui  le  vid  la  première.  Etmcfmejil 
n'eft  pas ,bica  certain  que  S  Pierre  Tait 
veu  avant  les  deux  diiciples,  fe  pouvant 
faire  qu'il  s'apparut  à  Ton  Apôtre  depuis 
les  avoir  lailTvîzà  Emnialis.  Et  quand, il, 
l'auroit  veu  avant  €ux,  ilyauroit  plus 
d'apparence  d'en  coatluirc  i'ardcur  4ç 

fa  foy> 


Se  R  M  o  iï    II.  i-73 

ià  foy  ,  que  fà  prétendue  principauté; 
Eftant  couru  \t  matin  âu  fepulcrc ,  &  nV 
ayant  point  treu v  è  !c  Seigneur  y  travaille 
de  l'impatience  de  le  voir, il  n  avoit  ccC- 
se  d'y  penrcr5&:  d'en  demander  h  grâce  à 
Dièu,  jufques  à  ce  qu'elle  lui  fut  enfin 
accordée.  Peut  eftre  âuili  que  le  Seigneur 
voulut  le  fecourirde  fa  veuc  {>lus  prom- 
tement  que  les  autres,  parce  qu'après  1^ 
faute  qu'il  avoit  faite  j  il  en  âvoit  plus  de 
befoin  qu'aucun  autre.  Mais  Cleopas&: 
fon  compagnon  en  échange  de  cette 
douce  nouvelle  font  aufïï  part  de  leur 
bon-heur  aujc  Apôtres  :  leur  récitant ,  die 
S.  Luc  5  Its  chofes  qui  leur  étoient  avemesi 
(jr  comment  il  avoit  été  reconnu  d'eux  crk 
tombant  lé  pain.  O  admirable  concert 
des  difciples  du  Seigneurs  qui  lavant  ouï 
&:veu  en  divers  lieux,  les  uns  à  la  cam- 
pagne ,  &  les  autres  à  la  ville ,  mcflent 
maintenant  leurs  voix  pour  la  commune 
confolation  des  uns  &  des  autres  j  Ce  fuC 
lefus  qui  difpofa  &:  concerta  le  tout  en 
OGttc  forte,  afinq^Lie  cette  rencontre  af- 
ferraift  leur  foy  ,&  la  nôtre.  Recevons 
doncFreres  bien-aimez,  la  fainte&non 
fufpefte  depofirion  ,  que  ces  témoins 
innoccns  raflemblez  de  divers  endroits 

f       rendent 


rrj  4    Be  U  Refurr.  du  Seigneur  I  e  s  v  s . 
rendent  unanimement  à  la  refurreârion 
du  Seigneur  ,*6d  qui  a  été  confirmée  de- 
puis par  fes  autres  apparitions,  &  par  fon 
Afcenfion  dans  les  cieux ,  &:  par  le  bap- 
tefme  de  l'Efprit  le  jour  de  la  Pentecofte, 
&  par  les  miracles  de  (es  Apôtres>  &  par 
lefangde  fes  Martyrs,  ôipar  laconver- 
fiondu  monde  ,  &  par  les  effets  conti- 
nuels de  fa  providence  fur  fon  Eglife  de- 
puis feize  cent  tantd*annéesi&  en  eftant 
plenement  perfuadez   difons   avec  ces 
bien-heureux  difciples  ,  Le  Seigneur  ejl 
vraiement  rejfufcite.  Ne  le  difons  pas  de  la 
bouche  feulement.   Que  toute  nôtre  vie 
le  prefche;changée  en  la  forme  de  ce  ref- 
fulcitè  5  &:  portant  les  marques  de  fa  ver- 
tu, en  une  vive  &  accomplie  fandifica- 
f  ion  ,*  Que  fa  parole  allume  un  divin  feu 
dans  nos  cœur$  ;  qui  y  confume  tout  ce 
qu*il  y  a  de  charnel  &:  de  terreftre  ;  qui 
nous  enflamme  de  zele,d'amour,&  d'ef- 
perance  5   qui  nettoyé  toutes  nos  afFe- 
ftions ,  &  les  change  en  une  fainte  ar- 
deur de  courir  après  le  Seigneur,  &:  d'a- 
voir continuellement   nos  âmes  en  ce 
bien-heureux  fanduaire  de  Timmorta- 
litè,oii  il  a  élevé  nôtre  threfor.  Adorons 
la  divinité  du  Maiftre  i  6^  imitons  la  foy 


Sermon    II.  27  j 

libellante  des  difciples  ;  nous  edifianc 
mutuellcmenc  à  leur  exemple  i  nousçn- 
trecomoiuniquanc  les  grâces  que  le  Sei- 
gneur nous  a  faites,  &:  les  rapportant  cha- 
cun à  Tutilitè  de  (es  frères  i  honorant  nos 
affemblees  y  courant  avec  zèle  ,  quittant 
les  logis  Se  les  commoditez  de  nôtre 
Emmaii^,  de  nos  demeures  particulières^ 
pour  nous  rendre  en  cette  fainte  compa- 
gnie ,  cù  prefident  les  Apôtres  du  Sei- 
gneur,où  fe  prefchent  les  témoignages  do 
fa  gloire,  &:  où  il  fetreuve  lui  meimèen 
perfonne  au  milieu  des  {îens,&  où  il  leur 
donne  fa  paix ,  &  les  feelle  de  fon  Efprir^ 
en  attendant  qu'il  les  glorifie  là  haut  dan^ 
les  cieux.  A  lui^avecque  le  Pcrc^^le 
Saint  Efprit  foit  honneur  &c  gloire  >  aux 
iiecles  des  ûecles.   Amen. 


DE  LA 


cow»coc/oco«oooo'^coa^co^5cocowc^cocowcoîs^cf 

VE   LA 

RESVRRECTION 

DE  NOTRE   SEIGNEVR 
lESVS. CHRIST. 

SERMON  TROISIESME. 

Sur  les  vcrfcts  56. 57. 58. 39.  40.  4i.4x.45; 

du  Ghap.  X  X I V.  de  TEvangilc 

félon  S.  Lvc. 

3^.  J?/  comme  ils  teneient  ces  propos-i  Jefnf 
ivi  ;»f  f/w^  Ce  présent  A  m  milietc  d'eux ,  ^ 
/^i^r  ^/> ,  Paix  'uoffsfoit. 

37.  J^/r/âr  ^/i^^  tout  troublez  &  épouvnH^ 
$ez  penfoient  voir  un  e/prit. 

^i.  Dfint  il  leur  dit ,  Pourquoy  efles  vous 
trouble:^t  (j;  pourquoy  rmntent  penfemens  en 
vos  cœurs. 

39.  Voie^^mes  mxlns -^  é*  ntes  pieds  ;  car 
ceFî  moy-mefme,  Tajlez  moj ,  ^  voiez  i  Car 
un  ejprït  na  ni  chw-,  ni  os  ,  comme  vous 
'voiez  que  fat. 

40.  ^and  il  eut  dit  ces  chojesy  il  leur 
montra  [es  ma  ns  ."jr  jes  pieds. 

41.  Mai  cçmme  encore  de  joye  ils  ne 

croioient 


Sermon  III.  177 
erotoient  foint  t  é*  s  emervtïUoient -^  il  leur 
dth  Ave:^vous  ici  quelque  chofe  à  mmger^ 

41.  Et  ils  lui  prefenterent  une  pièce  dc^ 
foijfû/j  rôti  y  (^  d'un  rayon  de  mieL 

43.  Ei  Caiamprisyilen  mangea  deuartt 
eux. 


Reres  Bien-aimex, 


Le  commun  ufage  de  tous  les  Chré- 
tiens aiant  confacrè  ces  jours  à  la  mé- 
moire de  la  refurreclion  du  Scjgneur,j'ai 
eftimc  ne  pouvoir-mieux  emploier  cette 
heure,qu'à  la  méditation  de  ce  texte,où 
vous  voyez  le  Sauveur  du  monde  fe  prc- 
fentant  vivant  à  fes  chers  difciplcs après 
le  combat  de  la  croix,  &  leur  montrant 
par  claires  &:  invincibles  preuves  la  vé- 
rité de  ce  corps  vidorieux  de  la  more, 
quHIavoitfraifchement  relevé  du  tom- 
beau, après  avoir  fouffert  pour  nôtre 
falut  toutes  les  chofes  neceffaires  à  la  fa- 
tisfadion  de  la  juftice divine. Car  l'Evan- 
gclifteS.  Luc  aiant  raconté  dans  la  pre- 
mière partie  de  ce  chapitre  l'ctonnc- 
ment  de  quelques  femmes  religieufcs, 

f    3  qui 


27  8  I>e  la  Refurr.  du  Seigneur  I  e  s  v  s  T 
qui  étant  allées  dés  le  macin  au  fepulcre, 
où  le  corps  du  Seigneur  avoir  été  mis 
trois  jours  auparavant ,  ne  lytreuverenc 
plus  ,&:  furent  averties  par  deux  Ange$ 
^u'il  étoïc  rcflufcitè  des  morts  5  &:  aianc 
ajouté  en  fuite  que  deux  des  difciples 
étant  fortis  de  la  ville  pour  aller  à  Ém- 
maus,Iefus  s'apparut  lui  mefme  a  eux,  ôû 
les  entretint  de  cemyftere  par  le  chemin, 
&:  fe  fit  cônnoiftre  à  eux  ;  dont  ils  eurent 
tantdejoye,  qu*à  Theure  mefme  ils  re- 
tournèrent fur  leurs  pas  en  lerùfalem,  &S 
y  firent  part  de  ceite  bonne  nouvelle  aux 
Ap6tres5&:  aux  autres  difciples  :  TEvan- 
gclifieaiant  déduit  ccé  chofes,  paurfuic 
maintenant  cette  divine  hiftoircj^  nous 
reprefenie  que  cous  ces  fidèles  étant  dans 
un  mefme  lieu  ,  &:  de vifant  enfemble  des 
merveilles  de  cette  bien-heureufe  jour- 
née ,  le  Seigneur  fe  treuva  foudainemenc 
au  milieu  d'cuxi&:  après  les  avoir  faluëz, 
reconnoifiant  que  fa  veuc  les  avoit  trou- 
bIez,pour  lever  toute  doute ,  leur  fit  tou- 
cher fes  pieds  &  (es  mains3&:  mefme  pour 
combattre  tous  les  rcftes  de  l'incrédulité, 
commanda  qu'on  lui  apportaft  à  manger, 
^  mangea  en  leur  prefence  ,  àc  leur  ra- 
ftefchit  en  fuite  h  mémoire  des  avertif- 

fcmcns 


Sermon     III.  279 

femens  qu'il  leur  avoicautresfois  donnez 
de  ces  chofes^ôi:  des  oracles  de  l'Ecriture, 
où  elles  avoient  été  prédites  dés  jadis, 
leur  ouvrant  lefprit  pour  les  bien  enten- 
dre.  Ge  fera  là ,  mes  Frères ,  le  fujec  de 
cette  adion  ;  Pour  le  déduire  par  ordre, 
nousy  coniîdereronsavecquc  la  grâce  de 
Dieu  5  trois  points  diftinûement  l'un 
après  l'autre  ;  Premièrement  l'apparition 
mefme  du  Seigneur  lefus  ;  &:  puis  les 
deux  preuves  qu'il  emploie  pour  affeurcr 
fes  difciples  de  la  vérité  de  fa  refurrc- 
dion  ;  celle  de  la  veuë &  de  lattouchc^ 
ment 5  Scelle  du  manger.  Apportez  à 
cette  méditation ,  mes  Frères,  une  atten- 
tion digne  6c  de  la  Majeftè  de  ce  fouvc- 
rain  Scjgneur,qui  fe  communique  à  nous, 
&:de  la  merveille  des  myfteres  mefmes 
qu'il  nous  y  découvre ,  &:  de  la  confola- 
tion  &r  du  falut  qui  nous  en  reviendra,  â 
nous  nous  acquittons  religieufement  de 
ce  fajcrè  devoir. 

Comme  le  fcandale  de  la  croix  du  Sei^ 
gneur  lefus  avoir  écarté  fes  difciples  çà 
&:  là  en  divers  lieux,  la  lumière  de  fa  re- 
farredion  les  raffembla  dans  un  mefme 
logis.  Les  Apôtres  s'y  rendirent  les  pre- 
iniers,&  les  deux  difciples  partis  le  matin 

f     4.  pour 


7.8q  De  la  Refurr.  di^  Seigxeur.l^ s  v s, 
pour  Emmaiis  y  vinrenç  iur  le  foir.   Tan* 
disque  cette  fainte  croupe  rallume  fes 
efperanceSjramafTarit  enunles  diverfcs 
çtincelles,  que  le  Seignçur  leur  avoic 
prefentées   fçparemcnt  »  &  joignant  ço 
que  les  feq:îmes    avoient  oui  avec  ce 
qu  avoit  veu  S.  Pierre ,  &:  ajoutant  à  Tun 
&  à  l'autre  ce  que  rapportoient  ces  dçu:^ 
difciples  les  derniers  venus  s  danscéc 
inftant  coipme  ils  tenoient  ces  prapos-^  ait 
rEvangeliftc  5  lefus  lai  mefmc  feprejef7ta 
AU  milieu  deux  ,  é'  leur  dit ,  Faix  fou  avec- 
que  vous,   Ççft  un  accompli0ement  de 
MAuk   çe  qu'il  leur  av.pit  promis  autrefois  dqr- 
JH.LO,    çant  les  jours  dç  fa  chair,  qu'il  fetreuvcr 
roit  au  milieu  de  ceux  qui  feroientaG- 
fcmblezenfonnom.  lugezdelà,FidaT 
les ,  combien  eft  excellent  &  falutaire 
Tufage  des  faintes  afTcrablées,  &:com-^ 
bien  grande  &  irréparable  eft  la  perte 
que  font  ceux  qui  s'en  abfentent  ,  ou  les 
ncgligent-I'avouë  que  depuis  que  le  Sei- 
gneur eft  monté  dans  le  fanûuaire  des 
cieux,qui  le  doit  recevoir  jufques  au  re- 
tabliffcment  de  toutes  chofes,  il  ne  fe 
treuve  pas  prefent  corporellemen(dan$ 
nos  aflemblccs,  comme  il  fit  en  celle  de 
«esprçmiers  difciples.    Mais  fi  fa  chair 

eu  eft 


Sermon     III.  iSi 

en  eft  abfente/a  dmnitè  y  eft  prefentc^ 
foji  Efpnt  y  prefide  ,  fa  majeftè  &  fa  lu- 
niiere  s'y  communiquent  aux  âmes  fi- 
dclcs,  &:  y  accroiflent  leur  confolacion, 
éc  leur  fanaification.  Car  jamais  ce  fou- 
vcrain  Seigneur  n'hanore  aucun  fidèle 
de  fa  prefence  ,  qu'il  ne  le  gratifie  de 
quelqu'une  de  fes  divines  faveurs.  Mais 
pour  l'atrircr  au  milieu  de  nous,   mes 
Frcres,  imitons  ie  zèle  de  ces  premiers 
difciples  Quand  le  Seigneur  vint  au  mi- 
lieu d'eux,  ils  s'entretenoientnon  des 
chofes  du  monde  5  mais  des  merveilles 
de  fa  refurrcftion.    Sandifions  nos  af- 
(imblces  en  la  mefme  forte,  y  apportant 
desames  plenesde  foy  &  de  dévotion, 
des  penfées  pures  &:  chaftes ,  n  y  parlant 
que  du  ciel &:  de  (es  myftercs ,  &c  bannif- 
fant  de  ces  façre?  lieux  tous  difcours 
profanes  ou  vains.    Si  le  Seigneur  nous 
voit  ainfi  difpofez  i^  il  viendra  fans  doute 
au  milieu  de  nous;  il  s'y  plaira,  &  ho- 
norera nos  congrégations  de  fa  prefence 
falutaire  ;  il  y  exaucera  nos  oraifons,&y 
recevra  nos  ferviccs.  Si  y  animera  nos 
cœurs  de  fon  feu  celé  (le,  ô^  nous  rem- 
plira de  fa  connoiffance  &:  de  fa  joye. 
Mais  fi  nous  en  ufons  autrement,  fi  nous 

apportons 


iSx    De  U  Refurr.  du  Seigneur  I  e  s  v  s . 
apportons  dans  ces   faintes  aflemblées 
les  foucis  du  monde ,  &  its  profanes  en- 
tretiens, lefusChrift  s'en  éloignera  i  &: 
pour  punir  nôtre  ingratitude  ,  il  permet- 
tra que  les  démons  y  prenentfa  place,  ^ 
y  rempliflent  tout  d'erreur  5  de  vices,  & 
de  troubles.  Car  venir  ici  pour  entrete- 
nir fa  curiofitè,ou  fon  babil,c'eft  s'aflem- 
bleraunom  du  monde,  &  de  lachair,ô£ 
non  en  celui  du  Seigneur.  Ici  vous  voicz 
encore  comment  lefus  Chrift  fupporte 
les  infirmes,  ne  brifant  point  le  rofeau 
cafsè  ,  &:  n'éteignant  point  le  lumignon 
qui  fumei  comment  il  fe  prefcnte  à  ceux 
qui  le  cherchent,  &:  donne  de  nouveaux 
tàlens  à  ceux  qui  ménagent  bien  les  pre- 
miers.Certainement  il  y  avoit  beaucoup 
de  foiblefTc  en  fcs  difciples  ,  comme 
toute  cette  hiftoirc  le  tefmoigne.    Mais 
parce  que  le  fond  de.  leur  cœur  étoic 
bon,  &  plein  d'une  vraie  amour  envers 
lui,  &  d'un  pur  &:fincere  defirdeprofi- 
ier,il  ne  les  dédaigne  point;  Les  voiant 
occupez  en  la  méditation  de  fa  refurrc- 
clion ,  &c  ménageans  foigneufement  les 
premières  lumières  qu'il  leur  en  av#ic 
données  pour  s'éclaircir  Se   s'affermir 
en  cette  fainte  créance  il   les  fecoiirt 

prompte- 


Sermon     III.  285 

promptement,  &c  leur  en  prefente  une 
nouvelle  beaucoup  plus  grande  &c  plus 
éclatante,  que  tout  ce  qu'ils  avoient  veu 
jufques-là  Pleuft  à  Dieu,  Fidèles,  qu'il 
nous  tircuvafl:  amfî  trivaillans  à  nôtre  in- 
ftrudion,  rnminans  les  leçons  dcfcs  Ecri- 
tures, confidcrans  lescnlcîgnemcns  qia'il 
TOUS  a  baillez!  11  vicndcoit  Uîi  mcfme  re- 
foudre ce  qui  nous  reftede  doutes, il  rem- 
plifoit  nos  fens  de  fa  lumière,^:  nous  cx>n- 
fîrmeroic  entièrement  en  ia  vérité,  cou- 
ronnant de  nouvelles'  grâces  celles  qu'il 
nousâdesja  faites.  Car  il  ouvre  à  ceuxqui 
heurtent  ,  ôd  fe  prefente  à  ceux  qui  le 
cherchenr,  &: ,  fi  quelqu'un,  dit- il,,  veut- 
faire  la  volonté  de  mon  Père»  celui-là 
cônnoiftra  de  la  doâirine.  Au  contraire,il 
laiffe  dans  les  ténèbres  ceux  qui  deda-i- 
gnenc  fa  clarté  5  &:  replonge  dans  Terreur 
ceux  qui  mèpnfent  les  premiers  enfei- 
gnemens  de  fa  vérité.  Et  ici,  je  vous  prie^ 
remarquez  la  fageffe  de  fa  conduicte  en  la 
difpenfàtion  'de  fa  lumière.  Il  ne  la  pre- 
fente pas  route  ^entière  du  premier  coup, 
à  fes  difciples.  Vne  fi  grande  fplendeur 
les  euft  furpris  &  comme  êbloiiîs  II  y  pré- 
pare peu  à  peu  leurs  fens,  fe  manifeftant 
à  eux  par  divers  degrez.  11  leur  fait  pre- 
mièrement 


^84     ^^  la  Refurr.  du  Seigneur  I E  s  v  S . 
micremcnt  dire  cette  merveille  par  fe» 
Anges;  puis  il  fc  montre  lui  mefme  à  eux, 
mais  feparement;  alun  ici,  &  à  l'autre  là> 
en  divcrfes  manicresi&  aiantainfi  difpo- 
fé  leurs  cœurs  par  ces  premières  tein- 
tures de  la  vérité ,  pour  achever  leur  foy, 
il  feprefcnte  enfin  à  eux  tous  enfemblc. 
Car  la  veuë  de  chacun  à  part  pouvoir 
eftrc  fufpedei&bien  qu'il  n'y  euftnul 
fujet  de  douter,neantmoins  la  chair ,  qui 
cft  ingenieufe  à  fe  tromper,  n'euft  pas 
manqué  de  dire,  que  c'étoitunefFet  de 
la  mélancolie, le  jeu  d'une  forte  imagi- 
nation. Le  Seigneur  donc  pour  dcfarmer 
entièrement  Tincrcdulitè  ,  fe  montre  à 
eux  tous  enfcmble;&  ce  fut  pour  la  mef- 
me raifon,qu'il  fe  fit  encore  voir  depuis 
à^lus  de  cinq  cent  frères  à  une  fois,com- 
me  le  témoigne  S.  Paul  au  quinziefme 
de  la  première  aux  Corinthiens.  Et  cer- 
Ccsilétoit  nect flaire  que  ce  myftere  fuft 
clairement  &  puiflamment  établi  i  par  ce 
qu'il  étoitqueftion,non  de  le  faire  fim- 
plcment  croire  aux  Apôtres  pour  le  falut 
&:  pour  la  conlolation  de  leurs  ames,mais 
de  les  en  rendre pubhcs  ÔC authentiques 
témoins,pour  en  pou  voir  certifier  la  véri- 
té à  tottt  l'univers.    Au  rcftcTEvange- 

lifte 


Sermon     III.  18  j 

lifte  ne  nous  exprime  pas  comment  le 
Seigneur  entra  dans  la  chambre  où  ces 
fidèles  étoient  alTcrnblez.Mais  il  ne  faut 
pas  douter  que  cette  entrée  n'ait  été 
miraculeufe ,  lefus  aiant  par  fa  glorieufc 
vertu  (îpromptement  ouverte  refermé 
les  portes  du  lieu ,  que  nul  de  la  compa- 
gnie ne  s*en  apperccut,  ce  divin  hoftc 
s'étantlà  foudainement  prefentè  au  mi-  ^^^^s, 
lieu  d  eux  ;  Car  il  étoit  nuit  ;  Se  S.  lean  19. 
décrivant  à  mon  avis  la  mefme  appari- 
tion, remarque  expreflement  que  les 
portes  du  lieu  ,  où  les  difciples  étoient 
affemblezjétoient  fermées  pour  la  crain- 
te qu'ils  avoientdesluifs.  Et  bien  que 
Saint  Luc  ne  ledife  pas  formellement, 
neantmoins  il  le  fignific  aflezpar  lafaC- 
fon  mefme  de  ce  langage  bref,&:  coupe, 
comme  ils  tenaient  ces  fropos^Iefus  fe  prefen^ 
Sa  au  milieu  d'eux.  Cela  fufïit  pour  le  mi- 
racle de  cette  entrée. Ce  qu'y  ajoutent  la 
plufpartde  ceux  de  la  communion  Ro- 
maine, que  le  corps  du  Seigneur  péné- 
tra les  dimeniîons  de  la  porte  fermée,  & 
pafTa  à  travers  fonépaiffcur ,  eft  un  fan- 
gç  ne  de  la  feule  palTion  qu'ils  ont  pour 
leur  traaffubftantiationj  àc  n'aiant  aucun 
autre  fondement  que  leur  imagination 

preocu- 


18^     De  la  Refurr.  dt*  Seigneur  Ie  s  v  s . 
preocupéc,  ô^   d'ailleurs  choquant  leâ 
maximes  de  la  rai(biïô«:  de  rEcnture  i 
donc  l'une  nous  apprend  que  la  chair  du 
Seigneur  eft  un  vrai  corps;  ::?<:  laurre  que 
c'cilune  chofe  impofTible  &:  contradi- 
ûoire ,  que  deux  vrais  corps  n'occupent 
qu'un  (cul&  mefme  heu  i  chaque  corps 
rempliflanr   neccflaircment  un  efpace 
égala  fa  propre  quantité.   Le  Seigneur 
étant  donc  miraculeufement  entré  dans 
lelieu  où  les  difciples  étoienc  aiTcmblez, 
ôi  s'étanc  prefcntè  au  milieu  deux  ,  les 
faluadeces  douces  &  agréables  paroles. 
Faix  Jûit  avecquevoHs.  Au  témoignage  de 
la  veuë ,  à  laquelle  il  prefentoit  la  forme 
&  la  figure  de  fon  corps ,  il  ajoute  celui 
de  l'ouïe  ,  afin  que  par  le  ton  de  fa  voix 
qui  leur  étoit  familicre,ils  reconnufTcnt 
plus  affeurement,  que  c^'toit  vraiemenc 
lui  qu'ils  voioient.  Quelques  uns  des  m- 
terpretes    philofophent   fort   fur  cette 
paiXjqu'illeurfouhaitte  ,  &:  y  cherchent 
de  grands  myfteres ,  alleguans  ici  tout  ce 
que  l'Ecriture  nous  apprend  de  la  paix, 
qu€   le  Seigneur  nous  a  acquife  par  fa 
mort ,  &:  de  celle  qu'il  nous  a  comman- 
de d'entretenir  avecquc  nos  frères,   l'a- 
voue qu'il  en  cil  le  Pruicc>comme  Efayc 

l'avoir 


Sermon     III.        '  287 
Tâvoit  prédit;  &:  que  la  paix  eft  le  vrai 
ouvrage  de  toute  fa  médiation,  le  fruit 
de  fa  mort,&  Teffet  de  fes  fouffrancesi&J: 
qu'aiant  fiaifchement  vaincu  nos  ennc- 
misjappaifé  Dieu  ,&  aboli  l'inimitié  4u 
ciel  û  de  la  terre  parlefacr4fice  delà 
croix  ,il  pouvoit  juîlementau  fortir  àf^ 
fon  combçau  publier  cette  bonne  nou- 
velle à  fes  difciples ,  &  les  affeurer  de 
ce  qu'a  voient  chanté  les  Aiiges  à  (a  naif-i»^  «. 
iànce  ,  que  gloire  etoit  àDieudans  ies^"^* 
lieux  très  hauts ,  &  en  terre  paix  aux 
hommes  du  bon  plaifir.  Mais  bien  que 
ces  chofesfoient  toutes  très- véritables, 
il  femble  neantmoins  qu'elles  ne  foient 
pas  ici  amenées  à  propos.  Car  il  eft  évi- 
dent que  ces  mots,  Paixfoit  avecque  vous^ 
ne  font  qu'un  formulaire  de  falutation 
ordinaire  entre  les  Hébreux,  comme  il 
paroift  par  une  infinité  d'endroits  de  l'E- 
criture ,  où  il  eft  emploie.      C*eft  autant 
que  ce  que  nous  diîbns  en  nôtre  langa- 
ge, Dieu  vous  garde ,  ou  Dieu  [oit  avecque 
vous;  le  mot  de  paix fignifiant dans  le 
langage  des  Hchicum  fante  &  projferite, 
C  eft  donc  fimplcment  une  falutation  de 
nô.tre  Seigaeur,par  laquelle  il  fouhaittc 
à  fes  difciples  tout  bon-heur  &  conten- 
tement 


z%%     De  la  Refurr.  du  Seigneur  I  e  s  v  s ' 
tcmenc  bi  toute  profpcnrè  félon  la  faf^ 
.  fonOrdinaire  de  ceux  de  la  nation:  d'où 
il  eft  nai  félon  la  chair.    Mais  TEvange- 
lifté  ponrfuit ,  &  dit ,  que  les  dïfciples  tout 
troubla  &  épouvantez  pe»joie/ft  voir  U9t 
eJhrit.O  étrange  foiblelfc  de  nôtre  natu- 
jreiCes  Apôtres  croioicnt  la  refurrcftioa 
de  leur  cher  Maiftre  \  ils  la  confeflbicnty 
&  difoient  n'agueres  en  Ton  abfcnce,/^ 
Seigneur  eft  vraicment  reffufiite;  Et  main- 
tenant qu'il  Te  prefente  à   eux  ,  ils  fe 
troublent  ,*  Ils  ont  peur  de  ce  qu'ils  fou- 
haitent,  Se  Tunique  fujet  deleurconfo- 
lation  les  épouvante. Quel  étrange  &  in- 
comprehenfible   meflange  eft  celui-ci? 
Ils  s'afleurent,&  ils  craignent  i  quand  ils 
ne  le  voient  point5ils  croient  qu'il  eft  vi- 
vant, &:  en  doutent  quand  ils  le  voicnn 
Sa  prcfence  qui  les  devoir  réjouïr,les  ef- 
fraye y  elle  ébranle  dans  leur  coeur  ce 
qu'elle  y  devoir  confirmer.   Ils  ajoutent 
foy  à  Pierre,  leur  témoignât  qu'il  l'a  veu; 
&C  ils  la  refufent  à  leurs  propres  yeux, 
qui  les  artcurent  qu'ils  le  voient.  Chers 
Frères,  j'avoue  que  cette  agitation  des 
Apôtres  a'ccoïc   p^s   cxenue  de  faute; 
Lcut  Mailhe  les  avo-t  lî  fidèlement  pré- 
parez, à  cctcc  vcuë,  qu'elle  ne  leur  dévoie 

pas 


Sermon    III.  28^ 

pas  fembler  écrange  j   Mais  j bfe  dire 
neantmoins  qu'elle  procedoit  plus  d'in- 
firmirè,quede  maliccjç'éc/OJC;Une  fimplq 
erreurj«5^  non  une  défiance  formée.  Le^ 
grandes  &  foudaines  &l  extraordinaire^ 
partions  caufent  fouvent  de.femblabUs 
altérations  dans  nos  fens  ilcs  furprénaiu 
fi  violemment  que  d'abor4nous  ne  peiH 
fonspas  voir  ce  que  nous  voions  jufqucsf 
à  ce  qu  aiant  pçis  le  loifir  de  le  regarder 
&c  deJe  maniée  &:confideFçr  à  diveriJÊ^ 
fois ,  nous  nous  en  afleurqiis  çnfin  peu  à 
peu.  Cckcc  qui  arriva  alors  aux  difçi- 
pies.  Ils  avoient  veu  mourir  lefus  fur 
une  croix  ,  il  n  y  avoit  que  trois  }ours:ils 
Tavoient  veu^^nvelopper  dar^s,  un  fuaire, 
&  enterrer  dans  un  tombeau.    Lesdif- 
cours  de  Pierre  &:  des  autres^quoyquW 
videmment  reccus ,  quoy  qu'embrailez 
mefrae  avecque  foy ,  n  avaient,  pourtant 
pas  entièrement  purgé  leur  efpcit  de  ces 
triltcsfencimens,^*:  lavoient  laifsè  en- 
core touç  plein  de  ces  horribles  imagçs^ 
C'eft  ce   qui  fait  qu'ils  tre (raillent  àfg 
veuëjfufpendus  entre  la  foy  prefente  4^ 
leurs  fens  5  &  la  fraifche  mémoire  de  ci^ 
qu'ils  avoi/^nt  veu  n'aguercs. feint  qpe, .la 
faffon  dont  il  Se  prefente  à  eux  augméte 

1  kuj 


X90  Be  la  Refarr.  dté  Seigneur  I  £  s  v  s. 
leur  trouble  j  paroiffanc  là  tout  à  coup  au 
milieu  d'eux  ,  fans  qu*ils  peuffcnt  com- 
prendre comment,  ni  par  où  il  y  étoit 
venu.  Etceft  de  là  fans  doute  que  nâ- 
quitlapenfée  qu'ils  eurent  que  c'étoic 
une{prit,&:  non  la  vraye  chair  du  Sei- 
gneur qui  fe  prefentoit  à  eux.Car  Taiant 
veu  tandis  qu'il  converfoit  avec  eux, 
marcher  &:  cheminer  comme  les  autres 
hommes  ,  &:  fe  mouvoir  d*une  falTon 
coiivenable  &  ordinaire  à  nôtre  nature; 
ils  concluent  que  le  fujet  qu^ls^  voient 
maintcnant^n  eft  pas  veritablemct  lefus, 
de  cequilctoit  miraculeufement  entré 
dans  ce  logis  &  en  cette  chambre  ;  le 
trouble  où  ils  étoient ,  ne-i^eur  donnant 
pas  le  loiiir  de  confiderer  >  que  ce  divin 
Maiftre.qu'ils  avoient  veu  autrefois  che- 
miner fur  la  mer,&:  s'éloigner  d'un  lieu 
àc  s  a{)prochei:  d'un  autre  en  un  inftanr, 
auroit  ^éu  aifement  ouvrir  &:  refermer 
les  portes  d'une  maifon,  &  tranfporter 
foudainement  fon  corps  en  un  lieu  où  il 
n'étoitpas  auparavant,  fans  dépouiller 
la  vérité  de  fa  nature.D  où  il  me  femble 
que  nous  pouvons  rccucillif  ,  que  l'opi- 
nion des  Apôtres  en  ce  fait  étoit  non 
abfolum'ent ,  que  lefus  Chrift  ne  fuftpas 

rcffufcitc 


Sermon     Î  1 1.  z^i 

reflufcitè  ("car  ils  croioienc  le  contraire, 
ôc  ravoientexpreflementconfcfsè)  mais 
feulement  que  cet  objet  qui  fe  prefentaic 
alors  à  eux  n'étoic  pas  vencablement  le 
Seigneuns'imaginacque  c'écoit  un  efpric, 
c  cft  à  dire  un  Ange,  qui  leur  venoic  don- 
ner quelque  inftrudion  là  deflus  >  5ù  leur 
reprefentcrla  refurrcûion  du  Scjgoeur, 
en  aianc  pris  pour  cér  efFer  la  forme  &:  la 
voix.  Telle  fut  Terreur  de  ces  fideles,qui 
croians  S.  Pierre  en  prifon ,  fe  figurèrent 
quec'etoitun  Ange,  qui  avoir  heurté  à 
la  porte  de  la  maifon ,  où  ils  croient ,  &: 
avoit  parlé  d'une  voix  femblable  à  la 
fienne,  comme  le  raconte  S.  Luc  au  dou- 
ziefme  des  Ades.  Nôtre  Seigneur  permit 
que  fes  Apôtres  tombaient  dans  cette 
faulTe  imagination , afin  d'avoir  occafion 
deleurjuftificr  plus  clairement  fa  refur- 
reftion  par  toutes  fortes  de  preuves  les 
plus  fenfibles.  Ainfi  par  la  merveille  de 
fa  difpenfation  ,  leur  doutera  fervi  àlaf-* 
fermiffement  de  nôtre  foy,  &  leur  erreur 
à  rerabliflement  de  la  veritè.Gar  il  ne  hs 
laifla  pas  long  temps  dans  cette  illufiorij 
mais  mettant  auflî- tort:  la  main  à  l'œuvre, 
il  larracha  immédiatement  de  leurs 
cœurs  ,  ôc  y  imprima  la  vérité  par  des 

t     1        moiens 


192.     ^^  l^  Refurr.  du  Seigneur  I  e  s  v  s . 
moiens  fi  evidens,  qu'il  ne  leurrefta  plus 
aucune  doute.  D*abord  il  reprend  Tagi- 
tation  &:  Thelhation  de  leur  efprit  iur 
une  chofe  fi  claire.    Pourquoy  ejîes  vota 
troublez. yUwx  dit-il,  &  fourquoj  montent 
fenfemens  en  vos  cœurs  ?     11  marque  leur 
trouble  &:  la  licence  de  leurs  penfécs; 
leur  découvrant  que  c'étoient  là  les  deux 
caufes  de  leur  erreur  ;  &  les  avertiffant  de 
les  reprimer  l'une  &  lautrcpour  pouvoir 
bien  &:  faincmcnt  juger  de  la  vérité  de 
ce  qu'ils  voioienr.  La  premiere,afçavoir 
le  trouble  embarafle  Tefprit ,  &  Tempcf- 
chedsreconnoiftreles  objets  les  plus  fa- 
miliers, le  rendant  aveugle  dans  la  plus 
claire  lumière.  Nous  en  voions  tous  les 
Jours  l'expérience,  quand  Tctonnements 
la  frayeur,la  crainte  ,  la  colère,  TenviCjla 
haine,  ou  quelque  autre  paflîon  violente 
^  faiïï  l'ame  d'un  homme.  Ce  trouble, 
comme  fi  c'étoit  un  nuage,  lui  dérobe  la 
clarté;  &  lui  deguife  tellement  toutes 
chofcs,qu'il  ne  peut  rien  appercevoir  net- 
tement. Le  Seigneur  avertit  donc  fes  dif- 
ciples  de  rafleoir  &:    de  remettre   leur 
,.  clprit  en  fa  vraie  &:  légitime  affiete,le  dé- 
livrant de  cette  importune  agitation  ,  où 
Tavoit  mis  Icurétonnement,  pour  confi- 

derer 


Sermon     III.  29c 

derer  avec  un  fens  calme  &  raflîs  ce  qui 
fe  prcfentoit  à  euxi  leur  reprochant  four- 
dément  en  ces  mots  5  Pourquoy  ejles  vous 
trouble:^^  quMs  n*avoienf  point  fujetde 
Icdre.  Dans  l'autre  partie  de  ce  verfet 
il  reprend  le  peu  de  foin  qu'ils  avoienc 
de  rabbatre  les  penfees,  que  le  trouble  ds 
leur  cfprit  faifoit  najftre  en  eux;  figni- 
fiantquela  hbertè  qu'ils  leur  donnoient» 
écoit  ce  qui  fufFoquoit  en  eux  la  connoiC- 
fance  de  la  vente  ;  Pourquoy  y  dit  iï,  des 
f  entées  montent  elles  en  vos  cœur 5^  Cer- 
tainement quand  il  fe  prcfcntc  quelque 
apparence  d'abfurduè ,  il  n'eft  pas  pofli- 
blc  que  nôtre  entendement  n'en  foit 
choque,  &  qu'il  ne  remue  diverfes  pen- 
{ét%  en  luy  mefme  pour  fe  développer 
du  doute  5  où  il  cft.  Mais  il  faut  ncant- 
moinsen  telles  occafions' gouverner  nos 
penrécs,&les  arrefter  dans  la  fobrietè, 
leur  tenant  la  bride  haute  ,  fans  donner 
à  la  chair  la  licence  qu'elle  demande  de 
ramener  toutes  chofes  à  la  portée  de  fes 
fens  grofïïcis.  Autrement  fi  nous  laiflbns 
monter  ces  penfées  dans  nos  cœurSjCorah- 
me  parle  ici  nôtre  Seigneur ,  elle*  y  ré- 
pandront une  fi  e'paiflc  dbfcuritè ,  que 
•Mous  netreuveroiis  rien  de  clair  au  mode. 

t     5  Et 


194     -Z)^  /^  Refurr,  du  Seigneur  I E  s  v  s . 
Et  comme  vous  voiez  cjuc  les  nifagcs 
qui  s'élèvent  en  Tair  ,  offufquent  Ja  lu- 
mière du  Soleil  ,  &:   dérobent  à  nôtre 
veuë  les  chofes  que  nous  apercevions  le 
plus  nettement,  ainfi  nous  en  arrive  t'il 
quand  nous  permettons  à  nos  préten- 
dues penfées  &  raifons  de  s'élever  trop 
licenticufcment    contre   la    parole  de 
Dieu.  Ce  brouillard  fious  hit  peu  à  peu 
tïiéconnoiftre  &  puis  ignorer  entière- 
ment les  chofes  les  plus  manifcftes5& 
que  nous   voyions   auparavant  le  plus 
clairement.  Mais  le  Seigneur  aiant  ainfi 
châtie  le  trouble,  &  les  vains  raifonne- 
mens  de  fes  Apôtres,les  ramené  en  fuite 
à  la  vérité;  leuren  propofant  pour  pre- 
mière preuve  le  tefmoignagc  de  leurs 
propres  fens  ;  Voiez  mes  mains  cr  wespiedsy 
d  i  t-  i  1 5  Car  ce  H  moy  me  (me.  Tafiez.  moy  ^ 
votez  :  car  un  ejprit  na  ni  chair ,  ni  os ,  com-- 
me  vous  voie:^  que  fai.    Et  aiant  dit  ces 
chofes  ^  il  leur  montra -^  dit  l'Evangelifte, 
fesm^insé"  fi^  pieds.    Le   doute  où  ils 
étoient,  que  ce  qu*ils  voioient  ne  fuft  un 
cfprit,les  empefchoit  de  le  recevoirpour 
le  Seigneur  Icfus  ,  dont  ils  reconnoif- 
foient  d'ailleurs  toutes  les  marques  dans 
€ét  objet.Cette  pçnféc  élevée  dans  leurs 

cœurs 


Sermon  III.  2^5; 

cœurs  comme  un  nuage  ,  embarraffoic 
leur  jugeme^it.  Le  Seigneur  Tabbat  &  la 
difTipe  excellemment,  leur  en,montranc 
la  vanité  par  une  preuve  fetifible,  tirée 
de  ce  que  les  efprits  n'ont  ni  chair  ni  os; 
étant  des  fubftances  immatérielles  &: 
incorporelles ,  comme  chacun  le  con- 
fefleiauiieu  que  lobjet  qu'ils voioicnt 
avoir  &:  chair  ic  os ,  comme  il  le  leur  fie 
reconnoiftre  &  par  leur  veuë  &C  par  leur 
attouchement.  D  où  s  enfuit  quec'étoit 
vraiement  Iefus,comme  il  dit ,  C'ejf  moy 
mefme)  •&  que  les  Apôtres  le  dévoient 
recqnnoiftre  &:  embrafTer  pour  tel  >  puis 
qu'ils  étoient  déformais  aflez  certifiez 
que  ce  n'étoit  pas  un  efpritila  feule  ima- 
gination qui  les  en  avoit  fait  douter. 
Cette  preuve  eft  admirable  ,  &  nous 
fournir  divers  enfeignemens,  qu'il  nous 
faut  foigneufement  remarquer.  Premiè- 
rement elle  établit  Tufage  du  raifonne- 
ment,  mefmes  dans  les  chofes  de  la  reli- 
gion; voulant  que  les  Apôtres  reconuf- 
fcnt  que  le  corps  du  Seigneur  n'étoit  pas 
un  efprit  ,  de  ce  qu  ils  voioient  qu'il 
avoit  chair  &  os  i  contre  l'extravagance 
de  ceux,  qui  rejettent  tous  difcours  &: 
raifonncmens  comme  incertains  ,  & 
t     4  douteux. 


19 6  De  U  Refurr.  du  Seigneur  I  e  s  v  s . 
douteux.  L  autorité  du  i^eigneur  afFran- 
chit  ki  nôtre  raifon  des  injuftes  liens, 
dont  ces2;cns  la  veulent  earottcr.  Se- 
condement  ,  cette  preuve  nows  enfci- 
gne  que  lé  Seigneur  a  de  la  chair  &  des 
osaTîefme  depuis  fa  refurreftion;  ce  qui 
renvcrfe  la  refverie  premièrement  de 
tous  ceux  qui  fuppofent  que  le  corps  du 
Seigneur  eil  non  un  véritable  corps>maii 
>in  fantofme  &  une  apparence  feulemêt; 
comme  Marcion  6^  divers  autres  Tont 
autrefois  dogmatizè  ;ô<:  deceux  pareil- 
lement qui  lui  accordant  une  vraie  chaif 
durant  les  jours  qui  précédèrent  fa  CBoix, 
prétendent  qu'à  fa  refurredion  il  prit  ua 
corps  d*une  fubftance,  bc  d'une  nature 
toute  autre  :  n'aiant  ni  les  membres  ni 
la  forme  d'un  corps  humain.ravouc  que 
fes  qualitez  font  différentes^,  entant  que 
c'cft  un  corps  gloricux,immortel,  ôd  im- 
paflTiblejà  raifon  dequoy  S.  Paul  le  nom- 
me fpirituel  &:  çeleftc.  Mais  tant  y  a  que 
le  Seigneur  protefte  ici  que  le  fond  &:  la 
forme  de  fa  nature  cfl  toute  mefme  ;  ô2 
qu'elle  confifte  en  chair  &  en  os  comme 
auparavant.  D'oui  s'enfuit  que  nous  rece- 
vrons auffi  en  la  grande  &:  dernière  rc- 
furreftion  ces  mefmes  corps  qucnou^ 

avonsj 


Sermon     III.  '^V 

avpns,cort(iftans  encore  comme  aujour- 
d'hui en  une  maffe  de  chair  &  d  os  di- 
ftinguée  en  divers  membres  ,  taillée  &: 
formée  &:  figuréc^commeellceft  main- 
tenaftt,  bien  que  veftuë  de  gloire  ,  au 
lieu  de  cette  infirmité  qui  Tenvironne. 
Car  puis  que  le  Seigneur  cft  le  patron  de 
nôtre  vie,&:  que  nos  corps  doivent  eftre 
rendus  conformes  au  fien,  la  vérité  du 
fien  établit  évidement  celle  des  nôtres. 
Confolez  vous,pauvre  chair  \  miferables 
oSjréjouïflTez  vous.  Vous  aurez  auffi  parc 
en  la  gloire  du  royaume  celefte.  Ce  grad 
jour  n'effacera  que  vôrre  infirmité  ;  il 
Cbnfcrvera  &  enrichira  vôtre  nature  ^ 
vôtre  formeâl  ne  1* abolira  pas.  Ne  crai- 
gnez point  Toutrage  dont  vous  menacer 
ceux  qui  prétendent  que  vous  ferez 
anéantis,^:  qu  au  lieu  de  vous,  nous  n'au- 
rons plus  que  des  corps  d'air,  purement 
fpirituels  fans  cette  diftindion  de  mem- 
bres ,  &  cette  forme  que  nous  avons 
maintenant.  La  forme  U.  la  foliditè  du 
corps  de  lefus  vous  alTeurede  la  confer- 
vation  de  la  vôtre,  contre  toutes  les  fan- 
taifies  de  ces  gens.  Mais  l'autre  partie  de 
lapfeuve  ici  employée  par  le  Seigneur, 
n'eft  pas  moins  confidêrable  ,  qui  fait  re- 

connoillrQ 


Z98  I>e  U  Refurr- .  du  Seigfseur  I  e  s  v  s. 
connoiftrela  folidicè  de  foncorpsà  fes 
Apôtres  par  la  veuc  &  par  Tattouchc- 
lïient.  Foiezmcs mains ér  nies  fieds  ^  die 
le  fus  'yTaJlez  nwy.é"  votez,  \  car  un  ejprit  nA 
ni  chair  ni  os  ,  comme  vêus  voiez  ^u0  fai: 
c'eft  à  dire  comme  vous  reconnoiflez  par 
vos  fens  que  j'en  ai.  Ce  procédé  auto- 
rize  clairement  la  foy  des  fens  i  &  pre- 
fuppofe  que  là  où  ils  nous  tefmoignent 
légitimement  une  chofe  >nous  pouvons 
&c  devons  la  croire  telle  qu'ils  nous  la  rc  - 
prefentent.  le  dis  légitimement  i  par  ce 
que  )*avouë  ,  que  quelquefois  ils  nous 
rapportent  les  çhofes  autres  qu  elles  rie 
font  en  elles  mefmesjmais  cela  ne  leur 
arrive  jamais  que  quand  il  leur  manque 
quelqu'une  des  conditions  requifesdans 
leurs  vraies  &: légitimes  fondions.  Ler- 
reur  qu'on  leur  attribue  naift  toujours  de 
quelque  caufc  hors  d'eux  i  comme  par 
exemple  ce  qu'une  tour  quarrée  de  loin 
nous  paroift  ronde  ^provient  de  la  trop 
grande  diftance  ;  ce  qu'un  bâton  droit 
nous  (emble  tors  dans  l'eau  procède  de 
la  nature  du  milieu  par  où  nous  le  voiôsi 
ce  qu'une  chofe  douce  femble  amere  à 
un  malade  ,  vient  de  findifpofition  5c 
de  lalteration  de fon  palais. Mais  quand 

les 


Sermon     III.  ^99 

ks  objets  des  fens  font  dans  une  jufte  di- 
ftânce5leurs  organes  bien  difpofez ,  &:  le 
milieu  par  lequel  ils  font  leurs  fondions, 
convenable  i  alors  leur  apprchenûon  cft 
véritable  &: certaine; de  fafîon  quctonc 
cela  s'étant  rencontre  dans  la  veuë  6c 
dans  Tartouchement  du  Seigneur  fait  par 
les  Apôtres>  ils  dévoient  enfuitte  s'affeu- 
rer,comme  il  le  leur  commande,  que  cc- 
toit  lui  fans  doute,&:  non  un  efpritjou  une 
autre  chofe.  Car  Ton  ne  peut  dire  ni  que 
kurs  yeux,  ôi  leurs  doigts,  les  organes  de 
leurveuë  &c  de  leur  attouchement  fuf- 
fent  mal  difpofez  i  ni  que  le  corps  du 
Seigneur  fuft  trop  éloigné  deuxj  ils  le 
manioientini  qu'ily  euft  rien  à  dire  de 
toutes  les  chofes  requifes  dans  la  natu- 
relle &  légitime  fondion  des  fens.  Auffi  .-. 
voicz  vous  qu'eux  mefmes  allèguent  ce 
tefmoignage  de  la  vérité  de  leur  connoif- 
fance  ,  comme  certain  &  infaillible  :  Ce 
^ue  mt^  avons  ûjii ,  difcnt-ils  ,  ce  que  ?îous  ,.  j,^^  j. 
avons  veu  de  nos  pofres  yeux  ^  ce  que?jou6i' 
Avons  conîimf  le-,  é  ce  ^ue  nos  propres  mains 
ont  îoache  de  la  parole  de  vie-^nous  vous  l' an- 
nonçons.Uoi\  paroift  premièrement  la  fo- 
lie de  ceux  qui  rejettent  le  tefmoignage 
desfcns,ccmmeinçcrcain&  frivole,  ôc 

nous 


500     "De  la  Refurr.  du  Serg^ettr  I  e  s  v  s^ 
nous  défendent  de  rien  recevoir  de  cô 
qu'ils  nous  reprefenecnt,  comme  afleurc- 
lïient  veritableijufques  à  vouloir  que  Ton 
doute  fi  la  neige  cft  blanche  ,  le  miel 
doux,  &  Tabûnthe  amer.    Que  faites 
vous  >  miferables  &:  forfenez  que  vous 
cftes  ?  Vous  renverfez  Tetat  entier  de 
nôtre  vie  ;  vous'la  plongez  dans  un  abyf- 
me  de  ténèbres ,  &  la  changez  toute  en 
une  longue  illufion.  Vous  (appez  les  fon- 
demens  de  toutes  nos  cpnnoiflancesjôc 
condamnez  tout  le  genre  humain  à  un 
aveugleracnr ,  &:  à  une  furditè  éternelle. 
Vous  outragez  la  providence  du  Créa- 
teur, &:  voulez  que  toute  Tindrudion 
qu'il  nous  donne  de  ks  œuvres ,  ne  foie 
qu'unefourberie,  puis  que  félon  vous  il 
nous  a  baillé  des  guides  &:  des  maiftres 
trompeurs,  pour  nous  conduire  dans  ce 
grand  &  fuperbe  théâtre  du  monde, ôC 
pour  nous  en   montrer    les  merveilles. 
Mais  outre  l'état  de  la  nature  ,  que  vous 
renverfez,  vous  choquez  encore  celui  de 
la  grâce ,  que  le  Seigneur  a  fondé  dans  les 
âmes  de  fcs  Apôtres ,  &  dans  les  nôtres 
parleminiftercde  nos  fens  ;  fauflcmenc 
&  inutilement  fi  on  vous  en  croit,  puis 
gue  vous  prétendez  que  coût  leur  tcfmoi- 

gnagç 


s  E  R  M  ON       Iir.  50J 

gnage  n'eft  que  piperie  &  illufion.  Cetce 
mcltne  preuve  ici  cmploiée  ,  par  le  Sei- 
gneur, nous  montre  combien  eft  vaine 
Tinvention  de  nos  advcrfaires  de  Rome, 
qui  fous  ombre  d  exalter  la  foy  df  crçdi- 
tent  les  fens  le  plus  qu'ils  peuvent ,  dans 
les  chofes  de  la  religion,  pour  faire  paiTer 
leurs  fongcs ,  quoy  qu'ils  foieat  évidem- 
ment contraires  aux  fens  &  à  laraifon.  Il 
eft  vrai  que  l'Evangile  nousenfeigne  des 
chofes  dont  les  fcns  ne  peuvent  juger, 
parce  qu'elles  ne  tombent  pas  fous  leur 
apprchenfion;  &:  de  celles-là   jeconfcffc 
qu'il  les  faut  croire  encore  que  nous  ne 
les  voyions  ni  ne  les  touchions.     Mais 
quant  à  celles  qui  tombent  fous  nos  fens, 
la  religion  ne  nous  a  jamais  permis  d'en 
juger  contre  leur  foy;  au  contraire  elle 
nous   oblige  ici  manifcftement  à  fuivre 
leurs  jugemens  fur  tels  fujets.  lefus  Chrift 
cft  Dieu,&  la  divinité  eft  une  nature  qui 
ne  tombe  pas  fous  nosicns.  Ici  j'avoue 
qu'il  faut  que  la  foy  s'élève  au  dcflusdu 
fens  >&:  que  ceferoixune  impiété  de  ne 
pas  croire  la  divinité  du  Seigneur,  fous 
ombre  que  nos  yeux,  ni  nos  mains  n'en 
reconnoiflent  pas^  1a  forme  en  lui.    Mais 
Âq  ce  mefrae  kfus  Chxill  nos  iens  nous 

rapportent 


3^1     De  la  Refurr.  du  Seigneur  I  e  $  v  s . 
rapportent  que  c*eft  un  homme,  que  Ton 
corps  eft  une  chair  humaine.  Tant  s*cii 
faut  que  ce  foitbien  fait  de  le  mecroire 
ou  d'en  douter,  fous  ombre  que  la  foy  eft 
au  delTus  du  fens  s  que  tout  au  contraire 
c'eft  une  extrefme  impiété ,  que  de  cho- 
quer leur  depofition ,  &:  jamais  la  foy  ne 
renverfeles  légitimes  témoignages  des 
fens.  Le  fens,!a  raifon  &:  la  foy  font  tous 
des  dons  d'un  mcfme  Dieu  ,  quinefe 
peuvent  entrechoquer.C'eft  ce  que  nous 
avons  à  apprendre  ici  en  gênerai.    Mais 
pour  defcendre  au  particulier ,  ce  procé- 
dé duSeigneur  avec  fes  Apôtres  réfute 
nommément  deux  erreurs   de  TEglife 
Romaine  fur  le  point  de  TEuchariftie,  &: 
établit  clairement  les  veritcz  que  nous 
leur  oppofons.    Sur  ce  fuiet  il  y  a  deux 
grandes  queftions  entr'cux  &:  nous^com- 
ine  vous  fçaveziLa  première  (î  ce  Sacre- 
ment eft  du  pain  ;  la  féconde  s'il  eft  pro* 
prement  &:  en  fabftance  le  corps  naturel 
de  lefus  Chrift.  Appliquons  lapreuve  du 
Seigneur,  &:  la  dodrine  qui  cnrefultc, 
à  Tune,  &:  àTautre.  Voions  tt  tâtons  ce 
fujeti  comme  le  Seigneur  commande  ici 
à  fcsdifciples.  Interrogeons  nos  yeux  ÔC 
nos  doigts  que  c'eft  qu'ils  vQient,&:  qu'ils 

maïueni: 


s  E  X  M  a-K     III.  303 

manient.  Ils  repondront  conformément 
les  uns  &  les  autres  que  c*eft  du  pain. 
Croions  donc  en  toute  feurecè  fur  leur 
foy^que  c'eft  vraiement  du  pain.  Si  vous 
recufez  ou  infirmez  leur  tefmoignage  en 
cet  endroit,  vous  TafFolbliffez  tout  de 
mefme  cnfoccafion  où  le  Seigneur  la 
emploie.    S'il  eft  vrai  (  comme  vous  le 
fuppofez)  que  fous  ces  apparences  de 
pain  que  nos  fcns  reconnoiflent  au  Sa- 
crement foit  cachée  une  fubftance  toute 
autre  que  celle  du  pain  ;  il  pouvoit  donc 
eftrefemblablement ,  que  fous  les  appa- 
rences du  corps  de  Chrift  veuës  &  tou- 
chées parlesdifciples  5  fuft  cachée  une 
toute  autre  nature  que  la  fienne.   Si  mes 
fens  m'abufent  en  l'un  de  ces  deux  fu- 
jets  ,  ceux  des  Apôtres  les  ontauifipû 
tromper  en  l'antre.  Or  le  Seigneur,  leur 
recommandant  le  tefmoignage  de  leurs 
fens  5  comme  un  vrai  &  légitime  moien 
de  laconnoiiTance  de  fon  corps  ,  pre- 
fuppofe  qu'il  eft  valable ,  certain ,  Se  non 
trompeur.  Il  faut  donc  avouer  aufïî  ne- 
cêffairement  qu'il  n'y  a  non  plus  de  fal- 
lace,ni  d'incertitude  en  la  depofition  de 
nos  fensfurlefujet  de  l'Euchariftie  ;  ^ 
que  comme  les  Apôtres  s'aflcurerenc  fur 

la 


304  T>eU  Refurr,  du  ^igrieur  I  e  s  v  s . 
la  foy  de  leurs  fens  que  ce  qu'ils  voioiene 
ecoit  véritablement  le  corps  de  Chrifty 
nous  devons  pareillement  croire  fur  la 
depolition  des  nôtres  que  ce  que  nous 
voions  en  TEucariftie  eft  véritablement 
du  pain.  Vous  ne  pouvez  douter  de  leur 
tefmoignage  en  cet  endroit, que  vous 
n'ébranliez  celui  des  Apôtres  i  que  vous 
ne  trahiffiez  à  Marcion  la  vérité  de  la 
chair  de  lefus  Chrift  ^luifourniffaût  des 
armes  pour  en  éluder  les  preuves5&:  que 
vousnefaflîez  flotter  dans  une  mifeva- 
ble  incertitude  toutes  les  fciences  &:  les 
connoiflances  des  hommes.  Quant  à 
l'autre  controverle,  elle  fe  peut  d'autant 
plus  clairement  vuider  par  la  dodrine 
du  Seigneur  en  ce  lieu,  qu'il  y  eftque- 
ttion  de  (on  mefme  corps,qu'iImontroit 
alors  à  fes  Apôtres.  Ils  doutoient  fi  ce 
quife  prefentoit  à  eux  étoit  vraiemenc 
fon  corps  -,  &:  non  plufl:oft  quelque  fan- 
tofme.Le  Seigneur  pour  les  en  éclaircir, 
leur  commande  de  le  rco;ardcr  &:  de  le 
manier;pour  conclurre  de  la  chair  ô^  des 
os  qu'ils  reconnoilTent  en  lui  parleurs 
fens ,  qu'il  n'ctoit  pas  un  cfprit ,  mais  ce 
mefme  Icfus,  qu'ils  avoient  veuci-de- 
vant.Cette  preuve  poic  clairement  deux 

chofcss 


Sermon     II  L  50J 

chofcsil*une  que  le  corps  de  Chrift  eft 
de  chair  &:  d'os.    L  autre  qu'il  eft  vifible 
Se  palpable  ,  c  eft  à  dire  tel  que  nos  yeux 
peuvent  recôÉoiftre  fa  chair  ôc  fa  majGTe, 
di  nos  doigts  la  manier.  S'il  eft  donc  en 
TEucariftie,  nos  yeux  y  verront  la  diftin- 
â:ion  de  fes  membres,  &:  nos  m^ins  y 
toucheront  la  molleffe  de  fa  chair ,  &  la 
dureté  de  fes  os  5  tout  ainfi  que  les  Apô- 
tres dans  l'objet  qu'il  leur  prefenta  alors. 
Or  il  eft  evident5&  confefsè  par  nos  ad- 
vcrfaires ,  que  nos  fens  ne  treuvent  rien 
de  tout  cela  dans  TEucariftie.  Certaine- 
ment il  faut  donc  avouer  que  le  corps 
du  Seigneur  n'y  eft  pas.    Ils  répondent, 
que  le  Seigneur  paffa  bien  par  le  miheu 
de  ceux  de  Nazareth,  qui  le  vouloient  ^eUay^ 
précipiter  ,  Se  s'échappa  de  leurs  mains, »^{''  *» 
comme  le  raconte  S.  Luc  au  q'^acriefmep^^^^^ 
defon  Evangile  ;  étant  par  confequent^i/^^e  cA. 
cntr'eux  fans  qu'ils  le  vifïent ,  ou  le  tou-  ^^' 
chaffentjà  quoi  ils  ajoutent  l'exemple 
de  quelques  Saints  délivrez  de  la  main 
de  leurs  perfecuteurs  en  la  mefme  forte. 
Mais  cette  inftance  eft  impertinente  Sc 
hors  de  propos.  Car  pour  prcfuppofer 
avec  eux  (  ce  qui  ncantmoins  leur  pour- 
voit eftre  contj^ûèjque  ces  Nazariens  ne 

y        viflcnc 


}o  ^  DeU  Refurr.  du  Seipettr  I  e  s  v  S . 
vilTenc  &:  ne  touchaflent  point  le  Sei- 
gneur ,  quand  il  fe  fauva  de  leurs  mains; 
qui  ne  voit  que  fi  cela  eft  vrai,  il  arriva 
ainfi  parce  qu'il  lia  leurs  fénspar  fa  ver- 
tu toute  puifTante ,  retenant  la  force  na- 
turelle de  leurs  yeux  &:  de  leurs  mains 
jufques  à  ce  qu*il  fuft  en  feuretc?  Au  lieu 
que  dansTEucariftie^aulTi  bien  que  dans 
fon  apparition  à  fes  Apôtres,  il  laiffe  nos 
fens  en  plene  liberté  ,  &  bien  loin  de 
nous  foullraire  Tobjet  dont  il  eft  que- 
ftion  5  nous  le  prefente,  5j  nous  le  baille, 
&  nous  le  met  mefme  non  fimplement 
en  la  main ,  mais  en  la  bouche  &  en  Te- 
ftomac.  S*il  y  etoit  donc  véritablement 
prefent,nous  l'y  verrions &: l'y touche- 
rionsitoutainfi  que  firent  alors  les  Apô- 
tres.Et  quant  aux  accidens  du  pain,c'eft 
une  enveloppe  trop  mince  &  trop  foible 
pour  cmpefcherles  fondions  de  nôtre 
attouchement  ;  loint  que  cela  mefmes 
que  la  fubftance  de  l'Eucariftic  tient 
dans  un  petit  morceau  de  pain  ,  juftifie 
aflez  à  nos  fens  qu'elle  n'eft  pas  le  corps 
de  Chriftinul  ne  s'etant  jamais  imaginé, 
que  ce  qui  ell  enclos  dans  un  morceau 
de  pain,foit  un  vrai  corps  humain.  Enfin 
ce  qu'ils  ajoutent  qu'il  le  peut  faire  par 


Sermon     III.  307 

la  vertu  divinCjque  le  corps  du  Seigneur 
ioic  en  un  lieu  à  la  faffon  des  efprits,  fans 
y  occuper  aucune  place  i  cela  dis-je,  de- 
ftruit  évidemment  ce  que  le  Seigneur 
pofe  en  cet  endroit  ,  que  Ton  corps  cft 
palpableiétant  clair  qu'il  ne  le  fera  pas, 
s'il  eft  dans  un  lieu  de  la  fafTon  ,  qu'ifc  le 
fuppofenr,  cetceimaginaire  faflbnd  exi- 
ftence  étant  par  leur  propre  confeflîon 
imperceptible  à  tous  nos  fens.  Retenons 
donc  fermement  malgré  toutes  les  illu- 
fîons  de  leur  chicanerie  5  la  vérité  du 
corps  du  Seigneur,comme  il  l'établit  ici 
lui  mefmeid'autant  plus  que  la  féconde 
preuve  par  laquelle  il  en  éclaircit  fcs 
difciples)  ne  convient  non  plusàTEu- 
cariftie  ^  que  la  première.  Car  voiant 
que  de  joye  ils  ne  croioient  point  enco- 
ïc.àC  s'émervcilloient,  il  leur  dii^Ave!^ 
votfs  ici  quelque  choÇe  a,  manger  f  Et  ils  lut 
fnÇenterent ,  dit  TEvangelifte ,  une  pièces 
^e  poijfon  rôti -i  ^  d'un  rayon  de  miel  ;  Bi 
l'aiant  pris ,  il  en  mangea,  devant  eux,  La 
manducation  étant  une  des  aftions  na- 
turelles d'un  vrai  corps  humain  ,  il  eft 
clair  que  tout  vrai  corps  humain  en  eft 
capable,  c'eft  à  dire  qu'il  la  peut  exercer, 
l'avoue  que  les  corps  glorifiez  ne  l'cxer- 

v     2,         cent 


}o8     DeU  Refurr.  du  Seigneur  î  e  s  v  s  .^ 
cent  jamais  >  mais  cela  procède,  non  de 
:;Ce  qu'ils  en  foicnt  incapables  ,ou  qu'ils 
ayent  manque 'des  organes  neceflairesà 
cela  5  de  la  bouche  ,  du  gofier ,  de  l'efto- 
macjmais  de  ce  qu'ils  n  en  ont  pas  befoin, 
étant  foûtenus  parla  vivifiante  vertu  de 
TEi^^rit  ,&non  parTufage  des  alimens; 
comme  il  paroift  par  lexemple  du  Sei- 
gneur en  cet  endroit ,  qni  mangea  ,  non 
pour  aucune  fiennc  necellîiè ,  mais  feule- 
ment pour  affermir  la  foy  de  fes  Apôtres, 
&:  guérir  toute  leur  incrédulité. Puis  doc 
que  ce  corps  prétendu  par  nosadverfai- 
res  dans  TEucariftie  étant  en  cet  état  eft 
par  leur  propre   confeflîon  entièrement 
incapable  &:  de  cette  adion  U  de  toute 
autre  femblable,  à  caufe  de  rmdiftin- 
âion  &:  de  la  confufion  de  fes  parties 
fous  un  point;  tenons  pour  tout  afleurè 
que  ce  n  eft  nullement  le  vrai  &  naturel 
corps  de  lefus  Chrift  ;  toutainfique  les 
Apôtres  reconnurent  par  cette   aftion 
qu'ils  lui  vixent faire,  que  ce  n'étoit  pas 
un  fantofme ,  comme  ils  s'étoient  ima- 
ginez au  commencement ,  mais  un  vrai 
corps  humain.Sur  quoy  nous  avons  à  re- 
marquer d'un  côté  ,  combien  eft  trouble 
le  mouvement  de  nos  afFcdionSjpuis  que 

la 


Sermon     III.  309 

la  joye  des  Apôtres  les  empefchoic  de 
bien  reconnoiftre  fon  fujetis'embaraiTant 
elle  mefmeparfa  propre  précipitation^ 
&  de  lautre  combien  eft  doux  &  indul- 
gent ce  fouverain  Seigneur,  qui  daigne  fi 
mifericordieuiiment  fecourir  Tinfirmitè 
des  fiens,Ieurdônantun  nouveau  moien 
pour  charter  toute  doute  de  leurs  cœurs. 
Et  puis  qu'il  a  fi  diligemment  5  &  fi  ma- 
gnifiquement établi  la  vérité  ^  farefur- 
redioniembraflons-là/reres  b^n  aimear, 
avec  une  entière  foy.   Adorons  ce  divin 
refrufcitè^reccvons  la  paix  qu'il  nous  pre- 
fente  ;  jouïffonsde  la  lumière  qu'il  nous 
apporte,- efperons  ce  qu'il  nous  promet» 
&  faifons  ce  qu'il  nous  commande.   Ec 
comme  ces  faints  Apôtres  aiant  une  fois  ' 
veu  les  lumieres5&  couché  les  merveilles 
*de  fon  corps  glorieux,  renoncèrent  à  la 
chair  &  à  la  terre  ,6i  confacreienc  toute 
leur  vie  à  l'étude  de  la  bien-heureufe  im- 
mortalité, en  publiant,ôi communiquant 
le  myftere  à  toutes  nacionsipouflez  d'une 
femblable  ardeur,  laifibns-là  toutes  ces 
chofes  baffes ,  dont  nous  fentons  tous  les 
jours  la  vanité  &  la  corruption  ;  &  cou- 
rons après  ce  nouveau  Seigneur,  le  vrai 
Prince  de  la  vie  ôc  de  réternitè;cher- 

V     5         chons 


jio  1)6  U  Refurr.  du  Seigneur  I E  s  v  s . 
chons  fon  roiaume  &:  la  jufticc ,  &  fai-*^ 
fons  part  de  fes  threfors  à  nos  prochains, 
afin  qu'après  avoir  ici  bas  imité  façon- 
verfation ,  &  accompli  fon  œuvre  5  en 
toute  patience,  &  purciè,  un  jour  nous 
reffufcitions  auffi  en  fa  gloire  pourvi^ 
vre  &regncr  cternelkment  avecque  luû 
Amek. 


DM  LA 


DE    LA 

RESVRRECTION 

DE  NOSTRE  SEIGNEVR 
lESVS-CHRIST. 

SERMON    QVATRIESME. 

Sur  les  verfets  44.  45.    du  Chap. 

