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Full text of "S.I.M.; revue musicale .."

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in  2010  with  funding  from 

Univers ity  of  Toronto 


http://www.archive.org/details/simrevuemusicale191062pari 


!•  Année. 


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N°  7. 


15  Juillet 


REVUE    MUSICALE    MENSUELL 

publiée  par  la  Société  Internationale  de  Musique  (Section  de  Paris) 


BULLETIN  DE  LA  SOCIÉTÉ  FRANÇAISE  DES  AMIS  DE  LA  MUSIQUE. 
3^otre  Festival  de  Musique  Française  à  JUCunich.  —  Souscription  au  Monument  Wagner. 

-ES  DÉBUTS  DE  BALAKIREV,  par  N.  Findeisen.  ^  LES  PLAGIATS  DE  HAENDEL,  par  Romain  Rolland. 
#  LES    RICHESSES    MODALES    DE    LA    MUSIQUE  BRETONNE,  par  Maurice  Duhamel.  ^    LA 
DAMNATION  DE  FAUST  ET  LA  PRESSE  EN  1846,  par  Adolphe  Boschot.  ^  Lettre  de  Naples.  ^  LA 
CRITIQUE  MUSICALE  AU  TEMPS  PRÉSENT,  par  L.  Dauriac  ^  LES  LIVRES.  ^  L'ACTUALITÉ 


RÉDACTION  : 
2,  RUE  ST.  AUGUSTIN 


Librairie  CH.  DELAGRAVE 


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Le  numéro  : 
FranceetBelgiq.  1fp.50lf 
Un  an     —  ISffc^ 


SOCIÉTÉ  FRANÇAISE  DES 

AMIS   T>E   LA    MUSIQUE 


COMITE    D'HONNEUR 

M.  le  Président  de  la  République. 

M.  le  Ministre  de  V  Instruction  Publique  et  des  Beaux- Arts. 

M.  le  Sous-Secrétaire  d'Etat  aux  Beaux-Arts. 

M.    Gabriel  FAURE,    Directeur   du    Conservatoire. 

M.  Henry  MARCEL,  ancien  Directeur  des  Beaux- Arts  y  Administrateur  génère 

de  la  Bibliothèque  Nationale. 

CONSEIL    D'ADMINISTRATION 
BUREAU 


PRESIDENT 

M.  LE  COMTE    Gaston    Chandon    de 
Briailles. 

VICE-PRésiDENTS 
M.LE  PRINCE  A.  d'ArENBERG,*/^ /'/«J///«/. 

M.  Louis  Barthou,  député^  ministre  de 

la  justice. 
M.  Gustave  Berly,  banquier. 
M.  Adolphe  Brisson,  homme  de  lettres. 


trésorier 
M.  Léo  Sachs. 

directeur  artistique 
M.  Gustave  Bret. 

SECRÉTAIRE    GÉnÉRAL 

M.  J.  EcoRCHEViLLE,  docteur   ès-lettres. 

SECRÉTAIRE    DU    CONSEIL 

M.  J.  Pasquier. 


MEMBRES    DU    CONSEIL 


M"'"  Alexandre  André. 

M™^  LA  comtesse  René  de  Béarn. 

M.  André  Bénac,  directeur  général  hono- 
raire au  ministère  des  finances. 

M.  LÉON  Bourgeois,  sénateur,  ancien 
ministre. 

M.  Franz  Custot. 

M"***  Michel  Ephrussi. 

M.  Georges  Gaiffe. 

M.  Fernand  Halphen. 

M™°    LA    VICOMTESSE    d'HaRCOURT. 
M"''   LA  COMTESSE   d'HaUSSONVILLE. 

M.  Jean  Weber, 


M.  Louis  Havet,  de  P Institut, professeur 

au  Collège  de  France. 
M™®  Daniel  Hermann. 
M"*''  Henry  Hottinguer. 
M""*^  Georges  Kinen. 

M"''  LA  COMTESSE  PaUL    DE  PoURTALÉS. 

M"""  Théodore  Reinach. 

M.  Romain  Rolland,  professeur  à  la 

Faculté  des  Lettres  de  Paris. 
M.  Louis  Schopfer. 
M""  Séligmann-Lui. 
M""^  Ternaux-Compans. 
agrégé  de  V  Université. 


LA  SEMAINE  DE  MUSIQUE  FRANÇAISE 

A  MUNICH 


Pour  la  première  fois  depuis  bien  des  années^  la  musique  française  va  être  reçue 
officiellement  en  Allemagne.  Les  trois  grandes  journées  musicales  organisées  par  la  Société 
Française  des  Amis  de  la  musique^  à  l'Exposition  de  Munich  en  septembre  prochain, 
compteront  dans  l'histoire  de  notre  art  national  comme  un  événement,  ha  présence  réelle  et 
le  concours  de  maîtres  éminents,  tels  que  M.  M.  Saint  Saè'ns,  Fauré,  Dukas  et  PFidor, 
r empressement  des  Princes  de  la  maison  de  Bavière,  et  de  toutes  les  sommités  officielles  de 
Munich  à  recevoir  royalement  les  Mtes  français,  V affiuence  des  membres  de  notre  société  à 
cette  manifestation,  tout  nous  laisse  prévoir  le  succès  complet  du  projet  que  nous  avons 
annoncé  déjà  dans  notre  bulletin  de  juin,  et  dont  nons  allons  donner  le  programme  plus 
précis. 

Samedi  17  septembre:  Réception  par  la  Municipalité. 
Le  soir  :  Représentation  de  Gala  au  Prinzregententheater. 

Béatrice  et  Bénédict  ......         Berlioz, 

Dimanche  18.  Matin  :  Promenade  à  Munich  ;  visite  des  Musées. 

A^h.  et  demie  du  soir,  LES  BÉATITUDES     .         .  César  Frank. 

Sous  la  direction  de  M.  G.  Bret. 

Lundi  19.  A  ïi  h.  et  demie:  CONCERT  DE  MUSIQUE 

DE  CHAMBRE. 
2*  Sonate  pour  Piano  et  Violoncelle       ....         Saint  Saëns. 

L'Auteur  et  M.  Maas. 
Mélodies         ........         Duparc  et  Chausson. 

M"^  Rose  Féart. 
2*  Trio  .         .         .         .         .         .         .         .         .         Saint  Saëns. 

M.  M.  Saint  Saëns,  Heyde  et  Maas. 


11 


LES  AMIS  DE  LA  MUSIQUE 


Pièces  pour  le  Clavecin 


M"^^  Landowska. 
Septuor  . 


Rigaudon  et  Tambourin    . 
Le  Rossignol  en  amour 
Les  Viéleux  et  les  Gueux  . 
Les  Jongleurs,  Sauteurs,  etc. 


Rameau. 
Fr.  Couperin. 


A  8  h.  et  demie  du  soir:  COISICERT  D'ORCHESTRE. 

Symphonie  avec  Orgue       ...... 

Sous  la  direction  de  F  Auteur. 
Grand  Orgue  :  M.  Ch.  Widor. 

Symphonie       ........ 

Sous  la  direction  de  M.  Rhené  Bâton. 

Symphonie  sur  un  Thème  montagnard  .... 
Sous  la  direction  de  M.  Rhené  Bâton. 


Saint  Sa'éns. 
Saint  Saëns. 

César  Franck. 

Vincent  dindy. 


Mardi  20.  An  h.  et  demie.  DEUXIEME  CONCERT  DE 
MUSIQUE  DE  CHAMBRE. 

Sonate  pour  piano  et  violon  .....  G.  Faurè. 

Trois  mélodies ........  G.  Faurè. 

a)  Au  bord  de  Veau. 

b)  Les  berceaux. 

c)  Les  roses  d' Ispahan. 
M"^  Rose  Féart. 

Pièces  de  Piano         .......  X. 

M.  Alfred  Cortot. 

Trois  mélodies ........  G.  Faurè. 

a)  Le  parfum  impérissable. 

b)  Mandoline. 

c)  Soir, 

M"°  Rose  Féart. 
Pièces  Polyphoniques.  Œuvres  du  XVI^  siècle. 
La  Madrigal  Vcrcinigung. 

Deuxième  Quatuor  .......         G.  Faurè. 


LES  AMIS  DE  LA  MUSIQUE 

A%h.et  demie  du  soir:  2"  CONCERT  D'ORCHESTRE. 


111 


Rhapsodie  Norwègienne 

Sous  la  direction  de  M..  Rhené  Bâton. 

Sinfonia  Sacra.         .... 
Sous  la  direction  de  Fauteur. 

Requiem  ..... 

Sous  la  direction  de  V auteur. 

Nocturnes         ..... 
Sous  la  direction  de  M..  Rhené  Bâton. 

L! Apprenti  Sorcier   .... 
Sous  la  direction  de  V  auteur. 


E.  halo. 
Widor. 
G.  Fauré. 
Debussy. 
P.  Dukas. 


Mercredi  21,  Matin,  Visite  de  P  Exposition. 

Le  soir  :  Représentation  de  Gala  au  Prinzregententheater. 

Benvenuto  Cellini      ......         Berlioz. 

Jeudi  22.  Excursion  au  lac  de  Starnherg. 

Le  soir  :  Représentation  d'un  Opéra  de  Wagner. 


Comme  on  le  voit,  ce  programme  n  est  pas  encore  arrêté  dans  tous  ses  détails,  mais  il 
y  manque  fort  peu  de  choses.  La  liste  des  deux  Comités  d'honneur  Allemand  et  Français 
sera  publiée  ultérieurement. 

Pour  tout  ce  qui  concerne  les  places  des  billets,  nos  Amis  pourront  s  adresser  : 

A  Paris  :  a  la  Société  Musicale,  G.  Astruc  et  O"  32,  rue  Louis-le-Grand.  (Pavillon 
de  Hanovre). 

A  Munich  :  Soit  au  Bureau  des  Fêtes  de  l'Exposition,  38,  Theatinerstrasse,  soit 
à  l'Office  des  Voyages  Schenker  et  C%  16,  Promenadeplatz. 

La  O^  Cook,  place  de  V  Opéra,  a  bien  voulu,  en  présence  de  cette  manifestation  de 
r  art  Français  a  V  étranger,  organiser  personnellement  un  voyage  d'une  semaine  a  Munich, 
qui  coïncidera  avec  ces  fêtes  et  s'effectuera  a  prix  très  réduits. 

Tous  ceux  de  nos  Amis  qui  en  feront  la  demande,  seront  tenus  au  courant  et  renseignés. 
Nous  leur  donnons  rendez-vous  à  Munich,  ou  nous  espérons  les  voir  en  aussi  grand 
nombre  que  possible. 


IV 


LES  AMIS  DE  LA  MUSIQUE 


MONUMENT  WAGNER 


Le  Comité  formé  pour  élever  une  Stèle  a  Richard  Wagner  au  Palais  Vendramin 
à  Venise,  a  reçu  une  lettre  fort  obligeante  de  M.  Siegfried  Wagner,  en  son  nom  et  au  nom 
de  Wahnfried,  adressée  h  M"""  la  Comtesse  Seilern. 

Nous  n  avons  pas  encore  le  résultat  de  la  souscription  ouverte  par  la  Société  Interna- 
tionale de  Musique,  mais  nous  sommes  heureux  de  publier  dès  maintenant  la  première  liste 
de  souscription  qui  nous  est  parvenue,  et  nous  espérons  bien  que  le  léger  effort  a  accomplir 
encore  ne  fera  pas  reculer  l'enthousiasme  des  Wagnériens. 


M.  P.  A.  Cheramy 

M.  L.  Tauber 

M.  F.  Custot 

M.  Lehmann 

M.  H.  Sternberg 

M.  E.  Marx 

M.  J.  Schloss 

M.  S.  Debenham 

M.  E.  Stem 

M.  Léo  Sachs 

M.  Max  Rikoff 

M.  Feld-Degen 

M.  R.  Esnault-Pelterie 

M.  Schumann 

M.  Dr  Michel 

MM.  L.  y  O.  Guttman 

M"^  Emma  Schrœder 

M"*'  la  Baronne  Franchetti 

M""*  la  Comtesse  Seilern 

M'""  Chenu 

M.  Th.  Dubois 

M"""  Pleyel,  Wolff,  Lyon  &  C' 

M.  Camille  Chevillard 


Paris 

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M.  Prègre 

M'^^  la  Baronne  Biedermann 

M.  M.  Cohn 

M.  R.  Winterberg 

M.  Hatvany  Deutsch 

M.  M.  Schlesinger 

M°'"  Schlesinger 

M.  L.  Métal 

M.  P.  Sonnenschein 

M.  Henri  Koenigswarther 

M.  ^  M"""  Hugo  Nathan 

M.  du  Chastin 

M'''  du  Chastin 

M.  M.  Grotrian 

M.  Louis  Bonfiglio 

M""  la  Comtesse  Sormani 

M"^"  la  Comtesse  Albrizzi 

M.  M.  Manrener 

M"""  Fontaine 

M"°  Michelsen  ( 


Total  de  la  première  liste. . .     fr.    1.995 


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Francfort 

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Brunswick 

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Venise 

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PROJET  DU  MONUMENT  WAGNER  AU  PALAIS  VENDRAMIN 

PAR  Ettore  GADORIES. 


LES   DEBUTS 

„=   DE   =— ^^ 

BALAKIREV 


Le  Maître  de  l'école  Russe  moderne,  le  chef  des  Cinq^  Mili  Balakirev  vient  de 
s'éteindre.  Toutes  les  gazettes  ont  publié  sa  biographie,  mais  ce  qu'on  ne  saurait  trop 
répéter,  c'est  que  l'exemple  de  Balakirev  et  de  son  école  est  un  argument  frappant  en  faveur 
de  la  liberté  de  l'art  musical.  La  crainte  de  l'opinion,  la  pusillanimité  qui  ont  fait  tant  de 
tort  à  notre  musique  française  du  XIX®  siècle,  ont  trouvé  dans  ces  quelques  audacieux  des 
ennemis  déclarés.  Nous  sommes  heureux  de  pouvoir  publier  ici  quelques  documents  inédits 
sur  la  jeunesse  du  Maître. 


Le  sort  ne  s'est  guère  montré  favorable  à  l'égard  des  grands 
compositeurs  russes  ;  aucun  d'eux  n'a  eu,  de  son  vivant,  sa  biographie 
imprimée.  Il  en  a  été  de  même  pour  l'auteur  défunt  d'  "  Istamée  et 
Pamaré  "  si  l'on  excepte  une  petite  notice  biographique  qui  a  paru  dans 
les  journaux  russes  il  y  a  quelques  i  5  ans.  Or,  cette  absence  de  détails 
biographiques,  dûment  contrôlés,  prive  l'historien  de  la  possibilité  de 
préciser  et  de  commenter  la  vie  d'un  compositeur.  En  ce  qui  concerne, 
plus  particulièrement,  M.  Balakirev,  les  détails  de  sa  vie,  aussi  bien 
privée  que  musicale,  ont  grand  besoin  d'être  commentés  d'une  façon 
fort  précise,  car  il  fut,  pour  ainsi  dire,  le  point  de  départ  et  d'appui  de 
toute  une  école  musicale  russe,  une  école  qui,  tout  en  continuant  les 
traditions  de  Giinka  et  Dargomijsky  a  posé,  chez  nous,  les  principes  du 
nationalisme  artistique  et  les  bases  de  la  libre  esthétique. 

Si,  cependant,  jusqu'à  présent,  nous  ne  possédons  point  de  biographie 
de  Balakirev,  plus  ou  moins  vérifiée  par  le  compositeur  lui-même,  il 
convient  de  procéder,  dès  maintenant,  à  la  réunion  et  la  publication 
des  documents  sûrs,  afin  de  mettre  les  musicographes  de  l'avenir  à  l'abri 


4i6  S.    I.    M. 

de  toutes  sortes  de  racontars  et  même  "  faits  ",  qui,  ne  font  que  com- 
pliquer et  embrouiller  la  tâche  et  donnent  d'ailleurs  un  tableau  absolument 
faux  de  la  vie  du  musicien. 

La  notice  présente  est  basée  sur  des  lettres  originales  de  Balakirev 
adressées  à  l'auteur  de  ces  lignes,  ainsi  que  sur  quelques  manuscrits,  remis 
par  feu  Wladimir  Stassow  à  la  Bibliotèque  Impériale  de  St.  Pétersbourg. 
Les  faits  mentionnés  ci-dessous  peuvent  donc  être  considérés  comme 
absolument  authentiques. 

Balakirev  m'écrivait,  un  jour,  (le  i6  mars  1907)  :  Je  n'ai  qu'un 
souvenir  fort  vague  de  mon  développement  musical  à  l'époque  de  mon 
enfance.  Autant  que  je  me  rappelle,  dès  l'âge  de  huit  ans,  je  ne  quittais 
guère  mon  piano,  cherchant  à  jouer  la  musique  que  j'avais  entendue 
quelque  part.  Je  me  souviens  fort  bien  avoir  eu,  dès  mon  enfance,  le 
sentiment  du  son  très  développé,  car  étant  en  visite  chez  M.  Wasili 
Yacherov,  mon  oncle,  je  me  rendais  compte  que  son  piano  était  accordé 
un  ton  plus  bas  que  le  nôtre.  Dans  une  autre  lettre  (12  mars  1907) 
"  Balakirev  répétait  l'opinion  très  répandue  laquelle,  qui  faisait  de  lui  un 
élève  d'Antoine  Koutski:"  Cela  est  faux,  écrivait-il.  Je  n'ai  eu,  comme 
professeurs,  que  ma  mère,  ensuite  le  maître  bien  connu  Alexandre 
Iwanovvich  Dubuc,  '  chez  qui  j'ai  pris  dix  leçons  pendant  mes  vacances 
et,  finalement,  Charles  Eisrich.  Après,  étant  déjà  à  Kasan,  j'ai,  sans  doute, 
profité  du  passage,  dans  cette  ville  de  deux  artistes.  :  Seymour  Chif  et 
ensuite  Antoine  Koutski  ;  le  premier,  au  point  de  vue  musical,  en  général, 
le  second  en  tant  que  pianiste,  plus  particulièrement.  Ayant  appris  que 
M.  Kontski  avait,  comme  moi-même  l'intention  de  se  fixer  à  St.  Péters- 
bourg, j'étais  décidé  à  devenir  son  élève,  mais  ses  idées  artistiques  m'ont 
fait  revenir  sur  ma  décision,  et  nos  rapports  ne  dépassèrent  point  les 
limites  d'une  simple  relation. 

Donc  lors  de  son  arrivée  à  St.  Pétersbourg  (en  hiver  1H55),  où 
Balakirev  se  révéla  comme  un  pianiste  et  professeur  accompli,  le  futur 
fondateur  de  l'école  russe  moderne,  n'avait  eu  comme  maîtres  que  deux 
professionnels,  savoir  Dubuc  et  Eisrich.  Celui-ci  a,  sans  doute,  joué  un 
rôle  plus  important  que  Dubuc,  dans  la  vie  de  Balakirev.  La  preuve  en 
est  fournie  que  la  première  œuvre  importante  de  Balakirev  a  été  dédiée  à 
Eisrich.  Le  manuscrit  original  de  cette  œuvre  juvénile  est  conservé,  dans 

'  Alexandre   Dubuc    (1812-1897),   élève   de    Field,    auteur   de    la    "Technique   du   jeu   de   piano"  très 
populaire  à  cette  époque-là. 


LES   DÉBUTS   DE    BALAKIREV  417 

la  Bibliothèque  Impériale  Publique  et  porte  l'inscription  suivante  :  ^ 
"  Grande  fantaisie  sur  airs  nationaux  russes  pour  le  pianryforie  avec  accompa- 
gnement d'' orchestre  composée  et  dédiée  a  son  maître  ^Monsieur  Char /es  Eisrich 
par  éMily  T^alakirev  op  4.  "  La  date  porte  :  "  1852,  12  Décembre  ". 

Il  convient  d'ajouter  qu'en  dehors  de  deux  autres  manuscrits  bien 
connus  de  Balakirev  {octuor  pour  piano  ç,X  fantaisie  sur  le  trio  de  ]a  "  Vie 
pour  le  Tzar",  devenue  par  la  suite,  variations  pour  piano  seul),  on 
conserve,  dans  une  bibliothèque  de  Moscou,  le  manuscrit  d'un  ^^  Sextuor''' 
pour  piano,  œuvre  juvénile,  complètement  inconnue. 

Bientôt  après  son  arrivée  à  St.  Pétersbourg,  Mily  Alexandrowitch, 
joua  en  public,  à  deux  reprises,  et  avec  un  incontestable  succès,  savoir  : 
le  12  février  1856  au  "  Concert  'Universitaire^'''  où,  sous  la  direction  de 
Charles  Schubert,  fit  connaître  son  concert,  et  le  22  mars  même  année, 
dans  une  matinée  consacrée  à  ses  œuvres,  dont  programme  comportait, 
entre  autres  V  ^'  Allegro  de  l'Octuor '\  le  ^''Nocturne  et  le  Scherzo''  ainsi 
que  la  Grande  fantaisie  de  l'opéra  "  La  Vie  pour  le  Tzar.  Enfin,"  l'année 
suivante,  première  audition  publique  d'une  œuvre  symphonique  ^^l'Ou- 
verture" (inédite  jusqu'à  ce  jour),  jouée  au  "Concert  Universitaire", 
(8  décembre  1857). 

Tels  furent  les  débuts  du  jeune  compositeur  à  St.  Pétersbourg. 
Cependant  ils  n'eurent  guère  d'influence  décisive  sur  l'avenir  musical  de 
Balakirev.  De  beaucoup  plus  importante  aura  été  pour  lui  son  amitié 
avec  Glinka,  celui-ci  ayant  distingué  le  génie  musical  du  jeune  composi- 
teur russe.  Dans  les  mémoires,  inédits  jusqu'à  présent  de  la  sœur  du 
grand  compositeur  de  "  Roustan  ",  M'"''  Ludmila.'  Chestakowa,  nous 
trouvons  quelques  détails  intéressants  sur  la  première  rencontre  des  deux 
maîtres.  Je  les  emprunte  à  la  copie  d'un  manuscrit  de  M°^^  Chestakowa 
que  je  possède  :  "  Vers  la  fin  de  l'année  1855,  M.  Oulybychev,  l'auteur 
bien  connu  de  la  "  Nouvelle  biographie  de  Mozart  "  est  venu  rendre 
visite  à  mon  frère,  accompagné  de  M.  A.  Balakirev,  qu'il  présenta  comme 
un  bon  pianiste,  ayant  une  prédilection  pour  la  musique  sérieuse.  Glinka 
demanda  à  Balakirev  de  lui  jouer  quelque  chose  ;  celui-ci  exécuta  sa 
transcription  du  trio  de  la  "  Vie  pour  le  Tzar  ".  Mon  frère  écoutait  avec 
beaucoup  d'attention  et  ensuite  ils  causèrent  tous  deux  pendant  longtemps 
musique.  Au  moment  de  se  séparer,  Glinka  pria  Balakirev  de  venir  le 
voir  souvent   et   exprima    le    regret  que   celui-ci    ne    fut   pas   arrivé   à 

*  En  français. 


4i8 


S.    I.    M. 


St.  Pétersbourg  plutôt.  Il  ajouta  qu'au  printemps  il  partirait  pour  Berlin, 
afin  d'étudier  le  plain-chant  chez  Dehn.  A  moi,  il  me  dit  qu'il  considérait 
Balakirev  comme  un  musicien  de  grande  valeur  ".  On  sait  que  Glinka 
donna  à  Balakirev  le  thème,  qu'il  avait  apporté  d'Espagne,  de  la 
'-^  fEMarche  nationale  espagnole'\  thème,  qui  servit  ensuite  à  Balakirev  de 
base  pour  son  Ouverture.  Encore  plus  curieux  est  le  désir  exprimé  par 
Glinka  de  voir  précisément  Balakirev  veiller  à  l'éducation  musicale  de  sa 
nièce  et  filleule  Olga  Chestakowa.  "  Donne-moi  ta  parole,  écrivait-il  à 
M"*  Chestakov^a,  que  tu  ne  permettras  à  personne,  sauf  à  Balakirev,  de 
s'occuper  de  l'éducation  musicale  de  la  petite.  Lui  seul  a  des  idées  si 
voisines  des  miennes  en  tout  ce  qui  concerne  la  musique.  Tu  peux  lui 
confier  Olga  et  sois  sûre  qu'il  suivra  les  traces  de  ton  frère  ;  ce  sera,  avec 
le  temps,  le  second  Glinka  ". 

Cette  prédiction  s'est  réalisée.  Dix  années  s'étaient  à  peine  écoulées, 
que  Balakirev  se  trouva  à  la  tête  de  l'école  russe  moderne,  dont  il  aura 
été  le  fondateur.  Et  pourtant  le  grand  musicien  russe  a  failli  finir  ses 
jours  dans  la  solitude,  où  il  commença  sa  carrière  musicale.  Faut-il  le 
dire:  son  dernier  concert,  qui  avait  été  fixé  au  i8  février  1909  (Balakirev 
devait  y  diriger  son  ouverture  Le  Roi  Lear)  ne  put  avoir  lieu  ;  la  vente 
de  billets  ayant  été  presque  nulle  !  N'est-ce  pas  une  preuve  de  plus  de 
l'ingratitude  incorrigible  du  public  .? 

Nicolas  Findeisen. 


LES  "  PLAGIATS  "  DE   HAENDEL  ' 


Nul  exemple  plus  frappant  de  la  façon  dont  Haendel  transfigure  ce 
qu'il  imite,  que  le  fameux  chœur  de  la  grêle,  dans  Israël  en  Egypte  : 

"  Et  la  grêle  tomba^  la  grêle  mêlée  de  feu,  elle  se  rua  en  torrents  sur 
PEgypte.  " 

Voilà  une  des  pages  les  plus  célèbres  qui  soient,  au  monde,  la 
peinture  grandiose  et  simple  d'un  cataclysme  effrayant.  Les  versets 
qu'elle  traduit  sont  des  plus  impressionnants  de  l'Exode  ;  et  on  sait  que 
Haendel  en  était  pénétré.  C'est,  comme  on  l'a  dit,  une  montagne  en 
musique  ;  la  puissance  d'effet  n'en  a  d'égale  que  la  simplicité  des 
moyens.  Eh  bien,  ce  monument  colossal  est  presque  tout  emprunté  à  la 
Sinfonia  d'ouverture  de  la  Serenata  de  Stradella,  et,  pour  quelques  mesures, 
au  chant  bouffe  de  la  basse  :  Piu  seguir  non  voglio  piu.  Lisez  les  deux 
textes  :  ils  sont  presque  identiques.  Et  pourtant,  il  n'y  a  rien  de  pareil, 
dans  l'esprit.  Rien.  C'est  une  chose  singulière.  Dans  Stradella,  des  instru- 
ments qui  s'accordent,  en  badinant.  Dans  Haendel,  une  trombe  qui  passe. 

'  Voir  S.I.M.  du  15  mai. 


420 


s.   I.   M. 


Stradella:  sinfonia  d'ouverture  de  la  SERENATA 


Eœ.S      CONCERTIKO 


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HAENDEL 


£x^  SMÎte 


Haendel:  chœur  de  la  grêle 

Allegro      0»>o*  Viol. 


Org.soto 


Tutti 


421 


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SOPR.ALT.  TENOR 


CHCEUR  I 


Ha   -    Kel       «tatt        Re  -    gen    fiel  her  -  ab 

EntTve  du  2?  Chœur 


C'est  ici  que  l'on  voit  comme  quelques  changements  imperceptibles 
peuvent  modifier  le  tableau  tout  entier.  Chez  Stradella,  le  mouvement 
est  interrompu,  rompu  ;   il  s'arrête,  puis  recommence  sur  de  nouveaux 


422 


S.   I.   M. 


frais.  Une  fois  commencé  chez  Haendel,  il  ne  s'arrête  plus,  même  la  valeur 
d'un  demi-temps  :  c'est  l'implacable  choc  des  grêlons  qui  tombent,  sans 
qu'il  y  ait  un  seul  vide  dans  cette  masse  serrée.  Evidemment,  Haendel  a  été 
attiré,  dans  l'original  de  Stradella,  par  le  dessin  des  deux  mouvements 
contraires  dans  la  basse  et  dans  le  reste  de  l'orchestre,  qui  se  heurtent.  Mais 
à  ce  heurt  il  donne  un  bien  autre  accent:  les  notes,  piquées  chez  Stradella, 
sont  écrasées  chez  lui.  Et  l'instant  où  Stradella  interrompt  son  mouvement 
est  justement  celui  où  Haendel  en  redouble  la  violence,  où  toutes  les 
cataractes  de  l'orchestre  s'écroulent  sur  la  terre.  Et  de  même,  toutes  les 
fois  qu'il  reprend  le  dessin  de  Stradella,  non  seulement  il  donne  çà  et  là 
un  coup  de  pouce  au  modelé  de  tel  accord,  pour  rendre  l'harmonie  plus 
rude,  pour  accentuer  le  choc,  mais  il  ajoute  au  bon  endroit  une  mesure 
ou  deux,  qui  fouettent  la  chevauchée,  qui  la  font  monter  plus  haut,  qui 
lui  donnent  une  violence  à  laquelle  Stradella  n'avait  guère  pensé.  — 
Enfin,  tout  ce  furieux  courant  aboutit  au  fleuve  des  deux  chœurs  colossaux 
qui  se  répondent  avec  une  exactitude,  une  impassibilité  implacable. 


Haendel;  CHŒDR  de  la  grêle  (suite) 


j 


Ejo  4     CMcerm  I 


CHOïtrRlI 


Tutu  kassi  <.-  l'urKano  y 


HAENDEL 


423 


TTHl- 


FeuV  un  -  term  Ha  -  gel 


her, 


lier, 


î-N-jid^^ 


424 


FcuV  un  •  term  Ha  -  geJ 


^ 


S.   I.   M. 


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her  , 


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Feu'r  un  -  term   Ha  •   gel  her , 


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Re     -     gun        fifel  hir  - 


^ 


2: 


1.  n}f 

Ptur  uD  •  term   Ha     gtl 


-^MMM^ 


Re     •     gen       fiel  her  -    u.b  ; 


FeaV  un  •  term    Ha  ■  gel 


^=m^u¥f±]jjj^ 


On  avouera  que  s'il  y  a  emprunt,  l'emprunt  témoigne  de  plus  de 
génie  que  le  modèle. 

Je  dis  :  "  s'il  y  a  emprunt  ;  "  car  le  plus  étonnant  n'est  pas  que 
Haendel  ait  repris  et  transformé  une  Sinfonia  de  Stradella,  pour  un  chœur 
à' Israël,  mais  que,  dans  ce  même  chœur,  d'autres  mesures  soient  calquées 
sur  des  fragments  d'autres  chants  de  la  même  Serenata  de  Stradella.  Par 
exemple,  ce  motif  saisissant  peint  l'éclair  qui  déchire  le  nuage  et  qui 
tombe. 


Haendel:  CHŒUR  DE  LA  grêle  (suite) 


Eai.5 


Orgur.o 


HAENDEL 


425 


Or,  il  est  à  peu  près  identique  à  cette  phrase  de  Tair  bouffe  de  la 
basse  :  '^iu  seguir  non  Ipoglio  più  : 

Stradella.  air  de  la  basse  de  la  SERENATA 


^r^i  f  pf7^^#^ 


sfn  ta.  l'ar     -      mi'  del-lo  sde  -  gno 


Et  la  phrase  claironnante  de  Haendel  :  Feur  unterm  Hagei  her  sttirzt 
in  Stromen  aiif  das  Land  : 

Haendel:  CHŒUR  DE  La  Grêle  («uiie) 


Ex.  7 


her. 


sturzt  in  Strcimeii  auf  das     Land 


est  issue  de  la  phrase  du  premier  violon,   qui  prélude  au  même  air 
de  Stradella. 

Stradella  (idj 


Bx,8 


Comment  est-il  possible  que  Haendel,  au  milieu  du  tourbillon  de  ce 
chœur  furieux,  ait  été  froidement  chercher,  à  travers  toutes  les  pages  d'une 
Serenata  étrangère,  deux  mesures  ici,  deux  mesures  là,  pour  les  intercaler 
dans  son  ouragan  ?  Et  que  ces  mesures  intercalées  se  soient  trouvées  si 
prodigieusement  à  leur  place,  dans  cette  nouvelle  place  ?  Il  fallait  donc 
que  Haendel  eût  l'œuvre  de  Stradella  non  seulement  sous  les  yeux,  mais  dans 
le  sang  !  Il  fallait  qu'elle  fût  devenue  sienne. 

Mais  poursuivons  notre  examen,  avant  de  tirer  une  conclusion  : 
Le  fameux  chœur  n°  i  o  :   "  Mais  avec  son  peuple^  Il  est  comme  un 
pâtre  "  fait  un  lumineux  constraste  avec  les  sombres  peintures  qui  pré- 
cèdent :  l'orage,  les  ténèbres   (chœur  8  :    £r  sandte  dicke  Finsterniss),  et 


426 


s.   1.   M. 


cette  fugue  chorale  (£r  schlug  aile  Erstgehurt  Egyptens),  grise  comme  le 
Déluge  de  Poussin.  —  De  ces  pages  admirables,  des  plus  Haendeliennes 
qu'on  connaisse,  presque  rien  ne  semble  appartenir  à  Haendel.  Des  deux 
parties  dont  le  chœur  se  compose,  la  première,  l'exquise  Pastorale,  vient 
de  la  ^erenata  de  Stradella  ;  ^  l'autre,  la  fugue,  {Er  fiihrte  ste  aus^  ?nit  Silber 
und  Gold)  vient  d'un  Capriccio  de  Strunck.  ^  La  phrase  de  Stradella  est 
textuellement  reprise.  Et  pourtant  n'est-il  pas  curieux  qu'elle  n'ait  tout 
son  sens  que  dans  l'œuvre  de  Haendel  ?  Dans  la  Sérénade,  c'est  l'air  d'un 
amant  qui  déclare  qu'en  dépit  de  tout  il  suivra  la  coquette  qu'il  aime  : 
"  lo  pur  seguiro.  "  Le  mouvement  est  allègre  :  A?'iû  allegra,  et  le  rythme 
rapide  et  sautillant. 


Stradella:  air  du  soprano 

Aria  allegra 


.Canto 


Ejc.  9        Co.roBR'TO.O 


frtrf  !jpiff]rH±ltr 


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Jo    purseçui-rô 


io    pursctfut-rè 


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'   Voir  Scdicy   Faylor,  op.  cit.  p.  73-75. 

*  Capriccio  so/>ra  Ic/i  tianf^  Jir  schon  durch  deinen  SoJin.  M.  Scifffrt  a  été  le  premier  à  signaler  cet  emprunt, 
qui  avait  échappé  à  S.  Tayior. 


HAENDEL 


427 


Chez  Haendel,  le  morceau  débute  par  quelques  mesures  instrumen- 
tales et  chorales,  graves,  massives,  guerrières,  qui  s'cntre-choquent  ;  puis, 
apparaît  la  suave  mélodie.  Il  y  a  déjà  là  un  effet  de  contraste,  qui  met  en 
pleine  lumière  la  signification  de  la  phrase.  (Rappelons-nous  le  mot  de 
Gluck,  que  je  citais,  la  dernière  fois).  Le  rythme  est  d'ailleurs  différent  de 
celui  de  Stradella  :  c'est  un  andante  tranquille,  un  peu  lent,  au  balance- 
ment harmonieux. 


Haendel:  chœur  du  bon  pasteur 

.Andante   SOFR. ALT. TENOR 


Ex.  10 


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i\  -  bermitseinemYol-ke, 


r  V  y  r 

A  -  berKitsak.eKi 


r^nnTj-ns^^^ 


A  ■  bar  îa'.tseijie.-a 


ALTl  Eoîi 


428 


Le   sommet  de  la   phrase,  dans   Stradella,   est   sur  le  second  io  pur 
seguirô. 


Stradella 


Exit 


m 


^^=4^ 


m^ 


io      pur  se     ^i-  rô 


Cela  donne  à  tout  l'ensemble  un  caractère  de  bonne  humeur, 
un  peu  plate,  qu'accentue  encore  le  second  motif  :  c/ie  sciogiiere  il  pie,  où 
le  sens  riant  et  badin  de  l'air  est  nettement  marqué  : 


Stradella 


Ex.i2 


cbe      sbio*  gUe-  re  il      piè         d&i       la«  -  ci    <ti  fe     non 


Kn  -  to     non      «ruo     ao 


no  -    non  t<^a  -  to    aoa       vuà 


Haendel  retient  la  phrase,  à  mi-chemin. 
/  Haendel 


B».t9 


^^ 


m 


wlo  •      «in     Hirt, 


Il  lui  communique  ainsi  un  caractère  de  rêverie  heureuse,  qui  se 
perd  dans  une  sorte  d'extase.  La  mélodie  acquiert  une  beauté,  une  paix 
pastorale.   Mais  surtout  la  poésie  de  cette  page  est  dans  le  coloris  frais  et 


HAENDEL 


429 


tendre  des  voix  qui,  l'une  après  l'autre,  sur  une  pédale  en  «/,  puis  en  W, 
puis  en  r/,  reprennent  le  délicieux  motif,  le  prolongent  dans  le  calme 
harmonieux.  Il  flotte  de  toutes  parts,  il  n'est  plus  seulement  une  phrase 
vocale,  mais  toute  une  atmosphère.  On  en  est  enveloppé. 


430 


S.   I.   M. 


log  er  da- 


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hin  gleich wie  ein  Hirt, 


HAENDEL 


431 


.Ex.îi  suite 


Qui  ne  voit  que  de  la  figurine  d'argile  de  Stradella  Haendel  a  fait 
un  divin  marbre  grec  ?  ^ 

Je  ne  puis  poursuivre  cet  examen  de  la  partition  à.'Israë!  :  la  place 
m'est  mesurée.  Je  me  contenterai  de  signaler  un  dernier  morceau,  le  duo 
célèbre  des  basses  :  Der  Herr  ist  der  starke  Held^  —  ces  deux  guerriers  qui 
chantent  l'écrasement  de  Pharaon,  sur  un  rythme  de  jubilation  héroïque, 


Haendel 


^as.tS 


Andauîe  ullesni 


^m 


^s 


ï)<j.r    Herr  ist  der  starke;     Heldj 


dii-   lÎBrrjder  Herr  ist    des-    sfcarke  HsW. 


tandis  que  l'orchestre  danse  de  joie. 


^  Le  chœur  suivant  :  Froh  sah  Egypten  fournit  un  exemple  curieux  des  limites  que  Haendel  lui-même  semblait 
fixer  à  ses  droits  d'emprunteur.  C'est  l'unique  morceau  d'ls?-ael  qui  soit  presque  textuellement  calqué  sur 
une  ceu  vre  étrangère  (une  canzona  pour  orgue,  de  Kerl).  —  Or,  Haendel  le  supprima,  de  lui-même,  dès  la 
seconde  audition  d'Israël.  Cependant,  la  page  est  d'un  grand  effet.  Mais  Haendel  paraît  avoir  senti  qu'elle  ne 
lui  app  artenait  point  :  il  ne  l'avait  pas  suffisamment  assimilée,  transformée,  refaite  à  son  image  ;  il  s'était 
conten  té  d'y  attacher  un  sens  précis  par  des  mots  :  ce  n'était  pas  assez. 


432 


S.   I.    M 


Andante  alle^rro 


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Cette  scène  si  frappante  par  sa  physionomie  d'allégresse  cruelle 
semble  bien  une  invention  originale  de  Haendel.  —  Or,  elle  est  faite  de 
deux  tronçons  soudés  de  deux  œuvres  différentes  :  le  Te  Deum  d'Urio  et 
le  Magnificat  d'Erba.  Le  prélude  est  fourni  par  Urio.  ^  Dès  la  sixième 
mesure,  est  cousu  à  la  phrase  d'Urio  un  motif  du  Magnificat  d'Erba,  qui 
paraît  aussitôt  avoir  été  créé  expressément  pour  cette  place,  où  il  donne 
à  la  phrase  d'Urio  son  caractère  exultant.  Le  duo  proprement  dit,  dont 
Haendel  reprendra  presque  textuellement  le  motif  dans  le  Dettinger  Te 
Deum,  a  pour  accompagnement  le  thème  d'Urio,  entre-mclé  des  phrases 
jubilantes  d'Erba.  Un  peu  plus  loin,  le  motif  même  du  chant  est  pris  au 
Magnificat,  qui  dès  lors  est  suivi  fidèlement.  Urio  lui  succède,  pour 
quelques  mesures.  Puis,  le  Magnificat  reprend,  mais  singulièrement  élargi, 
agrandi,  emporté  d'un  souffle  plus  passionné. 

On  voit  le  pouvoir  singulier  qu'avait  Haendel  de  s'assimiler  l'être 
des  autres  pensées  et  d'en  faire  sa  chair  et  son  sang. 


* 

*       *- 


'  Pour  ne  pas  allonger  indéfiniment  ces  citations,  je  renvoie  au  livre  de  M.  Scdlcy  Taylor,  p.  i  i7-«37.  où 
on  lc«  trouvera  in  txtemo. 

*  On  est  auisi  frappé  de  la  parenté  <|ui  existe  entre  les  passâmes  du  Tr  Dium  d'Urio  et  du  Maf^nificat  A'Eïhx 
soudés  cnscnnble.  Rien  ne  me  semblerait  plus  propre  à  faire  naître  «lans  Tcsprit  des  doutes  analogues  à  ceux  de 
M.  Rohinson,  et  à  suggérer  cette  conclusion  :  Urio  et  Erba  ne  seraient-ils,  par  hasard,  qu'un  seul  homme? 
Et  quel  homme  ce  pourrait-il  être,  —  sinon  Haendel  } 


HAENDEL  433 

L'imitation  et  l'assimilation  des  pensées  et  des  formes  étrangères 
sont,  en  soi,  un  phénomène  très  normal  dans  l'art.  On  pourrait  dire  que 
c'est  un  trait  essentiel  du  grand  artiste.  On  a  souvent  répété  que  le  génie 
était  celui  qui  inventait  des  formes  et  des  pensées  nouvelles.  Je  le  veux 
bien;  mais,  à  ce  compte,  il  faut  rayer  de  la  liste  des  génies  les  plus  grands 
créateurs  artistiques.  Si  J.  S.  Bach,  Haendel,  Gluck,  Mozart,  Beethoven, 
nous  ont  paru  des  inventeurs  originaux,  cela  provient  en  grande  partie 
de  notre  ignorance.  En  réalité,  toutes  les  fois  qu'on  étudie  la  période  qui 
précède  un  âge  de  floraison  classique,  on  est  frappé  d'y  trouver,  non  pas 
en  germe,  mais  nettement  constituées  et  déjà  clairement  conscientes 
d'elles-mêmes,  toutes  les  formes  et  les  pensées  des  grands  classiques,  — 
ou  peu  s'en  faut.  Cela  est  surtout  remarquable  pour  la  période  qui 
précède  immédiatement  Haydn,  Gluck  et  Mozart.  Si  le  génie  est 
l'invention,  on  peut  dire  que  l'âge  qui  va  de  la  mort  de  J.  S.  Bach  aux 
premières  œuvres  importantes  de  Mozart  brûle  de  génie.  Dans  tous  les 
genres  :  symphonie,  musique  de  chambre,  drame  lyrique,  lied,  etc.  vous 
trouvez  les  routes  nouvelles  vigoureusement  et  largement  ouvertes.  Les 
maîtres  qui  sont  venus  après,  et,  d'une  façon  générale,  les  génies  classiques, 
dont  les  noms  sont  les  plus  glorieux  de  l'art,  inventent  beaucoup  moins 
qu'ils  n'absorbent.  Leur  grandeur  est,  pour  une  bonne  part,  dans  leur 
capacité  d'absorption.  Ils  sont  larges,  vastes,  robustes  ;  ils  ont  un  esprit 
lumineux  et  un  appétit  magnifique  ;  ils  assimilent  et  coordonnent  superbe- 
ment toute  la  pensée  artistique  de  leur  temps.  Leur  originalité  n'est  pas 
dans  les  éléments  dont  est  constituée  leur  personnalité  —  (//  ny  a  peut- 
être  pas  un  seul  élément  original  dans  la  personnalité  de  Mozart)  —  elle  est 
dans  la  loi  instinctive  qui  a  présidé  au  groupement  de  ces  éléments,  dans 
la  somme  et  dans  l'ordre  de  ces  éléments  groupés  en  eux  :  c'est  cette 
loi,  c'est  cet  ordre  qui  constituent  leur  personnalité  même. 

Cet  instinct  puissant  d'absorption,  qui  est  une  loi  du  génie,  est 
particulièrement  caractéristique  du  génie  musical  allemand.  Les  Alle- 
mands, qui  disent  avoir  une  personnalité  spéciale,  et  qui  l'ont  en  effet, 
par  certains  côtés,  au  point  de  se  heurter  à  tant  d'incompréhensions  de 
la  part  de  l'étranger,  sont  pourtant  essentiellement  assimilateurs  et 
assimilables.  Ils  se  fondent  volontiers  dans  la  forme  d'autres  races.  Un 
Français  pourra  bien  copier  des  traits  d'une  autre  race  ;  mais  ces  traits 
resteront  toujours,  si  je  puis  dire,  plus  ou  moins  dépaysés  chez  lui  :  il 
demeure  Français,  même  s'il  s'est  dénationalisé  depuis  des  siècles,  comme 


+  3+  S.    I.   M. 

tant  de  réfugiés  huguenots  du  XVIP  Siècle.  Tous,  nous  connaissons  à  Paris 
des  compositeurs,  qui  dans  leur  admiration  pour  Wagner,  ont  calqué  des 
formules,  des  tics  de  Wagner,  (comme  les  imitateurs  de  la  voûte  de  la 
Sixtine  et  du  Jugement  dernier  copiaient,  au  XVP  Siècle,  jusqu'aux 
moisissures  de  la  fresque),  et  qui  n'en  gardent  pas  moins  la  physionomie 
du  Français,  avec  ses  qualités  et  ses  défauts  Un  artiste  allemand  se  fond 
bien  davantage,  il  épouse  les  autres  formes.  Nous  en  avons  cent  exemples, 
au  XVIIP  et  au  XIX^  Siècles.  Tel,  au  temps  de  Haendel,  ce  J.  Adolphe 
Hasse,  cet  Allemand  du  Nord,  qui  fut  le  plus  parfait  Italien  de  la 
musique  du  XVIIP  Siècle.  Quelle  est  la  principale  différence  entre  les 
grands  Allemands  italianisés  du  XVIIP  Siècle  et  les  Italiens  du  même 
temps  ?  Une  différence  de  nature  \  Il  ne  semble  pas.  Beaucoup  plutôt 
une  différence  de  quantité  qu'une  différence  de  qualité.  Un  Hasse 
communique  à  la  musique  italienne  qu'il  fait  sienne  son  souffle  et  son 
embonpoint  ;  il  lui  transfuse  son  sang  ;  elle  ne  se  donne  pas  à  lui  :  c'est 
lui  qui  se  donne  à  elle. 

Mais  la  grande  distinction  qu'il  faut  faire  entre  Haendel  et  les  autres 
maîtres  allemands  de  son  temps,  c'est  que  justement  il  n'en  reste  pas, 
comme  eux,  à  cet  état  passif  où  l'artiste  est  conquis  par  une  forme  et  une 
pensée  étrangères  :  il  les  domine,  il  les  conquiert,  il  les  maîtrise,  et  il 
les  pétrit  à  sa  volonté.  Une  œuvre  comme  Israël  réalise  ce  tour  de  force 
unique  d'être  l'œuvre  la  plus  homogène,  la  plus  une,  la  plus  serrée,  tout 
entière  marquée  du  sceau  du  génie  Haendelien,  —  et  d'être  un  composé 
de  matériaux  de  toutes  provenances.  Tout  ce  qu'il  touche,  Haendel  le 
fait  sien  :  car  il  transfigure  instantanément  tout  ce  qu'il  voit,  par  un 
pouvoir  de  visionnaire  presque  halluciné,  qui  soudain  lui  fait  apparaître 
au  travers  de  pauvres  phrases  vagues  et  banales  de  Stradella  ou  de 
Muffat  '  des  images  éblouissantes,  des  scènes  tragiques,  des  catastrophes 
cosmiques,  Dieu  sur  le  Sinaï.  Et,  par  un  don  étrange,  ce  génie  évocateur 
s'unit  chez  lui  à  une  volonté  souverainement  intelligente  qui  observe  ses 
visions  et  exerce  sur  elles  une  critique  clairvoyante  et  sereine.  Cette 
double  nature  se  retrouve,  chez  Haendel,  du  commencement  à  la  fin  de 
sa  vie.  Son  éducation  avait  beaucoup  contribué  à  la  développer.  Son 
premier  maître  à  Halle,  l'excellent  F.  W.  Zachow^,  dont  l'intérêt  historique 
et  le  charme   poétique   viennent   d'être   révélés    par  la  publication  de  ses 

'   Voyez,  au  dcbiit  de  la  petite  Ode  h  S^'  Ci'cUe,   comment  Hacmlel  a  il<}fra^(i  l'Auu-  oarluc  d'un  prélude  de 
Muffat  inconscient  de  lui-mt'mc,  et  a  traduit  avec  soi  arpèges  imprécis  la  création  du  monde  par  l'Harmonie. 


HAENDEL 


435 


œuvres  jusqu'alors  inédites,^  possédait,  dit  Mattheson,'-^  "une  remarquable 
collection  de  musique  italienne  et  allemande.  Il  montra  à  Haendel  les 
façons  d'écrire  et  les  styles  variés  des  différents  peuples,  en  même  temps 
que  les  qualités  et  les  défauts  de  chaque  compositeur.  Et  afin  que  cet 
enseignement  ne  fût  pas  seulement  théorique,  mais  pratique,  il  lui  donnait 
souvent  à  faire  des  compositions  dans  ces  différents  styles.  "  ^ 

Ainsi,  dès  sa  dixième  année,  Haendel  apprenait  à  parler  toutes  les 
langues  musicales  de  l'Europe  de  son  temps.  Et  ce  n'était  pas  chez  lui 
ce  travail  machinal  de  perroquets  de  Conservatoire,  qui  répètent  sans  les 
comprendre  les  mots  appris  par  cœur.  La  méthode  de  Zachow,  à  la  fois 
critique  et  créatrice,  lui  enseignait  à  chercher  l'âme  cachée  des  œuvres 
d'art,  et,  comme  dit  M.  Seiffert,  "  à  s'approprier  leur  contenu,  par  un 
usage  constant,  comme  un  matériel  d'expression  personnelle,  "  qu'il 
travaillait  ensuite  à  améliorer.  Il  ne  se  livrait  pas  seulement  à  cet  exercice 
de  critique  incessante  sur  les  œuvres  des  autres,  mais  sur  les  siennes.  Il 
est  telles  de  ses  propres  phrases,  —  des  plus  célèbres  et  de  celles  qui  lui 
étaient  le  plus  chères,  —  qu'il  a  gardées  sur  le  chantier,  pendant  toute 
sa  vie,  ne  se  lassant  pas  d'y  retoucher,  comme  Michel-Ange  à  son  Moïse, 
les  reprenant  sans  cesse,  et  à  chaque  fois  y  introduisant  un  changement 
imperceptible,  un  léger  coup  de  crayon,  qui  les  rendait  plus  parfaites. 
Telle,  la  mélodie  de  Rodrigo  (1707)  :  Doice  amor  che  mi  consola^  reprise, 
l'année  suivante,  dans  Agrippina^  pour  l'air  de  Poppea  :  Ingannata  una 
sol  vol  ta. 


Bx.î7 


Haendel:  RODRIGO,  1707,  (Florence) 


^-=JÏC 


SViol.soli 


Dolci- amorohumi    consolao    lu-  sing'ailcornel         se   •    no 


Tutli 


%t^j%i-^f!-^fE^^frgT=^^^ 


Dolce  oraorchenii 


Base! 


'  Denkmâler  deutscher  Tonf^tmst,  t.  XXI  et  XXII.  Edition  de  M.  Max  Seiffert,  1905. 

^  Lebensbeschreibung  Haendels,  1761. 

*  Dès  cette  époque  Haendel  eut  connaissance  de  Kerl,  Strunck,  etc.  dont  il  utilisa  des  pensées  dans  Israël. 


43^ 


S.   I.   M. 


j^^3^-=f=t^L^f^4^-4-^+^^^     I  r  P  p  r  J^ 


conso-la  flu    -  sin-;;;vilcoiTi'.-l 


di-ci-  ognor     cbeundi  se-re-no 


vv  Tj'  r  r  I  cj  J  t-rr~j^ 


Hœndel:  AGRIPPINA,  1708  (Venise) 


Ex.i?^ 


'j"5G5'gi'i'Wf"i"';'; 


Oboi  e  Violini 


f4-J';^j>i^J^jfff^r^tff  J-  J'i^r^^ 


Ingannata  u-na      solvolta  esser    posso,nià        non     più,izià     non     pin. 


^  P  Daasl  o  VioU 


HAENDEL 


437 


j 


^ 


lè-^ 


WSL 


#     M     I       P 


m 


^^ 


|Ë^i  p  p=r|T#'#?^^^^^ 


|7-¥rW'  i[jri  iOTNifrjia:;iJ4f^^ 


La  période  est  ici  en  cinq  mesures,  au  lieu  de  la  coupe  précédente 
en  quatre,  et  reste  suspendue.  De  plus,  les  deux  so/i  de  violons  qui 
accompagnaient,  dans  le  premier  exemple,  les  périodes  i  et  3,  sont  ren- 
forcés par  les  hautbois  qui  s'unissent  aux  cordes.  C'est  la  même  mélodie, 
avec  des  riens  qui  suffisent  à  changer  le  dessin  du  nez,  l'ovale  du  visage, 
le  pli  de  la  bouche.  ^  Pour  un  artiste  ayant  le  sens  et  l'amour  passionné 
de  la  ligne  en  musique,  l'étude  des  "  états  "  successifs  d'une  même 
mélodie  de  Haendel  est  une  source  de  joie  et  le  plus  haut  enseignement. 
Supposez  une  série  de  dessins  d'une  même  figure  par  Léonard.  L'idéal 
de  Haendel  est  celui  de  tous  les  grands  classiques;  ce  n'est  pas  l'originalité 
ni  l'invention,  c'est  la  perfection. 

En  même  temps  qu'il  cherche  sans  relâche  le  dessin  le  plus  pur,  il 
poursuit  l'expression  la  plus  précise.  Génie  essentiellement  subjectif, 
lyrique,  musical,  et  non  pas  musico-littéraire,  il  ignore  le  plus  souvent  la 
signification  consciente  des  phrases  mélodiques  qu'il  invente.  Certaines, 
une  fois  écrites,  continuent  de  sommeiller  en  lui  pendant  des  années, 
jusqu'à  ce  qu'il  en  ait  pénétré  le  sens  intime.  Appliquées  d'abord,  suivant 
les   hasards  du   moment,    à   telle   ou   telle   situation    qui   leur   convient 

^  Voyez  encore  comment  la  mélodie  ■•  L'aima  mia  d'Agrippina  est  reprise  dans  la  Resurrez,ione,  dans  Rinaldo, 
et  dans  Joskua. 


43« 


S.   I.   M. 


médiocrement,  elles  sont  pour  ainsi  dire  en  quête  d'un  corps  où  s'incarner; 
elles  cherchent  la  situation  vraie,  le  sentiment  précis  dont  elles  sont 
l'expression  latente  ;  et  une  fois  qu'elles  l'ont  trouvé,  elles  s'épanouissent 
à  l'aise.  Voyez  deux  airs  à'Almira^  le  premier  opéra  de  Haendel  joué  à 
Hambourg  en  1705  :  l'air  ila  capo  de  Osman  :  Du  irrst  dich^  mein  Licht^ 
et  la  danse  des  Asiatiques  devant  le  char  de  Consalvo,  traîné  par  des  lions. 
Le  premier  est  chanté,  dans  la  situation  suivante  :  La  princesse  Edilia 
aime  le  prince  Osman,  et  le  lui  dit  dans  un  air  admirable.  Osman,  qui 
l'aime  aussi,  mais  qui  refuse  de  s'engager  avec  elle,  lui  répond  sur 
l'accompagnement  que  voici  : 

HawideîfALMIRA,1705,  AiR  D'OSMAN 

Ex.  18 


m'iS^is  -^jl  çf  r  rirCrj^j]!  çjir  ^^mm 


feES 


^^ 


Du 


^^ 


^ 


irrst      dich)  mcinLicMt 


P-P P-^ 


È 


Du 


On    reconnaît   la   belle   gigue    de   la   sixième  suite  en  sol  mineur  du 
second  volume  des  'Pièces  pour  le  chivccbi^  parues  à  Londres  en  1733.  Ici, 


HAENDEL 


439 


elle  prend  un  caractère  impertinent  et  burlesque,  qui  ne  convient  nulle- 
ment au  personnage,  ni  au  sentiment.  Il  est  évident  que  Haendel  a  conçu 
son  ♦air,  sans  égards  à  la  situation  théâtrale.  —  Pour  la  danse  des 
Asiatiques,  le  motif  était  mieux  à  sa  place  :  c'est  une  Sarabande  du  type 
habituel  ; 


Ha'iidelrALMÎRA  danse  des  asiatîoues 


Ex.  if) 


Mais  combien  Haendel  s'est  montré  profondément  inspiré,  en 
extrayant  de  cette  petite  danse  l'air  immortel  de  Rinaldo  :  Lascia  cKio 
pianga^  cet  air  de  douleur  sculpturale  et  d'amour,  qui  y  était  virtuellement 
contenu  ! 

Comme  le  statuaire  de  La  Fontaine,  bien  souvent  il  ignore  lui-même 
ce  qui  sortira  du  bloc  de  marbre,  (admirable  toujours,)  sur  lequel  il 
travaille. 

"  Sera-t-il  dieu.,  table.,  ou  cuvette  .^  " 

Pouvait-il  se  douter,  quand  il  écrivait  ce  badinage  de  la  seconde 
ouverture  du  Castor  Fido  (1733), 


440 


Ejc.20 


S.   I.    M. 

Hrendel:  PASTOR  FIDO,  1733 

Vi\.iLe 


que  cette  phrase  indifférente  enfermait  l'affectueuse  et  touchante 
mélodie,  qui  évoque  la  bonté  de  la  reine  morte,  dans  le  Fanerai  Anthem 
(Trauer  Ode)  de  1737  ? 


HeendehTRAUER  ODE 

Andaute  larghetto 


Eas.Si 


Bien  des  fois,  il  a  dû  être  le  premier  surpris  de  voir  surgir  d'une 
nébuleuse  musicale  le  Dieu  de  Moïse,  au  milieu  de  la  foudre  et  des 
éclairs. 

*'  Même  ron  dit  que  r ouvrier 

Eut  à  peine  achevé  l'image^ 

Quon  le  vit  frémir  le  premier^ 

Rt  redouter  son  propre  ouvrage.  " 


HAENDEL 


441 


Son  valet  le  trouvait  en  larmes,  au  milieu  de  son  travail.  —  "  Si 
j'étais  dans  mon  corps,  ou  hors  de  mon  corps,  disait-il  lui-même  à  propos 
de  VHalleluja  du  Messie,  je  ne  sais  pas.  Dieu  le  sait.  " 

Mais  toujours  ce  génie  halluciné  allait  de  pair  avec  le  génie 
critique  ;  presque  toujours  ces  visions  succédaient  à  un  travail  réfléchi  sur 
un  texte  musical  précis,  —  de  même  qu'une  découverte  scientifique  est 
une  lumière  qui  jaillit  subitement  au  choc  d'expérimentations  minutieuses 
de  laboratoire. 

Il  n'opérait  pas  autrement  avec  les  inspirations  étrangères  qu'il 
utilisait  qu'avec  les  siennes.  Il  avait  sa  mémoire  et  ses  carnets  remplis  de 
notes  qu'il  avait  prises  partout  autour  de  lui,  au  cours  de  ses  voyages,  de 
ses  promenades,  de  ses  lectures,  aussi  bien  d'après  les  chants  populaires, 
les  cris  des  rues,  les  bruits  de  la  nature,  ^  que  d'après  les  œuvres  savantes.  ' 
C'était  pour  lui  un  réservoir  d'impressions  et  d'expressions.  Ces  notes 
étaient  souvent  hâtives  et  inexactes,  comme  les  dessins  qu'un  Raphaël  ou 
un  Rembrandt  faisait  d'œuvres  étrangères  :  car  leur  objet  n'était  pas  de 
reproduire  exactement  des  œuvres  étrangères  ;  ils  saisissaient  dans  ces 
œuvres  ce  qui  leur  ressemblait,  ce  qu'ils  reconnaissaient  sur-le-champ 
comme  leur  bien  ;  au  moment  même  qu'ils  le  notaient,  cela  devenait  un 
morceau  de  leur  vie.  Tel  air  de  VOctavia  de  Keiser  a  été  si  bien  absorbé 
par  Haendel  qu'il  ne  l'a  plus  quitté  pendant  cinquante  ans,  tour  à  tour 
repris  dans  V Agrippina  pour  un  air  d'Ottone,  dans  le  Trionfo  del  Tempo  de 
1708  pour  un  air  de  Disinganno,  dans  le  Messie  de  1742  pour  le  premier 
récitatif,  et  jusque  dans  la  dernière  œuvre  qu'il  ait  écrite,  aveugle  et  près 
de  mourir,  The  Triumph  ofTime  and  Truth  de  1757,  pour  l'air  de  Counsel: 
Mortals  think. 

Haendel:  TRIUMBIÎ  OF  TIME  1757 


Larghetto 


E».Z3 


'  Il  disait  lui-même  à  une  amie  qu'il  devait  aux  cris  des  rues  et  aux  chants  populaires  les  inspirations  de 
plusieurs  de  ses  meilleures  pages.  Chrysander  a  retrouvé  dans  ses  carnets  telle  notation  de  ce  genre  :  ainsi,  le  cri 
d'un  marchand,  '■'■qui  ^vendait  des  allumettes  près  de  la  ta'verne  à  eau-de-'vie  S.  Giles,  Tyburn  Road,  1735."  —  J^ 
compte  traiter  ailleurs  cette  question  des  inspirations  populaires  de  Haendel,  dans  ses  oratorios. 

*  Voir  les  manuscrits  de  Haendel  au  Fitzwilliam  Muséum  de  Cambridge. 


442 


S.   I.   M. 


Visiblement,  cette  phrase  lui  a  été  si  chère  qu'on  se  demande  si  elle 
n'était  pas  associée  pour  lui  à  quelque  souvenir  de  sa  vie.  A  tout  le  moins, 
elle  était  devenue  sienne;  et  il  est  bien  certain  qu'il  en  avait  oublié 
l'origine  étrangère. 

C'est  qu'il  apportait  à  la  lecture  des  œuvres  étrangères  une  passion 
que  leurs  propres  auteurs  n'avaient  jamais  mise  à  les  créer,  et  qui  trans- 
figurait leurs  pensées  le  plus  banales.  Il  prenait  une  phrase  placide  d'un 
motet  de  Jacob  Gallus  (Hândl)  : 

Jacob  Gallus.  motet:  ECCE  QUOMODO  MORiTUR  JUSTUS 


«au  23 


Il  la  lisait,  de  toute  son  âme  brûlante  de  foi  et  d'amour  ;  et  elle  de- 
venait ce  cri  enivré,  presque  douloureux,  de  la  Trauer  Ode,  qui  se  répète 
huit  fois,  au  cours  du  morceau,  et  qui  huit  fois  retombe,  cet  élan  d'extase 
de  l'âme  chrétienne,  qui  tend  les  bras  vers  Dieu,  et  s'arrête,  ne  pouvant 
plus   parler  : 


Hœndel:  TRAUER  ODE 

A 

Lebhaft 


Bai.2A^ 


é^-^ 


/, 


j  fi  j- 


UochUir    RohmU-b«i 


m 


m 


o  ■  wiglicb, 


«Pf 


UiohL^rlUlnnle 


^^^^m 


zgxzz^^ 


Web   e-wlg 


m 


Uctk. 


HAENDEL 


443 


Il  voyait  dans  ces  phrases  ce  qui  n'y  était  point.  Il  fallait  son  œil 
—  ou  son  oreille  —  pour  découvrir  dans  la  Sérénade  de  Stradella  les 
cataclysmes  de  la  Bible.  Chacun  lit  et  entend  différemment  une  œuvre 
d'art  ;  et  il  peut  arriver  que  ce  ne  soit  pas  le  créateur  qui  en  ait  l'idée  la 
plus  riche  et  la  plus  vivante.  L'exemple  de  Haendel  est  là  pour  le 
prouver.  Non  seulement  il  créait  sa  musique  ;  mais  il  créait  celle  des  autres. 
Stradella,  ou  Erba,  n'étaient  pour  lui,  —  (si  humiliante  que  soit  la  com- 
paraison), —  que  ce  qu'étaient  pour  Léonard  les  flammes  du  foyer  et 
les  crevasses  des  murs,  où  il  voyait  des  figures  vivantes.  Haendel  entendait 
passer  le  Jugement  Dernier  dans  les  grattements  de  guitare  de  Stradella. 

Et  c'est  là  le  génie. 

Romain  Rolland. 


LES    RICHESSES    MODALES    DE    LA 
MUSIQUE    BRETONNE 


Parmi  les  pays  où,  dans  la  musique  du  peuple,  les  modes  antiques 
continuent  d'être  employés  et  de  vivre,  la  Bretagne  figure  au  premier 
plan. 

Si  ses  chansons  n'ont  guère  subi  l'influence  de  la  musique  moderne, 
la  vieille  presqu'île  le  doit  à  l'isolement  où  l'ont  maintenue  sa  situation 
géographique  et  la  conservation  de  sa  langue.  Mais  cette  dernière 
particularité  est  précisément  le  plus  pénible  obstacle  aux  efforts  du  cher- 
cheur. Car  ceux  qui  chantent  encore  les  gv\^erzes  et  les  sônes  tradition- 
nelles, et  ceux  qui  continuent  d'en  composer  —  les  chercheuses  d'épaves, 
les  mendiants,  les  pâtres,  les  "  sonneurs  "  de  bombarde  et  de  biniou  — 
parlant  rarement  français,  il  est  impossible  de  s'en  faire  comprendre  à 
l'étranger  non  familiarisé  avec  les  difficultés  de  la  syntaxe  celtique.  Et 
ainsi  s'explique  que  cette  incomparable  mine  mélodique  qu'est  la  musique 
bretonne  soit  demeurée  assez  peu  explorée  jusqu'à  présent. 

Il  y  a  une  trentaine  d'années,  M.  Bourgault-Ducoudray,  grâce  au 
concours  de  quelques  amis  bretonnants,  put  recueillir  un  certain  nombre 
de  thèmes  armoricains,  et  il  publia  les  plus  beaux,  dans  un  recueil  célèbre, 
qui  fut  une  révélation.  L'été  dernier,  reprenant  son  exploration,  j'ai 
eu  la  bonne  fortune  de  trouver,  dans  les  quelques  cinq  cents  airs  que  j'ai 
notés,  ^  non  seulement  les  modes  déjà  découverts  par  l'éminent  auteur  de 
Thamara^  mais  encore  tous  les  modes  diatoniques  de  la  musique  antique, 
et  quelques  autres  par  surcroît. 


Les    modes    les    plus    communs,    en    Bretagne,    sont    Vhypodorien^ 
(gamme  de  la  sans  accident)  et  le  premier  mode  du  plain  chant  (gamme 

'  Pour  paraître  prochainement  chez  Rouart,  LeroUe  et  Cie. 


LA   MUSIQUE    BRETONNE 


445 


de   r/ avec  si  naturel).    On   les  rencontre   à  chaque   pas,  et  il   est  inutile 
d'en  citer  des  exemples. 

Le  majeur  et  le  mineur  s'y  trouvent  également.  Mais  il  faut  prendre 
garde  :  ils  ne  sont  souvent  qu'une  altération  de  modes  antiques.  C'est 
ainsi  que  la  fameuse  An  hini  goz  est  généralement  notée  ainsi  : 


An  hi-ni      g-oz    eo    ma  dous,  A/i  hi-iu       goz    eo        2ur,.. 

Traduction.  —  C'est  la  vieille  qui  est  ma  "  douce,  "  —  C'est  la  vieille,  bien  sûr... 

Or,  en  Basse-Carnouaille,  on  chante  cet  air  avec  le  sol  naturel,  et 
telle  est  évidemment  sa  forme  primitive.  La  mélodie  mineure  n'est  donc 
ici  que  la  déformation  d'une  mélodie  originairement  hypodorienne. 

De  même,  sur  la  côte  trégorroire,  où  de  tristes  échantillons  de 
musique  parisienne,  apportés  par  les  matelots,  influencent  parfois  les 
thèmes  nationaux,  on  m'a  chanté  une  sône  dont  voici  le  début  : 

M  M    J-.116 


JtJl  J-  JiJ^y^=^Mi^^4-ja.^^d=tijrjj^^ 


M  ho  pod,nierc'heclyaouajik,m'hopedhagrio  <juppli,Pa  eet  da  Zant  yakez,  n'et  kct  re  di-  zour-si ... 

Traduction.  — r  Je  vous  prie,  jeunes  filles,  je  vous  prie  et  vous  supplie,  —  Quand  vous 
irez  à  Saint- Jacques,  n^y  allez  pas  sans  souci... 

Une  vieille  femme  qui  ne  parle  pas  français,  et  qui  habite  un  petit 
village  éloigné  du  chemin  de  fer,  par  suite  soustrait  à  l'action  de  la 
musique  savante,  m'a  chanté  ainsi  le  même  air  : 

M. M  J. =iie 


|r7nW:idaŒ#^^ 


M'hopod,merc?hedyaDuajQk,R^hoTodhasbosuî}pli,  Pa  oet  daZant yakez,    n'et  kel  re    di-zoor-si  .. 


Cette  fois,  le  thème  d'apparence  majeure  est  une  altération  d'un 
thème  hypolydien. 

Ces  deux  exemples  prouvent  qu'il  ne  faut  rien  conclure  à  la  légère, 
de  la  fréquence  apparente  des  modes  majeur  et  mineur  en  Bretagne. 


446 


S.   I.   M. 


Le  dorien  (gamme  de  mi  sans  accidents)  était  considéré  par  les 
anciens  comme  "  grandiose,  calme  et  digne  ",  les  théoriciens  ne  sont  pas 
d'accord  au  sujet  de  sa  division,  arithmétique  ou  harmonique.  M.  Bour- 
gault-Ducoudray  en  a  publié  un  admirable  échantillon  ',  basé  sur  une 
gamme  dont  la  division  en  quarte  et  quinte  (division  arithmétique)  est 
incontestable.      En  voici  un  autre  de  même  sorte  : 

.M.  J:13 


j,^'j,;,|  J'jLjyi  Jijr^  J,|  JjLji^ 


Di  -  dos  -    tu  -  ut^^werzod     yaou&jik,  in  -  kon  -    ti-iuxn,  .n»      ho 


^^^^^^^..^^^MàE^^^^^^-à 


pecl,    Me    dis  -  kle-riu     hc-p  oheo -chamajit  peto   -    re  stad  e     ve  -  vet. 

Traduction.  — Ecoutez,  jeunes  garçons,  à  l'instant,  je  vous  prie,  —  je  vous  apprendrai, 
sans  changement,  en  quel  état  vous  vivez.  [Recueilli  à  Kermaria-Siilurd^  Trègor). 

Mais  j'ai  recueilli  un  autre  thème  dont  les  deux  premières  mesures 
sont  certainement  doriennes,  mais  cette  fois  basées  sur  une  gamme  divisée 
en  quinte  et  quarte  (division  harmonique)  : 


M.M.  J: 


FûB-ia-n»!  -  la     a    ba  -  tous   Prii»    .  Ei^  oa  den  jm -tiî  wiik    dU  -  Ift^, —   -, 


En     wu!t  lao-rct  wir   ben 


he  -  re2,__  Diwar  bar-ltn    he  ma  -    g-e  -  rot. 


Traduction.  —  La  Fontenelle,  de  la  paroisse  de  Prat,  —  le  plus  beau  gentilhomme 
qui  porte  des  habits,  —  a  volé  une  héritière  —  sur  les  genoux  de  sa  nourrice.  (Chanté  par 
ITves  Alenguy^  Pleven^  Haute-Cornouailles). 

Faut-il  inférer  de  ces  deux  modèles  différents  que  la  double  division 
était  usitée  chez  les  anciens  ? 

Le  phrygien^  mode  de  Bacchus  (gamme  de  rc  sans  accidents,  basée 
sur  une  dominante)  est  fréquent  en  Cornouailles,  où  la   race  est  exhubé- 


*  BoURCAULT-DucouDRAY ;  Tiiutf  Mélodies  Populairtt  recueillies  en  Basse-Bretagne  (Paris,  Lemoinc). 


LA    MUSIQUE    BRETONNE 


447 


rante  et  gaie,  et  la  nature  riante.  La  seconde  moitié  de  la  mélodie  précé- 
dente appartient  à  ce  mode.  En  voici  un  autre  exemple  : 


J. 


^  J)  J' i'  jj  jTJ^^^^^ît^^TjJj'i^ 


Nns-tron  or  o'hont^      htiçr  o    bri-e(1,_—        A  r.n    r^-bred        nuit  di  •  me -zot , 


Traduction.  —  Le  Seigneur  Comte  et  sa  femme  —  se  sont  mariés  de  bien  bonne 
heure  —  Ho  !  —  se  sont  mariés  de  bien  bonne  heure.  (Mélodie  de  Haute-Cornouailles^  commu- 
niquée par  M.  Vallée.) 

Le  lydien  (gamme  de  do  basée  sur  une  dominante)  est  extrêmement 
rare,  dans  tous  les  pays.  "  Il  est  presque  introuvable  aujourd'hui,  même  tant 
en  Grèce  ",  écrit  M.  Bourgault-Ducoudray,  qui,  avec  moi,  croit  pouvoir 
le  reconnaître  dans  cet  air  que  me  chanta,  en  Trégor,  une  chercheuse  de 
lichen,  conteuse  attitrée  d'Anatole  le  Braz  : 


M.M.<^"»?.iO 


Dis  -    tov    •     fei     ho      vioitb-kouarJa,  na 


gle«wst      eur_    son,. 


<à    ^      g^P*      jw  """^ 


^^^^^ïSt^^ 


da    gle-iret  evir      zon, le-   hl  -  ni  'aj     bet      sa    •    vet,   Trei    la      la    Ift     Is 


-t-:-h 


v"'^m 


jtU  J'i  ji'4^ 


I 


la  Tralo.-di-ra!     le   -  hl   -  ni   'zo     bet      sa    -     vet     Na  -  ne     ket  hep   ra  >   zon . 

Traduction.  —  Débouchez  vos  oreilles,  pour  entendre  une  chanson,  —  pour  entendre 
une  chanson,  —  laquelle  a  été  composée  —  treï  la  la  la^  etc.  —  laquelle  a  été  composée,  ce 
n'est  pas  sans  raison.  (Chanté  par  Maryvonne  le  Flem^  Port-Blanc.) 

Le  Mixolydien  (gamme  de  j-/ basée  sur  une  dominante)  n'est  guère  plus 
commun,  et  M.  Bourgault-Ducoudry  n'en  rencontra  aucun  exemple. 
En  voici  un,  que  je  dois  à  la  même  chanteuse  : 


4+8 


S.    I.    M. 


0   tu  -  tore!  euB  enl  lenr    ne  -  wç,  Me  »ui    boa  gr»-t  «jr  pro     m«f  -  ^c,        Eur 


plao'higlmant'Tnboa    rankon-trct  Ha^    he    doapU-Jet       d'an  Boo-bet. 


Traduction.  —  En  m'en  revenant  d'une  aire  neuve,  —  j'avais  fait  une  promesse  ;  — 
Une  fillette  gentille  j'avais  rencontré,  —  et  qui  m'avait  plu  à  souhait  (Eadem). 

Le  locrien  de  Westphal  (gamme  de  la  sans  accident,  basé  sur  une 
dominante)  n'avait  jamais,  à  ma  connaissance,  été  découvert  en  Bretagne. 
Voici  un  superbe  appel  de  pâtres,  chanté  en  Cornouailles,  et  qui  est 
composé  sur  ce  mode  : 


I 


.M.j, 


72 


^fe^  J  j  I  "  ^^=^r^^ 


10      !• 


o    lo        Ip        o     lo         le. 


lo     Ma-  ri, 


lo  Ma- ri, 


'¥=r:^'^'T^J^~^~^B^^TT'-^ 


0        lo    Ma       ri      donLd'arnvo 


0       lo        In. 


\j  liypophrygien  (gamme  de  sol 2Lyç,c  f<i  naturel),  paraît  à  première  vue, 
assez  fréquent.  A  la  vérité,  dans  la  plupart  des  mélodies  comportant  un 
fa  naturel  et  finissant  sur  un  sol  que  1  on  entend  en  Bretagne,  la  répétition 
constante  de  1'///,  qui  révèle  une   division  arithmétique,   indique   que  l'on 


LA    MUSIQUE    BRETONNE 


449 


se  trouve  en  présence  d'une  gamme  majeure  retournée.  Je   crois   pourtant 
avoir  trouvé  l'hypophrygien  dans  l'exemple  ci-dessous  : 


ÎO 


M.M  J  :  132  . 


ti»nn   ti      bi         hd/i    U.in         or   mt-ne,    o  gp! —  .E  •  mao      m*      don» 


j^      l^  la, Tra  !a.    la    la  la    la  la  la,  La   la  la     la  la! 


Traduction.  —  Dans  une  petite  maison,  au  faîte  de  la  montagne,  —  O  gat  !  —  Est 
ma  "  douce,  "  mon  amour.  (Chanté  par  M.  Alfred  Lajaty  Skrignak^  Haute-Cornouailles). 

M.  Bourgault-Ducoudray  n'a  rencontré  Vhypolidien  (gamme  de^^ 
avec  si  naturel),  tant  en  Grèce  qu'en  Bretagne,  que  dans  des  mélodies 
hybrides.  Je  n'ai  pas  été  plus  heureux  sous  ce  rapport,  et  si  les  trois 
premières  mesures  du  thème  ci-dessous  (très  populaire  en  Trégor)  sont 
nettement  hypolidiennes,  les  deux  suivantes  sont  majeures,  et  les  dernières 
hypodoriennes. 


M.M.  J..-100 


Toata-et   tud  yaouank,  ha^^    e     kle%v>fet    ka-fian,  ha^e  klew-fei     (ta-nan 


ib:^>-i'-Y^-  I  J'J' Jn^  jijj^ ji^  >jjll^ 


But aon  di  -  ver  -    td-sant  zo   sa- vert  er blo-a-man.Tron     ■     iet-te  ion  la, 


Traduction.  —  Ecoutez,  jeunes  gens,  et  vous  entendrez  chanter,  —  et  vous  entendrez 
chanter  —  une  chanson  divertissante,  composée  cette  année-ci.  (Chante  par  Maria  Raoul^ 
Port-Blanc). 


450 


S.   I.   M. 


Les  mélodies  hybrides  sont  d'ailleurs  courantes  en  Bretagne,  et  j'en 
ai  recueillies  de  toutes  sortes.  J'y  ai  trouvé  également  divers  types  de 
majeur,  avec  finale  sur  la  tonique,  la  médiante  et  la  dominante,  et  une 
variété  de  mineur,  dit  "  mineur  de  Lully,  "  qui  n'est  que  la  gamme  de 
ré  sans  si  bémol,  mais  avec  do  dièse,  basée  sur  la  dominante  la. 

Mais  la  mélodie  la  plus  curieuse,  au  point  de  vue  tonal,  que  j'aie 
rencontrée  en  Bretagne  est  à  coup  sûr  Maro  al  laouena7iig  (la  mort  du 
roitelet),  qui  fut  enregistrée  au  phonographe  par  l'excellent  écrivain 
breton  Yves  le  Moal,  et  que  je  notai  d'après  le  cylindre  impressionné  : 


12 


O  otoase-al   er  cTios4  oti-b«rt, 


Eli-ri^'^n  e-r.i        a'aj-ni-tm!  Bnl  la  ouo- 


p-raoa  ta  -  pet...  Birviken  e  -  no,    e-no,  e-no,      Birvtkene-no  n'ami-anl. 


Ift 


Traduction.  —  J'étais  allé  chasser  au  bois.  —  y  ornais  là  je  n  arriverai  !  —  Un  roitelet 
j'avais  pris.  —  Jamais  /à,  /à,  A?,  —  Jamais  là  je  n  arriverai  !  (Chanté  par  Françoise  le  Bon, 
Coadouty  Goelo). 

En  extrayant  de  cette  mélodie,  et  en  les  ordonnant,  les  notes  mar- 
quées d'une  croix,  on  obtient  une  octave  complète  de  la  gamme  que  voici, 
et  qui  est  celle  du  mode  chromatique  oriental  : 


i3 


On  sait  que  le  chromatique  oriental,  d'origine  mauresque,  n'avait 
jamais  été  découvert  non  seulement  en  Bretagne,  mais  encore  chez  aucun 
peuple  d'Occident,  et  M.  Bourgault-Ducoudray  avait  déduit  de  sa  locali- 
sation "  chez  les  peuples  qui  ont  une  communauté  d'origine  avec  les 
Arabes,  ou  qui  ont  été  asservis  à  leur  domination  "  l'existence  probable 
d'un  système  musical  particulier  aux  Aryens. 


LA    MUSIQUE    BRETONNE 


451 


La  mise  au  jour  de  Maro  al  laouenanig  ruine-t-elle  cette  séduisante 
hypothèse  ?  Je  ne  le  pense  pas.  L'auteur  de  la  chanson  avait  pu  voyager 
en  Orient  et  utiliser  un  thème  entendu  au  pays  du  soleil  ;  peut-être  l'avait- 
il  simplement  emprunté  aux  soldats  espagnols  dont  la  gwerz  dit  Marc  harit 
Char  lez  nous  rappelle  les  passages  en  Bretagne,  au  XVI'"*  siècle,  et  qui 
tenaient  le  chromatique  oriental  de  leurs  anciens  conquérants  mauresques  ; 
ou  peut-être  encore  était-il  lui-même  d'origine  ibérienne,  ^  et  son  œuvre 
ne  nous  offre-t-elle  que  le  fruit  d'un  atorisme  obscur. 

Quoiqu'il  en  soit,  là  encore,  ne  nous  hâtons  pas  de  conclure.  La 
rencontre  d'une  seule  mélodie  basée  sur  le  chromatique  oriental,  dans  un 
ensemble  de  douze  ou  quinze  cents  thèmes  recueillis  à  ce  jour  par 
M.  Bourgault-Ducoudray,  M.  l'abbé  Guillerin,  les  directeurs  de  Dihunamb! 
et  de  Klochdi  Breiz,  et  moi-même,  ne  suffit  pas  à  prouver  la  coexistence 
originelle  de  ce  mode  et  des  modes  diatoniques  anciens,  à  entamer  l'hy- 
pothèse vraisemblable  de  l'unité  musicale  aryenne.  Et  si  Maro  al  laouenanig 
mérite  d'attirer  l'attention,  tant  pour  sa  grâce  étrange  que  pour  l'imprévu 
de  sa  présence  en  Bretagne,  je  crois  qu'il  ne  faut  cependant  voir  en  elle 
qu'une  curiosité  musicale,  une  anomalie  artistique,  —  un  peu  ce  que 
serait,  pour  un  botaniste,  la  découverte  d'un  chêne-liège  ou  d'un  olivier, 
dans  une  lande  de  bruyères  et  d'ajoncs. 

Maurice  Duhamel. 


^  Les  habitants  de  plusieurs  régions  de  Bretagne,  notamment  celle  de  Plougastel-Daoulas,  viennent 
d'Espagne.  Rien  ne  trahit  en  eux  cette  origine,  du  reste,  les  peuples  celtiques  —  Bretons  et  Gaëls  —  ayant 
ce  privilège  singulier  de  façonner  totalement  les  immigrés  à  leur  image,  d'où  qu'ils  viennent,  en  deux  ou  trois 
générations. 


LA 

DAMNATION 
DE  FAUST 

ET  LA  PRESSE 
EN  1846 


Sitôt  finie  (19  Octobre  1846),  Berlioz  veut  faire  entendre  la  Dam- 
nation. Qu'on  la  copie,  qu'on  tire  les  parties  pour  l'orchestre  et  les  chœurs. 
Où  la  donnera-t-il  ?  Et  comment  ?  Qui  fera  les  frais  ?  Quel  éditeur,  quel 
directeur  de  théâtre,  ou  entrepreneur  de  concerts,  intéresser  à  cette  affaire  ? 
Et  quels  chanteurs  obtenir  ? 

L'échec  de  ses  concerts,  au  Cirque  Olympique,  n'était  engageant 
pour  personne.  Sauf  l'auteur,  qui  donc  peut  avoir  confiance  dans  cette 
partition  nouvelle,  rompant  avec  les  habitudes  du  public,  coûteuse  à 
monter,  et  qui  fournira,  pour  une  matinée  ou  deux,  des  recettes  bien 
aléatoires  ?  Avec  l'Opéra  où  Habeneck  est  tout  puissant,  la  guerre  est 
déclarée.  A  la  Société  des  Concerts,  c'est  encore  Habeneck  qui  règne. 
Reste  l'Opéra-Comique,  que  Berlioz  encense  alors  dans  ses  feuilletons. 

Avec  le  directeur  Basset,  il  passe  cette  convention  :  il  loue  la  salle  ; 
il  y  donnera  son  œuvre  à  ses  frais,  à  ses  risques  et  périls.  Et  c'est  lui-même 
qui  conduira  l'orchestre. 

A  la  fin  du  mois  d'octobre,  les  chanteurs  sont  recrutés.  Tout  de  suite 
les  annonces  paraissent,  et  l'on  précise  le  jour  : 


LA    DAMNATION    DE    FAUST  453 

—  "Ce  sera  le  29  Novembre,  à  rOpéra-Comique  ;....  cette  grande 
solennité  excite  au  plus  haut  degré  la  curiosité  du  public  musical." 

Un  mois  durant,  dans  les  journaux  amis,  la  série  des  annonces,  sans 
aucune  cesse,  fut  adroitement  variée  et  dosée.  De  fait,  Berlioz  jouait  une 
partie  désespérée.  La  reculade,  la  défaite  du  romantisme,  chaque  jour, 
depuis  cinq  ou  six  ans,  s'était  accentuée.  Et,  cette  saison  même,  dans  ce 
Paris  où  Berlioz  n'avait  pas  encore  trouvé  de  public,  pourrait-il,  à  moins 
d'un  miracle  de  la  publicité,  se  susciter  des  auditeurs  ?  Alors  on  respirait 
une  fièvre,  on  souffrait  d'un  malaise  général  qui  allait  aboutir,  quinze 
mois  plus  tard,  à  la  révolution  de  48.  Plus  d'affaires  ;  l'argent  se  cachait  ; 
le  bourgeois  pris  de  peur,  en  venait  à  douter  de  Louis-Philippe.  Louis- 
Napoleon  évadé  du  fort  de  Ham  ;  la  Chambre  dissoute,  les  élections  de 
Paris  favorables  à  l'opposition  ;  la  rente  qui  baisse  et  le  prix  du  pain  qui 
augmente  ;  ce  mois-ci,  les  ravages  d'une  inondation  ;  le  mois  dernier,  une 
émeute  au  faubourg  Saint-Antoine  :  vraiment,  comment  drainer  quelques 
milliers  d'auditeurs  vers  un  "  opéra  de  concert  "  dont  nul  ne   se  souciait  ? 

Infatigable,  indomptable,  Berlioz  se  multiplie.  Par  la  presse,  un 
chroniqueur  doit  tout  emporter.  Un  mois  durant,  c'est  une  pluie,  un 
torrent  de  communiqués.  Des  manuscrits  d'articles  (au  moins  quatre)  et 
des  lettres  subsistent  encore  dans  les  collections.  Mais  au  style,  et  à  des 
détails  que  Berlioz  seul  alors  peut  savoir,  on  reconnaît  sa  main  : 

—  "  Une  des  plus  importantes  scènes  de  la  Damnation  a  été  écrite  à 
Prague,  pendant  {sic)  une  répétition  de  la  Symphonie  Fantastique  "...  Et  la 
France  musicale^  dans  six  de  ses  hautes  et  larges  colonnes,  citait  le  livret... 

—  "  Mon  cher  Ami  (écrivait  Berlioz),  voilà  trois  réclames  telles 
quelles.  Je  suis  abruti  par  tous  les  préparatifs..." 

...  "  UOpèra  Légende^  conçu  pendant  le  dernier  et  brillant  voyage  de  M.  Berlioz  en 
Allemagne  présente,  dit-on,  une  variété  de  caractères  et  un  éclat  de  coloris  propres  à  justifier 
l'intérêt  extraordinaire  qu'il  excite  déjà  dans  le  public  musical...  On  s'inscrit  dès  aujourd'hui 
pour  les  loges  au  Bureau  de  location.  " 

Ou  encore  : 

"  Le  Faust  de  M.  Berlioz  met  en  mouvement  tout  notre  monde  musical...  Les  Répétitions 
préliminaires  de  ce  grand  ouvrage,  ont  déjà  révélé  des  morceaux  d'un  effet  extraordinaire  et 
pour  lesquels  les  exécutants  se  passionnent  d'une  façon  inaccoutumée... 

Et  le  journal  afîirme  que  M.  de  Montalivet,  ancien  Ministre  (et 
ancien  protecteur  de  Berlioz),  retarde  un  concert  de  Bienfaisance  afin  de 
ne  pas  nuire  à  la  Damnation. 


45+  S.   I.    M. 

Autre  communiqué  : 

...  "  L'orchestre,  composé  de  deux  cents  musiciens,  sera  conduit  par  l'illustre  Maître  lui- 
même...  Cette  belle  représentation,  qui  intéresse  au  plus  haut  degré  les  dilettantes,  attirera 
indubitablement  une  nombreuse  affluence. 

Dans  d'autres  journaux  amis  : 

—  "  On  assure  qu'il  n'y  a  déjà  presque  plus  de  places  à  louer." 
Dans  la  Presse,  Théophile  Gautier,  le  "  bon  Théo"  qui  avait  com-I 

plaisamment  exposé,  avec  l'accent  le  plus  berliozien,  une  théorie  sur 
r interprétation  harmonique  des  pédales  supérieures  \  —  le  "  bon  Théo  '*^ 
commence  par  faire  allusion  à  ce  qui  frappe  le  plus  Timagination  de  lai 
foule,  c'est-à-dire  l'agenouillement  de  Paganini  devant  Berlioz  et  le  chèque 
de  vingt  mille  francs  signé  par  le  "  Virtuose  infernal.  "  Puis  il  brode  sur 
le  livret,  lance  de  pimpantes  goguenarderies  à  propos  du  langage  sweden- 
borgien  du  Fandoemenium,  —  et  il  glisse  : 

"  On  aimonce,  pour  le  29  Novembre  l'exécution  d'une  œuvre  de  la  plus  haute  impor-| 
tance  :  la  Damnation  de  Faust....  Par  la  variété  des  scènes  et  la  couleur  romantique,  c'est  un  des] 
plus  beaux  sujets  que  puisse  traiter  un  compositeur...  M.  Hector  Berlioz  a  tout  ce  qu'il  faut] 
pour  réussir...  Rien  ne  lui  manque,  pas  même  un  peu  de  bizarrerie." 

Dans  les  Débats.,  "  le  prince  de  la  critique  "  développait  une  note! 
fournie  par  Berlioz.  Entre  ces  deux  camarades  de  rez-de-chaussée.,  c'était' 
une  habitude  ancienne  que  de  collaborer  ainsi  ;  d'ailleurs  certains  détails 
sur  l'instrumentation,  familiers  au  musicien,  prouvent  la  provenance.  Donc 
yanin,  avec  une  brillante  abondance,  annonçait  la  Damnation.  Il  louait 
Berlioz  d'avoir  remplacé  lui-même  le  décorateur  et  le  librettiste  :  "  quand 
les  paroles  lui  manquent,  Berlioz  n'est  guère  embarrassé  pour  trouver  un 
sens  {sic).,  un  vers,  un  rime,  quelquefois  même  une  terreur  [sic)...''  Et  le 
sémillant  "J.J.  ",  paraphrasant  le  libretto  imprimé,  continuait  de  lancer, 
en  gerbe  de  feu  d'artifice,  les  fleurs  phosphorescentes  de  la  plus  tashion- 
nable  rhétorique...  Enfin  il  concluait  : 

—  "  Quel  courage  dans  le  musicien  qui  sait    se    passer    de    tous   les 
accessoires  usités  :  le  costume,  le  ballet,  le  décor  ! 

Janin,  boulevardier  sans  illusions,  pressentait-il  un  échec  ? 
Les  satiriques,    stimulés    par    cette   publicité,   y    ajoutaient    la  leur  : 
Berlioz  qui    n'est   pas   pianiste,   improvise   ses    partitions   sur   une  grosse 

'  Voir  Un  Romantique  sous  Louis-P/iiiippr,  p.  495  et  511. 


LA   DAMNATION   DE    FAUST  455 

caisse,  et  ce  diable  d'homme  la  crève  d'un  doigt  ;  pour  diapasons,  il  lui 
faut  prendre  des  canons  et  des  obusiers  ;...  d'ailleurs  il  n'oublie  pas  sa 
réclame  : 

—  "  Bonne  ou  mauvaise,  sa  musique  fera  du  bruit'\ 

Cette  première  audition  s'annonçait  donc,  ou  plutôt  était  annoncée, 
comme  un  grand  événement  parisien.  Bien  plus,  la  présence  des  Princes 
Royaux  était  assurée.  A  un  journaliste,  Berlioz  demande  ; 

—  "  Trouvez  moyen,  je  vous  prie,  de  glisser  que  M.  le  duc  et  M"'*"  la 
duchesse  de  Montpensier  doivent  y  assister.  Cela  peut  influer  beaucoup 
sur  la  recette...  J'ai  effectivement  reçu  avant-hier  une  lettre  du  Secrétaire 
intime  m'annonçant  que  Leurs  Altesses  viendraient." 

Au  dernier  moment,  il  fallut  remettre  au  dimanche  suivant, 
6  Décembre.  Pendant  huit  jours,  nouvel  effort  de  publicité  : 

—  "  Cette  fois,  nous  le  croyons,  M.  Berlioz  remportera  une  grande 
victoire  !  " 

A  la  répétition  générale,  le  vendredi  matin  (4  déc),  les  amis  sont 
là,  les  camarades  de  journalisme.  Ceux  des  Débats,  ceux  de  la  Gazette 
Musicale,  figures  familières  ;  et  les  chroniqueurs  des  autres  feuilles, 
aimables  garçons  qu'il  interpelle  et  entretient  volontiers  aux  premières 
ou  sur  le  boulevard  ;  et  les  autres  gens  de  plume,  librettistes,  paroliers  de 
romances,  courriéristes  musicaux,  qui  peuvent  avoir  besoin  de  ses 
feuilletons  si  amusants,  si  adroits  et  si  lus.  Parmi  ce  "  parti  "  Berliozien, 
c'est  une  atmosphère  d'admiration.  Lui,  petit,  trépidant,  présent  partout, 
il  électrise,  il  fanatise  cet  auditoire  restreint.  Et  chacun  s'exhalte,  grisé 
par  une  musique  encore  inentendue,  et  songe  que  cette  révélation  n'aura 
peut-être  pas  d'auditeurs.  Hors  cette  chambrée  de  prosélytes,  ce  sera  sans 
doute,  dans  deux  jours,  un  désert  d'indifférence. 

Mais  qu'il  est  beau,  et  conquérant,  ce  Berlioz.  Figure  énergique, 
fauve,  à  profil  d'aigle.  Dominateur,  soulevé  par  sa  foi  en  lui-même,  la 
communiquant,  l'imposant,  combien  alors  on  le  "  vénère."  Eh  oui,  on 
sait  ses  incorrigibles  bizarreries,  ses  faiblesses,  ses  brèves  et  fulminantes, 
ses  "  volcaniques  "  toquades  d'amour,  et  ses  romans,  ses  suicides  qu'il  a 
racontés  à  tout  le  boulevard  ;  on  a  encore  dans  la  poche  telle  lettre  sans 
vergogne,  telle  incidieuse  réclame  qu'il  vient  d'écrire  avec  une  déconcer- 
tante et  trop  avisée  gaminerie...  Malgré  tout,  où  sont-ils  donc,  dans  ce 
Paris  de  spéculations,  de  bavardages  parlementaires,  de  mascarades  données 
par  la  garde  nationale,  —  où  sont-ils  donc  les   vrais  artistes  .?   Avec  lui. 


456  S.   I.   M. 

combien  y  en  a-t-il  qui  luttent  et  souffrent  pour  leur  art,  qui  se  sacrifient 
à  leur  œuvre,  et  qui  acceptent  l'existence  comme  une  sorte  de  long  mar- 
tyre pour  l'idéal  ?  Oui,  dans  ces  années  où  triomphent  de  rusés  fournis- 
seurs, comme  Ponsard,  Scribe,  Delaroche,  et  Clapisson,  combien  sont-ils 
à  mériter  le  nom  de  maître  ? 

Et  Gautier,  l'indulgent  Théo,  qui  frémit  d'enthousiasme  quand 
passe  le  mystérieux  souffle  du  grand  art,  —  Gautier  prophétise,  dès  la 
répétition  du  vendredi,  que  Berlioz  est  l'un  des  grands  hommes  du 
siècle  : 

—  "  Hector  Berlioz  nous  paraît  former,  avec  Hugo  et  Eugène 
Delacroix,  la  trinité  de  l'art  romantique". 

* 
*       * 

Il  vint  enfin,  le  Dimanche  de  la  première  audition. 

—  "  Cette  solennité  (annonçaient  encore  les  journaux  du  matin) 
réunira  l'élite  du  monde  artistique  et  du  monde  élégant." 

A  deux  heures,  la  salle  de  l'Opéra-Comique  est  à  moitié  vide.  — 
Berlioz,  quand  il  monte  au  pupitre  directeur,  peut  voir  que  son  œuvre 
va  mourir,  faute  de  public.  Partie  perdue...  Il  est  ruiné...  Tout  l'avenir 
s'écroule. 

Et  là,  sous  sa  main,  il  tient  son  chef-d'œuvre,  son  chef-d'œuvre  in- 
connu. En  vain,  désespérément,  il  va  le  faire  retentir  dans  une  salle  indif- 
férente. Quelques  amis  applaudiront.  A  quoi  bon  ?...  On  écrira  d'excel- 
lents articles.  A  quoi  bon  ?...  Son  génie  est  condamné  à  l'asphyxie  de 
l'isolement.  Pour  Berlioz,  pas  de  public...  Il  est  ruiné...  Paris,  indifférent 
encore  une  fois,  le  rejette. 

Minute  horrible...  Quiconque  aimait  Berlioz  fut  étreint  de  douleur. 
Le  soir  même  Jules  Janin,  qui  avait  réservé  la  fin  de  son  feuilleton  (im- 
primé dans  la  soirée  du  dimanche)  pour  applaudir  au  triomphe  de  son 
ami,  —  Jules  Janin  ne  pouvait  qu'écrire  des  phrases  dont  il  faut  peser 
toute  la  tristesse.  A  ses  lecteurs,  publiquement,  il  ne  pouvait  en  dire 
davantage.  Mais  qu'on  imagine  Janin  renseigné  par  quelqu'un  ou  présent 
dans  la  salle  :  pas  de  public...  L'avenir  de  Berlioz,  tout  à  coup,  lui 
apparaît  et  pour  masquer  la  défaite,  Janin  envoie  ces  lignes  aux 
Débats  : 


LA   DAMNATION   DE    FAUST  457 

...  "Du  côté  de  rOpéra-Comique,  avcz-vous  entendu  sur  les  quatre  heures,  aujourd'hui, 
les  applaudissements  les  plus  difficiles  k  obtenir  ?  Je  veux  parler  de  ces  louanges  si  pénibles  k 
arracher,  qui  coûtent  à  l'artiste  les  parcelles  les  plus  précieuses  de  sa  vie,  naoments  si  courts 
qu'il  faut  payer  par  les  angoisses  les  plus  cruelles  ;  gloire  impitoyable,  cruellement  débattue, 
gloire  contestée,  terrain  vague  disputé  à  l'oubli,  qu'il  faut  gagner  pied  à  pied,  à  la  sueur  de  son 
front,  par  les  tortures  de  son  cœur. 

...  Luttes  terribles,  luttes  cruelles,  duel  infini  de  l'homme  qui  sait  oser,  qui  sait  vouloir,  et 
qui  mourra  plutôt  que  de  ne  rien  céder  aux  habitudes  de  la  foule,  à  ses  instincts  aveugles,  k  ses 
stupides  volontés  ! 

Heureux,  trois  fois  heureux,  qui  pourrait  être  applaudi  comme  M.  Scribe  !  Que  je  plains, 
hélas  !  et  que  j'envie,  l'infortuné  qui  force  les  louanges  k  la  façon  de  Berlioz  ! 

J.  J-  " 

Pas  de  public...  La  présence  de  LL.  AA.  RR.  ne  rend  que  plus  sen- 
sible le  vide  de  la  salle.  Les  amis,  les  camarades,  font  bisser  la  Marche 
Hongroise^  puis  le  Ballet  des  Sylphes  :  leurs  applaudissements,  violents  mais 
clairsemés,  sonnent  faux,  lugubrement...  Et  l'exécution  est  incertaine, 
molle,  faute  de  répétitions  qui  auraient  augmenté  les  frais.  Le  chant  des 
choristes  est  même  si  inquiétant  que  Berlioz,  par  crainte  d'un  accident, 
supprime  le  Pandoemonium.  Quant  aux  solistes,  déroutés  par  cette  musique 
et  découragés  par  une  salle  à  demi-déserte,  ils  défendent  mal  cette 
œuvre  qui  meurt  dans  leurs  voix.  ^ 

Pas  de  public. 

Mais  Berlioz  ne  désespère  pas  :  les  Princes  sont  venus  ;  dans  deux  se- 
maines, le  20,  une  nouvelle  audition  sera  peut-être  une  revanche.  D'ailleurs 
il  tombait  de  la  neige  ;  et  il  y  avait  une  double  concurrence  :  la  distribu- 
tion des  prix  au  Conservatoire  et  le  Concert  de  Bienfaisance  organisé  sous 
lies  auspices  de  M.  de  Montalivet...  A  la  seconde  audition,  les  frais  seront 
[bien  moindres  ;  la  recette  pourra  combler  le  déficit. 
i  Donc,  dans  les  feuilles,  nouvel  eifort  de  publicité. 

!  Comptes-rendus  excellents.  —  Aux  Débats   (où  le  musicien-journa- 

liste est  chez-lui),  longue  analyse  dominée  par  ces  mots  : 

—  "  L'œuvre  nouvelle  de  M.  Berlioz  vient  d'obtenir  un  succès  trop 
complet,  trop  éclatant,  pour  que  ses  amis  ne  regardent  pas  désormais 
comme  à  l'abri  de  toute  atteinte  le  triomphe  d'une  cause  qui  se  défend 
si  magnifiquement  elle-même..."  ^ 

^  Distribution  :  Roger  (Faust),  Hermann  Léon   (Méphistophélés),  Henri  (Brander)  M'™  Duflot-Maillard 
(Marguerite). 

Article  signé  E.D.  —  Deldevez,  ou  Démarest  qui  suivait  l'Opéra  en  l'absence  de  Berlioz  (Archives  de 
l'Opéra). 


458  S.    I.    M. 

A  la  Gazette  Musicale^  —  où  Berlioz  exerce  depuis  si  longtemps  une 
collaboration  prédominante  et  presque  une  direction  effective,  —  autre 
analyse  enthousiaste  : 

...  "  M.  Berlioz  est  l'artiste  par  exxellence  pour  hasarder  victorieuse- 
ment les  extrêmes  hardiesses,  et  lutter  corps  à  corps  avec  l'impossible... 
Cette  physionomie  excentrique  de  Faust,  curieux  mélange  de  rêverie  et 
d'action,  de  scepticisme  raisonneur  et  de  passion  fougueuse,  devait  merveil- 
leusement séduire  l'homme  qui  a  déjà  écrit  Harold^...  et  qui  a  longtemps  ' 
médité  un  Hafnlet..y 

Le  "  bon  Théo  ",  dans  la  Presse^  combat  pour  Berlioz  et  pour  l'art  : 

"  M.  Hector  Berlioz,  quel  que  soit  le  jugement  qu'on  porte  sur  ses  œuvres,  est  un  artiste 
dans  la  force  du  mot.  Chez  lui  jamais  de  lâche  concession  aux  Philistins,  jamais  de  sacrifice  à 
la  vente  et  au  succès  du  moment  :  ce  n'est  pas  lui  qui  énerverait  son  mâle  talent  en  vue  des 
pianos  et  des  quadrilles.  Il  n'a  pas  peur  de  son  originalité  et  ne  recule  pas  devant  une  beauté 
choquante.  En  ce  temps  de  molesse  où  la  platitude,  sous  le  nom  de  bon  sens,  cherche  à  faire 
école  et  rallie  les  esprits  prosaïques,  il  conserve  la  même  verve  furieuse  et  la  même  passion 
désordonnée  qu'à  son  début,...  bien  que  quelques  poils  gris  commencent  à  briller  dans  ses 
favoris  et  sa  chevelure..." 

Marqué  par  l'âge,  Berlioz  ne  conservait  pas  tout  entier  son  admira- 
teur le  plus  véhément  et  le  plus  ancien.  Et  cela,  qui  est  très  symptomati- 
que,  mérite  d'être  médité.  —  Joseph  d'Ortigue,  qui  jadis  avait  signé 
l'autobiographie  de  Berlioz  écrite  par  Berlioz,  qui  avait  défendu  Benvenuto 
par  un  in-folio  \  —  le  fidèle  d'Ortigue  lui-même  n'admirait  plus  sans 
réserve  le  novateur  trop  révolutionnaire.  L'ancien  gonfalonier  du  mu- 
sicien romantique,  maintenant  assagi  ou  refroidi,  dodelinait  ses  quarante 
ans  et  ses  déceptions  dans  la  musique  des  "  vieux  maîtres  ",  dans  la 
douceur  mystique  du  plain  chant  ;  et  il  parlait  doctoralement  de  la  puis- 
sance des  bonnes  traditions  :  sans  se  fâcher,  Berlioz  ne  tardera  pas  à 
l'appeler  "l'abbé  d'Ortigue"...  A  la  Qi/otidie/nie,  d'Ortigue  fit  un  long 
article  amical  et  cruel:  malgré  quinze  ans  de  lutte  disait-il,  M.  Berlioz 
n'arrive  pas  à  ^^  se  Jaire  accepter''...  Pourtant  ce  n'est  pas  un  homme 
ordinaire  ;...  bien  qu'on  le  lui  conteste,  il  a  un  "  génie  mélodique  ",.. 
mais  sa  mélodie  n'est  pas'  "  la  mélodie  italienne  dont  nous  avons  fait 
notre  type  et  avec  laquelle  nos  oreilles  se  sont  familiarisées...  Sous 
l'ascendant  de  Gluck  et  de  Weber, 

...  M.  Berlioz  se  posa  de  prime-abord  en  compositeur  roniantic]ue.  Avec  cet  instinct  mer- 
veilleux   de    l'orchestration,   avec   ce   génie   particulier   des   timbrer,   des  effets   nouveaux,  des 

'    Voir  un  Komanhque  sous  Louis  l'hilippr,  j).   139  ù  149  et  462  .^  465. 


LA   DAMNATION    DE    FAUST  459 

nuances  de  sonorités  que  personne  ne  lui  conteste,  il  sut  reproduire  fort  heureusement  des 
images  appartenant  à  la  poésie  et  à  la  peinture. 

...  Tout  entier  préoccupé  de  ses  innovations,  séduit  par  ses  combinaisons  et  par  les  effets 
neufs  qu'il  produit,  M.  Berlioz  perd  tout  à  fait  de  vue  son  public  et  dépasse  cette  mesure,  ce 
niveau  au-delà  desquels  les  perceptions  du  public  s'arrêtent.  C'est  alors  qu'il  lui  arrive  de  com- 
mettre ces  fautes  que  des  compositeurs  souvent  fort  inférieurs  à  lui  évitent...  Alors,  il  donne 
raison,  aux  yeux  du  public,  à  ses  adversaires  les  plus  déclarés.  Croit-on,  de  bonne  foi,  que  tel 
membre  du  Conservatoire,  que  tel  faiseur  d'opéras,  de  ballets,  de  contre-point,  etc.,  ...  se  fasse 
illusion  sur  le  valeur,  la  portée,  la  supériorité  réelle  de  M.  Berlioz  ?  Ils  ne  l'attaqueraient  pas 
avec  tant  d'acharnement  s'ils  le  redoutaient  moins... 

Je  peux  à  présent  le  proclamer  sans  crainte  :  M.  Berlioz  est  de  la  taille  des  grands 
maîtres...  Comme  musicien  lyrique,  comme  poète,  comme  instrumentaliste,  il  a  ouvert  à  l'art 
des  horizons  nouveaux. 

...  Pour  ce  qui  est  de  l'instrumentation,  de  l'entente  des  grands  effets,  des  nuances  infinies 
de  la  passion,  des  fantaisies  poétiques,  M.  Berlioz  est  parmi  nous  sans  rival.  Sous  ces  divers 
aspects,  il  est  allé  plus  loin  que  Mozart,  que  Beethoven  et  Weber,  non  qu'il  leur  soit  supérieur, 
mais  parce  que  l'art  a  marché  entre  ses  mains. 

Néanmoins,  M.  Berlioz  luttera  toujours... 

Il  y  aura  tovijours  un  abîme  entre  la  manière  dont  la  masse  de  notre  public  (grâce  aux 
théories  qu'on  lui  a  faites)  conçoit  l'art,  et  l'art  tel  que  le  conçoit  M.  Berlioz... 

Aveu  cruel  mais  sincère  :  oui,  le  public  et  Berlioz  sont  séparés  par 
un  abîme.  —  Mais  pourquoi  le  fidèle  d'Ortigue  a-t-il  la  naïveté  de  le 
reconnaître  ?  Cela  peut  nuire  à  la  seconde  audition... 

Moins  consciencieux,  et  beaucoup  plus  journalistiques,  vingt  autres 
articles  pourront  séduire  davantage  le  lecteur.  Tous  mettent  hors  de 
doute  l'énergie  de  M.  Berlioz,  sa  constance  à  soutenir  une  lutte  héroïque, 
et  son  originalité  de  véritable  novateur.  Et  même  les  amis  ajoutent, 
comme  pour  stimuler  la  curiosité,  que  M.  Berlioz  est  excentrique  avec 
conviction  : 

—  "  Il  se  brûlera  la  cervelle,  si  jamais  il  est  assailli  par  une  idée  banale  !  " 

Quant  aux  confrères  jaloux,  s'ils  font  quelques  réserves,  ils  abondent 
aussi  en  éloges,  puisque  le  concert  n'a  pas  réussi.  Que  leur  servirait-il  de 
dénigrer  la  Damnation  :  l'œuvre  est  à  terre,  morte.  Est-ce  la  peine  de  se 
brouiller  avec  l'auteur,  journaliste  spirituel  et  à  craindre,  et  avec  les  gens 
de  la  Gazette  Musicale^  de  la  Presse^  et  surtout  des  officieux  Débats^  et 
avec  l'omnipotent  "  J.  J.  ",  prince  de  la  critique  ?  Aussi  bien,  bon  nombre 
de  chroniqueurs,  braves  garçons  quand  leur  intérêt  n'intervient  pas,  ont 
pu  être  gagnés  par  l'enthousiasme  de  la  répétition  du  vendredi,  ou  par 
l'ardeur  de  Maurice  Bourger,  Morel,  chaudesignes,  et  autres  berlioziens. 
Et   puis,  Berlioz  n'est  le  concurrent  de  personne,  et  les  faiseurs  d'articles 

4 


460  s.    I.  M. 

peuvent  subir  une  double  raison  d'aimer  cet  artiste  véritable  :   en  lui,  vit 
la   flamme   sacrée,  —  et  il  ne  fait  pas  de  recette. 

Quelques  "  insectes  du  feuilleton  ",  çà  et  là,  firent  leurs  habituelles 
piqûres.  La  Critique  Musicale  petite  feuille  débutante  essaya  d'attirer  l'at- 
tention sur  elle  par  un  éreintement  féroce.  Mais  qui  donc  le  lut  ?  Même, 
elle  collectionna  les  phrases  les  plus  désagréables  qu'on  avait  imprimées  : 
elles  font  sourire.  Sous  les  épithètes  choisies  parfois  pour  blesser,  sous  les 
hautaines  réserves  des  Fiorentino,  Jouvin  et  autres,  il  n'y  a  rien  de  sérieux, 
sinon  les  éternelles  et  sottes  critiques  faites  à  toute  musique  nouvelle  :  pas 
de  mélodie,  rythmes  brisés,  asymétrie  des  périodes  musicales,  destruction 
du  sentiment  de  la  tonalité,  surcharge  de  l'orchestre.  —  Reproches  qu'en- 
tendirent   tour    à   tour    Lully,    Rameau,    Gluck,    Mozart,    et    tous    les 


novateurs.  ' 


* 

*       * 


Les  articles  sur  le  concert  du  6  Décembre,  les  annonces  et  commu- 
niqués pour  celui  du  20,  —  toute  cette  publicité,  ce  tutti  d'éloges  auquel 
de  menues  critiques  ou  les  railleries  des  satiriques  ne  donnaient  que  plus 
de  relief,  allait-il  amener  enfin  le  public  à  Berlioz  } 

Le  Dimanche  20  Décembre,  la  salle  de  l'Opéra-Comique  est  aux 
trois  quarts  vide...  Sans  cette  neige  qui  tombe  encore,  le  serait-elle 
beaucoup  moins  .?  Le  mauvais  temps  est  impuissant  pour  retenir  chez 
eux,  par  ces  soirées  de  Décembre,  les  admirateurs  des  Diama?js  de  la 
Couronne.  —  Gibhy-la-Cornemuse  "  fait  des  recettes  inouïes  "... 

Pour  la  Damnation^  le  second  comme  le  premier  jour,  pas  de  public... 
Déjà  les  malveillants,  tel  le  chroniqueur  du  Charivari.,  essaient  leurs 
pointes  et  traits  spirituels  :  "  ha  Chanson  du  Rat  va  passer  inaperçue, 
puisqu'il  n'y  a  pas  un  chat  dans  la  salle." 

Salle  presque  déserte.  Quelques  mains  applaudissent,  mais  les  mali- 
cieux remarquent  :  "  la  salle  est  mieux  coînposée  que  la  musique  "...,  Et 
Berlioz,  dans  ce  vide  sans  écho,  continue  de  conduire  la  Damnation.,  et  de 
la  voir  mourir...   Le  ténor  Roger  ne  veut   même  pas  chanter  F  Invocation 

'   Sur  l'accueil  fait  par  la  Presse  à  la  Damnation,  un  erreur  s'est  accréditée. 
Berlioz  môme  écrit  (fin  décembre,  voir  plus  loin)  : 

—  "  Trente  journaux  en  ont  fait  l'clof^e." 

Dans  ses  Mi'moires  (Ch.  LIV),  il  écrira  un  phrase  que  l'on  cite  à  taux  : 

—  "  Rien,  dans  ma  carrière  d'artiste,  ne  m'a  plus  profondément  blessé  que  cette  indiiTércncc..."  Mais  dans 
ce  qui  précètle,  il  parle  du  public,  et  non  Jrs  Journaux. 


LA   DAMNATION   DE    FAUST  461 

a  la  nature..,  U Invocation .,  la  page  maîtresse  !...  Qu'importe  :  on  peut  déca- 
piter l'œuvre,  ce  n'est  déjà  plus  qu'un  cadavre. 

—  "  Enthousiasme  immense  !...  Quatre  morceaux  bissés",  publient  dès 
le  lendemain  les  camarades  de  journalisme.  Et,  en  hâte,  sous  leur  impul- 
sion, on  se  réunit,  on  se  cotise,  on  organise  un  banquet.  Est-ce  pour 
amorcer  une  troisième  audition  t  Est-ce  pour  couvrir  la  déroute  t 

\jQ  2.(^  Décembre,  banquet,  avec  toasts,  en  l'honneur  de  la  Damnation. 
Le  baron  Taylor  préside  :  il  porte  la  parole  au  nom  des  artistes  ;  puis 
Dumas  parle  au  nom  des  hommes  de  lettres  ;  Roger  (qui  n'avait  pas 
chanté  F  Invocation)  retrouve  sa  voix  et  parle  au  nom  des  chanteurs  ; 
Osborne,  au  nom  des  artistes  anglais  ;  et  Offenbach  au  nom  des  artistes 
allemands. 

Et  l'on  décide  "  d'ouvrir  une  souscription  pour  faire  frapper  une 
grande  médaille  d'or  commémorative". 

Comédie  sinistre.  On  couronne  une  victime.  "  On  étouffe  ses  cris 
(ainsi  le  constate  un  ennemi  clairvoyant),  sous  le  bâillon  des  éloges." 

Comédie  nécessaire.  Il  faut  ou  que  Berlioz  s'avoue  vaincu,  —  ou 
qu'il  se  pose  en  vainqueur.  Peut-il  être  dupe  de  cette  attitude  1  Est-il 
vainqueur,  quand  le  public  se  dérobe  .?  Mais  fatalement  il  la  joue,  cette 
comédie,  pour  le  public  qui  n'est  pas  venu  ;  il  la  joue  pour  les  crédules 
amis  de  province,  pour  les  correspondants  de  l'étranger  ;  il  l'a  joue  pour 
ses  parents.  A  tous,  il  mande  et  son  succès,  "  le  plus  grand  de  sa  vie  !  "  et 
le  banquet  d'admirateurs  et  la  médaille  d'or  : 

—  "  L'Ouvrage  est  lancé  (écrit-il  à  sa  sœur  Nanci),  on  en  parle 
partout,  trente  journaux  en  ont  fait  l'éloge  ".  ^ 

Ce  triomphateur  n'a  plus  qu'à  fuir. 

Pour  ses  deux  auditions,  il  vient  de  "  dépenser  un  argent  fou  ".  Et 
il  ne  l'a  pas.  Le  voilà  endetté,  lui  qui  n'a  aucune  avance,  aucune  réserve. 
Comment  va-t-il  payer  1  Et  comment  vivre  lui-même,  et  alimenter  ses 
deux  ménages  t 

—  "  Je  suis  (même  lettre)  comme  les  oiseaux  de  proie,  obligé 
d'aller  chercher  ma  vie  au  loin.  Les  oiseaux  de  basse-cour,   seuls,   vivent 

^  Lettre  inédite.  —  Autographe  communiqué  par  les  héritiers  de  Berlioz. 


462 


s.   I.  M. 


bien  sur  leur  fumier...  Je  suis  entouré  de  crétins  qui  cumulent  jusqu'à 
trois  places  largement  rétribuées,  tel  que  Caraffa,  par  exemple,  un  musi- 
cien de  pacotille,  qui  n'a  pour  lui  que  de  n'être  pas  français...  Il  n'y  a  rien 
à  faire  dans  cet  atroce  pays,  et  je  ne  puis  que  désirer  de  le  quitter  au  plus 
vite."  (fin  Décembre  1846). 

Le  chef-d'œuvre  de  Berlioz  venait  de  le  ruiner. 

Adolphe  Boschot. 


LETTRE   DE   NAPLES 


UNE  VISITE  AU   R.   P.  HARTMANN 


Dimanche  des  rameaux  !  Le  printemps  s'annonce  par  une  journée 
douce  et  embaumée.  Tout  le  monde  porte  dans  ses  mains  les  rameaux,  à 
petites  feuilles  vertes  ou  en  grandes  branches  jaunes  distribués  dans 
les  églises  ;  à  tous  les  coins  de  rues  les  bouquetiers  vous  offrent  des  fleurs 
d'amandier  et  des  violettes. 

Le  tramway  électrique,  que  je  prends  au  Musée  National,  suit  la 
rue  de  Capodimonte,  longe  le  parc  royal  dans  toute  son  étendue  et  suit 
la  large  voie  Appienne,  à  travers  les  campagnes  verdoyantes,  jusqu'à 
Marano^  où  je  descends  après  une  heure  de  trajet.  Le  village  est  aussi  en 
fête.  Ici-même  fleurs  et  rameaux  partout. 

Le  couvent  des  moines  franciscains  se  trouve  à  gauche  du  pays,  sur 
une  colline  d'où  l'on  jouit  d'une  vue  superbe  ;  tout  le  panorama  de  la 
Campanie.  A  gauche  la  mer  du  golfe  de  Gaëte,  puis,  au  loin,  les  mon- 
tagnes de  l'appenin  napolitain,  Caserte  avec  sa  cascade,  le  Vésuve  et  le 
golfe  !  A  la  porte  du  cloître,  un  moine  mince  et  pâle,  aux  cheveux  très 
ras,  m'annonce  au  P.  Bernardin,  qui  me  fait  passer  dans  le  parloir,  petite 
chambre  proprement  meublée  d'un  divan,  de  quatre  chaises  de  paille, 
d'une  table  avec  des  livres  et...  d'un  piano.  Tandis  que  je  regarde  le 
piano,  le  P.  Bernardin  me  dit  : 

—  C'est  le  piano  que  M.  Clausetti,  le  directeur  de  la  Société  de 
Concerts  nous  a  envoyé  pour  le  P.  Hartmann.  Notre  Maestro  est  au 
Chœur  et  il  va  venir  tout  à  l'heure. 

En  effet,  le  célèbre  musicien  franciscain  arrive  et  je  lui  annonce  mes 
intentions  :  "  C'est  la  troisième  fois  que  vous  venez  à  Naples  et  il  me 
semble  important  de  connaître  votre  opinion  que  pensez  vous  de  notre 
public  et  des  éléments  dont  vous  vous  êtes  servi  pour  donner  la  première 
fois  en  Italie,  votre  Morte  del  Signore  ". 


464  s.   I.   M. 

Le  P.  Hartmann  me  conduit  dans  sa  cellule.  Il  prend  place  devant 
une  petite  table,  sur  laquelle  est  ouverte  la  partition  du  Stabat  Mater  de 
Rossini  et,  en  m'ofFrant  une  chaise,  me  dit  : 

—  Ici  nous  sommes  à  notre  aise,  n'est-ce  pas  ? 

—  Oui,  nous  sommes  aussi  bien  qu'au  confessional.  Seulement  c'est 
vous,  Padre,  qui  devez  me  répondre.   Voilà  la  différence. 

Le  P.  Hartmann  sourit  et  j'en  profite  pour  lui  demander  quelques 
indications  biographiques. 

—  Je  suis  né  à  Salurno,  dans  le  Tirol,  le  31  Décembre  1863,  et  à 
seize  ans  j'entrais  dans  l'ordre  de  Saint  François.  La  paix  du  cloître  et  les 
chants  liturgiques  développèrent  mon  goût  des  études  musicales.  Je  fis  des 
démarches  pour  être  admis  à  l'école  du  père  Pierre  Singer,  à  Salzburg, 
célèbre  organiste  et  inventeur  du  'Pansymphonicum.  Mes  études  achevées, 
on  m'envoya  organiste  à  Linz,  puis  à  Reuth  et,  en  1893,  ^  Jérusalem,  pour 
tenir  l'orgue  à  l'église  au  Saint-Sépulcre  ;  j'y  restai  pendant  deux  ans. 
Ensuite  je  passai  à  Rome,  à  l'église  d'Aracœli.  Là,  je  séjournai  onze 
années,  et  entre  temps  fus  nommé  directeur  et  professeur  de  composition 
et  d'instrumentation  à  P École  Musicale  Coopérative.  En  1906,  enfin,  sur 
l'ordre  de  notre  Général,  j'allai  à  Munich,  où  je  suis  actuellement.  Voilà 
tout. 

—  éMaestro^  on  m'a  dit  que  vous  êtes  aussi  professeur  de 
philosophie 

—  Non,  en  1905  l'Université  de  Wurzburg  me  donna  le  grade  de 
docteur  en  théologie  ;   c'est  différent. 

—  Voulez-vous  me  dire,  Maestro.,  quel  genre  de  composition  vous 
préférez  t 

—  J'ai  écrit  des  Lieder.,  des  Messes,  des  Motets,  des  quatuors,  des 
trios,  des  sonates  et,  surtout,  des  oratorios. 

—  Combien  d'oratorios  avez  vous  composés  jusqu'ici  ? 

—  Cinq.  Le  San  Pietro^  écrit  en  1899,  et  donné  à  Rome,  la  pre- 
mière fois  ;  puis  le  San  Francesco  en  1900,  exécuté  à  Saint  Pétersbourg  ; 
la  Cena  del  Signore.,  (que  j'ai  dirigée  l'année  dernière  à  Naples  au  San  Carlo^) 
écrite  entre  1902  et  1903  et  chantée,  pour  la  première  fois  à  Wurzburg  ; 
la  <£Morte  del  Signore  en  1905,  que  je  viens  de  diriger  encore  ici,  cette 
semaine,  à  Santa  Chiara  et  les  'àet te  'Parole.,  écrites  en  1907  et  exécutées  à 
New-York,  où  j'ai  habité,  deux  ans.  Le  climat  de  ce  pays,  trop  froid  pour 


LETTRE  DE  NAPLES  465 

moi,   me  rendit  gravement   malade.  Je  ne   me  suis  guéri,   grâce  à   Dieu, 
qu'à  après  mon  retour  en  Europe, 

—  Et  à  présent  que  composez-vous  ? 

—  Je  travaille  à  un  autre  oratorio,  pour  voci  sole,  chœurs  et  orche- 
stre, comme  tous  les  précédents.  Je  ne  puis  vous  en  dire  grand  chose,  je 
n'en  ai  pas  encore  écrit  une  mesure.  Je  puis  seulement  vous  donner  son 
titre  le  Te  Deum. 

—  Je  voudrais  savoir,  Maestro,  comment  vous  préparez  les  textes  de 
vos  oratorios. 

—  C'est  très  facile  :  je  les  emprunte  à  la  liturgie,  source  intarissable 
de  toutes  mes  inspirations.  D'abord  je  choisis  le  sujet.  Ensuite  j'y  adapte 
le  texte  correspondant  des  évangiles.  Cela  fait  il  ne  me  reste  qu'à  répartir 
les  morceaux.  Lorsque  ce  travail  est  achevé,  je  commence  la  composition 
musicale,  et,  enfin,  l'instrumentation. 

—  Et  tout  ce  travail  vous  prend-il  beaucoup  de  temps  ? 

—  Naturellement,  de  mois,  une  année  et,  quelquefois,  même 
davantage.  — 

On  frappe  à  la  porte.  Notre  conversation  amicale  —  pendant 
laquelle  j'ai  pris,  effrontément,  place  à  la  table,  pour  noter  la  parole  lente 
et  douce  du  P.  Hartmann  —  est  interrompue  par  un  moine  qui  nous 
apporte  le  café.  Le  père  n'en  prend  pas.  J'accepte  ma  tasse  et  tandis  que 
je  bois  le  moine  avec  l'intention  de  se  montrer  aimable  dit  :  Ça  ne  fait 
pas  mal  :   c'est  de  l'eau  chaude  ! 

Encouragé  par  sa  bonté  et  par  sa  patience,  je  priai  le  P.  Hartmann 
de  m'écrire  les  thèmes  principaux  de  son  oratorio,  la  morte  del  Signore.  Il 
prit  la  plume  et  après  avoir  tracé  quelques  lignes  de  musique,  que  je  vous 
envoie,  il  me  dit. 

—  Le  texte  des  évangiles  de  Saint  Mathieu,  de  Saint  Luc  et  de 
Saint  Jean,  sur  la  mort  du  Seigneur,  la  plus  grande  tragédie  de  l'huma- 
nité, me  subjugua  littéralement.  La  première  partie  de  mon  oratorio 
représente  l'humiliation  de  Jésus,  qui  souffre  le  supplice  de  la  croix  et 
l'exaltation  de  ce  sinistre  instrument  de  mort,  auquel  les  hommes  ont  voué 
leur  Dieu.  Cinq  mesures  à  peine  de  prélude  orchestral  précédent  le  chant 
du  contralto  [Une  voix  mystérieuse)  :  Ecce  crucem  Domini.  C'est  l'Ame 
repentie,  souffrante  à  la  vue  du  Très-Haut. 


4 


66 


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^^^^^^.^f^^X^irj^f^^^^^ 


Toutes  les  voix  se  fondent  dans  le  Venite  adoremus. 
]JHistoire  (soprano),  dans  son  récitatif  raconte  de  supplice*et  rappelle 
la  prophétie  : 


-^i 


Et  la  Wa'  mystérieuse  reprend  suivie  du  chœur  qui  répète  l'invo- 
cation. 

Voici  maintenant  Jésus  sur  la  croix.  \JHistoirc  montre  le  peuple 
insultant  et  blasphémateur,  et  le  baryton  (Jésus) ,  que  l'on  ne  voit  pas, 
accompagné  par  l'orgue,  répond  :    O//,  mon  peuple^  que  t'at-je  fait  ? 


LE  R.   P.   HARTMANN 
(Croquis  de  Labella) 


LETTRE  DE  NAPLES 


■nVUtKCw      <^ra»V>'ra£*tf^ 


•  /-"-**  '**,       ~    t^ 


Le  chœur  : 


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467 


Puis  viennent  les  épisodes   du    mauvais    larron    et    des  soldats  se 
disputant. 


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•^^^^  <^  yk   i.  >-   ^  ^      . 


La  seconde  partie  comprend  deux  thèmes,  confiés  à  l'orchestre,  aux 
chœurs  et  au  contralto  ; 


468 


S.   I.    M. 


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J.J. 


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(li^c^  ">■>   -(^   --.fc.  /*i-'jzir 


Auquel  s'unit    le   soprano    dans   un   duo   sur  les  premières  phrases 
du  Sfa^at  éMater. 


J^S^ 


Ici  se  place  la  scène  de  Marie  et  de  Jean.  Puis  le  peuple  entonne  : 
O  Maria^  mater  Dei,  (choral  d'hommes)  et  :  A  te  datur  Paradisus^  (voix 
de  femmes). 


^>40 


\J Histoire,  continue  le  drame  jusqu'au   bout   et   les  voix  de  l'huma- 
nité entière  terminent  par  un  hymne  de  gloire  : 


LETTRE  DE  NAPLES 


469 


Ar  è  i  .^'i  U  rj. 


ÀL  l-i  J-f   ^,  ^ 


'>*i     V-  '4w^ 


(i'^»^'^ 


Le  P.  Hartmann  inépuisable  de  bienveillance  continue  et  m'expose 
ainsi  ses  œuvres  et  ses  goûts.  Il  ne  peut  me  cacher  sa  grande  admiration 
pour  Beethoven. 

—  Le  génie  supérieur  du  titan  de  Bonn,  particulièrement  dans  ses 
symphonies,  a  ouvert  à  notre  art,  enfermé  dans  les  lignes  sévères  du 
classicisme,  un  nouvel  horizon. 

Mais  ce  qu'il  nous  a  surtout  appris  c'est  à  penser  en  musique,  à 
mettre  les  ressources  de  notre  art  symphoniques  au  service  d'un  idée,  à 
subordonner  l'œuvre  à  une  psychologie  particulière,  qui  l'anime,  qui  au 
lieu  de  provoquer  un  simple  plaisir  passager,  laisse  un  impression  de  véri- 
table recueillement...  Aussi  je  vous  avoue  que  je  ne  cesse  de  relire  les 
dernières  œuvres  du  maître. 

—  Et  parmi  les  modernes  ? 

—  Bien  entendu,  j'aime  et  j'admire  Berlioz,  Liszt,  Wagner,  Bruck- 
ner  et  Brahms  ont  toutes  mes  sympathies,  ainsi  que  Bizet,  Franck,  Saint 
Saëns,  Dubois  et  Pierné...  Quant  au  présent,  nous  sommes  sous  le  coup 
de  l'impressionisme  de  Debussy  et  du  modernisme  de  Reger.  Le  moment 
n'est  pas  venu  de  se  prononcer  encore... 

Une  clochette,  résonne  aigrement  à  travers  les  couloirs  déserts  et 
discrets.  C'est  l'heure  du  réfectoire,  ma  visite  est  finie  et  je  prends  congé 
du  Père  après  m'être  excusé  de  l'avoir  si  longtemps  retenu. 

G.  DE  Leva. 


A  TRAVERS  L'ESTHÉTIQUE  MUSICALE 


LA  CRITIQUE  MUSICALE  AU  TEMPS  PRESENT 


J'ai  longtemps  et  vainement  souhaité,  en  France,  une  critique  musicale  représentée  par 
des  écrivains  au  courant  des  choses  de  la  musique,  au  besoin  même  de  la  technique  de  cet  art, 
et  pourvus  d'une  culture  générale  qui  leur  permît  d'en  parler  en  humanistes.  "  Humaniste  " 
fut  jadis  un  terme  à  la  mode.  Ce  terme  paraît  bien  tombé  en  désuétude,  et  cela  par  une  raison 
des  plus  simples.  Les  humanistes,  aujourd'hui,  sont  en  baisse.  Ils  se  font  de  plus  en  plus  rares. 
Ils  se  font  de  moins  en  moins  entendre.  Ils  se  feraient  entendre,  qu'ils  ne  se  feraient  pas 
écouter...  Tel  est  le  bruit  qui  court.  Je  ne  suis  pas  sûr  qu'il  ait  raison  de  courir.  Ce  dont  je 
suis  malheureusement  sûr,  c'est  que  nous  avons  aujourd'hui  des  critiques  musicaux  très  doués, 
très  cultivés,  capables  de  penser,  sans  doute  mais  réussissant  mal  à  faire  penser  le  lecteur.  De  là 
vient  qu'ils  ennuient,  qu'ils  m'ennuient.  Un  seul  m'amuse,  c'est  l'Ouvreuse,  dont  vous 
m'accorderez  bien  que  l'ouverture  d'esprit  ne  laisse  guère  à  désirer. 

Je  ne  parle  point  du  court  du  trop  court  passage  de  Romain  Rolland  à  la  Revue  de  Paris. 
Durant  le  temps  qu'il  y  écrivit,  ses  articles  surprirent  par  la  richesse  du  contenu,  par  l'audace 
des  thèses  exprimées  ou  suggérées,  par  la  solidité  des  raisons  qui  autorisaient  cette  audace. 
Romain  Rolland  réfléchissait  sur  la  musique  à  la  manière  d'un  musicien,  et  surtout,  d'un 
vivant.  Et  voilà  pourquoi  il  nous  faisait  penser  et  réfléchir. 

"  Faire  penser  et  réfléchir  "  voilà  ce  dont  se  soucient,  moins  que  de  tout  le  reste,  nos 
critiques  musicaux  contemporains,  plus  chroniqueurs,  à  vrai  dire,  que  critiques  véritables.  Ils 
pensent  juger  du  bon,  du  médiocre  et  du  meilleur.  Si  trancher,  c'est  juger,  à  la  rigueur  ils 
jugent.  Mais  on  dirait  que  la  direction  du  journal  où  ils  écrivent  leur  interdit  de  motiver  leurs 
jugements.  Notez  qu'en  leur  demandant  des  "  motifs  "  je  ne  leur  demande  pas  de  "  preuves  " 
au  sens  fort  du  terme.  Je  voudrais  seulement  qu'ils  n'affirmassent  rien  sans  dire  pourquoi.  Or 
c'est  ce  dont  ils  n'ont  cure. 

"  Faire  penser  et  réfléchir  "  voilà  ce  que  Goethe  appréciait  chez  son  ami  Zelter.  Goethe 
était,  quant  à  lui,  médiocrement  sensible  aux  beautés  musicales.  La  perception  directe  de  ces 
beautés  lui  faisait  naturellement  défaut.  Mais  il  les  apercevait  quand  on  les  lui  montrait.  Le  cas 
de  Goethe  est  assez  répandu,  très  répandu  même  en  France.  Je  parle  de  notre  élite  intellec- 
tuelle, à  qui  très  souvent,  trop  souvent  la  musique  ne  dit  rien.  On  lui  rcproclie  de  ne  point 
faire  penser,  on  constate  le  plaisir  qu'elle  procure,  celui  que  par  intervalles,  on  y  prend  soi- 
même.  II  est  même  aisé  de  s'apercevoir,  à  quel  point  la  musique  tient  peu  de  place  dans  les 
préoccupations  de  nos  meilleurs  critiques  littéraires.  Les  images,  les  comparaisons,  les 
métaphores  d'origine  musicale  sont  loin  de  leur  être  familières.  Tant  il  est  vrai  que  la  musique 
"  ne  les  fait  point  penser  ". 

Ne  pourrait-on,  ici,  généraliser,  et  soutenir,  qu'au  sens  propre  ilu  terme  la  musique  ne 
saurait  exercer  sur  la  pensée  aucune  action  directe  f 


Pour  mieux  s'en  rendre  compte,  il  conviendrait  peut-être  de  serrer  de  près  la  formule  : 
faire  penser  "  ?  Quel  sens  lui  donnerons-nous,  si  même  il  est  possible  de  lui  donner  un  sens  ? 


A   TRAVERS   L'ESTHÉTIQUE  471 

Quand  Brunetière  parlait  de  ses  maîtres,  et  il  en  parlait  volontiers,  il  citait  au  premier 
rang,  l'auteur  des  Maîtres  (V Autrefois  Eugène  -Fromentin.  Il  considérait  les  leçons  de  Taine 
sur  V Idéal  dans  C Art  comme  un  livre  digne  d'avoir  fait  une  révolution  dans  la  Critique.  D'où 
l'on  peut  conclure  :  i°  que  la  critique  d'art,  passé  une  certaine  hauteur,  domine  non  seulement 
l'art  qui  lui  a  servi  de  cause  occasionnelle,  mais  tous  les  arts  et,  plus  encore:  2"  que  les  formules 
mises  en  circulation  par  cette  critique  comportent  une  application  générale.  On  admet 
ordinairement  que  plus  un  auteur  sème  ou  soulève  d'idées  générales,  plus  cet  auteur  fait  penser. 

Reste  à  se  demander  à  quoi  nous  pensons  quand  on  nous  fait  penser  ?  A  quelles  personnes 
ou  à  quelles  choses  ?  A  nous-mêmes  \  A  nos  semblables  ?  Aux  événements  qui  jalonnent  la  vie 
de  chaque  jour  ?  A  moins  que  ce  ne  soit  à  ceux  qui  la  troublent  et,  en  la  bouleversant,  nous 
bouleversent  ?  A  la  vie,  en  un  mot  ?  —  Est-ce  ainsi  qu'il  faut  répondre  ? 

En  tout  cas,  à  moins  de  se  taire,  on  ne  saurait  répondre  autrement. 

Et  cette  réponse  nous  conduirait  aisément,  sinon  immédiatement,  —  mais  supprimons  les 

intermédiaires  —  à  cette  autre  :  "  La  critique  musicale  ne  fait  point  penser  parce  qu'elle 

manque  de  psychologie  ". 

* 
*      * 

Il  est  certain  que,  la  plupart  du  temps,  elle  en  manque  ?  Peut-on  lui  en  faire  un  reproche! 
Nous  écrivions  jadis  que  la  psychologie  musicale  est  inséparable  de  la  musique.  Nous  distin- 
guons dans  toute  œuvre  musicale  :  i"  la  forme  ;  2"  le  fond.  Nous  allions  même  jusqu'à  soutenir 
qu'une  musique  très  expressive  n'est  point  nécessairement  très  belle.  Peut-être  en  ce  temps  là, 
étions-nous  sur  le  chemin  de  l'erreur.  Et  pourtant  que  d'opéras  s'imposent  à  l'admiration  du 
public,  dont  on  dirait  volontiers,  comme  de  certains  romans  ou  de  certains  drames  :  "  qu'ils  ne 
sont  pas  écrits  !  " 

Dans  ces  conditions,  une  critique  musicale  limitée,  l'examen  de  la  valeur  ou  de  la  puis- 
sance expressive  des  oeuvres  risquerait  de  faire  fausse  route  et  de  pécher  par  de  regrettables 
excès  d'indulgence.  Et  les  excès  d'indulgence  conduisent  souvent  à  de  véritables  devis  de 
justice.  Du  point  de  vue  de  la  psychologie  musicale  l'air  de  la  Calomnie  à^H.  Barkiére  est  un 
incontestable  chef-d'œuvre,  l'un  des  chefs-d'œuvre  de  Rossini.  Ce  chef-d'œuvre  est  pourtant 
écrit  à  la  diable.  Le  style  musical  est,  on  ne  saurait  mieux  approprié  à  la  situation.  Le  com- 
positeur a  écrit  ce  qu'il  y  avait  à  dire.  Il  s'est  plié  fort  heureusement  aux  exigences  du  drame, 
ce  qui  nous  a  valu  un  chef-d'œuvre  de  psychologie  musicale.  Cela  ne  veut  pas  dire  un  chef- 
d'œuvre  de  musique. 

La  Fie  de  Rossini  par  Stendhal  est  semée  de  jugements  qui  font  grand  honneur  au  psy- 
chologue :  on  ne  l'a  pas  assez  dit.  On  s'est  contenté  de  récuser  les  jugements  "  musicaux  "  de 
l'auteur.  On  a  eu  tort  ;  il  est  vrai,  de  les  récuser  en  bloc.  Si  je  rappelle  ici  cette  œuvre  injuste- 
ment négligée  de  Stendhal,  c'est  qu'elle  ne  fait  pas  penser  sensiblement  moins  que  la  plupart 
de  ses  livres.  D'où  l'on  serait  tenté  de  conclure  qu'une  critique  musicale  capable  d'éveiller  ou 
de  suggérer  des  idées  générales,  y  réussirait  d'autant  mieux  qu'elle  s'écarterait  de  sa  véritable 
voie.  Car  le  propre  de  la  critique  d'art  n'est-il  pas  de  juger  une  œuvre  d'art  en  tant  que  telle. 
Or  si  l'on  réduisait  la  critique  musicale,  à  l'examen  de  la  valeur  psychologique  d'une  œuvre, 
on  lui  imposerait  une  tâche  qui  n'est  point  la  sienne. 

Nous  avons  donc,  nous,  deux  tâches  à  remplir,  deux  démonstrations  à  entreprendre:  1°  La 
musique  est  un  art  qui  fait  penser  ;  2"  par  des  vertus  propres  et  qui  sont  indépendantes  de  sa 
valeur  ou  de  son  contenu  psychologique.  Mais  ce  sera  pour  le  mois  prochain. 

Lionel  Dauriac. 


BELLAIGUE  C.  —  Gounod.  (Collection  des  Maîtres  de  la 
musique.  Alcan  1910  in-12*'). 

Remercions  M.  Bellaigue  d'avoir  fixé  ses  souvenirs  sur 
Gounod  et  d'avoir  consacré  à  l'auteur  de  Faust  300  pages  élégantes, 
pleines  de  vues  esthétiques  nouvelles.  M.  Bellaigue  est  avec 
M.  Saint  Saëns,  le  meilleur  juge  de  l'œuvre  de  Gounod,  parce 
qu'il  a  vécu  dans  sa  familiarité,  parce  qu'il  la  connaît  et  parce 
qu'il  l'aime. 

Gounod   représente,    dans   la   musique  française,   un    bel  et 
noble  effort   d'adaptation.  C'est  lui,  plus  encore  que  Berlioz,  qui 
a  réconcilié  l'art  d'Auber  et  de  Boïeldieu  avec  celui  de  Beethoven 
et  de  Mendelssohn.  Il  a,  comme  le  dit  excellemment  M.  Bellaigue, 
ramené  la  musique  française  du  dehors  au  dedans  ;  il  a  mis  fin  à  ses 
égarements  et  lui  a  pour  ainsi    dire  rendu  une   patrie,  celle  de 
l'âme  et  du  sentiment.  Aussi  le  caractère  dominant  de  son  œuvre 
est-il  celui  de  la  conciliation  :  conciliation  du  mysticisme  et  de  la 
sensibilité    profane,    conciliation   du   romantique   et   de   l'antique, 
conciliation  de  l'esprit  français  (car  il   était    infiniment   spirituel) 
avec   la   rêverie   germanique.   Tout   cela   avec   onction,    chaleur, 
naïveté.  Et  n'est-ce  pas  dans  le  duo  que    la  musique  de  Gounod   a  toujours   triomphé,  c'est 
à  dire  dans  les  moments  où  il   s'agit   de  fondre   dans  un  même  sentiment  deux  éléments  diffé- 
rents, de  passer  de  la  dualité  à  l'unité. 

En  notre  pays  séparatiste  et  chicaneur,  et  vers  1860,  cet  art  de  sympathie  et  de  parfait 
amour  était  héroïque.  Aujourd'hui,  nous  le  trouvons  un  peu  démodé.  Pourquoi  ?  Parce  que 
Gounod,  en  ramenant  la  musique  française  vers  l'intériorité  des  émotions  sentimentales  n'a 
fait  pour  ainsi  dire  que  son  devoir  de  musicien  de  génie.  Et  on  ne  sait  jamais  gré  aux  gens  de 
faire  leur  devoir.  De  son  vivant  même  Gounod  a  été  dépassé  dans  la  voie  où  il  s'était  engagé, 
dépassé  par  ses  élèves,  dépassé  par  les  Allemands,  si  bien  qu'il  s'est  trouvé  dans  la  situation 
pénible  d'un  progressiste  qui  devient  réactionnaire.  Il  avait  mis  en  marche  une  génération,  il 
avait  provoqué  un  mouvement,  et  dans  le  temps  même  qu'il  cherchait  la  formule  artistique 
de  son  enthousiasme,  le  siècle  l'entraînait  au  lieu  de  se  laisser  guider  par  lui.  L'admirateur  de 
Mendelssohn  se  trouvait  tout  à  coup  en  face  de  Parsija/  et  de  la  Demoiselle  Elue.  Toute  son 
œuvre  se  ressentit  de  cette  perpétuelle  concurrence. 


LES    LIVRES 


473 


Gounod  ne  parvint  pas  à  arrêter  à  son  profit  la  marche  rapide  de  l'évolution  de  notre 
musique  moderne,  il  ne  voulut  pas  non  plus  la  suivre.  Tel  était  sa  crainte  des  excès,  son  goût 
de  l'opportunisme.  Et  peut-être  doit-on  voir  dans  ces  hésitations  l'influence  de  Rome,  qui  fut 
extrême  chez  Gounod.  S'il  est  au  monde  une  ville  antimusicale,  c'est  bien  la  Rome  des 
Césars  et  des  Papes,  lieu  de  diplomatie  et  d'administration,  centre  ambitieux  d'éternité  et  de 
perpétuel  statu  quo,  dont  la  plus  grande  gloire  se  résume  dans  le  Pontifex^  l'ingénieur  des 
ponts  et  chaussées  !  Dans  le  musicien  Gounod  s'aperçoit  clairement  la  lutte  des  deux  grandes 
énergies  qui  stimulent  l'activité  humaine,  celle  de  la  vie  intérieure  (Bach,  Beethoven, 
Mendelssohn)  et  celle  de  la  vie  extérieure  (Rome).  Et  l'originalité  de  l'auteur  de  Faust  est 
précisément  d'avoir  cherché  un  compromis  entre  ces  deux  puissances,  compromis  délicieusement 
instable. 

M.  Bellaigue  semble  tenté  de  faire  un  mérite  à  Gounod  de  cette  réserve  prudente.  Et 
c'est  bien  son  droit.  Il  y  a  là  en  effet  une  certaine  modération  à  laquelle  les  Français  ont 
toujours  été  sensibles  en  musique.  Toutefois,  il  faudrait  se  garder  d'opposer  cette  apparente 
simplicité  à  la  complexité  d'un  Wagner,  comme  le  tente  plusieurs  fois  dans  ce  livre  M. 
Bellaigue.  S'il  est  bien  entendu  que  Gounod  a  cédé  à  l'entraînement  des  grands  maîtres 
Allemands,  et  s'est  engagé  à  leur  suite  dans  la  voie  qui  mène  à  la  complexité  des  sentiments 
intimes,  s'il  l'on  tombe  d'accord  pour  reconnaître  que  cette  orientation  est  la  caractéristique 
de  son  génie,  et  représente  la  nouveauté  apportée  par  lui  dans  la  musique  française,  alors 
Gounod  n'est  qu'un  prédécesseur  de  Schumann  et  de  Wagner,  et  il  n'y  a  qu'une  différence  de 
mesure  entre  Sapho  et  Brunnhilde,  entre  Roméo  et  Tristan.  M.  Bellaigue,  reprenant  une 
argumentation  chère  à  l'esthétique  française,  voudrait  opposer  "  le  conflit  des  pensées  innombrables 
et  véhémentes  "  de  Wagner  à  "  Vunité  de  la  sereine  et  profonde  pensée  "  chez  Gounod.  Il  voudrait 
nous  faire  admettre  qu'il  y  a  dans  Gounod  un  effort  de  concentration  et  de  réduction  à 
l'unité  tout  aussi  puissant  que  l'amoncellement  édifié  par  Wagner.  Hé  bien  non.  Sans  même 
entrer  dans  le  fond  du  début,  qui  est  celui  du  classicisme  et  du  romantisme^  on  doit  avouer 
que  Gounod  ne  procède  pas  par  concentration  mais  par  élimination.  Comme  le  dit  si  bien 
M.  Bellaigue  "  //  se  restreint  h  ce  quil  sent  le  mieux  convenir  à  la  discrétion  et  à  Pintimitè  de  son 
génie  ".  Son  goût,  son  tempérament  le  portent  vers  les  paysages  d'âmes  qui  sont  ceux  de 
Shakespeare,  de  Goethe  et  de  Wagner,  mais  arrivé  là,  son  audace  tombe.  Il  choisit  dans  Faust 
l'épisode  de  Marguerite  ;  il  passe  à  côté  de  Schopenhauer  et  s'en  tient  à  l'antithèse  du 
rossignol  et  de  l'alouette.  Devant  ce  flot  qui  monte  de  la  musique  moderne,  Gounod  ne  se 
sent  pas  en  sûreté  ;  sa  religion  s'alarme  ;  il  cherche  son  salut  du  côté  de  l'oratorio.  L'exaltation 
qu'il  a  connue  jadis  à  la  Villa  Médicis  en  1840,  lorsque  Fanny  Mendelssohn  lui  jouait  les 
œuvres  allemandes,  il  voudrait  la  capter  au  profit  de  ses  convictions  religieuses,  de  son  idéal 
second  empire,  de  son  esthétique  romaine.  Mais  Vesprit  de  la  musique^  était  ailleurs  déjà,  il 
composait  le  quatuor  de  Franck,  il  préparait  Fervaal,  la  Bonne  Chanson,  Tod  und  Verklaerung. 
Gounod,  comme  toute  l'école  française  qui  procède  immédiatement  de  lui,  n'a  pu  se  livrer 
sans  réserves  au  sentiment  musical.  Il  fut  par  contre  —  laissons  lui  ce  beau  rôle  —  un 
merveilleux  initiateur.  A  notre  musique  française,  asservie  par  l'opéra,  et  brutalisée  par  Berlioz, 
il  a  rendu  la  confiance,  le  sourire  et  la  beauté.  Ne  lui  demandons  pas  davantage. 

J.  E. 

LEICHTENTRITT  (Hugo).  —  Geschichte  der  Musik  von  W.  Ambros.  Band  IV. 
(Lpz.  Leuckart,  1909  in-8°  de  906  pp.  Mk.  15.) 


474  S.    I.   M. 

Je  suis  bien  en  retard  avec  cet  ouvrage  de  notre  excellent  collègue  le  Dr.  Leichtentritt. 
Mais  un  in-octavo  de  cette  importance  ne  se  parcourt  pas  en  quelques  heures.  Il  ne  s'agit  rien 
moins  ici  que  de  la  refonte  complète  du  tome  IV  de  l'histoire  de  la  musique  d'Ambros,  parue  en 
1878  et  que  M.  Leichtentritt  a  doublé  en  1909.  Que  l'on  songe  en  effet  à  tout  ce  qui  s'est 
passé  dans  la  musicologie  depuis  trente  ans  ! 

Ce  volume  traite  de  la  musique  italienne  de  1550  à  1650,  c'est  à  dire  de  l'époque 
palestrinienne  et  de  la  grande  révolution  de  la  monodie.  Il  n'est  pas  sans  doute  en  Europe  de 
moment  plus  impressionnant  dans  notre  histoire  artistique.  Cet  apogée  de  la  polyphonie, 
immédiatement  suivi  d'une  réaction  totale,  intransigeante,  est  un  spectacle  bien  curieux.  Et 
vraiment  on  serait  fondé  à  croire  que  Palestrina,  avec  son  idéal  d'un  art  compréhensible  et 
verbal,  a  été  un  homophone  beaucoup  plutôt  qu'un  polyphone.  Ce  que  l'Eglise  repoussait 
(et  depuis  longtemps)  dans  la  polyphon-.e,  c'était  l'indépendance  des  parties,  et  la  prédominance 
du  sentiment  musical  sur  le  sens  intellectuel  des  mots.  Palestrina  l'homme  de  cette  réforme, 
n'a-t-il  pas  été  l'instrument  de  la  réduction  à  l'unité,  si  rapidement  accomplie  par  l'opéra,  après 
lui,  et  presque  à  côté  de  lui  ? 

M.  Leichtentritt  avait,  on  le  voit,  la  part  très  belle.  Il  dut  cependant  tenir  compte  de 
l'auteur  qu'il  représentait  au  public,  et  Ambros  avait  ses  points  de  vue.  M.  L.  les  a  conservés, 
tout  en  ajoutant  ses  idées  personnelles  ;  le  livre  perd  en  unité,  mais  il  gagne  en  sincérité.  Les 
grands  travaux  sur  lesquels  M.  L.  eut  à  s'appuyer  furent  ceux  du  Dr.  Vogel,  de  Haberl,  de 
Kretzschmar,  de  Goldschmidt  et  de  Romain  Rolland.  On  est  heureux  de  citer  un  nom 
français  parmi  tant  d'étrangers,  et  pour  nous,  cet  isolement  est  à  méditer.  Dans  l'histoire  d'un 
moment  essentiel  de  notre  évolution  musicale,  la  France  se  trouve  représentée  par  un  seul 
érudit  !  Cela  est  fâcheux,  et  devrait  faire  réfléchir  nos  candidats  aux  doctorat,  pour  lesquels  il 
ne  paraît  pas  exister  d'autres  sujets  que  ceux  du  XVII-XVIIP  siècle  parisien.  La  spécialisation 
a  du  bon,  mais  vraiment  Rameau  commence  à  être  connu.  Les  monodistes  italiens  de  1640 
ne  le  sont  pas  du  tout,  et,  pour  nous  modernes,  leurs  "  lieds  "  sont  infiniment  plus  intéressants 
que  les  musiques  de  fermiers  généraux  qui  sévissaient  en  France  vers  1750.  Que  dire  de 
Luca  Marenzio  ?  Que  dire  sur  tout  de  ce  prodigieux  Gesualdo,  prince  de  Venose,  le  Debussy 
italien,  l'homme  qui  a  réellement  tout  osé,  tout  tenté  en  fait  d'aggrégations  sonores?  Voilà  des 
hommes  avec  lesquels  l'histoire  de  la  musique  devrait  nous  faire  reprendre  contact.  C'est  son 
devoir. 

J'espère  que  le  volume  de  M.  Leichtentritt  attirera  la  curiosité  des  lecteurs,  des  auditeurs 
des  travailleurs  et  des  organisateurs  de  concerts  vers  ce  grand  siècle  de  l'art  musical  italien,  et 
que  les  textes,  cités  par  lui  en  si  grand  nombre,  piqueront  la  curiosité  de  tous  les  curieux  de 
musique  rétrospective.  J.   E. 

BARCLAY  SQUIRE.  —  Catalogue  of  the  printed  Music  in  the  Library  of  the  Royal 
Collège  of  Music,  London.  (London,  Novelle,  in  4°  de  368  pp.) 

Cette  bibliothèque  du  Royal  Collège  n'est  pas  destinée  aux  historiens,  mais  à  la  consul- 
tation d'élèves.  Elle  coJitient  cependant  bon  nombre  d'ouvrages  anciens  et  rares.  Car  son 
premier  fond  lui  est  venu  de  l'achat  de  la  bibliothèque  de  la  "  Sacred  Harmony  Society,"  dont 
l'inventaire  a  été  pubhé  en  1872,  et  qui  formait  une  série  très  respectable.  Puis  vinrent 
s'ajouter  la  bibhothèque  des  "Concerts  of  Ancient  Music  ",  offerte  par  la  Reine  Victoria,  la 
bibliothèque  de  sir  George  Grove,  celle  de  la  "Musical  Union,"  plusieurs  autres,  et  des 
doubles  du  British  Muséum.  Le  présent  volume,  fort  minutieusement  rédigé  par  notre  collègue 
M.  Barclay  Squire,  ne  contient  que  les  ouvrages  de  musique  pratique  imprimes  (y  compris   les 


LES   LIVRES 


475 


méthodes).  Un  autre  volume  donnera  les  manuscrits.  Un  troisième  sera  réservé  aux  ouvrages 
théoriques.  Quand  aurons-nous  traversé  cet  âge  de  bibliographie,  et  pourrons-nous,  posséder  le 
grand  inventaire  général  des  livres  de  musique  du  monde  entier? 

INTERNATIONALE  MUSIKGESELLSCHAFT  j  III  Kongress.  (Artariaà  Vienne 

et  Breitkopf  à  Leipzig,  in  8"  de  700  pp.) 

Voici  que  paraissent  enfin  les  Actes  de  notre  congrès  de  Vienne.  Cet  ouvrage  est  un 
véritable  monument  élevé  à  la  science  et  à  l'histoire  de  la  musique,  et  dont  notre  Société 
Internationale  peut  être  fière.  Qui  l'eut  dit,  il  y  a  11  ans,  quand  notre  Société  s'est  formée 
timidement,  au  milieu  des  rivalités  de  personnes  et  d'institutions,  que  nous  arriverions  à 
grouper  en  une  magnifique  manifestation  tout  ce  que  le  monde  de  l'érudition  compte  de 
savants  et  de  travailleurs  éminents.  Ceux  qui  n'ont  pas  compris  ce  mouvement  de  la  solidarité 
ou  qui  auraient  voulu  le  confisquer  à  leur  profit,  se  voient  aujourd'hui  perdus  et  impuissants 
dans  le  domaine  de  la  musicologie  organisée. 

Je  me  garderais  de  rendre  compte  dès  maintenant  de  ce  volume.  Je  le  réserve  pour  la 
période  d'été  où  les  obligations  de  la  vie  parisienne  nous  laissent  quelque  répit.  Je  tiens  cepen- 
à  féliciter  l'éminent  Professeur  Guido  Adler  qui  a  été  l'âme  du  Congrès,  et  MM.  Koczirz  et 
Haas  qui  en  furent  les  br»as  actifs  et  rapides.  J.  E. 

HUET  (Emile).  —  Jeanne  d'' Arc  et  la  musique.  (Orléans,  Il  rue  Jeanne  d'Arc  1909, 
in  8°  de  230  p.) 

Ce  livre  est  la  seconde  édition  d'un  volume  qui  parut  en  1894,  et  que  son  auteur  a 
considérablement  augmenté.  Il  s'agit  de  nous  présenter  ici  une  bibliographie  de  toutes  les 
œuvres  que  la  Pucelle  a  pu  inspirer  au  sentiment  musical  de  ses  admirateurs.  Car  on  a  chanté 
Jeanne  d'Arc  et  un  peu  en  toutes  les  langues  de  l'Europe.  De  Tschaikow^ski  à  Dubois,  de 
Gounod  à  Liszt,  de  Widor  à  Verdi,  un  grand  nombre  de  compositeurs  ont  été  séduits  par  la 
mystique  légende  de  Jeanne.  Les  uns  lui  ont  consacré  un  lied,  d'autres  un  poème  d'orchestre 
et  chœurs,  d'autres  un  opéra  tout  entier. 

Chose  singulière,  la  chanson  populaire  ne  s'est  emparé  de  ce  sujet  qu'assez  tard.  On  ne 
trouve  pas  dès  le  quinzième  siècle  un  mouvement  musical  en  faveur  de  la  Pucelle.  M.  Huet 
cite  un  motet,  perdu  d'ailleurs  d'Elsy  d'Amerval  (1483)  et  un  mystère  de  la  prise  d'Orléans, 
qui  ne  signifient  pas  grand  chose.  Sous  Louis  XIII  la  Pucelle  apparaît  dans  le  Ballet 
des  Modes  (1633),  comme  le  représentant  d'un  personnage  antique,  et  assez  imprécis.  ^ 
Il  faut  attendre  la  fin  du  XV IIP  siècle  pour  voir  une  orientation  de  la  favuer  musicale  vers 
Jeanne. 

M.  Huet  attribue  cette  attitude  de  la  musique,  à  la  lenteur  même  des  progrès  de  cet  art. 
Je  ne  pense  pas  tout  à  fait  comme  lui.  Les  romans  de  chevalerie  du  moyen  âge  étaient  déjà 
entrés  dans  le  matériel  de  notre  opéra,  que  personne  ne  songeait  encore  à  mettre  la  Pucelle  en 
musique.  D'autre  part,  et  sans  faire  tort  aux  maîtres  qui  ont  illustré  ce  sujet  de  leur  art,  on 
peut  dire  qu'aucune  Jeanne  d'Arc  musicalisée  n'a  atteint  un  succès  définitif.  L'histoire  de 
Jeanne  d'Arc  ne  paraît  pas  se  prêter  à  une  mise  en  œuvre  artistique,  du  moins  dans  le  domaine 
du  lyrisme.  Malgré  l'efFort   des   romantiques,   malgré   la  pieuse   vénération   des   catholiques, 

'  A  ce  sujet  je  ne  saurais  trop  protester  contre  la  mauvaise  opinion  que  M.  Huet,  à  la  suite  de  M. 
Germain  Bapst,  paraît  avoir  de  la  musique  des  ballets  de  Louis  XIII. 


476 


S.  I.  M. 


Jeanne  ne  représente  pas  dans  l'humanité  une  de  ces  figures  que  l'artiste  peut  transposer 
dans  son  imagination,  et  isoler,  en  quelque  sorte  de  la  réalité  historique.  N'avons  nous  pas  vu 
tout  dernièrement  un  de  nos  plus  célèbres  écrivains,  mettre  tout  son  talent  à  replacer  Jeanne 
dans  le  terre  à  terre  des  fait  divers  de  l'histoire.  D'autre  part  l'Eglise  en  revendiquant  pour  la 
religion  la  gloire  de  la  Pucelle  rend  encore  la  tâche  de  l'artiste  plus  difficile.  En  un  mot 
Jeanne  est  venue  trop  tard  dans  notre  Occident,  pour  que  sa  légende  fasse  oublier  son  histoire. 
Verrons-nous  un  jour  un  grand  musicien,  qui  serait  en  même  temps  un  penseur  et  un  poète, 
synthétiser  en  Jeanne  d'Arc,  comme  on  l'a  fait  en  Parsifal  ou  en  Œdipe  les  préoccupations 
éternelles  et  mystérieuses  de  l'humanité  qui  rêve  ?  Je  ne  le  crois  pas.  Jeanne  a  maintenant  son 
étiquette.  Pour  les  uns  elle  est  Sainte  ;  pour  les  autres  elle  est  phénomène  historique.  Et  le 
Français,  ami  des  solutions  simplistes,  s'en  tiendra  là.  L'affaire  est  classée.  Toute  la  musique 
du  monde  n'y  changera  rien.  C'est  dommage. 

J.  E. 

RIEMANN  (Hugo).  —  Mmlc-Lexikon.  (Lpz.  Max  Hesse  in  8"  de  1600  p.  Mk.  14.) 

Tout  le  monde  connaît  le  Dictionnaire  biographique  du  Professeur  H.  Riemann.  La 
septième  édition  que  nous  avons  sous  les  yeux  atteste  de  l'intérêt  de  cet  instrument  indispen- 
sable à  tous  les  travailleurs.  L'esprit  encyclopédique  de  M.  Riemann  était  bien  fait  pour 
concevoir  et  réaliser  un  semblable  ouvrage,  en  lui  donnant,  dès  sa  première  édition,  un 
caractère  d'éminente  vulgarisation.  Je  serais  curieux  des  savoir  combien  de  lecteurs  a  trouvé  le 
Lexicon,  en  France.  Cela  nous  donnerait  une  statistique  intéressante. 

BECK  (Jean).  —  La  musique  des  Troubadours.  (Collection  Laurens  in  1 2°). 

Malgré  la  difficulté  de  résumer  en  96  pages  in  12°  un  sujet  aussi  vaste  et  aussi  neuf, 
que  celui  de  la  poésie  vulgaire  musicalisée  par  le  moyen  âge,  M.  Beck  a  réussi  à  nous  donner 
une  idée  attrayante  de  ces  questions  ardues  et  controversées.  Il  ne  pouvait  guère  que  présenter 
les  éléments  d'une  initiation  première,  dont  presque  tous  ses  lecteurs  avaient  besoin.  C'est  là 
un  nouveau  pas,  fait  avec  beaucoup  de  précision  et  d'assurance,  dans  la  voie  de  la  vulgarisation 
de  notre  musicologie  médiévale.  Le  volume,  selon  les  traditions  de  cette  collection  est  orné 
d'une  multiple  iconographie,  qui  égaie  encore  cette  étude. 

J.  E. 
BOSCHOT  (A.).  —  Le  Faust  de  Berlioz.  (Constallat  in  12°  de  72  p.,  i  fr.) 

Ce  petit  volume  est  ce  qu'on  nomme  en  Allemagne  un  "  Fuehrer  ".  Il  ne  contient 
cependant  pas  de  thèmes  de  musique  ;  probablement  M.  Boschot  a  pensé,  avec  raison,  que 
l'œuvre  de  Berlioz  était  trop  populaire  à  Paris  pour  réclamer  encore  une  anal)se  thématique. 
Ce  commentaire  condensé  arrive  parfaitement  bien,  au  moment  où  l'Opéra  nous  donne  la 
Damnation. 

J.  E. 
LALOY  (L.).  —  La  musique  chinoise.  (Collection  Laurens  in  12".) 

Notre  collègue  et  ami  Laloy,  aurait  avec  une  égale  facilité  écrit  un  livre  en  chinois,  sur 
la  musique  française.  Il  lui  a  plu  de  nous  donner  d'abord  un  volume  français  sur  la  musique 
chinoise.  Nous  lui  en  saurons  tous  gré.   Cette  musique  chinoise  ne   nous  est  pas  tout  à  fait 


LES   LIVRES 


477 


inconnue  depuis  que  la  gamme  à  cinq  tons  sévit  dans  notre  modernisme,  et  nous  avons  déjà 
mordu  à  ce  fruit  exotique  sans  le  savoir.  Ce  que  nous  ne  connaissions  pas,  c'est  la  doctrine,  et 
Vethos  chinois.  Le  livre  de  Laloy  nous  l'apprend  avec  concision.  Il  nous  montre  un  ensemble 
d'idées  et  de  convictions  esthétiques  vieilles  de  quelques  milliers  d'années.  Je  ne  connais  rien 
de  plus  passionnant  que  de  surprendre  ainsi  les  premiers  pas  de  nos  civilisations  musicales. 
Une  conclusion  se  dégage  de  cet  ouvrage  précis,  c'est  que  l'humanité  musicale  a  débuté  par  le 
dogme,  par  l'abstraction  et  le  formalisme.  L'indépendance  et  la  liberté  sont  des  conquêtes 
tardives  et  toujours  discutées. 

J.  E. 

BOTSTIBER  (Hugo).  —  Musi^buch  aus  Oesterreich^  année  VII.  (Vienne  C.  Fromme 
19 [O,  in  8°  de  425  p.) 

Excellent  annuaire  de  la  musique  en  Autriche,  rédigé  par  notre  collègue  viennois,  le 
Dr.  Botstiber,  secrétaire  de  l'Académie  des  Beaux-Arts.  Je  ne  peux  qu'admirer  un  pays  où 
l'Académie  des  Beaux-Arts  prend  elle-même  l'initiative  de  publier  un  volume,  qui  chez  nous 
est  abandonné  aux  spéculations  de  librairie.  Nous  sommes  loin  encore  ici  de  cette  sollicitude. 
Le  plan  de  ce  volume  ressemble  à  celui  des  annuaires  de  musique  qui  se  publient  un  peu 
partout.  Cependant  sa  tenue  est  meilleure  que  celle  de  beaucoup  d'entre  eux.  Aucune  publicité 
ne  vient  nous  rappeler,  dans  le  cours  de  l'ouvrage  que  nous  sommes  ici  en  présence  du  bottin 
de  la  vanité  artistique.  Quelques  articles  musicologiques,  en  tête,  nous  donnent  au  contraire 
l'impression  qu'il  s'agit  d'une  œuvre  sérieuse.  Une  remarque  cependant.  Il  me  semble  qu'il 
vaudrait  mieux  renoncer  dans  ces  annuaires  à  l'mdication  sommaire  de  l'étranger,  qu'on  veut  y 
faire  entrer  malgré  tout  et  au  prix  d'inévitables  erreurs.  Ainsi,  nous  apprenons  par  exemple, 
que  notre  S.  I.  M.,  est  édité  chez  Astruc.  Ou  bien  encore  que  le  Secrétaire  de  l'Association 
des  Concerts  Lamoureux  se  nomme  Vincent  d'Indy.  Il  serait  préférable  de  s'en  tenir  au  pays 
de  l'annuaire  lui-même.  Le  livre  serait  ainsi  parfait. 

J.  E. 

—  D""  HUGO  RIEMANN  :  Die  Byzantinische  mtenschrift  im  10  bis  i^.Jahrhundert.  — 
(Leipzig,  Breitkopf  &  Haertel,  1909.  In-8°  grand  de  98  pages,  avec  8  phototypies  et  trans- 
criptions, 5  mark). 

Le  savant  professeur  de  l'Université  de  Leipzig  a  tour  à  tour  porté  ses  investigations  dans 
les  coins  les  plus  divers  de  la  musique.  Une  étude  de  lui,  déjà  assez  lointaine,  sur  les  Martyries^ 
ces  curieuses  "  clefs  "  byzantines,  une  autre  plus  récente,  sur  la  Mètrophonie^  du  chant 
Papadique,  indiquait  que  la  musique  byzantine  avait  une  porte  dans  ses  préoccupations.  La 
publication  de  mon  Catalogue  de  musique  byzantine  par  la  S.  I.  M.  a  décidé  M.  Riemann,  au 
cours  de  l'été  dernier,  à  publier  cet  ouvrage,  où  il  étudie  paléographiquement  soixante-dix 
chants  attribués  à  Saint  André  de  Crète,  Saint  Jean  Damanène,  Saint  Côme,  le  moine  Jean,  etc. 

Mais  l'histoire  et  la  transcription  de  la  musique  byzantine  sont  encore  si  peu  connues,  que 
les  travaux  consacrés  à  cette  science  depuis  quelques  années  doivent  être  considérés  comme  des 
travaux  d'avancement.  Aussi,  M.  Hugo  Riemann,  Dom  Athanase  Jaïsser,  le  P.  Thibaut,  et 
moi-même,  qui  avons  consacré  à  ce  sujet,  d'importantes  études,  ne  sommes-nous  pas  d'accord 
sur  plusieurs  points.  Tantôt  deux  ou  trois  d'entre  nous  pensent  de  même  sur  une  question,  où 
les  autres  diffèrent  d'avis  ;  tantôt  un  seul  soutient  mordicus  son  opinion,  la  considérant  comme 
la  seule  vraiment  scientifique.  Tout  cela  demanderait  une  étude  d'ensemble,  que  j'ai  bien 
l'intention  de  faire  quelque  jour. 


478 


S.    I.    M. 


Or,  ce  dernier  ouvrage  de  M.  Riemann  est  principalement  diricié  contre  les  résultats  que 
j'ai  proposés  dans  mon  Introduction  à  la  Paléographie  musicale  byzantine.  Mais,  si  je  suis  prêt  à 
rendre  hommage  au  savant  musicologue  sur  plusieurs  points,  si  je  dois  même  le  remercier  de 
quelques  observations  qui  relèvent  certains  détails  de  mon  ouvrage,  il  n'est  pas  possible  de  laisser 
entrer  dans  le  bagage  scientifique  byzantin  toutes  les  conclusions  de  M.  Riemann.  En  quelques 
lignes,  je  ne  puis  ici  instituer  une  discussion  en  règle,  mais  je  tiens  à  relever,  page  5,  l'opinion 
manifestement  erronée  sur  l'origine  des  signes  modernes  des  martyrïes^  où  M.  Riemann  voit  la 
transformation  des  lettres  abréviatrices  de  Dorien,  Phygien,  Lydien,  Mixolydien,  tandis  que  le 
dépouillement  que  j'ai  fait  de  près  de  cent  manuscrits  byzantins  de  diverses  époques,  et  dont  le 
résultat  est  consigné  pages  25-26  de  mon  Catalogue  démontre  à  l'évidence  que,  par  une 
évolution  continue,  ces  signes  proviennent  des  quatre  premières  lettres  de  l'alphabet,  indicatrices 
des  quatre  tons  authentes. 

D'autre  part,  la  théorie  générale  de  M.  Riemann  sur  ce  que  j'appellerai  la  quadrature  du 
rythme  il  l'a  appliquée  à  la  musique  byzantine,  de  telle  sorte  que,  bon  gré  mal  gré,  les  accents 
doivent  régulièrement  tomber  sur  les  temps  forts  d'une  mesure  à  quatre  temps,  les  autres  notes 
étant  distribuées  dans  l'intervalle,  d'une  manière  plutôt  arbitraire.  Il  en  résulte  que,  assez 
souvent  où  les  manuscrits  indiquent  un  temps  long,  M.  Riemann  note  un  son  bref,  et  vice- 
versa,  parce  que  ces  indications  ne  rentrent  pas  dans  sa  théorie  :  c'est  grave. 

Enfin,  l'idée  de  M.  Riemann  de  vouloir  traduire  mélodiquement  et  en  mesure  les  signes 
d'ornement  dont  le  sens  est  inconnu,  modifient  la  phrase  d'une  manière  parfois  extraordinaire. 
La  méthode  suivie  dans  ce  cas,  et  principalement  par  suite  des  règles  de  la  métrophonie,  peut 
être  acceptée  lorsqu'il  s'agit  des  chants  de  l'époque  où  ces  règles  se  font  jour,  et  spécialement 
dans  la  seconde  moitié  du  XVIIP  siècle  :  on  ne  saurait,  à  mon  avis,  les  expliquer  en  aucune 
manière  au  déchifFrage  des  manuscrits  du  X*^. 

AmÉdée  Gastoué. 
BULLETIN    DE  LA  SOCIÉTÉ  FRANCO-JAPONAISE.    (TarU,    Dec,    1909 

xni,  p.  82;. 

Dans  un  article  intitulé  :  Jrt  japonais  et  art  européen^  notes  recueillies  et  traduites 
par  M.  Ed.  Claverie,  l'auteur,  M.  Kakusen  Tokunaga,  de  Tokio,  parle  de  différentes  questions 
artistiques.  Il  est  ainsi  amené  à  consacrer  quelques  pages  à  la  musique.  Malheureusement, 
l'auteur  ne  semble  pas  posséder  son  sujet  d'une  façon  complète  ;  il  mêle  les  subtiles  réflexions 
émises  par  notre  collègue  Louis  Laloy,  aux  tentatives  de  musique  exotique  de  M.  Bencdictus, 
et  va  jusqu'à  mentionner  l'opérette  anglaise.  Il  eut  été  préférable,  ce  nous  semble,  que  ce  cri- 
tique japonais  nous  livrât  de  vrais  documents,  c'est  à  dire  des  musiques  des  airs  japonais... 

Gaston  Knosp. 

BULLETIN  DE  L'ÉCOLE  FRANÇAISE  D'EXTRÊME-ORIENT  {IX  N"  2 
et  4.  Oct.-Dèc.  1909.) 

Cette  publication  a  toujours  témoigné  d'un  haut  souci  de  précision  scientifique;  les 
travaux  qu'elle  livre  aux  savants  sont  frappés  au  coin  d'une  solide  érudition.  M.  Noiil  Péri 
y  signe  une  belle  et  scrupuleuse  étude  du  "  Drame  lyrique  japonais  ",  (Le  No).  Que  M.  Péri 
nous  permette  cependant  une  réflexion  assez  naturelle  et  que  nous  suggère  le  programme  qu'il 


LES   LIVRES  479 

s'est  tracé  ;  il  nous  apprend  que  le  No  est  avant  tout  une  œuvre  lyrique^  que  divers  modes  de 
rkïtatifs  ou  de  chants  rythmes  par  un  orchestre  rudimentaire  ajoutent  leur  cadence  h  celle  des  verSy  que 
le  ^^  Shite"  est  à  la  fois  chanteur  et  danseur...  c'est  assez  dire  combien  l'intéressant  ouvrage  de 
M.  Péri  aurait  gagné  à  se  compléter  d'une  partie  musicale,  puisque  cette  dernière,  aux  dires  de 
l'auteur  occupe  une  place  assez  importante  dans  le  théâtre  japonais.  Quelques  rouleaux  phono- 
graphiques lui  auraient  permis  de  curieux  enregistrements  dont  la  transcription  en  notation 
aurait  constitué  un  utile  apport  à  son  étude. 

Ce  dont  il  convient  de  féliciter  M.  Péri,  c'est  de  la  substantielle  bibliographie  qu'il  établit 
du  répertoire  théâtral  japonais  ;  c'est  là  un  précieux  outil  pour  les  travailleurs  ;  sous  ce  rapport, 
l'auteur  s'est  acquis  un  titre  à  la  reconnaissance  des  érudits  japonisants. 

BIBLIOTHÈQUE  BECKER.  —  Plusieurs  revues  musicales  ont  parlé  ces  temps  derniers 
de  la  bibliothèque  vendue  à  la  ville  de  Lyon  par  M.  Becker  de  Genève  en  1894,  et  restée 
soigneusement  empaquetée  à  la  Bibliothèque  de  la  Ville,  jusqu'au  jour  où  notre  confrère 
M.  Vallas  en  fit  le  dépouillement  et  la  rendit  accessible  au  public.  De  différents  côtés  on  nous 
demande  quel  était  ce  M.  Becker  et  quelle  fut  la  destinée  de  ses  livres.  Georges  Becker 
bibliophile  naquit  dans  le  Palatinat  en  1834,  et  se  fixa  en  Suisse  au  Grand  Lancy,  près  Genève. 
Il  ne  faut  pas  le  confondre  avec  C.  F.  Becker  l'auteur  de  la  bibliographie  bien  connue. 
Die  Tonwerke  des  XVP  und  XVIP  Jahrhunderts  (Lpz.  1855).  Voici  du  reste  ce  que  M.  Becker 
a  lui-même  l'obligeance  de  nous  écrire. 

Lancy  le  28  mai  1910. 

Ma  bibliothèque  musicale  il  y  a  vingt-cinq  ans,  était  composée  de  2500  ouvrages.  Quinze 
cents  volumes  (la  partie  pratique)  sont  allés  à  Lyon  par  les  soins  de  mon  regretté  ami  le 
Dr.  Coutagne.  Ma  collection  de  psautiers  a  été  vendue  en  1886  à  M.  E.  André,  banquier  à 
Paris,  et  léguée  par  celui-ci  à  la  Société  de  Protestatisme.  Deux  cents  ouvrages  des  XVP  et 
XV IF  siècles  ont  été  éparpillés.  Ces  dernières  années  j'ai  fait  don  de  250  à  300  volumes  à 
différentes  bibliothèques  de  Suisse  et  les  livres  qui  me  restent  sont  destinés  à  la  Bibliothèque  de 
Genève... 

G.  Becker. 


LIVRES  REÇUS. 

—  MAGNETTE  (Paul).  —  Les  grandes  étapes  dans  l'œuvre  de  Berlioz.  I.   La  Sym- 
phonie Fantastique.  (Liège,  Muraille  1908  in-8°  de  54  pages). 

Anton  Bruckner  (Bruxelles,  Weissenbruch,  in-S"  de  22  pages). 

—  WELLESZ  (Egon).  —  J.  J.  Fux  "  Constanza  e  Fortezza  ".  (Denkmaeler  autrichien 
Vienne,  Artaria.  In  fol.  de  263  pages.  K.  36). 

—  DAFFNER  (Hugo).  —  Musikwissenschaft  und  Universitaet.  (Breitkopf  in- 12°  de 
23  pages.  M.  50). 

—  HAMMERICH  (Angul).  —  Musikhistorisk   Muséum  de   Copenhague.  (Cop.  1909 
in-8°  de  151  pages). 


480 


s.    I.    M. 


UNE  VENTE  D'AUTOGRAPHES  MUSICAUX. 

Une  importante  réunion  d'autographes  a  été  vendue  à   l'Hôtel  Drouot  par  les  soins  de 
M.  Charavay.  Voici  quelques  prix  atteints  par  les  autographes  concernant  la  musique  : 


Béranger.  —  2  lettres  :  1 5  et  3 1  frs. 
Berlioz.  —  Lettre  :  30  frs. 

„       —  Manuscrit  aut  :  40  frs. 
Boieldieu.  —  Lettre  :  35  frs. 
Chérubini.  —  Lettre  :  10  frs. 
Lalande  (Michel  de).  —  Signature  :  12  frs. 
Le  Sueur.  —  Lettre  :  14  frs. 
Lully.  —  Un  Reçu  :  76  frs. 


Méhul.  —  Lettre  :  25  frs. 
Paganini.  —  Lettre  :  40  frs. 
Piccini.  —  Lettre  :  26  frs. 
Robert  (Pierre).  —  Un  Reçu  :  22  frs. 
Rode.  —  Lettre  :  1 5  frs. 
Rossini.  —  Lettre  :  45  frs. 
Sateri.  —  Quittance  et  morceau  de  musique 
autographe  :  78  frs. 


Le  prix  le  plus  élevé  a  été  atteint  par  une  Mazurka  autographe  de  Chopin  :  1 1 10  frs. 


'y^ffm^ihMi^i^ 


Mwn-r/wi^fGP^f 


SOCIÉTÉ    INTERNATIONALE 
DE    MUSIQUE 

SECTION  DE  PARIS  —  SÉANCE  DU  20  JUIN  1910 

La  séance  est  ouverte  à  4  heures  et  demie  chez  MM.  Gaveau,  sous  la  présidence  de 

!  Charles  Malherbe,  président. 

j  Etaient  présents  :   MM.   Prod'homme,   Ecorcheville,    Poirée,    A.   Laugier,    I.   Philipp, 

Ch,  Legrand,  Lefeuve,  Wagner,  Ruelle,  Gaveau,  Greilsamer,  A.  de  Bertha,  M™^^  Lefeuve, 
Gallet,  M"®^  Pereyra  et  Daubresse. 

Après  la  lecture  du  procès  verbal  de  la  dernière  séance,  M.  Ecorcheville  annonce  que  la 
communication  sur  le  Launeddas  a  attiré  l'attention  de  notre  collège  M.  Théodore  Reinach, 
auquel  a  été  envoyé  l'instrument  présenté  à  la  section  et  le  texte  de  M.  Fara  Dessy. 

Le  président  prend  la  parole  pour  expliquer  l'ordre  du  jour  qui  a  trait  à  la  revue  S.  I.  M. 
n  rappelle  que  cette  revue  fait  partie  des  publications  auxquelles  la  section  accorde  son  patron- 
nage  et  le  droit  de  se  servir  de  la  mention  :  Publications  de  la  Société  Internationale  de  musique 
[Section  de  Paris),  et  ajoute  que  cette  mention  devra  être  rétablie  sur  la  revue  de  préférence  à 
la  rédaction  qui  figure  actuellement,  dès  que  cela  sera  possible.  Les  droits  de  la  section  et  le  lien 
qui  la  rattache  à  cette  publication  périodique  seront  ainsi  précisés,  tout  en  reconnaissant 
d'autre  part  à  M.  Ecorcheville  la  propriété  de  la  revue  elle-même,  avec  son  titre,  format  et 
couverture.  Cette  proposition  est  adoptée  à  l'unanimité. 

Le  président  ajoute  qu'il  est  heureux  de  constater  que  la  prospérité  de  notre  organe 
mensuel  a  rendu  nécessaire  la  présence  d'un  secrétaire  de  rédaction,  et  demande  à  la  section  de 

^remercier  notre  collègue  M.  Charles  Legrand,  qui  a  bien  voulu  assumer  cette  tâche. 

î  La  président  donne  ensuite  lecture  d'une  lettre  qui  demande  :    i"  que  nos  séances  aient 

lieu  à  des  dates  fixes  ;  2°  que  la  durée  des  communications  soit  limitée  ;  3"  que  chacun  de  nos 

^membres  s'engagent  à  donner  une  communication  par  an. 

Ces  différents  articles  sont  mis  en  discussion.  La  section  se  prononce  en  faveur  de  la 
fixation  d'un  quantième  fixé  pour  chaque  mois  au  début  de  la  saison.  Elle  adopte  la  limite  de 
45  minute  pour  la  durée  comme  un  maximum  pour  les  communications,  en  faisant  observer 
que  la  musique,  qui  sert  souvent  d'illustration  à  ces  communications,  n'est  pas  comprise  dans 
cette  lim.ite.  Enfin  elle  émet  le  voeux  de  voir  le  plus  grand  nombre  possible  de  nos  membres 
présenter  des  communications  à  nos  séances. 

M.  I.  Philip  a  la  parole.  Il  invite  la  section  à  demander  officiellement  la  croix  de  la  légion 

Id'honneur  pour  le  grand  pianiste  Feruccio  Busoni.  A  ce  propos  M.  Greilsamer  fait  observer 

jique  la  France  se  montre  toujours  fort  généreuse  de  décorations  lorsqu'il  s'agit  d'artistes  étrangers, 
mais  qu'elle  se  soucie  très  peu  de  demander  à  l'étranger  des  décorations  pour  ses  propres 
nationaux.  La  section  s'associe  toute  entière  au  voeu  présenté  par  M.  Philipp  et  le  président 


482 


s.   I.   M. 


s'engage  à  faire  à  bref  délai  une  démarche  officieuse  au  ministère  des  Affiiires  Etrangères.  Une 
délégation  de  la  Société  sera  ensuite  reçue  officiellement  et  insistera  en  ce  sens  auprès  du 
Ministre. 

Le  secrétaire  met  la  section  au  courant  des  démarches  qu'il  a  faites  et  qui  sont  sur  le  point 
d'aboutir,  pour  faire  apposer  des  plaques  commémoratives  sur  les  maisons  de  Paris  où  ont  résidé 
Mozart  et  Chopin.  Il  exprime  le  désir  qu'il  en  soit  fait  de  même  pour  la  maison  habitée  par 
Wagner. 

La  séance  est  levée  à  6  heures  1/4. 


TABLE    DES    MATIERES 

COMITÉS    D'HONNEUR p.p.  ii 

NOTICES    (texte  allemand)  par  Cli.   IMalheibc 

BIOGRAPHIES    DES    COMPOSITEURS v-xxx 

ANALYSES,    ET    PROGRAMMES  : 

rer  concert  d'orchestre xxxi 

ler  concert  de  musique  de  chanibic xxxix 

2e  concert  d'orchestre xlvii 

2e  concert  de  musique    de    cliambre Ivi 

3r  concert  d'orchestre Ixiii 

Benvenuto  CelHni Ixxvii 

Elektra Ixxvii 

ARTICLES    EN    FRANÇAIS  : 

"   La  musique  pure  dans  l'école  française  contemporaine  "  par  G.  Carraud     483 

"  Debussy  et  le  Debussysme,  "   par  Louis  Laloy 506 

"  En  l'an   2012  "  par  E.  Vuillermoz 520 

L'ACTUALITÉ  : 

''  La  petite  musique  française,  "  par  P.  Jobbé-Duval,  illustrations  de  Bils. 


TABLE    DES  PORTRAITS 

Bordes  (Ch.) p.p.   505      Indy  (V.  d') p.p.  xxii,  xxiii 

Bruneau  (A.) v      Labey  (M.) 496 

Bréville  (P.  de)           .     .     .     .     .      .  493  Landowska  (Mme  W.)    .     .     .     .     .    xlv 

Chabrier  (E.) vii      Lazzari  (S.) 501 

Chausson   (E.) ix      Maas  (G.) xl 

Coquard  (A.) x  Madrigal-Vereinigung      ..'...      Ix 

Cortot  (A.) xxxiv      Pierné  (G.) "...  494 

Costeley  (G.)      ........       x      Ravel  (M.) xxv,  xxvi 

Couperin  (Fr.) xi      Rhené-Baton .      xxxii 

Darlays  (Mme) Ixiv      Ropartz  (G.) 500 

Debussy  (Cl.)    .     .     .     .     .     .       xiii,  xiv      Roussel  (A.) 496 

Dubois  (Th.) xiv  Saint  Saëns   (C.)     ....     xxvii,  xxviii 

Ducasse  (Roger) xv      Savard.  (A.) .  494 

Duparc  (H.)       .     .     .     .     .     r    '.     .     xv      Séverac  (D.    de) •.  499 

Fauré  (G.) xvi,  xvi,  529      Schmitt  (F.) 500 

Féart  (Mlle  R.) Lxiv  Société  Indépendante  de  musique      .  529 

Franck  (C.)  .      .      .      .      .•    ,      .      .      .    xix      Viannenc. lxiv 

Guilmant  (A.) 505      Widor  (Ch.-M.) xix,  xxx 

Huberdeau  .........  lxiv  Dessin  original  par  Cl.  Debussy  .     .  506 

Heyde xl  Autographe  de' l'Absence' de  Berlioz  Ixvii 


COMITÉS 


M.   Le  Président   de   la  République. 

M.  PicHox,  Ministre  des  Affaires  Etrangères.  —  M,  L.  Barthou,  Garde  des  Sceaux. 

M.   G.   DouMERGUE,  Ministre  de  F  Instruction  Publique. 

M.  Dujardin-Beaumetz,   Sous-Secrétaire  d'Etat  aux  Beaux-Arts. 

M.   LE  Baron   de  Grûnstein,  Ministre  Plénipotentiaire  de  Bavière  à  Paris. 

M.   Henry   Marcel,  Administrateur  Général  de   la  Bibliothèque    Nationale. 

M.   Bellan,  Président  du   Conseil  Municipal. 

M.  Caron,  Ancien  Président  de  Conseil  Municipal. 

M.  C.  Saint-Saens,  de  r  Institut.  M.  G.  ¥  avrè^  de  F  Institut^  Directeur  du  Conservatoire. 

M.  Théodore  Dubois,  de  FInstitut. 

M.    Messager,   Directeur  de    FOpéra.   M.   Carré,   Directeur   de    F  Opéra-Comique. 

M.   G.  AsTRuc,  Directeur  de  la  Société  Musicale. 


LE   CONSEIL   D'ADMINISTRATION    DES         AMIS    DE    LA    MUSIQUE    " 

Le  Comte  G.   Chandon   de  Briailles,  Président. 

Le  Prince  A..  d'Arenberg,  MM.  L.  Barthou,  Berly  et  A.  Brisson,  Vice-présidents. 

G.  Bret,  directeur  artistique.    L.  Sachs,  trésorier. 

J.  EcoRCHEViLLE,  Secrétaire  général.  J.  Pasquier,  secrétaire  du  Conseil. 

M'"^  Alexandre  André.  —  M™*"  la  comtesse  René  de  Béarn.  —  M.  André 
Bénac,  directeur  général  honoraire  au  ?ninistère  des  finances.  —  M.  Léon  Bourgeois, 
sénateur^  ancien  ministre.  —  M.  Franz  Custot.  —  M""®  Michel  Ephrussi.  —  M. 
Georges  Gaiffe.  —  M.  Fernand  Halphen.  —  M"'^  la  vicomtesse  d'Harcourt. 

—  M""^  LA  comtesse  d'Haussonville.  —  M.  Louis  Havet,  de  F  Institut^  professeur 
au   Collège  de  France.  —   M"'"  Daniel  Hermann.  —  M"^  Henrv   Hottinguer. 

—  M"""  Georges  Kinen.  —  M"'"  la  comtesse  Paul  de  Pourtalès.  —  M™* 
Théodore  Reinach.  —  M.  Romain  Rolland,  professeur  a  la  Faculté  des  Lettres 
de  Paris.  —  M.  Louis  Schopfer.  —  M™"  Séligmann-Lui.  —  M"'""  Ternaux- 
Compans.  —  M.  Jean  Weher,  agrégé  de  F  Université. 


LE  COMITE  CONSULTATIF  ARTISTIQUE   DES 

"amis   de   la   MUSIQUE" 

M.  \i.  Brlsskl,  du  Figaro.  —  M.  d.  Carrai  d,  de  la  Liberté.  —  M.  J.  Chanta- 
voiNE,  de  la  Revue  Hebdomadaire.  —  M.  A.  de  Chevigné,  du  New-York  Herald. 

—  M.  A.  CoQUARD,  de  F  Echo  de  Paris.  —  M.  E.  de  Curzon,  du  Guide 
Musical.  —  M.  Emmanuel,  professeur  au  Conservatoire.  —  M.  B.  de  Fourcaud, 
du   Gaulois.   —   M.  A.  Jii.likn,  des  Débats.  —  M.  !..  l,\l.(>^■,  de  la  Grande  Revue. 

—  M.    PL  Lkutenhkrger,   de   F  Opinion.  —   M.   P.   J^ocard,   du   Petit  Journal. 

—  M.  Ch.  Malheriu:,  Bibliothécaire  de  FOpéra.  —  M.  J.  Marnold  du  Mercure 
de  France. —  M.  Ci.  de  Pawlowski,  de  Comœdia.  —  M.  V..  Piocn,  de  Musica.  — 
M.  Louis  Schneider.  —  M.  P.  Souday,  de  F  Eclair.  —  M.  E.  Siouli.k^,,  du 
Monde  Artiste.  —  M.  J.  Tiersot,  bibliothécaire  du  Conservatoire, 


D'HONNEUR 


S.K.H.  Prinz  Heinrich  von  Bayern. 

S.K.H.  Prinz  Ludwig  Ferdinand  von  Bayern. 

S.E.M.  J.   Cambon,  Ambassadeur  de  France  a  Berlin. 

Sr.  E.  Dr.  K.  Freiherr  von  Podwils-Durniz,  Staatsminister  des  Aeussern. 

Sr.  E.  Hermann  Ritter  von  Pfaff,  Staatsminister  der  Finanzen. 

S.  E.  M.  Allizé,  Ministre  plénipotentiaire  de  France  a  Munich. 

Sr.  E.  Albert  Freiherr  von  Speidel,  General  Intendant  der  Kgl.   Hoftheater. 

Oberburgemeister  Dr.  Wii.helm  Ritter  von  Borscht. 

Professer  Eugène  d'Albert.  —  Konrad  Ansorge.  —  Professor  Benno  Becker. — 
Professor  Oskar  Bie.  —  Léo  Blech',  kgl.  Kapellmeister.  —  Kommerzienrat 
MoRiz  BûHLER.  —  Dr.  Michael  Georg  Conrad.  —  Dr.  Alexander  Dillmann. 

—  Dr.  jur.  Ludwig  Donle.  —  Professor  Félix  Draeseke.  —  Friedrich 
Edenhofer.  —  Oscar  Fried.  —  Direktor  Georg  Fuchs.  —  Dr.  Georg  Gôhler. 

—  Emil  Gutmann.  —  JuLius  Henle,  Ministerialrat.  — Dr.  phil.  Georg  Hirth. 

—  Professor  Engelbert  Humperdinck.  —  Jan  Ingenhoven,  Kapellmeister.  — 
Dr.  Edgar  Istel.  —  Dr.  Wilhelm  Kienzl.  —  Thomas  Knorr.  —  Dr.  Julius 
KoRNGOLD.  —  Rechtsrat  Dr.  Karl  Kuhles.  —  José  Lassalle.  —  Kommerzienrat 
Simon  Lebrecht.  —  Direktor  Gustav  Mahler.  —  Professor  Henri  Marteau. 

—  Wilhelm  Meinel. —  Bankier  Sigmund  Meyer.  —  Dr.  Meyer-Riefstahl. — 
Reichsrat  Dr.  Oscar  von  Miller.  —  Dr.  Martin  Mohr.  —  Hofoperndirektor 
Félix  Mottl.  —  Chefredacteur  Mûller.  —  Dr.  Otto  Neitzel.  —  Professor  Artur 
NiKiscH.  —  JosEF  Osterhuber.  —  Professor  Karl  Panzner.  —  Hans  Ritter 
VON  Petersen,  k.  Professor.  —  Komponist  Professor  Karl  Pottgiesser.  — Kom- 
merzienrat August  Pschorr.  —  Kommerzienrat  Josef  Pschorr.  —  Dr.  Ludwig 
QuiDDE.  —  Director  Rudolf  Rosa.  — Dr.  Wilhelm  Rosenthal.  —  Ministerial- 
rat Ludwig  Ruckdeschol.  —  Professor  Emil  Sauer.  —  Hofkapellmeister  Franz 
Schalk.  —  Max  Scharre.  —  Dr.  Leopold  Schmidt.  —  Kommerzienrat  Ignaz 
Schôn.  —  Professor  Georg  Schumann.  —  Bernhard  Schuster.  —  Professor 
Schweitzer. — Kommerzienrat  Karl  Sedlmayr.  — Emanuel  Ritter  von  Seidl. 

—  Direktor  Wilhelm  Seitz.  —  Dr.  Veit  Solbrig.  —  August  Spanuth.  — 
Hofkapellmeister    Bernhard     Stavenhagen.    —     Generalmusikdirektor    Fritz 

5  Steinbach.  —  Dr.  Richard  Strauss.  —  Ritter  Franz  von  Stuck.  —  Otto 
i  Taubmann.  —  Kommerzienrat  Josef  Thannhauser.  —  Dr.  Fritz  Volbach.  — 
$  Siegfried  Wagner.  —  Professor  W^ilhelm  Weber.  —  Hofoperndirektor  Félix 
VON  Weingartner.  —  Ermanno  Wolf-Ferrari. 


A  NOS  LECTEURS. 


NOTRE  S.I.M.,  ORGANE  PARISIEN  DE  LA  SOCIETE  INTERNATIO- 
NALE DE  MUSIQUE,  NE  PEUT  QUE  SE  FÉLICITER  D'AVOIR 
L'OCCASION  ET  UHONNEUR  DE  PRÉSENTER  AU  PUBLIC 
ALLEMAND  L'ŒUVRE  DES  MAITRES  FRANÇAIS,  RASSEMBLÉE 
DANS  CES  PROGRAMMES.  ^  EN  INVITANT  LA  MUSIQUE 
FRANÇAISE  A  SE  RENDRE  A  MUNICH  SOUS  LE  PATRONAGE 
DE  SES  AMIS,  LEXPOSITION  D\iRT  ORIEXTJL  A  CERTAINE- 
MENT ACCOMPLI  UN  GESTE  DE  HAUTE  COURTOISIE,  AU- 
QUEL NOTRE  REVUE,  PLUS  QUE  PERSONNE  EST  HEUREUSE 
DE  RÉPONDRE,  f  UNE  FOIS  ENCORE  LA  MUSIQUE  AURA 
LE  PRIVILÈGE  DE  RÉUNIR  LES  HOMMES  AUTOUR  D'UN 
MÊME  IDÉAL,  ET  C'EST  LÀ  UNE  BELLE  \'ICTOIRE  DE  LA 
SOLIDARITÉ  ARTISTIQUE  SUR  L'ÉGOISME  ÉTERNEL.  ^  LA 
MUSIQUE  EST  FAITE  POUR  DE  SEMBLABLES  CONQUÊTES  ; 
ELLE  SAIT,  TOUT  EN  CONSER\^VNT  L'INDÉPENDANCE  DE 
SON  CARACTÈRE  NATIONAL,  S'ÉLÉVER  AU  DESSUS  DES 
IKONTIÉRES,  ET  CONCOURIR  DANS  LA  PAIX  A  LA 
FRATERNITÉ   DES   PEUPLES. 

I.A    RÉDACTION. 


Franzôsisches  Musîkfest 

in  Mûnchen 

MM, 

Festschrîft  und   Programmbuch 
mit  deutschem  Text. 

MM 


ALFRED    BRUNEAU. 

Alfred    Bruneau    ist    am    2    Mârz 
57  zu  Paris  geboren.  Er  absolvierte 
das  Konservatorium,  wo  er  den  Ersten 
Preis  fur  Violoncell  und 
den     zw.eiten     Rompreis 
gewann.      Seine      ersten 
Werke  :     "  Heroische 
Ouverture  ",     "  Leda  ", 
" Dornr'ôschen ",  " Kérim'\ 
zeugten  schon  von  einem 
fesselnden    und    kûhnen 
Tempérament,  aber   erst 
"  der    Traum  "     (Opéra- 
Comique     Paris,     1891) 
machte    den 
Autor      mit 
einem  Schlag 
b  e  k  a  n  n  t . 

Di  eses 
Werk,  das 
Gounod  eine 
"  duftende 
Partitur 
nannte,  war 
fur  die  da- 
malip^e  Zeit 
so  eigenartig 
und  kûhri, 
dass    es   viel 


Alfred  Bruneau   par  Bils. 


vi  AMIS    DE    LA    MUSIQUE 

Widerspruch  erregte,  ebeiiso  wie  aile  tolgenden,  aber  es  erwarb  dem  Schôpfer 
auch  warme  Freuiide  iind  Anhanger.  Daraut  erschienen  ^^ cùr  Sturm  au f  die  AiilhW 
(Opéra-Comique  1893),  ^^  Messido'r^^  (Grosse  Oper  1897)  —  jenes  schôiie,  in 
Munchen  mit  grossem  Erfolg  aufgetohrte  Werk  ;  terner  "  dej'  Orkan  "  (Opéra 
Comique  1901);  '■'■  das  Konigskind^'  (Opéra  Comique  1905).  ''''Nais  Micoulin'' 
(Monte  Carlo  1907).  Von  aiideren  Werken  Bruneaus  nennen  wir  noch  ein 
Requiem^  ^^  Penthesilea'\  synx-^phornschç:  Dichtu ng  mit  Gesang,  ^^  Ueder  ans  Frank- 
reich  " ,  "  Ta  nzlieder  '  ' . 

Aile  lyrischen  Dramen  Alfred  Bruneaus  sind  nach  Texten  \'on  Emile  Zola 
geschrieben,  und  von  "Messidor"  ab  sogar  direkt  nach  der  Prosa  des  unster- 
blichen  Romanschriftstellers.  Dièses  seltene  Zusammenwirken  eines  berûhmten 
Literaten  mit  einem  orrossen  Musiker  ist  einer  der  denkwurdis^sten  Falle  in  der 
Geschichte  der  Kunste. 

Bruneau  nimmt  in  der  zeitgenôssischen  franzôsischen  Musikwelt  eine 
hervori-a2;ende  Stelle  ein,  obwohl  er  sich  nie  als  Fiihrer  einer  Schule  geberdete. 
Er  war  ein  Bahnbrecher  :  mit  seinem  "  Traum  "  betreite  er  die  Lyrik  von  den 
ûberlebten  Formen  des  alten  Opernstiles  und  bewies  schlao;end,  dass  die  Tonkunst 
ebenso  geeignet  ist,  das  moderne  Leben,  wie  das  der  A^crgano;enheit  auszudrïicken. 

Die  Fîaupteigenschatten  Bruneaus  sind  sein  Ideen  Reichtum,  seine  Origi- 
nalitat,  die  feine  Disposition  der  Eintalle,  —  er  ist  ein  Melodiker  in  des  Wortes 
bestem  Sinne,  —  angeborenes  Talent  tiir  dramatische  Bewegung  und  richti<2;t^ 
Proportion,  Klarheit  der  musikalischen  Gedanken,  Bestimmtheit  in  der  musika- 
lischen  Darstellung  der  Charaktere,  ein  tietes  Naturemptinden,  vcrbunden  mit 
einer  aussergewôhnlichen   Piiicision   des   Ausdruckes  in  den  einzelnen  Stimmen.  ' 

EMANUEL    CHABRIER, 

geboren  am  18  Januar  1842  zu  Ambert,  vvo  sein  \"ater  Advokat  war,  kam 
Emanuel    Chabrier   nach    Paris,    um   dort  seine  literarischen  Studien  zu  vollenden 

und   die   juristischen    Fâcher  zu   belegen.  Mit  20  Jahren 

\-AX\A  er  eim  Anstellung  im  Ministerium  des   Innern   und 

schien   von    nun   an   zur    ehrenhatten,  aber  bescheidenen 

.  —  Lautbahn    eines   Staatsbeamten    bestimmt.    I\r    tricb    die 

jA      .^^fc  ^*y  Musik   aus   Liebhaberei    und   \crnnugtc   sich   damit,   tQr 

ir  V»i  sich    Walzer   und  (îalopps    zu    erhnden,   wciche   er  ganz 

harmlos   seincn    brcundcn  bcidcrlci  (icschlechts  widmcte. 

immcrhin    lockte   ihn   eine  gehcime  Sehnsucht  zu  jenen 

xcrborgencn  Regionen  dei"  Musik,  zu  denen  ihm  ein  alter 

X'crkannter   und    x'crgcssenei"   'M'i-i\  de  Rome",    Aristide 

Hignard,    den    \\'eg   gezeigt    hatte.    iMnes    ;\bends,    im 

cauihia-     j.^i^j.^.  jj^^^^  ^'.ji^^i  cr^ich  mi't  einer  Opérette  "  7>r  .S7r;v  " 

/'..    Chahnn-.  ^,j,,.   j^.,^    Ramiu'ii    der    Boutfcs    Parisiens,    eineni    Wcrk, 

'  Difse   Zcilcn    vordankcn    wir   dci'    Fcdcr    Ktieiiiii.-    Dcstrnn^à's,    ciiu-s    KmistkriilkiTS,    ilcr  sich    iii   sciiun 
Bûi'licrn  und  Artiktln  /uin  Voïkilmpffr  der  junfifiaiizîisisclu-n   Srluilc  f^cmarlu  liât.  Kciii  aiidoror  konnto  uni 


FESTSCHRIFT 


vil 


•< , 


.  V 


E.  Chabrier^   par   Détaille. 


X 


AMIS    DE    LA    MUSIQUE 


1886)  die  ^^  Jacquerie'"  (ein  von  Lalo 
unvollendet  hinterlassenes  Werk)  ;  "  Ja- 
hel^  "  "  die  Triippe  Jolicoeur^  "  "  Oniea^  " 
dessen  Libretto  er  selbst  schrieb,  dann 
cine  "  hrische  Komodie^  "  und  zum 
Schluss  ein  Stûck,  welches  nachstes 
Jahr  aufgetuhrt  werden  soll  (an  der 
Opéra-Comique  in  Paris)  und  dessen 
Verse  er  dem  Dichter  talent  seiner  Toch- 
ter,  Madame  Fournery  verdankt. 

Als    Musiker     hat    Coquard     sich 

euien    her\'orrdagenden   Platz  errungen 

auf   der    Buhne     im    Konzertsaal  ;    als 

Schrittsteller  wir  wollen  hier  nur  antuh- 

seine    Sîudien    Ubej'   Berlioz    und 


ren 


FrtJUik^se'xn  philosophises  Essay:  ''^ Einige 


Païuijoii. 

Arthur  Coquard. 

musikalische  Problème'''  und  seine  "  Cf- 
sch'ichte  der  Musik.  " 

A.  Coquard  ist  eben  am  20''" 
Auo-ust  zu  Noirmoutier  gestorben. 

GUILLAUiVlE  COSTELEY. 

(geboren  im  Jahre  1531,  gestorben 
1606  zu  Evreux).  Ein  liebenswur- 
diger  Dichter,  gerûhmter  Sanger  und 
Organist,  besass  Costeley  vor  al  1cm 
eine  wirkliche  Beherrschung  der  mu- 
sikalischen  Komposition.  Va-  konnte 
sich  wertvoller  l'Vcuiulschatren  inul 
hoher  Protektioncn  ri'ihmcn.  Ailes 
liess  ihn  der  koniglichen  (iiiiist  wur- 
dig:  erschcinen. 

Und  tatsilchlich  nahm  er  un  ter 
Karl  IX  die  Stellung  eines  Organisten 
u?id  eines  kfiniglichen  Kilmmerlings 
ein;    cr    wui-dc   dei"    I  .ieblinLisimisikc-r 


FESTSCHRIFT  xi 

dièses  Fûrsten,  der  bestrebt  war,  die  GeistesblQte  des  franzôsischen  Reiches  an 
seinem  Hofe  zu  versammeln.  Die  Werke,  welche  er  hinterlassen  hat,  schuf  er  fur 
den  leuchtenden   prunkenden   Hof  der  Valois.   Sie  spiegeln  ailes  wieder,  was  ihn 


(Musée  de  Versailles) 


François   Couperin. 

beseelte,  den  kriegerischen   Stolz,  die  Galanterie,  die  anmutige  Kocketerie  bis  zu 
den  schlimmsten  Ausschreitungen  der  gewagtesten  Gauloiserien. 

Wenn  man  mit  einem  Blick  die  Art  des  Autors  umfasst,  so  muss  man  sagen, 


xii  AMIS    DE    LA    MUSIQUE 

dass  sie  einerselts  aus  den  truheren  tranzosischen  Meistern,  wie  Cl.  de  Sermisy, 
Consilium,  Jannequin  schôptt,  dass  sie  andererseits  von  der  Zeit  eines  Lasso 
gefârbt  ist,  zugleich  aber  eine  ganz  eigeiiartige  Iiidividualitât  zeigt,  die  sich  in 
kûhnen  melodischen  Arabesken  versucht  und  durch  dereii  kontrapunktische 
Verarbeitunof  maiichmal  Cïberraschend  neue  harmonische  EfFekte  erzielt. 


FRAN'COIS  COUPERIN 

(geboren  zu  Paris  um  1668,  gestorben  1733).  François  Couperin  ist  der  berOhm- 
teste  Vertreter  einer  franzôsischeii  Musikertamilie,  deren  Tatigkeit  man  von  der 
Mitte  des  17.  Jahrhunderts  bis  zum  Anfang  des  19.  vertolgen  kann.  Die  zarte 
Eigrenart  seiner  musikalischen  Ideen,  die  Unabhangrio-keit  seiner  Harmonisieruns: 
und  die  Prazision  seiner  Technik  stempebi  ihn  zu  einem  interessanten  Zeitgenossen 
von  Fontenelle  und  Mignard.  Die  Clavecin-Kompositionen  Couperin's  sind  das 
inusikalische  Gesenstïick  zu  der  Architektur  der  beiden  Trianons. 


CFAUDE  DEBUSSY 

Die  Studie,  welche  Romain  Rolland  Claude  Debussy  in  seinem  nieisterhatten  Werk: 
"Die  Musiker  von  heute  "  gewidmet  hat,  beginnt  tolgendermassen:  "  Die  erste 
Auffuhrung  von  Pelléas  et  Mélisande  am  30.  April  1902  war  eines  der  bedeutend- 
sten  Ereignisse  in  cier  Geschichte  der  tranzosischen  Musik,  ein  Ereignis,  dessen 
Wichtigkeit  man  nur  mit  der  ersten  AufFûhrung  von  "  Kaduius  und  Herm'wne  " 
von  Eully,  von  '•'•  IJyppo/xte  und  Arïcie''  von  Rameau,  oder  von  '•^  Jph'igenia  in 
Âulis''  von  Gluck,  d.  h.  mit  einem  der  drei  oder  vier  Hauptdaten  aus  der 
Geschichte  der  tranzosischen  Oper  vergleichen  kann.  "  Ein  solcher  Ausspruch 
eines  so  berutenen  Kritikers  heisst  das  Werk  mit  dem  Stcmpel  der  Unsterblichkeit 
versehcn.  Allerdings  mag  es  bedcnklich  cischcincn,  die  Zukiintt  N'orausbestimmen 
zu  wollen  und  als  Prophet  autzutreten,  doch  ist  es  nur  gcrecht,  als  Geschichts- 
schreiber  das  Gegenvvartige  testzustellen,  und  ailes  zeigt,  dass  heute  Claude 
Debussy  eine  der  bedeutendsten  musikalischen  Pers(")nlichkeiten  ist.  Selbst  dcn 
vveiniger  Hellsehenden  trappiert  seine  Originalitat  ;  aile  milssen  mit  ihm  rechnen, 
ob  sie  bVanzosen  oder  Auslander  sind  ;  man  spricht  ubcr  ihn  ;  leidenschattlich  ist 
man  ti'ir  oJcr  gcLicn  ihii  ;  aber  niemand  kann  ihn  igiioi-iereii.  Uberdies  macht  er 
Sclnilc  :  man  ahmt  ihn  nach,  was  ja  als  hcichster  Grad  des  Ruhmes  gilt. 

Jmiic  mcrkwi'inligc  Ik'obachtimg  ist,  dass  ilieser  kohne  Neuerer  die  klassische 
Stutenlcitcr  nicht  vcrschm;iht  hat  ;  wcnn  cr  sich  dci"  altcii  l'di-iiu'lii  cntledigte,  so 
gcschah  es  nicht,  vvcil  cr  sic  nicht  behei-rschte,  nanz  im  Gegentcil  mit  x'oller 
SachkcMuriiis.  J'',r  war  ciii  citrigcr  und  hervorragender  Schiller  des  Panser 
Konscrvatoriums  gewcse?i.  /Ichille  C/dude-Dehussx  wurde  am  22  August  1862 
zu    Saint-Gcrmaiii-cn-La\'e   Lïcboren.    Vx   bctrieb   drci    fahi'c    lan^   (îesanosstudien 


FESl  SCHRIFT 


Xlll 


und  erwarb  drei  Medaillen   1875—76.   Klavier  lernte  cr  bei  Marmdntcl,  Harmonie 
bei  Lavignac  und  Koniposition  bei  Guiraud.  1874  und  1875  ^''"'"''igt  ^^  zuerst  die 

zweite,  dann  die  erste  lobcnde 
Erwiihnung  fUr  Klavier.  J)en 
zweiten  Preis  erhalt  er  1877. 
Den  ersten  Preis  fQr  Klavier- 
begleitung  gewinnt  er  im  Jahre 
I  880,  den  zweiten  Accessit  fur 
Kontrapunkt  und  Fuge  1882, 
den  erst-zweiten  Romprcis 
1883  und  schliesslich  den 
Grand  Prix  1884  mit  seiner 
denkwilrdigen  Kantate  "  Dcr 
verlorene  Sohn  ".  So  hat  er  in 
zehn  Jahren  die  ganze  Reihe 
cier  wichtigsten  Auszeichnun- 
gen,  welche  das   Institut  ver- 


Claude  Deb 


ussy. 


ûhu 


o^ewonnen. 


.r  weiss  nun 


ailes,  was   man  lernen   kann  ; 
fHerr  seiner  Feder,  wagt  er  zu  schreiben,  was  seine  Phantasie  und  sein  Getûhl  im 
■diktieren.  Er  betritt  einen  neuen   Weg,  schon  bei  den   ersten  Schritten  unterstûtz 
von     dem     geist- 
vollen     und    fôr- 
■dernden  Verleger 

G.  HaRTM  AN  N. 

Seine    Lieder, 

seine  Klavier- 
rStiicke  finden  nach 
y  und     nach     Ver- 

breitunor.  "  La 
'iDemoiselk  élue 
'wird.  mit  Beifall 
raufgenom  m  en. 
,'Man  geniesst  den 
ppoetischen  Reiz 
Ides  Vorspiel  zu 
'^^L'après-midi  d' un- 
fa  un  e    "      und 

ischliesslich    zieht 

'"  Pellèas    et   Mè- 

lisande  "  siegreigh 

durch    aile    Lan- 

der. 


Claude  Debussy  et  L.  Laloy,  faisant  de  V aviation. 


XVI 


AMIS    DE    LA    MUSIQUE 


Unter  seinen  bis  jetzt  erschienenen  Werken  nennen  wir  ausser  Lieder  und 
Klavierstûcken  ein  StreicJiquarteît^  get allige  Variationen  fur  Harfe  und  Orchester, 
eine  Pastorale  fur  die  Orgel,  und  sehr  intéressante  Gesange  fur  Frauen-und 
Kinderstimmen  mit  Orchesterbegleitung. 

PAUL   DUKAS 


Unter  den  Schûlern  des  unvergessenen  Musikers  Ernest  Guiraud  ist  Paul  Dukas 
viellelcht  der  begabteste  und  augenblicklich  Claude  Debussy  der  blendendste. 

Geboren  in  Paris  am  i.  Oktober  1865,  beschloss  er  seine  Studien  am 
Conservatorium  mit  einem  ersten  Preis  fur  Fuge,  1886  und  dem  erstzweiten 
grossen  Rompreis  1888.  Die  hôchste  Auszeichnung  war  ihm  versagt  worden 
mit  einer  Strenge,  ûber  die  man  sich  wunderte  und  die  einige  seiner  Schieds- 
richter  spater  bedauerten  ;  doch  fuhlte  der  junge  Komponist  sich  stark  genug 
zum  Kampt  und  liess  sich  durch  eine  solche  Niederlage  nicht  entmutigen. 
Vor  allem  erfûUte  er  die  heilige  Pflicht,  die  Oper,  welche  sein  Meister  unvollen- 
det  hinterlassen  hatte,  ^''  Frèdegonde  "  zusammen  mit  Saint  Saëns  zu  vollenden  ; 
dann  lieferte  er  den  schlaoenden  Beweis  seines  instrumentale!!  Kônnens  durch  ciie 
Kom position  dreier  gposser  Ouverturen  :  "  K'ônig  Lea7\  "  "  Gûtz  "con  Berlichingen^  " 
und  "  Polyeukt.  "  Seitdem  ist  seine  musikalische  Produktivitat  immer  mehr 
gewachsen  und  hat  auch  an  Bedeutung  zugenommen,  wenn  man  mehr  die 
Qualitat  als  die  Quantitat  betrachtet.  Paul  Dukas  schreibt  allerdings  verhiiltnis- 
massiff  wenig^,  denn  er  its  strenge  geo-en  sich  selbst. 

Im  Bereich   der  Klaviermusik  bilden  seine  Sonate  und  seine   Variationen  ïiher 

ein  Thema  Rameau\  fast  zwei  Merk- 
steine  ;  auf  der  Buhne  war  seine  wun- 
derbare  ^^  Ariane  und Blaubart'''  ilberwal- 
tigend  ;  als  Orchestermusik  haben  seine 
Symphonie  und  vor  allem  sein  "  Zanber- 
lehrling''  bewiesen,  dass  seine  Fiihigkeit 
wirksamer  Steigerungen  dem  Reichtum 
an  tarbi^er   Instrumentation   olcichkam. 


HENRI   l)in\\RC 

Zu  den  /citgcnossischen  Mcistcrn  dci' 
tranz(')sischcn  Schukvkann  odcr  \iclmhre 
muss  man  Hcnii  Duparc,den  vornchmeii 
Musikcr,  der  sich  nie  im  Mittelmassigen 
xcrucudctc,  /iihlcn.  V.v  war  cincr  der 
crstfn,  wenn  incht  soL;ai"  der  allercrste 
Schi'ilci-  C"csai-  1"'r.\nck.'s  uU'A  hctrat  den 
Kaiiipfplat/.  mit  ciiicr  "  I.eunore,''  wclchc 


y/,   hitptni 


FESTSCHRIFT 


xvii 


ihn  mit  einem  Schlage  einen  unbestritteneii  Ehrenplatz  sicherte.  Leider  lahmte 
Krankheit  gar  bald  seine  Arbeitskraft  ;  nur  von  ferne  konnte  er  noch  den  Kampf 
seiner  Kollegen  verfolgen,  ohne  sich  daran  selbst  beteiligcn  zu  kônnen.  Von  Zeit 
zLi  Zeit  hob  er  aus  seinem  geheimen  Schatz  von  Melodien  ein  paar  Lieder^  deren 
fast  orientalischen,  durchdringenden  Duft  man  nicht  satt  atmen  kann  und  die  ihn 
wie  einen  Tonziseleur  erscheinen  lassen.  Wenn  irgend  von  Einem,  so  gilt  von 
ihm  das  Wort  :  "  Pauca,  sed  bona  ". 


GABRIEL 
FAURÉ, 

geb.  am  13.  Mai  1845, 
zu  Ramiers  (Ariège), 
kam  schon  in  sein  en 
neunten  Jahr  nach  Pa- 
ris. Sein  Vater,  Leiter 
der  Volksschule  zu 
Foix,  hatte  sich  zu 
dieser  Trennung  auf 
die  instandio-en  Bitten 

o 

Niedermeyers    ent- 

schlossen,    der    gerade 

seine  Schule  gegrûndet 

und     die     ungewôhn- 

lichen      musikalischen 

Anlagen     des     Kindes 

erkannte.    Hier   lernte 

Gabriel      Fauré      von 

1854    bis     1866,     hier 

empfing     er    von     St. 

Saëns,  dessen  begeister- 

ter  Jûnger  und  Freund 

er  stets   blieb,   Unter- 

richt    und    Rat.     Vier 

Jahre  lang  warer  Orga- 

nist    an    der    Erlôser- 

Kirche  zu  Rennes,  — 

fur  ihn  eine   Zeit  des 

Exils  —    doch    schon  Gabriel  F aurè. 

1870  kam  er  nach  Paris 

zurûck,  an  die  Kirche  Unserer  lieben  Frau  von  Clignancourt. 

Spâter  Organist  zu  St.  Honoré  d'Eylau,  dann  zu  St.  Sulpice,  wo  er  drei  Ja 


Crayon  pa>  J.  Sai 
Appar.'ient  à  Mme  Long. 


^y 


hre 
2 


xviii  AMIS   DE    LA    MUSIQUE 

Assistent  von  Widor  war,  kam  er  schliesslich  an  die  Madeleine  als  nachfolger  von 
Saint-Saëns,  und  wurde  1877  Kapellmeister  an  dieser  Kirche.  Dieser  Période  voll 
stiller  Arbeit  entstammen  seine  ersten  Kompositionen,  Motette,  Lieder,  eine  Sonate 
fur  Klavier  und  Violine  und  eine  Orchester-Suite.  Dem  Publikum  war  er  noch 
unbekannt,  aber  die  Kenner  begannen  sich  tûr  ihn  zu  interessiren  und  seine  Werke 
verbreiteten  sich  in  gewissen  Salons,  wo  er  es  nicht  unter  seiner  Wurde  hielt, 
Chôre  von  Dilettanten  zu  dirigieren.  Die  Stunde  nahte,  wo  seine  Stellung 
und  sein  Ruhm  sich  festigten.  Er  folgte,  wenn  man  will,  dem  Fusstapten  Theodor 
Dubois,  denn  im  Laufe  von  etwa  20  Jahren  wurde  er  dessen  Nachfolger  als 
Kapellmeister  an  der  Madeleine,  Titular-Organist  daselbst  und  als  Director  am 
Conservatorium.  In  dieser  langen  Zeit  hat  er  seine  hervorragendsten  Werke 
^eschrieben  und  das  Institut  ôffnete  ihm  endlich  1909  die  Tore,  nachdem 
die  allgemeine  Meinung  ihm  lângst  dièse  Ehre  zuerkannt  hatte. 

Im  Geo^ensatz  zu  einigen  seiner  Kollegen  hat  G.  Fauré  sich  nicht  in  jedem 
Genre  versucht,  oder  er  hat  wenigstens  mit  Vorliebe  jene  Zweige  behandelt, 
zu  welchen  sein  Génie  ihn  trieb.  Das  Orchester  nimmt  in  seinem  Schaffen 
nicht  den  Hauptplatz  ein:  ein  Requiem^  eine  Symphonie^  (op.  40),  eine  Suih\ 
(op.  12),  ein  Violinkonzert  (op.  14),  eine  Pavane  und  Chor-Kompositionen,  wie  die 
Gehurt  der  Venus  (op.  29),  die  Djinns  (op.  10)  und  das  Madrigal  (op.  '^Ç)  bilden 
—  abo;esehen  von  Kompositionen  furs  Theater  —  die  fast  vollstandige  Liste  seiner 
Instrumentalwerke.  Das  Theater  scheint  ihn  ûberhaupt  nur  wenig  anzuziehen. 
Sein  "  Prometheus  ",  der  einst  in  der  Arena  zu  Béziers  autgetûhrt  wurde,  mit 
seiner  Militâr-  und  Symphoniemusik,  mit  seinen  Chôren  und  Sangen,  ist  ein 
dekoratives  Fresko-Gemalde,  das  ins  Freie  gehôrt  und  einen  Aushnahme-Charakter 
tragt.  Wenn  er  sonst  mit  dramatischer  Kunst  in  Beriihrung  trat,  so  war  es  mehr 
mit  Bûhnenmusik,  und  ausd  iesem  Gebiet  zahlt  seine  Krone  drei  kostbare  Perlen  : 
"  Crt%«/rt  ",  "  5/7)'/oC/è  ",   '•'■  Pelleas  undMelisandé'Wi'xç.Yjxnwwç.rxxwxûV 

entspricht  seiner  Natur  mehr  und  -  er  hat  hier  bemerkenswerte  Werke 

geschaffen  :  ein  Quintette  zzvei  Kla-  ^^  -         vie^'-Quartette^  (op.  15  &  45),  eine 

Sonate  fiir  Klavier  und  Violine  {p^.  ^m^j^  ^3)  ^^'"^  M^iegenlied  und  eine  Ro- 
manze  far  Violine  und  Klavier  (op.  ^H.  ^B  ^^  ^  -^)'  ^'"^  Elégie  fur  Violonccll 
und  Klavier  (op.  24).  Doch  sein  ^^^^H  Hauptaugenmerk  war  immer  auf 
Klavier  und  Vokalmusikgerichtet.  ^^^^^V  Soll  man  hier  die  2>  Barcarolen^  à\ii 
9  Nocturnos^  aile  Impromptus^  Lieder       ^^^^^      ^^^^^^  M^orie^  Balladen^  IValzer  und 


Mazurkas^  kurz  aile  jene  Werke  jj^V  einzeln  besprechen,  welche  nach 
dem  trefflichen  Ausspruch  cincs  ^H  unscrcr  Kollcgcii  "  uns  den  Genuss 
von  etwas  Leichtem,  FlQchtigem,  ^^|  Unfassbarcn,  von  setlcner  Delika- 
tesse  der  Kmpfindung,  anschmci-  ^^^^^^^  chelnder  Wcichhcit  und  zartester 
Anmut,  die  HauptzCigc  ihres  ^I^^H^^  Schcipters  bietcii.  "  W'as  seine  Lie- 
der bctrifFt,  zahlreich  uiul  glaii-  zend,  gleichcn  sic  cincin  Schwann 
von  leichtbeschwinotcn  l'altc-rn.  (j.  raior.  \\'{v/,u  sic  aut/ahlcn  odcr  ncnncii  : 
W  cr  kcnnt  und  lient  sie  iiiclit  r 


FESTSCHRIFT 


XIX 


CESAR  FRANCK. 

"  Welch  feiner  Kopf,  dieser  Kûnstler  des  XIX  Jahrhunderts,  dessen  charak- 
teristisches  Profil  sich  scharf  abzeichnet  von  dem  franzôsischen  Milieu,  in  dem  er 
gelebt  !  Wie  aus  einer  anderen  Zeit,  beschwôrt  sein  Lebenswerk  (innerhalb  ge- 
wisser    Grenzen)   die   Erinnerung   an   dasjenige   von   J.   S.    Bach   herauf,   und  er 


César  Franck^   par   M^^*^   Rongier. 


Byaun  ei'CîlT"^" 


scheint  das  Leben  wie  ein  Trâumer  durchschritten  zu  haben,  ohne  sich  um- 
zublicken,  nur  an  seine  Kunst  denkend,  einsam,  fur  sich  lebend  in  einer  Art 
Hypnose  wie  aile  wahren  Meister,  aile  Streng-Schaffenden,  die  ihren  Lohn  im 
Schaffen  und  im  der  stets  sich  erneuernden,  beseligenden  tâglichen  Arbeit  finden, 


XX  AMIS    DE    LA    MUSIQUE 

unbekûmmert  um  deii  Widerhall  in  der  Menge,  um  Fûrstencrunst  und  ohne  an 
Zugestânûnis  zu  denken,  die  im  Geringsten  mit  ihren  Begriff  von  Wahrheit  und 
Schônheit  in  Konflikt  standen.  Sein  Talent  wendet  sich  an  die  feinsten  Musik- 
kenner.  Ein  glûhender  Bewunderer  der  grossen  Primitiven,  scheint  er  einen 
Funken  ihres  Geistes  entwendet,  in  ihrer  Mitte  gelebt,  sich  mehr  mit  den  Engeln 
als  mit  den  Menschen  unterhalten  zu  haben  ;  was  er  sang,  klang  zur  hôheren 
Ehre  Gottes." 

Belgien  kann  ihn  tur  sich  beanspruchen,  er  ist  in  Lûttich  am  lo  Dezember 
1822  geboren.  Frankreich  aber  war  sein  Adoptivland,  und  das  Land  seiner 
Tatigkeit.  Er  war  dort  naturahsiert  worden,  nachdem  er  schon  seit  seinem  1 5  Jahr 
in  Paris  lebte,  um  seine  Studien  im  Konservatorium  zu  beenden.  Zimmermann 
war  sein  Lehrer  fur  Klavier,  Benoit  fur  die  Orgel,  Reicha,  spater  Leborne  tûr 
Contrapunkt  und  Fuge.  Sein  Fleis  und  Eifer  trug  aile  Preise  davon  :  1838  erster 
Klavierpreis,  1839  2:weiter  Fugenpreis,  1841  erster  Fugen-  und  Orgelpreis.  Nach 
einem  zweijâhrigen  Aufenthalt  in  Belgien  liess  er  sich  endgiltig  in  Paris  nieder. 

Seine  vier  Klavier-Trios  verra.ten  schon  eine  gewisse  Individualitât,  gingen 
aber  spurlos  am  Publikum  voruber.  Seine  Klavierstilcke  op. 3-7,  seine  Arrange- 
ments und  Phantasien  op. 8-1 5,  ein  Dutzend  Lieder,  einige  unverôffentlichte 
Chôre,  trugen  um  so  weniger  zu  seiner  Berûhmtheit  bei,  als  es  Jugendwerke  sind, 
welchen  der  Autor  selbst  spater  jeden  Wert  absprach.  Ein  Oratorium  "  Ruth  " 
(1846),  im  Konservatorium  aufgefuhrt,  und  eine  Oper  '■'■  Der  Bane7iiknecJit''\  beim 
Théâtre  Lyrique  (1848)  eingereicht,  ohne  aufgefuhrt  zu  werden,  bedeuten  einen 
unfruchtbaren  Versuch,  ans  Licht  zu  treten. 

Mehr  als  zwanzig  Jahre  lang  war  sein  Los,  Musikunterricht  in  sogcnannten 
guten  Hausern  und  Mâdchenpensionaten  zu  geben.  1859  wird  er  zum  Organisten 
von  St.  Klotikien  ernannt,  und  nun  grûndete  er  sich  erst  sein  eisentliches  "musika- 
lisches  Heim  ".  Bis  1870  hat  er  sich  tast  ausschliesslich  der  Kirchenmusik  gewidet, 
und  man  kann  aus  jener  Zeit  kaum  mehr  nennen,  als  das  Oratoriinn  ^'-  Der  Bah\lo- 
nische  Turm'"  (unverôffentlicht)  und  eine  Messe  fttr  Orchester  und  Chôre.  (1861) 
Da  kam  (1871)  wie  eine  Offenbarung  der  Erfolg  der  '•''  Rntli  "  im  Cirque  d'Eté  ùber 
das  Publikum  und  verlieh  dem  Meister  die  Nachfolge  auf  Benoist  in  der  Orgel- 
klasse  des  Konservatoriums.  Die  "  ^r/oj//;/^  "  (Rédemption)  erscheint  1873  iind 
die  "  Selïgpreisungen''  (Béatitudes)  sind  schon  in  Angriff  genommen. 

1876  bis  1890  reiht  sich  eine  ganze  Série  Meisterwcrkc  an,  1876  die  sym- 
phonische  Dichtung  '•'■  Eolides'\  1878  Fantasie  und  Orgehtucke^  1880  Khivierquintctt^ 
1881  das  Oratorium  '■'-  Rebecca'\  1883  die  symphonische  Dichtung  ^^  Der  li'ihic 
Jàger'\  1884  '■'■ /es  Djinns '\  fur  Klavier  und  Orchester,  1885  die  Synip/wnisc/ien 
Varia tionen  und  die  Prci Indien^  1886  die  Sonate  filr  Klavier  und  Violine^  1887 
1^0  Psalm^  1888  die  symphonische  Dichtung  '■'■  Psyché^  1889  Sfreic/if^uar/etf^  gvossc 
Chorale  und  Symphonie  in  Z),  1890  Sechs  Sti'icke  fOr  Harmonium. 

Dieser  Aufzahlung  sind  noch  zwci  Opern  hinzuzufOgcn  "  lluhla  "  und 
"  Gisela  ",  won  welchen  die  /.weitc  unvollendct  gebliebeii,  xoii  scinen  SciiQlern 
bccndct  wurdc  ;  hciiic  in   Monte  Carlo   iS(^4  und    1  S(/)  autL^cti'ihrt. 


FESTSCHRIFT 


XXI 


Die  Namen  seiner  Schiller  kônnen  denen  seiner  Werke  angereiht  werden, 
demi  ihm  waren  die  einen  so  lieb  wie  die  anderen  und  er  war  oft  glQck- 
licher  ûber  ihre  als  ilber  seine  eigenen  Erfolge.  Zwanzig  Jahre  hindurch,  bis  zu 
seiner  letzten  Stunde  wusste  er  eine  eifrige  und  wissensdurstige  Jugend  um  sich 
zu  versammeln,  die  es  sich  angelegen  sein  liess,  ihn  zu  begleiten  und  eine  Art 
Ehrengarde  zu  bilden.  Es  waren  Henri  de  Castillon,  der  fruh  (1873)  starb, 
Vincent  d'Indy,  Henri  Duparc,  Ernest  Chausson,  Camille  Benoit,  Charles  Bordes, 
Albert  Cahen,  Pierre  de  Bréville,  Arthur  Coquard,  Guy  Ropartz,  George 
Rosenlecker,  Samuel  Rousseau,  Gabriel  Pierné,  Dallier,  Chapuis.  Fur  aile  war 
es  ein  herber  Schlag,  als  am  8.  November  1890  seine  Augen  sich  fur  immer 
schlossen.  Da  erst  konnte  man  an  der  unendlichen  Lûcke,  die  entstand,  die 
Stellung  ermessen,  die  er  unter  seinen  Zeitgenossen  einnahm. 

VINCENT  D'INDY 


Geboren  zu  Paris  am  27.Marz  1851  absolvierte  Vincent  d'Indy  das  Konserva- 
torium,  wo  er  1874  in  der  Orgelklasse  eine  zweite  und  1875  ^^'"'^  erste  lobende 
Erwahnung  erhielt.  Wie  ein  Fabriksherr,  um  durch  Gehorchen  das  Befehlen  zu 
lernen,  sich  unter  Arbeite  mischt 
und  mit  ihnen  lebt  und  werkt, 
so  wollte  sich  der  junge  Musiker 
auch  durch  die  Praxis  fur  aile 
Aufgaben  des  Komponisten  vor- 
bereiten.  So  sehen  wir  ihn  bald 
als  Organisten  in  Saint  Leu, 
dann  als  Pauker  und  Chorfûhrer 
in  den  Colonne-Konzerten,  trotz- 
dem  Herkunft  und  Vermôgen 
ihn  nicht  zu  diesen  bescheidenen 
Dienste  zwano^en.  Nun  da  er 
selbts  Meister  geworden  ist, 
bildet  er  die  Schola  unter  seiner 
Leitung  zu  einem  Centrum  mu- 
sikalischen  Kultur,  zu  einer  Art 
Institut  oder  Fakultât  aus,  ûber 
deren  Bestrebungen  man  wohl 
streiten,  deren  Bedeutung  man 
aber  nicht  verneinen  konnte. 
Hier  wird  eine  theorische  "  en 
grand  "  und  praktische  Unter- 
weisung  erteilt,  der  er  sehr 
persônlichen  Charakter  zu  ver- 
leihen   weiss.   Als   Lehrer    preist  Vincent  cflndy. 


Eau  forte  de  Bern.  Kleuc 


XXll 


AMIS    DE    LA    MUSIQUE 


er  kein  Genre  an  und  zwingt  keine  bestimmte  Kunsttorm  aut,  es  muss  nur  ernst 
und  ehrlich  gemeint  werden.  Vor  allem  aber  lehrt  er  seine  Schûlern  die  Klassiker 
verstehen  und  treibt  die  Analyse  ihrer  AVerke  bis  zum  âussersten,  fast  bis  zur 
Sekkatur.  Er  bemûht  sich,  ihnen  das  tietste  Verstiindnis  zu  vermitteln  damit  sie 
sie  umso  mehr  lieben. 

Die  Anfânge  der  kompositorischen  Tiitigkeit  VinceiU  d'Indy's  reichen  bis  zu 
Pasdeloup  zuruck,  welcher  ein  Fragment   seiner  Wallenstein-Trilogie,  die  Ouver- 


V'incctit  (CIh(1\  ru  fam'iil,-  (juin   1893^.  '"^^s,^ 

turc  zu  lien  '•^  Piccolom'uiV  (1874)  in  seine  Konzerte  autnahm.  Dcr  Preis  der 
Statlt  Paris,  welcher  ihm  fur  sein  "  Lied  vo>i  dcr  Glockc  "  (1881)  zuerkannt  wurde, 
sicherte  ihm  die  cndfi:ilti";e  Achtuno-  aller  Musiker  und  stelltc  ihn  die  erste  Reihe 
der  jung-franzôsischen  Schule.  Scitdem  hat  N'inccnr  (.l'iinh-,  aile  Zweigc  seiner 
Kunst  ausgeubt  :    Instruinental-inui  \'()kaliuusik,  drainatischc  uiul  Kii-chennuisik  ; 


FESTSCHRIFT 


XXlll 


er  hat  Symphonien  und  symphoiiische  Dichtungen,  Konzerte  und  Quartette, 
Sonatcn  und  Lieder,  Chore  und  Mottete,  Cantaten  und  lyrische  Dramen  «^eschrie- 
ben.  Es  seien  hier  hervorgehoben  :  die  WallensLeïn-Trilogïe 
op.  12,  welche  allein  drei  Ouverturen  oder  symphonische 
Dichtungen  umfasst,  das  "  Lied  von  der  Glocke  ",  zwei  Sym- 
phonien^ von  denen  die  mit  Klavier  im  Programm  aufgenomen 
ist  und  die  andere  op.  57  mit  Recht  fur  ein  Denkmal  musi- 
kalischer  Architektur  gilt.  Eine  Orchestersuite  :  "  Sommertag 
im  Gehirge""  op.  61,  zwei  symphonische  Dichtungen  von 
wunderbarer  Leuchtkraft,  "  Istar  "  op.  42  und  "  Erinnerung  " 
(Souvenir  op.  62,  ein  bemerkenswertes  Klavierquartett  op.  7 
und  zwei  andere  nicht  weniger  schône  Vokalquartette  op.  '}^!^ 
&  45.  Eine  Fantasie  fur  Oboe  und  Orchester  OTp.  31  und  ein  Lied 
fur  Cello  und  Orchester  op.  1 9,  Choral- Variationen  fur  Cello  und 
Klavier  op.  c^c^^  die  Musik  zur  Tragôdie  ^^Medea'"  op.  47, 
zwei  lyrische  Dramen  "  Fervaal  "  und  "  der  Fremdling  " 
(l'Etranger)  mit  selbstverfassten  Libretti.  Ausserdem  noch 
eine  Menge  von  Chôren,  Liedern  und  Klavier  Kompositionen. 

EDOUARD    LALO\ 

V  (Tlndv  Lalo  ist  am  27.  Januar  1823  zu  Lille  geboren.  Sein  Name 

statuette  Par  Daiiiés  cleutct  auf  spanischen  Ursprung  und  gehôrte  tatsachlich  einer 
der  vornehmsten  Familien  an,  die  sich  im  XVII.  Jahrhundert 
in  Flandern  niederliessen.  Sein  Vater,  ein  alter  napoleonischer  Offizier,  war 
Leihhaus-Direktor  im  Nord-Departement  und  hatte  ihm  eine  vorzûgliche  Erzie- 
hung  angedeihen  lassen.  Die  Vorliebe,  welche  er  gar  bald  fur  die  Musik  verriet, 
wurde  nicht  zu  lebhaft  bekampft.  Wenigstens  liess  man  ihn  Violinunterricht  am 
Konservatorium  seiner  Geburtsstadt,  das  unter  der  Direktion  eines  deutschen 
Lehrers  namens  Baumann  stand,  nehmen.  Der  Schiller  machte  merkliche  Fort- 
schritte  und  da  Lille  nicht  mehr  ein  wûrdiges  Feld  seiner  Tâtigkeit  zu  sein  schien, 
kam  er  nach  Paris.  Er  besuchte  am  Konservatorium  nur  die  Violin-Klasse,  die 
Habeneck  leitete  ;  aber  er  studierte  privât  Komposition  mit  einem  alten  Laureaten 
des  Institutes,  Crèvecœur,  und  mit  dem  bekannten  Pianisten  Schulhoff.  Seine 
Mittel  erlaubten  ihm  nicht,  ohne  einen  Verdienst  zu  leben.  Wâhrend  ein  Massenet 
und  ein  Guiraud  mit  ihren  Rompreisen  ihr  Brot  in  einem  Theaterorchester 
fanden,  verwertete  Lalo,  der  unbekannte  und  nicht  diplomierte  Schiller,  sein 
Geigentalent  als  Bratschist  in  einem  Quartett,  dessen  erste  Krafte  Armingaud 
unci  Jacquard  waren.  Die  Kammermusikabende,  die  sehr  besucht  waren  und 
ott     stattfanden,     vervollkommeten    die     musikalische     Erziehung     des    jungen 

^  Il  nous  aurait  été  fort  agréable  de  présenter  ici  une  iconographie  de  l'auteur  du  Roi  d'Ys.  Malheureuse- 
ment M.  Pierre  Lalo,  fils  du  maître,  a  pour  principe  absolu  de  ne  jamais  répondre  aux  lettres  qui  lui  sont 
adressées.  (La  Rédaction.) 


xxiv  AMIS    DE    LA   MUSIQUE 

Kûnstlers  und  hier  war  es,  wo  er  die  Meister  der  Musik  richtig  kennen  lernte. 

Nun  begann  er  selbst  zu  komponieren  und  einige  Verleger  wagten  es,  seine 
Erstlingswerke  herauszugeben.  Ein  halbes  Dutzend  Lieder,  einige  Stucke  fur 
Klavier  und  Cello,  andere  zahlreichere  fur  Klavier  und  Violine  und  ein  Streich- 
quartett  op.  19  kennzeichnen  sein  Schaffen  bis  gegen  das  Jahr  1860.  In  Paris 
hôrte  man  nach  und  nach  bei  Colonne,  Pasdeloup  und  auch  in  der  Société 
Nationale  1873  ein  Divertissement  fiir  Orchester^  1874  ein  VioUnkonzert^  1875  ^i^ 
spanische  Symphonie  \x\\X.Wo\\\\ç^  o^^.  21,  1876  ein  symphonisches  Allegro  (nach  dem 
Allegro  fur  Klavier  und  Cello  op.  16),  1877  das  Konzert  fiir  Cello.  Verschiedene 
Werke  Lalo's  wurden  zum  ersten  Mal  in  Berlin  aufgefûhrt,  die  Serenaden-Romanze 
far  Violine  und  Orchester  und  die  Norvvegische  Fantasie,  (die  erste  Fassung  der 
Norwegischen  Rhapsodie),  u.  s.  w. 

Wenn  man  einerseits  die  Zahl  seiner  Lebensjahre,  andererseits  die  seiner 
Werke  betrachtet,  wird  man  vielleicht  finden,  dass  seine  Produktivitât  nicht 
bedeutend  ist,  besonders  wenn  man  bedenkt,  dass  ein  und  dasselbe  Werk  oft 
mehrfach  bearbeitet  und  inverscheidenen  Fassungen  verwendet  wurde.  Doch 
erklâren  allerlei  Grunde  dièse  verhâltnismassige  Unfruchtbarkeit.  Vor  allem  hatte 
sich  Lalo  ziemlich  spat  der  Komposition  zugewendet.  Dann  hatte  er  auch  nicht  die 
Gabe  der  leichten  Erfindung.  Sei  es  nun,  dass  der  musiker  Unzulangliclikeiten  bei 
der  Ausfuhrung  empfand,  oder  der  Komponist  sich  selbst  gegenuber  allzu  strenge 
verfuhr,  —  das  Résultat  war,  dass  er  fast  nie  mit  seineni  ersten  Wurf  zufrieden 
war.  Er  hat  Werke,  die  zwanzig  Jahre  ait  waren,  wieder  hergenommen,  ausge- 
bessert  und  retuschiert,  und  sie  von  Grund  aus  umgearbeitet.  Was  lag  daran  ! 
Was  das  Werk  an  Ursprûnglichkeit  einbûsste,  hat  es  andererseits  an  Vollkom- 
menheit  gewoiuien. 

RAMEAU  (1683-1764). 

Jean  Philippe  Rameau  ist  in  der  Geschichte  der  Musik  zu  wohl  bekannt  um 
den  Lesern  dieser  Festschrift  eigens  vorgestellt  werden  zu  mOssen.  Er  war  zur 
selben  Zeit,  wie  Bach,  Hiindel  und  Scarlatti  geboren,  als  ob  Frau  Musika  das 
Europa  der  Tône  unter  dicse  vier  grossen  Meister  hiitte  \crtcilcn  wollen.  Nach 
Lully  war  er  der  \'orkampter  der  tranzôsischcn  Musik  und  ihrcs  spezihschcii 
Stilles.  Seine  akustischcn  und  harmonischcn  Thcoricn,  habcn  huiiic  noch  die  Schulc 
beheiTScht,  als  schon  sein  kunstlcnschcr  Ruhm  \ci"hlichcii  war. 

MAUR1C1^   RA\'EL. 

Die  franzôsische  Musik  besitzt  in  Ra\cl  cinc  der  t\-pischen  J-'.rscheinungen 
<ier  Gegenwart.  Geboren  am  7.  Milrs  1875  ''•'■'  Cibourre  (Basses  Pyrénées)  absol- 
vierte  Joseph  Maurice  Ravel  das  Konservatoi  iuni    /.u    Paris.    Schiller   Pessart's    in 

I Fu-moiiick'hrc,    Bcriot's    ini    Klax'icrspicl,    André   Gcdal^c's    in    Kc^itrapuiikt   uiui 


FESTSCHRIFT 


XXV 


Fâuré's  in  Kompositionslehre,  erhielt  er  1901  einen  zweitcn  Grand  Prix  und 
verzichtet  freiwillig  auf  die  hôchste  Auszeichnung.  Wie  Alfred  Bruneau,  P.  Dukas 
•  und  Roger  Ducasse  gehôrte  er  zu  jenen  zweiten,  die  die  Mittel  haben,  die  ersten 
zu  werden.  Er  hatte  am  Konservatorium  gelernt,  was  zu  lernen  war,  aber  er 
wollte  sich  weiterhin  frei  fQhlen  ;  so  ist  er  zu  einer  Zeit,  wo  andere  noch  Schaler 
sind,  seinen  Weg  gegangen  und  hat  warme  Bewunderung  geerntet. 

Ebenso  wie  Berlioz  hatte  er  schon  bei  seinem  ersten  Auftreten  Anhanfrer, 
welche  zu  seiner  Fahne  schworen.  Calvocoressi  hat  dieser  musikalischen  Persôn- 
lichkeit  in  der  Grande  Revue  (Mârznummer  1907)  eine  spezielle  Studie  gewidmet; 
er  hat  Chabriers  Einflus  auf  den 
jungen  Komponisten  hervorge- 
t  hoben,  einen  Einfluss,  der  ur- 
sprûnglich  mit  einem  hohen 
Respekt  vor  der  Tradition  oder 
wenigstens  vor  den  Mitteln  der 
Klassiker  zusammenhing  ;  er  hat 
dann  vornehmlich  die  merkwur- 
digen  Unterschiede  in  Auffass- 
ung  und  Ausfuhrung  festgestellt, 
die  Ravel  von  Kûnstlern  trennen 
wie  Cl.  Debussy,  mit  dem  ihn 
manche  vergleichen. 

Nachdem  Ravel  mit  einem 
Streichquartett  debutiert  hatte, 
welches  sofort  die  Auo-en  der 
Neugierigen  auf  ihn  lenkte,  ver- 
ôffentlichte  er  mehrere  Klavier- 
stûcke  und  Lieder,  die  ihm  einen 
Ausnahmestellung  sicherten.  Aus 
den  Klavierstûcken  seien  her- 
vorgehoben  :  "  Springbrunnen^ 
das  "  Glockental^  "  eine  Sonatine^ 
eine  Pavane  und  die  Alborada^ 
dann  der  seltsame  und  eigenar- 
tige  "  Kaspar  in  der  Nacht^ 
(Gaspard  de  la  nuit)  ;  von 
den  Liedern  nennen  wir  :  die 
^^  Ueberseesturme'"  (les  Grands  vents  venus  d'outre  mer)  und  die  merkwûrdige 
Sammlung  benannt  "  Naturgeschichten^  "  (Histoires  naturelles)  die  selbst  dem 
kritischen  Louis  Laloy  enthusiastische  Zeilen  entlokten.  Ein  anderer  seiner 
Bewunderer  G.  Jean  Aubry  hat  von  dieser  Musik  gesagt,  sie  sei  fur  eine  der 
bewunderungswertesten   Schôpfungen   des  modernen   musikalischen    Geistes   und 


Melcy. 


Maurice  Ravel  (19 10) 


f  mit    folgenden    Worten    legt    er    sein     Glaubensbekenntnis    ab 


W 


enn 


auch 


XXVI 


ANJIS    DE    LA    MUSIQUE 


f^^4 


XInuvui-    RdVil  pur   Ouvre   (1909). 


FESTSCHRIFT 


xxvu 


ocwisse  f(ci)i(issigte  Berichtcrstattcr  midi  tiii-  cincii   N;in-cii  haltcti,  so  fitulc  ich   tloch 

in    lier    IVliisik   Maurice    Ravd's    die    ersehiiten    Kmotionen,    welche    uns    unsere 

iMiiptîiulsamkeit  uiid  Feintiihlit^keit  vermittelt.  Ich  fiiicle  ciarin  eiiien  inusikalisthen 

liihalt   von    reizvoll  perscnilichcm    Chai'akter   uiul   for  alleni  jeiie  Atmosplulre   wo 

Eigenheit,  Ironie,  De- 

likatesse      und      selbst 

l 'oberteiiierung      sich  ■ 

iinmer     trei     bevvegen  „ ,     ■ .,     ~''""'*^'  ' 

und  ohne  Misstoii  ihre 

ocistreichen  Arabesken 

^chlingen."  Musik, die 

so  beur  teilt  wi  rd,  gefallt 

vielleicht  nicht  jedem, 

iiber   gleichgiltig   wird 

sie  keinen  lassen. 


3) 


''■1/ 


CAMILLE 

SAINT-SAENS. 

Geboren  zu  Paris 
lam  9  Oktober  1835 
îzeigte  Camille  S.  Saëns 
frûhzeitig  musikalische 
Anlap^en 


so    dass    er 

mit  Recht  fur  ein  Wun- 
iderkindgalt.  Mitsechs 
Jahrenschrieber  kleine 
I.Lieder  und  mit  elf 
Jahren  gab  er  im  Saal 

Pleyel  sein  erstes  Kla- 
tvierkonzert.  Klavier- 
;spiel  hatte  er  bei  Sta-  / 

imaty,    Harmonielehre 

bei    Maleden    g-elernt. 

o 

Am  Konservatorium, 
in  der  Orgelklasse  Be- 
noit's,   erhielt  er  1849  den  zweiten  und  1851  den  ersten  Preis. 

Eine  "  Ode  an  die  Heilige  CàcïUe  "  in  einer  Konkurrenz  preisgekrônt,  aber 
unveroefFentlicht,  bildet  seinen  ersten  Erfolg  in  der  Listrumentalkomposition 
(1852).  Seine  Anstellung  als  Organist  an  der  Kirche  St.  Merry  spâter  an  der 
Madeleine  verpflichtete  ihm  Orgelstûcke,  Mottete  und  andere  kirchliche  Werke 


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Camille  St.  S^ 


oaens  c?i  lo^i 


XXVlll 


AMIS    DE    LA    MUSIQUE 


zu  schreiben,  von  denen  als  die  wichtigsten  :  eine  vierstimmige  Messe  fQr  Soli 
und  Chôre,  Orgel  und  Orchester  (1857),  das  M^eihnachtsoratoriwn  op.  12  (1858) 
der  Psalm  "  Coeli  enarrant''  op.  42  (1873)  und  ein  Requiem  op.  54  (1878)  zu 
nennen  sind. 

In  dieser  Epoche  konnte  er  sich,  da  er  vom   Kirchendienst  befreit  war,  mit 
weniger    Skrupeln    dem    Theater,   das    ihn    langst  anzog;,    sich    zuwenden.    13och 


Pholc  fi.  Ihoxd. 


Cnin'iilc  S(/i>it-S(n"?!S. 


musstc  cr  sich  mit  Cicduld  wappncn,  chc  es  ihni  die  Tore  offnete  ;  seine  ersten 
\WTke  blieben  3,  S  und  sogar  12  Jahre  liegen,  "  Die  o^elbe  Pri}izessin'\  (la  Princesse 
jaune)  1872  in  der  Opéra  Comique  aufgefahrt,  war  blos  cin  l^iiiakter,  '■'■  Sdwsou'" 
musste  '/u  erst  die  Grenze  Oberschreiten,  iiiul  in  W'eimar,  dank  der  hohen 
IVotektioii  l-is/.t's  1877,  gasrhchc  Aiihiahmc  tindcn.  Das  '■'•  Silhrnir  Cilïnkchen 
(Le  timlire   d'argent)    1S65    bcnoniien,   wiii-de    ci-st     is~~    autl^cruhrt    im    Théâtre 


FESTSCHRIFT 


XXIX 


.yrique  und  '■'•Etienne  Marcel''  ging  zuerst  iii  Lyon,  Qber  die  Bretter.  Von  dicser 
vioment  an  (1879)  ist  die  Stellung  des  Komponisten  so,  dass  die  ehemals  ver- 
chlossenen  Pforten  der  Theater  sich  vor  ihm  von  selbst  auftun. 

Man  wird  es  verzeihen,  wenn  wir  hier  nicht  einmal  eine  fluchtige  Skizze 
fines  Œuvre  geben.  Saint-Saëns  hat  sich  nicht  auf  ein  Spezialgebiet  beschrankt, 
r  hat  jede  Art  von  Musik  getrieben  und  ein  Verzeichnis  seiner  Werke  findet  sich 
1  allen  musikahschen  Handbûchern.  Gounod  gab  einmal  foleende  Schilderuno- 
laint-Saëns  :  "  Saint-Saëns  beherrscht  sein  Fach  wie  niemand,  er  kennt  aile 
deister  auswendig,  er  lasst  das  Orchester  spielen  und  spielt  mit  ihm,  wie  er  auf 
:em  Klavier  spielt  ;  mehr  kann  man  nicht  sagen.  Er  ist  weder  g;esucht,  noch 
evvalttatig,  noch  emphatisch.  Er  hat  kein  System.  Er  gehôrt  zu  keiner  Partei,  zu 
:einer  Clique  ;  er  wirft  sich  nie  zum  grossen  Reformater  auf.  Er  schreibt  nur, 
i'as  er  will  und  was  er  weiss." 

Von  Saint-Saëns  hies  es  lange,  der  schriebe  eine  gelehrte  Musik  und  man 
*^eiss,  welch  niedrige  Eifersucht  und  neidische  Parteilichkeit  in  dieser  Bezeichnung 
-erborgen  liegt.  Im  Gegenteil  eine  heisse  Flamme  brannte  in  seinem  Herzen, 
eine  lebhafte  Phantasie  trug  ihn  ins  Traumland,  seine  Kraft  und  sein  Kônnen 
rieben  ihn  zur  Tat,  er  wollte  und  konnte  Gipfel  erklimmen.  Aber  er  stiess  sich 
n  der  Verachtung  der  Menge  und  fiihlte  manchmal  die  schmerzliche  Last  der 
^Zntmutigung.  "  Dann  ",  vertraute  er  mir  eines  Tages  an,  "  nahm  ich  die  Fûgen 
^on  Bach,  die  Symphonien  von  Beethoven,  die  Oratorien  von  Mendelssohn  vor 
md  wie  einst  Anthâus  bei  der  Beruhrung  der  Mutter  Erde  seine  Krafte  wieder- 
and,  so  schôpfte  ich  wieder  Vertrauen  aus  der  Beruhrung  mit  diesen  Riesen  ; 
T^on  neuem  studierte  ich,  verglich  ich  und 
'la  ich  die  Wahrheit  auf  der  Fâhrte  dieser 
fjrossen  find,  schwang  ich  mich  wieder  aut.  " 

CHARLES  MARIE  WIDOR. 


Widor  gehôrt  einer  Organisten-Familie 


m,  die  aus  dem  Elsass  eingewandert  war 
md  ist  in  Lyon  geboren.  Seine  musika- 
■ischen  studien  betrieb  er  in  Brûssel,  wo 
Lemmens  ihn  die  Orgel  und  Fétis  die  Kom- 
bosition  lehrte.  Seine  Fâhigkeit  war  bald 
Dekannt,  denn  vor  seinem  25.  Jahr  erwies 
nan  ihm  die  Ehre,  ihn  an  die  Orgel  von 
pt.  Sulpice,  eine  der  wichtigsten  in  Paris,  zu 
rufen.  Der  Kirchendienst  zeichnete  dem 
Musiker  seinen  Weg  vor  ;  die  Orgel  ist 
ias  fur  eine  Menge  seiner  Kompositionen 
)bligate    Instrument    und    bildet    die    Basis 


p.  Berger. 


Ch.-M.   TVidor. 


XXX 


AMIS    DE    LA    MUSIQ 


seiner  relio;iôsen  Musik.  Ohne  von  seinen 
Motteten  zu  sprechen,  muss  man  sich  der 
arossen  Rolle  erinnern,  welche  sie  in  seiner 
dritten  Symphonie  fur  grosses  Orchester 
spielt  und  in  seinen  zehn  Orgelsymphonien, 
die  jetzt  fur  klassisch  gelten.  Aber  auch  die 
profane  Musik  bildet  einen  wichtigen  Teil 
seines  Schaffens  ;  ausser  drei  Symphonien, 
zwei  Konzerte  und  einer  Klavier-Fantasie, 
einem  Violin  und  einem  Cellokonzert  linden 
wir  noch  Sonaten,  in  denen  das  Klavier  mit 
der  Violine,  dem  Cello  und  der  Flôte  Zwie- 
sprach  hait,  und  grosse  Kammermusikwerke, 
ein  Quintett,  ein  Quartett  und  ein  Trio.  Von 
Liedern  und  Klavierstûcken  existiert  eine 
a;anze  Anzahl  Hefte,  die  reiche  Fantasie  wie 
unausgesetzte  Arbeit  verraten. 

Im  Theater  war  Widor  mehr  al  s  ein 
Sieg  beschieden  :  zwei  lyrische  Dramen  in 
der  Opéra  Comique  "  Maître  Ambros  "  und 
"  Les  Pêcheurs  de  St.  Jean  "  ;  die  Musik  zum 
'■^  Aprilmârchen''  (Conte  d'avril)  (1885),  eine 
Pantomine  "  Jeanne  d'Arc''  (1890)  und 
ein  ballet  das  in  der  Oper  schon  seine 
hundertste  Auffuhrung  erlebte  :  "  La  Corri- 
gane  "  (1881). 

Durch  seine  unbestrittenen  Verdienste 
war  er  fur  Nachfolge  Franck's  beruten,  in 
der  Oro-elklasse  des  Konservatoriums  und 
1896  in  der  Kompositions-klasse.  Und  seine 
SchaflFenskraft  war  so  gross,  dass  er  noch 
Zeit  fand,  die  Gesellschaft  "  Concordia 
zu  leiten,  welche  die  Hauptwerkc  Bach 's 
mcistcrhatt  auftuhrte.  ])a  ihm  iihcrdics  seine 
geistige  Bcgabung  erlaubte,  i^^osa  cbensogiit 
wic  Musik  zu  schrcibcn,  \crschmahtc  er 
auch  nichr,  sich  aut  tlcni  l'cKl  der  Ki"itik  /u 
bewegen  und  nian  kann  niehrere  iXrtikcl  ynn 
ihm,  mit  vollcni  Namcn  oder  mit  einem 
Pscudon\'m  i^czcichnct,  Icscn. 


C/i.-M.  ÎJ'ulor  par  Bits. 


u'tr<  cri  or>  or>  lî^r/»  cîfi  cr<  i":r>  cîr>  cr<  ori  c:r/ <r:5  li^ri  crïKri  cri  orï  r:ri  cri  r:r/ tt 

«C  TiC 

Ip  SONNTAG,   DEN    i8.   SEPTEMBER  || 


Il  ABENDS  J./8  UHR  ii 

1  I.  ORCHESTER-KONZERT  I 

i  Diriaent  :    Herr    RHENÉ-BATON.  p§ 

<criCriCriCr>cricricricricricr>cricricricricr>cricricr<cricricriicricricri»cricriicricr)criCficricr>c 

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i«  T  rm 

se  1.  a® 

10  Vorspiel  zu  "■Messidor" .     A.  Bruneau.  w2 

m  ^  ric 

^1  Erste  Symphonie  fur  Orchester  und  Klavier  ...      V.  D'Indy.  gp 

[|  (uber  eine   franzôsische  Gebirgsweise).  ^p 


|iB  I.   Ziemlich  langsam.  —  Massia;.  —  Bewe2:t.  ai^ 

ië  ■  .  ^  ^  ^  j^^ 

sa  IL   Recht  massig,  doch  nicht  schleppend.  S!lS 

Sg  III.   Beweçt.  »g 

18  Klavier  :   Herr  Alfred   Cortot.  g® 

10  ȣ; 


1^  La  Procession   (Gesang) C.  Franck. 

m                      Fraulein  Rose  Féart  von  der  Grossen  Oper  ii 

rsî                             111  Pans.  gfiR 

1^  Ouverture  zu   '•'■  Gwendoline'' E.  Charrier.           P^ 

10  asiK 

m                                                             TT  »ia 

10                                                             il.  »0 

10  Symphonische  Variationen,  fur  Klavier  und  Orchester.  C.  Franck.  hà 
S0                                       Klavier  :   Herr  Alfred   Cortot.  si0 

80                .                                      .  SI0 

11  Dritte  Symphonie  C  moll C.  Saint-Saens.     J|p 

il;                                I.  a)  Adagio.  -^—  Allegro  moderato.  ^0 

Il                                       b)   Poco  adagio.        ^  il 

Il                                IL   a)   Allegro  moderato.  ^P 

Il                                     b)  Maestoso.  —  Allegro.  || 

m           Orgel  :  Herr  Ch.-M.  Widor.  —  Klavier:  Herr  Alfred  Cortot.  |g 

se  wi 

îcriCïï(Cîiicric:îcrîc:7cr<crïcricricriCr<cr«criCr3cricricricr/cricriCî7cricriC^cricrîc^criCriCS® 


xxxii  AMIS    DE    LA    MUSIQUE 


Cauthl  h  fh. 


RI:i>ir-BiitciK 


FESTSCHRIFT  xxxiii 

VORSPIEL  ZU   MESSIDOR 

(Alfred   Bruneau) 


Dieser  symphonische  Satz  leitet  den  IV,  Akt  des  Werkes  ein.  Die  Szenen'eano-aben 
des  Librettiste!!  sind    bestimmend  tur  das  musikalische  Gesamtbild  dièses  Satzes  : 

"  Das  Hûgelland,  das  sich  weit  hinstreckt,  ist  bis  zum  Horizont  mit  hohem 
Koni  von  saftigem  Ton  bedeckt.  Im  Hiiitergrund  erblickt  man  das  Dorf  mit  dem 
Kirchlein.  MorCTenstimmuiiOf  eines  herrlichen  Frublingstaees.  Sieg-reich  verpfoldet 
die  Sonne  das  schimmernde  Getreide,  und  ailes  straht  und  jubelt  in  seligem 
Schauer  der  Fruchtbarkeit.  " 

Messidor,  nach  dem  Roman  von  Emil  Zola,  wurde  zum  erstenmale  am  19. 
Februar  1897  in  der  Pariser  Oper  aufgefuhrt  ;  nach  elf  Vorstellungen  wurde  es 
abgesetzt.  Das  Publikum  verhielt  sich  dazu  wie  zu  allen  kûhnen  Werken,  die  das 
traditionelle  Joch  abwerfen,  die  unbegangene  Pfaden  beschreiten  und  entschlossen 
neuen  Idealen  zustreben.  Doch  haben  seitdem  einzelne,  in  Konzerten  aufeefûhrte 
Teile  die  Bedeutung  und  den  Wert  des  Werkes  erkennen  lassen.  Wie  bei  vielen 
andern  Meisterwerken,  z.  b.  Weber's  Euryanthe,  Schubert's  Rosamunde,  Schu- 
mann's  Genoveva,  ist  der  Misserfolgauf  der  Buhnedurch  den  Beifall  im  Konzert- 
saal  ausgeglichen  worden. 


SYMPHONIE   fiir   ORCHESTER  und  RLAVIER 

(Vincent    d'Indy) 

I.   Ziemlich  langsam.  Mâssig.  Bewegt.  IL  Mâssig,  nicht  schleppend.  III.  Bewegt. 

Dièses  Werk,  das  zu  den  populârsten  seines  Schôpfers  gehôrt,  ist  schon  frûh 
geschrieben.  Die  erste  ôfFentliche  AufFuhrung;  fand  im  Edentheater  zu  Paris  am 
20.  Mârz  1887  statt,  unter  Leitung  von  Charles  Lamoureux  und  mit  Mme  Bordes- 
Pène  am  Klavier.  Trotz  des  Misstrauens,  fast  der  Abwehr,  die  zu  dieser  Zeit 
allen  dieser  Schule  entsprungenen  Werken  von  vorne  herein  entgegengebracht 
wurden,  nahm  das  Publikum  das  Werk  mit  Wohlwollen  auf. 

Der  Symphonie  order  vielmehr  symphonischen  Suite  liegt  eine  Volksweise  zu 
Grunde,  eine  alte  Mélodie  aus  den  Cévennen,  welche  zu  Anfang  im  englischen 
Horn  ertônt. 


XXXIV 


AMIS    DE    LA    MUSIQUE 


1      .    \:^\.^}.^^Uf^ 


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a^  r.V'im  iMiïT  v^vi  ■"i  iu^^^> 


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Alfred   Cor  tôt 


LA  PROCESSION 


(César  Franck). 


(Paroles  de  Ch.  Brizeux). 


Dieu  s'avance,  à  travers  les  champs, 

V-A.X  les  landes,  les  prés,  les  verts  taillis  de  hêtres. 

Il  vient,  suivi  du  peuple,  et  pcirté  par  les  prêtres. 

Aux  cantiques  de  rhomnie,  oiseaux,  mêle/  \'os  chants  ! 

On  s'arrête  :  la  foule,  autour  d'ini  chêne  antique. 

S'incline,  en  adorant,  sous  l'ostensoir  niystitjue. 

Soleil,  ilarde  sur  lui  tes  jon^s  ra\-ons  couchants  ! 


FESTSCHRIFT  xxxv 

Aux  cantiques  de  l'homme,  oiseaux,  mêlez  vos  chants  ! 
Vous,  fleurs,  avec  l'encens,  exhalez  votre  arôme  ! 
O  fête  !  tout  reluit,  tout  prie  et  tout  embaume  ! 
Dieu  s'avance  à  travers  les  champs  ! 


OUVERTURE  zu  GWENDOLINE 

(Emmanuel   Chabrier) 


Catulle  Mendès  schrieb  ein  dûstres  und  gewaltiges  Drama  betitelt  "  Gwen- 
doline  ",  worin  er  die  weibliche  Anmut  und  Schwâche  im  Kampf  mit  der  Kraft  und 
Rauheit  des  Mannes  zeichnet.  Zwei  kriegerische  Vôlker,  Dânen  und  Sachsen, 
stehen  einander  gegenûber.  Die  Handlung  entwickelt  sich  in  der  grausamten 
Barbarei  des  VIL  Jahrhunderts.  Die  Ouverture  fuhrt  dièse  Elemente  vor,  durch 
passende  Leitmotive  musikalisch  sehr  deutlich  ausgedrûckt.  Die  Hauptmotive 
folgen  einander  und  verbinden  sich,  wobei  bemerkenswert  ist,  dass  die  ganze 
Ouverture  aus  einem  einzigen  Tempo,  Allegro  con  fuoco  6/4,  nicht  heraustritt. 
Das  erste  Motiv,  von  Basskîarinette,  Cello  und  Englisch-Horn  getragen,  ist  aus 
dem  Chor  der  Piraten  im  I.  Akt  herûber  genommen  und  stellt  das  dânische 
Elément  dar.  Es  o;eht  durch  das  ganze  Werk  hindurch  und  sein  zweiter  Teil  bildet 

i  eine  der  Hauptgrundlagen  der  Ouverture. 

Auf  dièses  dânische  Motiv  folgen  zwei  andere,  das  eine  als  Glûckmotiv,  das 

;  andere  als  Motiv  der  Angst,  welche  dem  Liebesduett  des  II.  Aktes  entnommen 

:  sind. 

Dièse  beiden  Themen,  von  denen  das  erste  die  Leidenschaft  des  liebenden 
Kriegers  ausdrûckt  und  das  zweite  im  Verlaufe  des  I  Aktes  das  Mitleid,  welches 

•  das  junge  Mâdchen  fur  das  unstâte  Leben  der  Piraten  empfîndet,  sind  die  Motive 

*  der  beiden  Hauptpersonen  Harald  und  Gwendoline. 

Zum  Schluss  entrollt  sich  die  grosse  und  schône  Mélodie,  die  vor  den  Augen 
t  der  Liebenden  die  Herrlichkeiten  Walhall's  erschliesst.  Zuerst  in  Des^  teilt  sie 
:  sich,  vermischt  sich  mit  dem  Dânenmotiv,  schweigt  einen  Augenblick,  um  das 
J!  Motiv  des  Mitleids  wieder  emporsteigen  zu  lassen,  dann  jenes  des  Haralds  und 
jl  kehrt  in  C  zurûck,  im  Glanz  einer  Apothéose  unter  dem  Schmettern  des  Blechs. 
I  Eine  kurze  Pause  gestattet  den  Holzblâsern  das  sanfte  Bild  Gwendolinens 
aufzurufen.  Das  Tosen  beginnt  von  Neuem  und  die  Ouverture  endet  mit  einem 
1;  glanzvollen  Schlusssatz. 

Nachdem  dièse  zweiacktige  Oper  1876  zum  erstenmal  im  Théâtre  de  la 
Monnaie  in  Brûssel  gegeben  worden,  kam  sie  nach  Deutschland,  ehe  sie  Frankreich 
aufnahm.    Sie   wurde  unter   Mottl   in    Karlsruhe    1889    und   in    Mûnchen    1890 


XXXVl 


AMIS    DE    LA   MUSIQUE 


aufgefûhrt.  Die  Pariser  Oper  gab  sie  erst  am  27.  Dezember  1893,  einige  Monate 
vor  dem  Tode  des  Komponisten,  und  gewahrte  dem  Meisrerwerk  das  Almoseii 
von  14  Auffûhrungen. 


SYMPHONISCHE    VARIATIONEN 

(César    Franck) 

Dièses  o-lânzende  Stûck,  wo  ein  Motiv  in  technisch  meisterhatter  Behandluno; 
sich  durch   eine  Reihe  rythmischer   Verwandlungen   von   eigenartigster  Wirkung 


I.J^/„     ,  Ji^ 

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durch  schlingt,  ist  1885  erschienen.  Es  gehôrt  also  der  letzten  Epoche  des 
Meisters  an  und  wurde  zum  erstenmale  am  2.  Mai  1886,  einem  unvergesslichen 
Tag,  im  Conzert  Pasdeloup  mit  Diemer  aufgetuhrt.  Dieser  famose  Pasdeloup, 
damais  schon  ziemlich  bejahrt  —  es  war  eines  seiner  letzten  Auftreten  —  nahm  das 
Tempo  zu  rasch  und  das  Werk,  das  zudem  noch  schlecht  einstudiert  war,  schloss 
mit  einer  Art  Verwirrung,  die  nur  Franck  allein  nicht  bemerkte. 


DRITTE  SYMPHONIE  MIT  ORGEL  UND   KLA\'IER 


(Camille   Saint-Saexs) 


Dièse  Symphonie  zerfallt  in  zwei  Siltzc,  cbenso  wie  schon  d;is  I\'  Khivicrkon- 
zcrt  und  die  Sonate  fQr  Klavier  und  Violine  des  Meisters.  Trotzdcm  ist  dicse 
UebertretLincr  der  Rc":cl  hier  nur  scheinbar,  denn  die  vier  herk(")mmhchen  Siitze 
finden  sich  klar  angedeutet,  nur  je  zu  zweien  verbunden,  dcnirt,  d:iss  das  Adagio 
als  Schiuss  des  einlcitendcn  Satzes  und  das  Scherzo  als  Fingang  des  Innales 
gelten  kann.  Betrachtet  man  genau  liiese  \'ici-  Siitze,  so  kann  nian  in  jedeni 
von  ihncn  fast  cin  Haupt-uml  ein  Xcbcnthcina  teststcllcn,  dicsc  bciden  (l'i-uiuili- 
iiien  des  Aufbaues  der  klassischen  S\niph()nic. 

Nach  einigen  langsamen  und  khigendcn  J'anleitungs-  laktcn 


FESTSCHRIFT 


xxxvu 


C    y^« 


a^'t^J-      -      Sc-afr-^ 


bringem   die   Streicher   das   Erste  Thema  (6/8   C  moll)  von  dûsterem  bewegtem 
Charakter. 


A  [ieo^ro  mod^r 


7.\i   diesem    contrastierend,    bringen    voll    rugiger    Empfindung  die    Geigen    das 


Gesangsthema. 


P 


1-       i'^r-      ^<__^.    ^-^. 


Das  Adagio  (Des)  folgt  aut  die  verschiedenartigsten  Episoden,  welche  die 
Entwicklung  der  vorhergehenden  Motive  gebracht  hat  :  eingefûhrt  vom  Quartett 
und  gestûtz  von  majestâdschen  Orgel-Accorden,  macht  es  den  Eindruck  ruhiger 
Grosse,  ernster   und   tiefer  Betrachtuna;,  es   entrollt  sich  vornehm  in  Geschmack 


XXXVlll 


AMIS    DE    LA   MUSIQUE 


raffinierter  Harmonien  und  merkwïirdig  rythmisierter  Begleitfiguren,  um  in  eine 
Coda  uberzugehen,  deren  mystische  Farbung  durch  den  Wechsel  von  E  Moll  und 
Des-Dur  Akkorden  bewirkt  wird. 

Das  Scherzo  (allegro  moderato)  beginnt  mit  einer  energischen  Violinphrase, 


All?mod'-° 


zu  welcker  spâtter  eine  solche  in  Terzen  sehr  ausdrucksvoll  contrastiert. 

Ebenso    kûndigt   sich    das  eigentliche    Finale   durch    ein   herbes  und  ernstes 


Grave. 


'^'v>!i-Ucil-l--J 


Choralartigen  Thema  in  den  Posaunen  an,  welches  spâtter  einer  Episode  weicht, 
deren  Pastorale   Farbung   Oboe    und   Flôte   wiedergeben. 


Die  dritte  Simphonie  bedeutet  tûr  Saint-Saens  einen  der  Giptelpunkte  seines 
SchafFens.  Auf  dem  Gebiete  der  reinen  Symphonie  hat  er  spater  weder  ein 
bedeutenderes  noch  ein  gereifteres  Werk  hervorgebracht  :  sie  war  die  Frucht 
einer  langen  und  ernsten  Arbeit,  das  Résultat  einer  grossen  Anstrengung,  sodass 
einmal,  aïs  ich  den  berilhmten  Komponisten  tragte,  ob  er  eine  neue  Symphonie 
schreiben  wilrde,  er  mir  einfach  antwortete  :  "  Nein,  es  ist  aus  ;  ich  habe  damit 
ailes  gegeben,  was  ich  geben  konnte.  Wozu  auch  ?  Was  ich  damais  schuf,  werde 
ich  kein  zweitesmal  schaffen." 

In  London,  durch  die  Philharmonische  Gesellschatt  in  Mai  1886  zum 
erstenmal  aufgefQhrt,  errang  das  Werk  einen  Ertolg,  der  sich  bald  aut  den 
Kontinent  erstreckte  ;  aile  grossen  Konzertvereine  wollten  es  ihre  Programme 
einverleiben  ;  in  Paris  filhrte  man  es  zuerst  im  Conservatorium  am  8.  und  16. 
Januar  1887  auf,  dann  im  Trocadero  unter  Eeitung  von  Ed.  Colonne  (1889). 


»«  •                                                                  ai: 

Sïî  Tin 

il  MONTAG,   DEN    19.   SEPTEMBER                1 

SIS  w^« 

«s  »« 

Il  VORMITTAG   ii   UHR                                               || 

Il     I.    MORGEN-KONZERT     | 

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v><;  aie 

:>y  as 

^&  a& 

»«  Zweite  Sonate  fur  Klavier  und  Violoncello    .     .     .     .     C.  Saint-Saens.  ai; 

gs  Der  Komponist  und  Herr  Gérald  Maas.                                                 nR 

rjfiî  WR 

il  )    Chanson  triste H.  Duparc.  ii 

®|  Melodien  [                           ,                                                                                || 

ac  j    Chanson  perpétuelle E.  Chausson.       au 


ais 


«i£* 


r/i^  Fraulein  Rose  Féart.                                                                                   «r 

as;  ae 

SR       Zweites  Trio C.  Saint-Saens.  sr 

a»  a» 

ae  Der  Komponist  und  die  Herren  Heyde  &  Maas.                                    a» 

a&  ais; 

as       Cembalo  Stûcke  :  a» 

SR  Rigaudon  et  Tambourin T.  Rameau.  §r 

am  ^                                                                               -'ai: 

îîR  T     -T.       •        1                                                                                                  ®® 

Il  Le  Rossignol  en  amour Fr.  Couperin.     || 

il  . ,                                                                         ^® 

«^  Les  Vièleux  et  les  Gueux,  les  Jongleurs  et  Sauteurs,         "                    ^P 

»R  0R 

^R  Cembalo  :  M"""  Wanda  Landowska.                                                       ii 

a&  a& 

ai  ^® 
SR       Septett  fur  Klavier,  Streichinstrumente  und  Trompeté     C.  Saint-Saens.  «r 

Il  p® 

as  Der    Komponist    und    die     Herren     Heyde,                                       ab 

»R  "^                                                                                 '                                      '              «R 

®®  T-ci\yfTT                           j                                                       as 

»R  i^RANZos,   Stiglitz,  Maas,   Houdek  und                                        Sr 

SR  T                                                                                                                                                          »R 

ag  JuNGE.                                                                                              as 

SR  -^                                                                                                                                                        »R 

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I Ii\ilr  nud   (r.    M//I 


FESTSCHRIFT 


xli 


ZWEITE  SONATE  fiir  CELLO   und   KLAVIER 

(Camille   Saint-Saens) 

Dièse   Sonate  in   F  dur,   op.    i'2'3^,  lamfasst  vier  Satze. 
Der  erste  Satz  ist  auf  zwei  Haupttbemena'afgebaut,  welche  sofort   nach  der 
Einleitung   zusammen    erscheinen,    um    sich    abwechselnd    bald    verlangert,    bald 


m 


m 


P 

verkurzt,  einzeln  oder  gegeneinander,  bewegt,  mit  einem  reichgegliederten  Klavier- 
part  nach  und  nach  zu  entwickeln. 

Der  zweite  Satz  ist  ein  Scherzo  in  D  moll,  6/8  mit  acht  Variationen  ;  deren 
Thema  vom  Klavier  zunâchst  allein  gebracht  ;  dann  vom  Cello  aufgenommen 
und  mit  Klavieraklcorden/begleitet  wird. 

Allegro  animato. 


riab]LiJiy.k3i'k].T^i^hrte 


le^âto 

Den  dritten  Satz  bildet  eine  Romanze  (B'Jimollj  poco  adagio  4/4),  von 
ausdrucksvollem  und  weich-em  ■■Cha'raktée,^  xdé-rén  Mélodie,  eini^e  Imitationen 
auso-enommen,  fast  ausschliessHch  vom  iCéll-b- ttètragen- und  von  Klavierarpe^orien 
begleitet  wird.  '  -i  ■']■  ~;       "  . 

Der  vierte  Satz,  ein  Allegro  non  ^troppo  3/4,  von  anmutigster  Art,  voll 
Eleganz  und  Leben,  wie  es  einem  Finale  gebûhrt. -Zwei  Hauptgedanken,  der  eine 
von  mehr  rythmisch,  der  andere  cantabile.' '•'•       -  ■ 


CHANSON  TRISTE 

Henri  Duparc.       ^     •     .     ■■  ■•   J^'j^oésre-  âe  Jean  Lahor.) 


Dans  toil  cœur  dort  un  clair  de  lune, 
Un  doux  clair  de  lune  d'été. 


xlii  AMIS    DE    LA    MUSIQUE 

Et  pour  tuir  la  vie  importune, 
Je  me  noierai  dans  ta  clarté. 
J'oublierai  les  douleurs  passées, 
Mon  amour,  quand  tu  berceras 
Mon  triste  cœur  et  mes  pensées, 
Dans  le  calme  aimant  de  tes  bras. 
Tu  prendras  ma  tête  malade, 
Oh  !  quelquefois,  sur  tes  genoux, 
Et  lui  diras  une  ballade. 
Qui  semblera  parler  de  nous. 
Et  dans  tes  yeux,  pleins  de  tristesse. 
Dans  tes  yeux  alors,  je  boirai, 
Tant  de  baisers  et  de  tendresse, 
Que  peut  être  je  guérirai. 


CHANSON  PERPETUELLE 

Henri  Duparc.  (Poésie  de   Charles   Gros.) 

Bois  frissonnant,  ciel  étoile, 

Mon  bien  aimé  s'en  est  allé. 

Emportant  mon  cœur  désolé. 

Vents,  que  vos  plaintives  rumeurs 

Que  vos  chants,  rossignols  charmeurs. 

Aillent  lui  dire  que  je  meurs. 

Le  premier  soir  qu'il  vint  ici. 

Mon  âme  fut  à  sa  merci  ; 

De  fierté  je  n'eus  plus  souci. 

Mes  regards  étaient  pleins  d'aveux. 

Il  me  prit  dans  ses  bras  nerveux. 

Et  me  baisa  près  des  cheveux. 

Yen  eus  un  grand  frémissement, 

Et  puis  je  ne  sais  plus  comment 

Il  est  devenu  mon  amant. 

Je  lui  disais  :  Tu  m'aimeras 

Aussi  longtemps  que  tu  pourras. 

Je  ne  dormais  bien  {]u'en  ses  bras. 

Mais  lui,  sentant  son  cirur  éteint, 

S'en  est  allé  l'autre  matin, 

Sans  moi  !  dans  un  pays  lointain. 

Pinsquc  )e  n'ai  plus  mon  ami, 


1 


i 


FESTSCHRIFT 

Je  mourrai  dans  l'étano;, 

Parmi  les  fleurs,  sous  ]e  flot  endormi  ; 

Sur  le  bord  arrivée,  au  vent, 

Je  dirai  son  nom,  en  rêvant 

Que  là  je  l'attendis  souvent. 

Et  comme  en  un  linceul  doré 

Dans  mes  cheveux  défaits. 

Au  gré  du  vent,  je  m'abandonnerai. 

Les  bonheurs  passés  verseront 

Leur  douce  lueur  sur  mon  front. 

Et  les  joncs  verts  m'enlaceront. 

Et  mon  sein  croira,  frémissant. 

Subir  l'étreinte  de  l'absent. 


xliii 


ZWEITES  TRIO 

(Camille  Saint-Saens) 

Das  zweite  Trio  Emoll,  op.  92  besteht  aus  fûnf  Sâtzen. 

I.  Allegro  ma  non  troppo,  12/8.  Ein  ausdruckvoller  Gedanke  gestûtzt  auf  den 
gebrochenen  Emoll-Akkord,  in  leichtem  Staccato  auf  den  verschiedenen  Oktaven 
des  Klaviers  wiederholt. 


yUes 


S 


■^'-q  1- 1  V 


^.    :i.  é  i^'  T  ' 


V/oC. 


Dieser  Hauptgedanke  entrollt  sich  mûhelos,  mit  unvergleichlicher  Eleganz.  Der 
zweite  Gedanke  ist  eine  einfache  Figur,  die  vielfache  Verânderungen  und  Imi- 
tationen  durchmacht,  ohne  die  Bewegung  zu  verlangsamen  oder  das  Interesse  zu 
ermuden. 


^^ 


II.  Allegretto.  Der  zweite  Satz  ist  eine  Art  Scherzo  in  Edur  in  funfteiligem 
Takt.  Die  Mélodie  ist  leicht,  anmutig  und  von  eigenartigem  Rythmus.  Die  Geige 
tragt  sie,  wâhrend  das  Klavier  Takt  fur  Takt  antwortet. 


xl 


IV 


AMIS    DE    LA    MUSIQUE 


P  °)^^'^^^^° 

Coiitrastierend  tritt  zweimal,  —  einmal  in  Fismoll,  das  anderemal  in  A  moll, — 
eine  Art  von  Divertissement  aut,  in  dem  das  Klavier  in  raschen  Fio;uren  die 
unregelmassior  aefassten  Perlen  seiner.  Sechzehntel  vorubergleiten  lasst. 


III.  Andante  con  moto  4/4,  Hier  finden  wir  eine  kurze  Mélodie  in  As,  wie 
von  einem  Hauch  Schuman n's  durchweht,  so  zart  ist  die  Linie  und  die  Empfin- 
dung  so  fein.  Zuerst  vom  Klavier  allein,  mit  reichen  Harmonisierung  gebracht, 
wird,  sie  vom  Cello  und  zum  Schluss  von  der  Geige  aufgenommen,  bis  aile  drei 
Instrumente  sie  in  geistvollen  Imitationen  durchfûhren,  und  das  ganze  sich  in  der 
Weichheit  eines  Traumes  aufzulôzen  scheint. 

IV.  Grazipsoppco, allegro  3/8.  Der  vierte  Satz  ist  ein  Intermezzo  in  G  oder 
vielmehr  ein  zweites  Scherzo  in  Form  eines  deutschen  AValzers,  ein  Gemeno;e  von 
liebenswilrdiger  Anmut  und  einfacher  Naivitat. 

V.  Allegro    dem    Finale    liegt  ein    kurzes  Motiv  zu    Grunde,  das  zu    Beoinn 


r)-^rM^-  \r\\^ 


klar  und  krattig  unisono  ausgcdriïckt  ist.  Diescm  crsten  (Tcdankeii  olicdert  sich 
ein  zweiter  an,  dessen  Entwichlung  eine  Folge  von  Iniitationem  bietct,  und  soo-ar 
einen  richtiijen  Fugeneinsatz  : 


icf 


P 


T^jii::]^!: 


3Ci: 


^^ 


Der  ganzc  Satz  ist,  bis  zu  scincr  Unisono  Coda,  solid  aufgcbaut  und  dank 
zahlreicker  Kontrapunktischcr  Gcschicklichkcircn  glOcklich  gcti'ihrt. 

Die  crstc  AufFCihrun'^-  dièses  Trios  taïui  bei  dcn  Sitzungcn  der  "  IVompere  " 
am  6.  januar  1H93  statt  mit  Dicmci-,  Mai'sick  und  l-oib. 


FESTSCHRIFT 


xl 


V 


RIGAUDON  et  TAMBOURIN 

(Rameau) 

Dièse   Piècen    sind   entiiommen    dem  Livre  de  Pièces  de  clavecin  Paris  1706 
n  4°  oblg. 

PIÈCES  DE  CLAVECIN 

(Couperin) 

Das  erste  dieser   Stucke  erschien  im  dritten  Buch  der  Klavierstûcke  (Paris 
1722,  infol.) 

Die  andern   sind  Auszûge  einer  Suite   betitelt  :   "  les  Fastes   de  la  grande  et 


Mme   JV.  Landowsko  jouant  devatit  Tolstoï  et  Rodin. 


ancienne    Ménestrandise  "    oder    "  die  glorreiche  alte  Bânkelsangerei,  "   welche  im 
:z,weiten    Buch    dieser   Stucke   enthalten   waren.    In  diesem  humoristischeii    Werk 


xlvi  AMIS    DE    LA    MUSIQUE 

macht  sich  Couperin  ûber  die  fahrenden  Musikanten,  Geiger  und  Fiedler  lustio;. 
Dièse  alte  Zuntt  lag  zu  dieser  Zeit  im  eifrigen  Kampt  mit  deii  unabhangigen 
Fachkijnstlern.  Sie  beaiispruchte,  dass  aile  Pariser  und  franzôsischen  ausûbenden 
Kiinstler  ihrer  "  Gewerkschaft  "  beitreteii  sollten.  Dièses  Stûck,  wo  der  Kom- 
ponist  die  Zïinttler  auf  die  letzte  Stufe  der  Seiltanzer  verweist,  zeigt  uns  eine 
Episode  musikalischen  Syndikalismus  aus  dem  i8.  Jahrhundert. 


SEPTETT  mit  TROMPETE 

(C.  Saint-Saens) 

Dièses  Werk  verdankt  seine  Entstehung  einem  ganz  besonderen  Umstand. 
Der  Autor  hatte  es  einem  seiner  altesten  und  andilchtigsten  Bewunderer,  Herrn 
Lemoine,  gewidmet,  einem  geistvoUen  Melomanen,  welcher  eine  musikalische 
Liebhabergesellschaft  gegrûndet  hatte,  den  in  der  Kunstlerwelt  von  Paris  bald 
wohlbekannten  Verein  "  Z.r7  Trompette''.  Oft  hatte  Saint-Saëns  fur  dièse  Gesell- 
schaftsabende  seine  pianistische  Mitwirkung  zugesagt.  Dabei  kam  ihm  der 
Gedanke,  eine  Suite  zu  schreiben,  worin  die  Trompeté  eine  grosse  Rolle  zu 
spielen  hatte  und  ihren  hellen  Klang  mit  dem  des  Klaviers  und  des  Streich- 
Quartetts  vermischen  soUte.  Dieser  Versuch  entbehrte  weder  der  Neuheit  noch 
der  Kûhnheit  ;  er  errang  aber  einen  voUen  Erfolg.  Die  Trompeté,  die  durch  ihre 
Eigenart  nur  der  Orchestermusik  zu  entsprechen  schien,  sah  sich  plôtzlich  in  den 
intimeren  Kreis  der  Kammermusik  ayanciert.  Das  Instrument  hatte,  sozusagcn, 
Amt  und  Verwendung  gewechselt.  Das  Talent  des  Autors  hatte  genûgt,  um  dièse 
intéressante  Neuerung  hervorzubringen.  Man  kann  auch  wirklich  nicht  genug  die 
Kenntnis  der  Klangfarben,  die  Diskretion  des  Stils,  die  Geschicklichkcit  und  die 
Pracht  bewundern,  mit  welcher  der  Komponist  diesen  ziemlich  ungewôhnlichen 
Part  behandelt  hat  und  welche  Uberraschende,  packende  Effekte  er  damit  zu 
erziclcn  wusste. 


7v.imlini>ii>lf  flliim-i'iTilT/lfllWrtf 


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51:  pG. 

i  MONTAG,    DEN    19.   SEPTEMBER                II 

vc  ^                                                              0i 

îf  ABENDS    .',/8    UHR                                                     || 

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1  II.ORCHESTER-KONZERT  I! 

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as  .    .                                                                                                  a» 

^1       Symphonie  in  D  moll César  Franck.  ^ 

j)i  Dirio^ent  :  Herr  Rhené-Baton.                                                            al 

SR       "Pie  Tesu  "  aus  dem  Requiem Gabriel  Fauré.  i® 

-iC  Jrrl.   KOSE    i^EART.                                                                                                            ^g 

riC  Unter  Leitung;   des  Komponisten.                                         Tm 

â»       Norweo^ische  Rhapsodie Edouard  Lalo.  «0 

ig  Dirigent  :  Herr  Rhené-Baton.                                                           ag 

si;  S0 

80  li.                                                                                         SB 

3®  »€ 

ii  ^^  ,,  f   a)  Nuaçes Claude  Debussy.  îi 

IS  "Nocturnes"        '         ^                                                                                            Il 

I  _  \    b)  Fêtes Il 

SB        Arie  aus  Henri  VIII .      Camille  Saint-Saens.        y« 

1^  Pas  d'armes  du  Roi  Jean 


î) 


«î» 


1^  Fierr  Viannenc,  von  der  Opera-Comique.  ^ 

Is  Dirigent  :  Herr  Rhené-Baton.  0® 

â®  °  SB 

a^  "Pelléas  &  Mélisande  ",  Orchester  Suite.      .  Gabriel  Fauré.                   ^1 

au  Vorspiel.  —   hpinnenn.  —  biziiienne.  80 

as  —  Molto  andagio.  gg 

38  j       %,-                •  0S5 

ae  Unter  i^eitung  des  Komponisten.  SB 

gi^  Spanische  Rhapsodie Maurice  Ravel.                  i® 

^B  D   M    j     '    1           •.  SB 

g®  ,  rrelude  a  la  nuit.  j5[® 

il  ''^  Malaauena.  I® 

il  b)  Haba^era.  || 

:||  c)  Feria.  SB 

Il  Dirigent  :  Herr  Rhené-Baton.  || 

fB  B!B 

'38  îï® 

^cscricr>cricriC,'7cr«cricri(cr<crîcriic^crîcricricricricricricrî8r<cricri*crî(C5criCr) 


xlviii 


AMIS    DE    LA    MUSIQUE 


D  MOLL  SYMPHONIE 

(C.   Franxk) 

Trotzdem  Franck  die  Einteilung  der  klassischen  Symphonie  beibehielt,  hat 
er  versucht  diesem  Werk  eine  freiere  und  modernere  AVenduno;  zu  oreben  durch 
das  Wiederauttauchen  der  Hauptidee  in  den  verschiedenen  Satzen   der  Komposi- 


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tion.  Es  bedeutet  dies  eigentlich  die  Einfûhrung  des  Leitmotivs  in  die  Symphonie 
oder,  um  uns  eines  Ausdruckes  der  Franck'schen  Schule  zu  bedienen,  die 
"  zyklische  "  For  m. 

Die  erste  xA.uffuhrung  dieser  Symphonie  fand  am  2"".  Februar  1881  statt. 


PIE  JESU,   aus   dem   Requiem 

(G.   Fauré) 

Das  Requiem,  welchem  das  "  Pie  Jesu  "  entnommen  ist,  ist  eines  der 
bedeutendsten  Werke  seines  Schôpfers  und  man  môchte  sogar  sagen,  eines  der 
reizvollsten,  \\ç.nn  dieser  Ausdruck  bei  dem  Sujet  und  bei  dem  Inhalt  des  Textes 
nicht  fehl  am  Orte  ware.  Doch  ist  dièses  Wort  erlaubt,  wenn  man  sich  die 
erfinderische  und  poetische,  neue  und  persônliche  Art  vor  Augen  hait,  mit  der 
Gabriel  Fauré  den  alten  Text  autgetasst  hat  an  welchem  sich  so  viele  Komponistcn 
und  nicht  die  geringsten  versucht  haben.  Wiihrend  die  meisten  unter  ihnen  in 
diesen  Trauerworten  ein  furchtbares  Bild  sahen  und  mit  den  grellstcn  Farben  die 
Schrecken  des  jQngsten  Gerichts  malten,  hat  er  absichtlich  das  Dies  inic  und  sein 
Grauen  vermieden,  und  den  Vers  Tm  Parculisuui^  à^n  man  \o\-  ihm  meistens 
wegliess,  eingeschoben.  Er  Irlsst  sich  nur  von  den  himmiischcn  \'isioncn  inspirieren. 
Eine  Atmosphare  von  Reinheit  und  Frieden  umgibt  das  Werk.  Der  Tod,  der  uns 
darin  entgegentritt,  machtct  nicht  und  erschilttcrt  nicht,  sondcrn  gewilhrt  Be- 
trcuing  und  1^'ricden. 

Die  erste  volstilndige  Auffi'ihrung  des  Rcquiems  tand  uiitcr  l.eitung  von 
J^ugène  dTIarcourt  am  17.  Mai  1S94  statt,  mit  Mme.  (iRammacim-Soi  I'.rk  und 
Herrn  Auguez  als  Interpreten. 


FESTSCHRIFT  xlix 

NORWEGISCHE  RHAPSODIE 

(E.  Lalo) 

In  seinen  interessanten  Buch  Dber  die  moderne  franzôsische  Musik  hat  sich 
G.  Servières  Qber  den  Ursprung  dièses  Werkes  ausgesprochen:  "  Ermutigt  durch 
den  Beifall,  mit  welchem  seine  spanische  Symphonie  aufgenommen  worden  war, 
suchte  Ed.  Lalo  neue  Inspirationen  aus  volkstûmlichen  Weisen  und  dem  skandina- 
vischen  Folklore  zu  schôpfen  ;  er  komponierte  eine  Suite  fur  Violine  und 
Orchester,  betitelt  "  Norwegische  Fantasie  ",  welche  Sarasate  in  Deutschland 
auf  seinen  Konzertreisen  berûhmt  machte.  Sie  besteht  aus  drei  Sâtzen,  einem  sehr 
eigenartigen  Allegretto,  dessen  Thema  in  2/4  sich  bewegt,  einem  Andante  in  6/8, 
gefolgt  von  einem  Satz  in  2/4  ;  einen  Allegro  brillante  fur  Violin-Solo  ;  darauf 
ein  sehr  lebhaftes  Presto.  " 

Wir  wollen  die  Authentizitât  der  Themen  dahingestellt  sein  lassen  ;  sie  sind 
wohl  in  der  blossenr  Fantasie  des  Autors  entstanden  und  tragen  vielleicht  aus 
Norwegen  nichts  als  ;den  Namen.  Dièse  Suite  hat  die  Norwegische  Rhapsodie 
entstehen  lassen,  deren  erste  Auffûhrung  in  ihrer  endgûltigen  Form  am  20.  April 
1879  ^^^  ^^^  Société  Nationale  stattfand. 

NOCTURNES 

(Claude   Debussy) 

Mit  dem  Zauber  einer  ingeniôsen  und  subtilen  Kunst  geben  die  Nocturnes 
drei  Bilder  von  absichtlich  verwischter  Zeichnung,  aber  intensiver  Farbe.  Sie  stellen 
keine  bestimmten  Handlungen  dar,  nicht  eimal  Gefuhle,  seelische  Emotionen  oder 
das  Spiel  flûchtiger  Gedanken,  sondern  unbestimmte  und  schwebende  Visionen, 
wie  sie  in  Trâumen  auftauchen  ;  sie  strahlen  Natureindrûcke  wieder,  mit  dem 
Auge  eines  Malers  geschaut,  sozusager,  in  den  Gedanken  eines  Dichter-Musikers. 
Das  ist  der  Winterhimmel  mit  seiner  trûben  und  eintônig-grauen  tiefen  Wolken, 
das  ist  die  Nacht  mit  dem  Jubel  ihrer  Feste,  dem  Glanz  der  Lichter,  dem  wirren 
Larm  der  Mengen  und  dem  geheimmsvollen  Schader  ihrer  Schatten,  durch  die 
Gespenster  streichen  ;  das  ist  das  Meer  —  endlos  bewegt  —  mit  seinem  ewigen 
Schlummerlied,  in  dem  die  Stimmen  unsichtbarer  Sirenen  wiederklingen,  die  den 
Menschen  locken,  ihn  der  Erde  streitig  machen  und  in's  Unendliche  hinabziehen. 

Das  erste  Bild  "  Wolken  "  in  H  moll  6/4,  geht  gleichmâssig  in  weichen  und 


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1 


AMIS    DE    LA    MUSIQUE 


verschleierten  Klângen  dahin,  deren  Zartheit  durch  keine  Trompeté  oder  Posaune 
o-estôrt  mid.  Die  Streichinstrumente  sind  nicht  nur  sordiniert,  soiidern  auch  viel- 
fach  geteilt,  um  noch  mehr  abgetônt  und  fliessend  zu  wirken,  (Celli  und  Bratschen 
zweifach,  die  Geigen  sogar  achttach). 

Im  Gegengesatz  zum  ersten  Bild  zeigt  das  zweite  Bild  "  Feste^  "  gewisse  Ab- 


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wechslungen,  welcher  die  Verwendung  der  werschiedenartigsten  Takteinteilungen 
entspricht  :  2/4,  6/8,  9/8,  und  sogar  die  seltenen  5/4  und  15/8.  Charakteristisch  ist 
auch  eine  Art  antiker  Skala,  auf  welcher  die  Harmonie  beruht,  z.  B.  F  moll  mit  d 
und  es.  An  manchen  Stellen  bildet  sich  dièse  Skala  in  eine  andere  mit  sechs 
Ganz-Tônen  um.  Uebrigens  trâgt  ailes  dazu  bei,  dem  Ohr  den  Reiz  tonalen 
Unbestimmtheit  zu  lassen,  denn  das  Stuck,  das  in  F-moll  begonnen,  endet  in  A-dur. 

Die  raffinierte  Harmonie,  die  seltsamen  Dissonanzen,  die  herbe  Aufeinan- 
derfolo-e  von  Quinten  und  Sekunden,  ail  dies  verleiht  diesen  Bildern,  ein  intensives 
undpersônliches  Kolorit  ;  die  melodische  Erfindung  schmQckt  sich  mit  prunkvollen 
und  seltenen   Kleidern. 

Dièses  Werk  ist  ziemlich  lang  im  Schreisbtisch  gelegen,  ehe  es  vor  einigen 
Jahren  eine  ôffentliche  erste  Auffuhrung  erlebte.  Das  Manuskript  verzeichnet  als 
Ort  und  Zeit  der  Komposition  "  Paris  1898-99  ". 


AIR  D'HENRY  VIII 


Saint-Saëns. 


Qui  donc  commande  quand  il  ai  nie. 
Et  quel  empire  reste  au  cœur 
Où  l'amour  met  son  pied  vainqueur, 
Ah,  c'est  la  torture  suprême,    • 
Elle  veut,  puis  ne  veut  plus. 
Elle  me  cherche,  et  puis  m'évite. 
Le  souvenir  de  Marguerite 
Fait-il  mes  désirs  superflus  ? 
Espérer  et  craindre  à  la  tois, 
Et  vivre  exilé  de  soi-même 
Ayant  des  caprices  pour  lois. 
V.Wc  me  cherche  et  puis  m'évite, 
I\lle  veut,  et  puis  iic  \ciit   phis. 


FESTSCHRIFT 


PAS    D'ARMES    DU    ROI    JEAN 


Saint-Saëns 

Par  St  Gilles, 
Viens   nous  en, 
Mon  ae:ile 
Alezan, 
Viens,  écoute, 
Par  la  route. 
Voir  la  joute 
Du  Roi  Jean. 
Qu'un  gros  carme 
Chartrier 
Ait  pour  arme 
L'encrier, 
Qu'une  fille 
Sous  la  grille 
S'égosille 
A  crier. 

Nous  qui  sommes 
De  par  Dieu, 
Gentilshommes 
De  haut  lieu. 
Il  faut  faire 
Bruit  sur  terre. 
Et  la  P:uerre 
N'est  qu'un  jeu. 
Cette  ville 
Aux  longs  cris, 
Qui  profile 
Son   front  gris. 
Des  toits  frêles. 
Cent  tourelles. 
Clochers  o-rêles. 
C'est  Paris. 
Los  aux  Dames, 
Au  roi  los  ; 
Vois  les  flammes 
Des  champs  clos. 
Où  la  foule 
Qui   s'écroule 


(^Poésie  de  Victor  Hugo). 

Hurle  et  roule 
A  longs  flots. 
Sans  attendre, 
Çà,  piquons. 
L'oeil  bien   tendre. 
Attaquons. 
De  nos  selles 
Les  donzelles. 
Roses,  belles 
Aux  balcons. 
Là  haut  brille 
Sur  ce  mur, 
Yseult,  fille 
Au  front  pur. 
Là-bas,  seules. 
Forces  aïeules, 
Portant  gueules 
Sur  azur. 
On  commence 
Le  befiroi. 
Coups  de  lance. 
Cris  d'eflroi  ; 
On   se   forge. 
On  s'ég-orp-e. 
Par   Saint   George, 
Par  le   Roi. 
Dans  l'orag-e. 
Lys  courbé. 
Un   beau   page 
Est  tombé. 
Il   se  pâme. 
Il  rend  l'âme. 
Il  réclame 
Un  abbé. 
Moines,  vierges 
Porteront 
De  grands  cierges 
Sur  son   front  ; 


lii 


AMIS    DE    LA    MUSIQUE 


Et  dans  l'ombre 

Du  lieu  sombre, 

Deux  yeux  d'ombre 

Pleureront. 

Car  Madame 

Isabeau 

Suit  son   âme 

Au  tombeau. 

Cà,  mon   frère, 

Viens,   rentrons, 

Dans  notre  aire, 

De  barons. 

Va  plus  vite. 

Car  au  gite 

Qui  t'invite, 

Trouverons, 

Toi,   l'avoine 

Du  matin  ; 

Moi,   le  moine 

Augustin. 


Ce  saint  homme 
Suivant  Rome, 
Qui   m'assomme 
De  latin  ; 
Et  rédige 
En   romain 
Tout  prodige 
De  ma  main. 
Qu'à  ma  charge 
Il  émarge. 
Sur  un   large 
Parchemin. 
Le  vrai   Sire 
Châtelain, 
Laisse  écrire 
Le  vilain  ; 
Sa  main   digne, 
Quand   il  signe, 
Egratisne 
Le  vélin. 


PELLEAS  und  MELISANDE 

(G.   Fauré) 

Orchester   Suite 


Dcr  grosse  kuiistlcrisclie  Krtolg,  dcn  Claude  ncbuss\'  in  tlcr  Opcia  Comique 
mit  "  l^elléas  und  Melisande  "  cn-ungcn  hat,  soll  uns  nicht  \-crocsscn  lasscn,  dass 
dassclbe  Sujet  schon  einmal  einen  l'onkûnstlci"  dcr  tranzc'isischcn  Scluilc  hcgei- 
sterte  1900.  wurde  das  Drama  Mactcrlinck's  in  London  autgetulirt  inui  Ci.  h'auré 
hatte  dcn  Auttrag  crhaltcn,  die  Musikda/.Li  zii  komponicrcn.  l,;iiigsr  war  sein 
l^uhni  Liber  dcn  Kanal  gcdrungen,  sodass  cr  in  Kngland  wanne  Bcvvundcrci-  hatte. 

l)cm  I  Icrkomnien  gcmiiss  hat  der  Koniponist  die  s\-mphonischen  Zwischen- 
spielc  '/Al  ciiicr  Orclicstcr-Suitc  m  vicr  Teilcn  /.usaninu'ii  ^c/.oLicn,  wckhc  inchrcre 
yXufFuhrungen  in  Paris  erlcbtc,  ziierst  in  ticr  Société  Nationale,  dann  (am  2^;.  April 
1901)  in  dcn  symphonischcn  Kon/.crtcn  des  \^uidcvillc  untcr  André  M  i;ss.\('.kr's 
l)irfkti()n  und  111  dcn  I. amoureux  Kon/.crtcn.  \'or  /wci  J;ihrcn  WLii'dc  sic  von  Jan 
Jncknhovkn  dcm  MiinchcMcr  i'uMikimi  vorocfiihit. 


FESTSCHRIFT 


liii 


SPANISCHE  RHAPSODIE 

(Maurice   Ravel) 

Dièses  Werk,  welches  zum  erstenmal  am  25  Marz  1908  in  den  Coloniie-Kon- 
zerten  aufgefûhrt  wurde  und  A.  de  Bériot  gewidmet  ist,  besteht  aus  vier  Stûcken. 

Das  erste,  Prélude  à  la  nuit^  gibt  den  Eindruck  einer  jener  Sommernâchte 
wieder,  wo  aus  der  Erde  zu  den  Sternen  eine  weiche  Sinnverwirrende  Stimmung 
autsteigt,  wie  ein  stark  berauschender  Duft  von  Wollust.  Aus  den  Serenaden 
perlen  weithin  die  Fiorituren,  bald  poetischer,  bald  burlesker  Art,  die  das  Echo 
wiederholt.  Eine  vorûbergehende,  leichteArabeske  von  vier  gleichmâssigen  Achteln, 
sich  stufenweise  abwârts  rankend,  durchzieht  das  ganze  Prâludium  ;  als  Leitmotiv 
taucht  es  im  zweiten  Teil,  dann  im  Finale  wieder  auf. 


■/:<; /(^y^^^^^^y) 


Der  Sweite  Satz,  genannt  Malaguena^  was  gleichbedeutend  ist  mit  Sérénade, 
lehnt  sich  an  den  ersten  an. 

Die  Habanera^  weiche  den  dritten  Teil  bildet,  war  zuerst  fur  zwei  Klaviere 
geschrieben  (1895)  und  in  dieser  ersten  Form  1898  in  der  Société  Nationale 
gespielt  worden.  Den  Anstoss  zu  dieser  Komposition  gab  ein  Vers  Baudelaire's 
aus  dem  Gedicht  an  eine  Kreolin  : 

"  Au  pays  parfumé,  que  le  soleil  caresse " 

Cor  anqla/s.    récit 


y^T^'^r^ii^'i^^^l^^i^'i^i^ 


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AMIS    DE    LA    MUSIQUE 


Das  Finale  oder  Feria  bringt  ein  Volksfest  mit  dem  tollen  Leben  einer 
tosenden  Mencre  und  larmenden  Taiizen,  dessen  gewoge  durch  die  Improvisa- 
tionen  andalusischer  Sanger  unterbrochen  wird. 

Obwohl  aile  Motive  dieser  Rhapsodie,  dièses  merkwQrdigen  und  ktihiien 
Werkes,  das  eine  Art  kunstlerischen  \'orpostens  bedeutet,  einen  volkstumlichen 
Charakter  tragen  istdennoch  keiiies  \^on  ihnen  aus  spanischen  Volksweisen  eiitlehiit. 
Der  Komponist  hat  sie  in  seinen  eigenen  Phantasie  geschafFeii.  Es  siiid  Variationen 
ilber  Original-Themeii. 

Die  erste  Auffuhrung  begegnete  beim  Publikuni  einigen  A\'iderspruch.  Doch 
waren  die  Freunde  des  Autors  zahlreich  genug  um  eine  Wiederholung  der 
"  Maleguena  "  durchzusetzen  und  das  Gros  der  Presse  iiusserte  sich  orfinstig. 
Calvocoressi  schrieb  :  "  Die  Klarheit  des  Werkes,  die  auterordentliche  Kratt,  mit 
der  es  die  Fantasie  anregt,  die  Poésie,  von  der  es  erfullt  ist,  ist  ebenso  bewunde- 
rungswurdig  wie  die  Sicherheit  der  Technik,  welche  die  reiche  und  eigenartige 
Orchestration  beweist  ". 

In  der  nâchsten  Saison  im  Chatelet  wiederholt,  hatte  die  Spanische  Rhapsodie 
beim  Publikum  wie  in  der  Presse  einen  durchschlaa^enden  Erfolg. 


DIENSTAG,   DEN   20.   SEPTEMBER  1 


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Il     II.  MORGEN-KONZERT 


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T'H  Sonate  tûr  Violine  und  Klavier G.   FaurÉ  3S 

afj                     Der  Komponist  und  Herr  Heyde.  ^P 

Il  Drei  Lieder ■  ....      G.   Fauré            || 

t'^i                               a.)  Au  bord  de  l'eau  '  ■                      ^^ 

y^;                                 b.)    Les  Berceaux  ...  qu 

y^;                               c.j  J^es  roses  d  ispanan  aè 

y"^                     JbrJ.  Rose  J^eart.  ^l£ 

i>'i                     Am  Klavier  :  der  Komponist.  && 

r/iTî                                                           i^  sa 

n\^  Drei  Klavier-Stucke E.  Chabrier       «a 

^{i                                 a.)   Idylle  II 

H                               b.)  Scherzo.  —  Valse  || 

SîK                    Herr  Alfred  Cortot.  si 

as  ag; 


Il       Drei  Lieder G.   Fauré  gp 


!^p  a.)   Le  parfum  impérissable 


y^j 


h.)    Mandoline  3« 

r<ir:  c.)  boir.  aîis 

yt;  ^  Hiu 

r{^l  Frl.  Rose  Féart.  «g 

r^l^j  Am  Klavier  :  der  Komponist.  ^p 

y.:  A-capella  btucke  uts 

yrj                                a.)  Il  n'est  plaisir Jannequin              ys® 

îli;                               b.)   Las,  je  n'irai  plus  jouer Costeley                 ^|j 

^g                               c.)   Hau,  hau,  hau  le  boys Passereau               gp 

»p                               d.)  Il   est   bel  et  bon C.  de  Sermisy        ^ 


i»g                               e.)  Madrigal G.   FaurÉ               t&î 

Il  Milnchener  Madrigal  Vereinigung. 

|||:  Dirigent  :  J.  Ingenhoven. 

'^'i  Erster  Quartett  in  C  moll  fur  Klavier,  Violine,  Viola 

j^'i                 und  Violoncell G.   Fauré            gg 

>][^  Der  Komponist  und  die  Herren  Heyde,  IVIaas,  ^ 

îX<  Stiglitz.  Il 

y^i  ss 

Tir.  0» 

y,t;yi!^ycycysycyaa0y!S®«y[sysasy[sysy[Sysa«ysy!»ysycy<;ysyt;y^jysyt;ysytsasS!SH!S 


Ivi  AMIS    DE    LA    MUSIQUE 

SONATE  fur   KLAVIER    und    VIOLINE 
(G.   Fauré) 

Die  Violin-Sonate,  op.  13,  ist  eines  der  ersten  Instrumentalwerke  des 
Meisters,  welcher  bis  1877  kaum  etwas  anderes  als  Lieder  komponiert  hatte.  Sie 
wurde  zum  erstenmale  am  15.  Juli  1878  in  der  Ausstellung  durch  den  Autor  und 
den  Violinisten  Maurin  aufgefûhrt. 

Das  Allegro  beginnt  mit  einem  Motiv  voll  Leidenschatt  und  Unruhe,  wie  sie 
Schumann  eigen  sind.  In  der  Durchfûhrung  der  Themen  ist  ein  Passus  zu 
bemerken,  wo  der  Einfluss  Tristan's  tûhlbar  ist. 

Das  Andante  und  das  Scherzo  verraten  die  rûhrende  An  mut,  die  eine  Haupt- 
eigenschaft  Faurés  ist. 

AU  BORD  DE  L'EAU 

Gabriel  Fauré.  (Poésie  de  Sully  Pruahomme.) 

S'asseoir  tous  deux  au  bord  du  flot  qui  passe, 

Le  voir  passer. 

Tous  deux  s'il  glisse  un  nuage  en  l'espace, 

Le  voir  glisser. 

A  l'horizon,  s'il  tume  un  toit  de  chaume. 

Le  voir  tumer. 

Aux  alentours,  si  quelque  flein-  embaume, 

S'en  embaumer. 

Entendre,  au  pied  du  saule  où  l'eau  nuimuire 

L'eau  murmurer. 

Ne  pas  sentir,  tant  que  ce  rêve  dure 

Le  temps  durer. 

Mais  n'apportant  de  passion  j-irofoiule 

Qu'à  s'acîorer, 

Sans  nul  souci  des  qLici'clles  du  momie, 

Les  in;norer. 

Et  seuls,  tf)us  deux  devant  tout  ce  qui  l.isse. 

Sans  se  lasser, 

Sentir  l'amoin-,  tlcvant  tout  ce  c|ui  passe 

Ne  point  passer  ! 


FESTSCHRIFT 


[vil 


LES  BERCEAUX 


Gabriel  Fauré. 


(Poésie  de  Sully  Prudhomme.) 


Le  long  du  quai,  les  grands  vaisseaux 
Que  la  hoide  incline  en  silence 
Ne  prennent  pas  garde  aux  berceaux 
Que  la  main  des  femmes  balance. 
Mais  viendra  le  jour  des  adieux, 
Car  il  faut  que  les  femmes  pleurent. 
Et  que  les  hommes  curieux 
Tentent  les  horizons  qui  leurrent. 
Et  ce  jour-là,  les  grands  vaisseaux 
Sentent  leur  masse  retenue. 
Par  l'âme  des  lointains  berceaux. 


LES  ROSES  D'ISPAHAN 


Gabriel  Fauré. 


(Poésie  de  Le  conte  de  V  Jsle.) 


Les  Roses  d'Ispahan,  dans  leur  gaîne  de  mousse. 

Les  jasmins  de  Mossoul,  les  fleurs  de  l'oranger. 

Ont  un  parfum  moins  frais,  ont  luie  odeur  moins  douce, 

O  blanche  Léïlah,  que  ton  souffle  léger. 

Ta  lèvre  est  de  corail,  et  ton  rire  léger 

Sonne  mieux  que  l'eau  vive  et  d'une  voix  plus  douce. 

Mieux  que  le  vent  joyeux  qui  berce  l'oranger, 

Mieux  que  l'oiseau  qui  chante  au  bord  d'un  nid  de  mousse. 

O,  Léïlah,  depuis  que,  de  leur  vol  léger. 

Tous  les  baisers  ont  fui,  de  ta  lèvre  si  douce, 

11  n'est  plus  de  parfum,  dans  le  pâle  oranger. 

Ni  de  céleste  arôme,  aux  roses  dans  leur  mousse. 

O,  que  ton  jeune  amour,  ce  papillon  léger 

Revienne  vers  mon  cœur,  d'une  aile  prompte  et  douce. 

Et  qu'il  parfume  encor  la  fleur  de  l'oranger. 

Les  roses  d'Ispahan,  dans  leur  gaîne  de  mousse. 


Iviii  AMIS    DE    LA    MUSIQUE 

LE  PARFUM  IMPÉRISSABLE. 

Gabriel  Fauré.  (Poésie  de  Leçon  te  de  Vlsle.) 

Quand  la  fleur  du  soleil,  la  rose  de  Lahor, 

De  son  âme  odorante,  a  rempli  goutte  à  goutte 

La  fiole  d'argile,  ou  de  cristal,  ou  d'or. 

Sur  le  sable  qui  brûle,  on  peut  l'étendre  toute, 

Les  fleuves  et  la  mer  inonderaient  en  vain 

Le  sanctuaire  étroit  qui  la  tient  enfermée  ; 

Il  garde  en  se  brisant  son  arôme  divin 

Et  sa  poussière  heureuse  en  reste  parfumée. 

Puisque  par  la  blessure  ouverte  de  mon  cœur 

Tu  t'écoules  de  même,  o  céleste  liqueur. 

Impérissable  amour  qui  m'enflammais  pour  elle  ; 

Qu'il  lui  soit  pardonné, 

Que  son  nom  soit  béni, 

Par  delà  l'âme  humaine 

Et  le  temps  infini. 

Mon  cœur  est  embaumé 

D'une  odeur  immortelle. 

MANDOLINE 

Gabriel  Fauré.  (Poésie  de  I  erlaiue.) 

Les  donneurs  de  sérénades 

Et  les  belles  écouteuses 

Echangent  des  propos  fades 

Sous  les  ramures  chanteuses. 

C'est  Tircis,  et  c'est  Aminte, 

Et  c'est  l'éternel  Clitandrc, 

Et  c'est  Damis  qui  pour  mainte  cruelle 

V\x  maint  vers  tendre. 

Leurs  courtes  vestes  de  soie, 

Leurs  longues  robes  à  queue, 

F.cur  élégance,  leur  joie, 

Et  leurs  molles  ombres  bleues 

Tourbillonnent  dans  l'extase 

D'une  lune  rose  et  yrise. 

Et  la  mamloline  jase, 

Parmi  les  trissons  de  brise. 


p 


FESrSCHRIFT  lix 

SOIR 

Gabriel  Faurè.  (Poésie  d' Albert  Samain). 

Voici  que  les  jardins  de  la  nuit  vont  fleurir. 

Les  lignes,  les  couleurs,  les  sons  deviennent  vagues. 

Vois,  le  dernier  rayon  agonise  à  tes  bagues, 

Ma  Sœur,  entends-tu  pas  quelque  chose  mourir  } 

Mets  sur  mon  front  tes  mains  fraîches  comme  une  eau  pure. 

Mets  sur  mes  yeux  tes  mains  douces  comme  des  fleurs. 

Et  que  mon  âme,  où  vit  le  goût  secret  des  pleurs 

Soit  comme  un  lys  fidèle  et  pâle,  à  ta  ceinture. 

C'est  la  pitié  qui  pose  ainsi  son  doigt  sur  nous  ; 

Et  tout  ce  que  la  terre  a  de  soupirs  qui  montent 

Il  semble  qu'à  mon  cœur  enivré  le  racontent 

Tes  yeux  levés  au  ciel,  si  tristes  et  si  doux. 

A-CAPELLA  STÛCKE 

IL  N'EST  PLAISIR 

Janequin  (Auteur  inconnu.) 

Il  n'est  plaisir  ne  passe  temps 

Au  monde  que  de  bergerie, 

Quand  on  est  par  bois  ou  par  champs 

Chantant,  dansant,  riant  à  son  amie. 

La  droguette  godinette, 

Jolye,  jolye,  jolye 

Au  monde  n'est  rien  si  plaisant. 


\  LAS  JE  N'IRAI  PLUS 

Costeley.  {tiré  àts  Musiques  àc  1570). 

Las  je  n'iray  plus,  je  n'iray  pas 

Jouer  au  boys. 
Hier  au  matin  m'y  levai, 
En  notre  jardin  entrai. 
Las  je  n'iray  plus,  je  n'iray  pas. 

Jouer  au  boys. 


FESTSCHRIFT  Ixi 


En  notre  jardin  entray. 
Trois  fleurs  d'amour  y  trouvay. 
Las  je  n'iray  plus,  je  n'iray  pas 
Jouer  au  boys. 

Trois  fleurs  d'amour  y  trouvay  ; 
Une  en  prins,  deux  en  laissay. 
Las  je  n'iray  plus,  je  n'iray  pas 
Jouer  au  boys. 

Une  en  prins,  deux  en  laissay  ; 

A  mon  amy  l'envoirray. 

Las  je  n'iray  plus  je  n'iray  pas 

A  mon  amy  l'envoirray 
Qui  sera  joyeux  et  gay. 
Las  je  n'iray  plus,  je  n'iray  pas 
Jouer  au  boys. 


IL  EST  BEL  ET  BON 

Passereau.  (Auteur  inconnu.) 

Il  est  bel  et  bon,  bon,  bon,  bon,  bon,  commère, 

Il  est  bel  et  bon,  bon,  bon,  bon,  bon,  commère. 

Commère,  commère,  mon  Mary. 

Il  estoient  deux  femmes,  toutes  d'un  pays 

Disant  l'une  à  l'aultre  :  avez  bon  Mary. 

Il  est  bel  et  bon,  bon,  bon,  bon,  bon,  commère, 

Il  est  bel  et  bon,  bon,  bon,  bon,  bon,  commère. 

Commère,  commère,  mon  Mary. 

Il  ne  me  couroûsse,  ne  me  bat  aussy 

11  fait  le  mesnaige.  11  donne  aux  poulailles 

Et  je  prends  mes  plaisirs. 

Commère,  c'est  pour  rire. 

Quand  les  poulailles  crient 

Petite  coquette,  petite  coquette 

Petite  coquette,  qu'est  cecy  } 

Il  est  bel  et  bon 


Ixii  AMIS    DE    LA    MUSIQUE 

HAU  LE  BOYS 

CI.  de  Sermisw  (tiré  des  Chansons  musicales  de  1529). 

Hau,  hau,  hau  le  boys 

Prions  à  Dieu  le  roy  des  roys 

Garder  ce  gentil  vin  trançois 

Si  en  beuvrons  six  pots  pour  trois  — 

Pour  mieux  nous  esclairer  les  voix 

Beuvrons  d'autant,  je  m'y  envois  — 

Hau,  hau,  hau  le  boys. 

MADRIGAL 

Gabriel  Fauré. 

Inhumaines  qui,  sans  merci 

Vous  raillez  de  notre  souci 

Aimez  quand  on  vous  aime. 

Ingrats  qui  ne  vous  doutez  pas 

Des  rêves  éclos  sur  vos  pas 

Aimez  quand  on  vous  aime. 

Sachez,  o  cruelles  beautés 

Que  les  jours  d'aimer  sont  comptés 

Sachez,  amoureux  inconstants. 

Que  le  bien  d'aimer  n'a  qu'un  temps. 

Un  même  destin  nous  poursuit. 

Et  notre  folie  est  la  même 

C'est  celle  de  tuir  cjui  nous  aime 

C'est  celle  d'aimer  tjui  nous  tuit. 


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DIENSTAG   DEN    20.   SEPTEMBER,  Il 

ABENDS   .',/8   UHR  gg 

III.  ORCHESTER-KONZERT  i 

rtir.uir.rt  c:ri  ari  en  c.Ti^ci^Tma'Ratia's^a'RatRrmana^aTiTma^Ti'rsiCSiC.Tiiiia^a'&ai^.Ti  ert  en  en  ene 

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Ouverture  zu  "  Frithjof" Th.  Dubois         ^r 

T  ^  •       •  T  T  T->  f      n  ^'^ 

Dirigent  :  Herr  Khene-isaton.  g® 

Sinfonia  sacra Ch.  M.  Widor  a» 

TT  T         •  1  T^  •  ®® 

Unter  Deitung  des  Komponisten.  ag 

Orgel  :   Herr   Dr.   Albert   Schweitzer.  ^ 

M  T  T        Tl  ^^® 

Absence ri.  liERLioz  ^p 

Melodien^  Ballade Ch.-M.  Widor  ^p 

Repos  éternel.      . „  ^g 

Mme  Darlays,  von  den  Lamoureux-Konzerten.  ^^ 

Unter  Leitung  des  Komponisten.  âss: 

In  Norwegen  (zwei  Satze  aus  der  Orchester  Suite)  .      .     A.  Coquard        ^^ 

a.)  Am  Nordkap.  H 

b.)  Finale  (Tanz)  ^fi 

Dirigent  :   Herr   Rhené-Baton.  gg 

II  §i 

Vorspiel  zum  III  Akt  von  "  Ariadne  und  Blauhart'"      .     P.  Dukas  ^è 

^  0® 

Franzôsische   Suite Roger  Ducasse  ^^ 

a)  Ouverture  c)  Recitativ  et  air  ^^ 

b)  Bourrée  d)  Menuet  SS 

,  ,  1    j.       (La  vague  et  la  cloche    .......      H.  Duparc         li 

Melodien     ti^^i,  r-c  c  as 

(  La  lyre  et  la  harpe C  Saint-Saens  ^ 

Herr  Huberdeau,  von  der  grossen  Oper  in  Paris.  s® 

Vorspiel  zu  "  Fervaal  " .      .      .     V.   d'Indy  §g 

Der   Zauberlehrling  (L'apprenti   Sorcier) P.  Dukas  a» 


Dirigent  :   Herr  Rhené-Baton. 
'tezteztezteztertezteztezte^teztezteztene'tezteztezteztezt^^tene'tezte'^tezteztezteztezte'teîte 


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p.  Berger 


M.   Hnbe7-deau 


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FESTSCHRIFT 


LXV 


OUVERTURE  zu  "  FRITHJOF  " 

(Théodore   Dubois) 


Dièse  Ouverture  war  durch  eine  skandinavische  Légende  angeregt  und 
sollte  ursprûnglich  eiii  verôffentlichtes  dramatisches  Werk  einleiten. 

Frithjof,  Sohn  des  Kônigs  Bêla  liebte  die  junge  Fûrstin  Jngeborg  und  hielt 
bei  ihrem  Bruder,  dem  Kônig  Helge,  um  ihre  Hand  an.  Im  Zorn  ûber  die  Abwei- 
sung,  fûhrt  er  einen  Schlag  nach  dem  Kôniglichen  Schild.  Die  Majestâtsbeleidigung 
trâgt  ihm  die  Verbannung  ein.  Eines  Tags  kehrt  er  zuriick,  findet  Jngeborg  als 
Weib  eines  andern,  stûrt  zum  Heiligtum  des  Gottes  Baldur  und  setzt  es  in 
FJammen. 

Die  Ouverture  wurde  zum  erstenmal  am  13.  Februar  1881  zu  Gehôr 
gebracht. 

Der  Komponist  macht  keinen  Versuch,  eine  getreue  musikalische  Darstellung 
der  verschiedenen  Begebenheiten  der  Légende  zu  geben  ;  er  wollte  nur  deren 
illgemeine  Bedeutung  ausdrûcken,  ihren  Geist  und  ihre  Stimmung,  ohne  von  den 
ilberlieferten  symphonischen  Regeln  abzugehen,  also  ganz  im  Sinne  von  Beet- 
hovens  Ausspruch  :  "  Mehr  Empfindung  als  Malerei  ". 


SINFONIA  SACRA 
(Ch.-M.   Widor) 

Der  ausgezeichnete  Commentator  Bach's,  Dr.  Albert  Schweitzer  schreibt  : 
Dièses  Werk,  op.  81,  ist  ganz  und  gar  auf  dem  Adventchoral  "Es  kommt  der 
Erlôser  der  Welt  "  aufgebaut,  welcher  der  alten  Hymne  "  Veni  Redemptor 
îentium  "  entspringt. 


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■  ■  :  Die  zwei  ersten  Sâtze  der  Symphonie  basieren  auf  der  ersten  Phrase  des 
Chorals  ;  das  Andante  behandelt  die  zweite  und  dritte  ;  der  letzte  Teil,  fugiert, 
fûhrt  die  vierte  Période  durch.  " 

/.   Satz.  Nach  einer  kurzen  Orchester-Einleitung  prâludiert  die  Orgel  dûster 
m.  C  moll.  Dann  nimmt  eine  Geige  das  Lied  :  '■'■  Die  Menschheit  wartet  des  Erl'ôsers  " 


Ixvi  AMIS    DE    LA    MUSIQUE 

auf.  Die  Orgel  bringt  es  wieder,  um  es  zum  Schluss  den  Blasern  zu  ilberlassen, 
die  es  zu  voiler  Kraft  emporheben.  Dann  tritt  Ruhe  ein  iind  ailes  kehrt 
in  die  mystische  und  bange  Andacht  der  Einleitung  zurûck. 

//.  Satz.  Orgeltriller  und  Pizzicati  der  Geigen  eilen  sich  entgegen.  Es 
bleibt  bei  der  Entwicklung  des  ersten  Gedankens  "  Der  Weltenerlôser  kommt  "; 
er  naht,  die  Ungeduld  zittert... 

///  Satz.  Orgelakkorde.  Ein  Andante  setzt  ein,  welches  die  zwelte  und  dritte 
Période  des  Chorals  ausfûhrend,  die  Stunden  kûnttiger  Seligkeit,  das  erhoffte, 
sehnlichst  erwartete  Heil  der  Welt  besingt.  Violine,  Cello,  Oboe,  Clarinette, 
unter  der  diskreten  Begleitung  der  Orgel  senden  einander  Bruchstùcke  der 
Mélodie  zu. 

IV.  Satz.  Ein  kraftiger  Einsatz  der  gesamten  Streicher.  Die  Orgel  antwortet 
in  mâchtigen  ff-Akkorden.  Die  Zeiten  des  Harrens  und  der  Angst  sind  vorûber; 
das  wehmûtige  Thema  des  ersten  Prâludiums  verwandelt  sich  in  ein  glânzendes 
Fugenthema. 

Nachdem  aile  technischen  Môgligkeiten  des  Orchesters  schon  verbraucht  zu 
sein  scheinen,  ertônt  plôtzlich  ilber  ail  dieser  aufgeregten  kontrapunktischen 
Polyphonie,  der  ailes  beherrschende  majestâtische  Choral  im  Vollklang  der 
Posaunen.  Die  Themen  der  ganzen  Symphonie  werden  in  einer  breiten  Synthèse 
zusammengefasst,  einander  gegenûber  gestellt,  vermengt,  jedoch  mit  verânderten 
Charakter  und  Ausdruck.  Es  ist  nicht  mehr  dumpfe  Angst  wie  zu  Autant, 
sondern  ein  sieghatter  Jubel  :  "  Da  seht  den  Erlôser  der  Menschheit,  er  ist 
zur  Erde  herabgestiegen,  er  ist  in  unserer  Mitte  ". 

Dièses  Werk  ist  aus  einem  besonderen  Anlass  entstanden.  Es  ist  Sitte  dass 
die  Mitglieder  der  Kgl.  Akademie  der  Kûnste  in  Berlin  bei  ihrer  Autnahme  ein 
Original- Werk  einreichen,  um  gleichzeitig  ihr  Kônnen  und  ihre  Dankbarkeit  zu 
beweisen.  1907  hatte  Widor  die  Ehre,  in  dièse  illustre  Gesellschatt  berufen  zu 
werden  und  schut  bei  dieser  Gelegenheit  die  S'infonia  sacra^  deren  erste  Auffohrung 
in  Berlin  stattfand.  In  Frankreich  wurde  sie  bisher  noch  nicht  auts-etQhrt. 


Berlioz 


ABSENCE 


Reviens,  reviens,  ma  bien  aimée 
Comme  une  fleur  loin  du  soleil 
La  fleur  de  ma  vie  est  fermée 
Loin  de  ton  sourire  vermeil. 


Entre  nos  cœurs  quelle  distance 
Tant  d'espace  entre  nos  baisers 
O  sort  amer,  o  dure  absence 
O  grands  désirs  inapaisés  ! 


FESTSCHRIFT 


IXVll 


D'ici  labas  que  de  campagnes 
Que  de  villes  et  de  hameaux 
Que  de  vallons  et  de  montagnes 
A  lasser  le  pied  des  chevaux 


^'U^rUi^mi^WtJ. 


4    2uic!t     Pûurji 


H  /3. 


II 


Fragment  de   F  Autographe   de   "  Absence  " 


[Bibliothèque  Nationale: 


Ixviii  AMIS    DE    LA    MUSIQUE 

BALLADE  DE  LA  MER 

Ch.-M.  Widor.  {tirée  de  Maître  Ambras). 

Range  à  serrer  la  misaine. 
Le  flot  nous  entraîne 
Le  vent  cruel. 
Pense  à  carguer  la  grande  voile, 
Pas  une  étoile 
Dans  le  ciel  ! 

Ah  !  depuis  qu'il  a  levé  l'ancre 
Le  trois  mâts  de  mon  doux  ami, 
Le  ciel  est  noir  comme  l'encre 
Et  le  vent  toujours  a  gémi. 
Et  sur  la  dune  où  se  décharge 
La  lame  à  grands  coups  furieux. 
Cheveux  épars  au  vent  du  large 
Je  l'attends  la  main  sur  les  yeux. 

Range  à  serrer  la  misaine 
Le  flot  nous  entraîne 
Le  vent  cruel. 
Pense  à  carguer  la  grande  voile, 
Pas  une  étoile 
Dans  le  ciel  ! 

Mais  l'Océan  couveit  de  bave 
Du  navire  où  sont  mes  amours 
Ne  m'ayant  pas  rendu  l'épave 
Je  l'attendrai  toujours  toujours. 
Et  j'attendrai  dans  la  tempête 
Et  sous  le  vol  des  goélands 
Quand  même  le  vent  sur  ma  tcte 
Ferait  voler  des  cheveux  blancs 

REPOS  ÉTERNEL. 

Ch  M.   mdor. 

Lorsque  la  mort,  posant  son  doigt  blanc  sur  mon  front, 
Fera  que  pour  toujours  mes  yeux  se  termcront 


FESTSCHRIFT 


Ixix 


A  la  beauté  vivante, 

Choisissez  moi,  vous  tous  à  qui  je  serai  cher, 

Une  tombe  au  soleil  sur  le  bord  de  la  mer 

Infinie  et  mouvante. 

Les  jours  où,  prodiguant  le  rire  et  les  sanglots. 

Le  vent  labourera  l'azur  sombre  des  flots 

J'écouterai  gronder  leur  masse  exaspérée, 

Et  je  me  souviendrai  des  fureurs  d'autrefois, 

Lorsque  dans  tout  mon  cœur  retentissait  la  voix. 

Des  folles  passions  qui  montaient  leur  marée. 

Et  lorsque  chanteront  les  grands  flots  apaisés. 

J'entendrai  résonner  des  anciens  baisers 

La  musique  lointaine. 

Pour  charmer  le  repos  éternel,  c'est  assez 

Des  trésors    de  douleur  et  de  joie  amassés. 

Dans  une  vie  humaine. 


AUS  NORWEGEN 


(A.   Coquard) 


Die   beiden    Stûcke   sind  einer  Orchestersuite  entnommen,  welche  vier  Telle 
umfasst  :  Am  Fjord^  Andante^  Am  Nordkap^  Reigen. 