XXlV.de  rEvangile  félon 

S.  Lvc. 

44.  Pu^ ,  lefus  5  leur  dît ,  Ce  font  ici  les 
frofos ,  c]H€  je  vous  tenois ,  quand  fétois  en- 
core Avec  que  vous  -^qu  ïi  f  Allait ,  que  toutes 
les  chofes  ^  qui  [ont  écrites  de  moi  enlaLoy 
de  Moïfey  éés  Prophètes^,  &  Pfeaumes  fujfent 
accomplies, 

45.  Alors  il  leur  ouvrit  l'entendement 
pour  entendre  les  Ecritures. 


Hers  Freresi 


Si  vous  confiderez  la  prédication,  & 
retabliffement  de  l'Evangile  dans  le 
monde  par  la  foy  ,  que  les  hommes  y 

V     4  ont 


}I2,     I>e  U  Refurr.  du  Sei£;;eurlEsys. 
ont  ajoutée  5  le  recevant  pour  une  do- 
ftiine  veritableila  refurreftion  de  nôtre 
Seigneur  lefus  Chrift  en  eft  le  principal. 
Se  le  plus  important  article.  C'eft  la  clef^ 
&  la  dcmonftration  de  tout  le    refte; 
étant  clair,  que  fi  lefus  a  êtè  refTufcitè 
des  morts  par  la  puiffance  divine  (  com- 
me il  n'eft  pas  polîible,  qu'il  lait  été  au:, 
trement  )  il  eft  fans  doute  le  Fils ,  &  le 
Chrift  de  Dieu,  &:  fon  tefmoin  ;  doù 
s'enfuit  evidcmmcnt.&  invinciblement 
que  Ta  Hoarine  eft  veritable,n  étant  pas 
imaginable ,  que  Dieu  euft  voulu  prcfter 
ni  cmploier   la  miraculcufe  puiflance 
pour  relever  du  tombeau  en  une  vie 
glorieufe  &  celcfte  une  perfonne  qui 
euft  pris  fon  nom  en^^vain,&:  quifefuft 
fauflement  attribué  la   qualité  de  fou 
Prophète.  Ccft  pourquoy  TApôtre  Saint 
lio^.r,  Pa^l^ditque  lefus  Chrift  a  ète  flcftement 
decUre  Fils  de  Bieu  en  fui(fmc€  félon  /'£"- 
firitde  fm^tf  cation  par  U  refurr eci ion  des 
morts  \  Parce  que  fa  refurreftion  étant 
une  preuve  conveincante  de  famiflion, 
elle  nous  juftifie  plcnement  la  vérité  de 
fa  prédication  ,  &r  nommément  de  la 
qualité  de  Fils  de  Dieu  ,  qu'il  se  toit 
toujours  conftamment  attribuée.  De  là 

vient 


Se  KM  ON    IV.  3ÎÎ 

vient  encore  5  qu'envoiant  fes  Apôtres 
pour  convertir  le  monde,  il  a  voulu  qu'ils 
pofafTent  ce  myftere   comme  pour  le^"^;'^^; 
fondement  de  leur  predicationîafTeurantîir'  3.1/. 
un  chacun,  qu  il  eftreffufcitè  desmorts,^'^^^ 
afin  qu'en  fuite  nul  ne  fift  difficulté  de  le 
recevoir  comme  Dodcur  Se  Prophète 
fouverain  du  genre  humain.  Et  c*cfl:  par- 
ticulièrement en  cela  que  confiftoit  leur 
charge,  Ac rendre  tefmoignâge ,  que  Chrift 
etoit  reflufcitè  des  morts  ,*  comme  il  Ç^' ^^^ 
roift  par  le  difcours  de  S.  Pierre  dans  leji.^. 
premier  chapitre  des  Aftes.   Sans  cela, 
comme  dit  S.  Paul  fur  un  autre  ftier,/r/»r  for.  r;. 
fredicationeufl  été  vaine.    Cette  rcfuire-^w- 
âion  du  Seigneur  étant  donc  d'une  iî 
grande  importance  5que  toute  radrr^ni- 
ftration&de  leur  charge  &:  de  nôtre  foy 
en  dépendoit  JI  a  été  fur  tout  neceffiiro, 
que   fa  vérité  fuft   clairemcrr    c'cabiie 
dans  Tefprit  des  faints  Apôiir5  ;  cntella 
forte,  qu'il  ne  leur  en   reftaft   aucune 
doute.  Ceft  pourquoy  le  Seigneur  lelus 
demeura  encore   quarante  )onis   avec 
eux  après  fa  refurredionidurant  Icfquels 
il  ne  leur  juftifia  pas  feulement  la  vernc 
de  fa  vie  ,  &  de  fa  nature  humaine  p.u  le 
tefmoignage  dekursfens>sVtant  tair  ^ 

voir-, 


314  ^^  l'^  Refurr.  du  Seig^enr  I  e  s  v  s . 
voir,  &  ouïr  &  toucher  à  eux  plufieurs 
fois,  &  en  diverfes  manières  ;  mais  de 
plus  encore  pour  leur  donner  un  entier 
cclaircifle^ent  de  ce  myftere ,  leur  re- 
prefenta&:  leur  fit  entendre  les  prédi- 
rions de  cette  merveille ,  &  celles  qu'il 
leur  en  3voit  faites  lui  mefme  avant  fa 
mort,  &  celles  que  les  anciens  Prophè- 
tes en  avoient  confignées  plufieurs  fic- 
elés auparavant  dans  les  livres  du  Vieux 
Teftamentjy  ajoutant  les  raifons,qui  re- 
queroient  neceflairement^que  le  Chnft 
mouruft  ,  &  reffufcitaft  des  morts, corne 
il  avoit  fait;  De  forte  qu'après  cette  in- 
ftrudion  ils  demeurèrent  nonfcuicméc 
perfuadez  &c  convaincus  à  pur  &  à  plein 
de  la  vérité  de  la  refurredion  de  leur 
Maiftre,  mais  encore  entièrement  fatis- 
faits  bc  éclaircis  de  fes  caufes ,  &  de  fa 
neceffitèj  ny  treuvant  plus  rien  après 
cela,qui  leur  femblaft  étrange  &  incroia- 
ble  5  comme  elle  leur  avoir  femblèda- 
bord;  mais  tout  au  contraire  reconnoif- 
fant ,  quelle  e'toit  fi  conforme  à  la  vo- 
lonté, &  aux  confcils  de  DieUjôd  fi  con- 
venable à  la  raifon  des  chofes  mefmes, 
qu'il  n'avoir  pas  ctè  poflrible^qu'U  arrivaft 
autrement.  S.  Luc  a  emploie  ce  dernier 

chapi* 


Sermon     IV.  3IÎ 

chapitre  de  fon  Evangile  à  nous  décrire 
cette  admirable  hiftoirej  nous  y  repre- 
fentarft  une  partie  des  apparitions  du 
Seigneur  à  fes  Apôtres  après  fa  refurrc- 
dion  ,  ôc  des  divins  difcours;  qu'il  leur 
tint  fur  ce  fujet.  Ces  jours  aiant  été  con- 
facrez  par  l'ufage  des  Chrctiens  à  la  mé- 
moire de  ce  grand  myftere  ;  )*ai  eftimè, 
qu'il  feroit  à  propos  de  vous  expliquer 
en  cette  a£lion  les  paroles  ,  que  vous 
avez  ouïes ,  &:  qui  viennent  en  fuite  de 
quelques  autres  5  que  nous  avons  autres 
fois  traitées  en  de  femblables  occa- 
fions.  Car  TEvangelifte  a  ci- devant  ra- 
conte comment  le  Seigneur  après  s'eftrs 
apparu  aux  deux  difciples  allans  en  Em- 
maiis  5  fe  prefenta  le  mefme  jour  à  fes 
Apôtres  affemblez  en  lerufalcm ,  Se  leur 
montra  fes  mains  U  fes  pieds  ,  ôc^ur 
leur  ôter  tout  foupçon  d'illufion,  man- 
gea du  poiflbn  &c  du  miel  devant  eux. 
Maintenant  S.  Luc  ajoute  ,  qu  après 
cette  claire  &  convaincante  preuve  de  la 
vérité  de  fon  corps,  pour  les  affeurer  de 
plus  en  plus  ,  il  leur  parla ,  &  leuf  tint 
divers  difcours  fur  ce  fujet  5  dont  il  nous 
rapporte  un  bref  fommaire  en  ces  motsi 
Ce  f0/iî  ici  3  leur  dit-il ,  les  propos  quejc^ 


}l^  De  U  Refurr.  du  Seigneur  I  e  s  v  s . 
vous  tenois  ,  quand  jètois  encore  Avecque^ 
vous  quilféiUoit  que  toutes  leschofcsy  qui 
font  écrites  de  moy  en  la,  Loy  de  Motfe  >  é'  es 
Prophètes ,  é'  es  Pfeaumes  fujjent  accomplies. 
En  fuite  TEvangelifte  dit ,  ç{u  alors  il  leur 
ouvrit  [entendement  four  entendre  les  Bcyi^ 
tures.  Ce  font  les  deux  points ,  que  nous 
nous  propofons  de  traiter  ,  s'il  plaift  à 
Dieu  ,dans  cette  adion  ;  premièrement 
ce  que  le  Seigneur  lefus  dit  àfesdifci-» 
plesiôd  fecondcmcnt  ce  qu  illeur  fitiFun, 
qu'il  les  fit  reffouvenir  des  difcours,qu'il 
leur  avoir  desja  tenus  autresfois  fur  ce 
fujet  ;  l'autre,  qu*il  leur  ouvrit  Tcntende- 
ment  pour  bien  comprendre  les  oracles 
des  Ecritures  ,  qu'il  leur  avoit  mis  en 
avant. 

Quant  au  premier  point,  vous  avez 
desja  ouï  les  propres  paroles  du  Seigneur 
à  fes  Apôtres,  &  difciples  ;  C^y^;!^/  iciy 
leur  dit- il ,  les  propos  -^  que  jevoustenoisy 
quand  fétois  encore avecque  vous.  En  leur 
ramenant  dans  Tcfprit  les  avertiffemens, 
qu'il  leur  avoit  dcsja  donnez  ci-devant, 
il  leur  reproche  fourdement  leur  ou- 
bliancc  ,  ic  le  peu  de  foin,  qu'ils  avoient 
eu  de  bien  mettre  &:  retenir  dans  leurs 
cœurs  les  divines  leçons,  qu'ils  avoierc 

ouïes 


s  1£  R  M  O  N      IV.  317 

ouïes  de  fa  bouche.Et  voiez^jc  vous  prie, 
combien  cette  négligence  des  enfeigne- 
iTiens  du  Seigneur  eft  dangereufe.  Peu 
s'en  fallut ,  qu  elle  ne  ruinaft  toute  la  foy 
des  Apôtres  ;  &  elle  Teuft  fait  fans  doute, 
fi  lefus  Chrift  par  fa  bonté  n'euft  fecouru 
leur  foiblelfe  au  befoin  i  Encore  fut-elle 
caufe  j  qu  alors  mcfme  ils  receurcnt  fon 
fecours  avecque  pêne ,  &  ne  fe  rendirent 
qu'après  plufieurs  grands  efforts  de  fa 
grâce.  Au  lieu  que  s'ils  euffent  bien  re- 
marqué &:  retenu  ce  qu'il  leur  avoir  pre** 
'dit  de  bonne  heure  tant  de  fa  mort ,  que 
de  fïrefurredion ,  ils  n'euffent  treuvc  ni 
Tune  ni  l'autre  étrange.  Ni  l'ignominie 
de  f  une,  ni  la  gloire  de  Tautre  ne  les  euft 
ni  furpris  5  ni  troublez.  Au  contraire  ce 
pU^nftucl  accompliflement  de  fa  predi- 
dion  5  euft  augmenté  &  aftVrmi  leur  foy; 
puis  qu'ilcontenoitun  évident  argument 
de  fa  verirè  &c  divinité.  Mais  aiant  &  ap- 
porté peu  d'attention  des  le  commence- 
ment à  bien  entendre  ce  qu'il  leur  en 
avoitdit,&y  aiant  ii  peu  fongé depuis, 
qu'enfin  ils  en  avoient  entièrement  per- 
du la  mémoire  -,  de  là  vint,  que  quand  ils 
le  virent  cloué  à  une  croix,  ôc  peu  après 
renferme  dans  un  tombeau ,  ils  en  furent 

iiiiîni- 


5i8  De  U  Refarr.  du  SeigpfeurlESvs. 
infiniment  econnez  dc  Ibandalizez  ,  cet 
événement  fi  trifte  5c  lî  contraire  à  leurs 
penfées  ,  aiant  lourdement  ébranli  6c 
prefque  renverse toutesleurs  cfpcrancesi 
&:  que  depuis  encore  ,  quand  après  cet 
cfclandre  il  fe  prefenta  à  eux  vivant  ^  ils 
s'éblouïuent  à  cette  belle  lumière  ,c<i  ne 
pouvant  croire  une  choie  fi  merveilleufc, 
ôi  fi  éloignée  de  leur  attante,  ils  prirent 
le  Seigneur  pout  un  fantofme,  &  fa  veuc 
pour  une illufion.  Ceft  ce  qu'il  leurre- 
proche  ici;Pourquoy  vous  troublez  vous? 
dit-il-  Pourquoy  avez  vous  tant  de  diffi- 
culté a  croire  ce  que  vous  voicz  ?  Et  juf- 
quesaquand  vôîre  cfprit  refiftera-t'il  à  la 
foy  de  au  tefmoigoage  de  ,  vos  propres 
fensi  comme  sM  ccoic  queftion  d'une 
chofe nouvelle  6c  inopinée,  ôc  dont  vous 
n'eu  (fiez  jamais  ouï  parler  ?  Vous  n'avez 
rien  vcuîCn:  ne  voiez  rien  encore  5  que  je 
ne  vous  culTc  desja  prédit  ci-dcvanr>  6c  à 
qaoy  jcn'curte  fidèlement  préparé  vôtre 
créance  par  mes  avertiffemens.  Faites  an 
peu  d'effort  fur  vôtre  mémoire,  &c  rame- 
nez en  vôtre  cfprit  les  choies,  dont  il  n'a 
pas  confcrvé  le  louvenir,  comme  il  de- 
voir. Et  vous  treuvercz ,  que  tout  ccc'h 
qui  vous  paroift  fi  cua-;.gc,  n'cit  precife- 

ment 


s  E  R  M  O  N     I  V.  $19 

ment  que  cela  mefme ,  que  je  vous  difois 
autresfois^-quand  j'écois  encore  avecque 
vous. Si  vous  m  avez  tenu  pour  véritable, 
vous  deviez  de's  lors  vous  eftre  rcprefen- 
tèenlapenféetout  ce  qui  eft  arrivé  de- 
puis i  &c  le  croire    avant  Tevenemenc 
mefmeibien  loin  d  en  douter  &  de  vous 
en  troubler  maintenâr,  que  vous  le  voiez 
accompli.   Ceft  la  remontrance  que  le 
Seigneur  fait  ici  à  (es  difciples  en  ces 
mocs.    Ce  font  ici  les  prof  os  que  je  vous  te- 
nois  quitriâfétois  encore  avecque  vous  L'An- 
ge qui  s'apparut  aux  femmes  prés  du  fe-» 
pulcre5&:  qui  leur   annonça  l'heureufe 
nouvelle  de  la  refurreftion  de  lefus,  leur 
en  avoir  désja  dit  autant.   Pourquoy  cher-  luc  24. 
chez  vous^lcur  difoit-il ,  e;jtre  les  morts  celui  ^•7- 
qtii  ejl  vivant  f   il  ri  eft  f  oint  ici  ;  mais  il  eft 
rejfufcitè  ^tiilvous  Jouvienne  comment  il 
ptrla  .i  vous^  quand  il  étoit  encore  en  Galilée-^ 
diÇiint. ,  qiiil  fal/oit,  que  le  Fils  de  [hommz^ 
fuft  livre  entre  les  muns  des  mal-vivans  ,*  (^ 
quilfuft  crucifié  ,  -:^  quil  reffufcitaft  autroi^ 
Jiefmejour.Ea  effet  nous  lifons  en  S.Marc, '^^•'^'9. 
&  en  S.  Luc  ,  que  le  Seigneur  durant  les^^'. 
jours  de  fa  chair  avoic  exprefiement  pre-^^  9- 
dit  àfes  Apôcrcs  tout  ce-quilui  devoit^,^'^'  ' 
arriver  s  c'cft  à  dire  5c  fa  mort ,  ic  fa  re- 

furredion 


3  lo'    De  U  Refurr,  du  Seigneur  T  e  s  v  s . 
iurredion.   Et  S-  Matthieu  tefmoigne, 
qu'il  leur  avoit  donné  cet  avertiflement, 
non  une  fois,  ni  deux,mais  plufieurs  foisi 
rapportât  jufques  à  trois  divers  difcours,  ' 
qu'il  leur  avoit  tenus  fur  ce  fujet  en  pa- 
roles claires  &  expreffes  ;  le   premier 
dans  le  chapitre  feiziefme;  le  fécond 
dans  le  chapitre  dix-feptiefme  ;  &  le 
dernier  dans  le  vingtiefme  i  leur  difant 
^^^^conftamment&:  formellement,  (\yxenU 
2i.&i7.vi/le  de  I erufalem tl  feroit  livre  aux  frinci- 
'^^'^^°  faux  Sacrtfcateurs-ié'  aux  Scrihes^:^  par  eux 
condamne  a  mort^  ^  livré  aux  nations  ,  four 
s  en  moquer-i  (jr  le  fouet  er^  ^  le  crucifier  i  m  dû 
quil  rcffufciterott  au  troifiefme  jour.CcQ:  ce 
qu'il  leur  avoit  dit  àeuxfeuls  à  part.    A 
quoy  il  faut  encore  ajouter  divers  autres 
cnfeignemens  de  la  mefme  vérité,  qu'ils 
lui  avoient  ouï  donner  aux  autres,  en 
paroles  un  peu  plus    couvertes  ,  mais 
neantmoins  artez  claires, ^intelligibles; 
Jean  2,  commc  cc  qu'il  avoit  dit  aux  luifs,^^^^^- 
>^-       tez  ce  temple  ci ,  é*  ^n  trois  jours  je  le  relevé- 
>*4/;entendant  ion  corps; &  ce  qu'il  avoit 
dit  aux  Scribes  &  Farifiens  lui  deman- 
MAttb.  dansunfigne;  qtt^figne  ne  leur  feroit  point 
*    '  donne, fmon  celui  de  la  nos  le  Prophète.    Car 
comme  lo  nos  fut  4«  ventre  de  U  h  aie  ne  trois 

jours 


Se  R  M  o  N    IV.  321 

jûurs  ér  trois  nuits  \  qiUinfi  ferait  te  Fils  de 
{Ifome  dxns  la  terre  trois  jours  é'  trois  ntàtSi, 
le  laifTc  divers  autres  difcours ,  femez  çà 
&:  là  dansi'Evangile^qui  fe  rapportoienc 
là  mefrtieicotnme  ce  qu'il  dic  en  S.  leaa 
à  André  &  à  Philippe  fur  le  lujer  de  Ta 
glorification  ,  que/  le  grain  de  froment ^^^^  ^^ 
tombant  en  la  terre  ne  meurt ^il  demeure Çeuh  14. 
mais  que  s  il  meurt ,  //  apporte  beaucoup  de 
fruit  ;  $c  à  Nicodeme  que  comn:îc  Moïfe 
avoit  eleveleferpentau  defert\  ainfifa/Ioit-il^-^"^  5* 
que  le  Fils  de  l homme  fuft  eleve  ,  afin  que  '^' 
quiconque  croit  en  lui  ne  perijje  point ,  m  vis 
Ait  la  vie  éternelle^.  Tels  croient  les  dit- 
cours  que  l&Seigneur  lefus  avoit  tenus 
âfes  Apôtres  ,de  ramort,&:  defarcfur- 
reftion  future.tandis  qu*il  vivoit  &:  con- 
verfoit  avec  eux.D  oii  paroift  d\m  coftè 
fa  divinité,  en  ce  quil  fçavoic  &:  predi- 
foit  fi  punduellement  les  chofes  à  venir, 
&  qui  dependoietit  apparemment  drla 
volonté  des  hommes,  &  véritablement 
de  la  providence  de  Dieu  \  &  de  l'autre 
rétrange  ftupiditè  de  nôtre  nature  dans 
l'intelligence  des  myfteres  de  Dieu.  Cat 
premièrement  les  Èvangeliftes  remar- 
quent expreffement,  que  dés  le  com- 
mencement quelque  claires  que  fuffent 


X  ces 


311     BeU  Refurr»  dti  Seigneur  I  e  s  v  S . 
ces  prcdidions  du  Seigneur,  les  Apôtres 
^2.^'  ^"  ne  les  avoient  pourtant   point  enten- 
dues ;   lis  n  entendirent  rien  de  ces  chofe^y 
LuciS    ditS.Luc,  muis  ce  frof  05  leur  étoit  cacheter 
34.  c>9.  ils  n  entendaient  point  ce  quiileurdifoit  ;  àC 
^^'       aîlleurs  encore ,  Cette  parole  leur  étoit  tel-- 
le  ment  cachées ,  quils  ne  la  compre  noient 
pointée  craign-oient  de  l'en  interroger.  Vous 
vous  en  étonnerez  fans  doute  ,  &  me 
demanderez  pourquoy  &  comment  le 
Seigneur  leur  aiant  dit  en  ces  termes 
clairs  &:  exprès,  quUferoit  mis  à  mort ,  é* 
rejfufciteroit  des  morts  le  troifiefme  jour  ^  ils 
ne  peurent  comprendre  des  paroles  fi 
fimples,ôi  fi  intelligibles.  Aquoyje  ré- 
pons,que  c'e'toit  la  chofe ,  &  non  les  pa- 
roles, qu'ils  n  entendirent  pas.   Ils  fça- 
voient  bien  qui  étoit  le  Fils  de  l'homme; 
ils  n'ignoroient  pas  ce  que  fignifioit  ejlre 
rnis  à  mort  &  rejfufciter  y  Mais  nonobftanc 
tout  cela  ils  ne  pouvoient  concevoirle 
vrai   Ô^  naïf  fcns  de  cette  fentence  i& 
s'imaginoicnt   qu'elle  devoir    fignifier 
toute  autre  chofe  plûcoft  que  ce  qu'em- 
portent ces  paroles  en  leur  vraie  &:  Am- 
ple ô^naïfvefignification.   D'oùparoift^ 
qu'alors  &  en  gênerai  avant  la  plene  ^ 
entière  manifcftation  du  Fils  de  Dieu, 

les 


Sermon     I V.  nj 

les  fidèles  ne  içavoient  pas  encore  là 
more  Se  la  refurre  Aion  d^i  Meffie.Car  (i 
c'euftérè  un  article  expies  de  leur  foy^ 
comme  il  l'eft  î^ujourdiiui  de  la  nôtre, 
les  difciples  qui  tenoicilt  lefuspourle 
vraiMcflie^n  euflfcnt  eu  aucune  difficulté 
a  enccndrejouà  recevoir  ce  qu'il  leur  di- 
foie  de  fa  mort  Se  de  fa  refjrredion; 
Mais  tant  s  en  faut  qu'ils  creuflcnc  cela 
du  Meffie ,  que  tour  au  contraire  ils  s*i- 
magmoienc  avecque  le  commun  des 
luifs, félon  la  traditive  de  leurs  Rabbins, 
que  le  Meflîe  feroic  un  grand  Prince 
mondain  ,  qui  s'éleveroic  dans  une  fou- 
veraine  gloire,fans  jamais  eftre  dcfa!t,ni 
mis  à  more  par  fesennemisifelon  le  lan- 
gage des  troupes  en  S.  lean ,  Nor^s  avo'^s  '^^ 
entendu  fAr la, loy  ^  que  le  chrisidcmeurt^^'^^ 
tternellement  s  Comment  dis  tu  donc ,  quïl 
faut  que  le  Fils  de  l'homme  fott  enlev}fCcitt 
mefme  erreur  embioliilîa  aufli  refpric 
des  Apôcres  ;  Se  les  empisfcha  fembla- 
blement  de  comprendre  le  difcours  aé 
leur  Maiftre.Car  cranç  prévenus  de  cet-- 
te  fauffe  Se  charnelle  opinion ,  que  Id 
Meffie  vivroic.  touiours  fur  la  terrien 
profperitè  fans . jamais  yoir. la  more,  M 
xroianc  fcrmemenc   que  léfus  croit, fe 

xi       '  MèiTîes' 


314    T>^  l^  R€furr.  du  Seigneur  Ie  s  v s. 
Meffie  ils  ne  peurcnt  (buf&ir,  ni  admet- 
tre en  leur  cœur  la  penfée  de  fa  mott,  ni 
par  confequent  de  fa  refurredion;  Ec 
fuppofant  félon  ce  faux  prejugè,qu  il  n'é- 
toic  pas  vrai  que  leur  lefus  deuft  mou- 
rir^le  refped  qu'ils  lui  portoient,le  te- 
nant pour  leFils  de  Dieu  ,  leur  faifoit 
conclurrc  ,  qu'encore  que   fes   paroles 
fcmblaffent  fignifier,  qu'il  mourroit,el!es 
ne  le  fignifioient  pas  pourtant;mais  bien 
quelque  autre  chofe ,  qu'ils  ne  compre- 
noient  point.    C  eft  là ,  chers  Frères,  la 
vraie  raifon  ,  qui  fit  treuver  obfcur  aux 
Apôtres  ce  langage  du  Seigneur  fi  clair 
&  fi  intelligible,  &  qui  les  fit  tâtonner 
^  broncher  dans  la  lumière  du  midi, 
tout  de  raefme  que   s'ils  euffent  été  en 
ténèbres  i  d'où  vous  devez  apprendre  en 
partant ,  combien  eft  grande  la  force  des 
préjugez  charnels,  &:  combien  elle  eft 
contraire  à  l'intelligence  &  à  la  créance 
delà  vérité.  Or  n'aiant  pas  entendu  ces 
predidions  du   Seigneur  dés  le  corn* 
mencement  > qu'ils  les  avoient  ouïes ,  ce 
n  eft  pas  merveilles  ,  qu'en  fuite  ils  les 
euffent  négligées  &r  oubliées  peu  à  peu. 
Seulement  y  a  t'il  dequov  s'étonner,que 
la  chofe    mefme  quand  ils   la  virent 

arriver 


Sermon     IV.  31$ 

arriver  contre  leur  penfée,  ne  leur  en 
euft  réveillé  le  fouvenir  ^  pour  les  reti- 
rer de  Terreur  où  ils  avoient  été ,  èc  leur 
faire  comprendre  fenfiblement  ,  q^'^ 
c'écoit'là  juftement  ce  qu'avoir  voulu 
dire  le  Seigneur  en  tant  de  dilcours, 
qu  il  leur  avoic  tenus  fur  ce  fujet.  Ec 
parce  qu'ils  manquoient  encore  à  un  fi 
légitime  &  fi  raifonnable  devoir  ,  leur 
doux  &:  débonnaire  Maiftre  les  follicitc 
d'y  pcnfer ,  &:  leur  tire  roieille  Cs'il  faut 
ainfi  dire  )  pour  les  délivrer  de  leur  af- 
foupifleme^t,&  leur  faire  ouvrir  les  yeux 
&:  les  fens  à  la  confideration  d'une  vé- 
rité fi  excellente  ,  qu'ils  avoient  fi  non- 
chalamment laifsè  écouler  de  leur  mé- 
moire. Mais  outre  fes  propres  predi- 
dions^il  leur  répète  encore  un  autre  en- 
feignement  de  ce  myftere  ,  qu'il  leur 
avoir  auffi  donne  étant  ci-devant  avec 
eux  ;  c'eft  aflavoir  les  oracles  de  l'ancien 
Tcftament,od  la  mort  5c  la  rcfurreftion 
du  MeiEe  avoient  été  reprefcnrées  tant 
de  fiecles  auparavant  i  Ce  font  ici  lespro- 
pos ^fie  je  Vû/M  te/^ûis^àit  iU  cjuandfétoi^s  en- 
core aveccjue  vom ,  qiiil  fJlott  cjue  toutes  les 
chûfes  qtti  fo/^t  écrites  de  moj  en  la  loy  dc^ 
àlotfe^  é^^^s  les  Frophctes  ,  &  dmsles 
-X     3.  Pjeaumes 


^i6      De  la  Refurr.  du  Seigneur  I e  s  V  s . 

FJe^wTnes  furent  accomplies.  Nous  avons 
prcmicrcn.ccà  rcniaïquer  en  ces  paro- 
les une  illuftrc  divilion  de  tous  les  liures 
du  Vieux  Teftamcnc,  en  trois  parties,* 
affavoir  la  loy  de  Moife^les  Prophètes,  U. 
les  Pfeaumes.  C  eft  prccifernenr  celle, 
que  fuivoient  les  anciens  luifs,  à  qui  ces 
oracles  de  Dieu  avoicnc  ctè  commis ,  ^ 
que  leur  pofteritè  retient  encore  aujour- 
d'hui à  peu  près.  Car  il  paroi ft  par  lofe- 
Ihre  j  phejque  de  (on  temps  ,  c'cft  à  dire  queU 
coMre  que  cinquante  ans  après  la  mort  de  nô^ 
^!pon.  j.j.^  Scigneur,ccs  livres  divins^'toicnc  di- 
vifcz  en  trois  parties,  dont  la  première 
étoir  la  Z^^5qui  comprend  les  cinq  livres 
de  Moïfe  5  la  féconde  les  Frophetes^  qui 
conîcnoit  les  hiOoircs  fainics  ;  comme 
celles  des  luges, de  Samuel, des  Roys,  &: 
autres,  avecque  les  révélations  des  Pro- 
pheréV.ErayeJercmicoEzcchiel,  Daniel, 
&  des  douze  petits  conjoints  en  un  feul 
volume.  La  troifiefme  croit  des  livres 
nommez  Hagiografhcs  -^  qui  comprenoit 
les  Pfeaumes  ,  les  Proverbes,  i'Eccle- 
liafte ,  &:  le  Caïuique  de  Salomon.  Les 
luifs  modernes  divifent  auifi  depuis 
long  temps  le  Vieux  Tcftament  en  ces 
crois  fartics.  Seulement  en  rangeriC-ils 


Se  R  M  o  N    IV.  317 

les  livres  un  pcuaucremenc  dans  la  fé- 
conde éctroiliefme  patie.  Or  le  Sei- 
gneur en  cet  endroit  fuit^  &  aucorize 
clairement  cette  première  divifion  rap- 
portée par  lofephe;  en  nommant  expref- 
fement  les  deux  premières  parties  par 
leurs  noms  ordinaires,  2i(fzvo\v  la  Loy  de 
Moïfe,^  les  Prophètes]^  lignifiant  la  troi- 
fiefme  affavoir  celle  des  H  aghgrap  h  es, pat 
le  nom  des  P/èaumes  ;  parce  que  c'en 
étoitfe  premier  5  &:  le  plus  grand,  &:  le 
plus  excellent  livre ,  par  une  figure  affez 
commune  dans  le  langage  divin  &c  hu- 
main, de  fignificr  un  tout  par  le  nom  de 
la  plus  noble  de  l'es  parties.  D'où  vous 
avez  à  apprendre  en  pafTanr,  que  les  li- 
vres des  Maccabccs^^  de  Tobic  ,  oC  de 
ludith ,  ^  de  la  Sapicncc ,  &  de  i'Eccie- 
fiaftiquefont  hors  du  Canon  des  Ecri- 
tures du  Vieux  Teftamcnt  ,-  coï/re  la 
violence  de  Rcmeioui  veut  les  y  fourrer 
à  toute  force.  Car  ils  ne  fe  rrcuvent  en 
aucune  des  trois  parties  ,  ciquclles  le 
Fils  de  Dieu  com.prend  ici  tontes  les 
vieilles  Ecritures;  étant  certain  ,  qu'ils 
n'appartiennent  ni  à  la  Le  y  de  islcife^ni 
aux  Prophètes ,  ni  aux  Pic  a»  mes.  Ai.ffi 
efc  il  clair ,  que  ni  le  Seigneur»,  ni  pas  un 

X     4         de 


5i8  De  U  Refurr.  du  Seigneur  Ie  s  v  s' 
dcfes  Apôtres  ne  fe  fervent  jamais  de 
leurauthoritè  ;  &:  qu'entre  tant  detef- 
moignages.qu'ils  allèguent  à  toute  heure 
du  Vieux  Teftament,  il  ne  s'en  trcuve 
pasunfeul  tire  d^aucun  de  ces  fix  volu- 
mes y  qui  en  effet  n  ont  ctc  ni  écrits  pouf 
laplujpartjcnEbreu,  la  langue  origi- 
nelle de  Tancicn  peuple,  ni  rcceus dans 
le  canon  des  livres  divins  par  aucuns 
luifsfoit  anciens,  (bit  modernes  ;  bien 
que  ce  Toità  leur  natjon,que  Bieu^com- 
mis  fes  oracles  \  comme  le  dit  exprefleméc 
TApôtrcSaintPaul,  Secondement  vous 
voiezicicommentle  Seigneur  félon  fa 
coutume,  a  recours  à  Tautoritè  des  Ecri- 
tures pour  confirmer  fa  dodrinei^  après 
avoir  certifié  fes  Apôtres  de  fa  refurrc- 
dion  par  le  tcfmoignage  de  leurs  pro- 
pres fens,  leur  montre  d'abondant,  que 
cette  vcricc  etoit  conforme  aux  oracles 
de  Dieu  ;  ne  penfant  pas  qu'une  chofe  fe 
doive  ou  fc  puifle  fuflîfamment  établir 
en  la  religion  fans  leur  tcfmoignage. De 
plus  il  fit  voir  à  fes  Apôtres ,  que  toutes 
les  chofes ,  qui  lui  ctoient  arrivées ,  c'eft 
à  dire  fa  mort  &:  fa  refurreclion,  avoienc 
été  prédites  dans  les  ancienes  Ecritures. 
D'où  paroift  la  vanité  &  l'impudence  de 

U 


s  E   R  I^  O  N      IV.  315> 

h  nouvelle  Méthode  fcomme  on  l'appellej 
qui  pictend  &:  luppofe  ,  que  TEcriture 
ne  dit  rieDjque  ce  qui  s'y  lit  formeliemcc 
^  en  autant  de  mots.  Car  i!  cft  bien  cer- 
tain, que  Ton  ne  treuve  nulle  part  dans 
l'ancienne  Ecriture,  cette  veriiè  cou- 
chée en  autant  de  ipavoks^^ffeJefus  Fils 
de  Marie  <i  mourra  en  Ucroix^O!  ^ji^'^l^^jp^f-^ 
citera  au  troifîefme  iour  '-,  E  t  n  cân  t  ni  o  i n  s 
par  ce  qu  elle  s'en  peut  conclurre  par 
bons  &,  kgitimes  raifoiint  mens ,  le  Sei- 
gneur ne  feint  point  d'affirmer,  quelle 
y  eït  écrite  ,  En  quatriefme  lieu ,  il  nous 
montre  l'immuable  fermeté  bc  vérité  de 
la  parole  de  Dieu ,  en  pofanr,qu'il  falloir 
que  routes  les  chofes,  qui  y  croient  écri^ 
tes  de  lui/uiTent  accomplies  ;  c'eft  à  dire 
qu'il  n'eft  pas  poffible ,  qu*aucune  des 
chofes  quelle  contient ,  demeure  fans 
effet.  Enfin  il  fait  fouvcnir  {qs  difciples, 
qu'il  leur  avoir  de'sja  dit  autresfois  ces 
mefmes  chofes,  qu'il  kur  met  prefcn- 
tement  en  avant  S. Luc  ne  nous  les  rap- 
porte pas  par  le  menu;Mais  ce  qu'il  ajou- 
te ,  qu'/7  leur  ouvrit  tentaiâement  faur  en'- 
tendre  les  Ecritures^  nous  montre  aifcz, 
qu'il  leur  allégua  les  tefmoignagcs  de 
îiloife,  &  des  Prophètes  U  des  P-lèan- 

mes 


33^  T)c U Rejun'du  Setgneur Ie s v s . 
mes  pour  prouver  Ton  dire  i  puis  qu'il  les 
éclaira  de  fon  Efprit  pour  les  bien  enten- 
dre. Quant  à  ce  qu'il  leur  en  avoir  tou- 
ché autiCbfois  avant  fa  mort,  les  Evange- 
liftes  nous  racontent  bien  (  comme  nous 
Tavons  dit  ci  dcvantj  qu'il  leur  avoit  pré- 
dit fa  croiXj&fa  refurredion,&:  lesavoit 
inftruits  en  generaljque  toutes  les  chofes, 
qui  avoient  été  écrites  de  lui  par  les  Pro- 
jLaciS  phetes  feroient  faites  &:  accomplies.. 
51.  Mais  nous  n'y  trouvons  point  les  dif- 
cours  particuliers,  où  il  leur  montra ,  que 
Icsanciennes  Ecritures  euflent  prédit  de 
lui ,  qu'il  devoir  mourir  ôd  reffufciter  le 
troifiefme  jour  ;  fi  ce  n'eft  qu'en  quelque 
lieu  il  rapporte  comme  nous  l'avons  re- 
marqué, le  figne  de  lonas  à  farefarre- 
£lion.  D'où  il  paroift ,  que  les  Evangeli- 
ftes  n'ont  pas  écrir  parle  menu  toutes  les 
particularitez  foit  de  fa  vie,  foit  des  dif- 
cours  du  Seigneur  ;  mais  nous  en  ont 
feulement  proposé  ce  qui  étoit  impor- 
tant ÔL  neccflaire  à  nôirc  falucTelonTa- 
j^^^j^,  verrifTement  exprès  ,  que  nous  donne 
30.  jr.  S.  Iean,que  lepi^  fit  pluficurs  figues  qui  ne 
font  point  écrits  en  [on  livre  ^  mais  que  les 
chofes ,  que  nous  y  lifons^  y  fo>vt  écrites  ,  afn 
^ue  nom  croyons  (jHCjcfns  ejl  le  Chrijl^  le  Fils 

de 


Sermon     IV.  331 

dt  Dieu-,  &  que  croUnt nous  aionsvicfar 
[on  //^w.Maiscequeni  S.Luc  en  ce  lien, 
ni  les  autres  Evangeliftes  ailleurs  ne  nous 
rcprefentent  pas  particulièrement ,  afla- 
voirque  les  anciennes  Ecritures  avoient 
prédit  les  chofes  accomplies  en  leflis 
Chriftjcela  nous  fera  aise  à  reconnoiftre 
pour  nôtre  édification,  fi  nous  les  lifons 
ô:;  les  fondons  diligemment  5  en  y  appli- 
quant les  ouvertures  U,  les  lumières,  que 
les  Apôtres  nous  ont  données  i  lelaifîe 
là  fa  naiiTancc  ,  H  fa  prédication,  &  fes 
mirâdes,&  les  autres  parties  de  fa  difpen-* 
iâtion,  toutes  clairement  prédites  &  pré- 
figurées dans  le  Vieux  Tcîlamcnt.  Mais 
quant  à  fa  mort  ^  à  fa  refurrectionj-donc  ^ 
il   eft  proprement  queftion  ,  où  eft  le 
Chrétien  tant  (bit  peu  verse  dans  ces  di- 
vins livres^qui  n'y  ait  remarqué  ces  deux 
l'nyfteres  ,  &  prédits  dans  les  oracles ,  ô^ 
figurez  dans  les  types  de  lancienne  al- 
liance ?  Efaye  ne  prédit  pas,  ilraconte^^^^^^^^ 
clairement  la  mort ,  comme  (1  c  ciilt  ete,^.  vf. 
unechcfe  desja  arrivée;  Daniel  la  pofe-2.16. 
en  termes  exprès  -,  David  nous  découvre, 
qu'il  la  foufFrii oit  fur  une  croix.  Vous  la 
voiez  portraite  en  la  mort  d'Abel  ,  en 
Timmolation  myftic|ue  d'Ifaac,dans  le 

facrifice 


jji  Be  U  Refiirr  di4  Seigneur  I e  s  vs. 
facrifice  de  l'Agneau  Palchalj&  de  coûtes 
les  vidimes  Mofaïques ,  en  la  mort  de 
Samfon ,  &  dans  les  mortels  périls ,  où 
pafla  David  pour  monter  fur  le  trône  ;  &: 
dans  la  plus  grande  partie  des  tableaux 
&  des  myfteres  du  premier  peuple,  l'en 
dis  autant  de  fa  refurrec^iûn.LtsPk3Lumes 
la  predifent  formellement  ,  là  où  le 
py:,^  I,  Meflîe  eft  introduit ,  difancque  Dieu  na- 
bdndofinera  point  foname  au  fepulcre  >,&  ne 
permettra  point  que  [on  bien- aimé  fente  cor- 
ruption.Lcs  Prophètes  ne  l'annoncent  pas 
moins  clairement,  quand  de  ce  mefme 
Meffie,  qu'ils  nous  reprefentent  comme 
mort  &  retranché  pour  nous,  ilsprote- 
ftent  que  c'eft  un  Roy  eterneh  dont  lem- 
pire  ne  defaudra  jamais  ;  &c  difcnt  no- 
^^^-  tamtncnt  qu  après  qr^efonamefe  fera  mife 
^^.  en  oblation  pour  le  pèche  ,  il  prolongera  fes 
Bf'îS'Jo.jffurs  5  jouira  defon  labeur  (jr  en  fera  rajfaftè; 
montrant  évidemment  parla,  que  de  la 
mort,  qu'il  devoit  fouffrir  pour  le  pechè 
du  mondejil  refTufciteroit  en  une  vie  glo- 
rieufe  &  éternelle.  Cette  refurredion  du 
Chrift  eft  femblablemcnt  reprefentée 
dans  les  figures  des  Prophètes  ,  5i  de  la 
loy.  Nôtre  Chrift  eft  le  lonas,  foitanc  en 
vie  du  ventre  de- la  balene  après  y  avoir 

été 


Sermon     IV.  jjj 

été  enfcvcli  trois  jours.   Ccft  TAdam,  fc 
réveillant  du  profond  dormir ,  où  il  don- 
na fa  propre  chair  pour  former  fon  épou- 
fe.    Ôeft  le  Noc ,  le  Héraut  de  juftice,  le 
Prince  &le  père  du  fécond  monde ,  for- 
çant miraculeufement    de  l'arche,  où 
comme  dans  un  fepulcre   myftique>  il 
avoir  foufFcrt  les  horreurs  du  déluge  de 
DieUjfans  y  eftre  fubmcrgè.  Ceft  Tlfaac, 
vivant  èc  devenant  le  Patriarche  du  peu- 
ple de  Dieu ,  après  avoir  été  étendu  fous 
le  glaive  de  fon  Père;  cet  ifaacoùlcs 
luifsmefmes  femblenr  avoir  reconnu  ce 
myftere,  quand  ils  difent,  quil  a  parte 
fa  croix  y^àéte  recouvre  d'entre  les  morts\ 
&  encore  aujourd'hui  ils  ^xxcxxt  Bien  far 
fon  facrifîce  de  leur  vouloir  effre  propice^. 
Ceft  encore  le  lofeph  monté  de  lafoffe 
fur  le  trône  ;  &  après  tant    d'horreurs 
mortellcs,quela  cruauté  de  fes  frères  dé- 
naturez lui  fit  fouffrir  5  confervè  malgré 
eux  ,&  élevé  en  une  fouveraine  dignité. 
C  eft  le  Moïfe ,  qui  de  la  mort ,  à  laquelle 
il  avoit  écé  condamne,  devint  le  Legifla- 
teur  &:lePrince  d'iGael.   Puis  donc  que 
la  mort   &:  la  refurredion   du   Me/fie 
avoient  été  écrites  en  tant  de  faffons  dans 
la  loy  j  dan^  les  Prophètes ,  Se  dans  les 

Ffeaumesi 


354-  ^^  ^^  Eefurr,  du  Seigneur  I È  s  v  s. 
Pfeaumes  ;  vous  voiez ,  chers  Freresjquâf 
fcs  Apôcres  n'avoienc  nulle  occafîon  de 
fc  troubler  de  ce  que  ces  chofes  ecoienc 
arrivées  à  lerus^mais  que  coucau  contrai- 
re, &:  eux  &  nous  devons  reconnoiftre 
par  cela  mefme, qu'il  eft veritab'emcnc 
ceMeiîie  promis  par  les  anciennes  Ecri- 
tures ,  veu  qu'il  en  porte  li  clairement  les 
marques,  qui  ne  conviennent  qua  lui 
feul  5  d'entre  tous  les  hommes  ,  qui  onc 
jamais  écè  au  mondcne  s'en  étant  encore 
treuvèaucun  autre  que  lui  quiapreseftre 
mort  fur  une  croix,  ait  été  reffufcitèle 
troifîefme  jour  en  une  vie  immortelle50ii 
duquel  mefme  on  l'ait  feulement  voulu 
faire  croire.  C'eft:  la  leçon  que  donna 
jadis  le  Seigneur  lefus  à  fes  Apôtresileur 
levant  ce  qui  leur  reftoit  d'étonnemenc 
par  la  confrontation  des  evenemés  qu'ils 
voioient,  avecque  les  oracles ,  &:  les  figu- 
res ,  où  ils  avoient  été  reprcfcntez  des 
jadis  par  la  fageffe  de  Dieu.  Mais  il  ne  fe 
contenta  pas  de  cet  enfeignement.il  agic 
après  avoir  parle  ;&  éclaira  leurs  cœurs 
après  avoir  frappe  leurs  oreilles.  Alon^ 
dit  S.  Luc  dans  l'autre  partie  de  nôtre 
texte ,  //  leur  ouvrit  i'  e  m  en  dément  four  en- 
tendre  les  Ecritures,   lufques  ici  \\  avoic 

fait 


Sermon     IV.  335 

fait  rojfiïce  d*un  fage  &:  excellent  Do- 
dicnxitiram  de  [on  trefor  chofes  nouvelles  à' i-^\z' 
anciennes ,  &  mettant  devant  les  yeux  de 
fes  auditeurs  les  raifons  &c demôftrations 
delà  vérité  dans  une  claire  &:  évidente 
lumière.  Cequ'ilfait  maintenant  napar- 
tient  qu'à  Dieu.  Car  il  n'y  a  que  lui,  qui 
ait  la  clef  de  l'entendement   humain, 
&  qui  puifTe  Touvrir ,  &  y  faire  entrer  la 
vente.   Tout  ce  que  peut  faire  l'homme 
eft  de  la  propofer  à  fon  prochain, &  d'en 
prefenter  les  images  à  fon  efprit  &  à  fes 
fens.    D'où  nous  avons  une  invincible 
preuve  delà  divinité  du  Seigneur  lefus. 
Car  de  quelle  creacure  avons  nous  Ja- 
mais leu  dans  les  faints  livres,  (\\i  elle  ait 
êuvert  l'entendement  de  t hommes  f  Aufli 
voiez-vousjque  le  S.  Efprit,  le  feul  auteur 
de  tout  ce  que  nous  avons  dâs  nos  cœurs, 
de  lumipres&î^  de  bons  mouvemens,  eft 
appelle  l'EJpnt  de  Chùft ,  c'cft  à  dire ,  qui 
nous  eft  envoie  ôddirpensè  par  fa  volon- 
té.   Mais  de  l'autre  part  reluit  en  cette 
.fienne  action',  la  grandeur  de  fa  bonté  &: 
defafagefle.    De  fa  bonté.  Carvoiezje 
vous  prie,  comment  il  fupporte  fes  difci* 
pies,  ^  ne  leur  épargne  aucun  des  efforts 
de  fa  grâce  pour  les  gagner  ?  il  fe  preienta 

vivant 


55^  De  U  Refurr.  du  Seigneur  I  e  s  v  s  * 
vivant  à  leurs  yeux  ;  Il  voulut  qu'ifs  le 
touchaffent  de  leurs  mains.  Ce  n  eft  pas 
tout.  11  leur  répète  fes  premières  leçons^ 
^  leur  propofe  routes  les  parties  de  l'E- 
criture >  la  Loy ,  les  Prophètes,  les  Pfeau- 
mes.  Encore  ne  fe  contenta-t-il  pas  de 
cela.  Il  ouvrit  enfin  leur  entendement 
pour  bien  comprendre  ce  qu'il  leur  avoit 
fait  lire  des  Ecritures  de  Dieu.  Mais  ce 
flitauffi  un  trait  de  fa  fagefTe,  de  remplir 
leurs  fcns  ôc  leur  efprit  de  cette  vérité,^ 
de  la  graver  &:  imprimer  fi  profondeméc 
dans  leurs  cœurs  ;,  que  jamais  rien  ne  fuft 
capable  de  l'en  effacerjpuis  qu'il  lesavoic 
choifis  pour  en  rendre  par  touttefmoi- 
gnage  &:  pour  la  perfuader  à  l'univers. 
Au  reftc  ceci  nous  apprend  combien  peu 
valent  fans  fa  grâce  intérieure  les  paroles 
&:  les  prédications ,  &:  les  exhortations, 
qui  nous  font  adreffées  au  dehors.  Quel- 
le  voix  y  eut-il  jamais  plus  forte  ,  &  plus 
perfuafive^que  celle  de  lefus  Chrift  ?  Et 
quels  auditeurs  y  eut-il  jamais,  qui  félon 
toute  apparence  deuffent"  eftre  mieux 
difpofez  à  bien  écouter  ^  recevoir  la  vé- 
rité, que  fes  difciples  Tctoient  alors?  Et 
neanimoins  toutes  ces  lumières ,  qu'ils 
voioient  fortir  de  fa  bouche  facree  ? 

toutes 


s  E  R  M  O  N      I V.  557 

toutes  ces  aiuoritez  &  depoficions  des 
anciennes  Ecritures,  quil  leurmettoic 
en  leur  vrai  jourstout  cet  admirable  rap- 
port ,  qtfil  leur  montroit  èntsii^  les  fi- 
gures 5  &  la  vérité ,  les  predidions  &:  les 
evencmens  ;  tout  cela  dis-je ,  ne  peut  les 
gagner  entièrement,  ni  abbacre  tout  à 
fait  la  doute  &  la  défiance.  Il  fallut 
que  TEfprit  de  Icfus  y  mift  la  main  ;  5c 
qu'il  parlaft  à  leurs  cœurs,  comme  fa 
langue  avoit  parlé  à  leurs  oreilles  ;  &C 
qu'il  ouvrift  leurs  entendemens  pour  y 
faire  entrer  la  vérité  à  pur  &c  à  plein 
viftorieufc.  Et  ne  mVUeguez  point  que 
cette  a6tion  fut  extraordinaire.  l'avoue 
quelle  reçoit  voirement,  foit  pour  Tor- 
dre (  car  ce  furent  les  premiers  de  tous 
les  hommes ,  à  qui  fut  perfuadè  ce  my- 
ftere  j  foitpourla  mefure  &la  fermeté 
'delaconnoiflancej-nul  n*enaiant  jamais 
ccè  plus  fortement  perfuadé.  Mais  quant 
au  refte ,  je  foûtiens  que  la  vérité  de  l'E- 
vangile n'entre  daas  lentendemetic 
d'aucun  fidèle ,  autrement  que  par  ujie 
Semblable  opération  divine  ,  félon  ce 
que  dit  IC' Seigneur,  quc^ul /^eviexity  ^i 
mfeut  venir  k  luit  fi  le  Père  ne  le  tire,  d'où 
ilçpclut,que  tous  l^sJideUs  fo»t  e/^feigne^'^  ^_ 


^B.  16 
H- 


558  De  U  Refurr.  du  Seigneur  Ie  s  v  s • 
de  Dieu,  Et  l'un  des  plus  ardens  avocats 
du  franc  arbitre  confefle  fur  nôtre  texte, 
que  k  parole  de  Dieu  décrit  le  don  de 
la  foy  a^cque  les  mefmes  paroles  ,  que 
l'Evangelifte  a  ici  emploiées  pour  expri- 
mer celui  de  rintelligence ,  difant ,  que 
Dieu  ouvre  le  cœur  des  ferfonnes  qui  croient  y 
comme  de  Lydie  par  exemple,  tout  de 
mefme  qu'il  eft  dit  en  ce  lif  u,  que  le  Sei- 
gneur ^«i^r//  ï entendement  de  fesdifci- 
ples.  Signe  évident  que  l'un  &:  l'autre 
de  ces  prefens  eft  de  mefmo  genre,  c*cft 
à  dire  une  pure  grâce,  puiffante  &  effi- 
cace ,  &  infailliblement  fuivie  de  fon 
effet.  Enfin  remarquez  encore  ici ,  je 
vous  prie ,  comment  l'enfeignement  in- 
térieur eft  attaché  à  celui  de  l'Ecriture. 
JeÇus  ouvrit  ï! entendement  à  fes  difcifles. 
Pourquoy  ?  Fut  ce  pour  leur  faire  croire 
&:  comprendre  des  traditions ,  ou  des 
révélations  non  écrites?  Nullement; 
mais, dit TEvangelifte;^  afin  quilsenten* 
dlfjent  les  Ecritures  ;  figne  evidentjque  les 
chofcs  5  que  nous  enfeigne  l'Efprit  de 
lefus  au  dedans,^  pour  l'intelligence  6^ 
la  perfuafion  defquelles  il  nous  eft  don- 
né ,  font  ces  mefmes  veritez,  qu'il  a  gra- 
vées dans  fes   Ecritures  i   &:  non  des 

chofes. 


5.EKMON       IV.  33? 

chofes ,  ou  inconnues  &:  inouïes  aux  au- 
tres hommes,comme  prétendent  les  En- 
thourafte.s>&:  ceux  qui  le  vantent  d'avoir 
des  revèlatipns  particu!ieres,tels  que  les 
Montanilles  jadis,  kc  divers  Moines  de 
iacommunionPlQmaine  en  ces  derniers 

fiecies,-oub'^i;liees  4^  niain  en  main  par 
tradition  ,  comme  veulent  nos  advcrfai- 
res.    L'Ecriture  de  Dieu,  eft  le  vrai  con- 
trerôoUe  ^  àp  Jafoy  dp  l'Eglife  ,  &  de 
renfeignetnent  ^u  Saint  Efprit.    Mçn- 
trez-mV  ce  que  vous  dites;  fi  vousrvou- 
lez  me  perfuader,quc  c'eft. derEfprit  de 
Jefus>  que  vous  le   tenez.   Si  vôtre  do- 
ftrine  neit  pas  dans  les  Ecritures ,  vous 
vous  abufczde  vous  imaginer,  que  le 
Saint  E(prit  ;i>itiïii(e.dans  vôtre  enten- 
kemçnt.   Il  n'ouvre  nos  entendemens 
que  pour  nous  faire  enrçndre  les  Ecri- 
tures de  Dieu.    Ainfi  avons  nous  à  moa 
avis  fuffifamment  ccl^irci  le  vrai  fens  de 
ce  texte.  MaisTabu^s^qu  en  font  ceux  de 
Rome  en  faveur  de  deux  de  leurs  er- 
reurs,  m  oblige  à  refondre  briefvement 
leurs  fophifmes  avant  que  de  finir.    Ils 
tiennent,  comme  vous  fçavcz,que  iefus 
Chrift  eft  encore  aujourd'hui  avecque 
jes  fidèles  à  Icgard  de  fon  corps ,  rccî- 

y     %        lement 


J40  De  U Refurr. du Seigntur\e.%v%. 
lement  prefcnt  à  ce  qu'ils  pretcndcnti 
fur  leurs  autels,  dans  leurs  ciboires,  & 
dans  leurs  niains^dans  leurs  bouches  ,  & 
dans  leurs  eftomacs  mefmes,  coures  les 
fois  qu'ils  communient  à  TEucariftic. 
Nous  difons  que  cela  n'eft ,  ni  ne  peut 
eftrc  \  puis  que  le  Fils  de  Dieu  aexpref- 
fementdit  qu'àTegardde  fa  nature  hu- 
maine ,  &  par  conséquent  de  fon  corps, 

lexnn.  quc  noni  nc  C avons  fds  mAintenAnt  AVCC'' 
fw  o  ^«^  notts  ^  &  TApôtre  que  Chrift  à  cet 
4.  égard  n  elt  pas  lur  la  terre.  Peut  on  plus 
formcllemêc  choquer  &  démentir  Chrift 
&  fon  Apôtre?Les  uns  difent,que  Chrift 
n*eft  pas  maintenant  avccque  nousj  affa- 
Yoir  à  i'cgard  de  fa  nature  humaine  ;  les 
autres ,  au  contraire  foûtiennent  qu*ily 
eft  à  ce  mefme  égard.  Donc  pour  nous 
perfuader,  qu'en  cela  il  n'y  a  point  de 
concradidion,  ils  mettent  ce  texte çn 
avant ,  &:  allèguent ,  qu'il  pofe,  que  lefus 
Chrift  n'étoit  pas  avecque  fes  Apôtres, 
quand  il  s'apparut  à  eux  ,  &  leur  tint 
ledifcours  que  nous  avons  expliquè,par- 
ce  que  le  Seigneur  die  ,  Ce  font  ici  les 
propos  éjue  je  ^jom  tenois ,  quanà  j  et  ois  en- 
core avecque  vous  ;  d'où  ils  concluent, 

que 


s  E  R  M  O  N     I  V.  54.Î 

que  lors  qu  il  parloit  cette  fois-ci,il  n'e- 
coit  plus  avec  eux.  Et  neantmoins  il  eft 
clair ,  quM  étoit  avec  eux ,  dans  une 
mefme  chambre,  parlant  à  eux  ;  doù 
fenfuit ,  que  Ton  peut  dire  qu*il  n  eft  plus 
maintenant  avecque  nous  encore  qu'il 
y  foit.  le  répons  en  un  mot ,  que  TEvan- 
gelifte  tefmoigne  très  affirmativement^ 
que  le  Seigneur  étoit  alors  avec  fes  Apô- 
tres 5  mais  que  ni  lui  ni  le  Seigneur  ne 
nient  nulle  part,  qu'il  n'y  fuft  pas;cela  ne 
fc  pouvant  dire  fans  mentir ,  puis  qu'il  y 
ctoit.  Et  quant  à  ce  que  dit  le  Seigneur, 
parlant  du  temps  de  fa  converfation  pré- 
cédente avec  fes  Apôtres,  ^uanâfétois^ 
encore  avecque  vous ,  que  cela  induit  bien^ 
que  depuis  ce  temps  là  il  avoir  été  ab- 
fent  d'eux^affavoir  au  temps  de  h  mort, 
quand  il  quitta  &  fes  Apôtres  &:  le  mon- 
de mefme  ;  mais  non  qu'il  ftift  abfcnc 
d'eux  lors  mefme  qu'il  fe  prefenra  à  eux 
reffufcitè  &:  vivant,  ^  mangea  &r'  parla 
en  leur  ^vçfencc ^ar/dj  éiûts  emcre  avec-^ 
que  vous  ,  fignific*  claucment  &  iimple- 
ment,  '^i^^^^  que  je  mefo/fefepare  d'avec^ 
que  vous ,  Avant  ma  mort  ;  avar^î  que  je 
Uiff'affe  le  mondes.  D'où  s'etrfliit  bien,  que 
durant  cette  iîcnne  abfence  ç'cflàdire 

y     3         durant 


34^-     ^e  la  Refurr.  du È'eigneur  I e s v s . 
durant  qu'il  tue  en  1  état  de  mort  i  il  n*e* 
toit  pas  avec  eux  à  Tegard  de  fa  nature 
humaine  (  ce  qui  eft  très- vrai  &  ne  re- 
çoit nulle  contradiftion)  mais  non  qu'il 
ne  fuft  pas  non  plus  avec  eux  ,  quand 
aptes  Ta  refurreftion  il  leur  parla  dans  là 
charnbre,oii  il  s'apparut  à  eux.  Qu'en  ce 
fécond  temps  Icfus  Chrift  ne  fuft  pas 
avec  eux ,  qui  le  voioient,  Toioient,  &:  le 
touchoient  ,  ni  lui  ni  Saint  Luc  ne  le 
difentni  ici,ni  nulle  partail(eurs(à  Dieu 
ne  plaife  qu'Usaient  tenu  un  langage  fi 
évidemment  faux  Si  incompatible  avéc- 
gue  la  vérité  )  il  n'y  a  que  la  paflîon  de 
nos  advcrfairesjqui  l'a  fongè.Ainfivoiez 
vous  qu'il  n'y  a  rien  ici  qui  puifTe  ou  re- 
foudre, ou  addoucir  Thorrible  &  palpa- 
ble contradiftion  de  leur  erreur  5   qui 
pofe  que  lefus  Chrift  eft  avecquenous 
^u  mefme  tempSjdont  l'Ecriture  dit  qu'il 
n'y  eft  pas  5  &:  foûtient  qu'il  eft  fur  la 
terre  >  au  mefme  temps  dont  l'Apôtre 
protefte  qu'il  n'y  eft  pas. Ils  ne  reufTifTent 
pas  mieux  daRsleur  féconde  attaqueioii 
de  ce  que  dit  l'Evangeliftc,  que  le  Sei- 
gneur ouvrit  l'entendement  de  fes  Apôtres 
four  entendre  les  Ecritures  ,   ils  concluent 
qu'elles  font  denc  obfcureijôfffe  moquét 

de 


s  E  R  M  O  K      IV.  345 

de  nous,  &:  nousaccufentde  nousyan- 
ter,^«(r  nous  nj  trenvons  mile  difficulte^que  mi 
mm  y  entendons  teutes  chofes,  &que  nom -^^^ 
âijons  que  tout  y  eHflm  clair  que  le  jour. 
Premièrement  ,  quant  à  ce  qu'Us  nous 
imputent  ,  c'eft  une  impofture  &  une 
calomnie  toute  évidente.  Nous  dHonî? 
que  les  chofes  neceffaires  à  la  foy  &  aux 
bonnes  mœurs,  &  en  un  motaufalut 
font  clairement   enfeignées   dans    les 
faintes  EcricuresjMais  que  toutes  choies 
yfoientd4/m;  que  les  Prophéties,  qui 
y  font  contenues  n'aient  nulle  oblcu- 
ritè  avant  que  l'événement  les  ait  éclair- 
cies  &  expliquées,^  qu'il  n'y  ait  nulmy- 
ftere, nulle  faffon  de  parler,  que  nous 
n'entendions  bien;  c'eft  ce  que  jamais 
nul  de  nous  n'a  dit,  &  que  nul  ne  peut 
dircs'il  n'eft  infensè.  Et  quant  à  leur  ar- 
gument ,  qui  conclut   l'obfcunte    des 
Ecritures  de  ce  que  les  Apôtres  eurent 
befoin  pour  les  entendre  ,  que  le  bei- 
gneurleur  ouvrift  l'er»endement;)c  dis 
qu'il  cft  vain  &c  impertinent.    Car  s  il 
c'toit  valable ,  il  induiroit>que  la  doftri- 
ne  de  l'Eglife  eft  obfcure  abfli  bien  que 
celle  de  l'Ecriture  ;  étant  évident  que 
l'ouverture  de  l'entendement  K  la  lu- 

y     ^        mieie 


544  ^^  '^ Refurr.  au  Seigfieur  lî.%vsl 
micredu  Saint  Efprit  nous  eft  auffi  ne- 
cclTaire  pour  entendre  &:  croire  Tune^  . 
que  pour  comprendre  &  recevoir  Tau-  i 
tre.Dites  moy,je  vous  prie  ,  adverfaircs^ 
ces  paroles  de  lefus  Chrift  à  fcs  Apôtres, 
Luc  i8.  le  Fils  de  t homme  étant  tirrive  en  lerufalem, 
l^^^^^' fera  fris  ^  mjurie  ^  hajfoue  ^  fouette  é'misa 
mortimais  au  troifiefme  jour  il  reffufc itéra  ; 
ces paroles-làjdis-je,  font  elles  obfcures 
&  intelligibles?  Certainement  je  ne  croi 
pas  que  vous  ledificz.  Carquefçauroit 
on  dire  de  plus  clair  &  de  plus  aisé  à 
entendre?  Et  neantmoins  les  Apôtres  ne 
les  peuvent  entendre. Ce  difcours  fi  clair 
qu'il  ne  le  fçauroit  eftre  davantage, 
quand  il  feroit  écrit  avecque  les  propres 
rayons  du  Soleil^leur  fut  caché  ;  &;  ils 
n'entendirent  point  ce  que  le  Seigneur 
VQuloitdire.  C'cft  donc  mal  rafcnner 
à  vous  de  conclurre  que  l'Ecriture  eft 
obfcure,  de  ce  qu'ils  ne  lentendirent 
»  pas  jufques  à  ce  que  lefus  leur  eut  ouvert 
lefensj  comme  fi  vous  induifiez  que  la, 
lumière  du  Soleil  eft  obfcutc  en  plein 
midi  de  ce  que  l'aveugle  nai  nepûtjar 
mais  la  voir  jufques  à  ce  que  lefus  lui 
eut  ouvert  les  yeux.  Ne  rejertons  point 
rifnperfeftion  de  nôtre  nature  fur  la  ré- 
vélation 


Sermon     IV*  jfj 

vclation  de  Dieu.   Si  nous  n'entendons 
pas  fa  parole ,  ce  n'eft  pas  qu'elle  foit  ob- 
(cure ,  mais  c*eft  que  nous  avons  la  veuë 
mauvaife  j  Ce  n*cft  pas  qu'il  fe  foie  mal 
expliqué  y  mais  c'eft  que  nous  fommes 
tardifs  &  pefans  ,  ôincgligens,  dcqut 
nous  avons  les  fcns  pleins  de  fantaifiesjô^ 
de  préjugez  charnels, qui  les  couvrent 
comme  autant  de  tayes ,  &c  les  cmpef- 
chentde  voir  leschofes  les  plus  claires. 
Ceft  contre  ce  vice-là,  que  Icfecours, 
de  lefus  nous  eft  neceflaire  ^  &:  non  con- 
tre le  défaut  de  lenfeignement  de  Dieu, 
auquel  à  vrai  dire  Tonne  peut  imputer 
de  défaut  fans  blasphème.   AufTivoiez 
vous  que  le  Pfalmifte  pour  entendre  la 
loy  ,  demande  à  Dieu ,  qu'il  éclairciffc, 
non  la  loy,  mais  fcs  yeux  ;  Decmvre  mes'^f-^^i- 
jeux^àit'iU  afin  que  je  regarde  les  merveilles^  ' 
de  ta  loy  \  figne  évident,  que  ce  qu'il  ne 
les  regardoit  pas ,  c'etoit  la  faute  de  fes 
yeuxi&:  non  des  merveilles  de  la  I0V5  qui 
etoient  afTez  claires^^  affcz  expofées  en 
veuë,  fi  fes  yeus euffent  été  ouverts  6c 
difpofez  comme  il  faut.     Mais  ,  chers 
Frères ,  je  voi  bien ,  que  ce  difcours  eft 
desja  trop  long.  Finiflbns-le  en  priant  le 
Seigneur  lefus  que  de  ce  haut  trône  o  ■ 

,gloir':r^ 


34^    De  la  Refurr.  du  Seigneur  I  e  s  v  s  .^ 
gloire,  où  il  efl:  maintenanc  âffis  à  la  dex- 
tre  de  fonPere,  il  daigne  ouvrir  nos  en- 
tcndemens ,  comme  il  fie  autresfois  ceux 
de  fes  Apôtres,par  la  vertu  de  fon  Efpric 
toutpuiffantjafin  que  nous  puiffions  bien 
entendre  fes  Ecrttures ,  &  y  voir  &  ad- 
mirer les  myfferes  de  fa  fapience ,  qui  y 
font  enfeignez  >  àc  embraffer  particuliè- 
rement la  vérité  de  fa  precieufe  mort  &: 
de  fa  glorîeufe  refurreftion^^^uiycftfî 
cfairement  &  fi  magnifiquement  établie; 
&  lui  prefentcr  Dimanche  prochain  à  fa 
table  des  âmes  plenes  de  foy  &  de  repen- 
Cance,  8c  bien  ouvertes  par  fa  grâce  pour 
^  recevoir  les  biens  celeftes,la  mannej&r 
le  pain  de  vie ,  &  le  fruit  du  fep  éternel, 
dont  il  nous  repaiftrâ ,  &:  nous  raflafiera, 
s'il  lui  plaift,  à  fa  gloire  &  à  nôtre  falut. 
Amen- 


DE  LA 


347- 
DE    LA 

RESVRRECTION 

DE  NOSTRÊ  SEIGNEVR 
lESVS-CHRlST. 

SERMON    CJN'QJIESME. 

Sur  les  verfets  4e.  47-  du  Chapr 

X  X I V.  de  l'Evangile  félon 

S.  Lvc. 

46.  Et  il  leur  dit^  il  ejl  Ainfi  écrit  ^  é* 
dnfifalioit.que lechrijl fouffrijl ^  é' rejfufci- 
iaji  des  morts  le  troijiefme  jour, 

47.  Et  qu'on  prelchaji  en  fon  nom  U  te- 
tentunceié'  l^  remiJ?ion  des peche^par  toi^îes 
nAtions  5  encommerîç^nt  depuis  îerufalem. 


Hers  Fîleress 

Apres  avoir  célèbre  la  mémoire  de  la 
mort  &de  larefurreftion  de  nôtre  Sei-- 
gneur  lefus  Chrift,  &:  participé  par  la 
gtace  au  fruit  de  Ton  (acrifîce  ^  Aquoy 
fçaurions  nous  mainteîiant  plus  vtile- 

mmx§ 


348  De  U  Refurr.  au  Seigneur  Ie  s  v  jJ 
ment  >  ou  plus  à  propos  appliquer  nos  en- 
cendemens,qu*àla  médication  des  caufes» 
&  des  raifons  de  ces  deux  grands  my  ftc- 
tcsfic  de  la  prédication  de  la  bien-heu- 
reufe  nouvelle  de  nôtre  paix  avec  Dieu> 
qui  s'en  cft  enfuivie  ?  Ce  fera  donc  mes 
Freresjle  fujet  en  la  confidcration  duquel 
nous  emploierons  cette  heure,  s'ilplaift 
au  Seigneur  5  pour  vous  donner  Texpofi- 
tion  U  rcclairciffcmcnt  de  fes  paroles, 
que  nous  avons  leucs;  où  pofant  expreC- 
icmcnt  la  neceflîcè  tant  de  fa  mort,  que 
àc  fa  refurredion,  ôdde  la  prédication, 
qui  en  a  ctè  faite  dans  le  monde ,  il  nous 
montre  évidemment,  que  ces  trois  effets 
ont  eu  leurs  caufes  &  leurs  raifons  telles 
qu*il  n'ctoit  pas  poflîble  ,  qu'ils  n'euffent 
leur  accompliflement  ;  &  nous  donne  oc- 
cafion  de  les  réchercher  &  de  les  appren- 
dre. Sur  quoy  nous  avons  d  abord  à  re- 
marquer l'admirable  fagefle  du  Seigneur 
lefus  en  Tindruâiion  de  fes  Apôtres.  Car 
il  la  commença  par  leurs  fens,  comme 
parles  premiers  ô^  les  plus  faciles  &  fa- 
miliers inftrumens  de  toute  nôtre  con- 
jioiflancejleuraiant  fait  voir,oUir,&  tou- 
cher la  vérité  de  fa  refurredion  avant 
coûtes  chofcs.  Et  bien  que  la  demonftra- 

lion 


Sermon    V.  349 

tion  fcnfiblc  d'une  fi  grande  &  fi  divine 
incrvcille  fuffift  pour  clorre  la  bouche  à 
Tincredulitè  ;  néantmoins  pour  affermir 
leur  foy ,  &:  leur  faire  reconnoiftre  ,  que 
cette  mort  &  cette  refurredion ,  qu'ils 
avoient  vcucs  à  Tocil,  n  étoient  rie  moins, 
que  des  avantures  fortuites ,  ou  naturel- 
les  >  outre  la  grandeur  des  chofes  mefmes 
qui  le  tefmoignoit  atfez ,  il  leur  mit  puis 
après  en  avant  les  predidions ,  qu'ils  ea 
avoient  ouïes  autrefois  eux  mefines  de 
fa  propre  bouche  >  &  celles,  que  Dieu  en 
avoir  confignées  dans  fes  anciens  oracles, 
plufîeurs  ficelés  auparavant  î  d'où  il  pa-  * 
roiffoit  clairement  ,  que  tout  cela  etoic 
une  œuvre  du  Dieu  Souvcrain^ordonnce 
devant  les  temps  en  fon  confeil ,  gouver- 
née par  fa  Sapience,  &  adniiniftrée  ÔC 
exécutée  par  fon    invincible   puifTance. 
Puis  afin  de  leur  ôcer  Téconnement,  qu'il 
fçavoit  bien  qui  refteroit  encore  après 
cela  dans  leurs  efprits ,  &  pour  calmer^ 
arrefter  toute  leur  agitation  fur  un  fujet  fi 
étrange,  il  leur  déclara  enfia  les  "raifons, 
qui  avoient  induit  la  fagcflc  de  Dieu  à 
vouloir,  que  fon  Ghrill  fo'.ffrift  lamorr, 
^  qu'il  reflufcitaft  j  le  deffjin  pour  lequel 
il  l avoit  cnvQic  au  mondcjéunt  tel,  que 

pour 


|5c>     De  U  Refurr-  dt^Selgrseurl^^yî. 
pour  en  venir  a  bout  il  avoic  fallu  de  ne- 
ceiricc,que  les  chofeiarrivairent  ain(î,.ô^ 
non    autrement.     Car  aprcs  ces  trois 
eclairciflcmens  ,   il  ne  reftoit  plus  dp 
doute,  ni  de  trouble  dans  les  cœurs  des 
Apôtres  ;  le  tdmoignage  de  leurs  fens 
leur  juftifiant  plenement   l'eûrerde  la 
chofe  i  les  oracles  des  Ecritures  l^s  con- 
veineant,que  Dieu^dont  k  puiffance  eft 
infînie,en  ctoit  le  vrai  auteur  i  &  la  de- 
monftration  des  raifons  de  ce  myrtere, 
leurenôtant  tout  Tctonnement,  &:  les 
fatisfaifant  fi  plenement,  qu  ils  n'avoient 
plus  qu'à  adorer  la  bonté  de  Dieu,  qui 
avoit  daigné  refoudre,  faire ,  &  exécuter 
pournôtre  falut,une  œuvre  fi  grande  ,  &: 
îi  plene  de  raifon  &:  de  fapience,quelque 
étrange    qu'elle  femble  d*abord  à  nos 
fens.  Ceft  là  la  fuite  &:  le  progrez  des 
enfeignemens,  que  le  Seigneur  donna  à 
-fes  Apôtres  de  la  vérité  de  (es  mylleres; 
Et  fon  exemple  nous  aprend  ,quec'efl: 
l'ordre  qu'il  faut  tenir  en  la  demonftra^ 
tiondefon  Evangile;  commençant  par 
le  tefmoignage  qu  en  ont  rendu  les  Apô- 
tres, perfuadcz  par  la  veuc  6c  par  l'at- 
touchement des  chofcs  mefmes  ;  puis  y 
ajoutant  la  preuve   coaveincante ,  qui 

se» 


Sermon     V.  3jt 

s*en  tire  des  predidions  &  des  figures  di* 
Vieux  Teftament  ;  &:  enfin  confideranc 
fon  myftcre  en  lui  mefme,  &  en  décou- 
vrant la  divinité ,  par  la  lumière  des  rai- 
fons,qui  s  y  treuvent ,  de  par  la  liaifon  &: 
lenchaifneure  de  toutes fes  parties ,  n'y 
en  aiant  aucune  ,  qui  n'ait  fa  caufe,d*oii 
elle  dépend  non  moins  évidemment, 
que  necelTairement.  Le  Seigneur  vueil- 
le  lui  mefme  nous  ouvrir  tenteridement^ 
comme  il  fit  autrefois  à  fes  difciples5afiii 
que  nous  puiflîons  bien  reconnoiftre,  62 
droiccment  comprendre  &:  les  oracles 
deiesEcritureSjô^lesraifonsde  la  divi- 
ne fagefle  ,  qui  reluifent  clairement  en 
fon  Evangile.    Il  die  donc  ici  à  fes  Apô- 
tres ;  Il  ejl  aififi  écrit ,  &  ^i^fi  frlloit-  il ,  que 
le  Clmjlfoujfrift ,  ^  reffufcitasi  des  morts  le 
troifiefme  jour.  Etqiion  freÇchaJl  en  fon  nom 
lu  ref  entame  -,  &U  remifion  des  péchez  par 
toutes  nations  yen  commençant  depuis  leru" 
Calent,    Il  parle  de  trois  chofes ,  comme 
vous  voiez,delamortdu  Chrift,  de  fa 
refurredion,  ^  de  la  prédication  de  fon 
Evangile.  De  ces  trois  chofes  les  deux 
premières   étoient    dcsja    accomplies^ 
quand  il  tenoic  ce  difcoursjla  troifiefmc, 
arflavoir  la  prédication  de  Evangile  ,  ne 

rétoic 


3  5i  Be  U  Refnrr.  du  Seigneur  I E  s  v  s . 
Fécoit  pas  encore,maîs  le  devoit  eftre  en 
bref,  &:  le  fut  aufli  en  effet.  Nous  les 
traitterons  toutes  trois  par  ordrCjmoien- 
nant  fa  gracci  &:  examinerons  ce  qu'il  en 
dit  >  affavoir  premièrement ,  quilefi  écrit 
qu  elles  arriveroi^ent  ainfi  qu  elles  font 
arrivéesiôC  fecondement,  qu  il  faMc  en 
effet  qu  elles  arrivaffent  ainfi.  Ce  qu'il 
dit,  qnileOiainffécrity  fe  rapporte  aux 
divines  Ecritures  du  Vieux  Teflamenti 
cil  chacun  de  ces  trois  points  avoit  été 
reprefentè  par  la  volonté  de  Dieu  ,  &: 
par  le  miniftere  de  Ces  Prophètes  long- 
temps avant  l'événement  j  &:  cela  en 
deux  faffons  ;  premièrement  par  divers 
oraclesiqui  predifoient  les  uns  plus  clai- 
rement ,  &  les  autres  plus  obfcurement, 
que  chacune  de  ces  chofes  arriveroit 
en  fon  temps;  àc  fecondement  par  les 
types ,  &  les  fymboles  myfliques,  qui  les 
avoient  fi  proprement  figurées,  qu'étant 
une  fois  arrivées,  il  eft  aise  de  les  y  re- 
connoiflre  ,  &  de  s  appcrcevoir  que  le 
deflein  de  la  divine  fapience  avoit  été 
de  les  y  portraire.  Mais  cequilaioûtc, 
quilfal/ûit  qu  elles  àïtiv^dcntai/iJi^Cigm- 
fie  la  liaiibn  ,  que  chacune  de  ces  trois 
chofes  avoit  avccque  les  fias ,  caufes.  êc 

raisons,  j 

à 


s  E  B.  M  O  N    V.  35| 

raifons,  d'où  elle  dcpendoic  ;  telle  &  il 
étroite  ^  &  iî  ncceflairc ,  qu'il  n'etoit  pas 
poflible  ,  qu'elles  n'arrivaffenc  point,  ou 
qu'elles  arrivaient  autrement.  Qiianc 
aux  deux  premières,  alTavoir  la  more  &: 
la  refurredion  du  Chrill ,  qu*il  en  ait  éù 
écrit  dans  les  livres  du  Vieux  Teftamenr^ 
c'eft  chofe  que  nul  fidèle  tant  foit  peu 
versé  dans  cette  ledure  ne  peut  ignorer; 
ces  divins  volumes  étant  tout  pleins  ou 
de  prédictions ,  ou  de  figures  à^.  Tun  bC 
de  l'autre  de  ces  deux  grands  myfteres; 
Et  dautanc  que  vous  en  avez  fouvent  été 
entretenus ,  &  qu'encore  tout  frefche- 
ment  nous  vous  en  montrafmes  leudy 
dernier  fur  les  paroles  précédentes  un 
échantillon  fufl[î(ant,nous  ne  nous  y  arre-^» 
fierons  pas  pour  cette  heure  h  &c  nous 
contenterons  d'éclaircir  &  de  juftifier  ce 
qu'en  dit  le  Seigneur  en  fécond  lieu  quV/ 
fa//oit ,  que  le  Chriftfoufrifi ,  é*  reffufcitaft 
^//^/îqu'ila  fait.  Lapredidion^que  Dieu 
afaitejdes  chofes  dans  fes  Ecritures  ,  eft 
un  argument  certain  de  leur  événement 
fuf ur  ,  parce  qu'elle  confient  une  décla- 
ration du  confeil  qu'il  a  pris,  ou  de  le$ 
faire,oude  permettre  qu'elles  fe  faflentj 
de  forte  que  fon confeil  étant  immuable, 

z         &  fon 


354  ^^  l^  Refurr.  dtê Seigneur  Ie  s  v s. 
ô«:fon  ordonnance  d'une  exécution  in- 
faillible ,  &:  fa  parole  d'une  vérité  pure 
&  inalterablci  quelle  que  foit  la  caufe  & 
la  raifon  des  chofes,  qu'il  a  prédites  ,  il 
n*eft  pas  poflîble,  qu  elles  n'arrivent  tout 
ainfi  qu*il  les  a  prédites.  Mais  la  predi- 
ftion  ne  nous  montre  pas  pourtant,quel- 
le  eft  leur  nature  en  elles  mefmes  ;  parce 
qu'à  parler  proprement  &  exadcment, 
les  chofes  n'arrivent  pas  à  caufe  qu  elles 
avoient été  prédites;  mais  au  contraire, 
elles  ont  été  preditesjà  caufe  qu  elles  dé- 
voient arriver  ;  étant  clair,  que  Dieu 
avantque  de  les  prédire  avoit  desja  re- 
folu  ,  qu'elles  arriveroient  5  &  que  dans 
la  lumière  de  fa  connoiffance  infinie 
elles  font  avant  que  d*eftre  prédites.  le 
confefle  donc  que  de  ce  qu'il  eft  écrit 
dans  les  anciens  oracles ,  que  le  Chrift 
foufFriroit  &:  reffufciteroit  ^es  morts. 
Ion  peut  très  bien  conclurre  ,  que  cel* 
devoitainfi  arriver,  &  que  c'étoitla  vo- 
lontè,&  le  confeil  de  Dieu,qu'il  arrivaft. 
Mais  cette  connoiffancc  n'arrefte  pas 
tout  le  mouvement  de  nôtre  efpriti  ni 
ne  lui  apprend  pas  tout  ce  qu'il  dcfirc 
fçavoir  fur  ce  fujet.  11  voit  bien  par  là , 
que  Dieu  l'a  ainfi  voulu  &  i  efolu  \  mais 

il  ne 


s  E  R^M  ON       V.  3JJ 

i\  ne  Voit  pas  pdurquoy  il  la  ainfi  voulu. 
Et  la  chofe,dont  il  s  agit,étant  infiniment 
étrange,  &  contraire  aux  communes  ap- 
parences de  la  raifon  ,  alTavoir  que  Dieii 
ait  voulu  que  fort  Fils  bien-aimè^Ia  fain- 
tetè  &  la  juftice  mefme/ouffriftune  mort 
fi  infâme  i  &:  fi  douloureufei  ne  pouvant 
nous  figurer  5  qu^il  ait  cbnfcnti  à  un  evc- 
hement  fi  incroiable  ,  fans  quelque  gran- 
de raîfon ,  nous  demandons  quelle  elle 
eft  i  &  recherchohs  cequefe  peut  eftre, 
quia  induit  le  Seigneur  à  un  tel  confeil. 
Et  là  pour  nous  fatisfaire,ilfàut  de  necef- 
fitè  confiderér  la  chofe  en  elle  mefme ,  ^ 
en  fa  propre  nature  ,  mettant  à  part  les 
oracles ,  qui  en  ont  prédit  Tevenement. 
C  cft  donc-là  5  à  mon  àviis  ,  que  Icfus 
Chrifl:  regarde  en  ee  lieu  ;  quand  il  diti 
Ol}àil  fallûit  que  le  Chriji foufrifi  &  reffuf- 
citajl i  Dieu  ,  dit-il,  lavoit  ainfi  voulu SC 
ordonne ,  comipe  il  paroift  par  les  pre- 
diâions^quilcnavoit  données  dans  les 
Ecritures.  Mais  il  né  la  pas  ainfi  voulu 
ni  ordonné  fans  raifon  s  les  fins  ,  que  fé 
propofoitfafapience  dans  Tenvoy  de  fort 
Chrift,requerant  neceffai rement  ^  que  le 
Chrifl:  mouruft  &  reflufcîtaft -,  il  fàtîoit 
que  cela  fufl:  pour  conduite  à  chef,  l'œu- 

E     ^  Vfcj 


3 j^  De  U  Eefurr.  Ju  Sif^ffeur I  e  s  v  s^ 
vrc qu'il avoit cntrcprifc.  Ccftlà le fens 
des  paroles  du  Scigneur.Rcraarqucz  pre- 
mièrement ,  qu'il  n€  dit  pas  fimplcmenc 
qu'il  falloit  que  le  Fils  de  Dietê  fauffri/l; 
mais  notamment  <^ilfAlloit ,  que  le  Chrijl 
ifif^jfriH.  l'avoue  que  ces  deux  mots  figni- 
fient  une  mefme  perfonnc  au  fond8;mais 
ils  ne  la  fignifîent  pas  en  la  mefme  forte, 
&  fous  une  mefme  confideration  Le  Fils 
de  Bieu  cft  fimplenient  la  féconde  per- 
fonne  de  la  Trinité  i  Le  Chrifi  eft  bien 
cette  mefme  perfonne ,  mais  vcftuë  de 
nôtre  chair  &:  envoice  au  monde  pour 
nous  fauver.  Il  n'eft;  point  de  Chrétien, 
qui  doute  que  nulle  ncccilitc  n  obligeoit 
Dieu  d'envoier  fon  Fils  ici  bas ,  ni  de  le 
manifcfter  en  nôtre  chair,  ni  de  fauver  le 
genre  humain ,  en  nous  délivrant  de  la 
iDort,oii  nous  nous  étions  précipitez  par 
nôtre  pechc.  C  cft  un  bénéfice  que  nous 
ne  devons  tout  entier,  qu'à  fa  pure  &:  vo- 
lontaire amour  ;  &  s'il  cuft  voulu, nul 
droit,nulle  )uftice ,  nulle  raifon  hors  fon 
bon  plaifir ,  ne  l'euft  empefchè  de  traitter 
les  hommes ,  comme  il  a  fait  les  démons, 
les  laiiTant  fans  refTource  dans  leur  per- 
dition. Mais  quand  une  fois  Dieu  fléchi 
par  fon  amour  envers  )es  hommes ,  eue 

rcfolu 


s  E  R  M  O  N     V.  557 

rcfolu  de  donner  fon  Fils ,  &  de  rétablir 
nôtre  Chrift  ,c*cft  à  dire  delevcftirdc 
nôtre  chair,  &de  lui  impofcr  la  charge 
de  nous  fauver  ;  après  ce  deffeinliè  &: 
forinc,il  a  fallu  que  le  Chrift  fouffrift ,  àc 
que  le  Père  y  confcntiftic'eft  à  dire  (  pour 
exprimer  cette  vérité  avccque  les  termes 
de  Tccolc }  que  la  more  du  Seigneur  a  été 
neceflaire^non  fimplcment>&  abfolumct, 
mais  prcfupposè  en  lui  &  en  Dieu  fon 
Petè ,  le  confeil  &  le  dcflein  de  fauver  le 
genre  humain. La  raifon  en  eft  évidente. 
Car  les  hommes  étant  feparez  de  Dieu, 
&  plongez  ^n  fa  maledidion  &  en  la 
mort  à  caufe  de  leurs  péchez ,  il  eft  clair, 
,  que  pour  les  fauver,  il  a  fallu  de  neccffuè 
leur  procurer  la  remiffion  de  leurs  pé- 
chez. Le  Fils  de  Dieu  aiant  donc  entre- 
pris,par  la  charge  de  Chrift,qu'il  a  receue 
du  Père,  de  fauver  les  hommes,  vous 
voiez  que  la  fin  ôi   le  deffein  de  cette 
charge  l'a  neceffairemenr  obligé  à  nous 
procurer  la  remiffion  de  nos  péchez  ,  ce 
qui  ne  fe  pouvoir  autrement,  que  par  fa 
mort.   Pourquoynon?  (me  direz  vous) 
Dieu  flcchi  parla  feule  rcq^efte  ôi:  vo- 
lonté de   fon  Chnft  ne  pouvoit-il  pas 
nousrcmçttre  purement  6c  timpkmert 

z     }         nos 


î 5»     I>ela  Refurr.  du  Seigneur  I g  s  v  s  ' 
nos  fautes,  fans  obliger  notre  Sauveur  i 
mourir?  le  répons,  que  cela  ne fe pou- 
voir.   Car  comme  Dieu  cft  mifericor- 
dieux ,  auflî  cft-il  jufte  ;  &  comme  x\  eft 
benin  envers  les  hommes,  auflleftille 
luge  de  l'univers,  &  le  protcfteur,  &  le 
pomervatcur  de  fes  Ipyx.  Si  la  mifericor- 
del  encline  à  vouloir  nôtre  falut,-  la  ju- 
Oice  le  porte  à  ne  point  pcrmcttre,que  le 
pèche  demeure  impuni ,  &  la  faintetè  de 
les  propres  loyx  violée.  Car  il  a  établi 
cette  immuable  &  éternelle  loy  dans  le 
monde,&:  en  a  mefme  grave  le  fentimcnt 
dans  les  amcs  de  tous  les  hommes ,  que  le 
pèche  doit  eftre  puni  de  mort.  Ceft  une 
règle  neceffaire   &  univerfelle  dans  le 
monde  raifonnable,  qui  ne  fouffre  point 
d  cxceptibn.  Chrift  donc  pour  Tau  ver  \^^. 
hommes  félon  fa  charge,  &  la  volonté  de 
lan^fcriçordedu  Père.  anece/Tairement 
foufFertIa  mort,  donti^voit  entrepris 
de  nous  exempter,  &  paie  de  fon  fang  la 
pêne,  que  nous  devions,  afin  de  nous  en 
acquitter,  Ne  me  dites  point,  que  ceft 
fjorncr  Ja  toute  puiffance  de  Dieu.    Ce 
P  cft  pas  moy,  ni  aucune  créature,  quila 
fetient  dans  ces  bornes.    Ceft  fa  propre 
^•Ifticcfe  faintçtc,&  fa  yeritè,  f  j  comme 


ce 


s  E  R  M  O  K       V.  ÎÎ9 

ce  n  eft  nullement  nier  fa  toute  puiffancc 
de  dire ,  qu  il  ne  peut  ni  mentir ,  ni  ou- 
blier fa  bénignité  ;  ce  n  eft  pas  non  plus 
la  choquer  de  dire  qu'il  ne  peut  rien  faire 
dmjufte.   Or  ceferoit  une  injuftice  de 
laiffer  lepechè  fans  punition.   Tant  s'en 
faut  >  que  ce  foit  une  impuiffance ,  de  ne 
pouvoir  mourir ,  ni  mentir,  ni  faire  quel- 
que injuftice  ;  que  tout  au  contraire  c'eft 
une   foiblefle    U  une  impuiffance  bien 
grande  d  eftre  capable  de  quelqu'une  de 
ces  chofes.  Ne  me  reprochez  point  non 
plus ,  que  c  eft  outrager  la  Sapience  dç 
Dieu  ,  de  l'attacher  à  ce  feulmoiendç 
nousfauver.    Ceft  en  fa  parole,  la  vraie^^ 
école  de  fa  fageffe,que  nous  avons  appris  ^^  ^ 
cette  vérité.  Car  outre  ce  que  le  Seigneur  ^^«  3. 
dit  ici  expreffement,  &  en  deux  autres ''^' 
lieux  encore  ç\\iil  falloit  quîlfouffriJl'Aoxx 
Apôtre  prefuppofe  evidemmenc   en  di- 
vers lieux  cette  mefmeneceiîiièiCommç 
en  fEpitre  aux  Romains^où  de  ce  que  nul  ^«^-^ 
dés  hommes  na  peu  eftre  juftifièparla  ^^  ^^ 
loy,  il  conclut, qu'il  faut  que  nousfoions; 
juftifiezparle  fangdeChrift;3^  en  TEpi- 
tre  auxEbreux,  où  de  ce  que  les  facrifices 
Mofaïques  n'ont  peu  nous  purifier  réel- 
lement de  nos  péchez ,  il  induit ,  qu'il  a 

a,     4  faiiu> 


5^0     Be  la  Refurr.  du  Selg^retirl  e  s  v  s . 
fallu,  que  nous  fulFrons  purgez  par  le  fa* 
f.br.10.  crificc  de  la  croix  cic  Icfns  Chnft  ;  &  de 
iw-c-ce  qu'il  ne  refte  plus  de  faciificcpour 
ceux  5  qui  pèchent  volontairement,  il 
^^rio.prouve  qu'il  n'y  a  plus  d'efperance  de 
%<S'i7-    pardon  pour  ceux  ,  qui  font  telsj  preuves 
toutes  vaines  &  fans  force  ,  fi  vous  ne 
prefuppofez,qu'il  n'eft  paspolTible  ,  que 
Dieu  juftifie  les  homnîes5&:  leur  pardon- 
ne leurs  péchez,  fi  premieremét  ils  n'ont 
été  expiez  par  lafatisfadion  de  là  jufti- 
ce  5  ôf  par  l'exécution  de  la  pêne  qu'ils 
méritent.  A  quoy  fe  rapporte  encore  ce 
que  le  mefme  Apôtre  dit,  que  Dieu  a 
étabii   nôtre  propitiation  nu   fang  de 
f{$m.i.   Chrifl- ,  4?/r>  de  démontrer  fa.  ju/Uce-     Car 
*^      comment  at'ilfaitparoiftrefajuftice  en 
TeffuGon  decefang  pour  nos  péchez,  fl 
fa  juftice  ne  rcqueroir  pas  neceifTaire- 
ment  que  le  pcchè  fuft  expié  par  le  fang, 
jean^.  ^  eft  à  dire  par  le  fupplice  , qu'il  mérite? 
/(0W.5.  Ajoutez  à  cela, que  l'Ecriture  cnfeigne 
t&^'   par  tout ,   que  Dieu  a  excellemment 
montre  Ion  amour  envers  nous  en  li- 
vrant fon  Fils  à  la  rwort  pour  nous;ce  qui 
femble  ne  pouvoir  fubfifter ,  C\  la  remif- 
fi.'ndenos  péchez,  pour  laquelle  il cft 
mortj  nercqueroic  point  qu'il  mouruft, 

pouvant 


Sermon     V.  3^1 

pouvant  nous  eftre  donnée  par  la  pure 
libéralité  de  Dieu  fans  aucune  fatisfa- 
ûion.  Enfin  outre  ces  enfeignemens  de 
TEcriture  ,  cette  vérité  reluit  encore 
dans  le  commun  &:-univerfelfentimenc 
des  nations,  qut'ontprefque  toutes  im- 
molé des  vidimes ,  &.  répandu  du  fang, 
non  d'animaux  feulement ,  mais  d'hom- 
mes mefmes5pourobtenir  de  la  divinité 
la  paix  &  la  remilTion  de  leurs  crimes? 
figaç  cvident,qu*elles  avoient  cette  per- 
fuafion    fichée    bien  avant  dans  leuts 
cœurs,  qu'il  n  cft  pas  poiTible^quc  Dieu 
îaiffe  le  pechè  des  hommes  impuni,  ni 
que  fa  jufticç  demeure  fans  eftre  fatis- 
faite  par  la  mort  ou  du  pécheur  mefme> 
ou  de  quelque  autre  en  fa  place.  D  ou 
paroift  clairement  que  le  Chrift  aianc 
entrepris  de  nous  procurer  envers  Dieu 
la  remilfion  de  nos  péchez  pour  nous  fau- 
ver,  cela  ne  fe  pouvant  fans  fatisfaire  fa 
juftice  en  fouffrant  la  pêne  de  nos  pé- 
chez,  /7  A  fallu  ,   comme  il  dit  ici  lui 
mefme,  quil  fouifrifti   c'eft  à  dire  qu'il 
mouruft  pour  nous  en  la  croix.  Mais  la 
neccflîtè  de  fa  refurredion  eft  encore 
plus  évidente,  que  celle  de  fa  mortifelon 
ce  que  dit  exprelTcment  Saint  Picne, 


36r     De  la  Refun.  du  Seigneur  Ie  s  rs  " 
qu'il  n'êtott  fasfefihle ,  ^uitfiift  raem  e» 
Umen.    Car  étant  un  homme  ccJcfte  , 
comme  celui  qui  avoite'tèconceu  par  la 
veftu  du  SaintEfprit,&  c'toit  parcon- 
Icquent  immortel  dans  la  vraie  &  origi- 
nelle conftitution  de  fa  nature;  après 
avoir  fatisfait  à  ce  que  fa  charge  avoit 
requis  de  lui,  qu'il  mouruft  pour  nous, 
il  a  fallu  de  neceflîtè ,  qu'il  reprift  la  vie, 
qu'il  n'avoir  de'pouiUc'c,  que  pour  cette 
oecafion.  Joint  que  fort  innocence  tres- 
parfaite,  &  la  fouveraine  faintetè ,  dont 
fa  mort  mefmc  avoit  e'tè  une  œuvre ,  & 
un  fruit  divin,ne  permettoient  pas,  qu'il 
dcmeuraft  dans  la  mort  plus  longtemps, 
que  l'avoit  requis  rexfiation  de  nos  pé- 
chez.  D'où  s'enfuit  qu'aiant  accompli 
cette  expiation,  la  juftice  de  Dieu  raef- 
me ,  comme  étant  déformais  plenement 
fatjsfaite,  avoit  intercft  de  le  relever 
delà  mort.  Autrement  l'une  de  fcs  loyx 
fondamentales ,  qui  ordonne  la  vie  Se 
l'immortalité  à  l'innocence  &  à  la  par- 
faite faintetè ,  fuft  demeurée  enfrainte 
&violéejce  qui eft  routa  faitimpe/Iible. 
De  plus,  la  charge  du  Chrilt  vouloir  ne- 
ceffairement,  qnil  fuft  rcffufcitc  en  une 
vie    celcftc  &  immortelle  après  avoit 

fouft'ctc 


s  E  R  M  O  H      V.  3^3 

fouffcrtla  mort.  Gac  il  eft  évident ,  que 
s'ilfuft  demeuré  dans  la  mort,  ilneutt 
pas  été  poirible  ,  ni  qu'il  nous  euft  donne 
en  fa  perfonne ,  le  patronde  nôtre  gloi- 
re ,  dont  la  refurreaion  eft  la  principale 
partie ,  ni  qu'il  nous  euft  envoie  le  Saine 
Efprit  des  cieux  pour  nous  enleignerSC 
confoler.ni  qu'il  euft  porte  lelangde 
fonfacrifice  dans  le  fanduairc  nonfaïc 
de  main,ni  qu'il  fe  fuft  affis  furie  trône 
de  fon  ccgneà  la  dextre  du  Père  ,ni  que 
de  là  il  euft  gouverne,  confervè ,  &  con- 
duit fon  Eglifeà  la  bien-heureufe  im- 
mortalité; chofes ,  qui  font  toutes  évi- 
demment de  l'office  du  Meffie.Soit  donc 
conclu ,  qu'il  a  fallu ,  qu'il  relTufcitaft  des 
morts,  non  feulement  parce  que  ce  a 
avoir  e'tè  prédit ,  mais  aulTi  par  ce  que  la 
nature  de  la  cl^ofc  mefme  lerequeroiç 
necefTairement.    Aiant  ainfi  juftifie  ia 
neceffitè  Se  de  la  morç , .  &de  la  refurre- 
aion de  nôtre  Sauveur ,  rcfte  le  troifiei- 
me  point  ;  affavoir  la  prédication  de  1  b- 
vangile  par  toutes  les  nations  ,  que  le 
geigneur  exprime  en  ce^  mots,  qu'ainjî 
eft- il  écrit,&  qu'ainfifaut  il,  que  fmprej- 
(he  au  nom  au.  Chrijl  li  repmam ,  &:  U  re- 
mïSion  des  péchez  par  mtes  Iff  natms-,  e» 
i^  ^emme»' 


3^4-  Be  URefurr.  du  Seigneur  1^^%] 
commen^Ant  depuis  lemfalem.  Première- 
ment  il  cft  evident^que  par  ces  paroles 
il  fignific  TEvangile  ,  qui  neft  autre 
chofe ,  que  la  prédication  de  la  repen- 
tance  àc  de  la  remiffion  des  pechez,faite 
au  nom  du  Chrift  mort  &  refufcitè  pour 
nous.  Cette  prédication  a  deux  parties, 
comme  vous  voies:.  L'une  eft  la  pro- 
meffe,  qu'elle  nous  fait  delà  remipon  de^ 
mospeche:^;  en  quoy'eft  auilî  compris, 
comme  une  neceffaire  &  infeparable 
fuite ,  le  don  du  Saint  Efprit  pour  nous 
fandifier  &confôler,  &  celui  de  la  vie 
cternelle.  L'autre  eft  la  ftipulation  du 
devoir,ou  de  la  condition ,  qu^elle  nous 
demande  pour  recevoir  ce  grand  béné- 
fice de  Dieu  ;  c'eft  que  nous  nous  repan- 
Cions  de  nos  mauvaifes  voies,  &.nous 
converti/fions  à  Dieu  ;  en  quoi  eft  enclo- 
fe  la  foy;  la  première  &  principale  par- 
tie de  la  repcntance  Evangelique,  &:  qui 
feule  3  a  parler  proprement  &  exade- 
ment ,  eft  la  condition  de  la  nouvelle  al- 
liance. 11  eft  vrai ,  que  fous  la  difpenfa- 
tion  Mofaïquc  les  Prophètes  prefchoict 
anflî  la  rcpentance  &:  la  remiffion  des 
pcchcz;&:  mefmc  en  quelque  fens  au 
Tfûm  de  ChriHi  étant  clair,  que  toute  la 

nemiffion. 


s  E  B.  M  O  N     V-  Î^J 

remiflîon,  gra^  &  faveur,que  les  mini- 
ftres  de  Dieu  ont  jamais  promifc  aux 
hommes  de  fa  parc,eft  fondée  fur  la  more 
du  Chrift,  &  que  jamais  il  n'y  eut,6^  n'y 
aura  autre  Nom  ,  donné  aux  horamcs^-^-  4» 
fous  le  Cïc\  par  lequel  il  nous  faille  eHre  fiu-^^' 
vez.  Neantmoins  par  ce  que  la  perfon- 
ne  du  Chrift  n'avoit  pas  encore  été  ma- 
nifeftée,  comme  elle  a  été  en  la  pléni- 
tude des  temps ,  de  là  vient  que  1  Ecri- 
ture reftreint  particulièrement  au  temps 
de  cette  manifeftation  la  prédication 
faite  au  nom  du  ChriH.   Et  à  la  vérité  ce 
fut  proprement  alors,que  la  grâce  fut  en 
tout  fens  prefchée  enfon  nom.  Car  outre 
que  cette  grâce  annoncée  maintenant 
aux  hommes  dépend  de  la  mort  &  du 
facrifice  de  Chrift(ce  qui  convenoit  auflî 
à  celle  5  que  Ton  prefchoit  durant  les  fic- 
elés precedens  )  il  y  a  ceci  de  particulier 
en  rÊvangile  ;  premièrement  que  la  rai- 
fon,  qu'a  cette  grâce  en  la  mort  &  en  la 
refurredion  de  Chrift, cft  clairement  5c 
cxpreffement  déclarée;  au  heu  que  jadis 
elle  étoit  ou  teuc  &:fupprimée  entière- 
ment  ,  ou  du  moins  tres-obfcurement 
reprefentée;  fecondement  ,  qu'au  lieu 
que  les  premiers  miniltrcs  n'étoient  fim- 

pleraenç 


3S^    Be  la  Rtfurr.  du  Seigneur  I  e  s  v  s^ 
plemenc  envoiez,que  de  la  parc  de  Dieif, 
&  ne  parloient  que  de  lui  &  de  Ton  nom, 
fans  dire  nulle  part,  que  le  Chrift  leur 
euft  donne  leur  charge  i  maintenant  les 
Prédicateurs  de  l'Evangile  fc  nomment 
expreflement  Minïfiresde  Chrijî  .d^L^^LX- 
lent  aux  hommes  de  fapart,  &:  parfoii 
commandement;  comme  de  celui,  qui 
les  aenvoiez,  &:leur  a  prefcrit  la  règle 
de  leur  miniftere,  &  prorais  de  ratifier 
tout  ce  qu'ils  feront  en  fon  nom.    Leur 
charge  dépend  tellement  de  lui^quc  c'eft 
par  manière  de  dire  pour  lui  &:  en  fa 
place,qu*ils  prefchent ,  étans  fes  Lieute- 
nans  &:  fes  ambaffadeurs  ;  Nous  femmes 
i.cor.^.  ^if  l'un  d'eux,  ambaffadeurs  four  Chrijl\ 
N  ous  fuf fiions  four  Chriji  ,  que  vous  fiiez 
reconcilie^^à  Dieu.  D'où  vient,  que  l'Ecri- 
ture attribue  à  lefus  Chrift  mefme  la 
prédication  de  fes  ferviteurs  ^  difant, 
T.phcf.  2.  qu  il  a  eva^gelizè  la  faix  aux  Gentils  ;  non 
'^"       qu'en  perionne  il  leur  cuft  prcfchè  l'E- 
vangile ;  (  Car  il  ne  fortit  point  de  la  lu* 
dée  durant  les  jours  de  fa  chair ,  â  raifon 
dequoy  il  eft  auffi nommé  miniflre  delà 
circoncifion)  mais  parce  qu'il  leur  avoit 
fi.        fait  poicer  cette  bonne  &:  ncurculc  nou- 
velle de  la  bouche  de  fes  Apôtres  s  félon 

la 


Sermon     V.  i€y 

la  règle  de  droit ,  que  chacun  cft  eftitnè 
avoir  fait  5  ce  qu'il  a  fait  par  un  autre.  Il 
y  a  encore  deux  autres  différences  entre 
la'predicatioa  légale  ,  &  TEvangelique, 
ici  expreffement  touchées  par  nôtre  Sei- 
gneur;  Tune  qu'au  lieu  que  celle-là  ne 
s'addreflbit ,  qu'au  feul  peuple  des  Juifs, 
celle-ci,comme  il  dit^a  été  portée  à  tou- 
tes les  nations  du  monde;  L  autrCjque  la 
première  commença  en  la  montagne  de 
Sinaï  ;  au  lieu  que  TEvangelique  a  com- 
mencé en  lerufalem, comme  dit  ici  le 
Seigneur.    Sur  quoy  vous  ave?  à  remar- 
quer en  paffant  un  illuftre  enfeignement 
de  la  vérité  &  de  la  divinité  de  lefus 
Chrift.Car  quand  il  tint  ce  difcours  à  ks 
difciples,  les  chofes,  qu'il  prédit,  non 
feulement  n'étoient  pas  encore  ni  faites, 
ni  commencées,  mais  il  n'y  avoit  mefmc 
aucune  apparence  humaine, qu'elles  fe 
peufTent  faire. Les  nations  étoient  toutes 
plongées  dans  le  Paganifme  ,  &:  irrccon- 
ciHablement  feparées  d'avccque  le  peu- 
pie  de  Dieu  ,  tant  par  leur  propre  aver- 
fion,quepar  la  barrière  de  la  loy,qui 
fembloitinfurmontable  ;  jufques-là,que 
les  Apôtres  mefmes ,  encore  long-temps 
depuis,  les  avoient  en  horreur,  &n'o- 

foienc 


}é8    De  la.  Refurr.  du  Seigneur  I  e  s  v  s . 
foientles  approcher,  ou  leur  parler.  Et 
les  luifs ,  &  notaitiment  ceux  de  lerufa- 
lemjbrûlaient  de  haine  &  de  fureur  con- 
tre le  nom  de  lefus  i  &  s'il  y  en  avoit^ii 
quelques-uns  moins  animez  contre  lui> 
Tinfamie  de  fa  croix  avoir  éteint  en  eux 
tout  ce  qu'ils  pauvoient  avoir  eu  de  bon- 
ne volonté  pour  lui.   Sç^%  difciples  mef- 
mcs ,  quie'toient  deftinez  pour  les  mini- 
ftres  &:  les  exécuteurs  de  cette  merveil- 
le5y  étoient  û  mal  difpofez  en  toutes  for- 
tes,  qu'il  ne  paroiffoit  aucune  étincelle 
de  raifon  d'attendre  d'eux  un  fi  grand 
effet.  Et  neantmoins  vousvoiezjjqu'au 
milieu  de  toutes  ces  impoflîbihtez  appa- 
rentes ,  lefus  Chrift  ne  laiffe  pas  de  dire, 
que  cela  fera;  &  ne  le  dit  pas  mefme  fim- 
plementimais  ditjqu'il  faut  que  cela  foiti 
en  parlant  clairement  come  d'une chofe 
certaine,  infaillible,  ncceflaire,  &:  inévi- 
table. Et  l'effet  montra  peu  après ,  qu'il 
difoit  vrai  \  la  divine  puiflance  aiant  tel- 
lement applani  toutes  ces  montagnes  de 
difficultez  &  d'impoffibilitez  ,  qui  dans 
la  nature  des  chofes   mcfmes,  s*oppo- 
foientde  toutes  parts  à  la  prédication  de 
l'Evangile  ,  qu'il  fut  prefchè  à  toutes 
NationSjCn  cômcnçant  depuis  lerufalc, 

precife- 


Sermon     V.  3^5^ 

jprecifement comme  i'avoic  a(reurè  nôcre 
Icfas.   D*oùpouvoiE-il  avoir  appris  uns 
telle  vericè,avanc  qu'elle  full  arrivée,  {i.:5 
deDieu,  danslefeulconfeil  duquel  elle 
fubliftoïc  alors?  Et  cela  indaicclairemv^nc^ 
ou  qu'il  écoit  Dieu  mefme  ,  comme  nous 
le  croions,ou  que  du  moins  il  écoic  veri-- 
tablcment  envoie  de  Dieu  j  ce  qui  fuffic 
pour  montrer  la  vérité  &:  divinité  de  fà 
dodrine  5  contre  les  infidèles  (5<:  les  im- 
pies.   Mais  confiderons  maintenant  les 
deux  chofes  qu*il  dit  decccte  predicatioii 
de  fon  Evangile  i   Tune  quM  eft  e'cnC) 
qu*elle  fe  fera  i  S^Tautrequ  il  faut  qu'elle 
feface.   Pour  la  première,  ellç  ett  évi- 
dente par  les  Ecritures  du  Vieux  Tcfta- 
menc ,  oii  noustreiivons  prédit.  S^repre- 
fentè  en  diverfes  fortes ,  tout  ce  qae  diç 
ici  le  Seigneur.  Car  premièrement  jque  la 
repentance  5c  la  remiiïîon  des  péchez 
deufteftreprefcbeeau  nom  duGhtift.  il 
n'y  a  prefque  aucun  oracle   touchant  le 
Meffie,qui  ne  le  iîgnifie  ,  ou  clairement* 
ou  obfcurement  i  Comme  quand  TEcri-^ 
tureprotefte  des  l'entrée  que  la  fememeGeni- 
de  Ufer^mebrifera  la  tejie  âH>  ferfenî^^  ?^^Gen  ^é 
après  que  cette  mefme  f:  in  en  ce  fera  laj. 
benedidion  des  nations  >  étant  évidente 

à  a       que 


570  ^^  /^  Refurr.  dt*  Seigneur  I e  s  v  s . 
que  fans  la  rcmiflion  de  nos  péchez ,  ni  U 
défaite  du  diable  ,  ni  la  bencdidion  des 
hommes  ne  peut  avoir  aucun  lieu.  Ail- 
leurs Dieu  predifant  lalliance  ,  qu'il  a 
traittce  avec  fon  peuple  par  le  moien  du 

ïer.i-i^.    Meffie  ;  le  leur  fardon^erdi  leur  imquitey 

?4-  dit-  il,^  ^e  mefouviendrMplus  de  leur  pèche. 
Mais  Efaye  nous  fuffit,  predifant  expref- 

Ur^-  ".  fcment ,  que  le  Meffie  en  jujlifiera plujieurs 
far  U  connoijfance ^  quils  auront  de  luho^'iX 
tvangelizera  aux  pauvres ,  é' publiera  deli-* 

Bf,6u.  V rameaux  captifs ,  ^  aux  aveugles  le  recou- 
vrement de  la  veuè ,  quil  mettra  en  liberté^ 
ceux  qui  font  foulez ,  (jr  publiera  l'an  agréable 
du  Seigneur.Et  ce  mefme  Prophète  voianc 
dcsja  en  efprit  les  Apôtres  travaillans  à 
cette  fainte  œuvre,  s'écrie  quelque  parc 

£y:^2.7.tout  ravi  de  joie,  0  que  les  pieds  font  beaux 
de  ceux  qui  evangelizent  la  paix  ^(^  qui  pu* 
blientlefalut^Sfant  à  S  ion ,  Ton  Dieu  regnel 
Et  quant  aux  figures ,  les  expiations  léga- 
les des  {acrifices  Mofaïqucs  ne  rcprefcn- 
toient  toutes  autre  cliofe ,  que  cette  re- 
mipondesfechez ,  méritée  aux  croians  par 
lia  mort  du  Chrift,&:  annoncée  aux  hom- 
mes en  fon  nom  par  fcs  miniftres.Secon- 
demcnt  les  mcfaics  Ecritures  avoienc 
aufli  clairement  prédit  ce  qu'ajoute  ici  le 

Seigneur^ 


Sermon     V.  371 

Seigneur,  que  ccc  Evangik  du  Chrift  fe- 
roic  anuoncè ,  non  aux  luifs  feulemenr, 
mais  à  toutes  les  Nations. Qus  fe  peut  il 
dire  de  plus  exprès ,  que  cet  illultre  ora- 
cle d'Efayej'où  Dieu  le  Père  parlant  ati 
Me jfTie ,  C'^^ ^eu de chofe  ,à\l-\\^(ju€ tu  me ^'^''^^' ^ 
fois  Çervitcurpur  rétablir  les  t  ^ïhit  >  de  I  acohy 
f^  four  restaurer  les  de  foLitionsd'ljr^'èL  Je 
t'ai  mefme  donne  four  lumière  aux  naiionsi 
afin  que  tu  fois  mon  falut  jufques  ^ux  bouts 
de  la  terre  ?  A  quoy  il  faut  ajouter  vous  les 
lieux  où  eft  prédite  la  vocation  des  Gen- 
tils fous  le  Mwflie  ;  f afvelleraimmfeuplc^^^'^^' 
celui  yCjui  nefi  f  oint  mon  feuple»  le  te  don-  oxn.j. 
nerai  les  nations  pour  ton  her/4aze.    Et  en  ;t',   . 
Daniel ,  Tof^s  peuples^  nation  s -^  ^  lan-^ues  lut ,. 
ferviront.  Mon  nom  fera  grand  entre  tes  Ma- 
tions depuis  iOrient  jf^fques   en  Occider/t. 
lonas,  prefchant  la  repentancc  à  ceux  de 
Ninive  au  fortir  du  ventre  de  labalene^ 
figura  ce  qu'avoir  prédit  Efaye,  &:  que 
nous  raconte  l'hiftoife  Chrétienne ,  que 
lefus  forti  du  tombeau  ^  annoncé  aux 
Gentils  par  la  bc>ache  de  Tes  Apôtres  la 
grâce  ôr  ia  rcmiflîon  en  croiant,  &:  fc  rc- 
pantant  de  leurs  péchez. Enfin  nous  treu- 
vous  encore  clairement  prédit  dans  les 
incin>esEcricures  ce  qu'ajoute  leSeigneùi: 

aa     2         e» 


57^      Tie  la  Refurr.  du  Seigneur  I E  s  v  s . 
en  troiliefme  lieu ,  que  cette  predicatidtt 
de  fon  Evangile  commencera  en  Icrufa- 
lem.  Efaye,ôd  Michcc  le^^prononccnt  ex- 
preffcment ,  Lu  loj  ,  difent  ces  deux  Pro- 
Mkh.^.  phetes  ^  fort  ira,  de  S  ion  ,  ^  la  parole  du  Set- 
^        gneur  de  lerufalem  \  appellant  TEvangile  U 
farolede  Dieu^  félon  le  ftilc  des  Ecritures. 
David  l'avoic  fignifiè  long-temps  avant 
eux ,  bien  qu'un  peu  plus  obfcurcmenti 
Tf.  no.  Le  Seigf2euyA'\t-i\  parlant  au  MciVi^^tranf- 
^'        mettra  de  Sion  lefceftrede  ta  force  i  c*eft  à 
dire  ton  Evangile,  ta  parole  '■>  le  vrai  fce- 
ptredela  puiflancedece  divin  Roy.    A 
quoyfe  rapporte  fcmblablement ,  ce  qui 
Tf.zS.is.  ^jj.  jjjg^  Efaye^en  parlant  du  Mcflîejquc 
c'ett  en  Sion5que  Dieu  fondera  cette  pierre 
precieufe-^oM  éprouvée  ,*  ^  ce  qu'ailleurs  en- 
core ce  mefme  Prophète  ,  donne  à  Sion, 
£7:40.9.  ou  à  lerufalem  la  qualité  &:  la  charge 
d'annoncer  de  bonnes  nouvelles ,  &:  d'e- 
vangt:lizer  aux  autres  la  veruc  de  nôtre 
Dieuifigne  évident  quecVft  à  cette  ville- 
là. que  ce  grand  falut  devoir  cftre  premiè- 
rement prefclièjpour  cftre  dc-Jà5Comme 
de  fon  centre  ,  rc'pandu  an  long  ô.:  au  lar- 
ge jufques  aux  bouts  du  monde.  Ainlî 
voiez  vous  maintenant  combien  eft  véri- 
table ce  que  le  Seigneur  dit  ici^qu'ile  toit 

écrit. 


s  E  R  M  G  N      V.  373 

écrit,  que fon Evangile  feroit  prefchèa 
toutes  nations  en  commençant  depuis 
lerufalem.  Mais  ce  quilajontejqu'il  fal- 
loir, que  cela  faft  ainfi ,  n  eft  pas  moins 
évident. Car  fi  vous  coniidereZjCeChrift 
promis  de  Dieu  dans  fes  Ecritures ,  tel 
qu  il  nous  y  eft  reprefentè ,  vous  recon- 
noiftrez  aifement  que  fa  nature ,  6i  fa 
charge,  &  fa  dignité  requeroient  necef- 
fairement,  que  fon  Evangile  fuft  ainfi 
prefchè  ^en  commençant  par  lerulalem, 
&  fuivant  puis  après  aux  autres  nations. 
Premièrement  ceMeifie  devant  brizcr 
la  tefte  de lanciçn ferpent  (ç'eftà  dire 
de  Satan)  &  apporter  à  (es  fujets  la  re- 
Hiiffion  de  leurs  pechez,&une  abondante 
connoiflance  de  Dieu,  &  les  convertir  à 
fon  ferviee^ôi  leur  révéler  fa  juftice  &  fa 
redemptioM,  &en  un  mot  leur  communi- 
quer fon  falutjcomme  ilparoift  par  tou- 
tes les  anciennes  Ecritures,  &  fon  peuple 
devant  eftre  auflî  un  peuple  de  franc 
vouloir ,  comme  chante  le  Pfalmifte  ;  ilvf.ne.^, 
eft  clair  par  mefme  moien  ,  que  ce  fien 
empire  fpiricuel  a  deu  s'c'tablir ,  non  à 
coups  d'épées,&  à  force  d'armes ,  comme 
Tont  fottement  Se  impertinemment  refvè 
les  luifsirii  par  la  terreur  des  inquifitions«r 

aa    ^        ott 


574  Delà Eefurr,  du  Sfigffeur I e s v S . 
jou  par  la  violence  d'une  domination 
mondaine,  comme  fe  rimaginent  mal  à 
propos  quelques  uns  ries  Chrétiens; 
jnais  par  la  pei(ua(ion  delà  prédication, 
ôd  par  la  donceur  de  rcnfeignemenr» 
comme  le  pofe  ici  le  Seigneur  ;  en  pu- 
bliant fa  grace,&:  en  exhortant  les  hom- 
mes a  \'^  repenrance,  6c  au  vrai  fervi- 
ce  de  Dieu,eii  ion  Nom.  Secondement 
le  MUlie  aianr  été  promis  première- 
mei.taifraëlf  &:  puis  en  fuifte  aux  N.^- 
tiors  j  qui  ne  voir>  qu'il  a  fallu  pour  le 
facier  en  Sion ,  &:  l'y  faire  feoir  furie 
}i.'ii'  ttôive  de  David  jq^'e  la  prédication  de 
(oïi  Evangile  commertçaft  en  lerufalem, 
&  que  ce  divin  fceptre  de  fa  force  y  fift 
fes  premiers  exploits  ?  &:;  que  de-là  il  fe 
tournaft  auj^  autres  peuples  pour  les 
amener  fous  fon  joug  de  paix,  &:  leur- 
faire  part  de  la  benedidion  ,  que  les  an- 
pen.22.  ciens  oracles  difent  notamment  ,  que 
^^-  toutes  les  nations  de  la  terre  auront  en 
lui?  Ceftprecifement  ce  qu'entend  ici 
le  Scigneur,&:  qui  félon  fa  parole,  &  par 
fon  ordre  arriva  quelque  temps  après; 
quand  fes  Apôtres  ^rcvertus  de  la  vertu 
de  fon  Efprit ,  prcfchcrent  fon  Evangile 
premièrement  en  la  ville  de  lerufalem; 


Se  R  M  ON   V.  37J 

puis  en  fuite  aux  Gentils  avec  un  fuccez 
miraculeux.  Voila, Frères  bien- aimez, 
ce  que  nous  avions  à  vous  dire  fur  ce 
texte ,  &  de  la  mort,  &  refurredion  du 
Seigneur  Iefus5&:  delà  prédication  de 
fon  Evangile  dans  le  Monde.  Méditons 
le  attentivementjSi  Timprirapus  profon- 
dement dans  nos  mémoires  ,  ^  dans 
nos  cœurs ,  pour  en  tirer  les  riches  uti- 
litez,  qu'il  contient5tant  pour  nôtre  édi- 
fication ,  que  pour  nôtre  confolation. 
EmbraiTons  premièrement  l'invincible 
preuve  de  la  vérité  de  la  dodrine  Chré- 
tienne, que  nous  fournit  cet  admirable 
rapport,quellea&  avecque  les  oracles 
&:les  figures  du  Vieux  Teftament,  &; 
avecque  la  nature  des  chofcs  mefmes. 
Retenons  fermement  cette  demonftra-' 
tïon.dc loppofons  conftamment,corame 
iinbouclie.r  impénétrable,  à  Tmlblence 
des  profanes,aux  menues  chicaneries  de 
rimpietè,aux  doutes  &:  aux  froideurs  de 
Tincredulitè  ,  &:  à  tous  les  fofifmes  de 
l'enfer ,  &  du  monde.  Car  je  vous  prie, 
quelle  religion,  quelle  difcipline  ,  quelle 
philofophic  ,  &  quelle  fapience  y  eut- il 
jamais  tntre  les  hommes  fembîable  à 
celle  ci  ?  dont  les  myftercs  aient  été  &c 

a  a     4        prédits 


37^  J^^  l^  J^cfttrr.  du  Seîgfieur  I e  s  v  s . 
prédits  par  les  oracles  de  Dieu, &: figurez; 
par  fcsuîftitutions  &  difporKioas,  n*il,ô^ 
deux  mille  ans,  avant  qu'elle  fuft  pref-. 
chee  ?  dont  tous  les  enfeignemens  s'ac- 
cordent parfaitement,  &:  avecque  les 
plus  anciennes,  les  plus  vénérables, &:  les 
plus  diuines  Ecritures  de  l'univers,  & 
avecque  toutes  les  lumières  de  la  nature 
des  chofes  mefmes  ?  De  qui  peut  cftre 
iinon  de  Dieu, ce  Chrift,  dont  il  a  pris  le 
foin  de  prédire  àc  de  porrraire  en  tant 
de  faffons,  toute  la  difpenfation  ,  tant  de 
fiecle^  avant  fa  venue?  Et  quelle  peut 
cftre  finon  véritable  &  celefte,  une  pré- 
dication,que  le  ciel  aVHDic  promife  ,  &:  à, 
laquelle  il  avoit  de  fi  bonne  heure  pre-- 
paré  notre  créance ,  &  que  la  terre  a  re- 
ceuë,  malgré  tous  fes  efforts  contre  elle„ 
&:qui  fctreuve  au  fond  toute  telle  qu'il 
nous  la  falloit  pour  nôtre  falut  ?  n'étant 
pas  poflTible  d'accorder ,  fans  la  pofer,  ni 
la  juftice  de  Dieu  avec  fa  mifericorde,  ni 
le  bon  heur  des  hommes  avecque  le  pre- 
fent  état  de  leur  nature  ,  ni  lesveritez, 
que  nous  connoiflbns  &:  croions  toutes 
cgakment,  les  unes  avecque  les  autres? 
Ce  feul  lefus,  mort  &  reflufcitè  pour 
jipus  5  met  la  paix  par  tout,    Il  illumine 

feul 


Sermon     V.  377 

fcul  toutes  Icscenebrcsde  la  nature  ,  Se 
t<>utes  les  obfcuricez  des  antiquitez  de 
TEglife.  Il  reconcilie  feul  le  ciel  avecqvie 
la  terre,  les  hommes  avec  Dieu  ,  nos 
defirs  avecque  nos  fentimens.  Recevons- 
le  donc  pour  le  vrai  Profère  du  mon4e>&: 
pour  Tunique  Dofteur  du  genre  humain. 
Et  adorons  en  foite  lafouveraine  purecè 
delà  jufticc  de  Dieu,  qui  a  mieux  airaè 
voir  mourir  fon  Fils  3  &:  verfer  tout  (on 
fang  fur  une  croix,  que  de  laifler  le  pechè 
impuni;&:  fon  inefFable  &c  incomprehen- 
fible  amour  envers  nous,  qui  la  fait  con- 
fentir  à  livrer  pour  nôtre  rançon  une  vie, 
qui  lui  étoit  fi  chère  ,  plûtoftque  de  nous 
laifler  périr.  La  juftice  s'oppofoitàla  gra- 
ce,que  fa  bonté  nous  vouloir  faire;  11  faut, 
difoit-elle  à  Dieu,  que  ton  Fils  meure,  iî 
tu  veux  fauvcr  les  pécheurs.  O  Dieu  éter- 
nel !  oùcftla  créature,  foir  terreftrcjfoic 
celcftejqui  fe  treuuant  ferrée  entre  ces 
deux  neceflîtez ,  ne  preferaft  fon  fang  à 
celui  de  l'étranger  ?  linnoçent  au  crimi- 
nel ?  le  faint  au  pécheur  }  &  qui  n'aimaft 
mieux  voir  périr  pour  jamais  tout  ce  qu'il 
y  adecoupables  ,  que  de  permettre  que 
Icurfalut  coûtaftla  moindre  fouffrance, 
pu  la  moindre  infamie  i  une  perfon-ne  û 

intime 


378  De  la  Refurr,  du  Seigneur  Iilsy  s. 
intime  &:  fi  chère  ?  lugez  de  combien 
Tamour  ,  que  Dieu  nous  porte ,  furpaffc 
tout  ce  que  nous  avons  de  plus  tendres 
compaffions  envers  les  miferables  i  puis 
qu'en  cette  rencontre  il  n  a  pas  épargne 
le  Fils  de  fa  diledion  pour  nous  racheter 
du  dernier  &  éternel  mal-heur ,  qui  fans 
cela  nous  étoit  inévitable.  Mais  penfez 
aufE  combien  eft  exécrable  Tingratitude 
des  incrédules ,  qui  mcprifent  opiniâtre- 
ment une  graccjqui  coûte  fi  cher  à  Dieu, 
foulant  indignement  aux  pieds  ce  grand 
myftere  de  fon  amour;  &  combien  eft 
déplorable  nôtre  lâcheté ,  &  nôtre  froi- 
deur 5  de  nous ,  qui  nous  vantant  de  le 
croire,fervons  fi  mal  &:  fi  imparfaitement 
un  Dieu,  qui  nous  a  tant  aimez.  Il  a  fait 
pour  nôtre  falut  des  miracles  inouïs  au 
monde  ;  qui  ont  étonne  toute  la  nature 
depuis  le  haut  des  cicuxjufques  aux  pro- 
fondeurs de  la  terre.  Et  nousqucfaifons 
nous  pour  fa  gloire  ?  Chers  Frères ,  il  eft 
difficile  de  le  dire  i  &;  il  fcroit  fans  doute  / 
bien  plus  aisé  de  remarquer  dans  nôtre 
vie  ce  qui  eft  propre  à  faire  blafphemer 
fon  nora,que  d'y  trcuver  ce  qui  eft  capa- 
ble de  le  glorifier.  Sera-ce  donc  pour 
nc4ar>  qu*il  aura  déploie  fur  nous  tant  de 

grâces 


s  E  R  M  O  N     V.  379 

grâces  &  de  lumières  f  Son  Chdft  fera- 
t-il  more  &:  reflufcitè  pour  nous  en  vain? 
&  la  voix  de  fes  Apôtres  aura- 1  elle  per^ 
ce  tant  dç  lieux,  &c  taiu  de  lieclcs  pour 
venir  frapper  nos  oreilles  iautilcment? 
Sa  fainte  providence  ne  recueillira-t-elle 
aucun  fruit  de  tant  de  foins,  quelle  a  eus 
de  nous?de  (apirole^qu  ellea  conlervée 
pure  au  milieu  de  nous, ôi:  desSacrcmens, 
avecque  lefquels  elle  nous  en  a  encore 
tout  frefchement  feellè  la  prédication? 
A  Dieu  ne  plaife  ,  Frères  bien-aimez, 
que  nous  nous  rendions  coupables  d'une 
fi  horrible  ingratitude^que  fa  juftice  erfiti 
ne  fçauroit  laifTer  impunie^quelque  forte 
^  ardente  que  foit  la  palTion  de  ffon 
amour  pour  nôtre  falut.  Q^e  les  rayons 
de  fon  Soleil  de  juftice,  qui  luifcntde- 
puisfi  long-temps  (ur  nous,  amollifïent 
donc  enfin  la  dureté  de  nos  cœurs  i&;: 
que  nôtre  reconnoiffance  réponde  à  (es 
bénéfices.  11  nous  prefence  la  remiflîon 
de  nos  péchez  5c  (on  falut  en  lefus 
Chrift;  mais  il  nai's  demande  pour  en 
jouïrlafoy&:la  repentaqccj  &:  il  n'effc 
pas  poffible  de  recevoir  ce  qu'il  nous 
ofFre  fans  faire  ce  quM  nous  ordonne. 
Obc^lTons  lui  doïTç  une  bonne  fois ,  &  re- 

îionçant 


38«  T>e  U  Refurr.  du  Seifntur  I  e  s  v  s. 
nonçant  chacun  à  fon  pechc  ,  vivons  Ô^ 
mourons  à  ce  grand  Sauveur  ,  qui  cft 
niorr  S^  reffufcitè  pour  nous  ;  afin  qu'a- 
près avoir  eu  part  au  mérite  de  fa  mort, 
&:  à  refficace  de  fa  refurreftion ,  nous 
l^àionsauffi  un  jour  à  fa  gloire.  Amen. 


DE  LA 


DE    LA 

RESVRRECTION 

DE  NOSTRE  SEIGNEVR 
lESVS-CHRIST. 

SERMON   SIXIESME. 

Sur  le  f.  14-  àix  Chap.  XX I.  de  l'Evan-- 
gile  félon  S.  Iean. 

24.  Nûifs  fcavû/js  ,  ^ue  le  îefmoigrjaoe 
clu  difciplc  5  qui  a  écrit  ces  chofes  èfi  ve- 
riiahle  y  ou  dig?2edefoy. 


Hers  Frères, 


De  toutes  les  mervcilîds ,  que  iroqs 
raconte  TEvangile  à  pêne  y  en  â--t-U 
aucune  ,  qui  foie  digr>e  dVne  plus  gran- 
de confideracion ,  que  la  refurreftion  du 
Seigneur Iesv s  d'entre  les  morts.  ^Prc- 
mieremenc  la  chofc'âftiiitîaiméc  étran- 
ge en  die  mcime^,  &  beaucoup  plijs 

difficile 


581    De  U  Refurr,  du  Seigneur  1  e  s  v  s . 
difficile   à  croire ,  qu aucuiC  des  autres 
hiftoires  facrces.  Car  bien  que  les  mira- 
cles faits  par  le  Seigneur  ici  bas  durant 
les  jours  de  fa  chair  nous  raviffent  ;  (i  cft- 
ce que lexcmple de  plufîeurs  autres fem- 
blablesen  addoucic  un  peu  lamerveilt^ 
&  en  rend  la  créance  plus  facile  ;  au  lieu 
que  fa  refurredion  eft  un  exploit  fingu- 
lier,  &:  un  chvf-d'œuvre  unique  enioa 
cfpece)  ni  le  monde,  ni  TEglifc  n'aianc 
jamais  rien  ouï  ni  connu  de  fcmblable.  Il 
s'étoic  veu  des  Prophètes  enlfraël,  qui 
avoient  autresfois ,  comme  Icfus  dans  les 
derniers  tempsjchangè  la  nature  des  ele- 
mens,  &:  des  autres  créatures  animcesjôi 
inaniméesj-qui  avoient  guéri  des  lépreux, 
&:  des  malades ,  &:  mefmes  relevé  des 
morts  du  tombeau. Mais  il  ne  s'eft  jamais 
veu  aucun  autre,  que  Icfusj  qui  après  un0 
cruelle  &:  honceule  mortfe  foit  rcfTafcirè 
foy-merme  en  une  glorieufe  &:  divine 
vie. .  Mais  fi  la  foy  de  ce  rayftere  eft  diffi-' 
cile ,  aufiî  ell-elle  infiniment  importante^ 
puis  qu'a  vrai  dire  c'eft  la  clef  de  tous  les 
autres,  qui  les  ouvre  a  nôrrc entende- 
ment ,    &:  lui  en  rend  la  créance  ai(ee 
quelque    grands  &    incomprehenfiblcs 
qu  ils  f  oient  d'ailleurs.  Car  où  eft  l'home, 

^ui 


Sermon     VI.  385 

qui  ajoutant  une  entière  foy  à  ce  que 
nous  enlifonsdans  i'Evangilejpuifle  plus 
refufer  fa  créance  à  aucune  des  autres 
chofeSîqui  nous  y  font  ou  racontées ,  ou 
promifes?  Si  vous  croiez5que  lefus  Ghrift 
s'eft  refTufcitè  des  morts,  comment  pour-- 
rez  vous  douter  de  fa  divinité  ?  Quelle 
difficulté  pourrez  vous  plus  treuvei  dans 
les  autres  veritez  de  fa  dodrinejfîune 
fois  vous  eftes  perfuadè  de  celle  cif  Ceft 
à  mon  avis  pour  ces  confîderations,  que 
Saint  lean  après  avoir  ci  devant  décrit  la 
miraculeufe  hiftoire  de  cette  refurre- 
â:ion  5  protefte  ici  expreflemenc  avant 
que  de  finir  fon  Evangile  ,  que  le  ccfmoi- 
gnagc^qu'il  en  a  rendu  eft  véritable  &: 
digne  de  foy.Ec  bien  que  l'innocéce  de  la 
vie, la  gloire  des  miracles, rexcellcncede 
la  doftrinc  ?  &  les  effets  de  la  prédica- 
tion des  Apôtres  aucorizentaflez  tout  ce 
quMsdifenr,  Se  nous  obligent  évidem- 
ment à  le  recevoir  comme  les  paroles  de 
perfonnes  divines  &:  celeftes ,  incapables 
par  confequent  de  nous  repaiftre  dé 
menfongesineantmoins  j'eftime  qu'il  fera 
tres-uciie  pour  la  confufion  des  irreli- 
gieux, &:  pour  la  confirmation  des  fidè- 
les,  deconfiderer^  d'éclaircir  particu- 

licremenc 


584  I^eU  Éefurr.  du  Seigneur  I  £  s  v  s . 
liercmcnt  la  proteftacion  ,  que  fait  ici 
S.  lean  de  la  verirè  de  fa  depofinon.  Ce 
fera  donc  la  tafchc  de  cette  action ,  où 
nous  étendrons  à  tous  les  confrères  de 
cet  Apôtre  ce  qu'il  dit  de  foy  en  parti- 
culierjétant  affez  évident ,  que  la  raifoa 
en  eftmefme;&  vous  ferons  voirfcom^ 
me  j'efpere^  avecque  la  grâce  du  Sei- 
gneur, par  de  bonnes  &  claires  preuves* 
que  le  tefmoignage,  qu'ils  nous  ont  ren- 
du delà  refurredion  de  leur  Maiftre, 
cft  irréprochable  &:  authentique,  àc  tel- 
lement digne  defoy,qu'il  ne  penreftre 
rejette  5  que  par  des  perfonnes  injuftes^ 
&  tout  a  fait  déraifonnables. 

Tout  homme  qui  tefmoigne  quelque 
€4¥ofe  de  faux,  le  fait  ou  contre  fa  con- 
fcience,  feignant  &:  afleurant  aux  autres 
ce  qu'il  ne  croit  paslui'mefme  ,  ouil  le 
fait  en  la  lîmplicitè  de  (on  cœur,croiant 
bien  lui  mefme  ce  qu'il  dit  à  autrui^mais 
le  croiant  mal  a  propos ,  (S:  aiant  receu 
pour  véritable  ce  qui  ne  Teft  pas  en  eiïer. 
L'on  ne  fçauroit  s'imaginer  aucun  faux 
tefmoin  ^qui  ne  pèche  en  Tune,  ou  en 
l'autre  forte;  ou  qui  ne  trompcjou  qui  ne 
'foit  trompe.  Or  quiconque  examinera 
cette  caufe  exaftcment  ôi  fans  paflion, 

avouera 


Sermon     VI.  îg  j 

aVoi»cra  fans  difficulté,  que  ni  l'une  ni 
1  autre  de  ces  deux  fautes  ne  peut  eftre 
reprochée  aux  Apôtres  de  lefus  Chrift 
furie  tefmoignage  qu'.ls  ont  rendu  de  fà 
refurreaion.  ConfiderÔs-les  toutes  deux 
1  une  après  l'autre.  Quant  à  la  première, 
files  Apotrcs  n'euffentvra.ement  crcu 
«nleur confcience,que le  Seigneur  e'toïc 
rcflufcitc  des  morts;  pourquoy  l'euffenc 
Ils  dit,  ecrir,&  publié  avecque  rantd'ar-^ 
deur,8d  de  conftance,faifant  &  fouffranc 
toutes  chofes  pour  le  perfuader  aux  au- 
tres ?  Toutes  les  ad.ons  de  l'homme  nort 
iiifense  procèdent  de  quelque    raifo., 
vraie,  ou  faulTe,  folide  ou  apparentes 
Ma.s  particulièrement  rimpofture&  la 
hthon  ne  fe  fait  jamais  (ans  motif  &  fans 
de«em;parce  qu'étant  contraire  à  la  na- 
ture ,  ,1  faut  qu'il  intervienne  quelque 
confideration  étrangère,  qui  nous  l'aria- 
che  comme  par  force.  L'homme  ne  for- 
ge jamais  un  menfongepour  ntfant.    Si 
donc  les  difciples  de  lefus  Chrift  avoiet 
teint  fa  refurrecT:ion  ,ilfaudroitdene. 
ccflitè  que  quelque  grande  &  puifTante 
raifon  les  y  euft  comme  forcez.    Car  de 
dire  qu'ils  l'aient  fait  pour  fe  jouer,  ou 
pour  donner  du  paJTe  temps  aux  auttesj 

b  b        qui 


^%G     Delà  Refurr.  du  Sei^eur  1 1  s  v  s  : 
qui  cft  le  deffein  des  Poëces  dans  Tin- 
vention  &  compofition  de  leurs  fables, 
il  ne  fe  peuc  i  puis  qu  il  euft  fallu  eftrc 
plus  que  furieux  pour  prendre  fon  plaifir 
à  feindre  anechofe,qui  attiroit  fur  eux 
la  haine  de  leurs  concitoicns ,  la  colère 
bc  les  châtimens  de  leurs  Magiftrats  ÔC 
enfin  la  mort  mcfme,  &;  les  plus  cruels  ^ 
plus  honteux  fupplices.  Puis  qu'il  ne  fe 
treuve  perfonne entre  les  hommes, qui 
acheté  fon  plaifir  à  ce  prix-là,  il  faut  que 
les  profanes  avouent ,  que  fi  les  Apôtres 
ont  feint  la  refurredion  de  lefus  Chrift, 
ils  auront  été  induits  à  le  faire  pour  quel- 
que raifon  fer  ieufe  i  Et  cette  raifon  ne 
fe  peut  imaginer  autre ,  qu'une  exceffivc 
affedion  envers  leur  Maiftre, ou  un  ar- 
dent defir  d'acquérir  foit  de  la  gloire, 
foit  des  richcffes  6^  du  crédit  dans  le 
monde.  Mais  il  eft  evident,que  nulle  de 
ces  paflîons  ne  peut  avoir  eu  lieu  dans  ce 
fait  des  Apôtres  Car  je  veux  qu'ils  aient 
aimé  leur  Maiftre  très  ardemment  du- 
rant fa  vie  pour  les  hautes  efperances; 
qu'il  leur  faifoit  concevoir  d'avoirquel- 
quc  jour  une  grande  part  en  fon  règne; 
qui  ne  voit  que  fa  croix  venant  à  décou- 
vrir la  vanité  de  leurs  penfées,toutc  l'af- 

fedion. 