"  Am  Nordkapy   Fahle   Nebel,  aus   welchen  dûstre  Felsen  sich  abheben,  in 

,1     Moderato 


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unendliche  Einsamkeit  getaucht.  Plôtzlich  zerreisst  die  Sonne  die  Wolken.  Ihr 
Glanz  sprûht  seltsam  und  geheimnisvoU  kâmpfend,  durch  die  Nebel.  Doch  nur 
fur  einen  Augenblick  scheint  sie.  Bald  aufgesogen,  wiederum  verdichten  sich 
die  Dûnste,  der  Horizont  bedeckt  sich  mit  einem  dâmmerigen  Leichentuch. 
Der  Autor  hat  hier  nichts  der  Volksweise  entlehnt.  Die  Musik  ist  auf  folgendem 
Motiv  aufgebaut  : 


iymi^i-mriini^i;ljn'i^kJ" 


Ixx  AMIS    DE    LA    MUSIQUE 

Finale  "  ReigenT  Ein  kurzes,  ernstes  Prâludium.  Der  Reigen  beginnt  mit 
wilder  Freude,  scharf  kadenziert.  Ein  Intermezzo  :  weiche,  schmachtende  Trâume- 
rei.  Die  Rhythmen  drângen  sich  in  gesteigerter  Bewegung.  Der  Komponist  hat 
hier  zwei  norwegischen  Weisen  benutzt,  die  Grieg  zuvor  verwendet  hatte. 


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1902  komponiert,  wurde  dièse  Suite  op.  62  in  den  Lamoureux-Konzerten 
gespielt. 

ARIADNE  und  BLAUBART 

(P.     DUKAS) 
Vorspiel  zum  III.  Akt. 

Das  Gedicht  Maeterlinck's  enthâlt  drei  Akte,  weiche  die  1"  Chronique 
des  Arts  "  in  der  glûcklichsten  Weise  zusammengetasst  und  ihre  mehr  oder 
weniger  symbolische  Bedeutung  verdolmetscht  hat  :  Blaubart  hat  schon  tiinf 
seiner  Frauen  verschwinden  lassen  ;  die  sechste  ist  Ariadne,  deren  Nanien  viel- 
leicht  das  Andenken  an  jene  Ariadne  wieder  hervorrufen  sollte,  weiche  ehemals 
die  Irrgânge  des  Labyrinths  zu  ûberwinden  wusste.  Taub  Hlr  die  Warnungen  der 
Bauerii,  betritt  sie  den  Palast  Blaubarts.  Unbetôrt  beschaut  sie  den  Schatz  voii 
Juwelen  :  Amethysten,  Saphiren,  Perlen,  Smaragden,  Rubinen  und  Diamanten, 
den  ihre  Amme  hinter  den  sechs  erschlossenen  Tûren  ihr  zeight  ;  der  sicbente 
Schlilssel  ist  der  verbotene  ;  sie  beniachtigt  sich  seiner  und  ôfFnet  die  siebente 
Ture  :  da  tônen  aus  dunklen  Tieten  die  Stimmen  der  tiint  gchingenen  Frauen... 
FOr  ihren  Uncrehorsam  bestraft,  muss  sich  Ariadne  zu  ihnen  gesellen  ;  sie 
ermuntert  die  Unglucklichen  und  zeigt  ihnen  einen  Weg  ins  Freie  ;  die  ganze 
Natur  strômt  durch  die  offene  Spalte  herein,  nian  hôrt  das  Rauschen  des  Mecrcs, 
Herdenglocken,  und  die  tQnf  Gefangenen  tolgen  zittcriui  und  gcblcndct  ihrcr 
Fûhrerin  Ariadne  hinaus.  Dennoch  kônnen  sie  nicht  entHiehcn,  denn  das  Schloss  ist 
verzaubert  und  die  Zu^-briicken  pchcn  von  sclbst  in  die  Hohe.  Aber  sie  habeii 
die  f.ebcnstreudc  wiedergetiniden  uinl  Aruulnc  sagt  ihncn,  wic  scHc'hi  sic  siiul. 
Ritter  Blaubart  ist  inzwischen  fortgezogcn,  uni  den  Aufruhr  der  Baucrn  zu 
bekamjifen,  die  ihn  fur  den  Mordcr  Ariadne's  uiul  der  i'ibrigcn  Frauen  haltcn.  Kr 
kehrt  /LU-uck,  von  àcw  Aufwieglern  bcsiegr,  gcbuiuicn,  /.u  Tod  vci-\vutulct.  Da 
tritt  die  Wendung  ein,  weiche  dem  ganzen  W'crke  seine  Bedeutung  gibt  : 
Ariadne,  deren  stolze  Seele  weder  (iewalt  noch    Sklaverei   erdulden    kann,   schickt 


FESTSCHRIFT 


XXI 


^ie  Bauern,  die  sich  zu  ihrer  Verteidigung  erhoben  hatten,  weg  und  zum  Er- 
itaunen  und  Entsetzen  ihrer  Leidgenossinnen,  verbindet  sie  die  Wunden  des 
jewaltmenschen  und  lôst  seine  Fesseln.  Er  erhebt  das  Haupt,  er  ist  frei  ;  aber 
luch  Ariadne  ist  frei  ;  sie  verlâsst  ihn  und  ôffnet  das  Tor.  Ihre  Gefâhrtinnen  aber, 
iie  unglûcklichen  Frauen,  die  sie  retten  wollte,  weigern  sich,  ihr  zu  folgen  und 
/erbleiben  bei  dem  Manne,  dem  sie  nicht  den  Gehorsam  zu  kûndigen  wagen,  sie, 
iie  schwachen,  liebenden,  gebrochenen  Seelen,  die  nur  zum  Dienen  geboren  sind." 
Das  Vorspiel  zum  III.  Akt  ist  die  Wiedergabe  oder  vielmehr  das  Symbol  der 
Sehnsucht  nach  dem  Licht  und  nach  Befreiung.  Der  Komponist  erreicht  es  mit 
Tiusikalischen  Mitteln,  deren  Charakter  Louis  Laloy  sehr  richtig  definiert  hat, 
indem   er   dièse    merkwûrdige   subjective,    farbige    und   zugleich  gelehrte    Musik 


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"ein  symboHsches  Gedicht  "  nennt  "  nach  den  ewigen  musikalischen  Gesetzen 
der  Wiederholung  der  Motive  und  der  Variationen  aufgebaut,  und  als  solches 
fahig,  vom  Drama  selbst  vom  Gesang  losgelôst,  nichts  von  seinem  krâftigen  Gang, 
iseiner  grossartigen  Architektur  und  seiner  ûberragenden  Macht  zu  verlieren.  Die 
Hauptqualitâten,  welche  zuerst  ins  Auge  fallen,  sind  Verstand  und  Vernunft,  denn 
die  Musik  ist  nicht  unvereinbar  mit  diesen  Eigenschaften,  trotz  des  weitverbrei- 
teten  Vorurteils,  welches  annimmt,  die  Haupttugend  eines  Komponisten  sei  seelige 
Uiibewusstheit.  Kein  anderes,  als  Dukas'  Werk  kann  dièses  Vorurteil  krafiger 
vernichten  :  in  jedem  hellen  und  starken  Geist  muss  Uebereinstimmung  in 
Gedankenfuhrung,  Reichtum,  Stolz  und  Vornehmheit  sein.  Eine  hoch  intellek- 
tuelle  Musik  wirkt  eben  dadurch  ergreifend  und  schôn.  " 

Die  erste  Auffûhrung  von  "  Ariadne  und  Blaubart'"  fand  am  lo.  Mai  1907  in 
der  Opéra-Comique  statt. 


Ixxii 


AMIS    DE    LA    MUSIQUE 


FRANZOSISCHE  SUITE 

(Roger   Ducasse) 

Dièse  Suite  wurde  zum  erstenmal  in  den  Colonne-Konzerten  am  28  Februar 
1909  aufgefûhrt  und  fand  in  der  Presse  eine  gûnstige  Aufnahme.  Selbst  die 
"  Ouvreuse  "  enthielt  sich  ihrer  gewôhnlichen  Strenge  und  konstatierte,  dass 
Roger  Ducasse  mit  seiner  an  Eintâllen  und  Erfindung  reichen,  vornehm  instru- 
mentierten  Suite  in  D  einen  vollen  Sieg  errungenhat. 

In  âhnlicher  Weise  gab  Amedèe  Boutarel  sein  Urteil  ab  :  "  Es  ist  ein  etwas 
archaisierendes  Werk,  das  doch  in  einer  sehr  modernen  orchestralen  Form  gehalten 
ist.  Die  Ideen  fliessen  klar,  mit  geistreichen  rythmischen  Effekten  verziert,  das 
Ganze  ist  farbig,  behend  und  reizvoll,  immer  lebendig  und  niemals  ermudend,  " 


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FESTSCHRIFT 


Ixxiii 


Denselben  Eindruck  machte  das  Werk  auf  Luc  Marwy  :  "  Dièse  Suite  geht 
einen  sehr  behenden  Gang  und  ihr  Modernismus  steht  im  Gegeiisatz  zu  den 
herkômmlichen  Bewegungsformen  der  einzelnen  Teile  (Bourrée,  Air,  Menuet)  : 
feine  Ergôtzungen  eines  raffinierten  Literaten,  dem  es  gefallt,  Montaigne  und 
Baudelaire,  Tristan  l'Ermite  und  Mallarmé  zu  vereinigen,  doch  mit  Antithesen 
die  wohl  erraten  lassen,  dass  er  Herr  seines  geistvollen  Spiels  bleibt.  Die  Ouverture 
erinnert  an  Chabrier,  und  das  Scherzo,  Bourrée  genannt,  zeigt  eine  Menge  humo- 
ristischer,  ironisch  orchestrierter  Détails  ;  Recitativ  und  Arie  stehen  durch  den 
melancholischen  Ernst  des  Dialogs  (zwischen  Clarinette  und  Englisch  Horn)  der 
schâumenden  Verve  des  Finales  gegenuber,  "  Menuet  vif"  genannt  : 


LA  VAGUE  ET  LA  CLOCHE 


H.  Duparc, 


Une  fois  terrassé  par  un  puissant  breuvage 

J'ai  rêvé  que  parmi  les  vagues  et  le  bruit 

De  la  mer,  je  voguais  n'ayant  plus  l'espoir  du  rivage. 

L'Océan  me  crachait  ses  baves  sur  le  front 

Et  le  vent  me  glaçait  d'horreur  jusqu'aux  entrailles  ; 

Les  vagues  s'écroulaient,  ainsi  que  des  murailles. 

Au  rythme  lent  qu'un  silence  interrompt. 

Puis,  tout  changea,  la  mer  et  sa  noire  mêlée. 
Sous  mes  pieds  s'effondra  le  plancher  de  la  ba'-que. 
Et  j'étais  seul  dans  un  vieux  clocher 
Chevauchant  avec  rage  une  cloche  ébranlée, 
J'étrégnais  la  criarde  opiniâtrement, 
Convulsif  et  fermant  dans  l'effort  mes  paupières 
Le  grondement  faisait  trembler  la  vieille  pierre 
Tant  j'activais  sans  fin  le  lourd  balancement. 


Saint-Saè'ns. 


LA  LYRE  ET  LA  HARPE 

(Poésie  de  Victor  Hugo.) 


Jouis  !  C'est  au  fleuve  des  ombres 
Que  va  le  fleuve  des  vivants. 


Ixxiv 


AMIS    DE    LA    MUSIQUE 


Le  sage,  s'il  a  des  jours  sombres 

Les  laisse  aux  dieux,  les  jette  aux  vents. 

Enfin,  comme  un  pâle  convive, 

Quand  la  mort  imprévue  arrive  ; 

De  sa  couche  il  lui  tend  la  main 

Et,  riant  de  ce  qu'il  ignore. 

S'endort  dans  la  nuit  sans  aurore 

En  rêvant  un  doux  lendemain. 

Dièses  Stûck  ist  ein  Auszug  aus  einer  Cantate  op.  57,  die  zum  ersten  Mal 
am  28.  August  1879  in  Birmingham  aufgefilhrt  wurcie. 

Aus  dem  Zusammenhang  herausgerissen  bûsst  es  leider  etwas  von  seinem 
Charakter,  jedenfalls  von  seiner  Bedeutung  ein.  Sein  ziemlich  gewôhnlicher 
Rythmus,  im  ordinâren  Walzertakt,  soll  die  derbe  Sinnenlust  und  den  unbekehrten 
Materialismus  ausdrûcken. 


Vorspiel  zum  I.  Akt. 


FERVAAL 
(Vincent  D'Indy) 


Dièse  "  musikalische  Handlung"  in  drei  Akten  und  einem  Vorspiel,  Dich- 
tung  und  Musik  von  Vincent  d'Indy  ist  zum  ersten  Mal  am  11.  Milrz  1897 
am  Théâtre  de  la  Monnaie  zu  Brûssel  gegeben  geworden. 

Fervaal  der  letzte  Spross  aus  dem  Wolken-Geschlecht,  noch  aus  den  Urzeiten 
der  Welten  stammend,  ist  der  Held,  auf  welchen  das  ganze  Land  seine  Hoffnung 
setzt.  Wenn  er  sich  Reinheit  bewarht,  wenn  irdische  Liebe  niemals  seinen 
Leib  noch  seine  Seele  bedrângt,  wird  er  der  auserwâhlte  Brenn  sein.  Denn 
Krawan,  der  unberûhrte  Berg,  das  Wolkenheim  der  alten  Gôtter,  ist  von  den 
immer  kilhner  werdenden  Horden  der  Eroberer  des  Keltenlandes  bedroht. 
In  Krwartung  der  Erfullung  dieser  hohen  Bestimmung  wird  Fervaal  mit  seinem 
I^'Cihrer,  dem  Druidcn  Arfagard,  von  sarazenischcn  Raubern  obcrtallen  und 
vcrwundet.  Guilhen,  eine  sarazenische  Prinzessin,  hat  iim  ;uis  Mitlcid  tiir  scme 
Jugen  betreit  und  in  ihrcn  Palast  gebracht,  Liin  ihn  zu  hcilcn. 

Das  Vorspiel  zum  I.  Akt  schildert  den  Schlutniiicr  l^\'r\aals  in  den  (iartcn  der 


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FESTSCHRIFT 


XXV 


Guilhen  und  in  breiter  Entwicklung  dehnt  es  sich  noch  bis  in  den  Anfang 
des  Buhuenbildes  hinein,  welches  der  Autor  so  beschreibt:  "  Schattiger  Saa], 
iSûdliche  Végétation,  Orangen-,  Citronen-,  Olivenbâume  und  Eichen,  Qberall 
duftende  Blumen.  Warmer  und  lichtschimmernder  Abend;  die  Sonne  sinkt  gegen 
den  Horizont.  Fervaal  liegt  schlatend  unter  einem  knorrigen  Oelbaum.  Der 
Gedanke  an  Guilhen  verfolgt  ihn;  er  bewegt  sich  im  Traum.  Nach  und  nach 
beruhigt  sich  sein  Schlummer.  " 


DER    ZAUBERLEHRLING 

(Paul  Dukas) 

Es  ist  wohl  unnôtig  Text  und  Thema  der  bekannten  Goethe'schen  Ballade 
zu  wiederholen. 

Die  symphonische  Dichtung  Paul  Dukas  ist  ein  mit  grosser  Gelehrsamkeit 
und  Geschicklichkeit  komponiertes  Scherzo  worin  dessen  typische  Eigenschaften  : 
Eleganz  und  Geist,  zu  ihrem  Rechte  kommen.  Drei  Hauptmotive  dienen  dem 
Werk  als  melodische  Basis. 

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Das  erste,  der  gleich  zu  Anfang  aufgenommen  wird,  kann  man   Zaubermotiv 

nennen.   Es  umfasst  zwei  thematische   Elemente  :   Das   eine    in    den   sordinierten 

'  Geigen,  erscheint  vom  zweiten  Takte  an  und  bleibt   fasst   unverândert   das  ganze 

:  Stûck    hindurch  ;   das   andere   in    den    Clarinetten,    Oboen,   Flôten   nacheinander, 

folgt  unmittelbar  auf  das  erste,  wird  variiert  und  geht  nach  der  Einleitung  in   das 

I  eigentliche  Scherzo  ûber  :    dièses  Thema  in  F  moll  3/8  halten  zuerst  drei  Fagotte. 

Das  zweite   Motiv,  das   auch  schon  in  der  Einleitung  vorkommt,  bildet  mit 

'  seinem  leichten,  hupfenden,  einfachchromatischen   Charakter  (Flôten,  Oboen  und 

'  Clarinetten)  das  Lehrlingsmotiv. 

Das  dritte   (Beschwôrungsmotiv)   ist  eine  Art  Fanfare  oder  Aufruf.  Es  ver- 


Ixxvi 


AMIS   DE    LA   MUSIQUE 


mischt  sich  mit  den  verschiedenen  Combinationen  der  Hauptthemen  und  driickt 
zum  Schluss  den  Gedanken  der  Bemeisterung  aus,  itidem  es  erweitert  im  Nachspiel 
erscheint  und  zur  ruhio-en  Beweo;uno;  der  Einlcituns  zurQcktûhrt. 

Zum  ersten  Mal  1897  in  der  Société  Nationale  unter  der  Leitung  des  Kom- 
ponisten  autgefuhrt  erntete  dièses  Scherzo  sogleich  Verstandnis  und  Bewunderung; 
in  einem  bemerkenswerten  Aufsatz  uber  P.  Dukas  hat  Gitstû-ve  Sannizeuilh  dasselbe 
sehr  richtig  gezeichnet  :  "  Eine  symphonische  Dichtung  programmatischer  Art, 
welche  vorzuglich  die  Ballade  Gœthe's  kommeiitiert,  vor  allem  aber  ein  logisch 
geformtes  Stuck,  das  seinen  musikalischen  Sinn  in  sich  selbst  tragt  und  durch 
seinen  ironischen  Rhythmus,  seine  hôllische  A^erve  und  seine  blendende  instru- 
mentale Technik  als  wùrdig  ist  ein  Musterstûck  dièses  schwierigen  Kompositions- 
Genres  zu  gelten.  " 

Die  anfangliche  Autnahme  hat  sich  in  der  Folge  bewahrt,  denn  nach  und  nach 
hat  der  Zauberlehrling  aile  europâischen  Orchester  bezaubert  :  Weingartner  hat  es 
in  Deutschlanci  vorgestellt  und  Mengelberg  in  Holland  ;  man  spielt  es  jetzt  so 
ziemlich  ûberall.  Sein  Erfolg  hat  es  popular  gemacht,  es  ist  fast  auf  dem  Wege 
"  klassisch  "  zu  werden. 

Charles  Malherbe. 


1.   FESTVORSTELLUNG 

im  Hof-Theater 


BENVENUTO  CELLI 


VON 

Hector   Berlioz 


^.îr^VrT"'!  ACADEMIE  ROYALE  DE  MUSIQUE.    ""r^ZT^ 


AUJOURDHUI  LUIVDI  10  SEPTEMBRE  1838. 
La  PREMIÈRE  Représentation  de 


D 


CELUNI, 


OPERA  en  DEUX  actes. 

CMAirTi  MM.  VCnXZ.  MASSOL.  PEBlUNAIïD-PaÉVOT.  DÉftlVïS.  WARTBt,  SEMBA,  TWvanx.  HoHain-i 
M—  DOavS-GHAS.  STOLTZ. 

ÊtAJVSEt  MM.  Qnériau.  CoralU,  Adice,  AdHea,  Honoré,  De*pUce*i 

M""  Goiclurd,  DQmilâirc  jtmmijrc,  Bonilitre  dcozièmc.  CairaliDe. 

(îaa  Entrées  de  Faveur  »onê  suspendue*,) 


!^'||J^f»^CT.  pour  la  lot«lioD,  au  Bcrgaa  de  i'Àcadémie  Royale  ^e  B3usi<;ue,  rne  Grange-BaieiiCTt.  Hètel  Chci»eol.  U»o»  te»  jonre.  Je  II  k  i,  be^g.  j 


Donnerstag  den  21  September 


FEST=VORSTELLUNG 
im  Hof=Theater 


ELEKTR A 

von  RICHARD  STRAUSS 

Tragôdie   in   einem   Aufziig   von    Hugo   von    Hofmannsthal 

Musikalische   Leitung  :    Herr   Hofoperndirektc^r   Motti. 

Régie  :    Herr   Oberregisseur   Fucus 

Dekorative    Pj'nrichtung  :    Herr   Maschinericciircktor    Ki.kin 

Kostiinie    uncl    Requisiten  :    Herr    Protessor    Buschmkck 

)ie    Dekoration    ist    ausgefiihrt   von    Herrn    I^'isiukk,    Maler   de 

Kgl.    Hoftheater 


ENDE     9   3/4    UHR 


DANS 


L'ÉCOLE   FRANÇAISE   CONTEMPORAINE 


Si  l'on  entendait  exactement  par  musique  pure ^  la  musique  qui  ne  serait 
rien  qu'une  combinaison  de  sons,  et  n'offrirait  à  côté  de  l'agrément  de 
cette  combinaison  aucune  signification,  ces  mots  seraient  dénués  de  sens,  je 
ne  suis  pas  le  premier  à  l'observer,  ou  ne  pourraient  s'appliquer  qu'à  cer- 
taine musique,  qui  n'est  pas  tout  à  fait  de  la  musique.  La  beauté  propre 
de  la  combinaison  sonore  a  dans  la  musique  une  importance  essentielle  ; 
;elle  en  est  la  forme  sensible,  la  condition  esthétique  ;  qui  la  néglige 
n'écrit  pas  non  plus  tout  à  fait  de  la  musique.  Mais  il  y  a  autre  chose 
dans  la  musique  véritable,  une  chose  qui  ne  lui  est  pas  moins  essentielle, 
ill  y  a  un  sentiment  incorporé  à  la  combinaison  sonore,  un  pouvoir  évoca- 
teur  d'émotions  et  presque  d'images,  une  sorte  particulière  de  pensée,  qui 
s'expose,  se  développe  et  se  meut  par  le  moyen  des  formes  musicales. 
ILorsque  cette  pensée  —  malaisément  définissable  parce  qu'elle  a  sa  source 
dans  la  couche  fondamentale  la  plus  obscure,  mais  la  plus  générale  et  la 
plus  stable  de  l'âme  humaine,  et  presque  dans  l'inconscient  —  n'est  précisée 
;et  fixée  dans  un  ouvrage  ni  par  une  action  dramatique,  ni  par  des  paroles 
chantées  ou   dites,   ni  par  ce   que   nous  appelons  un  programme  dans  la 


484  s.    I.    M. 

musique  symphonique,  nous  avons  pris  l'iiabitude  de  classer  cet  ouvrage 
dans  la  musique  pure.  Mais  la  délimitation  est  incertaine.  Dans  bien  des 
cas,  les  genres  se  pénétrant  —  n'existe-t-il  pas  une  symphonie  de  Beet- 
hoven qui  est  "  à  programme,  "  une  autre  où  se  chante  un  poème  ?  — 
on  ne  peut  guère  l'apprécier  que  par  l'importance  relative  qu'auront  prise, 
dans  la  conception  et  l'exécution,  l'idée  même  de  la  musique  et  telles 
idées  qui  lui  sont  plus  ou  moins  extérieures.  Le  théâtre  nous  apparaît  à 
l'opposé  exactement  de  la  musique  pure  :  pourtant  au  théâtre  même,  et 
Wagner  en  a  souvent  fait  la  preuve,  la  musique  pure,  le  sentiment  tout 
intérieur  qui  l'anime,  les  formes  qu'elle  détermine  peuvent  trouver  leur 
place.  On  ne  saurait  estimer  un  drame  lyrique  dont  l'inspiration  et  la  con- 
struction ne  seraient  pas  commandées  dans  la  plus  grande  mesure  par  des 
raisons  musicales,  plus  qu'on  ne  ferait  d'un  quatuor  ou  d'une  symphonie 
dénués  de  toute  expression,  qui  n'exciteraient  chez  l'auditeur  aucune 
sorte  de  sentiment.  Plutôt  que  d'employer  ce  nom  de  musique  pure  à  une 
classification  des  formes,  je  serais  tenté  de  l'appliquer  suivant  la  nature 
du  sentiment  et  de  l'idée  :  de  voir  de  la  musique  pure  dans  toutes  les 
œuvres  où  le  sentiment  est  de  la  sorte,  essentiellement  humaine,  que  la 
musique  exprime  par  elle-même  et  dans  toute  son  étendue,  et  où  l'idée 
s'y  prête  ;  dans  toutes  celles,  quels  que  soient  la  forme  et  le  genre,  où  le 
dessin,  le  mouvement  et  la  proportion,  où  l'ensemble  comme  les  détails 
sont  déterminés,  expliqués  et  conduits  par  des  raisons  purement  musicales 
—  qui  sont  donc  aussi  des  raisons  d'expression  —  où  la  musique,  en  un 
mot,  reste  à  elle-même  sa  propre  fin,  et  n'est  pas  seulement  un  moyen 
d'action  plus  puissant  accaparé  par  la  littérature.  Ce  sera  évidemment  plus 
souvent  dans  les  formes  de  la  symphonie  ou  de  la  musique  de  chambre. 
Mais  je  ne  vois  pas  du  tout  la  nécessité  que  la  jmisique  pure  y  reste  étroite- 
ment et  pour  toujours  enfermée. 

Je  voudrais  ici  donner  un  aperçu  très  général  de  la  taçon  dont  les 
formes  qu'on  s'est  entendu  pour  qualifier  de  musique  pure  se  sont  intro- 
duites et  développées  dans  l'école  française,  et  dont  le  pur  esprit  de  la 
musique  a  pénétré  en  même  temps  et  nourri  toutes  les  formes  de  notre  art. 

Cela  est  de  date  récente.  Très  longtemps  la  musique  n'a  vécu  en 
France  que  par  le  théâtre,  et  par  la  sorte  de  théâtre    la    plus  superficielle 


LA    MUSIQUE    PURE  485 

€t  en  réalité  la  moins  musicale.  Jean-Philippe  Rameau  lui  avait  donné 
une  première  impulsion  toute  différente:  et  bien  qu'il  eût  écrit,  lui  aussi, 
principalement  pour  la  scène,  qui  gardera  probablement  toujours  la  pré- 
dilection du  tempérament  français,  l'esprit,  la  forme  et  le  style  de  son 
ceuvre  étaient  tels,  que  la  symphonie  et  le  quatuor  en  auraient  pu  sortir, 
tout  aussi  bien  qu'un  type  profondément  musical  de  théâtre  lyrique. 
Mais  presque  aussitôt  notre  pays  s'abandonna  à  ce  cosmopolitisme  mercan- 
tile qui  devait  pour  un  siècle  y  tuer  toute  musique,  et  qui  trouve  encore 
aujourd'hui  des  partisans,  non  plus  parmi  les  artistes,  les  critiques  ni  le  public 
qui  prennent  la  musique  au  sérieux.  Un  art  charmant,  celui  des  bouffons 
italiens,  et  un  art  sublime,  celui  de  Gluck,  servirent  d'armes,  dès  le 
début,  à  un  homme  dont  le  trouble  génie  mêla  l'excellent  avec  le  pire. 
Rousseau  a  vivement  senti  la  musique,  s'il  ne  l'a  très  bien  sue,  et  il  en  a 
parlé  souvent  en  grand  prophète  :  mais  il  a  été  malfaisant.  Rousseau  de 
Genève  n'a  jamais  su  devenir  complètement  français,  et  c'est  pourquoi  il 
a  haï  la  musique  française  et,  sans  la  comprendre,  arrêté  net  son 
essor.  Grâce  à  lui  et  à  son  influence  indéfiniment  prolongée,  aucune 
forme  de  musique  en  dehors  du  théâtre  n'a  pu  exister  dans  notre 
pays  —  car  on  ne  saurait  accorder  une  existence  réelle  aux  blêmes  essais 
d'un  Gossec,  d'un  Hérold,  d'un  Reber  —  et  notre  théâtre  lyrique  lui- 
même  n'a  plus  offert  qu'un  mélange  des  effets  propres  au  bas  théâtre 
littéraire,  avec  des  effets  musicaux  de  l'ordre  le  plus  facile  et  souvent  le 
plus  grossier,  que  ne  reliait  aucun  rapport  profond.  Rousseau,  intelligent 
€t  artiste  comme  il  l'était,  ne  voyait  que  la  grandeur  pathétique  de  la 
tragédie  gluckiste,  que  l'esprit  et  la  vivacité  musicale  d'un  Pergolèse. 
Les  idées  dont  il  a  jeté  le  germe  ou  détourné  le  rôle,  n'en  devaient  pas 
moins  amener  cette  décadence  que  couronna  le  fastueux  bric-à-brac  des 
Meyerbeer  et  des  Halévy  :  et  son  'Devin  de  Village  n'était  que  le  premier 
•spécimen  de  l'opéra-comique  plat,  ignare  et  niais,  qu'un  jour  on  n'osa  plus 
appeler  que  l'opérette. 

Dans  le  dernier  quart  du  dix-neuvième  siècle  seulement,  l'exemple 
des  chefs-d'œuvre  de  César  Franck  et  son  enseignement  personnel 
commencèrent  de  renouveler  la  France  musicale,  lui  révélant  à  elle- 
même  ses  tendances  et  ses  facultés  propres,  jusque  là  distraites  de  leur 
vraie  voie.  Homme  d'une  pureté  de  caractère  et  d'esprit  admirable  ;  l'un 
des  plus  complètement  et  des  plus  naïvement  dévoués  à  son  art  qu'on  ait 
jamais  vus  ;  possédant  une  originalité  de  style  telle  qu'une  mesure  de  lui 

6 


486 


S.   I.    M. 


se  reconnaîtrait  immédiatement  entre  mille  ;  devant  à  son  origine 
wallonne  son  ingénuité  mystique  et  le  génie  de  la  combinaison,  à  son 
tempérament  foncièrement  français  le  goût  de  l'équilibre,  de  la  logique  et 
de  la  mesure,  Franck  apparaît,  par  la  torme  et  le  sens  de  ses  œuvres  autant 
que  par  les  dates,  comme  le  véritable  et  direct  successeur  de  Beethoven.  ^ 
Non  pas  celui  qui,  comme  les  Mendelssohn,  les  Schumann  même 
ou  les  Brahms,  continue  de  remplir  selon  les  nuances  de  sa  personnalité, 
mais  sur  un  plan  fixe,  les  cadres  que  le  maître  avait  forgés  à  son  usage. 
Mais  celui  qui  suit  en  vérité  l'esprit  du  maître,  prend  son  point  de  départ 
et  d'appui  où  il  est  parvenu,  et  s'efforce  de  trouver,  ainsi  qu'il  a  fait,  des 
cadres  toujours  nouveaux. 

Franck  reste  un  classique  par  la  généralité  et  la  simplification  de 
sa  pensée,  par  la  netteté  de  sa  pensée  et  de  son  écriture,  par  l'im- 
portance qu'il  donne,  dès  la  première  conception  de  toute  œuvre, 
à  sa  forme  architecturale.  Cette  forme,  comme  chez  Beethoven, 
existe  non  pour  elle-même,  mais  seulement  en  raison  de  l'idée,  et 
se  renouvelle  tout  entière  avec  elle.  De  même  qu'on  ne  trouverait 
dans  l'œuvre  de  Beethoven,  à  partir  de  l'époque  où  il  est  en  pleine 
possession  de  soi,  deux  symphonies,  deux  quatuors,  deux  sonates  qui 
soient  coulés  dans  le  même  moule,  de  même  dans  l'œuvre  de  Franck 
chaque  idée  nouvelle  a  engendré  une  torme  différente.  Le  principe 
commun  qui  fait  l'unité  de  toutes  ces  formes,  principe  particulier 
à  Franck,  principe  qui  a  rajeuni,  pour  longtemps  sans  doute,  l'élan 
de  la  musique  pure,  est  ce  que  nous  nommons  assez  mal  le  principe 
cyclique  :  c'est  a  dire  le  principe  d'un  motif  unique,  qui  par  ses 
retours  et  ses  transformations  sert  de  base  au  développement  de  l'œuvre 
toute  entière,  fût  elle  en  plusieurs  parties.  Ce  principe  existait  en 
germe  chez  Beethoven  —  la  symphonie  en  ut  mineur  est  à  cet 
égard  une  de  ses  œ^uvres  les  plus  caractéristiques  et  les  plus  lourdes 
d'avenir  —  et  commençait  de  porter  des  fruits  chez  Liszt,  plutôt 
peut-être   pour    des     raisons    extra-musicales.  "    Il    ne     doit    pas     du    tout 

'  Voir  l'ouvrage  de  M.  Vincent  ci'Incly  sur  César  Franck  (dans  la  collection  des  "  Maîtres  lie  la  Musique  " 
publiée  chez  Alcan  sous  la  direction  de  M.  Jean  Chantavoine)  :  ouvrage  qui  peut  avoir  le  défaut  ti'ètre  par 
endroits  trop  personnel,  mais  où,  avec  de  très  belles  idées  générales,  l'art  de  Franck  est  iiierveillcusenient 
analysé  et  son  caractère  exposé  par  un  témoin  de  sa  vie,  et  le  disci])le  le  plus  digne,  comme  homme  et  comme 
musicien,  d'être  son  successeur. 

'  Il  serait  très  important,  pour  l'histoire  de  la  torme  cvclicjue,  d'étudier  aussi  Schubert.  Xon  seulement 
sa  grande  Fantaisie  en  ut,  véritable  sonate  d'un  seul  tenant,  est  une  (tuvre  nettement  cycli(|ue  :  mais  encore 
sa  fa<,on  de  traiter  et  de  ramener  des  thèmes,  de  les  apparenter,  de  les  déduire  les  uns  îles  autres,  appartient 
fré(|uemment  dans  ses  autres  ou\rages  à  la  même  conception. 


LA    MUSIQUE    PURE  487 

être    confondu     avec     le    leitmotiv     w^agnérien.     Tel     que    Franck    l'a 
définitivement    établi,   il    constitue    sur    le   leitmotiv     un    progrès    d'une 
ampleur    égale    à    celui     du    leitmotiv    lui-même    sur    les     rappels    de 
thèmes   de    l'opéra   de    Weber,    par    exemple,    ou    de    la    symphonie    de 
Berlioz.    Le    leitmotiv     est     un    principe    dramatique,    auquel    Wagner 
a   appliqué    les    procédés   de    développement   de   la  symphonie    de  Beet- 
hoven.   Le    motif    cyclique     est    au     contraire    d'ordre     essentiellement 
symphonique,    même    lorsqu'il    s'applique    à     des   œuvres     dramatiques, 
■  comme    nous    le   verrons    à  propos   à' Ariane  et  Barbe  Bleue  de  M.   Paul 
1  Dukas.     Le     leitmotiv    reste    presque     toujours    à    peu     près    semblable 
à   lui-même  ;  il  se   répète   et   se   développe  :   le   motif  cyclique   se  trans- 
forme.   A   côté   de  leur   valeur   musicale,   les   différents    leitmotive   d'un 
_  ouvrage  ont  une  signification  symbolique,  par  convention  préétablie  entre 
1  l'auteur    et    l'auditeur  ;    ils    sont    comme    des     matériaux    avec    lesquels 
\  la   pensée    se   construit    une    demeure  :    le   motif  cyclique  est    la  pensée 
même,    l'âme   de    l'œuvre,    agissant    directement.     Un     tel    système    est 
l'expression    parfaite   de   la   musique   pure,   le  point   où   dès  son    origine 
i  elle   devait    aboutir,   où    toutes  ses  tendances  et  toutes  ses  forces  devaient 
s  se  concentrer.   Pour  le  réaliser,  c'est   aux  procédés  de  la  dernière  période 
de   Beethoven  —    du    Beethoven    des    dernières    sonates    et    des    derniers 
quatuors,    qui    disait,    arrêté     par    la    mort,     ne    laisser    que     quelques 
notes    sur    l'art    qu'il    entrevoyait    —    que   César    Franck    recourut,    les 
élevant    à  leur    plus   haute    puissance  :     celui     de    la     fugue,     et    celui 
surtout   de    la    "  grande   variation  ",    qui    est    devenu    le    véritable    fon- 
L  dément    de   toute   la    production   de   notre   école    contemporaine. 

En    cela   réside  l'importance   capitale   de   l'œuvre   de    Franck,   plus 

^  encore   que   dans  les  innombrables  acquisitions  harmoniques  que  lui  doit 

lia   musique,    ou   sa    conception    personnelle   de   la   modulation   et   de   la 

î  mélodie  elle-même.  Ce  besoin  qui  le  possédait,  de    trouver  pour  chaque 

^  idée  nouvelle  une  forme  nouvelle,  semble  avoir  été  poussé  jusqu'au  point 

'  de  ne   toucher   qu'une  fois  ou  deux  à  chacun  des  genres  de  la  musique. 

Presque   dans   chaque    genre    Franck    a    laissé    des    modèles    admirables. 

kMais  c'est  dans  l'ordre  instrumental  que   ces  modèles  ont  la  plus  grande 

I  importance  technique,    qu'ils    ont    exercé   et    exerceront   encore  le    plus 

d'action.  C'est   là  que  Franck  a  le  plus  innové,  et  que  son  génie  musical, 

s'avançant    avec    le    plus    d'audace   et    de   sûreté,    a    déposé   la    semence 

féconde   du    futur.    Plutôt    que    de    sa    maturité,    c'est    l'œuvre    de    son 


488  S.    I.    M. 

incomparable  vieillesse.  Avant  et  pendant  la  composition  des  Béatitudes^ 
qui  occupe  le  centre  de  sa  vie,  on  le  voit  se  rendre  maître  peu  à  peu 
de  ses  propres  forces  dans  ses  six  pièces  d'orgue  (particulièrement 
dans  la  grande  pièce  symphonique  n"  2),  dans  les  deux  versions  succes- 
sives de  l'interlude  de  Rédemption^  dans  le  Quintette  enfin,  qui  reste 
une  de  ses  œuvres  les  plus  chaleureuses  et  les  plus  frappantes.  Et 
ce  sera  ensuite  en  un  espace  de  six  années,  qu'il  développera  toute 
la  géniale  trouvaille  dont  on  voit  déjà  l'embryon  dans  son  trio  ç.x\  fa  die-ze^ 
sa  première  œuvre  véritable,  écrite  à  dix-neuf  ans.  En  six  années,  il  donne 
les  Variations  symphoniques^  la  symphonie  en  ré  mineur^  et  cette  ardente 
Psyché^  dont  le  mysticisme  idéal  garde  une  saveur  de  péché  ;  il  ajoute 
au  quintette^  cet  ensemble  unique  de  musique  de  chambre  :  la  sonate  pour 
piano  et  violon^  les  deux  grandes  pièces  pour  piano  seul  (Prélude^  Choral 
etfugue^  et  Prélude^  Aria  et  Jinal)  qu'on  peut  encore  considérer  comme 
des  sonates,  et  l'immortel  quatuor  en  ré  majeur  ;  il  donne  enfin  les  trois 
grands  Chorals  pour  orgue,  son  suprême  testament.  Dans  son  œuvre  vocal 
au  contraire,  opéras  ou  oratorios  dramatiques,  Franck,  desservi  par  de 
trop  médiocres  poèmes,  sans  cesser  d'écrire  de  magnifique  musique,  appa- 
raît timide,  flottant,  sans  conception  d'ensemble  qui  lui  soit  personnelle. 
Et  si  ses  oratorios  mystiques  sont  admirables  par  l'ampleur  et  la  solidité 
de  la  structure,  par  l'importance  toute  nouvelle  du  plan  tonal,  ce  qu'il 
y  faut  chercher  plutôt  encore,  c'est  la  pure  grandeur  du  sentiment  et  de 
l'imagination  ;  dans  ces  Béatitudes  surtout,  son  œuvre  la  plus  vaste,  œuvre 
de  dix  ans,  où  seul  après  Bach  il  a  su  faire  parler  le  Christ. 

Il  peut  sembler  étrange  que  le  musicien  français  qui  a  exercé  la  plu-^ 
forte  influence  sur  son  temps,  et  l'a  orné  de  son  plus  beau  monument 
sonore,  ait  été  précisément  l'homme  le  plus  différent  de  ses  contemporains, 
un  homme  comme  hors  de  son  temps  par  l'exaltation  de  sa  foi  mystique. 
Mais  cette  foi  était  en  lui  si  naturelle,  familière,  pour  ainsi  dire,  qu'elle  est 
restée  toujours  humaine,  comme  une  forme  seulement  d'amour,  d'enthou- 
siasme et  de  charité  :  et  ceux-mêmes  qui  ne  possèdent  point  la  foi  n'ont 
pu  rester  insensibles  à  l'expansion  du  cœuv  inépuisable  de  Franck.  Plu> 
qu'aucune  autre  en  effet,  sa  musique  est  celle  qui  \ient  du  Cd'ur,  et  qui  \a 
au  cœur.  Mais  elle  est  en  même  temps  organisée  par  l'esprit,  et  elle 
s'attache  la  plus  \'i\e  admiration  de  l'esprit.  A^■ec  l'ainc  d'un  Heato 
Angelico,  Franck  est  cefK-ndant  bien  de  sou  c[^(>c]ue  pai"  le  rallîneinent  de 
son  sens  esthctiquc,  pai-  la  pkiiitucie  (\c  siguitication,  la  rigueur  ingénieuse 


LA    MUSIQUE    PURE  489 

et  subtile  de  son  raisonnement  musical;  par  quelque  chose  de  solide, 
d'exact  et  de  positif  dans  l'ordonnance  de  l'inspiration  même  la  plus 
éthérée,  et  jusque  certain  caractère  d'abstraction  à  demi  philosophique, 
qu'on  peut  reconnaître  en  ses  pages  les  plus  enflammées  ou  les  plus  tendres, 
et  que  souligne  sa  façon  rarement  coloriste  de  traiter  l'orchestre.  Si  la 
théorie  de  Taine  est  juste,  que  l'esprit  moderne  substitue  les  idées  aux 
images,  cet  art  qui  demeure  dans  le  domaine  de  l'idée  est  bien  venu  au 
moment  nécessaire.  La  preuve  n'en  est-elle  pas  dans  les  nombreux 
disciples  qu'aussitôt  éclos  il  a  suscités  ?  Berlioz,  avec  tout  son  génie, 
n'en  avait  pu  obtenir  un  seul.  Est-ce  donc  que  ce  génie  s'était  plutôt 
trouvé  d'accord  avec  la  littérature  et  la  peinture  de  son  époque  qu'avec 
le  véritable  instinct  musical  de  sa  race,  si  longtemps  endormi,  et  pour 
cela  méconnu  ?  Là  même  où  son  influence  semble  aujourd'hui  renaître, 
sous  des  formes  quelquefois  bien  détournées,  regardez  y  de  près  :  l'idée, 
quoi  qu'il  paraisse,  garde  le  plus  souvent  encore  la  prééminence.  Ce 
serait  d'ailleurs  la  sensation,  plutôt  que  l'image,  qui  tendrait  à  la  rem- 
placer dans  certaines  musiques,  de  France  comme  d'Allemagne. 

Le  moment,  il  est  vrai,  fut  exceptionnellement  favorable  à  Franck. 

La  France  sortait  d'une   grande   épreuve.  Toutes  ses  espérances,  toutes  ses 

énergies  ise    relevaient   à  la  fois.   Elle   se  sentait,  avec   l'intarissable  fond 

1  de  sensibilité   et  de   pensée  qui  n'appartient  qu'à  ceux   qui  ont  beaucoup 

souffert,  de  ferventes  ardeurs  de  jeunesse.  En  toutes  choses  elle  s'habituait 

à  l'idée    et  à  la   pratique  de    la  liberté.  La  musique    ne  devait  pas  être  la 

moins  riche   moisson  de  sa  renaissance.  Infatigable  et  confiante  ascension 

-  vers  la  lumière,  l'œuvre   de   Franck   répondait   alors  à  ses   aspirations,   à 

:  ses  besoins,  à  ses  plus  hautes  facultés  :  il  répondait  à  la  sensibilité  nuancée 

!  du   tempérament   français,    comme    à   son   enthousiasme,    comme    à    son 

!  besoin   de   clarté,  de  symétrie,  de   déduction,  d'enchaînement  rythmique 

I  et  prochain    des   idées.   Le   terrain    aussi    se    trouvait   autrement   préparé 

j  qu'à  répoque   de   Berlioz.   Préparé   d'abord   par  Berlioz  lui-même.    Car, 

•  si    paradoxal    que    cela    puisse    paraître,    Berlioz,    aux    antipodes    de    la 

i  musique   pure   et  parfaitement  incapable  de  la   comprendre,  a   beaucoup 

fait   inconsciemment,    par   ses    articles    et    par    sa    musique  même,  pour 

!  nous  mener  à  la  symphonie.    Puis  d'autres  musiciens,   par  leur  culture 

«  et  par  leur  style,   renouaient  le   contact  avec  l'art   classique  :   en   même 

i  temps   que  la  symphonie   de  Franck  paraissaient  la  troisième  symphonie 

5  de  M.  Saint-Saëns  et  la  symphonie  d'Edouard  Lalo,  l'un  des  plus  parfaits 


490  S.   I.   M. 

et  des  plus  personnels  entre  nos  compositeurs,  à  qui  la  vie  ne  permit 
point  de  se  développer  dans  toutes  les  directions  avec  autant  d'abondance 
que  M.  Saint-Saëns,  mais  moins  éclectique,  plus  imaginatif  et  plus 
sensible.  Pour  n'avoir  point  abordé  les  formes  de  la  musique  pure, 
Gounod  lui-même  et  Bizet  n'avaient  pas  été  inutiles  au  relèvement 
de  notre  goût.  Il  suffit  à  ce  moment  que  surgît  en  France  l'œuvre 
accompli  dont  toute  la  beauté,  avec  les  caractères  propres  à  notre  nature, 
était  de  musique  pure  ;  il  suffit  qu'un  modeste  professeur  d'orgue 
—  Franck,  officiellement,  ne  fut  jamais  autre  chose  —  éveillât  et  guidât 
notre  zèle,  pour  que  se  développât  l'aptitude  qu'on  avait  toujours  refusée 
à  notre  frivolité,  et  qu'aussitôt  se  formât  en  France  l'école  de  musique 
pure  la  plus  originale  et  la  plus  riche  du  monde  de  notre  époque  \ 

Mais  il  fallut  attendre  la  mort  de  Franck  pour  qu'on  s'en  aperçût 
ailleurs  que  dans  l'entourage  immédiat  qui  le  vénérait.  Ses  œuvres, 
jusque-là,  n'étaient  presque  point  jouées,  et  la  plupart  des  gens  —  même, 
et  surtout  des  musiciens  —  ne  lui  donnaient  que  par  dérision  ce  nom 
de  "  père  Franck  "  qui  devait  lui  rester  comme  une  gloire.  Car  il  tut 
bien,  avec  une  conviction  et  une  bonté  d'apôtre,  le  père  de  la  musique 
française  moderne. 

Deux  courants  se  partagent  aujourd'hui  cette  musique.  Lorsque 
parut  l'étonnante  personnalité  de  M.  Debussy,  nous  crûmes  tous  la 
direction  de  notre  art  à  tout  jamais  changée  ;  et  certes  la  trace  que 
laissera  dans  la  musique  toute  entière  cet  artiste  sans  pareil  restera 
en  tout  cas  ineffaçable.  Nature  profondément  musicale,  M.  Debussy 
avait  conservé  quelque  chose  de  l'esprit  de  la  musique  pure  et  même 
de  ses  formes,  subtilement  enveloppées.  Il  l'avait  pratiquée.  Ses  premières 
compositions  symphoniques,  le  Fréliaic  a  P Apres-Midi  (fun  Faune  et  les 
Nocturnes^  sont  assez  près  d'elle  ;  et  son  quatuor  reste  un  de  ses  ouvrages 
les  meilleurs  et  les  plus  caractéristiques.  Mais  on  en  est  vciui,  en  très 
peu  d'années,  à  se  demander  si  cet  art  si  émouvant  et  si  neut  ne  sera  pas 
un  peu  court.  Aussitôt  que  la  sensibilité  merveilleuse  de  M.  Debussy 
n'entre  plus  en  jeu,  son   style,  entre  ses  mains  mêmes,  tombe  au  procédé, 

'  Il  ne  faudrait  pas  ncj^^ligcT,  dans  uni.'  liistoirr  ))lus  (  (iiii|)Kic  du  développement  de  la  musique  pure  en 
Krance,  le  rôle  décisif  et  f,dorieux  de  la  "Société  Nationale"  fondée  aussitôt  a])rès  la  «guerre  tranco- 
aliemande,  et  (iu()i(|ue  trop  atta(|uée  aujourd'hui,  toujours  en  pleine  activité.  On  ]ieut  dire  i]ue  tout  ce  tiui 
s'est  produit  de  remarcjuable  en  fait  de  music|ue  de  cliamhre  et  —  en  ur'Tide  paiiie —  de  nuisiiiue  symiihonique, 
a  été  cnten<lu  dans  ses  c<;nccrts  ])nur  la  première  fois,  et  (|ue  tous  les  mou\enunts  originaux  de  noire  art 
sont  sortis  d'elle  et  dûs  à  ses  encouraifements. 


LA    MUSIQUE    PURE  491 

et  l'on  voit  des   imitateurs  se  l'approprier  avec  une  facilité  inquiétante. 

Chez  des  musiciens  qui,  comme  M.  Maurice  Ravel,  possèdent  encore  un 

don   réel  et   quelque  individualité,  il   tourne  à  une  spirituelle   menuaille, 

volontiers   puérile,  qui   nous  ramène  vite   et  droit   à  une  conception   tout 

extérieure   de    la   musique.    A   moins   que   ce    ne   soit   décidément    là   le 

signe   d'une    infirmité    de    notre    constitution    musicale,    dont    un    effort 

généreux  nous  aurait  guéris  pour  une  période  et  où  nous  serions  menacés 

j>  de  retomber,  l'arrivisme   turbulent   des  auteurs  de  cette  école,  la  rapidité 

de    leur    succès,    le    tapage    qui   se    mène    autour    de    leurs    plus    minces 

j  productions  sont  pour  mettre  en  défiance.  Quoi  que  nous  prépare  l'avenir, 

I  aujourd'hui    encore    on    sent    plus    puissant    et     plus    désintéressé,    plus 

n  nombreux,   plus  sûr   de  son   but,  apparemment  plus   durable,  le  courant 

dérivé  de  César  Franck,  et  dirigé  après  lui  par  M.  Vincent  d'Indy.  C'est 

^  à  ce   courant  que  je  veux    borner    le    reste    de    cette    étude,    et   à   deux 

i  musiciens   tout    à   fait    indépendants,    M.    Dukas   et    M.    Magnard,    qui 

vivent  à  peu  près  dans  le  même  esprit. 

Il  me  serait  pourtant  impossible,  puisqu'il  s'agit  ici  de  musique  pure ^ 
de  ne  point  parler  auparavant  de  l'homme  qui  représente  le  plus  pure- 
ment la  musique  pure  en  France,  pour  ne  pas  dire  dans  toute  notre 
époque.  Par  une  circonstance  singulière,  M.  Gabriel  Fauré,  qui  est  aimé 

'  et  admiré  de  tous  sans  conteste,  dont  on  retrouve  plus  ou  moins  l'action 
sur  tous  nos  musiciens,  et  dont  l'empire  s'est  encore  affirmé  depuis  qu'il 
dirige  et  réforme  notre  Conservatoire,  ne  se  peut  classer  nulle  part.  Il  reste 
isolé  dans  l'infinie  distinction  de  sa  pensée  et  de  son  style.  Dès  ses 
commencements,  qui  se  pourraient  rattacher  à  M.  Saint-Saëns  et  à 
Lalo,    il  se  révèle  .  l'un  des    plus  originaux  de   tous  nos  musiciens,  par  le 

['.  sentiment  qui  l'inspire,  par  ses  tournures  mélodiques,  et  surtout  par  son 
invention  harmonique.  Mais  le  besoin  des  formes  nouvelles  ne  l'a  jamais 
tourmenté.  L'enrythmique  simplicité  de  celles  qu'il  choisit,  la  sobriété  de 
ses  moyens  font  de  lui,  malgré  sa  sensibilité  si  moderne,  plus  grave  qu'elle 
n'en  a  quelquefois  l'air,  le  plus  classique  entre  nos  contemporains.  Il  est 
extrêmement  regrettable  que  sous  ce  rapport  on  ne  puisse  dire  qu'il  ait 
fait  école,  ni  déterminé  un  mouvement  spécial.  Les  musiciens  qui  avaient 
tout   d'abord  procédé  de  lui,  se  sont  au  contraire  écartes  peu   à   peu  vers 


492  S.   I.   M. 

les  extrêmes.  ^  Ils  n'ont  profité  que  de  l'extraordinaire  tiuidité  de  sa 
trame  harmonique,  sans  observer  cette  transparente  et  rythmique  fermeté 
du  style  qui  assure  les  plus  fragiles,  les  plus  vaporeuses  de  ses  créations, 
comme  elle  allège  les  plus  amplement  construites.  Encore  n'ont-ils  vu  que 
le  petit  côté  technique  de  cette  harmonie  si  doucement  persuasive,  qui  est 
l'âme  de  la  musique  de  M.  Fauré  :  l'âme  dont  la  mélodie  apparaît  comme 
la  surface,  le  visage  expressif  aux  traits  purs.  Ils  semblent  n'avoir  reconnu 
en  lui  que  l'auteur  exquis  de  petites  compositions  pour  le  chant  et  pour 
le  piano  :  et  il  est  vrai  que  le  charme  typique  de  ces  compositions  à 
longtemps  trompé  trop  de  personnes  sur  la  valeur  exacte  de  M.  Fauré. 
Son  œuvre  ne  se  donne  d'importance  ni  par  le  volume,  ni  par  le  poids, 
ni  par  le  bruit  ;  mais  il  est  tout  plein  de  substance,  de  substance  morale 
comme  de  substance  musicale,  et  jusque  dans  ses  parties  les  plus  légères. 
Vous  n'y  trouverez  pas  une  âme  nostalgique,  qui  se  replie  sur  soi-même 
pour  en  faire  jaillir  un  monde  meilleur  que  celui  où  elle  désespère, 
mais  une  âme  qui  aime  la  vie,  et  s'y  mêle,  et  la  veut  goûter  belle  et 
nous  la  montrer  belle  ;  qui  en  a  ce  sentiment  intense  et  élégant,  où  il 
peut  bien  entrer  du  scepticisme  et  de  la  mélancolie,  que  nous  allions 
volontiers  à  une  certaine  indolence  à  vivre,  et  qui  habille  la  souffrance 
même  d'un  charme  voluptueux.  Si  les  lieder  de  M.  Fauré  sont  des 
miniatures  achevées  —  avec  souvent  une  grande  profondeur  ou  une 
véritable  véhémence  d'expression  —  faut-il  oublier  les  lignes  souples 
et  parfaites  du  développement  dans  sa  musique  de  chambre,  ou  sa 
fougue  passionnée  î  l'art  avec  lequel  il  y  a  su,  mieux  qu'aucun  autre 
musicien  peut-être,  tracer  au  piano  son  rôle  et  l'équilibrer  parmi  les 
instruments  à  archet  ?  l'émotion  grandiose  des  adagio  de  ses  quatuors, 
la  sérénité  de  celui  du  quintette  .?  l'harmonieuse  et  concise  proportion 
de  ce  Requiem  sans  épouvantes,  qui  n'a  voulu  retenir  du  texte  sacré  que 
la  première  parole,  la  plus  suave  que  puisse  entendre  l'homme  qui  a 
vécu  ?  et  ce  Prométhée  enfin,  si  inattendu  dans  son  cruvre  discret,  t]ui 
a  toute  la  vigueur  avec  toute  la  grâce,  et  la  majesté  aisce  tics  moiuimcnts 
grecs  profilés  nettement  sur  l'azur  ? 


'  M.  Gabriel  Faurc  est  ccrtaincmtnt  aux  orifjincs  liii  ilebussysiiK-,  axoo  Eniinanuol  Cliabiiii.  nature 
exubérante  et  peu  élevée,  sans  aucune  conception  estliéticiue,  mais  inventeur  dont  la  féconciitc  a  nourri 
et    nourrit    encore   l'orit^inalité   de   <|ucl<|ues    nuisicicns. 


: 


LA    MUSIQUE    PURE 


493 


La  fatalité  a  voulu  que  les  premiers  élèves  de  Franck  fussent  arrêtés 
dans  leur  carrière  avant  d'avoir  pu  réaliser  toute  leur  personnalité,  et  la 
libérer  complètement  à  la  fois  de  celle  de  leur  maître  et  de  celle,  si 
écrasante  à  cette 
époque,  de  Wagner. 
Alexis  de  Castil- 
LON  ^  vint  tard  à  la 
musique  et  surtout 
à  la  bonne  musique, 
et  il  mourut  à  trente- 
cinq  ans  :  son  œuvre, 
très  honorable  par 
l'effort  qu'il  repré- 
sente avant  même  la 
renaissance  dont  je 
parlais  tout  à  l'heure, 
a  surtout  un  intérêt 
historique.  La  mala- 
die obligea  M.Henri 
DuPARc  d'interrom- 
pre prématurément 
sa  production,  et  il 
est  à  craindre  qu'il  ne 
laisse  que  son  poème 
symphonique  de  Lé- 
nore  et  une  douzaine 
de  lieder  d'une  rare 
beauté.  Ernest 
Chausson,  a  eu  le 
temps  d'écrire  da- 
vantage, et  des  œuvres  considérables.  Mais  il  était  de  ces  personnalités 
qui  se  forment  tard,  et  lentement.  Il  avait  une  très  belle  âme,  timide  et 
concentrée,  timide  par  conscience  de  sa  force  même  et  de  sa  profondeur  ; 

^  Alexis  de  Castillon  de  St.  Victor,  né  à  Chartres  en  1838,  mort  à  Paris  en  1873  ;  d'abord  officier 
de  cavalerie  ;  avait  été  élève  de  Victor  Massé  avant  de  connaître  César  Franck.  Il  a  laissé  deux  trios,  un 
quatuor  et  un  quintette  avec  piano,  un  quatuor  pour  archets,  une  sonate  pour  piano  et  violon,  des  lieder  et  de 
petites  pièces  pour  piano,  un  très  remarquable  Concerto  en  re'  majeur  pour  piano  et  orchestre,  une  ouverture  du 
Tasse,  enfin  le  Psaume  84. 


Pierre  de   BrèviUe 


494 

extrêmement  pas- 
sionnée, élevée  et 
sensible,  et  gardant 
comme  une  pudeur 
de  sa  sensibilité.  C'est 
dans  sa  musique  de 
chambre  qu'il  l'a  le 
plus  complètement 
exprimée  :  son  Con- 
cert en  sextuor,  ses 
quatuors,  sont  des 
plus  éloquentes  cho- 
ses que  notre  époque 
ait  produites.  Dans 
ses  œuvres  sympho- 
niques  ou  dramati- 
ques l'originalité  pa- 
raît moins  dégagée  : 
mais  la  forme  et  le 
langage  sont  toujours 


S.    I.    M. 


Aiii'Uit'in   bavard 


Rtiitliiiger. 

Gohriel   "P'ieruè  -.   -.h 

d'une    noblesse    et   d'une 
sincérité  sans  taches. 

Tout  récemment 
Charles  Bordes  '  aussi 
a  été  frappé  trop  tôt  par 
la  mort.  Fondateur  des 
célèbres  "  Chanteurs  de 
St-Gervais  "  et  l'un  dc< 
fondateurs  de  la  Schc^l.i 
Cantoruni,  il  a  usé  la 
plus    i^randc    part   de  son 

'  Charlks  Bordes,  ne  à  Vou- 
vray  iii  1X63,  mort  à  Nice  en  1909. 
1-c  |)riiici])al  ilo  son  (X'uvre  consiste  en 
numliixuN  liciliT,  et  queliiiies  pièces 
(Ir  imisii|ik-  lie  clianibre  ou  d'ordies- 
iic  sur  (les  niolits  basques;  il  a  laissé 
lin  ilranie  lyri(iiie  |iresi|ue  achevé, 
iniitiilc:  li>  Doit  l'tii^urs. 


LA    MUSIQUE    PURE  4.95 

^activité  et  de  sa  vie  dans  une  œuvre  de  prosélytisme  qui  fut  pour  tout 
iinotre  mouvement  musical  un  stimulant  et  un  appui  précieux.  Il  a 
notamment  relevé  le  culte  de  la  véritable  musique  religieuse. 

Deux  autres  élèves  de  César  Franck  arrivent  au  seuil  de  leur 
imaturité  et  sont  en  pleine  production.  M.  Pierre  de  Bréville,  '  avec  une 
rare  délicatesse  de  la  pensée,  de  la  couleur  et  de  l'expression,  semble  se 
itourner  plus  volontiers  vers  la  musique  vocale  et  le  théâtre.  M.  Guy 
RoPARTz  '\  plus  fidèle  qu'aucun  autre  aux  principes  et  au  style  de  son 
■maître,  a  déjà  composé  un  important  ensemble  d'œuvres  symphoniques 
et  de  musique  de  chambre,  où  sans  que  rien  se  soit  perdu  des  qualités 
d'un  tempérament  naturellement  chaleureux  et  brillant,  l'élévation  et  la 
gravité  du  sentiment  et  des  idées  sont  aussi  remarquables  que  la  force 
de  la  construction,  l'intérêt  et  la  sûreté  de  l'écriture.  Il  faudrait  encore 
noter  la  bienfaisante  influence  de  Franck  sur  quelques  musiciens  qui  ne 
furent  ses  élèves  que  pour  l'orgue,  et  n'ayant  reçu  pour  la  composition 
que  l'enseignement  de  l'ancien  Conservatoire,  n'ont  abordé  que  très 
accessoirement  la  musique  pure  :  M.  Gabriel  Pierné  ^  par  exemple. 
Cette  influence  fut  aussi  très  marquée  sur  M.  Sylvio  Lazzari,  *  qui  n'est 
pas  français  de  naissance,  mais  qui  a  fait  toute  sa  carrière  en  France  : 
sa  musique,  avec  un  caractère  souvent  un  peu  dramatique,  ne  manque  ni 
jd'ampleur,  ni  de  vie,  ni  d'éclat. 

L'homme  qu'il  fallait  après  César  Franck  s'est  trouvé  en  la  personne 
de  M.  Vincent  d'Indy,  le  plus  grand  de  ses  disciples,  le  musicien  qui 
a  pris  aujourd'hui  la  première  place  en  France  à  côté  de  M.  Fauré.  Son 
érudition  complète,  et  une  aptitude  exceptionnelle  à  comprendre  et 
à  sentir  comme  des  choses  vivantes  les  formes  d'art  depuis  le  plus  long- 
temps disparues,  ont  permis  qu'il  se  retrempât  à  toutes  les  sources, 
conçût  comme  une  chaîne  interrompue  l'histoire  des  formes  musicales, 
et  poursuivît  d'une  façon  plus  didactique  et  plus  raisonnée  l'évolution 
^opérée  par  le  "  père  Franck  ".   Le  besoin   de   se   rattacher  constamment 

^  Son  Eros  Fainqueur  a  été  représenté  cette  année  à  Bruxelles  avec  succès. 
Guy  Ropartz,  né  à  Guingamp  en  1864,  aujourd'hui  directeur  du  Conservatoire  de  Nancy,  où  il  a  créé 
'Tin  centre  musical  important  par  la  fondation  de  concerts  symphoniques  très  actifs.  Œuvres  principales  : 
^Fantaisie  en  ré  pour  orchestre  ;  trois  symphonies,  la  troisième,  en  mi  majeur,  avec  chœurs  ;  musique  de 
;scène  et  suite  d'orchestre  pour  Pêcheurs  d'Islande  ;  quatuor  pour  archets  ;  sonates  pour  piano  et  violon,  piano 
^et  violoncelle  ;  lieder  et  pièces  pour  piano  ;  un  drame  lyrique  encore  inédit  :  le  Pays. 

^  Celles  de   ses  œuvres  où  se  reconnaît   l'influence  de   César  Franck  sont  ses  oratorios  ;   l'An  Mil  surtout, 
et  la    Croisade  des  Enfants. 

■*  Sylvio  Lazzari,   né   à    Bozen    en    1858.   Œuvres    principales  :    sonate   pour    piano  et  violon,   octuor, 
Effet  de  nuit  pour  orchestre,   symphonie  en  mi  bémol  ;  lieder  ;  drames  Armor,  La  Lépreuse,  Melanis,  Faust. 


49 


o6 


S.    I.   M. 


^g 


ail  passé  s'accorde  chez  AI.  d'Indy  avec   celui   de  toujours   marcher   vers 
l'avenir.    Il   aime   la   vraie  liberté,    qui   reste  dans  la  loi.  Il  s'est  constitué 

dans  l'art  classique  une  idéale 
patrie  pour  qui  son  émanci- 
pation n'est  jamais  ingrate. 
Il  est  tout  entier  dans  cette 
distinction  si  juste  qu'il  éta- 
blit lui-même  à  propos  de 
César  Franck,  entre  la  ti'adi- 
tiou^  qui  soutient  l'art,  et  la 
convention^  qui  le  tue.  L'im- 
portance capitale  de  la  struc- 
ture commandée  par  l'idée, 
et  conçue  comme  une  exten- 
sion synthétique  du  rvthme, 
reste  sa  première  directrice. 
Le  principe  cyclique,  les  pro- 
cédés de  la  fugue  et  surtout 
de  la  grande  variation  conti- 
nuent de  se  développer  entre 
Marcel  Labey  SCS     mai  US,     mais     dans     un 

esprit  plus  mathématique,  avec  quelque  chose  de  plus  intellectuel  et 
de  plus  compliqué.  L'emploi  du  style  contrapontique  par  opposition  au 
style  harmonique  devient  de  plus  en  plus  méthodique  ;  et  ce  style  prend 
parfois  un  accent  abstrait, dur, 
tendu,  parfois  aussi  une  somp- 
tuosité pittoresque  qu'on  ne 
trouve  pas  non  plus  à  ce  degré 
chez  Franck. 

Mais  les  gens  qui  ne 
veulent  voir  en  M.  d'Indy 
qu'un  expert  et  frigide  archi- 
tecte des  sons  ne  le  compren- 
nent point  du  tout. Cet  austère 
doctrinaire  de  la  tonne  est 
au  tond  une  nature  de  pas- 
sioiuié,    de     révolté,    unissant 


Dcroclic 


/■///'f-rt    Roi/ssn 


LA    MUSIQUE    PURE  497 

pune    profonde    sensibilité    intime    à    la    sensualité    la    plus    aiguisée    de 
Toreille  et    de    l'œil.    Peut-être   doit-il   les    effets  admirables    de   son   art 
précisément  aux  combats  perpétuels  et  aux  mutuelles  contraintes  de  son 
j  esprit   et   de    son    tempérament.    S'il    a  quelque    chose   de  la   profondeur 
^allemande,  c'est  avec  une  lucidité  du  raisonnement,  une  chaleur  du  coloris, 
une  précision  et  une  impétuosité  rythmiques,  un  tact  de  la  proportion   et 
jde  la  mesure  qui  sont  tout   français.  S'il   ramène    à   l'intérieur   toutes   ses 
impressions   du   monde  sensible,  ce  monde  cependant  existe  pour  lui  ;   il 
l'admire  ;  il  le  peint  en  traits  saisissants.  La  plus  énergique  volonté  a  fait 
converger  ces  contradictions.   Elle  est  la  caractéristique  de  la  formation  de 
'M.   d'Indy.  Il  veut  son  œuvre  rigoureusement  discipliné;  mais  il  ne  cesse 
[d'y  verser  des  trésors  d'émotion  et  de  fantaisie,  et  il  ne  cesse  de  se  rebeller 
'contre  toute  idée  convenue.  Et  c'est  cette  émotion,  c'est  cette  fantaisie,  c'est 
cette  indépendance,   c'est  le  plus  vif  sentiment  pittoresque   qui  en  sont   le 
principe  essentiel  et  en  font   la  valeur.  Par  la  vertu  de  la  plus  rare  certi- 
tude du  cerveau,  de  l'oreille  et  de  la   main,    ce    principe   demeure  vivant 
au  travers  du  plus  savant  appareil   et   s'ajuste   aux  combinaisons  les  plus 
ardues.  Certaines  de  ces  combinaisons,  comme  dans  Istar  ou  \2i  Sonate  pour 
piano  iraient  jusqu'à  une  sorte  de  byzantinisme,  si  on  ne  les  sentait  si  bien 
consécutives  à  l'idée  et  toutes  vivifiées  par  elle. 

La  nature  même  de  M.  d'Indy  veut  que  son  progrès,  bien  qu'il  ait 
été  continu,  ne  suive  pas  une  ligne  directe.  De  ses  deux  derniers 
ouvrages  de  longue  haleine,  par  exemple,  l'un,  la  symphonie  intitulée  : 
'^Jour  d'été  a  la  montagne^  est  le  plus  neuf  et,  dans  une  forme  très  serrée, 
de  plus  libre  qu'il  ait  écrit,  celui  où  la  musique  pure  s'aventure  avec  le 
'plus  de  hardiesse,  avec  des  traits  concis,  des  tons  francs  et  presque  crus 
Idans  le  domaine  du  pittoresque.  Tandis  que  l'ample  développement, 
régulier  et  fondu,  de  la  Sonate  en  mi  majeur  le  montre  plus  imbu  que 
;jamais  de  l'idéalisme  et  de  la  manière  même  de  Franck.  Mais  à  quelque 
;genre  qu'il  s'applique  —  et  il  n'en  a  négligé  presqu'aucun  —  l'esprit  de 
la  musique  pure,  dont  il  a  été  le  premier  à  pénétrer  le  drame  lyrique 
français,  grandit  sans  cesse  en  lui  :  on  le  constate  de  Fervaai  à  V Etra?jger, 
comme  de  la  première  à  la  seconde  symphonie.  Quant  au  principe 
cyclique,  il  domine  toujours  M.  d'Indy,  sans  apparaître  en  tous  ses 
ouvrages  de  la  même  façon.  Il  est  souvent  dans  le  sentiment  général 
plutôt  que  dans  la  disposition  thématique.  C'est  le  cas  du  Jour  d'Eté, 
qui  juxtapose  une  extraordinaire  variété  de  thèmes.    L'unité    cyclique   au 


498  S.    I.    M. 

contraire  est  complète  et  magnifiquement  amplifiée  dans  le  deuxième 
quatuor  —  le  plus  beau  assurément,  avec  celui  de  Franck,  qu'on  ait  écrit 
depuis  Beethoven  —  et  les  sonates,  dans  la  première  et  surtout  la 
deuxième  symphonie,  dans  le  poème  symphonique  :  Souvenirs. 

Il  convient  de  relever  chez  M.  d'Indv  une  autre  influence,  qui  ne 
fut  pas  moins  forte  à  ses  débuts  que  celle  de  Franck,  et  qui  fut  peut-être 
plus  visible;  celle  de  Wagner.  Cette  influence,  imperceptible  chez  Franck 
lui-même,  eut  la  plus  grande  importance  pour  toute  sa  descendance  artis- 
tique. Mais  si  M.  d'Indy  a  pu  dire  qu'il  y  avait  eu  chez  Franck  "  assi- 
milation de  l'héritage  beethovénien  à  une  intelligence  vraiment  créatrice  " 
on  peut  dire  de  M.  d'Indy  la  même  chose  pour  l'héritage  wagnérien.  Il  n'a 
pas  retenu  de  Wagner  mesquinement  des  procédés  d'écriture,  comme  tant 
de  compositeurs  ont  fait,  en  France  ou  en  Allemagne,  fabriquant  un  wagné- 
risme  épais  et  borné,  à  dégoûter  de  Wagner  :  il  a  pénétré  au  fond  de  l'art 
wagnérien  ;  il  y  a  vu  la  suite  de  l'art  classique  ;  il  s'est  assimilé  la  moelle 
de  ses  idées  générales,  remontant  à  ses  puissantes  racines,  et  rejetant  peu  à 
peu  tout  ce  qu'il  avait  de  trop  spécial  à  l'homme  et  à  la  race.  Considérer 
cette  création  gigantesque,  un  peu  monstrueuse,  comme  si  elle  n'était 
point,  ce  n'eût  été  possible  ni  souhaitable  pour  la  musique  d'aucun  pays. 
Seuls  des  esprits  étroits  et  puérilement  rétrogrades  ont  pu  s'y  attarder.  Il 
fallait  seulement  ne  point  se  laisser  absorber  par  elle.  L'œuvre  de  César 
Franck  est  venu  nous  offrir  le  contrepoids  capable  d'en  équilibrer  l'influ- 
ence. Grâce  à  Franck  et  à  M.  d'Indy,  c'est  la  France  qui  a  vu  refleurir 
en  sa  grandeur  et  en  sa  vérité  l'esprit  de  Beethoven  et  de  Richard  Wagner. 

M.  d'Indy  a  été  l'organisateur  de  la  conquête  de  Franck.  Son  zèle 
ardent  pour  la  musique  n'a  point  été  entravé,  comme  celui  de  son  maître, 
par  les  difficultés  de  la  vie.  Il  a  pu  se  déployer  avec  une  activité  prodigi- 
euse, dans  la  composition,  dans  le  professorat,  dans  la  direction  des  con- 
certs où  M.  d'Indy  répand  la  connaissance  et  la  plus  pénétrante  intelligence 
des  plus  hauts  chefs-d'œuvre  de  l'art  classique.  Il  n'a  pas  été  sans  soulever 
des  critiques,  en  ce  qui  concerne  surtout  le  gouvernement  de  la  Schola 
Cantorum.  Pour  être  juste  envers  l'utilité  de  cette  institution,  il  faut  se 
souvenir  qu'à  l'époque  où  elle  se  fonda,  il  n'était  question  dans  l'enseigne- 
ment du  Conservatoire  officiel  ni  de  symphonie,  ni  de  musique  de  chambre, 
ni  de  quoi  que  ce  soit  d'autre  que  d'imbéciles  cantates  pour  le  Concours  de 
Rome  et  de  mélodies  de  salon.  Si  même  il  était  à  moitié  vrai  que  l'ensei- 
gnement  de  M.    d'Indy   eût  pris  quelque  chose  d'un  peu  dogmatique,   il 


LA    MUSIQUE    PURE 


499 


faudrait  encore  avoir  la  bonne  foi  de  reconnaître  que  le  signe  distinctif  de 

son   école,   comme  de  celle  de  César  Franck,  est  précisément  l'étonnante 

diversité  des  personnalités  qui  en  sont  sorties,  et  le  respect  qu'on  y  a  toujours 

gardé  de  leurs  tendances  particulières,  même  les  plus  opposées  aux  tendances 

de  l'école.  Et  quand  j'entends  reprocher  à  la  Schola  Cantorum  d'ctre  une 

école  où  l'on  n'ouvre  pas   assez  les  fenêtres,  je   ne    peux   que   sourire,  en 

songeant  au  sentiment  presque  violent 

de   la   nature  qui  imprègne  certaines 

pages  de  M.  d'Indy,  et  à  la   fraîcheur 

délicieuse    des    ouvrages   d'élèves    tels 

que  M.   Déodat  de  Séverac  ou  M. 

Albert  Roussel.  Reconnaissons  à  ces 

attaques  le  mépris  de  l'amateur  pour 

l'artiste  qui  se  croit  obligé  d'apprendre 

son  métier. 

C'est  un  point  commun  en  effet 
entre  les  jeunes  musiciens  que  je 
viens  de  citer,  que  le  parfum  agreste 
que  dégage  toute  leur  musique.  Plus 
spécial  à  sa  province  chez  M.  de 
Séverac,  qui  n'a  encore  que  très  peu 
écrit,  et,  en  fait  de  musique  pure,  que 
quelques  pièces,  d'une  grande  valeur, 
pour  le  piano. ^  Plus  général  chez  M. 
Roussel,  dont  le  trio^  le  divertissement 
pour  instruments  à  vent,  les  pièces  pour  piano,  la  symphonie  intitulée: 
Foeme  de  la  Forêt^  la  Sonate  pour  piano  et  violon,  avec  de  grandes  et 
fines  qualités  de  forme,  une  vivacité  et  un  charme  extrêmement  person- 
nels de  l'idée  et  du  style,  font  penser  à  de  libres  promenades  dans  l'air 
clair  d'un  beau  paysage.  Un  peu  de  la  sensibilité  frémissante,  de  la 
légèreté  de  main  de  M.  Debussy,  s'est  combiné  chez  ces  deux  artistes  de 
qualité  rare  —  de  ceux  dont  notre  jeune  école  attend  le  plus  —  avec  les 
grands  principes  de  composition  de  M.  d'Indy. 

Tout    adonnés  aux  constructions  idéales,   ce    sont    des   compositeurs 
extrêmement   différents    de   ceux-là,    et  très    différents    entre    eux,    que 

1  Le  chant  de  la  Ten-e  ;  En  Languedoc.  —  M.  de  Séverac  a  fait  représenter  cette  année  à  l'Opéra-Comique 
en  deux  actes  :  le  Cœur  du  Moulin,  où  le  sentiment  de  la  nature  prend  une  intimité  singulière  ;  et  en  ce 
moment  :  He'liogabale,  sur  les  Arènes  de  Béziers. 


Déodat  de   Séverac  par   Léandre. 


500 


S.   I.    M. 


M.  WiTKowsKi,  —  plus  passionné,  plus  abondant,  un  peu  touffu,  remar- 
quablement vivant  et  vigoureux  dans  son  quatuor^  sa  symphonie^  sa  sonate 
pou?'  piano  et  violon  —  et  M.  Marcel  Labev,  symphoniste  plus  mesuré  et 
plus  précis.  Les  élèves  de  M.  d'Indv  sont  au 
reste  tort  nombreux,  et  je  ne  puis  citer  que 
ceux  d'entre  eux  dont  la  personnalité  s'est 
le  mieux  affirmée  jusqu'ici. 

Nombreux  aussi  les  compositeurs  qui 
en  dehors  de  l'influence,  directe  de  Franck 
ou  de  M.  d'Indy  se  sont  adonnés  à  la  mu- 
sique pure  et  je  ne  les  nommerai  pas  tous. 
M.  Augustin  Savard,  '  nature  un  peu  rude 
et  secrète,  mais  particulièrement  élevée,  après 
une  symphonie  assez  vvagnérienne  a  écrit  un 
quatuor  dont  X adagio  surtout  est  d'une  beauté 
admirable.  M.  Gedalge,  dont  l'esprit  est 
très  différent  de  celui  de  tous  les  compositeurs  Florent  Schmht        ^^'"' 

que  j'ai  étudiés  ici,  a  donné 
cette  année  même  une  sym- 
phonie tort  intéressante.  M. 
Florent  Schmitt,  un  élève 
très  doué  de  M.  Gabriel 
Fauré,  nous  laisse  encore  dans 
l'incertitude.  Si  la  plupart  de 
ses  ouvrai2es  sont  fortement 
teintés  de  debussysme  et  re- 
cherchent en  même  temps 
l'éclat  extérieur,  son  cjuintcttc 
tait  espérer  tic  lui  tout  autre 
chose. 


G'/M'    lirjpdti'z 


Il  me  reste  a  parlci'   des 
deux    musiciens   i]ui   sont  ap- 

AUGUSTIN  SAVARI),  ;i  (loi) ne  encore  une  ouverture  pour  le  /ifo/' L/v/r  et  un  poème  en  ileux  aries, 
\a.  Fon</  ,rei)réscnt(j  (lernicrenuiii  à  !"(  )iK-ra),  hautement  appréciés  par  tous  les  musiciens.il  est  directeur  du 
Conservatoire  (le  Lyon.  —  .M.  Witkouski  a    fondé  dans   la    même   ville  d'importants  concerts  symphoni.jues. 


LA    MUSIQUE    PURE 


501 


pelés,  je  pense, 
Exactement  du 
M.  Albéric  Ma- 
gnard  se  sont  for- 
més entièrement 
eux-mêmes.  Le 
maître  du  pre- 
mier fut  en  effet 
—  comme  celui 
de  M.  Debussy  — 
l'innocent  Ernest 
Guiraud  ;  et  si  le 
second  doit  quel- 
que chose,  assez 
peu  de  chose, 
aux  leçons  de  M. 
d'Indy,  il  n'a  rien 
conservé  de  celles 
de  M.  Massenet, 
qu'il  reçut  aupa- 
ravant. M.  Dukas 
et  M.  Magnard, 
sans  se  ressembler 
d'ailleurs, ont  cer- 
tains points  com- 
muns :  la  profon- 
deur morale,  le 
souci  d'une  forme 
très  solide  déter- 
minée par  une 
pensée  très  haute, 
et  beaucoup  plus 
d'originalité  dans 
cette  pensé  e 
même  que  dans 
les  termes  du  lan- 
gage    qui     l'ex- 


à   prendre   la    première    importance    dans   notre   école, 
même  "âge,    on    peut    dire    que    M.    Paul    Dukas    et 


Sylvio  Lazzari. 


502  s.   I.    M. 

prime.  Ils  sont  partis  l'un  et  l'autre  du  wagnérisme,  mais  du  wagnérisme 
intelligent,  comme  M.  d'Indy,  et  substantiellement  nourri  des  classiques. 
On  peut  trouver  chez  l'un  et  chez  l'autre  des  affinités,  les  plus  remar- 
quables qu'on  ait  vues  chez  aucun  musicien  moderne,  avec  le  sentiment 
et  l'art  beethovéniens.  Mais  ces  affinités  se  sont  développées  dans  deux 
sens  opposés. 

La  formation  musicale  de  M.  Paul  Dukas  est  comme  une 
puissante  assimilation,  à  une  individualité  originale  et  profonde,  de 
toutes  les  grandes  formes  de  l'art  qui  l'ont  précédée.  Avec  le  sentiment 
de  Beethoven,  c'est  le  style  de  Wagner  et  celui  de  César  Franck 
qu'on  y  voit  dominer.  Liszt  y  est  aussi  de  quelque  chose,  et  parmi 
les  contemporains  M.  Saint-Saëns,  M.  d'Indy,  M.  Debussy,  plus  récem- 
ment M.  Richard  Strauss  lui-même.  Mais  ce  que  M.  Dukas  a  pu 
apprendre  des  autres,  il  l'amalgame  en  un  style  fortement  personnel,  d'une 
richesse  et  d'une  sûreté  surprenantes,  et  il  ne  s'en  sert  que  pour  exprimer 
les  pensées  les  plus  personnelles  aussi.  Il  produit  —  ou  publie  —  peu,  et 
semble  ne  vouloir  écrire  qu'après  avoir  définitivement  sondé  sa  pensée, 
assuré  sa  pleine  maîtrise  de  son  esprit  et  de  sa  plume.  Sa  culture  générale, 
littéraire,  philosophique,  esthétique,  n'est  pas  moins  large  que  sa  culture 
musicale.  Mais  toute  la  science  de  cette  nature  essentiellement  réfléchie, 
grave  et  pondérée,  n'obéit  qu'à  l'impulsion  primesautière  d'un  tempé- 
rament merveilleusement  artiste.  Elle  réfléchit,  seulement  pour  mûrir 
les  données  d'une  sensibilité  et  d'une  imagination  particulièrement 
vives.  Ceux  qui  ne  connaissent  M.  Dukas  que  par  le  populaire  Apprenti 
Sorcier  n'ont  vu  qu'un  côté  d'une  organisation  si  riche  et  profondément 
poétique.  Côté  des  plus  originaux  et  des  plus  caractéristiques,  il  est 
vrai,  et  qui  promet  de  bien  autres  révélations  :  c'est,  avec  le  sens  de  la 
structure  claire  et  ferme  qui  n'abandonne  jamais  M.  Dukas,  celui  d'un 
}>itt')icsque  éclatant,  et  celui,  peut-être  unique  avec  cette  intensité,  du 
coinic|uc  iiuisical.  Vous  savez  d'ailleurs  que  le  sujet  de  ce  poème 
symphonique  ne  l'empêche  nullement  d'être  sous  tous  les  rapports  un 
modèle  de  nuisic|ue  pure,  JÙ  si  M.  Dukas  tend  à  s'écarter  pour  le 
moment  —  avant  [Kut-être  qu'il  s'ingénie  à  les  rénoxer  —  des  tonnes 
classiques,  un  [k-u  fatiguées,  c'est  bien  res[->rir  de  la  iiuisique  pure  (.]ui 
inspire  son  œuvre  eiitici-.  Peu  de  nuisieiens  ollreiu  l'exemple  d'une 
intériorité  si  persévérante  (hi  sentiment,  ipiel  cpie  soit  le  sujet  c]u'il  traite, 
et      d'une    forme   aussi    constamment    musicale,  cjuel  cjue   soit    le    genre. 


LA   MUSIQUE    PURE  503 

Même  dans  sa  première  période  de  production,  où  il  n'apparaît  pleine- 
ment lui-même  qu'avec  le  finale  de  sa  sonate,  sorte  d'hymne  d'héroïque 
comhat  et  de  souveraine  conquête,  il  n'écrit  rien  qui  ne  soit  d'un 
penseur  intimement  ému,  et  rien  qui  ne  soit  d'un  constructeur  impec- 
cahlement  musicien. 

Ariane  et  Barbe  Bleue  inaugure  sa  véritable  maturité.  Et  il  ne  sera 
pas  trop  paradoxal  d'en  parler  ici,  bien  que  ce  soit  un  ouvrage  de  théâtre, 
le  plus  parfait,  avec  Pélléas,  que  notre  école  ait  produit  :  car  les  drames 
de  M.  Vincent  d'Indy,  tout  admirables  qu'ils  sont,  le  montrent  jusqu'ici 
plus  indécis  que  ses  ouvrages  de  concert,  et  encore  en  voie  d'évolution. 
Dans  Ariane  et  Barbe  Bleue  la  qualité  de  l'émotion,  virilement  contenue, 
mais  la  plus  noble  et  la  plus  irrésistible  qu'on  puisse  imaginer  ;  la  beauté 
propre  de  la  musique  et  la  splendeur  de  l'orchestre  ;  la  marche  de  l'idée 
elle-même  comme  celle  du  développement  musical  ;  la  forme,  la  propor- 
tion, le  rapport  ou  l'opposition  des  parties,  tout,  sans  cesser  d'être  drama- 
tique, appartient  à  la  musique  pure.  Plutôt  qu'à  la  manière  du  leitmotiv, 
les  motifs  sont  traités  selon  les  procédés  de  la  variation  beethovénienne  et 
le  principe  cyclique  de  Franck;  c'est  la  source  d'une  diversité  de  couleur 
et  d'une  souplesse  d'expression  que  le  leitmotiv  n'atteint  pas.  Quand  on 
dit  à  M.  Dukas  que  la  partition  de  son  drame  est  faite  comme  une 
symphonie,  ce  n'est  point  du  tout  méconnaître  ses  qualités  scéniques, 
qui  sont  égales  à  ses  qualités  musicales.  Mais  on  le  fâche,  parce  qu'il 
sait  la  spontanéité  de  sa  conception,  et  son  principe  tout  cordial.  C'est 
pourtant  la  seule  figure  qui  donne  quelque  idée  de  l'exécution,  instinctive 
ou  voulue,  de  cette  conception.  Et  cette  conception,  s'élevant  du  fond  le 
;plus  ténébreux  de  la  souffrance  et  de  l'ignorance  humaines  vers  un  rêve 
ide  lumineuse  et  libre  joie,  n'était  la  sublime  tristesse  du  dénouement, 
tserait  précisément  beethovénienne. 

M.  Albéric  Magnard  ^  est  plus  expansif  et  il  a  beaucoup  produit, 
touchant  déjà  à  presque  tous  les  genres  de  la  musique  :  symphonie, 
musique  de  chambre,  lied,  drame.  Les  diverses  influences  qu'il  a  pu  subir 
se  sont  très  vite  effacées.  Plus  directement  qu'aux  modernes,  on  le  ratta- 

^  Albéric  Magnard,  né  à  Paris  en  1865.  Musique  de  chambre  :  quintette  pour  piano  et  instruments  à 
vent,  sonate  pour  piano  et  violon,  quatuor  pour  archets,  trio  pour  piano,  violon  et  violoncelle,  poèmes  pour  chant 
et  piano  et  pièces  pour  piano.  Orchestre  :  Suite  dans  le  style  ancien,  Ouverture,  trois  symphonies,  Chant 
Funèbre,  Hymne  à  la  Justice,  Hymne  à  Vénus.  Théâtre  :  Yolande,  Guercœur,  Be're'nice.  Seuls  la  sonate,  le  trio,  et 
la  troisième  symphonie  (en  si  bémol),  ont  eu  plusieurs  auditions  à  Paris.  Yolande  a  été  représentée  à 
Bruxelles  en  1892.  Be're'nice  a  été  reçue  par  M.  Albert  Carré  pour  être  représentée  l'hiver  prochain  à 
l'Opéra-Comique. 


504.  s.   I.    M. 

cherait  aux  classiques,  et  jusqu'à  Gluck  et  à  Rameau.  Sans  rechercher 
aucune  innovation  harmonique,  aucune  singularité  de  tournures,  il  s'est 
constitué  cependant  un  style  à  lui,  souvent  âpre,  heurté,  comme  volontaire- 
ment dépouillé  des  agréments  qui  liattent,  enveloppent,  concilient,  mais 
extraordinairement  expressif  et  fier,  vit  et  clair  ;  un  style  sans  équivoques, 
sans  détours,  précis  et  direct,  réduit  à  l'essentiel  ;  le  style  le  plus  nettement 
et  le  plus  vigoureusement  trançais  peut-être  que  la  musique  ait  connu 
depuis  Berlioz  :  français  encore  par  son  harmonieuse  et  limpide  simplicité 
dans  les  moments  de  tendresse  ou  de  sérénité.  Une  aptitude  très  particulière 
à  l'écriture  polyphonique  caractérise  la  manière  de  M.  Magnard  :  non 
point  qu'il  la  surcharge  de  contrepoints  et  d'artifices  scolastiques,  mais  sa 
pensée  s'ordonne  naturellement  en  claires  et  vivantes  combinaisons  de 
lignes  mélodiques,  dont  chaque  inflexion  est  pleine  de  sens,  et  dont  les 
rencontres,  tantôt  moelleuses,  tantôt  cruelles,  accusent  l'expression,  si 
diverse  qu'elle  soit,  avec  la  dernière  intensité.  Pas  une  note  de  remplissage. 
Et  le  rythme,  comme  chez  M.  Dukas,  est  partout  souverain.  D'une  façon 
plus  déterminée  que  M.  Dukas  et  tout  à  fait  spéciale,  qui  s'adapte  avec 
plus  d'exactitude  et  de  mouvement  à  l'action  scénique,  au  dialogue  et  à 
l'action  intime,  M.  Magnard  introduit  dans  le  drame  des  formes  et  des 
procédés  de  musique  pure.  Il  y  apporte  moins  d'opulence  et  de  séductions 
pittoresques  que  l'auteur  à' Ariane  ;  et,  de  Gucrcœiir  à  Bérénice  nous  le 
voyons  se  rapprocher  de  plus  en  plus  de  la  tragédie,  par  la  nudité  de  l'in- 
trigue et  l'austérité  des  moyens,  la  noblesse  de  l'attitude  et  la  puissance  du 
pathétique.  De  plus  en  plus  il  élimine  l'accessoire,  et  concentre  le  drame 
en  son  noyau  moral.  Tel  est  aussi  le  drame  profond  qui  se  développe  dans 
ses  plus  belles  œuvres  de  musique  de  chambre  :  son  quatuor,  ou  sa  sonate 
pour  piano  et  violon.  Nul  esprit  de  système  n'apparaît  d'ailleurs  dans  les 
formes,  d'une  simplicité  presque  trop  accusée.  C'est  comme  l'épanchement 
immédiat  et  sans  apprêt  de  l'émotion  créatrice. 

Cette  musique  toujours  évidente,  et  tantôt  si  poignante,  tantôt  d'une 
ardeur  si  chaste  ou  d'une  vivacité  si  nerveuse;  cette  musique  m;ile  et  saine  et 
logicpiement  bâtie,  remarquable  par  l'abondance  et  la  longueur  de  l'inven- 
tion mélrxlique  autant  que  pai-  la  lichesse  psychologique,  n'aur.r.t-clle  pas 
dû,  au  pix-inicr  cnip,  se  gagner  tous  les  Cd'Ui's?  I{llc  ne  tait  [toint  d'aNniut- 
a  Tauditeui",  et  ne  nuiinge  [toint  la  motle.  Il  sullit  tpi'on  la  coiuiaisse  bien 
pour  la  préteicT  a  de  plus  prévenantes.  Mais  on  ne  la  connaît  [">oint.  A  ceux 
qui  devraient    la    laiie   connaître  elle   est  suspecte,    [ku"  son    iiulépenilance 


LA    MUSIQUE    PURE 


505 


altière.  La  dignité  du  caractère  de  M.  Magnard  et  la  sauvagerie  de  son 
existence  retirée  les  offusquent.  Ils  lui  opposent  une  inertie  à  peu  près 
générale.  Comme  s'il  fallait  qu'en  notre  époque  même  la  tradition  se 
perpétuât  au  moins  par  un  exemple,  de  l'hostilité  qu'éveille  naturellement 
chez  l'homme  l'art  le  plus  pur  et  le  plus  élevé. 

Gaston  Carraud. 


LES  I  FONDATEURS  DE  LA  SCHOLA 

Ch.  Bordes,  A.  Guilmant,  V.  d'Indy. 


'T)ehussysme 


LOUIS  LALOY 


Dessin  oriLj'ilKll  ik'  C"l.  Dilnissy  pour  l;i 
couviTtiin.' ihi  "  C'iiii.DRKNS  C\)Rm:r  " 

'  I")iiian<l  rt   HIs,  édilours). 


C'est  en  France  que  la  musique  vient  d'accomplir  son  dernier 
progrès,  non  par  l'effet  d'une  réforme  comme  celles  de  Gluck  et  de 
Wagner,  mais  par  la  seule  et  toute  puissante  persuasion  des  œuvres  que 
nous  a  données  Claude  Debussy.  Quelque  opinion  que  l'on  professe 
au  sujet  de  ces  œuvres,  il  est  certain  qu'elles  marquent  dans  l'histoire 
une  date  au  moins  aussi  importante  que  celle  des  premiers  opéras 
florentins,  qui  ont  permis  au  chant  d'exprimer  la  passion  et  ont  dégagé 
du  contrepoint  l'harmonie  ;  car  elles  ont  renouvelé,  elles  aussi,  à  la  fois 
le  sentiment  et  le  système  de  la  musique  ;  elles  en  ont  étendu  le  pouvoir, 
et  l'ont  établie  sur  de  nouvelles  lois  qu'à  vrai  dire  on  cherchait  depuis 
longtemps,  dont  on  avait  même  aperçu  quelques-unes,  sans  arriver  à  en 
saisir  l'ensemble  et  l'unité. 

Un  aussi  grand  changement  ne  pouvait  laisser  l'opinion  indifférente. 
Les  uns,  prédestinés  sans  doute,  l'ont  accueilli  comme  la  réalisation  de 
leur  plus  secrète  et  plus  chère  espérance  ;  ils  ont  reconnu  la  musique 
promise,  dont  la  prophétie  obscure  était  au  fond  de  leurs  cœurs  ;  ils  ont 
entendu  cette  voix  ;  ils  ont  compris  ce  langage  qu'ils  ignoraient  la  veille, 
et  ils  ont  été  comblés  de  joie. 

Mais  d'autres,  auprès  d'eux,  écoutaient  sans  rien  discerner  qu'un 
bruit  confus,  étrange,  pénible  même.  Bien  peu  d'entre  ceux-là  avaient 
assez  de  bonne  foi  pour  avouer  que  tant  de  nouveauté  les  prenait  au 
dépourvu,  assez  de  bonne  volonté  pour  tenter  de  s'y  accoutumer.  Un 
Rimski-Korsakov  ne  craignait  pas  de  déclarer  qu'il  "  ne  comprenait  pas 
encore,  mais  allait  étudier  et  réfléchir";  il  est  mort  avant  d'avoir  terminé 
son  étude,  mais  sa  dernière  partition,  le  Coq  d'Or,  le  montre  déjà 
familiarisé  avec  les  locutions  nouvelles.  La  plupart,  envieux  d'un  enthou- 
siasme qu'ils  ne  pouvaient  partager  sur-le-champ,  se  consolaient  en  le 
traitant  d'affectation  ou  de  folie  ;  ils  reprenaient  les  vieux  sarcasmes  qui 
d'âge  en  âge  ont  désigné  aux  huées  de  la  foule  le  crime  de  sentir  ce 
qu'elle  ne  sent  pas.  Enfin  quelques  artistes,  sans  méconnaître  le  charme 
qui  les  captivait,  refusaient  de  s'y  abandonner,  par  crainte  d'en  perdre 
la   raison.    Parmi   ceux-là   on   peut  citer   M.   Vincent  d'Indy,  qui  a  pris 


5o8  S.    1.   M. 

publiquement  la  défense  de  Pelléas  et  Mélisande^  et  recommande  à  ses 
disciples  d'admirer  Debussy  sans  l'imiter,  les  mettant  même  en  garde 
contre  le  danger  d'une  fréquentation  trop  assidue,  et  leur  prescrivant 
comme  des  antidotes  les  ouvrages  de  Bach,  de  Beethoven  ou  de 
César  Franck. 

Ce  n'est  pas  la  première  fois  que  ces  trois  factions  s'étaient  trouvés 
en  présence.  Wagner,  pour  ne  pas  remonter  jusqu'à  Gluck,  Rameau, 
Lulli  ou  Monteverde,  avait  eu,  lui  aussi,  ses  partisans,  ses  détracteurs  et 
ses  adversaires.  De  là  des  querelles  qui  n'ont  jamais  été  longues,  et  se  sont 
toujours  terminées  par  le  triomphe  des  idées  nouvelles  :  en  art,  comme 
en  politique,  les  partis  avancés  sont  assurés  de  la  victoire  après  un  certain 
délai.  Ce  qui  ne  signifie  pas  d'ailleurs  que  les  partis  de  réaction  soient 
appelés  à  disparaître  :  ils  sont  nécessaires,  puisqu'ils  existent. 

Aujourd'hui  on  ne  trouverait  plus,  même  parmi  ceux  que  Tristan 
ou  '^arsifal  accable  d'un  ennui  mortel,  un  homme  assez  dédaigneux  du 
ridicule  pour  discuter  Wagner.  Bientôt  Debussy  sera  sacré  à  son  tour. 
Déjà  on  ne  se  vante  plus  de  ne  pas  le  comprendre  ;  ceux  qui  ont  encore 
le  courage  de  lui  contester  sa  gloire  cherchent  des  arguments  qui  le 
condamnent,  et  les  trouvent  dans  la  théorie  de  Wagner,  ce  qui  revient 
à  lui  reprocher  de  n'être  pas  Wagner,  et  d'être  né  un  demi-siècle  plus 
tard;  mais  la  plupart  ont  abjuré  leur  erreur,  soit  que  la  grâce  les  ait 
touchés,  ou  que  l'amour  propre  les  engage  à  faire  les  connaisseurs.  Seuls 
résistent  encore,  parce  qu'ils  croient  défendre  ainsi  certains  principes 
absolus  de  l'art,  les  doctrinaires  qui  à  la  Schola  Cautorum  entourent 
M.  Vincent  d'Indy.  Encore  ne  sont-ils  pas  sans  accepter  eux-mêmes 
quelques-unes  des  libertés  récemment  conquises;  ils  prétendent  seulement 
en  restreindre  l'usage,  ou,  comme  ils  disent,  en  réprimer  l'abus.  Au- 
jourd'hui l'influence  de  Debussy  est  partout  sensible:  il  a  enrichi  le 
langage  musical  d'expressions  et  de  tours  qui  lui  étaient  devenus  néces- 
saires, et  dont  pas  un  artiste,  non  seulement  en  France,  mais  en  tout  pays 
du  monde,  ne  voudrait  se  priver,  pour  peu  qu'il  soit  soucieux  de  se  taire 
écouter  de  ses  contemporains.  Il  s'agit  seulement  de  savoir  quel  emploi 
on  fera  de  ce  trésor,  trouvé  par  un  seul,  et  devenu  le  bien  de  tous;  les  uns 
voudraient  sauver  le  }")lus  possible  des  règles  anciennes,  et  les  autres  aller 
toujours  de  l'avant,  a  ravciituic.  Cependant  Claude  Debussy  lui-même 
s'est  recueilli,  après  l'émoi  des  [neinicres  découvertes,  nhn  d'arriver  à  en 
tirer  tout  l'effet  dont  elles  étaient    suscefUibles.  Sa  gloire  lut  d'abord  celle 


LE   DEBUSSYSME  509 

"d'un  inventeur  ;  aujourd'hui  l'artiste  apparaît  davantage.  L'inventeur, 
ainsi  que  l'a  fort  bien  fait  observer  M.  Jean  Marnold,  avait  sa  voie 
tracée  ;  bénéficiant  des  recherches  et  des  essais  antérieurs,  il  a,  par  un  coup 
de  génie,  tiré  de  l'obscurité  la  vérité  nouvelle  que  l'on  soupçonnait  sans 
parvenir  à  la  formuler.  Mais  l'artiste  pouvait  avoir  un  tout  autre  goût  ; 
il  pouvait  même  n'en  avoir  aucun  :  l'exemple  n'est  pas  rare,  de  précur- 
seurs à  qui  la  faculté  de  mettre  en  œuvre  a  manqué.  Claude  Debussy 
a  ce  privilège  de  compter  lui-même  parmi  ceux  dont  il  fut  précurseur. 


Ce  qu'il  a  apporté  de  nouveau  dans  la  musique  se  résume  sous  un 
vocable  qui  a  beaucoup  servi  déjà,  aux  uns  d'insulte,  aux  autres  de  fière 
devise  :  c'est  le  Debussysme.  Le  Debussysme  répond  à  ce  que  fut,  pour  la 
poésie,  le  symbolisme,  et  l'impressionnisme  pour  la  peinture.  L'analogie 
n'est  pas  fortuite  :  né  en  1862,  Claude  Debussy  achevait  sa  jeunesse  au 
moment  où  ces  systèmes  triomphaient  ;  et  il  a  fréquenté  le  salon  de 
Stéphane  Mallarmé,  qui  fut  le  temple  où  l'on  en  célébrait  pieusement  les 
mystères. 

Le  symbolisme  tente  une  nouvelle  alliance  des  sens  et  de  l'esprit. 
Nos  poètes  classiques  remplaçaient  un  objet  par  une  idée  qu'ils  dévelop- 
paient ensuite  logiquement;  les  romantiques  ont  converti  ces  idées  en  des 
sentiments  qu'ils  manifestent  par  des  images  ;  les  parnassiens  sont  revenus 
à  une  description  minutieuse  des  objets,  pris  pour  eux-mêmes  et  sans 
inuUe  association  d'idée  ou  de  sentiment.  Les  classiques  sont  rationalistes; 
[«les  romantiques,  spiritualistes;  les  parnassiens,  matérialistes.  Pour  les  adeptes 
Idu  symbolisme,  au  contraire,  il  n'est  point  de  matière  sans  pensée,  ni  de 
pensée  sans  matière.  Leur  effort  sera  de  ne  jamais  séparer  par  une  analyse 
imeurtrière  ces  deux  aspects  complémentaires  de  toute  chose.  Sous  chaque 
['forme,  ils  laissent  transparaître  une  idée  ;  et  il  n'est  pas  d'idée  qu'ils  ne 
revêtent  d'une  apparence.  Calculées  et  raisonnées,  ces  transcriptions  per- 
pétuelles ne  mériteraient  que  le  nom  d'allégories;  elles  seront  symboles, 
si  elles  ont  été  révélées  par  l'intuition,  seule  égale  au  réel.  Le  poète  ne 
sera  poète  que  s'il  est  de  nature  initié  aux  analogies  qui  composent  l'uni- 
vers :  le  symbolisme  est  une  doctrine  mystique. 

Le  mot,  instrument  du  poète,  sera  lui-même  susceptible  de  deux 
acceptions  :   il    devra  figurer   un   sens,    en   même    temps    qu'il    éveillera 


5IO  S.   I.   M. 

une  sensation.  Il  est  le  point  de  rencontre  d'une  idée  et  d'un  son.  De 
même  le  vers  ne  se  contentera  pas  d'un  rythme  régulier  et  de  rimes  har- 
monieuses :  son  rythme  et  ses  rimes  ne  seront  pas  là  seulement  pour  le 
plaisir,  mais  pour  la  représentation  de  la  vie;  le  rythme  en  suivra  les  mou- 
vements :  il  sera  libre;  la  rime  en  imitera  les  nuances,  elle  sera  tour  à  tour 
vibrante  ou  étouffée,  brillante  ou  sombre,  au  lieu  de  ne  viser,  comme  chez 
les  parnassiens,  qu'à  une  banale  richesse.  Ce  qu'on  veut  tirer  du  langage, 
ce  sont  donc  les  effets  musicaux  dont  il  est  susceptible.  La  poésie,  fuyant 
la   raison,   tend  les   mains  à   la    musique.    Paul   Verlaine    demande 

Df   la   musique   avant   toute  chose. 

Selon  Stéphane  Mallarmé,  "  la  musique  et  les  lettres  sont  la  tace  al- 
ternative, ici  élargie  vers  l'obscur,  scintillant  là   avec   certitude,  du  phé 
nomène  que  j'appelai  l'idée.  "    Et    René    Ghil   écrit,  avec   des  mots,  des 
symphonies. 

Les  peintres  impressionnistes  ont  déclaré  la  guerre,  eux  aussi,  à  la 
raison  abstraite  qui  prétend  enfermer  dans  une  prison  de  contours  telle  ou 
telle  figure,  un  arbre,  un  homme,  une  maison,  pour  la  peindre  isolément 
Ils  croient  également  que  tout  se  tient  dans  l'univers  :  les  couleurs  réagis- 
sent perpétuellement  les  unes  sur  les  autres;  la  lumière  ne  peut  se  séparer 
du  milieu  qu'elle  traverse.  Ce  qu'il  faut  représenter,  ce  ne  sont  donc  pas 
des  objets  déjà  choisis  et  retirés  de  l'ensemble,  c'est  la  complexité  des 
sensations  telles  qu'elles  parviennent  à  nos  yeux;  et  si  la  représentation  est 
fidèle,  l'esprit  y  retrouvera  les  objets  par  un  effort  tout  pareil  à  celui  que 
lui  impose  la  nature.  Un  tableau  ne  sera  pas  un  paysage,  ni  une  nature 
morte,  ni  une  composition  historique  :  il  sera  une  impression  visuelle, 
fixée  sur  la  toile  sans  déformation  ni  parti  pris  d'aucune  sorte.  La  science 
a,  comme  on  sait,  aidé  beaucoup  les  impressionnistes  à  accomplir  la  tâche 
qu'ils  s'étaient  assignée  :  elle  leur  a  appris  que  la  rétine  avait  ses  illusions 
nécessaires,  donc  sa  vérité  propre,  et  que  toute  couleur  pouvait  être 
obtenue  par  la  juxtaposition  de  couleurs  simples;  ce  dernier  procédé,  quii 
est  la  division  du  ton,  est  même  souvent  d(^nné  comme  le  caractère 
distinctif  de  l'impressionnisme,  alors  qu'il  n'en  est  qu'une  conséquence. 
Mais  les  leçons  tic  la  science  n'établissent  (.ju'unc  xérité  générale  ;  elles 
irindic|uent  rien,  dans  ch;H]ue  cas  particulici' ;  c'est  le  peintre  qui  doit 
voir  avec  assez  d'acuité  [lour  deviner  la  réactic^n  mutuelle  des  ccnileurs, 
ou    résoudre   l'une   d'elles   en    ses   éléments   premiers.    Ainsi    que  l'a  écrit 


LE   DEBUSSYSME  511 

Jules  Laforgue,  "  les  arts  optiques  relèvent  de  l'œil  et  uniquement  de 
l'œil  ".  Comme  le  symbolisme,  l'impressionnisme  aboutit  à  l'apothéose 
de  la  sensation. 

La  musique  ne  fait  appel  qu'à  la  sensation.  Les  sons  qu'elle  emploie 
n'ont  aucun  sens,  ni  ne  peuvent  représenter  aucun  objet.  Il  semble  donc 
qu'elle  dût  être,  naturellement  et  dès  l'origine,  symboliste  et  impression- 
niste entre  tous  les  arts.  Il  n'en  a  rien  été,  du  moins  en  Europe,  et  depuis 
les  temps  historiques.  Le  Chinois  que  le  son  des  pierres  sonores  ou  des 
cloches  suffit  à  transporter,  l'Hindou  qui  longuement  fait  vibrer,  l'une 
après  l'autre,  les  cordes  de  son  luth  en  bambou,  le  Sénégalais  qui  caresse, 
des  heures  entières,  une  petite  harpe  si  douce  qu'il  est  seul  à  l'entendre, 
sont  des  impressionnistes  et  même  des  symbolistes  sans  le  savoir  :  ils 
entendent,  ils  sont  émus,  et  ils  rêvent.  Mais  l'Occidental  est  né  raison- 
neur. Son  premier  soin  fut  de  classer  les  sons.  Leur  hauteur,  choisie 
comme  signe  distinctif,  abstraction  faite  du  timbre  et  de  l'intensité, 
assigna  à  chacun  d'eux  une  place  déterminée,  dans  une  série  préétablie 
qu'on  appelle  gamme  :  l'invention  remonte  aux  anciens  Grecs  ;  elle  a 
duré  jusqu'à  nos  jours.  Ainsi  le  son  cesse  d'être  un  son  pour  devenir  une 
note,  c'est-à-dire  un  numéro  d'ordre  ;  à  l'entendre,  on  n'éprouve  aucune 
impression  particulière,  mais  on  le  reconnaît  pour  le  premier,  le  troisième 
ou  le  sixième  degré  d'une  certaine  gamme,  et  l'on  se  demande  si  l'un  des 
degrés  voisins  va  suivre,  ou  un  autre.  L'esprit  occidental,  effrayé  de  tout 
ce  qui  échappe  à  la  raison,  voulut  rendre  la  musique  inoffensive  en  y 
transmuant  la  sensation  en  notion.  Il  y  parvint,  avec  le  temps,  de  mieux 
en  mieux.  La  musique  grecque  a  encore  des  gammes  différentes  appelées 
modes,  et  ces  modes  sont,  comme  j'ai  essayé  de  le  montrer  ailleurs  \  irré- 
ductibles les  uns  aux  autres,  ayant  chacun  des  intervalles  propres.  Les 
modes  du  chant  grégorien,  qui  dérivent  de  ceux-là,  ne  sont  plus  déjà  que 
les  morceaux  d'une  même  gamme,  coupée  à  différents  endroits.  A  partir 
du  XVir  siècle,  cette  gamme  elle-même  n'admet  plus  qu'une  coupe 
régulière,  un  mode  normal  :  c'est  le  mode  majeur,  et  le  mode  mineur, 
seul  vestige  de  l'ancienne  diversité,  ne  compte  que  comme  une  altération 
accidentelle  du  majeur.  Au  XVIIP  siècle,  la  musique  n'est  plus  qu'un  jeu 
entre  différentes  gammes  majeures,  exactement  semblables  entre  elles, 
mais  transposées  à  des  hauteurs  différentes  :  c'est  ce  qu'on  nomme  des 
tons  ;    le  changement  de    ton  est   une    modulation  :    tout   l'intérêt   de    la 

'  Aristoxène  de  Tare7ite  et  la  musique  de  V antiquité. 


512  s.   I.    M. 

musique  appelée  classique  est  dans  la  modulation.  Les  mélodies  qu'elle 
emploie  ont  pour  mission  de  représenter  un  ton  ;  l'harmonie  qui  les 
accompagne,  de  le  spécifier  mieux,  par  des  formules  affirmatives  qu'on 
appelle  cadences.  La  musique  arrive  à  une  stylisation  intégrale,  à  une 
abstraction  géométrique.  Elle  y  arriverait  plutôt,  si  l'instinct  des  musi- 
ciens n'était  indomptable  ;  la  sensation  malgré  tout  se  glisse  parmi  la 
rigueur  du  système,  et  la  vie,  que  l'on  croyait  exterminée,  reparaît.  Ce 
qui  confère  aux  œuvres  de  Couperin  comme  de  Rameau,  de  Haydn 
comme  de  Mozart,  de  Bach  comme  de  Beethoven,  une  jeunesse  intiétris- 
sable,  c'est  ce  qu'ils  y  ont  mis  de  fantaisie  :  c'est  l'inflexion  de  la  mélodie 
que  la  gamme  n'appelait  pas,  la  suite  d'accords  que  la  logique  du  ton  ne 
suffit  pas  à  expliquer,  la  modulation  imprévue  et  charmante. 

Les  classiques  s'accommodaient  des  règles  parce  que  leur  pensée, 
toute  raisonnable,  ne  réclamait  pas,  pour  s'exprimer,  de  grandes  libertés. 
Les  romantiques  se  sont  insurgés  contre  elles,  afin  de  livrer  passage  au 
torrent  de  leurs  passions.  Ils  ont  ouvert  en  eff^et  de  larges  brèches,  mai- 
n'ont  pas  abattu  les  murailles  entières.  Avide  de  l'espace  entrevu,  leur 
musique  veut  s'y  jeter,  mais  son  élan  se  brise,  car  elle  est  encore 
enfermée.  De  là,  en  toutes  leurs  œuvres,  une  lutte  :  ce  sont  des  cris 
d'appel,  des  défis,  des  victoires,  des  accablements,  des  regrets,  dc> 
désespoirs.  Ni  Berlioz,  ni  Chopin,  ni  Schumann,  ni  Liszt,  ni  Wagner, 
ne  font  exception  :  c'est  même  chez  le  dernier  que  le  combat  prend  une 
grandeur  épique,  toutes  les  forces  nouvelles  ruées  à  l'assaut  de  la  vieille 
forteresse  qui  résiste,  inébranlable.  C'est  avec  Debussy  seulement  que 
vint  la  délivrance;  elle  fut  soudaine  et  sans  efi"'ort  ;  comme  touche- 
d'une  baguette  magique,  en  un  instant  les  remparts  s'étaient  évapores 
dans  l'air,  la  nature  s'ouvrait,  frémissante,  bruissante,  radieuse  et  sans 
limites. 

Cette  facilité  n'était  miraculeuse  qu'en  apparence.  Dès  1880  on  la 
pouvait  prévoir.  Déjà,  à  l'autre  bout  de  l'Europe,  des  musiciens  s'étaient 
évadés  de  la  forteresse  pour  courir  la  campagne  :  c'étaient  Balakirev, 
Rimski-Korsakov,  Borodine  et  Moussorgski  ;  les  deux  premiers  pitto- 
resques, épris  de  la  sonorité  jusqu'à  l'ivresse,  inventeurs  d'un  orchestre 
oîi  chacjue  note  est  une  couleur;  les  deux  autres  d(Hiés  il'une  sensibilité 
vive,  tendre  et  généreuse,  qu'ils  veulent  faire  passer  tout  entière  en  leur 
musique,  sans  nul  souci  des  règles  ;  et  le  dernier  surtout,  que  son 
ignorance  préserve  de   corriger  crheureuses  fautes  d'harmonies,  y  réussit. 


LE    DEBUSSYSME 


513 


Moussorgski   dans  ses  romances  et  dans   Boris  Godounov  est  le  précurseur 
le  plus  prochain  de  Debussy. 

Le  principe   de   la   musique   nouvelle   qui   nous  a  été   donnée,  c'est 

que   la    note   y    attire    la    note    directement,    sans    la    justification    d'une 

gamme  ;   de  même  l'accord  y  attire  l'accord  sans  cadence  ;   l'idée  y  attire 

I  l'idée  sans  contraste  ni  modulation  nécessaire.  Tout   s'y  enchaîne,  et  rien 

n'y  est  commandé  ;   c'est  une   musique  qui   n'obéit  à   nul   précepte,  mais 

aux  seules  lois  de  la  sensation  :    une  musique  purement  auditive,  comme 

la  peinture    impressionniste  est   toute  visuelle.  Elle    n'a  nul   parti-pris,   et 

fréquemment   ses    mélodies   n'emploient   d'autres  notes  que  celles  de  la 

gamme  majeure,  ses  accords  sont  ceux  d'un  ton  déterminé  :  elle  retrouve 

vi  ainsi  le  système  classique,  mais  sans  avoir  eu  l'intention  préméditée  de  s'y 

\  conformer,  et   seulement  parce  que  cette   disposition   est   celle   même   de 

sa  fantaisie.  Elle  en  retrouve  également  de  tout  autres:  on  croit  entendre 

r  tantôt    l'écho   de    modes   anciens,   ceux   du    chant    grégorien    ou    de   la 

musique   grecque,  tantôt   les  gammes  chinoises    sans  demi-tons,  puis  des 

gammes  chromatiques,  toutes  en  demi-tons,  des  gammes  par  tons  entiers, 

d'autres  encore,  avec   des  altérations,  jusqu'ici   inconnues,  du   quatrième, 

du  cinquième   et  du    septième   degré.  Mais    ce  n'est   là  qu'une   illusion  : 

cette   musique,    qui    semble    employer    tant    de    gammes    diverses,   n'en 

t  emploie  aucune.  Elle  n'a  pas  de  gammes  :  elle  n'a  que  des  mélodies. 

Son  harmonie  n'a  pas  d'enchaînements  nécessaires  :  elle  n'a  que  des 
a  accords.  C'est  dire  qu'elle  ne  connaît  que  la  consonance  et  ignore  la 
i  dissonance.  Un  accord  dissonant  est  un  accord  instable  et  provisoire, 
[qui  doit  se  résoudre  en  consonance.  Les  accords  de  cette  harmonie  ont 
t  tous  en  eux-mêmes  leur  raison  d'exister  :  ils  sont  donc  tous  acceptés 
'.comme  consonants.  M.  Jean  Marnold  a  montré  d'une  manière  irréfutable 
c  que  d'âge  en  âge  un  plus  grand  nombre  d'accords  avaient  été  admis  au 
\  nombre  des  consonances,  et  que  cette  accession  progressive  avait  suivi 
U'ordre  même  des  sons  harmoniques  :  la  quinte  fut  consonante  avant  la 
f  tierce.  Aujourd'hui  c'est  le  tour  des  septièmes  et  des  neuvièmes,  et  même 
des  onzièmes  et  des  treizièmes,  qui  représentent  les  sons  harmoniques  de 
r  même  rang.  Il  y  a  plus  :  nous  arrivons  à  une  époque  où  tout  accord, 
quelle  qu'en  soit  la  composition  et  même  si  on  ne  peut  le  réduire  à  des 
;  sons  harmoniques,  pourra  compter  comme  consonance.  Un  accord  n'a 
i  plus  aucune  preuve  à  nous  fournir  de  sa  légitimité  ;  c'est  une  sonorité, 
qui,    bien    employée,    contentera    pleinement    notre    oreille,    sera    donc 


514  S.   I.    M. 

justifiée.  De  la  combinaison  des  sons,  un  autre  son  d'ensemble  résulte, 
comme  de  la  juxtaposition  des  couleurs,  une  autre  couleur. 

De  tels  accords  se  suivront  comme  se  suivent  les  aspects  du  ciel  ou 
les  émotions  de  notre  cœur.  Et  l'œuvre  entière  n'aura  pas  d'autre  unité  : 
les  mélodies  y  seront  unies  d'une  parenté  secrète,  et,  au  lieu  de  lutter 
entre  elles  par  jeu,  comme  dans  la  musique  classique,  elles  paraîtront 
l'une  après  l'autre  comme  des  sœurs  qui  se  tiennent  par  la  main, 
différentes  de  visage  et  pourtant  inséparables.  L'œuvre  ne  sera  justifiée 
que  par  elle-même  ;  elle  portera  en  elle  la  raison  intérieure  de  ses  détails 
et  de  ses  accidents;  elle  sera  créatrice  de  sa  propre  forme. 

En  une  telle  musique,  rien  n'est  mis  pour  la  svmétrie,  le  contraste, 
ou  l'ornement.  Chaque  note  est  sensation  ;  partout  la  vie  affleure.  Mais 
la  poésie  symboliste  lui  a  communiqué  le  respect  du  mystère  :  elle  aurait 
honte  de  se  livrer.  Ses  mélodies  ne  se  détacheront  pas  en  pleine  lumière, 
une  buée  d'harmonie  les  protégera  ;  et  sitôt  apparues,  elles  s'effaceront, 
craintives  de  s'être,  en  un  instant,  trahies.  C'est  une  musique  d'allusion, 
d'indication,  pareille  elle-même  au  symbole  d'une  autre  musique,  à 
jamais  indicible,  car  elle  découvrirait  l'existence  jusqu'à  ses  racines. 

Telle  est  la  délicatesse  inouïe  où  par  degrés  Debussy  amena  son  art, 
illustrant  les  Ariettes  oubliées  (1888)  et  les  Fêtes  gci/antes  (1892)  de 
Verlaine,  les  Proses  lyriques  (1895),  sur  ses  propres  paroles,  les  Chansons 
(le  Bilitis  (1898)  de  Pierre  Loiiys,  écrivant  le  Quatuor  à  cordes  (1894), 
le  Prélude  a  Pavres-jnicli  d'un  Faune  (1894),  inspiré  par  le  poème  de 
Mallarmé.  Les  chefs-d'œuvre  du  genre  sont  les  Nocturnes  (1899),  et  le 
drame  de  Pelléas  et  Mélisande^  sur  le  texte  de  Maeterlinck,  représenté  à 
rOpéra-Comique  le  30  avril  1902.  Les  Nocturnes  sont  trois  tableaux  d'or- 
chestre comme  il  n'en  avait  jamais  été  tenté  :  Nuages,  Fêtes  et  Sirènes  s'v 
évoquent  non  par  eux-mêmes,  mais  seulement  par  la  vibration  de  l'air,  le 
frémissement  de  la  lumière  ;  des  objets,  seule  l'enx  clc^pjK'  est  gardée  ;  plus 
rien  de  matériel,  d'opaque,  d'immobile:  des  reHets  changeants,  des  clartés 
qui  passent,  aux  confins  du  rêve  et  de  la  réalité.  Dans  Pelléas  et  Mélisande. 
le  musicien,  prolongeant  la  pensée  du  poète  bien  au-ilclà  îles  mots  illu- 
soires, fait  apparaître,  au  fond  des  cœuis,  le  dcsir  iiicoiiiui  qui  s'v  cache, 
ignorant  raison  et  devon'. 

()n  connaît  le  destin  de  l'ouvrage  :  l'irc^iie  presque  unanime  de  la 
critic]ue,  les  [)rotestatioiis,  les  rires,  à  la  répétiticMi  générale  et  nu\  premieies 
représentations,  puis,  quand  fut  admis  enfin  le  public  qui  aime  la  musique 


LE   DEBUSSYSME  515 

:t  n'est  jamais  invité,  l'attention,  le  recueillement,  l'émotion  profonde,  les 
icclamations  sans  fin  et  le  succès  qui  jusqu'à  ce  jour  ne  s'est  pas  démenti. 
La  victoire  du  Debussysme  était  définitive. 


t-   * 


Mais  justement,  à  cette  date,  symbolisme  et  impressionnisme  ne 
régnaient  plus  sans  partage  :  on  commençait  à  s'apercevoir  que  l'art  était 
devenu  un  instrument  d'une  délicatesse  merveilleuse,  mais  qu'à  cet  instru- 
ment on  pouvait  demander  mieux  que  l'exactitude.  Le  premier,  Gauguin, 
au  lieu  de  rivaliser  avec  la  nature,  se  l'était  soumise,  par  l'autorité  de  ses 
figures  sans  détails,  dont  les  contours  résument,  et  de  ses  franches  couleurs, 
dont  l'harmonie  est  plus  riche  d'avoir  supprimé  les  nuances.  Un  aussi  fier 
exemple  ne  devait  pas  être  perdu  :  ce  qu'on  a  désormais  demandé  à  un 
peintre,  ce  n'est  plus  tant  de  fixer  l'aspect  fortuit  d'un  instant,  que  d'éta- 
blir des  rapports  stables,  qui  ne  dépendent  pas  de  la  ressemblance.  L'artiste 
1  recouvré  son  droit  d'interprétation  ;  il  l'a  hautement  affirmé  :  aujourd'hui 
il  pousserait  le  parti-pris  jusqu'à  l'absurde,  plutôt  que  d'abdiquer  devant 
['objet. 

La  littérature  s'est  refusée,  elle  aussi,  à  subir  tous  les  caprices  du 
sentiment.  Elle  a  voulu  éliminer  ce  qui  n'appartient  qu'à  l'histoire  parti- 
culière d'une  conscience,  garder  au  contraire  ce  qui  manifeste  une  loi  de 
la  vie.  Le  maître  de  nos  jeunes  poètes,  aujourd'hui,  n'est  plus  Mallarmé, 
mais  Paul  Claudel,  dont  ils  admirent  avec  raison  le  style  sans  retours,  aux 
phrases  de  pierre  dure.  Mais  la  vérité  plus  générale  que  l'on  cherche  ainsi 
n'est  pas  une  vérité  de  raison,  comme  aux  siècles  classiques  :  c'est  une 
vérité  d'intuition,  de  celles  que  le  symbolisme  a  su  atteindre,  dégagée 
seulement  des  apparences  qui  la  voilaient. 

La  musique  ne  pouvait  échapper  à  ce  tourment  de  l'essentiel.  Les 
Nocturnes  et  Pelléas  sont  des  œuvres  qui  nous  resteront  chères  à  jamais 
parce  qu'elles  traduisent,  mieux  que  tous  les  vers  des  poètes  et  tous  les 
tableaux  des  peintres,  le  jeune  enthousiasme  de  ces  temps  où  l'on  dé- 
couvrait des  régions  inconnues  de  l'existence  ;  ce  qui  nous  les  rend  plus 
chères  encore,  c'est  que  jamais  elles  ne  seront  recommencées.  Lee  senti- 
nents  qu'elles  nous  ont  apportés  ne  seront  pas  perdus  ;  mais  le  trouble 
-t  l'incertitude  du  premier  instant  ne  se  retrouveront  plus.  Ce 
monde  que   d'abord    nous    osions    à    peine    contempler  doit   aujourd'hui 


5i6  S.   I.    M. 

fournir   à    Tartiste    la   matière  dont   il   construira   un   autre    monde,   plus 
solide  et  plus  défini.  C'est  de  quoi  Claude  Debussy,  le  premier,  s'est  avisé. 

C'est  dès  1904  que  l'on  a  pu  remarquer  un  changement  dans  sa 
manière.  A  cette  date  ont  paru  trois  romances  sur  des  poèmes  de  Verlaine, 
qui  forment  le  second  recueil  des  Fêtes  galantes  ;  dans  la  deuxième  de  ces 
romances,  le  piano,  au  lieu  d'envelopper  le  chant  d'une  vibration  d'ac- 
cords, se  contente  d'égrener  une  ritournelle  mélancolique,  à  l'imitation 
de  la  flûte,  sur  le  rythme  étouffé  d'une  danse  lointaine  ;  dans  la  troisième 
(Colloque  sentimental)^  l'harmonie  qui  accompagne  ce  dialogue  d'oubli 
repose  sur  une  seule  note  constante,  dont  le  battement  morne  dit  mieux 
que  toute  modulation  la  tristesse  de  ce  qui  n'est  plus.  Cette  même  année, 
trois  Chansons  de  France^  sur  des  paroles  de  Charles  d'Orléans,  atteignaient, 
par  des  lignes  plus  simples  encore,  à  l'élégance  fière  et  résistante  du 
poète.  L'année  suivante,  ce  fut  un  recueil  de  trois  pièces  pour  piano, 
dites  Images^  dont  les  premières  montrent  un  style  aussi  souple  et  fleuri 
que  les  Estat?îpes^  de  1903  ;  mais  la  dernière  f Mouvement)  se  satisfait  dt 
combiner  de  perpétuels  triolets  avec  un  thème  bref  et  sauvage.  En  190^ 
aussi  parut  la  Me?-  :  ce  sont  trois  esquisses  symphoniques,  dont  la  première 
idée  remonte  à  1903  ;  ici  la  mélodie  est  sans  réticences,  et  l'harmonit 
forme  ses  accords  par  la  combinaison  de  motifs  définis,  selon  le  principe 
du  contrepoint  ;  mais  ni  l'une  n'est  astreinte  à  la  gamme  majeure,  n 
l'autre  à  la  cadence  parfaite  :  leur  volonté  seule  les  conduit. 

En  1907  paraissait  un  second  recueil  d'Lnages  pour  le  piano,  doni 
la  seconde  accomplit  ce  que  l'on  croyait  interdit  aux  temps  modernes 
une  musique  entièrement  mélodique.  11  n'y  a  plus  ici  un  chant  qu 
s'appuie  sur  des  accords,  comme  aux  âges  classique  et  romantique,  ni  qu 
en  émane,  ainsi  que  dans  l'art  symboliste.  Sous  ce  titre.  Et  la  lune  descem 
sur  le  temple  cjui fut^  le  sommeil  d'un  vaste  paysage,  que  des  rayons  inter 
mittents  caressent  et  consolent,  est  évoqué  par  une  mélodie  si  soutenue 
qu'elle  se  passe  de  tout  appui  extérieur.  C'est  un  chant  qui  s'élève  et  S( 
prolonge,  isolé  dans  l'espace  muet  qui  l'écoute  ;  mais  ce  chant  est  lui 
même  tracé  par  des  accords  ;  ce  n'est  pas  une  ligne,  c'est  une  figure  plein( 
où    le    musicien,  sculpteur  des  sons,  a  condense  toute  la  \'ie  eparse  alentcnii 

lMif]ii,  en  i9oH,le  [K'tit  recueil  [tour  enfants,  Cliildrc/is  (>;/7/(V,  traçait 
avec  (le  telles  mélodies,  de  délicates  miniatures,  et  île  nouvelles  Chanson 
de  Charles  (POrléans  en  composaient  des  chd-urs,  d'une  grâce  auss 
nerveuse  que  les  modèles  de  la  Renaissance,  mais  plus  tendre. 


LE    DEBUSSYSME  517 

Ces  œiu^res  étaient  messagères  d'une  forme  nouvelle,  plus  solide  que 
celles  dont  usait  le  dehussysme  ;  mais  de  cette  forme,  l'artiste  n'était  pas 
encore  entièrement  le  maître.  Il  la  devinait,  l'approchait,  parfois  la 
rencontrait  pour  la  perdre  de  nouveau.  D'où  une  certaine  application  qui 
faisait  contraste  avec  l'ingénuité  première,  et  de  temps  à  autre  de  légères 
inégalités  de  style,  qui  surprenaient  chez  un  écrivain  si  sûr,  donnant  aux 
uns  l'espoir  et  aux  autres  l'inquiétude  d'une  prochaine  défaillance  de  son 
génie  ;  mais  quelques-uns  comprenaient  qu'ayant  quitté  le  sûr  refuge  de 
la  manière  qu'il  avait  instituée,  et  que  déjà  on  imitait  avec  zèle,  il  cher- 
chait à  réaliser  une  idée  de  beauté  mûrie  par  son  esprit  ;  et  ils  lui  faisaient 
confiance.  Leur  espoir  n'a  pas  été  déçu,  car  cette  année  même,  coup  sur 
coup  nous  sont  venues  des  compositions  que  cette  beauté  anime  tout 
entières,  sans  un  instant  de  trouble,  d'hésitation,  sans  retouche  ni  repentir, 
ce  sont  les  deux  poèmes  symphoniques,  Iberia  et  Rondes  de  ^rmtemps,  les 
Douze  préludes  pour  piano,  et  Xd. -Rhapsodie  pour  piano  et  clarinette. 

Iberia  se  divise  en  trois  parties,  dont  les  deux  dernières  se  jouent  sans 
interruption,  et   les   trois  sont  reliées  ensemble   par  le  retour  de  quelques 
mélodies.  Car  il  y  a  ici  des  mélodies  non  seulement  achevées,  mais  qui  se 
développent,  engendrant   autour  d'elles,  fécondes,   d'autres   mélodies,  qui 
s'entrecroisent  sans  voiler  la  mélodie  principale,  tronc  robuste  d'un  arbre 
hluxuriant.  Et  pour  cette  raison  elles  se  répètent,  sous  des  aspects  toujours 
[^nouveaux  :  deux  d'entre  elles,  sauf  les  rappels  accessoires,  suffisent  à  occu- 
per l'un  des  morceaux  tout  entier.  C'est  ici  le  contraire  de  l'indication  : 
partout  le  chant  en  relief,  la  phrase  qui  affirme,  le   rythme  qui   entraîne. 
Et  de  quelle  souplesse  pourtant  cette  netteté  est  susceptible,  c'est  ce  que 
'montre   l'épisode   central,   Parfums  de  la  nuit^  contemplation  suave  où  les 
«idées  émanent  des  lointains  diffus,  s'approchent,  se  précisent,  s'évanouissent, 
-et   reviennent,   transfigurées   par   une  variation   intérieure  qui   en   change 
>tous  les  détails  et  en  garde  le  sentiment.  Par  un  secret  instinct  de  l'ordre, 
^ces  idées  se  disposent   à   peu  près   comme  un  couplet  qui   serait  compris 
entre    deux    refrains,    mais     se    lient    entre  elles    d'un    progrès    ininter- 
'rompu,  et,   quand   reparaît   la    première,    tout   a   pris    un   nouvel    accent 
Ide  voluptueuse  tristesse  :   ainsi   la  vie  partout  accompagne   l'équilibre,  ou 
^plutôt  l'engendre  d'elle-même,  comme  en  un  monde  surnaturel  où  l'har- 
ïmonie  serait  un  attribut  de  l'existence. 

Les  Rondes  de  printemps^  plus  hardies  encore,  développent   une  seule 
pidée,  qui  passe  et  court  parmi  de  claires  frondaisons  mélodieuses,  jusqu'à  une 


5i8  S.   I.    M. 

danse  hors  d'haleine  qui  tournoie  un  instant,  puis  se  calme  et  se  disperse 
dans  l'air  léger  :  et,  l'orchestre  lui-nième  avant  répudié  l'éclat  des  cuivres, 
c'est,  avec  des  tons  plus  lumineux  cependant,  la  grâce  vaporeuse  et 
cependant  précise  d'un  paysage  de  Corot. 

Les  Préludes  sont  des  morceaux  de  tantaisie  qui  peuvent  évoquer, 
par  exemple,  les  Danseuses  (le  Delphes^  le  Vent  dans  la  plaine  ou  les  Pas 
su?-  la  neige^  sans  toutefois  que  ces  assimilations  aient  rien  de  nécessaire, 
chacun  d'eux  associant  ses  idées  par  des  raisons  avant  tout  musicales  ;  et 
c'est  pourquoi  les  titres,  très  ingénieusement,  ont  été  placés  à  la  fin  :  ce 
qu'on  entend  d'abord,  c'est  une  composition  musicale;  après  quoi  on  peut 
se  plaire  à  l'illustrer  de  telle  ou  telle  image.  Ces  préludes  différent  de  ce 
qu'un  a  écrit  jusqu'ici  sous  ce  titre  en  ce  qu'ils  ne  se  contentent  pas  de 
méditer  sur  un  seul  motif:  la  construction  en  est  plus  complexe,  et  dans 
chacun  l'on  distingue  une  mélodie  principale,  qui  s'expose  et  revient, 
parfois  même  à  plus  d'une  reprise,  après  avoir  reçu  la  réplique  d'autres 
mélodies.  Ce  sont  les  œuvres  les  plus  parfaites  que  l'auteur  ait  écrites 
jusqu'à  ce  jour  pour  le  piano  :  on  n'y  trouve  pas  l'exubérante  ornementa- 
tion des  pjstampes^  ni  la  nudité  parfois  un  peu  exsangue  des  secondes 
Images^  mais  une  musique  toute  d'émotion,  qui  ne  se  prive  ni  de  larges 
accords  ni  de  figurations  rapides  et  variées,  toujours  exactement  arrêtée 
au  point  en  deçà  duquel  l'expression  serait  incomplète,  tandis  qu'au  delà 
c'est  la  virtuosité  qui  commence. 

Enfin  la  Rhapsodie  pou?-  clarinette  est  un  morceau  d'une  richesse 
incomparable,  où  les  idées  naissent  l'une  de  l'autre,  rêveuses,  carevssantes, 
passionnées  et  d'un  enjouement  mélancolique  tour  à  tour,  t(Hites  chaleu- 
reuses, selon  le  caractère  lie  l'instrument  et  comme  si  elles  iailli>saient 
d'un  même  foyer  immortel, 

A  ces  compositions,  d'autres  teront  suite  :  on  peut  tlcja  citer  ileux 
mélodies  sur  des  fragments  de  Tristan  Lhermite,  et  trois  autres  sur  des 
ballades  de  Villon,  d'une  beauté  grave  et  conteiuie.  Le  temps  est  veiui  où 
Claude  Debussy,  après  avoir  rendu  la  musique  capable  de  traduire  des 
impressions  inexprimables  )us(.|u'ici,  dispose  de  tes  éléments  selon  la 
vr)lonté  de  son  esprit.  C'est  donc  au|ourd'liui  que,  le  de[\u"t  étant  tait  de 
tout  ce  (.ju'il  ;(pportait  avec  lui  (riiiouY,  on  peut  detei'iniiier  .1  cjuelle  i"ace 
d'artistes  il  appartient  :  c'est  a  la  [tlus  [niic  de  toutes,  celK'  qui  n'est 
capable  en  son  art  cpie  d'amcnir,  ignorant  la  haine,  le  combat,  le  con- 
traste, la  violence    et    la    laideur.   Parmi    les    musiciens,     )osquin    de    Prés, 


LE    DEBUSSYSME 


519 


Piilestrina,  François  Couperin,  Haendel,  Mozart  en  furent,  et  c'est  du 
dernier  surtout  que  Debussy  se  rapproche,  par  un  égal  privilège  d'inno- 
cence et  de  clarté  :  l'un  et  l'autre  ont  pouvoir  de  répandre  sur  tout  ce 
qu'ils  touchent  une  sérénité  limpide,  et  d'elle-même  leur  pensée  monte 
vers  la  paix  et  la  joie.  Ceux  qui  parlent  du  divin  Mozart  pourraient  fort 
bien  appliquer  la  même  louange  au  musicien  moderne  ;  inutile  de  dire 
que  pour  la  plupart  ils  s'y  refusent  avec  indignation.  Et  non  seulement 
ces  peu  clairvoyants  défenseurs  d'une  tradition  qu'ils  croient  morte,  et 
qui  revit,  non  seulement  les  wagnériens  qui  énoncent  les  théories  de  leur 
maître  comme  des  articles  de  foi,  ou  les  disciples  de  M.  d'Indy  qui  se 
cuirassent  d'austérité,  mais  même  un  certain  nombre  de  debussystes,  réser- 
vent une  admiration  qu'il  semblerait  aisé  d'accorder  à  une  musique  bien 
plus  régulière  et  explicite  que  celle  des  premières  œuvres  ;  on  croirait 
qu'ils  en  veulent  à  l'artiste,  comme  d'une  trahison,  d'avoir  dépassé  la 
définition  qu'ils  s'en  étaient  donnée  :  ils  avaient  fait  un  premier  effort,  et 
considérable,  pour  le  comprendre  ;  on  n'obtiendra  plus  rien  d'eux  désor- 
mais. Ils  s'en  tiennent  aux  Nocturnes^  et  se  croient  quittes  envers  Debussy, 
lorsqu'ils  ont  écrit  ce  titre  à  un  de  leurs  programmes.  Les  Nocturnes  sont 
de  merveilleux  poèmes  en  effet,  mais  se  placent  au  début  d'une  carrière 
féconde  et  par  le  nombre  des  œuvres  et  parce  que  chacune,  comparée  à 
celles  qui  précèdent,  est  nouvelle.  Combien  il  eût  été  facile  à  l'auteur, 
après  ses  premiers  succès,  d'arriver  jusqu'à  la  popularité,  en  passant  le 
reste  de  ses  jours  à  se  copier  soi-même  !  Il  faut  lui  pardonner:  la  sincérité 
n'est  pas  chez  lui  une  vertu  ;  c'est  une  nécessité. 

Louis   Laloy 

Critique  musical  de  la  Grande  Re--uue. 


FACULTE    NATIONALE 

DE 

MUSIQUE 


C»> 


DISTRIBUTION    DES    PRIX 

(ANNÉE  SCOLAIRE  2011-2012) 


ALLOCUTION  PRONONCEE  PAR  LE  DELEGUE  SYNDICAL 

DES   PROFESSEURS. 

Mes  chers  amis, 

Avant  de  cueillir  les  lauriers  qui  turent  l'objet  de  vos  généreuses 
luttes,  lauriers  dont  la  conquête  suscite,  chaque  année,  dans  vos  rang>, 
une  si  magnifique  émulation,  avant  de  vous  élancer  vers  la  mer,  la  plaine, 
la  montagne  ou  les  champs  aériens  pour  retremper  dans  la  bienveillante 
nature  votre  énergie  affaiblie  par  un  hiver  laborieux,  permettrez-vous  a 
un  vieillard  ne  s'intéressant  plus,  hélas,  qu'au  passé,  d'immobiliser  quel- 
ques instants,  ô  jeunesse  impatiente  et  intrépide,  l'essor  de  votre  pensée 
si  prompte  à  déchiffrer  l'énigme  du  tutur  ? 

Vous  ignorez,  sans  doute,  que  nous  célébrons  cette  année  un  anni 
versaire.  Nous  fêtons  un  centenaire  :  celui  de  la  vénérable  bâtisse  qui  n()u> 
abrite.  C'est  en  191  i,  en  effet,  que  notre  Faculté  de  nuisique,  désignée 
alors  sous  le  nom  de  Conservatoire,  quitta  la  baraque  vermt)uluc  qui  lui 
servait  d'asile  dans  un  sordide  faubourg,  aujourd'hui  tiis[>ai-u,  le  taubmnu 
des  Poissonneries,  pour  venir  s'installer  dans  ces  immeubles  de  la  rue  lic 
Madrid  dont  l'exiguité  et  l'incommodité  n'ont  pas  tardé,  à  leur  tour,  .1 
devenir  légendaires. 

Un  siècle  a  passé  sur  ce  nouvel  autel  de  nos  [nuivres  dieux  lares, 
un  siècle  a  passé,  modifiant  profondément  les  êtres  et  les  choses,  boulever- 
sant de  ses  coups  d'état  successifs  le  royaume   des  mcrurs  et  la  république 


EN    L'AN    20T2  521 

des  idées.  Un  monde  de  sensations  nouvelles  et  de  concepts  rajeunis  nous  a 
rapidement  séparés  de  ces  hommes  du  siècle  dernier  dont  nous  ne  devinons 
les  véritables  tendances  que  par  un  effort  assez  hasardeux  de  rétrospection 
psychologique.  C'est  pourtant  à  cette  aurore  du  XX"'"  siècle  que  je  prétends 
vous  ramener  aujourd'hui,  c'est  parmi  les  artistes  qui  en  furent  l'illustra- 
tion que  je  veux  choisir  les  exemples  propres  à  exalter  vos  jeunes   imagi- 

t  nations,  c'est  en  feuilletant  cet  intéressant  chapitre  de  l'histoire  de  notre 
art  que  je  souhaite  découvrir,  pour  l'ornement  de  vos  consciences,  une  de 
ces  précieuses  leçons  dont  est  si  prodigue  le  passé. 

La  période  que  j'évoque  est  digne  de  votre  curiosité  ;  notre  art 
national  a  vécu   là  une  des  heures   passionnées  de  son  printemps.    Mais  il 

i  faut,  pour  en  apprécier   l'intensité   et  le  pathétique,   se  placer  dans  l'état 

i  d'esprit  qui  fut   celui  de  nos   arrière-grand-pères  et  analyser  l'atmosphère 

'  intellectuelle  qu'ils  respirèrent. 

On  était  à  l'agonie  de  la  troisième  République,  à  cet  instant  d'an- 
goissant malaise  social  où  une  oligarchie   financière  élevait  désespérément 

(  de  puériles  digues  de  sable  contre   l'irrésistible  flux  de   la  marée  syndica- 

^  liste.  Le  travail  traquait  partout  le  capital.  On  était,  en  outre,  en  pleine 
crise  morale  et  religieuse.  La  séculaire  empreinte  de  la  philosophie  catho- 
lique s'effaçait  lentement  de  la  conscience  humaine  et  les  plus  douloureux 
conflits  de  croyances  divisaient  les  familles.  Goûtez,  je  vous  prie,   le  sym- 

j  bolisme  tout  extérieur  que  nous  ofFrent  ces  villes,  déjà  modernisées  sous 
la  baguette  des  premières  fées  scientifiques  penchées  sur  leur  berceau, 
villes  d'art,  cités  industrielles,  ports  de  commerce,  dominés  par  la  masse 
anachronique  des  cathédrales  désertes  dont  les  flèches  dressées  vers  le  ciel 
n'éternisent  plus  l'auguste  vision  d'un  geste  de  prière  mais  évoquent 
seulement  pour  les  imaginations  irritées  les  oreilles  pointues  d'un  gigan- 
tesque bonnet  d'âne  posé  sur  la  stupidité  d'un  peuple  1... 

La  sensibilité  des  artistes  était  à  vif  et  l'inquiétude  de  l'heure  exas- 
pérait sourdement  ces  grands  enfants  impressionnables.  Cet  état  fiévreux, 
d'ailleurs,  ne  leur  était  pas  pernicieux  et  entretenait  même  une  sorte 
d'excitation  singulièrement  favorable  à  leurs  facultés  créatrices.  La 
musique  était  toute  vibrante  encore  du  souvenir  de  deux  beaux  songes  : 
mal  éveillée  de  l'héroïque  cauchemar  wagnérien  elle  s'était  voluptueuse- 
ment abandonnée  à  l'ensorcellement  du  doux  rêve  debussyste  mais  cette 
double  sidération  n'avait  pas  provoqué  de  dangereuse  hypnose.  Rappelés, 
par  un  chant  de  sirène,  au  sentiment  de  leur  noblesse  ethnique,  à  l'orgueil 


S22 


S.   I.    M. 


de  la  pureté  de  leur  race,  les  jeunes  compositeurs  français,  en  pleine 
ferveur  d'internationalisme  politique  et  social,  concevaient  la  beauté  d'un 
nationalisme  musical  supérieur.  Renouer  les  deux  extrémités  flottantes 
du  mystérieux  fil  d'Ariane  que  constitue  une  tradition  artistique,  fil  con- 
sidéré comme  rompu  depuis  Rameau,  devint  la  touchante  ambition, 
avouée  ou  inconsciente,  de  toute  une  génération  révolutionnaire.  Nous 
savons  trop,  en  effet,  que,  malgré  toute  leur  bonne  volonté,  malgré  leurs 
littéraires  élans  vers  l'unité,  l'adaptation  et  l'harmonie,  les  artistes  de  tous 
les  temps  n'ont  jamais  su  s'inscrire  dans  la  logique  d'une  époque.  Les 
contradictions  se  multiplièrent  bientôt  ;  dans  un  milieu  évoluant  vers  le 
communisme,  favorable  à  toutes  les  tendances  corporatives  et  universa- 
listes,  l'art  s'orienta  vers  l'individualisme  le  plus  exaspéré.  Chaque  com- 
positeur eut  sa  technique  et  créa  ses  formes.  Ce  fut  une  recherche  ardente, 
systématique,  et  par  là  même  souvent  stérile,  de  l'inédit  et  de  l'inouï,  ce 
fut  une  débauche  de  "  métier  "  une  orgie  de  talent,  une  dépense  déraison- 
nable de  subtilité  verbale,  une  folie  d'écriture  artiste,  plus  impressionnan- 
tes, hélas,  pour  les  auditeurs  d'alors  que  pour  nous  qui  trouvons  bien 
timides  et  bien  anodines  ces  frasques  sonores  de  nos  bisaïeuls. 

Le  résultat  immédiat  ne  pouvait  être  douteux  :  la  pauvre  humanité  se 
révolta,  se  boucha  les  oreilles  et  cria  au  meurtre.  Honorable  scandale,  mes 
chers  amis  !  Un  art  qui  recevrait,  au  jour  de  sa  naissance,  le  baptême  du 
suffrage  universel  serait  singulièrement  suspect.  Le  consentement  unanime 
des  peuples  était  dans  l'antique  théologie,  un  argument  en  faveur  de 
l'existence  de  Dieu  :  il  n'en  tut  jamais  un  en  faveur  de  l'existence  d'un 
art.  L'incompréhension  publique  est  un  hommage  délicat,  un  certificat 
d'originalité  et  de  distinction  dont  peu  de  musiciens  accepteraient  d'être 
frustrés.  De  tout  temps,  vous  le  savez,  les  hommes  ont  oppose,  instincti- 
vement, à  la  Beauté  une  résistance  impie  ;  la  banale  accoutumance  par- 
vient seule,  sournoisement,  à  les  désarmer  sans  qu'ils  s'en  doutent.  Le 
curieux  mouvement  musical  du  siècle  denfier  ne  pcnixait  cchappei'  à  cett> 
loi  d'airain,  mais  la  sottise  des  nations  lui  fit  vraiment  Woy  Imniie  mesure. 
La  clf)ison  cpii  sépare  généralement  les  ciéateurs  tles  auditeurs  ne  t"ut 
jamais  plus  étanche  qu'à  cette  époque.  Ce  renouveau,  cette  riche  efier- 
vescence, cette  fioi'aison  si  spontanée  crinnombi'ables  taK-nts  n'enicrx  eillei'ent 
personne.  Pendant  que-  l.i  foule  ric;uiait  st  upidenuiii,  les  brigades  centrales 
de  la  ci-ititjue  sabraient  joyeusement  ces  manifestants.  Tout  le  monde  se 
mit  de  la  [">artie.   Lu  romancier  du    temps  (]in   pratiquait    aussi  la  musico- 


EN   L'AN    201  2  523 

graphie  —  le  cas  était  alors  extraordiiiairement  fréquent  —  fit  une  sati- 
rique peinture  de  ce  milieu  d'art  et  l'intitula  "  La  Foire  sur  la  place  ". 
C'était   résumer  assez   fidèlement  l'impression    de  confusion,   de   désordre, 

.  de  mercantilisme  et  de  bruit  ressentie  par  l'âme  simpliste  du  public  mais 
c'était,  en  vérité,  manquer  singulièrement  de  clairvoyance.  L'événement 
se  chargea  de  le  démontrer  mais  un  tel  état  d'esprit  n'était  pas  exception- 
nel chez  les  écrivains  de  l'époque. 

Il   ne   faut   pas   oublier,    d'ailleurs,    qu'au    début    du   XX"""  siècle   la 

r  critique  musicale  était  organisée  d'une  façon  étrangement  paradoxale.  En 

[matière  de  musicologie  l'autorité  croissait  en  raison  inverse  de  la 
compétence.  Sous  l'ingénieux  prétexte  que  Monsieur  Josse  ne  saurait 
parler    convenablement    d'orfèvrerie    on    s'accordait    à    préférer    à    l'avis 

(tendancieux  d'un  compositeur  le  sentiment  désintéressé  d'un  journaliste 
vierge  de  toute  éducation  musicale  et,  partant,  de  tout  préjugé.  L'igno- 
rance apparaissant  à  tous  comme  une  précieuse  garantie  d'impartialité  fit 
bientôt  prime  dans  les  gazettes.  Sous  la  conduite   de  guides  aussi  ingénus 

1  l'opinion  publique  ne  tarda  pas  à  perdre  pied  dans  sa  difficile  ascension 
vers  le  Beau.  Avec  la  meilleure  foi  du  monde  on  porta  des  jugements 
absurdes  et  l'on  rendit  des  arrêts  scandaleux.  Toute  une  jurisprudence 
révoltante  d'injustice  se  constitua  peu  à  peu  et  s'imposa  partout  :  on  croit 
rêver  en  lisant  les  "considérant"  et  les  "attendu"  élaborés  par  les  plus 
illustres  de  ces  magistrats  de  l'esthétique. 

Songez  qu'on  déplorait  alors,  couramment,  la  dégénérescence  de  l'art 

i  national  et  l'impuissance  des  nouvelles  générations.  Un  délicat  poète  — 
dont  la  plus  grande  ambition  était,  naturellement,  de  jouer  les  législateurs 
au  parlement  de  la  double  croche  —  écrivait  en  19 10:  "Nos  jeunes 
compositeurs  s'adonnent  à  l'esthétique  du  souffle  court...  la  musique 
actuelle  manque  absolument  de  puissance elle  est  petite,  elle  est  toute 

{petite mon  Dieu,  qu'elle  l'est  donc  !  Sans  doute  ses  auteurs  la  font  ainsi 

pour  la  faire  avec  soin,  mais  vraiment,  à  ce  point  !...."  et  l'aristarque 
porte-lyre  stigmatisait  vertueusement  "  la  mode  très  répandue,  élégante  et 
dangereuse,   de  l'aversion    pour   l'œuvre    de  vastes   dimensions,    pour    la 

L grande  machine".  Et  chacun  de  généraliser,  doctement  ! 

Vous  avez  bien  entendu?  Voilà  ce  qu'osaient  dire  les  contemporains 

!  de  Florent  Schmitt,  du  "  Père  Schmitt  "  comme  vous  le  désignez  avec 
une    affectueuse    familiarité,    de   ce   prolifique   ancêtre  dont  les  partitions 

I  couvrent    des    rayons    entiers   de   notre   Bibliothèque,    de   ce    formidable 


524  S.    I.   M. 

polygraphe  pour  lequel  on  a  dû  établir  un  catalogue  spécial  et  qui  avait 
la  passion  germanique  du  colossal!  Et  pourtant,  ils  avaient  pu  entendre  son 
Quintette  géant,  son  Psaume  XLVI,  premier  feuillet  de  ce  monumental 
Psautier  écrit  pour  tout  un  peuple  de  chanteurs  et  d'instrumentistes  par 
un  rude  gaillard  atteint  de  boulimie  auditive,  qui  faisait  ajouter  des  notes 
supplémentaires  à  ses  pianos  et  avait  besoin  de  six  portées  pour  écrire 
—  à  deux  mains  !  —  l'accompagnement  de  ses  lieder  !  Une  telle  appré- 
ciation convient-elle  à  l'auteur  de  ces  étonnants  poèmes  symphoniques 
pour  triple  chœur  et  double  orchestre  qui  nécessitent  la  mobilisation 
d'une  armée  d'exécutants  et  l'emploi  d'accessoires  sonores  spécialement 
fabriqués  pour  cet  usage,  de  ces  drames  lyriques  si  largement  développés, 
de  cette  titanesque  "  Symphonie  expiatoire  en  l'honneur  de  Ferrer  " 
dont,  chaque  année,  la  République  Espagnole  donne  une  exécution 
nationale  ou  de  ce  terrifiant  "  Dies  iras  "  qu'il  composa  pour  ses  propre^ 
funérailles  pendant  la  maladie  qui  devait  l'emporter  et  dont  il  dirigeait 
lui-même,  de  son  lit,  les  répétitions,  estimant  que  ses  choristes  ne  seraient 
jamais  prêts,  pour  la  funèbre  cérémonie  s'ils  ne  s'v  prenaient  pas  long- 
temps à  l'avance. 

Ce  "  Père  Schmitt  ",  c'est  lui  dont,  invinciblement,  j'évoque  l'éner- 
gique figure  lorsque  j'entends  railler  les  hommes  aveulis,  les  volontés 
affaiblies,  les  intelligences  épuisées,  les  artistes  exténués  du  siècle  passé 
Ce  farouche  ancêtre,  violent  et  autoritaire,  que  ses  colères  tumultueuse^ 
ont  rendu  le  héros  de  tant  d'anecdotes  pittoresques,  effroi  de  ses  eleve>. 
terreur  de  ses  interprètes  qu'il  n'hésitait  pas  à  apostropher  au  milieu  d'une 
exécutif)!!,  cet  être  de  fer,  qui  ne  pouvait  souffrir  aucune  contradictic^i, 
qui,  un  soir,  en  plein  Opéra,  à  la  "première"  d'un  de  ses  i>uvrage^. 
abattit  froidement  sur  son  pupitre,  d'un  coup  de  revolver,  le  célèbre  cher 
d'orchestre  Inghelbrecht,  sous  prétexte  que  celui-ci  avait  pris  un  mouve- 
ment trop  lapide  sur  la  pente  duquel  ''  il  falhiit  à  tout  prix  l'arrêter  pour 
sauvegarder  l'efîet  de  la  f^age  suivante  "  citnime  il  l'expliqua  obligeam- 
ment, plus  tard,  a  ses  juges  stupéfaits,  ce  terrible  aïeul  appartenait-il 
vraiment  ;i  une  génération  efféminée  ?  Ne  reconnaissez-vous  p.is  en  \u\. 
au  contraii-e,  un  fils  de  cette  indomptable  '•'•  vieille  l''r;mce  "  étrangère  i 
nos  neurasthénies  actuelles,  un  trere  des  hommes  hardis  de  ce  temps,  qui 
sacrifiaient  si  aisément  Irur  \ie  [lour  reculer  les  bornes  de  la  [niissance 
humaine,  de  tes  courageux  (.hercheurs  cjui  etudinient  st(Vïquement  la 
navigation    sous-marine    dans    île    barbares    subnu  l'sibles    tr(^p    tacilement 


EN    L'AN    20I2  525 

t.  Submergés  et  qui  découvraient  la  navigation  aérienne  à  l'aide  de  grossiers 
'  ©iseaux  mécaniques,  engins  mortels,  aigles  sinistres  et  sublimes,  aux  vols 
j  tragiques,  aux  ailes  sanglantes  ?  Cette  époque  était-elle  vraiment  une 
époque  de  pygmées  et  d'homuncules  ?  Sont-ce  là  ces  impuissants  qui 
'  scandalisaient  si  tort  les  Hercules  du  journalisme  musical  ?    Etait-ce  bien 

un  art  de  liliputiens  et  de  miniaturistes  que  le  leur  ? 
L  Mais   nous   constatons   des   erreurs   d'optique  plus  flagrantes  encore. 

Cette  musique  rabougrie  tut  déclarée  par  de  bons  juges  "  monotone, 
ennuyeuse  et  privée  de  vie".  On  noircissait  des  rames  de  papier  pour 
développer  ces  entantillages  pessimistes  à  l'heure  où  un  Maurice  Ravel 
prononçait  les  discours  musicaux  les  plus  vivants,  les  plus  attachants  et 
les  plus  nuancés  qui  aient  jamais  fleuri  des  lèvres  humaines. 

Nous  avons  peine  à  concevoir  un  semblable  aveuglement.  L'art  du 
^  vieux  Ravel,  ce  miracle  de  grâce,  de  justesse  et  de  subtilité,  nous  semble 
^  s'imposer  avec  une  autorité  irrésistible.  Nous  en  subissons  encore,  avec 
i  délices,  le  charme  impérieux.  Ce  musicien  apportait  à  son  siècle  d'inesti- 
î  mables  présents,  un  goût  à  peu  près  infaillible,  un  sens  délié  de  l'humour, 
1  une  écriture  à  la  fois  libre  et  raisonnée,  des  notations  de  couleurs  et  de 
I  parfums  d'une  étonnante  maîtrise.  Il  renouvelait  l'écriture  du  piano, 
Urouvait  des  tormules  saisissantes  d'impressionisme  sonore  et  utilisait  avec 
une  aisance  souveraine  les  ressources  de  cette  "  harmonie  naturelle  "  qui 
commençait  seulement  alors  à  ouvrir  ses  fleurs  ingénues  dans  les  géomé- 
ï  triques  parterres  des  accords  universitaires.  La  musique  de  Ravel,  c'était 
1  la  révélation  de  ce  qu'il  peut  y  avoir  de  direct  dans  le  langage  musical, 
t  c'était  le  triomphe  du  verbe  harmonieux  dans  toute  sa  simplicité  native, 
:  aussi  pur  de  symbolisme  artificiel  que  de  convention  grammaticale. 
'  C'était  aussi  la  consécration  d'une  esthétique  nouvelle,  faite  de  mesure, 
5  de  goût,  d'émotion  contenue  et  d'une  sorte  de  pudeur  dans  le  lyrisme  qui 
;  sont  les  vertus  les  plus  précieuses  de  notre  race.  Au  fond  nous  n'avons 
i  jamais  porté  avec  beaucoup  de  conviction  et  de  grâce  la  fameuse  cape 
1  romantique.  Nos  crises  romantiques,  d'ailleurs,  ne  furent  jamais  que 
i  d'épidémiques  importations  :  leurs  ravages  internes  avaient  une  origine 
germanique  et  leurs  volcanismes  extérieurs  procédaient  d'un  méridiona- 
!  lisme  latin  assez  superficiel.  Notre  ironie  et  notre  bonne  humeur,  notre 
amour  de  l'expression  juste,  notre  faculté  de  dédoublement  critique, 
I  même  dans  les  minutes  d'ardente  passion,  n'avaient  pas  encore  trouvé  leur 
i  traduction  musicale  avant  VHeure  Espagnole  ou  les   Histoires    naturelles  et 


526 


S.   I.    M. 


cette  heure  devait  être  saluée  avec  joie  qui  donnait  la  première  place  à  la 
vie  et  à  la  vérité  dans  un  art  trop  tacilement  voué  à  l'emphase,  à  la 
rhétorique  et  à  la  fausse  noblesse.  Ne  nous  y  trompons  pas,  c'est  à  cette 
date  que  se  fonde  le  panthéisme  raffiné  qui  nous  a  valu  tant  de  chefs- 
d'œuvre  inspirés  par  la  religion  des  choses,  tant  de  merveilleux  paysages 
du  son,  tant  de  sites  auriculaires  auprès  desquels  les  descriptions  et  les 
évocations  des  autres  écoles  musicales  apparaissent  incroyablement  con- 
ventionnelles. 

Hélas,  tout  cela  resta  lettre  morte  pour  les  auditeurs  du  temps.  Nul 
ne  soupçonna  le  miracle  si  proche.  On  continua  à  fêter  les  dieux  morts 
et  à  raillei"  les  jeunes  prophètes.  L'hostilité  était  instinctive.  Les  esthètes 
"  éclairés  et  avertis  "  attentifs  aux  lois  des  convenances,  avaient  adopté 
une  attitude  prudente  ;  soucieux  de  marcher  à  la  tête  du  mouvement,  ils 
avaient  compris  l'opportunité  d'absoudre  Debussy,  déjà  trop  puissant 
pour  être  utilement  combattu,  mais  ils  se  vengèrent  sur  ce  qu'on  appelait 
alors  les  "  debussystes  ".  Vous  connaissez  la  valeur  de  ces  classifications 
simplistes  que  nous  retrouvons  à  chaque  page  de  notre  histoire.  Le  mot 
"  wagnérien  "  eut  une  fortune  égale  et  des  applications  non  moins  fantai- 
sistes. Georges  Bizet  et  Massenet  furent  étiquetés  wagnériens  par  leurs 
frères  :  Ravel  et  Schmitt  n'échappèrent  pas  au  grief  de  debussvsme  1 
Debussystes  aussi  les  Caplet,  les  Huré,  les  Casella,  les  Grovlez,  les 
Ducasse,  les  Kœchlin,  les  Delage,  les  Aubert...  etc.  tous  ces  vieux 
maîtres  dont  les  caractéristiques  nous  semblent  aujourd'hui  parfaitement 
opposées  et  souvent  incompatibles.  L'épithète  est  absurde  mais  cette- 
question  du  "■  debussysme  unifié  "  est  pour  nous  singulièrement  révéla- 
trice :  dans  la  vertueuse  indignation  qui  accueillit  les  travaux  de  ce 
groupe  nous  trouvons  la  preuve  de  la  secrète  impopularité  de  son  leader. 
Il  eut  été  moral  de  reprocher  aux  imitateurs  serviles  leur  défaut  de  per- 
sonnalité mais  il  était  absurde  de  les  accuser  de  sacrifier  à  la  laideur.  Vnc 
bague  dérobée  dans  la  vitrine  de  l'orfèvre  qui  Fa  ciselée  ne  pcvd  pas 
subitement  sa  valeur  :  au  doigt  d'une  jolie  voleuse  elle  garele  tcnite  sa 
beauté.  Les  trouvailles  debussystes,  adroitement  serties  dans  les  œuvres 
d'un  faussaire  étaient  toujours  des  trouvailles  ilebussvstes,  c'est  à  dire  des 
choses  exquises  dont  aucune  considération  moiale  ne  ["louxait  aiiKumlrir 
le  charme  inunédiat.  Les  certificats  iroiigine,  les  brex'ets,  les  cacbets,  les 
poinçons,  les  bandes  de  garaïuie  et  auti'cs  inveiUions  du  protectionnisme 
barlnirr  de  ce  temps  n'ont   [nis  a   interx'enir    dans    la    \'olu[>té    auditive  :    le 


EN    L'AN    20I2  527 

pedigree  d'une  harmonie  n'ajoute  rien  à  sa  caresse.  En  découvrant  les 
bijoux  de  l'orfèvre  Debussy  dans  les  poches  de  maint  larron  subtil  on 
avait  le  droit  de  se  scandahser  mais  non  de  piétiner  ce  riche  butin  avec 
une  horreur  démonstrative. 

Hélas,  nous  ne  voyons  que  trop  clair  dans  le  jeu  de  ces  défenseurs 
héroïques  de  la  propriété  artistique.  Cet  art  savoureux  était  toléré  à 
regret  chez  son  inventeur  mais  traqué  avec  une  instinctive  férocité 
lorsqu'il  s'avisait  de  chanter  sur  les  places  publiques.  Et  ce  spectacle  est 
propre  à  nous  attrister  et  à  nous  inspirer  de  salutaires  réflexions.  Un 
siècle  de  recul  a  modifié  notre  angle  de  vision  et  nous  permet  de  perce- 
voir l'ordre  et  la  logique  des  évolutions  intellectuelles  suspectes  d'incohé- 
rence et  d'anarchie.  Cette  école  du  XX°'''  Siècle  venait  à  son  heure.  Les 
déterministes  de  "  l'harmonie  naturelle  "  avaient  raison  qui  affirmaient  la 
nécessité  immanente  d'un  tel  art.  Le  phénomène  était  aussi  inévitable 
que  celui  de  la  condensation  ou  de  la  cristallisation  dans  une  atmosphère 
ou  un  liquide  sursaturés.  Toute  une  tribu  de  chercheurs  d'or  fouillait  le 
sol  et  devait  fatalement  découvrir  un  jour  ou  l'autre  le  fabuleux  "placer" 
où  un  génial  prospecteur  avait  soudain  planté  son  pic  avec  une  surprenante 
divination. 

Il   n'y   avait   donc   ni  snobisme,   ni   mode,   ni   engouement   dans   les 
recherches    parfaitement    inconscientes  de  cette    génération.    Ces   jeunes 
gens   frayaient    aveuglément    le   bon    sentier.    Un   instinct   les   poussait  à 
demander    à   la    matière  sonore  une  puissance  et  une  subtilité  plus  com- 
plètes,  à  rechercher   "des   fleurs  plus   larges  et   des   plaisirs   inéprouvés". 
îC'est   à   leur   persévérance   que   la   musique   moderne   doit   le   prodigieux 
s  accroissement  de  son  domaine.  Sans  leur  méthodique  efl^ort  nous  n'aurions 
pas    encore    épuisé    toutes    les    combinaisons    harmoniques    fournies    par 
l'ancienne  échelle  conventionnelle  du  chromatisme  tempéré  et  nous  n'au- 
:  rions  pas   été   amenés  à  emprunter   à  l'art   japonais  cette   subdivision   du 
quart  de  ton   qui  a  ouvert  à  notre  technique   contemporaine  des  horizons 
[infinis  ;   sans  eux   nous  connaîtrions   encore  le  joug  des   modes  majeurs  et 
■mineurs,  le  frein  des  tonalités,  l'entrave   des  gainmes  empiriques,   le  mal- 
entendu  du   rythme  et  le  cloisonnement   grossier   des   barres  de  mesures  ! 
Ils  furent  de   merveilleux  explorateurs.  Gloire  à  ces  bons   serviteurs  de  la 
[i musique  :  ils  l'ont  aimée  et  enrichie  :    ils  ont  droit  à  notre  reconnaissance 
émue  et  à  toute  notre  admiration. 

Le   destin,   vous  le   savez,   leur  fut   cruel  et   leur  zèle   ne   reçut   pas 


528  S.   I.    M. 

immédiatement  sa  récompense.  La  pauvre  humanité  —  et  c'est,  mes  chers 
amis,  la  pensée  que  je  voudrais  livrer  à  vos  méditations  de  vacances  — 
ne  sut  jamais  étreindre  la  beauté  à  son  heure.  Aux  beaux  vergers  d'har- 
monie elle  ne  découvre  pas  les  fruits  mûrs  et  attend  paresseusement  qu'ils 
se  flétrissent  et  tombent  à  ses  pieds.  Je  n'ai  jamais  cru,  mes  enfants,  à 
l'éternité  des  chefs-d'œuvre.  Les  œuvres  ont  une  enfance,  une  adolescence, 
une  maturité  et  une  décrépitude.  On  peut  les  conserver  d'ailleurs  presque 
éternellement  par  la  dessication  et  la  stérilisation  mais  elles  ont  une  heure 
de  beauté  vivante  inégalable  qu'elles  ne  retrouveront  jamais.  Heureuses 
les  sensibilités  qui  peuvent  vibrer  a  l'unisson  d'une  âme  de  créateur  en  ces 
rares  minutes  :  elles  connaissent  une  volupté  divine.  La  belle  école  du 
siècle  dernier  n'a  pas  senti  se  réaliser  cet  harmonieux  accord.  Nul  n'enten- 
dit sonner  l'heure  exquise,  l'heure  du  berger....  ou  du  muletier  !....  Et 
maintenant,  il  est  trop  tard  ! 

Il  m'a  été  donné  d'assister  à  la  "  millième"  de  la  "  Cloche  engloutie" 
de  Ravel.  Ma  mélancolie  v  fut  sans  égale  ;  certes,  nous  goûtons  toujours 
un  vit  plaisir  rétrospectif  à  l'audition  de  cette  merveilleuse  musique  mais 
qu'il  est  douloureux  et  émouvant  de  songer  à  la  fraîcheur  et  au  partum 
qu'apportait  cette  partition  aux  auditeurs  indifférents  de  1920!  Hélas 
oui,  il  est  trop  tard  :  la  cloche  est  bien  engloutie  et  sa  voix  ne  nous  par- 
vient plus  qu'étouffée  sous  les  vertes  écharpes  des  vagues.  Gardons  le 
consolant  espoir  que  certains  isolés,  au  milieu  de  l'incompréhension 
générale,  aient  pu,  alors,  deviner  l'ineffable  minute  :  s'ils  ont  existé,  ceux- 
là  furent  divinement  récompensés  de  leur  sagesse  ! 

Sovez  ces  sages,  mes  chers  enfants,  ne  vous  laissez  pas  égarer  par 
des  classifications  et  des  théories  stériles.  Cueillez  joveusement  les  truits 
murs  sur  leur  branche,  soyez  gourmands  et  ingénus,  l'âge  viendra  trop 
tôt  où  vous  ne  pourrez  plus  grimper  aux  arbres  de  science.  N'étudiez  pas 
les  fleurs  dans  les  herbiers,  les  papillons  dans  les  vitrines  et  l'amour  dans 
les  livres  !  Aimez  la  vie,  ayez  la  religion  de  la  vie,  le  sens  de  sa  noblesse 
et  de  sa  générosité.  Méfiez-vous  de  la  hicile  ilex'cuion  du  classicisme  :  le 
mot  '■'■  classique  "  est  toujours  un  hommage  exf^iatoii-c,  un  cllort  de  répara- 
tion. N'attendez  pas  l'heure  des  léhabilitations  ;  reiule/  les  inutiles  e>i 
supprimant  d'abord  les  dénis  de  justice.  L'étude  lie  l'histoire  nous  montre 
(ju'aiKune  époque  ne  fut  prixee  de  ehets-crd'uvre  :  eheiehons  à  découxrir 
de  suite  les  nôtres  et  ne  laissons  pas  à  nos  petits  entants  le  soin  île  reparer 
nos    cireurs    judiciaires.     \'ous    ave/    aeluellenunt     autour    île    x'ous    les 


EN    L'AN    201^ 


529 


"classiques"  de  demain  :  sachez  les  deviner  et  les  honorer.  Que   le   culte 
des  morts  ne  vous  fasse  pas  oublier  vos  devoirs  envers  les  vivants. 

C'est  là,  mes  chers  amis,  la  meilleure  leçon  que  nous  donne  ce  passé 
auquel  je  viens  de  vous  ramener  quelques  instants,  avec  une  insistance  que 
vous  me  pardonnerez  en  comprenant  mon  désir  de  vous  faire  vivre  plus 
intensément  les  minutes  présentes  :  vous  n'en  soupçonnez  pas  toute  la 
richesse  et  vous  ne  parviendrez  jamais  à  en  épuiser  la  saveur.  Votre  jeune 
sensibilité  est  une  force  presque  infinie  ;  demandez  lui  beaucoup,  imposez 
lui  la  conquête  d'un  merveilleux  empire,  elle  vous  le  soumettra  car  elle 
peut  accomplir  des  miracles.  Et  qu'ainsi  soit  récompensé,  par  de  sur- 
naturels présents,  le  don  total  de  ceux  d'entre  vous  qui  consacrent  leur 
vie  à  l'étude  des  mystères  de  la  Bonne  Déesse  ;  ils  ont  choisi  la  meilleure 
part,  elle  ne  leur  sera  point  enlevée  :  la  Musique  ne  trompe  que  ceux 
qui  n'attendent  pas  assez  d'elle  ! 

Vu  pour  copie  conforme. 
Le  sténographe  :  Emile   Vuillermoz. 


Un   curieux   document   du   XX"*   siècle.  Cliché  Mrmeét.'^ 

Koechlin  Aubert    Hiiré  j^^^^i  Caflet         Vuillermoz 

G.  Faiiré 
LES  FONDATEURS  DE  LA  SOCIÉTÉ  INDEPENDANTE  DE  MUSIQUE"  EN  1910 


Mathot 
Dncasse 


BULLETIN  DE  LA  SOCIÉTÉ  FRANÇAISE 

DES 


i     J  M    jI    ..^^^ 


SOCIÉTÉ  FRANÇAISE  IDES 

JAfIS    "DE    LA    MUSIQUE 


COMITE    D'HONNEUR 

M.,  le  Président  de  la  République. 

M.  le  Ministre  de  F  Instruction  Publique  et  des  Beaux-Jrts. 

M.  le  Sous-Secrétaire  d'Etat  aux  Beaux-Arts. 

M.    Gabriel   FAURE,    Directeur    du    Conservatoire. 

M.   Henry  MARCEL^  ancien  Directeur  des  Beaux-Arts,   Administrateur  général 

de  la  Bibliothèque  Nationale. 

CONSEIL    D'ADMINISTRATION 
BUREAU 


PRESIDENT 

M.   LE  COMTE    Gaston    Chaxdox    de 
Briailles. 


VICE-PRESIDENTS 


M. LE  princeA.  d'Arenberg,<;/c'/'/;/5//V///. 
M.  Louis  Barth ou,  député,  ministre  de 

la  justice. 
M.  Gustave  Berly,  banquier. 
M,  Adolphe  Brissox,  homme  de  lettres. 


TRESORIER 

M.   Léo  Sachs. 

DIRECTEUR    ARTISTIQUE 

M.   Gustave  Bret. 

SECRÉTAIRE    GÉnÉRAL 

M.  J.  EcoRCHEviLLE,  docteur    es-lettres. 

SECRÉTAIRE     DU     CONSEIL 

M.  I.  Pasquier. 


MEMBRES    DU    CONSLII. 


M"'®  Alexandre  André. 

M"'^    la    COMTESSE     RenÉ    DE    BÉaRN. 

M.  André  Bénac,  directeur  général  hono- 
raire au  ministère  des  finances. 

M.    LÉON    Bourgeois,   sénateur,    ancioi 
ministre. 

M.  I'Kanz  Cusror. 

M"''  M  le  H  11.  Ephrussi. 

M.  Georges  (jaiffe. 

M.  Fernand  Halphen. 

M™"   LA  VICOMTESSE    l)'I  I  \l<(()rRr. 
M""  la  comtesse  d'I  I.\l  SSONVII.I.E. 

M.  JEAN   \Vi;i:i  R,  r/ 


M.  Louis  Havet,  de  F  Institut,  professeur 

au   Collège  de  France. 
M'"^'  Daniel   Hermann. 
M'"''  Henrv  Hottinguer. 
M""^  Georges   Kinen. 
M""'  la  comtesse  Paui.  de  Pourtalès. 
M""'  Théodore  Rhinach. 
M.     RiiM  \i\    l\()i.i.\\n,    p)'ofcs:cur  a   la 

laciiiié  des  Lettres  de   Paris. 
M.   Louis  Schopfer. 
M""-'  Séi.igmann-Lui. 

M  '""    T  E  R  N  A  U  X-C O  M  P  A  N  S . 

'ré'jé  de  r  Université. 


NOTRE  SEMAINE  A  MUNICH 


Tous  nos  Amis  et  tous  nos  lecteurs  attendent  avec  impatience  le  compte  7'endu  détaillé 
'des  Fêtes  qui  viennent  d' être  organisées  par  les  soins  de  notre  Société  dans  la  capitale  de 
•la  Bavière^  et  dont  toute  la  presse  a  déjà  signalé  V importance  dans  de  multiples  chroniques. 
Nous  ne  pourrons  que  retracer  ici  tout  a  fait  objectivement  les  péripéties  de  ces  journées 
fameuses^  réservant  pour  notre  prochain  Bulletin  du  mois  de  novembre.^  une  Revue  critique 
des  jugements  de  la  presse  allemande^  qui  nous  permettra  de  tirer.,  en  quelque  sorte^  un 
^enseignement  de  cet  effort  considérable  accompli  pour  la  première  fois  par  la  musique 
.française  en  Allemagne. 
Il  T)és  le  lo  septembre,  les  premiers  éléments  français  arrivent  à  Munich,  et  à  leur 
:':ête  F  infatigable  Rhené-Baton,    qui   allait  prendre  contact  avec  un   orchestre  plein   de 


i 


IV 


LES  AMIS  DE  LA  MUSIQUE 


docilité^  JHûis  habitué  a  un  style  tout  différent  de  celui  de  Ravel  et  de  Debussy.  Rien  de 
curieux  comme  de  voir  un  chef  d' orchestre  aux  prises  avec  des  éléments  artistiques  inconyius 
quil  faut  transformer^  façonner  a  sa  guise^  et  rompre  a  de  nouvelles  disciplines.  A  la 
seconde  répétition  toute  anxiété  disparaît.^  et  la  partie  peut  être  considérée  comme  gagnée  ; 
r accord  s' est  établi  entre  l'orchestre  et  le  chef  mais  aux  prix  de  quels  efforts  !  Du 
mardi  13,  au  mardi  20,  Rhené-Baton  devra  diriger  17  répétitions  de  3  heures^  soit 
5 1  heures j  en  plus  des  auditions  mêmes. 


Le  comte  G.  (Jh(iiirlo>i  de  lirutdlei^  an  Rdtluuis^  rèponl  iin  iliscouis  du  Bourgf/iestre. 

Qtic'lqiirs  jottrs  se  passott  diuis  la  ficvre  des  prèpiiratifs.^  la  presse  allematiile^  enc 
toute  à  Custav  Mahler^  se  tutirnc  rcsoltimott  ilu  côté  dti  Festival  hrançais^  et  lui  }-éserv. 
un  accueil,  01)  Li  curiosité  le  dispute  à  la  s\»ipathie.  Xaus  }rcevoi/s  à  ce  >no>t/eitt  uni 
mauvaise  nouvelle,  la  mort  du  sculpteur  I')è)iiiei  ttotts  prive  JualheureiiseDient  ilu  concour. 
personnel  du  Maître  Gabriel  b'auré,  doitt  notts  itotis  faisons  un  honneur  de  reproduire  ic 
la  lettre,  datée  du  mercredi  14  septembre. 


LES  AMIS  DE  LA  MUSIQUE  v 

Cher    Monsieur   et  Ami, 

"  l'^ous  ne  pGU-vez  pas  avoir  oublié  que  j'avais  accepté  avec  une  joie  véritable  de 

participer  aux  Fêtes  de  Munich.  Je  ne  prévoyais  pas  alors  le  malheur  qui  vient  de  nous 

frapper  et  qui  rend  les  miens  trop  profondément  malheureux  pour  que  je  puisse  songer  à 

ni  éloigner  d'eux^  même  momentanément.   Dites  bien  a  Saint-SaënSj  à  celui  dont  je  suis  si 

fier  d'être  V  élevé  et  V  ami^  combien  f  aurais  eu  de  véritable  bonheur  a  me  trouver  a  ses 

côtés j  et  veuillez  bien  remercier  Cortot  de  son  amical  dévouement.    Le  sort  de  mes  œuvres 

r  ne  saurait  être   en  de   meilleures  mains.  Et  vous^  cher  Monsieur.,  soyez  assuré  des  vifs 

'regrets  de  votre  cordialement  dévoué."" 

j  Déjà  prévenu   télégraphiquement.,  notre  ami  Cortot^  veut  bien  se  substituer  dans  la 

h  Séance  de  Musique  de  Chambre  au  Directeur  de  notre  Conservatoire.,  et  prendre  sa  place 
r  au  piano. 

Le  samedi  17  septembre  arrive  enfin  1  Dans  la  grande  Salle  de  F  ancien  Hôtel  de 

\l  Ville  ^  aux  boiseries  fameuses.,  et  dans  lequel  V  Empereur  Guillaume  reçut .^  il  y  a  quelques 

années^  la  médaille  d'or  de  la  Ville  de  Munich.,  se  trouvent  rassemblés  la  Municipalité.,  le 

^  Ministre  des  affaires  Etrangères  von  Podezvilz^  et  de  hautes  personnalités  munichoises.  Du 

côté  français.,  on  aperçoit:  M.  Allizé.,  Ministre  Plénipotentiaire  a  Munich.,  le  Comte  Gaston 

',  Chandon  de  Briailles.,  Président  de  la  Société.,   M.  Berly.,  Vice-président.^   M.  Léo  Sachs^ 

i  Trésorier.,  M.  Franz  Custot  et  M'""  Th.  Reinach.,  Séligmann-Lui  ^  Daniel  Herrmann., 

ime,inbres    du     Conseil    d'Administration.,     M.     Gustave    Bret.,     Directeur    Artistique., 

)M.    J.   'Ecorcheville.,    Secrétaire     Général.,    M.    J.    Pasqtder^    Secrétaire    du    Conseil., 

^  M"'  Gaillard  de  U^itt^  M'''  Bazaillas,  M""  Léo  Sachs,  M'"'  Bret,  M'"^  Rhené-Baton, 

[  MM.  Max  Rikoff,  Prègre,   Félix  Dreyfus,    Daniel  Hejrmann,  Hugues  Kraft,   H.  de 

ViSaxe,   Paul   Gentien,   J.-G.   Prod' Homme,  O  d' Gelly  àj'  G.  Boeswilwald  de   la  presse 

Strasbourgeoise.   L'Orchestre  joue  la   '■^Marche  de    Tannhauser,"    et  en   l'absence   du 

premier  Bourgmestre,  le  Bourgmestre  von  Brunner  se  lève  et  prononce  une  allocution  de 

;'<  bienvenue  en  l'honneur  des  hôtes  français.  Il  rappelle  le  rôle  international  de  la  musique, 

tangue  universelle  "  qui  fait  communiquer  les  âmes  malgré  la  différence  des  dialectes  et 

'  des  nations,  "   et  terynine  par  une  phrase  française   qu'il  emprunte  a   notre   S.  I.  M. 

\^^La   Musique   est  faite  pour  de  semblables  conquêtes;  elle   sait,    tout   en    conservant 

l'indépendance  de  son  caractère  national,   s' élever   au-dessus  des  frontières,  et  concourir 

dans  la  paix  a  la  fraternité  des  peuples.  " 


vi  LES  AMIS  DE  LA  MUSIQUE 

Le  Président  des  Amis  de  la  Musique  rappelle  h  son  tour^  que  la  musique  française 
est  infiniment  heureuse  de  "venir  se  faire  applaudir  dans  la  patrie  de  Bach  et  de  M^agner^ 
et  que  nMre  Société  se  fait  son  interprète^  en  remerciant  les  Hauts  Protecteurs  de  V art^  la 
Municipalité  et  la  i-ille  toute  entière  qui  F  accueillent  si  généreusement. 

Cette  réception  solennelle^  entreinelée  de  musique^  et  arrosée  de  Champagne^  a  été 
immédiatement  suivie  d'un  grand  déjeûner  dans  la  Salle  des  Séances  de  F  Hôtel  de  Ville. 
Un  excellent  repas  accompagné  de  l'ins  merveilleux  de  la  Ratskeller^  permettent  à  80  con- 
vives d'apprécier  d'une  façon  toute  matérielle  la  générosité  de  nos  hôtes.  Là  encore^ 
quelques  discours  sont  échangés^  discours  plus  intimes;  le  Bourgmestre  von  Brunner  s'efforce 
de  parler  français.^  non  sans  élégance^  et  notre  Président  lui  répond  en  allemand  avec  la 
meilleure  des  bonnes  volontés. 

Le  soir  à  9  heure  s  ^  à  F  Hôtel  Regina^  tous  les  Aînis  de  la  Musique^  auxquels  s'étaient 
joints  M.  &'  M'"'  Allizé,  se  trouvaient  de  nouveau  réunis  autour  de  leur  Président.^  pour 
recevoir  leurs  L.  L.  AA.  RR.  les  Princes  Henri  et  Louis-Ferdinand  de  Bavière^  qui  nous 
avaient  fait  F  honneur  d' agréer  notre  invitation.  Une  centaine  de  notabilités  munichoises 
dont  les  journaux  ont  donné  les  noms.,  avaient  également  répondu  à  F  appel  de  notre  Président, 
et  la  cordialité  succédait  à  la  cérémonie  des  premières  présentations.  La  musique  française  fit 
alors  sa  première  apparition.,  Je  Maître  Saint-Saëns  voulut  bien  se  mettre  au  piano.,  il  joua 
'■'■La  Valse  Mignonne.,  "  et  quelques  autres  cvuvres  encore.  M.  JVidor  et  M.  Léo  Sachs, 
voulurent  bien  chacun  à  leur  tour,  accompagner  dans  leurs  mélodies  M""'  D(irla\s  et 
M^'"  Rose  Féart.  Et  sur  la  demande  du  Prince  Louis-Ferdinand,  le  jeune  Schmitz  qui 
arrivait  de  Paris,  dut  exécuter  "  La  Soirée  dans  Groiadef  et  "  Le  Jardin  sous  la  Pluie  " 
de  Debussy.  Fjifin,  surprise  agréable,  Erich  Korngold,  F  enfuit  prodige,  fils  de  notre 
Collègue  le  critique  de  la  Neue  Freie  Presse  de  Vienne,  étonna  F  auditoire  et  les  Maîtres 
eux-mêmes,  en  exécutant  un  morceau  cFune  sonate  qiCil  vient  de  composer. 

Les  réceptions  n'étaient  pas  finies,  elles  devaient  encore  recommencer  le  lendemain. 
A  I  heure,  notre  Ministre  et  M""^  Allizé  réunissaient  autour  de  leur  table,  sous  la  prési- 
dence du  Prince  Louis-Ferdinand,  le  pation  de  toutes  ces  manilestalions,  une  vingtaine  de 
convives.  A  1  heures,  au  château  de  N\mphenbiirg,  le  I  ersailles  Munichois  nous  conviait 
le  IVince  Louis-Ferdinand,  pour  nous  présenter  aux  Princesses  en  ce  moment  h  Munich. 
Ici,  de  nouveau,  musique  et  chants  avec  M'^''  Féart,  M'"'  l)arla\s,  .\L\L  Viiinnenc  àf 
Huberdeau,  et  un  petit  incident  J'ori  ii  m  usant,  qui  montre  bien  la  charmante  intimité  de  ces 


LES  AMIS  DE  LA  MUSIQUE 


vu 


AV   CHATEAU  DE    NTMPHENBURG 


]  F.  Custot  ^ikoff 

^eidel.Bret.C.deBriaillesM.Ani-::,^  G.  Berly  M"''  Féart  Trince  Louis-Ferdinand     Schmita, 

'P^EI-uira  P"  Pila?-  Infallte-Marie  M'  Séligmann  5'  Saens  P'  délia  Pas;       C"^"  fVrbna      M'^  Sachs  Léo  Sachs  M'  Darlays     M'  Landoivska 


viii  LES  AMIS  DE  LA  MUSIQUE 

Fêtes.  M^'^  Féart  axant  voulu  chanter  "  Plaisir  d'Amour  "  de  Martini^  pria  M.  Schnitz 
de  vouloir  V accompagner  de  mémoire  bien  que  celui-ci  ignorât  totalejnent  ce  morceau. 
C était  un  tour  de  force  auquel  le  jeune  virtuose  se  prêta  de  bonne  grâce,  mais  non  sans 
commettre  auelques  défaillances.  Camille  Sai)it-Saè'>is  qui  se  trouvait  derrière  le  piano,  se 
glissa  tout  à  coup  à  coté  de  Schmitz,  et  d'une  main  alerte,  remplit  quelques  basses  incer- 
taines. On  vit  alors  le  jeune  Schmitz  glisser  de  son  tabouret,  et  Saint-Saëns  se  substituer 
à  lui,  sans  que  le  mo/'ceau  ait  été  interrompu,  et  sans  même  que  la  chanteuse  s" en  fut 
aperçu.  Infiniment  amusé  pat  cet  incident,  le  Maître  ajouta  quelques  ritournelles  dont  le 
brave  Martini  aurait  eu  certainement  tort  de  se  plaindre,  et  le  morceau  s" acheva  dans  un 
tonnerre  d'applaudissements. 

Enfin,  arriva  le  premier  concert  d' Orchestre,  le  dimanche  a  7  heures  iji,  et  ce  nest 
certes  pas  sans  une  appréhension  que  nous  nous  rendions  tous  dans  ce  gigantesque  Hall  de 
T^.T^oo  places,  pour  y  entendre  sonner  notre  musique  française.  Dès  le  premier  morceau  qui 
était  "  Le  Prélude  de  Messidor,  "  le  public  était  conquis,  et  on  sentait  que  la  bienveillance 
qui  nous  avait  accueillis  jusque-la,  s' étendrait  a  toutes  les  manifestations  artistiques  qui 
allaient  se  dérouler.  En  même  temps  nous  arrivaient  de  toute  F  Allemagne  des  télégrammes 
de  félicitations,  et  parmi  ceux-ci,  une  dépêche  de  Siegfried  JFagner,  et  un  mot  aimable 
de  Félix  'Weingarjier. 

Le  lundi  matin,  succès  colossal  pour  le  Maître  Saint-Saëns  dans  F  exécution  de  ses 
œuv7-es  de  musique  de  chambre,  accompagné  par  MM.  Maas  et  Heyde.  La  petite  Salle  de 
600  places  du  Kunstler  Theater  était  retenue  déjà  plusieurs  jours  à  F  avance,  et  jamais 
peut-être,  on  ne  remarqua  plus  de  brillant,  plus  de  précision  dans  le  jeu  du  Maître,  jeu 
que  les  années  ont  en  quelque  sorte  spiritualisè. 

L' élan  était  do)i)ié,  lundi  soir,  mardi  nuiti)!  et  mardi  soir,  tout  se  succéda  comme  nous 
F  avions  espéré,  et  de  nouveau  les  réceptions  repriroit  au  nFilicu  des  jours.  Le  lunili  soir  à 
10  heures,  les  AuFis  de  la  Musique  tencFicnt  à  hoiDicur  de  réunir  F  Orchestre  To>iki<>istler, 
et  son  vaillant  chef  José  Lasalle,  autour  (F un  chan/pagiie  bienveillant,  les  toats  ne  man- 
quèrent pas,  et  surtout  celui  (F u)i  musicioi  de  F  Orchestre  dédié  aux  Dames  friuiçaises, 
dans  un  français  vibrant  et  de  fougueuse  allure. 

Mardi  Faprès-midi  à  4  heures,  M.  à?  M""'  Fhon/as  Kiiorr,  F éminent  Directeur  des 
Neuste  Nachrichten,  avaient  ouvert,  non  pas  leurs  s<ilons,  )nais  leur  villa  toute  entière,  villa 
fameuse  où  J4\igner  vint  jadis  s'établir  à  Mioiich,  et  où  se  trouve  réunie  ntainten<int  une 


LES  AMIS  DE  LA  MUSIQUE 


IX 


Au   Château  de  N]mphenburg 


X  LES  AMIS  DE  LA  MUSIQUE 

des  plus  belles  collections  de  tableaux  modernes  de  V  Allemagne  entière.  C est  la  au  milieu 
des  Boecklin^  des  Lembach^  des  Thomas^  des  Sganbati^  des  Stuck  et  de  tant  d'autres  toiles 
fameuses^  admirablement  choisies^  que  les  hôtes  français  eurent  une  surprise  délicate. 
Dans  les  salons  où  circulait  le  tout  Munich  des  grandes  cérémonies^  Richard  Strauss  nous 
attendait^  et  nous  faisait  le  plus  aimable  accueil.  Dès  que  M'"^  Lando'dcska  eut  répandu  par 
son  clavecin  une  atmosphère  musicale  sur  tout  V  auditoire^  V  Auteur  de  Salomé  se  mit  au 
piano^  et  non  seulement  nous  joua.,  mais  nous  chanta  de  la  voix  la  plus  imprévue  quelques 
scènes  de  son  Rosenkavalier.  C'est  là  une  œuvre.,  comme  le  dit  astucieusement  le  Maître 
lui-même.,  qui  n  est  pas  de  V  auteur  d'Elektra.,  mais  de  F  émule  de  Johann  Strauss.  Avec 
peine  les  français  quittèrent  cette  charmante  demeure.,  après  en  avoir  admiré  tous  les 
coins j  et  particulièrement  les  pièces  meublées  en  ce  goût  nouveau  que  Munich  est  en  train  de 
donner  en  spectacle  a  F  Europe.,  et  qui  est  bien  une  des  plus  prodigieuses  créations  de  notre 
vieille  civilisation. 

Après  le  concert  du  soir.,  grand  banquet  offert  par  la  Municipalité.  En   quelques 
mots   émus.,   le   Prince  Louis-Ferdinand.,  qui  avait  bien  voulu  présider  ce  banquet  nous 
assura  de  sa  sympathie.,  et  leva  son  verre  en  Fhonneur  de  F  art  et  des  Maîtres  Français. 
Puis.,  le  premier  Bourgmestre.,  le  Chevalier  von  Borscht  qui  avait  tenu  à  rentrer  exprès  à 
Munich j  en  un  toast  plein  d'esprit  et  de  bonhomie  malicieuse.,  rappela  les  liens  qui  unissent 
F  art  de  notre  pays  a  celui  de  Munich.,  et  il  termina  par  une  sorte  d'allitération  aimable., 
en  souhaitant  que.,  "  les  Amis  de  la  Musique  devinssent  a  leur  tour,  les  Amis  de  la  Vil!' 
Munich.  "  Le  Comte  Chandon  de  Briailles  releva  cet  aimable  défi.,  et  promit  notre  retou, 
dans  une  autre   occasion.,  en   cette  capitale  de  F  Allemagne  du  Sud.  Enfin  le  D'^  Kilhles^ 
parla    en  français    au  nom  du    Comité  de    FExposition  :    "  Ce  n'est  pas    sans   hésiter, 
dit-il.,   que    l'on    avait  accueilli  le  projet  de   M.    Emile    Gnii)ia)in.   Aujourd' Jiui.,    no: 
sommes    tous    remplis    d' ddnFiration  pour    la  prodiiciion   des    musiciens    français    et   .. 
efi'orts  de  leurs   chefs  ;   et  si  l'on   a   pu   dire  que    Munich   est   le  cœur    île  F Allemagr. 
(comme   Berlin   en    est  la  tète).,    les    mai  très  français   peuvent    se    vanter    }n,ii)iten,i' 
d'avoir  fait.,  par    le  charme  de  leur   musique.,    la    conquête  du  cœur   de    ce    cœur    . 
F  Allemagne.    Puisse   bientôt    le    tricolore  flotter    de    nouvctiu    <ii{-devant    de    la    Mit. 
française  aux  portes  de  F  Exposition.  " 

Faut-il  le  dire  r"  tatit  de  musique.,  et  ta)it  de  cérémonies  de  tous  genres  ne  nous  sujfj- 
saient  pas.,  et  après  ce  banquet.,  vers  une  heure  du  mati)i^  plusieurs  d'entre  nous  accow- 


LES  AMIS  DE  LA  MUSIQUE 


XI 


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-«. 


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xii  LES  AMIS  DE  LA  MUSIQUE 

pagnes  de  tout  un  groupe^  firent  cortège  au  Prince  Louis-Ferdinand.  Et  nous  allâmes 
applaudir  des  danses  espagnoles.^  et  des  valses  chaloupées^  en  un  lieu  bizarre  de  l'Expo- 
sition le  Park  Casino,  oh  la  musique  française  fut  encore  victorieuse.^  puisque  Schmitz 
fut  contraint  d'exécuter  devant  F  auditoire  stupéfait.,  la  "  Soirée  dans  Grenade.,  "  qui 
n  avait  jamais  sans  doute  paru  au  Café-Concert.  A  4  heures  1/2  du  matin.,  nous  v  étions 
ejicore  ! 

Le  merci  edi  soir^   le    Théâtre  de  la   Cour  nous  offrait  une  représentation  de  ^^  Ben- 

venuto  Cellini^''  médiocrement  chantée.,  mais  délicieusement  dirigée  et  mise  au  point  par 

Félix  Mottl ;  et,  bien  entendu.,  la  soirée  ne  s' acheva  pas  sans  un  banquet.  Cette  fois.,  c  était 

M.  Lasalle.,  et  quelques  membres  de  V  Orchestre.,  qui  nous  régalaient  par  un  menu  dont 

je  ne  puis  résister  de  citer  ici  le  détail  : 

Hors  d'œuvre  variés 

St  Peray  Mousseux 

Consommé  double  à  la  moelle 

Darne  de  saumon  grillé  a  la   Montpellier 

Filzener    i  qoo 

Cœur  de  Filet  de  bœuf  à   la   bouquetière 

Château   Mouton    Rothschild   189^^ 

Vol-au-vent   a   la    Cardinal 

Schloss   Jolunniisberger    1897 

Supré/nes   de  perdreaux.,  flanqués   de   cailles. 

Salade   Ni)ion   et  compote   de  pêches 

Moël,    U'hilc   Star 

.1)1  a  lias    à    F  Orientale 

Petits  furs 

Piiilletles   aux  froniiiges 

Corbeille   de  fruits 

Mocca 

Cognac    Prunier    1  S  1  i 


LES  AMIS  DE  LA  MUSIQUE  xiii 

he  même  jour  dans  r  apres-midi^  M.,  et  M""'  Allizé  avaient  eu  la  délicate  pensée  de 
convier  les  princes  et  princesses  de  Bavière  en  ce  moment  a  Munich^  à  un  Thé  en 
r honneur  des  français^  et  nous  nous  retrouvâmes^  cette  fois ^  en  territoire  national^  dans  la 
plus  douce  et  la  plus  aimable  des  réunions. 

Knfin^  il  fallait  songer  a  clore  cette  semaine  de  débauches^  le  jeudi  seul  restait  encore., 
c  est  le  jour  que  choisit  son  A.  R.  le  Prince  Henri  de  Bavière.,  pour  convier  quelques-uns 
d'entre  nous  a  un  déjeuner  qui  restera  fameux  dans  les  annales  des  Amis  de  la  Musique. 
Le  Prince.^  vers  le  milieu  du  repas.,  se  leva  et  prononça  dans  le  plus  pur  français  cette 
allocution  dont  les  termes  délicats  auront  certainement  en  France  un  grand  retentissement. 

'•''Messieurs.  Les  grandes  manœuvres  niayant  ernpêché  d' assister  aux  fêtes  officielles  de 
ces  jours  derniers.^  je  nai^  du  moins  ^  pas  voulu  renoncer  au  bien  vif  plaisir  de  vous  prier 
de  venir  déjeuner  chez  moi  —  si  f  ose  ni  exprimer  ainsi  — .a  la  bonne  franquette... 

Je  vous  remercie  bien  sincèrement  de  vous  être  rendus  a  mon  invitation^  et  je  regrette 
seulement  que.,  rappelés  à  Paris  par  des  raisons  fort  urgentes.,  les  Maîtres  Saint-Saëns  et 
Fauré.,  n  aient  pu  être  des  nôtres. 

Je  voudrais  vous  répéter  encore  une  fois  que  je  me  sens  vraiment  fier  de  voir  figurer 
mon  nom  en  tête  du  cojnité  d'honneur  de  cette  brillante  fnaiiife  station.,  et  je  vous  prie  de  me 
permettre  de  vous  rappeler  la  gracieuse  pensée  de  notre  aimable  bourgmestre.,  M.  von 
Borscht.,  qui  vous  a  demandé  d' être  non  seulement  les  Amis  de  la  musique.,  mais  aussi 
ceux  de  Munich. 

La  première  visite  a  Munich  de  votre  éminente  Société  y  a  laissé  un  souvenir 
ineffaçable.,  et  c  est  en  vertu  de  ce  souvenir  que  je  vous  prie  de  ne  pas  nous  dire  adieu., 
mais  au  revoir. 

Je  tiens  encore  a  remercier  mes  chers  concitoyens  de  ce  que.,  de  nouveau.,  ils  se  sont 
montrés  fidèles  aux  antiques  traditions  hospitalières  de  notre  belle  capitale.,  et  je  les  prie  de 
boire  avec  moi  à  F  éternelle  gloire  de  la  musique  française.,  et  a  la  santé  de  ses  créateurs., 
de  ses  interprètes.,  et  de  tous  ses  amis.''' 

Et  le  soir.,  après  tant  de  7nusique  française.,  après  tant  d' échanges  de  sympathies.,  de 
vues.,  de  projets^  après  l'effervescence  de   la  nuit  et  du  jour.,   nous  eûmes  la  grande  joie 


XIV 


LES  AMIS  DE  LA  MUSIQUE 


d\issister  pendant  une  heure  et  demie  a  F  horreur  tragique  de  ce  drame  sans  précèdent  qui 
s  appelle  '■^  Elektra'\  Il  }f  est  pas  possible  de  traduire  F  émotion  presque  physiologique  de 
cette  tragédie  réalisée  par  M""^  Fassbender  et  Mildenburg  et  dirigée  ou  plutôt  inteiprétée^ 
reconstituée  par  le  Kapelbneister  Félix  Mottl. 


Driunit    If    Kiiii>tlritliOit,>- 


Le  vendredi^  grande  dislocation^  cl  pouria>it^  quelques  retardataires  bioi  inspirés 
curcia  la  bonne  fortune  d' assister  au  g)\i)id  iléfilé  historique  de  la  fête  (F octobre^  où 
S.  /l.  R.  le  Régent^  ci  tous  1rs  Fri>iccs  de  la  Maison  de  Bavière  demanderenl  à  serrer  la 
fnain  de  notre  Présidoil^  le  Comte  Chando)!  de  Bri,iilles^  et  à  lui  dire  de  bi  façon  la  plus 
obligeante^  toute  leur  sympathie  pour  les  /Imis  de  la  niusique. 


LES  AMIS  DE  LA  MUSIQUE 


XV 


nos 


Je  ne  sais  si  cette  rapide  narration  où  il  nest  si  peu  question  de  musique  donnera  a 
membres  une  'vision  bien  claire  de  cette  Semaine  désormais  fameuse.  Les  quelques 
jours  que  nous  avons  passés  comme  dans  un  rêve^  au  milieu  d'émotions  les  plus  diverses 
et  d'incessantes  surprises.,  laisseront  dans  nos  âmes  le  souvenir  d'un  grand  événement. 
On  chicanera  très  évidemment  sur  le  dispositif  des  programmes^  sur  V opportunité  de  ceci 
et  de  cela.,  et  les  conseils  ne  manqueront  pas,  de  la  part  de  ceux  qui  considèrent  les  choses 
quelque  sorte  par  l'extérieur.  Mais  pour  nous.,  qui  avons  vécu  ces  Fêtes,  et  qui  savons 
qu'elles  représentent  dans  l'équilibre  de  l'art  européen,  nous  verrons  plus  haut  et  plus 
loin  que  toutes  les  critiques.  La  visite  que  nous  faisions  en  Allemagne  aurait  pu  être  une 
visite  de  politesse,  elle  s'est  prolongée  dans  l' enthousiasme  véritable  et  sincère,  c'est  un 
résultat  dont  les  Amis  de  la  Musique  ont  le  droit  d'être  fiers. 


Cl!  q 
ce 


MEMOIRES  INEDITS  DE  STEPHEN  HELLER 


Heller  n'était  pas  seulement  un  musicien  de  grand  talent  mais  encore  un  écrivain  plein 
d'humour  et  de  finesse.  Ses  articles  de  la  Gazette  Musicale  en  font  foi  et  les  pages  suivantes 
dont  le  style  a  été  très  peu  retouché,  montreront  que  Stephen  était  bien  le  contemporain  de 
Sterne.  Les  Mémoires  d'Heller  ont  déjà  vu  le  jour  sous  une  forme  très  mutilée  et  très  différente 
de  celle-ci  dans  la  Gazette  de  Schlesinger  de  1841.  L'heureux  possesseur  de  ce  manuscrit,  va 
bientôt  publier  ces  précieux  documents  ainsi  qu'une  volumineuse  correspondance  de  Stephen. 
Il  nous  a  autorisé  à  donner  à  nos  lecteurs  la  primeur  de  cet  ouvrage. 

Ces  mémoires  manuscrits  portent  le  titre  de  Mémoires  pour  servir  aux  futurs  biographes 
de  Stephen.  L'auteur  pour  se  présenter  lui-même  au  public  a  imaginé  une  fiction  légère,  et  fait 
tenir  la  plume  par  un  ami  d'enfance.  Puis  le  style  devient  direct  et  Stephen  lui-même  prend  la 
parole.  Né  à  Budapest  en  181 5,  Heller  eut  le  sort  de  tous  les  jeunes  prodiges.  Son  père  le 
traîna  de  tournées  en  tournées  en  Hongrie,  en  Pologne  et  en  Allemagne.  Heller  parvint  enfin  à 
s'émanciper,  et  l'improvisateur  de  concert  devint  compositeur.  Arrivé  à  Paris  en  1838,  il  y 
mourut  en  1888.  Le  génie  de  Stephen  porta  toujours  la  marque  de  cette  stupéfiante  éducation 
de  virtuose  martyr. 


532 


S.   I.    M. 


SOUVENIRS    D  ENFANCE. 


Je  suis  ami  d'enfance  de  Stephen.  Nous  étions  assis  sur  le  même 
banc  à  l'école  de  notre  ville  natale.  C'était  un  garçon  doué  d'une  facilité 
remarquable  à  saisir  tout  ce  qu'on  lui  enseignait.  Cette  facilité  n'était 
appuyée,  du  reste  d'aucun  travail  ;  il  était  paresseux  à  l'excès  et  vovant 
que  tout  allait  assez  bien  sans  travail,  il  s'en  dispensait  entièrement.  Une 
heure  avant  d'aller  à  l'école,  il  se  hâtait  de  faire  son  pensum,  de  traduire 
les  trois  pages  marquées  par  le  professeur,  —  quelques  passages  de  Cicéron, 
de  Sénèque,  ou  des  Mémoires  de  Plutarque,  —  et  sa  besogne  était  faite. 
Il  passait  le  reste  du  temps  à  lire  avec  avidité  des  contes  de  revenants,  de 
chevaliers  du  moyen  âge  et  des  prouesses  de  brigands  fameux,  qu'il 
empruntait  au  cabinet  de  lecture,  en  y  laissant  les  deux  sous  que  son 
père  lui  donnait  pour  les  menus  plaisirs  du  jour. 

Il  avait  choisi  le  grenier  pour  s'y  établir  sur  des  tas  de  foin  et  s'adon- 
ner à  la  lecture,  sa  plus  grande  passion.  Quand  son  père,  qui  était  très 
sévère,  montait  voir  son  fils,  qu'il  savait  étudier  dans  les  hautes  régions, 
il  le  trouvait,  lisant  dans  la  Grammaire  latine  de  Broeder  ou  dans  les 
lettres  de  Cicéron,  que  le  scélérat  avait  eu  la  précaution  de  prendre  avec 
lui.  Quant  aux  autres  livres,  ils  étaient  précipitamment  dissimulés  dans 
le  foin. 

Stephen  devait  étudier  le  droit  et  les  Lois  qui  gouvernaient  alors  sa 
ville  natale.  Le  bourgmestre  de  la  ville  étant  son  parent,  il  pouvait  espérer, 
—  Dieu  et  le  Bourgmestre  aidant,  —  devenir  un  jour  officier  d'état  civil 
ou  greffier  de  l'endroit. 

L'école  où  nous  avions  commencé  nos  études  était  un  Couvent,  et  tous 
les  professeurs,  des  moines  de  l'ordre  des  Piairistes,  —  espèces  de  Jésuites 
très  savants.  —  Ils  avaient  soin  surtout  de  notre  éducation  religieuse  et 
ous  souffrions  souvent  de  leur  rigorisme  catholique. 

Entre  autres  devoirs  pénibles,  nous  étions  tenus  à  nous  confesser, 
tous  les  quinze  jours  ;  et  pour  ne  pas  risquer  de  communier  avec  un  crime 
non  digéré,  nous  avions  ordre  d'inscrire  soigneusement  nos  péchés  sur  de 
petits  chiffons  de  papier.  Quatre  ou  cinq  jours  avant  cette  fatale  opération, 
nous  nous  examinions  scrupuleusement,  toujours  par  ordre,  et  nous  nous 
mettions  en  quatre  pour  trouver  quelque  chose  de  convenable  à  confesser. 
Je  me  rappelle  qu'un  jour,  Stephen  se  plaignit  à  moi  et  à  plusieurs  autres 


STEPHEN   HELLER  533 

camarades  de  ce  qu'il  ne  trouvait  plus  rien  de  nouveau  à  confesser, 
—  c'était  là  un  point  d'honneur  — ,  il  avait  épuisé  imaginairement  tous  les 
péchés  ;  et  le  délai  de  quinze  jours,  qui  séparait  une  confession  de  l'autre 
était  vraiment  insuffisant  pour  qu'il  put  en  trouver  de  nouveaux,  soit 
comme  quantité,  soit  comme  qualité.  Il  nous  priait  donc  de  lui  prêter 
quelques  péchés  à  nous,  pour  compléter  sa  liste  défectueuse,  et  était 
prêt  à  restituer  fidèlement  l'emprunt  sauveur.  Souvent  ainsi,  nous  échan- 
geâmes nos  papiers  pécheurs,  avant  de  nous  agenouillier  derrière  le 
vasistas  grillé  du  Confessionnal,  où  était  assis  le  moine,  semblable  à  un 
gros  radis  noir.  On  payait  l'inventaire,  la  liste  des  notables  péchés,  avec 
quelques  bâtons  de  sucre  d'orge. 

Il  faut  vous  dire.  Madame,  que  nous  remarquions  avec  cette  sagacité 
pénétrante,  particulière  aux  écoliers,  que  nos  révérends  P.P.  préféraient 
ceux  d'entre  nous  qui  confessaient  les  plus  grosses  fautes  ;  par  exemple  : 
distractions  à  l'église,   tapage  à  l'école  avant  l'arrivée  du  Père  Professeur, 

pensées  irrévérencieuses  envers  un  serviteur  de  Dieu,  etc Les 

causes  de  cette  préférence  étaient  d'abord  qu'ils  avaient  un  plus  grand 
nombre  de  pénitences  à  nous  infliger,  (par  exemple,  30  Pater  Noster  et 
24  Ave  Maria  par  écrit  à  donner  au  Père  Confesseur,)  et  puis  qu'ils 
étaient  touchés  de  la  sincérité  de  nos  repentirs.  En  vrais  moines,  ils 
étaient  persuadés  que  l'on  péchait  abondamment  dans  cette  vallée  de 
larmes;  et  voyaient  dans  un  récit  trop  court,  l'obstination  criminelle  d'un 
cœur  endurci,  qui  tait  ses  crimes  et  ses  méfaits. 

Ce   fut  pourtant  dans   ce  couvent  qu'on   s'aperçut   de  la  vocation 

]  musicale  de  Stephen.   Un  de  nos  professeurs,  à  la  fois  maître  de  Chapelle 

i  et  organiste,   le   chargeait   souvent   d'exécuter  ce  roulement   solennel   de 

1  timbales  qui  annonce  le  Sanctus.  (Stephen,  qui  croit  en  Dieu  avec  ferveur, 

1  n'a  jamais  douté  d'aucun  miracle;  il  sait  Dieu  partout;  mais  il  aime  mieux 

1  le  voir  dans  le  soleil  et  dans  toute  autre  magnificence  de  ses  créations.) 

Le  Père  Eisner,  —  c'était  son  nom,  —  lui  enseignait  aussi  à  manier  les 

soufflets  de  l'orgue  ;    Stephen  devint  bientôt  des  plus  habiles.  Encouragé 

j  par  ces  succès,  le  Père  Eisner,  excellent  homme  s'il   en    fut,  lui  apprit 

.  quelques  préludes  sur  l'orgue.  Sans  connaître  ses  notes,  Stephen  s'en  tirait 

avec  cette  adresse  qui  lui  a  toujours  été  particulière. 

Persuadé  que  Stephen  avait  des  dispositions  musicales,  le  bon  Père 
:  Eisner  alla  voir  le  père  de  mon  ami,  et  le  pria  de  lui  faire  donner  des 
}  leçons  de  musique.  Celui-ci  s'effraya  beaucoup  de  la  découverte  d'un  talent 


534  S.   I.   M. 

dans  sa  famille,  qui  jusqu'alors  avait  toujours  vécu  honorablement;  à  cette 
terrible  nouvelle,  il  demanda  au  Père  Eisner  s'il  était  bien  sûr  de  ce  qu'il 
avançait  et  ce  qu'il  faudrait  faire  si  ses  prévisions  se  confirmaient.  Dame  ! 
répondit  le  bon  professeur,  en  voyant  M.  Stephen  père  pâlir,  les  indices 
du  talent  sont  là,  donnez  lui  tout  de  suite  un  professeur  de  musique  et  peut- 
être  cela  passera. 

Quelquesjours  après,  je  passais  comme  d'habitude  la  soirée  avec  Stephen, 
lorsque  nous  vîmes  entrer  son  père,  accompagné  d'une  demi-douzaine  de 
soldats,  armés  jusqu'aux  dents  de  trompettes,  bassons  et  ophicléides.  Notre 
frayeur  se  dissipa  lorsque  nous  reconnûmes  les  musiciens  du  5"  Régiment 
d'artillerie  garnisonné  à  P Trois  fois  par  semaine,  cette  musique  exé- 
cutait des  Ouvertures  et  des  Marches  entières  sur  la  Place  aux  Lapins, 
devant  la  maison  de  M.  le  Général  de  Kinsky.  M.  Stephen  père  fut  très 
délicat  pour  ces  musiciens.  Il  leur  fit  servir  d'excellent  pain  noir  et  une 
bouteille  d'eau  de  vie.  Puis  il  fit  défiler  ces  artistes  si  bien  armés  devant 
son  fils  et  lui  dit  :  "  Voilà,  mon  cher  enfant,  des  musiciens  pleins  de  talent, 
comme  tu  le  sais,  puisque  tu  les  as  entendu  jouer  sur  la  place  aux  Lapins. 
Désigne  celui  d'entre  eux  qui  te  plaît  le  mieux.  " 

Stephen,  assez  stupéfait,  finit  par  désigner  furtivement  un  homme 
d'une  assez  bonne  figure,  mais  horriblement  ravagé  par  la  petite  vérole  ; 
il  voulait,  m'a-t-il  avoué  plus  tard,  l'en  consoler,  par  son  choix.  Après  le 
départ  des  musiciens,  le  père  fit  sentir  à  son  fils  avec  quelle  répugnance  il 
sacrifiait,  pour  son  bonheur,  un  argent  et  un  temps  destinés  à  lui  donner 
un  emploi  honorable  dans  la  magistrature.  Le  pauvre  enfant  se  mit  à 
pleurer  à  chaudes  larmes  :  il  devait  s'entendre  reprocher  ce  sacrifice 
jusqu'à  sa  dix-huitième  année. 

Le  nouveau  professeur  de  piano,  qui  était  un  virtuose  du  basson, 
mais  ne  savait  toucher  la  moindre  chose  sur  un  clavier,  commença  par 
envoyer  son  élève  trois  fois  par  semaine  à  huit  heures  du  soir,  sur  la  place 
aux  Lapins,  chargé  de  plusieurs  cahiers  de  musique  et  d'un  pupitre  très 
portatif,  mais  incommode.  A  huit  heures  et  demie,  arrivait  le  corps  de 
musique  et  avec  lui  son  maître  Wiliczanowsky  ;  (il  était  d'un  village  de 
Bohème  et  parlait  un  horrible  mélange  d'allemand,  bohémien,  hongrois  et 
valaque).  On  exécutait  alors  de  la  musique  magnifique  de  Rossini  et  de 
Carafa,  à  l'usage  des  piétons,  généraux,  gamins  et  caporaux.  Plusieurs 
soldats  du  corps  martial  des  grenadiers  hongrois  formaient  une  haie  clair- 
semée, afin  d'empccher  la  foule  d'entrer  dans  le  cercle  magique  des  musi- 


STEPHEN    HELLER  535 

ciens.  Stephen  était  du  petit  nombre  des  élus  ;  il  jouissait  de  la  fortune 
très  enviée  de  rester  en  dedans  du  cercle,  de  tenir  un  pupitre  et  de  tourner 
les  feuilles  devant  un  des  musiciens. 

Un  soir,  il  eût  le  malheur  de  tourner  trop  tard  la  feuille  qu'il  tenait 
en  face  de  son  maître  le  basson  ;  et  celui-ci,  se  voyant  enlevé  un  magni- 
fique contre-ut,  qui  se  trouvait  sur  le  verso,  fut  tellement  blessé  dans  cette 
sensibilité  naturelle  à  tout  musicien,  qu'il  n'hésita  pas  un  instant  à 
appliquer  un  soufflet  vigoureux  à  son  malheureux  élève. 

Le  Père  de  Stephen,  et  celui-ci  lui-même,  en  furent  contrariés  à  tel 
;  point,  qu'ils  crurent  convenable  d'aller  à  la  recherche  d'un  maître  moins 
I  chatouilleux. 

M.  Stephen  père  s'adressa  donc  au  3®  Régiment  de  hussards,  pour  y 
trouver  un  remplaçant  au  basson  par  trop  incivil.  Cette  fois-ci  ce  fut 
d'un  serpent  à  pistons,  (instrument  fort  agréable  quand  on  s'y  habitue,) 
qu'il  gratifia  son  fils  unique. 

Mais  hélas,   ce  serpent  s'adonnait  à  la  boisson  et  à  la  musique  avec 
une  persévérance  égale  ;    et  l'exercice  continu  de  ces  deux  passions  finit 
:  par  lui  attirer  un  coup  de  sang  qui  le  tua  subitement  :  il  mourut  comme 
il  avait  vécu  :  d'un  seul  trait. 

Après  la  mort  du  serpent,  M.  Stephen  père,  éclairé  par  les  conseils 
d'un  ami  de  la  famille,  homme  de  beaucoup  d'expérience,  résolut  de  donner 
à  son  fils  un  maître  de  piano  qui  jouât  de  cet  instrument,  aujourd'hui 
presque  universellement  connu. 

Bientôt,  son  professeur  ne  lui  suffisant  plus,  comme  cela  arrive  toujours, 
[  on  songea  à  lui  donner  un  maître  de  premier  ordre,  capable  de  suivre  ses 
[  pas  de  géant  dans  la  carrière  musicale. 

Le  père,  voyant  que  M.  Semler,  —  c'était  le  nom  du  pianiste  évincé  — 

;  était  très  content   de  Stephen,   en  concluait  avec  justesse  que  c'était  un 

'  mauvais  professeur  qui  n'y  entendait  rien.  Il  vit,  avec  désolation,  les  autres 

maîtres   également   satisfaits.    Il  en  eût  souhaité  un  qui  eût  trouvé  tout 

détestable  ;  alors  il  aurait  eu  confiance. 

M.   Heller  Père. 

Mon  père  avait  la  manie  de  dresser  des  règlements  pour  les  moindres 
choses.  J'avais  un  horaire  de  mes  délassements,  de  mes  études  et  de  mes 
promenades.  Mes  professeurs  à  Vienne  avaient  un  livret,  soigneusement 


536  S.   I.   M. 

relié,  où  ils  devaient  remplir,  après  chaque  leçon,  une  de  ces  quatre 
rubriques  :  Très  bien,  bien,  médiocre,  mauvais. 

Comme  les  médiocres  et  les  mauvais  étaient  en  majorité,  il  en 
résultait  pour  moi  une  notable  minorité  de  dîners  et  de  soupers. 

En  1825  mon  père  travailla  à  son  insu  à  diminuer  mon  attachement 
pour  la  religion.  Sous  prétexte  de  Carême,  il  me  fit  jeûner  pendant 
46  jours.  Je  fus  nourri  de  salsifis,  d'épinards,  vermicelles,  carpes,  et 
autres  mets  insupportablement  catholiques.  Quand  Pâques  arriva,  mon 
père  me  dit  :  "  Stephen,  mon  enfant,  j'ai  été  sévère,  mais  tu  étudiais  le 
piano  à  peine  huit  heures  par  jour  :  tu  riais  insolemment  ton  maître  au 
nez,  quand  il  marchait  dans  sa  chambre  M. M.  J  =120  pour  t'empêcher  de 
jouer  le  presto  de  Clémenti  en  mesure,  n'ayant  pas  de  Métronome  chez 
lui.  C'était  manquer  au  respect  dû  à  tout  maître  à  tout  homme  plus  âgé 
que  toi.  J'ai  cru  devoir,  pour  ton  bonheur,  t'inliiger  une  pénitence,  trop 
sévère,  il  est  vrai,  car  tu  es  un  faible  enfiuit  qui  a  besoin  de  se  soigner.... 
Mon  cœur  saignait  en  te  voyant  manger  rien  que  des  légumes  et  des 
poissons.  Néanmoins,  je  reconnais  tout  ce  qu'il  y  a  de  noble  dans  ton 
caractère  et  je  me  propose  de  te  mener  aujourd'hui  à  l'hôtel  de  Russie, 
pour  y  manger  du  veau  rôti.  Reconnais-tu  mon  amour  pour  toi  .?  " 

"  J'aimerais  mieux  du  poulet  !  "  répondis-je  en  pleurnichant. 

"  Va,  créature  corrompue,  "  tempêta  mon  père  "  tu  ne  mérites  pas 
mes  soins  ;  tu  ne  comprends  pas  mes  vues  sur  ton  bonheur  ;  tu  auras  du 
bouilli  pour  ton  dîner  et  tu  mangeras  seul  ! 

Or,  c'était  une  fête  pour  moi  de  dîner  seul.  Je  n'avais  pas  à  supporter 
les  sermons  de  mon  père  sur  la  manière  de  me  servir  du -couteau,  de  la 
cuiller  et  de  la  fourchette.  J'avais  l'exécrable  habitude  de  mettre  la  cuiller 
en  long  dans  ma  bouche.  Lui,  persistait  dans  sa  volonté  de  m'obliger  à 
la  mettre  en  large  .?  Puis  je  mangeais  trop  vite  le  potage  et  trop  lentement 
la  viande.  Si,  pour  comble  de  malheur,  je  laissais  tomber  quelques  gouttes 
sur  mon  gilet,  qui  était  toujours  neuf,  c'était  une  source  d'amers  reproches. 

Dînant  tout  seul,  non  seulement,  j'évitais  tout  cela,  mais  je  pouvais 
même  me  balancer  sur  ma  chaise  et  essayer  de  casser  les  deux  petits 
morceaux  de  bois  en  croix,  qui  en  formaient  le  dossier.  Cependant, 
craignant  les  suites  de  l'aventure,  je  me  contentais  de  quelques  légers 
craquements,  et  ma  passion  de  briser  était  satisfaite. 

Puis  je  pouvais,  tout  en  dînant,  m'occuper  de  littérature;  et  lire,  par 
exemple  :    Vie,    aventures   et  hauts  faits   de   Rina/Jo  Kinaldini,  chct    d'une 


STEPHEN    HELLER  537 

bande  de  brigands  qui  désolait  les  Abruzzes,  ouvrage  essentiellement 
historique.  Ce  vertueux  bandit,  qui  passait  son  temps  à  sauver  la  vie  à 
beaucoup  de  personnes  innocentes,  à  doter  richement  de  jeunes  paysannes 
pauvres  mais  honnêtes  ;  à  ne  tuer  que  des  notaires  infidèles,  des  tuteurs 
perfides  et  surtout  des  juges  iniques,  m'inspirait  une  vive  sympathie. 
J'éprouvais  une  douleur  vraie  à  l'idée  qu'un  tel  homme  fut  récom- 
pensé par  un  grand  cordon,  qui  trop  étroit  pour  son  corps,  et  lui 
fut  passé  autour  du  cou.  Rinaldo  Rinaldini  ne  put,  bien  entendu,  survivre 
à  cette  désillusion  et  préféra  une  mort  subite  à  cette  vie  pleine  de  décep- 
tions et  de  chagrins ■ 


PÉRIGRINATIONS. 

Après  avoir  étudié  plusieurs  années  à  Vienne,  et  profité  des  conseils 
de  plusieurs  grands  artistes,  dans  cette  capitale  de  la  musique,  Stephen, 
toujours  accompagné  de  son  père,  partit  pour  un  grand  voyage  artistique. 
Ils  parcoururent  ainsi  pendant  5  ans  la  Hongrie,  la  Pologne  et  l'Allemagne. 
Enfin,  c'est  à  Paris  que  je  les  retrouvai.  Il  me  conta  alors  sa  vie  aventu- 
reuse pendant  ces  cinq  mortelles  années  et  ce  supplice  de  donner  dans 
chaque  ville  ou  dans  chaque  hameau  un  Concert  ou  une  Soirée  musicale. 

"  Oui,  s'écriait-il,  c'était  une  vie  de  nomades,  sans  repos,  sans  espoir, 
.sans  but.  Mon  père,  l'homme  du  caractère  le  plus  probe  et  le  plus  honnête, 
avait  les  bizarreries  les  plus  étranges.  Il  croyait  me  faire  le  plus  grand 
bien,  en  m'obligeant  à  agir  en  homme  mûr  et  formé,  au  lieu  de  me  laisser 
:enfant,  ce  que  j'étais. 

I  '-  Ainsi,  à  peine  arrivé  dans  une  ville,  tout  éreinté  des  fatigues  du 
voyage,  qui  était  toujours  arrangé  de  la  façon  la  plus  économique  et  la 
moins  commode,  mon  père  m'ordonnait  de  retirer  mes  hardes  de  la  malle, 
de  donner  un  coup  de  brosse  à  mon  habit  et  pantalon  noirs,  de  mettre  un 
:chapeau  qui  avait  l'air  d'une  supplique,  et  des  bottes,  qui  par  le  moyen 
d'une  étoffe  de  laine  et  d'une  rosace  mensongère  qui  couvrait  le  coup  de 
pied,  ressemblaient  à  s'y  méprendre  à  une  paire  de  souliers  humblement 
polis.  Puis,  je  recevais  de  mon  père  un  gros  paquet  de  lettres  de  recom- 
mandation que  je  devais  porter  à  leurs  adresses. 


538  S,    I.    M. 

Pendant  cette  course,  qui  me  coûtait  beaucoup  de  larmes,  parceque 
j'étais  timide,  non  seulement  comme  je  le  suis  encore  aujourd'hui,  mais 
aussi  de  la  timidité  bien  naturelle  à  un  enfant,  mon  père  inspectait  les 
salles  de  spectacle,  esquissait  l'ordre  des  réjouissances  publiques, 
(je  veux  dire  les  programmes  du  concert),  et  mettait  en  ordre  les  parties 
d'orchestre  des  morceaux  que  je  devais  jouer  dans  la  ville.  Puis  il  souli- 
gnait à  l'encre  rouge  les  articles  de  journaux  qui  parlaient  de  mes  concerts 
dans  la  ville  voisine  et  que  je  devais  montrer.  A  ce  sujet,  j'avais  toujours 
des  reproches  à  subir,  ne  voulant  pas  de  cette  manœuvre  que  je  regardais 
comme  déshonorante  pour  un  artiste. 

Pendant  ces  affaires  importantes,  je  faisais  les  courses,  semblable  à  un 
commissionnaire  ou  à  un  être  antédiluvien,  moitié  artiste,  moitié  facteur. 

Tout  le  monde  était  étonné  de  voir  entrer  ce  petit  garçon  à  l'air 
solennel  ;  par  le  dégoût  qui  se  peignait  sur  ma  figure,  tout  le  monde 
pouvait  voir  que  je  récitais  pour  la  centième  fois  la  leçon  qui  m'avait  été 
faite  :    Monsieur,  je   prends  la   liberté  de  vous    présenter  une   lettre  que 

M.  un  Tel  de m'a  donnée.   Je   suis   pianiste  et  j'ai   l'intention 

de  me  faire  entendre  dans  votre  charmante  ville (Ici,  on  changeait 

selon   la  nécessité capitale,   hameau,  chef-lieu)    dont  le  goût  pour 

les  arts  est  connu  partout  ailleurs.  Croyez  vous.  Monsieur ? 

J'allai  voir,  par  exemple,  M.  le  Comte  de  Mieg,  président  de  la 
Cour  de  Cassation.  Je  fus  reçus  à  ma  5''  visite  et  on  me  pria  de  laisser 
mon  adresse.  Quelques  jours  après,  je  trouvais  une  invitation  de  sa  part, 
conçue  dans  ces  termes  très  gracieux  et  très  allemands  :  "  A  M.  Stéphen, 
artiste  musicien.  " 

"J'ai  après  demain  du  monde  à  dîner  chez  moi.  Si  vous  voulez 
passer  le  soir  à  huit  heures  chez  moi,  vous  aurez  occasion  de  faire  des 
connaissances  qui  pourront  vous  être  utiles.  Donc,  si  vous  n'avez  rien  de 
mieux  à  faire  venez  ;  ie  suis  vôtre, 

Comte  de  Mieg." 

"  Post  Scriptum  :  n'oubliez  pas  de  prendre  de  la  musique  avec  vous. 
Mon  piano  étant  très  discord,  je  vous  prie  de  prévenir  mon  accordeur 
Mocher,  qui  demeurait  autrefois  rue  Gerber,  mais  qui  vient  de  déménager. 
Demandez  son  adresse,  S.  V.  P.  " 

J'arrive  deux  jours  après  chez  le  Comte  de  Mieg.  Il  y  a  foule  ; 
partout  des  figures  enluminées  par  un  dîner  copieux.  Son  Excellence 
M.    le  Comte  est    bien  loin  d'inviter    un  humble  artiste  à  dîner  ;    non,  il 


STEPHEN   HELLER  539 

est  assez  bon  pour  le  servir  à  ses  hôtes  comme  un  plat,  comme  un  mets 
de  plus  :  entendre  improviser  un  jeune  homme  imberbe,  n'est  ce  pas  offrir 
à  ses  invités  une  nouvelle  espèce  de  primeurs,  des  petits  pois  au  mois  de 
Janvier  ! 

C'était  un  dîner  et  une  soirée  d'hommes.  Ainsi,  je  n'avais  rien  à 
espérer,  car  les  femmes  seules  auraient  pu  me  donner  du  courage.  On  ne 
voyait  qu'habits  noirs  et  pantalons  majestueusement  larges  ;  que  perru- 
ques soigneusement  blondes  et  nez  abondamment  nourris  de  tabac  dont 
quelques  grains  folâtraient  dans  les  jabots  ou  bien  se  montraient  distillés 
dans  cette  rosée  à  laquelle  le  nez  semblait  servir  de  gouttière  ;  ce  qui 
achevait  de  leur  donner  un  air  grandiose  et  propre  à  faire  glacer  mes 
doigts  de  terreur. 

Cependant,  j'eus  du  succès  et  on  daigna  me  demander  si  je  jouais  de 
quelqu'autre  instrument  encore,  et  à  quel  âge  j'avais  commencé  à  apprendre 
la  musique.  "  Ah,  s'écria  un  Conseiller  d'Etat,  quel  bonheur  que  d'avoir 
du    talent  pour  les  arts.  De   qui  était   donc  le  morceau   que  vous   venez 

d'improviser  .?  " "  Oui,  il  y  a  quelque   chose  de   mystérieux   dans 

le  talent  et  dans  la  manière  dont  il  se  fait  jour,  "  remarqua  le  Consul  des 
Villes  Hanséatiques.  "  Voyez,  par  exemple,  la  complexion  singulière  d'un 
Mathieu  Frok  —  (ici,  je  pâlis)  —  vous  savez,  le  célèbre  coureur.  Figurez 
vous  qu'il  a  fait  le  chemin  de  Gottingue  à  Cassel  en  deux  heures  25  mi- 
nutes et  que  M.  le  Substitut  du  Référendaire  du  Commissariat  des 
Contributions  Communales  ne  le  put  suivre  à  cheval  qu'avec  peine. 
Certainement,  c'est  un  talent  d'ordre  subalterne,  mais  enfin,  tout  le  monde 
ne  peut  pas  " 

Je  prenais  mon  chapeau  lorsque  M.  le  comte  de  Mieg  me  dit  à  part  : 
*' Je  vous  remercie,  M.  Stephen  et  je  vous  prie  de  m'envoyer  un  billet 
pour  votre  Concert,  s'il  a  lieu.  Je  suis  désolé  que  ma  femme  soit  souffrante 
et  que  mes  filles  ne  sortent  jamais.   Adieu  donc  et  si  je  puis  vous  être 

utile,  disposez  de  moi "  Et  il  me  fit  l'honneur  d'arracher  un  bouton  de 

mon  habit. 

Avant  de  passer  la  soirée  chez  cette  Excellence,  je  m'étais  présenté 
chez  M.  Ernemann,  le  Liszt  et  le  Beethoven  de  l'endroit.  Je  m'attendais 
à  trouver  un  artiste  jaloux  et  inquiet  de  voir  un  collègue  exploiter  une 
population  à  laquelle  il  donnait  des  leçons  depuis  25  ans  ;  je  ne  me 
trompais  pas. 

"  Ah,  Monsieur,  dit-il  d'un  air  renfrogné,  j'ai  déjà  entendu  parler  de 


540  S.    I.   M, 

vous  :  M.  TefFeln,  n'est  ce  pas  ?  "  Stephen  "  fis-je  doucement.  "  Ah  oui, 
oui,  je  sais.  Eh  bien,  mon  cher  M.  Stréphen,  voyez-vous,  la  saison  actuelle 
est  extrêmement  défavorable  ;  le  Carnaval  absorbe  tout  le  monde  ;  on  veut 
des  bals,  on  s'occupe  des  travestissements....  (Variante  :  il  fait  beau  temps, 
qui  donc  voudra  s'enfermer  dans  une  salle  de  Concert  au  moins  de  Juin.) 
Et  puis  notre  ville  n'est  pas  grande  ;  (Variante  :  et  puis,  dans  une  grande 
ville  il  y  a  tant  de  distractions  !)  par  conséquent,  il  y  a  peu  à  espérer  d'un 
Concert.  " 

L'excellent  collègue,  pour  se  débarrasser  de  moi,  ajoute  :  "  Mais  je 
vous  donnerai  un  conseil  ;  à  D....  vous  trouverez  plus  d'amateurs  qu'ici 
la  population  de  D...  est  en  général  plus  aisée  que  la  nôtre  ;  (à  D...  on 
renvoie  à  B....  sous  prétexte  qu'il  y  a  des  particuliers  plus  riches.)  Aussi, 
je  m'empresserai,  continue  le  charitable  collègue  de  vous  donner  une 
recommandation  pour  un  homme  tout  puissant  à  D....  qui  est  mon  ami 
et  organiste  à  l'Eglise  S*'  Elisabeth.  " 

Triste,  abattu,  découragé,  je  raconte  à  mon  père  le  succès  de  ma 
visite.  Il  me  répond  :  "  tu  as  été  comme  à  l'ordinaire,  gauche,  timide 
hautain  et  monosyllabique.  Tu  es  bête  quand  il  s'agit  de  montrer  de 
l'esprit,  et  tu  en  montres  avec  moi,  qui  n'en  veux  pas  !  Tu  pleurniches 
quand  je  te  dis  la  vérité,  tu  trembles  quand  il  faut  de  la  fermeté,  et  tu 
bégaies  quand  il  s'agit  de  parler  clairement  !  Est  ce  que  Mozart,  est  ce  que 
Hummel  et  tant  d'autres  se  montraient  aussi  lâches,  aussi  faibles  que  toi, 
quand  ils  voyageaient, avec  leur  père  également, pour  donner  des  Concerts.?  " 

La  voix  de  mon  père  s'attendrissait  peu  à  peu  pendant  cette  allocu- 
tion, de  sorte  que,  malgré  le  comique  de  la  scène,  qui  ne  m'échappait  pas, 
je  me  sentais  me  trouver  mal,  tant  j'aimais  mon  père,  et  tant  est  irrésistible 
la  voix  de  celui  qui  nous  donna  le  jour.  Une  tendresse  délirante  s'emparait 
de  mon  cœur,  quand  je  croyais  voir  souffrir  mon  père,  l'être  le  plus  sacré 

pour   moi  après   Dieu  ! 

(cl  suivre.) 


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L'EXOTISME   ET  LA   MUSIQUE 
DE    L'AVENIR 

Depuis  le  succès  de  M'"'  Butterjîy,  qui  utilise  des  motifs  et  des 
mélodies  japonaises,  et  depuis  le  triomphe  de  'Œ^eliéas  et  Méiisande,  dont 
la  mélodie  et  l'harmonie  ont  pour  base  l'échelle  diatonique  chinoise,  on 
peut  prétendre  que  la  musique  européenne,  en  France  du  moins,  se  meut 
dans  l'atmosphère  exotique.  Il  y  a  déjà  quelques  années,  Saint-Saëns  avait 
annoncé  l'apogée  de  cette  tendance,  dans  un  passage  fameux  de  son 
Harmonie  et  Mélodie. 

La  propagande  que  j'ai  entreprise  en  Allemagne  en  faveur  de  cette 
musique,  tant  par  mes  études  que  par  mes  arrangements  et  compositions, 
m'autorise  à  prendre  position  sur  cette  question. 

Depuis  que  la  polyphonie  a  amené  la  musique  européenne  à  recon- 
naître le  principe  de  la  Tonalité  ;  depuis  que  l'harmonie,  résultat  fortuit 
de  la  conduite  des  voix,  est  devenue  un  des  facteurs  essentiels  de  la 
musique,  la  mélodie  a  subi  une  notable  dépréciation.  Depuis  la  concen- 
tration du  sentiment  tonal  en  deux  modes,  le  Majeur  et  le  Mineur,  la 
musique  a  fait  bon  marché  des  diverses  modalités  ecclésiastiques  :  c'est  là 
un  recul  regrettable  si  l'on  se  place  au  point  de  vue  moderne.  Il  faut  bien 
avouer  que  nous  n'avons  qu'une  tonalité  en  Europe,  la  tonalité 
Majeure,  car  le  genre  Mineur  ne  peut  guère  être  considéré  comme  indé- 
pendant, étant  donné  les  importants  emprunts  qu'il  fait  au  majeur. 


542  S.   L   M. 

Un  temps  devait  venir  où  une  innovation  allait  s'imposer,  pour  échap- 
per à  l'imitation  obsédante  de  l'art  classique  ;  et,  ce  renouveau  ne  pouvant 
venir  de  la  Tonalité,  il  fallut  bien  chercher  ailleurs  :  i°,  dans  la  modulation, 
aboutissant  à  la  négation  presque  absolue  de  la  Tonalité  ;  2*^,  dans  la 
polyphonie,  poussée  jusqu'au  désordre  le  plus  inextricable  ;  3°,  dans  la 
recherche  du  coloris  musical  de  plus  en  plus  raffiné. 

Ce  sont  là  des  moyens  pleinement  justifiés,  mais  qui  ne  satisfont 
pas  complètement  la  loi  d'évolution  de  la  musique  occidentale.  Il  est  évident 
qu'à  l'heure  actuelle,  nous  ne  pouvons  plus  rien  produire  de  nouveau  dans 
les  limites  de  nos  gammes  diatoniques  majeures  et  mineures  :  mais  ne 
pourrions-nous  pas  faire  place  à  d'autres  échelles,  diatoniques  aussi  .?  Ne 
pourrait-on  pas  obtenir  de  nouvelles  ressources  par  l'élargissement  du 
PRINCIPE  TONAL  EUROPÉEN  ?  C'cst  là  le  point  de  départ  de  la  nouvelle  ten- 
dance exotique  que  nous  signalons  ici. 

C'est  avec  raison  que  Saint-Saëns  reconnaît  dans  les  tonalités,  (plus 
justement  les  gammes,)  le  moyen  de  revivifier  la  mélodie  moderne,  en  la 
délivrant  des  tyrannies  accessoires...  Mais  peut-on  envisager  les  gammes 
exotiques,  dont  certaines  sont  identiques  aux  modes  ecclésiastiques, 
comme  des  tonalités  indépendantes,  ayant  leurs  cadences  caractéristiques.? 
Je  crois  pouvoir  l'affirmer,  en  m'appuyant  sur  les  déductions  suivantes. 

Il  faut  d'abord  convenir  que  nos  ancêtres  avaient  absolument  raison 
de  se  sentir  instinctivement  attirés  vers  la  tonalité  majeure  ;  il  est 
indéniable  que  le  majeur  est  la  seule  tonalité  naturelle,  la  seule  qui  se  base 
sur  les  harmoniques  les  plus  puissants.  Prenons,  par  exemple,  la  tonalité 
d'Ut  Majeur  :  je  la  représente  par  la  succession  harmonique  suivante, 
succession  retournant  à  son  point  de  départ. 

Fa   la   Ut  mi   Sol   si  ré  fa 

A      ^^'t^      Î5     ' 

Notre  Mineur,  par  contre,  n'est  pas  une  tonalité  simple  :  c'est  un 
genre  hybride,  qui  fait  des  emprunts  à  deux  tonalités  majeures  :  ainsi,  La 
Mineur  dérive  de  La  Majeur  et  d'Ut  Majeur,  à  la  fois.  L'accord  lui 
même  de  La  Mineur,  (La,  Do,  Mi)  doit  être  considéré  aujourd'hui 
comme  un  mélange  des  accords  de  La  Majeur  et  d'Ut  Majeur.  * 

On    pourrait    concevoir    une   échelle    Mineure    construite    par    les 

'  Tandis  que  jusqu'à  Bach,  au  contraire,   l'accord  parfait   mineur  était  vraisemblablement  perçu  comme 
un  accord  parfait  altéré  La  Majeur. 


L'EXOTISME   ET  LA   MUSIQUE 


543 


mêmes  procédés  que  l'échelle  Majeure,  ce  qui  donnerait  pour  La  Mineur 
le  type  suivant  : 

Ji     $     ^      ^^         ■         1  .       , 

Ré  fa  la  ut  mi  sol  ^  si  ré 

Mais  on  se  trouverait  alors  en  contradiction  avec  le  sentiment 
moderne,  qui  veut  que  la  tierce  soit  un  élément  essentiel  du  mode 
Mineur.  Acceptons  donc  l'hypothèse  d'un  Mineur  hybride  :  La  Majeur, 
Ut  Majeur. 

Nous  serons  aussitôt  portés  à  nous  demander  de  quelle  façon  former 
ici  la  cadence  la  plus  naturelle  ?  Evidemment  au  moyen  de  la  tonalité 
majeure  originale,  (La  Majeur),  c'est  à  dire  celle  dont  le  mineur  dérive 
directement.  Elle  nous  fournit  la  dominante  Mi,  avec  ou  sans  septième 
et  le  mouvement  D.  T. 

Mais  ne  pourrait-on  pas  former  la  cadence  de  la  Mineur  en  se 
servant  de  l'accord  de  Sol,  Dominante  de  la  Tonalité  relative  d'Ut  .? 

On  le  peut,  comme  le  prouve  l'exemple  suivant  : 


— ^r — 


'■    y   ^ 


ii 


22 


Etant  donné  la  résonnance  simultanée  de  la  quinte  supérieure,  (la 
note  entre  parenthèse)  le  ré  de  la  basse  devient  fondamentale  de  la  sous 
dominante  de  La  Mineur  ;  et  comme  le  mouvement  cadençant  Ré  La, 
relève  de  la  Tonalité  de  La  Majeur,  il  est  évident  que  les  deux  tons 
originaux,  (La  et  Ut  Majeur),  participent  à  cette  forme  de  cadence.  Sa 
sonorité  agréable  prouve  pratiquement  la  justesse  de  notre  nouvelle 
conception  du  mineur.  Par  là  se  légitime  aussi  le  mouvement  diatonique 
Sol  La,  en  La  Mineur.  On  obtient  donc  la  gamme  éolienne  suivante  : 

la  si  do  ré  mi  fa  sol  la 

en  tant  que  gamme  indépendante  à  cadence  propre,  gamme  que  j'appelle 
le  "  petit  mineur.  " 

Grieg,  dans  ses  mélodies  "  Herbststimmung  "  et  "  Sieh  dich  vor  "  a 


544  S-   I-   ^• 

employé  cette  cadence  Mineure  sans  toutefois  s'être  rendu  compte  de  sa 
justification  logique. 

Mais  d'autres  gammes  Mineures  peuvent  se  prêter  à  l'établissement 
de  Tonalités  indépendantes.  Il  est  possible  de  concevoir  l'accord  parfait 
mineur  de  La,  non  seulement  comme  étant  La  Do  Mi  (Sol),  mais  en 
d'autres  circonstances,  comme  étant  : 

l!    #  ^ 

La   Ut  Mi,  (Fa)  La    Ut  Mi,  (Sol)  ou  encore  (Ré  Fa)  La    Ut  Mi. 

Par  conséquent  La  Mineur  peut  passer  pour  un  La  Majeur  altéré, 
dont  voici  l'échelle  : 

La   Si   Do   Ré   Mi   Fa  jr  Sol  <  La,      (Mineur  Fondamental  ;) 
ou  pour  un  La  Majeur  +   Fa  Majeur,  dont  la  gamme  serait  : 

La  Si  ^  Ut  Ré   Mi  Fa  Sol  La,      (Grand  Mineur) 

ou  finalement  comme  La  Majeur  +  Sol  Majeur,^  dont  voici  l'échelle  tonale: 

La  Si   Do   Ré   Mi   Fa  ?  Sol  La,  (Mineur  de  Neuvième). 

Ici  également,  c'est  l'accord  de  Dominante  de  la  Tonalité  originale  qui 
fournit  les  cadences  les  plus  naturelles  ;  par  exemple,  pour  le  mineur  de 
neuvième,  on  procède  à  l'aide  de  l'accord  parfait  ou  de  l'accord  de  Sep- 
tième Majeur  sur  Ré,  formation  de  Dominante  de  la  Tonalité  de  Sol 
Majeur.  ^ 

Il  serait  indispensable  de  fixer  des  termes  exacts  pour  les  nouveaux 
types  Mineurs  :  ils  ont  l'aspect  des  gammes  médiévales,  ils  n'en  ont  plus 
le  sens. 

A  ces  formations  viennent  se  joindre  les  différentes  gammes  des 
Tsiganes  avec  leurs  secondes  augmentées.  En  fait  de  Gammes  à  Sept 
degrés  nous  aurons  donc  à  l'avenir  à  notre  disposition  26  tonalités  sur  la 
même  base,  (Tonique),  y  compris  nos  modes  Majeur  et  Mineur  ;  étant 
donné  que  chacun  des  douze  degrés  de  notre  gamme  tempérée  est  sus- 
ceptible de  devenir  la  fondamentale  de  26  gammes  nouvelles,  nous 
obtiendrons  26  x  12  =  312  Tonalités,  qui  récèlent  une  multitude  de 
moyens  d'expression  nouveaux. 

Comme  preuves  de  leur  utilisation  mélodique,  je  citerai  le  ton  entier 
Sol  La  au  lieu  du  demi  ton  Soit  La,  (en  La  petit  Majeur  et  La  Mineur), 
le   ton    entier    Si   La,    au   lieu   du    demi    Ton   Si  ^    la    en    Ré    Mineur, 

'   Étant  donné  que  l'accord  de  Neuvième,  Rc   Fa  i  La  Ut   Mi  est  un  aspect   de   la   Dominante  de  Sol 
Majeur. 


L'EXOTISME   ET   LA  MUSIQUE  545 

le  demi  ton  Si  Ut  au  lieu  du  Ton  Si  ^  Ut  en  Fa  majeur  et  Fa  mineur; 
puis  aussi  les  intervalles  spécifiques  que  l'on  rencontre  dans  les  gammes 
tsiganes  :  Ut  Ré,  jt  Ré  f  Fa,   Sol  t  Ut,  et  leurs  renversements. 

Ces  intervalles  se  rencontrent  parfois  dans  la  musique  européenne, 
mais  accidentellement,  sans  que  les  fondements  de  nos  Tonalités  et  le 
caractère  de  leurs  cadences  en  soient  altérées.  Ajoutons  que  ces  mouve- 
ments mélodiques  sont  utilisés  le  plus  souvent  dans  un  but  pittoresque. 
Le  nouveau  style  exotique,  au  contraire,  n'y  cherche  que  des  moyens 
d'expression. 

En  tous  cas,  il  ne  s'agit  plus  seulement  d'un  procédé  d'harmonisation 
mais  d'un  problème  bien  autrement  important  :  la  fusion  de  l'Orient  et 
de  l'Occident.  Et  d'ailleurs,  cet  art  nouveau  ne  se  bornera  pas  à  révolu- 
tionner les  gammes  diatoniques  :  le  chromatisme  et  la  modulation  ne  lui 
manqueront  pas.  Dès  maintenant,  nous  pouvons  prévoir  dans  le  genre  exo- 
tique de  notre  musique  occidentale  des  modulations  infiniment  variées.  ^ 

Mais  le  style  exotique  ne  nous  fournit  pas  seulement  les  gammes  à 
sept  degrés  ;  il  nous  en  offre  également  à  cinq  et  à  six  degrés  :  la  gamme 
chinoise  diatonique  :  Do  Ré  Mi  Fa)},  Sol#  ou  Lab,  Sib  Ut,  ainsi  que  la 
gamme  pentatonique  de  forme  chino-celtique  :  Do  Ré  Mi  Sol  La  Do, 
sans  demi-tons  et  de  forme  japonaise  :  Ut  Ré  Mib  Sol  Lab  Do. 

Comme  pour  les  gammes  à  sept  degrés,  chaque  ton,  ici,  peut  aussi 
devenir  la  Tonique  d'une  nouvelle  gamme.  Ajoutons  toutefois  que  dans 
les  gammes  pentatoniques,  l'harmonie  ne  peut  se  passer  des  degrés  absents. 
Selon  nous,  le  système  pentatonique  ne  peut  être  considéré  que  comme 
formation  mélodique  particulière,  dans  les  limites  du  système  des  gammes 
à  sept  degrés. 

L'arrangement  des  mélodies  exotiques  conçues  en  dehors  de  nos 
imodalités  Majeure  et  Mineure  constitue  une  excellente  préparation  à 
l'application  du  nouveau  style.  Mentionnons  ici  les  quatre  façons  de 
procéder  dans  ce  travail. 

i*'  Reproduction  phonographiquement  exacte  des  mélodies  et  de  leur 
harmonie  éventuelle.  2°  L'autre  extrême  :  Europaïsation  totale  de  la 
mélodie  et  de  l'harmonie.  3°  Harmonisation  Occidentale  de  la  mélodie 
exotique  scrupuleusement  respectée.  4°  Harmonisation  Exotico-Occiden- 
tale  de  la  Mélodie  non  modifiée.   Pratiquement,  le  premier  procédé  est 

^  Ainsi  le  type  petit  mineur  de  La  peut  moduler  au  grand  mineur,  c'est  à  dire   que   La  Si  Ut  Ré  Mi  Fa 
Sol  La  devient  Mi  Fa  Sol  La  Si  Do  Ré  Mi. 


546 


S.  I.  M. 


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L'EXOTISME    ET    LA    MUSIQUE         547 

inapplicable  ;  il  n'offre  aucune  ressource,  étant  donné  la  divergence  qui 
existe  entre  notre  goût,  notre  éducation  musicale,  et  la  musique  orientale. 
La  seconde  méthode,  qui  fleurissait  jadis,  doit  être  écartée  comme  ne  res- 
pectant pas  la  mélodie. 

L'exemple  que  je  soumets  ici  est  une  chanson  de  route  japonaise 
caractéristique,  "  Shotai  ",  construite  à  l'aide  de  la  Gamme  : 

Ré  Mi  Fa  Sol  La  Si   Do  Ré. 

Qu'on  veuille  bien  lire  cette  mélodie  en  imaginant  les  dièzes  à  leurs 
places  respectives,  et  l'on  verra  qu'elle  acquiert  de  suite  un  caractère 
européen.  L'arrangement  de  J.  A.  Pollak,  a  respecté  la  mélodie,  que 
viennent  cependant  contredire  l'harmonie  et  la  Tonalité.  En  procédant 
ainsi,  la  mélodie  perd  son  caractère  d'acuité  :  nous  n'avons  plus  là  qu'un 
spécimen  puéril  de  cette  musique.  Le  3^  exemple,  par  contre,  tend 
vers  la  fusion  de  l'harmonie  et  de  la  mélodie. 

Lorsque  Saint-Saëns  annonçait  que  le  rythme  à  peine  exploité  se 
développerait,  il  eut  pu  ajouter  que  la  musique  exotique,  en  vertu  de  son 
principe  homophone,  pouvait  se  permettre  plus  de  liberté,  quant  aux 
rythmes,  à  l'accent  et  à  la  forme,  que  la  musique  européenne.  N'oublions 
pas  que  la  division  en  mesures,  nécessaire  à  la  production  simultanée  des 
différentes  voix  constitue  une  entrave  au  libre  mouvement  de  la  mélodie 
et  du  rythme.  Elle  a  conduit  la  phrase  musicale  à  la  carrure  et  elle  a 
annihilé  en  nous  le  sens  des  grandes  périodes  mélodiques.  En  dépit  des 
libertés  rythmiques  qui  caractérisent  la  musique  exotique,  cette 
dernière  ne  doit  pas  être  taxée  d'amorphie  :  les  fréquentes  répétitions 
servent  ici  à  ponctuer  le  langage  musical.  Et  telle  est  la  force 
du  sens  rythmique  en  Orient  que  les  instruments  à  percussion  qui 
accompagnent  les  différents  morceaux,  n'accentuent  pas,  comme  chez 
nous,  les  temps  forts,  mais  précisément  les  temps  faibles. 

Il  est  difficile  de  prédire  quelle  influence  pourront  avoir  sur  l'art 
européen  les  rythmes  et  le  style  exotique.  Il  est  impossible  de  dire  si  les 
tiers  et  quarts  de  tons  exotiques  provoqueront  une  nouvelle  division  des 
demi-tons.  L'intuition  des  quarts  de  tons  existe  chez  nous  à  l'état  latent 
mais  il  n'est  pas  prouvé  que  ces  tons,  abandonnés  jusqu'à  présent  à 
l'arbitraire,  puissent  jamais  être  choisis  comme  degrés  essentiels  de  notre 
système  musical.  Celui-ci  passerait  alors  du  système  de  douze  degrés  à 
celui  de  cinquante-trois  degrés. 

Georges   Capellen. 

2 


Gamelang  Salandro  (Sultanat  de  Yogyakarta) 


transcriptiou  pour  instruinents  européens  par  Ch.  Kœchltn 

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Voici  un  des  plus  curieux  essais  tentés  en  France  dernièrement  pour  introduire  la  musique  orientale  dan$ 
nos  concerts.  Ces  pièces  javanaises  ont  été  orchestrées  par  M.  Cl.arles  KOrlilin,  et  exécutées  à  la  société 
Indépendante  <le  musique  au  mois  de  juin  1910. 


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On  a  mis,  depuis  sept  ou  huit  ans,  dans  l'histoire  de  la  musique, 
beaucoup  de  choses  à  la  Stamitz.  Autour  d'un  grand  musicien,  soudaine- 
ment tiré  de  l'oubli,  les  ombres  des  "  Mannheimer  "  ont  été  évoquées  et 
l'on  a,  de  droite  et  de  gauche,  repris  à  d'autres,  pour  les  leur  rendre  ou 
les  leur  attribuer,  toutes  sortes  d'inventions  grandes  et  petites,  formes, 
formules  ou  procédés  de  composition  ou  d'exécution.  A  l'heure  du  Juge- 
ment, qu'annonce  l'Evangile,  "  les  derniers  seront  les  premiers  "  :  des 
trompettes  impatientes  sonnent  déjà  pour  appeler  à  la  gloire  les  Stamitz, 
Richter,  Toeschi,  Holzbauer,  Filz,  Cannabich,  et  faire  d'eux  l'avant- 
garde  d'Haydn,  Mozart  et  Beethoven.  Le  résultat  de  ce  mouvement, 
dont  le  D'  Hugo  Riemann  a,  comme  on  sait,  pris  l'initiative  et  la 
direction,  est,  autant  qu'une  découverte,  un  déplacement  d'opinions  et 
d'attributions.  C'est  aussi  un  coup  de  fouet  donné  aux  chercheurs  de  tous 
pays,  dont  l'amour-propre  national  entre  en  jeu.  Déjà  sont  apparus,  en 
face  des  rénovateurs  de  l'école  de  Mannheim,  les  défenseurs  de  l'école 
viennoise.  A  nous,  Français,  importe  surtout  quelle  part  peuvent  reven- 
diquer nos  artistes  dans  le  partage  commencé.  En  attendant  que  des 
champions  fortement  armés  se  décident  à  rompre  quelques  lances  en 
faveur  de  l'ancienne  musique  symphonique  française,  on  peut  tenter,  du 
bout  de  la  plume,  une  escarmouche  à  propos  d'un  très  petit  détail, 
l'invention  du  crescendo.  Récemment,  M.  Alfred  Heuss  a  annoncé  ' 
l'intention  d'écrire  l'histoire  de  la  "  dynamique  musicale  ",  et  il  a  d'avance 
insisté  sur  l'utilité  des  études  à  faire  dans  cette  direction,  négligée 
jusqu'ici  parceque  les  points  d'appui  semblent  manquer  pour  s'y  engager 
avec  fruit.  L'apparente  rareté  des  documents  n'est  pas  chose  propre  à 
rebuter  le  courage  des  érudits  ;  tous  savent  que  d'une  mention,  d'un  tait 
jugé  à  première  vue  sans  importance  peuvent  découler  d'assez  notables 
conséquences  ;  et  c'est  pourquoi  les  moindres  indications  doivent  être 
recueillies  pour  servir  de  jalons  ou  de  parapets,  le  long  d'une  route 
incertaine. 

'   Dans  l'intéressante  étude  qu'il  a  donnée  à  la  Ffstschrift  Rumann. 


L'ORIGINE    DU    "CRESCENDO"        565 

Avant  que  l'on  songeât  à  établir  les  droits  de  Stamitz  et  des 
"  Mannheimer  "  sur  la  création  de  la  symphonie,  on  leur  faisait  honneur 
déjà  de  l'invention  du  crescendo.  Trois  écrivains  servaient  de  caution  : 
Burney,  Reichardt  et  Schubart.  Ce  dernier  reste  la  moindre  "  autorité  ", 
non  seulement  parceque  son  livre,  écrit  de  mémoire  pendant  sa  captivité, 
et  imprimé  après  sa  mort,  ne  fournit  pas  de  date  précise,  mais  parceque 
nombre  de  ses  affirmations  pèchent  par  l'exactitude.  Le  passage  qui  con- 
cerne l'orchestre  de  Mannheim  vise  principalement  au  beau  style  :  "  Son 
forte  est  un  tonnerre,  son  crescendo  une  cataracte,  son  diminuendo  un  mur- 
mure cristallin  de  rivière  qui  s'éloigne,  son  piano  une  haleine  du  prin- 
temps". Schubart,  d'ailleurs,  trouve  aux  œuvres  de  "  Staniz  le  père"  une 
"  mine  vieillotte  "  ;  c'est  du  temps  de  Cannabich  qu'il  a  entendu  les 
musiciens  de  Mannheim,  et  c'est  Cannabich  qu'il  vante  comme  "  le 
créateur  de  l'exécution  égale  "  qui  règne  dans  cet  orchestre,  comme 
l'inventeur  de  "  tous  ces  miracles  que  l'Europe  admire  ".  ^ 

Reichardt  et  Burney  non  plus  ne  connurent  l'orchestre  de  Mannheim 
que  sous  la  direction  de  Cannabich,  longtemps  après  la  mort  de  Stamitz. 
C'est  de  1772  que  date  le  fragment  souvent  cité  des  voyages  de  Burney, 
où  sont  célébrés  les  fastes  musicaux  de  la  résidence  palatine  :   "  C'est  là 
que  Stamitz,  stimulé  par  les  œuvres  de  Jommelli,  a  pour  la  première  fois 
étendu  les   limites  de  l'ouverture...   C'est  dans  cette  salle  que  sont  nés  le 
crescendo  et  le  diminuendo.  Le  piano.,  que  l'on  n'employait  principalement 
qu'en   guise  à' écho,  le  forte,  devinrent  ainsi  de  véritables  couleurs  musi- 
cales... "  A   ces   textes,    M.   Riemann  joint  un  extrait  du  petit  écrit  de 
Reichardt  "  sur  les  devoirs  du  musicien  d'orchestre  ",  qui  parut  en  1776: 
"  La  plupart  des  orchestres  connaissent  et  emploient  seulement  \q  forte  et 
le  piano,  sans   s'inquiéter  d'une  délicate  gradation...  îl  est  difficile,  très 
.difficile  d'obtenir  d'un  orchestre  ce  que  déjà  ne  réalise  qu'avec  peine  un 
I virtuose  isolé.  Cependant  cela  est  possible:  on  a  entendu  cela  à  Mannheim 
Ut  à  Stuttgart  ".  ^ 

'  Déjà   dans    un    ouvrage    précédent,   —    son   premier   ouvrage,  — 

Reichardt  s'était  extasié  sur  le  crescendo  de  Mannheim.  Il  datait  de 
Berlin  la  première  de  ses  "  lettres  d'un  voyageur  attentif,  concernant  la 
musique  ",    et,    après    avoir  parlé   de  l'orchestre   de    Dresde,   il    disait  : 

^  Schubart,  Ideen  zu  einer  JEsthetik  der  Tonkunst,  1806,  p.  121,  137. 

^  Ces  textes  sont  cités  par  Riemann  dans  sa  préface  au  premier  volume  de  symphonies  de  l'école  palatine 
)avaroise,  Denkmâler  der  Deutscher  Tonkunst,  2^  série,  3^  année,  vol.  I,  1902. 


566  S.  I.    M. 

"  Quant  à  l'augmentation  et  diminution  {Anivachsen  et  Versckwinden) 
d'un  son  prolongé  ou  de  beaucoup  de  sons  successifs,  qui  produit,  pour 
ainsi  dire,  toutes  les  nuances  {Schattirung)  d'une  couleur  allant  du  clair  au 
foncé,  et  qui  est  si  magistralement  exécuté  à  Mannheim,  je  n'en  parlerai 
pas  ici  (à  Berlin),  car  Hasse  et  Graun  ne  s'en  sont  jamais  servi...  "  ^  — 
Il  est  curieux  de  voir  en  1835  un  rédacteur  de  l'Encyclopédie  de  Schilling 
expliquer  le  crescendo  comme  une  chose  encore  à  peine  clairement  définie, 
emprunter  sa  description  à  Reichardt,  insister  sur  ce  que  le  passage  du 
piano  au  forte  doit  être  constamment  gradué,  sans  à-coups,  et  sur  ce 
que  il  n'est  pas  de  règle  d'y  associer  une  accélération  de  mouvement  ;  et 
dire  enfin  que  pour  un  virtuose  isolé  l'exécution  du  crescendo  est  aisée, 
mais  qu'elle  est,  pour  un  orchestre,  "  d'une  difficulté  inouïe  (iingeheuer 
schwer)^  si  ce  n'est  même  impossible.  "  ^ 

C'était  sur  la  foi  de  Reichardt  que  le  même  lexicographe  désignait 
Jommelli  comme  celui  qui  avait  "  élevé  le  mot  italien  crescendo  à  une 
signification  musicale  technique,  esthétique  ".  On  raconte,  avait  dit 
Reichardt,  que  "  le  jour  où  Jommelli  fit  entendre  cela  à  Rome  pour  la 
première  fois,  les  auditeurs,  pendant  le  crescendo^  se  levèrent  peu  à  peu  de 
leurs  sièges,  et  ne  respirèrent  qu'au  diminuendo^  s'apercevant  alors  qu'ils 
avaient  perdu  l'haleine.  —  J'ai  moi-même,  ajoute-t-il,  éprouvé  cet  effet 
à  Mannheim  ". 

L'invention  de  crescendo  n'est  d'ailleurs  pas  absolument  revendiquée 
en  faveur  de  Stamitz  et  de  ses  élèves,  par  leurs  nouveaux  avocats.  Le 
D"  Riemann  concède  que  le  procédé  était  connu  des  solistes,  chanteurs 
ou  instrumentistes,  et  que,  entre  autres,  Geminiani  le  pratiquait  dans  ses 
œuvres  et  sa  méthode  de  violon  :  en  quoi  Geminiani  suivait  simplement 
l'exemple  des  grands  virtuoses  de  l'art  vocal,  car,  dès  1723,  Pier  Francesco 
Tosi  définissait  la  bonne  mise  de  voix  "  la  manière  de  commencer  le  son 
pianissi??îo  et  de  le  conduire  insensiblement  du  pianissimo  au  fortissimo,  puis 
de  le  ramener  avec  la  même  respiration  du  fortissimo  au  pianissimo'',  et  il 
ajoute  que,  de  son  temps,  les  chanteurs  "  modernes  "  dédaignaient  déjà 
ce  procédé  d'un  "  excellent  effet  ",  mais  regardé  C(jmme  "  ancien  "  ;  ^  — 
et  en  1739,  le  président  de  Brosses  admire,  dans  les  duos  qu'il  entend  en 
Italie,   la   façon    dont   "  les  voix,  ainsi  que  les  violons,  emploient  ce  clair- 

'   Rkichardt,  Bnefe  e'inei  aitfmi-rksamen  Kciseiidiii,  ilie  Mitsik  bctriffenJ,  1774,  tome  I,  lettre  i. 

*  An.  Crescendo  AkV  EncYclof'^Jie  lier  gesaminti'ii  musikiiruiheti  irhsiiisc/uifiin,  de  Schilling,  t.   II,  p.    327. 

*  Tosi,  Opinioni  Je'  Caniori  aiilic/ii  e  moJenti,  etc.,  cliap.  I.  —  traii.  tV.,  p.  37. 


L'ORIGINE   DU    ''CRESCENDO"        567 

obscur,  ce  renflement  insensible  du  son,  qui  augmente  de  force  de  note 
en  note,  jusqu'au  plus  haut  degré,  puis  revient  à  une  nuance  extrême- 
ment douce  et  attendrissante  ".  ^  Il  serait  aisé  de  réunir  d'autres  textes, 
qui,  tout  au  moins  pour  l'exécution  des  solos,  contredisent  l'idée  des 
alternatives  brusques  de  force  et  de  douceur,  des  oppositions  perpétuelles 
de  contrastes  en  écho.  Aussi  M.  Riemann  y  renonce-t-il,  et,  dans  l'affaire 
principale  du  crescendo  des  "  Mannheimer  ",  s'arrête-t-il  à  affirmer  seule- 
ment que  l'extension  du  procédé  à  l'exécution  orchestrale  et  l'adoption 
du  mot  cresce?ido  pour  le  commander,  lui  paraissent  la  propriété  de 
Stamitz,  auquel  seulement  l'exemple  de  Geminiani  aurait  appris  à  prêter 
plus  d'attention  aux  signes  dynamiques.  ^ 

Sur  ce  terrain,  d'autres  chefs  d'orchestre  allemands  marchaient  en 
même  temps  que  lui.  Reichardt,  dans  sa  lettre  de  Berlin,  parlait  du 
Concertmeister  de  Dresde,  Pisendel,  qui  "  se  donnait  la  peine  presque 
incroyable  d'inscrire  sur  toutes  les  parties  de  chaque  opéra,  de  chaque 
musique  qu'il  devait  diriger,  \t,%  forte  et  les  piano.,  leurs  différents  degrés, 
et  même  les  coups  d'archet  ".  Ce  Pisendel  était  mort  avant  Stamitz,  le 
25  novembre  1755,  après  quarante  ans  de  services  à  la  cour  de  l'électeur 
de  Saxe  ;  sur  l'ordre  de  son  maître,  il  avait  voyagé  en  France,  en  Italie, 
et  il  passait  pour  avoir  introduit  dans  la  direction  de  l'orchestre  de 
Dresde  un  goût  "  mélangé  de  français  et  d'italien  ".  On  aimerait  à 
connaître  la  forme  de  ses  annotations  dans  les  partitions  et  les  parties 
séparées  de  ses  propres  ouvrages  et  des  ouvrages  d'autres  compositeurs, 
dont  les  manuscrits  peuvent  encore  subsister  ;  on  aimerait  surtout  savoir 
comment  il  exprimait  ces  "  différents  degrés  "  àt  forte  et  de  piano.  Dans 
une  ouverture  de  Galuppi,  que  mentionne  M.  Riemann,  écrite  pour  // 
flosofo  in  campagîîa,  et  jouée  à  Milan  en  iJSA->  ^  Mannheim  en  1756,  la 
succession  des  termes  pianissimo,  piano.,  mezzo  forte.,  forte,  fortissimo,  pres- 
crivait fort  exactement  la  gradation  fameuse,  la  "  chose  qui  existait,  dit 
M.  Riemann,  avant  le  mot  "  :  et  c'est  de  la  même  façon  que  se  trouve 
prescrit  le  même  effet,  dans  l'ouverture  du  Choix  d'Hercule,  de  H^endel, 
dont  la  composition  remonte  à  1750.  ^ 

L'innovation  de  Stamitz  ou  de   Cannabich  se   réduirait-elle  donc  à 

^  Le  Président  de  Brosses  en  Italie,  t.  II,  p.  382.  —  M.  Kamienski  s'est  servi  de  ce  texte  dans  l'article  cité 
plus  loin. 

^  V.  un  article  de  M.  Hugo  Riemann  dans  le  Bulletin  mensuel  de  la  Socie'té intern.  de  mus.,  t.  X,  1908-1909, 
p.  137. 

^  Romain  Rolland,  Handel,  p.  200  et  suiv. 


568  S.    I.    M. 

une  question  de  mot  ?  Toujours  est-il  qu'avant  la  date  des  voyages  de 
Reichardt  et  de  Burnev  le  mot  aussi  bien  que  la  chose  étaient  déjà,  de 
côté  et  d'autre,  employés.  Haydn,  en  1768,  rédigeant  des  instructions 
pour  l'exécution  de  sa  cantate  Applausus^  recommandait  à  ses  interprètes 
de  prendre  garde  aux  signes  de  nuances,  "  car  il  y  a,  écrit-il,  une  très 
grande  différence  tnirt  piano  tt  pianissimo^  forte  ç.\.  fortissimo^  entre  crescendo 
et  sforzando  ".  ^  La  notation  du  "  cresc.  "  existe,  dit  M.  Kamienski,  dans 
plusieurs  ouvrages  de  Hasse  (ce  qui  contredit  l'assertion  de  Reichardt)  et 
dans  les  symphonies  (ouvertures)  de  Jommelli,  qui  sont  à  la  bibliothèque 
de  Berlin.  '  Eitner,  qui  a  signalé  l'emploi  du  crescendo  à  la  fin  de  l'ouver- 
ture de  Lisuart  et  T>ariolette^  de  Hiller,  —  un  opéra-comique  allemand 
écrit  en  1766  par  un  maître  qui  n'était  jamais  allé  à  Mannheim,  —  ne 
nous  explique  pas  par  quel  mot  ou  quel  signe  le  compositeur  l'exprimait.  * 

Pour  chercher  des  exemples  de  l'emploi  du  crescendo  en  France, 
nous  partirons  de  la  date  où  Reichardt  déclarait  ce  procédé  "  possible  ", 
mais  usité  seulement  à  Mannheim  et  à  Stuttgart,  et  nous  remonterons  de 
cette  date  à  d'autres,  antérieures. 

Donc,  en  1775,  un  des  compositeurs  ordinaires  du  Concert  Spirituel, 
à  Paris,  Henri-Joseph  Rigel,  se  sert  du  crescendo  comme  d'un  élément  de 
description  musicale,  dans  son  oratorio  la  Sortie  d'Egypte.  La  première 
audition  avait  eu  lieu  le  25  mai  1775,  une  autre,  en  1777  ;  après  celle-ci, 
le  Journal  de  Paris  déclara  charmante  "  la  marche  des  Israélites,  exécutée 
comme  elle  l'est,  avec  toutes  les  gradations  du  crescendo  ".  "*  L'effet 
était  renouvelé  de  la  marche  des  janissaires,  dans  /es  Deux  avares^  de 
Grétry  (1770),  et  déjà  tellement  connu  et  goûté  du  public  français, 
qu'en  1765  le  sieur  Berger,  "  accompagnateur  du  concert  de  Grenoble" 
et  inventeur  d'un  "  clavecin  organisé  "  qu'il  appelait  le  Pneumacorde^ 
s'efforçait  d'en  faciliter  l'exécution  sur  les  instruments  à  clavier,  et  pro- 
posait aux  amateurs  d'adapter,  moyennant  300  livres,  aux  clavecins 
ordinaires,  "  sa  mécanique  avec  le  crescendo  ".  ' 

La  notation  du  même  effet,  par  l'abréviation  cresc..,  s'introduisait  en 
même  temps  dans  la  gravure  des  œuvres  musicales,   et   nous  la  trouvons, 

'  PoHL,  Haydn,  t.  II,  p.  39  et  suiv. 

'  V.  l'article  de  M.  Kamienski,  Mann/uim  et  l'Ilaiu;  clans  le  Riiiiril  trinustritl  de  la  Soc.  intcrn.  de  mus., 
t.  X,  1908-1909,  p.  307  et  suiv. 

'  Monatshefu  ftir  Muiikj^euhkhle,  t.  XXIV,  1S92,  p.  39. 

*  Jonrnal  de  Paris  du  26  mars  1777. 

*  Annonces,  affiches  et  ai'is  di'vers,  du  15  octobre  1765. 


L'ORIGINE   DU    ^'CRESCENDO"        569 

par  exemple,  dans  les  Six  Symphonies  a  grande  orchestre^  œuvre  X,  de 
Miroglio  le  jeune  (Jean-Baptiste  Miroglio),  mises  en  vente  dans  l'été  de 
1764  '  et  dont  nulle  particularité  ne  passait  pour  une  innovation.  Si 
Cannabich  fut  l'introducteur  du  crescendo  dans  l'orchestre  de  Mannheim, 
il  pouvait  donc  l'avoir  trouvé  d'usage  courant  à  Paris,  lorsqu'il  y  vint 
en  1772.  ^ 

En  remontant  encore  de  quelques  années,  nous  lisons  dans  le  compte- 
rendu  d'un  des  opéras  les  plus  oubliés  de  J.-B.  de  La  Borde,  les  Bons  amis^ 
—  un  petit  opéra-comique  en  un  acte,  —  joué  en  1761,  l'éloge  d'un 
"  crescendo  dans  l'accompagnement  d'un  monologue  ",  qui  produisait  "  un 
grand  effet  ".  ^  Un  autre  journaliste  va  nous  montrer  que  "  la  chose  '', 
sinon,  cette  fois,  le  "  mot  "  avait  été  pratiquée  à  Paris  antérieurement  au 
séjour  de  Stamitz.  L'auteur  des  Sentiments  d'un  harmoniphile  sur  différents 
ouvrages  de  musique^  retraçant  la  biographie  de  l'organiste  et  compositeur 
Antoine  Calvière,  mort  le  18  avril  1755,  s'étend  avec  complaisance  sur 
sur  le  Te  Deum  que  ce  maître  avait  fait  exécuter  en  l'église  de  l'Oratoire 
du  Louvre,  "pour  la  convalescence  du  Dauphin",  c'est-à-dire  en  1752. 
Une  peinture  musicale  du  Jugement  dernier  accompagnait  le  verset 
Judex  crederis,  et  dans  cette  page  exécutée  par  "  tout  le  corps  de  la 
symphonie  ",  un  tambour  placé  au  milieu  de  l'orchestre,  imitait  le  bruit 
du  tonnerre  "  par  un  roulement  continuel  et  toujours  en  enjiant  le  son.  " 
Autour  de  lui,  les  instruments  chargés  d'interpréter  "  une  tempête  qui 
fait  frémir  ",  se  bornaient-ils  à  des  teintes  plates  et  à  l'amusement  des^ 
échos  ?  C'est  peu  probable.  Eux  aussi,  vraisemblablement  usaient  de  ce 
moyen  d'  "  enfler  le  son  "  dont  la  valeur  descriptive  n'échappait  pas  à 
l'auteur  de  ce  Te  T>eum.  *  Remarquons  toujours  que  Stamitz,  en  séjour- 
nant environ  un  an  à  Paris,  en  175 4- 1755,  put  connaître  Calvière  et  son 
Te  T)eum.,  dont  le  succès  avait  été  si  grand,  que  "  plusieurs  musiciens  " 
s'en  étaient  fait  immédiatement  les  imitateurs  et  avaient  "  travaillé  dans 
le  même  genre  "  leurs  propres  composition  sur  ce  texte.  ^ 

Rien  n'était  plus  cher  alors  aux  musiciens  et  au  public  français  que  les 
effets  descriptifs.  Tout  ce  qui  pouvait  renforcer  ou  préciser  l'expression 

^  UA-uant-Coureur  àvi  15  octobre  1764. 

^  Nous  avons  donné  quelques  indications  relatives  au  voyage  de  Cannabich  dans  notre  livre  :  les  Concerts 
en  France,  p.  399. 

^  Mercure  de  France,  avril  1 7  6 1 . 

*  Le  Te  Deum  de  Calvière  paraît  malheureusement  perdu. 

*  C'est    ce  qu'affirme  l'auteur   des  Sentiments  cTun  harmoniphile,   qui  écrit  en   1756,   quatre   ans   après 
l'exécution  de  l'ouvrage  de  Calvière. 


570  S.   I.   M. 

répondait  aux  goûts  d'une  époque  plus  foncièrement  éprise  de  littérature 
que  de  musique  pure.  Le  crescendo  apportait  une  couleur  précieuse  à  la 
peinture  sonore  :  Calviere  l'admit  à  ce  titre.  Pourquoi  ne  pas  supposer 
que  Rameau,  qui  connaissait  dans  le  chant  "  les  sons  enflés  et  diminués  " 
et  qui  demandait  qu'un  chanteur  mît  "  de  l'âme  dans  toutes  ses  expres- 
sions ",  ^  se  servit  du  crescendo  pour  souligner  une  progression  harmonique 
en  même  temps  qu'une  "  situation  "  théâtrale  }  Sans  doute,  les  partitions, 
gravées  ou  copiées,  de  ses  opéras,  sont  presque  dépourvues  de  signes 
dynamiques  ;  mais  avec,  M.  Kamienski,  nous  regardons  volontiers  les 
simples  p.  et  f.  les  brèves  indications  de  doux  et  de  fort^  comme  le 
"  squelette  "  sur  quoi  s'ajoutaient  les  nuances  intermédiaires  capables  de 
lui  communiquer  la  vie.  L'ouverture  de  Nais  (1749),  vraie  symphonie 
descriptive  qui  peint  l'assaut  des  Titans,  escaladant  le  ciel,  ne  nous 
invite-t-elle  pas  à  deviner,  à  lire  entre  les  signes  ordinaires  d'opposition, 
une  "  gradation  "  de  sonorité  soulignant  l'ascension  fébrile  des  arpèges 
qui  se  brisent,  la  répétition  syncopée  d'accords  dont  le  retour  exprime 
l'effort  "  haletant,  exaspéré,  tenace  ",  ^  rendu  sensible,  par  l'oreille,  aux 
yeux  de  l'esprit  1 

Sinon  dans  les  partitions,  du  moins  peut-être  dans  les  parties  séparées, 
copiées  pour  l'exécution,  des  œuvres  de  nos  anciens  maîtres  français, 
trouverait-on  des  indices  précis  de  leur  manière  de  nuancer.  De  telles 
découvertes  n'auraient  pas  seulement  pour  effet  de  fixer  un  détail  histori- 
que :  elles  éclaireraient  d'un  peu  plus  de  lumière  les  doctrines  incomplètes 
et  controversées  sur  lesquelles  nous  basons  actuellement  les  exécutions  et 
les  rééditions  de  musique  ancienne. 

Michel  Brenet. 


'   Ce  sont  les  termes  dont  il  se  sert,  au  chapitre  "de  l'Expression  ",  du  CoJe  Je  munque  pruuqu/. 
'  V.  à  la  p.  127  de  l'excellent  livre  de   M.  Laloy  sur  Rameau  quelques  lignes  tris  justes  et  très  heureuses 
concernant  cette  ouverture. 


On  en  a  dit  et  on  en  va  dire  sans  doute  encore  tout  au  monde,  peut- 
être  même  qu'elle  n'a  eu  aucun  succès.  C'est  pourquoi  Vienne  et  Mannheim 
s'en  sont  d'ores  et  déjà  assuré  les  reprises.  La  vérité  est  que,  de  ma 
vie,  je  n'ai  assisté  à  un  pareil  déchaînement  d'enthousiasme,  à  d'aussi 
interminables  ovations.  Or  notez  que  sous  ce  rapport  l'Allemagne  n'est  pas 
la  France,  encore  moins  l'Italie.  Notez  en  outre  ceci  :  les  quatre  mille 
personnes  qui,  les  12  et  13  septembre  remplirent  la  grande  halle  de 
l'Exposition  de  Munich,  vue  ainsi  pour  la  première  fois  comble,  (ce  qui 
n'était  pas  même  arrivé  aux  fêtes  Richard  Strauss)  représentaient  à  la  fois 
les  grandes  orgues  de  la  sensibilité  musicale  allemande  et  austro-slave  et 
l'élite  du  monde  artistique  d'Europe  et  d'Amérique.  On  était  venu, 
comme  à  Prague,  lors  de  la  VII™^,  de  partout,  et  je  tiens  à  signaler  le  fait 
que,  de  France  même,  des  admirateurs  de  la  11°"^  sans  mandat  officiel 
comme  sans  notoriété,  mais  suivant  simplement  l'impulsion  de  leur  cœur 
conquis,  avaient  tenu  à  être  de  la  fête.  En  sorte  que  si  l'on  peut  parler  de 
cause  gagnée,  en  ce  qui  concerne  cette  VIII™®,  on  le  peut  d'autant  mieux 
que  nulle  voix  de  l'opposition  n'a  été  étouffée  ;  on  l'a  même  fort  claire- 
ment entendue,  voguant  en  petite  arche  opiniâtre  sur  le  déluge  des 
acclamations.  Jamais  triomphe  mieux  mérité  n'eut  plus  réelle  valeur,  pour 
avoir  été  mieux  disputé.  S'il  y  a  eu  victoire,  en  effet,  ce  fut  en  dépit  de 


572  S.   I.   M. 

tant  de  mauvaises  volontés  !  Les  clameurs  jubilantes  n'ont  empêché,  bien 
au  contraire,  ni  les  critiques  les  plus  acerbes,  ni  les  discussions  les  plus 
violentes.  Nul  mieux  que  nous,  du  reste,  n'a  pu  percevoir  combien  de 
colères  ou  d'ironies  dissidentes  se  sont  réfugiées,  celles-ci  dans  les  petits 
groupes  de  Français,  arrivés  en  avant-coureurs  de  leur  Festival,  celles-là 
dans  les  journaux  d'Allemagne  et  de  Suisse,  tandis  que  ceux  de  France  se 
taisaient,  comme  si  l'événement  n'eut  été  d'aucune  importance.  Des 
journaux  suisses-allemands,  par  exemple,  j'en  pourrais  citer  où  les  invec- 
tives personnelles  s'en  prirent  non  seulement  à  Mahler,  mais  à  ceux  aussi, 
dont  le  Dr.  Paul  Stefan,  de  Vienne,  avait  groupé  les  pages  de  fête,  offertes 
en  un  livre  d'hommage  au  Maître,  à  l'occasion  de  ses  cinquante  ans.  Car 
il  demeure  acquis,  semble-t-il,  que  la  plus  grande  injure  qu'on  puisse  faire 
à  la  critique  soit  d'admirer  quelqu'un  sans  sa  permission.  La  très  sobre, 
très  exacte  et  très  documentée  biographie  de  Mahler,  que  le  même  Paul 
Stefan  ^  vient  de  publier,  a  été,  pour  parler  net,  véritablement  lacérée  au 
moral  par  certains  journalistes,  et  avec  un  tel  accent  de  haine,  qu'aucune 
explication,  antisémitisme,  chauvinisme,  rivalités  d'école,  inimitiés  per- 
sonnelles, vengeances  n'est  suffisante,  hors  peut-être  celle-ci  :  on  a  deviné 
sous  le  musicien  la  présence  du  prophète  et  qu'il  s'agit  non  plus,  avec 
cette  musique,  de  délecter  agréablement  les  sens  raffinés  et  l'esprit 
ingénieux  d'une  centaine  de  précieux  dilletanti,  mais  d'ameuter  les  foules, 
de  les  rassembler  autour  de  ces  mêmes  vérités  vieilles  comme  le  monde, 
desquelles  le  monde  contemporain  croyait  s'être  détinitivement  affranchi 
et  qui  se  démontrent  une  fois  de  plus  immortelles.  Les  raisons  du  caractère 
très  spécial  des  haines  que  suscite  Mahler,  aussi  bien  en  Allemagne  qu'en 
France,  sont  que  sa  musique  met  aux  prises  les  salons  et  la  place  publique, 
l'irréligion  oligarchique  et  l'idéalisme  populaire;  qu'elle  chante  :  "  Dieu 
m'a  donné  une  petite  lumière  ";  que  le  maître  éprouve  le  besoin  de  construire 
l'un  des  plus  gigantesques  premiers  mouvements  de  symphonie  qui 
existent,  sur  les  paroles  du  Veni  creator  spiritus  et  que,  de  toutes  les  puis- 
sances de  son  orchestre,  il  lance  au  ciel  ce  Gloria  Patri  et  Filio  que 
l'irréligion  contemporaine  espérait  bien  ne  plus  entendre  que  de  la  bouche 
des  "  pauvres  d'esprit  ",  et  dont  elle  escomptait  ne  plus  rendre  responsable 
que  l'imbécile  "  foi  du  charbonnier  ".  Or  Mahler  est  l'un  des  plus 
érudits  et  des  plus  profonds  penseurs  de  notre  temps  ! 

'  Dr.  Paul  Stefan  :  Gustav  MahUr,  cine  studic  ubcr  PersOnliclikcit  und   VVcrk —  Municli  R.  Piper.  Et  chct 
le  môme  éditeur  :  Gustav  Mahler  .•  ein  Bild  seiner  PersOnlichkeit  in  Widmungen. 


GUSTAVE   MAHLER  573 

Et  c'est  là  le  fond  de  la  question.  Voici  une  musique  qui  rejette 
carrément  les  suffrages  des  cénacles  et  en  appelle  directement  au  peuple, 
à  tous  les  peuples  de  la  terre  entière  ;  voici  une  musique  qui  ne  s'inquiète 
pas  une  minute  des  modes  du  jour  et  revient  à  la  pleine  mélodie  spon- 
tanée, sans  s'inquiéter  d'être  taxée  de  vulgaire  ou  de  triviale.  Des  thèmes 
paraissent  ramassés  sur  la  rue.  Ils  sont  la  voix  même  de  la  rue,  élevée  à 
proclamer  Dieu  lui-même.  Les  détracteurs  parlent  à  la  fois  de  Tristan, 
du  Faust  de  Schumann,  et  de  Johann  Strauss,  de  Perosi,  de  Mascagni  et 
de  Puccini.  Les  thèmes  sont  "  volés  partout  ",  disent-ils,  et  ne  servent  qu'à 
des  "  grossissements  photographiques.  "  Ce  volé  partout  n'est  pas  exact  : 
car  il  est  à  remarquer  d'abord  que  les  emprunts  sont  approuvés  tantôt, 
tantôt  taxés  de  citations,  quand  ils  ont  lieu  dans  certaine  école,  et  que 
personne  ne  trouve  à  redire  à  Wagner  d'avoir  dévalisé  tous  ses  grands 
prédécesseurs,  ni  de  ce  que  tous  les  grands  maîtres  d'autrefois  se  soient 
servi  dans  la  rue  et  les  champs,  dans  les  poches  du  populaire,  comme  du 
reste  font  tous  les  rois  de  la  terre.  Et  ensuite  des  thèmes  de  l'allure  du 
Veni  Creator^  qui  est  à  la  base  de  toute  l'œuvre  monumentale,  peuvent 
avoir  n'importe  quelle  provenance,  ils  prennent  immédiatement  une 
physionomie  telle,  qu'un  Richard  Strauss  a  pu  dire  à  Prague,  "  une  seule 
mesure  de  Mahler,  cueillie  n'importe  où,  est  telle  que  Mahler  seule  pou- 
vait ainsi  l'écrire  et  seul  de  tous  les  musiciens  modernes  il  se  reconnaît 
immédiatement  à  cette  seule  mesure.  "  Quant  à  ce  qui  se  construit 
à  l'aide  de  ces  thèmes,  tenus  par  d'aucuns  pour  quelconques  et  qui 
ne  le  sont  en  réalité  nullement,  l'importance  et  la  magnificence  en  est 
telle  qu'on  peut  voir  aussi  bien  un  Max  Reger  ou  un  Richard  Strauss 
qu'un  Père  Hartmann  suivre  la  partition,  au  concert,  de  la  première  à  la 
dernière  mesure,  sans  une  minute  en  relever  les  yeux,  puis,  les  premiers, 
Reger  et  Strauss,  donner  le  signai  des  applaudissements.  Et  cela  nous 
;  .'change  un  peu  de  ces  roitelets  d'aujourd'hui,  dont  la  jalousie  vindicative 
:■ -s'attaque  même  à  Wagner,  même  à  Franck,  même  à  Beethoven,  à  tout 
ce  qui  n'est  pas  eux-mêmes  enfin. 

Je  ne  veux  du  reste  pas  aborder  en  ce  moment  cette  absurde  question 
de  la  provenance  des  thèmes,  et  de  la  classification  des  thèmes  vulgaires 
ou  distingués.  Tous  sont  également  bons  ou  mauvais  selon  ce  qu'on  en 
fait,  et  au  bout  de  cinquante  ans  ils  sont  tous  égaux  devant  la  postérité, 
\  qui  ne  sait  plus  quels  ont  été  distingués  et  quels  vulgaires,  en  soi.  Le 
*'  goût  du  jour  "  passé,  il  ne  leur  reste  plus  que  la  beauté,  la  noblesse  ou 


574  S.    I.    M. 

l'indignité  de  ce  que  l'auteur  en  a  fait.  Et  en  ce  qui  concerne  Mahler, 
nous  dormons  aussi  tranquilles  qu'en  ce  qui  concerne  Bruckner  et 
Beethoven.  Nous  demandons  aux  thèmes  de  créer  de  la  vie  et  rien  autre. 
La  vie  la  plus  intense,  la  plus  passionnée  est  ici,  qui  nous  console  des 
pensums  scholastiques  et  des  architectures  ennuyeuses,  voire  même  des 
architectures  de  nuages,  engendrées  par  tant  de  thèmes  très  distingués, 
cycliques  ou  non,  vertébrés  ou  invertébrés. 

La  VHP''  symphonie  de  Mahler,  cyclique  à  sa  manière,  puisque  tout 
y  est  engendré  par  le  premier  thème  du  Veni  Creator^  est  une  immense 
composition  décorative,  exécutée  par  une  foule  et  proposée  aux  foules, 
dans  un  but  d'édification  à  la  fois  sacrée  et  profane,  mais  tendant  à  subli- 
mer le  profane  par  le  sacré.  Elle  entend  rappeler  au  culte  de  l'Esprit 
Créateur  le  monde  moderne  et  lui  proposer  de  fondre  en  une  seule  adora- 
tion l'Eros  antique  et  le  Saint  Esprit  catholique,  au  cours  d'une  grande 
fête  pompeuse  où  toutes  les  puissances  de  la  suggestion  musicale  entrent  en 
jeu.  L'humanité  entière  étant  Faust,  elle  recourt  ensuite  au  finale  du  Faust 
de  Goethe  pour  se  rendre  claire  à  elle-même  sa  pensée,  pour  dégager 
d'elle-même  les  paroles  trancendantes  dont  elle  est  grosse.  Viens  à  nous, 
Esprit  Créateur,  et  fais  nous  comprendre  que,  par  delà  toutes  les  expé- 
riences, toutes  les  défaillances  de  la  vie,  ceci  seul  persiste,  indemne  et 
grand,  source  de  tout,  supérieur  à  tout  l'Amour,  et  que,  sur  les  ailes  de 
l'Amour,  nous  entrons  dans  l'éternité.  Gloire  au  Père,  au  Fils  et  au  Saint 
Esprit,  dont  le  nom  est  Amour,  auprès  de  qui  nous  atteindrons  par 
l'Amour  et  qui,  par  l'Amour,  nous  entraînent  à  eux. 

Les  mots  à' Eternel  féminin  sont  tenus  ici  dans  une  acception  toute 
philosophique  et  kabbalistique,  qui  exclue  toute  idée  de  sexe.  Mahler  a 
pris  la  formule  de  Gœthe,  il  eut  tout  aussi  bien  pu  recourir  à  la  Schek- 
hina  du  Zohar.  Le  texte  n'est  ici  que  le  revêtement  révélateur  (au  sens 
primitif  re-voiler)  de  la  pensée  créatrice,  et,  si  je  puis  m'exprimer  ainsi  la 
peau,  l'épiderme  du  corps  musical,  de  la  masse  symphonique,  la  signifi- 
cation extérieure  de  la  cohue  chorale.  Comme  on  le  voit,  nous  sommes 
loin  de  l'infime  discussion  de  la  provenance  et  de  la  qualité  de  thèmes.  Ils 
n'ont  pas  plus  d'importance  ici  que  les  mots  élus  pour  créer  un  sens,  pour 
définir  une  vérité.  La  pensée  tout  au  long  de  la  symphonie  les  purifie  sans 
cesse  et  leur  crée  une  splendeur,  une  éloquence  persuasive,  que  les  thèmes 
les  plus  savants,  les  plus  épurés  par  la  plus  sévère  critique  de  soi-disant 
"  bon  goût  "  n'obtiendront  jamais.  Une  telle  symphonie  est  aussi  éloignée 


GUSTAVE    MAHLER  575 

de  la  notion  courante  de  l'œuvre  d'art  qu'un  bloc  de  Rodin,  qu'une 
tranche  de  la  Comédie  humaine^  qu'un  livre  de  Rabelais,  que  le  Faust  ou  la 
Divine  Comédie, 

Sa  première  étrangeté  et  sa  grande  nouveauté  est  d'être  non  pas  une 
symphonie  avec  chœurs  comme  l'avaient  comprise  Beethoven,  Liszt 
(Faust ^  Dante)  et  même  le  Mahler  des  symphonies  II  et  III,  mais  une 
symphonie  chorale  où  les  voix  agissent  en  fonction  d'instruments.  Rien 
d'un  oratorio,  rien  d'une  messe,  encore  que  depuis  Bach  et  Haendel 
jamais  chœurs  n'aient  été  traités  avec  cette  maîtrise,  cette  possession  de 
toutes  les  ressources  des  voix  humaines,  qui  laisse  bien  loin  en  arrière  ce  que 
même  le  Beethoven  de  la  Missa  solemnis^  le  Bruckner  du  Te  Deu?n,  le 
Liszt  de  Christus^  de  «S*^  Elisabeth  et  de  la  Messe  de  Gran,  le  Brahms  du 
Requiem  et  du  Chant  du  destin  avaient  essayé.  Toutes  ces  grandes  et  belles 
choses  sont  œuvres  où  des  génies  modernes  s'épuisent  à  reprendre  l'ancienne 
tradition  chorale  et  à  en  tirer  des  effets  neufs.  Mahler  au  contraire  arrive, 
candide  et  omnipotent,  qui  s'empare  des  voix  avec  le  même  sans  gêne 
dominateur  que  de  l'orchestre,  et  par  ces  mille  bouches  exprime  le  débor- 
dement de  son  cœur.  Les  gens  du  métier,  les  plus  impropres  à  accepter 
l'entrain  et  la  verve  spontanée  de  la  musique  de  Mahler,  sont  les  premiers 
à  avoir  rendu  hommage  à  la  belle  franchise,  à  la  frappe  vigoureuse  et 
martiale  de  ces  chœurs,  à  l'allégresse  heureuse  et  jeune  de  ces  trois  cents 
voix  d'enfants  et  de  ces  merveilleuses  voix  de  femmes,  parfois  criant  à  tue 
i  tête  dans  la  masse  fougueuse  et  bouillonnante  de  ce  Veni  Creator^  au-delà 
.  duquel  on  ne  sait  plus  ce  qu'il  serait  encore  possible  d'inventer  d'inattendu 
!  et  de  frappant.  Et  cependant  Mahler  tient  encore  la  gageure  d'apporter 
;  autre  chose  et  sinon  mieux,  comme  le  disent  les  uns,  aussi  bien,  comme 
\  disent  les  autres. 

Cette  formidable  symphonie,  dont  la  durée  est  de  une  heure  quarante 
[ï  minutes  avec  une  seule  et  très  courte  pause,  est  divisée  en  deux  parties. 
'!  La  première,  le  Veni  Creator,,  est  un  premier  mouvement  de  symphonie 
dans  toutes  les  règles,  mais  chanté  en  même  temps  que  joué  ;  la  seconde 
confond  et  entremêle  les  diverses  autres  parties  (scherzo,,  adagio,,  finale)  en 
une  agglomération  d'un  seul  bloc,  qui  s'exprime  par  le  texte  de  Gœthe  et, 
à  certaines  minutes,  nous  donne  excellemment  idée  de  ce  que  pourrait 
Mahler  s'il  lui  plaisait  un  jour  de  s'attaquer  à  un  drame  musical.  L'im- 
pression du  Veni  Creator  a  été  écrasante  et  n'a  pas  permis  une  minute  de 
souffler.    Ici  l'orchestre  reprend  ses  droits  et  se  succèdent  les  épisodes  les 


576  S.   I.    xM. 

plus  variés,  atmosphères  et  clartés  mystique,  paradis  de  peintre  primitif 
ou  paysage  des  Chimères  de  Gustave  Moreau,  exhaltation  des  anachorètes, 
et  des  pénitentes,  invocation  à  la  Mater  gloriosa  et  son  apparition,  et  Ton 
ne  doit  pas  être  surpris  de  reconnaître  de  ci  de  là,  transposé  en  clarté 
purificatrice,  l'accent  même  du  péché  primitif,  ainsi  que  dans  nos  corps 
glorifiés  du  dernier  jour  se  retrouvera  quelque  apparence  de  notre  corps 
charnel.  Ici  encore  on  a  parlé,  comme  à  chaque  symphonie  de  Mahler, 
de  profanation  et  de  sacrilège.  A  en  croire  certains  c'est  même  l'intangible 
texte  de  Goethe  qui  aurait  été  profané.  J'ai  l'impression  au  contraire  que 
ce  grand  païen  de  Goethe,  qui  pouvait  bien  concevoir  l'hymne  à  V Eternel 
féminin^  mais  non  pas  V Eternel  féminin  comme  Dante  a  conçu  sa  Béatrice 
et  Mahler  le  sien,  c'est-à-dire  chemin  et  guide  sur  les  voies  du  Gloria 
Patri^  se  complairait  à  certaines  pages  du  Faust  du  maître  autrichien 
mieux  qu'à  celles  de  tout  autre  prédécesseur,  de  Spohr  à  Gounod,  de 
Berlioz  à  Wagner  et  à  Schumann.  Il  en  est  là,  que  l'on  voudrait  baiser 
au  passage  et  telles  que  toutes  les  beautés  des  symphonies  précédentes 
sont  certainement  atteintes,  encore  que  je  ne  cache  pas  que,  s'il  s'agit  de 
l'œuvre  prise  dans  son  ensemble,  je  n'hésite  pas,  vu  la  singularité  et 
l'appareil  anormal  de  celle-ci,  de  lui  préférer,  du  moins  après  les  sept  ou 
huit  auditions  totales  que  constituent  tant  de  répétitions  partielles,  les 
deux  répétitions  générales  et  les  deux  auditions,  cette  rayonnante  VII™^ 
symphonie  des  beaux  jours  de  Prague  1908.  Mais  qu'est-ce  que  huit 
auditions  pour  prendre  connaissance  d'une  œuvre  aussi  à  part  dans  la 
production  de  notre  temps  ?  Il  est  facile  de  prétendre  qu'elle  ne  présente 
aucun  problème,  lorsque  l'on  n'a  pas  même  aperçu  ces  problèmes  !  Qui 
voudrait  seulement  étudier  par  le  menu  la  façon  dont  texte  et  musique 
se  comportent  en  leurs  rapports  réciproques,  les  retours  de  thèmes  et  les 
rappels  d'une  partie  en  l'autre,  enfin  et  surtout  le  miracle  d'être  demeuré 
constamment  dans  l'unité  symphonique  sans  entorse  à  l'expression  drama- 
tique, pourrait  trouver  là  une  intarissable  matière  aux  plus  édifiants  com- 
mentaires et  développements  d'esthétique  musicale. 

Intercalée  comme  exprès,  entre  une  audition  de  la  ^Missa  solemnis  et 
une  de  Deborah  (Hœndel)  par  les  chœurs  venus  de  Vienne,  sous  la  direction 
de  M.  Schalk,  et  de  Leipzig,  sous  la  direction  de  M.  Gœ^hler,  justement 
pour  l'œuvre  géante,  cette  VIIT  symphonie  est  apparue  très  à  son  aise,  et 
comme  dans  son  milieu  naturel,  parce  que  de  tous  points  l'expression  en 
quelque  sorte  mondiale  de  l'état  de  notre  vie,  de  notre  culture  et  de  notre 


GUSTAVE   MAHLER  577 

idéal.  Œuvre  démocratique  et  universelle  par  excellence,  elle  s'adresse  non 
à  celui-ci  ou  à  celui-là,  mais  à  tous.  Son  intention  n'est  pas  de  capter  les 
suffrages  des  délicats,  de  chatouiller  des  sens  ou  des  esprits  blasés,  mais  de 
remuer  des  populations  modernes  entières  et  de  leur  donner  cette  minute 
d'exaltation  et  de  réconfort  que  les  foules  du  moyen  âge  tiraient  des 
pompes  du  culte  ou  de  l'Empire.  En  examiner  à  la  loupe  la  texture  serait 
aussi  fou  que  d'appliquer  un  télescope  sur  les  floraisons  délicates  de  la 
musique  française  de  l'heure  actuelle.  Une  cantate,  décorative  à  la  manière 
d'une  fresque,  n'est  pas  un  instantané  d'émotion  rare,  à  la  manière  d'une 
pochade  impressionniste,  et  il  est  absurde  d'appliquer  à  Saint  Pierre  de 
Rome  le  même  critère  qu'à  une  maison  slovaque  sous  chaume,  encore 
que  certaines  lois  constructives  s'y  retrouvent  immuables.  Le  Festival 
français  qui,  à  trois  jours  d'intervalle,  suivit  est  arrivé,  lui  aussi,  comme 
exprès  pour  nous  bien  faire  toucher  du  doigt  les  complications  et  les  incon- 
séquences de  la  vie.  C'est  votre  république,  pas  mal  démagogique,  qui  pro- 
duit les  œuvres  subtiles  et  exquises,  d'un  irrésistible  attrait  sur  les  aristo- 
craties d'intellectuels  blasés,  et  ce  sont  en  nos  solides  monarchies  disciplinées 
que  s'élèvent  les  grandes  voix  amples  comme  les  flots  de  la  mer,  des  fêtes 
de  la  Fraternité  dans  la  Joie  et  l'Amour.  Evidemment  il  y  a  là  deux  arts 
absolument  incompatibles  et  pourtant  qui  ne  s'excluent  pas,  justement  du 
fait  d'être  si  différents.  Les  trois  nocturnes  de  la  VIP  symphonie  de 
Mahler  contiennent  certainement  l'analogue  de  ce  qui,  une  minute  nous 
séduit  dans  les  Fêtes  de  Debussy  ou  la  Rhapsodie  espagnole  de  Ravel. 
Et  ce  qui  intéressait  le  plus  les  musiciens  français,  présents  à  Munich  lors 
des  journées  Mahler,  était  les  pages  de  fraîcheur  naïvement  populaire,  ou 
certaines  bizarreries  orchestrales  de  la  scène  de  Faust.  Mais  à  côté  des 
iminutes  exquises,  l'œuvre  du  maître  contient  autre  chose,  et  du  moins  en 
ice  qui  nous  concerne,  nous  les  amis  de  Mahler,  c'est  cela  seul  qui  importe 
îet  cela  seul  par  quoi  il  durera,  cela  seul  qui  le  met  au  rang  des  Hsndel, 
l'des  Haydn,  des  Beethoven  et  des  Bruckner.  Et  je  sais,  je  sais  pertinem- 
|ment  qu'en  France  même  beaucoup  commencent  à  s'en  apercevoir. 

Il  est  impossible  de  ne  pas  parler  d'une  exécution  merveilleuse,  une 
de  ces  exécutions  dont  Mahler  seul  a  le  secret,  pour  laquelle  s'étaient 
dérangés  deux  cent  cinquante  chanteurs  de  Vienne,  deux  cent  cinquante 
ichanteurs  de  Leipzig,  et  à  Munich  les  trois  cent  cinquante  enfants  des 
écoles  de  chant  et  les  cent  cinquante  musiciens  de  l'orchestre  du  Konzert- 
verein  renforcé.  Cet  orchestre  fut  ainsi  distribué  :  24  premiers  et   20  se- 


578  S.  I.    M. 

conds  violons,  i6  violes,  14  violoncelles,  10  contrebasses,  5  harpes  et 
2  mandolines,  2  petites  flûtes,  4  grandes,  4  hautbois  et  cors  anglais,  2  cla- 
rinettes en  mi-bémol,  3  autres,  i  clarinette  basse,  4  bassons  et  contre- 
bassons,  8  cors,  4  trompettes,  4  trombones,  la  basse  tuba,  les  timbales,  la 
grosse  caisse,  les  cvmbales,  le  tamtan,  le  triangle,  les  grosses  cloches,  le 
glockenspiel,  le  celesta,  le  piano,  l'harmonium  et  l'orgue,  sans  compter 
4  trompettes  et  trois  trombones,  isolés  au  milieu  des  masses  chorales. 
Enfin  huit  solistes  de  premier  ordre  devraient  être,  du  moins  six  sur  huit, 
célébrés  sans  aucune  hésitation  sur  le  choix  de  termes,  car  les  plus  forts 
sont  les  plus  mérites.  MM.  Félix  Senius,  de  Berlin,  (Ténor  et  Doctor 
Marianus\  Nicolas  Geisse-Winkel  de  Wiesbaden  (Bariton  et  Pater  exta- 
ticus),  Richard  Mayr,  de  Vienne  (Basse  et  Pater  Profundus)^  M"""*  Ottilie 
Metzger,  de  Hambourg,  (premier  alto  et  mulier  samaritana),  Anna  Erler 
Schnaudt,  de  Munich  (second  alto  et  Maria  /Egyptiaca\  Emma  Bellwidt, 
de  Francfort  sur  Mein  {Mater  Gloriosa),  Marthe  Winternitz-Dorda,  de 
Vienne,  (second  soprano  et  magna  peccatrix)^  enfin  Gertrude  Foerstel  de 
Vienne  (premier  soprano  et  una  pœnitenthini)^  ont  tous  et  toutes  bien  mérité 
du  maître,  qui  souvent  exigeait  l'impossible,  et  de  notre  reconnaissance. 
Mais  si  je  nomme  en  dernier  M'"*"  Gertrude  Foerstel,  c'est  pour  la  mettre 
hors  pair.  Vraiment  je  crois  n'avoir  jamais  rien  entendu  de  pareil  à  la 
pureté,  à  l'élan,  à  la  passion,  à  la  force  de  ce  magnifique  soprano,  donnant  à 
chaque  fois  l'impression  de  planer  dans  le  ciel  bleu,  haut,  haut  et  lent 
comme  un  grand  aigle,  bien  loin  au-dessus  de  toutes  les  agitations  humaines. 
Après  la  si  fraîche  rentrée  des  voix  enfantines  sur  le  gloria  patri^  qui  suit 
le  petit  interlude  en  fugato,  où  passe  comme  un  souftie  de  Bach,  soudain 
lancés  dans  le  vide,  au-dessus  des  passions  de  l'orchestre  frénétisé,  les  deux 
soprani  un  instant  semblent  tomber  d'un  autre  monde  et  les  courbes  de 
leur  élan  sonnent  orientales  comme  une  voix  de  muezzin.  C'est  l'une 
des  minutes  extraordinaires  de  cette  partition  radieuse.  Partout  ailleurs  du 
reste,  ce  fut  comme  un  oiseau  dans  l'air,  comme  un  poisson  dans  l'eau, 
que  cette  Gertrude  Foerstel  chanta  tout  son  rôle  par  cœur  et  évolua  au 
milieu  des  mille  voix  déchaînées...  Pauvres  chanteuses  du  temps  de  II 
IX'""  symphonie,  qui  prétendaient  se  déchirer  le  gosier  pour  le  plaisir  de 
Beethoven  !  Celles-ci  étaient  toutes  trop  heureuses  d'avoir  été  les  éluc> 
Venir  de  Francfort  à  Munich  pour  chanter  les  vingt  mesures  tout  unies, 
de  la  Mater  Glor'wsa^  c'est  là  dévouement  qui  paraît  encore  tout  simple  en 
Allemagne.  Et  que  dire  de  la  joie  des  eiitants,  des  coquetteries  réciproques 


GUSTAVE   MAHLER 


579 


II 


de  Mahler  à  leur  égard  et  au  sien  des  "  Herren  Buben  "  (qui  étaient  surtout 
des  fillettes).  Qui  n'a  pas  vu  les  sept  cents  petites  mains  agitant  les  blancs 
feuillets  au  milieu  des  hurlements  forcenés  et  du  tapage  de  la  foule, 
à  l'heure  du  délire  finale,  ne  saurait  concevoir  ce  qu'un  tel  triomphe 
peut  avoir  de  réconfortant.  C'est  un  de  ces  spectacles  qui  réconcilient 
avec  la  vie. 

A  quand  le  prochain  ?  Un  de  ces  jours  les  IX  et  X^  symphonies, 
qu'on  achève  d'imprimer,  vont  paraître  à  la  fois.  Puissent  elles,  Dieu  et 
M.  Emile  Gutmann  aidant,  être  le  grand  bonheur  de  notre  année  191 1. 

William  Ritter. 


BRENET  (Michel).  —  Les  Musiciens  de  la  Sainte  Chapelle 
du  Palais.  (Publications  de  la  Section  de  Paris  de  la  S.  I.  M.  — 
Picard  et  fils  1910.  In-4"  de  380  pp.  ;  frs.  15.) 


Fondée  par  Saint  Louis  pour  recevoir  et  conserver  dignement 
la  sainte  Couronne  d'épine,  la  Chapelle  du  Palais  a  joué  un  rôle 
fort  important  dans  l'histoire  de  la  musique  religieuse  française. 
Après  la  musique  du  roi  celle  de  la  Sainte  Chapelle  était  la 
première  et  la  plus  illustre.  Les  postes  de  chantres  et  organistes 
étaient  dévolus  aux  maîtres  les  plus  en  vue  ou  les  plus  appuyés. 
C'est  dire  que  depuis  le  XIV^  siècle  jusqu'au  XVIIL'  les  archives 
de  cette  fondation  ont  gardé  pour  l'historien  un  véritable  trésor. 

Peu  d'entre  nous  s'étaient  aventurés  dans  ces  cartons  de  la 
Sainte  Chapelle  soit  aux  Archives,  soit  dans  les  bibliothèques. 
M.  Brenet  vient  de  nous  rendre  toutes  recherches  désormais 
inutiles  en  publiant  méthodiquement  et  chronologiquement  tout  ce 
qui  a  trait  à  la  musique  et  aux  musiciens  dans  ces  fonds.  Et,  pour 
ajouter  plus  de  prix  à  cet  ouvrage,  l'infatigable  chercheur  qu'est 
notre  collègue  Brenet  a  versé  dans  ce  volume,  soit  en  notes,  soit  en 
appendices,  toutes  les  fiches  qu'il  avait  rassemblées  sur  les  person- 
nages cités  dans  ces  documents.  Dans  toute  notre  musicologie 
française  nous  n'avons  peut-être  pas  deux  volumes  aussi  amplement  documentés  que  cet  in-4*' 
où  apparaissent  près  de  700  noms  de  praticiens  français. 

Si  j'avais  la  place  de  donner  à  ces  notes  bibliographiques  les  développements  d'une 
chronique,  je  ne  résisterais  pas  au  plaisir  de  donner  une  image  sommaire  de  cette  vie  musicale 
de  la  Sainte  Chapelle,  avec  ses  rivalités  de  fonctionnaires,  ses  chicanes  de  maîtres,  et  révolution 
de  l'art  au  milieu  de  cette  illustre  compagnie.  A  noter  la  disparation  d'un  registre  des  archives 
qui  correspond,  au  XVII''  siècle,  à  une  curieuse  dispute  autour  d'un  Lutrin.  Brenet  insinue  fort 
justement  que  Boileau  dut  emprunter  ce  document  des  mains  de  son  oncle,  le  chanoine 
Dongois,  et  omettre  de  le  restituer.  A  remarquer  encore  la  difficulté  de  faire  participer  lc< 
chapelains  à  l'exécution  de  la  musique  lorsque  celle-ci  eut  pris  hors  de  la  liturgie  l'importaiu 
et  le  caractère  d'un  art  véritable.  C'est  une  querelle  que  nous  retrouvons  dans  tt)utes  les 
institutions  de  ce  genre,  dont  la  fondation  remonte  au  moyen  Age. 

Nous  attendions  tous  avec  impatience  le  livre  de  Brenet,  et  plus  d'un  parmi  nous  pourni 
désormais  poursuivre  des  études  que  le  manque  de  documents  arrêtait.  C'est  un  gros  morceau 
de  l'histoire  biographique  qui  devient  accessible.  Il  ne  sera  plus  possible  de  parler  au  XVIP 
siècle  français  en  érudit  sans  s'être  référé  à  ce  dépouillement  laborieux  et  qui  honore  si  grande» 
ment  la  musicologie  du  XX''  siècle.  J.  E. 


LES   LIVRES  581 

HAMMERICH  (Angiil).  — Musi{hisioris{  Muséum  Katalog  (Copenhague  1909  in-S" 
de  150  pp.) 

Quand  on  songe  au  déplorable  état  de  notre  Musée  du  Conservatoire  et  au  peu  d'éclat 
qu'on  a  donné  à  cette  collection  nationale,  il  est  toujours  pénible  de  voir  l'étranger  créer  et 
développer  ses  musées  d'instruments  anciens.  M.  Hammerich  est  arrivé  à  doter  le  Danemark 
d'un  fond  de  700  spécimens  fort  intéressants,  très  bien  choisis,  et  dont  il  nous  présente  un 
Catalogue  richement  illustré  par  les  procédés  de  reproduction  moderne.  Gémissons  sur  notre 
Conservatoire  et  félicitons  M.  Hammerich. 

ROLLAND  (Romain).  —  Handel.  (Collection  des  Maîtres  de  la  musique.  —  Alcan  19 10 
in-ia",  frs.  3,50). 

Nos  lecteurs  ont  suivi  les  belles  et  profondes  études  de  notre  éminent  collègue  sur  Haendel 
et  ses  plagiats.  Elles  étaient  détachées,  comme  ce  volume  lui-même  des  cours  de  Sorbonne 
professés  sur  ce  sujet  écrasant  par  M.  Romain  Rolland.  Ce  livre  n'a  pas  la  prétention  d'épuiser 
une  matière  gigantesque,  mais  de  réunir  sous  un  format  réduit  l'essentiel  et  ce  qu'il  faut  savoir 
de  l'auteur  du  Messie,  de  ses  œuvres,  de  sa  vie,  de  son  style,  de  ses  tendances.  Il  faut  admirer 
M.  Rolland  de  pouvoir  mettre  au  service  de  la  vulgarisation  une  érudition,  qui  suppose  avant 
tout  la  lecture  attentive  des  cent  et  quelques  volumes  in-folios  que  la  Hcendel  Geselhchaft  a  mis 
au  jour,  et  le  dépouillement  minutieux  de  fonds  Schoelcher  du  Conservatoire. 

La  thèse  qui  semble  se  préciser  dans  ces  pages  c'est  que  Haendel  ne  doit  pas  être  considéré 
comme  le  représentant  de  la  musique  emphatique  et  pompeuse,  mais  comme  une  âme  drama- 
tique et  essentiellement  active.  Au  lieu  du  Cent  Kilos  de  la  musique,  nous  aurions  en  Haendel 
un  génie  descriptif,  évocateur,  un  homme  de  théâtre,  épris  de  contraste,  d'émotions  vives  et  de 
pittoresque.  Je  le  veux  bien,  mais  j'avoue  qu'en  rassemblant  mes  souvenirs  je  ne  me  sens  pas 
persuadé.  Cela  tient  sans  doute  à  ce  que  nous  ne  connaissons  ici  qu'une  part  de  l'œuvre  de 
Hasndel,  et  sous  un  jour  froid  qui  tombe  d'une  exécution  mauvaise. 

Où  je  me  sépare  de  mon  collègue,  c'est  à  la  page  160,  sur  la  question  de  l'ornementation. 
Dire  :  on  ne  doit  conserver  des  génies  que  ce  qu^ils  ont  de  toujours  vivant^  c'est  parfait.  Mais  pour- 
quoi vouer  à  la  mort  ces  malheureux  ornements.  Je  reviendrai  un  jour  sur  ce  problème,  qui  ne 
se  laisse  pas  résoudre  en  une  page. 

RHODES  (Emile).  —  Les  Trompettes  du  Roi.  (Paris,  Picard  et  fils,  1909.  In-8°  de 
70  pages.) 

Je  suis  d'autant  plus  heureux  de  l'apparition  de  cette  brochure  que  j'avais  moi-même 
,  publié  autrefois  ^  les  documents  ayant  trait  aux  trompettes  de  la  Grande  Ecurie  du  Roi  au 
XVII™^  siècle,  contenus  dans  les  cartons  des  séries  O  et  Z  des  Archives.  M.  Rhodes, 
qui  est  un  descendant  d'une  dynastie  de  trompettes  de  la  cour,  s'est  beaucoup  plus  étendu  sur 
ce  sujet  que  je  ne  l'avais  fait  moi-même.  Plusieurs  manuscrits  de  la  Bibliothèque  Nationale  et 
des  pièces  d'archives  d'Auvergne  lui  ont  fourni  une  abondante  contribution.  A  signaler  pour 
!  l'histoire  de  la  musique  une  lettre  du  Duc  de  Chaulnes,  tirée  des  Archives  du  Ministère  de  la 
Guerre,  et  qui  se  termine  ainsi  :  "Il  manque  deux  trompettes,  et  comme  il  n'y  en  a  guère  de 
bons  en  France,  je  crois  devoir  en  prendre  d'étrangers  sous  le  bon  plaisir  de  Votre  Majesté.  Il 
s  en   présente  deux,  l'un  Napolitain,  l'autre   Suisse.  Ils  sont  bons,  mais  comme  ils  sont  jeunes, 

1  La  musique  de  la  Grande  Ecurie  du  Roi.  (Bulletin  mensuel  de  la  Société  Internationale  de  musique... 
Breitkopf  et  Hartel.) 


582 


S.  I.   M. 


il  y  a  apparence  qu'ils  deviendront  excellents.  Je  demande  à  votre  Majesté  la  permission  de  les 
prendre.  Si  Elle  l'accorde,  je  les  essayerai  à  la  tête  de  la  brigade  avant  de  les  mettre  en 
charge.  " 

Il  faut  cependant  constater  que  dans  la  grande  écurie  de  la  maison  militaire  du  Roi  aux 
17^  et  iS*^  Siècles,  presque  toutes  les  charges  sont  tenues  par  des  familles  qui  habitaient  et 
habitent  encore  la  haute  Auvergne,  aux  environs  de  Riom.  M.  Rhodes  n'aurait-il  apporté  que 
cette  démonstration,  que  son  ouvrage  serait  déjà  précieux. 

Quatre  pages  de  musique  tirées  du  Manuscrit  Philidor  bien  connu  de  la  Bibliothèque  de 
Versailles  complètent  cette  monographie.  Je  signale  à  M.  Rhodes  un  manuscrit  qui  paraît 
contenir  un  répertoire  de  trompettes  françaises  de  la  fin  du  i  y'^  siècle.  Il  se  trouve  dans  la 
bibliothèque  de  la  Société  Musicale  de  Varsovie. 

WEINMANN  (D""  Karl).  —  Kirchenmusikalisches  Jahrhuch.  (23''  Année,  Regensburg, 
1910.  In-8".) 

Cette  vénérable  publication  nous  apporte  encore  cette  année  de  très  intéressantes  études. 
Tout  d'abord,  la  suite  d'une  biographie  de  StefFani  par  notre  collègue  Einstein,  puis  une  con- 
tribution à  l'histoire  de  l'organiste  français  Titelouze  ;  d'abondantes  bibliographies  et  enfin  de 
petits  articles,  parmi  lesquels  j'ai  remarqué  surtout  celui  du  D"^  Weinmann  sur  la  musique 
sacrée  ancienne  et  moderne.  Le  problème  que  pose  notre  confrère  en  ces  quelques  pages,  à  propos 
de  l'avenir  de  la  musique  d'Eglise  est  des  plus  importants.  Il  est  bien  certain  en  effet  que  nos 
maîtres  musiciens  ne  produisent  plus  rien  dans  le  domaine  sacré,  rien  au  moins  qui  soit  à  la 
hauteur  de  leur  production  dans  le  domaine  profane.  Pourquoi  ?  c'est  ce  qu'il  importerait  de 
rechercher. 

TILLIE  (Gustave).  —  Guide  pratique  d'Edition.  (Aux  bureaux  du  Moniteur  juridique, 
4  rue  du  Fouarre.  19 10.  In- 12°,  de  134  pp.  2  fr.) 

Petit  mémento  qui  rappellera  aux  auteurs  ce  qu'ils  devraient  savoir.  J'aurais  aimé  que 
M.  Tillié,  qui  s'intitule  lui-même  ancien  éditeur,  nous  ait  renseigné  plus  sûrement  encore  et 
plus  en  détail  sur  les  pratiques  de  ses  confrères.  Mais,  tel  qu'il  est  ce  Guide  peut  rendre 
d'utiles  services. 

KWARTIN  (Bernard).  —  Der  Moderne  Gesangunterricht.  (Cari  Konegcn,  Vienne, 
1910.  In-12'',  de  116  pp.  2  fr.) 

Voici  une  brochure  d'un  caractère  tout  nouveau.  L'auteur  a  rassemblé  les  10  OU 
12  que«,tions  qui  se  posent  en  général  à  propos  de  l'art  du  Cliant  et  qui  ont  fait  l'objet  de 
toute  un  littérature  depuis  ces  10  dernières  années.  Il  s'est  livré  à  propos  de  ces  questions  à 
une  véritable  eiuiuête  qui  a  duré  plusieurs  années,  et  pour  laquelle  il  a  interrogé  plus  de 
500  personnes,  professeurs  ou  élèves.  L'auteur  conclut  que  la  décadence  de  l'art  du  Chant  ne 
provient  ni  d'un  travers  du  goût  ou  du  style,  ni  d'une  pénurie  des  voix,  mais  de  l'anarchie  det 
méthodes  et  de  l'insuffisance  des  professeurs,  La  majorité  des  élèves  perd  confiance  dans  un 
enseignement  arbitraire  et  aveugle,  et  change  sans  cesse  de  professeur  et  de  méthode.  Il  en 
résulte  un  désarroi  complet,  qui  produit  les  pires  résultats.  Les  voix  de  Ténor  ont  le  plus  & 
souffrir  de  cet  état  de  choses.  La  France  aurait  beaucoup  à  gagner  ;i  la  connaissance  de  ce 
petit  volume  nourri  de  faits. 


LES   LIVRES  583 

OLSCHKI  (Léo  S.).  —  Catalogue  de  manuscrits  sur  vélin  avec  miniatures^  du  X^  au 
XVl'^  siècle.  (Florence,  1910.  In-4"  de  100  pp.  20  fr.) 

De  tous  nos  grands  libraires  d'Europe,  et  de  monde  entier,  M.  Olschki  est  celui  qui 
sacrifie  le  plus  volontiers  à  la  somptuosité  des  catalogues.  Ce  dernier  ouvrage,  avec  ces  tirages 
en  bistre,  ses  reproductions  en  couleur,  son  iconographie  débordante,  est  une  contribution 
véritable  et  précieuse  à  l'histoire  du  manuscrit  sur  vélin.  Tous  les  amateurs,  et  ceux  surtout 
qui  ne  peuvent  atteindre  les  originaux  décrits  dans  ces  pages,  les  conserveront  et  les  consulte- 
ront. A  noter  des  offices,  et  surtout  deux  splendides  Antiphonaires  du  XV%  ornés  de  très  belles 
miniatures. 

CATALOGUE  OF  THE  MUSIC  LOAN  EXHIBITION.  (London  Novelleo&C", 
1909.  In-fol  de  350  pp.) 

Décidément  les  catalogues  et  les  inventaires  ont  en  ce  moment  toutes  les  sympathies  des 
bibliophiles.  Cet  ouvrage,  qui  jadis  eut  été  un  simple  in  8°,  sa  présente  à  nous,  grâce  aux  soins 
de  M.  Novello,  comme  un  merveilleux  et  imposant  in  folio.  Je  soupçonne  fort  notre  éminent 
collègue  M.  Littleton,  d'avoir  contribué  pour  une  grande  part  à  cette  somptuosité,  et  la 
musicologie  lui  en  saura  gré. 

L'exposition  musicale  dont  ce  volume  est  l'inventaire,  s'est  tenue  en  1904  à  Londres  pour 
célébrer  le  troisième  centenaire  de  la  vénérable  ÏVorshipful  Company  of  Musicians  de  Londres, 
fondée  par  charte  du  roi  Jacques  I  en  1604.  Exemple  à  proposer  à  nos  syndicats  de  musiciens 
qui  pourraient  réclamer  de  la  Confrairie  des  Mènestriers^  si  leurs  ancêtres  n'avaient  pas  impru- 
demment détruit  eux-mêmes  leur  corporation  dès  le  XVIIP  siècle.  L'Angleterre  avait  la 
première  donné  le  modèle  d'une  exposition  de  musique,  en  1872,  puis  en  1885  et  en  1900. 
La  Loan  Exhibition  devait  donc  être  en  progrès  sur  celles  qui  l'avaient  précédées,  et  en  effet 
elle  fut  remarquable.  Livres,  manuscrits,  portraits,  souvenirs,  instruments,  tout  s'y  trouvait  en 
abondance.  Le  catalogue  de  cette  réunion  de  raretés  est  fait  méthodiquement.  Il  contient 
maintes  bonnes  notices.  Et  surtout  des  reproduction  en  héliotypie  infiniment  précieuses.  Il 
doit  être  complété  par  un  ouvrage  que  nous  avons  analysé  ici  même,  et  où  se  trouvent  les 
lectures  faites  dans  cette  exposition  qui  s'appelle  :  English  Music  (Walter  Scott  Publishing  C°.) 

J'observerais  cependant  que  le  portrait  de  Monteverde  me  paraît  d'une  attribution  bien 
contestable.  M.  Hill,  qui  a  mentionné  cette  toile,  lorsqu'elle  était  encore  en  Italie,  n'avait  pas 
été  si  affirmatif,  à  ce  que  je  crois  me  rappeler.  A  critiquer  aussi  la  planche  qui  représente  des 
"  Recorder.  "  Le  catalogue  nous  dit  très  justement  que  le  mot  recorder  s'appliquait  aux  flûtes 
à  bec,  et  la  planche  représente  en  outre  des  hautbois  et  des  cornets  ! 

Dans  la  section  des  mss,,  plusieurs  volumes  sont  à  relever  :  des  tablatures  de  luth  et 
de  violle  ;  le  fameux  Old  Hall  Ms.  décrit  dans  nos  bulletins  internationaux  par  M.  Barclay 
Squire  ;  enfin  trois  livres  de  pièces  de  Virginal^  deux  prêtés  par  le  Roi  d'Angleterre,  un  par  les 
marquis  d'Abergavenny. 

CHANTS  FACILES  A  DEUX  VOIX  ÉGALES  pour  les  familles  et  les  écoles, 
3®  fasicule,  i  brochure  de  16  pages,  o  fr.  15,  chez  Lebègue,  30  rue  de  Lille,  Paris.  —  Ce 
nouveau  recueil  de  chants  notés  dans  le  système  galiniste  est  digne  des  précédents.  La  musique 
est  claire,  simple,  populaire.  Elle  est  empruntée  en  grande  partie  aux  acteurs  d'opéras-comi- 
ques du  1 8*^  siècle  et  du  commencement  du  1 9*^,  Reichardt^  Doche^  Dezède^  Laujon^  Gaveaux, 
Gillier^  Hérold.  On  y  rencontre  aussi  les  noms  de  Beethoven^  de  Mozart^  de  Schubert^  de 
Mendelssohn,  de  Rameau^  de  IVeber.  Un  seul  morceau  est  signé  du  nom   d'un  contemporain. 


584 


s.   I.  M. 


M.  Bonnet^  le  président  de  l'association  galiniste.  Les  paroles  originales  sont  conservées  le  plus 
souvent  possible,  ce  qui  est  excellent.  Quand  il  a  fallu  les  remplacer  par  d'autres,  on  a  fait  des 
einj^runts  à  des  poètes  connus,  ou  l'on  a  fait  appel  à  l'initiative  d'un  homme  de  goût  et 
d'expérience.  Nous  souhaitons  le  plus  vif  succès  à  ce  petit  volume. 

Paul  Landormy. 

J.  BONNET  ET  G.  MICHAÊLIS.  —  Tlu^orie  Musicale,  d'après  Pierre  Galin  et  ses 
disciples,  i  vol.  in-8",  5  fr.  chez  Lebègue  et  C"',  30,  rue  de  Lille,  Paris.  —  C'est  là  un 
excellent  volume  de  théorie  à  l'usage  des  écoles  et  des  lycées.  Il  est  très  méthodique  et  très 
complet,  dans  les  deux  systèmes  de  notation,  galiniste  et  non-galiniste.  Les  chapitres  sur 
l'expression  et  sur  la  pose  de  la  voix  sont  nouveaux  et  intéressants  au  point  de  vue  pédagogique. 
Un  appendice  sur  le  plain-chant  fournit  d'utiles  renseignements  élémentaires. 

LA  MÉTHODE  MODULE  CHIFFRÉE.  —  i  vol.  in-8'\  2  fr.  chez  J.  Lebègue 
et  C'',  30  rue  de  Lille,  Paris.  —  Remarquable  plaidoyer  en  faveur  du  système  galiniste 
comme  moyen  d'initiation  musicale  dans  les  écoles  primaires.  La  question  vaudrait  d'être 
discutée,  un  jour  ou  l'autre,  très  largement. 

HENRY  WOOLLETT.  —  Histoire  de  la  musique  depuis  l'antiquité  jusqu'à  nos  jours, 
i^  volume,  in-i6,  517  pages,  3  fr.  50,  publication  du  "Monde  Musical,"  3  rue  du  29  juillet. 
—  Ce  premier  volume  nous  mène  des  origines  jusqu'à  Gluck  en  9  chapitres  intitulés  :  Coup 
d^œil  d"" ensemble,  le  monde  antique  oriental  et  les  chants  populaires  de  Vorient  moderne,  la  musique 
dans  la  Grèce  antique  et  moderne,  origines  et  développement  du  Plain-chant,  la  musique  au  moyen-âge, 
Vèpoque  du  contrepoint  et  la  naissance  du  drame  lyrique,  le  drame  lyrique  de  Caccini  a  Lully  et 
Hcendel,  P époque  du  Clavecin,  le  draîue  lyrique  de  Rameau  à  Gluck.  Le  livre  est  plein  de  faits  et 
de  bons  exemples.  Il  est  peut-être  un  peu  trop  savant  pour  les  lecteurs  auxquels  il  prétend 
s'adresser.  Le  grand  public  réclame  sans  doute  des  vues  plus  rapides  et  plus  systématiques.  Tel 
qu'il  est,  cet  ouvrage  rendra  de  grands  services,  et  nous  lui  souhaitons  le  meilleur  succès. 

Paul  Landormy. 

E.  L.  BAZIN,  Ingénieur  des  Arts  et  Manufactures  :  Ecriture  et  Théorie  octavinolcs  de  la 
Musique,  chez  l'auteur,  17  rue  de  Versailles  à  Nantes,  et  chez  les  libraires.  19 10.  Gr.  iii-4' 
de  94  pages,  avec  un  portrait  de  l'auteur. 

Comme  tous  ceux  qui  joignent  une  culture  sérieuse  à  la  connaissance  de  la  musique, 
H.  liazin  a  été  frappé  de  l'anarchie  et  de  l'incohérence  qui  régnent  dans  l'écriture  et  même 
dans  la  théorie  musicales.  Aujourd'hui  que  se  manifeste  partout  un  esprit  d'organisation  et  de 
méthode,  la  musique  semble  s'attarder  en  une  sorte  de  Kabile,  et  se  complaire  au  sein  d'un 
inextricable  Babiiismc,  la  même  note,  grâce  au  système  de  la  portée  à  5  lignes  et  des  clefs, 
pouvant  offrir  just|u'à  150  figures  différentes  !  La  plupart  des  traités  de  solfège  et  d'harmonie 
découlent  de  l'empirisme  le  plus  suranné  I^eur  enseignement  à  la  fois  compliqué,  pérenip- 
toire  et  catididc,  n'est  cpie  terminologique,  purement  vertical  ;  et  s'enternie  dans  le  plus  étroit 
des  formalismes. 

Depuis  J.  J.  Rousseau,  \r  problème  de  la  simplification  de  l'écriture  musicale  et  de  son 
établissement  sur  îles  bases  logiijues  est  à  l'ordre  du  jour,  et  il  nous  souvient  il'en  avoir  lu  dani 
la  S.  I.  M.  une  solution  ingénieuse,  due  à  M.    Haustont.   Mais,   jusqu'à  présent,    nul   n'a   pu 


LES    LIVRES  585 

triompher  de  la  toute-puissante   routine,  et  on  continue  h  perdre  un  temps  précieux  à  apprendre 
à  lire  la  musique,  au  lieu  d'apprendre  la  musique  elle-mâme. 

Pourtant,  les  défauts  de  la  notation  actuelle  apparaissent  en  toute  évidence.  En  laissant 
coexister  la  portée  à  5  lignes  munie  de  lignes  supplémentaires  et  le  système  des  clefs,  cette 
notation  constitue  une  contradiction  grossière;  car  si  l'on  multiplie  les  lignes  de  la  portée,  c'est 
apparemment  afin  de  réaliser  une  représentation  immédiate  de  la  plus  grande  partie  possible 
de  l'échelle  sonore,  et  d'emplacer  les  octaves.  Or,  le  changement  des  clefs,  c'est-à-dire  des 
points  initiaux,  a,  au  contraire,  pour  objet  de  rétrécir  l'étendue  de  la  portée.  Ajoutons  que  la 
lecture  de  toutes  ces  clefs  ne  s'acquiert  que  lentement,  au  prix  d'un  labeur  rebutant,  et 
constitue  la  plus  vaine  des  sciences.  Et  quelle  inutile  complication  pour  les  instruments 
transpositeurs. 

Sans  doute,  ces  anomalies  peuvent  se  justifier  d'un  point  de  vue  historique.  Mais,  là  n'est 
pas  la  question,  d'autant  plus  que  tous  ces  faits  d'empirisme  accumulés  dans  la  notation  ont 
été  des  perfectionnements  successifs,  et  que,  par  conséquent,  rien  ne  nous  empêche  d'ajouter, 
à  notre  tour,  à  la  chaîne  du  passé  un  maillon  plus  solide  et  mieux  conditionné. 

Le  système  d'écriture  de  M.  Bazin  est  dit  octavinaly  parce  que  chaque  octave  s'écrit  tou- 
jours de  la  même  manière  au  moyen  de  7  notes  de  forme  invariable  et  d'une  portée  réduite  à 
3  lignes.  Les  clefs  sont  supprimées,  les  notes  ne  changent  jamais  de  nom,  et  les  octaves  se  loca- 
lisent dans  l'échelle  au  moyen  de  chiffres  romains  placés  en  tête  de  la  portée.  Evidemment,  ces 
chiffres  constituent  des  espèces  de  clefs  puisqu'ils  indiquent  l'exhaussement  ou  l'abaissement  du 
plan  de  l'intonation,  mais,  au  moins,  présentent-ils  l'énorme  avantage  de  conserver  aux  notes 
leurs  noms,  de  numéroter  les  octaves  de  façon  précise  et  de  supprimer  toute  ambiguïté  de  la 
hauteur  des  sons. 