Sermon     V  L  387 

fcàionjquils  avoienceue  pour  lui  aupa- 
f àvânc.devoit  par  toute  raKbn^  non  le  re- 
froidir &:  s'éteindre  feulement,  mais  en^ 
core  fe  changer  en  dcpit  &  en  haine 
contre  lui ,  pour  avoir  ainfi  été  abufez? 
D'où  il  fuft  arrive,  qu'au  heu  de  le  loiier, 
ils  FeufTenc  décrié  ,  au  lieu  de  le  feindre 
reflufcitèjils leuffenc  accusé d'impofture. 
Mais  quand  1  amour,  qu'ils  porcoient  à 
ieurMaiftre^cuftpeu  foûteniruflifi  ruds 
choc  fans  s'altérer  ou  s'affoiblir  ;  qui  croi- 
ra que  pour  relever  la  réputation  d'un 
crucifièjils  euffent  voulu  expofer  leur  viô 
à  tant  de  niiferes&  de  difgraces  ?  Nul  ne 
treuve  étrange  ce  que  nous  lifons  dans 
l'hiftoire  Romaine ,  qu'un  certain  Procu- 
lus  ait  juré  d'avoir  veu  Romulus  depuis  fa 
mort  avec  une  taille  plus  riche  ^  &  une 
faffon  plus  venerablcqu'il  n'avoit  durant 
fa  vie^monterau  ciel,  &  ordonner  qu'ox^ 
f  adoraft  déformais  comme  Dieu.  Car  il 
pouvoit  fans  aucun  fien  péril  facrifîef 
cette  fidion  à  Taffc aion^  qu'il  lui  portoit, 
à  la  fatisfaftion  du  peuple,  &  à  la  feuretè 
du  Sénat ,  foupçonnè  d'avoir  fait  mourir 
ce  Prince  ;  Puis  cette  fable  écoit  ouïe  de  / 

chacun  avec  plaifir ,  &  atriroit  (ur  (bn  f 

auteur  les  bénédictions ,  6c  les  applaudif- 

bb     z       femens 


388     De  la  Refurr'  duSeigneur\t^v$. 
femens  du  public.Mais  ici  fc  rencontrent 
toutes  chofes  contraires.  Car  le  tefmoi- 
gnage  des  Apôtres  fe  rendoit  non  àuti 
Roy, mais  à  un  crucifié  i  II  fe  publioit  au 
milieu  d'un  peuple  non  ami,  mais  enne- 
mi du  défunt ,  qui  venoit  de  le  faire 
mourir  fur  une  croix  entre  deux  bri- 
gands.  Il  apportoit  aux  Apôtres  non  les 
applaudiffemens ,  mais  la  haine  &  l'exé- 
cration de  leur  patrie;  puis  qua  peine 
curent-ils  ouvert  la  bouche  pour  publier 
cette  refurreftion,  que  les  fergensles 
faifirent,  lesMagiftrats  les  condamne- 
rentjles  bourreaux  les  fouëterent  publi- 
quementjtoute  leur  nation  s'cmeut  con- 
tr'eux  avec  une  forfcnerie  incroiable. 
Quelle    apparence,  que  des  créatures 
doiiécsde  la  moindre  étincelle  de  fens 
commun  fc  peuflent  refoudre  à  fubir 
tant  de  maux  fi  réels  &  fi  véritables  pour 
gratifier  d'un  vain ,  faux ,  &  imaginaire 
honneur  les  froides  cendres  d'un  ami 
mort  ?   Il  refte  donc  à  dire ,  que  c'ait  été 
ou  l'avarice ,  ou  l'ambition  ,  qui  les  ait 
pouffez  à  ccdefTein;  deux  partions,  qui 
fnnt  à  la  vérité  très  vioIenccs,&:  qui  ont 
foLivent  porté  les  hommes  à  des  chofes 
incroiables ,   ^  nommément  à  feindre 

diverfes 

i 


Sermon     VI.  38$^ 

dîvcrfes  bourdes  pour  établir  de  fauffes 
religions  au  monde.  Mais  rhiltoire  des 
Apôtres  les  juftifie  plcnemcnr  de  Tun  5C 
de  l'autre  foupçon.Car  quant  au  defir  de 
fe  faire  valoir ,  &  d'acquérir  de  la  fuite, 
&  des  moiens  dans  le  monde;avec  qu'el- 
le couleur  les  peut  on  accufer  d'avoir 
eu  cette  intention  en  publiant  la  refur- 
redion ,  &  TEvangilc  de  leur  Maiftre? 
C'étoient  des  pefcheurs  ;  métier  fi  bas, 
que  rarement  y  voit-on  naiftrc  de  fi 
hauts  defleins.Mais  fupposèjque  ceux-ci 
par  quelque  extraordinaire  avanture  en 
cuffent  été  rendus  capables;  qui  ne  voir, 
que  pour  en  venir  à  bout  ils  euflenc 
avant  toutes  chofes  aflemblè  leurs  petits 
moiens^leurs  barqueSj&  leurs  filets,&  fe 
fuflent  mis  ou  à  traffiquerjOU  à  voler  fur 
les  lacs,  oùils  étoientnais  ,  &  nourris? 
Qua^nd  donc  nous  leur  voions  prendre 
une  route  toute  contraire ,  laifler-  U  tout 
ce  qu'ils  poifedoient,  leurs  maifons,& 
leurs  batteaux,  &c  jetrerlàpar  manière 
de  dire  ce  qu*ils  avoicnt  de  levain  pro- 
pre à  enfler  &:  groffir  la  petite  mafTe  de 
leurs  biens  ;  ne  devons  nous  pas  con-^ 
clurrCjqu'ils  étoient  entièrement  cxépts 
de  cette  cupidité  ?  Mais  encore  quelle 

b  b     }        appa- 


3^0     De  la  Refury.  du  Seigneur  I  e  s  v  s . 
apparence  y  a-t-il5qae  pour  fe  rendre 
grands  ils  fc  fuflentavifez  d'aller  prcf- 
cher,qu  un  homme  notoirement  mort 
en  la  croix  étoit  reflufcitè  &.  vivantPNe 
regaïdezpointàce  qui  a  fuivileur  pré- 
dication i   Ceft  un  événement,  que  nul 
efprit  humain  ne  pouvoir  prévoir  dans 
la  lumière  de  fon  difcours  naturel. Mais 
figurez  vous  ces  pauvres  gens  après  une 
fî  tragique   fin  de  celui, qu'ils  avoient 
'  choifi  &:  fuivi  pour  Maiftre;figurez  vous, 
que  dans  rextrefme  confufion,  où  ils  dé- 
voient eftre  félon  toute  raifon ,  voiant 
leurs   efperances  coupe'esdés  la  racine 
par  ce  defaftre  impreveu  ,  ils  aient  pensé 
à  fe  faire  grandsjcomment  leur  pouvoir-»? 
il  entrer  dans  Tefprit ,  que  pour  y  parve- 
nir il  falloir  aller  prefcher  aux  luifs ,  que 
Iefus,qu'ils  avoient  crucifié,  etoit  reffuf- 
citè  des  morts:  Au  contraire  comment 
pouvoient-ils   ignorer,  que  ce  feroit  le 
vrai  moien  5  non  de  s'agrandir,  mais  de 
fe  perdrefL'es  mains  des  luifs  étoient  en- 
core toutes  rouges  du  fang  de  leur  Mai- 
ftre,  ô^  leurs  cœurs  enflammez  de  haine 
contre  ceux ,  qui  dcfendoicnt  fbn  nom, 
jufques  à  les  excommunier  &  interdire^ 
comme  des  perfonnes  ms^udiçeji,    €om  - 

Qient 


s  E  R  M  O  N      V  I.  591 

ment  pouvoient-ils  attédre  autre  chofe, 
que  ruïnc  ^^confufion  allant  prefcher  à 
ces  gens,  la  rcfurredion  &  la  fouveraine 
gloire  de  lefus  ?  C'cft  donc  une  imagi- 
nation impertinente  de  dire  qu'ils  l'aient 
fait  pour  acquérir  du  crédit ,  &:  des  ri- 
chefles  ;  &  certes  auflî  extravagantCjque 
fi  Ton  difoit  que  quelcun  fe  fuft  précipite 
d'une  haute  tour  pour  conferver  &:  pro- 
longer fa  vie,  ou  qu'il  fe  fuft  jette  à  corps 
perdu  dans  un  grand  feu  pour  fe  rafraif- 
chir.  Mais  je  veux,  qu'ils  aient  eu  fi  peu 
de  fens ,  que  d'attendre  de  la  grandeur 
&  des  richelTes  d'une  prédication  fi 
odieufei  comment  au  moins  l'expérien- 
ce ne  les  tira  t'elle  point  de  cette|u:reur ? 
commentles  verges  des  Sacrificateurs, 
&lcs  pierres  du  peuple  ne  farracherent 
elles  point  de  leur  efprit  ?  Comment 
napprirent-ils  point  par  des  enfeigne- 
mens  fi  fenfibles ,  que  c'étoit  folie  d'ef- 
perer  de  cette  fidion  prétendue  le  fuc- 
cez,  qu'ils  s'en  croient  promis  ?  Com- 
ment continuoient  ils  après  cela  à  la 
prefcher  plus  ardemment  ,  que  jamais, 
fans  fe  rebuter  par  tant  de  maux,qu'elle 
leur  fit  encourir  ?  Mais  il  n'eft  pas  befoin 
d'argumenter, qu  ils  n'ont  peu  avoir  un 

b  b     4         tel 


5 9^  I>e  U  Rêfurr.  du  Seigneur  I  e  s  v  s . 
tel  deflein ,  puis  que  toute  leur  vie  mons- 
tre aflez.qu'ils  ne  l'ont  pas  eu.  Car  fi  la 
çonvoitife  de  s'aggrandir  les  euft  pouf- 
fez à  cette  predication^iis  euflent  ména- 
gé durant  le  cours  de  leur  miniftere  les 
occafions ,  qui  feprefentoient  de  faire 
leurs  affaires  :  ils cuffent  amafle  de  lar- 
gent,levc  des  gens ,  faifi  des  places, re- 
poufle  leurs  ennemis ,  comme  ils  en  cu- 
rent le  moienparle  miraculeux  fivccez 
de  leur  miniftere ,  &:  comme  Font  prati- 
que depuiSjtous  ceux  qui  ont  ctè  picquez 
de  cette  paillon ,  un  Theudas ,  un  ludas 
Galileen,  un  Barchocebas  ,  un  Maho- 
met ,  &  autres  ;  Et  pose  qu'au  commen- 
ccmentils  fe  foient  un  peu  retenus  pour 
acquérir  réputation  de  modeftie  ;  fi  eft- 
ccquetoftou  tardjlseuffcnt  enfin  cela- 
tè&:  découvert  leur  dcffein  après  avoir 
aucunement  établi  &  alTcurè  leur  parti. 
Mais  en  toute  leur  vie  il  ne  paroiltrien 
deteli&nuI,quenous  fçachions,  ne  les 
en  a  jamais  accufez.  Ils  perfevercrenc 
jufques  à  leurs  derniers  foûpirs  dans  leur 
première  povretc  ;  fans  train  ,  &  (ans 
équipage  avecunc  fîprodigieufc  fruga- 
litè,que  le  plus  habile  d'eux  tous  gagnoic 
U  vie  à  trav^illet  dç  fcs  n?ai|i5>bien  qu'il 


s  E  H  M  O  K      VL  39) 

rende  tefmoignage  à  fes  difciples  de  l'a- 
voir fi  ardemment  aimè>qu'ils  lui  eufTent 
volontiers  donne  jufques  à  leurs  propres 
yeux  ,  s'il  en  euft  eu  befoin.  Quand  vous 
voiez  un  Mahomet  pratiquer  fccrete- 
ment  à  la  Mecque  en  Arabie  ;  quand 
vous  le  voiez,  fa  mine  éventée,  s'en- 
fuir la  nuit  à  la  fourdine  ,  fe  retirer  dans 
le  defert,  y  attroupper  des  gens  de  main, 
affieger  des  places,  prendre  les  marques 
de  la  royautè^en  cueillir  les  fruits,  la  do- 
mination>Ie  luxela  pompe ,  les  voluptez 
jufques  à  avoir  quatorze  femmes  ,laiircr 
cette  belle  forme  de  difciplinc  à  Ces  fuc- 
eefleurs ,  leur  ordonnant  d'avancer  leur 
empire  avecque  le  fer  &:  le  feu  rapres 
cela  il  ne  faut  pas  demander  ce  qui  meuc 
cet  homme  à  publier  cette  groihere  &: 
iidicule  religion,  dontila  empoifonnè 
rOrient  &  le  Midi.  Ce  procédé  montre 
évidemment,  que  ce  fut  la  feule  convoi- 
tifede  fe  faire  grandi  &  quand  fa  loy 
ri'auroit  autre  marque  de  faufletèjcellc 
ci  fuffit  pour  ouvrir  les  yeux  à  toute  per- 
fonne  de  médiocre  jugement,  &  lui 
montrer  que  cet  impofteur  fa  feinte, 
puis  que  la  feindre  etoit  un  moien  fi  ap- 
pareoimeni:    utile  poux  p^ry^nir  à  la 

grandeur 


J94     ^^  l^  Refurr,  du  Seigneur  I E  s  v  s . 
grandeur  mondaine  ,  où  il  s'cft  élcvc- 
Mais  quant  aux  Apôtres,  au  lieu  de  fc  re- 
tirer dans  les  lieux  écartez,ils  fe  montrè- 
rent, &:vefcurent  dans  les  villes  les  plus 
peuplées,  &  les  plus  fameufcs  dcTuni- 
versjoù  il  croit  impoffible  de  rien  remuer 
fans eftre découvert,  pour  la  majeftèdc 
Tempire  Romain ,  qui  y  refîdoit.  Et  bien 
que  les  perfecutions  ,  quon  leurfaifoit, 
fuflent  capables  de  jetter  hors  des  gonds 
les  perfonnes  les  plus  infenfiblcsi  fi  cft-ce 
qu'ils  n  oppoferent  jamais  la  moindre  re- 
fiflience  aux  cruautez  de  leurs  ennemis, 
ni  ne  convièrent  leurs  difciples  à  ufer  de 
voie  de  fait  pour  les  recourre,bien  qu'ils 
en cuffent  grand  nombre ,  &:  capables  de 
faire  quelque  chofc ,  s'ils  euffent  voulu 
s'en  fcrvir.  On  les  voioit  crrans  çà ,  àc  là, 
fans  maifon  ,  fans  deniers,  fans  fuite,  fans 
plâifir  ni  contentement ,  nuds,  deftituez, 
calomniez,  haïsjfouetez ,  lapidez,  pcrfe- 
cutezparlesMagiftrats,  &:  par  Icspeu^ 
ples,&  tous,un,ou  deux  exceptez  ,  après 
une  fi  funçfte  forme  de  vie,  mourans  de 
mort  violente  &  honteufe  i  laiflans  pour 
tout  empire  à  leurs  fucceffeurs  le  patron 
de  ccttctriftedifcipline,  &  le  comman- 
dement dejjfifuivre  exaâ:cmcnt>  de  ne 

rien 


Sermon     VI.  395 

rien  convoicer^niGraindrejde  ne  rien  ôcer 
;i  autrui  fous  quelque  prétexte  que  ce 
foit,&:deneleur  rien  refufer  du  nôtre, 
non  pasnôtrefang^ni  nôtre  viemefme, 
s*ils  enontbefoin.  Et  de  fait  cette  fainte 
&:  innocente  dodrine^confacrée  parleur 
exemplc,eut  tant  d'efficace ,  que  plus  de 
deux  cens  ans  après  leur  mort ,  leur  fede 
aiant  desja  rempli  Tunivers  ,  quelque  ^ 
cruelle  boucherie ,  que  Ton  fift  de  leurs 
difciples  durant  tout  ce  temps-là  ,  on  ne 
leur  fçauroit  reprocher,  qu  ils  aient  ja- 
niaiSîje  ne  dirai  pas  levé  des  armées,  ou 
furprisdes  villes,  ou  tramé  des  coiiju- 
rations ,  mais  non  pas  mefme  tiré  unç 
feule  épce  pour  leur  defenfe.  Ce  feroic 
donc  une  folie  toute  manifefte  de  foup- 
çonner  que  ces  perfonnages  aient  ctè  in- 
duits à  feindre  la  refurredion  de  leur 
Maiftre  par  avarice,  ou  cupidité  de  s'ag- 
grandirjpuis  que  c'eft  une  paffion,qui  n'a-* 
voit  point  de  lieu  en  euXjâ:  telle  au  refte, 
que  quand  ils  en  enflent  été  travaillez, 
cette  forte  de  feinte  euft  été  beaucoup 
plusnuifible,  qu'utile  à  fes  interefts.Mais 
ilparoiftauffipar  les  mefmçs  çcnfidera- 
tions,  que  le  defir  de  Ja  gloire  nepeuc 
non  plus  les  avoir  incitera  forger  cette 

hiftoire. 


}9  é  î)e  U  Refurr.  du  Seigyjeur  I  e  s  v  s  ^ 
hiftoirc.  Car  premièrement  ce  mal  ne 
loge  d'ordinaire ,  qu'en  des  perfonncs 
nées  &  nourries  en  de  grands  lieux  j  & 
ccux-ci,comme  chacun  fçaic,  n  étoient 
que  pauvres  pefchcurs,  qui  naYoient  ja- 
mais rien  veu,que  les  rivages ,  les  eaux, 
&  les  poiflbns  de  leurs  lacs.  Puis,  fi  c'é- 
toit  l'ambition,  qui  les  picquoit  \  doù 
vient ,  qu'au  lieu  de  s'attribuer  l'inven- 
tion de  cette  dodrincpar  laquelle  ils  fe 
vouloient  fignaler,  ils  en  donnent  l'hon- 
neur tout  entier  à  un  autre  ?  Comment 
trahiffoient-ils  fi  miferablement  leur 
paflîon ,  la  fruftrant  de  ce  qu'il  y  avoit 
de  plus  glorieux  en  leur  minifterc?  D'a- 
vantage comment  eft-il  poflible^que 
pour  parvenir  à  la  gloire  ils  priflent  un 
chemin,  où  ils  voioient  clairement ,  que 
des  le  premier  pas  ils  rencontreroient  le 
fouet  &  le  gibet  >  ou  une  éternelle  infa- 
mie parmi  les  hommes  de  leur  nation,ou 
une  totale  exftindion  de  leur  nom,&  de 
leur  vie  ?  Car  quant  à  cette  fouveraine 
gloire  ,  où  ils  ont  été,  &:  feront  à  jamais, 
étant  par  tout  célébrez  comme  les  mai- 
ftres  &:  les  lumières  du  genre  humain, 
l'on  ne  peut  dire,  qu'ils  aient  preveu,quç 
f  elle  feroit  Tiffuë de  leur  cntreprife ,  {w% 

\eut 


s  E  R  M  O  K     VI.  $9y 

leur  attribuer  une  force  d'entendement 
divine  &:  furnacurelle ,  c'eft  à  dire  fans 
leur  accorder  ce  que  nous  denîàndonsi 
étant  clair ,  qu'il  n'y  a  point  d'efprit  pu- 
rement humain  5 qui  peuft  detelscom- 
mencemens  attendre,  ou  prévoir  un  tel 
fuccez  ;  qui  s'en  peuft  promettre  autre 
fin,qu'une  extrefme  confufion.  De  dire 
ici  qu'encore  5  qu'ils  ne  previffent,  que 
hontes  Se  fupplices  dans  les  fuites  de 
leur  deffein,  ils  n'ont  pas  lailTé  deTcm- 
brairer,aimant  mieux  acquérir  une  mau- 
vaife  réputation  de  brouillons  &  de  fe- 
ditieux,que  de  n'en  avoir  point  du  tour; 
celaîdis- je,  ne  fe  peut  alléguer.  Car  pre- 
mièrement, cette  fureur  eft  fi  rare  dans 
une  pcrfonne,  qui  a  encore  quelque  ufa- 
gedefaraifonnaturelle,que  de  toute  la 
mémoire  des  hommes  on  n'en  rapporte 
qu'un  feul  exemple,  d'un  certain  Hero- 
ftrate  ce  me  femble ,  qui  picquè  de  la 
feule  envie  qu'il  avoir  de  faire  parler  de 
lui,  s'avifa  de  brûler  le  Temple  d'Ephe- 
fcjle  plus  lupcrbe  bâcimêt,  qui  fuft  alors 
au  monde.  Mais  c'étoit  un  homme  feul; 
au  lieu  qu'il  eft  ici  queftion  de  i'adion 
de  plufieurs  pcrfonnes,  de  centou  fix 
vingt  pour  le  moins ,  qui  tous  d'un  com- 
mun 


59%  I>(  /^  Refarr.  au  Seigjteur  I  e  s  v  s . 
ïhim  accord  s'allèrent  expofer  aux  oiî^ 
tragcs  de  leur  nation ,  à  Tindignation  de 
leurs  fupcrieurs ,  aux  croix  &:  aux  fuppli- 
ccsjôi  àla  maledidion  des  peuples,  pour 
foûtenir  qu'un  homme  n'agueres  cruci- 
fié eft  maintenant  vivant.  Comment 
ctoit-il  poflîble,que  tant  de  gens  fuflcnt 
tous  enfemble  fi  furieux  ,  que  d'acheter 
à  ce  prix  une  fi  infâme  gloire?  Puis  après 
le  fait  de  cet  Heroftrate  croit  une  bou- 
tade 5  laquelle  aiant  une  fois  poufTée 
hors  de  fon  efprit  ,  c'eft  à  dire  l'aianc 
exécutée  en  effet ,  il  nepouvoit  plus  la 
retrafter  jaulieuque  la  prédication  de 
pos  Apôtres  etoit  un  deffeiu  de  tres-loti- 
gue  fuircjoi^i  après  avoir  avancé  quelques 
pas  ils  pou  voient  changer  d'efprit ,  bC 
s'exempter  des  fouffrances,  renonçant 
à  l'Evangile  ;  ce  qu'ils  n'ont  pas  fait 
neantmoins,mais  ont  tous  conftamment 
perfevcrc  à  le  publier ,  &  à  le  maintenir; 
jufques  à  le  feellcr  la  plufpart  de  leur 
propre  fang.  Enfin  ce  maraut  qui  brûla 
le  Temple  d'Ephefc,  navoit  aucun  autre 
inoien  de  faire  parler  de  lui;  ôc  s'il  lui 
cuft  été  pofTible  derctairc  &:  de  rétablir 
ce  bâtiment  après  l'avoir  défait  >  qui 
doute  >  qu'il  n'cuil  pris  ce  parti,  &:  qu'en 

contcn- 


Sermon     VI.  59^ 

contentant  fa  vanité  il  euftctè  bien  aife 
deconferver  auffi  Ton  honneur,&  fa  vie? 
Il  écoic  en  la  main  des  difciples  de  lefus 
d'cternifer  leur  nom  en  faifant  le  re- 
bours de  ce  qu'ils  firent,ou  en  retradant 
leur  prédication,  après  l'avoir  continuée 
quelque  temps.  Quelles  louanges  n  cuf- 
fenc  ils  point  reccuës  de  toute  leur  na- 
tion ,  fi  au  lieu  de  prefcber,  comme  ils 
firent  î  que  lefus  etoit  reflufcitè,  ils  euC- 
fent  publiquement  proteftè  de  leur  er- 
reur île  jour  de  la  Pentecofte  en  cette 
gcofle  àflemblée  de  peuple ,  qui  fe  treu- 
voit  alors  en  la  ville  de  lerufalem  r*  ou  iî 
au  moins  quelques  années  après  ils  cuf- 
fent  fait  la  mefme  déclaration  ?  Si  c  euft 
donc  été  fimplement  la  vaine  gloire,  qui 
les  euft  pouffez ,  ils  en  euflent  fans  doute 
use  de  la  forte  s  n'étant  pas  poffiblc, 
qu'un  homme  n'aime  mieux  avoir  de  la 
réputation  avecquc  le  grè  &c  la  louange 
de  fbn  peuple,avecque laife &:  Je  repos 
de  fa  peifonnÇjque  de  Tacheter  avecquc 
la  haine  &;  l'exécration  publique  ,  avec- 
quc le  péril  ,  ou  pour  mieux  dire  ,  la 
ruine  toute  afleqrce  de  foy  ,  &:  des  fiens. 
Et  quand  vous  pofcricz,  que  tous  les  dif^ 
ciples  ne  fuflen£,pas  capables  de  renon- 
cer 


J|.oo  L>e  la  Refurr.  du  Seigneui^  I E  s  v  s  • 
cer  à  une  il  étrange  paflîon  ;  du  moins 
n*écoic-il  pas  poilîble  ,  qu'encre  (îx  vingt 
&;  cane  de  perfonnes  il  ne  s'en  treuvall 
quelcunerqui  de  cette  frenefic  revinft  en 
fon  bon  (ens.  Car  où  eft  Thomme  ,  pour 
fi  fortement  ambitieux  qu'il  puifleeftre, 
qui  aiant  forgé  un  conte,  aimaft  mieux 
fouffrirlefer  &  le  feu ,  que  de  confcffer 
de  l'avoir  feint  ?  Il  fe  treuve  des  hom^ 
mes  qui  fe  plaifent  à  feindre  ,  &:  à  fairç 
paffer  leurs  fidlions  pour  des  verijcez^ 
mais  qui  vueillentfe  facrificr  à  la  haine 
de  tout  le  monde,encourir  mille  difgra- 
ccs,fou{Fcir  Je  fouet,  U  la  gefne  ,  &:  enfin 
la  mort,pour  foûtenir ,  que  ce  qu'ils  fça- 
vent  eftrc  faux, ce  qu'ils  ont  feint  eux 
mefmes ,  eft  véritable  ,  pouvant  s'exem- 
pter de  tout  danger  en  confefTant,  qu'ils 
l'ont  feint  ;  je  dis  afleurement  qu'il  ne 
s'en  eft  jamais  treuve,  ni  ne  s'en  trcu- 
vera  à  l'avenir,  qui  foient  fots  &  vains 
jufques  à  ce  point.  Ce  n'eft  pas  merveil- 
ThUo^  le,qu*un  Sophifte  Grec  fe  foit  diverti  à' 
{trate,  ^qy^s  pciudte  uu  jc  uc  fçai  quel  Apollo- 
nius deThyane,  qu'il  nous  Tait  fait  de- 
mi Dieu,  &:  tel  qu'il  a  voulu ,  l'exemtanc 
de  la  mort,  &:  le  rcveftant  d'une  natu- 
re immortelle i  qu'il, iajf  exposé  publi- 
quement 


Sermon  Vf.  401 

qtiement  ce  fien  tableau  fi  mignrarde- 
ment  travaillé  ,  aux  yeux  des  hommes 
vains ,  comme  lui.  Mais  fi  au  lieu  de  cm 
louange's,que  les  paffans  jeccent  fur  (èk 
ouvrage  comme  autant  de  douces ,  &; 
agreâbles,fleurs,quclcun  de  Ton  vivant 
l'euft  arracliè  de  ce  beau  cabinet ,- où  il 
agençoit  &  attiiFoit  ccrce  idole  tout  à 
fon  aife,  pout  le  tirer  en  juftice  devant 
les-iriibunaux  des  Magi^lrats  ,  &  là  lui 
faire  faintement  répondre  furfafoy,  &s 
fur  fon  honneur,  de  la  vérité,  ou  fauf- 
fetèdefon  hiftoirci  je  ne  doute  poinr^ 
qu  il  n'euft:  dés  le  premier  mot  abandon-^ 
ne  fon  prétendu  heros,&  confefsè  fon  in-^ 
duftrie  à  le  feindre,  plûcoft  que  de  rece- 
voir aucun  trouble  pour  la  garantie  de 
fon  RomaniEn  effetnous  neiifoas  pointj 
que  jamais  il  ait  prefsè  aucun  d'y  ajouter 
foy.  Le  livre  mefme^qu'iien  a  fait,eft 
composé  de  telle  forte,  qu'il cft  aisé^ 
voir  qu'il  demande  à  fes  Icdcurs  l'admi- 
ration d>C  la  louange  de  fon  art ,  plûtofl 
que  la  créance  de  ce  qu'il  recite.  Mais 
les  auteurs  de  nôtre  Religion  ont  endu- 
ré pour  maintenir  leur  prétendue  fiaiorl 
plus<^e  tourmens  Si  de  maux,que  jamais 
homme  n'en  fcuftrift  pour  foiitenirau- 

<  G  cuné 


401  De  U  Refarr.  du  Seigneur  Iesvs. 
cune  veritèjquelque  importance  qu  elfe 
fuft.  Concilions  donc  que  ce  n'a  pas  écè 
}a  vanicè,  qui  les  a  induis  à  cela  i  n'écanc 
pas  poflîblc  >  que  la  vanité  ne  fe  fuft  ren- 
due à  tant  de  funeus  affauts,  qu  on  leur  a 
inutilement  livrez  pour  leur  faire  nier  S£. 
defavouër  ce  qu'ils  prefchoient:  &:  en* 
corc  pour  les  obliger  feulement  à  ne 
le  prefcher  point.  Doù  paroift  ce  que 
nous  difions  au  commencemenr,que  les 
Apôtres  n*ont  point  feint  la  refurredion 
de  lefus  Chrift,  puis  que  nulle  confidc- 
ration  ne  les  pouvoir  induire  àlafein- 
drc5&  qu  au  contraire  toutes  les  raifons 
du  monde  les  obligeoient  à  ne  la  fein- 
dre pas  ;  mais  qu'ils  Tout  creuë  en  leur 
confcience  >  &  ont  etè  perfuadez  eux 
jnefmes  en  leur  cœur  de  ce  qu'ils  pref« 
choient  aux  autres;  aflavoir  que  lefus 
ctoit  véritablement  reffufcitè  des  morts, 
'  &C  monté  au  deffus  des  cieux.  Or  que 
cette  créance  ,  qu'ils  en  avoient,  n'ait 
pas  etè  une  trom^^eufe  apprchenfi  in* 
fauflement  imprimée  en  leur  efprit,il  cft 
aise  de  le  reconnoiftre  en  confiderant 
cxaâ:em::nt  toutes  les  circonftances  de 
cette  affaire.  Car  s'il  eftoic  queftien  dé 
quelque  chofe  univerfelle,  hautement 

élevée 


s  Ê  R  M  ô  îî      VI.  403 

^levce  au  deffus  des  fens  ,  comme  les 
jpropoficionsdélâ  Philofophie  Gontcm- 
plative  i  j'âVoueqiie  lesdifciplesdu  Sei- 
gneur, rudes  &:  inexpcrimente^  en  teïleà 
fciences^pourt-oient  eftre  foupçonnez  dé 
s'y  eftre  abufez  i  écânt  facile  aux  fimples 
de  fe  troitîper  ci\  tels  fujcts  j  qui  par 
faute  d  avoir  rintelligence  eîCcrcée  dan^ 
le  raifonnenient,  ont  une  extrefmepene 
à  en  concevoir  la  vericè,&:  prenentaifé. 
ment  les  premières  ombres,  quifc  pre- 
fentent  à  eux  pour  le  corps  des  chofeS 
mefmes.  Mais  il  ne  s'agit  ici,  que  d'une 
perfonne  ûngulicre  ,  d'un  homme  qu'ils 
âvoient  veu,  fréquente,  &  pratiqué  con- 
tinuellement par  refpace  de  quatre  ouf 
cinq  ans  ,*  dont  le  refpedô^  l'amour  pre- 
mièrement, puis  auffi  la  compafTiorî  kai 
avoit  outre  cette  longue  conVcrfation^ 
très -profondement  grave  la  forme,  la 
taiIle,laYaiïon ,  &:  les  lineamens  du  vî- 
fage  dans  toutes  les  parties  de  lamei 
d'un  homme ,  qui  fe  prefente  àeux ,  nort 
quinze  ou  vingt  ans,mais  trois  jours  feu-, 
lement  depuis  fonabfcnce,*  d'un  hofe- 
me  cnfinjquis'apparoift  àeuXj  non  une 
ou  deux  fois  feulement,  mais  plufie^rs/ 
par  l'cfpace  de  quarante  jours ,  qu'il  de* 
ce     %  meura 


404     I>e  U  Refurr.  du  Seigneur  I  e  s  v  s . 
meiira  fur  la  terre  i  non  en  leur  frappant 
légèrement  la  veuë, comme  un  éclair, 
mais  leur  parlant  5  &:  leur  tenant  divers 
longs  difcours  ,  mangeant  avec  eux  fa- 
milièrement 5  leur  faifant  toucher  fon 
corps,  &:  y  difcerner  la  dureté  des  os  d'à- 
vecque  la  moUeffe  de  la  chair ,  les  cica- 
trices de  fes  playes  d  avecque  les  autres 
endroits  non  blefrezj&  ainfi  fe  commu- 
niquant à  tous  leurs  fens.    Il  leur  étoit 
donc  fi    facile  de  s'afleurer  fi    c*ctoit 
vraiement  lefus,  ou  non, qu'ils  n'ont  peu 
y  eftre  trompez,  û  ce  n'eft  qu'ils  laienc 
voulu.  Mais  tant  s'en  faut  qu'ils  euflent 
aucune  apparente  raifon  de  vouloir  eftre 
trompez  en  ce  fait  ,  qu'au  contraire  ils 
avoient  toutes  les  raifons  du  monde  de 
ne  le  pas  vouloir;  comme  nous  l'avons 
déduit  cy  devant.Aufli  nous  racontent- 
ils,qu'ils  ne  fe  rendirent  pas  dés  la  pre- 
mière veuë,  mais  qu'ils  en  firent  divers 
eiïais,  ne  pouvant  fe  perfuader  ce  qu'ils 
oioient>voioienf,&:  touchoient  ,jufques 
à  ce  que  par  plufieurs  rcïrerées  applica- 
tions de  leurs  fens  ils  en  eurent  entiere- 
mentépié^  reconnu  la  vérité.   Enciïcç 
quand    une   ponnoilTance    acquife  par 
quelcun  de  nos  fcnscft.faulTc  &  trom- 

peufc 


I 


Sermon     VI.  405 

peufe  au  fond ,  elle  eft  auffi  ordinaire- 
ment foible  ,  &C  lâche  ,  &:  femblable  à 
cette  vaine  &  légère  opinion ,  que  nous 
avons  en  dormant  des  objets ,  auxquels 
nous  fongcons  >  telle  que  bien  que  n(jus 
les   penfions  voir  ,  neantmoins  nôtre 
efprit  reflcnt  en  foy-mefm  e  ,  qu'il  y  a  je 
ne  fçai  quoi  de  vuide  dans  fon  appre- 
henfion ,  n  aiant  garde  de  s'y  appuïer  Se 
afferm  ir,  comme  fur  les  chofes,  que 
nous  voions  en  veillant  j  D*où  vient^qu'il 
nous  arrive  quelquefois  de  fonger  >  que 
nous fongeonsîparce  que  l'efprit  ne  fçaù- 
roit  fi  peu  manier ,  &  retafter  ces  fiennes 
opérations,  qu'il  n'enreconnoiffcaifé- 
ment  .la  vanité.  Or  tant  s'en  faut,  que  la 
créance, qu'avoient  les  Apôtres  d'avoir 
veu  lefus  Chrift  vivant  depuis  fa  mort, 
fuft  une  opinion  foible  &:Icgerei   que 
tout  au  contraire  ça  etc  la  plus  ferme  ,  SC 
la  plus  entière  perfuafion,  quifutjamâis. 
Car  ils  l'ont  foûtenuë  jufqu  à  la  dernière 
goutte  de  leur  fang;&:  non  contens  de  la 
retenir  conftamment  en  eux  mefmes,  ils 
l'ont  publiée,  &:  prefche'e  aux  autres,non 
à  leurs  vçiiins  ,  ou  compatriotes  feule-» 
trient ,  mais  à  tous  les  hommes  du  mon- 
de 5  depuis  les  derniers  bouts  de  TO- 
4  ce      3         riçnç 


4o6     Bêla  R^furr.  du  S0ig?7çurUsy^. 
rient  jufqu'ag  fond  de  l'Occident  i  les 
rreflant  delà  recevoir  avec  une  ardeur 
k  afpretè  incroiable,   Enfin  pourclorre 
cette  preuve,  sM  y  a  eu  de  Terreur  en  la 
créance  qu'ils  avoient  davoir  vcu  leur 
Maiftre  reffjfcitè,elle  venoit  ou  du  fujer, 
qui  voioit,oudel objet,  qui  ctoit  veu; 
du  premier  ,  comme  fi  les  organes  de 
leurs  fens  n'etoient  pas  difpofez  conve- 
nablement pour  faire  leurs  fondions  i  du 
(econd ,  comme  fi lobjet , qui  fe prefen- 
toit  âeux  étoit  trop  éloigné  d'eux,où  s'il 
paroiffoit  fous  une  forme  femblablc  à  ce 
qu'ils  penfoient  voir.  Il  eft  clair,quei'oa 
ne  peut  ici  alléguer  ni  l'une ,  ni  l'autre  de 
ces  caufes.  Car  pour  la  première,  qui  eft- 
ce  qui  euft  troublé  les  fens  des  Apôtres? 
Ce  ncpeuteftrelevin.   Car  quand  ils  y 
auroient  été  aulTi  fujets ,  comme  il  eft; 
çonftant,qu'iIs  étoient  fobres  &  retenus; 
foijjours  eft-ce  une  chofe  inouïe,  que  le 
vin  foit  capable  de  faire  une  telle  illufion 
par  l'efpace  de  quarantejours,&:àren- 
droit  de  tant  de  diverfes  perfonnes.  l'en 
dis  autant  de  la  mélancolie.    Car  qui 
croira .  que  les  fens  de  quatre ,  ou  cinq 
cens  perfonnes  foient  demeurez  durant 
tant  de  jours  tellement  obfc4c?  de  cette 

àunieuf^ 


Sermon    VI.  407 

humeur,  qu'ils  aient  tous  eu  conftâmcnc 
une  tnefme  illufion  durant  un  fi  long  ef- 
pace?  Bien  que  j'eftime,  que  letefmoi- 
gnage,  que  rendit Proculus  delà  déifi- 
cation de  Romulu^etoit  une  pure  fiâion 
pour  libérer  le  Sénat  Romain  des  foup- 
çons  du  peuple  ;  fi  eftce  que  je  ne  treu- 
verois  pas  fort  étrange  ,  qu'un  homme 
fcul  profondement  plongé  dans  les  pen- 
fées^que  celui- ci  avoit  alors  dansrefprir, 
félon  toute  appaiece^euft  été  en  ce  point 
abusé  par  fcm  imagination,  qui  fait  affez 
fouvent  de   pareils   rours    aux  pauvres 
hommes.  Mais  c'cft  chofe  inouïe  ^  im- 
poflible  félon  toute  raifon ,  qu  onze  per- 
fonnes, quefix-vir.gr,  que  cinq  cens  de 
tous  fexes ,  aages ,  &  temperamcns  aient 
été  toutes  enfcmble  à  une  fois  fiitppées 
d'une  mcfme  imagination  i  les  vifions  de 
tant  de  gens  étant  neccffaircmentdiffc- 
renty  les  unes  des  autres.    Or  ce  ne  fut 
pas  un  fculdifciple^quivid  lefos  Chnft 
relTufcitè  ,  U  qui  l'aient  vcuraffeura  aux 
autres  (cela  pourroit  eftre  fujet  à  quelque 
foupçon  )  mais  tous  les  onze  Apôtres, 
mais'plufieurs  fcmmes^mais  divers  autres 
4ifciples  le  virent  pareillement;  affeu- 
j:^jispous>nP|i  de  lavoir  ouï  dire  à  d'au- 

ce     4  trts, 


4o8     Tie  h  Sefurr.  d»  Seigneur  I  e  s  V  s . 
très,  mais  de  1  avoir  ouï  eux  niefmes  de 
leurs  oreilles ,  de  lavoir  vcu  &  contem- 
plé de  leurs  yeux  ,  de  l'aVoir  touche  de 
kurs mains;  non  l'un  en  une  forme,  Se 
Tautreen  une  autre  ;  mais  tous  en   un 
mefme  état  ;  non  feulement  à  part,  l'un 
ici,&  l'autre  là,  mais  aufll  phifieurs  en^ 
Icmble,  quelquefois  deux  ,  quelquefois 
dix,queIqucfois  onze,&  mcfmes  jufques 
a  cinq  cens  tous  à  une  fois  ;  rapportant 
chacun  plufieurs  longs  difconrs  ,  qu'il 
leur  avoit  tenus;  &  qu'après  quarante 
jours  de  diverfes  ronverfations  ,  qu'ils 
avoicnt  eues  avccque  lui,  ils  l'avoienc 
enfin  veu  s'clevcr  en  haut  fur  une  nuë 
vers  le  ciel ,  eux  c'tans  avecque  lui  fur  la 
montagne  des  Oliviers  prés  de  lerufa- 
lem.   Ilfaudroiteftrenon  Wïe,  ou  me- 
hmcoliqucmais  infcnsè  &  enrage  tout  a 
fait ,  pour  croire  que  tout  cela  n'ait  ctè, 
qu'une  i/lufiondu  vin,  ou  de  lamelanco, 
lie.  D'abondant  dans  les  ptifonnes  abu^ 
fces    par  cette  humeur  l'on  découvre, 
finon  dés  le  commencement,  au  moins  à 
a  longue  quelque  marque  de  leur  ma- 
ladie; li'éfantpas  poffiblc,  qu'un  cfprit 
ainfi  indifposc  exerce  long-temps    fcs 
fpncaions  naturelles  fans  fi^irc  pfiroiftre 

fort 


Sermon    VI.  40^ 

fou  défaut;  comme  uft*  montre ,  qui  a 
quelcun  de  fes  reflbrs  de'reglè  5  ne  peut 
long- temps  jouer,  que  Ton  ne  s*enap- 
perçoive.  Mais  jamais  Ton  ne  remarqua 
dans  le  refte  desadions  ,  &  de  la  vie  des 
Apôtres  aucun  figne  de  cette  maladie. 
Autrement  iln'euftpasétèpoJTible  ,  que 
tant  de  gens  par  tous  les  endroits  du 
monde  eulTent  fi  ardemment  receu  leur 
prédication ,  ni  que  leurs  perfecuteurs  les 
puflent  fi  furieufement  tourmentez.  Leur 
erreur  les  euft  plûtoft  émeus  à  pitié ,  qu'à 
haine.  Car  il  n'y  a  point  d'homme  rai- 
fonnable,  qui  puiffe  avoir  une  fi  mauvaife 
opinion  de  l'humanité  de  ces  ficcles-là, 
que  de  croire  qu'ils  cuflent  voulu  traiter, 
comme  criminels  &;  mal-faiteursjceux 
qu'ils  euffent  reconnus  mélancoliques, 
c'eft  à  dire  malades.  Concluons  donc  que 
s*il y  avoir  eu  de  labus  en  cette  vifion 
des  difciples ,  il  ne  feroit  pas  procédé  de 
leur  part.  Mais  beaucoup  moins  peut  on 
en  imputer  la  caufe  à  Tobjet ,  qui  (e  pre- 
fentoitàeux.  Premièrement  on  ne  peut 
ici  alléguer  la  diftance;  puis  quece  qu'ils 
voioient  croit  avec  eux^dans  uoe  mefine 
chambrej&  à  une  mefine  table/e  faifant 
mcf^e  toucher  de  maoicr  à  çux.  L'on 


4XO  De  U  Refurr,  h  Seigneur  I  £  s  v  s  ^ 
ne  peut  dire  noji^  plus,  que  çait  crè  un 
fantôme,  ou  un  corps  iolide  ô^  maffif, 
formé  à  la  femblance  de  lefus,  qui  après 
^voir  pour  quelque  temps  abuse  les 
Apôtres  par  cette  faufle  apparence  fc 
foit  enfin  evanouï  en  Tair.  Car  unte| 
effet  étant  évidemment  miraculeux,  il 
ne  peut  avoir  lieu,  que  par  l'opération  de 
quelque  caufe  fpirituclle ,  &  immaté- 
rielle, tels  que  font  les  efprits ,  que  nous 
appelions  Anges  \  les  forces  de  la  nature 
inférieure  n  étant  pas  capables  d'un  tel 
ouvrage;  de  faffon  que  les  plus  grands 
ennemis  du  Chriftianifme ,  qui  font  les 
athées  ôd  les  philofophes  n'auront  garde 
démettre  cela  en  avant,  puis  qu'ils  ne 
reconnoiflent  aucunes  femblables  fub- 
ftancefjous'ijsenpofent  quelques  unes 
ils  les  attachent  aux  fpheres  des  cieux^ 
fans  leur  donner  aucun  commerce  avec- 
<jue  les  chofes ,  qui  font  au  dcflbus  de  1^ 
Lune.EtquâtauxIuifs,&:  aux  Mahome- 
tans,&  autres  adverfaires  de  TEvangile, 
qui  confciTcntaA^ecque  nous,quc  les  An- 
ges agiflent  fouvcnt  ici  bas  ,  ils  ne  peu- 
vent non  plus  fe  prévaloir  de  cette 
créance  contre  nous.  Car  fi  un  Efprit 
aïoit  fait  une  parçil^e  fourberie   aux. 

*  Apôtres^ 


Sir  M  ON     VI.  4M 

Apôtres ,  il  faudroit  rreceffaireracnt  que 
ce  fuft  un  mauvais  efprit  de  Tordre  de 
ceux,  que  Ton  appelle  demùn$\  puifqufe 
les  bons  Anges  ne  font  point  d*illufions, 
ni n'induifent  les  hommes  en  erreur ,  ni 
ne  mentent ,  comme  euil  fait  celui- ci, 
enafTeurantpartant  de  fois,  qu'il  étoic 
lefus.  Mais  que  ce  n'ait  point  etè  un  dé- 
mon non  plus ,  la  nature  de  la  doArinc 
Evangelique  le  montre  aflez.  Car  com- 
ment un  mauvais  efprit  euft-il  ordonné 
des  chofes  fi  bonnes ,  fi  fainres ,  hi  fi  uni^ 
verfellement  falutaires  f  fi  parfaitement 
conformes  à  toutes  les  veritez,que  Diei» 
avoit  révélées  aux  hommes  foit  en  la  na- 
ture,foitenla  Loy,&!  fi  diredementop- 
pofees  à  toutes  les  volontcz  des  démons? 
Ainfi  avons  nous  fuffifamment  prouvé, 
que  les  Apôtres  n'ont  ni  trompé  ,  ni  été 
trompez  dans  le  tefmoignage,  qu'ils  ont 
rcdu  de  la  refurredion  de  leur  Maiftre, 
puis  que  ni  rafiFedion  ,  qu'ils  lui  por- 
jtoient,ni  le  defir  d'acquerirou  grandeur, 
ou  gloire  dans  le  monde5ni  aucune  autre 
paflîon  ne  pouvoir  les  induire  à  en  fein- 
dre rhiftoire-,  &  que  de  Tautre  part  la 
difpofition  &  de  leurs  perfonnes  ,  &  de 
U  cbofe  mcfme  .  ne  fouftloic pas ,  que 

ruiufios, 


412.     Be  la  Refurr  du  Seigneur  I  e  s  v  s . 
Tillufion  ir,ou  la  déception  y  cuft  aucun 
lieu.    D  où  s'enfuit   neceflaircment   &: 
évidemment,  que  leur  tefmoignage  eft 
veritable>&:  c'eftce  que  dit  S.  lean  dans 
nôtre  texte  ;  &  que  le  rejetter,  c'eft  non 
fimplementune  incrédulité,  mais  une 
fureur  &  une  frenefie.    Car  depuis  que 
le  monde  fubfifte,  jamais  il  ne  fut  ren- 
du tefmoignage  de  chofc  aucune  fi  clair, 
&fi  authentique  ,quc  celui-ci;  la  divi- 
ne providence  aiant  tellement  conduit, 
&  aflbrti  toutes  les  circonftances  de  cet- 
te affaire ,  qu*il  ne  s  y  en  treuve  aucune, 
qui  ne  décharge  la  parole  de  fes  fervi- 
teurs  de  toutombrage  &  foupçon,&  qui 
ncjuftifie  évidemment  leur  bonne  foy, 
comme  nous  venons  de  vous  le  repre- 
fenter ,  &  comme  vous  le  reconnoiftrez 
de  vousmefmes,  plus  vous  examinerez 
toutes  les  parties   de  cette  caufe.  Em- 
braffons  donc  avec  une  plenc  &:  entière 
foy  la  prédication  de  ces  hommes  divins. 
Ecoutons-les  comme  la  bouche  de  la 
vcritc  mefme.  Recevons  chez  nous  cet 
admirable  refufcitè,  qu'ils  nous  annon- 
cent, tout  ainû  que  fi  nous  l'avions  veu 
nousmefmes,  ôi  avions  mis  nos  doigts 
dans  les  cicatrices  dcfon  corps.'  Mais, 

Frères 


s  E  RM  d  N       VI.  4Ï5 

Frères  bien- aimez,  il  faut  croire  cette 
prédication  des  faims  Apôtres  du  cœur, 
â:  non  de  la  bouche  feulement.  Car  û 
c^eft  au  monde  un  crime  &:  un  mal-  heur 
cxtrefme  de  rcjetter  le  tefmoignage  d'u- 
ne fi  claire,&:  fi  illuftre  vérité  ;  nôtre  fau- 
te fera  incomparablement  plus  étrange, 
&: nôtre  condannation  plus  rigoureufe, 
fi  ne  doutant  point  de  fa  vérité ,  nous  ne 
laiflons  pas  de  vivre  ,  comme  fi  nous  ne 
doutions  point  de  fa  fauffetè.  le  fçai  bicà 
que  nous  faifons  tous  profefUon  de  croire 
ce  tefmoignage ,  ôi  que  nous  dirions  vo- 
lontiers chacun  de  nous  avec  S.  lean ,  le 
fçai  qiiîl  eft  véritable  \  &  que  nous  pren- 
drions à  grand  outrage  que  Ton  nous  ac- 
cufaft  d  en  douter.  Mais  pleuft  à  Dieu, 
que  nous  euflîons  autant  d'horreur  de  le 
démentir  en  effetjcomme  nous  en  avons 
de  le  renier  en  paroles  !  Nôtre  bouche 
donne  aux  Apôtres  la  loliange  d  avoir  die 
vraiiMais  nôtre  vie  \c:s  accufe  d  eftre  faux 
tefnioins.  Nos  langues  confencentàleur 
depofitioni  &:  nos  mœurs  la  démentent. 
Car  fi  vous  tenez  pour  véritable  ce  que 
difent  ces  faints  hommes ,  que  lefus  eft 
refTjfcitè  des  morts,  &:  qu'il  eft  vivani:,5^ 
aflîs^  à  la  dextre  de  Dieu  dans  une  fou  ve- 


4T  4  J^^l^  Rêfurr,  du  Sel^rjeuf  I  e  s  V  s  .^ 
raine  gloire  i  comment  lui  portez  vous  Û 
peu  de  refpcd?  comment  faites  vous  fi 
peud'ctatdc  fuivre  les  loyx  de  fa-difci- 
plinc  celefte?  Les  Apôtres  difcnt  qu'il  ne 
reçoit  en  fa  gloire  ni  les  larrons,  ni  les 
paillards ,  ni  les  adultères,  ni  les  yvro- 
gnes  ,  ni  les  avaricieux  ,  ni  les  perfonnes 
entachées  d'autres  vices  femblables.  Ils 
difent,  qu'il  a  protcftè,que  nous  n'aurons 
jamais  de  part  en  fon  Royaume ,  fi  nôtre 
juftice  n'abonde  au  deflus  de  celle  dés 
Scribes,  &  des  Pharifiens,*fi  nous  ne  fom- 
mes  régénérez  d'enhaut ,  fi  nous  ne  fom- 
mes  nouvelles  créatures,  mortes  au  mon* 
de  &  à  fcs  cupiditez,vivantes  à  Dieu  &  à 
fa  juftice.  En  confcience  eft  ce  recort- 
noiftre  ce  tefmoignage  pour  véritable, 
que  de  fe  veautrer  dans  les  ordures  du 
monde  >  &  de  faire  tout  le  contraire  de 
ce  qu'il  requiert  de  nous  ?  Ces  mefmds 
tefmoins  difent  que  lefus  Chrift  tient  &: 
garde  là  haut  dans  les  cieux  une  bien* 
heureufe  immortalité, une  plene abon- 
dance de  tous  biens  ,^-qu^iI  donnera  tres- 
affeurcment  à  ceux  qui  lui  obéiront ,  & 
que  c  eft  entre  fes  mains  facrées  quVft 
nôtre  trefor,nôtrevie,&:  nôtre  gloire.  En 
confcience  eft-ce  tenir  ce  tefmoignage 

pour 


pour  véritable  ,  que  de  laiffer  là  (  comme 
nous  faifons  la  plurpari)uneri  haate  cfpc- 
rance,  &  d enfouir  mifcrablemenr  nos 
tœars  dans  la  bouc,  ôi  ne  tirer  lesfujets 
de  nos  joyes  ôc  de  nos  cnnuïs ,  q'je  de  la 
terre  feulement  ?  Ceft  une  trop  groflîeré 
erreur,  que  de  s'imaginer  des  thofes  fi 
incompatibles.  Si  vous  teniez  pour  vêri^ 
table  ce  que  difent  les  Apôtres,  que  leius 
Chrift  cft  refldfcitè  des  morts,  vous  croi- 
riez auflî  tres-alTjuiémentce  qu'ils  ajoû- 
tenr,qu'il  cft  le  Prince ,  le  Sauveur,  &  le 
Prophète  du  genre  humain;  &(ivous 
aviez  cette  creance,vous  obéiriez  à  fa  vo- 
lonté pour  parvenir  à  fa  gloire;  n'étant 
pas  pollîble  ni  de  le  croire  reflufcitè  fana 
le  reconnoiftre  pour  un  homme  divin,  ni 
d'cftre  perfuaiè  de  fa  divinité  fansajoû^ 
ter  foy  à  fa  dodrine>ni  de  croire  enfin  fa 
dodrine  fans  defirer  fon  falut ,  de  fe  con^ 
former  à  (es  loix.  Car  nôtre  nature  n'eft 
pas^graces  à  Dieu ,  (i  inhumaine ,  &  fi  en- 
nemie d'elle  mefme,  que  de  pouvoir  dé- 
diigner  les  chofes  ,  où  elle  e(l  perfuadéc 
que  conûfte  fon  fouverain  bon-  heur.Puis 
donc  que  vôtre  vie  termoigne ,  que  vous 
mefprilez  la  volonté  du  Seigneur ,  tenez 
pour  tout  afTeurè  ,  que  vous  œ  croiez 

non 


41. i^  T>e  la  Refurr.  du  Seigneur  I E  s  v  s. 
non  plus  ni  fon  Evangile  ,  ni  fa  refurre-r 
d:ion  i  d'où  s*en(uic,  que  iî  vous  demeu- 
rez en  cet  état  5  vous  n'aurez  jamais  au- 
cune part  en  fon  falut,  qui  efi  promis, 
comme  vous  fçavcz  ,  non  à  ceux,  qui 
font  profeflîon  de  croire ,  mais  à  ceux, 
qui  croient  en  effet.  Dieu  vueille  vous 
ouvrir  les  yeux  pour  voir  le  periI,où  vous 
eftes ,  afin  que  faifis  d'une  jufte  frayeuri 
vous  écoutiez  déformais  fidèlement  la 
voix  de  c^s  divins  tcfmoins  ,  &:  ajoutiez 
une  foy  eiitiere  à  leur  dodrine  ,  pour 
éprouver  quelque  jour  la  vérité  de  leurs 
promeffes  ,  en  voiant  &  contemplant 
éternellement  dans  les  cieux  ce  bien- 
heureux refifufcitèjle  Prince  de  vie  &  de 
gloire^qu'ils  virent  autrefois  fur  la  terre* 
A  luiavecque  le  Père  &  le  Saint  Efprit* 
vrai  Dieu  bénit  aux  fiecles  des  {îecles» 
foit  honneur  ,  &:  gloire  $  &  louange* 
Amen. 


PÊ  LA 


J 


41? 

" " ■« 


SERMON    DE 

LASCENSION 

DE  NOSTPxE  SEIGNEVR 
lESVS-C  H  RI  ST.  h 

Sur  les  veifets  5?.  10. 11.  du  Chap.  I. 

des    AcTiiS. 

9.  Et  ^Hand  il  eiit  du  tes  chofes ,  il  fut  éUve 
eux  le  regardant ,  (^  une  naéë  le  fontenant  r con- 
forta de  devant  leurs  yeux, 

10.  Et  comme  ils  Avoient  les  yeux  fiche\yers 
le  ciel  >  luy  s  en  allant ,  voici  deux  hommes  fe  pre- 
fenterent  devant  eux  en  veQemens  blancs, 

11.  LefcjHels  aùfii  dirent  y  Hommes  GrJiléenSi 
pourjfuoy  vom  arrefiez  voîu  regardant  an  ciel  ? 
Ce  lefiu  ici ,  ^//z  a  été  élevé  en  haut  dCavîcqn^^ 
*OQm  au,  ciel  ,  viendra  ainfi  e^ue  vo-m  rayc^ 
contemple  allant  au  aeJi 


HuRs  Freresî 

Encore  que  cette  tnefme  afcéuiiod 

du  Seigneur  Iesvs  y   à  laq  elle  on  à 

dd  eonfacrè 

s 


4i8         De  l'Afcenfto»  du  Seigneur 
confacrè  ce  jour ,  montre  affez ,  que  la 
religion  de  fes  vrais  difciples  doit  eftre 
non  arrachée  aux  jours ,  ni  aux  mois ,  ni 
aux  faifons  de  Tannée ,  mais  fimple,  fpi- 
rituelle ,  &  libre  des  liens  du  temps ,  au 
deffus  duquel  nôtre  Prince  eft   élevé 
dans  le  domicile  de  reternitè,felon  Tex- 
^efle  ordonnance  de  fon  Apôtre  ;  ^e 
Col.  2.16.  nul  ne  vom  condanne  en  dtfiin^ion  iun 
jourdefejle^  ou  de  nouvelle  Lune ,  ou  de  Sab- 
bats  ;  Neantmoins  puis  que  le  myftere 
que  Ton  célèbre  aujourd'hui    entre  les 
Chrétiens  eft  divin  &  falutaire ,  &:  trcs- 
digne  de  nôtre  méditation;  nous  nous 
accommoderons   volontiers    à   Tufage 
commun,emploiant  cette  heure  en  cet- 
te confideration  ;   Seulement  laiflcrons 
nous  la  les  abus,  que  la  fuperftition  des 
hommes  y  a  introduits  ,  hc  les  vaines 
pompes  de  Terreur  indignes  de  la  fim- 
^  plicitè  du  Chriftianifme  ,  &  plus  capa- 
bles d'attacher  les  hommes  à  la  terre, 
que  de  les  élever  dans  le  ciel ,  où  eft 
monté  leur  Sauveur  ;  &  nous  tenant  fo- 
brementà  la  vérité  de  TEcriturc,  nous 
vous  propoferons  fidèlement  ce  qu'elle 
enfeignc  de  TAfcenfion  de  nôtre  Sei- 
gneur. Elle  nous  eft  brièvement  répre- 

fentce 


feiitée  dans  le  texte ,  que  voqs  avez  en- 
tendu 5  tiré  du  premier  chapitre  des 
Adcs  5  où  S.  Luc  nous  racojnte,  que  Icfuç 
après  avoir  conversé  quarante  joursay<ec 
fes  difciples  depuis  fa  refurreûion ,  leur 
parlant  des  clidfes  qui  appartiennenit  aa 
royaume  de  Dieu ,  les  aflcmbla  fur  la 
montagne  des  Oliviers  y   où  leur  aiant 
donne  Tordre  de  prefcher  foa  Evangile 
cnludée,   ôf  en  Samarie,  jufques  aux 
bouts  de  la  terre ,  &  leur  aiant  promis  la 
grâce  du  Saint  Efprit,  il  fut  élevé  en  leur 
prefence,  une  nuée  le  foûcenant,&:  l'em- 
portant de  devant  leurs  yeux  ;  à  quoy  il 
ajoute  >  que  comme  ils  regardaient  efli 
haut,  ôc  tout  pleins  d'étonnement  te- 
noient  les  yeux  fixement  tournez  au  ciel, 
deux  Anges  fe  prcfenterent  à  eux  en  vcr 
ftemens  Wa^ics,  ^  leçaiTeurerentq^ie 
lefus  étoit  élevé  dans  le  ciel ,  8c  qu'il  e>a 
defcendroit  un  jour  enîamefme  forte, 
qu'ils  Ty  avoifent  veu  monter.   Pourfa- 
tisfaire  tant  à  i Vxpofition  de  ce  texte, 
qu'à  la  dignité  du  myftere  qui  nous  y  eft 
proposé,  aous  confidererons  trois  chofcs 
en  cette  action,  moiennant  lagrace  du 
Seigneur  ;    Premièrement   rafcenûoa 
mefme  de  lefus  au  ci<*l ,  &C  les^circon- 
d  d     z        ftanccs 


410         De  ÏAfcenfion  du  Seigneur 
fiances  qui  nous  en  font  reprcfenteesj 
Secondement  les  caufes  &  les  raifons  de 
cette  fiennc  afcenlîon  ,*  &  enfin  fes  ef- 
fcts.Quantà  la  chofe  mefme,S.Luc  nous 
en  remarque  le  temps,  le  lieu,  la  faffon, 
^  la  fuite.  Le  temps  fut  le  quarantiefme 
jour  depuis  la  refurredion  du  Seigneur. 
11  voulue  converfer  tout  cet  efpace  de 
temps  avecque  les  difciples  avant  que 
de  les  quitter,afin  de  leur  approuver ,  & 
perfuader  la  vérité  de   fa  refurreftionv 
pardesfignes,  &  des  tefmoignages  in- 
dubitables. Car  s'il  s'en  fuft  allé  inconti- 
nent après  seftre  montré  à  eux  le  pre- 
mier Jour,  une  fi  courte  &  fi  légère  preu- 
ve  n'euft  pas  guéri  toutes  les  doutes 
dont  leur  ame  éroit  combattue  fur  une 
chofe  fi  étrange.  Ils  euflTent  pris  une  telle 
apparition   pour  une  illufion  de  leurs 
fcnsi  au  lieu  que  raiantveu&  touché  à 
diverfes  fois ,  &:  en  différentes  manières 
parl'efpacede  quarante  jours,  &  quel- 
ques uns  feparcment ,  &  tous  enfemble; 
il  ne  leur  reftoit  plus  aucune  ombre,  ni 
apparence  de  difficulrc.    Vne  fi  longue, 
&:  fiexade  épreuve  laiifa  dans  leurs  ef- 
prits  une  plene  Se  entière  perfuafion  de 
la  vie  de  leur  Miillrc  ;  telle  qu'ils  ea 

avoienc 


Iesvs  Christ.  Sermon.'  411 
avoient  befoin  pour  prefcher  conftam- 
ment  fon  Evangile  dans  le  monde  au  mi- 
lieu des  oppoiicions  ,  &:  contredirions 
e'pouvantables,  qu'ils  y  dévoient  rencon- 
trer. Et  quand*  ce  (ejour  du  Seigneur  en 
la  terrejn'euft  |*âs  été  neceflai  re  pour  eux, 
toujours  reçoit- il  pour  nous  ;  afin  de  pur- 
ger toutes  les  objedions  ,  que  k  chair 
cuft  peu  faire  à  nôtre  foy,&pour  de- 
farmer  les  Sophiftes  de  tous  les  moiens, 
par  lefquels  ilseuflent  peu  nous  rendre 
fufpcde  cette  prédication  Apcftolique, 
Déformais  on  ne  peut  reprocher  aux  dit 
ciples  Terreur  de  leurs  yeux,  ni  la  déce- 
ption de  leurs  autres  fcns.  Cela  n'eft  pas 
allegable  contre  une  créance  fi  bien  fon- 
dée; appuyée  d'une  expérience  de  qua- 
rante jours.  Mais  de  nous  demander 
pourquoy  le  Seigneur  monta  au  ciel  le 
quarantiefme  jour  precifément ,  &  non 
plutoft  ni  plus  tard  ;  c'eft  à  mon  avis  une 
puérile,  &:  peu  raifonnable  curiofuè.  Iç 
n'eftime  pas  qu'il  (oit  befoin  de  philofo- 
pher  fur  les  nombres,  ni  d'y  chercher  des 
inyftcres.  CVft  alfez  que  quarante  jouis 
croient  ftffi  ^ans  pour  fonder  &:  affermir 
lafoy  des  Apôtres  fur  la  refurredion  du 
Seigneur.  Car  fupposè  qu'il  fuft  monté  aq 

d  d     3  ciei 


411  T>e  tAfcenjion  du  Seigneur 

ciel  le  vingc-ncuviefme  jour,  ou  le  qua- 
rante &  vnierme,  ou  tel  autre  que  Ton 
voudra  i  toujours  en  pourroit-on  deman- 
der auflî  bien  que  du  quarantiefme,pour- 
quoy  le  Seigneur  l'auroit  choifi.  Ce  que 
^^^ij^'^difent  quelques  Anciens,  ^q  les  Apô- 
^Jl  '  'très  aiant  été  dans  une  profonde  angoifle 
durant  les  quarante  heures ,  que  le  Sei- 
gneur fut  dans  la  mort,  il  étoitàpropos 
qu'ils  jouïflent  de  fa  bien-heureufepre- 
lènce  l'efpace  d  autant  de  jours ,  cela5dis- 
je,  eftuncpenfée,  qui  peut  paffer  pour 
jolie;  mais  je  ne  fçai  fi  elle  doit  eftrere- 
ceuë  pour  une  bonne  &  folide  raifon. 
Apres  tout,  s'il  y  a  du  myftere  dans  ce 
nombre  de  quarante  ,  il  lefautlaifTer  à 
Dieu, comme  une chofe qui furpafle nô- 
tre portée  i  &  nous^  fou  venir  de  lavertif- 
fement ,  que  le  Seigneur  donna  à  fes  dif- 
ciples  un  peu  avant  que  de  les  quitter; 

j^.i,  ^^^  ^^  ^^^^  ^'^ft  refervè  la  conno)flance 
7.  *  &  la  difpenfation  des  ceps  &  des  faifons. 
Le  lieu  ,  d  où  fe  fit  lafcenfiondu  Sei- 
gneur, tut  la  montagne  des  Oliviers,  oii 
étoitfituéeBethanie.  Delà  il étoit  allé  à 
lacroix;delàmefme,  il  s  en  alla  dans  les 
cieux.  Vn  mefme  lieu  le  vid  partir,  &: 
pour  le  combat ,  &^  pour  le  triomphe  ;  ^ 

pour 


Iesvs  Christ.  Sermon.     a-H 
pour  la  mort,  6^  pour  la  gloire.  Aianc 
donc  affemblè  fes  difciples ,  c'eft  à  dire  &: 
fes  Apôtres,  &:  les  autres  fidèles,  qui 
croioient  en  lui  dans  ce  facrè  lieujqui  eut 
rhônncur  de  recevoir  les  dernières  traces 
de  fes  pieds  en  la  terre ,  aiant  parle  à  eux, 
comme  il  les  beniflbit,  ainfi  que  le  rap- 
porte expreflement  S.  Luc  à  la  fin  de  fon 
Evangile^il  fut  élevé  eux  le  regardant ,  ô£ 
une  nuée  le  foûccnant,  fut  emporté  de 
devant  leurs  yeux.  Enoch  avoir  été  au- 
tresfoisravi  de  deffus  la  terre  pour  aller 
vivre  avec  Dieu  i  mais  nous  n'aprenons 
point  que  ce  fut  en  la  prelence  d'aucun. 
Elie  fut  depuis  enlevé  dans  un  chariot 
de  feu  ;  mais  il  n  eut  qu'un  feul  Elizée 
pourtefmoinde  cette  gloire.  L'afcenfioii 
du  Seigneur  fe  fie  en  prefence  des  onze 
Apôtres,  &  de  plufieurs  autres  difciples 
le  voians,&:  le  regardans  avec  une  at- 
tention extrefme  de  dcflu^  un  lieu  haut 
&  découvert ,  tel  que  vops  pouvez  bien 
penfer  qu'éroit  cette  montagne  i  parce 
qu'il  importoit  pour  lafoy  &:pour  lefa- 
lut  du  genre  humain,  que  la  vérité  de  fa 
gloire  fuft  certifiée  par  la  depofition  de 
plufieurs  tefmoins  irréprochables.     Au 
rcfte  il  n  eft  pas  befoinde  vous  dire^  qne 

dd     4        ^Ç 


414         "De  Ï^Afcenfion  duSeigmar 
ce  fuft  feulement  fa  nature  humaine ,  qui 
fut  élevée  de  à^Rws  laicrrei     Car  vous 
fçavez  allez  que  fa  divinité  eft  par  tout 
prefentei  &  qu'à  parler  proprement  elle 
ne  dcfcend,  ni  ne  montcircmpliflant  tout 
à  la  fois&  les  cicux  ^  la  terre.   Or  fi  le 
Seigneur  fut  ainfi  élevé  par  la  vertu  de  fa 
divmitè  Iculement  &  immédiatement,* 
oufice  futaulTi  par  le  commandement 
de  fa  volonté  humaine,  &:  par  Taftion  de 
la  faculté  motrice  de  foncorps,qui  étant 
déformais  doiié  de  qyaiitez  celeftes  &; 
fqrnaturelles  foit  capable  de  feguindcr 
en  haut,  &:  de  voler  en  l'air,  par  manière 
de  dire  ,  peut  eftre  n  eft-  il  pas  fort  necef^ 
faire  de  lerechercher.Encoreque  s'jlfal- 
loit  s  en  exprimer^j'eftimerois  ce  dernier 
parti  fort  vrai  femblable,*  y  aiant  grande 
apparcnrc,que  les  corps  glorifiez  ont  une 
Jegerctéjô.:  agilité  capable  de  toutes  fo r-r 
tes  de  mouvcmens.Et  en  cela  il  n'y  a  rien 
de  contrane  à  la  nature  d'un  vrai  corps. 
Car  fi  les  ailes  des  oifeaux  font  capables 
de  fcûrenir  leurs   ccrps,  &  de  les  porter 
en  l'air,  quelques  ma ffifs  &:  pefans  qu'ils 
foient,pourquoycét  Ffpiir  vivifiant,  qui 
^nimc  les  corps  glorifiez,  ne  pourroit-il 
ôvoir^ine femblable  vertu?  Autre  chofe 


l£svs  Christ.  Sermon^  4M 
eft  de  s'imaginer  (comme  font  nos  ad- 
verfaircs  )  un  corps ,  qui  pénètre  un  autre 
corps,  6c  qui  palTe  à  travers  fes  d imen- 
fionsCar  tout  corps  occupant  neceflaire- 
ment  un  efpace  de  lieu  cgal  à  fa  quanti- 
té ;  c'eft  dépouiller  la  chair  du  Seigneur 
de  la  vérité  de  fa  nature,  de  feindre  que? 
maintenant  elle  puifle  eftre  dans  un  lieu 
fans  roccuper.Et  c'eft  fans  raifon  ,  qu'ils 
veulent  appuyer  cette  erreur  par  fon  en- 
trée dans'le  ciel.  Car  outre  qu'il  n'efl: 
pas  bien  confiant,  que  le  corps  du  ciel 
foit  folide  &:  maffif,fe  treuvant  quantité 
de  grands  hommes  dans  les  écoles  &: 
du  monde,  &:  de  TEglife^qui  tiennent, 
que  c'eft  une  nature  liquide ,  &  déliée  &: 
femblable  à  rair,fauf  qu  elle  eft  beaucoup 
plus  pure,outre  cela,  dis-je,  qui  leur  a  dit, 
.que  le  facrè  corps  du  Seigneur  fe  pre- 
fentant,  les  cieux  ne  fe  foient  pas  ouvq-ts 
pour  lui  faire  place?que  feuls  de  toutes  les 
Créatures  ils  aient  refiftçau  mouvement 
de  leur  Maiftre  ?  Ils  s'ctoienc  ouverts  au- 
tresfois  pour  honorer  fon  baptefme,^  y 
envoier  cette  divine  colombe, qui  def- 
cendit  alors  fur  lui  en  forq^e  corporelle 
&vifible.  Combien  plus  spuvruent-ils 
pour  lerçceYoij:Iui  mefmc,  &:pourjouïr 


4z6         De  l^Afcerijïon  du  Seigneur 
de  la  plus  haute  gioire,qiu  leur  foit  ja- 
mais arrivée?  Car  il  n'y  a  point  de  crea- 
turejUi  fi  rcvekhe  qu'elle  ne  lui  obeïfle, 
ni  fi  ftupide  qu'elle  ne  reflente  j  comme 
par  un  fecret  inftind,  que  leur  plus  grad 
honneur  eft  de  le  fervir.  Les  vents  &  les 
flotSjles  plus  violentes  natures^quifoienc 
au  monde,fe  taifoient,  quand  il  parloit> 
les  pains  multiplioient;  les  poiffons  lui 
payoient  tribut  >  les  maladies  ,&  toutes 
lesmalignitez  de  leurs  caufes  fe  chan- 
geoient  pour  lui  plaire.     A  fa  mort  les 
pierres   fe  fendirent  de  dueil  ;  la  terre 
trembla,  &  le  Soleil  s'obfcurcit ,  les  nues 
mefmes,  les  jouets  des  vents  forcèrent 
leur  mouvement  à  fon  ordre^ô.:  fe  parant 
d'un  extraordinaire  éclat  s'arreftereht 
fur  la  montagne  de  Tabor^pour  lui  fervir 
de  pavillon.  Et  quand  il  quitta  la  terre, 
nôtre  Evacgclifte  nous  raconte,qu'il  en 
vint  une  incontinent  ,  qui  fe  mettant 
fous  (es  pieds ,  5d  l'environnant  glorieu- 
fement,  fut  comme  le  chariot  de  fjn 
triomphe.   Tavouc  qu'elle  lui  rendit  ce 
fupcrbe  office  pour   la\ompe  plûtoft 
qt^e  pour  la  neceffitc  ;  Ce  facrè  corps 
qu'elle  enlevoitn'aiant  befoin  d'aucune 
force  étrangère  3  ni  pour  l'emporter,  ni 

pour 


Iesvs  Christ.  Sermon.  417 
pour  le  foûtcnir.  Mais  tant  y  a  que  ce 
miniftere  des  nues  nous  montre ,  qu'il 
n'y  a  point  de  créatures ,  qui  ne  rendent 
une  prompte  &  fidèle  obcïfTance  au  Sei- 
gneur, penfez  je  vous  prie,  mes  Frères, 
quels  devinrent  les  cœurs  des  difciples, 
quand  ils  virent  un  miracle  fi  nouveau^ 
quel  fut  leur  éconnement  ;  quelle  leur 
douleur,leurjoye,leur  regret,  leur  crain- 
te &Ieur  efperancc;  leur  étonnemenr, 
pour  la  merveille  d'un  fi  étrange  mou- 
vementileur  douleur,  pour  la  feparation 
d'un  fi  bon  Maiftre,  qui  leur  étoit  arra- 
ché d'entre  les  bras  au  point  qu'ils  le 
pofledoient  avec  le  plus  de  contente- 
ment s  leur  joye  ,  pour  cette  fouveraine 
gloire  ;  où  il  étoit  élevé  devant  leurs 
yeux  ;  leur  rcgret,pour  le  bon-hear,qu'ils 
perdoient,*Ieur  crainte ,  pour  la  folitude, 
où  ils  demeuroient^  &:  leur  cfperance 
enfin  pour  la  part  qu'ils  pouvoient  atten- 
dre au  triomphe  de  leur  Seigneur.  Dans 
la  confufion  de  tant  de  paflîons  contrai- 
res ,  tout  ce  qu'ils  avaient  d'amc  &:  de 
fens  fiiivit  lefias  dans  le  Ciel.  îl  n'y  eut 
que  leurs  corps ,  qui  demeurèrent  fijrla 
montagne  des  Oliviers  ,  ieur$  vifages 
êc  leurs  yeux  tournez  en  haut  5  &:  regar- 
dant 


4i8  JÛe  fAfcenfiûn  du  Seigneur 
dant  fixement  fans  fiUer  leur  bon-heur 
s'enfuyant  aux  CieuxiContemplant  pre- 
mièrement le  divin  Corps  de  leur  Mai- 
ftrc  autant  qu'il  leur  f>t  permis  de  le 
voir  s  &  puis  cette  nue  iriomphale5qui  le 
\int  environner ,  &  enfin  quand  elle  fut 
hors  de  leur  veuë,  fa  route  &:  le  chemin 
qu'elle  avoir  fait  en  l'air,  criant  tous  s'il 
faut  ainfi  dire,en  leur  filcnce  ;  Seigneur 
pourquoy  nous  as-tu  quittez  ?  pourquoy 
îèpares-tu  ce  que  l'amour  &  la  foy 
avoieni  fi  étroitement  conjoint  ?  que  ne 
demeures-tu  avecque  nous  en  la  terre?  ou 
que  ne  nous  enleves-tu  avecque  toi  dans 
le  Ciel?  Cependant  Icfus  s'eloignant  tou- 
jours de  plus  en  plus ,  fc  rendit  bien-toft 
après  dans  les  Cieux.  Mais  la  douccur,ÔC 
la  grandeur  de  cette  gloire  ne  lui  fit  pas 
oublier  fes  chers  difciples.  Car  comme 
ils  etoient  dans  cette  cxtafe.  Voici  deux 
hommes  {  dicThiftoire  fainte)  quijepre- 
pmere/ft  devant  eux  en  veïîemens  blancs. 
Cet  habit  blanc,  le  doux  &  affeurè  fym- 
fcolede  la  pureté, &:  delà  joye  des  natu- 
res ccleiles,  vous  montre  affezquec'é- 
to  ent  des  Anges.Ces  bié-heureux  efprits 
i^voicnt  annoncé  &:  fa  conception  à  la 
VicrgeaS:  fa  naiffanccauxBcrger5,&  fî^ 

rcfurrç- 


ÏESVs  Christ.  Sermon-  4z^ 
rcfurredion  aux  faintes  femmes.  Il  écoic 
bien  raifonnable  qu'ils  cercifiaffent  fou 
afcenfion  aux  difciples,  &  leur  prediffent 
fa  dernière  venue  -,  &  que  comme  ils  la- 
voient  fervi  dans  fe^Gombats.en  la  tenta- 
cion  du  defert ,  &  en  Tagonie  du  jardin 
des  Oliviers,  ils  jouïiTent  auffi  de  la  gloire 
de  fon  triomphe  ,  &:  fiflent  partie  de  fa 
pompe  ;  Hommes  Galiléensy  difent-ils  aux 
Apôtres  5  fourquoy  vous  arrejfez,  vohs  re- 
gardait au  ciel? Ce  leÇm  tclqui  a,  été  élevée» 
haut  davecque  votis  au  ciel ,  viendra  ai^fi 
que  vou^  l'avez  contemple  allant  an  ciel-  Ce 
neftpas  pour  lestancer  qu'ils  leur  tien- 
nent ce  difcours  (leurpafîîon  etoit  trop 
raifonnable)  mais  pour  les  ramener  à  eux 
mefmes,  &  pour  addoucir  leur  cnmiy; 
comme  s'ils  leur  difoient  jCeftenvain, 
que  vous  vous  arreftez  ici.  Vôtre  lefus 
eft  dans  fon  ciel  ;  a«:  vous  ne  le  pouvez 
fuivre  pour  cette  heure.  Travaillez  à  la 
tafche,qu'il  vous  a  donnée  avant  que  de 
partir;  &:  vous  rejouïîTant  du  glorieux 
écatjOii  le  Père  Ta  élevé ,  attendez  fon  re- 
tour en  patience.  Car  pour  eftre  monté 
au  ciel ,  il  n*a  pas  quitte  le  monde.  Il  le 
gouvernera  par  fa  providence  jufqua  ce 
qu'il  vienne  encore  une  fois  pour  le  juger. 