M.  Bazin  règle  avec  la  même  logique  la  question  des  indices  métriques  qui,  dans  la  notation 
classique,  est  résolue  de  la  façon  la  plus  irrationnelle.  Et,  en  effet,  si,  en  rythme  binaire, 
la  noire  est  l'unité  du  temps,  en  rythme  tertiaire,  elle  est  remplacée  par  la  noire  pointée,  choix 
vraiment  singulier  pour  une  unité.  Dans  l'écriture  octavinale  on  rejette  cette  unité  fraction- 
naire, et  on  adopte  la  noire  comme  unité  de  temps,  en  rythme  ternaire.  La  division  du  temps 
s'établit  alors  au  moyen  d'une  figure  nouvelle,  la  crochette,  une  noire,  valant  trois  crochettes,  et 
toutes  les  mesures  de  rythme  binaire  ou  ternaire,  s'écrivent  de  la  même  façon,  au  moyen  de  la 
fraction  :  ^g^  ou  ^^^Xues-  ^^^  ^'  ^'  ^^  deviennent  ainsi  des  |,  |,  *^  et  l'incompréhensi- 
ble terminologie  qui  fait  de  ces  mesures  des  mesures  composées  disparaît. 

Abordant  le  théorie  même  de  la  musique,  M.  Bazin  traite  de  la  formation  des  tonalités 
qu'il  classe  en  positives  majeures  et  en  négatives  mineures  et  dont  un  système  ingénieux 
d'armures  permet  de  reconnaître  immédiatement  la  modalité. 

Ce  livre  vient  à  son  heure,  car,  comme  toujours,  l'art  contemporain  est  en  avance  sur  la 
notation,  qui,  de  plus  en  plus,  se  montre  impuissante  à  le  traduire.  Quand  l'esprit  change,  il 
i  faut  que  le  matériel  se  transforme,  aussi,  ne  saurions-nous  trop  recommander  aux  professeurs 
de  musique  une  étude  attentive  de  la  réforme  octavinale  présentée  par  M.  Bazin  avec  un 
remarquable  esprit  de  logique.  Peut-être  pourrait-on  reprocher  à  son  ouvrage  un  certain  excès 
de  concision  qui  en  rend  la  lecture  assez  malaisée  ;  mais,  il  convient  de  rendre  justice  à  l'effort 
et  à  la  rigueur  de  méthode  dont  il  témoigne.  Seulement,  comme  toutes  les  tentatives 
antérieures,  la  méthode  octavinale  se  heurtera  à  une  assez  sérieuse  difficulté  d'application,  en 
raison  de  l'énorme  quantité  de  musique  déjà  gravée  dans  le  système  de  la  portée  à  5  lignes,  et 
pour  laquelle  il  faudrait  procéder  à  une  complète  réforme  typographique. 

Lionel  de  la  Laurencie. 


586  S.   I.   M. 


LUCIEN  HARVET,  le  subtil  mélodiste,  le  beau  poëte  du  piano  nous  offie  un  lied  : 
Je  t'aime^  poésie  d'Andersen  traduite  par  Wilder,  (édition  Breitkopflf).  Chant  de  passion 
désespérée,  aux  accents  sauvages  et  doux  à  la  fois,  avec  le  geste  des  deux  mains  ferventes 
—  vers  Elle  —  offrant  le  cœur  qui  saigne  ;  sur  la  plainte  lente  et  mouvante,  en  accom- 
pagnement, des  vagues  désolées.  Art  personnel,  spontané,  simple,  jailli  du  fond  de  l'être,  et  qui 
émeut  sans  détours.  — 

LIVRES  REÇUS. 

—  GLASENAPP.  —  Dai  Leben  Richard  Wagner  s.  (Breitkopf,  1 905-1 910,  6  vol. 
in-S".  Mk  47,  50.) 

—  GROVE.  —  Dictionary  of  Music.  Vol.  5,  T  à  Z.  (Macmillan  &  C°  1910  in-8^  de 
672  pp.  21/.) 

—  BURKERT  (Otto).  —  Fuehrer  durch  die  Orgel  Litteratur^  von  Kothe-Forch- 
hammer,  neubearbeitet  von...  (Lpz.  Leuckart  1909  in-i2°  de  388  pp.  Mk  3.) 

—  KNOSP.  (Gaston).  —  Notes  sur  la  musique  Indo-chinoise.  (Extrait  de  la  Revista 
musicale.) 

—  JOHN  (Ernest  H.  H.)  —  VolksUeder  aus  dem  Saechsischen  Erzgebirge.  (Annaberg, 
Grassers  Verlag.  in-8°  de  240  pp.  Mk  4,  80.) 

—  GASTOUE  (A.).  —  Récitatifs  ou  Chants  simples  pour  les  Graduels.,  Traits  et  Alleluyas, 
(Bureaux  de  la  Schola  in-4°  de  44  pp.) 

—  BAZIN  (S.  L.).  —  Ecriture  et  Théorie  octavinale  de  la  musique.  (Nantes  in-4° 
de          pp.) 

—  VIRGILI  (ViRGiLio).  —  Bernardo  Pasquini  (Pescia.  E.  Nucei  1908  in- 12°  de  80  pp.) 

—  WUSTMANN  (Rudolf).  —  Musikgeschichte  Leipzigs  in  drci  Baenden.  Band  1. 
(Lpz.  Teubner,  1909,  in-4"  de  505  pp.  M  6.) 

—  TILE  (Gustave).  —  Guide  pratique  d"" édition.  (Paris,  4  rue  du  Fouarre,  19 10  in- 12° 
de  130  pp.  Fcs  2.) 

—  RHODES  (Emile).  —  Les  Trompettes  du  Roi.  (P.  A.  Picard  et  fils.  1909  in-4"* 
de  70  pp.) 

—  WEINMANN  (D'  K.).  —  Kirchemusikalisches  Jahrbuch.  XXIIP  année.  (Regensburg 
19 10,  in-8''  de  190  pp.) 

—  CATALOGUE  OF  THE  MUSIC  LOAN  EXHIBITION.  (Novelleo  &  C^'  1909 
in  fol  de  350  pp.  London.) 

—  ROLLAND  (Romain).  —  Haendel.  (Collection  des  maîtres  de  la  musique  ;  Alcan. 
1910,  in-12''  de  350  pp.) 

—  HAEGER  (G.)  et  WÛST  (W.).  — -  VolksUeder  aus  der  Rheinpfalz.  (Kaiserlautern, 
H.  Kayscr,  1909,  2  vol.  in-8"  de  300  pp.). 

—  KLOSS  (E.).  —  Richard  Wagner^  tiber  die  JVeistersinger.  (Breitkopf  1910,  in- 16" 
de  86  pp.  ;  Mk  1.50). 

—  FARAIy  (E.).  —  Les  Jongleurs  en   France  au   moyen-âge.  (H.  Champion  1910,  in-8 
de  340  pp.  ;  7.50). 

—  GRAVES  (L.  L.).  —  Musical  monstruositics.  (London,  Sir  Pitman  1909,  in-12"  de 
230  pp.  ;  1.50). 

—  WINDAKIEWICZOWA  (Helena).  —  Katalog  Pinni  Polsko-Morawskich.  (Kra- 
kowic  1907,  in-8"  de  50  pp.) 


LE  FESTIVAL  DE  MUNICH  ET  LA  PRESSE 


Est-il  une  meilleure  preuve  du  succès  moral  et  artistique  de  la  semaine  française 
organisée  par  nos-  soins  à  Munich  que  l'intérêt  accordé  par  la  presse  européenne  à  cette 
imposante  manifestation  ?  Nous  avons  reçu,  au  cours  de  ces  trois  derniers  mois^  plus  de 
huit  cents  coupures  de  journaux  ou  revues.  Elles  représentent  un  effort  d"* attention  et  de 
sympathie  que  nous  sommes  heureux  d'' avoir  éveillé  des  deux  cotés  du  Rhin.  Nous  adres- 
sons ici  fios  plus  sincères  remerciements  à  tous  nos  confrères  de  la  presse^  et  en  particulier 
de  la  presse  parisienne,  qui  dès  le  mois  de  juillet  nous  ont  aidés  avec  une  inlassable  bien- 
veillance, et  un  entier  désintéressement,  à  propager  Vidée  d'un  festival  Français  en 
Allemagne,  a  la  faire  connaître  et  agréer  du  public.  Et  nous  restons  infiniment  obligés  a 
l'Exposition  d' Art  Musulman  de  Munich,  qui  nous  a  rendu  possible  la  réalisation  de  ce 
beau  projet. 

Il  nous  reste  aujourd'hui  à  dresser  le  bilan  artistique  de  ces  fêtes,  à  dégager,  des 
appréciations  multiples  et  souvent  contraires  qui  nous  sont  parvenues,  un  enseignement 
utile.  Une  revue  de  la  presse  allemande  nous  dira  l'opinion  générale  moyenne  de  cette 
critique  au  devant  de  laquelle  nous  allions,  guidés  par  nos  maîtres. 

Les  Amis  de  la  musique  —  il  ne  faut  pas  l'oublier  —  tentaient  a  Munich  une 
expérience  nouvelle.  Du  coté  de  la  France,  il  leur  fallait  échapper  a  tout  esprit  de  coterie 
et  rassembler,  en  un  programme  limité,  les  éléments  très  divers,  nombreux,  inégaux  et 
antagonistes  qui  composent  aujourd'hui  l'art  musical  français.  L'esprit  d'impartialité  et  de 
conciliation  nous  était  imposé  par  le  caractère  même  de  notre  société.  D' autre  part,  il  nous 
fallait  tenir  compte  de  l' auditeur  étranger.  La  critique  allemande,  venue  en  grand 
nombre  a  Munich,  pour  la  VHP  symphonie  de  Mahler,  et  pour  notre  festival,  dirigeait 
naturellement  sa  curiosité  vers  les  œuvres  les  plus  nouvelles  de  notre  jeune  école.  Le  gros 
public  devait  préférer  nos  œuvres  consacrées,  dont  le  style  lui  est  déjà  familier.  On  sait 
enfin  comment  l'équilibre  de  nos  premiers  programmes,  établis  au  mois  de  juin,  se  trouva 
■complètement  modifié  par  l'impossibilité  de  découvrir,  soit  en  Allemagne  soit  en  Suisse,  un 
chœur  qui  voulut  préparer  une  audition  des  Béatitudes. 

Quel  fut  le  résultat  d'un  effort  ainsi  dirigé  ?  La  presse  allemande  va  nous  l'indiquer. 
Et  ses  indications  portent,  avant  tout,  la  marque  d'une  sympathie  très  franche.  Les 
Allemands  ont  été  heureux  de  nous  recevoir;  tous  leurs  compte-rendus  témoignent  d'une  joie 
incère  (aufrichtiger  Freude).  On  s'en  est  étonné  chez  nous.  "  Trop  de  fleurs"  s'est-on 
krié  après  la  seule  lecture  des  Munchener  Neuste  Nachrichten,  sans  faire  réflexion  que  ce 

I 


ii  LES  AMIS  DE  LA  MUSIQUE 

quotidien^  organe  officiel  de  r Allemagne  du  Sud^  se  sentait  tenu  à  une  courtoisie^  dont 
M.  Knorr  nous  permit  d' apprécier  toute  la  mesure.  Les  mêmes  réserves  ne  s  imposaient 
pas  ailleurs  y  et  les  critiques  ne  nous  ont  pas  manqué. 

Le  héros  de  la  fête  fut  notre  maître  Saint  Saëns  —  le  Nestor  de  la  musique 
française^  com?ne  T appelle  un  de  nos  confrères  d' Outre  Rhin.  On  s'est  plu  à  voir  en  lui  le 
représentant  des  qualités  les  mieux  connues  de  notre  tempérament  national.  "La  symphonie 
en  ut,  écrit  M.  Spanuth,  ^  peut  passer  pour  un  exemple  achevé  de  la  manière  fran- 
çaise de  construire  une  symphonie  et,  ainsi  considérée,  elle  apparaît  comme  un 
chef-d'œuvre  ;  le  musicien  allemand  peut  apprendre  quelque  chose  de  cette  clareté 
du  dispositif,  et  de  cette  perfection  absolue  dans  la  mise  au  point  des  détails  ". 

A  côté  de  Saint-SaënSj  Gabriel  Fauré  accentua  le  caractère  de  grâce  légère  et  de 
parfum  de  délicatesse  qui  frappe  tout  Allemand  en  présence  de  notre  musique.  Le  grand 
Hall  de  V Exposition  était  un  peu  spacieux  pour  le  Pie  Jesu,  mais  le  Kuenstlertheater 
s'adaptait  merveilleusement  à  la  voix  de  Mlle  Féart^  et  les  lieder  du  maître  ont  été 
pour  beaucoup  une  révélation.  Rarement  le  public  allemand,  toujours  un  peu  méfiant 
à  regard  du  cha.rme  français,  a  pu  s'initier  de  plus  près  au  sentiment  puissant  et  sensuel, 
qui  se  cache  derrière  les  lignes  fuyantes  de  ces  mélodies  délicieuses. 

La  symphonie  de  Franck  a  triomphé.  Sa  violence,  superbement  mise  en  valeur  par 
Rhené-Baton,  la  chaleur  de  son  mysticisme  rapprochent  cette  œuvre  et  son  auteur  des 
sympathies  germaniques.  "  Chez  Franck,  écrit  le  D"  San  Galli  :  ^  on  dirait  volontiers 
que  le  cœur  est  toujours  de  la  partie  ;  mais  ce  ne  serait  pas  assez  ;  c'est  l'âme 
même  de  l'auteur  qui  passe  dans  sa  musique.  Franck  était  un  artiste  religieux.  En 
ce  sens  on  peut  dire  avec  un  critique  français  des  programmes  du  festival,  quel 
Franck  fut  un  véritable  successeur  de  Beethoven.  (Qu'il  ait  été  le  seul,  c'est  à  direi 
plus  que  Beethoven,  Schumann  et  Bramhs,  c'est  contestable).  Mais  en  tout  cas  lai 
symphonie  en  ré  est  ce  que  tout  le  programme  nous  a  montré  de  plus  profond.  Dc| 
ce  point  de  vue  Franck  mérite  sans  doute  d'être  placé  à  la  tête  de  l'école  fran- 
çaise ".  Et  la  rédaction  du  journal  ajoute  aussitôt  cette  note  bien  caractéristique  :  "  Le 
jugement  de  notre  collaborateur  s'accorde  parfaitement  avec  ce  fait  que  Franck' 
était  né  de  parents  allemands  ". 

Mais  passons  sur  les  éloges  accordés  en  détail  et  en  grand  nombre  à  tous  nos  maîtres^ 
et  arrivons  aux  critiques  d'ensemble.  Elles  sont  souvent  vives  et  imprévues,  mais  il  cofi- 
vient  de  n  en  rien  cacher. 

M.  Léopold  Schmidt,   ?totre  éminent  confrère  du   Berlincr  Tageblatt  écrit  ^  :  Un 

'   Berlincr  Lokal  Anzciger,  du   25  septembre. 
*  Rhein-IVeslfalische  Zcilung,  du   i^  septembre. 
^  Le   24.  septembre. 


LES  AMIS  DE  LA  MUSIQUE  iii 

programme   de  trois  concerts  d'orchestre   et  de  deux  auditions  de  musique   de 
chambre  devait  mettre  suffisamment  en  valeur  les  caractères  communs  à  l'art  national 
français.   Il  nous  montra  cependant  aussi  combien  en  France,  comme  chez  nous,  il 
y  a  rupture  entre  l'ancien  et  le  moderne.   Ce  n'est  pas  seulement  Saint  Saëns,   lui 
jadis  le  premier  à  transporter  en  France  le  poème  symphonique  de  Liszt,  qui  passe 
au  rang  des  classiques,  mais  des  maîtres  beaucoup  moins  conservateurs  que  lui, 
sont  refoulés  vers  lui  par  les  tendances  modernistes.  Gabriel  Fauré,  malgré  tout 
l'intérêt  de  son  style  harmonique,  et  César  Franck  lui-même,  si  profond,  si  riche, 
et  qu'on  voudrait  considérer  (non  sans  quelque  exagération)  comme  le  père  de  la 
musique  française,  César  Franck  avec  son  inspiration  pour  ainsi  dire  gothique,  son 
goût  des  formes  cycliques  —  l'un   et  l'autre  restent,  à  côté  de  l'universel  Saint 
Saëns,  les  représentants  de  cet  art  qui  s'est  formé  en  pays  gaulois,  sous  des  influences 
italiennes  et  grâce  à  des    apports   occasionnels  venus    d'Allemagne.   Ils   opèrent 
(surtout  Saint  Saëns  et  Franck)  par  contrastes,  leurs  idées  claires  et  plastiques  ont 
l'appui  d'une  rythmique  vigoureuse,   leurs  formes  et  leurs  moyens  d'expression 
sont  purement  et  essentiellement  musicaux.  Le  sentiment  allemand  pourrait  peut- 
être  demander  plus  de  passion,  plus  de  complexité,  plus  de  premier  jet,  mais  il 
convient  cependant  de  se  réjouir  et  de  constater  qu'en  fin  de  compte  ce  qu'il  y  a 
de  meilleur  et  de  plus  particulier  dans  le  caractère  national  d'une  musique  échappe 
\  l'auditeur  étranger...    Vincent   d'Indy,   teinté  de  sécessionisme,   appartient   au 
même  groupe  et  y  joue  le  rôle  d'un  savant  doctrinaire...   Un  genre  bien  français 
lui  aussi,  et  qui  relève  de  l'art  d'agrément  léger,  raffiné,  habilement  ciselé,  c'est  celui 
dont  Lalo  sera  toujours  le  représentant  le  plus  brillant.  Entre  les  anciens  et  les 
nodernes,  se  place  Chabrier,  dont  la  fantaisie  infiniment  riche  n'a  malheureusement 
Das  trouvé  de  moyens  d'expression  adéquats...  La  musique  nationale  en  France  a 
depuis  le  milieu  du  XVIIP  siècle  soutenu  de  pénibles  luttes.  Sa  nouvelle  victoire 
'en  est  que  plus  bruyamment  célébrée.   Depuis  que  Pelléas  et  Mélisande  a  fait  le 
ïour  des    scènes  allemandes,  nous  connaissons  les   œuvres  où   Claude    Debussy 
orèche  le  nouvel  évangile...  L'article  de  Laloy  publié  dans  les  programmes,  donne 
sur  lui  les  meilleurs  éclaircissements...  On  ne  peut  se  soustraire  à  l'impression  de 
rlécadent  que  fait  naître  dans  cet  art  nouveau  la  crainte  de  la  clareté,  des  contrastes 
:t  de  toute  saine  vigueur.  On  ne  saurait  non  plus  contester  qu'il  abuse  des  effets 
ilont  Berlioz  (toujours  méconnu  en  France)  avait  déjà  montré  la  profusion,  sans 
cependant  les  ériger  en  doctrine.   Mais,   quoiqu'il  en  soit,  nous  ne  pouvons  nous 
mpêcher  de   suivre   avec    attention    le    debussysme. . .    Ses    grâces  délicates   son 
léahsme  indiscutable  méritent  notre  intérêt,  sinon  chez  ses  imitateurs  impuissants 
tel  Maurice  Ravel)  du  moins  chez  le  maître  lui-même. 


iv  LES  AMIS  DE  LA  MUSIQUE 

De  la  nouvelle  école  se  dégage  une  personnalité  celle  de  Paul  Dukas,  dont 
"l'Apprenti  Sorcier",  esquisse  colorée  pleine  de  verve,  a  partout  triomphé... 
"  En  Norwèo-e  "  d'Arthur  Coquard  se  conforme  à  des  modèles  connus,  mais  avec 
une  technique  parfois  toute  personnelle.  Roger  Ducasse  attire  l'attention  sur  son 
jeune  talent  par  l'allure  vivante,  les  fermes  contours,  et  l'habile  emploi  des  formes 
anciennes,  que  nous  montrent  sa  "  Suite  Française  ". 

M.  Herz  se  montre  assez  sévère  :  ^ 

"  Parmi  les  jeunes  s'est  sans  conteste  Paul  Dukas  qui  remporte  le  prix  ;  il 
est  destiné  à  prendre  en  France  le  rôle  prépondérant.  Pour  moi  il  se  place  bien  au- 
dessus  de  Debussy  et  de  Ravel,  dont  les  recherches  ingénieuses  dans  le  domaine 
de  l'orchestre  ne  doivent  pas  être  mises  en  doute,  mais  qui,  étant  donné  leur 
amorphie,  ne  me  paraissent  pas  qualifiés  pour  être  à  la  tête  d'une  nouvelle  école. 
De  Debussy  nous  n'avons  du  reste  rien  entendu  de  neuf,  mais  les  "  Nocturnes  ** 
aux  couleurs  chatoyantes  et  magiques.  De  Ravel  au  contraire  une  nouveauté,  la 
"Rapsodie  Espagnole  "  dont  j'attendais  beaucoup  et  qui  m'a  complètement  déçu... 
Chez  Ravel  la  mélodie  est  pour  ainsi  dire  égorgée,  et  les  effets  de  sonorité 
dominent  exclusivement,  ils  dégénèrent  même  dans  le  dernier  morceau  en  musique 
"  tintamaresque  ".  Si  je  me  permets  ce  jugement  vraiment  dur,  c'est  que  je  ne 
doute  pas  du  talent  extraordinaire  de  Ravel,  et  que  je  suis  persuadé  qu'il  faudrait 
ramener  ce  talent  à  sa  véritable  voie...  Le  jeune  Roger  Ducasse  a  débuté  avec  le 
plus  grand  succès  ;  sa  Suite  respire  la  grâce  et  la  joie  française  et  particulièrement 
"  l'Ouverture"  et  la  "Bourrée"  sont  des  pièces  charmantes  et  tout  à  fait  aima- 
bles. Dans  la  musique  pure  les  "  Suites  "  de  Lalo,  Fauré,  Dubois  et  Coquard  sont 
des  compositions  très  estimables,  de  bonne  et  sérieuse  flicture,  quoique  d'invention 
mélodique  assez  peu  originale,  ce  qui  explique  l'incursion  de  ces  Messieurs  du 
côté  du  Folklore  ". 

Voulons-nous  voir  r extrême  du  blâme,  nous  le  trouverons  dans  V  AUgemeuie  Musik-\ 
%eitung  sous  la  signature  du  docteur  Eduard  JVahl  :  ^ 

"  Pour  Debussy  je  dois  avouer  que  je  ne  partage  pas  l'admiration  de  seîl 
compatriotes  à  son  égard.  Certes  ses  théorèmes  sont  intéressants,  certes  sa  manièrej 
vous  séduit,  lorsqu'on  l'entend  pour  la  première  fois.  Mais  je  ne  pourraiïl 
vraiment  l'apprécier  que  si  elle  était  capable  de  produire  cet  effet  d'une  façoi^ 
durable.  Et  cela  ne  me  paraît  pas  le  cas.  Lorsqu'on  a  pénétré  le  secret  de  ce  senti 
ment  harmonique,  assez  simple  d'ailleurs,  on  remarque  que  l'horizon  de  Debuss) 
est  petit  et  que  l'originalité  qui  nous  frappait  passe  rapidement  à  l'état  de  cliché., 

'  Fremdenblatt.   tienne  le  5  octobre. 
'   30  septembre. 


LES  AMIS  DE  LA  MUSIQUE 

Gabriel  Fauré  est  très  inégal.  Il  faut  placer  très  haut  sa  suite  de  "  Pelléas  ".  L'in- 
fluence de  Wagner  est  incontestable.  Mais  un  Wagner  si  bien  digéré  qu'il  n'en 
résulte  aucun  dommage  pour  l'auteur,  et  l'on  trouvera  rarement  l'impression 
d'inconsolable  douleur,  de  désir  inassouvi  exprimé  par  des  sons  aussi  purs  et  dans 
une  forme  aussi  parfaite... 

Citons  encore  un  des  articles  les  plus  longs  de  la  presse^  celui  de  notre  confrère 
Korngold^  successeur  de  HansUck  a  la  Neue  Freie  Presse  de  Vienne  :  ^ 

"  La  musique  instrumentale  française  prend  conscience  d'elle-même.  Il  y  a  dix 
ans  encore  on  ne  l'aurait  pas  vue  prenant  le  train  à  la  gare  de  l'Est  pour  venir 
célébrer  ici  trois  journées  de  fêtes.  En  1899  MM.  Rabaud  et  d'Ollone  passèrent  à 
Vienne  ;  c'étaient  alors  les  maîtres  Saint  Saëns,  Franck,  Dubois,  d'Indy,  Chabrier, 
Lalo,  Bruneau  qui  nous  paraissaient  les  représentants  d'une  génération  de  musi- 
ciens modernes.  Mais  rapidement  d'autres  modernes  ont  succédé  à  ceux-là,  et  qui 
ont  non  seulement  cherché  à  transformer  la  langue  musicale  en  usage,  mais  encore 
à  transporter  dans  le  domaine  de  l'art  des  préoccupations  nationalistes.  Or,  n'est-ce 
pas  justement  ce  groupe  radical,  épris  de  revendications  nationales,  qui  a  permis  à 
la  musique  française  de  jouer  un  rôle  de  plus  en  plus  considérable  dans  la  con- 
:urrence  internationale  ?  Si  paradoxal  que  cela  puisse  paraître,  on  peut  dire  que  l'art 
des  anciens  et  des  jeunes,  ne  serait  pas  venu  aussi  complet  à  Munich,  si  ces 
"révolutionnaires  de  la  dernière  heure  n'avaient  accompli  leur  mouvement  de 
révolte  contre  toute  influence  étrangère.  " 

M.  Korngold  rappelle  V évolution  de  la  mentalité  musicale  française  depuis  Berlioz  et 
ijoute  :  "  Tout  à  coup  vers  la  fin  du  siècle  dernier  se  produisit  un  changement  de 
Tont  contre  la  musique  étrangère  et  particulièrement  contre  Wagner.  Cette  école 
se  rassembla  autour  de  Franck.  Puis  un  nom  commença  à  circuler  parmi  les 
krivains  et  les  compositeurs  libérés  de  Bayreuth:  Debussy!  Un  nouvel  "  isme  " 
laquit  :  le  debussysme...  Ici  une  grande  place  avait  été  accordée  à  Saint-Saëns. 
3a  symphonie  s'élève  sans  cesse  au-dessus  du  spirituel  et  du  joli  (Nur-Geistreiche 
ùind  Nur-Feingebildete)  et  le  cœur  commente  le  souvenir  de  Liszt,  dans  les 
irythmes  il  est  vrai  de  Schumann  et  de  Mendelssohn.  Le  premier  allegro  pourrait 
"^tre  de  la  main  d'un  Allemand.  Dans  l'adagio  apparaît  le  Français. 
I  Gabriel  Fauré  nous  montre  un  art  voisin.  Son  quatuor  en  ut  majeur  parle  une 
jiangue  sérieuse  et  d'excellente  compagnie.  Ses  mélodies  ont  un  parfum  délicat, 
1  inon  le  "  Parfum  Impérissable  "  dont  il  est  question  dans  l'une  d'elles.  A  côté 
le  Saint  Saëns  et  de  Fauré  plaçons  Dubois  et  Widor,  tous  deux  issus  de  l'orgue, 
-a  France  connaît  aussi  comme  nous  certaine  facture  musicale  qui  se  réclame  de 

23  septembre. 


vi  LES  AMIS  DE  LA  MUSIQUE 

l'académie,  mais  qui  chez  nos  voisins  a  le  bon  goût  de  renoncer  aux  allures  de  la 
profondeur  et  du  colossal... 

Suivant  le  moment  on  devient  à  l'orgue  un  Bach,  un  Bruckner  ou  un  César 
Franck.  Il  serait  difficile  d'indiquer  les  origines  de  l'art  franckiste,  qui  est  devenu 
lui-même  un  point  de  départ.  Toutefois  c'est  l'esprit  de  la  musique  allemande  qui 
se  manifeste  dans  cette  gravité  religieuse,  dans  cette  profondeur  de  la  pensée 
harmonique,  même  dans  ce  goût  d'une  fantaisie  incertaine.  Chez  Franck  l'invention 
mélodique  n'est  ni  puissante  ni  variée  ;  Franck  est  original  mais  pas  riche. 

Quand  on  parle  de  Franck,  Vincent  d'Indy  n'est  pas  loin.  La  symphonie  sur 
un  thème  montagnard  poursuit  son  motif  initial  avec  une  persistance  voulue,  au 
milieu  d'un  travail  thématique  qui  donne  moins  l'idée  d'une  véritable  composition 
que  d'une  transposition  et  d'un  jeu.  Dans  la  dernière  partie  la  verve  apparaît 
cependant  et  tout  l'esprit  des  rythmes.  Sur  l'accompagnement  en  cimbales  du 
piano  et  de  la  harpe,  la  clarinette  joue  un  air  de  musette  ;  c'est  une  kermesse  vue 
du   boulevard  ". 

A  propos  de  Chahrier  M..  Korngold  rappelle  le  mot  de  Bellaigue,  lors  de  la  repré- 
sentation de  Gwendoline.  ^^Et  le  reste  ?  Ce  n  est  pas  du  silence^  comme  dirait  Hamîety 
mais  du  bruit'\ 

De  Bruneau  l'Ouverture  de  Messidor  est  "  eine  Morgenstimmung  im  Treib- 
hause  "  cest  à  dire  "  une  impression  matinale  dans  une  serre  ". 

"  On  nous  a  donné  la  Rapsodie  Norwégienne  de  Lalo.  L'auditeur  allemand  a 
déjà  fait  souvent  cet  agréable  voyage  aux  pays  du  Nord. 

"  Venons  aux  jeunes  et  —  pourquoi  ne  pas  le  dire  —  à  ceux  qui  nous 
intéressent.  Debussy  et  Ravel  sont  facilement  reconnaissables  :  mépris  de  la  culture 
musicale  traditionnelle,  et  retour  au  primitif  par  le  raffinement...  Les  créations 
de  Debussy  ne  sont  pas  seulement  d'une  originalité  exclusive,  elles  sont  l'expression 
même  de  la  solitude  et  de  la  désolation  d'une  âme  (seelig  veroedet).  Mais  ce 
formalisme  extrême,  qui  cherche  à  remplacer  les  formes  absentes,  ce  sens  délicat 
des  nouvelles  valeurs  harmoniques  et  des  couleurs,  créent  à  leur  tour  de  nouveaux 
attraits.  La  sensibilité,  je  dirais  volontiers  la  chasteté  de  Debussy,  disparaît  com- 
plètement chez  l'hyperdebussyste  Ravel,  un  jeune  sauvage,  mais  plein  de  talent  pour 
les  hors-d'œuvre  de  l'instrumentation,  et  qui  sait  nous  tenir  en  suspens  devant! 
l'exécution  d'un  rien  sonore,  comme  sa  rapsodie  espagnole.  Nous  avions  du  resttj 
déjà  entendu  à  Vienne  un  quatuor  de  lui,  qui  n'était  ni  moins  espagnol,  ni  moinî 
rapsodique.  A  la  mesure  de  ces  deux  musiciens  Paul  Dukas  apparaît  comme  ur 
artiste  pur  sang.  Son  "Apprenti  sorcier  ",  devenu  un  morceau  de  répertoire,  a  ci 
tout  le  succès  d'une  manifestation  musicale  du  plus  pur  esprit  gaulois.    Dukas  es 


LES  AMIS  DE  LA  MUSIQUE  vii 

un  des  plus  grands  espoirs  de  la  musique  française  contemporaine.  Qui  connaît  cet 
homme  spirituel,  le  redoutera  —  à  cause  de  son  esprit  même.  Il  lui  manque  la 
fraîche  naïveté  qui  ose  ;  les  regards  qu'il  jette  vers  le  passé  semblent  faire  tort  à 
l'audace  qu'il  sait  cependant  montrer  à  l'occasion.  Aux  fêtes  de  Salzbourg  Dukas, 
qui  ne  sent  pas  apprécié  à  sa  valeur  en  France  ni  à  l'étranger,  laissa  échapper  ce 
joli  mot  :  A  Salzbourg  on  me  croit  trop  Parisien,  et  à  Paris  je  passe  pour  être  trop 
Salzbourgeois.  —  Ne  pas  confondre  avec  lui  Roger  Ducasse,  dont  la  "  Suite 
Française  "  amuse  par  son  humeur  pétillante,  par  le  feu  d'artifice  de  ses  rythmes, 
par  le  jacassement  de  ses  bois  et  de  ses  cordes.  Un  Wolf-Ferrai  français...  " 

La  place  nous  manque  pour  citer  encore  de  nombreux  confrères  qui  ont^  chacun  de 
leur  point  de  vue  ^  jugé ^  critiqué^  et  fait  assaut  de  qualificatifs  autour  de  nos  musiciens.  Encore 
moins  voudrions-nous  résumer  nous-même  ces  impressions  multiples  et  un  peu  fugitives.  Dans 
notre  prochain  Bulletin  des  Amis  nous  grouperons  quelques  textes  allemands  qui  ont  précisé- 
ment cherché  à  tirer  des  conclusions  générales  de  ces  fêtes  et  à  donner  à  leurs  lecteurs  une 
opinion  comparée  de  F  état  présent  de  la  musique  des  deux  côtés  du  Rhin. 

LE   MONUMENT  WAGNER 

ha    souscription    ouverte   dans    notre    Bulletin   au  printemps   dernier^ 
et  destinée  a  V érection  d'un  monument  Wagner  a   Venise^   dans  le  Palais 

,  Vendramin  où  est  mort  le  Maître^  a  produit  la  somme  de fr.  2.000 

i  auquel  il  convient  d'ajouter  le  don  généreux  de  S.  M.  le  Roi  de  Bulgarie  .     .     fr.      500 

Soit fr.  2.500 

L'inauguration  de  ce  bas-relief  a   eu  lieu   le   26   octobre   dernier,  en  présence  des 
autorités  communales  de  Venise,  d'une  nombreuse  colonie  étrangère,  et  de  la  haute  société 
\  Vénitienne. 

C'est  à  Ettore  Cadorin,  un  sculpteur  vénitien  fixé  a  Paris,   que  nous  devons  ce 
[^monument  de    marbre.   Le  bas-relief  a   1^25  de  hauteur  sur  une  largeur  de    i°'45  ; 
il  comporte  un  médaillon  du  Maître  entouré  d 'une  guirlande  de  lauriers.  Au  bas  ces  mots 
de  Gabriele  d'Annunzio  : 

"  In  questo  palazzo  l'ultimo  spiro  di  Riccardo   Wagner  odono  le  anime 
perpetuarsi  corne  la  marea  chè  ïambe  i  marmi.  " 

Après  le  prélude  des  Maîtres-Chanteurs  par  /'  orchestre  communal,  sous  la  direction 
i  du  Maestro  Preite,  M.  Max  Rikoff  prit  la  parole  au  nom  du  Comité,  et  prononça 
\  l'allocution  suivante  : 

^^  La  sculpture  et  la  poésie  s'unissent  en  ce  jour  pour  rendre  hommage  a  la  mémoire 
d'un   maître,   dont  le  nom,  assez  illustre  pour  se  passer  de  toute  épithète   banalement 


viii  LES  AMIS  DE  LA  MUSIQUE 

louangeuse,  sonne  comme  une  fanfare  triomphale,  à  travets  le  motide  de  la  musique  : 
Richard  Wagner. 

"  //  ne  s'agit  pas  d'ériger  ici  un  jnonument  a  sa  gloire.  De  tels  monuments  se 
dressent  ailleurs,  et  le  plus  beau  d'entre  eux  n'atteindra  jamais  la  splendeur  des  œuvres 
dont  on  se  proposera  de  magnifier  V auteur.  Il  s'agit  d'un  simple  souvenir,  et,  si  l'on 
veut  excuser  ce  mot  prosaïque,  d'un  "avis  au  public".  Oui,  nous  avons  souhaité  qu'en 
passant  devant  ce  palais,  les  Vénitiens  et  les  étrangers,  les  curieux  et  les  indifférents, 
s'arrêtent  et  lisent.  Qu'ils  se  reportent  un  instant,  par  la  pensée,  à  cette  date  du 
13  février  1883,  jour  de  deuil  et  de  larmes  pour  la  musique!  Qu'ils  songent 
pieusement  :  la  séjourna  quelques  mois  l'un  de  ceux  qui  ont  compté  parmi  les  hoynmes  ; 
là  son  cœur  a  cessé  de  hatt7'e  ;  là  ses  yeux  se  sont  fermés  à  la  lumière. 

"£/  tel  est  le  prestige  du  génie  qu'il  échappe  aux  distinctions  d'école,  aux 
particularités  de  race,  aux  limitations  de  frontières.  Parvenu  à  certain  degré,  il  n'est 
plus  d'un  seul  pays,  mais  de  tous  les  pays.  Dans  ce  sens  on  a  pu  proclamer  que  l'art 
n'a  pas  de  patrie,  l'art,  c'est-à-dire  l'art  supérieur,  celui  qui  porte  en  soi  et  transmet 
à  la  terre  un  reflet  du  ciel,  un  rayon  divin.  Homère  et  Platon,  Virgile  et  Dante, 
Shakespeare  et  Ne-wton,  Molière  et  Pasteur,  Mozart  et  Beethoven  n'appartiennent  plus 
à  leur  nationalité  d'origine;  ils  ont  dépassé  le  niveau  on  l'homme  demeure  obscur  pour 
ses  semblables  parce  qu'il  reste  confondu  dans  la  foule  ;  or,  a  mesure  qu'il  s'élève,  il 
voit  de  plus  haut,  comme  on  le  voit  de  plus  loin.  Ainsi  Wagner  a  grandi  de  telle  sorte 
que  si  V  Allemagne  a  la  juste  fierté  de  son  fils,  l'humanité  le  réclame  à  son  tour  para 
qu'il  lui  fit  honneur,  parce  qu'il  a  noblement  travaillé  pour  agrandir  le  champ  de 
son  esprit,  pour  étendre  le  dofnaine  de  son  idéal. 

"  Voilà  pourquoi  un  groupe  d'admirateurs,  parmi  lesquels  toutes  les  nations  sont 
représentées,  a  conçu  le  projet  qui  se  réalise  aujourd'hui.  En  son  nom  je  remets  à  la  ville 
cette  plaque  commémorative,  dont  elle  accepte  la  garde.  Venise  la  belle,  aime  ce  qui  est 
beau.  Elle  se  rappellera  que  la  beauté  de  l'art  est  une  religion,  et  que,  dans  cette 
religion,  Richard  Wagner  fut  l'un  des  apôtres  les  plus  convaincus  et  les  plus  grands.  " 

Le  Maire  de  Venise,  Comte  Grtjnani,  remercia  en  termes  chaleureux  le  Comité 
International  et  l'auteur  de  cette  œuvre  fort  réussie.  Il  donna  l'assurance  que  la  ville 
se  ferait  un  plaisir  de  prendre  sous  sa  garde,  ce  Monument  Commémoratif  Après  la 
cérémonie,  l'orchestre  exécuta  encore  quelques  morceaux,  pendant  que  les  invités 
passaient  en  gondole  devant  le  monument.  M.  Max  Rikoff,  déposa  devant  le  bas-reliefs 
une  couronne  au  nom  de  la  "Société  Française  des  Amis  de  la  Musique";  le 
Conservatoire  "  Benedetto  Marcello"  de  Venise  en  fit  autant.  Parmi  les  assistants^ 
nous  avons  remarqué  le  Préfet  de  Venise;  le  Commandant  du  Département  ;  Duchesse 
Canevaro,  Baronne  Ellembach;  Baronne  de  Fontaine;  Comte  et  Comtesse  Lovatelli; 
Baronne  Bosch;  Rudolph  Wintenberg;  Broceo,  Représentant  de  la  Maison  Ricordi ; 
von  Siepski,   Consul  d'Autriche,  M.  et  M""  Davez,  etc. 


Il  y  a  quelques  années,  un  professeur  genevois,  M.  Jaques-Dalcroze, 
I  eut  l'idée  de  faire  exécuter  à  ses  élèves  solfégistes  des  mouvements  coor- 
donnés à  la  musique  qu'il  leur  faisait  entendre.  Le  but  était  de  fortifier, 
chez  ses  élèves,  l'instinct  musical,  quelquefois  défaillant. 

Lorsqu'il  songea  à  prendre  le  pas  pour  unité  de  mesure  et  à  associer 
des  mouvements  corporels  à  l'audition  de  la  mélodie,  M.  Dalcroze  ne 
soupçonnait  sans  doute  pas  toutes  les  conséquences  de  sa  géniale  tenta- 
tive, et  le  développement  que  devait  prendre,  par  la  suite,  la  Qymnastique 
Rythmique  qu'il  venait  de  créer. 


588 


S.   I.    M. 


En  France,  nous  ne  connûmes  guère  de  la  gymnastique  rythmique 
que  son  nom,  quelques  comptes-rendus  de  presse  nous  l'ayant  appris.  De 
timides  essais  d'acclimatation,  faits  à   Paris,   n'intéressèrent  qu'un  petit 

groupe.  Il  est  probable  que  nous  en  serions 
restés  fort  longtemps  à  cette  vue  limitée 
si  un  remarquable  artiste,  et  un  homme 
d'initiative,  M.  Jean  d'Udine,  ne  s'était 
subitement  enthousiasmé  pour  la  nouvelle 
méthode.  Il  l'évalua,  par  intuition  immé- 
diate, et  pressentit  les  merveilleux  résultats 
qu'une  judicieuse  application  en  pouvait 
obtenir,  non  seulement  au  point  de  vue  de 
la  culture  musicale  d'un  individu,  mais 
encore  au  point  de  vue  de  sa  culture 
générale.  Sans  délai,  avec  un  courage  et  un 
esprit  de  décision  qu'on  ne  saurait  trop 
louer,  M.  d'Udine  abandonna  la  situation 
qu'il  occupait  à  Paris  et  alla  s'installer  à 
Genève  où  il  se  soumit  à  un  entraînement 
intensif  sous  la  direction  de  M.  Jaques- 
Dalcroze.  Il  associait  à  son  effort  deux 
collaboratrices  dont  le  dévouement  doit 
être,  ici,  rappelé  :  sa  femme  M"""  Jean 
M.  Jean  d'Udine  d'Udine,  et  M^"*^  Charruit,  sa  belle  sœur. 

Tous  trois  travaillèrent  un  an. 

De  retour  à  Paris,  en  octobre  1909,  M.  d'Udine  inaugurait  les 
premiers  véritables  cours  de  G.  R.  dans  une  salle  louée  et  aménagée  à  cet 
effet.  Il  expliqua,  dans  une  conférence  d'ouverture,  ce  qu'était  la  G.  R.  et, 
avec  une  confiance  ingénue,  proposa  à  ses  auditeurs  le  nouvel  enseignement. 
Engager  des  Parisiens  distraits,  sceptiques,  frivoles,  (opinion  accréditée 
dans  le  monde  entier,  donc  indiscutable)  à  revêtir  régulièrement,  deux 
fois  par  semaine,  un  costume  de  gymnastique,  et,  sans  apparat,  sans  | 
snobisme,  tout  simplement,  tout  docilement  à  se  placer  sous  la  direction 
d'un  professeur  !..  convier  ces  gens  accablés  d'occupations,  de  soucis,  de 
plaisirs  à  améliorer  leurs  corps  imparfaits,  à  combiner  des  mouvements 
harmonieux  sous  la  dictée  de  la  Musique,  à  établir,  en  leur  mentalité, 
des  associations  nouvelles,  à  travailler  difficilement,  avec  persévérance,  des 


LA  GYMNASTIQUE  RYTHMIQUE  589 

rythmes  oubliés  depuis  les  années  de  collège,  et  à  rendre,  en  leurs  cœurs, 
hommage  à  la  Beauté,  c'était  :  ou  d'une  candeur  désarmante,  ou  d'une 
intrépidité  de  conviction  singulière.  On  resta  d'abord  saisi  ;  puis,  la 
ferveur  de  ce  converti  à  la  doctrine  dalcrozienne,  sa  parole  entraînante, 
son  accent  de  franchise,  la  grâce  des  attitudes  de  ses  deux  monitrices, 
exemples  vivants  de  l'excellence  de  la  méthode  ;  cette  sympathie,  que 
suscite  tout  enthousiasme  sincère,  l'emportèrent  tout  à  coup.  On  fut 
subjugué,  entraîné,  conquis,  et,  avant  la  fin  de  la  séance,  le  programme 
était  adopté. 

En  s'adressant  à  Paris,  M.  d'Udine  prouvait  qu'il  connaissait  bien 
cette  Ville  aux  ressources  d'intelligence,  aux  avidités  de  savoir  et  à  cette 
continuité  de  labeurs  que  beaucoup  méconnaissent  parce  qu'elle  a  le  bon 
goût  et  la  délicate  politesse  de  masquer  son  effort  d'un  sourire.  Hommes, 
femmes,  enfants  s'inscrivirent  aux  nouveaux  cours,  on  refusa  des  élèves. 
Le  succès  avait  répondu  à  l'ardeur  de  foi  agissante  du  nouveau  maître. 

Malheureusement,  quelques  mois  après,  un  deuil  cruel  venait  attrister 
la  maison.  M""  Charruit  était  enlevée  à  l'affection  des  siens.  M.  et  M""^ 
d'Udine  continuèrent  seuls  la  tâche. 

Presqu'un  an  passé  et  aujourd'hui  des  résultats  s'imposent  à  notre 
attention.  Et  d'abord,  qu'est-ce  que  la  Gymnastique  Rythmique  ? 

Au  déchiffrage,  lorsque  le  pianiste  lit  couramment  les  signes  sur  la 
portée,  il  organise  mentalement,  et  de  façon  presque  instantanée,  la  série 
des  mouvements  nécessaires  à  l'exécution  du  morceau.  Cette  blanche  doit 
durer  deux  temps  ;  ces  deux  temps  doivent  être  lents,  car  le  tempo  indiqué 
est  :  adagio  ;  le  son  sera  plein  et  fort,  car  la  nuance  l'exige  ;  le  doigt  se 
lève  donc  à  une  certaine  hauteur  afin  de  presser  comme  il  faut  la  touche. 
Immédiatement,  avec  une  rapidité  surprenante,  la  durée,  la  vitesse, 
l'intensité  du  son,  l'amplitude  du  mouvement  nécessaire  à  le  produire 
ont  été  évalués  par  l'exécutant.  Entrevu  un  petit  rond  blanc,  ou  noir,  sur 
une  portée,  et  tout  le  mécanisme  mental  se  déclanche;  le  courant  nerveux 
est  projeté  le  long  du  bras,  dans  la  main,  le  doigt  tombe,  l'effet  est 
obtenu. 

Ce  que  fait  là  le  pianiste,  pour  que  sonne  le  clavier,  ce  travail 
immédiat  d'action  manuelle,  l'élève  de  G.  R.  l'accomplit  avec  tout  son 


590 


S.    I.    M. 


corps.  Pour  lui,  l'audition  entraîne  immédiatement  une  série  d'images 
mentales  et  une  organisation  consécutive  de  mouvements  rythmés.  Taine, 
dans  cet  admirable  livre  de  V Intelligence^  d'une  analyse 
si  pénétrante,  si  aiguë  et  si  juste  de  tout  le  processus 
mental,  Taine  dit  que  le  mot  et  l'image  forment  un 
couple  inséparable  ;  l'un,  le  mot,  lu  ou  entendu,  suscite 
une  série  d'images  lui  correspondant,  l'autre,  l'image, 
ou  les  images  perçues  entraînent  le  vocable  qui  les 
désigne.  C'est  un  couple  lié  —  chez  tout  sujet  normal. 
—  Il  en  va  de  même  en  G.  R.,  mais  ce  n'est  plus  du 
mot  qu'il  s'agit,  c'est  du  son.  Ainsi  on  peut  dire  : 
le  son  perçu  par  le  ryth??îicien  ^  est  couplé  à  une  série 
d'images  mentales  représentatives  de  mouve?nents.  Ces 
images  sont  —  comme  nous  le  voyions  tout-à-l'heure 
pour  le  pianiste  —  de  durée,  de  vitesse,  d'étendue  et 
d'intensité.  Par  la  suite,  et  à  ces  premiers  groupes, 
s'ajoutent  d'autres  images,  d'un  ordre  différent,  que  nous 
appellerions  volontiers,  de  pathétisme. 

Les  mouvements  corporels  peuvent  ne  pas  être 
exécutés,  ils  sont  toujours  perçus  en  puissance  d'actes  (lorsque  l'entraîne- 
ment est  suffisant).  Des  que  le  son  et  P image  sont  couplés^  le  logos  musical 
est  traduit  par  le  geste  du  corps  :  geste 
prompt,  agile,  détendu,  rapide  ou  lent  ; 
pompeux,  marqué,  ou  simplement  esquissé, 
très  large  ou  petit  et  comme  resserré.  Il 
se  mesure  et  s'appuie  aux  fractions  du 
temps,  et  ainsi  sa  durée  s'adapte  à  la 
vitesse  ;  enfin  il  s'intensifie,  devient  riche 
et  comme  tout  plein  d'une  force  qu'il 
projette.  Quelquefois  il  se  pathétise,  l'in- 
terprète transmet  alors  tout  le  contenu 
émotionnel  de  son  être  sous  l'influence 
excitatrice  du  dessin  musical  perçu. 

La   G.  R.   aboutit  donc  à  la  panto- 
mime et  à  la  danse  expressives,  non   pas 
celles   que    nous    connaissons   trop    et    dont   les    attitudes    prévues    sont 

'  Terme  adopté  par  l'Ecole   Française  de  (x.   R 


Un  premier  temps 


Un  deuxième  temps 


Dernier  temps 
ritenuto 


LA  GYMNASTIQUE  RYTHMIQUE 


591 


imposées  par  un  maître  de  ballet  suivant  des  traditions,  trop  souvent 
fausses,  incohérentes,  et  comme  établies  contre  la  Musique.  Il  s'agit,  en 
G.  R.  d'une  pantomime  et  d'une  danse  expressives  créées  spontanément, 
par  le  danseur  lui-même,  en  fonction  de  la  musique  qu'il  traduit.  C'est, 
au  sens  littéral,  une  inspiration  musicale.  L'interprète  dessine  dans  l'espace, 
qu'il  emplit  de  belles  images  mouvantes,  le  mystérieux  poème  :  joie, 
pleurs,  ironie,  dédain,  divertissement,  amour,  lamentations,  que  chante, 
clame  ou  murmure  la  voix  de  la  Muse  lorsqu'elle  rompt  le  silence. 

Est-ce  tout  ?...  Bien  plus  encore.  Nous  allons  constater  un  curieux 
phénomène  de  réversibilité.  L'artiste,  c'est  le  pratiquant  de  G.  R.  que  je 
veux  dire,  a  obéi  à  la  Musique  et,  sous  sa  dictée,  il  a  dessiné  de  beaux 
gestes.  Maintenant,  mû  par  cet  instinct  créateur  qui  pousse  l'homme, 
à  chaque  instant,  vers  des  voies  nouvelles  et  toujours  plus  variées,  il  va 
suivre  une  marche  inverse,  et  ceci  vaut  qu'on  s'y  arrête;  il  va,  avec  des 
gestes,  créer  de  la  musique,  c'est-à-dire 
des  rythmes  nouveaux.  Lorsque  le 
peintre  a  beaucoup  observé  la  Nature  et 
s'est  astreint  longuement  à  sa  minutieuse 
représentation,  il  arrive  qu'il  cesse  un 
instant  d'ouvrir  les  yeux  sur  Elle. 
Regardant  en  lui-même,  retourné  vers 
ces  cavernes  mystérieuses  de  la  pensée  : 
insondables  gouffres  tour-à-tour  pleins  de 
lumières  et  noirs  de  formidables  ombres, 
il  découvre  une  foule  de  formes  harmo-  _ 
nieuses  qu'il  ne  soupçonnait  pas  en  lui. 
Elles  sont  sa  création  propre,  le  fruit  de 
son  esprit  et  comme  les  filles  mêmes  de 
son  âme.  Saisissant  alors  ses  pinceaux, 
ses  couleurs,  ses  toiles,  le  peintre  fixe, 
pour  nous,  ces  créatures  imaginaires 
venues  de  ce  monde  intérieur  que  nous  connaissons  si  peu.  Ainsi  en 
va-t-il  de  même  pour  l'adepte  de  G.  R.  Il  cesse  parfois  de  désirer 
entendre  la  musique,  il  ferme  l'oreille  à  ses  accents  ;  il  se  recueille  ; 
l'éveil  et  la  surexcitation  du  sens  dynamique,  très  développé  chez  lui, 
déterminent    V invention  ;   il  élabore  des  rythmes  nouveaux,   les  propose 


Scherzo 


592 


S.   I.    M. 


à  la  mélodie  ;  il  les  veut  fixer  en  de  beaux  chants,  il  se  charme  soi-même 
de  ses  trouvailles,  leur  cherche  une  voix  qu'il  tient  à  nous  faire  entendre, 
note  leur  dessin,  leur  cours  régulier  et  paisible,  ou  l'oppression  de  leurs 
syncopes  haletantes.  Comme  la  pythonisse,  agitée  par  le  dieu,  trouve  enfin 
la  formule  de  l'oracle,  le  "  rythmicien  ",  dans  ce  nouvel  état,  découvre 
l'expression  musicale  correspondant  au  geste  qu'il  vient  de  concevoir. 
Ici,  le  mouvement  a  créé  la  Musique. 

On  voit  quel  large  champ  est  ouvert  à  ceux  qui  voudraient  appro- 
fondir cette  moderne  orchestique  et  quelles  multiples  activités  elle 
solliciterait  chez  eux. 


* 


On  peut  définir  la  Musique,  il  est  impossible,  avec  des  mots,  d'en 
donner  l'impression.  Ayant,  à  rendre  compte  d'une  composition  entendue, 


'^/..i,. 


•'"( 


Agenouillements 

je  puis  énoncer  qu'elle  est  d'un  mouvement  lent,  à  quatre  temps,  en  mi 
bémol,  confiée  à  tels  et  tels  instruments.  Celui  qui  me  lit,  ou  m'écoute, 
n'est  pas  plus  avancé  ;  j'accumule  les  adjectifs,  dis  que  le  morceau  était 
superbe,  magnifique,  sublime,   ou    plat   et   ennuyeux  ;   qu'il   a  fait  couler 


LA  GYMNASTIQUE   RYTHMIQUE  593 

des  larmes,  ou  fuir  le  public  ;  du  point  de  vue  musical,  ce  sont  paroles 
inutiles  ;  rien  de  plus  de  la  composition  n'est  révélé.  Le  choc  verbal  :  le 
retentissement  du  mot  dans  la  pensée,  n'est  en  rien  comparable  au  choc 
musical^  ou  plutôt,  les  rapports  entre  eux  sont  tellement  éloignés  que  presque 
nuls.  Il  faut  entendre  soi-même  ;  entrer  personnellement  dans  le  cercle 
des  ondes  sonores,  vibrer  de  leurs  vibrations  pour  savoir  ce  qu'est  la 
Musique  et  l'effet  produit  par  telle  ou  telle  composition. 

De  même,  en  G.  R.  ni  vocables,  ni  même  croquis,  si  parfaits  soient- 
ils,  ne  peuvent  donner  l'idée  de  la  succession  des  mouvements,  encore 
moins  du  travail  mental  que  nécessite  leur  exécution.  Il  faut  voir,  le 
mieux  serait  de  devenir  soi-même  rythmicien,  pour  prendre  l'idée  com- 
plète de  l'admirable  méthode  dalcrozienne. 

Certains  compositeurs,  pour  aider  à  la  compréhension  de  leurs  œuvres, 
en  donnent  quelquefois  une  analyse  thématique.  L'idée  est  bonne  ; 
essayons-en. 

Avant  toute  chose,  en  dehors  de  la  G.  R.  et  précisément  dans  cette 
Revue  Internationale  de  Musique,  nous  formulerons  un  vœu  :  c'est  que 
le  mot  rythme  soit  mieux  défini.  En  effet  il  peut  désigner  : 

1°  Le  mouvement  :  On  dit  un  rythme  vif  et  gai. 

2  Une  certaine  disposition  régulière  de  valeurs  :  le  rythme  du 
boléro,  de  la  barcarolle. 

3°  Un  dessin  mélodique  (voir  les  ouvrages  de  Mathis  Lussy)  un 
rythme  thétique,  anacrousique. 

4°  La  durée  des  valeurs  :  un  rythme  de  blanches  et  de  noires. 

C'est  beaucoup.  Il  importerait  de  préciser. 

En  G.R.  un  rythme  est  la  série  des  valeurs  d'un  dessin  musical.  (Com- 
binaison des  définitions  3  et  4). 

Ceci  dit,  revenons  à  notre  méthode. 

Tout  dessin  mélodique  suppose  une  mesure  (2,  3,  4  temps)  remplie 
par  des  notes  ou  des  silences  de  durées  différentes  (blanches,  noires,  soupirs). 

Tout  individu  normal  possède  des  bras  et  des  jambes.  Il  peut  donc 
se  proposer  d'indiquer,  par  les  mouvements  des  membres,  les  temps  et  les 
durées.  Par  exemiple  :  les  bras  battront  les  temps^  avec  des  gestes  convenus, 
tandis  que  les  jambes  marqueront  les  durées^  par  station  ou  mouvements. 
Etant  donné  ce  rythme  :  f  f  f  les  bras  feront  quatre  mouvements,  les 
pieds  frapperont  le  i®'  temps  ;  indiqueront  le  2""^  par  un  mouvement,  le 
corps  restant  stationnaire,  et  marcheront  les  temps  3  et  4. 


594 


S.   I.    M. 


Il  a  fallu  convenir  d'un  certain  nombre  de  mouvements  significatifs 
correspondant  aux  temps  et  aux  durées.  S'il  a  connaissance  des  conventions 
faites,  le  spectateur  d'une  leçon  de  G.  R.  peut  lire^  dans  les  gestes  exécutés 


devant  lui,  par  les  élèves,  les  valeurs  musicales  données  par  l'instrument. 
Il  les  découvrirait  d'ailleurs  par  lui-même  en  peu  de  temps. 

On  arrive  ainsi  à  : 

1°  Battre  la  mesure  avec  les  bras  ;  marquer  les  rythmes  avec  les  pieds. 

2°  Battre  la  mesure  avec  les  pieds  ;  marquer  les  rythmes  avec  les  bras. 

3°  Penser,  ou  mieux  sentir  mentalement  la  mesure,  et  battre  le  rythme 
avec  les  bras  et  les  pieds. 

4°  Indiquer  les  rythmes,  non  plus  par  des  mouvements  segmentaires, 
mais  par  l'attitude  complète  et  même  expressive  du  corps. 

Tout  ceci,  d'après  la  leçon  du  piano,  et  a  F iustaîit  7ncme  de  V exécution. 
En  d*autres  termes,  le  rythmicien  fait  de  la  "dictée  musicale"  non  écrite, 
mais  mimée  ;  il  la  réalise,  non  par  la  graphie,  mais  par  le  geste.  Les 
élèves  arrivent,  très  rapidement  à  traduire  les  improvhatiojis  qu'ils  entendent, 
comme  les  solfégistes  à  les  écrire.  Ils  font  mieux  encore.  Au  bout  de 
quelques  mois  d'étude,  ils  réussissent  à  figurer  un  rythme  qu'ils  viennent 
de  percevoir,  tout  en  enregistrant  un  autre,  qu'ils  vont  exécuter.  C'est  cc 
qui  se  produit  quand  ils  "agissent"  un  contre  point  sous  forme  canonique. 
Voici  un  exemple  entendu  réccminent  au  cours  de  M'  d'Udine  : 


Elèves 
Flino 


LA  GYMNASTIQUE  RYTHMIQUE  595 


s  — 


r*        u  r 

tl)  <?■>  C3) 


ci/  r  r- 

ete; 


Le  piano  propose  le  rythme  i  ;  les  élèves  l'exécutent  à  la  deuxième 
mesure,  en  enregistrant  le  rythme  2,  qu'ils  vont  figurer  pendant  la 
3°"®  mesure,  en  enregistrant  le  rythme  3.  Et  ainsi  de  suite  pendant  toute 
la  durée  du  canon. 

On  peut  également  demander  aux  rythmiciens  d'exécuter  les 
mouvements  en  sens  contraire,  autrement  dit  de  réaliser  un  rythme  en 
le  commençant  par  le  dernier  temps,  cependant  qu'ils  battent  la  mesure 
à  l'envers  et  marchent  rythmiquement  en  arrière  au  commandement. 

Toute  cette  partie  d'acquisitions  techniques,  sans  stylisation,  est 
d'un  intérêt  majeur,  et  révèle,  chez  les  plus  petits  enfants,  (certains  des 
élèves  ont  cinq  ans)  une  puissance  d'organisation  motrice  tout  à  fait 
stupéfiante  et,  jusqu'ici,  insoupçonnée. 

Allez  voir  ces  gentils  élèves  qui,  sous  le  magistère  de  M.  J.  d'Udine, 
attendent  l'heure  de  la  leçon.  Ils  sautent,  courent,  bondissent  dans  la 
vaste  salle  et  semblent  se  soucier  fort  peu  de  psychologie.  Cependant  le 
maître  s'assied  au  piano,  le  travail  commence.  Tous  les  jeunes  disciples, 
garçons  et  filles,  sont  attentifs  ;  ils  nouent  et  dénouent  leur  ronde  ; 
précipitent  ou  ralentissent  leurs  pas,  selon  que  la  mélodie  s'enfle  ou 
diminue  ;  les  petits  pieds  frappent  les  temps  forts,  les  bras  et  les  mains 
mignonnes  s'élèvent  en  cadence.  Pas  un  des  enfants  n'est  passif.  lis  ne 
peuvent  pas  F  être.  Aucun  de  ces  martyrs  mécaniques  qui  ânonnent,  au 
'Cours  de  solfège,  un^  deux^  trois.,  quatre.,  un.,  deux.,  trois.,  quatre,  la 
figure  grise  et  la  pensée  absente  ;  toutes  les  petites  bonnes  gens,  ici, 
rassemblés  sont  en  train  de  bien  vivre  leur  vie  ;  ils  s'activent  et  s'appli- 
quent, il  ne  faut  point  troubler  les  pas,  ni  manquer  la  mesure  :  les  têtes 
travaillent,  les  mouvements  sont  commandés,  inhibés  et  repris  suivant  la 
leçon  du  piano. 

Après  les  exercices,  les  jeux,  avec  application  des  mêmes  principes. 
Aujourd'hui,  c'est  le  Petit  Poucet  dont  M""  d'Udine  a  écrit  la  musique. 
■Un  brave  petit  homme  de  six  ans,  au  minois  futé,  aux  yeux  brillants 
d'intelligence  tient  le  grand  premier  rôle  de  Poucet.  Ses  dix  frères  le 
suivent.  Tous  abandonnent  leur  famille.  Apparition  terrifiante  de  l'Ogre. 
En  la  circonstance,  c'est  un  élève  de  G.  R.  détaché  du  cours  d'hommes. 

2 


596 


S.  I.   M. 


—  Faut-il  ajouter  qu'il  est  un  de  nos  plus  admirables  poètes.  —  Bien  supé- 
rieur au  jeu  auquel  il  s'associe,  et  d'une  signification  plastique  étonnante, 
son  départ  est  superbe  :  un  tel  élan  ferait  la  joie  d'un  sculpteur.  Il  y  a  là 
un  allongement  de  lignes  prodigieux,  donnant  la  sensation  même  du 
démesuré,  une  étonnante  projection  du  bras  droit  en  avant,  par  un 
vigoureux  lancé,  tandis  que  la  jambe  droite  s'étire  longuement  en  arrière 
et  que  le  regard  scrute,  à  des  lieues,  un  imaginaire  horizon.  Cet  Ogre  est 
immense.  Toute  la  scène  se  déroule  rythmiquement^  chaque  geste  com- 
mandé par  les  combinaisons  de  valeurs  de  la  notation  proportionnelle. 
C'est  un  contre-point  d'un  nouveau  genre,  dont  l'exposition  est  faite  à 
la  fois  par  le  piano  et  par  les  figurants  :  l'Ogre  et  le  personnage  collectif 


Le  Tctit  Toucct 


de  la  famille  Poucet.  On  pourrait  l'écrire  à  onze  parties,  si  on  voulait, 
un  ancien  harmoniste  n'y  eut  pas  manqué  et  nos  jeunes  rythmiciens  n'y 
verraient  nulle  difficulté. 


* 


Quelle  est  l'utilité  de  semblables  exercices.?  ont  demandé  certaines  i 
gens  qui  n'ont  jamais  beaucoup  réfléchi  à  leur  propre  existence,  se  | 
préoccupant  moins  de  sa  qualité  que  de  sa  longueur. 

Pourvu  qu'en  somme 

Je  vive,  c'est  assez,  je  suis  plus  que  content. 

Cet  idéal,  qui  n'en  est  pas  un,  semblera  pcut-ctrc  un  peu  court. 
A  ceux  qu'il  ne  satisferait  point  et  qui  veulent  surtout  vivre,  en  qualité^ 
nous  dirons  que  la  G.  R.  peut  les  intéresser  au  triple  point  de  vue: 
musical,  plastique  et  psychologique.  ' 


LA  GYMNASTIQUE   RYTHMIQUE  597 

Musical.  Il  est  presque  inutile  d'y  insister.  La  culture  musicale 
rythmique  est,  chez  nous,  assez  négligée,  et  même  nulle.  Les  plus 
remarquables  virtuoses  ne  soupçonnent  guère  leur  arythmie  ;  elle  existe 
cependant,  et  il  leur  serait  impossible  d'exécuter,  tout  virtuoses  qu'ils 
sont,  les  mouvements  que  fait,  sans  peine,  un  jeune  rythmicien  de  dix 
ans.  Un  entraînement  méthodique,  et  progressif,  ne  leur  serait  donc  pas 
inutile.  Quant  aux  musiciens  non-virtuoses,  ils  sont  foule,  ils  auraient 


•     UOgre. 

tout  profit  à  développer,  en  eux,  le  sens  du  rythme  par  l'étude,  ou  plutôt 
la  pratique  de  la  G.  R. 

Si  par  hasard,  fantaisie  prenait  aux  compositeurs  de  devenir  ryth- 
miciens,  ils  acquerraient  les  notions  les  plus  claires  et  les  plus  précieuses 
sur  les  rapports  du  geste  et  de  la  musique,  (nous  ne  disons  rien  des 
maîtres  de  ballets).  Ils  feraient,  en  ce  qui  touche  au  rythme,  de  véritables 
découvertes  leur  permettant  de  varier  un  peu  les  formules  qu'ils  emploient. 
Quelques-uns  d'entre  eux  cesseraient  peut  être  de  demander  la  variété 
rythmique  à  l'incohérence.  Ce  serait  tout  profit  pour  l'art. 

Plastiquement,  la  G.  R.  détermine  l'harmonie  du  geste.  Regardez 
les  gens  agir  autour  de  vous  ;  que  de  mouvements  mal  venus  ;  ou  trop 
arrondis,  et  lâches,  et  mous;  ou  anguleux,  rétrécis,  désagréables  à  l'œil. 
La  cause  d'effets  si  fâcheux  ?...  nous  sommes  presque  tous  arythmiques 
par  suite  d'une  mauvaise  éducation,  ou  si  l'on  veut,  d'absence  d'éducation 


59» 


S.   I.    M, 


Spéciale  :  nous  ne  savons  pas  coordonner  les  mouvements  les  plus 
élémentaires  ;  nous  dépensons  trop,  ou  trop  peu,  d'influx  nerveux  ;  nous 
ne  pouvons  pas  commander,  en  temps  et  quantité  voulus  sa  distribution. 
La  G.  R.  apprendrait  à  chacun  de  nous,  hommes  et  femmes,  la  grâce 
du  geste,  non  pas  cette  grâce  factice  que  les  femmes,  particulièrement, 
surajoutent  à  leurs  mouvements  comme  elles  mettent  de  la  poudre  sur 
leurs  visages;  grâce  agaçante  et  fausse,  fard  du  geste,  dissonance  et 
mensonge,  mais  la  grâce  véritable  que  donnent,  naturellement,  des 
mouvements  justes  représentant  le  minimum  d'effort  musculaire  pour  le 
maximum  d'effet  réalisé. 

Mais  restreignons  à  ceux  que  la  méthode  dalcrozienne  intéresse 
plus  directement.  Les  peintres,  sculpteurs,  dessinateurs  et  tous  artistes 
de  la  forme,  trouveraient,  dans  les  rythmiciens,  des  collaborateurs  autre- 
ment précieux  que  les  mo- 
dèles gagés  qui  tiennent,  plus 
ou  moins  bien,  "la  pose".  Ils 
pourraient  perfectionner,  là, 
cette  éducation  de  l'œil  qui 
leur  est  indispensable  et  que 
les  habitudes  de  notre  civili- 
sation favorisent  si  peu.  Un 
artiste  génial.  M'  Rodin,  a 
trouvé  le  moyen  d'obtenir 
des  poses  libres^  des  mouve- 
ments spontanés,  des  flexions 
à  saisir  au  vol,  pour  la  plus 
grande  joie  de  l'œil  qui  se 
caresse  aux  contours  ;  mais 
tous  les  amoureux  de  la  ligne 
ne  peuvent  pas  user  du  pro- 
cédé de  M'  Rodin.  La  G.  R. 
le  leur  offrirait  dans  des  con- 
ditions inespérées  et  peut- 
être  plus  parfaites  encore. 

Autre  aspect  de  la  question  :  si  Ton  songe  au  développement  du 
*'  bel  animal  humain  ",  les  médecins  seraient  tout  désignés  pour  en  suivre 
les   phases  sous   l'influence  de  la  G.  R.   11  est   même  étonnant,  par   ce 


Quatrième  temps  d'une 


mesure  à  ^ 


Dernier  temps  en  force 


LA  GYMNASTIQUE  RYTHMIQUE 


599 


temps  de  médicophilie,  que  M'  d'Udine  n'ait  pas,  dès  le  début  de  ses 
cours,  prié  quelque  sommité  médicale  de  "  mesurer  "  les  candidats  qui 
se  présentaient  afin  de  constater  leurs  modifications  physiologiques, 
après  quelques  mois  d'exercices. 

Enfin  les  psychologues  ne  devraient  pas  négliger  l'assistance  aux 
cours  de  G.  R.  Ils  devraient  même  y  être  les  premiers.  Qu'on  veuille 
bien  se  rappeler  en  effet  que  la  Mémoire  est  notre  faculté  maîtresse,  la 
base  même  de  toute  notre  vie  psychique,  conditionnant  l'autre.  Associa- 
tions, dissociations,  ces  deux  aspects  d'un  même  phénomène  si  remar- 
quablement étudié  par  M""  Ribot  dans  son  livre  sur  les  Maladies  de  la 
Mémoire^  voilà  tout  le  travail  de  la  pensée. 
Il  n'est  rendu  possible  que  par  la  mémoire. 
Pas  un  de  nos  gestes,  pas  la  plus  petite 
de  nos  actions,  qui  ne  suppose  un  en- 
traînement, c'est-à-dire  un  fait  de  mé- 
moire. Par  contre,  la  plus  légère  amnésie 
nous  frappe  d'incapacité.  L'étude  de  la 
mémoire  constitue,  certainement,  le  plus 
important  chapitre  de  toute  la  psycho- 
logie ;  combien  s'enrichirait-il  de  l'at- 
tention donnée  à  la  gymnastique  créée 
par  M'  Jaques-Dalcroze.  Elle  institue  une 
série  toute  faite  de  remarquables  expé- 
riences sur  le  passage  du  conscient  à  l'in- 
conscient. M''  le  Professeur  Grasset  dirait  : 
sur  les  relations  multipliées  du  centre  O 
avec    le   polygone.   Et,   l'illustre    psycho- 

i  logue.   M""  le  D""  Pierre  Janet,   trouverait 

;  ici  matière  à  une  superbe  leçon  ajoutée  à 

1  X Automatisme  Psychologique. 

Une    autre    étude    pourrait     encore 
s'offrir   à   l'intérêt   de   tant   de  renommés        ^  ,    '  ~^ 

1-11  ,  111  i  emps  fort  après  une  note  piquée 

\  philosophes  ;    nous    voulons    parler  de   la  ^  j       r  ri 

lecture  et  comme  de  la  visibilité  des  sentiments  sur  tout  le  corps  humain 
en  action.  L'élève  rythmicien  est  pour  ainsi  dire  condamné  à  l'expression 
de  sa  vérité  sentimentale  par  la  justesse  même  de  son  effort,  't'out  l'in- 
dividu devient  expressif.  D'une  part,  la  qualité  du  tempérament  se  signifie 


6oo 


S.   I.  M. 


dans  le  geste,  d'autre  part,  l'émotion  y  est  saisie  dans  sa  presque  intégra- 
lité ;  elle  est  mise  à  nu,  et  comme  dévoilée,  par  le  frémissement  des  lignes 
vivantes  d'un  corps  projeté  tout  entier,  dans  l'action  qu'il  accomplit. 

Les  leçons  de  G.  R.,  pour  qui  sait  entendre  le  silence  du  geste,  sont 
des  révélatrices. 

* 

* 


* 


Le  cours  des  jeunes  filles  est  toute  grâce,  sans  aucune  mièvrerie,  et 
res  mirabilis^  toute  vérité.  Des  femmes,  quittant  pour  un  instant  le 
vêtement  de  mensonge  que  leur  imposent,  dès  l'enfance,  les  stupides 
conventions  auxquelles  elles  sont  soumises,  n'est  ce  point  un  spectacle 
inattendu  !  On  nous  le  donne,  il  nous  enchante.  Avec  une  simplicité 
charmante,  une  sincérité,  nous  dirions  presque,  au  meilleur  sens  du  mot, 

une  candeur  délicieuse,  ces  jeunes  rvthmi- 
ciennes  se  soumettent  aux  plus  difficiles 
exercices:  mesures  compliquées;  syncopes, 
contre-temps,  n'ont  plus  de  secrets  pour 
elles.  L'évaluation  exacte  des  silences,  si 
difficile,  et  incertaine  pour  les  meilleurs 
des  musiciens,  n'est  qu'un  jeu  pour  ces 
élèves.  Sculpteur  idéal  et  impérieux,  le 
rythme  modèle  tous  ces  jeunes  corps  et 
les  anime  à  son  gré  :  fragiles,  gracieuses 
et  vivantes  statuettes. 

Des  exercices  de  pure  technique,  on 
passe,  sans  effort,  à  la  stylisation  du  geste. 
Ce  sont  de  petites  scènes  aimables  :  La 
cueillette  des  fleurs  ;  le  jeu  de  la  boule  lancée 
et  reprise.  L'une  derrière  l'autre,  et  comme 
accomplissant  quelque  mystérieuse  gyro- 
mancie,  les  élèves  dessinent  le  geste  que 
V   '  /-  —     réclame  la   mélodie  ;   l'ensemble  est   char- 

9  /  mant.  On  voit  poindre  la  danse  expressive, 

appuyée  sur  une  solide  technique.   Il  y  a 
„  des  ai^enouillements  lents  qui  prennent  des 

Sotto  voce  A  1W1  ^     •  1  1  1    '      •• 

grâces  d  clegie,  et   des  marches  héroïques 
où- ces  féminines   faiblesses  se   muent  en   forces  avec  l'accent  vainqueur 


LA  GYMNASTIQUE   RYTHMIQUE 


6oi 


des  odes  triomphales.  Quelquefois  les  mains  se  nouent  aux  épaules,  et, 
au  dessin  que  la  mélodie  expose,  répond  le  souple  balancement  des  corps. 
A  droite,  à  gauche,  semblables  aux  fleurs  penchées  sous  l'effort  du  vent 
qui  les  ploie  et  que  redresse  vivement  le  vouloir  de  leur  petite  vie  végétale, 
image  unique,  aux  multiples  visages,  le  groupe  des  jeunes  femmes 
s'incline  et  fléchit  comme  si  la  Musique  aimantait,  vers  un  point 
qu'elle  désigne,  la  courbe  hiarmonieuse  de  ces  corps  délicats.  L'at- 
traction cesse,  les  formes  se  relèvent  doucement,  pour  s'infléchir  de 
nouveau  cédant  au  mystérieux  appel  que  murmure  la  caressante  mélodie. 

La  leçon  achevée,  toutes  s'en  vont,  l'œil  et 
l'oreille  emplis  de  beaux  rythmes.  C'est,  pendant 
cette  heure  bénie,  une  esthétique  vécue  qu'inspira 
la  Musique.  Instants  heureux,  pendant  lesquels  ces 

enfants  ont  échap- 
pé à  l'emprise  du 

laid:  du  geste  in- 
cantatoire de  leurs 

petites  mains,  elles 

lui     ont     interdit 

d'avoir  accès  près 

d'elles.  La  G.   R. 

n'aurait-elle  point 

des    significations 

plus     hautes,    des 

symboles  plus  par- 

lan  ts  que  ceux 

auxquels  nous  son- 


geâmes ici 


iHude  du  canon  plastique 


Au  c  o  u  rs 
d'hommes,  l'im- 
pression est  tout 
autre.  Les  gestes 
ont  une  aisance, 
une  solidité,    une 


Etude  du  canon  plastique 


carrure,  donnant  bien  l'impression  d'une  force  qui  se  déploie,  et  décelant. 


602 


s.  I.  M. 


de  prime,  lallongue  habitude  des  mouvements  non  entravés  que  la  femme, 
toujours  enveloppée  de  la  jupe,  n'a  jamais  connue  et  prend  difficilement. 
Les  élèves  se  placent  à  la  file,  l'un  derrière  l'autre.  Le  maître  est  au 
piano.  Au  commandement  de  :  hop  !  tous  doivent  commencer  ou  modifier 
l'exercice  convenu.  Les  rondes,  les  noires,  les  blanches  se  succèdent  et 
ces  jeunes  -hommes  règlent  la  durée  de  leurs  mouvements  sur  les  valeurs 
qu'ils   entendent.  Ils  tournent  en  cadence  dans  la  grande  salle,  les  pieds 

scandant  d'un  vigoureux  appel  le 


/^   premier     temps    de    la     mesure. 


Chacun  d'eux  occupe  successive- 
ment tous  les  points  du  cercle  et 
y  érige,  statue  vivante  et  fugitive, 
instantané  humain,  une  attitude 
aussitôt  changée.  Les  bras  se 
lèvent,  s'abaissent,  remontent,  se 
croisent,  s'écartent,  puis  revien- 
nent. Toutes  ces  lignes  blanches, 
des  bras  blancs,  et  les  petites  lignes 
des  doigts  fins,  font  et  défont 
d'idéales  arabesques,  au-dessus  des 
têtes  blondes  ou  brunes  des  hom- 
mes courant.  C'est  une  ronde  sin- 
gulière. Il  semble  qu'un  lien  idéal 
et  magnétique,  force  jetée  de  l'un 
à  l'autre,  invisible  chaîne,  joigne 
tous  ces  corps  dans  une  poursuite 
inlassable  et  comme  fatidique. 
L'espace  qui  les  sépare  semble 
encore  empli  d'eux-mêmes,  la 
sensation  devient  continue,le  piano 
sonne  avec  des  heurts  de  cymbalum  ;  cette  musique  martelée,  ces  appels 
retentissants  des  pieds  frappeurs,  la  rapidité  des  images  mouvantes  in- 
duisent le  spectateur  en  une  sorte  de  griserie,  avec  d'arrière-visioFiS 
bizarres  de  derviches  tourneurs  et  d'ivresse  obtenue  par  la  continuité' 
d'une  giration  obstinée.  Bientôt  la  vitesse  s'accélère,  les  jeunes  gens  vont, 
tournent,  se  suivent,  s'atteignent,  un  vertige  semble  les  emporter,  livrés 
tout  entiers  au  coup  de  fouet  du  rythme  obsédant  qui  les  cingle. 


Agenouillement  pathétique 


LA  GYMNASTIQUE   RYTHMIQUE  603 

Et  je  songe  que,  dans  sa  'Psychologie  des  Foules^  Gustave  le  Bon  n'a 
rien  dit  de  cette  contagion  dynamique,  de  cette  aimantation  de  l'immo- 
bile par  le  mouvant,  qui,  soudain,  fait  des  êtres  distincts  et  séparés  qu^ 
nous  sommes,  un  faisceau  de  forces  jetées  d'un  seul  élan,  avec  la  puissance 
irrésistible  du  flot  marin  ou  de  la  lave  volcanique. 

Nous  voici  loin  du  cours  de  G.  R.  Eh  !  non,  car  une  discussion 
s'élève  sur  l'interprétation  d'un  motif.  Invité  par  le  maître,  l'un  des 
élèves  esquisse  l'enchaînement  des  poses  que  la  musique  suggère.  Les 
autres  regardent,  attentifs.  En  cette  minute,  lui,  fait  songer  à  un  de  ces 
gracieux  faunes  rieurs  et  dansants  que  nous  légua  l'antiquité  ;  non  que 
son  jeune  visage,  ait  rien  du  masque  traditionnel,  toute  la  ressemblance 
est  dans  cette  grâce  enlevée  du  mouvement,  dans  cette  agilité  heureuse, 
dans  cette  joyeuse  exubérance  du  geste  qu'une  mélodie  ordonne  et  disci- 
pline sans  rien  lui  ôter  de  sa  spontanéité.  La  forme  souple  bondit,  retombe, 
puis  s'élance,  avant  de  s'immobiliser  soudain  dans  une  dernière  attitude 
comme  suspendue  encore  à  l'action  qu'elle  achève. 

La  preuve  est  faite  et  le  cours  continue 

En  quittant  cette  petite  salle  où,  soutenu  par  la  foi  vivante  d'un 
maître,  on  travaille  si  naïvement,  si  sincèrement,  nous  dirions  presque  si 
pieusement,  nous  restions  songeur.  Une  poétique  et  douce  croyance  veut 
que  la  prière  des  cœurs  fervents  rachète,  mystique  compensatrice,  le  mal 
qui  s'accomplit.  Peut-être  quelques-uns  des  crimes  que  le  laid  médite 
constamment,  dans  l'ombre,  nous  seront-ils  épargnés  par  la  vertu  efficace 
ies  gestes  harmonieux  qui,  chaque  îour,  rendent  ici  hommage  à  la  Beauté. 

Juillet  19 10.  M.  Daubresse. 


Mouvements  de  la  ronde  a  six  temps 
Croquis  de  M'  Paulet  Thévenaz  élève  de  l'Ecole  Française  de  G.  R.  à  Paris. 


QUELQUES  ERREURS  SUR  CABEZON  ^^^ 

15  10-1566 


iiiiijrp.'wiipyyiiftafflBafiiaMi^^  mr  ■■.-i.^imiMiu 


L'Espagne  musicale  célèbre  cette  année-ci  le  quatrième  centenaire 
de  la  naissance  de  l'un  des  musiciens  les  plus  glorieux  du  XVF  siècle  ; 
Antonio  de  Cabezon.  La  Revista  Musical  Catalana^  de  Barcelone,  la  Ke- 
njista  Musical^  de  Bilbao,  et,  tout  dernièrement,  Musica  Sacro-Hispana^  de 
Bilbao,  ont  consacré  au  fameux  organiste  des  études  fort  remarquables. 
Seules  les  revues  étrangères  —  un  peu  oublieuses  cette  fois-ci,  —  n'ont 
pas  signalé  cet  événement  et  il  n'en  est  qu'une,  que  je  sache,  qui  se  soit 
occupé  d'Antonio  de  Cabezon. 

Je  ne  nommerai  pas  la  revue  dont  il  s'agit  pour  ne  pas  froisser 
l'écrivain  (mal  renseigné  !)  qui  a  écrit  :  L  Que  Félix  Antonio  de  Cabezon 
naquit  à  Madrid.  IL  Que  son  ouvrage  :  Livre  du  musique  pour  jouer  du 
clavecin.^  de  la  harpe  et  de  la  vielle  (voilà  une  traduction  un  peu  trop... 
libre^  vraiment  !)  est  devenu  tellement  rare  qu'après  l'avoir  inutilement 
cherché  en  Espagne,  Saldoni  n'eût  la  chance  de  le  retrouver  qu'à  la 
Bibliothèque  Royale  de  Berlin.  IIL  Qu'il  existe  un  traité  de  composition 
(de  Cabezon),  qui  porte  le  titre  de  Musica  teorica  y  practica.  —  Or, 
Antonio  de  Cabezon  ne  s'est  jamais  appelé  Félix^  il  n'est  pas  né  à  Madrid, 
le  livre  publié  par  son  fils  n'est  pas  aussi  rare  qu'on  veut  bien  le 
croire  (nous  en  connaissons  j/x  exemplaires)  et  son  soi-disant  traité  intitulé: 
Musica  Teorica  y  practica  est,  enfin,  un  ouvrage...  imaginaire. 

Mais  éclairons  —  ne  fut-ce  qu'en  passant,  —  ces  quelque^ 
erreurs. 


* 


Une  première  question  se  pose  lorsqu'il  s'agit  dAntonio  de  Cabezon. 
S'appelait-il  Félix  Antonio  ou  simplement  Antonio  ?  Fétis,  Eslaaa. 
Saldoni,  Soriano  Fuertes,  Pareda  y  Baneto  —  tout  le  monde,  enfin  !  — 
l'appclcnt  Félix  Antonio.  Or,  on  a  des  raisons  fort   sérieuses  pour  croire 


ERREURS    SUR   CABEZON  605 

qu'il  ne  s'appelait  qu'Antonio.  L'erreur  viendrait,  paraît-il,  d'une  mauvaise 
traduction  de  ce  premier  vers  de  son  épitaphe  : 

Hoc  situs  est  feiix  Antonius  ille  sepulchro. 

En  le  copiant,  il  est  des  biographes  qui  ècYivç.ntfélix  avec  minuscule 
et  d'autres  qui  l'écrivent  avec  majuscule.  Dans  quel  sens  ce  mot  fut-il 
employé  .?  "  J'adopte  définitivement  le  mot  placé  comme  épithète  —  écrit 
le  maître  Pedrell  —  et  cela  pour  différentes  raisons  :  la  première,  parce 
que  je  suppose  que  l'inscription  étant  tracée  en  lettres  lapidaires  sans 
distinction  de  majuscules,  on  a  copié  Félix  au  lieu  de  FELIX  et  que  de 
là  sans  doute,  est  survenue  l'erreur."  ^ 

Pedrell  croit,  enfin,  que  Cabezon  ne  s'est  jamais  appelé  Félix  parce 
que  "  ni  son  fils,  ni  ses  contemporains  ne  l'appellent  une  seule  fois  Félix 
Antonio  ni  même  F.  Antonio." 

Les  raisons  du  maître  Pedrell  sont,  comme  on  le  voit,  excellentes. 
Tant  qu'on  ne  prouvera  pas  le  contraire  —  et  il  n'est  encore  per- 
sonne, que  nous  sachions,  qui  ait  essayé  de  le  faire  —  il  faudra  bien 
admettre,  que  l'auteur  des  Diferencias  sobre  la  Gallarda  Milanesa  s'appellait, 
quoi  qu'on  ai  dit,  Antonio  tout  court. 
\  La  plupart  de  biographes  font  naître  Cabezon  à  Madrid,  cela  est 
évidemment  faux.  "  Fué  natural  de  la  montana..r  écrivit  Hernando  de 
Cabezon  lorsqu'il  publia  les  œuvres  de  son  père.  Cela  était  fort  vague. 
Heureusement,  Hernando  lui  même  se  charge  de  nous  renseigner  là  dessus 
orsqu'il  écrit  dans  son  testament  :  "  de  la  mitad  dellos  se  aga  una  capellania 
în  Castrillo  ques  donde  nacio  Antonio  de  Cabeçon  mi  senor  e  padre  que  sea 
în  gloria  que  es  el  dicho  lugar  barrio  de  Castro  Jeriz..."  ^ 

Antonio  de  Cabezon  est  donc  né  à  Castrillo  de  Matajudios,^  quartier 
le  Castrojeriz  (province  de  Burgos),  en  1510.  Il  était  fils  de  Sébastian 
I^abezon  et  de  Maria  Gutiérrez.  Il  mourut  à  Madrid  le  26  Mars  1566. 
Nous  pourrons  ajouter  qu'il  était  aveugle  dès  l'enfance  ("  descde  muy  nino  " 
;;crit  son  fils  Hernando),  et  qu'il  fut  maître  de  la  camara  y  capilla  de 
Z^harles  V  et  de  Philippe  II. 


^  liupanite  Schola  Musica  Sacra,  opéra  'varia  (Saecul  XV,  XVI,  XVII  et  XVII I).  diligenter  excerpta, 
ccurate  revida,  sedulo  concinnata  a  Philippe  Pedrell,  vol.  III  et  VIII.  Dans  ces  deux  volumes  on  trouvera  la 
rentière  étude  vraiment  sérieuse  qui  ait  été  faite,  de  nos  jours,  sur  Antonio  de  Cabezon. 

*  "...de  la  moitié  d'eux  qu'on  érige  une  chapelle  à  Castrillo  où  naquit  Antonio  de  Cabeçon  mon  père...  etc." 

^  Actuellement  Castrillo  —  Matajudios. 


6o6  S.  I.  M. 

Disons  bien  vite  que  les  erreurs  bibliographiques  commises  à  propos 
des  œuvres  de   Cabezon   sont   également  importantes.  Ces  œuvres  furent 
publiées,  ainsi  que  nous  l'avons  dit,  par  son  fils  Hernando  et  se  trouvent  i 
toutes  dans  un  seul  volume  dont  voici  le  signalement  exact  :  ! 

"  Obras  de  éMusi  |  ca  para  te  cl  a  arpa  y  |  vihuela^de  Antonio  de  Cabeçon^  ' 
éMusico  de  |  la  camara  y  capilla  de!  Rey  Don  Phi  |  lippe  nuestro  senor.  1  1 
Recopiiadas  y  puestas  en  cifra  por  Hernando  |  de  Cabeçon  su  hijo.  Ausi  mesmo  i 
musico  de  camara  y  capilla  de  su  éMagestad.  |  Dirigidas  a  la  S.  C.  R.  <SM.  del  i 
Rey  Don  |  Philippe  nuestro  senor.  (Il  y  a  un  é eu  s  son)  |  con  privilegio  |  Im- 
pressas en  ^Madrid  en  casa  de  Francisco  Sanchez.  Ano  de  ^SM.  D.  LXXVIIiy 

Outre  les  œuvres  d'Antonio  de  Cabezon  (qui  sont  en  grand  nombre), 
il  y  a  dans  ce  volume  des  compositions  de  Juan  de  Cabezon  (frère 
d'Antonio)  d'Hernando  de  Cabezon  et  de  quelqu'un  d'autre. 

D'après  ce  qu'Hernando  de  Cabezon    avoue  lui-même  dans  le  beau 
Proemio  al  lector  en  loor  de  la  musica.,    qui   sert   d'introduction  aux  œuvres 
de  son  père  qu'il  publie,  Antonio  de  Cabezon  ne  put  écrire  tout  ce  qu'il 
aurait  voulu  car  il  n'eût  ni  le  temps  ni  le  calme  nécessaire.  Tout   ce  que 
le  volume  dont  nous   nous  occupons  contient  ne  sont,  donc,  ainsi  que  le 
dit  son  fils,  que  les  "  miettes  qui  tombaient  de  sa  table  "  ^   ces  miettes  — 
migajas  —  n'étant,   en   outre,    que   les  leçons  qu'il  donnait  à  ses  élèves  ne 
contiennent  pas,  ainsi  que  le  fait  remarquer   Hernando  de  Cabezon,  tout 
ce  que  leur  auteur  savait^  mais,  seulement,   ce   qu'il  pouvait  donner  à  ses 
élèves.  Et,  cependant,  que  des  beautés  !  Il  faut  croire,  enfin,  qu'il  n'existe, 
aujourd'hui,  d'Antonio  de  Cabezon,  que  ce  que  contient  la  cifra  ou  Tabla-\ 
ture    publiée    par  son    fils.    Hernando    de    Cabezon    parle,    il    est    vrai,  | 
dans    son    testament,   de    dos    Libros  de  musica  contenant    des    composi- 
tions de  lui  et  de  son   père  ^  mais    on   n'en   connaît   aucun   exemplaire  j 
et    on   ignore   même   s'ils   ont   été   publiés.   Le   maître  Pedrella  transcrit  ' 
enfin,    en    notation    moderne  ^     d'autres    compositions    qu'il    attribue    à 
Antonio  de  Cabezon.  Elles  se  trouvent  un  Libre  de  cifra  de  Venegas   de 
Hinestrosa    intitulé  :    Libro    de  cifra   nueva  |  para   tcla   harpa   y  vihueLu 

'  Estas  jornadas  y  ocupaciones,  no  le  dcjaron  escreuir  como  lo  hiziera,  si  tuuicra  quietud  y  tiempo,  y  assi 
lo  que  en  este  libro  va,  mas  se  pucdeii  tener  por  mip^ajas  que  cayan  de  su  mcsa,  que  por  cosa  que  el   liubies$e 
neclio  de  proposito  ni  de  assiento,  jiarque  no  sou  mas  que  las  ieciiones  que  el  daua  a   sur  discipulos,  las  qualdl  j 
no  ercm  conforme  o*  lo  que  sabin  el  maestro,  sino  o'  la  medida  île  lo  que  ellos  poilian  alcanzar  y  entendcr."        '  ; 

''  I  per  quanto  de  los  travaxos  del  dicho  mi  padrc  é  mios  tengo  eclios  dos  Libros  de  musica  pucstos  W 
cifra  los  quales  son  de  fjrandisima  utilidad  para  la  rcpublica  y  cstan  para  se  poder  ympriinir  suplico  o' W 
magestad  sea  servido  de  mandar  que  se  su  ympriman  pues  es  cosa  lan  util  para  loda  la  cristiandad." 

'  Hispaniae  Sohale  musica  Sacra  Vol.  VIII. 


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Cliché  dc[Mitsica\Sacro-hhpana. 


Fac-slmile  du  folio    189   des  '' Ohras  de  Mus'ica," 


o? 


ERREURS    SUR   CABEZON  607 

m  ei  I  quai  se  ensena  brevemente  cantar  canto-llano^  y  canto  de  orga  |  no^  y 
algunos  auisos  para  contra  punto,  compuesto  por  Luis  Venegas  de  Hinestrosa. 
Dirigido  al  Illustrissimo  senor  Don  Diego  Tauera,  obispo  de  Jaen.  |  En  Alcala 
I  En  casa  de  Joan  de  Brocar  |   1557. 

* 

Un  mot  encore  :  on  a  prétendu,  jusqu'à  présent,  que  les  plus 
inciennes  variations  connues  étaient  de  William  Byrd.  Pour  quiconque 
;st  un  peu  au  courant  du  XVP  siècle  musical  espagnol  cela  est  évidem- 
nent  inadmisible.  Et  il  est  même  étonnant,  ajouterons-nous,  que,  malgré 
eut  ce  que  le  maître  Pedrell  a  publié  pendant  ces  dernières  années,  sur 
10s  anciens  maîtres,  cette  erreur  puisse  subsister.  —  Je  pensais  à  ceci, 
eut  dernièrement,  en  lisant  (avec  combien  d'intérêt),  le  deuxième 
7olume  du  Cours  de  composition  musicale  publié  par  M.  Vincent  d'Indy. 
lia  aussi  on  dit  :  "  Des  essais  de  Thèmes  variés  avait  été  tentés  déjà  assez 
ongtemps  auparavant  par  des  musiciens  Anglais,  et  notamment  W.  Byrd 
jui  écrivit  en  1591  diverses  Variations  sur  des  airs  répandus  à  son  époque 
;n  Angleterre." 

Je  prie  le  lecteur  français  de  bien  vouloir  comparer  ces  dates  : 
William  Byrd,  1538-1623  ;  Antonio  de  Cabezon,  1510-1566.  En  outre, 
es  variations  de  Byrd  datent,  paraît-il,  de  1591.  Or,  dans  la  Tablature 
)ubliée  en  1578  par  Hernando  de  Cabezon  on  trouve  déjà  pas  mal  de 
''piferencias  (variations)  d'Antonio  de  Cabezon.  ^  D'ailleurs,  ce  n'est  pas 
feulement  Cabezon  qui  écrivit  de  Diferencias.  On  en  trouve  dans  d'autres 
Libros  de  cifra  espagnols  du  XVI  siècle.  ^ 

Tant  qu'on  ne  présentera  pas  des  variations  anglaises  antérieures  à 
telles,  déjà  connues,  de  William  Byrd,  il  faudra  donc  admettre,  croyons- 
lous,  que  cette  forme  fut  cultivée  en  Espagne  avant  de  l'être  en  Angleterre. 

En  attendant,  nous  demandons  qu'on  veuille  bien  corriger  les  erreurs 
iistoriques  que  nous  venons  de  signaler. 

F.  Lliurat. 


^  Diferencias  sobre  la  Gallarda  Milanesa,  Diferencias  sobre  el  canto  del  Caballero,  Diferencias  sobre  la 
a'vana  Italiana,  Diferencias  sobre  el  canto  de  la  Dama  le  demanda,  Diferencias  sobre  el  canto  De  quie'n  teme 
lojo  Isabel,  etc,.  etc. 

^  Nous  citerons,  par  exemple  :  Anriqùez  de  Valderrabano  :  Libro  de  musica  de  njihuela  intitulado  Silva  de 
Irenas.  Valladolid  1547. 


MEMOIRES  INEDITS  DE  STEPHEN  HELLER^ 

Les  malheureux  artistes,  ci-devant  enfants  prodiges,  ne  savent  jamais 
au  juste  leur  âge.  L'affiche  de  Concert  est  leur  extrait  baptistaire.  En 
Allemagne,  on  a  toujours  soin  de  marquer,  sur  l'affiche,  l'âge  du  petit 
prodige:  de  même  que  chez  le  marchand,  on  réclame  toujours  un  rabais 
sur  le  prix  marqué,  de  même,  les  pères  d'artistes,  (j'écrirai  un  jour  leur 
physiologie  dans  "  les  Français  peints  par  eux-mêmes,  ")  rajeunissent  tou- 
jours leurs  malheureux  enfants,  de  2  ou  3  ans.  Du  reste,  voici  un  acte 
officiel,  rédigé  par  mon  père. 

Avec  permission  ties  aiiîot  ités  supêrieiwes. 
Cracovie,  ville  libre  et  privilégiée. 
Aujourd'hui,  Lundi  le  13  Décembre  1829,  à  8  h.  du  soir. 

Le  jeune  pianiste  Stcphen,  âgé  de  i  i  ans  :  (j'en  avais  treize,)  aur 
l'honneur  de  donner  une  grande  soirée  musicale  dans  laquelle  on  entendrï 
les  premiers  talents  de  la  ville  libre  de  Cracovie  et  des  environs. 

Cette    grande  soirée   aura   lieu    dans   la  salle    de  Mgr   le   Comte  dt 

'   Voir  S.  I.  M.  (lu  15  octobre. 


STEPHEN    HELLER  609 

Potocki  honorant  de  sa  haute  protection  le  talent  précoce  du  bénéficiaire, 
qui  s'efforcera  de  mériter  un  tel  patronage  et  par  des  compositions  des 
grands  maîtres  et  par  une  grande  improvisation.  (Première  audition  à 
Cracovie). 

1  PROGRAMME  : 

N°  I.  Concerto  en  la  mineur  y  par  Hummel,  exécuté  par  Stephen,  âgé 
de  onze  ans. 

N°  2.  Air  varié  pour  le  violon,  de  Lafont,  exécuté  par  M.  Sacco- 
witz. 

(Cet  artiste  de  grand  renom,  n'a  pas  hésité  à  se  rendre  à  l'invitation  de  Stephen,  bénéfi- 
:iaire,  et  vient  expressément  de  Bochnia,  pour  lui  prêter  l'appui  de  son  beau  talent.)  (^) 

N°  3.  Improvisation  sur  des  thèmes  donnés,  par  Stephen. 

N°  4.  Cavatijie  "  di  tanti palpiti^^'  de  Tancrède,  musique  de  Gioacchino 
Rossini,  Chantée  par  M"^  Adelina  Wieliszka. 

(Cet  air,  un  des  plus  illustres  de  l'illustre  cygne  de  Pesaro,  —  comme  l'Europe  tout  entière 
i  nommé  le  grand  et  fécond  Gioacchino  Rossini  —  ne  manquera  certainement  pas  d'exciter  le 
mblic  P.  P.  à  des  applaudissements  unanimes.) 

N^  5.  Fantaisie  de  bravoure^  sur  des  thèmes  irlandais,  composée  par 
VIoscHELÈs,  exécutée  par  Stephen. 

(Cette  fantaisie,  exécutée  par  le  jeune  bénéficiaire  à  ses  concerts  de  Vienne,  de  Pesth, 
3ochnia,  Tarnow  et  autres  capitales,  est  une  des  dernières  compositions  du  célèbre  Ignace 
VIoschelès,  né  à  Prague  le  i8  Juillet  1793  et  maitenant  à  Londres,  premier  pianiste  de  Sa 
Alajesté  britannique  George  IV,  roi  d'Angleterre,  d'Ecosse,  etc.,  etc.) 

I  N°  6.  Variations  pour  deux  flûtes  concertantes^  sur  God  Save  the  King, 
bar  Drouet,  exécutées  par  MM.  Balthazar  et  Stanislas  Bemutsky,  artistes 
du  théâtre  de  la  ville  libre  de  Cracovie. 

N°  7.  Deuxième  et  dernière  improvisation^  par  Stephen. 

On  est  prié  de  préparer  des  thèmes,  soit  nationaux,  soit  d'Opéras  et 
le  les  apporter  par  écrit  au  Concert. 

Le  bénéficiaire  remercie  d'avance  une  haute  noblesse,  un  louable 
corps  d'officiers,  une  honorable  bourgeoisie,  et  une  population  estimable 
le  leur  intérêt  et  prie  d'agréer  l'assurance  de  la  plus  profonde  soumission, 

(')  Saccowitz  était  un  misérable  saltimbanque  ;  il  avait  le  malheur  d'une  main  humide,  et  la  séchait  pendant 
haque  pause  avec  du  son,  qu'il  portait  dans  la  poche  de  son  gilet. 


6io  S.    I.    M. 

du    plus  inaltérable   respect,  de   la   plus   parfaite  obéissance   de  leur  très 
humble  serviteur, 

Stephen. 

Dans  les  Carpathes. 

Nous  étions,  mon  père  et  moi,  au  pied  des  Carpathes,  les  Pyrénées 
de  ma  patrie. 

Accroupis  dans  une  méchante  carriole,  attelée  de  cinq  chevaux,  nous 
avions  beaucoup  de  peine  à  nous  tenir  en  équilibre  sur  nos  sièges,  c'est  à 
dire  sur  des  tas  de  foin  et  de  paille.  Nous  traversâmes  les  Villes  Libres 
de  Miskoltz  et  de  Sixo.  Il  y  avait  foire  en  ce  dernier  endroit  et  mon  père 
voulut  absolument  profiter  de  cette  circonstance  pour  m'y  faire  donner  un 
Concert.  En  habile  général,  il  voulut  d'abord  prendre  connaissance  du  lieu, 
afin  de  procéder  savamment  à  la  prise  de  la  place.  La  ville  de  Sixo  ne  se 
doutant  pas  de  la  présence  d'un  ennemi  redoutable  tel  qu'un  pianiste 
précoce,  prêt  à  fondre  sur  elle  avec  force  improvisations  et  variations, 
nous  ouvrit  ses  portes,  avec  cette  hospitalité  qui  distingue  les  Hongrois 
qui  pourtant  ne  sont  point  Arabes. 

Selon  l'usage,  nous  allâmes  présenter  nos  hommages  au  Bourgmestre 
de  l'endroit,  qui  nous  donna  la  permission  d'afficher  nos  prétentions  et 
nos  programmes.  Comme  il  n'y  avait  point  d'autre  local  que  la  salle  de 
l'hôtel  de  ville,  pour  le  moment  occupée  par  des  marchands  de  peaux  de 
tigre  et  de  lapins,  venus  là  pour  la  foire,  il  ordonna  aux  charpentiers  et 
architectes  de  la  ville,  de  nous  construire  une  vaste  boutique  en  bois, 
semblable  à  celle  des  meilleurs  saltimbanques  qui  honoraient  alors  Sixo  de 
leur  présence.  Pendant  que  mon  père  concluait  cet  arrangement;  je  dépensai 
gaiement  un  florin,  allant  des  chiens  savants  aux  sauvages  qui  avalaient 
des  sabres,  puis  aux  nains  et  aux  géants,  puis  aux  potentats  et  brigands 
de  cire  ;  le  tout  en  grignottant  du  pain  d'épice  et  des  bâtons  de  sucre 
d'orge. 

Mais  hélas,  je  n'en  étais  qu'à  mon  9"  bâton  de  sucre  d'orge,  que  je 
vis  arriver  mon  père,  appuyé  sur  un  bâton,  que  je  n'aimais  pas  du  tout. 

Quelle  fut  ma  surprise  quand  je  le  vis  sourire  avec  bonté,  me  disant: 
"  Eh  bien,  Stephen,  je  parie  que  ton  argent  s'est  en   allé  dans  toutes  ces 


STEPHEN    HELLER  6ii 

boutiques  :  tu  as  bien  fait  ;  il  faut  que  jeunesse  se  passe.  Tiens,  prends 
encore  ce  petit  écu,  et  réjouis  toi.  " 

Les  larmes  me  vinrent  aux  yeux  ;  je  murmurai  quelques  mots  de 
tendresse  et  de  reconnaissance.  Mais  bientôt,  je  vis  que  mon  père  semblait 
vouloir  lire  au  fond  de  mon  âme.  Il  y  avait  un  singulier  mélange  de 
crainte,  et  d'autorité  paternelle  dans  son  regard. 

"  Bah,  me  dis-je,  dépensons  d'abord  le  petit  écu  :  la  morale  ou 
l'ennui  viendront  ensuite.  " 

Mais  j'avais  deviné  juste  :  mon  père  venait  de  me  donner,  somme 
toute,  des  arrhes,  comme  vous  allez  voir. 

Bientôt,  je  vis  apparaître  des  ouvriers,  accompagnés  d'un  officier 
1  municipal  et  d'une  espèce  d'architecte,  à  en  juger  par  un  crayon  rouge, 
un  portefeuille  et  un  mètre  qu'il  tenait  à  la  main.  Mon  père,  à  mon  grand 
étonnement,  alla  au  devant  d'eux  et  s'entretint  à  voix  basse  avec  l'homme 
au  crayon  rouge  en  jetant  de  temps  à  autre  des  regards  presque  timides 
sur  moi. 

Je  devins  attentif,  mais  je  fus  bientôt  distrait  par  une  jeune  paysanne 
habillée  en  Grecque  qui  exécutait  des  tours  d'adresse  sur  un  tapis,  pres- 
qu'en  face  de  moi.  C'était  une  charmante  enfant  de  quinze  à  seize  ans. 
Ses  longues  tresses  de  cheveux  châtains  tombaient  presque  à  ses  pieds, 
Une  calotte  rouge  lui  couvrait  la  tête.  Une  courte  jupe  blanche  laissait 
voir  une  tunique  bleue  qui  tombait  à  la  cheville.  Ses  jolis  pieds  effilés 
étaient  chaussés  de  pantoufles  de  maroquin  rouge,  et  quand  elle  dansait, 
'on  voyait  ses  longues  guêtres  de  velours,  brodées  d'or. 

Hélas,  la  malheureuse  fille  avait  déjà  perdu  toute  fraîcheur,  comme 

tson  costume,  qui  avait  du  être  somptueux  autrefois.  La  misère  avait  terni 

ses  yeux  et  fané  les  couleurs  de  ses  joues.  Et  pourtant,  quelle  noble  créature 

elle  était  encore  sous  ces  haillons  !   Comme  elle  exécutait  magistralement 

'  ses  pirouettes.  Avec  quelle  ironie  elle  marchait  sur  les  mains,  elle  qui  avait 

de  si  jolis  pieds  !   Mais  elle  n'était  pas  seule  :  un  vieillard  aux  cheveux 

blancs,  aux   mains  tremblantes,   aux  jambes  ployées  était  auprès  d'elle. 

Ce  vénérable  vieillard  était   un  farceur  ignoble  ;  c'était  le  partner  de  la 

jeune  fille.  Il  exécutait  avec  elle  des  pas  de  deux,  à  faire  frémir  les  Vestris, 

des  Petit  pas  et  les  Gardes  Municipaux.   C'étaient  des  danses  prévues  par 

le  code  civil,  tout  imprévues  qu'elles  étaient. 

Oh,  quelle  honte  et  quelle  horreur  de  voir  ce  vieux  mourant  faire 
assaut  de  grâce  et  de  lubricité  avec  cette  belle  enfant.  Plus  loin  on  voyait 

3 


6i2  s.   I.   M. 

la  mère  qui  battait  de  la  grosse  caisse.  Près  d'elle  sautillait  un  nain  qui 
pouvait  avoir  60  ans  et  se  vantait  d'avoir  été  caressé  par  tous  les  potentats 
de  l'Europe  et  de  l'Asie  et  de  s'être  reposé  sur  les  genoux  de  plusieurs 
têtes  couronnées.  Ce  nain  complétait  ce  quatuor  infortuné,  dont  l'aspect 
me  causait  un  mélange  de  joie  et  de  douleur  que  je  m'explique  aujourd'hui 
mieux  qu'alors. 

Tout  à  coup,  j'entends  la  voix  de  mon  père,  disant  :  "  ce  sera  ici  la 
première  place,  là  bas  la  seconde,  et  puis".... 

Je  m'élançai  vers  le  groupe  d'ouvriers  ;  mon  père  leur  expliquait,  je 
n'en  pouvais  douter,  les  dispositions  d'une  salle  de  Concert.  Et  quelle  salle, 
grand  Dieu  !  Au  milieu  des  singes,  des   Saltimbanques  et  des  danseurs  de 

corde !  Mon  père,  m'écriai  je  hors  de  moi,  que  faites  vous  là  .?  Voudriez 

vous  m'humilier  à  ce  point  .?  me  faire  jouer  au  milieu  des  nains  et  des 
kanguruhs  .?  Ah,  votre  petit  écu  devait  m'apprivoiser  !  Eh  bien,  le  voici. 
Il  ne  sera  pas  dit  qu'un  morceau  de  vil  argent  m'aura  fait  oublier  ma 
dignité  d'enfant  précoce  et  d'artiste  plein  d'avenir.  "  (C'étaient  les  termes 
dont  on  s'était  servi  dans  le  dernier  article  publié  à  mon  sujet.) 

Mon  père  reprit  l'argent  et  me  signifia  de  me  rendre  aux  arrêts  à 
l'auberge  ou  nous  étions  descendus. 

Je  lui  répondis  :  "je  porterai  avec  d'autant  plus  de  force  la  besace 
honorable  de  l'artiste,  qu'un  long  apprentissage  m'a  déjà  initié  aux  vicis- 
situdes de  cette  existence. 

Cette  longue  et  belle  tirade  me  fit  du  bien,  car  je  croyais  avoir 
décoché  de  la  sorte  un  terrible  épigramme  à  mon  père. 

En  attendant,  on  travaillait  toujours  à  l'horrible  édifice.  De  l'auberge, 
je  pus  très  bien  attendre  les  coups  de  marteau  qui  devaient  fixer  les 
poutres  de  ce  nouveau  temple  de  la  gloire.  Je  songeai  à  Egmont  qui 
entendait,  de  sa  prison,  les  pioches  des  ouvriers  construisant  son  échafaud. 
Cette  ressemblance  avec  un  de  mes  héros  favoris  me  soulagea  un  peu. 

Mon  père  vint  réitérer  ses  prières  et  ses  menaces,  mais  rien  n'y  fit. 
Et  comme  il  s'obstinait  autant  que  moi,  je  fus  forcé  de  recourir  à  mon 
dernier  moyen  ;  je  me  dis  malade,  je  me  couchai,  et  ne  mangeai  qu'en 
cachette.  Mon  père,  voyant  qu'il  était  impossible  de  meplier  à  sa  volonté 
despotique,   prit  le   parti  de  quitter  Sixo  et  de  fixer  ailleurs  notre  tente. 

Nous  arrivâmes  à  Leutschau,  situé  également  au  pied  des  Carpathes. 

Imaginez  une  seule  et  immense  rue,  au  bout  de  laquelle  se  trouvent 
deux   tours   crénelées,  et  vous  aurez  idée  d'une  ville  libre  hongroise.  Les 


STEPHEN    HELLER  613 

maisons  sont  toutes  d'un  étage  et  blanchies  à  la  chaux.  Elles  sont  presque 
toutes  séparées  l'une  de  l'autre  et  possèdent  chacune  deux  petits  jardins, 
l'un  en  dehors,  l'autre,  plus  vaste,  servant  de  cour  par  derrière. 

Le  préfet  ^  de  Leutschau,  M.  de  St  Kiraly,  (il  y  a  en  Hongrie 
comme  en  France  beaucoup  de  noms  qui  commencent  par  Saint,)  nous 
accueillit  très  bien  et  nous  invita  à  dîner,  ce  qui  est  une  faveur  marquée 
de  la  part  d'un  préfet  hongrois.  Au  beau  milieu  du  repas,  nous  entendîmes 
des  cris,  à  déchirer  le  cœur.  Je  laissai  tomber  ma  fourchette  et  je 
m'élançai  vers  la  fenêtre  pour  voir  d'où  venaient  ces  cris  atroces  :  "  Eh 
bien,  s'écria  le  préfet,  qu'a  donc  cet  enfant .?  " 

—  "  Mais,  lui  dis-je  d'une  voix  étouffée,  vos  hussards  de  police 
battent  un  pauvre  paysan,  attaché  sur  le  "  gazon.  " 

—  "  Eh  bien,  Teremtete,  ils  époussettent  quelque  vilain,  peut-être 
même  un  voleur." 

Il  faut  dire  que  le  "  gazon  "  en  Hongrie,  est  un  banc,  sur  lequel  on 
fixe  un  homme  à  l'aide  d'anneaux  en  fer.  Puis,  deux  bourreaux,  armés 
de  bâtons  de  noisetier  le  frappent  de  40  à  50  coups  à  longs  intervalles. 
Ordinairement,  le  patient  crie  après  chaque  coup  :  grâce,  grâce  !  Et  après 
ce  cruel  châtiment,  il  se  relève  en  chantant  et  en  demandant  un  verre  de 
wotka.  Cette  abominable  justice  est  adaptée  à  ces  hommes  de  fer,  qui 
ne  comprendraient  pas  d'autre  punition.  C'est  au  moins  l'opinion  des 
législateurs  hongrois,  tant  soit  peu  sauvages  et  barbares. 

Quoiqu'il  en  fût,  je  ne  pus  supporter  ces  cris,  qui  me  faisaient 
claquer  des  dents,  et,  en  enfant  impressionnable  et  mal  élevé  que  j'étais, 
je  pris  mon  chapeau  et  je  descendis  l'escalier  quatre  à  quatre  pour  fuir 
le  lieu  de  ce  supplice  odieux. 

Mon  père  rentra  bientôt  en  me  disant  que  le  préfet  était  furieux  et 
avait  dit  à  haute  voix  :  Mais,  mon  cher  Monsieur,  votre  fils  est  une 
femmelette  ;  ce  n'est  pas  un  Hongrois,  c'est  un  maudit  Allemand.  Terem- 
tete Cristosag  !  (Jurement  effroyable). 

Mon  père  voyait  déjà  les  espérances  d'un  beau  concert  anéanties  par 
na  faute.  Le  hasard  me  sauva  des  suites  de  cet  accident. 

Il  venait  d'arriver  à  Leutschau  une  troupe  de  Comédiens  ambulants, 
jui  représentaient  le  Fiesque  de  Schiller,  l'Avare  de  Molière,  Don  Juan 
ît  Joseph.  Mon  père  reçut  des  autorités  locales  l'ordre  suivant  : 

^  (Obergespan). 


6i4  S.    I.   M. 

A  Istran  ^  Heller  : 

Les  notables  de  la  ville  de  Leutschau  îie  veulent  point  se  priver  du  plaisir 
d'entendre  F  Opéra  Don  Juan  par  feu  <£Moz.art^  et  r  Opéra  Joseph  en  Egypte^ 
par  le  célèbre  Compositeur  parisien  éM.  de  <^éliul  ;  mais  comme  il  n  existe 
point  d'orchestre  convenable  pour  accompagner  le  chant  des  artistes,  le  musicien 
Istran  est  requis  d 'autorité  d 'accompagner  les  dits  musiciens  sur  le  piano  qui 
lui  sera  transmis  dans  ce  but.  Accordons  au  dit  musicien  Istran  i  Jiorins  par 
jour  pour  toute  la  durée  de  ces  représentations  extraordinaires.  Kn  outre.,  lut 
accordons  une  représentation  a  son  bénéfice.,  d'un  Opéra  a  son  choix,  et  cela 
aux  conditions  ordinaires,  frais  d'éclairage,  police  et  denier  des  pauvres  et 
établissements  de  bienjaisance. 

Le  Sénat  de  la  Ville  Libre  de  Leutschau. 

Le  tout  était  contresigné,  timbré,  scellé  ;  enfin  cela  avait  l'air  d'un 
ordre  de  gouvernement  des  plus  importants. 

Parmi  les  actrices,  il  y  avait  une  Zerline  ravissante,  qui  ne  se  lassait 
pas  d'admirer  mon  habileté,  et  mes  longs  cheveux  bruns,  fort  beaux 
alors.  Elle  avait  le  soin  de  me  bourrer  de  tartelettes  aux  cerises,  et  cette 
délicate  attention  lui  avait  gagné  toute  ma  tendresse. 

Le  jour  de  la  première  représentation  arriva.  Imaginez  une  abomi- 
nable grange,  quelques  planches  formant  scène  au  fond,  et  un  fabuleux 
appareil  de  cordes,  d'échelles  et  de  toiles  peintes.  Les  spectateurs  étaient 
placés  sur  de  longs  bancs  de  bois  sans  dossier.  Plusieurs  tiambeaux  d'église 
éclairaient  les  toilettes  invraisemblables  de  la  haute  société  de  Leutschau. 
Six  chandelles  et  autant  de  lampions  brillaient  devant  l'immense  paravent  | 
qui  servait  de  toile.  Là  où  auraient  dû  être  placés  les  musiciens,  on  voyait 
une  espèce  de  fossé,  où  se  trouvait  un  petit  piano  octogone.  C'était  là 
ma  place. 

La  salle,  c'était  à  dire  la  grange,  était  comble.  La  plupart  des 
spectateurs,  et  le  Vice  Gespan  '  lui-même  avaient  auprès  d'eux  des' 
hussards  domestiques  chargés  de  vider,  bourrer  et  allumer  les  longues 
pipes  turques  de  leurs  maîtres.  La  fumée  était  si  forte  que  je  faillis' 
étouffer  en  entrant.  Je  toussai  et  le  Vice  Gespan,  voyant  mon  malaise 
mit  sa  pipe  de  côté  et  se  leva  pour  prononcer  le  remarquable  discours 
que  voici  : 

'  Stephen  en  Hongrois. 
'   Sous  préfet. 


STEPHEN    HELLER  615 

"  Gentilshommes  !  Officiers  du  5^  Dragons  !  Bourgeois  !  et  vous 
autres  !  (c'étaient  les  domestiques,  les  garde  cochons  et  autre  canaille,)  je 
vous  fais  connaître  que  notre  compatriote  Istran  se  trouve  incommodé 
de  la  fumée  de  tabac.  Mettez  donc  vos  pipes  de  côté  et  ne  les  reprenez 
pas  avant  la  chute  du  rideau  (il  voulait  dire  paravent)". 

Je  commençai  l'ouverture  sur  le  chaudron  monocorde,  et  la  ter- 
minai aux  applaudissements  frénétiques  du  public.  Le  Vice  Gespan  sauta 
par  dessus  le  fossé  où  j'étais  enseveli  et  m'embrassa  à  m'écorcher  la  joue 
avec  sa  barbe  énorme. 

Le  tumulte  apaisé,  deux  paysans  apparurent  sur  l'avant-scène  pour 
replier  le  paravent,  et  on  vit  ce  vaurien  de  Leporello,  représenté  par  un 
grand  flandrin,  gai  comme  un  portier  ivre. 

On  ne  chantait  point  les  récitatifs.  On  les  déclamait  tout  simplement 
comme  à  l'Opéra  Comique. 

J'étais  impatient  de  voir  apparaître  la  gentille  Zerline.  Enfin,  elle 
arriva,  sautillante  et  fraîche,  au  bras  de  ce  benêt  de  Mazetto.  Le  chœur 
des  paysannes  braillait  impitoyablement  une  mesure  avant  moi. 

Je  sautai  une  mesure  pour  les  rattraper  ;  mais  ces  malheureux, 
s'étant  aperçus  de  leur  faute,  sautèrent  également,  pour  réparer  leur 
erreur.  Dès  lors,  il  nous  arriva  ce  qui  arrive  souvent  dans  la  rue  lorsque 
deux  passants  se  trouvent  nez  à  nez  :  l'un  va  à  droite,  l'autre  aussi,  puis 
ils  tournent  tous  les  deux  à  gauche  et  ainsi  de  suite.  Je  poursuivis  donc 
mon  chœur,  il  me  poursuivit  à  son  tour,  et  nous  terminâmes  misérable- 
ment, tous  exténués  de  fatigue. 

Pour  en  revenir  à  Zerline,  elle  excitait  un  murmure  d'admiration 
générale.  Elle  portait  un  joli  costume  de  paysanne  hongroise  :  robe  de 
toile  blanche,  garnie  de  volants  bleus,  corset  de  velours,  manches  longues, 
brodequins  rouges  à  hauts  talons,  ornés  de  jolis  éperons  d'argent.  Ses 
cheveux  pendaient  en  deux  longues  tresses,  entremêlées  de  rubans  bleus, 
l'une  par  devant,  l'autre  par  derrière,  selon  l'usage  du  pays.  Le  succès  fut 
immense  et  les  Comédiens  purent  donner  14  représentations. 

Pendant  les  e.ntr'actes  de  la  représentation  donnée  à  mon  bénéfice, 
j'improvisai  sur  des  thèmes  hongrois  et  tout  le  monde  m'embrassa,  le 
seigneur  préfet,  sa  femme,  les  dragons,  les  domestiques,  les  comédiens,  les 
pâtres,  et  mon  père  lui  même.  Mais  ce  qui  me  rendait  le  plus  heureux 
c'était  une  invitation  secrète  de  Zerline. 

Cette  faveur  m'embarrassait  bien    un   peu  ;   Zerline  semblait  avoir 


6i6 


S.   I.   M. 


juré  le  malheur  de  Mazetto,  qui  était  du  reste  un  rustre  assez  malappris,  j 
bête,  jaloux,  et  chantant  constamment  un  quart  de  ton  trop  haut.  Mais  ! 
j'avais  une  idée  confuse  que  ce  souper  était  une  chose  défendue  pour  moi.  \ 
La  foule  s'étant  écoulée,  il  ne  restait  que  mon  père,  les  Comédiens  i 
et  quelques  officiers  de  cavalerie  qui  causaient  assidûment  avec 
M°"^  Donna  Anna  et  Elvire.  Je  profitai  d'un  moment  propice  et  dis  à 
Zerline  : 

"  Vous  m'avez  parlé  d'un  souper  "?... 

—  "  Oui,  Maestro,  vous  viendrez  "  ?... 

—  "J'aimerais  bien,  mais  Papa " 

—  "  Bah,  est  ce  qu'il  jouera  le  tyran  ? " 

—  "  Il  ne  veut  jamais  me  laisser  seul." 

—  "  Vous  voulez  donc  rester  seul  avec  moi,"  repartit  la  perfide 
Zerline. 

Je  rougis,  sans  savoir  pourquoi,  et  répondis  assez  niaisement  : 

—  "  Mon  père  craint  pour  moi  les  tartelettes  aux  cerises." 

Elle  se  mit  à  rire  et  me  dit  en  ricanant  :  "  Tu  n'en  auras  point 
d'indigestion,  va  !  "  Puis  elle  alla  mettre  dans  la  confidence  le  Comman- 
deur, qui  descendait  justement  de  son  grand  cheval.  Celui-ci  prit  la 
parole  devant  mon  père  et,  d'une  voix  grave,  émit  le  vœu  de  me  garder 
à  souper.  Don  Ottavio  roucoula  dans  le  même  sens  et  pour  l'attendrir 
versa  même  le  reste  des  larmes  qu'il  avait  répandues  au  i"^  Acte.  Mais 
mon  père  ne  voulut  pas  se  laisser  fléchir.  Alors,  Zerline  fit  avancer  le 
corps  de  réserve  qui  devait  tout  emporter  :  les  officiers  du  5'  Dragons. 
Mon  père,  ayant  les  traîneurs  de  sabre  en  horreur,  céda  pour  se  débarras- 
ser d'eux.  Il  jeta  un  regard  courroucé  sur  moi  et  me  laissa  tremblant  de 
peur  et  de  joie. 

fA  suivre.) 


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LA    JEUNE 
ÉCOLE    ITALIENNE 


simmtmÊtÊStaéhs:ssssiÊB 


Dans  ma  lettre  de  Rome  du  15  Juin,  j'ai  signalé  un  mouvement 
intéressant  parmi  les  jeunes  musiciens  de  cette  ville  dont  j'examinais  les 
tendances,  tout  en  analysant  l'étude  critique  de  l'un  d'eux,  Francesco 
Santoliquido,  sur  Debussy  et  Strauss.  Déjà  l'an  dernier,  j'avais  remarqué 
avec  intérêt  que  certains  esprits  jeunes  et  indépendants  cherchaient  à  se 
frayer  une  voie  nouvelle  en  s'afFranchissant  de  l'influence  que  la  musique 
allemande  a  exercé  depuis  Wagner  en  Italie,  aussi  bien  qu'en  France.^  En 
tâchant  de  m'orienter  dans  ces  tendances  nouvelles,  j'eus  la  bonne  fortune 
d'être  guidée  par  une  artiste  que  le  professorat  tient  éloignée  depuis 
plusieurs  années  de  la  carrière  d'exécutante,  mais  qui  juge  l'évolution  de 
la  musique  avec  d'autant  plus  de  sérénité  et  de  clairvoyance  :  Emma 
Mettler  qui  fut  quelque  temps  élève  de  Liszt  et  qui  est  restée  fidèle  au 
généreux  éclectisme  de  son  maître,  me  fit  connaître  l'hiver  dernier  un 
jeune  musicien  dont  plusieurs  œuvres  devaient  être  exécutées  au  cours  de 
à  la  saison. 

Français    par   sa   mère  et    petit-neveu    de    Guizot,   Alberto    Gasco 

i  m'intéressa  autant  par  son   talent  de   musicien  qu'à  cause  de  sa  culture 

létendue  qui  participe  de  sa  double  origine  ;   né  à  Naples  en    1879,  il  fit 

pes  études  d'harmonie  à  Rome  avec  le  professeur  Terziani  ;   au  lieu  de  se 

^cantonner  dans  un  mouvement  isolé  de  la  musique  moderne,  comme  c'est 

le  cas  de  bien  des  jeunes  musiciens,  Gasco  a  étudié   toutes  les  œuvres  de 

Franck,  de  d'Indy,  de  Magnard,  de  Debussy,  de  Moussorgski,  et  il  a  reçu 

a  maintes  reprises  les  conseils  et  les  encouragements  de  Vincent  d'Indy  et 

de  Romain  Rolland.  Aussi  après  avoir  entendu  l'hiver  dernier  le  quatuor, 

'  Je  citerai  à  ce  propos  un  article  où  M.  Silvio  Tanzi  jeune  musicien  et  critique  plein  de  verve  commentait 
les  volumes  de  "  Révolte  "  du  Jean  Christophe  de  Romain  Rolland  :  "  Voici  enfin  que  la  musique  allemande  a 
!  "  été  observée  par  un  regard  et  sous  un  aspect  nouveau  et  que  cette  analyse  ai^uë,  sûre,  originale,  impitoyable 
I  "  parfois,  a  été  faite  par  un  français.  Cela  est  très  réconfortant  pour  la  France  et  de  bon  augure  pour  tous  les 
"  autres  pays." 


6i8  S.    I.    M. 

le   Scherzo   et  les  lieds   de   Gasco,  je  pensai  à  l'interroger  sur  ses  idées 
d'esthétique  musicale. 

Tout  en  ne  se  croyant  pas  encore  autorisé  à  exprimer  des  théories 
musicales,  avant  qu'une  série  d'oeuvres  plus  importantes  lui  donne 
quelque  sorte  le  droit  de  formuler  ses  principes  d'art,  Gasco  a  bien  voulu 
néanmoins  interrompre  ses  rêveries  musicales  sous  les  chênes  verts  de  la 
villa  Lante,  villégiature  idéale  pour  un  artiste  qui  s'inspire  volontiers  des 
chefs-d'œuvre  de  la  Renaissance,  et  m'indiquer  les  principes  qui  l'ont 
guidé  dans  la  composition  de  son  Scherzo  pour  orchestre  "  Orgie  ":  ^  "  Il 
s'agit,"  m'écrit-il,  en  m'envoyant  les  phrases  les  plus  caractéristiques  de  ce 
morceau,  "  d'un  poème  symphonique  sans  programme.  Il  est  cependant 
clair  que  j'ai  suivi  un  plan  et  que  j'ai  cherché  à  rendre  tour  à  tour  avec 
une  certaine  évidence  —  quoique  très  sobrement  les  divers  aspects 
d'une  fête  dyonisiaque.  Ainsi,  il  y  a  une  partie  dithyrambique,  une 
partie  plus  bruyante,  où  pointent  des  rythmes  de  danse,  une  partie 
sentimentale,  et  vers  la  conclusion  de  la  pièce,  un  choral  bachique,  un 
hymne  de  joyeux  buveurs.  —  Vous  me  demanderez  peut-être  pourquoi 
je  n'ai  pas  voulu  indiquer  de  programme  à  ma  composition.  Je  répondrai 
ceci  :  il  me  semble  que  de  nos  jours,  le  poème  symphonique,  —  forme 
admirable  de  composition  musicale,  issue  de  la  symphonie  classique 
modifiée  profondément  par  l'introduction  d'éléments  pittoresques  et 
dramatiques  —  est  sur  le  point  de  dégénérer  à  cause  de  l'abus  de 
programmes  trop  longs  et  trop  détaillés.  Je  puis  me  tromper,  mais  je 
crois  que  tout  poème  symphonique  doit  être  constitué  par  un  fonds 
de  musique,  belle  en  elle-même,  et  intéressante  en  dehors  de  tout 
programme.  Un  titre  bien  choisi  et  un  bref  commentaire,  ajoutent 
évidemment  de  l'attraction  à  l'œuvre  musicale  ;  tandis  qu'un  programme 
excessivement  compliqué,  finit  par  absorber  presque  totalement  l'intérêt 
de  l'auditeur  qui  s'épuise  à  trouver  le  rapport  exact  entre  la  musique 
qu'il  entend  et  les  différents  épisodes  du  programme,  sans  y  réussir,  le 
plus  souvent.  —  Et  puis,  certaines  de  ces  compositions  dégénèrent  par- 
fois en   véritables   actes   d'opéras sans   paroles.  Il  en  résulte  ainsi  un 

genre  hybride,  car  on  fait  du  drame  lyrique  en  renonçant  à  la  voix 
humaine,  qui,  d'après  moi,  est  l'organe  essentiel  pour  exprimer  le 
drame  en  lui-même. 

—  "  Une  autre   erreur   très  répandue,  —  que  l'on    me  pardonne  ce 

'  Ce  Scherzo  a  été  exécuté  aux  concerts  de  l'Augustcum  au  mois  de  Mai. 


LA  JEUNE    ÉCOLE   ITALIENNE         619 

"jugement  audacieux,  —  est  de  croire  que  la  mélodie  n'a  pas  de  véritable 
"  puissance  descriptive,  et  qu'elle  est  presque  dépourvue  d'éléments  de 
"  suggestion.  Il  me  semble  au  contraire  que  la  mélodie  possède  une 
"  prodigieuse  souplesse,  une  incroyable  force  plastique  qui  la  rend  apte, 
"  quand  elle  est  bien  bâtie  et  bien  travaillée,  à  traduire  tout  sentiment 
"  —  même  le  plus  vague,  le  plus  subtil  et  indéfini.  Peut-être  même, 
*'  pourraît-on  opposer  un  impre  s  sionisme  mélodique  à  l'impressionisme 
"  harmonique  dont  on  abuse  tellement  à  présent." 

La  phrase  initiale  du  quatuor  pour  cordes  de  Gasco  me  semble  un 
exemple  très  clair  de  cet  "  impressionisme  mélodique."  Ce  morceau  qui 
lui  a  été  inspiré,  par  le  célèbre  tableau  de  Giorgione  "  Vénus  dormant'\ 
est  construit  sur  des  thèmes  clairement  mélodiques,  et  logiquement 
développés  ;  tout  en  restant  de  la  musique  descriptive,  il  rend  très  bien 
l'atmosphère  de  volupté  et  de  repos  dont  le  tableau  est  empreint.  Il  est 
le  premier  en  date  d'une  série  de  compositions  qui  lui  ont  été  inspirées 
par  les  chefs  d'œuvres  de  la  beauté  plastique  à  laquelle,  en  véritable  artiste 
mérédional,  Gasco  est  excessivement  sensible.  ^ 

Le   jeune    compositeur    m'explique    également,    comment    il    s'est 

efforcé,  dans  une  autre  œuvre  'Œ^oemes  de  la  nuit  et  de  P Aurore  d'atteindre 

au  juste  équilibre  entre  la  voix  et  l'accompagnement  ;  la  voix  est  en  effet 

un   instrument   bien   négligé  par  les  musiciens  modernes  qui  réduisent 

souvent  la  partie  chantée  à  une  simple  déclamation.    A  ce  sujet,  les  idées 

exprimées  par  un   autre  jeune    compositeur  Francesco  Santoliquido,  dans 

un  interview  du  Secolo,  au  sujet  de  son  nouvel  opéra,  démontrent  claire- 

nent  que  la  voix  est  encore  pour  les  Italiens  l'instrument  de  prédilection 

3our   exprimer  les   passions  et  le   drame  ;   on  pourrait,  il  est  vrai,   leur 

objecter  que  les  méthodes  de  chant  usitées  en  Italie  depuis  vingt  ans  font 

le  la  voix  un  instrument  bien  imparfait  et  tout-à-fait   inapte  à  rendre  la 

loblesse  de  la  mélodie   et  la  pureté   du  "  bel  canto  "  ;  mais  peut-être  y 

Dnt-ils  déjà  songé  eux-mêmes  ;  et  leurs  efforts  pour  s'élever  au-dessus  de 

a  mélodie  vulgaire  et  banale  du  mélodrame  moderne  italien,  pourraient 

)récisément  amener  une  transformation  de  la  technique  du  chant. 

Tandis  que  je  préparais  ces  pages,  une  initiative  d'une  importance 
raiment  considérable  vient  d'être  prise  par  un  groupe  déjeunes  musiciens 
omains  :    Gui,  Tommasini,   Santoliquido,   Gennaro    Napoli    ont    établi 

^  Les  œuvres  de  Gasco  sont  le  quatuor  et  le  Scherzo  précités.  —  Un  opéra,  "  La  Légende  des  Sept  Tours  " 
ir  le  poème  d'un  ami. 


fai 


620  s.    I.  M. 

une  espèce  de  concours  permanent  pour  la  musique  symphonique  dont 
les  juges  seront  Toscanini  Wolff-Ferrari  et  Sinigaglia,  les  trois  person- 
nalités les  plus  autorisées  pour  prendre  la  tête  de  ce  mouvement.  Quarante- 
trois  partitions  ont  déjà  été  présentées  et  les  meilleures  seront  exécutées 
aux  concerts  de  l'Augusteum,  ce  qui  permet  d'augurer  un  heureux 
développement  de  la  musique  symphonique  italienne.  J'ai  interrogé 
Santoliquido  sur  les  tendances  de  ce  groupe  de  jeunes  musiciens  qui 
veulent  régénérer  la  musique  de  leur  pays  ;  le  jeune  maestro  —  Santo- 
liquido n'a  pas  encore  vingt-cinq  ans  —  m'a  répondu,  des  bords  du  lac 
de  Côme  où  il  se  recueille  en  vue  des  représentations  prochaines  de  son 
opéra  à  Milan  : 

"  Nous  voulons,  m'écrit-il,  opérer  un  renouvellement  de  la  musique 
italienne,  aussi  bien  symphonique  que  théâtrale.  Nous  voulons  introduire 
dans  la  musique  de  notre  pays  des  éléments  de  pensée  et  ^intellectualité 
qui  en  étaient  presque  complètement  absents.  Pour  arriver  à  ce  résultat, 
il  est  compréhensible  que  nous  écoutions  les  voix  qui  nous  viennent 
d'au-delà  les  Alpes,  en  les  réchauffant  cependant  au  soleil  italien.  Aussi 
Strauss,  Debussy  et  les  symphonistes  russes  ont  leur  influence  sur  cette 
renaissance  de  la  musique  italienne,  mais  seulement  au  point-de-vue 
technique,  nullement  sous  le  rapport  de  l'inspiration  et  de  l'âme.  Les 
mêmes  phénomènes  se  sont  produits  dans  toutes  les  renaissances 
musicales." 

A  propos  de  son  opéra  en  un  acte,  la  "  Favola  di  Helga  "  qui  sera 
représenté  à  la  fin  d'octobre  à  Milan  ^  au  théâtre  :  "  Del  Verme,"  Santo- 
liquido m'écrit  :  "  Je  suis  absolument  contraire  au  mélodrame,  parce 
"  que  ce  genre  est  d'un  niveau  intellectuel  fort  bas;  je  rêve  une  forme  spé- 
"  ciale  de  tragédie  lyrique  qui  sans  renoncer  aux  traits  caractéristiques  de 
"  l'âme  latine  puisse  trouver  place  dans  une  atmosphère  idéale  et  esthéti- 
"  que  plus  haute  et  plus  raffinée.  Le  public  italien  n'aime  pas  les  révolu- 
"  tions  d'art,  attaché  comme  il  est  aux  traditions  ;  il  faudra  donc  le 
"  conduire  vers  la  forme  rêvée,  petit  à  petit,  par  évolutions.  Fidèle  à  mon 
"  système  de  l'évolution  je  n'ai  mis  dans  mon  premier  opéra  que  les 
"  premières  flammes  de  mon  rêve."  —  Organisation  poétique  et  rafiinée, 
vrai  type  de  l'artiste  italien  théoricien  et  savant,   Santoliquido  fait  penser 


'  Ces  pafîcs  ayant  cté  (irrites  en  octobre,  il  est  probable  que  la  première  représentation  de  l'Opéra  de  SantO- 
lic|ui(lo  aura  déjà  eu  lieu  (juand  elles  paraîtront. 


LA  JEUNE    ÉCOLE    ITALIENNE         621 

à  ces  artistes  qui  à  l'aurore  du  X  VIF  siècle,  présidèrent,  aux  académies  des 
Bardi,  à  la  naissance  du  drame  lyrique.^ 

Quelques  notes  sur  les  condisciples  de  Santoliquido  achèveront  de 
donner  de  ce  groupe  de  très  jeunes  musiciens  une  idée  plus  complète  : 
Gennaro  Nûpoii,  né  à  Naples  en  1881  a  été  élève  du  conservatoire  de 
cette  ville.  En  1906,  il  fut  le  premier  lauréat  d'un  pensionato  (concours) 
national  de  musique  qui  venait  d'être  institué.  Sa  symphonie  en  ré  fut 
exécutée  à  Naples  et  dirigée  par  Martucci,  le  savant  et  regretté  chef 
d'orchestre  de  cette  ville,  puis  ensuite  à  Rome.  Son  poème  "  Il  Sole 
Risorto  "  (la  Résurrection  du  Soleil  :  il  s'agit  de  la  grande  terreur  de  l'an 
mille)  pour  Soli,  chœurs  et  orchestre  a  été  jugé  inexécutable  par  le  jury 
du  "  Pensionato  "  à  cause  de  sa  tendance  ultra-moderne.  Il  sera  exécuté 
à  Naples  l'hiver  prochain.  Gennaro  Napoli  prépare  un  drame  lyrique  en 
quatre  actes  sur  le  fameux  roman  de  Foscolo  :  "  Jacopo  Ortis." 

Vincenzo  Tommasini  et  Vittorio  Gui  sont  romains  tous  les  deux  ; 
le  premier,  après  avoir  travaillé  l'harmonie  à  Rome  avec  Falchi,  a  terminé 
ses  études  musicales  à  Berlin.  Son  œuvre  se  compose  de  quelques  mélodies 
sur  ses  propres  poésies,  d'une  suite  pour  orchestre,  d'une  ouverture  pour 
la  tragédie  de  Calderon  :  "La  Vie  est  un  songe"  et  d'un  opéra  en  trois 
actes,  "  Médée  "  représenté  à  Dresde  en  1906.  —  Le  second.  Gui,  né  en 
1885,  est  un  jeune  chef  d'orchestre  d'avenir;  son  tempérament  musical 
s'est  révélé  précocement  et  il  s'est  déjà  essayé  à  divers  genres  de  compo- 
sitions :  mais  il  se  sent  surtout  attiré  par  l'intimité  et  l'art  raffiné  de  cer- 
tains poètes  modernes  et  il  a  écrit  des  mélodies  sur  diverses  poésies  de 
Catulle  Mendes  et  de  Samain.  Vittorio  Gui  compose  actuellement  la 
îiusique  chorale  et  symphonique  qui  accompagnera  les  représentations 
d'art  antique  qui  auront  lieu  au  Palatin  l'an  prochain  ;  il  dirigera  aussi  cet 
liver  la  saison  d'opéra  au  San  Carlo  de  Naples. 

I  Ayant  tâché  d'indiquer  par  ce  rapide  aperçu  quel  est  le  mouvement 
Iqui  se  dessine  actuellement  parmi  les  très  jeunes  compositeurs  italiens,  je 
erais  heureuse  si  la  lecture  de  quelques  pages  de  leurs  œuvres  et  l'exposé  de 
[uelques-unes  des  idées  et  des  principes  auxquels  ils  obéissent,  aidaient 
e  lecteur  français  à  les  juger  impartialement  :  c'est-à-dire  en  se  souvenant 
[ue  le  public  italien  pour  lequel  ils  écrivent,  est  imbu  de  traditions  fort 

^  Les  œuvres  de  Santoliquido  sont  :  des  mélodies  pour  chant  et  piano,  des  œuvres  symphoniqnes  entre 
iteurs.  Esquisses  symphoniques  "  Pacsaggi.  "  Crépuscule  sur  la  Mer,  et  voix  d'automne."  —  "  La  Favola  di 
elga,"  récemment  acquise  par  Ricordi.  Il  prépare  un  nouvel  opéra  en  4  actes  :  "  Claudia  Lanteschi." 


É 


622  S.   I.  M. 

différentes  des  nôtres,  et  que  les  jeunes  artistes  qui  se  proposent  d'élever 
son  goût  n'en  sont  encore  qu'à  leurs  œuvres  d'essai.  Il  m'a  semblé 
intéressant  de  démontrer  que  les  germes  de  vie  musicale  nouvelle  qui 
fermentent  dans  les  autres  pays,  existent  aussi  en  Italie,  ce  qui  n'est  pas 
indifférent  pour  la  musique  moderne  en  général,  à  laquelle  il  manquait 
peut-être  jusqu'ici  des  sources  d'inspiration  latine.  De  plus,  il  convenait 
de  rendre  hommage  à  l'initiative  de  ces  jeunes  artistes  de  Rome  qui  en 
ouvrant  un  concours  aux  œuvres  musicales  du  pays  entier,  ont  voulu  lui 
donner  un  caractère  national  et  non  plus  régional,  comme  cela  est  trop 
souvent  le  cas  chez  nos  voisins.  Puissent-ils  réussir  à  donner,  comme  ils 
le  voudraient,  une  impulsion  nouvelle  à  la  vie  musicale  de  leur  pays,  et  un 
plus  grand  développement  à  la  musique  symphonique. 

Hélène  Barrère. 


GROVE'SDICTIONARYOF  MUSIC  &  MUSICIANS. 
—  Nouvelle  édition  T.  V.  et  dernier.   (Londres,  Macmillan  1910). 

J'ai  déjà  signalé  ici  (Octobre  1908)  les  précédents  volumes  de 
cet  ouvrage  dont  j'ai  dit,  en  même  temps  que  l'excellence  géné- 
rale, les  quelques  défauts  particuliers.  Le  voici  complet,  et  le 
cinquième  volume  ne  changera  rien  à  l'impression  que  laissaient 
les  quatre  autres,  le  dictionnaire  est  bien  le  précieux  ouvrage  de 
chevet,  unique  en  son  genre,  dont  ne  pourra  se  passer  aucun 
travailleur,  aucun  amateur  sérieux  de  musique. 

Parmi  les  plus  remarquables  articles,  il  convient  de  citer  : 
Tempérament  par  M.  J.  Ucky  ;  Variation  par  Sir  H.  Parry  ; 
Wagner  par  Danreuther  et  M.  Hubert  Thompson  ;  Welsh  Music 
par  M.  F.  Kidson. 

Dans  un  appendice  on  s'est  efforcé  non  seulement  de  com- 
pléter et  de  corriger  les  articles  du  dictionnaire,  mais  encore  de  le 
tenir  à  jour  par  des  articles  nouveaux.  Là  se  trahit  (mais  n'était-ce 
point  invitable  ?)  le  point  faible  de  l'ouvrage  et  l'on  n'est  pas 
parvenu,  sur  le  sujet  des  contemporains,  à  éviter  tout  à  fait  l'arbi- 
traire. La  préface  (vol.  I)  prévoit  ce  reproche  ;  mais  il  n'en 
demeure  pas  moins  vrai  que  nommer  certains  vivants  et  en  négliger 
j  d'autres  de  mérite  sensiblement  équivalent  est  un  grave  défaut.  Laissons  de  côté  pour  n'être 
i  point  plus  royalistes  que  le  roi,  les  artistes,  compositeurs  ou  écrivains  anglais  :  mais  pourquoi, 
;:  puisque  l'on  a  consacré  avec  raison,  un  article  assez  étendu  à  M.  Maurice  Ravel,  n'en  avoir 
;  pas  fait  autant  pour  M.  Florent  Schmitt  et  pour  M.  Déodat  de  Séverac  ? 

Pourquoi  ?  parce  ce  que  sans  doute  nul  dictionnaire  international  des  contemporains  ne 
j;  saurait  être  tout  à  fait  complet,  tout  à  fait  à  jour.  S'abstenir  par  parti  pris  d'y  faire  figurer  les 
[  jeunes  eut  été  pire,  et  il  faut  bien  reconnaître  que  les  éditeurs  du  Grove  ont  des  deux  maux 
':  choisi  le  moindre.  M.  D.  C. 

JOSEF  MACHAC.  —  Bedrich  Smetana  a  cizina  (Prague  in-8°  19 10.) 
THEOBALD  KRETSCHMANN.  —  Tempi  passati  (Vienne  in-8°  19 10.) 
Deux  livres  intéressants  viennent  de  paraître  dus,  l'un  à  un  musicologue,  l'autre  à  un 
I  musicien  tchèques.  Le  premier  Bedrich  Smetana  a  cizina  (Frédéric  Smetana  et  F  étranger)  établit 
I  inventaire  complet  des  succès  et  défaites  de  l'œuvre  de  Smetana  hors  des  frontières  de 
Bohème.  L'auteur  M.  Josef  Machac  en  a  rassemblé  les  matériaux  depuis  six  ans  et  à  propre- 
ment parler  n'a  rien  omis.  Il  est  triste  de  constater  que,  dans  la  connaissance  de  l'œuvre  du 
maître  tchèque  la  France  est  restée  en  arriére  même  sur  la  Roumanie  et  l'Espagne.  M.  Machac 


640 


s.   I.    M. 


préconise  hautement  l'idée  de  grands  festivals  internationaux  à  Prague  et  propose  que  le 
Narodu  divadlo  exporte  tels  quels,  en  tchèque,  les  Smetana.  Il  y  toutes  chances  pour  qu'ils 
continuent  de  remporter  à  l'étranger  les  mêmes  succès  qu'à  Vienne  lors  de  V Exposition  interna- 
tionale de  Théâtre  et  de  -Sllusique  en  1892,  épisode  qui  demeure  l'un  des  points  culminants  de 
la  carrière  du  poète  F.  A.  Subert,  alors  directeur  du  Théâtre  National. 

Le  second  de  ces  livres,  en  allemand,  sous  le  titre  italien  de  Tcmpi  pasîati  est  du  autant 
à  la  bonne  humeur  et  à  l'humour  qu'à  la  plume  de  M.  Theobald  Kretschmann,  un  vieux 
camarade  de  Sevcik,  longtemps  violoncelliste  à  l'Opéra  de  Vienne,  après  ceux  de  Prague  et  de 
Breslau.  Ce  sont  des  souvenirs  qui  apportent  une  contribution  importante  à  l'histoire  de  la 
musique  en  Autriche  depuis  1858.  A  noter  surtout  les  deux  chapitres  consacrés  à  Smetana  et 
à  Dvorak,  puis  ceux  concernant  Brahms  et  Robert  Franz,  Bayreuth  de  1876  (un  véritable 
journal  des  répétitions  auxquelles  Kretschmann  prenait  part).  Le  livre  entier,  du  reste,  se  lit 
avec  le  plus  parfait  agrément  même  par  le  pire  profane  en  matière  musicale.  W.  R. 

DECOUVERTE.  —  Le  célèbre  concerto  d'orgue  en  rè  inineur^  de  Wilhelm  Friedemann 
Bach,  cette  pièce  superbe  que  tous  les  exécutants  ont  inscrite  à  leurs  programmes,  depuis  que 
M.  Auguste  Stradal  en  a  fait  la  magistrale  transcription  que  l'on  sait  pour  le  piano,  vient 
d'être  reconnue  pour  une  simple  transposition,  très  à  la  Bach,  mais  enfin  transposition  d'un 
concerto  de  violon  d'Antonio  Vivaldi.  On  sait  que  J.  S.  Bach,  père,  lui-même  fut  incité  à  écrire 
ses  concertos  pour  piano  et  orchestre,  par  les  œuvres  du  '■'■  preto  rosso''''  propagateur  du  concerto 
de  violon  solo,  et  que  déjà  il  avait  transposé  des  concertos  de  violon  du  Kapellmeister  du  duc 
de  Hesse  (régent  de  Mantoue.  Vivaldi  n'a  pas  été  établi  à  Darmstadt)  :  il  en  a  arrangé  six 
pour  piano,  quatre  pour  orgue  ;  et,  pour  quatre  pianos,  celui  de  Vivaldi  pour  quatre  violons  en 
si  mineur.  Des  élèves  de  Bach,  le  duc  Ernest  de  Saxe,  Benedetto  Marcello,  Telemann,  firent 
des  arrangements  analogues.  Or  voici  que  le  musicographe  munichois,  M.  Ludwig  Schittler 
qui  travaille  à  une  édition  des  oeuvres  "  inconnues  "  de  Friedemann  Bach,  a  trouvé  un  manus- 
crit du  concerto,  à  la  Bibliothèque  royale  de  Berlin,  dont  le  titre  énonce  sans  laisser  subsister 
de  doute  que  la  composition  originale  est  de  Vivaldi.  Faisant  ensuite  des  recherches  dans  le 
fonds  de  80  (quatre-vingts)  concertos  manuscrits  qui  gisent,  assez  délaissés,  à  la  Bibliothèque 
de  Dresde,  M.  Schittler  eut  la  bonne  fortune  d'y  découvrir  en  effet  l'œuvre  originale  du 
maître  italien. 

Ne  parlait-on  pas,  ces  temps  derniers,  dans  notre  monde  musical  contemporain,  de 
l'originalité  des  thèmes  et  de  mélodies  prises  dans  la  rue  ?  Un  Bach  transcrivait  et  remaniait  les 
œuvres  de  ses  voisins  aussi  bien  que  les  siennes  propres.  Ne  nous  montrait-on  pas  ici  même, 
récemment,  que  Haendel  en  usait  avec  une  égale  et  superbe  désinvolture  ?..  M.  Mtd. 

GRAVES    (L.  C.)  —  Musical   Monstrosities.    (London,    Isaac   Pitman    1909.    In-l6°).  | 

Ne  pensons  pas  à  Berlioz,  ni  aux  Grotesques  de  la  Musi(]uc  :  l'esprit  français,  mêmci 
romantique,  a  toujours  eu  des  réticences  et  des  subtilités  que  l'humour  anglais  ne  connaît  pas. 
Les  Français  trouveront  peut-être  que  M.  Graves  manie  souvent  la  plaisanterie  à  coups  de 
massue.  Et  cependant,  à  ses  fictions  les  plus  ahurissantes,  il  mêle  toujours  un  fonds  de  vérité: 
ainsi  nous  apprenons  grjlce  à  lui  que  M.  Godowsky  dévoue  ses  loisirs  à  un  traité  sur  l'histoire 
du  Bi  Métal  ;  que  le  Pr.  Metchnikoff,  dans  son  Traité  sur  la  Prolongation  de  la  vie,  a  conclu 
que  la  carrière  la  plus  conservatrice  est  celle  de  Choriste  dans  un  Opéra  Italien  ;  que  la  Royal 
Commission  a  suggéré  l'emploi  d'un  "  Pole-Tax,"  contre  tous  les  virtuoses  dont  le  nom 
comporte  plus  d'un  (crtain  nombre  de  consonnes  consécutives La  méthode,  un  peu 


LES   LIVRES  641 

déconcertante,  irrite  parfois  mais  amuse  quand  même.  Quelques  illustrations  ajoutent  à  l'ori- 
ginalité de  ce  petit  volume. 

ENGEL  (Carl).  —  Tlie  music  ofthe  most  ancicnt  nations.  (London,  William  Reeves,  in  8°). 

SMITH  (Hermann).  —  The  world''s  ecirliest  ynus'ic.  (IvOiidon,  William  Reeves,  in  8^'). 

Deux  livres,  de  sujets  à  peu  près  identiques,  publiés  en  Angleterre  tous  deux,  et  se 
ressemblant  jusque  dans  leurs  défauts.  On  a  trop  longtemps  oublié,  de  l'autre  côté  de  la 
Manche,  que  l'histoire  de  la  Musique  est  une  science,  et  que  la  science  ne  se  base  pas  sur  des 
conjectures.  Pour  nous,  habitués  à  d'autres  procédés,  il  y  a  quelque  chose  d'irritant  à  suivre 
des  raisonnements  qui  s'arrêteront  toujours  en  chemin,  et  où  s'entremêleront,  sous  couleur  de 
littérature,  des  appréciations  humoristiques  voisines  de  l'enfantillage. 

M.  Smith  a  sur  M.  Engel  ce  mérite  de  poser  très  nettement  les  problèmes,  lors  même 
qu'il  ne  parvient  pas  toujours  à  les  résoudre.  Son  chapitre  sur  l'évolution  de  la  flûte,  particu- 
lièrement ingénieux,  nous  a  paru  un  des  meilleurs  du  volume  ;  —  cependant,  le  mérite  d'avoir 
signalé  la  parenté  du  double  aulos  avec  le  lioneddas  de  Sardaigne  revient  à  M.  Engel.  — 
Regrettons  que  M.  Smith  s'obstine  à  nous  donner  comme  étrusques  des  reproductions  extraites 
de  vases  grecs.  Regrettons  aussi  son  mépris  pour  la  musique  chinoise  "qui  ne  peut  avoir  que 
peu  d'attraits  pour  nous,"  et  son  enthousiasme  exclusif  pour  le  système  diatonique,  "  ce  trophée, 
à  la  conquête  duquel  la  musique  a  marché  pendant  des  milliers  d'années."  Le  temps  s'est 
chargé  déjà  de  faire  raison  de  ces  assertions. 

Nos  deux  auteurs  consacrent  tous  deux  de  longues  pages  à  l'évolution  de  la  lyre  antique, 
—  qu'ils  confondent  l'un  et  l'autre  avec  la  cithare  —  ;  leurs  hypothèses  à  ce  sujet  sont  dès  à 
/présent    mises  à  néant  par  le  très  remarquable  travail  de  Miss  Schlesinger  sur  les  Origines  du 
Violon. 

Le  livre  de  M.  Engel,  tout  entier,  est  appelé  au  même  sort:  déjà  la  plupart  des  problèmes 
qui  y  sont  efllleurés  ont  fait  l'objet  d'une  abondante  bibliographie  :  son  capital  défaut  est  de 
dater  de  1864.  Il  nous  décrit  la  musique  chinoise,  d'après  les  écrits  du  Père  Amiot,  les 
antiquités  égyptiennes  d'après  M.  Villoteau,  et  ne  cite  Homère  que  dans  la  traduction  de 
Pope.  Il  expédie  en  deux  pages  la  question  de  la  double  flûte,  en  une  phrase  celle  de  la  musique 
tzigane,  et  passe  sous  silence  les  origines  du  luth.  Et  que  dire  de  généralisations  hâtives  comme 
celle-ci  :  "  Les  progrès  dans  la  musique  ont  été  beaucoup  moins  rapides  que  dans  les  autres 
arts,  à  cause  de  la  lenteur  qu'ont  mis  les  instruments  à  se  perfectionner."  Ou  bien  :  "  les 
peuples  les  moins  civilisés  sont  ceux  qui  accordent  la  plus  grande  prédominance  aux  paroles 
[isur  la  musique."  Et  encore  :  "  Les  plus  anciens  chants  juifs  étant  en  mode  phrygien  et 
[myxolydien,  comme  beaucoup  de  chansons  arabes  et  turques,  il  faut  voir  là  une  caractéristique 
rde  la  musique  orientale"  Toute  la  musique  bretonne  est  là  pour  contredire  cette  théorie. 
!  Enfin,  M.  Engel,   aussi    bien  que  M.  Smith,  travaillent  l'un  et  l'autre  à  reconstituer  des 

musiques  disparues,  d'après  les  instruments  qui  les  exécutaient.  Le  procédé  est  plausible  — 
.bien  qu'on  puisse  se  demander  au  contraire  si  ce  n'est  pas  la  musique  qui  détermine  les 
instruments,  et  non  les  instruments  qui  déterminent  la  musique  —  mais  pour  l'appliquer,  il 
faudrait  la  divination  d'un  Cuvier,  qui  avec  une  vertèbre  ou  une  dent  reconstituait  le  monstre 
d'une  époque  disparue.  Ni  M.  Smith,  ni  M.  Engel  ne  me  paraissent  y  avoir  réussi. 

A.  I.   SCHMIDT. 


642  s.    I.    M. 


LIVRES   REÇUS 

—  BACH.  —  Jahrbuch  der  neuen  Bachgesellschaft^  (Leipzig,  Breitkopf  et  Hârtel  1909  in  4*^. 

—  FEININGER  (Karl).    —    An     experiential    psychology     oj    music.    (New- York,   A. 
Gemunder  and  Sons,  in  4°  de  320  p.). 

—  FONDI  (Enrico).  —  La   vita  el'  opéra    litteraria   del  musicista   Benedetto  Marcello. 
(Rome,  Modes  1909  in  12°  de  135  pages). 

—  GASTOUE.  —  Traite  d'harmonisation  du  chant  Grégorien.  (Lyon,  Janin  1910,  in-S" 
de  130  p.). 

—  HARDY.  —  Rodolphe  Kreutzer.  (Paris,  Fischbacher  1910  in-S"). 

—  ISTEL.  —  Das    Kunstwerk   Richard   TVagncrs.    (Leipzig,  Teubner    1910  in-4''  de 
145  p.). 

—  KATALOG  DER  MUSIKBIBLIOTHEK  PETERS.    —  Tome   I,    (Leipzig, 
Peters  1910  in-8°  de  227  p.). 

—  ILLUSTRIERTER  TONKÙSTLER  KALENDER,  (Munich,  Mûller  in  8°  de 
750  p.p.). 

—  LOGAN.  —  Musicology.  (New-York  1910,  Hinds,  Noble  et  Eldridge  in-12''). 

—  PROCEDINGS  OF  THE  MUSICAL  ASSOCIATION.  (Londres,  Novello  1910 
in  12°  de  128  pages). 

—  RADICIOTTI.  —  G.  B.  Tergolesi.  (Rome,  Edition  musica  1 910  in  8"  de  292  p.). 

—  STIEVENARD.  —  Traité  des  principes  de  la  musique.  (Hamelle  1910  in  8"). 

—  TARDUCCI.  —  Storia  de  S.  Gregorio  e  del  suo  temps.  (Rome,   Pustet  1909  in-8°  de 
499  P-)- 

—  VOIGT.    —    Excursionshuch    zîlm    Studium    der  Fogelstimmrn.    (Leipzig,    Quelle    et 
Meyer  in- 12''). 

—  PRODHOMME  (J.  G.).  —  Œuvres  en  prose  de  Richard   Wagner,    Tome  VI.  (des 
Gesammelte  Schriften  tome  IF  et  Fil).  (Paris,  Ch.  Delagrave  in  12"  de  252  pp.) 

—  WOLF  (Hélène).  —  TVie  studiert  yuan  am  Klavier  ?  (Magdebourg  19 10,  Heinrischs- 
hofcn's  Verlag  in- 12"). 


SOCIÉTÉ    INTERNATIONALE 
DE    MUSIQUE 

SÉANCE  DU  VENDREDI,  28  OCTOBRE 

La  Séance  est  ouverte  à  4  1/4  heures,  chez  MM.  Gaveau,  étaient  présents  :  MM.  Charles 
Malherbe,  Président  ;  J.  Ecorcheville,  L.  Dauriac,  J.-G.  Prod'Homme,  A.  Boschot,  M.  et 
M°^  G.  Lefeuve,  MM.  Ruelle,  A.  Laugier,  F.  Guérillot,  L.  Greilsamer,  A.  de  Bertha, 
M*^^^  Babaian.  S'étaient   excusés  :   M™''  Filliaux-Tiger,  M.   Daubresse  et  Mutin. 

Après  la  lecture  du  procès-verbal,  la  candidature  de  M.  le  Comte  G.  Chandon  de  Briailles 
présentée  par  M.  Charles  Malherbe  et  M.  J.  Ecorcheville,  est  admise  à  l'unanimité. 

Le  Président  prend  la  parole  pour  faire  l'éloge  de  notre  Collègue  Pierre  Aubry,  dont  la 
perte  a  été  si  douloureusement  ressentie  par  toute  la  Section.  Il  retrace  la  vie  de  notre  ami,  et 
fait  un  tableau  de  son  inlassable  activité. 

La  Séance  est  levée  en  signe  de  deuil. 

* 

SECTION  DU  MIDI  DE  LA  FRANCE 

Une  nouvelle  Section  de  notre  Société  vient  de  se  former,  grâce  à  l'initiative  de  M.  Chr. 
L'Hôpital,  inspecteur  d'Académie  du  Gard  :  la  Section  du  Midi.  Le  comité  en  est  ainsi 
composé  : 

Président  :  M.  Chr.  U Hôpital^  à  Nîmes. 

Secrétaire  :  M.  Caillaba^  à  Nîmes. 
,  Trésorier  :  M.  Ch.  Gervais^  à  Montpellier. 

!  Nous  sommes  heureux  d'applaudir  à  la  création  de  cette  nouvelle  Section  et  de  constater 
jue  la  région  du  Midi  qui  a  toujours  été  favorable  à  la  musique,  l'est  maintenant  aussi  à  la 
nusicologie. 


ALBERTO  GASCO 


FRAGMENT 


Sarito  Liquida 


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FRANCESCO   SANTO   LIQUIDO 


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VITTORIO  GUI 


LE  FESTIVAL  DE  MUNICH  ET 
LA  PRESSE  ALLEMANDE 


En  allant  à  Munich  pour  ainsi  dire  en  délégation^  nous  offrions  a  la  critique 
allemande  V occasion  de  porter  un  jugement  d'ensemble  sur  notre  art  français.  Nos 
confrères  d'Outre  Rhin  n  ont  pas  manqué  de  faire  état  de  ce  festival  pour  caractériser^  a 
leur  manière^  les  tendances  de  nos  musiciens. 

Dès  le  i^  septembre  on  pouvait  lire  dans  la  Magdeburgische  Zeitung  : 

"  L'influence  de  la  musique  allemande  sur  la  musique  française,  qui  était 
incontestable  avant  la  guerre,  cessa  pendant  quelque  temps,  et  ainsi  se  forma,  en  se 
rattachant  à  Berlioz  et  à  Franck,  une  école  nationale.  Mais  celle-ci  fut  à  son  tour 
menacée  par  le  wagnerisme.  Ce  n'est  que  tout  récemment  que  la  Jeune  France 
musicale  a  pu  échapper  à  ce  géant.  Elle  entend  désormais  suivre  ses  propres  voies, 
parmi  lesquelles  le  sentier  de  Debussy  la  conduira  sans  doute,  au  plus  court,  vers 
l'inconnu.  Les  Français  n'ont  jamais  nié  qu'ils  nous  devaient  beaucoup  en  musique. 
I"  La  musique  allemande,  écrit  M.  Romain  Rolland,  apporta  à  la  musique  française 
lun  caractère  grave  et  savant  ".  Mais  ce  caractère  n'empêcha  pas  de  conserver  dans 
rie  domaine  des  sons,  ce  qu'il  y  a  de  meilleur  dans  l'art  français,  ce  charme 
jinimitable.  Et  dernièrement  M.  Chevillard  a  pu  affirmer  que  cette  influence 
iallemande,  jadis  prépondérante,  était  aujourd'hui  à  peu  près  nulle  ". 

Ce  petit  entrefilet  nous  indique  déjà  de  quel  point  de  vue  les  Allemands  allaient  se 
placer  pour  nous  juger. 

"  La  musique  française,  pour  la  Neue  Hamburger  Zeitung^  est  un  modèle  de 
facture  aisée  et  transparente.  Elle  a  le  sens  de  la  ligne  élégante,  qui  rarement 
[comme  chez  Debussy)  perd  son  souffle  et  sa  belle  assurance,  et  rarement  tombe 
dans  le  vulgaire.  Du  moins  dans  les  œuvres  exécutées  à  Munich,  un  style  piquant, 
gracieux,  souvent  plein  de  feu,  caractérise  la  plupart  de  ces  maîtres...  Leurs  idées 
ne  sont  pas  toujours  profondes  mais  la  manière  de  les  présenter  a  quelque  chose  de 
particulièrement  prenant.  Ce  n'est  pas  toujours  la  sincérité  du  sentiment,  la  vérité 


(Copyright  By  S.  I.  M.   1910) 


ii  LES  AMIS  DE  LA  MUSIQUE 

de  l'imitation  naturelle  que  nous  rencontrons  dans  la  musique  française.  L'acuité 
de  l'esprit,  le  choix  habile  de  l'effet,  toutes  les  qualités  de  l'intelligence,  l'emportent 
sur  les  énergies  sentimentales...  Lorsqu'ils  mettent  l'âme  à  nu,  ils  en  cachent 
toujours  quelque  chose  ;  ils  veulent  plaire.  Leur  goût  de  l'exotique  et  de  ses 
sonorités  délicieuses,  de  leurs  prétérences  pour  une  certaine  religiosité  solennelle,  et 
jusqu'à  la  note  parfumée  qui  évoque  le  salon,  tout  cela  s'explique  parfaitement 
Que  cette  musique  puisse  se  soutenir  à  côté  de  la  nôtre,  énergique  et  écrasante, 
cela  me  paraît  peu  probable.  On  demande  ici  des  effets  autrement  violents,  que 
ceux  dont  on  se  contente  dans  les  œuvres  musicales  de  là-bas  ". 

"  Soyons  francs,  écrit  le  critique  du  Vorwaerts,  l'intelligence,  la  clarté,  l'élégance 
de  la  facture,  l'allure  particulière  des  rythmes,  une  fantaisie  béate  qui  se  perd  dans 
de  singulières  rêveries,  remplace  bien  souvent  chez  les  Français  ce  qu'est  pour  la 
musique  allemande  le  sentiment,  la  sensibiHté  et  la  langue  du  cœur.  Par  contre  la 
France  ne  connaît  pas  la  "musique  philosophique  ".  Mais,  Franck  mis  à  part,  on 
ne  trouve  ni  chez  ses  élèves  (en  tête  desquels  est  Vincent  d'Indy),  ni  chez  ceux  qui 
les  suivent,  Saint-Saëns,  Fauré  ou  Dukas,  cette  protondeur  d'âme  qui  appartient 
en  propre  à  la  musique  allemande.  Ces  deux  mondes,  le  sentiment  musical  moderne 
français  et  le  sentiment  musical  moderne  allemand  ne  peuvent  guère  communiquer 
que  du  côté  de  la  technique,  technique  des  formes  et  technique  des  couleurs,  car 
ici  la  nouvelle  génération  des  musiciens  parisiens  égale  Berlioz  et  le  dépasse  même 
certainement  chez  Debussy " 

"  Ce  qui  nous  rend  la  musique  française  agréable,  écrira  La  TaegUche  Rundschau 
du  1^  septembre^  ce  qui  constitue  ses  qualités,  est  facile  à  distinguer  ;  de  même  il  est 
aisé  de  se  rendre  compte  de  ses  points  faibles.  Le  Français  a  toujours  appliqué  son 
attention  à  la  forme  sympathique,  à  la  clarté  de  l'ensemble,  à  la  facile  compréhension 
du  style.  Tant  qu'il  reste  fidèle  à  ses  principes  il  est  capable  de  rendre  aimables  ses 

symphonies,  et  attrayante  sa  musique  de  chambre Aux  auteurs  qui  suivent  cette 

esthétique  se  sont  opposés  récemment  les  descriptifs,  qui  cherchent  du  nouveau  et 
semblent  encore  bien  empruntés  ;  ils  ont  devant  eux  un  lointain  imprécis  plutôt 
qu'un  but  certain  ;  leur  musique  apporte  le  trouble  et  non  la  clarté.  On  peut 
affirmer  avec  une  quasi  certitude  que  l'art  dont  on  nous  a  montré  ici  les  productions 
—  aussi  bien  chez  les  formalistes  que  chez  les  autres  —  n'aura  dans  l'avenir,  pour 
nous  autres  Allemands,  qu'une  valeur  toute  historique.  Il  se  passera  pour  les  plus 
grands  de  ces  maîtres  ce  qui  se  passe  pour  Couperin  et  pour  Rameau  leurs 
devanciers.  La  musique  française,  dans  la  mesure  où  elle  s'avère  sincère  et 
naturelle,  trouvera  toujours  en  Allemagne  un  écho,  mais  dès  qu'elle  voudra  s'élever 
aux  régions  du  pathétique  et  du  sentiment  elle  laissera  nos  cœurs  parfaitement 
froids.  C'est  une  joie  de  suivre  les  idées  françaises  légères  et  gracieuses,  dans  leur 
présentation  et  plus  encore  dans  leur  habile  mise  en  œuvre.  On  joue  là  un  jeu 
plaisant,  et  même  quand  on  passe  à  la  danse  proprement  dite,  personne  ne  résiste. 
L'élégance  et  la  galanterie  l'emportent...  Le  va  et  vient  des  pizzicati  heureusement 
combinés  avec  les  coups  des  rigoureux  archets  n'apparaissent  plus  comme  des  effets 
on  a  plutôt  le  sentiment  de  se  trouver  en  face  d'un  homme  qui   conte  avec  esprit 


LES  AMIS  DE  LA  MUSIQUE  iii 

ses  propres  aventures.  L'Allemand  nous  semble  véritablement  grand  là  où  il  laisse 
déverser  sa  passion  pour  Dame  Musique  —  le  Français  Test  au  contraire  là  où  il 
nous  montre  comment  on  flirte  avec  elle.  Et  notez  qu'il  est  absolument  persuadé 
que  son  flirt  est  une  passion  profonde.  Ces  différences  de  races  ne  disparaîtront 
jamais,  et  il  faut  s'en  réjouir  là-bas  comme  ici  ". 

M.  Eisenmann^  insiste  sur  les  qualités  plastiques  de  notre  musique  :  "  Même  des 
latures  aussi  opposées  que  Franck  et  Bruneau,  Chabrier  et  Saint-Saëns  peuvent  se 
:omparer  et  présenter  des  traits  communs.  C'est  ce  que  nous  a  montré  le  festival 
lès  son  premier  concert.  Malgré  l'influence  exercée  par  l'Allemao-ne  sur  les 
:ompositeurs  français  ceux-ci  ont  cependant  conservé  leur  autonomie.  Qu'ils 
;voluent  sur  le  terrain  classique,  ou  qu'ils  prennent  en  main  le  drapeau  du  progrès, 
Is  se  montrent  toujours  hommes  de  leur  race  ;  ils  ont  leur  style,  avec  ses  tendances 
es  qualités  et  ses  défauts.  La  déclamation  a  chez  eux  un  rôle  prépondérant.  Il  y  a 
[es  compositeurs  allemands  qui  ont  des  idées  superbes,  mais  qui  ne  savent  rien  en 
aire.  L'art  de  l'expression,  joint  à  l'art  du  geste  telles  sont  au  contraire  les 
ualités  maîtresses  des  Français.  Ils  ignorent  la  spéculation  confuse  et  abstruse,  et 
Drs  même  qu'ils  deviennent  graves,  ils  restent  clairs  et  compréhensibles.  A  la 
érité  ils  tombent  parfois  dans  un  pathos  qui  nous  semble  un  peu  outré..." 

M.    Joseph  Jurinek  ^   insiste  sur  le  pittoresque  :  "  A    mesure    que   les    œuvres 

accédaient  aux  œuvres  nous  avions  la  conviction  que  les  Français  sont  en  musique 

es  descriptifs  éminents,  mais  que  le  gracieux  et  l'enjoué  est  avant  tout  leur  fait. 

>n    dirait    qu'ils    se    jouent    sur    les    flots  de    la  vie,   sans    vouloir   sonder    ses 

rofondeurs,  et  plonger  dans  ces  abîmes,  où  tout  est  noir,  où  le  cœur  de  l'homme 

;  prend  à  trembler.  Tantôt  la  musique  française  est  un  jeu  en  plein  soleil,  tantôt 

ti  rêve  par    une  nuit   de  mai    à    la    clarté    tranquille    de   la   lune    qui    palpite. 

à  et  là  un  accent  intense   de  la   vie   qui   s'affirme  ;  et   puis  des  couleurs  qui 

U  précipitent,   une   débauche    de   sonorités,   une   plénitude  orchestrale  qui  nous 

hlouit.  Mais  que  ce  soit  Bruneau,  d'Indy  ou  Chabrier,  Franck,  Ravel,  Widor  ou 

ebussy,  nous  n'avons  pas  un  instant  d'ennui  en  présence  de  cet  art.  On  ne  saurait 

)pliquer  aux  Français  le  mot  sévère  qui  fut  proposé  à  propos  de  Strauss  :  Là  où 

is  idées  manquent,  le  boucan  commence.  Les  Français,  même  lorsqu'ils  donnent 

rut  ce  qu'ils  peuvent,  savent  toujours  conserver  la  mesure  ". 

Très  justement  le  D'  E.  Wahl  ^  reprend  ces  comparaisons  tirées  des  beaux-arts  : 
^Un  regard  jeté  sur  notre  musique  allemande  et  une  vue  d'ensemble  telle  que  la 
ïrmettait  ce  festival  de  la  musique  française,  montre  une  difi^érence  fondamentale 
kre  les  deux  arts  voisins.  On  connaît  les  vers  où  Nietzsche  chante  le  vent  du 
ristral  : 

Mistralwind  du  Wolkenjaeger,  Trubsalblaeser,  Himmelsfeger 
Brausender,  wie  lieb'ich  dich. 

*  Tageblatt  de  Cologne  du  2 1  septembre. 

^  General  Anzeiger  de  Mannheim  du  22  septembre. 

^  Allgemeine  Musikzeitung  du  30  septembre. 


iv  LES  AMIS  DE  LA  MUSIQUE 

Cette  apostrophe  ne  pourrait-elle  s'appliquer  à  notre  musique  ?  Par  contre, 
les  jeunes  Français  aiment  avant  tout  le  nuage  irisé,  le  gris  qui  atténue  toutes  les 
couleurs,  et  qui,  infiniment  diversifié,  reste  toujours  le  gris.  On  n'a  qu'à  voir  où  un 
Richard  Strauss,  un   Mahler  se  trouvent  conduits  par  la  recherche  des  solutions 
nouvelles,  et  où  se  dirige  un   Debussy,  pour  assister  à  ce  contraste  typique.  Ou 
bien,  remontant  un  peu  plus  haut  que  l'on  compare  Anton  BrQckner  avec  Saint , 
Saëns  on  trouvera  la  même  différence,  moins  manifeste  cependant,  car  la  génération  | 
des  compositeurs  âgés  n'avait  pas  encore  rompu  avec  les  traditions  de  vigueur  et  j 
d'énergie  de  la  musique  française.  Pour  tout  dire  en  deux  mots  :  nos  allemands  sel 
plaisent  aux  empâtements,  les  Français  font  du  pastel.  Chez  nous  des  tons  francs,! 
appliqués  à  la  brosse  ou  au  couteau  ;  en  France  le  coloris  doux  et  tendre  des; 
crayons,  avec  ses  procédés  raffinés  et  ses  prodigieux  fondus,  mais  glabre  et  sucré..."  j 

M.  le  D^  San-Galli^  cherche  à  préciser  ces  nuances  :  "  Nous  arrivons,  écrit-il,  au, 
style-type  des  Français  avec  MM.  d'Indy,  Bruneau,  Debussy,  Dukas  et  Ducasse.i 
Chez  eux  le  sentiment  français  de  la  sonorité  a  fait  naître  une  musique,  un  style,  i 
Je  dis  le  sentiment  français  de  la  sonorité,  car  nos  compositeurs  ont  eux  aussi! 
des  problèmes  de  sonorité  à  résoudre  ;  et  les  deux  nations  se  trouvent  en  face  dei 
la  même  question  :  qu'est-ce  que  le  compositeur  entend  et  comment .''  Mais  elles  y| 
répondent  d'une  manière  différente.  Nous  tendons  l'oreille  vers  ce  qu'il  y  a  de  plusj 
profond  dans  un  poème  symphonique.  Le  Français  songe  toujours  au  salon,  et  lui] 
conserve  une  place  dans  son  cœur.  L'humeur  et  l'esprit  restent  prépondérants.j 
L'Allemand  vit  ses  états  d'âme,  le  Français  les  voit.  C'est  là  l'immense  différence.! 
Le  peintre  a  lieu  d'être  satisfait  plus  que  personne  de  la  musique  français{| 
moderne.   Celui  qui  a  un  peu  le  sens  de  l'émotion  pittoresque  trouvera  délicieu>j 

les  Nuages  de  Debussy Debussy  est  un  paysagiste,  un  impressionniste  et  on  m| 

peut  rendre  la  nuance  de  cette  musique  en  termes  allemands.  Le  symbole  et  Sîi 
profondeur  dépendent  d'une  fantasmagorie,  et  d'une  imprécision  des  lignes  et  dd 
formes,  qui  autorisent  l'auditeur  à  s'imaginer  tout  ce  qu'il  voudra,  ou  à  ne  rien 
s'imaginer  du  tout  et  à  s'abandonner  aux  joies  de  la  simple  sensation.  C'est  là  sans 
doute  quelque  chose  et  même  beaucoup  ;  et  il  est  impossible  de  prévoir  en  ce 
moment  la  portée  de  cet  art.  Mais  un  point  reste  acquis.  C'est  là  un  an 
essentiellement  français  ". 

M.  A.  Steinitzer^  est  sévère  :  "A  la  fin  de  ces  auditions  qui  nous  ont  donn^ 
une  image  extrêmement  instructive  de  l'évolution  et  de  l'état  présent  delà  musiqd 
française  on  ne  peut  se  soustraire  à  l'obligation  de  résumer  les  impressions  ressenties! 
Et  de  suite  s'impose  cette  conviction.  La  France  ne  dispose  pas  en  musique  dj 
génies  créateurs  semblables  à  ceux  que  nous  avons  produit  à  la  même  époqucj 
l'époque  de  Brahms,  Bruckner,  Pfistner  et  Strauss.  Debussy  est  le  seul  qu'oi 
puisse  admettre  ;  lui,  a  réellement  ouvert  de  toutes  nouvelles  perspectives,  don 
nous  ne  pouvons  encore  prédire  l'avenir...  Tous  les  autres  jeunes  gens  sont  à  I 
vérité  maîtres  de  leur  art,  mais  aucun   n'est  doué  de  facultés  créatrices...   Il  fà 

'  Rhcin-Westfalischc  Zeitung  du  23  septembre.  -^ 

'  General  Anzeigcr  de  Duesseldorf  du  25  septembre.  .JB 


LES  AMIS  DE  LA  MUSIQUE  v 

rejeter  l'activité  intellectuelle  dans  le  domaine  de  la  technique  ;  la  force  créatrice 
doit  partir  du  cœur  pour  aller  au  cœur.  C'est  là  ce  qui  manque  à  la  nouvelle  école 
française.  Ainsi  n'avons-nous  pas  éprouvé  là  d'émotions  vécues.  Par  contre  il  faut 
reconnaître  sans  réserve,  que  le  Français  même  lorsqu'il  a  peu  d'idées  sait  toujours 
intéresser  par  son  coloris  et  son  métier,  tandis  que  l'Allemand,  dans  le  même  cas, 
est  souvent  brutal  et  presque  toujours  ennuyeux..." 

Voici  la  conclusion  de  M.  A.  Eisenmann  :  ^  "  Les  Français  ne  nous  enlèveront 
pas  la  gloire  de  nos  maîtres...  Mais  nous  pouvons  justement  aussi  apprendre 
beaucoup  de  leur  art.  Qu'on  n'ait  pas  toujours  besoin  de  se  plonger  dans  les 
problèmes  abstrus,  et  que  la  recherche  légitime  de  nouveaux  moyens  d'expres- 
sion puisse  fort  bien  s'accorder  avec  le  charme  et  la  clarté.  Voilà  la  leçon  que 
nous  devrions  prendre  en  considération  ". 

M.  le  Jy  Leopold  Schmidt  ^  voit  notre  effort  en  historien  :  "  Il  faut  se  souvenir 
dans  ce  jugement  sur  le  festival  de  Munich,  des  éléments  de  supériorité  que  la 
France  musicale  n'a  pu  ici  mettre  en  jeu.  Ceux-ci  jadis  et  jusqu'à  ces  dernières 
temps  appartenaient  à  l'art  du  théâtre.  Or  justement  je  voudrais  voir  la  caractéristique 
de  cette  manifestation  de  Munich,  dans  ce  fait  qu'il  a  été  possible,  somme  toute, 
de  nous  donner  une  idée  de  la  musique  française  contemporaine,  sans  tenir  compte 
du  théâtre  lyrique.  C'est  là  sans  conteste  un  mérite  qui  revient  à  l'école  nouvelle. 
L'ancienne  prévention  en  faveur  de  la  musique  dramatique  a  disparu  ;  bien  plus 
;lle  s'est  retournée.  Aujourd'hui  l'effort  principal  de  la  musique  française  porte  sur 
l'instrumentale.  Il  n'est  pas  impossible,  vu  l'intensité  de  ce  mouvement,  qu'une 
prochaine  fête  de  musique  française,  que  nous  espérons  bien  voir  à  Berlin  parce 
qu'elle  y  rencontrerait  un  intérêt  passionné,  confirme  pleinement  ce  jugement  ".^ 

M.  Spanutk*  enfin  :  "Puisque  la  première  tentative  d'une  fête  de  ce  genre  a 

•éussi,  on  devrait  dans  un  délai  convenable  en  organiser  une  autre.   L'échange 

Tiusical  entre  la  France  et  l'Allemagne  peut  se  faire  indépendamment  de  toutes  les 

iîonstellations  politiques,  il  devrait  être  assez  intime  pour  que  les  musiciens  d'ici  et 

le  là-bas  ne  puissent  plus  apercevoir  les  poteaux  de  la  frontière.  Cela  peut  se  faire, 

i  condition  de  provoquer  en   Allemagne   un   mouvement  et  surtout  de  gagner 

'intérêt  de  nos  compositeurs.  Ce  qu'il  nous  a  été  donné  d'entendre  à  Munich  des 

eunes  musiciens  français,  a  dû  cependant  remuer  un  peu  les  plus  indifférents. 

Celui  même  qui  pousse  l'amour  de  soi  jusqu'à  croire  à  l'inutilité  de  toute  musique 

lors  de  l'Allemagne,  se  demandera  si  les  jeunes  Français  ne  marchent  pas  à  la  tête 

du  mouvement  avec  plus  d'audace  que  leurs  voisins  et  si  ils  n'apportent  pas  de 

ésultats  plus  positifs  que  les  Allemands.  Le  jour  où  cette  constatation  se  sera 

'  mposée  parmi  nous,  les  Amis  de  la  Musique  pourront  dire  qu'ils  sont  payés  de  leurs 

fforts  et  que  leur  initiative  a  porté  ses  fruits  ". 

'  Kulturbeitraege  de  Stuttgart  du  22  septembre. 

^  Berliner  Tageblatt  du  24  septembre. 

^  Faut-il  à  titre  documentaire  le  jugement  humoristique  du  petit  Musical  Courrier  Américain  :  "  Le  Festival  de 
lunich  n'a  pas  persuadé  aux  Français  qu'ils  apprenaient  quelque  chose  aux  Allemands  et  a  fortement  ancré 
:s  Allemands  dans  l'idée  qu'ils  n'avaient  rien  à  apprendre  des  Français  ". 

*  Signale  fur  die  Musikalische  Welt  du  28  septembre. 


vi  LES  AMIS  DE  LA  MUSIQUE 

De  ces  articles  de  fond ^  que  V  Argus  allemand  nous  avait  envoyés^  nous  avons  tenu  h 
citer  la  totalité.  Ils  honorent  la  presse  allemande  par  leur  gravité^  le  soin  avec  lequel  ils 
ont  été  écrits,  et  V absence  d'hostilité  dont  ils  font  preuve.  Certes,  il  y  aurait  beaucoup  à 
dire  sur  ces  jugements  d'ensemble,  qui  nont  du  reste  pas  la  prétention  d'être  définitifs,  et 
dont  il  serait  téméraire  de  vouloir  a  notre  tour  tirer  des  conclusions.  En  tout  cas  il  ne 
saurait  être  question  d' établir  une  hiérarchie  en  les  deux  arts  ainsi  comparés.  Les 
Allemands  connaissent  et  apprécient  notre  musique.  Ils  ne  la  goûtent  pas  toujours  de  la 
même  manière  que  nous.  Ils  en  remarquent  surtout  V  aspect  d'aimable  sociabilité.  Le 
festival  de  Munich  n'aura  pas  sur  ce  point  modifié  leur  avis,  ou  plutôt  leur  sentiment. 
Toutefois,  depuis  quelques  années,  des  éléments  nouveaux  ont  altéré  sensiblement  cette 
physionomie  traditionnelle  de  la  musique  française.  La  critique  allemande  s'en  aperçoit,  et 
elle  s'efforce  d'expliquer  a  sa  façon  ce  changement,  qui  l'intrigue  peut-être  plus  encore  qu'il 
ne  r enthousiasme.  Elle  emporte  donc  de  Munich  cette  i?npression  qu'il  se  passe  quelque 
chose  chez  nous  et  que  son  jugement  applicable  aux  XIX^  siècle  français  aura  bientôt  besoin 
d'être  revisé. 

Les  Amis  de  la  Musique  ne  pouvaient  en  demander  plus.  Il  leur  suffit  dans  cette 
première  manifestation,  d'avoir  précisé  la  curiosité  de  nos  voisins,  d'avoir,  en  pleine 
Bavière,  éveillé  l'intérêt  pour  un  art  qui  n'est  ni  celui  de  Beethoven  ni  celui  de  JVagner, 
et  donné  l'occasion  à  l'esthétique  allemande  de  méditer  a  V  aise  sur  le  problème  des 
nationalités  musicales. 


UN  DOCUMENT  SUR  LA  MUSIQUE   BELGE 


Lors  du  Congrès  de  la  Fédération  Archéologique  et  Historique  de  Belgique  dont  la 
XXI™^  session  fut  tenue  à  Liège  en  août  1909,  congrès  où  l'on  voulut  bien  créer  une  sous- 
section  de  musicologie  sur  mon  initiative,  j'avais  tenté  de  déterminer  les  programmes  des 
Recherches  à  faire  dans  les  fonds  musicaux  de  la  province  de  Liège  et  je  concluais  en  demandant 
que  le  plus  important  d'entre  eux,  le  Fonds  Terry,  qui  se  trouve  déposé  à  la  bibliothèque  du 
Conservatoire  royal  de  Liège,  fût  ouvert  aux  recherches  des  historiens.  Ce  résultat  n'a  pu  être 
entièrement  obtenu  jusqu'ici,  faute  d'un  local  suffisant,  mais  il  a  été  possible  à  M.  le  D""  Joris- 
5enne,  Président  de  notre  Société  de  Musicologie,  de  se  procurer  et  de  nous  faire  connaître 
:ertaines  richesses  comprises  dans  ce  fonds.  En  particulier,  j'ai  pu  commencer  le  dépouillement 
d'une  série  de  quinze  fardes,  comprenant  environ  vingt  cinq  mille  pages  de  l'écriture  de  Terry 
;t  contenant  les  notes  prises  au  courant  de  ses  laborieuses  lectures,  pendant  toute  une  vie  de 
:ravail.  Arrivé  au  tiers  environ  de  cette  recherche,  rendue  assez  longue  par  la  nécessité  de 
dasser  les  documents  obtenus,  j'ai  mis  la  main  sur  la  copie  que  fit  Terry  d'un  manuscrit  de 
t^enri  Hamal  dont  l'original  est  peut-être  perdu.  Je  le  reproduis  en  l'augmentant  de  notes 
jdrées  d'autres  sources. 

Quant  au  Fonds  Terry -^  lui-même,  riche  d'environ  sept  mille  livres  et  deux  mille  numé- 
os  de  musique,  je  n'ai  pu  encore  l'étudier  suffisamment  dans  son  ensemble  pour  le  décrire 
ci  :  mais  je  ne  désespère  pas  d'arriver  quelque  jour  à  le  faire. 

Henri  Hamal,  auteur  des  notes  ci-dessous,  a  eu  un  biographe  anonyme  qui  signe  L.  L.  L.^. 

*  Léonard  Terry  est  né  à  Liège  le  13  février  18 16  et  y  décéda  le  25  juillet  1882.  Chanteur,  professeur  et 
compositeur,  il  était  surtout  lettré,  très  polyglotte  et  chercheur  actif.  Mais  l'esprit  de  classement  lui  manquait 
!t  il  n'a  tiré  parti  que  d'un  très  petit  nombre  des  éléments  qu'il  avait  rassemblés.  On  lui  doit  pourtant  des 
rticles  parus  dans  la  Biographie  Nationale  ainsi  qu'une  biographie  de  Henri  Dumont,  parue  en  1872  chez  Léon 
e  Thier.  En  1874,  il  avait  été  élu  membre  de  l'Académie  royale  de  Belgique. 

Après  son  décès,  de  longs  pourparlers  eurent  lieu  au  sujet  de  sa  bibliothèque  qu'il  fallait  conserver  à  sa 
aile  natale.  On  pensa  d'abord  la  déposer  à  l'Université,  ce  qui  eut  été  la  solution  la  meilleure  ;  mais  elle  fut 
lemisée  au  Conservatoire  où  elle  resta,  de  fait,  inaccessible  pendant  de  bien  nombreuses  années  :  le  manque 
"  "'un  local  approprié  et  du  personnel  suffisant  en  entrave  encore  la  jouissance.  La  Ville  de  Liège  a  voté  les  fonds 
écessaires  pour  élever  le  local  demandé  à  côté  du  Conservatoire,  mais  jusqu'ici  l'État  belge,  toujours  à  court 
argent,  n'a  pas  promis  sa  cote-part  et  la  question  reste  pendante. 

^  Essais  de  Biographies  musicales  liégeoises.  Les  Hamal.  Liège,  F.  Renard  éditeur,  1860.  Extrait  de  l'Annu- 
re  de  la  Socie'té  libre  d'Emulation. 


P 


648 


s.    I.    M. 


Henri,  fils  de  Dieudonné  Lambert  Hamal,  chirurgien  distingué  de  la  cité  de  Liège,  et  de 
Marie  Elisabeth  Delvaux,  naquit  à  Liège  le  20  juillet  1744  ;  il  était  petit-fils  de  Henri 
Guillaume  et  neveu  de  Jean  Noël  Hamal,  tous  deux  maîtres  de  chapelle  de  la  cathédrale,  et 
dont  nous  aurons  à  reparler.  Après  avoir  été  initié  aux  éléments  de  la  composition  musicale  par 
son  oncle,  Henri  partit  pour  l'Italie,  ainsi  que  la  coutume  en  était  établie  à  Liège,  et  il  se 
trouvait  depuis  plusieurs  années  à  Rome  lorsqu'en  1770  il  fut  rappelé  à  Liège  pour  venir 
occuper  dans  le  choeur  de  la  cathédrale  une  stalle  de  chanoine,  faveur  que  son  oncle  Jean  Noël 
lui  avait  fait  obtenir,  voulant  s'assurer  dans  son  neveu  un  successeur  de  mérite.  Ce  désir  était 
partagé  par  le  Chapitre.  Vers  la  fin  de  1770,  Henri  Hamal  prit  possession  de  son  siège  cano- 
nical  et  de  la  direction  de  la  chapelle  de  la  cathédrale  Saint  Lambert,  Pendant  huit  ans,  il  la 
dirigea  avec  son  oncle  et  put  ainsi  s'assimiler  la  tradition  établie. 

La  première  de  ses  compositions  musicales  écrites  à  Liège  paraît  être  une  grande  cantate 
exécutée  le  16  janvier  1772  à  l'occasion  de  l'élection  solennelle  de  M^""  François  Charles  de 
Velbruck  comme  Prince-Evêque  de  Liège.  Le  5  février  suivant,  nouvelle  cantate  exécutée  en 
l'honneur  du  Prince  à  la  salle  de  la  Redoute,  devenue  depuis  la  Société  libre  d'Emulation,  et 
enfin,  le  5  mai,  troisième  cantate  sur  le  même  sujet,  intitulée  :  les  Réjouissances  du  Parnasse^ 
paroles  de  M.  Bernard,  pour  laquelle  les  talents  de  l'oncle  et  du  neveu  s'étaient  associés. 

Trois  années  après,  le  28  janvier  iJJSy  1^  théâtre  de  Liège  représenta  une  pièce  intitu- 
lée :  le  Triomphe  du  Sentiment^  a)  comédie  en  trois  actes,  mêlée  de  chants  et  de  danses,  paroles 
de  M.  Joseph  Bertrand,  musique  d'Henri  Hamal. 

A  l'inauguration  de  la  Société  libre  d'Emulation  b)  —  cette  société  existe  encore  et  le 
dépouillement  de  ses  archives  nous  fournira  sans  doute  de  nombreux  documents  —  cérémonie 
qui  eut  lieu  le  2  juin  1779,  Henri  Hamal  fit  exécuter  une  grande  scène  lyrique,  paroles  de* 
M.  Dreux,  puis  en  1784,  Hamal  composa  la  musique  de  deux  cantates  à  l'occasion  de  l'éléva- 
tion à  l'épiscopat  du  successeur  de  Velbruck,  César  Constantin  François  de  Hoensbroeck  ;  ces 
cantates  furent  exécutées  le  21  juillet;  les  paroles  étaient  de  MM.  Henkart  et  Milon.  Le 
20  décembre  de  la  même  année,  nouvelles  fêtes  pour  lesquelles  Hamal  écrit  le  Cri  de  la  Patrie. 
Chose  singulière,  Hamal  ne  semble  plus  avoir  composé  dans  la  suite. 

Au  reste,  son  existence  devait  bientôt  se  modifier.  Lors  de  l'envahissement  du  pays  de 
Liège,  la  démolition  de  la  cathédrale  Saint  Lambert  fut  décrétée  et  la  vie  musicale  suspendue. 
Henri  Hamal  cessa  ses  fonctions  en  février  1793.  La  plus  grande  partie  des  documents 
concernant  la  musique  dans  la  principauté  disparut  à  ce  moment  de  troubles  et  de  pillages.  Les 
sacs  successifs  de  la  ville  au  cours  du  moyen  âge,  les  incendies  fréquents,  la  destruction  de  la 
cathédrale,  dont  il  ne  resta  absolument  rien,  forment  des  obstacles  insurmontables  à  une  étude 
complète  de  l'art  musical  liégeois.  Contentons-nous  donc  du  peu  de  documents  qui  sont 
conservés. 

a)  La  partition  existe  dans  le  Fonds  Terry.  Cette  œuvre  est  dédiée  à  Velbruck. 

b)  Hamal  a  peu  publié.  I^z  feuille  sans  titre  n°  169  du  samedi  19  juillet  1777  annonce  pourtant  un  Recueil 
des  romances  de  divers  auteurs  etc.  dédié  à  S.  A.  S.  M""  la  Duchesse  d'Arenberge  etc.  avec  accompagnement 
de  Forte  Piano  par  M.  Hamal  Neveu  etc.  8"  3  livres.  Avec  dédicace  : 

En  vous  consacrant  ces  essais, 

Je  vous  offre  un  bien  faible  hommage. 

J'ai  consulté  mon  avantage 

Beaucoup  plus  que  vos  intérêts  : 

Votre  nom  est  trop  beau  pour  un  pareil  hommage 

Mais  il  en  fera  le  succès. 
J'ai  aussi  trouvé  le  titre    de  l'un  de  ses  autres  ouvrages  :   Extraits   des  airs   français  des  opéras    comiques 
nouveaux  qui  ont  été  représentés   à  Paris,  appropriés  pour  le  chant,  ou   flûte  et  violon,  avec   la   basse   continue 
chiffrée  etc.  5  parties.  In  folio. 


UN  DOCUMENT  SUR  LA  MUSIQUE  BELGE    649 

Hamal,  privé  de  sa  situation,  ne  resta  pas  inactif.  Il  siéga  au  sein  du  Jury  de  l'Instruction 
publique,  créé  près  de  l'administration  centrale  du  département  de  l'Ourthe.  En  qualité  de 
secrétaire  de  ce  Jury,  il  rédigea  un  rapport  daté  du  27  décembre  1797  demandant  la  création 
d'une  école  de  musique  à  Liège.  Nous  comptons  publier  dans  la  suite  quelques  renseignements 
documentaires  sur  ce  placet,  sur  les  démarches  faites  par  Grétry  pour  l'appuyer  etc.  En  fait, 
le  projet  échoua  et  ce  n'est  que  trente  ans  après,  en  1828,  que  Liège  fut  dotée  d'un 
Conservatoire. 

A  l'époque  du  rétablissement  du  culte,  en  1804,  Hamal  déclina  les  offres  qui  lui  furent 
adressées  de  redevenir  maître  de  chapelle  et  se  retira  dans  la  vie  privée.  Il  ne  devait  mourir  que 
bien  plus  tard,  en  le  17  septembre  1820. 

A  quelle  date  se  place  la  rédaction  du  manuscrit  qui  nous  occupe  ?  ou  plutôt  des  deux 
manuscrits,  car  ce  sont  deux  fragments  qui  traitent  parfois  des  mêmes  sujets,  se  complètent, 
complètent  aussi  un  manuscrit  de  Hamal  dont  M.  le  D""  Jorissenne  a  donné  le  texte  ^  etc.  de 
sorte  que  l'on  pourrait  penser  qu'à  diverses  reprises,  Hamal  a  rédigé  ces  notes  de  façon  assez 
hâtive  sur  le  même  sujet,  ne  s'efforçant  en  rien  d'être  complet,  ainsi  que  le  prouve  la  brièveté 
des  notices  consacrées  à  son  grand'père  et  à  son  oncle,  dont  il  devait  parfaitement  connaître  la 
biographie  ? 

M.  Jorissenne  place  vers  1806  la  rédaction  de  la  pièce  qui  l'occupe.  La  date  la  plus 
récente  contenue  dans  le  premier  fragment  ci-dessous  est  1798  ;  dans  le  second,  1806.  Aucune 
autre  indication  ne  nous  permet  de  conclure,  en  ce  qui  concerne  le  second  manuscrit,  mais  le 
premier  est  antérieur  à  1805,  puisqu'il  parle  de  la  Collégiale  Saint  Pierre  comme  encore 
existante,  et  que  ses  orgues  furent  transportés  à  Saint  Paul  en  1805.  (Voir  article  Thorette). 
Il  est  probable  que  ces  travaux  sont  de  l'époque  où  Hamal  était  rentré  dans  la  vie  privée.  Il  eût 
donné  plus  de  soins  à  une  rédaction  officielle.  Le  premier  manuscrit  daterait  en  ce  cas  de  1804 
ou  1805. 

Les  documents  compris  dans  les  fardes  laissées  par  Terry  portent  le  titre  général  : 

Simples  notes  pour  servir  a  l'Histoire  des  Beaux- Arts  au  pays  de  Liège. 

Nos  deux  fragments  sont  empruntés  au  cahier  No.  57  dont  ils  occupent  respectivement 
les  pages  3  à  10,  puis  10  à  12  et  16  à  19,  les  pages  12  à  16  étant  remplies  par  une  autre 
copie. 

* 

PREMIER  FRAGMENT. 

NOTES    SUR    LES    PRINCIPAUX    MUSICIENS    COMPOSITEURS    LIÉGEOIS. 
N°   i.  De  la  main  de  H.  Hamal,  4  feuillets  gr.  in  8°. 

"  Le  pays  de  Liège  a  eu  en  tous  temps  d'excellents  musiciens.  La 
"  Cathédrale,  les  Collégiales  ^  entretenaient  des  écoles  de  musique  ;  sans 
"  compter  l'école  de  la  ville  de  Châtelet,  d'où  sont  sortis  de  grands  musi- 

^  Un  manuscrit  historique  de  Hamal,  communication  faite  à  la  Société  liégeoise  de  musicologie  le  5  janvier 
1910  ;  in  Wallonia  de  mars-avril  19 10. 

^  "  Liège  en  comptait  huit  :  Saint  Pierre,  Saint  Barthélémy,  Sainte  Croix,  Saint  Martin,  Saint  Jean 
Evangéliste,  Saint  Denis,  Saint  (?)  et  Saint  Jacques,  qui  ne  le  devint  qu'en  1785."  Terrj^,  cahier  n"  56,  p.  15.  "  La 
suppression  des  huit  collégiales  à  la  Révolution  entraîna  celle  des  chapelles  et  mit  les  musiciens  à  pied,  entre 
autres  Henri  Hamal...  et  Henri  Moreau,  "  dont  il  sera  question  plus  loin.  Ch"''  Daris,  Histoire  du  Diocèse  de 
Liège,  t.  IIÏ,  p.  162. 


650 


s.   I.   M. 


"  ciens.  Ces  élèves  allaient  ensuite  se  perfectionner  à  Rome  ou  à  Naples, 
"  avec  une  pension  des  dites  églises. 

"  Il  y  avait  à  Rome  une  maison  sur  la  place  dite  Monte  d'Oro,  fon- 
"  dée  par  Lambert  d'Archis  ^  pour  les  jeunes  gens  qui  venaient  étudier 
"  le  droit  ou  les  beaux-arts  pendant  cinq  ans.  Ils  étaient  logés  et 
"  nourris,  sous  la  direction  de  cinq  proviseurs  qui  devaient  être  du  pays 
"  de  Liège,  de  même  que  le  Recteur  nommé  par  eux  pour  demeurer  à  la 
"  maison  et  surveiller  les  élèves.  Cette  maison  pouvait  avoir,  en  1768, 
"  1400  écus  romains. 

"  I.  Gilles  Haine,  né  à  Liège  vers  1585,  devint  par  ses  talents 
"  intendant  de  la  musique  du  prince  Ferdinand  de  Bavière,  qui  lui  con- 
"  fera  un  1627  un  canonicat  de  Saint  Jean  Evangéliste  à  la  place  de 
"  chantre.  Ce  savant  musicien  a  composé  18  Psaumes  à  cinq  voix,  des 
"  Antiennes  à  6  et  8  voix,  et  une  Messe  des  SVLorts  qu'il  présenta  en  1647 
"  au  Chapitre  de  la  Cathédrale.  Il  a  fait  imprimer  à  Anvers,  en  1645, 
"  trois  ouvrages  chez  l'héritier  de  Pierre  Phalèse.  " 

On  compte  deux  Haine,  Heine,  Hayne,  Haym,  Henné,  (Egidio) 
Hennio,  (Aegidius)  Hennius,  dont  l'un,  Gérard,  "  florissait  vers  1585^ 
tandis  que  l'autre  Gille  est  né  à  cette  date.  Ce  dernier  "  doit  avoir  surpas- 
sé son  maître  Guiot  ^  Il  fit  élever  son  épitaphe  sur  la  porte  de  Saint 
Jean...  qui  fut  un  (sic)  des  plus  beaux  du  temps,  aussi  orné  de  divers 
instruments  de  musique...  Il  doit  être  le  neveu  du  précédent"  qui  floris- 
sait en  1585  "et  devint  directeur  de  la  chapelle  de  S.  A.  de  Bavière, 
évêque  de  Liège  et  électeur  de  Cologne  ;  il  fut  aussi  appelé  par  S.  A.  S. 
le  duc  de  Neubourg  à  la  surintendance  de  sa  musique.  Ses  pièces  ont  été 
imprimées  et  distribuées  partout  et  longtemps  après  sa  mort  on  les  tenait 
en  grande  estime.  Il  vivait  en  cette  réputation  l'an  1633  âgé  de  ans 
(les  chiffres  manquent),  comme  j'ai  vu  par  son  portrait  qu'il  était  cha- 
noine et  chantre  de  la  Collégiale  de  Saint  Jean"  ^ 

'  ou  Darchis.  Ce  philanthrope  est  né  à  Liège,  paroisse  de  S'  Hubert,  le  31  juillet  1625  ;  il  s'établit  à 
Rome  dès  sa  jeunesse  et  y  fit  fortune.  Son  testament  du  22  octobre  1696  crée  l'Hospice  ou  Collège  liégeois,  qui 
après  bien  des  modifications  existe  encore.  —  Avant  cette  fondation,  on  envoyait,  d'après  Terry,  les  jeunes  gens 
à  Rome  au  Collège  gei-manique. 

^  Les  Hamal,  voir  note  2,  page  647. 

Jorissenne,  loc.  cit.  le  fait  mourir  en  1588. 

•■'  D'après  le  manuscrit  de  Hamal  cité  par  Jorissenne,  Jean  Guiot,  chanoine  impérial  et  maître  de  chapelle 
de  la  Cathédrale,  né  à  Chastelet  (Châtelet)  mourut  fort  âgé  le  15  mars  15 18.  S'est  fait  connaître  par  ses  savants 
ouvrages  avant  de  revenir  dans  sa  patrie.  Il  avait  été  plusieurs  années  intendant  de  la  musique  de  l'empereur 
Ferdinand.  En  réalité,  d'après  Cl.  Lyon,  Guiot  est  né  en  15 12  et  mort  en  1588,  comme  son  élève. 

*  Manuscrit  intitulé  :  Les  œu-ures  curieux  des  çavants  de  la  nation  liégeoise  qui  ont  passer  (!)  à  la  postérité 
1690- 1702,  sans  nom  d'auteur,  p.  129  cité  par  Terry.  Le  portrait  en  question  avait  été  gravé  à  Liège  {Biogr.  Nat.) 


UN  DOCUMENT  SUR  LA  MUSIQUE  BELGE    651 

Si  le  rôle  joué  à  Liège  par  Egidio  Hennio  est  peu  connu,  on  est 
mieux  renseigné  au  sujet  de  sa  vie  sur  le  Bas-Rhin  (Dusseldorf)  où  la 
musique  était  en  grand  honneur  à  cette  époque  à  la  cour  du  Pfalzgraf 
Wolfgang  Wilhelm  von  Pfalz-Neubourg  (jusque  1653),  revenu  au 
catholicisme  et  épris  d'art  italien. 

En  1631,  Heine  avait  été  engagé  comme  chantre  à  Saint  Jean 
Evangéliste  à  Liège  '  en  remplacement  d'Alphonse  Fressadis  (le  i  3  mars  de 
cette  année)  et,  bien  que  bénéficiaire  d'un  autre  emploi,  il  figure  dans  les 
registres  jusqu'en  1649.  Mais  dès  1638,  il  appartenait  officiellement  au 
service  du  Pfalzgraf,  ainsi  qu'il  ressort  d'une  lettre  de  Heine  du  17  décem- 
bre 1637  qui  laisse  supposer  des  relations  officieuses  antérieures.  Ses  fonc- 
tions étaient  peu  absorbantes,  mais  il  devait  venir  à  Dusseldorf  au  premier 
appel  de  son  seigneur.  Il  recevait  une  annuité  de  cent  florins  d'or,  d'ail- 
leurs assez  rarement  payée  en  ces  temps  de  guerre.  Ses  fonctions  ne  l'ont 
pas  empêché  de  partager  son  temps  entre  Dusseldorf  et  Liège.  A  Dussel- 
dorf, il  semble  avoir  eu  pour  aide,  parfois  insuffisante,  un  maître  de 
chapelle  du  nom  de  éMarini. 

M.  Willibald  Nagel  cite  38  de  ses  compositions. 

Au  reste,  notre  Gille  Heine  a  fait  école  à  Liège,  où  "  il  fut  suivi  de 
près  d'Albert  Gherin,  maître  des  chantres  de  Saint  Martin,  qui  par  la 
nouveauté  de  sa  manière  eut  aussi  l'art  de  plaire  et  dont  les  œuvres  furent 
recherchées  quelque  temps.  "  ^ 

"  IL  Léonard  de  Hodemont,  maître  de  musique  de  la  cathédrale, 
"  mort  en  1639,  a  composé  pour  cette  église  le  Kyrie  de  Pâques,  que  l'on 
"  chantait  encore  en  1794  ;  un  Ecce  Panis  à  6  voix  ;  un  Sahe  pour  les 
"  samedis,  à  8  voix  ;  V Antienne  de  Saint  Lambert^  à  6  voix,  et  d'autres 
"  ouvrages  estimés  qui  sont  restés  à  la  cathédrale.  " 

Léonard  de  Hodimont,  village  presqu'incorporé  aujourd'hui  dans  la 
ville  de  Verviers,  province  de  Liège,  était  un  maître  réputé.  Phalèse  a 
publié  une  œuvre  de  lui  en  1640,  donc  après  sa  mort,  sous  le  nom  de 
Léonard  Hodimontio.  ^ 

"  III.  Lambert  Colen,  chanoine  de  Saint  Materne,  et  musicien 
"  intonateur  de  la  cathédrale,  mort  en  1654,  est  connu  par  plusieurs 
"  Sahe  à  6  et  à  8  voix  ;   des  Antiennes  particulières  des  Sainte  Anne  et 

^  Willibald  Nagel  in  Monatshefte  fur  Musikgeschichte  1896  n°  8,  9. 
Ibid.  p.  1 30. 
Le  bibliophile  belge  t.  III,  p.  330,  article  de  Alph.  Govaerts. 


652 


s.   I.  M. 


"  Saint  Joseph  à  8  voix  ;  plusieurs  Ecce  partis  à  6  voix,  qui  se  chantaient 
"  encore  en  1756.  " 

Dans  l'ouvrage  cité  à  la  note  i,  il  est  mentionné  sous  le  nom  de 
Collin. 

"  IV.  Henri  Dumont,  né  à  Villers-l'Evêque,  enfant  de  chœur  de 
"  Saint  Servais  à  Maestricht,  part  pour  Paris  avec  un  colonel  français  en 
"  1630.  Abbé  de  Silly,  diocèse  de  Séez  en  Normandie.  —  <3dotets^  cinq 
"  Grand' ^Ae  s  se  s.  dites  royales,  etc." 

Cette  note  brève  n'ajoute  certes  rien  au  travail  documentaire  de 
M.  Henri  Quittard:  Henri  Du  éMont^  Mercure  de  France,  1906.  Les  très 
nombreuses  notices  que  je  possède  sur  le  même  sujet  sont  aussi  des  répé- 
titions l'une  de  l'autre  ^  et  il  peut  paraître  que  le  travail  de  M.  Quittard 
épuise  actuellement  la  question.  Une  remarque  nous  sera  toutefois  per- 
mise en  ce  qui  concerne  le  nom  même  de  ce  musicien,  qui  fut  également 
porté  par  un  chanoine  théologal  de  Liège,  abbé  séculier  d'Amay,  que 
Moreri  ^  fait  naître  à  Viemme  en  Hesbaye,  à  cinq  lieues  de  Liège,  en 
1610,  c'est-à-dire  la  même  année  que  le  musicien.  Du  Mont  s'appelait 
originairement  De  Thier  et  M.  Quittard  le  croit  parent  avec  les  Cheva- 
liers de  Thier  dont  la  famille  n'est  pas  éteinte  à  Liège.  L'aîné  d'entre  eux 
nie  cette  parenté,  en  se  basant  sur  des  papiers  de  famille  fort  en  ordre.  De 
plus,  l'étymologie  du  nom  De  Thier  ne  doit  pas  être  cherchée  si  loin  que 
le  fait  de  M.  Quittard.  En  patois  liégeois,  thier  signifie  mont^  montagne, 
élévation.  Du  Mont  a  donc  tout  simplement  traduit  son  nom  en  français, 
puisqu'il  allait  en  France,  comme  il  l'aurait  traduit  en  italien,  à  la  façon 
de  Josquin,  s'il  ce  fût  dirigé  plus  au  sud. 

"  V.  Pierre  Thorette,  bénéficier  et  musicien  de  la  cathédrale, 
"  mort  à  Liège,  en  1684.  La  Chasse  de  Saint  Hubert^  exécutée  tous  les 
"  ans  à  grand  orchestre  à  Saint  Pierre  depuis  plus  d'un  demi  siècle,  chef- 
"  d'oeuvre  pour  ce  temps  là  ;  il  la  composa  en  1 670,  et  la  dédia  au  Baron 
"  de  la  Pierre,  tréfoncier,  abbé  de  Ciney,  grand  amateur. 

L.  L.  L.  ne  fait  que  citer  son  nom.  —  La  Collégiale   Saint  Pierre 

•  Lacombe,  dictionnaire  portatif  des  Beaux-Arts  ;  la  feuille  sans  titre  n"  52,  24  mars  1777;  Pauwels  de  Vis, 
dictionnaire  biographique  des  Pays-Bas  ;  Gassner,  Leniken  ;  Biogr.  géne'rale  des  Belges;  Michaud,  biogr.  uni-verselle  ; 
Piron,  algem.  levens  der  Mannen  etc.  ;  Feller,  dictionnaire  historique  ;  Becdelièvre  ;  Jawe,  du  chant  liturgique, 
Titon  de  Tillet  ;  Laborde,  essai  sur  la  musique  ;  de  Villenfagne,  discours  sur  les  artistes  liégeois;  Adoux,  hist.  eccle's. 
de  la  cour  de  France  ;  Compai'aison  de  la  musique  italienne  et  la  musique  française  j  Revue  de  Danjou  ;  un  article 
de  Stephen  Morelot,  Walter,  musik.  Lexikon  ;  Delvenne,  biogr.  du  Royaume  des  Pays-Bas  ;  Dewez,  histoire  de  Liège; 
etc.  etc.  Comparez  aussi  Jorissenne,  loc.  cit.  La  Biographie  Nationale  contient  un  bel  article  de  Terry  sur 
Dumont. 

^  Litt  M,  p.  89,  supplément. 


UN  DOCUMENT  SUR  LA  MUSIQUE  BELGE    653 

n'existe  plus  depuis  1805,  année  où  ses  orgues  furent  transportées  à  Saint 
Paul.  Ce  manuscrit  est  donc  antérieur  à  1805.  —  L'habitude  d'exécuter 
l'œuvre  de  Thorette  existe  encore  à  Liège,  à  l'église  Sainte  Croix. 

"  VI.  Lambert  Pietkin,  chanoine  de  Saint  Materne,  maître  de 
"  chapelle,  né  à  Liège  en  161 2,  mort  en  1696  ',  un  des  plus  savants 
"  musiciens  du  XVII™°  siècle.  Beaucoup  d'ouvrages  restés  à  la  cathédrale, 
"  entre  autres  12  ^SM^esses  à  6  et  8  voix  ;  les  Antiennes^  O  Sancta  Anna, 
"  iAve,  Saint  Joseph,  qu'on  chantait  encore  en  1794,  des  Salve,  et  trois 
"  ouvrages  imprimés  à  Liège,  en  1685,  chez  Guillaume  Streel." 

Ses  musiques  ont  été  laissées  par  testament  au  chapitre  cathédral  et 
on  les  chantait  encore  en  1794,  c'est-à-dire  lors  de  la  suspension  du  culte 
par  la  Révolution  et  de  la  destruction  de  la  cathédrale  Saint  Lambert.  Il 
est  infiniment  probable  que  ses  manuscrits  ont  été  également  détruits  à 
cette  époque.  Il  reste  à  rechercher  ses  œuvres  imprimées.  D'après  la 
Biographie  Nationale,  deux  d'entre  elles  sont  parues  en  1668.  Nous  ren- 
voyons du  reste  à  ce  document. 

"  VIL  Henri  Guillaume  Hamal,  né  à  Liège  en  1685,  i^oi"t  en 
'  1752,  élève  de  Lambert  Pietkin,  a  introduit  à  Liège  le  goût  de  chanter 
'  des  Italiens  et  a  fourni  les  bons  musiciens  du  pays.  Outre  qu'il  avait 
'  une  belle  taille  qu'il  conduisait  à  volonté,  son  chant  était  rempli  de 
'  grâce  et  d'expression.  Il  a  composé  des  <^esses,  des  éMotets,  des  Tantum 
'  ergo,  à  grand  orchestre,  qu'on  a  exécutés  pendant  plus  de  vingt  ans  à  la 
'  cathédrale  et  dans  les  autres  églises,  et  des  Cantates  en  Italien,  en  Fran- 
'  çais  et  en  Liégeois,  d'un  goût  extrêmement  agréable  et  qui  sont  restées 
'  dans  les  mains  des  amateurs  de  Liège." 

Il  convient  de  remettre  à  plus  tard  les  remarques  sur  ce  musicien, 
dont  une  plus  longue  biographie  se  trouve  dans  le  second  fragment. 

"  VIII.  Henri  Denis  Dupont,  chanoine  et  maître  de  chapelle, 
"  mort  en  1727,  grand  théologien  et  savant  compositeur,  a  laissé  à  la 
"  cathédrale  des  éMesses,àts  éMotets,  des  O  pour  F  ^venti^.)  plusieurs  «S^é-j-j-^j- 
"  de  requiem,  et  un  Te  Deum  pro  Turcarum  destructione,  qu'il  composa  en 
"  17 17  ;  il  en  eut  beaucoup  d'honneur." 

Dupont  fut  l'émule  d'Henri  Guillaume  Hamal  et  le  maître  de 
composition  de  son  fils  Jean  Noël.  Grâce  à  l'influence  de  Dupont  et 
de  Hamal,  la  musique  italienne  s'introduisit  à  Liège.  Le  manuscrit  étudié 

1  Comparez  Jorissenne  loc.  cit.  D'après  son  manuscrit  de  Hamal,  Pietkin  serait  né  en  1621.  Cette  transposi- 
tion des  deux  chiffres  est  curieuse  :  i,  2  ;  2,  i. 


654  S.    I.    M. 

par  Jorissenne  ^    est   plus   complet.    La  Biographie  Nationale  contient  du 
reste  la  biographie  complète  de  Dupont,  par  Terry. 

"  IX.  Hubert  Renotte,  savant  organiste  de  la  cathédrale,  mort  en 
"  1747,  a  composé  de  bons  ouvrages  d'église  et  a  fait  graver  à  Liège, 
"  chez  les  Demoiselles  Libert,  trois  œuvres  de  Sonates  pour  deux  violons 
"  et  violoncelle." 

Dans  le  manuscrit  étudié  par  Jorissenne  ",  Hamal  fait  naître 
Renotte  en  1694  et  le  fait  mourir  en  1645.  Une  œuvre  de  ce  composi- 
teur se  trouverait  à  Namur,  d'après  des  notes  peu  explicatives  de  Terry,  et 
l'organiste  Lamine,  de  Tongres,  aurait  aussi  possédé  une  œuvre  de 
Renotte.  Je  n'ai  pu  retrouver  encore  ces  œuvres. 

"  X.  Jean  Noël  Hamal,  fils  de  Henri  Guillaume,  mort  en  1778, 
"  célèbre  par  ses  Opéras  liégeois,  deux  oratorios^  David  et  Jonathas,  en 
"  italien,  et  Jonas^  en  latin  ;  et  plus  de  cinquante  autres  grands  ouvrages 
"  d'église.  " 

Nous  reviendrons  plus  loin  sur  ce  sujet. 

"  XL  D.  Raick,  organiste  renommé  de  la  cathédrale  de  Gand,  né 
"  à  Liège  et  mort  en  1760.  Trois  œuvres  de  Sonates  de  clavecin,  gravées 
"  par  Wouters,  de  Gand.  " 

Denis  Raick  ne  m'est  connu  que  par  ce  passage  et  par  une  simple 
citation  de  LLL. ^  Mais  Gregoir  ^connaît  un  Dieudonné  Raick  qui  ne 
paraît  faire  qu'un  avec  Denis  :  "  organiste  compositeur,  né  vers  1698, 
"  enterré  à  Anvers,  le  2  décembre  1764,  attaché  jadis  aux  jubés  des 
"  cathédrales  d'Anvers  et  de  Gand.  —  On  lui  doit  un  grand  nombre  de 
"  compositions  éditées  pour  le  clavecin.  Sa  musique  a  un  style  qui  dénote  | 
"  plus  de  science  que  celle  de  ses  contemporains  et  il  avait  des  connais- 
"  sances  approfondies  des  secrets  de  l'harmonie  et  du  contrepoint  (voir 
"  notre  première  édition  et  notre  ouvrage  :  Histoire  de  l'orgue).''  ]t  n'ai  pu 
"  me  procurer  ces  deux  ouvrages. 

"  XIL  Herman  François  Delange,  mort  à  Liège  en  1780.  Plu- 
"  sieurs  œuvres  de  Symphonie^  Liège  ;  de  même  qu'un  journal  de  musique^ 
"  sous  le  titre  du  Rossignol^  chez  Phillipart  ;  des  œuvres  d'église^  et  un 
"  opéra  avec  Dupéron,  joué  en  ..." 

Voir  plus  loin. 

'  lûc.  cit. 

*  loc.  cit. 

Voir  note  2,  page  647. 

*  Les  artistes  musiciens  belges.  Scliott  1899. 


UN  DOCUMENT  SUR  LA  MUSIQUE  BELGE    655 

"  XIII.  Georges  Wenick,  maître  de  chapelle  de  la  collégiale  Saint 
'  Denis,  mort  en  1760,  bon  organiste  et  savant  compositeur.  <âMesses, 
Motets,  'Psaumes,  qui  lui  ont  valu  une  réputation." 

Nous  ne  possédons  pas  d'autre  renseignement  sur  ce  musicien. 

"  XIV.  Henri  Moreau,  maître  de  chapelle  de   Saint  Paul,   corres- 

I'  pondant  de  l'Institut,  mort  à  Liège  en  1803,  à  l'âge  de  81  ans.  Ouvrages 

savants  :   ^yMesses,  plus   un  ouvrage  imprimé  à  Liège  chez  Loxhay,  en 

1783  ;   dont  voici  le  titre  :   F  Harmonie  mise  en  pratique  ;   un  second,  en 

manuscrit,  chez  sa  veuve,  intitulé  :   Nouveaux  principes  d'harmonie,  selon 

I  le  système  d'aAntonio  Ximénès.  Des  symphonies,  etc." 

Voir  plus  loin. 
j  "  XV.  Théodore  Paque,  Liège  1737,  mort  en  Pologne  vers  1790. 
!  Après  avoir  étudié  la  composition  à  Naples  pendant  neuf  ans,  au  Con- 
servatoire, il  fut  appelé  à  Turin  pour  composer  un  grand  opéra  qui  eut 
du  succès  ;  de  même  qu'à  Milan  et  à  Venise.  Il  partit  pour  la  Pologne, 
où  il  fut  directeur  de  l'Opéra  de  la  Cour  bien  des  années.  Il  a  aussi  fait 
plusieurs  éMesses  et  éMotets  à  grand  orchestre,  exécutés  à  la  cathédrale 
de  Liège." 

Pas  d'autres  documents. 

"  XVI.   Joseph    Léonard    Bernard,  maître   de   chapelle   de   Saint 

Denis,  né  à  Liège  en  1747,  mort  en  1780.  élève  de  Henri  Hamal  pour 

'  la  composition,  fit  de  grands  progrès  en  peu  de  temps  et   composa  des 

'  éMesses,  des  <3V[otets  et  des  'Psaumes  à  grand  orchestre,  exécutés  à  Saint 

'  Denis  avec  applaudissements." 

Pas  d'autres  documents. 

"  XVII.  Antoine  Gressnick,  né  à  Liège  en  1758,  mort  à  Paris  en 
'  1798,  enfant  de  chœur  à  la  cathédrale,  alla  à  Naples  où  il  étudia  pen- 
Tdant  huit  ans  la  composition  au  Conservatoire.  Après  avoir  renvoyé 
'plusieurs  ouvrages  à  Liège,  il  se  rendit  à  Lyon,  à  Paris,  etc.  Beaucoup 

'de  morceaux plusieurs  opéras  et  de  charmants  duos  pour  le  violon- 

'celle.  —  Il  fut  présenté  au  départ,  par  le  Jury  d'instruction  publique, 

'an  VI,  projet   d'école  par  Henri  Hamal,  par  le   au  ministre.  — 

"Décret  du   Directeur,  qui  assure  une  école,  Liège.  —  Avant  l'an  VI, 
"sn  l'an  IV,  note  remise,  sollicitations.  " 

Ces  paroles  un  peu  énigmatiques  se  rapportent  aux  démarches  faites 
pr  Henri  Hamal  en  faveur  de  la  création  d'une  école  de  musique. 
Voir  plus  loin. 


656  s.    I.    M. 

"  François  Leclercq,  etc." 

Voir  plus  loin. 

Ici  s'arrête  brusquement  la  copie  de  Terry  —  et  très  probablement 
le  texte  de  Hamal,  le  terme  "etc."  semblant  indiquer  chez  l'auteur  une 
certaine  lassitude. 

SECOND  FRAGMENT. 

N°    2.    4    FEUILLETS    GRAND    IN    8°,    DE    LA    MAIN    DE    HeNRI    HaMAL. 

"  I.  Henri  Moreau,  maître  de  chapelle  de  la  collégiale  Saint  Paul, 
"  membre  correspondant  de  l'Institut  national,  mort  à  Liège  en  1803, 
"  âgé  de  8 1  ans,  est  auteur  de  plusieurs  éMesses,  ^SMotets^  à  grand 
"  orchestre.  En  1783,  il  dédia  à  la  Société  d'Emulation  de  Liège  un 
"  ouvrage  élémentaire,  intitulé  :  T)e  P harmonie  mise  en  pratique^  imprimé  à 
"  Liège  chez  S.  G.  M.  Loxhay.  Un  autre  manuscrit  est  resté  dans  sa 
"  famille,  sous  le  titre  de  Nouveaux  principes  d'harmonie^  selon  le  système 
"  d'(iAntoine  Ximénes.  C'était  un  parfait  honnête  homme,  doux  et  fort 
"  modeste." 

Grégoir  ^  complète  ces  renseignements  :  Moreau  est  né  le  15  juillet 
1728.  En  1750,  il  était  déjà  maître  de  chapelle  de  la  collégiale  Saint 
Paul.  Il  fut  le  maître  de  Grétry  et  ce  dernier  lui  conserva  de  la  recon- 
naissance, car  il  le  fit  nommer  membre  correspondant  de  l'Institut  de 
France  en  1797.  Moreau  est  mort  le  3  novembre  1803. 

D'autre  part,  la  Gazette  de  Liège  annonce  : 

le  i^"^  novembre  1777,  six  trios  en  vente  chez  Latour,  sur  Meuse  et 
chez  Desoer. 

le  21  ventôse  an  VIII,  "  un  cours  de  composition  musicale  qu'il  donne 
au  cloître  Saint  Paul  (où  il  habite)  les  jours  impairs  de  9  J  à  11  heures, 
prix  (bien  modique!)  6  francs  par  mois,  payables  d'avance." 

Et  la  Gazette  Latour  : 

Le  19  germinal  an  X,  Moreau  dirigera  "  un  concert  à  la  Société 
d'Emulation,  le  22  germinal,  dans  lequel  on  exécutera  une  partie  du 
Stahat  mater  du  fameux  Haydn." 

Moreau  perdit  sa  place  de  maître  de  chapelle  lors  de  la  Révolution 

'  loc.  cit. 


UN  DOCUMENT  SUR  LA  MUSIQUE  BELGE    657 

Il  avait  dix  enfants  et  fut  réduit  à  la  plus  profonde  misère,  ainsi  du  reste 
que  bon  nombre  des  trois  cents  musiciens  de  la  ville,  qui  presque  tous 
tiraient  du  service  des  églises  la  grande  part  de  leurs  revenus.  Il  obtint 
l'an  VI  la  place  de  gardien  de  l'église  Saint  Paul,  dans  laquelle  sous  le 
nom  de  "mobilier  national"  on  avait  remisé  une  grande  partie  du  mobi- 
lier cultuel  de  la  ville  :  chasubles,  etc.  ^ 

C'est  peu  après  que  Moreau  annonça  ses  cours  de  composition. 
Certes,  il  dut  peiner  dur  jusqu'à  la  fin  de  son  existence,  c'est-à-dire  jus- 
qu'à jt^  ans  et  non  81  ans,  comme  le  dit  Hamal.  (1728-1803). 

Le  manuscrit  de  \ Harmonie  mise  en  pratique  se  trouve  dans  le  fonds 
Terry  dont  les  numéros  643,  644  et  645  sont  donnés  à  des  œuvres 
i'église  de  Moreau.  Je  viens  d'acheter  pour  ce  fonds  un  exemplaire  de 
'ouvrage  lui-même,  découvert  dans  un  catalogue  de  Bertling  à  Dresde. 

"  IL  Herman  François  Delange,  premier  violon  de  la  collégiale 
'  de  Saint  Paul,  mort  à  Liège  en  1781,  âgé  de  64  ans,  a  composé  plu- 
'  sieurs  œuvres  de  syfnphonies^  des  Messes,  des  Motets.  Il  est  auteur  d'un 
'  Journal  de  musique^  intitulé  Le  Rossignol,  imprimé  à  Liège,  en  1765  et 
'  1766,  chez  J.  B.  Phillipart.  Il  a  encore  composé  un  Opéra,  sous  le 
'  titre  de  Nicette,  qui. a  été  représenté  sur  le  théâtre  de  Liège,  en  1776. 
'  C'est  un  bon  musicien  ;  il  avait  étudié  à  Rome  sous  Giovanni  Costanzi, 
'  fameux  violoncelle  et  maître  de  chapelle  de  Saint  Pierre." 

Cette  note,  plus  détaillée  que  le  XII  du  premier  fragment,  peut  être 
j:omplétée  de  la  façon  suivante  : 

1°  Par  des  notes  éparses  de  Terry  :  Delange  est  né  en  1717;  il  existe 
le  lui  deux  messes  à  Namur  (Terry  ne  dit  pas  qui  les  possède),  un  Lauda 
'ion  en  re  à  Chatelet  et  M.  Bartholomè  (décédé  et  inconnu  aujourd'hui) 
n  possède  des  morceaux.  —  Delange  aurait  écrit  six  messes  à  4  voix, 
%  violons  et  orgue.  —  Nicette  ou  l'école  de  la  Vertu,  comédie  en  trois 
ctes  mêlée  d'ariettes  par  M.  le  Commissaire  Du  Perron  et  la  musique  de 
A.  F.  De  Lange,  citoyens  de  la  ville  de  Liège.  Représentée  pour  la 
•remière  fois  sur  le  théâtre  de  la  même  ville,  en  janvier  1776.  A  Liège 
•;hez  D.  de  Baubers,  imprimeur-libraire,  1776  in  8°  de  86  p.  Terry 
ahier  n°  54  p.  loo-i  13,  avec  un  résumé  de  la  pièce. 

2°  Par  mes  recherches  dans  les  ''''Avertissements^''  de  la  Gazette  de  Liège 

^  Gobert,  les  rues  de  Liège,  t.  III  p.  90.  Je  remercie  M.  Antoine  Auda  qui  a  bien  voulu  me  signaler  les 
nseignements  contenus  dans  cet  alinéa.  Son  travail  sur  Moreau  paraîtra  sous  peu  dans  le  Courrier  de  Saint 
f/goire. 

2 


658  s.    I.   M. 

de  1759  à  1782  \  j'ai  établi  que  Delange  avait  fait  paraître  les  œuvres 
suivantes.  Il  faut  toutefois  remarquer  que  Delange  porte  ici  les  prénoms: 
Ernest  F.  au  lieu  de  François  Herman.  Cette  raison  ne  me  paraît  pas 
suffisante  pour  faire  admettre  l'existence  de  deux  F.  Delange,  car  E  est 
l'initiale  de  Ermanno,  son  prénom  italianisé  et  Ernest  serait  une  addition 
fautive  à  l'initiale. 

Delange  annonce  : 

Le  19  octobre  1764  op.     7.  six  symphonies  à  huit. 

op.     8.  six  sonates  en  trio. 

Le  24  décembre  1764  la  publication  du  Rossignol'. 

Le  10  octobre  1766  op.     9.  six  symphonies  à  huit. 

Le  26  octobre  1767  op.  10.  six  symphonies  à  huit  avec  des  menuets. 

Le  22  juillet  1769  une  œuvre  de  trios. 

Et  enfin  le  Toton  harmonique.,  analogue  aux  dés  harmoniques.,  aux  cartes 
harmoniques^  au  ludus  melothedicus  qui  venaient  de  Paris  et  servaient  à 
composer  des  Menuets  en  tirant  au  sort  les  notes  à  écrire  et  en  suivant  un 
tableau  spécial  pour  composer  l'harmonie...  c'est  le  système  du  Genius 
moderne,  à  cette  différence  près  que  les  dés  d'aujourd'hui  servent  à  com- 
poser des  Valses  et  non  plus  des  Menuets.  —  La  biographie  Nationale  con- 
tient une  étude  documentaire  de  Terry  sur  Delange. 

"  IIL  Antoine  Gressnick,  d'abord  enfant  de  chœur  à  la  cathédrale; 
"  il  alla  ensuite  étudier  à  Naples,  au  Conservatoire  San  Onofrio,  puis  il 
"  vint  à  Paris,  où  il  a  composé  plusieurs  opéras.  Il  est  mort  l'an  VI.  Il 
"  faudrait  voir  le  Journal  de  Paris  de  cette  année  (?);  je  n'ai  pu  me  le 
"  procurer." 

La  triste  existence  de  Gressnick  est  suffisamment  connue  ^  pour  que 
nous  ne  nous  y  arrêtions  pas.  Je  publierai  prochainement  une  de  ses  lettres 
adressées  à  Hamal.  Il  est  regrettable  que  les  œuvres  de  Gressnick  soient 
pour  la  plupart  inconnues.  J'ai  fait  exécuter  avec  succès  un  air  de  sa 
composition  que  le  hasard  m'avait  procuré. 

"  IV.  Simon  Leclercq,  mort  à  Liège  en  1806,  âgé  de  70  ans, 
"  musicien  taille  de  la  cathédrale,  élève  des  Hamal,  alla  se  perfectionner 
"  à  Rome  à  l'école  de  l'abbé  Lustrini.  De  là,  il  passa  au  Conservatoire  de 

'  En  cours  de  publication  dans  la  h\'dt'rat'ton  Artistique  de  Bruxelles. 

''  M.  Clément  Charlier  a  lu  à  la  S.  M.  liégeoise  un  très  intéressant  travail  sur  ce  sujet  ;  il  sera  publié 
ultérieurement. 

^  Voir  L.  De  Sagher,  Les  musiciens  lit'geois,  Grétry,  Gressnick,  F.  N.  Hamal,  Bibliothèque  Gilon,  Verviei», 
sans  date,  épuisé. 


UN  DOCUMENT  SUR  LA  MUSIQUE  BELGE    659 

•'  San  Onofrio.  Ce  savant  musicien  revint  à  Liège  en  1770.  Il  s'est  distin- 
*  gué  tant  par  son  chant,  que  par  plusieurs  ouvrages  d'église  d'un  bon 
=*  goût.  " 

Leclercq  —  on  écrit  aussi  Leclerc  —  a  composé  beaucoup  de  musi- 
que religieuse.  Il  serait  important  d'établir  en  quelle  année  il  fut  nommé 
maître  de  chant  à  Strassbourg,  ce  qu'il  y  fit  en  cette  qualité  et  quand  il 
revint  à  Liège. 

Leclercq  avait  été  le  second  maître  de  Grétry,  qui  le  cite  dans  ses 
mémoires  \ 

"  V.  Henri  Guillaume  Hamal,  né  à  Liège  en  1685,  apprit  la 
■'  musique  de  Lambert  Pietkin,  savant  maître  de  musique  de  la  cathé- 
•*  drale  de  Liège.  Il  fit  en  très  peu  de  temps  des  progrès  rapides  dans  son 
■'  art  et  acquit  fort  jeune  une  grande  réputation,  tant  par  sa  belle  voix 
'  que  par  l'expression  et  le  goût  qu'il  mettait  dans  son  chant.  A  23  ans, 
'  il  fut  choisi  maître  de  musique  de  la  grande  église  de  la  ville  de  Saint 
'  Trond.  Quelque  temps  après,  il  revint  à  Liège  occuper  la  sous-maî- 
r  trise  de  Saint  Lambert.  C'est  lui  qui  a  fourni  les  meilleurs  musiciens  de 
'  Liège,  et  qui  a  commencé  à  introduire  le  goût  de  la  musique  italienne. 
j'*  Ses  ouvrages  en  musique  sont  des  Motets  en  tous  genres,  à  grand 
'  orchestre,  qu'on  a  exécutés  pendant  plus  de  quarante  ans  à  la  cathé- 
'^  drale  ;  des  cantates  en  Italien,  en  Français  et  en  Liégeois  qu'il  compo- 
'  sait  avec  une  facilité  étonnante,  ce  qui  le  faisait  rechercher  des 
•*  premières  maisons  de  Liège.  " 

Il  est  regrettable  que  Henri  Hamal  ne  nous  ait  pas  laissé  sur  son 
^rand'père  des  souvenirs  plus  détaillés.  Si  nous  ajoutons  ceux  compris  dans 
ies  trois  manuscrits  —  celui  de  Jorissenne  et  les  deux  de  Terry  —  nous 
arrivons  à  des  notions  encore  très  incomplètes  sur  ce  musicien  qui  a  joui 
d'une  énorme  réputation  et  qui  a,  avec  Dupont,  imposé  la  musique 
italienne  à  Liège.  Certes  nous  avons  la  biographie  signée  L  L  L  ^  ;  elle  est 
pourtant  incomplète. 

Jusqu'ici  je  n'ai  pu  découvrir  de  musique  de  Henri  Guillaume 
Hamal.  Peut-être  le  fonds  Terry  en  contient-il,  bien  que  probablement 
:et  improvisateur  ait  peu  publié  et  que  sa  musique  religieuse  dût  être 
détruite  avec  la  bibliothèque  de  la  cathédrale. 

"  VI.  Jean  Noël  Hamal,  fils  du  précédent,   nacquit  à  Liège,  le 

'  Voir  Grégoir  loc.  cit.  premier  supplément. 
Voir  note  z,  page  647. 


66o  S.   I.    M. 

"23  décembre  de  l'an  1709,  mort  en  1778.  Il  reçut  de  son  père  les 
"  premiers  principes  du  chant,  et  ceux  de  la  composition  de  Henri 
"  Dupont.  Les  grandes  dispositions  que  le  jeune  Hamal  montra  pour  la 
"  composition  déterminèrent  ses  parents  à  le  faire  partir  en  1728  pour 
*'  Rome.  11  fit  de  si  grands  progrès  sous  la  direction  de  Monsieur  Joseph 
"  Amadori,  qu'il  (Amadori)  exécutait  les  musiques  du  jeune  Hamal  dans 
"  les  églises  de  Rome.  Le  chapitre  cathédral  apprenant  les  grands  progrès 
'*  de  Hamal,  lui  conféra  en  173 1  un  bénéfice  pour  se  l'attacher,  et  en 
*'  attendant  que  la  maîtrise  vint  vaquer.  Ayant  déployé  un  talent  extra- 
*'  ordinaire,  il  obtint  en  1738  la  place  de  maître  de  musique  de  la  cathé- 
"  drale.  Pour  lors,  il  se  fit  heureuse  révolution  dans  la  musique  à  Liège. 
*'  Les  chanoines  tréfonciers  secondèrent  le  zèle  de  Hamal,  en  augmentant 
"  le  nombre  des  musiciens  et  devenant  plus  difficiles  sur  le  choix  des 
"  sujets.  Hamal,  de  son  côté,  se  livra  au  travail  avec  une  ardeur  nouvelle;  | 
*'  et  ses  savantes  compositions.  Messes,  Motets,  Psaumes,  à  grand  orchestre, 
"  établirent  sa  réputation.  Ces  succès  ne  l'éblouirent  point  ;  il  crut  qu'un 
"  second  voyage  en  Italie  ajouterait  à  ses  connaissances.  Il  partit  en  con- 
"  séquence  en  1749  pour   Rome,  où  il  trouva  la  musique  bien  changée. 

"  Il  lia  connaissance  avec  plusieurs  grands  maîtres,  entre  autres  avec 
*'  le  fameux  Nicolas  Jomelli,  alors  maître  de  musique  à  Saint  Pierre,  qui 
*'  l'accueillit  avec  une  distinction  bien  flatteuse.  De  Rome,  Hamal  passa  à 
*'  Naples,  où  il  se  lia  d'une  amitié  très  étroite  avec  François  Durante,  le 
"  plus  savant  musicien  du  siècle,  et  sur  lequel  les  ouvrages  de  notre  auteur 
*'  firent  la  plus  grande  sensation.  Il  revint  à  Liège  en  1750.  Peu  de 
"  temps  après,  il  composa  deux  oratorios  :  Jonaîhas  et  Judith,  quatre  opé- 
"  ras  liégeois,  intitulés  :  hi  Voëgge  di  Chôfontaine,  es  treus  act  ;  li  Ligeoi 
"  ^S^ê^->  ^^  deux  parteies  ;  li  Fiesse  di  Houtesip/ou,  opéra  comique  es  treus 
*'  parteies  ;  les  Hypocontes,  opéra  hurle  s  s  es  treus  act,  avou  des  grands  chœurs; 
"  beaucoup  d'ouvrages  d'église  tels  que  <£Messes,  <3\Iotets,  Psaumes,  Litû- 
"  nies  à  grand  orchestre  ;  quatre  œuvres  de  symphonies  gravées  à  Paris  en 
"  1743,  chez  M.  Leclerc  et  à  Liège  chez  Benoît  Andrez,  un  ///  exitu 
"  Israël,  à  deux  orchestres,  qui  mit  le  comble  à  sa  réputation.  " 

La  biographie  de  L.  L.  L.  est  encore  incomplète.  De  Sagher  '  donne 
plus   de   détails.  J'ai    établi  ^   que  Jean   Nocl   Hamal  avait  été  l'un  des 

'  Voir  note  3,  pa^c  658. 

*  Le  Fédération  ArtistirjUf,  des  i  et  7  mars  1  908  et  communications  faites  à  la  XXI'"*  session  du  Congre»  de  U 
fédération  archéologique  tt  historitiue  de  Belgique,  Liège  1909. 


UN  DOCUMENT  SUR  LA  MUSIQUE  BELGE    66 1 

premiers  protagonistes  de  la  forme-sonate,  et  j'ai  fait  exécuter  à  VŒuvre 
des  Artistes  de  Liège  deux  airs  à' In  exitu  Israël  ainsi  que  le  quatuor  op.  i 
n"  I.  Mais  Hamal  mérite  d'autres  études,  d'autres  exécutions. 

Ses  œuvres,  comme  celles  de  son  ami  Jomelli,  nous  réservent  peut- 
être  des  surprises,  et  si  l'on  a  dit  que  Jomelli  avait  inspiré  Gluck',  on 
trouvera  peut-être  quelque  jour  que  J.  N.  Hamal  n'a  pas  été  sans  influence 
sur  Johann  Stamitz. 

D""    Dw^ELSHAUVERS. 


'  Hermann  Kretzschmar. 


IMPRESSIONS   MUSICALES  DE  JEUNESSE 


PASDELOUP  ET  LES    CONCERTS 
POPULAIRES 

J'ai  décrit,  dans  un  article  précédent,  ^  le  temple  de  la  Musique  (ven 
1860).  A  cette  époque,  âge  héroïque  de  la  Symphonie,  le  temple  était 
un  hippodrome...  Et  je  disais,  pour  conclure,  qu'il  ne  fallait  pas  trop 
s'en  scandaliser.  D'abord,  la  forme  rayonnante  de  la  salle  favorisait  la 
convergence  des  auditeurs  ;  toutes  les  oreilles  se  tendaient  naturellement 
vers  un  centre  où,  les  soirs  de  cirque,  se  tendaient  les  yeux  :  et  cela  était 
propice  à  la  communion  des  esprits,  à  l'enthousiasme  sympathique.  — 
Et  puis  n'allait-elle  point,  la  Symphonie,  réitérer  —  d'une  façon  plus 
idéale,  s'entend,  —  les  jeux  olympiques,  en  ses  scherzi^  ses  allégros  pour 
ainsi  dire  athlétiques,  même  ses  atuiantes^  ses  adagios  rythmés,  procès 
sionnels  ? 

Car  c'est    un   caractère  de  l'Art  classique   allemand,  de  traduire  la 

'   Voir  S.  /.  M.  (lu  I  5  juillet  1909.    "  Impressions  musicales  d'enfance  et  de  jeunesse  ".  /.  Lfi  musiques  </< 
mon  enfance. 


IMPRESSIONS   MUSICALES  DE  JEUNESSE     663 

multiplicité,  la  splendide  variété  des  actes  musculaires,  de  restituer,  sous 
la  forme  immatérielle  du  son,  la  beauté  plastique  des  attitudes,  de  faire 
\':hanter  le  geste ^  en  un  mot...  Le  rythme^  cette  sagesse  qui  réglait  autrefois 
usqu'aux  emportements  dyonisiaques,  est  un  de  ces  rituels  qu'on  voudrait 
lémoder,  aujourd'hui  ;  mais  le  rythme  persistera  tant  que  la  marche 
ilternera  nos  pas,  que  la  vie  fera  palpiter,  sourdement,  notre  cœur,  et  se 
'loulever,  à  des  intervalles  égaux,  notre  sein. 

Or  j'allais  apprendre,  en  ce  palestre  ennobli,  spiritualisé,  en  cette 
)iste  où  galopaient  des  écuyères  en  cadence,  et  qui,  planchéiée,  devenue 
able  d'harmonie,  laissait  voir  60  archets  monter,  puis  descendre  en 
lessinant  une  trace  sonore,  j'allais  apprendre  cette  chose  qu'on  ne  sait 
)lus,  qu'on  paraît  avoir  oubliée  :  l'existence  du  lien  qui  rattache  le  geste 
!,  la  musique  ;  et  X eurythmie  m'allait  être  révélée,  qui,  de  belles  pensées, 
'légage  de  beaux  essors,  et  fait,  réciproquement,  de  ces  essors  mélodieux, 
lillir  la  pensée  pure,  l'expression. 

* 

I  Quelle  émotion  singulière,  déjà,  en  cette  rumeur  de  foule,  non 
lusicale  pourtant,  mais  qui  précède  la  musique  !  Irrégulière,  et  point 
oncertée,  cette  clameur  confuse,  préludant  au  concert,  monte  et  descend 
e  ton,  a  des  crescendo^  des  descrescendo  ;  elle  est  chaotique  —  ou  chroma- 
que,  si  l'on  veut  :  un  peu  à  la  manière  de  telles  musiques  très  modernes.... 
4ais  chut  !  Un  coup  d'archet  l'interrompt,  —  l'assourdit,  plutôt,  instan- 
Inément,  comme  si,  à  l'orgue  tumultueux  de  l'impatience  populaire,  on 
vait  mis  une  sourdine. 

I        Et  du  même  coup  s'éteint  l'autre  rumeur,  celle  des  instruments  qui 

laccordent....   Un   la   persévérant,   tenace  comme  la  justice,  rallie,  non 

ms  peine,   les   violons   s'essayant   encore   aux  arpèges,  les  contrebasses 

ourdonnant,  les  flûtes  roucoulant  leurs   gammes,  et   les   cors,  jusqu'au 

srnier  moment,  s'évertuant  à  clarifier  leur  voix. 

L'homme  qui,  dans  une  minute,  allait  déchaîner  d'un  geste  ces  élé- 
lents,  accaparait  tous  les  regards.  Il  était  petit,  trop  petit,  avec  une 
oaisse  et  longue  barbe  d'un  blond  fauve,  des  traits  fins,  une  voix 
enfant....  Son  nom  bizarre  de  Pasdeloup  suscitait  des  rapprochements 
.^ec  le  divin  Mozart,  qui,  chacun  sait,  avait  pour  prénom  Wolfgang. 
lais  le  fondateur  des  concerts  populaires  rappelait  beaucoup  moins  le 
albe  mondain  du  grand  maestro  que  la  figure  du  nain  Alberich,  dans  la 


It 


664  S.   I.   M. 

Tétralogie.  De  temps  en  temps,  l'excellent  homme  qu'était  cet  admirable  i 

initiateur  de  beauté,  raccourcissait  sa  barbe  de  fleuve  ;  et  c'était  aux  jours 

de  gala,  quand,  interrompant  Beethoven,  on  jouait  du  Gounod. 

I 
*  I 

Et  le  premier  Allegro^  comme  un  torrent,  s'écoulait....  c'est-à-dire  j 
qu'on  exécutait  le  premier  numéro  du  programme.  Ah  !  ces  programmes  ' 
du  Concert  populaire,  quel  éloquent  et  méthodique  enseignement  ils  ' 
déroulent  !  Je  les  recueillais,  un  à  un,  les  collectionnais  soigneusement! 
"^ro  memoria  ";  et  aujourd'hui,  je  regrette  de  les  avoir  perdus,  —  de  les  j 
avoir,  dans  une  crise  d'élimination,  jetés  au  panier....  Ils  seraient,  à  nos! 
fils  trop  "avertis,"  initiés  trop  tôt  aux  extrêmes,  le  témoignage  d'une! 
éducation  musicale  bien  ordonnée  qui  met  les  bœufs  devant  la  charrue,: 
trace  un  sillon  correct,  et  ne  précipite  rien. 

A  cet  âge  d'innocence  orchestrale,  on  ne  redoutait  pas  d'écouter,  en  | 
guise    de   prélude,   Haydn,  —  '■'' le  bojihomme  Haydn,'''  comme    on    disait  i 
alors,  avec  une  tendresse  d'arrière-petit-fils,  mais  sans  nul  sourire  équi-| 
voque.  Généralement,  une  de  ses  ii8  Symphonies  précédait  l'une  des  9I 
du   grand    Beethoven.    Puis  c'était    la    tour   de   Mozart,    d'être    mis  en 
contraste  avec  le  géant.  D'ailleurs  le  i^  Symphonie  de  ce  dernier  formait! 
naturellement  le  passage.  Les  3  ouvertures  de  Weber  servaient  de  pylônes 
introductoires,  et  sa  toute  gracieuse  Invitation  a  la  Valse  laissait  le  public 
s'écouler  vers  l'issue,  comme  à  travers  des  jardins  de  fête....   De  distance 
en    distance,   on   introduisait   Mendelssohn,  tel   un  aventurier   de   bonne 
compagnie,    qui   racontait    en    allemand    des   aventures    italiennes  ;   et  la 
porte  s'ouvrait  aussi  pour  Schumann,    rêveur   douloureux,    romantique, 
mais  qui  parlait  encore  la  bonne  langue.   Enfin,   par  une   courtoisie  toute 
académique,  l'harmonieux  Salon  des  Filles  du   Calvaire  laissait   pénétrer 
quelques   hommes  de  théâtre  présentant,  en  guise  de  carte,  une  Sinfonia  ; 
c'est    ainsi    que   nous   vîmes   un  jour  —    (oh  !    pure   exception),   le   nom 
d'Auber  imprimé  tout   près  de  ceux  de  Weber,  de  Schubert....  Evidem- 
ment, la  désinence  germanique  n'y  était  pour  rien  ;  mais,  à  tout  prendre, 
la  préface   instrumentale  de  la  '*■  Muette  de  Portici''  pouvait  passer  pour 
une  miniature  de  Symphonie. 

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Quand  la  brillante  Cec 
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IMPRESSIONS  MUSICALES  DE  JEUNESSE    665 

Le  public  de  ces  concerts  dits  populaires^  presque  exclusivement 
composé  de  professeurs  de  piano,  d'ailleurs  assez  pauvres,  apportait  à  ces 
auditions  un  zèle  d'attention,  et  aussi  une  ferveur  d'admiration  qui,  de 
nos  jours,  sembleraient  un  peu  surannés...  Et  cependant,  quelle  sponta- 
néité, quelle  sincérité  !  L'excellent  Pasdeloup,  adoré  comme  un  père, 
abusait  peut-être  un  peu  du  Septuor^  de  ce  grand  Septuor  aux  6  numé- 
ros successifs,  dont  Beethoven  lui-même  avait  fini  par  se  fatiguer  :  c'était 
le  plat  de  résistance,  et  le  plat  favori,  celui  qu'on  redemande  toujours  et 
quand  même.  Bien  sûrement,  nul  dans  l'auditoire  n'eût  pensé  que  cette 
musique  de  chambre  dilatée  jusqu'au  périmètre  orchestral,  pouvait  péri- 
cliter au  voisinage  de  la  Pastorale  ou  de  X Héroïque.,.,  Après  tout,  on 
avait  peut-être  raison  ;  et  maintenant  on  ne  le  joue  pas  assez,  ce  fameux 
Septuor  ;  il  serait  au  moins  instructif. 

Pour  faire  diversion  à  ces  morceaux  de  longue  haleine,  il  y  avait, 
par  exemple,  les  Scènes  d'enfants  de  Schumann.  Ces  jolies  pièces  très 
brèves,  —  ce  qui  ne  veut  pas  dire  très  concises,  trouvaient  un  succès 
tout  particulier,  un  franc  succès...  Et  plus  d'un,  dans  son  for  intérieur, 
était  reconnaissant  de  pouvoir  suivre,  une  fois  par  hasard,  de  la  musique 
savante  jusqu'au  bout. 

C'est  ainsi  qu'à  chaque  retour  de  saison,  nous  autres  habitués  reli- 
sions nos  auteurs  favoris  —  dans  l'original,  naturellement,  puisque  la 
Musique  est  une  langue  universelle.  Et,  dans  l'étroite  enceinte  du  Cirque 
d'hiver,  chaque  dimanche,  tandis  qu'au  dehors,  le  ciel  était  bas,  la 
îlumière  trouble,  la  rue  sordide  et  tumultueuse,  nous  vivions  trois  heures 
en  une  sorte  de  Paradis  tout  abstrait  où  le  ciel  bleu,  le  soleil  d'or,  le 
balancement  des  cimes  d'arbres  et  le  méandre  des  ruisseaux  se  substituaient 
.magiquement  aux  gradins  numérotés  d'un  luxe  sommaire,  éclairés  par 
|:des  carreaux  de  couleur  d'un  très  mauvais  goût. 

I  Et  chaque  année,  discrètement,  de  nouveaux  noms  venaient  s'inter- 

caler, sur  les  programmes  au  milieu  des  anciens,  des  "  hors  concours.  " 
Mais  l'auditoire,  si  docile  qu'il  pût  être  et  qu'il  fût,  avait  ses  crises  de 
rébellion  ;  et  ces  crises  coïncidaient  avec  des  moments  de  hardiesse,  —  ce 
que  j'appellerais  :  les  belles  audaces  de  Pasdeloup.  Quelque  dure  que  fût 
l'extrémité,  il  fallut  bien,  le  moment  venu,  imposer  Berlioz  d'abord,  puis 
Franck,  enfin  Wagner.  J'ai  gardé  toujours  dans  mon  souvenir  cette  après- 


666  S.   I.    M. 

midi  vraiment  mémorable,  où  l'hippodrome   des   concerts   populaires  fut 

secoué   par   un   double   orage  :  au  tumulte  de   l'ouverture  du  Tannhœuser^ 

jouée  trop  fort  par  des  musiciens  irrités,  peut-être,  se  mêlait  la  symphonie 

grandiose    et    terrible    d'une   salle    soulevée,    houleuse    comme   l'Océan, 

mêlant  elle-même  le  tonnerre  des  applaudissements  au  souffle  strident  des 

sifflets.  Tous   les  spectateurs  debout,  battant  des   deux  mains,  ou  jouant 

de  leurs  clefs,  quel  spectacle  !... 

Et    quand    on    pense    qu'aujourd'hui,    cette    ouverture    formidable 

coule,  sur  les  cordes  et  les  cuivres  apprivoisés,  avec  la  majesté  sereine  du 

vieux  Rhin.... 

* 

Mais  Pasdeloup,  depuis  longtemps,  n'est  plus  ;  Cirque  d'hiver  et 
Cirque  d'été  ne  résonnent,  désormais  que  sous  les  sabots  de  chevaux 
savants  ;  ils  ont  retrouvé  leurs  fins  premières.  Et  puis,  il  est  si  délicat  de 
parler  des  maîtres  vivants.... 

Quand  je  disais,  tout  à  l'heure,  que  les  concerts  Pasdeloup  réalisaient 
une  exposition  méthodique  de  l'Art  musical,  ce  n'était  pas  sans  quelque 
restriction.  Bach  et  Haendel,  en  effet,  ne  figuraient  que  rarement  sur  les 
programmes  :  la  multiplicité  des  voix  qu'il  eût  fallu,  sans  compter 
l'Orgue,  réduisait  ces  grands  ancêtres  aux  seules  œuvres  instrumentales, 
et  encore  !  D'autre  part,  l'archéologie  musicale  n'était  pas  assez  avancée 
pour  qu'on  pût  mettre  sur  les  pupitres  les  pièces  de  Josquin  des  Prés,  de 
Clément  Jannequin,  ou  de  Costeley.  Nous  sommes,  aujourd'hui,  mieux 
documentés  sur  les  origines  ;  mais  si  nos  regards  peuvent  se  porter  plus 
loin  et  plus  clairement  en  arrière,  —  ils  sont  quelque  peu  troublés,  dans 
le  présent,  par  l'évolution  si  rapide  de  l'Art  vers  la  complication  et 
l'indépendance.  Et  c'est  ainsi  que,  déroutés  par  Wagner  et  par  Debussy, 
nous  oublions  de  voir  en  Haydn  le  créateur  d'un  genre  à  longue  et  bril- 
lante fortune,  le  père  de  la  Symphonie  classique,  un  jalon  de  première 
importance,  un  point  de  départ.  C'est  même  un  trait  bizarre  de  notre 
époque,  que  cette  ferveur  rétrospective  pour  des  maîtres  beaucoup  plus 
vieux,  ferveur  qui  va  de  pair  avec  la  passion  de  l'ultra-moderne,  tandisquc 
l'auteur  de  la  Symphonie  de  la  Reine  n'est  presque  plus  joué,  —  et  à  peine 
écouté. 

Quelle  en  peut  être  la  raison  ?  La  faute  en  est-elle  à  Haydn  lui- 
même  —  où  à  notre  état  d'âme  .? 


IMPRESSIONS  MUSICALES  DE  JEUNESSE    667 

Cette  musique  a-t-elle  le  tort  de  précéder  de  trop   près  Beethoven, 

—  ou  bien  ne  sommes-nous  pas,  pour  l'entendre,  en  état  de  grâce  ?...  Je 
pencherais  pour  cette  dernière  opinion,  tout  en  admettant  sans  difficulté 
que  le  progrès  de  la  forme,  et  surtout  de  l'idée   dans  la  musique   instru- 

j  mentale,  a  fait  pâlir  un  peu  cette  première  étoile.  Mais,  en  Art,  il  faut 
)|se  défier  des  contrastes  ;  le  beau  simple  ne  peut-il  pas  être  "  tué,  "  comme 
on  dit,  momentanément,  par  un   beau  moins  parfait,  souvent,  mais  com- 
plexe, ou  agrandi   à   une  échelle  double  ?...  Quand  on  songe  que  la  Vénus 
de  Milo^  si  d'aventure  ou  la  réduisait  aux  proportions  d'une  statuette,  ne 
jtiendrait  peut-être  pas  devant  une  Baigneuse  de  Falconet,  par  exemple, 
[en  grandeur  normale....   Et  d'autre  part,  en  la  Nature  même,  après  avoir 
admiré   le   corps   gracieux   de   la  colombe,  —  que  le  faisan   doré    nous 
apparaisse,  ou  que  le  paon  déploie  sous  nos  yeux  son  éventail  de  plumes, 

—  est-ce  que  la  colombe  ne  devient  pas,  soudain,  bien  peu  de  chose  ?... 

Sans  recourir  au  pédantisme  pour  remettre  Haydn  en  honneur, 
sans  insister  sur  ce  fait,  qu'il  a  tiré  du  plan  de  la  Sonate  cette  forme 
symphonique  qu'on  pourrait  appeler  Sonate  d'orchestre,  —  le  sentiment 
>eul  de  son  génie  suffit  à  lui  faire  rendre  justice.  Et  c'est  ce  sentiment 
Ique  je  voudrais  communiquer,  car,  chose  incroyable,  j'aime  beaucoup 
Iplus  Haydn  aujourd'hui  qu'autrefois,  lorsqu'assis  sur  les  banquettes  du 
Cirque  d'hiver,  je  m'initiais  à  ses  rythmes  vifs,  à  ses  thèmes  si  francs, 
k  ses  développements  logiques  et  limpides....  Oui,  je  l'aime  aujourd'hui 
davantage,  malgré  que  j'aie  l'oreille  et  l'âme  remplies  de  tant  de  flots 
ionores,  —  et  peut-être,  justement,  parce  que.  Dût-on  me  juger  mal,  je 
l'avouerai  :  quand  les  flots  vs^agnériens,  ou  les  filets  subtils  des  ondes 
iebussystes,  ont  passé  sur  moi,  j'éprouve,  en  réentendant  Haydn,  le  plaisir 
qu'on  ressent,  lorsqu'après  les  cascades  de  Suisse,  ou  les  ruisseaux  com- 
pliqués du  Forez,  on  revoit  le  cours  de  la  Durance,  uni,  clair  et  vif. 

Mais  il  ne  semble  point  que  le  public  des  concerts  en  soit  là.  Peut- 
kre,  pour  le  convertir,  devrait-on  essayer  la  méthode  inverse  :  inaugurer 
des  séances  historiques,  où  la  jeune  Sonate  de  Philippe  Emmanuel,  la  suite 
ie  danse  et  même  le  folk-lore  musical  autrichien  mettraient  en  évidence 
a  genèse,  l'incubation  régulière  et  normale  de  la  Symphonie. 

Car,  on  l'a  souvent  entendue,  —  et  on  l'entend  encore  tous  les 
limanches,  la  Symphonie  ;  mais  si  l'on  en  saisit,  si  l'on  en  goûte  la  saveur, 

—  sait-on  exactement,  ce  qu'elle  est,  ce  qu'elle  représente  ?  A-t-on  bien 
a  notion  de  sa  nécessité,  — j'allais  dire  un  grand  mot  :  de  son  immanence  f... 


668  S.   I.    M. 

J'ai  bien  peur  que  cette  forme  souveraine  de  la  Musique  ne  se 
détruise,  en  se  transformant,  avant  qu'on  ait  connu  sa  signification,  sa 
vertu  secrète....  Et,  c'est  cette  vertu,  cette  signification  profonde,  autant 
qu'étendue,  que  j'aurais  l'ambition  de  dévoiler...  ;  oh  !  cela  très  discrète- 
ment, et  petit  à  petit,  en  franchissant  un  à  un  les  stades  d'Haydn  à 
Mozart,  et  de  Beethoven  à  Mendelsshon,  à  Schumann.  Après  eux,  la 
Symphonie,  ayant  atteint  le  terme  de  son  développement,  se  déformera, 
pour  se  conformer  ensuite  en  pohne  symphonique. 

* 

Mais,  détournant  nos  yeux  de  l'avenir,  reportons-les  en  arrière,  sur 
le  passé.  Lorsque,  de  ma  stalle  de  seconde,  en  ce  Cirque  Olympique 
devenu  temple  de  l'harmonie,  je  suivais,  docilement,  les  péripéties  de  la 
Symphonie  militaire,  —  ou  de  cette  autre  Symphonie  que  l'opinion  a  dédiée 
a  Marie-Antoinette,  quel  était,  au  juste,  mon  état  d'âme  ? 

Je  puis  faire,  a  distance,  une  réponse  dont  j'aurais  alors  été  incapable.! 
Ce  que  mon  âme  entrevoyait,  —  oh  !  bien  confusément,  en  ces  suites 
sonores,  c'est  ce  que  la  réflexion,  depuis,  m'a  fait  dégager  :  c'est-à-dire, 
tout  à  la  fois  une  voix,  —  un  geste,  —  nntjigure.  La  voix,  elle  se  révélait 
surtout  dans  les  Adagios,  ou  les  Andantes  ;  le  geste,  il  se  manifestait,  spé 
cialen">ent,  dans  les  Scherzos  ;  quant  aux  figures,  la  musique  les  dessinait  à 
mon  œil  interne  à  tous  les  moments  de  la  Symphonie  où  les  violons  ne 
"  chantaient  "  pas,  où  cordes  et  cuivres  ne  marquaient  plus  un  pas,  uni 
saut,  un  effort  nettement  rythmé. 

Cette  classification  n'est-elle  pas  absolument  naturelle.?  Ne  se  justific- 
t-elle  point  par  les  intentions  même  du  compositeur .?  Car  s'il  veutj 
exprimer  l'activité  purement  physique  en  ces  Menuets,  ces  Scherzos,  qui! 
dérivent  des  Danses  populaires,  et  représentent  à  l'oreille  une  diversionJ 
un  "divertissement,"  force  lui  sera  de  serrer  ses  phrases,  comme  on  tcnq 
ses  muscles,  et  de  les  diviser  en  périodes  rythmiques  conformes  aux 
mouvements  de  nos  membres.  Au  lieu  que,  visant  à  traduire  un  acte! 
psychique,  pensée,  sentiment,  interrogation,  décision,  le  musicien  prendra] 
pour  ainsi  dire,  des  attitudes  sonores  différentes  :  le  motif  intel/cctuet^ 
ou  sentimental  se  distinguera  du  motif  purement  dynamique  et  traducteu 
du  jeu,  par  ces  deux  traits  essentiels  :  plus  de  variété  dans  le  rythme 
et  plus  de  souplesse  dans  l'inflexion. 


IMPRESSIONS   MUSICALES  DE  JEUNESSE    669 

On  trouverait  mille  exemples  pour  démontrer  qu'en  passant  du 
tyle  rythmique  au  style  proprement  mélodique,  les  valeurs  respectives 
lu  rythme  et  de  l'inflexion  se  renversent,  de  sorte  qu'on  aurait  : 

^  dans  le  premier  cas,  et  -f  dans  le  second.  Et  notre  esprit  dès  lors 
hange  de  position  :  au  lieu  de  nous  offrir  une  image  de  mouvement^ 
bstrayant  plus  ou  moins  la  sensation  de  sonorité,  —  de  mouvement 
(luet,  c'est  le  geste  sonore  qu'il  évoque,  c'est  Vmjiepcion  de  voix,  c'est  la 
larole. 

Mais  puisque  la  parole  est  encore  un  geste^  en  réalité,  sa  traduction 
lusicale  ne  rejettera  point  le  rythme,  cette  division  nécessaire  de  tout 
ffort,  aussi  bien  moral  qu'organique  ;  seulement,  elle  en  affinera  les 
sssorts,  en  assouplira  la  rigidité  mécanique.  Ce  ne  sera  plus  la  répétition 
niforme  du  pas  dans  la  marche,  ou  la  brusquerie  de  l'élan,  ou  même  la 
onctualité  géométrique  des  attitudes  dans  les  exercices  du  corps  les  plus 
ompliqués,  et  les  plus  gracieux  ;  mais  on  y  percevra  la  dynamique 
îcrète  qui  règle  l'articulation  verbale  de  nos  pensées,  suivant  la  loi 
'économie  respiratoire  et  nerveuse. 

Et  c'est  là  ce  qui  justifie  cttiQ  persistance  de  r élément  rythmique  dans 
îs  épisodes  les  plus  pathétiques,  en  les  phases  les  plus  idéales  de  la 
ymphonie  classique.  Certains  s'en  étonnaient,  dans  les  propos  qu'on 
ent,  après  le  concert,  et  leur  sentiment  s'en  scandalisait  presque.  Un 
iiien  ami  (bien  peu  musicien,  il  est  vrai),  traduisait  ce  ressentiment 
rtistique  d'une  façon  naïve  et  quelque  peu  brutale.  Après  l'audition  d'un 
lorceau  d'Haydn  :  "  Qu'est-ce  que  cette  musique,  me  disait-il,  qui  fait 
Dujours  :  ta-ta-ta-ta-ra-ta-ta  .?..."  Je  ne  redirai  pas  à  son  sujet  le  vers 
iimeux  : 

"  Cet  homme,  évidemment,  n  aimait  pas  la  Musique.  "  Mais  je  pense 
iue  c'était  un  de  ces  aveugles  du  rythme,  rares  en  ce  temps-là,  et  qui 
)rment  aujourd'hui  une  catégorie  pathologique  assez  inquiétante.... 


*      * 


Les  âmes  qu'Haydn  n'a  pas  su  toucher,  comprendront-elles  jamais 
.  beauté  des  jeux,  des  ébats  puérils.?...  Qu'elles  aillent  donc  flâner  deux 
eures  dans  un  de  ces  jardins  où,  sous  le  feuillage  des  marroniers  banals, 
:  le  regard  non  moins  banal  des  mères  ou  des  bonnes  assises,  tout  un 
£tit  peuple  s'agite  et  se  trémousse. 


670  s.   I.   M. 

Pour  moi,  c'est  un  spectacle  qui  surpasse  toutes  les  coûteuses  re- 
présentations, et  les  chorégraphies  les  plus  esthétiques  ;  je  retrouve  là 
tous  les  rythmes,  et  toutes  les  inflexions  diverses  qui,  dans  les  Allégros 
du  vieux  maître,  et  tous  ces  morceaux  qu'on  appelle  des  "  inouvements^^^ 
m'avaient  tant  charmé.  Et  n'est-ce  pas  très  intéressant  de  trouver  une  chose 
dans  une  autre ^  et  de  sentir  vivre  tout  à  coup,  sous  forme  visible  et! 
familière,  les  jeux  abstraits  de  la  Sonorité  ?...  J'ai  fait,  d'ailleurs,  cette 
expérience,  que  l'observation  de  scènes  très  ordinaires,  de  gestes  courants, 
d'attitudes  et  de  physionomies  qu'on  voit  tous  les  jours,  était  une  école! 
excellente  pour  l'intelligence  de  l'Art.  Beaucoup  n'apprécient  point  ceti 
Art  comme  il  conviendrait,  parce  qu'ils  ont,  justement,  les  yeux  —  oui 
les  oreilles  tendues  sans  relâche  sur  les  ouvrages  artificiels.  A  force  de 
regarder  les  tableaux,  d'écouter  les  opéras,  les  symphonies,  leur  vue,  — 
leur  ouïe  se  concrétise,  pour  ainsi  parler,  et  se  cristallise  :  ils  deviennent  de 
terribles  amateurs,  des  critiques  sans  âme. 

Ceci  semble  paradoxal  ;  mais  pour  bien  comprendre  les  chefS' 
d'œuvre,  c'est  moins  le  texte  même  des  chefs  d'oeuvre  qu'il  faut  appro- 
fondir, que  le  monde  extérieur,  la  Nature,  et  la  nature  humaine.  Encore 
une  fois,  pour  bien  comprendre  Haydn,  et  l'aimer,  —  je  crois,  comme 
pour  Fra  Angelico,  qu'il  faut  être  en  état  de  grâce. 

Maurice  Griveau. 


LA    BOURREE 
D'AUVERGNE 


De  toutes  nos  vieilles  danses  provinciales,  la  Bourrée  d'Auvergne  est 
ertainement  une  des  plus  vivaces  encore.  Elle  a  conservé  son  prestige  et 
on  charme  populaire.  Elle  fait  partie  de  toutes  nos  fêtes,  elle  accompagne 
t  extériorise  le  sentiment  musical  de  tout  un  terroir,  de  toute  une  race. 

D'où  vient  la  bourrée,  son  nom,  ses  gestes  et  sa  chorégraphie  ? 
''aut-il  voir  en  elle,  comme  on  l'a  voulu,  un  vestige  des  danses  maures  et 
rientales  que  l'Espagne  a  conservées  sous  le  nom  de  fandango,  habanera 
te  ?...  Faut-il  rattacher  sa  gaillardise  à  la  danse  du  ventre  ?  Et  comment 
oncilier  ses  trois  temps  avec  le  mouvement  binaire  de  la  bourrée  des 
:Vr    XVIP   XVIIP  siècles,  la  bourrée  de  Lully  et  de  Bach  ? 

Autant  de  graves  questions  que  j'abandonne  à  la  musicologie  propre- 
ment dite,  me  contentant  ici  de  fixer  en  quelques  pages  la  physionomie 
Livergnate  de  cette  aimable  danse. 

Comme  toutes  les  danses  locales  qui  ont  conservé  leur  figuration,  la 
ourrée  constitue  un  véritable  petit  scénario,  dont  l'amour  fait  les  frais, 
serait  difficile  de  donner  une  idée  de  la  bourrée  autrement  qu'en  disant 
ae  les  deux  danseurs  se  cherchent  et  se  fuient.  Cependant  le  rôle  de 
lacun  d'eux  est  bien  différent.  L'homme  hardi  danse,  le  bâton  suspendu 
1  bras,  d'un  air  faraud,  frappant  des  pieds  et  des  mains,  jetant  des  cris, 
a  femme,  à  la  fois  audacieuse  et  timide  attire  son  chevalier  et  le  fuit, 
éployant  une  ruse  calculée  et  de  tendres  artifices.  L'un  se  montre  pres- 
nt  l'autre  coquette.  C'est  comme  un  pourchas   amoureux  qui  tient  du 


672 


s.   I.   M. 


boléro,  du  quadrille  et  de  la  valse.  A  travers  les  figures  les  couples  se 
mêlent,  s'entrecroisent,  balançant  le  corps  et  la  tête,  levant  les  bras,  faisant 
claquer  les  doigts,  et  martelant  bruyamment  en  cadence  avec  les  pieds  la 
mesure  que  leur  donne  la  cabrette  (musette)  ou  la  vielle. 

Le  grand  charme  de  la  bourrée  est  sa  vivacité,  son  entrain  gaillard.  Et 
déjà  M™^  de  Sévigné  s'était  émerveillée  de  ce  jeu  rapide.  Lors  d'un  séjour 
à  Vichy  en  1 676  elle  écrivait  à  sa  fille  : 

"  Il  est  venu  ici  des  demoiselles  du  pays  avec  une  flûte,  qui  ont  dansé  la  bourrée  dans  la 
perfection.  C'est  ici  où  les  bohémiennes  puisent  leurs  agréments  ;  elles  font  des  dégognades  ou 
les  curés  trouvent  un  peu  à  redire.  " 

Et  quelques  jours  après  encore,  le  26  mai  et  le  8  juin  : 

"  Les  femmes  dansaient  hier  des  bourrées  du  pays,  qui  s&nt  en  vérité  les  plus  jolies  du 
monde.  Il  y  a  beaucoup  de  mouvement  et  l'on  se  dégogne  extrêmement.  Mais,  si  on  avait,  à 
Versailles,  de  ces  sortes  de  danses  en  mascarades,  on  en  serait  ravi  par  la  nouveauté,  car  cela 
passe  encore  les  bohémiennes...  Tout  mon  déplaisir  c'est  que  vous  ne  voyiez  pas  danser  les 
bourrées  d'Auvergne,  c'est  la  plus  surprenante  chose  du  monde  ;  des  paysans,  des  paysannes, 
une  oreille  aussi  juste  que  vous,  une  légèreté,  une  disposition,  enfin  j'en  suis  folle,.. 

Il  y  a  avait  un  grand  garçon  déguisé  en  femme,  qui  me  divertit  fort.  Sa  jupe  était  toujours 
en  l'air  et  l'on  voyait  de  fort  belles  jambes.  ^  " 

0/2  se  dégogne^  écrit  la  marquise,  et  ce  mot  résume  bien  en  effet  tout 
l'artifice  de  ce  petit  mimodrame.  Il  existait  même  à  cette  époque  une  bour- 
rée qui  portait  le  nom  de  gognade^  et  que  le  rigoureux  Fléchier  poursuivit 
de  ces  critiques  épiscopales.   Nous  trouvons  en  effet  ce  passage  indigné  : 

"  On  ne  laisse  pas  d'avoir  encore  quelques  bourrées  et  Q^ç\.Q^t%go'ignades.  Ce  sont  deux  dan- 
ses qui  sont  dans  une  même  cadence  et  qui  ne  sont  différentes  qu'en  figures.  La  bourrée  d'Auvergne 
est  une  danse  gaie,  figurée,  agréable,  où  les  départs,  les  rencontres  et  les  mouvements  font  un  très 
bel  effet  et  divertissent  fort  les  spectateurs.  Mais  la  gognade  ajoute  sur  ce  fond  de  gaîté  de  la  bour- 
rée, une  broderie  d'imprudence,  et  l'on  peut  dire  que  c'est  la  danse  du  monde  la  plus  dissolue. 
Elle  se  soutient  par  des  pas  qui  paraissent  fort  déréglés,  qui  ne  laissent  pas  d'être  mesurés  et  justes, 
et  par  des  figures  qui  sont  très  hardies  et  qui  font  une  agitation  universelle  de  tout  le  corps.  Vous 
voyez  partir  la  dame  et  le  cavalier  avec  un  mouvement  de  tête  qui  accompagne  celui  des  pieds, 
et  qui  est  suivi  des  épaules  et  de  toutes  les  autres  parties  du  corps  qui  se  démontent  d'une  ma- 
nière très  indécente.  Ils  tournent  sur  un  pied,  fort  agilement,  ils  s'approchent,  se  rencontrent,  se 
joignent  l'un  à  l'autre  immodestement...  Je  ne  doute  point  que  ce  soit  une  imitation  des  Bac- 
chantes dont  on  parle  tant  dans  les  livres  anciens.  M.  l'évêque  d'Aleth  excomunie  dans  son 
diocèse  ceux  qui  dansent  de  cette  façon.  L'usage  en  est  pourtant  très  commui   en  Auvergne."  ^ 

La  gognade  n'existe  plus  et  Fléchier  ne  pourrait  s'indigner  contre  elle. 

Mais  la  bourrée  d'Auvergne  a  conservé  la  forme  d'une  rencontre  amoureuse. 

La  femme  s'y  montre  exquise  de  gaminerie   et  d'aimable  tactique. 

'  Ce  passage  montre  combien  la  bourrée  auvergnate  différait  de  la  bourrée  binaire  en  honneur  à  la  cour 
depuis  un  siècle  au  moins. 

*  Mémoires  sur  les  Grands  Jours  d'Auvergne  1665.  Ed.  Hachette  de  1862  p.  257. 


LA    BOURRÉE    D'AUVERGNE  673 

S'offre-t-elle  ?  C'est  un  déploiement  de  tous  ses  artifices.  Elle  sait  se  ren- 
dre désirable,  et  ne  néglige  rien  pour  séduire  le  danseur.  Ses  yeux  pren- 
nent une  expression  de  câlinerie,  parfois  son  regard  devient  canaille.  Un 
léger  déhanchement  découvre  à  dessein  une  ligne  souple  et  fuyante.  Son 
abandon  a  toute  la  grâce  et  la  naïveté  d'une  jeune  fille,  et  même,  s'il  le 
faut,  la  gaucherie  d'une  fillette.  Mais,  hâtons-nous  d'ajouter  que  dans 
cette  comédie,  qu'elle  vit  plutôt  qu'elle  ne  joue,  la  femme  mime  avec 
réserve  et  décence.  Dans  l'entraînement  de  son  jeu,  son  espièglerie  lui 
suggère  parfois  quelques  gestes  risqués  —  mais  si  légèrement  !  C'est  un 
charme  de  plus.  Et  tout  aussitôt,  les  yeux  baissés,  elle  paraît  confuse.  Sa 
tenue,  son  maintien  disent  d'ailleurs  assez  qu'elle  promet  véritablement 
plus  qu'elle  ne  peut  tenir,  et  si  le  cavalier  n'était  point  aveuglé,  il  ne  se 
méprendrait  pas  sur  les  promesses  de  la  belle  ! 

Mais  l'homme  est  aveugle  !  Séduit  par  les  débats  de  la  danse,  il  se 
laisse  berner.  Un  peu  fanfaron,  il  plastronne,  et  pose  pour  le  séducteur.  Il 
a  pour  lui  la  franchise,  une  franchise  naïve  et  presque  bête,  qui  sauve 
tout.  Il  se  laisse  prendre  et  ne  cache  point  son  jeu,  ni  même  sa  brutalité. 
Dame  !  La  vie  rude  de  nos  montagnes,  et  les  durs  travaux  des  champs  ne 
sont  guère  faits  pour  lui  donner  de  la  souplesse  et  de  la  grâce.  Il  danse 
comme  il  peut  et  comme  il  sait  danser,  lourdement,  bruyamment.  Et  s'il 
gesticule,  s'il  crie,  c'est  encore  une  façon  rustique  d'exprimer  sa  joie. 

Tel  est  ce  flirt  rustaud  et  fin  tout  à  la  fois,  exempt  de  perversité  et 
d'émotions  malsaines,  et  qui  demande  à  la  musique  de  le  soutenir  de  ses 
rythmes  et  de  ses  mélodies. 

La  mélodie  de  nos  bourrées  a  toujours  un  caractère  dolent  et  lan- 
goureux, qui  rappelle  la  monotonie  de  nos  paysages  et  la  tristesse  de  nos 
bois.  Jouée  sur  la  cabrette  et  créée  pour  elle,  elle  évoque  la  poésie  des 
souvenirs  champêtres,  simples  et  naïfs.  Cinq  notes  lui  suffisant  bien  sou- 
vent pour  poser  un  motif,  qui  ne  se  développera  guère. 

On  peut  dire,  d'une  façon  générale  qu'une  bourrée  se  compose  de 
huit  mesures  :  quatre  pour  le  thème,  quatre  pour  la  variante.  ^  Prenons 
comme  exemple  la  bourrée  fameuse,  dite  "  bourrée  d' Auvergne  "  : 


Parfois,  mais  très  rarement,  il  existe  une  seconde  variante  de   4   autres  mesures,  comme  dans  la  bourrée 
'^?ara  lou  loup  ",  que  me  signale  fort  aimablement  M.  Terisse,  secrétaire  de  la  mairie  d'Aurillac. 


67+ 


S.   I.  M. 


Ce  quatre  mesures  font  l'objet  d'une  reprise  immédiate,  sur  une 
expression  légèrement  plus  accentuée,  afin  d'avertir  les  danseurs  de  la 
tourne.  Soit  un  total  de  huit  mesures,  obtenu  par  répétition  A  +  A.  Puis 
vient  une  variante  de  quatre  autres  mesures  : 


rêA 


1 


i 


Wl  '  -g 


^—4 


•\j]    •\.)  '  '  1  V  "^  1 


qui  se  répète  aussi,  mais  dont  la  mesure  finale  est  altérée  pour  former  ca- 
dence ;  c'est  ce  qu'on  nommait  jadis  la  forme  ouverte  et  la  forme  fermée  : 


\jr-Q:: 


^«src^^La  danse,  ainsi  composée  de  A  +  A  +  B  +  C,  peut  être  jouée  de 
suite  et  répétée  autant  de  fois  qu'il  en  est  besoin,  iusqu'à  ce  que  le  cabret- 
taïre  (joueur  de  musette)  veuille  la  faire  cesser.  Fréquemment  celui-ci 
s'ingénie  à  trouver  des  variantes  ornées  ;  il  agrémente  les  thèmes  de  trio- 
lets, de  mordants,  de  diminutions...  mais  tout  en  respectant  scrupuleusement 
la  mesure,  et  les  reprises.  Sa  finale  définitive  est  marquée  par  un  cri  aigu 


LA    BOURRÉE    D'AUVERGNE  675 

de  la  cabrette,  dont  la  voix  se  meurt  subitement,  comme  un  pleur  étrange. 

Ainsi  caractérisé,  le  chant  plaintif  a  son  rôle  dans  la  bourrée.  Il 
symbolise  l'attitude  et  le  jeu  de  la  femme  ;  il  représente  le  caractère 
féminin  du  drame.  La  grâce  aisée,  franche,  la  simplicité  charmante  de  la 
mélodie  forment  le  commentaire  de  la  mimique  naïve  de  la  danseuse.  Ces 
échappées  qui  donnent  du  nerf  et  de  l'allure  aux  motifs  des  bourrées 
auvergnates,  ces  phrases  courtes  et  pimpantes,  laissent  l'impression  d'une 
légère  ironie,  qui  se  raille  de  la  suffisance  du  danseur.  Il  semble  que  la 
mélodie  soit  là  pour  nous  rappeler  qu'il  s'agit  d'une  petite  comédie, 
l'éternelle  comédie  de  la  passion  humaine. 

Et  voici  par  contre  le  rythme  qui  nous  montre  l'autre  aspect  du 
scénario  :  la  confiante  brutalité  de  l'homme  convaincu.  Le  rythme  est 
essentiel  dans  la  bourrée.  Au  point  qu'il  lui  arrive  de  se  suffire  tout  seul. 
En  l'absence  du  cabrettaïre,  on  voit  l'un  des  danseurs,  juché  sur  une  table, 
entonner  le  chant  d'une  bourrée,  qu'il  martèle  vigoureusement  du  pied. 
Puis,  insensiblement,  son  fredonnement  diminue,  il  ne  chante  plus.  Son 
talon  suffit  à  faire  tourner  les  couples  jusqu'au  petit  jour. 

Comme  la  trochée  des  Grecs,  la  bourrée  se  note  en  un  mouvement 
de  3/8  de  forme  thétique^  c'est  à  dire  en  appuyant  sur  le  premier  et  le 
troisième  temps  ;  et  en  rendant  le  deuxième  temps  léger.  D'ordinaire  le 
cabrettaïre  accentue  le  troisième  temps  du  talon  gauche  seul  et  le  premier 
des  deux  talons  réunis  ;  ou  bien,  il  se  sert  de  la  pointe  du  pied  droit  pour 
le  troisième  temps  et  du  talon  pour  le  premier.  Parfois  il  accentue  les 
trois  temps,  et  ses  deux  jambes  prises  d'un  tremblottement  nerveux  frappent 
continuellement  du  pied  et  des  talons.  Cela  se  produit  par  exemple  pour 
les  bourrées  dites  SVlontagnardes.  Mais,  dans  ce  cas,  il  s'arrange  toujours 
pour  faire  ressortir  les  appuis  des  premiers  et  troisièmes  temps.  Pour 
accuser  encore  la  sauvagerie  de  ce  rythme,  le  cabrettaïre  ajoute  fréquem- 
ment le  bruit  d'une  grelottière  assujettie  à  sa  cheville. 

C'est  ici  qu'une  comparaison  pourrait  s'établir  entre  la  bourrée  et  cer- 
taines danses  espagnoles  ;  l'analogie  des  grelots  et  des  tambourins  qui  en  sont 
souvent  pourvus,  est  assez  facile.  D'ailleurs  le  mouvement  de  la  bourrée 
est  un  allegro  vif,  joyeux,  nerveux,  saccadé,  plein  de  verve   méridionale. 

Dans  cette  pétulance,  la  mélodie  se  trouve  prise  comme  en  une 
étreinte  brutale  ;  sa  langueur  est  brutalisée,  contradiction  ironique  et 
charmante  !  Ce  dualisme  est  l'expression  même  de  la  vérité  et  il  donne 
raison  au  vieux  proverbe  des  anciens,  qui  disait  :    la  mélodie  est  femelle^  le 


676 


s.   I.    M. 


rythme  est  mâle.  Rien  n'est  plus  mâle,  en  effet,  que  la  turbulence  tapageuse 
de  cette  allure  monotone,  qui  soutient  et  encourage  le  jeu  du  danseur,  et 
met  en  branle  la  cadence  de  ses  gros  sabots.  Le  rythme  nous  dévoile  la 
psychologie  du  cavalier  montagnard,  et  nous  apprend  que  celui-ci  n'est  pas 
aussi  bon  enfant  qu'il  le  paraît.  Il  y  a  derrière  lui  un  fond  de  naturel  indomp- 
té, qui  perce  malgré  tout  et  que  divulgue  cet  acharnement  des  rythmes. 

Scénario,  melos  et  rythme,^  ces  trois  éléments  se  complètent  à  mer- 
veille et  donnent  un  tout  ingénieux,  dont  l'homogénéité  captive,  et  assurera 
pendant  longtemps  encore  le  succès  de  la  bourrée  d'Auvergne.  _ 

Et  cependant,  cette  idylle  naïve  serait  d'un  piètre  effet,  si  elle  n'avait  J 
pour  interprètes  les  parfaits  artistes  que  sont  nos  danseurs.  Grâce  auH 
naturel  de  leur  jeu,  à  un  je  ne  sais  quoi  du  typique  qui  se  trahit  dans 
leur  interprétation,  cette  intrigue  ne  manque  jamais  ni  d'originalité  ni  de 
cachet.  A  tout  cela  se  mêle  le  chevrottement  particulier  de  la  cabrette 
et  son  timbre  perçant,  tout  à  fait  couleur  locale.  Il  faut  voir  nos  bourrées 
joyeusement  virées  les  jours  de  fêtes,  au  temps  des  fauchaisons.  C'est  un 
tableau  sans  mièvrerie,  ancien  par  les  traditions  qu'il  évoque,  et  toujours 
moderne  cependant  par  la  vie  qui  l'anime,  par  le  symbole  amoureux  dont 
il  cherche  à  nous  présenter  la  réalité.  C'est  l'âme  même  de  notre  pays,  de 
l'Auvergne.  Marius  Versepuy. 


LA  THEORIE  DE  LA  BOURREE 

Le  pas  de  bourrée  est  semblable  à  celui  de  la  valse  bostonnée,  plus  petit  sans  déhanche- 
ment, surtout  pour  la  femme.  Les  deux  danseurs  doivent  autant  que  possible  se  regarder,  soit 
de  face  soit  en  tournant  la  tête.  Il  faut  de  la  grâce,  comme  pour  une  danse  de  caractère,  et  il 
faut  de  l'entrain. 

La  bourrée  peut  se  danser  à  deux,  ou  à  quatre,  six,  huit  etc..  Ses  figures  sont  infiniment 
variées.  Dans  la  bourrée  de  St.  Flour  celles-ci  se  rapprochent  parfois  de  celles  des  quadrilles  : 
visites,  chaînes  des  dames  etc.. 

Une  des  plus  gracieuses  bourrées  à  quatre  est  celle  que  l'on  danse  à  Vic-sur-Cère.  Les 
figures  manquent  peut-être  un  peu  de  variétés,  car  elles  se  résument  à  d'interminables  croise- 
ments, mais  les  danseurs  saluent,  se  découvrent  avec  une  élégance  toute  française. 

La  Montagnarde  n'est  dansée  que  par  les  hommes,  leurs  bâtons  suspendus  aux  poignets. 
Le  caractère  est  guerrier.  Les  mains  reposent  constamment  devant  les  yeux  des  danseurs  ;  le 
pas  est  celui  d'une  marche  lourde  et  un  peu  sautée.  Rien  de  bien  gracieux,  mais  de  la 
sauvagerie. 

'  L'allure  un  peu  accélérée  de  nos  bourrées  ne  permet  guère  de  les  revêtir  de  paroles  bien  intéressantes.  Le 
développement  littéraire  n'est  pas  ici  à  sa  place.  La  bourrée  est  essentiellement  musicale.  Néanmoins  elle  est 
fréquemment  chantée  sur  des  paroles  vives,  de  patois  auvergnat.  Mais  ces  paroles  font  bien  l'effet  d'une  super- 
fétation,  ou  d'un  procédé  commode  pour  se  passer  de  la  cabrette. 


J 


La  Bourrée  d'Auvergne 


à    deux' 


FIGURE    I 


LU;  f    1,    ÛÙI  V^   l|-\n-^ 


Le  couple  se   tient   par   les   mains.   Sur  les   quatre    premières    mesures  il  tourne  à  droite, 

l'épaule  gauche   du  danseur   frôlant;  =4'épaule  gauche    de   la    danseuse.    Puis,   durant  les   quatre 

mesures  suivantes,   qui  forment  la  répétition  des  premières,  le  mouvement  à  lieu  à  2;auche,  et 
les  épaules  droites  se  touchent. 


678 


s.   I.   M. 


FIGURE    2 


^      ^     ,  -^  *^ 


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il: 


"■a^ 


5 


s^   >■* 


s 


Le  danseur  prend  de  sa  main  gauche  la  main  de  la  danseuse,  et  durant  quatre  mesures  ils 
tournent  lentement. 


(bh  ^    1 


Puis  le  mouvement  a  lieu  en  sens  inverse  pendant  les  quatre  mesures  suivantes.  Durant 
cette  figure  le  danseur  place  sa  danseuse  et  s'en  éloigne  pour  lui  faire  vis  à  vis.  Les  deux- 
danseurs  se  trouvent  alors  dans  la  position  de  la  figure  3,  et  commencent  la  figure  la  plus 
généralement  connue  de  la  bourrée. 


LA    BOURRKF   T)\AUVKRGNE 


679 


FIGURE    3 


'iX^j  '^'^'M 


5 


pi^       1  — ^ 


^ 


^ 


^ 


Durant  ces  huit  mesures  les  danseurs  échangent  leurs  places,  en  conservant  toujours  le 
pas  de  la  bourrée.  Au  point  de  croisement,  ils  s'effleurent  légèrement.  Pendant  les  huit  mesures 
suivantes  ils  accomplissent  le  rétour  à  leurs  positions  primitives.  Ce  mouvement  af'lieu  en 
virant,  c'est  à  dire  en  "valsant.  Ce  croisement  constitue  le  principal  et  bien  souvent  l'unique 
figure  de  nos  bourrées  communes.  On  vire  ainsi  durant  des  heures,  tant  que  le  cabrettaïre  a  de 
souffle. 


68o 


S.    î. 


FIGURE    4 


rs   i    P    J     I  J 


^  --. 

^  ^ 


m 


A=^ 


_»-_ : 


Dans  certains  villages,  après  avoir  exécuté  la  figure  3,  l'homme  fait  vis  à  \  is  à  sa  danseuse, 
et  très  proche  d'elle,  avance  en  la  faisant  reculer.  Puis  ce  mouvement  se  danse  en  sens  inverse, 
et  c'est  le  danseur  qui  recule  pendant  que  la  femme  suit. 


LA   BOURREE   D'AUVERGNE 


68i 


FIGURE    5 


i^^ 


eiT=È=t 


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JS^Z 


-^ — ^^ 


li 


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:5=T 


T 


ay 


:é 


La  femme  tourne  autour  du  danseur.  Celui-ci  reste  en  place,  marquant  violemment 
quatre  mesures  du  pied  droit,  puis  quatre  mesures  du  pied  gauche.  Et  la  figure  se  répète,  la 
danseuse  prenant  la  place  et  le  rôle  du  danseur.  Pour  terminer  une  bourrée  complète,  ainsi  que 
je  l'ai  vu  parfois  danser  en  Haute  Auvergne,  le  couple,  après  cette  dernière  figure  reprend  la 
première  pose,  pour  s'arrêter  après  les  croisements. 


Bourrée  des  Foulards 


FIGURE    I 


CIkuiuc  danseur  fait  danser  deux  ieninies.  J/honimese  [ilacc  entre  ses  deux  danscusi- 
tenant  de  eliaque  inain  Us  houts  tic  deux  foulards  dont  les  autres- extrémités  sont  tenues  p.i 
les  deux  femmes.  Les  figures  sont  celles  île  la  bourrée  i)rdinaire,  mais  les  danseuses  retenue- 
par  les    foulards,  dansent  toujours   par   groupes   île   trois.   Ces  foulards  sont  constamment  agite- 

(lar  l'Iionunr,  (pii  lr\e  ses  liras  riin  apirs  rautie. 


BOURREE  DES   FOULARDS 


683 


FIGURE    2 


:  Un  trio  danse  encore  sur  place.  Le  danseur  du  vis  à  vis  prenant  sa  cavalière  de  droite  par 
'a  taille  la  fait  passer  sous  le  foulard  de  sa  cavalière  de  gauche,  et  ramène  ainsi  la  première  à  sa 
alace.  De  même  avec  la  cavalière  de  gauche.  Et  le  second  trio  en  fait  autant. 


68 


+ 


S.   I.    M. 


N 


FIGURE". 3 

Loisciu'il  y  a  plus  ilc  deux  groupes  de  trois  pour  cette  bourrée  les  danseurs,  on  conservant 
toujours  le  pas  de  la  bourrée,  et  réunissant  dans  leur  maifi  droite  les  deux  foulards  conduisent 
leurs  danseuses  au  plus  grand  danseur.  Celni-i  i  réunit  dans  sa  main  droite  tous  les  bouts  de 
foulard  et  arrive  ainsi  à  avoir  autour  de  lui  toutes  Us  danseuses.  Levant  alors  le  bras,  il  setrou\c 
au  centre  d'un  ccrlc  d'où  les  foulards  rayonntiit  m  parapluie.  Les  tlanseuses  font  un  tour  à 
droite  puis  un  tour  à  gauclie,  cependant  ijue  les  hommes  dansent  sur  place.  Puis,  ceux-ci 
viennent  reprendre  leurs  tianseuses,  laissant  glisser  leius  mains  sur  les  foul.ucls  pour  ne  pas  les 
laisser  choir...  Lentement  les  ilanseuses  passent  sous  les  foulanls  et  tiiiniiunt  par  une  révérence. 
Ces  figures  se  dansent  sur  cpiatre,  luu't,  sei/e  mesures,  suivant  l'éloigncnuiit  des  \is-à-vis. 


MEMOIRES  INEDITS  DE  STEPHEN  HELLER 

(Fin) 

Les  Comédiens  s'établirent  dans  la  grange,  qui  sur  un  coffre,  qui 
sur  un  matelas,  qui  sur  un  tas  de  guenilles  dramatiques.  On  plaça  le 
grand  paravent  sur  des  bancs  pour  s'en  servir  comme  de  table.  Trois  ou 
quatre  manteaux,  couleur  de  muraille,  provenant  de  la  dernière  conjura- 
tion de  Fiesque  servirent  de  nappe.  Pour  compléter  le  service  de  table 
on  apporta  des  poignards  ébréchés,  des  coutelas  rouilles,  des  bouts  de 
lances  dépareillés,  et  autres  armes  :  sur  la  table,  force  gobelets  d'étain  et 
lampions.  On  commença  à  boire,  à  manger,  à  chanter,  et  à  jurer  ;  ce  fut 
bientôt  un  vacarme  épouvantable.  Je  commençais  à  me  sentir  mal  à  l'aise, 
lorsque  Zerline,  assise  à  mes  côtés  me  fit  signe  de  la  suivre. 


686  S.  I.  M. 

Nous  allâmes  dans  une  petite  pièce  qui  sentait  singulièrement 
récurie  ;  elle  mit  une  nappe  blanche  sur  une  table  ;  des  fruits,  des  gâteaux 
et  du  vin  de  Tokay,  ce  noble  vin  de  ma  patrie,  qu'on  appelle  le  Roi  des 
Vins  et  le  Vin  des  Rois.  Elle  faisait  les  honneurs  avec  une  grâce  enchan- 
teresse ;  avant  de  me  faire  boire,  elle  effleurait  mon  verre,  de  ses  lèvres 
fraîches  et  vermeilles.  Elle  appuyait  doucement  son  bras  frais  et  rond  sur 
le  mien,  puis,  ôtant  la  flèche  d'or  de  ses  cheveux  et  couronna  ma  tête  de 
ses  longues  tresses. 

—  "  Dis   moi   franchement,   Maestro,  comment  me  trouves-tu  .?...  " 

—  "  Oh,  mais  tu  n'es  pas  une  femme  !  Je  crovais  que  des  êtres 
pareils  n'existaient  que  dans  ces  beaux  livres  que  je  lisais  en  cachette  au 
grenier  de  la  maison  paternelle.  " 

—  "  Oh,  Caro,  viens  avec  moi  ;  reste  avec  nous  ;  est-ce  que  cette 
vie  libre  et  indépendante  ne  t'attire  pas?  Tu  es  artiste,  tu  dois  aimer 
ce  changement  continuel,  ces  jours  d'orgueil  et  de  découragement,  ces 
triomphes  et  ces  humiliations,  cette  abondance  et  cette  misère;  tout 
cela  n'est  il  pas  fait  pour  t'attirer  invinciblement  ?  Tu  écriras  une  Sym- 
phonie héroïque  et  un  autre  Don  Juan,  où  il  n'y  aura  point  de  Mazetto. 
Tu  seras  mes  seules  amours  !  " 

—  "  Oh,  Zerline,  mais  je  me  sens  comme  en  délire...  Mais  dis  moi, 
il  me  semble  que  tu  es  mariée  avec  Mazetto .?  " 

—  "  Le  vin  et  l'amour  ont  troublé  ton  cerveau.  Tout  cela  n'était 
qu'un  jeu,  une  farce  sublime.  " 

—  "  Mais,  Zerlina,  je  me  rappelle  ;  tu  as  écouté  les  galanteries  d'un 
gentilhomme  qui  s'appelait  Don  Juan.  Oh,  un  bien  bel  homme,  et  si 
bien  mis.  " 

—  "  Laisse  donc,  chéri,  tout  cela  n'était  qu'un  jeu,  n'était  qu'une 
farce.  " 

—  "  Eh,  ce  que  vous  me  disiez  tout  à  l'heure  n'était  pas  une  farce 
aussi,  une  comédie?" 

—  "  O,  caro  giovino,  vois-tu  ces  yeux  ?  Etaient-ils  aussi  brillants 
quand  ils  regardaient  le  beau  gentilhomme?  Vois-tu  ce  sourire.  Etait-il 
aussi  radieux  ?  Et  cette  main,  pressait-elle  amoureusement  son  bras, 
comme  je  presse  en  ce  moment  le  tien  ? 

J'allais  tomber  évanoui,  dans  ses  bras  qui  s'ouvraient  pour  me 
soutenir  lorsqu'une  voix,  terrible,  se  fit  entendre. 


STEPHEN    HELLER  687 

La  porte  s'ouvrit  avec  fracas  et  mon  père  entra.  En  le  voyant,  je 
me  sentis  brisé  de  douleur.  "  Un  souvenir,  m'écriai-je,  un  souvenir, 
Zerline,  de  cette  soirée  !  " 

"  Ah,  je  t'en  donnerai,  des  mèches  de  cheveux  !  "  s'écria  mon  père 
furieux.  Et  je  sentis  ses  doigts  dans  ma  chevelure,  comme  s'il  eût  voulu 
me  donner  une  toute  autre  mèche  que  celle  que  je  désirais. 

Nous  traversâmes  la  grange  où  se  trouvaient  pèle  mêle  les  comédiens, 
les  officiers,  et  les  autres  convives,  couchés,  qui  sur  la  table,  qui  par 
terre,  grotesquement  affublés  de  manteaux  de  pourpre,  d'hermine, 
d'habits  vénitiens  et  de  casques  moyen  âge  ;  tous  ronflant  à  faire  trembler 
les  planches,  naguère  spectatrices  de  leur  grandeur. 

Mon  père,  armé  d'un  misérable  rat  de  cave,  trébucha  sur  plusieurs 
premiers  lieutenants  qui  lui  barraient  le  chemin  et  sa  crainte  d'avoir 
offensé  la  force  armée  fit  une  diversion  utile  à  sa  colère. 

Arrivé  à  l'auberge  —  il  était  bien  minuit  —  il  me  dit  d'une  voix 
assez  douce  : 

—  "  Va  te  coucher,  scélérat  de  fils,  et  sois  prêt  demain  matin  à 
6  heures,  à  faire  nos  malles." 

—  "  Nos  malles,  répétai-je  ;  il  me  semble  qu'une  de  nos  malles  se 
trouve  actuellement  sous  la  garde  de  l'aubergiste  de  Bochina,  qui  l'a 
retenue,  en  manière  de  souvenir  de  notre  part.  " 

—  "  Je  sais  cela  aussi  bien  que  toi,  fils  dénaturé,  mais  j'ai  acheté 
une  seconde  malle  ici,  parce  que  nos  effets  ne  sauraient  tenir  en  une  seule." 

—  "  Pour  ce  qui  est  de  nos  effets,  j'espère  que  vous  avez  fait 
acquisition  d'une  toute  petite  malle.  D'ailleurs,  il  est  bon  d'avoir  toujours 
deux  malles  et  je  vous  conseille,  mon  père,  d'en  avoir  toujours  une  toute 
prête  à  laisser  aux  aubergistes,  en  gage  d'amitié." 

—  "  Tu  rabâches  toujours  la  même  chose  ;  va  te  coucher,  garçon, 
je  te  pardonne  tout." 

—  "  Mais  enfin,  vous  ne  pouvez  me  condamner  sans  m'avoir 
entendu." 

—  "  Silence,  je  te  répète  que  mon  pardon  t'est  assuré.  Mais  en 
revanche,  tu  improviseras  dans  deux  concerts  consécutifs,  que  je  vais 
monter  à  Galitzin." 

—  "  Oh,  mon  père,  ne  pardonnez  pas,  je  vous  en  prie.  J'ai  commis 
une  grave  faute  ;  j'ai  bu  du  vin  et  j'ai  beaucoup  mangé  ;  il  est  impossible 
que  vous  me  pardonniez...  oh,  je  ne  le  ferai  plus  de  longtemps...  Et  puis 


688  S.   I.   M. 

Zerline  m'a  prié   de  vouloir  bien   avoir  la  complaisance  de  l'aimer  d'un 
amour  éternel." 

—  "  Malheureux,  tu  déshonores  mes  cheveux  gris." 

—  "  Grisonnants,  mon  père,  ne  vous  abusez  pas." 

—  "  Et  qu'as-tu  répondu  à  l'insolente  proposition  de  M"^  Zerline  ?" 

—  "  |e  n'ai  pas  cru  devoir  refuser  un  aussi  léger  service.  Je  lui  ai 
promis  de  l'aimer  aussi  éternellement  que  je  pourrais." 

—  Tu  me  fais  des  contes.  D'ailleurs,  je  sais  que  tu  es  un  homme 
raisonnable.  Tu  as  quatorze  ans  maintenant  :  à  cet  âge,  et  grâce  à 
l'éducation  que  je  t'ai  donnée,  on  connaît  le  monde  et  les  hommes. 
Ainsi,  je  me  couche  tranquillement;  fais  en  autant,  sois  content  et  je  te 
promets  que  tu  dîneras  après  demain  au  plus  tard." 

Je  me  couchai  en  dévorant  mes  larmes.  Le  lendemain,  nous  quittâmes 
Leutschau.  Et  je  n'ai  plus  jamais  entendu  parler  de  Zerline. 

* 

Une  Tournée  en  Hongrie. 

Nous  fîmes  un  voyage  affreux,  de  Cracovie  à  Varsovie  ;  c'était  en 
1828-29  et  l'hiver,  même  pour  la  Pologne,  était  des  plus  rigoureux. 
Nous  fûmes  huit  jours  en  route,  souffrant  horriblement  du  froid,  de  la 
faim,  et  de  la  crainte  de  voir  apparaître  des  loups  affamés  :  notre  cocher 
croyait  déjà  les  entendre  hurler  au  loin,  et  tenait,  comme  c'est  l'usage 
en  Pologne,  un  cheval  débridé,  à  côté  de  ceux  qui  traînaient  la  voiture, 
pour  l'abandonner  aux  loups  en  cas  de  danger.  Ils  seraient  tombés  tous 
sur  le  malheureux  animal  et  auraient  laissé  aux  autres  le  temps  de 
s'enfuir. 

Il  n'y  a  ni  chemins,  ni  auberges,  ni  village,  jusqu'à  Rodom,  à  cent 
verstes  de  Varsovie.  Nous  avions  un  peu  de  jambon  et  du  pain,  que  le 
froid  avait  rendus  presque  immangeables.  Un  peu  d'eau  de  vie,  dont  le 
froid  ôtait  toute  la  force,  nous  ravivait  de  temps  à  autre.  Nous  grelottions 
dans  nos  petits  manteaux  de  drap.  On  avait  bien  conseille  à  mon  père  de 
se  pourvoir  de  quelques  pelisses,  mais  il  avait  saisi  cette  occasion  de 
m'apprendre  à  supjKorter  le  froid.  Et  lui,  pauvre  père,  n'en  souffrait-il  pas  f 
Je  le  vois  encore  tout  transi  sous  cette  glace  neigeuse,  qui  dans  ce  pays 
abominable  vous  blesse,  comme  autant  de  coups  d'épingles. 


STEPHEN    HELLER  689 

Plusieurs  fois,  nous  dûmes  nous  frotter  le  nez,  les  mains  et  les 
oreilles  avec  de  la  neige,  pour  les  raviver,  car  on  ne  les  sentait  plus. 

Enfin,  nous  arrivâmes  à  Varsovie.  Mon  père  était  sain  et  sauf,  mais 
moi,  je  tombai  malade.  Aujourd'hui  ;  je  bénis  mon  père  de  ce  voyage 
terrible.  J'en  suis  sorti  parfaitement  bien  et  je  sais  ce  que  c'est  que  le 
froid.  Mon  père  me  soigna  avec  une  tendresse  et  un  amour  qui  me  firent 
un  bien  immense.  Je  vis  son  cœur  sous  cette  écorce  qui  l'enveloppait  si 
rudement  ;  mon  amour  et  ma  vénération  pour  lui  redoublèrent. 

Nous  arrivâmes  à  Bartfeld,  aux  confins  de  la  Pologne  et  de  la  Hon- 
grie, au  mois  de  Juin  1828.  La  ville  était  remplie  de  magnats  hongrois 
qui,  fiers  de  leur  compatriote  enfant  prodige,  me  comblèrent  de  préve- 
nances. Le  Comte  de  Szirmay,  un  des  plus  riches  propriétaires  de  Tokay 
était  seul  de  toute  la  ville  à  posséder  un  piano.  Il  me  le  prêta  pour  mon 
Concert,  qui  devait  se  donner  à  quatre  heures  de  l'après-midi  dans  la  salle 
de  Jeu.  Le  succès  d'un  Concert  dans  une  ville  d'eaux,  —  Bartfeld  est 
connu  en  Hongrie  par  ses  eaux  minérales  d'un  goût  exquis,  —  dépend 
surtout  du  temps  qu'il  fera.  Il  y  avait,  près  de  la  salle  de  jeu  une  petite 
colline,  qui  habituellement  se  couvrait  de  nuages  lorsque  le  temps  allait 
se  gâter.  Cent  fois  au  moins,  mon  père  alla  l'examiner  ;  son  anxiété  me 
donnait  un  inextinguible  fou  rire.  Enfin  ;  la  pluie  se  mit  à  tomber  tout 
doucement,  et  les  hôtels  de  Bartfeld  rentrèrent  pour  jouer  au  Pharaon,  au 
Macao,  les  jeux  de  hasard  les  plus  diaboliques  et  les  plus  aimés  des 
Hongrois.  La  banque  se  tenait  dans  la  salle  même  où  j'allais  jouer.  Mon 
généreux  protecteur,  le  Comte  de  Szirmay,  très  considéré  par  tout  le 
monde  à  cause  de  son  rang  et  de  sa  fortune  se  plaça  à  l'entrée  du  salon,  et 
obligea  tous  ceux  qui  y  entraient  pour  jouer,  à  prendre  un  billet  à  la  caisse 
établie  près  de  là,  et  tenue  par  son  heyduc^  espèce  de  valet  de  chambre  en 
uniforme  de  haute  fantaisie. 

Le  piano,  —  un  misérable  petit  piano  carré,  grand  comme  une 
table,  —  fut  apporté  par  un  domestique,  qui  le  transportait  sous  son 
bras,  et  le  Comte  vint  me  chercher  dans  mon  trou  d'attente  pour  me 
présenter  à  l'honorable  assemblée.  Un  hurrah  effroyable  me  salua  de  tous 
les  coins  de  la  salle.  Il  s'adressait  aussi  bien  à  mon  costume  qu'à  ma  répu- 
tation de  jeune  pianiste  hongrois.  Le  Comte  avait  obtenu  de  mon  père  la 
permission  de  me  faire  faire  un  petit  costume  national.  Il  détestait  l'habit, 
les  pantalons  et  la  cravate  blanche,  alors  de  rigueur  chez  tout  artiste.  Il 
m'avait   fait   faire  une  redingote   noire,   [bekescH]^   chamarrée  de   brande- 

4 


690  s.    I.   M. 

bourgs  de  soie  et  des  pantalons  collants,  également  ornés  de  dessins  pleins 
de  goût  et  de  simplicité  dans  leur  richesse  ;  puis  des  bottes,  (czismas)  qui 
se  mettaient  par  dessus  les  pantalons,  et  qui  arrivaient  à  la  hauteur  du 
mollet.  Une  cravate  noire  à  bouts  frangés  d'or  et  un  ca/pac,  espèce  de 
casquette  en  martre  doublée  de  velours  noir,  qui  ne  se  porte  jamais  sur  la 
tête  mais  sous  le  bras  gauche,  complétaient  ce  costume,  qui  m'allait  très 
bien. 

Une  misérable  troupe  de  Comédiens  qui  donnait  des  représentations 
à  Bartfeld  pendant  la  saison  d'été,  prêta  son  secours  de  remplissage  à  mon 
concert.  M"*  Célia,  soubrette  d'un  âge  avancé  et  d'un  port  grandiose, 
déclama  un  monologue  d'une  comédie  de  Kotzebue  ;  M.  Kalisch,  ténor 
de  la  première  scène  lyrique  de  Raab,  dit  un  air  de  Moïse  d'Elcia,  qu'il 
avait  lui-même  transposé  pour  ténor.  Enfin,  pour  la  bonne  bouche,  une 
bande  de  Zingaros  exécutèrent  sur  le  Cimbalon,  violon  et  basse  des  danses 
hongroises  merveilleusement  pittoresques. 

Pendant  toute  la  durée  du  Concert,  on  ne  cessa  de  fumer  de  magni- 
fiques pipes  d'écume  de  mer  et  de  jouer  au  Pharaon,  à  la  grande  table 
verte,  d'où  l'on  entendait  crier  :  'Œ^aroli^  Va  banque  !  le  tout  entremêlé  de 
cris  et  de  jurons,  comme  ne  les  possède  aucune  autre  langue. 

* 

Une  visite  a  Kalkbrenner   (1838). 

Ma  nouvelle  résidence  était  située  Cité  Bergère,  où  j'avais  une 
méchante  chambre,  passablement  obscure  et  humide.  Je  n'osais  demander 
du  bois,  car  mon  père  m'avait  dans  sa  dernière  lettre,  prévenu  sur  les 
dangers  de  cet  article  à  Paris. 

Avant  tout,  je  me  dirigeai  Rue  Cadet,  No  24,  où  demeurait  mon 
espérance  capitale,  mon  ancre  de  salut,  sous  le  nom  de  Kalkbrenner. 

Il  me  reçut  avec  un  sourire  innefiable,  qui  me  parut  d'un  triste 
présage.  La  première  question  qu'il  m'adressa  fut  celle-ci  :  combien 
d'argent  pouvez  vous  dépenser  à  Paris?  Mais,  M.  Kalkbrenner,  répondis- 
je  en  pâlissant,  aucun  argent,  vous  savez  bien  qu'un  artiste  n'a  point 
d'argent. 

"  Comment,  point  d'argent  !  est  ce  que  par  hasard,  je  ne  serais  point 
artiste,  moi  !  Je  suis  riche,  très  riche,  quoique  les  temps  soient  passés  où 


STEPHEN    HELLER  691 

je  gagnais  cent  vingt,  cent  trente,  et  même  cent  quarante  mille  livres  bon 
an  mal  an.  Voyez  un  peu  mon  appartement,  mon  cher  Stephen  ;  voyez, 
et  ne  soyez  pas  timide  avec  moi,  que  diable  :  on  ne  devient  pas  fier  en 
acquérant  un  nom  célèbre.  Voyez,  je  vous  prie,  (il  souriait  toujours,)  ce 
plafond,  ces  papiers,  ce  tapis,  ces  glaces  de  Venise,  ces  tableaux.  Avez- 
Vous  vu  de  pareils  appartements  dans  votre  pauvre  Allemagne,  chez  les 
pauvres  artistes  de  là-bas,  sans  fortune  comme  sans  réputation  .? 

Savez-vous  que  je  paie  neuf  mille  francs  de  loyer  .?  " 

Ici,  je  joignis  les  mains  et  je  dis  :  "  Ah,  M.  Kalkbrenner  !  " 

"  Venez,  mon  cher,  nous  irons  faire  un  tour.  Je  vous  présenterai  à 
mes  éditeurs  ;  mon  Dieu,  il  n'y  en  a  pas  d'autres  dans  Paris  !  — Je  composai 
avant  hier  une  charmante  pensée  fugitive  que  je  jouai  hier  soir  chez 
jyj-me  j'^ppony  \  on  répandit  des  larmes.  C'est  que,  voyez-vous,  mon  cher, 
c'est  peut-être  la  plus  belle  œuvre  qui  soit  jusqu'à  présent  sortie  de  ma 
plume.  Voulez-vous  l'entendre  .? 

"  Mais,  je  serais  trop  heureux  !  " 

"  Vous  allez  entendre  quelque  chose  de  neuf.  " 

Et  il  me  joua  un  méchant  petit  morceau,  vieux  d'invention  comme 
de  forme  ;  tiède  et  fort  comme  du  thé  qui  a  bouilli  dix  fois. 

Il  me  regarda  avec  une  espèce  d'avidité  qui  me  fit  faire  presque  à  mon 
insu,  des  contorsions  et  des  cabrioles  admiratives. 

Nous  sortons  ensemble.  Je  parle  ordinairement  un  peu  bas.  Le  bruit 
des  rues  de  Paris  couvre  ma  voix  ;  et  à  chaque  instant,  M.  Kalkbrenner  me 
crie  :  "  Parlez  haut,  très  haut.  On  voit  que  vous  êtes  habitué  aux  misé- 
rables petites  villes  d'Allemagne.  Pauvre  provincial  que  vous  êtes  !  Je  ferai 
non  seulement  votre  éducation  musicale,  mais  je  m'efforcerai  de  vous 
décrotter,  de  vous  rendre  présentable  à  Paris.  Voyez-vous,  mon  cher,  on 
vous  rirait  au  nez  si  vous  restiez  comme  vous  êtes.  Vous  êtes  gauche, 
timide,  vous  parlez  le  Français  horriblement  mal  ;  vous  marchez  d'un  air 
disgracieux  ;  vous  avez  l'air  trop  sérieux,  trop  mélancolique.  Enfin,  il 
faut  vous  régénérer  tout  à  fait,  je  vous  trouve  très  ridicule.  " 

"  Mais,  M.  Kalkbrenner,  fis-je,  il  me  semble  qu'on  ne  peut  trouver 
ridicule  un  homme  tout  à  fait  sans  prétention,  comme  moi.  " 

"  Si,  si,  mon  cher,  vous  ne  pouvez  oser  vous  montrer  dans  un  salon 
de  Paris.  Vous  ne  savez  pas  ce  que  c'est  qu'un  salon  de  Paris.  Voyez-vous, 
mon  cher,  j'ai  toujours  été  près  du  trône,  moi  ;  j'ai  conversé  avec  des  Rois, 
avec  des  Reines  ;  et  M""®  la  Duchesse  de  Berry  était  pour  moi  comme  une 


692  s.    I.    M. 

sœur  ne  Test  pas  pour  son  frère.  Cette  longue  pratique  avec  les  chefs 
d'une  grande  nation  m'a  donné  ces  manières  distinguées,  cette  aisance 
qu'on  me  voit.  Est-ce  que  vous  sauriez  parler  à  une  Duchesse,  vous  seriez 
bête  comme  une  oie  !  Moi,  je  donne  des  leçons  à  Son  Altesse  Royale  la 
Duchesse  d'Orléans.  Charmante  femme  que  cette  Duchesse  d'Orléans  ! 
Je  crois  très  importante  ma  mission  d'inculquer  les  principes  de  mon  art 
à  une  princesse  qui  un  jour  sera  Reine  !  !  !  Cela  influera  sur  le  pays  qu'elle 
gouvernera.  On  me  bénira  alors,  parceque  j'aurai  été  son  maître....  Voyez 
comme  on  me  salue  de  toutes  parts....  je  ne  puis  faire  un  pas  sans  rencon- 
trer des  amis  intimes...  Celui  qui  vient  de  me  saluer  était  le  Duc  de 
Noailles.  Le  petit  gros  homme  avant  lui,  le  général  de  Sparre,  pair  de 
France....  Justement,  voici  la  Comtesse  d'Osmond;  "  ....  bonjour,  chère 
Comtesse,  êtes  vous  reposée  du  Raout  charmant  de  la  Princesse  de 
Belgiojoso  .?  " 

Nous  étions  arrivés  rue  Richelieu,  chez  l'éditeur  Schlesinger,  auquel 
M.  Kalkbrenner  me  présenta  en  disant  :  "  Cher  Maurice,  je  vous  présente 
un    nouvel  élève  à  moi  ;    il  joue,  et    il  compose  aussi  un   peu.  Mais  tout 

cela  est   pauvre,  petit  et  sans  style Enfin,  nous  le  formerons.  J'ai  vu 

quelques  articles  de  lui  dans  la  Gazette  de  Leipzick  :  pas  mal,  pas  mal  du 
tout.  Vous  pourriez  l'employer  pour  votre  journal  de  Musique.  Ainsi 
Blanchard,  ce  misérable,  vient  de  critiquer  ma  Polonaise  en  Ali.  Dites  à 
Stephen  de  faire  un  nouvel  article  sur  ma  Polonaise.  Il  est  capable  d'en 
comprendre  toutes  les  qualités.  " 

M.  Schlesinger  lui  répondit  :  "Avec  plaisir,  cher  Monsieur,  mais 
je  vous  prie  de  ne  pas  trop  me  presser  sur  l'argent  que  je  vous  dois  pour 
votre  fantaisie  brillante  op.  86  sur  Guido  et  Ginevra.  Je  n'ai  pas  d'argent, 
foi  d'honnête  homme,  mais  vous  aurez  l'article  demandé,  d'ici  quinze 
jours  dans  ma  Gazette  musicale.  " 

—  "  Vous  êtes  un  farceur,  mon  cher  Maurice,  reprit  M.  Kalkbren- 
ner, je  vous  connais.  Faites  passer  l'article  de  Stephen  sur  ma  Polonaise 
et  confiez  hii  encore  quelques  autres  œuvres  de  \\\o\. 

—  "  Mon  cher  Kalkbrenner,  je  vous  avoue  que  votre  fantaisie  bril- 
lante op.  86,  ne  va  pas  bien  ! 

—  "  Allons  donc,  vous  êtes,  parole  d'honneur,  le  [iicinier  éditeur 
qui  me  parle  ainsi  !  Je  vous  enrichis,  vous  auties  drôles " 

—  *'  Vous  autres  drôles  de  compositeurs,  vous  nous  donnez  pour  de 
bon  argent,  de  mauvaises  croûtes  !" 


STEPHEN    HELLER  693 

—  "  Que  vous  ne  nous  payez  pas,  coquins  d'éditeurs.  " 

—  "  Que  vous,  marauds,  vous  voudriez  voir  payées,  avant  de  les 
avoir  écrites.  " 

—  "  Vous  êtes  toujours  très  gai,  mon  cher  Maurice.  " 

—  "  Mais  oui,  je  ne  grave  en  ce  moment  aucun  morceau  de  vous.  " 

—  "  Ecoutez,  mon  cher  Maurice,  faites  passer  l'article  de  Stephen 
pour  dimanche  prochain.  " 

—  "  Vous  l'aurez,  vous  l'aurez,  mais  avouez  que  cela  paraîtra  fort 
étrange  de  voir  deux  articles  de  suite  sur  le  même  morceau.  Enfin,  ça  ne 
fait  rien  ;  mais  vous  ne  me  presserez  pas  quant  à  l'argent,  n'est  ce  pas, 
mon  cher  Kalkbrenner  .?  " 

—  "  Non,  non,  mais  que  je  voie  l'article  dimanche  prochain  !  " 

—  "  Vous  l'aurez,  cher  ami. 

—  "  Donc  adieu,  mon  cher  Maurice,  sans  rancune.  " 

—  "  Adieu,  mon  cher  Kalkbrenner,  sans  rancune.  " 

Je  vous  fais  grâce  de  mes  réflexions  pendant  ce  colloque.  C'était 
pour  moi  chose  toute  neuve  d'entendre  un  éditeur  parler  ainsi  à  un  artiste 
de  grand  renom.  Cette  manière  de  quêter  un  article  me  surprit  désagréa- 
blement. Et  puis,  M.  Kalkbrenner  avait  vraiment  une  singulière  façon  de 
me  recommander  ! 

Quelques  jours  après,  M.  Kalkbrenner  me  mena  dans  son  salon  où  je 
trouvai  un  jeune  homme,  qui  étudiait  en  compagnie  d'une  barre  de  bois 
sur  laquelle  étaient  appuyés  ses  avant-bras.  D'abord,  je  crus  que  c'étaient 
là  d'espèces  de  ceps,  où  les  mains  du  malheureux  patient  devaient  expier 
quelque  crime  musical.  Je  vis  sur  le  pupitre  devant  l'infortuné  jeune 
homme  "Polonaise  brillante  pour  le  piano,  op.  86,  par  Fred.  Kalk- 
brenner. " 

Je  me  rappelai  le  rédacteur  malappris,  dont  j'avais  entendu  parler 
l'autre  jour,  et  l'idée  que  quelqu'horrible  vengeance  se  tramait  là,  se 
présenta  aussitôt  à  mon  esprit. 

Pourtant,  je  me  trompais.  M.  Kalkbrenner  me  dit  :  "  Voilà  ;  mon 
cher,  un  condisciple  ;  il  est  déjà  avancé  et  vous  suivrez  ses  conseils.  Tous 
les  huit  jours,  je  vous  donnerai  une  leçon,  moi-même.  Si  j'en  étais  empê- 
ché, un  de  mes  meilleurs  élèves,  Camille  Stamaty,  me  remplacerait. 
D'abord,  un  petit  examen  avant  de  commencer  :  avez-vous  assez  d'argent 
pour  me  payer  les  quinze  cents  francs  pour  trois  ans  que  doivent  me  payer 
tous   les  élèves   qui  se   destinent   à  l'art  .?    Si  vous    n'avez   pas   d'argent 


694  ^'    ^'    ^' 

comptant  à  me  donner  —  500  francs  d'avance,  —  vous  me  souscrirez 
un  papier  de  ce  genre  : 

"Vous  me  donnez  votre  parole  d'honneur  de  ne  jamais  professer  une 
autre  méthode  que  la  mienne.  Si  vous  composez  quelque  chose,  vous  ne 
le  donnerez  à  aucun  éditeur  sans  ma  permission.  Je  ne  veux  pas  que  mes 
élèves  me  compromettent,  en  livrant  à  la  publicité  des  compositions 
médiocres  ou  mauvaises.  Vous  n'accepterez  point  d'élèves,  sous  aucune 
condition,  sans  ma  permission. 

Maintenant,  dites  moi  quel  est  le  ton  qui  a  32  dièzes.  " 

—  "  Hein  ?  "  fis-je. 

Il  répéta  d'une  voix  plus  accentuée. 

—  "  Pardon,  répondis-je,  je  crois  ne  pas  bien  entendre.  " 

—  "  S Allemand,  s'écria-t-il,   je  vous  demande,  corbleu,  quel  est 

le  ton,  le  nom  du  ton,  le  mode  enfin,  où  il  y  a  ^2  dièzes  à  la  clef?  " 

A  mon  tour,  la  colère  me  prit.  Cependant,  je  me  contins  encore. 

—  "  Je  ne  suis  pas  habitué  à  ce  bruit  des  rues  de  Paris,  fis-je  avec 
assez  de  calme.  Peut-être  ai-je  des  bourdonnements  dans  l'oreille.  Parole 
d'honneur,  je  crois  que  vous  plaisantez.  " 

—  "  Mille  diables  !  Vous  croyez  que  je  plaisante,  mauvais  plaisant 
que  vous  êtes.  Vous  n'êtes  tous  que  des  manœuvres,  et  non  pas  des  artistes. 
Vous  croyez  en  savoir  assez,  quand  vous  connaissez  vos  24  modes 
majeurs  et  mineurs.  Moi,  je  ne  me  contente  pas  du  nécessaire.  Moi,  j'en 
sais  plus  qu'il  n'en  faut  à  ufi  artiste.  Je  suis  de  première  force  au  billard, 
de  seconde  force  en  équitation,  je  fais  des  armes  comme  Collignon,  mon 
maître  ;  je  joue  à  tous  les  jeux  de  cartes  avec  supériorité.  Tout  cela  n'est 
pas  nécessaire,  n'est  ce  pas  .?  Voyons,  le  ton  de  32  Dièzes  ?  " 

Ici,  je  ne  fus  plus  maître  de  moi.  Je  commençais  à  voir  des  taches 
rouges  et  vertes,  signes  de  mes  grandes  colères.  Je  me  sentais  monter  le 
sang  à  la  tête.  Ma  langue  était  lourde,  et  comme  retenue  par  un  poids 
immense. 

Comment,  me  dis-je,  toi,  Stephen,  tu  te  laisserais  ainsi  mahraitcr  par 
un  misérable  paon,  stupide,  orgueilleux  et  niais.  Tu  serais  désormais 
esclave  d'un  homme  qui  commet  journellement  une  Fantaisie  ou  une 
Polonaise,  et  qui  porte  atteinte  à  la  pudeur  des  jeunes  artistes  inexpéri- 
mentés, qui  n'ont  au  monde  que  leur  réputation,  si  tant  est  qu'ils  en  aient. 
Commcîit,  toi,  dont  diflerentes  compositions  ont  été  signalées  par  Schuniaïui 
au  monde   musical,  comme  des   morceaux  génialcment   fous,   tu  ne  serais 


l 


STEPHEN   HELLER  695 

qu'un  manœuvre,  et  tu  prendrais  des  leçons  d'un  élève  de  M.  Kalkbrenner  ! 
Non,  ce  ne  sera  pas  ! 

"  M.  Kalkbrenner,  dis-je  d'une  voix  tremblante  d'indignation,  je 
suis  assez  musicien  pour  pouvoir  me  passer  de  tout  guide,  fût-ce  votre 
guide-mains  breveté  lui-même.  Il  fut  un  temps  où  je  travaillais  huit 
heures  par  jour  ;  je  jouais  vos  polonaises  et  je  souffrais  beaucoup.  Tempi 
passait  !  Je  n'aime  plus  les  brandebourgs  et  les  passementeries  musicales. 
Depuis  la  révolution  de  1830,  nous  autres  Jeunes  Allemagne^  nous  avons 
chassé  les  mauvais  rois.  L'ancien  régime  des  Polonaises  a  été  remplacé 
par  celui  des  bonnes  Sonates  constitutionnelles.  Et  gare  à  vos  perruques 
poudreuses  !  " 

Par  malheur,  M.  Le  Chevalier  Kalkbrenner  est  pourvu  d'une  perru- 
que en  toutes  lettres. 

Il  me  regarda,  stupéfait,  et  chercha  quelqu'arme  ou  bâton. 

Je  m'armai  aussitôt  d'un  guide-mains,  qui  traînait  d'un  air  soucieux 
dans  un  coin  de  la  chambre. 

Après  un  long  silence  M.  le  Chevalier  s'écria  :  "Jamais,  tant  que 
je  vivrai,  vous  n'aurez  ni  élèves,  ni  éditeur  !  " 

—  "  Au  moins,  répondis-je,  j'aurai  toujours  le  loisir  d'écrire  dans  la 
Gazette  musicale^  dont  M.  Schlesinger  m'ouvre  les  colonnes,  quelque  bonne 
critique  sur  les  Polonaises  des  temps  modernes,  et  sur  la  décadence  des 
Compositeurs  Pianistes,  ci-devant  capitalistes  d'un  revenu  de  120,  130, 
et  même  140  mille  livres,  bon  an  mal  an.  " 

Je  saluai  et  je  partis,  heureux  de  m'être  délivré  de  ce  Chevalier.... 
d'industrie,  puisqu'il  fabriquait  des  pianos  avec  M.  Pleyel. 

Mais  je  tremblais  en  voyant  diminuer  tous  les  jours  mon  capital  de 
700  Francs.  Car  M.  Schlesinger  accepta  bien  mes  articles  pour  sa  gazette, 
mais  ne  voulut  pas  entendre  parler  de  mes  compositions. 

Stephen  Heller. 


LA    JEUNE 
ÉCOLE    ITALIENNE 


T^Iusieurs  de  nos  lecteurs  ont  été  surpris  de  ne  pas  trouver  dans  noire  der- 
nier numéro  des  fragments  d'œuores  des  compositeurs  Jl.  Çasco  et  Tommazini; 
nous  sommes  heureux  de  pouvoir  satisfaire  leurs  légitime  curiosité;  c'est  avec 
intention  que  nous  avons  retardé  la  publication  de  cette  musique  à  laquelle  nous 
désirions  donner  toute  la  place  quelle   mérite. 

L'ORGIA 

Poème  symphonique  en  forme  de   Scherzo    (Fragments) 
Thème  I  :  ^  '  /" 


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LA   JEUNE   ÉCOLE    ITALIENNE        697 

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Ce  thème  donne  lieu  à  de  nombreuses  variations  et  modifications.  Le 
plus  important  de  ces  développements  est  celui  qui  précède  de  peu  la  con- 
clusion de  la  pièce  et  auquel  on  arrive  par  un  crescendo  en   progession  : 


Thème  II  : 


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Thème  III  : 


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IV.   Episode   Sentimental 


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LA  JEUNE    ÉCOLE    ITALIENNE        699 


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S.   I.   M. 
QUATUOR    A    CORDES 

(Fragment) 


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etc. .  «.c  - 


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QUATUOR     A    CORDES 

(Fragment) 


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omma%int 


RIEMANN    (Prof.    Hugo).    —    Beethoven    Streichquartette 
(Schlesingersche  Musikbibliothek  N"  i  2.  Lpz.  Berlin  in  12";  i  .80.) 


C'est  là  un  excellent  petit  guide  conducteur  à  travers  les 
difficiles  quatuors  de  Beethoven,  que  contiennent  les  parties  les 
plus  audacieuses  de  l'œuvre  du  maître.  M.  Riemann  a  naturelle- 
ment employé  pour  ces  analyses  son  système  de  chiffrage,  qui  se 
révèle  comme  parfait  pour  ces  sortes  de  travaux,  où  il  s'agit  avant 
tout  de  mettre  de  l'ordre  dans  les  con\entions  musicales.  Je  ne 
cesserai  de  le  répéter,  le  chiffrage  riemannien  n'a  rien  à  voir  avec 
l'acoustique  des  physiciens  ;  il  constitue  une  habile  simplification 
à  l'usage  des  musiciens,  qui  veulent  connaître  les  fonctions  des 
différentes  personnalités  harmoniques.  Pour  ceux-là  il  -est  infini- 
ment utile. 

HORNBOSTEL  (Erich  ^on).  —  Ueher  einlge  Panpfelfen 
aus  Norwesthrasilien.  (Tirage  à  part.  Berlin  in  4"  de  15  pp.) 

Notre  confrère  de  Berlin,  bien  connu  pour  ses  études  de 
folklore  musical  exotique,  a  eu  la  bonne  fortune  de  pouvoir 
étudier  toute  une  collection  de  flûtes  de  Pan,  du  Brésil,  telles 
qu'elles  sont  encore  employées  par  les  indigènes  du  Nord-Ouest  de  ce  pays.  Il  en  a  tiré 
d'intéressantes  constatations  et  conclut  en  attribuant  aux  Indiens  du  Brésil  une  oreille 
assez  juste,  la  volonté  de  systématiser  l'ordre  des  sons,  et  le  goût  des  séries  purement 
diatoniques. 


PETERS.  —  Katalog  fier  Mus'ikhihliothek  PeterSy  ncu  bearbeitet  von  D""  Rudolf  Schwartz, 
Band  I.  Bucchcr  und  Schriften.  (Lpz.  in  4°  de  225  pp.) 