Alors 


i^^o         Bel'Afce^fiân  du  Seigneur 
Alors  il  viendra  tel  que  vous  Tavez  veu 
s'en   aller  maintenant  en  cette  mefme 
chair  que  vous  avez  touchée;  veftude 
cette  mefme  gloire  ,  que  vous  avez  con- 
templéejmontè  encore  fur  une  nuë  ,  &: 
environné  de  millions  d*Anges.  Ceft  la 
confolation,  que  ces  deux  Meflagers  du 
Seigneur  donnèrent  à  i^s  chers  Apôtres. 
Certainement  s'il  euftdeu  venir  tous  les 
jours  en  corps  &  en  ame  fur  leur  table, 
dans  leur  pain  &:  dans  leur  bouche  pour 
y  imprimer  les  germes  de  rimmortalitè 
(comme  TEglife  Romaine  l'enfeignejc'é- 
toit  ici  le  lieu  de  le  dire.    Ce  que  les 
Anges  le  taifent  dans  cette  occafion,  eft 
un  fort  argument  de  la  vanité  de  cette 
imagination  s  ce  qu'ils  ne  promettent 
aux  difciples,  qu'une  venue  du  Seigneur 
en  corps ,  vilîble ,  &  pompeufc,  &:  glo- 
rieufe  ,  telle  qu'avoit  été  fon  afcenfion, 
eft  un  figne  évident,  que  cette  autre,que 
1 W  nous  fait  fecrctte ,  invifible,  &  im- 
perceptible ,  &  qui  n'a  rien  de  commun 
avec  fon  afcenfion  au  ciel,  n'eft  qu'une 
pure  fi£bion;  ô^  que  félon  l'avertiflcment 
du  Maifcrc  il  nous  faut  bien  donner  gar- 
de d'ajoacer  foy  à  ceux ,  qui  nous  dilenr, 
z(>.  "    voici ïi  eU  d^mnos  cahinets -^  il  y  eftdef- 

cen- 


Iesvs  Christ.  Sermon.  451 
cendu  du  ciel  invifiblement.  C'eft  là. 
Chers  Frères ,  ce  que  l'Evangelifte  nous 
reprefente  de  Thiftoire ,  &  des  circon- 
(lances  de  lafcenfion  du  Seigneur  au 
ciel.Confiderons  en  maincenaiu  les  rai- 
fonsle  dis  donc  premierementiqu'il  fal- 
loir neccffairement ,  que  Iesvs  montaft 
au  ciehpuis  que  les  oracles  du  Vieux  Tc- 
ftament  avoient  promis ,  que  le  Chrift  y 
monreroit.  David  Tavoic  clairement 
prédit  mille  ans  avant  Tevenement  de 
la  chofe  ;  Tu  esmonù  enhaut ,  dit- il ,  tu  as  j^' 
mené  captifs  des  ^rifonniers  ;  tu  as  f  m  des 
doHS  pour  diftribuer  entre  les  hommes ,  (^ 
mefmes  entre  les  revefches^afin  qu'ils  demeu-^ 
rem  au  lieu  de  ï Eternel  DieuiQ?"  que  cet- 
te predidion  appartienne  au  Melfie,  ou- 
tre que  toute  la  cbntexrure  du  Pfeaume 
le  montre  évidemment ,  l'Apôtre  ne 
nous  permet  pas  d'en  douter,  raportant 
exprefîement  ces  paroles  à  Tafceniion 
du  Seigneur.  A  cette  prédiction  fl  claire f/;.^. 
il  faut  joindre  les  types  5  &:les  modelles^- 
du  Chrift  ,  fous  la  vieille  alliance,  qui  fi- 
gurent aifez  clairement  cette  partie  de 
la  dilpenfarion  ;  comme  eni'hiftoirc  de 
Iofeph,que  vous  voicz  non  limplemenc 
fortir  de  prifon  pour  vivre  en  fa  premiè- 
re 


431*  ^c  l'Afcenfion  du  Seigneur 
re  condition ,  mais  monter  après  fa  deli^ 
vrance  en  un  état  glorieux  à  la  droite 
d'un  grand  Roy  avecque  puiffance  fuï 
tout  fon  Royaume; &:  en  celle  de  Moïfci 
qui  après  la  publication  de  la  loy  monta 
au  fommet  de  Sinaï  ;  &  en  celle  de  Da- 
vidjoù  vous  lifez  qu'après  tant  de  fueurS 
&:  de  combats ,  il  ne  fut  pa^^  feulement 
délivré  de  la  main  de  fes  ennemis  pour 
mener  de  là  en  avant  entre  les  fiens  une 
vie  particulière,  telle  quVcoit  la  fienne 
avant  qu'il  euftétè  oint,mais  que  déplus 
il  monta  en  Sion ,  ôc  s'alTic  fur  le  trônei 
d'Ifraël  j  peintures  qui  reprefentoient 
évidemment,  que  le  vrai  lofeph  i  le  vrai 
Moïfe,&;  le  vrai  David  (c'cù.  à  dire  le 
MeffieJ  àTiffuë  de  fes  fouffrances  U  de 
fes  travaux  ne  demeureroit  pas  fur  la 
terre  avecque  les  autres  hommes  dans 
une  vie  femblable  à  celle  ,  qu'il  avoit 
vefcue*  durant  les  jours  de  lachair^mais 
qu'il  feroit  élevé  dans  un  lieu,  &  dans 
une  dignité  convenable  à  fa  grandeur^ 
ceftà  dire  dans  le  ciel,  fur  le  trône  de 
fon  Pcre.Le  mefraeétoit  encore  fignifiè 
par  le  fouverain  Sacrificateur  ,  quand 
après  avoir  oftert  les  vi(3*imes  hors  du 
fanduaire^pour  expier  les  péchez  de  fon 

Ifracl, 


Îesvs  Christ.  Sermon.  435 
îfracl,il  entroicdaas  le  faiac  des  faines 
faic  de  main,pour  y  comparoiftre  devant 
Dieu  avecque  le  fang  de  fan  faetifîcej 
fîg'ire  exceiieiue ,  qui  moncroic  des  lors> 
que  le  vrai  Pontife  de  i'iftaël  myftiqiie 
fceftà  dire  le  Chrift  )  après  avoir  im- 
molé en  terré  la  vraie  &  fpirituclle  vi- 
dirae,entreroicdansle  ciel  y  le  vrai  fan- 
ftuaire  non  fait  de  main  ,  pour  y  coiTji. 
paroiftre  avecque  la  verra  dé  fon  éternel 
facrificé.  lefeis  donc  étant  la  perfonné 
prédite  par  ces  Prophéties  ,  &  reprefen  - 
tée  par  ces  types,  il  a  ctè  necefTiir'e  ,  que 
pour  remplir  ces  ombres ,  &c  vérifier  ces 
anciens  oracles ,  il  montaft  au  ciel  après 
fa  refurreftion.  Mais  afin  de  mieux  voir 
la  fageffe  de  ce  confeil  de  Dieu ,  confia 
dcrons  maintenant  en  gênerai  les  rai- 
fons ,  pour  lerquelles  il  a  fallu  ,  que  le 
Chrifl:  montaft  au  Cieh  car  l'homme  euft 
trouvé  beaucoup  plus  àpropos,  qu'il  fuft 
demeuré  ici  bas, comme  il  paroiftparl'e^ 
xemple  de  ceux  de  la  communion  dé 
Rome^qui  nonobftant  la  profel]ion,qu'ils 
font>de  croire  qu'il  eft  au  ciel ,  veulent 
heanrmoins  ,  qu'il  foie  auffî  en  la  terre 
dans  leui^s  boeGes^^  fur  leurs  autels,  en 
tous  les  endroits  du  mo^de  à  la  fois,  lé 


4Î4-  ^^  I^AfcenfioH  du  Seigneur 

dis  donc  que  la  raifon  &:  de  la  nature 
humaine  du  Chrift,&  de  chacune  de  fes 
charges,&:  de  nôtre  utilité  de  nous  tous, 
qui  fommes  fes  fidèles, requeroitqua- 
pres  avoir  achevé  Texpiation  de  nos  pé- 
chez en  la  terre,  il  montaft  au  ciel  com- 
me il  a  fait ,  &  y  demeuraft  côme  il  fera, 
jufques  à  la  confommation  des  fiecles.Sa 
nature  humaine  premièrement  le  reque- 
roit  ainfi.  Car  le  Chrift  cft  un  homme 
celefte,comme  Tenfeignc  S.Paul,  entant 
'•^'"'•^^*  qu'il  a  été  conceu  du  Saint  Efprit ,  prin- 
"^  *  cipe  celefte ,&  furnaturel.  Or  il  eft  de  la 
fagefle  divine  de  donner  à  toutes  chofes 
des  lieux  convenables ,  &:  proportion- 
nez à  leur  nature.  Ainfi  au  premier  hom- 
me , qui  étoit  terre Itre  ,  elle  aflîgna  pour 
fa  demeure,unlieuterreftre;  affavoirlc 
jardin  d'Eden.  Il  falloir  donc  qu'au  fé- 
cond Adam ,  qui  eft  celefte.elle  donnaft, 
non  la  terre  ,  mais  le  ciel  pour  fon  domi- 
cile, &:  s*il  faut  ainfi  dire  ,  pour  fon  élé- 
ment. Mais  comme  vous  voiez  que  les 
chofes  naturelles  demeurent  quelques- 
fois  pour  un  peu  de  temps  hors  dû  lieu 
de  leur  repos,  quelque  caufe  furvenue 
hors  la  condition  de  leur  nature  les  y 
obligeant  i  de  mefmc  auffi  cet  homme 

divin. 


Iesvs  Christ.  Sermom.     4jj 
divin  ,  qui  félon  le  légitime  &  originel 
de  fa  nature, ne  devoit  vivre  &:  conver- 
fer  que  dans  le  ciel,  a  été  pour  des  rai- 
fons  pu  ticulieres  arreftè  pour  quelques 
années  en  nôtre  terre  i  aflçavoir  pour 
l'œuvre  de  nôtre  rédemption,  qui  ne  fe 
pouvoit  accomplir  fans  faire  &  foufFrir 
ici  bas  les  chofes,quc  lefusy  afaites,  ÔC 
foufFertes.   Commue -donc  vous  voiez  en 
la  nature  ,  que  chaque  fujcr  reprend  fon 
lieu,  &  fon  élément ,  auflî-tcîl  que  ceffe 
la  raifon,quirentcnoit  hors  extraordi- 
naireraent  i  la  pierre  defcend  vers  le 
centre  du  monde,  6c  l'eau  coule  en  bas, 
dés  que  la  force,  qui  lesfufpendoit  ca 
hâut,vient  à  manquer;  Ainfi  a-t  il  été  en 
toutes  faffons  convenable,  queleChrift 
priftfon  vol  dans  le  ciel,  dés  que  cette 
œuvre,  qui  len  tqnoit  liors,a été  accom- 
plie. Mais  fa  charge  lobligeoit  auffi  évi- 
demment àcelamefme.  11  eft  comme 
vous  fçavez,le  Prophete,le  Sacrificateur 
ôc  le  Roy  du  genre  humain. Or  il  ne  pou- 
voit bien  &  dcuëmcnc   s'acquitter  de 
toutes  les  fondions  de  ces  divins  offices 
fans  monter  au  ciel.  Car  pour  le  pre- 
mier ,  s'il  fuft  demeure  en  la  terre ,  il  ne 
nous  euft  peu  cnfeigner,ni  fi  pleinement, 
'  e  e     2  ni  fi 


43<^        I>^  l^Afcenfion  du  Seigneur 
ni  fi  clairement  ,  ni  fi  convenablement, 
comme  il  a  faicécant  monté  au  ciel.  11 
ne  nous  euft  pas  enfeigaè  fon  afcenfion, 
ni  la  gloire,qui  l'a  enfuivie  j  leçon,  néan- 
moins tres-neceifairef  comme  nous  le  di- 
rons incontinent)  pour  la  perfcdion  de 
nôtre  foy  &  de  nôtre  fandification.  La 
clarté  des  enfeignemens^qu'il  nous  don- 
ne,euft  aufli  été  beaucoup  moindre  s'il 
fe  fuft  arreftè  ici  bas,  puis  que  pour  illu- 
miner nos  cœurs ,  il  falloir  neccffaire-^ 
ment  y  faire  defcendre  le  Saint  Efprir, 
dont  les  trefors  étant  comme  renfermez 
&  ferrez  dans  les  cieux  ,  il  a  été  necef- 
fliire,que  nôtre  Prophète  y  montaft  pour 
les  ouvrir  5  &verfer  de  là  dans  les  âmes 
defes  difciples,  la  lumière  requife  pour 
leur  inftrudion  j  comme  il  le  difoit  lui 
mefme  à  (ts  Apôtres  j  llvouseftexfeàient 
que  je  m  en  aïU^  .    Car  fi  je  ne  m  en  vais^  le 
ConfûUteur  ne  viendra  point  a  vous  ;  é'  fi 
je  m  en  vais ,  ;>  vom  l  envoierai.Enûn.  la  di- 
gnité de  fa  Prophétie  requeroit  aufli  cela 
mefme.  Vne  chaire  de  bois ,  ou  de  mar- 
bre ici  bas  en  terre  fuffit  à  un  Prophcte 
terrcftre  &  particulier  ;  mais  au  Prophè- 
te de  tout  le  genre  humain  ,  dont  la  voix 
doit  eltrc  entcnduc,aon  en  ludée,  ou  en 

Grèce, 


Iesvs  Christ.  Sermok.     437 
Grèce  ,  en  lerufalem ,  ou  à  Rome  feuie- 
mencmais  par  tous  les  endroits  de  l'u- 
nivers ,  Ton  ne  pouvoir  fans  indécence 
donner  un  autre  chaire,que  le  ciel.C  eft- 
là  un  ficge  vraiement  digne  de  lui  ;  non 
ces  montagnes ,  &c  ces  lacs  de  ludée ,  où 
il  enfeignoit  jadis  durant  les  jours  de  (ba 
humiliation.    De  cette  chaire   celefte, 
élevée  au  de(îus  de  rout  fon  auditoire 
f  c*eft  à  dire  au  deffus  de  l'univers  entier) 
il  fait  ouïr  fa  fainte  voix  aux  Anges ,  &C 
auxhommes,inftruifant]e  ciel  &  la  ter- 
re d'une  faflbn  vraiement  digne  de  lui; 
envoiant  fa  parole ,  Se  les  rayons  de  fon 
Efprit  en  tous  lieux  pour  difliper  l'igno- 
rance, &:  apprendre  à  chacun  tous  les 
myfteres  de  la  fouverainc  fageffe.    Sa 
facrificature     requeroit    pareillement, 
qu'il  montaft  au  ciel.  Car  puis  que  touc 
Sacrificateur  doit  avoir  un  faniluaire 
poury  comparoiftrc  devant  la  divinité, 
^  pour  la  rendre  propice  à  fon  peuple 
par  la  vertu  du  fang  de  fon  hoftie,-  qui  ne 
voidqueie  Chrift  pour  faire  cette  fon- 
£lion  facerdotale  ,  n'a  peu  5  ni  deu  avoir 
un  autre  fanftuaire ,  que  le  ciel   ?  Car 
étant  Sacrificateur  non  temporel ,  corne 
ceux  de  Levi  autrefois,  mais  éternel  ;  ôd 

ce     3        aianç 


4}8  'Deï^AfcenJion  du  Seigneur 

aiant  crè  conlacie  nonparla  main  d'un 
horome^côme  Aaron5&::  fesdefccndans, 
mais  par  le  Père  Souverain  i  &  enfin 
aiantéic  donné  cV  dcftinè  non  pour  un 
coin  de  la  terre,mais  pour  l'univers  tout 
entier  ;  il  eft  évident,  que  pour  obletver 
tn  cil  endroit  la  proportion,  &  la  bien- 
feance,que  la  fageffe  divine  a  fi  admira- 
blement gardée  en  toutes  fes  œuvres,  ce 
Sacrificateur  devoit  avoir  un  fanâ:uairc, 
non  corruptible ,  mais  etcrr  cl  i  non  fait 
de  main  d'homme  5  mais  formé  de  la 
propre  main  de  Dieu, non  particulier, 
mais  univerfel ,  c'tft  à  dire  le  ciel  en  un 
mot^n'y  aiant  dans  tout  le  monde  aucun 
autre  lieu  que  le  ciel , auquel  toutes  c^^ 
conditions  appartiennent.  Concluons 
donc  qu'à  cet  égard  il  éroit  aufll  necef- 
faire5que  lefus  après  avoir  immolé  fa  vi- 
âime  en  terre^allafl:  au  ciel ,  pour  y  pre- 
fenrer  fon  fang,  c'cft  à  dire  la  vertu  de 
fon  facrificcjau  grand  &  fouverain  Dieu, 
&  y  ccmparoiftre  devant  fon  éternelle 
Wajeftè,  afin  de  procurer  la  paix  au  gen- 
re humam.  Enfin  fa  Royauté  requeroit 
a"ilîlam<fme  chofe.  Car  le  Royaume 
du  Chrift  étant,  non  un  empire  mon- 
dain, qui  ne  s'étende,  qwe  fur  quelques 

nations? 


Iesvs  Chris  t.  Sermon.     43^ 
nations  feulement,  mais  un  étatcelefte, 
éternel  ,  &  univerfel  (d  où  vient  que  le 
Seigneur  lefus  le  nomme  ordinairement 
\c  Royaume  des  deux  )  chacun  comprend 
affez  ,  que  le  ciel  eft  le  vrai  Ôi  légitime 
Palais  de  ce  Monarque,  nyaiantpoint 
d'autre  lieu  en  tout  Tunivers^qui  foit  pro- 
pre  U  convenable  aie  loger.     Mais j  a- 
joute  encore,  que  nôtre  intereft,  de  nous, 
qui  fommes fesfujetSjlobligeoit de  mon- 
ter au  ciel  r  Notre  foy  ,  nôtre  efperance, 
&:  nôtre  charité  ne  pouvant  cftre  par- 
faites fans  cela.     Car  quelle  affeurance 
pouvions  nous  prendre  de  l'entière  vi- 
doire  du  Seigneur,  ôi  de  l'acquifition  de 
la  bien-heureufe  immortalité  ,  qu'il  a 
faite  pour  nous ,  fi  nous  ne  lavions  veu, 
non  feulement  reffufcitcr  des  morts  (  car 
plufieurs  fontreffufcitcz  ,  qui  n'ont  pas 
laifsè  de  mourir  encore  après  cela,com- 
me  le  Lazare^Ôi  divers  autres  ;  mais  aufïi 
monter  au  ciel,  le  vrai  domicile  de  l'in- 
corruption.ÔC  de  leternitè  ?  Et  quelle  je 
vousprie,fcroit  encores  nôtre  efperance, 
fi  lefus  Chrift  ne  l'avoir  affermie,  &  re- 
levée en  portant  nôtre  nature  dans  le 
ciel,  comme  une  arre,&:ungage,q;a'il 
nous  a  donné ,  afin  de  fonder  6l  d'affeu- 

e  c     4        icr 


44-Q         2>^  rAfcefifion  dti  Seigneur 
rcr  refperance ,  que  nous  avons  d'y  vivre 
aufliunjour  avecque  lui  ?  Enfin  nousne 
pouvions  avoir  une  parfaite  charité,  s'il 
fuft  demeure  en  la  terre.   Car  la  charité, 
qu'il  vouloir  allumer  dans  nos  cœurs, 
n'eft  pas  une  aJÏcdion charnelle,  &:  en- 
fantine i  mais  une  pure ,  &:  fpirituelle  ,  ôi 
divine  amour.     Or  elle  n'cuft  peu  eftre 
telle ,  fi  nous  cuffîons  toujours  eu  la  chair 
du  Seigneur  ici  bas  au  milieu  de  nous. 
Cela  mcfme ,  que  nos  adverfaires  la  pcn- 
fent  avoir  (  bien  qu*ils  ne  Taient  point  en 
cffctj  corrompt  leur  dileftion,  &  la  fait 
dégénérer  en  une  afl^edion  puerilc,toute 
attachée  à  la  prefence  charnelle  de  ce 
qu'elle  aime.  Et  telle  etoit  l'amour  des 
difciples ,  pendant  que  le  Seigneur  de* 
meura  avec  eux  fur  la  terre.   Pour  Tcf- 
purer,  &  la  perfcdionncr,  ^  la  changer 
en  une  charité  vraiement  Chrétienne ,  il 
a  faUu,que  lefus  retiraft  fa  nature  humai-r 
neau ciel, afin  qu'eux  &:nous  peufiions 
vraiement  dire  comme  l'Apôtre  wY^;/^ 
zXoY.  ;.  ^c  connoiffonsferfonne  félon  h  chair:  Mef- 
mes  encore  que  noH6  aions  connu  Chrijl  félon 
U  chair  :  toutesfois  maintenant  notps  ne  le 
connoipnsphi^.    Voila  quelles  ont  ctè  les 
caufcs ,  qui  ont  oblige  le  Seigneur    .-fus  à 

ontci" 


Iesvs  Christ.  Sermon.     441 
IBontcr  au  ciel  après  avoir  exécuté  l'œu- 
vre de   nôtre  rédemption  en  la  terre. 
Voions  maintenant  en  troifiefme  &  der- 
nier lieu  ,  quels  ont  été  lesetïets  de  Ion 
afcenfion. Chers  Freres^le  nombre  en  eft 
fi  grand,  qu  il  feroit  difficile  de  vous  les 
rcprcfcnter  tous.  Nous  n'en  toucherons, 
que  les  deuxprincipaux^auxquels  il  fera 
aisé  de  ramener  la  plus  grande  partie 
des  autres  i  le  premier  ,  la  captivité  &: 
remprifonnement.de  nos  ennemis;  le 
,/econdj  la  diftribution  des  dons  &  des 
grâces  celeftes  entre  les  hommes.    Ce 
font  les  deux  principales  pompes  de  ce 
triomphe  du  Seigneur.  Pour  le  premier; 
l'Ecriture  nous  fait  mention  de  quatre 
ennemis  àéhitsSc  emprifonnez  par  lefus 
Chrift,a{rçavoirlepechè,  le  diable,  le 
monde  ,&  la  mort.   ravouë,que  c'eftà 
la  croix  de  Chrift,  que  cette  vidoire  eft 
principalement  deuë;  mais  il  eftclair> 
que  fon  afcenfion  y  a  aulTi  eu  fa  part.  Il 
a  défait  le  péché  en  deux  faflbns  s  pre- 
mièrement en  nousle  remettant ,  ôc  lui 
ôtant  la  force  qu'il  avoit  de  nous  con- 
damner;  Secondement  en  le  dépcuil- 
lant  de  Tempire  tyrannique ,  qu'il  exer- 
goiten  nos  membres  par  les  convoitifcs 

4e 


44*  ^^  I^Afce^ffion  dit  Seigneur 
de  notre  chair.  La  mort  de  Chrift  cftia 
première  &  principale  caufe  de  cette 
deTaite  du  pechc.  Car  en  fa  croix  il  a 
anéanti  la  condemnation  du  pechè  par 
la  fatisfadion  de  la  juftice  divine  ,  nous 
rachetant  de  la  mort,  qui  étoit  le  gage 
du  pechè,par  la  malcdidion  qu'il  a  fouf- 
ferte  pour  nous,*Etlàmefmc  encore  il  a 
crucifie  nôtre  vieil  homme,  &  éteint  ks 
convoitifes,tant  par  les  tefmoignages, 
qu'il  nous  y  a  donnez  de  fon  amour  &: 
de  rhorreur  de'  nôtre  pechè^que  par  l'e- 
xemple &  le  patron  tres-accompli,  qu'il 
nous  y  a  reprefentè,de  la  plus  excellen- 
te &  admirable  faintetè  ,  qui  fe  puifle 
îmaginer.Mais  fon  afcenfion  a  auffi  con- 
tribué à  Tune  &  à  l'autre  partie  de  cette 
viâoire.  Car  puis  que  la  remillîon  des 
péchez  expiez  en  la  croix  de  Chrift 
(c*eft  à  dire  nôtre  iuftification)  ne  fe 
peut  obtenir  fans  la  foy;vous  voicz  com- 
bien fon  afcenfion  au  ciel,  a  contribué  à 
nôtre  juftification ,  puis  qu'en  montant 
au  ciel  il  a  élevé  &  afleurè  nôtre  foy,qui 
fcroit  nulle  ("comme  nous  l'avons  touche 
lî'agueres  )  fi  le  Chrift  fuft  demeuré  ici 
bas  en  terre.  En  mourant  il  a  paie  nôtre 
dcttesEn  montant  au  ciel  »  il  nous  en  a 

fourni 


Iesvs  Christ.  Sermon.  4.4^ 
fourni  une  quittance  fi  authentique ,  Se 
en  fi  bonne  forme  ,  que  déformais  nous 
ne  pouvons  plus  eftre  en  peine  pour  cct- 
te  partie  là.  Et  quant  aux  convoitifes ,  &C 
aux  corruptions  de  nôtre  nature ,  qui  ne 
fçait  combien  Tafcenfion  du  Seigneur  a 
ferviàles  corriger,  puis  qu'en  montanc 
au  ciel  il  y  a  élevé  avecque  lui  nos  cœurs 
&:  nos  afFedions ,  les  arrachant  de  cette 
miferable  terre  &  les  attirant  à  luy  par 
le  defir  de  cette  belle  &:  heureufe  im- 
mortalité,qu  il  nous  y  montre  en  fa  per- 
fonne?Nôtre  premier  &  principal  enne- 
mi ,  c'eft  à  dire  le  pechè  ,  ainfi  deTait  &: 
fubjuguç,  le  fécond  affavoir  le  diable  ,  a 
ctc  deftruit  par  mefme  moien  ,  étant 
c!air,que  ce  n'efi:  que  le  pechè^cuiTavoit 
rendu  nôtre  tyran,&:  qui  lui  fournifToit 
toutes  les  armes  dont  il  nous  combat- 
toit,  lefus  Chrift  nous  aiant  juftifiez  &: 
fanctifiez ,  tant  par  fa  mort,  que  par  ion. 
afcenfion  au  ciel ,  le  diable  n'a  plus  la 
puiflancCjnide  nous  tormenter  pour  nos 
crimes  ,  ni  de  nous  feduire  par  nos 
convoitifes.  l'en  dis  autant  du  monde, 
nôtre  troifiefme  ennemi.  Car  quelle  for- 
ce peuvent  déformais  avoir  fur  nous,ou 
fçs  charmes ,  ou  fes  cruautez  >  puis  que 

lefus 


444  ^^  V  Afcenfwn  du  Seigneur 
Icfus  Chrift  nous  a  fait  voir  en  mourant, 
que  les  péchez  auxquels  le  monde  nous 
attirejfont  des  horreurs  ,  qui  ne  fc  peu- 
vent expier  ,  que  par  lamalediftion  de 
Dieu  ?  ô^  puis  qu'en  montant  au  ciel, 
il  nous  a  montré ,  que  les  peines  &  les 
fouffrancesjdont  le  monde  nous  mena- 
ce/e  terrr  ineront  toutes  en  une  immor- 
telle &  g^r  rieufe  vie?Et  que  peuvent  en- 
fin les  mauvais  exemples  des  mondains, 
que  nous  voions  tous  les  jours  pcrirdans 
les  ordures  de  leurs  iniquitez,  contre  le 
patron  de  lefus  Chrift  ,  que  nous  avons 
vcu  élevé  par  une  fouffrance  de  peu  de 
durée  en  une  vie  &  en  une  gloire  cclefte 
&  éternelle  ?  La  mort  ,  le  dernier  enne- 
mi, a  aufli  été  defaitte  par  la  croix,&  par 
Tafcenfion  de  lefus  Chrift  ;  qui  lui  a  ar- 
raché des  mains  la  feule  arme ,  qui  nous 
la  devoir  faire  craindre,  à  fçavoir  la  ma- 
ledidion  &:  la  condannation  de  laloy. 
Celt  ainfi  que  Tafcenfion  du  Seigneur  a 
captivé  tous  nos  ennemis.  Pour  bien 
vous  reprefcnterfon  triomphe  ,  figurez- 
vous,Fideles5qu  alentour  de  cette  nuée, 
qui  l'enleva  au  ciel,  fuivoient  enchaifnez 
d'un  côte  les  péchez,^  les  vices  de  tous 
les  hoBfimeSjlorgueiljla  vanicc,ravarice, 

la 


Iesvs  Christ.  Sermon.  44J 
la  luxure  ,  rincemperance  ,  Tenvie^U 
cruauté  ,  rinjuftice  ,  d>C  cous  les  autres 
monftres  de  cette  nature ,  veincus  &:  dé- 
truits par  le  SeigneunQue  de  l'autre  côté 
ctoienctraifncz  les  de  m  jns5avecque  tou- 
tes leurs  noires  armées  i  non  fiers  &re* 
doutabIe5,conime  autresfois5maisliez  32 
couverts  de  honte,  &:  d'ignominie  i  Que 
le  monde  venoit  puis  après  avec  fès 
dards,  mais  époiatez,  avec  fes  artifices, 
mais  découverts ,  avec  fes  glaives  &  fes 
craics,mais  rompus  6c  brifez;que  la  more 
enfin  la  dernière  de  cette  funefte  bande, 
fuivoic  apres^mais  dépouillée  de  cequ  el- 
le avoir  eu  de  redoutable.  C'écoientles 
captifs,que  lefus  mena  en  triomphcquâd 
il  monta  dans  les  cieux  5^  que  le  S.  Pro- 
phète vid  en  efpric  à  l'entour  de  fon  char 
viftorieux,  quand  il  s'écria  ,  Tu  es  mo/ite pf.és.is. 
en  haut  :  Tu  as  fût ,  du  emmené  desfnfor,' 
nier  s*  Le  fécond  eiïcc  de  fv>n  afcenfioa 
confifte  aux  dons, &£  aux  grâces,  donc  il  a 
enrichi  l'Eglife.  Ce  i^uc  dans  ie  ciel, qu'il 
prit  ces  fruits  &  ces  lumières ,  dont  il  fit 
largelTeauxhommrs ,  ^  cette  eau  vivi- 
fiante ,  dont  il  inonda  la  terre. Ceft  pour- 
quoy  le  Pralmiftc  coare  cette  efFufion  de 
{'^^  grâces  encre  les  marques  &  les  pompes 

de 


44^  ^^  l'Afcenfi^n  du  Seigneur 
de  fon  triomphe  5  Tuas^  du- il  y  prfsdej 
dons  pour  dijlribuer  entre  les  hommes.  Son 
afcenfion  ouvrit  le  ciel,  &  lecielctanc 
ouvert  difl:illa,ou  pour  mieux  dire>pleur, 
&  verfa  en  grande  abondance  une  ri- 
che pkiye  d  or  fur  la  terre5qui  en  renou- 
vella  toute  la  face  en  peu  de  temps  ,  y 
faifant  tout  à  coup  germer,^  croiftrc  Ja 
plus  belle  ôd  la  plus  divine  moiflbn  ,  qui 
jamais  y  euft  été  veuë.  Car  incontinent 
après  que  le  Seigneur  fut  au  cielje  Saint 
Efprit  defcendit  en  la  terre  ,  &  y  forma 
en  un  inftant)  des  Apôtres ,  des  Prophè- 
tes, des  Evangeliftcs ,  dcsDocteurS)  bC 
par  eux ,  comme  par  autant  de  canaux, 
qu'il  fe  tailla  lui  mefme  de  fa  propre 
mainjfe  répandit  en  tous  les  lieux  du 
monde  habitablcivivifiant  ,  &  reveftant 
devcrdure^de  fltDrs,^:  de  fruits,  jufques 
aux  plus  iirides  ,  &  fteriles  landes  &C 
bruyères.  Ces  dons  de  TEfprit,  nous  ont 
tous  tirez  de  la  mort  ;  nous  ont  tous  ani- 
mez, &  tranfplantezdans  le  jardm  de 
Dieuicommc  chacun  le  confeiTe. Or  c'ell 
rafccnfion  du  Seigneur,  qui  nous  les  a 
procurez.  Si  je  ne  rnen  va^s-^le  Cofjfolateur^ 
tEfpr'tt  ne  viendra  foint  ,  difoit  le  Sei- 
gneur.    11  s*enfuit  donc,  que  c*c(l  fon 

afcenfion> 


Iesvs  Christ.  Sermon.  447 
afcenfion,  qui  nous  a  donné  la  vic&ia 
foy,  de  en  un  mot  le  Chriftianifme  tout 
entier.  D  où  paroift  combien  eft  vaine 
robjedion  que  la  chair  forme  en  cet  en- 
droit contre  la  vérité  de  ce  myftere;  di- 
faiît ,  que  ce  nous  euft  été  une  beaucoup 
plus  grande  confolation  d'avoir  le  Sei- 
gneur ici  bas  avecque  nous  en  terre. 
Cela  auroit  quelque  lieUjfi  s'en  allant  au 
cieljil  nous  avoit  laifTez  feuls ,  àc  orphe- 
lins en  la  terre  ;  mais  il  n'en  eft  pas  ainfi. 
Il  nous  a  donné  fon  Efprit  pour  demeu- 
rer à  jamais  avecque  nous ,  qui  fupplce 
très- abondamment  à  l'abfence  de  fon 
corps.  Il  n'écoit  pas  bcfoin,  que  Rome, 
pour  remédier  à  ce  défaut, s'avifaft  de 
faire  avaler  la  chair  de  le  fus  Chrift  aux 
hommes,  le  portant  tout  entier  (à  ce 
qu'elle  dit)  jufqucs  dans  leurs  eftomacs. 
Car  bien  que  la  fubftance  de  fa  chair  foit 
dans  le  ciel ,  fon  fruid ,  fon  efficace ,  fa 
vertu,  &:  fon  Efprir  eft  en  la  terre.  11  n*eft 
pas  befoin,que  le  Soleil  defcende  ici  bas 
pouréclaircr,  échauffer  &:  vivifier  la  na- 
ture. Sans  fortir  de  ce  haut  pavillon,quc 
Dieu  lui  a  posé  dans  le  ciel,il  communi- 
que très- facilement  5  ôi  tres-commodc- 
ment  fa  clarté,  fa  chaleur,^  cous  les 

biens 


4.4S  I>e  l'Afcenfion  dti  Seigneur 
biens  à  la  terre  par  les  rayons  de  cettd 
bclic  lLimiere,qu  il  épand  en  un  momenc 
dans  tous  les  lieux  de  Tunivers.  Beau- 
coup moins  eftilneceffairc,  que  nôtre 
Soleil  de  jufticeabbaifTe  Ton  corps  &  fa 
fubftance  ici  bas>  pour  nous  faire  part  de: 
fa  vie.  Car  demeurant  allîs  là  haut  fur 
ce  glorieux  trône  de  Ton  Père  il  nous 
communique  fa  paix ,  fa  vie  ,  5^  fa  joyé 
tres-aifcment,  &  tres-convenablcmenc 
par  les  rayons  de  fon  Efprit,  qui  remplif- 
fcnt  toute  fon  Eglife.  Réjouïflez  vous 
donCjfideles,  de  ce  que  le  Seigneur  Jefus 
elt  monte  dans  les  cieux.BenilTcz  le  jour 
de  {o\\  triomphe,  l'afTcurance  de  vôtre 
liberté  &:  de  vôtre  gloire  !  O  jour  bien- 
heureux, qui  as  mis  fin  à  nôtre  fervitude 
parla  captivité  de  toutes  les  puiflances, 
qui  nous  étoient  contraires  l  qui  as  en- 
chaifnè  nos  tyrans ,  &;  les  as  menez  en 
montre  :  qui  as  clevè  nôtre  chair  au  dcf- 
fus  des  cieux  ;  6^  de  ce  miferable  domi* 
cile  dclamort,&:  de  la  vanité  Tas  tranf- 
portée  dans  le  glorieux  fanduaire  de 
l'immortalité!  Ceft  là,  Frcresbien-ai- 
mcz,  qu'il  nous  faut  déformais  chercher 
nôtre  Ghriftnion  ici  bas  entre  les  morts, 
comme  faifoiçnc  les  femmei5-.qui  Ta- 

voicnc 


Iesvs  Christ.  Sermon.  44.9 
voient  fuivi  de  Galilcc^ou  dans  les  mains 
d'un  homme  mortel,  comme  quelques 
uns  aujourd'hui.  Si  vous  dcfirez  avoir 
quelque  chofe  de  luijon  Efpricfa  vie>  fa 
confolation  ,  la  vertu  de  fa  chair  &  de 
fon  fang ,  élevez  vos  cœurs  en  haut  dans 
le  Temple  de  rcternitc. Comme  ancien- 
nement les  Ifraelites  fous  la  vieille  al- 
liance attachoient  leurs  affedions  àj'ar- 
che  &:  au  Temple  de  Icrufalem  ',  ainfî 
maintenant  nous  faut- il  adrcffcr  toutes 
nos  dévotions  au  ciel  ;  le  fanâuaire  de 
nôtre  vraie  arche ,  la  fource  de  nôtre 
bonheur.  Que  les  autres  aillent  en  la  Pa- 
leftine  ,  ou  à  Lorete.  Vôtre  Religion  ,  ô 
Chrctien,eft  d'aller  au  çici  ,*  d'y  eftrc^S^ 
d'y  converfer  dés  main  tenant.  Vôtre  ttc- 
for  yeft;  Que  vôtre  coeur  y  fott  auffi. 
Ayez  toujours  devant  les  yeux  la  gloT 
rieufe  entrée  ,  qu'y  fit  le  Seigneur  autre* 
foiSjUn  jour  pareil  à  celui-ci. Apprenez  7 
à  ne  plus  craindre  vos  anciens  ennemis.. 
Car  pourquoy  les  craindrions  nous,  pms 
que  nôtre  chef  en  a  triomphe  ?  C'eft  eii 
vain, que  tu  nous  menaces ,  ô  pechè:Ta 
ne  nous  peux  condannetrpwis  que  lefus 
nous  a  juftifiez;  puisqu'il  cft  mort  6z 
lefliîfcitè  &:  monte  à  la  dextre  du  Perc. 

-   -^f-  :•,   ..     le 


450  Be  l'AfcenÇion  au  Seigneur 
le  vo\  dans  fou  ciel  les  affeurcz  trofces 
de  la  vidoire ,  qu'il  a  remportée  fur  toy. 
Car  s'il  ne  t'avoic  défait ,  le  Père  ne  lau- 
roit  pas  élevé  fur  ce  trône  fouvcrain ,  où 
jelcvoi.  Les  diables  ne  nous  doivent 
non  plus  faire  de  peur;car  ils  ne  peuvent 
faire  du  mal  à  ceux  qui  font  délivrez  du 
pechè.  Et  quant  au  monde,  bien  qu'à 
vrai  dire  il  ne  foit  pas  fort  à  craindre  de 
luimefmefcarqu'eft-ce^finon  une  figu- 
re,qui  paffe  ?  Etqu'eft  ce  desbiensjqu'il 
nous  montre  pour  nous  piper ,  finon  des 
glaces  luifantes  &des  jouets  d'enfans?^ 
mais  tant  y  a  que  quel  qu'il  foitj  nôtre 
Seigneur, montant  aujourd'hui  dans  les 
cieuxjui  a  otè  tout  ce  qu'il  avoit  de  for- 
ce. Car  ô  fidèle ,  comment  pouvez  vous 
déformais  ou  craindre,  ou  aimerle  mon- 
de après  avoir  veu  le  ciel,oii  lefusChrift 
eft  monter*  comment  defireriez  vous  les 
triftes  délices  de  l'Egypte ,  après  avoir 
veu  l'immortalité  &  la  gloire  de  ce  grad 
Roi?ADieuneplaife,qucles  convoitifes 
de  la  terre  abbaiflcnt  des  efprits  ,  que 
leius  appelle  au  ciel  ;  ou  que  les  ombres 
des  chofcs  periiTables  retiennent  ceux 
qui  pofledent  des  biens  éternels.  Que  li 
le  monde  vous  menace ,  cette  mefmc 

penlJe 


Iêsvs  Cîiuis  t.  ^Sermon.     45! . 
p'cnfee  vous  doit  auffi  affeurer  conere 
Uiijcar  puis  que  lefus  eft  au  ciel  5,  il  ne  fe 
fait  rien  en  la  terre,que  fous fes  yeux,  SC 
par  fon  ordre.  S'il  a  la  puilîance  ôc  la  fa- 
gclTe  de  gouverner  le  ciel ,  il  ne  lui  fera 
pas  difficile  de  reprimer  les  hommesi 
Ceft  en  vain,, que  vous  nous  épouvan- 
tez, ô  monde.    Nos  honneurs  font  dans 
Je  ciel  5  entre  les  mains  de  lefus  Chrift^ 
qui.  en  eft  le  depoûtaire;  biciihautau 
deffusde  vous^dans  un  lieualTeurjc  con- 
tre tous  les  traies  de  vôtre. fureur.  .  Et 
quant  à  la  mort,  le  dernier  de  nos  enne.- 
mis,  l'afcenfîon  du  Stigneur  natis  a  aujlî 
affeurezcontr'elle.   Ceft  à  cette  liçiirc;^ 
que  je  puis  dire  hardiment ,  0  mort  oit'  esi 
î^t  vicfoire?  0  fepulcre  oh  ejl\ton.  igtiVlon  f 
Mon  Chrift  eh  decruifant'  le-pechè,  a 
auffi  tranfpercè  la  mort.    La  mort  n'eft 
plus  pour  moi,  qu'un  fanfofme,&  une 
idole  ;  une  carcafle  foible  &  vaine;  une 
balene  de  Ionas,qui  nous  engloutira  fans 
nous  nuire,  ^  ne  manquera  pas  de  nous 
vomir  un  jour  vivàns,  fains  &:  entiers  fur 
le  rivage,  pour  aller  en  fuite  pofTeder  le 
ciel  avecquc  nôtre  chef.  Vivez  donc  ea 
affeurance  j  fidèles,  ^  faircsctat,  que 
îiennevous  empcfchcra  de  jouir  de  ce 

ff     2  ciel 


451  Be  rAfcenfondu  Seigneur 
ciel  bien-heureux,  où  vous  avez  veu  au- 
jourd'hui monter  le  Seigneur  en  fa  gloi- 
re ;ou  pour  mieux  dire ,  faites  état  avec 
Saint  Paul,  que  vous  y  eftes  aufli  montez 
vous  mefmes  avecque  lefus  5  que  vous 
avez  triomphe  avecque  lui ,  &:  qu'avec- 
que  lui  vous  eftes  affis  dans  ces  lieux  ce- 
leftes,  &  y  vivez  &  régnez  desja  en  lui. 
Et  pleins  de  confolation  &  d^  joyc> 
tenez  déformais  le  monde  pour  un  pais 
étranger,  &  la  vie  que  vous  y  menez, 
pour  un  pèlerinage  de  peu  de  jours,  afpi- 
rans  ardemment  au  but,&  au  prix  de  vô- 
cre  vocation  fupetfielle  ,  n  aians  nuit  & 
jour  autre  penfée,  ni  afFeftion  dans  le 
cœur,que  le  Seigneur  Iefus,&  le  ciel  où 
il  eft  monté  pour  vous  y  préparer  le  lieu 
de  vôtre  demeure  éternelle.  Am  e  n. 


DE  LA 


DE   LA 

DESCENTE 

DV    SAINT    ESPRIT 
SVR  LES  APOTRES. 

SERMON   PREMIER. 

Sur  les  verfets  i6.  17.  duChap.  XIV. 
de  l'Evangile  félon  S.  Iean. 

16,  le  prierai  le  Père  i  é'il'ovm  donnera, 
un  autre  Confolateurpeur  demeurer  avecque 
vous  éternellement. 

17.  AiTavoir  i'EJprit  de  vérité  ,  que  le 
monde  ne  peut  recevoir ,  four  ce  quil  ne  le 
voidé'^^^^connoifl.  Mais  vous  le  connoif- 
fe:^;  car  il  demeure  avtcque  vvm  >  &  fit^  en 
vous. 


Hers  Frères; 


Entre  tous  les  jouis  de  Tannée  à  pêne 

ff   }       yen 


454  T)e  U  descente  du  S.  Esprit 
y  en  a  t'il  aucun  plus  confldeiable  pour 
les  fidcles,que  celui  dont  les  Chrétiens 
folennifcnt  aujourd'hui  la  rccmoire.Car 
s'il  cft  raifonnablc,  comme  l'ont  juge 
lapiufparr  des  anciens  peuples,  qui  ont 
çu  quelque  réputation  de  fagefle ,  de  cé- 
lébrer les  jours  de  la  naifla^ice  dcsgrâds 
perfonnagcsjqui  ont  acquis  de  la  gloire: 
â  leur  patrie  foit  parles  exploits  de  leur 
valeur ,  foit  par  les  belles  ^  rares  inven-i- 
tions  de  leur  efprit  5  ou  pour  le'gouver- 
nement  de  l'Etat,  ou  pourTeclairciffer 
ment  des  fciences;combien  plus  fommes 
nous  obligez  à  remarquer  &  à  honorer 
cette  Pentecofte,  qui  a  éclairé  la  naiflan- 
ce  non  d'unCjOU  de  deux  persones,  mais 
d'un  Etat  tout  entier,  &:  encore  d'un 
Etat^non  terrcftrc,  &j  pcrifiablejmaisce- 
lelle  &  immortel  ?  du  plus  divin  Etat, 
que  le  monde  ait  ir.maisveu  ,  qui  d'un 
petit  &:  foible  commencement  a  rempli 
l'univers  ,  &  s'cft  élevé  au  deffus  des 
cieux,&:  n'aura  point  d'autre  mefure  de 
fa  durée  ,  que  l'eternitè  ?  qui  a  apporte 
les  loyx  &:  la  juftice  aux  hommes ,  ^  a 
allume  au  milieu  d'eux  la  lumière  de  la 
vraie  fapience,&:  a  publie  par  tout  la  dd- 
ârine  de  la  fouvc raine  félicite  ?  Car  ce 


fur  les  Apôtres,  Sermon  I.       45^ 
fut  ce  jour-là  precifement  ,  que  naquit 
TEglife    (Chrétienne  ,  à  laquelle  feule 
('comme  vous  fçavcz  )  appartient  toute 
cette  gloire.Le  Seigneur  lefus,qui  en  eft 
le  Perc ,  4'avt>it  conceuë  en  luy  mefrae 
long-  temps  auparavant ,  mefmes  devant 
la  création  des  deux.  Mais  il  ne  la  mit 
proprement  au  monde  qu'au  jour  de  la 
Pentecofte,qui  fuivit  fa  refurreftion ,  &    . 
fon  afcenfion  dans  les  cieux.Ce  fut  alors 
que  ce  fruit  immortel,  formé  fî  myfte- 
rieufement,  fortit  en  la   lumière  des 
hommes  i  &c  que  cet  Etat  bien- heureux 
tant  de  fois  promis  par  les  anciens  ora^ 
clés  de  Dieu ,  bL  fi  paflionncment  atten* 
du  par  les  iiecles  precedcns  parut  enfin 
en  Sion.    Ce  fut- là,  que  Ton  vid  tomber 
descieux  cette  divine  jeunefTe  du  Mef^ 
fie,miraculeufcment  produite  par  la  ver- 
tu de  la  lumière  de  rEfprit  i  comme  une 
rofée,  que  l'aube  de  quelque  belle  jour- 
née verfe  foudainement  fur  laterreiainfi 
que  l'avoit  autresfois  chanté  Tun  des  Pro- 
phètes dlfraël.  Car  ce  fut  alors,  que  les^^  ^^^ 
Apôtres,  les  prémices, de  cette fainte^. 
Pvcpubliquc  5  furent  confommez&con- 
facrez,  &:  qu'ils  acquirent  lavraye  forme 
de  Chrétiens,*  la  flamme,  dont  ils  furent 

ff    4       batife?j 


4^5  De U  Befcetjte  du  S.  Esprit 
batifcz ,  îiiant  par  {on  invincible  eftica'ce 
aboli  tout  ce  qu'ils  avoicnt  de  vieux  ^ 
deniaLeriel5&:  transformé  leurs  perfon- 
ncs  en  autant  de  vaiffcaux  neufs,  capa- 
bles de  recevoir  &:  de  garder  édclcmcnt 
ce  nouveau  vin  de  TEvangilcjdont  ils  fu- 
rent remplis  en  un  moment.  Ce  fur  en- 
core ce  mefmc  jour,  que  ces  faintsMi- 
niftres  de  Dieu  aiani  jertc  dans  cette 
grande  multitude  de  îuifs  là  aflemblez, 
quelques  étincelles  de  ce  divin  feu, qu'ils 
avoientreceu  du  cieljle  virent  prendre 
fi  vtvcment  qu'il  en  changea  iufquesà 
jiB.i.  trois  mille  5  qui  naiffant  ce  mefnie  jour 
^^-  qu'ils  avoicnt  été  engendrez  ,  furent 
ajoutez  à  TEglife.  ^avantage  fi  l'ancien 
peuple  foknnizoitfaintement  avec  une 
fcfte  anniverfaire  îe  cinquantiermc  jour 
de  leur  fortie  hors  d'Egypte ,  parce  qu'a- 
lors fur  la  montagne  de  Sinaï  leur  fut 
publiée  laLoy,  qui  n'eft  au  fond  à  vrai 
direjque  leminillere  de  la  mort  >  avec 
(Combien  plus  de  dévotion  &:  de  recon- 
noiflance  devons  nous  célébrer  la  mé- 
moire de  cette  bicn-heureufe  Penteco- 
fl:e,à  laquelle  fut  revtjè  &:  prefchc  dans 
Sion  l'Evangile  de  lelus  Chrift ,  la  puif- 
fanec  de  Dieu  à  falut.  le  miniftcrede 

TEfpric, 


fur  les  Afotres.  Sermon  I.  4S7 
rEfpric  5  de  la  jiiftice,&  de  la  vie ,  la  dis- 
cipline du  cieUrunique  voie  de  la  fagef- 
re,&:  de  l'immortalité?  A  la  dévotion  de 
ce  jour  nous  avons  encore  ajouté  le  my- 
ftere  de  la  fainte  table;  étant  bien  rai- 
fonnable  de  n  oublier  pas  cette  mort 
fanglante,  quinousy  eft  ramenieuë  ôr 
reprcrentée5quandileft  queftionde  cé- 
lébrer la  naiffancederEglifeChrétien- 
ncipuis  qu*il  eft  évident,  que  c'eft  parla 
mort  de  lefus  qu'elle  a  été  engendrée. 
Les  douleurs  de  fa  mort  ont  été  comme 
les  tranchées  de  fon  miraculeux  accou- 
chement. Car  rEfprit,quimit  l'Eglife 
au  monde  ,  étoit  le  fruit  &  le  prix  de  la 
croix  du  Seigneur.  iugez,FideîeS5qucllâ 
doit  eftre  l'attention  &:  l'ardeur  de  vos 
âmes  dans  une  fi  fainte  occafîon,oii  vous 
avez  à  folennizer  la  mémoire  de  deux 
myfteres  figrands,&:  fi  divins.  L'Efpric 
éternel,  l'auteur  de  ce  grand miracle> 
vueille  vous  baptizer  de  fon  feu  celefte, 
&:  confumant  dans  vos  cœurs  touccc 
qu'il  y  a  de  terre ,  de  crafle^^  d'ordure, 
les  purifier ,  &  les  raffiner,  &  les  remplir 
de  faintcs  penféesiafin  que  vous  acquit- 
tant fidèlement  du  rcfpecl ,  que  vous 
devez:,&  à  la  Pentecofte  de  l'Eglife,  6^  à 

la 


4^8  Be  la,  'Descente  ^/i^  S.  E  s  p  r  i  t 
la  table  du  Seigneur,vous  receviez  de  fa 
plénitude  la  paix>la  joyc,  la  confplation, 
&:lafaiiuetc,  qu*ilnousa  acquife  par  fa 
niort,&:  qu'il  nous  communique  par  fon 
Efprit.Pour  vous  rendre  dans  un  devoir 
fi  falutaire  lefervice,  qui  meferapofli- 
ble  ,  je  tafcherai  de  vous  expofer  >  s'il 
plaift  au  Seigneur ,  fes  paroles>  que  vous 
avez  entendues  ,*  où  il  promet  à  fes  Apô- 
tres le  divin  prefent,  qu'il  leur  donna  le 
jour  de  la  Pentecofle  i  bc  puis  je  confide- 
rerai  comment  il  les  accomplit  peu  de 
temps  après ,  &  enfin  je  vous  reprefen- 
terai  brièvement  les  principaux  ufages> 
que  nous  en  devons  tirerjfoit  pour  nôtre 
édification, foit  auffi  pour  nôtre  confo- 
lation. 

Le  Seigneur  lefus  en  la  dernière  nuit» 
qu'il  pafla  en  cette  chair  mortelle  qu'il 
avoit  veftuë  pour  nôtre  faluc  ,  aiant 
averti  les  Apôtres  de  fa  mort  prochai- 
ne, &:  les  voiant  extrêmement  troublez 
&attrifl:tz  d'une  fi  fâcheufc  nouvelle, 
les  fortifie  &:  lesconfolc  foigneufemenr. 
Et  entre  plufieurs  choies,  qu*illeurre- 
prefente  pour  ce  dcflein  ,  leur  promet 
nommément  de  leur  cnvoier  le  S.  Efpric 
pour  les  conduire5&:  k  ur  addoucir  par  fa 

prcfcncç 


fur  les  Apôtres.  Sermon  I.  459 
prcfence  Tennui  de  fon  abfence  s  le  prie* 
rm  le  Pere-iàii-'il-,  ér  il  vous  donnera  un  Autre 
ConÇoUteur^pour  demeurer  avecquevôus  etef^ 
Keliement  i  aflavoir  /  hfprit  de  verit}:,  que  le 
tmnde  ne  peut  recevoir ,  pource  cjuil  ne  le 
njoit  ,  ^  nele  connoifl point  \  Mais  vous  le 
ùonnoiffez..  Car  il  demeure  avecque  vousy 
(^fera  en  vous.  Il  n'y  a  point  de  parole  en 
tout  ce  difcours  5  qui  ne  frappe  au  but  du 
Seigneur  i  ceft  à  dire  qui  ne  fer vc  à  la 
eonfolation  de  Tes  Apôtres.  Première- 
ment il  leur  promet  d'obtenir  du  Père  ua 
autre  Confolaceur  pour  eux,  qui  ne  les 
quittera  jamais.  Puis  il  leur  explique  plus 
particulièrement  quel  eft  ce  Confolateur, 
que  le  Père  leqr  envoiera  ;  ajoutant  5  que 
c'eft;  l'EJpritdeverlie^mcQnj\n  au  monde. 
Riais  non  à  eux  ,  &:  aux  fideles,à  qyi  i!  eft 
familier.  Ce  font  les  deux  points, qu'il 
nous  faut  examiner  l'un  après  l'autre 
pour  bien  entendre  ces  paroles  du  Sei- 
gncur,la  pramefle  d'un  ConfolateurjSi^  la 
defcription  de  ce  Confolateur.  Ce  qu'il 
àiit  d'entrée,/^  prierai  k  ?erc-,àz^o\t  desja 
grandement  foulager  rafflidion  de  Tes 
pauvres  difciples  ;  Pour  vous  quitter,  dit- 
il,jc  ne  vous  oublierai  pas.  Ne  vous  figu- 
rez pas,que  b  mort  foit  capable  d'étein- 

drcj 


4<30     Ife  la  Befcente  du  S.  E  s  p  r  i  r 
dre ,  ou  d'altcrer  TafFedion  ,qiic  je  vous 
porte.  Sicile  prive  mon  corps  de  la  vie, 
que  vous  y  voyez ,  jamais  elle  n  effacera 
de  mon  ame  la  memoire,&  le  foin  de  vos 
perfonnes.     Mon  amour  fera  plus  forte, 
que  la  mort  ;  &:  lors  qu'éloigné  de  vous  je 
ferai  avecque  le  Pcre,  je  ne  manquerai, 
pas  de  lui  parler  de  vous ,  &:  d'obtenir  c^ 
fa  bonté  ce  qui  fera  neceffaire  pour  vôtre 
canfolation.  Cette  friere  ,qu*il  doit  faire 
au  Perejcft  fon  interceffion  envers  Dieu 
en  faveur  de  ceux^qui  croient  en  lui  ,*  ce 
qu'il  ne  faut  pas   entendre  baffement; 
comme  û  le  Seigneur  profternè  à  genoux 
prefentoit  encore  fes  oraifons  au  Père, 
comme  autresfois  durant  les  jours  de  fà 
chair.    Cela  ne  conviendroit  pas  bien  à 
rétat  de  cette  fouverainegloircoù  ileft 
maintenant  dans  lescieux  ,  affis  fur  le 
trône  de  Dieu ,  &:de  là  gouvernant  tou- 
tes cliofes  avec  une  puiflance  &  une  ma- 
jfeftè  incomprehenfible.  Sa  prière ,  ou  fa 
êférn-  demande  (car  le  mot  ici  emploie  fignifie 
««•      proprement  demander  )  cette  demande, 
dis- je  ,  qu'il  fait  là  haut  pour  les  fiens  eft 
Tcfficace  de  lamorr^quilafouffertepotir 
nous  en  la  plénitude  des  tcmpS5la  vertu 
du  farg,qu'il  a  répandu,  &  l'autorité  &  la 

valeur 


far  les  Jpotres.  Sermon  I.  A-Si 
valeur  du  facrifice ,  qu'il  aofFerCjc'eft  ea 
un  mot  le  mérite  de  fa  palTîon  , qui  tou- 
jours frais  devant  Dieu  le  follicite  (s'il 
faut  ainfi  direjcontinuellemét  pour  nous, 
éteignant  fa  colère,  &  deflerrant  la  main 
de  fa  bonté  ,  5c  en  tirant  les  grâces  &  les 
biens,  qui  nous  font  neceflaires  pour  par- 
venir en  fon  royaume.  Et  qu'il  le  faille 
ainfi  entendre  l'Apôtre  nous  le  montre 
dans  TEpitre  aux  Ebrcux  ,  où  il  dit  par- 
lant du  fang  du  Seigneur ,  que  iefd^g  de  Ehxu 
tajperfionfrononce  chofes  meilleures ,  que  ce-  ^ 
lutdAhel'y  nous  montrant  par  ces  mots, 
que  le  fang  du  Seigneur  demande  &  ob- 
tient pour  nous  la  grâce  &:  la  mifericorde 
d'une  manière  femblable  à  celle,  que  le 
fang  d'Abel  attira  fur  Caïn  la  juflicc  &  la 
vangeance  du  ciehaffavoir  non  en  jettanc 
quelque  voix,  ou  proférant  quelques  pa- 
roles articulées  ,  mais  en  montrant  à 
Dieu  un  jufte  fujet  de  courroux,  &  l'irri- 
tant par  ce  moien  contre  Tauteurd'unfi 
exécrable  aflaffinac.  lefus  &  fon  fang  in- 
tercèdent pour  nous  envers  le  Père  en  la 
mefme  forte  \  non  propremejit  en  profé- 
rant des  prières,  Se  desoraifons  ,  mais 
bien  en  excitant  efficacement  fon  amour, 
&  fa  bencficencc  envers  nous  par  la  fain- 

tetè 


4(^1  De  U  Defcente  dti  S.  EsPRir 
tetè  &  la  bonne  odeur  de  fon  divin,  SC 
cres-accompli  facrifice,  que  le  Seigneur 
comparoiflant  dans  le  fanduairc  celefte 
lui  reprefente  incefTammenc  ,•  n'étant 
pas  podiblc^que  le  Père  le  regarde  qu  aa 
mefme  inftanr  il  ne  lui  fouvienne  de 
cette  admirable  obcïïTance,  qu'il  lui  a 
rendue jufques  à  la  mort  de  la  croix,  &j: 
que  le  fbuvenir  d'une  fi  haute  &  fi  pre- 
cieufe  oblation  ne  Tappaife  envers  nous, 
&  ne  le  difpofe  aufli  toft  à  nous  faire  part 
de  tous  fes  bies  félon  lebefoin,que  nous 
en  avons,de  fa  grâce  en  ce  fiecle^  &:  de  fa 
gloire  en  l'autre  i  C'cft  ainfi  fans  doute, 
que  le  Seigneur  entend  ici ,  (\\x\\prierA  le 
Vere-i  ou  qu'il  demandera  au  Père  pour  (qs 
Apôtres.  Et  il  fait  expreflement  mention 
du  P^r^,  parce  quec'eftla  perfonne,  qui 
dans  la  caufe  de  nôtre  falut,  tient  le  lieu 
de  lugej&r  du  Confervateur  des  droits  de 
la  divinité,  vers  lequel  en  cette  qualité  le 
Fils  agit  &  intercède  pour  nous,  comme 
nôtre  Médiateur  pour  fatisfaire  à  faju- 
ftice,  &  en  fuite  obtenir  de  lui  nôtre  grâ- 
ce ,  afin  qu'avec  fon  congé  &:  par  fon  au- 
thorité  nous  recevions  les  trefors  du  ciel, 
dont  nôtre  péché  nous  rendoitôi  indi- 
gnes,&:  incapables.  C  eft  en  ce  fcns ,  &  à 

cér 


Te.tn  n. 


fur  les  Afkres.  Sermon  L     4^5 
Cet  égard  que  le  Père  nous  donne  fes 
grâces. Ca.r  au  furplus  cette  beneficence 
appartient    aufli  au  Fils  ;  qui   aiant  en 
fuite  de  fon  facrificc  receu  la  plénitude 
de  toutes  les  grâces  dufiecîe  avenir  ^,0^ 
nommément  tous  les  treforsde  TEiprit* 
en  faitlargefleàtous  fes  vrais  difciples, 
les  leur  .diftribuant  lui  mefme  comme  il 
le  juge  à  propos.    Auflî  voiez  vous  que 
comme  il  dit,  que  le  Père  leur  donnera  le 
Confûlateuryiïàxt  expreffement  ailleurs, 
qu'il  le  leur  envoieralui  mcfmcylevûus 
€ '/A  oie  rai  y  dit-il  jfEJp  rit  de  vérité  de  par  ^^  ^ 
mon  Pere;&c  ailleurs  cncove  fïjemen  vais^  16. 9, 
jevouf  envoierai  leConfolateur.  Et  c'eft  à 
lui  nommément ,  que  S.  Pierre  le  rap- 
porte, lors  que  parlant  des  merveilles  de 
cet  Efprit  5  dont  ils  avoient  çrè  battifez, 
Je  fus  y  dit-il ,  aianî  été  élenie  par  la  dexire\âe  ^i?.  z. 
Dieu ,   ^  receu  de  fon  F  ère  la  promeffe^  du  ^^' 
Saint  Ejj^rit-y  a  rè'^ and  11  ce  que  maintenant 
^ousvoie:^^  (^  oie:^.  Ainlî  donc  quand  Je 
Seigneur  dit  ici ,  le  demanderaiau  Père ,  ^ 
il  njous  donnera  un  autre  ConfoUtenr  ;  Il 
entend  que  icPere  fléchi  par  foninter- 
ceiTion  accordera  &:  confcntira,  que  le 
Saint  Efprit  leur  foir  donne  &  envoie, 
aflavoir  par  fon  Fils  bien^aimè.  Le  mdc 

de 


4^4     ^^  l^  Defcente  ^/^  S.  E  s  P  r  i  t.^ 
àcParaclet  ici  emploie  dans  l'original,  ^ 
que  nous  avons  tï2iàuitCo?ifoUteur ^hiQn 
que  Grec  d'extradionjétoir  neantmoins 
en  ufage ,  auflî  bien  que  divers  autres 
termes  de  la  mefme  origine  ,  entre  les 
Ebreux  dans  le  langage  Caldcen>ou  Sy- 
riaque ,   que  l'on  parloit  en  ludée  au 
temps ,  que  le  Seigneur  Icfus   étoit  en  la 
terreicomme  il  paroift  &  de  ce  que  l'In- 
terprète Syriaque  du  nouveau   Tefta- 
ment  le  rerient  dans  fa  verlion  tant  ici, 
qu'ailleurs;  &:  de  ce  que  le  Paraphraftc 
Caldéen  du  Vieux  Teftament  s'en%ft 
quelquefois  fervi  5  comme  notamment  à 
Ja  fin  du  feiziefme  chapitre  de  lob,  où 
il  le  met  pour  dire  ce  que  nous  avons 
lob  16.  xraduit  des  hara?jgueurs.  Les  dodes  ont 
remarqué ,  que  ce  mot  dans  Tufage  des 
Syriens  fignifie  celui  ,  qui  parle  bien> 
élégamment  5,  &  à  propos  ;  comme  en 
effet  entre  les  Grecs',  d'où  il  eft  origi- 
naire, il  a  accoutumé  de  fe  prendre  pour 
un  Avocat,ou  un  Confultanti  perfonnes, 
qui  font  ordinairement  profeflîon  d'é- 
loquence ,  &:  s'étudient  à  mieux  parler, 
que  le  comun  des  hommes.  De  là  vient, 
que  les  Syriens  appelloient  ainiî  ,ouun 
Maillre  &:  un  Dofteur,  qui  nou»5  cnfei- 

gnc 


fur  les  Apotyes.  Sermon  L  4(7^ 
gne  clairement  ,6^  en  telle  force  qu'a- 
vecque  la  fcience  des  chofes  il  nous 
donne  d  a  contente  ment  parla  beauté; 
&  la  netteté  de  Ton  langage  ,  ou  un 
Confolateur  ,  qui  par  la  fagcfle ,  ^  1  a- 
gceable,  douceur  de  fesdifcouts ,  char- 
me nàtre  ennu?,  &:  foulage  nos  peines; 
au  enfin  un  interpr^îpe,  ou  un  truchemer; 
qui  nous  fert  de  bouche  ^  de  langue, 
parlant  pour  nous,dans  les  occafions ,  où 
fans  liii  nous  demeurerions  muets,  n'é- 
tant pas  capables  de  nous  y  faire  enten- 
dre nous  mefmes.Infques-là  le  Sei^eur 
Iiefu^  avoit  été  en  tous  ces  fens  le  Para- 
clef  de  (es  Apôtres.  Car  premièrement  it 
avl)it  été  leur  Dofteurjqui  leur  avoit  ap- 
pris ce  qu'il  fallojt  qu'ils  fçeuffent  pour 
lorSjdcs  rnyftere$;  de  fon  royaume ,  avec 
des  paroles  fi  admirables,  ôc  une  falTon 
d  enfeigner  fi  agréable  &:  fi  puiflante, 
que  quelques  rudes  &c  groffiers  qu^'ils 
fpflent  d'eux  mefmes ,  il  les  avoit  cous 
gagnez  par  les  doux  attraits  de  fa  divine 
bouche  ;  Et  c'eft  pourquoy  un  Prophète 
difoit  de  lui ,  que  grâce  eH  è^anduè  er^fes  ^^' ^-^'^" 
lèvres',  ^  fes  ennemis  mefmes  écoient 
contraints  de  confeffer,  que  JAm^àhom-  ^''^"  ^ 
me  n  avoit fàrle  comme  lui.  Puis  après  il  les 

g  g         avoit 


466    DeU  Defcefitedté  S.  Esprit 
avoit  fidèlement  confolez,fa  parole  ver- 
fant,s*il  faut  ainfi  dire,  dans  leurs  cœurs; 
un  baume  fi  excellent ,  qu'au  milieu  des 
craintes,  &  des  pênes,  où  ils  vivoicnt  en 
fa  compagnie ,  ils  avoient  toujours  ctè 
joyeux  &  contens  ;  à  quoi  il  faut  rappor- 
ter cette  manière  fi  douce  &  fi  debon- 
iiaire,dontillestrairtoit,  fupportânt  bc- 
nignement  leurs  rudeffes  >  comme  une 
nourrice  les  infirmitcz  de  fon  enfanrj 
s*accommodant  à  leur  portée  ,  &  ne  W 
cxpofant  à  aucun  danger  j  comme  ils 
le  reconnoiffent  eux  mefmes ,  avoiiant 
qu'il  n'avpient  eu  faute  de  rien  durant 
tout  le  temps, qu'il  avoit  ctè  avec  eux. 
Enfin  il  leur  avoit  auflî  fervi  d'interprète 
tw  quelque  forte , prenant  la  parole  pour 
cux,lors  que  les  adverfaires  vouloiént  ou 
les  blâmer ,  ou  les  queftionnet  j  pour  ne? 
point  ajourer  ici  les  oraifons,  qu'il  pre- 
fentoit  continuellement  pour  eux   aii 
Pere ,  leur  fervant  de  bouche  à  cet  égard 
pour  obtenir  du  ciel  toutes  les  bcnedi- 
â:ions5&  faveurs,quileur  croient  neceC- 
faires.  C'eft  particulièrement  en  ce  fens, 
&:  à  cet  égard,  que  S.  lean  lui  donne  ce 
Ttom  en  fa  première  Epitrc  ^  Si (juelcfw  a 
fechl'y  fîOHs  avons  un  ?4radet(c^t  il  y  a  ainfl 

dans 


fur  les  Apstra.  Sermon  I.      4.-^7 
<îans  Toriginal  )  envers  le  Perc^  ,  ajfavûir^.u^nï.^ 
tefus  ChrÏÏi  te  jt^B€^\  c'ertà  dire  ua  Avo-^* 
cat,un  InterceiTeur,  qui  parle  pour  nous. 
Ses  difciples  erant  donc  affligez  de  fe 
voir  fur  le  point  de  perdre  un  Dodeur* 
un  Confolaeeur ,  &:  un  inrerprete  fi  ex^ 
cellent ,  àt  tout  le  bon  heur  de  leur  vie; 
il  leur  promet ,  que  le  Père  leur  en  don- 
nera un  autre  i  entendant  par  là  le  Saint 
Efprit)  comme  nous  le  verrons  incon- 
tinent* En  effet  ce  nom  de  Paracletaw 
fcns^que  nous  l'avons  expliqué,  lui  con- 
vient parfaitement.  Car  premièrement 
cet  Efprit  eft  le  grand  Dodeur  de  l'E- 
gUfe  i   fans  la  lumière  duquel  tous  les 
enfeignemens  des  hommes  font  inutiles, 
iln'y  a  que  lui  qui  nous  puiffe  faire  en- 
tendre, ôc  cmbraffer  les  myfteres  du 
ciel.  L'homme  animal  n'y  entend  rien. 
Ceft  rEfprit  de  Dieu  ,  qui  nous  les  fait'*  ^'''  '^ 
connoatre.  Et  comme  nul  des  hommes 
neconnoift  les  chofes  des  hommes, fi- 
non  Tciprit  deThomme,  qui  eft  en  lui; 
pareillement  auilî  nul  n'a  connu  les  cho- 
fes de  Dieujfinon  TEfpritde  Dieu.  Ceft 
un  Dodeur,  dont  la  parole  eft  de  feuj 
qui  pénètre  par  tout  ^  &:  iniprmie  fes  en- 
feignemens dansies  amcs ,  où  il  fe  com- 
g  g     z        muniqucj 