Tout  le  monde  connaît  la  belle  et  riche  bibliothèque,  dont  la  maison  Pctcrs  a  voulu 
gratifier  le  public  musical  de  Leipzig.  M.  R.  Schwartz,  qui  en  est  le  conservateur  éclairé 
vient  de  mettre  la  main  à  une  refonte  de  son  catalogue.  L'ouvrage  ne  comprend  encore  que 
le  premier  volume,  soit  les  livres  et  écrits  sur  la  musi(]ue.  Il  est  divisé  en  classes  méthodiques  ; 
bibliographies  ;  périodiques  ;  histoire  ;  biographies  ;  méthodes  ;  méthodes  de  chant  ;  instru- 
ments et  instrumentation  ;  méthodes  d'instruments  ;  esthétique.  Il  contient  à  la  fin  une  table 
alphabétique  des  noms  cités.  C'est  un  répertoire  commode  et  qui  rendra  service  non  seulement 
à  ceux  qui  ont  le  boniicur  de  le  consulter  dans  la  bibliothèque  Peters,  mais  à  ceux  que  la 
bibliographie  soutient  dans  leurs  travaux  habituels. 


LES   LIVRES  703 

LEMAITRE  (Henri).  —  Histoire  du  dcpôt  légal  l^*"  partie  (France).  Publications  de  la 
société  française  de  bibliographie.  (Picard  et  fils  in  8"  de  128  pp.) 

Cet  ouvrage  touche  peu  à  la  musique,  dont  le  dépôt  légal  ne  s'est  jamais  beaucoup 
soucié.  Nous  voyons  cependant  qu'en  17  14  les  graveurs  de  musique  sont  rappelés  à  la  loi  de 
dépôt,  ainsi  qu'en  1738  et  1740  ;  en  1745  le  censeur  Simon  insiste  pour  se  faire  remettre  les 
cantates  de  Bernier.  De  nos  jours,  il  paraît  qu'un  exemplaire  de  la  musique  déposée  va  à  la 
Bibliothèque  Nationale,  un  autre  au  Conservatoire,  et  le  troisième  au  Sous-Secrétariat  des 
Beaux-Arts,  qui  envoie  la  musique  de  chambre  à  la  bibliothèque  de  l'opéra  et  le  reste  en 
province.  Il  faut  admirer  le  discernement  des  Beaux-Arts,  qui  précisément  font  parvenir  à  la 
bibliothèque  d'un  théâtre  subventionné  la  musique  écrite  pour  la  chambre  ! 

VIRGILI  (Virgih'o).  —  Bernardo  Pasquini  (Pescia  E.  Nuvci  1908  in  12*^). 

Utile  petit  ouvrage  à  consulter  et  qui  peut-être  l'amorce  de  la  grande  monographie  que 
mérite  le  claveciniste  Pasquini,  l'une  des  meilleures  gloires  italiennes. 

ILLUSTRIRTER  TONKUENSTLER  KALENDER  (Mûnchen  G.  Muller  19 10 
in  8".) 

M.  M.  J.  Seiling  et  E.  Istel  ont  donné  un  aspect  nouveau  au  calendrier  musical.  Sur  les 
pages  de  droite  se  trouve  le  quantième  et  l'annonce  du  jour  :  puis  des  portraits  de  musiciens 
dont  c'est  l'aniversaire  et  enfin  divers  renseignements  et  dates  utiles.  Sur  la  page  de  gauche 
les  habituelles  annonces  qui  permettent  à  ces  ouvrages  de  voir  le  jour.  Une  idée  ingénieuse 
est  d'avoir  indiqué  le  jour  pour  191 0,  1911  et  191 2.  De  la  sorte  le  calendrier  pourra  servir 
pendant  plusieurs  années.  L'iconographie  est  habilement  choisie,  et  le  présentation  des  annon- 
ces fort  artistique. 

BACH-JAHRBUCH  année  1909.  (Breitkopf  in-12''  de  160  pp.) 

La  société  Bach,  après  avoir  rendu  au  monde  le  grand  service  de  rééditer  et  de  mettre 
au  jour  toutes  les  œuvres  du  maître,  ne  s'est  pas  complètement  dissoute.  Elle  continue  de 
vivre  sous  le  nom  de  Neue  Bachgesellschaft  ;  elle  organise  des  fêtes  comme  celles  de  Duis- 
bourg,  où,  il  y  a  quelques  mois.  M™®  Landowska  a  fait  triompher  le  clavecin  ;  elle  publie  un 
Bulletin  annuel.  Celui  de  1909,  dirigé  par  notre  collègue  Arnold  Schering,  contient  les 
articles  suivants  :  R.  Handke  "  Zum  Linearprinzip  J.  S.  Bach.  "  K.  Nef.  Bachs  Verhaeltniss  %ur 
Klaviermusi^.  "  Oppel  "  Zur  Ténor  Arie  der  Kantate  166."  Dannreuther  "  Traduction  alle- 
mande de  son  chapitre  sur  P ornementation  chez  Bach  "  Wustmann  "  Konnte  Bach  Gemeinde  bei 
sienen  einfachen  Choralsaetzen  mitsingen^'  Oppel  ^^  Buxtehudes  musikalischer  Nachruf  heim  Tode 
seines  Vaters  "  Wustemann  "  Matthâuspassion.  "  Schering  "  Xu  den  Beschluessen  des  Dessauer 
Kirchengesangvereintagcs.  Tous  les  amis  de  Bach  et  de  son  art  devraient  se  passionner  pour  ces 
questions,  qui  paraissent  minutieuses  mais  qui  nous  initient  à  la  restauration  méthodique  et 
certaine  de  l'art  du  XVIIP  siècle. 

FONDI  (Enrico).  —  La  vita  e  V opéra  litteraria  del  musicista  Benedetto  Marcello  (Roma 
Modes  in- 12°  de  134  pp.  Lire  2). 

Je  ne  puis  comprendre  la  pensée  qui  a  présidé  à  la  composition  de  ce  volume.  La  matière 
en  est  divisée  en  chapitres  qui  ont  l'air  de  s'ignorer  les  uns  les  autres,  et  dont  chacun  com- 
prend en  forme  d'appendice  sa  propre  bibliographie,  de  telle  sorte  qu'il  est  impossible  de  faire 


704  S.   I.   M. 

aucune  recherche  utile  dans  ce  fatras.  L'auteur  paraît  cependant  s'être  donné  bien  du  mal. 
Ses  sources  sont  nombreuses,  et  il  a  lu  les  ouvrages  qui  l'avaient  précédé  sur  ce  sujet.  Pourquoi 
n'en  a-t-il  pas  tiré  meilleur  parti  r  On  ne  saurait  trouver  de  plus  joli  sujet  que  celui  de  la  vie 
et  des  œuvres  de  ce  gentilhomme  de  lettres  et  de  musique  Benedetto  Marcello.  M. M.  Bour- 
gault-Ducoudray  et  Bellaigue  en  savent  quelque  chose. 

LÉVÊQUE  (R.  P.  Dom).  —  Saint  Grégoire  le  Grand  et  F  ordre  bénédictin.  (In- 12"  de 
XXII-330  pages,  4  fr.  50.  Sethielleux,  10,  rue  Casette,  Paris). 

TARDUCCI  (Prof.  T.)  —  Storia  di  S.  Gregorio  Magno  e  del  suo  tempo.  (In-8"  de  500  p. 
6  fr.  Pustet,  Rome.) 

Saint  Grégoire  le  Grand  est  décidément  à  l'ordre  du  jour.  Est-ce  la  rénovation  du  chant 
qui  porte  son  nom  qui  a  valu  cela  ?  Tant  mieux  ;  car,  malgré  l'intérêt  et  le  charme  du  chant 
grégorien,  il  tint  en  somme  peu  de  place  dans  la  vie  de  ce  grand  pontife,  qui  est  de  plus  un 
grand  homme.  C'est  dire  que,  dans  les  deux  ouvrages  que  nous  annonçons,  on  trouvera  peu 
de  musicologie  :  en  revanche,  ceux  de  nos  lecteurs  qui  sont  tentés  par  l'histoire  d'une  curieuse 
époque  y  trouveront  maints  détails  attachants.  A.   GastouÉ. 

LIVRES  REÇUS 

—  BERGER  (Achille).  —  Théorie  Scientifique  du  violon  (Paris.  Démets,  in-4°  de  I15  p.) 

—  KINKELDEY  (Otto).  —  Ein  Beitrag  ziir  Geschichte  der  Instrumenta Imusi'k  (Leipzig, 
1910,  Breitkopf  et  Hartel,  in-4"  de  320  p.) 

—  KRETZSCHMAR  (Hermann)  —  Gesammelte  Aufsatze  ilher  Muzik.  (Leipzig, 
19 10,  Fr.  Wilh.  Grunow  ;  in-4°  de  577  p.) 

—  LENOEL-ZEVORT  (Alix).  —  Gra?nmaire  de  la  diction  et  du  chant.  (Paris, 
G.  Ficker  ;  in- 12"  de  523  p.) 

—  RIEMANN  (Prof.  D'  Hugo).  —  Beethoven  Stràchouartette  {Meistirfuhrcr^  Band  12) 
(Berlin,  Schlesinger  :  in-S"). 

—  THIBAUT  {?.].).  —  Panégyrique  de  Plmaculée.  (Paris,  Alph.  Picard,  1909  ;  in-4" 
de  52  p.) 

—  VIERGE  (Louis).  —  De  Mozart  à  Chopin.  (Pau.  Imprimerie  Vignancour  1907  ; 
in-8"  oblong  de  53  p.) 

—  CHARRIER  (Pierre).  —  Les  droits  du  critique  théâtral.,  littéraire^  musical  et  artistique. 
Préface  de  M''  René  Lafon.  (Paris  Schlcicher  frères,  in  12°  de  132  pp.  Fr.  2.50). 


SOCIÉTÉ    INTERNATIONALE 
DE    MUSIQUE 

SÉANCE  DU  LUNDI  7  NOVEMBRE   1910 

La  Séance  est  ouverte  à  2  heures  à  la  Bibliothèque  Nationale.  Assistaient  à  cette  Séance  : 
M.  Malherbe,  Président,  MM.  Ecorcheville,  L.  de  la  Laurencie,  J.-G.  Prod'Homme,  Poirée,  . 
Dauriac,  M.  et  Mme  Lefeuve,  Ch.  Legrand,  Ch.  Petit,  Cesbron,  Laugier,  H.  Marcel, 
M.  Gandillot,  G.  Knosp,  F.  Guérillot,  Tiersot,  A.  de  Bertha,  Mme  Brenet,  Mlle  Babaian, 
Mlle  Daubresse,  A.  Trotot,  E.  Wagner,  H.  Quittard,  L.  Greilsamer,  A.  Boschot,  Laugier, 
Docteur  Marage. 

La  Séance  est  consacrée  à  l'audition  des  instruments  anciens  (luth,  théorbe,  clavecin, 
clavicorde),  que  notre  Collègue  de  Boston,  M.  Arnold  Dolmetsch,  est  parvenu  à  reconstituer 
après  de  patientes  recherches.  M.  Malherbe  souligne  tout  l'intérêt  d'une  telle  reconstitution, 
et  remercie  M.  Dolmetsch  de  bien  vouloir  consacrer  à  notre  Section,  quelques  moments  de 
son  court  séjour  à  Paris. 

M.  Dolmetsch  prend  ensuite  la  parole.  Il  dit  ses  premières  études  pour  la  reconstitution 
des  instruments  anciens,  d'abord  en  Angleterre,  puis  en  Amérique  où  il  eut  la  bonne  fortune 
de  rencontrer  en  MM.  Chickering  et  fils,  les  facteurs  de  pianos  de  Boston,  d'enthousiastes 
admirateurs,  qui,  en  mettant  à  sa  disposition  leur  personnel  et  leurs  ateliers,  lui  permirent  de 
poursuivre  efficacement  ses  expériences. 

M.  Dolmetsch  exécute  sur  le  luth  des  pièces  anglaises,  françaises  et  écossaises  ;  sur  le 
clavicorde,  une  Chaconne  de  Haendel,  deux  sonates  de  Scarlatti,  une  toccata  de  Purcell,  la 
Suite  en  mi  de  Rameau  ;  celle  en  Sol  de  Bach  ;  sur  le  clavicorde,  des  pièces  du  Clavecin  bien 
tempéré,  et  du  livre  de  Anna-Magdalena  Bach,  une  Sonate  de  Mozart. 

Miss  Victoria  Harrell  et  Mademoiselle  Madeleine  Bonnard,  chantent  l'une  et  l'autre, 
accompagnées  au  théorbe. 

Au  cours  de  cette  audition,  M.  Dolmetsch  donne  différentes  explications,  tant  sur  ses 
instruments  que  sur  la  musique  qu'il  exécute,  en  insistant  sur  l'utilité  des  instruments  anciens, 
au  point  de  vue  de  la  compréhension  des  oeuvres  anciennes. 

Puis,  M.  Dauriac  parle  de  la  famille  Dolmetsch  ;  il  rappelle  que  le  grand'père  de 
M.  Arnold  Dolmetsch  se  rendit  de  Stuttgard  à  Zurich  au  début  du  XIX^  siècle,  et  qu'il  prit 
part  avec  Naegeli  aux  célèbres  éditions  de  Bach.  Ses  fils  furent  des  virtuoses  :  l'un  d'eux 
écrivit  vers  1860  un  morceau  intitulé  "  Le  Hamac.  " 

La  Séance  est  levée  à  4  heures  1/2. 


LA   COMMISSION   DU    CORPUS 
SCRIPTORUM   DE    MUSICA   M^DII   JEVl 


Il  y  a  quelques  années  l'un  de  nos  plus  éminents  collègues  M.  le  D""  Guido  Adlcr, 
professeur  à  l'Université  de  Vienne,  et  le  promoteur  de  ces  grand  Denkmaeler  qui  ont  rendu 
tant  de  services  à  l'histoire  musicale  lança  l'idée  d'un  vaste  corpus  de  tous  les  traités  de  théorie 
musicale  du  moyen  âge.  Cette  entreprise  considérable  ne  pouvait  réussir  qu'avec  l'appui  d'un 
comité  international,  qui  se  forma  dans  notre  société  et  qui  se  mit  aussitôt  à  l'oeuvre. 

Cette  commission,  après  avoir  constitué  ses  règlements  se  réunit  à  Vienne  en  1909,  et 
vient  se  d'être  convoquée  à  nouveau  à  Munich  en  J^^^  dernier.  Notre  pauvre  collègue 
Pierre  Aubry,  qui  se  trouvait  à  la  tête  du  groupe  français,  ne  pouvant  se  déplacer  à  cette 
époque  m'avait  chargé  de  le  représenter  à  la  séance  de  septembre,  puisque  aussi  bien  nos  fêtes 
françaises  m'obligeaient  à  me  trouver  en  Bavière  à  ce  moment. 

Cette  conférence  se  tint  à  l'Université  de  Munich  le  15  septembre  en  pi-ésence  de 
M. M.  Guido  Adler  {Autriche)^  président,  le  R.P.  don  Amelli  {Italie\  J.  Ecorcheville  [France\ 
A.  Thurlings  recteur  de  l'Université  de  Berne  et  P.  Wagner  [Suisse],  Johannes  Wolf  (Prusse), 
H.  Abert  [Saxe),  Sandberger  et  Th.  Kroyer  [Bavière],  Ludwig  [Strûssbourg],  Chybinslci  et 
Jachimecici  [Pologne],  Scheurleer  [Pays-Bas],  S'étaient  excusés  M. M.  Barclv  Squire  [Angleterre), 
Dom  Gaisser  [Rome],  Kretschmar  [Berlin],  Krohn  [Helsingsfors],  Dom  Mocquercau  [Ile  de 
Wight],  Sachetti  [St.  Petersbourg],  Woolridge  [Oxford). 

Après  les  formalités  d'usage  et  les  discours  de  bienvenue,  le  président  fit  l'éloge  de 
nos  collègues  Pierre  Aubry  (Paris),  F.  Haberl  (Ratisbonne),  O.  KoUcr.  Chaque  nation 
présenta  un  rapport  sur  les  travaux  de  la  commission  dans  son  pays.  En  Autriche,  en  Suisse  et 
en  Angleterre,  les  travaux  de  bibliographie  et  de  dépouillement  des  bibliothèques  sont  terminés. 
En  Allemagne  ils  sont  en  train  et  seront  achevés  pour  le  congrès  de  Londres  (191 1).  En 
Italie,  ils  suivent  les  dépouillements  de  la  société  des  Musicologi  Italiani.  En  Belgique  et  en 
France  rien  n'a  encore  été  fait.  La  France  s'engage  à  terminer  la  bibliographie  d'ici  le  congrès 
de  Londres,  à  la  réserve  du  fonds  latin  de  la  bibliothèque  nationale.  La  Russie  oppose  à  toute 
entreprise  Internationale  une  inertie  complète  et  la  plus  mauvaise  volonté.  M.  Jachimecici  est 
chargé  de  poursuivre  ses  efforts  de  ce  côté.  En  Espagne  notre  collègue  M.  Collet  a  pris  des 
dispositions  pour  achever  cette  bibliographie  aussi  vite  que  les  conditions  du  travail  dans  ce 
pays  le  permettent.  En  Hollande  M.  Scheurleer  s'entendra  avec  le  Professeur  Wolt. 

Le  professeur  Sandberger  pose  la  question  financière.  Le  gouvernement  d'Autriche- 
Hongrie  avait  accordé  un  crédit  de  3000  couronnes  qui  permit  de  dresser  la  bibliographie 
dans  ce  pays.  11  a  désormais  inscrit  au  budget  de  l'Instruction  publique  5000  couronnes  affectés 
au  Corpus.  A  Berlin,  l'Académie  des  Beaux-Arts  a  donné  une  somme  de  1,500  mk.  et  se 
propose  de  continuer  vmc  contribution  de  ce  genre,  \  la  condition  que  le  Corpus  observe 
certaines  prescriptions  paléographiques.    La   Suisse   estime   que    le   gouvernement  confédéral 


s.   I.   M.  707 

donnera  par  annuités  une  somme  de  5000  francs.  La  Bavière  obtiendra  quelque  chose,  la 
Hollande  aussi.  En  Angleterre  les  Académies  ont  été  pressenties.  En  France  aucune  demande 
n'a  encore  été  faite.  —  L'ensemble  de  la  publication  comprenant  tous  les  traités  du  VII*  au 
XVI''  siècle,  avec  les  frais  de  bibliographie  et  l'appareil  critique  nécessaire  atteindra  certainement 
le  chiifre  de  150.000  francs. 

Les  matériaux  à  mettre  en  oeuvre  et  à  publier  seront  ainsi  réparties  : 

1°   "Période  preguidonienne^  les  Bénédictins  de  Solesme. 

2°   Guido  et  ses  commentateurs^  Dom  Amelli. 

3"  Les  traités  liturgiques  de  1200  à  1600,  MM.  Hermann  Mûller  et  Mathias. 

4°   UÂrs  Antiqua^  MM.  Ludvi^ig  et  Ecorcheville. 

5°  UArs  Nova,  M.  Johannes  Wolf. 

6"  De  1450  à  1600,  MM.  Reitsch  et  Kroyer. 

A  la  demande  de  MM.  Gastoné  et  Dom  Gaisser  une  question  concernant  les  traités 
byzatins  se  trouve  posée.  La  commission,  bien  que  n'ayant  eu  en  vue  que  les  traités  de  langue 
latins  ou  vulgaire,  est  disposée  à  entendre  les  propositions  qui  lui  seront  faites  à  ce  sujet. 

M.  Ecorcheville  est  chargé  de  représenter  la  France  dans  la  commission  du  Corpus  en 
remplacement  de  M.  Aubry  et  de  diriger  d'une  commun  accord  avec  ses  collègues  les  travaux 
du  Corpus  en  France. 

L'entreprise  considérable  que  constitue  cette  édition  critique  semble  donc  en  bonne 
voie.  Les  travaux  préparatoires  de  bibliographie  seront  sans  doute  achevés  dans  l'Europe 
entière  d'ici  trois  ans  ;  ils  le  seraient  l'année  prochaine  si  l'Italie  et  l'Espagne  se  hâtaient.  La 
besogne  se  trouve  dès  maintenant  divisée  entre  différentes  compétences.  La  France  a  tenu  à 
conserver  dans  sa  part  l'art  des  mensuralistes  du  XIIP  siècle,  art  éminement  parisien. 
Malheureusement  la  mort  de  Pierre  Aubry  enlève  à  notre  pays  le  seul  savant  qui  eut 
véritablement  droit  de  s'adjuger  ce  labeur,  et  nous  avons  du  prier  notre  collègue  le  D'  Ludwig 
de  l'Université  de  Strasbourg  de  bien  vouloir  se  substituer  à  lui,  et  s'associer  à  nous.  De 
notre  côté,  une  fois  la  bibliographie  achevée  sommairement,  grâce  aux  catalogues  des  Mss. 
des  Bibliothèques  de  France,  nous  espérons  trouver  auprès  de  notre  gouvernement  et  de  nos 
Académies  les  ressources  qui  nous  permettrons  de  former  un  matériel  photographique  complet 
de  tous  ces  Mss.  et  contribuer  ainsi  à  ce  grand  oeuvre  international. 

La  commission  du  Corpus  se  réunira  à  nouveau  à  Londres  au  printemps  prochain. 

J.  E. 


RECTIFICATION 

Je  reçois  du  Président  de  notre  Section  de  Paris  la  lettre  suivante  : 

Paris,  29  Novembre  19 10. 
Monsieur  le  Directeur, 

Une  notice  nécrologique  sur  M.  Pierre  Aubry  a  été  publiée  dans  le  Bulletin  de  la  S.  I.  M.  du  15  Octobre 
dernier.  Absent  de  Paris  quand  ce  N"  a  paru,  je  viens  seulement  d'en  prendre  connaissance,  et  j'y  trouve,  à  ma 
grande  surprise,  la  dite  note  signée  de  mon  nom. 

La  vérité  m'oblige  à  déclarer  hautement  qu'il  a  été  fait  un  regrettable  abus  de  ma  signature,  car  je  n'ai 
pas  rédigé  cet  article  ;  je  n'en  suis  l'auteur,  ni  direct,  ni  indirect  ;  donc,  je  le  désavoue  pleinement. 

Veuillez  faire  dans  le  prochain  N"  de  la  S.  I.  M.  une  rectification  que  je  juge  indispensable  à  mon  hon- 
neur personnel,  et  agréer  l'assurance  de  ma  considération  très  distinguée. 

Charles  Malherbe 

Président  de  la  Société  Internationale  de  Musique 

(Section  de  Paris) 

J'insère  d'autant  plus  volontiers  cette  rectification  que  je  suis  moi-même  l'auteur  de  ce 
texte  nécrologique.  En  disposant  dans  cette  circonstance  de  la  signature  de  notre  président, 
j'avais  cru  accomplir  un  acte  purement  administratif.  Je  n'avais  pu  encore  réunir  les  matériaux 
de  l'article  que  je  compte  consacrer  à  Pierre  Aubry  et  qui  paraîtra  dans  notre  numéro  de  janvier. 

J.    ECORCHEVILLE. 

CONGRÈS  DE  LONDRES 

Le  congrès  qui  doit  réunir  nos  membres  à  Londres  à  la  fin  de  mai  prochain,  paraît  devoir 
être  particulièrement  brillant.  Lors  du  congrès  de  1909,  à  Vienne,  le  gouvernement  austro- 
hongrois,  la  Ville  et  diflFérentes  institutions  avaient  réuni  un  fonds  de  100,000  francs  pour 
honorer  la  musique  et  les  congressistes.  L'Angleterre  a  eu  recours  à  un  autre  système.  Elle 
vient  de  former  un  comité  de  garantie  dont  les  fonds  réunis  à  ce  jour  s'élèvent  à  8.000  livres 
st.  soit  200.000  fr.  On  peut  donc  être  assuré  que  nous  serons  bien  reçus. 

Le  comité  de  patronage  présidé  par  M.  Balfour  comprend  les  noms  suivants  :  duchesse 
d'Abercorn,  duchesse  de  Norfolk,  duchesse  de  Sutherland,  comte  et  comtesse  of  Clonmell, 
comte  de  Dysart,  comte  Hovv^e,  comte  de  Pembroke  et  Montgommcry,  comte  de  Plymouth, 
comte  de  Shaftesbury,  comtesse  de  Randor,  Vicomte  Iveagh,  Lady  Arthur  Hill,  Lady  North- 
cote,  Lady  Mary  Trefusis,  Lord  Alverstone,  Lord  Burnham,  Lord  Arthur  Hill,  Lord 
Howard  de  Walden,  Lord  Ludlow^,  Lord  Strathcona,  Baron  Frédéric  d'Erlanger,  RH.  Charles 
Stuart  Wortlcy,  H.  A.  Nelson  Hood,  H.  Harry  Lawson,  Sir  Edgar  Speyer. 

A  la  tcte  de  la  section  de  Londres  se  trouvent  Sir  Alexander  Mackenzie,  président, 
directeur  du  Royal  Collège  of  Music,  MM.  Mac  Lean,  Cummings,  Sir  Hubert  Parry, 
Frederick  Bridge,  C.V.  Stanford,  Granville  Bantock,  Littleton,  Niccks  etc. 

Les  comités  ont  pris  part  à  une  première  réunion  le  14  décembre  à  la  Mansion  House, 
sur  l'invitation  du  Lord  Maire  de  Londres  et  sous  la  présidence  de  M.  Balfour.  Le  pro- 
gramme général  soumis  à  l'approbation  des  membres  comprend  à  côté  des  travaux  proprement 
dits  du  congrès,  les  solennités  suivantes  : 

Une  réception  générale.  —  Deux  concerts  au  Quccn  Hall.  —  Un  concert  historique  de 
musique  de  chambre  organisé  par  M.  Fuller  Maitiand  —  Une  audition  de  la  Société  Hudders- 
field  Choral  (300  choristes).  —  Deux  exécutions  d'ancicime  musique  religieuse  anglaise  à  St. 
Paul  et  i  Westminster.  —  Une  audition  d'orchestres  militaires  groupés.  —  Une  soirée  k 
l'opéra.  —  Un  thé.  —  Un  Baïuiuct  au  Savoy. 


GEORGES  CESAR  FRANCK 


Georges   Cèsar-Franck 


(27  Novembre  1848-10   Septembre  19 10). 

C'est  avec  une  douloureuse  stupeur  que  nous  avons  appris,  au  cours  des  vacances 
dernières,  la  disparition  brutale  et  subite  de  Georges  César-Franck.  Rien  ne  pouvait  faire 
prévoir  la  fin  prématurée  de  cette  intelligence  restée  si  jeune,  si  active,  qui  rappelait  souvent 
celle  de  son  Père.  On  ne  peut  croire  que  cet  esprit  si  lumineux  se  soit  éteint  pour  toujours, 
que  cette  voix  extraordinaire,  si  chaude  et  si  vibrante,  se  soit  tue  à  jamais. 

La  mort  de  Georges  Franck  est  une  grande  perte  pour  l'Uiiiversité  de  France  et  pour 
l'art  français.  Professeur  d'histoire  de  l'art  dans  l'enseignement  secondaire  et  supérieur,  il  avait 
provoqué  de  grands  enthousiasmes,  au  Lycée  Lakanal,  à  la  Sorbonne,  à  l'Ecole  Normale  de 
Sèvres,  au  Cours  Patin  Bastard.  Partout  où  il  professait  il  était  apprécié  et  il  était  aimé. 

C'était  une  nature  d'artiste.  Durant  les  vacances,  seul  moment  où  il  goûtait  un  peu  de 
repos,  il  s'adonnait  à  l'aquarelle  avec  passion.  Il  a  laissé  à  ses  enfants  et  à  quelques  rares  amis, 
des  souvenirs  pleins  de  vérité.  Il  était  merveilleusement  doué  pour  la  musique.  Sa  mère 
d'abord,  puis  son  père  avaient  dirigé  son  éducation  musicale.  Au  Collège  Rollin,  où  il  avait 
fait  des  études  excellentes  sous  les  soins  affectueux  du  Directeur  des  Etudes,  M.  Auguste 
Pierceau,  son  parent,  il  avait  un  piano,  placé  sur  le  palier  de  l'escalier  montant  aux  dortoirs, 
et  aux  heures  de  récréation,  il  étudiait  Mozart,  Bach,  Beethoven.  En  rhétorique,  il  s'était 
déjà  acquis  une  célébrité  musicale  ;  camarades,  élèves  des  autres  classes,  maîtres  d'études, 
professeurs,  et  même  quelquefois  les  grandes  autorités  se  groupaient  autour  de  son  piano.  Le 
Dimanche,  il  prenait  sa  leçon  avec  son  père.  Peu  à  peu  César  Franck  mettait  son  fils  au 
courant  de  son  travail  de  chaque  jour,  et  de  ses  projets  d'avenir.  Ils  jouaient  souvent  ensemble 
à  quatre  mains  et  c'était  une  oie  pour  le  père  de  voir  son  fils  comprendre  et  rendre  comme 
lui  la  musique. 


Personne  n'a  mieux  connu  César  Franck  que  son  fils  Georges.  S'il  ne  lui  ressemblait 
pas  d'une  façon  frappante  au  point  de  vue  physique  il  avait  pourtant  les  mêmes  gestes,  la 
même  démarche,  parfois  même  les  mêmes  éclats  de  voix.  Comme  son  père,  il  s'était  réservé 
un  "  Temps  de  la  Pensée,  "  et  il  y  méditait  le  plan  de  ses  admirables  leçons  de  la  Sorbonne 
qui    rappellent   tout   à    fait,    parait-il,    la   manière    et   la    méthode    de   notre    grand   A^Iichelet. 

Ces  Cours  de  la  Sorbonne,  limités  d'abord  à  quelques  leçons  chaque  année  avaient  eu  tout 
de  suite  un  immense  succès.  Etendus,  en  1899  ^  l'année  entière,  ils  avaient  été  transférés  du 
vieil  amphithéâtre  provisoire,  ?  l'amphithéâtre  Guizot  ;  puis,  celui-ci  dexenant  trop  petit  à  son 
tour,  au  grand  amphithéâtre  Richelieu.  Georges  Franck  y  développa,  en  un  admirable  cvcle 
de  leçons,  toute  l'histoire  de  l'art  moderne,  depuis  les  origines  de  l'art  chrétien  jusqu'au 
préraphaélisme  anglais. 

Il  n'a\'ait  rien  d'un  orateur,  si  l'on  entend  par  talent  oratoire  un  certain  ensemble  d'artifices 
de  parole,  plus  ou  moins  persua.^ifs.  Et  cependant,  nul  orateur  n'a  jamais  captivé  son  public 
comme  il  captivait  le  sien  :  son  érudition,  toujours  de  niveau  avec  les  dernières  découvertes  de 
l'archéologie  et  de  l'histoire,  inspirait  tout  de  suite  la  confiance.  La  sincérité  de  ses  convictions, 
la  chaleur  avec  laquelle  il  les  exposait,  rendaient  son  enthousiasme  contagieux  et  irrésistible. 
Se  trou\'ait-on  en  face  d'une  tradition  mal  établie,  fut-elle  consacrée  par  toutes  les  sanctions 
imaginables,  il  n'hésitait  pas  à  la  saper  par  la  base,  s'acharnant,  s'indignant,  avec  une  véhémence 
dont  il  était  le  premier  à  sourire.  Malgré  l'acharnement  qu'il  mettait  à  défendre  ses  théories, 
Georges  Franck  n'était  point  un  démolisseur.  Son  esprit  très  fin  ne  s'exerçait  jamais  aux 
dépens  de  personne.  Avait-il  à  dépeindre  deux  artistes  tout  différents  :  dédaigneux  d'un  facile 
parallèle,  il  ne  les  opposait  pas  l'un  a  l'autre,  il  les  rapprochait,  cherchant  plutôt  les  points  de 
contact  que  les  divergences.  Et  une  harmonie  profonde  résultait  de  sa  parole.  Son  vocabulaire 
lui-même  avait  gardé  quelque  chose  de  musical,  comme  s'il  n'avait  pu  se  défaire  de  certains 
mots  appris  dès  l'enfance  :  une  cathédrale  était  une  symphonie  de  pierre,  tel  motif  en  était  le 
thème  conducteur  et  les  mots  de  rythme  et  d'harmonie  étaient  de  ceux  qui  revenaient 
constamment  à  ses  lèvres.  Pour  beaucoup  de  ses  auditrices,  il  est  resté  le  type  de  l'initiateur 
artistique  ;  comme  son  père,  il  exerçait  une  sorte  de  rayonnement  sur  ceux  qui  l'approchaient 
■et  il  réussissait  à  leur  communiquer  quelque  chose  de  ses  enthousiasmes  artistiques. 

Son  immense  labeur  ne  lui  avait  jamais  permis  de  mener  à  bonne  fin  un  projet  qui  lui 
tenait  de  bien  près  au  cœur  :  publier  une  vie  de  son  père,  et  nous  rendre  le  César  Franck 
intime,  vivant  et  vécu  que  lui  seul  aurait  pu  écrire.  L'œuvre  ne  sera  pas  faite  et  nous  ne 
saurions  trop  le  déplorer:  Georges  Franck  est  mort  trop  tôt.  Ses  forces  le  trahirent  brusque- 
ment cet  été  en  terre  étrangère,  sur  les  bords  de  ce  lac  de  Thun  qu'il  affectionnait  particu- 
lièrement. Ses  élèves  perdent  en  lui  un  maître  irremplaçable,  un  ami  charmant  et  dévoué  qui 
savait  d'un  regard  vous  redonner  courage  et  vous  remettre  dans  le  bon  chemin.  On  le  regrettera 
longtemps,  toujours,  et  il  sera  beaucoup  pleuré  parcequ'il  était  très  aimé. 

L'un  de  ses  plus  chères  élèves,  la  petit  fille  d'un  grand  savant,  vient  de  prendre  l'initiative 
d'unmouvement  touchant.  Il  s'est  formé  grâce  à  elle  un  Comité  d'élèves  et  d'amis  qui  aura 
pour  but  d'ériger  un  monument  au  cimetière  de  Sceaux  où  repose  Georges  César-Franck. 

La  Souscription   fermée   le    i''  Janvier   prochain,   est   ouverte   aux   adresses  sui\'antes  : 

M.  Daux,  proviseur  du  Lycée  Lakanal. 

M"'^'  Belugon,  Directrice  de  l'Ecole  de  Sèvres. 

M"'^'""  Bastard  et  Cote  des  Combes,  au  cours  Patin,  4  rue  Pasquier. 

M.  Pierre  Lafenestre,  5  Avenue  Lakanal,  Bourg  la  Reine. 

M"'^'  Vallery  Radot,  3  rue  St  Dominique. 

Et  aux  bureaux  de  la  Rexue  Musicale  S.  I.  M.,  22  Rue  St.  Augustin. 

R.  F. 


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15 

16 
18 

19 
20 
22 
24 
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25 


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embrc.     Salle  des  Concerts  —  Concert  du  Cekclk  Militaikk 

Concert   Lamourkiw 

Salle  des  Quatuors —  Concert   U.   F.   P.  C 

Salle  des  Concerts  —  Société  Philhakmoxiqi'IC 

Salle  des  Quatuors  —  Audition   Le  Faure  Boucherit  .     ... 
Salle  des  Concerts  —  Concert   Hasselmaxs  (orchestre)  .     .     .     . 

,,  „  —  Concert  Lamourktx 

,,  ,,  —  Concert  Marteau  (avec  orchestre)    .     . 

,,  ,,  —  Rep.  publique  Société  Bach     .     .     .     .     , 

,,             .,            —  Concert  de  L'Orchestre  Médical  (^provi- 
soirement)      , 

„  „  —  Société  Bach 

,,  ,,  —  Concert  Lamol'kelx 

Salle  des  Quatuors  —  Concert   U.   F.   P.   C 

Salle  des  Concerts  —  Concert  Au<fuste   Lami   (orchestre)    .      . 

Salle  des  Quatuors  —  Concert   Raals  (piano) 

Salie  des  Concerts  —  Concert   Hassklmans 

,,  ,,  —  30  ans  de  Théâtre 

,,  ,,  —  Concert   Lamotrici'X 

,,  „  —  Rep.  publique  ScnoLA 

—  Concert   Schola  CAXroRLM 


9  heures 

3  heures 

2  heure- 
9  heures 

1  heure 

3  heures 

3  heures 
9  heures 

4  heure - 

9  heures 

9  heures 

3  iieures 

2  heures 
9  heures 
9  heures 

3  heures 
9  heures 
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SALLE    PLEYEL 

embre   Matinée  d'Elèves  de   Madame  Abian   Cassan 1    heure 

Le  Quatuor   Morhant^e-Pelletier 9  heures 

Le  Quatuor   Lejeuiie 9  heures 

Mademoiselle   I\.    Léiiars  el.    Monsieiu'   Bi/.et 9  heures 

l\Litinée  d'Flcves  de   Madame  Lei^rin 1    heure 

Madame   Ro'fcr-Miclos-Hattaille d  lu-un-^ 


■1 


GUITARE 


M"    B.  DORE 


ÉLÈVi:    DI':    MIGUKL    KLOBET 
Leçon«4       Cours       Ensemble 
SpcaKs  cnKlish         ilabla  «'spanol  CONCERTS 

8,  Rue  Fui'stcnborg  Vio 
Téléphone  829.80  PARIS.         28.    Ruo   Donioui-s.   XVII 


MIGUEL    LLOBET 


Guitariste  virluosf 
de    la    Cour   d'Espagne 


LEÇONS 


Les  Fêtes  Chopin  à  Lemberg 


Les  fêtes  de  musique  polonaise  à  Lemberg  ont  été  vraiment  imposantes  et  j'ai  pu 
constater  non  sans  orgueil  national  qu'elles  ne  cédaient  en  rien  aux  fêtes  de  Haydn  à  Vienne 
aux  'Bachfeste  à  Duisburg  et  aux  Festivals  de  musique  française  à  Munich. 

La  participation  très  active  de  Paderewski  a  donné  à  cette  fête  un  éclat  et  une  splendeur 
toute  particulière  ;  c'est  que  le  grand  interprète  de  Chopin,  glorieux  dans  le  monde  entier 
comme  musicien,  a  encore  d'autres  titres  à  l'admiration  dans  son  pays  natal,  ceux  de  grand 
patriote  et  de  donateur  généreux.  Après  avoir  doté  la  ville  de  Cracovie  d'un  monument 
superbe  il  a  offert  à  la  ville  de  Lemberg  de  patronner  les  fêtes  en  l'honneur  de  Chopin,  qu'il 
s'engageait  à  interpréter  dans  tous  les  concerts.  Malheureusement,  des  névralgies  qu'il  ressen- 
'  tit  ces  temps  derniers  et  que  nous  espérons  passagères,  l'ont  forcé  à  ne  tenir  sa  promesse  qu'à  ■ 
moitié  :  il  se  fît  entendre  à  plusieurs  reprises  mais  comme...  orateur.  Nous  savions  déjà  par 
ses  discours  à  Cracovie  que  Paderewski  orateur  est  aussi  grand  que  Paderewski  pianiste,  mais 
sa  conférence  sur  Chopin  au  concert  de  l'inauguration  a  surpassé  toutes  nos  attentes. 

Les  journaux  polonais  ont  donné  in  extenso  ses  quelques  pages  de  belle  littérature,  mais  je 
crois  que  je  n'oserai  jamais  les  lire  car  elles  manqueront  toujours  pour  moi  de  ces  accents 
fiévreux,  de  ces  nobles  transports,  de  ces  modulations  capricieuses  et  de  toute  cette  infinité  de 
nuances  que  possède  l'art  inégalable  de  notre  orateur-musicien.  Lassés,  fatigués  par  une 
matinée  trop  remplie  de  musique  et  de  conférences,  nous  entendîmes  ce  discours  enflammé 
durant  une  heure  et  demie  sans  un  moment  d'impatience  ou  de  défaillance. 

Son  langage  très  recherché,  très  ciselé,  est  cependant  simple,  clair,  naturel, 
comme  le  doit  être  celui  d'un  tribun  populaire,  mais  un  tribun  aux  gestes  nobles,  aux 
manières  aristocratiques,  harmonieux  même  dans  ses  exclamations  les  plus  dramatiques  et 
dans  ses  défis  les  plus  explosifs  lancés  à  la  face  de  nos  oppresseurs.  Et  quand  il  a  terminé  par 
cette  phrase  risquée  dans  la  bouche  de  tout  autre  :  "  Chopin,  c'est  nous  !  s'il  est  grand,  il  l'est 
par  notre  grandeur  et  s'il  est  beau,  il  l'est  par  notre  beauté  !  "  —  Paderewski  fut  vraiment 
beau. 

Je  m'arrête  de  crainte  de  tomber  malgré  mon  enthousiasme  très  sincère  dans  un  ton 
déclamatoire  que  j'abhorre.  Les  critiques  et  les  fabricants  de  compte-rendus  ont  abusé  des 
adjectifs  louangeurs,  ont  assez  souillé  les  mots  :  "divin,  admirable,  grandiose,  colossal  "  et  je 
ne  me  sens  point  la  force  d'en  inventer  d'autres  dans  le  wagon  où  j'écris  cette  lettre  de 
Pologne. 

Paderewski  a  été  fêté  comme  un  roi,  "  Pourquoi  me  gâter  ainsi,  —  se  plaint-il  dans  un 
de  ses  discours  suivants  ;  à  Cracovie  on  parlait  de  moi  plus  que  du  Grunwald,  ici  à  Lembero- 
vous  me  donnez  plus  de  place  qu'à  Chopin...  que  faire,   c'est  bien  là  notre  nature  polonaise 
excessive,  sans  frein,  sans  mesure,  c'est  le  tempo  ruhato  de  notre  caractère,  qui  fait  que  nous 

donnons  toujours  ou  trop  ou  pas  assez " 

Etait-ce  peut-être  une  allusion  à  sa  jeunesse  quand,  pauvre,  il  a  dû  quitter  son  pays, 
chassé  par  les  ricanements  des  pions  et  des  critiques  qui  lui  refusaient  tout  talent  parce 
qu'il  ne  levait  pas  assez  haut  son  quatrième  doigt  !  Et  il  a  dû  courir  le  monde  durant  de 
longues  années,  dévoré  par  une  nostalgie  égale  à  celle  de  Chopin,  jusqu'au  jour  où  il  devint 
le  grand  musicien  et  l'interprète  célèbre  dans  le  monde  entier.  Virtuose,  il  ne  le  fut  jamais, 
du  moins  dans  le  sens  que  nous  donnons  à  ce  terme  à  l'heure  présente.   Le  virtuose  c'est  le 


7IO  S.   I.    M. 

calculateur  qui  combine  froidement  ses  effets  pour  éblouir  le  public  ;  c'est  le  joyeux  commis- 
voyageur  en  art  qui,  le  soir,  penché  sur  son  clavier,  nous  parle  souffrances,  c'est  le  chercheur 
de  réclame  sans  scrupule,  le  coureur  de  dot  et  de  gain,  qui,  armé  de  son  archet,  veut  nous 
donner  des  leçons  d'amour  et  de  désintéressement. 

Toute  la  vie,  toute  la  carrière  de  notre  grand  compatriote  fut  toujours  sincère,  noble  et 
généreuse  et  les  honneurs  qui  lui  ont  été  rendus  durant  ces  dernières  fêtes  furent  des  plus 
mérités  et  nullement  excessifs. 

Le  Concert  d'Inauguration  nous  a  apporté  une  œuvre  de  circonstance  de  Zygmunt 
Noskowski,  compositeur  de  talent,  mort  l'année  dernière  ;  le  titre  en  est  un  peu  prétentieux  : 
La  Fie  de  la  Nation.  Ce  sont  des  variations  symphoniques  sur  le  thème  du  Prélude  en  la  maj. 
de  Chopin.  J'avoue  avoir  manqué  le  Te  Deum  d'Elsner  qui  fut,  comme  on  le  sait,  le  maître 
de  Chopin.  Mais  cette  pièce  a  suivi   le  discours  de   Paderewski,  qui   fut  le  plus   beau   poème 

symphonique  en  paroles  et  après  lequel   on   " ne   veut  rien  de  plus,  on  ne  veut   rien   de 

mieux,  pour  contenter  l'esprit  et  l'oreille  et  les  yeux. 

Le  deuxième  Concert  fut  entièrement  consacré  à  la  musique  polonaise  ancienne.  Le 
programme,  très  intéressant,  comprenait  des  œuvres  totalement  inconnues  et  môme  inédites  : 
des  chœurs  a  capella  de  Jean  Polak  (Joannes  Polonus)  de  la  fin  du  XVP  siècle  et  de  Waclaw 
Szamotulski  du  commencenient  du  même  siècle  ;  une  petite  cantate  de  Bartholomieï  Pekiel 
du  XVII"  siècle  ;  un  Magnificat  de  Nicolaï  Zielenski  du  commencement  du  XVIP  siècle  ; 
une  sonate  pour  deux  violons  et  orgue  ou  clavecin  de  S.  S.  Szarzynski  du  XVII''  siècle  et 
toute  une  série  de  pièces  de  luth  et  de  clavecin  de  Podbielski,  Dlugoraj,  Diomedes  Cato  et 
autres  que  M"""  Wanda  Landowska  a  exécutées  au  clavecin. 

Et  cela  nous  fut  une  véritable  joie  de  constater  que  ce  programme  a  intéressé  au  plu.s 
haut  degré  non  seulement  les  musiciens,  mais  le  très  nombreux  public,  car  la  grande  salle  du 
théâtre  de  Skarbek  était  archicomble.  Quant  à  la  soliste  de  la  soirée,  une  vague  parenté  qui 
me  lie  à  cette  personne  m'empêche  de  dire  tout  le  bien  ou  tout  le  mal  que  j'en  pense.  Il 
serait  à  désirer  que  les  œuvres  de  l'ancienne  musique  polonaise  qui  moisissent  dans  les  biblio- 
thèques ou  chez  des  collectionneurs  parussent,  à  l'instar  des  Denkjnaeler  der  Oeiterreicher 
Tonkunsty  sous  le  contrôle  des  musiciens  instruits  qui  les  sauvegarderaient  de  toute  transcription 
sacrilège. 

M.  Maurice  Rosenthal  est  venu  de  très  loin  pour  prendre  part  au  troisième  concert. 
Peu  de  musiciens  savent  que  l'éblouissant  pianiste  est  polonais  natif  de  Lemberg.  Il  a  rayé  de 
son  programme  toute  pièce  pouvant  donner  lieu  à  une  exhibition  de  la  virtuosité,  nous  prou- 
vant ainsi  que,  pour  honorer  Chopin,  on  doit  éviter  les  tours  de  force,  les  sauts  périlleux,  le 
fracas  inutile,  et  garder  tout  cela  pour  le  gros  public. 

Au  quatrième  concert  nous  avons  entendu  M.  Schelling,  un  élève  de  Paderewski  que 
le  maître  entourait  de  soins  paternels.  Cependant  M.  Schelling  doit  son  succès  à  ses  mérites 
personnels,  c'est  un  pianiste  de  tout  premier  ordre,  au  toucher  délicat,  à  la  sonorité  ronde  et 
pleine  et  d'un  goût  sûr. 

Le  cinquième  concert  a  été  consacré  aux  compositeurs  vivants.  Après  VOuverture  du 
vieux  maître  Ladislas  Zclcnski  tirée  de  son  opéra  "  Janek  "  nous  avons  entendu  un  poème 
symphonique  de  M.  Ludomir  Rozycki,  qui  compte  parmi  les  plus  intéressants  compositeurs 
de  la  jeune  Pologne.  A  peine  Agé  de  26  ans  M.  Rozycki  a  écrit  plusieurs  opér.is  et  toutes  une 
série  de  pièces  syniplioniques.  Son  poème  An  helli  est  de  toute  beauté.  Le  prof.  Melcer,  com- 
positeur qui  compte  en  même  temps  parmi  nos  meilleurs  pianistes,  a  exécuté  son  Concerto 
pour  piano  et  orchestre  qui  fut  récompensé  en  1895  au  concours  Rubitistein.  Le  clou  de  la 
soirée,  la  symphonie  en  ù  mineur  de  Padereu^ski  dirigée  par    M.   Opicnski   fut  accueillie  avec 


FETES    DE    CHOPIN 


711 


des  ovations  très  prolongées.  On  connaît  cette  oeuvre  à  Paris  où  elle  a  été  exécutée  sous  la 
direction  de  M.  Messager. 

Le  sixième,  le  concert  populaire,  fut  précédé  d'une  conférence  de  M.  Edouard 
Walter  et  comportait  un  très  riche  programme,  très  varié,  qu'il  nous  a  été  impossible  de 
suivre,  car  en  dehors  des  concerts,  des  réunions,  nous  avons  eu  une  avalanche  de  réceptions. 
Parmi  les  plus  réussies  nous  devons  compter  celle  de  S.  Ex.  Tchorznicki  le  président  du 
Comité  et  celle  de  la  C"'  Pélagie  Skarbek  la  petite  fille  de  Frédéric  Skarbek  qui  fut  le  parrain 
et  le  protecteur  de  Chopin  et  qui  elle-même  est  une  artiste  de  grand  talent,  d'ailleurs  bien 
connue  à  Paris. 

Le  banquet  offert  par  la  société  littéraire  et  artistique  suivi  d'une  séance  musicale  impro- 
visée fut  parfait,  d'atmosphère  cordiale  et  enjouée. 

Le  Congrès  des  musiciens  polonais  a  été  présidé  par  l'abbé  Surzynski,  le  fameux  historien 
de  la  musique  religieuse  en  Pologne.  Dans  son  discours  d'ouverture  le  président  a  souligné  les 
grands  mérites  pour  la  musicographie  du  D"  A.  Chybinski  et  du  D''  Jachimecki.  Les  travaux 
ont  été  divisés  en  trois  sections.  Parmi  les  très  intéressantes  conférences  je  mentionnerai  celles 
du  D""  Berson  sur  La  réforme  dans  la  notation  des  partitions^  celle  de  M.  Henri  Opienski  sur 
La  nécessité  des  cours  d^Histoire  de  la  musique^  celle  de  M.  Rosenzwejg  sur  L'Avenir  de 
r esthétique  musicale.  M.  Ignace  Fuhrman,  le  secrétaire  du  Comité  Chopin,  a  parlé  de  Vunifica- 
tion  de  la  nomenclature  musicale  en  Pologne.  M°"°  Cornelie  Parnass  nous  a  fait  connaître  quelques 
petites  pièces  inconnues  et  quelques  variantes  de  Chopin  ainsi  qu'un  album  de  compositions 
inédites  de  celle  qui  lui  inspira  son  premier  amour,  Marie  Wodzinska.  Je  parlerai  dans  le 
prochain  numéro  des  décisions  du  comité  et  du  mouvement  musicographique  en  Pologne. 

Qu'il  me  soit  permis  maintenant  d'adresser  de  chaleureuses  félicitations  au  Président,  à 
Son  Excellence  Alexandre  Tchorznicki,  au  vice-président,  au  grand  écrivain  Adam 
Krechowiecki,  et  surtout  à  M.  Stanislas  Niewiadomski,  notre  Schubert  polonais,  qui  fut 
l'énergique  organisateur  de  toutes  ^ces  fêtes,  ainsi  qu'à  son  vaillant  adjudant  M.  Ignace 
Fuhrman. 

Henri  Lew  Landowski. 


Théâtres   et   Concerts 


MACBETH.  —  Drame  lyrique^  musique  de  Ernest  Bloch^  représenté  à  V Opéra-Comique. 

Il  est  toujours  un  peu  téméraire  d'inoculer  le  virus  de  la  musique  à  une  œuvre  profondé- 
ment saine,  et  qui  se  porte  à  merveille  depuis  des  siècles.  Ce  qui  précisément  crée  le  chef 
d'oeuvre,  c'est  un  certain  équilibre  de  tous  les  éléments  de  vie,  et  de  toutes  les  convenances 
artistiques.  Le  Macbeth  de  M.  Bloch  en  est  un  nouvel  exemple  après  tant  d'autres,  et  un 
exemple  saisissant  par  le  redoutable  talent  musical  qu'il  nous  révèle.  Séduit  par  l'horreur  de  ce  | 
drame,  M.  Bloch  a  pensé  qu'il  trouverait  là  une  occasion  de  montrer  son  art  trépidant  et 
comolexe.  Et  en  vérité,  ce  musicien  arrive  à  nous  donner  une  parfaite  idée  de  la  façon  dont  il 
manie,  ce  que  Victor  Hugo  appelait  "  l'informe  hurlant.  "  Mais  n'aurait-il  pu  le  faire,  et 
beaucoup  mieux,  à  ses  propres  risques,  sans  entraîner  Shakespeare  dans  l'aventure  ? 

L'horreur  de  Macbeth  a  fait  naître  dans  l'imagination  de  Shakespeare  une  intrigue  qu'on 
peut  appeler  littéraire,  c'est-à-dire,  dans  laquelle  la  poésie,  et  l'intelligence  claire,  lucide,  logique 
ont  leur  part.  La  pièce  anglaise  nous  élève  ainsi  au-dessvis  de  la  brutalité  des  événements,  elle 
donne  un  sens  à  la  réalité  qu'elle  éclaire.  Mais  la  musique,  et  surtout  celle  de  M.  Bloch  ne 
s'adresse  plus  qu'aux  sens  exaspérés.  Elle  nous  replonge  dans  la  grossièreté  du  fait  divers.  Elle 
donne  le  frisson,  c'est  entendu,  mais  rien  que  le  frisson.  Les  paroles  disparues  dans  le  fracas 
d'un  orchestre  moderne,  il  reste  tout  juste  une  lamentable  histoire  qui  se  traîne  dans  un  joli 
décor  moyen  âge,  et  qui  étire  pendant  quatre  heures  et  demie  son  mélodrame  vieillot. 

On  peut  très  bien  concevoir  le  drame  musical  comme  une  crise  rapide,  et  pour  ainsi  dire 
hystérique.  C'est  le  cas  de  Salomé  et  d'Elektra.  Mais  Richard  Strauss,  lorsqu'il  tente  de  nous 
asséner  un  terrible  coup,  nous  tient  tout  juste  une  heure  et  demie,  et  sans  entr'acte.  Le  coup 
est  porté,  et  chacun  se  retire.  C'est  juste  le  procédé  opposé  à  celui  de  Shakespeare  qui  veut  que 
son  auditeur  se  resaisisse,  et  se  dégage  pour  ainsi  dire  du  drame  lui-même.  Macbeth,  encore  une 
fois,  perd  tout  à  être  mise  en  musique,  puisqu'elle  perd  l'élément  shakespearien  qui  la  rendait 
précieuse. 

Les  critiques  d'ordre  esthétique  que  je  formule  ici  contre  la  pièce  de  l'Opéra-Comique, 
n'atteignent  pas  le  talent  très  réel  et  très  fougueux  du  solide  musicien  qu'est  M.  Bloch,  et  que 
nous  espérons  bien  voir  à  l'œuvre  une  autre  fois. 


La  84*^  année  des  Concerts  du  Conservatoire,  le  Millième  Concert  Colonne,la  30^  année  des 
Concerts  Lamoureux  !  Faut-il  conclure  de  ces  chiffres  que  la  France  se  convertit  sincèrement 
à  la  musique  et  qu'elle  y  devient  une  fonction  sociale  ?  Quoi  qu'il  en  soit,  l'évolution  est  trop 
bien  établie  pour  cesser  ou  même  se  ralentir.  Après  avoir  entendu  de  la  musique  par  snobisme, 
quelques  centaines  de  Parisiens  l'entendent  par  goût  et  par  besoin  et  finissent  par  la  comprendre. 

C'est  la  symphonie  Héroïque  qui  a  ouvert  la  saison  au  Conservatoire^  bien  jouée  certes 
par  l'orchestre,  mais  assez  alourdie  aussi  par  M.  Messager  dans  certains  passages,  le  milieu  du 
finale  par  exemple,  ou  le  mouvement  fut  par  trop  lent.  La  Thamar,  de  Balakirew^,  qu'on 
donnait  pour  la  première  fois,  est  une  de  ses  meilleures  pages.  Avec  quelques  développements, 
il  en  eût  fait  un  merveilleux  ballet.  Mais  n'y  cherchez  pas  autre  chose  que  du  pittoresque.  La 
Nuit,  chœur  de  Saint-Saëns  pour  voix  de  femmes,  arrivait  des  Concerts  Colonne  au  Conser- 


THÉÂTRES   ET  CONCERTS  713 

vatoire  sans  éclat,  ainsi  qu'il  convient,  trop  calme  mï^me,  Mlle  Campredon  a  fort  agréablement 
(hante  les  trilles  du  solo.  Dans  le  Concerto  de  piano  en  sol,  de  Beethoven,  Mme  Alem-Chené 
a  eu  de  la  finesse  et  du  charme,  à  défaut  de  puissance.  L'œuvre  exige  d'ailleurs  peu  de  force, 
La  deuxième  symphonie  de  Balakirew,  au  Concert  LamoureuXy  fut  une  vraie  nouveauté 
car  c'est  peut-être  la  dernière  œuvre  de  l'auteur  et  elle  n'avait  été  exécutée  qu'une  fois  à 
St  Petersbourt!;,  l'an  dernier.  Le  développement  symphonique  y  fait  défaut,  et  à  vrai  dire,  elle 
n'a  de  symplionic  que  le  titre.  C'est  un  peu  simple  de  facture,  cela  manque  de  procédé  et  de 
style.  Mais  quelle  sincérité  dans  les  motifs  et  dans  leur  présentation  et  quelles  jolies  trouvailles 
sonores  !  Le  poème  symphonique  de  M.  Lucien  Lambert,  "  Prom'nons  nous  dans  les  bois" 
est  une  page  aimable  et  amusante.  M.  Chevillard  l'a  fait  suivre  des  Murmures  de  la  Forôt, 
de  Siegfried,  avec  quelque  malice.  On  a  beaucoup  applaudi  le  Don  Juan,  de  M.  Strauss.  C'est 
l'antithèse  de  Balakirew.  On  attendait  beaucoup  des  fragments  d'Eros  vainqueur,  les  scènes 
lyriques  de  M.  de  Brévillc,  représentées  avec  succès  à  Bruxelles,  On  eut  quelque  déception. 
Non  que  cette  musique  soit  banale,  mais,  écrite  dans  une  tonalité  volontairement  grise,  discrète, 
et  infiniment  distinguée  elle  porte  peu  et  le  public  ne  lui  a  pas  rendu  justice,  Baba-Yaga,  de 
Liadow,  est  une  drôlerie  musicale  tout  à  fait  réjouissante,  présentée  avec  une  dextérité 
merveilleuse  et  fort  bien  rendue  par  l'orchestre  de  M.  Chevillard.  Mais  quel  bariolage  que  ces 
programmes  où  Liadow  coudoie  M.  de  Bréville  ! 

M.  Chevillard  a  jusqu'ici,  heureusement  choisi  ses  solistes  :  Mlle  Dehelly,  dans  un 
Concerto  de   Liszt,  Mmes  Isnardon   et   Le   Senne,  Mlle   Calo,  Mlle  Croiza,  M.  de  Lausnay 

'  dans  un  Concerto  de  Lalo,  etc. 

C'est    par    Beethoven    que    M.    Pierné   a    célébré   le    millième    Concert   de    r Association 

\i Artistique  (Concert  National  le  2  mars  1873,  Association  Artistique  en  1875).  M,  Kreisler 
joua  le  Concerto  de  violon,  M,  Clark  chanta  les  Lieder  de  Gellert,  l'orchestre  brilla  dans  la 
3^  ouverture  de  Léonore,  M.  Mounet  Sully  dit  les  vers  de  M.  Emile  Moreau  à  la  gloire  de 
Colonne,  enfin  Chœurs  et  Orchestre  s'unirent  pour  la  9*^  Symphonie.  Une  précédente  séance 
avait  été  consacrée  à  Franck  et  à  Wagner,  où  Mlle  Selva  avait  joué  les  Djinns  ;  à  une  autre 
M.  D'Indy  avait  conduit  son  Wallenstein  et  reçu  un  triomphal  accueil  ;  le  Paradou,  de 
M.  Bruneau  est  toujours  intéressant,  quoiqu'on  dise.  Enfin  citons  un  poème  de  M.  Taillade 
pour  voix  et  Orchestre,  l'Enfant,  sur  des  vers  de  Victor  Hugo,  qui  fut  à  peu  près  la  seule 
nouveauté  du  mois,  page  pittoresque,  expressive  et  l'écriture  experte. 

MM.  Séchiari  et  Hasselmans  ont  eu,  pour  leur  rentrée,  la  récompense  de  leur  per- 
sévérante initiative,  car  les  salles  étaient  élégamment  garnies.  Un  concert  symphonique  dans 
la  semaine,  quatre  en  matinée  le  Dimanche  ne  sont  plus  excessifs  pour  nos  goûts.  Mais 
il  faut  encore  à  ces  deux  jeunes  orchestres  un  effort  pour  arriver  à  une  exécution  tout  à  fait 
d'aplomb.  Pourquoi   ne  pas  donner  deux  fois  de  suite  les  œuvres  importantes  et  se  ménager 

uainsi  plus  de  répétitions  ? 

A   la   première   séance  Séchiari,  on  a  applaudi  les  Trois  Sorcières,  de   M.  Léo  Sachs, 

eœuvre  de  couleur  sombre,  dramatique,  quelque  peu  Wagnérienne,  bien  chantée  par  Mme  Rose 
Féart.  De  M.  Ch.  Quef,  une  Suite  Flamande,  violente  et  populaire,  presque  trop.  Le  joli 
petit   Concerto    qu'est   la  Hafïher   Sérénade,  de  Mozart,  a  fourni  une  occasion  de   briller  à 

^M,  Bittar.   Est-il   bien   vrai   qu'elle   n'avait  jamais   été  jouée  à  Paris  ?  M.  Hollmann,  parfait 

:dans  la  mélodie  Kol  Nidrei,  de  Max  Bruch,  s'est  fait  entendre  aussi  dans  un  concerto  de  sa 
composition,  "  œuvre  aimable  et  brève"    du   "roi    des   violoncellistes."   Ainsi   s'exprimait  le 

iprogramme.  Inclinons-nous, 

:  Un  enrouement  de  M,  Fabert  causa  quelque  trouble  au  programme   de   M,  Hasselmans 

net  nous   priva   de    deux   nouveautés.    Correcte   et   bien   écrite   sans   plus  est   l'ouverture    de 


714  s.  I.  M. 


M.  Louis  Dumas.  Il  faut  espérer  de  M.  Dumas,  dont  le  Cercle  de  l'Art  Moderne  va  donner 
un  quatuor  à  cordes.  Exécution  un  peu  flottante  de  la  3*"  symphonie  de  Saint-SaÊns,  mais,  par 
contre,  absolue  perfection  de  M.  Hayot  dans  le  Concerto  de  Violon  de  Lalo  et  le  Rondo 
Capriccioso  de  Saint-Saëns,  qu'il  a  joués  en  grand  virtuose  et  en  grand  artiste.  Nous  avons 
encore  des  violonistes  à  Paris. 

Feurwerk,  de  M.  Strawinsky,  a  eu  quelques  enthousiastes.  Beaucoup —  et  nous  sommes 
du  nombre  —  n'ont  vu  que  trente-six  chandelles  à  ce  Feu  d'Artifice  et  tous  nos  sentiments 
pour  la  "  nation  alliée  et  amie  "  ne  nous  empêcheront  pas  de  le  dire.  L'exécution  était 
d'ailleurs  plutôt  vacillante. 

Il  est  assez  délicat  de  parler  des  concerts  historiques  de  l'Opéra  Comique.  M.  Carré  et 
M.  Expert  ont  la  louable  intention  d'initier  le  public,  en  seize  séances,  à  l'histoire  de  la 
mélodie  moderne.  Qu'ils  en  soient  loués  et  remerciés.  Mais  une  toute  petite  conférence  de 
M.  Expert  est  insuffisante.  Hâtons-nous  de  dire  que  l'auditoire  en  digérerait  mal  une  plus 
longue.  Puis,  au  lieu  de  ce  défilé  de  mélodies,  quelques  scènes  importantes  bien  choisies,  avec 
un  petit  orchestre  au  lieu  d'un  piano,  donneraient  une  idée  plus  exacte  de  l'évolution  musicale. 
L'Opéra-Comique  l'avait  essayé  il  y  a  quelques  années,  ce  nous  semble.  Quoiqu'il  en  soit, 
M.  Expert  parle  avec  désinvolture  et  précision  et,  des  artistes  entendus  dans  les  trois  pre- 
mières séances,  plusieurs  furent  très  agréables  ;  Mlles  Bilbaut  Vauchelet,  Hatto,  Lucy  Vau- 
thrin  et  Martyl,  MM.  Francell  et  Gilles  sont  à  nommer  tout  d'abord. 

La  Société  Phi/harmonique  a  fait  plus  que  le  maximum  avec  MM,  Kreisler  et  Harold 
Bauer,  car  nous  avons  vu  "  refuser  du  monde."  Ce  fut  une  belle  séance  où  la  virtuosité  ne 
nuisit  pas  à  une  interprétation  profondément  artistique.  Ces  talents  ont  les  mêmes  mérites  de 
finesse  et  de  pondération,  la  même  qualité  de  son,  la  même  discrétion  de  nuances.  Au  troisième 
concert,  affluence  un  peu  moindre.  Le  double  Quintette  (M.  Sechiari  premier  violon)  donnait 
le  septuor  de  Beethoven  et  une  "  symphonie  de  chambre,  "  avec  piano,  de  M.  VVolfF  Ferrari, 
dont  il  y  a  peu  à  dire  en  bien  et  en  mal.  Par  contre,  le  petit  trio  sérénade  (flûte,  violon,  alto) 
de  Beethoven  est  toujours  exquis,  joué  par  des  artistes  comme  M.  Sechiari,  Hennebains  et 
Vieux,  et  Mlle  Helbronner  a  une  voix  agréable,  égale  et  une  excellente  diction. 

La  Société  J.  S.  Bach  va  donner  la  Passion  selon  St-Matthieu.  Elle  y  a  préludé  par  la 
cantate  nuptiale  pour  soprano  et  la  cantate  profane  "  Nous  avons  un  nouveau  gouverneur  ". 
qui  est  une  des  œuvres  de  Bach  les  plus  imprévues.  Le  vieux  cantor  y  fait  la  critique  de  ce 
moderne  style  qui  allait  bientôt  être  celui  d'Haydn. 

M.  Raugel  dirige  la  Société  Hecndcl  avec  une  foi  qui  transporterait  des  montagnes  mais 
qui  ne  remédiera  jamais  à  la  défectuosité  des  églises  pour  les  oratorios  et  l'orchestre.  Il  faut 
qu'il  nous  redonne  le  Te  Deum  de  Hsendel  ailleurs  qu'à  S^  Eustache.  Pour  parler  de  cette 
grande  œuvre,  il  eût  fallu  l'entendre  sans  résonnances,  et  sans  échos.  Revenons  donc  vite  à  la 
salle  de  la  rue  de  Trévise. 

Toujours  soucieux  d'instruire  son  auditoire  fidèle,  la  Schola  a  donné  pour  son  premier 
concert  mensuel  des  "  suites  "  de  Bach,  H^eiulel,  Debussy,  d'Indy,  où  son  orchestre  a  montré 
des  progrès.  M''*'  Selva  a  commencé  une  série  de  concerts  sur  la  sonate  de  piano  avant 
Beethoven.  Voilà  des  programmes  comme  il  n'y  en  a  pas  assez.  Dans  le  même  sentiment 
didactique,  M"'"  Pironnay  donneront  d'ici  à  la  fin  de  décembre  sept  séances  avec  conférences 
de  M.  Landormy  sur  la  musique  depuis  le  commencement  tlu  XIX*  siècle.  C'est  la  suite  d'une 
série  "  d'illustrations  "  de  l'histoire  musicale. 

U Union  dei  femmes  Professeurs  et  compositeurs  est  d'une  incontestable  activité.  Elle  aura 
bientôt,  nous  assure-t-on,  son  orchestre,  entièrement  féminin,  bien  entendu.  Dès  maintenant, 
elle  donne  deux  concerts  par  mois  d'une  bonne  tenue  artistique.  Le  sexe  laid  y  est  admis  sans 


THÉÂTRES  ET  CONCERTS  715 

être  obligé  de  se  laisser  raser,  à  l'encontre  de  ce  que  prétendait  irrévérencieusement  je  ne  sais 
plus  qui.  Avec  M""'  Forte-Gex  (violon),  M""Caffaret  (piano).  M"''  Laskine  (harpe),  M'"'=  Bathory 
(chant),  M""  Bonnard  et  son  Trio  de  la  Reine  le  programme  n'avait  rien  d'ennuyeux,  et  les 
•  artistes  ont  été  fort  applaudies. 

Hâtons-nous  de  mentionner  le  trio  Kellert^  déjà  entendu  l'an  dernier  et  en  appréciables 
progrès,  les  trois  concerts  de  M.  Spalding^  un  des  violonistes  excellents  de  notre  époque  de  virtuoses, 
un  très  intéressant  concert  du  Lied  Moderne  où  M""'  Marteau  de  Milleville  a  donné  des  œuvres 
vocales  de  M"'''  Delage  Prat,  de  MM.  Georges  HUe,  Langlois  et  Pessard  (M°'^  Delage  Prat 
et  M.  Hue  excellent  dans  les  petits  tableaux  de  genre,)  le  concert  Thibaut  Floresco^  puis  le  très 
beau  ^(7«(:i?r^  Qhoral  de  la  Société  Spœl^  de  La  Haye.  Avons-nous  des  chœurs  capables  de  chanter 
à  Cappella  avec  ce  sentiment,  ce  goût  et  cette  justesse  ?  C'est  douteux. 

Moussorgski,  M™*^  Marie  Olénine,  M.  Cortot  !  Si  vous  êtes  insensible  à  ces  trois  noms 
sur  un  programme,  ne  vous  dites  pas  musicien.  La  séance  à  laquelle  nous  venons  d'assister  rue 
d,'Athènes  fut  vraiment  et  absolument  belle.  Ce  Moussorgski  vous  secoue,  vous  boulverse,  sans 
rien  emprunter  à  aucune  école,  sans  obéir  à  aucun  système.  On  ne  lui  résiste  pas.  Et  quelle 
interprètes  que  M"^*^  Olénine,  à  la  foi  d'apôtre,  et  M.  Cortot  !  Ils  donneront  encore  un  concert  — 
le  quatrième  —  le  19  décembre,  après  que  le  S.  L  M.  aura  paru.  Allez  y,  c'est  la  grâce  que 
je  vous  souhaite. 

Le  "  Pax  Quatuor  "  commence  sa  deuxième  année  d'existence.  Très  belle  exécution  du 
3**  quatuor  de  Beethoven  et  du  3^  de  Schumann  par  MM.  Louis  Carembat,  G.  Poulet, 
Drouet,  A.  Cruque,  et  de  la  sonate  en  sol  mineur  de  Haendel  pour  piano  et  violoncelle, 
jouée  par  M.  Cruque  et  M™^  Muller  de  Beaupré,  l'infatigable  organisatrice,  dans  un  style 
admirable. 

Gardons-nous  d'oublier  le  Concert  de  la  Société  des  Dilettantes  où  l'art  musical  russe  fut 
savamment  commenté  par  M.  Louis  Thomas.  Citer  le  nom  de  M°^*'  Raymonde  Delaunois  et 
de  M.  E.  Trillat  qui  interprétèrent  des  œuvres  de  Moussorgsky,  Blumenfeld,  Borodine, 
Balakirew,  RachmaninofF,  c'est  dire  tout  le  succès  que  remporta  cette  remarquable  séance. 

Enfin  reconnaissons  la  belle  interprétation  de  M™''  Raunay  dans  deux  cantates  de 
Schiitz,  et  surtout  dans  la  fille  de  Jephté  de  Carissimi.  Il  y  aurait  beaucoup  à  dire  sur 
cette  séance  qui  nous  a  promené  de  la  fin  du  XVIIP  siècle  allemand  au  milieu  du 
XVIP  italien.  L'intention  est  louable,  la  réalisation  pleine  de  noblesse  mais  l'ensemble, 
mené  militairement  par  Chevillard,  manquait  un  peu  de  cet  abandon  qui  est  nécessaire 
pour  séduire  pleinement.    N'importe  !   Un    bon   point  à  cette   belle   initiative. 

La  dernière  matinée  donnée  par  M.  Challet  et  M™®  Challet-Vicq  était  consacrée 
aux  œuvres   de   MM.   Auhert  et  Duteil  d^Ozanne. 

De  ce  dernier,  la  charmante  Suite  en  forme  de  Sonate  pour  piano  et  violon  était 
je   crois,   plus  connue   du   public  que   le  cycle   de   mélodies. 

F.    GuÉRILLOT. 

Province. 

LE  HAVRE.  —  UN  CONCERT  ESPAGNOL.  —  Le  Havre  vient  d'être  témoin 
d'une  manifestation  touchante  et  significative  en  faveur  de  la  musique  espagnole.  Grâce  au 
concours  de  M™®  Miguel  Alzieu,  de  M"®  Launay,  de  M.  de  Falla,  et  du  quatuor  Willaume- 
Feuillard,  Les  Havrais  ont  eu  la  primeur  d'un  musique  vraiment  nouvelle. 


Administration  de  Concerts  A.  DANDELOT,  83,  rue  d'Amsterdam 
SALLE  DES  AGRICULTEURS:  8,  RUE  D'ATHÈNES 

QUATRE  RÉCITALS  DE  LA 

"MAISON  DU  LIED"  DE  MOSCOU 

Chant:  M""^  MARIE  OLÉNINE  d'ALHEIM 
Piano  :  M.  ALFRED  CORTOT.  —  M.  ALEXANDRE  OLÉNINE. 


PREMIER  RÉCITAL,  LUNDI  28  NOVEMBRE 

Bach  :  Zuversicht  und  Trost. 
Beethoven  :  In  questa  Tomba  oscura. 
Berlioz  :  La  Mort  d'Ophelie 
Li?zt  :  Die  Drei  Zigeuner. 
Moussorgski. 
Sans  Soleil  ! 

(Poëmes  de  Golenitchef-Koutouzof.) 
Entre   quatre  murs.  —  Perdu   dans  In   foule.  —  Soir  de 
Fête.  —  Spleen.  —  Elégie.  —  Sur  l'eau. 
Chants  et  Dits  populaires 
La    Berceuse   du   p.nyaan.  —  La  Berceuse  du  Pauvre.  — 
Le   dit   de   l'Orpheline.  —  Chant  hébraïque.  —  Je 
sais  un  frais  jardinet.  —  La  Foire  de  Saratschinsk. 
—  Dans  la  Forêt.  —  Le  Dnieper..  —  Le  Hopak. 
"  Pour  les  Enfants  " 
Chanson  d'Enfant.  —  La  Pie.  —  Le  Cousin  et  l'Araignée. 

Chants  et   Danses  de  la    Mort 
Sérénade.  —  Berceuse.  -    Le  Chasse-Neige. —  La  Guerre. 
M'"'  M.  Olénine.  —  M.  A.  Cortot. 


TROISIÈME  RÉCITAL,  LUNDI  12  DÉCEMBRE 

Schubert  (Winterreise). 
Gute  Nacht.  —  Die  Wetterfahne.  —  Gefror'ne  Thranen. 

—  Erstarrung.  —  Der  Lindenbaum.  —  Wasserflut. 

—  Auf  dem  Plusse.  —  Riickblick.  —  Das  Irr- 
licht.  —  Rost.  —   Frilhlingstraum.  —  Einsamkeit. 

—  Die  Post.  —  Die  Greise  Kopf.  —  Die  Kr-^he.  — 
Letzte  Hoffhung.  —  Im  Dorle.  —  Der  StQrmiche 
Morgen.  ■ —  Taiischung.  —  Der  Wegweiser.  —  Das 
Wirtshaus.  —  Mut.  —  Die  Nebensoanen  der 
leiermann. 

Der  Wanderer  Schmidt  -von  LUbcck. 
Robert  Schumann. 
Kinderscenen. 

Moussorgski. 
"La   Chambre  d'Enfants" 
Dis  moi,  veux-tu  grand'mère.      La  Prière. 
Dans  le  Coin.  Le  Chat  matelot. 

Le  Hanneton.  A  cheval  sur  un  bâton. 

Berceuse  de  la  poupée. 
M""   M.  Olénine.      -  M.  A.  Cortot. 


DEUXIEME  RÉCITAL,  LUNDI  5  DÉCEMBRE  QUATRIÈME  RÉCITAL,  LUNDI  1 9  DÉCEMBRE 


Balnkiref  : 
Même  moi,  ô  nuit  !  Nuit  sans  étoiles. 

Esprits  du  Ciel.  Chanson  de  Sélim. 

Je  l'ai  aimé.  Je  suis  triste. 

Le  Din.  Mon  enfant   reste  avec  moi. 

Franz  Liszt  : 
Sonate  Si  Mineur 
Du  bist  wic  eine  Blume.  -  Ihr  glorkcn  von  Mnrling.  — 
Vergiftet  sind  meine  Lieder.  —  Es  muss  ein  Wun- 
derbares  sein.  —  Anfangs  wolet  ich  fast  vcrzagen. 
—  Die  Stille  Wasserrose.  ^-  Das  Vcilchen.  —  Ich 
liebc  dich.  -  -  Gcbct. 

Chopin  : 
Zyc/.cnic.  Sniutna  rzcka. 

Mionn.T.  Mclooya. 

Pio^nka  litweska  Leciliocie  drzcwa. 

Vojak. 

M"'  M.  Olénine.      -  M.  A.  Cortot. 


Chants  populaires. 
La  Chanson  de  Roland  (La  Mort). 

Chanson  tie  Burn<. 
My  hearts  in  the  Highi.md.  —  John  AnJerson,  My 
Jo.  —  Oh  wert  thou  in  the  cauld  blast.  —  Scots,  wha 
hac  wi'  Wallace  bled.  The  Chevalier's  Lamcnt.  — 
Phcmie.  —  Mary  Morison.  --  Les  adieux  de  Mac- 
Pherson. 

Sept   Chansons  populaires. 
Espaonoli,   Russe,   Flamande,   Limousine,  Ecossaise,  Ita- 
lienne, Hébraïque. 

La  vie  d'une  femme. 
(Chants  populaires  Russes)  [^.\.  Olénine). 
Berceuse.  --  Chanson  de   Noi'l.  -  -  Rêverie.     -  Sous    m.i 
fenêtre.  -    Je  ne  dis  pas  mon  secret.  --  Bénédiction. 

—  Chant  Nuptial.  —  Chanson  de  table.  —  Tristesse. 

—  Chant  de  hlcuse. 

M""  M.  Olénine.         M.  .\.  Olénine. 


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116.  Boulevard  Hau»»mann.  M.  tSCHIG.  13.  rue  Laffillc.  fOKriN.SI.  rue  Saint-Placide  & 
à  l'Adminitlration  de  Concerts.  —  A.  DANDF-LOT,  83,  rue  d'Anuterdam.  Téléphone  :  1 10,35. 


THÉÂTRES  ET  CONCERTS  717 

Ce  n'est  pas  aux  lecteurs  de  notre  Revue  que  j'apprendrai  l'existence  de  la  Musique 
Moderne  Espagnole  ;  M.  Henri  Collet  a  publié  ici  même  en  1908  deux  articles  auxquels 
devront  toujours  recourir  ceux  qui  voudront  avoir  sur  la  question  les  grandes  données 
claires. 

Le  grand  Albeniz,  deux  ans  avant  sa  mort,  m'avait  déjà  entretenu  des  efforts  faits  dans 
son  pays  pour  dégager  une  musique  vraiment  nationale  et  personnelle,  du  sein  des  influences 
italianisantes  ou  vulgaires  qui  en  submergeaient  le  caractère  initial  profond,  ardent,  mélancolique 
et  coloré.  "  Il  n'y  a  pas  que  moi  comme  musicien  espagnol  "  me  disait-il  avec  cette  sympathie 
débordante  et  cette  familiarité  enthousiaste  que  nous  avons  tous  connue  et  que  nous  ne 
cesserons  pas  de  regretter. 

Et  déjà  lui  seul  n'ètait-il  pas  un  témoignage  merveilleux  de  la  vitalité  du  génie  espagnol, 
des  ressources  trop  méconnues  de  la  pensée  et  de  la  sensibilité  de  ce  peuple  ?  Ses  propres 
œuvres  ne  restent-elles  pas  ime  beauté  digne  de  tous  les  enthousiasmes  ? 

'  Aussi  ai-je  cru  devoir  dignement  dédier  ce  concert  et  ceux  qui  le  suivront  dans  d'autres 
•villes  françaises  et  étrangères  "  A  la  mémoire  d'Albeniz  "  et  en  faire  débuter  chacune  des 
deux  parties  par  deux  pièces  tirées  d'Iberia. 

C'est  à  Henri  Collet  que  nous  devons  de  pouvoir  débrouiller  les  grandes  directrices  de  la 
renaissance  espagnole  musicale  :  personnellement  c'est  à  lui  que  je  dois  d'avoir  pu  être  mis  en 
relations  avec  plusieurs  compositeurs  et  d'avoir  entre  les  mains  des  œuvres  manuscrites  qui 
furent  parmi  les  plus  émouvantes  de  ce  concert. 

Outre  quatre  pièces  d'Albeniz  (Evocation,  El  Puerto,  Triana,  Ameria)  j'avais  choisi 
pour  représenter  les  œuvres  de  piano  la  suite  Sevilla  de  Turina^  et  les  Quatre  Pièces  Espagnoles 
de  Manuel  de  Falla.  Ce  sont  là  des  œuvres  que  Paris  connaît,  puisqu'elles  y  ont  été  inter- 
prétées, et  éditées,  et  que  leurs  auteurs  y  vivent  actuellement. 

Manuel  de  Falla  vint  jouer   lui-même  ses   pièces  ;   il   me   semble   difficile   qu'on   puisse 
'  trouver  un  meilleur  interprète  de  ces  œuvres   délicates   et   nuancées  :   surtout   de   "  Cubana 
I  et  "  Montanesa  "  qui  sont  parmi  les  plus  adorables  pages   que  nous   devions   à   la   littérature 
moderne  du  piano. 

Comme  mélodies,  la  délicieuse  Chanson  de  V Etoile  tirée  des  "  Pireneos  "  de  Pedrell  et  une 
;  grave  et  belle  mélodie  de  Morera  "  l'Hiver." 

Je  ne  prétends  certes  pas  avoir  ainsi  représenté  complètement  ces  deux  dramaturges,  dont 
I  les  œuvres  dépassent  considérablement  les  moyens  et  le  cadre  d'une  séance  de  musique  de 
i  chambre,  mais  je  crois  que  ce  sont  là  deux  pages  susceptibles  d'indiquer  à  l'auditeur  qu'il  aurait 
1  intérêt  à  pousser  plus  loin  sa  connaissance  du  Wagner  espagnol,  ainsi  que  certains  appelent 
!  Pedrell,  et  de  l'auteur  d'Emporium. 

Trois  mélodies  populaires  harmonisées  par  Olmeda  représentaient  mal  Olmeda  lui-même 
:  dont  ie  pense  donner  quelque  jour  la  Sonate,  mais  pouvaient  donner  au  public  la  mesure  du 
'-  chant  populaire  d'Espagne  qui  n'est  pas  toujours  selon  nos  idées  préconçues.  Deux  mélodies 
>;  de  /^///«r  et  deux  de  Manuel  de  Falla  complétaient  le  programme;  les  premières  plus  con- 
jf'  formes  à  l'esthétique  classique,  les  deux  autres  dignes  de  rivaliser  avec  nos  mélodies  les  plus 
modernes,  au  bon  sens  du  mot. 

J'avais  cru  devoir  choisir  précisément  des  œuvres  qui  en   représentassent  aussi   les   autres 
aspects,  l'aspect  mélancolique  et  cependant  ardent  et  inquiet  dans  les  "Caprichos  romanticos 
de  del  Campo,  grave  et  farouche  dans  la  mélodie  de  Morera,  délicat  et   naïf  dans   la  chanson 
de  l'Etoile  de  Pedrell,  mélancolique  et  religieux  dans  les  thèmes  populaires. 

'    i"  Concert  de  Musique  Espagnole  moderne.  Le  Havre  le  dimanche  le  30  octobre  19 10. 


7i8  S.   I.   M. 

Quatre  pièces  de  Falla,  quatre  pièces  d'Albeniz,  et  la  Sévilla  de  Turina,  représentaient 
dans  ce  concert  le  côté  coloré,  vibrant,  expansif  de  l'Espagne. 

L'impossibilité  où  l'on  est  en  province  de  répéter  fréquemment  des  expériences  du  genre 
de  celle-ci  contraint  à  donner  plutôt  des  indications  que  des  exposés  complets.Aussi  pourrait-on 
puiser  intarissablement  dans  les  recueils  de  mélodies  populaires  soit  parmi  celles  qui  furent 
recueillies  par  Olmeda,  soit  parmi  les  chansons  catalanes  qu'édita  Morera. 

C'est  là  qu'on  trouvera  les  indices  du  véritable  caractère  musical  de  l'Espagne  sur  lequel 
la  plupart  s'abusent.  D'ailleurs  il  n'est  peut-être  pas  de  pays  en  Europe  que  les  Français  connais- 
sent aussi  mal  que  l'Espagne,  non  seulement  en  tant  que  pays,  mais  en  ce  qui  touche  sa 
littérature,  ses  beaux  arts,  et  à  plus  forte  raison  sa  musique,  puisqu'on  ignorait  encore  Victoria 
et  Cabezon  en  France  il  y  a  moins  de  dix  ans  et  qu'on  y  ignore  aujourd'hui  un  compositeur  de  la 
valeur  de  Conrado  del  Campo. 

Le  public  s'est  trouvé  en  face  d'une  œuvre  admirable,  pleine,  originale  personnelle  et 
émue,  les  "  Caprichos  romanticos"  de  Conrado  del  Campo,  suite  d'impressions  d'après  des  poèmes 
du  poète  espagnol  Becquer  ;  peut-être  peut-on  trouver  dans  le  final,  à  la  première  audition, 
quelque  longueur,  (c'est  un  sentiment  dont  on  revient  ensuite)  cette  suite  pour  quatuor  d'archets 
sonne  d'une  façon  que  n'atteint  peut-être  pas,  même  le  quatuor  de  Debussy,  il  y  a  là  une 
combinaison  de  timbres  et  de  nuances  vraiment  exquise. 

Ce  quatuor,  en  un  autre  programme,  aurait  été  accueilli  avec  un  vif  succès  :  il  n'a  trouvé 
vraiment  que  l'enthousiasme  des  musiciens  et  parmi  ceux-là  un  certain  nombre  m'ont  déclaré 
que  ce  n  était  pas  espagnol. 

Savent-ils  ce  que  c'est  que  d'être  espagnol  r  Voici  une  oeuvre  au  moins  doublement  espagnole 
par  le  caractère  de  son  auteur,  et  par  les  thèmes  littéraires  sur  lesquels  elle  s'appuie  ';  parce  que 
Becquer  était  un  mélancolique,  un  poète  à  la  façon  de  Henri  Heine  ou  de  Verlaine,  dirons 
nous  qu'il  est  un  écrivain  allemand  ou  français  ? 

Mais  il  faudra  du  temps  pour  remonter  un  préjugé  qui  a  de  trop  nombreuses  références. 
Pour  des  Français,  l'art  espagnol  c'est  un  art  objectif  et  joyeux,  il  n'y  a  pas  à  sortir  de  là  :  et 
c'est  peut-être  pourquoi,  comme  le  faisaient  remarquer  il  y  a  peu  de  temps  encore  M.  Charles 
Malherbe  d'une  part,  et  Henri  Gauthier-Villars,  les  Espagnols  comprennent  si  difficilement  nos 
interprétations  de  l'Espagne. 

Le  champ  est  vaste,  l'école  musicale  espagnole  est  riche  :  n'attendons  pas  cinquante  ans 
comme  on  l'a  fait  pour  les  Russes  pour  nous  apercevoir  que  nous  nous  trouvons  en  face  d'une 
floraison  admirable  née  du  sol  même,  susceptible  de  donner  à  nos  oreilles  et  à  nos  âmes  des 
sensations  délicieuses  et  des  émotions  rajeunissantes. 

J'ai  tenté  dans  le  programme  analytique  *  de  ce  concert  d'esquisser  une  bibliographie  des 
auteurs  espagnols  contemporains  :  mais  ce  n'est  là  qu'une  esquisse  :  s'il  est  vrai  qu'on  y  trouvera 
presque  totale  la  bibliographie  de  Conrado  del  Campo,  de  Turina,  de  Falla,  les  autres  ne  sont 
que  des  résumés  qui  pourront  donner  un  simple  aperçu  de  l'abondance  de  ce  mouvemerit. 

Iva  cordiale  confraternité  d'Hcfiri  Collet,  l'appui  de  jeunes  écrivains  espagnols  tels  qu'Al- 
fonso  Hernandez  Cata,  l'amitié  de  quelques-uns  de  ces  compositeurs,  le  souvenir  d'Albeniz,  la 
bonne  volonté  de  mes  interprètes  m'ont  aidé  à  réaliser  une  entreprise  has;irdcuse  que  je  songe 
à  renouveler  dans  d'autres  villes. 

Si  d'autres  veulent  s'y   employer  nous   unirons  nos  efforts  :    il  faut  faire  la  justice  sur   ce 

'  Ce  programme  analytique  est  une  brochure  de  trente  deux  pages  rédigée  en  français  et  en  espagnol  —  et 
contenant  des  notices  —  sur  Albeniz  —  Olmeda  —  Pedrell  —  Morera  —  Conrado  Del  Campo  —  Ferez 
Casas  —  Falla —  et  Turina. 


THÉÂTRES  ET  CONCERTS  719 

point  :   et  pour  cela  il  vaut  mieux  ne  compter  que  sur    nous-mômes  ;  n'attendons  rien   des 
pouvoirs  publics  ni  de  ses  représentants. 

—  Au  Havre,  je  me  souviendrai  toujours  de  la  sympathie  que  ma  tentative  a  rencontrée 
auprès  des  membres  du  Corps  consulaire,  mais  je  me  rappellerai  toujours  aussi  que  le  seul  consul 
qui  m'ait  refusé  son  appui  a  été  le  consul  d'Espagne  :  tant  il  est  vrai  que  l'ironie  ne  perd  jamais 
ses  droits  !  et  puis  cela  n'empêche  pas  la  lumière  de  se  faire,  n'est-ce  pas  ?... 

G.  Jean-Aubry. 

ARMENTIÈRES.  —  M.  le  Principal  du  Collège  de  Garçons  a  donné,  comme  tous  les 
ans,  un  Concert  sous  le  patronage  de  l'Association  Amicale  des  anciens  élèves. 

La  fanfare  du  Commerce,  sous  la  direction  de  son  sous-chef,  M.  Ducouraut,  exécuta 
brillamment  la  Polonaise  de  Vuillermin  et  la  Marche  et  Cortège  de  Léo  Delibes  ;  M"®  Marthe 
Duderguy,  cantatrice,  Messieurs  Edouard  Debruyne,  baryton,  André,  diseur  humoristique,  et 
Delabarre,  pianiste,  charmèrent  ensuite  l'auditoire  et  furent  chaleureusement  acclamés. 

Nous  devons  une  mention  toute  spéciale  à  notre  sympathique  professeur  de  violon, 
M.  Paul  Dujardin  qui,  dans  deux  morceaux  hérissés  de  difficultés,  qu'il  enleva  d'ailleurs  en 
véritable  virtuose,  sut  tenir  en  haleine  toute  la  salle,  qui  lui  fit  une  ovation  bien  méritée. 

Nos  meilleurs  compliments  et  tous  nos  regrets  de  n'avoir  pas  plus  souvent  l'occasion  de 
l'entendre.  H.  D. 

DOUAL  —  La  société  des  Concerts  Populaires  a  donné  le  20  novembre  son  i"  concert 
annuel  avec  le  concours  du  célèbre  violoniste  Jules  Boucherit.  Cet  artiste  a  été  incomparable 
comme  pureté  de  style  et  comme  sonorité  dans  l'interprétation  du  classique  —  (concerto  en 
la  de  Mozart,  Romance  en  sol  de  Beethoven,  sonate  de  Leclair),  —  étourdissant  de  verve,  de 
brio,  de  fantaisie  dans  la  Polonaise  en  Ré  de  Wienav^^ski.  Les  œuvres  pour  orchestre, 
inscrites  au  programme  étaient  :  L'ouverture  du  songe  d'une  nuit  d'été,  Mendelsshon  ; 
l'Andante  de  la  symphonie  en  ut  m.  de  Dukas  ;  la  symphonie  en  Ré  m.  Haydn. 

Elles  ont  été  dirigées  par  M.  Paul  Cuelenaere,  avec  une  fermeté,  une  sûreté  et  un  sens 
artistique  dignes  des  plus  grands  éloges.  Il  a  prouvé  une  fois  de  plus  qu'il  possède  un  profond 
talent  mûri  par  une  longue  expérience. 

—  A  signaler  une  belle  manifestation  d'art  choral.  Voici  les  principaux  numéros  d'une 
très  intéressante  audition  donnée  par  la  société  chorale  mixte  La  Lyre  de  Douai. 

La  Forêt,  scène  chorale  pr.  4  vdix  d'hommes.  Th.  Dubois  ;  Chanson  de  mai,  chœur 
mixte,  Ch.  Lefebvre  ;  Symphonie  religieuse,  4®  partie  (voix  mixtes),  Bourgault-Ducoudray  ;  Nos 
Pères,  chœur  à  7  voix,  Bourgault-Ducoudray  ;  Les  voix  au  vent,  pr.  4  voix  d'hommes, 
Lefèvre  Derodè  ;  l'Etoile,  (chœur  de  femmes),  H,  Maréchal  ;  Romance  du  soir,  (voix  mixtes), 
St-Saëns  ;  Notre  Dame  de  la  mer,  Th,  Dubois.  A.  G. 

BERNA  Y.  —  Un  concours  de  musique  aura  lieu  dans  notre  ville  le  30  juillet  191 1.  Le 
règlement  sera  prochainement  adressé  aux  Sociétés.  On  peut,  dès  à  présent,  s'adresser  pour 
tous  renseignements  à  M.  Célos,  secrétaire  général  du  Concours  Musical  de  Bernay. 

RENNES.  —  Entre  la  Société  de  Concerts.,  qui  s'est  adjugée  le  lot  des  grandes  auditions 
symphoniques,  et  V Association  Artistique^  qui  inlassablement  se  consacre  à  la  musique  de 
chambre,  est  venue  prendre  place  une  nouvelle  société  qui  se  propose  "  de  faire  exécuter  les 
œuvres  inédites  de  compositeurs  bretons  et  de  découvrir  des  talents  musicaux  inconnus  en 
Bretagne  ".  Tentative  intéressante  dont  nous  devons  remercier  l'actif  et  intelligent  promoteur, 


720  s.   1.   M. 

M.  G.  Lavello.  Saluons  donc  la  jeune  Société  de  Musique  Bretonne  et  souhaitons  lui  longue  et 
prospère  existence. 

Vif  succès  pour  le  premier  concert  dont  le  programme  réunissait  éclectiquement  les 
oeuvres  les  plus  variées  (non  toujours  inédites  par  exemple  !)  des  compositeurs  les  plus  divers  ; 
d'où  programme  abondant,  trop  abondant  même...  Je  cite  par  ordre  alphabétique  pour  ne 
froisser  personne  et  faciliter  les  recherches  des  musicographes  futurs  :  J.  Bcesau,  Ch.  Bodin, 
H.  Bogé,  Bourgault-Ducoudray,  Boussagol  (je  croyais  le  sympathique  directeur  du  Conserva- 
toire de  Rennes  né  sur  les  bords  de  la  Garonne  r),  C.  A.  Collin,  Marcel  Labey,  P.  Ladmirault, 
P.  Le  Flem,  Guy  Ropartz,  M'"*  Ch.  Sohy.  Pour  être  exact  je  dois  dire  qu'une  indisposition 
d'interprète  a  nécessité  la  substitution  impromptu  de  C.  Franck  et  de  Chausson  à  M.  J.  Bëesau 
et  à  Bourgauh  Ducoudray.  C'était  fâcheux  pour  M.  Bëesau,  bien  que  les  deux  recueils  déjà 
publié-s  de  ses  remarquables  mélodies  l'empêchent  d'être  considéré  comme  un  talent  à  découvrir; 
quant  à  notre  excellent  compatriote  Bourgault-Ducoudray,  il  ne  pourra  plus,   hélas  !   protester. 

En  somme  plusieurs  oeuvres  de  premier  ordre,  les  autres  intéressantes,  aucune  indigne  de 
l'exécution  publique. 

Toutefois  une  critique  :  pourquoi  n'avoir  fait  entendre  que  des  fragments  du  quatuor  en 
sol  mineur  de  Guy  Ropartz  et  de  la  sonate  en  ré-mineur  pour  piano  et  violon  de  M.  Ch.  Bodin  r 
Le  but  de  la  société  est  de  faire  connaître  des  œuvres  de  compositeurs  bretons  ;  les  mutiler 
c'est  justement  empêcher  de  les  connaître  et  de  les  juger,  qu'il  s'agisse  aussi  bien  du  quatuor 
de  Ropartz,  œu\re  classée  à  qui  respect  est  dû,  que  de  la  sonate  encore  inédite  de  M.  Bodin  ; 
seul  le  premier  mouvement  de  cette  sonate  a  été  exécuté  ;  il  semble  bien  annoncer  une 
composition  de  réelle  valeur  et  déceler  chez  son  auteur  une  remarquable  personnalité  musicale  ; 
je  n'en  ai  que  plus  de  regret  d'ignorer  si  la  fin  vaut  le  commencement. 

Donc,  plus  de  coupures  :  si  l'œuvre  est  bonne,  tant  mieux  ;  si  elle  ne  \aut  rien,  tant 
mieux  encore,  parce  que  du  même  coup  le  talent  inconnu....  vous  comprenez  r 

—  La  Société  des  Concerts  a  donné  sa  première  séance  le  20  novembre.  Le  programme 
comprenait  des  œuvres  de  Wagner  fort  bien  interprétées  par  M"'^  Germaine  Le  Senne,  de 
l'opéra,  M""  Mascal,  baryton  du  théâtre  de  Rennes,  les  Variations  Symphoniques  pour  piano  et 
orchestre  de  César  Franck,  et  la  fantaisie  en  fa  pour  piano  de  Chopin,  exécutées  par 
M""'^  Marthe  Bouvaist,  avec  tout  l'art  que  l'on  sait. 

NANTES.  —  La  saison  des  conférences  et  des  concerts  a  débuté  le  i  i  novembre  par 
un  intéressante  conférence  de  M.  Paul  Landormy  sur  "  le  passé  et  l'avenir  de  la  musique  fran- 
çaise. "  J^e  présent  ne  fut  pas  négligé  non  plus  et  la  conférence  fut  entrecoupée  d'auditions 
d'un  choix  d'œuvres  modernes  exécutées  par  le  conférencier,  qui  possède  luie  fort  jolie  \oix  et 
surtout  une  diction  et  un  sentiment  parfaits,  et  par  M'""  i>andormy,  pianiste  du  Quatuor 
Parent. 

La  Société  Beethoven  inaugurait  sa  seconde  année  d'existence  par  un  concert  donné  le 
iH  novembre.  J'ai  parlé  déjà,  l'an  passé,  des  excellents  artistes  qui  la  comprend.  Au  programme  : 
Beethoven,  Saint-SaC-ns,  Sgambatti. 

Le  25  novembre,  nous  avons  assisté  au  concert  donné  par  le  pianiste  Edouard  Bernard, 
professeur  à  la  Schola  cautorum,  avec  le  concours  de  M'""  Paul-Dicij.  M.  Bernard  exécuta,  en 
un  style  sobre  et  puissant,  im  programme  où  les  pièces  de  résistance  étaient  la  sonate  op  81 
de  Iieerlu)ven  et  le  poème  des  montagnes  de  d'Iiuiy.  Quant  à  Madame  Paul-Diey,  il  faut  citer 
surtout  les  "Cloches"  Debussy  et  le  "Manoir  de  Rostinonclc"  de  Henri  Dupare  i]u'elle  chanta 
avec  infiniment  de  goût. 

La  municipalité  Nantaise  a  voté  récemment  un  subvention   destinée  à  la  reprise   des  con- 


THÉÂTRES   ET  CONCERTS  721 

certs  symphoniques   populaires  interrompus  depuis  de  longues  années  déjà.  Espérons  que,  cette 
fois,  un  effort  sérieux  sera  fait  pour  doter  notre  ville  de  concerts  dignes  d'elle. 

J.  B. 

AUCH.  —  Nous  apprenons  que  la  vaillante  société  de  gymnastique  "  L Avant  Garde 
Amcetaïne  "  dirigée  avec  autorité  par  le  sympathique  M.  Maugis,  vient  de  grouper  sous  sa 
bannière  une  phalange  d'excellents  musiciens. 

Nos  félicitations  à  "  V Avant  Garde''''  pour  cette  heureuse  innovation  qui  nous  procurera 
le  plaisir  d'entendre  une  nouvelle  société. 

POITIERS.  —  Très  intéressant  concert  donné  par  le  ténor  Rodolphe  Plamondon  avec 
le  concours  de  M"'*^  Laverdin,  professeur  de  chant  à  Poitiers,  M.  Bas,  hautboïste  et  M.  J. 
Masson,  pianiste.  Au  programme  des  œuvres  de  Bach,  Couperin,  Schubert,  le  concerto  pour 
hautbois  de  Handel,  les  duos  d'Orphée  et  de  Tristan  et  Isolde  qui  valurent  à  leurs  interprètes 
le  plus  vif  et  le  plus  légitime  succès. 

M.  H. 

TOURS.  —  A  la  belle  matinée  artistique  pour  l'Inauguration  de  V  limon  des  Conférences 
Tourangelles^  une  partie  de  concert  nous  a  permis  d'applaudir  la  réputée  cantatrice  mondaine 
M""^  Maurice  Gallet,  directrice  de  l'U.F.  P.  C.  dont  M'"'' Bonis-Billard,  brillante  violoniste 
et  M*^®  Lily  Laskine,  remarquable  harpiste  sont  parmi  les  membres  de  valeur  :  elles  furent 
vivement  applaudies  toutes  les  trois,  et  de  même,  le  jeune  et  charmant  ténor  M.  Pasquier.  — 
Au  Concert  Plamondon-Bas-Masson,  peu  de  monde,  mais  accueil  chaleureux,  et  bien  mérité 
par  l'excellent  ténor,  l'impeccable  hautboïste,  et  le  très  délicat  pianiste,  ainsi  que  par  leur 
programme  de  tout  premier  choix.  —  Pas  grand  monde  non  plus  au  Concect  du  violoniste 
M.  A.  Spalding  et  du  pianiste  M.  A.  Oswald,  qui  sont  pourtant  déjà  des  virtuoses  d'une  belle 
force...  Trop  de  concerts  à  l'horizon  pour  que  les  amateurs  veuillent  les  suivre  tous  !... 

*      * 

Ce  fut  une  belle  soirée  que  celle  du  27  novembre  ;  M"^  Wyda  et  M.  Liéron  donnaient, 
en  effet,  leur  première  séance  de  Sonates  piano  et  violon.  Ces  deux  artistes  ont  donné  de 
parfaites  exécutions  de  la  Sonate  en  fa  majeur  de  Mozart,  de  celle  en  si  mineur  de  Richard 
Barth  (i'^  audition)  et  de  celle  en  fa  majeur  de  Grieg. 

H.  H. 

CAEN.  —  L'Ecole  nationale  de  musique  a  ouvert  la  saison  des  concerts  classiques  en 
exécutant  devant  un  public  très  nombreux  :  l'ouverture  de  la  Princesse  Jaune  de  Saint-Saëns,  le 
Dixtuor  de  Th.  Dubois,  l'air  de  ballet  des  scènes  Pittoresques,  la  marche  nuptiale  du  Conte 
d' Avril  de  Widor  ;  M™®  F.  a  merveilleusement  chanté^la  Sérénade  de  Schubert  et  la  cantilène 
de  la  Fée  d' Argonges  de  M.  Mancini,  directeur  de  l'Ecole  dont  l'orchestre  a  fait  entendre 
également  la  Rapsodie  Normande. 

ANGERS.  —  Aux  deux  derniers  concerts  ont  triomphé  deux  solistes  :  —  l'une 
M™®  Caponsacchi  —  Jeisler  dont  le  talent  de  violoncelliste  déjà  connu  et  apprécié  à  Angers 
a  remporté  une  véritable  ovation  dans  le  concerto  de  Lalo  et  le  Lied  de  V.  d'Indy  ;  —  l'autre, 
M*^^^®  Jeanne  Blancard,  dont  le  jeu  musical  et  élégant  a  parfaitement  interprété  les  Variations 
Symphoniques  de  Franck,  et  des  pages  de  Chopin  et  de  Granados. 

Le  compositeur  Ed.  Trémisot  est  venu  conduire  son  ouverture  de  Pyrame  et  Thisbé, 
fort  bien  accueillie  du  public,  et  l'orchestre  sous  la  belle  direction  de  Rhené-Baton  nous  a  fait 


722 


S.   I.   M. 


connaître   la  Symphonie  de    Chausson,   au   poignant   Andante,  au   Final   d'une   si   admirable 
élévation. 

Citons  encore  la  symphonie  en  Mi  b  de  Schumann,  les  Airs  de  Ballet  de  Parysatis  de 
Saint-Sal'ns  et  ceux  des  Indes  galantes  de  Rameau,  amusant  contraste  au  même  concert,  le 
prélude  du  3*^  Acte  de  Tristan  admirablement  interprété  par  M.  Englebert,  et  la  rutilante 
ouverture  de  Gwendoline  de  Chabrier.  M.  B. 

SENLIS.  —  La  Manècanterie  des  Petits  Chanteurs  à  la  Croix  de  Bois  a  exécuté  à  la 
Cathédrale  une  messe  de  Vittoria. 

Au  théâtre,  représentation  de  Faust,  plus  que  sommaire,  hélas  ! 

Au  patronage  de  S'  Rieul,  M""  l'Abbé  Dourlent  commence  une  série  d'auditions  de 
Jeanne  d'Arc,  de  Gounod  ;  Orchestre  d'amateurs  de  la  Ville,  renforcé  par  quelques  artistes  de 
Paris. 

NANCY.  —  Les  concerts  du  Conservatoire  viennent  de  reprendre.  Le  premier  était 
consacré  à  l'audition  intégrale  et  présentée  chronologiquement  des  œuvres  de  concert  de  César 
Franck  :  les  Eolides  (1876),  le  Chasseur  Maudit  {iSSl),  les  Djinns  (1884),  les  Fariations  Sympho- 
niques  (1885),  la  Procession  (1888),  la  Symphonie  en  rè  mineur  (i  886-1 888).  M"^  Marthe  Dron 
joua  avec  son  talent  habituel  la  partie  de  piano  des  Djinns  et  des  variations  symphoniques  ; 
la  Procession  fut  excellemment  chantée  par  M""^  Schaeffer-Labriet.  Quant  à  l'orchestre,  sous 
la  direction  de  M.  Guy-Ropartz,  il  n'est  plus  d'éloges  qu'on  puisse  lui  faire. 


Editions  M.  Senart,  B.  Roudanez  et  Cie  —  PARIS 
Siège  Social  :  20,  Rue  du    Dragon   —   Vente   au   détail  :    9,  Rue   de   Médicis 

CHANTS  DE  FRANCE  ET  D'ITALIE 

Publiés  sous  la  direction  artistique  de 

Henry   Expert 

"  exécutés  aux  Concerts  Historiques  de  l'Opéra  Comique  " 


Chansons  Mondaines 

harmonisées  par 

Emile    Desportes 


Ma  bergère  est  fendre  et  fidèle 
N'oubliez  pas  votre  houlette 
La  Bergère  (ileuse 
Puisque  ma  bergère 
Viens  charmante  Annette 
Je  ne  connaissais  point  l'amour 
Amants  qui  près  d'une  maîtresse 
Loin  de  vos  yeux  je  soupire 
Philis,  le  long  de  la  prairie 
Mon  pcre  m'y  a  marié 

—  chaque  0.50  fr.  — 


Airs  de  Cour 

réduction  au  Clavier  par 
Henry    Expert 


"de  Boesset " 
Philis  vous  avez  tant  d'apfwt 
Divine  Amarillis 

"  de  Guedron  " 
Beaux  yeux  les  doux  vamqueurs 
hc,  pourquoi  n'oserai-je  pas 

*'  de  Tesiier  " 
Dancez  devant  ces  beaux  yeux 
Brouttcz  Camuseltcs. 

—  chaque  0  50  fr.  — 


THÉÂTRES  ET  CONCERTS  723 

ANNECY.  —  Concert  très  intéressant  donné  par  l'excellent  pianiste,  M.  Edouard 
Bernard  et  M"""  Paul  Dicy,  cantatrice. 

Au  programme,  des  œuvres  de  Rameau,  Bach,  Scarlatti,  Beethoven,  Liszt,  Moussorgsky, 
Balakirew,  Vincent  d'Indy  ;  toutes  ont  valu  de  chaleureux  applaudissements  à  M.  Bernard. 
M""'  Paul  Diey  a  interprété  avec  beaucoup  de  charme  et  de  style  un  air  de  Bach  et  des 
mélodies  de  Schumann,  Chabrier,  Duparc  et  Debussy.  J.  R, 

CHAMBERY.  —  Nous  avons  eu  dans  la  grande  salle  des  Concerts  du  théâtre,  un 
grand  Concert  donné  par  le  célèbre  pianiste  Bernard   ainsi    que  la  cantatrice  M""^  Paul  Diey. 

Au  programme,  des  œuvres  de  Bach,  Beethoven,  Rameau,  Scarlatti,  Listz,  Vincent 
d'Indy,  furent  exécutées  comme  sait  le  faire  Edouard  Bernard. 

jyjino  Pjj^^i  Diey  ravit  l'auditoire  par  l'excellence  de  sa  voix  et  de  sa  diction  dans  des 
mélodies  de  Schumann,  Chabrier,  Claude  Debussy  et  Henri  Duparc  ;  elle  fut  longuement 
acclamée. 

BORDEAUX.  —  Très  intéressante  audition,  donnée  à  la  Salle  Franklin,  par  le  jeune 
et  déjà  célèbre  violoniste  "  A.  Spalding,"  la  virtuosité  éblouissante  et  la  technique  irréprochable 
du  jeune  artiste,  se  sont  davantage  affirmées,  depuis  l'an  dernier  où  il  se  fît  déjà  entendre. 
Le  pianiste  Alfredo  Oswald  aussi  bon  accompagnateur,  qu'excellent  concertiste  recueillit 
sa  part  du  succès,  surtout  dans  la  sonate  à   "  Kreutzer,"    et   le  concerto  de  "  Mendelssohn.  " 

V Alhamhra  Théâtre^  vient  de  faire  une  ouverture  sensationnelle  avec  "  l'Arlesienne," 
l'œuvre    si   dramatique   de   "  Daudet.  " 

La  partition  de  "  Bizet  "  a  été  admirablement  exécutée  par  l'orchestre  du  Conservatoire, 
sous  l'habile  et  expressive  direction  du  Maître  Pennequin  et  les  chœurs  vraiment  parfaits, 
conduits  dans  la  coulisse  par  Monsieur  Valentin  Gendreu,  chef  des  chœurs  du  Conservatoire 
contribuèrent,  pour  leur  juste  part,au  succès  de  l'œuvre. 

Ces  belles  soirées  auront  de  nombreux  lendemain,  le  programme  publié  par  les  sympathi- 
ques directeur  de  la  salle  désormais  classique  de  l'Alhambra  :  MM.  Dufey,  Lemarchant,  et 
Mauret,  nous  promet  une  saison  fertile  en  manifestations  aussi  artistiqnes. 

La  Messe  traditionnelle,  que  donne  chaque  année,  à  l'Eglise  Notre  Dame,  la  Société 
Sainte  Cécile^  avec  le  concours  des  chœurs  et  de  l'orchestre  du  Conservatoire  de  Musique,  a  eu 
lieu  le  22  novembre  et  a  remporté  son  succès  accoutumé.  Cette  année  la  messe  choisie  était 
celle  de  Saint-Saëns,  à  4  voix,  soli,  chœurs  orchestre  et  deux  orgues.  L'exécution  de  cette  belle 
œuvre  de  jeunesse  du  grand  Maître  Français,  fut  rendue  par  les  chœurs  et  l'orchestre,  sous  la 
direction  de  leur  chef  Pennequin,  d'une  façon  irréprochable. 

Mesdames  "  Guérin-Lernos  ",  "Tilland  de  Fiers",  et  Messieurs  A.  D...  et  Soum,  qui 
chantaient  les  soli,  et  Messieurs  "  Combes  et  Grange  "  les  distingués  organistes  de  la  paroisse, 
contribuèrent  pour  une  bonne  part  au  succès  de  cette  belle  manifestation  musicale. 

Puisque  nous  parlons  de  la  Société  Sainte  Cécile,  disons  un  mot  du  programme  musical 
de  ses  concerts  classiques  de  la  saison  1910-1911.  A  part  les  symphonies  de  Beethoven, 
Mozart  et  Haydn,  dont  l'audition  est  obligée,  le  Comité  se  propose  de  nous  faire  entendre,  les 
symphonies  modernes  de  C.  Franck,  Bruckner,  Dukas,  Gedalge,  des  œuvres  chorales,  comme 
la  cantate  Réformation  de  Bach,  le  Messie  de  Handel,  le  chant  Elégiaque  de  Beethoven,  des 
chœurs  de  Costeley,  le  concerto  Brandebourgeois,  de  J.  S.  Bach,  un  concerto  grosso  de 
Handel,  du  Schumann,  du  Wagner,  du  Liszt,  du  Rimsky  —  Korsakof,  du  Saint-Saëns,  du 
Chausson,  du  d'Indy,  du  Debussy  et  du  R.  Strauss.  Comme  on  le  voit  par  ce  programme,  si 
largement  éclectique,  la  Société  Sainte  Cécile  poursuit  dignement  le  chemin  qu'elle  s'est  tracé. 


724  s.   I.    M. 

Le  peu  de  place  dont  nous  disposons  nous  force  à  parler  très  brièvement,  du  Concert  du 
Salon  (ï Automne^  où  se  firent  applaudir,  Mme  Guerin-Lemer,  et  Tillant  de  Fiers,  et  le 
violoniste  Salm,  sans  oublier  Mlle  Laurentine  Barbarin,  qui  fut  aussi  brillante  exécutante 
qu'accompagnatrice  consciencieuse;  du  Concert  des  jeunes  aveugles  organisé  par  Gartin 
Sarreau,  où  le  talent  du  violonist  Bartien,  fut  une  fois  de  plus  très  apprécié,  aussi  que  celui  des 
nombreux  élèves,  de  l'organisation,  qui  lui  prêtaient  leur  concours. 

Deux  mots  pour  finir,  sur  la  première  séance  intime  du  jeune  harpiste  Jancelly,  l'exellent 
artiste,  et  ses  partenaires.  Mlle  Lalanne,  et  le  flûtiste  Bcrqeen  y  furent  très  fêtés,  dans  un 
programmme  des  plus  intéressants, 

Valentin  Gendreu. 

CHERBOURG.  —  Concert  Magne.  —  Les  joies  artistiques  sont  rares  en  notre  ville  — 

les  joies musicales  surtout.  Ce  n'est  point,  sans  doute,  faute   d'auditoire;  juger   ainsi    ser;i  ^ 

faire  insulte  au  goût  artistique  très  sûr  qui  distingue  nos  officiers  de  marine  et  nos  officiers  ue 
terre  —  nombreux  à  Cherbourg.  Une  initiative  artistique  vraiment  digne  de  considération 
recueillerait  ici,  j'en  suis  sûr,  l'approbation  d'un  public  sélect  et  éclairé,  qui  déplore  la  rareté 
des  manifestations  d'arts  qu'abrite  notre  cité.  Lorsqu'on  saura  que  ces  manifestations  se  bornent 
annuellement  à  deux  ou  trois  concerts  de  notre  société  Philharmonique  locale,  augmentée  de 
très  rares  tournées  (la  tournée  Hollmann  par  exemple)  on  jugera  de  la  légitimité  des  plaintes 
exhalées  par  les  musicophiles  —  nombreux  je  le  répète  —  qui  résident  en  notre  ville. 

Le  cas  n'est  pas  unique.  Elles  sont  bien  rares  les  cités  privées  du  moindre  rudiment 
d'école  musicale  et  par  suite  en  proie  à  une  désespérante  pénurie  de  bonne,  de   vraie  musique. 

Mais  c'est  assez  se  lamenter.  Je  dois  enregistrer  a\  ec  une  réelle  satisfaction,  le  succès 
qu'a  remporté  ici  l'audition  sélecte  ofrerte  aux  mélomanes  par  la  Maison  Magne.  Le  grand 
salon  de  l'Hôtel-de-Ville  en  lequel  fut  donné  ce  concert  admirablement  composé  parut  aux 
auditeurs  d'une  exiguité  criante.  Mieux,  on  refusa  du  monde.  Successivement  M"*^  Marke 
Dœrken,  soliste  de  Concerts  Colonne,  dans  des  œuvres  de  Gluck,  Sokolow,  Strauss, 
M.  Vangeon,  violoncelliste  des  Concerts  Colonne  dans  des  concertos  de  Saint-Saëns,  Lalo, 
Griez,  Popper  M.  Barozzi  violoniste,  i^'""  prix  du  Conservatoire,  dans  le  concerto  en  sol  mineur 
de  Max  Bruch  et  MM.  Magne  et  Penau,  pianistes,  obtinrent  les  ovations  les  plus  chaleu- 
reuses et  les  plus  sincères.  Il  convient  de  confondre  en  un  même  éloge  mêlé  de  gratitude  les 
jeunes  virtuoses  qui  viennent  d'obtenir  en  cette  circonstance  un  si  franc  succès. 

LYON.  —  La  Société  des  Grands  Concerts  a  repris  ses  séances  toujours  très  suivies. 
L'orchestre  de  M.  Witkowski  est  en  progrès  constants  ;  le  quatuor  à  cordes,  en  particulier, 
est  d'une  parfaite  homogénéité  et  conduit  par  des  chefs  de  pupitre  éprouxés  et  sûrs  de  leurs 
attaques. 

Au  premier  concert,  le  violoniste  Boucherit  s'est  fait  applaudir  dans  un  concerto 
d'Haydn  et  dans  les  romances  en  fa  et  en  sol  de  Bcctho\en.  Les  ouvertures  i^ Athalie  et 
à^Ohèron  et  spécialement  la  symphonie  d'y/w/^r,  admirablement  détaillée,  ont  été  très  appréciées 
du  public.  Le  succès,  au  second  concert,  a  été  partagé  par  le  pianiste  Cortot  et  l'orchestre. 
Fort  bien  accompagné,  le  concerto  en  la  mineur  de  Schuman n  a  reçu  la  plus  merveilleuse 
interprétation  ainsi  que  la  Fantaisie  pour  piano,  chœurs  et  orchestre  de  Ikethoven,  qui  n'avait 
pas  été  jouée  à  I^yon  depuis  trente  ans.  Trois  pièces  de  Debussy,  îles  fragments  de  Dardanus^ 
de  Rameau  et  l'ouverture  des  Maîtres  chanteurs  —  les  morceaux  de  résistance  du  programme 
—  ont  été  excellement  nuancés  et  enlevés  par  l'orchestre  sous  l'habile  direction  de  son  chef 
éminent. 


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THÉÂTRES  ET  CONCERTS  725 

Signalons  encore  une  intéressante  séance  de  musique  classique,  à  la  salle  Beal,  par 
M""  Blanche  Selva  et  MM.  Chanel  et  AUard,  et  une  audition  de  musique  ancienne,  donnée  à 
la  salle  Rameau,  par  la  société  des  Concerts  (r autrefois. 

AVIGNON.  —  En  attendant  les  concerts  annoncés  pour  la  première  quinzaine  de 
Décembre  avec  M.  Firmin  Touche  et  le  quatuor  Zimmer,  le  Grand-Théâtre  a  rouvert  ses 
portes.  Carmen^  en  représentation  extraordinaire,  a  valu  un  triomphe  éclatant  à  M"'"  Char- 
bonnel,  de  l'Opéra-Comique.  Les  autres  œuvres  de  l'éternel  répertoire  :  U Africaine  les 
Huguenots^  Mignon^  ont  permis  à  la  troupe  d'affirmer  un  ensemble  assez  homogène  dans 
lequel  il  faut  remarquer  :  M"*^  Ruiss,  exquisse  musicienne,  M.  de  Roqueville,  M.  Fourès 
M""*^  Broglia,  M.  Storel,  M""*  Moutini,  M.  Moisson. 

MOULINS.  —  La  S'^^  Cécile.  —  Le  dimanche  27  novembre,  la  jeune  Chorale  de  Moulins 
a  fort  bien  célébré  la  fête  de  S**^  Cécile.  A  la  messe  de  midi,  en  l'église  Cathédrale,  elle  a 
interprété,  sous  la  ferme  direction  de  son  "  chef,  "  M.  E.  Vincent,  plusieurs  chœurs  religieux 
qu'elle  a  rendus  avec  \m  ensemble  parfait  et  un  rare  souci  des  nuances.  On  a  beaucoup 
goûté  la  jolie  voix  de  ténor  de  M.  Pierre  Concasty,  dans  le  solo  d'un  Notre  Père  de  M.  l'abbé 
Radureau,  maître  de  chapelle  à  S*  Pierre  de  Moulins.  La  pieuse  mélodie  était  accompagnée  et 
soutenue  par  une  large  et  belle  phrase  de  violon  que  détailla  excellement  M.  Bourgougnon, 
professeur  de  cordes  au  lycée  Banville. 

* 

Plusieurs  solennités  artistiques  nous  sont  annoncées  pour  cet  hiver.  La  lyre  Moulinoise 
prépare  déjà  ses  deux  concerts  de  la  saison,  dont  l'un  sera  aussi  original  qu'intéressant.  Il  y 
aura,  nous  dit-on,  une  conférence  sur  la  musique.  Il  y  aura...  Mais,  chut  !  Nous  avons  promis 
d'être  discret. 

DUNKERQUE.  —  Notre  premier  concert  a  été  donné  au  profit  des  Ecoles  Mater- 
nelles et  avec  le  concours  de  M^^®  Yvonne  Dubel,  de  l'opéra.  M.  G.  Dantu,  ténor  de  l'opéra 
comique,  et  M.  Paul  Bazeloire,  i®''  prix  de  violoncelle  du  Conservatoire  de  Paris,  qui  s'est 
distingué  dans  5  morceaux  de  genre  différent. 

En  plus  d'une  partie  dramatique,  l'orchestre  du  théâtre  municipal  dirigé  par  son  Chef 
Eug.  Théry,  a  donné  la  Marche,  Cortège  de  Gounod,  les  mélodies  élégiaques  de  Grieg  et 
l'ouverture  des  noces  de  Figaro. 

—  Notre  Théâtre  Municipal  sous  la  direction  de  M.  Lussiez  (3®  année)  obtient  avec  sa 
troupe  d'opéra,  un  gros  et  continuel  succès.  Cette  phalange  est  composée  de  M"*^  Electra 
Tésoroue,  Messieurs  Bensa,  ténor,  Monet,  baryton  et  Bugel,  basse.  De  temps  à  autre 
M™''  Lussiez,  femme  du  sympathique  directeur,  ex-contralto  des  théâtres  de  Marseille,  New- 
Orléans  et  Toulouse,  M"®  Blanche  Semet,  contralto  du  théâtre  de  Pâu,  prêtent  leur  excellent 
concours.  Nous  avons  eu  ou  aurons  ces  temps-ci  :  Le  Trouvère,  la  Favorite,  Lucie  de  Lamer- 
moor,  la  Dame  Blanche,  Messaline,  etc.  F.  S. 

Belgique 

BRUXELLES.  —  Premier  Concert  de  la  Société  J.  S.  Bach.  —  Nous  venons  d'entendre 
pour  la  première  fois,  à  Bruxelles,  les  Cantates  " /c/î  bin  etn  Gâter  Hlrt"  '-'■  Eine  feste  Burg"" 
'■'■  Apollon  et  Pan" . 

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728 


S.   I.   M. 


L'exécution  fut  remarquable.  M.  Zimmer  y  apporta  le  talent,  la  conscience,  le 
dévouement  religieux  de  son  apostolat.  Il  avait  groupé  des  éléments  d'élite.  Mme  Tilia 
Hill,  soprano,  Else  Schùnemann,  alto,  MM.  Van  Kempen,  ténor,  Stephany,  basse,  Jan  Reder, 
basse,  Baldzùn,  ténor.  —  Sans  doute  pourrait-on  se  permettre  quelques  critiques,  si  l'on  vou- 
lait obtenir  l'idéal  d'une  reconstitution  réelle.  Mais  on  approche  de  la  perfection.  M.  Zimmer 
et  ceux  qui  lui  prêtèrent  appui  méritent  notre  gratitude. 

4   Décembre   1910.  R.  L. 

—  La  nouvelle  "  Académie  de  musique"  installée  rue  Mercelis,  15,  sous  la  direction  de 
M.  Th.  Ysaye  a  donné  jusqu'ici  deux  séances  de  musique  de  chambre. 

La  première  consacrée  à  l'école  française  contemporaine,  et  précédée  d'une  excellente 
conférence  de  M.  Lebroussart  ;  la  seconde  nous  touchait  particulièrement,  puisqu'elle  réunis- 
sait, sous  le  vocable  d'Ecole  belge  "les  trois  noms  de  Franck  (le  quintette),  de  Lekeu  (la  sonate 
de  piano  et  violon),  et  de  J.  Jongen  (trio  i)  la  tendance  franckiste  était  donc  seule  représentée. 
Après  une  intéressante  causerie  de  M.  \^an  den  borren,  MM.  Th.  Ysaye,  Chaumont,  Franckin, 
Dolhacrd,  Van  Hout,  et  M.  Jongen,  dans  son  beau  trio  en  si  mineur,  ont  donné,  des  œuvres 
inscrites  au  programme,  une  interprétation  vivante  et  fort  applaudie. 

J.  F. 

—  Concert  populaire  du  20  novembre.  —  M.  Dupuis  avait  composé  pour  ce  concert  un 
programme  varié  :  l'ouverture  tragique  de  Brahms,  un  poème  symphonique  de  M.  Van  Winckel, 
d'harmonie  et  d'orchestration  très  contemporaines,  mais  un  peu  mince  d'idées;  un  autre  poème 
symphonique,  très  beau,  "Sauge  fleurie"  de  Vincent  d'Indy,  puis  le  "  Chasseur  maudit  :  "  le 
tout  exécuté  avec  conscience,  mais  sans  grande  chaleur  :  —  En  outre  M.  Mischà  Elman.  — 
M.  Elman  est  un  violoniste  extraordinaire  :  technique  et  pureté  de  son.  Il  s'est  merveilleuse- 
ment servi  de  ses  dons  naturels  contre  le  concerto  de  Beethoven,  et  au  profit  de  cette  peu 
sympathique  Symphonie  Espagnole  de  Lalo  ;  aussi,  pour  servir  en  "bis"  une  petite  valse  infecte 
et  un  arrangement  de  Wilhelmy  sur  le  chant  de  concours  de  Walther  —  ô  Cendres  de 
Wahnfried  !  — 

J.  F. 

—  Récita/  Fritz  Kreisler.  —  Fritz  Kreisler,  dont  la  réputation  aujourd'hui  est  sans  conteste 
celle  d'un   grand  violoniste,  excelle  k  rendre   la  vie  aux    compositions  des  anciens  maîtres.  Le 
récital  qu'il  a  donné  le  14  novembre  à  la  Grande  Harmonie  offrait  aux  gens  de  goûl  une  sérieP 
d'oeuvres  de  Hacndel,  Pcrgnani,  Martini,  Couperin,  Dittcrsdorf,  Francœur  et  Tartini,  qui  ont 
fait   leurs  délices. 

J.  F. 

CONCERT  ISAYE.  —  Un  critique  grincheux  eût  pu,  naguère,  reprocher  k  Jacqut- 
Thibaut  une  certaine  afféterie,  un  recherche  d'expression  outrée,  nuisant  fréquemment  à 
l'ampleur  que  réclame  l'interprétation  des  chefs-d'œuvre.  —  Aujourd'hui,  tel  reproche  n'est 
plus  de  mise.  L'artiste  a  su,  tantôt,  donner  une  très  noble  ligne  à  ce  dangereux  concerto  de 
Brahms.  Il  a  su  joindre,  à  sa  sonorité  merveilleuse,  une  sobre  et  belle  harmonie.  Thibaud  est 
un  des  grands  violonistes  de  notre  temps.  Il  possèile  le  charme,  la  grandeur  la  somptuosité,  la 
pavsion.  Aussi,  dans  l'admirable  concc-rto  en  mi  de  Nardiniy  a-t-il  déchaîné  un  enthousiasme 
légitime. 

E.  Isaye  accompagnait  son  émiiient   élève  à  l'orchestre,  avec   une    touchante   sollicitude. 

L'ouverture  de  Tremisot  et  une  (vuvre  pleine,  d'une  nouveauté  harmonique  évidente. 
Œuvre  moderne,  elle  a  pris  couleur  sous  le  h.lton  chaleureux  du  Maître. 


THÉÂTRES  ET  CONCERTS  729 

La  symphonie  funèbre  de  G,  Huberty,  —  hommage  à  sa  mémoire  —  présente,  à  cAté 
de  passages  véritablement  libres,  et  élevés,  trop  de  longueurs,  sous  lesquelles  succombe 
l'expression. 

Une  œuvre  fraîche  de  Svendsen  terminait  le  concert  —  qui  fut  un  succès. 

LA  SCOLA  MUSICAL,  donnait,  le  14  novembre  dernier,  sa  première  séance  d'hiver, 
en  son  local,  90  rue  Gallait,  à  Schaarbeek.  M.  Scharrès,  professeur  à  l'institution,  fit  valoir 
d'excellents  dons  et  sa  haute  culture  dans  un  récital  pour  piano;  M"'"  Ch*^*^  Lechien  lui 
prêtait  le  précieux  concours  d'une  jolie  voix,  assez  bien  conduite,  compréhensive  et  émue. 
Au  programme  :  Bach,  Beethoven,  Brahms,  d'Indy,  Chopin,  Liszt,  Saint-Saëns,  Tschai- 
korsky,    M.  de  Falla.   Cette   soirée  eut  vif  succès  auprès  d'un  public  choisi. 

—  Au  10  décembre  aussi,  concert  de  la  Croix  Verte^  sous  le  Haut  Patronage  de  M.  le 
Ministre  de  France,  —  Le  compte  rendu  au  prochain  n''. 

—  La  deuxième  séance  de  sonates  par  M"^  Tambuyser  et  M.  Jores  a  eu  lieu  le  7  décembre, 
à  la  salle  Allemande.  Les  deux  artistes  y  ont  trouvé  l'occasion  de  faire  valoir  leurs  très 
réelles  qualités. 

—  Au  21  décembre,  concert  à  la  Grande  Harmonie,  par  M™®  Marie  Leroy  la  cantatrice 
célèbre,  et  M,  Dumesnil,  pianiste  ;  oeuvres  de  M,  Moor. 

—  Cari  Friedberg^  l'éminent  professeur  de  piano  au  Conservatoire  de  Cologne  donnait  le 
30  novembre  à  la  Grande  Harmonie,  un  récital,  qui  fut  une  véritable  fête  d'Art,  Bramhs, 
Schubert,  Schuman,  Chopin,  Liszt  trouvèrent  en  lui  un  interprète  merveilleux,  plein  de 
subtilité,  de  finesse,  et  parfaitement  maître  du  clavier. 

—  Nous  n'avons  pu  encore  rendre  compte  ici  des  examens  à  l'Institut  des  Hautes  Etudes 
musicales  et  dramatiques  d'Ixelles.  M.  Henry  Thiebaut  le  distingué  directeur  nous  avait  invité 
à  faire  partie  des  jurys,  et  nous  avons  eu  l'occasion  d'apprécier  à  sa  valeur  le  caractère  de 
l'enseignement  donné  par  le  corps  professoral  qu'il  a  groupé.  L'Ecole  de  la  rue  Souveraine 
se  recommande  par  l'élévation  des  cours  où  la  littérature,  l'esthétique,  l'art  vont  de  pair  avec  la 
méthode  et  la  science.  En  ce  qui  concerne  la  session  présente,  disons  simplement  que  l'en- 
semble des  résultats  des  examens  comporte  plus  de  150  distinctions.  Les  artistes  appelées  à  les 
décerner  furent  unanimes  à  féliciter  M.  Thiebaut  et  ses  collaborateurs  pour  ce  beau 
succès. 

—  Nos  lecteurs  apprendront  avec  plaisir  la  haute  marque  de  distinction  —  que  vient 
d'accorder  au  célèbre  violoncelliste  belge  Edouard  Jacobs,  S.  M.  Guillaume  IL  En  souvenir  de 
l'audition  dont  nous  rapportions  le  succès  dans  notre  dernier  numéro,  l'Empereur  d'Allemagne 
a  fait  parvenir  à  l'artiste  les  insignes  d'officier  de  l'ordre  de  l'Aigle  Rouge.  —  Toutes  nos 
félicitations. 

WATERMAEL-BOITSFORT.  —  Le  Cercle  Royal  :  «  Bien  faire  et  laisser  dire  " 
de  Watermael,  sous  la  présidence  d'honneur  de  M.  Sam  Wiener,  et  la  vice-présidence 
d'honneur  de  M.  Schlim  fêtait  le  20  novembre,  son  25^  anniversaire.  Cette  fête  fut  l'occasion 
d'une  audition  musicale  choisie,  à  laquelle  prêtèrent  leur  concours  Madame  Boulanger, 
professeur  à  l'Ecole  de  Musique  de  Boitsfort,  MM.  Demont,  professeur  au  Conservatoire 
Royal  de  Bruxelles,  Fernand  Pierard,  moniteur  au  Conservatoire  Royal  de  Bruxelles,  Jean 
Buytinx,  soliste  de  la  Monnaie,  et  M.  Ernest  Jhek,  le  sympathique  directeur  de  l'Ecole  de 
Musique,  et  du  Cercle  symphonique  de  Boitsfort.  Réunion  intime  et  joyeuse,  où  l'on 
entendit  des  pages  de  Haendel,  Beethoven,  Mozart,  Weber,  etc.,  et  une  ouverture  gracieuse 
de  Jhek. 


730  S.    I.    M. 

ANVERS.  —  Le  Gala  de  la  IP  allonie  a  trouvé  cette  année  un  vif  succès.  Un  public 
nombreux  et  choisi  se  pressait  au  théâtre  Royal.  M.  De  Vos  bourgmestre,  M.  l'Echevin,  M"* 
et  M"*  Desguin,  M.  et  M'"'=  Van  Kuyck,  MM.  Meunier,  Lagonge  et  Beaurain,  président, 
trésorier,  secrétaire,  respectivement,  de  La  JP'allon'ie  occupaient  la  loge  d'honneur.  Le  ténor 
Francell,  M"<^  KorsofF  de  l'opéra  comique,  M"*"  Savelle,  Ista,  Suzel,  Lejeune,  MM.  Boussa, 
Duron  et  Dezan  y  prêtaient  leurs  concours. 

—  La  Société  des  Nouveaux  concerts  a  offert,  pour  la  première  fois,  au  public  musical  anver- 
sois,  un  acte  de  Panifal.  M"'«  Litvinne  et  Van  Dyck  en  furent  les  interprètes  éminents.  Le 
chœur  des  Blumenmiidchen  était  ravissant,  et  l'exécution,  parfaitement  stylée,  consciencieuse  et 
compréhensive,  fait  grand  honneur  à  l'excellent  musicien  Lodewyk  Mortelmans,  directeur  de 
la  société. 

—  On  annonce  à  Anvers  la  fondation  de  concerts  classiques,  sous  la  direction  de  M.  L.  de 
Vocht.  —  On  peut  avoir  renseignements  au  Cercle  catholique  ou  au  secrétariat  :  27,  Champ 
Vleminckx,  Anvers. 

GAND.  —  Au  Conservatoire  Royal.  —  La  distribution  des  prix  a  eu  lieu  le  20  novembre 
et  a  été  accompagnée  de  la  traditionnelle  audition  d'élevés  lauréats.  Cette  séance  reflète  natu- 
rellement le  niveau  des  derniers  concours,  qui  ont  été  d'une  honorable  moyenne,  sans  plus. 

L'éminent  directeur  du  Conservatoire,  M.  Mathieu,  a  dirigé  l'ouverture  des  Noces  de 
Gamache  de  Mendelssohn,  ainsi  que  le  bel  air  d'Odile  de  son  opéra  Richilde,  chanté  par 
M"""  Maria  Bultiauw,  Pour  les  autres  numéros  du  programme,  il  a  cédé  le  bâton  k  ses 
distingués  professeurs:  M.  Léo  Vanderhaegen  '  (chant),  qui  fit  exécuter  un  air:  Aan.mijne  Lier 
{A  ma  l\re\  de  son  opéra  flamand  L/W,  par  M.  de  Raeve  ;  M.  Albert  Zimmer  (violon),  dont 
les  élèves,  MM.  Fred.  Ghigo  et  Cari  Van  Styvoort  jouèrent  le  largo  du  concerto  en  ré  mineur 
pour  deux  violons,  de  J.-S.  Bach,  et  M.  Ed.  Potjes  (piano),  dont  l'élève,  M"'"  Germaine  Van- 
den  Abeele  s'est  attaquée  au  concerto  en  la  mineur  de  Grieg. 

—  Au  Cercle  Artistique  et  Littéraire.  —  La  saison  a  débuté  par  une  audition  du  quatuor 
"  blanc,  "  composé  de  M''"'"'  Corinne  Coryn  (i"  violon),  Germaine  Schellinck  (2*'  violon), 
Hyacinthe  Slingcneyer  (alto)  et  Daisy  Jean  (violoncelle).  Très  vif  succès  pour  l'interprétation 
bien  comprise  et  bien  fondue  du  quatuor  en  mi  bémol  de  Mozart  et  du  diflftcultueux  quatuor 
en  la  mineur  de  Brahms.  L'idée  de  jouer  en  morceau  isolé  la  célèbre  canzonetta  de  Men- 
delssohn, et  d'en  faire  un  "  morceau  des  paletots,  "  m'a  paru  une  petite  faute  de  goût. 

'  On  sait  que  M,  Léo  Vanderhae^en  est  un  de  nos  jeunes  compositeurs  en  c]ui  les  musiciens  ont  mis  leur 
confiance.  On  doit  représenter  cette  année  même  à  Gand  une  de  ses  œuvres. 


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THÉÂTRES  ET  CONCERTS  731 

M.  Sydney  Vantyn  s'est  fait  applaudir  aussi  dans  son  récital  consacré  à  Schumann  et  à 
Chopin.  Du  premier,  les  Etudes  symphoniques  et  les  Kreisîeriana^  du  second,  la  grande  sonate 
en  si  bémol  mineur,  l'impromptu  en  fa  dièse,  le  nocturne  en  fa  dièse  et  la  polonaise  en  la 
bémol.  Ce  pianiste  est  un  poète  dont  la  pensée  s'alanguit  volontiers  en  une  rêverie  mélan- 
colique, et  qui  aimer  à  noyer  dans  la  brume  les  contours  des  phrases. 

—  Au  Collègue  musical.  —  Poursuivant  l'instructive  série  de  ses  soirées  musicales,  le 
Collège  musical  a  convié  ses  élèves  et  leur  parents  à  une  audition  d'oeuvres  de  César  Franck. 
La  directrice  Mme  Vierset  a  rendu  un  hommage  éloquent  à  ce  grand  et  pur  artiste,  dont  des 
pages  choisies  ont  été  rendues  avec  talent  par  Mmes  Krické  et  D'Hondt,  en  passe  de  prendre 
rang  parmi  nos  meilleurs  amateurs,  et  Mlle  H,  Slingeneyer,  professeur  de  violon  au  Collège  ; 
au  piano  d'accompagnement,  Mlle  J.  Raepsaet. 

D""  Paul  Bergmans. 

MONS.  —  M.  le  D""  Dwelshauvers  donnait,  à  l'U.  P.  de  Mons,  une  conférence 
consacrée  à  Liszt,  dont  on  fête  le  centenaire  cette  année.  —  Il  a  retracé  la  carrière  du 
grand  musicien,  avec  une  émotion  pieuse,  il  évoqua  sa  noble  et  pure  figure,  des  plus  admirables 
de  la  musique.  Il  analysa  son  génie,  que  l'on  n'a  pas  assez  compris  encore.  Liszt  ne  fut  pas 
seulement  un  éblouissant  virtuose,  un  technicien  merveilleux,  il  fut  et  reste  avant  tout  un 
sublime  inspiré.  Que  de  trésors  son  œuvre  profonde  pleine  de  poésie  et  d'émotion  vivantes, 
récèle.  —  Telle  page,  comme  François  de  Paule^  marchant  sur  les  flots  sont  parmi  les  chefs- 
d'oeuvre  impérissables.  Nous  n'essayerons  pas,  en  deux  mots  hâtifs,  d'en  résumer  la  splendeur. 
Telles  mélodies  et  telles  pièces  pianistiques  chantent  la  plus  subtile  et  fluidique  impression. 
Le  pianiste  et  compositeur  belge,  Arthur  Van  Dooren  dont  nous  esquisserons  prochainement 
la  silhouette,  fit  revivre  ces  pages,  au  recueillement  d'un  auditoire  ému.  M^  Tombeur 
chanta  délicieusement  3  lieder  français  et  3  lieder  allemands,  qu'accompagnait  au  piano 
M.  le  D""  Dwelshauvers. 

—  L'organiste  de  S*^  Waudru,  M.  Léon  Jadm,  compositeur  talentueux,  donnera  le 
12  décembre  au  Théâtre  de  Mons  une  audition  de  ses  œuvres,  avec  le  concours  d'un 
orchestre  et  de  chœurs  forment  ensemble  de  200  exécutants  et  de  Mme  Feltesse,  cantatrice 
du  Lyrique  d'Anvers.  Mlle  Sodoyer,  MM.  Tondeur,  Conrardy,  Reumont.  Au  programme  : 
Geneviève  de  Brabant,  cantate,  sur  des  vers  de  V.  Gille,  un  chœur  d'E.  Depas,  un  poème 
symphonique,  un  Appasionata  pour  violoncelle  et  une  mélodie  :  Le  Soir^  sur  un  poème  de 
René  Lyr. 

MALINES.  ^  —  Les  amateurs  du  carillon  purent  se  réjouir.  Ils  eurent  l'occasion  d'assister 
à  de  très  beaux  concours  les  21  et  22  Août.  Chaque  concurrent  devait  exécuter  deux  morceaux 
au  choix,  plus  un  morceau  imposé.  Het  Lied  der  Vlamingen.^  extrait  de  l'oratorio  De  Schelde  de 
Peter  Benoit.  Pour  clore  la  première  journée,  fête  de  nuit  et  Concert  par  le  Cercle  Mozart, 
sous  la  direction  de  M.  J.  Em.  Strauwen. 

Au  cours  de  la  deuxième  journée,  les  meilleurs  des  dix-sept  carillonneurs  se  firent 
entendre.  Voici   les  pièces  exécutées   par  les  concurrents  : 

I.  C.  De  Mette  :  Andante  de  la  sixième  symphonie,  Haydn  ;  Souvenir  de  Mignon,  A. 
Thomas  ;  2.  E.  Redouté,  de  Mons  :  Les  Pêcheurs  de  perles,  Bizet  ;  La  Voix  des  chênes, 
Goublier  ;  3.  A.  Rollîers,  de  Saint-Nicolas  :  Les  Cloches  de  Corneville,  R.  Planquette  ;  Het 
Lied  van  den  Smid,  R.  Andelhof  ;  4.  A.  Schrynkel,  d'Audenarde  :  Marche  solennelle,  A.  Mailly; 

^  Le  compte-rendu  ci-après  s'étant  égaré,  nous  nous  excusons  auprès  de  notre  correspondent  M.  CoUaer  et 
auprès  de  nos  lecteurs,  de  le  donner  ce  mois  seulement.  —  (N.  de  la  R.) 


A.   DURAND   &    FILS,   Editeurs   de   Musique 

(DURAND    &    Cie) 

4,   Place   de   la  Madeleine,   PARIS 


Musique  de  Chambre  nouvelle 


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Violoncelle  et  Piano 

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B.  HOLLANDER 

Quatuor  à  cordes 

Partition  et  Parties 

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ROGER-DUCASSE 

Quatuor  à  cordes 

Partition  in-i6° 

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Parties  séparées 

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GRAND  CHOIX  DE  MUSIQUE  DE  CHAMBRE  FRANÇAISE  &  ÉTRANGÈRE 

Œuvres    de    C.    SAINT-SAËNS,    Edouard    LALO,    Vincent    d'INDY, 
A.   de   CASTILLON,   CM.   WIDOR,   Claude    DEBUSSY, 

Paul  DUKAS,  Gabriel  PIERNÉ,  Emile  BERNARD, 

Charles  LEFEBVRE,  C.  CHEVILLARD,  GUY-ROPARTZ, 

G.M.  WITKOWSKI,  Maurice  RAVEL,  ROGER-DUCASSE,  etc. 


CLASSIQUES    FRANÇAIS 
CEuVres  de  Rameau,  Covperin,  Caix  d'HerVelois. 


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Dépôt   exclusif  pour   la    l'Vancc   cics    Editions    Peters. 


THÉÂTRES  ET  CONCERTS  733 

extraits  de  Tannhciuser,  Wagner  ;  5.  J.  Van  de  Plas,  de  Louvain  :  Préludes  i  et  2,  Van  den 
Gheyn  ;  Uenclume^  Alb.  Parlow  ;  6.  Em.  Verrees,  de  Turnhout  :  Les  Rameaux^  Faure  ; 
Quand  ^oiseau  chante^  Tagliafîco  ;  intermède  de  Cavallei-'ta  rusticana,  Mascagni. 

Outre  ces  pièces,  chaque  concurrent  devait  exécuter  un  morceau  imposé,  un  Andante 
cantabilf.,  composé  spécialement  par  M.  J.  Denyn,  le  carillonneur  de  Malines. 

Les  prix  ont  été  décernés  comme  suit  : 

Premier  prix,  M.  Van  de  Plas,  Jul.,  de  Louvain;  deuxième  prix,  M.  Rolliers,  de  Saint- 
Nicolas  ;  troisième  prix,  M.  Redouté,  de  Mons  ;  quatrième  prix,  M.  De  Mette,  d'Alost  ; 
cinquième  prix,  M.  Schrynkel,  d'Audenarde  ;  sixième  prix,  M.  Verrees,  de  Turnhout  ; 
septième  prix,  M.  Nauwelaerts,  de  Lierre  ;  huitième  prix,  M.  Oyen,  de  Bonsecours-Péruwelz  ; 
neuvième  prix,  M.  Van  Zuylen,  de  Gouda  :  dixième  prix  M.  Van  de  Plas,  Th.,  de  Diest  ; 
onzième  prix,  M.  Van  Beers,  de  Malines  ;   douzième  prix,  M.  De  Lange,  de  Rotterdam. 

Concours  d'honneur  :  premier  prix  (prix  du  roi,  objet  d'art)  :  M.  Rolliers  de  Saint-Nicolas, 
à  l'unanimité  ;   deuxième   prix  (objet  d'art)  :    M.  Redouté,  de    Mons,   par  trois  voix  contre  . 
deux.  Diplôme    d'honneur  :  M.  Jules  Van  de  Plas,  de  Louvain. 

Puis  M.  J.  Denyn,  du  haut  de  la  tour  de  Saint-Rombaut  exécuta  en  parfait  virtuose 
des  airs  variés,  de  vieilles  chansons  françaises,  etc..  Enfin,  sous  la  direction  de  M.  Henri 
Dubois,  professeur  de  cor  à  l'Académie  de  Musique,  les  cors  et  trompettes  sonnèrent  des 
intermèdes  ;  la  fête  se  termina  par  l'exécution  d'un  postludium  de  Jef  Denyn. 

ARLON.  —  A  la  fête  des  "  Artisans,  "  du  26  novembre,  on  a  applaudi  la  belle  voix 
de  M"''  Mary  Schw^artz,  cantatrice  d'Arlon,  dans  V Air  des  Saison  (V.  Massé),  VAir  du  Q^d 
(Massenet),  et  Viens^  mon  bien-aimè  (Chaminade).  Un  artiste-amateur  arlonais,  M""  Paul  Henrion, 
baryton,  a  fait  admirer  un  organe  bien  étoffé  dans  la  Roi  de  Lalwre  et  dans  la  Romance  à  F  Etoile 
du  Tannhaiiser, 

D'autre  part,  les  fervents  de  l'extension  ont  eu  l'occasion  de  goûter  la  musique  de  rêve  de 
Merovak,  l'Homme  des  Cathédrales.  Bientôt  deux  soirées  musicales  leur  seront  offertes  par 
M^^*^  E.  Spierkel,  professeur  à  l'Ecole  de  musique,  d'Arlon.  L'une,  de  1 1  décembre,  consacrée, 
en  grande  partie,  à  Léon  Boëllmann,  avec  le  concours  de  M""  Cholet,  violoncelliste,  de 
Bruxelles  ;  l'autre,  du  8  janvier,  consacrée  aux  Clavecinistes  du  16®  et  du  17®  siècle  et  à  l'his- 
toire de  la  sonate. 

Le  15  janvier,  M''  René  Lyr,  fera  une  conférence  sur  quelques  musiciens  Wallons, 

Elle  sera  "  illustrée  "  par  une  douzaine  de  lieder  chantés  par  M^^®  Mary  Schwartz,  canta- 
trice et  professeur  de  chant. 

Enfin,  le  2  avril.  M''  G.  Dwelshauvers,  professeur  à  l'Université  de  Bruxelles,  bien  connu 
comme  musicologue,  parlera  de  l'évolution  de  la  musique  en  France  depuis  1870.  Cette  con- 
férence sera  accompagnée  d'auditions  musicales.  J.  V.  D. 


Etranger 


AIX-LES-BAINS.  —  Au  grand  Cercle  d'Aix-les-Bains,  très  intéressante  audition  des 
Danses  à  5  temps  de  notre  Collègue  Julien  Tiersot.  L'orchestre  sous  la  direction  de  Léon 
Jehin,  a  donné  une  exécution  vraiment  brillazite  de  cette  musique  dont  le  rythme  inac- 
coutumé n'est  pas  sans  offrir  de  notables  difficultés. 

Ajoutons  à  cela,  une   excellente  représentation    de  Proserpine,    et  particulièrement  une 


734  S.   I.    M. 

étonnante   représentation    des   Maîtres    Chanteurs   avec    MM.   Delmas,    Laffitte,    Riddez   et 
M"^  Magne. 

SUISSE  ROMANDE.  —  Les  conservatoires  de  musique  ont  donné  le  signal  du 
commencement  de  la  saison.  Ces  établissements  d'éducation  jouent,  en  efiFet,  dans  nos 
petites  villes  un  rôle  plus  essentiel  que  dans  les  grands  centres.  Notre  vie  musicale  est  trop 
étroite  pour  se  disperser,  ou  donner  naissance  à  des  tendances,  à  des  organismes  absolument 
indépendants.  C'est  toujours  le  même  groupe,  la  même  élite  que  l'on  retrouve  dans  la  plupart 
de  ses  manifestations.  La  plupart  de  nos  personnalités  musicales  appartiennent,  à  des  titres 
divers,  à  nos  Conservatoires.  Ceux-ci  deviennent  aussi,  tout  naturellement,  des  sortes  de  foyers 
intéressc'S,  directement  ou  non,  à  tout  ce  qui  est  de  la  musique  chez  nous.  Leur  action  n'en 
est  ou  n'en  peut  être  que  plus  grande.  Il  semble  bien,  d'ailleurs,  que  leurs  directeurs  s'en 
rendent  compte,  et  fassent  effort  pour  la  rendre  aussi  bienfaisante  que  possible  et  lui  donner 
toute  sa  portée.  C'est  ainsi  qu'à  Fribourg,  grâce  au  talent  et  à  l'intelligent  labeur  de 
M.  Antoine  Hartmann,  le  Conservatoire  a  fait,  dans  ses  six  années  d'existence,  des  progrès 
incessants,  ajoutant  chaque  semestre  à  son  programme  de  nouveaux  cours  et  augmentant 
régulièrement  le  nombre  et  la  qualité  de  ses  élèves. 

A  Lausanne,  après  une  période  de  développement  croissant,  le  Conservatoire  vient  de 
franchir  une  étape  décisive  :  il  a  créé  des  classes  normales  et  des  classes  de  perfectionnement, 
de  telle  sorte  que  ses  élèves  pourront  j  parcourir  désormais  le  cycle  complet  des  études 
musicales  5  en  même  temps,  il  devient  à  demi-officiel,  c'est-à-dire  que  ses  diplômes  seront 
délivrés  sous  les  auspices  et  avec  les  sceaux  du  département  de  l'Instruction  publique  du 
Canton  de  Vaud  et  de  la  Ville  de  Lausanne.  Enfin,  et  c'est  là  l'essentiel,  il  marque  de  plus  en 
plus  sa  volonté  de  favoriser  selon  ses  moyens  le  développement  musical  de  cette  ville  dans  tous 
les  domaines,  en  prenant  une  part  directe  dans  l'administration  et  l'organisation  de  l'Orchestre 
et  de  certaines  institutions  comme  celle  qui  nous  donnera  l'an  prochain  au  Théâtre  du  jorat 
des  représentations  modèles  de  VOrphèe  de  Gluck.  Cette  transformation  du  Conservatoire,  qui 
ne  manquera  pas  d'avoir  sur  la  vie  musicale  Lausannoise  une  influence  salutaire,  est  essen- 
tiellement l'œuvre  de  son  directeur  M.  Jules  Nicati,  Pianiste  éminent,  mais  surtout  ami 
dévoué  et  désintéressé  de  la  musique,  M.  Nicati  a  exercé  depuis  quelques  années  une 
activité  intense  dans  notre  vie  musicale.  Mais  cette  activité  était  cachée,  elle  se  déroulait  à 
l'ombre  des  comités  et  des  bureaux  ;  la  Réforme  du  Conservatoire  que  M.  Nicati  a  signée 
vient  heureusement  la  mettre  en  pleine  lumière  ;  elle  a  permis  enfin  à  notre  public  de  lui 
rendre  le  juste  hommage  qui  lui  était  dû. 


Application 

raisonnêe  des 

meilleurs  procédés 

pédagogiques 

et  techniques 

employés  par  les 

grands  maîtres 

contemporains 

français 

et  élran/icrs. 


LEÇONS  de  PIANO 

VIOLONS,  SOLFÈGE  HARMONIE 

■PAR  CORRESPONDANCE 

COURS    SINAT 

Rue    Franklin,    5,     PARIS  Trocadéro. 


THÉÂTRES  ET  CONCERTS  735 

Quant  au  Conservatoire  de  Genève,  il  n'est  pas  plus  indépendant  de  son  milieu  que  les 
précédents  ;  un  de  ses  professeurs  de  piano,  M.  Stavenhagen,  est  directeur  des  concerts  d'abonne- 
ment ;  l'excellent  organiste  Barblan  y  enseigne  le  contrepoint  et  la  composition  ;  et  il  a  partagé 
avec  le  pays  tout  entier  les  regrets  qu'a  causés  le  départ  de  M.  Jaques-Dalcroze  pour  Dresde, 
Mais  il  ne  présente  pas  au  même  degré  que  les  Conservatoires  de  Lausanne  et  de  Fribourg  le 
spectacle  d'une  évolution  incessante,  pour  la  bonne  raison  que,  plus  ancien  et  mieux  doté 
qu'eux,  il  est  depuis  plusieurs  années  en  pleine  prospérité. 

Après  les  Conservatoires,  les  Salles  de  Conserts  ont  ouvert  leurs  portes.  Ce  fut  d'abord  le 
Kursaal  de  Montreux.  M.  F.  de  Lacerda  y  a  recommencé  une  nouvelle  série  de  ces  programmes 
dont  j'ai  souvent  relevé  ici  la  tenue  intelligente,  la  richesse  et  le  goût.  Reprenant  en  mains  son 
orchestre  fatigué  et  quelque  peu  déformé  par  les  concerts  en  plein  air,  il  l'a  ramené  en  quelques 
semaines  à  ce  jeu  sûr,  si  beau  de  style  et  de  sonorité  que  l'on  admirait  ces  années  dernières. 

L'exécution  magistrale  que  ce  petit  orchestre  a  donnée  de  Tod  und  Verkldrung  de  Richard 
Strauss  est  à  cet  égard  significative.  Le  sommet  de  cette  première  période  de  concerts  est  marqué 
par  la  VII""'  Symphonie  de  Beethoven,  dont  l'interprétation  mit  en  valeur  de  manière  excep- 
tionnelle le  sens  de  l'équilibre  et  des  valeurs  rythmiques. 

Les  concerts  d'abonnement  de  Genève  ont  publié  leurs  programmes.  La  même  sincérité 
que  j'employai  ce  printemps  à  parler  de  la  direction  de  M.  Stavenhagen  me  permettra  de  louer 
le  sérieux  effort  que  dénotent  ces  programmes.  Jamais  encore  M.  Stavenhagen  ne  nous  en  avait 
donné  de  si  équitables  et  de  si  heureusement  composés.  Représenter  la  France  par  la  Symphonie 
de  Franck,  la  Mer  de  Debussy  et  la  Rhapsodie  espagnole  de  Ravel  est  sûrement  une  pensée 
louable,  de  la  part  d'un  musicien  aussi  éminemment  tudesque.  Et  sans  doute,  c'est  encore  moins 
qu'on  en  attendrait  d'une  ville  aussi  romane  que  Genève  ;  mais  c'est  mieux  que  Genève  ne 
fit  jamais. 

Les  concerts  d'abonnement  de  Lausanne  ne  sont  pas  annoncés  ;  ils  ne  le  seront  peut-être 
pas  cet  hiver.  Le  néfaste  Casino  dont  je  vous  ai  déjà  parlé  a  amené  l'orchestre  à  un  état  pire 
que  le  néant,  car  il  ne  suffirait  pas  de  le  reconstruire  entièrement,  il  faudrait  encore  le  décrasser 
d'une  ambiance  détestable  et  perfide, 

E,  Ansermet. 

MOSCOU,  —  Nous  sommes  menacés  d'une  avalanche  de  concerts  symphoniques. 
Dix  concerts  de  la  Société  Impériale  de  musique  seront  conduits  par  Emile  Konpère,  dix  autres 
(avec  un  programme  historique)  par  Serge  Wassilevksky,  La  Société  Philharmonique  aura  pour 
chef  d'orchestre  :  M,  Koats,  Gab.  Fauré,  W.  Mengelberg,  F.  Mottl,  F.  Weingartner, 
S.  Rachmaninow,  Al.  Ziloti.  S.  Kussewitzki,  dirigera  une  partie  de  ses  concerts,  secondé  par 
Ose.  Fried  de  Berlin,  et  Arth.  Nikisch.  Les  amis  de  la  musique  russe^  (M.  Kerzin)  donneront 
435  concerts  symphoniques  conduits  par  Em.  Konpère.  Ajoutons  encore  les  "  Oratorio  ", 
au  nombre  de  5  avec  orchestre  et  choeurs,  conduits  par  M.  W.  Boulytchew. 

La  Société  hnpériale  commença  ses  concerts  avec  Schumann  :  Godfried  Galston,  M.  Capet 
et  Casadesus  se  firent  entendre. 

La  Symphonie  de  Scriabine  "  L'Extase  ",  fut  exécutée  avec  succès.  C'est  une  œuvre 
forte  qui  fit  grande  impression. 

Aux  Concerts  historiques  du  Dimanche  se  firent  entendre  Jacques  Handelin,  organiste, 
A.  Ziloti,  pianiste.  La  second  concert  avait  inscrit  à  son  programme  des  œuvres  de  Handel, 
Muffat,  Grétry,  Rameau.  M.  W.  Boulytchew  donna  une  très  bonne  exécution  des  Saisons  de 
Haydn.  Félicitons  le  chœur  qui  chanta  les  œuvres  de  du  Fay,  Okeghem,  J,  des  Prés,  Arcadelt,  etc. 

Musique    de    Chambre.   —  Marc    Meiteliek    fut    le    premier    pianiste    de    la    saison   sa 


73^ 


S.   I.    M. 


technique  est  admirable.  Citons  aussi  les  séances  fort  intéressantes  d'Al.  Goldenweiser, 
pianiste,  et  B.  Sibor,  violoniste,  qui  exécutèrent  toutes  les  sonates  de  Beethoven  pour  violon  et 
piano. 

L'enfant  prodige,  Irène  Eneri,  (13  ans)  vint  se  faire  entendre  avec  un  programme,  qui 
ferait  honneur  à  un  grand  pianiste. 

Ellen  von  Tidebohl. 

STRASBOURG.  —  Le  départ  pour  Mayence  du  premier  chef  d'orchestre  de  l'opéra, 
Albert  Gorter  et  la  nomination  de  Hans  Pfitzner  comme  directeur  font  entrer  notre  Théâtre 
Municipal  dans  une  nouvelle  phase  de  son  développement  ;  l'avenir  dira  si  nous  avions  raison 
de  bien  augurer  de  ces  changements.  La  saison  ne  nous  promet,  aucune  nouveauté  ;  jusqu'à 
présent,  on  a  donné  Freischûtz  avec  M""^^  Mahlundorst,  Croissant  et  M.  Wissiak  ;  Fidelio, 
Czar  et  Charpentier,  de  Lortzing,  Iscyl  et  Tiefland,  de  l'Albert,  le  Secret  de  Suzanne  de  Wolf 
Ferrari,  Carmen,  les  Huguenots,  etc.  Est-il  préférable  de  représenter  beaucoup  d'oeuvres  qui 
n'auront  eu  que  peu  de  répétitions  chacune,  ou  au  contraire  peu  d'œuvres  mais  fréquemment 
répétées  ?  Cette  question  ne  se  pose  pas. 

Parmi  les  concerts,  signalons  ceux  de  Frédéric  Lamond,  pianiste,  qui  donne  son  audition 
au  Théâtre,  de  M""^  Fila  Plaichinger  qui  chante  au  concert  la  mort  d'Iseult  et  des  scènes 
d'Electra,  de  M'"*^  Spiro-Rombro  de  Rome,  violoniste  émérite.  Le  programme  du  premier 
concert  municipal  fut  très  goûté  du  public  (Symphonies  de  Mozart  et  de  Brahms.)  Triomphe 
pour  Pfitzner  qui  conduit  l'Orchestre  et  pour  le  pianiste  Ed.  Risler.  —  Le  quatuor  Capet  nous 
donne  des  exécutions  parfaites  du  3^  quatuor  op.  59  de  Beethoven  et  de  celui  de  Debussy. 
Au  i'""  Concert  populaire,  le  chef  d'Orchestre  Fried  dirige  a\ec  autorité  la  symphonie  Italienne 
de  Mendelssohn  et  le  pianiste  Bœswillwald  se  couvre  de  gloire  dans  l'exécution  du  Concerto 
en  la  Mineur  de  Grieg. 

S.  S. 

VIENNE.  —  La  démission  de  Weingartner  était  tout  à  fait  inattendue.  La  presse 
affirmait  que  Weingartner  était  heureux  de  la  sympathie  que  lui  témoignait  l'Intendant,  le 
Comte  Montenuova,  et  qu'il  ne  pouvait  être  question  d'une  crise  à  l'Opéra,  la  situation 
financière  étant  excellente.  Puis,  soudain,  on  appela  M.  Gregor,  de  l'Opéra-Comique  de 
Berlin,  dont  on  n'avait  pas  encore  parlé  ;  il  excelle  à  mettre  à  la  scène  ;  c'est  là  une  qualité 
indispensable  à  la  Direction  d'un  théâtre  privé,  mais  insuffisante  pour  diriger  le  premier  des 
théâtres  allemands  de  musique.  M.  Gregor  a  affirmé  à  la  Presse  son  intention  de  respecter  les 
traditions  de  l'Opéra  ;  de  cette  façon,  il  s'assure  sa  sympathie.  Il  serait  à  souhaiter  qu'il  fît 
davantage.  Espérons  qu'il  nous  donnera  des  exécutions  aussi  bonnes  que  celles  de  Mahler.  II 
promet  de  tout  faire  pour  rappeler  Mahler  comme  premier  chef  d'orchestre,  car  il  est  évident  ; 
qu'agir  autrement  constituerait  la  plus  lourde  des  fautes.  Le  choix  de  Mahler  est  pour  la 
nouvelle  direction  une  question  vitale. 

—  "Quo  Vadis  ",  l'opéra  français,  a  remporté  un  très  grand  succès  à  l'opéra  Populaire. 
L'opéra  de  Franz  Schvcker  "  der  ferne  Klang  "  est  accepté  à  l'Opéra  et  doit  ctrc  reprc-senté 
au  commencement  de  la  saison  prochaine. 

LONDRES.  —  La  "  Philarmonic  Society"  vient  de  donner  la  première  audition  de 
la  dernière  œuvre  de  Sir  Edward  Elgar,  son  Concerto  pour  violon,  qui  a  été  accueilli  par  des 
acclamations  enthousiastes  s'adressant  au  compositeur  et  à  l'interprète,  M.  Kreisler.  Ce 
Concerto,  plein  de  charme  et  de  sérénité  forme  un  heureux  contraste  avec  sa  symphonie  et 
deviendra   sans   doute   plus   populaire   encore  ;    la    forme    en  est    classique    et    l'orchestration 


THÉÂTRES  ET  CONCERTS  737 

moderne  ;  on  y  retrouve  toutes  les  qualité  sérieuses  de  Sir  Edward  Elgar,  sa  conviction   et  sa 
sincérité  habituelles. 

NEW-YORK.  —  La  Société  des  Instruments  à  vent  Earrêre  annonce  trois  intéressantes 
séances.  On  y  entendra  parmi  les  œuvres  de  musiques  française  moderne  :  les  Esquisses  Antiques 
de  Inghelbrecht,  pour  flûte  et  harpe,  le  Quintette  d'André  Caplet,  la  petite  suite  de  Debussy 
(transcrite  pour  instrument  à  vent),  le  Dixtuor  d'Enesco. 

BARCELONE.  —  UOrfêo  Cantata  vient  d'organiser,  dans  son  Palace^  les  cinq  premiers 
concerts  de  la  saison.  On  nous  a  donné  une  excellente  exécution  A'Orphèe^  de  Gluck  qu'on 
n'avait  plus  entendu,  chez  nous,  depuis  de  longues  années.  Outre  la  collaboration  des  beaux 
chœurs  de  la  maison,  toujours  superbes,  on  s'était  assuré  le  concours  de  notre  compatriote 
Maria  Gay  et  de  Mlles  Aline  Béran  et  de  Furnells.  L'œuvre  de  Gluck  a  été  exécutée  deux 
fois  et  le  succès  en  a  été  colossal.  Faut-il  ajouter  que  Maria  Gay  et  les  chœurs  ont  été  admi- 
rables et  que  le  maître  Millet  a  dirigé  en  artiste  l'ouvrage  dont-il  s'agit  ?  —  Maria  Gay  était 
encore  engagée  pour  nous  donner  un  récital  de  Lieder.  Elle  a  fort  bien  dit  de  très  belles  pages 
de  Beethoven,  Salvator  Rosa,  Giordano,  Haendel,  Mozart,  Schumann,  Schubert,  Brahms 
Borodine,  Perilhou  et  R.  Hahn  ainsi  que  quelques  chansons  populaires.  Dans  cette  même 
séance,  le  Trio  Pichot-Costa  s'est  également  fait  entendre.  L.  Pichot  a  enfin  joué  le  concerto 
en  mi  de  J.-S.  Bach  dans  une  des  séances  de  cette  première  série.  —  Après  les  concerts  dont 
nous  venons  de  parler,  Jacques  Thibaud  et  notre  Granados  ont  donné  deux  séances  de  Sonates 
avec  le  plus  grand  succès.  Bach,  Mozart,  Beethoven,  Schumann  et  César  Franck  ont  été  les 
auteurs  choisis  par  ces  deux  artistes.  C'a  été  un  régal. 

\JOrquesta  Simfonica  de  Barcelona  a  donné  (toujours  au  Palace  de  la  Musica\  son  tout 
premier  concert.  Il  s'agit  d'une  société  de  concerts  nouvellement  organisée  que  le  maître 
Lamote  de  Grignon  dirige.  Le  concert  de  présentation  a  fort  bien  réussi.  Au  programme, 
V Héroïque  de  Beethoven,  La  nit  de  Nadal  (chœurs,  solistes  et  orchestre),  de  Lamote,  Marche 
de  la  Symphonie  Fantastique^  de  Berlioz,  Fêtes^  de  Debussy,  et,  enfin,  V Apprenti  sorcier  de 
Dukas.  L'orchestre,  sous  la  direction  du  maître  Lamote,  a  bien  débuté. 

La  nit  de  Nadal  est,  croyons-nous,  une  des  premières  choses  que  Lamote  ait  écrites. 
C'est  de  la  musique  infiniment  sincère  et  volontiers  catalane.  Une  partition,  en  somme,  remplie 
de  jolies  choses. 

Rosenthal  a  donné  enfin  deux  concerts.  Son  mécanisme  est  extraordinaire,  oui,  d'accord. 
Mais  est-il  bien  sûr  que  tous  les  esprits  sérieux  qui  assistent  aux  concerts,  de  bonne  foi,  pour  y 
entendre  de  la  musique^  ne  sont-ils  pas  toujours  un  peu  déçus  en  écoutant  ces  virtuoses  dont  le 
but  principal  consiste,  dirait-on,  à  épater  les  badauds  !...  F.  Lliurat. 

CADIX.  —  On  ne  saurait  trop  louer  l'activité  du  directeur  de  l'Académie  de  Santa 
Cecilia  ;  grâce  à  lui,  et  à  lui  seulement,  (car  notre  Société  ne  reçoit  aucune  subvention) 
l'Académie  de  Santa  Cecilia  se  développe  de  jour  en  jour.  C'est  ainsi  que  nous  pouvons  avoir 
de  superbes  exécutions  comme  celle  qu'il  nous  fut  donné  d'entendre  de  la  9^  Symphonie  de 
Beethoven,  au  13^  Concert. 

Le  programme  du  concert  donné  à  l'occasion  de  la  fête  de  Sainte-Cécile  comprenait 
notamment  une  Leçon  de  Solfège  à  deux  chœurs  du  directeur  M.  A.  Galvez,  des  fragments 
de  Parsifal  de  Wagner,  l'hymne  à  Sainte-Cécile  de  Sancho  Marraco.  M""  Rafaël  Olivares  Bel 
exécuta  le  Rondo  Capriccioso  de  S*  Saëns  et  les  ovations  ne  lui  furent  pas  ménagées. 

S.  V. 


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THÉÂTRES  ET  CONCERTS  739 

SARAGOSSE.  —  UOrquata  Sinfonica  de  Barcelone  a  donne  ici  un  concert  fort  intéres- 
sant ;  au  programme  :  la  Symphonie  héroïque  de  Beethoven  ;  la  Fantastique  de  Berlioz,  Fêtes 
de  Debussy,  Phaëton  de  S''  Sacins  ;  Siegfried-Idylle  ;  l'ouverture  des  Maîtres-Chanteurs  de 
Wagner  ;  Scherzo  et  Rêverie  de  Lamote  de  Gringnon. 

Viiîes,  à  son  récital  de  piano  a  joué  la  Sonate  Appasionata  de  Beethoven,  les  Etudes 
Symphoniques  de  Schumann,  le  prélude  de  RachmaninofF,  les  Tourbillons  de  Rameau,  au 
couvent  de  Borodine,  Jardins  sous  la  Pluie,  de  Debussy,  la  Tarentelle  de  Moskowsky.  Inutile 
de  dire  son  succès. 

M.  D.  F. 

OVIEDO.  —  A  la  Philharmonique  Ricardo  Vines  triomphe  dans  la  Sonate  Appasionata 
de  Beethoven,  et  les  oeuvres  de  Schumann,  Chopin,  Fauré,  Debussy,  Falla,  Turina,  Granados 
et  Albeniz. 

P.  A.  B. 


LIBERTE,    EGALITE....  GRATUITE. 

Il  y  a  quelques  mois  nous  dénoncions,  ici  même,  l'abus  du  "  gracieux  concours  ", 
ruineux  pour  les  artistes  et  vraiment  peu  honorable  pour  les  "  donneurs  de  concerts  "  qui  ne 
craignent  pas  d'en  profiter.  Aujourd'hui  nous  voudrions  appeler  l'attention  de  nos  bienveillants 
lecteurs  sur  un  autre  genre  d'abus  non  moins  regrettable  et  beaucoup  plus  important.  C'est 
dire  que  son  examen  dépassera  un  peu  le  cadre  habituel  de  ces  modestes  études  musico-sociales. 

Liberté,  Egalité...  Gratuité.  Cette  possible  devise,  dont  le  troisième  terme  ne  figure  pas 
sur  nos  monuments,  représente  l'un  des  plus  formidables  bluffs  que  l'impersonnel  Etat  propose 
à  la  béate  admiration  de  la  foule  troupeau  qu'il  est  censé  représenter.  Mettons  à  part  l'illusoire: 
"  Liberté  "  ;  "  l'Egalité  "  plus  bouffonne  encore,  et  considérons  seulement  la  "  gratuité  " 
d'une  irrésistible  séduction  pour  ceux  qui  s'imaginent  en  jouir. 

Toute  chose  a  une  valeur,  dit  la  science  économique  et  le  bon  sens  ;  valeur  variable 
dépendant  des  lois  de  l'offre  et  de  la  demande  et  de  quelques  autres  facteurs  que  nous  n'avons 
pas  à  examiner  ici.  Travail  musculaire,  manuel,  intellectuel,  peuvent  se  mesurer  et  s'échanger 
avec  d'autres  équivalences  ;  en  général,  dans  notre  société  ci\  iliséc,  c'est  l'argent  qui  sert  de 
dénominateur  commun. 

Or  il  advint  que  les  utopistes,  puis  les  gens  habiles  amateurs  de  popularité,  se  proposèrent 
d'accomoder  au  goût  moderne  le  panern  et  cir censés,  àcWcti  de  la  plèbe  romaine.  Ils  inaugurèrent 
les  échanges  "  gratis  "  et  l'objet  du  troc,  si  l'on  peut  ainsi  parler,  porta  notamment  sur  le 
travail  intellectuel.  Notre  panern,  tout  spiritualisé,  nous  fut  distribué  sous  forme  d'enseigne- 
ment laïque,  obligatoire  et  gratuit.  Encouragés  par  cette  première  tentative  d'un  Etat  paternel 
et  imprévoyant,  de  bons  esprits  ne  craignirent  point  de  demander,  par  la  suite,  le  théâtre 
gratuit  ;  pour  réformer,  purifier,  amender  le  goût  populaire  ;  puis  le  pain  gratuit  —  le  pain 
réel,  de  pur  froment  —  et  enfin  le  vêtement  gratuit  à  l'usage  des  non-favorisés  de  la  fortune. 
Si  cela  continue  nous  jouirons  tous  un  jour  de  ces  inappréciables  bienfaits,  ce  sera  l'Eldorado.... 
et  l'égalité  dans  la  ruine.  Car  vous  imaginez  bien  qu'il  n'y  a  là  qu'un  trompe-l'œil,  un  tour 
de  paste-passe  (électoral)  et  pour  tout  dire  un  de  ces  mensonges  sociaux  dont,  naïfs,  nous  nous 
payons  si  facilement.  L'enseignement  est  gratuit  mais....  le  contribuable  paie  de  lourds  impôts 
pour  en  profiter.  Dans  les  écoles  —  nos  chères  écoles,  laïques  et  obligatoires  —  certains  élèves 
sont  alimentés  et  vêtus  gratuitement  mais....  des  gens  bénévoles  remplissent  la  caisse.  Il  y  a 
des  représentations  et  des  concerts  gratuits  mais....  l'Etat,  c'est-à-dire  tout  le  monde,  subven- 
tionne les  organisateurs.  En  sorte  qu'il  y  a  toujours  quelqu'un  qui  paie  pour  ceux  qui  ne 
déboursent  rien  et  même  beaucoup  de  ces  derniers  arrivent  à  payer,  seulement  sous  une  autre 
rubrique,  de  sorte  qu'ils  ne  saisissent  pas  tout  de  suite  l'ingéniosité  du  mécanisme. 

A  la  suite  de  l'P^tat,  de  grandes  associations  d'enseignement  s'organisèrent  et  firent  appel 
aux  professeurs  pour  répandre,  gracicuscmint,  dans  des  cours,  nombreux  et  \ariés,  le  savoir 
qu'ils  possédaient.  Les  musiciens  ne  furent  pas  les  derniers  à  répondre  à  l'invite  et  se  mirent  à 
enseigner  qui  le  piano,  qui  le  violon  et  qui  le  chant. 

Qu'espèrent  donc  les  artistes  en  se  prêtant  à  cette  comédie  et  se  mêlant  aux  distributeurs 
de  pâtée  intellectuelle  pour  les  gens  du  commun  ? 


QUESTIONS  SOCIALES  741 

Les  uns  désirent  et  obtiennent,  pour  ce  fait,  quelques  menues  distinctions  :  diplômes, 
médailles  et  bouts  de  ruban  dont  leur  vanité  puérile  s'enorgueillit.  Les  autres  attendent  que, 
dans  le  nombre  des  élèves  attirés  par  l'enseigne  :  "  Ici  on  instruit  gratis,  "  il  s'en  trouve 
quelqu'un,  plus  riche  que  les  autres,  qui  paie  les  conseils  du  maître.  Espoir  trop  souvent  déçu. 
La  vérité  c'est  qu'en  agissant  ainsi  l'artiste  travaille  à  sa  propre  ruine,  qu'il  contribue  à 
propager  une  idée  fausse  :  celle  de  la  gratuité  possible  du  travail  intellectuel  ;  qu'il  adopte  une 
attitude  sans  dignité  et  déprécie  son  enseignement. 

Si  l'on  veut  bien  réfléchir  un  instant  et  ne  pas  s'attarder  aux  vaines  apparences  d'une 
prétendue  noblesse  qui  placerait  l'artiste  comme  hors  du  monde  où  il  vit,  on  reconnaîtra  qu'il 
est  soumis,  comme  toute  unité  sociale,  à  des  nécessités  économiques  pressantes.  II  lui  faut, 
pour  tout  dire,  comme  le  commerçant,  l'industriel,  l'agriculteur,  le  plus  souvent  gagner  sa  vie 
par  l'exploitation  du  capital  intellectuel  dont  il  est  pourvu.  Rares  sont  les  musiciens  —  pour 
nous  en  tenir  à  notre  corporation  —  pour  lesquels  l'art  n'est  qu'un  luxe  ;  bien  au  contraire  le 
plus  grand  nombre  doit  vivre  d'un  travail  soutenu  et  rémunéré.  Or,  que  dirait-on  d'un  com- 
merçant, d'un  industriel  qui  s'aviserait  de  distribuer  gracieusement  au  public  les  marchan- 
dises de  son  magasin  ou  les  produits  de  sa  fabrique  ?  Cet  homme  est  fou  s'exclamerait-on  ;  il 
court  à  sa  perte  et  réduit  à  la  misère,  tombera  bientôt  à  notre  charge.  —  En  va-t-il  donc 
autrement  pour  celui  qui  dilapide  son  intelligence  et  ses  forces  sans  un  légitime  profit  ?  Et 
fait-on  autre  chose  en  instaurant  des  cours  gratuits?... 

En  second  lieu  l'artiste  qui  consent  à  jouer  cette  comédie  pseudo-philanthropique 
contribue  à  répandre  dans  le  public  l'idée  de  la  non-valeur  du  travail  intellectuel.  Les  plus 
honnêtes  gens  commencent  à  s'en  persuader.  Ils  acceptent,  et  même  sollicitent,  qu'on  les 
instruise,  eux,  ou  leurs  enfants,  à  titre  gracieux  et  tel  qui  n'aurait  pas  l'idée  saugrenue  d'aller 
demander  à  son  boulanger  de  le  nourrir  gracieusement  lui  et  sa  famille,  ou  à  son  tailleur  de 
l'habiller  sans  argent,  n'est  nullement  gêné  de  recevoir  et  même  d'exiger  des  leçons  de 
musique  qui  ne  lui  coûtent  rien.  Cette  habitude  est  analogue  à  celle  de  beaucoup  de  personnes, 
fort  à  leur  aise,  qui  ont  la  manie  d'aller  au  théâtre  avec  des  billets  donnés. 

Les  artistes  ont  beaucoup  travaillé  et  regrettablement  à  donner  d'eux-mêmes  une  fort 
piètre  idée.  Certains  cours  de  musique  ont  lutté  de  réclame...  et  de  gratuité.  Ici  on  offre  la 
musique  aux  élèves,  là  on  leur  distribue  à  certaines  époques,  des  livrets  de  caisse  d'épargne  ; 
ailleurs  on  leur  prépare  fréquemment  àei,  five  o'clock  tea,  intermèdes  des  leçons  austères,  trans- 
formés, à  certains  jours,  en  réceptions  où  la  mère  peut  conduire  sa  fille  et  même  lui  trouver 
un  mari  !  Tout  le  monde  musical  a  connu  une  brave  dame  dont  les  nombreux  automnes 
s'agrémentaient,  aux  grands  jours,  d'une  couronne  de  pâquerettes  (Innocence  et  simplicité). 
Elle  mariait  ses  élèves.  Le  plus  drôle  c'est  que  les  jeunes  filles  reconnaissantes,  lorsque 
"  l'affaire  "  était  conclue  demandaient  à  la  marieuse  la  permission  de  lui  adresser  un  petit 
souvenir.  Invariablement  celle-ci  demandait  certain  service  d'argenterie,  objet  de  ses  désirs. 
On  acquiesçait,  on  envoyait  le  service,...  qui  repartait  bien  vite  chez  l'orfèvre  en  attendant 
un  prochain  retour.  Le  marchand  et  la  dame  s'entendaient  moyennant  un  bénéfice  honnête. 
Tout  l'entourage  connaissait  le  procédé  et  en  riait  sous  cape.  Ce  n'est  qu'une  anecdote,  il  ne 
faut  pas  généraliser  et  conclure  que  tous  les  professeurs  en  usent  d'aussi  étrange  façon,  mais 
beaucoup  arrivent  à  des  compromis  discutables  et  à  des  attitudes  peu  conformes  à  la  di2;nité 
et  à  l'intégrité  de  leur  caractère.  Ils  cherchent,  par  des  moyens  détournés,  à  obtenir  la 
rémunération  qu'ils  ne  peuvent  plus  demander  à  visage  découvert  puisqu'ils  ont  avili  eux- 
mêmes  le  prix  de  leurs  leçons. 

Au  moins  attendent-ils  quelque  reconnaissance  de  leurs  élèves  avec  de  telles  façons  d'agir? 
—  Aucune.    Les  gens   estiment   peu  ce  qui  ne  leur  coûte  rien.  Un  instinct  obscur  leur  fait 

c 


742  S.   I.    M. 

pressentir  que  si  on  leur  donne  quelque  chose,  sans  rien  exiger  en  échange,  c'est  que  l'objet 
n'a  pas  de  \aleur,  ils  le  méprisent  comme  le  prospectus  reçu  dans  la  rue  et  qu'ils  jettent,  fripé, 
sans  même  le  lire. 

Si,  de  la  considération  du  préjudice  matériel,  nous  passons  à  un  autre  point  de  vue,  il  ne 
nous  satisfera  pas  davantage.  Moralement,  l'artiste  qui  accepte  de  distribuer  les  éléments  d'une 
science  ou  d'un  art  à  tort  et  à  travers  est  fort  coupable.  Il  trompe  sciemment  ceux  qui  vien- 
nent à  lui  ;  il  laisse  croire  qu'il  peut  donner  le  meilleur  de  lui-même,  remplir  la  tâche  admirable 
du  véritable  maître,  assumer  tous  les  devoirs  qu'elle  comporte,  prodiguer  ses  soins  et  cela  à  tout 
venant  ;  aux  inconnus,  aux  mal  doués,  aux  indifférents,  à  tout  ce  que  le  hasard  de  la  route  met 
sur  son  chemin.  Eh  !  bien,  ce  n'est  pas  vrai.  S'il  plaît  à  un  musicien,  par  amitié  pour  un  élève 
de  lui  donner  ses  conseils,  nul  n'y  trouve  à  redire.  Si  un  sujet  exceptionnellement  doué,  et 
pauvre,  intéresse  un  maître  qui  consente  à  l'éduquer,  dans  l'intérêt  même  de  l'art,  rien  de  mieux, 
et  nous  pourrions  citer  ici  bien  des  noms  vénérés  de  grands  artistes  qui  ont  généreusement  secondé 
de  véritables  vocations.  Grâces  leur  en  soient  rendues  et  éternelle  reconnaissance  ;  mais  notre 
sujet  est  tout  autre,  nous  faisons  allusion  à  ces  élèves  quelconques  qui,  avec  plus  ou  moins 
d'exactitude,  suivent  les  cours  gratuits  qu'on  leur  ouvre  si  indiscrètement,  Mimis-Pinsonnettes 
et  autres  petites  filles  que  la  musique  sensibilise  ;  primaires  récemment  sortis  de  l'école  commu- 
nale, nourris  de  mots  plus  que  d'idées  et  nullement  préparés,  (sauf  de  très  rares  exceptions)  à 
recevoir  un  enseignement  artistique  profitable.  Ni  leur  éducation  première,  ni  le  milieu  dans 
lequel  ils  se  trouvent,  en  générai,  ne  constituent  un  terrain  d'é\olution  favorable  à  la  culture  et 
à  la  croissance  d'un  art  donné.  Nous  traiterons  prochainement  cette  question  du  milieu  nécessaire 
au  développement  des  facultés  artistiques  chez  l'enfant. 

Qu'on  veuille  bien  croire  qu'en  engageant  ici  les  artistes  à  renoncer  à  de  si  fâcheuses 
habitudes  :  supprimant  les  gracieux  concours  et  fermant  les  cours  gratuits^  nous  ne  voulons  pas  les 
inciter  à  n'obéir  qu'à  des  mobiles  mesquins,  intéressés  ;  cette  revue  n'ouvre  pas  un  cours  de 
mercantilisme,  mais,  fidèle  au  programme  que  nous  nous  sommes  tracé,  nous  voulons  leur  faire 
prendre  une  vue  plus  nette,  plus  claire  de  leurs  véritables  intérêts,  les  amener  à  une  estimation 
d'eux-mêmes  moins  peureuse,  à  une  attitude  plus  résolue  et,  entre  eux  à  une  "  entente  cordiale  " 
bien  nécessaire. 

M.  Daubressb. 


CONSERVATOIRE    DE    LAUSANNE 

INSTITUT     DE     MUSIQUE 

Claeses    Normales    —    Classes   de    Virtiiosilc.    —    Classes   secondaires  et   primaires 

DIPLOMES    OFFICIELS 

DhTJVkBS    SOUS    LKS    AUSPICES    KT   LKS    SCKAUX    DE    LKTAT     KT    I3E    LA    VILLE 


Renseignements:    Mr.  J.  NICATI,   Directeur. 

H    I.î2(>i    L 


LES  GRANDES  EPOQUES  DE  LA  MUSIQUE.  —  D'accord  avec  les  organisa- 
trices Mlles  Pironnay,  M.  Lajuiormy  a  pris,  cette  année,  pour  sujet  :  La  musique  française  au 
XIX'^  siècle  et  commencement  du  XX^.  Il  a  d'abord  montré  que  de  l8oo  à  l86o,  elle  fut  pure- 
ment  théâtrale  sous  ces  deux   formes  de  l'Opéra   Comique   et  de  l'Opéra, 

Toutefois,  M.  L.  estime  avec  raison  que  la  supériorité  des  français  au  XIX*"  siècle  s'est 
affirmée,  non  au  théâtre,  mais  au  concert,  la  véritable  école  de  l'amateur  et  du  compositeur. 
Mlles  Mary  et  Fernande  Pironnay  dont  il  faut  louer  la  voix  et  l'intelligence  exécutèrent 
les  exemples  accompagnant  ces  intéressantes  leçons  avec  le  concours  de  chanteurs  de  talent  : 
Mlles  Malnory,  Grignard,  Plisson,  MM.  Landormy  et  Josselin  et  des  distingués  pianistes, 
Mme  Landormy  et  M.  Motte-Lacroix. 

HAUTES  ETUDES  SOCIALES.  —  Les  conférences  musicales  ont  repris,  à  l'Ecole 
des  Hautes  Etudes  sociales,  i6  rue  de  la  Sorbonne,  depuis  le  i8  novembre.  Voici  la  liste  de 
ces  conférences  :  L'art  populaire  dans  le  chant  grégorien,  i8  novembre,  A.  Gastoué.  Le  mois 
musical,  25  novembre,  Calvocoressi.  Nature  et  évolution  de  l'art  musical,  2,  g,  16,  23, 
30  décembre,  Jean  Marnold.  La  Musique  en  Allemagne  au  XVII"  siècle  (suite),  13,  20, 
27  janvier,  3  février,  André  Pirro.  Le  mois  musical,  10  février,  Calvocoressi.  La  musique 
italienne  en  France  sous  Mazarin,  17,  24  février,  Henry  Prunières.  Le  mois  musical, 
3  mars,  Calvocoressi.  Les  pastorales  en  musique  au  XVIP  siècle  en  France,  10,  17  mars, 
Lionel  de  la  Laurencie.  Légende  et  histoire  de  l'Ecole  russe  au  XIX®  siècle,  24,  31  mars, 
Louis  Laloy.  Le  mois  musical,  7  avril,  Calvocoressi. 

M.  Gastoue,  —  Uart  populaire  dans  le  chant  grégorien.  —  M.  Gastoué  (18  novembre) 
définit  avec  précision  l'art  grégorien  celui  dont  les  lois  régissent  le  chant  liturgique  officiel 
de  l'église  latine  et  délimitent  la  participation  de  chacun,  clerc  ou  fidèle.  On  ne  doit  pas 
confondre  les  chants  officiels  avec  d'autres  qui  sont  écrits  d'après  les  chants  liturgiques  et  qui 
sont  tout  à  fait  en  dehors. 

Dès  le  IV^  siècle,  les  papes  préoccupés  par  cette  question  d'une  musique  liturgique, 
essaient  d'établir  une  règle  générale.  Le  monde  romain  a  complètement  sombré.  Ses  jeux 
populaires  ne  subsistent  qu'à  Byzance,  là  même  où  le  culte  chrétien  atteint  sa  plus  grande 
splendeur.  Vainqueurs  et  vaincus  n'ont  qu'une  seule  religion.  L'Eglise  veut  restaurer  les  Arts, 
surtout  la  musique.  Ces  efforts  successifs  sont  synthétisés  par  Saint  Grégoire  dont  M.  G. 
retrace  la  vie.  Ce  pontife  musicien  par  goût  fonde  la  Schola  cantorum,  corporation  de  chantres 
avec  une  école  annexe.  Il  crée  en  même  temps  2  antiphonaires  romains,  répertoire  de  chants 
destinés  les  uns  à  la  Schola^  les  autres  au  peuple. 

Ce  recueil  fut  augmenté  par  la  suite,  il  y  a  lieu  de  distinguer  le  fonds  primitif.  M.  G. 
s'occupant  de  la  partie  populaire  établit  trois  divisions  :  les  pièces  venues  du  peuple,  les  pièces 
écrites  pour  le  peuple,   celles  enfin  bâties  sur  des  thèmes  populaires. 

G.   RoucHÈs. 


LA  CRITIQUE  MUSICALE.  —  "  Comment  la  faire  ?"  se  demande  {Signale,  2  nov.) 
M.  le  D""  Niemann,  à  qui  cet  épineux  problème  inspire  de  fort  sagaces  réflexions.  Reprenant 
pour  le  compte  de  la  critique  musicale  les  vues  émises  relativement  à  la  critique  d'art  par 
M.  Richard  Muther  dans  son  Histoire  de  la  peinture  au  dix-neuvième  siècle,  il  recommande  de 
ne  point  trop  s'en  tenir  aux  considérations  d'histoire  ou  de  tradition.  La  connaissance 
de  l'histoire  de  l'art  aide  bien  peu  à  une  juste  et  libre  intelligence  des  oeuvres  d'art.  Qui- 
conque veut  faciliter  aux  masses  l'accès  des  chefs-d'œuvre  doit  être  capable  de  deviner  le 
secret  de  ces  chefs-d'œuvre  et  non  pas  seulement  de  les  analyser.  La  "  spécialisation  " 
du  musicographe,  c'est  le  plus  grand  des  dangers.  L'art  n'est-il  point  la  joie,  la  vie  universelles? 

Le  Courrier  Musical  (octobre-décembre)  publie,  sur  le  même  sujet,  la  leçon  faite  en  1908 
à  l'Ecole  des  Hautes  Etudes  Sociales  par  le  signataire  de  la  présente  rubrique,  qui  s'est  efforcé 
de  résumer  quelques  conseils  pratiques,  basés  principalement  sur  la  distinction  des  "  jugements 
d'opinion  "  et  des  "  jugements  de  fait  ",  et  aussi,  plus  généralement,  de  tracer  le  portrait  du 
critique  idéal,  "  portrait  qu'on  esquisse  plus  facilement  qu'on  ne  l'incarne  ". 

En  même  temps  que  le  D""  Niemann,  le  D""  W.A.  Thomas  San-Galli  aborde  le  même 
problème  [Musikalisches  IFochenblatt,  3  novembre)  mais  au  point  de  vue  de  l'enseignement 
plutôt  qu'à  celui  de  la  critique  ;  il  arrive  aux  mêmes  inévitables  conclusions  :  "  Point  de  con- 
naissance de  l'art  sans  art.  Il  y  a  une  chronologie,  une  philologie,  une  mathématique  de  la 
musique  —  mais  ce  ne  sont  que  des  sciences  auxiliaires.  Qui  veut  enseigner  la  science  musi- 
cale doit  être  musicien  et  artiste.  " 

LES  PETITES  PROFESSIONS  DES  INSTRUMENTISTES.  —  Dans  le  Musi- 
kalisches IVochenblatt  du  3  novembre,  M.  Léopold  Schmidl  montre  à  quelles  besognes  supplé- 
mentaires sont  obligés  de  se  livrer  en  Allemagne  les  petits  musiciens  d'orchestre.  Il  est  assez 
naturel  d'apprendre  que  beaucoup  sont  copistes,  fabricants  d'anches,  voire  régleurs  de  rouleaux 
perforés  pour  appareils  automatiques.  Mais  il  paraît  qu'à  Berlin,  il  en  est  beaucoup  qui 
pratiquent  avec  succès  l'élevage  des  volailles  (M.  Schmidl  ne  dit  point  si  ce  sont  spécialement 
les  clarinettistes),  la  photographie  ou  le  commerce  des  timbres-poste.  Un  timbalier  de  la  même 
ville  est  détective  et  très  apprécié  comme  tel. 

HUGO  WOLF.  —  Dans  la  New  ^^usic  Revicw  de  Décembre,  M.  Bayard  Quincy 
Morgan  revient  sur  quelques-unes  des  opinions  exprimées  sur  ce  compositeur  par  M.  Ernest 
Newman  dans  son  excellente  biographie,  et  les  tiiscutes  avec  preuves  à  l'appui.  Il  \oiuirait 
faire  des  réserves  sur  deux  points  :  d'abord  sur  le  degré  de  "  l'cftacement  de  l'individualité  du 
compositeur  au  profit  de  celle  de  la  composition  "  ;  puis,  sur  "  sa  magistrale  adaptation  de  la 
musique  aux  textes.  " 

DEBUSSY  ET  LE  NATIONALISME  MUSICAL.  —  Sous  ce  titre,  M.  Ernest 
Newman,  à  propos  de  l'interview  de  l'auteur  de  'Pcllêas  et  ^LUisande  publiée  par  VOuest- 
/Irtiste,  se  demande  {/lilusical  Times,  Novembre)  comment  il  est  possible  de  s'imaginer  qu'on 
ne  sera  vraiment  Français,  en  musique,  qu'en  se  déclarant  foncièrement  différent  des  Alle- 
mands. Ceci,  dit-il,  est  déplorable  ;  "  et  quand  M.  Debussy  affirme  que  ni  l'une  ni  l'autre  de 
ces  races   ne   devrait   essayer   de   toucher   le  sens   musical   de   l'autre   il   ne  fait  que  colorer  de 


A  TRAVERS  LES   REVUES  745 

mauvaise  sociologie  un  accès  d'humeur.  Existent-t-ils,   L'esprit  français,    L'esprit   allemand, 

L'esprit  anglais  ?  La  Bruyère  n'a-t-il  pas  dit  que  la  raison  est  de  tous  les  pays  ? 

Dans  la  dernière  de  ses  vivantes  chroniques  des  Marges^  M.  Vuillermoz  en  arrive,  par 
un  chemin  un  peu  différent,  exactement,  au  môme  point  : 

"  Certes,  dit-il,  la  musique  a  mieux  à  faire  qu'à  ambitionner  la  gloire  d'un  volapuk  ou 
d'un  espéranto  supérieurs;  les  nuances  ethniques  qui  brillent  en  elle  sont  de  précieuses  parures, 
dont  elle  ne  doit  pas  chercher  à  se  dépouiller,  mais  nos  facultés  d'assimilation  nous  permettent 
d'en  tirer  le  plus  heureux  parti  pour  l'enrichissement  de  notre  art.  Nous  crions  volontiers  à 
l'incompatibilité  des  races,  lorsque  nous  nous  trouvons  en  face  d'un  Reger  excessif  ou  d'un 
Mahler  trop  copieux,  sans  nous  souvenir  que  les  plus  délicats  de  nos  amateurs  digèrent 
Borodine,  Glazounow  ou  Moussorgsky  plus  aisément  que  Bruneau  ou  Widor,  tandis  que  les 
moins  dégoûtés  de  nos  compatriotes  ont  trouvé  dans  Mascagni,  Puccini  et  Léoncavallo  la 
nourriture  convenant  le  mieux  à  leur  estomac  bien  français.  " 

Il  s'est  dit  tellement  de  sottises,  depuis  quelques  années,  de  ce  problème  de  la  nationalité 
musicale  devenu  le  tarte  à  la  crème  de  certains,  qu'il  est  tout  à  fait  réjouissant  de  constater  un 
mouvement  en  faveur  de  ce  qu'indique  le  simple  bon  sens. 

LA  GAMME  PAR  TONS.  —  Très  bonne  étude  esthétique  et  technique  de  M. 
Clutsam  [Musical  Times,  novembre  et  décembre)  sur  cette  vexata  quaestio  de  tous  les 
théoriciens,  avec  beaucoup  d'exemples  où  l'on  s'étonne  seulement  de  ne  voir  cités  ni  le 
Rousslàn  de  Glinka,  ni  l'extraordinaire  finale  du  Convive  de  Pierre  de  Dargomyjski.  Mais  ce 
travail  est  fort  nourri,  et  mérite  d'être  lu. 

LE  "  MACBETH  "  DE  M.  BLOCH.  —  Il  est  encore  un  peu  tôt,  au  moment  où 
il  me  faut  livrer  à  l'impression  cette  chronique,  pour  se  faire  une  idée  d'ensemble  de  l'opinion 
de  la  chronique  sur  cette  œuvre  :  seuls  les  comptes-rendus  du  lendemain  sont  à  ma  disposition. 
Je  compléterai  donc  la  prochaine  fois  les  présentes  notes. 

En  général,  la  critique  rend  hommage  à  la  probité  d'aspirations  qui  décèle  chez  M.  Bloch 
le  fait  d'avoir  choisi  pareil  sujet  et  la  manière  dont  il  l'a  traité.  Mais  en  même  temps,  la 
phipart  des  commentateurs  se  demandent  si  Macbeth  offrait  une  matière  bien  convenable  à  un 
drame  lyrique  :  l'honneur  y  est  trop  uniforme,  trouvent  MM.  Fauré  [Figaro],  Carraud 
[Liberté],  Hahn  [Journal],  Boschot  [Echo  de  Taris]  et  moi-même  [Gil  Blas].  M.  Hahn  ajoute 
qu'un  tel  choix  permet  de  classer  le  compositeur  parmi  ceux  "qui  estiment  que  la  musique 
déchoit  et  se  prostitue  dès  qu'elle  cesse  d'être  revêche,  ardue,  brutalement  dissonnante,  et  qui 
finissent  par  être  "  sincères  "  dans  le  culte  soigneux  de  la  laideur  et  dans  une  sorte  d'avide 
aspiration  vers  l'ennui  ".  M.  Gauthier-Villars  [Connsdia]  estime,  bien  qu'en  définitive  l'élément 
féerique  et  l'intrigue  sont  insuffisamment  empoignants  pour  nous,  que  le  "  substratum  ps  ycho- 
logique  n'est  pas  aussi  riche  et  nuancé  que  de  coutume  ". 

Les  avis  diflPérent  sur  la  valeur  de  l'adaptation  réalisée  par  M.  Fleg.  Comedia,  le  Journal, 
le  Figaro,  V Echo  de  Taris  estiment  que  le  librettiste  s'est  fort  bien  tiré  de  sa  tâche.  Le  Gil 
Tlas  est  de  l'avis  opposé,  et  reproche  notamment  à  M.  Fleg  d'avoir  ajouté  certains  détails  ;  la 
même  remarque  est  faite,  avec  de  meilleurs  exemples  à  l'appui  par  MM.  Souday  [Eclair]  et 
plus  accessoirement,  Carraud. 

U Eclair,  VEcho  de  Taris,  Paris-Journal  (M.  Prodhomme)  et  le  Gil  Blas  jugent  sévère- 
ment la  musique.  Au  contraire,  la  Liberté  et  le  Figaro,  tout  en  n'approuvant  pas  sans  réserves 
reconnaissent  à  l'œuvre  beaucoup  de  grandes  qualités.  Comœdia  analyse  de  près  la  partition  qui 
est  déclarée  "  extraordinairement  vivante,  agissante,  et  gesticulante."  En  somme,  presque  tous 
les  comptes-rendus,  même  sévères,  sont  assez  sympathiques  à  M.  Bloch  et  à  sa  première  œuvre. 

M.-D.  Calvocoressi. 


(i)  Chez  Cari  Simon  à  Berlin.  (2)  Chez  Enoch.  (3)  A  l'édition  mutuelle.  (4)  A  la  coopérative  des 
compositeurs.   (5)   Chez   Foctisch.   (6)    Chez  Carisch  et  Jânichen.   (7)   Chez  Eschig.     (8)  Chez  Justin  Robert 

ORGUE.  —  J'avoue  que  je  ne  vis  pas  sans  un  certain  effarement,  arriver,  la  semaine 
passée  un  volumineux  paquet  de  musique,  qui  me  parut  représenter  à  tout  le  moins  l'œuvre 
complète  de  Sigfrid.  Karg  Elert  (i).  Mon  Dieu,  me  dis-je,  si  ces  trente-sept  morceaux 
ressemblent  seulement  de  loin  à  la  sonate  reçue  le  mois  dernier,  il  me  faudra  au  bas  mot  une 
année  entière  de  travail  avant  de  pouvoir  en  donner  le  plus  léger  aperçu  aux  lecteurs  de  la 
S.  I.  M.,  qui  du  reste,  ne  m'en  sauront  pas  le  moindre  gré.  Inquiétude  déplacée  ;  M.  Elert 
n'est  nullement  le  musicien  rébarbatif  que  j'avais  imaginé.  Il  convient  de  faire  deux  parts  dans 
son  œuvre  :  ses  improvisations,  Fantaisies^  Préludes^  Postludes^  Variations  pour  grand  orgue  me 
séduisent  fort  peu  :  écrire  des  Variations  me  paraît  déjà  fâcheux  ;  les  publier  l'est  encore  bien 
davantage.  Devant  cette  perpétuelle  redondance  des  idées,  devant  ces  développements  surabon- 
dants, oiseux  et  souvent  injustifiés,  on  ne  peut  s'empêcher  de  songer  que  les  qualités  d'un 
improvisateur  de\ienncnt  bien  facilement  des  défauts.  Dans  plusieurs  œuvres  dont  la  mise  au 
point  paraît  cependant  plus  poussée,  la  Fantaisie  et  Fugue  Op.  39  d'une  assez  grandiose  tenue, 
dans  la  belle  Passacaglia  Es  Moll  dans  les  Sonatines  en  G.  Dur  et  en  A  Moll,  nous  retrouve- 
rons ce  même  caractère  d'improvisation  hâtive.  Au  contraire  dans  de  très  courtes  pièces  comme 
les  Madrigale,  (Zehn  schlichte  Weisen)  son  Humores^e,  son  Capriccietto^  la  personnalité  de 
M.  Elert  nous  paraît  très  nette  et  très  saisissable.  Nous  trouverons  chez  lui  de  la  candeur,  de 
de  la  spontanéité,  un  certain  mysticisme  qui  fait  songer  à  Schubert  ;  à  côté  de  cela,  un 
imprévu  dans  les  rythmes  et  les  dissonnances,  un  tour  audacieux  et  burlesque,  que  viennent 
encore  accentuer  des  nuances  de  caractère  très  soigneusement  indiquées  :  "  mit  grotesken 
humor,  "  "  mit  einem  stich  in  kokette.  "  Un  des  morceaux  est  même  intitulé  "  Piquanterie" 
Le  comique,  ici  est  peut-être  involontaire.  —  M.  Elert  manie  fort  joliment  le  pastiche,  sa 
Sonatine  en  E  Moll^  sa  partita  en  D.  Dur^  charmantes  d'un  bout  à  l'autre,  sont  d'excellentes 
imitations  des  classiques  allemands  du  XVIIP.  Malheureusement,  il  n'échappe  à  la  tentation 
de  retoucher  les  œuvres  d'autrui  :  quand  il  transcrit  V Ave  Maria  d' Arcadelt^  ou  la  Sarabande 
de  CorelU^  il  n'y  a  encore  que  demi  mal.  Mais  à  quoi  bon  transcrire  POUR  HARMONIUM 
une  Suite  de  clavecin  de  Rameau:  n'est-ce  pas  à  la  fois  une  faute  d'histoire  et  une  faute  de  goût  .'' 

PIANO.  —  Tous  les  morceaux  que  je  viens  d'énumcrer  sont  écrits  pour  grand  orgue, 
harmonium  ou  harmonium  d'art.  Les  pages  intitulées  Aphorismcn  sont  destinées  au  contraire 
au  piano.  Courtes,  amusantes  et  caractérisées,  je  les  recommanderai  ;\  tous  ceux  qui  \  eulent 
se  faire,  plus  aisément  que  je  ne  lai  pu,  une  idée  de  la  personnalité  de  M.  Elert. 

Ceci  m'amène  à  quelques  productions  pour  piano  seul.  D'abord,  un  petit  Album  de 
10  morceaux  très  faciles  '■'•Les  menottes^  "  par  M""  Toutain-Grun  (2).  Ceci  répond  \  une 
tendance  toute  nouvelle  :  on  s'est  avisé  récemment  que  nos  enfants,  pour  avoir  de  petites 
mams  n'étaient  pas  forcément  dépourvus  de  toute  espèce  de  goût  ;  et  qu'un  artiste  pouvait 
sans  déchéance,  composer  à  leur  intention.  Les  Contes  de  ma  mhe  COie^  de  Ravel,  ont  été 
écrits  dans  ce  sens.  Encore  quelques  années,  nous  verrons  disparaître  des  "  Méthodes  "  ces 
petits  morceaux  insipides  ou  infects  sur  lesquels  nous  avons  tous  pAli  dans  le  temps  jadis.  En 
attendant,  il  faudrait  que  le  volume  de  M""'  Toutain-Grun  soit  entre  les  mains  de  tous  les 
professeurs  de  piano. 


L'ÉDITION   MUSICALE  747 


Chopin  est  toujours  de  mode,  il  inspire  à  M.  Jemain  une  Ballade  en  Si  Bémol  (3),  à 
M.  Louvier  une  Nuit  tombante  (4)  d'une  désespérante  fadeur,  et  à  M.  Hans  Huber,  Six 
Etudes  Lyriques  (5).  Rien  d'ennuyeux  comme  ces  retours  d'un  romantisme  hors  de  mise.  Ce 
qui  était  fort  intéressant  en  1850  ne  l'est  plus  nullement.  Et  pourquoi  s'acharner  à  ce  genre 
hybride  des  Etudes  qui  ne  sont  ni  des  morceaux,  ni  des  exercices.  Je  sais  bien  que  ce  système 
nous  a  valu  des  chefs  d'oeuvres  comme  les  études  de  Chopin.  Mais  cependant,  pour  s'exercer 
aux  arpèges  de  main  gauche,  il  n'est  nul  besoin  de  les  nommer  Sur  l'eau^  et  pour  travailler  les 
notes  répétées,  d'en  faire  une  Matinée  brumeuse.  Ne  suis-je  pas  trop  sévère  pour  des  œuvres  de 
bonne  tenue. 

Après  Chopin,  Wagner,  et  Wagner  trahi  par  un  de  ses  pires  imitateurs,  par  un  Italien. 
Le  Giuda  de  Kerioth^  (6)  de  M.  Rîcci  Signorini  est  un  ténébreux  poème  pour  grand 
orchestre,  où  des  pages  d'une  intensité  dramatique,  outrageusement  tendue,  voisinent  avec  les 
plus  plates  vulgarités.  Pourquoi  en  avoir  tenté  cette  transcription  pour  piano,  surchargée, 
illisible  et  presque  injouable. 

Allons  vite  goûter  un  peu  de  repos  avec  le  charmant  Paysage  de  M.  Pujol  (3)  une 
contrée  paisible,  herbeuse,  dominée  par  de  hautes  collines  qui  ne  sont  pas  encore  des  montagnes, 
et  parfumée  d'un  grand  souffle  de  brise  alpestre  ;  voilà,  à  mon  idée,  ce  que  M.  Pujol  a  voulu 
nous  peindre.  Nous  sommes  entrés  ici  dans  le  domaine  de  la  grande  musique. 

Nous  y  resterons,  avec  deux  admirables  pièces  d'AlbenîZ,  (3)  Zort-zico^  danse  à  cinq 
temps,  et  La  Fega^  premier  morceau  d'une  Suite  pour  piano  inspirée  par  l'Alhambra  de 
Grenade.  Par  la  fluidité  des  modulations,  et  l'exquise  recherche  de  la  couleur  sonore,  il  est 
d'un  bout  à  l'autre  un  régal  exquis  pour  l'oreille.  Ceux  qui  ne  veulent  voir  en  Albeniz  que 
le  champion  tapageur  d'une  école  ultra  moderne,  seront  peut  être  surpris  de  ce  morceau. 

CHANT.  —  Pour  ne  pas  quitter  cette  musique  espagnole  si  séduisante,  passons  aux 
quatre  Chansons  d'enfants  de  Joseph  Civil  Y  Castellvi,  (3)  (Beau  Soleil,  Saint  Ange 
Gardien,  La  fleur  d'Amour).  Ces  petites  mélodies  d'un  tour  imprévu,  qu'une  traduction 
française  assez  baroque  rend  encore  plus  déconcertantes,  ont  quelque  de  chose  de  jeune,  de 
frais,  de  malhabile,  infiniment  sympathique. 

M.  Siefert  nous  offre  un  poème  qui  porte  ce  titre  éminemment  suggestif.  Doux  réconfort 
quune  présence  de  veilleuse...  (3)  vous  devinez  que  les  vers  sont  de  Rodenbach  ;  vous  devinez 
aussi  tout  ce  qu'un  prestigieux  clair  obscuriste  a  su  dépenser  d'ingéniosité  dans  la  description 
de  ces  pénombres  musicales  :  malgré  tant  d'habileté,  devant  cette  petite  veilleuse,  je  regrette 
le  grand  soleil  d'Espagne. 

ENSEMBLE.  —  Le  Lied  d'Eugène  Cools  (6)  est  un  excellent  morceau  de  salon, 
dépourvu  de  toute  nouveauté  (pour  flûte  et  violoncelle).  Enfin,  nous  recevons  la  dernière 
minute,  un  très  bel  Aria  pour  violon,  de  Clément  Robert  (8).  L'auteur  s'y  montre, 
comme  toujours  un  mélodiste  de  premier  ordre.  La  pureté  presque  classique  de  son  dessin, 
l'aisance  de  ses  moludations,  et  la  très  haute  tenue  de  son  style  nous  font  augurer  grand  bien 
de  trois  pièces  qu'il  nous  promet  pour  l'an  prochain  ;  Prélude,  Arabesque  et  Finale. 

ORCHESTRE.  —  La  collection  des  petites  partitions  d'orchestre  de  Durand  s'est 
augmentée  de  trois  volumes  :  La  Foi  de  Saint  Saens  ;  Etude  Symphonique  d'après  La  Nef 
de  Samazeuilh,  et  V  Etude  pour  le  Palais  Hanté.,  de  Florent  Schmitt.  Nous  y  reviendrons. 

V.  P. 

N.  B.  —  Nous  attirons  l'attention  de  nos  lecteurs  sur  l'intéressante  publication  par  souscription  annoncée  dans  le  présent 
numéro  pour  une  série  de  chefs-d'œuvre  du  XVIII"=  siècle  :  opéras-comiques  ds  Favart,  Duny,  Monsigny,  arrangés  pour 
piano  et  chant.  Cette  publication,  dont  l'apparition  coïncide  avec  les  représentations  données  au  Théâtre  de  Monsieur,  ne 
peut  manquer  de  recevoir  des  amateurs  de  bonne  musique  française  le  meilleur  accueil. 


—  Nous  apprenons  avec  plaisir  que  notre  excellent  collègue  Laloy  a  été  nommé  à  la 
suppléance  du  cours  de  M.  Romain  Rolland  à  la  Sorbonne. 

—  M.  Paul  Le  Flem  reprend  ses  cours  d'harmonie  (17  rue  Froidevaux).  Il  commencera 
un  cours  d'orchestration  pratique  qui  comprendra  :  i"  L'analyse  orchestrale  d'oeuvres  anciennes 
et  modernes  ;  2°  Des  essais  d'orchestration  sous  la  direction  du  professeur  ;  3°  Des  corrections 
d'essais  présentés  par  les  élèves. 

—  Scho/a  Cantorum.  —  Monsieur  Vincent  d'Indy  vient  de  créer  un  cours  supérieur  de 
violon  à  la  Schola  Cantorum. 

C'est  M.  Armand  Parent,  déjà  titulaire  du  cours  du  deuxième  degré  qui  a  été  désigné 
pour  le  diriger. 

—  Un  directeur  français  en  Colombie.  —  M.  G.  Uribe,  élève  de  Vincent  d'Indy,  auteur 
d'une  sonate  et  de  lieds  appréciés,  vient  d'être  nommé  directeur  de  l'ancienne  Académie 
nationale  de  musique  de  Bogota  (capitale  de  la  Colombie),  où  il  prépare  d'importantes 
réformes. 

—  La  littérature  musicale  russe  s'enrichit  chaque  jour  de  nouvelles  découvertes,  les 
folkoloristes  sont  inlassables.  Dans  la  seule  province  de  Perni  ils  ont  recueilli  plus  de  52 
chansons  populaires.  Les  paysans  les  chantent  dans  les  églises  et  pendant  les  cérémonies 
nuptiales.  Chants  d'amour  ;  chansons  de  brigands.  Chose  curieuse,  aucune  de  ces  petites 
compositions  ne  célèbre  le  vin  ou  l'alcool.  Les  paysans  ne  chantent  pas  les  mélodies  originales; 
ils  en  inventent  selon  leur  fantaisie. 

—  Les  théâtres  de  Lisbonne  deviennent  républicains  ainsi  le  Théâtre  Royal  prend  le  nom 
de  Théâtre-Lyrique  et  le  Théâtre  Donna  Amélia  s'appelle  Théâtre  de  la  République. 

—  De  quelques  fauteuils  académiques.  Les  titulaires  : 

V'^  fauteuil  :  Méhul,  Boïcldieu,  Reicha,   Havély,   Clapisson,   Gounod,  Théodore  Dubois. 

2*  fauteuil  :  Cherubini,  Onslow,  Reber,  Saint-Saëns. 

3®  fautueil  :  Gossec,  Auber,  Victor  Massé,  Léo  Delibes,  Guiraud,  Paladilhe. 

4*^  fauteuil  :  Grétry,  Monsigny,  Catcl,  Pacr,  Spontini,  Ambroisc  Thomas,  Ch.  Lcnepveu, 

Widor. 
5'  fauteuil  :  Berton,  Adolphe  Adam,  Berlioz,  Félicien  David,  Reyer,  Fauré. 
6"  fauteuil:  Lesucur,  Carafa  Bazin,  Massenet. 

—  Sait-on  que  Brahms  ne  se  contentait  pas  des  lauriers  du  compositeur,  mais  briguait  ceux 
de  l'historien.  Il  travailla,  jusqu'à  sa  mort,  à  une  Histoire  militaire  ele  l,i  guerre  frunco-allemande. 

A  noter  une  définition  de  la  musique  par  Christiani  auteur  des  Ptituipes  du  joueur  de  piano- 
forte.  "  Cet  art  (la  musique)  a  sa  lui  rDiiilamentale  dans  la  loi  ilc  la  hiauté.  La  beauté  présuppose 
la  symétrie.  La  symétrie  est  visible  dans  le  rythme.  VjC  rythme  rend  audicible  la  symétrie  par  le 
mouvement  symétrique.  Le  mouvement  symétrique  est  dont  k  priiuipal  élément  de  la 
musique.  *' 

Tous  droits  réserves  pour  tous  pays  y  compris  la  Scandinavie  et  l'Extrême  Orient. 

Le  Gérant  :  Marcel  Fredet. 
Impr.  par  The  St.  Catherine  Press  Ltd.   Bruges,  Belgique. 


L'JCTUALITÉ 


MUSICALE 


15  Janvier  1910 


L' je  TU  ALITÉ  MUSICALE 

Annexe  de  la  reVue  musicale  S.I.M. 

publiée  par  la  section  de  Paris  de  la  Société 

Internationale  de  Musique. 

M         M         M 

Trente-deux  pages  mensuelles. 


FRANCE    ET    BELGIQUE 

Le  numéro  fr.  0.40 
Un  an  fr.  4.00 


UNION     POSTALE 

Le  numéro  fr.  0.60 
Un  an  fr.  6.00 


REDACTION  : 

„PARIS:    22,    RUE    ST.    AUGUSTIN 
BELGIQUE:  RENÉ  LYR  A  BOITSFORT,  BRUXELLES 

ADMINISTRATION  : 

LIBRAIRIE   CH.    DELAGRAVE,    15,    rue    Soufflot,    PARIS. 


Tous  les  mandais  doivent  être  adressés   soit  à   la  librairie   DELAGRjlVE, 

soit  à  M.  RE^É  LYR. 


SOMMAIRE     DE     L'ACTUALITÉ 

THÉÂTRES  ET  CONCERTS,  à  Paris  par  Gasidn  Carraud.  —  En  province  — 
Belgique.  —  Bibliographie.  —  A  l'Etranger.  —  JOUR  ET  NUIT,  par  Jonnfe-DuvAL.  Le  . 
petit  Conservatoire.  —  COURS  l'/T  CONFERENCES.  Leç9P  crouvcrture  au  o<)n-servar. i 
toirc  par  M.  Emmanukl.  —  Le  cours  de  Ry;viAlN  Roi. i. and  à  la  Sorbonne.  —  SOCIETE 
INTERNATIONALE  DE  MUSIQUE.  —  LES  INSTRUMENTS,  Les  nouveautés 
(Je  partout  par  L.  Greilsamer.  Une  expérience  d'acoustique  par  le  Dr.  Marage.  — 
QUESTK^NS  SOCIALES,  par  M.  Daubresse.  Le  Congrès  des  crusses  moyennes  et  les 
musiciens,   —  Fait^  sociaux.  —  ÉDITION    MUSICALE. 


Théâtres  et  Concerts 


Paris  décembre 

Notre  S.I.M.  étant  uniquement  dédié  à  Haydn  l'Actualité  se  trouve,  cette  fois  un  peu  modifiée.  La  chronique 
du   mois  de  notre  collaborateur  M.   Gaston  Carraud  remplace  cette  fois,  dans  cette  rubrique  des  théâtres  et 

concerts  tous  les  autres  compte-rendus  de  Paris. 


Le  bon  papa  Haydn  cette  fois  relègue  en 
marge  les  choses  du  jour.  Et  cela  est  fort  bien  fait. 
Il  est  si  vénérable  et  si  charmant,  si  familière- 
ment original  et  grand  :  et  le  monde  musical 
moderne  l'oublie  vraiment  trop,  lui  qui  fut 
bien  un  peu  le  papa  de  la  musique  moderne. 
Faisons  donc  bref  en  son  honneur,  et  différons 
les  concerts  :  ils  ne  nous  ont  d'ailleurs,  en  ce 
dernier  mois  de  l'année,  rien  apporté,  que 
l'audition  médiocrement  accueillie  de  deux 
symphonies  de  Brûckner,  chez  M.  Hasselmans, 
puis  chez  M.  Chevillard.  C'est  un  sujet  inté- 
ressant, qui  veut  être  traité  à  loisir,  et  qui  peut 
attendre  le  mois  prochain.  Mais  au  théâtre 
—  et  à  l'Opéra-Comique  —  deux  événements 
se  sont  produits,  trop  importants  pour  que  je 
remette  d'en  parler,  fût-ce  rapidement. 

Oui  :  c'est  en  ce  temps  un  événement  con- 
sidérable que  la  représentation  d'un  tout  petit 
ouvrage  en  deux  actes,  qui  est  de  la  bonne 
musique. 'Far  sa  distinction  d'ârhe  et  de  style, 
par  sa  saine  jeunesse,  sa  sincérité,  son  désinté- 
ressement, il  nous  réconforte  et  nous  rafraîchit. 
Nous  n'avions  rien  eu  de  tel  —  sans  sotte 
comparaison  —  depuis  Ariane  et  Barbe  Bleue. 

Je  n'ai  pas  besoin  de  vous  présenter 
M.   Déodat   de   Séverac.   S'il   avait  trop   peu 


produit  jusqu'ici  pour  être  répandu  dans  le 
grand  public,  il  n'est  pas  une  personne  musi- 
cienne qui  par  quelques  pages  du  Chant  de  la 
Terre  et  de  En  Languedoc^  simples  suites  pour 
le  piano,  ne  connût  en  lui  une  des  personna- 
lités les  mieux  définies  et  les  plus  remarquables 
de  notre  jeune  musique,  et  qui  n'attendît 
beaucoup  de  la  première  œuvre  plus  développée 
qu'il  nous  donnerait. 

Le  Cœur  du  Moulin.,  il  faut  bien  l'avouer 
tout  de  suite,  est  pour  la  scène  une  œuvre 
manquée  :  mais  c'est  une  œuvre  exquise,  et 
qui  tient  plus  encore  que  le  musicien  n'avait 
semblé  promettre.  Car  si  nous  lui  savions  une 
sensibilité  rare  et  très  particulière,  et  en 
même  temps  le  sens  intime  et  délicat  du 
pittoresque,  nous  ne  savions  pas  de  quelle 
manière  il  emploierait  ces  qualités  à  la  vie 
d'un  drame,  ni  quelle  précision,  ni  quelle 
intensité  il  serait  capable  de  lui  donner.  J'ai 
dit  que  le  Cœur  du  Moulin  était  une  œuvre 
manquée,  mais  uniquement  par  là  faute  du 
livret,  qui  malgré  de  réels  mérites  poétiques  et 
musicaux,  expose  maladroitement,  sans  assez 
de  mouvement  ni  de  clarté,  une  idée  un  peu 
courte,  et  jolie. 

Le  don  scènique  du  musicien,  en  revanche, 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


est  manifeste.  Ce  qu'il  y  a  de  discret,  de  con- 
tenu dans  son  émotion  ne  la  rend  que  plus 
efficace.  Son  expression  est  directe.  Elle  atteint 
le  fond  du  cœur.  Chaque  mot,  chaque  geste, 
est  empli  de  sens  par  la  musique  ;  et  c'est 
avec  une  pitoyable  douceur  qu'elle  nous 
découvre  les  sentiments  des  personnages.  Voyez 
comme  les  situations  sont  naturellement  et 
sobrement  traitées.  Voyez  avec  quelle  vérité 
et  quelle  touchante  noblesse  les  caractères  de 
Marie  et  du  Vieux  Meunier  surtout  sont 
dessinés.  Malgré  que  l'orchestre  soit  un  peu 
préoccupant  pour  l'auditeur,  par  la  recherche 
trop  constante  de  la  sonorité  pittoresque  et  le 
travail  trop  abondant  des  motifs,  il  est  en 
équilibre  avec  les  voix,  et  ne  contrarie  point  la 
déclamation.  Ce  qu'on  trouvera  encore  d'un 
peu  compliqué  et  d'un  peu  haché  dans  cette 
partition  peut  tenir  à  ce  qu'elle  date  de  plus  de 
six  années  déjà,  et  fut  plusieurs  fois  remaniée. 
Mais  la  pensée  est  simple  chez  M.  de  Séverac, 
et  l'écriture  se  fera  simple  aussi.  Et  cette 
pensée  est  d'une  fraîcheur,  d'une  clarté,  d'une 
générosité  singulières.  Ne  vous  y  trompez  pas; 
il  y  a  plus  de  mélodie  dans  les  deux  cents  pages 
du  Cœur  du  Moulin  que  dans  l'œuvre  com- 
plet de  toute  la  séquelle  italienne. 

Le  don  mélodique  est  une  des  choses 
qui  distinguent  M.  de  Séverac  de  M.  De- 
bussy, dont  on  l'a  trop  dit  le  disciple.  On 
trouve  assurément  chez  M.  de  Séverac  des 
détails,  de  sonorité  surtout,  ou  d'harmonie,  qui 
viennent  de  M.  Debussy.  On  en  trouve  aussi 
qui  peuvent  venir  de  M.  Gustave  Charpen- 
tier :  telles  phrases  dites  presque  à  vide,  par 
exemple,  ou  telle  trompette  avec  sourdine,  qui 
est  plutôt  celle  de  Louise  que  celle  de  Pellèas. 
Ce  sont  là  les  acquisitions  pour  ainsi  dire 
matérielles  que  chaque  compositeur  original 
apporte  à  la  musique,  et  qui  deviennent  ensuite 
la  propriété  de  la  musique  toute  entière.  Mais 
en  rien  de  ce  qu'elle  a  d'essentiel,  la  inMsi(]uc 
de  M.  de  Séverac  ne  provient  de  celle  de 
M.  Debussy.  Sa  sensibilité  est  d'une  espèce 
toute  différente.  Toutes  différentes,  ses  formes 
mélodi(|ucs  et  ses  assises  tonales  ;  différente  sa 
déclamation  ;  et  différent  son  rythme. 

Une  autre  diffï-rence  est   dans   le  sentiment 


de  la  nature,  qui  tient  chez  ces  deux  artistes 
une  si  grande  place.  Tandis  que  M,  Debussy 
semble  la  peupler  d'êtres  mystérieux,  de  puis- 
sances suavement  formidables  qui  se  jouent 
d'une  humanité  quasi  inconsciente,  la  nature 
de  M.  de  Séverac  est  une  confidente  mater- 
nelle et  une  conseillère,  tout  près  du  cœur  de 
l'homme.  Nos  moindres  émois  trouvent  en 
elle  leur  écho  immédiat.  Elle  vibre,  elle  aime 
et  souffre,  pleure  et  caresse  avec  nous.  Depuis 
l'enfance,  elle  forme  insensiblement  notre 
âme.  Elle  est  immobile  et  muette  en  réalité: 
mais  tous  ses  traits,  comme  les  rides  attendris- 
santes et  le  regard  lumineux  de  nos  vieux 
parents,  deviennent  pour  notre  âge  milr  les 
symboles  des  idées  de  bien,  de  bon  et  de  beau: 
c'est  nous  qui  prêtons  une  voix  aux  choses,  et 
c'est  la  voix  du  plus  lointain  passé,  du  passé 
candide  que  l'immutabilité  de  ces  choses  fait 
remonter  à  notre  mémoire  trouble. 

Au  théâtre,  cela  se  matérialise  d'une  façon 
infiniment  désagréable,  incompréhensible  et  un 
peu  ridicule.  Mais  la  musique  l'exprime  avec 
une  éloquence  délicieuse.  Elle  est  tout  d'abord 
un  charme  continuel  pour  l'oreille,  par  sa 
sonorité  vi\  e,  chatoyante,  subtile,  par  son  con- 
tour et  par  son  rythme.  Elle  est  comme  une 
atmosphère  qui  chante  et  frissonne  avec  l'heure, 
qui  baigne  et  pénètre  l'action.  L'expression  et 
la  couleur  sont  en  elle  comme  une  seule  et 
même  chose.  Et  de  même  que  si  l'on  examine 
par  la  technique  la  musique  de  M.  de  Séverac, 
on  y  distinguera  à  la  fois  l'inspiration  la  plus 
franche,  la  plus  spontanée,  et  la  plus  savoureuse 
recherche  d'écriture;  de  même,  dans  sa  couleur 
et  dans  son  expression,  on  reconnaîtra  l'artiste 
et  le  poète  raffinés,  en  même  temps  que 
l'homme  tout  près  de  la  nature,  qui  vit  et  sent 
et  pense  en  elle.  Et  l'homme  d'une  nature 
particulière,  l'homme  de  sa  province,  non 
point  lie  cet  odieux  Midi,  tapageur  et  vantard, 
que  nous  connaissons  trop,  mais  il'un  Midi 
enveloppé,  seiisitif,  intérieur,  qu'ombragent  le 
rêve  des  pins,  le  style  des  cyprès,  la  finesse 
des  oliviers.  Attendons  en  grande  confiance 
l'ouvrngc  que  M.  de  Séverac  composera  sur  un 
poème  tout  à  fait  digne  de  lui  :  et  si  le  Cœur 
du  .Moulin  nous  a  paru  cjuclque  ptii  languissant 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


et  monotone,  n'oublions  pas  qu'on  a  fâcheuse- 
ment coupé  à  la  représentation  tout  un  diver- 
tissement populaire,  d'une  musique  allègre  et 
rigoureuse,  que  les  auteurs  avaient  amené 
ingénuement  sans  doute,  mais  pour  le  plus  utile 

contraste. 

* 
*      *- 

L'interprétation  nouvelle  d'une  œuvre  an- 
cienne peut  être  une  chose  presque  aussi 
importante  que  la  révélation  d'une  œuvre 
nouvelle.  Et  elle  est  bien  aussi  une  révélation, 
car  elle  nous  donne  de  cette  œuvre  des  clartés 
que  nous  ne  possédions  point,  l'intuition  et 
l'étude  d'un  grand  artiste  pouvant  beaucoup 
plus  que  notre  froide  analyse.  C'est  ainsi  que 
cette  Carmen^  dont  nous  sommes  si  rebattus, 
vient  de  nous  réapparaître  avec  une  fermeté 
classique  du  style,  à  la  fois,  et  une  force 
réaliste  de  l'expression  qui  nous  semblent  toutes 
neuves.  M"*^  Lucienne  Bréval,  qui  fut  pour  nous 
la  seule  Brunnhilde  et  la  seule  Valentine,  et 
Armide,  et  Phèdre,  est  aussi  la  seule  Carmen 
qu'aient  pu  connaître  ceux  qui  n'ont  pas  assisté 
à  la  création  du  chef-d'œuvre  de  Bizet.  Et 
l'interprétation  de  ce  personnage  si  différent  de 
ceux  où  nous  avons  accoutumé  de  la  voir,  se 
trouve  être  l'interprétation  la  plus  complète 
qu'elle  ait  encore  réalisée,  et  le  modèle  en 
même  temps  de  ce  que  doit  être  l'interpréta- 
tion d'un  personnage  lyrique.  Interprétation 
beaucoup  plus  complexe  qu'on  ne  l'imagine 
communément,  puisqu'elle  doit,  de  toute  la  vie 
intérieure  de  ce  personnage,  de  sa  vie  plastique, 
et  encore  de  la  vie  propre  et  de  la  forme  de  la 
musique,  constituer  une  harmonie  vivante  elle- 
même.  C'est  une  tâche  si  difficile,  que  le 
nombre  est  infiniment  petit,  des  personnes  qui 
en  ont  aperçu  seulement  une  lueur.  Et  il 
n'était  sans  doute  pas  de  rôle  où  elle  fût  plus 
difficile  que  dans  ce  rôle  de  Carmen,  devenu, 
aux  mains  de  toutes  les  cantatrices  du  monde 
peut-être,  comme  une  loque  déformée,  usée, 
vidée. 

Mérimée  et  Bizet,  et  l'Espagne  des  peintres 
et  celle  des  poètes,  et  le  vieil  opéra-comique 
et  le  drame  moderne,  nous  voulons  tout  voir, 
même  le  plus  contradictoire,  dans  cet  ouvrage 


favori,  dont  la  forme  et  le  caractère,  malgré  sa 
beauté,  restent  ambigus.  Et  voici  que  tout 
s'accorde,  parce  que  M"""  Bréval,  très  simple- 
ment, sans  s'occuper  de  ce  qui  se  put  faire 
avant  elle,  chante  cette  musique  telle  qu'elle 
est  dans  sa  ligne  et  dans  son  rythme,  mais 
avec  l'intelligence  profonde  de  cette  ligne  et 
de  ce  rythme  ;  et  parce  qu'en  toute  chose, 
depuis  la  couleur  de  son  costume  et  de  son 
teint  jusqu'à  la  couleur  de  sa  voix,  depuis  son 
geste  jusqu'à  son  chant,  dans  sa  démarche, 
dans  son  regard  admirable,  dans  le  plus  effacé 
de  ses  accents  comme  dans  celui  qui  doit 
frapper  le  plus  fort,  elle  s'oublie  elle-même  et 
ne  s'inquiète  de  rien,  sinon  de  recomposer 
l'être  humain  qu'elle  a  su  deviner  :  la  Gitane 
indomptable  et  lointaine,  qui  n'accepte  de  loi 
que  son  plaisir  et  le  Destin.  L'oreille,  l'œil  et 
l'esprit  sont  d'un  coup  merveilleusement  satis- 
faits, et  par  ce  comble  d'art  et  de  volonté  qui 
atteint  au  naturel  parfait.  Car  cette  Carmen 
de  grand  opéra  n'est  pas  seulement  la  plus 
tragique   de  toutes,   ma^  la  plus  légère  où  il 

faut,  la  plus  spirituelle,  la  plus  simple 

et  celle  qui  dit  le  mieux  "  le  poème  ",  comme 
on  appelle  à  l'Opéra-Comique  ces  invraisem- 
blables proses  —  même  quand  elles  sont  de 
Meilhac  et  Halévy.  Il  est  bien  regrettable 
qu'on  n'ait  pas  profité  de  l'occasion  pour 
rétablir  dans  le  même  esprit  toute  l'interpré- 
tation de  Carmen^  si  dénaturée  aujourd'hui 
comme  celle  de  toutes  les  œuvres  tombées  dans 
le  "  répertoire  ".  La  fadeur  inconsistante  des 
uns,  les  outrances  mélodramatiques  et  anti- 
musicales des  autres  paraissent,  autour  de 
^eiie  gi-^yal^  d'un  goût  également  faux. 

Gaston  Carraud. 

En   Province 

LE    FESTIVAL    DE    LILLE.   —  Les 

concerts  du  dimanche  à  Paris  sont  peu  à  peu 
devenus  prisonniers  d'un  public  ennemi  de  la 
nouveauté.  Ils  n'ont  plus  aujourd'hui  ce  rôle 
d'initiateurs  qui  fit  leur  gloire  il  y  a  vingt  ans. 
Encore  un  peu,  et  leur  mission  sera  celle   de 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


toutes  les  grandes  institutions  officielles,  c'est 
à  dire  de  conserver  l'héritage  du  passé  et  de 
le  faire  connaître  à  un  public  de  plus  en  plus 
étendu,  de  plus  en  plus  ami  de  la  vulgarisation. 
Les  grands  concerts  de  province  ne  connais- 
sent pas  encore  cette  tyrannie  des  années.  Ils 
sont  jeunes,  et  ils  peuvent  avoir  une  influence 
décisive  sur  la  vie  musicale  décentralisée. 

Ces  réflexions  me  venaient  samedi,  en 
quittant  l'Hippodrome  de  Lille,  et  en  gagnant 
dans  la  brume  du  Nord  le  lieu  de  cordiale 
réception    où    Mme     Maquet     avait     convié 


Mme  Malkick  Maquet 

quelques  journalistes  intrépides.  Car  la  musi- 
que à  Lille  a  ses  gramls  festivals,  tout  comme 
à  Cologne  ou  à  Manchester.  Et,  bien  plus,  jls 
sont  dirigés  par  une  femme  de  courageuse 
initiative,  sur  laquelle  les  Flandres  commen- 
cent à  avoir  les  yeux  fixés. 

Il  y  a  quelques  années  Maurice  Maquet, 
après  avoir  défendu  pendant  quinze  ans,  à 
Lille,  la  cause  du  giaïul  art,  succombait 
brusquement,  et  sa  veuve,  sans  hésiter,  prenait 
d'une  main  ferme  son  œuvre  de  propagande 
musicale  et  son  bâton  de  chef  d'orchestre. 
Spectacle  singulier,  en  vérité,  de  voir  un  être 
du  sexe  que  l'on  croit  faible,  imposer  sa 
volonté  à  300  exécutants  !  Mme  Maquet 
dirige  avec  un  sens  très  précis  de  l'éqmlibre. 
Elle  sait  que  son  premier  devoir  est  d'obtenir 
l'homogénéité  de  ces  éléments  divers,  réunis 
à  son  appel.  Mais,  en  outre,  et  ceci  est  bien 
féminin,  elle  se  livre  toute  à  la  volupté  du 
son.  Quel(|ues  fois  même,  il  m'a  semblé  qu'elle 
ralentissait  les  mouvements,  pour  prolonger 
l'extase.  Mme  Macjuet  se-  plait  ;i    l'activité    de 


Hacndel,  à  la  tension  soutenue  d'un  César 
Franck.  Wagner  est  son  dieu.  L'art  de  demain, 
flottant  et  fugitif,  est  moins  de  son  goût. 

Il  s'agissait,  dans  ce  festival  spirituel,  du 
Magnificat  de  Bach,  du  Requiem  de  Mozart, 
d'un  Concerto  d'orgue  de  Haendcl  et  d'un 
morceau  de  Rédemption.  Comme  on  le  voit, 
deux  bonnes  heures  de  musique  sérieuse  ! 
Toutes  les  Flandres,  de  Calais  à  Mézières  et 
d'Amiens  à  Roubaix,  avaient  envoyé  par 
petits  groupes  leurs  fidèles  et  formaient  un 
public  calme,  attentif,  capable  d'émotion 
contenue,  un  de  ces  publics  qui  ont  de 
l'estomac,  et  qui  ne  connaissent  pas  les  dé- 
goûts subits  de  nos  Parisiens.  Il  est  vrai 
d'ajouter  que  l'effort  réalisé  par  Mme  Maquet 
se  trouvait  appuyé  par  de  très  solides  parte- 
naires :  Mme  Auguez  de  Montalant,  MM. 
Bonnet,  Phimondon  et  Froelich. 

Haendel  a  porté  plus  que  tout  autre.  La 
plasticité  de  cet  art  vigoureux  a  réellement 
enle\é  la  salle.  Mozart  et  Franck  ont  eu  aussi 
leurs  suffrages.  Bach  s'est  contenté  d'une 
mention  honorable.  N'en  soyons  pas  étonné. 
C'est  déjà  bien  joli  de  pouvoir  remplir  jus- 
qu'aux bords  une  vaste  enceinte  comme 
l'Hippodrcnne  lillois,  sans  y  faire  aucune  con- 
cession à  l'habituel  Oitovadisme. 

Ya  je  songeais  involontairement  en  regar- 
dant la  forme  de  ce  grand  édifice,  à  un  autre 
cirque,  celui  des  Filles-du-Calvaire,  où  la 
musique  française  fit  ses  premières  armes.  A 
Lille  comme  à  Paris,  c'est  autour  d'une  piste 
transformée  que  l'art  instrumental,  la  musique 
pure,  fut  obligée  de  se  réfugier  tout  il'abind. 
Souhaitons  que  la  Flandre  saclie  donner  à  l'art, 
et  plus  tôt  qu'on  ne  l'a  fait  ici,  la  demeure 
convenable  et  digne,  le  temple  que  ses  fidèles 
réclament. 

Car  l'initiatiNe  île  Mme  Maquet  ne  tend  à 
rien  moins  qu'à  restaurer  en  terre  flamande  les 
trailitions  et  la  splendeur  d'un  art,  où  les 
rr;iiu-o-belges  se  sont  jadis  illustrés.  Lille  peut 
et  doit  devenir  un  centre  de  musique  vigou- 
reuse et  protoiiile.  Depuis  trop  longtemps 
Paris  absorbe  pour  lui  seid  les  énergies  provin- 
ciales et  les  déracine  à  son  profit,  l'.ntre  la 
Belgique  et  la  Piianlie,  entre  la  Manclu'  et  la 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


■7 


Lorraine  vit  et  prospère  un  peuple  essentielle- 
ment attaché  à  cet  art  intérieur  qu'est  la 
musique.  Pourquoi  n'aurait-il  pas  ses  grandes 
auditions,  son  organisme  de  symphonie  locale? 
Pourquoi  ne  chanterait-il  pas  pour  lui-même? 

Malheureusement,  il  faut  bien  le  dire,  la 
province  est  divisée.  De  là  sa  faiblesse.  La 
musique,  comme  toute  autre  chose,  y  subit  la 
contagion  de  ce  détestable  esprit  de  parti,  où 
il  semble  que  la  France  cherche  à  épuiser  ses 
forces.  A  Lille  comme  ailleurs  les  intérêts  de 
l'art  passent  bien  souvent  après  ceux  de  la 
-coterie 

On  ne  saurait  trop  compter  sur  l'enthou- 
siasme débordant  de  Mme  Maquet,  sur  sa 
confiance  aveugle  dans  le  triomphe  du  beau, 
sur  la  force  de  son  apostolat,  pour  entraîner 
dans  un  grand  mouvement  d'art  les  timidités 
des  égoïsmes  locaux.  La  musique  n'a-t-elle 
pas  été  donnée  aux  hommes  pour  purifier 
leurs  cœurs  de  tout  levain  de  discorde,  pour 
créer  parmi  nous  ces  courants  de  sympathie 
magnétique  qui  rassemblent  les  forces  d'un 
même  pays  autour  d'un  même  idéal  ! 

J.  ECORCHEVILLE. 

LYON.  —  La  société  Lyonnaise  de  musi- 
que ancienne,  composée  de  M.  M.  Maurice 
Reuchsel  (quinton  et  violon),  Bay  (viole  d'a- 
mour), Ticier  (viole  de  gambe)  et  Amédée 
Reuchsel  (clavecin),  a  repris  ses  séances  avec  le 
plus  vif  succès.  Au  concert  du  13  décembre, 
un  public  nombreux  a  beaucoup  goûté  des 
pièces  en  trio  de  Couperin  et  de  Rameau, 
ainsi  que  des  sonates  de  Marcello,  de  -Barrière, 
de  Geminiani,  et  des  soli  de  Milandre,  Pasquini, 
Caix  de  Hervelois,  Melle  Bellemin  a  chanté* 
d'une  façon  remarquable  des  airs  de  Bach, 
Rameau  et  Clérambault. 

Une  intéressante  causerie  précédait  l'audi- 
tion. 

BESANÇON.  —  Mardi  21  décembre 
audition  intégrale  du  Messie  de  Haendel 
donnée  par  les  Chanteurs  de  St.  Pierre  —  140 
exécutants,  sous  la  direction  de  Félix  Raugel, 
cette  audition  est  la  première  en  France,  avec 
l'orchestration   originale,   reconstituée   d'après 


les  manuscrits  de  Haendel,  par  F.  Raugel. 
Les  solistes  étaient:  soprano,  Melle  Forien 
alto,  Madame  Philipp  des  concerts  Lamou- 
rcux  :  ténor,  Plamondon  ;  basse,  Mary.  Les 
chœurs  et  l'orchestre  ont  été  excellents.  Tous 
nos  compliments  à  M.  Forien  le  président  des 
chanteurs  de  St.  Pierre  et  au  zélé  chef  de 
chœurs  M.  Doyen  qui  eut  à  faire  étudier  la 
partie  chorale  du  chef-d'œuvre  de  Haendel. 

TOURS.  —  Après  la  série  d'Auditions 
Hebdomadaires  de  Musique  ancienne  et  mo- 
derne que  le  vaillant  violoncelliste  Maxime 
Thomas  conduisit  vers  la  200"  avec  un  succès 
constant  qui  le  suivit  quand  il  quitta  Tours 
pour  Paris,  —  après  les  généreuses  mais 
infructueuses  tentatives  de  l'Association  sym- 
phonique  que  dirigeait  magistralement  M. 
Etesse,  les  dilettantes  tourangeaux  connurent 
des  années  maigres,  où  ils  n'eurent,  pour  tout 
régal  (souvent  de  premier  choix,  il  est  vrai), 
que  les  rares  concerts  de  l'aristocratique  Société 
des  Amis  des  Arts,  de  la  décentralisatrice 
Société  Littéraire  et  Artistique,  de  la  Chorale 
S***^  Cécile,  et  des  démocratiques  Orphéon  et 
Philharmonie  réunis  sous  la  baguette  habile  et 
zélée  de  M.  H.  Sartel.  L'année  1910  semble 
devoir  être  plus  copieuse  :  puisse  la  qualité 
valoir  la  quantité  ?.... 

—  L'Union  des  Femmes  professeurs  et 
compositeurs  (27,  Rue  Blanche,  Paris)  an- 
nonce, en  8  concerts,  l'exécution  chronologique 
des  œuvres  de  Bach,  Mozart,  Beethoven, 
Schubert,  Schumann,  César  Franck,  d'auteurs 
du  XV IIP  siècle  et  d'auteurs  modernes. 

—  Les  très  réputés  professeurs  de  piano  et 
de  chant.  M""*  Perny  et  Ruin-Gabriac, 
donnent,  avec  le  concours  de  leurs  élèves, 
3  conférences-auditions  ayant  pour  thème  les 
Influences  i^  de  la  Religion,  2^  de  la  Nature, 
3*^  de  l'Amour,  sur  la  Musique  :  le  public  qui 
vint  en  foule  à  la  i'^*'  ne  manquera  pas  de  reve- 
nir aux  deux  suivantes,  et  d'en  sortir  en- 
chanté. 

—  La  Société  des  Amis  des  Arts  prépare, 
pour  Février,  une  soirée  de  gala  avec  le 
concours  du  "  Concert  Rouge,"  et  de  chan- 
teurs dans  une  sélection  de  la  Damnation  de 


8 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


Faust.  De  plus,  il  y  a  eu  et  il  y  aura,  sous  le 
patronage  de  la  même  Société,  de  nobles 
auditions  de  musique,  de  musique  de  chambre. 
—  La  Série  a  été  ouverte  par  un  Récital  du 
jeune  pianiste  M.  Edouard  Bernard,  qui  c'est 
montré  artiste  personnel  et  virtuose  particulière- 
ment dans  la  Sonate  en  /a  bémol  de  Weber, 
les  grandes  variations  de  Liszt  sur  un  thème  de 
Bach,  Prélude,  Choral  et  Fugue  de  Franck.  — 
Puis,  ce  furent,  avec  la  belle  basse  M. 
Chanoine-Davranches,  MM.  Alfred  Cortot  et 
Jules  Boucherit  qui  nous  interprétèrent  la 
Sonate  en  ut  majeur  de  Mozart  et  la  Sonate  a 
Kreutzer.  Et  quelle  évocation  émouvante  du 
Romantisme  Allemand  plus  pittoresque  que 
les    Etudes   Symphoniques  de    Schumann  ! 

—  Enfin,  nous  avons  eu  la  première  des 
Matinées  de  Sonates,  organisées  par  les  deux 
excellents  musiciens  tourangeaux,  la  pianiste 
M"*"  Wyder,  et  le  violoniste  M.  Lièron.  Le 
programme  comprenait  les  Sonates  en  mi 
majeur  op.  40  de  Rontgen,  en  ut  mineur  op. 
30  de  Beethoven,  et  op.  45  de  Grieg  :  exécu- 
tion à  la  fois  sévère  et  vibrante,  et  c'est  le 
mérite  de  cette  initiative  à  laquelle  nous  sou- 
haitons de  réunir,  chaque  mois,  un  public  épris 
de  musique  pure   de   plus  en   plus  nombreux. 

H. 

ROUEN.  —  Conférence  de  M.  P.  L. 
Robert.  —  Le  public  roueimais  a  été  initié  à 
la  musique  de  Moussorgsky  par  M.  P.  L. 
Robert,  qui  vient  de  prononcer  ici  une  inté- 
ressante conférence  sur  la  vie  et  l'influence  du 
grand  musicien  russe.  Mme  Robert,  accom- 
pagnée par  Roger  Boucher  a  fait  entendre 
ensuite  diverses  fragments  d'œuvres  de  Mous- 
sorgsky  ;  entre  autres  le  recueil  intitulé  la 
Chambre  d'enfants.  Voilà  d'excellente  propa- 
gande par  la  musique  de  ce  maître  si  peu 
coiuiu  chez  nous. 


Belgique 


BRUXELLi^S.  —  Ainsi  que  je  l'annon- 
çais dans  la  chronique  de  Novembre,  la  saison 
IQOQ-IQIoest  extraordinaireinent   abondante 


en  auditions  de  toutes  espèces.  De  nouvelles 
sociétés  se  sont  formées,  les  anciennes  ont 
trouvé  de  neuves  énergies,  les  virtuoses  se 
succèdent  —  des  programmes  merveilleux  se 
multiplient,  s'enchevêtrent,  et  se  disputent  la 
faveur  du  public.  Lui  aussi  —  le  public  — 
semble  avoir  dépouillé  l'indifférence  qu'on  lui 
reprochait,  naguère,  avec  raison.  Non  pas  que 
les  salles  soient  combles  toujours,  mais  il  faut 
compter  que  deux,  trois,  quatre  séances,  parfois, 
le  sollicitent  à  la  même  heure,  —  et  reconnais- 
sons donc  que  les  Belges  s'éprennent,  de  plus 
en  plus,  de  musique. 

Nous  avons  pu  entendre,  cette  année,  ainsi 
qu'on  le  lira  plus  loin,  plusieurs  productions 
nationales,  bien  peu,  encore,  sans  doute, 
bien  peu,  si  l'on  songe  à  la  splendide  floraison 
présente,  où  le  génie  d'une  race  singulièrement 
active  et  robuste  semble  s'épanouir.  On  nous 
en  promet  d'autres.  Les  éditions  sont  nom- 
breuses et  variées,  ce  qui  ne  veut  certes  pas 
dire  qu'elles  soient  toutes  éminemment  éclec- 
tiques, mais  nous  pouvons  espérer  qu'elles  le 
deviendront,  au  fur  et  à  mesure  que  sera 
cultivé  le  goût  populaire.  L'activité  orphénique 
intense  réclame  des  aliments  nouveaux.  En 
un  mot,  l'heure  est  incontestablement  aux 
choses  musicales. 

Devons-nous  voir  en  cela  une  manifestation 
toute  spontanée  d'aspirations  propres  au  mo- 
ment où  nous  vivons?  ou  bien,  un  premier 
résultat  satisfaisant  d'eftorts  tentés,  dans  ces 
dernières  années  en  vue  de  l'éducation  esthé- 
tique de  notre  génération  .''  Il  apparaît,  au  cher- 
cheur, impatient  peut-être,  d'un  meilleur 
devenir,  qu'un  mouvement  général  s'agite 
'aux  tréfonds  de  la  foule.  Puisse-t-il  aider  la 
réaction,  qui  s'impose  contre  le  praticisme 
effréné,  contie  la  mécanisation  destructrice  de 
rêve  et  d'idéal.  Qu'on  sème  la  bonne  parole, 
afin  que  germe  vuie  moisson  plhiihe.  Et 
saluons  toutes  les  initiatives.  Il  est  temps  que 
de  jeunes  courages  se  dressent,  impérieux, 
devant  la  routine,  la  crainte  aussi,  l'esprit  de 
lucre  qui  a  gagné  les  meilleurs  et  le  cœur 
même  de  notre  vie  artistique. 

Nous  l'avons  dit,  et  nous  le  redirons,  —  c;u 
il    le    finit,    —   souvent,    nous    possédons    une 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


musique  profoiulcmcnt  originale  et  vivante  ;  il 
est  désirable  qu'enfin,  le  grand  public,  pour 
qui,  en  somme,  nous  œuvrons,  puisse  prendre 
notion  de  Vanir  musicale  riôtm. 

La  multiplication  des  concerts,  leur  valeur, 
la  bonne  volonté  des  artistes,  l'abondance  et  le 
caractère  des  compositions,  le  concours  acquis 
de  l'élite  dilettante  —  l'intensité  du  mouve- 
ment, nous  convient  à  la  réalisation  d'un 
programme  qu'aucun  musicien  belge  ne  dés- 
avouera. 

Et  en  écrivant  ces  lignes,  je  pense  aux 
paroles  simples  et  claires  qu'a  prononcées 
tantôt  le  nouveau  Roi  de  Belgique  :  Albert^ 
dans  son  discours  d'inauguration. 

"le  peuple  belge  poursuivra  sa  marche 

vers  les  conquêtes  pacifiques  du  travail  et  de  la 
science  tandis  que  les  artistes  et  les  écrivains  de 
Flandre  et  de  JVallonie  sèmeront  le  chemin  de 
leurs  chef s-d"" œuvre  ". 

Une  nation  dont  le  Premier  Citoyen  ainsi 
qu'il  aima  s'appeler  lui-même,  parle  en  ces 
termes,  a  le  droit  de  se  réjouir,  et  le  Serment 
du  trône  offert  à  sa  prospérité,  affirme  l'avéne- 
ment  de  son  Art. 

René  Lyr. 

LA  MONNAIE  nous  annonce,  outre  les 
nouveautés  que  je  signalais  :  la  Danse  des  Fkes 
d' Hèbè^  de  Rameau,  et  P Enfance  du  Christ  de 
Berlioz. 

M.  Henry  de  Curzon,  notre  éminent  col- 
lègue et  collaborateur,  secrétaire  de  la  Société 
de  l'Histoire  di^  Théâtre,  à  Paris,  avec  l'aide 
infiniment  précieuse  et  savante  d_e-  M.  Ch. 
Malherbe,  président  de  notre  Section  française 
de  la  S.  L  M.,  a  retrouvé,  aux  archives  na- 
tionales, la  description  fidèle  des  costumes 
qui  servirent  pour  la  première  représentation, 
en  1764,  à  Versailles,  de  la  Danse.  Les  des- 
sinateurs de  la  Monnaie  ont  pris  copie  de  ces 
documents,  ce  qui  nous  vaudra  une  recon- 
stitution intéressante  de  ce  chef-d'œuvre  du 
vieux  Maître  français. 

—  A  part  la  reprise  à'' Alceste^  rien  à  signaler: 
le  théâtre  national,  ayant,  par  deux  fois, 
fermé  ses   portes  en   signe    de   deuil:  pour    la 


mort  du  bourgmestre  de  Bruxelles,  M.  de-  Mot, 
et  celle  du  Roi  Léopold  IL 

—  Au  deuxième  Concert  Populaire.,  M. 
Sylvain  Dupuis  inscrivit  au  programme  des 
œuvres  belges.  Cette  audace  —  car  c'en  est 
une  —  est  une  nouvelle  justification  de  mon 
optimisme,  qui  ne  manquera  pas,  d'ailleurs, 
de  faire  sourire,  tout  premier,  le  Maître  'Paul 
Gilson^  dont  la  spirituelle  ironie  s'exprimait,  au 
lendemain  de  l'événement,  par  ces  lignes,  que 
je  découpe  dans  le  Soir: 

...Son  initiative  n'est  guère  encouragée  par 
notre  public,  qui  se  départit  rarement  de  sa 
native  froideur  pour  tout  ce  qui  touche  la 
"  musique  nationale  ". 

"  Il  suffit  que  j'annonce  une  audition  de 
musique  belge,  pour  que  le  vide  se  fasse  à  mes 
concerts,  me  disait  dernièrement  un  chef 
d'orchestre  bruxellois. 

"  Depuis  une  bonne  trentaine  d'années,  j'en- 
tends les  mêmes  doléances,  et  rien  ne  fait 
prévoir  le  moindre  changement  à  ce  fâcheux 
état  de  choses. 

"  La  musique  belge  n'est  pas  encore  entrée 
dans  nos  mœurs  ",  s'exclamait  mélancolique- 
ment l'excellent  M.  B...,  d'Anvers  qui  s'effor- 
çait par  tous  les  moyens  de  secouer  la  torpeur 
indifférente  de  ses  compatriotes,  mais  en  pure 
perte.... 

"  Peut-être  les  compositeurs  belges  écrivent- 
ils  de  la  musique  trop  sérieuse,  ce  qui  est, 
chez  nous,  un  moyen  très  efficace  pour  ne 
pas  être  pris  au  sérieux  ". 

Au  surplus,  je  me  permettrai  de  faire  remar- 
quer, très  respectueusement,  au  Maître  de  la 
Musique  Belge,  que  c'est  peut-être  un  tort, 
—  que  partagent,  il  est  vrai,  toute  notre 
critique,  et  tous  nos  musiciens  —  d'insister 
avec  une  sorte  de  complaisance  amèrement 
moqueuse,  sur  le  peu  de  succès  que  trouvent, 
chez  eux,  nos  compositeurs.  Ce  n'est  peut- 
être  pas  le  moyen  d'encourager  les  directeurs 
et  chefs  d'orchestre,  déjà  si  peu  disposés  à 
faire  un  sacrifice,  et  à  lutter  avec  persévérance, 
contre  les  dilections  du  public.  Celui-ci  n'en 
peut  mais  et  ne  faudrait-il  pas,  au  contraire, 
applaudir  chaleureusement  à  toute  tentative  — 


lO 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


le  moindre  succès  en  ces  matières  étant 
"quand  même"  une  \ictoire  —  en  \ue  du 
triomphe  final  dont  tous  se  réjouiront. 

Le  grand  musicien  qui,  à  la  façon  d'un 
Jef  Lambeaux  de  la  matière  harmonique,  a 
magnifié  sa  race  et  son  pays,  pourra  sourire  à 
mes  affirmations  —  son  Œuvre  n'est-elle  pas 
la  plus  imposante  protestation  contre  les 
sourires,  et  n'a-t-elle  pas  suscité,  au  cœur  du 
siècle,  une  large  impulsion  qui  tait  notre 
enthousiasme  r  A  l'ombre  de  son  labeur,  Paul 
Gilson  peut  entendre,  déjà,  lever  la  jeune 
et  belle  moisson  qu'il  a  semée... 

Nous  essayerons  de  le  montrer,  dans  un 
prochain  numéro. 

Et  pour  en  revenir  au  Concert  populaire^  il 
donnait  donc  une  ouverture  pour  Phèdre  de 
M.  Martin  Lunssens.  —  M.  Lunssens  est  au 
nombre  de  nos  compositeurs  remarquables. 

S'il  ne  possède  pas  une  transcendentale 
originalité,  on  lui  reconnaît  une  science  pro- 
fonde et  sûre,  une  écriture  parfaite,  une 
technique  solide,  avec  la  distinction  de  pensée 
et  de  sentiment.  C'est  un  artiste  qui  honore 
son  art.  L'ouverture  de  'Phèdre  témoigne  une 
fois  de  plus  de  ces  qualités,  assez  rares  pour 
qu'on  les  signale,  et  pour  qu'on  les  salue. 

A  côté  de  cette  oeuvre,  le  Concerto  pour 
Violoncelle  de  M.  Louis  Uelune,  d'une  con- 
struction moins  sohde,  et  de  trame  plus  lâche, 
apparut,  par  contraste,  un  peu  mièvre.  M""' 
Delune,  artiste  d'un  talent  déh'cat,  interprétait 
cette  page,  et  fit  valoir  aussi  le  concerto  de 
Tartiniy  fort  bien  orchestré  par  M.  Delune. 

—  Le  deuxième  concert  Durant  s'ouvrit  par 
la  huitièine  symphonie,  en  fa  majeur,  de 
Heethoven  où  l'on  peut  désirer  encore  un  peu 
plus  de  souplesse,  et  de  fondu.  M'"''  Borgo  a 
fait  remarquer  ses  facultés  dramatiques  dans 
l'air  d'/ZArj/c,  et  la  fin  du  (Jn^puscule  des  Dieux. 

J/orchestre  a  donné  la  Sérénade  en  rè 
de  Brahms,  que  M.  Durant  aftcctionm-  et 
s'efforce  de  faire  apprécier  à  Bruxelles,  comme 
il  convient.  l>e  vaillant  chef  d'orchestre  est  en 
réel  progrès,  et  nous  lui  ménagerons  d'autant 
moins  l'éloge  t|ue  nous  n'avons  point  ménagé, 
jusqu'ici,  la  critique...  Ikavo  !  l'orclu-stre  est 
meilleur, plus  homogène,  plus  docile,  la  ferveur, 


l'émotion  le  gagne,  et  M.  Durant  lui-même 
sacrifie  plus  au  sentiment.  Le  public,  et  en 
particulier,  les  admirateurs  de  Brahms  lui  ont 
fait  succès,  ainsi  qu'à  ses  collaborateurs,  et  en 
applaudissant  à  la  correction,  au  coloris  de 
l'interprétation. 

Outre  ces  grands  concerts,  M.  Durant 
inaugura  une  série  de  24  auditions  populaires. 
Les  premières  séances  n'ont  pas  trouvé  foule, 
et  devant  ce  peu  d'enthousiasme  du  public  elles 
ne  furent  pas  renouvelées. 

—  Le  programme  du  deuxième  concert 
Ysa\  e  réunissait  les  noms  de  Beethoven  et 
JVagner.  Il  était  consacré  à  l'œuvre  drama- 
tique de  Maîtres,  avec  le  concours  des  célèbre^ 
M.  et  M""-  Henusel. 

Nous  n'avons  plus  à  redire  la  valeur  de 
l'orchestre  et  de  son  directeur.  Remarquons 
simplement  que  l'exécution  manquait  un  peu 
d'envolée  —  et  qu'il  nous  apparaît  préférable 
qu'on  ne  réunisse  point  des  génies  aussi  essen- 
tiellement différents,  et  dans  la  conception  er 
dans  le  sentiment,  et  dans  la  manière. 

AU  CONSERVATOIRE.  —  Nomina- 
tions : 

M.  S)'Stermans,  critique  musical  du  A  A 
Siècle,  est  nommé  administrateur-trésorier. 
M""'  Eléonore  Neur)-Mahieu,  professeur  de 
diction,  en  qualité  de  professeur  de  déclamation 
(tragédie  et  comédie)  ;  M""'  Van  Steenkiste- 
Gérard  et  M"'  Jeanne  Dubreucq,  actuelle- 
ment chargées  de  cours,  aux  fonctions  de 
professeurs-adjoints  de  déclamation.  M.  Samuel, 
piotesseur-adjoint,  en  c]ualité  île  professeur 
d'harmonie  pratique  et  M"''  VVouters,  aux 
fonctions  de  professeur-adjoint  d'harmonie 
(jeunes  filles). 

Sur  la  proposition  île  M.  rincl,  la  Com- 
mission vient  de  décider  de  rendre  désormais 
publiques  les  répétitions  générales  des  concerts. 
C'est  une  excellente  mesme. 

Les  concerts  du  Conser\ati)ire  de  cette 
saison  sont  fixés  aux  dimanches  30  jan\ier, 
20  février  et  20  mars.  On  exécutera  au  premier 
concert  la  7''  symphonie  de  Beethoven,  Nœniey 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


1 1 


et  le  Chant  des  Parqurs^  de  Hrahnis,   et  V Âctus 
Tragicus^  de  J.S.  Bach. 

ERRATA.  —  Il  s'est  glissé  une  erreur 
typographique  assez  grave  dans  la  composition 
de  ma  copie  de  Décembre.  —  Dans  la  rela- 
tion de  M''""  Butterfly,  on  m'a  fait  dire  : 
"  Dont  les  épanchements  mélodiques  n'at- 
tendent pas  plus  ou  moins  ('/(?  poétiques  rêves''\ 
—  Il    faut   lire  :  "  rives."  — 

—  Nos  lecteurs  apprendront  avec  plaisir  que 
nous  serons  secondés,  dans  la  relation  de  la 
vie  musicale  à  Bruxelles  par  le  compositeur 
Michel  Brussehnans^  un  des  plus  remarquables 
'harmonistes  de  notre  jeune  école,  —  l'élève 
aimé  du  Maître  Paul  Gilson.  M.  Brusselmans 
tient,  dans  les  colonnes  du  Guide  Musical^ 
depuis  plusieurs  années,  ime  plume  éminem- 
ment autorisée,  aux  appréciations  sobres,  im- 
partiales, mesurées,  et  que  les  musiciens  esti- 
ment justement. 

R.  L. 

LIEGE.  —  La  saison  musicale,  tardive  en 
notre  bonne  ville,  ne  nous  a  donné  encore 
que  peu  de  concerts  intéressants.  On  a  ap- 
plaudi M""  et.  —  surtout  —  M.  Heusel 
Schweitzer  en  une  audition  w^agnérienne. 
Nous  avons  applaudi  Risler  aux  "  Concerts 
Debefre  ",  où  Georges  Sporck  a  remporté  un 
grand  succès  de  compositeur  avec  sa  Légende 
et  Islande.  L'  "  Œuvre  des  Artistes  "  a  con- 
sacré sa  première  séance  de  propagande  à 
Victor  Vreuls,  qui  a  partout  sa  bonne  semaine. 
Et  voilà  notre  saison  amorcée. 

Au  "  Théâtre  Royal  ",  reprises  habituelles 
du  répertoire  dans  lequel  Massenet  est  très 
copieusement  représenté.  On  prépare  les 
M aîtres-Chanteurs.  Le  succès  de  la  troupe, 
parmi  laquelle  on  compte  des  chanteurs  de 
talent,  s'appuie  sur  la  musicalité  très  avertie 
du  chef  d'orchestre,  M.  Kochs.  Et  le  succès 
est  grand  auprès  du  public. 

Dr.  Dw^elshausers. 

Nous  apprenons  avec  plaisir  la  nomination 
de  notre  excellent  ami,  M.  L.  Mawet,  qui  s'est 


distingué,  parmi  nos  compositeurs,  par  l'ori- 
ginalité de  ses  lied,  en  qualité  de  professeur 
au  Conservatoire  de  f^iége,  en  même  temps 
que  M'""  Maison,  et  M.  Henrion  —  en  rem- 
placement de  M"""  Van  den  Boorn-Coclet, 
MM.  Debefre  et  Jaspar,  promus  à  d'autres 
fonctions.  Nos  félicitations  sincères. 

GAND.  —  Le  Festival  J.  Vandermeulen., 
au  grand  théâtre  de  Gand,  fut  un  éclatant 
triomphe  pour  le  compositeur.  On  y  donnait 
des  pages  symphoniques,  l'ouverture  de  Tibé- 
rius,  qui  rappelle  par  certains  aspects,  et  trop, 
Wagner.,  l'Adieu,  solo  pour  cor  et  orchestre, 
l'entr'acte  du  2^  acte  de  Frya  et,  c'est  la 
partie  essentielle  du  programme,  l'opéra  en 
3  actes  et  4  tableaux  "  Au  pays  du  lin  "  (livret 
de  MM.  Declercq  et  Sevens.)  Sur  une  trame 
suffisamment  banale,  quoiqu'on  y  trouve 
certains  croquis  pris  sur  le  vif  de  la  mentalité, 
du  caractère,  de  la  vie  flamande,  le  musicien  a 
écrit  une  œuvre  simple,  franche,  intéressante, 
et  probe.  Cette  musique  sans  recherche,  n'est 
certes  pas  dépourvue  d'inspiration,  et  sollicite 
l'intérêt.  Cependant,  elle  n'échappe  pas  toujours 
à  la  sécheresse,  et,  il  faut  le  dire,  à  la  banalité. 
Quoiqu'il  en  soit.  Au  pays  du  lin  marque  un 
effort  sincère,  qu'il  faut  encourager  ;  et,  en 
dehors  du  succès  tout  exceptionnel  qui  le 
consacre  dans  l'affection  du  peuple  flamand 
auquel  jl  appartient  directement,  saluons  en 
M.  Vandermeulen  un  artiste  de  talent  remar- 
quable. 

MONS.  —  Le  directeur  de  la  Société 
Nouvelle.,  revue  qui  sut  rester,  chez  nous, 
l'organe  des  plus  larges  tendances  scientifiques 
et  littéraires  :  M.  Jules  Noël,  écrivain  doublé 
d'un  musicien  érudit,  a  bien  voulu  se  charger, 
pour  S.  I.  M.  de  la  relation  du  mouvement 
musical  en  la  cité  boraine.  Nous  l'en  remer- 
cions bien  cordialement. 

BIBLIOGRAPHIE 

en  décembre  : 

Schott  frères  (Bruxelles). 
"Joseph  Jo?igen.,  Trois  pièces  pour   harmonivim. 
L.  Walner.,  Moment  musical  (piano). 


12 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


M.  Cric^hoom^  Ballade  pour  violon  et  piano. 
E.  deir Acqua^  Rondel  sur  l'eau  (piano). 

A.  Crawz  (Bruxelles). 
Marins  Cannan^  Le  petit  tonnelier  (piano). 

—  —       Pantins  à  sonnettes  (piano). 
Michieli^  Ouverture  à  4  mains. 

—  Trois     morceaux     de    style     ancien 
(piano). 

H.  ir'ryfSy  Serpentins  argentés  (piano). 

Bre'itkopff  et  Hlirtel  (Bruxelles). 
Victor  'Biiffin^ 

Quatre  mélodies  : 

1 .  Si  i'ctais  roi. 

2.  Parfois,  lorsque  le  soir. 

3.  La  lune. 

4.  Dieu,  qui  souffre  et  qui  donne. 

M'"'  /^ve   Q    j^^ff^^  (Bruxelles). 
Marie  Pottellet^  Première  valse  (piano). 
6'.  Lecail^  Bruxelles-Exposition. 
C  Lainverxtis^  Favita  (valse  lente). 

•SlAaison  F.  P.  Lauxveryns  (Bruxelles). 
M.   y.    Erb,    Douze   pièces   (recueil    pour   la 
jeunesse). 

P.  S.  —  Au  moment  de  mettre  m)ii>  pre>se 
nous  parviennent  plusieurs  journaux  de 
Province  où  nous  trouvons  des  compte-rendus 
de  la  tournée  entreprise,  dans  les  Universités 
Populaires,  par  le  barde  belge  Ch.  Mêlant. 
Ce  dernier,  dans  une  conférence  qu'il  eilt 
l'heureuse  idée  d'aller  donner  partout,  illustrée 
de  ses  compositions  musicales,  dont  on  sait  le 
caractère  éminemment  populaire,  est  accueilli, 
par  le  public    provincial,  à  bras  ouvert. 

J'extrais,  de  V Avenir  du  Rorinage  (Mons) 
ces  quelques  lignes,  "La  plus  gratule  partie  de 
la  soirée  est  cf)nsacrée  à  l'œuvre  du  compo- 
siteur Charles  Mêlant  qui  est  un  peu  de  notie 
pays  borain,  comme  il  l'a  dit  lui-même.  Avec 
simplicité,  avec  une  familière  cordialité,  il  a 
lui-même  exposé  ce  t|u'il  a  voulu  faire,  com- 
inent  il  fut  amené  à  mettre  de  la  prose  en 
musicpie,  et  à  faire  des  adaptations  musicales 
^ur  (les  poèmes  d'écrivains  belges.  Se/on  lui^  on 


peut  mettre  de  la  musique  sur  tout  :  AL  Henri 
Houben  l'a  montré  en  chantant  une  lettre, 
que  M.  Mêlant  mit  en  musique  après  l'avoir 
reçue    . 

Cette  opinion  du  sympathique  compositeur 
—  à  savoir  que  l'on  peut  écrire  delà  musique 
(et  quelle  musique  !)  sur  n'importe  quoi  — 
nous  fait  songer  au  grand  artiste  de  la  forme 
poétique  française,  S.  Mallarmé,  qui  prétendait 
que  *■'■  le  vers  est  partout^  excepte  à  la  4'"  page  des 
/ournaux." 

R.  L. 

Étranger 

DRESDK.  —  Le  groupe  de  la  Société 
Internationale  de  musique  \  ient  d'organiser  à 
l'occasion  des  fêtes  Noël  une  reconstitution  de 
l'Oratorio  de  Noël  de  Schiitz,  retrou\é  par 
notre  collègue  le  docteur  A.  Schering  à  la 
bibliothèque  d'Upsala.  Composée  en  1664, 
cette  œuvre  est  une  des  premières  où  le  grand 
compositeur  aborde  ce  stvle  intensément  ex- 
pressif ;  la  force  naïve  et  la  conviction  qui 
se  manifestent  dans  le  rôle  de  l'Exangéliste 
ont  fait  une  énorme  impression.  L'exécu- 
tion était  donnée  par  le  "  Schiilerchor 
de  la  ''  Kreuzkirche  "  sous  la  direction 
de  M.  Otto  Richter.  Elle  dure  une  petite 
heure.  On  ne  saurait  trop  féliciter  M.  Schering 
d'avoir  rendu  à  nos  concerts  sacrés  V  "Historia 
der  treuden-  und  gnadeiueichen  Geburt  Jésus 
Christi  ",    comme   l'appelle  SchiU/   lui-même. 

KARLSRUHK.  —  Une  fort  amusjmte 
audition  de  musique  rétrospective  vient  d'être 
donné  ici,  sous  la  forme  d'un  ctincert 
d'(cuvies  de  Caspar  Fischer,  de  Stamitz 
de  Xavier  Richter,  et  Fesca.  La  première 
partie  comprenait  par  conséquent  de  la  musique 
de  la  fin  du  XV II'  et  du  début  du  WIII", 
l'autre  atteignait  le  plein  XIX*.  Pour  rendre 
l'illusion  plus  complète  les  exécutants  avaient 
revêtu  les  costumes  de  i/So.  Malheureusement 
il  leur  était  impossible  île  se  travestir  à  chaque 
nouvelle  (i:u\  re  ;  il  en  résulta  i|ueU|ue  anachro- 
nisme. Le  clavecin  était  une  copie  il'un  instru- 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


13 


ment  construit  pour  lîach  par  Silhcrmaiin. 
S.  A.  le  grand  duc  de  Hade  honora  de  sa  pré- 
sence la  première  audition  et  la  coiu"  vînt 
assister  en  foule  à  la  seconde. 

BARCELONE.  —  C'est  avec  le  grand 
J^ach  que  nous  avons  repris,  cette  année  con- 
tact avec  la  musique  des  concerts.  L'Orféo 
Catala,  suivant  en  ceci  la  voie  tracée  par  la 
Schola  de  Paris,  s'est  attaqué  à  la  Messe  en  si, 
n'en  exécutant,  il  est  vrai  que  le  Credo.  Cette 
audition  nous  valut  d'entendre  Albert  Schweit- 
zer  dans  un  Concerto  de  Rheinberger,  et  dans 
la  Symphonia  Sacra  de  Widor.  De  môme 
l'excellent  ténor  Walter  profita  de  sa  présence 
parmi  nous  pour  nous  donner  un  Liederabend 
extrêmement  applaudi.  Voilà  qui  nous  repose 
un  peu  des  Mmes  Butterfly  dont  le  théâtre  du 
Lycée  nous  comble. 

V.   M.   DE  GlBERT. 

CADIX.  —  Ici,  l'Académie  philharmoni- 
que de  Ste  Cécile  fort  bien  dirigée  par  l'abbé 
J.  Galvez  y  Ruiz  vient  d'inaugurer  sa  saison 
nouvelle.  Le  programme  de  cette  audition  ne 
vous  révolutionnera  pas  à  Paris,  mais  il  est 
bon  cependant  que  vous  le  connaissiez,  pour 
vous  faire  une  idée  de  la  vie  musicale  en  ce 
coin  de  l'Espagne.  Nous  avons  donc  eu  le 
plaisir  d'entendre  :  Marche  nuptiale  de  Grieg  ; 
Caprice  sur  Alceste  de  St.  Saëns  ;  2*^  Sonate 
de  Grieg  ;  Air  de  Pagliaci  de  Leoncavallo  ; 
Air  de  Samson  de  St.  Saëns  ;  Ballada  oriental 
de  Galvez  ;  Hymne  à  Ste  Cécile  de  Gounod  ; 
Danses  de  Debussy  ;  Romance  de  Arnau  ; 
Pièces  espagnoles  de  M.  de  Falla  ;  les  Erin- 
nyes  de  Massenet, 

Il  y  a  plus  de  cinquante  ans  que  cette  phil- 
harmonique a  été  fondée  par  quelques  amis  de 
la  musique  dont  j'étais,  et  sous  la  direction  de 
Bernard  Darhan,  qui  avait  été  élève  du  Con- 
servatoire de  Paris  dans  la  classe  de  Lafont. 
Actuellement  cette  société,  soutenue  par  deux 
maîtres,  Galvez  et  Miguel  Mendaro,  est  une 
des  meilleures  que  nous  ayons  en  notre  pays. 
Salvador  Vuinegra. 


BUDAPEST. 


Nous   somme   heureux 


d'annoncer  la  triomphe  du  maître  Guilmant, 
(|ui  est  venu  donner  ici  une  audition  de  ses 
(Euvres. 

MUNICH.  —  L'Opéra  de  Munich  a 
repris  entre  Noël  et  Nouvel  an  la  Jessonda  de 
Spohr,  digne  façon  de  clore  l'année  du  cin- 
quantenaire de  la  mort  d'un  compositeur  trop 
oublié.  On  sait  que  Spohr  a  laissé  de  très 
intéressants  mémoires  de  sa  vie,  qu'on  aurait 
lieu  de  rééditer  à  cette  occasion.  Ils  ont  été 
publiés  à  Hanovre  en  1860-61   en  2  volumes. 

W.  R. 

LONDRES.  —  Au  théâtre.  Pierrot  and 
Pierrette,  opéra  comique,  n'ajoutera  rien  à  la 
renommée  de  M, Holbrooke. Excellente  mise  en 
scène  du  Beethoven  de  Fauchois  à  His  Maje- 
sty's  Théâtre  ;  sir  H.  Beerbohm  Tree  a  été 
tout  simplement  admirable.  Mais  le  grand 
succès  est  pour  l'Oiseau  Bleu  de  Maeterlinck 
habillé  à  l'anglaise  et  avec  musique  de  scène 
de  O'Neill  ;  c'est  une  des  réalisations  les  plus 
artistiques  qui  se  puissent  voir  à  Londres.  Nous 
verrons  si  elle  sera  dépassée  à  Paris  par  Chan- 
tecler. 

Au  concert  le  "  New  symphony  orchestra  " 
dirigé  par  Landon  Renald.  Deux  œuvres 
nouvelles  de  Georg  Schumann  ne  nous  ont 
rien  révélé  de  nouveau,  non  plus  que  The  Maid 
of  Astolat  poème  symphonique  d'inspiration 
tennysonienne  de  M.  J.  Davis.  Miss  Viola 
Tree  a  fait  un  début  de  beaucoup  de  goût 
dans  Louise.  Au  Bechstein  Hall,  la  Société 
des  Concerts  français  a  pleinement  réussi  avec 
deux  auditions,  l'une  consacrée  à  d'Indy  et 
A.  Magnard,  l'autre  à  R.  Hahn,  Inghelbrecht 
et  F.  Schmidt.  Pour  interprètes  :  Blanche 
Selva,  Engel  et  Mme  Bathori,  Mme  Wurmser- 
Delcourt. 

La  "  Queen's  Hall  Choral  Society  "  a 
donné  une  bonne  audition  de  la  Bonduca  de 
Purcell,  sorte  de  musique  de  scène,  qui  avait 
été  pour  la  circonstance  arrangée  en  suite  d'or- 
chestre,De  même  une  autre  œuvre,"The  Wed- 
ding  of  Shon  Maclean  ",  très  moderne  et  très 
écossaise  avait  été  arrangée  par  Hubert  Bath 
et  a  fort  plu. 

La   symphonie  de  Dukas    et    son  Apprenti 


14 


L'ACTUALITE    xM  U  S  I  C  A  L  E 


Sorcier,  quasi-classique  à  Londres,  ont  été  joués 
au  Queen's  Hall  par  H.  Wood.  De  Paderews- 
Icy  la  nouvelle  symphonie  bruvante  et  diffuse 
ne  m'a  guère  ravi.  Elle  symbolise  la  révo- 
lution polonaise  de  1863,  et  contient  des 
marches  militaires,  du  canon  et  du  tonnerre 
(réalisé  par  un  instrument  nouveau  le  tonitru- 
one).   Tout  cela  est  plein  de  bonnes  intentions. 

A  signaler  quatre  récitals:  celui  de  MlleSelva, 
celui  de  Mlle  Teyte,  celui  de  Miss  Stuart, 
et  enfin  celui  de  Miss  Mary  Cracfort  consacré 
à  Debussy  naturellement,  puisque  celui-ci 
représente  de  plus  en  plus  à  Londres  la  musique 
française.  A  cette  audition  M.  Boulestin  prit 
la  parole  pour  parler  du  sentiment  de  la  nature 
chez  Debussw 

La  critique  s'agite.  Le  Times  avait  écrit  : 
"  que  la  Qeen's  Hall  était  rempli  par  les  ad- 
mirateurs de  Mme  Clara  Batt,  venus  là  pour 
applaudir  une  chanteuse  et  n'appréciant  pas  à 
sa  valeur  la  symphonie  de  Dukas.  "  Le  mari 
de  ladite  chanteuse,  M.  K.  Rennford,  rencon- 
trant à  quelques  jours  de  là  le  critique  du 
Times  dans  un  couloir  se  précipita  sur  lui  la 
canne  levée.  D'où  bataille,  procès  et  innom- 
brables commentaires  dans  la  presse  sur  les 
droits  de  la  critique. 

X.  M. 

VIENNE.  —  J>a  vie  musicale  subit  en  ce 
moment  à  Vienne  un  véritable  malaise.  Cha- 
cun le  constate  sans  en  trouver  le  remède.  Au 
théâtre,  hors  le  Harbier  de  Bagdad,  rien  à 
signaler. 

Le  quatuor  de  Bruxelles  a  donné  avec 
succès  le  quatuor  de  Ravel.  M.  Gustav  Mahler 
écrit  quelques  duos  sur  des  traductions  de 
Confucius.  H.  Loewy,  le  très  subtil  trans- 
cripteur  pour  piano  du  quatuor  de  Debussy, 
écrit  avec  GrctaWiesenthal,  l'une  des  soeurs  ap- 
plaudies récemment  à  Paris  un  "  Tan/poem  " 
qui  sera  représenté  à  Berlin.  Arnold  Schoen- 
berg,  dofit  le  quatuor  vous  sera  bientôt  révélé 
par  Parent,  termine  un  "  Monodrame  "  pour 
voix  de  femme  et  orchestre,  d'un  goût  tout  à 
fait  impressioruiiste.  Knfin  une  nouvelle  revue 
musicale  "  Der  Merker  "  a  fait  son  apparition 
et  s'est   de  suite  classée  comme  une  des  meil- 


leures que  nous  ayons.    Elle    est    dirigée  par 
Batka  avec  des  tendances  très  modernes. 

E.  W. 

OVIEDO.  —  La  Société  Philharmonique 
\  ient  de  nous  donner  successivement  le  Trio 
Chaignau,  Mme  Landowska,  Louise  Debogis 
et  Harold  Bauer  ;  enfin  un  espagnol  M.  F. 
Bordas  professeur  du  Conservatoire  de  Madrid 
et  excellent  \ioloniste. 

PRAGUE.  —  L'académie  tchèque  Fran- 
çois Joseph,  composée  de  quatre  classes,  a  dans 
sa  séance  solennelle  du  6  Décembre  au 
Panthéon  et  Musée  National  de  Prague, 
affecté,  ainsi  que  toutes  les  années,  un  grand 
nombre  de  prix  aux  principaux  travaux  d'art, 
de  littérature,  de  sciences  et  de  musique, 
exécutés  ou  parus  dans  le  courant  de  1909. 

Voici,  d'après  les  Narodni  List\\  ceux  de  la 
section  de  Musique. 

2000  couronnes  à  M.  Otakar  Ostrcil  pour 
son  Opéra  Kunalov\  oci  (les  \'eux  de  Kunalti). 
Et  voici  désormais  clos  l'incident,  pendant 
entre  M.  Ostrcil  et  l'Académie  depuis  la 
séance  de  1907,  après  laquelle  on  se  rappelle 
que  le  compositeur  refusa  les  quelques  cent 
couronnes,  dont  on  prétendait  récompenser 
sa  symphonie  en  /«,  tandis  que  V Âsraël  de 
M.  Suk  décrochait  le  prix  de  2000  couronnes. 
M.  (ostrcil  ne  put  admettrequeson  (cuvre  parut 
manifestement  intérieure  à  celle   de  st)n  rival. 

Le  deuxième  prix  de  800  couronnes  va  à 
IVL  Jan  Kunc  pour  un  quatuor  op  9.  l^e 
troisième  de  500  ne  trouve  pas  de  titulaire 
mais  est  alloué  sous  forme  de  subvention  à  M. 
Rudolf  Karcl  pour  son  Opéra  Iheino  snLe  (le 
cœur  frils^f).  300  couronnes  aideront  M.  M. 
Otakai  Zich  et  Vacla\  Stop:in  à  continuer 
leurs  études  musicales. 

Les  1000  couronnes  décernées  en  souxenir 
des  soixante  ans  de  règne  de  l'Empereur  Fran- 
çois vont  à  l'itnix  re  du  iumpositcur  inorave 
Josef  Nesvera. 

En  outre  1 000  cnurc^nu-s  vont  à  lu  Phil- 
harmonie tchèque;  400  à  M.  Josef  Kouba  poui 
une  sonate  de  violon  et  de  la  musique  pour 
piano;  enfin  200  couronnes,  ihi  fonds  Clemcn- 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


^5 


tine  Kalasova  destiné  aux  jeunes  compositeurs, 
récompense  un  quintette  en  la  mineur,  les 
Impressions  hitnnes  et  Paysages  de  M.  Em.  Jaros. 

On  commence  à  se  préoccuper  de  la  repré- 
sentation de  Boris  Godounof  z.\\  Narodni  Divadlo 
{Théâtre  National).  Le  grand  quotidien  tchèque 
Narodni  Listy  entreprend  une  vigoureuse 
campagne  pour  que  l'on  adopte  la  version  ori- 
ginale de  Moussorgski  ovi  que,  du  moins,  l'ordre 
original  des  scènes  soit  rétabli.  C'est-à-dire  que 
\t  drame  finisse  sur  le  tableau  de  la  grand 
rovite  avec  les  lamentations  de  l'innocent. 

Le  même  {Théâtre  National)  vient  de  re- 
prendre l'un  des  premiers  opéras  de  Dvorak  le 
Jacobin.  An  mois  de  janvier  on  remet  en  scène 
Eva  de  Foerster. 

Le  1 1  janvier  au  Narodni  Dum  {Maison 
Nationah^  de  Smichow,  l'une  des  villes  dont  se 
compose  Prague,  la  Société  Artistique  tchèque  a 
consacré  une  soirée  à  l'œuvre  pour  piano  du 
compositeur  Josef  Suk,  qui  y  a  exécuté  trois 
cycles  de  ses  œuvres  intimes  les  plus  poétiques. 
On  sait  que  M.  Suk,  gendre  de  Dvorak, 
second  violon  du  Quatuor  bohème^  est  le  plus 
avancé  des  jeunes  compositeurs  tchèques  dans 
les  voies  modernes.  W.  R. 

MOSCOU.  —  Nous  sommes  menacés 
d'une  avalanche  de  concerts  !  Moscou  peut  de 
plus  en  plus  passer  pour  un  centre  musical 
d'une  haute  importance.  Les  concerts  Sym- 
phoniques  annoncés  pour  la  saison  arrivent  à 
près  de  cinquante  !  Le  premier  a  été  celui 
d'une  série  historique,  dirigée  par  Serge  JVas- 
silenko^  et  dont  les  prix  d'abonnement  très 
modérés  ont  attiré  un  public  nombreux.  On  a 
commencé  par  Bach,  Couperin  et  Rameau  ;  on 
arrivera  aux  modernes  vers  la  fin  de  la  saison. 
Les  concerts  ont  lieu  dans  l'après-midi  du 
dimanche  et  la  jeunesse,  en  vacances,  leur  fait 
un  accueil  enthousiaste. 

Les  concerts  Symphoniques  de  Serge  Kus- 
sevitski  forment  la  nouveauté  attrayante  de  la 
saison  :  orchestre  nombreux,  programmes 
variés,  solistes  de  premier  ordre.  L'orchestre 
sous  la  baguette  du  fameux  contrebassiste  se 
montre  ferme.  Oscar  Fried  viendra  le  rempla- 
cer pour  quelques  concerts. 


La  Société  de  Musique  Russe,  dont  le  fon- 
dateur est  Arc.  Kerzine  et  qui  vient  d'entrer 
dans  la  14""'  année  de  son  existence,  nous 
apporta  dans  son  dernier  concert  une  compo- 
sition nouvelle,  une  Suite  pour  violon  et 
Orchestre  l'Op.  28.  de  Serge  Taneiew^  com- 
positeur connu  par  son  goût  classique,  sa 
science  du  contrepoint,  et  l'éclat  de  son  har- 
monie. C'est  une  œuvre  de  longue  haleine, 
dont  l'exécution  a  duré  près  d'une  heure.  Le 
violoniste  Sibor,  pour  lequel  cette  Suite  a  été 
écrite,  la  joua  en  manuscrit. 

La  Société  Philharmonique  a  de  grands  noms 
à  montrer  :  W.  Safonoff,  W.  Mengelberg, 
F.  Mottl,  Zilotti,  Arthur  Nikish,  G.  Thibaud, 
Hubermann,  Litvinne,  Pugno,  etc. 

La  Société  Impériale  de  Musique  \ient 
d'entrer  dans  la  cinquantième  année  de  son 
existence.  Mich.  Ippolitov-Ivanov,  Em.  Kou- 
per,  K.  Glazounov  en  sont  les  chefs  d'or- 
chestre. G.  Enesco,  S.  Gerardy,  J.  Hofmann 
.  ont  figuré  comme  solistes.  Le  Concert  du  4 
Décembre  (21  Novembre  style  russe)  a  été 
entièrement  réservé  à  César  Cui,  qui  vient 
aussi  de  célébrer  les  cinquante  ans  de  son 
activité  musicale. 

Son  Scherzo  Op.  I  qui  figurait  au  pro- 
gramme, avait  été  exécuté  pour  la  première 
fois  le  14  Décembre  1859.  Comme  solistes 
A.  Katschenowski,  A.  Bogdanovitsch  (ténor) 
et  B.  Sibor. 

César  Cui,  présent  au  concert,  a  été  chaleu- 
reusement applaudi  par  les  artistes  et  le  public. 

A  l'opéra,  la  saison  a  été  ouverte  au 
Théâtre  Solodownikov  par  la  toute  pre- 
mière représentation  en  Russie  des  "  Meister- 
singer  "  avec  d'admirables  décors  de  Pierre 
Olénin;  puis  la  première  du  dernier  Opéra  de 
Rimski  Korsakov  "  Le  Coq  d''or  "  œuvre  sati- 
rique et  frondeuse  à  laquelle  la  censure,  avant 
de  donner  son  autorisation,  a  créé  mille 
difficultés.  Des  changements  de  paroles,  de 
mise  en  scène  ont  été  exigés  etc.  Le  Tsar 
Dodon  est  devenu  un  simple  voivode  (gou- 
verneur de  province).  L'appel  du  Coq  ! 
"  RègnCy  couché  sur  le  dos  !  "  a  dû  être  changé 
etc.  etc.  Et  quant  même  la  satire  est  restée 
ingénieuse  et  acharnée. 


i6 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


On  a  eu  la  surprise  inattendue  de  voir  le 
même  Coq  cCor  à  l'Opéra  Impérial  avec  Mme 
Nechdanova.  Enfin  Nikish  nous  gratifia  d'une 
représentation  de  Lohengrin  qui  fut  un 
événement, 

Ellen  von  Tidebôhl. 

VARSOVIE.  —  Octobre-Novembre.  —  La 
vie  musicale  de  notre  ville  a  subi  un  grave 
changement  au  commencement  de  cette 
saison.  La  Société  de  la  Philharmonie  ne 
pouvant  subvenir  plus  longtemps,  à  l'entre- 
prise des  concerts  et  en  même  temps  à  celle 
de  l'Opéra,  se  vit  obligée  de  fermer  ses  portes. 
A  ce  moment  vraiment  critique  pour  l'or- 
chestre et  pour  notre  musique  symphonique 
en  général  s'est  trouvé  un  homme  :  le  prince 
Ladislas  Lubomirski  —  musicien  et  composi- 
teur —  qui  s'est  chargé  de  prendre  à  ses  frais 
l'orchestre  (70  musiciens)  et  une  série  de 
concerts  symphoniques  à  la  salle  de  la  Philar- 
monie.  M.  G.  Fitelberg  un  jeune  mais  émi- • 
nent  chef  d'orchestre  fut  nommé  directeur 
artistique  de  l'entreprise  ;  une  série  des  con- 
certs sera  dirigé  par  M.  Henri  Opiénski. 

Le  premier  concert  (le  1 5  octobre)  a  été 
consacré  à  la  mémoire  de  notre  estimé  com- 
positeur Sig.  Noskowski  mort  au  mois  de 
juillet. 

Au  premier  concert  d'abonnement  nous 
avons  entendu  Joseph  Hofman  (concertos  de 
Beethoven  en  sol  maj.  et  de  Liszt),  au  second 
le  deuxième  acte  de  Tristan  et  Yseult  inter- 
prété par  Mme  Félicie  Kaszow^ka  (esquise 
Yseult)  et  le  Dr.  Briesemeister,  au  troisième 
Kubelik  (toujours  le  même).  Dans  les  con- 
certs symphoniques  Fitelberg  a  dirigé  pour 
la  première  fois  à  Varsovie  "  Wallenstein  " 
de  d'Indy,  "  L'île  des  morts  "  poëme  sympho- 
nique de  S.  Rachmaninnoff  (après  Bocklin), 
"  En  saga  "  de  I.  Sibelius. 

Dans  le  concert  consacré  aux  compositeurs 
français  sous  la  direction  de  M.  Opiénski,  on 
a  exécuté  les  œuvres  de  Bizet,  d'Indy, 
Bruneau    et    Chabrier  ;      le    premier    concert 


historique  de  la  société  de  musiqvie  (aussi  sous 
la  direction  de  M.  Opiénski)  a  présenté  des 
œuvres  de  Bach  (concerto  pour  trois  pianos) 
et  de  Haendel.  La  section  de  la  S.  I.  M.  se  réunit 
tous  les  quinze  jours  ;  on  y  a  exécuté  les 
œuvres  de  Fasch,  Stamitz  et  P.  E.  Bach 
(Collegium  musicum  de  Riemann)  les  œuvres 
de  Dengoraj  et  autres.  H.    O. 

CONSTANTINOPLE.  —  Parmi  les 
concerts  qui  ont  eu  lieu  à  Constantinople 
dans  le  courant  du  mois  dernier,  il  en  est  trois 
particulièrement  intéressants.  Jacques  Thi- 
baud,  vm  des  purs  maîtres  de  l'archet,  s'est 
fait  entendre,  avec  le  pianiste  Georges  de 
Lausnay. 

Puis,  le  jeune  ^'ioloncelliste  arménien,  Diran 
Alexanian,  un  enfant  de  Constantinople,  dans 
deux  concerts  qu'il  vient  de  donner,  avec  le 
concours  du  compositeur  Jean  Huré. 

Nous  avons  recueilli  dans  la  Sonate,  en 
fa  dièze  mineur^  pour  piano  et  \'ioloncelle  de 
Jean  Huré,  des  impressions  quelque  peu  rebelles 
à  l'analyse,  mais  que  nous  tenons  à  exquisser 
en  raison  du  caractère  intéressant  de  cette 
œuvre.  M.  Hviré  nous  paraît  trop  indépendant 
pour  se  réclamer  d'une  école.  Mais  nous  le 
classerions  volontiers  dans  le  groupe  de  Claude 
Debussy,  que  nous  admirons,  d'ailleurs,  vive- 
ment. La  Sonate  de  M.  Huré  révèle  moins 
une  idée  d'ensemble,  une  conception  pour  ainsi 
dire  architecturale,  qu'un  travail  de  ciselure, 
très  fouillé  par  endroits.  Les  idées  y  sont 
entrecoupées,  mais  constamment  renaissantes. 
A  travers  un  fourmillement  de  dissonances, 
tour  à  tour  étranges,  attachantes,  charmeresses, 
crispantes,  nous  percevons  une  sorte  d'impres- 
sionnisme musical.  Sensations  de  fluide,  sensa- 
tion de  r  "  impondérable.  " 

Mentionnons,  enfin,  tout  le  bien  que  nous 
pensons  du  jeune  violoniste  hongrois  Franz 
von  Vecsey.  Personnellement,  nous  sommes 
prévenu  contre  les  petits  prodiges.  Cependant, 
nous  admirons  sans  réserve  ce  virtuose  techni- 
cien stupéfiant.  Tigrane  Tschaïan. 


Jour   i. 


 


Nuit 


LE   PETIT  CONSERVATOIRE 


Chaque  Novembre,  un  peu  avant  neuf 
heures  du  soir,  la  cour  de  la  Mairie  Drouot 
"s'emplit  d'une  petite  foule  d'aspect  variable, 
selon  que  la  nuit  est  neigeuse,  pluvieuse,  ou 
comme  celle-ci,  très  froide  et  zébrée  d'un 
violent    clair    de    lune..    Devant    un    solennel 


M.    ISNARDON'. 


sergent  de  ville,  planté  en  haut  de  trois  mar- 
ches, que  peut  donc  attendre  cette  petite  foule? 
Tout  simplement  que  le  sergent  de  ville  ouvre 
la  porte  et  laisse  monter  dans  la  salle  des  Fêtes 
où  a  lieu  l'examen  d'admission  au  cours  gratuit 

de  chant  de  M.  Jacques  ISNARDON 

Que  l'on  ne  s'effraie  pas!...  M.  Jacques 
Isnardon  n'est  nullement  le  grand  Pourvoyeur 
du  cabotinisme,  cette  guillotine  des  dévoyés. 
Non.  Cet  éminent  artiste  veut  tout  simple- 
ment apprendre  à  la  jeunesse  qu'il  existe  une 
musique  autre  que  celle  miaulée  au  coin  des 
rues,  et  comment  il  faut  chanter  cette  bonne 
musique.  Sans  doute,  si  dans  le  grand  nombre, 
un  organe  et  un  tempérament  apparaissent,  le 
professeur  les  dégrossit,  les  développe.  Ainsi, 
ne  débauche-t-il  pas  le  tapissier  ou  la  couturière, 
mais  il  les  place  dans  une  voie  qui  est  la  leur, 
et  où  —  les  exemples  ne  manquent  pas  —  ils 
réussissent  brillamment. 


Neuf  heures..  La  salle  bruit,  s'em.plit.  Des 
bavardages,  des  mains  qui  remettent  en  place 
des  cheveux  rebelles.  Des  blancheurs  de  hou- 
pettes.  Des  serrements  de  mains.  De  petits 
groupes  qui  se  forment  par  zones  d'amitié  ou 
de  sympathie. 


i8 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


Grandeurs,  petitesses,  grosseurs,   maigreurs, 

chairs   blanches  et   teints   bistrés Surtout 

des  femmes.  Des  chignons  roux,  des  bandeaux, 
bruns,  blonds.  Des  robes  de  deux  louis,  qui 
vous  ont  des  airs  de  grande  couture.  Venues 
de  tous  les  coins  de  Paris  des  gentillesses,  des 
élégances,  du  charme  et  même  des  beautés. 
Dix-huit,  vingt,  trente  ans.  Aurores,  petits 
matins,  matinées  de  la  jeunesse  !... 

Voilà  que  lui  aussi  le  jury  fait  son  appari- 
tion et  s'assied  en  avant,  dans  la  partie  réservée 
devant    l'estrade,    autour    du    piano  ;  sur   les 


"  Ralliez-voui  a  mon  face  à  main  "  ?  Mademoi- 
selle Hatto  !... 

—  Et  ce  Monsieur  avec  un  binocle  gros 
comme  une  petite  bicyclette,  un  beau  gilet  de 
velours  noir,  et  qui  ressemble  au  père  NoCl,  ou 
encore  à  M.  Dujardin-Beaumetz  ? 

—  Malheureuse  enfant  !  Tant  qu'il  vous 
plaira,  dites  que  M.  Raoul  Pugno,  est  le 
Tivant  portrait  du  père  Noël,  mais  n'insinuez 
jamais  qu'il  est  celui  du  père  —  pardon  !  de 
M.  Dujardin-Beaumetz...  —  il  ne  vous  le 
pardonnerait   pas!  D'ailleurs   pour   éviter    des 


Ils  n'okt  pas  l'air  rosse... 


petites  tables  revêtues  pour  la  circonstance,  de 
classiques  tapis  verts  et  où  il  va  prendre  ses 
notes  avec  conscience  et  bonne  humeur. 

—  Ils  n'ont  pas  l'air  rosse 

Impression  que  donne  à  sa  voisine  une 

blonde  enfant,  qui  tout  à  l'heure  va  se  révêler 
future  Du  gazon.. 

—  Qui  est-ce  celui-là  ?  qui  a  les  cheveux  en 
brosse,  dt-  grandes  oreilles,  un  grand  nez,  une 
petite  moustache,  une  belle  cravate  grise  ? 

—  M.  Chevillard,  Mademoiselle  !.. 

—  Cette  dame  qui  a  de  si  beaux  yeux, 
paraît  si  aimable  et  qui  insiste  pour  que  la 
grosse  (lame  placée  à  sa  droite,  retire  sa  four- 
rure, qui  en  effet,  doit  lui  tenir  bien  chaud. 

—  Près  de  cette  danic,  dont  le  toquet 
s'orne  d'un  panache  blanc,  et  {|ui  a\ec  ses 
lunettes  de    luxe,  semble    nous  n  idiiim.uulcr  : 


désagréments  qui  pourraient  être  la  consé- 
quence de  vos  comparaisons  pittoresques,  ne 
me  questionnez  plus.  Je  vais  vous  renseigner 
de  moi-même.  Voilà  Madame  Isnardon,  cette 
dame  dont  le  charme  exotique  doit  \ous  faire 
penser  :  "  Est-ce  une  espagnole  qui  a  grandi  au 
Japon^  ou  une  Japonaise  qui  a  fait  sa  croissance 
en  Espagne?  ^\...  Près  de  moi?  ce  monsieur 
qui  fait  songer  à  un  gros  chat  ?  M.  Vidal,  un 
des  grands  chefs  d'orchestre  de  l'Opéra,  qui 
pour  ce  soir  a  confié  son  bâton  a  un  petit 
extra:  M.  Messajier....  Ce  bon  visatie  enlu- 
miné,  où  pétillent  des  yeux  malicieux,  ce  nez 
flaireur  et  cette  bouche  gourmande  ?  Le  ro- 
main ier  Auguste  (jermain,  le  Jean  Veber,  le 
peintre  à  la  |iliniie  des  ciioses  et  des  gens  de 
théâtre.  Près  de  lui,  l'air  triste,  M.  Gaubert, 
un     chef     choriste    île     l'Opéra.      I.à-b.is,    ce 


l'actualitp:  musicale 


^9 


Monsieur  au  tient  de 
fomaiiichell  et  qui  exa- 
mine déjà  la  liste  des 
concurrents  ?  Le  com- 
positeur Gaston  Paulin.. 
A  qui  les  deux  têtes  de 
ce  conciliabule?  Celle- 
ci  moustache  et  barbe  ? 
Monsieur  Georges  H  lie, 
l'auteur  du  ^^ Miracle''\ 
l'opéra  de  l'an  pro- 
chain. Celle-là  sans 
barbe  et  ornée  de 
moustaches  à  la  Gau- 
loise et  qui  semble 
avoir  fait  sa  chevelure 

d'une  tête  de  loup?    Celle  de  M.  Vuillemin: 

le  handerUlo  attitré  de  M.  Broussan..., 
Ah  !  nous  n'avons  plus  le  temps 

de     continuer.     Arrêtoyis-noui     ici^ 

arrêtons-nous    ici!...'^    M.    Jacques 

gravit  les  marches  de   l'estrade  et 

s'arme  de  son  monocle.  La  séance 

va   commencer.    Mademoiselle,   je 

ne  vous  connais  plus,  je  ne  vous  ai 

jamais  connue,  car  le  saviez  vous, 

moi  aussi,  je  suis  du  jury  !.... 


des  professionnels^  dissimulations  des  âges^  falsifi- 
cation des  états  civils. . . 

Rien  que  cela  !  Mais  alors,  à  quoi  pense 
notre  ministre  de  la  Justice  ?  Quand  va-t-i! 
enfin   lancer   un    mandat  d'amener   contre  ce 


M"'   ISNARDON. 


Curieuse  révélation  !  Après 
un  aimable  préambule  :  re- 
merciements au  jury  et 
bién-venue  aux  candidats, 
M.  Isnardon  nous  apprend 
comment  faire  le  bien  suffit 
à  déchaîner  ces  chiens  en- 
ragés qui  sont  la  bêtise  et  la 
méchanceté  humaines.  C'est 
ainsi  que  donnant  une  bonne 
part  de  son  temps  à  l'œuvre 
des  cours  gratuits,  M.  Jacques 
Isnardon  s'est  vu  l'objet 
d'accusations  variées  :  trafics 
des  livres  de  prix^  tromperies 
sur  les  résultats  de  fin  d'' année ^ 
substitution    des   amateurs  par 


p-^ 


M.    Pu  GNO. 


20 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


ce  maître  chanteur, 
qu'est  M.  Jacques 
Isnardon  r.. 

Avec  facilité,  es- 
prit, et  un  amour 
de  petit  accent  qui 
ne  vient  pas  du 
Nord,  je  vous  en 
réponds,  M.  Jacques 
Isnardon  achève  son 
allocution  fort  ap- 
plaudie.Puis,  crayons 
et  listes  sont  distri- 
bués au  jury,  l'ac- 
compagnateur gagne 
sa  place,  le  tourneur 
de  pages  la  sienne, 
cependant  que  de  sa 
dextre  énergique, 
M.  Jacques  Isnardon 
frappe  trois  coups 
qui  font  tressaillir  la 
sonnette  de  remou- 
leur, qui  est  à  portée 
de  sa  main.  On  va 
commencer.  On 
commence  !... 


M,  G.  Hw.E. 


* 


Sorti  des  premiers  rangs,  voilà  que  se  pré- 
sente un  petit  homme  rond  de  visage,  carré 
d'épaules  et 
arqué  de  jam- 
bes. Sans  hé- 
sitation, avec 
un  superbe 
aplomb,  il  fait 
le  geste  d'écar- 
ter piano  et 
pianiste,  et  s'é- 
crie avec  un 
beau  dédain  : 
"/'rt//>flj  hrsoin 
^'^v/".P^t  d'une 
voix     à     crier 

"  J\ji     de     la  - 

belle  hollande  "  M.  PAt;i.iN. 


il  nous  affirme 
qu'il  aime  le  son 
du    cor^  le  soir  au 

fond  des  bois 

M.  Jacques  Is- 
nardon veut  ou- 
vrir l'examen  en 
gaîté.  Il  laisse 
donc  aller  tout  du 
long  celui-là  qui 
aime  le  son  du 
cor.  Mais,  quand 
salle  et  jury  sont 
prêts  à  pleurer  de 
rire,  M.  Jacques 
Isnardon  termine 
ce  numéro,  par 
un  tintement  de 
sonnette  impéra- 
tif et   pitoyable  : 

— Merci  M on- 
sieur  /. . . 

Combien  ex- 
pressifs, ces  *■'' mer- 
ci Monsieur^  merci 
M ademoiselle  "  et 
ces  coups  de  son- 
nette interrup- 
teurs, retentissant 
tour  à  tour  en 
funèbre 
bateur. 


M.    Pl-tîlT 


glas,    ou;encarill(Mi   joyeux  et  appro- 


V- 


:    "  Drc lin.... 

Drc Un.  Ouille  pan 

x^^.  if^X-^  //(•  .'     C'est     navrant 

«V\\/ 


M.    Vl  ll.l.KMIN. 


Drelin,       drr/in. 
Brav(^  !     Honnc    petite 
voix  ! 

Bandeaux  sombres, 
regard  fatal,  bras  cioisés 
sur  la  poitrine  bien 
offerte,  taille  cambrée, 
jarrets  tendus,  petits 
pieds  gainés  ti'escarpins 
vernis  à  boucles  d'acier, 
si  ce  n'était  en  plus 
ce  diable  de  grand  bo- 
livar  traversé  de  mcur- 


L'ACTUALITEMUSICALE 


21 


trières  épingles,  longues  comme  des  javelots, 
ne  jurerait-on  pas  que  cette  jeune  interprète 
de  Gluck,  est  la  farouche  espagnole  du  tableau 
de  Falguères,  Eventail  et  poignard  ? . .. 

—  Divinités  du  styx  !... 

Tudieu,  quelle  vigueur  dans  l'entrée,  quelle 
voix  sonore  et  bien  disante.  A  vous  Mademoi- 
selle le  royal  coup  de  sonnette  !... 


air  modeste  et  consciencieux  —  une  bonne 
petite  voix.  —  Cette  jeune  enfant  a  séduit  le 
jury.  En  jetant  un  paternel  coup  d'oeil  à  sa 
jupe  d'écolière,  M.  Pugno  déclare  quelle  ne 
marchera  pas  mal Allons  tant  mieux  ! 

—  C'étaient  trois  hussards  de  la  garde  qui 
revenaient  en  congé 

Ce    Monsieur,  qui   avec  sa  petite   taille  ne 


.^U 


Toupet   à   la   Mayol   surplombant   la 

peau  très  mobile  du  front  ridé,  sourcils  en 
accent  circonflexes,  bouche  grimaçante,  voici 
le  monsieur  à  "  F  Africaine  ". 

—  Ah  !  ne  t'éveille  pas  encore 

Soixante-huit  saisons.  Des  cheveux  qui 
folâtrent,  un  nez  à  la  Yvette  Guilbert,  des 
mains  qui    caressent   le  tour  de   cou,  un  petit 


devait   évidemment   posséder  qu'une   voix  de 

basse taille,   ne    pouvait    choisir    chanson 

plus  appropriée  à  sa  personne.  En  effet,  son 
blair  d'artilleur  nous  semble  très  familiarisé 
avec  les  choses  militaires,  qu'il  chante  d'ailleurs 
avec  beaucoup  de  force  et  de  couleur.  Encore 
une  recrue  pour  M.  Isnardon  !... 
—  La  Valse  des  cent  Vierges. 


22 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


Mais  oui,  cette  demoiselle  qui  croise  genti- 
ment les  mains  sur  son  abdomen,  et  dont  les 
cheveux  sont  coiffés 
d'un  gracieux  poiluchon 
orné  de  petites  plumes 
à  la  Méphistophélès 
va  nous  la  chanter.  Elle 
nous  la  chante.  Quel 
succès  !  M.  Isnardon 
fredonne,  le  jury  fre- 
donne, la  salle  fre- 
donne !  Ah  !  le  coup  de 
sonnette  !  il  était  temps! 
Une  minute  de  plus, 
et  la  salle  des  fêtes 
de  la  rue  Drouot  était 
transformée  en  salle  de 
bal. 

Qui  expliquera  la 
toute  puissance  des  val- 
ses du  second  empire  ?... 
Attendez  un  peu, 
voici  un  jeune  homme 
qui  va  calmer  cette  ex- 
traordinaire agitation. 
/  Qu'il  est  triste  ce  jeune 
homme,  avec  sa  sil- 
houette de  "  saule  pleu- 
reur ".  Ce  jeune  homme 
à  la  chevelure  partagée 
d'une  raie  impeccable, 
et  dont  les  mèches  bien  lasses  retombent 
presque  jusqu'aux  yeux,  atones,  implorants, 
on  dirait  prêts  à  s'emplir  de  larmes.  Ce  jeune 
homme  a  naturellement  un  grand  ne/.  —  un 
nez  de  basse  ;  c'est  comme  un  fait  exprès, 
toutes  les  basses  ont  des  grands  nez.  Un 
grand  nez  qui  a  l'air  d'un  éteignoir  au-dessus 
de  la  bouche  amère  et  désabusée.  Type  ac- 
compli de  l'amateur  mondain,  le  voilà  qui  nous 
distille  du  bout  des  lèvres  et  si  l'on  peut  dire  : 
au  compte  gouttes,  les  strophes  d'un  poème 
écrit  sur  un  rythme  de  valse  lente  :  Les 
chrysanthèmes  : — 

—  Drr //// /);y lin.  !  Alnci  Mou- 

sieur  ! 

Ah  !    Monsieur    Isnardon,    pour    ce    jeune 
homme  aux  chrysanthèmes,  que-  votre  sotuiette 


a  donc  tinté  funèbrement,  et  que  votre  merci 
Monsieur.,  nous  a  versé  dans  le  dos,  la  douche 
du  grand  frisson  !.. 

Le  chanteur  aux  chrysanthèmes,  termine  la 
séance,  durant  laquelle  on  put  entendre  quel- 
ques soixante-dix  chanteurs  et  chanteuses, 
dont  nous  n'avons  pu  noter  ici  qu'un  nombre 
trop  restreint.  Que  de  "  Manon  "  de  "  Mi- 
gnon "  de  "  Prophète  !  "  Mais  surtout,  que  de 
"  Lakmè  ".  Tant  et  tant  que  devant  leur 
répétition  un  vrai  pari  mutuel  s'engage  parmi 
le  jury.  Nous  serions  bien  étonnés  si  la  pro- 
chaine fois,  le  sympathique  inspecteur  des  jeux, 
M.  Soullière  ne  faisait  pas  son  apparition  à  la 
mairie  Drouot. 

Pour  être  en  majorité,  les  opéras  célèbres 
n'ont  pas  accaparé  tout  le  programme.  A  côte 
des  opéras  et  des  ren- 
gaines, très  rares,  il  faut 
bien  le  dire,  nous  avons 
écouté,  de  tendres  mé- 
lodies, des  airs  très 
vieux,  et  peu  connus. 

Chose  curieuse,  ce 
ne  sont  pas  les  toutes 
jeunesses  qui  affec- 
tionnent les  grands  airs 
d'opéra,  mais  les  autres,  ç^ 
celles  de  vingt-cinq,  \_~. 
vingt-huit,  trente  ans, 
les  jeunes  filles  qui 
pourraient  être  des 
jeunes  femmes,  qui  sont 
les  ferventes  de  Schu- 
mann,  île  Schubert,  de 
toutes  les  Rêveries,  de 
toutes  les  Mélodies, 
qu'elles  choisissent,  on 
dirait,  comme  accom- 
pagnement à  leur  mé- 
lancolie d'êtres  qui 
n'ont  pas  connu  encore 
les  joies  et  les  douleurs 
de  l'Amour. 

A    cette    soirée,    du 
Petit  Conservatoireyinni^ 

avons  observé  une  de  celles-là  qui,  non  point 
faite    pour   les    b.itaillcs    de   la   vie,    mais  tout 


/VK 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


23 


simplement  pour  mener  une  existence  pai- 
sible, (aimer  et  être  aimée),  nous  a  paru,  avec 
son  allure  un  peu  grave  des  êtres  déjà  résignés, 
porter  tout  le  poids  d'un  cœur  solitaire.  Ses 
cheveux  étaient  blonds,  longs,  soj^eux  et  drus. 
Ses  jeux  très  beaux,  sa  bouche  épaisse  et 
voluptueuse.  Pauvre  belle  jeune  fille,  arrivée 
à  ce  moment  terrible  où  il  est  encore  très  tôt, 
mais  où,  pour  entreprendre  quelque  chose, 
iî  est  déjà  presque  trop  tard  !... 


C'est  vous  dont  l'image  m'a  poursuivie  jus- 
qu'au Champagne  de  minuit,  si  gentiment 
offert  par  M.  Isnardon  à  son  jury.  C'est  vous, 
beauté,  charme  et  talent,  vous  mélancolique 
jeune  femme  qu'en  souvenir  j'entendrai  long- 
temps chanter  de  si  déchirante  façon,  "/'//</;>«" 
de  Schubert. 

Pberre  Jobbk-Dwval. 


r^H 


Leçon  d'ouverture 

au   Conservatoire 

LE    9    DÉCEMBRE    1 909 

PAR    MAURICE    EMMANUEL'. 

Monsieur  le  Directeur,  - 
Mon  cher  Maître,  ^ 
Messieurs,  ^ 

En  prenant  la  parole  clans  cette  vieille  et 
chère  Maison  je  veux,  sans  rhétorique,  expri- 
mer ma  reconnaissance  à  ceux  qui  m'ont  élu. 
Avec  une  bienveillance  et  une  cordialité-  qui 
resteront  pour  moi  la  plus  rare  et  la  précieuse 
des  joies,  MM.  les  membres  du  Conseil  Supé- 
rieur m'ont  désigné  au  choix  de  M.  le 
Ministre  de  l'Instruction  publique  et  des 
Beaux-Arts.  Ai-je  besoin  de  dire  que  je  ne 
me  sens  pas  moins  honoré  par  la  sympathie 
de  ces  suffrages  que  par  la  fonction  même  à 
laquelle  ils  m'ont  appelé  r  Comment  expri- 
merai-je  à  mon  maître  Bourgault-Ducoudray, 
qui  m'a  soutenu  de  sa  bonté  et  de  son  influence, 
la  gratitude  profonde  que  je  ressens  pour  lui  r 

Si  grand  que  soit  mon  désir  de  payer  une 
dette  si  grosse,  j'aime  mieux  demeurer  en  reste 
que  de  paraître  vouloir  m'acquitter  avec  des 
mots.  Je  m'en  tiens  à  un  remerGÎment  très 
bref,  ma  cou  molto  senti mento. 

Mon  cher  maître,  si  c'est  pour  moi  un 
grand  honneur  de  vous  succéder,  cet  honneur 
ne  va  pjis  sans  mélancolie  et  sans  suprise.  J'ai 
été  votre  élève  de  1881  à  1886.  L'an  passé, 
sans  savoir  que  vos  leçons  devaient  ûtre  les  der- 

'   La  sténographie  a  laisse  à  ntte  Kçon   d'ouvirturc 
son  caractère  essentiellement  oral. 
^  M.  Gabriel  Fauré. 
^   M.  liourf^ault-Ducoiulray. 
*    Les  ék-ves  titulaires. 


nières  de  \  otre  enseignement  au  Conservatoire, 
et  mû  par  un  ardent  désir  de  retrouver  en  vous 
écoutant  les  impressions  de  ma  jeunesse,  je 
suis  venu  vous  entendre.  Or  rien  n'a  changé 
ici  :  dans  l'antichambre  la  même  table  modes- 
tement se  cache  sous  l'ampleur  du  même 
tapis  vert  ;  le  même  vieux  meuble,  élégant, 
est  coiffé  de  la  même  urne  funéraire,  l'urne 
aux  boules  noires  des  votes.  En  entrant  dans 
la  salle  on  aperçoit  les  mêmes  choses  impé- 
rialement vieillotes  :  les  grandes  orgues,  in- 
strument magnifique,  délices  du  maître  Guil- 
mant  et  de  ses  élèves;  les  banquettes  moelleuses; 
les  baignoires  confortables  ;  les  tribunes  qui 
flanquent  la  loge  de  Madame  Bonaparte,  et 
-auxquelles  il  est  interdit  de  monter,  par 
crainte  d'effondrement.  Tout  cela  était  im- 
muable. 

Vous  non  plus  n'aviez  point  changé.  Ni 
votre  voix,  ni  votre  ardeur  n'a\aient  fléchi. 
Votre  parole  vibrante  et  communicative 
dardait  sur  vos  auditeurs  ses  fusées  et  ses 
pointes  et  exhortait  vos  élèves,  comme  il  y  a 
vingt-cinq  ans,  à  l'indépendance  et  la  dignité. 
Il  faut  croire  cependant  que  le  temps  a  marché 
puisque  par  une  coquetterie  dont  vos  auditeurs 
ne  vous  savent  aucun  gré,  vous  avez  voulu 
faire  valoir  des  droits  certains  à  la  retraite  ! 

Vous  m'avez  défendu  de  vous  louer.  Soit. 
Je  partage  votre  goût  pour  la  simplicité  des 
sentiments  et  du  langage.  Mais  vous  me 
permettrez  de  rappeler  le  plan  de  votre  cours 
afin  que  je  puisse  y  rattacher  le  mien. 

En  un  cycle  de  quatre  années  vous  pré- 
sentiez l'ensemble  de  l'histoire  musicale,  que 
vous  divisiez  en  deux  grandes  périodes  :  celle 
de  la  monodie  pure  ou  de  la  mélodie  prédomi- 
nante et  qui  s'étend  jusqu'au  seuil  de  la 
Renaissance;  et  celle  de  la  polyphonie  "tonale" 
qu'ouvre  le  XV  siècle.  A  partir  du  moment 
où  la  polyphonie  est  constituée  vous  pour- 
suiviez les  destinées  de  l'art  à  travers  la  France 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


25 


seule,  - —  à  notre  pays  tout  honneur  !  —  et 
vous  aboutissiez  à  la  fin  du  XVIIP  siècle  en 
insistant  sur  le  réveil  des  idées  antiques  à  cette 
époque. 

Apres  avoir,  pendant  deux  ans,  fait  con- 
verger vers  la  France  votre  éloquente  dialec- 
tique, vous  consacriez  deux  autres  années  à 
l'étude  des  écoles  de  la  grande  famille  euro- 
péenne, ne  perdant  aucune  occasion  de  vanter 
les  qualités  propres  à  chaque  peuple,  de 
protester  contre  l'internationalisme  musical, 
de  souhaiter  pour  chaque  pays,  à  commencer 
par  le  nôtre,  la  garde  jalouse  de  sa  personnalité 
et  l'emploi  des  trésors  que  lui  fournit  son  art 
populaire.  Tout  cela  dit  avec  une  verve  et  un 
entrain  et  une  originalité  que  vos  désirs 
m'obligent  à  ne  mentionner  que...  pour  mé- 
moire. 

Je  suis  décidé  à  vous  piller.  Je  reprendrai 
pour  mon  compte  l'apologie  de  la  musique 
ethnique,  de  la  musique  "  de  race  ".  Et  je 
vous  suivrai,  non  en  disciple  aveuglé  par 
l'affection,  mais  en  disciple  volontairement  et 
rationnellement  convaincu. 

Et  voici  d'autres  larcins  que  je  commettrai 
sur  vos,  terres,  pour  le  plus  grand  profit  de 
mes  élèves.  La  première  fois  que  je  vous 
entendis  (en  Décembre  1881  !)  vous  exprimiez 
dans  la  leçon  initiale  de  l'année  des  idées  géné- 
rales qui  me  confondirent.  Vous  m'inspiriez 
alors  une  terreur  sacrée.  Ce  jour  là  vous 
protestiez  contre  la  tyrannie  d'uT  majeur,  ce 
monarque  absolu  de  notre  régime  moderne. 
Vous  rappeliez  les  vieux  Modes  oubliés  en 
dépit  de  Jeur  beauté  et  de  leur  robustesse. 
Vous  protestiez  aussi  contre  la  tyrannie  de  la 
barre  de  mesure.  J'ouvrais  de  grandes  oreilles. 
Et  j'aurais  eu  besoin,  après  la  leçon,  de  quel- 
ques explications  supplémentaires.  Mais  je 
serais  mort  plutôt  que  d'adresser  la  parole  à 
un  homme  qui  disait  d'une  voix  véhémente 
et  avec  un  ardeur  passionnée  des  choses  aussi 
terribles.  J'ai  appris  à  connaître  depuis  la 
bonté  qui  se  cache  sous  votre  apparente 
brusquerie. 

Mais  alors  :  attenter  à  la  dignité  d'uT 
MAJEUR,  bousculer  une  échelle  à  laquelle  je 
grimpais  avec   tant  de  sécurité   me  paraissait 


un  crime!  Kt  maintenant  je  suis  décidé  à 
marcher  après  vous,  avec  vous,  à  l'assaut  de  la 
citadelle  où  le  haut  et  puissant  seigneur,  en 
compagnie  de  la  Tonalité,  s'est  installé  de 
manière  formidable.  Non  que  nous  ne  lui 
reconnaissions  des  droits  de  suzeraineté.  Il  les  a 
affirmés  dans  des  oeuvres  si  belles,  l'art  lui 
doit  un  si  splcndide  épanouissement  depuis  la 
Renaissance  que  nous  saluons  en  lui  un  roi 
digne  d'hommages. 

Toutefois  notre  respect  n'ira  pas  sans  exiger 
de  lui  une  charte.  Nous  combattrons  son 
absolutisme  et  nous  réclamerons  pour  les 
Modes  oubliés  le  droit  de  participer  aux  affaires 
musicales,  d'y  devenir  ses  suffragants.  Nous 
lui  imposerons  des  ministres. 

Nous  les  verrons,  ces  vieux  Modes,  comme 
maintes  fois  vous  les  avez  montrés,  pleins  de 
vigueur  dans  l'art  musical  populaire,  dans  l'art 
national  de  divers  pays.  Et  bien  que  ce  ne 
soit  pas  notre  rôle  d'étudier  les  ouvrages  con- 
temporains, nous. nous  réjouirons  d'y  signialer 
d'audacieux  défis  portés  à  ut  majeur  et  qui 
témoignent  que  nous  nous  acheminons  vers  un 
régime  au  moins  constitutionnel.  Nous  n'avons 
pas  le  droit  d'en  demander  davantage.  A  nos 
petits  neveux  de  fonder, s'ils  le  peuvent,  la  répu- 
blique modale  !  Un  cours  d'histoire  ne  doit 
pas  être  tendancieux  et  je  me  garderai  bien  de 
tirer  l'horoscope  de  la  musique.  A  un  reporter 
qui  voulait  absolument  lui  faire  déclarer  ce 
qu'il  pensait  de  l'Art  dans  l'avenir,  Gevaert 
répondit  :  "  Vous  tenez  donc,  mon  cher 
monsieur,  à  imprimer,  sous  mon  nom,  des 
sottises  ?  " 

S'il  vient  à  la  pensée  des  élèves  qui  m'é- 
coutent  que  je  commets  un  oubli  singulier, 
que  je  passe  indûment  sous  silence  l'échelle 
mineure,  ce  Mode  Mineur  qui  coexiste  à  ut, 
je  réponds,  —  ou  plutôt  je  répondrai  dans 
mes  leçons  —  que  nous  n'avons  pas  de  vrai 
mineur,  ni  mélodiquement,  ni  harmonique- 
ment  ;  que  notre  mineur  est  terriblement 
teinté  de  majeur  ;  qu'il  n'est  qu'un  plat  valet 
du  dit  majeur  ;  qu'il  n'est  qu'un  mode  d'uT 
MAJEUR  émasculé.  Et  je  m'efforcerai  d'en 
fournir  la  preuve.  . 


:26 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


Vous  protestiez  aussi,  mon  clier  maître, 
contre  la  tyrannie  de  la  barre  de  mesure.  Vous 
rappelliez  le  temps  où  la  barre  n'était  pas 
inventée  ;  où  l'on  ne  s'était  pas  encore  avisé 
d'enfermer  le  langage  sonore  dans  de  petites 
cases  régulières  ;  où  les  rythmes  se  succédaient, 
non  pas  en  désordre,  mais  dans  une  liberté 
d'allures,  dans  une  variété  de  formules  que 
nous  ne  connaissons  plus.  C'est  l'époque 
hellénique.  Bien  que  les  œuvres  musicales  des 
maîtres  musiciens  de  la  Grèce  soient  anéanties, 
il  nous  reste  de  leur  rythmique  des  traces 
assez  nettes  pour  que  leurs  ouvrages  nous 
apparaissent,  à  cet  égard,  supérieurs  aux  œuvres 
modernes.  Nous  aurons  à  marquer  les  causes 
de  cette  déchéance.  Et  je  crois  bien  que  la 
barre  nous  apparaîtra  comme  l'une  des  prin- 
cipales. Cette  maudite  barre,  créée  par  les 
nécessités  de  la  polyphonie  grandissante,  a 
paralysé  le  rythme  et  pour  longtemps. 

Nous  la  verrons  à  l'œuvre,  avec  sa  commère 
la  carrure,  imposant  aux  plus  grands  maîtres 
une  monotonie  d'allures  contre  laquelle  Bach 
€t  Beethoven  eux-mêmes,  ces  grands  manieurs 
de  rythmes,  n'ont  pas  toujours  regimbé. 

Nous  nous  efforcerons  de  préciser  et  de 
limiter  son  rôle  :  elle  n'est  point  une  auxiliaire 
du  rythme.  Même  elle  entre  souvent  en  con- 
flit avec  lui.  Elle  ne  fait  point  partie  du 
paysage  rythmique  ;  elle  n'est  qu'une  borne 
le  long  du  chemin,  utile,  nécessaire  si  l'on 
veut,  mais  dont  la  légitimité  ne  nous  abusera 
pas.  Et  nous  en  arriverons  vite  à  crier  "  A  bas 
les  temps  forts  !  "  dont  elle  prétend  ôtre  le 
signal. 

Je  viens  d'évoquer  les  échelles  et  la  Ryth- 
mique. Je  leur  emprunterai  deux  exemples 
qui  m'aideront  à  marquer  l'orientation  de  ce 
cours. 

Si  nous  réalisons  l'objet  qu'évoque  le  mot 
"  échelle  "  et  si  nous  construisons  l'échelle 
d'uT  MAJEUR  nous  obtc^nons  un  assez  singulier 
appareil  :  ses  éclu-lons,  inégalement  distants 
les  uns  (les  autres  ont  tout  l'air  de  casse-cou. 
Mais  les  musiciens  les  escaladent  avec  aisance. 

Il  serait,  facile  de  montrer  que  les  Ancietis 
ont  possédé  une  échelle  trjute  semblable,   iniiis 


dont  la  pente  est  autrement  orientée.  C'est 
l'échelle  de  Mi,  le  type  du  mineur  pur,  du 
mineur  intégral.  Elle  a  été  souveraine  durant 
de  longs  siècles  ;  un  peu  moins  tyrannique 
que  la  nôtre  puisqu'elle  accueillait  à  côté 
d'elle  des  échelles  suffi'agantes  :  mais  elle 
avait  pour  elles  quelque  mépris  :  elle  les 
appelait  barbares.  Et  l'on  peut  dire  que  les 
deux  grands  époques  de  la  musique  sont  celles 
du  règne  de  mi  et  du  règne  d'uT. 

Comment  a-t-on  passé  de  l'une  à  l'autre. 
Quand  le  chavirement  s'est-il  fait  r  C'est  assez 
près  de  nous  ;  Attila  et  ses  hordes  n'ont  pas 
réussi  à  détruire  les  antiques  échelles  qui 
gravitaient  autour  de  mi.  C'est  au  Moyen 
Age  que  les  musiciens  se  sont  mis  à  les  se- 
couer avec  une  fureur  croissante. 

Or  ces  deux  échelles  inverses  sont  symé- 
triques. [Démonstration  au  tableau].  Y  a-t-il 
des  raisons,  —  il  doit  y  en  avoir,  —  pour 
qu'elles  se  soient  successivement  emparées  de 
l'hégémonie  r  Et  leur  organisme  interne  n'ex- 
plique-t-il  pas  leur  importance  ?  C'est  ainsi 
que  l'histoire  des  échelles  est  l'histoire  même 
de  la  langue  sonore. 

Moins  heureux  que  les  échelles,  les  Ryth- 
mes n'ont  pas  résisté  aux  invasions  barbares. 
Mais  il  est  plus  juste  de  dire  que  les  barbares 
n'ont  fait  que  consommer  leur  ruine.  Les 
splendides  constructions  rvthmiques  des  Grecs 
s'étaient  écroulées  sur  elles-mêmes  et  déjà  les 
Romains  ne  les  comprenaient  plus.  Fait  re- 
marquable et  qui  montre  combien  durable  fut 
le  prestige,  j'allais  dire  le  mirage  de  l'art 
hellénique  :  le  Moyen  Age  qui  -ue  voyait 
goutte  dans  les  rythmes  des  Anciens  avait 
conservé  leiu'  terminologie  :  hiots  vides  de 
sens  que  les  théoriciens  se  lancent  à  la  figure  et 
qu'ils  jettent  au  nez  du  vulgaire,  comme 
Si^anarelle  jetait  son  latin.  Vous  n'entendez 
pas  la  rythmique  r  —  Molosse,  Antispaste, 
Hacchiaque,  Dochmiaquc...  Or  on  commence 
.1  peine  à  savoir  quelles  réalités  se  cachent 
sous  ces  étiquettes. 

Laissons  les  mots  et  regardons  le>  choso  ; 
empruntons  au  théAtre  antique  une  scène  des 
ClKiéphorcs.  Si  merveilleux  que  soit  l'agence- 
iniiit  d'un  acte  île  Tristan  ou  du  Crépuscule, 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


27 


nous  ne  pouvons  nous  refuser  à  deviner  dans 
la  construction  rythmique  et  lyrique  d'une 
scène  d'Eschyle  un  ensemble  musical  aussi 
sxjmptueusement  réglé.  Que  serait-ce  si  nous 
possédions  les  mélopées  anéanties  et,  j'ajoute, 
si  nos  oreilles  pouvaient  s'helléniser,  de  telle 
sorte  que  nous  fussions  capables  de  goûter  cette 
musique  raffinée,  belle  par  ses  seules  lignes  et 
presque  entièrement  privée  de  couleur  ! 

[Ici  description  (au  tableau)  des  pendants 
strophiques,  des  emboîtements,  des  alternances, 
des  retours  lointains  de  la  mélopée  et  du 
rythme  dans  les  parties  lyriques  chantées, 
des  mesodes  pendant  lesquels  la  voix  parlée 
s'accompagnait  du  jeu  des  instruments.  Con- 
struction splendide  à  travers  laquelle  les 
rythmes  les  plus  variés  se  succèdent  et 
s'enlacent.] 

De  ces  exemples  il  est  permis  de  tirer  cette 
conclusion  que,  aux  deux  bouts   de   l'histoire, 

—  s'il  est  vrai  que  le  temps  ait  des  extrémités, 

—  nous  sommes  en  face  d'un  art  pleinement 
constitué.  Le  nôtre  tend  à  une  polyphonie  de 
plus  en  plus  chromatique.  Celui  des  Anciens 
a  pour  idéal  la  monodie  pure,  isolée  dans 
l'espace  sonore,  belle  par  ses  seules  lignes, 
colorée  de  ses  seuls  reflets.  Si  bien  que  la 
question  peut  se  poser  :  lequel  est  le  plus 
grand  des  deux  ? 

Il  nous  faut  faire  effort  pour  nous  demander 
cela.  Car  la  magie  de  Tristan  nous  ensorcelé. 
Et  à  Dieu  ne  plaise  que  je  cherche  à  ébranler 
une  foi  qui  nous  vaut  ces  extases  !  Mais  il  faut 
que  nous  interrogions  le  passé  :  là-bas,  derrière 
nous,  de  grands  musiciens  ont  peut-être  dit 
d'aussi  grandes  choses,  là-bas  sous  le  règne  de 
Mi,  le  mineur  intégral.  De  ce  qu'alors  la 
mélodie  était  toute  nue,  s'ensuit-il  qu'elle  fût 
moins  belle  ? 

De  sorte  que  si  l'on  fait  la  balance  des  deux 
arts  on  trouve  là  des  richesses  qui  ne  sont 
plus  ici  et  l'on  demeure  incertain  sur  le  bilan 
des  deux  fortunes.  Incertitude  tout  intellec- 
tuelle, parce  que  nous  devons  préférer  à  coup 
sûr  l'art  de  notre  temps,  parce  que  nous 
devons  aimer  la  vie,  la  lutte  dans  notre  milieu 
à  nous.   Mais  incertitude  féconde  en  ce  sens 


qu'elle  stimule  notre  curiosité,  élargit  nos 
idées  et  peut  grandir  notre  idéal. 

Nous  notis  arrêterons  donc,  avec  complai- 
sance, sur  la  période  monodique  de  l'art.  Est- 
ce  à  dire  que  je  vous  exhorterai  à  être  des 
mélodistes  ?  Oui,  et  entendons-nous.  Je  vous 
proposerai  pour  modèles  les  mélopées  antiques 
et  médiévales,  certaines  mélodies  populaires  : 
ce  sont  là  des  formes  d'art  supérieures.  Et  ne 
sommes-nous  pas  à  la  veille  de  voir  la  monodie 
toute  nue  reprendre  à  côté  de  la  polyphonie 
un  droit  à  l'existence  ?  Souvenez-vous  de  la 
chanson  du  matelot  dans  Tristan  et  de  la 
cantilène  du  cor  anglais  ! 