468  De  U  mfcente  du  S.  E  s  p  r  i  t 
munique ,  en  caraderes  ineffaçables.  II 
n'y  a  ni  oreille  fî  fermée ,  qu'il  n'ouvre 
aifément,ni  cœur  fi  rude,  qu'il  ne  poliffe, 
ni  volonté  fi  revefche5qu'il  ne  captive.  Et 
bien  que  fa  force  foie  ferme  &:  invinci- 
ble,elle  ne  laiffe  pas  d'eftre  tout  cnfemblo 
infiniment  douce  &:  agréable.  Mais  ce 
mefme  Efprit  confole  auiîî  les  fidèles, 
avec  une  efficace  toute  celefte  ,  s'infi- 
nuant  dans  le  fond  de  leurs  coeurs  ,  ef- 
fuyant  leurs  larraesjbandant  leurs  playes, 
&  en  ôcant  toute  l'inflammation ,  appai- 
fant  leur  douleur ,  calmant  leurs  craintes 
&y  répandant  de  fi  vifs  fentimens  de  la 
diledion  de  Dieu ,  que  fouvent  au  mi- 
lieu mefme  des  plus  grandes  afflidions  ils 
en  demeurent  ravis ,  fentant  au  dedans 
d'eux  des  douceurs  &  des  joyes  fecretes, 
que  nul  ne  fçauroit  exprimer.  C'eftla 
voix  de  ce  divin  Confolatcur,qm  a  formé 
tout  ce  qu'il  y  eue  jamais  de  Martyrs ,  bC 
de  fidèles  ,fous  l'une  &  l'autre  alliance,  à 
cette  confiance ,  &:  patience  admirable, 
que  leurs  plus  grands  ennemis  n'ont  peu 
voir  fans  éconnemcnt.  Enfin  le  S.  Efprit 
cft  auffi  le  Paraclet  des  fidèles,  entant 
qu'il  eft  leur  interprète  ,  qui  parle  pour 
eux,  &:  k  Dieu ,  &  aux  hommes.  A  Dieu; 

car 


furies  Apôtres,  Sermok  I.     A-6$ 
car  mfçachant  pïnt  ce  que  nous  ^^'^^^^  j,^^^ 
frier  comme  il  appartient  ^  ceftlui  qui  fou- 25.  ' 
lageaiit  nos  foiblefles  fait  requefie  pur 
nous  par  des  foupirs  qui  ne  fe  peuvent  expri^ 
mer^zinCi  que  TApôtre  l'enfeigne  ,•  c  cft  à 
dire  qu'il  délie  nos  cœurs  &  nos  langues, 
&  nous  infpire  dès  penrées,&  des  paro- 
les agréables  au  Seigneur  ,  avec  une  telle 
efficace  -,  qu'il  femble  que  ce  foit  plûtoft 
lui  qui  parle ,  que  chacun  de  nous.    Aux 
hommes;  carceft  lui,  qui  adreffe  nos 
cœurs  &:  nos  langues ,  quand  nous.avons 
affaire  à  eux  pour  la  caufe  de  l'Evangile. 
Il  eft  nôtre  trucheman  dans  ces  occa- 
fions-làvqui  nous  donne  une  bouche  de 
fageffe ,  à  laquelle  le  monde  ne  peut  refi- 
fter  ,  fclon  ce  que  difoit  le  Seigneur  ; 
j^uand  ils  vous  livreront  ,  n  aie z point  dc^^^f^^- 
fmci  quoy  >  ou  comment  vous  par  1er e'^   car 
en  ce  mefme  infiant  vous  fera  donne  ce  que^ 
vous  aurez  a  dire^.   Carcenefip^svous.qui 
parlez\mais  cefi  l'Ejprit  de  votre  Pere^ ,  qui 
f^rle  en  vous.  Voila  ce  que  fignifie  le  Sei- 
gneur kfus  5  quand  il  nomme  ici  rEfprit, 
qu'il  envoieraà  {es  K^oiics ,  Far aclet,  ou 
Confolateur.  Mais  il  dit  que  c'eft  un  autre 
Confolatcur,-  le   diftinguant  d'avec  foy- 
wefme  ^  qui  jufques-la  avoit  été   leur 
g  g     3        Gonlpla- 


470  De  U  Defcenh  ^v  S.  E s  p  r  i  t 
Confolateur  pour  les  raifons  ,  &  de  la 
faffon,  que  nous  lavons  nagucres tou- 
ché. D  où  paroîft  contre  Timpietè  de 
ceux,  qui  confondent  les  perfonnes  de  la 
iainre  &gloncufe  Tnnitè,que  le  S.Efpric 
a  une  fubfiftence  autre  que  celle  du  Filsi 
Tun  étant  engendré  du  Perc  &  lautte 
procédant  du  Père  &  du  Fils;  Carfi,non 
feulement  la  nature ,  mais  auflî  la  perfon- 
ne  du  Fils  étoit  mefme,que  celle  du  Sainç 
Efpritiileft  évident,  que  cétEfpritne 
pourroit  eftrc  nommé  un  Confolateur 
autre  que  îe  Fils.  Mais  outre  la  diftin- 
fl:ion  de  leurs  perfonnes ,  il  y  a  au/Ti  de  la 
différence  dans  la  faffon,  dont  ils  nous 
confoicr.t  ;  k  Scfgaeur  laiant  propre- 
inentfait  en  expiant  nos  péchez,  enfa- 
ti^faifant  à  la  juilicc  de  Dieu,en  nous  ra- 
chetant de  la  u.Oit  ,  .binons  méritant  le 
falut;  au  lieu  que  le  S.  Efiirit  nous  com- 
munique &  iefus  Chiifl:  &:  tous  (es  biens. 
L'un  nous  a  acquis  le  Royaume  celeftei 
L'autre  nous  en  met  en  poiTeirion.  Uun 
nous  en  a  mérité  le  droit;  L'autre  nous 
en  donne  la  joniffance.  Mais  le  Seigneur 
ajoute,  que  le  Père  leur  donnera  cet  au- 
tre Confolateur  four  demenrer  avec  eux 
<ternea.ment.  Le  mot  de  demeurer  em- 
ploie 


ftr  Us  Jipotres.  Si^iAOV  l.     471 
ploie  ici  &  dans  le  vctfet  fuivant  a  une 
grande  force.  Car  l'Ectitute  fignifie  or- 
dinairement par  là,  qu'une  chofc  s'atta- 
che fixement  &  conftâmcnt  à  une  autre;  ^^^^  ^ 
comme  quand  elle  dit,  que  Ucelered^ii. 
Dieu  demeure  far  celui  qui  defihett  m  Ftls; 
elle  entend  qu'elle  s'y  attache  ,&  y  habi- 
te,  fans  Jamais  en  de'ioger,  le  tourmen- 
tant inccffamment  fans  le  coniumer  ,  8c 
le  travaillant  toujours  fans  jamais  le  dé- 
truire entièrement.  Elle  dit  femblablc- 
mentàl'oppofite ,  que  la  grâce  de  Dieu, 
{on  amour,  ou  fa  benediaion  demeure 
avec  ceux  à  qui  il  la  communique ,  d'une 
faffontrcs-intime ,  pénétrant  leurs  âmes, 
&:  s'y  tenant  conftamment  fans  les  aban- 
donner. D'où  vient,  qu'ils  font  nommez 

le  Temfle  de  Die»,&fa  "'"'fi"  '  ^  ^"^  "^j" 
me  pour  exprimer  cette  glorieufe  &  ad- 
mirable communication  ,  qu'il  promet- 
toit  à  fonEglife  pour  le  temps  duMeflie,,  c„  ^ 
dit  ordinairement  à  fon  peuple ,  qu'//  ha-  ^^^^^^ 
bitcra au  milieu  deux ,  comme  le  rapporte 
S.  Paul.   Mefmes,  cequi  cftàmonavis 
fort  confiderable ,  les  Ebreux  pour  figni- 
fier  la  divinité  ufentfouvent  d'un  mot, 
qui  veut  proprement  dire  /-*  demeure ,  ou scheki. 
Ihditatim  ,  nommant  aigfi  le  Seigneur  "•»• 

gg    4         pour 


47i  ^^^^  'Oefcente  i/«  S.  E  s  r  R  i  t 
pour  la  graec  ,  qu'il  fait  aux  pauvres 
hommes  de  demeurer  avec  eux.  '  C'eft 
en  ce  fens  que  lefusChrift  prend  ici  ce 
mot  5  quand  il  dit  ,que  le  ConfoUtturde-- 
meurcra  avec  fis  difcipUs^  entendant  par-là 
une  rcfidence  de  cette  douce  &,  fainte 
divinité  V  non  paflagcre  &  provifionel- 
le  feulement  ,  mais  ferme  ,confl:ante5&: 
perpetuelleinon  pour  quelques  jours,  ou 
pour  quelques  années,  mais  pourtoû- 
jours:Et  pour  les  en  afleurer  d'avantage, 
il  ajoute  exprefTcment ,  quV/  demeurera 
avec  eux  éternellement.  En  quoy  il  fait 
évidemment  oppofition  entre  la  demeu- 
re de  fa  chair  {  c'eft  à  dire  de  fa  nature 
humaine)  avec  fes  Apôtres,  &:  celle  de 
cet  autre  Confolateur^qu'il  leur  promet. 
Quant  à  lui ,  il  ne  vefcutavec  eux  félon 
la  chair,que  quelques  années  feulement 
qui  étant  alors  prefque  achevées,il  étoît 
furie  point  de  les  quitter.  Mais,dit-il,ne 
craignez  point,qu'il  en  arrive  de  mefme 
de  cet  autre  Confolatcur,  que  je  vous 
envoierai.  U  ne  vous  quittera  jamais> 
comme  je  fuis  maintenant  oblige  pour 
les  interefts  de  vôtre  falut,  à  m'éloigacr 
de  vous  félon  la  chair.  Il  demeurera 
cterncUcmeni  avccque  vous  \  de  forte 


fur  les  Àfûtrts,  S  E  r  M  o  n  I.     47$ 

que  mon  abfence  ne  vous  doit  point 
troubler,  puis  que  je  vous  fournirai  un  fi 
bon  &  fi  fidèle  Confolareur.  O  douce  &: 
heureufe  affeuranceiQi^e  pou  voie  il  leur 
promettre  davantage?  N  eft-ce  pas  évi- 
demment les  afleurer  de  leur  falut  eter- 
ne],puis  que  ce  grand  Confolateur  porte 
neceffairement  la  joye  5  &  la  félicité  fou- 
veraine  dans  toutes  les  âmes  ,  où  il  dai- 
gne loger,  n'étant  pas  poffible ,  que  celui 
qui  a  chez  foy  untelhofte  ne  foit  bien- 
heureux. Remarquez-le  en  paflant  je 
vous  priejmes  Freresicontre  ceux,qui  ne 
peuvent  fouffrir  que  nous  difions,  quela 
perfeverance,  &  la  félicite  des  Saints  eft 
certaine  &  immuable,  &  qui  nous  ac- 
cufent  de  renverfer  la  nature ,  &  de  dé- 
pouiller Thomme  de  fa  volonté  &  liber- 
té ,  &:  d'éteindre  l'étude  &  la  folicitude 
des  bonnes  œuvres,  bc  d'abolir Tufage 
des  prieres,par  cette  dodrine.  Et  neant- 
moins  ils  font  contraints  de  confefler 
ici,  que  la  perfeverance  des  Apôtres- 
étoit  affeurée  i  comme  en  eiffet  il  faut  ou 
avouer  ,  que  les  promeflfes  du  Seigneur 
font  vaines ,  ^  illufoires ,  ce  qui  ne  fe 
peut  feulement  penfer  fans  horreur  y  ou 
dire;  qu'il  n  étoit  pas  poflible  ,  que  le 

ConfolateuT; 


474  ^^  '^  Befcente  dté  S.  E  s  p  r  i  t 
Confolateur  délogcaft  jamais  d'avccquc 
les  Apôtres ,  puis  qu*il  leur  dit,  qu*il  de- 
meurera avec  eux  cternellement.  Que  fi 
la  certitude  de  la  perfcverancc  des 
Apôtres  n'a  ni  renverse  la  nature  de 
leurs  amesjni  ôtè  à  leur  volonté  ce  qu  el- 
le doit  avoir  de  liberté»  ni  refroidi  l'ar- 
deur de  leurs  oraifons,  ni  relâché  leurs 
foins ,  ou  leur  zèle  dans  la  pieté»  ⣠ dans 
les  bonnes  oeuvres  ;  qui  ne  void ,  que 
c'eft  une  vainc  &:  impertinente  calom- 
nie d'accufer  cette  fainte  doûrine  de 
tous  ces  mauvais  effets  ?  Mais  je  pafle 
plusoutre,  &dis  que  cette  promefledu 
Seigneur  ne  montre  pas  feulement,  qu'il 
fe  peut  faire  que  tous  les  vrais  fidèles 
perfevercnt certainement  ô^  infaillible- 
ment dans  le  falut  ,&  qu'ils  en  foienc 
afleurcz ,  fans  ncantmoins  tomber  dans 
ces  inconveniens  ;  mais  que  de  plus  elle 
induir ,  qu'ils  y  perfevereront  en  efFct,& 
qu'ils  peuvent  par  confequent  s'en  af- 
feurer  fur  la  foy  du  Fils  de  Dieu.  Car 
lefus  Chrift  ne  demanda  pas  ce  divin, 
confiant,  &  éternel  Confolateur  pour 
fes  Apôtres  fculs.  11  le  demanda  &  l'ob- 
tint fans  doute  pour  tous  fesfidelcs,de 
quelque  temps  »  qu'ils  foient  i  comme  il 

proteftc 


fur  les  Âpitres.  Sermon  I.  47^ 
protefte  expreffemcnt  lui  n/iefme  ci 
après  >  le  ne  prie  point  feulemenij  pour  eux^  i^^  17. 
dit- il ,  mciU  aup  pour  ceux ,  quïcroimt  en  ''''* 
Tnoy  par  leur  paroles-,  afin  que  tous  [oient  un^ 
ainfi  que  toi  Vere^  ,  es  en  moy  ,  &  moye^  toj. 
Mais  puis  que  ce  jour  doit  plûcofi:  eftie 
emploie  à  confoler  vos  âmes ,  qn  à  com- 
battre l'erreur ,  je  laiffe  la  difpute  pour 
\ette  heure,ô^ reviens  à  mon  texte.où  le 
Seigneur  après  avoir  promis  un  Conior 
lateurâfes  Apôtres,  leur  montre  qui  il 
cftdansle  verfctluivant,  aflavoir^dit-il, 
rEjprit  de  vérité,  que  le  monde  ne  peut  rece- 
qjoir  ,pource  qutl  ne  le  void  ni  ne  le  connoifi. 
Mais  vous  le  connoijfez'yCAr  H  demeure  avec- 
quevous,&fera  en  vous.  Il  était  desia  affez 
évident  par  la  qualité  àtConfolateur,<\\x\\ 
13l  donnée  à  celui  qui  devoit  eltre  envoie 
du  Père,  que  c'eft  le  Saint  Efprit,  qu'il 
entend  ,  la  troifiefme  perfonne  de  la 
Sainte  Trinité.  Ncantmoins  pour  ne 
leur  en  laiffer  aucune  doute ,  &-  afTeurer 
de  tout  point  leurs  efprics  par  la  gran- 
deur de  ce  Confolateur ,  il  dit  exnreffé- 
ment,que  ç  eft  lEJprit  de  vérité  i  titre,qui 
ne  convient  à  proprement  parler  ,  qu'à 
cet  Efprit  éternel ,  l'auteur  6^  le  Doaeflr 

unique  de  la  veriiè;  ^  qui  n  eft  jamais  en 

ef?et 


47^    ^^  UBefcente  ch  S. I^sprit 
effet  attribué  à  d*autre ,  qu'à  lui  dans  les 
faintes  Ecritures.     Car  tous  les  autres 
cfprife  fontou  faux  &  menteurs  j  comme 
les  démons  &  ceux  d  entre  les  hommes^ 
qui  leur  reflemblent  ;ou  s'ils  connoififentC 
&  embraffent  la  vérité  ,  comme  les  An- 
ges &  les  fidèles ,  c'eft  par  la  lumière  de 
ce  divin  Efprit ,  qui  la  leur  a  enfeignée 
&  perfuadec  i  de  forte  qu'il  n'y  a  que  lui 
feul  en  qui  la  vérité  foit  comme  en  fa 
fource.  Ellceft  ailleurs  par  communica- 
tion ;  elle  eft  en  lui  originairement.  La 
vérité  eft  fa  nature  \  ce  n'eft  qu  un  orne- 
ment ajoute  à  celle  des  autres.    En  lui 
elle  eft  neceflaircm^nt  ;  dans  les  autres 
en  telle  forte,  que  {ans  lui  ils  pourroienc 
la  perdre  ,  &  la  perdraient  affeurément. 
Les  Anges  &:  les  hommes  peuvent  eftre 
Anges  ,  &  hommes  fans  avoir  la  vérité, 
comme  il  eft  clair  par  Texperience^mais 
il  eft  impoilible,  que  le  Saint  Efprit  foit 
aurre,que  vérité.  Mais  outre  fa  nature  il 
eft  encore  appelle  BJhrit  de  vérité^  a  caufe 
de  fon  effetiparce  que  c'eft  lui  feuKqui  la 
montre  aux  hommes.ravouë  que  les  Mi- 
niftresdeDicunous  la  proposent,*  mais 
il  n'y  a  que  cet  Efprit,  qui  nous  la  perfua^ 
^e,  D  où  paroift,que  fanîjfa  divine  clartç 

nos 


furies  Apètres.  Sermon  L  477 
nos  encendemens  ne  font  que  ténèbres, 
ignorancej&erreur.Et  je  n'eu  veux  autre 
preuve,  que  les  horribles  egaremens  de 
ceux,  qui  n*ont  pas  été  adreffez  par  ce 
fouverain  Dodeur.  Car  qu  eft  -  ce  de 
toute  leur  philofopie,  de  leurs  fupcrfti- 
tions,  &  religions ,  qu  uncahos  d'extra- 
vagances &:  d'incertitudes?  au  lieu  que  là 
où  luit  cet  Efprit^là  fe  treuvela  veritèjle- 
vidence5&  la  certitude.  Mais  le  Seigneur 
pour  mieux  faire  concevoir  à  Ces  Apô- 
tres lexcellence de  ce  Confolateur,qu'iI 
leur  promet  5  ajoûce  que  ce  neft  pas  un 
prefent  commun  ,  où  tous  les  hommes 
aiencpart,  mais  une  grâce  &:  une  faveur 
particulière  aux  feulsbic  aimez  de  Dieu, 
Le  monde ,  dit-  il ,  nef  eut  recevoir  cet  EJprif 
ConfoUteur-i  C  eft  un  don  auquel  le  mon-- 
de  n'a  point  de  part.  Ceft  comme  s'il 
leurdifoitjainfi  quautrcsfois  Éfaye  aux^/:^^.2. 
vrais  fidèles  ;  Les  ténèbres  couvriront  la 
terre  ^  ér  l*obfcurne  les  fe  impies  ;  maà  CEter^ 
ml  fe  levers  fur  vomy&  J^  gloire  apparaîtra 
furvom.  Et  cette  conlideracionobligeoic 
les  Apôtres  à  faire  dautantpius  d'état  de 
ce  prefent ,  à  l'attendre  avec  ardeur,  de  à 
le  recevoir  (S*:  pofTeder  avec  un  extraor- 
dmaire  relpeà,-  puis  que  naturellement 

nous 


478     Be  la  Befcente  du  S.  EspriI^ 
nous  cftimons  plus  les  chofes  rares,  que 
les  communes;  &1I  n'y  a  point  davan- 
(  ^^cs^qi  e  nous  cheriflîons  plus,  que  ceux 
qui  nous  font  particuliers.  Par  le  monde  le 
S'^gneur  entend  ici  ,  comme  fouvent 
ailleurs  5  ceux  des  hommes ,  qui  demeu- 
rent dans  rétat  d'ignorance  &  de  pechè, 
ou  nous  naiflbns,  ô^qui  fl^ntTautre  par- 
tie du  genre  humain  oppofée  àFEglife; 
c*eft  à  dire  au  corps  Ôd:  à  la  focietè  de 
ceux,  qui  font  paflcz  de  Tétat de  nature 
enceluide  grace,&  qui  ont  communion 
avec  Dieu  par  lefus  Chrift.  11  ajoute  la 
raifon,  pourquoy  le  monde  ne  peut  rece- 
voir le  S.  Efpritjtirée  de  ce  c\\\il?jelevoit 
(^  ne  le  ccnnoïft  fo'mt.  Pour  la  bien  com- 
prendre il  faut  fe  fouvenir ,  qu'il  parle 
ici  du  S.Efpritjcntant  queConfolateurj 
entant  qu'il  répand   dans  les  cœurs  la 
paix ,  bc  la  joie  de  Dieu ,  &:  la  fandifica- 
tion.   Ainfi  recevoir  le  Saint  Elprit  ceft 
avoir  part  à  fa  confolation,  &  à  fa  grâce 
fandifiante.    Ceft  ce  qu'entend  le  Sei- 
gneur difantjque  le  monde  ne  peut  rece- 
voir le  S.  Efpric  ;  Et  la  raifon,  qu'il  en  ap-» 
portCjCft  claire  ^parcc  àii-W^quil  ne  le  vota 
ni  ne  le  connoïfi  fomt.     Ce  Coafolateur 
étant  Elprit,  &:  d'une  naturctres-lîmple 

6c  très- 


fur  les  Afotres.  Sermon  I.  47^ 
&:  très-  éloignée  du  mélange  des  corps,&: 
de  la  matière  ,  il  n*eftpomt  expose  aux 
yeux,  ni  aux  autres  fens  corporels.  Mais 
auffi  n'eft-ce  pas  ce  que  fignifie  le  mot  de 
voir  en  ce  lieu.  Ceft  pourquoy  le  Sei- 
gneur ajoute ,  que  le  monde  m  le  connoïft 
pints^owi  montrer  ,  que  par  cette  veuë  il 
entend  la  connoiflance,c'eft  à  dire  la  foy, 
qui  eft  la  feule  manière  de  connoiftre  les 
chofesfpirituclles  ,  tandis  que  nousfom- 
mes  ici  bas.Le  monde  donc  n  aiant  point 
de  foy,&  ne  croiant  ni  le  S.  Efprit ,  ni  les 
autres  chofcs  divines,mais  étant  entière- 
ment attaché  \  laterre>  &  aux  chofes  ter- 
reftres,  ôd  periflables  \  il  eft  évident  qu'il 
ne  peut  recevoir  la  confojation  du  Saint 
Efprit,  qui  ne fe donne  ,  qu'aux  fidèles» 
D  où  s  enfuivent  deux  veritez  importan- 
tes \  L*une,quc  ce  divin  Confolateur  ne 
déploie  cette  force  celefte,  par  laquelle  il 
fandifie  & confole ,  (înon  dans  lésâmes 
de  ceux ,  qui  connoiflent  Dieu  par  la  foy. 
Laiirrie,  qu'en  tous  ceux ,  qui  ont  cette 
connoifTancc,  le  S.  Efprit  fe  communique 
en  qualité  de  Confolateur  j  c  eft  à  dire, 
que  quiconque  croit  véritablement,  a 
partenla  fajncecè,  Ô£  en  la  confolation; 
félon lenfeigncraent  de  l'Apôtre,  que/ 


480      De  U  Defcente  ^//  S.  E  s  p  R  i  T 
quelcun  n'afoint  l'LJprit  de  çhrift  ^  cclm-Û 
neïtfo'mt  k  lui,  Aulfi  voie z  vous ,  que  le 
Seigneur  ajoute  ici  dans  l'autre  partie 
de  l'oppofition ,  Mais  vom  le  connep^ez:^ 
vous  qui  n  elles  pas  du  mondcjvous  cou- 
noiffcz  le  S.Efpritjque  le  monde  ignore; 
car  il  demeure  en  vous ,  dit-  il ,  é'  Hfera  en 
vous.  Comme  s'il  difoit5c'eft  pourquoy  il 
fera  en  vou$.La  raifon  pourquoy  le  mon- 
de ne  peut  recevoir  le  Confolateur5c'eft 
par  ce  qu'il  ne  le  connoift  point.  La  rai- 
fon pourquoy  vous  le  recevez^c'eft  parce 
que  vous  le  connoiflez.  Mais  ce  que  le 
Seigneur  dit,  qu'ils  le  connoiflent  par  cp 
qu'/7  demeure  en  eux ,  nous  montre  ,  que 
cela  mefme,que  les  fidèles  croient  &: 
connoiflent  le  Saint  Efprir ,  eft  un  de  fes 
dons,  &  que  nul  ne  le  pçyt  voir,  que  par 
fa  propre  lumicrcifelon  la  confiante  do- 
ftrine  de  S,Paul,que  lafoy  eftun  don  de 
^.Ath,   Dieu.     Et  c'eft  ce  que  fignifioit  le  Sei- 
gneur,quand  il  difoir  à  S.  Pierre ,  que  et 
nétoitfas  la  cbairnile/ang ,  maisfon  Perc^ 
ce  le  (le  qui  lui  avoit  révèle  le  mjflere  de  Ufoy, 
Mais  me   direz  vous  ,  lî   les  Apôtres 
avoientdesjale  S.  Efprit  demeurant  en 
cux^qu'eft-cç  que  le  Seigneur  promet, 
que  le  Perc  le.  leur  donnera  pour  de- 
meurer 


ïr.17, 


fur  les  Afûtres.  Sermon  I.  ^%i 
ineurer  avec  eux  éternellement  ?  La  ré- 
ponfe  eft  aifée,  qu'eux  àc  les  autres  fidè- 
les avant  eux ,  avoient  eu  quelque  mefa- 
re  de  la  lumière  &:  delà  grâce  du  Saint 
Efprit  ("autrement  ih  neuflcnt  eu  ni  la 
connoiiTaaceni  la  commuûion  de  Dieu,- 
puis  que  Tune  6i  l'autre  eft  un  don  de 
l*£fpriti  mais  ils  n'avoient  pas  encore 
eu  cette  riche  abondance  deJumiere  àL 
de  grâce,  que  les  Prophètes  avoient  pro- 
ttiife  au  temps  du  nouveau  Teftamcnr^ 
oii  rEfprit  fe  manifefta  à  pur  &  à  plein 
en  qualité  de  Confolateur,  répandanc 
dans  les  anies  fidèles  un  feu, une  con- 
noiffance  ,  une  amour,  &  une  joye  ,  qui 
jufques-là  n'avoient  jamais  été  veues 
dans  TEglife.  Quand  le  Seigneur  dit, 
que  fes  Apôtres  connoiffentle  S.  Efprir,' 
éc  qn  il  demeure  en  eux  ,  il  Tentend  du 
premier  degré  de  connoiiTance  &:  de 
grâce;  quand  il  leur  promet  le  Confo- 
lateur ^our  demeurer  cternellemct  avec 
etrx,  ilTentendde  ce  fécond.  Et  il  n'y  a 
point  de  fidèle  à  qui  il  n'arrive  quelque 
chofe  de  fenabîable.  C'cft  le  S.  Efprit^ 
qui  ouvre  nos  cœurs  dés  le  commence- 
ment 5  8i  qui  nous  donne  de  croire  à  l'E- 
vangile 5  comme  il  enufa  envers  Lydie; 


48x  T>e  U  Befcente  ^»  S.  Es  P  ri  t 
Puis  quand  par  lefficace  de  fa  vertu 
nous  avons  crcu  au  Fils  dç  Dieui  il  vcrfe 
alors  dans  nos  cœurs  une  nouvelle  lu- 
mière de  grâce ,  nous  fanftifiant  &:  nous 
confolanc  ,  &  nous  fecourant  en  tous 
nos  combats ,  de  fon  onâ:ioncelefte,pac 
laquelle  il  nous  fait  veincre  le  monde>&: 
toutes  les  puiffances  ennemies  de  nôtre 
falut.  Telle  eft  la  promeffe,  que  le  Sei- 
gneur fait  à  fes  Apôtres.  11  Taccomplic 
magnifiquement  cinquante  jours  après; 
lors  qu  aiant  fouffert  &  veincu  la  mort, 
&:s'écant  montré  vivant  à  fes  chers  dif- 
ciples ,  &:  étant  monté  dans  les  cieux  à 
leur  vcuë  &  en  leur  prefence,il  répandit 
fur  eux  comme  ils  étoient  affemblezen 
la  ville  de  lerufalem,  le  matin  de  la  Pen- 
tecolle,  de  ce  bien-heureux  fanduaire 
de  l'immortalité,  où  il  étoit  entré  dix 
4^.  %  jours  auparavant,  leConfolateur  promis 
avec  un  riche  &:  glorieux  fymbole  de  fa 
divine  prefence,  un  vent  grand  &:  impé- 
tueux aiant  foudainement  rempli  la 
miifon  ,  oij  ils  étoient,  &:  des  langues 
départiesxomme  de  fcu,s'étant  inconti- 
nent apparues ,  &:  pofées  fur  chacun 
d'eux.  Il  différa  Inexécution  de  fi  pro- 
meircjufq Lies  là, -parce  quil  falloit,  qu'il 

entrait 


fur  les  Apôtres*  Sermon  L  4^3 
ihtraft  dans  le  ciel  avant  que  le  Conîd- 
iateur  defccndift  en  la  terre  ;&  que  le 
fandtuaire  cclefte  fufl:  ouvert  par  !e  fang 
de  la  victime  éternelle  5  5^  par  la  com- 
parution du  Sacrificateur  iouverain  en 
'  ces  faints  lieux ,  avant  que  cette  flamme 
divine  en  fortifl:.  loint  que  jufqucs  là  les 
Apôtres  aiant  eu  kTus  Chrift  vivant 
avec  eux  la  plus  grand  partie  de  ce  têps- 
là,  n*avoient  pas  eu  befoin  de  ce  fecours; 
Mais  quand  ii  les  eut  laiiTez  n'aians  plus 
déformais  de  Maiftre,  ni  de  Cond adeur 
au  milieu  d'eux,  il  ne  tarda  plus  guerd 
à  les  viGterjleur  en  voiant  dix  jours  après 
leConfolateur.  Et  ici  admirez  ,  je  vous 
prie,la  fagefledeDieuen  la  correfpon- 
dance  de  deux  cvenemens  ,  dont  Tutl 
avoit  été  Tombre  &:  le  modelle  de  Tau- 
trci  Moïfe  àvoit  promis  la  Lov  avant 
que  delà  donner.Chrift  prom  t  le  Gonfo- 
lateur  avant  que  àt  i'envoier.Laloy  fut 
donnée  le  jour  delà  Pentecoftç;  Et  TE- 
vangile  fut  revelè  ^,  publié  le  mefrae 
jour  pareillement.  Dieu  pour  manifeftef 
fa  Loy  vint  veftu  d'un  feu  terrible,  &  de 
tempeftes  eiï:  ayantes.  Le  S  Efpritpour 
manifeiler  TEvangile  vint  dans  un  fcii 
doux  U  agréable,  fc  pofant  paifiblenvint 

h  h     if  ittr 


484     T>e  UHefcente  â/i^  S.  Esprit 
fur  les  Apôtres  :  parce  que  la  Loy  cft  uij 
miniftere  de  mort ,  &  rÉvangile  au  con- 
traire eft  vn  miniftere  de  vie.  La  Loy  fut 
donnée  dans  un  defertiparce  que  c'étoic 
une  alliance  avec  une  feule  nation;  L'E- 
vangile fut  publié  dans  une  Ville  ,  plene 
de  toutes  fortes  de  peuples  \  parce  que 
c'eft  une  alliance  univerfelle ,  avecque 
toutes  nations  &  langues.  Aurefte  il  ne 
faut  que  regarder  les   Apôtres    depuis 
cette  myfterieufe  apparition ,  pour  re- 
connoiftre  que  lefus  leur  donna  vérita- 
blement alors  le    grand   Confolateur, 
FEfprit  de  veritc,qu'il  leur  avoir  promis. 
Ci-devanc  ils  ignoroient  le  myliere  de  , 
la  croix,  &  neconcevoient  lefalutde 
Chrift,  que  fortconfufément.  Auffi  toft 
que  cette  flamme  les  eut  éclairez,  ilsen- 
tendirenj:  tout  le  confeil  du  Père  ;  Ils  vi- 
rent à  nud  tous  les  abyfmes  de  fa  fapien- 
ceills  ne  les  virent  pas  feulement  \  ils  les 
expliquèrent  aux  autres.  Avant  cela  ik 
bégayoicntgrofîîerement ,  ne  fçachant 
que  leur  langue  de  Galilée.  Apres  ce  di- 
vin feu  ,  ils  parlent  toutes  fortes  de  lan- 
gages. Ce  nouveau  Dodeur  leur  apprit 
en  un  moment  toutes  les  veritez  du  ciel, 
bi  toutes  les  paroles  de  la  terre.  Il  n  y  eut 

plus 


fur  les  Apôtres,  Sermon  L  4?  j 
plus  d'erreur,  ni  d'ignorâce  en  leur  cœur. 
Ce  que  les  Phiiofophes  des  Grecs,  ce  que 
les  Rabbins  des  Ebreus,cc  que  tous  les 
fages  de  iunivers ignoroient^fut  tout  dé- 
couvert en  un  moment  à  ces  pauvres  pef- 
cheurs.  Mais  rEfprit  ne  leur  fut  pas 
moins  libéral  de  {à  confolation  ,  que  de 
fa  vérité.  Avant  qu'ils  l'euffent  receu  ,  le 
moindre  bruit  les  troubloit^les  bacons  &: 
les  glaives  dVne  troupe  de  maraux  les 
avoient  mis  en  fuite.Depujs  que  le  feu  de 
la  Pentecofte  les  a  touchez,  ils  ne  crai- 
gnent plus  rien.  Ils  fe  prcfentent  hardi- 
ment au  Temple ,  &:  devant  les  plus  re- 
doutables tribunaux.  Ils  y  répondent 
franchement  ;  &:  foufFrent  les  plus  hon- 
teux fupplices  avecque  joye.  Ils  s'éten- 
dent de  Icrufalcm  en  la  ludée^  &:  puis  en 
fuite  par  toute  la  terre  habitable,  ôd  mal- 
gré toutes  les  oppofitions,qu'ils  y  rencon- 
trent ,  continuent  leut  deflein  i  %i  au  mi- 
lieu des  opprobres ,  des  tourmens  3  &  des 
morts ,  demeurent  toujours  contens ,  &: 
heureux, glorifiant  leurChrift  &:benif- 
fant  la  grâce  qu'il  leur  avoit  faite. Certai- 
nement c'écoit  donc  vraiemeiu  le Cof^fo- 
lateurdu  Père  éternel  qu'ils  receurenc  ,  n'y 
aiantrien  en  toute  la  nature  capable  de 

h  h     3       donner 


48^  Be  la  Defcefjîeda  S.  Esprit 
donner  ov)  de  maintcinr  en  nous  une  fi 
vive  iV  fi  efficace  confblation. Enfin  Ic(us 
Çhrift  leur  avoir  pi  omis  ,  que  ce  Confo- 
laceur  dcmeureioii  tcernellcment  avec 
eux.  Atifli  voiczvous,  quel  Efprjr,  qui 
leur  fut  donné  le  jour  de  la  Pentecofte  ne 
les  abandonna  jamais.  Il  demeura  fidèle- 
ment avec  eux  jufqu*aux derniers  fcûpirs 
de  leur  viejles  conduifant^ô.:  les  fortifiant 
fi  puiflamment,  que  pas  un  deux  ne  lâ- 
cha le  pied.  Ils  perfevcrerent  tous  dans 
cette  haute  pictè,&:  glorifièrent  leur  Mair 
ftre  par  une  confiante  &  inébranlable  fi- 
délité au  iriilieu  de  toutes  les  tempeftesi 
que  Satan  fufcita  de  toutes  parts  côtr'eux, 
aiant  mcfm.e  prefque  tousfeeljè  la  vérité 
de  leur  fang.  Ce  Saint  Confolateur  les  af- 
filia dans  les  feux  5  &  fur  les  croix, &  fous 
les  haches  &:  les  glaives ,  ^  addoucit  tel- 
lement leurs  pênes,  qu'ils  [oiifFioienc 
avecquc  joye  ce  que  les  autres  hommes 
ne  peuvent  voir  ^nipcnfer  fans  horreur. 
Voila^Fideles^qucUe  fut  cette  Pentecofte 
Chrétienne  ,  promife  par  le  Seigneur 
lefus  à  fes  Apôtres  dans  les  paroles  de 
nôtre  texte,&:  peu  de  temps  après  accom- 
plie au  mefme  jour  que  nous  foiennizons 
wiaintenaqt.  Reftie,  que  nous  y  prenions 

part, 


fur  les  Apôtres,  Sermon  I.  487 
part  5  &  que  nous  appliquant  chacun  les 
enfeignemens  que  contient  ce  grand 
myftere  nous  enfaflîons  tous  nôtre  pro- 
fit à  la  gloire  de  Dieu,  &  au  falut  de  nos 
amcs.  Premièrement  l'efficace  de  cet 
Éfprit  à  enfeigner  &c  à  confoler  les  Apô- 
tres nous  découvre  clairement  fa  nature 
&  fa  qualité;  puis  fa  nature  ôc  fa  qualité 
nous  montrent  quel  eft  celefus,  qui  le 
promit  &  Tenvoia  félon  la  parole  qu'il 
en  avoit  donnée.  Car  pour  le  premier, 
quel  autre  Efprit  ,  que  celui  de  Dieu, 
éternel  &  tout-puiffant ,  feroit  capable 
de  changer  ainii  miracuhsufement  des 
pefcheurs  en  Dofteius  ?  l'ignorance  en 
fciencejlafoibleffeenforce,  la  trifteffe 
en  joie,  la  timidité  en  courage ,  &  en  un 
mot  des  hommes  en  Anges.  Qui  pour- 
roit  autre  que  lui  ou  avoir  exécuté,  ou 
avoir  feulement  entrepris  une  fî  grande 
œuvre  ?  de  reformer  lunivers ,  de  con- 
vertir le  monde  à  Dieu,  d*aboIir  &  le  Pa- 
ganifme ,  &:  le  ludaïfme  ,  d'arracher  les 
démons  ^  les  Dieux  de  leurs  temples, 
les  Philofophes  &  les  Rabbins  de  leurs 
chaires,les  anciennesdevotions  fondées 
â:  ccôblies  par  une  longue  fuktc  defie- 
clesjdes  cœurs  des  grands^  des  petits? 
h  h     4-       Cherchez 


4^8  De  U  Befce'/Jfe  ^^  S.  Es  ?  n  i  r 
Cherchez  tout  ce  qu'a  fait  rcfpritdel^ 
chair &: du  monde,  delà  Philorophic,&: 
de  ia  fupcrflition  i  vous  ne  treuvcrexî 
point,  que  jamais  il  ait,  je  ne  dirai  pas 
çxccutç  5  mais  feiilcment  attente,  ni  en- 
trepris rien  de femblable.  Certainement 
ii  faut  donc  confcfTcrj  que  cet  Efprit> 
qui  animoit  les  Apôtres  ,  étoit  tout  au- 
tre que  celui  du  monde  ;  que  c'etoit  TE- 
fprit  de  Dieu  ,  le  S.  Efprit  de  vérité.  Et 
pour  le  fécond  j  puis  qu'il  eft  évidente 
qu  il  n  y  a  que  Dieu  qui  puifle  donner 
fon  Efpritjil  faut  paircillemét  avouer  que 
lefus ,  qui  promit  premièrement,  &  puis 
donna  en  effet  celui-ci  à  fes  Apôtres ,  eft 
vraiemcnç  Dieu,  le  Fils  éternel  du  Père, 
le  grand  Prophète  des  cieux,  prédit  par 
les  oracles  anciens ,  manifcdc  en  la  plé- 
nitude des  temps ,  le  Roy  des  hommes 
&- des  Anges.  Cette  facrce  Pcntccofte 
cft  un  invincible  enfeignement  &  de  lo- 
ngine  de  (ov[  Efprit,  &  de  fa  divinité. 
Adorons-le  donc  humblement  5  comme 
nôtre  fouverain  Seigneur  ;  Adorons  fon 
Efprit ,  comme  nôtre  unique  Confola- 
tcur.  Recevons  fa  dodrine  avec  une 
entière  foy.  Avant  cette  divine  Pcnte- 
çofte,ôi  fes  rniraculeufes  fuitcs^ceux  qui 


fur  les  Àfofres.  Sermon  I.  489 
en  doucoient  pechoient  à  la  vcritè  ;  puis 
que  I5  prédication  &  leso-'uvres  du  Sei- 
gneur juftifioienc  aflez  clairement  ce 
qu'il  etoit^pour  obliger  des  lors  à  croire 
en  lui  Mais  fi  eft  ce  neantmoins  que  Tin- 
crédulité  cft  devenue  tout  autrement 
criminelle  ,  &inexcufâble  >  depuis  que 
le  S.  Efprit  a  appofé  à  l'Evangile  un  feau 
fi  divin,  &:  fi  authentique.  Qui  avoit  bla- 
fphemè  le  Fils ,  pouvoir  obtenir  pardon 
de  fa  faute,  quelque  noire  qu'elle  fuft. 
Mais  qui  aura  blafpliemè  contre  le  Saint 
Efprit>qui  aura  rejette  fa  demonftration, 
S>c  ne  fe  fera  rendu  à  fa  voix  &.  à  fa  lu- 
mierejpour  celui-là  il  n'y  a  point  d'efpe- 
rance  de  pardon  ni  en  cefiecle,  nien 
l'autre.  11  ne  refte  plus  d'autre  lumière 
pour-diflîper  les  ténèbres.  Celui  que  le 
Confolateur  n*aur^  point  converti,  eft 
perdu  fans  reflburce.  Il  n'y  a  plus  d'autre 
feu  pour  lui  que  celui,  qui  doit  dévorer 
les  adverfaires.  A  Dieu  ne  plaife ,  Frères 
bien- aimez,  que  nous  tombions  dans  un 
fi  épouvantable  malheur.  Rêverons  les 
enfeignemens-de  l'Efprit  j  admirons  fon 
feu  defcendu  des  cieux.  Refpeûons  les 
Miniftres  de  lefus ,  qu'il  confacra  d'une 
<î  meryeilleufç  ipanicre  s  recevons  fans 

hefiter 


490  T>e  U  Befiente  dtt  S.  E  s  p  r  i  t 
hclîter  les  myltercs  5 qu'ils  nous  annon-^ 
centEt  ne  vousofïen(czpas5Je  vows  prie 
comme  fi  c'ctoic  vous  outrager,  que  de 
vous  exhorter  à  croire  l'Evangile.  Bien 
que  la  profeflîon  de  cette  foy  foitfort 
commune  ^  fa  vérité  eft  fort  rare.  Tous 
fc  vantent  de  croire  ;  mais  il  y  en  a  peu, 
qui  croient  en  effet.  Car  en  confcience 
fi  nous  croiyons ,  que  lefus  eft  le  vrai 
Dieu  &:  la  vie  éternelle,  ne laimerions 
nous  pas?  ne  nous  emploierions  nous  pas 
àfonfervicc  Ôd  à  fa  gloire?  Ferions  nous 
pas  ce  qu'il  command  e  ?  Fuy rions  nous 
pas  ce  qu'il  défend  ?  Aurions  nous  pas  le 
cœur  au  ciel,  où  il  eft  ?  N'aurions  nous 
pas  de  la  paflîon  pour  fonnom ,  &:  de  la 
charité  pourfes  ferviteurs  ?  le  ne  veux 
pas  ajouter  combien  nous  fommes  éloi- 
gnez de  cette  difpofition.  N05  avarices, 
nos  vanitez,nos  inimitiez,nos  meurs  en- 
fin toutes  Payennes  ,&  qui  ne  différent  ' 
prcfque  en  rien  de  celles  des  idolâtres  &: 
des  mondains ,  ne  montrent  que  trop  ce 
qui  eneft.  Ces  œuvres  de  nôtre  chair 
font  trop  manifcftcs  pour  les  pouvoir  ou 
nier>ou  excufer.  Mais  je  n'ai  dcffcin  de 
faire  ici  rougir  perfonne.  l'en  laiflo  le 
jugement  tout  entier  à  vps  confcienccs. 

Examinez 


Jfir  les  Apôtres,  Sermon  L  491 
Examinez  en  leurlumierc,  s*il  eft  bien 
vrai,que  vous  croiez  TEvangile  de  lefus. 
Ne  vousarrcftezpasàce  qu'en  aie  vôtre 
langucjni  à  ce  que  vos  voifins  en  témoi- 
gnent. II  faut  que  vôtre  cœur  y  confen- 
te;que  vôtre  confcience  ne  vous  fafTc 
aucun  reproche  au  contraire;  qu'elle  le 
prononce  elle  mefme  après  en  avoir  fait 
î'enquefte.Ne  lui  donnez  point  de  repoSj 
que  vous  n'en  aicz  tiré  cette  confefTion, 
que  vous  croiez.  Méditez  les  cnfeigne- 
mens  de  la  vérité  ;  Priez  le  Seigneur 
Iefus,qui  en  eft  le  Perc^Sd  fon  Efprir,  qui 
en  eft  le  Dodeur,jufques  à  ce  que  vôtre 
ame  ait  en  elle  une  vive  &:  profonde 
perfuafion  de  fon  Evangile. Car  fans  cela 
vous  ne  pouvez  recevoir  le  Confolateur. 
L*incredulitè  rend  le  monde  incapable 
de  le  recevoir.  Mais  fi  vous  le  connoif- 
fez  véritablement, comme  les  Apôtres, 
le  Seigneur  vous  le  donnera  5  comme  à 
eux. Car  ce  n  eft  pas  pour  eux  feulement, 
qu'il  l'a  demandé  au  Père.  Cette  flam- 
me celefte,&  cette  Pertecofte  qui  la  di- 
fpenfejapparticnt  à  tous  \t%  vrais  croians. 
11  n'y  en  a  pas  un ,  que  ce  Confolateur  ne 
feelle  pour  le  jour  de  la  rédemption, qu'il 
ne  purifie  |  &:  ne  fortifie,  &  ne  réjouiffe 


49^     7>e  U  Befcente  dt$  S.  Esprit 
en  quelque  mefure.  Surquoy  nous  avons 
à  remarquer  en  fuite  la  bonté  &:  la  fagefle 
du  Seigneur;  Sa  bonté  en  ce  que  fe  reti- 
rant de  la  terrcil  nous  a  laiffe  un  fi  excel- 
lent Confolateur,  qui  a  toute  la  lumière 
&  toute  la  vertu  neccflaires  pour  nous 
conduire  &  gouverner  au  milieu  de  tant 
d'ennemis  ;  Sa  fageffe,  en  ce  qu'il  nous  a 
donné  fon  Efprit  pour  Confolateur  >  afin 
de  nettoier  nos  âmes  ,&  d'y  allumer  une 
amour  purement  fpintuelle,  fans  nul  mé- 
lange d'aucun  fcntiment  charnel ,  &  i:er- 
reftrcé  Car  fi  nôtre  conducteur  étoit  un 
homme  ,  nos  âmes  s'attacheroient  à  fà 
prcfence  charnelle,  &  nôtre  pieté  dcvien- 
droit  groflîere  5  félon  l'inclination  que 
nous  avons  naturellement  aux  chofesde 
cette  condition.   D'où  paroift  combien 
eft  contraire  àcette  intction  du  Seigneur 
la  dévotion  de  ceux  ,  qui  cherchent  en-/ 
core  fa  chair  ici  bas&  qui  veulent  l'avoir 
dans  leurs  bouches  &  dans  leurs  efto- 
macs.  Si  c'etoit  la  l'un  des  moiens,  qu'il 
avoitdeflein  d'cmploïcr  pour  nous  con- 
foler  durant  nôtre  pèlerinage  ici  bas,  il 
l'euft  dit  fans  doute  à  fcs  difciples  dans 
l'ennui  où  il  les  voioit  ;  H  les  euftavertis, 
qu  encore  que  fa  chair  dcuft  devenir  invi- 

fible 


fur  les  Apôtres.  S  e  r  m  o  N  I.     495 
fibk  fur  la  rerre,ils  ne  laifferoient  pas  de 
Ty  avoir  toujours  prefente  dans  le  Sa- 
crement, qu'il  venoic,  de  leur  donner. 
Et  neantmoins  il  ne  leur  dit  rien  de  fem- 
biable.  Il  oppofe  toujours  conftamment 
la  venue  &:  la  prefence  de  fon  Efprità 
rabfence  &:    à    Téloignement  de   foa 
Corps  i  &  il  leur  avoit  desja  dit  ailleurs, 
qu'ils  ne  Tauroient  pas  toujours   avec 
eux  ;&  qu'il  ne  feroit  point  dans  les  ca- 
binetsjou  dans  les  ciboires;  ce  qui  ne  fe 
peut  entendre  qu'à  Tégard  de  fon  corps;  ^7,5.21 
non  plus  que  ce  que  dit  S.  Pierre  ,  qu'il 
faut  que  les  oieux  le  conticnent  jufqu'à 
laconfommationdesfiecles  ;  ^  tant  s'en 
faut  que  le  Sacrement  induife  la  prefen- 
ce de  fa  chair  ici  bas,  qu'au  contraire  il 
en  fuppofc  évidemment  l'abfence ,  puis 
qu'il  en  eft  le  mémorial,  &  qu'en  le  pre- 
nant nous  annonçons  la  mort  du  Sei- 
gneur jufqucs  a  ce  qu'il  vienneifigne  évi- 
dent, qu'il  n'eft  doac  pas  venu.   Mais  ce 
divin  Confolateur  >  qu'il  nous  a  laifsè, 
fupplce  abondament  à  fon  abfcnce,nou5 
fournifïant  richement  tout  ce  qui  eft: 
neceifaire  à  nôtre  joye ,  &  à  nôtre  falur. 
l'avoue  qu'il  nous   faut   participer  au 
Corps  àL  au  Sang  du  Seigneur.  Mais  il 

n'eft 


494  ^^  ^^  I>efce?it€  du  S.  E  s  p  r  t  t 
n  ell  pas  beloia  ,  qu'il  defcende  en  \à 
terre  pour  cela  Ce  m^fme  Erpric,qui  fait 
le  reftc,  nous  donne  auffi  cette  faince  ^ 
falutaire  coramuuioni  Premièrement  en 
G€  qa'il  nous  applique  le  mérite  de  cet- 
te chair  roon  pue,  &  la  vertu  de  ce  Sang 
répandu  pour  nous ,  nourriflant  &:  ab- 
brcuvantnos  âmes  de  ce  divin  fuc,  fclon 
ce  que  difoit  le  Seigneur^que  cefi  tEjpYtt 

^^^^  '  qui  vivifier.  Secondement  en  ce  qu*il 
nous  conjoint  avec  ce  corps  du  Fils  de 
Dieu,  nous  faifant  devenir  Tes  membres^ 
os  de  (es  os,&  chair  de  fa  chair ,  étant  le 
lien  commun  de  lui  ôc  de  nous.  Car  cet 
Efprit,qui  eft  en  lefus  Chrift,  comme  en 
nôtre  chefjcft  auffi  celui ,  qui  nous  ani- 
^    „  me.  Chrift  &:  nous  n'aiant  qu'un  mefme 

13.  Efprit  nous  ne  fommes  qu*un  mefmc 
corps,  félon  la  dodrinedeS.  PauUqui 
fonde  ce  que  Chrift,  6^  nous  tous  ne 
fommes  qu'un  mcfme  corps  >  fur  ce  que 
nous  avons  tous  écè  battifez  en  un 
mefme  Efprit.  Enfin  c'eft  encore  ce 
mefme  Efprir>  qui  nous  rend  conformes 
au  Corps  du  Seigneur  ,  &  maintenant  à 
l'égard  delà  croix,  qu'il  nous  donne  la 
force  &:  le  courage  àc  porter  après  lui;  ôc 
en  1  autre  ficcle  ,  àlVgud  de  la  rcfurre-^ 

ûion 


fur  les  Apôtres.   S  e  r  m  o  m  li    495 
dion  5c  de  la  gloire,  félon  le  dire  de  T  A- 
pôtre  ,  Si  VEf^rït  decelui  ^qatAreffuÇcite^^^^ 
le  fus  des  morts  habite  envoies  ^  celmquÏA 
rejfujcit}  Chnfi  des  morts  vivifiera  aufit  vos 
corps  mortels  à  caufe  de  [on  BJprit  habitant  en 
vous.  Contentons  nousdonc^chcrs  Fre- 
res^de  ce  Confolateur  tout  puiffant ,  que- 
le  Fils  nous  a  donne  pour  nous  gouver- 
ner5&:  nous  foûtenir  durant  fon  abfcncc 
corporelle.Rcfpedonsfesyeux;  &:nous 
gardons  bien  de  le  contrifter ,  ou  de  l'ir- 
riter.   Vivons ,  comme  devant  lui,  puis 
qu'il  daigne    demeurer  au   milieu   de 
nous. Il  hait  rordure,5c  aime  la  pureté  fur 
toutes  chofes.     Nettoyons  nos  corps  &: 
nos  cœurs  de  toute  foiiilîeure  ^  pollu- 
tion, puis  qu'il  leur  fait  Thonneur  d'y  lo- 
ger,commedans  fes  temples.   Chaifons 
bien  loin  du  fanftuairede  cette  grande 
divinité  les  voluptez  deshonneftcs  ,  les 
vilenies  de  l'avarice  ,  &  les  faletez  des 
mauvais  difcours.   Que  lachaftetè,  la 
tempérance ,  &  la  faadification,fans  la- 
quelle nul  ne  verra  Dieu,luifeut  toii- 
jours  chez  nous. Cet  Efprit  ne  peut  fouf- 
frir  la  difcorde  ,  ni  la  haine  i  &;  fuit  les 
lieux  oii  il  n  y  a  point  de  paix.    Si  nous 
voulons  qu'il  s'aime  entre  nous ,  étei- 
gnons 


49^  ^^  i^  'Defcente  ^«  S.  Es  p  r 1 1 
gnons  ces  animofitez  infernales ,  ces  ftî- 
rieufes  inimitiez,  ces  colères  &;  ces  ma- 
lignitez,  qui  brûlent  au  milieu  de  nous, 
&:  qui  infedenc  nôtre  air  d'une  fi  noirCi 
&  fi  puante  fumee.Q[u'unc  douce  &  cor- 
diale amitié  nous  uniiTe  tousenfemble. 
Imitons  ces  Saints  Apôtres  de  lefiis ,  qui 
curent  les  prémices  de  fon  Efprit.  Ce 
grand  Confolateur  ne  leur  eut  pas  plû- 
toft  etè  envoie  5  que  toutes  les  bafîefîes 
de  leur  vie  précédente  ceffercnt,  leur 
riotes,6^  leurs  malentendus^leurs  imagi- 
nations tcrreftrcs,  leurs  craintes  &:  leurs 
foiblefles.Ils  ne  penferent  plus  qu'au  ciel,- 
lorigine  de  leur  nouveau  baptefirle;  ô£ 
ne  parlèrent  plus,que  des  chofes  magni- 
fiques de  Dieu.  Ils  rompirent  tous  les 
attachemens  de  la  terre,&  fe  donnèrent 
tout  entiers  au  fervice  de  leur  Maiftre. 
Ils  prient,ils  prerclicnt,ils  aiment  ardem- 
ment leurs  prochains,  &:  ne  font  avec 
*j;  ,!j^  eux  qu  un  coeur  &c  une  ame  (comme  die 
rhiftoire  facrée  J  Tous  les  biens  de  cette 
nouvelle  &  bien  heureule  republique 
deviennent  communs;  tellement  qu'il 
n  y  avoit  entrVux  m  mendiant  ni  necef- 
fitcux.  Suivons  ce  riche  exemple.  Qup 
leur  zèle  Ôd  leur  charité  Ibienc  Icspatrôs 

de 


furies  Afûtres.  Sermon  I.      497 
de  nôtre  vie.    Alors    ce   Confolatcur, 
qui  nous  a  etè  laifsè  par  le  Seigneur 
Iesvs  fe  plaira  au  milieu  de  nous.     Il 
nous  multipliera  tous  les  jours  fes  grâces 
&:  fes  lumières. Il  elTuyera  nos  larmes  ;  il 
foulagcra  nos  ennuiss  il foûtiendra  nos 
infîrmiteziil  nous  reniplira  de  contente- 
ment &:de  joye.  Apportons  furtoutces 
faintes  difpofîtions  à  cette  table  facrée, 
&:nousy  ferons  abbreuvez  de  l'Efpric 
de  Clirift  ,  dZ  repeus  de  fon  immortelle 
manne.    O  grand, &:  divin  Confolateurj 
ôEfprit  de  vérité,  daigne  habiter  éter- 
nellement aiî  milieu  de  nous,  quelque 
indignes  que  nous  foions  de  ta  grâce. 
Ne  nous  ôre  point  ta  falutaire  prefence» 
fans  laquelle  nous  ne  fommes  que  mi- 
ferc  &  mal-heur.    Renouvelle  tes  an* 
ciens  miracles  en   la  guerifon  de  nos 
maux.    Que  ton  feu  celefte  délie  nos 
langues  ,    &:  illumine  nos  yeux  ,  &c 
échauffe  nos  cœurs.     Qj£*il  étende  les 
mainsy  que  Tavarice  avoir  nouées  ;  qu'il 
fonde  les  âmes ,  que  la  froideur  &  j'a- 
verfîon  avoic  glacées  i  qu'il  affermifîe 
les  foibles  i  qu'il  réjouïfle  les  affligez; 
qu'il  nous  conduife  tous  en  feurctè  dans 
ce  defertj  où  nous  errons  5  jufqucs  ace 

ii  cjue 


49^  ^^l^  Befcente dft  S.  Esprit 
que  par  les  falutaires  adrcfles  de  tes  di- 
vins cnfeignemens  nous  parvenions 
dans  ce  ciel  bien- heureux,  où  tu  vis  &: 
règnes  éternellement  avecque  le  Pcre 
&:  le  Fils,  vrai  &  feul  Dieu  bénit  aux 
{iecles  des  fîecles.  Ame  h. 


DB  LA 


49> 

DE   LA 

DESCENTE 

D  V    S  A INT    ESPRIT 
SVR  LES  APOTK^S. 

^^ERMÔN  VEV 

Sur   les  verfets  r.  2.  3.  4. 
des  Acte 

\.\  Et.  comme  le  jot^r  dt  U  Femecajlp^ 
s'accomiflïfjoify  ils  étoient  tom  d'un  accord 
dans  un  mefme  lieu,  -, 

z.   Alors  il  ^c  fit  fouddine-menî  un  fdn  du 

cielycomme  d'un  vent  foufjlant  en  véhémence^ 

qui  remplit  toute  U  maifon-^ouils  étaient  aps: 

^f  j.   Et  leur  apparurent  des  langues  de  par- 

iiesycomme  de  feu, ér  fe pofa  fur  chacun  d  eux. 

4.  Dont  ils  furent  tous  remplis  du  Saint 
EJprit ,  ^  commewreni  à  parler  langages 
étranges-^ainfique  C  Ej^rïtUur  donoit  afarky. 


Hers  Frers^5 


Ençr^   les   cérémonies  ,  cjué  Moife 
ïi     7.        Or  do  nui 


joo  De  U  T>efcente  du  S.  Esprit 
ordonna  jadis  aux  Ifraclùcs ,  il  inftitua 
trois  grandes  feftcs  iolennellcs  la  Pafquc, 
la  Pencccofte ,  &  les  Tabernacles  ,  com- 
mandanc  à  tous  les  hommes  de  ce  peuple 
de  les  célébrer  chaq*ne  année  rcligieu- 
femenc  en  comparoiflant  devant  l'arche 
de  Dieu ,  pour  lui  rendre  les  hommages 
de  leur  fojWd  de  l  ur dévotion  à  fon  fer- 
vice.Et  q^iyiux  deux  autres  il  nVft  pas 
befoind'^^Brlerpour  cette  heure. Mais 
la  PentecWpetoit  precifément  celle  qui 
cft  nommée  dans  les  hvres  du  vieux  Te- 
ftamsnt  U  fefle  de  U  moiffon  ,  à  caufe  du 
Cemps,oii  elle  fe  renconcioit  )  &  désire- 
i»/V^j  ;p^rce  qu'ils  ofFroient  alors  au  Sci- 

^^"f  gneur  les  premiers  fruits  de  leurs  champs, 
en  témoignage  de  leur  reconnoiiTance; 
Enfin  elle  eft  aufTi  appellée  U  fejle  des [e-^ 
muin^  'y  parce  que  depuis  laPafque  ils 

^.  contoient  jufques  aiepttemames  ^c  eit  a 
dire  quarante  &:  neuf  jours, &  celebroient 
la  journée  fuivante  ,  c*cft  àdirelacin- 
quantiefmc  ;  à  raifon  dequoi  les  Grecs 
l'ont  nommée  PentecoHe ,  d'un  mot ,  qui 
dans  leur  langage  fignifie  ctnquantiefme^ 
Ils  honoroienL  amlî  ce  jour>  parce  que 
c'étoïc  celui  auquel  Dieu  leur  avoir  don- 
ne fa  loy  i  comme  il  paioiilpar  TExodc, 

où 


fur  les  Âfotres,  S  e  R  M  on  1 1.  501 
où  Moviè  remarque  exprc.flemcnt,  que  la^^^'^'?- 
loy  tut  prononcée  par  le  Seigneur  le  troi- 
{îefmc  jourduiroifitTmenioiSjc'eftà  dire 
precifément  le  cinquaniicfmeiour  après 
rimmolat'ori  de  TAgnean  Pakhalj&la 
fortie  d'Kraël  hors  d'fgvpte  ,  arrivée 
(comme  vous  fçavez  )  le  quatorziefme 
jour  du  piecedcnt  mois.  Puis  que  lal- 
liance^oùils  enttcrenr alors  avec  Dieu» 
croit  le  cornble  &:  de  (es  bénéfices,  &  de 
leur  honnciu^leur  grand  &:  unique  avan- 
tage au  dtflus  de  toutes  les  nations  du 
monde,&  la  dernière  fin  de  tous  les  mi- 
racles de  l'Egypte  5  ainfi  que  le  Seigneur 
mefme  le  te{moigne,d  fant  aux  IfracliteSjE^»^* 
Fous  Ave^^veu  ce  qu<  )  ni  fait  aux  Egyptiens^  '^*** 
Cr  que  ]e  vous  At  fuYitz  fur  des  atjles  d  aigle 
four  vcw  amener  à  moy  \  il  ne  f^iut  pas  s'é- 
tonner ,  sMs  obfervoicnt  ce  jour  avecquc 
tant  de  foin,  &r  de  dévotion.  Et  pour  en 
éclaiicir  la  raifon  leurs  Doâeuis  ont  ac- 
coutumé demploier  ici  uneccmparai- 
fon  ,  difant ,  que  Dieu  fit  alors  à  Icxirs  pè- 
res comme  feroit  un  giand  Monarque 
à  quelcun  de  fcs  plus  chers  fervitcurs, 
détenu  dans  une  dure  &:  cruelle  capti- 
vité ,  &  le  fupphant  avecque  larmes  de 
Icn  délivrer  i  auquel  étant  touche  d'une 

ii     5        vive 


502  BeU  Defcente  du  S.'  Esprit 
yive  compaffion  de  fon  mal  heur,il  pro-^» 
mtctroit  de  le  tirer  de  pene,î5<:  meCme  de 
lui  donner  (a  fille  en  maiiagc  dans  un  eer- 
tain  temps  j  ce  qu'apprenant  le  pauvre 
çaptifjôi  attendant  la  liberté  6^  fa  gloire 
avec  une  ]oyc  plcne  d'impacience5il  côce 
toutes  les  (cmaines,  tous  les  jours3Ô<:  tou- 
tes les  heures,  q'u  fe  paflent  jufqucs  à  ce 
que  le  deiirè  terme  de  fon  bon  heur  foie 
venu  i  Que  le  Seigneur  tout  de  mefme 
voiant  leurs  Pères  opprimez  en  Eg3'pte 
fous  une  cruelle  fervitudc^fléchi  par  leurs 
miferes  &  par  leurs  fupphcations  leur 
avoit  promis  de  le$  tirer  de  cette  mal- 
heureufe  condition  5  &:  mefmes  de  les 
honorer  ftpt  femaines après ,  de  fon  al- 
]iance,Icur  donnant  la  Loy,  fa  chcre  ô£ 
biçp-aimee  fille  ,  en  mariage  ;  Queles 
Ifraclites  ravis  de  la  grâce ,  qu'il  leur  fai- 
foit ,  &  ea  defirant  impatiemment  la 
jouïflance  ,  contèrent  foigneufcment  ces 
fc^t  femaines,  &:çes  quarante  neuf  joursj 
jufques  à  ce  qu'enfin  Dieu  fe  communi- 
quant vjfiblement  à  eux  en  fa  plus  écla- 
tante gloire  5  &  le  ur  parlant  de  fa  propre 
bouche  accomplit  magnifiquement  &  (es 
promeffesjô»:  leurs  efperanccs.  Ilsdi(enr> 
que  c  eft  en  mçn^oi|:e  de  çel^  ,*que  Mo  ïfc 

leur 


far  les  Jpotres.  Sekmo}^  IL  pj 
leur  a  ordonné  de  conter  ainfi  tous  les 
ans  les  fept  femaines ,  qui  fe  paflent  de- 
puis lâPafque  jufquesàla  Pentecofteicc 
qu'ils obfervent  encore  aujourd'hui  avec 
une  tres-fcrupuleufe  fuperftition.  Car 
leur  Pafque  achevée  ,  dés  qu'ils  voient 
les  étoiles  au  ciel  commencer  un  autre 
jour, retenant  debout  en  grande  dévo- 
tion ils  font  cette  prière  à  haute  voix; 
Béni  fois  tu,Seigneur  notre  Bieu^Roy  du  mon- 
de -)  qui  nom  as  fan^iifiez  par  tes  commande-* 
mens  ,  é'  ^om  as  commande  de  conter  les 
jours  de  devant  la  moiffon ,  dont  celui-ci  ejh 
le  premier.  Ils  continuent  ainfi  tous  les 
foirs  ,  remarquant  toujours  en  termes 
exprès  le  nombre  des  jours  &:  des  femai^ 
nes,jufques  au  foir,  qui  commence  leur 
Pentecofte.  Quant  à  nous  Frères  ,bien- 
aimez,  lefus  Chnft  le  Soleil  de  juftice, 
dilTipant  les  ombres  de  la  nuit  par  l'a- 
bondance de  fa  divine  lumière  ,  nous  a 
bien  affranchis  à  la  vcricc  de  robferva- 
tion  de  ce  qu'il  y  a  de  ceremonielen 
cette  fefte.  Mais  tant  y  a  que  nous  ne 
laiffons  pas  d'eftre  obligez  à  méditer 
avec  zèle  le  bénéfice  ,  que  nous  rcceui^ 
mes  de  fa  bontè,quand  il  daigna  nous  ré- 
véler plenement  la  volonté  du  Père,  &: 

i  i     4        mani- 


504     I>e  U  Defcente  ^/^  S.  E  s  p  r  i  t 
nianifefter  au  monde  la  gloire  de  fon  al* 
liance.  Et  fi  les  anccilres  âts  juifs  contè- 
rent les  jours  de  leur  Pentecofte  avec 
impatience ,  les  Apôtres  nos  Patriarches 
n  attendirent  pas  la  leur  avecque  moins 
de  dcfir  àc  d'ardeur-  Et  fi  la  pofteritè  des 
premiers  a  célébré  Ja  niemofredc  leur 
bon-heur  en  tous  les  âges  avecque  joyç 
&  admirationinous  qui  (ommes  la  pofte- 
ritè des  féconds  ne  devons  pas  moins 
avoir  de  contentement,d'afïcaion,&:  de 
raviflcmcnt  pour  la  grâce,  qu'il  leur  fie, 
&  à    nous  tous  en  eux,  quand  il  leur 
dôna  les  divines  lumières  de  fon  Efprir, 
Encore  eft-ce  faire  tort  au  Seigneur,  de 
parler  fi  foiblement  de  fes  bénéfices.  La 
joye  &  la  dévotion  de  fa  Pentecofte 
doit  furpaffer  celle  de  l'ancien   Ifracl 
d'autant,  que  le  ciel  eft  au  defTus  delà 
terre, le  corps  au  defTus  de  l'ombre,  & 
Icfus  Chriftaudeflus  de  Moïfe.    Leur 
Pentecofte  vit  fumer  Sinaïi  La  nôtre  a 
vcu  luire  Sion.  Laleurfaifit  leurs  coeurs 
de  frayeur,  &  de  crainte;  La  nôtre  a 
rempli  nos  âmes  de  confolation,&  de 
joye.  La  leur  folenniza  un  mariage»  qui' 
s'eft  rompu  ;  La  nôtre  nous  a  receus 
dans  une  alliance  éternelle.  La  leur  ne 

regardoiç 


fur  les  Afotres.  Se  RM  ov  IL  50  j 
regardoit  qu'une  nation  i  La  nôtre  ap- 
partient à  tous  les  peuples  du  monde. 
Ces  brandons  ,  qui  parurent  alors  en 
Sinaï  n  éclairèrent  que  le  defert;  Les 
flahimes  que  Sion  a  veuës  aujourd'hui» 
illuminent  tout  l'univers.  Maisfi  nous 
devons  vacqucr  en  tout  temps  à  la  mé- 
ditation 5  &:  reconnoiffance  de  ce  grand 
bénéfice  de  Dieu,  nous  fommes  particu- 
lièrement obligez  àyemploier  cejour^ 
que  tous  les  Chrétiens  ont  conHu  rè  a  fa 
mémoire,  Çeft  pourquoy  nous  avons 
choifi  pour  le  fujet  de  cette  aftion  le 
texte  5  que  nous  venons  de  vous  lire  ,  oii 
S.  Luc  noi^s  en  reprefente  brièvement 
rhiftoire,làdefcentedu  Saint Efprit en 
la  terre^ôd  les  effets ,  qu'il  produifit  en  la 
perfonne  des  Apôtres ,  qui  furent  bawi- 
zez  de  fes  flamities  félon  la  promefTe  de 
leur  Maiftre.  Fidefes^oiez  attentifs  à  un 
fi  merveilleux  myftere.  Ce  feu,que  vous 
vetrez  aujourd'hui  defcendre  du  ciel  en 
Sion,eft  le  fruit  de  la  naiffance ,  6^  de  h 
mortjdufepulere  &:  de  larefurredion, 
&:  des  autres  miracles  de  lefus.  Ceft  le 
feau  des  œuvres  de  Dieu ,  l'origine  de 
l'Eglife ,  la  femence  de  l'eternitè,  &:le 
principe  du  fécond  umversjinainortel^ô^ 

incor- 


50^  De  la  Defcente  dn  S.Esprit 
incorruptible.  Ce  fut  ce  divin  feu ,  qui 
changea  les  douze  Apôtres  du  Seigneur, 
&:  de  pefcheurs  de  Galilée  les  fit  Amhaf- 
fadeurs  du  Souverain  ,  les  Dodcurs  & 
les  Maiftres  du  genre  humain.  Ce  feu 
fondit^n  un  inftanttour  ccqu*il  y  avoit 
en  euxdegroiTier,  &  de  charnel, &  leur 
donna  de  nouveaux  cœurs,&:  de  nouvel- 
les langues.  Ce  feu  puiifia  tout  le  mon- 
de en  peu  d'années ,  &  de  Icrufalem  s'é- 
pandant  par  tout  ailleurs  atteignit,  &: 
confuma  avec  une  force  incroiablc,mal- 
grè  les  oppofitions  des  hommes  &  des 
demonsjtout  ce  que  l'ignorance  &  le  pè- 
che y  avoit  amafsè  de  craffe  &  d'ordure, 
&  veftit  le  ciel  &:  la  terre  d'une  forme 
toute  nouvelle.  O  belle ,  &:  glorieufe 
flamme,  unique  perfcdion  des  hommes, 
unique  fource  de  vie  &  d'immortalité, 
Dieu  &  fon  Fils  lefus  vueille  aujourd'hui 
te  verfer  au  milieu  de  nous,  &:  nous  bat- 
tizer  de  tes  ondes  ccleftes,  afin  que  nous 
puifTions  dignement  parler  de  tes  myfte- 
reSjô^  remporter  de  cette  méditation,^: 
de  cette  facrée  table,  oùnousfommcs 
co.i'^'ez,  une  fanâification  ^  ujncjoye 
folidc  &:.  confiante  à  jamais,  qui  après 
nous  avoir  foûtenus  6l  confolez  en  ce 

fiecle 


fur  les  Apôtres.  S  e  rm  o  k  '  1 1.  J07 
fiecle  nous  ekve  là  haut  en  la  gloire  de 
celui  qui  eft  avenir.   Amen. 