A  étudier  les  belles  fornies  monodiques 
nous  apprendrons  les  formes  essentielles  et 
vraiment  organiques  du  langage  sonore.  La 
mélodie  restera  toujours  la  pierre  rare,  celle 
qu'il  faut  tailler  avec  amour.  D'ailleurs  est-ce 
que  le  chœur  vocal  ou  instrumental  des  Josquin 
des  Bach,  des  Beethoven,  des  Wagner  n'est 
pas  constitué  par  des  lignes  mélodiques  souples 
et  ondoyantes? 

Gevaert  avait  été  enfant  de  chœur  dans 
une  pauvre  église,  privée  d'orgue.  Il  s'y 
trouvait  en  revanche  un  maître  de  chapelle 
amoureux  des  voix  pures  et  des  mélodies 
liturgiques.  L'orientation  de  la  vie  et  des 
travaux  de  Gevaert  est  née  de  cette  circon- 
stance. Sa  géniale  perspicacité  a  été  aiguisée 
par  la  pratique  du  chant  homophone.  Et  ce 
récit,  que  je  tiens  de  lui-même,  est  une  leçon. 

En  vous  prêchant  le  culte  de  la  monodie 
je  reprendrai  encore  une  idée  chère  à  Bour- 
gault-Ducoudray.  J'irai  jusqu'à  ses  consé- 
quences pratiques.  Lorsque  nous  aurons 
analysé  les  rares  restes  de  la  monodie  antique 
et  sa  survivance  dans  les  mélopées  médiévales, 
je  vous  demanderai,  et  dès  nos  premières 
leçons,  de  composer  sur  leur  modèle,  des 
monodies,  riches  si  vous  pouvez. 

Un  peu  plus  tard  je  vous  convierai  à  l'har- 
monisation des  échelles  modales.  Mais  ici 
encore,  entendons-nous.  Ce  n'est  pas  à  un 
placage  d'accords  sous  des  plains-chants  que 
je  vous  exercerai.  Cela  est  simplement  absurde 
monstrueux.  Il  y  a  parmi  vous  des  maîtres  de 
chapelle  en  herbe.  Je  les  conjurerai  de  renoncer 


28 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


à  toute  harmonisation  des  IntroTts^  graduels^ 
versets  aîleluiatiques^  êffertoires^  communions^ 
antiennes  vespérales  ;  car  tout  cela  est  de  l'art 
monodique  qui  exclut  formellement  les  accords. 
Gare  les  paroissiens,  par  exemple  !  Ils  sont 
habitués  à  entendre  ronronner  l'office  à  l'ultra 
grave  avec  renfort  de  l'orgue,  dit  d'accom- 
pagnement, qui  harmonise  au  petit  bonheur, 
cette  basse  obstinée.  Ils  ne  vous  pardonneront 
pas  son  déshabillage.  J'espère  que  vous  n'en 
aurez  cure. 

Nous  harmoniserons  des  textes  de  Tiersot 
ou  d'Expert,  de  vieilles  chansons  de  France 
ou  des  chorals,  souvent  des  chorals  huguenots, 
où  survit  la  modalité  antique,  et  nous  leur 
appliquerons,  comme  on  faisait  au  XVP  siècle, 
l'harmonisation  contrapon tique. 

Nous  essaierons  d'échapper  aux  influences 
de  la  Tonalité  envahissante  à  cette  époque  et 
que  subissaient  les  musiciens  de  la  Renaissance. 
Nous  serons  donc  plus  et  moins  libres  qu'eux, 
—  partant  moins  artistes,  —  mais  il  y  a  des 
heures,  dans  les  études  musicales,  comme  en 
tout  autre,  où  il  faut  être  un  peu  pédant  ; 
quitte  à  le  savoir  et  à  ne  pas  transformer  cet 
effort  d'analyse  scolaire  en  un  procédé  de 
composition  libre.  Et  sur  cette  harmonisation 
je  reprendrai  quelques  unes  des  idées  très 
fécondes  de  mon  maître  Bourgault. 

Il  arrivera  ceci,  Messieurs.  En  vous  plaçant 
dans  un  secteur  musical  autre  que  celui  des 
harmonistes,  vous  emploierez  d'autres  moyens, 
et  vous  serez  étonnés  des  résultats.  Il  pourra 
bien  se  faire  que  nous  prenions  résolument 
parti  pour  des  pratiques  réprouvées  par  les 
harmonistes.  Qu'est-ce  à  tiire  ?  Y  aurait-il 
conflit  entre  vos  maîtres  d'harmonie,  de 
contrepoint,  de  composition  et  moi  ?  Ce  n'est 
pas  impossible.  De  sorte  que  vous  serez 
semblables  au  patient  qui  consulte  deux 
médecins  ;  lesquels  onlonnent  à  leur  client  des 
choses  contradictoires.  Et  votre  embarras  sera 
grand... 

Non.  Ya  voici  le  moyen  de  vous  en  tirer. 
En  écrivant  des  leçons  d'harmonie  ou  de 
contrepoint,  des  fugues,  ayez  vis-à-vis  ile  nos 
maîtres  une  intégrale  soumission.  En  vous 
essayant  à  des  mt)n<idies»  ou  à  des  contrepoints 


en  polyphonie  modale,  honorez  moi  de  la 
même  confiance. 

Je  ne  vous  prêche  point  là  le  sccptisisme  : 
\  os  maîtres  auront  raison  ;  peut-être  que  je 
n'aurai  pas  tort.  Mais  ce  n'est  pas  à  demeurer 
incertains  que  je  vous  convie  ;  c'est  à  trouver 
dans  la  pratique  d'un  style  ancien,  adapté  à 
nos  penchants  modernes,  le  moyen  d'assou- 
plir votre  main  et  de  rajeunir  votre  art. 

Ne  craignez  pas  que  je  vous  noie  dans 
l'archéologie  et  que  je  vous  propose  en  exem- 
ples des  choses  mortes.  Nous  nous  efforcerons 
de  vivre  la  musique,  à  travers  l'histoire,  de 
tirer  de  ses  archives  des  matériaux  utilisable, 
de  reprendre  en  main  des  armes  vigoureuse- 
ment fourbies  par  nos  devanciers.  L'histoire 
peut  enrichir  notre  vocabulaire  sonore  :  nous 
lui  demanderons  de  nous  livrer  toutes  les 
belles  formes  déjà  créées  du  langage   musical. 

On  dit  de  nous,  musiciens,  que  nous  som- 
mes illettrés.  C'est  un  reproche  justifié.  Et 
c'est  un  fait  grave  de  conséquences.  Que  de 
talent  gaspillé  autour  de  livrets  médiocres, 
voire  détestables,  sans  que  le  musicien  paraisse 
se  douter  des  causes  de  son  insuccès.  S'il  savait 
ciioisir  et  se  déterminer  par  des  motifs  valables 
il  ne  s'exposerait  pas  à  des  compromissions  de 
cette  nature  et  il  n'en  serait  pas  si  souvent  la 
victime.  (!^ela  me  mènerait  loin  si  j'entre- 
prenais de  vous  montrer  que  l'histoire  de  la 
musique,  à  elle  toute  seule,  ne  suffit  peut-être 
pas  encore  à  la  formation  d'un  artiste,  et  qu'une 
culture  plus  générale  est  nécessaire  ;  mais,  et 
bien  que  le  "  moi  "  soit  haïssable,  permettez 
moi  de  vous  citer  im  fait  d'expérience  person- 
nelle. 

Lorsi]ue  j'essayai,  il  y  a  longtemps  déjà,  de 
pénétrer  dans  le  domaine  de  la  Danse  Grecque 
Antique,  je  cherchai  dans  quelques  cours  de 
l'enseignement  supérieur  une  orientation  silre. 
Or  à  écouter  Louis  Havet,  qui  enseigne  la 
versification  grecque  et  latine  à  la  Sorbotuu-, 
j'ai  reçu  des  leçons  île  Rythmique  infinement 
|>récieuses  pour  un  musicien,  parce  que  neu\es 
pour  lui  et  d'une  application  générale.  Je  vous 
en  ferai  profiter  :  un  tel  enseignement  est  un 
puissant  moteur. 

A      écouter      Maxime     Collignon     exposer 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


29 


l'histoire  de  la  sculpture  grecque,  j'ai  entendu 
définir  le  mouYement  et  le  geste  dans  la  vie 
des  Anciens  ;  et  comme  bon  nombre  de 
statues  ou  de  reliefs  antiques  représentent  des 
danseurs,  de  pareilles  leçons  m'étaient  d'un 
secours  direct. 

A  écouter  Edmond  Pottier  décrire,  à  l'école 
du  Louvre,  les  Vases  peints  trouvés  dans  les 
tombeaux,  j'ai  entendu  faire  l'histoire  du 
dessin,  de  ses  conquêtes  successives  dans  la 
représentation  figurée  de  la  vie.  Bien  plus  j'ai 
compris,  en  voyant  ce  qu'est  la  ligtie  dans  la 
peinture  décorative  des  Grecs,  ce  que  pouvait 
être  la  l'igtie  musicale  dans  l'art  hellénique.  Je 
vous  mènerai  un  jour  au  Louvre,  pour  fixer 
là-dessus  vos  idées.  Et  la  peinture  nous  ap- 
prendra la  musique. 

J'ose  donc  vous  conseiller  si,  compositeurs, 
vous  voulez  traiter  des  sujets  empruntés  à 
l'histoire  d'aller  vous  renseigner,  aux  bonnes 
sources,  sur  les  temps  auxquels  vos  ouvrages 
voudront  s'adapter. 

Il  reste  à  tous  exposer  brièvement  le  plan 
de  nos  études.  Elles  s'adresseront  aux  élèves 
titulaires  du  Conservatoire,  en  particulier  aux 
élèves  des  classes  d'harmonie,  de  contrepoint 
et  de  composition,  dont  ma  classe  voudrait 
être  l'auxiliaire  modeste  mais  active. 

D'accord  avec  notre  éminent  directeur  et 
mon  maître  Bourgault-Ducoudraj",  je  renon- 
cerai à  présenter  en  quatre  ou  cinq  années  le 
tableau  complet  de  l'histoire  générale. 

Lorsqu'il  j  a  trente  et  un  ans  vous  avez, 
mon  cher  Maître,  inauguré  vos  cours,  vous 
avez,  en  l'absence  de  tout  ouvrage  méthodique, 
créé,  par  un  labeur  personnel  intense,  un 
exposé  d'ensemble  d'une  centaine  dé  leçons. 

Je  ne  le  puis  plus  :  les  matériaux,  depuis 
vingt  ans,  se  sont  accumulés.  Je  me  sens 
incapable  de  tirer  de  telles  archives  une  sorte 
de  tétralogie  historique.  Je  taillerai  dans  cette 
surabondante  matière  des  tranches  parallèles  ; 
chaque  année  je  traiterai  une  question  ;  je  la 
suivrai  depuis  ses  origines  jusqu'à  nos  jours. 

Cette  année  sera  consacrée  à  l'étude  des 
Echelles  et  de  la  Tonalité. 

Puis  j'aborderai  successivement  l'histoire  de 


la  Rythmique,  de  la  Polyphonie,  des  gran- 
des Formes  musicales  (Fugue,  Sonate,  Sym- 
phonie, Drame  lyrique,  etc.)  ;  —  l'histoire  de 
l'oRCHESTRA'iioN,  de  la  notation  ;  —  en 
dernier  lieu  celle  de  I'orchestique,  la  noble 
danse  que  les  temps  modernes  ont  outragée  et 
qui  fut  jadis  sœur  de  la  Poésie  et  de  la  Musi- 
que. Programme  long  et  ambitieux  pour  la 
réalisation  duquel  il  faut  que  Dieu  me  prête 
vie  ! 

De  parti  pris  je  négligerai  la  biographie  des 
musiciens.  Allez  chez  Laurens  ou  chez  Alcan 
vous  munir  des  monographies,  parfois  excel- 
lentes, qu'on  y  trouve.  Allez  à  la  Sorbonne 
recevoir  les  leçons  de  Romain  Rolland.  Il 
vous  dira  mieux  que  moi  la  vie  des  musiciens, 
les  batailles  qu'ils  ont  livrées,  les  circonstances 
et  les  milieux  où  les  maîtres  ont  produit  leurs 
ouvrages.  Le  cours  d'histoire  de  cet  homme 
éminent  vous  apprendra  l'esthétique  de  votre 
art.  Ici  nous  ferons  de  la  technique,  exclusive- 
ment. 

Et  je  conclus. 

Pour  féconder  nos  recherches,  il  faut  nous 
dire  que  pas  plus  que  l'architecture,  la  sculp- 
ture, la  peinture,  la  musique  n'est  un  art  né 
d'aujourd'hui,  ni  d'hier,  ni  d'avant  hier.  Sa 
beauté  est  vieille  de  quelque  3000  ans. 

De  Terpandre  à  Beethoven,  d'Eschyle  à 
Wagner  il  y  a  une  continuité  merveilleuse,  en 
dépit  des  brisures  et  des  périodes  de  dépression; 
il  y  a  un  art  constitué,  dont  nous  montrerons 
que  les  bases  sont  les  mêmes  (la  quinte  est  l'or- 
gane essentiel  de  sa  structure).  Aussi  bien  dans 
la  période  monodique,  où  la  ligne  musicale  est 
pure  comme  celle  du  dessin  des  vieux  vases, 
que  dans  la  période  polyphonique  où  les  lignes 
s'associent  et  où  les  couleurs  interviennent, 
nous  chercherons  et  nous  trouverons  des  œuvres 
accomplies.  Si  celles  de  notre  temps  sont  les 
seules  que  nous  connaissions  bien  et  qui  puis- 
sent agir  sur  nous  dans  leur  plénitude,  nous 
devons  avoir  l'esprit  assez  libre  pour  rendre 
hommage  au  passé.  Tout  n'est  pas  dit  "  depuis 
six  mille  ans  qu'il  y  a  des  hommes  et  qui  pen- 
sent." Jamais  une  époque  n'a  donné  et  ne  don- 
nera le  dernier  mot  de  rien.  Jamais  non  plus 


30 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


un  art  nouveau  n'apparaîtra  crée  de  toutes 
pièces.  Les  plus  libres  artistes  greffent  leurs 
trouvailles  sur  la  tradition  et  se  gardent  bien 
de  rompre  les  amarres  par  lesquelles  ils  s'atta- 
chent à  elle. 

C'est  l'ensemble  merveilleux  de  ces  efforts 
séculaires  que  je  tenterai  d'exposer  à  mon  tour, 
dans  l'espoir  qu'il  stimulera  l'activité  de  nos 
élèves.  Ce  n'est  pas  à  être  des  faiseurs  de  pasti- 
ches que  je  les  invite,  ni  de  faux  naïfs,  ni 
des  archaïsants,  ni  des  snobs.  Et  ce  n'est  pas 
moi  qui  leur  conseillerais  de  relaver  les  sables 
dont  nos  devanciers  auraient  extrait  tout  l'or. 
Mais  je  suis  sûr  comme  vous,  mon  cher  Maître, 
que  le  fleuve  roule  encore  des  paillettes  et  je 
vous  exorte,  mes  chers  Amis,  à  les  recueillir. 
Vous  n'avez  pas  à  craindre  que  le  passé  nous 
masque  le  présent  ou  nous  l'amoindrisse  : 
nous  serons  modernes  et  mêmes  d'avant  garde, 
—  si  nous  pouvons. 

Mais  derrière  nous  le  gros  de  l'armée,  c'est 
à  dire  la  tradition  millénaire,  sera  notre  force 
et  notre  sécurité. 

Et  ainsi,  par  les  exemples  de  l'Histoire,  je 
m'efix^rcerai,  après  Bourgault-Ducoudray,  et 
moins  éloquement  que  lui,  de  vous  pousser 
vers  l'indépendance. 

Mai'rice  Emmanuel. 

COURS  D'HISTOIRE  DE  LA  MU- 
SIQUE, PROFESSÉ  A  LA  FACULTÉ 
DES  LP:TTRES  (1909-1 910),  PAR  M. 
ROMAIN   ROLLAND. 

Les  Orijrines  du  "  STYLE  NOUVEAU  " 
dans  In  musir^ur  allemande-  de  la  prrmirre  moitié 
du  Xr/ir  urcle. 


Jeudi  25  novemhre  1909. 

M.  Romain  Rolland  entend  par  ^^  sty/e 
nouveau  "  le  style  mélrxlique  et  expressif  (vocal 
et  instrumental),  qui  se  dégage  du  grand  style 
p()lypli()ni(]ue  et  contrapontique  d'un  J.  S. 
liach  ou  d'un  Haendcl,  et  qui  aboutit,  dans  la 
seconde  moitié  du  XVIII''  siècle,  :\  la  sym- 
phonie de  Haydn  et  à  l'opéra  de  (jluck.  Il 
montre  que  ces  deux  styles  ont   coexisté,  l'un 


à  côté  de  l'autre,  et  que  la  lutte  a  commencé 
entre  eux,  dès  le  début  du  XVIIP  siècle.  Elle 
fut  un  épisode  de  la  grande  querelle  des 
Anciens  et  des  Modernes  ;  et,  dès  les  premiers 
combats,  le  sentiment  public  s'est  prononcé 
pour  les  Modernes,  qui  avaient  à  leur  tête 
Keiser,  Telemann  tit.  Mattheson.  —  M.  Rolland 
analyse  les  caractères  principaux  du  "  style 
nouveau  ",  et  montre  comment  le  puissant 
mouvement  de  la  musique  allemande  au 
XVIIP  siècle,  soutenu  par  un  sentiment 
national  qui  ne  cessait  de  grandir,  a  dû  pour- 
tant le  meilleur  de  ses  forces  à  des  influences 
étrangères  :  italiennes,  françaises,  bohèmes, 
polonaises,  etc.  qui  ont  revivifié  l'art  allemand. 

Jeudi  2,  9,  16  Décembre. 

Georg  Philipp  Telemann.  —  Importance  de 
son  rôle  dans  la  musique  allemande,  et  injus- 
tice de  l'histoire  envers  lui.  Il  fut  un  des 
pionniers  du  st\  le  musical  nouveau,  un  des 
premiers  en  date,  des  plus  hardis  à  le  soutenir, 
en  plein  règne  du  style  contrapontique  ;  et  il 
contribua  beaucoup  à  la  victoire  de  ce  style 
par  son  propre  succès  qui  fut  européen.  — 
Sa  vie.  Prépondérance  des  influences  françaises 
dans  sa  formation  artistique.  Il  fut  le  cham- 
pion du  style  français  en  Allemagne.  Sa 
polémique  avec  Graun,  au  sujet  de  Rameau. 
—  Sa  hardiesse  harmonique.  Ses  peintures  en 
musique.  [TonmaUrei.)  Ce  que  la  musique 
allemande  lui  a  dû.  —  Ses  opéras-comiques. 
(Telemann,  précurseur  de  Pergolèse,  écrit, 
quatre  ans  avant  lui,  une  Serva  Padrona.)  Ses 
opéras,  ses  cantates  et  ses  oratorios,  sa  musique 
instrumentale.  [Analyses  au  piano.) 

Jeudi  23  Dt'cemhre. 

Joh.  /Idolphe  Hasse.  —  Le  plus  grand 
méloiliste  allemand  avant  Mozart.  Il  fait  passer 
dans  la  musique  allemande  le  meilleur  ilu  style 
italien,  de  même  que  'l\'lemann  communique 
à  l'art  de  son  pays  une  partie  des  qualités  du 
style  français.  —  Sa  vie.  Ce  qu'il  doit  à 
Kciser  et  h  Alessandro  Scarlatti.  Ses  rapports 
a\ec  le  jeune  Mozart.  Sa  popularité  et  l'oubli 
total  où  est  tombé  son  nom. 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


31 


Société    Internationale 
de   Musique 

ASSEMBLÉE  GÉNÉRALE 

DE  LA  SECTION  DE  PARIS 

La  Sectioiî  de  Paris  a  tenu  son  assemblée 
générale  le  17  décembre  à  4  heures  chez 
M.  M.  Gaveau,  sous  la  présidence  de  M.  Ch. 
Malherbe,  président. 

Assistaient  à  cette  séance  :  MM.  Ecorche- 
ville,  Prud'homme,  Laloy,  La  Laurencie, 
Boschot,  membres  du  comité;  MM.  Bouvet 
Poirée,  Ruelle,  Gaveau,  Dauriac,  Mutin, 
Trotrot,  Knosp,  Schneider,  Legrand,  Laugier, 
Emmanuel,  Greilsamer,  Charrier,  Lefeuve, 
Guérillot,  AUix,  Mmes  Gallet,  Daubresse 
et  Hibert.  M.  Schiffer  de  la  section  de  Vienne, 

S'étaient  excusés  :  Mme  Filliaux-Tiger. 
MM.  Gastoué,  Gariel  et  Romain  Rolland. 

La  parole  est  donnée  au  secrétaire  qui  lit 
une  lettre  de  M.  R.  Rolland.  Notre  collègue 
annonce  la  création  d'une  section  d'histoire 
de  la  musique  à  l'Institut  français  de  Florence. 
Cet  Institut,  créé  grâce  à  l'initiative  de  M. 
Julien  Luchaire  et  inauguré  officiellement  en 
1908  a  pour  objet  de  répandre  la  culture 
française  en  Italie  et  d'ouvrir  à  la  science 
française  un  champ  d'études  italiennes.  Il 
comprend  actuellement  trois  sections: 

i*'  Section  des  lettres  italiennes.  M.  J. 
Lxichaire  professeur  ;  A.  Galletti,  chargé  de 
conférences. 

2°  Section  de  l'Art.  M.  Emile  Bertrand  ; 
directeur  d'études  ;  M.  Gustave  Soulier,  chef 
des  travaux. 

3°  Section  d'histoire  de  la  musique,  M.  R. 
Rolland  directeur  d'études  ;  M.  P.-M.  Masson 
chargé  de  conférences. 

La  section  d'histoire  de  la  musique  se 
propose,  outre  ses  travaux  et  conférences  de 
musicologie,  de  dresser  et  de  publier  des 
répertoires  des  collections  musicales  publiques 
et  privées  d'Italie,  ainsi  que  des  éditions  de 
textes  musicaux. 

De  cordiales  relations  s'établiront  certaine- 


ment entre   l'Institut   française    et    la   Société 
Internationale  de  musique. 

La  candidature  de  M.  Salabert  présentée 
par  M.  M.  Knosp  et  Ecorcheville  est  ensuite 
adoptée  à  l'unanimité. 

Après  une  allocution  du  président,  le  secré- 
taire rend  compte  des  travaux  de  la  section 
pendant  cette  année  1909.  A  ce  propos 
Mme  Gallet  demande  de  préciser  quel  lien 
rattache  la  Section  à  la  Société  française  des 
Amis  de  la  musique.  Le  président  rappelle 
comment  notre  bulletin  français  a  été  choisi 
par  la  Société  française  des  Amis  pour  y  publier 
toutes  les  communications  de  cette  société  avec 
laquelle  nous  entretenons  les  plus  cordiales 
relations,  et  ceci  tout  en  laissant  à  la  Section 
sa  pleine  et  entière  indépendance.. 

^  Le  trésorier  lit  ensuite  son  rapport.  M.  Le- 
feuve émet  le  vœu  de  voir  les  cotisations  des 
membres  parisiens  demeurer  pour  une  plus 
grande  part  dans  la  caisse  de  la  section.  Après 
une  discussion  assez  longue  sur  les  moyens 
propres  à  résoudre  ce  problème  financier,  il 
est  décidé  que  M.  Lefeuve  remettra  au  comité 
une  note  précisant  la  motion  dont  il  a  pris 
l'initiative. 

L'assemblée  procède  alors  à  l'élection  de 
son  comité.  Sont  élus  à  la  majorité  des  voix 
présentes  : 

M.  Ch.  Malherbe,  président, 

M.  j.  Ecorcheville,  vice-président  ; 

M.  G. y.  Prod'horame,  secrétaire; 

M.  L.  Laloy,  trésorier  ; 

M.  L.  de  la  Laurencie,  archiviste  ; 

MM.  A.  Boschot  et  E.  Wagner,  membres 
du  comité. 

La  prochaine  séance  est  fixée  au  1 5  janvier,, 
à  9  heures  du  soir.  La  séance  est  levée  à  6  h., 
demie. 


32 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


Les  Instruments 


LES  NOUVEAUTES  DE  PARTOUT. 

Les  compositeurs  aiment  à  écrire  dans  les 
gazettes.  C'est  pour  eux  un  moyen  de  rester 
en  communication  constante  avec  le  public, 
et  de  se  mettre,  de  leur  vivant  au  moins,  à 
l'abri  de  l'oubli.  Il  n'j  a  pas  grand  mal  à  cela, 
lorsqu'ils  abordent  des  sujets  étrangers  à  leur 
art,  alors  même  qu'ils  les  ignorent.  Mais 
lorsqu'ils  errent  en  des  matières  où  ils  sont 
sensés  être  les  mieux  orientés,  cela  devient 
plutôt  drôle.  Tel  est  le  cas  du  célèbre  Richard 
Strauss,  et  la  presse  musicale  allemande  en 
marqua  son  étonnement.  Il  s'agit  de  la  note 
suifante,  communiquée  par  l'illustre  composi- 
teur aux  journaux,  à  propos  d'une  interprétation 
du  second  Concerto  lirarulebourgeois  de  l^ach 
dans  une  soirée  symphonit|ue  à  l'Opéra  Royal 
de  lierlin  :  "  Jy'audition  préparée  par  moi- 
môme  du  deuxième  concerto  brandebourgeois 
de  liach,  au  troisième  concert  de  la  chapelle 
royale,  a  excité  tiiversement  l'intérêt  des 
personnes  qui  connaissent  bien  la  musique  de 
Bach   et    de    celles  t)ui    l'aiinciit.    Le  concerto 

'    La    suite   lie   l'Ktudi;    histori(itic   sur    le    liant l)<)is 
paraiU'a  dans  notre  pruchain   iiuincro. 


avait  été  mis  au  point  pour  les  besoins  de 
l'exécution  par  Philippe  Wolfrum,  un  des 
hommes  les  plus  au  courant  du  style  de  Bach. 
Malheureusement,  il  avait  laissé  sans  change- 
ment la  partie  originale  de  la  trompette  aiguë 
en  /<7,  et  aujourd'hui  il  n'existe  pas  de  trom- 
pette aiguë  en  fa.  Sur  quel  instrument  était 
exécutée  au  temps  de  Bach  cette  partie,  voilà 
ce  que  nous  ne  savons  pas.  Mon  père  était 
d'avis  que  ces  trompettes  aiguës,  pour  lesquelles 
écrivait  Bach,  n'étaient  autre  chose  que  des 
variétés  de  clarinettes  construites  en  métal 
(d'où  le  nom  de  clarini  qui  fut  employé  plus 
tard  au  lieu  de  trompette).  Les  soi-disant  trom- 
pettes de  Bach  (Bach-Trompetten),  dont  on  se 
sert  à  présent,  outre  qu'elles  n'atteignent  point 
les  notes  élevées  dont  on  a  besoin  pour  le 
second  concerto  brandebourgeois,  sont,  dans 
tous  les  cas,  d'une  sonorité  beaucoup  trop 
criarde  pour  pouvoir  être  utilisées  dans  l'œuvre 
délicate  dont  il  s'agit.  Les  précédents  adapta- 
teurs de  ce  concerto  se  sont  bornés  à  prescrire 
de  jouer  une  octave  au-dessous  les  parties  trop 
hautes  pour  l'étendue  des  trompettes  de  fabri- 
cation moderne  ;  mais  cela  est  évidemment 
contraire  au  sentiment  de  Bach,  puisqu'une 
partie  extrême  devient  par  là  une  partie 
moyenne.  En  ce  qui  me  concerne,  j'ai  pris  le 
parti  de  faire  exécuter  les  parties  de  solo  de 
trompettes  en  fa  par  le  piccolo-heckelphone, 
inventé  par  M.  Heckel,  de  Biebrich.  Cet 
instrument,  bien  que  sa  sonorité  ait  le  caractère 
de  celle  du  hautbois,  m'a  paru  un  suffisant 
équivalent.  I^orsque,  dans  les  tutti,  le  heckel- 
phonc  marche  à  Toctavc  avec  la  trompette  et 
est  doublé  par  deux  clarinettes  en  w/,sa  sonorité 
devient  telle  qu'elle  affecte  une  apparence 
vicillote  et  se  rapproche  de  l'effet  que  Bach  a 
souhaité  d'obtenir.  Dans  le  dernier  morceau, 
dont  l'effet  repose  sur  l'interprétation  des 
solistes,  je  me  suis  vu  forcé  de  confier  au 
piccolo-heckelphone  la  partie  de  trompette  de 
Bach  en  entier,  et  d'écrire  une  partie  de 
trompette  complète  qui  sonne  à  l'unisson, 
tantôt  du  violon-solo,  tantôt  de  la  flûte-solo, 
tantôt  lUi  liautbt)is-solo.  J'ai  dû  ici  m'écarter 
de  la  lettre  de  Bach,  mais  je  crois  avoir  agi 
conformément   à    l'esprit    de   sa    composition. 


V 


L  '  A  C  T  U  A  L  1  T  11    MUSICALE 


33 


Ma  transcription,  faite  après  des  expériences 
nombreuses  et  variées,  povn'rait  être  considérée, 
dans  tous  les  cas,  comme  reproduisant  le  plus 
exactement  possible  le  coloris  sonore  entrevu 
par  Bach,  et  cela  jusqu'au  jour  où  un  facteur 
d'instruments  sera  parvenu  à  établir  une  trom- 
pette aiguë  dont  le  timbre  puisse  correspondre 
au  caractère  de  la  musique  de  chambre  et  se 
mêler,  en  solo,  avec  les  sons  du  violon,  de  la 
flûte  et  du  hautbois.  Actuellement,  le  timbre 
de  nos  trompettes  tue  simplement  toutes  les 
autres  voix  dans  le  genre  de  musique  dont 
nous  nous  occupons.  " 

Pour  ma  part,  je  ne  pousserai  pas  l'indiscré- 
tion jusqu'à  demander  au  Maître,  par  quel 
truchement  il  a  communiqué  avec  feu  J.  S.  Bach, 
pour  savoir  quelle  sonorité  il  a  souhaité  d'ob- 
tenir. Je  me  contenterai  de  signaler  les  erreurs 
matérielles  qui  enlèvent  toute  valeur  à  son 
opinion. 

I*  Sur  quoi  se  base-t-il  pour  supposer 
l'existence  de  clarinettes  en  métal  du  temps 
de  Bach  :  La  description  de  tels  instruments 
ne  se  trouve  dans  aucun  ouvrage  du  temps, 
et  pas  un  seul  spécimen  nous  en  est  parvenu. 
Par  contre,  nous  savons  que  la  clarinette  fut 
inventée  vers  la  fin  du  1 7™*  siècle  par  Denner 
(né  à  Leipzig  le  23  Novembre  1655,  mort  à 
Nuremberg  le  20  Avril  1707).  Le  nom  de 
C/arinetto,  qui  fut  donné  au  nouvel  instrument 
est  le  diminutif  de  Clarino^  registre  aigu  de 
la  Trompette,  à  cause  de  la  ressemblance  qui 
existait  entre  le  timbre  des  deux  instruments, 
et  dans  son  Music  Saûl,  Joseph  Friederich 
Bernhard  Gaspar  Mayer  (Nuremberg  1741) 
s'exprime  ainsi  au  sujet  de  la  clarinette  : 

"  Die  Clarinetto  klingt  von  ferner  einer 
Trompette  zimmlich  ahnlich.  " 

"  Le  son  de  la  Clarinette  est  de  loin  assez 
semblable  à  celui  d'une  Trompette.  " 

M.  R.  Strauss  a  confondu  la  cause  avec  l'effet. 

2*  Au  dire  de  l'éminent  chef  d'orchestre, 
le  Heckelphone  piccolo  remplacerait  avanta- 
geusement le  clarino. 

Ici,  Strauss  est  en  contradiction  avec  lui- 
même,  car,  si  réellement  du  temps  de  Bach 
on  s'était  servi  de  Clarinettes  métalliques 
comme  il  le   prétend,  c.  à  d.  d'instruments  à 


perce  cylindri(|ue  à  anche  simple,  on  ne  peut 
trouver  leur  équivalent  de  sonorité  dans  le 
Heckelphone,  qui  est  un  instrument  à  perce 
conique,  et  à  anche  double. 

3"  L'auteur  de  Salomé  préconise  son  idée, 
en  attendant  qu'un  facteur  d'instruments  soit 
parvenu  à  établir  une  trompette  aiguë,  etc. 

Ce  rêve  est  réalisé  depuis  longtemps.  La 
maison  Gebrtider  Alexander  de  Mayence  en 
fait  figurer  toute  une  collection  sur  son  cata- 
logue. Ces  trompettes  sont  spécialement  con- 
struites (fa  et  ré  aigus)  pour  exécuter  la  musique 
de  Handel  et  de  Bach,  et  la  maison  Mahillon 
de  Bruxelles  en  construisit  une  en  fa,  expres- 
sément pour  l'exécution  du  Concerto  Brand- 
bourgeois  N*  2,  au  Conservatoire  royal  de 
musique  de  Bruxelles,  il  y  a  bon  nombre 
d'années. 

A  l'opposé  des  recherches  archéologiques, 
Paderewski  vient  de  diriger  ses  efforts  vers  une 
autre  branche  de  l'instrumentation,  et  avec 
un  plein  succès,  paraît-il.  Il  vient  d'inventer 
un  instrument  nommé  Toniiruone^  destiné  à 
faire  le  tonnerre  à  l'orchestre.  On  l'a  expéri- 
menté récemment  pour  la  première  fois  à 
Londres,  aux  Concerts  Symphoniques,  dans  la 
nouvelle  symphonie  de  Paderewski  dirigée  par 
le  D'  Richter,  et  où  le  tonnerre  a  la  parole. 
Le  but  poursuivi  par  Paderewski  était  d'obtenir 
un  bruit  si  l'on  peut  dire  musical,  que  les 
plaques  de  tôle  dont  on  se  sert  habituellement 
au  théâtre  sont  loin  d'avoir.  Le  résultat  de 
multiples  expériences  fut  une  plaque  d'acier 
doublée  d'une  plaque  de  cuivre,  le  tout  entouré 
d'un  bourrelet  de  laiton.  L'instrument  définitit 
a  la  forme  d'un  parapluie  ouvert,  et  est  mis  en 
vibrations  par  une  mailloche. 

Imiter  le  bruit  du  tonnerre  a  toujours  tenté 
les  musiciens  :  quo  non  ascendam  !  C'était  le 
violon  d'Ingres  du  chanteur  Lablache,  dont 
la  corpulence  est  restée  aussi  célèbre  que  la 
voix.  Il  ne  ratait  jamais  l'occasion,  lorsqu'il 
rencontrait  un  piano  ouvert,  de  s'asseoir 
brusquement  sur  les  touches.  Il  appelait  cela  : 
faire  le  tonnerre^  et  avait  paraît-il  des  admira- 
teurs ;  non  content  d'écraser  un  piano,  il  eut 
voulu  écraser  du  même  coup  tous  les  pianistes, 
et   s'en   prenant    au  plus  célèbre  et  au   plus 


34 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


anguleux  à  la  fois,  il  avait  l'habitude  d'ajouter  : 
"  Ce  pauvre  Liszt,  quaiid-il  veut  m'imiter,  il 
n'arrive  à  prendre  qu'une  tierce  ". 

Si  les  écrits  des  musiciens  ne  valent  en 
général  pas  grand  chose  de  leur  vivant,  ils 
prennent  parfois  après  leur  mort  une  singulière 
valeur.  On  vient  de  mettre  en  vente  à  Londres 
une  série  de  23  lettres  de  Beethoven  adressées 
en  partie  à  son  ami  Bernhard  et  ayant  presque 
toutes  trait  à  la  tutelle  de  son  neveu,  ainsi 
que  le  mémoire  de  46  pages,  que  le  maître  de 
Bonn  adressa  au  tribunal  d'appel,  au  sujet  de 
cette  même  tutelle.  Ces  24  pièces,  plus  deux 
lettres  furent  déjà  mises  en  vente  à  Vienne, 
mais  n'obtinrent  pas  le  prix  global  de  demande 
soit  35.380  couronnes.  C'est  pourquoi  elles 
furent  retirées.  C'est  un  beau  prix  pour  des 
documents  qui  n'intéressent  en  rien  l'histoire 
de  l'art  et  relatent  seulement  des  démêlés  de 
famille  assez  vulgaires,  et  qui  ont  d'ailleurs  été 
presque  tous  publiés 

N'avez-vous  pas  remarqué  comme  depuis 
quelque  temps  les  violonistes  en  vedette  font 
parler  d'eux  ?  Au  virtuose  A,  des  admirateurs 
ont  offert  un  Guarnérius  de  25000  frs...  Le 
père  du  petit  prodige  B  vient  de  donner  à  son 
illustre  fils,  pour  célébrer  le  quatrième  aniver- 
saire  de  sa  naissance,  un  Stradivarius  de 
30.000  fr...  Le  grand  violoniste  C  vient 
d'acquérir  avec  une  partie  de  ses  recettes 
d'Amérique,  le  célèbre  Stradivarius  rouge  de 
1708  pour  75.000  fr...  (Instrument  conservé 
pendant  un  demi-siècle  dans  la  vitrine  d'un 
amateur  manchot).  L'illustre  maître  D  vient 
d'acheter  un  Amati  incomparable  pour 
125,000  fr... 

Après  cela  vous  croyez  qu'on  peut  tirer 
l'échelle  ?  —  Point.  Nous  lisions  ces  jours 
derniers  que  le  grand  violoniste  C  déjà  nommé, 
vient  de  mettre  en  pièces,  involontairement, 
en  tombant  dessus,  au  moment  ou  il  allait 
saluer  le  public  au  quarantième  rappel,  le 
Stradivarius  rouge  payé  etc.. 

Eh  !  bien  moi  j'ai  un  ami,  violoniste  aussi, 
auquel  il  est  arrivé  plus  fort  que  tout  cela  : 
Son  Stradivarius  vient  de  faire  des  petits.  Ceci 
est  déjà  extraordinaire,  vous  en  conviendrez, 
mais  ce  qui  l'est  encore   bien   davantage,  c'est 


que  le  dit   violoniste  m'a  défendu  de  le  nom- 
mer... par  modestie. 

Lucien  Greilsamer. 

UNE  EXPÉRIENCE  D'ACOUSTI- 
QUE PHYSIOLOGIQUE. 

Notre  éminent  collègue  le  D""  Marage  a 
présenté  dernièrement  à  l'Académie  des  Scien- 
ces une  forte  intéressante  communication.  Le 
D""  Marage,  on  le  sait,  a  fait  une  étude  appro- 
fondie des  vibrations  de  la  parole,  et  ses  expé- 
riences d'analyse  et  de  s\'nthèse  l'ont  conduit 
à  admettre  que  la  voix  est  une  vibration  aéro- 
laryngienne renforcée  ou  transformée  par 
divers  éléments,  la  bouche  principalement.  Il 
s'agissait  de  prou\ er  que  le  larynx  seul  était 
capable  de  produire  cette  vibration. 

Après  avoir  répété  sous  une  forme  person- 
nelle, d'anciennes  expériences  faites  sur  les 
vivants  pour  démontrer  que  le  larvnx  produit 
les  cinq  voyelles,  ou,  a,  e,  i,  o.  M""  Marage  a 
poussé  son  investigation  sur  des  larynx  de 
chiens,  isolés,  et  se  rapprochant  beaucoup  de 
la  normale  : 

Techniqur.  —  Trois  heures  après  avoir  été 
injecté  à  la  morphine,  l'animal  est  endormi  au 
chloroforme  et  pendant  le  sommeil  le  larynx 
est  enlevé  avec  l'os  hyoïde  et  les  cinq  ou  six 
premiers  anneaux  de  la  trachée  ;  un  tube  de 
caoutchouc  du  même  diamètre  que  la  trachée 
est  raccordé  à  celle-ci  par  un  tube  de  verre 
mince,  de  manière  à  pouvoir  faire  passer  un 
courant  d'air  dont  on  mesure  la  pression  avec 
un  manomètre  métalique  extra-sensible  gradué 
en  milliniètrcs  d'eau. 

Cet  air  peut  être  pris  dans  un  réservoir 
quelconque  à  ^""  emirc^i,  ou  bien  on  peut  se 
contenter  de  souffler  soi-même  ou  de  faire 
souffler  dans  le  tube  de  caoutchouc. 

Les  muscles  laryngiens  sont  soumis  à  un 
courant  d'induction  produit  par  la  petite  bobine 
à  chariot  qu'on  trouve  ilans  tous  les  labora- 
toires ;  le  courant  primaire  est  proiluit  par  un 
seul  accumulateur.  On  photographie  le  larynx 
au  magnésium  sur  îles  plaques  sensibles  au 
rouge,  car  les  muscles  sont  gorgés  de  sang,  et 
on  inscrit   ces  vibrations  sur  un   phonographe. 

Rt'su/tdts.    —    I.    Si  le  larynx  a    été  enlevé 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


35 


pendant  le  sommeil  du  chloroforme,  les  mus- 
cles peuvent  se  contracter  pendant  trois  à  dix 
minutes  au  plus  ;  si  on  enlève  la  larynx  immé- 
diatement après  la  mort,  le  plus  souvent  on  ne 
peut  obtenir  aucune  contraction,  car  le  sang 
artériel  s'est  écoulé. 

2.  Pour  produire  des  vibrations,  le  courant 
d'air  doit  avoir  une  pression  variant,  comme 
chez  l'homme  pendant  la  phonation,  entre  150 
et  200  millimètres  d'eau. 

3.  Si  l'excitateur  est  placé  au  niveau  des 
muscles  crico-aryténoïdiens  postérieurs,  la 
glotte  s'ouvre  largement,  les  cordes  vocales 
s'écartent  au  maximum  il  n'y  a  aucun  son. 

4.  Si  l'excitateur  est  placé  au  niveau  des 
ary-aryténoïdiens,  les  aryténoïdes  se  rappro- 
chent et  l'on  obtient  une  belle  note  grave 
rappelant  à  s'y  méprendre  l'aboiement  d'un 
chien  sur  une  note  continue  de  l'octave  i  (ces 
notes  ont  été  inscrites  au  phonographe). 

5.  Si  l'excitateur  est  disposé  de  manière  à 
faire  contracter  non  seulement  les  ary-aryté- 
noïdiens, mais  encore  les  thyro-aryténoïdiens 
(cordes  vocales),  on  obtient  une  note  très  pure 
et  très  aiguë,  appartenant  à  l'octave  5  :  c'est 
une  sorte  de  sifflet  sur  U',  correspondant  au 
hurlement  des  chiens  qui,  la  nuit,  aboient  à  la 
lune. 

Cette  note,  très  aiguë,  a  été  obtenue  sur  un 
chien  de  taille  moyenne  ;  sur  la  photographie 
on  voit  que  les  aryténoïdes  ont  presque  che- 
vauché l'un  sur  l'autre,  la  glotte  est  devenue 
très  mince  et  très  courte. 

6.  La  hauteur  de  la  note  ne  semble  dépen- 
dre ni  du  courant,  ni  de  la  pression  de  l'air, 
mais  uniquement  de  la  position  de  l'excitateur, 
c'est-à-dire  des  muscles  qui  se  contractent. 

7.  En  aucun  cas  les  lois  des  vibrations  des 
cordes  rie  m'ont  paru  s'appliquer  aux  vibrations 
des  cordes  vocales  ;  celles-ci  n'ont  pas  de  son 
par  elles-mêmes,  c'est  l'air  qui  vibre. 

Des  conclusions  tirées  qar  l'éminent  savant, 
la  plus  intéressante  au  point  de  vue  de  l'acou- 
stique est  que  les  cordes  vocales  n  agissent  pas  du 
tout  comme  des  anches  membraneuses^  et  que  le 
point  où  les  vibrations  se  produisent  est  iusquà 
présent  impossible  à  déterminer. 


Questions 


Sociales 


ET  INTERETS  PROFESSIONNELS 

Le  Congrès  des  Classes  Moyennes  et  les 
Musiciens 

Nous  sommes  conduits,  par  la  force 
des  choses,  à  demander  aux  classes 
moyennes  les  sommes  nécessaires  aux 
dégrèvements  proposés. 

(Declaj-ation  de  M..  Caillaux  le  22  mai  1907.^ 

Le  deuxième  Congrès  organisé  par  Y  Asso- 
ciation de  défense  des  Classes  Moyennes  vient  de 
tenir  ses  assises  à  Paris.  Il  n'est  pas  trop  tard 
pour  en  parler  ici,  d'autant  que  nous  lui 
devons  d'utiles  indications  et  de  précieux  en- 
seignements. 

Une  première  chose  nous  avait  frappé  en 
lisant  ce  titre  :  Classes  Moyennes  :  Union 
des  commerçants  et  industriels  de  France.  Pour- 
quoi les  artistes  étaient-ils  exclus  de  cet 
ensemble  ?  Est-ce  qu'ils  ne  constituent  pas 
une  fraction,  et  une  fraction  importante,  de 
ces  classes  laborieuses,  de  cette  petite  bour- 
geoisie, vivant  de  son  travail,  dont  la  condition 
devient  actuellement  si  précaire  r  Afin  d'être 
édifié  sur  ce  point  nous  nous  rendîmes  au 
siège  même  de  la  société.  ^ 

Sans   longues  explications,    on   nous   fit  la 

'  Association  de  Défense  des  Classes  Moyennes, 
2  1  Place  de  la  Madeleine. 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


36 

plus  aimable  et  la  plus  spirituelle  des  réponses 
en  nous  invitant  à  assister  au  Congres. 

Certain  musicien  de  nos  amis,  à  qui  j'en 
parlai,  resta  stupide  d'étonnement. 

—  "  Qu'est-ce  que  vous  avez  à  démêler, 
me  dit-il,  avec  les  commerçants  et  les  indus- 
triels, petits  ou  grands.  Qu'entre-eux  ils 
s'occupent  de  leurs  intérêts,  les  discutent,  rien 
de  mieux,  je  les  approuve.  Mais  qu'est-ce  que 
cela  peut  nous  faire,  et  en  quoi  cela  nous 
touche-t-il  r  Pour  un  artiste,  vous  avez  de 
drôles  d'idées. 

Je  ne  répondis  rien.  Fallait-il  prouver  que 
nous  sommes  tous  solidaires  et  qu'une  classe, 
puisqu'il  s'agit  de  classes,  ne  peut  prendre  une 
décision,  possibilité  d'actes,  sans  qu'il  y  ait 
répercussion  sur  la  vie  de  toutes  les  autres 
classes  :  La  suite  devait  montrer  clairement 
qu'il  était  utile  d'aller  à  ce  Congrès  et  que  les 
petits  commerçants  et  industriels  peuvent 
"  toucher  "  les  artistes. 

Disons  tout  d'abord  que  nous  avons  passé 
là  d'excellentes  heures.  Ah  !  qu'on  y  était 
loin  du  conférencier  qui,  en  termes  plus  ou 
moins  heureux,  développe  un  thème  plus  ou 
moins  connu.  Ici,  nous  nous  sentions  en  face 
de  gens  ayant  pris  le  maniement  de  la  parole 
dans  leurs  syndicats,  leurs  unions,  leurs  fédé- 
rations ;  cette  parole,  ils  en  usaient  pour 
exposer  des  faits  précis  à  d'autres  gens  qui  en 
comprenaient  d'autant  plus  l'importance  que 
ces  faits  étaient  de  nature  à  modifier,  immé- 
diatement ou  à  terme  rapproché,  leurs  condi- 
tions d'existence.  L'impôt  sur  le  retenu, 
l'établissement  de  la  patente,  la  pratique  de 
l'achat  en  commun,  la  décentralisation,  toutes 
ces  questions-là,  si  revêches  d'aspect,  deve- 
naient, pour  ainsi  dire,  vivantes  dans  l'esprit 
de  ces  auditeurs  ;  elles  entraient  à  la  fois  dans 
leur  sensibilité  et  dans  lelir  intelligence  ;  ils 
éprouvaient  d'un  trait,  et  par  prévision,  toutes 
les  atteintes  que  telle  ou  telle  mesure  fiscale 
pouvait  porter  à  eux  et  aux  leurs  ;  ils  en  étaient 
émus  à  la  mesure  où  la  parole  de  l'orateur  les 
leur  rendait  intelligibles. 

Voilà  qui  nous  changeait  des  parleurs  à 
vide  et  des  déclamateurs  à  froid.  Ces  agri- 
culteurs, ces  commerçants,  ces   inilustriils  ont 


le  plein  sens  des  réalités  et  ils  en  deviennent 
tout  de  suite  et  de  prime  d'abord  intéressants.  Ils 
reconnaissent  qu'ils  se  sont  un  peu  endormis 
sur  le  mol  oreiller  des  vieilles  habitudes,  ma 
aujourd'hui  ils  se  ressaisissent,  s'orientent,  l;, 
sans  plaintes  ni  vains  regrets,  ils  acceptent  la 
lutte  avec  un  tranquille  courage.  Sous  la 
pression  des  événements,  et  par  le  seul  effet 
de  leur  hérédité,  ils  renouent,  d'un  geste,  la 
tradition  historique  et  affirment  à  nouveau  la 
vitalité  de  cette  bourgeoisie  française  :  pratique, 
patiente,  fière  et  d'une  inébranlable  constance 
dans  la  revendication  de  ses  droits.  On  sent 
ici  une  force  qui  veut  bien  s'employer.  L'éner- 
gie, c'est  le  sentiment  qui  domine  :  il  circule 
sous  le  verbe,  depuis  la  belle  allocution 
d'ouverture  de  M.  le  député  Arnard,  jus- 
qu'à la  remarquable  communication  finale  de 
M.  Charles  Brun,  aussi  attachante  de  forme 
que  solide  de  fond.  Et  tous  les  autres  discours 
sont  dans  le  même  esprit,  de  ce  ton  pacifique 
et  résolu  qu'anime  une  conviction  sincère  et 
forte.  Nous  ne  faisons  point  le  compte-remlu 
de  ce  congrès,  nous  entendons  seulement  en 
dégager  ce  qui  peut  convenir  aux  artistes  :  le 
sens  averti  des  réalités  économiques,  la  résolu- 
tion ferme  en  face  des  difficulté'S  croissantes  de 
la  vie  sociale  quotidienne  ;  la  promptitude 
d'adaptation  à  des  conditions  nouvelles  et  la 
résurrection  de  cette  initiative  qui  fut  toujours 
une  des  qualités  distinctives  de  notre  race. 

De  toutes  les  questions  qui  ont  été  traitées 
au  Congrès  de  V  Association  des  Classes  AI oynuus^ 
plusieurs  touchent  les  artistes;  nous  ne  crovcMis 
cependant  pas  qu'ils  puissent  s'inscrire,  en 
bloc,  à  cette  association  ;  il  y  a  connexité  des 
intérêts,  il  ne  peur  v  avoir  confusion.  Ce  qu'ils 
doivent  retenir,  c'est  l'exemple  à  suivre  !  la 
nécessité  d'une  association  similaire  ayant  uni- 
t]uenKiit  pour  objet  l'étude  des  questions 
économiques  les  concernant.  Pourraient  entrer 
dans  le  programme  à  réaliser  :  la  fondation  de 
sociétés  coopératives  de  consommation  ;  la 
construction  d'habitations  à  bon  marché  ;  de 
dispensaires  ;  de  maisons  de  cure  (s.-inatorium 
hypnœum  ')  ;  de  repos  ;  de  retraite.  —  On 
pourrait  donner  {|uelque  attention  aux  agences 

'    On  (lit  aussi  :  soinnariuin. 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


37 


qui  s'occupent  des  engagements  d'artistes  — 
nous  traiterons  ici,  de  cette  question,  un 
prochain  jour  — .  Enfin  une  des  premières 
questions  à  traiter  serait  celle  de  V organisation 
du  crédit  pour  les  artistes. 

Combien  d'entreprises  ont  sombré  qui 
auraient  connu  un  meilleur  sort,  et  qui  en 
étaient  dignes,  si  elles  avaient  pu  disposer,  à 
un  certain  moment,  du  cajpital  nécessaire. 
Combien  d'artistes,  dans  leur  particulier, 
subissent  des  crises  financières  momentanées 
dont  une  aide  propice  atténuerait  l'acuité. 
Fait  curieux,  un  peu  à  côté  de  notre  sujet, 
lïiais  intéressant  à  signaler  :  il  y  a  en  France 
3000  sociétés  de  crédit  agricole,  il  n'y  en  a 
pas  plus  de  40  de  crédit  urbain.  Pourquoi 
cette  disproportion  ?  Ce  n'est  pas  l'instant 
d'en  rechercher  les  causes.  Que  les  artistes,  et 
notamment  les  musiciens,  étudient,  en  ce  qui 
les  concerne,  le  moyen  d'augmenter  le  nombre 
des  sociétés  de  "crédit  urbain  ",  qu'ils  recher- 
chent la  forme  la  plus  adaptée  à  leurs  besoins 
actuels  ;  c'est  là  une  tâche  urgente. 

Revenons  au  Congrès  des  Classes  Moyennes 
et  voyons  quels  enseignements  nous  y  pouvons 
encore  puiser.  Le  problème  de  la  Décentralisa- 
tion a  été  magistralement  traité  par  M.  Charles 
Brun.  Il  est  d'une  actualité  palpitante  pour 
les  musiciens.  —  Songez  qu'il  s'est  présenté, 
cette  année,  1.734  élèves  aux  examens  du 
Conservatoire  de  Paris  !  —  On  nous  donne 
sans  cesse  à  méditer  l'exemple  de  l'Allemagne 
où  tant  d'universités  vivent  d'une  vie  autonome 
sans  se  réclamer  d'un  centre  unique,  distri- 
buteur patenté  d'énergie.  Mais,  sans  regarder 
hors  frontière,  nous  pouvons  dire  qu'il  est 
grand  temps  de  travailler,  d'un  commun  effort, 
à  une  décentralisation  rapide.  Il  faut  provo- 
quer, dans  de  nombreuses  régions  françaises, 
l'activité  dont  elles  sont  dépourvues  ;  le  mou- 
vement doit  être  à  double  effet  :  il  faut 
d'abord  décentraliser,  (c'est-à-dire,  étymologi- 
quement,  éloigner  du  centre  où  elles  s'écrasent 
et  s'annulent  les  trop  nombreuses  unités  d'une 
même  corporation),  et,  d'autre  part,  il  faut 
fixer,  dans  leur  pays  d'origine,  les  valeurs 
intellectuelles  qui  s'y  produisent  ;  c'est  ce  que 
nous  avons  appelé  autrefois,  dans  un   travail 


paru  à  V Energie  française^   la  détermination  du 
"  mouvement  d'exodes  et  de   stabilités   néces- 


Une  autre  question,  très  importante,  devrait 
attirer  l'attention  des  musiciens,  et  nous  allons 
toucher  l'une  des  réactions  d'une  classe  sur 
l'autre  à  laquelle  nous  faisions  allusion  au 
début  de  cet  article.  Il  s'agit  de  la  Patente. 
Dans  une  communication  très  documentée  et 
très  attachante,  M.  Frédéric  Clément  propose 
que  les  artistes,  les  musiciens^  les  journalistes, 
les  littérateurs,' les  députés  soient  soumis  à  la 
patente.  Pourquoi,  dit-il,  en  substance,  les 
petits  commerçants  et  industriels  supporte- 
raient-ils seuls  les  charges  fiscales  tandis  que 
d'autres  catégories  de  citoyens  en  seraient 
exemptes  ?  Pourquoi  r Etat  laisserait-il  échapper 
ces  nouvelles  sources  de  revenus.  ^  Pourquoi  ne 
frapperait-il  pas  les  administrateurs  des  grandes 
sociétés,  les  ingénieurs,  etc.  //  faut  élargir  la 
patente^  ^  afin  de  dégrever  le  petit  commerçant. 
Et,  poursuivant  son  idée,  M.  Clément 
communique  un  intéressant  projet  "  d'élar- 
gissement ".  La  patente  serait  perçue  sous 
cinq  chefs. 

I*  Valeur  locative. 

2*  Nombre  d'employés. 

3*  Nombre  de  machines. 

4°  Instruments  de  travail. 

5°   Droit  fixe. 

Qu'on  veuille  bien  réfléchir  un  instant  aux 
applications  possibles  de  ce  projet.  Elles  n'ont 
pas  été  formulées  au  congrès,  mais  il  est  très 
facile  de  les  prévoir.  Considérons  une  grande 
association  musicale,  celle  des  concerts  Lamou- 
reux  ou  Colonne,  par  exemple,  les  cinq  titres 
trouveraient  très  bien  là  leur  application. 

Valeur  locative  :   calculée  sur  le  loyer. 

Nombre  d'employés  :   nombre  d'exécutants. 

Machines  :  soufflerie,  machines  électriques 
pour  l'éclairage,  le  chauffage  etc. 

Instruments  de  travail  :  violons,  cors,  cla- 
rinettes etc. 

Droit  fixe  :   à  calculer  sur  la  recette. 

'  On  peut  croire  que  cette  bonne  parole  sera 
recueillie. 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


38 

Encore  une  fois,  il  n'a  pas  été  question  des 
musiciens...  ce  jour-là,  mais  l'idée  d'une  recette 
possible  pour  l'Etat  fait  toujours  un  chemin 
rapide  et  les  musiciens  feraient  peut-être  bien 
de  prévoir  c'est-à-dire  de  se  rendre  compte,  à 
l'avance,  de  projets  menaçants  pour  leur  sécu- 
rité financière. 


On  voit  l'étendue  et  l'importance  des 
questions  qui  s'offriraient  à  l'examen  des  arti- 
stes soucieux  d'assurer  leur  stabilité  économique 
encore  bien  plus  compromise  que  celle  des  in- 
dustriels et  des  commerçants.  Il  ne  faut  pas  qu'ils 
s'illusionnent  :  ils  sont  nécessaires  à  la  création, 
mais  ils  ne  sont  pas  indispensables  ;  de  nos 
jours  ils  sont  en  trop  grand  nombre  et,  s'ils 
n'y  prennent  garde  et  ne  s'unissent,  il  pourrait 
se  produire  de  cruelles  éliminations.  Il  est 
temps  de  prendre  une  connaissance  exacte  des 
conditions  nouvelles  que  va  imposer  à  l'artiste 
un  société  qui  est,  c'est  indéniable,  en  voie  de 
rapide  transformation. 

Deux  autres  choses  nous  ont  frappé  au  Con- 
gés des  classes  Moyennes:  c'est,  d'abord,  l'absence 

de    femmes.    Il  y    en  axait    une qui    n'était 

pas  commerçante.  Quand  je  pense  que  des  fem- 
mes trouvent  le  temps  d'assister  à  certaines  réu- 
nions de  revendicatrices,  folles  ou  criminelles, 
où  on  les  berne  avec  les  beautés  du  matriarcat 
et  de  la  gynécocratie  —  c'est  mélodieux  — 
et  que  pas  une  ne  s'est  jointe  à  ces  braves  gens, 
avisés,  d'esprit  sagace,  d'une  bonne  volonté  si 
droite  et  d'un  cœur  si  français.  Que  les  femmes 
artistes  se  gardent  d'agir  de  la  sorte.  Je  sais 
bien  que  certains  musiciens,  d'une  de  nos 
grandes  associations  de  concert,  m'ont  dit  un 
jour,  parlant  à  ma  personne,  pour  employer  le 
style  de  la  jurisprudence  :  "  Les  femmes  !..  ce 
sont  des  concurrentes  ".  Mot  dur,  injuste, 
signe  de  vue  étroite.  Les  femmes  peuvent  être 
d'utiles  et  fidèles  alliées.  Qu'elles  mettent  au 
service  de  la  cause  que  nous  défendons  ici 
leurs  qualités  d'ordre,  d'exactitude,  de  patient 
travail.  Musiciens  et  musiciennes  sont  victimes 
des  mêmes  errements,  se  trouvent  en  face  des 
mêmes  difficultés  ;  un  eff()rt,  commun  est  pour 
eux  aussi  urgent  qu'obligatoire. 


La  seconde  remarque,  sur  laquelle  nous 
allons  conclure,  est  celle-ci.  La  nécessité  de 
l'association  étant  reconnue,  la  tendance 
actuelle  est  de  l'établir,  non  plus  sur  des  bases 
confessionnelles  ou  politiques,  mais  bien,  et 
uniquement,  sur  le  terrain  professionnel.  De 
plus  en  plus  on  tend  à  reconstituer,  sous  d'au- 
tres formes,  les  anciennes  corporations,  on  les 
organisé  au  seul  nom  des  mêmes  intérêts  écono- 
miques. C'est  ce  que  nous  ne  devons  pas  perdre 
de  \ue  à  la  Société  Françoise  des  Amis  de  la 
Musique. 

M.  Daubresse. 

FAITS  SOCIAUX 

Pétition  adressée  par  les  directeurs  des  théâtres  de 
province  :  i"  aux  maires  des  villes  qui  ont  des  théâtres, 
2"  à  la  société  des  auteurs.  Objet  de  la  pétition  : 
Demander  la  suppression  des  Tourne'es  ou  l'imposition, 
aux  imprésarios,  de  conditions  ruineuses. 

Lausanne.  —  La  P/iilharmontque  ItaHenne  demande 
un  directeur  pour  le  1"  février  19 10.  Ecrire  à  M. 
Costantino  Lomazzi.   Lausanne  (Suisse). 

Paris.  —  L'Opéra  vient  d'accepter  M*""'  Laskinc 
comme  harpiste.  C'est  la  premi?re  femme  admise  à 
l'orchestre  de  ce  théâtre. 

—  Le  théâtre  du  Grand-Guigfnol  supprime  le  pour- 
boire des  ouvreuses.  Exemple  à  suivre  ;  à  condition 
que  le  traitement  de  ces  employées  compense  la  perte 
subie. 

Prague.  —  Fondation  d'une  chaire  de  musique  i 
l'Université  de  cette  ville. 

Fribourjj.  —  Organisation  d'un  chitur  d'étudiants  ; 
il  donne  plusieurs  concerts  réussis.  A  imiter  dans  nos 
diverses  Facultés  ;  excellente  institution. 

Paris.  —  Fondation  de  la  Societf  PaUstrinti.  Pré- 
sident :   M.  Vincent  d'Indy. 

—  Concours  de  "Chansons  et  Poésies"  organisé  par: 
La  Bonne  Chanson.   Deux  milles  francs  de  prix. 

" —  Revendications  des  auteurs  et  acteurs.  Les  .Auteurs 
demanilent  :  Réforme  coni]ilète  (mais  non  suppression) 
de  la  Société  des  auteurs  ;  tlétense  îles  stagiaires  qu'on 
traite  en  quantité  négligeable  ;  modifications  i  appor- 
ter à  la  commission  des  auteurs  :  suppression  des  trai- 
tés qui  lient  les  théâtres  à  la  société,-  substituer  au  tant 
pour  cent  actuel,  qui  constitue  les  droits  d'auteur,  une 
échelle  proportionne  le  îles  tlroits,  par  traité  librement 
consenti  entre  directeur  et  auteur,  traité  que  défendrait 
le  syndicat  ;  suppression  du  droit  tics  pauvres  ;  lutte 
contre  le  système  des  tournées. 

Les  .Acteurs  désirent  :  Qu'on  tienne  coinjite  dans 
les  entre|)rises  théâtrales  des  lois  sur  l'hygiène  et  de  la 
morale  ;  de  la  loi  sur  le  repos  hebdomadaire  :  paiement 
du    travail   supplémentaire  ;   protection  des  acteurs  en 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


39 


cas  de  faillite  ;  suppression  des  amendes  ;  minimum 
de  salaires  sans  différence  de  sexe  ;  lutte  contre  les 
agences,  dont  le  syndicat  demande  la  suppression. 

Pour  faire  aboutir  ces  revendications  auteurs  et 
acteurs  ont  fondé  un  syndicat  affilié  à  la  Bourse  du 
Travail. 

New- York.  —  On  vient  d'installer  dans  les  souter- 
rains d'un  "  gratte-ciel  "  une  nouvelle  salle  de  théâtre. 
Elle  a  douze  mètres  de  haut  et  peut  contenir  dix-huit 
cents  personnes.  —  Un  inventeur  présente  un  instru- 
ment appelé  mirophone  au  moyen  duquel  les  notes 
données  par  le  chanteur  lui  sont  renvoyées  en  écho.  Il 
peut  ainsi  juger  des  imperfections  de  sa  voix  et  y 
remédier. 


L'Edition 


l 


LES  NOUVEAUTES  MUSICALES 

Pour  plus  de  clarté  nous  donnons  en  tête  de  cette 
rubrique  les  numéros  qui  correspondent  à  chacun  des 
éditeurs  des  œuvres  citées,  i  Démets.  2  Evette  de 
Schaeffer.  3  Breitkopf.  4  Edition  Mutuelle.  5  Max 
Eschig.  6  Durand  et  Fils.  7  Lascano  Y  Mar. 
(Bilbao).  8  Doblinger  (Vienne).  9  Fuerstner  (Berlin). 
10    Rob.  Lienau  (Berlin). 

Une  curieuse  Suite  ^  pour  deux  flûtes  ou  deux 
violons^  d'un  musicien  tout  à  fait  inconnu, 
Pierre  Bucquet,(i734),  un  air  ^  pour  Ténor 
extrait  du  Demofoonte  de  Leonardo  Léo,  exhu- 
més par  notre  excellent  collègue  Charles  Bouvet, 
deux  Smates  de  Haendel,  transcrites  pour 
clarinette  Si  bémol  par  M.  Stiévenard  ^  et  un 
volume  des  Denkmaeler  ^  allemands  contenant 
des  hymnes  de  PraetorIus,  voilà  l'hommage 
rendu  ce  mois-çi  aux  vieux  maîtres.  Passons 
aux  jeunes. 


M.  Stiévenard  publie''  une  Etude  pratique 
des  gammes  pour  la  Clarinette^  ouvrage  plutôt 
rébarbatif  aux  yeux  des  profanes,  mais  fort 
utile  aux  professionels.  J'ai  pris,  d'autre  p>art 
le  plus  vif  plaisir  à  feuilleter  le  luxueux  volume 
de  M.  Iîaggers  "  Méthode  de  timbales  et  d'in- 
struments à  percussion  "  :  ce  titre  ne  semble  pas 
annoncer  un  ouvrage  bien  attrayant  :  détrom- 
pez-vous ;  sa  dernière  partie  en  particulier, 
qui  traite  des  instruments  de  fantaisie  et  d'imi- 
tation usités  dans  nos  orchestres,  nous  dévoile 
de  la  façon  la  plus  amusante  quelques  uns  des 
mille  secrets  de  l'instrumentation  moderne. 
Tout  ceci  n'est  point  pour  nuire  à  la  valeur 
théorique  de  l'œuvre  et  je  me  permettrai  d'y 
revenir  plus  longuement. 

M.  Ducourau  et  M.  SiEFERT  avec  leurs 
pièces  pour  piano. '^  M.  Nirag  avec  une  estimable 
Sonate  en  Ré  bémol*  se  complaisent  dans  une 
austérité  toute  scholastique  :  M.  Eugène  Cools 
avec  une  Sicilienne  pour  flûte  et  piano  ^  ne 
recherche  que  le  succès  facile.  M.  Beesau 
publie  14  Mélodies  pour  chant  et  piano,  * 
musique  distinguée  et  un  peu  précieuse,  sur 
des  poèmes  plus  précieux  encore,  le  tout,  très 
représentatif  des  tendances  actuelles  de  l'art 
français. 

Mais  c'est  de  l'étranger  que  nous  vient  ce 
mois-ci  le  souffle  vivificateur,  avec  les  amusantes 
Pièces  espagnoles  de  M.  Manuel  de  Falla  ®  et 
surtout  avec  l'admirable  Quintette  pour  piano 
et  cordes  *  de  M.  Joaquin  Turina.  Souhaitons 
d'entendre  bientôt  à  Paris  cette  œuvre  capitale. 
M.  de  Falla  n'a  pas  eu,  comme  son  compa- 
triote, l'avantage  d'aller  prendre  l'air  de  la 
Rue  St  Jacques  ;  et  c'est  ici  que  nous  voyons 
combien  est  nécessaire  à  un  musicien  la  maî- 
trise parfaite  de  son  art.  A  côté  d'eux  la  musique 
religieuse  en  Espagne  fait  bonne  figure  avec 
une  Messe  de  Goicochea  ''  et  une  Antologie 
moderne  des  organistes  espagnols,  publié  par 
le  R.  P.  NoTANO.  '' 

D'Allemagne,  nous  arrivent  la  partition 
d"" orchestre  de  la  5®  de  Bruckner^  et  la  huitième 
en  charmante  partition  d'orchestre  format  de 
poche  (3  mark)  ^'^,  enfin  32  mélodies  pour  chant  ^ 
de  M.  Richard  Strauss  :  les  unes  traduites, 
par  M.  Louis  Schneider  qui  se  fait  un  plaisir 


40 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


<le  laisser  parfois  percer  la  puérilité  du  lyrisme 
allemand  ;  les  autres  par  M.  Marnold.  Ici 
l'accent  prosodique  et  l'accent  musical  ne 
coïncident  pas  toujours  ;  il  en  résulte  un 
déséquilibre  assez  désagréable  pour  le  chanteur. 
Ces  lieds  de  Strauss  mériteraient  de  faire 
fortune  chez  nous  et  de  figurer  au  répertoire 
de  nos  chanteurs  à  côté  de  ceux  de  Schumann 
et  de  Schubert,  dont  ils  sont  l'aboutissement 
direct.  Leur  extrême  difficulté  leur  nuira  sans 
doute  :  compliqués  à  lire,  d'intonations  ardues, 
mal  écrits  pour  les  voix,  tels  d'entre  eux 
exigent  un  déploiement  de  virtuosité  que  nous 
ne  sommes  plus  habitués  à  rencontrer  chez  les 
interprètes  du  lied.  Les  plus  accessibles  sont 
"  Florilège  ",   la  "  Berceuse  "  puis   la   "  Forêt 


solitaire  '  qui  rappelle  les  plus  belles  créations 
de  Schumann  et  de  Brahms.  "  A  l'hiver  "  est 
au  contraire  tout  à  fait  Schubertien  :  d'autres 
"  Les  sept  buveurs"  "Serment  de  célibataire", 
"  Mon  hôte  "  ont  une  bonhomie  toute  ger- 
manique. "  Aurore  matinale  "  est  d'un  lyrisme 
véhément  et  enfiévré.  Enfin,  avec  "  le  Soli- 
taire ",  "  Aimer  et  Souffrir  ",  "Atlas  le  Grand" 
"  Ressouvenirs  ",  M.  Strauss  atteint  aux  plus 
hauts  sommets  de  l'intensité  dramatique.  Puisse 
notre  public  français,  trop  disposé  à  se  com- 
plaire dans  les  demi  teintes  et  le  clair  obscur, 
reprendre  goût  à  l'héroïsme  et  "  s'emballer 
devant  des  œuvres  de  cette  virilité  et  de  cette 
puissance. 

V.   P. 


Le  Gérant  :  Marcel  Prbobt. 


Inipr.  par  The  St.  Catherine  Press  Ltu.  Rrugcs,  Hd^ique. 


L'ACTUALITÉ 


MUSICALE 


ANNEXE  DE  LA  REVUE  MUSICALE  S.I.M. 
PUBLIÉE  PAR  LA  SECTION  DE  PARIS  DE  LA 
SOCIÉTÉ  INTERNATIONALE  DE  MUSIQUE 


5  FEVRIER  1910 


FRANCE  ET  BELGIQUE 
Le  numéro  :  0.40  -  Un  an:  4.00 


UNION      POSTALE 
Le  numéro:  0.60  -  Un  an:  6.00 


L'JCTU ALITÉ  MUSICALE 


REDACTION 


PARIS:    22,    RUE    ST.    AUGUSTIN 
BELGIQUE:  RENE  LYR  A  BOITSFORT,  BRUXELLES 


ADMINISTRATION  : 


LIBRAIRIE    CH.    DELAGRAVE,    15,    rue    Soufflot,    PARIS. 


Tous  les   mandats  doivent  être  adressés   soit  à   la  librairie   DELAGR^^VE, 

soit  à  M.  REU^É  LYR. 


SOMMAIRE     DE     L'ACTUALITE 

DU    15    FÉVRIER 

THP!:ATRES  et  concerts,  à  Paris  par  Gi'KRiM.or  —  Pr.nincc.  —  Belgique.  — 
Étranger.  —JOUR  ET  NUIT,  par  Pikrkk  Johhk-Duval.  —  LES  INSTRUMENTS;  les 
nouveautés  de  partout  par  L.  Greilsamer.  Notice  liistoricjue  sur  le  hautbois  par  Hridet. 
—  QUESTIONS  SOCIALES;  le  Gracieux  Concours  par  M.  Daihrksse.  —  COURS 
ET  CONEÉRENCES  à  l'Ecole  des  Hautes  Etudes  Sociales  par  G.  RcH'CHÈs.  — 
L'I'.Dri  ION    MUSICAL]^.    H<h<'nict-   île    MaL^Manl,    par   Sania/.euilh  :     Le   ipiatuor   à   cordes 

de    Th.  Dubois,   par    |.    E. 


Théâtres  et  Concerts 


Ce  modeste  compte  rendu  des  Concerts  de 
Janvier  à  Paris  débutera  par  une  "  annonce 
et  réclamera  "  toute  l'indulgence  du  public 
car  il  sera  insuffisant  et  incomplet.  Le  cente- 
naire de  Haydn  qui  a  valu  à  VS.  I.  M.  un 
numéro  documentaire  et  à  X Actualité  Musicale 
le  "Mois"  de  M.  Gaston  Carraud  nous  a 
empêchés  de  faire  même  une  simple  mention 
des  concerts  de  décembre.  Et  voici  que  pour 
ceux  de  janvier,  nombreux  et  souvent  impor- 
tants, les  inondations,  qui  ont  coupé  Paris  en 
deux,  ont  singulièrement  compliqué  la  tâche 
de  nos  collaborateurs.  Malgré  leur  courage,  ils 
ont  plus  d'une  fois  reculé  devant  les  dangers 
d'une  navigation  jusqu'aux  salles  Gaveau, 
Erard  et  Pleyel.  Eux  aussi  ont  été  débordés. 
Ne  voulant,  contrairement  à  l'usage,  parler 
que  de  ce  qu'ils  avaient  entendu,  ils  ne  nous 
ont  rien  envoyé  sur  bien  des  séances  certai- 
nement intéressantes.  Que  le  lecteur  nous 
pardonne  !  Février  sera  sans  doute  plus  clé- 
ment :  de  tant  de  flots  envahissants  il  ne  sub- 
sistera plus  que  celui  des  concerts;  nous  ferons 
de  notre  mieux  pour  le  canaliser. 

A  l'Opéra  Comique  on  reprend  Phryné 
et  Paillasse,  deux  pièces  qui  se  font  mutuel- 
lement repoussoir. 

Belle  est  la  voix  de  M™''  Nicot-Vauchelet, 
et  plus  distinguée  encore  sa  personne.  Pour 
une  courtisane  l'allure  est  un  peu  sélect.  Peut- 
être  l'art  classique  de  M.  St.  Saëns  convient 
il  à  la  délicatesse  de  ce  flirt.      ,         ■ 


De  même  M.  Salignac  a  donné  à  Leonca- 
vallo  une  dignité  que  je  ne  lui  connaissais 
pas.  Et  ici,  est-ce  un  mérite  ?  Il  est  vrai  que  la 
voix,  toujours  un  peu  contenue  de  M.  Salignac 
l'engageait  à  ménager  ses  effets.  M^'*^  Lamare 
s'agite  fort  à  propos  ;  le  rôle  est  un  peu  haut 
perché  pour  elle.  Mais  bravo  pour  sa  "  furia  " 
que  je  voudrais  retrouver  dans  l'orchestre. 
N'atténuons  pas  ce  qu'il  y  a  de  choquant 
pour  nous  dans  cette  musique.  Que  resterait-il 
en  effet  ? 

En  Décembre,  le  Conservatoire  avait 
inscrit  à  ses  programmes  la  Symphonie  avec 
chœurs,  l'Enfance  du  Christ  et  un  concert 
inédit  de  Haydn  —  remarquablement  joué 
par  M.  Boucherit.  En  janvier,  M.  Messager 
a  donné  deux  belles  séances.  A  la  première, 
M™'^  Marguerite  Long  fut  l'interprète  élégante 
du  troisième  Concerto  de  M.  Saint  Saëns, 
qu'accompagnaient  la  symphonie  pastorale,  le 
prélude  à  l'après-midi  d'un  Faune,  de  M. 
Debussy  et  une  des  cinq  cantates  que  Bach 
écrivit  pour  la  fête  de  Pâques.  Programme 
sagement  équilibré,  comme  on  voit.  La  can- 
tate, donnée  pour  la  première  fois  à  Paris, 
est  très  stricte  de  forme,  étant  toute  entière 
basée  sur  l'hymne  "VictimœPaschalis  laudes", 
et  sa  beauté  est  austère. 

Les  Concerts  Lamoureux  ont  souffert 

du  désarroi  général  de  la  seconde  quin- 
zaine car,  faute  d'éclairage,  ils  ont  dû  re- 
noncer à   leur  séance  du    30.   Dans  les  trois 


44 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


autres  programmes  il  faut  citer  l'œuvre  com- 
plexe, touffue,  énorme  de  M.  Richard  Strauss 
"  Ainsi  parla  Zoroastre  ",  triomphe  de  cet 
admirable  orchestre  et  de  son  chef.  Les  applau- 
dissements du  public  ont  prouvé,  croyons- 
nous,  une  satisfaction  d'ordre  purement  musical. 
Il  a  renoncé  à  scruter  l'abstraite  quintessence 
de  la  donnée  littéraire.  Puis  ce  furent  la  sym- 
phonie de  Franck,  la  symphonie  en  ut  mineur 
de  M.  Saint-Saëns  (dont  c'était  exactement 
—  de  la  symphonie,  bien  entendu  —  le  23""" 
anniversaire  au  Concei  t  Lamoureux),  la  sym- 
phonie en  si  b  de  Schumann,  la  Forêt  enchantée 
de  M.  d'Indy,  œuvre  toujours  jeune  elle  aussi, 
la  Fantaisie  sur  des  Airs  Angevins,  de  G. 
Lelceu,  vigoureuse  et  franche,  la  Bataille  des 
Huns,  de  Liszt,  pompeuse  et  bruyante.  Nous 
allions  oublier  l'agréable  mais  peu  debussyste 
petite  suite  de  M.  Debussy,  orchestrée  par  M. 
Busser.  Chaque  concert  eut  son  soliste. 

Le  mois  de  décembre  s'est  terminé  aux 
Concerts  Colonne  par  le  grand  succès  de 
AI.  ii'Ind\-  conduisant  des  fragments  impor- 
tants de  l'Etranger,  trop  tôt  exilé  de  l'Opéra. 
La  réouverture  de  janvier  s'est  faite  par  un 
Festival  Franck,  dirigé  par  son  successeur  à 
S'*"  Clotilde,  M.  Pierné.  Ce  furent  deux  belles 
séances  pour  notre  école  française.  Mais  elles 
n'eurent  pas  de  lendemain  car  on  revint  aux 
fragments  de  drames  wagnériens  —  inexplica- 
bles depuis  qu'on  les  donne  à  l'Opéra  —  et  à 
la  terrible  Sinfonia  domestica  de  M.  Strauss, 
ceuvre  deux  fois  allemande.  La  Symphonie 
avec  Chœurs  de  Beethoven  fut  toutefois  donnée 
le  23  et  le  31  avec  le  concours  de  l'Ecole  de 
Chant  Choral,  Comme  nouveautés  une  fan- 
taisie pour  piano  et  orclustrc  de  M'"'  Mel- 
Bonis  et  les  Lieder  de  la  Forêt,  de  M.  J.  G. 
Ganayc,  la  première  bruyante,  les  autres  peu 
intéressants.  Et  c'est  tout. 

Disons  au  revoir,  avec  queUpies  regrets,  à 
M.  Hasselmans  dont  l'orchestre  joua  pour 
la  dernière  fois  le  i  5,  avec"  deux  œuvres  nou- 
velles ici,  inais  d'assez  mince  intérêt,  une 
ouverture  pour  Polyeucte,  de  M.  Tinel  et  lui 
scherzo  de  M.  Simia.  Par  contre,  M""  Lucile 
Panis  qui  chante  un  air  d'Iphigénie  en 
Tauride    a    fait    entendre    une    belle    voix    de 


contralto  dramatique.  Après  l'avoir  applaudie 
au  Conservatoire,  nous  espérons  l'entendre 
bientôt  au  théâtre. 

Les  Concerts  Symphonia  poursuivent 

leur  carrière.  En  décc-nibre,  W^""  Rose  Féart 
et  Lapeyrette,  de  l'Opéra,  y  chantèrent  un  duo 
nouveau  de  M.  Léo  Sachs,  "Jour  et  Nuit" 
œuvre  bien  écrite  pour  les  voix,  sobre  et  distin- 
guée de  forme,  discrète  d'orchestration.  Les 
deux  séances  de  janvier  (dont  celle  du  16  con- 
sacrée à  Schumann)  furent  dirigées  par  M. 
Catherine  et  M.  Busser.  La  symphonie  de 
E.  Chausson  fut  applaudie  comme  elle  eût  du 
l'être  du  vivant  de  son  auteur. 

M.  Sechiari,  excellent  violoniste,  cappel- 
meister  un  peu  sec,  reprend  son  bâton  de 
chef  d'orchestre  et  annonce  six  séances  au 
Théâtre  Marigny.  Sa  rentrée  fut  très  applau- 
die, mais  le  concert  faillit  être  compromis 
par  la  grippe  des  deux  solistes.  M""'  Isnardon 
et  M"'"  Leginska,  que  remplacèrent  aimable- 
ment M""'  Gaétane  Vicq,  dans  les  lieder  de 
Schubert  et  M.  Maurice  Duniesnil  dans  le 
Concerto  de  Grieg.  Comme  nouveauté  nous 
eûmes  un  poème  symphonique  de  Smetana, 
écrit  en  1H58,  inédit  à  Paris,  "  Richard  III" 
œuvre  intéressante,    dans  la  manière  de  Liszt. 

Le  dilettantisme  nioiulain  est  toujours 
fidèle  à  la  Société  Philharmonique,  dont 

les  programmes  méritent  cette  faveur.  Nous 
allons  entendre  le  quatuor  Rosé,  de  Vienne,  et 
d'autres  artistes  notoires.  En  attendant,  la 
société  fêta  Schumann  avec  le  quatuor  Hayot 
toujours  élégant  et  précis,  M.  Artur  de  Greef, 
le  délicat  pianiste  et  surtout  M""'  Bréma  plus 
intelligente,  plus  expressive,  plus  comnuniica- 
tive  que  jamais.  Le  25,  on  applaudit  le  trio 
Russe  (M"'"  Vera  l^ess,  MM.  Joseph  et 
Michael  Press)  qui  joua  un  trio  agréable  de 
Schubert,  un  trio  long  et  prétentieux  de 
TschaïkowskN  it  une  belle  Passacaille  de 
Hiendel,  enfin  le  baryton  Oscar  Seaglc,  à  la 
\()ix  ample  mais  un  peu  dure  et  métallique. 
Huit  matinées  et  soirées  —  musique  de 
chambre,  soli  et  danses  —  ontcommiiué  :'i  la 
Salle  Fémina,  sous  le  titre  de  Festivals 
MusiCft.  Connue  c'est  M.  Astruc  qui  les 
organise    on  n'a  pas  de   déceptions  à  reilouter. 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


45 


r^ii 


Le  19  Janvier  au  DECEM 


Rouart,  Lerolle  ù  C" 

ÉDITEURS  DE  MUSIQUE 
18,   BOULEVARD   DE  STRASBOURG  -  PARIS 


Le  plus  grand  abonnement  de  France 
service  :  Maison  GAVEAU,  45,  rue  de  la  Boëtie. 


TOUTE   LA   MUSIQUE   en  lecture 

Représentation    exclusive    des  Éditions    Bélaïeff,   Hansen, 
Jurgenson,  Universelle  et   Zimmermann. 


VIENNENT  DE  "PARAITRE  : 

Déodat  de  Séverac  :     LE    CŒUR    DU     MOULIN,     Drame- Lyrique    en 
2  actes,   la  partition  I  5   francs. 

Pierre    de    Brêville  :    EROS    VAINQUEUR.   Conte   Lyrique  en    3   actes 

la  partition    net    20    francs. 

Albert    Roussel  :     POÈME     DE     LA     FORÊT,     Symphonie    réduite    à 

4  mains,    net     1 0    francs. 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


47 


Aux  deux  premières  séances,  les  Quatuors 
Parent  et  Geloso,  le  Quatuor  vocal  Expert 
M.  Fauré,  M.  Diéiner,  Miss  Maggie  Teyte, 
M'"''  Henriquez,  M.  Cortot,  M.  Muratore  et 
pour  la  danse,  M''"'''*  Chasles,  Barbier,  Kubler, 
et  Meunier,  de  l'Opéra,  nous  valurent  une 
artistique  satisfaction.  Les  programmes  à  venir 
ne  le  cèdent  en  rien  à  ceux-ci. 

Il  faudrait  parler  avec  quelque  détail  de  la 
séance  supplémentaire  donnée  au  théâtre  de 
l'Athénée  par  le  Cercle  Musical.  Elle 
méritait  certes  plus  nombreuse  assistance. 
M.  Debussy  lui-même  y  conduisit  ses  jolies 
chansons  de  Charles  d'Orléans,  où  Miss 
Teyte  chanta  délicieusement  le  solo.  Le 
Quatuor  Firmin  Touche  joua  le  quatuor  du 
Maître. 

Nous  ne  pouvons  que  mentionner  la  "  ren- 
trée "  de  l'excellente  Société  Moderne 
d'Instruments  à  vent.  Ce  groupe  célébrait 

sa  centième  audition  d'œuvres  nouvelles,  ce  qui 
n'est  pas  un  mince  mérite.  Nous  avons  goûté 
une  fantasia  con  fuga  de  M.  Flament,  pour 
septuor,  le  joli  divertissement  d'E.  Bernard, 
îiuteur  regretté,  et  un  sextuor  de  M.  Reuchsel, 
inférieur   toutefois  à  ses   ceu\'res    pour   cordes. 

La  Société  Nationale  elle  aussi,  nçn 
est  plus  à  compter  ses  œuvres  nouvelles.  Dans 
sa  séance  du  22,  après  le  quatuor  d'E.  Chausson, 
nous  notâmes  une  suite  agréable  et  bien  écrite 
pour  piano  à  quatre  mains  (Rhapsodie  Gaéli- 
que) de  M.  Paul  Ladmirault.  Le  reste  du 
concert  fut  moins  intéressant,  même  une  autre 
rhapsodie  pour  deux  pianos  de  M.  Florent 
Schmitt,  dont  nous  attendions  mieux. 

Rappelons  les  Soirées  d'Art  où  tous  les 
Samedis,  rue  d'Athènes,  M.  Barrau  a  son 
public  nombreux  et  fidèle  pour  célébrer  Franck, 
Schiibert   et  récemment  M.  Georges   Enesco. 

Nous  allons  enfin  faire  connaissance  avec  la 
musique  anglaise  contemporaine,  si,  comme 
nous  l'espérons  d'après   la   première  séance,  la 

"British  Concerts  Society  tient  ses  pro- 
messes et  comme  M.  Calvocoressi  l'a  annoncé 
dans  un  speech  inaugural.  Le  programme 
comprenait  des  mélodies  de  MM.  Elgar, 
Cyrill  Scott,  Quilter,  Ronald,  etc.  de  ten- 
dances    diverses     mais     prouvant,    un     réveil 


musical  de  l'autre  côté  du  détroit.  Miss 
Swinson  a  une  belle  voix  de  contralto  et 
M.  Lionel  Tertis  a  joué  en  grand  artiste  de 
l'alto  dans  une  sonate  de  M.  Bow^en  et  dans 
une  romance  intéressante  de  M,  Dale. 

Il  nous  faut  mentionner  en  hâte  le  Decem 
qui  fit  entendre  un  dixtuor  de  M.  Th.  Dubois, 
d'une  belle  sonorité,  la  sonate  de  violoncelle 
de  M.  Chevillard  (l'auteur  et  M.  Dressen), 
un  Octuor  de  Mozart  et  une  jolie  mélodie  de 
M.  Léo  Sachs,  "  le  retour  près  de  l'aimée  ". 
M.  Van  Dyck  y  fut  comme  toujours  un  grand 
artiste.  Un  mot  enfin  :  le  Quatuor  Mar- 
Sick-Hekking  qui  a  donné  trois  très  bonnes 
séances,  le  QuatÙor  Parent  qui,  donnant  à 
la  Schola  les  i  7  quatuors  à  cordes  et  7  sonates 
de  piano  de  Beethoven,  fait  œuvre  de  vulga- 
risation désintéressée  (ce  qui  ne  surprendra 
pas    de  la   part  de   M.  Parent)  ;  le  Quatuor 

Fax  jeune  et  ardent;  le  Quatuor  Lejeune, 

intelligemment  dirigé  et  poursuivant  son  Jiis- 
toire  du  quatuor  à  cordes  par  deux  fort  inté- 
ressantes séances  de  musique  russe  (la 
première     ouverte     par    une     Conférence    de 

M.  Calvocoressi)  :  le  Quatuor  Rimé  Sain- 
tel,  le  Quatuor  Berthe  Wagner,  deux 

groupes  féminins  d'une  exécution  souple  et 
gracieuse. 

L'Union  des  femmes  professeurs 

et  Compositeurs  de  Musique,  présidée  par 
M"'"  Maurice  Gallet,  donne  les  i«'"  et  3*^  Mardis 
une  matinée  salle  Gaveau.  Celle  du  18  fut 
consacrée  à  Mendelssohn  avec  le  trio  en  ut 
mineur  (M^^^^  Hélène  Colin,  Fernande  Reboul 
et  M"'*"  Ancel  Guyonnet)  des  pièces  de  Piano 
et  de  Violon  (M™*'*'  Reboul  et  Guyonnet)  et 
de  chant  (M"'*^' Jacquemin,  soprano,  M*^"^  Blot- 
kine,  contralto). 

Le  Lyceum  Club  reste  le  foyer  musical 
intéressant  que  nous  avons  déjà  mentionné,  sous 
l'impulsion  artistique  de  JM"^*  Gignoux  et 
Delhez.  On  y  entend  d'excellente  musique  le 
Vendredi. 

Tous  les  quinze  jours,  à  la  Salle  de  la 
Société  d'horticulture,  M.  Paul  Landormy 
continue  ses  conférences  musicales  avec  audi- 
tions sur  les  Grandes  époques  de  la 
musique.    Il   ne  peut   V    avoir   de   meilleur 


COURS  DE  CHŒUR 

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MUSIKALISCHES  WOCHENBLATT  ^m 

Directeur:   LUDWIG  FRANKENSTEIN 

ABONNEMENT   13  FR.   PAR  AN. 


Le  "  MUSIKALISCHES  WOCHENBLATT  "  publie  des  articles  de  fond 
des  nouvelles  et  des  critiques,  rédigés  par  les  musiciens  et  les  musicologues  les  plus 
éminents.  Cette  revue  abondante  donne  un  tableau  complet  de  la  vie  musicale 
du  monde  entier.    Elle   est   connue  pour  ses   tendances  progressistes. 

Le  "  MUSIKALISCHES  WOCHENBLATT"  se  recommande  aux  artistes, 
éditeurs,  luthiers  et  établissements  de  tout  genre,  qui  désirent  se  faire  connaître 
par  des   insertions. 

Envoi   gratuit   d'un    numéro   spécimen. 

Administration:   OSWALD  MUTZE,    LEIPZIG 

4,     L|ND1:NS  TR  AS.SK. 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


49 


complément  d'une  éducation  musicale  que  ces 
tix-s  substantielles  conférences  qu'illustrent  des 
artistes  de  premier  mérite. 

Nous  arrivons  aux  Concerts  d'Artistes,  et 
c'est  ici  surtout  que  nous  avons  des  oublis  à 
nous  faire  pardonner.  M""'  Ida  Isori  vient  de 
terminer  ses  six  belles  séances  de  musique 
italienne  ancienne,  qu'elle  a  données  avec 
M.  Wittwer  (violon)  et  M.  Litta  (piano).  Ce 
fut  une  liistoire  complète  de  cette  époque  trop 
décriée  du  bel  canto,  faite  par  une  grande 
artiste.  M""^'  Isori  qui  a  obtenu  tout  le  succès 
qui  lui  était  dû  nous  reviendra  sans  doute. 
M.  Mark  Hambourg  ne  doit  pas  être  jugé 
sur  son  exécution 'du  Concerto  en  ut  mineur 
de  Beethoven  au  Concert  Chevillard.  Ses 
deux  concerts  des  6  et  1 1  janvier  donnent  une 
idée  plus  exacte  de  sa  nature  d'artiste.  Sa 
technique  est  remarquable,  il  est  d'une  origi- 
nalité tout  à  fait  intéressante  dans  les  œuvres 
romantiques,  mais  il  manque  de  style  dans  le 
classique,  il  faut  bien  le  dire.  Son  interpréta- 
tion de  la  sonate  en  si  b  mineur  de  Chopin 
surpasse  presque  toutes  celles  que  nous  en 
avons  entendues.  Mais  il  fut,  dans  la  sonate 
Op.  3  de  Beethoven,  d'une  fantaisie  de  rythme 
et  de  nuances  plutôt  déconcertante.  M.  Lam- 
BERG,  également  pianiste,  a  bien  joué  les 
Etudes  Symphoniques  de  Schumann,  la  mé- 
diocre sonate  de  violoncelle  de  Chopin  et  une 
sonate  de  Locatelli  avec  M™*^  Casais. 

M.  Lortat  Jacob  (prix  Diémer)  a  été 
forcé  par  les  circonstances  d'ajourner  son  con- 
cert annoncé  pour  le  30.  Au  premier,  avec 
l'orchestre  du  Conservatoire  que  dirigeait . 
M.  Gaubert,  il  a  joué  avec  style  les  Variations 
Symphoniques  de  Franck,  le  Concerto  en  sol, 
de  Beethoven,  celui  en  mi  b  de  Liszt  et  un 
poème  symphonique  de  M.  Pierné  que  nous 
regrettons  vivement  d'avoir  manqué. 

La  salle  Erard  a  donné  ce  mois-ci  sa  gra- 
cieuse ho^italité  à  quelque  trente  artistes. 
Nous  ne  pouvons  que  mentionner  le  talent 
très  délicat,  très  féminin  de  M™*'  Norman 
O'Neill,  plus  adéquat  aux  mignardises  char- 
mantes de  Scarlatti  qu'aux  œuvres  de  Brahms 
.et  de  Schumann  ;  et  surtout  le  remarquable 
tempérament   artistique  de  M^''  Clara  San- 


SOni  qui  a  eu  la  bonne  pensée  de  donner  un 
Concert  d'œuvres  d'Albeniz,  ce  véritable  créa- 
teur de  l'école  espagnole  moderne.  M"''  Selva 
et  M.  Ricardo  Vînes  jouent  assez  souvent  de 
ses  œuvres,  notamment  de  cette  exc|uise  Iberia, 
mais  ils  ne  les  jouent  pas  mieux  que  M"'' 
Sansoni.  Nous  osons  à  peine  consacrer  deux 
lignes  à  M.  Risler  qui  vient  de  jouer  les 
sonates  de  MM.  D'Indy  et  Dukas  à  la  salle 
Pleyel  et  qui  y  donnera  encore  un  Concert 
moderne,  alors  qu'il  faudrait  parler  en  détail 
des  œuvres  et  de  l'artiste.  Qu'il  veuille  bien 
nous  en  excuser. 

Une  toute  jeune  violoniste,  élève  de  M. 
Parent,  M""  Crespi,  débuta  il  y  a  quelques 
jours  à  la  salle  Fémina.  Nous  croyons  qu'elle 
prendra  place  parmi  nos  meilleurs  violonistes 
car  elle  a  une  remarquable  qualité  de  son, 
(Concerto  pour  deux  violons,  de  Bach,  avec 
M.  Parent)  une  technique  complète  (Concerto 
de  Tschaïkowsky)  et  un  beau  style  (sonate 
pour  violon  seul  De  Bach).  L'érudit  et  le 
virtuose  qu'est  M.  Debroux  continue  à  la 
salle  Pleyel  les  intéressantes  séances  de  musique 
ancienne  de  violon  dont  il  a  on  peut  le  dire, 
la  spécialité.  Personne  ne  connaît  et  ne  fait 
connaître  comme  lui  ces  œuvres  trop  oubliées. 

"  AucaSSin  et  Nicolette,  chante-fable 
en  un  prologue  et  trois  parties,  musique  de 
Paul  Le  Flem,  ombres  de  MM.  Dorival  et 
Bordry  "  fut  un  enchantement  pour  nos  yeux 
et  un  agrément  pour  nos  oreilles,  car  les  om- 
bres sont  d'un  goût  parfait  et  la  musique, 
plutôt  Debussyste,  a  une  réelle  valeur.  Avec 
une  exécution  plus  soignée,  ce  sera  un  joli 
petit  spectacle.  Bravo  pour  la  harpe  chroma- 
tique modifiée,  dont  les  dessus  sonnent  ad- 
mirablement. 

M.  Bonjean,  dont  l'inépuisable  bonté  s'est 
vouée  au  sauvetage  de  l'enfance  malheureuse 
ou  coupable,  a  entrepris  aussi  le  sauvetage  des 
littérateurs  et  des  musiciens  incompris  ou 
infortunés.  (Il  en  existe).  Son  œuvre  est  "  la 
Jeune  France."  Il  réunit  chez  lui  ces  jeunes 
talents  et  rêve  de  leur  donner  une  "  Villa 
Médicis  "  libre.  M.  Victor  Charpentier  le 
seconde.  Nous  avons  eu  le  plaisir  d'assister 
l'autre  soir  à  une  de    ces  réunions   et,   si  nous 


5° 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


n'en  awons  pas  rapporté  d'émotion  artistique 
profonde,  plusieurs  des  artistes  étant  quelque 
peu  "  chatnoiresques  "  elle  nous  a  laissé  le 
souvenir  d'une  œuvre  charitable  et  généreuse. 

Plus  modeste  est  la  société  d'éduca- 
tion  musicale  qui  nousa\ait  conxiés  le  22 
une  à  soirée  musicale  à  Auteuil.  Elle  a  obtenu 
des  résultats  encourageants  que  nous  avons  été 
heureux  de  constater. 

Deux  mots,  pour  terminer,  d'auditions  d'élè- 
ves spécialement  intéressantes.  AI.  Philipp 
a  fait  entendre  salle  Gaveau  ses  élèves  du  Con- 
servatoire, avec  le  concours  de  plusieurs  pre- 
miers prix  sortant  de  sa  classe.  Cet  enseigne- 
ment est  hors  de  pair.  M.  Charles  Bouvet, 
notre  distingué  collègue  a  également  présenté 
quelques-uns  de  ses  élè\es  à  la  salle  Pleyel 
dont  plusieurs  ont  une  virtuosité  et  un  sens 
artistique  intéressants.  Mentionnons  enfin  une 
excellente  audition  du  CourS  Sauvrezis, 
à  Passy,  dans  les  œuvres  de  Franck,  et  la  très 
intéressante  matinée  de  M""  Maurat-Sain- 
selve,  avec  concours  de  M"''  Lénars  et  de 
M.  Lebebez,  d'une  charmante  intimité. 

Nous  allons  enfin  avoir  un  Théâtre  Mo- 
derne, et  adapté  aux  besoins  de  l'r.rt  drama- 
tique et  lyrique  tel  qu'il  s'est  établi  en  Europe 
depuis  les  grandes  réformes  de  Wagner.  M. 
Gabriel  Astriic  qui  a  assumé  la  lourde  tâche  de 
créer  cet  organisme  nécessaire,  vient  d'acheter 
comme  on  le  sait,  avenue  Montaigne,  les 
terrains  destinés  à  la  construction  de  ce  Palais. 
Toute  la  presse  a  dit  ce  qu'il  fallait  sur  cet 
événement.  Nos  lecteurs  trouveront  dans  un 
de  nos  prochains  numéros,  tous  les  détails  de 
cette  Salle,  qui  sera  un  modèle,  et  qui  profite- 
ra de  l'expérience  de  tous  ceux  qui  ont  élevé 
des  théâtres  depuis  tn-nte  ans  chns  le  monde 
entier. 

La  manécanterie  des  petits 
chanteurs    à    la    croix    de    bois 

dont  nous  avons  à  |)lusieurs  reprises  signalé 
l'intérêt,  vient  de  recevoir  de  Sa  Sainteté 
l'encouragemeiir  suivant  : 

"  A  nos  cliers  fils,  Cliarics  Simon  et  Pierre 
Martin. 


Cher  fils,  Salut  et  Bénétliv'tion  Apostolique  : 

Ce  que  l'on  Nous  a  dernièrement  appris  de  la 
Société  que  vous  avez  fondée  sous  le  nom  de  Mané- 
canterie des  petits  clianteurs  à  la  croix  de  bois.  Nous 
a  été  fort  agréable.  Nous  nous  réjouissons  doublement 
(les  soins  pleins  de  zèle  que  vous  prenez  d'enseigner 
aux  entants  le  chant  de  l'Eglise  pour  favoriser  la 
restauration  de  la  musique  sacrée,  et  de  ce  que  vous- 
mêmes  vous  rendez  plus  fructueuse  encore  l'étude  de 
cet  art  par  l'instruction  chrétienne  qu'avec  toute  votre 
bonne  volonté  vous  donnez  aux  petits  chanteurs.  Et 
c'est  bien  là  !e  meilleur  moyen  de  procur^-  la  beauté 
de  la  Maison  de  Dieu,  qui  de  la  bouche  des  enfants 
reçoit  la  louange  la  plus  parfais- 1  Que  votre  cntrejirise, 
digne  d'être  comblée  de  tous  les  éloges,  soit  couronnée 
d'un  heureux  succès  par  Dieu,  dont  elle  sert  à  aug- 
menter la  gloire.  Et  nous,  comme  gage  des  célestes 
lécompenses,  comme  preuve  de  notre  bienveillance, 
comme  encouragement  à  vos  travaux,  accordons  avec 
toute  Notre  affection,  la  Bénédiction  Apostolique  à 
vous,  chers  fils,  à  tous  ceux  qui  avec  vous  dirigent  et 
aident  votre  Société,  ainsi  qu'aux  enfants  admis  dans 
votre  Chœur. 

Donné  à  Rome,  auprès  de  St.  PiL-rre, etc. 

Pi  us  PP.  X. 

NÉCROLOGIE.  —  Notre  eininent  collègue 
M.  MatJiis  LussYy  ue  Lausanne  est  mort  à 
A'Iontreux  le  20  Janvier  dernier.  Il  a  été 
enterré  à  Stans,  au  milieu  d'une  affluence 
générale  de  parents,  d'amis  et  d'élèves.  Notre 
section  de  Paris  était  représenté  à  ses  funérail- 
les par  M.  Marcel  Herwegh,  qui  a  tenu  à 
rendre  hommage  à  léminent  musicologue  en 
des  termes  émus  tjue  la  pi  esse  a  reproduits. 
M.  Dauriac,  notrr  président  honoraire,  rap- 
pellera dans  notre  nri)chain  numéro,  la  vie  et 
les  mérites  du  lii'lunr. 

A  rut  Mineur  toujouis  attentif  à  séduire 
ses  invités  M.  Custot  nous  avait  réservé  le 
10  janvier  un  amusant  programme  composé 
d'instruments  à  wwx  lU-  li.upe,  de  pi:ino  et  de 
chant.  HeiHiebains,  Paradis,  Mas,  i.amoiuet, 
V'i/entini,  G.  île  i.ausnav.  M""'  Micheline 
Kahn  ont  fait  merveille,  et  la  princesse  Elisa- 
beth liaratov  est  venue  ajouter  un  peu  d'exo- 
tisme à  cette  soirée  bien  parisienne. 

Notre  coll.diorateur  lîils  auquel  rien  n'é- 
rh.ippc  a  pris  sur  le  vif  le  violoncelliste  Hek- 
killg-Denancy  .iKirs  qui,  sans  se  douter  de 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


51 


riçn  il 
un  sal 

Nous 

à  conviction. 


exécutait  inie    sonate  de   Hicndel,  dans  Plusieurs    séances     musicales     intéressantes 

on   où    l'on    fait   d'excellente   musique.      suivirent,   organisées,   successivement,    par   des 
sommes  heureux  de  citer  ici  cette  pièce      pianistes,    professeurs    réputés,  de    l^ordeaux^:' 


F.   Gulî.RiLLor 


M""'  L.  Barbarin,  Lepine,  Rapliel  de  i^aleu, 
E.  Ducros,  et  la  dernière  par  IVl""'  J.  C, 
présidente  de  la  société. 

De  nombreuses  artistes  prêtèrent  le  con- 
cours de  leur  talent  à  ces  diverses  auditions, 
qui  furent  toujours  très  suivies.  La  déclamation 
y  fut  représentée  par  le  professeur  Bachelet  et 
ses  élèves,  et  l'art  si  intéressant  de  la  danse, 
auquel  I'  "  Actualité  "  ne  peut  rester  étrangère, 
par  l'excellent  professeur  M"''  J.  Babillot, 
avec  un  essaim  de  petites  danseuses,  dans  un 
délicieux  menuet  du  XVIP  siècle. 

—  4®  ET  5''  Concert  de  la  Société 
S""'  Cécile.  —  Les  nombreux  dilettanti,  venus 
pour  assister  à  ce  4'^  Concert,  étaient  certaine- 
ment attirés  par  l'audition  de  deux  nouveautés 
du  programme  :  "  Rebecca  ",  du  Père 
Franck,  et  "  Sadko  ",  si  vivant  et  si  pitto^ 
resque. 

Le  premier  concert  de  musique  de  chambre, 
que  donne   la  société,  et  qui   a  eu  lieu  dans  .la 


Erii  Province 

BORDEAUX.  —  Union  Féminine  Ar- 
tistique. —  Gros  succès  d'ouverture  du 
Salon,   organisé   par    cette    importante    société 


liî .    Sarraut. 

féminine,    avec    le    concours    de    l'excellente 
musique  du  144*^  de   ligne   (chef  M.  Sarraut). 


grande  Salle  du  Conservatoire,  a  été  des  plus 
intéressant. 

Notre  compatriote.  Renée  Billard,  violo- 
niste, l"'  prix  du  Conservatoire  de  Paris,  et 
André  Turcat,  pianiste,  interprétèrent  très 
brillamment  diverses  œuvres  de  Bach,  Schu- 
mann,  Chopin,  Liszt,  Franck  et  Brahms. 

Lucien  Capet  triompha,  et  Pennequin  de 
même. 

- —  2^^  Concert  du  Cercle  Philharmo- 
nique. —  Très  brillant  ce  deuxième  Concert. 


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L  '  A  C  1'  U  A  L  I  T  E     MUSICALE 


53 


Au  programme  M"''  L.  Duprc,  de  la  Monnaie, 
notre  compatriote  le  violoncelliste  Hekking  et 
Artiuirde  Greef,  du  conservatoire  de  Bruxelles. 
Belle  et  magistrale  exécution  du  long  con- 
certo de  Dvorak,  d'une  sonate  ancienne  de 
Bréval,  et  d'un  l'Andante  de  Corelli. 

—  La  Chanterelle.  —  Cinq  Ecoles.  — 
Troisième  séance  consacrée  à  la  musique 
Espagnole.  Le  conférencier  Berthelot  y  fut 
très  applaudi  ainsi  que  Madame  Lauga-Linder 
et  la  basse  profonde  du  chanteur  Despujols. 

—  Concert  de  Musique  de  Chambre 
Thibaud.  —  Le  peu  de  place  dont  nous 
disposons  ce  mois-ci  nous  oblige  à  renvoyer 
après  leur  dernier  concert,  le  compte-rendu 
des  intéressantes  séances  musicales  que  donne 
à  Salle  Bermond,  le  pianiste  J.  Thibaud,  en 
compagnie  du  violoniste  Ch.  Arthur,  et  du 
violoncelliste  Rosoon. 

—  Cercle  OrphÉonique.  —  Messe  An- 
nuelle. —  Cette  importante  société  chorale 
donnait  dans  la  basilique  S*^  Michel,  sous  la 
direction  de  son  chef  Francis  Bettes,  sa  messe 
annuelle  en  l'honneur  de  la  S**^  Cécile. 
L'Orphéon,  et  les  jeunes  filles  de  la  section 
de  "  Mimi  Pinson  "  chantèrent  le  Kyrie  et 
le  Gloria  de  Th.  Dubois,  le  Sanctus  de 
Luigini. 

J.   Gendreu. 

MONTPELLIER.  —  Opéra.  —  Notre 
théâtre  municipal  a  pris  le  nom  d'Opéra  ! 
Direction  Godefroy  ;  chef  d'orchestre  M.  Ba- 
zigade. 

Troupe  plutôt  bonne  :  M.  Rocca,  jeune 
ténor,  très  jolie  voix,  peu  de  métier  ;  de  l'ave- 
nir s'il  travaille  ;  M™®  Lavarenne,  soprano, 
artiste  accomplie  ;  M.  Bedué,  très  bon  bary- 
ton ;  orchestre  suffisant,  un  peu  rétif  à  la 
mesure,  avec  de  bons  solistes.  Au  répertoire 
tout  Puccini  :  Manon  Lescaut.^  la  Bohême.,  la 
Toica^  M^^  Butterfly.,  et  pour  varier  Mascagni 
et  Léoncavallo.  On  vient  cependant  de  re- 
prendre Louise...  il  était  temps  ! 

—  Concerts.  —  En  décembre  concert 
Spalding.  Un  peu  méfiant  au  début,  le  public 


n'a  pas  tardé  à  applaudir  le  jeune  et  brillant 
violoniste.  A  citer  l'exécution  excellente  de  là 
sonate  en  mi  mineur  et  la  fameuse  chacone  de 
Bach  ;  d'/////  Springhrunnen  de  Schumann.  A 
ce  même  concert  la  ballade  et  la  sarabande  de 
Cl.  Debussy,  très  bien  jouées  par  M""'  Moreau- 
Leroy,  et  des  fragments  de  LuUi,  Schumann 
(en  allemand), Schubert,  R.  Wagner,  St.  Saëns, 
Tschaikowski  (en  russe)  chantés  avec  émotion 
par  M''""  Maritza  Rozann,  de  la  Monnaie. 

—  Un  cours  de  gymnastique  rythmique.,  selon 
la  méthode  Jacques  Dalcroze,  a  été  créé  de- 
puis peu  à  Montpellier  par  M.  Paul  André. 
Le  succès  a  couronné  les  efforts  du  jeune 
professeur  qui  a  déjà  réuni  plus  de  soixante 
élèves.  Nous  avons  pu  apprécier  la  valeur  de 
la  méthode  et  le  mérite  du  professeur,  le 
2  2  décembre,  à  la  salle  des  concerts  où,  après 
une  très  intéressante  conférence  de  M.  Jean 
d'Udine,  les  élèves  de  M.  André  ont  exécuté 
quelques  mouvements  qui  ont  enthousiasmé 
les  spectateurs.  Je  crois  que  Montpellier  est  la 
première  ville  de  Province,  en  France,  où  a  ét^ 
créé  un  cours  de  gymnastique  rythmique.  Il 
faut  donc  l'enregistrer,  ainsi  que  son  grand 
succès. 

—  Désabusé,  paraît-il,  M.  Castelbon  de 
Beauxhostes  abandonne  les  arènes  de  Bèziers. 
Mais  les  bitterois  ne  veulent  pas  renoncer  à 
leurs  fêtes  artistiques  et  nous  aurons  cette 
année  comme  précédemment,  la  représentation 
d'une  pièce  inédite  d'un  jeune  auteur  méri- 
dional avec,  ce  qui  ne  peut  que  nous  réjouir, 
musique  de  Déodat  de  Sévérac. 

E.  P. 

POITIERS.  —  Très  intéressante  soirée 
avec  le  concours  du  réputé  pianiste  Alejandro 
Ribô^  qui  fit  valoir  son  impeccable  mécanisme 
et  sa  délicate  entente  des  nuances  dans  une 
étude  symphonique  de  Schumann,  le  Scherzo 
romantique  de  Chopin,  une  délicieuse  suite 
d'Albeniz  "  Chants  d'Espagne  ",  le  Scherzo- 
valse  de  Chabrier,  et  enleva  pour  finir  avec 
un  brio  remarquable  la  2™''  Rhapsodie  Hon- 
groise de  Liszt. 

jYjeiie  ]\/[Q(iglglng  Bouhe.,  cantatrice  du  Kur- 
saal    d'Ostende   interpréta   avec   art   le   grand 


54 


L'ACTUALITE     MUSICALE 

Belgique 


Air   d'Iphigénie    de    Gliick,    des    œuvres    de 
Franck,    Fauré,    Puccini    et    une   charmante 
Sérénade  de  Richard  Strauss  qui  lui  fût  bissée. 
Maurice  Hachette. 


RETHEL.  —  La  Société  d'Etudes  Svin- 
phoniques,  organisée  par  le  Dr.  Gobinet,  a 
donné  le  i8  décembre  dernier,  une  très  in- 
téressante audition,  précédée  d'une  causerie 
sur  l'histoire  de  la  musique.  Au  programme  : 
Robin  m'aime,  d'Adam  de  la  Halle  ;  une 
Sonate  de  Corelli  ;  une  Sonate  de  Leclair  ; 
un  air  de  Télaire  de  Rameau  et  le  Ballet  de 
Paris  et  Hélène  de  Gluck.  Qui  aurait  cru  que 
la  bonne  et  la  meilleure  des  musiques  pénétre- 
rait ainsi  jusqu'au  tond  des  Ardennes. 

NICE.  —  Mentionnons  le  succès  obtenu 
par  M""^"  Jennv  Pire,  la  délicate  cantatrice 
dans  les  Adieux  d'un  poge^  de  la  Baronne  de 
Kabath,au  concert  de  bienfaisance  de  l'Œuvre 
de  la  Fleur.  Voici  d'excellent  féminisme 
musical. 

LILLK!.  —  f.e  prochain  fcsti\al  lillois 
aura  lieu  le  26  féxrier  à  8  1/2  h.  Au  pro- 
gramme une  Svmphom'e  de  Chausson,  un 
Concerto  pour  flûte  et  Orchestre  de  Mozart, 
deux  poëmes  de  Smetana  et  la  Marseillaise 
orchestrée  par  Berlioz. 

A.  M. 

RC^UEN.  —  Bon  concert  tic  Eelièvre- 
Zaremba  où  nous  avons  entendu  succcssi\e- 
ment  la  voix  et  le  \  iolon  de  M.  Leiièxri'.  I^a 
société  (le  peinture  moderne  mérite  la  recon- 
naissance du  "jeunes"  qu'elle  aide  à  se  pro- 
duire, et  du  public  qu'elle    cntrainc  vers  l'art. 

M.  C}. 

RKIMS.  —  La  "Jeanne  «l'Arc  "  de  notre 
collègue  A.  Gastoué  vient  d'être  iloiniée  ici  à 
la  Maison  dfs  O'Mvres^  avec  un  très  urand 
succès. 


cy> 


M.    E.    Tnu'l 
Croquis  par   Van   Offcl 

BRUXELLES.  —  Nous  ne  saurions  mieux 
commencer  cet  article  sur  la  musique  en 
Belgique  pendant  le  derin'er  mois,  qu'en 
rendant  compte  de  la  séance  d'inauguration 
de  la  Section  Belge  de  notre  Société  Inter- 
nationale lie  musique,  dans  laquelle  notre 
collègue  M.  van  den  Borren  prit  la  parole 
pour  taire  une  très  intéressante  communication 
sur  les  Origines  du  drame  musical  et  FOrfeo  de 
Monteverde.  Montrant  d'abord  comment  la 
pohphoine  arri\  a  à  la  monodie  accompagnée 
et  à  l'âge  de:  la  basse  continue,  M.  van  den 
Borren  situe  Monteverde  dans  l'histoire,  et 
expose  ce  que  l'on  sait  de  la  vie  de  cet  artiste. 
Il  caractérise  le  géiu'e  de  l'auteur  du  Couron- 
nenient  de  Poppée  et  ce  romantisme  c]ui  le 
pousse  \ers  les  coiu|uètes  de  l'orchestre,  vers 
les  audaces  île  l'harmonie.  Monte\erde,  Ame 
dramatique,  inaugure  le  st\  le  eomitato^  c'est  à 
ilire  |iassionné.  Son  Orteo,  anahsé  par  le 
conlérencier,  nous  montre  iléjà  le  leitniotif", 
et  l'opposition  d'un  \éritablf  drame  a\ec  un 
lyrisme  tout  élégiaipie. 

Cette  coninunncation,  parfaite  en  tous 
points,  fut  suivie  il'une  audition  de  fr.igments 
d'Orfeo  à  laquelle  prirent  part  M.  et  M"'° 
Dcniest,  M. M.  H..u\,  X'aniK-rschrik  et  Minet. 


L  '  A  C  1^  U  A  L  I  T  K     MUSICALE 


ss 


M. 

chaîne 


séance 


de    1; 


en    arnH)iu;a,  que    la   pro- 
i    section   serait  réservée  à 


AI.    Fûfi   dm   Borren. 

J.  B.  Lœillet,  compositeur  de  Gand,  à  la  fin 
du  XVIT'  siècle.  On  exécutera  trois  sonates 
de  ce  maître,  réalisées  par  M.  Alexandre  Béon. 
La  jeune  Section  Belge  manifeste,  comme 
on  le  voit,  une  réelle  activité  ;  elle  prendra 
rapidement  dans  la  musicologie  un  des 
premiers  rangs. 

—  Quoique  ralentie,  par  suite  du  deuil  national 
et   par   suite   de   l'avènement   du  Roi  Albert, 
la   vie    musicale  compte,  en  janvier,  plusieurs 
:  manifestations  remarquables. 

Le  concert   Isaye^  dont   le   principal   attrait 

c  consiste,   annuellement,   dans  la   participation 

t  en    soliste    du    grand   virtuose    belge,    lui    fut 

l'occasion  d'un  nouveau  triomphe  —  Eugène 

Isaye  est  l'une   de    ces   artistes    qu'il    plaît   de 

voir  nimbés  d'une  auréole  glorieuse. 

Dimanche,  il  s'était  adjoint  M.  François 
Rasse,  compositeur,  dont  nous  aurons  le 
plaisir    de   parler,  dans   l'avenir,  et   chef  d'or- 


chestre à  l'Opéra  d'Amsterdam.  Sa  direction 
consciencieuse  et  sobre  a  contribué  pour  u/ie 
bonne  part  au  succès  de  la  séance. 

L'élément  particulièrement  remarquable  du 
concert,  au  point  de  vue  composition  —  et  à 
notre  point  de  vue  belge  —  fut  le  Poème 
symphonique  "  Les  Abeilles  "  de  M.  Théo 
Isaye.  M.  T.  Isaye  se  place  à  côté  des 
J.  Jongen,  Vreuls,  Mawet,  Dupuis,  Delcroix, 
au  premier  rang  de  nos  compositeurs  wallons 
(je  suis  tenté  de  dire  :  liégeois),  qui  continuent 
la  tradition  de  Franck,  et  dont  les  plus  jeunes 
subissent  —  ou  comprennent  —  l'influence 
croissante  du  Debussysme.  L'œuvre  entendue 
hier  n'est  pas  parmi  les  meilleures  compo- 
sitions de  M.  Isaye,  précisément  par  suite  de 
cette  influence  dont  je  parle.  Néanmoins,  elle 
évoque  d'exquises  sensations  poétiques. 


M.   Bèon. 

—  M.  Durafît^  de  son  côté,  poursuit  le 
vaillant  combat.  Son  troisième  grand  concert, 
en  la  salle  Patria,  nous  permet  de  lui  présenter 
de  nouveaux  éloges.  Il  en  donna  la  reproduc- 
tion   à    Mons.    Nos    lecteurs   trouveront    plus 


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L'ACTUALITE     MUSICALE 


îl 


P 


loin    l'appréciation    de    notre     correspondant. 

—  Le  quatuor  Piano  et  Archet  a  donné  le 
12  janvier  sa  3^  séance.  Trio  (op  87)  de 
Brahms,  quatuor  (op  47)  de  Schumann^  et 
première  exécution  de  la  2*"  sonate  de  Jos. 
Jongen.  Cette  œuvre  solidement  bâtie,  d'une 
belle  inspiration,  affirme  la  maîtrise  du  com- 
positeur une  fois  de  plus.  Les  mouvements  ont 
de  l'ampleur,  et  V Andante  produit  une  intense 
émotion. 

—  Communiqué.  —  Le  merveilleux  man- 
doliniste  italien  M.  Silvio  Ranieri  a  donné  un 
récital  à  la  Salle  Allemande  le  jeudi  27  jan- 
-vier  à  81/2  heures.  Le  jeune  artiste  nous 
offrit  un  régal  artistique  des  plus  rares. 

Au  programme  :  Vieux  temps,  Corelli, 
Haendel,  Tartini,  Bach,  Milandre,  Gossec, 
de  Bériot,  de  Sarasate. 

L'accompagnateur  M.  Marcel  Raymond 
jouait  un  piano  à  cinq  pédales  avec  jeu  de 
harpe  et  de  clavecin. 

—  Bibliographie'.  —  Trois  Poèmes^  mu- 
sique  de   Harold  Bridgman. 

Chez  Schott  :  A  une  femme^  mélodie  de 
Alberto  Jonas. 

Révélation  :  valse  Czigane  de  André  le  Pas. 

Chez  Fernand  Laweryns  :  Chanson  d^ autre- 
fois^ par  Henry  Delisle. 

—  Dans  un  élégant  volume  publié  par  le 
Thyrse^yi.  Victor  Hallut  étudie  l'œuvre  des 
grands  maîtres  classiques  du  X  VHP  siècle  (Bach, 
Haydn,  Mozart,  Beethoven).  C'est  en  quelque 
sorte  un  exposé  de  l'évolution  de  la  musique 
moderne,  où  "  l'inspiration  directe  et  libre, 
"  l'instinct  naturel  et  spontané  de  la  mélodie 
*'  remplace  la  rigidité  des  canons,  les  formules 
"  savantes  et  ardues.  " 

Quatre  portraits  hors  texte  illustrent  l'ou- 
vrage qui  se  vend  deux  iï^.ncs. 

LOUVAIN.  —  Le  premier  concert  de 
l'Ecole  de  Musique  de  Louvain  a  eu  lieu  au 
théâtre  de  la  ville  sous  la  direction  de  M.  Léon 
Dubois,  le  talentueux  auteur  du  Mest. 

Au  programme,  la  Matthe  au  Temple  de  la 
cantate  Andromède  du  compositeur  gantois 
Oscar  Roels,  et  la  Chasse  de  Minuit  de   Léon 


Dubois.  Ces  œuvres   personnelles    furent    lon- 
guement applaudies. 

ANVERS.  —  Nous  apprenons  que  la 
Société  des  Concerts  de  Musique  Sacrée, 
placée  sous  le  haut  patronage  de  S.  A.  R.  la 
Comtesse  de  Flandre,  donnera  le  13  Mars 
prochain  une  exécution  intégrale  de  la  célèbre 
Missa  Solemnis  de  Beethoven.  Comme  solistes 
sont  engagés  :  Mmes.  Cahnbley-Hinken,  de 
Dortmund  et  Durigo,  de  Buda  Pesth  ; 
Mrs.  Plamandon  et  De  la  Cruz-Frolich  de 
Paris.  Les  chœurs  et  l'orchestre  formeront  un 
ensemble  de  près  de  quatre  cents  exécutants. 
Cette  œuvre  géniale  ne  fut  jamais  exécutée  . 
dans  la  métropole  belge. 

—  Quo  Vadis  première  en  Belgique  ! 
Grand  succès  ;  interprétation,  et  mise  en  scène 
remarquablement  soignées.  Directeur  et  acteurs 
ont  fait  de  leur  mieux. 

ARLON,  ce  7-1-10.  —  Concert  de  la 
Royale  Philharmonie.  — ■  Cette  société,  diri- 
gée par  M.  J.  Ysaye,  directeur  de  l'Ecole  de 
musique  et  frère  de  notre  grand  violoniste, 
donna  son  concert  annuel  le  31  décembre.  On 
a  l'occasion  d'entendre,  à  ces  soirées  de  gala, 
de  véritables  artistes.  Cette  année,  on  ne  sait 
trop  pourquoi,  le  programme  n'offrait  pas 
l'attrait  de  vedettes  illustres.  Trois  artistes 
verviétois.  M"""  Nihoul,  M'"'^  Fils,  et  M.  De- 
prez,  baryton,  ainsi  que  M.  Reuland,  violon- 
celliste de  la  Monnaie,  s'y  sont  fait  applaudir. 
Le  concert  se  terminait  par  Les  Noces  de 
Jeannette. 

—  La  Musique  a  la  "  Société  géolo- 
gique "  DU  Luxembourg.  —  Dimanche 
prochain,  20  janvier,  M.  Dordu,  lieutenant 
au  10®  régiment  de  ligne,  à  Arlon,  a  fait  une 
conférence,  avec  auditions  musicales,  sur 
Schubert. 

Gaston  Dumestre  a  Arlon.  —  Gaston 
Dumestre,  ex-chansonnier  du  Chat  Noir, 
poète  et  romancier,  (il  vient  de  publier  son 
second  roman  :  Monsieur  Van  Grippenbergh) 
a  fait,  le  6  février,  une  causerie,  "  illustrée  '' 
d'auditions   musicales.  Il   a   parlé  des  Chanson^ 


S8 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


d^amour    et 
d'Arlon. 


fil-    bataille    à    l'Université    libre 


CHARLEROI.  —  M.  Paulin  Marchand, 
directeur  de  l'Ecole  de  musique  de  Mar- 
chienne-aii-Pont,  professeur  au  Conservatoire 
Royal  de  Bruxelles,  a  obtenu  le  prix  de  sym- 
phonie de  l'Académie  Royale  de  Belgique,  — 
Nos  vives  félicitations. 

—  L'Académie  de  musique  de  Charleroi  a 
donné  le  2  janvier  un  concert  avec  le  concours 
d'Eugène  Isave.  Succès  enthousiaste  du  célèbre 
violoniste.  L'orchestre,  très  complet  et  très 
sûr,  interpréta  avec  art  des  pages  de  Schumann, 
Grieg  et  Weber,  et  de  pittoresques  et  colorés 
Conta  (V Orient  du  compositeur  wallon  Adolphe 
Biarent  qui  s'acquitta,  en  outre,  de  ses  fonc- 
tions de  capellemeister  avec  beaucoup  de  talent. 

—  Le  1 2  janvier,  à  l'occasion  de  la  distri- 
bution des  prix,  il  y  eut  un  charmant  concert 
à  l'Ecole  de  musique  de  Marchienne-au-Pont. 
Un  très  bon  orchestre  joua  excellemment  du 
Mozart  et  du  Haydn.  Avec  les  chœurs  —  bien 
stylés  —  il  exécuta  un  Noël  simple,  court  et 
émouvant  de  Paulin  Marchand.  Le  public  fit 
fêtes  aux  collaborateurs  de  cette  intéressante  . 
séance  d'art,  notamment  à  Mademoiselle  La- 
fontaine,  une  pianiste  d'une  sensibilité  très 
délicate. 

—  A  Marcinelle,  l'U.  P.,  que  dirige 
.VL  Jules  Destrée,  député  et  esthète  de  mérite, 
initie  la  foule  aux  beautés  de  la  musique  russe. 
Celle-ci  n'a  malheureusement  pas  le  don 
d'enthousiasmer  le  peuple  et  la  bonne  bour- 
geoisie au  même  titre  que  la  musique  fran- 
çaise... Et  cette  vérité  se  traduit  par  des  salles 
à  demi-pleines. 

—  Le  théâtre  de  Tournav  vient  de  repré- 
senter avec  le  plus  vif  succès  Myrtis,  Opéra 
de  M.  Nicolas  Daneau. 

LIKCjE.  —  l'!n  ce  mois  peu  chargé  à  cause 
du  deuil  national,  nous  n'avons  guère  à  signa- 
ler que  le  très  grand  succès  remporté,  au 
Cercle  royal  des  Amateurs,  par  M"''  Maud 
Delstanche,  une  reni.nc|uable  élève  d'Ysaye  ; 
le  concert  de  la  disti  iliution  des  prix  au  Con- 
servatoire royal,  où  l'on  a  applauili  deux  mé- 
daillés de   cette  année,    le   violoniste  Kevseler, 


dernier  élève  de  .VL  Rodolphe  Massart  (qui  fut 
le  maître  d'Ysaye)  et  le  pianiste  Henrion,  élève 
de  M.  Jean  Lebert  qui  a  joué  en  vrai  virtuose 
le  concerto  en  yn'i  hhnol  de  Liszt.  Puis  vient  à 
noter  la  bonne  réussite  d'une  Audition  de 
musique  Scandinave,  dirigée  par  M.  Léopold 
Charlier,  professeur  au  Conservatoire,  et  la 
participation  du  Decem^  société  de  musique 
de  chambre  mixte  de  Paris,  à  un  Concert 
Dumont-Lamarche.  Ce  groupe  de  tout  pre- 
mier choix  a  remporté  un  succès  dont  on 
parlera  longtemps  ;  il  v  avait  près  de  deux 
mille  deux  cent  personnes  pour  l'entendre. 

—  Au  Théâtre  Royal,  les  .Maîtres  Chan- 
teurs ont  paru  à  l'affiche  et  remportent,  chaque 
fois  qu'on  les  joue,  un  éclatant  succès  de  salle 
et  d'applaudissements.  L'exécution  en  est  fort 
bonne  et  en  tout  cas  infiniment  supérieure  à 
ce  que  l'on  pouvait  attendre  en  province.  Le 
chef  d'orchestre  Kochs,  le  régisseur  Strélisky, 
MM.  Arrial  (Hans  Sachs), ^ Raynal  (Beck- 
messer)  se  sont  surpassés  et  le  reste,  acteurs, 
choeurs,  figuration,  décors,   est  digne  d'éloges. 

—  Le  mois  de  décembre  a  vu  se  fonder  une 
Société  de  Musicologie  qui  prend  pour  lâche 
principale  d'élucider  les  questions  relatives  à 
l'histoire  de  la  musique  à  Liège.  La  première 
séance  effective  a  eu  lieu  le  5  janvier  ;  on  y  a 
décidé  l'affiliation  de  ce  groupe  à  la  Soci/tr 
Internationale  de  Musique  et  les  travaux  ont 
commencé.  Les  premières  démarches  tendront 
à  obtenir  l'accès  du  fonds  Terr\\  riche  collec- 
tion (7H00  livres,  2000  partitions  et  \ni 
manuscrit  de  Léonard  Terry  retraçant  l'his- 
toire de  la  musique  à  Liège)  déposé  au  C«mi- 
servatoire  et  actuellement  fermée,  vu  le 
manque  d'un  local  approprié.  —  Mais  d'autres 
études  sont  en  voie  d'exécution  :  le  groupe  se 
propose  d'examiner  systématiquement  les  do- 
cuments musicaux  des  bibliothèques  privées 
ou  publiques  du  pays.  Les  travaux  du  groupe 
—  assez,  nombreux  déjà  —  sert)nt  d'ordinaire 
publiés  par  la  re\ue  ff^al/onia. 

Dr.     nWKI.SHAl'SKRS. 

MONS,  10  janvier  1910.  —  2''  Cdnckrt 
Di'KANr.  —  M.  F.  Durant  continue  son 
(ru\re  île  décentralisation  artistique. 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


59 


Et    (i'iiborcl,    la    décentralisation    artistique, 
musicale  surtout,  est-elle  plus  désirable  que   la 
décentralisation  politique  ? 
Question. 

Nous  l'approuverions  quant  à  nous  si  elle 
pouvait  nous  épargner  la  manifestation  locale 
d'interprétation  de  chefs-d'œuvre  qui  sévissent 
dans  les  théâtres  des  chefs-lieux  et  bourgades 
véritables  blasphèmes  lancés  à  la  face  de  l'art. 
Mais  ceci  admis  il  faudrait  au  moins  que 
les  pouvoirs  publics  encouragent  des  tentatives 
qui,  comme  celle  de  M.  Durant  ne  peuvent 
manifestement  se  suffire  à  elles-mêmes.  Pas- 
sons. Le  programme  du  2""^  concert  de  la 
série  était  séduisant  et  copieux  du  reste  et 
s'ouvrait  par  la  7"'*^  symphonie  en  ut  majeur 
de  Schumann. 

Le  ballet  de  Rameau  (Hippolyte  et  Aricie) 
le  vieux  maître  vers  lequel  retourne  avec  tant 
de  piété  la  jeune  école  française  fut  enlevé 
avec  justesse. 

Un  baryton  qui  fut  à  Bayreuth  M.  Louis 
Frôlich,  fît  les  délices  du  public  par  l'ampleur 
de  sa  voix  et  la  clarté  de  sa  diction.  L'ovation 
qui  se  déchaîna  après  l'air  des  Saisons  d'Haydn, 
d'vuie  simplicité  presque  banale,  se  mua  en  un 
froid  hyperboréal  lors  de  la  poignante  et  ad- 
mirable plainte  d'Amfortas  que  M.  Durant 
avait  cependant  fait  précéder  intelligemment 
du  prélude  ineffable  et  sacré  de  Lohengrin, 
C'est  que  la  nullité  intellectuelle  de  l'audi- 
toire —  snobs  y  compris  —  confine  à  l'in- 
digence, et  que  la  culture  générale  est  nécessaire 
pour  comprendre    de   telles  œuvres. 

—  On  annonce  à  Mons  un  concert  con- 
sacré à  M.  V.  Vreuls,  directeur  du  Conserva- 
toire de  Luxembourg,  élève  de  Vincent  d'Indy. 
M.  Vreuls  fut  lauréat  du  prix  annuel 
décerné  par  l'Académie  Libre  de  Belgique, 
fondée  par  M.  Edmond  Picard.  J.  N. 

TOURNAY.  —  Myrtis,  poème  de  Ch. 
Henri,  musique  de  Nicolas  Daneau,  vient 
d'être  représenté  à  Tournay  avec  un  reten- 
tissant succès.  Ce  triomphe  est  légitime,  et 
nous  en  sommes  particulièrement  heureux. 
M.  Nicolas  Daneau  est  un  musicien  du  plus 
grand  talent,  qui  honore  la  Wallonie  et  la 
musique    belge.    — 


Étranger 


LONDRES.  —  Mr.  Thomas  Beecham 
annonce  une  saison  d'opéra  à  Covent  Garden 
qui  durera  du  19  février  au  15  mars.  Les 
œuvres  représentées  au  cours  de  cette  brève 
saison  sont  :  Elektra  de  Richard  Strauss, 
Tristan  und  Isolde^  Hansel  und  Gretel^  U Enfant 
prodigue  de  Debussy,  The  IVreckers  de  Miss 
Ethel  Smyth,  The  Village  Romeo  and  Juliet 
de  Delius. 

Elektra  sera  dirigé  par  Strauss  lui-même. 
]^e  Censeur  a  refusé  l'autorisation  de  monter 
Salomè  pour  quelque  raison  mystérieuse  connue 
de  lui  seul  et  du  Dieu  de  la  Bible,  nombre  de 
"  Salomés  "  ayant  déjà  cabotine  sur  les  planches 
des  théâtres  de  Londres  et  même  des  music- 
hall,  par  les  soins  de  Miss  Maud  Allen, 
M^"«  Odette  Valéry  et  autres.       X.  M.  B. 

—  Un  interview  de  M.  Kennedy  Scott. 
—  L'  "  Oriana  Madrigal  Society  ".  — 
Mr.  Kennedy  Scott  habite  dans  une  petite 
rue  bien  calme  de  Londres  une  gentille  maison 
tapissée  de  lierre,  une  maisonnette  modeste  et 
accueillante  avec,  devant  la  porte,  une  mi- 
gnonne pelouse  de  ce  vert  somptueux  qu'on 
ne  rencontre  qu'en  Angleterre.  Dès  le  seuil, 
j'entends  des  notes  s'égrener,  lentes,  dans  le 
calme.  M.  Scott  est  au  piano  d'où,  souriant, 
il  se  lève  pour  me  recevoir.  Nous  n'en  sommes 
pas  d'ailleurs  à  notre  première  rencontre.  Je 
l'ai  déjà  vu  plusieurs  fois  diriger  le  chœur  de 
r  "  Oriana  Society  "  et  plusieurs  fois  aussi 
j'ai  eu  le  plaisir  en  soirée  de  goûter  l'agilité  et 
la  sincérité  profonde  de  son  esprit. 

Sanglé  dans  l'habit  ou  dans  la  redingote, 
l'artiste,  dans  le  monde,  paraît  toujours  un 
peu  endimanché  ;  il  donne  toujours  un  peu 
l'impression  d'un  exilé  en  terre  étrangère. 
C'est  le  véritable  Scott  que  j'ai  maintenant 
devant  moi,  grand,  souple,  bien  découplé, 
libre  dans  son  complet  gris  de  cycliste  :  et  il 
me  semble  que  sa  conversation  aussi  est  plus 
vive.  C'est  peut-être  parce  qu'il  me  parle  de 
l'œuvre  de  sa  vie,  de  la  Société  à  laquelle  il 
consacre  tout  le  temps  que  lui  laisse  son 
métier  d'organiste  et  de  professeur. 


6o 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


"L'Oriana  Madrigal  Society"  prit  naissance, 
durant  l'automne  de  1904,  me  dit-il,  grâce 
surtout  —  je  puis  bien  vous  le  déclarer  —  à 
mon  initiative.  Depuis  déjà  longtemps,  j'avais 
senti  vivement  toute  la  beauté  de  la  musique 
polyphonique  ;  je  me  rendais  compte  qu'elle 
nous  révélait  des  choses  que  nous  ne  trouvons 
pas  dans  la  musique  d'aujourd'hui  et  que  nous 
avons  besoin  d'entendre.  J'estimais  que  l'étude 
de  cette  musique  ne  devrait  pas  demeurer 
seulement  une  "  chasse  gardée  "  des  anti- 
quaires, mais  entrer  dans  le  domaine  des 
réalisations  pratiques  ;  bref,  qu'il  fallait  chanter 
les  Madrigaux  au  lieu  d'écrire  à  leur  sujet. 
L'  "  Oriana  Society  "  est  donc  une  société 
d^ action  pratique  qui  sert  avec  une  sorte  de 
zèle  apostolique  la  cause  de  la  musique  poly- 
phonique en  général,  et  du  Madrigal  anglais 
en  particulier.  Nous  nous  sommes  confinés 
entièrement  dans  les  Madrigaux  anglais,  non  pas 
que  nous  considérions  les  autres  madrigaux 
comme  inférieurs,  mais  parce  que  nous  regar- 
dons les  nôtres  comme  fort  beaux  et  pensons 
qu'ils  devraient  attirer  tout  d'abord  l'attention 
des  Anglais.  Nous  croyons  aussi  qu'en  con- 
centrant nos  efforts  sur  un  point  spécial  nous 
accomplissons  une  œuvre  plus  utile  que  si 
nous  attaquions  à  l'ensemble  de  la  question. 
Nous  donnons  tous  les  ans  deux  concerts 
consacrés  entièrement  à  la  musique  chorale 
anglaise  du  seizième  et  du  dix-septième  siècle. 
Les  répétitions  ont  lieu,  une  fois  par  semaine, 
d'octobre  à  juin.  Nous  comptons  environ 
70  membres  actifs  et  80  membres  honoraires; 
nous  ne  désirons  pas  accroître  le  nombre  de 
nos  choristes  ;  mais  nous  serions  fort  heureux 
de  voir  s'allonger  la  liste  de  nos  membres 
honoraires  ! 

Pour  parfaire  notre  œuvre,  nous  inililions 
dans  notre  "  Euter/)f  "  des  morceaux  de 
musique  ancienne.  Cette  publication  paraît 
<leux  fois  par  an  ;  et  nous  chantons  à  nos 
concerts  les  pièces  qui  v  figurent.  Jusqu'à 
présent  cliaque  volume  a  contenu  en  général 
deux  madrigaux  et  trois  "  77?m«('/î  "  et  i]iicli]iit.'- 
fois  une  préface  traitant  du  mulriLial  à  un 
point  (le  vue  spécial,  fr  ne  nous  lirai  pas 
réiuiinrration  (iétaillée  de    notrt:  répertoiri-    «.-t 


des  œuvres  de  Bateson,  Wilbye,  Vanter, 
Lichfield,  VVeelkes,  Dowland,  Byrd  et  Mor- 
ley,  publiées  par  nous.  M.  Fuller  Maitland, 
le  critique  musical  du  Times^  président  de 
notre  comité,  a  écrit  la  préface  de  notre  pre- 
mier volume,  "  Les  Madrigaux  ",  M.  Aric- 
wright,  celle  du  deuxième  volume,  "  Les  Modes 
et  les  Clefs  ",  et  Miss  Dodge,  celle  du  troi- 
sième, "  Les  Joueurs  de  Luth  et  la  Musique  de 
Luth  en  Angleterre  ".  Ch.  ChassÉ. 

PAYS  DE  GALLES.  —  La. célèbre  can- 
tatrice galloise,  Mrs  Mary  Davies  qui  a  depuis 
quelques  années  abandonné  sa  carrière,  con- 
sacre maintenant  son  activité  à  réveiller 
l'enthousiasme  de  ses  compatriotes  pour  leurs 
vieilles  chansons  populaires.  Elle  donna  Mer- 
credi dernier  à  l'Université  une  fort  intéres- 
sante conférence. 

La  "Cymdeithas  Alawon  Gwerin  Cymru" 
(en  anglais  Welsh  Folk-Songs  Society,  société 
de  chants  populaires  gallois)  dont  elle  est 
secrétaire  honoraire,  a  été  fondée  en  1906  et 
compte  actuellement  168  membres,  sous  la 
présidence  de  Sir  William  Preece.  Mr.  Lloyd 
George,  ministre  des  finances  est  un  des  vice- 
présidents.  La  société  a  été  organisée  dans  le 
but  de  recueillir,  de  collectionner  et  de  con- 
server les  chants  populaires  gallois  et  de  publier 
ceux  qui  en  valent  la  peine.  Les  airs  doivent 
être  recherchés  parmi  les  paysans,  dans  les 
villages  éloignés  ou  parmi  les  pêcheurs.  Le 
collectionneur  doit  se  faire  chanter  l'air  une 
ou  deux  fois  d'abord  pour  en  saisir  la  forme 
puis  le  faire  chanter  de  nouveau  pour  en 
écrire  chaque  note  sans  souci  de  la  mesure  et 
enfin  vine  dernière  fois  pour  enregistrer  le 
rythme.  —  Les  paroles  doivent  être  aussi 
soigneusement  notées.  —  La  correction  d'er- 
reurs supposées  conduit  fréquemment  à  la 
suppression  de  caractéristiques  d'une  valevu" 
spéciale,  comme  par  exemple  lorsque  les  airs 
modulés  sont  transcrits  par  le  collectionneur 
tiaiis  le  mode  mineur.  —  S'il  y  a  des  variantes 
datis  les  différents  couplets,  vWv^  d(^i\ent  être 
fidèlenuiit  conservées.  Dans  les  \ieux  airs, 
il  \  a  souvent  de  la  difficulté  à  écrire  la 
musupie    en    nicsuies    de    longueiu'    égale  ;    le 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


6i 


chant  sera  donc  écrit  comme  il  est  chanté, 
même  si  le  résultat  donne  des  mesures  inégales. 

Mrs  Davies  a  chanté  "  a  capella  "  et  dans 
un  style  impeccable,  de  sobriété  et  de  senti- 
ment vrai,  un  air  "  Dacw'nghariodi  "  (Voici 
mon  amour)  qu'elle  a  elle-même  découvert  et 
noté  il  y  a  un  an.  Des  exemples  d'autres 
vieux  airs  aussi  récemment  découverts  et  tous 
pleins  d'un  charme  mélancolique  ont  été 
chantés  par  un  chœur  composé  d'étudiants  et 
étudiantes  de  l'université.  La  parfaite  justesse, 
la  qualité  des  timbres,  l'ensemble  de  l'exécu- 
,tion  et  la  naïve  émotion  des  interprètes  nous 
ont  prouvé  que  la  réputation  mondiale  dont 
jouissent  les  chanteurs  gallois  n'est  point 
usurpée. 

Mrs  Davies  a  terminé  en  demandant  aux 
étudiants  qui  formaient  une  importante  partie 
de  son  auditoire,  de  se  passionner  pour  leurs 
vieux  airs  nationaux  et  de  les  substituer  aux 
chansonnettes  de  "  music-hall  "  et  de  "  mu- 
sical-comédies ".  Lucie  A.  Barbier. 

—  Ebenezer  Prout.  —  Notre  collègue 
Ebenezer  Prout,  professeur  de  musique  à 
l'Université  de  Dublin,  membre  de  la  "  Royal 
Academy  of  Music  ",  est  mort  à  Londres  le 
mois  dernier.  Fils  d'un  pasteur  congrégationnel 
du  Northamptonshire,  il  obtint  en  1862  le 
prix  offert  par  la  "  Society  of  British  Musi- 
cians  ",  pour  le  meilleur  quatuor  à  cordes,  ce 
qui  l'engagea  définitivement  dans  la  carrière 
musicale.  Ses  articles  de  critique,  ses  quatre 
symphonies,  et  surtout  ses  ouvrages  théo- 
riques :  Harmony^  Counterpoint^  Musical  Form^ 
etc.,  restent  autant  de  garants  de  sa  haute 
valeur. 

BILBAO. —  Notre  Société  Philharmonique 
vient  d'entrer  dans  sa  quatorzième  saison.  Elle 
a  été  la  première  de  ces  associations,  si  répan- 
dues maintenant  en  Espagne,  où  les  amateurs 
peuvent,  pendant  l'hiver,  entendre  deux  con- 
certs par  mois,  souvent  avec  les  meilleurs 
artistes  d'Europe,  moyennant  une  cotisation 
mensuelle  de  cinq  francs,  et  qui  rappellent 
les  Académies  de  Musique  en  France  au 
XVIIP  siècle. 


La  Philharmonique  de  Bilbao  a  ouvert  le 
feu  en  Octobre  avec  la  Nouvelle  Société  des 
Instruments  à  vent,  de  Paris,  dont  je  n'ai  à 
vous  vanter  le  mérite.  Le  succès  personnel  des 
artistes  a  été  très  grand.  Toute  leur  maîtrise 
était  nécessaire,  pour  nous  faire  goûter  cette 
combinaison  instrumentale,  qui  semble  porter 
malheur  à  ceux  qui  la  cultivent,  puisqu'elle  a 
inspiré  à  Beethoven  son  Octette,  peut-être  la 
seule  œuvre  absolument  ennuyeuse  qui  soit 
sortie  de  sa  plume. 

En  Novembre,  un  nouveau  quatuor  espagnol, 
nous  a  été  présenté,  le  Quatuor  Vela^  qui  bat  le 
record  de  la  jeunesse  parmi  les  sociétés  de  ce 
genre,  le  plus  âgé  de  ses  membres  ayant  à  peine 
dépassé  vingt  ans.  L'homogénéité  n'est  pas 
encore  parfaite,  et  il  est  à  craindre  qu'elle  ne 
le  soit  jamais,  car  il  manque  à  cet  organisme 
l'homogénéité  des  tempéraments,  la  plus  diffi- 
cile à  obtenir  et  qui  fit  la  force  du  Quatuor 
tchèque  par  exemple.  En  compensation  le  Qua- 
tuor Fêla  fait  preuve  d'une  musicalité  rare  et  ses 
interprétations  sont  d'une  technique  presque 
parfaite.  Les  quatuors  de  Grieg  et  Tschai- 
kowski  (en  ré)  ont  été  —  et  c'est  naturel  — 
les  mieux  interprétés  dans  les  deux  séances, 
et  parmi  les  classiques,  celui  de  Mozart  (en 
mi  bémol). 

Enfin  nous  avons  connu,  le  mois  dernier, 
un  tout  jeune  pianiste,  espagnol  aussi,  qui 
semble  appelé  à  une  notoriété  prochaine.  C'est 
un  nom  à  retenir  celui  de  Thomas  Teran  qui 
malgré  ses  treize  ans  ne  donne  nullement 
l'impression  de  l'enfant-prodige.  Le  jeune 
Teran  est  étonnant  de  force  rythmique,  d'en- 
train, de  vigueur.  Il  a  donné  une  interpréta- 
tion stupéfiante  de  la  Fantaisie  Chromatique 
de  Bach,  et  a  été  très  remarquable  dans  la  sonate 
op  III  de  Beethoven. 

Il  faut  féliciter  M.  Guervas^  professeur  au 
Conservatoire  de  Madrid,  d'avoir  su  guider 
si  adroitement  ce  jeune  homme. 

J.  C.  DE  Gortazar. 

MADRID.  —  Le  correspondant  de  la 
S.  I.  M.  à'  Madrid  se  heurte  comme  ses  con- 
frères espagnols  en  critique  contre  le  snobisme 
fermé   de  la  Philharmonique...  Nous  avons  pu 


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BAKcr.i.oNK   1888,  Moscoii   1891.  Chicago   1893,  Amstrkdam   1895 
Paris  1900. 

DIPLÔMES  D'HONNEUR 

Amstf.kdam   1883,  Anvkks   1885,  Bkuxkllks   1888. 

GRANDS    PRIX 

Hanoï  1893,  Liège  1905. 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


63 


ccpciulaiit  savoir  que  M""  Waïuhi  ivaiKldwska 
remporta  le  plus  légitime  des  triomphes  en  son 
répertoire  bien  connu. . .  Mais  la  Philarmonique 
étant  exclusivement  vouée  au  culte  de  l'art 
étranger  ne  saurait  retenir  notre  attention. 
Mieux  vaut  regarder  du  coté  de  "l'Opéra  et 
surtout  des  concerts  indigènes  publics  ou  privés. 

L'Opéra  continue  à  interpréter  du  Wagner 
à  sa  manière,  qui  n'est  pas  la  bonne.  Des 
Italiens  sans  voix  et  sans  intelligence  musicale 
abîment  la  plus  haute  des  musiques  avec  une 
inconscience  superbe.  Puis,  pour  varier  les 
spectacles  les  divos  régalent  de  notes  aiguës  et 
discordantes,  de  vocalises  de  basse--  cour,  les 
fervents  admirateurs  des  "  subh'mes  "  créations 
d'un  Ambroise  Thomas  ou  d'un  Puccini... 
La  magnifique  inspiration  de  ces  deux  mes- 
sieurs jointe  à  l'interprétation  des  dits  chan- 
teurs nous  donne  de  petites  séances  fort  diver- 
tissantes. Mais  par  bonheur,  en  cette  nuit 
trouble  brillent  quelques  étincelles...  C'est 
Maria  Gay  et  sa  création  captivante  de  Car- 
men que  les  Espagnols  trouvèrent  indécente... 
Ce  sont  les  reprises  de  Samson  et  Dalila  et 
surtout  l'annonce  d'une  œuvre  nouvelle  du 
génial  Amadeo  Vives,  intitulée  Co/s/tz/jc,  drame 
lyrique  réaliste  dont  nous  rendrons  compte  le 
mois  prochain.  La  misérable  œuvre  de  Chapi, 
Margarita  la  Tornera^  nous  fait  regretter  que 
nul  vrai  musicien  n'ait  songé  à  commenter 
d'une  palette  fine  et  délicate  les  merveilleuses 
légendes  de  Zorrilla. 

Le  grand  événement  musical  de  ces  quelques 
mois  écoulés  fut  l'interprétation  de  VIberia 
d'Albeniz  par  le  prix-Diémer,  JoaquimMalats. 
Les  privilégiés,  qu'attira  l'affiche  de  théâtre  de 
la  Comédie,  se  souviendront  longtemps  de  cette 
belle  soirée  d'Art  où  la  musique  du  grand 
Espagnol  —  ce  poète  unique  du  piano  — 
revécut,  palpitante,  sous  des  doigts  d'Espagnol. 
Car  cette  œuvre  si  nationale  en  sa  conception 
pour  ainsi  dire  universelle,  requiert  une  mise 
en  œuvre  adéquate.  Nous  le  disons  avec  foi  : 
Iberia  est  le  plus  magnifique  effort  tenté  par 
un  musicien,  du  piano,  depuis  Robert  Schu- 
mann.  Inspiration  d'origine  populaire  ;  classi- 
cisme de  la  Forme,  de  l'Architecture  ;  nou- 
veauté    sans     précédent     de     la     technique  ; 


modulations  iiientendues,  agrégations  harmo- 
niques inexplicables  mais  du  plus  heureux 
effet,  pirouettes  contrapontiques  d'une  aisance 
qui  ravit,  et  par-dessus  tout,  un  impressionisme 
où  Moussorgsky,  Debussy  et  Fauré  sf)nt  vrai- 
ment assimilés. 

Grâce  à  Malats  nous  avons  pu  entendre  un 
peu  de  musique  à  Madrid...    Henri  Collet. 

BARCELONE.  —  Gros  succès  pour 
Madame  Landowska  et  son  clavecin.  Il  peut 
y  avoir  des  virtuoses  plus  tapageurs,  il  ny  en 
a  pas  de  plus  délicieusement  sincères. 

F.  Lliurat. 

SARAGOSSE.  —  Ici  le  public  accueille 
d'enthousiasme  les  artistes  de  plus  en  plus 
nombreux  qui  viennent  lui  faire  entendre  de 
la  vraie  musique.  La  "  Soctedad  filarmonica  " 
qui  en  est  à  la  cinquième  année  de  son  exi- 
stence nous  a  permis  d'applaudir  La  Société 
Moderne  d'' instruments  h  vent ^  M™*^  Landowska^ 
le  quatuor  Vela^  Louise  Debogis^  H.  Bauer  et  le 
quatuor  Rosé.  M.  DE  LA  Figuera. 

MUNICH.  —  On  sait  que  le  Konzertverein 
de  Munich  a  repris  la  tâche  de  l'ancien  insti- 
tut Kaim  et  qu'il  s'est  mis  en  moins  de  deux 
ans  à  la  hauteur  des  meilleures  associations  cie 
même  genre  fonctionnant  dans  les  principales 
villes  d'Autriche  et  d'Allemagne.  On  sait 
moins  que  son  effort  n'eut  pas  été  possible 
sans  l'appui  incessant  que  lui  a  prêté  M™*^  Marie 
Barlow^.  Aussi  le  2  janvier  dernier,  qui  ame- 
nait la  70™*^  année  de  ce  généreux  Mécènes 
dont  le  mérite  n'a  d'égal  que  la  modestie,  la 
fête  de  M™*^  Barlow  a  pris  l'importance  d'un 
événement  public,  auquel  tout  Munich  s'est 
associé,  depuis  le  Prince  Régent,  lequel  a 
envoyé  une  médaille  d'or  qu'aucune  femme 
encore  ne  possédait  ;  —  ni  personne  du  reste 
en  or,  —  jusqu'au  plus  humble  des  musiciens 
ou  des  amateurs. 

Excellente  musicienne  elle-même.  M™®  Bar- 
low a  la  joie  de  voir  les  bonnes  traditions  de 
sa  maison  persister  en  ses  petits  enfants.  L'une 
d'entre  eux,  M"*^  Emmy  Braun  exécutait  le 
19  janvier,  aux  concerts  symphoniques  popu- 


64 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


laires  ce  brillant,  difficile  et  avant  tout  fort 
beau  concerto  en  si  bcmol  mineur,  op  6  que 
le  musicien  prématurément  enlevé  Félix  von 
Rath  (i 866-1 905)  écrivit  pour  M"'"  Langen- 
han  Hirzel,  qui  a  toujours  excellé  à  le  faire 
valoir. 

Les  répétitions  du  Konzertverein  ménagent 
aux  favorisés  qui  y  sont  admis  des  incidents 
qui  ne  surprennent  plus  personne  tant  ils  sont 
bien  selon  les  traditions  artistiques  de  la  Cour 
de  Bavière.  Le  prince  Louis-Ferdinand  aime 
à  venir  s'asseoir  au  milieu  de  l'orchestre  de 
I\l.  Ferdinand  Loewe  et  y  tenir  sa  partie  de 
premier  violon.  D'autres  part  l'angle  de  la 
galerie  est  ordinairement  occupé  par  deux 
charmants  enfants  avec  leur  précepteur.  L'un 
a  huit  ans,  l'autre  quatre  et  demi.  L'un  est 
le  futur  roi,  l'autre  son  frère  le  prince  Albert, 
que  leur  père  S.  A.  R.  le  prince  Rupprecht 
et  leur  mère,  soeur  de  la  reine  des  Belges, 
tiennent  à  voir  initiés  dès  leur  plus  bas  âge  à 
Beetho\en,  Schubert  et  Bruckner.  Parfois 
même,  si  l'on  s'est  trompé  d'heure  ou  que 
M.  Lœwe  intervertisse  son  programme,  c'est- 
l'op.  108  de  Max  Reger  qui  tombe  sur  les 
petites  têtes  charmantes  !  Chez  eux,  il  arrive 
que  les  petits  princes  fredonnent  des  motifs  de 
Beethoven  dans  leurs  ébats.  Et  voici  pour 
faire  plaisir  à  M.  Louis  Dimier,  qui  préconise 
l'abandon  des  musiques  et  livres  enfantins, 
lesquels,  on  le  sait,  n'amusent  jamais  que  les 
grandes  personnes,  tandis  que  les  enfants  sont 
si  heureux  d'être  traités  eux  en  grandes  per- 
sonnes !•  W.  R. 

STRASSBOURG.  —  Un  cercle  d'ama- 
teurs se  propose,  sous  le  nom  de  Société 
dramatique  de  Strasshouri^  d'organiser  des 
représentations  qui  sauvegardent  la  culture 
française  en  Alsace. 

U.ll'ZICÎ.  —  Le-  s\  nipathic|ue  pianiste  et 
compositeur  Ernest  de  Dohnaiiyi,  professeur 
à  l'Ecole  des  Hautes  Etudes  musicales  de 
Berlin,  a  remporté  \u\  brillant  succès  au  der- 
nier concert  du  (piatuor  tchèque  qui  exécutait, 
comme  nouveauté,  son  opus  1,  (Juintettr  [\ 
cordes  avec  piano  en  ut  mineur.  Cîluvre  encore 


schumaniennc,  juvénile,  mais  d'une  sincérité  et 
d'un  naturel  réconfortants,  d'une  belle  venue. 

—  Le  chœur  d'hommes  de  Leipzig  a 
célébré  ce  30  janvier,  le  2  5"anniversaire  d'entrée 
en  charge  de  son  directeur,  M.  Gustave 
Wohlgemutii.  Il  a  organisé  à  cette  occasion 
un  concert  monstre,  auxquels  prirent  part 
différentes  sociétés  chorales,  de  sorte  que  l'on 
put  exécuter  avec  environ  480  chanteurs  le 
Retour  du  Croise  de  Wilhelm  Kienzl  ;  le 
Liebesmabl  der  Apostei  de  Wagner  et  le  Chant 
des  Bardes  de  Richard  Strauss,  dédié  précisé- 
ment à  M.  Wolhgemuth. 

PRAGUE.  —  Hélas  !  Le  Narodni  Divadh 
{Théâtre  National  tchèque)  entend  demeurer 
fidèle  aux  vieux  errements.  Son  Directeur, 
M.  Gustave  Smoranz,  en  une  lettre  qui 
témoigne  la  plus  complète  ignorance  des  mœurs 
artistiques  russes,  de  la  \  ie  de  A'ioussorgski  et 
même  de  la  partition  de  Boris  Godounow^ 
annonce  que  l'œuvre  sera  représentée  avec  des 
coupures,  dont  il  entend  demeurer  seul  juge  ;  il 
donne  pour  prétexte  dtf  cette  décision  arbitraire 
que  Rimsky  Korsakof  et  les  Directions  de 
Théâtres  Russes  sont  meilleurs  juges  de  ce 
qui  convient  à  Moussorgski,  que  les  fidèles  de 
la  version  originale.  De  ce  train-là,  nous  ne 
désespérons  pas  de  voir,  dès  191 1,  le  Théâtre 
Allemand  donner  au  Narotlni  Divadh  une 
leçon  de  slavisme  intégral  et  de  conscience 
artistique,  en  montant,  lui,  le  Boris  autiientique. 

En  attendant  le  Narodni  Divadlo  se  résigne 
très  facilement  à  l'humiliation  d'aborder /:7/\^/;v/ 
de  Richard  Strauss  avec  orchestration  réduite 
à  soixante-quinze  instruments.  Et  nous  qui 
avions  toujours  tenu  le  Narodni  Divadlo  pour 
une    des    premières    scènes    du   monde  ! 

Le  cinquantenaire  ilu  compositeur  Joseph 
Bohouslaw  Fœrster  v  a  été  fêté  par  ime 
reprise,  dans  des  décors  nouveaux,  de  l'opéra 
qui  avait  tonde  sa  renommée,  Eva. 

—  La  llmèleekti  Hiseila  (Société  artistique) 
de  Prague  vient  de  publier  le  second  opéra  de 
M.  Karel  Kovaro\  ic,  en  réduction  pour  piano 
a\ec  texte.  Na  starem  héliillé  [.i  ranàennt 
/danihisserie)y  tiré  du  fameux  roman  tchèque 
la  (irandWIère  [Bal>icka)y  de  Bozena  Nêmcova, 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


65 


a  consolide  la  cc'lcbrité  nationale  acquise  par 
M.  Kovarovic  avec  ses  Psohlavci  (les  Tetc-de 
chien^  surnom  donné  aux  montagnards  diodes, 
à  cause  de  l'emblème  de  leurs  drapeaux).  Ce 
premier  opéra  était  un  noir  tableau  de  la  lutte 
d'une  population  libre  à  qui  l'on  retire  ses 
privilèges,  contre  la  tyrannie  du  mauvais 
seigneur  ;  le  second  chante  au  contraire  la  paix 
des  campagnes  à  l'ombre  d'une  demeure 
seigneuriale  où  règne  une  châtelaine  exquise. 
Les  deux  œuvres  sont  d'un  particularisme 
tchèque  si  délicat  que  leur  transplantation 
hors  de  Bohême  nous  paraît  à  tout  jamais  im- 
possible. C'est  dommage,  car  il  est  difficile  de 
rêver  partitions  plus  délicates  dans  le  tragique, 
l'une  et  l'autre,  dans  un  demi-caractère  sou- 
riant et  attendri. 

La  même  Umêlecka  Beseda  a  encore  édité 
tout  récemment  les  quatre  beaux  Chants  mé- 
lancoliques sur  r Amour  opus  38,  datant  de 
1906  de  Vitezlav  Novak,  sur  des  textes  des 
poètes  Saroslav  Vichlicky,  Jaromir  Barecky  et 
Jan  Neruda.  Inutile  de  dire  que  l'honneur  de 
ces  sortes  d'éditions  nationales  n'est  réservé 
qu'aux  œuvres  les  plus  marquantes  de  la 
production  tchèque  contemporaine. 

L'éditeur  Topic  de  son  côté  a  fait  une 
tentative  originale.  Voici  une  dizaine  d'années, 
il  avait  donné  une  édition  de  Démon-Amour^ 
poème  célèbre  de  Saroslav  Vichlicky,  curieuse- 
ment illustré  par  le  peintre  idéologue  Max 
Pinner.  Il  y  revient  et  en  offre  cette  saison 
une  édition  musicale,  où  les  treize  romances 
du  recueil  ont  été  partagées  entre  MM.  Joseph 
Bohouslaw  Fœrster,  Karel  Pospisil,  et  Karel 
Moor  (qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  le 
musicien  Emmanuel  Moor,  établi  à  Lausanne 
et  dont  la  fécondité  est  déjà  assez  extraordinaire 
sans  cela.) 

—  Prague  n'avait  pas  encore  de  monument 
Smetana.  La  Umêlecka  Beseda  (toujours  elle  !) 
en  a  pris  l'initiative,  Une  société  s'est  fondée 
dont  la  première  réunion  a  eu  lieu  le  5 
Décembre.  On  a  élu  un  comité  présidé 
par  l'historien  J.  Croll,  et  où  figurent  M. 
Kovarovic  et  Max  Svabinsky,  l'artiste  auquel 
l'on  doit  le  plus  beau  portrait  de  Smetana, 
comme  de  juste,  presque  tous  les  musiciens  et 


écrivains  de  Prague.  A  la  date  de  cette  réunion 
ils  avaient  déjà  rassemblé  7569  couronnes. 

—  La  musique  et  la  littérature  tchèques 
sont  en  deuil  d'un  homme  c]u'il  faut  citer 
comme  l'un  des  plus  consciencieux,  et  des 
plus  sérieux  critiques  et  écrivains  musicaux  de 
notre  temps.  Le  Dr  Otokar  HOSTINSKY  est 
mort  le  19  Janvier  dernier.  Il  était  né  le 
2  Janvier  1847,  à  Martinoves,  près  Budine. 
Docteur  en  philosophie  dès  1869  et  professeur 
en  1877,  après  de  sérieuses  études  à  Munich 
et  à  Prague,  il  était  à  l'université  de  cette 
dernière  ville,  privat-docent  depuis  1883, 
et,  depuis  1892,  professeur  d'esthétique.  Dès 
le  principe,  il  soutint  à  Prague  le  bon  combat 
pour  Wagner,  en  même  temps  que  pour 
Smetana  et  la  musique  nationale.  Longue  est 
la  liste  de  ses  écrits  :  Christophe  IVilibald  Gluck 
(1884),  5wr  les  origines  de  la  Musique^  Les 
Représentations  théâtrales  h  Athènes^  La  vieille 
musique  grecque  {\'^%'Ç)  Hector  Berlioz-^  La  Dé- 
clamation fnusicale  tchèque  (1886).  En  1892 
il  édite  36  chants  populaires  tchèques  profanes  du 
XF/"'^  siècle.  En  1896  son  importante  Con- 
tribution à  r  étude  de  la  Musique  et  de  la  théorie 
musicales  tchèques  au  XVI'"''  siècle,  est  basée  sur 
l'étude  spéciale  de  Jan  Blahoslar  et  de  Jan 
Josquin,  et  illustrée  d'exemples  de  1569  pour 
le  premier,  et  de  1561  pour  le  second.  En 
1900  Hostinsky,  dont  l'autorité  augmente  de 
jour  en  jour,  publie  La  Musique  en  Bohême,  et, 
l'année  suivante  paraît  son  ouvrage  capital  et 
absolument  définitif:  Bedrich  Smetana,  et  sa 
lutte  pour  la  musique  tchèque  moderne.  En  1906 
c'est  la  Chanson  populaire  profane  tchèque.  En 
1908,  Antonin  Dvorak  dans  l'évolution  de  notre 
musique  dramatique.  En  1905  La  musique 
tchèque  de  1864  a  1904.  Enfin  tout  récem- 
ment, à  Noël  1909,  ses  Souvenirs  sur  Fibich,  à 
qui  il  avait  fourni  le  poème  d'opéra  La  Fiancée 
de  Messine;  moins  excellent  encore  que  celui 
qui  fit  la  force  de  la  Cendrillon  de  Roskosny, 
Il  était  le  président  du  comité  tchèque,  qui 
recueille  pour  les  grandes  publications  du 
Ministère  des  cultes  et  de  l'instruction  publique 
d'Autriche  les  chants  populaires  de  Bohême. 
La  perte  d'un  tel  Maître  ne  sera  pas  facile- 
ment réparable.  W.   R. 


66 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


MILAN.  —  La  Mèdèe  de  Cherubini  n'a 
pas  été  un  succès.  La  pièce  assez  froide  et 
antique  n'a  causé  qu'une  grande  déception. 

UOrfio  de  Monte verde  a  par  contre  soulevé 
l'enthousiasme.  La  reconstitution  en  a  été  faite 
par  Giacomo  OreHce  d'une  façon  intuitive 
plutôt  qu'historique,  et  avec  l'intention  de 
faire  œuvre  d'artiste  plutôt  que  d'archéologue. 
L'orchestre  notamment  était  réalisé  assez  libre- 
ment. Beaucoup  d'entre  nous  en  Italie  pensent 
en  effet  que  les  préoccupations  musicologiques 
ne  vont  pas  sans  une  certaine  pédanterie,  qui 
cristallise  le  sens  artistique.  Certains  effets  de 
sonorité  étaient  donc  tout  modernes. 

La  mélodie  de  Monteverde  a  extrêmement 
porté  sur  le  public  milanais  ;  l'exécution  par 
Kaschmann,  i^avin  et  Fino,  sous  la  direction 
d'Amilcare  Zabella  (du  Liceo  Rossini  de 
Pesaro)  tut  excellente.  Un  bon  point  pour 
"  l'Associatione  degli  Amici  délia  Musica  "  de 
Milan,  qui  avait  pris  l'initiatixe  de  cette 
reprise  tardive  ! 

Succès  considérable  pour  "  Samson  et 
Dalila  "  de  St  Saëns  à  la  Scala,  a\ec  excellent 
ensemble. 

J'aurais  beaucoup  à  dire  du  mouvement 
général  de  la  musique  ici.  Nous  sommes  dans 
une  période  d'expectation  ;.  nous  attendons  le 
Messie  de  la  musique  pure.  Disons  cependant 
que  notre  Conservatoire  espère  arriver  cette 
année  à  l'établissement  d'un  orchestre  stable, 
qui  lui  permettrait  d'organiser  d'une  façon 
permanente  des  Concerts  Symphoniques. 

G.  Zampif.ri. 

VIENNE.  —  A  PROPOS  de  Mahler,  — 
Lors  de  sa  dernière  lettre  d'Amérique  M.  G. 
Barrère  a,  dans  1'  S.  I.  M.  de  décembre,  pris 
position  contre  les  arrangements  que  Gustave 
Mahler  ne  craint  pas  de  faire  subir  aux  parti- 
tions de  Beethoven.  Comme  cette  lettre  a  fait 
le  tour  de  la  presse  musicale  française,  je  me 
crois  en  droit  d'ajouter  ici  quelques  explica- 
tions, en  faveur  de  Mahler,  notre  grand  chef 
d'orchestre. 

Toucher  aux  partitions  de  Beethoven,  n'est- 
ce  pas  un  sacrilège  !  Et  comment  Mahler,  un 
de   ceux    (|ui  connaissent  le  mieux  l'oi ciiestre, 


un  chef  réputé  pour  son  fanatisme  lorsqu'il 
s'agit  de  sonorité,  s'est-il  résolu  à  de  pareilles 
modifications,  sans  s'en  cacher  le  moins  du 
monde  :  Mais  précisément  au  nom  de  la  plas- 
tique de  l'œuvre  et  l'orchestre  moderne. 
Mahler  retouche  lui-même  sans  cesse  ses 
propres  partitions,  et  je  me  souviens  lui 
avoir  vu  supprimer  les  trombones  dans  sa 
seconde  symphonie  à  un  endroit  où  ils  cou- 
\  raient  le  chant,  la  dernière  fois  qu'il  dirigea 
à  Vienne.  Je  l'entends  encore  s'écrier  :  "  A 
bas  r autorité  !  f^ive  le  chef  d^ orchestre  qui  fera 
des  changements  dans  mes  propres  œuvres  là  oh  il 
lui  sembleront  utiles  pour  mettre  en  valeur  r  in- 
tention et  P effet  voulus  !  " 

Or,  chez  Beethoven,  par  exemple  dans  la 
Neuvième^  chacun  sait  que  la  technique  instru- 
mentale du  XIX'"  siècle  n'était  pas  à  la  hauteur 
du  génie  du  Maître.  Cela  est  particulièrement 
vrai  pour  les  cors,  les  trompettes  et  les  sons 
aigus  des  bois. 

Wagner  axait  déjà  proposé  ici  toute  une 
série  de  modifications  qui  ont  été  admises  par 
presque  tous  les  orchestres  de  l'Allemagne. 
Et,  depuis  Wagner,  nous  avons  fait  des  progrès 
en  orchestration  !  L'arrangement  de  Mahler, 
écrit  pour  la  Philharmonique  a  fait  si  bon 
effet  que  bien  des  gens  ont  déclaré  qu'ils  ne 
se  doutaient  pas  de  ce  qu'était  la  Neuvième 
avant  de  i'axoir  ainsi  entendue.  Or  Mahler 
n'a  tait  ici  que  continuer  l'œuxre  de  Wagner; 
ainsi,  par  exemple,  en  développant  la  sonorité 
des  \ents.  Wagner  a\ait  déjà  remarqué  que  le 
second  thème  du  scherzo  ne  sort  absolument 
pas  en  présence  du  premier,  exposé  par  le 
quatuor.  Mahler  ajoute  ici  aux  bois  de  la 
partition,  6  cors  et  deux  trompettes  !  Le  tout 
gagne  en  clarté  et  en  intensité.  Ailleurs  Mahler 
unit  les  hautbois  aux  HAtes  et  remplace  les 
hautbois  de  la  partition  par  des  clarinettes, 
tandis  qu'enfin  il  donne  aux  cors  en  fa  les 
parties  de  clarinette  écrites  par  Beethoven. 
Pourquoi  ?  Parce  que  dans  le  fort  de  l'orchestre 
le  registre  bas  lie  clarinette  tel  qu'il  est  écrit 
iii  ne  s'enteiul  pas,  tandisque  leur  registre 
moyen  a  une  très  belle  sonorité.  Dans  la 
"  /llli  M<u\i,i  ",  dont  parle  M.  Barrère, 
Mahler  ;i  aussi  ses  bonnes  raisons.  Le  hautbois 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


67 


qui  expose  cette  marche  lointaine  ne  peut 
jouer  />/>  dans  son  registre  aigu,  et  d'ailleurs  sa 
sonorité  naturelle  a  quelque  chose  qui  le  met 
en  saillie,  empêchant  ainsi  l'idée  d'éloignement. 
iViahler  remplace  le  hautbois  par  des  flûtes,  et 
met  des  sourdines  aux  cors.  Le  problème  est 
résolu. 

On  pourrait  presque,  en  suivant  pas  à  pas 
les  innovations  de  Mahler  dans  la  Neuvième^ 
écrire  un  nouveau  Traité  d'instrumentation. 
Car  toutes  ces  modifications  ont  leur  cause 
dans  l'expérience  journalière  de  l'orchestre 
moderne. 

Certes  le  musicologue  protestera,  et  il  aurait 
raison  s'il  s'agissait  d'œuvres  appartenant  à  la 
musicologie,  c'est  à  dire  à  une  manière  de 
sentir  qui  n'est  plus  la  nôtre.  Mais  des 
œuvres  qui  vivent  encore  de  notre  vie  mo- 
derne, qui  sont  notre  pain  quotidien,  nous 
avons  le  droit  et  le  devoir  de  les  rendre  con- 
forines  aux  exigences  de  nos  orchestres  et  de 
nos  oreilles,  en  réalisant  les  intentions  de 
l'auteur  par  les  perfectionnements  de  notre 
technique  actuelle.  Et  cela  de  la  manière  qu'il 
aurait  employée  s'il  vivait  en  ce  moment. 
Dr  Egon  Wellecz. 

—  On  organise  pour  mars  des  fêtes  en 
l'honneur  de  la  Philharmonique  de  Vienne, 
qui  célèbre  son  cinquantenaire.  L'orchestre 
recevra  solennellement  la  grande  médaille  d'or 
de  St-Salvador. 

GR  AZ. —  Menus  passe-temps  de  la  censure. 
Le  drame  lyrique  Misé  Brun  du  compositeur 
Suisse-romand,  Pierre  Maurice,  vient  d'être  joué 
au  théâtre  municipal  avec  un  joli  succès.  L'ac- 
tion se  passe  à  Aix  en  Provence  et  la  musique 
emploie  divers  chants  populaires  du  midi. 
Mais  il  y  a  aussi  une  procession  et  une  exécu- 
tion capitale,  où  les  moines  récitent  des  textes 
latins.  La  censure  les  a  impitoyablement  biffés; 
de  la  sorte  l'orchestre  arrive  à  jouer,  dans 
certains  passages,  sans  les  chceurs  ;  mais  comme 
les  bons  religieux  ne  peuvent  pas  assister 
muets  à  l'exécution  finale,  la  censure  a  toléré 
qu'on  leur  fit  murmurer  indistinctement  des 
paroles    latines    quelconques.    Le    régisseur,    en 


désespoir  de  cause,  fit  marmotter  sourdement 
le  ...  Gaudeamur  igitury  à  la  place  du  Kyrie 
eleison  !  La  censure  fut  en  paix  et  l'on  assure 
que  l'émotion  du  public  ne  s'en  trouva  pas 
troublée. 

—  A  un  récent  concert  de  le  société  acadé- 
mique Richard  Wagner  (on  voit  aujourd'hui 
de  ces  accouplements  de  mots  !)  s'est  révélé  un 
talent  musical  remarquable  :  le  jeune  compo- 
siteur styrien,  D""  Geppo  Marx.  Une  centaine 
de  lieder  le  font  déjà  désigner  comme  le  digne 
continuateur  de  son  compatriote  Hugo  Wolf. 
L'originalité  de  sa  facture,  la  richesse  de  son 
invention,  l'expressivité  de  ses  motifs  mélo- 
diques ont  produit  une  véritable  sensation. 

MM. 

SALZBOURG.  —  De  grandes  fêtes  en 
l'honneur  de  Mozart  auront  lieu  ici  du  29 
juillet  au  6  août,  à  l'occasion  de  la  fondation 
de  la  Mozarthaus.  On  entendra  la  Fliite^  Don 
Juan  et  six  Grands  Festivals,  comprenant  : 
Laudate  pueri^  Ave  Ferum\  Requiem.  —  Qua- 
tuor (K.  V.  465),  Lieds,  Quatuor  avec  piano 
(K.  V.  478.).  —  Symphonie  en  ré  majeur. 
Concerto  de  violon.  Concerto  pour  flûte  et 
harpe.  Symphonie  en  sol  mineur,  — Aria  pour 
soprano  et  chœurs.  Sonate  pour  violon  et  piano, 
solos  de  piano.  Aria  du  Roi  pasteur.  Quintette 
avec  cor.  —  Quintette  à  vent.  —  Symphonie 
en  mi  bémol  majeur.  Concerto  de  piano.  Aria 
de  Cosi  fan  tutte.,  Symphonie  en  mi  bémol 
majeur;  enfin,  au  dôme,  la  messe  en  ut  majeur. 

Pour  tous  renseigneiTients  s'adresser  aux 
bureaux  du  S.  L  M. 

BUCAREST.  —  Le  public  roumain  est 
communicatif  et  enthousiaste  ;  il  n'y  a  pas  de 
soliste  ou  d'orchestre  venu  à^Europe  qui  ne 
remporte  ici,  qui  plus,  qui  moins,  mais  encore 
sans  distinction  très  marquée,  des  succès  pro- 
digieux. On  y  applaudit  d'aussi  grand  cœur 
Massenet  et  Wagner,  Puccini  et  Debussy  ; 
et  Dvorak  y  passe  pour  classique  aux  côtés  de 
Bach.  Cet  éclectisme,  du  moins,  contribue  à 
l'éducation  générale,  et  il  faut  concéder  que 
les  progrès  du  goût  musical  ont  été  sensibles 
et  rapides  déjà. 


LEO  OLSCHKI 

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le   monde  entier  des   bibliophiles.   (Un  an  30  fr.) 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


69 


Mais  jamais  la  foule  ne  délire,  comme 
lorsque  un  exécutant  ou  un  compositeur  rou- 
main vient  montrer  que  la  musique  nationale 
existe,  que  l'art  national  soutient  la  compa- 
raison avec  l'art  d'occident.  Et  parfois  il  se 
trouve  que  cela  est  vrai. 

Les  deux  derniers  concerts  de  caractère  bien 
roumain,  furent  et  non  moins  artistique  ceux 
de  M'"*^  Triteanu  et  de  M.  G.  Enesco. 

L'éloge  de  ce  dernier  n'est  plus  à  faire  à 
Paris.  A  Bucarest  non  plus.  Il  vient  de  se  pro- 
duire trois  fois  de  suite,  avec  un  égal  succès, 
devant  ses  compatriotes,  dans  ses  trois  qualités 
de  violoniste,  de  pianiste  et  de  compositeur. 
Comme  pianiste,  il  a  eu  le  rare  mérite,  la  belle 
confraternité,  de  se  faire  l'interprète  de  la 
Symphonie  roumaine  pour  piano  et  orchestre  de 
M.  Stan  Golestan.  Dame,  M.  Golestan  ne 
semble  pas  encore  prophète  en  son  pays.  Les 
laoutars  barbus  mettent  le  directeur  de  l'or- 
chestre officiel  du  Ministère  de  l'Instruction 
publique,  M.  D.  Dinicu,  en  garde  contre  les 
*'  intrus  en  musique  "  ;  et  voici  comment  ils 
analysent  la  "  prétendue  "  symphonie  rou- 
maine :  "  autour  d'un  motif  populaire  suffisam- 
ment trivial,  qui  passe  par  tous  les  instruments, 
s'enlacent  un  ou  deux  motifs  de  Grieg,  repris 
et  attaqués  sans  aucun  lien  sensible,  et  sans 
que  l'auteur  arrive  un  instant  à  être  maître  des 
masses  instrumentales"...  ;  cela  ne  veut  pas 
dire  grand'chose,  et  la  présence  de  M.  Enesco 
au  piano  parle  mieux  en  faveur  de  l'oeuvre. 
Violoniste,  M.  Enesco  prêta  son  concours  au 
premier  concert  de  M""^  Triteanu,  avec  un  Air 
de  Bach  et  les  Humoresques  de  Dvorak.  Com- 
positeur, il  bénéficia  de  tout  un  festival  où  l'on 
n'entendit  un  choix  de  ses  œuvres,  sous  sa 
direction  personnelle,  verveuse  et  ferme.  Le 
programme  comprenait  le  Poème  roumain^  du- 
quel date  la  consécration  du  musicien  :  le 
charme  des  airs  nationaux  opère  toujours,  ainsi 
que  la  relative  simplicité  d'écriture,  et  impres- 
sionne intensément  l'auditoire. 

La  suivante  symphonie  en  mi  bémol  apparaît 
plus  ardue,  trop  développée,  dit-on  dans  cer- 
taines de  ses  parties  ;  si  elle  n'était  pas 
d'Enesco...,  mais  il  la  dirige  admirablement, 
avec  un  soin  des  détails  autant  que  de  la  ligne 


a.rc]iitecturale  qui  atteint  à  un  grand  effet.  Et 
l'on  respire  de  nouveau  à  l'aise  dans  les  Rap- 
sodies  roumaines^  celle  en  rè  majeur  surtout,  où 
vibre  l'âme  môme  du  pays. 

M'""  Veturia  Triteanu  est  une  autre  char- 
meuse. Elle  arrive  de  Transylvanie,  de  chez 
"  les  frères  de  Hongrie  "  avec  une  réputation 
de  rossignol.  D'une  voix  vibrante  et  chaude  de 
inezzo-soprano,  au  timbre  bien  roumain,  elle 
chante  également  Schumann  et  Schubert, 
Dvorak  et  Brahms,  Wagner  ou  Strauss.  Mais 
elle  a  un  art  particulier  de  dire  les  chants 
populaires  de  son  pays,  les  complaintes  jaillies 
du  tréfond  de  misères  d'un  peuple  oppressé. 

M.  M. 

VARSOVIE.  —  Dans  la  série  de  grands 
concerts  symphoniques  à  la  Philharmonie,  sous 
la  direction  de  M.  Z.  Fitelberg,  à  noter  (au 
mois  de  décembre)  le  très  grand  succès  de 
Jacques  Thibaud  qui  a  enlevé  l'enthousiasme 
d'une  salle  comble.  Un  des  concerts  de  musique 
de  chambre  (arrangé  par  M.  H.  Melcer)  a  été 
consacré  entièrement  à  la  musique  française. 
Quatuor  de  César  Franck^  concerto  pour  piano 
et  violon  avec  ace.  de  quatuor  à  cordes  de 
Chausson,  mélodies  de  Berlioz,  Franck,  Chaus- 
son, Chabrier,  Ravel,  Debussy,  Dukas  et 
d'Indy.  N'ayons  garde  d'oublier  le  brillant 
succès  d'Isaye.  Comme  nouveauté  sympho- 
nique,  il  faut  mentionner  "  La  mer  "  de 
Debussy,  exécutée  avec  grand  soin  par  l'or- 
chestre symphonique  du  Prince  L.  Lubomirski. 

—  L'Opéra  de  Varsovie  passe  une  époque 
de  crise  assez  pénible.  Après  une  saison  de 
trois  mois  dirigée  par  un  groupe  d'artistes 
polonais  (non  subventionné)  la  salle  du  Grand 
Théâtre  est  louée  pour  quatre  mois  à  un 
entrepreneur  italien  Castellano.  D'après  les  re- 
présentations que  nous  avons  eues  les  résul- 
tats artistiques  de  l'entreprise  sont  à  peine 
satisfaisants.  A  l'exception  de  quelques  artistes 
(M"^^^  Bianchini-Cappelif,  M""*  Maggini- 
Coletti)  elle  ne  possède  que  des  voix  médiocres 
et  nous  attendons  avec  impatience  et  inquié- 
tude des  changements  décisifs  qui  nous  redon- 
neraient l'opéra  subventionné  par  le  gouver- 
nement. 


70 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


—  A  partir  de  mars  notre  Section  polonaise 
de  la  S.  I.  M.  aura  son  Bulletin  trimestriel. 

H.  O. 

S'  PETERSBOURG.—  Les  deux  grands 
événements  de  notre  vie  musicale  en  cette 
saison  sont  :  le  50""'  anniversaire  de  la  Société 
Impériale  Musicale  Russe  (fondée  au  prin- 
temps de  1859),  et  le  50'""  jubilé  de  M.  César 
Ciiiy  dont  cette  même  société  exécutait  un 
scherzo  le  14  décembre  1859. 

Le  noyau  de  la  Société  hnpér.  Mus.  Russe 
fut  la  Société  Musicale  Russe  à  S'  Pétersbourg, 
formée  aussi  en  1859,  9^'  succédait  elle-même 
à  une  "  Société  Symphonique  ",  composée  à 
moitié  de  dilettanti  et  qui,  dix  ans  auparavant, 
avait  cessé  d'exister.  Les  fondateurs  de  la 
jeune  Société  étaient  A.  G.  Rubinstein,  le 
comte  Aiathieu  J.  Wielhorsky,  le  mécène 
bien  connu,  D.  W.  Kapchine,  W.  A.  Kolo- 
griwow  et  D.  W.  Stassow,  grands  amateurs 
de  musique.  Ce  dernier  est  le  frère  du  critique 
d'art  bien  connu  M.  Wladimir  Stassow  et  le 
seul  parmi  les  fondateurs  qui  aura  assisté  au 
50™''  anniversaire  de  la  Société.  Les  jeunes  fon- 
dateurs, à  la  tète  desquels  il  convient  de  placer 
Rubinstein,  eurent  recours  au  patronage  de  la 
Grande  Duchesse  Hélène  Pawlowna,  tante  de 
l'Empereur  Alexandre  II  et  femme  de  haute 
culture,  qui,  ne  se  bornant  pas  à  protéger  la 
jeune  institution,  lui  prodiguait  personnelle- 
ment des  secours  matériels.  De  suite,  la 
Société  déploya  son  activité  musicale  a\ec 
vigueur.  —  Ses  concerts  symphoniqucs  et  de 
chambre  n'eurent  qu'une  interruption  mo- 
mentanée, lors  des  événements  de  1905-1906, 
alors  que  le  mouvement  révolutionnaire  se  fit 
sentir  jusque  dans  le  Conservatoire  même. 
Dès  1859,  la  Société  organisa  un  chœur,  une 
bibliothèque,  des  concours  entre  compositeurs 
et  fonda  un  "  Cours  de  musique  populaire  ", 
dans  le  j-'alais  Michel,  mis  gracieusement  à  la 
disposition  de  la  Société  par  la  Grande 
Duchesse    Hélène.    Ces    cours    devinrent,    en 

I  862,   le  Conservatoire  de   St  Pétersbourg^  dont 
le  premier  lauréat  fut  Tchaïkowsky,  en   1865. 

II  ne    faut    pas    oublier  qu'axant   la  formation 
du  Conservatoire  de  S'  Pétcrsliourii    Ks    musi- 


ciens russes  ne  jouissaient  pas  de  droits  civi- 
ques, qu'ils  ne  pou\aient  être  ni  fonctionnaires 
des  Théâtres  Impériaux  ni  professeurs  de 
musique  dans  les  instituts  de  jeunes  filles. 
Rubinstein,  qui,  malgré  sa  renommée  uni- 
verselle, avait  lui-même  éprouvé  les  fâcheuses 
conséquences  de  l'inique  situation  dans  la- 
quelle se  trouvaient  tous  les  musiciens  russes, 
obtint  qu'il  fut  accordé,  de  par  la  loi,  le  titre 
^.''artiste  libre^  pour  les  anciens  élèves  du  Con- 
servatoire —  titre  qui  n'avait  été  décerné 
jusqu'alors  que  par  l'Académie  Impériale 
des  Arts. 

L'actixité  de  la  Société  de\int  de  plus  en 
plus  étendue.  Un  an  après  sa  fondation,  Rubin- 
stein créa  une  section  indépendante  à  Moscou. 
Ensuite,  peu  à  peu,  se  formèrent  des  sections 
à  Charkow,  Kiew,  Saratow,  etc.  etc.  A  cette 
époque  (en  1865),  pour  mieux  surveiller 
racti\ité  toujours  croissante  de  la  Société,  il 
fut  instituée  une  Direction  principale,  à  la 
tête  de  laquelle,  avec  le  titre  de  président,  ont 
toujours  été  placés  des  membres  de  la  famille 
impériale.  Ainsi,  après  la  mort  de  la  Grande 
Duchesse  Hélèjie  (t  1873),  ce  fut  le  Grand 
Duc  Konstantin  Nicolaé\  itch,  ensuite  (1899) 
son  épouse  Alexandra  Josefowna,  laquelle 
choisit,  comme  aide,  son  fils  le  Grand  Duc 
Konstantin  Konstantinowitch  ;  celui-ci  n'a 
renoncé  à  ses  fonctions  qu'au  commencement 
de  1909,  lorsque  la  princesse  Hélène  de  Saxe- 
Altenbourg  (petite-fille  de  la  Grande  Duchesse 
Hélène  rawioviria)  a  été  élue  présidente  de  la 
Société. 

En  1873,  la  Société  a  reçu  le  titre  d'  "  Im- 
périale ".  Je  passe  tous  les  détails  du  déve- 
loppement de  la  Société,  les  modifications  de 
ses  staiiuts  ainsi  que  de  ceux  du  Conservatoire 
et  d'autres  institutions  musicales  affiliées  à  elle. 
Actuellement  la  Société  Musicale  compte  plus 
de  35  sections  —  dans  tous  les  centres  im- 
portants de  Russie  —  du  Caucase  à  la  Sibérii, 
et  2  conservatoires  (S'  Pétersbourg  et  Moscou), 
16  écoles  musicales  et  16  cours  musicaux 
(pour  la  plupart  du  type  d'écoles  musicales 
de  4  classes),  où  plus  de  i  8000  élèves  étudient 
toutes  les  branches  île  la  musique. 

La  section  ile  St  Pefers/>uri^  aura  été  le  tronr 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


7 


de  cette  énorme  ramification  à  travers  toute 
la  Russie. 

Son  Conservatoire  a  eu  à  sa  tête  :  Rubin- 
stein  (à  deux  reprises,  en  1862- 1867  et  1887- 
1891),  N.  J.  Zaremba  (i 867-1 871),  M.  P. 
Asantchewsky  (i  871-1876),  le  célèbre  violon- 
celliste K.  J-  Dawydow  (1876-1887),  les 
professeurs  J.  J.  Johansen  (1891-1897), 
A.  R.  Bernhardt  (i  897-1905)  et  finalement, 
A,  K.  Glazounow  (depuis  1905)  que  l'on  peut 
à  juste  titre,  considérer  comme  la  plus  grande 
autorité  musicale  russe  de  l'heure  actuelle. 
En  1896,  il  alla  s'installer  dans  un  énorme 
palais,  construit  sur  l'emplacement  de  l'ancien 
Grand  Théâtre  et  dû  à  la  libéralité  de  l'empe- 
reur Alexandre  m.  En  50  ans,  la  section  de 
St  Pétersbourg,  à  elle  seule,  a  donné  plus  de 
500  concerts  symphoniques  et  plus  de  400 
soirées  de  musique  de  chambre,  sans  compter 
les  exercices  d'élèves.  Les  concerts  sympho- 
niques ont  été  dirigés  par  des  célébrités  russes 
et  étrangères,  telles  que  Rubinstein,  Balakirew, 
Berlioz,  Bulow,  Auer,  Safonov  et  grand  nom- 
bre de  jeunes  musiciens  auxquels  la  Société 
donnait  la  possibilité  de  se  produire.  Enumérer 
les  noms  des  compositeurs  et  exécutants  ayant 
figuré  dans  les  programmes  des  concerts  de  la 
Société  —  équivaudrait  à  copier  le  dictionnaire 
des  musiciens  du  19®  et  du  commencement 
du  20''  siècle. 

Les  fêtes  du  50*^  anniversaire  dureront 
plusieurs  jours  en  dehors  d'une  séance  solen- 
nelle, il  y  aura  deux  concerts  de  gala,  (l'un  deux 
répétera  le  programme  du  premier  Concert  de 
la  Société,  du  23  Novembre  1859)  et  une 
représentation  d'opéra.  ^ 


* 


L'importance  du  le  50'' jubilé  de  M.  C.  A. 
Cui  est  certes  moindre,  cependant  il  a  aussi 
vivement  intéressé  notre  public  musical.  Auteur 
de  "  William  Ratcliff'"  "  Angelo  "  '■'■Le  prison- 

^  Il  a  été  publié,  à  l'occasion  de  l'anniversaire,  par 
les  soins  de  la  Direction  de  la  Section  de  Pétersbourg, 
un  aperçu  historique  du  cinquantenaire  de  la  Société  ; 
ce  travail  a  été  confié  à  l'auteur  de  ces  lignes. 


nier  de  (Jaucase  "  "  Flihustiero''''  "  Sarazin  ",  sans 
compter  plusieurs  petits  opéras,  un  très  grand 
nombre  de  romances  (dont  quelques-unes  fort 
populaires),  et  de  morceaux  pour  piano  etc.  ; 
critique,  très  écouté  à  un  certain  moment  et 
propagateur  des  tendances  russes  modernes  — 
M.  Cui  fut,  en  même  temps  que  Balakirew, 
un  des  premiers  fondateurs  de  l'école  des  5 
avec  Moussorgski,  Rimsky-Korsakow  et  Bo- 
rodine.  Le  réalisme,  le  langage  imagé  et 
descriptif,  le  respect  du  coloris  national,  l'af- 
franchissement complet  de  la  routine,  telles 
étaient  les  tendances  de  ce  groupe  qui  sym- 
pathisait avec  Liszt,  Berlioz  et  Schumann, 
tout  en  luttant  contre  les  idées  réformatrices 
de  Wagner  et  contre  le  Conservatoire  (Je 
Rubinstein.  Cette  lutte,  assez  âpre  à  certains 
moments,  s'est  apaisée  avec  le  temps. 

L'œuvre  musicale  et  littéraire  de  M.  Cui 
est  assez  connue  en  France  ;  ses  2  opéras 
furent  représentés  à  Paris  et  en  Belgique, 
d'autres  de  ses  œuvres  ont  souvent  été  exé- 
cutées surtout  grâce  à  la  propagande  de  la  Com- 
tesse de  Mercy-Argenteau,  admiratrice  et 
amie  de  M.  Cui  à  qui  elle  a  consacré  tout  un 
livre.  Enfin,  c'est  à  Paris  que  fut  publié  le 
livre  de  M.  Cui  "  La  Musique  en  Russie  " 
ouvrage,  qui,  malgré  un  certain  exclusivisme, 
bien  compréhensible  d'ailleurs,  a  pendant  fort 
longtemps,  servi  de  source  principale  pour  tous 
ceux  qui,  en  Europe  occidentale,  se  sont  inté- 
ressé à  l'actualité  musicale  russe.  Pour  le  jour 
de  son  jubilé  M.  Cui  a  achevé  un  nouvel 
opéra  "  La  fille  du  Capitaine  "  (sujet  pris  dans 
un  roman  de  Pouchkine).  Cet  anniversaire  est 
fêté  aussi  bien  à  St.  Pétersbourg,  qu'à  Moscou 
et  en  province  ;  les  Théâtres  Impériaux  re- 
prennent à  cette  occasion  —  à  Pétersbourg  : 
"  Angelo  "  le  plus  important  des  opéras  du 
maître,  à  Moscou  —  le  "  Prisonnier  de 
Caucase  ".  —  N.  Findeisen. 

MOSCOU.  —  La  distribution  des  prix  à 
la  mémoire  de  Glinka  a  eu  lieu  le  27  no- 
vembre (10  décembre),  anniversaire  des  pre- 
mières représentations  de  La  vie  pour  le  Tsar^ 
et  Russlan.  Cette  institution  a  été  fondée  par 
Métrophan    Bélaiew,  éditeur    de    musique    et 


72 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


en    même    temps   grand    amateur   et    patriote 
ardent. 

Le  grand  prix  de  i.ooo  roubles  a  été  donné 
à  Thèod.  Blumenfeldt  pour  une  symphonie  à 
grand  orchestre  (Op.  39).  Les  quatre  prix  à 
500  roubles  :  i.)  à  N,  Tsherepnin^  pour  un 
concerto  de  piano  ;  2.)  à  M.  Steinberg,  pour 
un  Quatuor  ;  3.)  à  JI.  Scriabin,  pour  sa  5™* 
Sonate  de  piano  ;  4.)  Igor  Straviuski  pour  un 
Scherzo  fantastique  pour  orchestre. 

—  Citons  de  grands  noms  :  Mengelberg  à 
la  Philharmonique  ;  Safonov  qui  revient  cou- 
vert de  lauriers,  et  auquel  on  fait  ovation  ; 
Oskar  Fried  au  concert  Kussewitzki  ;  Nedbal 
qui  nous  offre  à  la  Société  Impériale  deux 
nouveautés,,  un  Poème  Sy7nphonique  d'après 
Lenau  par  Henri  Rabaud,  et  le  Caleidoscope  de 
Noren  !  Parmi  les  pianistes  Slivinski,  Hofman, 
Leonide  Kreutzer  (un  joli  nom  pour  les 
sonates  !)  enfin,  à  une  place  à  part  M""^  Lan- 
dow^ska,  la  triomphatrice  en  ce  moment  ici. 
Aux  concerts  historiques  de  Serge  Wassilenko, 
elle  nous  a  ravi  avec  un  concerto  pour  piano 
d'Haydn  dont  elle  a  composé  elle-même  la 
cadence,  et  du  Mozart,  du  Rameau,  du  Bach 
soit  au  piano,  soit  au  clavecin  !  J'ajoute  que 
la  sonorité  du  clavecin  Pleyel,  que  M"""  Lan- 
dowska  avait  amené  m'a  semblé  parfaite. 

Ellen  de  Tideboehl. 

UN  TOURNOI  MUSICAL.  —  Tous 
les  deux  ou  trois  ans,  l'Allemagne  musicale 
organise  des  grandes  fêtes  en  l'honneur  de 
J.  S.  Bach.  Elles  auront  lieu  cette  année  à 
Duisburg,  sous  la  direction  de  Walther  Joseph- 
son  et  dureront  du  4  au  7  juin.  Une  commis- 
sion spéciale,  composée  des  plus  grandes  no- 
toriétés doit  résoudre  le  problème  de  savoir  si, 
pour  l'interprétation  des  oeuvres  de  Bach,  les 
instruments  anciens  à  clavier  peuvent  être 
remplacés  par  notre  piano  moderne.  Devant 
ce  jury,  M"'"  Wanda  Landowska  aura  à  dé- 
fendre la  cause  du  clavecin,  en    exécutant   sur 


cet  instrument  plusieurs  oeuvres  de  Jean- 
Sébastien,  qui  seront  ensuite  jouées  par  des 
artistes  notoires  au  piano. 

UNE  LETTRE  DE  MAX  REGER. 
—  Le  Musical  Courrier  de  New^-York  publie 
une  lettre  qui  a  été  adressée  par  son  corres- 
pondant de  Leipzig,  et  dans  laquelle  M.  Max 
Reger  apprécie  de  la  façon  suivante  le  rôle  de 
la  critique  musicale. 

"  Est  il  rien  de  plus  humoristique,  que  la 
lecture  des  critiques  ?  Un  vieux  proverbe  a 
beau  dire  :  Le  musicien  n'est  pas  un  critique 
et  le  critique  ne  sera  jamais  un  musicien  " 
malgré  tout,  et  quoiqu'on  fasse  pour  se  péné- 
trer de  cette  vérité,  on  demeure  stupéfait 
devant  les  bourdes,  les  contradictions  et  l'éter- 
nel discrédit  qui  se  renouvellent  ici  journelle- 
ment. On  dira,  pour  se  défendre  :  Qu'est-ce 
qui  n'est  pas  critique  aujourd'hui  r  Des  gens 
qui  n'ont  rien  à  faire  avec  la  musique,  des 
médecins,  des  professeurs,  des  fonctioimaires 
apportent  le  concours  de  leur  compétence 
critique  et  musicale,  avec  toute  la  modestie 
des  oracles.  Autrement  dit,  la  critique  n'a 
qu'à  s'en  prendre  à  elle,  si  elle  ne  peut  pas  se 
faire  prendre  au  sérieux.  Et  puis  les  coteries 
décident  si  souvent  de  la  bienveillance  ou  de 
l'animosité  !  Est-ce  que  les  sympathies  ou  les 
haines  personnelles  ne  parviennent  jamais  à 
troubler  le  regard  des  juges  ?  Certes  je  connais 
et  j'estime  quelques  vrais  critiques,  qui  pren- 
nent la  musique  au  sérieux,  mais  ils  sont  aussi 
clairsemés  que  ces  compositeurs,  auxquels  la 
critique  en  question  accorde  l'originalité,  la 
beauté,  l'expression  etc.,  etc.. 

D""  Max  Reger. 

GENÈVE.  —  A  Genève  et  Lausjinnr, 
Ricardo  Vinès  fait  merveille,  au  Conservatoire 
et  en  deux  récitals  de  musique  moderne,  de 
Chopin  à  Ravel. 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


73 


M.   Harpignies. 


Maîtres  et  Amateurs. 

Un  Amateur  :  Harpi(;nif.s. 

Pour  ce  maître  paysagiste  se  ser\ir  du  mot  : 
"  amateur  "  même  pour  désigner  le  musicien, 
le  joueur  de  violoncelle,  n'est-ce  pas  aussi 
gênant  que  de  l'appeler  "  Monsieur  "  ' 

De  ce  "  Monsieur  "  gonflé  de  vent  et  d'im- 
portance bourgeoise  qu'une  politesse  toute  con- 
ventionnelle voudrait  nous  faire  placer  avant 
les  noms  des  artistes  vivants  ! 

Eh  bien  !  non  !  plutôt  être  impoli  que  ridi- 
cule. Ecrivons  donc  Harpignies  tout  court 
montrant  par  là  combien  nous  tenons  cet 
homme  pour  déjà  et  définiti\ement  passé  dans 
la  Postérité. 

Harpignies  ! 

Regardez  comment  se  présente  l'assemblage 
de  ces  lettres.  Ecoutez-en  la  sonorité  r  Harpi- 
gnies, ne  voycz-\c)us  pas,  n'entendez-\  cnis  pas 
dansée  nom  là,  tout  ce  qu'il  v  a  dans  l'oeuxre 
de  cet  artiste  :  souplesse,  fermeté,  grande 
allure,  et  grande  honnêteté.  Oui,  \raiment,  il 
y  a  des  noms  qui,  dirait-on  sont  faits  sur 
mesure.  Harpignies  grand  talent  et  grand 
coeur,  voilà  l'homme. 

—  Cet  homme  là  r   [e  l'embrasserais  !... 

Cette  exclamation  d'une  belle  jeune  femme 
devant  une  photographie  d'Harpignies,  traduit 
à  merveille  la  sensation  que  l'on  éprouve  en 
effet,  devant  ce  visage  tout  intelligence  et  bonté. 

Mais    pourquoi,     belle    jeune    feninie, 

n'éticz-vous  pas  avec  nous,  lorsque  nous 
soinmes  allés  chez  le  Maître,  lui  ileniandci 
.ses  impressions  sur  la  nuisupic  et  les  inwsuicns: 


Ainsi  auriez-vous  pu  l'embrasser.  Et  il  ne  s'en 
serait  pas  plaint,  allez,  le  solide  et  charmant 
vieillard  ! 

Vous  l'auriez  trouvé.  Madame,  dans  une 
simple  maison  de  rapport,  située  dans  une 
petite  rue  tranquille  et  presque  provinciale  de 
la  ri\e  gauche.  Au  devant  de  vous,  serait 
\'enue,  aimable,  vive  et  légère,  une  dame  aux 
chexeux  couleur  de  cendre  et  qui  a  dû  être 
bien  jolie.  Cette  dame  vous  aurait  menée  dans 
un  \aste  atelier  meublé  très  sobrement.  Piano, 
large  table,  fauteuils,  bibliothèque.  Un  atelier 
où  il  faisait  très  chaud,  et  où  il  n'y  a\ait  de 
précieux  que,  aux  murs,  des  paysages  autant 
de  petites  fenêtres  ou\ertes  sur  la  Nature. 

Calotte  de  velours  noir,  le  regard  pétillant, 
le  teint  frais  tranchant  bien  rose  sur  le  blanc 
neigeux  de  la  moustache  et  de  la  barbe,  dans  un 
fauteuil  Voltaire,  tenant  l'attitude  d'vm  bon 
père-grand  sur  le  point  de  conter  une  mer- 
\eilleuse  histoire  à  ses  petits  entants,  tel  \ous 
auriez.  Madame,  trt)uvé  Harpignies.  Et  voilà, 
rappelé  dans  ses  souvenirs  par  la  vieille  amie 
aux  cheveux  couleur  de  cetulre  qui  l'appelle 
"  Patron  ",  ce  (.ju'il  \ous  aurait  dit  : 

—  Mais  j'ai  été  éle\é  dans  la  Musique  ! 
Ma  mère  et  ma  sceur  étaient  excellentes  musi- 
ciennes. Aussi  vite  qu'iui  pinceau  j'ai  touché 
un  instrument.  Puis  dès  que  j'ai  pu,  tt)ut  île 
suite,  mon  choix  a  été  tait  :  l^eethoven  et 
Bach....  Heetlun  en....  \(ne/-vous,  celui-là 
c'est  le  Père  !  un  père  qui  ne  m'empêche  pas 
d'aimer  ses  entants  et  d'avoir  longtemps  joué 
des  trios  de  Mozart,  de  Ha\'dn,  avec  le  peintre 
[léliert  et  le  musicien  Del  Sarte.  Dans  ce 
itinps  là  U'  ne  ral;ns  pas  un  concert.  |  étais  \\\^ 


L  '  A  C   T  U  A  L  I  T  ]<:     MUSICAL  E 


IS 


des  fidèles  de  Pasdeloup,  où  l'on  jouait  la 
Symphonie  en  ut.  On  ne  nous  rasait  pas 
encore  avec  votre  sacrée  musique  moderne.... 
Le  Maître  coupe  l'air  avec  sa  main  comme 
s'il  voulait  chasser  une  mouche. 

—  Oh  non,  je  x\y  comprends  rien  à  votre 
sacrée-musique  moderne.  Chopin  ?  Ah,  celui-là 
c'est  une  autre  histoire,  je  l'adore  parce  que 
lui  a  vraiment  trouvé  quelque  chose  et  voyez 
vous,  en   art,  trouver   quelque    chose   tout   est 

là  ! Wagner  \  si  vous  voulez,  mettons  que 

je  l'admire  tout  en  me   dispensant   d'entendre 

ses  opéras  qui  durent  trois  jours Les  s^rands 

concerts  "i  maintenant  je  n'y  vais  plus  beaucoup 
bien  que  j'y  sois  abonné  depuis  quarante  ans. 
C'est  que  voyez-vous  j'ai  toujours  peur  d'y 
entendre  votre  sacrée-musique  moderne  et 
qu'alors  je  ne  peux  pas  m'empêcher  de  faire 
mes  réflexions  ou  de  foutre  le  camp  !....  La 
musique  !  en  ai-je  entendu  et  en  ai-je  fait 
chez  moi,  avec  des  musiciens  comme Taffanel!. 

—  Patron,  racontez-leur  donc  l'histoire  des 
dames  qui  causaient,  vous  savez  bien.... 

—  Ah  oui  !...,  C'était  un  samedi  où  Taffa- 
nel et  d'autres  amis  venaient  à  la  maison. 
Croyez-vous    que    pendant    l'exécution    d'un 

quatuor  d'Haydn,  des  dames  causaient Moi 

vous  savez....  quand  on  joue  de  la  musique 
c'est  sacré  !  Alors  qu'est-ce  que  je  fais  "i  Je 
pose  mon  archet.  Je  me  croise  les  bras  et  je 
dis  :  "  Quand  ces  dames  auront  fini  leur  musique 
jious  reprendrons  la  nôtre.  "  C'est  qu'elles 
n'étaient  pas  contentes  !  mais  elles  se  sont 
tues.  Nous  avons  pu  jouer  tranquillement  et 
c'était  le  principal.  Ah  les  dames  qui  causent 
pendant  les  auditions  !  tenez,  voilà  une  des 
raisons  qui   m'auraient  éloigné  de  l'Opéra  si 

j'avais  commencé  à  le  fréquenter Mais  je 

ne  l'aime  pas  l'Opéra,  rapport  aux  chanteurs  et 

aux  chanteuses Vous  allez  voir  quelle  fut 

ma  chance  la  seule  fois  où  j'ai  voulu  y  aller  de 
moi-même  pour  entendre  l'ouverture  de  Guil- 
laume Tell.  Ce  bon  Gaillard  m'avait  donné 
une  loge  de  Scène.  Mais  comme  l'ouverture 
se  joue  rideau  baissé,  et  que  dans  une  loge  de 
scène  j'étais  naturellement  derrière  le  rideau, 
je   n'ai   rien   entendu  !.... 

La   musique,   ah   oui  je  l'aime  !  Quel  est  le 


peintre  qui  peut  y  rester  indifférent  ?  Le  Nature 
n'est-elle  pas  une  universelle  et  continuelle 
mélodie  .'' 

Le  Maître  pousse  un  gros  soupir,  nous 
montre  sa  main  engourdie  par  les  rlunnatismes 
et  nous  dit  : 

—  Mais  cette  mauvaise  bougresse  là  ne 
me  permet  plus  maintenant  de  toucher  à  ma 
"  basse  "  ! 

Avec  des  mots,  des  intonations  qui  perdraient 
toute  leur  saveur' à  être  écrits,  avec  des  gestes 
qui  ne  se  décrivent  pas,  ceux  d'un  homme  qui 
a  toujours  vécu  dehors  et  respiré  l'air  pur,  loin 
de  l'existence  malsaine  des  Villes,  enfin  avec 
toute  sa  manière  d'être  et  de  s'exprimer  qui 
nous  donne  comme  l'impression  de  humer  à 
pleine  bouche  une  vivifiante  brise  champêtre, 
une  bonne  odeur  de  feu  de  bois  et  de  soupe  aux 
choux,  le  Maître  nous  parle  de  ses  hivernages 
dans  le  Midi,  de  cette  côte  d'azur  d'où  il 
rapporta  tant  de  toiles  inoubliables.  De  Beau- 
lieu,  où  durant  ses  études  du  matin  du  soir, 
la  Princesse  d'Arenberg  venait  le  voir  et  faire 
avec  lui  un  grand  doigt  de  causerie.  De  Ville- 
franche  dont  la  "  bouillabaisse  "  le  console  du 
surgissement  formidable  des  hôtels  qui  chaque 
année  abîment  un  peu  plus  le  paysage  aujour- 
d'hui livré  à  eux,  aux  fumées  de  pétrole  des 
automobiles,  aux  rastaquouères,  aux  anglo- 
saxons  dont  les  hommes  promènent  leur  tête 
de  boxeurs,  les  femmes  leur  taille  de  poutre 
et  leur  profil  chevalin. 

Silhouettes  d'Actualité. 

Reynaldo  Hahn. 

On  n'a  pas  idée  comme  l'attente  prolongée 
finit  par  éveiller  des  idées  bizarres,  une  menta- 
lité singulière.  Oui  !  à  quoi  ne  peut-on  penser 
pour  tuer  le  temps  qui  ne  s'en  porte  pas  plus 
mal  pour  cela,  lui.  Ainsi,  récemment,  dans 
une  de  ces  longues  solitudes  inoccupées  que 
sont  pour  les  chroniqueurs  l'attente  de  leurs 
sujets  vivants,  combien  ai-je  regretté  d'être 
presque  un  honnête  homme,  ou  si  l'on  préfère 
de  ne  pas  avoir  le  courage  et  le  métier  suffi- 
sants    pour    être    le    contraire Horizon 

puissamment  entrevu  dans   le   petit  cabinet  de 


76 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


travail  où  j'attendais  que  paraisse  Mr.  Heynaldo 
Hahn,  l'auteur  de  "  la  Fête  chez  Thérèse^  "  le 
nouveau  ballet  que  vient  de  représenter  l'Opéra. 
Durant  cette  bonne  (était-elle  si  bonne  que 
cela?)  demi-heure  pendant  laquelle  le  composi- 
teur s'est  fait  désirer,  j'ai  songé  :  "  Quel  temps 
précieux  perdu  !  Avec  quel  profit  remploierait  un 
cambrioleur  très  ordinairement  doué.  "  C'est  que, 
en  effet,  il  y  a  des  souvenirs  très  artistiques  et 
de  valeur  à  emporter  chez  M,  Reynaldo  Hahn  ! 
Ne  parlons  pas  de  cet  autographe  d'Alphonse 
Daudet  ou  même  de  cet  autre  dû  à  l'auteur  de 
Chatterton. 

''  A  voir  ce  que  Von  fût  sur  terre  et  ce  quon  laisse 
Seul  le  silence  est  grand  tout  le  reste  est  faiblesse 

Alfred  de  Vigny.  i8  Novembre  1856. 

Oui,  laissons  cela.  On  sait  le  prix  que  l'on 
peut  tirer  de  ces  choses,  fussent-elles  d'un 
grand  poète  et  même  d'un  grand  poète  mort. 
Côté  cheminée  il  y  avait  plus  "  à  faire.  "  Cette 
merveilleuse  collection  de  papillons,  cette  reli- 
que certainement  de  proAcnance  espagnole  : 
une  grande  boîte  carrée  verticalement  close 
d'une  vitre  derrière  laquelle  apparaît  dans  sa 
cellule,  priant  agenouillée   devant  son  petit  lit 

de  sangle  une  religieuse  tout  de  noir  vêtue 

Aux  murs.^  quelques  bonnes  captures  possibles. 
Des  panneaux  d'ébène  dont  un  curieux  et  pa- 
tient plaquage  d'argent  —  ou  d'étain  —  encore 
faudrait-il   savoir  !  —  représente   des    poissons 

et  des  oiseaux Par  terrer    un   riche   tapis 

ancien  qui  même  pour  un  collectionneur  ne 
serait  pas  à  dédaigner,  a\'ec  son  primitif  stceple- 
chase  de  petits  lapins  —  brodés  naturellement... 
Enfin,  un  piano,  ça  se  de\ine.  Mais  quoi  sur 
ce   pianor    Un    phonographe!    Oui,  avec    un 

pavillon!  Et  quel  pavillon  ! Je  ne  sais  pas 

s'il  est  a  vendre,  mais  comme-  il  mérite  d'être 
loué  !  P^t  vous  savez,  si  ce  pavillon  là  ne  marche 
pas  ne  soyez  pas  en  |ieine,  il  v  en  a  un  autre 
d'égale  dimension,  et  qui  attend  son  tour. 

—  Désolé  de  vous  faire  attendre 

Très  brun,  fine  moustaclie  roulée  au  petit 
fer,  ombre  de  barbe  au  menton,  les  joues 
veloutées  d'un  récent  frimas  de  pondu-,  \v  toisi- 
à  l'aise  dans  un  coin  de  feu  kaki,  avant  dans  la 
pliysionomie  et  dans  l'allure  uw  je  ne  sais  quoi 


d'abbé  barbu  sorti  d'une  toile  de  Watteau 
ou  de  personnage  échappé  d'un  conte  de  Jean 
Lorrain,  Reynaldo  Hahn  communique  vrai- 
ment une  impression  étrange  et  qu'on  n'oublie 

pas Presque    espagnol,    puisque    natif   du 

Venezuela,  encore  jeune  —  à  vingt-deux 
mois  —  Reynaldo  Hahn  avait  déjà  une  oreille 

et    même     deux    oreilles    énormes Nous 

voulons  dire  qu'il  avait  à  cet  âge  tendre  une 
déconcertante  délicatesse  musicale 

Ce  fut-elle  qui  l'entraînait  à  ces  petits  scan- 
dales toutes  les  fois  qu'un  vieil  ami  de  la  famille 
commençait  à  fredonner  le  même  air  d'opéra 
italien  invariablement  chanté  faux.  Justement 
surpris  et  flatté  d'une  telle  disposition  M. 
Hahn  père  qui  pourtant  n'était  pas  un  artiste 
mais  un  homme  de  finance  jura  qu'aussitôt 
capable  de  marcher  seul,  l'enfant  apprendrait 
la  musique  et  entrerait  au  Conservatoire. 
Ainsi  fut  fait.  Le  jeune  Reynaldo  suivit 
en  effet  les  classes  préparatoires  du  piano. 
C'est  d'ailleurs  là  que  pour  un  oui,  pour  un 
non,  et  pour  d'autres  motifs  aussi  mal  définis, 
on  venait  le  demander  pour  servir  d'accom- 
pagnateur dans  les  autres  classes  et  surtout 
dans  celles  de  clarinette  et  de  maintien.  Ces 
classes  de  maintien  !  O  irrévérence  et  ironie 
des  exemples  !  A  ce  moment  là  qui  enseignait 
les  grâces  ?  Un  pauvre  vieux  bonhomme  décré- 
pit, qui  tour  à  tour  présentait  l'aspect  grotesque 
d'un  crabe  en  marche  ou  celui  plus  pénible 
encore  d'un  fantoche  monté  —  comme  la 
vieille  vigne  —  sur  des  échalas  ! 

Empressons-nous  d'écrire  que  M.  Re\naldo 
Hahn  n'a  pas  emporté  du  Conservatoire  que 
ce  souvenir  lamentable  !  Il  en  a  d'autres  flat- 
teurs, pour  l'enseignement  de  cette  école  et 
pour  ses  maîtres.  Ainsi,  a\cc  une  belle  cha- 
leur, M.  Re\'naldo  Hahn  nous  assvne  qu'il  n'y 
a  pas  de  meilleur  endroit  pour  apprendre  la 
technique  musicale  et  rencontrer  des  profes- 
seurs comme  Massenet  —  Massenet  :  le 
roi  iK-s  jirofesseurs,  qui  n'a  pas  —  selon 
Re\-naKlo  Halin  —  son  pareil  pour  faire  com- 
prendre  et   ailorer    les  musiciens  du  Passé... 

A);uit  fait  dr  Sehuniann  et  de  Mozart  ses 
amis  de  clavier,  Revnalilo  Halin  retira  de  ces 
excellentes  fréquentations   une  science  et  une 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


11 


grâce  qui  jointes  à  ses  qualités  personnelles 
devaient  tout  naturellement  le  conduire  à  bien 
composer  cette  partition  faite  d'imprévus  char- 
mants et  de  savantes  harmonies  qui  est  "  La 
Fête  chez  Thérèse  ". 

AIDA  BONI. 

Ni  grande,  ni  petite,  menue  plutôt,  gra- 
cieuse, vive  et  légère,  M"'^'  Aïda  Boni  est 
avec  M"'^'  Zambelli,  la  plus  adorable  et  la 
plus  vivante  expression  de  la  Danse,  cet  Art 
aimable,  joyeux  et  reposant,  qui  est  comme 
lît  brise,  la  caresse,  le  parfum  de  notre  Epoque 
laborieuse,  violente  et  tourmentée. 

Dans  n'importe  quel  ballet  d'Opéra,  regar- 
dez bien  M*^""^  Aïda  Boni.  Détaillez  là  depuis 
le  moment  où  elle  prend  son  vol,  jusqu'à 
celui  où  elle  s'immobilise,  tel  un  bel  oiseau 
qui  se  reposerait  après  s'être  longtemps  joué 
de  l'air.  Et  dites-moi  si  toute  cette  mélodie  de 
mouvements  n'est  que  le  résultat  d'une  méca- 
nique plus  ou  moins  vite  et  plus  ou  moins 
intelligemment  apprise  ?  Non  !  Comme 
M"'"  Zambelli,  M"^  Aïda  Boni  est  possédée 
par  l'âme  de  la  Danse.  Chose  extraordinaire, 
comme  M'"'  Zambelli,  M'^*^  Aïda  Boni  pré- 
sente des  jambes  tout  à  fait  quelconques.  Rien 
de  sensationnel,  ni  même  de  discrètement 
annonciateur.  Combien  d'autres  jambes,  pro- 
fanes, si  l'on  peut  dire  '•'■  des  jambes  courantes  ", 
ont  au  contraire  une  physionomie  bien  per- 
sonnelle, une  sorte  d'éloquence  de  formes,  qui 
même  vues  du  côté  pile,  font  penser  de  celles- 
ci,  aux  mollets  débonnaires:  '•'•jambes  de  petite 
femme  tranquille  "  ou  de  celles-là  nerveuse- 
ment tournées,  dont  les  jarrets  se  cambrent 
avec  des  airs  de  défi  :  "  Oh^  oh  :  "  jambes  de 
petite  femme  qui  ne  doit  pas  se  laisser  embêter  "... 
Mais  revenons  donc  aux  jambes  de  M"*"  Aïda 
Boni  qui  pendant  l'immobilité  ne  vous  ont 
pas  le  moindre  air  de  promettre  :  •'  Fous  allez 
voir  tout  a.  Vheure  cette  conversation  !  "  Oui, 
mais  attendez  que  ces  jambes  s'animent  ! 
Alors  ce  ne  sont  plus  des  jambes,  ce  sont  des 
petites  personnes,  des  fées,  collaborant  avec  le 
torse,  le  visage,  les  bras  et  faisant  leur  œuvre 
d'eaichantement. 

...  M®"*^  Aïda  Boni    a    toujours    dansé,   dès 


en  naissant  !  De  joie  sans  doute  à  la  pensée  de 
toutes  les  excellentes  choses  qui  l'attendaient. 
La  première  fois  où  M"''  Aïda  Boni  se  révéla, 
ce  fut  à  Milan,  sa  ville  natale.  L'arrivée  du 
fameux  cirque  Buffalo  Bill  l'anima  d'un  tel 
plaisir  qu'elle  exécuta  en  pleine  place  publique 
une  folle  tarentella.  Hélas,  vous  allez  voir  à 
quelles  terribles  conséquences  peut  conduire 
la  manifestation  de  précoces  dispositions  choré- 
graphiques. Au  moment  où  devant  le  défilé 
Buffàlo  Bill,  la  jeune  Aïda  Boni  tournoyait 
comme  une  petite  feuille  dans  la  brise,  des 
bohémiens  la  voient,  l'évaluent,  profitent  du 
bruit,  de  la  foule,  et  l'enlèvent.  Heureusement 
qu'un  peu  plus  loin,  grand'maman,  qui  pas- 
sait, vit  le  désastre  et  put  reprendre  possession 
de  la  bambina,  cependant  que  les  ravisseurs  dis- 
paraissaient en  toute  hâte.  Sans  elle,  Belle 
Etoile,  où  seriez-vous  ?  Qui  seriez-vous  ? 
Femme  serpent  peut-être  ?  Femme  à  barbe  cer- 
tainement non  !...  Enfin,  cette  première 
grande  émotion  eut  cela  de  profitable  qu'elle 
mit  en  garde  M""^  Aïda  Boni  contre  le 
péril  de  certaines  représentations  gratuites 
et  lui  donna  un  peu  plus  tard  l'aplomb  néces- 
saire pour  subir  victorieusement  l'examen 
d'admission  à  la  Scala  de  Milan.  Etrange 
Académie  où  l'on  est  reçue  première  danseuse 
ou  mise  à  la  porte  !... 

Après  la  Scala  de  Milan^  "  la  Monnaie 
—  un  bien  joli  nom  pour  un  théâtre,  n'est-ce 
pas  — ,  où  elle  dansa  pendant  sept  ans,  après 
avoir  été  à  Marigny  le  bouton  de  rose  dans 
"  Le  chevalier  aux  fleurs  "  d'Armand  Sylvestre 
et  Messager,  ce  fut  en  1908,  au  Cercle  de 
r Epatant  que  M'^'^  Aïda  Boni  devait,  à  la 
pointe  de  ses  escarpins,  décrocher  au  ciel  de  la 
gloire,  cette  étoile  qui,  depuis,  nimbe  ses 
beaux  cheveux  blonds.  En  effet,  qui  ne  se 
souvient  des  "  Deux  Pigeons  ",  où,  à  côté  de 
M"®  Zambelli,  M"''  Aïda  Boni  mit  sur  pieds, 
ou  plutôt  sur  pointes,  un  personnage  pitto- 
resque de  sémillante  et  coquette  bohémienne  ^ 
Rôle  pour  lequel  elle  était  d'ailleurs  docu- 
mentée, depuis  belle  lurette  !  Sans  doute 
influencée  par  La  Fontaine,  après  la  fête  de 
r  Epatant^  tout  comme  le  Pigeon  de  la  Fable, 
M"*'    Aïda    Boni    résolut    d'entreprendre     un 


78 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


voyage  en  lointain  pays.  C'est  ainsi  qu'elle 
partit  pour  le  théâtre  de  Covent  Garden  : 
autant   dire    une   Garden-Party. 

Fort  heureusement,  la  perfide  Albion 
nous  a  rendu  M"'"  Aida  Boni,  non  sans  lui 
avoir  appris  sa  langue  et  lui  avoir  donné  un 
goût  très  prononcé  pour  le  gui,  ainsi  que  pour 
les  meubles  et  les  estampes  anglaises. 

Tôt  levée,  et  chaque  fois  qii'il  est  possible 
plus  tôt  couchée  encore,  M"*"  Aïda  Boni  a 
l'Amour  de  son  Art  :  qui  le  lui  rend  bien. 
Livrée  à  ce  travail  extrême,  la  charmante 
artiste  est   presque    un  phénomène  :  la  femme 

qui    n'a    pas    le    temps    de   respirer Mais 

comptant  bien  moins  sur  ses  efforts  que  sur 
le  bon  plaisir  de  la  Destinée,  M'"''  Aïda  Boni 
est  naturellement  superstitieuse,   comme  l'est 

une    Parisienne de     naissance     italienne. 

Aussi  ne  doit-on  pas  être  étonné  qu'avant 
d'entrer  en  scène,  cette  charmante  artiste  se 
défende  contre  le  mauvais  sort  avec  un  signe 
de  croix  ou  tout  autre  geste  destiné  à  la  pro- 
téger de  la  guigne  :  cette  cerise  amère  dont 
jy/foiie  y\^Yda  Boni  a  toujours  ignoré  le  goût,  le 
■  mauvais  goût  !  Il  y  a  cependant  un  mal  contre 
lequel  M'"''  Aida  Boni  ne  peut  rien  et  qui  fait 
sa  désolation.  Ce  sont  les  donneurs  de  souhaits. 
Ah  si  elle  pouvait  les  donner  en  pâture  au 
crododile  de  l'Or  du  Rhin.  Nous  qui  sommes 
renseignés  ;  nous  ne  souhaiterons  rien  à  M"' 
Aïda  Boni,  mais  nous  souhaiterons  à  nous,  de 
voir  briller  longtemps  cette  belle  étoile  à 
cet  Opéra  où  fut  une  si  adorable  Thérèse. 
Qu'après  chaque  représentation,  quand  la  salle 
est  vide  —  le  veilleur  de  nuit  nous  l'assme  — 
on  peut  entendre  du  haut  des  toits  et  en 
l'hoimeur  de  la  belle  danseuse  : 

. . .  Lfi  rossignol  caché  dans  son  nid  thii'hri'ux 

(Uuniti'rcomnir  un  poète  et  comme  un  amoureux.. 

La  boite  à  Musique 

Où    KST    LA    PkINCKSSK  JaUNKT 

Ce  n'est  pas  celle  du  Maître  Saint-Saëns, 
ni  celle  du  peintre  Rochegrossc. . .  Non,  c'est 
une  Princesse  toute  vivante,  une  île  nos  plus 
séduisantes  mondaines,  si  nous  sommes  bien 
renseignés,  la  femme  d'u/j  magistiat,  ami  per- 


sonnel de  M.  Dujardin-Beaumetz...  A  toutes 
les  générales,  à  toutes  les  premières,  princi- 
palement à  celles  de  l'Opéra  et  de  l'Opéra 
Comique,  elle  apparaît  presque  toujours  vêtue 
d'étoffes  légères,  soyeuses  d'un  vieux  jaune 
chinois  qui  pare  merveilleusement  son  charme 
étrange  et  très  Beaudelairien.  Voici  pourquoi 
on  l'a  surnomme  la  Ti  incesse  Jaune,  jusqu'alors 
fidèle  à  toutes  ces  générales,  à  toutes  ces  pre- 
mières, pourquoi  donc  ne  l'a-ton  pas  vue  à  la 
sensationnelle  reprise  de  Phrynt\  la  Princesse 
Jaune  ^  Ce  fut  vraiment  une  déception  grande, 
lorsque  dans  sa  loge,  on  \  it  à  sa  place  une  grosse 
dame  et  quelques  messieurs  sans  importance... 
La  'Princesse  Jaune  aurait-elle  renoncé  aux 
plaisirs  des  réunions  bien  parisiennes  ?  A 
l'abri  du  Déluge,  reste-elle  au  coin  de  son  feu, 
de\ant  son  piano,  à  jouer  du  Chopin,  son 
musicien  favori  ?  Est-elle  partie  respirer  l'air 
chargé  de  miel  de  la  Riviera  : 

Où  est  la  Princesse  Jaune  :  Qui  nous  rendra 
la  Princesse  Jaune  r 

Les  Maquillés. 

Qn  roman  dans  lequel  M.  Auguste  Germain 
nous  présente  nombre  de  personnalités  théâtra- 
les où  le  monde  musical  est  particulièrement 
représenté.  Riches  compositeurs,  amateurs, 
cantatrices,  ténors  célèbres,  librettistes,  cri- 
tiques, courriéristes,  ménages,  mariages  et 
divorces  sensationnels  !  Tout  un  défilé  o{\ 
derrière  les  masques,  il  est  facile  de  recon- 
naître des  \  isages  bien  familiers...  Dans  un 
cadre  pittoresque  et  vrai,  une  agitation  d'ef- 
forts, de  talents,  de  jalousies,  de  bassesses  de 
ridicules,  tout  le  commerce,  le  bluff  et  aussi  le 
travail  du    Pout  'Paris  artiste. 

Avec  impartialité,  esprit  et  une  belle  tenue 
littéraire,  M.  Auguste  Germait»  sert  à  chacun 
sa  part.  Une  part  qvn'  est  pour  quelques  uns 
la  part  du   Lion  ! 

l'Hommk    Falair. 

C'est  en  province,  à  Reims.  Une  jevme  et 
belle  chanteuse  \a  entrer  en  scène,  émotionnéc 
comme  il  sied  à  une  iHTsoiinc  (]ui  \a  inter- 
prêter les  (ru\:es  d'un  composUeur  de  grande 
actualité.  M"'   X.  reprend   courage  grâce   atix 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


79 


bonnes  paroles  que  l'auteur  lui  iiulic|ue  clans 
la  coulisse. 

—  Allons  du  ncrf^  voyons^  cà  tra  t?rs  bien. 
En  la  poussant  l'auteur  glisse  dans  la   main 

de  la  cantatrice  une  chose  qu'elle  prend  de 
confiance,  sans  bien  savoir  ce  qu'elle  fait. 
Horreur  !  quelle  est  cette  chose  molle,  gluante 
et  qui  s'écrase  dans  sa  main  qu'elle  n'ose 
ouvrir.  Pendant  tout  le  temps  qu'elle  est  en 
public,  la  chanteuse  garde  en  ses  doigts  stricte- 
ment fermés,  la  chose  inconnue.  Enfin,  délir 
vrance,  c'est  fini.  Voici  le  moment  si  attendu 
pu  elle  se  retire.  Elle  ouvre  la  main,  que 
trouve-t-elle  ?  un  éclair  au  chocolat!... 

Le  Geai  paré  des  plumes   du   Paon. 

C'est  un  impressario  amateur  et  très  riche. 
Sa  musique  ne  fait  peut  être  pas  la  joie  des  purs 
musiciens,  mais  elle  contente  les  Directeurs, 
qui  avec  lui  n'ont  pas  besoin  de  faire  recette... 
Or,  cet  amateur  a  fait  recevoir  dans  notre 
bonne  ville  de  Paris  un  de  ses  plus  récents 
opéras,  déjà  représenté  dans  une  grande  Salle 
de  la  Côte  d'Azur.  Cet  opéra  a  tout  une  his- 
toire —  certains  disent  même  une  histoire  de 
brigands. 

—  /'«z  un  livret  d''Opèra  tiré  du  russe,  dit 
un  jour  une  belle  jeune  fille  à  l'un  de  nos 
avoués  les  plus  favorisés.  Pourrie-z-vous  me 
présenter  à  un  musicien  ?  —  Comme  çà  se  trouve^ 
mais  certainement  mon  ami  X.  est  h  Pans. 

Bref,  on  se  donne  rendez-vous  dans^  un 
restaurant  de  la  rue  Royale,  où  au  dessert,  le 
scénario  s'étale.  Enthousiasme.  Projets.  Sortie. 
Effusion.  Au   revoir  et  merci.... 

Après.  Des  semaines.  Des  semaines  !  Tout 


à  coup,  la  lumière,  et  comment  !  Le  monsieur 
avait  trouvé  le  livret  si  bien  fait  qu'il  l'a  signé 
tout  seul  paroles  et  musique. 

On  nous  assure  que  pour  la  reprise  à  Paris 
de  cet  Opéra  créé  à  la  Côte  d'Azur,  le  véri- 
table auteur  prépare  une  bonne  petite  ven- 
geance. A  la  prochaine  fois  le  plaisir  de  faire 
connaître  les  personnages  de  cette  cause  essen- 
tiellement parisienne. 

Le  Théâtre  "  Séraphita  ". 

il  ouvrira  au  printemps....  Si  cela  continue 
avec  ce  théâtre  Séraphita  et  les  autres  qui  sont 
annoncés,  nous  en  aurons  bientôt  plus  que  de 
feuilles  sur  les  marronniers!  Comme  son  nom 
l'indique,  le  Théâtre  lyrique  Séraphita^  ne 
représentera  que  des  Opéras  exclusivement 
célestes,  où  apparaîtront  tous  les  anges,  archan- 
ges, et  autres  personnages,  rigoureusement 
séraphiques.  On  nous  annonce  des  décors 
merveilleux,  et  c'était  fatal  de  la  musique  de 
M.  Massenet.  Enfin,  ce  théâtre  lyrique  Séra- 
phita^ dont  le  capital  serait  constitué  par  des 
actions  cotées  à  la  Bourse,  sera  élevé  dit-on 
sur  l'emplacement  actuel  de  l'Hippodrome 

Ne  nous  frappons  pas  !  Le  théâtre  Séraphita 
n'est  qu'une  nouvelle  invention  de  la  Société 
des  "  Pince  sans  rire  "  qui  récemment  lancè- 
rent un  ballon  de  même  couleur  :  Le  théâtre 
au  service  de  Dieu,  qui  devait  être  gratuit,  avec- 
une  petite  indemnité  de  2,  3  et  5  francs  selon 
les  places. 

Messieurs  les  Pinces  sans  rire,  un  peu  d'ima- 
gination s.  V.  p.  A  propos  de  Chanteder  vous 
feriez  mieux  de  nous  annoncer  les  Animaux 
Malades  de  la  peste  !       Pierre  JobbÉ-Duval. 


Application 

raisonnée  des 

meilleurs  procédés 

pédagogiques 

et  techniques 

employés  par  les 

grands  maîtres 

contemporains 

français 

et  étrangers. 


LEÇONS  de  PIANO 

VIOLONSASOLFÈGE  HARMONIE 

PAR  CORRESPONDANCE 

COURS    SINAT 

Rue    Franklin,    5,     PARIS    —     Trocadêro. 


HH 


8o 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


Les  Instruments 

LES   NOUVEAUTÉS   DE  PARTOUT. 

Contraste  :  à  l'heure  où  j'écris  ces  lignes, 
les  représentants  de  la  Société  internationale 
de  Musique,  section  française,  font  une  dé- 
marche auprès  de  notre  Sous-secrétaire  d'Etat 
aux  Beaux-Arts,  pour  sauver  la  salle  du  Con- 
servatoire de  musique,  qui  par  son  acoustique, 
passe  pour  la  huitième  merveille  du  monde,  et 
l'autorité  compétente  (hélas  !  que  ne  le  fût-elle 
plus  tôt  !),  ferme  la  salle  du  Trocadéro,  dans  le 
but  d'essayer  d'en  corriger  les  échos.  Il  est 
triste  de  penser  que  la  construction  d'une 
salle  dans  laquelle  on  a  installé  un  orgue  de 
350.000  francs  ait  été  confiée  à  des  architectes 
si  peu  entendus.  Je  sais  bien  que  la  question 
d'acoustique  des  salles  est  une  des  plus  ditli- 
ciles,  et  que  l'on  ne  peut  a\()ir  la  prétention 
de  voir  un  Vitruve  sortir  tous  les  ans  de  l'iù-ole 
des  beaux-arts,  m'  même  entrer  à  rin^ritur  à 
chacjue...  vacance,  mais  il  est  certain  qu'ici, 
les  règles  précises  et  primordiales  ont  été,  je 
n'ose  pas  dire  ignorées,  mais  tout  au  moins 
négligées.  L'architecture  nourrit  par.iîr-il  co- 
pieusement son  homme  et  il  y  a  Vwu  i\r  s'éton- 
ner de  voir  tant  d'erreurs   accumulées   connue 


à  plaisir  parmi  nos  monuments  modernes. 
Seul,  l'Opéra,  œu\  re  d'un  inconnu  jeune  et 
sans  gros  titres,  sauve  la  mise  à  l'architecture 
française  moderne. 

Puisque  nous  sommes  sur  le  chapitre  de 
l'acoustique,  saluons  la  maison  Hill  de  Lon- 
dres, laquelle  a  pris  l'iintiative  de  recueillir  des 
fonds,  en  vue  d'éle\er  à  Crémone  un  monu- 
ment à  la  gloire  d'Antonio  Stradivari.  Tous 
les  marchands  de  lutherie  devront  souscrire  à 
la  glorification  de  celui  dont  les  œuvres  sont 
depuis  près  de  trois  siècles,  leur  pain  quotidien. 
En  effet,  de  l'atelier  de  cet  artiste  laborieux 
jusqu'à  la  plus  extrême  \ieillesse,  sortirent  un 
nombre  considérable  d'instruments,  dont  les 
survivants  prennent,  à  chaque  transaction,  une 
valeur  nou\elle. 

En  attendant  le  monument  de  l'ancêtre, 
signalons  à  l'attention  des  délicats,  un  émule 
moderne  et  américain  de  l'illustre  Antonio  : 
Un  Yankee,  M.  Atkinson,  \  ient  de  terminer, 
après  un  an  de  labeur  (le  temps  ne  fait  rien 
à  l'affaire,  dirait  Molière)  un  chef-d'œuvre 
étrange.  C'est  un  violon  composé  de  3.374 
cure-dents  !  Pas  un  de  plus,  pas  un  de  moins. 
Inutile  d'ajouter  que  les  journaux  d'outre-mer 
s'émerveillent  de  la  sonorité  de  l'instrument. 
Faire  avec  de  bons  et  honnêtes  cure-dents,  un 
mauvais  violon,  me  paraît  une  idée  bien  co- 
casse, l'aurais  attendu  d'un  américain  pratique 
autre  chose,  par  exemple  de  faire  de  bons 
cure-dents  avec  tous  les  mauvais  \  iolons. 
Quelle  hécatombe  ! 

Puisque  nous  stunmes  en  Amérique,  arrê- 
tons-nous im  instant  pour  admirer  l'initiative 
d'une  dame  Anna  Schaw  P'aulkner.  Dans  une 
série  de  conférences  où  elle  traite  la  question 
de  l'orchestre  et  ses  ressources,  Madame 
Schaw  Faulkner  a  pour  faire  la  ilémonstration 
un  orchestre  complet  sous  la  main.  X'oilà 
cruvre  vraiment  utile,  qviaïul  on"  songe  que 
braucoup  lie  compositiurs,  théoriciens  ac- 
complis, composent  pour  le  piano  et  trans- 
crivent pour  l'orchestre,  au  petit  bonheur.  Ils 
doivent  être  bien  étoiniés  souxeiit  de  ce  qu'ils 
entendent,  |H-ut-êtrc-  aiuant  cpie  le  public, 
fe  n'ai  pas  l'intention  île  nirilne  du  piano. 
Bien    au    roiitrau'e.    S'il     lu'    remplace    pas    un 


4 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


8i 


orchestre,  il  a  son  utilité  et  son  rôle.  Aussi 
ai-je  lu  avec  intérêt  que  la  fabrique  de  pianos 
des  frères  Perzina  à  Schwerin,  vient  de  con- 
struire un  instrument  appelé  à  rendre  de 
nombreux  services,  s'il  est  pratiquement  aussi 
utilisable  que  le  disent  les  inventeurs.  Il  s'agit 
d'un  piano  qui  par  un  jeu  de  pédales  se  trans- 
forme à  volonté  en  harpe  ou  en  cemhalo 
(clavecin  d'orchestre).  Il  pourra  servir  non 
seulement  à  accompagner  la  musique  ancienne, 
mais  surtout  à  remplacer  la  harpe  dans  les 
orchestres  qui  ne  possèdent  pas  cet  instru- 
ment. On  affirme  que  le  timbre  "  harpe 
est  absolument  identique  à  celui  de  la  harpe 
authentique. 

Voilà  qui  trancherait  d'une  façon  césarienne 
la  question  des  harpes,  si  c'était  vrai.  Mais 
rien  de  plus  incertain.  Aussi,  je  répéterais 
volontiers  aux  intéressés  le  mot  du  petit  père 
Thiers  :  "  Il  ne  faut  rire  de  rien,  ni  s'alarmer 
de  rien  ". 

En  Angleterre,  pays  de  toutes  les  libertés, 
on  semble  ne  vouloir  rire  de  rien  et  s'alarmer 
de  tout  :  il  paraît  que  les  représentations  de 
"  Salomé  "  de  Richard  Strauss  au  théâtre  de 
Covent-Garden  de  Londres,  viennent  d'être 
interdites  par  la  censure. 

Je  l'ai  lu,  de  mes  yeux  lu,  dans  plusieurs 
feuilles  anglaises  sérieuses,  et  malgré  cela  j'ai 
de  la  peine  à  le  croire,  tant  cela  me  paraît 
fabuleux. 

Consolons-nous,  les  anglais  viendront  voir 
*'  Salomé  "  à  Paris.  Ils  en  profiteront  pour 
faire  de  longues  stations  dans  tous  nos  moulins 
rouges,  et,  en  rentrant  chez  eux,  ils  parleront 
avec  mépris  des  français,  mangeurs  de  gre- 
r^ouilles. 

Lucien  Greilsamer. 

NOTICE  HISTORIQUE 
SUR   LE   HAUTBOIS  (Suite).  ^ 

Si  j'ai  pu  rapidement  énumérer  les  instru- 
ments de  la  famille  des  hautbois  qui  ont 
précédé  l'époque  grecque,  je  le  dois  à  ce  que 
ces  instruments  existent  encore  de   nos  jours  ; 

'  Voir  le  n"  du  mois  de  décembre. 


il  n'en  est  pas  de  môme  des  instruments  qui 
furent  en  usage  chez  les  Grecs  et  les  Romains 
et  dont  tous  les  exemplaires  ont  disparu. 

Pour  reconstituer  leur  histoire,  trois  sources 
s'offrent  aux  chercheurs  :  les  découvertes 
archéologiques,  les  monuments  et  les  écrits  ; 
les  deux  preinières  sont  incomplètes  ou  insuf- 
fisantes: les  découvertes  archéologiques  ne  sont 
pas  nombreuses  et  les  monuments  nous  ensei- 
gnent seulement  que  les  instruments  de  cette 
époque  étaient  pour  la  plupart  de  médiocre 
longueur  ;  j'ai  remarqué  cependant  que  leur 
forme  était  généralement  conique. 

Il  ne  reste  donc  que  les  écrits  mais,  comme 
le  dit  Fétis  :  ^  "  Les  auteurs  grecs,  Aristoxène, 
"  Plutarque,  Athénée,  Pausanias,  Pollux,  etc. 
"  ne  fournissent  que  des  noms  de  "  flûtes  " 
"avec  quelques  indications  sommaires  de 
"  l'usage  qu'on   en   faisait   dans  certaines  cir- 

"  constances  de  la  vie  publique  et  privée 

"  On  ne  peut  tirer  de  leurs  récits  aucune 
"  lumière  concernant  la  construction  de  ces 
"  instruments.  " 

Je  cite  aussi  Gevaert  :  "  "  Jusqu'à  ce  jour 
"  l'incertitude  la  plus  complète  a  plané  sur  la 
"  construction,  le  timbré  et  l'étendue  des 
"  auloi  ". 

Je  ne  dissimulerai  pas  la  difficulté  de  la 
tâche  que  j'entreprends  en  me  proposant  d'ap- 
porter un  peu  de  clarté  dans  cette  partie  de 
l'histoire  des  instruments. 

Comme  je  l'ai  fait  observer  à  la  fin  de  mon 
premier  article,  les  instruments  à  vent  de 
l'époque  grecque  étaient  désignés  sous  le  nom 
générique  d'  "auloi"  (plur.  d' "  aulos  "  mot 
généralement  traduit  par  "  flûte  "  ;  ^  malgré  le 
nombre  considérable  d'écrits  d'auteurs  anciens 
et  modernes,  sur  cette  question,  je  n'ai  encore 
rencontré  aucune  solution  satisfaisante,  certains 

^  Fétis,  p.  278,  liv.  3. 

^  Gevaert.  La  Musique  de  l'antiquité.  Liv.  IV, 
tome  2,  p.  271. 

^  Gevaert,  ibid  p.  273.  Ordinairement  les  écrivains 
occidentaux  traduisent  "  aulos  "  et  son  équivalent  en 
latin,  "  tibia  ",  par  le  mot  "  flûte  "  en  entendant  par 
là  notre  flûte  à  bec.  Mais  c'est  là  une  désignation 
vicieuse,  à  la  faveur  de  laquelle  se  sont  perpétuées  les 
idées  les  plus  erronées  sur  le  caractère  et  le  timbre  des 
instruments  à  vent  employés  dans  l'antiquité. 


82 


L    A  C  T  U  A  L  1  T  H    MUSICALE 


ne    \  oulant    voir   dans   les   "  auloi  "    que   des 
hautbois,  d'autres  que  des  chalumeaux. 

Je  ne  ferai  pas  comme  M.  Le  Fè\  re  qui 
désespérant  d'y  rien  débrouiller,  couronna  ses 
veilles  pénibles  sur  cette  matière,  en  faisant  des 
vers  latins  pour  louer  Minerve  de  ce  qu'elle 
avait  jeté  la  "  flûte  "  dans  l'eau  et  pour  maudire 
ceux  qui  l'en  avaient  retirée  ! 

J'essaierai  d'être  simple  autant  qu'il  est  pos- 
sible de  l'être  pour  un  sujet  aussi  compliqué 
et  je  mettrai  tout  le  monde  d'accord  en  disant 
que  les  Grecs  et  les  Romains  ont  connu  :  la 
flûte  de  Pan  (flûte  à  plusieurs  tuyaux),  la  flûte 
oblique  (nay  des  Egyptiens),  la  flûte  douce 
(flûte  à  bec)  le  hautbois,  le  chalumeau  (clari- 
nette),  la  musette  et  le  chalumeau  à  outre.  ^ 

Il  me  reste  à  prouver  que  l'instrument  le 
plus  en  faveur  fut  surtout  le  hautbois. 

De  tout  temps  -  "  les  Grecs,  dans  leurs 
"  "  auloi  ",  les  Romains  dans  leurs  "  tibiae  " 
"  ont  su  discerner  deux  familles  d'instruments: 
"des  "auloi"  "tibiae"  selon  l'acception 
"  étroite  du  mot  et  des  "  syringes  "  fistulae  ". 

"  Déjà  1'" Iliade"  connaît  cette  distinction: 

"  Lorsqu'il  (Agamemnon)  portait  son  regard 
"  sur  la  plaine  de  Troie,  il  était  étonné  de 
"  voir  tous  ces  feux  qui  brillaient  sur  les  murs 
"  d'Ilion,  et  d'entendre  le  son  des  "  auloi  "  et 
"  des  "  syringes  "  se  mêlant  au  bruit  de  la 
"  foule  ". 

"  Quand  les  écrivains  gréco-romains  sont 
"  amenés  à  marquer  nettement  la  différence 
"  entre  les  deux  types  sonores,  le  mot  "  auloi  " 
"  en  latin  "  tibiae  "  désigne  des  instruments  à 
"  anche,  tandis  que  les  "  syringes  ",  "  fistulae  " 
"  sont  des  flûtes  ". 

Les  "auloi  "  sont  donc  des  instruments  à 
anche  :  Quelle  était  cette  anche,  sa  forme  ; 
était-ce  une  anche  simple  comme  dans  la 
clarinette,  ou  une  anche  double  comme  dans 
le  hautbois  ? 

Avant  de  résoiulre  cette  question,  il  me  faut 
faire  remarquer  tout  d'abord  que  les  écri\ains 

'  Seule  lotic  riCitc  tiavfisiôrc  actuelle  ne  tut  pas 
connue  (les  G rcrs,  le  mot  "riùte"  est  donc  fort  mal 
cmployc;  pour  tjualifier  toute  une  catéf^orie  (l'iiistiu- 
mcnts  (jui  à  notre  époi]ue  portent  (i<s  noms  diHVrents. 

'  Gcvaert,  ibid  p.  274. 


de  la  période  alexandrine  prétendent  que 
r  "  auloi  "  fut  importé  en  Grèce  par  les 
Phrygiens.  ^ 

Les  Lydiens,  le  pays  d'Argos,  la  Boétie 
s'approprièrent  1'  "  auloi  "  et  Thèbes  fut  le 
siège  principal  de  l'art  "aulétique". 

E!n  général,  les  écri\ains  qui  ont  traité 
cette  partie  de  l'histoire  de  la  musique,  n'ont 
\oulu  voir  dans  les  "  auloi  "  que  des  chalu- 
meaux :  pourquoi  :  c'est  ce  qu'ils  n'expli- 
quent pas  clairement. 

En  comparant  divers  auteurs,  je  me  suis 
rendu  compte  que  bien  des  détails  qui  n'auraient 
pas  échappé  à  un  instrumentiste,  ont  été  chez 
les  écrivains  la  cause  d'erreurs  ;  en  ce  qui  con- 
cerne les  anches  particulièrement,  les  textes 
grecs  sont  assez  explicites  pour  en  déduire 
l'affirmation  que  les  Grecs  n'ignorèrent  ni 
l'anche  simple,  ni  l'anche  double  mais,  qu'il  est 
plus  souvent  fait  allusion  à  l'anche  double  ;  ils 
eurent  tout  comme  nous,  des  facteurs  d'anches 
et  des  facteurs  d'instruments.  - 

Fous  les  écrivains  sans  exception  font  re- 
marquer que  les  "  aulètes  "  (joueurs  de  flûte) 
s'appliquaient  une  sorte  de  muselière  en  cuir, 
appelée  en  grec  "  phorbeia  ",  en  latin  "  capis- 
trum  ",  laquelle  serrant  les  joues,  passait  devant 
la  bouche,  de  manière  à  ne  laisser  qu'un  orifice 
assez  grand  pour  permettre  l'intioduction  de 
l'embouchure;  tout  en  citant  cette  particularité, 
les  auteurs  ne  s'y  arrêtent  pas  davantage. 
C'est  à  mcMi  avis  une  précieuse  indication.  En 
effet  :  Pour  que  l'instrumentiste  soit  obligé  de 
mettre  un  bandage  il  faut  :  i"  que  l'instru- 
ment soit  pénible  à  jouer  ;  2"  que  le  système 
de  mise  en  vibration  soit  libre,  c'est  à  dire 
qu'aucune  pression  des  lè\  l'es  ne  soit  néces- 
saire ;  en  réalité  on  ne  peut  et  serrer  les  lèvres 
et  gonfler  les  joues  en  même  temps.  ' 

(La  phrase  de  Pollux  semble  pourtant  s'ap- 
pliquer dans  certaines  de  ses  expressions  à  un 
instrumentiste    ne     portant    pas     ce    banilage 

'  Vfiir  le  11"  (lu  mois  de  déicmbrc. 

-  Pollux,  t.  IV,  sert.  73. 

'  Pollux-Onomasticon.  On  peut  dire  en  parlant  d'un 
joueur  (le  "fliite"  tiu'il  a  les  joues  ]>leines,  fjjoiiHOes, 
houHîes,  (.'levées,  itendues,  adiicTcntes,  pleines  de  vent, 
les  veux  irritt's san^juinolents. 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


«3 


"  phoibcia  "  mais  clic  ne  détruit  pas  ce  que 
j'avance  sur  la  mise  en  vibration  de  l'air  ;  on 
verra  plus  tard  lorsque  je  parlerai  de  l'anche 
que  certains  instrumentistes  la  serraient  avec 
les  lèvres). 

Ces  "  flûtes  ",  si  elles  étaient  pénibles  à 
jouer  ne  pou\'aient  être  des  flûtes  douces  (flûtes 
à  bec). 

Dans  la  seconde  hypothèse,  il  faut  admettre 
que  la  mise  en  vibration  de  la  colonne  d'air  ne 
pouvait  être  obtenue  que  par  une  anche,  et 
aussi,  que  cette  anche  devait  être  bien  petite 
ppur  ne  pas  gêner  l'instrumentiste,  ce  qui  peut 
très  bien  se  faire  avec  une  anche  double  ;  s'il 
fallait  admettre  que  l'anche  était  simple  il 
faudrait  aussi  penser  que  l'anche  devait  être 
plus  longue  qu'une  anche  double  et  aussi  que 
le  bec  qui  est  indispensable  pour  l'anche 
simple,  aurait  singulièrement  indisposé  l'exé- 
cutant. ^ 

L'anche  double  est  plus  admissible,  et  si  le 
"  phorbeia  "  a  disparu  il  a  été  remplacé  par 
un  autre  dispositif  dont  je  parlerai  plus  tard 
lorsque  je  traiterai  de  l'ancêtre  immédiat  du 
hautbois  moderne  ;  jusqu'à  une  époque  assez 
rapprochée  de  la  nôtre,  le  hautbois  (Schalmey) 
s'est  joué  à  anche  libre  introduite  dans  la 
bouche  ;  il  y  avait  alors  à  la  base  de  l'anche 
qui  était  très  petite,  comme  une  seconde  em- 
bouchure où  les  lèvres  venaient  prendre  appui 
en  même  temps  qu'empêcher  une  introduction 
trop  profonde  de  l'anche  dans  la  bouche. 

Pour  que  le  "  phorbeia  "  ou  "  capistrum  " 
soit  cité  par  tous  les  auteurs,  il  faut  croire  que 
son  usage  était  courant  et  qu'il  ne  servait  pas 
qu'à  un  instrument  isolé. 

D'autre  part,  Fétis  ^  citant  Pollux  dit  ceci  : 
"  D'ailleurs^  parmi  la  variété  de  caractère  que 
"  distingue  '^Pollux  dans  le  son  des  ^''flûtes 
"  grecques^  il  V indique  comme  solide^  plein^ 
"  agréable^  délicat^  flexible^  touchant  ou  lugubre 
"  aigu^  aigre^  puissant^  etc.  —  Des  sonorités  si 
"  différentes  ne  peuvent  être  produites  par  un 
"  mode  unique  d' ébranlement  de  V air  et  cette 
"  diversité  de  timbres  ne  peut  se  trouver  dans  un 

"  seul  instrument //  n  est  pas  douteux   que 

"  les  caractères  sonores  des   "  flûtes  "   ènumérées 

^   Fetis  liv.  3  p.  281.  ■ 


"  par  'Pollux^  n^nt  pu  être  réalisées  par  le  même 
"  procédé  d'' insufflation  dans  1rs  tubeSy  et  quil  y  a 
"  eu  chez  les  Grecs  des  flûtes  éi  anche  et  d' autres 
"  //  siffet  ou  embouchure. —  On  trouve  d' ailleurs 
"  dans  un  passage  du  traité  de  musique  de  'Plu- 
"  tarque    la   preuve   que    toutes   les  flûtes    de    la 

"  Grèce    n^ étaient   pas    à    anche  ;    le    voici 

"  Téléphaue  de  Mégare  avait  tant  d'aversion 
"  pour  l'usage  des  ANC^HES^  qu'il  ne  permit 
'"''jamais  aux  facteurs  de  finies  d'en  appliquer  sur 
"  ces  instruments^  et  ce  fut  la  principale  raison 
"  qui  r empêcha  de  disputer  le  prix  aux  jeux 
"  Pythiques." 

Je  dois  opposer  ici,  la  traduction  du  même 
passage  de  Plutarque  cité  par  Gevaert  '  : 
"  Dans  la  syringe  monoclame,  la  partie  supé- 
"  rieure  du  tuyau,  renfermant  le  canal 
"  d'insufflation  et  la  bouche  biseautée,  était 
"  appelée  comme  l'instrument  "  sifflet  "  ;  elle 
"  se  séparait  à  volonté  du  reste  de  l'appareil. 
"  Cela  ressort  à  l'évidence  du  passage  suivant 
"  de  Plutarque  :  "  Téléphane  de  Mégare 
"  (célèbre  aulète  du  temps  d'Alexandre)  avait 
"  une  telle  aversion  pour  l'usage  des  SIRIN- 
"  GES,  qu'il  ne  permit  jamais,  aux  facteurs 
"  d'en  appliqvier  sur  ses  "  auloi  "  Ce  fut  la 
"  principale  raison  qui  l'empêcha  de  disputer 
"  le  prix  au  concours  Pythique.  " 

C'est  certainement  Fétis  qui  a  raison  dans 
sa  traduction,  les  "auloi"  à  ancheétant  lesseuls 
admis  aux  concours  Pythiques.  Gevaert  lui- 
même  se  contredit  lorsqu'il  raconte  ^  :  "  Une 
"  curieuse  anecdote  relative  à  l'aulète  Midas 
"  d'Agrigente,  célébré  dans  la  12™*^  Pythique 
"  de  Pindare,  le  démontre  clairement.  Voici 
"  ce  que  raconte  un  ancien  scholiaste  :  Pen- 
"  dant  qu'il  était  occupé  à  exécuter  le  morceau 
"  de  concours,  son  anche  vint  à  se  cacher 
"  dans  la  bouche  et  alla  s'attacher  au  palais  ; 
"  la  virtuose  se  mit  alors  en  devoir  d'emboucher 
"  l'instrument  au  moyen  des  seuls  tuyaux, 
"  comme  une  syringe.  Les  auditeurs  étonnés 
"  prirent  plaisir  à  ce  genre  de  sonorité,  et 
"  Midas  obtint  le  prix.  " 

Tous  les  auteurs  citent  cette  ancedote  mais 
aucun  ne  sert  de  la  même  expression  :  "  Son 

^  Gevaert  idib.  Liv.  IV.  Ch.  i  p.  276-277. 
-  id.  Liv.  IV.  Ch.  i  p.  274-275. 


84 


L  '  A  C  T  U  A  L  I  T 


anche  vint...  à  se  cacher...  à  se  casser...  à 
tomber...  à  se  recourber,  cecqui  fait  dire  à 
Fctis  que  les  anches  étaient  en  airain.  Dégager 
la  vérité  de  ces  différents  modes  d'expression 
est  chose  difficile,  il  est  plus  logique  de  penser 
qu'un  accident  étant  survenu  à  l'anche,  celle-ci 
rendit  un  son  moins  criard,  plus  voilé  ou 
moins  fort,  ce  qui  plût  sans  doute  beaucoup 
aux  auditeurs. 

Je  crois  en  avoir  assez  dit  sur  les  flûtes 
grecques  pour  prouver  que  celles-ci  étaient 
surtout  des  flûtes  à  anche  ;  il  me  faut  encore 
démontrer  que  les  anches  étaient  en  général 
des  anches  doubles.  Ce  sera  l'objet  d'un  pro- 
chain article. 

A.   Bridet, 

Agence  Musicale  E.   DEMETS,  2,  rue  de  Louvois 

SAI,LK  DK  LA  SCHOLA  CAXTORU>r. 
VENDREDI   18  MARS  1910,    à   9    heures  du  soir 

Mlle  Antoinette  VELUARD 


CfcsAR  Franck 

ViNXIiXT  D'iNDY 


3me  RECITAL  DE    MUSIQUE    MODERNE 

1.  SONATE PAUL  DUKAS 

I.  Modérément  vite 
II.  Calme  un  peu  lent  très  soutenu 
III.  Vivement  avec  Icjîerelé 
IV'.  Tres-lent,  animé,  vif 

2.  PRELUDE.  CHOKAL  et  FUGUK   .     . 

3.  SONATE  E\  Ml 

I,  Mdiléré 
II.  Très  animé 
III.  Modéré 

Piano  ÉRARD 

Prix  i>e.s  Placfjî:  Parterre  ^  fr.  —  .Amphithcâtre  3  f  1 .  —  Galerie  2  f r. 


SALI.K  DE  LA  SCIlOLA  CANTOKrM 
VENDREDI  25  FÉVRIER  1910.  à  9  heures  du  soir 


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MARDI  22  FÉVRIER  1910.    à   9    heures    du  soir 

M.  sandôrT  kôvacs 

SE.W'CE  DE  MUSIQUE  ANCIENNE 

AVKC    I.K    CONLOlkS    DK 

Mlle  Magdeleine  TRELLI 

PHOGRA.M.ME 

1.  .^I  Barafostus  Dreame   ....     Auteur  inconnu  l6mesii, 
Bl  Quodiings  Delight   ....     Giles  Karnabi  1560-15,. 
<-")  Fugha  per  il  cembalo  .     ■     •     Gir.   Frescobaldo  1585-1644 

M,    KOVACS 

2.  A)  Non  posso  disperar  .  .  .  .  Seb.  de  Luca  15. ,..-16.... 
B|  Cassate  di  piagarmi ....  Alessandro  Scarlalli  1640-1723 
CI  I  In  un  fiorito  pralo  lO»/(-<i) .     Montevcrde  i5()8-i64); 

•  1  Lasciatemi  morire  ICaiito 

d'Mrianiia 

Mlle  M,  TRELLI  . 

3.  A)  Presto Domenico  Scarlatti      1685-1757 

B)  Gavotte 
Cl  Menuet 
r>)  Allegro 
l'I  Toccata 

M.  KOVACS 

4.  a)  Dormi  bella    ^- Gio-B.issami  1657-1716 

H)     Piepilleta .Andréa  Kalconieri 

C)  Chi  vuoi  comprar Niccola  Jommelli  1714-1774 

Mil"  M,  TRELLI, 

Piano  STEINWAY 

PRIX  DES  PL.ACES  :        l'arquet,    ire  série,    la  place;  5  francs 

—         2me  série,        —  3  francs 

Entrée —  2  franc-s 


Mlle  Antoinette  VELUARD         QueStiOllS 


2mc  RECITAL  SCHU.MANN 

1.  CARNAVAL  DE  VIENNE  (op.  26) 

1.  Alle^Jro  4.  Intermezzo 

2.  Komaiiza  5,  Kinale 

3.  Sclierzino 

2.  SONATE  en   fa  tlirze  mineur  (op.    11) 

1,  Inliixliizione      Allt^'id vlvace 

2.  Aria 

3.  SCENES  DE  LA    KORET  (op.  Kj) 

1.  Entrée 

2.  Lc!t  Clianseurs  aux  ajjnel"- 

3,  Eleiir»  solitaircH 

4,  PoHition  décriée 
5   Joveux  pavHHfîi- 

4.  ETUDES  SVMPlIONK.ilM^ 


Sociales 


3,  Scherzo 

4.  Kinale 

6,  A  l'AulicriJc 

7,  L"t>i>,eau  prophele 
N,  Chant  lie  chasse 
0    I.C  Dépari 


l"l>.    rv) 

Piano  ÉRARD 

Prix  DKs  Pi,ac|'.S:  Parterre  »  fi.  —  Amphithéâtre  3fr.-   Galerie  i  fr. 


v:v  iNTHRi-yrs  professionnels 

I-1-.     (  ÎKACIKIX     CoNtiH'RS 

E'articlf  cjiu-  nous  ;u  t)ns  imblit-  sur  le 
gracieux  concours  nous  a  valu  un  graïul  nombre 
de  lettres  et  des  avis  assez,  différents.  Nous  ne 
pouvons  tout  puiilier,  mais  nous  résumerons, 
avec  impartialité,  ropinion  des  lecteurs  qui  ont 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


«5 


bien   voulu   repondre   à   notre   demande  d'en- 
quête. 

M.  Saint-Aubin  nous  écrit,  de  Bordeaux, 
une  lettre  assez  humoristique,  trop  longue 
pour  être  reproduite,  nous  en  détaclions  le 
passage  suivant  : 

"Si  vous  vous  mettez  à  recueillir  les  plaintes  des 
artistes,  votre  revue  n'y  suffira  pas.  Ils  sont,  par  essence, 
nerveux,  irritables,  mécontents  et  "geignards".  Se 
plaindre  est,  pour  eux,  un  besoin  et  un  plaisir dou- 
loureux, mais  certain.  Comme  les  enfants,  dont  ils 
tiennent,  c'est  une  manière  qu'ils  ont  de  se  rendre  inté- 
ressants. Et  ils  geindraient,  de  se  voir  ôter  les  motifs 
de  geindre  ;  aussi  n'espérez  pas  qu'ils  vous  aideront 
dans  votre  utile  campagne,  il  y  faudrait  une  énergie  et 
un  sens  pratique  qui  leur  font  absolument  défaut  ". 

Pas  aimable,  M.  de  Saint-Aubin  ;  malheu- 
reusement, sa  lettre  n'aboutit  pas  à  des  con- 
clusions pratiques  dont  nous  puissions  tirer 
profit. 

Un  "  abonné  de  la  première  heure  "  se 
susceptibilise  —  g^ire  au  désabonnement  de  la 
deuxième  heure.  — 

Monsieur, 

Le  moment  est  peut-être  mal  choisi  pour  les  artistes, 
et  pour  vous,  qui,  de  bonne  foi  sans  doute,  vous  faites 
leur  interprète,  de  se  plaindre  aussi  amèrement  des 
"donneurs  de  concerts".  Croyez  que  ce  sont  eux  qui, 
le  plus  souvent,  recherchent  la  faveur  de  se  faire 
entendre  dans  nos  salons.  Comme  vous  l'avez  fait  pres- 
sentir, il  sera  très  facile  aux  gens  du  monde  de 
s'abstenir  de  céder  aux  sollicitations,  quelquefois  per- 
sistantes, dont  ils  sont  trop  souvent  l'objet  et  de  rem- 
placer les  auditions  musicales  par  d'autres  divertisse- 
ments. 

Agréez  etc. 

Voyons,  voyons,  il  faudrait  s'entendre. 
D'abord  nous  n'avons  pas  fait  de  personnalités 
et  notre  grincheux  correspondant  devrait  com- 
prendre que  nous  protestons,  au  nom  des 
artistes,  qui  s'en  plaignent^  contre  I'abus  du 
gracieux  concours  ;  contre  la  facilité  avec  la- 
quelle on  accepte  la  contribution  du  talent  sans 
le  rénumérer.  Au  lieu  de  s'abstenir,  de  céder 
aux  "  sollicitations  dont  il  est  l'objet  "  l'auteur 
de  cette  lettre,  devrait  plutôt  plaindre  les  in- 
fortunés musiciens  que  la  concurrence  et  la 
nécessité  contraignent  d'  "  offrir  "  le  savoir 
qu'ils  ont  acquis  avec  tant  de  peine  et  dont  il 
est  légitime,  pour  eux,  de  tirer  profit. 


Une  femme  du  monde,  qui  ne  veut  pas 
qu'on  donne  son  nom,  nous  envoie  une  lettre 
beaucoup  plus  précise  que  nous  publions  prcs- 
qu'entièrcment,  malgré  des  passages  un  [leu 
durs. 

Une  remarque,  en  passant.  Quelle  idée 
singulière  de  ne  jamais  vouloir  signer  publi- 
quement ses  lettres.  I>es  unes  se  retranchent 
derrière  la  discrétion  féminine,  qu'exige  le 
bon  ton;  les  autres  protestent  cju'ils  ne  \eu- 
lent  point  avoir  l'air  de  recheicher  une 
réclame  intempestive  en  livrant  leur  nom  à  la 
publicité.  Il  nous  semble  (]ue  ces  raisons  sont 
petites;  la  franchise  d'attitude,  et  la  netteté 
du  geste  ne  les  admettent  point.  Ayons  donc 
le  courage  d'être  ce  que  nous  sommes  jus- 
qu'au bout,  cela  vaudra  mieux  pour  tous. 
Remercions,  malgré  cela,  nos  aimables  corres- 
pondants et  correspondantes  et  relisons  la 
susdite  lettre. 

Monsieur, 

Dans  votre  article  sur  le  gracieux  concours,  vous 
priez  vos  lecteurs  de  vous  donner  leur  avis  sur  cette 
question  et  vous  vous  adressez  également  aux  artistes 
et  aux  gens  du  monde.  J'ignore  l'avis  des  premiers, 
mais,  faisant  partie  de  la  "  gent  mondaine",  laissez- 
moi  vous  dire  que  j'ai  été  fort  surprise  de   ma   lecture. 

A  vous  entendre,  il  semble  que  nous  soyons  de  bien 
méchantes  personnes  :  Nous  "  exploitons  "  les  artistes, 
profitant  de  leur  talent  sans  le  payer  ;  nous  leur  im- 
posons des  frais  dont  nous  ne  demandons  pas  la  note. 
Eh  !  là,  que  de  méfaits  et  combien  j'ai  de  remords  de 
m'étre,  si  souvent,  rendue  coupable,  car,  laissez-moi 
vous  le  dire,  chaque  fois  qu'il  m'a  semblé  bon  d'ajouter 
la  musique  comme  attrait  de  quelques  réunioTis  mon- 
daines, j'ai  toujours  trouvé  plus  d'artistes  à  inscrire  au 
programme  que  je  ne  l'aurais  désiré  et  mon  embarras 
a  plutôt  été  de  faire  entendre  un  refus  poli  à  ceux  que 
je  ne  pouvais  accepter  que  de  solliciter  les  autres. 
Comment  pouvais-je  me  douter,  devant  tant  d'insis- 
tance, des  intentions  vilaines  que  l'on  peut  prêter  aux 
"  donneurs  de  concerts  ". 

Cependant,  et  quoique  je  blâme  un  exclusivisme  et 
une  ardeur  de  combattre  qui  vous  entraînent  un  peu 
loin,  vos  arguments  me  touchent  et  je  veux  essayer,  non 
seulement  d'y  répondre,  mais  encore  de  "réparer  ma 
faute  —  puisque  je  suis  fautive  —  et  engager  mes  amies 
à  semblable  réparation.  Des  femmes,  et,  croyez-le. 
Monsieur,  surtout  des  "femmes  du  monde",  ne 
peuvent  rester  insensibles  à  une  souffrance  si,  même 
injustement,  elles  sont  accusées  de  l'avoir  causée. 

Je  crois  qu'il  ne  faudrait  pas  prendre  la  question  en 
bloc,  comme  vous  l'avez  fait,   mais  rechercher  les  cas 


86 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


dans  lesquels  le  gracieux  concours  peut  être  utile  aux 
artistes  et  ceux  dans  lesquels  il  leur  est  nuisible.  Il  est 
évident  qu'à  un  début  de  carrière  il  est  urgent,  pour 
l'artiste,  de  se  taire  connaître.  Au  sortir  de  l'école,  cette 
présentation  au  public  est  comme  un  complément 
d'instruction  ;  c'est  une  nouvelle  et  nécessaire  expé- 
rience à  acquérir  (quelquefois  aux  dépens  des  auditeurs)  ; 
c'est,  pour  le  débutant,  un  supplément  des  charges  à 
compterdans  les  frais  d'éducation.  On  ne  peut  vraiment 
exiger,  si  bénévoles  que  nous  soyons,  que  nous 
offrions  des  cachets  d'importance  à  déjeunes  élèves  qui 
font,  sur  une  véritable  scène,  leurs  premiers  pas,  quel- 
quefois mal  assurés.  La  seule  chose  dont  on  pourrait 
convenir,  en  ce  cas,  c'est  de  donner  une  moJicjue 
rénumération  à  ceux  qui  tentent  ces  premiers  essais.  '  C'est 
ce  qui  se  fait  déjà,  dites-vous,  sous  le  nom  d'indemnité 
de  déplacement,  l'usage  pourrait  se  généraliser.  '  Quant 
aux  autres,  aux  "arrivés  ",  ce  sont  eux  qui  posent  leurs 
conditions.  Restent  ceux  qu'une  persistante  malechance 
a  poursuivis.  Croyez- vous.  Monsieur,  qu'il  y  ait,  parmi 
eux,  tant  de  méconnus  et  que  le  -frai  talent  reste  si 
ignoré  ? 

Mais  je  m'aperçois  que  je  m'éloigne  de  la  question 
et,  qu'au  lieu  de  réparer  ma  faute,  comme  je  m'y  suis 
engagée,  je  l'aggrave  encore.  Venons  donc  à  l'idée  que 
je  veux  vous  soumettre  et  qui  pourrait  être  facilement 
mise  en  pratique.  Fondez,  une  ligue  contre  F  abus  du 
gracieux  concours.  Par  ce  temps  de  ligues,  cela  n'aura 
rien  de  surprenant.  Les  "  donneurs  de  concerts  "  qui 
s'y  inscriraient,  prendraient  l'engagement  de  ne  jamais 
accepter  le  concours  d'artistes  à  titre  absolument  gra- 
cieux. (Quant  à  fixer  un  minimum,  ou  un  maximum, 
il  ne  saurait  en  être  question).  Je  vous  envoie  mon 
adhésion  le  jour  où  vous  commencerez  la  liste  et  vous  en 
promets  plusieurs  autres.  S'il  devenait  à  la  mode  de 
faire  partie  de  cette  ligue,  le  sort  des  artistes  auxquels 
vous  vous  intéressez,  avec  un  si  généreux  emporteinent, 
serait  C|uelque  peu  amélioré.  Veuillez  croire  que  je  le 
souhaite  de  grand  cœur... 

Nous  avons  donné  cette  lettre  presqu'en- 
tièremcnt,  les  considérations  finales,  sur  le 
fonctionnement  de  la  ligue  importent  peu, 
bien  que  le  projet  mérite  d'être  pris  en  con- 
sidération à  la  Société  française  dci  Amis  de  la 
musifjuc.  Elle  nous  intéresse  en  ce  qu'elle 
confirme  l'avis  de  notre  "  abonné  de  la  pre- 
mière heure  ".  Les  artistes  se  sont  offerts  trc>p 
facilement  et  ont  travaillé  à  leur  propre  mal. 
Des  conversations  récentes,  ipie  nous  avons 
eues  sur  ce  sujet,  concluaient  dans  le  même 
sens.  Un  jeune  chef  d'orchestre  nous  disait  : 
"  Ils  nie  supplient  de  K-s    htire  enteiulie,   je   ne 

'  C'est  nous  (|ui  soulignons  ce  passage  intéressant. 


peux    pourtant    pas    leur   offrir    de    l'argent.  " 
C'est  très  juste. 

Arrêtons-nous  ici  pour  aujourd'hui.  De 
nouvelles  missives  m'arri\ent  en  si  grand 
nombre  que  j'ai  besoin  d'en  faire  le  classe- 
ment. (Il  y  en  a  exactement  95  !)  Nous  résu- 
merons tout  ce  débat  dans  le  numéro  du 
1 5  mars  et  essaierons  d'en  dégager  un  en- 
seignement utile. 

M.   D. AU  BRESSE, 

FAITS  SOCIAUX 

Thk.atres.  —  Dans  un  des  théâtres  de  New-York 
le  directeur  se  propose  d'occuper  les  entractes  par  des 
auditions  musicales  dans  le  caractère  de  la  pièce.  Pour- 
rait être  essayé  ici.  —  La  compagnie  des  ^arzuélistrs 
espagnols  de  Madrid  va  donner  des  représentations  en 
Italie.  Pourrait  être  invitée  en  France.  —  A  Saint- 
Moritz  (Engadine)  on  va  installer  un-  théâtre  en  plein 
air.  —  A  Paris  13  et  15,  Avenue  Montaigne,  on  va 
construire  un  théâtre  vraiment  moderne. 

Concerts.  —  A  Londres,  au  Coliseum,  audition  de 
l'orchestre  des  balala'ikistes.  Serait  intéressant  à  Paris. 
—  A  Lyon  on  fonde  une  société  de  concerts,  anonyme, 
au  capital  de  un  million.  —  A  Parme  l'église  del  Car- 
mino  va  être  transformée  en  salle  de  concerts.  Désaffectée 
depuis  1810.  —  Steltenbosch  distante  de  quelques 
milles  du  Cap  (Afrique  du  Sud)  a  un  Conservatoire  ; 
un  chœur  mixte  de  100  exécutants  et  un  orchestre  de 
50  musiciens.  Les  programmes  comprennent  des 
(euvres  de  Haydn,  de  Mendelsshon,  etc. 

Mouvement  Social.  —  L'entente  est  parfaite 
entre  les  huit  syndicats  suivants,  qui  imposeront,  à 
tour  de  rôle,  leurs  revendications  :  Union  syndicale  des 
Artistes  Lyriques.  Union  syndicale  des  c/ioristes.  Fédération 
des  Artistes  Musiciens  de  France.  Syndicat  des  machinistes- 
accessoiristes.  Union  syndicale  des  Artistes  C/iorégrap/ics. 
Union  syndicale  des  Artistes  Dramatiques.  Union  syndicale 
du  petit  personnel  des  théâtres  et  concerts.  Section  des 
électriciens  des  théâtres.  —  Le  Syndicat  des  Artistes 
Lyriques,  adhérent  à  la  C.G.T.  vient  d'absorber  la 
Féilération  indépendante  des  artistes  lvrii]ues  qui  se 
syndique  pour  obtenir  la  tin  de  la  pornographie  au 
concert,  un  minimum  tle  salaire,  le  paiement  des 
matinées  et  la  suppression  des  agences.  —  Vn  généreux 
anonyme  donne  cent  à  cinq  cent  mille  frs  à  des  artistes 
([ui  s'engageront  à  construire  un  music-hall  où  la 
moiali-  scia  icspecicc. 

Knsekjmment.  —  A  Munich,  on  vient  de  fonder 
une  Société  Pergolèse  qui  se  propose,  la  publication,  en 


L'ACTUALITE    M  U  S  I  C  A  L  IC 


«7 


éditions  nouvelles,  des  principales  (L-iivres  du  maître  et 
la  mise  à  la  scène  de  ses  opéras  les  plus  renommés,  -ir- 
Dans  une  des  villes  de  rAméric|ue  du  Nord  les  enfants 
offrent,  chaque  mois,  à  la  musique,  un  acte  d'amour. 
Ils  inscrivent  sur  une  feuille  blanche  attachée  à  la 
chaire  du  jiiaître,  ce  qu'ils  se  proposent  de  faire  en 
riionneur  de  la  Musique  et  .-ignent  de  leur  nom. 
L'idée  est  jolie,  à  mettre  en  pratique.  —  Les  conser- 
vatoires de  Cologne,  de  Heidelberg  et  l'Académie 
impériale  et  royale  de  Vienne  ont  adopté  la  gymnastique 
rythmique  de  Jaques  Dalcroze.  —  A  Munich,  il  y  a 
quatre  ans,  on  a  fondé  une  bibliothèque  musicale 
populaire  qui  est  florissante.  Son  catalogue  comjjrend 
7.600  numéros,  elle  compte  77S  abonnés.  Les  femmes 
représentent  1/6  du  total.  Wagner  a  été  demandé 
689  fois.  Stuttgart,  Vienne,  Cassel,  Salzbourg,  Ham- 
bourg vont  créer  des  bibliothèques  analogues.  On 
songe  déjà  à  une  fédération  de  ces  institutions.  —  Le 
Musée  Instrumental  du  Conservatoire  de  Bruxelles 
vient  d'acquérir  le  jjiano  appartenant  à  François-Joseph 
Fétis  le  célèbre  musicogi-aphe,  piano  carré  qui  mesure 
2  mètres  de  long  et  construit  de  manière  à  servir  de 
bureau  ministre.  Le  dessus  est  garni  de  cuir  gaufré  or 
et  le  clavier  peut  se  repousser  à  l'intérieure.  Avis  à 
Gustave  Lyon  !  —  Le  concours  d'essai  pour  le  grand 
prix  de  Rome  aura  lieu  désormais,  chaque  année,  le 
premier  mardi  de  Mai.  —  A  Genève,  organisation 
d'un  concours  de  quatuors  vocaux  ;  à  essayer  ici.  — 
Prague  vient  d'établir,  à  l'université  une  chaire  de 
musique  à  l'exemple     le   Berlin,   Vienne,  Leipzig.  — 


Relevé  dans  le  programme  d'une  de  nos  Facultés  de 
province  :  le  cours  d'histoire  de  la  musique  portera  sur 
Fei-'vaal  de  M.  V.  d'Indy.  Prihr  Je  se  munir  de  la 
partition  ;  pourrait  être  généralisé. 

Invkniions.  —  I,a  musique  contribuant  à  la  beauté 
de  l'appartement.  Nouveau  style  :  les  lampes  en  forme 
de  lyre  ;  les  paravents  ornés  de  portraits  de  musiciens  ; 
le  piano  servant  de  motif  de  tentures  ;  et  les  ustensiles 
des  services  à  thé  ou  à  café  aflPectant  la  forme  des 
notes.  —  Dans  le  même  ordre  d'idées  :  à  noter  les 
admirables  panneaux  pour  la  décoration  d'une  salle  de 
musique,  école  italienne,  salon  de  1909. 

Bibliographie.  —  A  Londres  publication  d'un 
nouveau  journal  Le  Chœur  consacré  à  la  musique 
d'église  et  à  l'hymnologie.  —  A  Sainte-Pazanne 
(Loire  Inférieure),  publication  d'une  nouvelle  revue 
musicale  Le  Barde. 

Divers.  —  L'associations  des  musiciens  italiens  qui 
se  réunira  à  Ferrare  en  1910  inaugurera  le  monument 
élevé  à  Guy  d'Arezzo  à  Pomposa.  : —  On  nous  annonce 
la  formation  d'un  orchestre  de  femmes.  La  direction 
en  serait  confiée  à  M"^®  Nadia  Boulanger  ou  à  M"'" 
Toutain  Grûn.  Les  promoteurs:  M'''*  Coquard,  M™"" 
Chausson,  Gallet,  etc.,  demanderaient  la  Salle  du 
Conservatoire  p6iur  y  donner  des  auditions.  Bon  succès 
à  cette  intéressante  tentative. 

Nous  sommes  heureux  d'annoncer  que  notre  colla- 
borateur P.  Jobbé-Duval  de  la  Petite  Gironde,  vient 
d'être  nommé  correspondant  à  Paris  pour  tout  ce  qui 
touche  à  l'Actualité. 


AUX    HAUTES    ETUDES    SOCIALES 
ir 

i6  et  23  Novembre  :  —  M.  Prunières, 
parlant  de  l'œuvre  de  jeunesse  de  LuUv,  montra 
comment  le  Florentin  devint  peu  à  peu  un 
musicien  exclusivement  français.  Par  les  ballets 
et  Jes  comédies-ballets,  il  arriva  aux  opéras. 
iM"''  Bertaux  et  M.  Sautelet,  avec  une  vive 
intelligence,  interprétèrent  divers  airs  majes- 
tueux ou  bouffons. 

30  Novembre  :  —  M.  Paul  Marie  Masson 
qui  devait  donner  trois  conférences  sur  Rameau 
est  parti  en  mission  pour  Florence  où  il 
organisera  la  section  musicale  de  l'Institut 
français.  MM.  Prunières  et  Romain  Rolland 
le  remplaceront.  M.  Prunières  indique  la  place 
que  la  musique  occupait  dans  la  musique  du 
XVIT'  siècle.  Elle  est  plus  en  faveur  qu'on  ne 
se  l'imagine  sur  la  foi  de  gens  de  lettres  jaloux. 
Il  faut  lire  les  gazettes.  I^a  musique  intervient 
dans  toutes  les  manifestations  de  la  vie,  chez 
les  nobles  ou  les  bourgeois.  Décor  nécessaire, 
il  n'y  a  pas  de  fête  sans  elle.  Les  bousculades 
à  la  porte  de  l'Opéra  sont  significatives. 

7  et  14  Décembre  :  —  M.  Romain  Rolland 
s'occupe  de  Hxndel.  D'abord  la  description 
au  physique  de  ce  véritable  géant,  puis  un 
portrait  psychf)logique.  H.  est  loyal,  indépen- 
dant autant  que  Beethoven  et  il  montre  une 
énergie  héroïque  durant  vingt  ans  de  lutte  en 
Angleterre.  Sa  musique  paraît  insensible,  parce 
qu'elle  était  pour  lui  une  région  sereine  où  la 
passion  ne  devait  pas  pénétrer.  Au  demeurant, 
il  était  très  bon  rt  la  charité  fut  sa  seule 
religion. 

Il  est  purement  objectif  et  il  a  le  sens  peu 
germanique  de  la  forme.  On  l'a  accusé  de 
plagiat,  sans  raisons.  Il  a  emprunté  des 
thèmes,  mais  il  faut  voir  ce  qu'ils  étaient  et  ce 
qu'il  en  a  fait.  D'une  façon  générale,  nous 
connaissons  mal  H.  faussé  par  Mendelssohn  et 
les  Antilais.    Ils   en    ont    fait    une    manière    de 


compositeur  dévot  et  aristocratique.  Comme 
l'orateur  antique,  il  s'adressait  au  peuple. 

2 1  Décembre  :  M.  Calvocoressi,  sous  la 
rubrique  le  Mois  musical^  traita  des  récentes 
productions  musicales. 

II,  18  et  25  Janvier  :  —  M.  Pirro  parle 
de  Buxtehude,  en  s'appuyant  principalement, 
dans  l'œuvre  du  vieux  maître,  sur  les  cantates 
que  possède  l'Université  d'Upsal  et  que  M. 
Pirro  doit  publier.  Après  quelques  explications 
sur  la  tablature  et  sur  la  disposition  manuscrite 
d'une  page  de  B.,  M.  Pirro  indique  le  carac- 
tère général  de  cette  musique.  Populaire  et 
vulgarisateur,  B.  simplifiait  ;  des  fragments  de 
de  gammes  ou  d'arpèges  formaient  ses  mélo- 
dies traitées  selon  les  exigences  de  l'antique 
contrepoint  ;  un  thème  fréquent  est  sa  hrrga- 
masque  très  répandue   à  cette  époque. 

Les  harmonies  sont  limpides,  tonales  et 
franches.  B.  oppose  à  ses  mélodies  des  accords 
consonnants.  Il  emploie  fréquemment  les  ac- 
cords de  sixte,  au  besoin  la  tierce.  Il  adopte 
l'accord  de  quarte  et  sixte  dont  on  commence 
seulement  à  se  servir  ou\ertement.  Il  aime  les 
accords  de  septième  pour  leur  clarté.  Il  ne 
s'en  sert  pas,  comme  mo\ens  expressifs,  mais 
pour  éveiller  l'attention. 

Comment  l'orchestre  de  B.  est-il  composé  ? 
Le  \  iolon  y  tient  le  premier  rang.  B.  n'exige 
pas  une  très  grantie  \irtuosité.  Comme  ses 
conteinpoiains,  il  n'écrit  pas  au-delà  de  1'//^ 
dièze  et  du  /('au-dessus  de  la  portée.  Très  rare 
est  le  mi  qui,  au  ilébut  du  XV III''  siècle,  sera 
encore  la  note  extrême.  Les  exemples  de 
doubles  cordes  sont  rares.  Assez  fréquemment, 
on  trouve  des  traits  en  arpège  et  des  passages 
rapides,  et  aussi  le  trnnolo  qui  constitue  une 
nouveauté.  Il  y  avait,  à  Lilbeck,  une  école  île 
violonistes  florissante.  I,a  viole  de  gambe  a  aussi 
une  place  importante  tlans  l'orchestre  de  B. 
Les  instruments  à  vent  ne  jouent  pas  im  rôle 
aussi  granil.  Peu  de  flûtes.  Le  basson  intervient 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


89 


souvent  et  aussi  les  trompettes,  pour  donner 
de  l'éclat  dans  les  compositions  solennelles,  li. 
use  surtout  du  clarïno  petite  trompette  plus 
courte  et  plus  étroite  dont  on  obtient  certaines 
notes  au  moyen  des  sons  bouchés.  Le  cornet, 
en  faveur  durant  le  siècle,  est  plus  souple  pour 
les  transitions.  Quant  aux  trombones,  ils 
tiennent  la  place  des  cors  modernes. 

Pour  les  voix,  B,  franchit  les  limites  de 
l'étendue  moyenne  surtout  pour  les  soprani  et 
les  basses.  Il  avait  d'ailleurs  à  sa  disposition 
des  chanteurs  émérites. 

,  Une  question  essentielle  est  celle  de  la 
réalisation  de  la  basse  continue.  Dans  certaines 
pièces,  B.  a  omis  les  chiffres  de  la  basse. 
Seraient-ce  des  passages  ad  libitum  avec  des 
fioritures  ?  M.  Pirro  ne  le  croit  pas,  B.  étant 
assez  rigoureux  sur  ce  point.  D'une  façon 
générale,  les  indications  orchestrales  manquent, 
ce  qui  permet  les  plus  grandes  erreurs. 

CONCERTS 

13  et  20  Janvier  :  —  Une  audition  de  la 
Servû  padrona  offerte  aux  invités  de  l'Ecole, 
ouvrit  la  série  des  concerts  que  M.  Expert 
organise.  Ils  sont  consacrés  à  la  musique  de 
chambre  en  France  et  en  Italie  aux  XVIP  et 
XVIIP  siècles.  A  la  première  de  ces  séances, 
nous  avons  fait  une  incursion  dans  le  XVP 
siècle.  Il  est  impossible  de  rendre  compte  en 
détail  des  deux  beaux  programmes  abondants 
sans  longueur  qu'exécutèrent  avec  soin  les 
artistes  du  quatuor  vocal  Expert  et  du  quatuor 
instrumental  Luquin,  Mesdames  d'Almeïda, 
pianiste,  Jane  Argez  et  Claire  Hugon,  canta- 
trices. 

Gabriel  RouchÈs. 


L'Edition 
Musicale 


LA   "  BERENICE  "   DE   M. 
MAGNARD 


ALBERIC 


J'ai  tenté  naguère  ^  de  définir  la  puis- 
sante individualité  de  M.  Albéric  Magnard 
et  la  valeur  singulière  d'œuvres  qui,  même 
privées  du  bénéfice  de  l'exécution  instrumen- 
tale ou  de  l'animation  scénique,  —  honorent 
notre  pays  et  classent  parmi  les  meilleurs  com- 
positeurs de  ce  temps  un  musicien  volon- 
tairement confiné  dans  la  retraite,  loin  des 
instrigues  et  de  l'agitation  stérile  où  se  com- 
plaît l'arrivisme  de  tant  de  ses  congénères, 
travaillant  sans  relâche  et  ayant,  à  l'aurore  de 
sa  maturité,  donné  sa  mesure  dans  tous  les 
genres.  J'avais  alors  déploré  le  peu  de  zèle  de 
nos  sociétés  à  inscrire  sur  leurs  programmes  sa 
Troisième  Symphonie  ou  ses  ouvrages  de  musique 
de  chambre,  et  l'inexplicable  obstination  de 
nos  théâtres  à  ignorer  une  tragédie  musicale 
aussi  noble,  aussi  généreuse,  aussi  pleine  de 
substance  que  Guercœu?-^  qui  depuis  dix  ans 
déjà,  attend  sa  réalisation  scénique. 

Rien  de  tout  cela  hélas  !  n'a  changé.  La 
mâle  simplicité  de  la  musique  de  M.  Magnard, 
son  accent  incisif,  ses  brisures  souvent  agres- 
sives, son  parfait  dédain  pour  les  "  curiosités  " 
harmoniques  si  fort  en  vogue  par  le  temps  qui 
court,  sa  généralité  classique,  son  originalité 
inorale  surtout,  tellement  éloignée  d'une  facile 
recherche  d'excentriques  singularités,  n'ont  rien 

^  Courrier  Musical  du  15  juillet  1907. 


90 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


de  ce  qu'il  faut  pour  lui  concilier  la  ta\eur  de 
nos  esthètes  avancés  ou  de  l'écœurant  snobisme 
de  nos  salons.  Loin  d'en  prendre  souci  M. 
Magnard,  fidèle  à  ses  principes  d'indépendance 
laborieuse,  a  poursuivi  sa  besogne  et  nous  donne 
aujourd'hui  dans  une  seconde  tragédie  lyrique 
l'expression,  plus  définitive  encore,  de  son  art. 

Je  ne  prétends  pas,  cette  fois-ci,  considérer 
en  détail  la  partition  nouvelle.  D'ailleurs  avant 
sa  représentation,  quelle  minutieuse  anah'se, 
quels  industrieux  commentaires  lui  gagneraient 
plus  de  partisans  qu'une  lecture  approfondie, 
tant  il  est  vrai  que  ce  n'est  pas  la  théorie  dont 
on  les  croit  issues,  mais  bien  uniquement 
l'éloquence  communicati\e  du  génie  créateur 
qui  prête  aux  productions  artistiques  toute  leur 
force  persuasive?...  Au  cours  d'une  fière  et 
spirituelle  préface,  qui  déjà  le  dépeint  tout 
entier.  M.  Magnard  explique  comment  il 
conçut  l'idée  d'interpréter  musicalement  le 
sujet  de  Bérénice^  et  pourquoi,  sans  toucher  au 
délicieux  chef-d'œuvre  de  Racine,  il  fut  amené, 
écartant  toute  inutile  complication,  à  réduire 
l'intrigue  de  son  poème  au  débat  de  conscience 
si  fortement  résumé  dans  VInvitus  invitam  de 
Suétone.  Par  la  simplicité  de  l'action,  l'inten- 
sité héroïque  des  sentiments  l'atmosphère  ten- 
dre et  douloureuse  du  cadre,  la  sobriété 
poétique  du  langage,  le  poème  de  la  Bérénice 
nouvelle  convient  en  effet  particulièrement  à 
sa  destination  lyrique,  et  à  la  nature  artistique 
de  M.  Magnard. 

Comme  dans  Gurrcceur  en  effet,  et  même 
davantage  ici  la  musique  est  la  conscience  vi- 
vante, la  raison  d'être  de  l'œuvre  ;  la  source 
magique  où  le  drame  piuse  sa  vie.  Il  faut  louer 
M.  Magnard  d'avoir  ainsi  appliqué  le  prin- 
cipe essentiel  et  vivifiant  de  la  théorie  wagné- 
ricnne.  Je  n'en  veux  pour  preuve  que  le 
zèle  expressif,  la  logique  tonale  avec  quoi 
le  discours  musical  s'empare  du  drame,  le 
pénètre  et  le  transporte  en  lui.  Je  me  bor- 
nerai à  vous  en  rappeler  les  qualités  intrin- 
sèques, aussi  frappantes  que  par  le  passé  :  cette 
vie  tumultueuse,  cette  véhémence  rythmique, 
cette  précieuse  faculté  d'invention  thématit]ue, 
cette  solidité  de  structure,  cette  curieuse  utih- 
sation    des    formes  sym|ih()ni(|ues,  cette  conci- 


sion presque  linéaire  d'écriture,  cet  éloignement 
instinctif  de  toute  fadeur  con\entionnelIe,  cette 
subtile  psychologie  des  caractères,  cette  décla- 
mation continuellement  mélodique,  ordonnée 
et  nuancée  suivant  une  discipline  toute  indivi- 
duelle. Vous  les  trouverez  tour  à  tour  dans  la 
belle  préface  svmphonique,  qui  contient  en 
puissance  toute  la  signification  émotioimelle  de 
l'œuvre,  puis,  au  premier  acte,  dans  l'attente 
angoissée  de  Bérénice,  l'arrivée  de  Titus, 
l'ardente  scène  d'amour  avec  les  délicieux 
chœurs  dans  les  jardins,  —  au  second  acte, 
dans  la  poignante  méditation  de  Xitus,  la  scène 
du  sacrifice,  entrecoupée  par  les  féroces  cla- 
meurs du  peuple,  —  au  troisième  acte  enfin, 
dans  l'ultime  entrevue  des  deux  amants  sur  la 
trirème  de  Bérénice,  dans  le  rythme  puissant 
du  chœur  des  rameurs,  et  surtout  dans  la 
sublime  déploration  de  la  reine  abandonnée, 
sacrifiant  à  Vénus  la  parure  de  ses  admirables 
cheveux. 

En  vérité,  cette  scène  finale  de  l'œuvre,  où 
le  sentiment  pathétique  concentré  atteint  à 
une  profondeur  extraordinaire,  où  l'émotion 
souveraine  crée  avec  elle  la  clarté,  où  le  style 
le  plus  ferme  et  le  plus  éloquent  sait  toujours 
rester  pur  et  noble,  où  l'harmonie  générale 
n'est  jamais  troublée,  —  réalise  cet  équilibre 
supérieur  des  facultés  du  cœur  et  de  l'esprit 
qui  permet  seul  à  l'art  d'atteindre  son  but 
suprême  d'expression  lunnaine...  Et  vous 
reconnaîtrez  dès  lors  a\ec  moi  dans  cette 
Bcrènicr  à  la  fois  si  classique  et  si  française,  — 
renouvelées  par  l'originalité  vivace  d'un  tem- 
pérament moderne,  —  les  vertus  essentielles 
d'unité,  de  tenue  et  de  sobriété,  qui  distinguent 
un  opéra  de  Rameau  ou  une  tragédie  de 
Racine. 

A  une  époque  qui  connaît  la  disgrâce  de 
voir  la  marée  montante  des  pioiluits  les  plus 
grossiers  du  vrrismr  italien  et  d'une  estiiétique 
(le  niui'h-hall  enxaliir  le  répertoire  des  théAtres 
v  trioiui^lur  a\ic  unpudence  et  en  chasser 
peu  à  peu  tout  art  éle\é,  —  grâce  à  la  b.as- 
scsse  des  instincts,  à  Tincurahle  hostilité  liu 
gros  public,  grâce  aussi  à  notre  coupable 
indifférence  ou  à  nos  mesquines  liisputes  de 
chapelles,    —  rix-uvri- île  M.  Magnard  apporte 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


91 


un  réconfort  et  une  compensation  trop  rares 
aux  gens  pour  qui  le  goût  n'est  pas  une  chose 
\  aine,  je  souhaite  qu'en  lui  offrant  une  hospi- 
talité, d'ailleurs  peu  onéreuse,  le  directeur 
d'une  de  nos  scènes  lyriques  subventionnées 
honore  bientôt  sa  gestion  et  fasse  de  nouveau 
à  une  musique  vraiment  de  notre  race  la  place 
qu'occupèrent  naguère  avec  éclat  Fcrvaal, 
Louise^  V  Etranger^  Pellèas  et  Mèlhande^  Ariane 
et  Barbe-bleue.  Puisqu'il  s'est  trouvé  un  public 
cultivé  et  averti,  capable  d'apprécier  la  pureté 
raffinée  de  la  poésie  d'un  Jean  Moréas,  il  serait 
hi,imiliant  de  songer  qu'il  n'existe  pas  aujour- 
d'hui une  élite  du  même  ordre  pour  aimer  la 
Bérénice  latine  de  M.  Magnard  ^  et  comprendre 
le  sens  profond  de  sa  beauté.  Le  seul  but  de 
ces  brèves  lignes  aura  été  de  tâcher  de  lui  en 
inspirer  dès  à  présent  le  désir. 

Gustave  Samazeuilh. 

LE  QUATUOR  A  CORDES  DE 
THÉODORE   DUBOIS. 

Depuis  le  mois  de  Mai  dernier,  je  m'étais 
promis  de  signaler  tout  spécialement  aux 
amatevirs  de  musique  de  chambre  le  Quatuor 
à  Cordes  de  Th.  Dubois,  que  nous  avaient 
fait  entendre  d'après  le  manuscrit  MM.  Parent, 
Loiseau,  Brun  et  Fournier,  et  qui  parait  enfin. 

Un  Allegro  avec  introduction  lente,  un 
Vivace  en  scherzo,  un  Larghetto  et  un  Allegro 
vivo  forment  les  divisions  classiques  de  cet 
ouvrage.    Le    thème,    qui    s'annonce    d'abord 

'  La  partition  de  Bérémce,  tragédie  en  musique,  de 
M.  Albéric  Magnard  est  en  vente  à  V Edition  Mutuelle 
269,  rue  St-Jacques,  à  Paris  et  chez  l'auteur  à  Baron 
(Oise). 


chromatique  et  timide,  s'essore  dans  le  premier 
morceau,  se  renverse  et  se  morcelle  dans  le  jeu 
du  scherzo,  s'étire  dans  le  largo,  et,  tout 
simplet  enfin  dans  la  finale,  se  prête  à  un 
amusant  canon.  L'ensemble,  très  pondéré,  très 
maitre  de  soi,  tranche  cependant  sur  beaucoup 
d'autres  compositions  de  M.  Dubois,  j'oserais 
dire  qu'une  œuvré  de  ce  genre  est  plus  voisine 
de  la  rue  St.  Jacques,  où  nous  l'avons  enten- 
due, que  de  l'Institut.  Il  y  a  des  gens  de  parti 
pris  qui  n'admettront  jamais  l'esthétique  de 
M.  Dubois,  mais  les  autres  trouveront  dans  ce 
quatuor  un  intérêt  constant,  une  force  sou- 
tenue, qui  ne  laisse  place  à  aucun  développe- 
ment inutile.  C'est  l'œuvre  d'un  maitre  délivré 
de  toute  contrainte  pédagogique,  de  tout  souci 
administratif,  et  que  l'inspiration  jalouse 
entraine  vers  cette  musique  pure  dont  le 
quatuor  à  cordes  est  l'interprète  le  plus  auto- 
risé. Notre  art  français  s'honorera  d'un  effort 
aussi  noble.  J.  E. 

TE  DEUM  DE  BERLIOZ 

Notre  collègue,  M.  Adolphe  Boschot,  dont 
la  grande  bibliographie  de  Berlioz  est  devenue 
classique,  vient  de  publier  un  intéressant  arti- 
cle dans  le  Correspondant  du  25  Décembre 
sur  la  musique  religieuse  de  Berlioz,  dans 
lequel  il  donne  de  très  curieux  détails  sur  le 
Te  Deum  écrit  en  1 848,  et  analyse  un  prélude 
d'orchestre  de  Berlioz,  que  le  compositeur 
Balakirev  a  retrouvé  sur  le  manuscrit  gardé  à 
Saint-Pétersbouro;. 

J.  E. 


Le  Gérant  :  Marcel  Fredet. 


Impr.  par  The  St.  Catherine  Press  Ltd.  Bruges,  Belgique. 


Concerts  annoncés  pour 

la  seconde  quizaine 

de  Février  et  la  première  quinzaine  de  Mars 

SALLE   GAVEAU 

28 

Deuxième  concert  des  Frères 
Kellert 

soirée 

lirancle  Jsalle 

FEVRIER 

MARS 

I 

Société  Philharmonique    . 

soirée 

15- 

2"*  soirée  du  Cercle  Militaire 

soirée 

2 

Concert  Durand 

soirée 

i6. 

Premier  concert  donné  par  la 

6 

Lamoureux 

matinée 

Maison  Durand    .... 

soirée 

8 

Société  Philharmonique     . 

soirée 

i8. 

Concert  au  bénéfice  du  Sana- 

9 
13 

Durand 

soirée 

torium  Maritime    .... 

soirée 

Lamoureux 

matinée 

20. 

Concert  Lamoureux      .     .     . 

matinée 

14 

Concert  Canivet  (piano  et  or- 

20. 

La  Solidarité  Commerciale     . 

soirée 

chestre     

soirée 

22. 

Société  Philharmonique    .      . 

soirée 

23- 

Deuxième  concert  donné  par 

Salle  des  Quatuors 

la  Maison  Durand    .     .     . 

soirée 

I 

Union    des    Femmes   profes- 

24. 

Société  J.S.  Bach    (répétition 

seurs  et  compositeurs     .     . 

matinée 

pubHque 

matinée 

10 

Mademoiselle  Percheron  .     . 

matinée 

25- 

Société  J.S.  Bach:  La  Passion 

10 

Mademoiselle  Chareau.     .     . 

soirée 

27- 

selon  St.  Jean 

soirée 
matinée 

15 

Union  des    Femmes    profes- 
seurs et  compositeurs     . 

matinée 

Concert  Lamoureux     . 

SALLE    PLEYEL 

24 

La  Société  des  Compositeurs 

Grande    Salle 

de  Musique  (2*^  séance). 

soirée 

FÉVRIER 

25 

Mme  Roger  Miclos   Battaille 

soirée 

"=;• 

Madame  Alitault  Steit^er   .      . 

soirée 

26 

Mr.  Georges  Binon. 

soirée 

16. 

Mr.  Joseph  Debroux   {2®  sé- 

27 

Mme   Bernard    (institut    Sé- 

ance)  

soirée 

vigné)  Elèves 

matinée 

'7- 

Mlle  Marguerite  Masson  .     . 

soirée 

28 

Madame  L.  Wurmser  .     .     . 

soirée 

18. 

Mlle  Clémence  de  Cock    . 

soirée 

19. 

La  Société  Nationale  de  Mu- 

Salle des  Quatuors 

sique  (3"^  séance)   .... 

soirée 

20 

Madame  Asselin  (Elèves). 

matinée 

21. 

Mme  Roger  Miclos  Battaille. 

matinée 

23 

Le  quatuor  Calliat  (3'' séance) 

soirée 

21. 

Mme  Jeanne  Carcassanne.     . 

soirée 

24 

M'""  Buisson  Ciianlier  (Elèves) 

matinée 

22. 

Mme  Legrix  (Elèves)  . 

soirée 

27 

M'""  Breton  Haimagrand 

23' 

LequatuorLejeune  (3'' séance) 

soirée 

(Elèves)  ...".... 

matinée 

SALLE   ERARD 

M. 

I 

\RS. 

M.  (ÎALSTON      .      .      Piano 

i'i': 

\'R1ER 

2 

MmeCAi'ONSACcHi- 
Jkisslkr   .      .      .      X'iolonc,  i 

•t  Piano 

16. 

M.  IsNARuoN   .     .     Aud.  de  ses  Elevés 

^> 

Ml  Cakkmk      .     . 

<7- 

M.  (Iai.ston     .     .      Piano 

4 

5 

M.   DK   RaDWAN              i'i. 111(1 

18. 

M.   DK   RAf)\VAN      . 

M.  Stauh 

19. 

M.   LoYONNKT.       . 

() 

M.WiNTZWKii.i.KK    Matinée  ( 

Elèves 

20. 

Mme  CHAUMf)NT.     Matinée  ( 

r  Elèves 

J 

M.  LovoNNKT.     .     Piano 

21. 

M.  RiCARDo  ViNKS  Piano 

,s 

Mlle  Lkwinsoiin 

22. 

M.  i)K  Radwan 

l) 

Mlle  Laimk.     .     .     Violon 

23- 

Mme  Bai.ti^s 

1  (1 

M.  m    l'iCANCMISNlI.  I'i.m«;i\vilcc..iu-,.m-sdc          | 

Jacouari) 

lOulii-strc 

i.;iini>iiic'ii\. 

24. 

M.  (iAI.STON       .       . 

1  1 

Mil.    IVmvKV.      .      .      Piano 

25- 

Mlle  Lakui-kkr    . 

1  2 

M.  (Idi.dsciimidt. 

27. 

M.  DiMiTui.     .     .      MaliiK-f  ( 

•l'-.lev.s 

13 

Mlle  Tih'I1.i.ii;r   .      Matinée  c 

r  Elèves 

28. 

M.  Sai.omon     .      .      i'i.mo 

>   1 

M.  Emii.Sai'I'K     .      Piano 

1  5 

M.  (ÎKANi)iANV            Harpiste 

(|ii.itnor 

avec   le 

rcnrhc. 

L'ACTUALITÉ 


MUSICALE 


ANNEXE  DE  LA  REVUE  MUSICALE  S.I.M. 
PUBLIÉE  PAR  LA  SECTION  DE  PARIS  DE  LA 
SOCIÉTÉ  INTERNATIONALE  DE  MUSIQUE 


5  MARS  1910 


FRANCE  ET  BELGIQUE 
Le  numéro:  0.40 -Un  an:  4.00 


UNION      POSTALE 
Le  numéro:  0.60  -  Un  an:  6.00 


L'JCTUALITÉ  MUSICALE 


REDACTION 


PARIS:    22,    RUE    ST.    AUGUSTIN 
BELGIQUE  :  RENE  LYR  A  BOITSFORT,  BRUXELLES 


ADMINISTRATION  : 


LIBRAIRIE    CH.    DELAGRAVE,    15,    rue    Soufflot,    PARIS. 


Tous  les   mandais  doivent  èire  adressés   soit  à   la  librairie  DELAGRAVE, 

soit  à  M.  REtKÉ  LYR. 


SOMMAIRE     DE     L'ACTUALITE 

DU    15    MARS 

THEATRES  ET  CONCERTS,  à  Paris  par  GvîiRUA.or  —  Province.  —  Belgique.  — 
Etranger.  —  LES  INSTRUMENTS:  les  nouveautés  de  partout  par  L.  Grkii.samer. 
Notice  historique  sur  le  liauthois  par  Hridkt.  —  QUESTIONS  SOCIALES;  le  Gracieux 
Concours  (/in)  par  M.  Dai'hkkssk.  —  COURS  ET  CONFKRENCES  :  à  IT.cole  des 
Hautes  Etudes  Sociales  ;  à  l'Institut  l""rani;ais  île  Florence;  les  grandes  époques  de  la  musique; 
à   la   Faculté   de   théologie;    à    l'Institut    Pschygologicpu-.    —    L'ÉDITION    MUSICALE. 


Théâtres  et 


Concerts 


Notre  monde  des  Concerts  s'est  assez  vitç 
remis  des  émotions  de  la  fin  de  Janvier  et  des 
perturbations  que  la  Seine  avait  apportées  à 
l'emploi  de  ses  soirées.  Il  n'en  est  plus  resté 
que  quelques  interversions  dans  l'ordre  prévu. 
Bref,  nous  voici  en  pleine  ferveur  musicale 
pour  trois  mois,  avec  six,  —  peut-être  bien 
sept  —  concerts  dominicaux  et  les  infortunés 
critiques  sont  terrifiés  par  l'invasion  toujours 
croissante  des  exécutants  de  tout  ordre. 

Le  Conservatoire  a  eu  un  grand  succès 
avec  la  Symphonie  le  M.  Paul  Dukas  qu'il 
donnait  pour  la  première  fois.  On  ne  l'avait, 
croyons-nous,  entendue  qu'en  1897  aux  assez 
médiocres  concerts  de  l'Opéra.  C'était  donc 
à  peu  près  une  nouveauté  et  l'on  pouvait  redou- 
ter la  réserve  traditionnelle  des  abonnés.  Bien 
au  contraire,  l'accueil    fut  presque  triomphal. 

Les  œuvres  nouvelles  que  donne  cette  année 
le  Concert  Lamoureux  ne  nous  révèlent 
rien  jusqu'à  maintenant,  ou  peu  de  chose  : 
cependant  le  Rêve  de  Ste  Thérèse,  poème 
symphonique  de  M.  Raoul  Brunel  mérite  la 
mention  très  honorable  que  le  public  lui  a 
décernée.  Un  thème  fort  simple  a  fourni  à 
l'auteur  qui,  sous  son  nom  de  nuance  différente 


appartient,  comme  on  sait,  au  corps  médi- 
cal, l'occasion  d'une  étude  musico-physiologi- 
que.  Cela  rappelle  un  peu  l'entracte  connu 
d'Esclarmonde. 

Aux  Concerts  Colonne,  M.  Pierné  fait 

dans  ses  trop  copieux  programmes  plus  de 
place  aux  œuvres  nouvelles.  Iberia,  de  M. 
Debussy  ne  nuit  pas  aux  pièces  analogues 
d'Albeniz  et  de  Ravel.  Un  fragment  d'un 
drame  lyrique  de  M.  H.  Maréchal  "  Autour 
d'une  tiare  "  dont  M.  Delmas  —  toujours 
trop  Wotan  —  fût  le  protagoniste,  a  paru 
languissant  au  Concert.  Il  faudrait  le  voir  et 
l'entendre   au    théâtre. 

Il  manque  encore  aux  Concerts  Sympho- 
nia  une  exécution  plus  corsée,  plus  homogène 
et  un  public  plus  nombreux.  N'y  a-t-il  pas 
témérité  à  donner  un  quatrième  Concert  régu- 
lier le  dimanche  ? 

Deuxième  Concert  Sechiari  (cinquième 
concert  du  dimanche).  En  quête  de  nouveau- 
tés, l'excellent  artiste  a  révélé  une  symphonie 
d'Haydn,  qui  n'avait  pas  encore  paru  sur 
nos  programmes.  Pourquoi  ?  car  elle  est  char- 
mante. Elle  a  cette  particularité  d'être  écrite 
pour   deux    violons  et    violoncelle  principaux. 


96 


L  '  A  C  T  C  A  L  I  T  E    MUSICALE 


L'orchestre  est  bon  et  nous  donnera  certaine- 
ment d'autres  séances  intéressantes. 

Il  faudrait  encore  parler  des  Concerts  popu- 
laires de  M.  de  Léry,  donnés  à  la  Salle 
Berlioz.  Nous  reviendrons  à  ce  sixième  Con- 
cert dominical.  Arrivons  aux  Concerts  de 
Musique  française  moderne  que   Al. 

Durand  organisa  et  où  AI.  Rhené-Baton 
s'est  révélé  vrai  chef  d'Orchestre.  La  deuxiè- 
me séance  nous  a  fait  regretter  d'a\oir  manqué 
la  première.  Programme  très  moderne,  en 
effet  ;  les  belles  Â^'ariations  pour  piano  (A4. 
Ferté)  et  Orchestre  de  M.  Rhené-Baton, 
peuvent  être  rapprochées  des  variations  sym- 
phoniques  de  Franck  dont  elles  procèdent. 
Enfin  M..  d'Indy  conduisit  sa  deuxième 
symphonie,  œuvre  considérable  où  il  a  mis 
toute  sa  science,  dont  on  ne  peut  park-r  sérieu- 
sement en  deux  lignes.  Tous  l'ont  applaudie, 
combien  l'ont  pleinement  comprise  r 

La  seconde  partie  de  la  Messe  en  si  mineur 
et    la  Passion   selon  St.    Jean  ont  été    données 

ce.  mois-ci  par  la  Société  J.  S.  Bach. 
Très  Bonne  exécution  surtout  par  les  solistes 
et  l'orchestre. 


AUX  ARTISTES  SINISTRES 

Les  artistes  sinistrés  peu\ent  s'adresser 
(munis  d'un  certificat  du  commissaire  de 
police)  à  y  Actualité  Musicale  (22  R.  St. 
Augustin)  où  ils  trouveront  quelques  adres- 
ses utiles  ;  à  V Action  Sociale  de  la  Femme 
(35  rue  Boissy-d'Anglas  2  h.  à  5  h.)  où  on 
leur  indiquera  les  œuvres  d'assistance  qui 
pourraient  leur  convenir  immédiatement 
(prêts  de  meubles,  vêtements,  secours  divers). 

Les  professeurs,  momentanément  pri\és 
de  leurs  salles  de  cours  et  leçons,  peuwnt 
aller  à  V Institut  de  la  Femme  Contemporaine 
(27  R.  de  la  Chaussée  d'Antin)  où  on  si-rair 
disposé  à  prêter  monn-ntanément  c|Ufl(]uc-s 
salles  disponibles,  (lù'iirc,  ou  dinianilrr 
M""  T-  P-   K<Trit-r  K-  iciidi  (U'  2  à   S-) 


A    la    Société  Haendel,    K-    pro-ramnu- 
faisait    honneur  à    M.  RauLîel.    Axcc  (|U(li|ucs 


fragments  d'œuvres  du  glorieux  patron,  il 
comprenait  des  pièces  de  Schutz,  ce  grand 
précurseur,  de  Hasse,  une  sonate  pour  \iolon 
de  Rust  (Al.  Borrel)  et  une  cantate  de  Bux- 
tehude.  La  S'iciété  n'a  encore  que  des  moyens 
limités.  Alais,  avec  de  la  toi  et  de  la  persévé- 
rance, elle  remplira  son  but,  donner  de  bonnes 
exécutions  de  Hiïndelet  de  l'école  Allemande 
des  XVP  et  X\'ir  siècles. 

Le  Quatuor  Rosé,  de  Vienne,  nous  a 
procuré,  ainsi  qu'on  pouvait  s'y  attendre,  une 
satisfiiction  ah>oluc,  à  deux  séances  de  la 
Société  Philarmonique.  C'est  la  per- 
fection de  la  musique  de  chambre,  le  quatuor 
idéalement  homogène  et  sonore,  à  la  fois  précis 
et  souple.  Au  second  concert  M.  Fauré  tint 
la  partie  de  piano  dans  son  i""  Quatuor.  Ai""^ 
Powla  Frisch  chanta  des  lieder  d'une  \  oix  splen- 
dide,maisa\ec  un  peu  de  prétention.  A4"'^Hanna 
Verbena  a  moins  plu,  en  raison  du  choix  des 
morceaux,  mais  elle  a  un  bien  joli  timbre  de 
\oix.  AI.  Sauer  est  un  grand  pianiste,  c'est 
sûr,  mais  il  ne  tait  pourtant  pas  oublier  certains 
des  nôtres. 

AI.  Astruc  continue  a\  ec  des  salles  combles 
ses  matinées  et  soirées  "  Musica  ".  Peut-il  en 
être  autrement  avec  le  Quatuor  Sechiari,  avec 
Al.  Georges  Enesco,  avec  A'I"''  Germaine 
Schnitzler  ('ixcellente  dans  le  Carnaval  de 
Schumann),  a\ec  Ai""'  René  Doire,  tout  à  fait 
remarquable  dans  des  (cu\res  de  Alax  Reger 
et  de  R.  Strauss,  pour  piano,  enfin  avec 
M'"-  Maggie  Teyte  et  surtout  M"''  Marcelle 
Demougeot  qui  tient  enfin  à  l'opéra  la  place 
qu'elle  mérite  :  La  danse  classique  fut  bien 
représentée  par  AI"""  Lobstein  et  Piron. 
Quant  aux  ''interprétations"  mimées  par 
AI"'  Celia  Chuul  de  la  Sonate  au  Clair  de  Lune^ 
elles  nous  échappent.  Pourquoi  préciser  par 
des  gestes  des  œu\res  (|iie  leurs  auteurs  ont 
voidues  imprécises  : 

Au  Théâtre  Féniina,  MM.    Rouart  et 

Lerolle  ont  iirésenté  tout  une  série  de  mélo- 
dies françaises  et  de  pièces  instrimientales, 
exécutées  par  d'excellents  artistes,  œuvres  de 
\aleur  assez  inégale,  plusieurs  intéressantes, 
innmn-  U's  mélodies  celtiques  de  M.  Bourgaidt 
I  )iieoinli:i\    (M"""   fuditli  Lassalle),  deux  pièces 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


97 


/Vi  o 


Rit  a  r  do    PI  ne  s. 


Rouart,  Lerolle  6  C" 

ÉDITEURS  DE  MUSIQUE 
18,   BOULEVARD   DE  STRASBOURG  -  PARIS 


Le  plus  grand  abonnement  de  France 
service  :  Maison  GAVEAU,  45,  rue  de  la  Boëtie. 


TOUTE   LA   MUSIQUE  en  lecture 

Représentation    exclusive    des  Editions    Bélaïeff,   Hansen, 
Jurgenson,  UniverseUe   et    Zimmermann. 


VIENNENT  DE  "PARAITRE  : 

Déoclat  de  Séverac  :     LE    CŒUR    DU     MOULIN,     Drs^e-Lyrique    en 
2  actes,  la  partition  1 5   franco. 

Pierre    de    Bréville  :    EROS    VAINQUEUR.   Conte    Lyrique  en    3   actes 

la   partition    net    20    francs. 

Albert    Roussel  :     POÈME     DE     LA     FORÊT,     Symphonie    réduite    <i 

4   mains,    lut     10    francs. 


I 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


99 


de  Ch.  Bordes  (M'"^'  Raunay)  des  œuvres  de 
piano  de  MM.  de  Castéra  et  de  Séverac 
(M^'"«  Sel  va),  etc. 

M.  Reynaldo  Hahn  a  dirige  à  la  Société 
Moderne  d'Instruments  à  vent  son 
"  Bal  de  Béatrice  d'Esté  "  qui  est  un  exquis 
petit  pastiche  et  M.  Georges  Enesco  son 
Dixtuor,  un  peu  long  mais  original  et  dont 
il  faudrait  pouvoir  dire  quelques  mots. 

Dans  la  même  salle,  rue  d'Athènes,  M.  Bar- 
rau  a  célébré  Beethoven  à  ses  Soirées  d'Art, 
tous  ces  derniers  samedis,  avec  le  Quatuor 
Geloso,  M.  Diémer,  M""-'  Povla  Frïsch,  M"'''  de 
Montalant. 

Voici  deux  œuvres  dignes  d'intérêt,  la  pre- 
mière uniquement  artistique,  la  seconde  en 
même  temps  charitable.  M.  Emile  De  Meo 
groupe  sous  le  patronage  de  Mozart,  l'enfant 
musicien  idéal,  de  jeunes  instrumentistes  de 
douze  à  seize  ans.  La  première  audition  de  cet 
Orchestre  Mozart  est  très  encourageante 
et  nous    lui  adressons  tous   nos  vœux.  Il  a  été 

parlé  ici  de  la  Manécanterie  des  Petits 
Chanteurs  à  la  Croix  de  Bois.   Elle 

vient  de  donner  un  Concert  auquel  ont  parti- 
cipé M^^®  Selva,  M.  d'Indy  et  M,  Tournemire, 
avec  le  chœur  à  Capella  de  ces  tout  jeunes 
enfants.  Il  y  a  là  une  sonorité  spéciale 
que  n'ont  pas  les  chœurs  mixtes.  L'œuvre  est 
digne  de  tous  les  encouragements. 

Nous  regrettons  de  rappeler  seulement  le 
Quatuor  Lejeune  (histoire  du  Quatuor  à 
Cordes  en  Russie)  dont  les  deuxièmes  et  troi- 
sièmes   séances  ont    été   fort   intéressantes  ;  la 

British  Concerts  Society  qui  le  7  Fé- 
vrier a  fait  entendre,  parmi  d'autres  œuvres 
de    moindre    valeur,    un    beau    Quintette    de 

M.  Vaughan  William  ;  la  Société  Artis- 
tique de  l'Ouest  dont  les  deux  concerts 
comprenaient  des  œuvres  comme  le  Quintette 
de  M.  Alary  et  toute  une  série  de  composi- 
tions de'  M.  Bourgault  Ducoudray  ;  le  Pax- 
Quatuor  (Quatuor  Feuillard)  qui  donne 
deux     séances    classiques     chaque    mois  ;     la 

Société  Haydn  Mozart  Beethoven 

(Quatuor  Calliat)   qui  est  digne  de  son  nom  ; 

le  Quatuor  Rimé  Saintel,  qui  vient  de 

jouer  des  œuvres  de  M.  Colomer  et  de  M.  Ga- 


briel Fabre  ;  le  Lied  en  tous  Pays,  d'un 
sage  éclectisme,  que  dirige  avec  foi  artistique 
M.  René  Lenormand  ;  des  groupes  musicaux 
qui  comme  1'  "  Orchestre  au  Palais  "  et 

"  rOrchestre  Médical  "  demanderaient 
mieux  qu'une  mention. 

Parmi  les  Cercles  Artistiques,  nous  retrou- 
vons le  Lyceum,  où  nous  sommes  heureux 
d'applaudir,  avec  M"'*  Marthe  Girod,  que 
nous  n'avions  pas  entendue  depuis  trop 
longtemps  :  M"'''  Gignoux,  Delhez,  Decourt, 
M"''  Marguerite  Achard,  l'excellente  har- 
piste, M.  Monys,  etc.  A  la  société  '*  La 
Poétique  "  nous  entendîmes  des  œu\Tes  du 
compositeur  belge  Louis  Delune,  des  mélodies 
très  fines  et  surtout  un  exquis  poème  pour 
violoncelle  que  M"^*^  Jeanne  Delune  joua 
en  grande  artiste. 

Comment  répartir  les  quelques  lignes  dont 
nous  disposons  encore  entre  quelques  uns  des 
Concerts  d'artistes  donnés  en  Février  .''  Nous 
n'en  donnerons  que  deux  au  dernier  récital  de 
M.  Risler,  où  cet  artiste  si  complet  joua, 
comme  lui  seul  les  joue,  des  œuvres  modernes. 
Les  autres  virtuoses  excuseront  ainsi  notre 
laconisme  à  leur  égard. 

Il  nous  faut  nommer  tout  d'abord  M. 
Greorge  Walter  que  nous  avons  souvent 
applaudi  à  la  société  Bach.  Il  a  donné  à  lui 
seul  une  séance  de  chant  allemand  :  Bach, 
Schubert,  Schumann,  Hugo  WolfF,  où  il  a 
montré  une  compréhension  aussi  parfaite  des 
lieder  modernes  que  des  cantates  d'Eglise  et 
des  Geistliche  lieder.  M"'*^  Emma  Holm- 
Strand,  cantatrice  suédoise  a  donné  rue 
d'Athènes  un  concert  tout  à  l'honneur  des 
œuvres  modernes  de  son  pays,  qu'elle  a  fait 
valoir  par  sa  belle  voix  M.  Grottfried 
Galston,  fit  apprécier,  dans  des  sonates  de 
Beethoven,  des  Etudes  de  Chopin,  des  pièces 
de  Liszt  et  de  J.  S.  Bach,  une  admirable 
technique. 

Notre  grand  artiste  M.  Ricardo  Vinès, 
dont  le  style  est  idéal  dans  la  musique  roman- 
tique et  les  œuvres  modernes,  a  célébré  le 
centenaire  de  Chopin. 

M.  de  Radwan  qui  a  fait  de  même,  joue 
Chopin  tel   qu'il  est  écrit  et  le  joue  en   mesure, 


COURS  DE  CHŒUR 

11 R  UE.  QE  C  HANALE  i  LLES^gS: 
DiRi&É  PAR  A\*^ GERMAINE 

CH&VALE.T  AVEC  l£  C  ONC0U«S 

DE  n^  JE. AN  VE.RO  e-Toe/Aiis 

LE.5AMEDI  of  sa  ^3'^= 
JREA/AAi 


MUSIKALISCHES  WOCHENBLATT  lOlL 

Directeur:   LUDWIG  FRANKENSTEIN 

ABONNEMENT  13  FR.  PAR  AN. 


Le  "  MUSIKALISCHES  WOCHENBLATT  "  publie  des  articles  de  fond 
des  nouvelles  et  des  critiques,  rédigés  par  les  musiciens  et  les  musicologues  les  plus 
éminents.  Cette  revue  abondante  donne  un  tableau  complet  de  la  vie  musicale 
du  monde  entier.    Elle   est   connue  pour  ses   tendances  progressistes. 

Le  "  MUSIKALISCHES  WOCHENBLATT"  se  recommande  aux  artistes, 
éditeurs,  luthiers  et  établissements  de  tout  genre,  qui  désirent  se  faire  connaître 
par  des   insertions. 

Envoi   gratuit   d'un    numéro   spécimen.  i 

ADMINISTRATION:   OSWALD  MUTZE,    LEIPZIG 


4,     LiNDENSTRASSE. 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


lOI 


rigoureusement,  comme  Chopin  lui-même 
jouait  sa  musique.  L'absence  de  fantaisie 
nV-xclut  pas  la  vigueur  et  la  passion. 

Nommons  enfin   M.  Szanto,    M.   Boes- 

willwald  et   M"''  Veluard  qui  ont  joué 

surtout  des  œuvres  modernes  de  piano.  Le 
mois  dernier  nous  avons  dit  quelles  espérances 
on  pouvait  fonder  sur  cette  jeune  artiste  à  qui 
peu  de  chose  manque  pour  arriver  aux  tout 
premiers  rangs.  Elle  a  fort  bien  joué  les 
oeu\'res  de  Schimiann  qui  fonnaient  son  pro- 
a;ramme  du  25  Février. 

M"''  Geneviève  Abadie,  à  la  fois  canta- 
trice et  pianiste  —  ce  q  ui  n'est  pas  banal  —  s'est 
fait  entendre  à  ces  deux  titres  à  la  Salle  Erard. 
C'est  une  bonne  pianiste  et  une  cantatrice 
agréable.  M"*"  Claire  Hugon  a  fait  applaudir 
à  défaut  de  grands  moyens  vocaux,  une  réelle 
intelligence  artistique  dans  des  lieder  de 
Mozart  et  de  Beethoven. 

Parmi  les  violonistes,  M.  DebrOUX  con- 
tinue à  révéler  l'école  française  du  XVIIP 
siècle  mais  il  fait  à  chaque  concert  une  excur- 
sion dans  les  œuvres  contemporaines  où  son 
souple  talent  est  aussi  à  l'aise  que  dans  les 
concertos  d'Aubert  et  les  sonates  de  Leclair. 
Le  trio  des  frères  Kellert  que  nous  avons 
apprécié  en  Janvier  a  donné  une  séance 
d'œuvres  de  Beethoven  avec  le  concours  de 
M.  Plamondon.  Deux  mots  enfin  de  la  toute 
jeune  M}^^  Yvonne  Astruc,  au  talent  très 
délicat,  très  féminin,  qui  a  su  choisir  des 
œuvres  en  rapport  avec  son  tempérament 
artistique. 

Nous  ne  pouvons  donner  ici  à  M.  Sli- 
Winski  la  place  qu'il  mérite.  S'il  est  un 
pianiste  dont  le  jeu  mériterait  d'être  loué  sans 
réserves  c'est  bien  celui  qui  nous  donna  une  si 
merveillence  audition  de  Chopin  le  mois 
dernier. 

M"'^  Stella  Goudeket  et  M™^  Wurm- 
ser  Delcotirt  sont  des  virtuoses  de  la 
harpe  chromatique.  M™®  Wurmser  —  qui 
charme  les  oreilles  et  les  yeux  —  a  joué  des 
œuvres  modernes  spéciales  pour  l'instrument 
et  des  transpositions  du  piano  (la  fantaisie 
chromatique  et  une  gigue  de  Bach,  une 
Gavotte,  de  Rameau,  etc). 


Nous  ne  pouvons  mieux  finir  que  par  le 
gracieux  concert  organisé  par  M.deBric- 
queville.  Avec  un  quintette  original  et 
bien  écrit,  de  M.  Destenay  pour  deux  violons 
alto,  violoncelle  et  harpe,  on  eut  deux  nou- 
veautés de  M.  de  Bricqueville,  une  Gavotte 
pour  harpe  (M.  André  Mullot)  et  un  charmant 
pastiche  ancien.  Concert  Champêtre,  pour 
chant,  flûte,  vielle  (oui,  pour  vielle,  et  c'est 
l'auteur  qui  en  joua)  violon,  basse,  harpe  et 
tambourin.  Pourquoi  les  artistes  n'étaient-ils 
pas  costumés  en  bergers  Louis  XV  t 

F.    GuÉRILLOr. 


Ricûirlo   Fines 

En  Province. 

LYON.  —  En  se  rendanÇ  à  Genève,  l'Or- 
chestre  Lamoureux  nous  a  gratifié  d'une  splen- 
dide  audition,  organisée  par  les  soins  de 
M.  Dulieux.  Je  me  permettrai  toutefois  deux 
remarques  :  pourquoi  M.  Plamondon  a-t-il 
chanté  seul  l'Alleluya  final  de  l'Enfance  du 
Christ,  réservé  aux  Chœurs  dans  le   lointain  ? 


I02 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


Pourquoi  aussi  le  programme  s'est-il  complu 
à  un  éclutisme  aussi  généreux  ?  Tous  les  con- 
certs lyonnais  semblent  s'être  concentrés  dans 
ce  mois  de  février  :  concerts  de  la  Symphonie 
Lyonnaise  qui  s'unit  à  V  Union  Chorale^  concerts 
de  la  Société  des  Grands  Concerts^  \  rai  ment 
excellente,  concert  de  la  Société  Lyonnaise  de 
musique  ancienne  et  moderne,  Lyon  serait-il  en 
train  de  devenir  une  ville  de  musique  ? 

E.  B. 

BORDEAUX.  —  A  la  Société  S''  Cécile, 
deux  œu\Tes  de  longue  digestion,  la  svmphonie 
en'  mi  mineur  de  Brahms  et  la  Fantaisie  en  ré 
de  Guy  Ropartz  ;  puis  la  défaite  de  Sennache- 
rib'jde  Moussorgski  et  enfin  la  svmphonie  de 
si  majeur  de  notre  compatriote  Tournemire. 
Le  public  a-t-il  bien  saisi  cette  œuvre  élégante 
et -solide  à  la  fois  r  Une  société  de  musique  an- 
cienne \ient  d'ctre  fondée,  par  des  jeunes 
naturellement,  et  nous  a  donné  une  fort  bonne 
inauguration  à  la  salle  Bernard.  Je  reviendrai 
sur  cette  société.  Signalons  enfin  une  belle 
, séance  du  quatuor  Pennrquin.^ 

MONTPELLIER.  —  A  l'Opéra,  où 
sévissent  avec  fureur  les  œuvres  italiennes,  un 
curieux  incident  :  M'"''  Jane  Mercy  s'é\anouit 
au  2^  acte  du  Barbier,  et  fit  le  lendemain 
placarder  des  affiches  pleines  de  récriminations 
contre  le  directeur.  La  Schola  n'existant  plus 
nous  nous  rattraperons  sur  les  artistes  de  pas- 
sage ;  de  Greef,  Spalding,  lilanche  Sel\a  et 
Thibaud.  En  fait  de  virtuoses  nous  avons  eu 
le  plaisir  d'applaudir  Jean  d'Udine  \c\\\.\  pour 
présider  une  séance  de  Gymnastique  r\th- 
mique.  Montpellier  possède  en  eff^et  depuis  peu 
un  cours  de  ce  genre,  dirigé  par  M.  Paul 
André,  qui  fait  pénétrer  chez  nos  méridionaux 
les  méthodes  de  Dalcrozeet  le  sens  du  rythme. 
Cette  écoK'  a  un  siici  rs  fmi. 

'  Dans  le  n"  de  février  ime  irniir  de  mi  .e  en  paj^e  a 
attribué  à  M.  Pennc(|iiin  lis  traits  de  M.  Sarreau.  Kt 
pour  compléter  la  confusion  le  nom  de  Sarreau  était 
écrit  Sarraut,  de  telle  sorte  (juVin  pouvait  croire  qu'il 
s'afjissait  du  chef  de  inusiepie  du  144".  Tous  les 
Bordelais  ont  d'eux-mCmcs  rétablis  la  vérité,  et  nous 
ont  pardonné  cette  méprise. 


BEZIERS.  —  AL  Castelbon  de  Beaux- 
hostes  abandonne  les  arènes  de  Béziers.  Sa 
succession  est  confiée  au  D""  Chavrv,  qui  don- 
nera cet  été  une  tragédie  de  Sicard  avec 
musique  de  Déodat   de   Sé\  erac  :    Héliogahai, . 

On  parle  d'une  partie  chorégraphique  con- 
fiée à  Régina  Badet  et  d'un  orchestre  de 
130  musiciens. 

NANCY.  —  Applaudissements  frétiétiquL^ 
pour  Boucherit  dans  le  Concerto  pour  \iol(ui 
d'Haydn,  œuvre  simpliste  mais  d'une  sonoritc 
exquise,  si  l'on  excepte  les  traits  de  virtuoM: 
semés  ça  et  là  par  le  bia\e  Haydn.  L'orchesti 
a\ait  à  nous  révéler  la  Marche  Ecossaise  de 
Debussy  qui  présente  a\'ec  diversité  un  thème 
populaire. 