Pour  mieux  faire  notre  profit  de  la 
veuë  de  ce  tableau, où  S.  Luc  nous  a  rcr- 
prefentè  la  defcentedu  Saint  Efprit  en 
la  terrcjnous  y  confidererons^s'il  plaift  au 
Seigneur,  ces  cinq  points  parordreiPre-r 
rnierement  le  tempsjauquel  la  chofc  ar- 
riva ;  ce  fut  le  jour  de  la  Pentecofte  ;  Se- 
condement le  lieu  oii  elle  arriva  ;  ce  fut 
en  la  ville  de  lerufaletri;  entroiflefme 
lieu  les  perfonncs^fur  qui  le  S. Efprit  def- 
cendit ,  affavoir  fur  tous  les  Apôtres ,  & 
rétat  oùils  étoient  alors;Ils  étoienttous 
d'un  accord  dans  un  mefmelieu.  Puis 
nous  verrons  la  forme  de  cette  miracu- 
leufe  defcente  ,•  qui  çonfifte  en  ce  qu'a- 
près un  grand  vent ,  qui  remplit  toute  la 
maifon,des  langues  divifees ,  comme  de 
feu,  fe  poferent  fur  chacun  d'eux;  Et 
enfin  nous  contemplerons  les  effets^  que 
ce  feu  produifit  dans  les  perfonnesdes 
Apôtres  >  Ceft ,  qu'il  les  remplit  du  Sainç 
Efprit,  &:îeuj  donna  la  grâce  dé  parler 
toutes  fortes  de  langues. Pour  commen- 
cer par  le  premier  de  cqs  points,  S.  Luc 
pour  nous  remarquer  le  têps  de  ce  grand 
HiiraclCjdit)  qu'il  arriva  comme  le  jour  de  U 

FemecoJIe 


joS       De  U  Befcente  </^  S.  E  s  p  R  t  T 
FentecdBe  sAccomfltffoit.     Il  ne  faut  pas 
prendic  ces  paroles,  comme  elks  Ion- 
ncnt  dans  nôtre  commun  laiigagc ,  pc5ur 
dire ,  que  cVtoit  fur  la  fin  du  joui,  com- 
me la  fgfte  de  la  Pentccoftc  s'achevoit. 
Car  le  Saint  Elprjt   defcendit    fur  les 
Apôtres  dés  le  matin  , comme  ilparoift 
clairement  par  ledilcours,  que  S.  Pierre 
tient  ci  après  aux  luifs  leur  difant,  qu'il 
iî*étoit  que  la  rroifiefmc  heure  du  jour; 
ceft  à  dire  neuf  heures  avant  midy  en 
contant  à  nôtre  mode.    Mais  c'eftune 
faflbn  de  parler  tirée  du   largage  Hé- 
breu ,  aflez  ordinaire  à  ces  divins  au* 
theurs  de  dire  qu'un  jour  ,  ou  qu'un  an 
r«c2.   saccomflit  dés   qu'il  eft  venu,    &:  qu'il 
''*       Commence  à  couler.    Ainfi  S.  Luc  dit 
ailIcur5,^i^^W/f  j  huit  jours  furent  accûmflà 
pour circanctr  l  Enfant^  pour  dire  fimple- 
ment  5  que  le  huitiefme  Jour  étoit  venu, 
^•^^    &  nan  pafsèou  achevé.  Et  leremie  pre- 
dir5qiie  Babylon  fera  punie  4/>ra  que  foi" 
xantt  (^  dix  Ans  Auront  été  accomptis\  c'cft  à 
dire  quand  les  foixante  &:  neuf  paflez, 
le  foixante  &  dixiefme  fera  venu.  Car  il 
cft  certain  ,  que  ce  fut  precifément  Tan 
foixante  &  dixicfme,  que  ce  jugement 
de  Dieu  fut  exécuté.  Bien  que  pour  l'ex- 

pofitioa 


Xi. 


furies  Apôtres  Sermon  H.  jo^ 
poficioa  de  nôtre  texte  peut-eftre  fuffi* 
roic  il  de  remarquer  ,  que  lesluifs  com- 
mencent leuis  jours  au  (oir,  ô^nonau 
matin,  comme  nous.  Car  en  commen- 
çant le  jour  de  la  Pentecofte  ,  dont  il  eft 
ici  qutftion,  dés  le  loir  précèdent  félon 
Tordre  des  luifs,  il  cft  évident  ,  que  Ton 
pourtoir  dire  ,  mefmes  enlentendant  à 
nôtre  fjffon  ordinaire  ,  qu'à  neuf  heures 
du  m^tin  (  c'cft  à  dire  à  la  troilîefrae 
heure  des  lu.fs  )  la  Pentecofte  saccorh-- 
flî(foiri^m%  qu'ace  conte  les  cinq  parts  en 
étant  desja  paflces  il  n*en  reftoïc  plus  que 
troi^  Car  de  vingt  &:  quatre  heures ,  en 
quoy confiftoit  ce  jour,  les  qmnzese- 
toient  desja  écoulées,  &  il  n'y  en  avoir 
pIusqueneufàpalTer.  Mais  pourquoy  le 
Saint  Efprit  choifit  il  particulièrement 
ce  jour  pour  deicendre  fur  les  Apôtres? 
Ne  fcmble-t*il  point ,  qu'il  cuti:  été  plus  à 
propos  pour  liurconi  lation,  quecedi' 
vinfeu  les  euft  battizczou  immédiate^ 
ment  après  la  rcfurredion  de  leur  Mai- 
ftre,ou  du  moins  incontinent  après  fon 
afcenfion  dans  les  deux  ?  Chers  FrereSf 
nous  pourrions  nous  contenter  de  dire, 
qu  il  y  a  de  la  tementè  à  fonder  les  caufes 
des  termes  &:  ^dbs  faifons ,  que  Dieu  aC- 

figne 


510  De  h  BeÇcente  ^/>  S.  E  s  p n  î  f 
ligne  à  chaque  cho(è  ;  telles  queftions  (t 
pouvant  faire  de  tout  autre  temps,  où  il 
les  comnfienceroit.Gar  fupposc,qu'il  euft 
envoie  le  Saint  Eiprit  aux  Apôtres  tel  au-^ 
trc  jour,  que  vous  voudrez  \  un  curieux 
demandera  toujours,  pourquoi  illauroit 
fait  ce  jour-là,  &pourquoy  non  plûtoft, 
ou  plus  tard  ?  Mais  il  me  femble,  que  fans 
avoir  receurs  a  cette  réponfe  ,  il  y  a  des 
raifons  de  ce  choix  capables  de  nous  fa- 
tisfaire.  le  ne  m'arrefterai  pas  ici  à  philo- 
fopher  avec  quelques  anciens  fur  la  pex- 
fedion  du  nombre  de  fept,  &:  de  quaran- 
te neuf ,  produit  par  la  multiplication  de 
fept  en  foi  mefme.  Cefont  desmyfteres 
plus  fubtils  5  que  folides,  &  plus  propres  à 
contenter  Tefprit  d'un  curieux  ,  qu'à  édi- 
fier l'ame  d  un  Chrétien.  le  dirai  feule- 
ment qu'il  a  été- très  à  propos,  que  ce 
rayftcre  s  accomplift  le  jour  delà  Pcnte- 
coftcpourajullerde  tout  point  la  vérité 
avecque  les  types^qui  favoient  autresfois 
reprelèntée  fous  le  Vieux  Teftament. 
Car  cette  vieille  alliance,  que  Dieu  trait- 
ta  en  la  main  de  Moïfe  avecque  le  peu- 
ple d'Ifraëi,  étoit  comme  vous  fçavezjla 
figure  de  la  nouvelle,  contraûée  avecque 
nouspar  le  moien  de  kfuS  Chrift.   Tuut 

ainli 


fur  les Àpûfres.  Sermon  II.  511 
ainfi  donc  que  le  Seigneur  lefus,  nôtre 
Pafqae  myftique,  voulut  eftre  immole 
fur  la  croix ,  au  mefmejour  que  rancien 
Agneau  étoit  facrifiè  félon  laLoy  Mo- 
faïque,  afin  que  cette  rencontre  éveillaft 
les  efprits  des  fidèles ,  &  les  portaft  à  re- 
chercher en  lui  Texpiation  &  lafandifi- 
cation  figurée  par  TAgneau  ;  de  mefrae 
auffi  a  t'il  voulu,  que  fa  nouvelle  alliance 
fuft  établie  &  rcpreferitée  entre  les  hom- 
mes au  mefme  jour ,  que  l'ancienne  avôic 
été  publiée  fur  la  terre  ;  afin  qu'une  A 
belle  &:  fi  exafte  correfpondance  entre 
ces  chofes  nous  fift  reconnoifi:re  ,  que 
Dieu  en  eft  véritablement  l'auteur.  Tout 
ainfi  donc  que  Moïfc,  le  Médiateur  de 
l'ancienne  alliance  immola  fon  Agneau^ 
&  défit  les  Egyptiens  ',  de  fortit  magnifi- 
quement des  abyfines  de  la  merrouge,&: 
monta  fur  le  fommct  de  Sinaï  avant  que 
faLoy  fuft  publiée  ;  de  mefme  auffi  a-t'il 
fallu  que  lefus,  le  Médiateur  de  la  nou- 
velle alliance  ofFrift  fa  vidime,  &:  entraft 
dans  les  abyfmcs  de  la  mort  ôc  de  l'enfer, 
&en  reffuîcitaft  glorieufement ,  &  fufb 
enfin  élevé  dans  le  ciel,  le  vrai  &  éternel 
fanduaire  de  Dieu ,  avant  que  fon  Evan- 
gile fuft  confignè  entre  les  mains  de  fe$ 

Miniftres 


5Ï1  'be  U  Defceme  ^/^  S.  Es  i»  r 1 1 
Miniftres  àc  de  fon  peuple.  Ec  comme  il 
a  écè  à  propos ,  que  les  efprics  du  premier 
peuple  fuflent  préparez  à  l'olive  de  faLoy 
par  les  mervcillcs,qui  fe  paffercnt  durant 
quarante-neuf  jours  depuis  la  mort  de 
l'Agneau  jufques  à  la  Pentecofte,  n  écanc 
pas  convenablcque  des  fensgroflîers ,  &: 
qui  n'étoient  pour  tout  exercez>ni  accou- 
tumez qu'à  des  chofes  baffes  &  fcrvilcs 
fuffent  foudainement  admis  à  la  veue 
d'un  (\  grand  myftere  ;  de  mefme  aufTi  a- 
t'ilécè  neceflaircque  les  cœurs  des  Apô- 
tres fuffent  peu  à  peu  changez  par  les  ter- 
ribles fpedacles  de  ces  fept  femaines,  où 
ils  virent  leurs  lefus  mort  &:reffufcitè& 
elevè  dans  les  cieux,  afin  de  pouvoir 
après  cette  confecration  recevoir  conve- 
nablement les  flammes  du  Confolateur. 
C'eft  pour  cela,  qne  lefus  Chrift  voulue 
qu'ils  fuffent  les  tefmoins  &:  de  fa  mort 
éc  de  fa  rcfurrcdion.  Ceft  pour  cela  qu'il 
voulut  monter  dans  le  ciel ,  le  vrai  Sinaï 
de  DieUjCn  leur  prefenceCeftpour  cela 
qu'il  voulut  3  que  mefme  après  fonafcen- 
fion  ils  den>euraffent  encore  dix  jours 
cnfemble  en  prières  &  oraifons  conti- 
nuelles -y  attandant  avec  une  humble  dé- 
votion rEfprit,qu'il  leur  avoir  promis.  Il 

ne 


fnr  ks  Apôtres.  Sermon  II.     51? 
ne  falloic  pas  moins  de  préparatifs  pour 
recevoir  un  fi  grand  hofte.   Mais  en  ce 
recardemenc ,  outre  leur  propre  confi- 
deracion  le  Seigneur  eut  auffi  égard  à 
nous.  Car  il  écoit  à  propos  que  ce  mira- 
cle fuft  illuftre  ,  &:  qu'il  vinft  foudaine- 
ment  à  la  connoilTance  d'une  grande 
quantité  de  gens,  qui  en  peuflent  rendre 
témoignage, &: en  porter  la  nouvelle  en 
divers  lieux,  puis  quelcdcffein  du  Sei- 
gneur étoit  d'étendre  fon  Evangile  par 
toutTunivers.   Le  jour  de  la  Pentecofte 
étoit  fort  propre  pour  cela,  la  dévotion 
de  cette  felte  aiant  affemblè  dans  la  ville 
delerufalem  une  infinie  multittîde  de 
peuples  i  à  la  veuë  defquels,  &  comme 
fous  leurs  yeux  le  Saint  Efprit  defceiidic 
du  ciel  fur  les  Apôtres  de  lefus  ;  ce  qui 
fervit  non  feulement  à  leur  édification, 
un  fpedaclc  fi  étrange  les  aiant  premiè- 
rement étonnez,5^  puis  en  fjite  amenez, 
al  ouïe  ^  à  la  foy  de  !a  prédication  de 
l'Evangile  ;  maisauflîà  l'inftruftion  des 
autres ,  à  qui  ils  en  firent  part.    La  Pen- 
tccofte  fut  comme  la  trompette,  quiles 
affembîa  tous  de  divers  pa'ïs,  &  dedi- 
verf^^s  langues  à    laudiancc  du  Saint 
Efpiit,  afin qu  aiant  veu  5<^  ouïfes  mer- 

k  k  veilles 


514     Be  ta  Befcente  duS^  Esprit 
veilles  ils  lui  fetvifTent  comme  d'autant 
de  herauds  pour  porter  la  renommée 
de  fa  glorieufe  vertu  dans  toutes  les  na- 
tions du  monde.  C'ctoit  pour  une  fem- 
blable  raifon  5  que  le  Seigneur  avoir  ac- 
coutume de  monter  en  lerufalem  aux 
jours  des  grandes  &c  iolenncUcs  fcftes, 
Jean  2.  comme  s.  lean  Ta  expreffément  remar- 
/.  &7.  q<jè  en  divers  lieux  de  fon  Evangikiafia 
*°'      que  le  fruit  de  fes  miracles  &:  de  fa  pré- 
dication fuft  plus  grand  &  plus  abon- 
dant.  C'cft  à  ce  mefmedeflcin,  qne  je 
rapporte  le  lieu,  où  le  Saint  Efprit  def- 
ce  ndir  fur  les  Apcti  -s.   Car  ce  fut  en  la 
\Agî,i.4.\\Vx  de  [erufalcm,lc  Seigneur  leur  aiant 
nommément  cômandè  de  ne  s'en  point 
départir,  mais  dV  attendre  laccomp'if- 
femertde  fa  promefTe.    Il  y  avoitlong- 
temps  qiie  les  Prophètes  avoient  pro- 
mis cette  gloire  à  lerufalem.  Vous  fça- 
Tf.nc.iy^^  que  David  avoir  chanté  mille  ans 
auparavant,  que  le  puiff.uit  fceptre  du 
Meffie  feroit  tranfmis  de  Sion  ;  que  ce 
feroiten  ce  lieu-là  qu'il  paroiflroir  pre- 
mièrement, &qnc  de  là  il  comcnccroit 
les  conquertes,  domtant  &  aflujettifTanc 
fes  ennemis  pour  feigneurier  au  milieu 
deux.    Efayc  &:  Michée  comme  pour 

expliquer 


ptr  les  Àfotres,  Sermon  II.     515 
expliquer  ce  que  David  avoic  entendu 
parce  /?f/?/rf ,difenc  expreflement  en  la 
predidion  de  rétabliflement  &  du  rcgné^;^^^'' 
du  Mcllîp  5  que  c'eft  de  ïeruf/ilem  que  for-  2. 
tira  la  pan^le  du  Seig^jeur  (c'eft  à  dire  l'E- 
vangile )  mx  derniers  temps  ;  en  k  pléni- 
tude des  (îecles.   Ces  oracles  furent  pre- 
cifement  accomplis  au  jour  delaPcnre- 
cofte  Chrétienne.    Ce  fut  alors,  que  TE- 
vangile  (que  l'Ecriture  appelle  fimple- 
ilicin  là  parole  de  Dieu  ou  du  Seigneur  à 
caufe  de  fon  excellence  )  fur  première- 
ment prcfchèenla  terre.   Avant  cela,  il 
avûit  été   promis  ôc  ébauché.   Alors  &: 
non  plûcoft,il  fut  annonce, fans  enigmts, 
fans  obfcuritez  ,  fans  aucun  mélaiige  de 
la  Loy.Car/'£^'^^^//^  à  parler  proprcméc 
eft  labonne  &  heureufe  nouvelle  du  fa- 
lutjnonà  acquerirjmaiS  desja  acquis  par 
le  Chrift  de  Dieu;  delà  remiflion  du. 
pechè  obtenue  par  fon  fang ,  de  la  vie  & 
de  la  joye  communiquée  parfonEforin 
de  forte  que  ces  chofe^  n'aiant  écè  ac- 
complies, que  par  la  mort  6^  par  Tafcen-  ^ 
fion  du  Seigneur  lêfus  dans  les  cieux  j &? 
par  l'envoi  de  fon  Efptit  ch  la  terre  ;  l'E- 
vangile à  vrai  dire  ne  commença  d*efl:ré 
jpreichè au  monde,  que  precifément  ati 

k  k     i        jour 


^i6  De  la  Defcente  ^/#  S. Es P Ri T 
jour  de  cette  Pentecofte  Apoftolique,&: 
nonplûtoft.  Ce  divin  fceptre  du  Chrifl: 
de  Dieu  parut  alors  en  lerufalem ,  &  du 
premier  coup  qu'il  frappa,  abbatit  trois 
mille  âmes  fous  fes  pieds.  Ce  fut  là  qu'il 
aflemblafon  armée  en  une  fainte  pom- 
pe, &  qu'il  verfa  premièrement  fur  la 
terre  la  rofée  myftique  de  fa  jeuttelTe, 
éclofe  &  produite  foudainement  du  feia 
de  l'aurore  de  ce  beau  jour.  Ce  fut  de  là 
que  ce  fceptre  fortit  peu  de  jours  après, 
étendant  par  tout  fes  glorieufes  conque- 
ftes  vers  l'Orient,  &  l'Occident,  le  Midi 
&  le  Septentrion.  Et  véritablement  il 
ctoitbien  raifonnable,  que  la  nouvelle 
alliance  fuft  premièrement  publiée  en 
ce  lieu  là  plûcoft  qu'ailleurs.  La  Loy  fut 
baillée  dans  la  folitude  du  defert ,  parce 
que  c'étoit  une  alliance  folitaire  ,  qui 
n'appartenoijcqu  à  une  feule  nationipar- 
ce  encore  que  c'étoit  une  alliance  fteri- 
le ,  incapable  de  rien  produire  ,  non  plus 
quelles  rochers  &:  les  fablons  de  fon  Ara- 
bie. L'Evangile  a  écè  baillé  dans  lerufa- 
lem  >  la  plu$  belle  &:  ia  plus  peuplée  ville 
de  rOiient,  &  alors  particulièrement 
remplie  ,  outre  k%  habitans  naturels, 
d'une  innombrable  multitude  de  gens, 

de 


furies  Apôtres,  Sermon  IL  517 
de  tous  climats,  &  de  toutes  langues» 
parce  que  c'écoic  une  alliance  univer- 
felle,  qui  embraffoit  tous  les  peuples  du 
inonde  ,  &  qui  par  une  fécondité  non 
jamais  veuë  auparavant  dans  la  nature, 
alloit  engendrer  à  Dieu  des  nations  en- 
tières en  un  feul  jour.  Quant  à  ceux ,  fur 
qui  le  Saint  Efprit  defcendit  au  jour  dç 
cette  grande  Pentecofte  ,  c'étoient  fans 
point  de  doute  fes  Apôtres.  Car  c'cft 
d'eux  que  parle  S.  Luc  i  qui  après  avoir 
dit,  que  Matthias  fut  mis  d'un  commun 
accord  au  nombre  des  onze  Apôtres, 
ajoure  maintenant ,  quV/j-  étoienî  tous  af* 
femhle:^dans  unntefme  UeuAc  ne  voi  pour- 
tant pas  grand  inconvénient  en  ce  que 
pofent  quelques  anciens,  qu'outre  Ics^"^ 
douze  Apôtres  les  fix  vingt  perfonnes, 
dont  il  ell  pav'è  dans  le  chapitre  précè- 
dent, étoient  afflî  prefens.  De  fçavoir 
s'ils  eurent  dés  lors  part  avecque  les 
Apôtres  aux  miraculeux  dons  du  Saint 
Efprit,  où  s'ils  le  receurent  feulement 
depuis  par  l'impofition  de  leurs  mainsâ 
qui  le  peut  dire,  puis  que  TEcriture  le 
raid  ?  Certainement  S.  Lnc  nous  dit  feu- 
lement,que  le  SeiQ-neur  commanda  à  fcs 
Apôtres  d'attendre  le  batclme  de  fon    '  '"^^ 

k  k     5  Efp'it 


5^8  Be  h  Befcente  du  S.  E  s  p  R  i  t 
Efpritdanslcrufalcm  ;  Une  parle  d'au-î 
Clins  autres;^  l'excellence  de  leur  mini- 
ftcrc  fcmble  requérir  en  quelque  forte^ 
qu'ils  aiegtreccu  cette  grâce  avant  tous 
les  autres  :  &  j'avoue  que  cette  conlîde- 
ration  nie  fait  pancherà  la  créance  de 
ceux  qui  tiennent,  que  le  Saint  Efprit 
defceudic  la  première  fois  fur  les  Apô- 
tres feuleinent.Mais  je  n'eftime  pas  que 
cette  opinion  foit  ni  fi  évidente,  ni  fi  uti- 
le, qu'il  la  faille  tenir  necefïairement.  le 
croi  que  le  plusfeur  eftde  poferce  que 
l'Ecritirre  dit5fans  fe  travailler  beaucoup 
à  recherchercequelletaift.  Quoy  qu'il 
cnfoit5cllenQus  apprend  que  ces  bien- 
heureux fidèles,  à  qui  le  Saint  Efprit  fe 
communiqua  ,  étoient  tous  d'un  accord 
dans  un  mefme  lieu.  S.  Luc  remarque 
l^Hc  24.exprefremen|:  dans  fon  Evangile  ,  que 
f^-^s-  lefus  avant  que  de  fe  retirer  d'avec  eux 
fur  la  montagne  deBethanie,  les  bénit 
&:leurcommfinda  de  s'arrcfter  à  leru- 
falem  jufqucs  à  ce  qu'ils  fuffent  reveftus 
delà  vertu  d  eiihauj:  ;  qu'en  fuite  ils  fe 
retirerentecla  ville  après  l'avoir  adoré, 
&  que  pleins  dcjoye  &:  d'cfperance  ils 
fîemeuroient  tous  enfemble,  hc  fe  te- 
noient  continuellement  dans  le  Temple 

loiianc 


fur  les  Apôtres,  Sermon  II.  519 
loiianc  &  glontianc  Dieu.  Ccft  ainfi 
q  i  ils  palTcrcnt  les  neuf  jours  iuivans.  Ec 
le  dixielme,  qui  ne  fie  que  redoubler 
leur  zèle  &  leur  dévotion,  crant  enfirt 
venu,  le  Seigneur  ne  retarda  pas  davan- 
tage leur  bon  heur.ll  envoialeO^tfîoTa- 
teur  promis, qui  les  treuva  fous  enfemWe 
occupez  fans  douce  en  ces  faiî^ts  exer- 
cices de  la  prière  &  de  la  fandifica^ien 
dans  une  parfaite  concorde.  Remar- 
quez, Fidèles,  en  quelles  âmes  defcend 
rEfpritceUfte.  11  honore  de  fon  falu-  , 
taire  feu,8d  de  la  bien  heureufe  prefence 
ceux  qui  font  en  union,ceux  que  Tamour 
fpirituelle  lie  &:  entretient  enfemblc 
dans  une  douce  paix.Ceft  à  ceux  là,que 
le  Seigneur  lefusTavoic  promis  y  Si  deux  "^^f^^^ 
d entre  vo'^  s  accordent  fur  Uterre^  de  toutes  '^^■^*^ 
chofeSi  quils  demanderont  il  leur  fera  fait  de 
mon  Pere^cjui  csî  éscieux  Car  oh  il  y  a  deux 
ou  trois  perfon^  es  aff emblée  s  en  ni  >n  nom  ,  j(? 
fu's  la  au  milieu  d'eux  C  eft  a  cerx-  là  que 
le  Prophète  avoit  donné  long  temps  au^ 
parafant  la  bcnedidion  &:  la  vie  pour 
partage;  Tondion  facrée  du  ianduaire 
de  Dieu  ,  &  la  rofée  de  Tes  montagnes; 
Voici  0  que  cejl  chofe bonne , ^  que  ceji chofe^^'^'''^'' 
pUifante,  que  frères  s'entretiennent  me  fines 

kk     4.        enfcmbli 


52.0      De  la  De  fiente  JuS.EsvKir 
enfimblel  C'ejf  comme  cette  huile  frecieufe 
if^nduè  fur  la  tejle  d'Jaron  ,  ^  comme  U 
rojée,  qui  defiend fur  U  montagne  de  Sion. 
Ce  Saint  Efpiit,  Tunique  auteur  de  tou- 
tes graces,aime  la  pjiix  &  la  douceur.-  Il 
ne  à^kç^vA  ,  &  n'habite  ,  que  dans  les 
cœurs,  où  il  lacrcuve.   11  fuit  les  âmes 
ficres ,  &:  bruyantes ,  que  la  haine  &:  la 
di(corde,lenvie  &  la  malignité  tienent 
dans  un  trouble  continue)  :  &r  comme 
l'EcPtire  nous  le  reprcientedans  la  vi* 
r,/^.i.ic,/^<^^  dTiicil  vicni  &  fe  plaift  ,  non  dans 
les  tourbillons  &  dans  les  flammes,  ea 
dr  s  efpnrs  de  fci  ^  de  falpeftre,dans  les 
violerc(.sdcspafl]ons,maisdansun  fon 
coy  ^  fubtiJ,  dans  le  calme  d'un  cœur 
tranquille  ,  qu'une  humble  &  fincere 
charité  conferve  dans  une  paix  éternel- 
le.    Chers  Frères ,  imitons  l'union  &  la 
concorde  des  Apôtres,  fi  nous  voulons 
avoir  part  en  leur  battcfme  cclefte.  Per- 
feverons  enfc mble  en  prieres^ôd  bannif- 
fant  du  milieu  de  nous  la  difcorde ,  &  la 
haine,&:  le  trouble  &  la  confufion  qu'el- 
le y  met,  attendons  tous  d'un  commun 
accord  avec  patience,  joye ,  &  douceur, 
laccomplifTemenr   des  precieufes  pro- 
méfies  du  Seigneur  lefus.     G  cft  à  quoy 


nous 


furies  Afùtres,  Sermon  II.  51Î 
nous  oblige  encore  le  myftere  delà  table, 
à  laquelle  nous  fommes  conviez,  de  ce 
pain  peftri  de  plufieurs  grains  en  une  feu- 
le mafle,  &:  decevincoulèdepluiîeurs 
raifins  en  une  feule  liqueur,pour  nous  ex- 
primer l'image  de  nôtre  union  en  lefus 
Chrift.  Si  la  nature^ou  la  fortune,comme 
on  parle,  nous  a  divifezique  la  main  &  la 
voix  du  Seigneur  nous  unifie  ,*  que  refpe- 
rance  de  fes  grâces  nous  raffemble  en  fa 
lerufalcm ,  tous  attentifs  à  un  mcfme  def- 
fein^tous  occupez  dans  un  mefme  travail. 
Dés  qu'il  nous  verra  en  cet  état,  fa  Pcnte- 
cofte  viendra.  Il  en  hâtera  le  terme,  52 
répandra  fur  nous  les  faintes  lumières  de 
fon  Confolateur.  Sur  le  point  qu'il  fut 
communiqué  aux  Apôtres,  S. Luc  nous 
raconte ,  qu'/V  fefit  foudAinemenî  un  fon  dt4 
cielycomme  d'un  vent  fouf fiant  en  véhémence  y 
qui  remplit  toute  la  maifon^ou  ils  étoient  ap's. 
En  difant,que  et  fon  vint  descieux^il  mon- 
tre que  ce  n'étoit  pas  un  vent  ordinaire, 
produit  en  l'air  par  des  caufes  naturelles^ 
&:  s'il  euft  été  tel  on  l'euft  olii  &:  fenti 
dans  lés  autres  lieux  de  lerufalem  i  mais 
que  Dieu  l'avoir  forme  &  envoie  des 
cieux  extraordinairement  au  lieu ,  où  les 
Apôtres  étoient  aiTsmble?   pour  eilre 

comme 


511      De  la  Defcente  dié  S.  Esprit 
çomne  i'âvaut  coureur  &  le  fourrier  (îe 
fon  S^inr  brpiir,ôc  pour  fîgaifier  la  venue 
&  la  prcfence  de  û  Mjicllè  prcftc  à  en- 
trer dans   cette   maili^n   -,  fclon  ce  que 
""^chante  le  Pfaimifte  ,  quM  fait  des  vents 
fcs  mcfTgcrs.    Amli  voiez  va«js  qnVn  la 
terre  on  a  ace  ûiimè  d'accompagner  les 
entrées  des  Rovs  dans  leurs  vilh  s  du  {ovi 
.  de  la  trompe  tre,  ^  Ju  bruit  de  l'artillerie, 
que  Ton  tire  en  telles  occafii^ns  pour  ren- 
dre leur  venue  plus  pompeufc5&:  remplir 
par  ce  moien  les  elprit-^  de   leurs  fujets, 
de  révérence  ,  d'admiration  ,  &:  de  joye. 
Dieu  en  ufe  à  peu  près  en  la  mefme  forte, 
quand  il  vient  manifcftcr  fa  majcftè  à  Tes 
ferviteurs  d'une  faffon  particulière.  Ainfi 
dans  la  vifion  d'Elie  en  Oicb  ,  dont  nous 
parlions  nagneres,rEcriiure  dit,  que  TE- 
ternel  fil-  marcher  devant  lui  un  grand 
r.  J^w    vent  impetiicux,  fenJant  les  montagnes 
X9.1''     &:  bnlant  les  rochrrs&.  q  j'apres  le  vent 
vmt  encore  un  gjand  tremblement  ,6^ 
qu'nnmcdiarcment    après  pafTa  la  glo- 
jJv-4.  ricufe  Drcie-K'edu  Scg;  leur  devant  tlie. 
Ezechicl  fembiablemcnc  dans  la  dcfcri- 
ptiondecetrefipe.be  &:  magnifique  vi- 
fion ,  dont  il  fat  favonzè,  nous  parle  dés 
rentrée  d'un  vent  impétueux,  qui  vcnoiç 

de 


fur  les  Apôtres.  Sermon  IL     525 
,âe  devers  Aquilon,  &r  d'une  greffe  nuée, 
Uà'Mn  feu  encorcillè.   Et  lorsque  Dieu 
bailla  fa  Loy  à  IfraëUfur  le  point  que  fa 
majcftè  vint  la  prononcer  elle  mefme, 
TEcriture  nous  raconte,qu'il  y  eut  dés  le 
matin  des  tonnerres ,  des  éclairs,  <Sc  une 
crroffe  nuée  furlefommet  deSinaï  avec 
un  fon  de  cornet  retentiffant  fi  épouvan-^A^^ 
cablement,quenon  feulement  le  peuple 'J:^^V 
enétoit  effrayè^mais  la  montagne  mefme 
en  trembloit  toute  depuis  le  pied  jufqu  a 
la  cime,  fumante  éclairant  de  toutes 
parts.  Uufage  de  ces  fignes  marchans  de- 
vant la  Majeftè  du  Seigneur  eft  pour  ab- 
batre  les  cœurs  des  hommes ,  6c  les  faifir 
d'une  faintc  frayeur,  &:  les  difpofer  par  ce 
moien  à  recevoir  fa  prefence  avec  une 
humilité  convenable.  Ceft  ce  qui  apprit 
à  Elie  à  envelopper  fon  vifage  de  fa  man- 
ceîine ,  fe  tenant  ainfi  devant  Dieu  avec 
un  profond  refped"  à  Tentrce  de  (a  ca- 
verne ;  comme  les  Séraphins,  qui  fe  cou- 
vrent de  leurs  aides  toutes  les  fois  qu'ils 
comparoiffent  devant  la  lumière  de  fa 
gloire.    Tavouë  que  ce  vent  impétueux 
qui  foufflafoudainement  avec  un  bruit,&: 
une  violence  extrefmc  dans  la  maifon  ou 
^'toicnt  les  Apôtres ,  feryit  auffi  à  cela 
'  mefniej 


ï9- 


514.  De  U  Defcente  du  S.  Esprit 
mefmejalterant  leurs  cœurs,  &:  les  rem- 
plifiant  d  une  religieufe  révérence ,  afin 
que  cette  grande  divinité  de  TEfprit  ce- 
lefte,  y  fuft  receuë  dignement.  Neant- 
moins  ce  n'étoit  pas  là  fon  principal  ufa- 
ge.  Aulîi  voiez  vous  que  l'Ecriture  ne  dit 
point,qu'ils  aient  été  faifis  de  crainte;au 
lieu  qu'elle  témoigne  expreflement  des 
Ifraëlites  ,  qui  virent  les  tempeftes  5& 
entendirent  les  tonnerres  de  Sinaïjqu'ils 

-Ex.io.  en  furent  tellement  effrayez,  que  tout 
Cremblans  ils  fe  tenoient  loin ,  nofant 
approcher  de  la  mpmagne,  &  prièrent 
enfin  Moïfe ,  que  Dieu  ne  parlaft  plus  à 

mb.ii.  eux.  L'Apôtre  fait  nommément  cette 
obfervation  ;  Vousnejles  fas  venta ,  dit- il 
aux  Chrétiens  ,  au  retemiffement  de  U 
trompeté. ni  a  Uvoix  des  paroles^  Uquellt^ 
ceux  ,  ejui  toioient  requirent  que  la  parole  ne 
leur  fujl pins  longuement  adrejfic^'  Et  à  la 
vcritè  cette  différence  des  préparatifs 
convient  fort  bien  à  la  nature  de  cha- 
cune des  deux  alliances. Car  la  Loy  étant 
le  miniftere  delà  crainte  &:  de  la  mort, 
il  étoit  à  propos  qu'elle  fLift  publiée  par- 
mi la  terreur  &:  rcffroy,avec  toute  cette 
épouvantable  pompe  de  tonnerres, de 
fwdres  > de  fumées  jde  îX)iiibillons,de 

nue, 


l8. 


furks  Apôtres.  Sermon  II.  51.3^ 
nue ,  d  obfcuritè ,  &  de  tremble menf  de 
terre.  L'Evangile  au  contraire  étant  l'al- 
liance de  grace5deconfolation5&:  de  vie, 
ilaétcraifonnabie  que  TEfpritqui  Tap- 
portoit  ici  bas,fe  prefentaft  dans  un  tout 
autre  équipage,  glorieux  ô^  magnifique 
àlaveritc,  mais  doux  ôc  agréable  tout 
enfemble;  qui  donnaft  du  refped,&  non 
de  rcl&oi  i  de  la  révérence ,  àc  non  de  la 
crainte.  Tel  étoit  le  fon  de  ce  vent ,  qui 
entra  devant  le  Confolateur ,  dans  la 
maifon  des  Apôtres.  Il  les  ravit  ;  mais  il 
ne  les  troubla  point.  Illeshumiliaimais 
fans  les  épouvanter  ,  leur  reprefentanc 
une  vertu  puiflanre ,  mais  bien  faifante. 
Car  ce  vent  écoit  proprement  le  fymbole 
de  l'Efprit  ,  qui  leur  avoir  érè  promis; 
Douce  &:  agréable  force ,  dont  tout  Tef-- 
fort  ne  tend ,  qu'à  perfuader  &:  à  fauver. 
lefus  Chrift  leur  avoir  desja  rendu  cette 
énigme  familière,  quand  pour  leur  don- 
ner les  prémices  de  fon  Efprit  il  avoir 
foufflè  fur  eux,en  leur  difant ,  Recevez  le  ^'"^^  ^^' 
Sâifît  EJprit  i  Et  auparavant  encore  lors 
qu  inftruifant  Nicodeme  il  avoir  cxpref* 
fément  compare  l'Efprit ,  auteur  de  nô- 
tre régénération  ^  à  un  vent-yquifoutfle 
où  il  veut  ;>  6c  qui  fe  fait  ouïr  à  nous,fans  ^'^'«'^3-S» 

que 


51^  De  U de fc ente  daS.  Esprit 
que  nous  fçachions  d  où  il  vient,  ni  où  it 
va.  Et  ce  rapport  de  la  nature  du  vent 
avec  celle  de  TElprit  de  Dieu  eflcaufe, 
que  TEcriture  lui  en  a  donne  le  nom  ;  le 
mot  à'BJprit  en  fon  origine,  fignifianc 
proprement  unfouffle,ou  un  vent.  Car 
cette  troifiefrae  pcrfonne  de  la  fainte  ô^ 
glorieufe  Trinité  étant  incomprehen- 
fible  en  elle  merme^l'Ecriture  pour  nous 
Texprimcr  aucunement  ,  emploie  ce 
nom  emprunté  des  créatures.  Mais  ou- 
tre la  prefence  du  SaintEfprit,  ce  vent 
venu  foudainement  du  ciel ,  foufflant 
avecimpctuoliîè,  &  rempliflant  en  un. 
inftant  la  maiConoù  les  Apôtres  ctoienc 
alTemblez^reprefcntoit  excellemment  la 
iiature,!aqualitè,&^  laftion  de  la  fainte 
doflirincjqu'il  ailoit  imprimer  dans  leurs 
cœurs,  pareillemêt  defcenduc  des  cieux,- 
&  formée  dans  le  fanclnaire  de  Dieu  au 
delTus  déroutes  les  cauies  naturej-es,  &:. 
de  là  foudainement  envoiee  ici  bas,  lor^ 
que To'n  n'y penfoit pas,ôi:  d*uneefficâce' 
toute  femblable,  qui  vole  prompteraenG 
d'un  bout  des  cieux  à  Taiurc ,  perçant  6^ 
penetrai"k4:  toutes  choies, comme  un  vio- 
lent &:  invincible  vent,  fans  que  rien  ait 
peu  lui  relîfter,  ni  arrciler  fa  courfe ,  ou 

Tcmpef- 


De  U  Defceffte  ^//  S.  E  s  p  R  i  t  517 
Tempelchcrde  remplir  runivers,&:  de 
fc  fdire  fentir  dans  tous  fcs  climats^ 
Apres  cette  préparation  (î  magiifique  le 
Saint  Efprit  entre  lui  mefiTie  dans  l'af- 
fcmtlée  des  Apôtres  ;  des  U/igues  âefar-> 
ties .Comme  de  ftti ,  leur  apparurent ^Aix.  Saine 
\j\C'ii^je fûfajur chacun  d  eux.  Vous  fça- 
vez  bic-n,qL)C  ces  formes  de  langues  dé-* 
parties,  comme  de  feu  ,  que  virent  les 
faints  Apôcrcs,n*éroient  pas  la  perfonne 
mefme  du  Saint  Hfprit  ;  non  plus,  aue 
la  colombc,qui  defcendit  fur  le  Seigneur 
Icfus  a  fon  buftefme.  Car  estant  Dieu 
comme  il  cftifon  effence ,  eft  non  feule- 
ment  invifible  à  nos  yeux,  mais  mcfmcs 
incomprehenfible  à  nos  enrcndemens. 
Elle  n'étoitpas  non  plus  enclofc  là  de- 
dans. Car  bien  loin  de  pouvoir eftrc  ren- 
fermée dans  une  fi  petite  forme  ,  les 
cieuxdes  cieux  ne  la  peuvent  contenir 
eux-mefmes.  Mais  les  efpeces,  &•  appa- 
rences des  choies  externes  n'étoient  que 
les  fymboles  de  la  prcfence  de  fa  grâce, 
accompagnant  l'efficace,  dont  il  agifToit 
dans  les  cœurs,  &:  fignifiant  qu'il  y  met- 
toit  des  qualitez  fpiiituelles,  analogues 
&  proportionnées  aux  qualitez  feniîbles, 
qu'elles  prefcntoienc  aux  fcns.  Dieu  euft 

peu 


5i8  De  la  Befcente  <a&^  S,  E  s  p  r  i  t 
peu  bien  aifément  produire  tous  ce? 
effets  dans  lésâmes  de  (es  ferviteurs^  les 
inftruire  de  fa  volontè,&:  leur  donner  les 
facultez,qualicez5&:  habitudes ,  que  bon 
lui  fembloit/ans  y  emploier  aucuns  Sym- 
boles de  cette  nature.  Mais  il  en  a  usé 
autrement  i  premièrement  pour  les  tou- 
cher plus  puiflamment, nôtre  pcfantcur 
&:  ftupiditè  étant  telle,  que  nous  ne  con- 
cevons^que  foiblcment  les  chofes,  qui  ne 
frappent  point  nos  fens.  Car  qui  ne  void^ 
que  ce  buiffon brûlant,  qu  il  prefentaaux 
yeux  de  MoiTe  dans  le  defert,  quand  il  fe 
communiqua  à tui,  le  frappa  tout  autre- 
ment, que  n'euftfait  Tinliradion  d;^  fa 
volontè,s'il  la  lui  euft  donnée  fimplcmec 
au  dedans  fans  ce  magnifique  ligne?  Mais 
j^ajoûte  encore  que  lemploi  de fcmbla- 
bles  fymboles  affermit  grandement  la  foy 
&  de  fes  ferviteurs ,  &:  des  autres. Car  ces 
lignes  viûbles,  qu'ils  voient  au  dehors  les 
certifient  de  plus  en  plus ,  que  les  con- 
noilîances  &:  les  impreffions,qu  ils  reçoi- 
vent dans  leurs  ames,font  les  dons,  ^  les 
ouvrages  de  Dieu  en  eux,  &  nonles  pro- 
ductions de  leur  cfpritioude  leur  ima- 
gination, comme  le  blafpheme^it  le&jpro- 
fanes.  Et  quand  ces  aides  leroi^t  inu- 
tiles 


far  les  Apotfès.  Seri^ôn  lî.  519 
tiles  à  leur  égard ,  toujours  fervent  elle^ 
grandement  à  eonveincre  Tinipudence 
des  impies  ;  qui  font  fi  ingénieux  àfe 
tromper,  que  ne  pouvant  nier ,  que  Ton 
ne  voie  quelquesfois  entre  les  hommes 
des  elFets ,  qui  furpafTcnt  les  forces  de is 
caufes  naturelles  &  matérielles ,  ils  ai- 
ment mieux  les  attribuer  à  l'imagina- 
tion,contre  toute  apparence  de  raifom 
que  d  avouer  qu'aucune  caufe  furnatu- 
relie,  &  fpiriruelle  agiffe  dans  leshom^ 
mes.  Mais  ces  fymboles,  dont  Dieu  ac- 
compagnoit  fcs  vifions ,  réfutent  claire- 
ment la  refvcrie  de  ces  mal-heureux.  Car 
il  faut  eftre  pire  qu'hypocondriaque  pour 
croire,qu'un  buiflan  ardent  fur  la  terre, 
^  des  langues  départies  comme  de  feu^ 
qui  paroiffent  dans  l'air,  &  un  vent  im- 
pétueux rettipUffant  foudainement  une 
maifon  foient  les  ouvrages  deTimagi- 
nation  de  ceux  qui  les  voient.  C'eft-là 
Fufagc  de  toute  cette  force  de  fignes  en 
generaLMais  en  particulier  ils  ont  ordi- 
nairement chacun,  leur  rapport  à  la  grâ- 
ce, dont  ils  accompagnent  le  don  &  l^ef- 
fer.  Ainfi  le  buiflbn  ardent  fans  fe  coil^ 
fumer,  que  Moïfe  vid  au  defert,  étôit 
lemblefme  de  ce  que  Dieu  exécuta  p^ 

11        lui^ 


j'3o     *^^  l^  Ifèfcente  du  S.  E  s  p  r  i  t 
iui,c*cftà  dire  de  la  confervation d'IC- 
raël  au  milieu  des  perilsjôc  des  morts.  Ec 
la  colombe  quidefccndic  fur  lefus  ,  re- 
prefentoic  la  douceur  ôdlafimplicitè  de 
fa  nature,  &  cette debonnairctè  fouve- 
raine,en  laquelle  il  exerça  fa  charge.  Ici 
pareillement  ces  langues  départies  comme 
de  feu -t  qui  fe  pofeient  fur  chacun  des 
ApôrreSjOnt  une  claire  analogie  aveçque 
les  grâces ,  que  le  Saint  Efprit  leur  com- 
muniqua &:  avecque  le  miniftere,  auquel 
il  les  confacra.  La  grâce  qu*ils  receurent 
de  luijfut  le  don  de  uonvertir  Içs  nations 
du  monde  a  la  foy  du  Fils  de  Dieu  par  la 
parole  de  TEvangile.  Quelle  autre  image 
îçauriez  vous  penfer  plus  propre  à  rcf/re- 
fenter  ce  don ,  que  des  langues  départies 
comme  de  feu  ?  La  langue,  qui  eft  le  na- 
turel inftrument  de  la  parole,  fignifîoit 
que  Dieu  leur  donneroit  la  grâce  d*ex- 
pliquer  convenablement  fes  myfteres ,  & 
qu'il  mettroit  fa  parole  dans  leurs  bou- 
ches.  La  divifion  de  ces  langues  reprc- 
kntoit  la  divcriirè  de  la  grâce,  qui  leur 
étoit  donnee,fi  abondante  &:  de  tant  de 
formesjqu'il  n'y  avoir  ni  myftere  qu'ils  ne 
connuflenCjni  langage  qu'ils  ncparlaiTent. 
Enqaoy  eft  c  onfiderabk  la  merveille  de 

la 


fur  les  'Apôty^s.  S e  r  m  d n  I L  531 
la  providence  de  Dieu  /qui  tourne  & 
change  les  chofcs  ,  comme  bon  lui  fem- 
bleavec  une  exquife  iagcfle.  La diverlitè 
des  langues  écoïc  une  raaledidion  furlè 
genre  humain. Maintenant  il  en  fait  lor- 
ganede  fa  benedidion.  Aucresfois  elle 
avoïc  fçrvi  à  détruire  Babel.  Maintenant 
elle  fertà  bâtir  Sion.  Alors  Dieu  avoir 
départi  les  langues  des  hommes  pour  lès 
.feparer  les  uns  des  autres.  Maintenant  ii 
divife  celles  de  ks  A  pôtres  pour  les  raf- 
fembler,  &  les  Unir  tous  en  ftn  Fils.  Le 
feu  de  ces  langues  lîgnifioit  Tcfficacc  de 
la  parole  donnée  aux  Apôtres  par  le 
Saint  Efprit ,  &  la  vertu  qu  elle  avoit  d'é- 
clairer les  entendemcns  des  hommes^ 
d  enflammer  leurs  cœurs  ,&:  de  les  met- 
tre au  mefme  état,  que  lavoixdeChriit 
avoir  nagueres  mis  ceux  defcs  deuxdif- 
ciples,qui  difoient,  Notre  cœtir»ehruloit-iluiLi,t. 
fas  àedans  noH4\  qumd  ilparloit  à  noH6  par  le 
chemin  f  Ce, feu  reprefentoit  encore  la  - 
.force  qu  auroit  leurdodrine  pour  confu- 
mer  la  vanité  de  la  chair  ,  &  détruire  fa 
hautefle,  U  pour  repurger  &:  renouvellet 
toutes  chofcs.  Car  vous  fçavez  que  le  feu 
clementairp  a  toutes  ces  qualirez  dans  la 
.4iature.   Il  éclaire^il  échauffe^  il  nettoie, 

il     1  il 


lear. 
4- 


5îi  l>e  U  Defcefite  ^;^  S.  E  s  p  r  i  t 
il  raffinc,il  détruit  &:  confume ,  il  polit  & 
perfedionne,felonla  divcrfitè  des  fujets 
où  il  agit.Ceft  juftemeru  Timage  de  Tef- 
ficace  fpirituclle  de  la  doûrine  des  Apô- 
tres.La  langue  de  Moïfe  étoit  pefante  ôd 
cmpefckéc.  Celle  des  Apôtres  étoit  de 
feu,  le  plus  adif  de  toutes  les  chofes  na- 
turelles i  parce  que  la  Loy,  la  doftrine  du 
premier  \  ne  fait  qu'embarrafler  les  con- 
fciences,  &:  émouvoir  fans  refoudre;  au 
lieu  que  TEvangile,  la  dodrine  desfe- 
conds,refout  &  démcfle  le  cœur  de  tou- 
tes (^  angoiffes ,  le  confolc ,  le  réjouît  & 
le  vivifie  i  tous  effets ,  dont  une  langue 
pefante  eft  incapable.  Tajoûte  cncore> 
que  la  propriété  qu  a  le  feu  de  fe  commu- 
niquer fans  diminution  ,  fignifioit  que  la 
grâce  ,  que  l'Efprit  donnoit  aux  Apôtrcs> 
feroit  telle ,  que  fans  en  rien  perdre  ils 
pourroient  en  faire  part  à  tous  les  fujets 
biendifpofez  à  la  recevoir  ;  comme  en 
parloir  nôtre  Seigneur  à  la  Samaritaine, 
difant^qu  elle  feroit  en  eux  une  fontaine, 
une  vive  fource  de  grâce ,  de  fandifica- 
tion,&:  de  miracles.  Enfin  ce  que  ces  lan- 
gues de  feu  fe  poferent  1 6c  comme  porte 
ïov\^\ïi2\^s  aprent  fur  les  Apôtres ,  mon- 
troic^que  la  grâce  de  l'Efprit  fe  rcpoferoic 

pour 


fur  tes  A  foires.  Sermon  II.     535 
pour  jamais  fur  eux.  Les  grâces,  que  Dieu 
avoit  autresfois  données  aux  Prophètes, 
étoient  comme  des  cclairs ,  qui  leur  paf- 
foient  par  refprit ,  mais  ne  s'y  arreftoient 
pas.Car  Davidjô^  Efaye  par  exemple  n*a- 
voient  pas  toujours  le  don  de  la  Prophé- 
tie. Ils  en  jouïffoient  autant  que  duroic 
leur  raviflemcnt  i  au  lieu  que  la  grâce  du 
Saint  Efpritjlc  don  des  langues,  &  autres, 
relidoicnt  conftamment  dans  les  Apô- 
tres, &  étoient  en  leurs  âmes  à  la  faffon 
des  facultez  ,  ou  des  habitudes  morales, 
L  efFet,  que  produifit  en  eux  une  commu- 
nication fi  admirable ,  nous  eft  enfin  rc- 
prefentè  parS.  Luc  en  ces  motSy  ils  furent 
tot46  remplis  du  Samt  FJprit ,  ^  commencè- 
rent a  parler  langages  étranges -^  ainfi  que^ 
l^EJprit  leur  don  non  afarler.  Voicz ,  Fidc- 
lesjcomment  il  n  y  a  rien  de  vain  ni  dans 
les  promeffes ,  ni  dans  les  fîgnes  du  Sei- 
gncur.Il  avoit  promis  le  Confolaceur  à  fcs 
Apôtres  ;  ô^  il  le  donna  en  telle  abon- 
dance,qu*ils  en  font  remplis.Le  fymbole, 
qu'il  leur  en  rnontra,  Cgnifioit ,  qu'il  mul- 
tiplieroit  leurs  largues,^  leur  tailleroit 
à  chacun  la  fienne  en  plufieurs  autres  ,& 
ils  en  fcntent  auflTKCoft  naiftre  pluCeurs 
différentes,  àL  s*étonnent  copament  elles 

11     3       ont* 


ont  peu  fi  foudâinemenc  fe  formét  en  fi 
srand  nombre  dans  une  feule  bouché. Er 
bien  qu'ils  le  tefientent  ^  le  voient  dans 
cette  nouvelle  lumiere,ils  ont  de  la  pêne 
a  le  croire  ;  &:  pour  s'en  affeurer  ,  ils  en 
fontreflâyi  &:  treuvent,  qu'ils  Tçavent 
parler  en  effet  des  langues  les  plus  étran- 
gères, les  plus  éloignées  de  la  leur  natu- 
relle.Tavouë^que  des  le  commencement? 
ils  avoient  receu  quelques  dons  du  Saint 
Efprir.  Autrement  ils  n'eufTent  pas  creu 
enlefusj'niperfeverè  en  fa  dodrine,  &  le 
Seigneur  difoit  lui  mefme  à  Tun  d'eux 
que  Ion  Père  celefte  lui  avoir  reVelè  fà'^ 
connoiflfance ,  qu'il  ne  r^sveleque  parla 
lumière  de  fon  Erprit.  le  confeflejque 
depuis  larefurredion  de  lefus  ils  en  re- 
çeurentune  plus  grande  mefure  ,  quand 
foufflant  fur  eux  ,  il  leurdit,  Receve^le 
Stiïnt  Efprit:  Mais  tout  cela  nVtoitque 
des  préparatifs  hL  des  eflays ,  au  prix  de 
ce  que  leur  donna  cette  divine  Pente- 
coftc.  Avant  cela  ils  croioientj^  mais 
foiblement.  Ils  voioient;  mais  peu  de 
chofes.  Leur  connoiflance  étoit  fort 
confufe.  Ils  avoient  veu  les  grands  mira- 
cles de  Dieu  ,  la  croix  &  Icïcpulcre  du 
Chrifti  mais  fans  en  çomprçndTC  nette- 
1"^  menç 


fur  les  Apotrei,  Sermon  TÎ.     5J5 
ment  les  raifons  i  nila  faflbn  du  falut,ni 
h  vraie  forme  de  TEglife-C'eft  pourquoy 
vous  les  voyez  encore  refver  n'agueres 
après  leur  imaginaire  royaume  d'ifraël, 
&:  fon  recabliffcment.   Mais  ce  feu,  qui 
s'aflic  Tur  eux  ,  diflipa  enfin  toutes  ces 
ombres.  Il  demefla  leurs  doutes  5  il  re- 
purgea leurs  erreurs  &:  leurs  imagina- 
tions puériles,^  leur  fit  voir  tout  ce  grâé 
myftere  jufqu'au  fond  dans  une  claire  &: 
plene  lumière.     11  accomplit  ceqifcle 
Seigneur  en  avoit  prédit  j  II  \cm e/sfeilm'^^^^  '^' 
toutes  chûfes'y  &:  leur  répéta  &  déchiffra^  * 
Celles  5  quVls  avoiené  'dèics^ans  ks  ëft-^ 
tendre.  'El  en  fuite  de  cette  abondante,' 
claire  6^  ferme  connc^iffance  de  toùpl^^ 
fapience  &c  borne   de    Dieu   en    ife^, 
Chrifi:  ,  il  alluma  dan^rèursames  uèc; 
amour  &  un  zèle  incomparable  à  fa  gloiw 
re  &  y  confumant  le  refte  des  affeaions 
baffes  &  puériles,  qui  y  étoient  deméu-- 
rées ,  les  embraza  d'un  ferme  &:  ardéhf 
dcfir  de  reternitè ,  &c  d'une  parfaite cha;* 
riiè  envers  tous  les  hommes.    Il  leur 
donna  des  Courages  héroïques ,  une  ma- 
gnanimité invincible  ,    des   cœurs  de 
lyons,&  des  langues  d'Anges.   Et  com- 
me le  feu  de  nos  fournaifes  fond  les 

U    4  plus 


i^è     De  la  Défient (  du  S.  Es  prit 
plus  durs  métaux,  &  de  maffcs  rudes ,  & 
groflîeres  en  fait  de  beaux  vafes ,  clairs, 
&  Juifans.les  délices  &  les  ornemens  des 
plus  fupcrbcs  maifons  ;  ainfi  cette  flam- 
me myftique  de  rEfpritcelcfte  reforma 
les.  Apôtres  en  un  moment.     Depuis 
qu,eUe  les  eut  atteints  ,  amollifTant  &c 
tondant  (  s'il  faut  ainfi  parler  ;  toute  la 
m^edcleur  nature,  la  ne ttoiant  &  la 
raffinant  par  fa  vertu  ,  &  la  durcifl^ant  en 
fuite  en  une  toute  autre  forme  ,  elle  en 
fit  de  nouveaux  hommes,  lesvaiffeaux 
4e  la  maifon  de  Dieu,  l'ornement  &le 
bpn-heur  de  la  terre,  lesinftrumensde 
la  vic,&  delà  félicité  des  homes.  Voila, 
Çidclesjce  que  nous  avions  à  vous  dire 
iur  Ihiftoire  de  la  Pentecofte  Apofto, 
Jjque,  Ayons  en  continuellementTimaee 
devant  les  yeux;premierehient  pour  bé- 
nir le_  Seigneur  de  ce  qu'il  a  daigné  faire 
une  fi  grande  grâce  aux  hommes,  leur 
ouvrant  par  la  lumière  de  ce  divin  feu 
lesmyfteres  de  fa  fagclTc  ,  &  ks  mer- 
veilles de  fon  amour.  NVliimez  pas,que 
nous  n  aïons  point  de  part  en  ce  bénéfi- 
ce, fous  ombre  que  nous  vivons  tant  de 
iiecles  après  les  Apôtre;.C'cft  pour  nous 
que  leur  furent  données  ce?  langues  ce^ 

"  Jçftesi 


fur  les  Apôtres,  S  e  r  m  o  n  1 1.  557 
leftes;  G  eft  pour  nousjque  leur  fut  com- 
muniquée une  fi  miraculeulc  grâce.  La 
lumière  qui  nous  conduit  aujourd'hui, 
eft  toute  venue*  de  leur  feu.  Et  nôtre  foy, 
5^  nôtre  joye  j  tout  ce  que  nous  a\K)ns  de 
bien  en  ce.lrecle,  &  tout  ce  que  nous  en 
efperons  en  l'autre  ,  eft  coule  de  leur 
fource.  Sanslaflammejqui  luifit  alors  fur 
eux ,  nous  ferions  encore  dans  les  ténè- 
bres de  l'ignorance,  ô^  .dans  les  abyfmes 
de  lamort.Remercions  donc  le  Seigneur 
dccequ'il  a  daigne  allumer  fur  la  terre 
une  fi  grande ,  &  fi  heureufe  lumière. 
Cheminons  à  fa  clarté ,  &:  ufons  de  fon 
bénéfice.  Ecoutons  ces  langues  venues 
du  ciel,  avec  une  humble  dévotion;  Re- 
cevons dans  nos  cœurs  avecquerefped 
le  feu  qu'elles  y  veulent  mettre.  Ne 
foions  pas  fi  mal-  avifeZj  que  de  mcpr ifer 
l'allianee^oii  elles  nous  appellent.  Gar 
comme  c'eftjci  laplus  merveilleufe  des 
difpenfations  de  Dieu^ajuflî  eft-cc  la  der- 
nière. Pécheur ,  fi  vous  n'en  faites  vôtre 
profit,  il  n'y  a  plus  de  falut  pour  vous» 
Qui  avoit  outrage  le  Père ,  pouvoir  eftre 
guéri  par  le  Fils  i  &:  qui  avoit  rejette  le 
Fils,  pouvoir  eftre  converti  par  le  Saine 
Efprit.    Mais  quiconque  a  blafphemè 

contre 


5}S      De  la  Befcente  du  S.  Esprit 
contre  le  Saint  Efprit  ,   il  n'y  a  plus  de 
remiflîon  pour  lui. Que  fi  nous  avons  ho- 
noré fa  voix  5  &  creu  fincerement  fa  pa- 
role ,  réjouïflbns  nous ,  &  nous  égayons 
devanfDieu.    Vn  rayon  de  fa  lumière, 
une  étincelle  de  fon  feu,   vaut  mieux, 
que  tout  réclat  &:  toute  la  pompe  des 
biens  de  la  terre.  Car  ce  feu  met  la  paix 
dans  toutes  lésâmes,  où  il  loge  v  II  en 
chafTe  Tennuy ,  &  les  délivre  de  cette 
importune  inquietude,qui  rend  tous  les 
autres  hommes  mil  heureux.Mais  com- 
me cet  Efprit  eft  pur  &:  faint ,  que  nos 
joyes  foient  auffi  de  mefme,  divines  &: 
fpirituelles.  Arrière  de  nous  la  brutalité 
des  lujfs,  qui  ne  mettent  toute  lajoye 
de  leur  Pentecofte,  qu'en  la  chair, &:  au 
vin,difant  mefmcs effrontément,  que 
fans  chair  ilnya  point  de  réjouïflance. 
Vôtre  joye ,  ame  Chrétienne,  eft  d\ine 
toute  autre  nature.  Elle  n'aîftde  TEfpric 
d'enhaut;  elle  fc  nourrit  dans  fes  pures 
fiammes.    Chrift  avec  fon  ciel  en  eft  i*u- 
jnique  fujet.Mais  puis  que  le  Saint  Efprit 
ne  fe  communique  pas  tout  aune  fois; 
puis  qu'après  le  fouffle  de  Icfusjil  a  en- 
core un  autre  feu  à  nous  donner;ne  vous 
coHtcntez  pas ,  Fidèles,  de  la  part  que 

VOUjJ 


furies  Apkres.  Sermon  II.     539 
wù^  en  avez  dés-jà  reGeuë,*  fotez  con- 
vDÎteux  de fcs  grâces.   Ne  dites  jamais, 
c'eft  affcz.  CroiflTcz  de  foy  en  foy ,  d'e- 
fperance  en  efperance.  Apres  les  mietes, 
demandez  lui  le  pain  entier  ;  lesftam- 
mes  après  les  étincelles;  l'ardeur  &  le 
zèle  après  la  connoiffance  ;  la  magnani- 
mité après  Taffection  ^la  jcye  &  le  con- 
tentement après  la  foy.  Et  fi  vous  lui  de- 
mandez fes  grâces  inftammcnt  5^  hum- 
blement \  il  vous  les  donnera  fans  faute. 
N'eftimez  pas  qu'après  !a  fanftification 
des  Apôtres  ,  il  fe  foit  retiré  dans   les 
cicux.  Cette  heureufe  Pentecofte,qui  il- 
lumina le  monde  de  d  ffu^  la  montagne 
de  Sion  ,durc  encore  aujourd'hui.    Ce 
vent  qui  remplit  alors  la  maifbti ,  fouffle 
encore  dansTEglife ,  ^  ce  feu,  qui  s'afTit 
fut  les  Apôtres,  luit  encore  au  milieu  de 
nous. Le  grand  ConfolateurvFEfprit  de 
lefus  yeft  prefent,  preft  afe  pofer  fur 
nous,&ànous  donner  fon  feu  &:  fa  In* 
miere,  fi  nous  rappelions  &:  l'attendons, 
comme  firent  les  Apôtres,avec  une  vive 
foy,  une  ardente  charité,  &  une  concor- 
de ^  union  vraiement  fraternelle.    Le 
pain  &  le  vin  de  cette  facrée  table  nous 
font  meftncsde*fymboles  de  faprescce. 

Car 


540     'De  U  Befcente  J«  S.  E  s  p  r  i  t 
Car  comme  il  accompagna  de  la  vérité 
de  fa  grace^lcsfigncs ,  &  les  marques  ex- 
traordinaires ,  que  les  Apôtres  virent  à 
ces  commencemens  de  rÈglife  ;  aufli  ne 
manquera-t-ilpas  maintenant  d'accom- 
pagner nos  Sacremens  de  fon  efficace.  Il 
vient  avecque  Teau  de  nôtre  battcfme,&: 
nous  donne  efFcftivement  la  netteté  &  la 
nouveauté  de  vie ,  qu'elle  nous  promet. 
Il  vient  avecque  le  pain  &  le  vin  de  nôtre 
Cène,  &  nous  donne  vraiement  la  vian- 
de &  le  breuvage, que  reprefentent  ces 
éleroens  ;  Et  Saint  Paul  nous  le  montre 
^f.^,^affez  lors  que  faifant  allufion  à  la  coupe 
17.       facrée ,  il  dit  que  nous  avons  tous  et}  ah- 
breuvez  de  CEJprit,  Qu'il  vienne  donc  ce 
divin  &  éternel  Efptit  du  Père  &  du  Filsi 
qu'il  vienne ,  &  qu*il  accompagne  fes  in- 
ftitutionsjfa  parole,&  fa  Cenei& qu'il  ac- 
complifTe  en  nous  tout  ce  qu'elles  nous 
reprefentent.  Qu'il  repofe  fur  nousxom- 
me  autresfois   fur  les   Apôtres  i    Qu'il 
cclaire  &  échauffe  nos  cœurs ,  les  rem- 
pliffant  de  fa  lumière  &:  de  fa  joye,  &: 
gouvernant  toute  nôtre  vie  à  fa  gloire  ôç 
à  nôtre  falut.  Amen. 

J>Z  14 


Î4' 
DE   LA 

DESCENTE 

D  V  S  AINT   ESPRIT 
SVR  LES  APOTRES. 

SERMON  T'KPISIESME. 

Sut  lc3  vcrfets  5. 6. 7. 8. 9- 1°  n-i2'.i5 
du  Ghap.  1 1.  des  Ac T E  s. 

5.  Or  y  avoit-il  des  luifs  [ejûtêrHons  tn 
lerufdem ,  hQmmes  dévots ,  de  toute  nation^ 
qui  efi  fous  le  ciel. 

6.  ^^pres  do»c  que  le  huit  en  fut  fait  y 
une  multitude  vint  enfemblc^-i  Uquellefut 
toute  imeué\  pourtant  qu  un  chacun  Us  oioit 
parler  en  leur  propre  langage^. 

7.  Dont totisétoient  étonnez^  ^  semer^ 
veilloient^dtfans  l'un  k  l'autre^  \  Voici  tous 
ceus  qui  par  le '/Jt  ne  font  ils  pas  Gaiiléens? 

8.  Comment  donc  un  chacun  de  nous  les 
cious  nous  parler  en  notre  propre  langages -^ 
auquel  nous  fofnmes  nais? 

9.  Parthtens ,  ér  ^ediens ,  &  ElamiteSy 
^  ncus  qui  habitons  en  Mefopotamie  -ié  en 

îudécjy 


^(\.z     De  la  Befcente  du  S.  Esprit 
luSe  y&  tn  Cappadoce ,  ?ont  ér  Afic_^. 

10.  Et  Phrjgie ,'  c^  Pamphylie-,  e^  Egypf^y 
Cr  dans  les  pattes  de  Ljbie  qui  ejl  à  l'endroit 
de  Cjrenè-,  à*  ^^^^  ->  cjntnous  tenons  à  Rome  ; 

11.  Tant  luïfs  ,  que  Profelytes  ;  Cre teins 
é*  Aréihes ,  nous  les  oions parler  chacun  en 
9J0S  propres  langues  les  chofes  magnifiques 
de  Dieu, 

il.  ils  étoient  donc  tous  étonnez  ^é"  »e 
fçAv oient  que  penfer^  difans  l'un  à  l' autres ^ 
c^e  veut  dire  ceci  ? 

Vy  Et  les  autres  fe  mocquanty  difoient^ 
Ceji  quils  fantplems  de  vin  doux. 