H.  P. 

ALENÇON.  —  Pour  une  petite  ville, 
deux  concerts  comme  celui  de  la  Société  Phil- 
harmoniquc  et  celui  de  la  Musique  Municipale, 
c'est  très  joli.  Peut-être  les  voix  manquent 
elles  encore  un  peu  d'assurance,  mais  la  foi 
artistique  y  est,  et  c'est  elle  qui  sauve.  Nous 
avons  pu  entendre  un  morceau  qui  n'est  cer- 
tainement pas  au  répertoire  parisien  :  Le 
dernier  jour  de  la  Terreur,  de  Littolf  !  Appels 
à  la  Liberté,  ébranlement  des  faubourgs, 
tumulte  à  l'Assemblée,  accusation  et  arresta- 
tion de  Robespierre  et  sa  chute  finale  dans  \\\\ 
crescendo  monstre,,  dominé  par  la  Marseil- 
laise... le  tout  d'un  grand  effet.  Je  m'en 
voudrais  d'oublier  M"''Ni\erd,  qui  a\  ec  une 
voix  de  ieune  fillette  de  14  ans  nous  a  ra\  is 
par  quelques  romances  aimable-. 

\'.  A. 

ANGERS.  —  Tout  le  monde  coiniaît 
y  Association  artistique  lii'  h\\<-Z,'^X'!,  et  son  président 
le  comte  L.  de  Romain.  On  y  exécute  les 
œuvres  les  plus  moileiius,  de  Gla/.ounov  à 
Lekcu,  et  lie  l)elniss\'  à  Marcel  Labew  l,e> 
ciiefs  d'onliestre  ]•"..  Bialn,  ^L^\  d'Olloiie,  et 
l'admiiablc  Rheiié-Baton  nous  ont  permis 
d'attirer  les  meilleurs  soli^te>  :  Maik  Ham- 
bourg, i'aola  Frisch,  Cor^ot... 

A     cette    s\niph()nie,     il     faut    joimire    lUie 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


1 03 


musique  de  chambre  dont  M.  M.  Lagardc, 
Bourgault,  Bailly,  Becker  et  M.  d'Ollonc 
soutiennent  très  heureusement  l'éclat,  et  qui 
nous  font  goûter  non  seulement  du  Franck, 
mais  le  quatuor  de  Ravel  est  celui  de  Doh- 
nanyi  ! 

M.B. 

MOULINS.  —  Voici  le  moment  de  la 
Fête  des  Brandons^  qui  met  en  liesse  toute  notre 
région  au  premier  dimanche  de  carême.  A  la 
tombée  de  la  nuit  de  petites  lueurs  sautent  de 
ci  et  de  là  à  travers  la  campagne,  jetant  soudain 
une  grande  clarté  avant  de  s'éteindre.  Ce  sont 
les  brandonniers  qui  vont  avec  une  torche  de 
brandes  à  la  main  (aujourd'hui  remplacé  par 
de  la  paille)  pour  tracer,  autour  des  arbres  et 
des  champs,  le  cercle  de  feu  qui  doit  les  pré- 
server de  tous  leurs  ennemis.  Et  la  musette 
accompagne  de  ses  jolis  airs  ce  cortège  de 
quelque  fête  païenne,  consacrée  jadis  à   Cérès. 

LE  PUY. —  Tous  les  journaux  ont  raconté 
l'histoire  de  M""'  de  Vaugelet,  qui  vient  de 
léguer  en  mourant  mille  francs  à  la  Société 
orphéonique  de  Gannat,  sous  la  condition  que 
cette  société  accompagnerait  son  cercueil  en 
jouant  un  air  funèbre.  La  dite  société  ne 
connaissant  en  fait  d'airs  funèbres  que  la 
Marche  de  Chopin,  la  joua  autant  de  fois  qu'il 
fut  nécessaire  pour  arriver  jusqu'au  cimetière; 
ce  fut  exactement  12  fois.  M™®  de  Vaugelet 
était  connue  à  Vichy  pour  sa  passion  des 
modes  antiques  et  pour  ses  papillottes.  Ce 
qu'on  sait  moins  c'est  qu'elle  voulut,  (bien  que 
mariée  jadis  à  un  capitaine  de  gendarmerie)  se 
faire  délivrer  il  y  a  quelques  mois,  par  une 
doctoresse  de  Vichy,  M"®  Bouet,  un  certificat 
de  virginité.  Elle  y  réussit  et  son  testament 
prescrivit  un  enterrement  blanc  ! 

SAINT  ETIENNE.  —  On  nous  signale 
le  succès  de  M^^'^  Chevalet,  dans  des  mélodies 
de  Schubert  et  de  Duparc. 

TOURS.  —  Voici  tout  d'abord  la  soirée 
des    Amis   des    Arts,    qui    nous  '  a   révélé    une 


exquise  tourangelle  M"''  Antoinette  Pradier  ; 
puis  ru.  F.  P.  C.  Un  bon  point  à  M'""  Gallet 
pom-  a\()ir  conduit  vers  nous  M"''  Renée  Bil- 
lard, une  violoniste  étonnante.  Enfin  la  soirée 
consacrée  par  la  Société  artistique  et  littéraire 
de  Touraine  à  la  mémoire  de  cet  excellent 
Bordes,  et  dans  laquelle  M'"*  Wyder  M. 
Lieron  et  M""  de  la  Barthe  se  sont  fait 
applaudir.  Une  conférence  de  Horace  Hennion 
sur  la  carrière  et  les  œuvres  de  Bordes  précé- 
dait cette  touchante  manifestation. 

H. 

LE  HAVRE.  —  L'église  St-Michel  vient 
d'être  le  théâtre  d'une  très  remarquable  mani- 
festation artistique  et  religieuse.  Sous  la  direction 
de  M.  Gustave  Bret,  le  distingué  directeur  de 
la  Société  Française  des  Amis  de  la  Musique^ 
nous  avons  eu  la  joie  d'entendre  la  Passion 
selon  St.  Jean  de  Bach,  exécuté  par  les  choeurs 
et  l'orchestre  de  la  Société  Ste  Cécile  unis 
au  chœur  de  la  Lyre  Havralse. 

Cette  preuve  admirable  de  la  vitalité  du 
sentiment  musical  au  Havre  montre  que  tout 
est  possible  dans  une  grande  ville  comme  la 
nôtre  et  qu'il  suffit  d'es  ayer  pour  réussir. 

Toutes  ces  forces  latentes  qui  viennent  de 
se  réunir  autour  du  grand  Bach  ont  désormais 
pris  conscience  d'elles-mêmes.  Nos  sociétés 
d'amateurs  qui  sommeillaient  ont  repris  courage 
devant  ce  succès  éclatant. 

LILLE.  —  Avec  son  inlassable  vaillance 
Madame  M.  S.  Maquet-Devilder  continue 
auprès  du  peuple  de  Flandre  l'œuvre  de 
Maurice  Maquet.  Elle  conduit  avec  une  réelle 
autorité  son  bel  orchestre  parisien  à  la  disci- 
pline stricte,  à  la  cohésion  merveilleuse,  et 
ses   masses   chantantes   remarquables. 

La  grande  tache  lumineuse  de  ce  concert 
fut  la  magistrale  Symphonie  en  si  bémol  majeur 
de  Chausson  ;  cette  œuvre  forte  et  véritable- 
rnetit  inspirée  est  de  celles  qui  forcent  l'ad- 
miration. La  clarté  du  style  et  la  noblesse  des 
idées,  la  somptuosité  des  détails  et  la  richesse 
du  coloris  orchestral,  l'originalité  des  com- 
binaisons   sonores    et    de    ses    développements 


.04 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


très  fouillés,  ui  donnent  une  étonnante  saveur 
dans  sa  sérénité  et  sa  sincérité.  L'exécution 
en  fut  excellente,  pleine  de  cctrur  et  de 
sensibilité. 

L'ouverture  de  Benvenuîo  Cellhii  de  Berlioz, 
débordante  de  lyrisme  et  d'enthousiasme,  à 
l'orchestration  extrêmement  brillante,  nous  à 
subjugué  et  transporté.  Et  Ion  ovationna 
longuement,  avec  le  Concerto  pour  flûte  et  or- 
chestre de  Mozart,  le  remarquable  flûtiste-solo 
de  l'orchestre  M.  Gaston  Blanquart.  De  son 
jeu  élégant,  fin  et  délicat,  il  en  a  donné  une 
interprétation  si  délicieuse  et  si  pure  qu'il 
semblait  a\oir  toute  la  belle  âme  d'artiste  du 
divin  Mozart. 

Comment  ne  pas  être  ra\  i  par  le  charme 
pittoresque,  la  perfection  des  détails,  la  déli- 
cieuse fraîcheur  a\'ec  lesquels  M""^'  Maquet  a 
conduit  le  Siegfried- Idy  II  de  Wagner,  ce 
bijou  musical  r 

Enfin  pour  la  première  fois  à  Lille  on 
inscrivait  à  un  programme  de  concert  une 
page  de  Smetana.  Tltava  est  un  poème  s\"m- 
phonique  original  et  pittoresque  ;  aux  thèmes 
très-descriptifs  et  d'une  belle  \enue,  harmo- 
nieusement enlacés  de  dessins  et  d'accom- 
pagnements d'une  extraordinaire  \ariété. 
L'interprétation  très-colorée,  pleine  de  mou- 
vement et  de  contrastes,  a  laissé  une  fraîche 
impression  de  poésie  et  de  grandeur. 

Ce  troisième  concert  de  la  saison  était 
donné  au  profit  des  Inondés  de  Paris,  sui\ant 
en  cela  la  parole  de  Liszt.  "  L'art  doit  être 
envisagé  comme  une  force  qui  rapproche  et 
unit  les  hommes.  "  Nous  eûmes  à  cette 
occasion     une    triomphale    exécution     de      La 


Maneillaise  arrangée  à  grand  orchestre  et 
double  choeur  par  Hector  Berlioz  ;  les  choris- 
tes l'ont  chantée  avec  une  réelle  puissance  et 
un  bel  enthousiasme,  tandis  que  M"""  Maquet- 
De\  ilder,  qui  la  conduisit  de  façon  remar- 
quable, reçut  du  public  de  frénétiques  ovations. 

P.    C. 

NANTES.  —  Nantes  à^vu  naître  cette 
année  deux  nouvelles  sociétés  de  musique  de 
chambre  :  le  trio  Hallez-MuUer-Jandin  et  la 
société  Beethoxen.  Chacune  a  donné  quatre 
concerts  très  sui\is. 

Le  tria  Hallez-Muller-Jandin  nous  a  don- 
né, entre  autres  œu\rcs  intéressantes,  le  déli- 
cieux trio  de  César  Franck,  le  "  trio  à 
l'Archiduc"  de  Beetho\en,  le  trio  op.  l8  dt- 
S^  Saëns  etc.;  nous  devons  téliciter  les  artis- 
tes pour  le  soin  qu'ils  ont  pris  d'obtenir  une 
mise  au  point  parfaite  et  une  exécution  abso- 
lument homogène.  M.  Mûller  nous  a  joué 
a\  ec  le  son  exquis  et  la  sûre  technique  qui  lui 
sont  habituels  la  sonate  à  Kreutzer  et  les 
sonates  de  C.  Franck  et  de  G.  Lekeu.  AL 
Jaiulin  nous  a  fait  le  plus  grand  plaisir  avec 
la  sonate  pour  \ioloncelle  et  piano  de  Grieg 
et  surtout  avec  la  sonate  de  Caix  d'Hcrvclois 
qui  a  toute  la  grâce  un  peu  compassée  de  la 
musique  du  début  du  XVIII''  siècle.  Enfin 
M"*-'  A.  Hallez  a  tenu  a\ec  le  jeu  souple  et 
varié  que  nous  lui  connaissons  la  partie  de 
piano. 

—  La  société  Beethox  en  a  été  fondée  cette 
année  par  MM.  Arcouët,  pianiste  et  Lonati, 
\ioloniste  qui  se  sont  adjoint  le  concours  de 
M.     Habin,    \ioloniste    et     de    ik'ux    an!j,e\ins 


i" 


Application 

ruisonnée  des 

meilleurs  procédés 

pédagogiques 

et  techniques 

em!>loyês  par  les 

grands  matt  es 

contemporains 

français 

et  étrangers. 


LEÇONS  de  PIANO 

VIOLONS,  SOLFÈGE  HARMONIE 

PAR  CORRESPONDANCE 

COURS    SINAT 

Rue    Franklin,    5.     TARIS  Trocadéro. 


L  '  A  C  T  U  A  L.  I  T  E     M   U  S  I  C  A  L  I<: 


105 


MM.  l^ailly,  altiste,  et  Ik-cker,  violoncelliste. 
Ces  artistes  nous  ont  donné  une  exécution 
excellente  des  difficiles  quatuors  à  corde  n""  8, 
9  et  10  de  Beethoven,  du  quintette  de  C 
Franck,  du  quatuor  avec  piano  (inachevé)  de 
Lekeu  et  d'un  quatuor  à  cordes  très  original 
de  Rimsky-Korsakow. 

M.  Lonati  a  exécuté  en  musicien  consommé 
la  sonate  n°  l  de  Schumànn  et  la  sonate 
(op.  30)  de  Beethoven.  M.  Bailly  a  rendu, 
avec  une  belle  maîtrise,  la  sonate  pour  alto  et 
piano  de  Rubinstein.  Quant  à  M.  Becker,  il 
nous  a  fait  connaître  l'œuvre  très  neuve  et 
très  originale  de  notre  compatriote  J.  de 
Gibon  :  concerto  en  mi  majeur  pour  violon- 
celle et  piano,  accompagné  par  l'auteur.  Enfin 
M.  Arcouët  nous  a  donné  une  exécution  hors 
de  pair  de  la  sonate  appasionata. 

—  Depuis  huit  années,  M.  R.  Herrmann, 
violoniste,  organise  des  concerts  très  goûtés 
des  amis  de  la  musique.  Ceux  de  cette  année 
ont  été  particulièrement  brillants  et  nous  ont 
permis  d'entendre  le  quatuor  féminin  Mor- 
trange-Pelletier,  M'^^  O'Déyé,  M.  P.  Viardot, 
M"^«  Auguez  de  Montalant,  M"''  Lucie 
Caffaret  et  M.  Rodolphe  Plamondon.  Je 
tiens  à  noter  le  remarquable  tempérament 
d'artiste  de  M^^'^  Caffaret,  une  toute  jeune 
pianiste  qui  joint,  à  une  parfaite  compréhension 
de  la  musique,  une  souplesse,  une  variété  et 
une  puissance  extraordinaires.  Elle  se  montra 
supérieure  dans  tous  les  génies  depuis  de  petites 
pièces  de  Rameau  jusqu'à  la  transcription  du 
Prélude  de  Messidor, 

J.  B. 

AUTUN.  —  Nous  avons  eu  en  Février  la 
satisfaction,  trop  rare  ici,  d'un  concert  de  vraie 
musique  donné  par  iXn  Quatuor  de  Paris  et 
deux  artistes  de  notre  ville  M.  et  M™*"  Pla- 
mondon. (M.  Plamondon  est  le  frère  de 
l'excellent  ténor  de  Paris).  Au  programme  : 
Andante  et  menuet  d'Haydn,  4*^  Quatuor  de 
Beethoven,  Andante  et  final  ilu  i^'  Quatuor 
de  Mozart,  i'"''  Acte  de  Lakmé,  etc. 

PAU.  —  La  Schola  fondée  à  Paris  par  le 
regretté    Charles    Bordes    reste     agissante    et 


l^rospère,  malgré  une  certaine  résistance  de  ses 
auditeurs  à  accueillir  les  œuvres  anciennes.. 
Elle  adonné  le  14  Février  un  beau  concert  avec 
le  concours  de  MM.  Bourgeois  et  Gibert  de 
la  Schola  de  J'aris. 

ROUJ{N.  —  Nous  sommes  obligés  de  re- 
mettre à  avril  la  lettre  de  Rouen  qui  nous 
parvient  trop  tard  et  qui  signale  l'inlassable 
activité  déployée  par  notre  collègue  madame 
Capoy,  pour  attirer  les  Normands  à  la  musi- 
cologie. 

GRENOBLE.  —  Le  très-probe  et  très- 
consciencieux  artiste   qu'est    A'î.  Edmond  Ar- 


Agence  Musicale  E.   DEMETS,  2,   rue  de  Louvois 

ORGAXISATION    DE   CONCERTS 

SALLE  DE  LA  SCHOLA  CANÏORUM. 

269,   RUE  ST.  JACQUES 


VENDREDI  18  MARS  1910,  à  9  heures  du  soir 

(ouverture   des   portes   a   s    h.    l\2] 


lîe  Antoinette  VeLUARD 


3me  RECITAL  DE  MUSIQUE  MODERNE 

1.  SONATE  .    .    .    .    , Paul  Duras 

I.  iModérément  vite 

II.  Calme  un  peu  lent  très  soutenu 
m.  Vivement  avec  légèreté 
IV,  Très-lent,  animé,  vif 

2.  PRELUDE,  CHORAL  et  FUGUE   .     .     César  Franck 

3.  SONATE  EN  MI Vincent  d'Indy 

I,  Jlodéré 
II.  Très  animé 
III,  Modéré 


SALLE  ERARD,  13  Rue  du  M.\il 


JEUDI   14  AVRIL  1910,    à  9  heures  du  soir 

(OUVERTURE  DES  PORTES  A  8  H.  I[2) 


4'"^'  RECITAL  AVEC  ORCHESTRE 

sous  la  direction  de  M,  VINCENT  D'INDY 


1.  CONCERTO  op.  54 

Allegro  affectuoso 
Intermezzo 
Allegro  vivace 

2.  VAR1-4TIONS  SYMPHONIQUES  , 

3.  CONCERTO   en  mi  b  majeur    .     . 

Allegro 
Adagio 
Rondo. 


.    CÉs.AR  Franck 

.      BEETHOVEN 


naud,  poursuivant  avec  autant  de  modestie  que 
de  talent  l'œuvre  qu'il  a  entreprise  depuis 
tantôt  dix  ans,  nous   a   offert  le  lo  février  un 


FACTEUR 

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PIANOS 


GAVEAU 


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Siège  Social:    45    et    47,    rue    de    la    Boëtie    (VIIIO    PARIS 


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MEMBRE  DU  JURY  —  HORS  CONCOURS 

Barcelone  1888,  Moscou  1891,  Chicago  1893,  Amsterdam  1895 
Paris  1900. 

DIPLÔMES  D'HONNEUR 

Amsterdam  1883,  Anvers  1885,  Bruxelles  1888. 

GRANDS   PRIX 

Hanoï  1893,  Liège  1905. 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


107 


excellent  concert  de  musique  de  chambre.  Les 
noms  d'André  Hekking  et  de  S.  Gillardini, 
aussi  bien  que  l'annonce  du  trio  en  si  à 
l'archiduc  Rodolphe  et  de  la  sonate  de  Franck, 
avaient  plus  que  rempli  la  médiocre  et  disgra- 
cieuse Salle  des  Concerts  de   l'Hôtel   de  Ville. 

Une  seconde  fois,  le  10  février,  la  sonate 
de  Franck  nous  fut  donnée,  mais  avec  moins 
de  sûreté  et  surtout  d'homogénéité,  par  un 
jeune  violoniste  local,  M.  Graen,  qu'accom- 
pagnait —  ou  plutôt  qui  accompagnait  M. 
Lazare-Lévy.  Celui-ci  nous  donna  ensuite, 
avec  moins  de  flamme  que  de  correction,  le 
Nocturne  de  Fauré,  la  Fête-Dieu  à  Séville 
d'Albeniz,  et  les  légendes  consacrées  par  Liszt 
à  2  de  ses  patrons. 

Enfin,  le  24  février,  M"*^  Yvonne  Tardy, 
la  plus  récente  et  aussi  la  plus  séduisante 
illustration  d'une  famille  de  musiciens  greno- 
blois, a  magistralement  exécuté  avec  le  Quatuor 
Zimmer,  que  notre  ville  ne  se  lasse  pas  d'en- 
tendre, un  programme  d'un  exceptionnel 
intérêt  :  quatuor  en  ut  min.  piano  et  cordes  de 
Schubert  (la  jeune  fille  et  la  mort)  ;  enfin  ce 
que  la  critique  locale  appelle  "  la  triomphe 
quintette  "  de  Franck. 

André  Allix. 


ISelgique. 

BRUXELLES.  —  Les  concerts  ont  repris 
de  plus  belle  après  l'arrêt  momentané  causé 
par  le  deuil  de  la  Cour.  Je  ne  crois  pas  que 
l'on  entendit  jamais,  à  Bruxelles,  autant  de 
musique,  de  bonne  musique.  On  aurait  tort 
vraiment  d'encore  se  plaindre  du  public  :  il 
est  indéniable  que  son  éducation  a  fait  d'im- 
menses progrès.  Et  je  n'en  veux  pour  preuve 
que  l'opinion  que  m'exprimait  un  de  nos  plus 
brillants  artistes  du  clavier.  "  Il  est  intéressant 
de  remarquer  l'évolution  accomplie  depuis  quel- 
ques aniîées  par  le  goût  du  public.  Réunir  une 
chambrée  complète  pour  entendre  uniquement 
des  œuvres  de  Franck  dont  certaines,  comme 
Prélude,  Aria,  et  Fugue,  sont  ardues  pour  le 
profane,  et  de  grande  envergure  ;  et  retenir  ce 
public,  pendant  2  heures  ^^  sans  qu'il  se  lasse. 


prouve  cjuc  I  on  peut  maintenant,  au  concert, 
aborder  sans  crainte  les  œuvres  de  pure 
musicalité,  et  lais'^er  désormais,  les  ctuvres 
de  pure  virtuosité  où  l'on  ne  peut  briller 
que  par  des  eiîets  factices,  souvent  peu 
musicaux.  "  Ce  qui  est  vrai  pour  Franck  l'est 
pour  Beethoven,  pour  Schumann,pour  Schubert 

—  pour  Bach,  pour  Monteverde,  pour  Boro- 
dine,   Moussorgsky,   Dukas,   Ravel,   Debussy. 

—  C'est  vrai  pour  les  anciens  et  pour  les 
modernes  :  ce  sera  vrai  aussi  pour  les  com- 
positeurs belges  quand  ils  "  voudront  ", 
enfin,  quitter  leur  ombre,  laborieuse  et  féconde, 
je  veux  bien,  mais  qui  nous  prive  d'un  rayon 
particulièrement  cher.  Les  mercantis  se  trom- 
pent, voire  jusque  dans  leur  plus  vils  calculs,  la 
foule  est  tout  prête  à  imposer  elle-même  notre 
Art.  —  Vox  populi,  Vox  Dei. 

A  La  Monnaie.  —  M.  Van  Rooy  a  rem- 
porté un  succès  considérable,  et  dont  il  gardera 
souvenir.  L'artiste,  d'ailleurs,  est  en  tous  points 
admirable  ;  voix  souple  et  sûre  ;  incarnation 
fidèle  et  inspirée  ;  culture  musicale  et  artistique 
très  complète.  Il  a  rendu  hommage  au  public 
bruxellois,  qui  lui  parut  des  plus  subtils,  des 
plus  intelligents  et  sympathiques. 

Le  quatrième  Concert  Durant  était  consacré 
à  Haendel,  —  Bach   —  Brahms,   —   Mozart 

—  et  d'Indy.  —  M.  Capet  y  prêtait  son  con- 
cours. Il  fut  irréprochable,  et  distingué.  Les 
concertos  en  mi  majeur  de  Bach,  et  de  Brahms 
furent  tout  spécialement  goûtés.  Par  contre,  la 
sérénade  en  si  bémol  de  Mozart  d'une  exécu- 
tion moins  heureuse,  et  d'un  caractère  assez 
étrange,  n'eut  pas  l'heur  de  nous  charmer. 
Confessons  d'ailleurs  notre  peu  d'enthousiasme, 
à  l'ordinaire  pour  la  musique,  pourtant  intan- 
gible, du  divin  Mozart.  —  Question  de  tem- 
pérament, sans  doute. — La  séance  se  terminait 
par  le  Camp  de  TVaîlemtein^^Q  Vincent  d'Indy. 
Cette  composition  mouvementée  fut  très  bien 
enlevée  par  l'orchestre,  que  M.  Durant  conduit 
décidément  aux  bonnes  conquêtes. 

Le  5'^  Concert  Durant  avait  au  programme 
la  2®  symphonie  en  si  mineur  de  Borodine^  de 
caractère  original  ;  le  2*"  concerto  de  S^  Saëns, 
qui  interprétait  M.  Jos.  Uo/Iman,  l'excellent 
violoncelliste,    l'Andante  de  Maligyie.,  V  Ah  end- 


io8 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


lied  de  Schumann^le  Tasse  de  Liszt,  et  V  Apprenti 
Sorcier,  l'œuvre  célèbre  de  Dukas.  Le  plus  grand 
succès  fut  fait  au  virtuose  et  à  Torchestre. 

Au  Conservatoire  :  Bach, Beethoven  et  Brahms 
firent  le  programme  de  la  première  auditif)n. 
La  septième  symphonie  de  Beetho\en,  bien 
interprétée  par  M,  Tinel,  fit  passer  la  grande 
âme  chantante  du  Maître  sur  un  auditoire 
recueilli.  De  Brahms  :  deux  partitions  :  La 
Nanie  et  le  Chant  des  Parques,  pour  chœurs  et 
orchestre,  —  empreintes  d'une  belle  élévation, 
dans  une  forme  rigoureusement  classicjue. 
UActus  Tragicus  de  Bach  terminait  le  concert. 
Inutile  de  dire  combien  M.  Tinel  possède  le 
style  et  l'ampleur,  pénètre  l'art  et  la  pensée  de 
ces  œuvres,  qu'il  ressuscite  véritablement,  — 
a\ec  un  soin  tout  religieux. 

M.  Théo  Isaxe,  a  donné,  salle  Patria,  une 
fort  belle  audition  a\ec  le  concours  du  \ioloniste 
hongrois  Szigeti,  de  M"''  Denise  Callemen 
du  théâtre  lyrique  d'Anvers,  et  de  l'orchestre 
des  concerts  Isaye. 

J-^xcellente  interprétation  d'un  concerto  de 
Tschaikowsky,  une  chanson  de  Bach  — dont 
le  nom  s'inscrit  à  tous  les  programmes  de  la 
saison  — et  d'un  "  Rêve  de  sorcière"  d'Arnold 

—  un  jeune,  dont  le  talent  se  manifeste  sous 
des  formes  autant  multiples  que  distinguées. 
Ces  compositions,  dans  lesquelles  il  serait 
difficile  de  discerner  une  personnalité  bien 
consistante  révèlent  néanmoins  une  connais- 
sance souvent  profonde  de  la  science  musi- 
cale. — 

Le  progratvme  du  4''  concert  Isaye,  avec  le 
concours  de  M.  Pablo  Casais,  le  célèbre 
violoncelliste,  comportait  :  i.  Symphonie  n"  4, 
de  Mendclssohn.  —  2.  Concerto  de  Schuniann. 

—  3.  A.  Prélude-,  H.  Danse,  (première  exécu- 
tion) de  J.  Jongen.  —  4.  Concerto  en  ré 
majeur   d'Haydn.  —  5.   Catalona,  de  Albeni/.. 

Ce  superbe  programme  jouit  d'une  interpré- 
tation parfaite,  sous  la  conduite  ilu  très  artiste 
M.  Théo  Isaye,  et  grâce  au  i<u  tout  en  nuan- 
ces de  M.  Casais. 

Le  cercle  artistique  a  comménioié  le  iiiUe- 
naired'Haydn,avec  la  participation  du  (juatuor 
Rosé,  de  Vienne. 


Le  pianiste  Emile  Sauer,  toujours  pres- 
tigieux, je  dirais  \olontiers  "  acrobatique  " 
a  fait  une  fois  de  plus  apprécier  son  extraor- 
dinaire virtuosité  dans  "  l'appassionata  "  de 
Beethoven  ;  la  sonate  op  35  de  Chopin,  le  pré- 
lude op  104  de  Mendeissohn,  le  "Clair  de 
lune  "  si  délicatement  inspiré,  si  subtil,  de 
Debussy,  et  dans  quelques  études  de  sa  com- 
position. 

Le  groupe  de  Compositeurs  a  donné  sa  première 
séance.  Elle  fut  malheureusement  consacrée 
à  des  compositions  peu  intéressantes,  en  som- 
me, et  nous  le  regrettons  sincèrement  ;  de 
telles  "  fautes",  quelque  pieuse  pensée  trouvent- 
elles  pnir  excuse,  il  faut  le  dire  franche- 
ment, sont  de  nature  à  mettre  le  public, 
en  défiance.  Espérons  que  les  prochaine-- 
auditions  seront  plus  audacieuses  —  c'est  nécLs- 
saire,  c'est  urgent.  Il  ne  manque  pas.  Dieu 
merci,  de  compositeurs  remarquables,  d'artistes 
éniinents,  au  sein  du  groupe  ;  cet  organisme 
doit  prendre  effecti\ement  la  première  place, 
dans  la  musique  belge  :  elle  lui  re\  ient  à  tous 
les  titres. 

Le  quatuor  Piano  et  Archets  :  continue  la  série 
de  ses  très  belles  séances.  La  quatrième  avait 
pour  programme  :  trio  en  ta  majeur  de  IVlozart 
quatuor  en  ut  mineur,  op  15,  de  Fauré —  er 
le  cjuintette  de  f^^anck.  —  .A.xec  ce  souci  de 
l'interprétation  impeccable  et  la  compréhen- 
sion délicate  qui  les  caractérise,  les  artistr^ 
surent  gagner  la  croi>sante  sympathie  de 
l'auditoire.  —  A  noter  que  la  partie  de 
deuxième  violon  lut  excellement  tenue  par 
M"''  Delstanche,  qui  fut  remarquée  déjà  |-iar 
notre  correspondant  liégeois,  M.  le  docteui 
I  )\vilshauvvers. 

.1/"'  Clémence  De  Cock  :  trouve  un  >ucces 
très  encourageant,  à  son  récital  de  la  grande 
Harmoin'e.  L'artiste  témoigne  d'une  bonne 
technii|ue  ipi'clie  ne  peut  manquer  île  lair( 
appréciiM"  mieux  iiuorcJorMjue  M)n  réel  talent 
secoiulera  avec  plus  de  souplesse,  l'émotion 
plus  vibrante. 

.W"''  hlnniiii  He.iuck  nous  a  offert  ilans  la 
très  jolie  salle,  modern-st\  le  de  sa  villa  Avenue 
des  Fleurs,  l'extiuis  plaisir  d'uiu'  lunne  musi- 
cale de  la  plus  pui'e  élév  ation.  Vue  voix  jeune," 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


109 


aux  intonations  merveilleusement  souples,  en- 
veloppantes et  chaudes.  —  Une  belle  égalité 
d'émission,  nuancée,  une  diction  caressante  et 
A'ive,  un  art  enfin,  de  distinction  et  de  finesse. 

Au  programme  :  J.  S.  Bach,  A.  Stradella, 
Benati,  Franck,  Borodine. 

Le  piano  était  tenu  par  M"''  Devos,  une 
artiste  de  tempérament  tout  à  fait  remarquable. 
Elle  eut  grande  part  des  applaudissements  — 
d'ailleurs  regrettables,  vu  qu'ils  détruisent  par 
leur  insupportable  claquement  d'hélices,  l'im- 
pression encore  flottante  après  chaque  audition. 
,  Le  pianiste  Charles  Delgouffre^  avec  le  con- 
cours du  violoniste  Ed.  Lambert,  de  Madame 
Lambert,  cantatrice,  et  de  M'"®  B.  donnait, 
en  la  salle  Erard,  (le  18  de  ce  mois)  une  séance 
César  Franck. 

Au  programme  :  he  Vase  Brise.  Roses  et 
'Papillons.  Nocturne.  Mariage  des  Roses,  l'admi- 
rable Sonate.  Prélude.  Air  et  final. 

M.  Charles  Delgouffre  est  un  virtuose,  pour 
qui  le  clavier  n'a  point  de  secret,  c'est  aussi 
un  artiste.  M.  Lambert  et  lui  firent  apprécier 
dans  la  sonate,  la  beauté  d'un  sentiment  élevé 
d'une  grand  style. 

M""^'  B...  joua  adorablement  les  pièces 
d'harmonium.  Les  lieder  furent  chantés  par 
M""*  Lambert.  Une  salle  comble  rappela  les 
artistes  après  chaque  exécution, 

7  La  fanfare  royale  "  Phalange  artistique" 
(directeur  :  M.  J.  E.  Strauwen)  a  donné  son 
4*"  concert  à  l'Alhambra,  l'excellence  de  cette 
société  n'est  plus  à  dire  ;  elle  possède  des 
éléments  de  tout  premier  choix,  et  sa  Direction 
est  confiée  à  un  musicien  consommé.  Il  tire 
de  cet  incomparable  clavier  sonore,  bien  équi- 
libré, de  puissants  effets  musicaux. 

La  chorale  de  Maestrichter  Star,  masse  de 
228  chanteurs,  compose  un  ensemble  plus 
impressionnant,  encore,  et  il  faut  en  féliciter 
M.  Gielen,  ainsi  que  les  participants,  des 
amateurs  fort  bien  éduqués.  Le  succès  de  ces 
deux  sociétés  fut  très  vif,  au  milieu  d'une 
assistance  compacte. 

M.  Deru,  le  violoniste  bien  connu,  prêtait 
l'attrait  de  son  concours  à  la  séaiice.  Il  fut 
fêté  ! 

yj^iie  Q^  Tamhuyser  s'est  fait  applaudir,  à  son 


récital  de  piano,  doinié  le  i'''  mars  au  Palais 
des  Arts.  Le  prcjgramme,  —  peu  audacieux,  — 
mit  en  valeur  une  virtuosité  remarquable,  et 
un  sentiment  souvent  personnel  dans  l'inter- 
prétation. La  jeune  artiste   promet   beaucoup. 

Nous  avons  appris,  avec  le  plus  vif  plaisir, 
le  triomphal  succès  remporté  à  Vienne  par 
notre  ami  M.  Gulry  Isaye,  fils  du  grand 
violoniste  et  violoniste  lui-même.  —  Le  talent 
de  M.  G.  Isaye  se  montre  digne,  et  c'est 
loyal  compliment  —  d'une  glorieuse  renom- 
mée. —  Nos  félicitations. 

La  musique  à  V Exposition.  —  L'inaugura- 
tion se  fera,  le  23  avril  par  une  ouverture 
solennelle  pour  grand  orchestre  de  M.  Paul 
Gilson.  Il  y  aura  ensuite  toute  une  série  de 
concerts  soit  purement  symphoniques,  soit  à 
la  fois  symphoniques  et  choraux,  dont  l'en- 
semble constituera  une  sorte  de  revue  inter- 
nationale de  la  musique. 

En  mai,  on  entendra  un  concert  de  l'orches- 
tre et  des  chœurs  du  Conservatoire  royal  de 
Bruxelles,  sous  la  direction  de  M.  E.Tinel  ;  en 
juin,  une  exécution  de  Franciscus,  de  M.Tinel, 
sous  la  direction  de  M.  Sylvain  Dupuis  avec 
le  concours  de  l'orchestre  et  des  chœurs  du 
théâtre  de  la  Monnaie  renforcés  ;  un  concert 
par  l'orchestre  Ysaye,  dans  lequel  l'illustre 
violoniste  belge  jouera  un  concerto  de  Vieux- 
temps  et  dirigera  les  Béatitudes  de  César 
Franck  ;  puis,  trois  concerts  entièrement  con- 
sacrés à  la  musique  et  aux  virtuoses  belges, 
sous  la  direction  de  M.  François  Rasse.  A  un 
de  ces  concerts  on  entendra  pour  la  première 
fois  une  nouvelle  composition  de  M.  Léon 
Dubois,  Nos  Carillons,  pour  petit  orchestre  et 
voix  d'enfants.  Au  mois  d'août,  l'orchestre  et 
les  grands  chœurs  du  Benoit's  Fond  d'Anvers 
viendront  donner  une  exécution  intégrale  de 
la  Rubens-Kantate  de  Benoit. 

Le  9  juillet,  l'illustre  orchestre  du  Conser- 
vatoire de  Paris  viendra  au  grand  complet 
sous  la  direction  de  son  chef,  M,  André 
Messager,  donner  une  audition  de  musique 
française.  Un  peu  plus  tard  se  donnera  un 
concert  allemand,  probablement  sous  la  direc- 
tion de  M.  Steinbach,  avec,  au  programme, 
du  Brahms,  du   Bach   et   la    9*  symphonie  de 


F.  CHATENET 


Photographie  documentaire 
et    artistique     


67,    rue    des    Batignolles,    67,     PARIS. 


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Par  ce  procédé,  la  Maison  CHATEXET  a  fourni  aux   Bénédictins 
de  Solesmes  pour  leur   Paléographie  plus  de  40.000  photographies. 

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'  BWk-VBR'  -"PÏC- 


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i.xir.iit   du   rt)iii.in   de    i'.iuvcl   (1313)   public  en   rc|>ruciuctioii   phulographique. 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


r  I  I 


Beethoven.  Un  concert  de  musique  espagnole, 
qui  ne  manquera  certes  pas  d'intérêt,  se  don- 
nera par  un  des  célèbres  chorals  de  Barcelone, 

11  est  question  encore  d'un  concert  italien, 
au  sujet  duquel  des  pourparlers  sont  engagés  ; 
peut-être  aussi  fera-t-on  un  conceit  russe  et 
un  concert  anglais. 

Au  théâtre  de  la  Monnaie  il  y  aura  en  mai 
et  juin  une  série  de  représentations  extra- 
ordinaires, un  véritable  festival  dramatique, 
auquel  participeront  les  artistes  les  plus  cé- 
lèbres du  moment  :  représentations  italiennes, 
représentations  d'opéra  et  de  ballet  russes,  le 
Ring  en  allemand  avec  les  interprètes  de 
Munich  et  de  Ba)M-euth,  le  cycle  de  Gluck 
en  une  semaine,  enfin  Elektro  et  Salo?né  de 
R.  Strauss. 

Don  Juan^  opéra  en  2  parties,  de  W.  A. 
Mozart,  (nouvelle  version  française  de  A. 
Maquaire)  sera  donné  en  répétition  générale 
publique  le  l8  mars,  au  profit  des  inondés  de 
France,  sous  les  auspices  de  la  société  belge  : 
la  Villégiature  scolaire  d'' Ixelles.  [Théâtre  Varia). 

Cette  œuvre  fait  partie  du  répertoire  de  la 
tournée  de  vulgarisation  entreprise  par  l'im- 
presario-compositeur  Maquaire,  en  Belgique 
et  Nord  de  la  France.  —  M.  Maquaire  nous 
prie  de  faire  appel  aux  compositeurs  belges, 
dont  il  est  un  admirateur  dévoué,  pour  la 
représentation  d'' ouvrages  e?!  un  acte. —  Adresse  : 
à  Boitsfort. 

—  Bibliographie.  —  Publications  musicales. 
Chez  Schott  :  rue  Coudenberg,  Bruxelles. 
Jean  Strauwen  :  Nocturnes  pour  violoncelle  et 

piano. 
Jean  Strauwen  :    Canzonetta   pour   violoncelle 

et  piano. 
L.  TVahier  :  Berceuses  pour  alto. 

id.        :  Rhapsodie  russe  pour  alto. 
Joseph  Jongen  :  trois  pièces  pour  orgue. 
/.  Callaerts  :  Album  pour  orgue.  —    5  pièces 
pour  orgue. 
Chez    Lauweryns,    rue     du     Treurenberg, 
Bruxelles. 

Carlo  Guillaujne  :  Charmeuse,  valse  pour  piano. 
id.  Idylle,  id.  id. 

id.  Gavotte,  id.  id. 


—  LivRKs.  —  Jules  Caniauer.  Essai  de 
critique  musicale  :  Edgard  Tinel,  opus  40  et 
opus  41.  (Breitkopf  et  Haërtcl,  iJiuxelles.) 

Ce  livret  témoigne  d'une  connaissance 
musicologique  étendue,  et  d'un  bel  enthou- 
siasme M.  Camauer  tient  une  plume  alerte  ; 
il  l'a  vouée  à  la  défense  des  traditions  à  l'école 
du  cliant.  "  La  voix  humaine,  dit-il,  est  l'ex- 
pression directe  de  l'ame,  "  et  nous  sommes  en 
cela  tout  à  fait  d'accord  avec  lui.  Selon  Madame 
De  Bériot  Malibran,  il  veut  que  quiconque 
chante, apprenne  d'abord  à  poser  la  voix,  à 
articuler  la  parole,  à  rejeter  le  timbre  guttural, 
et  le  timbre  nasal.  Parfaitement.  Edgard  Tinel, 
pour  qui  le  critique  professe  une  vénération  à 
laquelle  il  nous  plaît  de  rendre  Jiommage, 
possède  l'art  d'écrire  merveilleusement  pour  la 
voix.  Voyez  son  opus  42  et  son  opus  40. 

Mais  M.  Cam.aiier  manie  l'étrix'ière,  sans 
merci,  pour  les  diciples  et  admirateurs  de 
Ravel  et  Debussy,  "jeunes  illuminés  d'une 
petite  école  "  ;  et  il  exagère  certainement. 
Si  le  génie  de  Wagner  fait  pardonner  les  dis- 
sonances "  excessivement  "  hardies  qu'il  s'est 
permises,  pouiquoi  donc  Debussy  n'aurait-il 
pas  la  même  excuse  r  L'harmonie  n'a  certes  pas 
une  seule  forme  —  celle  qu'affectionne  M. 
Camauer, —  les  jeunes  illuminés  d'aujourd'hui 
seront,  demain  les  classiques,  et  leur  vérité 
vaut  bien  la  vérité  d'hier. 

R.  L. 

LIEGE,  I  5  février.  —  Le  récital  de  piano 
donné  par  notre  compatriote  Louis  Closson  — 
l'un  des  meilleurs  élèves  de  Busoni  —  a  fait 
sensation.  Il  possède  un  mécanisme  étonnant 
d'habileté,  un  son  d'une  rare  puissance,  un  jeu 
viril  et  coloré.  Son  interprétation  de  Bach  et 
de  Liszt  est  remarquable. 

M"®  Léonie  Neutelaers,  élève  de  M.  Jules 
Ghymers,  a  fait  preuve  par  contre  d'une  dis- 
tinction toute  féminine  dans  le  concerto  en  sol 
mineur  de  Mendelssohn,  à  l'Audition  dirigée 
par  M.  Jaspar.  Ce  dernier  a  donné  une  bonne 
interprétation  de  la  symphonie  en  si  bémol  de 
Schumann. 

A  l'Œuvre  des  Artistes,  le  Quator  Charlier 
a  fait  entendre  le  très  intéressant  Quatuor  n°  3 


I  I  2 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


en  la  mineur  de  Scontrino,  si  différent  des 
œuvres  classiques  mais  imprégné  d'un  charme 
étrange,  exotique  un  peu.  Cette  page  vétilleuse 
était  excellemment  exécutée.  Ajoutons  qu'à  la 
même  séance,  M^''  Marguerite  RoUet  a  rem- 
porté un  beau  succès  en  interprétant  avec  l'art 
qu'on  sait  des  mélodies  de  Chabrier,  Chauson, 
Fauré,  Debussy  et  de  Castéra. 

Deux  verviétois  se  sont  partagé  le  reste  de 
l'intérêt. 

Les  œuvres  du  regretté  Lekeu  faisaient 
l'objet  d'une  audition  arrangée  par  M'"^  Marthe 
Lorrain  et  à  laquelle  collaboraient  des  mem- 
bres du  cercle  "  Piano  et  Archets  ".  l^a  musi- 
que de  Lekeu  —  mort  à  24  ans  !  —  a  con- 
servé une  vivacité  d'expression  singulière,  elle 
est  presque  plus  "  neuve  "  qu'il  y  a  seize  ans  ! 
Rien  de  vieilli,  rien  de  passé.  C'est  la  marque 
des  pensées  profondes. 

Le  poème  symphonique  ÎP  erther  de  M. 
Victor  Vreuls  que  son  auteur  dirigea  au  Con- 
cert Debefve  a  remporté  un  très  grand  et  très 
sympathique  succès.  La  partition  paraît  sur- 
chargée à  la  lecture  et  exige  la  collaboration 
de  102  musiciens.  Mais  à  l'audition,  grâce  à 
l'excellent  équilibre  sonore  que  l'auteur  obtient, 
la  belle  et  riche  mélodie  est  mise  en  vedette, 
l'œuvre  chante  et  impressioJine.  A  côté  de  sa 
science,  c'est  une  page  inspirée,  dramatique, 
d'une  psychologie  profonde  et  d'une  grande 
beauté  de  timbres.  L'emploi  des  saxophones  et 
du  bugle  obligé,  qui  souvent  jouent  à  décou- 
vert, lui  donne  un  coloris  très  neuf. 

D""  DWELSHAI'WERS. 

—  Représentation  de  Noi'l Sanglant  de  M. 
Fernand  Mawet.  '  Cette  (tnivre  du  début,  au 
théâtre,  de  l'excellent  compositeur,  est  très 
attachante  par  l'emploi  de  thèmes  populaires, 
noirls  et  cramignf)ns  liégeois  ;  au  surplus,  M. 
Mawet  y  déploie  les  ressources  d'un  talent 
distingué  et  d'une  iirotonde  érudition. 

NOMINATION.  —  M.  Mathu-u  Crick- 
boom  est  nommé  professeur  de  violon  au 
conservatoire    de    Liège.  C'est  Lilgi'  (|ue  nous 

'  Frère  de  M.  Lucien  Ma«ct.  — 


félicitons  de  s'être  attaché  l'enseignement  d'un 
tel  artiste  —  qui  l'honore  d'une  mondiale 
consécration. 

ALALINES.  —  La  \ie  artistique  ne  se 
manifeste  en  ces  derniers  temps  que  d'une 
fiiçon  très  modeste.  Deux  ou  trois  expositions 
de  peinture,  quelques  concerts  en  général  fort 
médiocres,  \oilà  le  bilan  de  la  saison.  Est-ce 
au  voisinage  de  Bruxelles,  dont  les  concerts  et 
théâtres  attirent  le  public  malinois,  qu'il  faut 
attribuer  cette  absence  regrettable  de  manifes- 
tations d'art  r 

Le  manque  total  d'auditions  de  bonne 
musique  ne  signifie  pourtant  pas  que  tout 
mouvement  musical  ait  cessé  ici  ;  mais  ce 
mouvement  se  fait  jour  d'une  toute  autre 
façon  que  par  des  concerts  et  des  représenta- 
tions théâtrales.  A  l'instar  de  ce  qui  se  fait  à 
Anvers,  la  section  du  "  Algemeen  Nedeilandsch 
Verbond  "  a  entrepris  d'améliorer  le  mauvais 
goût  musical  du  peuple.  C'est  là  un  but  fort 
louable,  et  qui  mérite  d'attirer  l'attention  de 
tous  les  amis  de  notre  art. 

A  cet  effet,  des  "  Soirris  dr  chant  pour  le 
peuple  "  ont  été  instituées.  Plusieurs  amateurs 
de  musique  y  enseignent  au  public,  a\ec  une 
patience  admirable,  des  chansons  populaires 
anciennes  et  modernes,  des  chansons  saines, 
dont  la  musique  ne  nous  vient  pas  des  cafés- 
concerts  de  la  capitale.  Les  professeurs  chan- 
tent les  airs  strophe  par  strophe,  les  élèves  les 
reprennent  en  chœur,  on  corrige  leur  manière 
de  chanter  et  de  prononcer. 

II  \'ient  à  ces  réuni(Mis  des  gens  de  tous  âges 
et  lie  toutes  eonditii)ns,  t't  le  public  se  tait  de 
plus  en  plus  nombreux,  niorurant  ainsi  le 
goût  i|u'il  prenil  à  ces  séances  iiuéressantes. 
Les  résultats  sont  tout-à-tait  concluants.  Déjà, 
après  trois  mois  île  tia\ail,  on  peut  constater 
c|ue  les  efîorts  n'ont  pas  été  dépensés  vaine- 
ment. Peu  à  peu,  les  chansons  insipides  et 
malsaines  commencent  à  taire  place  aux  bon- 
nes mélodies  ilans  le  répertoire  des  ménagères. 
C'est  :uissi  une  gr.iiule  satisfaction  et  un  bon 
stimulant  pour  les  organisateurs,  que  d'enten- 
dre parfois  les  ouvriers  à  leur  travail  chanter 
les  airs  (ju'ils  viennent  apprendre  le  jeudi  soir, 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


Ï13 


et   cela   non    pas   en    un    vulgaire  patois,  mais 
en  un  langage  convenable. 

Il  est  à  espérer  que  dans  quelque  temps  les 
vaillants  organisateurs  de  ces  soirées  de  chant 
présenteront  au  peuple,  par  voie  progressive, 
les  purs  chefs-d'œuvre  de  la  musique.  Peut- 
être  alors,  quand  le  public  goûtera  notre  art, 
y  aura-t-il  moyen  de  donner  de  beaux  con- 
certs à  Malines.  Paul  C. 

ANVERS.  —  Théâtre  Royal.  —  Nous 
avons  eu  une  série  de  Grands  Galas  de  bien- 
faisance, tous  réussis,  tant  au  point  de  vue 
artistique  que  financier. 

Les  Sourds  Muets  choisirent  "  Le  Chemi- 
neau  ",  le  drame  empoignant  de  Jean  Riche- 
pin,  si  superbement  inspiré  par  Xavier  Leroux 
et  Henri  Albers,  de  l'Opéra  Comique,  a  ravi 
son  auditoire  grâce  à  sa  voix  toujours  ample  et 
son  jeu  impeccable  et  étudié.  M^^'^  Demellier, 
qui  nous  vint  également  de  la  salle  Favart,  ne 
m'a  guère  enthousiasmé. 

La  Tuberculose  nous  offrit  "Carmen  ".  M'"'^ 
Breval  fut  une  intéressante  bohémienne,  avec 
gestes  nouveaux  et  jeux  de  scène  du  meilleur 
goût.  Jadis  elle  remporta  d'immenses  succès 
comme  chanteuse.  Son  partenaire  fut  Muratore, 
de  l'Opéra,  un  peu  lourd  comme  jeu,  mais 
fort  joli  garçon.  La  voix  ne  manque  pas  de 
charme,  mais  elle  a  une  tendance  au  chevrotte- 
ment. 

M.  Noté,  toujours  le  merveilleux  baryton 
que  tout  le  monde  connaît,  prêta  son  concours 
dans  "  Rigoletto  "  pour  les  Aveugles.  Je  vous 
laisse  à  penser  l'ovation  que  déchaîna  le  célèbre 
duo  avec  M™''  Rossi,  notre  brillante  chanteuse 
légère.  La  page  fut  bissée.  Le  duc  de  Mantoue 
fut  M.  Dubois,  encore  de  l'Opéra  :  timbre 
toujours  fort  agréable,  et  acteur  plein  de  dis- 
tinction. 

xA  part  ces  grands  galas,  nous  avons  eu  les 
soirées  à  honneur  ou  à  bénéfice,  comme  vous 
voulez.  M™*^  Rossi,  l'idole  de  la  troupe  fut 
fêtée  et  fleurie  dans  Gilda  de  "  Rigoletto." 

jyj^me  ]?tty,  notre  jeune  falcon,  qui  promet 
pour  l'avenir,  a  pu  voir  dans  "  Hérodiade  " 
que  le  public  lui  sait  gré  de  ses  progrès. 

Quant  à  M.  Girod,    que    la    Monnaie  s'est 


assuré  pour  trois  années  consécutives,  il  a 
triomplié  en  Don  José  ;  fleurs,  cadeaux,  rap- 
pels, rien  ne  manquait. 

Abonnement  courant,  nous  eûmes  un  oiseau 
de  passage  :  M.  Imbart  de  hr  Tour  dans  Raoul 
de  Nangis.  Comédien  incomparable,  il  pro- 
voqua cinq  rappels  après  le  quatrième  acte. 
Je  ne  dirai  rien  du  chanteur,  pour  ne  pas 
blesser  un  artiste  qui  a  eu  une  carrière  glorieuse, 
et  dont  les  leçons  profiteront  à  bien  des  jeunes 
commençants. 

Enfin,  toujours  pendant  le  même  mois,  en 
présence  de  l'auteur  M.  Félix  Fourdrain,  on  a 
créé  avec  un  succès  inoui  "  La  Glaneuse  "  : 
le  compositeur  fut  traîné  devant  le  public  et 
vint  saluer  un  auditoire  emballé.  Interprétation 
hors  ligne  confiée  à  M""'''  Gavelle,  Rossi  ; 
MM.  Girod,  Mezy,  Hardy.  Excellent,  l'or- 
chestre sous  la  direction  de  M.  Bovy. 

—  Opéra  Flamand.  —  On  vient  de  mon- 
ter "  Amours  de  Brigands  "  ;  M.  Paul  Gilson 
a  écrit  une  musique  délicate,  prenante,  pleine 
de  sentiment  sur  un  livret  peu  heureux.  C'est 
dommage  pour  l'éminent  compositeur.  ^ 

La  première  de  "  Zigeunerbaron  ",  par 
Johan  Strauss,  eut  plus  de  succès  ;  le  public 
s'est  laissé  prendre  aux  flonflons  légers  du 
gracieux  musicien. 

M™*^  Feltesse,  la  forte  chanteuse,  a  été  fêtée 
dans  "  la  Walkyrie  "  ;  son  réengagement  pour 
la  saison  prochaine  a  été  accueilli  par  un  ton- 
nerre de  bravos. 

"  L'Or  du  Rhin  ",  avec  le  brillant  concours 
d'Ernest  Van  Dyck  a  fait  sensation.  Interpré- 
tation parfaite.  Recettes  :  quinze  mille  francs 
nets  pour  "  Le  Lait  pour  les  Petits  ".Brillant 
résultat,  et  félicitations  aux  organisateurs. 

—  ]y[me  jjg^  Isori,  la  célèbre  cantatrice 
florentine,  des  concerts  de  la  "Libéra  Estetica" 
a  donné  une  audition  de  douze  petites  œuvres 
de  maîtres  italiens  du  "  bel  canto  "  du  XVI, 
XVII  et  XVIII  siècle.  Les  membres  de  la  "  So- 
ciété Royale  d'Harmonie  "  lui  ont  fait  un  succès 
réel. 

Georges  de  Gers. 

^  Nous  parlerons  de  cette  dernière  œuvre  du  Maître 
de  façon  complète  dans  une  étude  prochaine. 


114 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


CHARLEROI.  —  20  Février.  —  Le 
"  Foyer  d'Ârt^  "  cercle  d'expansion  et  de 
décentralisation  artistique  et  littéraire,  nous  a 
donné  une  séance  de  sonates  d'un  grand 
intérêt. 

Au  programme  : 

l"  Sonate  n"  3  en  sol  mineur  pour  piano  et 
violoncelle,  de  Haendel. 

2"  Sonate  en  fa  majeur  pour  piano  et  vio- 
loncelle, op.  4,  de  VVilhem  de  Fesch  (1695- 
1758). 

3"  Sonate  en  ta  majeur  pour  piano  et  violon 
op  24  de  L.  Van  Beethoven. 

4"  Adagio  de'  Mozart  et  Presto  d'Haydn 
pour  piano  et  violoncelle. 

5"  Sonate  en  fa  majeur  pour  piano  et  violon, 
op  8,  de  Grieg. 

6"  Petites  pièces  de  R.  Schumann  pour 
piano  et  violon. 

Exécutants:  MM.  Henri  Van  Hecke,  vio- 
loniste, Louis  Miry,  violoncelliste,  Francis  de 
Bourguignon,  pianiste. 

Ces  artistes  de  valeur  ont  très  bien  inter- 
prété ces  œuvres  des  princes  et  roi  de  la  sonate. 
Le  jeu  de  M.  Van  Hecke  a  été  particulière- 
ment remarquable. 

Pourquoi  cette  exhumation  de  la  sonate  de 
Wilhem  de  Fesch. 

Amour  de  la  moisissure  ?  Enfantine  curio- 
sité r  C'est  du  temps  perdu. 

Le  public  avait  répondu  nombreux  à  l'appel 
du  "  Foyer  (Fart  "  dont  l'effort  doit  être 
encouragé. 

21  Février.  —  Le  langage  mystérieux  de- 
là musique  agirait-il  enfin  sur  mes  concitoyens 
jusqu'à  les  détourner  de  leurs  préoccupations 
coutumières  ?  Il  faut  bien  le  croire  :  il  y  avait 
salle  complète  à  la  deuxième  séance  de  musi- 
que de  Chambre  qui  se  donnait  dans  le  salon 
trop  bas  et  sans  acoustic]ue  du  Cjianil  ll(')rtl 
GrOber. 

Cette  séance  s'est  ouverte  par  les  Préhult-  et 
Menuet  extraits  tlu  Quintette  de  E.  Pessart, 
écrit  pour  instruments  à  vent  :  musicpu-  sim- 
plement agréable  ;  la  première  jKutic  du  sex- 
tuor pour  instruments  à  vent  et  piano  ne  nous 
a  guère  déilommagés  :  elle  était  insignifiante 
et  diffuse. 


Mais  nous  avons  été  largement  récompensés 
par  la  sérénade  pour  flûte,  violon  et  alto  ainsi 
que  par  le  quintette  pour  piano,  hautbois, 
clarinette,  cor  et  basson  de  L.  Van  Beethoven. 
O,  Beethoven  ! 

La  sérénade  fut  merveilleusement  ciselée 
par  M.  Quinet,  flûtiste  de  grand  talent, 
MM.  Lefèvre,  altiste  et  Doneux,  violoniste. 
Le  quintette  fut  interprété  avec  une  belle 
conscience  artistique  par  M"*^^  Privé  (piano)  et 
MM.  Bertiaux  (Hautbois),  Brijyerre  (clari- 
nette), Henrv  (cor),  Aveau  (basson). 

L'andante  menuet  pour  viole  d'amour  de 
Milandre  (1750)  fut  délicatement  joué  par 
M.  Lefèvre  que  le  public  a  acclamé. 

Bref,  séance  remarquable  qui  permet  de 
constater  qu'il  existe  en  notre  pays  de  fer  et 
de  charbon,  des  artistes  de  grande  capacité  et 
des  auditeurs  accessibles  au  langage  élevé  de 
la  vraie  musique. 

Franz  Rurv. 

BRUXELLES.  —  Mademoiselle  Margue- 
rite Rollet,  la  talentueuse  cantatrice  avec  le 
concours  de  Mademoiselle  Germaine  Scliellingy 
violoniste  distinguée  donnait  un  récital,  le  18  à 
salle  Pétrin.  Vif  succès,  pour  un  programme 
éclectique,  avec  les  noms  de  Bach,  Schubert, 
Brahms,  Wolf,  Mozart,  Rimsky-Korsakor, 
Chausson,  Debussy,  de  Bré\  ille,  d'Indy.  Inter- 
prétation très  remarquable.  M"''  Rollet  a  con- 
quis, d'ailleurs,  toutes  les  sympathies  du  public 
bruxellois  :  c'est  une  artiste  de  grande  distinc- 
tion de  «jrande  valeiu'.  —  Mademoiselle  Seliel- 
//;/;'■  joue  avec  âme,  et  finesse. 

L'accompagnateur  .] l met. 

Comme  toujours  tut   j->:utait. 

ARLON.  —  Un  groupe  d'artistes-aniatcurs 
liruxeilois  fst  \enu,  sous  les  auspices  de  ''  \a\ 
VVallone,  "  ilonner,  le  samedi  19  février,  un 
concert-spectacle  artistique  qui  a  été  un  gros 
succès.  On  a  eu  l'occasion,  entie  autres,  d'en- 
tendre M"'  Henriette  Clément  [Air  des  Hijou.\\ 
de  Faust),  M.  Emile  Léger,  ténor  {Air  ih  ■ 
Lettres,  de  La  Tosca),  M"''  M.  (^oKLchmidi, 
r'  prix  d\i  Conservatoiie  royal  île  iiruxelles,  a 
joué,  avec  bi-auioup    d'art,    trois    morceaux  de 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


'5 


harpe,  dont  Nocturne^  de  Pessaid,  et  Idyllr^  de 
Holz.  M"*'  Clément  et  M.  Léger  ont,  en 
outre,  interprété  avec  succès  un  fragment  du 
\^  acte  de  Lnknic.  Enfin  on  a  entendu,  à  cette 
soirée,  un  opéra-comique  :  Oui  perd  geigne^ 
paroles  de  MM.  Julal  et  Emile  Lecomte, 
musique  de  Arthur  Norel. 

—  Samedi  12  mars,  distribution  des  prix  à 
l'Ecole  de  musique. 


Etranger 

FLORENCE.  —  Le  grand  événement 
musical  de  ces  temps  derniers  a  été  la  vente 
des  collections  ayant  appartenues  à  Paganini. 
et  que  ces  descendants  avaient  résolu  de  ne 
pas  garder.  Il  y  avait  de  tout  :  des  auto- 
graphes, des  habits,  des  cadeaux  et  jusqu'à  une 
voiture. 

Puis,  plusieurs  objets  d'usage  courant  dont 
Paganini  s'est  servi,  (les  héritiers  s'en  portent 
garants)  :  des  montres,  des  lorgnons,  un  couvert 
de  voyage,  des  tabatières,  une  petite  épée, 
quelques  mouchoirs,  un  habit  de  cérémonie  en 
drap  marron  foncé,  avec  la  culotte  noire  et  le 
gilet  brodé  d'argent.  Il  faut  y  ajouter  la 
voiture  de  voyage,  achetée  en  Angleterre,  qui 
a  roulé  avec  l'artiste  sur  toutes  les  routes  de 
l'Europe, 

M.  Olschki,  le  libraire  florentin  bien  connu, 
a  acquis  pour  17.500  francs  tout  un  lot  fort 
considérable  de  musique  inédite  et  d'auto- 
graphes musicaux  (duos,  trios,  quatuors,  me- 
nuets, caprices,  sonates,  morceaux  de  genre) 
dont  il  nous  donnera  sans  doute  prochainement 
la  liste  et  la  description  détaillée  dans  quelqu'un 
de  ses  beaux  catalogues.  Un  autre  lot  intéres- 
sant pour  la  biographie  de  Paganini  a  été  cédé 
pour  3050  francs  au  libraire  De  Marinis.  Il 
comprend,  outre  quelques  manuscrits  musicaux 
déjà  publiés  par  Schônenberger,  les  brevets  et 
les  diplômes  attestant  les  nombreuses  distinc- 
tions honorifiques  décernées  au  virtuose,  et 
surtout  un  grand  nombre  de  lettres,  opuscules 
et  papiers  divers  qui  nous  font  pénétrer  dans 
l'intimité  de  sa  vie.  A  côté  des  lettres  d'admi- 


ration signées  des  plus  grands  noms  de  l'Europe, 
on  trouve  une  quittance  datée  du  19  mars 
1 83 1  pour  huit  mille  francs  donnés  par  l'artiste 
aux  pauvres  des  hôpitaux  de  Paris  ;  sous  la 
rubrique  "  autographes  divers  de  Nicolo  Paga- 
nini ",  on  remarque  une  "  recette  pour  faire 
les  ravioli  ",  une  autre  "  pour  fabriquer  une 
liqueur";  des  recueils  de  formules  pour  ter- 
miner les  lettres  ou  pour  y  signifier  un  refus  ; 
et  quatre  petites  pages  de  notes  qu'il  écrivit 
pendant  les  derniers  jours  de  sa  vie,  quand  il 
ne  pouvait  plus  parler. 

Son  archet  a  été  acquis,  pour  une  somme  de 
huit  cents  francs,  offerte  avant  la  vente,  par  la 
ville  de  Gênes,  qui  possédait  déjà  le  violon. 
Devant  le  désir  exprimé  par  la  patrie  du  grand 
virtuose,  les  nombieux  amateurs  réunis  chez 
M.  Battistelli  se  sont  généreusement  abstenus 
de  toute  surenchère.  On  a  aussi  vendu  un  beau 
violoncelle  de  Ruggieri  (1734)  pour  5800 
francs  et  un  petit  violon  antique,  le  premier 
violon  sur  lequel  s'exerça  l'artiste,  ainsi  que  la 
mandoline  avec  laquelle,  étant  enfant,  il  donna 
des  concerts  à  G  nés. 

Enfin,  avec  une  grande  mosaïque  de  Flo- 
rence, cadeau  de  la  princesse  Baciocchi,  la  plus 
belle  pièce  de  la  vente  est  sans  contredit 
l'admirable  portrait  de  Paganini  par  le  peintre 
anglais  Georges  Patten.  Paganini  lui-même  en 
vante  la  ressemblance  dans  la  lettre  suivante 
écrite  à  Patten,  et  dont  l'autographe  a  été 
vendu  avec  le  lot  De  Marinis  : 

"  Illustre  ami, 

"  Le  portrait  que  vous  avez  bien  voulu  me  faire  est 
tellement  ressemblant  que  je  ne  pourrai  jamais  vous  en 
exprimer  assez  ma  satisfaction.  J'en  attends  !a  copie 
avec  impatience  et  un  tel  don  sera  un  précieux 
souvenir  pour  mes  descendants,  et  l'Italie  verra  avec 
admiration  l'œuvre  d'un  génie  britannique  tel  que 
vous. 

"  Agréez  les  sentiments  de  haute  estime,  de  grati- 
tude et  de  reconnaissance  avec  lesquelles  j'ai  l'honneur 
de  me  dire  votre  ami  très  affectionné 

N.  Paganini. 

Paris,  10  novembre  1832.  " 

Paul-Marie  Masson. 

NAPLES.  —  Deux  concerts  à  sensation 
donnés  à  la   Société   Giuseppe  Martucci  par   le 


VIENT   DE   PARAITRE 

A  LA 


MAISON    BEETHOVEN 

(GEORGES     OERTEL) 

RUE   DE   LA   RÉGENCE,    17-19,    BRUXELLES. 


C.    THOMSEN: 

ZIGEUNERMUSIK 

Rhapsodie  à  la  Zingaeres   pour  Violon   et   Orchestre 
Réduction  :    VIOLON    ET    PIANO,  net 6.00 

EX    LOCATION    LE    MATKRIEL    D'ORCHESTRE 

CHOPIN-THOMSON  : 

xVIAZURKA    op.    7    No.   I.    Violon  et  Piano,  net  2.00 


EN  PREPARyrnON: 

ROOVERSLIEFDE 

DrAMM      f-YKKjUK      KN      UN      ACTK      l)K       P.      (ilLSON 

l'AKI'l  riON  :    Piano   et   Chant. 


L'ACTUALITE    IVI  U  S  I  C  A  L  I^ 


117 


violoniste  Vccscv,  ^  le  jeune  pr()di[i;e  que  vous 
entendrez  un  jour  ou  l'autre  à  Paris.  Ce  (]ui 
est  étoijnant  chez  cet  artiste  c'est  le  calme 
parfait  avec  lequel  il  aborde  les  œuvres  les  plus 
difficiles  ;  il  semble  même  indifférent  à  l'émo- 
tion esthétique  qu'il  cherche  à  produire  sur  le 
public.  Peut-être  est-ce  la  conséquence  de  ce  sur- 
menage imposé  à  tous  les  virtuoses  qui  veulent 
se  produire  à  travers  le  monde,  dans  le  moins 
de  temps  possible.  Je  causais  avec  M""'  Vecsey, 
mère,  derrière  les  décors  du  Politeama,  pendant 
que  son  fils  exécutait  le  Concerto  en  ré  de 
Paganini. 

—  Nous  sommes  arrivés  hier  soir,  me 
disait-elle,  nous  partons  tout  à  l'heure  pour 
Rome,  puis  pour  Bologne,  Turin,  Gênes,  et 
dimanche  prochain  nous  donnons  ici,  à  Naples, 
Jiotre  second  concert. 

—  Et  le  temps  de  repasser  les  programmes? 

—  Quelques  minutes  seulement  ;  le  matin 
par  exemple  il  a  répété  une  heure  avec  son 
accompagnateur. 

Nous  avons  pu  comparer  le  jeune  Hongrois 
avec  deux  autres  de  ses  confrères  :  Gérardy  et 
Thomson. 

Gennaro  de  Leva. 

DRESDE.  —  Le  Foile  de  Pierrette  de  M. 
A.  Schnitzler  est  une  pantomime  qui  se  passe 
à  Vienne  dans  le  même  temps  que  le  premier 
acte  de  la  Fête  chez  Thérèse  à  Paris.  C'est  ce 
que  nous  appelons  ici  le  "  Biedermeyerzeit  ". 
Le  compositeur  Dohnanyi,  de  Pressbourg,  un 
jeune  (34  ans)  que  vous  commencez  à  con- 
naître en  France  a  écrit  sur  cette  donnée  une 
musique  infiniment  habile.  Dohnanyi  est  un 
de  ces  compositeurs  dont  on  doit  attendre 
quelque  chose. 

M'^''  Marie  Dubois,  parcourt  l'Allemagne 
avec  la  volonté  de  faire  connaître  l'école  fran- 
çaise du  piano,  elle  nous  a  intéressé  avec  un 
programme  peut-être  un  peu  trop  éclectique, 
et  où  certaines  pièces  de  second  ordre  auraient 

^  Un  de  nos  lecteurs  de  Constantinople,  M.  Louis 
Benci  nous  signale  d'autre  part  le  succès  de  Vecsey 
•dans  la  capitale  de  Tui-quie,  et  nous  prédit  son 
triomphe  à  Paris. 


pu  être  remplacées  par  d'autres  plus  significa- 
tives. 

D''  K.  Neufeld'i". 

VIENNE.  —  Passons  sur  la  première  de 
Tosca^  et  sur  la  Société  des  Instruments  Anciens^ 
et  signalons  les  séances  du  Verein  fur  Kunst 
und  Kultur  consacrées  à  Arnold  Schœnherg^  à 
Bruno  Walter^  et  à  Karl  IVeigl^  des  noms  que 
vous  ignorez  sans  doute.  Et  surtfjut  la  soirée 
réservé  à  Anton  von  IVehern^  élève  de  Schœn- 
berg,  qui  a  fait  scandale.  Webern  tient  ces 
mélodies  dans  les  limites  d'une  simple  psalmo- 
die, mais  son  harmonie  est  des  plus  étranges.  Il 
a  aussi  composé  cinq  pièces  pour  quatuor  dont 
chacune  ne  dure  pas  plus  de  10  minutes  et  qui 
rompent  avec  toutes  les  lois  acceptées.  Je  les 
tiens  pour  des  recherches  d'impressions  plutôt 
que  pour  des  œuvres  définitives. 

E.  W. 

ROUMANIE.  —  Pugno  triomphe  à  Bu- 
carest, et  à  propos  de  la  Fileuse  de  Mendelg^ 
sohn,  exécutée  par  lui,  un  critique  du  lieu, 
M.  Georgescu  Stefanesti  se  plaît  à  écrire  : 
"  Toute  l'âme  de  Mendelssohn  apparut  en  sa 
subtilité,  et  nous  nous  sentioJis  involontaire- 
ment reportés  à  l'époque  des  dentelles  des 
jabots  et  des  perruques  blanches  ".  Voilà  ce 
qui  peut  s'appeler  de  l'admiration  histori- 
que !  D'ailleurs  la  musicologie  est  ici  dans  de 
mauvaises  conditions.  Lors  du  congrès  récent, 
qui  a  réuni  tous  les  maîtres  de  musique  des 
écoles  de  Roumanie,  l'orchestre  officiel  exécuta 
deux  morceaux  de  l'Héroïque.  Plusieurs  de  ces 
excellents  professeurs  furent  émus  jusqu'aux 
larmes,  mais  peu  d'entre  eux  ce  savaient  qu'ils 
avaient  entendu.  La  joie  fut  grande  quand  on 
sut  que  c'était  de  Beethoven.  L'un  des  assis- 
tants avoua  que  depuis  1 2  ans  qu'il  avait 
quitté  Bucarest,  il  n'avait  plus  entendu  de 
musique.  Aussi  est-il  question  d'organiser  des 
tournées  de  l'orchestre  officiel. 

M.  M. 

MADRID.  —  La  Colomba  du  maestro 
Vives  nous  a  un  peu  déçus.  Nous  attendions 
plus  d'originalité  de  l'auteur  d'Euda  d'Uriach. 

H.  C. 


ii8 


L  •  A  C  T  U  A  L  I  T  E    iVI  U  S  I  C  A  L  E 


Les  Instruments 


LES    NOUVEAUTES    DE    PARTOUT 

La  musique  viendrait-elle  troubler  la  paix 
du  monde  r  Partout  on  récrimine  contre  l'en- 
vahissement des  instruments  étrangers.  En 
Angleterre,  à  l'occasion  des  récentes  élections, 
des  feuilles  violentes,  signées  des  plus  impor- 
tants producteurs  de  pianos  londoniens,  récla- 
maient des  tarifs  douaniers  élevés  pour  protéger 
l'industrie  anglaise  contre  la  concurrence 
allemanile  qu'elles  allaient  jusqu'à  qualifier  de 
déloyale  (Unfair  compétition).  Rien  que  cela! 
La  presse  allemande  releva  comme  il  coin  enait 
une  telle  intempérance  de  langage.  Mais  voilà 
que  de  son  côté  cette  même  presse,  devant  le 
projet  soumis  aux  chambres  françaises,  d'éle\  cr 
les  droits  d'entrée  des  instruments  de  musique 
menace  à  son  tour  notre  pa\s  »le  terribks 
représailles.  "  Celui  qui  habite  une  maison  de 
verre  ne  doit  pas  jeter  de  pierres  !  "  s'écrie-t- 
on de  l'autre  côté  du   Rhin. 

D'autre  part,  le  Ja[)on  est  en  train  de 
prendre  à  l'Américpie  toute  l'expoitation 
d'instnunents  de  musi(|uc  |)our  la  Chiiu-  <i 
une  partie  de  l'extrême  Orient.  Le  Japon 
possède  actirllt-nicnt  prés  de  2000  vapeurs  et 


de  5000  voiliers  ;  a\  ec  cela  on  peut  faire  un 
peu  d'exportation.  Il  s'agit  surtout  d'harmo- 
niums et  de  gramophones  dont  les  chinois 
sont  très  amateurs.  Les  américains  pour  parer 
le  coup  imaginèrent  d'établir  des  fabriques  en 
Chine  même,  pour  pouvoir  abaisser  leurs  prix. 
Les  Japonais  ripostèrent  en  faisant  venir 
d'Amérique  les  machines  les  plus  nouvelles 
et  les  mieux  perfectionnées,  et  ils  en  pour- 
vurent leurs  fabriques.  Grâce  au  bon  marché 
de  la  main  d'œuvre  au  Japon,  ils  sont  arrivés 
à  livrer  aussi  bien  et  à  plus  bas  prix  que  les 
Américains,  et  les  voilà  maîtres  du  marché 
instrumental.  Comment  tout  cela  \a-t-il  finir? 

En  attendant  le  catacivsme  qui  pourrait 
résulter  du  choc  de  tant  d'intérêts,  nous  som- 
mes menacés  d'un  piano  monstre.  Paderewski 
qui  vient  de  faire  rouler  le  tonnerre  au  moven 
d'un  appareil  de  son  in\ention,  peut  bien 
actuellement  être  surnommé  le  génie  des 
grandeurs.  Il  a  donné  ces  jours  passés  à  Vienne 
au  concert  sur  un  piano  monstre  de  huit 
octaves,  construit  par  la  maison  Bosendorfer. 
On  se  demande  si  les  notes  extrêmes  de  cet 
instrument  sont  bien  perceptibles,  et  on  en\i- 
sage  a\  ec  effroi  l'envahissement  de  nos  salons 
et  salles  de  concerts  par  de  tels  surpianos. 

Puisque  nous  sommes  sur  le  chapitre  des 
pianos  il  con\ient  tle  signaler  une  invention 
qui  fait  pendant  au  Piano-Harpe  tlont  j'ai 
parlé  dans  ma  dernière  causerie.  C'est  le  Piano- 
Orgue,  dont  la  Aritschrift  tiir  histruninitnihau 
nous  donne  la  description. 

Cet  instrument  fabriqué  par  la  maison 
Poppcr  tt  C"  à  Leipzig  est  à  la  fois  un  piano 
et  un  orgue  ainsi  que  son  nom  l'indique.  On 
peut  jouer  séparément  ou  simultanément  de 
l'un  rt  lie  Pautir.  Il  est  destiné  aux  représen- 
tations (.niéniatographiques,  dans  lesquelles  le 
|ii:iniste  improvisateur  trouvera  sous  la  main 
toutes  les  ressources  nécessaires  pour  sin\re 
l'action  qui  se  déroule,  et  la  souligner,  ou 
l'ilhisticr  si  l'on  \eut,  avec  variété. 

Les  intiumeiits  anciens  font  aussi  parler 
d'eux.  A  propos  de  la  dernière  vente  il'anti- 
i|iu-s  (]ui  eut  lieu  récemment  à  J,ontlres,  le 
Mcncsircl  publiait  la  note  sui\ante: 

''  l'iix    lie     \  iolons    vi'Hilus    ,1     Londres    en 


L  '  A  C  T  U  A  L  I  T  ]{     MUSICALE 


119 


décembre  dernier:  Grancino,  1.150  fr.;  C.G. 
Testore,  1.175  tV. ;  Rocca,  i.ooofr.;  Guar- 
nerius,  2.500  fV,;  Maggiiii,  1.750  fr.;  A.  et 
H.  Amati,  3.500  fr.;  C.  A.  Testore,  1.350  fr.; 
Landolfi,  i.ooofr.;  Moiitagiiana,  1.650  fr.; 
Gabrielli,  1.125  fr.;  P.  Guarnerius,  4.250  fr.; 
Gragnani,  1.150  fr.  ;  Gagliano,  1,500  fr. ; 
N,  Amati,  1.500  et  1.625  fr,;  San  Serafino, 
1-375  f''-;  Stradivarius,  14.375  fr.;  Klotz, 
1.875  fr.;  J.  Guarnerius,  4.00ofr.;  Ruggerius, 
1.650  fr.;  un  violoncelle  de  Ruggerius,  1.200 
fr.;  une  guitare  du  XVIP  siècle,  2.000  fr. 
Tous  ces  prix  ont  été  considérés  comme 
normaux  et  non  entachés  de  l'exagération  que 
bien  des  maisons  allemandes  ou  autres  cher- 
chent à  faire  accepter  comme  la  conséquence 
d'une  hausse  régulière  provenant  de  l'extension 
des  demandes,  ce  qui  peut  paraître  contes- 
table. " 

La  Zeitschrift  au  nom  du  Commerce 
allemand  répondit  avec  beaucoup  de  raison 
et  de  modération  que  la  marque  d'un  instru- 
ment n'en  fait  pas  uniquement  la  valeur,  et 
que  les  tares  dont  il  peut  être  affligé  sont 
susceptibles  de  diminuer  singulièrement  cette 
valeur. 

J'ai  personnellement  traité  la  question  en 
détail  dans  ^'■V Hygiène  du  Violon''''  (Bulletin 
S.  I.  M.),  et  j'y  reviens  ici,  uniquement  pour 
mettre  les  amateurs  en  garde  contre  certains 
préjugés  surannés.  Sur  cent  violons  de  maîtres 
anciens,  combien  sont  actuellement  jouables 
au  concert  \  Demandez-le  aux  virtuoses,  aux 
artistes  professionnels  qui  se  produisent  en 
public,  et  ils  vous  raconteront  les  déceptions 
qu'ils  ont  éprouvées  à  ce  sujet,  et  vous  diront 
aussi  tout  l'argent  qu'ils  ont  englouti  d'échange 
en  échange. 

Lucien  Greilsamer. 

NOTICE    HISTORIQUE 

SUR    LE    HAUTBOIS 

(Suite)  ^ 

En  ce  qui  concerne  les  anches  des  "  auloi  " 
"  tibiae  "  greco-romaines,  je  laisserai  parler  les 

^  Voir  les  n''*  de  décembre  1909  et  février  19 10. 
A  propos  du  premier  article  de  décembre    1909,  j'ai 


auteurs  qui  ont  lapporté  et  traité  cette  obscure 
question  et  me  contenterai  de  les  commenter. 

Les  documents  les  plus  importants  nous 
sont  donnés  par  Aug.  Wagener  : 

—  Sur  la  sigiu'fication  du  mot  "  zeugos  " 
et  de  quelques  autres  termes  se  rapportant  aux 
instruments  à  anche  '  — 

reçu  de  M.  E.  Closson,  le  distingué  conservateur 
adjoint  du  Musée  du  Conservatoire  de  Bruxelles, 
l'obligeante  observation  suivante  : 

"  Monsieur, 

"  J'ai  lu  avec  intérêt  votre  article  si  documenté  dans  le 
"  dernier  S.I.M.  (décembre)  sur  les  origines  du  liautbois. 
"  Permettez  moi  de  vous  faire  remarquer  que  le  "  sour- 
"  nay  "  persan  que  vous  dites  ne  pas  se  trouver  dans 
"  les  musées  eui-opéens,  est  représenté  dans  celui  du 
"  Musée  du  Conservatoire  de  Bruxelles  ". 

Je  suis  heureux  d'enregistrer  cette  rectification  et 
j'en  remercie  Monsieur  Closson  ;  en  signalant  l'absence 
du  "  Sournay  "  je  n'ai  fait  que  reproduire  l'assertion  de 
Fétis  (Hist.  g'*^  de  la  musique.  Liv.  2,  page  409). 

'  Gevaert  (La  Musique  de  l'Antiquité.  T.  2,  appen- 
dice p.  647)  rapporte  aussi  cette  opinion  et  en  conclut, 
que  les  flûtes  greco-romaines  possédaient  en  général  des 
anches  simples  ;  il  semble  avoir  été  influencé  par  la 
découverte,  dans  les  ruines  de  Pompéï,  de  plusieurs 
"  tibiae  "  romaines  à  tuyau  cylindrique,  mais  est-ce 
bien  là  une  preuve  pour  avancer  que  les  anches  de  ces 
"  tibiae  "  et  conséquemment  des  "  auloi  "  grecs  étaient 
simples  ;  on  verra  par  la  suite  que  certains  instruments 
à  tuyau  cylindrique  se  jouaient  avec  des  anches 
doubles. 

Ce  même  auteur  fait  remarquer  que  les  "  auloi  " 
étaient  pour  la  plupart  des  tuyaux  de  médiocre 
longueur  ;  ce  n'est  pas  encore  une  preuve  suffisante 
pour  en  déduire  que  ces  instruments  possédaient  des 
anches  simples. 

Gevaert  ajoute  :  (T.  2,  p.  282)  "  Il  est  permis  de 
"  dire  d'une  manière  générale  que  les  tuyaux  cylin- 
"  driques  ne  s'associent  qu'à  des  anches  battantes 
"  (anches  simples),  les  tuyaux  coniques  par  contre, 
"  veulent  des  anches  doubles  ;  conséquemment  tous  les 
"  instruments  à  anche  se  rattachent  soit  à  la  famille 
"  des  chalumeaux  ou  clarinettes  (anche  battante  tuyau 
"  cylindrique),  soit  à  la  famille  des  hautbois  (anche 
"  double  tuyau  conique).  Or,  comme  les  anciens 
"  utilisaient  de  préférence  les  tuyaux  cylindriques,  nous 
"  sommes  fondés  à  en  conclure  que  la  plupart  de  leurs 
"  "  auloi  "  appartenaient  à  la  première  famille  ". 

Gevaert  en  employant  le  mot  "  chalumeau  "  lui 
donne  un  sens  déterminé  l'assimilant  à  la  clarinette 
(anche  simple)  ;  il  me  faut  chercher  l'origine  du  mot 
"  chalumeau  "  —  G.  A.  Villoteau  (De  l'analogie  de  la 


I  20 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


"  Tout  ce  qu'on  a  dit  de  la  signification  du 
"  mot  "  zeugos  "  pour  i5lésigner  ,unç  des  parties 
"  de  r  "  aulos  "  est  en  contradiction  formelle 
"  avec  les  termes  qui  en  parlent- d'une  manière 
"  explicite.  Partant  de  l'idée  préconçue  que 
"  ce  mot  devait  indiquer  l'accouplement  de 
"  deux  choses  égales,  à  l'instar  du  "  joug 
"  "  zeugos  "  qui  unit  une  couple  de  bœufs,  on 
"  l'a  mis  en  rapport  avec  la  double  flûte.  ^ 
"  Mais  on  ne  saurait  invoquer  aucun  texte  à 
"  l'appui  de  cette  interprétation,  tandis  que  la 
"  véritable  signification  du  mot  "  zeugos  "  se 
"  dégage  clairement  de  l'examen  attentif,  de 
"  la  comparaison  d'un  chapitre  de  Théophraste 
"  et  de  deux  passages  d'Aristote. 

musique  avec  le  langage.  L.  i,  p.  2c6  et  suiv.)  nous 
en  donne  l'explication  : 

"  Les  Hébreux  nommaient  leurs  poèmes  "  miz- 
"  mour  ".  Ce  mot  dans  son  acception  étymologique, 
"  signifie  un  discours  d'un  style  coupé  et  bien  ordonné; 
"  il  vient  de  la  racine  "  zamara  "  (il  a  coupé,  il  a  taillé): 
"  on  l'a  appliqué  à  la  poésie  et  à  la  musique  par 
"  allusion  à  la  manière  de  tailler  les  arbres,  en  coupant 
"  les  branches  gourmandes  qui  en  épuisent  la  sève  ; 
"  de  là  vient  qu'on  appelle  "  mézamerah  ",  une  ser- 
"  pette  de  vigneron.  Ainsi  du  mot  "zamarah"  (^il  a 
"  coupé,  il  a  taillé),  on  a  fait  "  zemmera  "  (il  a  mo- 
"  dulé,  il  a  chanté  soit  avec  la  voix,  soit  avec  un 
"  instrument]  ;  et  du  mot  "zamourah  "  qui  signifie 
"  un  rejeton,  un  provin,  et  par  extension,  un  discours 
"  mesuré  et  coupé  par  petites  jîhrases  distribuées  en  un 
"  certain  ordre,  de  même  que  le  sont  les  branches  de 
"  vigne  que  le  vigneron  a  taillées  en  retranchant  toutes 
"  celles  qui  auraient  fatigué  inutilement  le  cep,  on  a 
"  fait  "  zémirah  "  (cantique,  psaume,  poème,  discours 
"d'un  style  coupé)  et  "zamir"  (chant,  inflexion 
"  cadencé  de  la  voix). 

"Zamir"  est  le  nom  du  hautbois  égyptien,  "zamar  " 
ou  "zamir"  est  le  nom  du  hautbois  arabe  et  persan. 
"  Schalmey  "  dont  le  radical  "  schal  "  signifie  en 
Allemand  chant,  est  le  nom  du  hautbois  allemand  ; 
de  là  vient  le  mot  "chalumeau  "  ;  son  emploi,  pour 
déterminer  ou  indiquer  un  instrument  à  anche  simple, 
est  tout  au  moins  curieux  ! 

Je  suis  d'accord  avec  Riemann  (Diciionnaire  mu- 
sical, p.  131);"  Chalumeau  "  (du  latin  calamus,  tuyau 
"  tige  ;  en  Allemand  Schalmei).  Ancien  instrument  à 
"  vent  à  anche  doiihlr  insérée  dans  une  sorte  de  bassine, 
"  l'ancêtre  du  hautbois  obtenu  par  la  simple  suppres- 
"  sion  de  la  bassine  et  l'obligation  pour  l'instrumen- 
"  tiste  de  pincer  l'anche  entre  ses  lèvies". 

'  L'accouplement  de  deiu  choses  égales  mis  en 
rapport  avec  la  double  flûte  est  certes  une  erreur,  mais 
peut  logiquement  s'appli<|uer  une  anclie  double  dont 
les  deux  parties  l'ga/is  sont  accoiipli'ei. 


"  Voici  d'abord  ces  derniers  textes  litté- 
"  ralement  tradujts  : 

Ar^stote.  De  Aubid.  p.  802,  b.  (éd.  Beklcer)  : 
"  Il  fauj:  que  les  anches  ,  ("yXw-ra*)  des 
"  "  auloi  "  soient  compactes,  lisses  et  uni- 
"  formes,  afin  que  grâce  à  elles,  le  souffle  qui 
"  les  pénètre  soit  de  même,  doux,  uniforme 
"  et  sans  intermitance.  C'est  pourquoi  les 
"  "  zeugé  "  humectés  et  imbibés  de  salive  ont 
"  un  son  plus  moelleux,  tandis  que  secs  ils 
"  donnent  un  mauvais  son.  Car  l'air  qui  tra- 
"  verse  (un  corps)  humide  et  lisse  est  doux  et 
"  uniforme.  La  preu\e  c'est  que  le  souffle 
"  lui-même,  lorsqu'il  est  chargé  d'humidité 
"  va  beaucoup  inoins  se  heurter  contre  les 
"  "  zeugé  "  et  se  disperser,  tandis  que  s'il  est 
"  sec,  il  s'accroche  da\antage  et  rend  par  sa 
"  violence  l'attaque  plus  dure.  "  ' 

Ibid.  p.  804,  a  :  "  Les  sons  épais  sont  ceux 
"  qui  se  produisent  lorsqu'une  grande  quantité 
"  de  souffle  se  projette  simultanément  au 
"  dehors.  C'est  ce  qui  donne  plus  d'épaisseur 
"  à  la  \()ix  des  hommes  et  aux  sons  des 
"  chalumeaux-parfaits,  surtout  lorsqu'on  les 
"  remplit  de  souffle.  La  preuve  c'est  que  lors- 
"  qu'on  pince  les  "  zeugé  "  le  son  est  plus 
"  éle\é  et  plus  fin.  "  Il  en  est  de  même 
"  lorsqu'on  raccoiucit  les  syringes.  Mais  lors- 
"  qu'on  les  allonge,  on  obtient  un  son  beaucoup 
"  pkis  plein,  à  cause  de  la  quantité  de  souffle 
"  (qui  s'y  engage)  comme  c'est  aussi  le  cas 
"  pour  les  cordes  qui  ont  une  plus  grande 
"  épaisseur. 

Maintenant  voici  le  texte  de  Théophraste, 
Hist.  plant.,  TV,  II,  (éd.  VVimmer)  :  '^  On 
"  dit  c|u'il  \  a  di'iix  espèces  de  roseaux  :  celui 
"  poin-  les  instruments  à  \ent  (l'aulétique)  «et 
"  l'autre r 

"  Ce  qu'on  raconte  au  sujet  du  roseau  pour 
"  instruments,    à   savoir  qu'il    pousse    tous   les 

'   l'oiir    qu'une   anclic   de    hautbois   donne    un    son. 
moelleux,    il    faut   qu'elle   soit    imbibée   d'eau    ou    de 
salive,   pour   l'anche  simple  de  la   clarinette,    il   suftit 
qu'elle  soif  légèrement  humectée. 

■'  ...  Lorsqu'on  pince  les  "  zeugé  "  le  son  est  plus 
élevé  et  plus  fin  ;  ceci  peut  se  produire  sur  un  instru- 
ment de  l.'i  famille  du  hautbois  (anche  d(Uible)  et  non 
sur  un  instrument  app.irlenant  à  la  tamille  clarinette 
(anche  simj)le). 


L'actualité:  musicale 


I  2  I 


neuf  ans,  en  vertu  d'une  loi  naturelle,  n'est 
pas  exact.  Kn  soinme  il  se  produit  lorsqu'il 
y  a  crue  du   lac   (d'Orchomène) 

"  Le  roseau  •  aulétique  réussit!  lôi'squ'àprès 
de  fortes  pluies  l'eau  denleuré' pendant  deux 
ans  au  moins 

"  Oii  dit,  et  la  chose  paraît  exacte,  que 
lorsque  le  lac  gagne  en  profondeur,  le  roseau 
atteint  (dès  la  première  année)  toute  sa 
longueur,  mais  que  l'année  suivante  seule- 
ment, en  demeurant  sur  place,  il  atteint  sa 
maturité.  On  ajoute  que  le  roseau  arrivé  à 
maturité  est  celui  qui  sert  à  fabriquer  les 
"  zeugé  "  (le  roseau  "  zeugite  ")  tandis  que 
celui  dont  l'eau  s'est  retirée  est  le  "  bomby- 
cios  "  (le  roseau  pour  tuyau).  On  dit  qu'il 
(le  roseau  "  zeugite  ")  diffère  en  général 
des  autres  roseaux  par  je  ne  sais  quoi  de 
plantureux  :  il  est  plus  plein,  plus  charnu  et 
a  dans  l'ensemble  un  aspect  féminin.  Son 
feuillage  est  plus  large  et  plus  clair,  et  il  a 
la  panicule  plus  petite  que  les  autres  ; 
quelques  (exemplaires)  même  n'en  ont  pas 
du  tout,  ce  qui  fait  qu'on  les  appelle  des 
ennuques.  On  prétend  que  ceux-ci  sont  les 
meilleurs  pour  les  "  zeugé  ",  mais  que 
bien  peu  réussissent  pendant  la  fabrication.  ^ 

"  Avant  l'époque  d'Antigénide  (v.  380  av. 
J.-C.)  lorsqu'on  jouait  "  sans  ornements 
la  coupe,  dit-on,  se  faisait  au  mois  de 
Boédromion,  vers  le  lever  du  Bouvier  (mi- 
septembre).  Celui  que  l'on  coupe  alors  ne 
peut  être  employé  que  plusieurs  années  plus 
tard  ;  il  doit  être  joué  longtemps  avant  (de 
pouvoir  servir)  et  l'ouverture  [to  crroina)  des 
anches  se  contractCj  ce  qui  est  utile  pour  le 
jeu  ordinaire.  Mais  lorsqu'on  en  vint  à  la 
musique  "  figurée  ",  l'époque  de  la  coupe 
fut  changée,  car  on  coupe  maintenant  le 
roseau  au  mois  de  Scirrophorion  ou  d'Héca- 
tombéon  (juin),  un  peu  avant  le  solstice 
d'été,  ou  à  cette  époque  même.  On  peut 
l'employer  au  bout  de  trois  ans  ;  ^  il  ne  doit 

'  ...  bien  peu  réussissent...,  peut  s'appliquer  à  l'anche 
simple,  mais  combien  mieux  à  l'anche  double. 

-  PoUux  sect.  7 1 .  La  préparation  des  anches  formait 
une  industrie  à  part.  Celui  qui  fabrique  les  "  auloi  " 
s'appelle    "  Aulopios  "    et  pour  ce   qui   concerne    les 


"  pas  être  joué  longtemps  et  les  anches  se 
"  prêtent  aux  entrebâillements  nécessaires  pour 
"  jouer  dts  morcéslux  'de  virtuosité. 

"  Telles  sont  d(jnc  les  époques  de  la  coupe 
"  du' (roseau)  "  zeugite".  Quant  à  la  manière 

"  de    le   travailler,    la   voici En    été 

"  on  le  coupe  aux  nœuds On    laisse  à 

"  la   partie    comprise    entre    deux    nœuds,    le 

"  nœud  supérieur Les  entre-nœuds 

"  les  plus  propres  à  la  fabrication  des  "  zeugé  " 
"  sont  ceux  qui  occupent  le  milieu  du  roseau  ; 
"  les  entre-nœuds  les  plus  rapprochés  des 
"  branches  fournissent  les  "  zeugé  "  les  plus 
"  doux  ;  ceux  qui  sont  voisins  de  la  racine 
"  fournissent  au  contraire  les  plus  durs.  Les 
"  anches  faites  du  même  entre-nœud  sont 
"  dit-on  d'accord  entre  elles,  tandis  que  les 
"  autres  ne  le  sont  pas.  L'anche  prise  du  côté 
"  de  la  racine  est  pour  le  tuyau  de  gauche  (le 
"  plus  aigu)  ;  celle  que  l'on  prend  du  côté  des 
"  branches  est  pour  le  tuyau  de  droite  (le 
"  plus  grave).  ^  Lorsque  l'entre-nœud  est 
"  coupé  en  deux,  l'ouverture  {t6  arofia)  de 
"  chaque  anche  se  trouve  du  côté  de  l'incision. 
"  Si  les  anches  sont  faites  autrement,  elles  ne 
"  s'harmonisent  pas.  ^ 

Aug.  Wagener  :  "  Pour  peu  qu'on  se  donne 
"  la  peine  de  lire  attentivement  les  passages 
'.'  que  nous  venons  de  transcrire,  on  verra 
"  clairement  que  le  "  zeugos  "  ne  peut  être 
'•  autre  chose  que  l'ouverture  de  1'  "  aulos  ". 
"  En  effet  d'après  Aristote,  il  est  imbibé  de 
"  salive,  et  lorsque  cet  auteur  dit  qu'en  le 
"  pinçant  on  rend  le  son  plus  élevé  et  plus  fin^ 
"  il  ne  peut  être  question  que  de  l'action 
"  exercée  sur  le  "  zeugos  "  par  les  lèvres.  ^  • 

"  La  preuve  c'est  qu'Aristote  emploie  le 
"  même  mot  {Trii.Z,Hv)  dans  le  passage  suivant. 

parties  de  l'instrument  il  y  a  le  facteur  d'anches 
(jXiiJTTOTToioç)  et  le  foreur  (^avXoTpînnjç). 

Les  Grecs  avaient  particulièrement  observé  ce  qui 
convenait  le  mieux  pour  la  qualité  des  anches  et 
"  zeugé  "  de  leurs  "  auloi  "  ;  nos  fabricants  d'anches 
et  nos  marchands  de  roseaux  actuels  feraient  bien 
parfois  de  les  imiter. 

^  Le  contraire  s'expliquerait  mieux. 

^  Ces  dernières  phrases  s'appliquent,  je  l'avoue,  à  un 
système  d'anche  simple. 

^  Voir  note  5. 


122 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


"  De  Aud.,  p.  8oi,  b  :  "  Quand  les  anches 
"  sont  plus  étroitement  unies  (au  bec),  le  son 
"  devient  plus  dur,  et  plus  éclatant  lorsqu'on 
"  les  pince  davantage  au  moyen  des  lèvres, 
"  parce  que  le  souffle  est  projeté  avec  plus  de 
"  violence.  '  D'autre  part  le  "  zeugos  "  n'est 
"  pas  la  même  chose  que  l'anche  (y/\(.)--«). 
"  Ceci  n'a  pas  besoin  de  démonstration  pour 
"  ceux  qui  connaissent  le  langage  précis 
"  d'Aristote  et  de  Théophraste,  lesquels  n'em- 
"  ploient  jamais  dess\nonymes  inutiles  propres 
"  à  introduire  de  la  confusion  dans  l'esprit. 

"  Toutefois  il  doit  y  avoir  une  étroite 
"  relation  entre  le  "  zeugos  "  et  1'  "  anche  ". 
"  En  effet  les  "  entre-nœuds  "  du  roseau 
"  "  zeugite  "  servent  à  la  fabrication  des 
"  "  zeugé  ".  Mais  ces  mêmes  "  entre-nœuds  " 
"  ser\ent  aussi  à  la  fabrication  des  "  anches  ". 
"  Qu'est-ce  à  dire.^  c'est  que  l'entre-nœud  est 

'  Aristote,  parlant  des  "zeugé"  dit:  "Lorsqu'on 
"  pince  les  "zeugé  "  le  son  devient  plus  e'iex'e  et  plus 
'■'■  fiti  "  (voir  la  note  5)  ;  mais  l'effet  n'est  plus  le  même 
quand  cet  auteur  parle  des  anches  :  "  lorsqu'on  les 
"  pince  le  son  devient  plus  e'elatant  "  ;  il  faut  néces- 
sairement admettre  pour  le  second  cas  une  autre  dis- 
position de  l'anche. 

Gcvaert,  ibid,  annote  aussi  ce  passage  :  "Lemanus- 
"  crit  porte  (Ti-yK-po-ffjutr.  ce  que  Bekker  a  changé  en 
"  iri:\t)fjoT(oair.  Ce  changement  ne  nous  paraît  pas 
"  heureux.  Aristote  vient  de  dire  que  les  instruments 
"  à  anches  "obliques"  (quelle  forme  d'anches  entend- 
"  t-il  par  là  ?)  ont  des  sons  plus  doux,  parce  que  le 
"  souffle  y  pénètre  immédiatement  dans  un  espace  plus 
"  large.  Il  s'agit  donc  de  trouver  un  adjectif  qualifiant 
des  anches  à  disposition  différente " 

.'Xnches  "obliques",  quelle  forme  d'anche  entend- 
t-il  par  là  .■" 

L'anche  simple  et  le  bec,  comme  dans  nos  clari- 
nettes, ne  peuvent  être  désignés  plus  clairement  et  c'est 
bien  la  seule  fois  (|u'ils  sont  indi<|ués  d'une  façon  aussi 
précise  ;  en  effet,  le  roseau  servant  de  bec  devait  être 
taillé  de  manière  à  recevoir  l'anciie  (sim|)le),  et  pour 
que  l'ouverture  de  l'anche  fut  réduite  à  des  proportions 
raisonnables,  le  roseau  devait  être  entaillé  oblujur- 
menl  ;  la  position  de  l'anche  sur  ce  roseau   (bec)   était 

donc   obli'jui- et  le  souffle  y  pnu'Irail  immi'Aiate- 

ment  dans  un  espace  plus  large;  de  nf)s  jours  c'est  le 
bec  même  de  la  clarinette  (|ui  est  taillé  obli(|uement. 

Ces  anches  (unies  au  bec)  ont  des  sons  plus  iloux, 
pourtant    les    auteurs   Grecs  dépeignent    Us    sons    de 

r  "  aulos  "  comme  strident horriiile  ;  ils  emploient 

aussi   des  (|ualificatifs    plus aimables,   il   faut   donc 

reconnaitre  (|u'il  existait  diHércntes  dispositions  des 
anches. 


"  d'abord  di\  isé  en  deu.x  parties,  probablement 
"  égales,  dont  chacune  sert  à  fabriquer  un 
"  "  zeugos  ".  Celui-ci  s'obtient  ensuite  en 
"  pratiquant  dans  le  demi  entre-nœud  une 
"  incision  longitudale,  de  telle  .sorte  que  l'une 
"  des  deux  parties  ainsi  obtenues  soit  assez 
"  mince  pour  pouvoir  vibrer  comme  une 
"  anche  (yAwrra.  lingula).  Elle  peut  par  l'une 
"  de  ses  extrémités  rester  attachée  à  l'autre 
"  partie,  comme  dans  1'  "  Arghoul  "  des 
"  Arabes.  Elle  peut  aussi  en  être  détachée,  sauf 
"  à  s'y  rajuster  ensuite  au  moyen  d'un  fil  ou 
"  autrement.  C'est  ce  dernier  procédé  qui  paraît 
"  avoir  été  pratiqué  habituellement  à  l'époque 
"  Alexandrine,  puisque  les  aulètes  avaient  alors 
"  un  récipient  spécial  {y\u)T-OKono7ov)  pour 
"  y  enfermer  leurs  anches  (v.  Pollux,  1 1,  103; 

"^-   153), "^ 

Il  y  a  d'autres  preuves  encore  pour  a\ancer 
que  les  instruments  de  la  famille  des  hautbois 
ont  tenu  une  place  plus  large  que  ne  veulent 
lui  accorder  certains  auteurs  ;   je  dois  citer  les 

passages   sui\ants  :  " 

"  On  louera  un  auléte  en  parlant  de  sa  respi- 
"  ration  impétueuse,  par  rapport  à  la  quantité 
"  de  son,  au  timbre  et  à  la  vigueur  du  souffle, 

"  et  à  l'absence  de   (grimaces "  (Pollux, 

1.  IV,  sect.  68.) 

"  Si  l'on  en  croit  certains  auteurs  de  l'époque 
"  romaine,  les  instruments  à  vent  n'auraient 
"  eu  que  4  trous  et  moins  encore. 

■^  "  Anciennement  les  trous  n'étaient  qu'au 
"  nonihre  de  4  ;  niais  Diodore  de  Thèbes  eti 
"  perça  plusieurs,  ouvrant,  au  iiKnen  d'orifices 
"  latéraux,  des  issues  au  souffle.  "  (Pt>llux, 
l.  IV,  sect  80.) 

■'  "  Toutefois  des  instiunicnts  aussi  primi- 
"  tifs  se  rapportent  à  une  époque  légendaire. 
"  De  bonne  heinx-  les '' Hi'lrcs  "  simples  furent 
"  percées  d'une  assez  graiule  tjuantité  de 
"  trous.  Si  nous  acceptons  comme  normal  le 
"  nombre  sept,  lequel  se   représente   a\ec   une 

'  Ce  lécipient  pouvait  servir  à  y  enfermer  au.ssi  bien 
des  anches  doubles  qui  se  détachent  de  l'instrument. 

■'  Gevaerf,  Hislojre  de  la  musii]ue  tie  l'antiquité. 
L.  2,  p.  293,  note  1. 

•'  1(1.,  note   \. 

*  Id.,  j).  i94. 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


123 


"  persistance  remarquable  sur  les  instruments 
"  arabes  et  iiulous.  "  (Pollux,  1.  IV,  scct,  72.) 

'  "  Les  i|ualités  que  l'on  recherchait  chez 
'*  l'aulète  étaient  la  longueur  et  lY-galité  de  la 
"  respiration,  la  variété  du  timbre  et  des 
"  nuances,  mais  avant  tout  la  prestesse  de  la 
"  main,  l'agilité  des  doigts.  "  (Nonn..,  Dionys., 
Ch.  III,  V.  234-242.) 

'  "  Les  épithétes  propres  à  un  aulète  sont  : 
"  soufflant  bien....  ayant  un  son  mâle,  ner- 
"  veux,  fort,  juste,  retentissant,  saisissant, 
"  suave  ;   ayant  une  émission  douce,  plaintive, 

"  gracieuse,  séductrice Notez    aussi    chez 

"  l'aulète  l'agilité,  la  dextérité  et  la  facilité  de 

"  la  main de  la  langue  et  de  la  bouche,  la 

"  plénitude  et  la  continuité  du  son.  "  (Cf.  Bar- 
thol,  de  Tib.  vet.  1.  i,  ch.  7  et  8.) 

La  longueur  de  la  respiration,  la  continuité 
du  son  étaient  les  qualités  que  l'on  recherchait 
chez  l'aulète  ;  il  faut  y  voir  une  étroite  rela- 
tion avec  les  instruments  indous  ^  ancêtres  du 
hautbois  ;  l'anche  simple  qui  occasionne  une 
déperdition  de  souffle  beaucoup  plus  grande, 
plus  rapide,  puisque  F  air  y  pénétre  immédiate- 
ment dans  un  espace  plus  large  n'aurait  pu  con- 
venir à  l'aulète  pour  acquérir  cette  continuité. 

Les  mêmes  nombres  de  trous  4  et  7  se  re- 
trouvent dans  les  instruments  (de  la  famille  du 
hautbois)  arabes  et  indous,  les  instruments  à 
anche  simple  y  tiennent  une  place  relative- 
ment restreinte,  alors  pourquoi  voir  le  contraire 
chez  les  grecs  et  Romains. 

Une  dernière  preuve  que  les  "  auloi  "  grecs 
devaient  posséder  en  général  des  anches  dou- 
bles nous  sera  fournie  par  le  rapprochement 
des  deux  textes  suivants  l'un  d'un  ancien, 
il'autre  d'un  moderne  : 

Ptolomée,  dans  le  chapitre  3  du  livre  pre- 
mier des  Harmoniques,  dit  :  "  la  trachée  artère 
"  est  une  flûte  (aulos)  naturelle. 

Voici  maintenant  l'opinion  de  M.  Alb. 
Lavignac  (La  Musique  et  les  Musiciens  8™^ 
édit.  p.  29)  :  "  Les  instruments  employés  en 
"  musique  obéissent  tous  aux  lois  que  nous 
:"  avons  précédemment  étudiées  ;   (lois  d'acou- 

'    ^  Id.,  p.  300. 

^  Id.,  p.  300,  note  3. 

^  Voir  le  n°  de  décembre. 


"  stique).  Le  classement  suivant  montre  à 
"  laquelle  de  ces  lois  est  soumis  chacun  d'eux 
"  en  particulier. 

Je  n'indique   que  ce  qui  peut    nous  intéres- 
ser ici  et  je  trouve  dans  ce  classement  : 

l'Clarinette 
à  anches  fermés-^  Cor  de  Basset 
(Clarinette  Basse 


"  Tuyaux 


"  Tuyaux  ouverts  à  anche  doublée 


(Voix  humaine 
1  H.(mthois 
I  Cor  Anglais 
Basson 

I  Contre  Basson 
vSarrussophone 

Tout  commentaire  est  je  crois  inutile. 

Les"  flûtes"  grecques  étaient  très  nombreuses 
mais  on  peut  juger  par  ce  qui  précède  qu'il  est 
difficile  si  non  impossible  d'en  établir  une 
exacte  classification,  on  trouvera  leurs  noms 
dans  les  écrits  des  auteurs  que  j'ai  cité.  Je 
reproduirai  pourtant  un  passage  de  Gevaert 
oè-^cet  auteur  cite  les  "  auloi  "  qu'il  admet 
dans  la  famille  des  hautbois  : 

^  •'  La  famille  des  hautbois  avait  donc  chez 
"  les  anciens  un  domaine  singulièrement  re- 
"  streint  ;  ses  représentants  doivent  être  cher- 
"  chés  parmi  les  variétés  secondaires  des 
"  "  auloi  enfantins  "  -  ;  c'étaient  pour  la 
"  plupart  des  instruments  étrangers,  peu  cul- 
"  tivés  par  les  Grecs  et  destinés  à  être  joués 
"sans  chant.  Tel  est  le  "gingros"  dont  le 
"  tuyau  n'avait  que  la  longueur  d'un  empan 
"  (20  à  25  cent.)  dimension  qui  lui  assigne  une 
"  place  dans  la  classe  la  plus  aiguë  représentée 
■  "  par  "  l'aulos  parthénien  "  (Mi  3  mi  5  au 
"  diapason  moderne).  ^  Ses  sons  étaient  aigres 

^  Gevaert,  id.,  p.  284. 

-  Id.,  p.  273  (Division  Aristoxénienne). 

^  L'  "  e,  ràqyeh  "  dont  il  sera  parlé  par  la  suite  est 
un  hautbois  persan  (Fétis,  t.  2,  p.  152)  ;  il  ne  mesure 
que  244  millimètres  et  possède  cependant  une  échelle 


divisée  par  quarts  de  tons  qui   va  du 


àl' 


124 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


''  et  plaintifs.  (Ath.,  1.  IV,  p.  174  f.  cf.  Pollu.x, 
*'  1.  IV,  sect.  76.)  " 

"  Les  Phénidens  auxquels  on  attribue  l'in- 
"  ventioii  de  ce  petit  hautbois,  l'appelaient 
"  "  Adonis  "  du  nom  de  certains  chants  rtié- 
"  lancoliques  sur  la  mort  du  jeilne  dieu  tué 
"  par  un  sanglier.  Les  Athéniens  du  IV*^  siècle 
"  a\'.  J.  C.  s'en  servaient  parfois  dans  leurs 
"  banquets.  (Amphis  et  Axionicos,  ap.  Athen. 
"liv.  IV,  p.   175,  a.  b.) 

"  Nous  rangerons  aussi  parmi  les  hautbois, 
"  r  "  aulos  "  funèbre  de  la  Phrvgie,  en  usage 
"  également  chez  les  Cariens  (Pollux,  1.  IV, 
"  sect.  75.) 

'  "  Un  renseignement  d'Elien,  recueilli  par 
"  Porphyre,  nous  apprend  que  les  auloi  phr\'- 
"  giens  axaient  un  diamètre  plus  étroit  que 
"  ceux  d'origine  grecque.  Leur  timbre  était 
"  en  conséquence  moins  plein  que  celui  des 
"  instruments  à  gros  tuyau  (bombykoi)  ;  les 
"  littérateurs  Roinains  le  dépeignent  comme 
"  terrifiant,  strident,  horrible.  " 

L'art  aulétique  fut  cultivé  a\'ec  un  grand 
soin  chez  les  Grecs,  et  l'aulète  (le  joueur 
d' "  aulos  ")  l'objet  d'une  admiration  et  d'une 
considération  très  en\'iahles  ;  point  de  funérail- 
les ni  de  noces  d'où  les  aulètes  fussent  absents. 
r>es  musiciens  Romains  des  deux  premiers 
siècles  ne  portèrent  pas  moins  leur  attention 
vers  cette  partie  de  l'art  pratique;  les"tibiae" 
accompagnaient  au  théâtre  les  ensembles  dra- 
matiques, les  tibiae  longues  et  graves  étaient 
affectées  à  l'usage  du  culte  Romain. 

Mais  vers  le  V"  siècle  les  "auloi  "  cessèrent 
d'être  cultivés  avec  soin,  le  christianisme  con- 
damna l'instrument  auquel  les  païens  attri- 
buaient le  pouvoir  d'apaiser  les  dieux  ;  les 
"auloi  "  fureur  abandonnés  aux  musiciens  po- 
pulaires pour  une  longue  suite  de  siècles  ;  nous 
les  retrouverons  chez  les  Arabes  et  les  Ivjyp- 
tiens  sous  les  noms  de  "  z.uur  "  et  "  zaïnir  ".  - 


'  Gevacrf,  id.,  p.  288. 
*  Voir  la  note-  2. 


A.    HKii)i:r 


Questions 


Sociales 


c*> 


ET  INTERETS  PROFESSIONNELS 
Le  Gracifa'x   Concours 

Remercions  vivement  tous  les  artistes  qui 
ont  bien  \oulu  répondre  à  notre  enquête  sur 
cette  importante  question  du  gracieux  concours. 
Ils  témoignent,  en  écrivant,  d'un  esprit  de 
solidarité  tout  à  leur  honneur  et  aussi  d'un 
certain  courage  puisqu'ils  osent,  en  toute 
franchise,  donner  leur  opinion  et  leur  sii^na- 
ture.  C'est  d'un  bel  et  bon  exemple.  L'énergie, 
la  décision  prompte,  la  rectitude  du  caractère 
sont  les  premières  des  qualités  pour  im  artiste... 
et  pour  un  homme. 

Rendons  hommage,  tout  d'abord,  au  maître 
\énéré  qui    nous   adresse    la    lettre   siuvante,  à 
M.  Tliéoilort-  Dubois. 
M., 

A  mon  avis  le  "  irraoioux  ooncours  "  ne  tlo\  rait 
jamais  être  sollicité  par  les  LTens  liii  monile  ni  accordé 
par  les  artistes. 

Mais  comment  empC-cher  cela  ?  Grève,  afjence, 
syndicats,  me  paraissent  moyens  ilétestables,  dont  le 
résultat  serait  finalement,  et  fatalement,  de  nuire  aux 
artistes,  car  ce  serait  alors  les  ijens  du  monde  qui 
feraient  la  gri-ve  et  qui  auraient  recours  aux  amateurs, 
aujourd'hui  très  nombreux  et  dotu  beaucoup  ont  un 
réel  talent. 

I,es  |iau\res  artistes  sont  smueiu  victimes  tie  cette 
espèce  d'indiscrétion  cpii  les  poursuit,  inconsciemmeiu 
le  plus  souvent.  —  Combien  de  maîtresses  lie  maison 
donnent,  ainsi,  chez  elles,  de  maLTiiifiques  concerts  qui 
ne  leur  coûtent  rien  ! 

En  sotTime,  le  "  j^racieux  concours  "  ne  devrait 
exister    que    d'artiste    i    artiste,    ou    encore    lorsqu'il 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


125 


s'agit  d'it'uvres  de  bicnfaisaïu'c  notoires.  Coinincnt  le 
combattre  sous  les  autres  foniies  ?  Je  crois  que  l'inter- 
vention ^>  peu  pris  unanime  de  la  presse  pourrait  avoir 
un  bon  résultat  si  elle  s'efforçait,  par  des  arguments 
solides,  et  sous  une  forme  courtoise,  de  faife  com- 
prendre aux  gens  du  monde  qu'ils  commettent  une 
action  peu  digne  d'eux  et,^e  leur  situation  en  récla- 
mant et  en  acceptant  le  concours  d'artistes  sans 
rétribution.  —  Le  comprendront-ils  ?  Là  «st  la 
question.  Ne  se  feront-ils  pas  ce  raisonnement  :  Il  est 
vz-ai  que  nous  ne  payons  pas  les  artistes,  mais  lorsqu'ils 
donnent  des  concerts,  nous  leur  prenons  des  billets  .? 
C'est  possible  et  même  vrai,  mais  combien  en  prennent- 
ils  }  Un,  deux,  trois.  Ils  vont  rarement  au-delà  !  —  Il 
faut  avouer  que  c'est  une  mesquine  rétribution. 

Quoi  qu'il  en  soit,  je  ne  vois  guère  d'autre  moyen 
de  combattre  le  "  gracieux  concours  "  que  la  per- 
suasion. Tout  autre  serait  une  atteinte  à  la  liberté 
de  chacun. 

Théodore  Dubois. 

On  reconnaît,  dans  cette  lettre,  l'esprit  de 
tact,  de  modération,  de  courtoisie  qui  caracté- 
risent M.  Th.  Dubois.  La  "  persuasion 
est-elle  suffisante  pour  déterminer  ceux  qui  en 
profitent  à  renoncer  à  leurs  avantages  '^.  C'est 
ce  que  l'avenir  montrera. 

M.  Georges  Sporck  est  très  net  dans  sa 
réponse. 

Monsieur  et  cher  Collègue, 

Je  me  fais  un  devoir  de  répondre  à  la  question  que 
vous  posez  :  le  gracieux  concours  doit-il  être  toléré, 
encouragé  ou  combattu  ? 

Encouragé,  quand,  par  devoir  professionnel,  nous 
le  prêtons  entre  artistes,  c'est-à-dire  dans  la  grande 
famille  intellectuelle  que  nous  formons. 

Absolument  supprimé  pour  toute  autre  cause. 

Il  y  a  trop  d'abus. 

Les  artistes  auront  toujours  à  cœur  de  ne  demander 
ou  d'accepter  de  gros  cachets  quand  on  les  sollicitera 
pour  des  oeuvres  de  bienfaisance  ;  mais  là,  où  il  y 
aura  recette,  on  devra  leur  donner  autre  .^chose  que 
cent  sous  pour  leurs  voitures  et  un  bouquet  de 
trois  francs  cinquante.  Les  femmes,  notamment,  ont 
des  frais  de  toilette  dont  il  faut  bien  tenir  compte. 

,  Pour  les  soirées  mondaines,  je  suis  tout  aussi  radical. 
Les  personnes  qui  reçoivent  devront  envisager  les 
deux  solutions  suivantes  :  ou  bien  s'imposer  une 
dépense  de  quelques  louis  de  plus  ;  ou  restreindre 
leurs  frais  de  réception. 

N'est-il  pas  navrant  de  penser  qu'après  avoir 
travaillé  toute  la  journée,  nous  devions  continuer  le 
soir  en  exécutant  une  partie  de  concert  qui  nous  fait 
coucher  tard,  nous  fatigue,  et  ne  nous  rapporte  que 
de  l'eau  bénite  de  cour. 


Voici,  cher  Monsieur,  mon  impression   personnelle, 
qui,  je   le  sais,  est  celle  de  beaucoup  de  mes  confrères. 
'  G.  Sporck. 

Ceci  .est  net,  et  rempli  de  bon  sens  — 
qualité  plus  rare  qu'on  ne  suppose  — •.  Si  tous 
les  confrères  de  M.  Sporck  sont  de  son  avis, 
le  "  gracieux  concours  "  sera  bientôt  supprimé. 

M.  Roger  de  Beaumercy,  organisateur  de 
soirées  mondaines,  paraît  fort  bien  placé  pour 
connaître  la  question.  Sa  lettre  est  trop  longue 
pour  être  publiée  intégralement  ;  c'est  dom- 
mage, car  elle  est  fort  humoristique.  En  voici 
quelques  passages  : 

"  A  mon  avis,  le  '*  gracieux  concours  "  doit  être 
combattu. 

L'artiste  a  trois  ennemis  :  le  gâcheur,  Y  amateur,  et 
le  "  tapeur  de  concours  gracieux  ". 

Le  gâcheur,  c'est  l'artiste  de  métier  qui  se  dérange  à 
n'importe  quel  prix,  celui  qui  va  jouer  une  revuette 
dans  une  société  à  100  kilomètres  de  Paris  pour  25  fr.  ; 
celui  qui  ira  chanter  à  Bondy  ou  à  Bourg-la  Reine 
pour  10  fr.  et  ainsi  de  suite.  J'en  connais,  l^'amaleur 
est  toujours  doublé  d'un  gâcheur  et  d'un  artiste 
médiocre,  il  se  dérange  pour  rien,  ou  presque,  et  rend 
ridicule  le  genre  qu'il  exploite.  " 

Ici  nous  protestons.  M.  de  Beaumercy,  en 
écrivant  cette  phrase,  a  en  vue  un  certain 
genre  de  productions,  mais,  à  notre  tour  nous 
dirons  :  je  connais  des  "  amateurs  ":  canta- 
trices, instrumentistes,  chanteurs,  bien  au- 
dessus  de  certains  professionnels,  allons  plus 
loin,  doués  d'un  très  réel  talent  et  s'étant 
astreints  à  un  très  sérieux  travail  —  ce  qui 
rend,  pour  les  artistes,  leur  concurrence  d'au- 
tant plus  dangereuse. 

Reprenons  notre  lettre. 

"  Au  point  de  vue  salon.  —  Une  maîtresse  de 
maison  a  toujours,  plus  ou  moins,  un  professeur  de 
chant  ou  de  piano  pour  sa  fille....  le  concours  du 
professeur  est  acquis  de  droit  ;  mais  la  maîtresse  de 
maison,  roublarde,  le  prie  d'amener,  pour  sa  soirée, 
quelques  camarades.  —  Alors  le  professeur,  pour 
garder  sa  cliente,  prie  des  amis  de  venir  et  ceux-ci 
viennent  en  effet,  pour  être  agréables  à  leur  collègue. 
Le  tour  est  joué. 

Une  autre  forme  de  tapage  c'est  celle  qui  consiste  à 
demander  votre  "  gracieux  concours  "  en  vous  faisant 
valoir  qu'il  y  aura  dans  le  salon  en  question  :  M.  X, 
le  gros  banquier,  M.  Y,  l'industriel  bien  connu,  ou 
M.  Z,  le  notaire,  qui  donnent  des  fêtes  magnifiques 
et  qui  vous  prendront  skrejnent  en  vous  donnant  un 
gros  cachet. 


120 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


,Bref,  pour  les  salons,  il  n'y  a  qu'un  moyen,  c'est 
d«ï  refuser. 

Pour  les  sociétés...  je  repondrai  que  les  plus  chics 
de  Paris  sont  celles  qui  payent  le  moins  et  elles  ont 
à  rceil  :  la  Comédie-Française,  l'Opéra,  l'Opéra- 
Comique...  commenfvoulez-vous  que  ceux  qui  n'ont 
qu'une  demi-vedette  se  tassent  payer  ?..  Le  mal  vient 
d'en  haut. 

Le  remède  ? 

Pour  les  salons,  rien  à  taire.  On  ne  peut-empécher 
un  artiste  d'aller  dans  un  salon  ami.  Pour  les  sociétés 
qui  ont  un  caractère  public  (puisqu'on  peut  payer  sa 
place)  il  taut  exiger  un  minimum  d'un  louis  par 
artiste.  Ce  jour-là,  au  lieu  de  donner  des  concerts  avec 
20  altistes,  de  i  h.  i  à  6  h.  ^,  ils  commenceront  à 
3  heures  jusqu'à  5  h.  A  avec  6  ou  7  artistes  de  métier, 
qui  garderont  la  scène  |  d'heure  au  lieu  de  dire  juste 
une  poésie  et  de  s'en  aller....  Il  faudrait  créer  un 
Syndicat  des  artistes  Professionnels  concertistes.  Ce  grou- 
pement pourrait  lutter  efficacement  contre  hs  fàc/ieux 
en  les  boycottant,  en  clouant  leur  nom  au  pilori... 
Enfin  ce  syndicat  ferait  distribuer,  à  toutes  les  sociétés, 
la  liste  des  amateurs  moitié-protessionnels  qui  encom- 
brent la  situation  : 

M.  un  tel,  chanteur,  est  un  courtier  en  vins. 

M.  un  tel,  humoriste  (.^),  est  un  calicot. 

M.  un  tel,  violoniste,  est  un  fonctionnaire, 
vivant  de  leur  métier  et  faisant  "  l'artiste  "  pour  leur 
argent  de  poche. 

Voilà  la  bonne  besogne  à  faire,  etc. 

R.   DE  Beaumkrcy. 

Cette  lettre  e>t  extrêmement  intéressante, 
non  seulement  par  elle-même,  mais  par  l'état 
d'esprit  qu'elle  dénote.  Nous  n'en  connaissons 
pas  personnellement  l'auteur  ;  peut-être  a-t-il 
souffert  lui-même  de  l'état  des  choses,  certai- 
nement il  en  a  \  11  beaucoup  souftrir  et, 
passionnément,  il  entreprend  de  se  défendre, 
lin,  et  les  autres.  Il  coimaît  bien  la  question, 
mais  l'examine  d'iui  point  de  \  ue  trop  parti- 
culier :  celui  du  genre  qu'il  cidti\e;  cependant 
il  est  pratique,  le  chiffre  ne  l'effraie  point,  ni 
le  détail  pittoresi|ue.  Certains  de  nos  lecteurs 
trouveront  peut-être  que  ces  questions  de 
"  gros  sous  "  m-'iiquent  d'élégance.  Qu'ils 
veuillent  bien  se  représenter  la  condition 
médiocre  de  beaucoup  de  pauvres  hères  qui 
ont  cru  se  vouer  au  "  Cjrand  Art  "  et  ipii 
voient  se  dérouler,  aHreusement  tristes,  non 
pas  le  collier,  mai?,  la  lourde  chaîne  des  jours  ; 
ceux  qui  sourient  en  scène  et  se  demandent 
dans  la  coidisse,  avec  im  serrement  de  cti-ur, 
comment    ils    régleront  le  terme  à  \einr  ou    la 


note  d'un  fournisseur  impavé.  Il  y  a  là  de 
grandes  détresses,  et  loin  de  cultiver  nos  sen- 
sibilités exigeantes  en  nous  plaignant  de  les 
connaître,  il  taut  nous  pencher  sur  elles  et 
leur  tendre  une  fraternelle  main. 
T'  Ajoutons  que,  comme  pour  nuire  à  sa  cause, 
notre  correspondant  nous  dévoile  inconsciem- 
ment tous  les  désa\antages  du  mo^■en  qu'il 
préconise.  Le  syndicat  s'affirme  ici  avec  sa 
tyrannie  possible.  Nous  "  boycotterons  "  les 
fâcheux  ;  nous  "  démolirons  "  (le  mot  y  est) 
les  amateurs....  C'est  l'attitude  du  combat,  et, 
par  définition,  celle  de  l'injustice,  car  le  com- 
bat, bien  mené,  c'est  l'espérance  de  la  \ictoire 
à  tout  pri.x.  "  J'aime  mieux  l'injustice  que  le 
désordre  ",  disait  Gœthe.  Parole  étonnante 
chez  un  tel  hcMnme  et  faite  pour  déshonorer 
une  telle  bouche.  Il  ne  taut  jamais  aimer 
l'injustice. 

De  M""'  Jane  Arger,  l'aimable  cantatrice, 
nous  rece\<)iis  la  lettre  suivante  qui  fait  autant 
d'hoiuieiir  à  la  temme  qu'à  l'artiste  : 

"  Supprimer  le  "  gracieux  concours  "  ?  Je  ne  crois 
pas  que  vous  trouviez  une.  solution  radicale.  Mais  on 
peut  l'endiguer  peut-être.  Car  enfin  il  faut  bien 
avouer  qu'il  n'est  pas  toujours  l'ennemi  de  l'artiste. 

Vous  avez  dit  si  joliment  le  rôle  des  artistes  dans  les 
bonnes  œuvres,  qu'il  est  inutile  d'ajouter  un  mot  à 
vos  lignes.  Mais  l'interprète  a,  je  crois,  une  autre 
raison  d'accepter  le  très  onéreux  "  gracieux  concours  ". 
C'est  la  joie  désintéressée,  irrésistible  pour  lui  de 
prendre  part  à  l'exécution  d'une  belle  œu\re.  Si,  par 
surcroît,  cette  ti^uvrc  est  celle  d'un  auteur  inconnu, 
digne  d'être  secondé,  (combien  de  jeunes  musiciens  ne 
pourraient  faire  connaître  leurs  œuvres  sans  le  secours 
du  "  gracieux  concoui-s  "...  hélas  !)  l'action  est  plus 
digne  encore. 

Mais...  mais...  il  y  a  les  abus. 

Contre  ces  abus,  il  faut  que  les  amateurs  de  musique 
nous  aident  eux-mêmes  à  réagir.  Il  faut  que  vous  leur 
fassiez  comprendre  la  grave  responsabilité  qu'ils  assu- 
ment. Lorsqu'il  s'agit  des  cas  mentionnés  dans  votre 
étude  (concerts  mondains,  tasse  de  thé)  le  temps  que 
le  "  gracieux  conct)urs  "  dérobe  à  l'artiste  est  perdu 
pour  l'art  ;  car,  en  outre  du  temps  ([u'il  donne, 
l'artiste  est  entraîné  à  t|uelques  dépenses  obligatoires  ; 
il  doit  regagner  tout  cela  tiifficilcmeni  d'un  autre  côté. 
Cunnnent  .  Kn  faisant  ce  t|ue  les  professionnels  ap- 
pellent a\ec  tristesse  :  du  métier.  Car  il  faut  vivre  ! 

Il  me  semble  qu'en  mettant  de  part  et  d'autre  de  la 
bonne  volonté,  artistes  et  amateurs  de  musique  pour- 
raient facilement  s'entcntire.  Vn  bon  exemple  est 
tourni    actuellement    par    les    doi  leurs    en   médecine. 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


I  27 


Tous,  célèbres  ou  inconnus,  appllcjucnt  ;'i  l;i  socictc  la 
même  loi  d'éc|uilil")re  ;  dévoués  é^^aleiiient  aux  riches  et 
aux  pauvres,  ils  demandent  à  ceux  qui  peuvent  donner 
et  n'exigent  rien  de  ceux  qui  ne  possèdent  rien.  Les 
afrtistes  créent  la  beauté  pour  l'âme.  Pourquoi  les 
interprètes  ne  suivraient-ils  pas  tous  cette  voie  si  bien 
tracée  .-'  Ils  ne  se  feraient  d'ennemis  que  parmi  ceux 
qui  ne  comprennent  pas  le  noble  rôle  joué  par  l'art 
dans  la  société.  ".... 

Jank  Arger. 

Un  excellent  professeur  de  chant,  M""^ 
Jacquemin,  nous  écrit  d'autre  part  : 

"  Que  faire  .-'  Il  faudrait  que  tous  les  artistes  fussent 

ligués  et  se  missent  en  grève.  Jamais  on  n'arrivera  à 

.  cela...  De  plus,  si  nous  refusons  tous  notre  "  gracieux 

concours  ",  les  amateurs  nous  remplaceront  sans  peine, 

il  y  en  a  de  fort  intéressants. 

Il  y  a  du  vrai  dans  cette  dernière  phrase. 

Pour  finir,  l'avis,  très  pratique  et  très  net, 
de  M^'"  Delhez,  la  gracieuse  cantatrice  qui 
organise  les  séances  du  Lyceum  Club  : 

"  Dans  tous  les  cas,  les  frais  de  voiture  et  de  dé- 
placement exigés  par  les  répétitions,  de  même  que 
l'accompagnateur  (pour  les  chanteurs,  violonistes,  etc.) 
devraient  être  remboursés.  Même  dans  les  concerts  de 
bienfaisance  une  redevance  doit  être  allouée  aux 
artistes.  Sans  eux,  il  n'y  aurait  pas  de  concert  possible... 
Il  faudrait  s'entendre  ;  nous  pourrions  nous  syndiquer. 
Les  pianistes-accompagnateurs  se  sont  syndiqués  ;  je 
ne  crois  pas  que  cela  leur  ait  nui... 

Les  choses  de  luxe  s'apprécient  seulement  lorsqu'elles 

I  coûtent   cher,    et,    en  discréditant    la   musique,   nous 

I  nous  tuons  nous-mêmes. 

Cette  philosophique  réflexion  devrait  être 
i  inscrite  en  lettres  d'or  dans  toutes  les  salles  de 
;  concert  et  méditée  longuement  par  tous  les 
.  auditeurs....  et  les  exécutants.  Elle  comporte 
;  des  sens  nombreux,  divers,  et  fort  attachants. 


Nous  donnerons  dans   le   prochain   numéro 
les  lettres  de  M'"'  Mulet,  Schmoll,  Godebski, 
fLeborne,    Weiller  ;     de     M"'*^    Delage-Prat, 
Carissan,  compositrices  ;  Caillé,  etc. 

M.   Daubresse. 


C*> 


FAITS  SOCIAUX 

Thkairk.  —  Un  groupe  d'artistes  lyriques  va 
donner,  à  Liège,  une  série  d'opéras-comiques  du 
XVIII''  et  du  début  du  XIX«  siècles.  —  A  Berlin  on 
se  sert  du  gramophone  pour  imiter  les  murmures  de  la 
foule  dans  le  Forum  ;  à  Londres  pour  "  la  musique 
dans  l'éloignement  "  ;  à  Moscou  pour  les  plaintes  et 
les  cris  des  enfants  dans  un  drame  de  Gorki.  —  A 
New-York,  depuis  le  mois  de  janvier  1910,  première 
saison  d'opéra  par  la  téléphonie  sans  fil,  porte  à 
100  kilom.  —  A  Calcutta,  à  une  représentation  du 
Roi  Cadore,  les  artistes  portaient  tous  de  vrais  bijoux  : 
la  chanteuse  avait  une  tiare  de  diamants  et  de  rubis, 
un  collier  de  brillants,  un  bracelet  de  saphirs.  Le  total 
montait  à  10  millions.  Si  non  è 'uere.  — A  Munich, 
fondation  d'un  Opéra  populaire.  —  A  Buenos-Ayres, 
une  nouvelle  société,  La  Teatrale,  va  truster  les 
théâtres  sud-américains,  elle  forme  aussi  une  troupe 
d'opérettes.  —  A  Alexandrie  une  troupe  française 
d'opéra  comique  s'installe  à  l'Alhambra  et  une  troupe 
italienne  au  Petit-Théâtre.  —  Depuis  la  Noël  les 
théâtres  de  Londres  n'ont  pas  représenté  moins  de 
cinq  pièces  pour  enfants,  jouées  par  des  enfants.  — 
Au  Lyceum,  à  Londres,  dans  la  pantomine  Aladin 
le  principal  tableau  est  un  parc  d'aviation  avec  aéro- 
planes de  modèle  réduit. 

Concert.  —  A  New-York,  Mr.  Harding  a  joué 
du  piano  pendant  36  heures  32  minutes.  C'est  le 
record.  —  Une  société  musicale  indienne,  sous  la 
conduite  d'un  chef  indien,  fera  une  tournée  européenne 
du  15  juin  au  15  septembre.  —  M"''  Pilar  Osorio  est 
une  pianiste  espagnole  de  3  ans  qui  joue  les  morceaux 
les  plus  difficiles  (  !)  sur  un  petit  piano  à  son  usage.  — 
A  Bruxelles,  lors  de  la  future  exposition,  audition 
d'une  Cantate  avec  1400  exécutants. 

Mouvement  social.  —  Les  machinistes  de  l'Opéra 
et  de  la  Hofburg  (Vienne)  se  mettent  en  grève, 
demandent  une  augmentaticn  de  salaire  et  la  recon- 
naissance de  leur  syndicat.  —  A  Trieste  le  conseil 
communal  refuse  la  subvention  annuelle  de  40.000 
couronnes.  Il  n'y  aura  que  quelques  représentations 
populaires.  —  A  Biella,  on  donnait  Ernayii  ;  les 
artistes  qui  n'étaient  pas  payés,  refusent  d'entrer  en 
scène  ;  le  directeur  s'étant  absenté  avec  la  recette,  cris, 
tumulte.  On  menace  les  malheureux  de  prison.  Ils 
jouent  et  le  lendemain  décampent.  —  Les  choristes  de 
Budapesth  sollicitent  une  augmentation  ;  la  direction 
les  licencie,  ils  rentrent  sans  avoir  rien  gagné.  —  A 
Kiel,  de  jeunes  enfants,  engagés  pour  jouer  Cendrillon 
et  non  payés,  se  mettent  en  grève.  On  fait  venir  des 
bonbons,  la  grève  échoue.  —  A  Budapesth  le  directeur 
de  la  police  exige  des  artistes  de  Music-hall  un 
brevet  de  capacité  (!)  et  des  tenanciers  de  bars,  au 
théâtre,  un  brevet  de  moralité  (!!). 

M.  D. 


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HAUTES  ETUDES  S0CIALP:S 

I  février  :  —  M.  Pirro  termine  l'étude  de 
Buxtehude  (A  ce  propos,  je  rectifie  une 
coquille  égarée  dans  le  dernier  compte  rendu  : 
lire  la  et  non  sa  herga masque)  en  parlant  des 
intentions  symboliques  de  ses  compositions. 
Les  contemporains  avaient  adopté  des  formes 
correspondant  à  des  pensées.  B.  n'en  abuse 
pas,  très  simple  et  d'ailleurs  empêché  par  son 
harmonie  homophone  et  par  son  instrumenta- 
tion peu  souple.  En  somme  il  use  exception- 
nellement des  valeurs  musicales.  Il  se  sert  plus 
fréquemment  des  procédés  expressifs,  obligé  de 
compter  avec  un  public  des  négociants  qu'il 
fallait  distraire  et  émouvoir  :  il  emploie  les 
sixtes  mineures  pour  les  implorations,  les  tons 
chromatiques  exaspérés  pour  rajeunir  les 
thèmes  et  les  chorals  usuels,  les  interruptions 
aux  effets  dramatiques  et  enfin  la  mélodie 
ample  qui,  venue  d'Italie,  apparaît  en  Alle- 
magne et  va  se  développer.  Elle  surgit  à 
l'époque  du  Piétisme,  mouvement  pieux  des 
Luthériens  autour  des  souffrances  de  Jésus. 
B.  a  pris  part  sinon  au  Piétisme  ennemi  des 
arts,  du  moins  à  l'esprit  piétiste  avant  sa 
lettre,  nourri  de  textes  pathétiques  d'origine 
catholique.  B.  le  reflète.  Il  remplit  vraiment 
par  là  sa  fonction  sociale  du  musicien  qui  sert 
de  lien  entre  ses  contemporains  de  mêmes 
tendances. 

■  I  6  et  22  Février  :  —  M.  de  la  Laurencie 
traite  du  ballet  de  cour  où  la  poésie  et  la 
musique  se  combinent  avec  la  danse  qui 
domine.  Ce  genre  comprend  des  entrée,  des 
récits  chantés  surtout  explicatifs  et  des  danses. 

L'origine  du  ballet,  il  faut  la  chercher  non 
seulement  dins  le  ballet  italien,  mais  dans  nos 
tournois  et  nos  mascarades  accompagnés  de 
musique.  Sa  poétique,  comme  il  tend  seule- 
ment à  distraire,  n'est  pas  rigoureuse.  On 
met  en  scène  des  entités  métaphysiques  ou 
bien  des  actions  romanesques.  L'opéra  est  sorti 


de  là.  M.  de  la  Laurencie  donne  la  hiblio;^ra- 
phie  des  principaux  ouvrages  concernant  le 
ballet  :  traités,  livrets,  relations  de  l'époque, 
études  modernes.  La  vogue  de  ce  spectacle 
fut  très  grande.  Poètes  et  renom  et  grands 
seigneurs  s'en  occupèrent.  La  musique  com- 
prend de  courtes  symphonies  et  des  entrées. 
Elle  est  généralement  composée  en  collabora- 
tion. Elle  est  froide  et  monotone,  mais  elle 
prend  de  plus  en  plus  d'importance.  M.  de  la 
L.  indique  les  éléments  qui  rehaussaient  l'ac- 
tion: les  actualités,  l'exotisme,  les  bouffonneries 
surtout  au  début  et  enfin  les  décors,  les  ma- 
chines et  la  mise  en  scène  qui,  sommaire  au 
XVP  siècle  se  perfectionna.  C'est  surtout  dans 
la  danse  qu'on  doit  chercher  le  caractère 
expressif.  Dans  la  musique  qui  l'accompaghe, 
il  y  a  des  essais  de  description  et  aussi  de  psy- 
chologie. M.  de  la  L.  nous  indique  la  compo- 
sition de  l'orchestre.  Les  musiciens  se  trouvent 
souvent  en  scène,  costumés,  soit  pour  accom- 
pagner les  personnages,  soit  sur  les  machines, 
dans  les  décors.  Le  chant  comprend  des  récits 
purement  explicatifs  ou  bien  dramatiques,  des 
dialogues  toujours  symétriques  et  des  chœurs 
à  deux  ou  trois  voix.  De  vrais  finals  d'Opéra 
terminaient  chaque  partie.  En  terminant,  M.  de 
la  L.  mentionne  un  élément  assez  fréquent  : 
l'air  à  boire,  qui  émigrera  dans  l'Opéra. 

A  la  fin  de  la  deuxième  conférence,  accom- 
pagnés par  M,  Wagner,  M.  Sautelet  et  M"*" 
Bonnard  chantèrent  divers  airs  ou  dialogues 
avec  infiniment  de  goût. 

— Je  suis  obligé  de  parler  très  brièvement, — 
et  je  le  regrette  beaucoup  — ,  des  quatre  der- 
niers concerts  donnés  par  M.  Expert.  Comme 
les  deux  premiers,  ils  ont  été  d'un  très  grand 
intérêt  en  nous  révélant  bien  des  œuvres  in- 
justement oubliée-.  Les  maîtres  grands  ou  petits 
italiens  ou  français,  du  XVIL  et  du  XVIIP 
siècles  nous  sont  maintenant  plus  familiers  et 
notre  reconnaissance  pour  M.  Expert  en  est 
erande. 


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L'ACTUALITE    M  U  S  1  c:  A  L  r: 


J31 


LES  GRANDES  EPOQUES  DE  LA 
MUSIQUE 

Sous  ce  titre,  M.  Landormy  et  M"'"  Pironnay 
ont  entrepris,  il  y  a  deux  ans,  une  œuvre  très 
utile  :  sans  tomber  dans  le  banal  cours  mon- 
dain, apprendre  à  un  publie  désireux,  de  s'in- 
struire ce  qu'est  la  véritable  musique.  Cette 
année,  M.  Landormy,  appuyant  ses  leçons 
d'exemples  nombreux  et  caractéristiques,  a 
parlé  de  la  musique  instrumentale.  Il  en  a 
jretracé  dans  ses  grandes  lignes,  l'origine  dans 
J'antiquité,  ensuite  au  Moyen  Age  et  pendant 
la  Renaissance,  en  Angleterre,  en  Italie  et  en 
France  puis  il  en  Allemagne.  Il  nous  a 
montré  le  dé\eloppement  de  l'art  religieux  à 
l'église,  et  celui  de  l'art  profane  grâce  aux 
minnesinger  et  aux  meistersinger,  puis  la  trans- 
formation qu'amène  la  Réforme.  11  fut  ensuite 
question  des  grands  précurseurs,  Schutz,  Swe- 
linck,  Buxtehude,  Kuhnau  et  des  Italiens 
venus  dans  les  cours  allemandes. 

A.  Bach  furent  consacrées  deux  conférences 
où  ]\(I.  Landormy  étudia  la  structure  et  le 
style  des  cantates,  notamment  leur  significa- 
tion .symbolique,  puis  la  technique  du  maître, 
ses  modifications  concernant  l'étude  du  clave- 
cin et  enfin  l'emploi  qu'il  fit  de  la  fugue  et  du 
choral.  Haendel  fut  l'objet  d'une  autre  leçon 
où  furent  retracées  les  péripéties  d'une  existence 
courageuse  et  mouvementée.  A  propos  d' 
Haydn,  M.  Landormy  montra  la  transforma- 
tion qui  s'accomplit  dans  l'art  classique.  Il  fit 
revivre  pour  nous  le  maître  viennois,  musicien 
—  valet,  brave  homme  sans  passions  dont  le 
rôle  fut  des  plus  utiles,  car  il  contribua  à  créer 
la  sonate  et  la  Symphonie. 

Gabriel  Rouchès. 

UNIVERSITÉ   DE    GRENOBLE.    — 

Cours  d'histoire  de  la  musique,  professé  à 
l'Institut'  Français  de  Florence,  annexe  de  la 
Faculté  des  Lettres  de  l'Université  de  Gre- 
noble, par  M.  Paul-Marie  Masson. 

U Art  musical  dans  Vhistoire  de  la  civilisation 
européenne.  Introduction  à  l'étude  de  la  musique 
européenne. 

Dans  le   cours   de   cette   année,   M.    Paul- 


Marie  Masson  s'attache  surtout  à  montrer 
l'importance  de  l'histoire  de  la  musique  pour 
l'étude  des  questions  d'histoire  générale,  et 
inversement,  la  nécessité  de  faire  appel  à  l'his- 
toire générale  pour  expliquer  l'évolution  de 
l'histoire  de  la  musique.  M.  Masson  étudie  les 
grandes  époques  de  la  musique,  depuis  l'anti- 
quité gréco-latine  jusqu'à  la  période  contem- 
poraine, au  point  de  vue  de  leurs  rapports  avec 
les  divers  courants  dé  pensée  et  de  civilisation, 
avec  la  littérature  et  les  arts  plastiques,  avec 
les  grandes  transformations  politiques  ou  so- 
ciales. L'enrichissement  progressif  de  la  tech- 
nique et  les  principaux  caractères  des  différentes 
modes  musicales  sont  mis  en  'lumière  à  l'aide 
de  quelques  textes  choisis,  analysés  au  piano. 
C'est  là  surtout,  comme  le  titre  l'indique,  un 
cours  d'introduction,  destiné  à  familiariser  les 
étudiants  français  et  italiens  a.vec  cet  ordre  de 
questions,  encore  nouveau  pour  eux.  M;  Mas- 
son commencera  dès  l'année  prochaine,  l'étude 
détaillée  de  la  musique  franç^iise.  L'empresse- 
nient  avec  lequel  le  nouveau  cours  est  suivi 
par  les  étudiants  français,  par  le  public  florentin 
et  par  la  colonie  étrangère  fait  bien  augurer  de 
l'avenir  de  la  section  d'histoire  musicale  orga- 
nisée à  l'Institut  français  de  Florence  par 
M.  Paul-Marie  Masson  sous  la  haute  direction 
de  M.  Romain  Rolland. 

Faculté  de  théologie  protestants.  — 
M.  JEAN  LEMONNIER,  professeur  à  la 
faculté,  a  donné  les  17  février  et  3  mars  deux 
conférences  sur  l'histoire  du  Choral  Luthérien 
que  nous  citerons  pour  l'audition  musicale 
très  bien  comprise  qui  les  accompagna.  (Cho- 
rals de  Bach,  de  Goudimel,  et  anonymes). 

Institut  Général  Pschygologique.  — 
Notre  collègue  M.  A.  de  Bertha  a  très  judi- 
cieusement caractérisé  en  une  conférence  la 
psychologie  des  Tziganes,  et  fait  entendre  au 
piano  quelques  pièces  de  leur  musique. 


-^ 


0.  BOUWENS  VAN  DER  BOIJEN  &  C 


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Trois  Bagatelles —  3  fr. 

Un  soir —  2  fr. 

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Deux  pièces  d'orgue  de  J.-S.   BACH   (tr.  p.  pianol     net     5*"-5"'-5'"'- 
JACQUES  LARMANJAT 

\'alse-Impiomptu net     2  tr. 

CHARLES  MALHERBE 

Kn   Route  (pas  redoublé) net      2f-2^''-2™'^ 

Sclierzetto 

AXDRÉ  POLLONNAIS 

Mleuse 

Iris  (Valse) 

Pavane  

Suite  Romanesque 

JOSEPH   SZL'LC 

Valse  de  Cvnthia  (du  ballet  "  Une  Nuit  d'Ispalian  ")     net     2f-2'"'-2"'»' 

HENRI    WELSCH 
Soir   sur  l'eau net     2  fr" 


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l'rélude   en   fa   miniiir net      3   tr. 

CHARLES   M.\IJll-:ivM^E 

V.n    Riiuli'  (pas  redoublé) net       5'-5"''-6"''' 

PAUL   LADiMlUAULT 
I\Mi:iiisndie  Gaélique  (en   6   parties) lul       8'  8''-8"''' 


L'ACTUALITE     MUSlC'ALi: 


^33 


L'Édition 
Musicale 


Nous  avons  reçu  "  Calme  Lunaire  ^  "  de 
M.  Stan  Golestan^  (pour  chant,  piano  et  flûte), 
et  les  "  Adieux  ffun  Page  ",  (pour  chant),  de 
la  Baronne  de  Kabath.  ^  Nous  avons  été  quel- 
que peu  intrigués  en  voyant  arriver  de  Buenos- 
Aires  un  petit  recueil  intitulé  "  Tabarè  ^  " 
contenant  onze  Mélodies,  Duos  et  Trios  pour 
voix  de  femmes.  En  ouvrant  le  volume,  autre 

surprise sur  ces  poèmes  espagnols  de  Zorilla 

de  San  Martin,  M.  Broqua  a  écrit  de  la 
musique  française  :  française  par  les  qualités 
comme  par  les  défauts  :  discrétion  parfaite, 
sens  des  demi-teintes,  incertitude  perpé- 
tuelle de  la  mesure  et  du  contour  ;  çà  et  là, 
quelques  souvenirs  opiniâtres  de  la  Bonne 
Chanson  ;  et  à  peine,  de  temps  à  autres, 
quelques  singulières  formules  rythmiques,  qui 
se  faufilent  et  font  une  petite  tache  d'exotisme 
tout  à  fait  savoureuse. 

La  Sonate  piano  et  violon  de  M.  Stan  Gok- 
stan  ^  est  évidemment  une  œuvre  de  jeunesse. 
Elle  sera  toutefois  lue  avec  le  plus  grand 
plaisir  par  tous  ceux  que  déroute  notre 
musique  ultra-moderne  ;  ils  y  trouveront  à 
défaut  d'un  coloris  bien  vif  ou  d'un  lyrisme 
bien  intense,  une  grande  facilité  mélodique, 
de  la  bonne  foi,  et  même  de  l'enthousiasme, 
chose  rare  aujourd'hui. 

M.  Richard  Buchmayer  édite  une  Cantate 
de  Georg  Bohm  :  ^  "  Mein  Freund  ist  mein  ", 
pour    quatre    Solistes    et   pour   Chœur,    avec 

'  chez  Gallet. 

^  chez  Fœtisch  à  Lausanne. 

^  chez  Médina  et  Higo  à  Buenos-Aires. 


accompagnement  léduit  ;iu  piano.  Malgré 
quelque  monotonie  due  à  la  répétition  con- 
stante des  mêmes  paroles  et  du  même  thème, 
toute  l'œuvre,  saine  et  forte,  peut  rivaliser 
avec  les  productions  analf)gues  de  Haendel  ou 
de  Bach,  dont  elle  est  contemporaine. 

M.  Shapleigh  représente  l'Ecole  américaine, 
presque  totalement  inconnue  en  France  : 
nous  avons  ici  sous  les  yeux  trois  Suites  d'Or- 
chestre :  Mirages^  Ramayana^  et  Gur  Amir^ 
Il  faudrait  entendre  ces  œuvres  pour  pouvoir 
les  juger  équitablement.  Quand  donc  aurons- 
nous  une  séance  de  musique  américaine  ?. 

Notre  collègue  Charles  Bouvet  ^  continue 
avec  la  patience  qui  convient  à  la  musicologie 
sa  publication  de  textes.  Après  s'être  attaqué 
à  Leclair  et  avoir  payé  son  tribut  à  Bach,  il  a 
restitué  très  heureusement  quelques  œuvres 
bien  injustement  oubliées  des  deux  vieux 
Couperin,  le  Sieur  de  Crouilly  et  Louis 
Couperin.  Puis  il  est  passé  en  Espagne  avec 
un  air  de  délia  Torre  (XV^  siècle)  et  avec  ce 
mystérieux  Pierre  Bucquet,  Français  égaré  à 
Madrid.  Voici  enfin  que  cette  collection  arrive 
à  l'Allemagne  italianisante  avec  deux  Sonates 
de  Gluck  et  à  l'Italie  proprement  dite,  avec  un 
concerto  de  Vivaldi  pour  quatre  violons,  l'un 
de  ceux  que  Bach  se  plut  à  transformer  pour 
instruments  à  clavier. 

M.  Bouvet,  en  se  vouant  à  cette  tâche  de 
faire  admirer  et  surtout  goûter  les  belles 
œuvres  des  anciens  s'est  mis  à  la  tête  d'une 
entreprise  extrêmement  délicate  et  qui  réclame 
à  la  fois  un  artiste,  un  érudit,  un  connaisseur 
du'  public  et  même  un  capitaliste.  Car  il 
s'agit  de  rendre  accessible  au  goût  moderne 
des  amateurs  des  ouvrages  écrits  il  y  a  plusieurs 
siècles,  et  toutefois  sans  que  ces  ouvrages  per- 
dent rien  de  ce  qui  les  fit  jadis  admirer.  Tout 
en  ayant  l'air  de  travailler  pour  le  public, 
il  faut  en  réalité  faire  son  éducation,  et  sans 
être   pédant,   se    défendre   contre    la    critique. 

La  collection  Bouvet  fait  peu  à  peu  son 
chemin  dans  le  monde  ;  elle  a  déjà  rendu  de 
grands  services  à  la  cause  de  l'art  ancien. 

J.  E. 

^  chez  Breitkopf  et  Hartel.  -  chez  Démets. 


Concerts  annoncés  pour  la  seconde  quinzaine 

de  Mars —  = 


24 


SALLE   ERARD 


M.   l'HlLIl'P       .... 

Mme  BKA 

Mme  ALEM-CHKXK 

M.  GOLDSCHMIDT. 

Mme  CHENE    . 

M.  SAUKR         '.         ,         .         . 

Mme  lhroy-dp:tournelle 

Mme  CHENE    .... 
Mivs  CRACK   KHRLICH   . 


Piano 

Audition  d'Elèves 

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Matinée  d'Elèves 
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l'iano 


SALLES   GAVEAU 

Salle  des  Quatuors 

16.  2e  Concert  de  Mademoiselle  S.  Pecheron'. 

17.  Audition  des  élèves  de  Mademoiselle  Roger 
22.     Concert  donné  par  M.  Edouard  Bernard  . 
22.     Concert  de  MM.  Van  Isterdael  et  de  Vogel 
Grande  Salle  des  Concerts. 


'7- 
iS. 

20. 
23- 

2.=^- 
2i). 


2e  Concert  des  Frères  Kellaert  .         . 

Répétition  publique  de  la  Schola  Cantorum 

Concert  de  la  Schola  Cantorum. 

Concert  Lamoureux     ..... 

Concert  de  la  Schola  Cantorum. 

Concert   Lamoureux     .         . 

Concert  du  Cercle   Militaire 


matinée 
matinée 
matinée 
soirée 

soirée 

matinée 

soirée 

soirée 

soirée 

soireé 

adirée 


SALLES    PLEYEL 


qnie   séance 


Grande    Salle 

I').      .Mme   Roger   Miclos   Hattaille  (Fest.   Chopin) 

16.  Le  quatuor  Lejeune  (4me  séance) 

17.  Mme  J.  Mortier  (lère  séance)  . 
Audition  de  Harpe  Chromatique 
La  Société  Nationale  fie  Musique 
Mademoiselle  A.  iiaik- 
Mademoiseli<-  Toulouse  (lOlèves) 
Mr.  Waël-Muuk  .... 
Le  Trio  Dcvade  Ciuétieu  (2e  séance) 
Mme   J.    Mmlitr  (2e  séance) 

Salle  des  Quatuors 

16       Mme  Cliassein-llerl/.og 
17.      Mademoiselle   Horlense   louent   (lOlèves) 
20.     Mademoiselle  Horlense   Parent  (Elèves) 
22.      Lis  Auditions  Modernes 


iK. 
!•;. 
20. 
21. 
22. 
2.V 


matinée 

soirée 

soirée 

matinée 

soirée 

soirée 

matinée 

soirée 

soiiée 

soirée 

soirée 
matinée 
matinée 
soirée 


Impr.  par  Thr  St.  Cathkrink  Priîss  Ltd.  Hru^es,  Bclj.îiquc. 


I 


L'ACTUALITÉ 


USICALE 


ANNEXE  DE  LA  REVUE  MUSICALE  S.I.M. 
PUBLIÉE  PAR  LA  SECTION  DE  PARIS  DE  LA 
SOCIÉTÉ  INTERNATIONALE  DE  MUSIQUE 


15  AVRIL  1910 


FRANCE  ET  BELGIQUE 
Le  numéro:  0.40  -Un  an:  4.00 


UNION      POSTALE 
Le  numéro:  0.60  -  Un  an:  6.00 


L' je  TU  AU  TÉ  MUSICALE 

RÉDACTION'   : 

PARIS:    22,    RUE    ST.    AUGUSTIN 
BELGIQUE:  RENÉ  LYR  A  BOITSFORT,  BRUXELLES 

ADMINISTRATION  : 

LIBRAIRIE    CH.    DELAGRAVE,    15,    me    Soufflot,    PARIS. 


Tous  les   mandats  doivent  être  adressés   soit  à   la  librairie   DELAGRjlV  E, 

soit  à  M.  REtKÉ  LYR. 


SOMMAIRE     DE     L'ACTUALITÉ 

DU    15    A\R11. 


THÉÂTRES  ET  CONCERTS,  à  Paris,  par  Gi'krii.lot.  —  Piovi.u-c-.  —  Hcliiiquc.  — 
Étranger.  —  JOUR  E'I'  NUIT,  par  Pikrrk  JoiuiK-DrvAi..  —  INSTRUMENTS: 
Les  Clarinettes,  par  Emile  StiÉvknard.  —  INSTRUISONS-NOUS  !  par  Doublk- 
DlèsE.  —  MUSIQUE  MILITAIRE  :  Ea  Musique  de  la  Garde  Rcipublicaine, 
par  Hknri  uv  Cur/oN.  —  COURS  E'E  CONFÉRENCES:  Cmn>  d'Histoire  de  la 
Musi(juc,  |>r(it(^s('  ;'i  I;i  I'';uult('  des  Lettres  par  M.  Ruinain  Rdllaml.  (^'ours  de  i'J'lcole 
des    Hautes    lùudes   Sociales.  —    I/KDITION    M  l 'SK'.A  I .  l",.  Caiaiulriir   des   Concerts. 


Théâtres  et 


Concerts 


La  Quinzaine  de  Pâques  a  quelque  peu 
ralenti  les  concerts  d'artistes,  mais  la  semaine 
sainte  nous  a  apporté  les  concerts  spirituels  de 
tradition.  Abstenons-nous  de  tout  préambule 
et  commençons  par  le  Conservatoire  qui 
donna  deux  œuvres  importantes,  la  Faust 
Symphonie,  de  Liszt,  qui  fut  une  nouveauté 
rue  Bergère,  et  le  Requiem,  de  M.  Fauré. 
L'œuvre  de  Liszt  est  une  de  celles  où  il  nous 
apparaît  le  plus  comme  un  Précurseur.  Le 
Requiem,  très  caractéristique  de  son  auteur, 
est  délicat  et  reposant.  Il  n'a  pas  de  "  dies 
irae,  pas  de  fracas  à  la  Berlioz.  C'est  le 
Requiem  de  Mélisande.  ou  de  quelque  vague 
petite  princesse,  l'auteur  l'a  voulu  ainsi,  mais 
notre  émotion  n'en  est  pas  moindre.  Aux 
deux  derniers  concerts  auxquels  nous  assis- 
tâmes, M.  Messager  conduisit  trop  lentement, 
•surtout  les  fragments  de  Maîtres  Chanteurs  et 
la  Symphonie  en  ré  de  Brahms. 

Voici   les   Concerts  Colonne   atteints 

par  la  perte  trop  prévue  du  chef  qui  les  con- 
duisit pendant  trente-six  années.  Le  Maître 
eut  ses  derniers  jours  éclairés  par  les  succès  de 
son  orchestre  dans  plusieurs  œuvres  nouvelles, 
comme  le  Diptyque  Breton  de  M.  Pierre 
Kunc,  l'Hymne  à  Aphrodite  de  M.  Gabriel 
Dupont,   les   Symphonies  de   MM.  Théodore 


Dubois  et  Gédalge,  l'An  Mil,  toujours  amu- 
sant, de  M.  Pierné.  La  3°^*^  Symphonie  de 
M.  Gédalge  n'a  pas  déplu,  elle  vaut  mieux 
que  ce  demi  succès.  La  Symphonie  Française 
de  M.  Dubois,  jouée  en  novembre  dernier  à 
Bruxelles, .  vivante  et  vibrante,  honore  celui 
qui  l'écrivit.  Au  Concert  Spirituel,  on  donna 
les  Béatitudes,  dans  leur  ensemble. 

Aux  Concerts  Lamoureux,  deux  es- 
sais de  chœurs  d'enfants,  de  M.  Roger  Ducasse, 
ont  peu  réussi,  en  raison  surtoyt  de  l'inex- 
périence des  exécutants  ;  une  mélodie,  de 
M.  Coquard,  d'orchestration  puissante,  eut 
demandé  une  partie  vocale  plus  importante. 
La  Symphonie  nouvelle  de  M.  Lazzari  est 
vigoureuse  et  claire,  sans  concessions  au 
m.odernisme  ;  mais  elle  a  trop  d'extériorité, 
elle  veut  vivre  plus  encore  qu'elle  ne  vit. 
Deux  mélodies  —  si  mélodies  il  y  a  —  de 
M.  Florent  Schmitt  sont  surtout  des  pièces 
d'orchestre.  Y  a-t-il  donc  quelque  infériorité 
à  écrire  pour  la  voix  ? 

Philarmonia  nous  paraît  être  à  peu  près 
Symphonia  transférée  du  théâtre  insuffisant 
des  Batignolles  au  coquet  théâtre  Réjane. 
Puisse  cette  salle,  où  s'est  faite  tant  et  de  si 
bonne  musique,  porter  bonheur  à  MM.  Cathe- 
rine et  Bachelet.  Le   début   est   excellent. 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


M.  Sechiari  a  tenu  à  répéter  les  frag- 
ments importants  de  Solea,  la  "  tragédie 
lyrique  "  de  M.  Isidore  de  Lara  dont  il  nous 
avait  gratifiés  l'an  dernier.  Cette  musique 
composite,  cosmopolite,  violente  et  creuse 
serait  tout  à  fait  à  sa  place  sur  une  scène  de 
casino.  Elle  procède  de  Messaline  et  a  produit 
Sanga.  Le  choix  de  l'ouverture  "  solennelle  " 
de  Tschaïkowsky,  1812,  n'a  pas  été  plus 
heureux.  Voilà  un  bruit  bien  cher  !  Au  con- 
cert précédent,  on  axait  eu  la  chance  d'en- 
tendre M.  Risler  et  M""  Kacerovska,  de 
jolies  pièces  de  MM.  Th.  Dubois  et  Léo 
Sachs  qui  consolaient  de  la  trop  pathétique 
Symphonie  n"  6  de  Tschaïkowsky. 

Nous  avons  quitté  avec  regret  la  Salle 
Gaveau,  le  9  mars,  après  le  dernier  Concert 
Durand.  Le  grand  succès  de  ces  séances  de 
musique  française  nous  fait  croire  à  la  même 
série  l'an  prochain.  On  aurait  ainsi  des  im- 
pressions annuelles  sur  notre  évolution  que 
par  les  programmes  nécessairement  éclectiques 
des    autres    concerts. 

La  Schola,  plus  agissante  que  jamais,  a 
donné  à  la  Salle  Gaveau  deux  bonnes  auditions 
de  la  Messe  en  ré  et  une  d'  "  Orphée  et 
Eurydice  "  de  Gluck,  tel  qu'il  fut  chanté  de 
1774  à  1831.  N'est-il  pas  stupéfiant  qu'une 
coupure,  une  transposition,  un  changement 
dans  un  rôle  et  —  ce  qui  est  plus  gra\e  ici  — 
le  changement  complet  d'un  rôle,  apportés 
par  un  régisseur  quelconque,  forment  aussitôt 
ime  tradition  immuable.  M.  Carré  aura-t-il 
jamais  cette  audace-là  r 

La  deuxième  séance  de  la  Société 
Haenclel  avait  à  son  programme  de  grands 
et  \énérables  noms  comme  ceux  de  Sweelinck, 
Schlitz,  Keiser  et  Haendel,  dans  des  œuvres 
un  peu  trop  courtes  mais  d'un  intérêt  puissant. 
Mais  à  cela  il  faudrait  des  moyens  d'exécution 
(|ui  manquent  encore  à  une  jeimc  société 
(i'amateurs,  quelle  que  soit  la  foi  de  son  chef 
et  de  ses  membres.  Il  serait  préférable  de  se 
restreindre  et  de  ne  donner  {|ue  des  (cuvres 
chorales  bien  étudiées  et  jouées  dans  la  sono- 
rité voulue. 

Le  2J  avril,  nous  entendrons  (  ttle  société 
groupée    au     i  rocadéro     et     ;ui     nombre    de 


400  exécutants  ;  elle  donnera  une  audition 
du  Messie  au  profit  des  Inondés. 

Ce  n'est  pas  déchoir  que  de  rappeler  main- 
tenant les  séances  du  Cercle  Musical 
puisque  le  quatuor  Firmin  Touche  en  est  la 
base.  Le  4  mars,  il  v  joua  un  nouveau 
Quatuor  pour  Archets  de  M.  Th.  Dubois 
qui  témoigne  de  la  \igueur  et  de  la  souplesse 
d'esprit  d'un  auteur  toujours  resté  jeune. 

Les  Soirées  d'Art  ont  également  clôturé 
a\ec  des  salles  combles.  Toute  la  série  des 
Quatuors  de  Beetho\en  a  eu  son  épanouisse- 
ment dans  l'exquis  Septuor  qui,  s'il  n'a  pas  la 
grandeur  des  immortels  derniers  Quatuors,  e.^t 
une  œu\re  d'éternelle  fraîcheur.  Comme 
solistes,  MM.  Risler,  Van  Dyck,  etc.  On  ne 
pourra  demander  mieux  l'an  prochain  et  la 
continuité  de  cette- œuvre  d'intelligente  \ul- 
garisation  est  assurée. 

Pour  son  dernier  concert  d'œu\res  fran- 
çaises de  violon,  M.  DebroUX  donna  deux 
concertos  et  une  sonate  de  [.  M.  Leclair,  une 
sonate  de  Bouvard  et  des  œuvres  de  Jacques 
et  de  Louis  Aubert.  Il  y  a  dans  toute  cette 
musique  un  air  de  famille  qui  prive  quelque 
peu  d'imprévu,  mais  une  santé  et  une  robus- 
tesse à  la  Haendel  qui  plaisent.  Exécution 
parfaite  par  M.  Debroux  et  par  M.  Eugène 
Wagner,  qui  accompagne  ces  \ieilles  choses 
a\ec  un  style  idéal. 

Les  trois  séances  pour  harpe  chromatique 
de  M"''  Cornelis  —  qui  est  à  la  fois  can- 
tatrice très  agréable  —  nous  ont  laissé  une 
profonde  impression,  car  la  \  irtuosité  n'\'  avait 
cju'une  place  accessoire.  M.  l^oissel  a  chanté, 
à  la  dernière  séance,  il'expressix  es  méloilies  de 
M.  Ch.  Koechlin. 

11  faudrait  disposer  de  quelc]ues  lignes  povu" 
résumer  et  apprécier  la  remarquable  Confé- 
rence faite  —  en  français  très  pur  et  a\cc  vm 
grand  bonluur  d'expressions  —  par  M.  Edwill 
Evans,  de  Londres,  sur  le  lied  anglais,  à  la 
Société  liu  Lit<l  eu  tous  les  pa\s  si  heureusement 
dirigée  par  M.  Lkniirman  r.  Nous  igru)rons 
presque  tout  île  l'étr.uiger,  aussi  si)mmes-nous 
charmés  lorsiiu'on  nous  en  parle  a\i'C  compé- 
tence. Ce  fut  K'  ras.  Cet  exposé  de  l'état 
actuel  lU-  la  luusique  dans  le  Ro\aume  Uni  fut 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


139 


(L.r/ 

Cl.» 


illustré  d'une  quinzaine  de  lieder  chantés  avec  de  Vixaldi,  le  concert  de  M.  Jean  Ten  Have 

beaucoup     d'intelligence    et     de    charme    par  avec  le  concours  de   sa   sœur  M'""  Salmon,  le 

1\1"''  Hélène  M.  lAïquiens.  récital  de  piano  de  M.  Paul  Goldschmidt, 

Mentionnons  à  la  hâte  une  séance  d'(!fc'u\rcs  interprète    délicat     et    distingué    de    Chopin, 

de     M""'    Héritte  Viardot,     fille    de     la  puissant  de  Liszt  et  de  l^rahms,  très  applaudi, 

grande  cantatrice,  œuvres  descriptives  et  agréa-  l'intéressant  trio  Kellert,  le  deuxième  con- 

bles   (joli    trio),    le    Concert   de    M,    et   M""'  cert     de     M""'     Caponsacchi     Jeissler, 

Gustav  Wagner,  avec   la   belle  sonate  de  violoncelliste   d'un  charme  et  d'une  pureté  de 

\'iolon     de     Lekeu,     une     moins     bonne     de  son  toute  spéciale,  (la  sonate  de  M.  Chevillard 

Trepart    et    le   Concerto   pour  quatre  violons  fut  très   bien  jouée,)  une  séance  de  violoncelle 

il  SOCIÉTÉ  MUSICALE  INDÉPENDANTE  '" 

sa  ,.., 

^^  Malgré   le  progrès  du  goût  musical  dans  notre  pays  et  le  nombre  relativement  i';f/ 

«S  élevé  des  sociétés  de  concert,  l'abondance  et  la  variété   de  la   production   musicale  $h 

0^  contemporaine   rendent   chaque    jour    plus    nécessaire    la    création    de   nouveaux  c:q 

au  organes  de  diffusion  artistique.  ^^jt] 

Igïj  Sans   méconnaître   les  précieux  services  rendus  à  notre  art  par  tant  de  sociétés  (:ri 

^^  musicales  actives  et  dévouées,  il  est   perm.is  de  déplorer  que  les  plus  florissantes  fî^ 

^^  d'entre   elles   n'aient  pu  échapper  —  rançon  inévitable  du  succès  —  à  une   certaine  J<sj^ 

p^  spécialisation.    Créer   un   milieu    libre  où    toutes    les    tentatives    artistiques,     sans  Ç^ 

1RS  distinction   de  genre,  de  style  ni  d'école  recevront  bon  accueil,  où  toutes  les  forces  f^'u 

îRHi  vives  de  notre   jeune  génération   s'uniront   fraternellement  pour  mettre  à   la  dis-  f}is 

®^  position    de    tous     des    moyens    d'exécution     aussi     parfaits    que    possible    qu'il  03 

^^  s'agisse  de   musique   d'Orchestre  ou  de  musique  de  chambre,   tel  est   le   but  que  r^i 

Il  se  propose  d'atteindre  la  SOCIÉTÉ   MUSICALE   INDÉPENDANTE.  pg 

H  Tout  en  s'attachant  particulièrement   à  favoriser  les  plus  jeunes   tendances  et  à  }}^ 

Il  préparer  l'avenir,  la  SOCIÉTÉ   INDÉPENDANTE  n'exclura  pas  cependant  de   ses  gg 

S|  programmes  les  œuvres   du  passé  dont  la   révélation  pourrait  sembler  intéressante.  pjjj 

Il  L'administration  artistique  de   la   SOCIÉTÉ   INDÉPENDANTE    sera    assumée  gg 

p^  par  le   Comité  soussigné,    sous  la  présidence  effective   de  M.  Gabriel   FAURÉ  pX* 

i55â  Directeur  du  Conservatoire.  éh 

il  Le  Comité  :  Il 

Il  Gabriel  FAURE,  Louis  AUBERT,  André  CAPLET,  Roger  )¥{ 
Il  DUCASSE,  Jean  HURÉ,  Charles  KOECHLIN,  Maurice  RAVEL  )1i^ 
Il  Florent  SCHMITT,  Emile  VUILLERMOZ.  fef/ 

au  Secrétaire  général  :   A.   Z.   MATHOT.  «^ 

»^  Envoyer  les  adhésions,  les  souscriptions,  les  manuscrits  et  les  demandes  d'exécution  au  Secrétariat  )fiil 

^^  Général  de  la  SOCIÉTÉ  MUSICALE  INDÉPENDANTE,   11.  rue  Bergère.     Tél.  23431.  ^fj 

SjH  La  cotisation  annuelle  des  membres  de  la  Société  est    fixée  à  30    fr.    donnant  droit    à    3    places  &ï>. 

jR^  réservées  pour  chaque  Concert.  j-Jçn 

g^  Les  cinq    premiers  Concerts  de    cette  saison  seront  donnés  alternativement    Salle    GAVEAU    et  ^Xx 

.gfïï*  Salle   ERARD.   Le  premier  est  fixé  au  Mercredi  20  Avril.                                                                               ■    ^gf 

lRfii  au 

&uf^uauf^ufjuf:ufjufjufjuf^ufjuf£ufjiuauauauf^^^ 


le 


Rouart,  Lerolle  <S  C 

ÉDITEURS  DE  MUSIQUE 
8,   BOULEVARD    DE  STRASBOURG  -  PARIS 


Le  plus  grand  abonnement  de   France 
service  :  Maison  GAVEAU,  45,  rue  de  la  Boëtie. 


TOUTE   LA   MUSIQUE   en  lecture 

Représentation    exclusive    des  Éditions    Bélaïeff,   Hansen, 
Jurgenson,  Universelle  et   Zimmermann. 


VIENNENT  DE  "PARAITRE  : 

Déoclat  de  Séverac  :     LE    CŒUR     DU     MOULIN,     Drame-Lyrique   en 
2  actes,   la   partition  1 5   francs. 

Pierre    de    Bréville  :    EROS    VAINQUEUR,   Conte   Lyrique  en    3   actes 

la  partition    net    20    francs. 

Albert    Rous.s.1  :     POÈME     DE     LA     FORÊT,     Symphonie    réduite    à 

4   mains,    net     1 0    francs.  ' 


L  '  A  C  T  U  A  L  rr  E     MUSICALE 


141 


également  par  M.  Gcor^'S  Sitsch  a\cc  les 
trois  grandes  s<inates  (M""'  Jane  Mor'iif.r  au 
piano)  de  J.  S.  lîach,  où  l'exécution  eut  quel- 
que sécheresse,  d'agréables  récitals  de  piano  de 

M.  Herbert  Tryer,  de  M"'  GuUer,  etc. 
M.  Roger  de  Pranemesnil,  pianiste  déjà 

glorieux,  se  fit  entendre  le  10  mars,  Salle 
Erard,  avec  l'orchestre  de  M.  Chevillartl,  dans 
les  Concertos  de  Schumann  et  de  Rimsky 
Korsakow  (qu'il  joua  mieux  que  celui  de 
Schumann)  et  de  jolies  pièces  adéquates  à  son 
talent  très  délicat  mais  sans  grande  puissance. 

La  Sonate  de  M.  Dukas,  ia  Sonate  en  mi 
de  M.  d'Indy,  le  Prélude  Choral  et  Fugue  de 
Franck,  voilà  certes  un  programme  qui  n'a 
rien  d'enfantin.  C'était  celui  de  M""  Veluard 
à  la  Schola,  le  18  mars,  et  vous  savez  que 
j^iie  Veluard  est  presque  une  enfant.  Exécu- 
tion souple  et  facile,  pas  assez  de  force  dans  le 
Franck,  mais  quel  espoir  ne  pas  fonder  sur  des 
dons  comme  ceux-là  ! 

Nous  aurons  encore  en  avril  l'occasion  de 
parler  du  Quatuor  Lejeune  dont  nous  ne 
dirons  jamais  trop  de  bien.  Le  16  mars,  il  y 
eut  ce  curieux  Quatuor  sur  le  nom  de  Bielaïeff 
(si  b,  la,  fa)  écrit  par  Rimsky,  Liadow,  Borodine 
et  Glazounow^,  et  trois  délicieuses  novelettes 
pour  quatuor  archets  de  Glazounow,  un 
quatuor  de  Kopylov^^  et  enfin.  M™®  Miquel 
Alzieu  dans  Islamey,  la  fantaisie  orientale  de 
Balakirew^. 

Nous  sommes  aux  regrets  de  n'avoir  que 
deux  lignes  pour  le  concert  de  M.  de  Vogel, 
professeur  de  piano  au  Conservatoire  de  Rot- 
terdam, et  de  M.  Van  Isterdael,  professeur 
de  violoncelle  au  Conservatoire  de  la  Haye. 
Ce  dernier  est  un  remarquable  artiste,  d'une 
qualité  de  son  et  d'une  sobriété  d'elïets  remar- 
quables. Après  une  sonate  de  Brahms,  M.  Van 
Isterdael  a  joué  avec  l'auteur  une  sonate 
encore  inédite  de  M.  Louis  Delune  qui  est 
d'une  haute  valeur  musicale  et  tranche  abso- 
lument avec  tant  de  banalités  écrites  pour  ce 
noble  instrument. 

Nous  ne  pouvons  que  citer  l'audition 
d'œuvres  nouvelles  donnée  par  la  maison 
d'édition  Roudanez  et  exprimer  nos  regrets 
de  n'avoir  pu  y  assister.  Il  en  fut  de  même  du 


Concert  classique  et  moderne  ((Euvres  de 
M.  Tremisot)  que  donna  le  Cours  Chevillard- 
Lamoureux  de  la  Plaine- Monceau. 

Les  Vendredis  du  Lyceum  nous  ont  valu 
plusieurs  agréables  heures  de  musique,  comme 
précédemment.  Rappelons  le  beau  talent  de 
pianiste  de  M"''  Marthe  Girod  dans  des 
oeuvres  de  Schumann,  celui  de  M'""  Astruc 
Doria,    cantatrice,    dans    de    jolis    lieder    de 

M.  Georges  Hue,  de  M'"^  Elizabeth  Dél- 
iiez dans  du  Gounod,  etc. 

Un  des  principaux  événements  du  mois,  et 
de  la  saison  a  été  le  concert  de  musique  hon- 
groise moderne  donné  par  de  jeunes  maîtres 
de  Budapest.  Nous  publierons  prochainement 
un  article  important  sur  cette  école  des  Kodaly 
et  des  Bartok.  —  Aux  Auditions  Modernes 
de  nouvelles  œuvres  :  une  Suite  en  trio  de 
Henri  Defosse  de  brillante  allure,  une  Sonate 
piano  et  violon,  d'Albert  Laurent  (d'Armen- 
tières),  claire  et  généreuse,  enfin  un  quatuor  à 
cordes  de  J.  Binebaume,  jeune  Turc,  élevé 
en  Bulgarie  et  transplanté  en  Allemagne  élève 
de  Rheinberger,  musique  touffue,  mais  très 
sincère.  Remercions  M.  OberdoerfFer  de  pour- 
suivre cette  œuvre  de  diffusion.  —  A  la 
Sorbonne  au  concert  du  20  mars  nous  avons 
surtout  remarqué  la  voix  de  M"^*^  Camille 
Chadeigne  contralto  accompli,  comme  l'air  de 
Bach  qu'elle  chanta.  —  Enfin  mentionnons 
l'audition  d'élèves  de  M"'^  Kohi.  Le  cours  de 
M"*^^  Kohi  est  certainement  à  Paris  un  de  ceux 
où  se  conservent  le  plus  sûrement  les  bonnes 
méthodes  de  chant. 

Nous  oublions  certainement  beaucoup  d'ar- 
tistes. Qu'ils  veuillent  bien  considérer  le  peu 
de  place  dont  nous  disposons  et  la  place 
énorme  qu'ils  tiennent  dans  la  vie  intelligente 
de  Paris  l'hiver  et  ils  ne  nous  en  tiendront 
pas  trop  rigueur. 

F.  Guérillot. 


Province 


BORDEAUX.  —  Troisième  et  dernier 
Concert  au  "  Cercle  Philharmonique,"  avec  le 
concours  de   Mme  Long,  dans  la  "  Ballade  " 


COURS  DE  CHŒUR 

llRUE-QECHAMALEiLLESPJ: 

Dirigé  par  /a^J^'GERMAÎME 

CHE. VALENT  AV£CL£CONC0U<=^S 

oe  Ms:  JE. AN  VERO  ltoe W^ 
^^AftCELLE  CROué«3 
LL5AMEDI  oî  gii  aS^== 
DÉCE^\BRE  a /AAJ 


p^^1 


MUSIKALISCHES  WOCHENBLATT 

Directeur:   LUDWIG  FRANKENSTEIN 

ABONNEMENT  13  FR.   PAR  AN. 


40    ANNEE 


Le  "  MUSIKALISCHES  WOCHENBLATT  "  publie  des  aiticles  de  fond 
des  nouvelles  et  des  critiques,  rédigés  par  les  musiciens  et  les  musicologues  les  plus 
éminents.  Cette  revu^  abondante  donne  un  tableau  complet  de  la  vie  musicale 
du  monde  entier.    Elle   est   connue  p^ur  sîs  tendances  progressistes. 

L  •  "  MUSIKALISCHES  WOCHENBLATT  "  se  recommande  aux  artistes, 
éditeurs,  luthiers  et  établissements  de  tout  genre,  qui  désirent  se  faire  connaître 
par  des   insertions. 

Envoi   g  aluil   (l'un    nu.néro   spiciman. 

Administration:   OSWALD  MUTZE.    LEIPZIG 


4,    Lindf.nstrasse. 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


143 


lie  Paiirr,  avec  orchestre,  et  le  sioloniste 
l^ouclieiit  dans  un  intéressant  concert  inédit 
d'Ha\cln,  qu'il  joua  remarquablement. 

De  même  à  la  Société  Sainte  Cécile,  8''  et 
tlerin'er  concert,  de  la  saison,  avec  le  concours 
de  Mme  Renié,  harpiste,  et  Ph.  Gaubert, 
dans  l'adagio  du  délicieux  concert  pour  flûte 
et  harpe  de  Mozart.  L'Orchestre  Pennequin, 
dans  la  symphonie  inache\'ée  de  Schubert,  et 
a\ec  les  chœurs  dans  la  Psyché  de  Franck. 

Entre  temps,  deux  séances  intimes  données 
par  la  même  société,  dans  la  grande  salle  de 
son  Conservatoire.  Dans  l'une  on  entendit  le 
quatuor  Pennequin,  dans  le  quintette  de  Mo- 
zart et  dans  le  délicieux  quatuor  de  Debussy. 
Dans  l'autre  séance,  se  fiient  applaudir,  l'habile 
violoncelliste  Van  Ktaerdael,  le  pianiste  Vogel 
et  notre  harpiste  du  Conservatoire  R.Jandelly. 

A  la  salle  Bermond  "  La  Société  de  Musi- 
que ancienne",  continue  la  série  de  ses  intéres- 
santes séances,  avec  des  œuvres  de  choix,  la 
plupart  inédites  et  une  très  bonne  mise  au 
point. 

Deux  mots  sur  le  récital  vocal  que  donnait. 
Salle  Franklin,  Mlle  Emilie  Grossard,  belle 
voix  de  contralto,  chaude,  expressive,  excellente 
interprétation  des  œuvres  du  programme. 

La  Chanterelle  (Cinq  Ecole),  vient  aussi  de 
terminer  sa  saison  musicale  avec  les  œuvres  du 
Compositeur  de  la  Tombelle,  qui  prit  part 
à  l'exécution  de  ses  compositions,  et  fit  une 
très  spirituelle  conférence.  Le  cercle  orphéo- 
nique  qui  prêtait  son  concours  à  cette  séance, 
venait  lui  aussi,  de  donner,  avec  le  concours 
de  la  Société  Musicale  "  La  Bordelaise  ",  de 
Mme  Lacroix  Orlof,  de  l'Opéra  Impérial 
de  Saint-Pétersbourg,  et  de  divers  artistes 
renommés,  un  grand  concert  au  profit  des 
Familles  inondées  de  la  Seine. 

Signalons,  le  grand  Concert,  que  vient  de 
donner,  le  corps  médical  bordelais  au  grand 
Théâtre,  au  profit  de  l'œuvre  intéressante 
*'  La  goutte  de  lait  bordelaisp  "  manifestation 
artistique  imposante  qui  fait  honneur  aux 
■organisateurs,  et  aux  bons  artistes  qui  prêtaient 
gracieusement  leur  concours. 

Enfin  pour  terminer,  "  Sauer  ",  le  grand 
pianiste    "  Sauer  "  !    est  venu    dans  nos  murs. 


la  Salle  Franklin,  était  trop  petite  pour  conte- 
nir les  admirateurs  du  maître  Allemand.  Pro- 
gramiuc  aussi  intéressant  (|ue  varié  et  accueil 
enthousiaste  de  la  part  de  nos  amateurs. 

Quelques  jours  avant  et  dans  la  même  salle, 
nous  eûmes  le  plaisir  d'entendre,  un  grand 
pianiste  aussi,  un  Français,  celui-là,  je  veux 
parler  d'Ed.  Risler,  qui  nous  charma  par 
une  sélection  des  œuvres  les  plus  importantes 
de  Chopin.  M.  Risler,  donnait  ce  récitai  à 
l'occasion,  du  Centenaire  du  Maître  roman- 
tique. Gros  succès. 

V.  Gendreu. 

NEVERS.  —  Le  magnifique  concert  donné 
le  1 1  Mars  par  M^^*^  Cécile  Déroche,  (i"'  prix) 
pianiste,  M^^^  Christiane  Roussel,  violoniste  et 
M"''  Vannier,  cantatrice,  a  remporté  un  légi- 
time succès. 

M"*^  Christiane  Roussel  dont  la  parfaite 
technique  lui  permet  de  badiner  avec  les  plus 
hautes  difficultés,  interpréta  avec  âme  et  finesse 
Andante  et  Rondo  de  la  Symphonie  Espagnole, 
Berceuse  de  Fauré  et  les  aiis  Russes  de  Wie- 
nawski. 

M"'^  Cécile  Déroche  joint  une  étonnante 
virtuosité  à  des  sentiments  profonds  de  musi- 
cienne. Belle  sonorité  et  respect  de  l'auteur 
dont  elle  se  fait  la  plus  fidèle  interprète.  Ce 
sont  ces  qualités  personnelles  qui  lui  permirent 
de  nous  donner  une  exécution  brillante  et 
raffinée  des  Sonates  de  Franck  et  Destenay,  de 
la  fantaisie  de  Chopin  et  de  Mazeppa  de  Liszt. 
De  frénétiques  applaudissements  saluèrent  ces 
deux  jeunes  artistes  auxquel  nous  prédisons  le 
plus  bel  avenir. 

M"®  Vannier  sut  malgié  un  enrouement 
très  gênant  faire  apprécier  la  beauté  de  sa  voix 
et  son  impeccable  diction. 

G.  G. 

ST-ETIENNE. — Le  troisième  et  dernier 
concert  de  la  saison,  donné  à  St-Etienne  par 
la  Société  des  Grands  Concerts  de  Lyon, 
direction  G.  M.  Witkowski,  a  obtenu  un 
grand  et  mérité  succès. 

Le  principal  attrait  de  ce  concert  était  la 
i'"  audition    dans  notre  ville,    de    Shèhèraxade^ 


144 


L'ACTUALITE     M  U  S  I  C  A  L  E 


de  Rimskv-Korsakoff,  que  l'orchestre  dirigé 
avec  maestria  par  M.  Witkowski  a  rendu  de 
façon  parfaite. 

M"*^  Vallin  a  chanté  deux    lieder  SEgmont^ 
Phidylè   de    Duparc    et   la   Procession    du   père 
Franck,  avec   sa  voix    prenante   de  mezzo  et 
•   unie  sûreté  de  méthode  vraiment  remarquable. 
La  Chambre  Syndicale   des  Artistes  Musi- 
ciens de  St-Etienne  annonce   pour  le  "  Avril, 
,iun(  Concert    classique,    sous    la   direction    de 
M.  Ph.  Flon. 

-..'i/M.  Perrachio,  le  violoncelliste  bien  connu 
donnera  le  lo  Avril  son  concert  annuel  a\ec 
le  coVicours  de  M"'"  Vallin,  cantatrice,  M""  Gi- 
rard,rr  piain'ste,  professeur  au  Conser\atoire,  et 
M.'  Chanel,  le  nouveau  professeur  de  violon 
supérieur  au  Conservatoire. 

E.  Michel. 

..  GUÉRET.  —  Dimanche  13  Mars,  le 
lycée  donnait  sa  fête  annuelle  dont  les  béné- 
fices iront  aux  innondés  de  la  Seine.  Pensée 
délicate  qui  s'accordait  au  caractère  du  spec- 
tacle, car  le  rire  le  plus  franc  n'y  glissa  jamais 
j;,à  la  vulgarité. 

De  jeunes  élèves,  que  la  direction  ingénieuse 
de  M.  Duval  sut  improviser  acteurs,  se  risquè- 
rent bravement  à  jouer,  sans  l'expérience  des 
professionnels,  mais  aussi  sans  leurs  contresens, 
les  personnages  du  Légataire  et  de  l'Axocat 
Pathelin. 

Mais  cette  partie  littéraire  ne  constituait  à 
vrai  dire  qu'un  hors-d'œuvre.  Elle  aidait  cer- 
taines complexions  réfractaires  à  la  musique, 
à  accepter  un  menu  dont  l'aspect  paraissait 
lu)stile. 

Mais  les  bravos  unanimes  qui  soulignè- 
rent la  fin  du  trio  en  mi  -1  de  Scliubert,  de  la 
sonate  en  la  mitu-ur  île  Si  liimiaiin,  du  rrio  en 
ut  de  Hach  et  du  clurur  rH\nine  à  la  Nuit 
de  Rameau  témoignent  c|ue  ces  maîtres  n'ont 
pas  seulement  prêché  des  convertis. 

Remercions    M Lemoine     MM.     lîoos, 

Pieircr,  Marsal,  Retorr  de  nous  avoir  nuiiés  à 
ces  hauteurs. 

'i'OUkS.  —  Récital  d'œuvres  de  Chopin, 
par  Raoul    Pugno,  à  l'occasion   du  Centenaire 


du  "  Poète  du  Piano  "  ;  5"'"  et  (i^'  concerts 
de  ru.  F.  P.  C,  consacrés  l'un  à  Schumann 
(M'"'  Ch.  Boichin,  Dubrav,  Noëla  Cousin), 
l'autre  à  César  Franc!:  (M"''  Alice  Daumas, 
Jeanne  Blancard,  M""  Rimé-Saintel)  ;  3™** 
Conférence-audition  de  M'^*""*  L.  Pern\"  et 
Ruin-Gabriac  (l'Influence  de  l'Amour  sur  la 
Musique  ;  —  œuvres  de  M.  René  Lenor- 
mand,  sous  la  direction  de  l'auteur);  3""^  séance 
de  Sonates  par  M"''  Wyder  et  M.  Liéron, 
(Sonates  de  Corelli  et  de  Gabriel  Pierné)  avec 
le  concours  de  M.  F.  Mockers,  comme  soliste; 
concert  de  M.  Lazaie  Lévy  et  de  M"*^  Jeanne 
Leclerc.  —  Et,  sans  parler  de  soirées  plus  ou 
moins  artistiques  de  Sociétés  plus  ou  moins 
éphémères,  voilà,  n'est-il  pas  vrai  r  beaucoup 
de  musique,  en  quinze  jours,  pour  une  ville 
de  province  !  Il  \'  faudrait  un  compte-rendu 
détaillé  pour  qu'il  puisse  intéresser  le  lecteur. 
Faute  de  Place,  et,  plutôt  que  de  voir  celui-ci 
soumis  à  quelque  amputation  qui  le  dénature, 
j'y  renonce... 

H. 

CARCASSONNE.  —  Tout  récemment  a 
eu  lieu  le  troisième  concert  de  V Association  des 
Concerts  Symphoniques  de  Carcassonne, 

On  a  remarqué  —  M.  Michel  Sabatier 
iic\eu  dans  le  22""'  concerto  pour  violon  de 
Viotti,  —  M""'  Jeanne  Sabatier,  pianiste, dans 
une  Etude  de  Paul  Lacombe  et  la  Seguedilla 
d' Alheniz^  —  M""'  Auzon^',  accompagnée  au 
piano  par  M.  Auzon\',  dans  une  naïve  poésie 
tiu  troiiM-rc  Rutcbeuf,  mise  en  musique  par 
F.  Coui  tade,  dans  les  Stances  de  Snpho  de 
Guonod  et  une  mélodie,  V hlxilè  de  P.  Lacomhfy 
—  et  M^L  Douce,  Harral  et  Ra\iiaud  dans 
le  Trio  pour  Clarinette,  cor  anglais  et  basscMi 
de  Heethoxen. 

Tous  les  artistes  méritent  nos  chaleureuses 
félicitations. 

! /orchestre,  dirigé  par  M.  Miz  a  fait  en- 
teiulre  une  otnurture  SYHi/>/ionique ôc  A^/iw/V/.v,  les 
Masfjues  de  Pedrotti^  Au  bord  de  la  AIrr  de 
Dunkler  (soliste  :  M.  Her;:asse,  violoncelliste) 
et  If  Pri^lude  du  Dr/uge  de  St  Sai'ns  (soliste  : 
M.  Mir  /ils,  violoniste). 

L'orchestre   et   admirablenunt    entiaîné   et 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


^^S 


cliu;iie  de   tout  éloge  ;   il  faut   le  louer  surtout,  '•'•  Ahacc-Lr)rra'ini'^\    En    tout    90   exécutants, 

d'avoir    permis   à    un    auditoire    nombreux    et  Au  programme  :  l'Ouverture  de  Léonore,    les 

élégant    d'applaudir     une     ^uïtc   pastorale    du  Variations  symphonique  et  Rebecca  de  PVanck. 
maître   carcassonnais  'Paul  Luconihi'.  A.   G. 


POITIERS.  —  Pour  la  première  fois  nous 
avions  le  plaisir  d'entendre  à  Poitiers  la  célèbre 
cantatrice  M""'  Litvinne  ;  sa  voix  merveilleuse, 
son  admirable  intjrprétation  soulevèrent  un 
véritable  enthousiasme  dans  la  Mort  d'Yseulc 
de  Wagner,  le  grand  Air  d'Alceste,  les  Amours 
du  Poète  de  Schumann  dont  elle  donna  l'audi- 
'tion  intégrale  et  des  œuvres  de  Paul  Vidal, 
Diémer,  Moussorgski. 

M.  Robert  Schmitz,  pianiste  dont  le  jeune 
talent  promet  beaucoup,  interpréta  a\'ec  une 
compréhension  profonde  l'exquise  Soirée  dans 
Grenade  de  Debussy,  un  Scherzo  d'Edmond 
Malherbe,  mais  manqua  de  puissance  dans  la 
difficile  Etude  Transcendantale  de  Liszt. 

L'excellent  violoncelliste  Paul  Bazelaire 
donna  avec  M.  Schmitz  la  belle  et  sombre 
Sonate  de  Boëllmann  et  des  pièces  de  César 
Gui,  Mozart,  Chopin  qui  lui  valurent  un  réel 
succès.  M.  H. 

ANGERS.  —  A  signaler  la  très  intéres- 
sante conférence  donnée  par  le  comte  du  Pies- 
sis  de  Grénédan  et  nous  montrant  la  vie  intime 
et  la  vie  musicale  de  Mozart,  avec  des  exem- 
ples nombreux  de  musique  et  de  chant. 

M.  B. 

RETHEL.  —  La  Société  d'' Etudes  ^ympho- 
niques  a  donné  en  mars  dernier  un  très  beau 
programme,  à  l'Ecole  Primaire  Supérieure. 
Mozart,  Haydn,  Haendel  et  Beethoven  y 
figuraient  avec  des  œuvres  de  chambre  et 
d'orchestre  et  se  trouvaient  réunis  autour  d'une 
conférence  du  Dr.  Gobinet  sur  :  les  origines 
du  style  instrumental  et  du  style  classique. 
Voilà  de  l'excellente   propagande  provinciale. 

La  musique  moderne  a  été  représentée  par 
un  grand  concert  dirigée  par  Grégoire  Vays- 
man,  et  organisé  avec  différents  concours. 
Comme  solistes:  M^^^  Malnory,  M"*"  Verteuil, 
MM.  Paul  Dazy  et  H.  Grimaud.  Comme 
chœurs  un  groupe  de  jeunes  filles  et  l'Orphéon 


ROUEN.  —  Nous  axons  eu  souvent  plaisir 
à  signaler  ici  même  l'inlassable  activité  de 
M'"°  Capoy,  qui,  au  milieu  des  devoirs  de  sa 
profession,  trouve  le  temps  et  les  moyens  de 
propager  à  Rouen  (ville  jadis  musicale)'!  de 
goût  de  la  beauté  sonore. 

Cet  hiver  M™*^  Capoy  abordait  trois^ Sujets 
différents,  et  nouveaux  pour  tout  le^fflonde 
ici.  Elle  traita  d'abord  de  la  musique  allemande 
avant  Bach,  et  nous  présenta  d'admifëibles 
œuvres  de  Schûtz,  de  MufFat  et  de  l'art  ch'oral 
germanique.  Puis  elle  transporta  sa  cu'Pfpsité 
et  la  nôtre  dans  la  vieille  Normandie,  avec  une 
série  de  Noëls,  très  curieux  historiquement, 
très  intéressants  musicalement  et  dont  nous 
espérons  bien  voir  un  jour  la  publication  dans 
rS.  I.  M.  Enfin  elle  aborda  la  science 'piire 
avec  une  conférence  sur  la  physiologie  du  larynx. 
Car  M™*^  Capoy  est  une  élève,  et  très  fervente 
du  Dr.  Marage,  dont  elle  suit  les  cours  à' la 
Sorbonne.  Donner  à  tout  ceux  qui  le  désirent 
un  moyen  pratique  et  scientifique  de  soigner 
leur  organe  et  d'obtenir  une  belle  voix,  telle  est 
l'ambition  du  Dr.  Marage  et  des  méthodes 
que  M™*^  Capoy  est  venu  nous  exposer,  avec 
la  meilleure  grâce,  et  une  simplicité  dont  nous 
avons  tous  tiré  le  plus  grand  profit.  La  dé- 
monstration était  faite  par  M™'"  Capoy  elle- 
même,  et  par  une  jeune  artiste  de  l'Odéon, 
M^^'^  Himmel,  qui  en  déclamant  de  jolies 
pièces,  nous  a  ravi  jusqu'au  troisième  ciel. 
(Qu'elle  me,  pardonne  ce  jeu  de  mot)  ! 

M.  N. 

LYON.  —  Très  beau  succès  au  Grand 
Théâtre  de  Lyon  pour  le  Cahrettaïre,  vieille 
légende  d'Auvergne  transformée  en  ballet,  par 
Marins  Versepuy,  et  que  nous  applaudirons 
sans  doute  un  jour  à  Paris. 

PRIVAS.  —  \J Association-musicale  de  Privas, 
continue  son  œuvre  d'éducation.  Après  nous 
avoir   donnée    les   trois    premières  symphonies 


146 


L'ACTUALITE     M  U  S  I  C  A  L  E 


de  Beethoveîi,  voici  qu'elle  organise  un  con- 
cert avec  la  cinquième,  plus  Peer  Gynt  de 
Grieg,  le  Prélude  Lohengrin^  et  l'Ouverture 
à'' Iphigènie  en  Aididc.  Privas  s'éveille  à  la  grande 
musique. 

A.  R. 

LYON,  —  I.c  concert  donné  le  9  mars  à 
la  salle  Rameau  par  M""'  Félia  Litvinne,avec  le 
concours  du  violoncelliste  Bazelaire  et  du 
pianiste  Robert  Schnitz,  a  été  pour  la  grande 
cantatrice  l'occasion  d'un  \éiitable  triomphe. 
A  la  huitième  séance  de  la  Société  des  Grf/fu/s 
(Joncerts,  dont  le  programme  était  très  réussi, 
on  à  applaudi  le  pianiste  Emil  Sauër  qui  a  t;iit 
apprécier  un  talent  très  personnel  et  un  Jl-u 
d'une  incomparable  légèreté. 

Pour  clôturer  la  série  des  auditions  de  cette 
année,  M.  Witkowski  a  fait  entendre  le  mardi 
saint,  dans  un  concert  spirituel.  A?  'Passion  se/on 
Saint  Jean.  L'oeuvre  de  Bach,  qu'on  exécutait 
pour  la  première  fois,  à  L\on,  a  été  donnée 
dans    sa    presque    intégralité.     M"'"    Eléonore 

Blanc,    M Fouqué,    M. M.    Plamondon    e^ 

Mary  en  ont  chanté  les  soli,  ces  deux  derniers 
art's':e>  avec  beaucoup  de  succès.  L'orchestre 
s'est  montré  à  la  hauteur  de  sa  tâche;  mais  les 
chceurs  de  la  Sc/io/a,  st\'lcs  a\ec  une  patience 
inla'-sable  par  M.  Witkowski,  méritent  des 
éloges  spéciaux  pour  Itur  belle  tenue  et  l'as- 
surance avec  laquelle  ils  ont  exécuté  les  diffi- 
ciles vocalises  et  les  parties  figurées  qui  abondent 
dans  la  partition  du  grand  Cantor. 

Lts  exécutants  et  leur  chef  ont  été  l'objet 
d'ime  enthousiaste  ovatiofi  ;i  la  suite  ele  cette 
rcmai(|uablc  aiidlrl.  .11.  }\.  ]',. 


MOULINS.  —  La  Chomh  de  Moulins  est 
une  jeune  société  qui  ne  compte  guère  plus  de 
cinq  mois  d'existence.  Elle  a  été  fondée  et 
elle  est  dirigée  par  M.  E.  Vincent,  professeur 
de  \i()lon.  Le  19  Mars  dernier  elle  donnait, 
au  théâtre  municipal,  son  premier  concert. 
Les  artistes  et  amateurs  distuigués  de  la  ville 
lui  avaient  prèré  leur  concours  ainsi  que  la 
section  svmphonique  de  la  L\'re  Moulinoise. 
Ce  fut  une  très  belle  soirée,  La  Chorale  de 
Moulins  a  de  bons  é'éments.  Avec  du  tra- 
\ail  et  de  la  persévérance  elle  pourra  aborder 
très  rapidement  les  belles  œuvres  de  la  poly- 
phonie vocale.  Il  serait  désolant  qu'elle  en 
restât  longtemps  aux  fadeurs  rvthniées  des 
danses  viennoises  nu  aux  pompons  démodés 
de  Saintis, 

Nous  souhaitons  à  la  Chorale  de  Moulins 
(le  continuer  la  bonne  entente  des  premiers 
jours  avec  la  L)'re  Moulinoise.  Unissant  et 
combinant  leiu-s  efforts,  ces  deux  Sociétés  pour- 
lont  nous  taire  entendre  quelques  belles  pages 
des  maîtres  anciens  ou  modernes,  du  H.Tndel, 
par  exemple,  ou  du  Berlioz,  ou  du  Wagner, 

Nous  c^o^■oMS  savoir  qu'à  l'occasion  d'une 
grantle  cérémonie  religieuse  qui  aura  lieu  à 
Notre-Dame  de  Moulins  le  19  Juin  prochain, 
M.  l'abbé  Magnasse  fera  exécuter,  par  l'excel- 
lente Maîtrise  de  cette  église,  dont  il  est  le 
direcrenr,  inie  grande  canta'e  de  sa  composition. 

NAN'l'ES.  —  L:.-s  concerts,  à  Nantes,  ont 
été  particulièrement  brillants  ce  mois-ci. 

Cr    fur   d'aboril,   le    28  Février,    M""'  Felia 

Lirvimu-,    ijui  ^e    faisait  entendre  pour  la    pre- 
mier;- lois  dans  notiT  \  illi'.    l'.llr  inter|iréra,  île 


Application 

ruisonnée  de\ 

meilleurs  procédés 

pédagogiques 

et  techniques 

employés  par  les 

grands  maîtres 

contemporains 

frattçais 

et  étrangers. 


LEÇONS  de  PIANO 

VIOLONS.  SOLFÈGE  HARMONIE 

VAR  CORRESPONDANCE 

COURS    SINAT 

Rue    Franklin.    5.     VA  RIS  Trocadêro. 


L'ACTUALITE     M  U  S  1  c:  A  L  E 


H7 


magnifique  façon,  l'air  d'Alceste,  à  la  suitr 
duquel  le  public  enthousiasmé  lui  fit  une 
véritable  ovation,  les  "  Amours  du  poète,  "  la 
mort  d'Ysuelt  et  différentes  mélodies  parmi 
lesquelles  l'étrange  "  Berceuse  "  extraite  des 
"  Danses  de  la  mort  "  de  Moussorgski.  —  Au 
même  concert,  nous  entendîmes  M''  Robert 
Schmitz,  pianiste  agréable,  et  M''  Paul  Baze- 
laire,  violoncelliste  qui  a  du  charme  et  une 
jolie  qualité  de  son. 

Le  1 1  Mars,  l'orchestre  des  concerts  popu- 
laire d'Angers  donnait,  avec  Edouard  Risler, 
un  concert  qui  fut  un  des  principaux  événe- 
ments de  la  saison  musicale. 

Le  pianiste  Nantais  G.  Arcoùet  donnait,  le 
i8  Mars,  un  récital  de  piano  en  trois  parties  : 
la  première  consacrée  à  la  musique  ancienne 
(Bach,  Scarlatti,  Rameau,  Daquin,)  la  seconde 
à  Chopin,  la  troisième  aux  compositeurs  mo- 
dernes (Sgambatti,  Moskowski,  Wagner, 
Zistz,)  M.  Arcouet  a  toutes  les  qualités  qui 
font  les  grands  virtuoses,  technique  impeccable, 
légèreté,  souplesse  et  puissance.  M™*^  Benz- 
Piédeleu,  au  même  concert,  donna,  avec  infi- 
niment de  tallent,  deux   intermèdes  de  chant. 

Notre  savant  compatriote  Bourgault-Ducou- 
dray  fit,  le  21  Mars,  au  Théâtre  Graslin,  une 
intéressante  conférence  sur  les  mélodies  popu- 
laires en  Bretagne.  Après  la  conférence,  des 
artistes  du  théâtre  interprétèrent  des  mélodies 
bretonnes  recueillies  et  harmonisées  par  le 
maître. 

Au  théâtre  Graslin,  première  représentation 
à  Nantes  de  "  Monna  Varma  "  le  drame 
lyrique  de  Henry  Février,  sous  la  direction  de 
l'auteur. 


J.  B. 


Belgique 


EROS  VAINQUEUR  A  LA  MON- 
NAIE. —  C'est  sur  une  trame  d'irréel,  qu'a- 
nime à  peine  une  légende  que  Pierre  de  Bréville 
a  écrit  une  musique  toute  en  nuances. 

Elle  fuit,  dirait-on,  l'étreinte   d'un   accord. 

Amoureusement  ouvragée,  la  partition  révèle 
un  goût  très  affiné,  aristocratique,  latin.   L'or- 


chestre laisse  flotter,  sur  la  brume  des  "cordes" 
les  sonorités  grêles  et  claires  des  flûtes,des  liaut- 
bois,  des  clarinettes  et  des  cors.  Dans  le  loin- 
tain des  chœurs,  où  dominent  les  voix  fémi- 
nines,plânent  coiume  un  murmure  de  feuillages 
où  s'inscrit  parfois  une  adorable  mélodie.  — 
Les  rythmes  flous  achè\'ent  de  donner  l'impres- 
sion de  vague  demi-tciiite,  un  peu  monotone, 
malgré  quelques  accents  d'un  lyrisme  plus 
intense.  —  Cette  musique  caresse. 

Outre  celui  de  l'immatérialité  —  elle  a  le 
grand  mérite  de  la  rareté.  On  sent  bien,  çà  et 
là,-  que  M.  de  Bréville  écouta  la  leçon  de 
Franck,  surtout  dans  les  chœurs  religieux.  On 
oublie  presque  qu'il  est  contemporain  de  Claude 
Debussy.  —  Ses  moyens  témoignent  d'une 
recherche,  précieuse.  Par  tempérament  bien 
Français,  il  possède  le  sens  de  la  mesure,  des 
proportions,  de  la  clarté.  —  Chez  lui,  point 
d'exagérations,  point  d'outrances,  point  de 
longueur. 

La  réalisation  théâtrale  fut  très  soignée.  — 
Le  talent  de  Madame  Croiza  a  toute  une 
admiration  ;  M^^'^"  Béai,  Dupré,  Symiane,  sont 
princesses  gracieuses  ;  les  décors  de  M.  Deles- 
cluses  étaient  féeriques  ;  danseuses  et  danseurs 
bien  stylés.  L'orchestre,  encore  qu'il  manquât 
d'  "  éther  "  et  malgré  l'acoustique  déplorable 
de  la  salle,  fit  de  son  mieux. 

BRUXELLES.  —  Le  dernier  concert  popu- 
laire réunissait  JVagner  et  Strauss.  L'Elektra 
(fragment)  du  d.ernier  ne  fut  pas  très  goûtée. 
—  Son  orchestration  buissonnière,  ses  brutalités 
sont  peu  faites,  il  est  vrai,  pour  les  oreilles 
"  délicates  ".  —  M"^  Plaichinger  tint  vaillam- 
ment sa  partie.  —  Sa  voix  est  ample  et  forte. 
On  sait  quElektra  figure  au  programme  de  la 
saison  extraordinaire  de  la  Monnaie  à  l'occasion 
de  l'exposition  1910. 

—  Au  Conservatoire^  magistrale  exécution 
du  Messie^  de  Haendel.  L'oratorio  majestueux, 
monument  de  la  musique,  fut  évoqué  dans 
toute  sa  puissance,  dans  toute  sa  beauté.  Les 
ensembles  surtout  furent  remarquables  d'am- 
pleur et  de  justesse,  maniés  par  ce  maître  des 
masses  vocales  et  instrumentales  !  Edgard 
Tinel. 


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L'ACTUALITE    MUSICALE 


—  Le  Groupe  des  Compontcnrs  a  donne  sa 
deuxième  séance.  Les  mélodies  de  Lucien 
Mamoi  d'une  inspiration  originale  et  distinguée. 

—  Le  scherzo-caprice  d'Erasme  Raway  est  une 
œuvre  très  remarquable,  surtout  par  le  côté 
"  construction  ",  technique  profonde  et  inspi- 
ration élevée,  telles  sont  les  caractéristiques 
du  musicien.  Trois  pièces  symphoniques  d'y/. 
Dupuis  furent  très  applaudies,  de  même  que 
les  trois  pièces  pour  violoncelle  de  Guillaume 
Frèmolle^  un  modeste  et  un  probe,  dont  la 
personnalité  mérite  tout  intérêt.  La  mélodie 
immortel  Amour  de  M.  Dubois  sur  le  poème  de 
Lucien  Solvay  est  de  belle  envolée.  —  Le 
succès  du  concert  fut  très  vif.  —  Nos  félicita- 
tions. 

—  Le  cinquième  concert  Isaye  était  dirigé 
par  Otto  Lohse,  chef  d'orchestre  du  théâtre  de 
Cologne.  Le  jeune  cappel-meister  se  distingue 
par  le  soin  qu'il  apporte  dans  l'interprétation, 
à  respecter  les  intentions  des  compositeurs.  — 
Il  sacrifie  le  détail  à  l'ensemble,  s'occupant 
surtout  de  donner  le  caractère  que  voulut  à 
son  œuvre  le  musicien.  —  Lui-même  semble 
vouloir  s'efFacer,  sobre  de  gestes,  quoiqu'il 
soit  absolument  maître  de  ses  instrumentistes, 
et  obtienne  d'eux  une  remarquable  homogé- 
néité. —  Au  programme  :  Beethoven,  Berlioz, 
Wagner,  Lifzt.  Le  pianiste  célèbre  Cortot 
prêtait  son  concours  à  cette  belle  séance. 

—  L'Institut  des  Hautes  Etudes  musicales  et 
dramatiques  d''Ix elles  nous  conviait,  le  mois 
dernier,  à  la  distribution  des  prix  à  ses   élèves. 

—  Nous  manquons  ici  de  la  place  nécessaires 
pour  exposer  l'œuvre  si  digne  d'attention  de 
M.  Henry  Thiebaut.  Nous  y  reviendrons  dans 
l'avenir.  Qu'il  nous  suffise  de  dire  notre  admi- 
ration devant  une  foi  ardente,  tenace,  et  désin- 
téressée. 

Au  programme  de  la  fête  ;  partie  musicale  : 
fragment  du  Juré,  monodrame  lyrique  d'' Edmond 
Picard,  adaptation  symphonique  de  Henry 
Thiebaut.  Quoique,  selon  nous,  le  drame  mou- 
vementé, poignant,  de  M.  Picard  n'eût  aucune- 
ment demandé  le  commentaire  musical,  et  s'y 
prêtât  fort  peu,  nous  apprécions  l'efiFort  artisti- 
que du  compositeur. 

Il  témoigne  d'une  science  étendue,  et  d'une 


149 

Imirable 


originalité  certaine.    Il    fit   valoir 
diction  de  M"''  PVancis. 

L'impression  de  M.  Picard  est  à  noter. 
"Dans  la  partition  du  Juré,  non  seulement  la  ^ 
musique  est  ininterrompue,  mais  encore  et 
c'est  le  point  principal  — elle  analyse  psycho- 
logiquement les  personnages,  s'identifie  avec  ; 
eux,  extériorise  leurs  impressions  intérieures 
sans  se  priver  pour  cela,  d'être  descriptive 
lorsqu'il  y  a  lieu  ". 

—  Au  cours  de  cette  même  matinée,  il 
nous  fut  donné  d'assister  pour  la  première  fois 
en  Belgique,  à  une  démonstration  de  Gvrpjia- 
stique  rythmique,  méthode  Jacques  Dalcroze. 
—  Nous  réservons  notre  jugement,  pour  une 
étude  plus  étendue,  mais  il  nous  a  paru  que 
cette  méthode  —  qui  prétend  "  développer 
harmonieusement  le  physique  par  l'intellect,  " 
et  susciter  par  l'éducation,  l'éveil  du  rythme 
chez  les  enfants  il  nous  semble  que  cette  - 
méthode  fait  fausse  route.  —  Scolastique,  sa 
doctrine  ne  tend-elle  pas  plutôt  à  dessécher  | 
cette  belle  harmonie  spontanée,  cette  grâce 
instinctive  et  charmante,  par  là-même,  des 
mouvements  puérils  ?  —  Elle  reproche  à  jj 
Duncan  de  n'avoir  que  l'Instinct  !  Elle  eût  dû 
lui    reprocher    seulement    d'avoir   voulu   faire 

"  école  "  d'Inspiration. 

Je  m'en  voudrais  de  condamner  par  deux 
lignes  tout  un  enseignement  qui  vise  haut  — 
mais  je  me  permets  de  penser  qu'il  faut 
donner,  à  des  enfants  de  l'air,  de  l'espace,  de 
la  liberté,  du  soleil  —  même  au  point  de  vue 
de  la  psychologie,  certains  jeux  de  l'enfance 
sont  plus  profonds,  plus  intéressants  que  cette 
démonstration  sur  la  scène  ;  laissons  donc  ces 
fillettes  se  débaucher,  danser,  sauter,  courir, 
battre  des  mains,  chanter,  se  trouver  belles,  et 
laissons  les  respirer  à  l'aise.  Ne  vous  occupez 
pas  trop  de  leurs  jeux  auxquels  —  hélas  — 
nous  ne  comprenons  plus  rien. 

C'est  la  meilleure  des  écoles  ! 

—  Le  cercle  d'amateurs  Crescendo,  sous  la 
direction  de  M.  L.  Polliet  a  donné  Salle  Patria 
un  très  beau  concert.  Cette  société  mérite 
tous  les  encouragements.  —  Nous  retrouverons 
prochainement  son  historique,  et  ses  succès.  — 
L'audition  dernière  fut  vraiment  remarquable. 


I  ;o 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


—  Nous  avons  surtout  applaudi  la  Mer^  de 
Paul  Gilson,  que  nous  ne  sommes  pas  loin  de 
tenir  pour  le  chef-d'œuvre  du  Maître.  — 
Toute  la  richesse  de  son  tempérament  flamand 
s'y  déploie.  —  Le  son  et  la  couleur  régnent 
en  maîtres,  un  souffle  puissant  les  anime,  qui 
soulève  et  emporte  irrésistiblement  aux  paro- 
xysmes d'une  sensation.  De  telles  œuvres  véri- 
tablement grandes,  sont  à  la  gloire  de  la  race. 

—  M"'^^''CoRVN  et  Laenen  sont  toutesdeux 
artistes  merveilleusement  douées.  Autant  nous 
apprécions  la  virtuosité,  l'expressivité  de  jeu 
de  M""''  Coryn,  autant  nous  sommes  conquis 
par  la  compréhension,  la  vigueur  passionnée  de 
M^'""  Laenen. 

Leur  troisième  matinée,  salle  Bonté,  con- 
sacré à  la  musicfue  hclgc  fut  un  succès  qu'il  nous 
est  agréable  de  souligner. — Retenons,  parmi  les 
œuvres  de  programme  :  deux  romances  très 
émues  de  François  Ranc,  a\ec  Toccata  brillante 
de  De.Boek,  et  Taysagc  de  Paul  Gilson.  La 
Polka^    du  même,   nous  a  paru   très   "  sla\  e.  " 


Dt'sirè  Pâqur,    Piîcy  Benoit   et  Franck  complé- 
taient le  programme. 

—  L'abondance  des  matières  nous  oblige 
à  remettre  au  mois  prochain  quelques  comptes- 
rendus  de  la   dernière  heure,   et  nos  bulletins. 

Nos  lecteurs  voudront  bien  trouver  une 
compensation  dans  les  "  nou\  elles  de  province  " 
dont  certaines  ont  pris  cette  fois  de  l'extension. 

—  RÉCITAL  DE  SiCARD.  Programme  parti- 
culièrement intéressant  pour  le  récital  donné 
ieudi  17  mars,  en  la  salle  Patria,  par  le  grand 
\  ioloniste  russe,  Michel  de  Sicard. 

La  première  partie,  entièreinent  consacrée 
aux  maîtres  anciens,  comprenait  indépendam- 
ment du  concerto  en  mi  majeur  de  Bach,  des 
œu\res  de  Teiiaglia,  Couperiii,  Rameau,  Scar- 
latti,  etc.,  qui  n'ont  guère  été  jouées  à  Bruxelles 
et  dont  l'exécution  par  l'éminent  virtuose  tut 
à  nos  dilettanti  un  véritable  régal  d'art. 

Au  piano  :  M.  Georges  Lauweryns. 


LIEGE 


Peu    (,ie    monde    au    Concert 


COMPOSITIONS  DE  EDGAR  TINEL 


Nouvelles  éditions  revues  et  corrigées 


Op. 
Op. 

Op. 

Op. 
Op. 


Op. 

Op. 
Op. 
Op. 

On. 


I.  Quatr-e  Nocturnes  b  une 

VOIX Fr.  2. 

2  Trois  Morceaux  de  Fan- 
taisie pour  Piano  :  No.  I. 
Papillon.  2  Le  soir. 
3.  Adieu     .     .     .  complet     „    2. 

3.  Scherzo  i-n  ut  mineur  pour 

piano 2. 

4.  Drie  Llederen  (texte  fl.).    „    1.75 

5.  Quatre  Mélodies  ; 

1.  L'Automne 1  • 

2.  Charm.inle  Rose 1.35 

3.  Bel   tnfnni,  »ouris-moi  .     ..  0.85 

4.  L'Oracle  en   d^lnul,     .     ,.  1    OC 
idem      .     .     complet   net     .     „  2.5  0 

6.  Deux  Mélodies  : 

1.  L'Angelu» 1.35 

2.  Pourquoi ,,1.35 

7.  I .  Impromptu-valic,  p.  piano     ,.    2. 
2.  Chanton.  pour  piano   .     .     ..     1  - 

8.  Sechs  Lieder  iind  Gesnnge 

ilextc  nllcmanci  cl  llnmnndl    ,.    3. 

9.  Sonate  fiour   pinnn      .    net     ,.    5. 

10.  Schllllledep  von   ^icoUn 

Lrniw   Ucxte  allrm.  et  (l.l     „    2. 


Op 

II. 

Op.  12. 

Op 

13 

Op 

14 

Op.  17 


Op.  30, 


Funf  Gesnnge  ,ius  N.  Lc- 
nau  .•;  '  Lieder  der  Sehn- 
sucht   "  llexle  allcm.  et  (1.1 

Een  krnns  van  veertien 
oud-vlaamsche  niin- 
neiiederen  (texte  flam.l 

complet  net 

Viei-  oud  -  vlaanische 
drinklieiiei'en  (texte  fl.i 

complet  net 

Au  printenips.  cinq  mor- 
ceaux de  fantaisie  p.  piano: 
I .  Hymne.  2.  Joie.  3.  Peti- 
tes fleur»  I...  4.  Ave  Maria. 
5.  Danse  de  paysans      .     . 

Marche  extraite  de  la  can- 
t.ite    "   KIoltke    Roeland 
iniur  Piano  a  4  mains     .     . 

Mai'Che  ii.  piano  a  2  mains 

Wevershed  uil  de  cantate 
"  j^lokke  Koeland  "       .      . 

Marche  Nuptiale  pour 
piano  à  4  m.iins     .... 

Le  Mois  de  Mal  (à  Ma- 
rie' Mélodie    .... 


2.50 
2. 

1  .35 

3. 

1  .35 


SCHOTT     FRÈRES,     Editeurs  do  Musique  à    BRUXELLES 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


51 


Durant  —  mais  quelle  belle  exécution  !  L'ou- 
verture de  Lo}u;ngr'tu  surtout  tut  d'une  envolée 
superbe,  comparable  à  l'idéal  obtenu  par  les 
meilleurs  chefs  d'orchestre  étrangers.  Comme 
soliste,  M.  Capet  donna  une  vraie  leçon  de 
style  —  de  styles  plutôt  —  dans  les  concerts 
en  ;///'  de  Bach  et  celui  de  Brahms,  admirable- 
ment caractérisés  et  dans  l'interprétation  des- 
quels semblait  revivre  quelque  chose  du  sérieux 
analytique,  de  la  méticulosité  et  de  la  grandeur 
de  Hans  von  Biilow. 

Un  jeune  organiste  chercheur,  qui  eut  le 
bon  esprit  d'aller  prendre  conseil  auprès  du 
maître  Widor  lorsqu'il  sortit  frais  émoulu  de 
notre  conservatoire  et  qui,  depuis,  travaille 
avec  ferveur  en  autodidacte,  nous  a  prouvé  ses 
nouveaux  progrès  dans  un  récital  d'orgue  en- 
tièrement consacré  à  Bach.  Il  nous  en  joua 
onze  pièces  par  ordre  chronologique,  nous 
conduisant  de  la  Toccata  et  fugue  en  rè 
mineur  au  Prélude  et  fugue  en  ut  majeur 
(celui  que  rappellent  les  Maîtres  Chanteurs). 
par  une  gradation  insensible,  témoin  vivant  du 
prodigieux  développement  de  ce  premier  de 
tous  les  génies  musicaux.  Un  sincère  succès 
d'art  et  de  salle  —  chose  remarquable  vu 
l'austérité  du  sujet  ■ —  récompensa  l'intelligent 
interprète. 

A  l'Œuvre  des  Artistes,  récital  de  piano 
très  réussi  de  M"**  Neutelaers,  élève  de.  M. 
Jules  Ghymers,  le  doyen  de  nos  pianistes 
enseignants.  Après  du  Bach,  du  Chopin,  du 
Maszkowski,  elle  a  interprété  avec  une  finesse 
charmante  trois  des  petites  pièces  que  publia 
S.I.M.  sur  le  nom  de  Haydn  :  le  Menuet  de 
d'Indy,  celui  de  Ravel  et  le  thème  varié  de 
Reynaldo  Hahn  :  ils  ont  tous  trois  beaucoup 
plu.  A  la  même  séance  M™®  Eymael  avait  fait 
entendre  d'intéressantes  mélodies  de  M.  Marcel 
Orban,  notre  compatriote,  actuellement  l'un 
des  disciples  préférés  de  d'Indy  :  parmi  elles, 
Croix  de  bois  est.  un  petit  chef-d'œuvre. 

Passons  rapidement  sur  le  concert  des  Ama- 
teurs où  l'on  apprécia  le  violoniste  Schkolnik 
et  venons-en  au  concert  Debefve,  qui  fut  un 
triomphe  pour  le  trio  Cortot,  Thibaut,  Casais. 
On  y  réentendit  la  symphonie  en  ut  mineur 
de  Saint  Saëns. 


Au  dernier  Concert  Duinont  Jyamarche, 
le  Quatuor  Cliarlier  avait  excellemment  com- 
posé son  programme  d'œuvre  de  Mozart, 
Schumann  et  Richard  Strauss. 

D'"  DWELSHAUWERS. 

OSTENDE.  —  Ostende  qui  en  été  s'élève 
au  rang  d'une  capitale,  tant  par  l'éclat  de  ses 
fêtes  que  par  le  luxe  de  ses  réunions  mon- 
daines, reprend,  une  fois  la  saison  terminée, 
son  aspect  de  petite  ville  de  pro\ince.  Les 
fêtes,  ne  parvenant  plus  à  être  somptueuses, 
deviennent  toutes  bourgeoises,  et  les  événe- 
ments artistiques  se  font  plutôt  rares. 

C'est  ainsi  que  depuis  le  commencement  de 
l'année  nous  n'avons  à  enregistrer  que  deux 
révmions  réellement  intéressantes,  au  point  de 
vue  musical. 

Mentionnons  d'abord  la  représentation  de  la 
vieille  tragédie  Adam  in  Ballingschap  (Adam 
en  exil)  de  J.  v.  d.  Vondel  (i 587-1 679)  avec 
musique  du  compositeur  Hollandais  Hubert 
Cuypers.  Le  sujet  de  la  tragédie  est  tiré  de  la 
Bible  :  le  Seigneur,  après  avoir  donné  à  Adam 
l'Eden  merveilleuse  qui  fleurit  aux  bords  de 
l'Euphrate,  lui  crée  une  compagne  ;  et  c'est 
aux  sons  des  trompettes,  des  buccins  et  des 
harpes  célestes  que  l'hymen  bienheureux  est 
célébré.  Mais  Lucifer  et  ses  compagnons  com- 
plotent la  perte  de  l'homme  ;  malgré  la  vigi- 
lance des  anges  gardiens,  le  Serpent  parvient 
à  séduire  Eve,  qui  goûte  le  fruit  défendu  et 
qui  entraîne  son  époux  dans  sa  chute. 

Cette  pièce,  écrite  selon  les  règles  classiques, 
contient  de  longs  monologues  et  est  entrecoupée 
de  chœurs.  Le  compositeur  n'en  a  pas  fait  un 
opéra  ;  il  s'est  contenté,  ou  plutôt,  il  est  par- 
venu à  l'illustrer  musicalement. 

Partout  où  il  en  sentait  le  besoin,  il  a  sou- 
tenu le  vers  par  une  musique  douce  et  très 
cadencée.  Dans  les  passages  où  l'attention 
devient  trop  tendue,  une  esquisse  sonore  vient 
rafraîchir  l'esprit  ;  les  longs  monologues,  néces- 
sairement un  peu  monotones,  s'animent  sous 
l'action  des  accords,  et  les  récits  se  colorent. 
Une  des  parties  les  plus  intéressantes  de  ce 
mélodrame  est  à  coup  sûr  la  danse  que  ies 
anges,  Adam   et  Eve  exécutent  en  l'honneur 


F.  CHATENET 


Photographie  documentaire 
et    artistique     


67,    rue    des    Balignolles,    67,     PARIS. 


Nouveau  procédé  sur  papier;    blanc    sur   noir,  grandeur  18x24: 
Pour  une  commande  de  cmquante  épreuves   0.75    par  épreuve. 
Par   petite   quantité:  1    fr,   par  épreuve. 

Par  ce  procédé,  la  Maison  CHATENET  a  fourni  aux  Bénédictins 
de  Solesmes  pour  leur  Paléographie  plus  de  40.000  photographies. 

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Cliché  18  X  24  avec  une  épreuve,  4  fr.  ;  les  suivantes,  chaque  1.00 
Cliché  24  X  30  avec  une  épreuve,  5  fr.  ;  les  suivantes,  chaque  1 .50 

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,2i^U  \j3uA  ,)3frtir  u  Lnuy4iBir  -  uicé  Cnit^irft  nu 


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l.xirnil   (lu   rmiinn   de    lauvcl   ll3l5l   (iul>lif   rii   rcprorlurlioti    |)l)<)toRrii|ihiiiuc. 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


^53 


du  Créateur,  au  cours  de  la  fcte  nuptiale  :  la 
scène  rappelle  les  tableaux  chat())'ants  des 
priniitifs  italiens  et  les  voix  très  chantantes  qui 
déclament  ces  vers  bien  rythmés  provoquent 
en  nous  le  charme  des  belles  créations  que  l'on 
entend  pour  la  première  fois. 

M.  Cuypers  a  fait  de  cette  tragédie  une 
œuvre  délicate  et  éminemment  artistique.  Nous 
ne  savons  ce  qu'il  faut  admirer  le  plus  :  le 
caractère  naturel  qu'il  a  su  donner  à  sa  com- 
position, et  qui  fait  que  l'on  ne  sait  plus  lire 
certaines  parties  du  poème  sans  que  l'on  entende 
en  sourdine  quelque  figure  de  violon,  ou  l'art 
avec  lequel  il  a  constamment  su  rester  au 
second  plan,  dans  les  coulisses.  La  musique, 
loin  de  dominer,  ne  perce  jamais,  et  les  acteurs 
semblent  ne  pas  s'en  préoccuper.  Elle  n'est 
vraiment  là  que  pour  faire  ressortir  le  rythme 
des  vers,  pour  soutenir  et  guider  la  déclamation. 

Elle  se  compose  exclusivement  d'esquisses 
sonores  :  aucun  motif  n'est  développé  ;  tout 
en  étant  très  mélodieuse,  elle  ne  contient  en 
réalité  aucune  mélodie  suivie.  De  légères 
modulations  indiquent  et  amplifient  les  diver- 
ses sensations  évoquées  par  les  phases  de  l'action. 
La  mesure  qui  nécessairement  fait  souvent 
violence  à  la  parole  —  est  presque  complète- 
ment négligée  :  le  rythme  seul  domine,  le 
rythme  qui  suit  pas  à  pas  la  cadence  des  mots. 
Il  en  est  résulté  un  effet  inattendu  et  merveil- 
leux. Les  vers  ne  sont  plus  déclamés,  ils  ne 
sont  pas  chantés  non  plus,  et  l'on  assiste  en 
quelque  sorte  à  la  fusion  de  la  parole  et  du 
chant. 

Et  si  nous  avons  cru  voir  et  entendre  en 
scène,  non  des  hommes,  mais  des  êtres  supé- 
rieurs, si  vraiment  nous  nous  sommes  sentis 
envahis  d'une  joie  céleste  devant  la  félicité  du 
premier  couple,  et  si  les  cris  de  douleur  d'Adam 
puni  ont  retenti  si  profondément  dans  notre 
âme,  nous  devons  sans  aucun  doute  tant  à  la 
musique  délicate  de  M.  Cuypers  qu'à  la  bril- 
lante interprétation  que  la  troupe  Royaards 
d'Amsterdam  a  donnée  de  cette  tragédie  aux 
vers  magnifiques. 


D'un  autre  côté,  nous  avons  assisté  le 
l6  février  à  une  conférence  de  M.  Emile 
Hullebroecksur  la  chanson  populaire  flamande. 

Le  brillant  conférencier  nous  a  entretenu 
de  la  naissance  de  cette  chanson,  qui  a  trouvé 
son  origine  dans  l'hymne  "  Veni  Creator  ",  et 
de  son  développement  à  travers  les  siècles.  Il  a 
commenté  successivement  les  chansons  d'amour 
de  nos  trouvères,  les  chansons  de  Jean  I,  duc 
de  Brabant,  les  chansons  historiques,  humo- 
ristiques et  satiriques,  ainsi  que  quelques  airs 
locaux. 

Parlant  d'une  façon  claire  et  précise,  il  s'est 
facilement  tait  comprendre  par  son  auditoire 
qui,  à  côté  du  public  ordinaire  des  réunions 
de  ce  genre,  comprenait  également  —  et  il 
faut  en  être  heureux  —  bien  des  gens  de  la 
classe  ouvrière. 

Toutefois,  malgré  le  grand  intérêt  de  cette 
conférence,  l'audition  que  M.  Hullebroeck 
donna  ensuite  de  quelques-unes  de  ses  œuvres, 
nous  séduisit  beaucoup  plus.  C'est  qu'en  effet 
ce  jeune  compositeur  gantois  se  trouve  à  la 
tête  du  mouvement  populaire  (si  l'on  peut 
dire  1)  qui  s'est  dessiné  au  sein  de  la  musique 
flamande.  Ce  que  Botrel  tente  en  France, 
Hullebroeck  l'a  réalisé  en  Flandre. 

On  lui  doit  la  rénovation  de  la  chanson 
populaire  flamande.  Après  avoir  étudié  la  riche 
collection  de  vieilles  chansons  dont  s'enor- 
gueillit la  Flandre,  il  s'est  dit  que  si  le  peuple 
ne  les  chantait  plus,  c'était  parce  que  les 
paroles,  les  poésies  étaient  d'un  autre  siècle. 
Le  peuple  de  nos  jours  ne  sent  plus,  ne  jouit 
plus,  ne  rit  plus  et  ne  souffre  même  plus  de 
la  même  façon  que  le  peuple  de  jadis.  C'est 
pour  cette  raison  que  l'ouvrier  et  l'ouvrière  ne 
les  chantent  plus,  ces  mélopées  charmantes  de 
nos  vieux  trouvères.  Seules  quelques  dentel- 
lières les  savent  encore  et  les  murmurent  par- 
fois au  cliquetis  de  leurs  fuseaux. 

Mais  à  certain  moment,  quelques  jeunes 
poètes  se  sont  adonnés  à  la  poésie  populaire. 
Dans  de  petites  pièces  bien  rythmées,  ils  chan- 
taient l'ouvrier  et  ses  travaux,  les  joies  et  les 
peines  de  son  foyer.  Ces  auteurs  n'étaient 
lus  que  par  quelques  rares  amateurs.  Ils  ont 
persévéré  et  ont  continué  à  écrire  des  berceuses. 


VIENT  DE   PARAHRE 

A  LA 


MAISON    BEETHOVEN 

(GEORGES     OERTEL) 

RUE   DE   LA   RÉGENCE,    17-19,    BRUXELLES. 


C.    THOMSEN: 

ZIGEUNERMUSIK 

Rhapsodie  à  la  Zingaeres  pour  Violon   et  Orchestre 
Réduction  :    VIOLON    ET    PIANO,  net    . 6.00 

EX    LOCATION    LE    MATÉRIEL    d'ORCHESTRE 

CHOPIN-THOMSEN  : 

MAZURKA    op.    7    No.   I.    Violon  et  Piano,  net  2.00 


EN  PRÉPARATION  : 

ROOVERSLIEFDE 

1)kami.     LvuKin-:     in     in     a(  ri-:     dk     1*.     (iII.SON 
PARI  rriON  :    Piano   et    Chant. 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


^SS 


des  cliansons  à  boire  et  des  cliants  d'amf)ur, 
malgré  les  critiques  de  lecteurs  habitués  à  une 
littérature  raffinée,  tant  néerlandaise  que 
française.  On  ne  les  lit  peut-être  pas  beaucoup 
plus  maintenant,  mais  on  les  chante  un  peu 
partout. 

Emile  Hullebroeck  a,  le  premier,  songé  à 
écrire  de  la  musique  sur  ces  poésies  qui  étaient 
déjà  presque  des  chansons.  Il  a  formé  jusqu'à 
présent  un  recueil  d'environ   cinquante  lieder. 

Presque  toutes  écrites  dans  les  mesures  2/4 
ou  6/8  ces  chansons  se  caractérisent  par  leur 
simplicité  et  par  leur  caractère  vraiment  popu- 
laire. A  les  écouter  on  entend  des  échos,  des 
ritournelles  et  des  ballades  des  temps  passés, 
et  Ton  ne  peut  manquer  de  songer  que  l'on 
possède  là  une  collection  de  petits  chefs-d'œuvre 
pleins  de  bon  goût,  de  poésie  et  de  vie. 

Elles  sont  humoristiques  comme  celles  du 
"  Petit  Sacristain  "  et  tantôt  joyeux  comme 
cette  "  Kermesse  flamande  ".  Parfois  elles  se 
caractérisent  par  leur  douce  mélancolie  ou  ont 
l'air  de  vieilles  romances.  Mais  c'est  surtout 
lorsque  le  compositeur  aborde  les  sujets  in- 
times qu'il  trouve  des  accents  qui  vont  droit 
au  cœur.  Parmi  les  plus  belles  et  les  plus 
charmantes,  je  dois  citer  "  Alijn  kleen^  kleen 
dochterken  ".  M. 

L'abondance  des  matières  nous  oblige  à  remettre 
au  prochain  numéro  les  correspondances  de  Charleroi, 
Wasmes,  Quaregnon,  Pâturages,  Mons  et  Malines. 


Etranger 

MOSCOU.  —  A  signaler  une  belle  sym- 
phonie de  S.  Taneiew,  un  "  Pokme  Divin  " 
de  Scriabine,  qui  cherche  -à  ouvrir  à  l'art  de 
nouvelles  voies.  Les  Amis  de  la  musique 
r^isse  nous  ont  fait  entendre  la  septième  de 
Glazounow,  1'  "  Ile  des  Morts  "  de  Rach- 
maninow,  et  le  "  Lac  enchanté  "  de  Liadow. 
Je  ne  vous  citerai  pas  toiite  la  liste  des  vir- 
tuoses, que  Moscou  fascine  cette  année  comme 
LeS;  autres.  Mais  je  voudrais  attirer  l'attention 
des  musicologues  sur  une  Société  de  musique 
ancienne  que;  vient  de  créer  M.  BoulytschefF, 


et  qui    a    donné    une    fort    bonne   audition    de 
"  Sanison  "  de  Haendel. 

E.   VON  TlDEBOEHL. 

VIEINNE.  —  Au  début  de  mars  a  eu  lieu 
l'Assemblée  générale  de  la  Section  de  Vienne 
de  la  Société  Internationale  de  Musique,  et 
l'élection  du  bureau.  I.e  Dr.  Erwin  Luntz,  qui 
est  depuis 6  ans  président  delà  section nes'étant 
pas  représenté,  le  bureau  a  été  constitué  de 
la  façon  suivante  :  Président,  Dr.  Hugo  Bots- 
tiber,  vice-président,  Dr.  E.  Luntz,  Secrétaire, 
Dr.  Egon  Wellecz,  trésorier,  Dr.  A.  Koscirz; 
membres,  les  Professeurs  Haboech,  Prohaska, 
et  E.  Mandyczewsky  ;  Contrôleurs,  MM. 
Thalberg  et  Gregor. 

La  séance  suivante  adopta  le  principe  de 
s'intéresser  avant  tout  à  des  exécutions  musi- 
cales, dont  le  nom  sera  celui  de  Kollegium 
Musicum.  La  Section  organisera  prochaine- 
ment, au  profit  du  Mozarteum  de  Salzbourg, 
une  séance  de  ce  genre  réservée  aux  œuvres 
de  Bach,  avec  le  concours  de  Mme  Landows- 
ka,  et  des  plus  grands  artistes  de  Vienne. 

Puis  les  communications  suivantes  ont  été 
inscrites  :  Dr.  Richard  Batka  "  la  Technique 
du  chant  populaire  "  ;  Dr.  Max  Graf,  "  le 
Vaisseau  Fantôme  ;  "  et  enfin  une  exécution 
du  Stabat  de  Pergolèse. 

Les  sœurs  Wiesenthal  jouent  à  l'Apollo  une 
pantomime  de  Franz  Schreker  "  V Anniver- 
saire de  r Infante  "  avec  le  plus  grand  succès. 
Schreker  est  un  de  nos  modernistes  les  plus 
actifs. 

Le  grand  événement  de  Vienne  est  la 
publication  des  œuvres  d'un  jeune  prodige, 
W.  E.  Korngold,  le  fils  du  critique  musical 
de  la  Neue  Freie  Presse.  A  peine  âgé  de 
12  ans,  ce  compositeur  vient  de  mettre  au 
jour  une  Sonate,  une  fantaisie  pour  piano  et  un 
ballet,  qui  ont  rernpli  d'étonnement  les  profes- 
sionnels et  les  amateurs.  Ceci  a  l'air  d'une 
simple  réclame.  Je  dois  pourtant  vous  avouer 
que  Strauss  et  Nikisch  ont  même  avoué  leur 
surprise  devant  tant  de  maturité  et  un  art 
aussi  peu  conforme  à  ce  que  l'enfance  pourrait 
nous  laisser  supposer.  Le  cas  Korngold  mérite 
qu'on  s'y  arrête.  E.  W. 


L'ACTUALITE     M  U  S  I  C  A  L  E 


MUNICH.  —  Voici  en  gros  le  programme 
musical  de  la  saison  de  Munich  cette  année. 
Du  20  au  23  mai  un  cycle  Schumann.  Puis 
quelques  festivals  choraux.  Du  23  au  28  juin 
grande  semaine  Richard  Strauss.  En  août, 
cycle  Beethoven,  Brahms,  Bruckner.  Enfin  au 
1 2  septembre  la  symphonie  géante  de  Gustav 
Malher  avec  ses  mille  exécutants. 

HEIDELBERG.  —  Nous  organisons  de 
grandes  solennités  musicales  pour  la  fin  d'oc- 
tobre. Ces  fêtes  seront  données  par  le  Bach- 
verein  et  l'Akademischer  Gesangverein.  Elles 
seront  consacrées  au  grand  cantor,  et  auront 
lieu  tant  à  l'église  qu'au  concert. 

NAPLES.  —  Après  a\()ir  été  tout  à  Wagner, 
les  Concerts  Martucci  ou\Tent  leurs  portes  à 
la  Société  des  Concerts  d'Autrefois.  Succès 
complet  pour  cet  art  qui  n'est  pas  sans  sur- 
prendre les  Napolitains.  La  sonate  de  Marcel- 
lo, et  la  musette  de  d'Hervelois  ont  été 
bissées. 

Le  bénédictin  Hartmann  est  arrivé  ici  pour 
donner  son  Oratorio  La  morte  del  Signore,  et 
diriger  le  Stabat  de  Rossini. 

FLORENCE.  —  M.  Léo  S.  Olschki  a  eu 
l'heureuse  idée  de  faire  exécuter  quelques  unes 
des  œuvres  inédites  de  Paganini  dont  il  s'est 
rendu  acquéreur  à  la  vente  du  mois  de  février. 
Une  première  audition  en  a  été  donnée,  avec 
un  vif  succès,  chez  M.  Olschki  lui-même, 
puis,  sous  forme  de  concert  public,  dans  la  salle 
de  la  société  Leonardo.  Les  pièces  exécutées 
sont  un  quatuor  à  cordes  (Allegro  macstoso^ 
Minuetto^  Adagio^  Rondeau)^  un  Cautah'tle  et 
une  Tarantella^  pour  violon  et  piano,  et  enfin 
le  Larghetto  et  la  Polacca  d'un  quatuor  a\ec 
guitare. 

Le  Quartctto  Fiorentino^  qui  s'était  chargé 
de  l'exécution  de  ces  œuvres,  donne,  dans  le 
saNxi  de  la  l^ergola,  une  série  de  six  concerts 
de  miisi(|U{;  de  chambre.  Nous  y  avons  déjà 
cntciidii  (les  (fu\  res  de  lieetlio\i-ii,  de  Chtiu- 
bini,  de  Hocclierini,  de  Tartiin'  et  de  G.  H. 
SaniMiartini,  interprétées  de  fa(,()n  fort  intéres- 
sante par  MM.  CaJamanni,  Lm/.oni,  Frangini 
et  Coen. 


Nous  avons  eu  même  une  première,  le 
Calendimaggio  de  M.  Giuseppe  Pietri,  donné 
le  14  mars  au  théâtre  de  la  Pergola.  Sur  un 
livret  rapide  et  violent  de  M.  Pietro  Gori, 
le  jeune  musicien  a  composé  une  partition 
d'une  inspiration  généreuse,  où  les  rémi- 
niscences de  Mascagni  n'empêchent  pas  de 
de\iner  quelque  originalité  et  où  les  marques 
de  talent  ne  sont  pas  rares,  malgré  une  cer- 
taine intempérance  dans  l'emploi  des  forces 
orchestrales. 

Il  s'est  conservé  à  Florence  un  usage  qui 
ne  subsiste  plus  que  dans  quelques  rares  villes 
d'Italie  ;  c'est  celui  d'exécuter  pendant  les 
trois  derniers  soirs  du  carnaval,  dans  une  des 
églises  de  la  \ille,  un  opéra  dont  le  sujet  ait 
quelque  rapport  avec  la  religion.  Ces  exécu- 
tions, données  naturellement  sous  forme  de 
concert,  ou,  comme  on  dit  ici,  d'oratorio,  ont 
lieu  d'ordinaire  dans  l'église  San  Giovannino 
degli  Scolopi.  On  y  a  déjà  entendu  notamment 
le  Pol'iuto  de  Donizetti,  /  Lombardi  de  Verdi  : 
cette  année  nous  avons  assisté  à  un  autre 
opéra  de  Verdi,  fort  célèbre  en  son  Temps,  le 
Nabucodonosor.  Les  Italiens,  massés  dans  la 
petite  église  ont  paru  retrou\er  avec  plaisir 
plusieurs  morceaux  qui  sont  encore  populaires 
dans  toute  l'Italie,  la  marche  du  premier  acte, 
l'air  Dell  !  perdouii  du  3*'  acte  et  surtout  le 
fameux  chœur,  Va^  pem'iero^  mlV  al'i  dorate^  où 
les  Hébreux  esclaves  célèbrent  les  douceurs  de 
la  patrie  perdue,  et  que  l'on  chantait  dans  les 
rues,  comme  un  Innine  de  ralliement,  pendant 
les  jours  héroïques  de  l'unité  italienne. 

C'est  un  spectacle  bien  curieux  que  cette 
exécution  d'une  (x;u\re  c|ui  re^te  en  grande 
partie  profane  ilans  l'atmosphère  de  l'église, 
entre  deux  bénédictions.  Le  concert  est  inter- 
rompu par  un  eiitr'acte  d'une  demi-heure 
environ,  perulant  lequel  un  prédicateur  est 
chargé  d'occuper  l'attention  îles  assistants.  Le 
nôtre  s'acquitta  de  cette  tAche  délicate  avec 
une  surpri-nante  tlextérité.  Puis  le  concert 
rt-prit.  Les  fidèles,  les  prêtres  et  les  entants  île 
clufur  suivaient  soigneusement,  sur  leurs 
lihrettiy  les  terribles  aventures  île  Nabucodo- 
nosor, de  sa  fille  Fenena  et  de  la  perfide 
Abigaille.  C,';'i   et   là   certains,   pour   n'en  j-ioint 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


'S7 


point  perdre  un  mot,  avaient  allumé  des  rats- 
de-cave.  Par  moments  quelque  mélodie  trop 
sautillante  réveillait  le  sens  du  rvthmc  dans 
l'âme  des  vénérables  ecclésiastiques,  qui  se 
mettaient  à  marquer  crânement  la  cadence 
d'un  petit  mouvement  de  leurs  bonnets  carrés. 
Pourtant,  lorsque  Fenena  ou  Abigaille  chan- 
tait, les  yeux  baissés  sur  les  livres  se  levaient 
un  instfint  vers  l'estrade  pour  tâcher  d'aperce- 
voir leur  visage  derrière  le  treillis  doré.  Mon 
voisin  m'expliqua  que  cette  année,  pour  la 
première  fois,  des  femmes  ont  été  admises  à 
chanter  dans  ces  veglie  saci'e.  L'année  dernière 
encore,  on  avait  fait  venir  de  Rome  des  chan- 
teurs spéciaux,  qui  avaient  de  belles  voix  de 
soprano.  Maintenant  le  Saint-Père  a  permis 
de  mettre  des  femmes  véritables  à  la  place  des 
autres.  Car  il  paraît  que  l'espèce  se  perd.... 
Paul-Marie  Masson. 

MADRID.— La  "  Philharmonique"  nous 
demeurant  fermée,  nous  n'aurons  point  le 
plaisir  d'informer  nos  lecteurs  des  prouesses 
acrobatiques  de  M.  X,  violoniste  teuton,  de  la 
virtuosité  capricante  de  M™*^  Y,  américaine, 
de  la  frivolité  welche  de  M.  Z.  ou  de  la  pro- 
fondeur du  Quatuor  Chinois...  Mais,  au  fait, 
ce  que  désirent  savoir  les  amateurs  fervents  de 
la  S.  L  M.,  c'est  sans  doute  le  mouvement 
indigène,  l'orientation  actuelle  des  efforts  dés- 
intéressés d'un  petit  groupe  de  bons  musiciens 
espagnols.  L'étranger,  en  ces  conditions,  ne 
nous  attire  guère.  Nous  ne  le  connaissons  que 
trop  en  notre  France  musicale. 

L'Espagnol  qui  reste  bien  soi,  enchante  par 
son  individualisme  sans  pareil,  naïf,  ambitieux, 
hautain,  mais  toujours  original,  imprévu,  sin- 
cère. L'Espagne  est  le  pays  du  mélos  aux 
tonalités  antiques,  aux  rythmes  pittoresques, 
des  couleurs  tantôt  crues  et  bariolées,  tantôt 
douces  et  grises  comme  cette  terre  lumineuse 
de  l'Andalousie  ou  ces  montagnes  rêveuses  de 
Léon. 

Cette  atmosphère  de  contrastes  expressifs, 
d'alternances  qui  surprennent  et  ravissent,  fut 
admirablement  comprise  soit  par  les  coloristes: 
Albeniz,  Turina,  Falla,  Pérez  Casas,  Arregni, 
soit  par  les  penseurs  et  les  recueillis  :  Olmeda, 


de  Gibert,  Noguera,  Villar,  Conradcj  de! 
Campo...  Pedrell  unit  les  deux  tendances  en 
sa  puissante  synthèse  dramatique  et,  par  con- 
tre, im  Chapi  en  qui  l'Espagne  salue  son 
Beethoven  ou  son  Mozart  —  quelle  tristesse  ! 
—  n'a  ni  le  brillant  relief  des  uns,  ni  la  pro- 
fonde sentimentalité  des  autres  :  c'est  et  ce 
sera  toujours  le  type  du  musicien  manqué  que 
par  une  lamentable  erreur  historique  et  pour 
sa  honte,  l'ingrate  Espagne  protégera  aux  dé- 
pens de  ses  vrais  et  grands  artistes. 

Mais  ne  nous  égarons  point:  cette  "sortie" 
contre  Chapi  m'est  inspirée  par  une  ridicule 
campagne  de  presse  espagnole  en  faveur  de 
celui  qui  ne  fut  jamais  un  musicien,  alors 
qu'elle  se  tut  lorsque  Malats  vint  magistrale- 
ment interpréter  V Iheria  d'Albeniz. 

En  revanche,  quelques  courageux  apôtres 
de  la  musique  nationale  opposent  vaillamment 
à  cette  néfaste  opinion  d'une  presse  peu  avertie 
des  choses  de  musique,  de  nobles  tentatives 
qui    méritent  d'être  encouragées  et   soutenues. 

Je  ne  dirai  qu'un  mot  des  représentations 
du  Teatro  Real.  Wagner  y  occupa  la  première 
place  avec  sa  Tétralogie  entière  sauf  Siegfried^ 
et  reçut  la  plus  détestable  des  interprétations 
grâce  au  zèle  intempestif  d'un  chef  d'orchestre 
allemand,  W.  Rabl,  noble  inconnu  outre- 
Rhin, et  de  chanteurs  italiens  de  belle  inintel- 
ligence. La  Salomè  de  R.  Strauss,  avec  la  Bel- 
lincioni  eut  peu  de  succès,  et  ce  fut  justice... 
L'orchestre  du  Real  ne  possède  point  en  eflPet 
le  matériel  nécessaire  pour  la  digne  mise  au 
point  du  chef-d'œuvre  de  l'auteur  de  la  Sym- 
phonie Domestique,  et  les  chanteurs  italianisèrent 
outrageusement  une  musique  déjà  trop  italienne. 

A  l'Ateneo  de  Madrid,  un  jeune  prodige- 
pianiste,  M.  Téran,  nous  donna  un  médiocre 
échantillon  de  son  savoir,  et  le  signataire  de 
ces  lignes  organisa,  avec  le  concours  de  o-rands 
artistes  de  l'Opéra:  M"-*  Garcia  Conde,  Nava, 
Perini,  et  de  professeurs  et  amateurs  de  la 
capitale  :  MM.  Palau,  S.  Crepo  et  Elola,  une 
conférence-concert  sur  l'Or  du  Rhin,  favora- 
blement accueillie,  ce  dont  il  remercie  le 
public  et  la  presse  madrilènes. 

Le  merveilleux  quatuor  Vêla,  composé  de 
Telmo    Vêla    (violon    i^'"),    Francisco    Cano 


L  '  A  C  T  L'  A  L  I  T  E     MUSICALE 


158 

(violon  2'),  Enrique  Alcoba  (alto)  et  Domingo 
Taltavull  (violoncelle),  a  déjà  donné  trois  con- 
certs par  lesquels  il  s'est  révélé  comme  un  des 
quatuors  les  plus  homogènes  et  de  la  plus  fine 
musicalité.  Nous  avons  rarement  vu  artistes 
plus  anthousiastes,  plus  souples,  plus  compré- 
hensifs,  et  sacrifiant,  à  l'âge  des  succès  faciles, 
un  désir  légitime  de  virtuosité  à  la  discipline 
émouvante  du  quatuor  essentiel,  avec  une  joie 
profonde  de  musiciens  qui  vivent  leur  art. 
Nous  leur  adressons  nos  plus  chaleureux  com- 
pliments, et  nous  espérons  que  bientôt  Paris, 
Berlin  ou  Vienne  pourront  les  entendre  et  les 
applaudir. 

En  leur  premier  concert  du  5  Mars,  nous 
ouïmes  le  délicieux  quatuor  en  mi  majeur  de 
Mozart  ;  le  qur.tuor  incomplet  et  vraiment 
malheureux  de  ce  Grieg  décidément  pau\re 
technicien  ;  l'adorable  Sérénade  Italienne  de 
Hugo  Wolf  cher  à  notre  grand  Romain-Rol- 
land; et  enfin  un  quatuor  enfantin  de  l'Espagnol 
Serrano,  que  je  préfère  ne  point  critiquer. 

Le  second  concert  du  10  Mars,  nous  pro- 
cura la  joie  d'entendre  après,  le  charmant 
quatuor  (n''  6)  d'Haydn,  une  des  plus  lumi- 
neuses et  "françaises"  exécutions  du  quatuor 
Debussy,  dont  on  bissa  l'exquis  second  temps. 
Mais  le  "clou"  de  la  fête  fut  la  primeur  de 
la  Suite  Léonaise  de  Rogelio  Villar,  l'un  des 
"jeunes"  les  plus  intéressants  de  l'Espagne 
actuelle,  et  qui  promet  d'être  un  Grieg  méri- 
di(jnal,  plus  fin  et  plus  ém()U\ant.  Cette  suite 
qui  comprend  quatre  temps  est  d'un  h'risme 
doux  et  triste,  d'une  fraîcheur  rare,  d'un  sens 
musical  affiné.  Les  thèmes  populaires  v  reçoi- 
vent un  développement  parfois  brusquement 
interrompu  —  ce  qui  est  le  défaut  xoulu  mais 
réel  de  l'auteur  —  parfois  un  peu  facile 
(comme  en  son  allegro  niolto)  et  embarrassé 
d'éléments  "  pianistiques  "  qui  détonent  et 
cho(|uent,  mais  toujours  captivant  et  svmpa- 
thiquc,  d'une  technic|ue  discrète  et  heureuse 
plus  que  par  son  contrepoint,  élémentaire,  par 
une  harmonie  savoureuse  et  (|ui  respecte  les 
véritables  tonalités  des  chants  recueillis  et 
distribués  avec  art.  l'ous  nos  compliments 
au  jeune  auteur,  l'un  des  mieux  iloués,  sinon 
des  plus  savants,  de  sa  génération. 


Le  troisième  concert,  du  1 7  Mars,  nous 
permit  de  réentendre  le  petit  quatuor  en  sol 
(n"  2)  de  Mozart,  le  2""'  quatuor,  inégal,  de 
Beethoven,  et  un  détestable  quatuor  d'im 
Espagnol,  M.  Manrique  de  Lara,  dépourvu 
d'originalité  non  seulement  espagnole,  mais 
musicale  ;  manquant  d'équilibre  et  mélangeant 
des  progressions  d'un  chromatisme  et  d'une 
polvphonie  à  la  "  Tristan  "  avec  les  reprises 
invariables  d'un  pauvre  thème  diatonique  ; 
d'une  harmonie  poisseuse,  \ide  et  arriérée  y 
enfin  qui  présente  un  abus  du  trémolo  et  du 
pizzicato  d'un  effet  effrovablement  théâtral. 
L'auteur  jouit  d'une  certaine  renommée  en 
Espagne,  et  c'est  pourquoi  nous  devions  insister 
sur  son  œuvre.  Mais  cette  renommée  ne  s'ex- 
plique point,  et  nous  éprouvâmes  une  cruelle 
déception  à  nous  en  aperce\oir. 

Concurremment  avec  le  quatuor  Vêla,  la 
Société  des  Instruments  à  Vent,  fondée  par  le 
célèbre  maître  Pérez  Casas,  a  fait  un  "  début" 
sensationnel.  L'ensemble  de  ces  huit  artistes 
est  \raiment  satisfaisant,  et,  sans  égaler  la 
notre,  cette  Société  fait  le  plus  grand  honneur 
à  ses  protecteurs,  et  à  son  chef  éminent.  Au 
premier  concert,  du  8  mars,  nous  eûmes  du 
niau\ais  Rubinstein,  l'admirable  Chanson  et 
Danses  (bissées)  de  d'Iiuh-,  un  gentil  sextuor 
de  Breton,  le  directeur  du  Conservatoire  de 
Madrid,  et  le  jeune  quintett  de  Beethoven 
(op.  16).  —  Le  second  concert  du  14  Mars, 
nous  cUmna  l'heur  d'applaudir  du  Ha\dn,  de 
bailler  pendant  du  Haëiulcl,  de  dormir  durant 
du  Klughardt  mais  d'applaudir  \  igourcusement 
la  claire  et  charmante  musicalité  du  Sextuor 
(op.  6)  du  ba\arois-t\rolien  '1  huille,  régal  de 
sonorités  heureuses,et  de  mélodies  naïves  et  ten- 
dres.Le  succès  qui  acccucillit  les  deux  premiers 
concerts  de  la  Société  constitue  un  précieux 
encouragement  pour  l'avenir.  Nous  souhaitons 
longue  \ie  à  la  jeune  assticiation  et  assurons 
son  directeur  si  méritant  de  ncjtre  coriliale 
s\  nipathie. 

Au  théâtre  Je  la  "Cometlia"  Berthe  Marx 
Goldschmidt  voulut  reconstituer  les  cinq 
concerts  historiques  de  Rubinstein.  Nous 
n'insisterons  pas,  par  galanterie,  sur  cette 
curieuse  tentative. 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


Ï59 


Et  la  Société  des  Concerts,  sous  la  direction 
de  son  illustre  chef  Arbos,  va  enfin  ouvrir  ses 
portes  à  la  foule  avide  de,  sonorités  orchestrales. 
Nous  suivrons  la  foule.  '      Henry  Collet. 

VALENCE.  —  Nous  venons  d'inaugurer 
des  concerts   de  chambre  sous   la   direction  de 


Chavarri,  avec  les  Chansons  et  Danses  de 
Vincent  d'Indy,  qui  ont  cette  fois  obtenu 
l'exécution  et  le  succès  digne  de  cette  belle 
œuvre,  jadis  exécutée  à  Valence.  Puis  le 
Divertissement  de  si  bémol  de  Mozart  et  enfin 
une  rapsodie  de  Chavarri,  d'écriture  très  mo- 
derne et  qui  a  parfaitement  réussi. 


Jûar   ^ 


liait 


Chand    d'BilletS.  dîners,  ou  de  bridije...  Sujets  à  propos  do  quoi 

on    a   vraiment   en\ie   de   crier  ainsi    qu'à  des 

Chaque  année, avec  la  ponctualité,  la  fidélité,  tapevns   incorrigibles:    Encore  vous?  ah   non! 

de  vieux  serviteurs  d'autrefois,   il   est  quelcjues  Jr '•i-ous  ai  (li'jîi  donné  ! 

sujets  d'Actualité  on   peut  dire  chronii|uc-   et  11  v  a  ainsi  les  baraques  du  iour  de  Tan,   les 

môme    incurable   qui    reviennent   aux    mêmes  marchandes  de  violettes  ou  de  poires  cuites  au 

époques   jîour  inspirer    les   mêmes   articles    de  four,    le    marronnier   du    20  mars,    le   dernier 

journaux,    les   mêmes   couplets    de  revues,    les  chet-d'ctnivre    —    toujours    le   dernier   —     de 

mêmes   propos   autour   des  tables  de  Café,   (K'  M.  R<niin...    Il  \  a  aussi  la  cpiestion  d'Orient 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


i6i 


et  nous  y  voilà  :  celle  des  marchands  de  billets  ! 
Cette  année  elle  offre  ceci  de  nouveau  qu'elle 
est  en  train  de  prendre  une  importance  consi- 
dérable. Avant  d'entrer  dans  ce  vif  qui  est  la 
2;uerre  entre  certains  Directeurs  de  théâtre  et 
marchands  de  billets,  il  faut  d'abord  s'entendre 
sur  ce  qu'ils  sont  :  les  marchands  de  billets,  et 
révérence  parlée,  mettre  l'objet  en  mains.  Car, 
s'il  y  a  fagot  et  fagot  il  y  a  aussi  marchand  de 
billets  et  marchand  de  billets  :  aristocratie  et 
populace,  seigneur  et  ruffian. 

A  tout  Seigneur  tout  honneur.  D'abord 
voyons  donc  "  le  Bourgeois  "  F Aristo,  le  mar- 
chand de  billets  de  luxe.  Celui-là  travaille  à 
découvert  en  toute  sécurité.  Il  a  façade  sur  le 
Boulevard.  De  l'extérieur,  par  ses  affiches 
multicolores,  sa  boutique  attire  le  regard  à 
bonne  distance  et  le  retient  de  près  par  sa 
vitrine  gentiment  ornée  de  photos  d'artistes  et 
même  de  silhouettes  en  bois. 

Entrons.  Aux  murs,  d'autres  photos  bien 
plus  séduisantes  et  grand  format  !  Une  spécialité 
de  vedettes  en  vêtements  légers..Une  exposition 
de  charmes,  qui  pour  être  en  papier  ne  laisse 
pas  tout  le  monde  de  bois...  Et  puis,  toutes 
les  salles  de  spectacles  en  miniature  :  dites 
^^  Guignor\  la  caisse,  tout  le  mobilier  profes- 
sionnel. Enfin  :  élégant  de  mise,  d'allures,  de 
gestes  et  de  conversation  :  le  marchand  de 
billets  qui  vend  sa  marchandise  avec  amabilité 
mais  sans  être  ni  insistant  ni  obséquieux.  Un 
Monsieur  sûr  de  son  commerce  et  qui  peut 
s'offrir,  le  cas  échéant,  avec  le  fidèle  client,  une 
petite  conversation  sur  la  pièce,  l'auteur  et  les 
interprètes  d'Actualité  qu'il  vient  de  juger  à  la 
générale,  le  marchand  de  billets  étant  de  toutes 
les  générales. 

—  Intéressante  la  pièce  ? 

—  Mais  oui,  très  bons  décors,  de  F  entrain,  du 
dialogue,  de  V esprit,  des  mots  de  situation. 

—  Alors  on  peut  voir  ça  F 

—  "Je  crois  bien  !  Une  loge  de  face  ? 

N'en  déduisez  pas  que  par  intérêt  profes- 
sionnel, le  marchand  de  billets  trouve  forcé- 
ment tout  bon.  Que  non  !  et,  certains  auteurs, 
comédiens,   chanteurs,   ne    seraient    peut-être 


pas  toujours  satisfaits  de  ses  commentaires  ou 
de  ses  pronostics  !  Mais  le  sait-on  ?  Aussi  bien 
que  le  plus  subtil,  le  plus  remuant,  le  plus 
infatigable  de  nos  courriéristes,  serait-il  le 
Capitainc  Fracasse  ou  Brichatiteau,  le  marchand 
de  billets  connaît  à  peu  près  tout  de  ce  rata 
compliqué,  \arié,  imprévu  qui  mijote  dans  les 
coulisses...  Fort  de  leurs  profondes  relationsdans 
les  théâtres,  ces  marchands  de  billets  de  luxe 
sont  à  l'occasion  de  très  distingués  indicateurs 
galants...  Pendant  l'Exposition  de  1900,  il  en 
fut  un  qui  avec  beaucoup  de  tact  et  d'éloquence 
s'en  fut  trouver  une  des  plus  éminentes  per- 
sonnalités administratives  de  l'Opéra  : 

—  Si  vous  voiiUe%  être  mon  avocat  auprès  de 
ces  demoiselles  du  corps  de  ballet  comme  nous  pour- 
rions faire  de  F  or  avec  les  Etrangers  !  C^est  très 
simple 

Sans  doute  parce  que  ce  fut  trop  simple  le 
haut  fonctionnaire  sollicité  ne  voulut  pas 
comprendre.  Le  marchand  de  billets  dut  cher- 
cher ailleurs. 

Bref  le  marchand  de  billets  de  luxe  exerce 
une  profession  des  plus  agréables,  peu  fatigante 
et  qui,  bon  an  mal  an,  lui  rapporte  tous  frais 
payés  un  bénéfice  net  de  cinquante  mille  francs... 

Combien  différente  est  l'existence  de  l'autre 
marchand  de  billets,  du  "  ruffian  ".  Par  la  pluie, 
la  neige,  la  grêle,  l'ardent  soleil,  enfin  dehors 
par  tous  les  temps,  de  dix  heures  du  matin  à 
dix  heures  du  soir,  le  ruffian  ne  paraît  cepen- 
dant pas  contracter  une  mauvaise  santé  à  ce 
genre  de  vie.  A  de  bien  rares  exceptions  près, 
regardez  sa  belle  troçne,  on  dirait  enluminée 
à  tous  les  verres  rouges  des  lampes  électriques, 
mais  qui  l'est  en  vérité  à  ceux  des  mastroquets 
voisins.  Admirez  cette  carrure,  cet  embon- 
point. Ces  mains  larges  comme  des  épaules  de 
mouton,  ces  doigts  boudinés,  luisants,  roses 
comme  des  petits  paquets  de  saucisses,  toute 
cette  rude  allure  d'un  cultivateur  endimanché, 
d'un  maquignon,  d'un  "  book  "  et  plus  souvent 
celle  bien  plus  pittoresque  d'un  Monsieur  que 
vous  ne  voudriez  pas  rencontrer  au  coin  d'un 
Pré  serait-ce  même  à  celui  du  Pré-aux-Clercs. 

—  Pst  !  Pst  !.. 


102 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


Vous  les  connaissez  bien  !  Celui-ci  vous 
appelle  du  seuil  d'un  café  modique. 

—  Une  bonne  place  pour  Ce-  soir^  de  face  ? 

Celui-là,  pour  peu  que  vous  sembliez  vous 
diriger  vers  le  bureau  de  location  ou  \ous 
arrêter  devant  l'affiche  et  même  tout  simple- 
ment si  vous  passez,  \ous  raccroche  par  \ otre 
manche,  \ous  passe  même  tendrement  le  bras 
autour  de  la  taille  et  vous  fait  ses  propositions 
a\ec  le  bagout,  l'insistance  des  photographes 
forains  ou  du  coiffeur  qui  veut  à  toute  force 
placer  une  friction  ou  un  shampooing.  Comme 
tout  ce  qui  est  en  dehors  de  l'ordre,  du  con- 
venu, comme  tout  ce  qui  est  si  peu  sau\age 
que  ce  soit,  ce  marchand  de  billets  dit  "  ruf- 
fian ",  est  bien  plus  amusant  que  son  confrère 
de  luxe  ''''U Ar'nto  "  qui  est  au  ruffian  ce  que 
le  cabot  des  rues  est  à  la  levrette  de  grande 
maison,  ce  que  le  chat  de  gouttière  est  au  chat 
d'appartement. 

"Par  ci  par  là,  bien  forcé  de  \o\\  la  \ie 
plus  en  rosse  qu'en  rose,  le  "  ruffian  "  n'est 
pas  'exempt  d'aléas  puisqu'il  n'a  pas  la 
tranquillité  d'une  clientèle  stable  mais  plutôt 
Variable,  aussi  volante  que  volée.  Non  pas 
comme  l'Aristo,  assuré  d'amateurs  réguliers, 
le  ruffian  n'a  pour  établir  un  équilibre  entre 
ses  dépenses  et  ses  recettes  que  ses  connais- 
sances du  répertoire  à  succès  et  des  nouvelles 
œuvres  qui  pourront  réussir  ou  non.  Mais  s'il 
pleut  r  La  pièce  a  beau  être  bonne,  les  chan- 
teurs fameux  et  les  décors  charmants.  A' r/(/^rt// 
risque  le  mauvais  coup  de  garder  ses  billets 
pour  compte.  C'est  dans  ces  moments  là  que 
—  semblable  à  ces  Dames  de  nuit  encore 
seulesà  la  dernière  heure  et  qui  (lc\iei)nént  de 
plus  en  plus  pressantes  parce  que  plus  pres- 
sées, —  If  rujjian  se  résout  à  toutes  les  audaces. 
Poursuivant  l'amateur  jusque  dans  le  vestibule 
du  théâtre  il  finit  par  se  faire  *'  emballer 
traîner  au  poste  dont  il  est  abonné  fidèle  et  où 
d'ailleurs  on  le  relAche  aussitôt,  ce  qui  lui 
permet  d'y  revenir  plusieurs  fois  duiaiit  la 
même  soirée. 

Comme  Xuw  pense  ces  **  emballages  "  ne  se 
font  pas  toujours  sans  musif/ue:  protestations 
ou  menaces.  C'est  que  le  marchand   de   billets 


en  plus  d'un  indicateur  de  la  police,  d'un 
"  book-maker  "  et  même  d'un  Poète  qu'il  est 
parfois  peut  de  plus  être  un  bon  agent  élec- 
toral ou  tout  simplement  ce  personnage  vénéré, 
presque  sacré.  "  L'électeur  ".  xi  mcj2ao 

Ainsi  pour  avoir  fait  arrêter  un  marchand 
de  billets  racolant  dans  l'entrée  même  de  son 
Théâtre,  M.  Carré  t-e  vit-il  montrer  le  poing 
et  promettre  : 

—  Attends  un  peu  !  je  le  dirai  à  Levreau  ! 


Imiiilc-    (le    dire    c|ne     JAVieau      c'était     Iq^ 

drpntr '  ■    n'  •'.  • 

J.e   rulJian  t]ui    rançonne,  d'apiès   la    loi   d^ 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


163 


l'oftVc  et  de  la  demaïKle,  et  l'Aristo  qui  trafique 
sur  une  augmentation  à  peu  près  fixe  de  trois 
francs  sur  le  prix  de  la  location  officielle,  ne 
se  font  ni  tort  ni  concurrence.  Chacun  à  sa 
spécialité.  Celui-ci  accapare  les  grosses  places, 
celui-là  les  petites.  Avec  ou  sans  la  complai- 
sance des  directeurs  de  théâtre  dont  bon 
nombre  les  considèrent,  les  traitent  en  excel- 
lents auxiliaires  et  même  en  collaborateurs 
précieux. 

Pour  se  procurer  les  places  au  bureau  de 
location,  Arhto  et  Ruffian  ont  un  procédé  bien 
simple  qui  consiste,  moyennant  une  prime  de 
cinquante  centimes  par  place,  à  les  envoyer 
prendre  par  des  commissionnaires  variés  dont 
le  fonds  ordinaire  est  surtout  constitué  par  des 
garçons  de  café,  et  l'extra  par  des  passants 
dont  la  profession  est  surtout  celle  de  n'en  pas 
avoir.  Faisant  la  joie  des  directeurs  ennemis, 
ces  troupes  auxiliaires  ne  reviennent  pas  tou- 
jours d'expédition...  Ce  sont  là  des  fuites  peu 
fréquentes,  les  marchands  de  billets  étant  à  la 
fois  gens  de  précaution  et  d'ingéniosité  capa- 
bles de  rivaliser  avec  nos  meilleurs  policiers,  ce 
qui  évidemment  n'est  pas  encore  le  Summum 

delà  difficulté Les  marchands  de   billets 

sont  encore  des  veinards. Une  très  sympathique, 
très  capable  et  très  artiste  personnalité  de 
l'Opéra  en  sait  quelque  chose.  Cette  person- 
nalité, appelons  là  M.  Colin  et  si  vous  voulez 
même  M.  Colin-Maillard  à  cause  de  cette 
chasse  aux  marchands  de  billets  toujours  un 
peu  faite  à  l'aveuglette,  avait  dit  à  propos 
d'une  sensationnelle  première  : 

—  Je  ne  veux  pas  qu'il  y  ait  dan^  la  salle  une 
seule  belle  place  vendue  par  un  marchand  de- 
billets  ! 

De  permanence  au  bureau  de  location, 
dévisageant  tous  les  souscripteurs  M.  Colin 
Maillard  était  presque  sûr  d'avoir  évincé  les 
marchands  de  billets.  Douce  erreur  !  Une 
baignoire  la  veille  prise  par  un  des  principaux 
habitués  de  l'Opéra  avait  été  revendue  le  len- 
demain par  un  marchand  de  billets  ! 
^Pendant  l'instant  durant  lequel  M.  Colin 
Maillard  avait  interrompu  sa  garde  au  bureau 
de   location  la  jeune  bonne  de   M.  X...  titu- 


laire de  la  baignoire  s'était  présentée  au  bureau 
de  location.  En  attendant  son  tour  elle  avait 
avisé  un  monsieur  très  élégant,  lui  avait  de- 
mandé à  qui  fallait-il  s'adresser  pour  se  faire 
rembourser  des  places  qu'on  ne  pouvait  utili- 
ser. . . 

—  Mais  mademoiselle^  je  vous  les  prends  moi  ! 
et  voilà  cinq  francs  pour  vous. . . 

Le  monsieur  très  élégant  n'était  autre  qu'un 
des  plus  habiles  marchands  de  billets  bien  connu 
sous  le  sobriquet  très  spécial  de  "  Beau  Bocal^ 

Pourquoi  donc  ne  pas  toujours  aller  au  bu- 
reau de  location  au  lieu  d'avoir  recours  aux 
marchands  de  billets  ? 

Deux  raisons  font  les  marchands  de  billets 
presqu'indispensables  parce  que  répondant  à 
des  besoins. 

Le  vitalité  du  marchand  de  billets  de  luxe, 
réside  en  ce  que  présent  dès  l'ouverture  de  la 
location,  il  ramasse  les  meilleures  places  que 
l'amateur  riche  est  toujours  sûr  de  trouver 
chez  lui,  même  aux  dernières  heures  de  la 
journée. 

Excellentes  places  que  cet  amateur  riche 
peut  en  cas  d'empêchement  ou  de  caprice, 
rendre  ou  échanger,  celles  de  ce  théâtre-ci 
pour  celles  de  ce  théâtre-là.  Enfin,  précieux 
arrangement  :  si  cet  amateur  riche  est  un 
fidèle,  il  a  droit  à  un  crédit  souvent  considé- 
rable avec  large  facilité  d'acquit. 

Le  marchand  de  billets  populaire  et  si  l'on 
peut  dire,  ô  ironie  —  à  prix  réduit  !  —  fit  à 
temps  lui  aussi  la  razzia  des  places  qui  l'inté- 
ressent. Donc  avantage  de  l'accapareur  ven- 
dant selon  la  naïveté  du  client  ou  la  pénurie 
des  places  disponibles  à  la  location. 

Les  marchands  de  billets  ne  faisant  en 
somme  que  profiter  en  des  proportions  diffé- 
rentes d'un  agio  légal  quoique  usuraire,  quel 
prétexte  les  pouvoirs  publics  peuvent  ils  pren- 
dre pour  s'immiscer  dans  leur  commerce  ? 
Aucun.  C'est  donc  au  directeur  de  théâtre 
hostile  au  marchand  de  billets  —  il  nj  en  a 
pas  tant  qui  peuvent  s'offrir  ce  luxe  !  —  à  se 
défendre  par  des  moyens  uniquement  person- 
nels. 

Ainsi   M.  Carré  que   ses    merveilleuses  re- 


1  64 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


cettes  dispensent  de  toute  collaboration  fran- 
che ou  hypocrite  avec  les  marchands  de  bil- 
lets peut  dans  une  certaine  mesure  contra- 
rier, gêner  le  marchand  de  billets:  surtout  le 
petit.  Manière  forte  comme  l'intervention  de 
la  police  en  cas  de  racolage  trop  hardi.  Eloi- 
gnement  indirect  qui  est  le  rachat  des  billets 
d'auteur,  autant  de  moins  pour  les  marchands 
de  billets  ! 

Cette  demi  impuissance  contre  les  mar- 
chands de  billets  est  si  bien  comprise  et  si  bien 
acceptée  que  presque  tous  les  directeurs  de 
théâtre  ne  l'ont  jamais  élevée  à  la  hauteur  d'une 
question  d'Etat.  Or,  et  la  chose  est  infiniment 
comique,  quels  directeurs  tentent  de  changer 
ce  débat  personnel  en  débat  public,  législatif, 
visant  la  fin  des  marchands  de  billets.  Qui  r 
Les_  directeurs  de  la  Gaîté  Lyrique.  Les  frères 
Isola  —  qui  n'ont  d'ailleurs  jamais  été  frères. 
Les  frères  Isola  qui  pour  avoir  d'abord  fait  des 
tours  de  prestidigitation  dans  les  catés  de  Paris, 
de  la  Banlieue  et  de  la  Province,  puis  organisé 
dans  les  bouis-bouis  et  music-hall,  l'exhibition 
d'un  nombre  incalculable  de  petites  et  de  grosses 
^ames  plus  ou  moins  décolletées  —  plutôt  plus 
—  ainsi  que  la  présentation  de  chiens  savants, 
die  clowns  excentriques  et  d'avaleurs  de  sabres, 
étaient  selon  la  logique,  selon  la  justice  de  la 
Vie  tout*  désignés  pour  prendre  part  à  la 
destinée  de  la  grande   Musique  Française... 

Sans  doute  reconnaissons-nous  aux  frères 
Isola  leur  science  des  cliiffres,  leur  habileté  à 
savoir  s'entourer  de  généreux  commanditaires 
comme  M.  Merzbach,  de  conseilleurs  artistes 
comme  MM.  Labis  et  Amalou.  Cependant 
notre  admiration  ne  va  pas  jusqu'à  nous  faire 
croire  que  si  les  frères  Isola  crient  "  vingincc  " 
contre  les  marchands  de  billets,  c'est  unique- 
ment pour  la  défense  de  l'Art  pur  et  du 
Peuple  !  Evidemment  V /Irt  pur  et  Ir  Peuple 
ont  toujours  en  bon  dos  et  l'on  jieut  dire  bon 
dos  d'Ane.  Mais  cette  fi^is  le  truc  est  trop 
inélégant. 

Non  il  n'y  a  pas  (|ue  liu  désintéressement 
dans  cette  indignation,  mais  encore  une  furieuse 
colère  personnelle  contre  ces  marchands  de 
billets  qui  vivent  largement  des  efforts  et  des 
excellents  résultats  des  frères  Isola. 


On  sait  comment  sous  l'habile  prétexte 
d'offrir  au  Peuple  un  spectacle  de  grand  art, 
pour  un  prix  démocratique  —  mais  où  com- 
mence et  où  finit-il  donc  ce  prix  démocrati- 
que r  —  les  frères  Isola  ont  lancé  une  affaire  qui 
a  réussi   grâce  à  leur  intelligence  et  à  l'appui 


formidable  lie  la  N'ille  ipn,  en  phis  d'autres 
avantages  matériels,  mit  à  leur  discrétion, 
répertoire,  veiiettes,  décors,  costumes  de  l'Opéra 
et  de  l'Opéra-Comique.  Généreuse,  fructueuse 
combinaison,  qui  ferait  un  tort  considérable 
à  nos  lieux  grands  Subventionnés,  s'ils  n'étaient 
pas  aussi    résistants.  Disproportion   entre   frais 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


,6s 


et  rapports,  qui  inspira  tout  de  suite  aux 
deux  races  de  marchands  de  billets,  cette 
judicieuse  réflexion  : 

"  Les    Huinir/iois    pour    quin-ze  francs    a 


pour 
a  la 
au  moins  dix  francs  à  la  Gaieté. 


r Opéra  et  pour  cent  sous  à  la  Gaieté  P    Ça  vaut 


Et  voilà  comment,  de  tous  les  Directeurs 
de  Théâtres,  les  frères  Isola  font  les  plus  gros- 
ses rentes  aux  marchands  de  billets. 

Ainsi,  la  vérité  "  Phumble  vérité  "  comme  a 
écrit  Maupassant  c'est  que  maintenant  en 
plein  succès,  forts  d'un  joli  capital  d'abonne- 
ments, prêts  à  se  débarasser  de  la  protection 
municipale  afin  d'être  les  Maîtres  de  leur 
Exploitation,  les  Isola  voudraient  bien  par  la 
même  occasion,  semer  les  marchands  de  billets. 
Mais  ces  marchands  de  billets  aristos  et  ruffians 
se  savent  hors  d'atteinte.  Ils  rient  dans  leur 
barbe  ou  dans  leur  moustache.  Ils  se  frottent 
les  mains.  Ils  songent  qu'ayant  ainsi  laissé 
découvrir  leur  secrète  pensée  par  un  bluft 
maladroit  et  significatif,  les  Isola  font  désormais 
figure  de  cavaliers  seuls  dans  ce  quadrille 
excentrique  des  directeurs  de  théâtre  et  des 
marchands  de  billets.  Et  ils  concluent  non 
sans  raisons  peut-être,  qu'après  avoir  été  les 
Isola,  ces  frères  Siamois  pourraient  bien  être  à 
présent  les...  Isolés. 

Pierre  Jobbé-Duval. 


Les  Instruments 

LES  CLARINETTES. 

Les  instrumentistes  à  vent  français  ont  Ife 
réputation  d'être  supérieurs  à  ceux  des  autres 
pays.  Cette  suprématie  est  d'autant  plus  esti^' 
mable  que  notre  lutherie  laisse  passablement  à 
désirer.  Depuis  une  cinquantaine  d'années  les 
perfectionnements  que  l'on  a  apporté  dans 
certaines  catégories  d'instruments  sont  insigni- 
fiants. Cependant  les  œuvres  musicales  moder- 
nes demandent  tous  les  jours  plus  de  délica- 
tesse et  de  virtuosité  de  la  part  des  instrumen- 
tistes ;  sans  compter  que  les  harmonies  serrées 
de  l'école  contemporaine  exigent  une  grande 
justesse  sans  quoi  la  sauce  harmonique  tourne 
au  vinaigre.  D'autre  part  la  facilité  avec 
laquelle  on  module  maintenant  oblige  les 
instruments  transpositeurs  à  jouer  fréquement 
avec  beaucoup  d'accidents,  ce  qui  complique 
singulièrement  les  doigtés. 

Pour  ces  diverses  raisons  les  exécutants 
devraient  avoir  des  instruments  dont  le  méca- 
nisme et  la  justesse  soient  irréprochables. 
Malheureusement  cela  n'est  pas.  C'est  pourquoi 
on  ne  saurait  trop  souhaiter  dans  l'intérêt  des 
musiciens  (avissi  bien  exécutants  que  composi- 


Administration  de  Concerts  A.  DANDELOT,  83,  Rue  d'Amsterdam. 


SALLE  GAVEAU,  45-47,  rue  de  la  boëtie 


Samedi  23   Avril   1910,   à   9   heures  très  précises  du  soir 


AUDITION    D'ŒUVRES 

d'ALFRED  CASELLA 

par  l'Orchestre  de  l'Association  des 

CONCERTS   HASSELMANS 

sous  la  direction  de  l'auteur 

avec    le    concours    de     MM.     JAN     REDER    et    JOSEPH     BONNET 

Organiste  de  Salnt-Eustache. 


PROGRAMME 


1.  SUITE  op.  13. 

a.   Ouverture 

b.  Sarabande 

c.  Bourrée 

(Ire   Audition) 


2.  "  ITALIA  "  op.  11 

Rupsodie  sur  des  chants  populaires 
de  l'Italie  Méridionale. 

(Ire  Audition) 


3.  Trois   Poèmes  pour  une  voix  et   orchestre 

a.  Nuagéries 

b.   Soir  Païen. 

c.  En  ramant. 
M.  JAN  REDER 

4.  Deuxième  Symphonie  op.  12 

en  ut  mineur  (Ire  Audition) 
a.  Lento  —  Allegro 

b.  Scherzo 

c.  Andante 

d.    Tempo  di  Marcia  —  Epilogo. 

Orgue:  M.  JOSEPH  BONNET. 


PRIX    DES    PLACES  : 

ORCHESTRE:      Fauteuil:    12   \v.  I  .oj-ts.   i.i  pLio-      15   fr.  Pourtour:   5   fr. 

l'RKMlKH   BALCON  :      I'  ^.ln^  :  8  fr.         .lutrcs  rangs:  6  fp.  I^.urioir  :  3  fr. 
DEUXIEME  BALCON;   1"  rang:  5  fr.         autres  rangs:  3  fp.  Pourtoir  :  2  fp. 

PROMENOIR     1  fr. 


BILLFirS  :     cher  MM.  DURAND  ci  l'iU.  4.  l'Inrr    do     1»  Madeleine  :  GRU.S.  I  16.  Boulevard  1  lnii»mnnn,  Max  ESCHIG. 

13.  rue  Ladiiie  et  h  TADMINISTR ATION  DT.  CONCF-.KTS  A.  DANDF.LOT.  83.  rue  J'Am,trid.im,   Tri     113-25, 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


167 


teurs)  que  nos  luthiers  fassent  l'effort  néces- 
saire pour  se  mettre  au  niveau  des  exigences 
de  l'écriture  musicale  moderne.  Je  ne  signalerai 
ici  que  quelques  cas  d'une  seule  variété  d'in- 
struments :  les  clarinettes  alto,  basse  et  contre- 
basse. La  plupart  des  compositeurs  ne  se 
doutent  pas  de  la  valeur  de  la  clarinette  alto 
dans  la  gamme  des  timbres  de  l'orchestre.  Ils 
ne  s'en  doutent  pas  n'ayant  que  bien  rarement 
l'occasion  d'entendre  cet  instrument  et  ils 
n'ont  pas  cette  occasion  parce  que  les  luthiers 
n'en  fabriquent  pas  qui  encouragent  les  artistes 
'à  s'en  servir  plus  souvent.  Voici  un  petit  fait 
significatif:  Un  luthier  a  fourni  dernièrement 
deux  clarinettes  alto  à  une  administration 
artistique  sans  avoir  songé  à  fabriquer  des  becs 
en  rapport  de  la  grandeur  de  l'instrument. 
Les  exécutants  sont  par  conséquent  dans 
l'obligation  de  jouer  ces  clarinettes  alto  avec 
des  becs  de  clarinettes  soprano,  ce  qui  est 
défectueux  autant  pour  la  justesse  que  pour  la 
qualité  du  son  ;  c'est  comme  si  l'on  jouait  la 
contrebasse  à  cordes  avec  un  archet  de  violon. 

Mozart  et  Mendelssohn  seraient  bien  sur- 
pris, s'ils  revenaient  au  monde,  de  ne  plus 
trouver  dans  les  orchestres  un  instrument  qu'ils 
aimaient  bien  et  pour  lequel  ils  ont  écrit  de 
jolies  pages  :  le  cor  de  basset^  dont  la  déforma- 
tion nous  a  donné  la  clarinette  alto.  J'ai  la 
conviction  que  si  les  luthiers  fabriquaient  des 
cors  de;  basset  irréprochables  certaines  sociétés 
artistiques  s'empresseraient  de  les  faire  entendre 
au  public,  dans  les  trios  de  Mendelssohn,  et 
les  cprnpositeurs  ne  tarderaient  pas  à  enrichir 
leur  orchestration  de  ce  ressuscité. 

Cette  intromission  se  ferait  d'ailleurs  tout 
naturellement  attendu  qu'un  des  progrès  de 
l'art  musical  contemporain  réside  dans  la  com- 
binaison des  timbres  lesquels  sont  pour  le 
compositeur  ce  que  les  couleurs  sont  pour  le 
peintre. 

Voyons  ce  qui  se  passe  pour  la  clarinette 
basse.  Les  clarinettistes  évitent,  quand  ils  le 
peuvent,  de  jouer  de  cet  instrument  sachant 
fort  bien  les  difficultés  qu'ils  auraient  à  vaincre 
pour  arriver  à  un  "  à  peu  près  "  tant  au  point 
de  vue  de  l'accord,  que  de  l'homogénité  des 
registres.  En  effet,  le  mécanisme  des  clefs  est 


resté  rudimentaire,  il  n'a  ni  la  rigidité  ni  la 
précision  voulues  ;  les  trous  et  la  perce  de 
l'instrument  sont  faits,  je  ne  dirai  pas  au  hasard, 
mais  sans  la  minutie  qu'il  faudrait  ;  il  en 
résulte  un  certain  nombre  de  notes  défec- 
tueuses'et  un  manque  d'unité  entre  les  diffé- 
rents registres.  Si  le  grave  est  excellent,  le 
médium  et  l'aigu  sont  sourds  et  péniblesautant 
à  jouer  qu'à  entendre.  Cela  rappelle  les  mal- 
heureux chanteurs  qui  n'ont  que  quelques 
bonnes  notes  pour  se  faire  valoir. 

Dans  la  pratique  la  conséquence  suivante  se 
produit  :  tandis  que  les  compositeurs  emploient , 
de  plus  en  plus  la  clarinette  basse  dans  leurs 
partitions,  sans  tenir  compte  toujours  des 
limites  des  difficultés  indiquées  dans  les  traités 
d'instrumentation,  l'exécutant,  lui,  se  trouve, 
par  la  faute  de  l'imperfection  de  l'instrument, 
devant  des  obstacles  matériels  qui  empêchent 
une  exécution  impeccable.  En  un  mot  il  y 
a  désaccord  entre  ce  qu'on  écrit  et  ce  qui 
est  exécutable.  Pour  remédier  à  cet  état  de 
choses,  il  ne  faut  pas  s'adresser  aux  composi- 
teurs, ceux-ci  continueront  à  écrire  la  partie 
de  clarinette  basse  comme  si  cet  instrument 
était  d'une  construction  parfaite.  Si  ce  qu'ils 
ont  écrit  est  mal  rendu  ils  ne  penseront  pas 
que  l'instrument  peut  y  être  pour  quelque 
chose  mais  que  l'instrumentiste  est  un  inca- 
pable. Cependant  ce  malentendu  pourrait  être 
évité  si  le  luthier  perfectionnait  sa  fabrication; 
le  clarinettiste  s'en  tirerait  avec  moins  de  mal 
et  plus  d'honneur. 

Et  que  faut-il  pour  cela  ?  Simplement  con- 
sulter les  instrumentistes  sur  les  améliorations 
possibles  et  ensuite  faire  des  essais  jusqu'à 
complète  satisfaction. 

Que  dire  de  la  clarinette  contrebasse  ?  Si 
Richard  Strauss,  Saint-Saëns,  d'Indy  et  d'autres 
maîtres  l'ont  employée  c'est  qu'ils  appréciaient 
les  services  qu'elle  pouvait  rendre  ;  il  est  donc 
présumable  que  nous  la  verrons  de  plus  en  plus 
utilisée  dans  l'orchestre.  Et  pourtant,  disons- 
le  franchement,  cet  instrument  reste,  plus  que 
tout  autre,  à  perfectionner.  J'assistais  ces  jours 
derniers  à  un  concert  où  se  trouvait  une  clari- 
nette contrebasse.  Voulant  savoir  si  quelque 
progrès   avait   été  fait    dans   sa  fabrication  je 


Administration  des  Concerts  A.  DANDELOT,  83,  rue  d'Amsterdam. 


SALLE   GAVEAU,  45,  rue  de  la  Boëtie. 


Deux  concerts  Eugène  Ysaye 

avec  le  concours  de  MM.  JOSEPH  HOLLMAN 
et    JOSEPH    BONNET,    Organiste    de    St    Eustache. 


PREMIER  CONCERT 

"DIMANCHE  24  AVRIL 

à  3  heures 

I.  Concerto  en  sol  mineur    ....     Vivaldi 

pour  violon  principal,  orgue  et  or- 
chestre à  cordes,  (en  5  parties) 
remis  au  jour  par  E.  Ysaye. 

II.  Le   Poète  et  la  Muse    ....      Saint  Saens 
Première  audition. 

MM.  Ysaye  et  J.  Hollman. 

III.  Concerto  en  rj  majeur.      .      .      .      Brahms 


DEUXIEME   CONCERT 

DIMANCHE   8   MAI 

à  3  heures 

I.  Concerto  en  mi  majeur    .      .      .      Bach 

pour  violon,  orchestre  à  cordes 
et  orgue  obligato. 

II.  Suite  pour  violon  et  Orchestre      Noël  Desjoyeux 

Première  Audition. 

a.  Prélude. 

b.  Andante. 

c.  Final. 

III.  ConcL-rto   en   ic   majsur    .      .      Beethoven 


Orchestre  de  l'Association  des  Concerts  Hasselmans,  sous  la  Direction  de 

M.  Louis  Hasselmans. 


DEUX  CONCERTS  JACQUES  THIBAUD 


l'RKMIKR   CONCERT 

DIMANCHE   1    MAI 

à  3  heures 

avec  le  concours   de   MM.   Alfred  Cortot,   P.nblo 
Ca».Tl«,  Joseph    S.ilmon,    F.    Dcnaycr,    A.    Tourrct. 

I.  Quintette  (2  violons,  2   violoncelles 

et    alto) Schubert 

II.  Sonate.^  Kreutzer Beeihovf.n 

III.  Quintette  (2  violon»,   alto,   violon- 

celle)            C.  Franck 


DEUXIEME  CONCERT 

Jeudi  5  Mai,  (Fête  de  l'Ascension) 
à  3  heures 

avec   le   concours   de    M.    F.    Dcnaycr 

I.      Symphonie  Concertante,  pour  vio- 
lon, alto  et  orchestre     ....      Mozart 


II.    Concerto   et   Orchestre 


Mr.NnRLSOHN 


111.  Symplionic  Espagnole,  pour  violon 

et  Orchestre En.  Lai.o 


Orchestre  sous  la  direction  de  M,   Pierre  Monteux. 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


demandais  au  clarinettiste  s'il  était  satisfin-t  de 
son  instrument  :  "  Le  mécanisme  est  impos- 
sible "  telle  fut  sa  réponse. 

On  peut  m'objecter  que  les  trois  instru- 
ments dont  je  viens  de  parler  ne  sont  pas  d'un 
usage  courant  et  que  pour  en  bien  jouer  il  faut 
les  travailler  comme  on  travaille  la  flûte  ou  le 
basson.  Cela  est   fort  juste   mais  n'excuse   pas 


169 

une  fabrication  arriérée.  Si  les  luthiers  ne  font 
rien  pour  donner  satisfaction  aux  instrumen- 
tistes, ceux-c'  continueront,  par  force,  à  se 
contenter  de  ce  qu'ils  ont  jusqu'au  jour  où  un 
fabricant  étranger  forcera,  par  la  concurrence, 
les  luthiers  français  à  soitir  de  leur  routine. 


(a  suivre). 


Emile  Stihvenard. 


"    IMPROMPTU   " 


—  Et  bien  que  pensez  vous  de  cette  affaire,  cher  maître  ? 

—  Joli  sujet  pour  une  fugue  en  ut  Duez. 


DÉSIREZ-VOUS    CONNAITRE    L'ADRESSE 

d'une    Maison    donnant    en    LECTURE     non    seulement    de    la 

Musique    Française 


MAIS    EGALEMENT    ET    SURTOUT 


r 

Toute  la  Musique  Etrangère 


ET    MEME    DES 


Partitions  d'Orchestre  ? 

ADRESSEZ-VOUS    A 

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Lis    Ciikis-d'Œuvrk    dk    BRAHMS,    BRUCH, 

DVORAK,    SCHUTT,    etc. 

POUR    l.\    MOITIK    I)I<:    LEURS    PRIX    ANCIENS! 
DEMANDEZ    Ll-    CATALOcilK   SI'l'xiAI, 


Nos  lecteurs  nous  ont  souvent  demandé  de  les 
instruire  en  les  amusant  c'est  à  dire  de  réserver,  à  côté 
de  l'érudition  ou  de  l'intormation,  une  place  pour 
l'enseignement  pratique,  accessible  à  tous.  Beaucoup 
d'entre  eux,  élèves  ou  professeurs,  cherchent  les  moyens 
de  compléter  leur  propre  éducation  musicale  ou  de 
faciliter  celle  des  autres.  C'est  à  l'intention  de  ces 
lecteurs  studieux  que  nous  ouvrons  cette  rubrique 
nouvelle  :  Instruisons-nous  !  Il  y  a  tant  de  <:hpses 
d'un  intérêt  immédiat  et  général  qu'on  ne  sait  pas,  et 
qu'il  faut  d'abord  apprendre.  Tous  les  jours  quelque 
correspondant  nous  demande  une  petite  consultation 
sur  tel  ou  tel  point  de  science  musicale,  d'histoire  ou 
de  pédagogie.  Au  lieu  de  lui  répondre  par  lettre,  nous 
lui  répondrons  ici  même  et  nous  sommes  sûrs  de  satis- 
faire ainsi  d'autres  abonnés  qui  ne  nous  écrivaient  pas 
pour  nous  poser  les  mêmes  questions,  mais  qui  avaient 
songé  bien  souvent  à  le  faire.  Nous  causerons  à  bâtons 
rompus  de  tout  ce  qui  peut  aider  les  Amis  de  la 
Musique  à  mieux  sa'voir  cet  art,  qu'ils  aiment  trop 
souvent  en  l'ignorant,  et  dont  on  leur  facilite  si  peu  la 
connaissance.  Nous  leur  expliquerons  de  petits  mys- 
tères dont  on  ne  trouve  la  clé  dans  presque  aucun 
ouvrage  d'enseignement,  et  qui  intriguent  tout  le  monde. 
Nous  leur  parlerons  des  grands  musiciens,  nous  les 
mènerons  dans  les  Ecoles  assister  à  des  leçons  de 
musique  fort  curieuses,  et  cela  leur  donnera  l'idée,  s'ils 
sont  professeurs,  de  renouveler  un  peu  leur  enseignement, 
de  ne  pas  tourner  toujours  dans  le  même  cercle  de 
procédés  dont  ils  se  lassent  eux-mêmes.  Nous  leur 
donnerons  de  petits  problèmes  à  résoudre,  de  petits 
jeux  de  patience  à  combiner,  et  les  plus  adroits,  les 
.  plus  avisés  d'entre  eux  seront  récompensés.  Nous  insti- 
tuerons de  véritables  petits  concours  sur  des  sujets  de 
musique  ou  de  musicologie.  Et  nous  espérons  par  ce 
moyen  entrer  en  relations  plus  intimes  avec  nos  lecteurs. 
Nons  faisons  appel  à  leur  collaboration  :  c'est  sur  eux 
que  nous  comptons  pour  rendre  vivant  ce  petit  coin 
d'une  grande  Revue  Musicale,  qui  sera  en  même 
temps  l'Ecole  d'instruction  mutuelle. 


Anacrouse  et  barre  de  mesure. 

On  écrivait  ces  jours  derniers  à  notre  direc- 
teur :  "  Vous  seriez  bien  aimable,  cher  mon- 
sieur de  me  donner  un  renseignement  que  je. 
ne  trouve  nulle  part.  Qu'est-ce  qu'une  ana- 
crouse ?  Je  lis  souvent  ce  mot  ;  je  ne  sais  ce 
qu'il  veut  dire.  S'agît-il  d'une  forme  de  com- 
position, d'un   type  de   mélodie,   d'un  procédé 


de  notation.?  Qu'est-ce  donc  qu'une  anacrouse^'' ? 
Rien  de  plus  simple,  que  de  satisfaire  cette 
légitime  curiosité.  Derrière  ce  mot  d'allure  un 
peu  pédante  ne  se  cache  pas  un  bien  grand 
mystère.  Chantez  le  début  de  la  Marseillaise: 


Vous  remarquerez  que  la  mélodie  ne  com- 
mence pas  sur  le  temps  fort  de  la  mesure, 
mais  sur  un  temps  faible  d'une  mesure  incom- 
plète ;  c'est  cette  partie  de  la  mélodie  qui 
précède  le  premier  temps  fort  qu'on  appelle 
anacrouse.  Toutes  les  fois  qu'un  morceau 
commence  en  levantyComme  disent  les  musiciens, 
il  y  a  anacrouse.  Vous  constaterez  que  la  plu- 
part des  mélodies  sont  anacrousiques.  Bien  des 
théoriciens  pensent  même  qu'à  l'origine  il  n'y 
avait  pas  d'autre  type  de  mélodie. 

L'emploi  de  la  barre  de  mesure  fausse  nos 
idées  sur  l'anacrouse.  Il  nous  paraît  irrégulier 
qu'un  morceau  débute  par  une  mesure  incom- 
plète, et  nous  pensons  qu'il  est  plus  normal 
que  la  première  note  d'une  mélodie  soit 
aussi  la  première  note  d'une  mesure. 

Il  faut  nous  rendre  compte  du  caractère  tout 
à  fait   arbitraire   et  conventionnel  de  la   barre 

:  de  mesure.  Inventée  au  XVP  siècle,  elle  n'avait 
d'autre  but  que  de  permettre  aux  exécutants 
d'un  ensemble  de  se  retrouver  à  ces  points  de 
repère  naturels  qui  sont  les  temps  forts,  et  il 
fut  Convenu  que  la  barre  de  mesure  serait 
placée   avant   le   temps    fort.  Il  en  est   résulté 

■par  la  suite  cette  idée  tout  à  fait  inexacte 
qu'une  mesure  formait  par  elle-même  un  tout, 
et  qu'un  morceau  de-  m-usique  se  trouvait 
divisé  en  autant  d'éléments  se  suffisant  à  eux- 
mêmes  qu'il  contenait  de  mesures  :  de  même 


1/2 


L'ACTUALITE    xM  U  S  I  C  A  L  E 


que  dans  nos  discours  chaque  mot  a  un  sens 
mcme  s'il  est  séparé  de  la  phrase  à  laquelle  il 
appartient.  Or  il  n'en  est  rien.  Découpez  un 
morceau  de  musique  en  fragments  formés 
chacun  d'une  mesure  :  vous  verrez  qu'aucun 
de  ces  fragments  n'offre  un  sens  complet.  Les 
professeurs  de  solfège  le  savent  bien,  puisque 
quand  ils  donnent  par  fragments  le  texte 
d'une  dictée  musicale  à  leurs  élèves,  ils  ont 
toujours  soin  de  ne  pas  s'arrêter  sur  le 
dernier  temps  d'une  mesure,  mais  sur  le 
premier  de  la  mesure  suivante.  En  réalité  pour 
que  les  barres  de  mesures  marquent  les  vérita- 
bles divisions  de  la  phrase  musicale,  il  faudrait 
qu'elles  soient  placées  non  avant^  mais  après 
le  temps  fort.  Et  cela  se  comprend  :  pour  que 
je  donne  un  bon  coup  de  poing  à  un  cama- 
rade, il  faut  que  j'aie  commencé  par  prendre 
mon  élan,  par  ramener  mon  bras  et  mon  poing 
en  arrière,  en  préparant  mes  muscles  à  l'effort 
(et  cela  c'est  le  teinpi  fa'ible\  puis  mon  poing 
s'abat  (et  cela  c'est  le  temps  fort).  Pour  jouer 
du  piano  je  lève  les  doigts  avant  de  les  abaisser. 
Pour  manger,  j'ouvre  la  bouche  avant  de  la 
fermer.  Et  ainsi  tout  mouvement  est  en  2 
temps,  le  temps  faible  précédant  toujours  le 
temps  fort,  et  les  deux  temps  formant  par  leur 
liaison  un  mouvement  bien  défini  et  complet. 
Le  temps  faible  n'a  de  sens  que  parce  qu'il 
préparc  le  temps  fort,  et  le  temps  fort  n'est 
possible  que  s'il  est  préparé  par  le  temps  faible. 
Voilà  ce  que  n'indique  pas  du  tout  notre  barre 
de  mesure,  bien  au  contraire.  Voilà  ce  qu'il 
importerait  d'enseigner  aux  élèves  qui  ne  s'en 
rendent  pas  toujours  bien  compte. 

Ainsi,  dans  le  thème  de  la  Marseillaise, 
voici  les  divisions  du  son  musical,  correspon- 
dant d'ailleurs  à  celles  du  sens  «/rammatical  : 


tandis  c|uir  la  ilisposition  des  barres   de  mesure 
nous  ferait  croire  qu'il  faut  chanter  : 

Allons  en,  -fanrs  de,  -la  pn,  -trii-, 
I \  I 


Dans  des  cas  aussi  simples,  personne  ne  se 
trompera.  Mais  il  est  des  circonstances  où  de 
fins  musiciens  commettront  les  plus  lourdes 
fautes  d'interprétation,  emportés  malgré  eux 
par  l'habitude  de  considérer  la  barre  de 
rriesure  comme  une  séparation  véritable  entre 
les  éléments  de  la  phrase  musicale,  (quand  au 
contraire  elle  marque  une  liaison  étroite  entre 
les  termes  qu'elle  semble  désunir).  Je  veux 
donner  quelques  exemples  de  ces  erreurs  si 
gra\  es. 

On  sait  que  les  violonistes  ont  pris  pour 
règle  générale  de  tirer  l'archet  sur  les  temps 
fort  et  de  le  pousser  sur  les  temps  faibles. 
Chaque  barre  de  mesure  est  pour  eux  le 
signal  d'un  changement  de  coup  d'archet  : 
Après  le  poussé  du  dernier  temps  faible  de  la 
mesure  précédente,  le  tire  du  temps  yôr/  de  la 
mesure  suivante.  Voilà  qui  \a  fort  bien  lors- 
qu'il s'agit  d'une  succession  de  notes  détachées^ 
c.  à  d.  accentuées  chacune  par  un  coup  d'archet 
différent.  Mais  s'il  s'agit  de  notes  lièes^  c.  à  d. 
exécutées  du  même  coup  d'archet,  le  violoniste 
n'hésitera  pas  une  minute  à  faire  correspondre 
l'étendue  de  ces  liaisons  à  celle  de  chacune  des 
mesures,  très  exactement,  ce  qui  dans  bien  des 
cas  produira  de  véritables  contre-sens. 

Je  prends  la  partie  de  i^'""  violon  des  Quatuors 
de  Beethoven,  édition  Peters.  Cette  édition  a 
été  revue  soigneusement  par  un  grand  \  ioloniste 
Ferdinand  David  :  ses  doigtés  et  ses  coups 
d'archet  sont  la  plupart  des  temps  excellents. 
Mais  \(Mci  ce  que  je  trou\  e  dans  le  premier 
morceau  du  3^"  quatuor  : 


Jf- 


^ 


^F=^ 


3 


t^ 


^ 


ce  (|ui  serait  évidemment  îihsiirde. 


Pnurc]uiii  tlétacher  le  la  final  ilcs  trois  notes 
en  triolet  qui  le  précèilcnt  et  a\ec  lesquelles 
il  a  un  lien  si  étroit  r  Pourquoi  lui  ilonner  une 
accentuation  spéciale  ?  Voilà  qui  n'a  aucun 
sens,  et  qui  n'est  d'ailleurs  pas  même  justifié 
par  la  facilité  d'exécution,  car  il  serait  plus 
commode  ici  de  n'avoir  pas  à  reprendre  l'archet 


L'ACTUALITÉ     MUSICALE 


ï73 


après    la    fin    du    triolet  pour  articulcT  la  note      à  la  mémoire  d'un  grand  musicologue  qui  vient 
suivante.  de  disparaître. 

Plus  loin  je  trouve  encore  : 


t 


A 


fc± 


i 


4g^.  •. 


E^ 


âir. 


qui  ne  s'explique  pas  davantage. 

De  même  dans  l'Andante,  après  la  lettre  T, 
(et  ici  c'est  bien  pis  encore)  : 


au  lieu  de 


infiniment  plus  correct  &t  plus  facile. 

Mais  inutile  de  multiplier  ces  exemples, 
d'autant  plus  nombreux  dans  notre  musique 
moderne,  que  bien  souvent  les  compositeurs 
eux-mêmes  couvrent  inconsciemment  ces 
erreurs  de  leur  autorité,  en  se  conformant  à 
des  usages  établis,  sans  en  apercevoir  l'incon- 
vénient. 

Il  serait  infiniment  plus  important  d'ap- 
prendre cela  à  nos  enfants  que  d'insister  au 
tant  qu'on  le  fait  sur  la  théorie  des  tétracordes, 
qu'on  peut  ignorer  sans  être  un  mauvais  musi- 
cien. Il  importe  avant  tout  de  faire  sentir  la 
musique  aux  enfants,  de  leur  former  le  goût, 
et  ils  n'ont  aucun  besoin  d'être  des  savants  en 
musique. 

Mais  voilà  !  Je  crois  que  la  plupart  des 
ouvrages  d'enseignement  ne  soufflent  pas  mot 
de  la  question  dont  je  viens  d'indiquer  ici  les 
grandes  lignes.  Et  tout  le  monde  ne  peut  se 
procurer,  ni  lire  le  traité  de  F  expression  musicale 
de  Mathis  Lussy. 

Saississons  cet  occasion  de  rendre  hommage 


A  PROPOS  d'Haydn. 

Voici  une  lettre  qui  vaut   un   article  et  que 
nous  insérons  avec  le  plus  grand  plaisir  : 

Monsieur  le  Directeur, 

J'ai  lu  avec  un  vif  intérêt  le  numéro  de 
rS.  I.  M.  que  vous  avez  consacré  à  Haydn.  Mais 
je  ne  vous  cache  pas  cependant  ma  déception. 
Je  m'attendais  à  trouver  quelque  part  un  juge- 
ment d'ensemble  sur  l'homme  et  sur  l'œuvre, 
qui  m'eût  aidé  à  préparer  une  petite  leçon  pour 
mes  élèves  de  l'Ecole  Normale  auxquelles  je 
fais  chanter  un  chœur  des  Saisons.  Je  vous  avoue 
très  humblement  mes  préoccupations  égoïstes. 
Si  vous  saviez  comme  nous  autres,  professeurs 
de  musique  de  province,  nous  sommes  souvent 
isolés  dans  nos  petites  villes,  loin  des  concerts, 
où  l'on  entend  les  œuvres  de  maîtres,  loin  des 
bibliothèques,  où  l'on  peut  au  moins  les  lire, 
loin  des  amis  de  la  musique  que  l'on  voudrait 
avoir  autour  de  soi  pour  réchauffer  de  temps 
en  temps  une  passion  qui  finit  quelquefois  par 
mourir  faute  d'aliment.  Pas  même  un  conseil  ! 
Nos  chefs  ne  sont  pas  toujours  musiciens  :  ils 
n'ont  rien  à  nous  dire,  ils  font  semblant  d'oublier 
que  nous  existons.  Bien  heureux  encore  quand 
ils  ne  nous  traitent  pas  en  ennemis...  Je  devais 
parler  à  mes  élèves  d'Haydn,  et  j'étais  bien 
embarrassée.  J'aurais  voulu  leur  expliquer  le 
grand  rôle  que  le  vieux  maître  a  joué  dans  la 
formation  du  style  et  de  la  symphonie  classique. 
Mais  je  me  sentais  pas  à  la  hauteur  de  mon 
sujet.  Alors  je  me  suis  contenté  de  tracer,  tant 
bien  que  mal,  d'après  des  biographies  que  j'avais 
lues,  un  portrait  du  brave  homme  que  fut  Haydn 
et  de  la  vie  qu'il  a  menée.  J'ai  parlé  d'abord 
du  petit  paysan  de  Rohrau  lâché  dans  la  cam- 
pagne, se  prenant  de  bonne  heure  à  aimer  les 
fleurs,  les  arbres,  les  bêtes,  le  chant  du  ruisseau 
et  le  ramage  des  oiseaux.  Je  le  montrais  aussi, 
rentré  le  soir  chez  lui,  en  admiration  devant  la 
voix  de  ténor  de  son  père  et  son  talent  sur  la 
harpe,  et  demandant  à  sa  mère,  plus  nonchalante, 
de  chanter  aussi  ;  se  fâchant  parce  qu'elle  ne 
voulait  pas  redire  avec  le  père  le  fameux  duo  qui 


174  L' 

marchait  si  bien  !  Et 
puis  c'étaient  les  le- 
çons de  musique  de 
l'instituteur  Franlch, 
ensuite     l'arrivée     à 
Vienne,  l'entrée  dans 
la     maîtrise     de     S' 
Etienne,  les  pompes 
du  culte,  les  joyeuses 
folies  des  récréations. 
Et  voici  maintenant 
le   pauvre   enfant    a 
I  7  ans  sur  le  pavé  de 
Vienne,prenant  gaie- 
ment son  parti  de  sa 
conditions  de   musi- 
cien errant.  J'ai  bien 
amusé  mon  auditoire 
avec     l'histoire     du 
perruquier        Keller 
dont    notre     pauvre 
Havdn  aimait  la  fille 
aînée,  qu'il  n'épousa 
point    parce    qu'elle 
était   déjà  fiancée   à 
un  autre, se  résignant 
bonnement      à      un 
mariage  avec  la  ca- 
dette, qu'il   n'aimait 
point,      pour      faire 
plaisir  au  père  Keller. 
Et   j'ai  suivi  ensuite 
notre  musicien  chez 
les    Esterhazy  ;   j'ai 
dit  tout  son  rude  la- 
beur, tout  son  hum- 
ble dévouement  à  te 
grand     seigneur    un 
peu    de.^pote,    routt- 
cette    obscurtr     exis- 
tence d'un  artiste  do- 
mestiquéjsansgrande 
joie,    sans    gloire    et 
sans  éclat,  heureuse 
cependant.  Puiseiifin 
j'ai  raconté  les  triom- 
phes d'Angleterre  et 
la   vieillesse    paisible 


ACTUALITE    MUSICALE 

NOS  CONCOURS 


JHôj^uj:   ,    Jb^    l^'t^  . 


^^===1=1 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


175 


et  souriante.  Mais  j'ai  voulu  surtout  faire  sentir 
à  mes  jeunes  filles  la  modestie  et  la  bonté  de 
ce  grand  artiste  qui  s'inclinait  respectueusement 
devant  la  supériorité  du  jeune  Mozart  et  l'aimait 
d'une  affection  si  profonde,  si  pure,  si  exempte 
de  jalousie  !...  Oui,  mais  tout  cela  n'est 
pas  la  musique  d'Haydn,  et  je  n'ai  rien  su 
expliquer  à  mes  élèves  de  ce  qui  fait  la  beauté 
d'une  symphonie  ou  de  ce  charmant  chœur  des 
Saisons.Vous  auriez  bien  dû  m'y  aider  un  peu!" 
A  Dieu  ne  plaise  !  Et  nous  trouvons  que 
notre  correspondante  s'est  admirablement  ac- 
quittée de  sa  tâche,  si  elle  a  su  rendre  présente 
à  son  jeune  auditoire  l'âme  donce  et  paisible 
du  vieil  Haydn  !  Que  faut-il  de  plus  pour 
comprendre  ensuite  sa  musique  ?  *Et  que  vien- 
draient faire  ici  les  discussions  des  érudits  ? 
Faisons  entrer  bien  vite  la  musique  dans  les 
humanités.  Evitons  d'en  faire  une  spécialité  :  ce 
serait  tuer  l'enseignement  musical. 

Nos  Concours. 

Voici  un  petit  exercice  que  nous  proposons 
à  nos  lecteurs  pour  leur  donner  l'occasion 
d'exercer  leur  sagacité.  C'est  V explication  d'un 
texte  musical.  Tout  le  monde  sait  en  quoi 
consiste  l'explication  d'un  texte  littéraire,  d'une 
page  de  Racine,  de  La  Fontaine,  ou  de  Victor 
Hugo.  Hé  bien  !  Pourquoi  ne  pas  appliquer  à 
des  textes  musicaux  la  même  méthode  d'ana- 
lyse et  de  réflexion  r  Nous  y  voyons  un  excel- 
lent moyen  de  développer  l'esprit  d'observation, 
d'affiner  le  goût,  de  préparer  à  l'interprétation 
intelligente  des  maîtres. 

Voir  le  texte  que  nous  proposons  et  qu'il 
s'agit  d'expliquer  à  la  page  ci-contre  : 

Nous  demandons  à  nos  lecteurs  :  1°  de  nous 
dire  de  quelle  oeuvre  ce  texte  a  été  détaché, 
2°  d'en  indiquer  toutes  les  particularités  de 
tonalité,  de  modalité,  de  rythme,  de  nuances, 
et  d'en  analyser  la  construction  mélodique 
et  harmonique  (point  de  vue  technique).,  3°  d'en 
déterminer  la  valeur  expressive  ou  bien  des- 
criptive (point  de  vue  esthétique).,  4''  d'y  dé- 
mêler, s'il  se  peut,  certaines  caractères  dont  on 
peut  dire  qu'ils  sont  la  marque  du  temps 
sur  cet  ouvrage  (point  de  vue  historique). 

Les   réponses    devront    être    adressées    aux 


bureaux  de  X Actualité  musicale  avant  le  l'''mai 
19 10.  Elles  seront  classées  par  ordre  de  mérite, 
et  nous  dirons  prochainement  à  quelles  récom- 
penses elles  donneront  droit. 

Double-Dièse. 

La    Musique    Militaire 

LA  MUSIQUE  DE  LA  GARDE 
RÉPUBLICAINE 

Après  ces  quelques  considérations  sur  les 
Musiques  Militaires  en  général,  et  leur  rôle,  ^ 
venons  à  la  première  d'entre  elles,  à  celle  de 
la  Garde  Républicaine.  Quelques  détails  sur  sa 
composition,  ses  origines,  son  répertoire  ne  se- 
ront peut-être  pas  sans  intérêt  pour  nos  lecteurs; 

Cette  phalange  exceptionnelle  a  aujourd'hui 
54  ans  d'âge.  Elle  a  pu  célébrer  son  jubilé, 
ses  noces  d'or  en  quelque  sorte,  le  1 2  mars 
1906.  C'est  sous  la  direction  de  Paulus  qu'elle 
fut  organisée,  en  1856,  avec  55  exécutants. 
Sa  victoire  à  l'Exposition  Universelle  de  1867, 
sur  la  musique  des  Guides,  particulièrement 
chère  à  l'Empereur,  et  qui  passait  pour  la  pre- 
mière "  harmonie  "  de  France  fut  son  premier 
triomphe  à  la  face  du  monde.  Son  second  fut 
en  187  I,  à  Londres,  dans  une  autre  exposition 
internationale.  Quant  à  la  tournée  de  1872, 
en  Amérique,  elle  dépassa  toutes  les  espérances. 
Au  retour,  un  décret  fusionna  les  deux  légions 
et  groupa  leurs  talents.  Peu  après,  en  1873, 
Paulus  prenait  sa  retraite  et  cédait  le  bâton  à 
Sellénick,  dont  les  succès,  à  la  tête  d'une  telle 
réunioji  d'artistes,  devinrent  légendaires  en 
Angleterre  et  en  France...  Puis  c'est,  en  1884, 
G.  Wettge,  qui  lui  succède.  Enfin,  en  1893, 
à  la  suite  d'un  concours,  M.  Gabriel  Parés, 
tout  jeune  encore,  voyait  sa  hardiesse  couronnée 
et  obtenait  le  poste  exceptionnel,  où  il  dé- 
ployait, tout  de  suite,  une  activité  sans  égale. 

C'est  en  effet  à  partir  de  sa  direction,  comme 
il  est  facile  de  le  constater  en  examinant  la 
série  des  programmes,  que  le  répertoire  de  la 
garde  se  transforma  peu  à  peu  et  prit  ce  carac- 
tère hautement  artistique  sur  lequel  je  voudrais 
insister   aujourd'hui.    Aussi    bien    M.  Gabriel 

'  Voirie  n.  de  décembre  de  rannée^i909j-page  38. 


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- 1 

L'ACTUALITE    MUSICALE 


177 


Pares  ctait-il  un  musicien  de  race  et  un  chef 
d'orchestre  de  carrière.  Son  père  avait  été  cla- 
rinette solo  de  la  garde,  au  temps  de  Paulus  ; 
comme  lui,  il  passa  par  le  Conservatoire,  mais 
dans  les  classes  d'harmonie  et  de  composition, 
en  môme  temps  que  dans  celle  de  cornet  à 
pistons.  Il  en  sortit  pour  conquérir,  premier  au 
concours,  la  place  de  sous-chef  de  musique, 
en  attendant  qu'un  nouveau  concours,  autre- 
ment disputé,  lui  donnât  (en  1883)  celle  de 
chef  de  la  musique  des  équipages  de  la  flotte, 
à  Toulon,  qui  le  mit  désormais,  et  notamment 
à  l'Exposition  de  1889,  tout  à  fait  en  vue.  Si 
je  m'attachais  ici  spécialement  à  sa  biographie, 
je  signalerais  ses  nombreux  travaux,  soit  comme 
compositeur  au  théâtre,  [Le  Secret  de  Maître 
Corn'ille^  en  collaboration  avec  son  frère)  au 
concert,  et  surtout  pour  harmonie,  (une  foule 
d'œuvres  originales  ou  d'orchestration),  soit 
comme  théoricien  (un  remarquable  traité  d'ins- 
trumentation à  l'usage  des  harmonies  et  des 
fanfares). 

La  musique  placée  sous  ses  ordres  com- 
prend exactement  80  unités  :  i  chef  ;  i  sous- 
chef  ;  5  musiciens  de  i'"®  classe,  10  de  seconde, 
13  de  troisième,  25  de  quatrième,  tous  comp- 
tant à  l'état-major,  et  24  élèves  musiciens. 
L'admission  se  fait  au  concours.  Tous  ces 
artistes  sont  indépendants  et  libres,  en  dehors 
de  leur  service  spécial,  mais  assimilés,  selon 
leur  classe,  à  un  grade  et  à  une  solde  militaires. 
La  dénomination  d'élève  n'a  qu'une  significa- 
tion de  classe,  car  cette  catégorie  renferme 
toujours  plusieurs  premiers  prix  du  Conserva- 
toire au  début  de  leur  carrière. 

Voici  quelle  est  la  division  des  instruments  : 

1  petite  flûte.  4  cors. 

3  grandes  flûtes.  i  saxhorn  soprano 

3  hautbois.  (petit  bugle). 

4  clarinettes  en  mi  bém.  4  saxhorns  contraltos 
16  clarinettes  en  si  bém.  (bugles). 

(2  solo,  10  i^'"^,  6  2^'^)    3  saxhorns  altos. 

2  clarinettes  basses.  2  saxhorns  barytons. 
2  saxophones  altos.  6  saxhorns  basses. 

2  saxophones  ténors.  i  saxhorn  contre-basse  en 
2  saxophones  barytons.  mi  bém. 

2  bassons.  2    saxhorns   contre-basses 
I  sarrasophone.  en  si  bém. 

3  trompettes,  5  trombones. 

4  cornets.  2  contre-basses  (cordes) 


I  paire  de  timbales. 
I  caisse  claire. 


I  grosse  caisse. 


Un  répertoire  particulièrement  vaste  et  varié 
est  exploité  par  cet  orchestre  de  plein  air.  On 
en  sait  l'une  des  raisons  essentielles.  La 
musique  de  la  Garde  Républicaine  est  envoyée 
constamment  devant  les  publics  les  plus  divers 
et  les  plus  disparates,  dans  les  fêtes  officielles 
et  dans  les  quartiers  ouvriers.  Aussi  la  compo- 
sition des  programmes  est-elle  la  chose  la  plus 
variable  du  monde.  A  chaque  concert,  public 
nouveau  et  spécial,  qu'il  convient  d'instruire 
en  le  récréant,  sans  le  dégoûter  en  dépassant 
sa  portée.  Si  l'attention  populaire  peut  se  fixer 
d'abord,  s'affiner  ensuite,  c'est  par  un  rappro- 
chement adroit  d'œuvres  profondes  et  originales 
et  de  morceaux  plus  limpides  et  plus  aisés  à 
suivre.  Aux  chefs-d'œuvre  consacrés,  s'il  se 
mêle  quelque  fantaisie  des  anciens  répertoires, 
d'ailleurs  jouée  en  virtuose,  telle  page  succède 
aussi,  des  écoles  nouvelles,  françaises  ou  étran- 
gères, qu'on  chercherait  vainement  sur  les 
programmes  de  nos  concerts  et  que  l'avide 
curiosité  de  M.  Parés  a  su  découvrir.  Ne 
conserver  de  l'ancien  fonds  de  la  musique  de 
la  Garde  que  les  morceaux  de  vraie  valeur, 
renouveler  les  arrangements  classiques  par  une 
étude  plus  sévère  des  partitions  originales,  et 
marcher  résolument  de  l'avant  pour  les  pro- 
ductions nouvelles,  tel  a  été  le  but  constam- 
ment suivi.  Aussi  la  collection  des  programmes 
fait-elle  preuve  aujourd'hui  d'un  développe- 
ment et  d'un  rajeunissement  incessant  de  ce 
répertoire. 

D'une  façon  générale,  il  se  partage  en  quatre 
séries  :  les  ouvertures,  les  suites,  les  morceaux 
divers  (danses,  marches,  petites  compositions 
d'orchestre)  et  les  fantaisies. 

Ce  dernier  groupe,  qui  est  le  plus  considé- 
rable dans  la  plupart  des  "  harmonies  ",  parce 
qu'il  plaît  particulièrement  au  gros  public,  ravi 
de  retrouver  les  motifs  qui  ont  le  plus  aisément 
frappé  son  oreille  au  théâtre,  a  été  l'objet,  de 
la  part  de  M.  Parés,  d'une  sollicitude  particu- 
lière, justement  parce  qu'il  est  ordinairement 
plus  "  galvaudé  "  que  les  autres  par  les  fabri- 
cants de  pots-pourris,  et  dès  lors  plus  méprisé 
des  musiciens  sérieux.  Les  fantaisies  qu'il  fait 


■78 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


1 


exécuter  se  distinguent  en  général  par  un 
respect  très  notable  du  texte  original  et  un 
goût  très  sûr  et  très  fidèle  au  caractère  de 
l'œuvre,  dans  Iç  passage  d'un  motif  à  l'autre. 
Aussi  bien  a-t-il  fait  de  beaucoup  de  ces  arran- 
gements de  vraies  suites,  en  ce  sens  qu'il  a 
traité  les  partitions  acte  par  acte.  Le  répertoire 
contient  plusieurs  fantaisies  ainsi  comprises,  de 
Tannhieuser,  de  Lohengrin,  des  Maîtres  Chan- 
teurs, de  la  JValkyrie,  de  la  Damnation  rit- 
Faust,  de  Mefistofeles...  Lui-même  il  en  a  écrit 
un  grand  nombre,  parfois  plusieurs  de  la  même 
œuvre,  afin  d'en  perfectionner  encore  l'adap- 
tation :  deux  de  Sigurd,  notamment,  et  deux 
de  Salammbô.  Je  trouve  encore  des  fantaisies 
très  intéressantes  sur  Treciosa  (de  Weber)  et, 
pour  l'école  moderne,  sur  V Enfant  prodigue  ou 
P/irynè,  Hienset  et  Gretel,  Fervaal  ou  La  vie  du 
poète  ;  et  de  Seidl,  l'élève  de  Richard  Wagner, 
des  arrangements  de  la  ÎValkyrie,  de  Siegfried 
et  du  Crépuscule  des  Dieux.  Il  \a  sans  dire  que 
dans  ce  fonds  considérable,  je  ne  note  que  les 
morceaux  qu'on  ne  trouve  pas  partout,  et 
spécialement  ceux  qui  témoignent  du  travail 
incessant  et  rien  moins  qu'endormi  du  corps 
de  musiciens  qui  nous  occupe. 

Dans  la  catégorie  des  ouvertures,  je  n'ai  que 
l'embarras  du  choix,  et  c'est  presque  au  hasard 
que  je  note,  parmi  les  classiques  :  Iphigènie  en 
Aulide  et  la  Flûte  enchantée,  Euryanthe  et 
Freischtitz  (très  difficile),  Ohèron  et  Peter  Schmoll 
(du  même  Webcr,  pas  précisément  banal), 
Fidèlio  ou  Lèonore  er  VOnvertitre  de  fête  (de 
Heethoven  ;  où  ruiitciul-on,  ex- lie -là  r)  ;  puis, 
en  avançant  vers  les  écoles  modernes  :  La 
Grotte  de  Fingal  et  le  Calme  de  la  mer,  ou  le 
Soni;e  d'une  nuit  d\'ti\  Alanfred,  Benvenuto 
Ccllini  et  le  Carnaval  romain,  Les  'Joyeuses 
(jommères  de  IP  indsor  {àc  Nicolaï),  ou  Turandot 
(de  Lachner)  ;  le  Dernier  Jour  de  la  Terreur 
ou  Les  Guelfes  (de  Litolft)  ;  la  Princesse  jtiune 
(de  Saint-Sal'ns)  ou  la  Patrie  (de  l^izet)  ; 
Sigurd  ou  le  Roi  d^TS  ;  le  Vaisseau  fantôme, 
Lohengrin,  Tannhtvuser,  les  Alaîtres  Chanteurs, 
Panifal  et  (////'  ouverture  pour  Faust...  Quelle 
crillcction  superbe  et  digne  des  auditoires  les 
plus  exigeants  ! 

Jya  série  des  morceaux  s)inpli()nii|uts  et  îles 


pages  d'orchestre  nous  offrira  bien  plus  de 
curiosités  encore.  Sans  parler  des  suites  propre- 
ment dites  de  Bizet,  Massenet  (première  suite) 
ou  Saint-Saëns  (Suites  Algériennes),  voici  Rofnèo 
et  Juliette  de  Berlioz,  la  Rapsodie  Norvégienne 
de  Lalo,  le  Carnaval  de  Guiraud  (la  plus 
ancienne  des  suites),  la  Rapsodie  cambodgienne 
de  Bourgault-Ducoudrav,  V Intermède  varié  de 
Boëllmann  ;  voici  les  Rapsodies  hongroises  (2  et 
14)  de  Liszt,  et  ses  Préludes  (encore  un  mor- 
ceau qu'on  n'entend  guère,  comme  aussi 
bien  la  plupart  de  ceux  que  je  note  ici)  ;  le 
Foïevode  et  Casse-Noisette  de  Tschaïkowsky,  et, 
de  Grieg,  Peer  Gynt  ou  Sigurd  Jorsalfar.  Puis 
ces  fragments  sublimes,  le  finale  de  VOr  du 
Rhin,  V Enchantement  du  Vendredi-Saint,  la 
marche  funèbre  du  Crépuscule  des  Dieux,  la 
Chevauchée  des  IValkyries...  Comme  pages  sym- 
phoniques  :  des  parties  de  s\'mphonies  de 
Beethoven,  ou  la  première  de  Saint-Saëns, 
dont  voilà  encore  Phaéton,  la  Danse  macabre^ 
le  Rouet  d''Omphale,  le  prélude  du  Déluge, 
Déjanire.  Puis  les  Impressions  d' Italie  de  Char- 
pentier, la  Marche  funèbre  d''une  marionette  de 
Gounod,  la  Danse  persane  de  Guiraud,  Sylvia 
de  Delibes...  Encore  les  deux  Danses  Hon- 
groises de  Brahms  ou  les  Danses  Norvégiennes 
de  Grieg,  VEspana  de  Chabrier  ou  Ma  patrie 
de  Smetana,  Tarass  Boulba  d'Alexandre  Geor- 
ges ou  Kermaria  d'Erlanger...  Voici,  comme 
contraste,  des  pages  exquises  de  jadis  :  un 
rigaudon  de  Rameau,  trois  menuets  de  Beet- 
hoven, Haydn  et  Mozart,  le  concertino  pour 
dix  clarinettes  de  Weber,  la  Chanson  du  prin- 
temps,(\ki  Mendelsohn  etc., etc.  Enfin  comptons 
ciuclciues  marches,  depuis  la  marche  religieuse 
d'Jlceste  jusqu'à  celle  des  Francs  lictorieux  de 
César  Eranck  ou  la  Marche  du  Couronnementy 
de  St  Saëiis,  ainsi  cjne  son  Orient  et  Occident, 
spécialement  écrit  pour  musique  militaire. 

Qiiaml  0:1  ilispose  ilélénuMUs  et  de  ressomces 
comme  personne  n\ii  a,  il  faut  savoir  en 
profiter.  C'est  ci-  ijue  s\st  toujours  dit  sans 
doute  M.  Gabriel  Parés,  et  c'est  aussi  corn  nu- 
personne  cjue  la  Garde,  sous  sa  diiection,  a 
travaillé  et  artirmé  sa  maîtrise. 

[Jl-.NKI    l)K   CUR/(^N. 


COURS  D'HISTOIRE  DE  LA  MUSI- 
QUE, professé  à  la  faculté  des  lettres  par 
M.  ROMAIN  ROLLAND. 

Jeudi  13,  20,  27  Janvier  1910. 

Joh.  Adolphe  Hasse.  [suite).  —  De  sa  con- 
'ception  du  drame  lyrique.  Sa  collaboration  avec 
Métastase,  dont  il  fut  l'interprète  préféré.  M. 
Romain  Rolland  combat  l'idée  courante, 
suivant  laquelle  Métastase  aurait  été  indifférent 
au  drame.  Des  réformes  musicales,  accomplies 
ou  inspirées  par  lui.  Comment  il  fut  le  con- 
seiller de  Hasse,  et  comment  sa  pensée  se 
rencontre,  sur  certains  points  avec  celle  de 
Gluck  dans  la  préface  à^Alceste.  Beauté  des 
récitatifs  accompagnati  et  des  chœurs  de  Hasse. 
Il  s'y  montre  un  précurseur  et  un  modèle  de 
Gluck.  —  De  l'orchestre  de  Hasse.  Ses  ouver- 
tures sont  déjà  des  symphonies  en  miniature. 
Hasse  est  surtout  un  mélodiste  de  l'orchestre, 
avec  un  génie  des  nuances,  de  fines  modula- 
tions, un  accent  élégiaque,  qui  font  penser  à 
Phil.  Em.  Bach.  Usage  savant  qu'il  fait  déjà 
des  nuances  dynamiques,  des  dégradations  du 
forte  et  du  piano.  Profondeur  expressive  et 
force  dramatique  de  certaines  ouvertures 
d'oratorios.  —  De  ses  œuvres  religieuses.  — 
Que  Hasse  est  un  des  plus  grands  musiciens 
du  XVIIP  siècle,  et  qu'on  ne  peut,  si  on  ne 
le  connaît  bien,  bien  connaître  Mozart,  avec 
qui  il  a  une  étroite  parenté  de  style. 

[Analyses  au  piano^  de  ses  œuvres). 

Jeudi  3,  10  et.  17  Février. 

Cari  Heinrich  Graun.  —  Du  rôle  joué  par 
Frédéric  II  de  Prusse  dans  l'histoire  de  la 
musique.  Frédéric  II  compositeur.  Le  petit 
cercle  musical  de  Rheinsberg  :  Quantz,  Graun, 
Benda,  et  le  roi.  De  leur  idéal  commun.  — 
L'Opéra  de  Berlin.  Son  théoricien  :  Algarotti. 


Son  musicien  :  Graun.  Examen  des  opéras  de 
Graun,  et  de  V Essai  sur  la  manière  de  réjormer 
l'opéra  par  Algarotti.  En  quoi  Graun  et 
Algarotti  devancent  Gluck,  et  comment 
Frédéric  II  manqua  l'occasion  d'accomplir  à 
Berlin  la  réforme  de  l'opéra,  que  Gluck  réalisa, 
—  De  la  collaboration  de  Frédéric  II  avec 
Graun,  et  de  l'influence  conservatrice  du  roi 
en  musique.  De  l'esprit  musical  à  Berlin  : 
critiques  et  théoriciens.  Comment  Berlin  fut 
une  forteresse  de  la  routine  musicale,  surtout 
dans  l'opéra. 

Jeudi  23  Février. 

Des  cours  de  l'Allemagne  du  Sud,  foyers  de 
l'art  nouveau  :  Stuttgart,  Mannheim,  et 
Vienne.  —  I.  Stuttgart.  —  Le  duc  Karl 
Eugen,  et  son  action  personnelle  sur  l'art.  — 
Jommelli.  Sa  vie  et  ses  œuvres,  avant  son  arrivée 
à  Stuttgart.  Etude  de  ses  maîtres  italiens  : 
Provenzale,  Leonardo  Léo,  Vinci. 

—  Société  des  Conférences.  La  confé- 
rence de  M.  Humphry  Ward,  retardée  pour 
raison  de  santé,  est  définitivement  fixée,  sur 
sa  demande,  au  mercredi  4  mai.  —  A  la 
prière  d'un  grand  nombre  de  personnes,  M. 
Camille  Bellaigue  a  consenti  à  recommencer 
sa  conférence  sur  Offenhach  (avec  exemples  au 
piano)  ;  cette  seconde  conférence  aura  lieu  le 
mercredi  13  avril,  à  deux  heures  et  demie. 

—  Hautes  études  sociales,  i  Mars  M.  Cal- 
vocoressi  passe  en  revue  les  trois  grands  événe- 
ments musicaux  du  mois.  D'abord  les  concerts 
de  musique  anglaise.  Après  nous  avoir  entre- 
tenus de  la  question  des  nationalités  en  musique 
et  de  l'impossibilité  d'une  musique  universelle, 
M.  C.  nous  retraça  dans  ses  grandes  lignes 
l'histoire  de  la  musique  anglaise  qui  monta  si 
haut  avec  Purcell  et  tomba  ensuite  si  bas 
grâce  à  l'influence  néfaste  d'Haendel  et  de 
Mendelssohn. 


i«o 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


Il  est  extraordinaire  qu'une  race  aussi  bien 
douée  pour  la  poésie  lyrique  et  d'un  tempéra- 
ment aussi  fort  n'ait  pas  sa  musique.  Déjeunes 
compositeurs  tentent  de  la  lui  donner,  mais  ils 
sont  encore  à  la  remorque  des  écoles  étran- 
gères. A  propos  du  centenaire  de  Chopin, 
M.  C.  nous  entretient  des  discussions  auxquel- 
les il  a  donné  lieu  et,  partant  de  là,  des  deux 
clans  musicaux  actuels,  l'un  idéaliste  et  intel- 
lectuel, l'autre  plus  sensuel  et  plus  libre.  Le 
premier  dédaigne  Chopin,  le  second  le  porte 
aux  nues. 

Le  troisième  événement  est  la  représentation 
de  la  fête  chez  Thérèse,œuvre  charmante  et  de 
la  Forêt^  à  propos  de  quoi  M.  C.  critique  juste- 
ment le  fameux  article  XI  (obligation  pour 
l'Opéra  de  monter  une  œuvre  de  Prix  de 
Rome  tous  les  deux  ans)  d'intentions  excel- 
lentes, néfaste  en  réalité.  M.  C.  nous  indique 
le  sujet  et  nous  lit  l'article  de  notre  collègue 
M.  Carraud.  Il  en  fut  pour  ISI.  Savard  comme 
pour  Chopin.  Les  opinions  diffèrent,  émanées 
de  l'un  ou  l'autre  parti  musical.  D'ailleurs 
pour  M.  C.  la  critique  impartiale  est  impossible. 
Possible,  elle  serait  inutile. 

8  Mars  M.  Pierre  Aubry  traite  la  musique 
instrumentale  dans  l'Europe  occidentale  aux 
XIV  et  XV  siècles.  Il  n'y  a  aucune  indication 
apparente  dans  la  musique  instrumentale  du 
Moyen  Age  ;  en  réalité  d'après  la  disposition 
des  notes  groupées  ou  espacées,  on  peut  \()ir 
s'il  s'agit  de  voix  ou  d'instruments.  "  M.  A. 
étudie  les  formes  connues  du  13^' siècle,  sui- 
vantqu'il  s'agit  d'instruments  seuls  ou  mélangés 
aux  voix.  Guillaume  de  Machau  est  le  plus 
grand  musicien  du  14''  Siècle  et  la  France 
occupe  alors  le  premier  rang. 

Mais  l'Italie,  l'Allemagne,  l'Angleterre 
rivalisent  bientôt  avec  elle.  On  a  cru  longtemps 
que  la  musique  de  chant  était  uniquement 
"  a  cappella  ".  Après  M.  Hugo  Riemann, 
M.  Aubry  nous  prouve  que  t'est  une  erreur. 
Il  y  avait  aussi  de  la  musi(|ue  accompagnée. 
M.  A.  donne  ensuite  des  indications  sur  la 
musique  instrumentale,  sur  les  méthodes  sur  la 
littérature  d'orgue. 

Gai'.kiki.  RoL'CHKS. 


L'Edition      "S 
Musicale 


NOUVEAUTES  MUSICALES 

Pour  plus  de  clarté,  nous  donnons  en  tête  de  cette 
rubrique  les  numéros  qui  correspondent  à  chacun  des 
éditeurs  des  œuvres  citées  :  i .  Rouart  Lerolle  et  C"^. 
2.  Bach  and  C"  à  Londres.  3.  Coopérative  des  Com- 
positeurs de  Musique.  +.  Oriana  Madrigal  Society, 
(Breitkopf  et  Hartel).  5.  Durand.  6.Hamelle.  7.  Edicion' 
Cersosimo  à  Buenos-Aircs.  8.  Leduc.  9.  Elkin  and 
C"  à  Londres.  10.  Édition  de  la  Schola.  1 1.  Béai  frères 
à  Lyon,  i  2.  Démets. 

Voici  tout  d'abord  quelques  publications 
qui  sont  pour  nous  de  \ieilles  connaissances  : 
un  \olume  des  Chansons  de  Frrinct\  Noëls  et 
Guillannées  (l),  puis  les  Nos  X,  XI,  et  XII 
de  la  collection  Alcxondro  Scarlatti  (2)  ;  nous 
n'y  remarquons  rien  de  bien  nouveau  sur  cet 
auteur  assez  morose.  Au  répertoire  de  la 
Société  Haendel,  un  Air  dr  Poppcc  (3),  qui  est 
un  vrai  bijou,  avec  ses  rythmes  alternés,  et 
malheureusement  défiguré  par  des  paroles 
françaises  assez  malhabiles.  Le  volume  10  de 
la  collection  Euterpe  (4)  est  consacré  à  des 
fjuntuot  s  vocaux^  (paroles  anglaises).  Ceux  de 
Dow/and  égaux  aux  meilleures  pièces  du  Fitz-  ^ 
William  Virginal  Hook,  viennent  nous  confirmer 
encore  ilans  la  très  haute  opinion  que  nous 
nous  étions  faite  de  ce  compositeur  et  luthiste 
consommé  ;  le  volume  finit  sur  trois  rondes 
en  canon  tout  à  lait  amusantes,  la  seconde, 
surtout,  dominée  tout  le  temps  par  le  cri  il'une 
marchande  :  "  New  oysters  !  " 

Vieilles  connaissances  aussi,  le   ïfalli'nstrin 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


i8i 


(5)  de  M.  (Vlndy^  et  sa  Sauge  f  curie  (6),  habile- 
ment réduits  pour  piano  à  deux  mains  par 
M.  Samazeuiih  ;  la  tâche  se  complique  avec 
l'ouverture  de  Pol\eucte  (5)  de  M.  Paul  Dukas 
et,  devient  d'une  difficulté  extrême  avec  l'étude 
pour  le  Palais  hantè  (5),  de  M.  Florent  Schmitt 
(4  mains).  Enfin,  voici  les  Rondes  de  Printemps 
de  AI.  Debussy  :  que  les  amateurs  fassent  preuve 
de  bonne  volonté  !  (Réduction  à  4  mains  par 
M.  Caplet.) 

Je  me  réserve  de  revenir  sur  le  Quatuor  à 
cordes  de  M.  Hollander  (5)  lorsque  nous  aurons 
'eu  le  plaisir  de  l'entendre  :  ce  n'est  pas  de  la 
musique  d'avant  garde,  évidemment,  mais  elle 
fait  preuve,  à  tout  le  moins,  d'un  grand  sérieux 
et  d'une  parfaite  probité.  Je  voudrais  pouvoir 
en  dire  autant  de  trois  auteurs  exotiques  que 
nous  présente  la  Revista  Musical  de  Buenos- 
Aires  (7)  ;  ceux-là  ne  connaissent  que  la  pire 
musique  italienne  et  lui  ont  emprunté  ses  plus 
gros  effets. 

Mais,  je  ne  sais  pas  pourquoi  je  m'attarde  à 
ces  arriérés  qui  écrivent  encore  en  Majeur  et 
en  Mineur  :  voilà  deux  modes  qui  ne  sont 
plus  de  mise,  et  la  petite  gamme  par  tons 
entiers,  encore  fort  bien  portée  l'an  passé,  n'est 
même  plus  tout  à  fait  dernier  cri.  Il  ne  nous 
faut  que  des  modes  grecs,  écossais  ou  chinois  ! 
M.  Woolett  a  pris  la  peine  de  nous  les  exposer 
tout  au  long  dans  un  très  bel  ouvrage  sur  les 
Mesures  et  Tonalités  d''exception  (8).  Je  me 
demande  si  l'emploi  systématique  de  ces  modes 
étranges  part  d'un  raisonnement  bien  juste  ;  le 
propre  de  ce  genre  d'innovations  est  d'être 
imposé  par  un  homme  de  génie,  qui  brise,  sans 
s'en  rendre  compte,  les  moules  habituels  :  ceci, 
du  reste,  n'est  pour  diminuer  en  rien  le  mérite 
de  M.  Woolett,  qui  a  composé,  à  l'appui  de  sa 
théorie,  de  charmantes  petites  pièces  :  voyez 
plutôt  sa  Chanson  Ecossaise. 

M.  Cyril  Scott  (9),  défend  la  même  cause. 
Laissons  de  côté  son  Intermezzo  pour  piano  et 
sa  Berceuse^  pour  chant,  tous  deux  d'une  bana- 
lité désolante,  et  reconnaissons  une  très  haute 
poésie  à  ses  deux  Chansons  Chinoises  ;  "  Waiting''' 
et  "  A  picnic  ".  L'exotisme  réussit  moins  à 
M.  Scott  avec  le  Sphinx  et  Lotuslandy  pour 
piano,    véritable    dévergondage    de    modalités 


excentriques.  Et  la  jeune  Chinoise  de  sa  3""^ 
chanson.  "  Dont  corne  in^  Sir,  please  !  "  m'a  tout 
l'air  d'avoir  fait  la  connaissance  de  Paul  Delemt, 
dans  un  carrefour  de  Montmartre.  N'est  pas 
chinois  qui  veut  ! 

Puisque  nous  voici  rentrés  en  France,  voilà 
cinq  duos  ou  chœurs  de  M .  Arthur  Coquurd  (5), 
qui  feront  bien  plaisir  aux  professeurs  de  chant, 
toujours  en  quête  de  morceaux  d'ensemble, 
sans  voix  d'hommes  ;  il  y  a  là  un  Nocturne, 
l'inévitable  Hirondelle,  et  le  non  moins  inévita- 
ble Rondel  de  Charles  d'Orléans...  M.  Coquard 
se  fait  plus  d'honneur,  à  notre  avis,  avec  sa 
très  belle  Messe  de  Mariage  (10)  dont  l'Alleluia, 
en  particulier,  est  tout  à  fait  de  haute  envolée. 

Nous  recevons  à  peu  près  tous  les  mois  quel- 
que Chanson  d'' Automne  ;  celle-ci,  de  M.  Emile 
Baux^  avec  une  autre  Chanson  intitulée  le  Vent 
(il)  compte  parmi  les  meilleures,  quoique  le 
contour  mélodique  soit  presqu'inexistant,  mais 
la  couleur  est  jolie  et  l'adaptation  aux  paroles 
parfaite  :  quelques  souvenirs  des  Chansons  de 
Miarka. 

Nous  terminerons,  cette  fois  encore,  à  la 
gloire  de  l'Espagne.  Le  Recuerdos,  de  M.  Grov- 
lez  (5),  pour  piano,  est  à  la  fois  un  morceau  de 
haute  virtuosité  et  une  très  intense  page  des- 
criptive :  écoutez  ces  jolis  lointains  ou  vibrent 
les  guitares  et  cette  Habanera,  délicieusement 
fausse.  Quant  à  la  Sonate  Romantique  de 
M.  Turina  (12),  elle  devrait  être  sur  le  piano 
de.  tous  ceux  qui  se  piquent  de  suivre  le  mou- 
vement musical  contemporain.  Œuvre  capitale, 
évidemment,  et  qui  a  toutes  les  richesses. 
Richesse  mélodique,  (longue  et  sinueuse  phrase 
du  thème  qui  s'étale)  richesse  rythmique  (avec 
ces  mesures  qui  alternent  de  la  façon  la  plus 
imprévue  et  la  plus  matérielle).  Et  partout, 
une  belle  audace  de  jeune,  qui  ne  recule  devant 
rien  et  qui  sauve  les  motifs  les  moins  relevés  ; 
par  la  fougue  même  avec  laquelle  il  les  attaque 
(voyez  le  Scherzo).  Ajoutons  à  cela  que  la 
Sonate  de  M.  Turina  n'est  malgré  toutes  ses 
qualités  techniques,  ni  ennuyeuse,  ni  illisible. 
Voilà  un  ensemble  d'avantages  que  nous  ne 
sommes  pas  accoutumés  à  rencontrer  tous  les 
jours. 

V.  P. 


82 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


STATISTIQUE.  —  Notre  confrère  M. 
Morel  de  la  Bibliothèque  Nationale  a  publié 
dans  la  Mercure  de  France  une  très  intéres- 
sante étude  de  statistique  dont  nous  extrayons 
ce  passage  qui  traite  de  la  musique. 

Suivant  que  l'on  consulte  les  registres  du 
dépôt  légal  ou,  comme  le  fait  le  Droit  d^ auteur, 
les  fiches  du  journal  de  la  Librairie,  on  trouve 
pour  la  musique  les  chiffres  suivantes  : 


Dépôt  légal. 


Journal. 


1880 
1890 
1900 
1905 
1906 
1907 
1908 
1909 


5.642  ....  4.696 

6.143  ....  5.471 

6.635  ....  5.910 

6. 711  ....  6.197 

6,866  ....  5.926 

10.220  ....  7.648 

8.439  ....  7.531 

7.316  ....  7.035 


Le  dépôt  de  1907  est  grossi  par  le  dépôt  en 
masse  de  publications  d'une  maison  importante 
(Hachette).  Les  notices  du  Journal,  qui,  on  le 
voit,  n'insèrent  pas  tout,  groupent  parfois,  avec 
raison,  mais  sans  régularité,  des  notices.  Elles 
comprennent  un  grand  nombre  de  pièces 
doubles.  Il  y  a  loin  de  ces  chiffres  à  ceux  que 
l'on  aurait  si  l'on  comptait  ce  qui  s'appelle 
"  musique  ".  Le  Bulletin  de  la  Bibliothèque 
nationale,  qui  n'a  enregistré  que  les  partitions, 
recueils,  méthodes  et  morceaux  de  quelque 
intérêt  ou  nouveauté,  arrive  tout  juste  à  ';i2 
pour  1909,  en  comptant  une  quarantaine  de 
volumes  ;//;•  la  musique. 

Le  Droit  d'auteur  écrit  gravement  que  la 
production  des  œuvres  musicales  a  diminué  un 
peu  en  1908  :  —  1 17.  Si  l'auteur  de  l'article 
avait  songé  à  ce  que  représentent  ces  sept 
mille  paperasses,  à  la  façon  dont  les  morceaux 
sont  comptés,  tantôt  en  bloc,  tantôt  un  à  un, 
à  l'impossibilité  de  savoir  ce  cjui  n\sr  p:is 
déposé,  enfin  au  simple  fait  que  la  coupure  de 
fin  d'année,  c|ui  tombe  tel  ou  tel  jour,  peut 
rejeter  à  l'année  d'après  ou  englober  dans  celle- 
ci  plusieurs  centaines  de  n"",  —  il  ne  risquerait 
pas  de  conclusions  si  précises,  il  n'en  risi]U(r:iit 
même  aucune  à  un  millier  prh. 

Au  surplus  nous  avons  cette  année  t.u  hé  de 
nous  rendre  compte   de   ce    c|ue   signifient    ces 


chiffres  de  7.035  compositions  musicales  an- 
nuelles. Nous  n'avons  pas  pu  séparer  le  vieux 
du  neuf  Cela  aurait  été  intéressant,  mais  les 
causes  d'erreur  auraient  \raiment  dépassé  les 
bornes.  Tout  est  plus  ou  moins  arrangement 
en  musique  ;  les  partitions  d'orchestre,  quand 
elles  viennent,  ce  qui  est  rare,  viennent  parfois 
des  années  après  l'arrangement  pour  piano. 
Sont  déposées  et  comptées  comme  nouvelles 
toutes  les  transpositions,  adaptations  et  traduc- 
tions de  choses  anciennes.  Nous  comptons 
comme  partition  nouvelle  la  traduction  faite 
du  Jongleur  de  Notre-Dame  en  anglais  et  si 
19  morceaux  de  Monna-Vanna,  faits  en 
2  envois,  ne  comptent  que  pour  2,  c'est  assez 
exceptionnel,  et  nous  les  avons  classés  dans  la 
série  Recueils  et  partitions.  Du  moins  pouvons- 
nous  dire  que  le  dépôt  musical  généralement 
fait  par  l'éditeur,  parfois  même  fart  deux  fois, 
n'a  pas  le  caractère  mécanique  du  dépôt  des 
livres,  fait  par  l'imprimeur.  On  n'y  rencontre 
pas  cette  masse  de  bréviaires,  de  manuels 
scolaires,  de  vieux  romans,  les  400  éditions  du 
Livre  de  la  pitié  de  la  jeune  plie,  etc.,  etc., 
consciencieusement  retirés  sur  les  mêmes 
formes  et  redéposés  chaque  année  comme  nou- 
veautés, qui  rendent  si  douteuses  les  statisti- 
ques. A  part  peut-être  un  cent  de  doubles 
emplois,  toutes  les  pièces  comptées  ici  ont 
quelque  chose  de  nouveau,  ne  fût-ce  que  les 
annotations  que  M.  Spork  croit  devoir  mettre 
aux  sonates  de  Bectlio\en,  ou  les  doigtés  de 
M.  Philipp.  Mais  disons  de  suite  que  la  plus 
grande  majorité  de  ce  fatras,  ce  sont  les  chan- 
sons avec  ou  sans  accompagnement,  tirées 
sou\ent  à  \.\w<t  cinquantaine  d'exemplaires,  pas 
davantage,  et  qui  relèvent  autant  de  la  poésie... 
(d'une  certaine  poésie)  que  de  la  musique.  Si 
l'on  débitait  les  poésies  à  la  pièce  au  lieu  d'en 
faire  des  recueils,  on  aurait  aussi  un  chiffre 
fantastique. 

Nos  chiffres  sont  comptés  par  à  peu  près. 
Notre  total  s'est  trouvé  juste  à  100  près.  Mais 
nous  avons  tenu  en  mains  ces  7.035  pièces,  et 
nous  en  a\(>ns  classé  les  fiches.  Il  se  peut,  il  est 
certain,  (]ue  j'aie  souvent  confondu  les  roman- 
ces et  les  chansons,  quaiul  celles-ci  ont  un 
accompagMenunt  de  i^iaiio.  De  même,  pour  les 


L' A  C  T  U  A  L  I  T 

morceaux  de  piano,  les  danses  qu'on  danse  et 
celles  qu'on  joue  en  virtuose  sont,  en  ce  temps 
de  valses  lentes,  souvent  difficiles  à  distinguer, 
et  l'on  hésite  si  cela  doit  faire  danser  ou  faire 
dormir.  Le  nom  de  l'éditeur  et  celui  de  l'auteur 
peuvent  servir  d'indication.  Mais  il  ne  peut 
s'agir  que  d'une  évaluation.  Je  la  crois  utile. 
Sur  près  de  1.800  pièces  pour  piano  seul,  un 
artiste  ou  un  critique  n'aurait  vraiment  pas  à 
en  considérer  plus  de  400  en  faisant  la  part  la 
plus  large  possible  aux  doutes  et  divergences 
d'appréciations.  Classiques  compris,  j'en  ai 
'compté  300,  dont  50  à  quatre  mains.  Le  reste 
est  pour  danses,  valses,  quadrilles  et  galops,  ou 
petits  morceaux  faciles,  réductions  de  chansons 
de  café-concert,  etc. 

Je  n'ai  fait  d'ailleurs  aucune  distinction 
pour  les  autres  instruments. 

La  musique  chorale  et  religieuse  est  avant 
tout  religieuse.  Elle  comprend  tout  ce  qui  a 
un  caractère  liturgique,  les  prières  nettement 
religieuses.  UAve  Maria  de  Schubert  serait 
classé  aux  romances. 

Musique  (T ensemble . 

Partitions  d'orchestre.  ^  Parties,  etc.     .  40 
Musique  de  chambre  (plus  de  2  instru- 
ments)       60 

Partitions   piano   et   chant.  ^  Recueils 

de  chant 90 

Opéras:  anciens  25,  nouveaux  15 
Opéras-comiques,     opérettes  :     an- 
ciens 8,  nouveaux  20. 

Musique  religieuse 100 

Choeurs.  Duos,  etc.   ......        150 

Musique  militaire,  orphéons,  petit  or- 
chestre avec  piano  conducteur     .        950 

t      Instruments  (avec  ou  sans  accompagnements 
•  de  piano). 

■-     Instr.  à  corde  (violon,  violoncelle,  etc.)        330 

—     à  vent     . 75 

basson .....       2 
cor,  trompettes,  etc.     25 

||<  ^  Le  nombre  des  partitions  d'orchestre  déposées  est 
infime.  Les  éditeurs  ne  se  croient  tenus  qu'au  dépôt 
des  partitions  piano  et  chant,  qui  suffit  à  sauvegarder 
leurs  droits. 


E     MUSICALE 

clarinette  .... 

flûte 

haut-bois  .... 
saxophone 


•B3 


18 

15 
12 

3 
75 


Piano 1.400 

Morceaux,  originaux,   classi- 
ques, etc 250 

Danses,  morceaux  faciles,  etc.    i.ioo 
Piano  à  4  mains  et  2  pianos.         50 


1.400 

Orgue  et  harmonium 

Harpe    .......... 

Mandoline,  guitare,  èstudiantina    . 
Méthodes  (piano  30,  chant  35,  etc.)  . 
Chant.  Romances,  airs  détachés,  etc,   . 

Chansons,  principalement  de  café- 
concert . 

Résidu 


33 

34 
80 

75 
35c 

3.200 


7-035 
La  production  musicale  française  semble 
stationnaire.  Mais  aucune  conclusion  n'est 
possible  tant  que  le  travail  de  distinction  ci- 
dessus  n'aura  pas  été  fait  pour  chaque  année. 
La  France  pourrait  quadrupler  le  nombre  de 
ses  opéras,  quatuors,  et  symphonies  sans  que 
cela  paraisse  si  Dranem  est  atteint  de  mélan- 
colie et  si  Polin  passe  enfin  dans  la  territoriale. 

E.    MOREL. 


Nous    apprenons    la    mort    de    notre 
collaborateur 

CHARLES  CLARISSE 

Auteur  d'études  remarquables  à  la  Revue 
des  Flandres,  poète  et  penseur,  Clarisse, 
né  à  Aumale  (Algérie)  en  1886  com- 
mençait à  se  faire  un  nom  dans  les  lettres. 
Sa  mort  inopinée  frappe  doulouresement 
tous  ses  amis.  Nous  prions  M"^''  Ch. 
Clarisse  de  bien  vouloir  agréer  l'hommage 
de  notre  respectueuse  sympathie. 


Le  Gérant  :  Marcel  Fredet. 


Impr.   [)ar  The  St.  Catherine  Press  Ltd.  Bruges,  Belgique. 


CONCERTS  ANNONCÉS  POUR  LA  SECONDE  QUINZAINE  D'AVRIL 

SALLE   ERARD 


i6 

17 
18 

19 
20 

21 
22 

^4 
25 
26 
27 
28 
29 
30 


Melle  G.  DEHELLY 

M.  RIERA. 

M.   LORTAT  JACOB, 

M.  EMIL  EREY 

M.  EOERSTER. 

M.   BRAUD 

M.  GARES. 

Melle  MALLEZ. 

Melle  MORHAXGE  BERR 

Melle  CAFFARET      . 

Melle  DURAXTOX    . 

Melle  TRELLI    . 

MM.  FERTE  &  FOURXIER 

SOCIÉTÉ  XATIOXALE    . 


Piano 
Piano 
Orchestre 
Piano 
do. 
Audition  d'Elèves 
Piano 

Matinée    d'Elèves 
Violon 
Piano 

Piano  et  Violon 
Chant 

Piano  et  Violoncelle 
Orchestre 


Salle  des  Quatuors  SALLES    GAVEAU 

19.     Union  des  Femmes  Professeurs  et  Compositeurs 
21.     Audition  Derene  ....... 

21.     Mademoiselle  Charreau       ...... 

30.     Audition   Maire  ........ 

Grande  Salle  des  Concerts. 

15.      M.  Jean  Canivet 

18. 

19. 

20. 

21. 

22. 


M.  Maggil  Tevte  et  Mr.  Oscar  Seagle 
Concert  Kuhelik 


24. 
26. 
27. 

2^>. 
29. 


1er  Concert  Société  Musicale  Indépe 

:Mad.  Le  Goff  et  S.  Garenine     . 

M.  Edmond  Hertz 

M.  Casella  (avec  orchestre) 

Concert  Ysaye    .... 

Association  Musicale  de  Paris    . 

Mlle  Boucheron. 

Répétition  publique  Société  Bach 

Concert  Société   Bach 


ndantc 


matinée 
soirée 
soirée 
soirée 

soirée 

soirée 

soirée 

soirée 

soirée 

soirée 

soirée 

matinée 

soirée 

soirée 

matinée 

soirée 


SALLES    PLEYEL 


Grande    Salle 

16.      Le  cjuatuor  Mautînière 

Iva  Société  des  Instruments  Anciens     . 

Mlle  C.   Boutet  de    Mouvel 

M.   Edgard   Basset       .... 

La  Société  Mozart  (irc  séance). 

Mme  Charlotte  Lormont    . 

Mme  Bertin  Steij^er   .... 

Mlle  Jeanne  Lyon       .... 

M.  Joseph   Salmon       .... 

Mlle  D'Herbécourt      .... 

La  Société  des  Compositeurs  de  Musique 

Audition  de  liarpe   Chromatique 

La  Société  Mozart  (2me  séance) 

Mlle    \asi;i    l'.oulanj^er 
Salle  des  Quatuors 

16.  Melle  Jeanne  (irémaud 

17.  Mme  Corret  (Elèves) 

24.     Mme  C.   Laënnec  (Elèves) 

27.      Le  Ouatuor  Calliat   (^me  séance) 

30.      Mnir   Miintiux-Iirissac   (Elèves) 


18. 
19. 
20. 
21. 
22. 

23- 
24. 
26. 
27. 
28. 
29. 
29. 


(4  me 


séance) 


soirée 

soirée 

soirée 

soirée 

soirée 

soirée 

soirée 

matinée 

soirée 

soirée 

soirée 

matinée 

soirée 

soirée 

soirée 

matinée 

matinée 

st)irée 

soiiX'e 


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AVENUE     DE     VILLIER3 


PUBLICATIONS    DE    LA    SOCIETE 
INTERNATIONALE    DE    MUSIQUE 

SECTION  DE  PARIS. 

PARUS 

H.   QUITTARD.    —  Le  Trésor  d'Orphée,   par  Antoine  Francisque,  tablature  de 

lutli,  transcrite  pour  piano  à  deux  mains;   i  volume  in  4°  de  100  pages  ...       5   fr. 

J.   BCORCHEVILLE,  —  Actes  d'Etat   civil    d'artistes  musiciens  insinués   au 

Châtelet  de   Paris  (1539-1650)  ;   i  volume  in-4° 10  fp. 

A.    GASTOUE.  —  Catalogue  des  mss.    de    musique  byzantine    conservés  dans 

k'S  bibliothèques  de  France;   i  volume  in-4'' 20  fr. 

P.    AUBRY.    —    Cent  motets  du   XlIIe  siècle,   tirés    du    ms.    Ed.  VI-4    de    la 

Bibliothèque  de  Bamberg;  3  volumes  in-4°    .     .     .     , 150  fr. 

P.  AUBRY.  —  Le  Chansonnier  français  de  l'Arsenal  (XlIIe  siècle),  15  livrai- 
sons trimestrielles  de  32  planches  phototypiques  avec  la  transcription  des 
mélodies  en  notation  moderne.  Notices   par  M.  A.  Jeanroy,  professeur    à  la 

Faculté  des  Lettres  de  Toulouse.  La  livraison 10  fr. 

(On  ne  souscrit  qu'à  l'ensemble  de  la  publication.) 

SOUS  PRESSE 

J.  ECORCHBVILLE.  —  Catalogue  du  fonds  de  Musique  ancienne  de  la  Biblio- 
thèque Natiouale  (jusqu'en  1750.)  —  Huit  volumes  de  250  pages  chacun, 
contenant  dix  mille  thèmes  de  musique,  et  de  nombreux  fac-similé.  L'ouvrage 
complet 400  ft*. 

H.  QUITTARD.  —  L'Œuvre  de  clavecin  de  Chambonmcres  d'après  l'édition  de 
1670  et  le  manuscrit  Vmy  1852  de  la  Bibliothèque  nationale.  —  Un  volume 
in-4'   f^*-'   i°o  pages  de  musique 5  fr. 

M.    BRENET.    —  Les  Musiciens  de  la  Sainte-Chapelle  du  Palais.  —  Un  volume 

in-4"  <^6  300  pages 15   fr. 

EN   PRÉPARATION 

A.  PIRRO.  —  Les  correspondants  du  Père  Mcrsenne.  —  Publication  de  la  cor- 
respondance musicale  adressée  à  Mersenne  et  conservée  à  la  Bibliothèque 
Nationale.  Vol.   I   {J.B.  Boni)  —  Un  volume  in-4'"  '^^  200  pages     .... 

L.  DE  LA  LAURENCIE.  —  Les  Musiciens  de  la  Maison  du  Roy  aux  XV H'  et 
XVIII'  siècles.  (Inventaire  musical  de  la  Série  O'  des  Archives  nationales) 
—  Deux  volumes  de  200  pages  chacun. 

E.  BLOCHET.  —  Traité  de  Musique,  composé  par  Sharaf  ed-Din  Haioun. 
fXlir  siècle),  d'après  le  manuscrit  original  de  la  Bibliothèque  Nationale. 
Traduction  et  fac-similé  du  texte  Arabe.  —  Un  volume  in-4''  ^^'   ^^o  pages. 

H.  DE  CURZON.  —  Correspondance  des  Directeurs  de  l'Opéru,  conservée  aux 
Archives  Nationales.  —   Un  volume  in-4°  de   150  pages. 

L.  LALOY.  —  A"/;/  poii.  Recueil  d'Airs  pour  le  A''/«  ou  luth  chinois,  transcrits 
(le   la   tablature. 

I.R    COMITK    DR    I.A    l'UHl.ICATlON  : 

P.   Aubry,   M.  Brenet,    L.lDnurloc.  J.  Ecorchevllie,  H.    Expert.  L.   de  In    Lnurencle, 
Ch.    Molhorbo.    E.  Poirée.    G.    Prod'homme.    R.    Rollntid.   J.  TIersot. 


L'ACTUALITÉ 


MUSICALE 


I 


ANNEXE  DE  LA  REVUE  MUSICALE  S.I.M. 
PUBLIÉE  PAR  LA  SECTION  DE  PARIS  DE  LA 
SOCIÉTÉ  INTERNATIONALE  DE  MUSIQUE 


15  MAI  1910 


FRANCE  ET  BELGIQUE 
Le  numéro:  0.40  -Un  an:  4.00 


UNION      POSTALE 
Le  numéro:  0.60  -  Un  an:  6.00 


L'JCTUALITÉ  MVSICALE 


REDACTION   : 


PARIS:    22,    RUE    ST.    AUGUSTIN 
BELGIQUE  :  RENÉ  LYR  A  BOITSFORT,  BRUXELLES 


ADMINISTRATION  : 


LIBRAIRIE    CH.    DELAGRAVE,    15,    rue    Soufflot,    PARIS. 


Tous  les  mandats  doivent  être  adressés   soit  à   la  librairie  DELAGRylVE, 

soit  à  M.  RE^É  LYR. 


SOMMAIRE     DE     L'ACTUALITÉ 

DU    15    MAI 


THEATRES   ET  CONCERTS,  à  Paii>,  par  GiKRii.i.crr,   Romain   Rolland,  Maurice 
Griveal'.   —    Pi()\incc.   —    Belgique  ;    Lettre   de   S.   M.    le    Roi   ALiîF.Rr    I.   —   Etranger. 

—  JOUR   E'I'    NUIT,    par   Pierre   JoiîhÉ-Dl'val,   l'Association   pour  le  développement 
du   Chant   Choral.  —  QUESTIONS   SOCIALES,   le  gracieux  concours  par  M.  Daubresse. 

—  LES    INSTRUMENTS  :     Le    C/Jmbalom   et    la    harpe    chromatique,    par   P.   Aubry. 

—  L'ÉDITION  MUSICALE,  par  V.P. 


Théâtres  et 


Concerts 


La  saison  musicale  de  Paris  s'avance.  Peu  à 
peu  les  grandes  lumières  s'éteignent,  il  ne 
restera  bientôt  plus  que  la  lueur  des  concerts 
d'artistes  et,  vers  le  15  juin,  ce  sera  la  nuit. 
Nuit  trop  complète  car  à  l'excès  de  musique 
succède  le  manque  absolu. 

C'est  un  petit  coup  d'Etat  qu'à  fait  le  Con- 
servatoire en  donnant  à  ses  deux  dernières 
séances  la  Damoiselle  Elue  de  M.  Debussy. 
Son  public  a  accueilli  sans  enthousiasme  une 
œuvre  qui  date  d'un  quart  de  siècle,  n'a  rien 
de  subversif,  fut  très  bien  chantée  ;  (M'^'^ 
Rose  Féart,  M"®  Nottick)  et  mieux  jouée 
encore.  Elle  méritait  d'autres  applaudissements. 

Les  Concerts  Lamoureux  ont  fini  la 
saison  avec  deux  courtes  mélodies  de  M.  de 
Saint  Quentin  pour  toutes  nouveautés,  le 
Chêne  et  le  Roseau,  de  M.  Chevillard. 

En  l'honneur  du  chef  disparu,  les  Concerts 
Colonne  ont  donné  les  œuvres  qu'il  avait 
révélées.  La  damnation  de  Faust,  les  Béati- 
tudes et  Rédemption,  avec  des  solistes  dignes 
d'elles  (M°^"  Litvinne,  M"''  de  Montalant, 
MM.  Delmas  et  Atchefsky)  puis  la  deuxième 
Symphonie  de  M.  Mahler.  Nous  n'osons 
parler  de  cette  œuvre  énorme  par  la  durée  et 
les  moyens  sonores  (avec  l'orchestre  et  les 
chœurs,  l'orgue,  des  cloches,  10  cors,  7  trom- 
pettes, 7  timbales,  etc.),  après  M.  Casella  qui 
a  débrouillé  ici  même  ce  labyrinthe.   Louons 


l'exécution,  dont; M.  Malherja  sans  doute  eu 
quelque  satisfaction. 

Nous  retrouverons  l'an  prochain,  espérons  le, 
les  Concerts  Se^chiari,  avec  des  program- 
mes aussi  intéressants  ~qûe  leur  dernier  et 
Philharmonia  qui  donne  déjà  beaucoup  plus 
que  des  espérances.  M.  Bachelet,  soigneux  et 
précis,  a  un  orchestre  qui  deviendra  excellent 
et  une  salle  parfaite.  M,  Isserlis,  au  dernier 
concert  a  été  de  premier  ordre. 

On  ne  s'attend  pas  à  trouver  ici  en  trois  lignes 
sur  Don  L.  Perosi  et  les  œuvres  qu'il  a 
données  en  avril  au  Trocadéro,  autre  chose 
qu'une  mention  de  leur  succès.  Il  y  a  onze 
ans,  la  curiosité  y  était  pour  beaucoup  ;  cette 
fois  la  personnalité  et  le  charme  de  cette 
musique  s'imposent.  L'exécution  fut  parfaite 
du  Dies  Iste,  et  de  la  suite  Symphonique  Flo- 
rence, qui  est  vraiment  au  tout  premier  rang 
de  nos  concerts  parisiens, 

La  Société  Bach  a  donné  trois  belles 
cantates  d'Eglise,  avec  M™^  Philippi,  la  grande 
artiste  qui  s'est  identifiée  au  Maître,  A  la  saison 
prochaine  ! 

La  S.  M,  L   (rien   de  commun  avec  notre 

^  Je  tiens  à  signaler  tout  particulièrement  la  sonorité 
de  l'orgue  Cavaillé-Coll,  dont  les  Amis  de  la  Musique 
avaient  assuré  le  concours  à  cette  belle  audition  ;  sous 
un  volume  minime  cet  instrument  exceptionnel  contient 
des  ressources  étonnantes. 


iço 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


S.  I.  M.)  cherche  à  réaliser  l'indépendance 
aussi  difficile  à  atteindre  en  musique  que  partout 
ailleurs.  Et  d'ailleurs  de  quoi,  ou  de  qui  serait- 
elle  indépendante  :  Louons  la  en  tout  cas  de 
nous  faire  entendre  aussi  bien  du  Fauré  que  du 
Kodaly,  sans  crainte  des  potins.  Puisque 
l'humanité  musicale  ne  saurait  rien  faire  sans 
coteries,  il  faut  souhaiter  que  les  coteries  soient 
aussi  nombreuses  que  possible. 

Malgré  tout,  la  Société  Nationale  reste 
bien  vivante.  Son  concert  du  g  a\ril  avait 
comme  nouveautés  des  mélodies  de  M.  Grov- 
lez,  indécises  de  tonalité,  une  sonate  assez 
courte  de  M.  Sobrv  et  des  mélodies  de 
MM.  Woolett  et  M.  Labey,  agréables. 

Mozart  est  le  patron  de  deux  sociétés  nou- 
velles :  "  l'Orchestre  Mozart  "  composé 
d'enfants,  ou  presque,  qui  donne  son  second 
Concert  le  9  avril  et  la  Société  Mozart  qui 
annonce  six  séances  de  Musique  de  Chambre 
ou  d'orchestre  pour  le  mois  de  mai. 

Il  faudrait  quelques  lignes  pour  l'audition 
de  ses  oeuvres  que  donna  M.  Casella  et  nous 
ne  pouvons  que  dire  le  succès  de  son  orchestra- 
tion colorée  et  de  ses  rythmes  très  personnels. 
Il  y  a  là  une  vie  intense,  et  une  fougue  .prodi- 
gieuse. 

La  Société  des  Compositeurs  toujours 

active  a  donné  en  a\Til  deux  séances,  dont 
l'œuvre  la  meilleure  fut  le  charmant  Dixtuor 
de  M.  Th.  Dubois.  La  sonate  de  violon  de 
D.  Ch.  Planchet  a  de  la  vigueur,  mais  trop  de 
recherche.  Bien  des  longueurs  dans  le  Quatuor 
à  Cordes  de  M.Capet.De  l'allure  et  de  la  clarté 
<lans  le  trio  de  M.  Thirion. 

La  Schola  se  prodigue  ainsi  que  son 
éminent  chef.  Elle  a  chanté  au  '1  rocadéro 
avec  don  Perosi,  elle  a  donné  comme  Concert 
Mensuel,  la  Messe  en  ré,  son  orchestre  a 
accompagné  maint  Concerto. 

Les  séances  organisées  par  M.  Astruc  à  la 
Salle  Pemina  ont  fini  par  une  belle  soirée 
dont  le  Quintette  nouveau  de  M.  Léo  Sachs 
était  l'cjeuvre  importante.  On  lui  a  fait  un 
excellent  accueil  et  nous  l'entendrons  souvent 
l'hiver  procliain. 

Si  les  Concerts  d'artistes  sont  i|uelijuetoiN  de 
modeste  envergure,  cette  saison  qui  finit  s'illu- 


mine des  noms  d'Ysaye,  de  Thibaut,  de 
Kubelik,  pour  ne  parler  que  des  \  iolonistes. 
Que  dire  de  leurs  Concerts  :  Nous  axons  épuisé 
pour  eux  les  formules  laudatives.M. K0SS0"WS- 
ky  nou\ eau  \enu  à  Paris,  a  donné  (avec  M"'^ 
Rosetti)  un  Concert  de  musique  russe  peu 
intéressant  mais  bien  exécuté. 

M.  Albert  Spalding  joue  du  violon  avec 
justesse,  précision  et  st)le  ;  il  a  été  remarquable 
dans  la  i'"'^^  Sonate  de  Bach.M.Edgard  Bas- 
set brilla  dans  le  Concerto  de  Saint  Saëns, 
M.  Chiaifitelli  dans  les  œuvres  modernes. 

M  '"  Adèle  Clément,  M.  Pierre  Des- 
tombes, M.René  Jullien  et  M.  Four- 

nier,     ont    donné   d'incéressantes    séances  de 

violoncelle;  M. Gaston  Blanquart,  flûtiste 

hors  de  pair,  a  donné,  a\  ec  Al""'  Blanquart,  AL 
Ferté  et  M'"'^'  Nicot  Vauchelet,  un  charmant 
Concert  ;  M'  ""  Labatut  a\  ec  un  orchestre 
dirigé  par  M.  Monteux,a  montré  toutes  les  res- 
sources de  la  harpe  chromatique. 

Dans  le  groupe  des  chanteurs.  Al.  Jules 
Tordo  fut  l'interprète  agréable  d'œuvres 
modernes  (M'"'^  Nadia  Boulanger,  AL  Dulau- 
rens,  AL  Erlanger,M.Fauré),M'"'  Germaine 
Sanderson  à  la  jolie  voix,  bien  posée,  mais  à 
la  diction  un  peu  molle  eut  comme  partenaires 
le  Trio  Chaigneau  ;  M''"\Iulia  Hosbater 
fût  une  intelligente  Cantatrice  de  lieder  ;  M'"' 
Protopopo\a,  au  beau  timbre  de  voix,  consacra 
une   séance  aux  œuvres  de  M.  Fauré. 

Nous  en  arrivons  à  la  légion  des  pianistes. 
Quel  nombre  de  virtuoses  et  même  d'excellents 
artistes  !  Si  le  piano  avait  besoin  d'une  réliabi- 
litation  elle  serait  maintenant  superflue,  car  ses 
interprètes  l'ont  rétun  é.  Plus  de  sécheresse, 
l'emploi  de  la  pédale,  pas  toujours  judicieux, 
donne  quelque  confusion.  A4ais  nous  n'avons, 
dans  ce  numéro  de  l'Actualité  Musicale,  que 
la  place  de  nommer  des  artistes  comme 
M.  Ricardo  Viuès  i|iii  célébra  Sclunnann 
a\ec  M""  Raunay,  M.  Lortat  Jacob  qui 

ilonna,  avec  l'orcliestre  CoK»inie  inie  Séance 
lie  Concertos  où  il  se  montra  un  île  nos  meil- 
U  urs  pianistes  ;  M'"''  Delielly  qui  interpréta 
idralinu-nt    Chopin  ;  M.  Flescll    qui   donna 

une      I101UIC    séance      ,i\ cr     (  )iH  lu-sti"e    ;     M'"'' 

Hélène  Barry,  M.  Frey,  M.  Galston, 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


191 


M.  Edmond  Hertz,  M.  Fœrster. 
M'^    Yvonne  Péan,  M""  Goodson,  et 

tant  d'autres.  11  nous  faut  encore  parler  du 
groupe  des  jeunes  pianistes,  si  intéressant. 
M'"''  Caffaret  n'est  plus  une  enfant  prodige, 
mais  une  artiste  en  possession  d'un  talent 
exquis,  très  personnel,  très  délicat.  Sa  technique 
surtout  dans   les  octaves,   est    inerxeilleuse.    A 

■côté  d'elle,  M^'^^'^  Van  Baerentzen,  si  bien 

douée  cependant, pâlit  àpeiiie.  M'"'' Veluard, 

gloire  de  la  Schola,  a  montré  dans  une  série 
de  Concerts  un  beau  tempérament  de  pianiste. 
Et  quels  programmes  pour  une  toute  jeune 
fille  !  Les  Sonates  de  Dukas  et  de  d'Indy,  les 
Variations  Symphoniques,  Prélude  Choral  et 
fugue,  de  Franck,  des  Concertos,  etc.  JM^"'-' 
Landsmann  n'a  pas  encore  une  technique 
parfaite,  mais  on  sent  qu'elle  est  vraiment 
musicienne  et  qu'elle  arrivera  aux  premiers 
rangs. 

Nous  allions  oublier  une  grande  artiste 
qu'on  n'entend  plus  assez  et  dont  le  beau  et 
-simple  talent   repose  des  virtuoses  prétentieux 

et   bruyants.    M""'  Berthe  Marx  Gold- 

SChmidt  qui  donne  sept  séances  (avec  les 
programmes  de  Rubinstein).  On  n'a  jamais 
mieux  joué  les  sonates  de  Beethoven.  Et  quelle 
mémoire  ! 

Il  ne  nous  reste  que  quelques  lignes  pour  le 
Quatuor  Lejeune  qui  a  terminé  son  histoire 
•de  la  musique,  et  surtout  du  Quatuor,  en 
Russie.  Le  6^  Quatuor  de  M.  Taneïew  est  un 
peu  touffu,  mais  intéressant  ;  de  même  le 
thème  varié  de  Pogoïeff. 

]y[me  Pilliaux  Tiger  a  fait  entendre  au 
Lyceum  toute  une  série  de  ses  œuvres,  d'un 
charme  très  féminin,  avec  d'excellents  artistes, 
dont  M'^"''  Delcourt  et  M'"''  Delune  qui  est 
la  violoncelliste  féminine  la  plus  délicate  que 
nous  ayons.  Mentionnons  enfin  la  séance 
d'œuvres  de  M-  André  Fijean,  d'une  fran- 
chise mélodique  agréable,  et  la  soirée  Her- 
mann  Zipelins,  consacrée  à  de  si  curieuses 
Sonates  à  deux  violons. 

Nous  apprenons  que  M'"''  Wanda  Lan- 
dowska  vient  de  rentrer  à  Paris  après  une 
tournée  de  sept  mois,  pendant  laquelle  elle  a 
parcouru,  accompagnée  de  ses  clavecins,  l'Es- 


pagne, le  Portugal,  l'Allemagne,  l'Autriche  et 
la  Russie  jusqu'à  Astrakan.  Elle  quittera  de 
nouveau  Paris  à  la  fin  de  Mai,  et  pour  prendre 
part  aux  fêtes  que  l'Allemagne  organise  tous 
les  deux  ans  en  l'honneur  de  J.  S.  Bach. 
La  jeune  Chorale  mixte  de  Paris, 

dont  les  Amis  de  la  musique  ont  dernièrement 
applaudi  les  débuts,  s'est  fait  entendre  pour  la 
première  fois  dans  un  salon,  chez  M""'  A. 
André,  avec  un  effectif  réduit.  Rien  ne  con- 
vient mieux  aux  réunions  mondaines  qu'en 
chœur  de  voix  fraîches  chantant  quelques 
pièces  de   notre  grande   époque   polyphonique. 

Le  9  Mai,  le  Pax- 
quatuor  donnait  salle 
d'Eylau  la  dernière 
des  dix  séances  qu'il 
consacra  cette  année 
à  la  noblesse  et  aux 
grâces  de  la  musique 
classique.  On  ne  peut 
louer  l'excellente  artiste 
Muller    de    Beaupré 


assez 

qu'est   M 

d'avoir  su  grouper  avec  un  sens  si 
exact  de  leur  harmonie  totale,  les 
éléments  de  son  Quatuor.  MM. 
Carembat,  G.  Poulet,  R.  Mon- 
feuillard  et  Cruque.  Mme  Muller 
de  Beaupré  faisait  une  exception  à  ses  pro- 
grammes classiques,  en  donnant  cette  fois  une 
œuvre  de  Boellman,  la  dernière  de  l'auteur 
mourant,  œuvre  attachante  et  désespérée. 
Souhaitons  que  Mme  Muller  de  Beaupré 
inscrive  à  son  programme  de  l'an  prochain, 
cette  sonate,  et  que  l'exquise  Muse  dont  le 
Maître  Grasset  illustra  le  programme  de 
Pax-Quatuor  continue  à  protéger  ces  Séances 
d'intimité  artistique. 

F.   GuÉrillot. 


LE  MESSIE  DE  H^NDEL  AU  TRO- 
CADERO.  —  Les  lecteurs  de  cette  revue 
savent  quelle  est  ma  sympathie  pour  la  Société 
Hcendel  et  pour  ses  jeunes  directeurs,  MM. 
Eugène  Borrel  et  Félix  Raugel.  Depuis  deux 
ans,  ils  nous  ont  fait  entendre  à  Paris  une  suite 


le 


Rouart,  Lerolle  cS  C 

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Jurgenson,  Universelle  et   Zimmermann. 


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Ire   SYMPHONIE  EN  RÉ  MAJEUR 
2me  SYMPHONIE  EN  DO  MINEUR 
3me  SYMPHONIE  EN  RÉ  MINEUR 
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,,  petite  partition  d  orchestre net   fr.      6 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


93 


d'œuvres  admirables  de  ce  grand  liommc,  pour 
qui  j'ai  un  culte  passionné.  Et  ils  apportent 
à  le  ressusciter  une  ardeur  d'enthousiasme,  qui 
rompt  avec  la  fausse  tradition  de  dignité  guin- 
dée sous  laquelle  on  l'étouffait.  Leur  tâche 
était  difficile,  périlleuse  même  :  ils  avaient  à 
former  entièrement  un  orchestre,  des  chœurs, 
un  public  :  ils  y  ont  réussi.  Leur  orchestre, 
leurs  chœurs,leur  public,peu  nombreux  d'abord, 
mais  tout  dévoués,  se  sont  peu  à  peu  étendus  ; 
l'ardeur  des  chefs  s'est  communiquée  aux 
exécutants  ;  et  chaque  concert  marquait  un 
progrès  nouveau. 

Enfin,  ils  ont  eu  l'audace,  qui  vient  d'être 
récompensée,  de  faire  entendre  le  Messie  dans 
le  vaste  cadre  du  Trocadéro.  Ils  avaient,  pour 
cette  fois,  fait  appel  au  concours  de  la  Schola 
Cantorum^  des  Chanteurs  de  la  Renaissance^  et 
des  Chanteurs  de  S^  Pierre  de  Besançon.  M.  Guil- 
mant,  qui  fut  le  premier  en  France  à  faire 
connaître  Haendel,  tenait  l'orgue  ;  et  M.  Vin- 
cent d'Indy,  donnant  un  bel  exemple  de  con- 
fraternité artistique,  avait  voulu  prendre  place 
parmi  l'orchestre,  comme  simple  timbalier. 

L'audition  du  23  avril,  au  Xrocadéro,  a  été 
une  des  plus  belles,  que  nous  ayons  eues  à 
Paris,  des  grandes  œuvres  de  la  musique 
ancienne.  Enfin,  l'on  a  pu  se  faire  une  idée 
exacte  de  ce  Messie^  dont  tant  de  gens  parlent, 
mais  que  si  peu  connaissent  vraiment.  Non 
seulement  M.  Raugel  avait  soiraeusement 
revu  la  partition  sur  le  manuscrit  original,  et 
nous  donnait,  pour  la  première  fois,  le  texte 
intégral  de  l'œuvre  ;  mais  sa  direction  intelli- 
gente et  vivante  a  su  rétablir  l'unité,  la  logique 
et  la  suite  de  cette  grande  épopée  et  en  rallu- 
mer la  flamme  de  poésie  et  de  foi.  Les  solistes 
étaient  tous  les  quatre  excellents  :  la  voix  de 
Madame  Mellot-Joubert  est  fraîche  et  char- 
mante ;  chacun  connaît  la  belle,  sobre  et 
émouvante  déclamation  de  Madame  Marthe 
Philip  ;  M.  Plamondon  a  dit  d'une  façon 
pathétique  les  sublimes  récitatifs  de  la  Passion 
et  M.  G.  Mary  a  soutenu  robustement 
l'écrasant  rôle  de  basse.  Les  chœurs  et 
l'orchestre  ont  été  bons  dans  l'ensemble,  avec 
çà  et  là  quelques  flottements  (inévitables,  pour 
une  première  épreuve   de  ce  genre)  ;  mais  on 


peut  dire  qu'ils  se  sont  montrés  d'autant  plus 
sûrs  que  la  musique  était  plus  belle  ;  et  aux 
sommets  de  l'œuvre,  leur  exécution  a  été  pres- 
que digne  des  meilleurs  Musikfeste  allemands. 
On  les  sent  animés  de  la  joie  que  rayonne 
leur  jeune  chef  Cette  joie  rend  la  vie  au  vieil 
oratorio.  Jamais  encore  on  n'avait  entendu 
ainsi,  en  France,  le  formidable  Hallelujah^ 
cette  Voûte  de  la  Sixtine  en  musique.  J'ai 
vu  bien  des  musiciens,  pour  qui  cette  audition 
du  Messie  a  été  une  révélation  de  Haendel. 
Que  diront-ils,  quand  la  Société  Hcendel  nous 
rendra,  comme  je  l'espère,  des  œuvres  plus, 
monumentales  encore  et  plus  vivantes,  comme 
Samson^  Saul,  Hèraklès^  Belsazar^  Israël^.,,  car 
il  s'en  faut  que  le  Messie  soit,  à  mon  sens, 
l'œuvre  la  plus  puissante  et  la  plus  neuve  de 
Haendel. 

En  attendant,  félicitons  la  Société  Handel^ 
et  félicitons-nous.  La  soirée  du  23  avril  marque 
un  grand  pas  nouveau  dans  le  progrès  de  nos 
sociétés  chorales,  en  France.  ^ 

Romain  Rolland. 
JEUNESSE  ET  GÉNIE 

COMPTE-RENDU  d'uNE  AUDITION  d'ÉlÈVES 

Paris  offre,  de  temps  en  temps,  des  plaisirs 
délicats.  J'en  ai  goûté  un  de  ce  genre.  Diman- 
che passé,  salle  Pleyel.  Parvenu,  par  un  om- 
nibus banal,  à  la  non  moins  banale  rue  Roche- 
chouart,  je  descendis  au  numéro  22  ;  et  là, 
traversant  vingt  salles  désertes  peuplées  de 
pianos,  j'atteignis  un  salon  que  remplissait  déjà 
une  flore  exubérante  de  chapeaux  féminins,  — 
avec,  hélas  !  quelques  "  tuyaux  de  poêle  "  très 
bien  vernis...  Au  moment  où  j'entrai,  le  cla- 
vier d'une  grande  queue  d'acajou,  au  couvercle 
dressé,  résonnait,  superbement,  martelé  par 
quatre  mains  enfantines,  avec  un  grand  respect 
de  la  mesure.  —  Car,  il  faut  l'expliquer,  M^^*^ 
Sauvrezis  m'avait  invité,  gracieusement,  à 
une  audition  d'élèves  de  son  cours. 

Une  audition  d'élèves  !   Combien  cette  for- 

^  Le  succès  de  cette  audition  a  été  tel  que  la  Socie'te' 
îîcendel  dut  en  donner  une  seconde,  le  1 1  Mai. 


194 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


mule  effraierait  de  gens,  redoutant  le  piano,  la 
Sonate,  et  la  pédagogie...  L'on  s'imagine,  tout 
de  suite,  une  kyrielle  de  pensionnaires,  à  l'âge 
ingrat,  des  apprentis-prodiges  pour  qui  l'on 
remonte  la  \is  du  tabouret,  afin  qu'ils  rendent 
au  public  le  martyre  qu'ils  ont  enduré...  Mais 
rassurez-vous  ;  notre  époque  a  mis  là  de  l'esthé- 
tique, comme  elle  en  met  partout  ;  et  si  vous 
me  demandez  mon  impression  je  vous  confierai 
que  cette  troupe  de  fillettes  et  de  garçonnets, 
rangés  sur  l'estrade,  en  corbeille,  et  attendant 
leur  tour,  posément,  d'affronter  les  touches 
d'ivoire,  donnait  un  spectacle  fort  attachant  : 
ils  (ou  elles)  étaient  pour  la  plupart  si  jolis,  si 
bien  habillés.  —  Et,  moi,  par  malheur  inexact, 
ayant  manqué  l'Ouverture  de  Coriolan^  jouée 
à  huit  mains  (excusez  du  peu  !),  je  donnai 
toute  mon  attention  à  la  Sonatine  en  ;v',  du 
même  Beethoven. 

Tout  le  programme,  d'ailleurs,  était  consa- 
cré à  ce  maître  ;  fort  beau  programme,  certes, 
même  dans  sa  forme  extérieure,  et  qu'on  avait 
illustré  d'un  fac-similé  de  Corot,  représentant 
un  pâtre  jouant  du  galoubet  devant  quelque 
massif  d'arbres  touffu.  Il  n'énumérait  pas 
moins  de  43  morceaux,  avec,  en  marge,  ce 
seul  nom,  qui  en  vaut  bien  d'autres,  en  défini- 
tive :  'Beethoven Et  comme  chaque  morceau 

avait  son  exécutant  spécial,  cela  faisait,  si  je 
compte  bien,  une  quarantaine  de  jeunes  pianis- 
tes à  entendre.  Ah  !  j'aurais  voulu  qu'il  fût 
là,  le  bon  et  très  grand  musicien,  le  musicien 
définitif,  peut-être,  celui  certainement  qui  a 
trouvé  le  plus  d'idées  sonores,  et  qui  les  a  tlé- 
veloppées  avec  le  plus  de  richesse  et  de  per- 
fection. J'aurais  désiré  qu'il  piit  assister  à  ce 
concert  juvéïu'le,  qu'il  entendît  ses  poèmes  pro- 
fonds interprétés  par  tant  de  jolies  menottes 
i;inocentes.  Sans  doute,  la  Sonatine  en  ;/ 
pour  ([uatre  mains,  comme  aussi  les  deux 
Bagatelles  et  le  Rondo  en  .vo/,  op.  51,  sont 
bien  adaptés  à  l'enfance.  Bien  qu'il  ne  se  fût 
jamais  marié,  Ludwig  van  Beethoven  avait, 
comme  Victor  Hugo,  pratiqué  1' "art  d'être 
grand-père.  "  Lui  (|u'Havdn  n'avait  pas  com- 
pris, et  qui  avait  compris  Haydn,  était  capable 
d'écrire  le  Final  de  V Hthoïfjue^  —  et  les  plus 
délicieux  badinâmes. 


Mais  il  y  eut.  Dimanche,  quelque  chose  de 
particulièrement  curieux  —  et  de  bien  tou- 
chant, à  voir  de  jeunes  doigts  s'empresser  à 
traduire,  sur  les  touches  alternativement  blan- 
ches ou  noires,  ces  dessins  mvstérieux  que  deux 
yeux  attentifs  épiaient  au  vol,  sur  la  partition, 
sans  en  apercevoir  du  tout  le  mystère.  Une 
fois  de  plus,  je  restais  confondu  de  ce  pouvoir 
qu'a  la  Musique,  de  raconter  des  choses  logi- 
ques, belles  et  profondes,  et  qui  ne  peuvent  se 
définir,  qui  sont  "  indicibles  "  ;  je  me  disais  que 
si  l'un  d'eux,  parmi  ce  petit  peuple,  avait  à  vous 
réciter,  par  exemple,  "  Dèfnocritè  et  lei  Ahdèri- 
toins^  "  de  Lafontaine,  il  ne  parviendrait  pas  à 
nous  satisfaire  comme  il  y  parvenait,  assez 
exactement,  en  exécutant  la  "j"^  Sonate...  C'est 
que  le  texte  musical  n'est  pas,  comme  est  le 
langage  courant,  con\entionnel,  et  qu'il  porte 
aAec  lui  sa  signification,  qu'il  soit  compris, 
d'ailleurs,  ou  qu'il  ne  le  soit  pas,  ou  qu'il  ne  le 
soit  qu'à  demi.  C'est  une  espèce  de  chorégra- 
phie, ou  de  mimique  toute  idéale,  ou,  si  l'on 
veut,  une  tapisserie  immatérielle,  extraordi- 
naire et  mer\eilleusement  expressive  ;  un 
apprenti  la  déroule  sous  vos  regards  ;  vous- 
même  n'\'  \oyez  pas  autre  chose  que  ce  qu'il 
y  voit,  naïvement  ;  mais  vous  y  faites  plus 
d'attention,  et  vous  l'admirez  davantage. 

Ainsi  faisais-je,  en  cette  salle  où,  vraisem- 
blablement, bien  des  auditeurs  mûrs  restaient, 
en  face  de  Beethox  en,  des  enfants.  Et  com- 
ment peut-il  en  être  autrement,  lorsque  ce 
riche  tissu  musical  passe  si  vite,  et  que  l'atten- 
tion s'accroche  si  facilement  à  ces  vastes  empa- 
nachures  de  tête  dont  les  femmes,  exquise 
d'ailleurs,  ombragent  toutes  perspectives  maté- 
rielles et  morales  r 

Cependant,  les  plus  belles  Sonates  du  maître 
se  déroulaient,  et  se  succédaient,  de  plus  en 
plus  hautes  et  difficiles,  à  mesure  que  se  succé- 
ilaient  au  claviers  des  mains  plus  expertes  et 
des  têtes  adolescentes  plus  fermes.  Parfois,  les 
Allégrettos  étaient  menés  un  peu  trop  prudem- 
ment et  les  'Prestos  couraient  trop  précipités. 
Très  peu  (je  l'admirais)  de  défaillances,  soit  des 
iloigts,  soit  lie  la  mémoire,  et  tinijours  le  joli 
coursier  fringant  se  reilressait,  et  la  chevauchée 
sonore  se  |i()ursui\  ait. . .. 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


195 


Quel  dommage  que  pour  ces  poèmes  incom- 
parables, ces  épopées,  ces  idylles,  ces  élégies 
dont  la  féerique  et  vive  lumière  éclipse  les  plus 
beaux  \ers  de  nos  poètes,  on  n'ait  pas  trouvé 
d'autre  nom  que  celui,  si  froid,  de  Sonate^  — 
d'autre  signalement  que  celui  d'une  tonalité, 
qui  n'est  d'ailleurs  qu'initiale,  et  passagère  !... 
Eh  quoi  ?  faut-il  que  la  caresse  des  inflexions, 
dans  tel  morceau,  soit,  dès  l'abord,  trahie  par 
un  stupide  numéro  d'œuvre  ?  que  l'éloquence 
persuasive  de  cet  autre  soit  compromise,  aux 
yeux  du  profane,  par  un  titre  aussi  vain  que 
1'  "  Aurore  ?  "  Vous  me  direz  :  c'est  sans 
importance,  et  "  bon  vin,  comme  on  dit,  n'a 
pas  besoin  d'enseigne.  "  ...  Et  pourtant,  com- 
bien de  passants,  avant  d'entrer  dans  le  temple, 
regardent  ce  qu'il  y  a  d'écrit  au  fronton  ! 

L'  "  Appassionnata  "  .''  —  Mais  toutes  les 
Sonates  de  Beethoven,  à  peu  près,  sont  passion- 
nées. Beaucoup  expriment,  de  l'aurore,  le 
mouvement  progressivement  lumineux  :  ce 
sont  des  montées  de  jour  sonore  ;  et  ainsi  de 
suite.  Seul  Vopus  81  se  précise  opportuné- 
ment de  cette  annonce  :  "  Les  Adieux^ 
r Absence^  le  Retour  ;  "  délicieuse  trilogie  sen- 
timentale, où  la  tendresse  tantôt  vive,  nerveuse, 
et  tantôt  languissante  sans  être  langoureuse,  se 
résout,  au  finale,  par  une  allégresse  débordante. 

La  jeune  fîlle  de  dix-huit  ans  qui  traduisait 
cela  était-elle  émue  ?  Vivait-elle  ce  moment 
de  passion  sonore,  par  intuition,  —  ou  bien 
n'était-ce  là  pour  cette  fine  tête  auréolée  de 
fins  cheveux,  qu'une  succession  agréable,  et 
pas  mal  difficile,  de  traits  diatoniques  ou  chro- 
matiques, de  cadences  résolutives  ou  suspen- 
dues, de  passages  dialogues,  en  mouvement 
conjoint  ou  disjoint  ?  —  Je  ne  sais,  mais  pour 
ma  part,  j'étais  touché,  conquis,  sans  raisonne- 
ment préalable.  Or  l'émotion  est  quelque  chose 
qui  se  communique,  et  j'ai  tout  lieu  de  croire 
que  l'enseignement  qu'on  dispense  au  Cours 
Sauvrezis  ne  donne  pas  seulement  le  nerf, 
mais  la  flamme.  J'ai  pu  juger  par  moi-même 
de  la  valeur  de  cet  enseignement.  Et  d'ailleurs, 
Mlle  Sauvrezis  tient  beaucoup  à  ce  qu'on  voie 
dans  ses  auditions  d'élever  une  sorte  de  Musée 
musical,  déroulant  en  tableaux  sonores  la  pensée 
des  grands  maîtres. 


Enfin  j'ai  quitté,  Dimanche,  la  Salle  Pleyel, 
l'âme  emplie  de  réflexions  consolantes  ;  et, 
frôlant  au  passage  tous  ces  meubles  de  silhouette- 
disgracieuse,  mais  d'usage  précieux,  (|u'(jn 
nomme  des  pianos^  je  me  disais  que  tant  qu'il 
existera  ces  monstres  sonores,  et  des  jeunes 
filles  courageuses  pour  les  dompter,  la  pro- 
digieuse pensée  de  Beethoven  et  sa  merveil- 
leuse vivacité  de  cœur  ne  resteront  pas  lettre 
morte. 

Que   c'est   touchant,   et   que   c'est  beau,   le 
génie  célébré  ingénument  par  la  jeunesse  ! 
Maurice  Griveau. 


Province 


BORDEAUX.  —  Le  Quatuor  Marteau- 
Becker,  de  Berlin,  de  passage  dans  notre 
ville,  vient  de  se  faire  entendre  dans  la  Salle 
Franklin. 

A  l'église  Sainte  Eulalie  (notre  ville  ne  possé 
dant  pas  de  Salle  de  Concert  ayant  un  orgue 
jouable)  grand  Récital,  par  notre  compatriote 
Joseph  Bonnet,  organiste  déjà  célèbre  du 
grand  orgue  de  Saint  Eustache.  Exécutant 
remarquable  des  œuvres  des  grands  maîtres, 
le  jeune  artiste  se  fît  grandement  apprécier 
comme  compositeur.  Les  élèves  du  cours 
Ramat  chantèrent  de  lui  quelques  composi- 
tions chorales  d'une  écriture  aussi  fraîche  que 
savante,  et  un  Deus  Abraham  de  Jean  Huré, 
très  original,  un  peu  osé  de  construction  peut- 
être,  mais  néanmoins  très  goûté  des  musiciens. 

N'oublions  pas  la  soirée  d'art,  donnée  par 
le  compositeur  Reynaldo  Hahn,  avec  la  colla- 
boration de  Madame  L.  Durand-Texte,  Pitsch, 
violoncelliste,  et  Fleury,  flûtiste.  Conférencier 
plein  d'érudition  et  d'esprit,  dans  une  très 
consciencieuse  analyse  des  œuvres  de  musique 
ancienne  du  programme,  l'auteur  de  la  Car- 
mélite se  fît  applaudir  dans  d'aimables  compo- 
sitions, comme  exécutant  au  piano  et  comme 
chanteur  habile  et  expressif. 

Fidèles  à  la  tradition,  Lepine  et  Falcon,  de 
la    Chanterelle^    nous    convièrent    à     la    Salle 


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L'ACTUALITE     MUSICALE 


197 


Bermond,  pour  y  entendre  les  dix  sonates 
piano  et  violon  de  Beethoven.  Un  de  nos 
universitaires,  un  savant  doublé  d'un  excellent 
musicien  et  beethovenien  convaincu,  M.  R. 
Lambinet  y  fit  une  très  intéressante  conférence 
sur  la  vie  et  l'œuvre  du  maître  de  Bonn. 

Une  de  nos  gloires  locales,  le  jeune  harpiste 
R.  Jandelli,  nous  donna  à  la  Salle  Delmouly 
une  très  belle  audition  des  œuvres  des  maîtres 
de  la  harpe  Erard.  Joseph  Thibaud,  M"'^  Mour- 
lane,  le  professeur  J.  Bastien,  le  flûtiste 
Feilleux  et  enfin  M'^®  J.  Ramat  dans  des 
chansons  du  XVIIP  siècle,  contribuèrent  de 
tout  leur  talent  au  grand  succès  de  cette 
intéressante  matinée. 

Nous  attendons  pour  la  fin  du  mois  le 
Tonkuenstler-Orchester  de  Munich,  direction 
J.  Lassalle  (un  Français),  qui  vient  inaugurer 
le  nouveau  Théâtre  de  l'Alhambra. 

V.   Gendreu. 

EVREUX.  —  Mardi,  12  avril,  au  concert 
donné  par  la  Société  Symphonique  d'Evreux, 
audition  de  M"*^  Suzanne  Chantai,  dans 
diverses  pièces  de  Mozart,  Haydn,  Franck, 
Dubois.  Vif  succès  pour  la  délicieuse  artiste. 
Au  programme  également,  le  quatuor  de 
harpes  chromatiques  Lénars,  très  applaudi 
dans  des  transcriptions  de  Tchaïkowski  et  de 
Grieg  ;  certains  numéros  cependant,  tels  que 
la  Mort  d'Ase,  semblent,  malgré  tout  le  talent 
des  artistes,  peu  à  la  portée  de  la  harpe. 
Saynètes  et  imitations,  par  M"®  M.  Richard 
et  W.  Burtey. 

Le  dimanche  précédent,  très  gros  succès,  à 
une  séance  privée,  pour  l'improvisateur  Roger 
de  Beaumercy,  toujours  déconcertant  d'esprit 
et  de  brio. 

ROUEN.  —  S'il  en  était  des  questions 
d'art  comme  des  questions  politiques,  et  si  l'on 
abandonnait  au  suffrage  universel  des  auditeurs 
le  soin  de  fixer  un  idéal  esthétique  Quo  Vadh 
serait  peut-être  l'idéal  de  la  saison,  25  repré- 
sentations semblent  le  prouver.  Ni  le  R.oy  £Ts^ 
ni  Lokengrin^  ni  Don  Juan  n'approchèrent  de 
ce  chiffre.  Mais  l'intérêt  musical  de  notre 
existence  rouennaise  se  trouve   ailleurs,   dans 


les  concerts,  qui  se  multiplient  iieureusement 
et  qui  attirent  de  plus  en  plus  le  public. 

Un  jeune  imprésario  Rouennais  M.  Henri 
Ursin  en  organisa  quatre  avec  la  Société  des 
Instruments  Anciens^  le  quator  IVillaume^  MM. 
Ysaye  et  Hekking^  et  le  Double  quintette  de  Paris. 
Des  œuvres  anciennes,  classiques  ou  modernes 
y  furent  exécutées,  en  général  avec  une  per- 
fection de  style  et  de  technique  qui  ne  laissait 
rien  à  désirer.  Bruni,  Nicolay,  Monteclair 
causèrent  de  délicates  joies  aux  raffinés.  Le 
quatuor  de  Debussy  subtilement  nuancé  en 
vaporeuses  et  impondérables  sonorités  sembla 
charmer  toutes  les  sensibilités.  Le  5°'*^  Concerto 
brandebourgeois  de  Bach  apporta  de  substan- 
tielles satisfactions  aux  oreilles  classiques.  De 
M.  Marcel  Houdret  une  Symphonie  de  Chambre 
parut  intéressante  surtout  par  son  andante  et 
son  scherzo.  La  partie  vocale  dans  ces  concerts 
était  confiée  à  M™''  Buisson,  Willaume-Lam- 
ber,  Passin-Marcillac,  Foreau  -  Isnardon,  à 
MM.  Muratore  et  Teissié. 

De  son  côté  M.  Paul  Boquel,  dont  les 
concerts  valent  à  la  fois  par  le  choix  des  pro- 
grammes toujours  artistiques  et  par  celui  des 
interprètes,  fît  entendre  à  Rouen  cet  hiver 
MM.  Cortot  et  Boucherit  dans  une  séance  de 
sonates,  M.  Jacques  Thibaud  dans  un  ensemble 
d'œuvres  italiennes  très  homogène,  M.  Lazare- 
Levy  assisté  de  M.  Marcel  Dupré,  M"^'^^ 
Litvinne  dans  les  pages  les  plus  célèbres  de 
son  répertoire.  Et  le  succès  n'alla  pas  seule- 
ment à  ces  illustres  vedettes,  car  M^^*"  Suzanne 
Chantai,  M.  Chanoine  Davranches,  MM. 
Marcel  Ciampi,  Robert  Schmitz  et  Paul 
Bazelaire,  pour  être  de  moins  illustres  seigneurs 
au  pays  de  la  gloire  n'en  ont  pas  moins  un 
talent  très  appréciable. 

M.  P.  Mesnier  violoniste  admirable  de 
simplicité  et  d'émotion  donne  aussi  chaque 
hiver  une  audition  avec  sa  fille  et  a\'ec 
M"*"  Duranton.  Cette  fois  il  nous  révéla  la 
poignante  et  profonde  Sonate  en  sol  de  Lekeu. 

Ajoutons  encore  que  les  Concerts-Rouge  avec 
M^^"  Nina  Ratti  et  M.  Chanoine-Davranches 
obtinrent  avec  un  programme  très  électique 
un  succès  d'enthousiasme  —  et  qu  à  un 
Concert  de  Charité  M.  Enesco  très  applaudi 


X 


içS 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


comme    exécutant     et    comme     compositeur 
trouva  en  M"^*^  Capoy  une  interprète  délicate. 

Mais  ce  qui  nous  intéresse  plus  encore  ce 
sont  les  résultats  de  notre  activité  propre. 
Rouen  offre  au  point  de  \ue  vocal  d'admi- 
rables ressources  d'abord  comme  solistes  : 
M'""  Marie  Robert,  Simon  et  Capoy  et 
M.  Chanoine-Davranches,  artistes  dont  la 
réputation  est  solidement  établie  ailleurs  qu'à 
Rouen,  puis  comme  Sociétés  Chorales  :  l'Accord 
Parfait  dirigé  par  M.  Albert  Dupré  et  la 
Gamme  par  M.  Jules  Haelling.  Enfin  deux 
sociétés  :  la  Société  de  Peinture  Aloderne  et 
la  Société  des  Artistes  Rouennais  organisent 
des  sérits  de  concerts. 

S.  I.  M.  ayant  signalé  l'audition  consa- 
crée par  M""-'  Marie  Robert  et  M.  Roger 
Boucher  à  Moussorgsky  (Chambre  d'Enfants, 
Sans  Soleil,  Berceuse  du  Paysan,  l'Orphelin, 
le  Bouc,  le  Jardin  prés  du  Don,  le  Chant  juif, 
la  Nuit  sur  le  Mont-Chauve)  comme  les 
causeries  de  M™*^  Marie  Capoy  nous  insisterons 
sur  les  manifestations  chorales  ou  sur  les  con- 
certs de  nos  Sociétés  de  Peinture. 
L'Accord  Parfait,  particulièrement  actif  cet 
hiver,  aura  chanté  au  cours  de  la  saison  la 
Cantate  de  Noël  de  Bach,  la  Messe  en  ut  de 
Beethoven;  des  fragments  des  Saisons  d'Ha\dn, 
la  Passion  selon  Saint  Matthieu  de  Bach  et  la 
Demoiselle  Elue  de  Debusssy.  Voilà  qui  prouve 
de  la  part  de  l'Accord  Parfait  un  désir  de  se 
montrer  agréable  à  tous  comme  un  dévoue- 
ment à  la  musique  tout  à  fait  méritoires.  Entre 
toutes  ces  exécutions  celle  de  la  Passion^  pré- 
parée cl^puis  bientôt  quatre  ans  fut  particuliè- 
ment  belle.  M.  Ch.  Widor  y  participa  comme 
organiste  à  côté  de  son  suppléant  à  S'^-Sulpice, 
M.  Marcel  Dupré.  Les  solis  avaient  été  confiés 
à  M"""  Max  et  Marty,  à  MM.  Coulomb  et 
Charujine-Davranches.  Sous  la  direction  con- 
vaincue de  M.  Albert  Dujiré  tous  les  exécu- 
tants se  montrèrent  à   la   hauteur  de   l'œuvre. 

La  Gamme,  de  son  côté  lentorcéede  la  Maî- 
trise et  d'un  orchestre  donnait  la  i '"'■  audition 
à  Rouen  (lu  Faust  de  Schumann,  puis  seule, 
celle  des  Si'f)t  'Paroles  de  Christ  de  Schdtz. 
Ce  furent  au  point  de  vue  choral  d'impeccables 
exécutions,    d'uni-    fermeté    et    d'utie    \ii:ueur 


rares  qui  font  à  M.  j.  Haelling  le  plus  grand 
honneur. 

A  la  Société  de  Peinture  moderne  M.  et 
M'"'-  Landormy,  M""^  Mayrand  et  M"^  G. 
Dupin  présentèrent  une  vue  d'ensemble  de  la 
musique  française  moderne  en  faisant  une 
place  spéciale  à  Paul  Dupin  qui  déjà  l'an 
passé  s'était  fait  connaître  avec  le  concours  de 
M"'^  Marie  Robert  à  un  public  choisi  d'ama- 
teurs, une  autre  séance,  fut  remplie  par  M.  et 
M'"*^  Alberro  de  Viverro  avec  quelques  œuvres 
nou\elles  d'A.  Doyen. 

A  la  Société  des  Artistes  Rouennais  un 
concert  svmphonique  dirigé  par  M.  Ch.  Aufry 
offrait  beaucoup  de  premières  auditions  : 
œuvres  de  Moussorgsky,  de  Rimsk\'-Korsakow, 
de  Svendsen,  de  Gade.  Un  autre  sera  consacré 
en  partie  à  M.  Chanoine-Davranches,  un 
dernier  concert  comprend  dans  son  programme 
la  Demoiselle  Elue. 

Donc  cet  hiver  de  grandes  œuvres  classiques 
ou  modernes  auront  été  exécutées  dans  d'excel- 
lentes conditions  à  Rouen  :  l'Ecole  française 
moderne,  (Lekeu,  de  Castillon,  Dupurc,  d'Indy, 
Debussy,  P.  Dupin,  etc.),  aura  été  largement 
représentée  dans  les  programmes  des  concerts. 
Le  goût  musical  ne  peut  qu'y  gagner,  et  cette 
saison  apporte  de  belles  espérances  à  ceux  qui 
détendent  à  Rouen  la  cause  de  la  musique. 
Pai'l-Lol'is  Robert. 

POITIERS.  —  Grand  succès  pour  MM. 
Wurmser,  Hekking  et  Enesco  dans  le  l''""  Trio 
d'Ha^'dn  et  celui  île  Beethoven  dédié  à 
l'Archiduc. 

ANGERS.  —  Et  \()ilà  la  saison  terminée  ! 
Les  denuers  concerts  nous  laissent  sous  une 
impression  d'art  et  île  tristesse  ;  le  s^■mpa- 
thique  et  parfait  chef  d'orchestre  Max  d'Ollonc 
nous  faisait  ses  adieux  après  trois  années 
inoubliables  !  Aurons-nous  l'espoir  de  le  voir 
remplacé  par  Rhené-Baton  ? 

A  signaler  un  certain  nombre  d'exécutions 
wagnérieiuie^,  les  Béatitudes,  le  délicieux 
François  d'Assise  de  Max  d'Ollonc,  le  Con- 
cert de  la  Chorale  Jeainie  d'Arc  du  marquis  de 
Becdeliè\re.  —  Le  théAtre  lui-même  a  fermé 
ses  portes.  A  l'année  prochaine.  M.    I^. 


L  '  A  C:  T  U  A  L  I  T  E     MUSICALE 


199 


BLOIS.  —  On  sait  le  succès  des  confé- 
rences de  M.  Jean  Richepin.  Voici  qu'un 
intérêt  musical  vient  s'ajouter  à  l'intérêt  litté- 
raire déjà  très  grand  de  ces  causeries. 

Un  professeur  de  chant,  M^'''  Ruin  Gabriac 
accompagnait  à  Blois  l'éminent  académicien, 
le  10  Avril  dernier,  et  au  cours  de  la  confé- 
rence intitulée  "  Les  Chansons  de  la  Mer  " 
plusieurs  mélodies  furent  exécutées.  —  Au 
Chnetière  de  G.  Fauré  sur  des  paroles  de 
M.  Richepin,  Coucher  de  Soleil  de  R.  Lenor- 
mand  sur  des  vers  de  P.  Veber  ont  été  inter- 
prétés à  ravir  par  M^'*^  Ruin  et  le  succès  fut  si 
vif  qu'aussitôt  après  le  Concert  le  poète  et  son 
interprète  furent  redemandés  par  la  Société 
des  Amh  des  Arts  de  Loir-et-Cher,  pour  le 
mois  prochain. 

Nous  souhaitons  que  l'exemple  donné  par 
notre  société  soit  ailleurs  suivi.  Et  il  le  sera, 
la  musique  moderne  et  la  poésie  ne  sont-elles 
pas  désormais  inséparables. 

R.  M. 

ALENÇON.  —  Nous  venons  d'applaudir 
la  Rose  de  Schumann,  très  bien  présentée,  si 
l'on  considère  les  éléments  dont  nous  disposons 
ici.  Grand  succès  pour  M.  et  M"®  Ciampi. 

St  LO.  —  Une  jeune  Société  chorale, 
fondée  depuis  deux  ans  à  peine,  composée 
d'employés,  d'ouvriers,  garçons  de  bureau,  etc., 
et  dirigée  par  un  amateur,  M.  Baudry  (lui- 
même  rédacteur  à  la  Direction  des  Postes  et 
Télégraphes  de  S*  Lo)  a  donné  son  premier 
concert  de  l'année. 

Au  programme,  le  répertoire  ordinaire  des 
chorales  ;  pour  le  violon,  Wieniaw^ski  et 
Vieuxtemps  ;  pour  le  violoncelle  du  Golter- 
man,  et  du  Sinding  pour  le  piano.  De  Rouen 
étaient  venus  M.  Dalvarez,  ténor,  et  M™®  La- 
rose,  mezzo.  De  Bayeux,  M.  Marchai,  vio- 
loniste ;  de  S*  Lo,  MM.  Levatois  et  Pichard. 
Excellent  public  et  très  bonne  audition. 

St  BRIEUC.  —  La  Société  Philharmo- 
nique a  voulu  nous  reposer  du  surmenage 
électoral  en  nous  faisant  entendre  du  Bach, 
du   Duparc,   et  du  Chopin,   sous  la  direction 


de  M.  de  Villermay,  et   avec    les  coiicours  de 
M.  et  M""  Ciampi,  et  de  M.  Baron  (cor). 

PÉRIGUEUX.  —  Dans  notre  ville,  lès 
manifestations  artistiques  se  font  de  plus  en 
plus  rares.  La  force  d'inertie,  le  manque 
d'entente  de  nos  instrumentistes,  profession- 
nels ou  amateurs,  dont  quelques-uns  ne  man- 
quent pourtant  pas  de  talent,  provoquent  un 
marasme,  qui  crée  forcément  des  loisirs  aux 
chroniqueurs.  ; 

L'an  dernier,  au  mois  d'octobre,  les  artistes 
de  la  Comédie-Française  vinrent  représenter 
sur  un  "  théâtre  de  la  nature  "  édifié  place 
Tourny,  La  Magdalèenne^  de  notre  ami 
Berton,  et  ce  fut  là  un  spectacle  inoubliable, 
auquel  on  réserve,  paraît-il,  un  lendemain. 

On  raconte,  en  effet,  que  notre  éminent 
compatriote,  le  baron  de  La  Tombelle,  a 
écrit  pour  cette  belle  œuvre  une  musique  de 
scène  remarquable  ;  et  il  est  probable  que  la 
pièce  de  M.  Berton  sera  interprétée  en  juillet 
avec  la  musique,  soit  à  Périgueux,  soit  aux 
environs.  M.  Berton  vient  de  passer  quelques 
jours  dans  notre  ville  pour  s'occuper  de  l'or- 
ganisation de  cette  représentation. 

COURTEY. 

BREST.  —  Depuis  la  clôture  de  la  saison 
théâtrale,  les  concerts  se  succèdent  relative- 
ment nombreux. 

Le  violoniste  Bertagne,  qui  s'établit  comme 
professeur  de  violon  dans  notre  ville,  a  donné 
une  séance  intéressante,  excellemment  accom- 
pagné par  M.  Paul  Loyonnet.  La  chorale 
mixte  Palestrina  qui,  dans  des  auditions  anté- 
rieures, avait  donné  en  leur  entier  le  5®  acte 
d'Armide  et  le  4®  d'Hippolyte  et  Aricie,  nous 
a  fait  entendre  le  Requiem  de  Mozart,  un 
motet  de  Vittoria,  le  Domine  non  sum  dignus^ 
des  extraits  d'Œdipe  à  Colonne  de  Sacchini, 
de  Siroë  d'Haendel  et  de  la  Création  d'Haydn. 
Gevaert  et  César  Franck  seuls  représentaient 
la  musique  contemporaine. 

La  Société  Symphonique  Les  Amis  du 
Colonne  a  offert  à  ses  sociétaires  le  dernier 
concert   de    la  saison.    Au   programme,   deux 


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DE 
PIANOS 


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MEMBRE  DU  JURY  —  HORS  CONCOURS 

Barcelone  1888,  Moscou   1891,  Chicago  1893,  Amsterdam  1895 
Paris  1900. 

DIPLÔMES  D'HONNEUR 

Amsterdam  1883,  Anvers  1885,  Bruxelles  1888 


GRANDS   PRIX 

Hanoï  1893,  Liège  1905. 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


20I 


poèmes  symphoniques  :  Ode  à  Carnac  et 
Veillée  bretonne  du  compositeur  L.  Skilmans, 
qui  ont  beaucoup  plu. 

J.  S. 

TOULOUSE.  —  Dans  quelques  jours, 
sous  la  direction  de  M.  Gabriel  Laporte,  chef 
d'orchestre,  vont  commencer  les  concerts 
symphoniques  d'été  alternant  avec  des  festivals, 
ou  des  auditions  purement  chorales.  Pour 
satisfaire  le  goût  de  chacun,  plus  exactement, 
■semble-t-il,  dans  le  but  d'attirer  le  promeneur 
pendant  les  belles  soirées  de  mai,  les  grands 
cafés  vont  aussi  reprendre  leurs  petits  concerts 
des  terrasses. 

Tant  de  musiquette  donnera-t-elle  satisfac- 
tion à  tous  ?  Si  l'écho  d'un  motif  de  valse 
lente  ou  un  air  de  polka  arrivent  jusqu'à  nos 
oreilles,  un  instant  nous  oublierons  la  mauvaise 
impression  d'une  pitoyable  saison  théâtrale  qui 
vient  de  finir  et  dont  le  grand  cheval  de 
bataille  fut  "  Quo  Vadis  ".  Après  cette  tapa- 
geuse nullité,  les  directeur*  démissionnaires, 
obligés  de  se  conformer  au  Cahier  des  Charges, 
donnèrent  "  La  Glaneuse  "  de  Pourdrain 
—  deux  représentations  —  et  l'italienne 
"  Manon  Lescaut  "  de  Puccini  —  trois  re- 
présentations. 

Ces  œuvres  merveilleuses^  géniales^  inimi- 
tables^ coûtent  à  la  population  la  bagatelle  de 
150.000  fr.  C'est  pour  rien  !... 

J.  H. 

AURILLAC.  —  L'Eglise  Notre-Dame 
aux  Neiges  a  été  le  théâtre  d'une  remarquable 
manifestation  artistique  et  religieuse.  Sous  la 
direction  de  M.  Xavier  Permann,  le  célèbre 
organiste,  nous  avons  eu  la  joie  d'entendre 
"  Les  Sept  Paroles  du  Christ  "  de  Théodore 
Dubois,  exécuté  par  un  groupe  d'amateurs,  il 
est  regrettable  que  la  ville  d'Aurillac  ne  pos- 
sède pas  un  orchestre  pouvant  accompagner  ce 
chef-d'œuvre. 

RENNES.  —  Le  24  avril  dernier,  la  Société 
de  Concerts^  a  donné  sa  troisième  audition  de 
la  saison. 

Au     programme,    une    importante    œuvre 


inédite  du  Compositeur  Henri  Bogé,  une 
sytnphonie  en  sol  mineur^  que  l'orchestre  de  la 
société,  sous  la  direction  de  M.  Ch.  Bodire, 
rendit  avec  beaucoup  de  précision,  de  style  et 
d'éclat.  Ce  fut  pour  l'auteur  et  les  interprètes 
un  véritable  triomphe. 

Grâce  à  l'admirable  talent  du  grand  violon- 
celliste A.  Hekking  et  au  charme  incomparable 
qui  se  dégage  du  jeu  de  M.  Bleuzet,  le  célèbre 
hautboïste,  le  public  rennais  consentit  à  en- 
tendre et  même  applaudit  avec  enthousiasme 
quatre  concertos:  celui  de  Lalo,  les  Variations 
de  Boëllmann,  le  Concerto  de  Haendel  en  sol 
mineur  et  le  Concerto  de  M""^  de  Grandval 
pour  hautbois. 

L'audition  prit  fin  sur  une  exécution  très- 
finie  du  Calme  de  la  Mer  de  Beethoven  pour 
Chœurs  et  Orchestre. 

CANNES.  —  Le  grand  Casino  termine 
sa  saison.  Les  superbes  concerts  symphoniques 
et  classiques  du  Maître  Louis  Laporte  contri- 
buent pour  la  plus  large  part  au  succès  de  cet 
établissement. 

S*  JEAN  DE  LUZ.  —  A  signaler  l'acti- 
vité de  la  société  Charles  Bordes  dirigée  par 
M™"  Petit,  dont  les  auditions  s'inspirent  des 
grands  principes  de  la  Schola  de  Paris. 

S^  SEBASTIEN.  —  A  la  salle  des 
Beaux-Arts,  un  ingénieur,  M.  Gastoué  a  donné 
le  premier  avril  sa  dernière  conférence  sur 
l'histoire  de  la  Sonate  (Franck  et  Saint-Saëns), 
avec  une  excellente  audition  par  M^^^^  Palante 
et  Genty. 

BOURGES.  —  Les  élèves  du  Lycée  ont 
eu  l'ingénieuse  idée  d'offrir  à  leurs  professeurs, 
à  leurs  parents  et  amis,  une  matinée  musi- 
cale et  littéraire.  Voilà  une  initiative  qui 
devrait  être  suivie  dans  bien  des  endroits,  et 
même  remplacer  la  monotone  distribution  de 
prix.  Le  programme  était  assez  panaché.  La 
difficulté  est  en  effet  de  réunir  un  répertoire 
accessible  à  ces  exécutants.  A  côté  de  Schubert 
voisinait  Planquette,  et  la  Valse  poudrée  de 
Popy  ou  le  Chœur  des  AUobroges  faisaient 
pendant  au  Père  Martini  et  à  Henri  Rabaud. 


202 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


PAU.  —  Félicitons  M.  Dubois  du  triomphe 
de  cette  saison,  et  de  l'homogénéité  de  sa 
troupe.  —  Parmi  les  concerts,  à  côté  de  ceux 
de  M.  Maufret  et  ceux  de  la  Schola  de  Pau, 
il  faut  mentionner  les  Auditions  classiques  du 
maître  Brunel,  dont  les  programmes  ne  sont 
inféodés  à  aucune  chapelle.  Brunel  ne  le  cède 
en  rien,  comme  chef  d'orchestre  aux  meilleurs 
de  Paris.  Nous  avons  pu  nous  en  rendre  compte, 
lorsque,  il  y  a  quelques  années,  Colonne  et 
Chevillard  sont  venus  ici. 

L.  D. 

ARLES,  —  Le  grand  salon  de  l'Hôtel  du 
Forum  a  retenti  des  ovations  faites  à  M.  et 
M""^^  Fournier  et  à  M^'*^  Maréchal  (violoncelle, 
chant  et  piano).  D'autre  part  le  quator  Gallo- 
Romain  (Fabre,  Doladille,  Dagand  et  Rieu) 
ont  vigoureusement  attaqué  le  9*^  quatuor  de 
Beethoven.  Nous  faisons  quelques  réserves 
pour  le  Minuetto,  trop  lent;  et  pour  l'allégro, 
trop  mollement  rendu.  A  l'étude  le  quatuor 
de  Lalo  ;  et  à  quand  le  quatuor  de  Franck  et 
celui  de  Debussy  r 

SALON.  —  Prochainement  au  Théâtre 
Municipal  :  Taïma^  tragédie  lyrique  de  Bédoc, 
musique  de  David  Polleri.  Ce  théâtre  sous  la 
direction  de  Depère,  se  compose  d'éléments 
Marseillais.  Il  vient  de  nous  donner  une  bonne 
saison,  d'ouvrage  classiques,  naturellement.  Le 
Conser\'atoire  de  Salon  prépare  ses  examens 
de  fin  d'année.  Les  concerts  annoncent  une 
manifestation  à  l'Aérodrome  de  la  Crau. 
Plusieurs  Sociétés  nous  ont  visités  ;  ce  fut 
l'occasion    de    concours    et    de    distributions. 


J'allais  oublier  que  nous  aurons  même  une 
Revue,  dont  le  titre  est  nécessairement  Chante- 
clairettr^  du  maître  Mourret. 

L. 

VERDUN.  —  Exceptionnellement  nous 
a\'ons  eu  ce  mois  deux  manifestations  intéres- 
santes :  PoUain  l'excellent  violoncelliste,  qui 
consacra  une  soirée  aux  œuvres  de  Guv  Ro- 
partz,  et  une  audition  de  Edouard  Bernard,  de 
la  Schola,  a\ec  le  concours  de  M"''Svlvia  Levis. 

CAMBRAI.  —  Après  Andromède  et  Sina'i 
de  Paul  Lebrun,  le  Cheinin  de  Croix  et  les 
Chants  de  Guerre  d'A.  Georges,  Biblis  et  Eve 
de  Massenet,  et  la  Nativité  de  Maréchal, 
l'Union  Orphéonique  vient  de  donner  la  Dam- 
nation de  Faust.  Elle  s'était  renforcée  de  l'or- 
chestre des  Concerts  Rouges  de  Paris,  sous  la 
direction  de  Rabani.  Tous  nos  compliments 
pour  cette  audace  qui  a  pleinement  réussi. 

P.  L. 

CHARLEVILLE.  —  Bon  concert  par 
M.  Edouard  Bernard  et  M"''  Syh'ia  Levis, 
a\ec  un  programme  allant  de  Bach  à  Duparc 

et  qui  nous  sau\e  des  habituelles  platitudes. 

V  ALENCIENNES.  —  Un  grand  concours 
international  de  musique  aura  lieu  du  13  au 
15  août  191 1.  Pour  tous  renseignements 
d'adresser   à    M.   Fievct,  secrétaire  général. 

CAEN.  —  Avant  d'entrer  dans  la  période 
des  examens  et  des  concours  l'Ecole  nationale 
de  musique  a  fait  entendre  ses  meilleurs  élèves 


Application 

raisonnêe  des 

meilleurs  procédés 

pédagogiques 

et  techniques 

employés  par  tes 

grands  maîtres 

contemporains 

français 

et  étrangers. 


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L'ACTUALITE     MUSICALE 


203 


dans  un  concert-exercice  des  plus  intéressants. 
Les  élèves  de  la  classe  de  musique  de  chambre, 
que  dirige  M.  Mancini,  directeur  de  l'École, 
ont  joué  avec  une  véritable  perfection  un  trio 
de  Mozart  et  un  quatuor  d'Haydn.  Les 
classes  d'orchestre,  d'ensemble  vocal,  de  violon 
et  de  chant,  ont  été  également  très  remarquées. 

Le  lendemain  de  cette  audition  l'Ecole,  qui 
vient  d'être  à  nouveau  érigée  en  Ecole  nationale, 
a  reçu  la  visite  de  M.  P.  V.  de  la  Nux, 
inspecteur  de  l'enseignement  musical. 

Dans  un  concert  hors  série,  l'Association 
artistique  des  grands  concerts  caennais  vient 
de  donner  avec  succès,  sous  la  direction  de  son 
chef  d'orchestre,  M.  Sechiari,  une  exécution 
intégrale  de  Rédemption. 

A.   M. 

NARBONNE.  —  La  Société  des  concerts 
fondée  en  1895  sous  le  nom  de  '■^  Symphonie 
Amicale ''\ç.X.  dirigée  depuis  par  M.  Emile- 
Louis  Fabre,  nous  a  donné  cette  année  après 
son  concert  spirituel  de  la  St-Cécile  en  l'Eglise 
St-Paul-Serge,  trois  excellentes  auditions  clas- 
siques. 

Parmi  les  œuvres  qui  nous  ont  le  plus 
intéressé,  citons  :  Habanera  de  Chabrier,  la 
Symphonie  en  ut  majeur  de  Mozart,  La  Séré- 
nade de  Widor  dans  laquelle  furent  très 
remarqués  le  violon  de  M""  Schneider  et  le 
violoncelle  de  M^'  Blanc.  Nous  nous  en  vou- 
drions  d'oublier  celui  de  M'"  Dangibaud  dans 


dans  la  scène  religieuse  des  Erinnyes  de 
Massenet.  Cette  société  qui  compte  40  mem- 
bres exécutants,  n'est  composée  que  d'amateurs 
et  de  professionnels  non  rétribués,  tous  gens 
de  goût  qui  font  de  la  musique  pour  leur  plai- 
sir et  celui  des  autres.  Nous  les  en  félicitons 
sincèrement.  Nous  parlerons  prochainement  du 
dernier  concert  de  la  saison. 

Scherzo. 

LYON.  —  Bien  que  les  grands  concerts 
aient  pris  fin  la  semaine  sainte  nous  devons 
encore  signaler  pendant  ce  mois  d'avril  un 
certain  nombre  d'auditions  intéressantes.  Le 
2  avril,  le  Tonkûnstler-Orchester  de  Munich, 
sous  la  direction  du  kapellmeisîer  J.  Lasalle, 
donnait  un  superbe  concert  dans  la  salle 
Rameau  devant  des  spectateurs  malheureuse- 
ment trop  clairsemés.  Au  retour  d'une  tournée 
triomphale  en  Espagne  et  au  Portugal,  cette 
excellente  phalange  d'artistes  s'arrêtera  de 
nouveau  à  Lyon  et  cette  fois  toutes  les  places 
sont  déjà  retenues. 

Mentionnons  encore  les  séances  de  l'excel- 
lent quatuor  Gillardini,  Vieux,  Loiseau  et 
Hekking,  qui  a  joué  en  dehors  des  œuvres 
classiques  un  quintette  inédit  de  V.  Neuville, 
un  concert  donné  par  M''  et  M^^^  Péronnet  et 
enfin  une  audition  du  célèbre  trio  Cortot- 
Thibaud-Casals,  dans  laquelle  on  a  fort 
applaudi  une  sonate  pour  piano  et  violon 
de  M.  Witkowski.  E.  B. 


Belgique 


Au  moment  où  l'Exposition  Internationale  de  Bruxelles  vient  de 
s'ouvrir  solennellement,  sous  le  haut  patronage  de  L.L.  M. M.  le  Roi 
et  la  Reine  de  Belgique,  nous  nous  faisons  un  \éritable  plaisir  d'offrir 
à  nos  lecteurs  la  reproduction  d'une  lettre  que  S.  M.  le  Roi  Albert 
daigna  faire  tenir  à  notre  rédacteur  en  chef  pour  la  Belgique  : 
M.  René  Lyr.  Cette  lettre  nous  flatte  infiniment  et  nous  exprimons 
à  Sa  Majesté  une  sincère  gratitude  pour  l'attention  qu'EUe  \  eut  bien 
accorder  à  notre  effort  artistique. 

La  Belgique,  en  ce  moment,  connaît  une  ère  d'apogée  qui  tait 
songer  aux  plus  fastueuses  époques  de  son  passé. 

C'est  à  cette  heure  que  de  jeunes  sou^■erains,  profondément 
épris  de  Beauté  montent  sur  le  trône,  et,  par  la  main  gracieuse  de 
S.  M.  la  Reine  Elisabeth,  Ton  peut  dire  que  l'Art  lui-même  tient 
le  sceptre  aux  côtés  du  Roi  Albert.  Car  la  Reine  de  Belgique  est 
une  musicienne  enthousiaste  et  fervente.  Violoniste  de  grand  talent, 
elle  étudia  passionnément  les  classiques.  On  put  la  \oir,  émue  et  toute 
recueillie,  au  temple  de  Bayreuth.  Elle  honore  de  son  amitié  le  maître 
Camille  St  Saëns,  qu'elle  rencontra  en  compagnie  de  Massenet  à 
Monaco.  Elle  fut  à  Pelléas  et  Mélisande,  suivant  sur  la  partition  le 
dessin  subtil  de  l'œuvre.  Elle  admire  Brahms  et  Richard  Strauss.  "  Sa 
Majesté,  nous  disait  M.  Deru,  l'éminent  virtuose,  son  professeur 
depuis  cinq  ans,  travaille  avec  une  fougue  admirable,  de  longues 
heures  par  jour,  et  tort  sérieusement.  Elle  parfait  son  érudition 
musicale  et  littéraire.  ProchainemiMit  même,  elle  commencera  le 
contrepoint  et  la  fugue,  a\ec  le  Maître  Edgar  'l'inel.  Nul  doute  que 
sous  Son  Règne,  la  musique  ne  soit  tout  particulièrement  en  faveur." 

Nous  nous  réjouissons  de  pressentir,  pour  les  artistes  belges,  nos 
amis,  une  efBorescence  merveilleuse,  et  nous  nous  tirons  un  devoir 
d'aider  à  cet  essor  d'un  peuple,  dont  le  Génie  s'est  imposé  à 
l'admiration  universelle.  Que  J^.L.  M. M.  le  Roi  it  la  Reine  île 
Belgique  daignent  en  accepter  le  gage  respictui-u\,  a\ec  l'ixpression 
de  nos  sentiments  (radinii.itiim   rrcoiiiiaissanti', 

LA   RKDAC  riON. 


SECRÉTARIAT  DES  COMMANOEWENTS  DU  ROI 


/. 


t     ^ 


jalaxs  ire  ^xumAIèq  . 


•^i-^e-MjLJ:  -7rr..^i=i^''rz.<Z^fiu..:i/c  .^  ^.^r^-ZHiuA.  x^c-tx.  c^î'^:-<iri-7-i^=/  .c-hx/:^:^tjt   (A^^c^C^/iU. 


^=3^<_ -TT-ZxCi.  (Lc-rz.'^^^^caC^' 


>^  ^3^^^<tyi..,(iyàe=i^,ejc.,^ 


U^& 


c7^^^TK?2r--'7r?Tux- -.o^  <6tÙc^ 


_^ct 


LETTRE  DE  S.   M.  LE  ROI  ALBERT  I 


VIENT   DE   PARAITRE 

A  LA 


MAISON    BEETHOVEN 

(GEORGES     OERTEL) 

RUE  DE  LA  RÉGENCE,  17-19,  BRUXELLES. 


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CHOPIN-THOMSON 

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I^Aini  ri()\  :    Piano   et    Chant. 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


207 


BRUXELLES.  —  Avant  de  présenter  les 
informations  du  mois,  nous  devons  exprimer 
;i  nos  lecteurs  de  vives  excuses,  et  nos  rci^rets. 
Plusieurs  coquilles  typographiques  se  sont 
glissées,  en  eftbt  dans  la  copie  du  mois  dernier. 
C'est  ainsi  que  les  noms  de  MM.  Lucien 
Mawet,  F.  Rasse  et  Boute,  sont  devenus 
Mamot,  Roue  et  Bonté.  La  disposition  des 
points,  virgules,  tirets,  etc.,  a  souffert  de  même, 
mais  une  faute  surtout  est  impardonnable... 
On  nous  a  fait  dire,  à  certain  endroit  :  "  Lais- 
sons ces  fillettes  se  Débaucher  ".  Nos  lecteurs 
'  auront  rectifié  d'eux-mêmes,  après  un  com- 
préhensible sursaut.  Nous  avions  écrit  :  déhan- 
cher. 

A  l'Exposition.  Le  programme,  que  nous 
avions  annoncé,  il  y  a  deux  mois,  comportait, 
pour  la  séance  d'inauguration,  une  ouverture 
de  Paul  Gilson,  et  pour  la  saison,  sept  à  huit 
grands  concerts  symphoniques  de  musique 
belge.  —  Hélas,  —  un  différend,  d'ordre 
purement  et  tristement  financier,  est  survenu 
au  dernier  moment  entre  le  Comité  artistique 
de  la  JVorlds  Faïr  et  le  Syndicat  des  artistes 
musiciens.  Nous  n'avons  pas  à  rechercher  ici 
qui  a  raison,  qui  a  tort,  mais  nous  déplorons 
vivement  la  décision  prise  à  cette  occasion, 
car  non  seulement  l'œuvre  de  Gilson  ne  sera 
pas  exécutée,  mais  il  paraît  que  les  concerts 
symphoniques  n'auront  pas  lieu  non  plus. 
C'est  franchement  pénible  :  on  trouve  bien 
des  millions  pour  des  attractions  souvent  bêtes 
à  pleurer,  et  pour  l'amusement  des  badauds. 
—  N'est-il  donc  pas,  au  sein  du  comité 
"  artistique  "  un  homme  suffisamment  enthou- 
siaste à  l'égard  des  choses  d'Art,  et  en  parti- 
culier de  la  Musique,  pour  mettre  au-dessus 
■de  toute  préoccupation  d'intérêt,  l'expression 
musicale  de  notre  peuple  .''  Celui-là  aurait  le 
geste  que  nous  attendons,  malgré  tout. 

Groupe  de  Bruxelles  de  la  S.  L  M. 
Devant  une  assistance  choisie,  où  sont  réunis 
les  "princes"  de  notre  critique,  grand  air 
austère  et  mine  grave,  ainsi  que  l'élite  de 
nos  musiciens,  M.  E.  Closson,  secrétaire  de 
la  section,  conservateur  adjoint  du  musée  du 
conservatoire,  parle  du  17®  siècle  musical,  et 
du  compositeur  gsintois  Loei/Iet,   (165 3- 1728) 


que  I  audition  nous  révèle,  par  trois  sonates, 
harmonisées  par  l'excellent  compositeur  Alex- 
andre Bêon,  avec  une  science,  un  tact,  une 
couleur  remarquables. 

Une  suite  pour  viole  de  gambe  et  clavecin, 
du  compositeur  parisien  De  Caix  d' Hervé  lois  ^ 
(17*^  siècle)  fut  aussi  fort  goûtée. 

M""'  Beon  tient  éminemment  le  clavecin, 
MM.  Van  Hout,  Delfosse  et  Boone  sont  tous 
trois  d'impeccable  artistes.  Bref  !  vif  succès, 
pour  les  organisateurs,  et  pour  les  interprètes, 
et  pour  la  jeune  section  S.  L  M. 

Concerts  :  au  Récital  Litvinne,  le  19  avril, 
à  la  grande  harmonie,  un  air  d'Alceste,  des 
lieder  de  Beethoven,  Fauré,  Moussorgsky,  et 
la  nuit  d'Isolde,  —  avec  le  concours  de  Paul 
Bazelaire,  virtuose  français  bien  connu,  et 
Lauweryns,  pianiste-accompagnateur. 

La  chanson  française^  du  XIP  et  XIX''  siècle, 
à  l'Université  Nouvelle,  par  Lucien  de  Clagny, 
de  l'Académie  de  Genève,  et  M"''  Luquiens, 
cantatrice. 

A  la  grande  Harmonie,  César  Thomson  se 
fait  applaudir  chaleureusement  un  fois  de  plus, 
devant  une  salle  bondée. 

La  groupe  des  compositeurs  donne  sa  troi- 
sième séance,  le  28  avril,  Salle  Patria,  avec  le 
concours  de  M^^"  Poirier,  MM.  Rasse,  Wilford, 
pianistes,  Samuel,  violoniste,  La  Chorale  Mixte, 
D''.  Marivoet,  et  la  Société  de  Musique  de 
Chambre  de  Bruxelles. 

Au  programme  :  Œuvres  de  Wilfordt, 
Frémolle,  Dupuis,  Samuel,  Rasse,  Jongen, 
Gilson  et  Dubois. 

Salle  Patria.,  le  25  avril,  récital  du  violoniste 
Schkohiick. 

Au  programme  :  Thomson-Tchaikowsky, 
J.  S.  Bach,  H.  W.  Ernst,  Pianiste  :  Gabriel 
Minet. 

Au  Conservatoire.  Dimanche  24  avril,  au- 
dition de  fragments  importants  de  Parsifal, 
avec  le  concours  de  M™®  Emma  Beauck,  la 
cantatrice  compréhensive  et  passionnée,  et 
Ernest  Van  Dyck,  l'éminent  créateur  wagné- 
rien.  Séance  d'un  art  très  élevé. 

ANVERS.  —  Opéra  Flamand.  —  "  U An- 
neau du  Nihelung  ", 


238 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


L'Opéra  flamand  a  donné,  avec  beaucoup 
de  succès,  la  célèbre  tétralogie.  Ce  qu'il  faut 
admirer  avant  tout,  et  j'en  félicite  notre 
Directeur  M.  Henrv  Fontaine,  c'est  d'avoir 
tenté  de  monter  une  œuvre  aussi  gigantesque, 
avec  ses  propres  pensionnaires,  sans  le  concours 
d'aucun  artiste  étranger.  La  tentative  a  réussi: 
un  théâtre,  encore  à  son  aurore,  ne  doit  exiger 
davantage.  Cet  effort  artistique  a  été  unani- 
mement apprécié. 

L'orchestre  sous  la  baguette  de  M.  Julius 
Schrey  est  mer\eilleux.  Une  scène  nouvelle, 
avec  des  décors  neufs,  un  éclairage  moderne 
et  coûteux,  avec  tous  les  effets  de  lumière 
voulus  (car  notre  Ville  d'Anvers,  pour  ce 
théâtre^  ne  regarde  pas  à  la  dépense)  a  la 
tâche  facile  pour  donner  un  cadre  riche  à  de 
pareils  ouvrages. 

Parmi,  les  interprètes,  quelques-uns  sont 
excellents,  d'autresmontrent  beaucoup  de  bonne 
volonté. 

C.  DE  Gers. 


ARLON.  —  Le  Concert  annuel  que 
VEcole  rie  A^uùqut-  donné  à  l'occasion  de  la 
distribution  des  prix  a  été  fort  intéressant.  On 
\  a  entendu  du  Mozart,  du  Beethoven,  du 
Gluck,  du  Rubinstein,  du  Weber,  du  Vieux- 
temps. 

D'exquises  Rondes  enfantines,  de  Jacques- 
Dalcroze,  ont  été  chantées  par  un  groupe 
d'enfants. 

I/avant-dernière  fête  intime  donnée  par 
"  La  JValhnc  "  a  permis  d'apprécier  deux 
jeiwies  talents  qui  se  faisaient  entendre  pour  la 
première  fois  sur  une  scène  publique  :  M"^ 
V.  Hûhn,  \'oix  claire  et  pure.  AL  P.  Henrion,. 
s'est  révélé  comme  un  bar\ton  à  la  voix 
puissante  et  chaude.  Il  se  propose,  nous  dit- 
on,  de  faire  des  études  au  Conservatoire  de 
Paris. 

Jacques  Dalcroze  à  /^Extension.  —  M.  Buvs- 
sens,  i''  prix  du  Conservatoire  Ro\al  de  Gand, 
est  venu  faire  à  l'Extension,  une  causerie  avec 
projectit)ns    lumineuses  et   auditions  musicaU-s 


COMPOSITIONS   DE  EDGAR  TINEL 


■ 

■ 

■ 

■ 

Nouvelles  ê 

ditions  revues  et  corrigées 

Op. 

1. 

Quatre  Nocturnes  à  une 

2.-       ■ 

■ 

Op.  11. 

Funt  Gesange  aus  N.  1  e- 

nau's    "  I.iediT  der   Sehn- 

Op. 

2. 

Trois  Morceaux  de  Fan- 
taisie pour  Piano  :  No.  1. 
Papillon.    2     Le   soir. 
3.  Adieu     .     .     .  complet     ,. 

2.— 

Op.  1 2. 

suclit   "  Moxlr  allim.  et  fl.» 

Een  krans  van  veertien 

oucl-vlaamsche    nijn- 

nellederen  (.texte  dam.' 

.    2. 

Op. 

3. 

Scherzo  en  ut  mineur  pour 
piano 

2. 

Op.  13. 

complet  net 

VIer     oud  -  vlaanische 

.    5. 

Op. 

4. 

Drie  LIederen  (texte  fl.l.    „ 

1.75 

di'lnkliederen  itcxie  (l.i 

Op. 

5. 

Quatre  Mélodies  ; 

1.  1.,'Aulomnc- 

2.  Chnrmanlc  Uo.se.     .     .      , 

3.  B<-l    Lnfant,  souris-moi  .     .. 

4.  L'Oracle  en   difaul.     .     .. 
idem       .     .     conipitl   net     .     .. 

1  . 

1.35 
0.85 
1  .OO 
2.50 

Op.  14. 

complet  net 

Au   piintenips,  cinq  mor- 
ceaux de  fantaisie  p  piano; 
1.  Hymne.  2.  Joie.  3.  Pen- 
tes fleurs  1...  4.  Ave  Maria 
5.  Dan.se  de  paysans      .     . 

.    2.50 
.    4. 

Op. 

6. 

Deux  Mélodies  : 

1 .  1  .'Aniii-lu9 

2.  Pourquoi „ 

1.35 
1.35 

Op.  17. 

Marche  exiraile  de  la  can- 
tate   ■•    Kl,.kke    Koeland    " 
pour  Piano  ii  4  mains     .     . 

.    2.50 

Op. 

7. 

1.  Impromplu-vnlic.  p.  piano     „ 

2.  Chnnuon,  pour  pinno   .     .     ., 

2.- 
1. 

MO'  che  p.  pinno  n  2  mjins 
Wfivnrslled  uil  de  caninir 

.    2. 

Op. 

8 

Sechs  Liecler  iind  Gesniig 

Mi-xlL-  allemand  >l  (Inniandl    .. 

3. 

Op.  H). 

■■  Klokke  Roeland  "       .      . 
Marche    Nuptiale     iwur 

.    1.35 

Op. 

'). 

Sonato  pour   piano      .    ne(     „ 

5. 

piano  il  4  m. lins    .... 

.    3. 

Op. 

10 

Schllflleder  von  iAfico/o.i 
l.rnnii   Hrxle  nllcm.  cl   fl  1     .. 

2. 

Le  Mois  do  Mal  la  Ma- 
rie i   Mrlo,l,e     .... 

,     1.35 

■ 

■ 

■ 

■ 

■ 

■ 

SCHOTT    FRÈRES,    Éditeurs  de  Musique  à   BRUXELLES 


L'ACTUALITK     MUSICALE 


209 


sur  Jacques  Dalcro/.c,  poète    et   compositeur. 
Toutes   ces   chansons  ont  été  dites  par  I\^. 
Ikiyssens,    avec    un    sentiment   très   juste    des 
nuances. 

CHARLEROI.  —  Musique  de  Chambre. 
—  Comme  toujours,  salle  comble  à  la  qua- 
trième séance  de  Musique  de  Chambre,  salon 
du  Grand  Hôtel  Gruber. 

Le  programme  débutait  par  une  pastorale 
de  G.  Pierné.  Suivait  le  concerto  en  do  majeur 
d'Haydn  pour  violon  et  piano  qui  fut  bien 
joué  par  M.  Joan  Frigola  :  ce  jeune  violoniste 
espagnol  a  de  l'étoffe,  il  possède  le  mécanisme 
de  son  instrument  mais  doit  travailler  l'inter- 
prétation des  maîtres. 

Le  morceau  de  résistance  fut  sûrement 
"  Chanson  et  Danses  de  V.  d'Yndy  ".  Quelles 
sonorités  !  quels  rythmes  !  quelle  richesse  ! 
Toute  banalité  est  proscrite  de  cette  pièce 
qui  fut  loin  de  plaire  à  la  majorité  de  l'auditoire. 
Mon  voisin  d'en  face  se  démenait  comme  un 
diable  sous  les  effluves  de  cette  musique  trop 
riche. 

Survint  heureusement  le  virtuose  espagnol 
qui  nous  donna  la  "  Jota  Aragonesa  de  P.  de 
Sarasate  et  autres  inepties  acrobatiques,  en 
supplément.   La  face  du  voisin  s'est  épanouie  ! 

Le  septuor  de  Thuille  pour  flûte,  hautbois, 
clarinette,  basson,  cor  et  piano  terminait 
dignement  cette  soirée. 

L'interprétation  des  morceaux  d'ensemble 
n'a  rien  laissé  à  désirer  et  nous  pouvons  affirmer 
que  nous  possédons  à  Charleroi  une  pléiade 
d'artistes  remarquable.  Nous  devons  féliciter 
M.  J.  Quinet  de  l'initiative  qu'il  a  prise  en 
instituant  ces  séances.  Franz  Ruty. 

LIEGE,  15  avril  1910.  . —  Le  second 
concert  du  Conservatoire,  dont  le  programme 
était  uniquement  consacré  à  César  Franck, 
n'a  guère  réalisé  l'idéal  de  l'interprétation  de 
ce  maître.  De  malencontreuses  coupures  sé- 
paraient Psyché.  Les  trois  Béatitudes  inscrites 
au  programme,  ont  pâti  d'une  lenteur  et  d'une 
froideur  d'exécution  décourageantes. Les  chœurs 
seuls  étaient  bien  stylés  (par  MM.  Debefve 
et  Delsemme). 


A  la  dernière  audition,  on  a  entendu  avec 
intérêt  la  symphonie  op.  26  en  ut  majeur 
de  M.  J^éon  Delcroix  :  l'orchestration  en 
est  riche,  elle  évoque  le  drame  lyrique. 
L'œuvre  en  entier  témoigne  d'un  excellent 
musicien,  rompu  à  la  technique  de  son  art.  — 
Le  mélodrame  Christine  de  M.  Gustave 
Huberti  a  laissé  plutôt  froid,  mais  on  a  applaudi 
vigoureusement  cette  page  courte  et  prenante: 
le  songe  de  Pauline,  tirée  du  Polyeucte  de  M. 
Edgar  Tinel.  —  Enfin,  le  concerto  de  piano 
de  M.  Cari  Smulders,  très  artistement  rendu 
par  M.  Maurice  Jaspai,  a  obtenu  un  grand 
succès. 

Nous  ne  citerons  que  pour  mémoire  une 
audition  de  l'intéressante  cantatrice,  M"''  Reine 
Davanzi,  et  ma  conférence  sur  la  naissance 
du  style  musical  moderne,  donnée  dans  un 
but  de  simple  vulgarisation  à  V Amicale  de 
l'Ecole  Moyenne. 

Depuis  le  l'' janvier,  la  Société  de  Musicologie^ 
dont  le  premier  acte  a  été  de  s'affilier  à  la 
Société  Internationale  de  Musique.,  tient  régu- 
lièrement ses  séances  et  bon  nombre  de  com- 
munications intéressantes  y  furent  faites.  La 
S.  M.  compte  une  trentaine  de  membres  et 
s'occupe  spécialement  d'études  locales.  Elle  a 
reçu  des  encouragements  des  autorités  liégeoises 
et  tout  fait  prévoir  que  ses  travaux  en  cours 
jetteront  quelque  clarté  sur  l'histoire  de,  la 
musique  à  Liège,  histoire  plus  riche  que  l'on 
ne  pourrait  l'imaginer  de  prime  abord.  Le 
bureau  de  la  S.  M.  est  composé  comme  suit  : 
Président,  M.  le  D''  Jorissenne  ;  Vice-prési- 
dents, MM.  Jules  Ghymen  et  le  D'"  Dwels- 
hauwers  ;  Secrétaire,  M.  Alexis  ;  Trésorier, 
M.  Henry  Dabin  ;  Archiviste,  M.  Jean 
Dabin.  Le  siège  de  la  Société  se  trouve  45, 
rue  de  l'Université,  à  Liège. 

D'"  DWELSHAUWERS. 

MONS.  —  Grand  Concert,  le  24  avril 
dernier,  en  la  Salle  du  Théâtre,  avec  le  con- 
cours de  MM.  L.  Capet,  violoniste,.  Cluytens, 
pianiste.  M""'  Bernard,  harpiste,  et  des  sociétés 
chorales  de  Flénu  et  Mons  :  "Art  et  Agré- 
ment", "Roland  de  Lassus  ".  —  D''^M. 
Lexin. 


2IO 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


ARLON.  —  Un  concours  mnsical.  —  Habay- 
la-Neuve,  ce  joli  coin  de  villégiature  arden- 
naise,  organise,  pour  le  5  Juin  prochain,  un 
festival  avec  concours  de  défilé.  Une  vingtaine 
de  sociétés  ont  déjà  envoyé  leur  adhésion. 

La  société  d'agrément  "  La  Wallone  ", 
d'Arlon,  avait  fait  appel,  pour  son  concert  du 
16  Avril  dernier,  à  deux  brillants  artistes 
liégeois  :  MM.  Paul  Scheepers,  ténor  Solo  de 
la  Royale  Legia^  et  Gérard  Delhasche,  Chan- 
teur Comique  Wallon  du  Théâtre  de  la 
Renaissance,  surnommé  le  Dranem  Liégeois. 
Leur  succès  a  été  très  grand. 

A  cette  soirée,  on  a  entendu  également  une 
jeune  artiste  d'Arlon,  aussi  modeste  qu'extraor- 
dinairement  douée  :  M"*^  Léa  Waldbillig,  vio- 
loniste, l""  prix    du  Conservatoire  de  Liège. 

Elle  a  joué  avec  un  art  parfait  l'admirable 
Fantasia^  de  Vieuxtemps. 

M"''  Spierttel,  professeur  à  l'Ecole  de  musi- 
que d'Arlon,  organise  pour  le  5  juin  prochain, 
un  concert  dont  Grieg  et  Debussy  surtout 
feront  les  frais. 

Cela  promet   une   intéressante   soirée   d'art. 


Étranger 

AMÉRIQUE.  —  L'Amérique  est  en  ce 
moment  en  proie  à  une  crise  d'opéra.  Les  deux 
opéras  de  New  York  et  celui  de  Boston  jouent, 
en  dehors  de  leurs  villes  respectives  dans  toutes 
les  villes  où  ils  peuvent  espérer  un  public  : 
Philadelphie,  Chicago,  Pittsburg,  St.  Louis, 
Cincinnati,  Washington,  Haltimorc. 

En  attendant  qu'elles  s'unissent,  les  deux 
houses  de  New  York  se  dédoublent  encore.  Le 
métropolitan  joue  simultanément  l'opéra  au 
métropolitan  et  l'opéra  comique  au  New 
Théâtre,  un  ex(|uis  nouveau  théâtre  de  comé- 
die où  l'on  donne  deux  représentations  lyriques 
par  semaine  et  un  concert  symphonique  le 
Dimanche. 

Hammrrstfin,  l'aitif  Ostar,  fait  construire 
une  salle  de  théâtre  sur  le  toit  de  son  Man- 
hattan opéra  housc  et,  dans  quelques  semaines 
lorsque  sa   troupe    d'opéra-comique  et  d'opé- 


rette sera  revenue  du  Canada  où  elle  est  alL 
chercher  un  succès  que  New  York  lui  refu- 
sait l'intrépide  manager  tentera  à  nouveau 
répreuve  et  jouera  la  Mascotte  sur  le  toit  et 
Tannhaiiser  en  dessous. 

Ce  Tannhauser  chanté  en  français  avait  \u\ 
peu  inquiété  les  New  Yorkais  ;  car  si  ceux-ci 
acceptent  des  Butterfi\'  en  anglais,  di.-^ 
Mignon  ou  Faust  en  Italien,  des  Carmen  avec 
des  chœurs  en  Italien,  et  des  Trovatare  avec 
des  râles  en  Allemand  ;  ils  deviennent  tout  à 
coup  minutieux  à  l'endroit  de  leur  idole 
populaire  Richard  Wagner  et  ne  prévoient 
pas  que  Taiinhaiiscr  puisse  se  Franciser,  fût-ce 
le  Tannhauser  de  la  version  de  Paris.  Il  faut 
reconnaître  d'ailleurs  qu'à  la  première  toutes 
ces  préventions  ont  disparu  devant  une  très 
bonne  interprétation  dont  Renaud  fut  l'étoile 
avec  sa  Romance.  Ceci  est  une  nouvelle  preuve 
de  l'extrême  bonne  volonté  du  public  améri- 
cain :  s'il  a  des  préjugés  il  sait  les  oublier  pour 
se  rendre  à  l'évidence. 

Le  même  Manhattan  annonce  pour  bientôt 
Elektra,  puis  Aphrodite,  Monna  Vanna.  Cela 
fera  une  diversion  à  l'avalanche  d'opéras  de 
Massenet  joués  depuis  le  début  de  la  saison 
dans  les  2  opéras  :  Manon,  Werther,  Thaïs, 
Sapho,  Hérodiade,  Griselidis,  le  Jongleur. 

Enfin  la  Presse  s'étant  un  peu  inquiété  de 
cette  Massenepidémie,  on  revient  à  Faust 
a\ec  Gardcn,  Carmen  avec  Cavalieri,  Orphée 
avec  M""  Homcr,  puis  l'on  reprendra  Hansel 
et  Gretel,  la  Fiancée  Vendue  et  les  Contes 
d'Hoffmann. 

Avant  d'en  finir  a\ec  les  opéras  je  tiens  à 
signaler  les  représentations  de  la  fille  de  Mme 
Angot  avec  E.  Clément  ;  et  une  reprise 
d'un  vieil  opéra  comique  allemand  de  l^irtzing, 
Czar  et  Charpentier  i|ui  avec  Werther  (Clé- 
ment, Farrar,  Gilles)  Don  Pasquale  (Honci) 
forment  le  principal  liu  répertoire  de  ce  New 
Théâtre  déjà  cité. 

Ne  crove/,  que  cette  axalanche  île  représen- 
tations lyricpies  ;  (j'en  ai  compté  b  en  6  jours) 
soit  le  seul  élément  musical  de  New  "h'ork. 
Les  concerts  s\  inplioiiiiiues  ont  aussi  leur 
clientèle  assiilue. 

Les  deux  pi  iiiciiiales  organisations  qui    rap- 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


21  I 


pellent  assez  Colonne  et  Lamoureux  tant  par 
leurs  programmes  que  par  leur  bienfaisante 
rivalité  sont  la  New  York  Symphony  Society 
dirigée  par  Walter  Damrosch  et  la  New  York 
Philharmonie  Society  réorganisée  cette  année 
et  confiée  à  la  baguette  de  Gustav  Malher. 

D'autres  orchestres  symphoniques  donnent 
également  des  séries  de  concerts.  La  plus 
importante  après  celles  citées  plus  haut  est  la 
Russian  Symphony  Society  dont  l'actif  chef 
M.  Modest  Atschuler  consacre  exclusivement 
ses  intéressants  programmes  à  la  musique 
Russe.  Viennent  ensuite  l'orchestre  Valpe  qui 
joua  la  symphonie  de  Franck  dernièrement  ; 
et  les  concerts  populaires  conduits  par  F.  Arens. 
De  plus  la  Boston  Symphony  donne  à  New 
York  10  concerts  par  an  sous  la  direction  de 
son  chef  Max  Fiedler. 

Enfin  les  2  opéras,  ne  pouvant  donner  de 
représentations  défendues  par  la  loi,  donnent  le 
dimanche  soir  des  concerts  de  chanteurs  où 
parfois  est  exécuté  une  pièce  symphonique 
importante. 

La  musique  de  Chambre,  moins  favorisée 
ne  se  débat  pas  moins  contre  cette  terrible 
concurrence  d'opéras  et  de  symphonies.  Le 
Quatuor  Kneisel  donne  des  auditions  mo- 
dèles et  est  la  seule  organisation  de  ce  genre 
qui  fasse  régulièrement  salle  comble.  D'autres 
groupes  méritent  d'être  cités  :  le  Quatuor 
Flonzaley  ;  le  Philharmonie  Trio,  le  Mar- 
quilies  Trio,  etc. 

Enfin  la  Musical  Art  Society,  chœurs  d'ar- 
tistes professionnels,et  l'Oratorio  Society,  chœur 
de  500  exécutants  donnent  aussi  leurs  auditions 
sous  la  direction  de  Frank  Damrosch. 

La  Musical  Art  Society  ne  donne  que 
deux  concerts  par  saison,  où  se  rencontre  tout 
ce  que  New  York  connait  d'élégance  musicale. 
Le  programme  du  i'^''  concert  débutait  par 
une  suite  de  Six  Ave  Maria  exécutés  dans  un 
ordre  quasi  chronologique  Palestrina,  Vittoria, 
Arcadelt,  Liszt,  Franck,  Mendelssohn. 

Ici,  comme  en  France,  la  musique  comporte 
une  large  part  de  snobisme.  La  différence 
qui  existe  ici  est  cependant  à  l'avantage  du 
public  américain.  S'il  a  parfois  des  naïvetés  qui 
permettent  d'accepter  sur  un  programme  des 


voisinages  paradoxaux,  il  découle  de  ces 
naïvetés  même  un  éclectisme  d'assez  bon  aloi 
et  dépourvu  de  ces  partis  pris  si  fréquents  dans 
la  "  haute  société  musicale  parisienne.  "  Je 
connais  de  ces  milieux  à  Paris  où  le  seul  nom 
de  Mendelssohn  provoque  presque  des  nausées. 
Ici  le  tnusic  love?-  aime  Mendelssohn  franche- 
ment et  sans  arrière  pensée.  Son  Ave  Maria, 
chanté  avec  enthousiasme,  fut-  acclamé  de 
même  ;  et  ce  fut  justice. 

A  ce  même  concert  les  3  chansons  de 
Ch.  d'Orléans  musiquées  par  Debussy  ont  été 
bissées.  Elles  furent  le  point  culminant  de  ce 
très  intéressant  programme  avec  deux  chœurs 
de  Brahms  avec  soli  et  orchestre  :  Rhapsody 
et  Nâmè. 

Le  nom  de  Debussy  a  d'ailleurs  ici  la  même 
influence  magnifique  qu'à  Paris  entre  le 
Châtelet  et  la  salle  Gaveau. 

M.  Walter  Damrosch,  de  retour  de  sa 
tournée  de  jubilé  (25  ans  de  sa  carrière  de  chef 
d'orchestre)  annonce  un  concert  complet  de 
Debussy  :  L'Après-midi,  —  les  Nocturnes,  — 
marche  Ecossaise,  —  etc. 

Les  virtuoses  sont  toujours  légion.  Ils  sont 
trop  connus  des  deux  continents  pour  qu'il  soit 
utile  de  mentionner  leurs  succès,  leurs  noms 
suflRsent  en  voici  quelques  uns  : 

M'^^^  Carreno,  MM.  Rachmaninoff,  Mischa 
Elman,  Kreisler,  Busoni,  j'ai  entendu  dire  que 
ce  dernier  avait  proposé  la  formation  d'une 
ligue  contre  l'abus  des  concerts,  je  suis  sur 
qu'il  acceptera  quelques  exceptions;  ne  serait 
ce  que  pour  les  récitals  de  piano  !  !  !  ! 

George  Barrère. 

LONDRES.  —  "L'Enfant  Prodigue," 
scène  lyrique  de  Claude  Debussy,  vient  d'être 
représenté,  avec  grand  succès,  au  Royal  Opéra 
Covent  Garden,  sous  la  remarquable  direction 
orchestrale  de  M.  Percy  Pitt  et  on  annonce 
une  reprise  de  "  Pelléas  et  Melisande.  " 

PAYS  DE  GALLES.  —  Pour  la  première 
fois  à  la  fête  de  Saint  David  patron  du  pays 
de  Galles,  qu'on  célébrait  à  l'University  Col- 
lège d'Aberystwyth  un  programme  presque 
entièrement  consacré   à   la  musique  française 


LEO  OLSCHKI 

FLORENCE   Lungamo   Acciaioli   4. 
LIBRAIRIE  ANCIENNE 


Puici  (Luigii,   Di iadcs  d'umorc  s  a. 


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L'ACTUALITE    MUSICALE 


213 


a  ctc  donne.  La  Danse  Macabre  et  le  ]-*iélucle 
du  Déluge  de  Saint  Saëns  ;  la  Nuit  de  Rey- 
naldo  Hahn  exécutée  avec  beaucoup  de  déli- 
catesse par  un  Octuor  Vocal  ;  le  Renouveau 
de  Jean  Hubert  chanté  par  Madame  André 
Barbier  ;  une  sonate  d'Aubert  frère  et  une 
Berceuse  pour  violon  de  Février  interprétée 
par  M.  Tom  Williams. 

Ces  (fuvrcs  toutes  inconnues  de  l'auditoire 
furent  povu'tant  chaudement  accueillies.  C'est 
un  premier  pas  qui  nous  fait  espérer  beaucoup 
pour  la  propagation  de  notre  art  musical 
'français  dans  un  pays  où  jusqu'à  présent  la 
musique  allemande  avait  seule  pénétré. 

L.  A.  B. 


VARSOVIE.  —  A  part  nos  concerts 
habituels,  qui  apportent  toujours  des  nouveau- 
tés symphoniques  très  intéressantes  [Poëme 
d^ extase  de  Scriabine,  Boleslas  le  Hardi  de 
Rozycki  jeune  compositeur  polonais  d''un 
talent  remarquable),  l'événement  le  plus 
important  de  la  saison  était  le  centenaire  de 
la  naissance  de  Chopin.  Le  22  février  fut  un 
jour  de  fête  pour  Varsovie  :  le  matin  messe 
solennelle  célébrée  à  l'église  de  la  St. -Croix 
(où  gît  le  cœur  de  Chopin),  le  soir  grand 
concert  à  la  salle  de  la  Philharmonique.  Après 
le  discours  de  Mr.  Opienski,  qui  dans  des 
termes  chaleureux  caractérisa  l'importance 
de  la  musique  de  notre  génie  national,  qui  a 
su  être  un  génie  universel,  aux  sons  de  la 
Polonaise  en  la  majeur  —  toute  la  salle 
debout  —  les  nombreuses  couronnes  portées 
par  les  délégations  ont  été  déposées  au  pied  du 
buste  de  Chopin,  qui  dominait  l'estrade  en- 
touré de  verdure.  Moment  d'émotion  et  d'en- 
thousiasme poignant  !  Le  concert  en  mi 
exécuté  par  Mr.  Melcer,  la  sonate  pour  violon- 
celle et  piano  ainsi  que  les  mélodies  de 
Chopin  chantées  par  Mr.Brzezinski  et  le  beau 
poëme  de  C.  Norwid'  ont  suivi.  Au  nombre 
des  grands  succès  de  la  saison  il  faut  signaler 
le  concert  de  M°"^  Wanda  Landowska  qui 
après  sa  tournée  en  Russie  s'est  fait  entendre 
une  seule  fois  à  Varsovie  dans  des  oeuvres  de 
Bach,  de  Mozart,  Rameau  Çouperin,  etc. 


VIENNE.  —  Je  me  hâte  de  vous  signaler 
le  succès  de  l'opéra  de  Julius  Bittner,  Der 
Mnslkant^  dont  je  vous  parlerai  en  détail  dans 
une  lettre  prochaine.  C'est  une  sorte  de 
Louise  viennois,  avec  une  description  de  la  vie 
bourgeoise.  Le  premier  acte  se  passe  à  Paris, 
de  manière  à  former  contraste. 

La  Section  de  Vienne  a  réuni  ses  membres 
pour  entendre  M""''*  Landowska,  Cahier,  et 
M.  A.  Rosé,  dans  des  œuvres  de  J.  S.  Bach. 

Le  premier  concert  organisé  par  le 
"  Merker  "  a  eu  lieu  le  19.  Au  programme, 
des  œuvres  de  Bruno  Walter  et  de  J.  Bittner. 

Le  24,  grande  manifestation  en  présence 
de  l'Empereur  et  de  toute  la  cour,  pour 
célébrer  le  jubilé  de  la  Philharmonique.  Sous 
la  direction  de  Weintgartner  :  le  Te  Deum 
de  Bruckner  et  la  Neuvième.  Puis  grande 
réception  à  l'Hôtel  de  Ville,  et  remise  solen- 
nelle de  la  Médaille  d'or  à  la  Philharmonique, 
par  le  Maire,  au  nom  de  l'Empereur.  Déléga- 
tions, toasts,  jubilation,  etc.. 

ESPAGNE.  —  A  Bilbao,  grand  concerj: 
annuel  de  l'Académie  de'  musique.  Puis  Rosé". 
—  A  Oviedo,  Emil  Sauer.  —  A  Cadix,  exé- 
cution du  Stabat  de  Antonio  Maqueda,  qui 
mourut  maître  de  chapelle  de  la  Cathédrale 
de  Cadix  en  1905,  à  95  ans, 

LEIPZIG.  —  Les  dernières  œuvres  de 
M.  Max  Reger  sont  bien  faites  pour  lui  attirer 
un  nombre  d'admirateurs  toujours  plus  grand 
et  toujours  plus  convaincus.  Le  Tsaume  lOO' 
eut  sa  première  exécution,  presque  simultané- 
ment, à  Breslau  et  à  Chemnitz,  ici  sous  la 
direction  de  l'auteur,  dans  l'église  Saint  Luc,, 
le  jour  de  la  pénitence  nationale  en  Saxe.  Ce 
n'en  fut  pas  une  pour  les  auditeurs.  L'œuvre 
s'intitule  poème  musical  (Tondichtung)  pour 
chœur,  orgue  et  orchestre,  et  démontre  une 
fois  de  plus  combien  l'auteur,  dans  ses  travaux 
de  grande  envergure,  est  un  maître  de  la 
forme  en  même  temps  qu'un  musicien  pro- 
fondément inspiré.  Ce  n'est  pas  qu'il  se  plie  à 
des  règles  étroites,  ou  s'astreigne  à  suivre  une 
théorie  préconçue.  Il  se  permet  au  contraire 
de  faire   le   philosophe  et  de  mêler,  à  son  idée^ 


214 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


sa  \  oix  à  celle  du  Psalmiste,  tout  en  érigeant 
une  architecture  d'une  magnifique  stabilité. 
Cet  opus  io6  se  compose  de  trois  parties  :  la 
première  de  louange  et  de  cris  de  joie  ;  la 
seconde  toute  de  douceur  et  d'humilité  ;  et  la 
troisième  d'exaltation,  éclate  en  une  double 
fu2;ue  qui  s'enfle  et  monte,  monte  à  de  telles 
hauteurs  qu'elle  s'arrête  comme  hésitante, 
prise  de  doute...  Alors,  des  profondeurs  des 
trombones,  le  compositeur  proclame  :  E'in 
feste  Burg  is  ufiscr  Gott  !  et  le  ch(Eur  reprend 
et  achève  dans  les  transports  de  la  joie  con- 
fiante. —  L'opus  107  n'est  qu'une  sonate 
pour  clarinette^  la  troisième  (exécutée  par 
Bading  au  Gervandhaus),  un  chant  de  navrante 
désolation  qui  épuise  et  exagère  peut-être  le 
caractère  spécial  de  l'instrument  ;  l'auteur  y 
module  moins  incessamment  que  d'ordinaire, 
ses  harmonies  y  ont  plus  de  calme  ;  le  succès 
a  été  très  marqué.  —  L'op.  I  lO,  n"  l,  exécuté 
par  le  chœur  de  l'église  de  la  Croix  à  Dresde 
a  produit  une  grande  impression  :  c'est  un 
motet  à  cinq  voix,  Mon  souffle  est  faible^  d'une 
écriture  orchestrale  sans  égard  pour  les  chan- 
teurs, mais  d'une  intensité  de  sentiment  reli- 
gieux et  d'une  puissance  que  l'on  compare 
directement  à  Bach. 

M.  M. 

MUNICH.  —  Aux  grandes  œuvres  les 
grands  orchestres  ;  aux  grands  orchestres  les 
vastes  salles.  Munich  n'en  avait  pas  encore 
pour  les  fêtes  musicales  de  l'été  prochain,  elle 
l'a  fait  construire  par  l'excellent  architecte 
Theod.  Fischer  dans  une  des  halles  d'exposi- 
tion de  l'an  dernier.  L'épreuve  acoustique  a 
donné  le  résultat  le  plus  satisfaisant. 

La  salle  est  en  amphithéâtre  et  en  1er  à 
cheval  ;  le  parquet,  les  stalles,  les  loges  et  les 
galeries  pourront  contenir  plus  de  3500  per- 
sonnes. 1 /'estrade  donne  place  à  un  orchestre 
de  I  50  instrumentistes  et  sur  les  grailins  qui 
montent  jusqu'à  la  tribune  de  l'orgue  pourront 
se  poster  des  chœurs  de  800  chanteurs. 

C'est  Ici  qu'auront  lieu  les  Concerts  de  la 
Semaine  Strauss;  les  12  concerts  du  cycle 
Beethoven-Brahms-Hruckner  que  dirigera  M. 
P'erd.  Lœwe  les  5,  H,  10,  13,  17,  19,  22,  24, 


27  et  31  août,  les  2  et  4  septembre  ;  l'exécu- 
tion de  la  VHP  de  G.  ^'lahler  et  d'autres 
festivals  d'une  non  moindre  importance. 

On  y  donnera  aussi  l'opérette,  et  les  Lehar, 
les  A.  Strauss,  les  Léo  Fall,  le  maître  clas- 
sique de  la  valse  viennoise  CM.  Fiehrer, 
viendront  y  prendre  la  baguette.  Pour  les 
représentations,  l'orchestre  descendra  dans 
l'abîme  ménagé  en  avant  et  en  contre-bas  de 
l'estrade. 

La  musique  vocale  est  relati\ement  négligée 
à  Munich.  Il  existe  bien  une  cinqua?itaine  de 
chorales,  mais  quoiqu'il  soit  touchant  de  les 
entendre  gra\  ement  répéter  dans  les  salles  de 
brasseries  et  de  restaurants,  jusque  tard  le  soir, 
en  manière  de  repos  après  les  besognes  de  la 
journée,  ces  diverses  associations  d'employés, 
d'artisans  ou  d'ouvriers,  sont  tout  juste  capa- 
bles de  chanter  une  grand'messe  ou  de  figurer 
aux  fêtes  des  corporations. 

Pour  le  chant  artistique,  il  n'y  a  guère  que 
le  Chorschulvercin  que  dirige  depuis  bientôt 
trente  ans,  l'organiste  de  la  Cathédrale  M. 
Eugène  Wœhrie  ;  la  Société  de  chant  des  Insti- 
tuteurs (Lehrergesangverein)  président  M.  G. 
Friedrich,  inspecteur  scolaire  ;  la  Socit'tt^  aca- 
démique de  chant  et  la  Société  pour  les  Concerts 
de  musique  chorale  (Konzertgesellschaft  filr 
Chormiisik)  fondée  et  dirigée  par  M.  Ludwig 
Hess  qui  la  soutient  de  son  triple  prestige  de 
chanteur,  un  des  ténors  les  plus  artistes  de 
l'Allemagne  actuelle,  de  compositeur  et  de 
Kapellmeister. 

Une  nouvelle  Société,  récemment  créée  par 
M.  Jan  Ingenhoven,  est  venue  combler  une 
lacune  en  se  proposant  a\ant  tout  d'exécuter 
la  musique  vocale  n  capel/a,  ancienne  et  mo- 
derne. Bien  qu'à  l'exemple  du  double  Quatuor 
Bartli,  elle  s'intitule  Madrigal-l'ereinigung^ 
elle  ne  se  privera  pjis  d'exécuter  également 
des  œuvres  avec  accompagnement  d'instru- 
ments, sinon  précisément  d'orchestre  ;  le 
nombre  de  ses  membres  lui  permettra  de  ne 
pas  se  limiter  aux  chœurs  mixtes,  mais  de 
s'attaquer  aussi  aux  (vu\res  plus  rares,  écrites 
pour  voix  (le  femmes  ou  d'hommes  seules. 
Ces  membres,  dont  plusieurs  ont  iléjà  une  ré- 
putation   de    solistes,     sont  :    M'"""    Béatrice 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


215 


Brehm,  Doris  Friess-Lanquillon,  Dora  Utz 
(premiers  soprani)  ;  Else  Lauter,  Nelsa  Rudolf 
(2'^^  soprani)  ;  Marie  Henke,  Thila  Kœnig, 
Aime  Pœhn,  Marthe  Schaiim-Haussman 
(altos)  ;  MM.  Ant.  Schlosser,  Ludw.  Renner 
(ténors)  ;  Herbert  Mayer,  Hans  Werner, 
Koffka  (basses). 

De  nouveaux  impôts  sont  entrés  en  vigueur 
et  c'est  le  première  fois  qu'on  en  lève  un  sur 
les  divertissements  publics;  il  frappe  indiffé- 
remment mais  très  inégalement  les  théâtres, 
Les  concerts  et  les  brasseries  qui  entretiennent 
quelques  musiciens  populaires. 

Aux  théâtres  de  la  Cour  l'impôt  sera  de 
10  pfennig  sur  les  places  de  plus  de  2  mark 
à  5  mk  ;  de  20  pf.  pour  celles  de  5  à  12  mk  ; 
de  40  pf.  au-dessus  de  12  mk.  Cependant  les 
deux  places  bon  marché,  dont  le  prix  ne  dé- 
passe pas  3  mk,  demeureront  exemptes  d'im- 
pôt. Dans  les  autres  théâtres  de  la  ville,  où  le 
prix  des  places  est  bien  plus  bas,  il  sera  déjà 
prélevé  5  pf.  sur  les  billets  de  i  à  2  mk. 

Pour  les  concerts  le  droit,  que  prélève  la 
municipalité,  qui  doit  ici  aussi  aller  aux 
pauvres,  est  fixé  d'après  le  prix  des  billets, 
mais  il  peut  être  prélevé  sur  la  recette  brute 
ou,  en  bloc,  sur  une  recette  maximum  fictive. 
D'où  mécontentements. 

Pour  les  brasseries  et  restaurants  c'est  encore 
pire  :  le  droit  pèsera  jusque  sur  les  billets 
d'entrée  à  50,  30  et  20  pf.,  à  raison  de  5  pf. 
par  billet. 

M.  M. 

SAINT-GALL.  —  Pour  le  concert  où 
elle  vient  d'exécuter  la  Création  d'Haydn,  la 
Société  des  chanteurs  "  Frohsinn  "  a  joint  à 
son  programme  le  fac-similé  de  celui  de  la 
première  audition  de  l'œuvre  :  Vienne,  au 
Théâtre  de  la  Horburg,  le  19  mars  1799.  La 
note  qui  l'accompagnait  ne  manque  pas  de 
charme. 

"  Rien  ne  peut,  pour  Haydn,  être  plus 
flatteur  que  les  applaudissements  du  public. 
Les  mériter  a  toujours  été  son  désir  le  plus 
vif,  et  il  a  déjà  eu  souvent,  plus  même  qu'il 
n'aurait  osé  se  le  promettre,  le  bonheur  de  les 
obtenir.   Il  espère  cette  fois  encore,   trouver  à 


l'égard  de  l'œuvre  annoncée,  la  même  bien- 
veillance qu'il  a  rencontrée  jusqu'ici  pour  son 
réconfort,  avec  reconnaissance.  Cependant  il 
désire  encore,  au  cas  où  le  succès  aurait 
l'occasion  de  se  manifester,  qu'il  lui  soit 
permis  de  le  considérer  certes  comme  un 
témoignage  très  précieux  de  satisfaction,  mais 
non  comme  l'ordre  de  recommencer  l'un  des 
morceaux,  parce  qu'ainsi  l'exacte  union  des 
diflPérentes  parties,  dont  la  suite  ininterrompue 
doit  produire  l'effet  d'ensemble,  serait  néces- 
sairement détruite  et  par  conséquent  le  plaisir, 
dont  une  réputation  peut-être  trop  favorable 
aurait  provoqué  l'attente  chez  le  public,  se 
trouverait  sensiblement  diminué  i^ 

BUCAREST.  —  Le  XVIP  concert  sym- 
phonique  populaire,  consacré  presque  en  entier 
aux  compositeurs  allemands,  "  eut  le  don  de 
modifier  l'opinion  du  plus  grand  nombre  sur 
la  production  musicale  moderne  en  Allemagne." 
La  IV^  symphonie  de  Bruckner,  qui  paraissait 
pour  la  première  fois  aux  programmes  de 
l'orchestre  officiel,  n'y  reviendra  pas  de  sitôt  : 
sa  salle  archi-pleine  s'est  positivement  mor- 
fondue pendant  cette  heure  et  dix  minutes 
d'une  musique,  intitulée  on  ne  sait  pourquoi 
"  romantique  ".  Par  bonheur,  une  autre  com- 
position, au  fond  vraiment  romantique,  pleine 
d'idées  traitées  avec  le  lyrisme  nécessaire, 
ouvrait  le  séance  :  le  Retour  de  V étranger^  de 
Mendelssohn.  Puis  une  cantatrice,  M™^  Rosina 
Blan-Steiner,  a  fait  bonne  impression  avec  le 
rêve  d'Eisa,  des  lieder  de  Schubert,  de  Brahms. 
Enfin  le  succès  bruyant  fait  à  la  Suite  de 
V Arlèsienne^  la  11%  a  bien  prouvé  le  goût 
général  pour  une  musique  moins  lourde  et 
sans  prétention. 

Deux  festivals  Wagner  dirent  assez  combien 
on  est  arrivé  à  apprécier  le  grand  compositeur 
dramatique.  Le  XIX**  concert  symphonique 
à  son  tour  fut  consacré  aux  maîtres  français  : 
Berlioz,  Saint-Saëns  :  concerto  en  sol  mineur, 
exécuté  avec  une  rare  entente  musicale  par  le 
jeune  pianiste,  d'ailleurs  retour  de  Paris, 
M^^®  Cella  Delavrancea.  Mais  il  faut  surtout 
retenir  un  nom  nouveau,  celui  de  M.  Nonna 
Otescu,  sorti   du  conservatoire   de  Bucarest  : 


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L'ACTUALITE    MUSICALE 


2  I 


7 


sa  suite  symphonique,  le  Temple  de  Cnide,  dont 
M.  Diniescu  a  donné  un  fragment,  fait  espérer 
un  véritable  talent  musical  ;  il  est  en  possession 
d'un  métier  déjà  sûr. 

A  enregistrer  encore  l'apparition  d'une 
violoniste  bien  douée  et  très  exercée,  M"*^  Val. 
Crespi,  et  le  succès  du  quatuor  d'instruments 
anciens  qui  a  su  faire  apprécier  aux  Bucares- 
tois,  cependant  peu  familiers  avec  le  musique 
ancienne,  le  charme  désuet  de  pièces  qui  ont 
aujourd'hui  comme  uiî  accent  de  musique 
populaire. 

M.  M. 

BARCELONE.  —  La  Direction  du 
'Palau  de  la  Mmica  Catalana  [Orfeo  Català\ 
vient  d'offrir  au  public  Barcelonais,  8  grands 
concerts.  Le  succès  en  a  été  extraordinaire. 
La  première  moitié  de  ces  concerts  a  été 
dirigée  par  Franz  Beidlerj  de  Bayreuth,  et  les 
4  derniers  par  Volkmar  Andrée,  de  Zurich. 
Les  programmes  ont  tous  été  on  ne  peut  plus 
éclectiques  et  les  nouveautés  n'y  ont  pas 
manqué. 

La  seconde  symphonie  de  Mahler  a  été 
donnée  3  fois  et  son  final  avec  chœurs  (d'un 
effet  aussi  sûr  !),  a  été  acclamé  avec  enthou- 
siasme. Max  Reger  (et  c'est  naturel  !)  n'a  pas 
été  aussi  vite  compris. 

Taolo  e  Francesca^  de  Granados,  représente, 
à  n'en  point  douter,  un  bien  bel  effort  dans 
la  carrière  de  compositeur  de  cet  exquis 
pianiste.  Sa  pâte  orchestrale,  si  nous  pouvons 
ainsi  nous  exprimer,  est  devenue  plus  riche, 
plus  savoureuse.  C'est  là,  déjà,  de  la  musique 
symphonique  bien  brossée.  Et  la  déclamation, 
—  car  il  y  a  là  une  voix  de  femme  qui  se 
mêle  à  l'orchestre  —  en  est  aussi  infiniment 
heureuse. 

Marines^  de  V.  M.  de  Gibert,  avaient  été 
déjà  données.  Mais,  la  première  fois,  elles 
n'étaient  que  pour  orchestre  à  cordes.  L^ 
compositeur  a  ajouté,  à  sa  partition,  quelques 
sonorités  nouvelles.  Gibert  est  un  élève  de 
d'Indy.  La  foi  et  le  grand  respect  qu'il  a 
toujours  pour  son  maître  disent  bien  quelles 
sont  ses  vues  en  musique.  D'un  tempérament, 
en  outre,  très  équilibré,  il  va  sans  dire  qu'il  a, 


forcément,  toujours,  le  souci  de  la  forme. 
J.es  Marines  ont  été  tirées  de  quelques  beaux 
vers  de  Maragall.  Gibert  en  a  fait,  non  sans 
adressse,  deux  beaux  tableaux  bien  suggestifs, 
bien  descriptifs  et  colorés.  Le  premier  est 
surtout  réussi. 

Taltabull  est  un  tout  jeune  compositeur 
fort  sympathique.  C'est  un  véritable  tempéra- 
ment de  musicien.  Élève  de  Pédrell,  il  fait 
grand  honneur  à  son  maître.  Il  y  a  dans  son 
Prêtée  un  tel  souci  de  la  forme  et  des  propor- 
tions, un  tel  sérieux,  et,  surtout,  une  telle 
sobriété  d'écriture,  qu'on  s'étonne,  vraiment, 
de  trouver  tout  cela  dans  l'œuvre  d'un  mu- 
sicien aussi  jeune. 

Pahissa,  dont  on  a  joué  un  Poème  sympho- 
nique, est  un  artiste  fort  intéressant.  Architecte 
tout  d'abord,  mathématicien  ensuite,  de  grand 
talent,  poète  enfin  (on  connaît  de  lui  des 
sonets  remarquables),  il  est  devenu  tout  à  coup 
musicien  !  Et  il  a,  il  faut  en  convenir,  un 
bien  joli  tempérament.  Seulement,  il  fait 
peut-être  parfois  fausse  route. . .  Son  Combat  est, 
croyons-nous,  une  de  ses  meilleures  choses. 

Quant  à  la  T'iegenda^  de  E.  L.  Chavarri,  on 
l'a  écoutée  avec  infiniment  de  sympathie. 
Chavarri,  je  me  fais  un  devoir  de  le  rappeler, 
est  chez  nous  un  des  musicologues  les  plus 
remarquables.  C'est  aussi  un  littérateur,  un 
artiste  de  grand  talent.  C'est,  enfin,  un  homme 
infiniment  sympathique,  infiniment  spirituel 
et  infiniment...  méridional.  Quant  à  sa  T'iegenda 
on  a  fort  goûté  son  bel  effet.  C'est  de  la 
musique  très  mélodique,  très  franche  et  volon- 
tiers populaire.  L'exécution  en  a  été  absolu- 
ment parfaite  et  on  l'a  fort  applaudie. 

Un  mot  encore,  sur  la  séance  que  le  pianiste 
Malats  vient  de  nous  donner  et  dont  l'attrait 
principal  était  VIberia.,  d'Albeniz.  Nous  ne 
savions  quoi  admirer  le  plus,  sinon  l'art  absolu- 
ment exquis,  du  pauvre  Albeniz.  Le  succès 
de  Malats  a  été  complet. 

Au  Liceo  on  va  bientôt  donner  quelques 
séries  de  la  Tétralogie.  Cette  saison  nous  avons 
eu,  comme  nouveautés.  Terra  bassa^  de  l'Albert 
(dont  le  poème  est  tiré  de  Terra  Baixa^  de 
notre  Guimerà),  et  la  Salomé  ! 

F.   Lliurat. 


Jûur   à. 


L'Association  pour  le  développement 

DU     Chant    Choral    et    de    l'Orchestre 

d'Harmonie. 

—  Chauffeur^  Au  Boa  Sacré. . . 

Grâce  à  Messieurs  Robert  de 
Fiers  et  de  Caillavet  il  n'est  pas 
nécessaire  d'en  dire  plus  long 
pour  être  conduit  rue  de  Valois 
au  Sous-Secrétariat  des  Beaux- 
Arts,  ce  Temple  dont  M.  Du- 
jardin  Beaumetz  est  pour  la  vie, 
la  chose  est  maintenant  certaine 
et  nous  l'espérons  bien,  le  Dieu 
laïque  et  obligatoire...  Mais, 
est-ce  le  parfum  de  la  maison  ^ 
Serait-il  symbolique  r  Toujours 
est-il  que  depuis  la  première 
jusqu'à  la  dernière  marche,  le 
vieil  escalier  de  pierre  aux  allu- 
res provinciales,  est  tout  empli 
d'une  exquise  odeur  de  bonne 
cuisine.  Savoureux  fumet.  Il  em- 
baume !  Il  embaume  !  Cela  doit 
être  du  poulet  sauté.  Ne  nous 
excitons  pas  sur  l'arôme  de  ce 
poulet  invisible  qui  ne  saute  pas 
pour  nous,  mais  pour  quelque 
hamadrvadc  ou  (|uclc|ue  Sylvaiti  de  ce  Bois 
Sacré,  l'uisciue  nous  sommes  venus  cher- 
cher l'histoire  de  "  U Association  pour  le  déve- 
loppement (lu  chant  (Aioral  et  de  rorchestre 
erharnionie^  "  allons  donc  la  demander  à 
M.  d'Kstournelles  de  Constant,  son  créateur  et 
président,  <]ui  a  son  gite  tout  en  haut  île  ce 
Bois  Smn',  au  Muri-;iu  di-s  ThcAties  dont  il  est 


le'  chef  et  où  nous  le  trouvons  les  pieds  bien 
au  doux  sur  la  laine  épaisse  d'un  beau  tapis 
d'orient  et  les  \"eux  ravis  par  une  charmante 
petite  femme  nue  —  en  tableau!  —  Mais  où  donc 


M.    n'I'.STOURNKLLKS    DE    CONSTANT. 

est  le  buste  du  patron  de  ce  Jîois  :  M.  Dujardin 
Beaumet/,  l'aurait-il  emporté  à  Limoux,  pour 
les  obligations  décoratives  île  sa  tournée  élec- 
torale r  Quoiqu'il  en  soit,  notre  dessinateur  se 
fait  un  devoir  d'exposer  ici  le  buste  à  la  place 
qu'il  devrait  occuper  là-bas. 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


2  19 


M.  Radiguer 


220 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


D'une  élégance  d'anglais  qui  aurait  la  svel- 
tesse de  Mlle  Polaire,  porterait  les  bacchantes 
de  Vercingétorix  et  le  binocle  de  M.  Delcassé, 
M.  D'Estournelles  de  Constant  nous  initie 
avec  une  grande  sobriété  de  paroles  et  de 
gestes.  C'est  évidemment  un  apôtre  qui  ne 
porte  pas  le  feu  sacré  à  l'extérieur.  Vraiment 
oui,  le  regard  réfléchi,  attentif  et  pénétrant,  la 
phvsonomie  exprimant  la  réserve,  l'obstination 
froide  et  méthodique,  Mr.  D'Estournelles  de 
Constant  qui  est  l'homme  le  moins  guerrier 
du  monde,  a  la  physionomie  de  ces  straté- 
gistes  qui  avec  un  beau  sang  froid  préparent  à 
coups  d'équations  les  batailles  les  plus  ter- 
ribles... Cependant,  à  sa  manière,  c'est  tout 
de  même  un  conquérant  pacifique  parti  en 
expédition  pour  le  relèvement  du  goût  musical 
en  France. 

C'est  il  )'  a  quelque  six  ans,  presque  à  ce 
moment  où  Mr.  Dujardin  Beaumetz  entrait 
au  Pouvoir  —  ce  qui  lui  a  certainement  porté 
bonheur  —  que  M.  d'Estournelles  de  Constant 
entreprit   sa    croisade,    en    créant    V Association 


M.    MOREL. 

pour  le  développement   du  chant  choj'al  et  de 
rorchestre  d^ Harmonie. 

Rendre  l'éducation  musicale  accessible 
à  tous,  la  spécialiser  à  la  musique  d'ensem- 
ble, permettant  l'exécution  d'œuvres  avec 
chœur,  enfin,  rénover  en  les  rajeunissant 
les  grandes  fêtes  musicales  populaires  d'au- 
trefois, telle  tut  la  pensée  directrice  de 
Mr.  D'Estournelles  de  Constant.  Gros  pro- 
gramme !  travaux  d'Hercule,  dont  il  est 
venu  à  bout,  puissamment  secondé  par 
M.  Henri  Radk.i'F.r,  ainsi  que  par  d'autres 
persoiuialités  éminentes,  généreuses  et  dé- 
vouées. La  première  condition  du  bon 
départ,  était  le  large  enrôlement  des  pre- 
miers contingents,  assez,  difficiles  à  recruter 
et  à  réunir  dans  ces  temps  qvii  n'étaient  pas 
encore  ceux  du  métro  avec  déplacements 
rapides  et  bon  marché.  C^n  tovuiia  la  diffi- 
culté en  ouvrant  tians  cliacjur  quartier  des 
sections  d'études  qui  de\aient  se  réunir 
pour  les  répétitions  d'ensemble  au  Palais  liu 
Trocadéro.    l/(l!uvrc    était    née.    \J\\    peu 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


221 


plus  tard  les  anciens  élèves  de  l'Ecole  de 
chant  choral  fournirent  la  Société,  "  Le 
Chant  Choral''''  tandis  que  F  Ecole  d'' harmonie 
était  à  son  tour  renforcée  par  la  Société 
"  U Harmonie  des  Anciens  Musiciens  de 
r  Armée  "  association  des  musiciens  de  l'ar- 
mée libérés  et  anciens  élèves  de  V Ecole 
d'' harmonie. 

Philosophe  socialiste  et  militant,  Mr. 
D'Estournellesde  Constant  voulut  que  cette 
Œuvre  fut  aussi  de  solidarité  familiale  et 
sociale.  Au  lieu  d'un  membre  d'une  famille 
suivant  les  cours,  pourquoi  pas  toute  la 
famille  :  père,  mère,  enfants  ?  "  La  Famille 
quand  même  "  /  Sans  doute  était-ce  une 
combinaison  qui  ne  répondait  peut-être  pas 
au  désir  général,  mais  tout  de  même  à  celui 

de  ceux  qui  aiment  ça Il  en  faut  bien 

n'est-ce  pas  pour  tous  les  goûts  ? 

Etendant  ses  projets  de  phalanstère  fami- 
lial à  ceux  de  phalanstère  social  M.  D'Es- 
tournelles  de  Constant  voulut  encore  que 
cette  Association  devint  un  moyen  de  rap- 


prochement entre  les  classes  prolétarien- 
nes, bourgeoises  et  aristocratiques.  Pour 
avoir  été  dictée  par  d'excellentes  inten- 
tions cette  dernière  idée  n'a  peut-être  pas 
donné  à  M.  D'Estournellcs  de  Constant 
tous  les  résultats  qu'il  en  espéra'it.  En 
dépit  de  tous  les  philosophes  de  toutes 
les  philosophies,  de  tous  les  systèmes  et 
de  tous  les  temps,  à  part  quelques  cas 
exceptionnels,  chaque  catégorie  sociale 
n'est-elle  pas  faite  pour  la  température 
où  elle  s'est  formée  ?  Donc,  il  ne  faut 
pas  s'étonner  si  M.  D'Estournelles  de 
Constant  n'a  pas  réalisé  le  prodige  impos- 
sible de  combler  les  distances  sociales 
avec  la  musique,  qui,  si  elle  adoucit 
parfois  les  mœurs  n'est  pas  encore  prête 
à  les  changer,  ni  à  grouper  en  un  grand 
troupeau  fraternel  et  bêlant  toutes  ces 
sortes  d'animaux  qui  forment  —  et 
déforment  —  les  Sociétés  !  Heureuse- 
ment 1  Ce  sera  si  monotone,  M.  d'Estour- 
nelles  de  Constant,  le  jour  où  tout  le 
monde  sera  frère  et  sœur  !  -Oui,  mais. 


222 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


et  c'est  bien  son  droit,  M.  d'Estournelles  de 
Constant  qui  ne  pense  pas  ainsi  garde  une 
grosse  molaire  aux  gens  du  monde  et  surtout 
aux  Dames  qui  préfèrent  figurer  à  quelque 
Générale  ou  à  quelque  vernissage  plutôt  que 
de  chanter  leur  partie  dans  les  chœurs  de 
l'Association.  C'est  que,  semblable  à  tous  ses 
confrères  les  apôtres  en  froc  ou  en  jaquette 
M.  d'Estournelles  de  Constant  a\  ec  son  bon 
coeur,  avec  sa  bonne  Ame  impitoyable,  est  un 
de  ces  despotes  pour  le  Bien  qui  ferait  presque 
aimer  le  mal  s'il  n'était  déjà  aimé  pour  lui- 
même  !  Ce  Mal  si  nécessaire  à  faire  valoir  le 
bien,  que  l'Eglise  elle-même  n'a  pas  hésité  à 
l'employer,  quand  elle  a  créé  son  Diable,  pour 
n'en  faire  que  mieux  adorer  son  Dieu. 

Si  M.  d'Estournelles  de  Constant  n'a  pas 
fait  le  maximum  escompté  comme  Socialiste, 
il  a  de  quoi  se  consoler  avec  ses  résultats 
artistiques  dont  il  peut  être  heureux  et  fier. 
Les  débuts  difficiles  sont  loin. 

M.  d'Estournelles  de  Constant  et  son  pré- 
cieux lieutenant  général  M.  Henri  Radiguer, 
ont  depuis  longtemps  à  leur  disposition  cette 
remarquable  phalange  d'instrumentistes  et  de 
choristes  —  plus  d'un  millier  d'exécutants  — 
à  qui  nous  devons  les  irréprochables  auditions 
des  Œuvres  de  Beethoven,  Bourgault-Ducou- 
dray,  Saint  Saëns. 

A  même  d'interpréter  la  grande  musique 
classique  et  moderne,  cette  Association  offre 
un  autre  intérêt.  Elle  est  à  la  disposition  des 
compositeurs  pour  leur  fournir  dans  les  Con- 
certs l'appoint  nécessaire  à  une  exécution 
matérielle  insuffisante.  Ainsi  elle  incite  à 
écrire  des  partiti{)ns  avec  chœurs,  cet  art  trop 
facilement  négligé. 

Si  la  vie  extérieure,  rcxhibirion  en  soleniu'té 
de  cette  (t;uvre,  présente  quelque  chose  de 
fort,  on  peut  même  dire  sans  craindre  l'exagé- 
ration ou  le  ridicule,  de  grandiose,  quoi  de 
plus  pittoresque,  cordial,  s\mi\'itliiciue  et  méri- 
toire que  sa  vie  intime  r  Celle  de  tous  ces 
braves  gens  cpii,  sans  espoir  de  réclame  ni 
esprit  de  cabotinage,  viennent  après  le  gagne 
pain  souvent  péiu'ble,  étudier  les  Maîtres  ?  La 
place  nous  maïujue  pour  passer  en  revue 
toutes    les    sictioiis    de    cli;inl    (ni    d'Iiai  iiioiiic. 


Elles  sont  trop  —  si  l'on  peut  dire  !  —  Mais 
il  est  un  cadre  dont  l'originalité  mérite  un 
petit  tableau  :  c'est  celui  où  travaille  VJssocia- 
tion  des  anciens  musiciens  de  r  armée. 

Nous  y  voici  dans  les  caves  du  Grand 
Palais.  Avec  ses  soupiraux  et  son  plafond 
voûté,  si  ce  n'étaient  les  ampoules  électriques 
en  plus  ;  ne  se  croirait-on  pas  dans  les  cat  .- 
combes  des  chrétiens  aux  temps  de  Néron  r 
Mais  l'assemblée  n'a  pas  du  tout  un  aspect  de 
persécution  !  Elle  exprime  au  contraire  l'en- 
train et  la  bonne  humeur. 

Voyez  la  mine  paternelle  de  M.  Casadesus 
i'^''' chef  d'orchestre  qui  se  repose  en  fumant 
sa  pipe,  tandis  que  M.  Morel  —  dans  le  civil 
contrôleur  à  la  Cie  du  Gaz  —  conduit  la 
Pathétique^  après  en  avoir,  a\ec  une  toute 
paternelle  autorité  exigé  l'attaque  large  et 
\'igoureuse.  Voici  le  premier  cor,  licencié  en 
philosophie  ;  le  Solo  Basson  qui  en  sa  qualité 
d'ébéniste  possède  naturellement  un  instrument 
de  luxe.  Pendant  les  repos,  qu'il  le  berce,  le 
carresse,  le  traite  comme  une  mariée,  cet 
instrument  !  Avec  des  regards  attendris  qui 
certainement  doivent  faire  bien  envie  à  cette 
pauvre  grosse  caisse  assez  souvent  délaissée 
faute  d'im  titulaire  fidèle  et  qui  voudrait  bien 
régulariser  une  situation  qu'elle  trouve  de 
moins  en  moins  intéressante...  Et  ce  bon 
vieux  de  soixante  et  onze  ans,  joueur  de 
Saxophone.  Dans  sa  poche  il  n'a  pas  que  la 
photographie  de  ce  tableau  où  il  fut  représenté 
en  Fieux  )néloniane^  il  possède  encore  sa  biogra- 
phie dont  il  est  l'auteur  et  que  voici  : 

"Né  en  1838  le  23  Juin,  bonne  santé, 
"  jamais  malaile,  ni  infirmité,  très  résistant, 
"  caractère  gai,  très  philosophe,  très  grande 
"  mémoire.  Elève  au  conser\atoire.  Chitriste 
"  à  l'Opéra  et  au  Lyrique.  Soliste  enfant  à 
'*  St.  Eustache,  la  Trinité,  St.  Vincent  de 
"  Paid  et  la  Madeleine  (1851-56).  Musicien 
"au  66""'  de  ligne  (1857)  passé  à  la  garde 
"  municipale  de  Paris  (1868),  rentré  dans  mes 
"  foyers  (1874).  Marié  depuis  Mai  1874,  j'ai 
"  joué  la  flilte,  les  saxo|ihones,  le  basson,  et 
"  contre  basson,  les  tini  bal  es  (;\  PC  )péraConiic]ue) 
"  et  la  grosse  caisse  dans  tous  les  théâtres  de 
"  musique.      J'ai     \()\n!:é     jiour     la     musique 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


223 


"  (3  ans  1/2  en  Afrique,  8  moi^  au  Tonkin, 
"  4  fois  en  Amérique,  8  fois  en  Angleterre  : 
"  y  Speck  uigUsh  a  little).  J'ai  parcouru  40  dé- 
"  partements  en  troupe  musicale.  Je  me  suis 
"  instruit  moi-même,  grammaire,  lettres,  his- 
"  toire,  arithmétique,  géométrie,  logarithmes, 
"  électricité  médicale  dosimétrie  etc....  Je  me 
"  soigne  sans  médecin  par  l'homœopathie.  Je 
"  connais  toutes  les  branches  de  la  photogra- 
"  phie.  Je  puis  soigner  une  bibliothèque  et 
"  des  dossiers.  Je  suis  aussi  poète.  J'ai  com- 
"  posé  "  Le  Tambour  Major  et  le  Bec  de  Gaz.''^ 
"  Mais  je  suis  affligé  d'une  Palmite  Chronique 
"  depuis  4  ans.  Je  serais   heureux   si   Minerve 


"  (sous  les  traits  de  Mr.  Dujardin  Baumetz) 
"  voulait  calmer  cette  fièvre  avec  quelques 
"  milimètres  de  taffetas  violet,  quoique  mon 
"  casier  judiciaire  soit  vierge.  " 

Allons,  Mr.  Dujardin  Bcaumctz,  un  bon 
mouvement  !  Guérissez  donc  cette  palmite. 
Cela  ne  vous  fera  pas  de  mal  et  cela  lui  fera 
tant  de  bien  à  ce  vieux  brave  homme  de  saxo- 
phone, oubli  d'un  vieux  brave  homme  de  poète, 
comme    il   le    dit    si    bien  lui-même  ; 

Emule  de  yoltaïre  et  de  Victor  Hugo 

]'' ai  rime  bien  souvent  pour  "  Savon  du  Congo  ". 

Pierre  JobbÉ-Duval. 


M.  Casadesus 


224 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


Questions 


Sociales 


ET  INTERETS   PROFESSIONNELS 
Le  Gracieux  Concours 

On  nous  pardonnera  de  re\'enir,  encore  une 
fois,  sur  cette  question  du  "  gracieux  concours" 
elle  est  assez  importante  pour  qu'on  n'yapporte 
pas  une  attention  distraite  et  l'impatience 
d'un  autre  sujet.  Au  reste  les  lettres  que  nous 
avons  reçues,  touchant  cette  question,  sont  tout 
à  fait  intéressantes  et  méritent  d'être  connues. 
Nous  en  publierons  même  une  in-extenso.  Pleine 
de  bon  sens,  humoristique,  généreuse,  elle 
dénote,  chez  son  auteur,  M.  Henry  Mulet, 
un  souci  fort  louable  des  intérêts  de  la  grande 
corporation  musicale  et  une  vue  très  nette  de 
la  question  présente.  La  voici  dans  toute  sa 
primesautiére  vivacité. 

Monsieur, 

Bien  volontiers,  je  vais  vous  cif)nncr  quelques  aper- 
çus personnels  sur  la  c|uestion  tiont  traite  votre  intéres- 
sant article.  Certes  on  oublie  trop  souvent  qu'un  artiste 
"  ne  vit  pas  seulement  de  pain  "  et  encore  moins  de 
l'air  du  temps  et  (|ue  les  brirjiit's  ne  sont  pas  plus 
favoraliles  à  son  estomac  c|u'à  celui  d'un  sous-préfet. 

Une  campaj^nc  tle  presse,  mffme  de  "  Grande  " 
destinée  à  apitoyer,  sur  le  sort  des  pauvres  artistes, 
messieurs  les  capitalistes,  serait,  je  crois,  de  nul  ctiet. 
"Ventre  repu  n'a  point  d'oredles  "  !!...  si  ce  n'est 
pour  écouter...  distrailemeiii  de  la  musique  qui  ne 
coûte  rien,  et  encore  faut-il  qu'elle  ne  trouble  pas  la 
di^^estion. 


Un  syndicat  de  "  musiciens  mondains  "  (car  il  y  a 
déjà  un  syndicat  de  musiciens  d'orchestre).  Cela  me 
paraît  également  devoir  être  une  tentative  destinée  au 
ridicule.  Le  syndicat  actuel,  d'ailleurs,  n'a  jamais  songé 
à  interdire  à  ses  adhérents  de  prêter  gracieusement  leur 
concours,  s'ils  croient  personnellement  poufoir  en  tirer 
une  reclame  quelconque.  C'est  à  eu.x  de  juger  cela  et  à 
leurs  risques  et  périls. 

Des  intermédiaires  .'.. 

Ou  bien  personne  ne  voudrait  s'en  servir  ou  bien.... 
ils  rouleraient  les  artistes.  Je  ne  vois  pas  bien  non  plus 
une  loi  forçant  tout  le  monde  à  ne  jamais  traiter  une 
affaire  directement. 

En  résumé,  je  crois  que  le  "  gracieu.x  concours"  est 
une  nécessité. 

De  même  qu'un  commerçant,  qui  commence  à 
s'établir,  fait  de  la  réclame  et  sacrifie  des  sommes 
importantes  sous  forme  de  :  "  primes  à  tout  acheteur," 
affiches,  rabais  momentané,  et  souvent  ne  gagne  rien 
pendant  un  temps  plus  ou  moins  long,  ayant  un  loyer 
lourd,  etc..  De  même,  l'artiste,  non  connu,  est  obligé 
de  faire  de  la  réclame  en  se  faisant  entendre,  en  pavant 
de  sa  personne,  --voire  ynéme  de  son  argent,  pour  se  faire 
connaître  et  apprécier.  L'artiste,  connu  et  apprécie',  tait 
prime  sur  le  marché,  de  même  que  le  commerçant 
connu,  vend  sa  marchandise.  L'un  comme  l'autre 
auront  dû  commencer  par  semer  avant  de  récolter. 
Tant  pis  pour  celui  qui  sème  à  tort  et  à  travers,  dans 
tous  les  terrains,  bons  ou  mauvais. 

Maintenant  vous  me  direz  que  l'habitude  du 
"  gracieux  concours  "  se  généralise  et  qu'il  a  abus.  Je 
suis  de  votre  avis.  Mais  je  crois  qu'il  faut  en  recher- 
cher la  cause,  elle  n'est  pas  difficile  à  trouver. 

i"  Il  y  a  beaucoup  plus  d'artistes  qu'autrefois. 

2"  Le  goût  des  arts,  en  général,  va  en  diminuant. 

D'une  part,  la  recherche  d'une  vie  plus  facile,  plus 
agréable,  plus  libre,  plus  mondaine  et  brillante,  pousse 
les  uns  vers  l'art,  qu'ils  croient  être  un  métier  rénumé- 
rateur et  Jacile,  de  préférence  à  tout  autre.  D'autre 
part,  les  "  idées  modernes  "  poussent  les  autres  vers  des 
satisfactions  moins  problématiques  et  plus  matérielles  que 
celles  offertes  par  les  arts  en  général  et  la  musique  en 
particulier.  "  L'extinction  des  lumières  du  Ciel  ", 
chère  i  Mr.  Viviani,  est  certainement  de  nature  à  faire 
reléguer  tout  idéal,  même  artistique,  parmi  les  "  vieilles 
lunes  ".  Aujourd'hui,  c'est  le  triomphe  de  l'automo- 
bile, de  l'aviation,  des  sports  en  général,  de  l'Industrie 
et....  du  "  Café-Concert  ",  du  "  Cinéma  ",  etc..  !  Si 
bien  que  lorsqu'un  Monsieur  de  la  France  ou  de  la 
Magistrature  permet  à  un  artiste  non  coté  àc  se  faire 
entendre  dans  son  salon,  c'est  def)  une  grande  faveur 
qu'il  lui  accorde.  L'artiste  non-coté  !..  mais  on  s'en 
jiasserait  très  bien.  On  n'a  pas  besoin  de  lui,  c'est  lui  qui 
a  besoin  des  autres.  Et  quand  on  veut  bien  faire  silence 
pendant  qu'il  "  opère  "  il  doit  se  mniitrir  très  heureux 
et  très  lionoré. 

Les  artistes  me  sembleui  d'être  une  longue  file  de 
pêcheurs  ;\  la  ligne  s'évcriuant  à  amorcir    les   poissons 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


225 


repus  qui  regardent  leurs  appâts  d'un  air  dédaigneux. 
Les  malheureux  pêcheurs  dépensent  en  amorces  p'us 
qu'ils  ne  récoltent  en  poissons,  quand,  tout  à  coup, 
passe  un  pêcheur  au  filet  (çà,  c'est  l'artiste  coté)  qui 
rafle  tout  d'un  seul  coup. 

Le  fait  qui  domine  tout  cela  c'est  que  :  l'offre  est 

SUPÉRIEURE  A  LA  DEMANDE. 

Je  propose  un  moyen  radical  :  Quand  un  pays 
produit  plus  de  betteraves  qu'il  n'en  peut  vendre,  les 
indigènes  n'ont  qu'à  culti--ver  autre  chose.  Puisque  la 
musique  devient  un  "  mauvais  métier  ",  et  qu'il  y  a 
trop  de  musiciens,  que  les  musiciens  peu  convaincus 
(Et  il  y  en  a  des  tripotées  !)  se  mettent  à  faire  autre 
chose,  c\u,  du  moins,  qu'on  ne  fasse  plus  apprendre  la 
musique  à  autant  de  jeunes  gens,  en  les  leurrant  sur 
les  be'ne'fices  fallacieux  qii  Ils  pewvent  en  attendre.  Si  ce 
conseil  était  suivi,  l'équilibre  se  rétablirait  d'ici  30  ans 
au  plus. 

Il  y  en  aurait  long  à  dire  aussi  sur  le  "  cours  gra- 
tuit, "  et  r enseignement  stupide  autant  quoutrancier  du 
métier  musical  .•  solfège,  piano,  violon,  mandoline, 
piston,  etc....  qui  ne  dé'veloppe  nullement  le  goût  'vrai 
de  l'art,  mais  facilite  V exécution,  en  famille,  de  toutes 
les  ordures.  ^ 

Pour  finir,  permettez-moi  de  vous  citer  un  fait  de 
nature  à  vous  faire  toucher  du  doigt  l'action  néfaste  et 
anti-artistique  Aq  l'ingérence  de  l'esprit  syndical  mesquin 
dans  les  relations  musicales. 

Dans  des  sociétés  telles  que  la  "  Nationale  ",  les 
"  Compositeurs  ",  la  "  Musique  Nouvelle  ",  les  auteurs 
admis  à  faire  entendre  leurs  œuvres  sont  tenus  de 
fournir  leurs  interprètes.  Souvent  ces  auteurs  n'ont 
qui  de  très  faibles  ressources  ;  s'il  leur  fallait  rénumé- 
rer  les  artistes,  ils  seraient  forcés  de  renoncer  à  l'exé- 
cution. D'autre  part,  ces  sociétés  n'ont  pas  des 
ressources  suffisantes  pour  payer  les  artistes  et,  s'il  leur 
fallait  le  faire,   elles  devraient  donner  1  ou  2  séances 

seulement   au   lieu  de   5   ou   6  par  année Ainsi  la 

"  Société  Nationale  "  qui,  avant  l'application  du  tarif 
syndical  pouvait  donner  par  an  deux  concerts  d'orchestre, 
dans  lesquels  les  artistes  étaient  payés  un  tarif  raison- 
nable encore,  quoique  pas  syndical,  "  ne  peut  plus 
aujourd' hui  en  dominer  qu'un  seul. 

Que  le  "  syndicat  "  fasse  financer  les  directeurs  de 
"  Music-Hall  ",  rien  de  mieux,  ces  messieurs  encaissent 
des  bénéfices  énormes,  et  il  n'est  que  trop  doux  pour 
eux  ;  mais  que,  par  ses  exigences  il  prive  une  société 
d'avant-garde,  n'ayant  que  peu  de  ressources,  et  ne 
faisant  jamais  un  sou  de  gain,  d'un  z^'  concert  dans 
l'année,  intéressant  au  point  de  vue  des  nouveautés, 
cela  me  semble  le  fait,  non  d'artistes,  mais  bien  de 
mercenaires  ennemis  de  tout  art,  ne  sachant  pas  voir 
plus  loin  que  la  pièce  de  cent  sous,  et  méconnaissant, 
au  fond,  leur  véritable  intérêt,  qui  n'est  pas  certes  que 
le    goût   musical    aille    en    diminuant,   du    fait  de  la 

'  Ceci  est  un  peu  en  dehors  de  la  question,  cepen- 
dant nous  le  publions,  c'est  un  point  sur  lequel  il 
faudra  revenir. 


disparition    progressive   des     entreprises  désintéressées 
qui  pouvaient  l'entretenir. 

Ceci  peut,  je  crois,  nous  être  un  exemple  des  résul- 
tats de  "  l'action  directe  "  en  matière  de  revendications 
artistiques. 

H.  Mulet. 

M'"^'  Ferrauté  nous  écrit  une  intéressante 
lettre  visant  surtout  les  agences  :  "  Il  faut, 
dit-elle,  vous  faire  aider  par  les  présidents  de 
Sociétés  groupant  les  artistes....  que  ces  sociétés 
réunies  ne  forment  qu'une  seule  société  rem- 
plissant les  fonctions  d' agences.  " 

Oui,  mais  que  diraient  les  Présidents  ?.... 
Petit  côté  de  la  question  dira-t-on.  Il  compte, 
lorsqu'il  s'agit  de  fusionner. 

M.  Weiller  (des  concerts  Lamoureux)  ne 
partage  pas  l'avis  de  M.  Mulet  sur  les  syndi- 
cats. Il  nous  écrit  : 

"  Il  me  semble  que  l'organisation  d'un  syndicat 
suffirait  pour  établir  le  contrôle  et  l'application  des 
amendes  et  autres  peines  qu'une  commission  extraite 
de  ce  syndicat  serait  chargée  d'établir.  Utiliser  la 
Presse  pour  la  propagande  nécessaire  à  la  formation 
de  ce  syndicat.  " 

M.  Schmoll  préconise  également  la  nécessité, 
d'un  syndicat  mais  il  l'entrevoit  moins  tyran- 
nique  que  M.  Weiller. 

"  Le  monde  artistique,  dit-il,  manque  de  cohésion, 
de  solidarité,  de  tendances  fraternelles.  Or,  puisque  h 
syndicalisme  est  à  l'ordre  du  jour,  —  encore  que, 
bien  souvent,  il  aille  à  l'encontre  de  l'intérêt  général  — 
pourquoi  ne  créerait-on  pas  une  vaste  confédération 
groupant,  autour  d'un  comité  d'artistes  célèbres,  les 
forces  artistiques  de  tout  le  pays  }  Le  dit  comité 
réglementerait,  d'une  façon  équitable,  les  rapports  des 
artistes  entre  eux,  et  ceux  qui  existent  entre  les  artistes 
et  le  public.  On  élaborerait  ainsi,  entre  autres,  un 
règlement  concernant  le  "  gracieux  concours  "  règle- 
ment que,  le  cas  échéant,  il  suffirait  d'envoyer,  en 
guise  de  refus,  aux  gens  du  monde  qui  voudraient 
abuser  de  la  situation  qu'un  fâcheux  usage  a  fait  aux 
artistes. 

M™e  Delage  Prat,  le  charmante  et  distinguée 
compositrice,  a  une  idée  fort  originale.  Après 
nous  avoir  avoué  qu'elle  "  n'entrevoit  ni  les 
moyens  d'actions  ni  les  heureux  effets  qu'un 
syndicat  pourrait  avoir  à  ce  sujet  "  elle  ajoute... 

"Qu'un  Brieux  ou  un  Lavedan  mette  en  scène  un 
de  ceux  qui  font  "chanter"  les  artistes,    qu'une   cam- 


220 


L'ACTUALITE    M  U  S  1  C  A  L  E 


pagne  de  Presse  s'organise,  sur  votre  généreuse  initia- 
tive, c'est  je  crois,  tout  ce  qu'on  pourra  faire  d'utile 
et  de  raisonnable,  à  mon  modeste  avis  du  moins.  "  — 
C'est  le  cas  de  dire  : 

Allons  messieurs  les  auteurs  dramatiques... 
à  vos  pièces.  Il  est  vrai  que  le  théâtre  ayant 
une  très  grande  portée  sociale,  l'idée  serait 
peut-être  bonne.  M.  Lenormand,  l'auteur 
estimé,  a  déjà  essayé,  avec  beaucoup  de  talent, 
dans  ses  possédés^  de  mettre  à  la  scène  ces 
femmes  infortunées  qui,  portées  pour  servir 
l'art,  arrivent  aux  pires  déchéances,  le  glorieux 
concours  n'est  après  tout,  et  pour  l'appeler 
par  son  nom  :  qu'un  mode  d'exploitation. 

M'"'''  R.  Caille,  rédactrice  à  la  Française^ 
est  partisan  du  syndicat.  (En  général,  les 
femmes  lui  sont  hostiles  ;  c'est  là  une  exception). 

"  Mon  avis,  dit  notre  correspondante,  est  que  les 
artistes  lyriques  et  dramatiques,  doivent,  i,  se  syndi- 
quer, c'est  la  première  garantie  de  leurs  intérêts.  2,  que 
la  presse  doit  intervenir,  en  toute  circonstance...  pour 
rétablir  la  situation  très  compromise  des  artistes.  Plus 
de  gracieux  concours  ;  on  doit  payer  en  espèces  et  non 
en  fleurs,  diners  et  réclames  d'échos  mondains." 

On  ne  saurait  mieux  dire  et  plus  nettement. 

M.  Le  Borne,  Godebski,  M*""  Carissau, 
d'autres  encore,  très  nombreux,  ont  bien  voulu 
nous  écrire.  Leurs  lettres  reproduisent  tout  ou 
partie  des  arguments  employés  ici-même,  sans 


indiquer  une  solution  nou\elle  et  pratique  à  la 
question  posée. 

Ainsi  qu'on  en  peut  jtiger  par  notre  enquête 
les  avis  sont  très  partagés.  Beaucoup  de  nos 
correspondants,  les  actifs,  les  combattants,  pro- 
posent la  formation  d'un  syndicat  agissant 
contre  les  "Donneurs  de  concerts",  d'autres, 
les  modérés  (en  général  les  femmes)  redoutent 
le  syndicat  et  la  violence  de  ses  procédés.  Un 
moyen  terme  a  été  proposé  par  l'une  de  nos 
correspondantes  c'est  la  fondation  d'une  '■'■Ligue 
contre  Pabus  du  grucicux  concours  réuifissant, 
dans  une  même  intention  d'équité,  les  artistes 
soucieux  de  leurs  droits,  conscients  de  leur 
valeur,  et  les  gens  du  monde  décidés  à  ne  pas 
profiter  mesquinement  des  circonstances  qui 
leur  sont  favorables  pour  imposer  aux  artistes 
des  conditions  dérisoires  ou  nulles.  In  mèd'to 
itat  Veritas.  Cette  solution  serait  peut-être  la 
meilleure.  M.  Dai'BRESSe. 

Les  artistes  et  les  "  donneurs  de  concerts  " 
désireux  de  faire  partie  de  la  Ligue  contre  rahus 
du  gracieux  concours  sont  priés  d'adresser,  dès 
aujourd'hui,  leur  adhésion  à  M""  Ecorcheville 
directeur  S.  L  M.,  22  Rue  S'  Augustin. 
Cette  inscription  n'entraîne  aucuns  frais.  Les 
moindres  s'engagent  seulement  à  faire  de  bonne 
propagande  poiu'  la  nouvelle  Ligue. 


CHKMINS   DE  FER   DE  L'ETAT. 


BILLETS  DE  BAINS  DE  MER  (  "squau  31  Octobre  19 lO 


l-'n'lminislralion  des  Chemins  de  Fer  de  I'EltI.  dan»  le  l)ul  de  (aciliter  au  Public  la  visite  ou  le  jcjour  aux  PLAGES  DE  LA 
MANCHE  cl  de  l'Océan,  fail  délivrer,  au  dépari  de  Paris,  le»  billets  d'aller  cl  retour,  ci-aprèj.  qui  comporicnl  jusqu'à  40  °/o  de 
réduction  sur  Ir»   prix  du  lirif  ordinaire  : 

1.  Bains  de  Mer  de  la  Manche.  Billet»  individuels  valable»,  suiv.ml  la  disl.mr.-.  3.  4  ri  10  lour»  (  le  et  2e  CI.) 
et  3  3  )our»iJr.  2e  cl  3r  Cl  I 

/-ri  billets  Jr  33  jours  peuvent  cire  prolonges  d'une  ou  Jeux  périodes  de  30  jours  mo\iennunt  supplément  Je  10  "io  par  période 

2.  Bains  d<-  M(T  de  l'Océan.  «Ai  Rill.t»  individuel»  de  le.  2r.  r|  3r  cl.  valable»  33  jmir.  avec  faculté  de  pro- 
lonR.'ilion  d  une  ou  deux  prriodc»  de  JO  jour»  moyrnnnnt  supplément  de  10  °(o  par  période, 

'13)  Billets  individuel,  de  le,  2e,  et  3e  Cl.  valable»  5  jour»  (sans  (acuité  de  prolongation»  du  Vendre  !i  de  chaque  semaine  au 
Mardi  suivant  ou  de  1  avant-vrille  au  surlendemain  d'un  jour  (érié. 

BILLETS    d*    VACANCES    'iu^mi'au  1er  Octobre  19101.  Billet»  de  famille   valable,    33   jour»  (le.  2e  et  3e  cl.» 

avet  I  nulle  de  prolomintion  d  une  <iu  deux  i>ériodrs  de  30  jours  moyennant  supplément  de  10  °/o  par  ^leriotlc. 

/^.'*  l'ijlfl»  ""'1  Jéllorés  aux  fiiinilirs  composées  d'au  moint  trois  personnes  Vo})agnnt  en$emhlr,  pour  toutes  les  gares  du  réseau 
de  I  h.tat  (I.Ignct  du  i>ud-Ouest)  sltuéct  à   1 25  kilomètres  au  moins  de  Varls,  ou  réciproquement. 


L'ACTUALITE    M  U  S  I  C  A  L  ]{ 


227 


Les    lostruîïieets 

LE  CZIMBALOM  ET  LA  HARPE 
CHROMATIQUE. 

•  Le  concert  de  harpe  chromatique  donné  le 
15  avril  dernier,  salle  Pleyel,  par  M"'"  Jeanne 
Dalliès,  harpiste  diplômée  de  la  Schola  Canto- 
rum^  a  eu  lieu  avec  le  cérémonial  accoutumé, 
c'est-à-dire  devant  un  public  aussi  nombreux 
que  démonstratif.  Je  crois  à:  la  prédestination 
dans  la  carrière  de  harpiste.  M'^*^  Dalliès  a  au 
plus  haut  point  les  dons  spéciaux  que  son 
instrument  réclame..  Elle  unit  un  charme 
délicat  qui  lui  est  personnel  à  une  musicalité 
raffinée.  Elle  a  aussi,  mirabile  d'ictu^  une  cul- 
ture «générale  qui  lui  rendra  les  meilleurs  ser- 
\'ices  dans  sa  carrière  de  virtuose  et  qui  servira 


surtout  la  cause  de  la  jeune  harpe  à  laquelle 
elle  s'est  consacréQ,, 

A  l'heure  présente  la  principale  faiblesse  de 
la  harpe  chromatique  réside  dans  la  pénurie  de 
sa  littérature:  les  oeuvres  de  génie  ne  s'impro- 
visent point.  Aussi  les  harpistes  de  la  Maison 
Plçyel  en  sont-elles  réduites  à  la  fâcheuse  né- 
cessité de  jouer  sur  un  instrument  très  riche, 
les  pauvretés  musicales  de  la  harpe  à  pédales, 
ou  bien  encore  elles  composent  leur  répertoire 
avec  des  pièces  de  clavecin  ou  de  piano,  ce  qui 
est   peut-être  le  moins  mauvais  des  pis-aller. 

Déjà,  à  la  Schola  Cantorum  on  a  songé  à 
faire  revivre  l'ancienne  musique  de  luth  des 
XVP-XVir  siècles  :  plusieurs  pièces  de  luth 
ont  antérieurement  figuré  sur  les  programmes 
de  M^^'^  Héléna  Zielinska  et  de  ses  élèves. 
M^^*^ Dalliès  doit  en  publier  un  prochain  recvieil, 
dans  lesquelles  ces  compositions,  transcrites 
fidèlement  sur  l'ancienne  tablature  du  luth, 
n'auront  à  subir  d'autres  transformations  que 
d'être  transposées  dans  les  régions  les  plus  sono- 
res de  la  harpe  chromatique. 

Mais  le  concert  de  M""  Jeanne  Dalliès 
comportait  une  autre  curiosité  :  on  y  a  entendu 
sur  la  harpe  des  chants  pupulaires  hongrois 
traités  à  la  manière  tzigane.  On  sait  déjà  que 
le  czimbalom  est  l'instrument  synthétique,  par 
excellence,  —  comme  le  piano  chez  nous,  — 
de  la  musique  tzigane.  Il  est  essentiellement 
chromatique.  L>es  cordes  sont  attaquées  avec 
deux  petits  marteaux  que  tient  l'excécutant. 
Donc,  pas  d'accords  plaqués  de  plus  de  deux 
notes,  mais,  grâce  à  leur  virtuosité  bien  connue, 
les  czimbalistes  déroulent  en  les  arpégeant  dans 
un  mouvement  très  vif  les  accords  les  plus 
chargés.  Voici,  à  titre  de  curiosité,  une  pièce 
spécialement  écrite  pour  le  czimbalom. 


MIT  SUSOG  A  FEHER  AKAC. 


Czimbalom 


k 


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DE  PROFESSEURS  DE  CONSERVA- 
TOIRE   ET    D'ÉCOLE   DE    MUSIQUE.    ^ 

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L'ACTUALITE    MUSICALE 


229 


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(Cimbalon-Gynjtemény,  fascicule  XIV,  no.   3,   Bard'Ferencz,   éditeur,'^ Buda  Pest) 


Les  Hongrois  ont  accordé  une  attention  parti- 
culièrement heureuse  à  leur  littérature  de  folk- 
lore musical.  Certains  éditeurs  de  Buda-Pest, 
en  ont  publié  d'admirables  recueils  et  comme  les 
Tziganes  sont  les  interprètes  attitrés  du  nepdal 
hongrois,   comme  ils  ont   donné  à  ces   chants 


une  allure  particulière  avec  leurs  czimbaloms 
et  leurs  orchestres  d'archets,  les  éditeurs  ont 
pour  la  plupart  publié  leurs  chants  populaires 
cziganyos  moderban,  c'est-à-dire  à  la  manière 
tzigane.  A  titre  d'exemple,  nous  donnons  un 
chant  populaire  hongrois  ainsi  traité.  ■- 


ZINDELYEZIK. 


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L'ACTUALITE    MUSICALE 


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L'ACTUALITE    MUSICALE 


231 


EI1  bien  !  cette  écriture  est  caractéristique 
elle  est  dans  la  harpe  chromatique.  Tous  les 
effets  à  tirer  de  cet  instrument  s'y  rencontrent. 
D'abord,  cette  écriture  est  essentiellement 
chromatique  et  ces  pièces  seraient  injouables 
sur  la  harpe  à  pédales.  Ensuite  dans  les  dessins  • 
accessoires  qui  entourent  la  ligne  mélodique 
centrale,  que  de  ressources  !  arpèges  sur  presque 
toute  l'étendue  de  l'instrument,  dessins  chroma- 
tiques à  destination  anacrousique,  successions 
de  gammes  roulées,  et  après  ces  moments  de 
virtuosité  pure,  le  chant  populaire  primitif 
réapparaît  et  monte,  qui  permet  à  l'instrumen- 
tiste de  faire  vouloir  la  belle  sonorité  calme  et 
"^  chaude  de  la  harpe. 

Bien  entendu  on   ne  saurait  sans  inconvé- 


nient abuser  de  ce  répertoire,  mais  dans  le 
domaine  de  la  fantaisie  musicale  il  faut  le 
mettre  au  rang  des  meilleurs,  car,  si  l'inspira- 
tion populaire  dont  ces  chants  sont  issus,  si  la 
manière  dont  ils  sont  traités  paraissent  très 
différentes  de  notre  formation  et  de  nos  goûts, 
ces  chants  n'en  sont  pas  moins  comme  de 
beaux  fruits  gonflés  par  une  sève  généreuse, 
qu'il  fait  bon  cueillir  partout  où  ils  nous  vien- 
nent à  portée  de  la  main  :  un  recueil  de  chants 
hongrois  dans  le  manière  tzigane  suivra  la 
publication  des  pièces  de  luth. 

Telles  sont  les  dernières  nouvelles  de  la  jeune 
harpe  chromatique  :  l'enfant  se  porte  bien  et 
grandit  tous  les  jours. 

P.  A. 


•«r 


232 


L'ACTUALITÉ    MUSICALE 


L'Edition 
Musicale 


i)  Chez    Durand.    —    2)  chez    Rouart   Lerolle.  — 
3)  Chez  Bouvvens  van  der  Boijen,  6,  Square  de  l'Opéra. 

MM.  Rouart  et  Lerolle  viennent  de  publier 
des  Chants  anciens  recueillis  en  Normandie 
et  des  Chansons  tendres,  du  XIIP  au 
XVIII^  Siècle,  très  habilement  harmonisées 
par  M.  Mouliè.  Ces  deux  publications  répon- 
dent à  un  besoin  évident  ;  notre  goût  pour 
l'ailt  ancien,  pour  les  Louisquinzeries  en 
particulier,  va  toujours  croissant.  Mais,  il 
reste  encore  à  glaner  de  ce  côté,  surtout  si 
l'on  veut  bien  remonter  vers  le  moyen  âge, 
au  ■  lieu  de  s'arrêter  à  l'art  du  XVIIP 
siècle  :  car,  il  faut  bien  l'avouer,  de  ce  style 
galant,  se  dégage  une  certaine  impression  de 
fadeur.  La  charmante  Lisette  a  rencontré  le 
berger  Colin,  sous  l'ormeau,  comme  de  raison 
et  je  vous  laisse  à  penser  s'ils  ont  profité  de 
cet  abri  tutélaire.  Les  héroines  des  Chansons 
normandes,  pour  s'appeler  Rosette  ou  Jeanne- 
ton,  ne  se  conduisent  pas  beaucoup  mieux  et 
c'est  tout  au  plus  si  quelqu'une  de  ces  demoi- 
selles songe  à  s'écrier  en  manière  de  refrain  : 
eh,  qu'en  dira  ma  mère  ! 

Mme  Fuchs  réédite  '  le  Largo  de  MiiRl- 
DAi  K  Eupatore,  de  Scarlatti^  (pour  Soprano), 
et  deux  airs  extraits  des  Cantates  de  Bach  \ 
"  Mon  doux  Jésus,  "  pour  contralto  ;  et 
"  Viens  en  moi,"  pour  ténor.  Trouverons- 
nous  des  artistes  pour  affronter  ces  terribles 
vocalises  classiques,  plus  difficiles  encore   que 


les  pires  roulades  italiennes:  Cela  est  douteux; 
mais  en  tous  cas,  il  y  a  là  d'excellents  mor- 
ceaux d'étude  ;  et  pour  refaire  l'éducation  de 
nos  chanteurs,  le  plus  pressé  était  évidemment 
de  remettre  à  leur  portée  quelques  chefs- 
d'œu\res  de  virtuosité  vocale.  Il  n'y  a  donc 
qu'à  applaudir  au  programme  de  Mme  Fuchs. 
La  Sonate  pour  piano  de  Maurice  Alquicr^- 
austère,  agressive  et  d'un  sentiment  exaspéré 
procède  des  dernières  œuvres  de  M.  d'Indy. 
Pour  la  bien  présenter  il  faut  un  jeu  remar- 
quablement sûr,  et  cette  sonorité  un  peu 
métallique  dont  M"*"  Selva  possède  le  secret. 
Elle  évoque  certains  paysages  de  la  Divine 
Comédie,  sinistres  et  ravagés,  dont  la  grandeur 
est  faite  de  désolation. 

A  une  autre  extrémité  de  la  musique,  voilà 
quelques    morceaux  de  demi-teintes,    de  joie 
paisible  et  de   tendresse   contenue.   Et   ce  qui 
nous  rend  sympathique  toute   cette  musique, 
qu'elle  soit  sévère  ou  caressante,  c'est   ce    par- 
fait bon  goût  qui  y  règne  d'un  bout  à   l'autre. 
Remarquons  que  les  éditeurs,  (ceux  du  moins 
dont  nous  signalons   ici    les   productions),   ont 
définitivement     renoncé     à     ces    couvertures 
historiées,    illustrées,    dont    ils     nous    avaient 
affligés  trop  longtemps.    Maintenant,  ils  habil- 
lent leur  musique  de  somptueux  papiers,   aux 
tons    mats   et   sourds,    à    la   fois    opulents    et 
simplissimes,  où  le  titre  s'enlève,  solitaire,  en 
hauts  caractères  de   couleur.    Et   cette   trans- 
formation extérieure  nous  donne   une    image 
assez    juste    des    qualités    actuelles    de    notœ 
musique.  Aucune  concession  à  l'effet  ;  rien  de 
tapageur  ni  d'excessif.   C'est  à  peine  si,  dans  la 
Dansk  Di'   Crépuscule,   iS' Alberto  Gasco,  ^  la 
mélodie    s'étale    avec    un    peu    trop    il'abon- 
dance.     La    Danse    de    i.'Aube,    dn    même 
auteur,  est  en   revanche   d'une   sonorité    char- 
mante.   C'est   à    peine   si    M.    A.    Pollonnaisy 
dans   sa  Suite    Romanesque,  •'   s'autorise  de 
quelques    rémiiu'scences   italiennes    pour   nous 
offrir    des  rythmes  de  Harcarolles  un  peu  trop 
faciles.  Les  trois  mki.odiks  de  Raoul Bardac^ 
sont  parfaites,  de  même  que  le  difficile  Chceur 
pour    voix    de    femmes,    de   Rosier   Ducasse.   ' 
Souhaitons  de  les  entendre  bientôt. 

Le  Gérant  :  Marcel  Fredet. 


Inipr.  par  The  St.  Catherine  Press  Ltd.  Bruges,  Belgique. 


CONCERTS  ANNONCÉS  POIIH  LA  SECONDE  QUINZAINE  DE  MAI 

SALLE   ERARD 


17- 

Mlle  MOI^SZTYN         .         .    ,     . 

Piano 

18. 

SOCIETE  MUSICALE  INDEPENDANTE       . 

Œuvres  Modernes 

19. 

M.  THALBEKG  

Piano 

20, 

MM.  DOKIVAL  &  HARTMANN       .... 

Piano  et  Violon 

22. 

Mme    LONG    DE    MARLIAVE 

Matinée  d'Élèves 

23- 

MM.  ÇARES,  NANNY  &  BLEUZET       .... 

Piano,   Contrebasse  et  Hautbois 

24. 

SOCIÉTÉ  DES  PROFESSEURS  DU  CONSERVATOIRE 

25- 

SOCIÉTÉ  MUSICALE  INDEPENDANTE       . 

Œuvres  Modernes 

26. 

M.  E.  BOURGEOIS 

Chant 

27. 

M.  l'abbé  DESJARDINS 

28. 

M.  DIMITRI 

Audition  d'Elèves 

29. 

Mme   BEX 

Matinée  d'Elèves 

30. 

M.  THALBERG 

Piano 

31. 

Mme  FLEURY-MONCHABLON        .... 

Piano  et  Flûte                          ,'  ^ 

Concerts  du  mois  de  Juin 

1910 

I. 

M.  BRAUD 

Piano 

2. 

MM.  DORIVAL  &  HARTMANN       . 

Piano  et  Violon 

3- 

Mlle  SOLACOGLU      .... 

Piano 

4- 

Mlle  JULLIEN 

Piano 

S- 

Mlle  RENIE 

Matinée  d'Elèves 

6. 

Mme  de  MARLIAVE  .... 

Piano 

7- 

M.  DANVERS 

Piano 

SALLES  GAVEAU 

FÊTES   DE    LA    PENTICOTE 

17.  Assemblée  annuelle    de   l'Association    des   anciens    Elèves    de    TEcole 

Niedermeyer     (matinée)        ........ 

18.  Concert  de  M.  MARK  HAMBOURG,  pianiste  (soirée)   . 

19.  ler    Concert    de    M.    et    Mme    LEVINSOHN-JOUTARD,    Violoncelle 

piano  (soirée)         ......... 

19.  Les  Elèves  de  Mme  Long  de  Marliave  (matinée)  . 

20.  ler  Concert  de  Mme  MYSZ  GMEINER,  cantatrice,  (soirée). 
22.     Les  Elèves  de  Mme  MARIE    DUPORT   (matinée). 
24.     Concert  de  la  SOCIÉTÉ  GUILLOT  de  SAINTBRIS  (matinée) 

24.  2e  Concert  de  M.  et  Mme  LEVINSOHN-JOUTARD    (soirée) 

25.  2e  Concert  de  Mme   MYSZ-GMEINER   (soirée)     . 

26.  Concert  de  l'Association  Générale  des  Etudiantes,  (soirée) 

27.  Les  Elèves  de  Mme  CANIVET  (matinée)        .... 
27.  Concert  de  la  SOCIÉTÉ  NATIONALE  DE  MUSIQUE  (soirée) 
27.  Les  Elèves  de  Mme  LE  FAURE-BOUCHERIT  (matinée)     . 


Salle  des  Quators       j 

Salle  des  Quators 
Salle  des  Quators 


SALLES    PLEYEL 


17.  Mlles  ZIELINSKA. 

18.  Mr.  GEORGES   PITSCH      . 

19.  La  Société  des  Compositeurs  de 

20.  La  Société  Mo/art. 

21.  Mme  BERNARD-VRAI 

22.  Mme  P.  VIZENTINI  (Elèves) 

23.  Mlle  MAGD.  TAGLIAFERRO 

25.  Mr.  GEORGES  PITSCH      . 

26.  Mlle  BOICHIN      . 

27.  La  Société  Mozart. 

28.  Mlle  A.  SAUVREZIS     . 

29.  Mme  EDOUARD  LYON  (Elèves 

30.  Mlle  MAGD.  TAGLIAFERRO 

31.  Mme  REMAN         ... 


Musique 


soirée 

soirée 

soirée 

soirée 

soirée 

matinée 

soirée 

soirée 

soirée 

soirée 

soirée 

matinée 

soirée 

soirée 


PUBLICATIONSDE    LA    SOCIETE 
INTERNATIONALE    DE    MUSIQUE 

SECTION     DE     PARIS 


PARUS 
H.   QUITTARD.  —  Le  Trésor  d'Orphée,  par  Antoine  Francisque,    tablature    de 

luth,  transcrite  pour  piano  à  deux  mains;  i  volume  in  4''  de  100  pages    ...        5  fr. 

J.   ECORCHEVILLE.  —  Actes  d'Etat   civil    d'artistes    musiciens    insinués    au 

ChâlLlcl  de  Paris  (1539-1650);   i  volume  in-4'' 10  fr. 

A.   GASTOUE.  —  Catalogue  des  mss.  de    musique    byzantine    conservés    dans 

les  bibliothèques  de  France  ;  i  volume  in-4° 20  fr. 

P.  AUBRY.  —  Cent  motets    du   XlIIe    siècle,    tirés    du    nis.    Ed.    VI-4    de    la 

Bibliothèque  de  Bamberg  ;  3  volumes  in  4° 150  fr. 

P.  AUBRY.  —  Le  Chansonnier  français  de  l'Arsenal  (XlIIe  siècle),  15  livrai- 
sons trimestrielles  de  32  planches  phototypiques  avec  la  transcription  des 
mélodies  en  notation    moderne.    Notices  par  ]\I.  A.  Jeanroy,  professeur  à  la 

Faculté  des  lettres  de  Toulouse.  La  livraison 10  fr. 

(On  ne  souscrit  qu'à  l'ensemble  de  la  publication.) 

SOUS  PRESSE 

J.  ECORCHEVILLE.  —  Catalogue  du  fonds  de  Musique  ancienne  de  la  Biblio- 
llicque  Nationale  (jusqu'en  1750.)  — ^  Huit  volumes  de  250  pages  chacun, 
contenant  dix  mille  thèmes  de  musique,  et  de  nombreux  fac-similé.  L'ouvrage 
complet 400  fr. 

H.  QUITTARD.  —  L'Œuvre  de  clavecin  de  Chanibomi'cres  d'après  l'édition  de 
1670  et  le  manuscrit  Vm7  1852  de  la  Bibliothèque  nationale.  —  Un  volume 
in-4''  de  100  pages  de  musique , 5  fr. 

M.   BRENET.  —  Les  Musiciens  de  la  Sainte-Chapelle  du  Palais.  —  Un  volume 

in-4"  de  300  pages 15  fr. 

1':N   PRÉPARATION 

A.  PIRRO.  —  Les  correspondants  du  Perc  Mersenne.  —  Publication  de  la  corres- 
pondance musicale  adressée  à  Mersenne  et  CiMi^^ervée  à  la  Bibliolhèiiue 
Nationale.  Vol.   I  {y.B.  Dont)  —  Un  volume  in-4"  '''•'  200  pages     .... 

L.  DE  LA  LAURENCIE.  —  Les  Musiciens  de  la  Maison  du  Roy  aux  XVI  l*'  et 
X\lll"  siècit's.  (Inventaire  musical  de  la  Série  O'  des  Archives  nationales) 
—   Deux   volumes  de  200  pages  chacun. 

E.  BLOCHBT.  —  Traité  de  Musique,  cii^j'osé  par  Sharal  ed-Din  Haroun. 
(XIII  siècle),  d'après  le  manuscrit  original  de  la  Bibiiotlièque  Nationale. 
TiaduclioM  et  fac-similé  du  texte  Arabe.  —  Un  volume  in-4"  ^^^  loo  pages. 

H.  DE  CURZON.  —  Correspondance  des  Directeurs  de  l'Opéra,  conservée  aux 
Archives  Nationales.  —  Un  vol.  in-4"  d^'   15°  P-'iJcs. 

L.  LALOY.  —  k"in  pou.  Recueil  d'Airs  j-xhu-  le  k'!u  ou  luth  t-hinois,  ii.mseiits 
<li'    i.i   laKl.iluiK. 

Lii  coMirfc;   MK   i.A   i-'fiu.uAnoN  : 

p.  Aubry,  M.  Brenet.  L.  Dniirinc,  J.  Ecorchovllln,   H.  Expert,  L.  clo  In  Lnurencle, 
Ch.  Malherbe,  E.  Poirée,  G.  Procl  homme,  R.   Rollniid,  J.  TIersot. 


L'ACTUALITÉ 


MUSICALE 


ANNEXE  DE  LA  REVUE  MUSICALE  S.I.M. 
PUBLIÉE  PAR  LA  SECTION  DE  PARIS  DE  LA 
SOCIÉTÉ  INTERNATIONALE  DE  MUSIQUE 


15  JUIN  1910 


FRANCE  ET  BELGIQUE 
Le  numéro:  0.40  -Un  an:  4.00 


UNION     POSTALE 
Le  numéro:  0,60  -  Un  an:  6.00 


L'ACTUALITÉ  MUSICALE 


REDACTION  : 


PARIS:    22,    RUE    ST.    AUGUSTIN 
BELGIQUE  :  RENÉ  LYR  A  BOITSFORT,  BRUXELLES 


ADMINISTRATION  : 


LIBRAIRIE    CH.    DELAGRAVE,    15,    rue    Soufflot,    PARIS. 


Tous  les  mandats  doivent  être  adressés  soit  à  la  librairie  DELAGRj^VE, 

soit  à  M.  REtKÉ  LYR. 


SOMMAIRE     DE     L'ACTUALITÉ 

DU    15    MAI 

LES  CONCERTS,  à  Paris  par  GuÉrillot.  —  Province.  —  Belgique.  —  Étranger.  —  LA 
MUSIQUE  A  L'ÉCOLE  DES  ROCHES,  par  Paul  Landormv.  —  AUTOUR  DE 
LUI,  par  Pierre  JobbÉ-Duval.  —  LES  INSTRUMENTS  :  Ias  Clarinettes  (suite) 
par  Emile  StiÉvenard.  —  INSTRUISONS-NOUS,  par  Doriu.K-Oii'./i..  —  UN  JEUNE 
PRODIGP:,  par  J.  E.  —  L'ÉDITION  MUSICALE,  par  V.  P. 


LES 


CONCERTS 


Il  y  a  peut-être  trop  de  virtuoses  en  cette 
fin  d'année  musicale,  et  pas  assez  d'œuvres. 
Toutefois  les  programmes  des  concerts  gardent 
leur  vieux  fonds  classique  tandis  que  les  entre- 
prises théâtrales  vivent  des  productions  ita- 
liennes modernes  et  des  arrangements  pour 
ballets  russes.  C'est  aux  concerts  que  s'est 
réfugiée  la  musique. 

Le  Messie  de  Haendel  fut  encore  donné 
deux  fois  au  Trocadéro  par  la  Société 
Haendel.  Pour  son  dernier  concert  d'abon- 
nement, cette  vaillante  phalange  a  joué  des 
œuvres  du  Maître,  dont  de  jolis  fragments.de 
l'Allégro  e  il  Pensieroso  et  une  cantate  pour 
ce  "  Foundling  hospital  "  auquel  Haendel 
dédia  le  Messie. 

La  Schola,  après  la  Messe  en  ré  de 
Beethoven,  donna  la  Messe  en  si  mineur  de 
Bach  (moins  le  Gloria  et  l'Agnus).  Chœurs 
précis  et  justes  ;  solistes  suffisants,  direction 
parfaite.  Quant  à  ses  séances  d'élèves  (Ensemble 
Vocal,  Classe  d'Orchestre)  elles  sont  d'un  vif 
intérêt,  par  leurs  programmes  et  surtout  par 
les  qualités  d'enseignement  dont  elles  témoi- 
gnent. M.  d'Indy  et  M.  de  Serres  doivent 
être  heureux  de  ces  résultats. 

Deux  importants  groupements  dé  non-pro- 
fessionnels, rOrcliestre, que  dirige  M.  Victor 
Charpentier,  et  la  Société  pour  le  déve- 
loppement du  Chant  Choral,  présidée 
par  M.  d'Estournelles  de  Constant  (voir 
S.  L  M.  du  15  mai)  ont  tenu  leurs  assises 
annuelles  au  Trocadéro.  La  première  a  donné 
Le  Désert,  de  Félicien  David,  des  Concertos 


de  Mozart  et  de  Haendel  et  un  Psaume  de 
Franck.  La  seconde  a  fait  entendre  sous  la 
direction  de  M.  Vidal,  la  Symphonie  funèbre 
et  triomphale  de  Berlioz,  et  toute  une  série 
de  soli,  chœurs  et  danses  de  M.  Casadesus  sur 
des  airs  populaires  limousins.  Espérons  que 
cette  société  conservera  la  bonne  impulsion 
que  lui  avait  donnée  M.  Bourgault  Ducoudray. 

La  nouvelle  S.  M.  I.  a;  une  louable  activité, 
car  elle  a  donné  trois  concerts  en  mai,  presque 
tous  d'œuvres  nouvelles,  un  peu  inégaux  par 
conséquent.  Nous  avons  noté  une  sonate  de 
violon  de  M.  Le  Boucher,  une  suite  de  piano 
de  M.  Bardac,  des  pièces  de  M.  Debussy  et 
de  M.  Fauré,  l'octuor  de  M.  Enesco  dont  il 
faudrait  parler  avec  quelque  détail. 

La  Société  Nationale  encadre  sage- 
ment les  œuvres  inédkes  dans  les  Œuvres 
classées  comme  le  1^  quatuor  de  M.  d'Indy, 
le  "  Soir  de  Fête  "  de  Chausson  et  des 
pièces  vocales  du  XVP.  Le  Quatuor  de 
M.  Savard,  déjà  entendu,  est  une  page  de 
réelle  valeur  ;  le  Chant  Funèbre  de  M.  A. 
Magnard,  qui  n'avait  été  joué  qu'une  fois  en 
1899,  est  un  peu  long,  mais  bien  puissant, 
expressif  et  personnel.  Que  dire  de  tout  le 
reste  ?  Trop  d'efforts  et  de  prétention  potir 
un  mince  résultat  ! 

Deux  concerts,  également,  de  la  Société 
des  Compositeurs  de  musique.  Là 
encore  la  musique  de  chambre  vaut  mieux 
que  les  lieder.  Il  y  a  de  la  clarté  et  de  l'allure 
dans  le  trio  de  M.  Thirion,  de  la  personnalité 
mais  de  la  recherche  dans  la  sonate  de  violon 


le 


Rouart,  LeroUe  ô  C 

ÉDITEURS  DE  MUSIQUE 
18,   BOULEVARD   DE  STRASBOURG  -  PARIS 


Le  plus  grand  abonnement  de  France 
service  :  Maison  GAVEAU,  45,  rue  de  la  Boëtie. 


TOUTE   LA   MUSIQUE   en  lecture 

Représentation   exclusive    des  Éditions    Bélaïeff,  Hansen, 
Jurgenson,  Universelle  et   Zimmermann. 


Dépositaires  exclusifs  des  œuvres  de  G.   MAHLER 

Ire  SYMPHONIE  EN  RÉ  MAJEUR 
2me  SYMPHONIE  EN  DO  MINEUR 
3me  SYMPHONIE  EN  RÉ  MINEUR 
4me  SYMPHONIE  EN  SOL  MAJEUR 

Chaque   piano  à   4   mains ,      .      .      net   fr.    1 2 

,,  petite  partition  d'orchestre net   fr.     8 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


237 


(Je  D.  Ch.  Planchet,  des  longueurs  dans  le 
Quatuor  de  M.  Capet,  peu  d'originalité  dans 
la  Suite  Bourguignonne  de  M.  Vierne,  une 
remarquable  entente  de  l'orchestre  dans  la 
Fantaisie  pour  piano  et  orchestre  de  M.  Noël 
Gallon.  Les  Poèmes  des  Saisons,  de  M.  Philip, 
sont  d'une  jolie  couleur  et  agréablement  mé- 
lodiques. 

Il  faudrait  un  long  article  sur  tout  ce  qui  a 
été  joué  cet  hiver  à  l'Ecole  des  Hautes 
iL  Etudes  Sociales  qui  est  bien,  pour  la 
musicographie  et  pour  la  musique  ancienne, 
le  foyer  le  plus  actif  que  nous  ayons.  Les 
Jeudis  de  janvier  et  de  février  ont  été  con- 
sacrés à  la  Musique  de  Chambre  en  France  et 
en  Italie  aux  XVIP  et  XV IIP  siècles.  Puis 
ce  furent  des  séances  du  Dimanche  :  Lully, 
Rameau,  Monsigny  (M™*^*  Landowska  et 
Mockel),  musique  de  chambre  (le  Quatuor 
Luquin)  ;  enfin  des  œuvres  modernes  avec  le 
concours  des  auteurs,  de  M.  Fauré  à  M.  Ter- 
rasse. Ce  n'est  pas  ce  dernier  qui  a  eu  le 
moins  de  succès.  Son  trio  à  cordes  et  sa  séré- 
nade pour  quatuor  piano  montrent  qu'il  est 
capable  d'écrire  mieux  que  des  opérettes. 
M.  Expert  est  l'âme  de  cette  organisation  si 
complète  et  si  libérale. 

L'Union  des  femmes  professeurs 

et  compositeurs  vient  de  constituer  un 
orchestre  qui  a  heureusement  débuté,  rue 
d'Athènes,  sous  la  direction  de  M™®  Tôutain 
Grûn.    Citons    enfin    la    vénérable    Société 

d^es    Concerts    de    chant    classique 

(51™*^  année)  qui  a  donné  une  jolie  suite  d'or- 
chestre anonyme  du  XVIP  siècle,  retrouvée 
par  MM.  Ecorcheville  et  Bouvet.  Les  Chan- 
teurs de  la  Renaissance  (M.  Expert) 

se  sont  prodigués  à  la  satisfaction  ■  des  audi- 
teurs. 

Les  concerts  d'artistes  ont  eu,  en  ce  mois 
de  mai,  un  vif  éclat.  Nommons  seulement, 
car   ils    n'ont    pas   besoin    de   qualificatifs,  les 

tout  à  fait  grands  :  MM.  Ysaye  et  Pugno, 
Risler    et    Enesco,    le    trio   Cortot- 

Thibaud-Casals,  qui  ont  donné  des  séances 
classiques  où  l'exécution  fut  adéquate  aux 
oeuvres. 

M"^^Toutain-Grun  et  M.  Bachmann 


qui  viennent  de  grouper  un  nouveau  quintette 
ont  débuté  par  une  séance  un  peu  trop  con- 
sacrée à  Tschaïkowsky,  mais  ils  annoncent 
des  programmes  classiques  qu'ils  joueront 
certainement  fort  bien.  Le  Pax-Quatuor 
(M.  Carembat)  a  terminé  ses  dix  séances  avec 
un    succès    que   nous    avons    déjà   signalé.   La 

Société    des    Instruments    anciens 

(M.  Casadesus)  a  donné  un  agréable  concert 
et  concouru  à  d'autres,  notamment  à  la  séance 
de  M'"*^  Patorni  à  la  Salle  Pleyel. 

Le  Jeudi,  au  théâtre  Michel,  M"'«=  de 
Lauribar  a  illustré  musicalement  ses  con- 
férences sur  Bach,  Haydn,  Mozart,  etc.  Nous 
y  avons  apprécié  plusieurs  fois  au  piano 
M.  Delune  et  M'"*=  Kellermann. 

Comme  concerts  de  chant,  il    faut   grouper 

M°^^Mysz  Gmeiner  et  M.  Georg'Wal- 

ter,  deux  merveilleux  interprètes  de  lieder. 
M™^  Polva  Frisch  est  une  de  nos  canta- 
trices les  plus  aimées  du  monde  parisien.  Elle 
rompt  avec  la  tradition  qui  ne  retient  dans  le 
lied  que  le  chant  et  dans  le  chant  que  la 
qualité  de  la  voix  ;  avec  une  particulière 
intuition,  elle  donne  à  l'œuvre  musicale  un 
caractère  dramatique  et  passionné  ;  elle  recrée- 
en  quelque  sorte  l'œuvre  tout  entière. 

M™"  Bathori-Engel,  si  bien  douée 
comme  musicienne  et  comme  cantatrice,  s'est 
fait  entendre  dans  deux  séances  aux  program- 
mes très  variés.  On  sait  que  M™^  Ba:thori 
s'accompagne  toujours,  ce  qui  n'est  pas  banal 
dans  les  œuvres  modernes,  M^^*^  Charlotte^ 
Boichin  a  donné  un  concert  intéressant  et 
très  applaudi.  M™''  Kutscherra  s'est  fait 
entendre  avec  plusieurs  de  ses  élèves,  pour  la 
seule  fois  de  la  saison,  croyons  nous,  et  nous 
le  regrettons.  M"*'  Decourt  a  beaucoup  plu 
par  sa  voix  bien  timbrée,  sa  diction  expressive 
et  son  style.  Elle  a  certainement  un  bel  avenir. 
Citons  enfin  M.  Sautelet,  interprète  exquis 
des  vieilles  chansons  françaises,  excellent  aussi 
dans  les  lieder  de  Schumann  et  de  M.  Enesco, 
aussi  artiste  que  chanteur  ;  M"*^  Alice  Hof- 
mann,  cantatrice  bien  douée. 

Il  faut  noter  à  part,  mais  avec  de  vifs  éloges, 
l'audition  de  Chant  Grégorien  des  élèves 
de  M™*^  -Jumelj  professeur  à  la  Schola.  Ainsi 


238 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


interprété,  le  plain  chant  a  des  mo\ens  d'ex- 
pression trop  méconnus. 

Avec  l'Orchestre  de  la  Schola,  M.  Risler 
a  joué  trois  concertos  de  Beethoven,  comme 
seul  il  les  joue  et  avec  un  succès  que  seul  il 
remporte.  M.  Canivet  s'est  modestement 
limité  a  la  partie  de  piano  dans  des  œuvres  de 
M.  Fauré.  (Quatuors,  sonate  de  violon).  Mais 
quel  ensemble  avec  MM.  Boucherit  et  Hek- 
king  !  M.  Victor  Gille  est  un  interprète 
très  personnel  de  Chopin.  M.  Edmond 
Hertz  a  une  technique  étonnante.  M.  Mar- 
cian  Thalberg  (un  autre  nom  prédestiné) 
a  joué  remarquablement  les  Etudes  svmpho- 
niques  de  Schumann  et  M.  Harold  Bauer 
des  œuvres  de  Liszt. 

Il  eut  été  plus  courtois  de  commencer  par 
les  "  pianistes  femmes  ",  comme  on  dit  au 
Conservatoire.  Puissent-elles  nous  le  pardon- 
ner et  nous  pardonner  aussi  d'être  aussi  bref  ! 

M"'  Suzanne  Percheron,  dont  le  pro- 
gramme contenait  les  noms  de  M"'^'  Dubel,  de 
MM.  Gigout  et  Salmon,  puis  M"''  Marcelle 
Bouclieron  sont  des  pianistes  bien  douées 
que  nous  retrouverons  avec  plaisir.  M""'  Jou- 
tard  Loe'wrensolin  a  plu  par  un  jeu  d'une 
délicatesse  exquise.  C'est  aussi  une  des  qualités 
de  M"*^  Caffaret  qui  de  petit  prodige  est 
de\enue  grande  artiste.  M"''  Piltan  est  éga- 
lement une  jeune  pianiste  d'un  jeu   intelligent 

et  discret.  M""  Bargier  Pelletier,  M"' 
Goodson,  M"  de  Lauleri,  M"  Morsz- 

tyn  se  sont  fait  applaudir  dans  des  programmes 
bien  compris. 

Il  y  a  peu  à  dire  de  la  pianiste  Russe  Nikto, 
après  ce  qui  a  été  dit  de  son  étrange  person- 
nalité. C'est  une  interprète  spéciale  de  Chopin, 
mais  ce  n'est  guère  une  pianiste.  Elle  s'est  fait 
entendre  plusieurs  fois,  notamment  au  Lyceum. 

Ce  mois  de  Mai  a  été  fécond  en  violoncel- 
listes. Mentionnons  seulement  M.  Casals, 
leur  chef  incontesté,  qui  avec  M.  Pugno  a 
remplacé  M.  Ysaye  souffrant.  Dans  im  concert 
à  la  salle  (javeau. 

MM.  Hekking  et  Wurmser  ont 
donné  trois  séances  de  sonates  où,  a  côté 
d'oeuvres  classicjues,  nous  avons  apprécié  une 
sonate     nouvelle     de     M.    Bertelin,    une     de 


Samuel  Rousseau  et  celle  de  M.  Chevillard. 
M.  Salmon  a  témoigné  de  son  beau  talent 
dans  des  sonates  de  Beethoven  et  d'Ariosti  et 
dans  de  petites  pièces  qu'il  a  jouées  à  la  per- 
fection. Le  tout  jeune  M.  G.  Pitsch.  est  de 
nos  premiers  violoncellistes  et  ses  deux  concerts 

ont  été  fort  remarqués.  M.  Maxime  Tho- 
mas donne  d'agréables  matinées  où  il  fait 
entendre  des  œuvres  nouvelles  pour  violon- 
celle. M.  Espinoza  fut  applaudi  rue  d'Athè- 
nes dans  des  œuvres  classiques,  et  M'"^  De- 
lune  au  Lyceum  dans  un  poème  et  une 
sonate  nouvelle  de  M.  Louis  Delune,  œuvre 
très  personnelle  dont  nous  reparlerons.  Citons 
enfin  M.  René  JuUien.  On  le  voit,  le 
le  violoncelle  n'est  pas  délaissé. 

Moins  nombreux  mais  non  moindres  furent 
les  violonistes  : 

M.  Ysaye  (avec  M.  Pugno),  M.  Thi- 
baud  (avec  M.  Cortot,  M.  Casals,  et  un 
orchestre),  M.  Enesco  (avec  M.  Risler).  Ce 
furent  cinq  séances  hors  de  pair. 

M.  Juan  Massia  possède  une  belle  sono- 
rité et  une  technique  impeccable.  M.  Herr- 
mann  et  M'"''  Zipelius  forment  un  duo  de 
violonistes  fort  intéressant  (^jolie  sérénade  de 
Sinding).  M.  ChiaflBtelli  a  beaucoup  de 
sûreté.  M.  Edgard  Basset  a  joué  avec 
vigueur  et  justesse  le  Conserto  de  M.  Saint 
Saëns  et  Zapalcado,  de  Sarasate.  Louons 
enfin  le  joli  talent,  très  délicat,  de  M"''  Mor- 

hange. 

Les  six  séances  de  harpe  chrt>matique  du 
Quatuor  Lénars  se  sont  terminées  dans 
les  applaudissements.  M"''  Lenars  et  les  parte- 
naires tirent  tout  le  parti  possible  de  la  harpe. 

M.  Barié,  organiste  de  S'  Germain  des 
Prés,  a  fait  entendre  une  Symphonie  pour 
t)rgue  qu'il  vient  de  composer  et  qui  est  d'une 
\éritable  i)riginalité  par  le  choix  et  le  déxelop- 
pement  des  thèmes  et  \x\v  la  régistration. 

Il  faut  nientionncr  da:is  le^nii\rc->  nouNtlIes 

de  jolies  mélodies  de  M"'  Nadia  Boulan- 
ger, chantées  à  la  Salle  Ple\el,  des  pièces 
très  originales  de  piano  et  de  chant  M"''  Delhez 
et  l'auteur  (M"'"  Gignoux)  données  au  Ly- 
ceum, enfin  toute  une  série  d'cruxres  de 
M"'    Sauvrezis,    jouées    Salle    Plevel,    dont 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


239 


plusieurs  ont  un  réel  sentiment  antique  (hymne 
Orphique,  Epigramme  funéraire.) 

La  Société  Mozart  fait  revivre  des 
œuvres  oubliées  du  Maître,  comme  la  "  Kleine 
Nachtmusik  "  et  la  Sérénade  qui  figuraient  à 
un  programme  de  son  2""'  Concert. 

La  Société  l'Etoile  que  dirige  M'"''  de 
Journel,  la  distinguée  professeur  de  chant,  a 
donné  une  agréable  matinée,  avec  M"*^  Nicot 
Vauchelet,  M.  Foix  dans  le  Roi  d'Ys  et  la 
nuit  de  S.  Jean,  de  Lacome. 

—  A  La  Française,  très  intéressante  audi- 
tion d'œuvres  de  Bourdeney  —  le  programme 
a  trouvé  de  bons  interprètes  en  M"**^  Boichin, 
Billard,  Clapissen  et  M'"  Bazelaire. 

— r  Très  réussie  la  matinée  que  M^'''  Kohl 
a  donné  le  27  mai  à  la  Salle  Malakoff  pour 
l'audition  de  ses  élèves. 

Gros  succès  pour  M"''^  Mary  Chris- 
tian, à  la  Salle  du  Petit  Journal,  soprano 
dramatique  d'une  rare  pureté. 

Le  cours  de  Chant,  Diction  et  Mise  en 
Scène  Reyer-Dumontier  qui,  jusqu'ici, 
avait  lieu  au  petit  théâtre  de  la  rue  de  Puteaux, 
vient  de  se  mettre  dans  ses  meubles,  en  trans- 
formant un  atelier  16,  avenue  Rachel  (18*^) 
en  un  élégant  salon  avec  Scène. 

Le  talent  de  Madame  Edith  Reyer  et  les 
connaissances  du  Théâtre  de  M.  Dumortier 
comme  chanteur  et  metteur  en  Scène,  assurent 
le  succès  de  ce  cours  déjà  très  suivi  par  la 
meilleure  société  mondaine.  Cours  spécial 
pour  les  artistes. 

—  L'Assemblée   générale   de   l'AsSOCia- 

tion  des  Artistes  musiciens  (fondation 
Taylor)  a  eu  lieu  le  vendredi  6  mai,  à  une 
heure  et  demie  précise,  dans  la  grande  salle  du 
Conservatoire  de  musique  et  de  déclamation 
(entrée  par  la  rue  du  Conservatoire).  Ordre 
du  jour  :  1°  Compte  rendu  sur  la  gestion  du 
Comité  pendant  l'année  1909  et  la  situation 
financière  et  morale  de  l'Association,  par 
M.  Francis  Waël-Munk,  secrétaire  ;  2"  Ap- 
probation des  comptes  de  l'année  1909  ; 
3°  Vote  du  projet  de  budget  de  l'année  191 1  ; 
4°  Election  de  quinze  membres  du  Comité. 

—  Le  Salon  de  la  Société  Nationale  des 
Beaux  y^rz'5  a  donné   le   31  mai,   entre  autres 


œuvres  intéressantes,  une  Sonate  pour  piano  et 
violon  de  M.  L.  Sachs.  C'est  une  œuvre 
d'allure  très  franche  et  qui  montre  à  quel  point 
l'auteur  affectionne  la  forme  chantante  du  lied. 

—  Les  deux  Ecoles  Normales  d'institutrices 
de  la  Seine  ont  offert  aux  Instituteurs  et  aux 
Institutrices,  une  matinée  musicale.  L'exécu- 
tion des  chants  fût  vigoureuse,  correcte,  parfois 
un  peu  raide.  Mais  est-ce  là  un  défaut  chez 
des  commençants  ? 

—  Voici  que  le  Pianola  fait  maintenant 
concurrence  aux  meilleurs  virtuoses.  Cet  excel- 
lent instrument  vient,  en  effet,  de  donner  un 
concert  des  plus  intéressants  à  la  Salle  Fémina 
et  on  reste  surpris  de  leur  interprétation  si 
vivante. 

—  La  Société  des  Compositeurs 
de  Musique  met  au  Concours,  réservé  aux 
seuls  Musiciens  français,  pour  l'année  1911, 
les  œuvres  ci-après  : 

I.  'Pièce  Lyrique^  pour  voix  solo  et  orchestre. 
Prix  Arnbroise  Thomas  :  1000  francs. 

II.  Quintette^  pour  instruments  à  archet  et 
un  ou  deux  instruments  à  vent,  au  choix  du 
compositeur. 

Prix  :  500  francs,  offert  par  la  Société. 

III.  Pater  Noster,  pour  ténor  ou  baryton 
avec  accompagnement  d'orgue. 

Prix  Samuel  Rousseau  :  300  francs  offert 
par  M™^  Samuel  Rousseau. 

—  M™''  Rimé-Saintel  a  donné  mardi 
soir  31  mai.  Salon  Malakoff,  une  Audition- 
Concert  où  l'éminente  violoniste  fut  très 
applaudie,  ainsi  que  ses  élèves,  parmi  lesquels 
nous  citerons  :  M"®®  J.  de  Rosales,  J.  de 
Labarde,  M.  Joviaux,  J.  Charton.  M.  Peplto 
d'Aspiazu.  etc.  M"^*^  Le  Senne,  de  l'opéra, 
bissée  dans  de  délicieuses  "  Mélodies  "  de  Léo 
Sachs.  Curieux  et  fort  artistique  programme, 
signé  R.  Bonfils,  dessiné  spécialement  pour, 
M"*^  Rimé-Saintel 

Signalons  enfin  le  beau  concert  du  Phonola 
Stransky,  avec  le  concours  des  deux 
prodiges  Weltmann. 

F.    GuÉRILLOT. 


A.' DURAND   &    FILS,    Éditeurs   de    Musiq 

(DURAND   &   Ciei 

4,   Place   de    la  Madeleine,   PARIS 

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Musique 

de  Chambre  nouvelle 

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A.   de  CASTILLON,   CM.   WIDOR,   Claude    DEBUSSY, 

Paul  DUKAS,  Gabriel  PIERNÉ,  Emile  BERNARD, 

Charles  LEFEBVRE,  C.  CHEVILLARD,  GUY-ROPARTZ, 

G.M.  WITKOWSKI,  Maurice  RAVEL,  ROGER-DUCASSE,  etc. 


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L  '  A  C  T  U  i^  L  ]  T  E    M  U  SI  C  A  L  E 

Province 


241 


QUATUORS    DE    PROVINCIAUX. 

—  Autrefois,  alors  que  la  musique  de  chambre 
était  accessible  à  une  certaine  catégorie  d'ama- 
teurs modestes,  mais  très  convaincus,  on  voyait 
fleurir  dans  les  petites  villes  de  province,  des 
sociétés  de  quatuors.  C'était  des  employés, 
des  petits  rentiers,"  des  bourgeois  cossus,  voire 
même  des  ecclésiastiques,  piqués  de. la  formule 
^artistique,  qui  se  groupaient  à  jour  fixe,  et 
assis  devant  les  œuvres  d'Haydn,  Mozart, 
Beethoven  ou  Mendelssohn  se  donnaient  la 
grande  joie  de  mettre  à  peu  prés  au  point,  une 
des  pages  admirables  que  ces  Maîtres  ont 
écrites  pour  le  quatuor  seul.  Ces  séances, 
toutes  d'intimité  et  de  mystère,  se  donnaient 
dans  des  cénacles,  d'où  les  profanes  étaient 
soigneusement  exclus,  à  part  quelques  rares 
exceptions,  pendant  lesquelles  les  exécutants 
consentaient  à  s'exhiber  et  à  se  faire  entendre 
à  quelques  amis,  soigneusement  triés  sur  le 
volet. 

Ces  réunions  étaient  exquises  et  suffisaient 
à  entretenir  le  feu  sacré  dans  toute  une  petite 
ville:  les  heureux  tenants  de  ce  tournoi  musical 
portaient  le  nimbe  qui  les  sacrait'  artistes 
aux  yeux  de  leurs  compatriotes,  et  la  jeunesse 
d'alors  aspirait  à  imiter  leurs  exploits.  On 
parlait  dans  les  cercles  du  jour  musical  du 
receveur  particulier,  ou  des  soirées  artistiques 
du  i"'  vicaire,  organiste  de  la  métropole,  et 
quelque  peu  violoncelliste  à  ses  moments  per- 
dus. Il  faut  ajouter  que  souvent  des  agapes 
plantureuses  et  joyeuses  se  greffaient  sur  les 
réunions  artistiques;  après  une  mélodie  de 
Beethoven,  le  concerto  de  Brillât-Savarin  ou 
la  Symphonie  de  Carême  trouvaient  dans  les 
quatre  partenaires,  des  fourchettes  alertes  et 
des  estomacs  solides  et  exercés,  et  tout  cela 
stimulait  le  zèle  des  gourmets  qui,  de  ce  fait, 
devenaient  des  dilettantes  consommés:  puissan- 
ce de  la  musique  sur  la  gastronomie  ou  de 
celle-ci  sur  la  musique!  Mystère!...  que  l'on 
ne  voulut  jamais  approfondir... 

Ces  heureux  temps  n'existent  plus:  l'odieuse 
politique  a  divisé  tous  les  esprits,  a  fermé  tous 


les  ccjeurs;  et  le  petit  ministrable,  le  moindre 
administratif,  qui  seul  dans  sa  chambrette,  use 
un  réel  talent  à  repasser  sur  son  violon,  son 
Kreutzer  ou  son  Fiorillo,  pour  ne  pas  se 
rouiller,  y  regarde  à  deux  fois  avant  d'essayer 
de  joindre  ses  accords  à  ceux  de  l'alto  militariste 
et  du  violoncelliste  clérical.  Et  s'il  allait  être 
taxé  par  une  casserole  envieuse,  de  con- 
spiration contre  l'ordre  des  choses  établies!.. 
Donc  plus  d'union!  partant  plus  de  musique. 
Un  autre  échec  au  quatuor  tranquille,  est 
l'intrusion  dans  l'éducation  de  la  Jeunesse  des 
jeux  en  plein  air.  La  Jeunesse  moderne  ne 
rêve  que  plaies  et  bosses.  On  n'entend  dans  les 
conversations  d'adolescents  parler  que  de  per- 
formances, matches,  records,  etc.  La  "  Vie  au 
Grand  Air  "  augmente  bon  tirage,  tandis  que 
les  Revues  Musicales  piétinent  sur  place  quand 
elles  ne  disparaissent  pas  dans  l'indifférence  et 
l'oubli.  Il  ne  faut  pas  s'inscrire  en  faux  contre 
cet  état  de  chose  ;  mais  seulement  contre 
l'excès  qu'on  en  fait  actuellement.  L'athlétis- 
me a  du  bon,  mais  pas  trop  n'en  faut,  et  la 
direction  des  jeunes  esprits  vers  les  sommets 
sacrés  de  l'art,  et  surtout  de  l'art  par  excel- 
lence, la  musique  est  un  genre  d'Alpinisme 
qui  n'est  pas  à  dédaigner.  En  reviendra-t-on? 
il  faut  l'espérer.  Lorsque  la  somme  des  mem- 
bres cassés,  des  horions  reçus  et  rendus,  des 
écrasements  et  des  chutes  aura  comblé,  la 
mesure,  sans  aucun  bénéfice  pour  les  victimes, 
on  dirigera  ses  aspirations  vers  des  distractions 
plus  paisibles,  et  la  musique  de  chambre,  re- 
trouvant des  adeptes  et  des  fidèles  tranquilles, 
verra  encore  de  beaux  jours. 

C'est  alors  que  devra  se  lever  une  série  de 
compositeurs,  qui,  comprenant  les  besoins  de 
cette  classe  intéressante  des  musiciens,  cher- 
chera à  l'intéresser  par  des  œuvres  emprun- 
tant à  l'art  moderne  toutes  les  ressources  dont 
il  s'est  enrichi,  mais  en  ayant  soin  d'écarter 
les  difficultés  accessibles  seulement  aux  artistes 
et  qui  rebutent  des  efforts  moins  habiles  tout 
en  étant  bien  intentionnés.  Car  c'est  là 
également  une  raison  du  peu  de  succès  des 
quatuors  de  petite  ville.  Quand  les  modestes 
partenaires  veulent  sortir  de  leur  répertoire 
classique,   ils  n'ont   plus  rien  pour   eux  et  lés 


242 


L'ACTUALITÉ    MUSICALE 


succès  des  grands  quatuors  de  la  Capitale 
s'établissent  sur  des  pièces  qu'ils  ne  peuvent 
aborder.  Qu'ils  travaillent,  diront  les  maîtres 
de  le  musique,  et  ils  seront  dignes  de  nous 
jouer.  Hélas  !  il  leur  manque  pour  cela  le 
temps  matériel  possible,  employés  à  leur  bureau 
ou  à  leur  occupation  journalière.  Ce  serait 
donc  faire  œuvre  utile  pour  les  sociétés  d'ama- 
teurs et  en  même  temps  rénumératrice  pour 
le  compositeur  qui  aurait  l'habileté  de  conce- 
voir intéressant  et  relativement  accessible  à 
tous  les  amis  de  la  musique,  de  penser  à  la 
province  dans  certaines  créations  d'œuvres  de 
musique  de  chambre:  RaflFy  avait  songé  et  il 
donna  des  pièces  qui  n'ont  pas  la  sévérité  des 
classiques  et  qui  sont  néanmoins  délicieuses 
à   interpréter. 

L'apaisement  dans  les  esprits  se  fera  sûre- 
ment par  la  force  des  choses:  le  football  aura 
son  temps  :  que  les  immortels  quatuors  inspi- 
rent nos  jeunes  musiciens.  On  ne  leur  deman- 
de que  de  composer  compréhensible  et  l'on 
verra  refleurir  les  anciennes  réunions  de  nos 
jeunes  années  et  se  perpétuer  le  goût  qu'elles 
nous  inspirèrent  et  que  nous  transmettrons 
nous-mêmes  à  nos  descendants  par  une  pérenni- 
té qui  ne  devra  jamais  finir. 

J.  Darrieux. 

ALBI.  —  Une  saison  d'opéra-comique  à 
Albi  est  chose  rare  et  mérite  d'être  signalée. 
Mais  il  est  à  craindre  que  les  efforts  très 
méritoires  de  M.  Jan  Boyer,  directeur,  ne  se 
heurtent  à  l'indifférence  du  public. 

Et  cependant  nous  entendîmes  un  "  Barbier 
de  Sévillc  "    très  acceptable  et  peut-on    tenir 


rigueur  à  la  direction  de  ce  que  la  perfection 
n'ait  pas  été  atteinte  dans  des  œuvres  comme 
Werther  et  La  Tra\iata  r  N.   L. 

ARLES.  —  Le  quatuor  Gallo-romain, 
Fabre,  Doladille,  Dagard,  Rieu,  vient  de 
clôturer  dignement  ses  séances  de  musique  de 
chambre  en  faisant  entendre  le  quatuor  de 
Franck  ;  la  Pa\ane  de  Ravel,  un  fragment  du 
Diciste  de  Perosi  et  enfin  un  quatuor  de 
Beethoven.  A  l'automne,  la  reprise  de  ces 
intéressantes  séances. 

CARCASSONNE.  —  Autre  concert  sym- 
phonique  et  concert  des  mieux  réussis.  Nous 
nous  permettons  d'offrir  toutes  nos  félicitations 
à  Messieurs  Mir,  père  et  fils,  pour  la  maîtrise 
avec  laquelle  ils  ont  tenu  leur  orchestre  et 
aussi  à  l'orchestre  lui-même  pour  sa  cohésion 
et  son  admirable  et  méritoire  entraînement  : 
Mention  toute  spéciale  à  Madame  H.  A'Iolinier, 
l'excellente  cantatrice,  très  bien  accompagnée 
au  piano  par  Madame  J.  Sabatier  —  à  Ma- 
dame Vives-Curnier,  harpiste,  et  à  Madame 
Combes,  pianiste,  dont  l'exécution  fut  merveil- 
leuse. 

NIMES.  —  La  société  des  concerts  du 
Conser\atoire  de  Nîmes,  qui,  depuis  cinq  ans 
déjà,  poursuit  avec  succès  son  œuvre  d'éduca- 
tion musicale  du  grand  public  nîmois,  nous  a 
offert,  mercredi  dernier  dans  la  coquette  salle 
de  l'Eden,  un  magnifique  récital  de  piano  par 
la  jeune  virtuose  \on  l^arcntzen,  premier  prix 
du  conser\;itoirc  lic  Paris  de  1909,  âgée 
de   I  2  ans. 


Application 

raisonnêe  des 

meilleurs  procédés 

pédagogiques 

et  techniques 

employés  par  les 

grands  maîtres 

contemporains 

français 

et  étrangers. 


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VIOLONS,  SOLFÈGE  HARMONIE 

VAR  CORRESPONDANCE 

COURS    SINAT 

Rue    Franklin,    5,     TARIS    —     Trocadéro. 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


243 


Si  de  tels  succès  n'arrêtent  l'évolution  nor- 
male de  cette  virtuose  si  précoce  et  si  mer- 
veilleusement douée,  elle  deviendra  fatalement, 
avec  un  peu  plus  de  maturité  l'une  des  plus 
2;randes  et  des  plus  belles  interprètes  des  grands 
maîtres  du  piano. 

L.  B.  C. 

SALON.  —  On  n'y  est  pas  mélancolique. 
Que  nos  lecteurs  en  jugent  par  ces  quelques 
lignes  qui  nous  sont  envoyées  du  Grand  Café 
du  Commerce.  (Rendez-vous  de  MM.  les 
Courtiers  et  Voyageurs)  : 

L'impressario  amateur,  auteur  et  acteur, 
M.  Mourret  organise,  pour  être  joué  dans  son 
coquet  théâtre  de  Verdure,  de  Fontgrave,  un 
véritable  gala.  Le  programme  comportera  trois 
pièces  qui  en  disent  long... 

i"  Banalités  astrales,  pièce  d'actualité. 

2'^'  Voué  au  Blanc. 

3"  Tromb-Ac-Ca-Zar. 

Nous  sommes  enchantés  de  donner  à  notre 
actualité  cette  note  de  gaîté. 

BORDEAUX.  —  L'événement  artistique 
capital  du  mois,  fût  la  présence  dans  nos  murs, 
du  "Tonkûnstler-Orchestre"  de  "Munich", 
avec  son  chef,  "  José  Lassalle  "  (un  Français) 
qui  nous  donna  deux  magnifiques  Concerts 
dans  la  nouvelle  salle  du  Théâtre  de  "  l'Al- 
hambra  ".  Signalons  tout  particulièrement 
l'exécution  de  la  première  symphonie  de 
Gust.  Mahler  et  du  Don  Juan  de  R.  Strauss 
qui  remportèrent  un  très  gros  succès. 

La  nouvelle  salle  du  Théâtre  de  l'Alham- 
bra  qu'inaugurait  l'orchestre  de  Munich,  et  qui 
a  été  construite  sur  les  plans  de  l'Architecte 
"  Tournier  ",  est  certainement,  une  des  plus 
vastes  et  des  plus  confortables  de  Province. 
2400  personnes,  y  sont  très  à  l'aise  ;  l'acousti- 
que y  est  excellente. 

Pour  être  fidèle  chroniqueur  signalons  le 
concert  donné  par  Madame  Paul  Duv,  qui 
chanta  devant  un  public  des  plus  élégants  des 
mélodies  de  C.  Franck,  Fauré,  accompagné 
par  Monsieur  "  Edmond  Bernard  ",  professeur 
à  la  Schola  Cantorum. 

MM.  Jacques  et  Joseph  Thibaut  viennent 


de  nous  donner  leur  Concert  annuel  avec  un 
programme  des  plus  artistiques. 

V.  Gendreu. 

LES  SABLES  D'OLONNE.  —  Au 
Grand  Casino,  M.  Audubon  a  confié  l'ad- 
ministration artistique  à  M.  Etienne  Bardon, 
officier  de  l'instruction  publique,  chef  d'or- 
chestre éminent,  harmoniste  distingué,  excel- 
lent violoniste,  clarinettiste  virtuose,  en  un 
mot,  artiste  de  réel  talent. 

Le  passé  de  M.  Bardon  répondant  de 
l'avenir,  à  l'avance,  il  est  facile  d'augurer 
qu'avec  un  tel  artiste,  notre  Saison  artistique 
sera  des  meilleures. 

Nous  publierons  prochainement  le  tableau 
de  la  Troupe  et  le  Répertoire  de  la  Saison. 

GUÉRET.  —  Vif  succès  pour  M'^^'  Vezet, 
accompagnée  par  M'"  Alaphilippe,  dans  la 
Havanaise  de  S^  Saëns,  Nos  félicitations  à 
M.  Tavannes  dans  Benvenuto  Cellini. 

—  Des  œuvres  de  Beethoven,  Mendelssohn, 
Cherubini,  Bach,  Gounod,  Guiraud,  Mascagni, 
rehaussèrent  les  cérémonies  de  la  premièie 
Communion  des  lycées  de  jeunes  filles  et 
garçons,  et  nous  permirent  d'admirer  les  jolies 
voix  de  M^^*^*  Chabot,  Berge,  Pignier,  la  belle 
sonorité  de  M"*^  Duval  et  la  maîtrise  avec 
laquelle  M™''  Salmon  dirige  les  chœurs  de  ses 
jeunes  élèves. 

—  A  l'amicale  des  Instituteurs,  une  mention 
spéciale  à  M"^®  Soûlas  et  nos  meilleures  félici- 
tations pour  son  brillant  succès  aux  derniers 
examens  pour  l'enseignement  du  chant  dans 
les  écoles. 

S*  BRIEUC.  —  Concert  intéressant  donné 
par  la  Philharmonique  avec  le  concours  de 
Léon  Moreau  et  de  sa  jeune  élève  M"*^  Che- 
valier. Ils  interprétèrent  sur  deux  Pleyel  à 
queue  de  la  Maison  Gaudu  les  variations  de 
S*^  Saëns,  Beethoven,  et  un  concerto  du  distin- 
gué Prix  de  Rome.  La  S^  Chorale,  retour  du 
concours  de  Laval  (avec  deux  premiers  prix), 
y  chante  avec  succès  deux  morceaux. 

TOURS.  —  La  saison  musicale  est  ter- 
minée. Quand   les  fanfares  de  la  foire  de  mai 


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Kxlrnil   du   romnn   tic    liiuvcl   (131  Si   puLlir   rn   n-prorlurlitin    plioto^;riiphiguc. 


L  '  A  C  T  U  A  L  1  T  E    M  U  s  I  C  A  L  E 


•45 


ï^oiijieiit  sur  les  bords  \crdoyaiits  de  notre 
Jvoire,  qui  pourrait  résister  à  leur  appel  et  aller 
s'enfermer  dans  une  salle  de  Concert,  fût-ce 
pour  assister  à  une  soirée  aussi  peu  fatigante 
que  celle  donnée  pour  la  clôture  par  la  société 
littéraire  et  artistique  de  la  Touraine  (à  noter 
de  belles  pages  de  Chabrier,  Ch.  Bordes  et 
Fernand  Jouteux  fort  bien  chantées  par  M"^^' 
Paul  Diey,  et  de  vieux  airs  accompagnant 
V El  Brou^  farce  paysanne  tirée  du  Folk-Lore 
tourangeau  par  MM.  Horace  Hennion  et 
,Em.  Morin)  —  fût-ce  pour  entendre  une 
aussi  excellente  interprétation  de  sonates  que 
celle  de  M^^^  Wyder  et  de  M.  Liéron  à  leur 
dernière  séance  (mi  maj.  de  J.  S.  Bach  ;  si 
maj.  de  Victor  Vreuls  ;  sol  min.  d'Ed.  Grieg.) 
Donc,  à  l'hiver  prochain... 

H.  H. 

CAEN.  —  La  saison  des  Concerts  est  ter- 
minée et  l'activité  musicale  est  concentrée  au 
théâtre  pour  la  durée  de  la  saison  d'opéra. 
Avec  de  bons  artistes  des  grands  théâtres  de 
province  :  M^^^'  Virgitté,  MM.  Breton-Caubet, 
Delpret,  etc.  et  quelques  artistes  en  représen- 
tation: M™®  Clément,  M.  Aumonnier,  on  joue, 
au  Théâtre  municipal,   le  répertoire  consacré. 

A.  M. 

TROUyiLLE.  —  La  réouverture  du 
Casino  aura  lieu  le  1 5  Juin.  La  saison  théâtrale 
commencera  par  l'opérette  avec  M™®  Landouzy 
de  l'opéra-comique. 

Puis  trois  grands  concerts  avec  le  concours 
de  M™^  Félia  Litvine  la  grande  cantatrice, 
M™®  Juliette  Toutain-Griin  la  célèbre  virtuose 
dont  le  talent  est  si  apprécié  et  de  M™®  Herleray 
de  l'opéra-comique.  Pour  ces  soirées  M""'  San- 
drini  de  l'opéra,  accompagnée  de  dix  danseuses, 
apportera  un  attrait  nouveau  pour  les  specta- 
teurs du  Casino. 

Ajoutons  à  ces  représentations  quelques 
tournées  parisiennes  avec  le  concours  de  M'""^® 
Tessandier  de  l'Odéon,  Berthe  Bady  du  Gym- 
nase, Andrée  Megard,  Madeleine  Lely,  Miss 
Campton  ;  MM.  Albers  de  l'opéra-comique, 
Gémier,  Calmettes,  Max  Dearly,  André  Brûle 
etc.;  on  voit  que  les  spectateurs  n'auront  que 
l'embarras  du  choix. 


Nous  parlerons  avant  l'ouxeiture  de  la  saison 
des  autres  artistes  de  la  troupe  permanente. 

MONTPELLIER.— Les  ancienséléments 
de  la  Schola  viennent  de  se  grouper  à  nouveau 
sous  le  nom  de  "  Société  Charles  Bordes  ", 
dans  le  but  de  continuer  l'œuvie  de  décentra- 
lisation artistique  commencée  par  le  Maître 
prématurément  disparu.  La  nouvelle  société 
s'est  déjà  fait  entendre  à  l'église  dans  une 
messe  de  Vittoria  et  diverses  œuvres  de  Nanini, 
R.  de  Lassus,  Aichinger,  Bach,  etc.  r 

Grâce  au  concours  des  chanteurs  de  la  Schola 
d'autres  sociétés  peuvent  donner  de  temps  en 
temps  des  auditions  intéressantes.  C'est  ainsi 
que  la  Société  de  S^  Jean,  nous  fît  entendre 
dans  de  bonnes  conditions  le  beau  psaume 
"  super  flumin^  "  de  Guy  Ropartz. 

—  De  leur  côté  les  musiciens  professionnels 
ont  fondé  une  association  de  secours  mutuels 
au  profit  de  laquelle  ils  ont  donné  cette  année 
quatre  concerts. 

—  Parmi  les  artistes  de  passage  je  mention- 
nerai :  le  Quatuor  Zimmer,  très  aimé  des  Mont- 
pellierains. 

Enfin  MM.  Enesco,  Wurmser  et  Hekking 
se  firent  apprécier  dans  un  joli  trio  d'Haydn, 
la  belle  sonate  (piano  et  violon)  de  Schumann, 
admirablement  interprétée,  et  la  sonate  de 
Boëilmann.  E.  P. 

BEZIERS.  —  Les  représentations  d'Helio- 
gabale  sont  définitivement  fixées  aux  21  et  23 
août.  L'orchestre  de  300  musiciens  sera  dirigé 
par  M.  Hasselmans.  Les  danses,  réglées  par 
M.  Belloni,  seront  exécutées  par  M'"®^^  Napier- 
kowska,  Sereni  et  Ea  Karité.  M.  Franz  et 
M"^  Le  Senne  de  l'Opéra  prêteront  leur  con- 
cours pour  la  partie  musicale.  .  E.  P. 

LYON.  —  Parmi  les  rares  auditions  de 
cette  fin  de  saison,  nous  mentionnerons  :  un 
récital  de  piano  dans  lequel  Edouard  Risler  et 
son  brillant  élève  Ennemond  Trillat  ont  été 
acclamés  ;  les  deux  dernières  séances  du  quatuor 
Gillardini,  Loiseau,  Vieux  et  Hekking  et  une 
intéressante  audition, des  élèves  de  M™*  Mau- 
vernay.  ,  ~ 


246 


L'ACTUALITE    M  U  S  1  c:  A  L  E 


Le  deuxième  concert  du  Tonkilnstler-Orchester 
de'-  Munich,  a  eu  lieu,  le  5  mai,  à  la  salle 
Rameau,  cette  fois  archi-comble.  La  première 
symphonie  de  G.  Malher. 

V Enchantement  du  Fcndredi  saint,  de  Parsi- 
fals,  le  'Prélude  et  la  mort  d'Tseult,  l'Apprenti 
sorcier,  de  Dukas,  et  les  ouvertures  des  A/^/^ré-i 
Chanteurs  et  de  Tannhaiiser  figuraient  au  pro- 
2;ramme  et  ont  été  merveilleusement  exécutés. 
Le  public  L}onnais  a  fait  une  enthousiaste  ova- 
tion aux  artistes  bavarois  et  à  M.  J.  Lassalle, 
leur  chef  expert  et  réputé. 

L'audition  des  élèves  de  M.  Gaston  Bevle 
a  été  très  brillante  ;  c'est  plaisir  d'entendre 
interpréter  avec  autant  d'intelligence  l'aventure 
d'Arlequin  de  Hiliemacher  et  la  Légende  du 
Point  d'Argentan,  de  Fourdrain.  E.  B. 

''AMIENS.  —  Après  avoir  fait  applaudir 
aux  habitués  de  leurs  concerts  les  oeuvres  des 
grands  maîtres,  les  dirigeants  de  l'Harmonie 
Municipale,  variant  le  programme  de  leurs 
réunions,  nous  avaient  conviés,  mardi  soir,  à 
entendre  et  passer  en  revue  les  divers  genres 
de  la  chanson. 

En  un  programme  fort  bien  composé,  nous 
avous  goûté  en  cette  soirée  les  œuvres  des 
meilleurs  maîtres  chansonniers  de  toutes  les 
époques  et  de  nationalités  diflFérentes,  airs  du 
passé,  refrains  des  pays  orientaux  et  slaves 
les  couplets  modernes  en  passant  par  les  chan- 
sons canadiennes. 

Les  chansons  tziganes,  dont  la  musique 
irrégulière  nous  échappe  un  peu,  nous  ont  été 
produites  par  M"'"  Ew.  de  Primo-Zamco. 

CHARLEVILLE.  —  Au  théâtre,  la 
Société  Philharmonique  donnait  son  dernier 
concert  de  la  saison.  L'excellent  orchestre  y 
avait  ample  besogne.  Signalons  la  brillante 
ouverture  de  Phèdre  (Masscnet)  la  S}'mph(Miie 
d'Haydn  rendue  très  délicatement,  un  andantc 
pour  instruments  à  vent,  et  un  gracieux 
Carillon   de   M.  Tridemy,  chef  de  la  Société. 

M.  Dietrich  exécuta  au  piano  en  un  excel- 
lent style  un  Nocturne  de  Chopin  et  cnlc\a 
brillamment  la  l  T'  Rhapsodie  de  Lis/t. 

M.  Bellamy,  en  fin  diseur, eut  sa  part  d'ap- 


plaudissements dans  ses  chansons  modernes  e: 
dans  quelques  couplets  de  Béranger  et  de 
Nadaud. 

DOUAL  —  Les  élèves  de  l'Ecole  Natio- 
nale de  Musique,  ont  donné  au  cirque  muni- 
cipal un  très  intéressant  exercice  musical. 
Mentionnons  tout  particulièrement  l'orchestre 
formé  des  élèves  des  différentes  classes  instru- 
mentales, admirablement  st^■lé  par  le  directeur 
M.  Paul  Cuelenaere.  Ces  jeunes  gens  et  ces 
jeunes  filles,  presque  des  enfants,  ont  assumé 
la  lourde  tâche  d'accompagner  cinq  Concertos 
de  Mozart,  Max  Bruch,  Goltermann  et 
Grieg.  Comme  solistes  signalons  :  M.  André 
Obez,  pianiste  doué  d'un  tempérament  très 
artistique,  M.  Delmotte,  excellent  clarinettiste, 
M.  Paul  Elis,  \ioloncelliste  au  son  magnifique  : 
M"''  Suzanne  Daoenne,  dont  le  jeu  est  si 
brillant. 

RETHEL.  —  Très  intéressant  concert 
donné  par  la  Société  d'Etudes  S\mphoniqucs,^.\&c 
le  concours  de  M"''  Aimée  Ozanne,  pianiste, 
M.  Raymond  Mennesson,  violloncelliste  ; 
M.  Martius  Pompon,  violoniste.  .Excellent 
programme  et  exécution  très  soignée.  Voici 
bientôt  la  fin  de  nos  séances  musicales  qui 
reprendront  au  début  de  l'automne. 

NIORT.  —  M.  et  M'"^  Tolbecque  vien- 
nent de  donner  une  audition  de  musique 
classique,  à  laquelle  prenaient  part,  outre 
M.  Tolbecque,  M"'''  Ducret  et  Loudun, 
M'""  Corbin,  RifJaud,  Bertrand,  M.  Rittber- 
ger.  M.  Tolbecque  remporta  un  grand  succès 
tant  comme  chef  d'Orchestre  que  comme 
violoncelliste  en  exécutant  le  premier  Concerto 
de  S'  Saëns. 

NANTES.  —  Deux  auditions  d'impor- 
tance, en  cette  fin  de  saison.  Tout  d'abord  le 
concert  Hermann,  a\ec  le  concours  de 
MM.  Capet  et  Paulet.  M.  Hermann  s'est 
révélé  un  excellent  chef  d'iirciiestre,  plein 
il'initiative  et  de  décision.  Puis  le  concert  du 
groupe  "  A  Capella  ",  où  M.  Loins  de  Serres 
\int    diriger    des    (ru\res     pol\  ph()nii|ues,     et 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


247 


M^'''  Blanche  Selva  exécuter  un  programme 
historique.  M'"^'  Selva  excelle  dans  les  œuvres 
modernes,  l'intensité  et  la  vigueur  de  son  jeu 
portent  haut  et  loin. 

J.  B. 

ROUEN.  —  Les  concerts  de  la  Société 
des  Artistes  Rouennais  a  présenté  jusqu'au 
bout  un  réel  intérêt,  avec  son  concert  de  mu- 
sique de  chambre,  et  surtout  avec  la  "  Damoi- 
selle  Elue  ".  M.  Marcel  Dupré,  premier  prix 
du  Conservatoire,  s'est  fait  admirer  dans  des 
œuvres  de  Bach,  de  Franck,  d'Albeniz  et  dans 
la  jolie  Suite  bourguignonne  de  Vierne.  Très 
bon  succès  aussi  pour  M^'^René  Doire,  pianiste 
brillante  et  délicate.  P.  L.  Robert. 

POITIERS.  —  A  signaler  le  jeu  sûr  et 
intelligent  de  M.  Bernard,  pianiste,  et  le  succès 
de  M"^*^  Paul  Diey.  " 

VESOUL.  —  Le  28  mai  a  eu  lieu  une 
très  intéressante  audition  des  élèves  de  l'Ecole 
de  musique  Lanzôni,  avec  un  de  ces  pro- 
grammes un  peu  mélangé,  comme  on  en 
rencontre  encore  tant  en  province,  mais  qui 
témoigne  d'un  véritable  et  sincère  effort  artis- 
tique. 


Belgique 


OUBLIS  ET  OMISSIONS.  —  Nous 
avons  oublié,  dans  le  compte-rendu  de  la 
2^  séance  de  la  section  belge  de  la  S.  L  M.  de 
citer  le  nom  de  M.  Van  Bever.  Qui  prêtait 
son  précieux  concours  à  l'audition,  que  l'ex- 
cellent artiste  veuille  bien  prendre  sa  part  des 
félicitations  que  nous  avons  exprimées. 

—  Omis  également,  à  propos  de  la  distri- 
bution des  récompenses  aux  élèves  de  l'Institut 
musical  dirigé  par  M.  H.  Thiebaut,  de  signaler 
une  exécution,  certes  mémorable,  de  la  Kaiser 
marsch  de  Wagner,  par  16  mains  et  une  cen- 
taine d'enfantelets  et  jeunes  filles,  avec  tra- 
duction ^^w^r^n^  de  M.   Van  den  Borren. 

—  Toujours  à  propos  de  cette  séance,  nous 


avons  reçu  une  longue  lettre,  signée  par 
Madame  Emma  Lachenmeyer,  de  Genève. 
Notre  aimable  correspondante,  après  noiis 
avoir  reproché  un  avis  hâtif  et  superficiel 
s'attaquant  à  une  méthode  dont  nous  n'avons 
certes  pu  mesurer  les  effets  lointains  et  la  haute 
portée  —  [nous  l'avons  dit,  la  démonstration 
était  la  première  faite  en  Belgique  et  c'est 
d'après  l'impression  qu'elle  nous  donna  que 
nous  avons  cru,  sous  réserve,  pouvoir  émettre 
une  réflexion  défavorable]  —  Madame  La- 
chenmeyer disons-nous,  exalte  la  valeur  de 
cette  méthode.  Son  enthousiasme  ne  réussit  pas 
à  nous  convaincre.  "Ecole  de  volonté,' école 
de  lumière,  école  d'ordre  supérieur  —  les 
mouvements  qu'elle  enseigne  montrent,  tra- 
duisent, développent  à  travers  le  corps  tout 
entier,  l'âme  personnelle  de  chaque  petit  enfant  ; 
impossible,  avec  ces  mouvements  de  cacher 
quoi  que  ce  soit,  mais  mettre  les  défauts  en 
lumière,  c'est  les  combattre  ". 

Franchement,  nous  n'avons  pu  soupçonner- 
tout  cela,  et  nous  n'avons  constaté  qu'une 
chose,  à  savoir  que,  par  un  commandement 
bref,  on  oblige  les  enfants  à  se  livrer  à  tel 
mouvement  appris  d'avance,  parfaitement 
défini,  alternant  avec  tel  autre  également  prévu, 
le  même  pour  tous.  C'est  le  côté  "  pion  "  de 
la  méthode.  C'est  le  "  programme  "  scolaire, 
la  contrainte,  le  frein  pour  le  libre  exercice  du 
corps  —  et  de  l'esprit. 

C'est  le  règlement,  la  loi  commune,  qui 
devant  l'exception,  devient  non  seulement  ridi- 
cule, mais  odieuse.  Elle  a  raison,  peut-être, 
pour  ce  qui  regarde  les  fonctions  générales,  et 
à  ce  titre,  la  gymnastique  ordinaire,  qui  ne 
prétend  pas  à  l'art,  et  qui  ne  se  réclame  pas 
de  la  "  Musique  "  me  paraît  suffisante.  Bien 
plus,  M.  H.  Thiebaut,  dont  nous  admirions 
la  conviction,  la  ferveur,  et  les  très  hautes 
ambitions,  ne  nous  disait-il  pas,  "  nous  forçons 
les  fillettes  à  s'appliquer.  Il  faut  qu'elles  suivent 
le  commandement.  Peu  à  peu,  nous  disci- 
plinons les  plus  distraites  —  et  ne  nous  préten- 
dons pas  qu'elles  s'abandonnent  à  leur  bon 
plaisir,  quand  l'une  se  montre  gracieuse  (c'est 
dans  le  caractère  de  la  femme)  nous  nous 
empressons    d'intervenir,   de   corriger  —  car 


VIENT   DE   PARAITRE 

A  LA 


MAISON    BEETHOVEN 

(GEORGES     OERTEL) 

RUE  DE  LA  RÉGENCE,  17-19,  BRUXELLES. 


C.  THOMSON 

ZIGEUNER    RHAPSODIE 

Pour  Violon  et  Orchestre 
Réduction  :    VIOLON    ET    PIANO,  net 6.00 

EN    LOCATION    LE    MATÉRIEL    D'ORCHESTRE 

GHOPIN-THOMSON 

MAZURKA    op.    7    No.   I.    Violon  et  Piano,  net  2.00 


EN  PREPARATION: 

ROOVERSLIEFDE 

Drame    Lyrique    en    un    acte    de    p.      GILSON 
PARTITION  :    Piano   et   Chant. 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


249 


nous  ne  voulons  pas,  nous,  de  la  Office.  " 
Eh  :  bien,  je  le  demande,  n'est-ce  pas  là  de 
la  scolastique  desséchante.  —  M.  Jacques 
Dalcroze  et  ses  fidèles  voudraient-ils  donner 
raison  à  la  géniale  ironie  du  plus  grand 
écrivain  de  notre  ère  ;  en  transformant  nos 
jeunes  filles  en  autant  de  mannequins  méca- 
niques, annonciateurs  de  V Eve  future  ? 

Certes,  les  jeux  des  enfants  sont  autrement 
profonds,  psychologiquement,  que  ces  mouve- 
ments de  la  méthode,  et  là  seulement  se 
'traduit  l'âme,  telle  qu'elle  est.  Et  puis,  que 
dire  de  cette  conception  de  l'harmonie  qui  pros- 
crivant chez  les  fillettes,  la  grâce,  qui  est  bien 
l'expression  distinctive,  et  le  charme  de  nos 
compagnes  ?  Allons  donc,  la  nature  se  moque 
bien  des  écoles,  encore  qu'elles  soient  d'inté- 
grité, "  parce  que  les  mouvements  doivent 
être  exécutés  avec  précision,  sans  à  peu  près, 
jusqu'au  bout,  sans  faire  semblant,  sous  le 
contrôle  et  la  direction  du  rythme  ".  Et  il  ne 
s'agit   point,    madame   Lahenmeyer,    de  faire 


exécuter  les  mouvements  Dalcroze  à  la  cam- 
pagne pour  que  la  méthode  devienne  lumi- 
neuse. Ce  n'est  pas  pour  être  exposée  au  plein 
soleil  de  midi  qu'une  croûte  quelconque 
devient  un  Claus  !  La  clarté,  comme  l'âme, 
vient  du  dedans,  et  la  musique  n'est  pas  un 
contrôleur  de  volonté,  et  le  rythme  ne  s'im- 
pose pas.  Chacun  de  nous  porte  le  sien.  C'est 
ravaler  cette  expression  supérieure  de  la  vie 
au  rôle  le  plus  attristant  qui  soit,  que  la  faire 
servir  sur  peau  d'âne,  sur  corde  ou  métal,  ou 
à  travers  le  corps  des  enfants,  à  l'ordre  résumé 
dans  :  Un,  deux  !  Cet  ordre  là,  c'est  le  point 
mort,  et  c'est  pour  l'oublier  que  nous  sommes 
nés  musiciens. 

R.  L. 

SÉANCES.  —  A  y  Université  Nouvelle^ 
M.  Lionel  Dauriac  a  parlé  de  la  Musique  et 
r  Intelligence. yi.  Henry  Quittard  annonce  une 
causerie  sur  la  Musique  vocale  et  instrumentale 
aux  I  5*^  et  1 6*^  siècles. 


COMPOSITIONS  DE  EDGAR  TINEL 


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Nouvelles  éditions 

revues  et  corrigées 

Op. 

1. 

Quatre  Nocturnes  à  une                    gg 
voix Fr.  2.— 

a    Op.  11. 

Funf  Gesange  aus  N.  Le- 
nau's   "  Lieder  der  Sehn- 

Op. 

2. 

Trois  Morceaux  de  Fan- 
taisie pour  Piano  :  No.  1 . 
Papillon.   2    Le  soir. 
3.  Adieu     .     .     .complet     „    2.— 

Op.  12. 

sucht  "  (texte  allem.  et  fl.)     , 
Een  krans  van  veertien 
oud-vlaamsche   min- 
neliederen  (texte  flam.) 

2.— 

Op. 

3. 

Scherzo  en  ut  mineur  pour 

piano ,    2. 

Op.  13. 

complet  net , 

Vlen     oud  -  vlaamsche 

5.— 

Op. 

4 

Dria  Llederen  (texte  fl.).    „    1.75 

dPinkliedenen  (texte  fl.) 

Op. 

5. 

Quatre  Mélodies  ; 

1 .  L'Automne „    1  ■ — 

2.  Charmante  Rose.     .     .     .,    1.35 

3.  Bel  Enfant,  souris-moi .     „   0.85 

4.  L'Oracle  en  défaut.      .    „    1  .OO 
idem      .     .     complet  net     .     „    2.50 

Op.  14. 

complet  net 

Au   printemps,  cinq  mor- 
ceaux de  fantaisie  p.  piano: 
I .  Hymne.  2.  Joie.  3.  Peti- 
tes fleurs  !...  4.  Ave  Maria. 
5.  Danse  de  paysans      .     .     , 

2.50 
4.— 

Op. 

6. 

Deux  Mélodies  : 

1.  L' Angélus 1.35 

2.  Pourquoi .,,1.35 

Op.  17. 

Marche  extraite  delà  can- 
tate  "  Klokke   Roeland 
pour  Piano  à  4  mains     .     .     , 

2.50 

Op. 

7. 

1 .  Impromptu-valse,  p.  piano     „    2. — 

2.  Chanson,  pour  piano  .     .     „    1  . — 

Marche  p.  piano  à2-mainsQ), 
Weverslled  uit  de  cantate 

2.— 

Op. 

8. 

Sechs  LIeder  und  Gesange 

(texte  allemand  et  flamand)    „    3. — 

Op.  30. 

"  Klokke  Roeland  "... 
Marche    Nuptiale   ipour 

1.35 

Op. 

9. 

Sonate  pour  piano-     .    net     .,    5. — 

piano  à  4  mains , 

3.— 

Op. 

10 

Schilfliedep  von  ^l'co/as 

Lenau  (text  allem.  et  fl.)     „    2.— 1 

Le   Mois  de  Mai  (à  Ma- 
rie) Mélodie , 

1.35 

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SCHOTT    FRÈRES,    Éditeurs  de  Musique  à  BRUXELLES 


LEO  OLSCHKI 

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le  nnonde  entier  des  bibliophiles.   (Un  an  30  fr.) 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


251 


M.  f^an  den  Borren  a  termine"  son  cours 
d^hktoire  de  la  musique  de  Clavier. 

Ce  cours  comprenait  l'étude  et  l'exécution 
de  nombreuses  œuvres,  datant  de  1450  à  la 
seconde  moitié  du  16''  siècle.  L'érudit  profes- 
seur examinera  l'an  prochain  Les  origines  de  la 
musique  de  clavier  en  Angleterre  et  dans  les  Pays 
Bas,  (lô^"  siècle  et  début  de  ly^  siècle)  et  la 
naissance  de  la  "  suite  de  clavier  "  pendant  la 
l'''^  moitié  du  17°  siècle. 

—  L'éminent  professeur  et  écrivain  M.  £^wi/^ 
Sigogne^  a   parlé   chez   Af  "'^   Emma  Beauck  de 

'  P Esthétique  de  la  Parole. 

—  L'orchestre  du  Conservatoire^  sous  la  direc- 
tion du  Maître  Edgar  Tinel  a  donné  un 
concert  dans  la  grande  salle  des  fêtes  de  l'Ex- 
position Internationale,  le  29  mai. 

—  On  annonce,  pour  le  31  juillet  19 10,  la 
fête  organisée  par  le  Royal  Cercle  instrumental 
de  Bruxelles.,  à  l'occasion  du  25*^  anniversaire 
de  son  président  M.  Borremans.  Le  jeune 
artiste  qui  dirige  excellement  cette  renommée 
phalange  y  fera  entendre  un  Chant  triomphal 
de  sa  composition  avec  le  concours  du  Cercle 
Royal  y  Orphéon. 

—  M.Z)w/"««^,  dontnous  admironsl'inlassable 
dévouement  à  la  tâche  d'éducateur^  organisait, 
dans  le  courant  de  mai,  avec  un  orchestre  de 
65  instrumentistes,  salle  de  la  Grande  Harmonicj 
8  auditions. 

Il  fut  secondé  par  M'^®®  Angus,  Ceuppens- 
Honzé,  Gabrielle  Bernard,  Ketty  Kuzon, 
Christiane  Eymael,  Marguerite  Dases-canta- 
trices. 

p^/[Ues  Berthe  Bernard,  Germaine  Lievens, 
pianistes.  —  MM.  Doechaerd,  Frigola,  violo- 
nistes, —  Den  Haerynck,  baryton,  Van  Huile, 
flûtiste,  Van  Neste,  violoncelliste. 

■  BIBLIOGRAPHIE.  —  Spleen  de  ?ieige,  de 
Michel  Brusselmans.  (Edition  Oertel.  Bruxel- 
les. Avec  couverture  en  couleur  par  le  peintre 
B.  Brusselmans.) 

Le  jeune  compositeur,  dont  le  tempérament 
dramatique  et  fort  s'est  affirmé  dans  des 
œuvres  largement  conçues  et  construites,  nous 
offre  une  mélodie  délicate,  fluidique,  peu  en 
rapport  avec  ce  que  nous  connaissons  de  lui. 


peu  caractéristique  de  son  art.  Cela  tient 
vraisemblablement  au  poème  —  pardon  — 
aux  paroles,  qui  sont  en  dessous  de  la  littéra- 
ture. —  Une  impression  chante,  légère  et 
douce,  dans  une  tonalité,  mélancoliquement 
évocatrice,  qui  fait  songer  à  la  sonate  au  clair 
de  lune  de  Beethoven... 

—  Trois  ^Poèmes  de  Harold  Bridgman. 
Une   œuvre  de    début,  d'un    musicien    qui 

promet.  M.  Brigman  excelle  à  évoquer  l'âme 
subtile  d'un  poème,  sa  musique,  en  demi- 
teinte,  est  plus  une  sensation  notée  qu'un 
thème  dévoloppé.  La  nuance  est  vaporisée,  et 
flotte  comme  un  voile  autour  du  lied  qui  s'im- 
précise.  La  "  manière  "  debussyste  hante  le 
compositeur  :  nous  le  mettons  en  garde  contre 
ce  danger,  le  même  pour  tous  les  jeunes... 

—  Remembrâmes.  —  Quatre  impressions 
musicales  sur  des  poèmes  à'' Arthur  Symons, 
traduits  par  E.  et  L.  Thomas. 

De  M.  Ludovic  Stiénon  du  Pré,  sur  de 
délicates  notations,  a  composé  de  fort  agré- 
ables harmonies,  caresses  musicales  imprégnées 
de  regrets,  et  de  vague  tristesse.  Ces  quatre 
mélodies  sont  d'excellente  tenue  et  de  distinc- 
tion ;   elles  forment  un  charmant  recueil. 

LIEGE,  15  Alai  1910.  —  La  tournée 
Félia  Litvinne  est  passée  par  chez  nous, 
triomphante  comme  partout,  plus  chaleureuse- 
ment applaudie  qu'ailleurs  par  la  colonie  des 
étudiants  russes  à  l'intention  desquels  la 
superbe  cantatrice  dût  chanter  de  nombreux 
bis  en  leur  langue.  L'accompagnement  mûri 
par  M.  Lauweryns,  devint  une  vraie  et  très 
artistique  collaboration  et  M.  Bazelaire  jugeait 
le  charme  très  pur  de  son  violoncelle  à  la 
passion  de  l'interprète  principale. 

Par  une  fâcheuse  coïncidence,  les  auditeurs 
de  M^^^®  Litvinne  furent  privés  d'entendre  le 
concert  des  Amateurs,  où  M""*^  Gôb  développa, 
dit-on,  un  superbe  organe  en  chantant  du 
Gluck,  du  Haendel;  où  M.  Nicolas  Radoux 
se  montra  hors  pair  dans  le  concerto  en  sol 
pour  flûte  de  Mozart,  où  fut  interprété  — 
avec  la  collaboration  de  MM.  Dumoulin, 
trompettiste  et  Maurice  Jaspar,  pianiste  —  le 
septuor  de  Saint  Saëns. 


DÉSIREZ-VOUS    CONNAITRE    L'ADRESSE 

d'une    Maison    donnant    en    LECTURE     non    seulement    de    la 

Musique    Française 


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253 


—  M.  Jules  Debefve  a  repris  cette  année 
ses  concerts  de  printemps,  au  théâtre  royal,  et 
malgré  le  programme  attrayant  dont  il  les  dota 
—  un  Festival  Wallon  —  il  n'a  point  à  se 
louer  de  cette  entreprise.  Le  public  ne  vient 
pas.  Après  une  expérience  de  plusieurs  années, 
le  fait  s'avère  et  il  est  à  souhaiter  que  M.  De- 
befve en  revienne  au  système  ancien,  qui 
consistait  à  donner  quatre  grands  concerts 
d'hiver  et  à  supprimer  les  auditions  de  prin- 
temps. 

Le  Festival  Wallon  était  loin  du  reste  de 
réunir  tous  les  grands  noms  de  notre  province, 
et  il  me  suffira  de  citer  trois  des  oubliés  : 
Victor  Vreuls,  Philippe  Rilfer  et  Erasme 
Raway,  pour  démontrer  les  lacunes  de  son 
programme.  D'autre  part,  la  partie  ancienne 
était  soignée  ;  on  a  entendu  du  Gréty,  du  Jean 
Noël  Hamal  (t  1778),  autant  que  des  acteurs 
vivants  :  Cari  Smulder,  Albert  Dupuis,  Théo- 
dore et  Charles  Radoux,  Riga,  Sylvain  Dupuis, 
Léon  et  Joseph  Jongen  ou  d'autres,  défunts  : 
Vieux-temps,  César  Franck,  Lekeu.  C'est  un 
joli  contingent  de  noms  et  il  est  certe  regret- 
table que  notre  public  ait  montré  si  peu 
d'empressement  chauvin. 

—  A  Vceuvres  des  Artistes^  le  salon  de  mai 
apportera  bon  marche  de  séances.  La  première, 
consacré  à  Haydn  et  Schumann,  a  mis  en 
lumière  l'andante  et  variations  en  si  bémol,  pour 
deux  pianos,  deux  violoncelles  et  cor  (dont  on 
ne  connaît  guère  que  la  réduction  pour  deux 
pianos,  publiée  sub.  op.  46).  C'est  une  œuvre 
superbe. 

La  deuxième  séance  était  donnée  par 
M.  Georges  Sporck.  Il  fit  entendre,  à  deux 
pianos  avec  M.  Léon  Henry,  ses  paysages 
normands  et  son  orientale,  puis  grâce  à  la  colla- 
boration de  M.  Vranken,  son  Lied  pour 
violoncelle,  et  enfin  il  accompagna  l'excellente 
cantatrice  parisienne  M"''  Durand-Texte  dans 
ces  deux  cycles  de  mélodies,  Sur  la  route 
ardente  et  lïdinèsis. 

Toutes  ces  œuvres,  ont  excité  le  plus  grand 
intérêt.  Liège  n'avait  même  apprécié  de  cet 
auteur  qxi  Islande  et  la  Légende  pour  les  anglais, 
exécutées  dernièrement  aux  concerts  Debefve. 


Nous  espérons  faire  connaissance  avec  l'œuvre 
orchestrale  entière  du  maître  de  la  forme. 

D.    Dw^ELSHAUWER. 

G  AND.  —  L'y/  Cafiella  Gantois  vient  de 
fêter  le  dixième  anniversaire  de   sa    fondation. 

Cette  chorale  mixte  a  été  fondée  à  Gand, 
le  20  septembre  1899,  par  un  jeune  musicien, 
M.  Emile  Hullebroeck,  qui  avait  été  conquis 
par  les  beautés  de  la  musique  palestrinienne 
et  avait  conçu  le  projet  de  les  faire  goûter  du 
public  belge.  Il  réunit  un  petit  groupe  de. 
16  membres,  dont  le  nombre  fut  porté  ensuite 
à  30,  et,  grâce  à  des  études  approfondies  et 
persévérantes,  il  put  faire  entendre  non  seule- 
ment à  Gand,  mais  aussi  dans  plusieurs  villes 
de  Belgique  des  œuvres  de  Palestrina,  notam- 
ment la  célèbre  messe  du  Pape  Marcel,  ainsi 
que  des  pages  d'autres  grands  polyphonistes 
du  XV*^  et  du  XVP  siècle  :  Okeghem,  Josquin 
des  Prés,  Roland  de  Lassus,  Sweelinck, 
Vittoria,  Francesco  Soriano,  etc. 

M.  Hullebroeck  parcourut  en  même  temps 
divers  domaines  de  la  musique  ancienne.  Il 
organisa  des  concerts  Scarlatti,  Bach,  Hândel, 
des  séances  de  chansons  populaires  françaises  et 
flamandes,  des  représentations  de  VEsther  de 
Racine,  avec  la  musique  de  J.-B.  Moreau. 
C'est  avec  le  concours  de  VA  Capella  aussi 
que  l'auteur  de  ces  lignes  put  expliquer,  en 
1 904-1 905,  en  un  cycle  de  trois  conférences- 
concerts  et  devant  plusieurs  auditoires,  l'évolu- 
tion du  drame  musical  en  France  depuis  le 
moyen  âge  jusqu'à  Lully. 

A  l'étranger,  VA  Capella  gantois  conquit  des 
palmes  triomphales  aux  concours  interna- 
tionaux de  Lille,  en  1902,  de  Brest,  en  1905, 
et  de  Paris,  en  1906  ;  chaque  fois,  M.  Hulle- 
broeck choisit,  comme  morceau  au  choix,  le 
Credo  ou  le  Gloria  de  la  Messe  du  Pape 
Marcel. 

Pour  fêter  son  dixième  anniversaire,  VA 
Capella  a  donné  un  brillant  concert,  dont  la 
première  partie  comportait  des  motets  de 
Palestrina,  de  Roland  de  Lassus,  et  d'Aichinger, 
que  la  chorale  a  exécuté  avec  sa  perfection 
habituelle  ;  ils  étaient  coupés  par  un  intéressant 
quatuor  de   Stamitz.   La   seconde  partie  était 


254 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


réservée  à  des  compositions  du  directeur  ton- 
dateur  :  le  prélude  orchestral  à' Alcidh^  scène 
lyrique,  et  un  oratorio,  Kunstvisioen  (Vision 
d'art),  pour  soli,  petit  et  grand  chœur  et 
orchestre.  Ce  sont  des  œuvres  d'une  inspiration 
abondante  et  entraînante,  d'une  mélodie  simple 
et  d'un  rythme  franc,  écrites  d'une  plume 
très  coloriste,  dans  la  manière  de  Peter  Benoit 
et  de  Jan  Blockx,  et  qui  classent  M.  Emile 
Hullebroeck  en  fort  bonne  place  dans  l'école 
flamande  contemporaine. 

Dr  Paul  Bergmans. 

MALINES.  —  Quatre  concerts  de  bonne 
musique  nous  ont  été  donnés  ce  mois-ci.  Le 
"choral  Pie  X  "  de  Bruxelles  a  donné  une 
audition  intéressante  d"œuvres  chorales  des 
grands  maîtres.  Palestrina,  Bach,  Haendel, 
Haydn,  Astorga,  Stehle,  figuraient  au  pro- 
gramme. 

D'autre  part,  le  "  Peter  Benoit's  Fonds  " 
d'Anvers  a  donné  un  très  belle  audition 
d'œuvres  du  grand  maître  flamand.  Ce  con- 
cert se  terminait  par  l'exécution  de  la  cantate 
"  Het  daghet  "  de  notre  concitoyen  Josse  Van 
den  Berghe.  Certes,  cette  œuvre  est  loin 
d'avoir  une  réelle  valeur  artistique,  mais  on  y 
remarque  cependant  un  certain  don  mélo- 
dique que  l'auteur  pourrait  dé\elopper  a\'ec 
succès. 

Le  troisième  concert  était  organisé  par  la 
société  royale  l'Aurore.  Retenons  du  pro- 
gramme une  bonne  exécution  de  la  première 
partie  des  "Saisons"  de  Haydn,  dont  l'Aurore 
préparc  une  exécution  intégrale  pour  Pan 
procliain. 

Enfin,  l'Académie  de  musique  a  doimé  son 
deuxième  concert  annuel.  Nous  y  avons 
entendu  une  exécution  presque  parfaite  de 
Léonore  III  et  de  la  fine  symphonie  Ecossaise. 
Le  premier  acte  d'Alccste  eût  pu  être  étudié 
davantage,  et  la  cantatrice  i]ui  tenait  le  rôle 
d'Alceste  eût  bien  fait,  à  mon  iiumhle  avis,  de 
ne  pas  corriger  GlUck  en  interposant  des 
appogiatures  plutôt  nuisibles,  ou  en  changeant 
les  notes  (|uand  les  récitatifs  lui  semblaient 
trop  monotones.  On  se  croyait  en  pleine 
époque  du  "  bel  canto."  Le  grand-]-)iétre  a  été 


très  correct.  Nous  avons  constaté  avec  un  \'\ï 
plaisir  les  sérieux  progrès  réalisés  par  la  s\m- 
phonie  en  quelques  mois  de  travail. 

M.  C. 

NAMUR.  —  On  annonce  pour  le 
Dimanche  14  Ao{it  \  Grande  représentation  de 
Polyeucte  tragédie  de  Corneille,  musique 
d'Edg.  Tinel,  directeur  du  conservatoire  royal 
de  Bruxelles. 

Limdï  I  5  Août.  Représentation  de  L'Arlé- 
sienne,  pièce  en  3  actes,  5  tableaux  d'A  Dau- 
det, Musique  de  G.  Bizet. 

Ces  2  Représentations  au  nouveau  Stade 
avec  le  concours  des  principaux  acteurs  de  la 
Comédie  Française. 

M.  D. 


Etranger 

MOSCOU.  —  A  l'occasion  de  la  quaran- 
tième année  du  professorat  de  J.  Hrjmali,  eut 
lieu  un  Concours  de  violonistes.  M.  D.  P. 
Belaiew  offrait  deux  prix,  l'un  de  lOOO, 
l'autre  de  1500  roubles.  Le  jury  de  ce  con- 
cours était  présidé  par  M.  Michel  H}'politoff 
Iwanoff",  directeur  du  Conservatoire.  Le 
morceau  de  concours  consistait  en  un  concerto 
pour  violon  avec  accompagnement  de  piano, 
laissé  au  choix  des  élèves,  d'une  sonate  de 
Bach,  enfin  d'un  morceau  choisi  aussi  par  eux. 
Le  premier  prix  fut  décerné  à  Michel  Presse, 
du  "  Russischer  Trio  ".  Il  \-  eut  trois  seconds 
prix  :  MM.  D.  Krcin,  Michel  Erscnko,  Lea 
Leïbschut'/. 

Le  "  Klavier-Abend  "  de  Nicolas  Medtner 
mérite  d'être  signalé.  Les  œuvres  de  ce  mvisi- 
cien  qui  tient  à  la  fois  de  Schumann  et  de 
lîrahms,  tout  en  sachant  demeurer  soi-même, 
sont  intéressants  par  leurs  harmom'es,  par  la 
grande  diversité  de  leurs  rythmes  et  par  leur 
solide  architecture.  L'auteur  les  exécute  d'une 
faCj'on  impeccable. 

Très  brillant  concert  donné  par  la  Société 
de  Musique  Moiierne  et  consacré  à  la  musique 
française.    Au    programme  :    quatuor     de    V. 


L'ACTUALITÉ     MUSICALE 


d'Indy,    Andante    et  Scherzo   du   quatuor   de 
Ravel,  les  fêtes  galantes  de  Debussy. 

A  mentionner  encore:  un  concert  donné 
par  les  sœurs  Luboschutz  et  le  pianiste 
Rouchitzky(œuvresdeScriabine,Tchaikowsky); 
celui  de  la  Société  Brahms,  celui  de  M. 
Zimin  à  l'occasion  du  centenaire  de  Chopin. 
Ellen  von  Tidebohl. 

OVIEDO.  —  Parmi  les  derniers  concerts 
citons  celui  de  M'"  De  Vogel,  pianiste,  et  de 
M'"  Van  Isterdael,  un  des  meilleurs  violoncel- 
listes qu'il  m'ait  été  donné  d'entendre;  celui 
de  M''  Emile  Sauer  et  ceux  de  l'Orchestre 
Symphonique  que  dirige  l'éminent  chef  d'or- 
chestre M''  Arbos. 

P.   A.  BUILLA. 

SARAGOSSE.  —  Carmen,  Othello,  La 
Tosca,  Aïda...  telles  sont  les  oeuvres  que  le 
grand  Théâtre  vient  déjouer,  sous  la  direction 
du  Maître  Tolosa,  pour  l'ouverture  de  la 
saison  d'Opéra.  Les  principaux  interprètes 
étaient  Julian  Biel,  (ténor)  et  Mathilde  de 
Lenuan  (soprano). 

La  Société  Philharmonique  nous  a  donné 
le  1 5  Avril  un  concert  très  agréable  avec  des 
artistes  de  notre  ville.  Citons  parmi  les  œuvres 
inscrites  au  programme:  Le  Quintette  (La 
Truite)  de  Schubert,  parfaitement  exécuté 
par  MM.  Ballo  (violon),  Tremps  (alto)  An- 
dolz  (violoncelle)  Laclaustra  (contrebasse)  et 
Zubiria  (piano)  tous  professeurs  à  l'Ecole  de 
Musique,  le  quartette  en  mi  bémol  pour  piano 
et  cordes,  de  Beethoven,  (Isabel  Ballo,  violon, 
L.  Ballo,  alto,  Cecilia  Ballo,  violoncelle, 
Eugénie  Lawoyed,  piano.),  une  sonate  de 
Scarlatti  et  des  pièces  de  Albeniz.  C'est 
M'^*^  Sirvent,  pianiste,  qui  interprétait  ces 
dernières  œuvres  avec  une  exécution  remar- 
quable. 

Ricardo  Vines  est  venu  nous  donner  un 
récital  de  piano,  consacré  presque  exclusive- 
ment à  l'école  espagnole  moderne  (Albéniz- 
Granados — Falla — Turina).  Comme  à  l'ordi- 
naire le  public  acceuillit  Vines  avec  enthou- 
siasme. 

Les  10,  II  et  13  Mai  la  Société  Philarmo- 


255 


nique  a  donné  ses  concerts  avec  le  concours 
de  l'Orchestre  Symphonique  dirigé  par  M. 
Enrique  Fernandez  Arbos. 

M.  DE  LA  FiGUERA. 

CADIX.  —  L'Orchestre  Symphonique 
donnait  le  5  Mai  son  dixième  concert  avec 
l'ouverture  de  Sigurd  (Reycr)  la  Petite  Suite  de 
Debussy,  la  Symphonie  Pastorale  de  Beethoven, 
Fugue  et  Variations  de  Fischhof,  et  une  valse 
de  Massenet. 

MADRID.  —  Les  temps  sont  durs  pour 
la  musique  espagnole.  Les  quartettistes  en 
renom  :  Francés  ou  Vêla  se  plaignent  du  peu 
de  succès  de  leurs  séances  pourtant  si  soignées. 
L'admirable  société  des  Instruments  à  Vent, 
dont  je  citai  les  prouesses  le  mois  dernier,  a 
vécu,  après  deux  concerts,  et  s'est  endettée  de 
cinq  cents  francs.  La  Société  des  Concerts 
Symphoniques  doit  suspendre  ses  festivals  aux 
jours  malheureux  où  le  Tout-Madrid  se  rend 
au  Cirque...  ^  Les  Espagnols  préfèrent  en  effet 
les  écuyères  en  chair  et  en  os  aux  Walkyries 
fantastiques,  fussent-elles  conduites  par  un 
Wagner,  et  n'hésitent  point  entre  le  clown 
classique  et  les  gamineries  du  Till  Eulen- 
Spiegel  de  R.  Strauss... 

Le  Maître  Arbos,  que  nos  musiciens  fran- 
çais connaissent  bien,  et  qui  est  lui-même  l'un 
des  plus  ardents  champions  de  l'art  d'un 
Franck,  d'un  Dukas,  d'un  Debussy  ou  d'un 
Fauré,  n'a  pu  cependant  employer  tout  son 
zèle  à  la  propagande  du  modernisme  étranger, 
en  raison  de  l'hostilité  du  public,  me  le  disait- 
il  lui-même,  pour  "  toute  innovation  musicale, 
et  son  désir  instinctif  de  limiter  ses  efforts  à 
l'audition  d'un  petit  répertoire  bien  connu  et 
dans  lequel  il  se  complaît  pour  des  raisons 
étrangères  à  la  musique  ",  Cette  année,  la 
mode  alla  à  J-S.  Bach,  et  nous  devons  nous 
réjouir  de  ce  qu'un  peuple  aussi  méridional 
ait  applaudi  et  bissé  les  Suites  et  les  Concertos 
du  vieux  "  cantor  ".  Wagner  après  Bach  eut 
toutes  les  faveurs  de  l'auditoire,  et  Beethoven 
ou  Schubert  recueillirent  la  majorité  des  suf- 
frages.  Mais  on  accueillit  froidement  la  troi- 

^  Nous  n'exagérons  rien  :  le  fait  est  rigoureusement 
exact. 


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ADMINISTRATION    DE    CONCERTS 

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REPRESENTE     LES    ARTISTES     ET    LES 

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L'ACl'UALIl^E     MUSICALE 


257 


sicme  symphonie  de  Brahms  et  l'on  discuta 
celle  de  Franck,  quoiqu'avec  moins  d'âpreté. 
En  revanche  la  place  que  voulut  bien  donner 
Arbos  aux  œuvres  nationales  est  un  indice  de 
renaissance  prochaine. 

S.  I.  M.  publiera  prochainement  une 
étude  sur  Pérez-Casas  et  sa  Suite  Murcienne^ 
si  originale  et  puissante.  Nous  ne  dirons  donc 
ici  que  le  succès  inférieur  à  son  mérite  qu'elle 
obtint  du  public  espagnol  toujours  indifférent 
à  ses  compatriotes  de  talent. 

J'ai  moins  goûté  la  Entrada  de  la  Maya  de 
Arregui,  œuvre  de  jeunesse  de  cet  auteur 
cependant  délicat  et  d'ordinaire  mieux  inspiré. 
Nous  eussions  tous  préféré  entendre  le  François 
d'' Assise,  du  même  auteur  ou  sa  Symphonie.  Par 
ailleurs  il  faut  reconnaître  que  certaines  mo- 
dulations, certaines  mélodies  et  certaines  touches 
d'orchestre  sont  assez  heureuses  en  ce  fragment 
symphonique  d'un  opéra  très  exubérant. 

Par  contre,  le  fragment  final  de  V Enjer  de 
la  Divine  Comédie,  dû  au  talent  très  musical 
de  Conrardo  del  Campo  m'a  vraiment  plu. 
Un  thème  de  noble  allure  se  dégage  peu  à 
peu  du  fond  dissonant  de  l'orchestre,  plutôt 
qu'il  ne  se  développe.  L'orchestre  très  brillant 
s'appuie  sur  la  plus  solide  technique  de  quatuor 
pur  et  grave.  Une  poésie  secrète  s'exhale  de 
cette  noble  page  où  l'auteur  plus  musicien 
qu'espagnol,  et  plus  romantique  que  le  plus 
espagnol,  sut  commenter  les  vers  mystiques 
de  Dante.  Je  crois  que  la  Divine  Comédie  de. 
Del  Campo,  unie  à  la  Suite  Murcienne  de 
Pérez   Casas   et   aux  Symphonies  d'Olmeda   et 


d'Arrcgui    obtiendraient    plein    succès    auprès 
de  nos  publics  français.  H.  Collet. 

LA  HAVANE.  —  Notre  collègue  M.  J. 
Nin  vient  de  fonder  la  Société  Philharmonique 
et  le  Bulletin  mensuel  de  cette  société. 

Trois  concerts  ont  déjà  été  donnés,  le  pre- 
mier consacré  aux  œuvres  de  Grieg,le  deuxième 
aux  grandes  écoles  de  clavier  et  de  chant  des 
17*^  et  18'^'  siècles,  et  le  troisième  aux  Bach. 

Nous  souhaitons  à  la  Société  Philharmonique 
et  à  son  Bulletin  la  longue  existence  qu'ils 
méritent  et  nous  sommes  heureux  deféliciter  M. 
Nin  —  une  fois  de  plus  —  de  son  dévouement 
à  la  cause  de  la  musique  et  de  la  musicologie. 

TURIN.  —  Grâce  à  l'initiative  de  la  Sec- 
tion de  Turin  de  l'Association  des  Musico- 
logues, une  représentation  de  "  Nina  pazza 
per  amore  "  de  Paisiello  •  (i  789)  vient  d'être 
donnée  au  théâtre  Carignano. 

POUR  STRADIVARL  —  Le  professeur 
Angelq  Berenzi  a  eu  l'heureuse  idée  de  pro- 
poser aux  habitants  de  Crémone  une  souscrip- 
tion destinée  à  élever  un  monument  à  l'illustre 
luthier,  et  cela  sur  le  lieu  même  où  se  trouvait 
la  tombe  des  Stradivari.  Ce  serait  pour  Cré- 
mone et  pour  le  monde  entier  l'occasion  de 
réparer  la  profanation  de  1869  5  à  cette  époque 
on  laissa  démolir  l'église  où  se  trouvaient  les 
caveaux  des  Stradivari  et  disperser  les  restes 
de  ces  artistes  incomparables.  Nous  nous  asso- 
cions bien  volontiers  à  l'initiative  du  Professeur 
Berenzi. 


CHEMINS  DE  FER  DE  L'ÉTAT. 
BILLETS    DE    BAINS    DE    MER  (Jusqu'au  31  octobre  19 lO) 


L'administration  de  Chemins  des  Fer  de  l'Etat,  dans  le  but  de  faciliter  au  Public  la  visile  ou  le  séjour  aux  PLAGES 
DE  LA  MANCHE  et  de  l'Océan,  fait  délivrer,  au  départ  de  Paris,  les  billets  daller  et  retour,  ci-après,  qui  comportent 
jusqu'à  40  0/0  de  réduction  sur  les  prix  du  tarif  ordinaire. 

1.  Bains  de  Mer  de  la  Manche.  —  Billets  individuels  valables,  suivant  la  distance,  3,  4  et  10  jouis  (le  et 
2e  Cl.)  et  33  jours  (le,  2e  et  3e  Cl.) 

Les  billets  de  33  jours  peuvent  être  prolongés  d'une  ou  deux  périodes  de  30  jours  moyennant  supplément  de  10  °lo  par  période- 

2.  Bains  de  Mer  de,  l'Océan.  —  (A)  Billets  individuels  de  le.  2e,  et  3e  cl.  valables  33  jours  avec  faculté  de 
prolongation  d'une  ou  deux  périodes  ds  30  jours  moyennant  supplément  de  10  o/o  par  période. 

(B)  Billets  individuels  de  le,  2e,  et  3e  Cl.  valables  5  jours  (sans  faculté  de  prolongation)  du  Vendredi  de  chaque 
semaine  au  Mardi  suivant  ou  de  l'avant-veille  au  surlendemain  d'un  jour  férié.  _, 

BILLETS  de  'VACANCES  (jusqu'au  ier  Octobre  1910).  —  Billets 'de  famille  valables  33  jours  (le,  2e  et  3e  cl.) 
avec  faculté  de  prolongation  d'une  ou  deux  périodes  de  30  jours  moj'ennant  supplément  de  10  o/o  par  période. 

Ces  billets  sont  délivrés  aux  familles  composées  d'au  moins  trois  personnes  voyagant  ensemble,  pour  toutes  les  gares  du  réseau 
de  l'Etal  (Lignes  du  Sud-Ouest)  situées  à  125  l^ilomètres  au  moins  de  Taris,  ou  réciproquement. 


VIENT    DE    PARAITRE 


PUBLICATIONS   DE   LA   SOCIÉTÉ    INTERNATIONALE 
DE    MUSIQUE    (SECTION  DE    PARIS) 

LES   MUSICIENS 

SAINTE  CHAPELLE  DU  PALAIS 

Documents  inédits^   recueil /is  et  annotés  par 

MICHEL     BRENET 


In  8"  carré  de  370  pages.  Prix  fr.  15.00 


V  A  K  1  S 
LIHKAIRIK    ALPHONSE     PICARD     F,  T"     l'II.S 

82,       RU  I-;      IlON  APA  R  r  I 

I  910 


L'Université,  qui,  dans  ses  établissements 
d'enseignement  secondaire,  prétend  donner 
aux  jeunes  gens  des  deux  sexes,  une  culture 
vraiment  générale,  n'oublie  que  de  les  initier  à 
la  musique. 

J'exagère  :  la  musique  a  sa  place,  —  bien 
petite  —  dans  les  Lycées  de  jeunes  filles. 
Mais  dans  les  Lycées  de  garçons,  c'est  le  pur 
néant  :  point  de  musique  du  tout. 

Au  même  titre  que  la  littérature  cependant, 
la  musique  est  un  moyen  d'expression  qui 
nous  fait  connaître  les  pensées  et  les  sentiments 
de  nos  semblables,  et  notamment  de  quelques 
grandes  âmes,  qui  se  nomment  Palestrina, 
Monteverdi,Bach,H£endel,Mozart,Beethoven, 
César  Franck.  Cela  ne  compte  donc  pas  dans 
l'histoire  de  l'humanité,  dans  l'histoire  de 
la  pensée  et  du  sentiment,  dans  l'histoire  des 
peuples  et  de  la  Société  ? 

Espère-t-on  que  la  sécheresse,  que  l'abstrac- 
tion, que  la  pauvreté  des  mots  parleront  mieux 
à  l'esprit  de  l'enfant  que  la  richesse  vivante  et 
concrète  de  la  phrase  musicale  ? 

Notre  système  officiel  d'éducation  est  encore 
purement  intellectualiste  et  livresque. 

Mais  ce  n'est  pas  pour  développer  quelques 
considérations  générales  sur  l'enseignement  de 
la  musique  que  j'écris  cet  article,   c'est  pour 


apporter  à  la  connaissance  de  tous,  quelques 
faits  nouveaux,  les  résultats  d'une  expérience 
qui  se  poursuit  déjà  depuis  une  dizaine 
d'années,  et  dont  les  résultats  me  semblent  dès 
à  présent  concluants. 


* 


On  sait  que  VEcole  des  Roches^  fondée  à 
Verneuil  (Eure)  par  M.  Demolins,  et  dirigée 
actuellement  par  M.  Georges  Bertier,  est  un 
établissement  libre  d'enseignement  secondaire 
où  les  ieunes  gens  sont  instruits  et  élevés 
selon  une  méthode  toute  nouvelle,  imitée  à 
certains  égards  de  la  méthode  anglaise,  mais 
adaptée  aux  besoins  de  l'esprit  français.  Les 
élèves  y  sont  répartis  par  maisons  où  ils  vivent 
avec  leurs  maîtres  de  la  vie  de  famille.  On 
leur  donne  beaucoup  plus  de  liberté  et  de 
responsabilité  individuelle  que  dans  nos  lycées, 
et  ils  sont  amenés  à  s'imposer  à  eux-mêmes 
une  ferme  discipline,  qu'ils  ne  subissent  pas 
comme  la  contrainte  rebutante  d'une  autorité 
extérieure,  se  substituant  continuellement  à 
leur  initiative.  Cette  autorité,  nécessaire  ce- 
pendant, n'intervient  pas  pour  régler  le  détail 
de  leurs  actes  :  elle  ne  sanctionne  que  les 
résultats. 


L 


FACTEUR 

DE 

PIANOS 


GAVEAU 


FACTEUR 
DE 

PIANOS 


Siège  Social:    45    et    47,    rue    de    la    Boëtie  .  (VIII^    PARIS 


Rayon  spécial  de  Musique 
(vente  et  abonnement) 

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Barcelone  1888,  Moscou   1891,  Chicago  1893.  Amsterdam   1895 
Paris  1900. 

DIPLÔMES  D'HONNEUR 

Amsterdam  1883,  Anvers  1885,  Bruxelles  1888 

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Hanoï  1893.  Liège  1905. 


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sous=Bcis   (Seine) 

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Dépôt  des  éditions 
de  la   S. T. M. 


L    ACTUALITE     MUSICALE 


26 


La  discipline  est  entretenue  et  fortifiée  à 
l'Ecole  des  Roches  par  les  jeux  en  plein  air  et 
par  la  musique. 

Les  jeux  en  plein  air  ont  bien  d'autres 
avanta2;es,  et  l'on  voit  tout  de  suite  ce  qu'on 
peut  gagner  physiquement  et  moralement  à  de 
tels  exercices  :  mais  leur  principal  mérite  est 
peut-être  de  faire  comprendre  à  l'enfant  la 
nécessité  de  l'organisation  sociale,  de  la  hiérar- 
chie, de  la  discipline. 

Il  en  est  de  même,  pour  la  musique,  qui 
-donne  des  habitudes  d'ordre,  de  précision,  de 
de  ponctualité  dans  la  soumission  à  une  régie 
commune. 

A  l'Ecole  des  Roches,  l'enseignement  musi- 
cal a  une  importance  qu'il  n'a  prise  encore,  à 
maconnaissance,dansaucun  autre  établissement 
d'enseignement  secondaire.  Voici  ce  que  j'ai  vu 
ou  entendu  moi-même  et  ce  qu'on  m'a 
expliqué  : 

1°  On  enseigne  la  lecture  et  l'écriture 
musicale  à  tous  les  enfants.  Les  cours  de  solfège 
sont  obligatoire^,  depuis  les  classes  élémentaires 
jusqu'à  la  fin  de  la  seconde. 

2°  Tous  les  enfants  chantent.  Les  mieux 
doués  sont  groupés  en  une  chorale. 

3°  N'apprennent  à  jouer  d'un  instrument 
que  les  enfants  ayant  manifesté  une  aptitude 
réelle.  Ceux  qui  ont  le  plus  d'oreille,  travaillent 
le  violon^  ou  (à  partir  de  douze  ans)  le  violoncelle^ 
les  autres,  le  piano. 

4"  Quelques  élèves,  qui  en  ont  le  goût, 
apprennent  Vharmonie  et  la  composition. 

5"  U Histoire  de  la  Musique  est  enseignée  à 
^toute  l'Ecole,  comme  l'histoire  de  la  littérature. 
Il  paraît  indispensable  de  faire  connaître  aux 
enfants  ce  que  furent  les  grands  maîtres,  et  de 
les  aider  par  quelques  commentaires  à  pénétrer 
le  sens  de  leurs  œuvres. 

Mais  la  musique  n'est  pas  seulement  objet 
et enseimement   à  l'Ecole    des  Roches.    Elle  est 

o 

encore  une  des  récréations  favorites  des  élèves, 
et  c'est  par  là  peut-être  que  s'accuse  davantage 
son  caractère  éducatif. 

Tous  les  mercredis^  élèves  et  professeurs 
instrumentistes  se  réunissent  pour  la  classe 
d'orchestre  et  là  ils  préparent  les  concerts  assez 
fréquents,  pour  lesquels  toute  l'Ecole  est  réunie. 


Ces  concerts  coïncident  généralement  avec 
les  conférences  d'histoire  de  la  musique  don- 
nées devant  toute  l'Ecole  assemblée,  de  sorte 
que  l'exemple  \'ient  immédiatement  à  l'appui 
de  la  leçon. 

Tous  les  Samedis.,  les  professeurs  de  violon, 
de  violoncelle  et  de  piano  et  les  élèves  les 
plus  remarquables  donnent  une  séance  de 
musique  de  chambre. 

Ainsi  l'on  forme  des  jeunes  gens  capables 
d'écouter  et  de  comprendre  les  chefs-d'œuvre 
de  l'art  musical,  et  on  leur  prépare  pour 
l'avenir,  des  joies  ou  des  consolations  d'un 
prix  infini. 

Rien  de  commun  entre  un  enseignement 
musical  ainsi  entendu  et  la  vieille  routine 
desséchante  dans  laquelle  s'entêtent  tant  de 
professeurs  de  musique  et  tant  de  maisons 
d'éducation  :  étude  purement  technique  du 
solfège,  étude  purement  technique  de  l'instru- 
ment, dans  le  seul  but  d'amener  l'élève 
à  chanter  ou  à  jouer  avec  succès  un  morceau 
de  salon. 

Ici  on  aime  la  musique^  et  on  la  cultive  avec 
le  sentiment  de  sa  valeur  morale  et  sociale. 
On  se  détourne  des  œuvres  vulgaires  et  basses. 
On  se  souvient  que  seuls  les  grands  maîtres 
ont  le  droit  de  parler  à  l'enfant,  quand  il 
s'agit  d'éveiller  en  son  âme  le  sentiment  du 
Beau. 


C'est  Madame  DemoUns  qui  a  organisé 
l'enseignement  de  la  musique  à  l'École  des 
Roches.  Elle  en  a  confié  la  direction  à  M. 
Armand  Parent.,  qui  vient  une  fois  par  semaine 
inspecter  les  cours  et  conduire  la  classe  d'or- 
chestre. M.  Parent  s'est  entouré  d'excellents 
auxiliaires:  Deux  professeurs  de  piano,  M^^^ 
Desrousseau  et  M.  Lambotte.,  un  professeur  de 
violon,  M.  Bonjean^  et  un  professeur  de 
violoncelle,  M.  Corbusier^  sont  attachés  d'une 
façon  permanente  à  l'Ecole,  qu'ils  habitent. 
Ce  sont  des  artistes  de  valeur,  capables  d''inter- 
prèter  des  œuvres  ;  et,  pour  ne  citer  qu'un  fait 
significatif  à  cet  égard,  tout  dernièrement 
M.    Lambotte    faisait    entendre    à    la    Société 


202 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


Nationale  un  thème  varié  pour  violoncelle,  de 
sa  composition,  qui  fut  exécuté  très  brillam- 
ment par  son  collègue  iM.  Corbusier,  et  très 
applaudi  d'un  public  peu  sujet  aux  emballe- 
ments inconsidérés  ;  après  quoi,  M.  Lambotte 
se  mit  au  piano  et  présenta  a\ec  autorité  des 
oeuvres  nouvelles  d'un  autre  jeune  compositeur. 

J'ai  entendu  Vorchestre  de  l'Ecole  des 
Roches  jouer  un  Concerto  grosso  de  Corel/iy  des 
symphonies  à' Haydn,  de  Mozart,  de  Beethoven. 
J'ai  assisté  au  dkhiffrage  du  final  de  la 
symphonie  en  sol  mineur  de  Mozart:  c'était 
vraiment  remarquable. 

Comme  il  est  facile  de  le  penser,  cet 
orchestre  est  incomplet.  Il  serait  dangereux  de 
vouloir  le  compléter  :  on  n'obtiendrait  que  de 
mauvais  résultats.  Il  faut  s'en  tenir  aux  instru- 
ments à  cordes:  on  y  joint  2  pianos  et  un 
harmonium,  même  une  flûte  et  on  a  un 
ensemble  très  satisfaisant. 

J'ai  assisté  également  au  Concours  de  Chaut 
des  cinq  maisons  de  l'Ecole  des  Roches. 
C'était  tout  à  fait  extraordinaire.  Des  meilleu- 
res voix  de  chaque  maison  on  avait  formé  un 
chœur,  parfois  très  pittoresque,  tout  ce  qui 
possédait  une  voix  et  une  oreille  ayant  été 
recruté.  C'est  ainsi  que  j'ai  noté  la  composition 
curieuse  d'un  de  ces  chœurs  :  Les  jeunes 
garçons  avec  les  filles  de  la  maîtresse  de 
maison  et  quelques  dames-professeurs  chan- 
taient les  soprani  et  les  contralti  ;  de  grands 
jeunes  gens  encore  imberbes  encadrés  par 
leurs  maîtres  tenaient  les  parties  graves,  et,  au 
I  premier  plan  se  détachait  M.  l'abbé,  chef 
d'attaque  des  ténors.  Cette  collaboration  de 
tant  de  bonnes  volontés  réunies  pour  réaliser 
une  belle  exécution  musicale  est  un  admirable 
exemple  d'excellente  pédagogie.  Et  ici  les 
maîtres  ne  croient  pas  déchoir  en  associant 
leurs  efforts  à  ceux  des  élèves,  et  les  élèves  ne 
songent  pas  une  minute  à  trouver  plaisant  (]ue 
leur  professeur  ou  leur  aumônier  soutieinient 
le  chant  choral  de  Ijurs  voix  plus  expertes. 

Mais  i|iiel  ne  fut  pas  mon  étormement 
quand  on  annonça  les  titres  des  œuvres  exécu- 
tées !  J>a  maison  des  Sa/dons  concourait  dans  la 
pièce  de  Claudin  de  Sermisy  :  "  Au  joli  bois  "  ; 
la  maison  <les  'Pins  dans    "  Ce  mois  de  mai 


de  Jannequin  ;  la  maison  du  Coteau  dans  la 
"  Gloire  de  Dieu  "  de  Beethoven  ;  la  maison 
de  la  Guichardière  dans  "  Il  est  bel  et  bon  "  de 
Pi/ssereaUy  et  la  maison  du  Fallon  dans  "  Mignon- 
ne, allons  voir  si  la  rose"  de  Jannequin.  Je  me 
demandais  comment  ces  chansons  du  XVT' 
siècle,  d'une  mise  au  point  si  délicate,  d'une 
exécution  si  périlleuse,  seraient  rendues  par  de 
simples  amateurs,  et  par  des  enfants  !  Eh  bien, 
les  voix  étaient  fort  jolies,  la  prononciation 
très  claire,  l'ensemble  très  fondu,  l'interprétation 
intelligente  et  \i\ante.  La  chorale  du  Vallon 
qui  remporta  le  prix  était  vraiment  digne 
d'être  écoutée  a\ec  plaisir  par  les  juges  les  plus 
difficiles. 


Voilà  donc  les  faits:  Voilà  ce  qu'on  peut 
obtenir  au  point  de  vue  musical,  de  jeunes 
gens  qui  font  leurs  études  secondaires,  sans 
rien  sacrifier  du  reste  de  leurs  occupations, 
sans  même  leur  demander  de  consacrer  beau- 
coup de  temps  à  la  musique.  Il  suffit  de  leur 
faire  aùncr  cet  art  ;  et  il  faut  pour  cela  qu'une 
\olonté  ferme,  guidée  par  un  goût  sûr  et  une 
ardente  passion  du  beau,  gouverne  tout. 

Dans  les  établissements  universitaires,  on  ne 
fait  pas  de  musique  parce  qu'(?«  ne  veut  pas  en 
faire:  il  serait  très  facile  d'y  organiser  l'en- 
seignement musical.  Mais  ce  qui  manque  à 
rUni\ersité,  ce  sont  des  chefs  pour  qui  la 
musique  existe,  pour  qui  elle  soit  autre  chose 
qu'un  bruit  désagréable,  —  ou  même  agréable 
—  pour  qui  les  sons  aient  une  Ame.  Lorsque 
nous  aurons  des  directeurs,  des  inspecteurs  et 
des  pro\iseurs  musiciens,  la  question  de  l'en- 
seignement musical  dans  les  Lycées  aura  fait 
un  grand  pas.  Jusque  là,  ^  nous  n'avons  rien  à 
espérer:  l'exemple  tic  rKcole  îles  Roches  ne 
sera  pas  suivi. 

Paul  Landormv. 


J^S, 


Autour  de  Lui. 


En  notre  Temps  de  spectacles  hilarants  et 
douloureux  de  petits  ou  grands  Guignols,  quoi- 
qu'en  disent  les  misanthropes,  il  n'y  a  pas 
moyen  de  s'ennuyer  un  instant.  Quand  il  n'y 
en  a  plus  il  y  en  a  encore.  De  plus  en  plus 
fort,  comme  autrefois  chez  feu  Jean  Baptiste 
Nicolet,  qui  grâce  à  M.  Gabriel  Astruc  ne 
laissera  plus  maintenant  qu'un  tout  petit  nom: 
à  peine  un  prénom. 

Oh  !  à  propos  de  cette  mirifique  Saison 
Italienne^  ne  nous  voilà  pas  en  train  de  sortir 
par  la  queue  et  du  magasin  des  Accessoires  ce 
grand  cheval  de  bataille  qui  sert  à  partir  en 
guerre  pour  la  défense  de  ce  qui  est  Beau, 
Franc,  Honnête.  Non.  D'abord  ne  monte  pas 
qui  veut  ce  grand  cheval  de  bataille  sur  lequel 
il  est  infiniment  plus  facile  d'être  ridicule  que 


d'aplomb,  l'attitude  des  moralistes,  ne  souffrant 
aucune  médiocrité.  Laissons  donc  cette  Mon- 
ture à  ceux  qui  savent  s'en  servir  —  ou  le 
croient  —  et  seront  d'ailleurs  toujours  assez 
pour  le  fatiguer  ce  bon  grand  cheval  de  bataille 
qui  n'a  d'ailleurs  jamais  réduit  la  Laideur,  la 
Mauvaise  Foi  ou  la  Bêtise  et  qui  avant  d'en 
venir  à  bout,  risquera  fort  de  tomber  les  quatre 
fers  en  l'air  et  les  jambes  raides. 

Ne  faudrait-il  pas  être  aussi  bien  ingrats  ou 
bien  inconscients  pour  ne  pas  être  reconnais- 
sants à  cette  Saison  Italienne  de  nous  avoir 
donné  par  son  étourdissant  succès  une  si  bonne 
leçon  de  choses  en  nous  montrant  à  quel  point 
le  Public  si  fourbu  parraisse-t-il,  peut  encore 
marcher  et  même  galoper  quand  il  a  pour 
entraîneur  un  homme  de  génie  à  la  fois  hardi, 


264 


L'ACTUALITE     M  U  S  1  C  A  L  E 


psychologue  et  organisateur  comme  AI.  Gabriel 
Astruc,  Voyons,  dites,  est-ce  tous  les  jours  que 
l'on  voit  quelque  chose  d'aussi  fini,  d'aussi 
complet,  en  notre  Siècle  d'à  peu  près  où  l'ab- 
solu tend  de  plus  en  plus  à  disparaître  et  où 
deviendront  bientôt  aussi  rares  et  de  races 
bâtardes  le  parfait  honnête  homme  et  la  )>ar- 
faite  canaille,  r 

Pour  apprécier  tout  l'intérêt  que  la  Saison 
Italienne  suscita,  il  n'aura  pas  suffi  de  figurer 
quelques  soirs  dans  les  salles  combles  et  splen- 
dides  du  Châtelet.  Comme  nous,  il  aura  fallu 
accomplir  un  petit  tour  dans  la  Coulisse  où 
plus  exactement  dans  l'antichambre  de  la 
Société  musicale  Astruc. 

Sur  la  banquette,  le  sergent  de  \ille  de 
service  à  la  fois  important,  débonnaire,  protec- 
teur, bavard,  critique  et  confidentiel...  Les 
grandes  dames  venues  elles-mêmes  chercher 
leurs  places  et  attendant  leur  tour,  humbles, 
patientes  comme  de  petites  femmes  de  chambres 
novices...  Le  désespoir  des  amateurs  qui  tom- 
baient sur  le  fatal  écriteaux  :  Full  House^  ou  se 
présentaient  après  les  heures  de  location  et  s'en 
retournaient  avec  des  airs  des  gens  ruinés. 
Mais  aussi,  l'allégresse  de  ceux  qui  partaient 
avec  leur  billet  en  poche,  gais  comme  des  gens 
qui  l'heure  précédente  auraient  perdu  un 
parent  riche.  Enfin,  dans  l'entrebâillement 
d'une  porte,  l'apparition  de  M.  Astruc,  allant 
et  venant,  portant  haut  sa  belle  barbe  Assy- 
rienne, ne  couvrant  tout  de  même  pas  le  piquet 
d 'œillettes  pourpres  ornant  sa  boutonnière. 

J'entends,  je  vois  des  gens  qui  s'étonnent  et 
disent  :  —  Pourtant,  on  ne  se  montre  pas  si 
enthousiaste  et  même  seulement  si  hospitalier 
pour  nos  artises,  au  Metropolitan  Opéra  où  les 
Italiens  qui  en  sont  les  maîtres  absolus  ne  per- 
mettent pas  aux  Français  de  chanter  autrement 
qu'en  Italien...  Et  cette  Saison  Italienne  que 
nous  a-t-elle  révélé  ?  des  ténors  comme  nous 
en  entendons  au  moins  un  par  soir  d'Opéra, 
des  œuvres  déjà  servies,  desservies,  et  même 
digérées.  Enfin,  n'aurait-on  pu  faire  une  Saison 
Française  qui  pour  une  fois,  par  liasard,  aurait 
permis  la  révélation  de  jeunes  talents  r 

Ces  gens-là  ont  tort.  Dans  les  grandes  or- 
ganisations théâtrah'^,  loinine  dans   les   grands 


restaurants,  rien  de  doit  être  perdu  ni  suranné. 
Ici  et  là,  le  tout  est  d'avoir  un  chef  cuisinier 
qui  sache  accommoder  les  restes  et  vous  les 
faire  prendre  pour  du  "  nanan  ".  Ce  n'est  pas 
dire  que  si  Tout  Paris  se  passera  longtemps 
encore  la  langue  sur  les  lèvres  et  se  caressera 
le  ventre  au  souvenir  du  "  nanan  "  que  lui  a 
servi  M.  Astruc,  la  composition  de  ce  '■'■nanan" 
fut  de  basse  qualité  !  Non.  M.  Astruc  est  un 
grand  chef  cuisinier  honnête  et  intelligent  à 
qui  nous  ne  voulons  pas  chercher  noise  sur 
son  Fricot  dont  nous  allons  juste  extraire  le 
meilleur  morceau  qui  lui  a  permis  de  réunir 
tant  de  monde  à  sa  Table.  Ce  produit  d'im- 
portation provisoire,  ce  demi-rossignol  aux 
mœurs  de  fourmi  rouge  —  d'après  BufFon,  ce 
sont  les  plus  entendues  aux  afïliires  —  est,  on 
le  devine  le  ténor  Caruso  ici  représenté  dans 
son  costume  de  Pierrot  de  Paillasse.  Ce  qui  ne 
l'empêche  pas  d'être  le  plus  s^•mbolique 
Polichinelle  représentant  la  toute  puissance  du 
bluff,  cet  article  de  création  essentiellement 
américaine  et  qui  est  de\enu  comme  l'on  sait, 
un  des  meilleurs  articles  de  Paris...  et  même 
d'ailleurs. 

Assez  de  monde  a  déjà  chronique  sérieuse- 
ment sur  Caruso  pour  qu'il  nous  soit  permis 
de  rire  un  peu  :  Les  belles  dames  qui  selon 
leur  propre  expression  éprouvent  le  frisson 
dans  les  reins  quand  elles  entendent  Caruso, 
voudront  bien  nous  pardonner  cette  petite 
pinte  de  bon  sang  que  nous  allons  boire  à 
leur  excellente  santé  ainsi  natvn'ellement  qu'à 
celle  de  leur  ténor.  Il  est  bien  entendu  que 
nous  rapportons  ici  à  titre  de  pure  curiosité 
des  anecdotes  vraiment  surprenantes  mais  qui 
ne  nous  laissent  pas  si  incrédules  que  cela. 
Tafit  il  est  vrai  que  tout  est  possible  dans 
l'existence  d'un  ténor,  même  quant  à  propos 
(rdli',  lâchés  par  le  Monde,  ct)urent  Biujf  cX. 
S)iohis'r>,\  ces  deux  glob-trotter  réjouissants, 
infatigahles  et  déconcertants. 

Voilà  d'abord  la  griffe  du  Lien  —  pardon 
du  Rossignol  !  —  avec  quelques  révélations 
i^raphologiques  sur  elle  ilonnéespar  un  éminent 
spécialiste,  certainement  le  nu-illeur  ami  de 
M""'  de  Thèbes  — et  qui  s'\-  connaît. 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


265 


"  Ecriture  essentiellement  rhytmique,  har- 
monique, révélant  d'une  part  une  volonté  qui 
se  soutient  jusqu'à  l'obstination,   d'autre   part 


^a^- 


'r!3 


le  sens  profond  de  la  beauté  de  la  ligne  —  en 
l'occurence  de  la  mélodie.  "  — 

Moi,  ambitieux  et  têtu,  caractère  violent, 
, sensuel,  excessif  et  volontiers  trompeur. 

Trace  de  surmenage,  de  lassitude  matérielle 
non  moins  que  morale. 


pas  faire  exception  aux  phénomcnes  artistiques, 
notons  d'abord  que  Caruso  chanta  en  naissant 
et  que  toutes  les  vieilles  diseuses  de  bonne 
aventure  italiennes  promirent  une  existence 
glorieuse  et  dorée.  Avaient-elles  prédit  que  le 
Phénomène  aurait  un  temps  difficile?  Voilà 
ce  que  l'histoire  Carusiste  ne  nous  apprend 
pas  et  que  nous  allons  dévoiler. 

Ce  temps  difficile  eut  lieu  en  Toscane,  à 
Livourne,  au  Théâtre  Goldini^  pourvu  d'une 
clientèle  exigente,  excitable,  violente,  démon- 
strative, comparable  à  celles  de  nos  Théâtres 
de  Province  et  entre  autres  de  Toulouse.  Ce 
Théâtre  Goldini  qui  ne  pouvait  somptueusement 


Sentiment  accusé  de  prévoyance,  l'artiste  à      appomter  ses  interprètes,  puisque  le  prix  moyen 


pensé  et  pense  encore  à  posséder  une  situation 
assise,  il  semble  que  le  sujet  éprouve  cependant 
quelque  crainte  quant  à  la  fin  de  sa  gloire,  de 
sa  destinée. 

Sentimentalement,  cherche  à  se  dérober. 
A  dû  être  fortement  exploité,  trompé.  Se 
méfie  des  autres  par  excellente  connaissance 
de  soi-même. 

"  Pratiquement,  l'artiste  a  une  habileté 
d'homme  d'affaires.  " 


des  places  est  deux  lires,  avait  tout  de  même 
deux  ténors  :  Beducchi^  l'enfant  chéri,  et  Caruso 
la  bête  noire.  Mais  le  directeur  qui  certaine- 
ment avait  eu  ou  devait  avoir  un  Devin  dans 
sa  famille,  était  persuadé  que  la  bête  noire 
était  au  contraire  une  bête  à  Bon  Dieu, 
qu'il  fallait  absolument  imposer  à  sa  clientèle. 
Bien  que  l'Avenir  devait  lui  donner  absolu- 
ment raison,  le  directeur  eut  la  douleur  de 
constater  que  malgré  la  Destinée  lui  et  Caruso, 
le  Public  ne  voulait  rien  savoir  et  le  prouva 
bien,  quand  en  1897,  à  une  représentation  de 
"  la  Fie  de  Bohhne  "  il  bombarda  Caruso  des 
plus  belles  tomates,  religieusement  ramassées 
par  le  régisseur  qui  les  rangea  et  les  revendit 
à  la  sortie,  de  telle  sorte  que  ce  furent  les 
mêmes,  on  peut  le  dire  fournies  par  l'admi- 
nistration, qui  resservirent  le  lendemain.  Con- 
fiant en  lui  et  en  son  Etoile,  Caruso  ne  se 
découragea  pas  pour  si  peu.  Se  produisant 
encore  en  Italie,  mais  sans  prodigalité,  il 
travailla  férocement.  C'est  à  ce  moment  où 
paraît-il,  pour  développer  son  volume  pulmo- 
naire, il  se  fait  promener  en  gondole,  allongé 
sur  le  dos,  ouvrant  une  bouche  de  carpe, 
respirant  avec  rythme  et  profondeur,  —  selon 
les  uns,  —  l'air  embaumé  —  selon  les  autres 
—  l'air  empesté  des  canaux  vénitiens,  indiffé- 
rent aux  autres  gondoles,  riches  d'amoureux 
et  de  serenata.  Patience  !  les  heures  de  gondole 
devaient  bientôt  rapporter.  Non  pas  en  France, 


Ce   n'est  pas  dans  l'enfance   ni   dans  l'ado-       ^^„......_.. 

lescence  de  Caruso  que  l'on  trouve  de  l'impré-       où   les   réputations'^'exigent  tout^  de  même  de 
vu,  du  caractéristique,  de  l'amusant.    Pour   ne      sérieux    pédigris,    mais  "en    Amérique,    où    les 


266 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


Noms  faits  à  coups  de  dollars  et  de  trans- 
parents lumineux  se  trouvent  singulièrement 
facilités  par  l'ignorance  artistique  de  la  plus 
haute  société  qui  est  avant  tout  une  société 
d'argent  et  non  pas  d'artistes.  Donc  habilement 
préparé,  par  un  cornac  intelligent,  c'est  au 
Metropolitan  Opéra  de  New-York,  que  Cariiso 
devait  édifier  sa  renommée.  Ainsi  lixréc  à 
riiabileté  du  Barnum  qui  lui  sert  sa  pâtée 
artistique  et  lui  dit  :  "  Ça  coûte  très  chei.,  c\'st 
donc  très  bon  mange  et  n  en  laisse  pas  "  la  majorité 
américaine  dévora  du  Caruso  à  s'en  rendre 
malade,  à  s'en  donner  le  gros  ventre,  et  le 
vénéra  jusqu'à  s'attacher  à  ses  pas  comme  à 
ceux  d'un  Animal  Fabuleux  qui  aurait  droit 
à  tous  les  présents,  à  tous  les  sacrifices.  Adora- 
tion Perpétuelle,  qui  en  élargissant  chaque 
jour  l'auréole  de  Caruso  servit  aussi  à  bien  des 
gens.  Par  exemple  aux  propriétaires  des  gros 
hôtels  et  restaurants  américains,  qui  pour  avoir 
fait  la  dépense  légère  d'attacher  à  leur  établis- 
sement un  sosie  ont  vu  leur  clientèle  augmenter 
dans  des  proportions  considérables  pour  le 
seul  plaisir  de  s'entendre  annoncer  par  la 
domesticité  :  "  Ce  Monsieur  qui  est  là,  c'est 
Caruso  !  " 

Toutefois  c'est  la  une  attraction  qui  n'est 
pas  sans  danger  quand  elle  n'est  pas  bien  réglée. 