Hers  Frères; 


La  mort  du  Seigneur  IeCus,dont  nous 
avons  eelcbrè  ce  matin  la  bien-heureufe 
mémoire  ,  a  été  la  vraie  caufe  de  cette 
admirable  dcfcente  du  Saint  Efprit  fur 
les  Apôtres,  qui  arriva  cinquante  jours 
après,  au  propre  jour  de  laPentecofteé 
Ce  fut  la  croix  de  Chrift,  qui  ouvrit  le 
ciel ,  àc  qui  en  tira  ces  divines  eaux  de 
lumière  âidcjoye,  dont  rEglifeaétè 
battizéc.  £t  comme  autresfois  dans  le 

delcrt 


fur  les  Apôtres.  Sermon  HI.     545 
dcferc  la  verge  de  MoïTe  changea  la  nar 
ture  du  rocherjô^  quelque  dur  qu'il  fuft, 
le  fondit  en  une  fource  iî  vive  ô2  fi  abon- 
dante, qu  elle  fuffit  pour  abbrcuver  tout 
l'ancien  Ifraëh  de  mefnie  auflî  lefus ,  la 
pierre  éternelle,  aiant  été  frappé  en  la 
plénitude  des  fiecles ,  de  la  maledidion 
de  la  Loy,  c'eftàdirede  la  mort,  qu'il 
fouffrift  en  la  croix  y  a  répandu  dans  le 
monde,  qui  n'étoit  avant  cela  qu'un  de- 
fert  fterile  bL  altéré ,  ces  rivières  falutai- 
res,dont  Efaye  avoir  parlé  fi  long- temps 
auparavantiqui  ont  rqouï  la  terre,arrosè^"^'^'^*' 
&;  abbreuvè  le  fécond  Ifraël  de  Dieu. Et 
bien  quife  cette  grâce  cekfte  nous  fbit  re- 
prefentéedans  les  Ecritures,  &:  dans  l'un 
4e  nos  facremens  fous  la  fig.ire  &  fous  le 
nom  d'eau ,  à  caufe  de  fa  pureté  &:  de 
Tefficace  qu'elle  a  pour  neccoier  &:  ré- 
générer les  hommes,  fi  eft-ce  qu'elle  a 
auflî  la  force  &  la  proprietèdn  vin.  Elle 
fait  oublier  lafauvrete  aux  miferables ,  ^  la  '^^f^-  J^- 
pe/tea  ceux  qui  ferijfent.  Elle  charme  tous 
Jesfoucis,  àc  meclaconfolation,  &  la 
gayetè  dans  les  amcs  defolcfes. Elle  délie 
les  langues  les  plus  rudes,&:  donne  de  la 
tiardieife  aux  plus  timides.C'eft  elle  qui 
réjouît  vraicn^cnt  le  cœur  de  L' hcmme \  àc ^,'^^^ 

i'Oil 


544  ^^  ^^  Befcente  du  S.  E  s  i»  r  i  T 
Ton  en  peut  dire  fans  hyperbole  ce  que 
^,  lotam  difoit  autresfois  du  fruit  de  la  vi^ 
^  gne,^//V//é'  eHUjoje  de  Dieti  (jr  des  homes. 
Auflieft-ce  cette  divine  liqueur  quen-  ' 
tendoit  le  Seigneur  lefus^quand  il  difoit 
à  fes  difciples  fur  le  fujct  de  la  coupe  de 
^  fa  famte  Ccne  5  le  vous  dis  que  depuis  cette 
26.2^'.  heure  je  m  boirai  fins  de  ce  fruit  ici  de  vigne 
jufquA  ce  jour4a ,  que  je  le  boirai  nouveau 
avec  que  vom  au  Royaume  de  mon  FereX^ovi 
il  paroift>  que  les  profanes ,  qui  difoient 
que  les  Apôtres  et  oient  pleins  de  vin  doux^ 
rencontrerét  mieux,  qu'ils  ne  penfoient. 
Ce'toit  vraiement  du  vin ,  ô  luifs  incré- 
dules, quioperoit  de  fi  étranges  effets 
en  euxi  mais  un  vin  nouveau,  &touc 
autre^que  n  eftcelui  que  vous  entendez^ 
Ceftunvinjqui  échauffe  rame,mais  fans 
la  troubler;  qui  la  réjouît,  mais  fans  la 
tromper;qui  la  remplit ,  non  d'erreur ,  ôd 
de  fauffesvifions, mais  de  lumière  &:de 
vérité.  Le  vin  auquel  vous  pcnfez,  noie 
àC  engourdit  les  fens  i  Celui  ci  lesrc- 
veille.L'autre  éteint  la  raifon&la  pru- 
dence ;  celui-ci  met  la  vraie  fageffe  dans 
nos  cœurs.  L'autre  gâte  ôides-honore 
nôtre  naturcjchangcant  l'homme  en  une 
bcfte^  ou  en  une  idole  5  Celui  ci  nous 

relevé 


furies  Apkres.  Sekmom  III.     54 j 
relève  au  delfus  de  nous  mcfmes ,    &: 
d'hommes  nous  tiansforme  en  Anges. 
Aiancdoncauffi  beu  de  ce  vin  celette 
par  la  grâce  du  Seigneur  en  la  facrée 
coupe ,  donr  il  nous  a  feftinez  ce  matin, 
j'ai  eftimè  qu'il  ne  fera  pas  hors  de  pro- 
pos dcmploier  cette  heure  à  confiderer 
les  mouvemens,  ^lesaftions,  que  ce 
nouveau   breuvage  praduilît    dans  les 
Apôtres  immédiatement  après  qu'ils  en 
curent  pris  les  prémices  ^  pour  les  imiter 
déformais  chacun  félon  la  mefuré  àc  la 
portion,qu^  le  Maiftre  nous  en  a  donnée* 
Nous  vifmes  Dimanche  dernier  la  def-. 
cente  de  ce  précieux  don  ,  envoie  du  ciel 
en  la  terre.Nous  le  vifmes  fe  répandre 
dans  les  Saints  Apôtres ,  comme  en  fcs 
propres  vaifTeauXjformez  &  préparez  à 
cela  par  la  mifericordc  Ac  Dieu;&:  nous 
côfiderafmes  les  premières  impreflîonsj 
qu'il  fit  en  euxilcs  lumières  &  les  vertus 
extraordinaires  ^  dont  il  les  reveftit  en 
un  inftant.  Maintenant  pour  bien  en- 
tendre la  fuite  de  ce  miracle  contenue 
dans  le  texte  de  Saint  Lucque  nous  ve~ 
nonsdc  vous  hre,  nous  méditerons  s*U 
plaift  au  Seigneur,  deux  chofes  Tune 
après  fautre  ;    premièrement  ce  que 

m  m  firent 


54^  ^^  l^  Defie^uda  S.  Esprit 
fi'cent  ks  Apôtres  après  avoir  receu  le 
Saint  Efprit  i  c  cft  qu'ils  prc(chcrcnc  l'E- 
vangile au  peuple  alors  affemblè  en  la 
ville  de  lerufalemi  fecondemcnt  quels 
furent  les  mouvemens  du  peuple  fur 
cette  predicaxion ,  affavoir  Tadmiratioa 
des  uns  ,&:  la  moquerie  des  autres. Ecoii- 
tons  le  tout  avec  une  religieufc  atten- 
tio  i^priaat  le  Seigrieur  qu'il  nous  falfe  la 
grâce  de  profiter  en  fon  école ,  d  admi- 
rer de  p!us  en  plus  le  myftere  de  fon 
Chrifl:&  de  rapporter  ce  qj'il  nous  en  a 
reVelè,a  fa  gloire  ,  à  nôtre  confolation, 
&à  Tedification  de  nos  prochains,  de 
quelque  langue^ou  condition  qu'ils  puif- 
fent  eftre.  Qy ^nt  au  fait  des  Apôtres,il 
paroift  clairement  par  le  tiflu  de  cet- 
te narration  de  Saint.  Luc  ,  qu'incon- 
tinêt  après  avoir  été  battizez  de  i'Efprit 
de  la  promcfTe ,  &  reveftusdcla  vertu 
d*enbaût,ils  fe  mirent  à  prcfchcr  TEvan- 
gile  de  leur  Maiftre  ;  &  encore  qiie  cela 
ne  foit  pas  nommément  exprime  ,  il  y  a 
neantmoins grande  apparence,  que  ce 
fut  dans  le  Tempîe,  qu'ils  firent  leur  pre- 
mière prédication  ,  vcu  que  c'étoitle 
lieu  ^  où  félon  le  rapport  de  Saint  Luc  ils 
étoicnt  le  plus  fouvcnt,  &:  preCque  afli- 

ducmenr 


furies  Apôtres.  ^'B.KUOri  III.     547 
duëmcnc    depuis,  rafcenfion   de    lefbs. 
Chrill  au  ciel.   De  là  lebrtiic  de  cette  ^3 
ineiveiile  s'ctanc  cpandu  par   toute    la 
ville ,  attira  une  grande  multitude  de 
gens,  luifs  ô^  Profclytes  de  toutes  lan- 
gues bL  nationsi  qui  entendant  eux  mcf- 
mes  les  Apôtres  prefchaas'j  rcconnurene 
rétrangc   changement  arrivé  en  leurs 
perfonnes  i  d  ©ù  naquit  la  contufion  6c 
rétonncmcnt,  dont  nous  aurons  à   par- 
ler dans  la  féconde  partie  de  cette  adlîo. 
Mais  en  celle-ci  nous  avoris  à  confide- 
rer  premièrement  la  matière,  &;puis  li 
forme  de  cette  prédication  des  Apôtres. 
S.Luc  nous  apprend  qu'elle  eh  croie  la 
matière  ,  quand  il  dit ,  (\uilsfarlûierit  les 
ehofes  magnifiques  de  /)/>//, u Tant  d*un  mot, 
qui  fignifie  dans  le  langage  de  TEcriture,-*  ^^^ 
grandeur^majeftèjô^  magnificence,  ou  *^^''* 
des  ehofes  hautes  5  &  relevées  >  comme 
au  premier  livre  des  Chroniques,  quand 
David  remerciant  le  Seigneur   de   ce 
qu'il  le  combloit  d'honneur  bc  de  gloire, 
èc  établiiToit  fon  alliance  avecquc  lui^-^^-'^-^'"'' 
par  une  admirable  bonté,  die ,  qu'il  en  a    * 
usé  de  la  (ont  four  f tire  co^miUre  toutes 
fes  grandeurs  i  &  dan*  les  Pfeaumes  iî  ap- 
pelle ainfi  la  gloire.,    qu'il  efpcroit  du^-'-*'^*^' 
m  lu     %       Seigneiii: 


54^     Delà  l>efceme du  S.  Esprit 
Seigneur ,  diianc ,  que  Die%  accroijlra  fes 
grandetirs.   Car  les  interprètes  Grecs  ont 
emploie  en  ces  lieux  le  mefme  mot,  que 
nous  lilbns  en  celui  ci.  L'auteur  de  TÉc- 
clefiaftique ,  qui  a  écrit  en  ce  langage, 
hcvi  fert  affez  fouvent  pour  fignifier  les 
œuvres  ,  ou  les  proprietcz  de  Dieu  les 
plusilluftres,  &:  les  plus  merveilleufes; 
comme  quand  il  dit  en  parlant  de  la  pu- 
blication de  la  Loy,  que  les  yeux  des 
I7.IO.V  Ifraclites  virent  U  grmdeuf-i  ou  la,  m^gm- 
i8.  ?.    /(f^/?r(?  de  la  gloire  de  Dieu  i  &:  lorsque 
!^'"!^^ parlant  des  myfteres  de  fa  providence. 
42. 28.  ^î  elï-ce  5  dit  il.  tj/ui  fondera  ces  magnifia 
^  *^^'  ce?9ces  f  &c  ainfi  ailleurs.  Ici  fuivantce 
ftile  il  n'y  a  point  de  doute  ,  que  S.  Luc 
par  les  magnïficence.s ,  ou  les  chofes  magm- 
f que  s  de  Dieu ,  n'entende  les  myfteres  de 
l'Evangile ,  les  qualicez  dii  Seigneur,qui 
y  font  manifeftées ,  &:  les  œuvres ,  qui  y 
ont  été  exécutées,  fon  infinie  amour  en- 
vers le  genre  humain  ,  lenvoy  de  foa 
Fils,  fonaneantiffcment jfamortjfare- 
furredion^fon  afcenfion,fa  divinitè,&:  la 
grâce  &  la  gloire  préparée  à  ceux  qui 
lui  obcï{rent,&:  en  un  mot  tout  ce  fecrec 
de  pieté  ,  que  S.  Paul  appelle  grdndfAns 
con(redit,'6C  dont  ilnous  propoic  briève- 
ment 


fur  les  Apôtres >  Sermon  III.     549 
ment  ces  principaux  ^  plus  neceflfaires 
articles  ,  Dieu  mamfcjle  en  chair  ^]ufiife  en  ^-^'^-l^ 
E(prit  ^  vendes  A^ges  -.prefche  auxGentilsy 
creu  au  monde-^  ér  élevé  en  gloire^ .  E  a  e  fFe  c 
bien  que  les  œuvres  de  Dieu  tant  en  la 
création   &;    confervation  du  monde, 
qu'en  rétabliffement  de  Tancienne  al- 
liance au  milieu  d'Ifraël,  foient  toutes 
grandes  &  magnifiques,  &  telles,  que 
1  on  ne  peut  nier ,  qu'il  n'y  ait  déploie  en 
diverfes  faflbns   tres-illulires  les  mer- 
veilles de  fa  puifTanccde  fa  bonté  &:  de 
fa  fageffe;  fi  faut  il  avouer  pourtant  i  que 
celles  de  TEvangile  font  tout  autrement 
hautes  &  fublimes  ;  &  qu'au  prix  de  la 
vive  &  ineffable  abondance  de  la  gloire, 
qui  y  refplendit  de  toutes  parts ,  les  au- 
tres manifeftations  de  Dieu  ne  font  que 
de  petits  crayons,dcs  ombres,  &  des  ex- 
pteffions  obfcures  de  fa  divine  grâdeur. 
D'où  s'enfuit,  que  c'cft  à  bon  droit,que 
les  chofcs  de  l'Evangile  font  feules  nom- 
mées les  magnificences  de  Dieu  i  à  raifon  de 
leur  excellence  &   eminence  au  defius 
de  tout  le  refte.    C'cft  pour  la  mefmc 
confideration  ,  que  S.  Paul  en  parle  tou- 
jours avec  tant  de  porape ,  &:  de  digniic, 
les  nommant  les  abondamment  excellentes ^':^^^^ 
m  m     5  richejfes 


55c>     I^U  Befcente  ^«  S.  E  s  p  r i  t 
riche (fcs  ^e  fa  grâce  &:  les  riche ffes  wcompre- 
r^^'^^- he^fibles  de  chr^Jl,  &  difanc  que  TEvan- 
Epkif.  ^^\c  cft  un  myfiere  teu  dés  les  tmps  jadà ,  ^ 
r;r.^  4  ^^^^^^'^  ^^-^  e/2fa?is  des  hommçs  dans  les  ati" 
r  "•    'W/^^^rj,lemyIlerc,  où  C amour  é  Uhe^ 
-^"^•'"giig^jif^  ^g   j)lf,i^  „*fj,g  Sauveur  envers  Ic^ 
hommes  eji  apparue ,  ou  la  vie  (jr  Cirnmorta- 
liù  ont  été  ?ntfes  en  lumière;  où  reluit  U 
^tbr.io,  vive  image  des  chofcs  j  dmt  la  Loy  navoit 
ï-         ^ne  les  ombres\^i\c  c  cft  lapuiffance  de  Dieti 
A  falut,  le  minîjlere  de  l'Efprit.dela  jufttce  & 
^nm.i.  delà  vie,  le  miroifer,  ou  nous  contemplons  la 
Tcor.  3.<?^^^'^^  ^^  ^^^«  ^/^^^  découverte  ,  é-y  fommes 
'^.s^.iS.  transformez  en  U  me fme  image  de  gloire  en 
gloire,  comme  deparfonEfprilCc  fut  donc 
çét  Evangile,  que  les  Apôtres  prefche- 
rentiilorsdans  lerufalem  publiquement, 
à  la  veuc  &:  à  1  Wïe  de  tou.s,dans  le  Tem- 
ple mefoie ,  le  lieu  le  plus  liluftre,  le  plus 
cclairc,  -^^  le  plus  fréquente,  qui  fuft  en 
toiitrOrient.  O  admirable  changement: 
Nagueres   ils   çachoient  honteufêment 
leurs  livrées  i    ils   fuioient  lâchement 
î-nefme  en  la  prefencc  de  leur  Maiftre.Le 
moindre  vent  leurfaifoit  peur,  Jufques- 
jà  que  la  voix  d  une  fimplc  fervante  fit  re- 
lier le  Seigneur  avec  exécration  à  celui 
4-eux  tous  5  qui  fcmbloit  le  plus  ardent, 

Bici^ 


fur  les  Apôtres,  S^KUotJ  III.  551 
Bien  loin  de  le  prefcher  ils  faifoient  mef- 
me  fembiant  de  ne  le  pas  connoiftre* 
Maintenant  ils  fortent  de  leurs  cachet- 
tes,&  cherchent  ceux  qu*ilsfuioicnté  Ils 
vont  dcfier  ceux  qu'ils  craignoienc ,  6c 
comparoiflent  hardiment  devant  cet 
amas  d'enragez  >  qui  avoient  fait  mourir 
leur  Maiftrc ,  &  qui  avoient  encore  les 
mains  toutes  rouges  de  Ton  fang,  &:Jes 
cœurs  pleins  de  fureur  après  une  impiété 
fi  horrible.  Ils  ne  coniîderent  ni  leur 
multitude,  ni  leur  rage;  ni  lapafîîon  de 
leurs  Magiftrats,  ni  les  glaives  de  leurs 
Gouverneurs,  ni  leurs  foliets  ,  ni  leurs 
croix,  ni  leurs  pierres,  ni  leurs  feux.  Ils 
leur  juftifient  celui  qu'ils  avoient  con- 
damné; Ils  glorifient  celui  qu'ils  avoient 
flcfi:ri  &  dcbhonorè ,  adorent  celui  qu'ils 
avoient  blafphemè,  élèvent  dans  le  ciel 
celui  qu'ils  avoient  cloUè  au  plus  infâme 
de  tous  les  gibbcts.  Ils  les  preffent  de  re- 
connoiftre  leur  erreur,  &c  de  fervirreli- 
gieufement  avec  eux ,  celui  qu'ils  avoient 
fi  cruellement  crucifié.  Oui  entendit 
jamais  parler  d'une  li  grande  merve^lle? 
Certainement  quand  il  n'y  auroit  eu  que 
cela  ,  c'eft  aflez  pour  faire  voir  à  toute 
persôn  e  d  ef{>rrt  Ron  preocupè>que  c'écoic 

mm     4         wne? 


J5X      Df  U  Befcente  ^/^  S.  Es p  r i  t 
une  force  ancre  qu'humaine  ,  qui  pouflbic 
&  conduifoic  Je  cœur  &:  la  langue  des 
Apôtres  de  lefus.    Mais  pour  fiircroift  de 
miracle  il  faut  confidercr  la  forme  de  leur 
prédication ,  qui  n'étoir  pas  moins  étran- 
ge que  fa  marftte.Car  Us  parloient  de  ces 
chofes  magnifiques  de  Dieu  à  des  gens 
de  diverfes  nations  &  langues,  en  telle 
forte ,  qu'ils  écoient  entendus  d  eux  tous, 
Surquoy  Ton  fait  une  qucftion,  ne'e  non 
de  Tambiguitè,   ou  perplexité  du  texte 
facrè,   qui  eft  fort  clair  en  cet  endroit, 
mais  de  lopinion  de  quelques  anciens, 
dont  le  nom  eft  célèbre    dans  TEglife 
Chrétienne.     Car  Ion  demande,  files 
Apôtres  parloient  les  langues  de  tous  les 
peuples  alors  aflemblez,  ou  fi  ne  parlant 
que  leur  feule  langue  maternelle  ,  ils  ne 
laifToient  pas  dcftrc  entendus  par  toutes 
ces    perfonnes   de  différentes  nations. 
Quelques  anciens  ont  fuivi  ce   dernier 
parti,  où  leur  authoritè  a  range  grande 
quantité  de  Dodeurs  modernes    de  la 
thryi:     communion  Romaine,  Ils  difent  donc 
^m^n.&  ^"^  ^^"^  ainfique  félon  la  tradition  lu- 
ai*ms,    daïque  rapportée  par  lautheur  du  livre 
^P-^^'    de  la  Sapienccjla  manne,  que  Dieu  dôna 
T^ux  Ifraclitcs  dans  le  dçfcrt^avoit  en  clic 

la 


fur  les  A^atres.  S  E  r  m  o  t4  1 1  i.  555 
îa  force  de  coûte  forte  de  delices,&C  s'ac- 
commodoic  au  goiift  de  cous,ô^:  s'attrem- 
pant  à  leur  delîr  ferabloic  eftre  à  chacun 
en  particulier  la  viande  qu'il  aimoïc  le 
mieux,  &  n'ecanc  qu'un  fçul  &:  fimple 
aliment  en  fa  fubftance,  en  étoicpki- 
fieurs  en  vertu  S^  en  qualité  ,*  de  mefme 
aulïî  le  langage,  que  les  Apôtres  par- 
loient  en  cette  affemblee,  bien  que  ce  ne 
faft  qu'un  feul  langage  au  fond  &:  quant 
à  la  forme  &  au  fondes  paroles,  avoic 
neantmoinsia  force  &  la  vertu  déplu- 
fleurs ,  fe  pliant  &  fe  conformant  telle- 
ment à  la  portée  &  intelligence  de  ceux, 
qui  récoucoient,  que  chacun  d'eux  le 
prenoit  pour  le  fien  naturel.  Ils  veulent 
par  exemple  que  S,  Pierre  prononçant 
cts  paroles  de  Texhortation  ,  qu*il  fit, 
Homrnes  ifraèlites^  les  prononçant  dis  je 
une  feule  fois  en  Hebreu>  chacun  des  af- 
fîftans  les  prenoit  pour  des  paroles  de  la 
langue  maternelle  ;  que  le  Grec  les  re- 
cevoir comme  paroles  Grecques,*  que 
l'Egyptien  y  treuvoic  le  fon  des  termes 
de  la  langue  Egyptienne,  qui  retidentce 
mefme  fens  ;  que  le  Parthe  &  le  Perfe,5«: 
l'Arabe  les  entendoient  chacun  en  fon 
idiome.  Vne  feule  voix  fe  changeoit  en 

pluficurs 


5^4  ^^  i^  Befcente  <flf//  S.  E  s  f  r  i  t 
pliifieurs  diverfes  formes ,  &  félon  les 
oreilles  ,  où  elle  tomboit  ,  devenoic 
Ebraïquc,  Egyptienne,  Arabcfquc>  ou 
Perfienne  i  tous  y  concevant  un  mefme 
fensibien  que  s'ils  euffent  etè  obligez  à 
l'expliquer  de  la  langue, l'un  leuft  ex- 
primé en  un  mor,&:  lautrc  en  un  autre 
tout  différent  i  comme  vous  voiez,qu*en 
montrant  les  carafteres  de  nos  chiffres 
à  desgens  de  diverfes  nations  Ailemans, 
François ,  Anglois,Efpagnols,&:  Italiens, 
ils  entendent  tous  le  nombra^qu'ils  fi- 
gnifîentjfi  c'efl  un  trois ,  ou  un  quatre,ou 
un  dixibien  que  s*il  cil  queftion  de  nom- 
mer le  nombre  ,  ils  Tcxprimcnt  en  mots 
differeîiSjChacun  lui  donnant  le  nom  u(i- 
ic  en  fa  langue.  Mais  quant  à  cela,il  n  y  a 
aucun  miracle ,  cette  commune  intelli- 
gence naiffant  de  ce  que  toutes  ces  na- 
tions de  rOccident  fc  fervent  de  mef- 
mes  figures  en  écrivant,;  mais  non  de 
mefmes  mots  en  parlant  polir  fîgnifîer 
les  nombres  ;  au  lieu  que  le  changement 
des  fons,  qui  rendoit  alors  le  fens  des 
Apôtres  intelligible  aux  pcrfonnes  de 
diverfes  langues ,  &:  nations ,  arrivoit  en 
leurs  paroles  par  un  extraordinaire  &: 
;niraculeux  effet  de  la  toute  puiflfance 

divine. 


ur  les  Apôtres.    S  ex  m  on:  I II,     5^- 
j^ivine.  le  n'aurois  pas  fi  long  temps  in- 
fiftèfurune  imagination  fi  étrange,  fi  le 
noni  &:  raïuhoritède  ceux  qui  l'ont  mue 
Cîl  avant ,  &  de  (feux  qui  Tout  défendue 
ne  m'y  avoit  obligé.  Mais  pour  bien  r 
foudre  la  queftion,  j'eftime  qu'il  faut  tu 
tout  pofer  ces  deux  chofes,  comme  cl ^. 
resjcertaines  &:  indubitables;  L'une  que 
les  Apôtres  receurenc  du  Saint  Efprit  \c 
don  d'entendre  &:  de  parler  diversion- 
gages;  L'autre  qu'ils  uférent  de  ce  do  ! 
&:  parlèrent  en  effet    divers   langages 
dans  cette  aflembjée  de  laPentecotle. 
Car  pour  le  premier  point,  que  ce  feu  c®-- 
leftcjdont  ils  furent  battifez,  les  ait  ren- 
dus capables  d  entendre  &:  de  parler  lei^; 
langues  des  autres  peuples  différentes 
de  la  leur ,  la  forme  des  langues  divifeci 
&  départies,  en  laquelle  il  leur  apparue, 
*  le  montre  évidemment;  &  S.  Luc  le  pro- 
nonce expreflement,  quand  après  avoir 
dit,  qu'ils  furent  remplis  du  Saint  Efprit, 
il  ajoute  immédiatement  qai//  commen- 
cèrent a  parler  langages  étranges.  E  t  q  u  a n  d 
ni  la  forme  dufigne,  ni  le  témoignage 
de  l'Evangelifte  ne  nous  l'auroiçnt  pas 
appris,  toujours  me  femble*t-il  qu'il  n'y 
ayroit  point  d  apparence  de  le  nier-  Car 

cette 


55^  jD^  l^  Befcente  du  S.  Es  P  r  i  t 
cette  cfFufion  du  Saint  Efpric  fur  le$ 
Apôtres  leur  ayant  été  promife  comme 
leur  grande  &  dernière  perfedionpour 
les  rcveftir  de  toutes  les  grâces ,  donc 
Dieu  enrichit  fon  Eglifc  à  ces  commen- 
cemens,  &  qui  leur  croient  particuliè- 
rement neceflaires  pour  l'exercice  de 
leur  Apoftolat  >  qui  croira  qu'entre  les 
autres  dons  celui  des  langues ,  fi  excel- 
lent &  fi  utile  pour  femcr  l'Evangile 
dans  le  monde,  ne  leur  euft  point  été 
donné?  Certainement  c'eft  Tune  des  gra- 
ces,que  Ictus  Chrift  promit  aux  croians; 

^'^^^^Cefom  iiij  à'wiX^lesfignesquiaccdmpa" 
gneront  ceux  qui  auront  cr eu  \  Ils  jetteront 
hors  les  diables  far  mon  nom  \  ils  parleront 
nouveaux  langages  ;  c'eft  à  dire  comme 
cnacun  void,  des  langages  qu'ils  n'en- 

^^  j^  tcndoient  pas  auparavant.  Et  S.  Luc  ra- 

1^5.46.  contera  cy- après,  que  Saint  Pierre  étant 
venu  à  loppe  en  la  maifon  du  Centenier 
Corneille,  le  Saint  Efprit  defcenditfijr 
ceux  qui  Técoutoient,  &  qu'ils  parlèrent 
divers  langages5&:  S.Paul  met  le  don  de 
parler  divers  langages,  &:  de  les  inter- 
préter,  entre  les  grâces  que  le  S.  Efprit 
-^  rcpandoit  alors  fur  les  fidclcs,  &  l'alle- 

10.       juc  entre  les  dons  les  plus  merveilleux; 


fur  les  Afotres,  Germon  il  l.     jj7 
^mndbieny  ait  '\\,  je  parlerais  les  langages  ^-^^^-^r 
des  hommes,  voire  des  Anges ,  &  que  je  naie  * 
foint  charité ,  jefuis  comme  t airain  qui  re- 
donne :  &  ailleurs  il  tefmoigne,  que  Dieu 
lavoit  particulièrement  enrichi  de  cette 
gtSiCCyqu  il  pariait  plus  de  langages^  que  les  j  ^^^; 
autres  fidèles.   11  f^ut  donc  tenir  pourx4is. 
indubitable,  &:  que  les  Apôtres  receu- 
rent  le  don  des  langues, &  qu'ils  1ère- 
ceurent  le  jour  de  la  Pentecofte,  puis 
qu'alors  le  S.  Efprit  les  reveftit  de  toutes 
les  parties  neccflaires  tantàTufage,  qu'à 
Tornement  de  leur  miniftere.Mais  je  dis 
en  fécond  lieu  qu'aiant  receu  ce  don ,  ils 
en  uferent  aufli  le  jour  de  la  Pentecofte, 
&:  parlèrent  divers  langages  en  effet.  Ec 
les   paroles  &  les  circonftancçs  de   ce 
texte  le  montrent  évidemment.     Car 
S.  Luc  le  dit  formcUeraenrjComme  nous 
l'avons  rcprefentè,  aflavoir  que  les  Apô- 
tres parloienî  langages  étranges  ,  ainfi  quc^  Mi.i,^ 
t  EJprtt  leur  donnait  à  parler  ;  &  il  raconte,^- 
que  de  ces  gens  de  diverfes  nations ,  qui 
fe  treuvoient  alors  en  Ierufalem,chacun 
les  ûioitparler  en  fon  propre  langage,    11  ne 
pouvoit  dire  en  termes  plus  exprés,quil$ 
parloient  en  divers  langages ,  autres  que 
le  leur  naturel.    L'étonneraent  de  ces 

peuples, 


55?      T>e U  Defcente  dû  S^EsPkît 
peuples  >  &:la  caufe  qu'ils  en  allèguent^ 
conclut  aufli  la  mefmc  chofe.  To^i  ceu^  el 
quiparlem ,  difcnt-ils ,  ne  font- ils  f  as  GaU- 
ieens  ?   Comment  àonc  un  chacun  de  noU6  les 
û'ions  nom  parler  en  notrepfopre  langage  ?  où 
vous  voicz,  qu'ils  opporeac  lanacion  des 
Apôtres  à  Icurlangdgeiiîgueevidentjque 
]e  langage  qu'ils  parloienc-étoit  autre  que 
celui  de  leur  nation,c'cllà  dire  autre  que 
le  Galilcen.  Et  s'il  en  cuft  été  autrement, 
le  miracle  euft  ctè  non  de  la   parc  des 
Apôtres(carccn*efl:pas  merveille  que  des 
Ebreux  parlent  Ebreu,  des  Galilécns  Ga- 
liléen  )  mais  plûtoft  en  ceux  qui  les  écou- 
toient  3  car  c'eft  de  vrai>ane  chofe  digne 
d  e'tonnenient ,  qu  un  Pardie  ou  un  Egy- 
ptien,qui  n  a  jamais  appris  autre  langue, 
que  celle  de  fa  nation  ,  entende  le  langa- 
ge d'un  homme  qui  lui  parle  Ebreu  ,  ou 
Galiléen.    A  ce  conte  il  cull  fallu  direy 
que  le  Saint  Efprit  étoit  defcendu  fur  ces 
peuples  plûtoft  que  furies  Apôtres;&:  les 
profanes  fe  fuflent  moquez  de  ceux  qui 
e'coutoienr  plûtoft,  que  de  ceux  qui  par- 
loicnt.Celamelmc  qu'ils  difent,  que  les 
Apôtres  5  font  pleins  de  vin  doux  ,  montre 
claircmcnrjque  ce  qtâ'il  y  avoit  d'étrange 
en  ce  fait  ctoit  au  parler  des  Apôtres,  &: 


non 


fm  les  Afotres.  S e  rm  o k  1 1  î.     559 
non  dans  l'ouïe ,  &:  intelligence  des  peu-  ^^^^.^ 
ples.Ec  quant  àcequc-quelques-uns  op-c^r^^. 
pofent ,  que  c  eft  une  chofe  impoflible  6^'*^^* 
contradidoire^qu'un  mefme  homme  par- 
le divers  langages  en  un  mefme  moment; 
ceft  une  ob)caion  frivole.   Car  S.  Luc 
ne  dit  pas,que  chaque  Apôtre  parlaft  en 
un  mefme  moment  les  divers  langages  de 
cous  ces  peuples  à  la  fois  (ce  qui  feroit  à 
la  vérité  une  chofe  ridicule,  monftrueufe 
&  inimaginableOM  lis  il  dit  feulemé',quc 
les  Apôtres  parloient  les  chofes  magnifi- 
ques de  Dieu  en  la  langue  de  chacune  de 
ces  nations.     Or  qui  nous  cmpefche  de 
concevoir,  ou  que  tandis  qu*un  Apôtre 
cntretenoit  par  exemple  les  Egyptiens 
en  leur  languc,un  autre  parloir  aux  Perfes 
en  la  leur,un  autre  aux  Parthes ,  unautte 
aux  Arabes  pareillement ,  &:  ainfi  confe- 
queramenc  desautres>  tous  parlant  en  un 
mefme  tempsjmais  en  divers  endroits  &: 
cantons  du  Temple  ,  Ô^  à  diverfes  gens, 
chacun  à  raflemblée  d'une  nation  ?  ou 
<ju*un  meime  Apôtre  parlaft  tantoftà  une 
nation,&  tantoft  à  l'autre  ,  félon  qu'elles 
fe  rendoient  prés  de  lui ,  à  chacune  en  fa 
propre  langue?  Mais  ces  chofes  ainfi  prc- 
iuppofécs  pour  certaines  ôt  indubitable*-, 

copime 


^6o       De  la  Befcente  du  S-  E  s  p  r  i  t 
comme  nous  venons  de  les  montrer,  fî 
quelqu'un  s  y  accordant  ajoute  encore  en 
troiiicirne  lieu,  que  lors  que  S.Pierre  prie 
la  narole5&  que  les  autres  Apôtres  fc  tai- 
fant,  il  parla  feul  à  ralTemblée  générale 
de  toutes  ces  nationsjil  arriva  par  un  fur-* 
croift de  miracle,  que  fon  diicours bien 
que  prononce  en  une  feule  langue,  fut 
neantmoiusau  mcfme  moment  entendu 
par  toutes  les  nations  là  prefentes ,  Dieu 
éclairant  extraordinairemenr  leurs  en- 
tendemens,  &  leur  donnant  par  une  nou- 
velle lumière,  Tintelligence  de  ce  qu'ils 
n'euflent  pas  compris  autrement  \  fi  quel- 
qu'un dis  je,  veut  ajouter  cetroifiefme 
pointjje  n  cftime  pas,  que  nous  y  devions 
beaucoup  refiftenconfeflant  pourtant  in- 
genuëment,  que  je  ne  voirien  dans  ce 
texte  ,  où  Ion  puifTc fonder  ou  appuyer 
cette  conjefture  avec  quelque  fermeté. 
Car  ce  que  di/ènt  les  troupes  qu'elles  en- 
tendent toutes  dans   les  difcours    des 
Apôtres  les  chofes  mcig^iifïques  de  Dieu  ^x\z 
nulle  difficulté  ,  étautpns  comme  nous 
l'avons  expose, qu'elles  entêdoient  toutes 
les  Apôtres ,  parce  qu'ils  leur  parloient  à 
chacune  en  fa  langue.   Et  la  harangue  de 
S.  Pierre ,  bien  que  prononcée  par  lui  en 

un 


fur  les  Apôtres.  SerMoist  III.     5^1 
un  feul  langage  pouvoir  âifémenc  venir 
à  la  connôiflartcc  de  tous  ;  parce  que  la 
plufparc  des  aflTçmblez  entendant  la  lan- 
gue Ebraïque,  dont  la  religion  &:  le  zélé 
du  ludaïfmc  leur  recômandoit  l'ufage^ 
&  y  aiant  grande  apparence  >  que  ce  fut 
ceile  ,  que  leur  parla  S.  Pierre  ;  ils  pou- 
voient  interpréter  fon  difcôirs  chacun  à 
ceux  de  leur  nation  ,  qui  ne  rcntédoiene 
pas.  loînt  qu'il  n'y  auroit  nulle  abfurdirë 
à  dire  ,  que  S.  Pierre  ou  les  autres  Apô- 
tres prirent  la  pêne  d'expliquer  ces  mef- 
mes  chofes ,  qu'il  prononça  au  coniiiien- 
cemenc  en  Ebreu,de  les  expliquer  dis- 
je,  puis  âpres  en  3'autres  langues,  afin 
que   chacun  des  afliitans  les  peuft  en- 
tendre.  Soit  donc  ccMclu,  que  les  Apô- 
tres annoncèrent  l'Evangile  du  Seigneur 
lefus  aux  nations,  qui  étolent  alors  dans 
lerufaleiTijà  chacune  en  fa  langue  natu- 
irclle.    Venons  maintenant  à  l'effet  que 
produifit  cette  miraculeufe  prédication 
dans  les  efprits  de  leurs  auditeurs  i  Et 
pour  le  bien  entendre  il  nous  fautconiî- 
derer  d'entrée  i  premièrement  qui  ih 
etoient ,  &  puis  quelle  ctoit  roccafion^ 
qui  les  avoir  tous  affcmblez  en  ce  mel- 
me  lieu;  Pour  le  premier,  S.  Luc  nous 
h  n  rcnfcigoe 


5^1      De  U  De  fiente  ^»  S.  E  s  p  R  i  T 
l'cnfeigne  très  exademenc  ,•  nous  décla- 
rant quel  écoic  leurpaïs,  quelle  leur  lan- 
gue &:  leur  nation ,  éi  leur  religion. Leurs 
patries  &;  leurs  langues  étoient  fort  di- 
verfes,  fe  treuvant  des  gens  dans  cette  af- 
sêblée  de  la  plufpart  des  pais,  qui  étoient 
alors  connus  dans  l'empire  des  Romains, 
&  dans  les  provinces  voifines.S. Luc  nous 
l'exprime  par  une  faflbn  de  parler  hyper- 
bolique ,  en  difant ,  c^ily  en  avoit  de  tou- 
te nation  qui  eft  fons  le  ciel  ;  en  la  mefme 
forte  5  que  le  Seigneur  dit  aux  Ifraëlites, 
qu'il  s'en  alloit  répandre  la  crainte  d'eux 
bL  de  leur  nom  5  {\iv  les  peuples  qui  étoient 
^^^-  ^  fiu6  tom  les  deux  i  fignifiant ,  non  precifé- 
ment  &  exadernent  tous  les  peuples  du 
monde,fans  en  excepter  un  feu!,  mais  en 
gros  &  confufément  une  grande  multi- 
tude,  6r  feulement  la  plus  grande  partie 
de  ceux  qui  étoient  connus.  L'Evange- 
lifte  en  remarque  &  en  nomme  quelques 
uns  des  plus  fameux  en  chaque  partie  du 
monde.    Du  côté  de  l'Orient ,  il  dit  qu'il 
yavoitdes  Parthes,  desMedes,&:  des 
Elamites  ,  c'efl:  à  dire  des  gens  nais  &: 
nourris  enccspaïs-là.  Pour  les  Parthes, 
&:IesMcdcs  ,leur  nom  ell  affez  connu 
dans  le  monde,  tant  de  fiecles  qui  fe  font 

écoulez 


^5 


,  fur  les  Apetres.   Sermon  II I.     5,^5 
i^oulez  depuis  leur  ancienne    gloire, 
Faianc  encore  pu  en  efFacer  la  mémoire. 
Quelques-uns  pienenc  les  Flamttesço\iï:s.cnciiui 
ceux,que  nous  appelions  communemenc 
\ts  Ajfyne^SyOu^GutXcs  Perres,aa  milieu 
defquels  l'honneur  de  lempire  a  long- 
temps fleuri  aucresfûis,6^  y  Heurit  encore 
maincenanc.  Mais  il  paroia  elairemenc 
par  les  lieux  du  Vieux-Teftament,  où  i\Efi,.2: 
en  eftfait  mention,  que  les  Elamitesf  y- 
etoieatun  peuple  particulier,  autre  (\MCrX' 
les  Aflyriens  nilesPerfes;  3d  le  mefiiic 
que  celui  que  les  écrivains  Payens^appel-'^^^-^^^ 
lent  les  Elime^ens,&:  placent  leur  païs,^:?;, 
qu  ils  nomment  Elimaïde,  prés  des  Su-s^^^^^ 
fiens&dcs  Medesi  comme  le  montre  \tf^^'^ 
rappoft,& des  noms  ,  ^  des  chofesmef- ■''' 
mes  attribuées  à  ce  peuple.    S.Luc  nome 
en  fuite  la  Mefofotamie ,  riche  &  heureux 
païs,  que  le  Tigre  &  l'Eufrate  bâigaenr, 
l'environnant  de  côté  &  d  autre  ,  eftimc 
alors  le  plus  fertile  de  Tuni  vers.Il  fait  auffi 
mention  delaludée,   appellanr  ainfià 
mon  avis  non  feulement  la  Province,  où 
lerufalem  écoit  fituée,mais  auffi  les  a^itres 
voifines ,  comme  la  Galilée,  &fembla- 
bles,qui  comprenoient  ce  que  nous  nom- 
mons aujourd'huy  U terre Sx'm^^  Dz% 


j64  ^e  t^  Defcente  Jf4  S.  E^  ?RtT  ^ 
pais  fituez  à  l'Occident  il  nomme  TA- 
ficlaPhrygiej&la  Pamphylie,  Provin-» 
cesdel'Afie  mineur  affez  connues,  &: 
Tiflc  de  Crete,que  nous  appelions  main- 
tenant Candie  dans  la  mer  de  la  Grèce; 
&  plus  loin  enfin  la  ville  de  Rome  ,  en 
ee  temps-là  la  première  &  la  plus  noble 
cité  dumonde,lefiege  du  plus  redouta- 
ble empire,  qui  ait  jamais  été.  Des  pais 
méridionaux  il  remarque  l'Arabie ,  tres- 
celebre  dans  les  écriturestant  de  rEglife 
que  du  monde  i  &:  TEgypte  qui  n'cft  pas 
moins  renommée  ;  &  plus  avant  vers  le 
couchant  le  long  delà  mer  Méditerra- 
née, la  Libye,&:  la  Province  de  Cyrene; 
ô^  enfin  ducôtè  de  Septentrion  il  parle 
de  la  Cappadoce,  &  du  Pont ,  Provinces! 
voifines  Tune  de  lautre  audcffisdela 
Syrie,  en  tirant  vers  la  mer  noire.  Il  y 
avoir  donc  diverfes  perfonnes  de  cha- 
cun de  ces  pais  da  .  b  la  multitude  qni  en- 
tendit lejourdelaPentcroftc  la  prédi- 
cation des  Apôtres.  Quant  à  leur  reli- 
gion, ils  tenoient&ruivojcnt'tous,  la 
ludaïque  ,  Ôd  il  n'y  avoit  à  cet  égard  au- 
tre différence  encr'cux,  que  celle  qu'y 
remarque  Saint  Luciaflavoir  que  les  uns 
«'toient  luifs,  &:  les  autres  Profelytcsj 

c'eit 


furies  Apâtres.  Sermok  III.     5^î 

c'eft  a  dire  que  les  uns  écoienc  de  la  race 
a*Abraham  ,  &:  d'Ifraël ,  nais  &  élevez 
dés  leurs  anccftres  dans  l'alliance  de 
Dieu ,  &  qui  avoient  receu  d'eux  leur 
religion  de  père  en  fils  i  les  autres  étant 
Payens  d'extradion  avoient  renoncé  à 
Terreur,  &  à  Tidolatric  des  nations,pour 
cmbrafler  la  créance  &c  le  fervicedes 
Iuifs>  en  recevant  la  marque  facrée  dans 
leur  corps ,  affavoir  la  circoncifion  ,  SZ 
entrant  parce  moien en  la  communion 
du  peuple  d*lfrael.  Car  ce  font  ceux-là 
que  les  luifs  appelloicnt  Profelytes,^  que 
l'Ecriture  du  Vieux- Teftament  nomme 
ordinairement  les  étrangers  étans  dans 
les  portes  d'IlVaël.  Et  cette  divifionde 
ceux ,  qui  faifoient  profeflîon  de  la  Loy 
Mofaïqucen  luifs  Ô^  en  Profelytcs  ,  cft 
générale  ôife  doit  appliquer  à  chacune 
des  nations  ci  devant  nommécs;en  telle 
forte ,  que  nous  concevions5que  de  ceux 
de  Mefopotamie  par  exemple,  les  uns 
croient  luifs  d*extradion  ,  les  autres 
étoient  Profelytes  ;  ô^  ainfi  des  Arabes 
&:  des  Pcrfes,&:  de  tous  les  autres ,  dont 
les  noms  font  emploiez  dans  ce  roole.Et 
ne  vous  éronncz  pas,  que  la  nation  &:  la 
religion  ludaïque  fuftainiî  cpanduëeft 

nn     }  tant 


fi^  De  la  Defcehte  i«  S.  E  s  p  r  i  t 
tant  de  païs.  Car  premiercmenrpoiu' 
les  Piorelytcs  ,  nous  fçavons  qinl  yen 
avoir  beaucoup,  Se  de  divcrfes  fortes 
p^rmi  les  peuples  du  monde,  &: dans 
Rome  mcfme,quel(|ue  bafFouée  qu'y  fuft 
la  Loy  de  Moife  ;  Quclquesfois  mefmes 
il  y  a  eu  des  Princes  &:  des  Princcflcs, 
fTÂ  q«il'«"Cembiafleei  conime  lorcphcle 
^2.  raconte  particulièrement  d'Hdene, 
Reine  âtz  Adiabeniens  &d*Ifates,&:  de 
Monobaz.  )ys  du  niermc  païs.  Et 

quant  aux  luifs  naturels,  il  eft  clair  par 
les  hiftûires  de  l'antiquité  ,  qu'outre  les 
habitans  de  lerufalem  U  de  toute  la  lu- 
dée,  qui  faifoit  comme  le  tronc,  &  h 
tige  de  la  nation,  il  yen  avoit  plufieurs 
branches  epanduës,&:  con\me  tranfplan- 
tces  çà  &  Li  en  divers  païs  aux  quatre 
coins  du  monde  ;  où  ils  vivoient  çn  leur 
feligion,^.:  avoient  mefmes  en  quelques 
endroits  de  très  grandes  6c  tres-famen- 
fes  Synagogues.  Ileft  vrai,quecçux  que 
Nabucodonozor  avoit  tranfportez  en 
Babylone,&:  dans  les  païs  de  fon  cmpi- 
rcjcurenr  congé  fous  Cyrus  de  retourner 
en  ludeei  Et  en  effet  ils  y  vinrent  en  grad 
nombre,  Se  y  rétablirent  la  ville  de  leru- 
falem,&:  le  Temple.    Mais  tant  y  a  qu'il 

en 


furies  Apôtres.  Sermon  III.     5^7 
en  demeura  dans  l'Orient  une  multitu- 
de non  moindre ,  en  Caldée ,  en  Mefo- 
potamie  ,  &:  dans  le  païs  des  Parthesi 
comme  il  paroift  tant  par  les  livres  d'Ef- 
dras  &:  de  Nehemie,que  par  les  hiftoires 
de  cette  nation  ;  qui  témoignent  qu'il  y 
en  avoit  une  telle  abondance  en  Orient, 
que  l'une  des  plus  belles,  &  plus  renom- 
mées Synagogues   du   ludaïfme    étoit 
celle  de  Babylone.   Depuis,  les  perfecu- 
tions  d'Antiochus  ,  ^  des  autres  Grecs 
Macédoniens ,  les  répandirent   encore 
en  divers  lieux,&  notamment  dans  tou- 
tes les  Provinces  de  l'empire  Romain, 
oii  il  y  en  avoir  prefque  par  tout  un  nom- 
bre infiai,  &:  notamment  à  Alexandrie, 
ôc  entouterEgypte3&:àRome  mefmei^^^^ 
jufques-là  que  les  hiftonens  nous  racon-i;.^/;.//. 
cent ,  qu'une  de  leurs  amb^flades  v  étant  ^  "^^  ^"^ 
venuërilletreuvaplusde  nuit  mille  luits 7,,^.  /. 
habitans  à  Rome^qui  raccompagncreDt 2.  c^.4, 
âTaudiançedc  TEmpereur.   En  quoy  eft 
admirable  la  providence  de  Dieu  d'avoir 
ainfi  confervè  les    difperfions  de  c,ette 
pauvre  nation  en  des  lieux -fi  éloignez^ôc 
comme  en  autant  de  mondes  difterents 
parmi  les  haines  6c  les  vexât  ion  s-. des 
Çentils  y  q^ui-ibufFroienc§£  approuyoient 
n  n     4  toutes 


56S  De  la  De  feinte  ^///  S.  E  s  r  r  i  T 
toutes  les  autres  religions  ,  mais  haïf- 
foient  &:  abhorroienc  celle-ci.  Et  je  ne 
doute  points  que  ce  fouverain  Seigneur 
n*en  ait  ainfi  usé  tout  exprès  pour  dé- 
grolîîr  peuà  peu  les  nations  par  le  com- 
merce de  ce  peuple, qui  portoit  par  tout 
Ikfoy,^  fes  Ecritures,  &  dêfrichoitfs'il 
faut  ainfi  parler  )  les  cœurs  des  Gentils,^ 
&:les  preparoit  de  loin  à  recevoir  en  leur 
|:empslafemencede  fon  Evangile.  Dieu 
fcmoit  par  ce  moien  les  principes  des 
demonftrations  de  fa  vérité  dans  tous 
lesclimaçs  de  la  terre,  le  Vieux-Tefta- 
mcnt ,  dont  les  luifs  avof ent  rempli  le 
monde  ,  contenant  une  claire  &  invin- 
cible preuve  du  Nouveau.  Et  c'eftàce 
tiiefme  deflein  que  je  rapporte  ce  qu  il 
difpofa  par  fa  providence,  que  les  livres 
du  Vieux-Teftamentfuflcnt  traduits  en 
prec,la  plus  commune  &:  la  plus  univer- 
felle  langue  du  mondcjcnviron  trois  cens 
ans  avant  la  prédication  des  Apôtres, 
afin  que  le  crefor  de  fa  connoifTance  fe 
çommuniquaft  plusaiféraent  à  tous  les 
peuples  de  la  terre.  Mais  pour  revenir 
aux  luifs  fejournans  alors  en  la  ville  de 
Icrufalem  ,S.  Luc  outre  leur  païs  &:  leur 
religion,  nous  apprend  encore  leur  zèle 

^  leur 


furîes  Apôtres.  Sermon  III:  '5^^ 
$clcm  atFeftion  à  la  loy,  quand  il  dit,que 
çVcoienc  des  perfonnes  devoces;comme 
en  effet  nous  fçavons  ,  qu'il  n  y  eut  ja- 
mais de  peuple  fi  zélé  pour  fa  loy^,  que 
celui  des  luifs.  Si  vous  me  demandez  ce 
qui  ppuvoit  avoir  raflemblè  des  gens  de 
pais  éc  de  climats  fi  différents,  &:  fi  éloi- 
gnez les  uns  des  autres  dans  un  mefme 
lieu;il  m  cft  maintenant  fort  aise  de  vous 
fatisfaire,6^  de  répondre  en  deux  mors, 
que  c'ctoit  en  partie  la  grandeur  de  la 
ville  de  lerufalem  ,  en  partie  anilîTéru- 
de  &  Taffeftion  de  la  religion ,  ôc  enfla 
la  dévotion  delà fefte.  Car  pour  le  pre- 
mier, lerufalem  étant  en  ce  temps-là 
Tune  des  plus  grandes  &  des  plus  fameu- 
les  villes  de  l'Orient ,  comme  nous  l'ap- 
prenons des  livres  des  écrivains  anciens, 
nori  feulement  des  luifs,  maisauffi  des 
Payens  tant  Grecs,  que  Romains,  il  ne 
faut  pas  douter  qu'il  n'y  euft  continuel- 
lement grande  quantité  d'écrangers,les 
uns  quiyfaifoientleur  demeure  &:  ha- 
bitation ordinaire  ,  les  autres  qui  y  fe- 
journoient  feulement  à  temps  pour  leurs 
affaires ,  ou  pour  le  commerce  ;  comme 
vous  yoiez  que  cela  arrive  dans  les  gran- 
des &  pcpuleufcs  villes ,  telle  qu'eft  au- 
jourd'hui 


57^     ^^  ^^  T>efcente  ^/^  S.  E  s  p^r  i  t 
jourd'hui  par  exemple  celle  de  Paris 
dans  ce  Royaume  ,  à  laquelle  il  fcmble 
que  lerufalem  ne  cedoic  nullement,  ni 
pour  la  vafte  étepduë  de  ks  murailles, 
ni  pour  l'innombrable  multitude  de  fon 
peuple.Mais  outre  cette  qualité ,  lerufa- 
lem en  avoir  encore  une  autre  confide- 
rableiC  eft  qu  elle  écoit  le  fiege  du  Tem- 
ple ,  àc  la  Métropole  de  la  religion  lu- 
daïque,  Técole  &  la  pépinière  principale  i 
de  fes  facrificateurs,miniftres,doâ:eurs, 
.&  religieuxjde  faflon  que  les  luifs  zelez 
y  venoient  de  toutes  parts  ,  &:  y  en- 
voioient  leurs  enfans  pour  eftreexafte- 
ment  inftruits  en  la  Loy  ;  comme  vous 
voiez,  que  nôtre  S.  Paul  natif  de  Tarfe 
cnCilicie  dit  qu'il  avoir  neantmoins  été 
nourri  aux  pieds  de  Gamaliel  en  lerufa* 
leqi.;  U  S.Luc  nous  parle  dans  ce  livre 
'^^'^'  d'une  Synagogue  des  Alexandrins  ,  &: 
des  Cyreniensi  ligne  évident,  que  les 
luifs  étrangers  a\«3ientdans  cette  gran- 
de ville ,  leurs  affemblécs  &  leurs  collè- 
ges, diftribuez  &  feparcz  félon  leurs  na- 
tions.   Mais  outre  tous  ceux  là  qui  fai- 
foicnt  plus  de  rcfidençe  en  lerufalem,  la 
feftc  de  la  Pentccoièe  y  en  avoit  encore 
attire  de  toutes  les  Provinces  dé  leurs 

demeures 


fur  les  Àpâtres.  Sermon  '  I  FI.  -fj^ 
tîcnienres  une  grande  mulricude.  Car 
cécoic  principalement  en  cecemps-là,à 
Pafques,  «5«:  à  la  Pentecofte ,  quils  ve- 
noient  vifiter  ces  faints  lieux  ,&  y  faire 
leurs  dévotions ,  h  cauie  de  la  rencontre 
de  ces  deux  feftes,  qui  ne  ionr  éloignées 
Tune  de  l'autre,  que  de  quaranre-ncuf 
jours  feulement.  Cette  grande  multitude 
de  gens  rarriaffcz  de  toutes  langues  ô£ 
nations  oiant  la  prédication  des  Apôtres 
futdiverfemét  touchée.  D'abord  le  bruit 
d'un  fait  fi  étrange  les  émeut  toas  y  ôc 
comme  il  arrive  dans  les  chofes  nouvel-»- 
les  &: extraordinaires,  leur  donnalacu- 
riofitè  de  voir  5^  de  reconnoiftre  ce  qui 
enétoit.  Ils  viennent  au  lieuoùétoienc 
les  Apôtres  ;  ils  entendent  eux  meflïies 
ce  qu'on  leur  en  avoir  die ,  &  cette  veuë 
leur  aiant  appris  la  vérité  yèc  non  la  caufe 
du  fait ,  le  trouble  &:  rémorion  des  uns 
s'augmente3&  les  porte  à  raifonner  fur  un 
événement  fi  merveilleuxiles  autressen 
lîioquent  profanemcnt.  Ce  font  le^  deux 
effets,  que  produifit  le  premier  coup  du 
miracle  dans  les  cfprits  de  cts  peuples. 
Lesuns  s'en  étonnent,  &:  les  autres  s'en 
rient.  S.  Luc  nous  reprefente  les  difcours 
des  uns ,  Sç  des  autres.     Les  premiers 

difentj 


57^     ^^  la  Defcevtâ  du  S.  Esprit 
difcnt  ;  Voici  ceux  ci  ^ui  parlent ,  ne  font  ils 
fas  Gdiléens  ?  Comment  donc  un  chacun  de 
nous  les  o'ons  nous  parler  en  nos  propres  Un-* 
gués  les  chofi's  magnifiques  de  Dieu  ?    Ces 
paroles  contiennent  la  caufe   de  leur 
ctonncment.  Ils  pouvoient  auflî  alléguer 
ce  que  nous  avons  touche  ci  devant ,  la 
liberté  que  prenoient  des  gens  de  fi  bafle 
condition  de  parler  d'un  fùjet  fi  odieux, 
qu'ctoit  alors  le  nom  de  TEvangile  de 
lefus ,  fans  cfpe^ance  ni  apparence  quel- 
conque de  profit ,  ôd  avec  un  péril  tres- 
cvident  d'encourir  toutes  forres  de  maux 
&  d'ignominies  jufques  à  la  mort  mefine. 
Car  à  bien  confidererletouton  treuve- 
ra  qu'une  telle  hardieffe  ne  pouvoir  en 
telles  perfonnes  procéder  d'ailleurs ,  que 
d'une  force  Se  infpiration  plus  qu'humai- 
ne. Mais  laiflant  cette  raifon,ils  en  met- 
tent deux  autres  en  avanr,qui  ne  font  pas 
moins  confiderables.  L'une  eft,quede 
pauvres  Galilcens,  que  chacun  fçavoit 
ûiTez  n'cftre  jamais  fortis  de  ladée ,  &: 
avoir  etè  nourris  dans  la  bafleiTe  de  mé- 
tiers &  d'exercices  mécaniques  fur  les  ri- 
vages du  lac  de  Tiberiasjfans  lettres ,   ôi 
fans  doftrinejqni  ne  pailoient  il  y  a  deux 
jours,que  le  patois  de  leurs  villag  :s ,  en-^ 

tendent 


fur  Us  Apôtres.  Sermon  III.     yyj 
tendent  àc  parlent  njaintenant,  non  un, 
ou  deux  langages  voifins  ^  aians  quel- 
que rapport  6c  rcffemblancc  avecque  le 
leur  ,  mais  ceux  de  tous  les  peuples  de 
la  terre  ,   jufques  aux  plus    éloignez, 
avecque  lefquels  ils  ne  pouvoient  avoir 
eu  aucun  commerce  i  comme  fi  aujour- 
clhui  unpaiTan,  qui  n'auroit  jamais  mis 
le  pied  hos  de  cette  bourgade  ,  venoic 
foudainement  à  nous  parler  le  Latin,  le 
Grec,  ritalien,rEfclavon,  T Allemand, 
rArabe,le  Perfan,ôi  autres  langijcs  étran- 
gères.  L'autre  raifon  eft  tirée  du  fond  ôC 
dafensde  leurs  d^fcours;que  des  perfon- 
nes  fi  rudes  &  fi  ignorantes,  &qui  n'a- 
voient  jamais  fait  profeflîon  des  fciences, 
ni  eu  aucun  commerce  avecque  les  mai- 
ftres ,  qui  les  enfeigneni,  Icurvenoient 
prefcherleschofes  magn  fi  jucsde  Dieu; 
une  admirable  Théologie  ,    nouvelle  ô£ 
inouïe  jufques-la,   haute  ôc    relevée  au 
deffus  de  celle  des  autres  hommes ,  &: 
mefmes  des  plus  Içavans  Doftcurs  de  la 
Loy  i  raifonnable  au  refte  &  bien  tifluc, 
qui  n'attribuoir  à  Dieu  ,  que  des  chofes 
dignes  de  la  majeftè  &:  de  la  gloire  d  une 
fi  grande  divinité.  Ces  pauvres  gens  tout 
étonnez  ne  fçavent  àquoy  scntenirj  U. 

ne 


574  ^e  U  Befcente  ^^  S.  E  s  p  r  i  t 
ne pouvanc  pcnctrer  eux  mefmes  dans  !i 
raifon  d'une  chofe  (î  cciange,ca{chenc  de 
s'en  éclâircii  chacun  avec  Ion  prochain, 
difant  l'un  à  l'autre  ,  ^/.r  veut  dire  cea't 
Ceft-là  le  vrai  ufage  des  miracles.  Ils 
doivent  piquer  refpricdes  hommes,  &: 
les  porter  à  s'enquérir ,  &  à  s'inftruire  de 
laveritc.  Car  letonnementeft  inutile, 
s'il  neft  accompagné  du  dcfîr  d'appren- 
dre 5  s'il  ne  nous  met  au  cœur  &  en  là 
bouche,  le  mouvement,&:  le  langage  de 
ces  luifs,^(?  veut  dire  ceci  ?  Quand  Dieu 
void ,  que  les  œuvres  produifent  ce  fruic 
ennousjilne  manque  jamais  de  nous  in-^ 
ftruire.  JJ  tire  nôtre  cfprit  de  cette  in-- 
quietude,&:  l'arrefte  parles  lumières  dei 
fa  vérité  ,  &  nous  apprend  ce  que  veu- 
lent diueles  chofes, que  nous  admirons* 
C'eft  prccilement  ce  qui  arriva  à  cç^% 
luifs,  dont  S.  Pierre  contenta  inconti- 
nent la  jufte  curiofuc  i  leur  montrant, 
que  rEfprit  de  lefus  eroit  l'auteur  du 
changement  ,  qu'ils. voioient  en  leurs 
pcribnnes  ;  d'où  s'enfiiivit  leur  convcr- 
fionà  la  foy  du  Chnftianifme.  Maisô 
prodige  de  brutalirèlil  fe  treuva  des  en-» 
ragez  dans  cette  multitude  ,  qui  eurenC 
l'audace  de  tourner  coût  ce   terrible 

myllcre 


fur  les  Afotres*  Sermon  III.  57 j 
myftere  en  rifée ,  fe  moquant  effronté- 
ment de  ces  divins  herauds  du  Seigneur^ 
6£  les  accufant  impudemment  d'eHrc^ 
fleins  de  vin  doux.  Qui  croiroit  qu'il  y 
peulT:  avoir  des  hommcs,ou  afTez  fots,  ou 
aiïez  médians  pour  rire  dans  une  choie 
fi  ferieufe  ?  pour  proférer ,  ou  pour  pen- 
fer  feulement  une  calomnie  fi  froide  &: 
finoiref  fi  groffiere  &:  fi  malicieufe  ?  fi 
contraire  à  la  raifon  &  au  fens  mefme, 
qui  n'a  ni  ombre,ni  apparence  de  vérité? 
Regardez Fideles>avec  une  jufte  frayeur, 
de  quelles  hon/eurs  eft  capable  la  natu- 
re des  hommes  ,  lors  que  Satan  s'eft  une 
foisemparè  de  leurs  cœurs  !  Car  fi  Dieu 
fuftluimefmcdefQendudescieuxen  la 
terre.vcftu  de  fa  plus  éclatante  gloire,  A 
pêne  fa  Majeftè  fe  fuft  elle  montrée  plus 
clairement ,  qu'en  ce  miracle.  Et  néant-- 
moins  ces  niifcrables  s'en  moquét^Sc  ont 
J'ame  fi  dure  bL  fi  ftupide  ,  que  de  voir  &: 
de  manier('s'il  faut  ainfi  direjtoute  cette 
merveille  fans  en  eftre  touchez.  C'é- 
toient  fans  doute  ces  mefmes  pour- 
ceaux, qui  avoient  infolemment  foulè 
aux  pieds  les  perles  du  Seigneur  Iefus> 
que  fes  luniicres  &  fcs  miracles  avoient 
ïx\\s  eu  fureur.     Us  avoient  appelJè  le 

Maifire, 


57^  D^  ^^  Defceme î«  S.  Es p ri t 
Maiftre,  blafphcmaceur  de  démoniaque^ 
mangeur  &:  beuveur,  &:  homme  demau- 
vaife  vie.  Maintenant  ils  fe  moquent 
auffi  de  fon  Efpric ,  6c  crachent  au  vifage 
de  cette  glorieufe  Majeftè,  &  outragent 
indignement  fes  minifl:res,6^1es  accu- 
fciU  d'yvrognerie.  Ceft  ainfi  que  Dieu 
vangc  le  mépris ,  qu'ils  avôient  fait  de 
fivrf  Filsjles  livrant  à  Satan,  qui  repandit 
é'ûns  leur  cœur  cet  aveuglement  &  cet- 
te fareur.  Apres  cela  ne  vous  étonnez 
pas  fi  les  enfans  de  ce  fiecle  rejettent 
pôtrc  doftrine ,  &  s'ils  font  fourds  à  la 
voix  de  Dieu.Car  puis  que  la  lumière,  de 
la  gloire  divine  du  Saint  Efprit  a  été  fu- 
jetce  à  la  rifée  des  hommes  ;  ce  n  eft  pas 
chofe  étrange,  qu'ils  fe  moquent  de  nô- 
tre prédication ,  claire  à  la  vérité  ,  mais 
fimplc,  &;qui  na  rien  d'extraordinaire. 
Humilions  nous  devant  le  Seigneur,  Se 
adorons  fes  myftercs  avec  crainte  &: 
tremblement ,  de  peur  de  tomber  entre 
fes  mains,&:  d'éprouver  la  feveritè  de  fort 
jufte  jugement,  fi  nous  méprifons  les  lu- 
mières de  fa  mifcricorde.  Car  fa  colè- 
re ne  tarda  pas  long  temps  à  accabler 
ces  profanes.  Elle  changea  bien-toft 
siprqs,  leur  ris  en  pleurs ,  U  leurs  moque- 
ries^ 


y&r  Us  Apûtres.  Sermot^t  Itî.  57^ 
tics  en  angoifles  &  en  defefpoirs.  C  eft 
Une  des  traditiohs  desluifs^  que  leloit 
de  la  première  Pentecofte  à  la  monta- 
gne de  Sinai  il  fouffloit  un  mauvais  venr, 
cruel,&:  pcftilentieux,  qu'ils  nomment  lé 
brigand^  outécorcheur ,  *pour  exterminer 
tout  le  peuple  dlfracl,  s  il  euft  manqué  à  J^J^ 
recevoir  la  Loy  de  Dieu  avecque  re- 
fpcd.  Vn  vent  encore  plus  furieux,qu'ils 
n'imaginent  celui-là,  punit  leuringrati*- 
tude,  lors  qu'ils  eurent  méchamment 
méprisé  la  Penrecofte  de  Icfus,  le  feu  de 
Sion,la  Loy  de  rEfprit  de  vie»  Car  Dieu 
aiant  quelque  temps  attendu  leur  repan- 
(ance,  lafcha  enfin  fon  Ange  extesmi- 
nateur  contre  cette  race  moqueufe  de 
profane  ,  qui  la  ruina  de  fond  en  comble 
par  le  glaive^  par  la  pefte  &  la  famine,S^ 
détruilit  avecque  le  feu  cette  ville  &  ce 
Temple,  qui  avoient  été  les  tefmoins  de 
leur  fureur  {  Se  difperfa  aux  quatre  vents 
des  cieux  y  les  mal- heureux  reftes  de  ces 
impies ,  leur  tenant  le  pied  fur  la  gorge^ 
fans  qu'il  leurfoitpoflîble  de  fe  relever 
nulle  part.Et  pour  fe  vanger  notamment 
de  leur  profane  moquerie*  il  les  a  mis 
par  tout  en  opprobre.  Ces  moqueurs 
furent  bien-tott  après ,  &  ont  toujours 


57?     De  U  Defcente  du  S.  E  s  p  r  ï  t 
ctè  depuis,  &:  font  encore  aujourd'hui  la 
riie'e,  la  fable  &:  la  moquerie  de  toutes 
les  autres  nations    du  monde.     Chers 
Frères, fuïons  leur impietè,fi nous  avons 
horreur  de  leur  mal  heur. Prenons  garde, 
qu'il  ne  bourgeonne  parmi  nous  quelque 
racine  d'amertume,&:  de  profanciè  Re- 
cevons &  adorons  avec  un  profond  re- 
fped  les  grands  &  précieux  mvfteres  de 
rEfprit  du  SeJgneur.ReconnoilTons  dans 
les  difcours  de  fesminiflrcs  les  marques 
de  fa  gloire,qui  y  reluifent  fi  clairement. 
Ne  doutons  point  que  ce  ne  foit  fa  divi- 
nitè,qui  parle  U  agit  en  eux.    Car  d'où 
auroient-ils  appris  d'ailleurs,  que  de  lui, 
ces  langues  étrangères, que  toutes  les  na- 
tions du  monde  reconnoiffcnt  aujour- 
d'hui en  leurs  bouches    ?  Quelle  autre 
vertu  que  lafienne  peut  avoir  formé  en 
un  inftant  des  langues  fi  groflîeres,à  tant 
de  tons,  datant  de  voix  fi  différentes? 
Etqiiipeut  avoir  raflT^m'^-è   toutes    les 
langues  de  l'univers  dans  une  feule  bou- 
che; finon  celui-là  mcfme,  qui  avoir  au- 
tresfois  divise  l'unique  langue  du  gen- 
re humain  en  une  irfinicè  de  formes  dif- 
férentes? Quel  autre  Erprii,que  celui  de 
Pieu  peut  avoir  versé  tant  de  connoif- 

fancc 


fur  les 'Apôtres.  Sermon  IIL  57^ 
fance  &  de  lagcfTc  en  des  cœurs  fi  rudes? 
Ccrrainemenc  ce  dix  eft  fi  clairement 
atteftè  ôc  confirme  par  des  depofitions  fi 
authcnciques,  que  nul  ne  peut  douter  dç 
fa  vérité  fans  renoncer  au  fens  commun. 
Mais  outre  Tauthoritè  ôc  la  bonne  foy 
des  tefiiioins,qui  ns  nous  peuîb,  ni  ne 
nous  doit  eftre  fufpede  ,  nous  oions  en- 
core aujourd'hui  dans  l'Evangile  ces 
fnefmes  langues,  qui  prerchcrent jadis 
dans  lerufakm  ;  Nous  leur  entendons 
encore  raconter  aujourd'hui  les  magni- 
ficences de  Dieu.  La  feule  qualité  des 
choies  5  qu'elles  nous  difent,  montre 
^(Tezique  ceft  le  ciel ,  qui  les  a  inftruites. 
Comparez  leur  dodrine  avecque  la  plus 
belle,^:  la  plus  admirée  Philofophie5quc 
la  Grèce  ait  jamais  formée  dans  le  pro- 
fond loifirde  Tes  dodes  ,  ^  fubtiles  éco- 
lesiVous  verrez  que  toute  lafagrfledes 
hommes  n'efl:  qu'une  ombre^ô^  un  fonge 
au  prix  de  l'Evangile  de  ces  pauvres  peC- 
cheurs  de  Galilée.  C*eft  donc  fans  point 
de  doute  rEfprit  de  Dieu ,  qui  les  a  tou- 
chez ,&:  qui  par  l'impreiTion  de  fon  feu 
celcfte  les  a  reveftiidela  lumière  de  far 
veriiè  >  ô^  de  fa  fapience.  Cemefme 
Efprit  5  qui  avoic  autresfois  changé  un 
o  Q     ^         pauvre 


5S0  De  Ullefcente  du  S.  Esprit 
pauvre  banni  ^vi  Ltgiflateur,  un  petit 
berger  en  un  grand  Roy ,  un  bouvier ea 
un  Prophetc,efl  celui  qui  transforme  au-^ 
jourd'huy  le  cœur  &  la  langue  de  ce$ 
Galile'ens,  &qui  cy-aprcs  encore  leur 
ijoindra  un  Paul,de  loup  devenu  agneau, 
&  pour  mieux  dire ,  Pafteur,  auflî  ardent 
à  paiftre  le  troupeau,  qu*il  avoir  ctè  à  le 
ravager.  Ceftce  mefme  Efprit ,  Frères 
bien  aimez,  qui  du  Royaume  de  ténè- 
bres nous  a  tranfportez  en  la  merveiU 
leufe  lumière  de  l'Evangile ,  &  qui  d'eC- 
claves  de  Satan  nous  a  faits  enfans  de 
Dieu.  C'cft  lui  qui  nous  a  lavez  &  régé- 
nérez dans  les  eaux  de  nôtre  battefmei 
&r  c'eft  lui  encore  qui  nousarépeus  ôc 
abbreiivez  ce  marin  à  la  table  du  Sei» 
gneur  lefus  Nos  fignes  font  différents 
d'avec  ceux  ,  que  reccurent  alors  les 
Apôtres.  Mais  une  mefme  vertu  agit 
dans  les  uns  &  dans  le.^  autres.  Ets*ilya 
de  la  diverfitè  en  la  mefure  de  nos  dons, 
tant  y  a  quelamaffe  &:  lafubftance  en 
eft  mefme.  Puis  que  nous  avons  receu 
une  mefme  grâce  ,  ménageons-la  avec 
là  mefme  diligence.  Ce  divin  feu  chan- 
gea les  Apôtres ,  &  les  fit  devenir  tout 
î»uues,qu'ils  n  ç  toient  auparavant.  Avant 


fi(Y  les  ApeMs.  Stv-Mov  111.    jSi 
cela  ils  s'atnufoient  àlapefchc,  i  leurs 
filets,  &  à  leur  lac  deTiberiasi  Avant 
cela  ils  fongcoient  je  ne  fçai  quel  ima- 
ginaire Royaume  d'un  Ifraëlraondain.SC 
fe  rcpaiffoient  de  ces  chimères.  Depuis 
<juc  le  feu  de  lefus  fut  tombé  fur  eux,  ils 
oublient  toutes  ces  refveriesîils  laiffent- 
Talcs  ombres  baffes  &  legeres.IIs  ne  pen- 
fcnt  plus  qu'au  ciel  ;  Si  ne  parler  plus  que 
de  lui.  Les  magnificences  de  Dieu  rem- 
pliffcnt  leur  cœur,&  leur  bouche.  Fidc- 
Ics.que  ce  bié  heureux  jour  voie  auffi  ua 
pareil  changement  en  nous  ;  Que  ce  feu 
de  l'Efprit,  que  nous  avons  rcceu  dans  la 
parolc,&  dans  le  Sacrement.purifie  auffi 
nos  cœurs  &  nos  langues  ;  &  y  confume 
par  fa  divine  vertu  toutes  nos  vieilles 
refveriesilcs  imaginationsjes  affeaions, 
&  les  paroles  de  lâchait  &  du  fang.  Ou- 
blions nos  filcts,&  nos  lacs,&  tenôceons 
aux  efperances  decemiferablcmondc, 
qui  ne  fait  que  paffer.  Que  ces  cœurs,8£ 
ces  bouches,qui  ont  fi  longtemps  fervi  le 
vice  &  la  vanité,  deviennent  déformais 
les  organes  de  l'Efprir  de  Dieu.C'eft  affez 
rampé  dans  les  baffcffes  des  homes  &dc 
leur  terre.  Ame  Chre'tienncpenftz  de- 
forpiais  aux  chofes  magnifiques  de  Pieu, 
99     ^  Apre? 


J81  m  la  Defcente  du  S.  Es  prit 
Apres  en  avoir  veu  la  gloire, après  ce  que 
lefusChnft  vous  en  a  montré  en  fa  refur- 
reâ:ion,&  en  fon  afccnlîon  i  après  les  lu- 
mières dcfon  Efpritjpouvez  vous  encore 
foiiillf^rcn  la  tcrre,5d  admirer  ou  fa  craf- 
fe  &  {c^  e^cremens,  ou  fes  noires  &:  m- 
conftantes  vapeurs  ?  Pcnfezpluftoftace 
ciel,  où  eft  entre  lefus  Chrift  ,  &:  d  où  il 
a  répandu  tant  de  merveilles  dans  le 
monde ,  &:  où  il  nous  garde  la  gloire  &: 
l'immortalité.  Ayez-le  toujours  devant 
les  yeux,  le  Chrift  qui  y  regne,&:  les  An- 
ges ,  qui  l'y  fervent ,  &:  les  Samts  qui  y 
triomphent,&  I  éternité  qui  y  fleurit;  &: 
vous  fouvenez ,  que  fi  quelqu'un  eft  en 
Chrift,  il  doit  eftre  nouvelle  créature, 
puis  que  les  chofes  vieilles  fontpafTées, 
&r  que  toutes  chofes  ont  été  faites  nou- 
velles. A  celui  qui  les  a  miraculeufement 
renouvellées  par  le  fang  de  fon  Fils,  ôd: 
par  le  feu  de  fon  Efprit ,  vrai  Dieu  bcnic 
éternellement  avec  eux  ,  foit  toute 
gloire  &  louange  aux  ficelés  desfieclesr 
Amen. 

UN. 


ERRATA.     * 

m. 

Ligne, 

Lifez 

78. 

6.a.f. 

parole 
l'a  prédit 

l^ 

l'U 

^9- 

8. 

font  très 

4?. 

ÏI. 

perdront 

<4. 

M. 

loûtenir  fa  colère 

93 

II.  11^^./ 

préparent 

log. 

5.«./ 

plus  lesfens 

aiio. 

ir. 

par  laquelle 
luffiTOit  pas  a 

^39-. 

/e«. 

344- 

10,      . 

înintcUigitles 

43  J. 

2. 

état  de  fa  naiure 

55S. 

8. -t./. 

defe 

\ 


/ 


V