—  (Jotntuent^  vous  êtes  encore  là  ?  nuits  voulez- 
vous  bien  nie  f. le  caynp  ! 

Voila  comment  [lour  s'être  bien  après  riieure 
du  spectacle,  laissé  baigner  dans  les  délices  du 

dessert   et   de    la   pleine   eau de   vie,  un 

sosie  fut  rap[)elé  à  l'ordre  par  le  gérant  d'un 
restaurant  New-Yorkais,  réputé  pour  sa  fa- 
meuse cuisine  française,  son  atmosphère 
joyeuse,  sa  vaste  salle  f^mpire,  décorée  de 
cuivres  rouges,  de  lampes  électric|ues  rouges, 
(le  hoquets  de  fleurs  rouges,   de  tapis  rouges.... 

C'ette  histoire  de  sosie  récalcitrant  est  moins 
remar(|uable  encore  que  la  Mort  du  Poisson 
Rouge 

...  Des  adnurateurs  New-Yorkais  axaiciu 
résolu  d'oftrir  à  Caruso  un  présent  d'un  piix 
considérable  expression  de  leur  cidtc.  Mais 
quoi  ?  Une  bague,  une  automobile,  un  pur- 
sang  ?...  On  ('tait  lort  embarrassé,  hirs(|u'uni- 
vieille  dame  —  les  xicillcs  dames  ont  toujours 


de  très  bonnes  idées  —  qui  axait  connu  Verdi 
proposa  un  poisson  des  Bermudes,  mais  lequel: 
Un  '■'■  hog-fisch''''  un  ^'■queen-triagger''''  un  '■^moon- 
fisch''''  r  On  se  décida  pour  le  ''''  spotted-moray  '" 
qui  ressemble  à  un  serpent  métallique  tacheté 
de  pourpre,  un  poisson  à  poses  plastiques  dont 
la  plus  attrayante  est  celle  qu'il  prend  lorsque 
\enant  à  la  surface  de  l'eau,  il  noue  sa  queue 
et  reste  bouche  bée,  gosier  palpitant,  comme 
s'il  était  pâmé  ou  agonisant.  Joli  cadeau  à  faire 
à  un  entant  et  même  à  un  ténor,  mais  difficile 
à  se  procurer  puisque  ce  Poisson  des  Bermudes 
ne  figure  pas  chez  les  particuliers,  mais  seule- 
ment à  Betterx- Palace^  dans  les  bassins  de 
r  Aquarium^  propriété  de  l'Etat  !  Mais  à  cœur 
\aillant  rien  d'impossible  ?  On  se  procura  donc 
cet  écliappé  du  Déluge,  mais  pour  le  fortifier, 
le  rendre  plus  beau,  on  lui  fit  subir  une  telle 
suralimentation  qu'il  en  creva.  Sans  doute, 
on  aurait  bien  trouvé  un  autre  Bermudien, 
mais  la  mort  de  celui-ci  tût  dit-on  la  cause 
d'une  dispute  assez  grave  qui  dislocjua  le  comité 
d'admirateurs  et  le  dissolut. 

Caruso  a  vraiment  de  la  chance  !  Nous 
trissonnons  en  pensant  quel  effet  extraordinaire 
dut  produire  sur  l'élément  téminin  ce  soir  où 
dans  unt,"  de  ses  tournées,  [lar  l'œil  de  bœut  de 
sa  loge,  il  chanta  comme  la  foule  assemblée  le 
lui  demamlait  :  "  Pour  le  pauvre  peuple  un  petit 
air  par  la  Iniêtre  !  "  Croirait-on  que  des  mal- 
\  cillants  ont  prétendu  (.|ue  //'  petit  air  par  la 
fenêtre  était  pa)é  par  le  Directeur  inquiet  pour 
ses  carreaux  r  Si  la  chose  est  vraie  il  faut  croire 
alors  (|ue  le  Directeur  avait  beaucoup  île  car- 
reaux à  protéger,  car  n'est-ce  pas  le  prix  du 
pitit  air  par  la  fenêtre^  devait  représenter  pour 
ce  Directeur  pas  mal  de  carreaux... 

Tus(]u'alors  tcnites  ces  choses  extraordinaires 
ont  eu  lieu  hors  île  France  où  l'Iilolâtrie  pour 
Caruso  n'a  pas  encore  tait  naîtie  l'industrie 
des  Sosies,la  recherche  îles  poissons  Bermudiens, 
ni  sur  la  plaie  de  Châtelet  le  rassemblement 
d'une  ()oi)ulaee  mélomane  demandant  "  (/;/ 
petit  air  p<ir  la  fenêtre. .^  Nous  n'en  sonunes 
encore  qu'aux  )eux  iilancs  et  aux  soupirs. 
Toutvfois,  maiiUenant,  oserait-on  donner  à 
Caruso  lUie  de  ces  leçons  de  «iénérosité  dans  le 
Lienre     de    celle-l.'i    (iiii     lui     fut    dit-on     offerte, 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


267 


lorsqu'aprcs  avoir  chanté  pour  un  gala  de 
bienfaisance,!!  vint  toucher  l'indemnité  réservée 
aux  artistes  peu  fortunés,  indemnité  qui  lui  fut 
accordée  ainsi  que  l'escalier  de  service  par  où 
on  le  fit  passer... 

Caruso  excellent  ténor,  comme  nous  n'en 
manquons  pas,  mais  acteur  grotesque,  comme 
nous  n'en  manquons  pas  non  plus,  vient  tout 
de  même  d'être  sacré,  canonisé.  C'est  presque 
un  Pape,  mettons  un  sous-Pape.  Ne  va-t-on 
pas  en  pèlerinage  au  Grand  Hôtel  voir  le 
numéro  de  sa  chambre  et  questionner  reli- 
gieusement sur  ses  petites  habitudes  le  domes- 
tique chargé  du  brillant  de  ses  bottines  ? 


Ne  nous  impatientons  pas.  Nous  verrons 
beaucoup  mieux.  Quand  même  aurions-nous 
encore  plus  d'excellents  chanteurs  une  quantité 
de  Renaud,  de  Clément,  quand  même  une 
nouvelle  perfection  dans  l'art  du  chant  serait- 
elle  là  pour  nous  rendre  plus  difficile,  il  n'em- 
pêche qu'à  son  prochain  retour,  Caruso  sera 
toujours  le  maître  de  la  foule  !  Même  s'il  lui 
plaît  de  chanter  "  Au  clair  de  la  lune  "  ou 
"  Fiens  poupoule  "  A  condition,  bien  entendu 
que  ce  soit  un  Italien  —  et  que  ça  coûte  très 
cher. 

Pierre  Jobbé-Duval. 


^^_i_  I  -      "■^"'•'^^■"•'n'Tiîjiaasgr:: — 


THÉÂTRE   NATIONAL  DE   L'OPERA 

JUIN     I 9 I o 


SAISON  DE  BALLETS  RUSSES 

SOUS  LE  PATRONAGE  DE  LA 
SOCIÉTÉ  DES  GRANDES  AUDITIONS   DE  FRANCE 

AVEC  LE  CONCOURS 

D'ARTISTES    DES    THEATRES   IMPÉRIAUX 


REPERTOIRE 


L'Oiseau  de  feu,  Ballet  fantastique  en 
un  acte,  avec  apothéose  de  M.  Fokine. 
Musique  de   I.   Stravinsky.   (Création) 

Shéhérazade,     Drame    cliorégraphique    en 
un  acte,  de  M.   L.   Bakst. 
Musique  de   N.   Rimskv-korsakow 

(Crralion) 

Carnaval,    Pantomine-Ballet  en    un   acte  de 
L.   Bakst  et  M.   Fokine. 
Musique  de  RoBERT  Schumann  (Création) 

Orientales,    Escjuisses  choré^raphiciues. 
(Création) 

Danses  Polovtsiennes 

MusiiuK'  de   A. 


Giselle,    Ballet-Pantomime  en   deux  actes,  dç 
Saint-Georges,    Théopliile   Gai'tier    et 

CORALY. 

Musique  d'AooLPHE  Adam   (1841) 
{Reprise) 

Cléopâtre,    Mimodiamc  en   un  acte,  d'après 

POUCHKINK, 

Musique  de  A.  Arknskv,  Glixka  Rimskv- 
Korsakou  Moi'ssorcskv  et  Glazouno\v. 

Les   Sylphides,    Rêverie   romantique  en  un 

tableau, 

Musique  de  Chopin 

Le  Festin,    Suite  de   Danses. 

du  "Prince  Igor" 

BoRoniNE 


Orchestre  de  l'Académie  Nationale  de  Musique 

Chefs  d'Orchestre  :  M.  M.  G.  Pierné,  Tcherepnine.  P.  Vidal. 


DÉCORS,  COSTUMES  et  ACCESSOIRES 

de   MM.   A.-C.   Korovine,   A.  Golovinc,   Alexandre   Benois,    L.   Bnksi.   J.    Bililiiiu-,   N.   Rocrich 
Exccutéi  par  MM.   B.   Anisfcid,    L.  Sapounov,   O.   Allcgri  de,  etc. 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


269 


Les    Instruments 

LES  CLARINETTES  ^ 

Dans  le  S.  I.  M.  d'avril  dernier,  je  terminais 
mon  article  en  disant  que  si  les  luthiers  fran- 
çais ne  sortaient  pas  de  leur  routine  quant  à  la 
fabrication  de  certains  instruments  à  vent  ils 
auraient  avant  longtemps  à  lutter  contre  la 
concurrence  étrangère. 

Je  ne  me  doutais  pas  alors  que  les  choses 
iraient  si  \'ite  et  que  j'aurais  à  vous  faire  con- 
stater aujourd'hui  que  c'est  un  fait  accompli  : 
un  fabricant  étranger  a  commencé  à  lancer 
ses  instruments  chez  nous  ;  le  contrebasson 
que  l'on  entetid  à  l'Opéra,  dans  "  Salomé  " 
de  Richard  Strauss,  est  un  produit  allemand. 
Cela  est  d'autant  plus  fâcheux  que  ce  n'est 
peut-être  qu'un  commencement  ;  rien  ne  nous 
dit  en  effet  qu'il  ne  va  pas  en  être  bientôt  de 
même  pour  la  série  des  clarinettes  alto,  basse 
et  contrebasse  et  puis  que  ça  continuera  par  le 
basson  dont  les  instrumentistes  déplorent  cer- 
tains défauts  de  construction.  (Il  n'y  a  pas  lieu, 
je  crois,  d'y  comprendre  les  flûtes,  hautbois, 
cor  anglais  et  clarinettes  soprano,  la  fabrication 
française  donne  satisfaction  aux  intéressés). 

'  Voir  S.  I.  M.  du  15  avril. 


Je  sais  bien  ce  que  disent  nos  hithiers  pour 
excuser  leur  routine  :  les  essais  de  perfection- 
nements sur  les  clarinettes,  le  basson  et  le 
contrebasson  coûtent  cher  et  nous  n'avons  pas 
de  compensation,  la  vente  de  ces  instruments 
étant  restreinte. 

Ce  raisonnement  n'est  pas  solide.  Cette 
vente  est  restreinte  parce  que  les  instruments 
que  l'on  fabrique  sont  insuffisants.  Je  connais 
personnellement  un  bon  nombre  d'instrumen- 
tistes qui  feraient  immédiatement  acquisition 
soit  d'une  clarinette-alto,  soit  d'une  clarinette- 
basse,  soit  d*un  contrebasson,  s'ils  avaient  la 
certitude  d'a\'oir  un  bon  instrument.  Et  puis 
le  simple  bon  sens  fait  comprendre  que  si  un 
luthier  fabriquait  plus  soigneusement  que  les 
autres  il  aurait  inévitablement  la  clientèle  des 
artistes  qui  ont  à  cœur  leur  métier. 

Par  conséquent  l'argent  dépensé  aux  essais 
de  perfectionnements  par  ce  luthier  serait  vite 
rattrapé,  et  par  le  nombre  d'instruments  qu'il 
vendrait  et  par  l'augmentation   de  leurs  prix. 

A  ce  sujet  il  est  un  fait  probant  :  le  contre- 
basson allemand  qui  est  joué  en  ce  moment  à 
l'Opéra  a  coûté  le  double  de  ce  que  coûte  en 
général  l'instrument  correspondant  en  France. 
Si  l'instrumentiste  de  l'Opéra  a  consenti  à  cet 
excédent  de  dépense  pour  avoir  un  bon  instru- 
ment c'est  qu'il  escompte  en  avoir  un  bénéfice 
prochain  dans  la  préférence,  sur  ses  collègues, 
que  lui  donneront  les  chefs  d'orchestre. 

Ce  calcul  est  excellent  et  devrait  êtie  imité 
par  les  luthiers. 

Il  faut  bien  reconnaître  que  nous  ne  som- 
mes plus  au  temps  où  il  était  extraordinaire 
de  voir  dans  un  orchestre  une  clarinette-basse 
ou  un  contrebasson  ;  aujourd'hui  ces  deux 
instruments  font  partie  de  l'orchestration. 

Cependant  pour  qu'ils  y  fassent  bonne  figure 
par  rapport  à  leur  voisins  de  pupitre,  il  ne  leur 
faut  plus  qu'un  luthier  qui  perfectionne  leur 
fabrication  comme  on  a  perfectionné  le  cor 
anglais. 

Il  n'y  a  pas  encore  15  ans,  la  clarinette- 
basse  qui  servait  à  l'Opéra-comique  était  un 
mauvais  appareil  qui  moisissait  dans  un  placard 
et  que  l'instrumentiste  prenait  avec  appréhen- 
sion  quand,   par    hasard,   il   était   obligé   d'en 


270 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


jouer  quelques  mesures  dans  de  rares  ouvrages. 

Le  contre-basson  était  encore  plus  en  retard. 
Je  ne  puis  me  dispenser  de  raconter  les  ennuis 
qu'essuya  un  bassoniste  (c'était  aux  Concerts 
d'Harcourt)  qui  avait  été  chargé  de  jouer  du 
contrebasson  dans  Fidélio.  Pour  trouver  l'in- 
strument dont  il  avait  besoin,  il  dut  frapper  à 
bien  des  portes  sans  succès  a\ant  de  dénicher 
dans  le  grenier  d'un  luthier  quelque  chose  qui 
ressemblait  à  un  contrebasson. 

A  la  première  répétition  de  l'ouvrage  de 
Beethoven  on  entendit  l'instrument  en  question, 
ou  plutôt  on  entendit  un  rugissement  de  fau\'e 
qui  mit  en  joie  tous  les  assistants. 

Comme  cela  n'avait  rien  de  musical, 
M.  d'Harcourt  pria  l'exécutant  de  vouloir  bien 
travailler  son  soi-disant  contrebasson  afin  de 
lui  faire  donner  des  sons  plus  doux.  A  la  répé- 
tition suivante,  comme  le  sombre  instrument 
rugissait  avec  la  même  violence  le  chef  en  fit 
l'observation  à  l'intéressé. 

Celui-ci  s'excusa  de  n'avoir  pu  travailler  à 
son  gré,  le  propriétaire  de  son  logement  ayant 
fait  irruption  chez  lui  en  le  menaçant  d'expul- 
sion si  les  locataires  entendaient  de  nouveau 
cette  bizarre  machine  !  Cette  excuse,  quoique 
valable  en  soi,  ne  faisait  pas  l'affaire  du  chef 
d'orchestre.  Celui-ci  insista  donc  encore  une 
fois  auprès  de  l'instrumentiste  afin  qu'il  trouxât 
un  endroit  quelconque  où  il  pourrait  filer  des 
sons  sans  ameuter  ses   voisins.  Ce   fut   promis. 

Le  lendemain  de  cette  répétition,  comme 
je  passais  dans  une  petite  rue  de  Montmartre, 
inon  attention  fut  attirée  par  des  aboiements 
de  chiens  et  un  attroupement  de  gamins  dexant 
le  soupirail  d'une  cave.  Je  m'approchai  et 
constatai     (jue     l'affolement     de    tout    ce    petit 


monde  était  provoqué  par  un  bruit  indéfinis- 
sable qui  venait  de  dessous  terre  :  c'était  mon 
contrebasson  qui  faisait  des  gammes.  Le  mal- 
heureux bassoniste  n'avait  pas  trouvé  d'autre 
endroit  qu'une  cave  pour  s'exercer. 

On  doit  comprendre  cjue  de  pareils  ennuis 
ne  sont  pas  pour  encourager  à  l'achat  de  ces 
instruments  spéciaux.  Mais  puisqu'il  en  faut 
dans  les  orchestres,  il  est  de  toute  nécessité  que 
les  fabricants  donnent  satisfaction  aux  intéres- 
sés. Ce  sera  d'ailleurs  un  avantage  pour  tout 
le  monde  :  le  compositeur  aura  un  meilleur 
interprète,  le  lutliier  plus  d'argent  et  l'exécu- 
tant plus  de  facilité  à  bien  faire. 

Il  est  inouï  de  penser  que  ni  l'Opéra-comi- 
que,  ni  les  concerts  Colonne  et  Lamoureux 
ne  peuvent  avoir  un  \éritable  contrebasson  en 
bon  état  ;  cet  instrument  est  remplacé  tantôt 
par  un  sarriissophone,  tantôt  par  un  instrument 
bâtard  qui  ne  donne  pas  satisfaction. 
. -.Cet  hiver,  salle  Gaveau,  on  jouait  un  poème 
s)mphonique  de  Richard  Strauss.  L'œuvre 
commence  par  une  tenue  grave  du  contre- 
basson ;  eh  bien  !  je  vous  assure  que  la  tenue 
que  j'ai  entendue  ressemblait  beaucoup  plus 
au  ronflement  d'un  moteiu^  d'aéroplane  qu'à 
une  note  musicale. 

Kn  définitive,  la  fabrication  de  la  série  des 
instruments  que  j'ai  signalée  ne  répond  pas 
aux  besoin  de  l'orchestre  contemporain.  C'est 
pourquoi  les  compositeurs  et  les  instrumentistes 
\  erront  venir  avec  joie  le  luthier  assez  hardi 
pour  st)rtir  des  cliemins  battus,  et  entreprendre 
carrément  les  perfectioimements  qui  doivent 
tloinier  satisfaction  aux  musiciens  et  faire  la 
h)rtune  de  sa  maison. 

KmII.K   SriKVKNARn. 


Rythme   et   mesure. 

On  nous  écrit  pour  nous  demander  quelques 
explications  sur  la  question  du  rythme.  Il 
paraît  que  les  ouvrages  d'enseignement  les 
plus  répandus  ne  contiennent  sur  cette  matière 
que  des  indications  fort  sommaires  et  quelque- 
fois très  obscures.  On  jmrle  longuement  de  la 
mesure,  mais  on  ne  dit  rien,  ou  presque  rien, 
du  rythme. 

Je  crois  que  si  les  auteurs  de  manuels  se 
montrent  aussi  brefs  sur  un  sujet  aussi  impor- 
tant, c'est  qu'ils  sont  très  einbarrassés  pour  le 
traiter.  Les  théoriciens  sont  en  effet  bien  loin 
d'être  d'accord,  même  sur  la  simple  définition 
du  rythme,  et  il  suffit  de  les  consulter  l'un 
après  l'autre  pour  avoir  l'esprit  tout  plein  de 
notions  confuses  et  contradictoires.  Les  péda- 
gogues effrayés  par  l'exemple  des  théoriciens, 
aiment  mieux  éluder  la  difficulté  que  de 
chercher  à  la  résoudre  à  leur  tour. 

Soyons  plus  avidacieux.  Laissons  de  côté 
toutes  les  subtilités  de  l'érudition  et  de  la 
spéculation  esthétiqvie,  et  tâchons  de  fixer 
nettement  quelques  idées  qui  s'imposent  à 
première  réflexion,  et  qu'il  serait  utile  de 
répandre. 

On  pourrait  dire  tout  d'abord  que  la  mesure 
étant  une  division  abstraite  de  la  durée  en 
parties  égales,  (parties  que  l'on  suppose  à  leur 
tour  divisées  en  parties  égales),  le  rythme  est 
constitué  par  l'ensemble  des  valeurs  concrètes 
dont  on  remplit  la  mesure.  Voici  une  durée 
de  8  mesures,  chaque  mesure  comprenant 
3  temps  ;  je  puis  évidemment  inscrire  dans 
cette  durée  totale,  et  dans  chacune  de  ses 
divisions,  toutes  sortes  de  valeurs  diverses 
(noires,  blanches,  croches,  etc.  pointées  ou  non, 
et  silences).  Quelles  que  soient  les  valeurs  qui 
"  meubleront  "  cet  espace  de  temps  et  ses 
parties,  il  est  clair  qu'il  n'en  sera  pas  modifié, 
ni  dans  sa  valeur   totale,   ni  dans   celle  de   ses 


parties.  'Je  puis  donc  inscrire  une  infinité  de 
rythmes  différents  dans  une  même  mesure.  Et  si 
l'on  faisait  une  leçon  à  des  enfants  sur  ce 
sujet,  il  faudrait  introduire  ici  un  grand 
nombre  d'exemples.  On  remarquerait  que  dans 
un  même  morceau,  si  la  mesure  ne  change 
pas,  le  rythme  varie  continuellement,  et  le 
plus  souvent  à  chaque  mesure.  Même  les 
différentes  parties,  ou  voix,  qui  se  superposent 
dans  une  même  mesure  n'ont  pas  les  mêmes 
rythmes.  On  citerait  aussi  le  cas  des  danses, 
comme  la  polka,  la  valse,  etc.  dont  l'accom- 
pagnement a  un  rythme  fixe,  tandis  que  le 
rythme  de  la  mélodie  peut  varier. 

Voilà  donc  une  première  manière  de  pré- 
senter à  des  enfants  quelques  idées  très  claires 
et  très  simples  sur  le  rythme. 

J'aimerais  mieux  peut-être  une  autre  mé- 
thode. Ce  premier  procédé  a  en  effet  l'in- 
convénient de  présenter  la  mesure  comme 
antérieure  au  rythme,  ce  qui  est  tout  à  fait 
inexact.  Les  hommes  ont  évidemment  commencé 
par  cha?iter  sans  se  soucier  de  mesure.,  et  ils  ont 
ensuite  mesuré  leurs  chants.  On  peut  dire  que  la 
notion  de  mesure  dans  toute  sa  rigueur  est 
relativement  récente  ;  elle  est  née  seulement 
avec  la  polyphonie  et  s'est  précisée  de  plus  en 
plus  depuis  le  XIP  siècle  jusqu'à  la  fin  du  XVP. 

Ouvrons  ici  une  parenthèse  :  il  importe  de 
ne  pas  confondre  la  mesure  musicale  avec  le 
mètre  poétique.  La  mesure  musicale  divise  la 
durée  en  parties  égales.  Le  mètre  poétique 
n'est  qu'un  nombre  de  syllabes  longues  et 
brèves  dont  la  durée  n'est  pas  exactement 
déterminée.  Une  longue  ne  vaut  pas  2  brèves, 
elle  vaut  tantôt  plus  et  tantôt  moins  :  cela 
dépend  du  mot,  de  la  phrase  et  de  l'expres- 
sion, et  ainsi  2  vers  égaux  métriquement 
peuvent  avoir  des  durées  fort  inégales  du 
moment  qu'ils  sont  récités.  Or  le  mètre  poé- 
tique a  dû  exercer,  dès  l'origine,  une  influence 
considérable    sur    le    rythme   musical,   et   1  on 


272 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


voit  qu'il  de\ait,  non  pas  faxoriser  l'établisse- 
ment de  la  mesure^  mais  bien  plutôt  lui  faire 
obstacle. 

Fermons  la  parenthèse  et  revenons  à  la 
mesure  du  rythme.  Un  chant,  quel  qu'il  soit, 
a  toujours  un  rythme,  axant  même  d'avoir 
une  mesure,  et  quand  même  sa  mesure  serait 
très  difficile  à  déterminer.  Chaque  note  d'un 
chant  a  une  valeur,  et  l'ensemble  de  ces 
valeurs  forme  un  groupe  rythmique  :  cet 
ensemble  se  di\'ise  en  plusieurs  membres  de 
phrases  séparés  par  des  respirations. 

Mesurer  ce  chant,  ce  sera  le  diviser  en 
parties  d'égale  durée,  et  cette  opération  n'a 
d'autre  utilité  que  d'en  rendre  la  lecture  plus 
facile  et  l'exécution  plus  correcte. 

Mais  mesurer  un  chant  n'est  pas  toujours 
possible  ;  telle  chanson  populaire  présente  un 
rythme  irréductible  à  la  mesu'e  à  trois  temps 
ou  à  la  mesure  à  quatre  temps  ou  à  quelque 
mesure  que  ce  soit.  Il  faudrait  changer  la 
mesure  sans  cesse,  ce  qui  reviendrait  à  la 
supprimer. 

Cependant  le  cas  est  plus  rare  pour  la 
musique  artistique,  qui  est  généralement  me- 
surée. Qu'est-ce  que  cela  prouve  ?  Que  cette 
musique  artistique  est  supérieure  à  l'autre  : 
Non  point.  Mais  que  notre  habitude  de  la 
mesure  nous  a  fiiit  perdre  l'invention  de  ces 
rythmes  infiniment  souples  et  variés  qu'a\ait 
dictés  aux  piemiers  musiciens  sans  éducation 
technique  la  spontanéité  de  leur  nature. 

Cette  habitude  de  la  mesure,  n'en  disons 
pas  trop  de  mal  cependant.  Elle  ne  se  justifie 
pas  seulement  par  cette  piètre  raison  piatique  : 
la  facilité  de  la  lecture  et  de  l'exécution  — 
j'ajouterai  encore  :  et  de  l'audition.  —  Mais 
il  faut  voir  aussi  qu'elle  a  sa  valeur  esthétique. 
Elle  introduit  dans  l'art  un  souci  de  la  symé- 
trie, cjui  lui  est  essentiel,  et  qui  s'\'  manifeste 
toujours  à  quel(|ue  degré,  même  dans  ses  pro- 
ductions en  apparence  les  plus  désonlonnées. 
I/es  jardins  à  la  française  ont  Kur  beauté,  et 
si  l'on  peut  préférer  un  art  plus  sou[ile  et  plus 
varié,  on  ne  peut  cependant  aimer,  pour  elle- 
mêine,  l'incohérence. 

Notons  pour  fîtu'r  deux  sens  du  mot  /iiisurc. 
La    mesure,   c'est   iTaliDril    l'acte  ile    mesurer. 


C'est  aussi  chacune  des  divisions  de   la   phrase 
musicale  qui  serxent  à  la  mesurer. 

Le  Diapason  et  l'Histoire  de  ses 
vari.ations. 

Un  /4mi  de  la  Musique  nous  écrit  :  "  Puis- 
que V Actualité  musicale  a  eu  la  judicieuse  idée 
d'ou\rir  la  rubrique  Instruisons-nous^  pourriez- 
vous  un  jour  consacrer  un  chapitre  à  l'Histo- 
rique du  Diapason  r...  On  sait  bien  qu'au 
temps  de  Gluck  et  de  Mozart,  la  hauteur  du 
diapason  non  seulement  n'était  pas  ce  qu'elle 
est  aujourd'hui,  mais  qu'elle  n'était  pas  fixe. 
Il  n'en  serait  pas  moins  intéressant  de  con- 
naître la  valeur  tout  au  moins  moyenne  des 
diapasons  généralement  usités  à  cette  époque, 
soit  à  Vienne,  soit  à  Paris,  pour  la  comparer  à 
celle  qui  de  nos  jours  fait  loi.  J'ai  consulté 
là-dessus  plus  d'un  musicien  professionnel  sans 
obtenir  de  réponse  satisfaisante. 

C'est  là  en  effet  une  importante  question 
que  nous  nous  réser\ons  de  traiter  plus  com- 
plètement une  autre  fois  ;  mais  nous  donnerons 
dès  aujourd'hui  quelques  indications  qui  ap- 
porteront à  notre  aimable  correspondant  une 
satisfaction  au  moins  provisoire. 

Rappelons  que  le  mot  diapason  sigin'fiait  en 
grec  Vocinve.  Par  suite  le  diapason  normal  tut 
Yoctave  normale^  c'est  à  dire  accordée  à  une 
hauteur  absolue  déterminée  par  conxention. 
C'est  ainsi  que  le  mot  diapason  finit  par 
désigner  V accord  normal  de  Vcchelle  fondamen- 
tale, l'^nfin  le  mot  diapason  servit  à  dénommer 
Tiiistrument  [iroiluisant  le  la  normal. 

J^e  diapason  ne  put  être  fixé  d'une  façon 
vraiment  stable  qu'à  partir  du  moment  où  l'on 
sut  coni|irer  les  \  ibrations  des  sons.  Ce  fut  en 
1858  que  l'Académie  des  Sciences  de  Paris 
décida  c)ur  la  hautrui'  noiniale  du  la'^  serait 
de  870  \'ibrations  simples  ou  435  \ibrations 
doubles  par  seconde.  Dès  lors  ce  diapason  tut 
ailopté  dans  toute  l'Europe.  L'Angleterre  seule 
résista  longtemps,  et  s'obstina  à  conser\er  un 
iliapason  plus  éle\  é. 

Un  excellent  ouvrage  lie  Etlis  (History  of 
musical  pifc/i)^  a  paru  en  1880  et  on  y  trouve 
la     preuve    c|u'a\ant     la     seconde    moitié    du 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


273 


XIX*^  siècle  le  diapason  fut  des  plus  variables 
aux  différentes  époques  et  dans  les  différents 
pays.  Mais  il  est  extrêmement  difficile  à 
riiistorien"  de  déterminer  avec  exactitude 
chacune  de  ces  variations.  Dans  tous  les  cas  il 
nous  manque  le  seul  renseignement  précis,  qui 
écarterait  toute  discussion  :  le  nombre  des 
vibrations  données  par  le  la. 

Voici  tout  au  moins  ce  qu'on  peut  dire  :  en 
Allemagne  le  diapason  semble  avoir  été  de 
presque  un  ton  plus  aigu  que  notre  diapason 
actuel  pendant  le  XVP  et  le  XVIP  siècle. 
On  peut  en  juger  par  l'étude  des  anciennes 
orgues  que  nous  avons  conservées. 

Ensuite  le  diapason  descendit  peu  à  peu^ 
surtout  à  partir  du  moment  où  se  constitua, 
en  deliors  de  la  musique  d'église,  une  musique 
instrumentale  dite  musique  de  chambre  (Kam- 
mermusik).  Cependant  l'église  conservait  son 
ancien  diapason,  ou  à  peu  près  :  de  telle  sorte 
qu'on  distinguait  2  diapasons  :  celui  de 
l'église  (Chorton),  et  celui  de  la  musique  de 
chambre  (Kamrnerton).  Et  il  y  avait  encore  un 
troisième  diapason,  celui  des  musiciens  de 
plein  air,  celui  des  hautbois  et  des  cornets, 
des  Stadtpfeifer  (Kornetton)^  et  ce  diapason-là 
était  le  plus  haut  de  tous  :  une  tierce  mineure 
devait  le  séparer  du  diapason  de  la  musique  de 
chambre. 

Notre  correspondant  ajoute  que  la  question 
des  variations  du  diapason  est  liée  à  celle  "  du 
caractère  des  diverses  tonalités.  On  peut 
lire,  dit-il,  dans  Lavignac  que  tel  ton  est 
énergique,  tel  autre  champêtre,  gai,  tel  autre 
chevaleresque.  Ces  caractères,  en  admettant 
que  les  musiciens  soient  d'accord  à  en  recon- 
naître la  justesse,  sont-ils  vraiment  inhérents  à 
la  tonalité  ?...  Si  à  une  époque  et  en  un  lieu 
donné  le  diapason  adopté  a  été,  ou  est  encore, 
tel  qu'il  diffère  du  nôtre  d'un  demi-ton,  une 
même  phrase  écrite  par  exemple  en  mi  et 
jouée  à  Paris  dans  notre  ton  de  mi  sera  jouée 
en  cet  autre  lieu  dans  un  autre  ton  de  mi  qui 
correspondra  à  notre  ton  àt  fa.  En  résultera-t- 
il  que  cette  phrase  aura  à  Paris  un  caractère 
éclatant^  chaud.,  joyeux  (je  cite  toujours  Lavi- 
gnac), et  dans  l'autre  lieu  un  caractère  pastoral 
et    agreste  f...    Si    du    temps    de    Mozart    le 


diapason  à  Vienne  était  environ  d'un  |-  ton 
plus  haut  que  le  nôtre,  ses  notes  en  fa  étaient 
écrites  par  lui  dans  un  ton  qui  est  notre  5<?/b, 
auquel  les  personnes  imbues  de  l'idée  d'un 
caractère  propre  à  chaque  tonalité  attribueront 
un  caractère  bien  différent  de  celui  du  ton  de 
fa...  Et  alors,  qu'en  conclure,  sinon  que  ces 
caractères  sont  imaginaires,  et  qu'on  ne  peut 
véritablement  attribuer  de  caractère  o^ au 
passage  d''une  tonalité  à  une  autre.,  et  jamais 
à  une  tonalité  considérée  isolément  ? 

Voilà  un  très  délicat  et  très  intéressant 
problème  !  Il  est  bien  difficile  de  le  traiter  en 
quelques  lignes.  Je  soumettrai  cependant  à 
notre  Ami  de  la  Musique  quelques  rapides 
réflexions. 

D'abord,  comme  il  le  fait  lui-même  remar- 
quer, les  musiciens  ne  sont  pas  tout  à  fait 
d'accord  sur  le  caractère  qu'il  convient  d'at- 
tribuer à  chaque  tonalité.  Leurs  opinions 
varient  surtout  suivant  les  époques.,  et  M.  Lavi- 
gnac serait  sans  doute  très  étonné  de  lire  par 
exemple  dans  le  beau  livre  de  M.  Laloy  sur 
Rameau  de  quelle  façon  le  plus  grand  com- 
positeur français  du  XVIIP  siècle  caractérisait 
les  différentes  tonalités.  Il  y  aurait  là  de  quoi 
donner  peut-être  raison  à  notre  correspondant 
et  l'on  pourrait  être  amené  à  penser  que  ces 
changements  d'impressions  esthétiques  dépen- 
dent des  variations  du  diapason. 

Pour  ma  part,  je  n'interprète  pas  ainsi  les 
faits.  Je  ne  crois  pas  en  effet  que  le  caractère 
d'une  tonalité  donnée  soit  déterminé  surtout 
par  la  hauteur  absolue  des  tons  qui  la  com- 
posent. Je  crois  bien  plutôt  qu'il  est  en  rela- 
tion avec  la  tonalité  fondamentale  de  V instrument 
sur  lequel  la  musique  doit  être  exécutée.  Sur 
une  clarinette  en  si  b  et  sur  une  clarinette  en 
la  la  même  tonalité  sonne  de  deux  manières 
différentes  et  change  de  caractère.  Le  piano 
qui  est  accordé  par  tempérament  à  partir  du 
la  ne  rend  pas  les  mêmes  effets  pour  une 
tonalité  donnée  que  le  violon  qui  a  pour  ainsi 
dire  quatre  tonalités  fondamentales  dont  les 
exigences  s'entrecroisent  en  se  conciliant  ou 
se  heurtant.  Une  tonalité  très  claire  et  très 
brillante  au  piano  pourra  être  très  sourde  et 
très  grise  au  violon.  Que  le  violon  soit  accordé 


274 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


au  diapason  normal,  un  peu  plus  haut  ou  un 
peu  plus  bas,  peu  importe  :  il  sonnera  toujours 
plus  brillant  en  sol  naturel  majeur  par  exemple 
qu'en  solo  majeur.  Il  y  a  là  une  foule  de  con- 
ditions dont  il  faut  tenir  compte  :  la  variété 
des  harmoniques  d'abord  et  principalement, 
les  changements  de  cordes  s'il  s'agit  d'un 
instrument  de  la  famille  des  violons,  et  les 
retours  plus  ou  moins  fréquents  de  cordes  à 
vide  ou  de  leur  résonnance,  les  doigtés  même, 
etc.  etc.  Il  me  semble  que  ces  conditions  ont 
plus  d'importance  que  la  hauteur  absolue  des 
sons,  surtout  s'il  ne  s'agit  que  d'une  différence 
d'un  \  ton  ou  d'un  ton  dans  le  diapason. 

Il  est  \  rai  que  si  l'on  peut  accorder  un 
piano  ou  un  \iolon  à  différents  diapasons  et 
construire  aussi  des  hautbois  et  des  flûtes  un 
peu  plus  hauts  ou  un  peu  plus  graves,  la  voix 
humaine  est  immuable.  Elle  a  ses  exigences 
que  nous  ne  pouvons  modifier.  Et  c'est  peut- 
être  aussi  dans  la  musique  vocale  que  les 
variations  du  diapason  modifieront  le  plus  les 
caractères  des  tonalités.  A  ce  point  de  vue 
notre  correspondant  reprendrait,  il  me  semble, 
l'avantage,  et  aurait  tout  à  fait  raison. 

Il  faudrait  évidemment  tenir  comte  aussi 
de  rdîet  du  passage  (C une  tonalité  flans  une 
autre^  Ce  qui  reviendrait  en  somme  à  ce  que  je 
disais  tout  à  l'heure.  Car  on  peut  considérer 
que  tout  instrument  part  tle  ce  que  j'ai  appelé 
sa  ou  ses  tonalités  fondamentales,  par  rapjiorr 
aux(|iielles  toutes  les  autres  se  caractérisent  à 
leur  tour,  de  telle  sorte  qu'il  n'y  aurait  de 
caractéristiques  tonales  que  relatives,  et  non 
pas  absolues. 

En  tout  cas  ces  quelques  indications  suffisent 
à  montrer  combien  la  question  est  complexe, 
et  nous  serons  heureux  si  nous  ;i\  ons  su  attiicr 
l'attention  de  nos  lecteurs  sur  un  problème 
qu'ils   auront    tout    profit   à   méditer  plus   lon- 

gUlUKIlt. 


Accusés 


l)F.     KI'C  Kl' I  ION. 


Nous  a\()ns  \\\\\  irautrcs  lrlties(|ue  nous 
avons  lues  avec  le  plus  grand  plaisir.  Elles  nous 
prouvent  c|uc  la  rubri(|ue  nouvelle  "  Instrui- 
sons-nous "    répondait    à    un     besoin.    (  )n    (.si 


enchanté  de  pouvoir  s'adresser  à  nous  pour 
obtenir  quelques  renseignements  qu'on  ne 
savait  où  se  procurer.  On  nous  demande  de 
traiter  dans  un  prochain  article  telle  ou  telle 
question  de  théorie  ou  de  pratique,  d'histoire 
ou  de  pédagogie.  Nous  répondrons  peu  à  peu 
à  nos  aimables  correspondants  :  qu'ils  ne  s'im- 
patientent pas.  Nous  préférons  les  faire  attendre 
et  leur  donner  tout  à  loisir  la  satisfaction  qu'ils 
réclament  :  deux  lignes. ne  leur  suffiraient  pas 
pour  les  éclairer  sur  le  point  qui  les  embar- 
rasse, et  s'il,  fallait  tout  de  suite  répondre  à 
tous,  nous  n'aurions  que  deux  lignes  pour 
chacun.  Nous  grouperons  autant  que  possible 
les  sujets  à  étudier  afin  de  fournir  sous  un 
même  titre  et  dans  un  niêîiie  article  les  ex- 
plications demandées  de  di\ers  cotés  et  à 
différences  époquesde  l'année.  Et  nous  espérons 
que  tout  le  monde  sera  content  ! 

RÉSULTATS  xi\}  Concours  du  15  avril  1910. 

I.  Sourdine  (Bordeaux).  —  2.  G.  Durant! 
(Lyon).  —3.  Violette  (S'  Quentin.)  —  4.  L\sis 
(Paris).  —  Les  autres  concurrents  ne  méritaient 
pas  d'être  classés,  leurs  réponses  était  insuffi- 
santes. 

Nous  accordons  au  premier  nommé  dans  ce 
concours  un  abonnement  gratuit.,  ePun  an  à 
PS.  1.  M. 

La  page  de  musique  qu'il  s'agissait  d'expli- 
(juer  était  extraite  de  V Hippol\te  et  Aricie  de 
Rameau  (p.  151  de  l'édition  populaire  Durand 
et  fils).  La  construction  technique  en  a  été 
assez  bien  analysée  ;  c'était  la  (partie  la  plus 
facile  (le  la  tache  qu'avaient  à  remplir  les 
concurrents.  L'expression  delà  phrase  musicale 
n'a  pas  loiijouis  été  lii(.'n  comprise  :  on  w'x  a 
pas  senti  le  caractèie  poignant  irune  .nnpie 
lamentation.  Au  point  de  vue  historique  on 
aurait  dû  faire  reniarcpier  surtout  certaines 
particularités  li'écriture,  comme  ces  accords 
parfaits  sans  tiine  dans  la  première  mesure, 
la  marche  continue  îles  noues  de  la  basse,  le 
nu'l.iiiLir  un  peu  hésitant  ilu  si\le  puii-nu'nt 
harmonique  et  du  st\le  polyphonique,  l'ana- 
logie de  l'inspiration  avec  certaines  "ritour- 
nelles" des  ails  lie  Daeh,  l'emploi  d'une  courbe 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


275 


mélodique  particulièrement  adaptée  au  jeu  du  épreuves  les  plus  intéressantes  auxquelles  nous 

violon,  notamment  dans   la  dernière  partie  de  puissions  soumettre  la  sagacité  de  nos  lecteurs. 

Tavant-dernière   mesure,    etc.    etc.    — -    Nous  Voici    maintenant     le    texte    d'un     nouvel 

donnons  prochainement   un   sujet  de  concours  exercice.  Il  s'agit  de  réaliser  à  4  parties  vocales 

du    même   genre  :    nous    voyons    là    une    des  la   basse  que   nous  donnons.  Sont  exclus  de  ce 


/^.         -  f  t^—^  — r      I  I   I  ^  ^  y     I    )      I    .'      I     I  1     I     I  I 


concours  tous  les   élèves  ou   anciens  élèves  de  admis  à  concourir  qu'à   la   condition  qu'ils   ne 

nos    Conservatoires    et    Ecoles    de     musique.  soient  pas  déjà  diplômés  à  quelque  degré  et  de 

C'est    surtout    aux    amateurs   que    nous    nous  quelque  façon  que  ce  soit, 
adressons  cette  fois  ;  les  professionnels  ne  seront  Double-DiÈse. 


L'Autriche  \eiTa-t-elle  en  ce  début  du 
XX''  siècle  se  reproduire  le  phénomène  musi- 
cal dont  Mozart  l'illustra,  dans  les  dernières 
an  nées  du 
XVIIP  siècle  r 
On  peut  se 
poser  cette 
question  en  fa- 
ce des  œuvres 
dujeuneKorn- 
gold,  dont  l'o- 
pinion \  ien- 
noise  a  été  si 
curiseusement 
intriguée  de- 
puis quelques 
mois,  et  dont 
l'Europe  mu- 
sicale com- 
mence à  s'é- 
mouvoir. 

Erich  W<,]f- 
gangKorngokl 
est  né  à  Brunn 
Ie29maii897. 
Il  est  fils  de 
notre  éminen; 
confrère  de  la 
N  e  u  e  F  r  c  i  e 
Presse,  le  cri- 
tique musical 
successeur  de 
Hanslick.  A 
cinq  ans  on  le 
mit  au  piano, 
ou  plutôt  il 
s'y  mit  de  lui 
môme,  et  s'y  trouva  tout  del  suite  absolument 
à  son  aise.  A  neuf  ans  il  hii  \int  l'idée  île 
composer  une  cantate.  On  lui  donna  lomnie 
professeur  Alexandre  de  '/AinliiiNky,  et,  depuis 


un  an  et  demi,  il  suit  les  leçons  d'harmonie 
de  Robert  Fuchs.  C'est  aujourd'hui  un  jeune 
garçon  plein  d'entrain,  aimanta  jouer,  às'ébattre 

et  n'ayant  rien 
du  génie  fatal. 
Mais  irrésisti- 
blement en- 
traîné \ers  la 
musique. 

Dès  le  dé- 
but ses  goûts 
l'ont  porté  \  ers 
les  modernes  ; 
Strauss,  Mail- 
ler, Debussy, 
Dukassont  ses 
maîtres  favoris. 
Et  son  oreille 
lui  permet  de 
distinguer  sans 
i  n  c  e  r  t  i  t  u  d  e 
tous  les  élé- 
meiusdont  nos 
grands  orches- 
tres associent 
la  complexité. 
I,e  sens  des 
réalités  musi- 
cales, mélodie, 
h  a  r  m  o  n  i  e  , 
r\  thnic,  style, 
tonalité...  s'est 
ainsi  dé\eloppé 
che/.  lui  d'iuK- 
façon  instincti- 
ve, et  avec  une 
prompti  tudi- 
c|ui  surprend.  Personnellement  le  prodige 
musical  m'a  toujours  semblé  un  phénomène 
ps)chologique,  plutôt  inquiétant  t|ue  Hatteur 
poiu'  l'an,    fi'  ne  puis  cependant    niè   ilélendre 


!•:.  W.  KoK\c;oi.i) 


Cliclii.'  Grillicli,  ii  \'ifitiic 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


277 


d'une  réelle  sympathie  pour  ce  garçonnet  qui 
à  10  ans,  dès  la  fin  de  1908  compose  une 
pa)itomine^  une  sonate  de  piano  et  un  ^QX.\t  poème 
descriptif.  Toute  \aleur  musicale  mise  à  part, 
il  y  a  là  une  attraction  d'un  être  jeune  et  naïf 
vers  le  royaume  des  sons,  qui  me  semble 
infiniment  touchante. 

Quant    aux    œuvres    elles-mêmes,    ce    qui 


trappe  en  elles,  c'est  avant  tout  leur  maturité. 
Der  Schneemann  est  une  charmante  suite  de 
40  pages  qui  transpose  en  musique  des  im- 
pressions enfantines.  Don  Quichotte^  est  plus 
grave  ;  nous  citons  ici  les  deux  premières 
pages  de  cette  œuvre  qui  est  d'une  étonnante 
maîtrise  pour  un  enfant.  La  Sonate  vise  plus 
haut  encore,  avec  son  final,   qui    est  un  devoir 


•Ziemlich  schnell. 


Erich  Wolfgang  Korngold. 
3-^   r~7r~^  g: 


Piano 


^^^^^^ 


^ 


A     A A. 


si  I   '^      '      Il  I  '^ — ^ 


P 


?^ 


Ziemlich 


^i^ 


schnell 


-1^ 


^ 


:'Éi-t'fEËii^to 


(l'hannoiiic:  (Idiim'  au  ji-iinc  Korngold    par  nom       le  di-Mr  et  la    xoloiité    Av    iréi-r.    Diiais-jt'   i]uc"*" 
inaîtrc.     Sur     \mc     liasse     imposée   s'élè\c    une       |e  troiix  e  re|Hnilant    iiioins  de    joie    dans   cette 
sorte  de  ehaioiiiu-  où   I  oli    sent   maiuleslement        (l'iixre    i|ue    dans  les  deux  autres,  et  un  peu  île 


L'ACI'UALITE     MUSICALE 


279 


formalisme,  comme  on  devait  d'ailleLirs  s'y 
attendre  dans  une  forme  dépourvue  d'intention 
pittoresque.  La  virtuosité  dans  le  formalisme 
est  d'ailleurs  le  grand  danger  de  tous  nos 
compositeurs  modernes,  en  Allemagne  surtout, 
et  je  signale  cet  écueil  au  jeune  maître. 

En  somme  l'éveil  il'une  nature  aussi  iin- 
périeusement  douée  que  celle  de  Korngold, 
l'apparition  soudaine  d'un  enfant  qui  parle 
naturellement  le  langage  musical  des  adultes, 
l'intervention  d'une  puissance  spontanée  au 
milieu  de  tous  nos  travaux  d'école  et  de  con- 
servatoires —  c'est  bien  un  fait  nouveau  dans 
l'histoire  de  la  musique  contemporaine,  et  qui 
mérite  l'attention.  Korngold  sera-t-il  l'homme 
de  demain,  celui  que  la  musique  attendra  dans 
quinze  ou  vingt  ans.  C'est  ce  que  personne 
ne  saurait  dire.  Mais  en  tout  cas  un  musicien 
nous  est  né.  Parions  encore  une  fois  pour  le 
génie.  J.  E. 


')  O.  Bouwens  van  der  Boijen.  —  -)  Durand.  — 
^)  Alleton.  —  ')  Hamclle.  —  ■')  Edition  mont- 
rougienne.  —  ")  Justin  Robert,  à  Béziers. 

Si  les  transcripteurs  ont  parfois  de  singu- 
lières fantaisies,  —  nous  y  reviendrons  tout  à 
l'heure  — ,  il  en  est  aussi  de  fort  avisés  ; 
comme  M.  Delune^  qui  vient  de  réduire  pour 
piano  l'accompagnement  d'orchestre  de  son 
Poème  pour  violoncelle  \  Cette  œuvre  sym- 
pathique et  chantante  mérite  d'être  lue,  et  je 


ne  crois  pas  qu'elle  perde  à  passer  au  domaine 
de  la  musique  de  chambre.  Quatul  M.  Pierre 
Rrnauld  réédite,  pour  deux  Pianos  la  Sonate 
A  DEUX  CLAVECINS  de  IV.  F.  Bach  '\  c'est 
encore  fort  bien.  Le  travail  de  M.  Rraunfeh, 
transcrivant  pour  piano  deux  PiècEs  d'orgue 
de  J.S.  Bach  ',  est  un  peu  plus  contestable  : 
les  pièces  d'orgue  peuvent  fort  bien  se  lire  au 
piano  telles  qu'elles  sont  écrites  ;  et  il  n'est 
pas  question,  j'espère,  de  les  faire  passer,  une 
fois  arrangées,  au  programme  des  pianistes 
virtuoses  ;  ils  ont  tout  ce  qu'il  leur  faut  dans 
l'œuvre  de  Bach.  Mais  il  y  a  plus  original  en 
ce  genre:  M.  de  Vagney  a  "complé'té"  les 
Sonates  pour  Piano  de  Beethoven  '^  ;  grâce  à 
ses  soins  empressés  elles  se  transforment  en 
trios,  ou  bien  en  morceaux  à  deux  pianos 
concertants.  Et  ne  croyez  pas  que  M.  de 
Vagney  se  contente  de  morceler  le  texte 
beethovenien  pour  le  distribuer  aux  divers 
instruments  :  il  préfère  composer,  de  son  crû, 
des  parties  d'accompagnement,  qui  viennent 
se  surajouter  à  l'original,  laissé  scrupuleusement 
intact.  M.  de  Vagney  parvient  ainsi  à  ren- 
forcer l'Harmonie  classique,  parfois  pauvre,  ou 
bien,  il  remplit  les  vides  mélodiques  par  d'in- 
génieuses broderies...  ;  vous  n'imaginez  pas, 
par  exemple,  combien  l'Andante  de  la  Sonate 
Pastorale  gagne  à  être  pourvu  d'un  petit 
contre-point,  qui   reproduit  le  thème,  mesure 

par   mesure Mais,    faut-il  vous   l'avouer, 

j'aime  mieux  les  sonates   de   Beethoven,   telles 
que  lui-même  les  a  écrites. 

La  Sonate  pour  violon  et  piano,  de 
Guillermo  Uribe  ^,  presque  classique  d'écriture, 
est  d'un  bout  à  l'autre  une  œuvre  franche  et 
saine.  De  même  les  Trois  pièces  d'orgue  de 
Maurice  Reuchsel  *,  avec  leur  Finale  d'une  si 
allègre  envolée.  M.  Jules  Dorsay^  avec  le 
Bouquet  de  l'AimÈe,  piano  et  chant  \ 
M.  Marc  Delmas  avec  une  Idylle  d'Automne 
et  un  Nocturne  Maritime,  piano  et  chant  ^, 
n'évitent  pas  toujours  les  longueurs,  ni  les 
complications  inutiles,  mais  ont  le  mérite 
d'échapper  à  toute  vulgarité.  M.  S-zulc^  au 
contraire,  avec  sa  Pantomine  Une  Nuit 
d'Ispahan,  réduite  pour  piano  ^,  n'échappe  ni 
aux    unes   ni    aux   autres.  Rien  de    plus   banal 


28o 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


que  cet  Orientalisme  de  ballet  et  toutes  ces 
Valses  plus  ou  moins  roses,  ne  valent  guère 
mieux  que  si  elles  étaient  bleues. 

Signalons  tout  particulièrement  les  Impres- 
sions DE  Printemps,  de  Clément  Robert  ""  pour 
piano  et  chant.  Ce  cycle  de  7  Mélodies  est 
évidemment  supérieur  à  tout  ce  que  nous 
avons  reçu  depuis  longtemps.  Telles  d'entre 
elles,  les  Amandiers^  le  Semeur^  la  Source/eite, 
laissent  l'auditeur  sous  une  impression  d'in- 
tense et  indéfinissable  poésie  ;  leurs  conclusions, 
très  significatives,  très  évocatrices  dans  leur 
brièveté  même,  rappellent  un  peu  certaines 
formules  chères  au  maître  Fauré.  M.  Robert 
n'a  pourtant  jamais  été  son  élève.  Il  a  passé 
par  l'école  Niedermeyer  et  par  le  Conserva- 
toire, mais  sans  doute  sans  s'y  transformer 
beaucoup,  puisqu'il  affirme  aujourd'hui  que  la 
Composition  ne  s'apprend  pas.  Très  respec- 
tueux de  sa  propre  originalité,  il  entend 
n'écrire  que  des  œuvres  patiemment  mûries. 
Entre  sa  première  composition,  une  Grisaille 
pour  piano  et  chant  ^  signée  Broter  Sohn  et 
ce  volume  de  mélodies,  il  y  a  évidemment  un 
abîme.  M.  Robert  n'a  du  reste  pas  perdu  son 
temps  de  l'une  aux  autres  ;  il  a  produit  une 
Jeanne  d'Arc,  une  cafetière  automatique  et 
un  moteur  à  soupapes  concentriques.  Sou- 
haitons que  la  mécanique  ne  le  détourne   pas 


de  la  \o\Q  artistique,  où  il  donne  déjà  beaucoup 
plus  que  des  promesses.  M.  Robert  peut  se 
placer  demain  au  premier  rang  de  nos  jeunes. 
Ceux  qui  goûtent  le  moins  la  musique  de 
Debussy  seront  forcés  de  convenir  que  l'appa- 
rition de  ses  Préludes  -  marque  une  date 
dans  l'histoire  de  la  musique  de  piano.  En  les 
qualifiant  de  pianistiques,  je  ne  veux  pas 
désigner  par  là  l'emploi  de  ces  formes  de  vir- 
tuosité pure,  dont  les  compositeurs  romanti- 
ques, Liszt  en  tête,  nous  ont  donné  l'exemple. 
Rien  n'est  plus  éloigné  de  M.  Debussy.  Dans 
les  passages  les  plus  compliques  en  apparence, 
les  10  doigts  arrivent  juste  à  point  nommé  et 
cela  sans  écarts  ni  contorsions  ;  tout  ce  qui 
est  écrit  est  possible.  Voyez  ces  petites  gammes 
ascendantes  qui  achèvent  le  prélude  n"  2, 
Voiles  ;  ou  bien  le  début  en  sixtolets  du  n"  3, 
Le  Vent  dans  la  plaine.  Les  trou\ailles  sonores 
ne  sont  pas  moins  étonnantes  et  font  appel  à 
toutes  les  ressources  que  peuvent  offrir  les 
pédales.  Le  n"  4,  Les  Sons  et  les  Parfums^  a 
une  conclusion  surprenante,  quelque  chose 
comme  un  soulagement  exquis  après  deux 
pages  délicieusement  fausses.  La  Dance  de  Puck 
est  tout  à  fait  aérienne.  Enfin,  M.  Debussy  a 
voulu  finir  sur  une  note  gaie,  et  le  n"  12, 
Mnistrels^  nous  rappelle  les  joyeuses  fantaisies 
du  GoUiwosr's  Cake  Walk.   "  V.   P. 


U  Gérant:  Marckl  Fredet. 


Impr.  par  The  St.  Catherine  Press  Ltd.  Bruges,  lu  l^iiinc. 


L'ACTUALITÉ 


MUSICALE 


ANNEXE  DE  LA  REVUE  MUSICALE  S.I.M. 
PUBLIÉE  PAR  LA  SECTION  DE  PARIS  DE  LA 
SOCIÉTÉ  INTERNATIONALE  DE  MUSIQUE 


5  JUILLET  1910 


FRANCE  ET  BELGIQUE 
Le  numéro:  0.40  -Un  an:  4.00 


UNION     POSTALE 
Le  numéro:  0.60  -  Un  an:  6.00 


UJCTU ALITÉ  MUSICALE 


REDACTION 


PARIS:    22,   RUE    ST.    AUGUSTIN 
BELGIQUE  :  RENÉ  LYR  A  BOITSFORT,  BRUXELLES 


ADMINISTRATION 


LIBRAIRIE    CH.    DELAGRAVE,    15,    rue    Soufflot,    PARIS. 


Tous  les   mandats  doivent  être  adressés   soit  à   la  librairie  DELAGRjiVE, 

soit  à  M.  REtKÉ  LYR. 


SOMMAIRE     DE     L'ACTUALITE 

DU    15    JUILLET 

J>ES  CONCERTS,  à  Paris  par  Gi'KRili-ot.  —  Proyiiice.  —  Belgique.  —  Étranger.  —  LA 
CLASSE  D'ORGUE  AU  CONSERVATOIRE  NATIONAL  par  C.  M.  —  Léopoi.d 
WiDHAi.M,  luthier  allcmaïul,  par  Ch.  \\o\nÀY..  —  LES  INSTRUMENTS  :  Vente  d'anciens 
instruments,  Concours  de  Violoncelles.  —  QUESTIONS  SOCIALES  :  La-s  préjugl^'s  de 
l'éducation   musicale,   par   M.   Daubresse.  —  L'ÉDITION   MUSICALE,  par  V.   P. 


LES 


CONCERTS 


A.  Nikisch. 


M.  Arthur  Nikisch  a  mis  quelque 
coquetterie  à  ne  nous  revenir  que  plusieurs 
années  après  ses  derniers  triomphes.  Les  deux 
concerts  qu'il  vient  de  donner  avec  l'Orchestre 
Colonne  ont  terminé  la  saison  symphonique. 
Il  est  inutile  de  rappeler  avec  quel  comman- 
dement M.  Nikisch  conduit  un  orchestre,  à 
quel  point  il  lui  impose  sa  griffe.  C'est  un  chef. 
Mais  il  déconcerte  souvent  par  son  interpré- 
tation des  classiques,  par  l'importance  qu'il 
donne  à  des  détails  justement  négligés  jusqu'à 
lui,  par  un  excès  tout  à  fait  allemand  dans  les 
intentions.  Nous  sommes  faits  à  plus  de  cor- 
rection, à  trop  de  correction  peut-être.  Par 
contre,  dans  les  œuvres  romantiques,  à  ne 
nommer  que  certaines  de  ses  deux  program- 
mes, Tod  und  Verklaerunge,  de  Strauss,  la 
7*^  Rhapsodie  de  Liszt,  orchestrée  par  H.  de 
Bulow,  les  œuvres  de  Berlioz,  il  est  un  maître 
incontestable.  Son  succès  fut  grand  et  il  faut 
espérer  qu'il  nous  reviendra  l'an  prochain. 

Au  concert  supplémentaire  de  la  Société 
Nationale  de  Musique,  deux  premières 

auditions  :  Deux  poèmes  pour  chant  et  deux 
pianos  de  Samazeuilh  et  la  Sonate  en  ré  mineur 
pour  piano  et  violon  d'Albert  Roussel.  Ces 
œuvres  nouvelles  étaient  encadrées  par  la  Sonate 
de  Witkowski  et  le  Concert  de  Chausson. 

La  Société  musicale  indépendante 

a  clôturé  sa   première   saison   par   une   séance 


avec  Orchestre.  Si  les  œuvres  assez  ternes  du 
programme  pouvaient  perdre  de  leur  mince 
intérêt  c'était  bien  du  voisinage  d'un  Vœ 
Victis,  de  M.  De  Morawski,  impitoyable  pour 
nos  oreilles,  cuivré  à  l'excès,  non  sans  valeur 
du  reste,  et  d'un  Psaume  47  d'une  joie  peut- 
être  biblique,  mais  pas  idyllique  du  tout, 
M°^®  Litvinne  fut  la  dramatique  interprète  de 
deux  émouvantes  pages  de  Moussorgski. 

M.  Capet  nous  est  heureusement  revenu 
avec  un  quatuor  reconstitué,  très  homogène. 
En  deux  séances  il  donna  six  quatuors  de 
Beethoven  dont  les  12*^,  13*^  et  15®. 

]y[me  Toutain  Grun,  artiste  croyante  et 
agissante,  a  organisé  un  quintette  dont  les 
débuts  ont  été  mieux  qu'encourageants,  sur- 
tout dans  le  quatuor  piano  de  M.  Fauré  et  le 
quintette  op.  34  de  Brahms. 

M.  Unesco  est  une  des  personnalités  mu- 
sicales les  plus  intéressantes  de  l'heure  présente, 
violiniste  puissant  et  précis,  compositeur  aux 
idées  jeunes  et  abondantes.  Voilà  un  excès  de 
qualités  que  bien  d'autres  pourraient  lui  en- 
vier. Il  joua,  avec  M.  Risler,  son  exubérante 
sonate  de  violon,  presque  classique  de  forme 
et  la  sonate  à  Kreutzer,  idéalement  exécutée, 
indéfiniment  applaudie. 

Les  séances  bi-hebdomadaires  de  musique  du 

Salon  des  Artistes  Français  sont, 
comme  on  sait,  d'un   louable   éclectisme.   La 


le 


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L'ACTUALITE    MUSICALE 


285 


liste  des  œuvres  nouvelles  y  fut  copieuse  cette 
année,  l'exécution  un  peu  inégale  et  dans  des 
conditions  matérielles  assez  médiocres. 

Toujours  bien  vivante,  la  vénérable  Société 
Guillot  de  Sainbris  s'est  fait  entendre 
dans  de  jolis  chœurs  de  Schumann,  dans  un 
motet  de  Franck  et  dans  une  cantate  injuste- 
ment oubliée  de  M.  Pierné.  Exécution  très 
soignée  comme  toujours. 

Nos  nomenclatures  mensuelles  ne  nous  ont 
permis  que  de  citer  les  séances  du  Quatuor 
Parent  à  la  Schola,  alors  qu'il  faudrait 
étudier  dans  tous  ses  détails  cette  œuvre 
poursuivie  avec  une  foi  persévérante  et  intel- 
ligente. Après  des  soirées  classiques  la  saison 
s'est  terminée  par  quatre  séances  d'œuvres 
contemporaines  allant  de  Franck  à  M.  Ravel. 
Le  vrai  public  dilettante  n'est  pas  effrayé  par 
le  voyage  de  la  rue  St-Jacques  car  il  sait  que 
certaines  œuvres  mfodernes  ne  sont  jouées  que 
là  comme  elles  doivent  l'être  et  qu'on  veut  y 
faire  connaître  de  la  musique  plutôt  que  s'y 
préparer  des  succès  d'exécution.  Un  program- 
me entier  fut  consacré  à  M.  Paul  Dupin,  le 
croyant,  le  persévérant  que  connaissent  les 
lecteurs  du  S.  I.  M.;  on  entendit  le  Quatuor 
de  M.  Ravel,  une  suite  romantique  pour 
piano  de  M.  Turina,  des  Quintettes  de  MM. 
Le  Flem  et  Florent  Schmitt.  M.  Parent 
poursuit  une  belle  et  bonne  œuvre  et  le  succès 
l'en  récompense. 

Les  ballets  russes  de  l'opéra  nous  ont  valu 
un  regain  de  musique  moscovite.  La  colonie 
russe  de  Paris  donna  au  profit  de  la  Croix 
Rouge  française  un  beau  concert  dont  Mme 
Litvinne,  —  que  nous  pouvons  bien,  ce  nous 
semble,    prétendre    parisienne    d'adoption   — 

—  M™"  Lydia  Lipkowska  et  M.  Alt- 

chewski  furent  les  protagonistes.  M""^  Lip- 
kowska est  d'une  virtuosité  merveilleuse.  De 
M"'*^  Litvinne  que  dire,  sinon  vanter  son 
infatigable  générosité  pour  les  concerts  de 
charité  ou  de  bienfaisance  ?  Nous  l'avons 
retrouvée  le  26  Juin  à  la  Salle  Gaveau,  avec 
MM.  Diémer  et  Maurice  Dumesnil  dans  un 
Concert  Schumann-Wagner  qui  termine  à 
peu  près  la  saison  musicale. 

Les  pianistes  ont  remporté  encore  ce  mois- 


ci  quelques  victoires.  M.  E.  Schelling  joua 
dans  les  deux  concerts  Nikisch,  notamment 
sa  fantaisie  pour  piano  et  orchestre,  intéressante 
malgré  la  réclame  excessive  qu'en  faisait  le 
le  programme.  L'artiste  a  une  superbe  techni- 
que. M""'  Roger  Miclos  nous  plaît  davan- 
tage à  chaque  audition  et  —  qu'elle  veuille 
bien  nous  en  excuser  —  il  y  a  quelque  temps 
que  nous  l'entendîmes  pour  la  première  fois. 
Ses  deux  concerts  salle  Pleyel  —  le  second 
avec  le  Quatuor  Vocal  Bataille  —  compor- 
taient plusieurs  nouveautés,  d'abord  pour  le 
piano.  Une  petite  suite  de  M.  Paul  Lacombe, 
une  joli  scherzo  de  M.  Staub,  une  légende  de 
M.  Herard  et  surtout  des  "  Poèmes  Alpestres  " 
de  M.  Théodore  Dubois  ;  puis  de  pièces 
vocales  de  M.  Vidal  et  de  M.  Herard.  C'est 
la  suite,  assez  importante,  de  M.  Th.  Dubois 
qui  nous  attirait  et  elle  ne  nous  a  pas  déçu. 
Musique  claire,  bien  écrite  et  vraiment  per- 
sonnelle. M.  Th.  Dubois  est  plus  actif  et  plus 
fécond  que  bien  des  jeunesses. 

]yj;oiie  Tagliaferro,  dont  nous  avons  pré- 
cédemment parlé.  M™''  Fleury  Moncha- 
blon  qui  donna  Salle  Erard  une  charmante 
séance,  avec  M.  Fleury  l'idéal  flûtiste,  M. 
Geloso  et  M.  Sautelet,  merveilleux  inter- 
prète de  chansons  anciennes,  M.  André 
Dorival  qui  se  fît  entendre  salle  Erard  avec 
le  violoniste  Hartmann  M.  André  Tourcat, 
—  Voilà  quelques-uns  des  pianistes  entendus 
en  juin. 

Ajoutons  à  cette  liste  très  importante  le 
nom  du  jeune  virtuose  JameS  Wittaker 
dont  le  raient  mérite  qu'on  s'y  attarde  quelque 
peu  :  M.  J.  Wittaker  a  donné  à  la  Salle  Erard 
un  concert  qui  lui  a  valu  une  chaleureuse 
ovation.  Il  se  recommande  par  des  qualités  de 
force  et  de  netteté  qui  le  classeraient  parmi 
les  "  dessinateurs  "  du  piano.  Il  excelle  à  dé- 
tacher les  motifs  et  à  faire  comprendre  l'archi- 
tecture d'une  œuvre.  Dans  les  Scènes  d'enfants 
de  Schumann,  la  '•  manière  "  de  l'exécutant 
et,  par  suite,  sa  façon  d'interpréter  pourraient 
surprendre.  Schumann  en  écrivant  ces  "  pièces  " 
dont  chacune  est  un  presque  chef-d'œuvre,  se 
figurait  assurément  des  enfants  moins  robustes 
et   moins   sains.    Et    pourtant   l'interprétation 


286 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


"  réaliste  "  de  M.  Wittaker  ne  manque  ni  de 
charme,  ni  surtout  d'mtérêt.  Et  c'est  pourquoi 
nous  souhaitons  au  jeune  et  très  intelligent 
pianiste  d^'  rester  fidèle. 

M.  Frédéric  Gérard  donna  avec  l'or- 
chestre Hasselmans  dirigé  par  M.  Jacques 
Thibaud,  des  Concertos  de  violon  de  J.  S. 
Bach  et  de  Max  Bruch,  où  il  fit  apprécier  un 
jeu  classique  et  une  belle  sonorité.  Nous 
citerons  encore  une  fois  M.  Georges  Pitsch 
dont  le  deuxième  concert  avait  un  beau  et 
copieux  programme.  M.  Pitsch  tient  déjà  une 
bonne  place  parmi  nos  violoncellistes.  Notons 
enfin  la  huitième  et  dernière  séance  de  musique 
pour  harpe  chromatique  où  se  distingua 
M""^  Jane  Montmartin,   et  arrivons  aux 

artistes  du  chant,  par  lesquels  il  eût  été  logique 
de  commencer. 

Nous  avons  dit  le  mois  dernier  le  beau 
talent  de  M"""  Misz  Graeiner  comme  can- 
tatrice de  lieder.  M"''  Julia  Hostater, 
artiste  et  intelligente,  est  moins  bien  douée 
vocalement.  M"""  Gerhardt  avait  la  bonne 
fortune  d'être  patronnée  par  M.  Nikisch.  Il 
l'a  accompagnée  au  piano  dans  ses  deux  con- 
certs, et  nous  avons  entendu  des  voisins  pré- 
férer de  beaucoup  le  Capellmeister  au  pianiste. 
M""'  Gerhardt  a  une  belle  voix  très  variée 
d'effets.  M""'  Ida  Reman  a  une  agréable 
voix  de  mezzo,  étoffée  et  conduite  avec  goût, 
sans  affectations  dans  les  nuances.  On  lui  a 
redemandé  avec  raison  plusieurs  morceaux.  Il 
est  juste  de  dire  qu'elle  avait  un  accompagna- 
teur hors  de  pair,  M.  Lucien  Wurmser. 

Nous  n'avons  pu  que  mentionner  le  mois 
dernier  le  Concert  de  M"''  Suzanne  De- 
COUrt.  On  nous  permettra  de  rL\enir  sur  U- 
plaisu  (|uc  nous  a  doimé  sa  \()ix  dramaticiue 
et  bien  travaillée.  M"''  Decourt  est  certai- 
nement une  de  nos  bonnes  cantatrices  de 
concert. 

I/'X((lJent  trio  féminin  Laval  Ballet 
Clément  a  donné  une  agréable  séance  S.dle 
Plcyel. 

—  La  Société  littéraire  et  artisti- 
que de  l'Ouest  donne,  tous  les  mois  une 
séance  à  Pass\  .  ï a-  I  i  (iiiil,  il  V  avait  au 
programme    le    charmant    opéra-comique     de 


Dalcroze,  le  Bonhomme  Jadis,  une  sonate 
pour  Violoncelle  et  piano  de  Delune,  sa  suite 
pour  piano  et  son  poème  pour  \ioloncelle,  un 
Duo  pour  harpes  de  A.  Sau\Tezis.  M""^  Delune 
remporta  un  grand  succès  comme  \iolon- 
celliste. 

—  Mentionnons,  parmi,  les  œuvres  inscrites 
au  programme  du  concert  donné  par  "  la 
Sourdine  "  trois  délicates  mélodies  de  Léo 
Sachs  :  les  Trois  Sorcières,  Solitude,  Retour 
près  de  l'Aimée,  très  bien  interprétées  par 
M'"^  Panis. 

M""'  Capoy  a  donné  une  très  intéressante 
audition  consacrée  aux  œu\res  de  Madame 
Chaniinade,  avec  le  concours  de  M""'  Him- 
mel,  MM.  Chanoine-Da\ranches,  Gustave 
Borde,  Kochinski,  M.  Hennebains  et  de  la 
maîtresse  de  la  maison. 

—  Madame  Paul  Poirson  a  fait  entendre 
chez  elle  des  œu\res  de  Henri  Lutz,  le  délicat 
compositeur  qui  a  niis  en  musique  les  beaux 
poèmes  de  M""'  Léopold  Lacour. 

—  Nous  avons  le  plaisir  d'apprendre  que 
notre  collaborateur,  M.  Jobbé  Du\'al,  vient 
de  rece\'oir  les  palmes  académiques. 

—  Le  2  2  A\ril,  les  Concerts-Rouge  con- 
sacraient un  partie  de  leur  soirée  à  l'Audition 
de  plusieius  mélodies  publiées  autrefois  sous  le 
nom  de  Jean  Hubert  et  dont  l'auteur  veut 
bien  aujourd'hui  se  taire  connaître  :  c'est 
M.  Alexis  Rostand,  président  et  Direc- 
teur général  du  Comptoir  d'escompte.  Ces 
mélodies,  pleines  de  grâce  et  d'esprit,  étaient 
interprétées  par  M"''  Marie  de  l'Isle,  ilont  on 
sait  le  talent. 

Au  Lyceum,  brillante  soirée  ilonnée  par 
M""'  Macréjamska  en  l'honneur  de  M.  Klobu- 
kowsky,  gouverneur  général  de  l'Indocliine. 
Au  programme,  œuvres  de  M'"^"  J.  "Foutain- 
Griin  interprétées  par  l'auteur  et  M"""  Pauline 
Sniirh  et  de  M.  Trémisat. 

—  Sous  la  (lircctii)n  de  N'ictor  Cliarpentier, 
"l'orchestre"  a  dontié  au  'l'iocadéro,  le 
2S  mai  un  très  intéressant  concert.  Au  pro- 
gramme, des  (fuvres  île  Hfindel,  Mozart, 
(îuilniani,  Chaminade,  Selz,  César  Franck, 
ainsi  (|u<-  l'audirinii  intégrale  du  Désert  de 
i'rluicn     I)a\id,     interpiété     par      M"''     Paule 


LE    MAESTRO    TOSCANINI 


VIENT  DE   PARAITRE 

A  LA 

MAISON     BEETHOVEN 

(GEORGES     OERTEL) 

RUE   DE   LA   RÉGENCE,    17-19,    BRUXELLES. 

C.  THOMSON 

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Réduction  :    VIOLON    ET    PIANO,   net 

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CHOPIN-THOMSON 

MAZURKA    op.    7    No.   I.    Violon  et  Piano,  net 

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ROOVERSLIEFDE 

Dramk    Lyrique    en     un    acte    de     p.      GILSON 

.    .                   PAirrrriON  :    Pi;ino   a   chant. 

L'ACTUALITE     MUSICALE 


289 


Marsa,  M.  Plamondon,  l'ensemble  vocal  de 
"  l'Orchestre  "  et  le  chorale  "  Les  Enfants  de 
Paris." 

F.    GuÉRILLOT. 


Province 


BOURGES.  —  A  l'occasion  des  Fêtes  de 
"l'Argentier  Jacques  Cœur"  (12  et  13  Juin) 
la  Ville  de  Bourges  a  été  le  théâtre  de  mani- 
festations artistiques  qui  resteront  longtemps 
dans  la  mémoire  des  nombreux  étrangers 
accourus  dans  ses  murs. 

C'est  devant  une  salle  littéralement  comble 
qu'eurent  lieu  les  deux  soirées  des  12  et  13 
Juin,  la  première  presqu'exclusivement  musi- 
cale et  chorégraphique,  la  seconde  consacrée 
à  une  représentation  de  l'Arlésienne. 

Nous  voudrions  pouvoir  nous  étendre  sur 
la  première  qui  réunit  les  musiques  de  la 
garnison,  la  musique  municipale  et  un  orchestre 
symphonique  de  60  musiciens  dont  nous  nous 
réservons  de  parler  plus  loin,  vanter  ainsi 
qu'elles  le  méritent  les  qualités  des  chanteurs 
qui  ont  nom  Juliette  Dorys,  Mario  Varelly, 
exprimer  le  suprême   plaisir  de  l'ouïe  et  de  la 


vue  à  la  fois  que  nous  a  procuré  l'exécution 
impeccable  du  ballet  de  Faust,  dansé  par 
M"''  Sandrini  et  huit  danseuses  du  corps  de 
ballet  de  l'Opéra. 

Cependant,  à  rai'^on  de  l'attention  particulière 
qu'attira  dans  le  monde  des  amateurs  de 
musique  la  représentation  de  l'Arlésienne,  c'est 
à  elle  que  nous  nous  consacrerons  plus  spécia- 
lement. 

L'interprétation  du  chef-d'œuvre  de  Daudet 
fut  de  tous  points  parfaite. 

L'orchestre  symphonique,  n'a  pas  peu  con- 
tribué à  la  pleine  réussite  de  l'œuvre. 

Sous  la  baguette  experte  de  M.  Courrouy, 
chef  de  la  musique  de  la  8''  brigade  d'artillerie, 
qui  avait  bien  voulu  en  accepter  la  direction 
pour  cette  fête  de  bienfaisance,  l'orchestre, 
composé  des  meilleurs  éléments  de  la  Société 
Philharmonique,  auxquels  on  avait  adjoint 
plusieurs  solistes,  tous  lauréats  du  Conservatoire 
de  Paris,  avait  acquis  un  degré  de  perfection 
vraiment  extraordinaire. 

Ce  fut  une  révélation  !  Les  frénétiques  ap- 
plaudissements d'une  foule  enthousiaste  qui 
accueillirent  la  délicieuse  partition  de  Bizet  et 
notamment  l'ouverture,  le  Menuet  et  l'Inter- 
mezzo, sont  le  plus  sûr  garant  du  plaisir 
extrême  que  nous  a  procuré  cette  phalange 
d'artistes. 

Nous  ne  saurions  mieux  faire  que  d'opposer 
à  ceux  qui  nous  taxeraient  d'un  chauvinisme 
excessif,  les  allégations  mêmes  de  Tessandier, 
qui  au  lendemain  de  la  représentation,  écrivait 
au  sympathique  chef  : 

"  ...Il  y  a  fort  longtemps,  depuis  Colonne 
—  que  je  n'ai  entendu  pareille  sûreté  d'exé- 
cution." 

Ce  témoignage  nous  dispense  de  plus  longs 
commentaires. 

Souhaitons  que  cette  "  révélation  "  consti- 
tue un  utile  enseignement  pour  la  Municipalité 
et  pour  la  Société  des  Fêtes  et  qu'un  régal 
semblable  ne  reste  pas  sans  lendemain. 

O.  M. 

BELLEY.  —  Importante  manifestation 
musicale  à  la  Cathédrale  à  l'occasion  de  l'In- 
tronisation du  nouvel  évêque   M^''  Magnier  : 


F.  CHATENET 


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et    artistique     


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L'ACTUALITE     MUSICALE 


291 


œuvres  de  Bacli,  Beethoven,  Gounod,  Franck, 
Saint-Saëns,  Baetz,  quelques  unes  exécutées 
par  une  Chorale  d'enfants  et  d'hommes  de 
bonne  volonté  plus  habitués  aux  travaux  de  la 
campagne  qu'à  la  musique.  E.   B. 

CAMBRAI.  —  A  l'occasion  du  mariage 
de  M"'^' Morand,  fille  du  sympathique  Président 
de  l'Union  orphéonique,  une  manifestation 
artistique  d'une  grande  ampleur  a  été  faite  à 
la  Cathédrale.  Au  programme  : 

Chœur  des  Pèlerins,  de  Wagner  ; 

Pater  Noster,  de  Niedermeyer  ;  Soliste  : 
M.  Dumont; 

Marche  nuptiale,  de  Wagner  ;  (Trompettes); 

Romance  pour  Violon,  de  Svendsen  ;  M. 
Paul  Cormont  ; 

Ave  Maria  de  Gounod  ;  Solistes  :  M.  Mar- 
tin, ténor  ;  M"*"  Inghebrelt,  Harpiste  ;  M. 
Marcel  Richard,  Orgue  ; 

Adagio  du  Septuor  de  Beethoven,  par  les 
professeurs   de  l'Ecole  Nationale  de  Musique  ; 

Sancta  Maria,  de  Faure  ;  M.  Dartus. 

—  Au  deuxième  Concert  des  Elèves  de 
l'Ecole  Nationale  de  Musique,  citons  tout 
particulièrement  le  jeune  violoncelliste  M.  De- 
bergue  qui  exécuta  le  Concerto  de  Golter- 
mann  d'une  façon  parfaite  ;  cet  excellent 
musicien  possède  un  jeu  très  sur  et  une  belle 
sonorité...  P.  Cormont. 

LILLE.  —  M™''  Maquet  a  dignement 
clôturé  la  série  des  Concerts  Symphoniques  en 
donnant  le  2g  Mai  la  première  audition  en 
France  de  la  Délivrance  de  Prométhée,  poème 
symphonique  pour   orchestre,  chœurs  et  réci- 


tant. Le  Final  de  l'Or  du  Rhin,  le  prélude  du 
troisième  acte  et  la  dernière  scène  des  Maîtres 
Chanteurs  complétaient  le  programme  de  ce 
magnifique  Concert.  M""' Maquet  a  été  applau- 
die comme  elle  le  méritait.  La  saison  musicale 
est  à  peine  finie  que  l'active  musicienne 
annonce  pour  l'an  prochain  la  neuvième 
symphonie  et  d'importants  fragments  Wagné- 
riens. 

TROUVILLE.  — La  saison  promet  d'être 
brillante  au  Casino  ;  il  suffit  de  lire  les  noms 
des  artistes  :  Litvinne,  de  l'Opéra,  Thévenet, 
de  l'Opéra  Comique,  Toutain-Griin  et  Barthé, 
des  Concerts  de  Monte-Carlo,  Sandrini,  de 
l'Opéra...  Et  les  œuvres  qu'on  représentera 
sont  nombreuses  et  variées. 

DUNKERQUE.  —  Au  point  de  vue 
artistique,  notre  Ville  ne  reste  pas  en  arrière. 
Sous  la  direction  de  son  excellent  chef  M. 
Eug.  Théry,  l'Association  des  artistes  musiciens 
donne  chaque  année  deux  concerts  de  musique 
qui  obtiennent  toujours  un  vif  succès. 

Le  premier,  cette  année,  eut  lieu  le  15 
avril,  avec  le  concours  du  pianiste  A.  Lermyt. 

"  Rédemption  "  de  Franck  fut  représentée 
dans  toute  son  intégralité,  fait  assez  rare 
en  province. 

Les  Chœurs  d'hommes  et  de  femmes  furent 
bons.  La  seule  chose  à  souhaiter  pour  une 
prochaine  fois,  c'est  un  renforcement  des 
chœurs,  cela  est  nécessaire,  sinon  indispensable, 
pour  exécuter  de  pareils  monuments  d'art 
musical. 

L'orchestre,  au  grand  complet,  n'eut  aucu- 
ne faiblesse. 


Application 

raisonnée  des 

meilleurs  procédés 

pédagogiques 

et  techniques 

employés  par  les 

grands  maîtres 

contemporains 

français 

et  étrangers. 


LEÇONS  de  PIANO 

VIOLONS,  SOLFÈGE  HARMONIE 

PAR  CORRESPONDANCE 

COURS    SINAT 

Rue    Franklin,    5,     PARIS    —     Trocaàêro. 


292 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


Madame  Auguez  de  Montalaiit  avait  pour 
la  circonstance  prêté  son  concoure;.  Le  poème 
fut  récité  par  M.  Granlieu,  ancien  pension- 
naire du  Théâtre  de  notre  ville. 

La  soirée  avai  t  commencé  par  la  "  Procession  " 
de  C.  Franck  et  la  "  Chanson  de  Barbaine  '' 
de  V.  Jallois,  chantées  par  Mme  de  Montalant. 

E.  S. 

LORIENT.  —  Nous  possédons  ici  une 
jeune  société  chorale,  qui  vient,  dans  un 
récent  concours  à  La\al,  de  se  cou\rir  de 
gloire. 

Fondé  en  1907  par  M.  Mars  Refray  et 
présidé  aujourd'hui  par  M.  Brard,  conseiller 
municipal,  le  "  Choral  Lorentais  "  a,  depuis  le 
mois  de  novembre  dernier,  pour  Directeur 
M.  Maublanc.  Au  concours  de  Laval  elle 
avait  comme  concurrents  le  Choral  laïque  de 
Fougères  et  le  Choral  de  Villers-Boccage;  or, 
elle  a  obtenu  le  i'"'  prix  de  lecture  à  vue 
à  l'unanimité,  un  i'^''  prix  d'exécution  avec  le 
choeur  choisi  "  La  Légende  de  la  Glèbe  " 
(La  Charrue)  de  La  Tombelle  et  un  2'"^'  prix 
d'honneur  avec  le  morceau  imposé:  "  Voici 
Juillet  "  de  Cools.  Résultat  superbe! 

A  leur  retour  à  Lorient  les  vainqueurs  ont 
été  reçus  comme  ils  le  méritaient.  Nous  adres- 
sons au  choral  Lorientais  nos  plus  sincères  fé- 
licitations, et  nous  lui  souhaitons  surtout  une 
longue  carrière,  car  hélas,  combien  chez  nous, 
de  sociétés  qui  se  fondent  et  ont  juste  assez  de 
torce  pour  vivre,  comme  les  roses  du  poète, 
l'espace  d'un  matin  ! 

C.  S. 

GUERE  T.  —  Le  concert  E.  Bernard  fut 
un  succès  pour  cet  artiste,  et,  si  son  interpré- 
tation de  la  Sonate  Appassionata  put  soulexcr 
quelques  critiques,  il  fut  viaiment  remarqua- 
ble dans  les  autres  œuvres  qui  composaient 
son  programme. 

—  Conférence  très  intéressante  (le  M.  Lan- 
dormy  sur  la  musique  moderne,  avec  exécu- 
tion d'oeuvres  de  I)ebuss\',  Chausson,  d'In(l\', 
Lelceu,  certainement  nu\ux  applaudies  c|ue 
comprises. 

—  La  sonate    à  Kreut/.er  et    la  Ronde    des 


Lutins  de  Bazzini  furent  tort  bien  exécutées 
par  M*"  Cazaneuve  dans  un  concert  où  se  fit 
applaudir  M""  Tuburlut. 

—  Audition  très  intéressante  des  élèves  de 
M""  Pierret.  Bach,  Beetho\  en,  Mozart,  Schu- 
mann,  Rode,  Fauré  et  Paganini  même,  dans 
son  difficile  Mouvement  Perpétuel,  eurent  des 
interprètes  qui  firent  \Taiment  honneur  à  leur 
s\'mpathique  professeur. 

MOULINS.  —  Nous  a\ons  déjà  annoncé 
qu'à  l'occasion  d'une  grande  cérémonie  qui 
doit  être  célébrée,  dans  notre  ^■ille,  le  19 
courant,  un  grand  oratorio-cantate  allait  être 
exécuté.  Voici  quelques  brefs  renseignements 
sur  cette  œu\'re  inédite.  Les  paroles  sont  de 
M.  l'Abbé  Parsv,  aumônier  du  Ivcée  de 
Valenciennes  et  la  musique  de  M.  l'abbé 
F.  Magnasse,  directeur  de  la  psallette  de  la 
Cathédrale  de  Moulins.  Cet  oratorio-cantate 
est  divisé  en  cinq  parties.  Après  un  solennel 
prélude  d'orgue,  une  phrase  large  et  soutenue, 
confiée  au  barvton,  annonce  le  Couronnement 
de  la  Vierge.  Puis  survient  un  colloque  entre 
le  ciel  et  la  terre.  Les  soprani,  remplaçant  les 
anges,  font  entendre  des  Allfliùa  dont  le  thème 
est  emprunté  aux  différents  modes  en  plain- 
chant.  Des  \oix  de  basse,  assez  contenues, 
répondent  par  une  mélodie  simple  et  suppliante 
aux  \()ix  du  ciel.  Enfin,  le  ciel  et  la  terre 
s'unissent  en  un  grand  cliœur  final  qui  ter- 
mine la  première  partie.  Il  serait  intéressant 
d'analyser  jusqu'au  bout  l'œuvre  fort  intéres- 
sante de  M.  l'Abbé  Magnasse.  Mais  nous  en 
reparlerons  après  son  exécution  qui  promet,  — 
avec  les  éléments  dont  dispose  la  Maîtrise  de 
Moulins  auxquels  \iendront,  pour  la  circon- 
stance, s'ajouter  de  solides  renforts,  —  d'être 
fort  belle. 

—  A  l'occasion  du  Concours  Nati(Mial  Agri- 
cole qui  vient  de  se  tenir  à  Moulins,  toutes  nos 
Sociétés  Musicales  se  sont  prodiguées  et  distin- 
guées, mais  tout  particulièrement  la  L\'re 
Moulinoise  et  la  Chorale  de  Moulins,  ainsi 
t]u'une  société  de  trompettes,  l'Etendard 
Moidinois,  qui  se  sont  faits  applauilir  à  plusieurs 
reprises,  pendant  toute  une  sem.nine,  sur  nos 
places  et  cours. 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


293 


ROYAX.  —  Le  gcHit  éclairé  et  la  sincérité 
artistique  de  M.  Maurice  de  Villers  donnent, 
cette  année,  à  la  saison  de  Royat,  un  intérêt 
exceptionnel  ;  on  nous  promet,  en  musique  : 
l'Enfance  du  Christ,  la  Damnation  de  Faust, 
les  Béatitudes,  Antar,  les  Symphonies  de 
Beethoven,  de  Schumann,  etc.,  des  œuvres 
importantes  de  Lalo,  Saint-Saëns,  Fauré,  etc. 
Pour  commencer,  il  nous  fut  donné  d'entendre, 
vendredi  24  juin,  un  excellent  "  concert  clas- 
sique "  (classique,  au  sens  précis  du  mot) 
dont  le  programme  réunissait  les  noms  de 
Gluck,  Mehul,  Haendel,  Haydn,  Mozart,  etc. 
Le  gros  succès  de  la  soirée  a  été  pour 
WP^  Streletski  dans  la  scène  et  l'Air  de  Beet- 
hoven   "  Ah  !    perfide "    Ce    morceau,    si 

puissamment  dramatique,  s'exécute  rarement, 
parce  qu'il  exige  un  registre  vocal  d'une  rare 
étendue.  Ce  tut  une  bonne  fortune,  pour  les 
auditeurs   de    Royat,    de   l'entendre  interprété 


avec  une  justesse  de  sentiment  et  une  musicalité 
parfaites.  On  a  beaucoup  applaudi,  également, 
la  belle  voix  de  basse  chantante  de  M.  Bastide, 
dans  l'Air  de  la  Flûte  enchantée,  et  le  violoncelle 
de  M.  Merck,  dans  la  Romance  en  fé,  de 
Saint-Saëns.  T.  D. 

BORDEAUX.  —  Plus  de  musique,  plus 
de  virtuose  !  l'activité  musicale  est  complète- 
ment calmée  à  Bordeaux.  Signalons  cependant 
une  intéressante  audition  d'artistes  et  d'ama- 
teurs de  notre  ville,  élèves  de  G.  Sarreau,  à 
l'Institution  nationale  des  Souides  et  Muettes, 
au  profit  de  la  caisse  de  secours  des  anciennes 
élèves  de  la  maison.  Puis  encore,  le  concert 
donné  à  la  Salle  Bermond,  par  l'orchestre  de 
la  société  1'  "  Accord  Parfait  ",  direction  du 
sympathique  professeur  "  Chaubet  ". 

D'autre  part,  la  belle  Revue  de  L.  Lemar- 
chand,  "  Tout  pour  la  bordelaise  ",  triomphe 


S  DE  EDGAR  TINEL 


Nouvelles  éditions  revues  et  corrigées 


OpII.  Funf  Gesange  aus  N.  Le- 
nau  s  "  Lieder  der  Sehn- 
sucht  "  (texte  allem.  et  fl.) 

Op.  12.  Een  krans  van  veertieii 
oud-vlaamsche  min- 
neliedenen  (texte  flam.) 
complet  net 

Op.  13.  Vier  oud  -  vlaamsche 
dpinkliederen  (texte  fi.) 
complet  net 

Op.  14.  Au  printemps,  cinq  mor- 
ceaux de  fantaisie  p.  piano: 
1 .  Hymne.  2.  Joie.  3.  Peti- 
tes fleurs  !...  4.  Ave  Maria. 
5.  Danse  de  paysans 

Op.  1  7.   Marche  extraite  de  la  can- 
tate  "  Klokke  Roeland 
pour  Piano  à  4  mains     .     . 
Marche  p.  piano  à  2  mains 
Wever»lred  uit  de  cantate 
"  Klokke  Roeland  "       .     . 

Op.  30.  Marche    Nuptiale    pour 
piano  à  4  mains    .... 
Le  Mois  de  Mai  (à  Ma- 
rie) Mélodie    .... 


Op. 

1. 

Quatre  Nocturnes  à  une 

2 

? 



Op. 

Trois  Morceaux  de  Fan- 

taisie pour  Piano:  No.  1. 

Papillon.    2     Le  soir. 

3.  Adieu     .     .     .  complet     „ 

2 

— 

Op. 

3. 

Scherzo  en  ut  mineur  pour 

piano 

2 

— 

Op. 

4. 

Drie-Liederen  (texte  fl.).    „ 

1 

75 

Op. 

5. 

Quatre  Mélodies  ; 

1 .  L'Automne „ 

2.  Charmante  Rose .     .     .     ,, 

1 

1 

35 

3.  Bel  Enfant,  souris-moi .     „ 

0.85 

4.  L'Oracle  en  défaut.       .     „ 

1 

OO 

idem      .     .     complet  net     .     „ 

2 

50 

Op. 

6. 

Deux  Mélodies  : 

1 .  L' Angélus 

2.  Pourquoi „ 

1 

1 

35 
35 

Op. 

7. 

1 .  Impromptu-valse,  p.  piano     „ 

2.  Chanson,  pour  piano  .     .     „ 

2 
1 



Op. 

8. 

Sechs  Lieder  und  Gesang 

e 

(texte  allemand  et  flamand)    „ 

3 

— 

Op. 

9. 

Sonate  pour  piano-     .    net     ., 

5 

— 

Op.  10 

Schilflieder  von  lACicolas 

Lenau  (text  allem.  et  fl.)     „ 

2. 

— 

2.50 


2 

50 

2 

— 

1 

35 

3 

- 

1 

35 

SCHOTT    FRERES,    Éditeurs  de  Musique  à  BRUXELLES 


294 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


au  Théâtre  de  l'Alhambra  pendant  qu'au 
Théâtre  de  la  Nature  de  l'Américan  Parle,  le 
baryton  de  Souza  obtient  un  très  grand  succès,  ■ 
en  même  temps  que  l'excellent  orchestre 
Renaud  intéresse  les  nombreux  promeneurs 
du  parc. 

Rien  de  plus  à  dire  d'intéressant  ;  cependant 
il  est  bon  de  faire  connaître  à  nos  lecteurs 
français  et  étrangers,  que  notre  Théâtre 
Municipal  n'a  pas  changé  de  direction.  "  Fer- 
nand  Bor)'^  "  préside  encore  pour  trois  années 
aux  destinées  musicales  et  chorégraphiques  de 
notre  première  scène,  avec,  comme  Conseiller 
Musical,  le  chef  d'orchestre  "  E.  Montagni  ". 
D'une  telle  collaboration,  il  ne  peut  résulter 
que  de  bonnes  et  belles  choses. 

V.  Gendreu. 

TOULOUSE.  —  Au  théâtre  Lafayette, 
les  deux  chanteuses  d'opérette.  M""'  Gabrielle 
Frédax  et  M'"*^  Lucy  Raymond,  reçoivent,  les 
enthousiastes  acclamations  du  public. 

Aux  Nou\eautés,  la  féerie  "Tout  en  Rose" 
attire  tous  les  soirs  un  nombre  considérable  de 
spectateurs.  Malgré  ce  succès,  directeurs  et 
artistes  vont  prendre  deux  mois  de  repos  légi- 
timement conquis. 

Le  27  Juin,  au  théâtre  de  la  nation,  exquise 
représentation  de  Lakmé  avec  M""'  Victoria 
Fer,  du  grand  théâtre  de  Genève. 

Au  Conservatoire,  concours  publics  de  fin 
d'année.  Nous  avons  remarqué  la  belle  tciuie 
des  classes  d'instruments  à  archet,  et  de  celles 
de  basson,    liant    bois,  trompette   et  clarinette. 

J.  H. 

NIMES.  —  La  saison  dernière  a  été  extrê- 
mement riche  au  point  de  vue  musical  à  Nîmes. 

Aux  Concerts  du  Conservatoire  on  a  enti  lulu 
Ricardo  Vines  et  Firmin  Touche. 

A  la  Chambre  Musicale,  qui  reste  coninir 
par  le  passé  le  sanctuaire  du  grand  art,  on  a  eu 
en  dehors  des  séances  ordinaires,  treize  concerts 
de  tour  (ireniicr  ordre,  avec  le  comours  de 
M"''  Hl.  Selva,  du  quatuor  Zimnier  et  de 
M.  Plamondon.  Il  serait  trop  long  d'énumérer 
toutes  les  oeuvres  (|iii  ont  été  exécutées  et  il 
suffit  presque  de  dire  que  les    programmes  ont 


été  irréprochablement  beaux.  Beethoven  a  été 
représenté  à  lui  tout  seul  par  12  des  sonates 
pour  piano,  4  quatuors  dont  le  XW*"  et  le 
XV%  et  les  variations  sur  une  valse  de  Dia- 
belli.  On  a  en  outre  commencé  à  faire  une 
place  importante  à  la  musique  ancienne,  a\ec 
des  exécutions  d'œuvres  de  Kuhnau,  de  Scar- 
latti,  de  LuUi,  de  Couperin  et  de  Rameau. 
Quant  aux  artistes  ils  peuvent  se  considérer 
comme  étant  désormais  tout-à-fait  chez  eux  à 
la  "  Chambre,  "  où  l'on  a  la  plus  grande 
admiration,  non  seulement  pour  leur  talent, 
mais  surtout  pour  leur  sincérité  et  leur  con- 
science artistique. 

La  saison  a  été  couronnée,  fait  sans  précé- 
dent, par  un  mer\'eilleux  concert,  organisé 
uniquement  a\  ec  les  ressources  dont  dispose  la 
\  ille.  Le  programme  était  consacré  à  Rameau 
et  à  J.  S.  Bach.  De  ce  dernier  maître  on  a 
exécuté,  et  ce  pour  la  première  fois  à  Nîmes, 
la  "  cantate  du  café.  "  Admirable  exécution, 
excellemment  dirigée  par  un  jeune  chef  d'or- 
chestre de  grand  talent,  professeur  au  Conser- 
vatoire, M.  Delaunay. 

Un  de  nos  collègues  de  la  Société  interna- 
tionale de  musique,  M.  L'Hôpital,  a  profité 
de  l'occasion  pour  faire  un  plaidoyer  en  faveur 
de  la  musique  ancienne.  Il  a  prêché  l'union 
de  toutes  les  bonnes  \  olontés  pour  qu'on  en 
arrive  à  restaurer  cette  musique  dans  sa  dignité 
et  son  éclat  par  des  exécutions  qui  sont  loin 
d'être  irréalisables  dans  une  ville  comme 
Nîmes.  Espérons  que  son  appel  sera  entendu 
et  que  la  saison  prochaine  nous  réser\era  de 
boiuies  surprises. 


SALON.  —  A  la  suite  du  Concours  de 
Musitpie  lie  l'Isle-sur-Siirgues,  les  sociétés  de 
Salon,  qvn  \-  ont  remporté  de  nombreux 
lauriers,  ont  iloiuié,  a\ec  le  Concours  de  la 
musiqu  J  municipale,  une  très  brillante  audition. 

—  Nous  sommes  heureux  d'appreniire  que 
M"'  Simone  GirarJ  wvnt  de  remporter  un 
légitime  succès  au  cours  de  Taudition  que 
M"''  Rose  Demav,  professeur  ele  diction  et  île 
déclamation  organisa  à  Marseille,  dans  les 
Salons  Massilia. 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


295 


—  La  saison  théâtrale  (Direction  Depère) 
s'est  terminée  par  la  Tosc^  de  Puccini. 

—  Les  examens  de  fin  d'année  sont  com- 
mencés au  Conservatoire  Municipal  de  Lyon. 
La  distribution  des  récompenses  donnera  lieu, 
comme  les  années  précédentes,  à  une  audition 
publique  des  lauréats  de  l'année. 

L. 

VALENCE.  —  La  Société  des  Concerts- 
Conférences  de  notre  ville  a  clôturé  on  ne  peut 
plus  dignement  sa  saison  par  l'audition  intégrale 
et  inédite  en  France  du  Miracle  de  Saint-Nico- 
las, légende  lorraine  en  deux  parties  pour 
solis-chœurs,  projections  et  grand  orchestre, 
de  Guy  Ropartz,  directeur  du  Conservatoire 
de  Nancy.  Nos  sincères  compliments  aux 
interprètes  et  aux  dévoués  administrateurs. 


*      * 


Nous  apprenons  que  notre  grande  et  sym- 
pathique fanfare  de  Valence  vient  d'être  invitée 
à  Lausanne  (Suisse)  sur  l'instigation  de  la 
délégation  des  ingénieurs. 

De  grandes  fêtes  sont  préparées  les  9,  10 
et  1 1  juillet  en  l'honneur  de  notre  vaillante 
Société,  par  un  comité  spécial  à  l'organisation 
de  cette  réception. 


Belgique 


COMMUNIQUES.  —  Choses  théâ- 
trales. —  Le  jeune  compositeur,  Léon 
Delcroix,  vient  de  terminer  une  oeuvre  nou- 
velle intitulée  :  La  Bacchante^  conte  mimo- 
symphonique,  dont  le  scénario  est  dû  à  la 
collaboration  de  deux  hommes  de  théâtre  bien 
connus,  MM.  F.  Ambrosiny  et  Armand  Du 
Plessy.  L'action  se  passe  au  temps  des  Grecs 
d'Alexandrie,  sous  le  règne  de  Bérénice,  et 
sert  notamment  de  prétexte  à  des  reconstitu- 
tions de  la  danse  antique  dans  ses  diverses 
manifestations. 

L'œuvre  sera  représentée  dans  le  courant 
de  la  saison  d'hiver  prochaine. 


A   LA    MÉMOIRE    DE    MaX   WaLLER.    

Le  projet  d'ériger  un  monument  à  Max 
Waller,  le  fondateur  de  la  "Jeune  Belgique  ", 
semble  devoir  se  réaliser  bientôt  grâce  aux  efforts 
incessants    du  Comité  constitué    dans   ce   but. 

Et  voici  que  dans  une  pensée  de  glorifica- 
tion immédiate  Messieurs  Fonson  viennent  de 
frapper  une  médaille  à  l'effigie  du  poète. 

Le  bijou  grand  modulé  en  bronze  sera  mis 
en  vente  au  profit  de  la  souscription. 

Grâce  à  l'initiative  de  Messieurs  Fonson,  le 
Comité  Waller  tient  dès  aujourd'hui  à  la 
disposition  des  souscripteurs,  pour  la  somme 
de  10  francs,  cette  très  jolie  médaille  due  au 
talent  de  Godefroid  Devreese,  qui  est  passé 
maître  en  cet  art. 

L'artiste  y  a  fait  revivre  la  physionomie  si 
sympathique  du  jeune  écrivain.  L'œuvre  con- 
stitue un  précieux  souvenir  que  voudront  pos- 
séder tous  ceux  qui  vouent  à  Waller  le  culte 
que  l'on  doit  à  cet  éveilleur  d'enthousiasme 
littéraire. 

Les  adhésions  peuvent  être  adressées  à 
M.  Léopold  Rosy,  Directeur  du  Thyrse, 
Secrétaire  du  Comité  Waller,  130  rue  de 
Bruxelles  à  L^ccle. 

A  L'EXPOSITION,  brillante  exécution 
de  <S*  Francisons  d'Edgar  Tinel,  avec  tout  le 
succès  que  mérite  l'œuvre  magistrale,  noble 
et  belle, 

—  Le  9  juillet,  on  entendra  l'orchestre  du 
Conservatoire  de  Paris  ;  les  1 6  et  17  juillet, 
festival  allemand  sous  la  direction  de  M. 
Steinbach. 

A  propos  des  manifestations  musicales  de 
la  saison  "  extraordinaire  "  —  on  se  demande 
en  quoi,  —  nous  découpons,  dans  les  bonnes 
feuilles  du  Diapason^  organe  indépendant  des 
combien  justes  doléances  de  nos  musiciens,  ces 
lignes  dues  à  la  plume  alerte  de  l'excellent 
compositeur  et  écrivain  M.  Cari  Smulders  : 

"  L'Exposition  de  Bruxelles  nous  vaudra 
la  visite  de  millions  d'étrangers.  Pour  inter- 
nationale que  soit  cette  exposition,  il  est  hors 
de  doute  que  nos  hôtes  ont  avant  tout  le 
désir  de  contempler  nos  villes,  au  cachet  si 
particulier,  d'admirer   nos   monuments,  d'étu- 


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L'ACTUALITE     M  U  S  I  C  A  L  P: 


297 


dicr  notre  formidable  outillage  industriel,  de 
prendre  connaissance  des  produits  de  notre 
sol,  de  notre  science  et  de  notre  art.  Ce  n'est 
pas  pour  applaudir  V Aumuiu  du  Niebelung  ou 
Sûlofiir  qu'ils  entreprennent  leur  pèlerinage. 
Tout  cela,  ils  peuvent  l'entendre  chez  eux.  Il 
semble  bien  qu'on  eût  dû  mettre  l'occasion  à 
profit  pour  représenter  sur  notre  première 
scène  lyrique  les  productions  de  nos  musiciens 
nationaux,  les  œuvres  de  Jan  Blockx,  de  I^éon 
Du  Bois,  de  Paul  Gilson,  d'Albert  Dupuis. 
,  C'eût  été  d'un  patriotisme  éclairé  et  bien 
entendu. 

M.  Smulders  aurait-il  encore  des  illusions  ? 

—  Nous  trouvons,  dans  V Artiste  Musicien^ 
organe  des  Chambres  Syndicales  fédérées  de 
Belgique,  au  cours  d'une  réponse  à  un  article 
paru  dans  le  XX'^  siècle,  qui  reprochait  au 
Syndicat  des  Artistes,  sous  une  forme  inter- 
rogative,  il  est  vrai,  de  causer,  par  ses  exigen- 
ces, la  mauvaise  préparation,  l'à-peu-près  de 
nos  auditions  au  théâtre  et  aux  concerts,  ce 
renseignement  bon  à  noter. 

"  MM.  Sylvain  Dupuis  et  Isaye  payent  les 
mêmes  salaires  que  feu  Joseph  Dupont".  "Ce 
n'est  donc  pas  là  qu'il  faut  chercher  la  mau- 
vaise préparation  des  concerts.  Seulement, 
lorsque  Joseph  Dupont  dirigeait,  on  faisait  7, 
8,  et  même  plus  de  répétitions  pour  mettre 
une  oeuvre  au  point  et  les  artistes  recevaient 
une  somme  variant  entre  38  et  45  fr.  pour 
chaque  concert.  Aujourd'hui  on  se  contente  de  2 
ou  3,  exceptionnellement  de   4    répétitions^   et   un 


concert  rapporte  lorscju'il  est  bien  payé  25  ff-" 

Et  plus  loin  : 

"  Les  musiciens  syndiqués,  à  Bruxelles,  — 
il  n'y  en  a  presque  plus  d'autres  —  font  un 
sacrifice  très  grand  en  jouant  pour  3,50  fr.  une 
répétition  de  2  heures,  et  pour  5  et  8  fr.  un 
concert,  qui  sont  payés  à  Paris  8  et  10  fr. 
les  répétitions,  et  18  et  20  fr.  le  concert.  " 

Ceci  est  édifiant  et  nous  ne  pouvons  qu'ap- 
plaudir à  la  conclusion  de  l'article  :  "  Le 
Syndicat,  qui  poursuit  le  noble  but  de  mettre 
les  artistes  à  même  de  gagner  honorablement, 
leur  existence,  mériterait  plutôt  l'aide  de  ceux 
qui  s'intéressent  à  la  musique  que  leur  mé- 
prisable critique.  " 

LA  GYMNASTIQUE  RYTHMIQUE 
AU  POINT  DE  VUE  HYGIÉNIQUE 
ET  MÉDICAL.  —  Dans  son  numéro  du 
15  avril  dernier,  le  S.  I.  M.  (page  149),  par- 
lant de  l'Institut  des  Hautes  études  musicales 
et  dramatiques  d'Ixelles,  juge  une  démonstra- 
tion de  Gymnastique  rythmique,  méthode 
Jacques  Dalcroze  et  semble  vouloir  lui  refuser 
sa  valeur  réelle. 

Permettez  nous  d'ajouter  à  l'appréciation 
de  votre  correspondant  quelques  considérations 
hygiéniques  et  médicales  au  sujet  de  la  gym- 
nastique rythmique  qui  monteront  que  son 
importance  ne  se  borne  pas  au  rythme  et  à  la 
grâce  mais  qu'elle  constitue  tout  un  pro- 
gramme d'éducation  où  s'associent  également 
la  volonté   centrale,   la  transmission   nerveuse 


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2e  Cl.)  et  33  jours  (le,  2e  et  3e  Cl.) 

Les  billets  de  33  jours  peuvent  être  prolongés  d'une  ou  deux  périodes  de  30  jours  moyennant  supplément  de  I0°lo  par  période. 

2.  Bains  de  Mer  de  l'Océan.  -  (A)  Billets  individuels  de  le.  2e,  et  3e  cl.  valables  33  jours  avec  taculte  de 
proloni^ation  d'une  ou  deux  périodes  ds  30  jours  moyennant  supplément  de  10  0/0  par  période. 

(B)  Billets  individuels  de  le,  2e,  et  3e  Cl.  valables  S  jours  (sans  faculté  de  prolongation)  du  Vendredi  de  chaque 
semaine  au  Mardi  suivant  ou  de  l'avant-veille  au  surlendemain  d'un  jour  férié. 

BILLETS  de  VACANCES  (jusqu'au  1er  Octobre  1910).  —  Billets  de  famille  valables  33  jours  (le,  2e  et  3e  cl.) 
avec  faculté  de  prolongation  d'une  ou  deux  périodes  de  30  jours  moyennant  supplément  de  10  0/0  par  période. 

Ces  billets  sont  délivrés  aux  familles  composées  d'au  moins  trois  personnes  vojfagant  ensemble,  pour  toutes  les  gares  du  réseau 
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L'ACTUALITE    MUSICALE 


299 


et  l'éxecution  par  des  muscles  exercés  et 
régénérés. 

Sans  entrer  dans  les  détails  d'exécution, 
connus  déjà,  on  peut  considérer  l'élève  comme 
un  réceptable  d'où  partiront  des  manifestations 
variées,  dont  l'excitation  initiale  sera  le  rythme 
donné  par  le  piano. 

Suivons  schématiquement  les  diverses  opé- 
rations qui  amèneront  l'exécution  d'un  mou- 
vement rythmé  : 

i"  L'oreille  reçoit  la  sensation  de  l'air 
mélodique  qui  lui  indique  le  mouvement  à 
exécuter. 

2°  Cette  sensation  est  transmise  au  cerveau 
et  devient,  grâce  à  la  conscience,  une  percep- 
tion. 

3'^'  Cette  perception,  toujours  dans  les  cen- 
tres cérébraux,  devient  une  solution,  l'indica- 
tion d'un  mouvement  à  accoupler,  mettant 
en  jeu  un  groupe  de  muscles. 

4°  Transmission  aux  muscles  mêmes  du  mot 
et  de  l'ensemble  de  l'exercice. 

On  voit  par  ce  tableau  succinct  combien 
est  varié  et  multiple  l'activité  déployée  au 
cours  d'un  exercice  rythmique  et  combien  le 
développement  psychique  et  harmonique  de 
tout  notre  organisme  peut  bénifîcier  de  l'exé- 
cution d'une  gymnastique  avissi  rationnelle. 

A  côté  de  la  physiologie  même,  nous  trou- 
vons chez  les  jeunes  gens  bien  des  cas  patho- 
logiques qui  bénéficieront  d'exercices  appro- 
priés et  bien  compris  qui  tous  font  partie  de 
la  gymnastique  rythmique  : 

i"  Enfants  dont  la  poitrine  est  trop  étroite. 
Leur  respiration  se  fait  mal,  leurs  poumons 
ne  peuvent  prendre  un  développement  suffisant, 
d'où  résulte  un  état  d'anémie  générale,  de 
déperdition  de  force,  avec  manque  de  croissance 
et  prédisposition  à  la  phtysie. 

De  grandes  inspirations,  des  mouvements 
de  dégagement  du  torse  aideront  à  rétablir  la 
fonction  respiratoire  dans  sa  normale. 

2°  En  classe,  les  enfants,  prennent  souvent 
•des  attitudes  vicieuses  d'où  résultent  des  défor- 
mations de  la  colonne  vertébrale,  soit  à  cause  de 
la  faiblesse  des  muscles  du  dos,  soit  à  cause  de 
la  trop  grande  force  des  muscles  de  l'abdomen 
qui  ramène  le  buste  en  avant.   C'est  alors  que 


les  mouvements  rythmés  interviendront  pour 
rendre  aux  muscles  leur  équilibre  et  permettre 
la  rectitude  du  tronc. 

A  une  époque  plus  avancée,  les  os  se  sont 
déformés  et  le  mal  est  devenu  difficile  à 
réparer.  Il  convient  donc  de  commencer  la 
gymnastique  rythmique  dès  le  jeune  âge  si  on 
veut  prévenir  les  déformations  vertébrales  et 
corriger  les  mauvaises  attitudes. 

Sans  entrer  plus  avant  dans  le  détail  même 
de  l'exécution,  on  peut  conclure  qu'une  har- 
monie parfaite  entre  les  centres  psychiques  et 
les  muscles  s'obtient  grâce  à  la  gymnastique 
rythmique  et  que  son  emploi  régulier  contribue 
à  l'esthétique  de  la  forme  et  à  l'harmonie  de 
l'individu. 

D'"  Gaston  Daniel. 

LIEGE,  15  juin  1910.  —  A  noter,  en  ce 
dernier  mois,  une  avalanche  de  petits  concerts: 
c'est  sans  doute  un  dédommagement  pour  la 
vacuité  marquée  de  certaines  périodes  de 
l'hiver,  en  cette  année  peu  musicale. 

A  V  Œuvre  des  Artistes^  on  a  beaucoup 
applaudi  M™*^  Durand-Texte  qui,  accompa- 
gnée par  l'auteur,  fit  entendre  nombre  de 
mélodies  de  M.  Reynaldo  Hahn.  Les  meilleures 
d'entre  elles  étaient  déjà  connues  du  public. 
—  La  séance  consacrée  à  M.  Guy  Ropartz  a 
fait  plus  d'impression  :  l'art  sérieux  de  ce 
compositevir,  basé  sur  des  chants  populaires 
bretons  qui  évoquent  les  mélodies  grégoriennes, 
nous  porte  dans  un  monde  harmonique  tout 
spécial,  parent  de  celui  qui  baigne  la  musique 
d'orgue  allemande  du  XVIP  siècle.  Les 
œuvres  exécutées  {sonate  et  andante  pour  violon, 
choral  varie  pour  piano)  sont  sévères,  mais 
belles,  grandioses,  et  leur  interprétation,  con- 
fiée à  M.  Louis  Claesen,  violoniste,  et  à 
M.  Louis  Lavoye,  pianiste-organiste,  fut 
parfaite.  En  des  mélodies  pleines  de  mélancolie 
et  marquées  au  coin  d'un  sentiment  profond, 
M"®  Davanzi  nous  a  prouvé  que  M.  Ropartz 
sait  à  merveille  écrire  pour  la  voix.  —  La 
dernière  Heure  de  musique  était  consacrée  à 
l'art  ancien.  Le  choral  mixte  a  capella 
dirigé  par  M,  Lucien  Mawet  a  fait  entendre 
une  sélection  de   pièces  de   la  grande   période 


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1910 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


301 


de  polyphonie  vocale  :  le  canon  anglais  de 
Fornsete  (1226),  de  l'Aixadelt,  du  Waelrant, 
du  Lasso,  du  Palestrina,  du  Bach,  donnant  un 
aperçu  rapide  de  l'art  profane  et  religieux  de 
ces  cinq  siècles.  M.  Léopold  Charlier,  accom- 
pagné par  M.  Fernand  Mawet,  agrémentait 
l'audition  par  l'impeccable  interprétation  d'une 
sonate  de  Tartini   et  de   la    Ciacona  de  Vitali. 

Au  Palais  des  Beaux-Arts,  on  a  applaudi 
une  séance  de  sonate  donnée  par  M.  Chau- 
mont  et  M"*^  Stévart,  un  récital  de  piano  de 
•M.  Demblon  qui  se  montra  bon  interprète  de 
la  musique  française  moderne  mais  non  de 
Beethoven  et  de  Chopin,  puis  les  cercles  de 
musique  de  chambre  :  Piano  et  archets^  surtout 
dans  le  quintette  de  Franck,  et  le  Quatuor 
Charlier  surtout  dans  le  Quatuor  de  Debussy. 

Nous  ne  signalerons  pas  d'autres  séances 
moins  intéressantes,  n'ayant  pas  la  prétention 
de  publier  un  résumé  fidèle  des  programmes 
liégeois,  mais  bien  de  relever  les  faits  les  plus 
caractéristiques  de  notre  vie  d'art. 

Parmi  ceux-ci  rentre  un  concert  Chopin 
organisé  par  les  étudiants  polonais  avec  le 
concours  du  très  intéressant  et  personnel  con- 
férencier M.  Arthur  Hubens,  de  M™'  Abla- 
movvicz,  cantatrice  habile,  et  de  M.  Lidney 
Vantyn,  qui  se  montra  interprète  pénétrant, 
poétique  et  extériorisateur  magistral  de  l'œuvre 
de  Chopin.  D'"  Dwelshauwers. 

MALINES.  —  Les  concerts  de  carillon 
ont  repris  depuis  le  i"' juin.  Le  temps  était 
bon,  et  de  nombreux  auditeurs  étaient  ac- 
courus. Nous  y  avons  remarqué  pas  mal 
d'étrangers.  C'est  sans  doute  l'Exposition  qui 
nous  les  amène.  P.    C. 

REVUES  A  LIRE.  —  La  Société  Nouvelle, 
sociologie,  science  et  art.  Directeur  M.  Jules 
Noël.  II,  rue  Ghisaire,  Mons. 

La  Belgique  artistique  et  littéraire,  revue  du 
mouvement  artistique  belge,  sous  la  direction 
de  M.  Paul  André.  Bureaux  :  26-28,  rue  des 
Minimes,  Bruxelles. 

•-  Le  Thyrse,  revue  d'art  et  de  littérature. 
Directeur  M.  Léopold  Rosy.  16,  rue  du  Fort, 
Bruxelles. 


Wallonia,  revue  mensuelle  du  mouvement 
artistique  et  littéraire  de  Wallonie.  Directeur 
M.  Oscar  Colson.  Rue  Léon  Mignon,  Liège. 

Le    Diapason,     journal     hebdomadaire     de 
sociétés  de    musique   belges   et   étrangères.  Di- 
recteur   M.    Garras.    2  2,    rue    de    la    Bourse, 
Bruxelles. 

U Artiste  Musicien,  tribune  libre,  orirane 
mensuel  des  Chambres  Syndicales  fédérées  de 
Belgique.  Rédaction  :  26,  Place  S'*  Gudule, 
Bruxelles. 


Etranger 

LONDRES.  —  On  a  pris  grand  intérêt 
aux  deux  concerts  alternés ^qjJte  donnaient,  le 
2  juin,  M.  Franz  Liebich,  avec  le  concours 
de  M"«  Marguerite  Babaïan,  et,  le  7,  M'^«  Mar- 
guerite Babaïan,  avec  le  concours  de  M.  Franz 
Liebich.  Le  premier  conduisait  du  romantisme 
à  l'impressionisme,  en  passant  par  la  musique 
exotique,  et  M.  Louis  Laloy  s'était  chargé  de 
démontrer  (en  français)  la  légitimité  de  cet 
apparent  détour  ;  le  second  comprenait  des 
mélodies  françaises  du  XVII®  et  du  XVIIL 
siècle,  des  œuvres  de  Moussorgski,  et  de  De- 
bussy ;  et  M.  Laloy  y  reprenait  la  parole  pour 
expliquer,  cette  fois  en  anglais,  comment  il 
avait  eu  la  bonne  fortune  de  découvrir  douze 
mélodies  inédites  de  Moussorgski,  dans  un 
manuscrit  appartenant  à  la  collection  de  M. 
Charles  Malherbe.  M.  Liebich  joint  à  une 
très  sûre  technique  le  don  précieux  de  l'émo- 
tion musicale,  et  l'on  peut  apprendre  de  lui  à 
jouer  Debussy  en  toute  simplicité  de  cœur. 
Huit  des  douze  Préludes  qui  viennent  de 
paraître  lui  avaient  été  confiés,  et  il  a  su  en 
faire  sentir  le  charme.  M^^*^  Babaïan  est  une 
musicienne  exquise,  et  sa  voix  délicate,  pré- 
cieuse, que  nous  connaissions  pareille  à  un  filet 
d'or  liquide,  a  pris  aujourd'hui  la  seule  qualité 
qui  lui  manquait  encore  :  l'assurance.  Le 
succès  des  deux  artistes  a  été  très  grand,  et  le 
critique  d'un  journal  quotidien  s'est  chargé  de 
la  bévue  obligée  :  il  a  attribué  à  une  erreur 
d'exécution  l'intervalle   de  quarte    augmentée 


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L'ACTUALITE    MUS1c:ALE 


303 


qui  heurtait  son  oreille  incrédule,  dans  une  des 
mélodjes  populaires  grecques  harmonisées  par 
Maurice  Ravel. 

Le  9  juin,  Pelléas  et  Mélisande  reparaissait 
à  Covent  Garden,  devant  une  salle  fervente, 
et  M.  Campanini  conduisait  l'orchestre  avec 
le  soin  le  plus  ému  :  c'est  ici  qu'on  peut 
retrouver  bien  des  détails,  et  surtout  des  accents 
qui  s'étaient  perdus  aux  dernières  exécutions 
parisiennes,  M"'®  Edwina  est  une  jolie  Méli- 
sande ;  M.  Devries,  dans  le  rôle  de  Pelléas, 
semble  forcer  sa  voix  pour  se  faire  entendre, 
-en  quoi  il  a  bien  tort  ;  M.  Bourbon  donne  à 
Goland  un  caractère  saisissant  et  tragique  ; 
M"*^  Bourgeois  est  la  meilleure  Geneviève  que 
nous  ayons  jamais  entendue,  tout  comme  M. 
Marcoux  le  plus  emprunté  des  Arkhel. 

VIENNE,  —  De  plusieurs  côtés,  on  an- 
nonce la  démission  de  Weingartner  comme 
directeur  de  l'Opéra,  démission  qui  est  aussitôt 
démentie. 

On  parle  cependant  du  successeur  de  l'émi- 

nent  Cappelmeister  qui  serait   M.  Souche 

à  moins  qu'un  protégé  de  la  Cour  n'intervienne 
au  dernier  moment. 

STRASSBOURG.  —  Le  chef  d'orchestre 
Albert  Gorber  cède  sa  place,  à  la  tête  de 
l'opéra,  au  compositeur  Hans  Phitzner  qui 
prend  le  titre  de  directeur  de  l'Opéra.  Comme 
M.  Phitzner  est,  en  même  temps  directeur  du 
Conservatoire  de  la  Ville  et  directeur  des 
Concerts  d'abonnement,  sa  tâche  est  extrê- 
mement lourde. 

Les  12  et  13  juin  ont  eu  lieu  la  troisième 
session  des  fêtes  musicales  d'Alsace  Lorraine 
consacrées  au  Centenaire  de  Schumann. 

S.  s. 

"  MILAN.  —  Si  nous  faisons  le  bilan  de 
toutes  les  fêtes  musicales  de  ces  8  derniers 
mois  nous  avons  le  droit  d'être  assez  satisfaits. 
A  la  Societa  del  Quartetto  nous  avons  eu 
Vecsey.  La  Société  des  Concerti  Sinfonici 
a  été  confiée  cette  année  à  Mengelberg  qui 
a  introduit  dans  ses  programmes  quelques 
modernes  italiens  :  Fromo,  de  Venise,  Enrico 
Bossi,  le  Comte  Guerchi.    Bientôt  vont  com- 


mencer   les    examens     au     Conservatoire     de 
Milan.  G.   E. 

FLORENCE.  —  i^es  amateurs  de  musique 
n'auront  pas  à  se  plaindre  de  cette  fin  de 
saison.  Nous  avons  eu  coup  sur  coup  quatre 
grands  concerts  d'orchestre  extrêmement  in- 
téressants. L'orchestre  de  Munich,  sous  la 
direction  magistrale  de  M.  Ferdinand  Lowe, 
nous  a  donné  en  deux  séances  la  symphonie 
héroïque  et  la  pastorale  de  Beethoven,  la  séré- 
nade en  ré  majeur  de  Mozart,  l'ouverture  de 
Benvenuto  Cellini  de  Berlioz,  le  Tasso  de 
Liszt,  divers  fragments  de  Wagner  et  le  Tyll 
Eulenspiegel  de  Richard  Strauss.  A  son  tour, 
la  vaillante  société  orchestrale  florentine,  dirigée 
par  le  jeune  Kapellmeister  finlandais  Georg 
Schnéevoigt,  a  fait  merveille  et  n'a  nullement 
souffert  de  la  comparaison. L'ouverture  de  Lènore 
de  Beethoven,  la  13^  symphonie  d'Haydn, 
le  prélude  du  premier  acte  des  Maîtres  Chan- 
teurs, un  poème  symphonique  de  Liszt  (les 
Préludes),  l'Apprenti  sorcier  de  Dukas  et 
même  une  symphonie  de  Techaikowsky  (la  4^) 
ont  donné  matière  à  deux  concerts  remarqua- 
bles ou  l'orchestre  florentin  a  montré  mieux 
que  jamais  ses  qualités  d'homogénéité  et  de 
souplesse.  P.  M.  M. 

TURIN.   —   Grâce  à  la  munificence   de 
M™®  la  princesse  Laetitia  et  de  quelques  dilet- 
tantes de  l'aristocratie  piémontaise,  Turin  vient 
d'être  témoin  d'une  très  curieuse  et  très  signi- 
ficative  manifestation   d'archéologie  musicale, 
La  "  Nina  pa%xa  per  amore  "  de  Paisiello  a  été 
remis  au  théâtre  par  les  soins  de  la  section   de 
Turin  de  l'Associazione  di  Musicologi,  qui  est 
la  forme   italienne  de   notre   Société   Interna- 
tionale  de   Musique.   Il  y   avait    120   ans  que 
cette  partition  n'avait  plus  vu  la  rampe,  si  l'on 
peut   s'exprimer   ainsi,    et   le    public    dont    la 
curiosité  est  toujours  un  peu  mêlée  d'ironie  ne 
regardait  pas  sans  quelques  appréhensions  cette 
reconstitution.  Le  succès  fut  complet  et  Nina 
va  rester  au  répertoire  non  seulement  de  Turin 
mais   de   l'Italie   toute  entière.    Ce  qui   a  plu 
surtout  ici  c'est  que  l'œuvre  est  extrêmement 
fraîche.  L'instrumentation  élégante,  mais  sobre 


304 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


laisse  dominer  une  mélodie  expressive  et  \i\e, 
dont  les  modernes  véristes  ont  déshabitué  nos 
auditeurs  et  que  les  Italiens  ont  acclamé  a\ec 
joie.  C'est  un  petit  drame,  mais  charmant  et 
que  la  Section  de  Paris  de  la  S.  I.  M.,  ou  les 
Amis  de  la  musique  devraient  bien  faire  revivre 
en  France.  Le  public  turinois  qui  s'est  rué  à 
ces  quatre  représentations  de  Nina  est  le 
meilleur  garant  du  succès  de  cette  ceu\  re.  Es- 
pérons d'ailleurs  que  ce  n'est  là  que  le  com- 
mencement d'une  remise  au  théâtre  du  fonds 
musical  ancien, qui  fit  jadis  la  gloire  de  l'Italie, 
et  que  tous  les  Paillasses  actuels  n'ont  pu  faire 
oublier  totalement.  M.  L. 

BARCELONE.  —  Un  mot  sur  les  der- 
niers concerts  donnés  tout  dernièrement  au 
Palace  de  la  Musica  (Orfeo'  Català)  par 
VOrquesta  Sinfonica^  de  Madrid,  avec  le  con- 
cours de  VOrfeo'  Català.  On  a  donné  5 
concerts  d'abonnement  et  un  extraordinaire. 
Les  programmes  ont  été  superbes:  du  Bach,  du 
Gréty,  du  Haendel,  Beetho\'en,  Liszt,  Wag- 
ner, Brahms,  Strauss,  Albeniz,  Dvorak, 
Liadow,  rien  ne  manquait  à  ces  programmes, 
vraiment....  pantagruéliques.  Le  *  succès  de 
toutes  ces  séances  a  été  extraordinaire.  On  a 
applaudi,  surtout  la  belle  Symphonie^  de  Franck, 
la  troisième  de  Brahms,  le  Choral  varié,  les 
deux  Suites  (en  ré  et  en  si  mineur),  de  J.  S. 
Bach,  la  Pastorale,  de  Beethoven,  le  Concerto 
Grosso,  de  Haendel,  Vouverture  du  'Paunhiiuser 
(qui  a  dû  être  rejouée),  El  Puerto  et  V Evoca- 
cion,  d' Albeniz  {{.V ///eria),  que  le  maître 
Arbos  a  mis  en  partition,  et,  nifin,  l;i  Si/i/e 
Espagnole,  de  Pérez  Casas,  cpToii  nous  don- 
nait pour  la  première  fois,  et  (|ui  n'a  pa>.  ru 
le  même  succès  qu'à  Madrid.  Par  contre,  à 
Madrid  on  n'a  pas  beaucoup  ajiplaudi,  paraît- 
il,  la  Troisième  Symphonie  de  lirahms  !...  Mais 
c'est  évidemment  la  Neuvième,  de  lînrhoMii, 
qui  constituait  le  clou  de  ces  concerts.  Il  est 
vrai  qu'elle  a  été  exécutée  par  la  Sinfonica,  île 
Madrid,  et  par  notre  Orfeo  Català.  On  l'at- 
tendait donc  avec  délices.  Nos  gourmets  d'art 
n'ont  pas  été  déçus  car  l'exécution  le  ce  chef- 
d'œuvre  a  été  L-n  tous  points  parfaite. 
y  Hymne  à   la  Joie,   de    Schiller,   a    été    lancé. 


par  VOrfeo,  avec  tout  l'enthousiasme  désiré  et 
le  tout,  d'un  bout  à  l'autre,  a  été  absolument 
vivant. 

Un  mot,  a\ant  de  finir  sur  Vorquesta  Sinfo- 
nica, de  Madrid,  C'e^t,  incontestablement  un 
des  meilleurs  orchestres  qui  existent.  Le  qua- 
tuor de  cordes  est,  surtout  d'une  perfection 
\raiment  rare.  Et  le  tout  a  un  fondu,  une 
sonorité,  une  précision  et  un  sérieux  qu'on  ne 
trouve  pas  souvent,  il  faut  en  convenir,  aussi 
bien  réuni.  En  outre  le  maître  Arbôs  (dont 
on  connaît  le  beau  talent  de  violoniste)  est  un 
chef  d'orchestre  remarquable. 

Nous  avons  actuellement  au  Palais  des 
Beaux-Arts  une  Exposition  de  portraits  et  de 
dessins  anciens  et  modernes.  On  expose  là 
de  bien  belles  choses.  A  cette  occasion  on  a 
donné  et  on  donnera  encore,  dans  la  grande 
salle  (trop  grande,  hélas!)  de  ce  Palais  quel- 
ques séances  musicales.  On  en  a  donné  trois, 
sous  la  direction  du  maître  Beidler  —  a\ec  la 
"  Domestica  "  de  Richard  Strauss  —  et  on  en 
donnera  encore  quelques-uns,  sous  la  direction 
du  maître  Nicolau,  Directeur  de  l'Ecole  mu- 
nicipale de  Musique  et  avec  le  concours  de 
rOrfeo  Català.  F.  Ii.u'rat. 

MADRID.  —  L'orchestre  d' Arbôs  a 
terminé  sa  tâche  par  une  apothéose  Franko- 
Wagnérienne.  Décidément  les  Espagnols  ont 
pour  le  maître  de  Ba\reuth  une  admiration 
passionnée.  Seulement  ne  leur  jouez  point  les 
Maîtres-chanteurs  ou  Tristan  :  il  n'y  sauraient 
(irendre  plaisir.  Mais  que  la  romantique 
Che\auchée  les  secoue  de  son  r\  rhnie  bien 
assuié,  i]ue  le  sommeil  île  l)riinnhilil  les  berce, 
invariable,  que  le  Prélude  de  ParsifaI  leur 
rappelle  Iharnionie  dmit  s'émeu\ent  les  ca- 
thédrales d'Ibérie,  et  \  ous  les  voyez  heureux. 
lyC  répertoire  de  leurs  goûts  musicaux  est  fort 
Innité,  et  se  réduit,  suivant  leur  chef  Arbôs,  à 
l'audition  d'environ  huit  pièces  de  Bach, 
Meethoven  et  Wagner. 

C'est  devant  une  partie  de  ce  public  de 
Madrid  que  '' notre  "  pianiste  Ricardo  Villes 
a  "  graeieusenuni  "  iniei  prêté  les  plus  signi- 
ficatives parmi  les  icuv  res  des  écoles  modernes 
française  et   espagnole.    Le    concert    donné    à 


L  '  A  C  T  U  A  L  I  T-E    MUSICALE 


3^5 


l'Athéiiéc  et  précédé  d'une  conférence  de 
M.  Henri  Collet  comprenait  des  pièces  de 
Fauré,  Schmitt,  Ravel,  Debussy,  Séverac, 
Granados,  Turina,  Falla,  Albéniz. 

La  farouche  gallophobie  des  P^spagnols,  qui 
va  cliaque  jour  s'accroissant,  vcnis  expliquera 
pourquoi  la  partie  espagnole  plut  infiniment 
mieux  que  la  partie  française  du  programme. 
Et  je  vous  dirai  :  Mes  Frères,  réjouissons-nous. 
Les  Allemands,  les  Italiens  et  les  Espa2;nols 
peuvent,  comme  cela  est,  ne  rien  comprendre 
à  Pelléas  et  Mélisande,  et  mépriser  Racine... 
t'est  notre  meilleure  gloire. 

Donc,  on  ne  comprit  guère  à  Madrid,  la 
subtilité  pointilliste  de  Ravel,  la  profondeur 
rêveuse  de  Schmitt,  le  caprice  de  Fauré  ;  la 
fougue  de  Déodat  de  Séverac  ou  la  magie 
sonore  de  Debussy.  En  revanche,  le  roman- 
tique Chopin  et  les  jeunes  Espagnols  électri- 
sèrent  une  salle  par  ailleurs  fort  agréable  et 
brillante. 

Célébrons  cependant  le  fait  unique  dans 
l'histoire  musicale  espagnole  de  ces  cinquante 
dernières  années,  qu'un  public  perverti  par  la 
zarzuela  corrompue  (car  nous  ne  nous  lasse- 
rons point  de  répéter  que  la  zarzuela  d'au- 
jourd'hui, dérivation  de  l'opéra  boufTe  italien, 
ne  ressemble  en  rien  à  la  zarzuela  du  XVII""-' 
siècle)  ait  applaudi  avec  enthousiasme  un  peu 
de  musique,  puis  qu'enfin  musique  il  y  a  dans 
ces  compositions  si  colorées  d'un  Turina  ou 
d'un  Granados,  d'un  Albéniz  ou  d'un  de  Falla. 

Souhaitons  que  ce  semblant  de  réaction 
contre  le  réalisme  grossier  du  charivari  à  la 
Arrieta  ou  à  la  Chapi,  ne  s'évanouisse  pas 
encore  dans  la  retombée  d'indifférence  dont 
sont  coutumiers  les  Espagnols  épris  de  domi- 
nation "  mondiale.  " 

Dans  son  répertoire  espagnol,  Vifîès  sut 
conquérir  tous  les  cœurs.  Albéniz  et  Granados 
étaient  déjà  connus  :  tpar  Vifîès,  Turina  et  de 
Falla  furent  sacrés  en  Madrid  grands  compo- 
siteurs. 

Souhaitons  à  Vifîès  un  prompt  et  triom- 
phant retour  à  Madrid.  La  presse  qui  l'accla- 
ma, le  public  qui  le  choya,  les  amis  qui  l'en- 
tourèrent, tous  l'attendent  avec  impatience  en 
un  théâtre  plus  digne  de   ses  exploits,  sur  ime 


scène  plus  vasfc  et  où  nul  ne  le  [XHura  le  criti- 
quer "  qui  n'en  ait  acheté  le  droit  en  entrant.  " 
Vinès  a  prêté  son  gracieux  conccnirs  a 
l'Athénée.  C'est  grande  bonté  de  sa  part. 
Qu'il  en  soit  loué,  mais  ne  recommence  plus  ! 

Henri  Collet. 

CADIX.  —  Un  aimonce  la  construction 
d'un  grand  Casino  dans  lequel  la  musique 
aura  sa  place  ;  d'importants  concerts  sont 
projetés  pour  l'hiver  prochain. 

SEVILLL.  —  On  se  soucie  peu  du  progrès 
de  la  musique  moderne  ;  par  bonheur  quelques 
amateurs  éclairés  font  tout  ce  qu'ils  peuvent 
pour  l'encourager.  La  Société  musicale  artisti- 
que, la  Société  des  Quatuors,  l'Orféon  de 
Seville  sont  des  institutions  trop  récentes  pour 
qu'on  puisse  leur  prédire  un  brillant  avenir. 
A  la  Salle  des  Concerts  Piazza  nous  avons  eu 
des  concerts  classiques.  G.  Latorre. 

STOCKHOLM.  —  La  nouvelle  Société 
Philharmonique  a  donné  la  passion  selon 
S*  Jean  de  Bach,  le  Requiem  de  Sgambati  ; 
la  Société  de  Musique,  le  Messie  de  Haendel, 
des  œuvres  de  Franck,  Bach,  Schubert,  Liszt, 
Normann  et  Olsonn.  L'Union  des  Concerts  a 
consacré  quatre  concerts  d'orchestre  à  Beetho- 
ven, Brahms  et  à  deux  compositeurs  romanti- 
ques Berwald  et  Norman.  Parmi  les  artistes, 
citons  le  pianiste  compositeur  Stenhammar, 
et  la  cantatrice  M'"""  Sigfrid  Arnoldson- 
Fischof.  Julia  Culp,  Halle,  Joan  Manen,  Franz 
von  Vecsey,  Ed.  Risler,  Ignaz  Friedmann, 
Harold  Bauer,  Ludwig  Wiillner  et  Marcel 
Legay  sont  venus  donner  des  concerts.  L'opéra 
a  représenté  la  "  Dame  de  Pique  "  de 
Tchaikowsky  et  "  Versiegelt  "  de  Léo  Blech. 
Les  compositeurs  d'opéras  les  plus  connus 
sont  Berwald,  Hallstrôm,  Hallen,  Stenhammar 
et  Peterson-Berger.  Ce  dernier  est  le  compo- 
siteur de  l'opéra  "  Arnljot  ".  Il  en  a  écrit  le 
poème  et  la  musique.  Le  drame  vit  par 
lui-même.  Ce  qui  le  différencie  des  drames 
musicaux  des  compositeurs  allemands  moder- 
nes où  l'action  n'est  qu'une  illustration  de  ce 
qui  se  passe  dans  l'orchestre. 

O.  Morales. 


C'est  la  première  fois  que  le  bulletin  de 
la  S.  I.  M.  \a  faire  mention  du  concours 
d'or2;ue.  Depuis  la  fondation  de  la  classe, 
semble-t-il,  cette  épreu\'e  avait  lieu  à  huis-clos  ; 
il  n'a  rien  moins  fallu  que  le  manque  d'un 
instrument  convenable  au  Faubourg  Poisson- 
nière, la  construction  d'une  belle  salle  et  d'un 
orgue  moderne  rue  de  la  Boëtie  pour  décider 
le  Jury  à  transporter  ses  pénates  à  la  Salle 
•  Gaveau  et  à  permettre  à  un  public,  plus 
nombreux  que  les  rares  initiés  des  concours 
précédents,  d'assister  à  un  tournoi  vraiment 
di^ne  de  retenir  l'attention  des  professionnels 
et  des  amateurs  sérieux. 

On  peut  dire  qu'il  n'y  a  pas  d'épreu\e  aussi 
intéressante  et  où  rélè\e  puisse  autant,  de 
manières  différentes,  donner  la  mesure  de  ses 
connaissances  et  de  son  talent  que  le  concours 
d'orgue. 

On  demande  : 

l"  L'accompaijnemcnt  du  chant  grégorien 
dans  la  tonalité  des  modes. 

2"  Improvisation  sur  un  thème  grégorien 
dans  la  tonalité  du  plain-chant. 

3'^  Improvisation  d'une  fugue  à  quatre 
parties  sur  un  sujet  donné.  Les  élèves  n'ont 
que  deux  ou  trois  minutes  pour  trouver  la 
réponse,  les  strettes,  etc. 

4"  Improvisation  libre  sur  un  sujet  donné 
au  moment  de  jouer. 

5"  Exécution  d'une  pièce  difficile  (par  clut-ur) 
choisie  dans  les  œuvres  de  Bach,  Mendels- 
sohn,  Scluimann,  Huxtehude,  Thicle,  Liszt, 
ou  d'auteurs  modernes. 

Dans  la  plupart  des  Conservatoires  d'Europe, 
on  se  contente  d'une  lecture  à  vue  ou  d'un 
accompagnement  et  du  morceau  d'exécution  ; 
dans  certains,  le  morceau  d'exécution  tient 
lieu  de  tout. 

Faut-il  voir  dans  l'énorme  travail  que  l'élève 
du  Conservatoire  de  Paris  est  obligé  de  fournir, 
pour  se  présenter  au  Concours,  la  supériorité 
de    l'Ecole    Française    d'orgue    sur    toutes   les 


autres  ;  é\  idemment  cette  préparation  est  bien 
pour  quelque    chose    dans   le    succès    de    nos 
organistes,   mais  il   convient  de  rappeler  aussi 
que  la  classe   d'orgue  a  toujouis  été   confiée  à 
des  maîtres  du  plus  grand  saxoir  et  que  c'est  à 
eux  surtout  qu'on  est  redevable  de  traditions 
qui  font  école  dans  le  monde  entier.  Il   suffira 
de  nommer  les  trois  derniers  titulaires  : 
César  Franck. 
Ch.  M.  Widor. 
Alex.  Guilmant. 
L'œuxre  de  César  Franck   est   trop  connue 
pour    que    j'insiste    sur    rinfluence    qu'eut    ce 
Alaître   sur    ses    élèves  ;    il    fut    professeur   de 
ICS72  à  i8go. 

Ch.  M.  Widor  succéda  à  César  Franck  et 
dirigea  la  classe  d'orgue  jusqu'à  la  fin  de  1896, 
époque  à  laquelle  il  fut  nommé  à  une  classe 
de  composition.  Ch.  M.  Widor  est  un  des 
musiciens  les  plus  éminents  de  notre  époque  : 
auteur  de  dix  svmphonies  pour  orgue,  de  sym- 
phonies pour  orgue  et  orchestre,  il  a  créé  une 
école  brillante  dont  les  élè\:cs  les  plus  remar- 
quables sont  :  Louis  Vierne,  Cliarles  Tourne- 
mire,  Henri  Libert. 

Alex.  Guilmant,  le  titulaire  actuel,  a  formé 
à  son  toiu'  luie  véritable  phalange  d'artistes 
renommés  ;  nous  donnons  plus  loin  la  liste  de 
tous  lis  premiers  prix  obtenus  dans  sa  classe 
depuis  Tannée  1898.  Par  ses  concerts  au  Tro- 
cadéro  depuis  1878  et  les  coius  pratiques,  qu'il 
fit  dans  la  même  salle,  comme  complément  à 
celui  du  Conservatoiri-,  par  les  auditions  si 
intéressantes  qu'il  donna  à  Hellevue,  M.  Guil- 
mant s'est  conc)uis  une  place  tout-à-fait  à  part 
dans  la  vulgarisation  di^  toute  la  musique 
d'orgue,  aussi  bien  celle  de  l'Ecole  française 
que  de  toutes  les  Ecoles  étrangères. 

Ees  différentes  classes  du  Conservatoire 
National  ont  toujours  été  s\'mpathiques  à  îles 
amateurs  qui  ont  toiulé  des  prix  pour  récom- 
penser les  meilleurs  élèves  ;  la  classe  d'orgue 
seule  était  oublié.  Ce  n'est  qu'à  partir  de  1901 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


307 


qu'un  anonyme  remit  à  chacun  des  premiers 
prix  une  somme  de  cinq  cents  francs  en  sou- 
venir de  Cavaillé-Coll.  En  1905,  Alex.  Guil- 
mant  fondait  le  prix  qui  porte  son  nom,  prix 
de  cinq  cents  francs  attribué  au  premier  prix 
premier  nommé.  Cet  encouragement  donné 
directement  par  le  Maître  à  ses  élèves  mérite 
d'être  signalé  ;  et  il  est  à  souhaiter  que  cet 
exemple  soit  suivi  et  que  la  publicité  donnée 
maintenant  au  Concours  inspire  quelques 
Mécènes.  Un  premier  prix  nommé  second  ou 
un  second  prix  valent  mieux  que  la  simple 
mention  qui  leur  est  remise. 

Au  Conservatoire,  il  y  a  trois  classes  d'orgue 
par  semaine  :  deux  sont  consacrées  à  l'impro- 
visation et  une  à  la  technique. 

On  a  pu  se  rendre  compte,  par  le  dernier 
concours,  de  la  supériorité  de  cet  enseignement. 
Si  nous  consultons  la  liste  des  grands  compo- 
siteurs, on  peut  dire  que  l'influence  de  l'orgue 
fut  pour  une  large  part  dans  la  beauté  de  leurs 
conceptions  :  Ch.  Gounod  fut  organiste  aux 
Missions  Etrangères  ;  C.  Saint-Saëns  tint  pen- 
dant vingt-deux  ans  le  grand  orgue  de  la 
Madeleine  ;  César  Franck  était  organiste  à 
Sainte-Clotilde  ;  Théodore  Dubois  remplaça 
Saint-Saëns  à  la  Madeleine  et  il  fut  remplacé 
lui-même  au  clavier  de  cet  instrument  par 
Gabriel  Fauré,  le  très  distingué  Directeur  de 
notre  Conservatoire  ;  Ch.  M.  Widor,  auteur 
de  Maître  Ambrose,  les  Pêcheurs  et  la  Korri- 
gane, est  organiste  de  Saint-Sulpice  depuis 
1870  ;  Samuel-Rousseau  fut  organiste  et  maître 
de  Chapelle  de  Sainte-Clotilde  pendant  de 
longues  années  ;  Gabriel  Pierné  succéda  à 
César    Franck  à  la    même    église  ;    Alexandre 


Georges  est  organiste  à  Saint- Vincent  de 
Paul  ;  Périlhou  est  à  Saint-Séverin  ;  Césare 
Galeotti  et  Georges  Hue  eurent  un  premier 
prix  d'orgue  ;  Chapuis,  Trépard,  de  la  Tom- 
belle,  Charles  Bordes  ;  '  et  j'en  oublie  certai- 
nement. 

Voici  maintenant  la  liste  des  premiers  prix 
depuis  que  M.  Guilmant  est  titulaire  de  la 
classe  : 

1898:  Alphonse  Schmitt. 
Charles  Ouef. 

1900  :  Georges  Jacob. 

1901  :  Louis  Andlauer. 

Juliette  Toutain. 
Félix  Fourdrain. 
Emile  Aviné. 


1902 
1903 
1904 


Nadia  Boulano-er. 


Joseph  Bonnal. 

1905  :  Joseph  Boulnois. 

1906  :  Joseph  Bonnet. 

Augustin  Barié. 
René  Vierne. 

1907  :  Marcel  Dupré. 

Paul  Fauchet. 

1908  :  Alexandre  Cellier. 

1909  :  Georges  Krieger. 
1910:  Roger  Boucher. 

(Il  ny  eut  aucun  premier  prix  en  1899). 

Il  ne  reste  qu'à  souhaiter  à  tous  ces  artistes 
de  marcher  sur  les  traces  de  leur  Maître  et  de 
leurs  devanciers.  Il  reste  à  souhaiter  aussi  que, 
lors  du  transfert  de  notreConservatoireNational 
à  la  Rue  de  Madrid,  l'Etat  puisse  mettre  à  la 
disposition  de  la  classe  d'orgue  un  instrument 
digne  d'elle.  "  C.  M. 

^  Furent  organistes  avant  d'être  compositeurs. 


11 


CONCOURS  PUBLICS 

Nous  ne  donnons  pas  les  résultats  des  concours  publics  ;  ils  auront, 
en  effet  ;  été  publiés  par  tous  les  grands  quotidiens  avant  l'apparition  du 
présent  numéro  et  le  palmarès  que  nous  pourrions  transcrire  occuperait 
dans  notre  Actualité  une  place  bien  inutile.  Mieux  vaut,  avons-nous  pensé, 
demander  à  un  de  nos  collaborateurs  de  dégager  ultérieurement  la  morale 
de  ces  tournois  musicaux. 

1^— IB^" ■■■' ■ ■  llll  II  ■llllllllillllilllBl^m— ■^Tfl-^— T^"^— 


^^ 

'         ■■■^■™"   . 

LÉOPOLD    Wl DHALM 

LUTHIER    ALLEMAND 

NUREMBERG,    XVII'-    SIÈCLE 

Léopold  Widhalm  est  un  des  luthiers  les 
plus  réputés  de  l'école  allemande  ;  mais,  en 
France,  il  est  fort  peu  connu.  Dans  l'espoir 
que  ma  modeste  contribution  pourra  offrir 
quelque  intérêt  aux  amateurs  de  lutherie,  je 
présente  aux  lecteurs  de  cette  Revue  le  résultat 
de  mes  recherches  sur  sa  vie  et  ses  œuvres. 

Une  famille  de  luthiers. 

Plusieurs  membres  de  la  famille  Widhalm 
se  sont  distingués  dans  la  fabrication  des  instru- 
ments à  archet  ;  mais,  éclipsés  par  la  brillante 
renommée  de  Léopold,  ils  sont  à  peu  près 
inconnus  et  les  auteurs,  à  l'exception  de 
M.  von  Lûtgendorff,  dans  son  ouvrage  sur 
*'  les  luthiers  du  moyen  âge  à  nos  jours  "  sem- 
blent avoir  ignoré  leur  existence. 

Quand  on  étudie  la  carrière  de  Léopold 
Widhalm,  on  est  surpris  par  la  durée  vraiment 
inadmissible  (1720  à  1B07)  de  la  période  pen- 
dant laquelle  il  aurait  exercé  son  art  ;  le  maître 
aurait  atteint  un  âge  en  comparaison  duquel 
les  Mathusalems  de  la  lutiierie  n'auraient  été 
que.  des  enfants.  M.  von  Liitgendorff  signale, 
il  est  vrai,  que  plusieurs  étiquettes  authentiques 
portent  des  dates  fausses  ;  j'ai  constaté  moi 
aussi  le  fait  dans  un  exemplaire,  mais,  à  elle 
seule,  cette  explication  n'est  pas  de  nature  à 
satisfaire  les  moins  exigeants,  j-'eut-être  aurais-je 
fait  comme  ceux  qui,  plus  (jualiliés  cpie  moi, 
ont  étudié  cet  artiste  sans  cherciier  à  (lécou\rir 
le  mystère,  si  M.  von  Hexold,  Directeur  du 
Musée  Germanique  de  Nuremberg,  ne  m'avait 
mis  sur  la  vj)ie  en  m'écrivanr  (\n:\  son  avis,  il 
a  dû  exister  deux  luthiers  liu  nom  de  Li'dpold 
Widhalm.  J'ai  alors  deinamlé  à  diverses  pa- 
rf)isses  de  Nuremberg  d'effectuer  des  recher- 
ches,   a/111    d'essayer    de    reconstituer    l'aibre 


généalogique  de  la  faniille.  Le  succès  a  dépassé 
toutes  mes  espérances,  et  l'ample  moisson  de 
documents  que  j'ai  pu  réunir  éclaire  la  question 
d'un  jour  tout  nouveau.  ^ 

Bien  que  Léopold  Widhalm  fasse  seul  l'ob- 
jet de  cette  étude,  parce  que  le  seul  dont  les 
ouvrages  me  soient  connus,  quelques  indica- 
tions sur  les  autres  artistes  de  la  famille  ne 
seront  pas  superflues. 

Le  plus  ancien  luthier  du  nom  de  Widhalm 
s'appelait  Léopold  ;  son  acte  de  nai^sance  et 
son  acte  de  mariage  n'ont  pas  été  retrouvés, 
mais  les  renseignements  contenus  dans  l'acte 
de  décès  sont  assez  précis  pour  y  suppléer.  Il 
a  dû  naître  le  2  octobre  1722,  et  en  1746,  il 
était  établi  luthier  à  Gostenhot  "  et  épousait 
Barbara  S\billa  Schellin,  âgée  alors  de  27  ans. 
Il  mourut  le  ii  Juin  1776  et  fut  inhumé  le 
14  Juin  dans  le  cimetièie  St  Rochus.  Sa  veuxe 
lui  survécut  quelques  années  et  mourut  le  26 
Mars  1781.  Léopold  Widhalm  eut  six  enfants; 
trois  sont  morts  dans  la  plus  tendre  enfance  ; 
les  autres  furent  : 

i"  Martin  Léopold,  né  le  3  Juin  1747, 
décédé  le  16  Mars  i  806. 

'  Je  suis  lieiircux  d'exprimer  iei  ma  profonde  reeon- 
iiaissanee  à  tous  les  amis  de  l'art  qui  m'ont  aidé  ilans 
ma  tâche  :  M.  le  docteur  Munumnhof,  archiviste  de 
la  \ille  de  Nilrember2[  :  M.  von  Ikzold,  Directeur  du 
Musée  Germaniciue  ;  MM.  Ks  Pasteurs  des  Ki^lises 
St  Leoininrcî*,  St  Lorcnz  et  W'OIuhI  qui  ont  bien  voulu 
enucpreniiio  en  ma  faveur  de  longues  et  délicates 
rccherclics  dans  les  archives  de  leurs  paroisses. 

'■'  Gostenhot,  Wolu'd  et  Glockenliof  sont  des  quar 
tiers  de  Nureniberij.  Widhalm  ioiy;nait  fi  sa  jirofession 
(le  luthiei-  celle  de  militaire.  Les  actes  de  nais.<'ance  de 
î^es  enfaïUs  portent  qu'il  était  caporal  île  la  fjarde 
nninicipale,  f^anle  eivi(|ue  ipii  existait  dans  la  Ville 
libre  à  (  ôté  de  r.inncc  du  cercle  franconien  de 
i']-'.  mpiiw 


■'âl'i'itiîM^fi, 


.-.J 


■\ 


3IO 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


2°  Gallus  Ignatius,  né  le  19  Mars  1752,  et 
qui  vivait  encore  le  18  Mai  1804. 

3°   Veit  Anton,  né  le  16  Janvier  1756, 

Les  deux  premiers  ont  été  luthiers  à  Gosten- 
hof  ;  quant  au  troisième,  on  n'en  retrouve 
aucune  trace  à  Nuremberg  et  peut-être  est-ce 
lui  qui,  établi  à  Regensburg  vers  1780,  a  fait 
des  copies  très  remarquées  de  Stainer  et  de 
Stradi\'arius. 

En  1779,  un  luthier  du  nom  de  Johann 
Veit  WiTHALM,  établi  précédemment  à 
Vienne,  habitait  Glockenhof;  l'orthographe 
diffère  ;  mais,  au  XVII P  siècle,  on  attachait 
peu  d'importance  à  l'orthographe  des  noms  de 
famille. 

Enfin,  d'après  M.  \on  Ltitgendorff,  un 
luthier  du  nom  de  Joseph  Widhalm  aurait 
travaillé  à  Nuremberg  en  1737,  maison  ne 
possède  sur  lui  aucun  renseignement  précis  et 
son  existence  semble  très  douteuse.  Comme 
on  ne  me  le  signale  môme  pas,  il  n'a  pas  dû 
travailler  à  Gostcnhof,  s'il  a  réellement  vécu. 
Les  instruments  portant  son  étiquette  ne  sor- 
tent pas  de  la  médiocreté. 

Il  est  donc  établi  que  deux  luthiers,  le  père 
et  l'un  de  ses  fils,  ont  porté  le  nom  de  Leopold 
Widhalm  et  se  sont  succédé  à  Nuremberg. 
Bien  qu'aucune  différence  de  style  ne  distin- 
gue leurs  ouvrages,  on  peut  cependant  les 
classer  en  cinq  catégories.  La  première,  de 
1746,  à  1770  environ,  comprend  les  instru- 
ments faits  par  le  père  seul  ;  la  deuxième,  de 
1770  à  1776  ceux  faits  en  collaboration  par 
les  deux  artistes,  sans  doute  sous  le  contrôle 
du  père  ;  la  troisième,  1776  à  1806,  ceux  qui 
sont  l'œuvre  du  fils;  la  quatiième,  fin  1806  et 
1807,  ceux  qui  étaient  terminés  ou  sur  le 
point  de  l'être  à  la  mort  de  Martin  Léopold. 
.Reinar'.|Uf)ns  ici  que  Gallus  Ignatius,  bien  que 
luthier  à  Gostenhof,  parait  n'avoir  jamais  signé 
d'instruments  ;  il  est  donc  fort  pioiiahlc  (]u'il  a 
travaillé  à  l'atelier  de  son  frère  et  a  participé 
aux  instruments  des  deuxième  et  troisième 
périodes  ;  peut-être  même,  s'il  vivait  encore  en 
l8o7,a-t-il  terminé  et  étiiiueté  les  instruments 
laissés  inachevés  par  son  frère.  L'atelier  des 
Widhalm  fut  ensuite  fermé.  A  cette  épocpie, 
Ja   guerre   ravageait    l'Europe  ;   on    avait    plus 


besoin  de  canons  que  de  violons,  et  nombre 
de  luthiers  durent  chercher  dans  d'autres  tra- 
vaux leurs  moyens  d'existence  :  le  métier  ne 
faisait  plus  vivre  l'artiste.  C'est  là  la  cause  prin- 
cipale de  la  décadence  de  la  lutherie,  aussi 
bien  en  Italie  qu'en  Allemagne  et  en  France. 

Reste  la  dernière  période  (1720  a  1746),  la 
première  dans  l'ordre  chronologique.  A  qui 
attribuer  les  instruments  de  cette  époque  ?  Il 
n'est  pas  possible  de  répondre  d'une  manière 
catégorique.  La  seule  hypothèse  plausible,  à 
moins  de  considérer,  contre  toute  évidence,  ces 
instruments  comme  faux,  serait  que  le  père  de 
Léopold  aîné  ait,  lui  aussi,  porté  le  prénom  de 
Léopold  et  ait  ouvert  l'atelier  de  Gostenhof. 
L'acte  de  naissance  de  1722  aurait  sans  doute 
fourni  des  indications  précieuses  et  permis  de 
faire  la  lumière  sur  ce  point,  malheureusement 
toutes  les  recherches,  même  celles  effectuées  à 
Nuremberg  par  M.  \  on  Bezold,  sont  restées 
infructueuses.  Le  fait  que  deux  Widhalm  ont 
porté  le  prénom  de  Léopold,  ^  comme  aussi  la 
certitude  que  Gostenhof  fut  le  berceau  de  la 
famille,  donnent  à  cette  opinion  une  grande 
probabilité  ;  mais,  enfin,  ce  n'est  qu'une  hypo- 
thèse, alors  qu'il  eût  été  si  intéressant  d'arriver 
à  une  certitude. 

Aucune  différence,  nous  l'avons  déjà  vu,  ne 
permet  de  distinguer  les  instruments  des  deux 
(ou  même  des  trois)  artistes  ;  aussi,  dans  l'étu- 
de de  leur  modèle  et  de  leurs  ouvrages,  je 
grouperai  sous  le  nom  de  Léopold  Widhalm, 
comme  si  un  seul  luthier  les  avait  construits, 
les  instruments  sortis  de  l'atelier  de  Gostenhof. 
J'ai,  d'ailleurs,  l'intime  conviction  que  l'inten- 
tion du  fils,  en  conservant  les  étiquettes  de  son 
père,  était  de  retenir  la  clientèle  attirée  par  les 
remarquables  travaux  sortis  de  la  maison  et 
déjà  hautement  appréciés. 

La  carrière  des  Widhalm  a  été  très  longue, 
ils  ont  beaucouii  travaillé  jiour  les  couvents,  et 

'  Martin  l.copoUi  eut  pour  parrain  Martin  TyroH, 
niarclianil  d'objcls  d'art  ;\  NOrt-iiibcrfï.  Son  acte  de 
naissance  ])orie  en  note  :  "  Le  père  est  catliolique, 
c'est  jM)uri|uoi  on  a  pu  donner  à  l'entant  le  nom  de 
Léopold.  "  Pourt|U()i  a-t-on  voulu  ajouter  ce  prénom 
au  j)remier  enfant  miile,  alors  que  les  autres  enfants 
ont  re<;u  exactement  ceux  de  leurs  parrains  ou  marrai 
ncs,  suivant  le  sexe  ? 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


3^1 


leurs  instruments  sont  très  répandus  en  Alle- 
magne. Outre  les  violons,  il  ont  construit  des 
harpes  excellentes,  paraît-il,  autrefois  très 
recherchées,  aujourd'hui  réduites  au  silence. 
En  France  leurs  spécimens  sont  plutôt  rares, 
et  je  n'en  ai  rencontré  que  trois. 

Le  Modèle. 

On  ne  connaît  pas  le  maître  qui  a  initié 
Widhalm  aîné  à  son  art  ;  ses  étiquettes  sont 
muettes  à  ce  sujet,  M.  von  Bezold  pense  que 
ce  fut  Leonhardt  Maussiel,  qui  a  travaillé  à 
Nuremberg  de  1708  à  1757  et  qui,  lui  aussi, 
était  un  artiste  de  talent.  Heureusement  pour 
les  amateurs  de  belle  lutherie,  l'élève  n'a  pas 
donné  dans  le  travers  de  son  maître,  et  n'a 
jamais  substitué  à  la  volute,  qui  est  le  couron- 
nement de  l'œuvre,  des  têtes  de  femmes  ou 
d'animaux.  Son  fils,  nous  l'avons  vu,  fut  son 
élève  et  son  successeur. 

D'après  les  auteurs,  Widhalm  aurait  travaillé 
exclusivement  sur  les  modèles  de  Stainer  et 
aurait  copié  le  fameux  luthier  allemand  avec 
une  telle  exactitude  et  un  tel  bonheur  "qu'un 
connaisseur  très  habile  peut  seul  distinguer  ses 
instruments  de  ceux  du  maître,  "  écrit  M. 
Vidal.  Il  n'est  pas  contestable  qu'il  fut,  en 
effet,  un  disciple  de  Stainer  dont  il  fit  des 
copies  parfaites,  mais  nombre  de  ses  instruments 
on  le  verra  plus  loin,  dénotent  une  tendance 
marquée  à  suivre  sa  propre  inspiration.  En  tous 
cas,  si  l'on  était  tenté  de  critiquer  le  choix  de 
son  modèle,  il  serait  bon  de  se  rappeler  qu'à 
l'époque  où  vivait  Widhalm,  la  gloire  du  plus 
célèbre  luthier  qu'ait  produit  l'Allemagne 
brillait  d'un  éclat  incomparable  et  surpassait 
celle  de  Stradivarius  lui-même.  En  le  copiant, 
le  luthier  de  Nuremberg  ne  faisait  que  suivre 
la  voie  tracée  par  son  illustre  devancier,  et  dans 
laquelle  s'étaient  engagés  avant  lui  nombre 
d'artistes  de  haute  envergure  et  de  toutes 
nationalités. 

Le  modèle  de  Widhalm  est  grand,  les  voûtes 
élégantes,  bombées  sans  excès,  le  patron  varie. 
Tantôt  ses  instruments  présentent  des  formes 
larges  et  massives,  tantôt  ils  affectent  l'appa- 
rence plus  grêle  du  violon  longuet,  notamment 
dans  la  largeur  de   la  partie  inférieure  où  l'on 


trouve  (les  écarts  atteignants  12  millimètres; 
en  revanche  les  patrons  étroits  sont  un  peu 
plus  longs  que  les  autres  et  leurs  voûtes  sont 
un  peu  plus  élevées,  de  manière  à  conserver  le 
même  volume  à  la  caisse  sonore.  Pour  la 
majeure  partie  de  ses  altos,  il  a  adopté  l'ancien 
modèle  à  dos  plat.  Il  existe  également  des 
variations  très  curieuses  dans  le  traitement  des 
ouïes  ;  tantôt  elles  presque  droites,  tantôt  plus 
inclinées  que  de  coutume  ;  quelquefois  elles 
sont  très  arrondies,  ailleurs  elles  marquent  une 
tendance  vers  la  forme  pointue  ;  leur  longueur 
et  leur  largeur  varient  ;  elles  sont  plus  ou 
moins  rapprochées  des  bords  de  l'instrument  ; 
enfin,  dans  quelques  spécimens,  elles  sont  pla- 
cées beaucoup  plus  bas  que  dans  la  plupart  de 
ses  instruments.  Ces  quelques  détails  montrent 
la  fertilité  de  l'imagination  de  l'artiste,  et  les 
recherches  qu'il  a  faites  pour  obtenir  une 
qualité  de  son  excellente.  Si  Widhalm  n'a  pas 
ouvert  à  la  lutherie  des  horizons  nouveaux,  il  a 
fait  preuve  néanmoins,  dans  une  certaine 
mesure,  d'une  originalité  incontestable  et  ce 
serait  une  erreur  de  ne  voir  en  lui  qu'un  servile 
copiste  de  Stainer. 

Le  Travail. 

Tous  les  auteurs  déclarent  que  la  main 
d'œuvre  de  Widhalm  est  parfaite  et  que  la 
qualité  de  ses  instruments  en  est  la  conséquence 
naturelle.  Je  tiens  cependant  de  connaisseurs 
éclairés,  très  familiarisés  avec  ses  ouvrages,  que 
son  travail  n'a  pas  toujours  été  égal  ;  s'il  est 
vrai  que  la  plupart  de  ses  instruments  témoi- 
gnent du  plus  précieux  fini,  quelques-uns  sont 
très  négligés.  D'ailleurs,  au  risque  de  passer 
pour  un  révolutionnaire,  j'avouerai  que  la  main 
d'œuvre  n'a,  au  point  de  vue  de  la  qualité  du 
son,  qu'une  importance  très  secondaire,  témoins 
Guarnerius  del  Gesu  et  Storioni,  dont  les 
instruments,  souvent  fort  peu  soignés,  ont 
cependant  des  qualités  acoustiques  de  premier 
ordre.  Que  d'exemples  du  contraire  on  pour- 
rait citer  !  Toutefois,  si  la  beauté  du  travail 
n'est  pas  indispensable,  elle  ne  nuit  pas,  est 
agréable  à  l'œil  et,  de  ce  chef,  mérite  d'être 
prise  en  considération  quand  la  sonorité  est 
bonne.  Pour  en  revenir  à  notre  luthier,  j'ajou- 


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L'ACTUALIT 

terai  que  le  bois  qu'il  a  employé  est  générale- 
ment très  beau  ;  le  sapin  est  à  veines  plutôt  un 
peu  serrées  ;  l'érable  dont  il  s'est  servi  pour 
ses  fonds  (ceux  que  j'ai  vus  sont  d'une  seule 
pièce)  présente  tantôt  de  larges  ondes,  tantôt 
de  petites  veines  courtes  et  chatoyantes  rappe- 
lant le  bois  à  œil  de  perdrix  dont  on  fait  les 
beaux  chevalets  ;  les  ouïes  sont  d'un  dessin 
vigoureux  et  finement  découpées.  La  volute, 
généralement  en  poirier,  est  très  bien  sculptée, 
et  comme  la  spirale  s'élargit  rapidement  et  que 
la  séparation  du  milieu  est  très  accusée,  elle 
possède  une  grande  vigueur  ;  le  chevillier,  aux 
parois  très  épaisses,  présente  une  largeur  suffi- 
sante pour  que  les  cordes  y  tiennent  facilement 
à  l'aise,  et  les  chevilles  sont  bien  placées.  Je 
signale  en  passant  que  les  contours  de  la  volute 
ne  portent  pas  de  filets  noirs,  et  sont  vernis 
comme  le  reste  de  l'instrument. 

Le  Vernis. 

Certains  luthiers  contemporains  intitulent 
Widhalm  luthier  tyrolien  italien  et  j'ai  sous  les 
yeux,  en  écrivant  ces  lignes,  une  lettre  où  il  est 
ainsi  désigné.  Cet  assemblage  de  mots,  bizarre 
au  premier  abord,  doit  être  justifié  dans  la  pensée 
de  celui  qui  l'a  employé.  Comme  le  modèle 
de  Widhalm  est  tout  allemand,  l'épithète 
d'italien  ne  peut  donc  s'appliquer  qu'à  son 
vernis,  et  l'examen  attentif  de  ses  ouvrages 
semble  montrer  que,  comme  Stainer,  il  con- 
naissait les  procédés  des  maîtres  italiens  ;  il 
habitait,  en  effet,  près  de  l'Italie  et,  d'ailleurs, 
ces  procédés  n'avaient  rien  de  mystérieux  à 
son  époque.  Son  maître,  Maussiel,  semble 
avoir  eu,  lui  aussi,  et  à  un  degré  égal,  les 
mêmes  connaissances. 

Les  auteurs  sont  unanimes  à  reconnaître 
que  Widhalm  s'est  servi  d'un  vernis  d'une 
qualité  supérieure  ;  sur  ce  point  seulement  ils 
sont  d'accord  ;  sur  les  autres  caractéristiques 
du  vernis,  on  trouve  les  divergences  les  plus 
étranges.  Passons  en  revue  les  diverses  opinions. 

"  Son  vernis  n'a  pas  la  délicatesse  de  celui 
de  Stainer,  mais  il  est  excellent  ;  la  couleur  en 
est  généralement  rouge  pâle.  "  Hart,  Le  Violon, 
page  244. 

"  Le   vernis   est  mince,    de   couleur   rouge 


EMUSICALE  313 

brun  foncé  et  très  brillant.  "  M.  von  LUtgen- 
dorff.  Les  luthiers,  page  707. 

"  Vernis  gras  épais,  dont  la  couleur  varie  du 
rouge  clair  au  rouge  brun.  "  M.  Fuchs. 

Ainsi  le  vernis  de  Widhalm  aurait  été, 
suivant  les  différents  ouvrages  cités,  ou  clair 
ou  foncé,  ou  mince  ou  au  contraire  épais. 
Chaque  auteur  a  évidemment  basé  son  opi- 
nion sur  les  spécimens  qu'il  a  eus  entre  les 
mains.  La  vérité  me  semble  toute  différente; 
j'ai  examiné  attentivement  trois  instruments 
authentiques,  et  chacun  d'eux  pouvait  corres- 
pondre à  l'une  de  ces  descriptions,  à  l'exclusion 
des  autres. 

Le  plus  ancien  est  un  alto  de  1731  (chiffres 
surchargés,  sans  doute  1751),  grand  patron, 
aux  formes  élégantes,  revêtu  d'un  splendide 
vernis  rose  pâle  d'une  minceur  extrême.  Il 
semblait  une  peinture,  et  son  parfait  état  de 
conservation  en  faisait  une  pièce  remarquable. 
L'autre  est  un  violon  de  1752  ;  le  vernis  rouge 
clair,  légèrement  nuancé  de  brun,  était  peu 
épais  et  laissait  voir  les  ondes  de  l'érable,  très 
courtes  et  très  rapprochées,  ce  qui  donnait  à 
ce  violon  un  aspect  tigré  des  plus  séduisants  ; 
l'instrument  était  assez  bien  conservé  et  cepen- 
dant le  vernis  était  presque  complètement  usé 
sur  les  joues  et  sur  la  volute.  Le  troisième, 
dont  je  donne  ici  la  photographie  et  la  mensu- 
ration est  mon  violon,  daté  de  1769.  ^  Le  bois 
est  superbe,  le  vernis,  rouge  foncé  très  pur, 
tirant  même  sur  le  violet  lie  de  vin  aux  endroits 
intacts,  est  à  dessous  doré.  Le  dos,  à  larges 
veines,  semble  recouvert  d'un  verre  épais  mer- 
veilleusement coloré,  au  fond  duquel  on  aper- 
çoit le  ondes  du  bois.  Le  vernis  forme  de 
grandes  épaisseurs,  particulièrement  visibles 
aux  endroits  où  il  est  dégradé,  et  il  a  été 
employé  avec  une  prodigalité  telle  qu'il  s'est 
mis  en  grumeaux  sur  les  bords  des  tables  et  sur 
les  éclisses.   Malgré   sa  grande   épaisseur,   qui 

^  Longueur  totale o™595 

Longueur  de  la  caisse o™356 

{Haut o'^iôô 

Milieu o™io8 

Bas o"'2o6 

Longueur  des  fF o™o68 

■u     ^         j       T-  1-  f    Haut.      .      .     o^ozQ  fort 

Hauteur  des    Eclisses   <    „  „  r 

(    iJas    .      .      .      0^031    rort 

3 


FACTEUR  >^>^      A      ^   T  1"^      ATT  FACTEUR 

DE     (  T  A  V  h  A  i  J     ■'^ 

PIANOS  V>  X    JL      T      J^^l    jL   V^  pianos 


Siège  Social:    45   et    47,    rue    de    la  Boëtie    (VIII^)    PARIS 

Rayon  spécial  de  Musique               o  a  i   i   t^o  Usine  modèle  à   Fontenay= 

(vente  et  abonnement)                    SALLES  sous=Bois   (Seine) 

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GAVEAU=PIANOS=PARIS  de  la   S.I.M. 


MEMBRE  DU  JURY  —  HORS  CONCOURS 

Barcelone  1888,  Moscou  1891,  Chicago  1893,  Amsterdam  1895 
Paris  1900. 

DIPLÔMES  D'HONNEUR 

Amsterdam  1883.  Anvers  1885,  Bruxelles  1888 

GF(ANDS   PRIX 

Hanoï  1893.  Liège  1905. 


L'ACTUALITE    MUSICALE 

Les  Etiquettes. 


315 


fait  paraître  la  table  plus  foncée  que  le  reste  de 
l'instrument,  il  n'empêche  pas  de  distinguer 
les  fibres  du  sapin,  et  cependant  il  perd  un  peu 
de  la  transparence  des  tons  plus  clairs. 

La  qualité  de  ce  vernis  devait  être  parfaite, 
car  l'instrument  a  beaucoup  servi,  comme  en 
témoignent  ses  glorieuses  blessures,  l'usure  des 
tables  et  des  éclisses  prés  du  manche,  et  les 
traces  laissées  par  un  menton  qui  n'avait  que  de 
lointaines  relations  avec  le  rasoir  ;  et  pourtant, 
à  part  un  endroit  où  devait  être  un  cachet  de 
cire  qui  a  emporté  le  vernis,  il  ne  présente  que 
peu  de  traces  d'usure  et  subsiste  encore  presque 
intact  sur  les  bords  et  sur  les  coins.  Cepen- 
dant, en  cette  même  année  1769,  le  maître  fit 
des  instruments  revêtus  d'un  vernis  brun  et 
mince,  et  on  en  connaît  aussi  d'une  teinte  plus 
claire.  J'aurai  l'occasion  d'en  parler  plus  loin. 

La  pâte  du  vernis  de  Widhalm  est  toujours 
souple,  très  transparente  et  excellente  ;  la  cou- 
leur a  varié,  mais  la  nuance  prédominante  est 
le  rouge  brun.  En  ce  qui  concerne  les  diffé- 
rences d'épaisseur,  il  est  difficile  de  se  pronon- 
cer. On  ne  peut  nier  qvie  Widhalm  ait  fait 
preuve  d'une  habileté  consommée  comme  ver- 
nisseur  ;  mais  peut-être  les  instruments  au 
vernis  épais  ont-ils  été  faits  plus  hâtivement  et 
avec  moins  de  soin,  ou  le  mélange  des  couleurs 
à  la  pâte  aura-t-il  été  moins  complet.  Au  sur- 
plus, les  craquelures  et  les  grumeaux  ne  sont 
pas  spéciaux  au  vernis  de  Widhalm,  et  nombre 
d'instruments  italiens  présentent  ce  trait  com- 
mun avec  les  siens.  Peut-être  est-il  une  expli- 
cation plus  simple.  Widhalm  ayant  vécu  long- 
temps, on  peut  penser  que,  vers  la  fin  de  sa 
carrière,  ses  premiers  instruments  étaient  déjà 
assez  anciens  pour  qu'il  pût  remarquer  qu'une 
usure  précoce  menaçait  le  vernis.  Afin  d'assu- 
rer une  durée  indéfinie  à  des  œuvres  dont  il 
n'ignorait  pas  les  qualités,  le  maître  aurait 
augmenté  l'épaisseur  de  son  vernis  pour  lui 
donner  plus  de  résistance  à  l'action  dissolvante 
du  temps  ;  d'où  les  instruments  aux  tons 
chauds  et  au  vernis  épais  et  craquelé.  Cette 
explication  aurait  l'avantage  de  rendre  compte 
des  variations  d'mtensité  qui  se  rencontrent 
dans  une  même  couleur  ;  cependant  leur  rareté 
semble  plutôt  trahir   une  origine  accidentelle. 


Quelques  instruments  de  Widhalm  portent 
ses  initiales  L.  W.  marquées  au  fer  chaud  à 
l'intérieur.  Aucun  de  ceux  que  j'ai  vus  ne 
portait  cette  marque  ni  dans  les  descriptions 
que  j'ai  reçues. 

Ses  étiquettes  sont  nombreuses. 

1.  L.  Widhalm 

Lauten  und  Gcigenmacher 
Nûrnberg  fecit  A  l'JT^l 

2.  Leopold   Widhalm 
Lauten  und  Geigenmacher 

in  Nûrnberg  fecit  ^1752 

3.  Leopold  Widhalm,  Lauten  und 
Geigenmacher  in  Nûrnberg  jecit  A   1769 

4.  Leopoldus  Widhalm 

Norimherga    1774 

5.  Leopo  Widhalm,  Lauten  und  Geigenmacher 

in  Nûrnberg  fecit  A  1807 

6.  Leopold  Widhalm,  Lauten-Geigenmacher 

in  Nûrnberg  A  ijbg 

Les  trois  premières  sont  celles  des  instru- 
ments que  j'ai  eus  entre  les  mains  ;  les  modè- 
les i  et  2  en  caractères  allemands,  l'autre  en 
caractères  romains. 

Le  Musée  Germanique  de  Nuremberg 
possède  trois  instruments  de  Leopold  Widhalm, 
dont  la  rareté  mérite  une  description  spéciale.  ^ 

1°  M.  J.  301.  Violon  de  1807  (étiquette 
n°  5),  assez  beau  ;  vernis  brun  clair  très 
mince  ;   le  son  est  faible. 

2°  M.  J.  26.  Violon  de  1769  (étiquette 
n°  6),  très  beau  et  d'un  travail  soigné  ;  vernis 
brun,  mince.  La  longueur  de  la  caisse  n'est 
que  de  0°^284.  "  Petit  instrument  dont  le  son 
à  l'accord  normal  est  faible.  Il  s'améliore  si 
l'on  accorde  l'instrument  sur  un  ton  plus  élevé. 
C'est  peut-être  un  violino  piccolo,  dont  l'ac- 
cord était  :  ut,  sol,  ré,  la. 

3"  M.  J.  313.  Alto  de  1757  (étiquette 
n°  3),  de  grandissime  patron.  " 

^  J'emprunte  les  descriptions  qui  vont  suivre  à 
M.  von  Bezold  qui  a  eu  l'obligeance  de  m'envoyer  de 
splendides  photographies  des  instruments  de  Musée  et 
de  son  propre  violon.  Il  est  très  regrettable  que  le 
défaut  de  place  ne  permette  pas  de  les  reproduire. 


CE  QUE  CAT{ySO 

TENSE  T>U  TIuiNOLA 


Caruso  jouant  du  Pianola  caricaturé  par  lui-même. 

ENRICO  CARUSO,  le  merveilleux  ténor,  est,  comme  toutes  les  célébrités 
musicales,  un  fervent  admirateur  du  PIANOLA.  "  /<  :■'<"■•  </'<///</;</»<■  /(■  l'i.uiol.i 
iWiriihr  nue  coiiiposilioii  dijfuih,         écrivait-il    naguère   à  la    Compagnie    ^olian,  — 

et  SCS  effets  sont  iiou  seiilenieiif  iiiiiSKtiiix  et  iii  lisluiins,  iiuiis  sinipleiiii  ni  slnf^efinnls.  Oniiuti  .'// 
sonjie  que  le  Pianola,  ninni  dn  Métrostyte,  pei\net  à  nu  novice  de  rendre  les  unances  cl  les 
finesses  de  l'intcrprctalion  d'un  chef-d'aiivrc  par  nu  i>rii)id  artiste,  le  Pianola  cesse  vraiment 
d'être  nn  insirnnicnt  mécanique.    Je  vous  souhaite  tout  le  succès  que  vous  méritez." 

I>(j  C:it;ilf),mic  illustre  "  C  "  scia  c'n\-ové  iVaiico  à  toute  jX'rsdnnc  qui  eu  Icia 
la  (k'uiaudc.    Le   Pianola  peut-être  euteudu  à   toute   iK'ure,   tlaus   les  salons  de 

THE  ALOLIAN  COMPANY  Ei.l. 

PIANOLdS  —  PIANOLA-riANOS  —  PIANOS  STF.CK  &   H'FEER 
A':oUAN-()Ki:HESTRF.LLES  —  GRANDES  ORGUES 


SALLE    /EOTJ.fN, 


lî'ENUK  DR  i:OPKR.L    P-IRIS. 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


317 


Longueur   totale   o"'70 

Longueur   de   la  caisse   o"'44 

Largeur  o"'2  2  —  o"'i44  —   o"'2  7 

Hauteur   des  éclisses,   o"'o6 

Le  travail  est  excellent  ;  le  vernis,  d'une 
teinte  plus  claire  que  d'ordinaire  chez  Wid- 
halm,  est  brun  jaunâtre,  de  moyenne  épais- 
seur et  très  transparent.  Cet  alto,  presque 
intact,  et  dont  l'état  primitif  a  été  scrupuleu- 
sement respecté,  montre  ce  qu'était  un  instru- 
ment neuf  au  sortir  des  mains  de  l'artiste.  Il 
porte  encore  le  cordier  original  ;  la  touche, 
plus  courte  qu'on  ne  les  fait  aujourd'hui,  est 
finement  découpée  en  accolade  à  sa  base  ;  le 
sillet  est  en  ivoire  et  les  chevilles,  ouvragées, 
sont  en  buis.  La  qualité  du  son  est  bonne, 
bien  qu'un  peu  sombre.  Que  l'on  ne  vienne 
pas  nous  dire,  après  cela,  qu'un  instrument 
doit  être  gratté  pendant  des  siècles  avant  d'être 
bon.  Comment,  alors,  justifier  la  réputation 
dont  a  joui  Widhalm,  de  son  vivant  même  ? 
Cette  légende,  née  de  l'impuissance  où  les 
luthiers  modernes  se  sont  trouvés  d'égaler  la 
belle  lutherie  ancienne,  a  heureusement  vécu. 

M.  von  Bezold  possède  un  violon  au  vernis 
brun  et  mince,  au  son  puissant,  et  M.  von 
Bezold  fils  un  excellent  violoncelle  très  sonore. 

Je  citerai  encore  l'alto  que  M.  Snœck  a 
légué  au  Musée  du  Conservatoire  de  Berlin, 
où  il  est  inscrit  sous  le  n"  575  du  catalogue 
(collection  Snœck).  ^  Cet  instrument,  daté  de 
1777  (étiquette  n°  3  en  caractères  romains), 
ne  mesure  que  3  9""  5  de  corps.  Il  porte,  gravé 
sur  le  dos,  le  nom  de  son  précédent  proprié- 
taire, Louis  Grégoir.  Les  voûtes  sont  d'une 
moyenne  élévation  ;  les  ouïes  un  peu  plus 
larges  que  le  modèle  adopté  d'ordinaire  par 
Widhalm.  Le  vernis,  brun  sombre  avec  reflets 
violets,  est  assez  épais  ;  à  certains  endroits,  la 
teinte  est  devenue  plus  claire,  par  suite  de  l'u- 
sure. La  qualité  de  son  est  bonne  et  ne  laisse 
rien   à    désirer.   Malgré  tout,   l'instrument  du 


I 


'  La  collection  Snœck  a  été  divisée  en  deux  parties: 
l'une,  comprenant  les  instruments  néerlandais,  à  été 
léguée  au  Conservatoire  de  Bruxelles  ;  l'autre,  la  plus 
importante,  au  Conservatoire  de  Berlin.  M.  Fleischer, 
Conservateur  du  Musée  de  Berlin,  a  bien  voulu  me 
communiquer  la  description  qui  suit. 


Musée  de  Nuremberg,  de  proportions  plus  lar- 
ges, me  semble  supérieur. 

Qualités  Acoustiques. 

Les  instruments  de  Widhalm  ne  sont  pas 
tous  d'un  égal  mérite  et,  indépendamment  de 
la  beauté  de  leur  facture,  il  s'en  trouve  de  très 
médiocres  et  d'excellents.  Les  premiers  sont 
toutefois  l'exception  et,  dans  le  nombre, 
quelques-uns  peuvent  être  l'œuvre  de  copistes 
plus  ou  moins  habiles,  car  Widhalm,  comme 
tous  les- artistes  réputés,  a  eu  des  contrefacteurs. 
Les  bons  instruments  ont  une  grande  richesse 
de  timbre,  un  son  puissant  très  en  dehors,  dont 
une  émission  facile  et  une  articulation  rapide 
accroissent  encore  la  pureté.  Dans  ses  violons, 
la  chanterelle  est  onctueuse  et  sonore  comme 
une  cloche,  la  quatrième  est  mâle  et  vibrante, 
et  l'égalité  de  cordes  est  parfaite.  Ce  sont  des 
ouvrages  d'une  haute  valeur  artistique,  dignes 
d'être  pris  en  considération,  et  qui  peuvent 
aisément  rivaliser  avec  bien  des  instruments 
portant  une  étiquette  italienne  ;  on  leur  accor- 
dera toute  l'attention  qu'ils  méritent  quand  les 
luthiers  allemands  seront  mieux  connus  en 
France.  Car,  il  faut  loyalement  le  reconnaître, 
il  y  a  eu,  au-delà  du  Rhin,  des  artistes  pénétrés 
de  leur  art,  indifférents  au  bénéfice  qu'ils  pour- 
raient retirer  de  leurs  travaux,  tandisque  l'école 
française,  à  part  de  trop  rares  exceptions,  n'a 
guère  produit  que  des  commerçants  fabriquant 
des  violons  à  la  douzaine,  sans  se  préoccuper 
de  leur  valeur  artistique.  Aussi  la  vogue  qui  a 
favorisé  quelques-uns  de  nos  luthiers  diminue- 
t-elle  considérablement  depuis  que  l'on  juge 
leurs  ouvrages  avec  plus  d'impartialité,  et  les 
étrangers,  qui  les  ont  achetés  autrefois,  ont 
profité  de  notre  engouement  pour  nous  les 
rendre,  et  n'en  veulent  plus  aujourd'hui  à 
aucun  prix.  Au  contraire,  nous  nous  trouvons, 
pour  acquérir  les  instruments  de  Léopold 
Widhalm,  en  concurrence  avec  ses  compatrio- 
tes qui  leur  donnent  une  place  d'honneur  dans 
leurs  Musées,  et  sont  tout  disposés  à  offrir  des 
prix  plus  élevés  que  nous,  pour  rentrer  en 
possession  des  instruments  de  cet  artiste  qu'ils 
considèrent  comme  une  gloire  nationale. 

r hle-sur-Serein  (Tonne).         Ch.  BoulÉE. 


3i8 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


Les    Instruments 

Vente  de  la  Collection  d'Anciens 

Instruments  de  Musique  ayant  appartenu 

A  M.  le  Baron  de  Lery. 

Les  14,  15  et  16  Juin  dernier  ont  vu  se 
disperser  sous  le  feu  des  enchères,  à  l'hôtel 
Drouot,  l'ancienne  collection  crinstrumcnts  de 
M.  le  Baron  de  Lery. 

Quoique  ce  genre  de  bibelots  jouisse  de  peu 
de  faveur  dans  le  monde  des  collectionneurs, 
quelques  objets  ont  atteint  des  prix  relativement 
élevés,  peut-être  plus  pour  certains,  par  le 
souvenir  historique  cpii  s'v  rattache,  que  [lar 
leur  mérite  artistique. 

Voici  la  nomenclature  des  iirincijiales  en- 
chères : 

Trompette  en  argent  par  Ad.  Sax  n"  13663 
une  des  six  faites  pour  l'escadron  des  ceiu 
gardes  de  Napoléon  III,  avec  la  flamme  en 
soie  brodée  sur  les  deux  faces  frs  4000. 

Un  lot  de  Tambours  historiques,  de  lOO  à 
300  frs  pièce,  sauf  un  Tambour  I>ouis  XIV, 
sur  le  fAt  ducpiel  un  épisode  de  la  guerre  des 
Flandres  est  assez  bien  peint,  cpii  a  atteint, 
frs  1850. 


Un  Tablier  de  Timbales  de  Cavalerie,  du 
premier  Empire  en  drap  \ert  avec  aigle  en 
relief  frs  1460. 

Deux  belles  guitares  italiennes  du  i  j'"*^  siècle 
incrustées  d'ivoire  et  d'ébène,  l'une  frs  505, 
l'autre,  frs  330. 

Un  Archiiuth  du  XVF'  siècle  à  côtes  creu- 
ses, en  cèdre,  triple  rosace  ajourée,  sculptée 
dans  la  table,  frs  880. 

Un  Archiiuth  du  XVP  siècle  à  côtes  unies, 
doubles  filets  i^■oire,  très-belle  rosace  sculptée 
et  ciselée  à  jour,  frs  910. 

Un  beau  luth  à  manche  renversé  de  Sé- 
bastian Schelle  à  Nuremberg  1726,  érable  et 
palissandre,  frs  755. 

Guitare-luth  Louis  XVI  de  Caron,  luthier 
de  la  Reine  à  Versailles  1784.  Pièce  rare  et 
très  pure,  frs  900. 

Deux  belles  violes  d'amour,  Tune  de  Tomasso 
Eherle  à  Naples  1774,  frs  800,  l'autre  de 
Socque t  à  Pa?vs,  frs  670. 

Une  Basse  de  \iole  de  'Pirter  Rotnbouts  à 
Amsterdam  1723,  pièce  superbe  n'a  fait  que 
420  frs,  tandis  qu'une  basse  de  Claude  Boivin 
à  Paris  1754  a  monté  jusqu'à  frs  1920. 

Un  Cla\ccin  Louis  XV,  à  double  clavier, 
décoré  de  paysages  et  amours  en  vernis  Mar- 
tin, table  d'harmonie  décorée  de  bouquets  de 
fleurs,  larges  bandes  rouges  et  dorées,  le  tout 
retouché  et  restauré  n'a  pas  dépassé  frs  4. 100. 

DEUXIÈME  CONCOURS   INTERN.A- 

TIONAL  DE. LUTHERIE  ANCIENNE 

ET  MODERNE  :  VIOLONCELLES. 

L'an  ilernier  nous  axons  eu,  à  propos  (.lu 
premier  Concours,  l'occasion  d'examiner  la 
valeur  lie  ce  genre  d'épreuves.  Nous  n'y 
reviendrons  pas,  et  rcinox 011s  nos  lecteurs  à 
l'article  si  documenté  de  notre  collaborateur 
L.  Cjreilsamer,  auqui'l  nous  ne  saurions  rien 
ajouter.  Le  résultat  du  Concours  de  Violon- 
celles, qui  \ient  d'avoir  lieu,  salle  îles  agricul- 
teurs,  a   donné   le  résultat    li'   plus  cocasse  du 

niondr. 

Si.\  iiiNînmu'iUs  anciens  :  Stradi\  arius, 
Gagliano,  Tcchler,  C;ipp;i,  Piesseiula  et  (juar- 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


319 


nerius  (Lequel  ?)  devaient  lutter  contre  six 
instruments  modernes. 

Voici  dans  quel  ordre  les  douze  champions 
furent  classés  :  i  Moderne  465  points  2  Stra- 
divarius 288  points,  3  moderne,  270  points, 
4  moderne  231  points,  5  moderne  227  points 
6  Cappa  191  points.  7  moderne,  119  points, 
Pressenda  103  points,  Techler  93  points, 
Guarnerius  50  points. 

Le  total  des  points  en  faveur  des  modernes 
serait  donc  de  1484  contre  883  pour  les 
anciens.  Pauvres  anciens  ! 


Questions 


Sociales 


LES  PREJUGES  DE  L'EDUCATION 
MUSICALE 

Nous  avons  longtemps  hésité  à  écrire  cet 
article.  Beaucoup  de  professeurs,  à  qui  nous 
avions  communiqué  quelques-unes  de  nos 
idées,  nous  en  détournaient  énergiquement. 
—  "  Comment,  nous  disaient-ils,  conciliez- 
vous  le  souci  de  nos  intérêts,  que  vous  préten- 
dez défendre,  avec  l'entreprise  d'une  campagne 
qui  réduira  certainement  le  nombre  de  nos 
élèves.  De  ceux-ci,  il  y  en  a  beaucoup  de 
médiocres,  c'est  indéniable,  mais  est-ce  utile 
d'ouvrir  les  yeux  des  familles  ?. . .  Si  insuffisante 
que  soient  ces  élèves,  ils  comptent  dans  notre 
clientèle  ;  ne  les  découragez  pas  ;  laissez  donc 
aller  les  choses  ". 

Infortunés  petits  professeurs  à  la  poursuite 
d'élèves  qui,  tel  l'insaisissable  Dewet,  se 
dérobent   à   toutes   recherches  ;    leurs    raisons 


me  touchaient.  Sans  m'illusionner  sur  la 
portée  de  ces  modestes  articles,  je  songeais  que 
cependant  ils  pouvaient  influer  sur  certains 
esprits,  ébranler  les  solides  préjugés  de  l'édu- 
cation musicale,  détourner  quelques  familles  de 
l'appel  aux  professeurs.  Singulière  idée  pour 
un  écrivain  qui  essaie  de  soutenir  leur  cause. 
—  Eh  !  bien,  j'avais  tort  ;  il  ne  faut  jamais 
"  laisser  aller  les  choses  "  ;  laisser  croire  qu'une 
erreur,  —  fût-elle  profitable  à  quelques-uns  — 
peut  être  inoffensive.  L'erreur  est  toujours 
funeste,  nuisible,  affaiblissante,  destructive  ; 
il  la  faut  dénoncer  sans  lassitude  et  combattre 
.  par  tous  moyens.  Allons  plus  haut,  dépassons 
le  point  de  vue  des  matériels  intérêts  et  des 
exigences  respectables,  mais  limitées,  du  corps 
musical  enseignant,  nous  verrons  clairement 
notre  meilleur  devoir.  Avec  les  véritables 
artistes,  et  nous  unissant  à  eux,  en  pensée, 
nous  méditerons  l'admirable  et  profonde  parole 
de  Camille  Mauclair  :  "  La  musique  n'est  pas 
la  propriété  des  compositeurs",  et,  l'appliquant 
à  un  cas  déterminé,  nous  dirons  :  "  La  musi- 
que n'est  pas  la  propriété  des  professeurs  ", 
en  ajoutant  :  l'âme  de  nos  enfants  n'est  pas 
non  plus  leur  propriété  ;  ils  n'ont  pas  le  droit 
de  desservir  l'art  en  abîmant  les  âmes.  Sus 
donc  à  tous  les  préjugés  et,  nous  musiciens, 
luttons  contre  les  préjugés  de  l'éducation 
musicale. 

L'un  d'eux,  le  plus  néfaste,  consiste  à  im- 
poser à  des  enfants,  même  mal  cloues^  l'étude 
longue,  pénible  et  inutile  de  la  musique,  ou, 
pour  parler  exactement,  d'un  instrument  de 
musique,  ce  qui  n'est  pas  la  même  chose. 
Pendant  des  années,  certaines  familles,  de 
plus  en  plus  nombreuses,  à  Paris,  et  en 
province,  perdent  ainsi  leur  peine,  leur  argent, 
et,  chose  plus  grave,  font  perdre  à  leur  enfant 
un  temps  qui  serait  beaucoup  plus  utilement 
employé  au  développement  de  ses  véritables 
aptitudes.  ^    On    suscite    ainsi,    chez    certains 

'  Eclaircissons  tout  de  suite  une  apparente  contra- 
diction entre  le  nombre  croissant  des  élèves  et  les 
doléances  des  professeurs  dépourvus  d'élèves.  Il  faut 
entendre  que  les  dits  professeurs  se  sont  multipliés 
dans  les  proportions  qui  dépassent  de  beaucoup  les 
besoins  de  la  clientèle,  bien  que  celle-ci  s'accroisse 
chaque  jour. 


320 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


sujets,  de  fausses  vocations  ;  on  détermine  chez 
d'autres  le  dégoût  de  l'art  véritable  ;  on  exalte 
chez  presque  tous  un  amour-propre  exagéré  ; 
l'habitude  de  l'exhibition  et  l'amour  du  solo. 
On  obtient,  grâce  à  ce  système,  des  virtuoses, 
sous-virtuoses,  et  pseudo-virtuoses  de  1 5'"*^ 
catégorie  qui,  sans  dispositions  musicales  avé- 
rées, s'acharnent  pendant  des  semaines,  voire 
des  mois,  à  l'infructueuse  étude  de  quelques 
morceaux  de  bravoure.  Leurs  familles  les 
entendent  inlassablement  avec  un  ennui  ré- 
signé, leurs  voisins  avec  un  ennui  exaspéré,  et 
leurs  auditeurs,  les  jours  d'exécution  (!!)  avec 
un  ennui  sombre,  aggravé  par  la  recherche 
des  formules  de  politesse  qu'ils  sont  obligés  de 
découvrir  pour  louer  d'aussi  médiocres  exécu- 
tants. 

Les  causes  d'une  telle  aberration  :...  Elles 
sont  multiples.  Certaines  gens  agissent  par 
intérêt.  Grisés  par  les  succès  et  les  gains  de 
grands  et  incontestables  virtuoses,  dont  la 
presse  musicale  célèbre  les  exploits...  et  les 
profits,  ils  engagent  leurs  enfants  dans  "  la 
carrière  d'artiste  "  pensant  que  le  "  métier  " 
en  vaut  la  peine.  DEGOURAGEONS-LES. 
Que  la  presse  musicale  et  la  presse  quotidienne 
nous  y  aide  ;  c'est  un  devoir  social.  Le  métier 
EST  PERDU.  Avis  aux  gens  pratiqués  et  aux 
arrivistes  pressés.  Les  musiciens  sont  trop  ;  on 
n'en  veut  plus,  et  il  sera  désormais  inutile, 
pendant  de  longues  années,  de  condamner  au 
piano  forcé  d'infortunés  petits  êtres  qui  auront 
plus  tard  tout  le  loisir  d'en  mourir  de  faim. 

D'autres  familles  agissent  par  \anité,  avec, 
en-dessous,  le  désir  de  satisfaire  à  cette  égalité 
inscrite  sur  nos  monuments.  Pourquoi  les 
"  gens  du  fond  de  la  cour  ",  comme  ilit  drôle- 
ment Sudermann,  ne  feraient-ils  pns  comme 
ceux  de  la  façade  r  et  la  |U'tite  demoiselle  du 
quatrième,  comme  celle  du  premier  r  et  la 
fille  du  pâtissier  comme  celle  du  notaire  r 
"  Et  moi  aussi,  j'apprends  le  piano  !  "  —  On 
peut  encore  découvrir  là  une  part  de  ce 
mimétisme  social  analogue  à  celui  qiu  fait  que 
nous  voulons  tous  porter  l'habit  de  la  inênu' 
couleur  que  le  voisin,  et  que  des  fenunes, 
dont  beaucoup  ne  sont  pas  absolument  stupides, 
adoptent  les  modes  Ii's  plus   laides    et    U-s    plus 


extravagantes.  Ah  !  si  nous  apportions  un  peu 
de  sincérité  dans  notre  vie,  notre  manière 
d'être,  notre  pensée  surtout. . .  Mais  ces  con- 
sidérations sociales  nous  entraîneraient  trop 
loin.  Arrivons  au  movens  d'améliorer  une 
situation  musicale  regrettable  pour  les  élèves 
et  pour  la  musique. 

Quelle  est  la  condition  première  pour  entre- 
prendre l'éducation  musicale  d'un  enfant? 
N'hésitons  pas  à  répondre  :  des  dispositions 
nature/les,  CRÉATRICES,  manifestées  dès  Venfarice. 
L'histoire  musicale  nous  apprend  que  les 
Havdn,  les  Beethoven,  les  Mozart,  les  Gounod 
découvrent,  dès  leur  jeune  âge,  leurs  mer- 
veilleuses aptitudes.  Sans  prétendre  égaler  de 
si  illustres  modèles,  on  peut  dire  que  l'enfant 
qui  ne  cherche  pas,  à  cféer^  en  musique,  ne 
sera  jamais  un  \  éritable  artiste  ;  il  peut  de\  enir 
un  bon  amateur,  et  même,  en  travaillant  la 
technique  a\  ec  ardeur,  un  premier  prix  de 
Conservatoire,  en  réalité,  la  Musique  ne  lui 
devra  rien.  Il  est  bon  pour  la  garde  du  temple, 
le  service  de  l'avitel  lui  demeure  interdit. 

Nous  n'a\ons  pas  ici  à  nous  occuper  de  ces 
quelques  élus,  créateurs  de  génie,  ?nissi  domitiici^ 
trop  rares,  dont  les  œu\res  immortelles 
éclairent  notre  \ie  de  joies  consolatrices. 
Laissons-les  à  leurs  brillantes  destinées. 

Aux  antipodes  de  ceux-ci,  les  non-doués, 
les  parias  de  l'art,  les  incompréhensifs,  irré- 
médiablement. En  musique  (le  croirait-on)  ils 
sont  relati\ement  en  petit  nombre  et  sont 
caractérisés  par  une  oreille  radicalement  fausse. 
Abandonnons-les  à  leui  infortune  et  occupons- 
nous  de  la  grande  masse  îles  autres,  c'est-à-dire 
de  la  moyenne. 

Restent  ilonc  (.levant  nous  les  enfants  qui, 
sans  dispositions  naturelles  (créatrices)  bien 
constatées  sont  cepenilant  susceptibles  d'une 
certaine  éducation  musicale.  Nous  distingue- 
rons ceux  auxcjuels  une  certaine  aisance  per- 
met, sans  (loinmage,  l'étude  coûteuse  ti'un 
instrument  de  musiipie  et  ceux  "  ilu  tonil  de 
la  cour"  {]ui  feront  raisonnablement  mieux  de 
s'alistenii'.  i-es  piiiuieis  iloi\ent  se  ilni'  c|ue 
poui'  ilt\ei)ii'  hon  nuisicien  (Hùtiste,  \ioloniste, 
orL;anislc,  [iianiste)  il  faut  consacrer  à  l'instru- 
nicnt  choisi,  au  moins  dix  ans  irétudes  sui\ies 


\ 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


321 


et  persévérantes.  C'est  l'avis  d'un  éminent 
pédagogue  M.  Lavignac.  Pendant  ce  temps  il 
faut,  au  minimum,  2  heures  d'études  par  jour, 
ce  qui  représente  un  total  de  7.300  heures 
qu'on  peut  augmenter,  au  moins,  d'une  heure 
de  leçon  par  semaine,  ce  qui  donne  7.820 
heures.  Voilà  pour  le  temps.  Quant  à  l'ar- 
gent !...  C'est  encore  un  préjugé  de  l'éduca- 
tion musicale  de  croire  qu'on  peut  donner  au 
débutant  des  instruments  détestables  et  des 
professeurs  médiocres,  arguant  que  :  "  c'est 
•assez  bon  pour  lui  ".  Voyez-vous  une  mère 
nourrissant  son  petit  enfant  de  pain  gâté, 
sous  prétexte  qu'on  lui  donnera  plus  tard, 
quand  il  sera  grand,  du  petit  pain  de  gruau  ! 
Drôle  d'idée  d'empoisonner  l'oreille  avec  les 
affreuses  sonorités  d'un  piano  ou  d'un  violon 
au  rabais,  ou  encore  de  laisser  abîmer  la  main 
d'iui  jeune  élève  par  un  maître  ignare  et 
maladroit.  Préjugés  !  préjugés  !■  !  Calculez  donc 
ici  la  dépense  avant  de  vous  engager  dans  les 
frais  d'une  bonne  éducation  'musicale.  Enfin,  ' 
avant  de  l'entreprendre,  faites  examiner  le 
"  sujet  "  par  un  maître  consciencieux,  et  s'il 
ne  découvre  à  votre  fils,  ou  votre  fille,  aucune 
aptitude  sérieuse,  pas  même  de  quoi  faire  un 
bon  amateur,  n'hésitez  pas  a  abandonner 
l'étude  d'un  instrument  ;  il  restera  encore  à 
votre  enfant  quelque  chose  à  faire,  nous  le 
verrons  tout  à  l'heure.  Si  l'élève  est  bien  doué, 
l'avis  du  maître  favorable,  vos  ressources 
suffisantes  et  votre  instrument  choisi,  nous 
dirons  encore  :  qu'aucune  idée  de  lucre  vous 
guide  ;  faire  de  la  musique  n'est  pas  un  métier. 
Etre  boulanger,  menuisier,  laboureur,  employé 
d'administration,  c'est  fort  honorable  quand 
on  est  un  honnête  homme,  et  c'est  un  "métier" 
ou,  si  l'on  veut,  une  profession.  Etre  musicien, 
c'est,  par  définition,  être  artiste  c'est-à-dire 
vouer  toute  son  âme  à  un  art  choisi,  l'aimer, 
le  servir  inlassablement  et  de  toutes  ses  forces. 
On  ne  fait  pas  cela  pour  de  l'argent,  c'est 
inévaluable. 

Mais,  dira-t-on,  les  enfants  auxquels  leur 
famille  ne  peut,  par  manque  de  fortune,  faire 
donner  l'éducation  musicale,  et  qui  cependant 
aiment  la  musique,  que  leur  reste-t-il  i*  Nous 
avons  promis  de  nous  en  occuper.  Il  leur  reste 


un  ad'mirahlc,  un  splendide,  un  superbe  in- 
strument, qui  vaut  tous  les  pianos  et  les  violons 
du  monde  ;  qu'ils  portent  avec  eux  ;  qui  ne 
leur  coûte  rien  et  ne  demande  qu'à  être 
exercé.  Ih  ont  tous  une  voix.  Pour  l'amour  de 
la  Musique,  qu'ils  s'en  souviennent  donc.  La 
voix,  c'est  le  charme,  le  délice,  la  pure  joie 
musicale,  utilisez-la.  Sauf  la  très  petite  mi- 
norité de  ceux  qui  ont  l'oreille  fausse,  les 
autres,  ayant  une  voix  parlée.,  ont  une  voix 
chantée^  et  la  voix  chantée  c'est  de  la  musique. 
Je  ne  dis  pas  :  faites  tous  du  chant,  au  sens, 
où  l'entendent  les  professeurs  de  vocalises, 
mais  :  faites  tous  du  solfège.,  excellente  prépara- 
tion à  la  musique  chorale.  Et  ne  me  faites 
pas  dire  non  plus  que  je  conseille  les  solfèges 
horriformes  préconisés  par  les  Conservatoires  ; 
lecture  en  7  clefs,  traquenards  et  pièges  à 
voix  ;  non,  il  faut  adopter  le  bon,  le  mélodique 
solfège.  Les  professeurs  de  musique  ont  là  un 
beau  rôle  à  jouer,  qu'ils  le  prennent  ;  qu'ils 
répandent  partout,  dans  les  grandes  villes  et 
les  tout  petits  villages,  le  goût  du  solfège, 
qu'ils  en  multiplient  les  leçons  ;  elles  abouti- 
ront forcément,  et  par  un  naturel  enchaîne- 
ment de  cause  à  effet,  à  l'admirable  musique 
chorale,  dont  nous  nous  réservons  d'indiquer 
le  rôle  social,  indépendant  de  la  beauté  essen- 
tielle. Le  solfège  n'est  pas  ennuyeux  —  encore 
un  préjugé  —  il  a  le  tort  de  ne  pas  fournir 
aux  familles,  dans  la  personne  de  l'enfant,  une 
distraction  suffisante,  mais  l'égoïsme  des 
familles  et  leur  désir  de  s'amuser  avec  et  par 
l'enfant  n'a  rien  à  voir  ici.  Le  solfège  n'est 
détestable  qvie  lorsqu'un  professeur  ignare  le 
rend  tel.  Qu'on  pique,  stimule  l'esprit  des 
élèves  ;  qu'on  essaie  promptement  du  solfège 
à  deux  et  même  trois  voix.  Les  résultats  seront 
surprenants.  La  voix  charme,  enchante,  sen- 
sibilise l'âme  de  l'enfant.  Où  le  son  sec  et 
froid  du  piano,  criard  du  violon,  n'aura  rien 
suscité,  la  voix  touchera  et  éveillera  douce- 
ment, dans  son  âme  puérile,  les  premières, 
profondes,  pures  joies  musicales,  promesses, 
pour  notre  art,  d'un  meilleur  avenir. 

M.  Daubresse. 


322 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


L'Edition         i=î 
Musicale 


')  Durand.  —  -)  Hamelle.  - 
—  *)  Bouwens  van  der  Boijen. 
Berlin. 


^)  Edition   mutuelle. 
")  Liepmannsolin,  à 


N'allez  pas  conclure,  devant  la  longueur 
inusitée  de  ce  compte-rendu  à  une  vive  recru- 
descence de  l'inspiration  musicale.  Quantité  et 
qualité  sont  deux  choses  différentes;  et  avouons- 
le,  il  faut  feuilleter  bien  des  pages  insignifiantes, 
avant  d'en  trouver  une  qui  vaille  la  peine 
d'être  approfondie. 

PIANO  SEUL.  —  La  musique  de  piano, 
en  particulier,  ne  nous  offre,  ce  mois-ci,  rien 
que  de  très  ordinaire  :  des  Arabesques  '  de 
A4.  Delafosse^  cinq  petites  pièces  où  l'idée  mu- 
sicale est  courte  ;  puis,  du  même  auteur,  un 
Prélude  '  et  une  Etude  de  Concert  \  deux 
avalanches  ininterrompues  de  doubles  notes  ; 
voilà  bien  des  notes  doublement  inutiles. 
M.  Maurici'  Pessi\  avec  la  Source  qui  chante  * 
s'adresse  évidemment  aux  pianistes  qui  désirent 
briller  à  peu  de  frais.  La  Chanson  du  Ruis- 
seau ^,  de  M.  JVidor^  est  au  contraire  d'une 
exécution  vétilleuse  ;  de  même  sa  Kermesse 
Caru^lonnante  ^.  Dans  un  genre  plus  quin- 
tessencié,  voilà  une  Berceuse  ^  de  M.  de 
Castêra  et  deux  morceaux  de  Pdul  Le  Flem  : 
Par  Landes  et  Clair  de  lune  sous  bois  ■', 
celui-ci  pour  harpe  chromatique  ;  sonorités  très 
enveloppées,  grands  effets  de  pédale,  enchaîne- 
ments bien  modernes,  un  peu  décousus  parfois. 
L'interminable  Sonate  de  M.  J.  SzuU  n'est 
pas  absolument  distinguée  ;  on  im-  iiardomu-ra 


e  ne  pas  énumérer  le  reste  des  qualités  qui  lui 
ont  défaut  :  i  est  temps  de  retrou\er  un  peu 
de  grande  et  saine  musique,  avec  la  Jeunesse 
d'Hercule',  de  St.  Soëns^  réduite  par  M.  Stauh. 
Claire,  aisée  et  très  pianistique,  la  réduction 
donne  cependant  parfaitement  l'impression  de 
l'orchestre. 

CHANT.  —  Les  voix  ca\erneuses  pour- 
ront chanter  le  Chasseur  Noir,  de  M .  La- 
parra^  ballade  d'un  effet  un  peu  gros  et  d'un 
romantisme  halluciné.  Les  voix  moyennes 
diront  la  Prière  a  Madame  la  Vierge  -,  de 
Paul  Lacombe^  oeuvre  d'une  déclamation  juste; 
et  le  Grand  Sommeil  Noir,  de  M.  Laparra  -, 
qui  décidément  se  voue  au  genre  ténébreux. 

Pour  les  voi.x  étendues,  Green  -,  de  Lydie 
M'tchaïloff^  morceau  qui  tout  en  étant  d'un 
très  joli  sentiment,  ne  nous  fera  pas  oublier 
celui  de  Fauré  sur  les  mêmes  paroles.  Puis,  le 
Doux  d'Appel  -,  deÂ/.  IVidor, dont  le  lyrisme 
exalté  évoquera  le  souvenir  de  Gounod.  (Ac- 
compagnement de  \  iolon  ou  violoiicelle  obligé). 

Les  voix  angéliques  auront  deux  œu\  res  de 
Nadia  Boulanger  :  une  Prière"-  dont  les  paroles, 
malheureusement  sont  peu  intelligibles  ;  et  un 
Cantique  -,  charmant  de  simplicité  et  de 
candeur.  La  ligne  mélodique  y  est  ample, 
aisée  et  d'un  contour  parfait  ;  les  accompagne- 
ments, dans  leur  simplicité  presque  rudimen- 
taire,  ne  manquent  ni  de  richesse,  ni  de 
coloris  :  constatons-le  une  fois  de  plus  :  il  ne 
faut  pas  beaucoup  de  notes  pour  exprimer 
beaucoup  de  choses  en  musique. 

PIANO  4  MAINS.  —  Nous  redirons  cela 
à  propos  de  la  petite  sm'te  de  M .  Ravel  Ma 
MÈRE  l'Ove  \  cinq  pièces  qui  pourront  être 
jouées  par  toutes  les  petites  mains.  Rien  n'est 
plus  amusant  que  de  voir  réaliser,  dans  une 
écriture  claire,  et  avec  des  moyens  aussi  res- 
treints, lies  effets  aussi  intensément  modernes. 

XI.  Florent  Sihrritty  qui  ne  dédaigne  pas 
non  plus  d'amuser  la  jeunesse  fera  rire  tout  le 
monde  avec  ses  Musiques  foraines  *.  Sa  valse 
(iuMle,  où  des  ilu\:ui\  de  bois  planent  éper- 
dueiuiut,  parmi  un  brun  di'  poulies  grinçantes 
et  au  son  d'un  orgue  c|ui  iK'rhiipiète  inlassable- 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


323 


ment  la  même  petite  phrase,  est   pleine   d'hu- 
mour. 

Remarquons,  en  passant,  que  l'Orgue  de 
Barbarie  se  porte  beaucoup  cette  année  dans  la 
musique.  Pour  la  jeunesse,  aussi,  le  Prélude 
de  M.  de  Lartnanjat  et  sa  Romance  Suran- 
née ■^.  Les  morceaux  de  ce  genre  me  font  in- 
vinciblement penser  aux  boîtes  de  couleur  sans 
danger  que  l'on  donne  aux  enfants,  pour  leur 
enlever  avec  toute  possibilité  d'empoisonne- 
ment, toute  chance  de  peindre. 

2  PIANOS.  —  IbÉria\  de  Debussy^  pu- 
bliée pour  deux  pianos,  ne  devient  pas  beau- 
coup plus  facile  qu'à  quatre  mains.  L'introduc- 
tion du  3*^  Acte  d'ARiANE  et  Barbe  Bleue  ^ 
paraît  après  cela  d'une  lecture  facile  ;  c'est  tout 
dire.  Citons  encore  une  assez  amusante  Toc- 
cata de  M.  Paul  Fournier. 

MUSIQUE  INSTRUMENTALE.— La 
musique  instrumentale  est  mieux  représentée, 
ce  mois-ci  que  la  musique  de  piano  :  le  i'" 
volume  de  1' Anthologie  zur  illustration 
DER  Musikgeschichte  ^,  de  Hugo  Riemann^ 
renferme  trois  délicieux  trios  de  Pero;olèse  : 
certain  Andante,  de  toute  beauté,  méritait  bien 
d'être  remis  au  rang  des  chefs-d'œuvres  clas- 
siques ;  d'autres  pages  toutes  d'enjouement  et 
de  gaieté,  font  penser  aux  meilleures  de  Mo- 
zart. 

M.  Marcel  Samuel  Rousseau  extrait  de  son 
Noël  Berrichon  ^,  un  adagietto  pour  violon 
ou  violoncelle,  les  Promis,  M.  Florent  Schmitt 
nous  donne  deux  petites  pièces  tout  en  demi 
teintes,  très  simples,  très  chantantes.  Guitare 
et  Chanson  a  bercer  ^  serait-il  las  des  effets 
tonitruanes  où  il  s'est  complu  si  longtemps  ? 
M.  Destenay  publie  un  fort  beau  Trio  ^,  qui 
gagnerait  peut-être  à  être  élagué  de  quelques 
longueurs,  dans  la  finale  surtout.  La  i'*'  Rhap- 
sodie pour  clarinette  en  si  bémol,  de  Debussy  ^ 


est  un  régal, de  sonorités  exquises  :  quand  l'en- 
tendrons-nous  ?  Et  le  Duo  pour  violon  et 
violoncelle,  la  Muse  et  le  Poète  \  d'inspi- 
ration toute  classique,  de  forme  aisée,  porte 
bien  la  griffe  du  maître  St.  Saëns. 

PARTITIONS.  -  Beaucoup  d'éditeurs, 
jusqu'ici  conservaient  jalousement  leurs  parti- 
tions d'orchestre,  comme  autant  de  trésors  à 
préserver  du  public  et  des  copistes.  M.  Durand, 
au  contraire,  vient  de  publier  l'ouverture  de 
PoLYEUCTE,  de  Dukas^  IbÉria  et  les  Rondes 
DE  Printemps,  de  Debussy^  en  petites  volumes 
in- 12",  commodes  et  légers,  qui  pourront  se 
glisser  dans  toutes  les  poches.  Félicitons-le  de 
rompre  avec  une  tradition  qui  ne  fait  pas 
toujours  grand  honneur  à  l'édition  française. 

AucASSiN  ET  NicoLETTE  ^  connus  jusqu'ici 
de  quelques  initiés,  ont  fait  leur  entrée  dans  le' 
monde  sous  la  couverture  verte  de  l'Edition 
iTiutuelle.  Nous  eussions  souhaité  les  j  retrou- 
ver en  compagnie  des  silhouettes  de  M.  Dori- 
val.  La  musique  de  M.  Le  Flern  y  eut  gagné 
encore.  Rappelons-nous  certains  albums  de 
Fragerolle,  le  créateur  du  théâtre  d'ombres  en 
musique.  A  la  lecture  comme  à  l'audition,  nous 
avons  goûté  surtout  le  prologue,  aves-ses  grands 
accords  âpres  et  frustes,  balayés  par  un  souffle 
de  mistral,  la  complainte  d'Aucassin,  l'Ouver- 
ture de  l'épisode  des  bergers,  et  l'exquise 
phrase  du  récitant  à  la  fin  du  1^  Acte.  La 
déclamation,  très  juste,  sans  mots  ni  notes 
superflues,  rappelle  certaines  œuvres  de  De- 
bussy, la  Damoiselle  Elue  en  particulier.  Mais, 
ici,  le  mysticisme  n'est  plus  de  mise,  les  per- 
sonnages, très  humains,  parlent  encore  notre 
langue  ;  ils  la  parlent  même  avec  entrain  et 
verdeur.  Je  suis  heureux  de  conclure  sur  cette 
œuvre  originale  et  savoureuse,  qui  marque, 
évidemment  une  étape  intéressante  dans  l'his- 
toire de  la  musique  française. 

V.  P. 


Le  Gérant  :  Marcel  Fredet. 


Impr.  par  The  St.  Catherine  Press  Ltd.  Bruges,  Belgique. 


BERLIOZ 


PAR 


ADOLPHE  BOSCHOT 

la    plus    vaste    biographie    qui   ait 
à  paru   en    France. 


.r(^^t><M&^^-^-. 


Couronnée  par  l'Institut 


Nombreux    documents    inédits, 
table  chronologique  et  analytique. 
Vie  de  l'artiste  ;   son  œuvre  ;  son 
époque.    Portraits. 

I.   La  Jeunesse  d'un   Romantique 

4*-'  édition   —    540  pages  —  4   tr. 

II.  Un  Romantique  sous  Louis-Philippe 

3'"  édition  —   670  pages  —   5   tr. 


Paris  —  LiHRAiRiK  PLON,  8,  rue  Garancière  —  Paris. 


L'ACTUALITÉ 


USICALE 


ANNEXE  DE  LA  REVUE  MUSICALE  S.I.M. 
PUBLIÉE  PAR  LA  SECTION  DE  PARIS  DE  LA 
SOCIÉTÉ  INTERNATIONALE  DE  MUSIQUE 


15  SEPTEMBRE  1910 


FRANCE  ET  BELGIQUE 
numéro  :  0.40  -  Un  an:  4.00 


UNION      POSTALE 
Le  numéro:  0.60  -  Un  an:  6.00 


L'JCTUALITÉ  MUSICALE 


REDACTION   : 


PARIS:    22,    RUE    ST.    AUGUSTIN 
BELGIQUE:  RENÉ  LYR  A  BOITSFORT,  BRUXELLES 


ADMINISTRATION  : 


LIBRAIRIE    CH.    DELAGRAVE,    15,    rue    Soufflot,    PARIS. 


Numéro  spécial  à  l'occasion  des  fêtes 
de  Musique  française  à  Munich. 


SOMMAIRE 


LA    PETITI',    MUSIQUE    FRANÇAISE,  p;ir    W    loKiu'-DrvM. 
ILLUSTRATIONS    ni:    Bus. 


La  Petite  Musique  Française 


LA    MUSIQUE 


Il  est  d'inoubliables  souvenirs  d'enfance  gardés  intacts  jusqu'au  dernier  déménagement, 
quand  le  grand  Propriétaire  donne  d'une  main  congé  pour  le  Provisoire  et  de  l'autre  bail 
pour  l'Eternité. 

Dans  cet  autrefois  de  choses  et  de  gens,  je  vois  une  jeune  femme  coquette,  étourdie, 
sentimentale,  joyeuse,  légère  et  blonde.  D'un  blond  !...  à  faire  croire  qu'elle  avait  un  abon- 
nement de  teinture  avec  le  soleil  du  plein  midi.  Je  ne  me  la  rappelle  pas  seulement  parce 
qu'elle  était  intensément  blonde,  vive,  et  qu'elle  passait  avec  une  égale  facilité  du  gros  chagrin 
à  la  joie  la  plus  exubérante,  avec  dans  ces  différents  états  d'âme  une  frénésie  de  jeux,  d'em- 
brassades, de  larmes  et  de  rires.  Je  me  la  rappelle  encore  et  surtout  parce  qu'elle  avait  la 
folie  du  chant. 

La  Manola^  le  Temps  des  Cerises^  le  Joli  Rêve^  les  Pompiers  de  Nanterre  !  Des  fadaises 
sentimentales,  guerrières  ou  polissonnes.  Des  refrains  de  gugusse.  Souvent  des  riens,  mais 
lancés  avec  quel  entrain  et  quelle  voix  ! 

Echevelée,  changeante,  cascadeuse  et  fraîche  comme  sa  personne,  cette  voix,  beauté  du 
diable  et  diablesse  de  beauté,  était  aussi  charmante  à  entendre  que  ses  dents  éblouissantes 
l'étaient  à  voir  dans  leur  rire  chronique. 

A  la  ville,  comme  à  la  campagne,  à  table,  en  voiture,  en  bateau,  dans  un  salon  comme 
dans  un  jardin,  que  la  Société  fût  grave  ou  légère,  le  temps  vilain  ou  beau,  elle  trouvait 
toujours  moyen,  vraie  linotte  en  délire,  de  lancer  quelque  romance  ou  tout  au  moins  quelque 
trille  ou  vocalise. 

Sans  doute  quand  elle  chantait,  le  nez  en  l'air,  agitant  son  chignon  rayonnant  et  parce 
que  trop  lourd  toujours  prêt  à  se  dérouler  comme  un  serpent  doré,  il  y  avait  souvent  là 
quelqu'un  pour  lui  dire  : 

—  Vous  devriez  travailler  votre  voix,  chanter  autre  chose. . . 

Ce  quelqu'un  savant,  autoritaire  et  borné,  qui  ne  sait  pas  distinguer  les  Races  et  au  lieu 
de  les  laisser  avec  leurs  dons  et  leurs  tares  inséparables,  les  tourmente,  les  déforme  quand  il  ne 
les  anéantit  pas. 

Fort  heureusement  la  linotte  ne  s'est  pas  occupée  de  travailler  sa  voix  pour  lui  faire 
prendre  du  service  dans  les  grands  airs  d'Opéra  !  mais  a  continué  longtemps  tant  qu'elle  a  pu 
à  se  griser  d'airs  langoureux,  abracadabrants  jusqu'à  ce  que  devenue  vieille  et  privée  de 
voix,  elle  n'a  plus  gardé,  avec  ses  cheveux  teints  à  en  être  verts  que  la  fureur  des  baisers 
désormais  réservés  aux  petits  enfants  qui  n'en  sont  pas  plus  fiers  pour  ça. 

Arrivée  du  Passé  en  vitesse  et  précision,  cette  jeune  femme  autrefois  si  fringante,  un 
peu  truste,  et  même  un  rien  canaille,  n'est-elle  pas  ici  bien  à  sa  place  pour  servir  de  frontispice 
à  cette  Petite  Musique  Française  ? 

Cette  Petite  Musique  Française,  observée  dans   son   ensemble,  n'est-elle   pas   la   belle  fille 


328  L'ACTUALITE    M  U  S  1  C  A  L  E 

populaire  qui  chante  au   petit   bonheur,  les  sentiments  ni  trop  délicats  ni  trop  protonds   ni  trop 
artistes,  qui  lui  passent  par  la  tête  et  par  le  coeur  : 


* 


Pour  n'être  pas  ce  grand  Art  musical  qui  au  seizième  siècle  prit  son  véritable  essor,  la 
Petite  Musique  n'en  a  pas  moins  toujours  occupé  une  très  forte  place,  on  peut  même  dire  une 
place  forte  dont  nous  ne  croyons  pas  utile  d'évoquer  l'histoire  bien  connue. 


LE    REPERTOIRE 

Aujourd'hui  nourrie  d'autres  sentimentalisme  et  gaillardise,  la  Chanson  a  ses  deux 
quartiers  :  Faubourg  S^  Germain^  Faubourg  S^  Jfitoine. 

Faubourg  S^  Germain^  avec  la  Valse  Chantée  exclusi\  ement  réservée  à   l'usage  des  Salons. 
Faubourg  S'  Antoine^  bien  plus  vivant,  bien  plus  populaire  et  plein  de  \ariétés  a\ec  : 
La  Chanson  tendre^  où  selon  l'auteur  sont  recommandées  : 
Sagesse  : 

"  Garde  ton  cœur  Madeleine^  " 
ou  Folie  : 

"  F  ni açons-nous  follement. 

La  chanson  gaie  riche  en  historiettes, 
citadine  : 

"  Quand  on  a  bien  travaillé  pendant  six  jours  entiers 
ou  champêtre  : 

"  Au  bord  de  Peau^  Anastasie  viens-y  ! 

La  chanson  militaire,  dont  le  genre  commence  à  se  dépersonnaliser  pour  tourner  à  la 
chan^lon  2;aie  récitée  par  un  militaire  en  bonne  tenue  —  ou  à  la  chanson  excentrique,  inter- 
prétée par  un  énergumène  qui  fait  moins  songer  à  un  tourlourou  qu'à  un  échappé  de 
Chareiiton. 

La  Chanson  excentrique,  Clownerie  musicale  de  caté-concert.  Traitant  du  nioven  de 
déménager  son  propriétaire  : 

"  'Je  lui  rentre  dans  le  chou 

et  autres  récits  plus  in\  raisemblahles,  avec  accompagnement  de  contorsions,  grimaces,  pas  de 
polka,  cette  chanson  peu  sou\ent  spiiituelle  ou  si'ulrnu-nt  drôle,  a  tout  de  même  une  certaine 
force  comique  provoquant  l'hilarité. 

.  j  Enfin  la  Chanson  idiote  ou  obscène,  l'avarie  du  Caté-concert,  une  avarie  tort  rcclierchée 
rapportant  bien,  grâce  aux  amateurs  de  ce  pauvre  pinisir  piis  tlaiis  les  plus  hunentahles  et  plus 
faciles  scatologies  ! 

*       * 

Non  plus  comme  autrefois  musique  écrite  d'après  les  paroles  mais  au  contraire  paroles 
écrites  d'après  la  Musique,  la  Chanson  est  aujourd'hui  (l'un  placement  bien  diHicile.  Concur- 
rence devenue  terrible,  presque  impossibilité  de  \enilre  à  l'éditeur  une  chanson  c|ui  n'est  pas 
déjà    interprétée.   \ /a    révélation  de    la  Chanson    ne   se   faisant    plus    par    les   chanteurs  des  rues 


A  II  HEURES  DU  SOIR. 


L  '  A  C  T  U  A  L  1  T  K     MUSICAL  K 


329 


mais  par  ceux  des  Catés-Concerts,  après  au  moins  quatre  mois  de  culture,  sauf  naturel Icment 
pour  les  créations  privilégiées  immédiatement  en  vogue. 

Deux  lancements  différents  selon  qu'il  s'agit  de  la  chanson  populaire  ou  de  la  Chanson 
de  luxe  qui  est  la  valse  chajitée. 

Edition  coquette,  avec  couverture  souvent  illustrée  par  un  artiste  de  talent,  pot  de  vin  au 
chanteur  de  caté-concert,  dans  les  journaux  publicité  souvent  très  coûteuse  quoique  d'un 
rapport  sou\  eut  nul,  le  lancement  de  la  chanson  de  luxe  est  le  plus  coûteux. 

Il  n'en  est  pas  ainsi  de  la  chanson  populaire. 

Impression  sur  papier  commun  dit  à  "  chandelle  "  gratuité  de  l'interprète  à  la  recherche 
d'un  morceau  populaire  à  succès,  diffusion  par  ces  précieux  collaborateurs  les  chanteurs  des 
rues,  sans  budget  de  publicité,  la  Chanson  populaire  est  d'un  lancement  bien  plus  facile  et 
moins  cîTiéreux. 

Dans  ces  conditions  il  ne  faut  pas  s'étonner  que  les  auteurs  voués  à  la  chanson  de  luxe 
n'aient  pas  grand  succès  auprès  des  éditeurs.  Avant  d'avoir  fait  des  preuves,  dure  obligation 
d'une  édition  à  ses  frais  Le  compositeur  populaire  trouve  plus  facilement  à  vendre  sa 
chanson  :  vm  ou  deux  louis  !  Autant  dire  rien.  Un  rien  que  le  malin  éditeur  sait  rendre 
séduisant  par  la  perspective  enchanteresse  des  futurs  droits  d'auteur.  Pour  exister,  ces  droits 
d'auteur  sont  de  rapport  bien  modeste,  et  surtout  bien  incertain  si  l'on  songe  aux  difficultés 
que    rencontre   la   petite  Société  des  Auteurs    et  Compositeurs  pour  exactement  les   récupérer. 

Exécutants  dont  les  uns  comme  les  grands  orgues  forains  ne  peuvent  pas  escamoter  les 
droits  puisqu'ils  paient  à  la  petite  Société  un  droit  fixe  de  20  fr.,  mais  dont  certains  autres 
comme  les  orchestres  tziganes,  payant  un  droit  fixe  de  300  fr.  par  an  pour  un  certain  nombre 
de  morceaux,  en  consomment  bien  pour  dix-huit  cents  !... 

Le  rapport  d'une  chanson  même  à  succès  n'est  donc  pas  surtout  dans  les  droits  d'auteur 
mais  d'éditeur,  c'est-à-dire  dans  la  vente  du  "  papier  "  ou  si  l'on  préfère  des  exemplaires,  tant 
à  Paris  que  dans  les  grandes  villes  de  province  :  Marseille,  Bordeaux,  Lyon  et  de  l'Etranger 
non  seulement  en  Europe  mais  en  Amérique,  surtout  du  Sud,  Brésil  et  Mexique,  Pays  aussi 
friands  de  nouvelles  chansons  que  de  nouveaux  gouvernements. 

Voulant  connaître  tous  les  succès  dont  le  refrain  est  gardé  en  français,  chaque  pays 
choisit  tout  de  même  selon  son  tempérament. 

L'Angleterre  bien  connue  pour  sa  chasteté,  demande  des  mélodies  d'amour,  autant  que 
possible  écrites  sur  un  rythme  lent.  L'Allemagne  très  éclectique  désire  toutes  les  chansons 
avec  toutefois  une  légère  préférence  pour  celles  dont  le  rythme  dansant  lui  rappelle  les  valses 
viennoises. 

A  propos  de  cette  exportation,  on  ne  saurait  laisser  dans  le  silence  les  plaintes  véhémentes 
et  d'ailleurs  légitimes  des  auteurs  français  révoltés  du  sans-gêne  avec  lequel  certains  pays  tels 
que  la  Russie,  la  Belgique,  la  Roumanie,  l'Argentine  s'emparent  de  leur  répertoire  sans  jamais 
payer  le  moindre  droit  et  sans  pouvoir  y  être  obligés. 

Ce  regrettable  état  de  choses  qui  règne  dans  ces  pays  voleurs  se  complique  même  d'un 
effet  assez  inattendu  et  savoureux  :  Le  pays  voleur  s'appropriant  la  paternité  des  œuvres  en 
devient  ainsi  le  second  propriétaire  qui,  important  en  France  sa  nouvelle  marque  d'éditeur,  en 
a  tous  les  droits  ! 


Qu'elle  rapporte  à  ses  auteurs  ou  à  ses  éditeurs,  pour  passer  frontières  et  mers,  exception 
faite  des  quelques  valses  chantées  à  gros  succès,  il  n'y  a  vraiment  que  la  petite  chanson 
populaire. 


330 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


Qu'importe  si  les  paroles  en  sont  bien  souvent  banales  et  si,  malgré  les  années  qui 
auraient  dû  le  dégrossir  davantage,  le  sentimentalisme  s'obstine  à  être  empreint  de  ce  rococo, 
de  ce  passe-partout  d'idées  et  d'expressions  qui  révoltent  le  bon  goût  ainsi  que  choquent  l'œil 
un  vêtement  mal  coupé  ou  des  bottines  montées  de  travers.  Qu'importe  !  n'est-ce  pas  l'air  qai 
fait  la  Chanson  ?  De  ces  airs-là,  \,raies  trouvailles  d'harmonie  très  simple  et  très  familière  d'un 
rythme  si  personnel  qu'une  fois  entendu  et  pour  toujours  planté  dans  la  mémoire  il  deyient 
cette  hantise  musicale  qui  fait  chanter  la  petite  ouvrière  penchée  sur  son  ouvrage  et  siffler  K 
garçon  de  magasin  sur  son  tri-porteur. 


Dans  cet  art  tout  spécial  de  la  Petite  Musique  Française  il  r  a  naturellement,  comnai 
dans  tous  les  arts,  pléthore  de  production  qui  porte  à  l'encombrement  et  à  la  monotonie.  Dan> 
toute  cette  avalanche  de  chansiMis,  parfois  six  à  la  semaine,  comment  reconnaître  la  bonne, 
comment  choisir  entre  des  œuvres  souvent  de  mérite  égal  ?  En  cette  matière,  rendons  justic». 
au  public  de  la  Petite  Musique  Française  :  sa  justesse  d'oreille  lui  fait  rarement  adopter  un 
vilain  air,  er  se  tromper  dans  ce  qu'il  lui  faut  pour  sa  consommation,  dont  MM.  Vincent 
Scotto  et  Margis  nous  semblent  être  les  deux  principaux  grands  fournisseurs  :  le  premier  de  la 
chanson  populaire  et  le  second  de  la  \alse  chantée. 

* 
*       * 


UN    COMPOSITEUR 

Pour   ce  portrait    biographique    ne    faut-il    pas 
regretter  que    notre    motièle  ne  soit  pas  au  physique 
et  au  moral  l'un  de  ces  hommes  en  tous  moyens  et 
qui    peuvent    passer    n'miporte   où   sans  plus  attirer 
l'attention  sur  eux  qu'un   morceau   de  sucre  parmi 
d'autres  morceaux  de  sucre  :    Avec   ces  gens-là   qui 
ont  dans  la  vie  la  personnalité  du  morceau  de  sucre 
dans  le  kilo,  l'ouvrage  est  facile.  De  la  même  balance 
on  pèse   leurs  petits   défauts,  leurs 
petites  qualités  que  l'on   enveloppe 
avec    le    même    papier,    que    l'on 
présente    avec    le     même    sourin-, 
avec  le  même  "  Et  avec  ça...  "'  Le 
pesé,  l'enveloppé  est  content.  Tout 
est  dit.  Hélas,  M.    Vincent  Scotto 
n'est  pas  du  tout,  homme  et  artiste, 
si  l'on  peut  comprendre   et  accep- 
ter  cette   métaphore,   un    niorceaii 
du    sucre   comme   tout    le   momie. 
Alors  tant  pis,  s'il  n'est  jias  content 
—   il    le    sera    tout   de-    même    au 
fond.  — •  On  n'emploieia  [)as  pour 
l'évaluer  la  balance-  commune  mais 
le  trébuchet,  et   non    pas   le   |i,ipi(  i 


^^•^ 


I  iihi->it   Scotto. 


L'ACTUALITE    MUSICAL?: 


•  rLs,  i«ais  l'autre,  celui  à  étoiles,  qui  ont  de  petits 
défauts,  mettons  celui  aux  étoiles  ganguées. 

Pas  liaut  mais  large  d'épaules  et  bien 
d'aplomb,  l'un  de  ces  petits  hommes  vifs  et  ramassés 
a]uc  l'on  imagine  volontiers  faisant  à  l'occasion  et 
bien  le  coup  de  pied,  de  poing  et  de  tête,  avec  ses 
clievcux  noirs,  sa  moustache  de  même  couleur  et 
fine,  ses  yeux  brillants,  un  rien  fripouillard  et  son 
teint  bistre,  au  premier  coup  d'œil,  Vincent  Scotto 
présente  l'aspect  de  ces  tziganes  mâtinés,  arrivés  en 
zig-zag  de  Bohême  et  dont  les  mains  nerveuses  sont 
aussi  habiles  à  jouer  des  czardas  qu'à  tordre  le  cou  à 
des  poulets. 

Puisque  nous  î^vons  mis  M.  Vincent  Scotto 
sui'  le  trébucher,  la  vérité  nous  oblige  de  dire  que 
dans  le  "  poids  "  tzigane  de  M.  Vincent  Scotto,  il 
entre  quelques  onces  de  commun,  de  peuple,  qui 
malheureusement  —  car  c'est  son  épice,  son  piment 
générique  —  ne  manquera  pas  de  disparaître  avec 
ses  succès  grandissants  qui  l'affineront  de  plus  en 
plus  en  lui  assurant  la  nourriture  fine,  les  vêtements 
bien  coupés,  la  fréquentation  de  plus  en  plus  absolue 
du   monde    intelligent,   spirituel,   élégant   et  raffiné, 

Autant  dans  son  ensemble,  brutale,  puante 

et  grossière,  l'on  peut  avoir  la  classe  prolétarienne 
en  horreur,  autant  l'on  doit  avoir  en  sympathie,  en 
aifection,  ces  individualités  qui,  à  la  seule  force  de 
leur  mérite,  parviennent  à  s'échapper  d'où  ils  vivaient, 
de  ce  grouillement  populacier  dont  l'ignorance  et  la 
vulgarité  n'excluent  pas  la  prétention... 

...Vivant  exemple  de  ces  individualités  tel  est 
Vincent  Scotto. 

Sortant  de  la  primaire  pour  faire  son  apprentissage 
«l'ébéniste,  le  jeune  Scotto  travaille  sans  enthousias- 
me, distrait,  bien  plus  occupé  d'entendre  les  chansons 
nouvelles  et  de  se  les  rappeler.  Cette  hantise  de  la 
Petite  Musique  ne  tarde  pas  à  le  faire  accomplir  un 
de  ces  coups  d'audace  dont  les  résultats,  du  domaine 
de  l'absolu,  sont  généralement  ruine  ou  fortune. 

Voilà  donc  sans  le  moindre  argent  d'avance 
pour  tenir  tête  aux  premières  attaques  de  la  Desti- 
née, notre  apprenti  ébéniste  qui  laisse  atelier  et 
famille  pour  s'engager  dans  une  troupe  tzigane,  qui 
passe  dans  sa  ville  de  Marseille. 

Il  ne  joue  pas,  il  chante  en  Napolitain,  un 
Napolitain  très  écorché  un  Napolitain  de  cuisine. 
Mais  commme  il  porte  bien  la  \'este  rouge  à  bran- 
debourgs noirs,   et  que  surtout  la  voix  est  bien  tim- 


33 


Un  débutant. 


Administration    de    Concerts    A.    DAN  DE 


1910  —  SALLE  GAVEAU,  PARIS  —  1910 

QUATRE    CONCERTS    d'Orchestre 
de  Musique  Française  Moderne 


Sous    le     Patronage    de     MM.    A. 


Mercredi  16  Février 

Vincent  d'Indy       Fervaal.  Prélude  du  3'  Acte. 

Roger  Ducasse        Suite  Française  [ré  majeur.) 

Louis  Aubert  Fantaisie  pour  piano  et  orchestre. 

Au  piano  :  l'Auteur. 

Troisième  Symphonie,  avec  orgue 
{ut    mineur)    op.     78. 
Orgue  :  Mr.  A.  Guilmant. 


C.  Saint-Saens 


Mercredi  23  Février 


Paul  Dukas 

C.  Saixt-Saens 
Claude  Debussy 

Khené-Baton 

Vincent  d'Indy 


Ariane  et  Barbe  Bleue,  prélude  d 

3*  Acte. 
Parysatis,  Airs  de  Ballet. 
Le  Jet  d'eau.  (Chant  et  Orcheslr 

Chant  :   Mme  Durand-Texte. 
Variations  pour  piano  et  orchestr 

Au  piano  :  Mr.  A.  Ferté. 
Deuxième  Symphonie  [si  ben» 

op.   39.     Sous   la   direction  ( 

l'Auteur. 


Mercredi  2  Mars 

C.  Saint-Saens         Ouverture  d'Andromaque. 


Izeyl.   Suite  d'orchestre.  Sous  la 

direction  de  l'Auteur. 
Rapsodie  Espagnole 
Fantaisie   pour   Hautbois   et   Or- 
chestre, op.  31.  Sous  la  direction 

de  l'Auteur. 

Hautbois  :  M.  Gaudard. 
Rondes  de  Printemps  (Images  n"  3) 

1°  audition.  Sous  la  direction  de 

l'Auteur. 
G.  M.  Witkowski    Première  Symphonie  (ré  mineur)      || 

Sous  la  direction  de  l'Auteur. 

L'Orchestre  sous  la  direction 


Gabriel  Pierné 

Maurice  Ravel 
Vincent  d'Indy 


Claude  Debussy 


Mercredi  9  Mars 


Vincent  d'Indy 

André  Caplet 

C.  Saint-Saens 
Claude  Debussy 
Paul  Dukas 


Jour  d'Eté  à  la  Montagne.  Op.  5 
Sous  la  direction  de  l'Auteur. 

Deux  poèmes  (Chant  et  Orchcstr 
Chant:  Mme  Melk.t-Joubert. 

Phaéton.  Poème  Symphonique. 

La  Mer.  Esquisses  Symphoniqut 

L'Apprenti  Sorcier.  Poème  Svii 
phonique. 


de  M.   RHENÉ-BATON. 


Parmi  les  Artistes   ayant  confié  l'Organisilin 
PIANO  ■     MM    Busoni   -   Cortot  —  Delaborde  —  Diémer   -   Galston  —  A.   de  Gre£F  -  P.  Gj^i-i 

PIANO   .      MM.     BL^^^^  ^  ^^^^^^  _  ^^^^^^  __  ^     ^^    R^DWAN  -  ^  SaUER  -  THALBHRG  -  R-    VlNES  -  L 

VIOLON-   MM.   J.  Boucherit   -   L.    Capet  -   G.   Enesco  -  A.   Geloso  -   Hayot     -  A.  H.^rtman»  . 
VIOLONCELLE  :   MM.    P.    Casals  -   L.    Feuillard  -  J.    GÉRardy  -  A.  Hekking   -  J.    ""''''"*^' 
CHANT  •   MM.    Engel  -   Fugère  -   Froelich  -  Rudolf  Gmeiner   -   von   zur   Muhlen  -  K.  1  u 
CHANi  .  MM.        ^^^^^  lehmann  -  M.  Le  Goi-f  -  Litvinne  -   KutscHerra  -  Mayrand  -  MH'J 
ENSEMBLES  :   Trio  :   A.   CoRTOT,  J.  Thibaud,  P.   Casals.  ^   Quatuors  :    Capet  —  Chaillht  ^-  LejUJH 


3i 


s    PARIS    ^    83,    rue    d'Amsterdam,   83. 

1911  -  SALLE  ERARD,  PARIS  -  1911 

CINQ     SÉANCES     de     Musique     de 
Chambre    Moderne    Française 


JRAND    &    FILS,    ÉDITEURS 


Mercredi   1    Mars,  Première  Séance 


Saint-Saens 


,  SAMAZEL'ILH 


lAlUlCE  KAVEI, 


In.  Lau) 


Quatuor  à  Cordes.  —  MM.  Hayot, 

André,  Denayer,  Salmon. 
Sonate  pour  Violon  et  Piano.    — 

MM.  Jacques  Thibaud  et  Alfred 

Cortot.  ■ 
Gaspard  de  la  Nuit.  3  poèmes  pour 

Piano.  —  M.  Ricardo  Vinès. 
3""-'  Trio  pour  Violon,  Violoncelle 

et  Piano.  —  MM.  Hayot,  Salmon 

et  Lortat-Jacob. 


Mercredi  8  Mars,  deuxième  séance 

I\()(;ek  Ducasse 


A.  Roussel 
C.  Saixt-Saens 

Vincent  d'Indy 


Quatuor  à  Cordes.--  MM.  fiayot, 

André,  Denayer,  Salmon. 
Kusticiues.    pour    Piano.  -Mlle 

Blanche  Sel  va. 
Deuxième  Sonate  pour  Violoncelle 

et    Piano.    —  MM.    Salmon    et 

LorLat-Jacob. 
Sonate  pour  Piano. 

Mlle  Blanche  Selva. 


Mercredi   15  Mars,  troixième  séance 

ÎLAUDE  Debussy     Quatuor  à  cordes.  —  MM.  Hayot, 
André,  Denayer,  Salmon. 

IBÉRIC  Magnard  Promenades.  Pièces  pour  Piano. 
M.  Edouard  Risler. 


, Chevillard 


.UL  Dukas 


Sonate  pour  Violoncelle  et  Piano 
MM.  SahTion  et  l'Auteur. 

Sonate  pour  Piano. 
Risler. 


Vincent  d'Indy 
J.  Gdy-Ropartz 
Claude  Debussy 
C.  Saint-Saens 


Mercredi  22  Mars,  quatrième  séance 

G.  M.  WiTKOWSKi  Quatuor  à  cordes.  —  MM.  Hayot, 
André,  Denayer,  Salmon. 

Paul  Duras  Variations,  Interlude  et  Finale,  sur 

un  thème  de  J.  Ph.  Rameau. 
Mlle  Blanche  Selva. 

Vincent  d'Indy  Sonate  pour  Violon  et  Piano.  — 
M.  Armand  Parent  et  Mlle 
Marthe  Dron. 

Ch.-M.  Widor  Quatuor  pour  Violon,  Alto,  Violon- 

M.Edouard  ~  celle  et  Piano.  — -  MM.  Hayot, 

Denaj'er,  Salmon  et  Lortat- 
Jacob. 

Mercredi  29  Mars,  cinquième  séance. 

Deuxième  quatuor  à  Cordes.  —  MM.  Hayot,  André,  Denayer,  Salmon. 

Sonate  pour  Violoncelle  et  Piano.  —  MM.  Fernand  Pollain  et  Lortat-Jacob. 

Préludes  pour  Piano.   —   L'Auteur. 

Deuxième  Trio  pour  Violon,  Violoncelle  et  Piano.  —  MM.  Hayot,  Salmon  et  Lortat-Jacob. 


Paderewski 


iSonccrts  à  M.     A.  DANDELOT  tigurent  : 

►  Mark  Hambourg  —    J.   Lhévinne    —   Lortat  Jacob 

itc.  —  Mmes  Marg.  Long  —  Schnitzer  —  Berthe  Marx 

steau  —  P.  Marsick  —   P.   Sechiaki  —   F'.  Touche  —  Jacques  Thibaud 
i^Eois  —  J.   Salmon  —   Mmes   Casals   Suggia,   Caponsacchi   etc. 

]m  Reder  —  G.  A.  Walter  etc.   —   Mmes'  Bathori    —   Culp    —    Mysz   Gmeiner 

r—  J.  Raunay  —  Ida   Reman  —   G.  Vicq   etc. 
[iicK  — -  Willaume  4t   Orchestre    Hasselmans. 


J.    Mal.ats   —   I.   Philipp 
—  Marie  Panthès    etc. 
E 


Ysaye    etc. 


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336 


L'ACTUi^LlTE    MUSICALE 


bréc,  prenante,  à  la  fois  langoureuse,  brutale  et  chaude,  l'illusion  est  parfaite:  c'est  un 
Napolitain  ! 

Inconvénients  d'un  aussi  parfait  trompe  l'œil,  trompe-l'oreille  et  trompe-tout,  ce  pur 
sans  de  Marseille  est  si  Napolitain,  que  séduit  par  son  talent  de  chanteur  tour  à  tour  furieux 
et  tendre,  pendant  les  entr'actres  les  dames  françaises  un  peu  au  courant  des  langues  étran- 
gères s'efforcent  de  parler  à  ce  malheureux  qui  de  cette  langue  connaît  à  peine  quelques  mots  : 
ceux  de  son  répertoire  ! 

Réduit  au  demi-silence  et  au  sourire,  le  tzigane  attend  avec  impatience  la  reprise  du 
concert,  cependant  que  les  plus  audacieuses  admiratrices,  les  \  ieilles  dames,  ces  vieilles  dames 
de  villes  d'eaux  si  étonnamment,  si  singulièrement  décrites  par  Jean  Lorrain,  avec  leurs  précieux 
face-à  main  vieiment  dévisager,  insentorier,  de  bas  en  haut,  de  haut  en  bas,  en  tous  sens,  cet 
éniiimatique  tzigane  qui  chante  si  bien  et  qui  parle  si  peu. 

Bientôt  lassé  d'une  vie  toujours  pareille,  des  ardentes,  mais  blettes  "  Madame  Moupalouf  " 
Vincent  Scotto  abandonne  son  complot  homard-cuit  pour  revenir  à  Marseille. 

Avec  quelques  économies,  s'établit  professeur  de  mandoline  et  de  guitare.  Professeur 
émérite,  apprend  vite  le  moven  de  faire  du  bruit  —  le  misérable  !  —  (pour  un  bon  joueur  de 
guitare  ou  de  mandoline  combien  de  torturants  et  prétencieux  raseurs  :  choléra,  peste  musicale 
autour  de  soi). 

Entre  temps,  compose  d'abord  une  danse  provençale  qui  obtient  un  gros  succès  dans  une 
société  lyrique  et  dansante,  puis  encouragé  par  ce  début,  commence  à  écrire  la  musique  de 
quelques  chansons  dont  le  formidable  succès  local  le  décide  à  jouer  une  seconde  partie  —  la 
belle,  avec  la  Destinée. 

Part  pour  l'attirant,  le  fascinateur,  l'irrésistible  Paris,  pour  si  peu  le  Pa\s  de  Cocagne, 
pour  tant  d'autres  le  pa\s  d'inabondance,  quand  il  n'est  pas  le  Nouméa  ! 

Arri\é  pendant  un  hiver  des  plus  rigoureux,  certainement  un  mauxais  tour  de  la  guigne 
qui  voulait  au  moins  une  fois,  toucher  ce  Vincent  le  Téméraire,  qu'elle  ne  flairait  pas  pour 
elle,  ce  fut  alors  le  temps  des  luttes,  de  tous  ces  petits  et  grands  combats  pour  la  \  ie,  qui  à  leur 
manière  sont  bien  aujourd'hui  aussi  dms,  aussi  féroces  que  ceux  d'autrefois,  des  hommes  primi- 
tifs avec  le>.  bêtes  gigantesques. 

Heureusement  que  ne  devaient  pas  durer  longtemps  ni  ces  corps  à  corps  avec  le  terrible 
Mammouth  qui  répond  au  vilain  nom  de  "  La  Purée  ",  ni  ces  retours  mélancoliques  et  souvent 
désespérés,  dans  la  petite  chambre  d'hôtel  sans  teu  où  pour  avoir  chaud  le  compositeiu'  et  sa 
jeune  femme  se  couchaient  dès  diner  ! 

En  effet,  de  ce  triste  cabinet  meublé,  on  passa  \  ite  à  la  chambre  dans  la  maison  bour- 
geoise. Cette  chambrette  d'où  après  avoir  \  u  entrer  un  lit  et  une  malle,  la  concierge  vit  a\ec 
stupéfaction  sortir  des  meubles  bizarres  mais  enfin  des  meubles.  Hureau  armoire,  divan  ! 

—  [^ous  rif  If  s  emporter  fz.  fxis^  ■-.•ous  navrz  pas.  emmrna<rè  ttvir  ,•  ,v  n\-sf  pas  à  vous,  où  /es  avez- 
vous  pris  c' 

Excusable,  ce  chien  de  gard<-  dt-  propriétaire,  cette  vigilante  concierge  pouvait-elle 
savoir,  qu'ancien  ébéniste  son  locataire-  confectionna  cet  original  mobdier  avec  des  caisses,  vm 
restant  de  papier  peint  oublié  \x\y  les  peintres,  du  brou  de  noix  et  une  scie  cmpriuitée  au 
marchand  de  bois  du  coin. 

Aujourd'hui,  arrivé  au  succès,  Vincent  Scotto  tpii  a  tait  des  largesses  avec  son  ancien 
mobilier,  garde  tout  de  même  comme  souvenir  la  petite  aiinoire  d'autrcfoi^^. 

Pièce  à  conviction  pleine  de  saveur  dont  il  ne  si-  détcra  cei  t.iinem.nt  pas... 

Après  les  heures  d'improvisation  sur  sa  guitare,  son  instrument  de  travail  familier,  si 
commode  pour  travailler  debout,  assis,  en  marche,  cpiand  il  a  trouvé  l'air  tendre  il'une  "  Ma 
M iitti  "    ou    réjouissant    d'une    "  Pitite  l'onkimisf,  "   nous   gageons    bii-n    ipii-   plus  d'une   fois 


L  '  A  C  T  U  A  L  I  T  E     MUSICAL  E  337 

Vincent  Scotto  jette  à  l'armoire  des  mauvais  jours,  les  petits  coups  d'œil  triomphants  du 
chasseur  qui  peut  se  vanter  d'avoir  la  peau  du  Mammouth  cité  plus  liant  —  puisqu'il 
l'a  tué. 

L'INTERPRÉTATION 

Considérée  au  seul  point  de  vue  professionnel,  prend  bien  des  aspects,  depuis  la  Rue 
jusqu'au  Café  Concert,  en  passant  par  les  Etablissements  de  nuit  montmartrois. 

Qu'ils  opèrent  soit  de  midi  et  demi  à  une  heure  dans  la  région  des  grands  ateliers  de 
couture  et  de  modes,  soit  de  nuit  au  Faubourg  ou  dans  les  fêtes  foraines,  les  interprètes  de  la 
rue,  l'un  armé  de  la  chanson  et  l'autre  des  traditionnels  violon,  mandoline  et  guitare,  se 
produisent  avec  le  même  répertoire,  la  chanson  du  jour  achetée  un  franc  le  cent  et  revendue 
(dix  centimes  pièce.  L'auditoire  varie.  Midi  et  demi  autour  des  boulevards  c'est  l'élégance, 
l'exposition  des  bolivars  largement  emplumés  ou  fleuris,  des  jupes  entravées,  un  auditoire  en 
grande  partie  féminin,  parfois  renforcé  de  quelque  garçon  boucher  qui  se  moqiie  du  filet  à 
livrer. 

Au  Faubourg,  de  sept  à  Imit  heures  du  soir,  c'est  dans  le  clair-obscur  d'un  coin  de  rue  un 
rassemblement  de  zingueurs  en  bourgeron,  de  terrassiers  avec  la  pioche  sur  l'épaule,  d'ouvrières 
d'imprimerie  ou.  d'usine,  ruban  clair  au  cou,  gros  peigne  de  plomb  ou  de  corne  blanche  dans 
la  tignasse  libre. 

A  la  fête,  c'est  de  tout.  Coude  à  coude,  voix  à  voix,  pèle  mêle  de  quatorze  juillet. 

Changement  de  décor,  de  personnages  et  de  costumes  :  l'interprétation  dans  les  établis- 
sements de  nuit. 

De  dix  heures  à  minuit  :  une  grande  salle  pleine  de  consommateurs,  un  orchestre  tzigane 
accompagnant  un  monsieur  en  habit  rouge  ou  noir,  qui  selon  son  programme  ou  les  demandes 
de  son  public  fait  entendre  chansons  populaires  ou  valses  chantées...  Minuit,  l'endroit  devient 
moins  animé,  moins  chaud,  moins  bruyant,  moins  tapageur.  Orchestre  et  chanteurs  multiplient 
leurs  repos.  Ailleurs  ! 

Basse  de  plafond,  à  peine  grande  comme  trois  petites  chambres  à  coucher,  une  pièce  où 
règne  une  chaleur  d'étuve  imprégnée  par  un  suffocant  et  singulier  mélange  de  tabac,  parfums, 
vapeurs  de  Champagne.  En  habit  noir  et  robe  de  bal,  un  assortiment  de  gens  dont  les  derniers 
arrivés  se  tiennent  encore,  mais  dont  les  autres  travaillés  par  l'alcool  sont  effondrés  sur  les 
banquettes  de  velours  pêche  ou  bouton  d'or  et  à  coups  de  louis  font  bisser,  trisser,  la  chanson 
au  chanteur  ou  la  musique  à  l'orchestre. 

Après  la  petite  interprétation  des  rues,  des  faubourgs,  des  têtes  et.  celle  assez  étrange  des 
établissements  de  nuit,  voici  la  plus  importante,  la  grande  :  l'interprétation  au  café-concert. 

Aujourd'hui  que  l'amour  de  tout  savoir  des  moindres  ragots  de  coulisses,  de  boudoir  ou 
de  cabinet  qui  n'ont  pourtant  rien  de  si  particulier,  nous  a  fait  coiffer  jusqu'aux  oreilles  ce 
bonnet  de  vieille  portière,  qui,  à  peu  près,  ne  connaît  de  ce  théâtre  le  re\'ers  de  médaille  ?  Ce 
côté  pile  plus  ou  moins  vert-de-grisé  ? 

Jusqu'à  présent  il  n'y  en  eût  que  pour  le  théâtre  avec  un  grand  T,  ce  despote  du  jour  et 
de  la  nuit,  qui  de  ses  invariables  pirouettes  eut  toujours  comme  centre  de  gravité  le  cofFre-fort 
ou  le  lit. 

Ainsi,  à  part  quelques  documentations  espacées,  incomplètes,  timides  et  peu  connues,  la 
vie  des  artistes  de  Café-concert  n'a  donc  pas  encore  dépassé  la  rampe,  cette  dispensatrice 
d'illusions  en  deçà,  de  désillusions  au-delà.  Le  jour  où  ces  artistes  auront  leur  histoire,avant  le 
second  plan  des  futilités  ou  fricotages  dont  leur  vie  grouille  autant  que  celle  du  Théâtre,  place- 
ra-t-on  au  premier  plan  leurs  difficultés,  leurs  misères  souvent  plus   grandes   encore  que   celles 


338 


L'ACTUALITÉ     MUSICALE 


Le  cours  du  soif 


L'ACTUALITE    MUSICALE  339 

d'en-face,  celles  du  'riiéiltre.  A\ec  les  portes  de  ce  paradis  cj ne  le  Cafc-conccrt  est  pour  quelques 
vedettes,  ouvrira-t-on  les  portes  de  cet  enter  pavé  de  mauvaises  intentions  que  ce   Café-concert 

est. pour    tant    d'autres Tant  d'autres  qui    finissent  à   deux  francs   par  jour    chanteurs  dans 

les  bains  de  vapeur,  ou  font  à  Robinson  les  pitres  au  milieu  des  noces  qui  leur  jettent  deux  sous 
et  quatre  sottises  ? 

C'est  que,  dans  la  vie  des  interprètes  de  théâtres,  les  révoltes,  mesquineries,  méchancetés, 
compromissions,  ont  tout  de  même  pour  frein  ce  demi-choix  d'individus  retenus  par  une 
certaine  éducation.  Mais  au  Café-Concert,  hormis  quelques  exceptions,  quelque  intelligence 
qu'il  montre  dans  son  travail,  l'interprète  surtout  d'extraction  modeste  porte  en  soi  tout  ce  pire, 
fait  de  bas  instincts,  d'amour-propre  borné,  et  aussi  tout  ce  meilleur  que,  en  se  dépêchant,  l'on 
trouvera  encore  dans  ce  peuple  d'où  il  sort,  avant  que  celui-ci  n'ait  perdu  ses  dernières  vertus  : 
le  courage  et  la  charité. 

Pour  cc:)nnaître  cet  effectif  du  (^lafé-concert,  depuis  ses  mercenaires  au  service  des  boui- 
boui  jusqu'à  ses  généraux  qui  commandent  au  grand  café-concert  y  a-t-il  à  Paris  deux  endroits 
comme  celui  chaque  jour  plein  de  chanteurs  venant  chercher  la  chanson  à  succès  ou 
l'apprendre  ? 

Assemblée  combien  panachée,  où  venu  de  tous  les  coins  et  recoins  de  Paris,  défile  ce 
qui  s'est  voué  ou  se  destine  à  la  petite  nuisique. 

Au  piano  l'accompagnateur-serineur  joue  et  fredonne,  d'abord  timidement  suivi  par 
Vartute  qui  peu  à  peu  s'enhardit  ne  fait  pas  attention  au  cercle  environnant,  cependant  que 
dans  un  angle  de  la  pièce,  le  compositeur,  divinité  du  lieu,  fait  corriger  un  texte  à  son  parolier 
ou  cause  avec  quelque  vedette. 

Ce  grand,  brun  aux  mains  de  forgeron,  qui  porte  rose  écarlate  à  sa  boutonnière  et  ne 
semble  pas  du  tout  affligé  par  sa  pupille  droite  voilée  de  cataracte  :  trois  francs  dans  quelque 
Gaïtè-Belleville.  Autant,  cette  pauvre  gosse,  dix-huit  ans  peut-être,  ouvrière  déclassée,  déjà 
encanaillée,  fourbue,  qui  avec  son  fard  maladroitement  mis,  son  henné  d'occasion,  ses  vêtements 
de  couleur  criarde,  de  coupe  lamentablement  excentrique,  fait  songer  à  quelque  silhouette 
échappée  d'un  album  de  Toulouse-Lautrec. 

Qui  sait  \  après  avoir  atteint  les  appointements  raisonnables  de  dix  francs  à  Paris  et  de 
X  en  province  selon  le  succès  local,  l'homme  à  la  rose  rouge  et  à  la  cataracte,  la  débutante 
appelée  en  argot  de  métier  crapaud  gagneront  peut-être  un  jour  des  cachets  à  la  Mayol  :  cinq 
cents  francs  par  soir  de  Paris,  mille  par  soir  de  province  ou  ce  qui  serait  encore  excellent  des 
appointements  à  la  Dranem  :  trois  cents  francs  Paris,  cinq  cents  francs  province. 

Sans  appuis  financiers,  peut-être  suffira-t-il  pour  cela  de  la  chanson  qui  dite  à  peu  près, 
portera  sur  un  public  en  bonne  humeur  et  montera  du  beuglant  au  grand  café-concert.  Aussi 
depuis  le  plus  obscur  jusqu'au  plus  réputé  chanteur,  quelle  chasse  à  la  bonne  chanson,  instru- 
ment de  conquête  et  de  défense  ?  Trouvée,  quelle  âpreté  à  la  garder,  à  en  faire  son  Bien,  sa 
Façade,  son  Pignon  sur  Rue  !  L'Envie  féroce,  quand  le  rival  a  découvert  mieux  !  La  dernière 
torture  quand  un  caprice  de  public  oblige  l'artiste  à  chanter  le  succès  d'un  autre  ! 

— ^  Vous  voyez  ce  que  vous  avez  fait  !  Comme  c'est  agréable  pour  moi  d' avoir  été  obligé^  de 
chanter  ça^  qui  n  est  pas  de  mon  répertoire^  votre  Petite  Ton/(inoise^  avec  laquelle  vous  avez  rajeuni 
Polin  de  dix  ans  ! 

Ainsi  forcé  de  chanter  la  Petite  Tonkinoise  créée  par  Polin,  n'est-ce  pas  le  célèbre  Mayol 
qui  dans  une  de  ses  tournées  à  Marseille  se  plaignait  ainsi  à  l'auteur,  par  hasard  là  r 

Fertiles  en  bien  d'autres  genres  d'incidents,  ces  tournées  sont  une  vraie  Providence,  pour 
les  artistes  qui  grâce  à  elles,  peuvent  laisser  reposer  leur  public  et  s'en  faire  désirer.  Jusqu'à 
présent  organisées  en  Europe  les  tournées  étaient  pour  l'Amérique  et  particulièrement  celle  du 
Sud,  pour  ainsi  dire  exclusivement  réservées  aux  artistes  femmes  engagées  à   raison   de  quatre 


CE  QUE  CAT{ySO 

TENSE  i)U  TIANOLA 


Cai'iiso  jouant  cki  Pianola  caricaturé  par  lui-même. 

ENRICO  CARUSO.  le  merveilleux  ténor,  est,  comme  toutes  les  célébrités 
musicales,  un  fervent  admirateur  du  PIANOLA.  Vi  ;/(//>  ,/,;;/,/;,/;<  /<  /'/.n;./.i 
ixànky  mil   niiiiposiluui  dilluih,      ■  écrivait-il    naguère    à   la    Compagnie   JEolian, — 

il  SCS  effets  sont  non  scitlcinciit  niit>iii(ii(x  cl  iirllstuiiics,  nniis  siiiif'Icinctil  slnf>cti,inls.  Quand  on 
'  >n_iic  qnc  le  l'innolu.  muni  tin  Mctroslylc,  /^ei  nui  l'i  nn  novuc  de  reniire  tes  nnanees  et  les 
nncsscs  de  l'inlerpiéliilion  tl'nn  eUel-d'ivnvre  pnr  un  i^iand  miisle,  le  Piunoln  eesw  vronnent 
d'elle  un  insirinneni  nu'eaniiine.    Je  vous  sonliaile  tout  le  snceès  tjiic  7'ous  inérilez." 

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A.   de  CASTILLON,   CM.   WIDOR,   Claude    DEBUSSY, 

Paul  DUKAS,  Gabriel  PIERNÉ,  Emile  BERNARD, 

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342  L'ACTUALITE    MUSICALE 

vingts  francs  par  jour.  De  cette  année  seulement,  les  artistes  hommes  sont  demandés.  Serait-ce 
parce  que  les  très  chastes  compagnies  de  na\i!:j;atioii  menacent  de  ne  plus  prendre  à  bord  les 
artistes  femmes,  dont  la  conduite  serait  paraît-il  fort  légère  pendant  la  traversée  r 

Ces  compagnies  ne  sont  pas  les  plus  fortes  avec  leurs  bannies  qui  les  trompent  avec  des 
stratagèmes  subtils  et  variés.  Une  fois  embarquées,  le  capitaine  à  séduire,  l'équipage  est  à 
discrétion.  Et  vive  la  vie  libre  en  mer  ! 

Ainsi,  en  dépit  des  précautions,  inquisitions  souvent  ridicules  et  vexatoires,  malgré  la 
nouvelle  concurrence  artistique  masculine,  souvent  même  sans  garantie  d'un  engagement 
régulier,  de  plus  en  plus  nombreuses  les  chanteuses  partent  pour  l'Amérique. 

LES    INTERPRÈTES 

ESTHER  LEKAIN 

Toute  la   Chanson 

Dans  le  décor  classique  du  jardin  \ert-bleu  et  rose  tendre,  avec  ses  cheveux  roux,  crépu^, 
son  visage  gracile,  sa  robe  simplette  et  montante  de  mousseline  blanclie  ou  bleue  (Esther  Lekain 
n'est-elle  pas  le  première  chanteuse  qui  ait  abandonné  la  mbe  à  paillettes  r),  est-ce  une 
demoiselle  de  pensionnat  venant  réciter  sa  Fable,  chercher  son  prix  avec  sa  couronne  de 
laurier  dorée  r  Attendez  !  Le  visage  ne  reste  pas  longtemps  innocent,  ni  le  corps  tranqiulle. 
Expressive,  frétillante,  frémissante,  et  tour  à  tour  tendre,  malicieuse  et  gaie,  follement.  Avec  un 
art  véritable  de  diction  elle  met  en  relief  sa  voix  petite  mais  charmante.  Agréable  dans  tous  les 
genres,  son  éclectisme  lui  permet  de  tenir  aujourd'hui  la  triple  place  occupée  naguère  par  les 
Yvette  Guilbert,  les  Anna  Thibaud  et  les  Polaire.  Ses  débuts  il  est  vrai  ne  datent  pas  d'hier. 
Ancienneté  non  pas  vieillissante  puisque  à  six  ans,  présentée  par  son  père  au  grand  café  de  sa 
ville  natale.  A  l'heure  de  l'apéritif  pour  la  grande  joie  des  habitués  et  celle  moindre  dc^ 
passagers  dérangés  dans  leur  correspondance. 

Grande,  grosse,  blonde  et  hirsute  comme  un  bottillon  de  blé  très  mûr,  monte  sur  les 
tables,  mime  et  déclame.  Probablement  avec  ce  seul  talent  naturel  aux  petites  Hlles  pas  bètes, 
éveillées,  audacieuses,  qui  ont  en  vérité  sur  les  autres  d'égale  intelligence,  l'unique  supériorité 
d'être  encouragées  à  satisfaire  tous  leurs  caprices. 

—  La  petite  ira  loin.  Ce  sera  une  seconde  Rachel  ! 

Inévitable,  mais  mauvaise  prophétie  !  Si  la  petite  devait  aller  loin  ce  n'était  pas  dans  l'Art 
déclamatoire.  Fantasque,  touche-à-tout,  se  soucie  peu  d'être  la  seconde  Rachel  annoncée  i*. 
l'intérieur...  Avec  tout  l'aplomb  que  donnent  aux  enfants  gAtés  leurs  parents  à  genoux  deTant 
eux,  par  vanité  folle  et  faiblesse  voisine  du  gâtisme,  la  fillette  se  ilcclaie  future  graiule  cantatrice 
d'opéra. 

Ou  rebutée  par  des  études  graves,  difficiles  et  longues  o\.\  consciente  île  la  disproportion 
entre  ce  qu'elle  veut  et  ce  qu'elle  peut?  Toujours  est-il  que,  à  quin/,e  ans,  tourne  le  dos  à  la 
grande  musique  pour  courir  à  la  petite  :  à  la  Chanson. 

Tout  de  même  douée  pour  quelc|uc  chose,  après  ces  différents  essais,  l'.sther  Lekain  devait 
s'arrêter  au  dernier  qui  était  le  bon  puisiju'il  lui  a  réussi. 

A  voir  cette  chanteuse  dirait-on  si  fragile,  la  supposerait-on  pratiquante  de  tous  les  sports 
et  en  particulier  de  l'escrime  }  C'est  pourtant  l'exacte  vérité  tlont  elle  possède  la  preuve 
avec  ce  premier  prix  gagné  dans  un  championnat  féminin  d'épée.  Cette  passion  ne  l'empêche 
pas  comme  toutes  nos  Aspasies  et  <lemi-Aspasies  modernes  d'en  :i\()ir  une  autie  pour  les  gens  et 


L  '  A  C  T  U  A  L  I  TE     MUSICALE 


343 


les  choses  du  mondes  politique  où  elle  fit  ses  débuts 
quand  il  s'agissait  de  rappeler  à  M.  Clemenceau 
l'application  de  la  loi  contre  les  quêtes  dans  les 
concerts.  Dans  un  sévère  et  grave  salon  du  Mi- 
nistère de  l'Intérieur,  en  compagnie  des  camara- 
des membres  du  Syndicat  des  artistes  de  Café- 
concert,  Esther  Lekain  attend  le  moment  où  avec 
sa  petite  troupe  elle  va  paraître  devant  le  citoyen 
Premier  Ministre.  Ainsi  que  beaucoup  de  ses  con- 
temporains, bien  à  tort  intimidés  par  la  réputation 
d'homnie  sarcastique  et  brutal  de  M.  Clemenceau, 
'ce  prétendu  croquemitaine  qui  n'a  jamais  été 
qu'un  croque-mort  de  ministères,  Esther  Lekain 
se  montre  assez  troublée  par  de  violents  éclats 
de  voix  venus  de  la  pièce  voisine. 

—  Oh  vous  entende'Z  comme  il  crie  ! 
En  effet,  selon  son  habitude  qui  a  toujours  été 
de  malmener  avec  force  hurlements  tous  les  pieds- 
plats  qui  ont  bien  voulu  se  laisser  faire  par  intérêt 
ou  pleutrerie,  le  Maître  d'alors  tançait  une  vic- 
time invisible,  mais  certainement  bien  servie. 
Enfin  la  discussion  cesse.  La  porte  s'ouvre.  // 
apparaît  avec  son  air  de  Colonel  Ronchouot  triste, 
glabre,  maigre.  Il  écoute  la  requête  et  y  souscrit 
avec  cet  intérêt  de  commande  d'un  monsieur  qui 
s'en  moque,  en  a  promis  et  en  promettra  bien 
d'autres. 

De  cette  entrevue,  Esther  Lekain  garde, 
dit-on,  la  grosse  déception,  de  n'avoir  pas  entendu 
M.  Clemenceau  faire  un  peu  d'esprit.  M.  Cle- 
menceau a-t-il  usé  d'un  esprit  que  dans  son 
trouble  Esther  Lekain  n'a  pas  compris  ? 


MAYOL. 

La  Chanson  gaie. 

Il  serait  superflu  de  faire  la  description  physi- 
que et  artistique  du  mondial  Mayol. 

Nous  nous  demandons  même  si  au  lieu  de 
représenter  l'artiste  dans  sa  pose  classique  notre 
dessinateur  n'aurait  pas  mieux  fait  de  le  montrer 
sous  un  aspect  inédit  ? 


Mayol. 


344 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


Par  exemple  au  moment  du  repos  solitaire  et  quotidien,  quand  il  a  retiré  son  toupillon 
postiche,  son  coquet  habit  noir  à  la  boutonnière  toujours  fleurie,  ses  chaussettes  largement 
ajourées  et  ses  beaux  petits  souliers  vernis  ^ 

Li^  chose  aurait-elle  plu  au  spirituel  chanteur  devenu  fort  susceptible  et  redoutable  grâce 
à  de  récents  procès  remportés  contre  la  malignité  des  caricaturistes  ou  des  écrivains  r 

Gagnant  beaucoup  d'argent,  nous  avons  dit  combien,  Mavol  nen  conser\e  pas  moins  de 
remarquables  qualités  d'altruisme,  d'ordre  et  d'économie. 

D'altruisme  :  quand  il  chante  maintes  fois  au  bénéfice  de  camarades  ou  d"œu\  res. 

D'ordre  :  quand  après  avoir  chanté  pour  un  camarade,  celui-ci  lui  offrant  en  témoignage 
reconnaissant  un  agrandissement  photographique,  MaAol  pour  ne  pas  oublier  les  circonstances 
dans  lesquelles  ce  cadeau  lui  fut  fait  l'accroche  dans  son  salon  a\ec  sur  le  cadre  cette  étiquette: 

Coût  :  cinq  cents  francs 

On  a  bien  compris  que  ces  cinq  cents  francs  ne  font  pas  le  prix  du  sou\enir,  mais  du 
cachet  perdu  par  M'"  Mayol. 

D'économie  :  quand. un  rigoureux  hiver  en  réprésentation  au  casino  de  Béziers,  à  l'hôtel 
Ma^'ol  n'avant  pas  brûlé  tout  le  bois  commandé,  fit  appeler  la  Charbonnière  Blanchette  et  lui 
dit  : 

—  Reprenez  ce  bois  et  tenez  m'en  compte  sur  ma  facture... 

Nous  avons  parlé  de  la  générosité  de  Mayol  :  Surtout  excercée  dans  un  cercle  professionnel, 
elle  atteindrait  paraît-il  des  proportions  invraisemblables.  Ayant  eu  la  faiblesse  de  prêter  sa 
baignoire  à  un  pauvre  marchand  de  programmes,  celui-ci  en  prit  une  excessi\e  habitude.  Alors 
tyranisé  par  son  bon  cœur  le  célèbre  chanteur  n'aurait-il  pas  sou\ent  du  abandonner  son  bien 
pour  aller  se  baigner  ailleurs  r 

Enfant  chéri  du  Café-concert  et  de  ces  guignols  qui  sont  les  tribunaux,  Mayol  aime  s'en 
reposer  au  moins  une  fois  l'an  dans  la  villégiature  méridionale  de  sa  \  illa  Félix.  Là,  surveille 
amoureusement  sa  vigne.  Pour  les  amis  —  autant  que  pour  lui-même  —  confectionne  encore 
l'aioli  —  le  Mav...oli  — avec  tout  le  talent  et  l'expérience  que  lui  confère  son  ancienne  fonction 
dans  les  restaurants  touloniiais. 


JEAN  FLOR 

De  son  ancien  métier  de  compositeur  typographe 
Jean  Flor  a  gardé  cette  légère  inclinaison  du  buste  en 
avant,  qui,  aujourd'hui,  ne  le  penche  plus  vers  les  marbres 
de  composition  ou  le  clavier  des  linotypes,  mais  \ers  un 
public,  qui  lui,  ne  reste  pas  de  marbre  à  l'audition  des 
romances  amoureuses,  servie  d'une  voix  un  peu  aigrelette, 
mais  non  sans  charme. 

Un  des  rares  chanteurs  de  caté-concert  cjui  n'éproux  c 
pas  le  besoin  de  transformer  ses  bras  en  ailes  de  moulins 
à  vent  dès  son  entrée  en  scène.  Sans  doute  ne  détaille 
'pas  encore  le  couplet  avec  une  élégance  absolument 
dégagée,  mais  avec  une  gentillesse  persuasive  qui  tout 
de  même  manque  rarement  son  but  :  le  cœur  dé  ce 
public  aimant  être  ému  à  la  bonne  franquette,  sans  ma- 
nières, sans  chichis. 


Juin  Flot . 


^^>-^ 

•4^--^-— 


M 


A   UNE   HEURE    DU  MATIN. 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


345 


A  la  ville,  si  vous  l'approchez,  regardez  au  repos  ou  en  mouvement,  cette  attitude 
d'homme  fatigué,  ces  yeux  mornes,  ce  long  nez  pincé,  cette  bouche  jamais  ouverte  pour  en 
conter  une  bien  bonne  et  dirait-on  modelée  par  le  pouce  sec  et  maigre  de  l'amertume.  Enfin 
cette  figure  cet  ensemble  d'homme,  conduit  poussé  courbé,  par  la  fatigue,  l'ennui,  le  désœuvre- 
ment. Avant  .qu'il  n'ait  parlé,  dites-moi  son  pays  ?  Le  Nord  ?  L'enfant  des  pauvres  villes 
enfumées,  des  jours  nostalgiques  entortillés  de  brume  et  trempés  de  pluie  obstinée  ?  Vous  n'y 
êtes  pas.  Attendez  qu'il  parle.  Il  a  parlé. 

—  De  Marseille?  Mais  oui!  Croyez-vous  qu'il  l'a  mise  dans  sa  poche  avec  tous  ses 
mouchoirs  par  dessus,  la  bonne  exubérance  méridionale  ? 

Cet  enfant  de  Marseille  qui  représente  si  mal  la  réputation  de  son  pays,  vint  à  Paris 
comment  ? 

—  Est-il  grand?  demandait  à  son  protecteur,  qui  voulait  le  faire  engager,  l'un  de  nos 
grands  directeurs  parisiens. 

—  Oui. 

—  AlorSy  amenez-le. 

Avis  aux  amateurs  :  de  la  hauteur  d'abord,  de  la  voix  après. 


DARIUS 

LA    CHANSON    EXCENTRIQUE 

Vêtu  d'inénarrables  complets  à 
carreaux  de  couleur,  arrive  en  scène 
dans  une  série  de  brasses,  bonds,  pi- 
rouettes et  trébuchements.  A-t-il  mal 
calculé  son  élan  ?  tombe-t-il  dans  l'or- 
chestre, et  dans  sa  chute  a-t-il  crevé 
la  boîte  du  premier  violon  ?  Ne  soyez 
pas  en  peine  !  Avant  la  fin  de  votre 
émotion,  d'un  saut  périlleux,  le  voilà 
sur  scène  reprenant  sa  pantomime 
excentrique,  et  sa  chanson  non  moins 
excentrique. 

Chanteur,  nageur,  danseur  ou 
acrobate  r  Pour  ne  pas  se  tromper, 
affirmons  qu'il  est  tout  à  la  fois.  Sans 
doute  ce  n'est  pas  de  l'Art,  mais  une 
bouffonnerie  non  sans  valeur,  puis- 
qu'elle déclanche  le  rire  des  spectateurs  les  plus  sérieux.  Aujourd'hui  dilateur  de  rates  et 
secoueur  de  côtes,  ce  rigolo  cabriolant  tint  combien  d'emplois!... 

Mime  dans  les  troupes  de  cirques,  traître  —  au  théâtre  —  interprète  de  la  romance 
sombre,  enfin  comique  excentrique.  Question  grave  :  portera-t-il  un  taux  nez  ?  Son  indécision 
l'entraîne  à  prendre  avis.  Comme  le  genre  humain  n'est  même  pas  fichu  de  s'entendre 
à  propos  d'un  faux  nez,  le  chanteur  joue  ce  faux  nez  à  pile  ou  face.  Le  sort  s'étant  prononcé 
pour  adopter  ce  faux  nez,   qui  le   fait  reconnaître   à  la  ville  quand   il  oublie   de  le  retirer. 

Donc   chanteur  comique,   le   voilà   faisant   les   petites    et   grandes   villes   de  France. 

Son  faux  nez   ne  l'empêche   pas  de   séduire   une    charmante    acrobate  qu'il    épouse  et   dont   il 


Darius  à  la  ville 


UNE  MAISON  D'EDITION  MODERNE 

Paris  compte  de  «grands  éditeurs  de  musique.  Il  iî"cn  connaît  pas  de  mieux  ors^^anisés  que  la 
maison  Costallat  ci  Cic.  MM.  Costallat  et  Cie  ont  été  les  premiers  à  faire  pénétrer  en  France 
l'édition  des  grands  classiques  étrangers.  Depuis  1895,  ils  furent  les  représentants  actifs  et 
autorisés  de  MM.  Breitkopf  et  Haertel,  chez  qui  Beethoven,  Hœndel,  Bach,  Haydn,  Mozart, 
Palestrina,  Liszt,  Vittoria,  Schumann  et  tant  d'autres  grands  musiciens  ont  paru  en  éditions 
complètes  et  soigneusement  revisées.  Grâce  à  ce  dépôt,  MM.  Costallat  ont  introduit  chez  nous  un 
genre  d'ouvrages  que  les  éditeurs  de  musique  se  refusaient  presque  tous  à  adopter,  celui  des  publi- 
cations et  livres  de  musicologie.  Ils  ont  ainsi  contribué  effectivement  à  combler  Tabîme  qui  existait 
tout  récemment  encore  entre  la  librairie  proprement  dite  et  l'édition  musicale.  Parmi  ces 
volumes  se  trouve  entre  autres  la  célèbre  biographie  de  Bacli  par  le  Dr  Schweitzer,  qui  fait 
autorité  aujouid'hui,  et  le  manuel  bibliographique  de  Paziiirck,  ouvrage  colossal,  qui  contient  en 
ses  volumes  le  répertoire  de  la  musique  en  librairie  dans  le  monde  entier. 

Si  la  maison  Costallat  est,  de  tous  nos  éditeurs,  la  plus  solidement  outillée  pour  le  répertoire 
cosmopolite,  elle  est,  d'autre  part,  et  par  ses  origines  une  des  plus  françaises  puisqu'elle  tient  en 
grande  partie  son  fonds  de  RiciiauU,  fondé  à  Paris  en  1805,  éditeur  de  Berlioz  et  des  grands 
romantiques.  La  Dciiniuilioii  de  Faust,  que  l'Opéra  vient  de  remettre  en  scène,  et  VKnfninc  du 
Christ,  qui  s'y  montrera  peut-être  un  jour,  donnent  à  ces  éditeurs  une  glorieuse  renonunée. 

Citons  encore  parmi  les  modernes  édités  par  la  maison  Costallat  :  A  Coquard,  Maurice 
Le  Boucher,   Léon  Moreau,  A.  Mercier,  qui  vient  d'être  couronné  par  la  ville  de  Paris,  etc.. 

Kniin,  non  content  de  joindre  la  musique  à  la  musicologie,  le  détail  au  gros,  l'étranger  au 
français  et  l'ancien  au  moderne,  MM.  Costallat  et  Cie  ont  eu  l'heureuse  idée  d'associer  à  leur 
fonds  la  vente  et  la  location  d'instruments  à  clavier.  Grâce  à  l'ancienne  et  puissante  maison 
américaine  (i.  Ksicy,  de  New- York,  dont  ils  sont  à  Paris  les  représentants,  ils  offrent  au  public 
le  piancj,  l'auto-piaiKJ,  et  les  orgues,  sans  lesquels  les  textes  publiés  restent  muets. 

On  ne  saurait  donc  s'étonner  de  l'extension  prise  par  la  Mai.son  Costallat  dans  ses  locaux 
(le  la  Chaussée  d'Anlin.  Ces  agrandissements  font  d'elle  une  maison  d'cditioit  moderne  au  sens  le 
plus  étendu  de  ce  mot,  où  le  lecteur  et   l'amateur   de   musique 

liouveront  tout  ce  dont  ils  ont  besoin,  tout  ce  cpii  peut  servir  à  la  HI'NKI    Davkn'KY. 

théoiic   coiiiiiic   a    la   |n  al  i(|iii-,  ;'i    la    Ici'l  nie  conuiu-  a  rrxrrntinn.  A.  M. 


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2 

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Drie  Liederen  (texte  fl.K    ,. 

t 

75 

Op. 

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Quatre  Mélodies  ; 

1.  L'Automne 

2.  Charmante  Rose.     .     .      , 

1 
1 

35 

3.  Bel   Lnfant,  souris-moi .     ,, 

G 

85 

4.  L"Oracle  en  défaut.       .     „ 

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idem       . .   .     complet  net     .     „ 

2 

50 

Op. 

6. 

Deux  Mélodies  : 

1.  L'Angelus 

2.  Pourquoi „ 

1 
1 

35 
35 

Op. 

7. 

1 .  Impromptu-valse,  p.  piano     „ 

2.  Chanson,  pour  piano   .     .     „ 

2 
1 

Op. 

8. 

Sechs  Lieder  und  Gesang 

•  texte  allemand  et  flamand)    „ 

e 
3 

Op. 

9. 

Sonate  pour  piano      .    net     ., 

5 

— 

Op. 

10. 

Schilflieder  von  S^icolas 

Lenau  i  text  alleni.  et  fl.l     ,. 

2. 

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S  Op.  1  1.  Funf  Gesange  aus  N.Le- 
nau's  "  Lieder  der  Sehn- 
sucht  "  Itexte  allem.  et  fl.l 

Op.  12.  Een  krans  van  veertien 
oud-vlaamsch  min- 
neliederen  (texte  flam.) 
complet  net 

Op.  13.  Vier  oud  -  vlaamsclie 
drinkliederen  (texte  fl.l 
complet  net 

Op  14.  Au  printemps,  cinq  mor- 
ceaux de  fantaisie  p.  piano: 
1 .  Hymne.  2.  Joie.  3.  Peti- 
tes fleurs  !...  4.  Ave  Mari.i. 
5.  Danse  de  paysans 

Op.  17.    Marche  ex'raite  delà  c-^n- 

tate    "  Kloklce    RoelanJ 

pour  Piano  à  4  mains 

Ma'  che  p.  piano  à  2  m^ms 

WeversIiecI  uit  de  cantate 

••  Klokke  Roeland  "       .     . 

Op.  30.  Marche    Nuptiale,  pour 
piano  à  4  mains    . 
Le   Mois  de  Mai  là  Ma- 
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Barcelonf.  1888,  Moscou  1891,  Chicago  1893,  Amstkkdam   1895 
Paris  1900. 

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AmsteI^dam   1883.  Anvkrs   1885.  Bruxf:li.ks   1888 

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L'ACTUALITE     MUSICALE 


fait  une  chanteuse  comique  —  sans  taux  nez  — .  Pour  travailler  à  deux,  en  numéro,  le 
métier  n'est  pas  beaucoup  plus  fructueux.  Et  paf  !  complication  :  un  garçon.  Joie,  folie! 
Dans  les  instants  de  repos  affuble  le  petit  de  son  faux  nez  et  de  ses  chapeaux  singulier^. 
Au  cours  de  ses  tournées,  par  manque  de  lit  d'enfant,  berce  le  nouveau-né  dans  un  cou\'erclc 
de  malle,  le  couche  dans  le  tiroir  d'une  commode... 

Avec  ses  inévitables  deux 
côtés  :  joie  et  malheur,  si  la  desti- 
née souriait  peu  à  peu  aux  artistes 
elle  devait  par  contre  frapper  cruel- 
lement le  père  et  la  mère  en  leur 
enlevant  leur  petit.  Mais  comme 
il  faut  vivre  et  que  d'ailleurs  toutes 
les  grandes  joies  comme  toutes  les 
grandes  douleurs  rentrent  peu  à 
peu,  inéluctablement  dans  cet  ho- 
rizon vague  du  passé,  ce  demi 
Oubli,  le  comique  a  repris  l'usage 
de  son  taux  nez,  de  ses  cabrioles 
et  de  ses  calembredaines  qui  font 
son  succès. 

*      * 
POLIN 

La'  chanson  militaire 

Comme  Dranem  interprète 
l'imbécillité  en  civil,  Polin  repré- 
sente la  godicherie  en  uniforme. 
Tristesse  grotesque  du  soldat  con- 
signé, emphatiques  déclarations 
d'amour  à  la  cantiin'ère,  rendez- 
vous  avec  les  bonnes  d'enfants, 
exploits  et  a\atars  du  militaire 
emprunté  qui  n'est  pas  dt-  Paris, 
Polin  a  tout  montré. 

Pourquoi  duratit  ses  (h'ftérents  états  d'âme  (r)  s'est-il  toujouis  servi  du  même  pantalon  à 
basane  spécial  au  Train  des  éciuipages  ?  Pourquoi  n'a-t-il  jamais  pu  se  dispenser  de  ce  sautille- 
ment sur  place  et  de  cette  pantoniime  accusantj'extrème  difficulté  à  se  ganter  ou  à  sortir  de 
sa  poche  le  torchon  jaune  ipii  lui  sert  de  mouchoir  ?  l^ien  des  gens  amateurs  île  ilifficultés  se  le 
demandent  encore.  Il  n'\'  a  pourtant  pas  besoin  d'avoir  comersé  avec  les  sphvnx  pour  deviner 
cette  énign\e.  Agissant  comme  tous  les  Artistes  et  semblable  à  ces  peintres  qui,  a\ant  eu  ilu 
succès  avec  des  grognards,  des  marquises  ou  des  paysages  à  la  crème  comme  ceux  lir 
M.  Didier-Pouget,  sont  obligés  de  continuer,  sous  peine  d'être  confondus,  oubliés  dans  la 
masse  des  autres  producteurs,  Polin  a  donc  été  coiulamné  à  garder  son  éternel  pantalon  de 
tringlot,  son  képi  dr  travers,  son  mouchoir  de  paysan  et  ses  gants  tro|i  étroits. 

Fin  lettré,,  amateur  d"(L-u\re^  d'art,  pas  cabotin  pour  un  centime,  un  peu  las  di-  chansons 
militaires,  aujourd'hui  beaucoup  moins  reclierchécs,  il  est  probable  que  dans  un  a\enir  très 
prochain  Polin  passera  définitivement  du  C:ifé-Con<'ert  au  Théâtre  où  il  lit  déjà  il't'xcellentes 
créations. 


n^h 


Dtnius   au   couù'rt. 


l'actualitp:   musicale 


353 


D'ici  là,  si  la  chanson  militaire 
vit  encore,  pour  ses  derniers  amateurs 
qui  prendra  la  succession?  A  qui  le 
képi  de  travers,  le  dolman  mal  bou- 
tonné, le  pantalon,  à  basane,  le  mou- 
choir et  les  gants  ?  Viendra- t-on 
les  prendre  ou  les  abandonnera-t-on  à 
la  boutique  du  chand'  habits,  oii  ils 
rejoindront  les  gants  noirs  d'Yvette 
Guilbert,  la  taille  de  guêpe  de  Polaire 
—  cette  autje  déserteuse  —  le  cache- 
nez  rouge  d'Aristide  Bruant  et  la 
coiffe  alsacienne  de  Judic  ? 


DRANEM 
La  chanson  idiote. 

Dans  n'importe  quelle  chanson, 
dans  la  salle  enfumée  ou  dans  celle 
de  plein  air,  la  vision  de  Dranem  est 
invariable.  C'est  toujours  dans  l'en- 
semble la  même  silhouette  d'idiot 
recevant  une  semonce  ou  marmotant 
sa  prière.  Dans  le  détail,  le  même 
costume  d'innocent  que  l'on  a  laissé 
grandir  sans  renouveler  ses  vêtements 
devenus  ridicules,  le  même  chapeau 
bourrelet,  le  même  nez  vermillonné, 
les  mêmes  paupières  baissées  qui  lui 
ont  valu  d'ailleurs  ce  juste  surnom 
"  (Vyeux  cousus.  " 

Comment  avec  ce  personnage 
éternel,  fastidieux,  ce  navrant  réper- 
toire exclusivement  composé  d'imbé- 
cillités ou  de  cochonneries,  Dranem 
a-t-il  fait  ce  chemin  stupéfiant  ?  C'est 
que,  non  pas  un  imbécile  comme 
l'affirment  à  tort  les  gens  de  parti  pris 
ou  les  jaloux,  mais  au  contraire  fort 
intelligent,  Dranem  a  su  créer  un 
genre  :  le  genre  idiot  qui  pour  idiot 
qu'il  soit  est  tout  de  même  un  genre. 
Soyons  juste,  l'intelligent  Dranem  fait 
l'idiot  comme  ne  le  feraient  pas  réunis 
tous  les  idiots  de  la  terre  !  Faire  l'idiot 


Polin. 


354 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


n'est  pas  si  commode,  surtout:  quand  c'est  tous  les 
jours  et  souvent  deux  fois  :  matinée,  soirée.  Sans 
doute  pour  obtenir  ce  résultat  d'idiotie,  s'il  avait 
suffi  d'aller  faire  un  tour  vers  Montléry,  à  l'asile 
des  idiots  de  Vaucluse  et  d'engager  quelques-uns 
de  ces  malheureux,  M.  Ménard  n'aurait  jamais  été 
Draneni.  Oui,  mais  voilà,  les  vrais  idiots  n'ont 
jamais  pu  rien  apprendre,  serait-ce  même  une 
chanson  de  Dranem.  Tout  le  secret  est  là.  Evi- 
demment il  fallait  encore  oser.  Bah,  pour  qui 
apprécie  à  sa  juste  non-valeur  un  bon  coin  de 
l'espèce  humaine,  la  partie  ne  pouvait  être  que 
o-agnée.  Avisé  psychologue  Dranem  s'est  donc  créé 
partant  de  ce   principe  que  le  besoin    crée  l'organe. 

Avec  son  visage  de  César  barbouillé,  il  a  fait 
comme  le  Romain  :  il  est  venu,  il  a  vu,  il  a  vaincu. 
Vid'i,  l  idi^  V'icï  :  devise  que  nous  lui  indiquons. 

Résultat  bizarre  chez  un  homme  intelligent: 
cet  Empereur  de  la  Décadence  de  la  Chanson,  a  fini 
par  prendre  goût  à  ses  imbécillités.  En  effet,  dans 
sa  villa  de  campagne  son  plus  grand  bonheur  est, 
installé  au  milieu  de  son  jardin,  entre  son  cheval  et 
ses  poules,  d'écouter  le  phonographe  où  est  enregistré 
son  répertoire.  Béatitude  du  créateur  devant  sa 
création  !  Béatitude  dont  il  se  repose  pour  aller  faire 
un  bilLud  ou  sortir  ses  mémoires  d'un  superbe 
encrier  empire.  Billard  et  encrier  offerts  par  l'un  de 
ses  éditeurs  au  moment  où  il  devait  lancer  "  la 
Jambe  de  Bois  ". 

Une  jambe  qui  avait  le  pied  nickelé,  puisqu'elle 
ne   marcha    pas    avec   Dranem   mais   avec    Déslys, 
le   Chanteur  en  habit  noir  qui   se  fit   acclamer, 
sans  billard  ni  encrier. 


Ainsi  plus  forte  que  la  Mu- 
sique d'Opérette  mourante  et  celle 
de  Danse  (|ui  n'en  \audra  guère 
mieux  c)uand  la  neurasthénie  uni- 
verselle aura  fait  fondre  ce  qu'il 
reste  de  mollets, /«  6Vi^/«5(?«  demeure 
la  suprême  et  vraie  Petite  Musi'jiir 
françaiie...  A  l'inverse  de  la  Daim- 
blonde,  aujourd'hui  vieille,  cette 
Chanson  rajeu:)ie  par  les  années 
qui     passent,     eonriniic     donc     sa 


D)(inein 


L'ACTUALITÉ    MUSIc:ALE 


355 


petite  bonne  femme  de  route   à   travers   toutes  les   parades,  convulsions  et   dégringolades   dont 
elle  se  moque  bien  !... 

Tout  n'a-t-il  pas  toujours  débuté,  fini  et  recommencé  par  des  chansons  dont  quelques- 
unes  parmi  les  plus  anciennes  restent  incrustées  dans  le  gosier  populaire  ou  la  caisse  des  Orgues 
de  Barbarie. 

Pierre  JobbÉ-Duval. 


r 


H^gB 


"  Tous  droits  réservés  par  les  éditeurs  des  clichés,  ainsi 
que  par  S,  I,  M.,  pour  tous  pays,  y  compris  la  Scandi= 
naVie  et  VExtrême=Orient", 


I 


SOCIÉTÉ    INTERNATIONALE    DE    MUSIQUE 


SECTIONS     ET    GROUPES 


ALLEMAGNE. 
Section  de  l'Allemagne  du  Nord. 

Président:  Dr.  H.  Kretzschmar,  professeur  de  l'Université. 

Secrétaire:  Dr.  M.  Friedlander, 

Membres  du  comité:  Dr.  M.  Seiffert,   "  " 

Dr.  Cari  Stumpf, 

Chevalier  R.  de  Liliencron,  conseilier  d'état. 
Groupe  de  Berlin. 
Président:  Dr.  J.  VVolf,  professeur  de  l'Université. 
Vice-Président:  Dr.  Cari  Stumpf.     " 
SecVétaires:  Dr.  Hermnnn  Springer,  de  la  Bibl.  Royale. 

Dr.  Frédéric  Zelle. 
Archiviste:  Max  Schneider,  de  la  Bibliothèque  Royale. 

Section  de  l'Allemagne  du  Sud-Ouest. 

Président:  Dr.  Bauer,  à  Franckfort. 

Pf.   Kayser,  Conservateur  à  la  Bibl.  de  la  Ville  de  Cologne. 

Dr.  Friedrich  Ludwig,  Privat-docent  à  l'Univ.  de  Strasbourg. 

Groupe  de  Francfort. 
Président:  Théodore  Gérold. 
Secrétaire:  Albert  Dessof. 
Trésorier:  Maurice  Sondheim. 

Section  de  Bade. 

Président:  Dr.  P'i.  Wolfrum,  prof,  à  l'Univ.  de   Heidelberg. 

Section  de  Bavière. 

Président  :  Dr.  Adolphe  Sandberger,  pr.  à  l'Univ.  de  Munich. 
Secrétaire:  Théodore  Kroyer,  Professeur  à  Munich. 

Section  de  Saxe  et  Thuringe. 

Président:  Dr.  H.  Rieniann,  prof,  à  l'Université  de  Leipzig. 
Secrétaire:  Dr.  Arthur  Priifer  "  "  " 

Membres  du  comité:  Dr.  A.  R.  Buclimayer  à  Dresde. 

Dr.  Obrist,  conservateur  du  musée  Liszt  à  Weimar. 
Dr.  H.  Abert  à  Halle. 

Groupe  de  Oi'esde. 
Président:  Le  Conseiller  Ermisch;  direct,  delà  Bibliothèque 

Royale  de  Saxe. 
Secrétaire:  Dr.  Rudolf  Wustmann. 
Trésorier:  Richard  Bertling,  Editeur. 

Membres  du  comité:  Otto  Richter,  directeur  de  la  musique 
royale  et  maître  de  chapelle  de  la  K.reutzkirche. 
J.  Kiitzschke,  maître  de  chapelle. 
Groupe  de  Leipzig. 
Président:  Dr.  Arthur  Priifer,  professeur  à  l'Université. 
Vice-Président:  Dr.  Arnold  Schering. 
Secrétaire:  Cari  Ettler. 
Trésorier:  R.  Linncmann,  éditeur  de  musique. 

AMERIQUE. 

Président:  Dr.  A.  Stanley  à  Ann  Arbor.  (Michigan.) 
Vice-Président:  Dr.  Damrosch  à  New-York. 
Trésorier:  Dr.  Waldo  S.  Pratt  à  Hartford.  (Connccticut). 
Secrétaire:  Dr.  Sonnck  à  Washington. 

ANGLETERRE. 

Président  :  Sir  Alcxandcr  Mackc-n/.ic,dircctcur  de  l'Académie 

Royale  de  Musique  à  Londres. 
Vice-Président:  Dr.  W.  H.  Cunmiings  a  Sydcotc. 
Trésorier:  Hrcitkopf  et  Hacrtcl  à  Londres. 
Membres  du  comité:  Sir   Hubert  Parry,  Sir  Fr.  Bridge,  Sir 

Ch.     Stanford.     MM.    Bantock,     Dent,    Edgar,    Hadow, 

Maclcan,    Maitland,    Mrs    Naught.    MM.   Mycrscough, 

Nicck»,  l'iout  et  Barclay  Squirc. 


Groupe  de  Dublin. 
Président:  S.  Myerscough. 
Secrétaire;  Révérend  H.  Bewerunge. 

'  Groupe  d'EdInbourg. 
Président:  Prof.  Frédéric  Niecks. 
Secrétaire:  Mrs.  Kennedy  Fraser. 

Groupe  de  Londres. 
Président:  Dr.  VV.  H.  Cumming*. 
j  Secrétaire:  T.  Percv  B:iker. 

I  AUTRICHE. 

Président  :  Dr.  Guido  Adler,  prof,  à  l'Université  de  Vienne. 
Vice-Président:  Dr.  Erwin  Luntz  à  Vienne. 
Secrétaire:  Dr.  Robert  Haas  à  Vienne. 
Trésorier:  Dr.  A.  Koczirz  à  Vienne. 

BELGIQUE. 

Président  :  Edgar  Tinel,  direct,  du  conservatoire  de  Bruxelles. 

Vice-Président:   A.    Béon,   Compositeur. 

Secrétaire:  Closson,  conservateur  du  Musée  du  Conservatoire 

de  Bruxelles. 
Trésorier:  Hans  Taubert,  éditeur  de  musique. 

DANEMARK. 

Président:  Dr.  A.  Hammerich. 
Secrétaire:  Dr.  VV.  BchreaJ. 
Trésorier:  S.  Lév\fohn. 

ESPAGNE. 

Dr.  Felipe  Pcdrell,  Barcelone. 

FRANCE.  —  Section  de  Paris. 

Président:  Ch.  Malherbe,  Bibliothécaire  de  l'Opéra. 
Vice-Président:  f.  Ecorcheville,  Dr.  ès-lettres. 
Secrétaire: J.  G.  Prod'homme. 
Trésorier:  L.  Laloy,  Dr.  ès-lettres. 
Bibliothécaire:  L.  de  La  Laurencie. 
Membres  du  comité:  Pierre  Aubry, 
A.  Boschot. 

INDES. 

Dr.  A.  M.  Pathan,  Musicien  de  S.  A.  le  Mahar.ijah  de  Baroda. 

ITALIE. 

La  section  italienne  est  formée  par:  V Aaociaaione  dei  Musico- 
logi  Italiûtii. 
I  Président:  Prof.  Gaspciini  .'i  P:irme. 

POLOGNE. 

Président:  H.  Opiensky  à  Varsovie. 
Secrétaire-Trésorier:  A.  de  Gujewsky  'a  Varsovie. 
Archiviste:  M.  Sujynsky  à  Varsovie. 

SUEDE. 

Président:  G.  Claudius  à  Malmoc. 
Secrétaire:  Tobias  Norlind  à  Tomclilla. 
Trésorier:  Prcben  Nodermann  à  Malmoe. 

SUISSE.  —  Section  de  Baie. 

Président:  II.  Sutcr,  H.'ilc. 
Vice-Président:  A.  Hamm. 
Secrétaire:  Cari  Nef. 
Trésorier:  Max  BoUcr. 
Membres  du  Comité:  Dr.  Bcrnoulli, 
Dr.  A.  Bcrthnjjct. 


L'ACTUALITÉ 


MUSICALE 


ANNEXE  DE  LA  REVUE  MUSICALE  S.I.M. 
PUBLIÉE  PAR  LA  SECTION  DE  PARIS  DE  LA 
SOCIÉTÉ  INTERNATIONALE  DE  MUSIQUE 


15  OCTOBRE  1910 


FRANCE  ET  BELGIQUE 
Le  numéro  :  0.40  -  Un  an:  4.00 


UNION      POSTALE 
Le  numéro:  0.60  -  Un  an:  6.00 


L'JCTVAUTÉ  MUSICALE 


REDACTION 


PARIS:    22,    RUE    ST.    AUGUSTIN 
BELGIQUE:   RENÉ  LYR  A  BOITSFORT,  BRUXELLES 


ADMINISTRATION 


LIBRAIRIE    CH.    DELAGRAVE,    15,    rue    Soufflot,    PARIS. 


Tous  les  mandats  doivent  être  adressés  soit  à  la  librairie  DELAGRjiVE, 

soit  à  M.  RE^CÉ  LYR 


SOMMAIRE      DE      L'ACTUALITE 

DU    15    OCTOBRE 

THÉÂTRES  ET  CONCERTS  :  —  Province.  —  Bclgic]uc.  —  Étranger.  —  UN 
VIEIE  ARTISTE.  —  L'ENSEIGNEMENT  MUSICAL  A  L'ÉC()I,E  PRIMAIRE. 
par  O.  Luin.  —  QUESTIONS  SOCIALI^S  :  Ci>iii|nc-/,  d'alioiil  sur  \()us-inriiic'  par 
M.    Daiihrkssk.    —    A    'J'RAVERS    Li:S    RFA'UI'.S,    par     M.     1).     C.\i.\  (koukssi.     — 

L'ÉDITION    MUSICALI',    iiar    V.P. 


PIERRE  AUBRY 


La  mort  vient  de  frapper  douloureusement  la  musicologie 
française,  et  notre  Section  Parisienne  de  la  Société  Internatio- 
nale de  Musique.  Pierre  Aubry  a  été  victime  d'un  accident 
lamentable.  Au  cours  d'un  assaut  d'armes,  l'épée  de  son 
adversaire  se  trouvant  en  mauvais  état,  et  maniée  avec  une 
grande  violence,  a  pénétré  jusqu'au  poumon  de  notre  malheu- 
reux Ami.  Une  hémorragie  se  déclara,  et  quelques  heures  après, 
Pierre  Aubry  était  mort. 

Tous  ceux  qui  s'intéressent  aux  sciences  musicales  avaient 
pu  apprécier  notre  Collègue,  qui,  frappé  à  36  ans,  laisse  derrière 
lui  une  œuvre  déjà  considérable  et  un  nom  glorieux.  Nous 
réunissons  en  ce  moment  les  éléments  d'une  nécrologie  digne  de 
Pierre  Aubry,  et  que  nous  publierons  dans  notre  prochain 
Numéro. 

Lors  des  funérailles,  notre  Collègue  Romain  Rolland 
retenu  en  Italie,  avait  en  quelques  mots  qui  ont  été  prononcés 
par  M.  Emile  Dacier,  Bibliothécaire  de  la  Bibliothèque  Natio- 
nale, rendu  hommage  au  nom  de  notre  Société  à  l'Ami  que 
nous  regrettons  tous. 

Le  Président  de  la  Section   de  Paris, 

Charles   Malherbe. 


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d'une    Maison    donnant    en    LECTURE     non    seulement    de    la 

Musique    Française 


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Partitions  d'Orchestre  ? 

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ÉDITION    POPULAIRE    SIMROCK 

Li.s    Chf.is-d'(E[ivki.:    dk    BRAHMS,    BRUCII, 

DVORAK,    SCHUTT,    etc. 

l^OljR    LA    MOITIÉ    DE    LI^Jl^S    PRIX    ANCIENS! 

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Heliogabaîe 

Le  genre  de  spectacle  donné  à  Béziers  a  un 
caractère  très  particulier  auquel  on  aurait  tort 
de  n'attacher  aucune  importance.  Il  a  la  pompe 
du  grand  opéra,  la  coupe  de  l'opéra-comique 
et  la  forme  du  mélodrame.  C'est  presque  le 
drame  antique.  Aussi  les  sujets  tirés  de  l'His- 
toire Ancienne  conviennent-ils  bien  au  cadre 
des  arènes,  mais  ils  ne  sauraient  se  passer  de 
musique.  Celle-ci  doit  avoir  une  ligne  bien 
accusée,  ne  pas  se  perdre  dans  des  raffinements 
inutiles  et  se  borner  à  être  décorative  en  lais- 
sant de  côté  la  psychologie  des  personnages. 
C'est  ce  qu'a  compris  M.  de  Séverac,  comme 
déjà  avant  lui  M.  Saint-Saëns,  dont  la  Dejanire 
passait  jusqu'ici  sans  conteste  pour  le  modèle 
du  genre. 

Alors  que  le  poète  à"" Heliogabaîe  s'attardait 
dans  un  symbolisme  désuet,  le  musicien  a 
écrit  au  contraire  une  partition  d'allure  très 
franche.  Il  a  vu  surtout  dans  l'Empereur 
dégénéré  le  Prêtre  du  Soleil,  le  syrien  fantasque 
et  voluptueux  qui  fît  venir  à  Rome,  sur  un 
chemin  semé  de  poussière  d'or,  la  pierre  noire 
d'Emese,  et  il  a  donné  à  la  plus  grande  partie 
de  son  œuvre  une   teinte   orientale   peut-être 


un  peu  trop  marquée  :  le  thème  qui  caracté- 
rise la  mollesse  d'Heliogabale,  celui  qui  accom- 
pagne ses  prêtres  et  ses  éphébes  sont  construits 
sur  des  formules  empruntées  aux  gammes 
orientales,  gamme  sans  quarte  et  sans  note 
sensible,  ou  mode  mineur  avec  fausse  relation 
de  triton.  Il  en  résulte  plus  de  monotonie 
encore  que  de  couleur.  M.  de  Séverac  va 
jusqu'à  utiliser  des  modes  hindous,  auxquels 
succèdent  des  modes  grecs  antiques.  En  plein 
air  c'est  de  l'érudition  perdue  et  tous  ces 
modes  nous  sont  devenus  tellement  familiers 
qu'ils  n'ont  plus  aucun  caractère. 

L'acte  le  plus  réussi  est  le  premier  ;  je  puis 
même  dire  que  c'est  un  chef-d'oeuvre,  ainsi 
que  le  prologue  qui  le  précède,  où  le  poète 
résume  le  drame  :  Rome  s'endormant  dans  la 
volupté,  pendant  que  les  chrétiens  prêchent 
la  chasteté  et  le  renoncement,  et  se  révoltant 
pour  se  débarrasser  tragiquement  d'Helioga- 
bale. Le  musicien  en  profite  pour  exposer  ses 
principaux  thèmes,  celui  de  Rome,  simple  et 
frappant,  clamé  par  les  trompettes,  celui 
d'Heliogabale  et  de  sa  suite,  et  enfin  celui  des 
chrétiens,  assez  solennel.  Ces  thèmes,  sauf  le 
dernier,  forment  le  fond  du  premier  acte  où  le 
cruel  Empereur  fait  mourir  ses  convives  sous 


362 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


un  déluiie  de  roses  et  condamne  deux  chré- 
tiennes  à  un  supplice  atroce,  ce  qui  lui  vaut 
la  haine  du  père  des  deux  martyres  (et  au 
dernier  acte  il  tombera  sous  les  coups  de  ce 
père  outragé).  Il  confie  ses  craintes  et  ses 
remords  à  sa  mère  vigilante  et  faible,  et  pour 
chasser  ses  hallucinations  fait  danser  devant 
lui  des  esclaves  exotiques,  ce  qui  donne  lieu  à 
un  joli  numéro  d'orchestre  et  de  chant,  la 
Danse  lascive. 

Dans  le  second  acte,  consacré  exclusive- 
ment aux  chrétiens,  M.  de  Séverac  a  écrit  des 
chœurs  fugues,  assez  courts  (et  il  n'y  a  pas  de 
fugue  proprement  dite),  procédé  un  peu  facile 
pour  un  musicien  tel  que  lui,  et  s'est  égale- 
ment servi  de  Y  Alléluia  grégorien  si  expressif 
que  chantent  si  bien  les  chanteurs  de  Saint- 
Ger\ais.  Il  en  a  fait  un  motif  principal  formant 
fond  de  tableau.  Au  lieu  de  lui  conserver  son 
caractère  monodique,  il  lui  a  adjoint  un  ac- 
compagnement simple  et  fort  joli  qui  le  rend 
trop  séduisant  pour  un  chant  de  chrétiens 
primitifs  et  austères.  Je  dois  dire  néanmoins 
qu'il  est  ainsi  fort  agréable  à  entendre  et  qu'il 
a  beaucoup  plu.  De  même  le  Pater  noster  à 
quatre  parties  n'a  pas  l'onction  et  l'humilité 
qui  conviennent  à  cette  prière,  et  dans  tout 
cet  acte  on  sent  que  le  musicien  a  cherché 
surtout  à  faire  joli.  Il  y  a  pleinement  réussi. 

Le  troisième  acte  comprend  un  long  ballet, 
traité  simplement  à  la  manière  de  ceux  de 
Gliiclc,  et  toujours  dans  le  style  oriental,  une 
danse  du  Soleil,  très  originale,  et  une  masca- 
rade pétillante  d'esprit. 

Le  style  de  M.  de  Sé\erac  dans  Heliogahale 
diffère  sensiblement  de  celui  que  nous  lui  con- 
naissions. On  conçoit  que  cela  était  nécessaire, 
et  il  est  curieux  de  remarquer  combien  le 
plein-air  fond  les  dissonances,  atténue  les 
crudités  :  les  suites  de  quintes  et  de  quartes 
qui  accompagnent  par  exemple  le  motif  de 
l'empereur  efféminé  sont  très  douces  ;  les 
frottements  de  secondes  mineures,  chers  au 
compositeur  é^ En  Langurdoc.,  produisent  à  peine 
un  petit  frisson,  et  en  revanche  les  pédales 
profondes,  très  nombreuses  et  souvent  crun 
effet  très  réussi,  sont  très  frappantes,  comme 
aussi  les  trouvailles  rythmiques,  très  heureuse^, 


telle,  pour  n'en  citer  qu'une,  que  ralternance 
de  la  mesure  à  4/4  avec  la  mesure  à  2/2  dans 
la  bacchanale  du  dernier  acte,  produisant  une 
confusion  apparente  bien  en  situation. 

L'orchestre  se  composait  de  plusieurs  musi- 
ques militaires  et  du  quatuor  ordinaire  ren- 
forcé. Le  musicien  les  a  divisés  en  groupes 
dont  il  se  sert  un  peu  à  la  façon  des  registres 
d'un  orgue.  Les  violons,  qui  s'entendent  bien, 
font  de  jolis  contrastes  avec  les  cuivres,  et  les 
harpes  sont  utilisées  avec  une  très  louable 
modération.  Au  3*^  acte,  M.  de  Séverac  a 
introduit,  dans  son  orchestration,  quatre  cha- 
lumeaux.^ instruments  à  anches  d'origine  basque, 
rappelant  par  leur  crudité  les  clarinettes  en  ut. 
Elles  encanaillent,  comme  disait  Berlioz,  de 
façon  pittoresque  le  défilé  des  masques. 

Bien  que  cette  partition,  adaptée  après  coup 
à  une  tragédie  écrite  pour  une  autre  destina- 
tion, paraisse  avoir  été  un  peu  hfitivement 
composée,  elle  marque  un  pas  plus  décisif  du 
musicien  que  le  Cœur  du  moulin  dans  le  genre 
dramatique.  En  se  sur\eillant  moins,  il  se 
livre  à  nous  tout  entier,  laissant  à  découvert 
ses  défauts  et  ses  qualités,  défauts  et  qualités 
également  indispensables  pour  faire  un  homme 
de  théâtre  :  beaucoup  de  facilité,  idées  abon- 
dantes et  claires,  harmonie  riche  et  solide,  et 
où  l'on  remarque  enfin  une  tendance  heureuse 
à  se  dégager  définiti\'ement  des  liens  de  l'Ecole. 

Il  y  a  peu  de  choses  à  dire  sur  l'interpréta- 
tion. Les  soli  étaient  bien  chantés,  par  des 
\oix  sonores,  mais  les  choeurs  —  où  nr 
figurait  pas  la  Schola  de  Montpellier,  annon- 
cée à  tort  par  les  affiches  et  les  journaux  — 
détonnèrent  abominablement.  M'"''  Napier- 
kowska  ne  vint  pas,  et  les  attitudes,  la  grâce 
de  M'"''  Nina  Sereni  nous  consolèrent  de  sa 
défection.  \x  décor,  souteiui  par  des  madriers 
d'un  effet  déplorable,  ne  recueillit  pas  tous  les 
suffrages,  et  le  spectacle  en  général,  monté 
a\ec  un  peu  de  hâte,  accusait  des  négligences 
regrettables  dans  beaucoup  de  détails.  En  re- 
\anche  l'orchestre  fut  merveilleux  sous  la 
baguette  de  M.  Ffasselmans  et  le  jeune  chef 
d'orchestre  fut  tout  sini|iKnunt  atlmirable.  Sa 
maîtrise  suppléa  au  manque  île  répétitions  et 
lie  mise  au  point  qui  eussent  pu  compromettre 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


363 


tTicheuscment  le   succès  de  cette   remarquable 
partition. 

Edouard  Perrin. 

TOURS.  —  Le  compositeur  tourangeau, 
M.  Fernand  Jouteux  vient  de  remporter  un 
beau  succès  à  la  Distribution  des  Prix  de 
l'Ecole  qu'il  a  été,  au  début  de  l'année,  chargé 
de  diriger  et  de  réorganiser.  L'Ecole  compte 
deux-cents  élèves,  et  les  concours  publics  ont 
été  excellents.  Au  Concert  donné  au  Grand 
,  Théâtre,  M.  Fernand  Jouteux  a  dirigé, 
entr'autres,  plusieurs  de  ses  œuvres  :  une  pitto- 
resque Danse  Chinoise;  un  chœur  délicieux 
'•'•  Ma  fille  ^  veux-tu  un  bouquet''''^  et  une  grande 
scène  dramatique,  pour  solis,  chœurs  et 
orchestre  "  le  Retour  du  Marin  ",  qui  fut 
acclamée  avec  enthousiasme. 

SEDAN,  —  Représentation  en  plein  air 
de  "  l'Arlésienne  ". 

Cette  manifestation  artistique  et  populaire 
organisée  à  l'occasion  de  l'Liauguration  offi- 
cielle de  la  ligne  de  Chemin  de  fer  de  Sedan 
à  la  Frontière  Belge,  eut  lieu  au  Champ  de 
Mars,  dans  un  paysage  charmant  et  devant 
environ  huit  mille  spectateurs. 

Loin  de  moi  l'idée  d'établir  une  compa- 
raison entre  le  cadre  grandiose  des  différents 
théâtres  antiques  d'Orange,  de  Nimes,  de 
Béziers,  d'Arles,  etc..  et  le  lieu  de  la  repré- 
sentation. 

Mais  l'interprétation  de  la  belle  œuvre  de 
Daudet  fut  parfaite. 

Sous  l'habile  direction  de  son  chef,  M.  Cla- 
rinval,  la  Société  Philarmonique  de  Sedan 
sut  en  cette  occasion  se  rendre  digne  tant  du 
dévoûment  de  son  distingué  Président,  M.  le 
docteur  Hennecart,  que  du  public  de  connais- 
seurs que  l'on  rencontre  dans  tous  ses  concerts. 

EPINAL.  —  Nul  de  ceux  qui  assistèrent, 
lors  de  l'exposition  artistique  de  1908,  au 
concert  offert  par  VOrchestre  Cosmopolite  dans 
les  jardins  de  la  Maison  Romaine,  n'avait 
oublié  le  charme  de  cette  soirée. 

Cette  fois  encore  le  Cosmos  avait  choisi  le 
même  cadre.  Le   programme  se  composait  de 


trois  morceaux  symplioniques  choisis  au  réper- 
toire des  grandes  auditions.  Tout  d'abord, 
VOuverture  de  Guillaume  Tell^  puis  la  Sy?n- 
phonie  inachevée  de  Schubert  et,  enfin,  la 
Romance  en  Sol,  de  Beethoven,  qui  permit  à 
M.  Rietschler  de  mettre  en  évidence  son  jeu 
souple,  sobre  et  ému. 

A  signaler  aussi  une  Gavotte  de  Popper  où 
M.  Talaupe,  violoncelliste,  excella  comme  à 
son  ordinaire  ;  trois  chœurs  sans  accompagne- 
ment, de  Schumann,  et  qui  furent  parfaite- 
ment rendus. 

La  soirée  se  termina  par  une  ode  sympho- 
nie pour  ténor,  chœur  et  orchestre,  traitée 
par  un  lorrain  —  René  de  BoisdefFre  —  dans 
la  manière  de  Massenet,  et  qui  fut  l'occasion 
d'un  beau  succès  pour  l'auteur  et  les  exé- 
cutants. 

NANTES.  —  Du  23  juillet  au  i  août  se 
sont  déroulées,  à  Nantes,  les  fêtes  de  la 
Bretagne  à  travers  les  âges.  Exposition  bretonne, 
cavalcades  historiques,  concours  de  costumes, 
de  danses  et  de  chant,  telles  furent  les  princi- 
pales attractions.  La  musique  eut,  dans  ces 
fêtes,  un  rôle  important. 

Le  Dimanche  24,  nous  assistions  à  une 
représentation  d'Andromaque  au  théâtre  de  la 
nature  organisé  dans  le  parc  de  M.  Brousset, 
au  front  du  Cens.  Interprètes  :  M""^  Second- 
Weber,  M"''  Madeleine  Roch,  MM.  Jacques 
Fenoux,  Mayer  et  Albert  Lambert  père.  La 
musique  de  scène  de  Saint-Saëns  était  exécutée 
par  l'orchestre  Lonati. 

Le  soir,  l'Orphéon  nantais  "  la  Sainte- 
Cécile  ",  sous  l'habile  direction  de  M.  La- 
combe,  et  l'orchestre  Lonati  donnaient  un 
concert  à  l'exposition  avec  le  concours  de 
M"'''  G...,  de  M.  Nucelly,  de  l'opéra,  et  de 
M.  Reliet,  premier  prix  de  chant  au  conser- 
vatoire de  Nantes.  La  cantate  de  Thielemans 
"  les  deux  Bretagnes  "  obtint  un  vif  succès  et 
nous  eûmes  le  plus  grand  plaisir  à  en  entendre 
une  seconde  audition  au  concert  du  28. 

Le  27  et  le  28,  concerts  populaires  donnés 
par  la  Garde  républicaine. 

Le  Dimanche  31  juillet  on  avait  eu  l'heu- 
reuse idée  d'organiser  une  cour  d'amour  dans 


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L'ACTUALITE     MUSICALE 


365 


la  cour  principale  du  Cliateau  des  ducs  de 
Bretagne,  En  présence  de  la  duchesse  Anne, 
M^'"*^  Meunier,  de  l'Opéra,  exécuta  une  danse 
grecque.  Puis  M.  Nucelly  et  M'^'"'  Delvair, 
sociétaire  de  la  Comédie  française  se  firent 
entendre.  Le  "  Choral  Nantais  "  et  la 
"  Sainte-Cécile  "  exécutèrent  une  des  plus 
belles  mélodies  bretonnes  recueillies  par  Bour- 
gault-Ducoudray  :  "  le  Semeur  ",  sous  la 
direction  de  M.  Morisson,  et  la  "  Légende 
bretonne  "  de  Sanitis  sous  la  direction  de 
M.  Lacombe.  L'Union  Philharmonique  fit 
entendre  enfin  différents  morceaux,  entre 
autres  l'originale  "  Marche  des  Korrigans 
de  Guy  Ropartz. 

Les  Nantais  ont  voulu  clore  cette  série  de 
fêtes  par  un  pieux  hommage  à  la  mémoire  du 
regretté  maître  Bourgault-Ducoudray.  C'est  à 
ses  œuvres  que  fut  consacré  le  festival  très 
réussi  donné  le  i^'^août  par  la  Société  Philhar- 
monique, le  Choral  Nantais  et  la  Sainte- 
Cécile. 

Mais  ce  qui  donna  aux  fêtes  Nantaises  leur 
parfum  vraiment  spécial  ce  fut  1-a  musique  des 
bretons  bretonnants  :  les  binious  et  les  bom- 
bardes. 

CAUTERETS.  —  De  tous  les  "  Théâtres 
de  la  Nature  "  créés  (avec  quelque  excès)  ces 
derniers  temps,  aucun  ne  peut  rivaliser  avec 
le  nôtre  avec  son  incomparable  décor  de  forêts, 
de  sapins  et  de  Pyrénées  neigeuses.  Il  est  à 
quelques  minutes  de  la  ville,  fort  bien  installé, 
un  peu  vaste  toutefois  pour  des  représentations 
d'œuvres  lyriques  composées  pour  nos  salles 
de  théâtre. 

Nous   venons    d'y    entendre    "   Paillasse 
avec  Campagnola  de   l'Opéra,   et   "  la  Navar- 
raise  "  avec  M'^'^'^  Lucy  Vauthrin,  de  l'Opéra- 
Comique. 

Ensemble  excellent  de  solistes,  mais  chcEurs 
et  orchestre  vraiment  insuffisants.  Dans  l'Ar- 
lésienne  —  jouée  par  la  troupe  du  Théâtre 
Sarah  Bernhardt,  au  lieu  d'Antar  annoncé  — 
l'orchestre  a  été  tout  à  fait  médiocre. 

Au  Casino,  très  bonnes  représentations  de 
Werther,  Madame  Butterfly,  Carmen  etc. 
avec    Seldon,    de    la   Monnaie    de    Bruxelles, 


ténor  de  belle  prestance,  de  voix  superbe  mais 
insuffisamment  travaillée  et  M""'  Lise  Lam- 
bertha,  du  même  théâtre. 

En  somme  peu  de  villes  d'eaux  peuvent 
donner  d'aussi  bonnes  représentations  lyriques. 
Avec  un  effx)rt  des  chœurs  et  de  l'orchestre 
ce  serait  parfait. 

F.  A. 

CETTE.  —  Le  Kursaal  qui  vient  de 
brûler  pendant  une  représentation  de  Carmen^ 
était  situé  sur  la  plage  et,  pendant  la  saison 
des  bains  de  mer,  donnait  régulièrement  de 
très  bonnes  représentations  d'opéra-comique  et 
de  grand  opéra.  La  ville  de  Cette  qui  possède 
un  joli  théâtre,  tout  neuf,  imité  de  celui  de 
Montpellier  (qui  lui-même  ressemble  à  l'Opéra- 
Comique),  n'a  cependant  pas  de  saison  théâ- 
trale d'hiver,  —  Cette  possède  également  un 
conservatoire. 

TROUVILLE.  —  Casino-Salon.  —  La 
troupe  d'Opéra-Comique  a  fait  d'heureux 
débuts.  M™*^  Landouzy  est  une  chanteuse 
légère,  dont  la  voix  très  fraîche  est  d'une 
virtuosité  remarquable.  Le  rôle  de  Rosine,  du 
Barbier,  a  été  un  véritable  triomphe  pour  elle. 
M.  Geyre,  premier  ténor,  n'est  pas  un  inconnu 
pour  les  habitués  du  Casino,  où  il  a  déjà 
chanté,  il  est  élégant  et  a  une  jolie  voix. 
M.  Figarella,  le  baryton,  est  parfait  dans  tous 
ses  rôles,  c'est  un  artiste  absolument  remar- 
quable. M.  Bathier  est  une  basse  merveilleuse, 
le  public  lui  prodigue  ses  applaudissements  et 
c'est  justice.  Nous  avons  eu  de  belles  exécu- 
tions de  Lakmé,  Le  Barbier,  Manon,  La 
Dame  blanche,  La  Vie  de  Bohême,  alternant 
avec  les  représentations  d'opérettes.  Paillasse 
et  l'Attaque  du  Moulin  ont  été  donnés  avec 
M.  Abers,  le  baryton  spécialement  engagé 
pour  ces  représentations  qui  ont  été  superbes. 
Les  tournées  nous  ont  donné  :  La  Vierge 
folle,  avec  M™*'  Berthe  Bady  dans  le  rôle  de  sa 
superbe  création  de  Fanny  Armaury.  Miquette 
et  sa  mère  a  été  l'occasion  d'un  gros  succès 
pour  M.  Max  Dearly  qui  tenait  le  rôle  de 
Monchablon  qu'il  a  créé  et  à  ses  côtés  une 
très   bonne   troupe   assurait    le    succès   de    la 


366 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


pièce.  Gcmier  nous  a  donné  une  parfaite 
interprétation  de  Papillon  dit  Lyonnais  le 
Juste,  fort  bien  secondé  par  une  excellente 
troupe  d'ensemble.  Les  soirées  de  gala  nous 
ont  permis  d'applaudir  de  grandes  artistes  : 
M""^  Litvine,  la  grande  cantatrice  dans  les 
"  Amours  du  Poète  "  de  Schumann,  M"'*^ 
Juliette  Toutain-Griin,  la  mer\'eilleuse  pia- 
niste, dans  le  2°^*^  concerto  de  Saint-Saëns.  Au 
même  concert  M""^'  Barthé  se  faisait  applaudir 
dans  :  Les  Nuits  d'orient  et  L'Oiseau  bleu  de 
J.  Toutain-Grûn  qui  triomphait  comme  vir- 
tuose et  comme  compositeur.  M""^  Chenal  de 
l'Opéra  obtint  un  beau  succès  en  faisant 
entendre  de  jolies  mélodies  de  C.  Erlanger. 

MAÇON.  —  Le  concert  donné  par  le 
choral  Lamartine  a  été  très  réussi  et  l'occasion 
pour  MM.  Lenormand  père  et  ses  deux  fils 
d'un  très  réel  succès.  Ces  Messieurs  avaient 
choisi  "  Rédemption  "  de  Gounod  qui  était 
applaudi  avec  frénésie  et  c'était  justice  car 
l'exécution  était  parfaite. 

Le  concert  ofFert  sur  la  promenade  Lamar- 
tine par  notre  Harmonie  municipale  a  permis 
d'apprécier  le  talent  et  le  savoir  de  son  nou- 
veau chef  M.  Laurent  à  qui  nous  sommes 
heureux  de  souhaiter  la  bienvenue. 

L'Union  Chorale  a  fêté  le  2^^  anniversaire 
de  sa  fondation  et  son  fondateur-chef,  M. 
Oberdœrffer.  Un  banquet  très  animé  a  com- 
mencé la  fête.  Quant  au  concert  qui  devait 
avoir  lieu  promenade  Lamartine,  force  fut  à 
la  société  de  le  repousser  en  deux  fois,  les 
cataractes  célestes  n'ayant  pas  permis  de  s'ex- 
poser au-dehors,  mais  la  troisième  tentati\e  a 
réussi  et  plus  de  3. 000  auditeurs  ont  souligné 
de  leurs  applaudissements  les  choeurs,  orchestre 
et  solistes.  M"'"''  'l'héveiiin  (très  goûtée  dans  la 
"  Fileuse  "  de  Laurent),  MM.  Daly  et  Besson. 
Cette  société  doit  prendre  part  le  i  i  septembre 
prochain  aux  fêtes  du  Millénaire  de  la  fonda- 
tion de  la  ville  et  de  l'Abbaye  de  Cluny.  Ce 
jour  un  cortège  doit  défiler  en  ville.  On  doit 
reconstituer  la  visite  que  Louis  IX  fit  à  la 
célèbre  abbaye.  Les  sociétaires  de  l'Union 
Chorale  figureront  les  moines  et  exécuteront 
un  (.haut  liturgicpie  du  VIIT' siècle.  Un  grand 


congrès  de  Sa\ants  organisé  par  l'académie  de 
Mâcon  réunira  à  Cluny  le  monde  savant  de 
toute  l'Europe,  donnant  ainsi  à  cette  fête  un 
caractère  grandiose. 

LES  SABLES-D'OLONNE.  — La  saison 
se  poursuit  très  brillante  au  Casino  des  Sables- 
d'Olonne  grâce  à  l'excellente  administration  de 
son  propriétaire  M.  Audubon. 

Après  une  parfaite  saison  d'opérette,  les 
artistes  d'opéra  qui  ont  nom  :  M'"^'"  Cahuzac, 
Van  den  Berg,  O'deyer  ;  MM.  Cargue, 
Léger,  Delhaye,  Borelli,  Gauthier,  remportent 
tous  les  soirs  des  succès  complets  avec  Faust, 
Mireille,  Le  Chemineau,  Manon,  Le  Jon- 
gleur, etc.. 

A  noter  une  magnifique  représentation  du 
ténor  Da\'id,  de  l'Opéra-Comique,  dans  Wer- 
ther. Compliments  à  tous  ces  artistes  et 
surtout  à  l'infatigable  chef  d'orchestre  Et. 
Bardou. 

Les  concerts  donnés  sur  la  terrasse  sont 
également  très  suivis  grâce  au  réel  talent  des 
artistes  qui  le  composent  et  dont  quelques-uns 
sont  l'^''"''  prix  du  conservatoire  de  Paris. 

M.  P. 

DUNKERQUE.  —  Les  amateurs  dun- 
kerquois,  malouins,  ainsi  que  les  étrangers  en 
villégiature  sur  notre  plage,  peuvent  s'estimer 
heureux  de  trcnncr  une  aussi  bonne  troupe 
lyrique  que  celle  qu'a  su  tléiiichcr  M.  Der- 
x'illez,  le  s\nipatliit]ue  directeur  de  notre 
kursaal. 

Nous  axons,  par  semaine,  2  ou  3  grands 
opéras  et  4  à  5  opéras-comiques  ou   opérettes. 

Au  répertoire  :  Les  Huguenots,  L'Afri- 
caine, Thaïs,  Samson  et  Dalila,  Hamlet,  etc. 
exécutés  par  des  artistes  de  grand  talent  : 
MM""'  Madeski,  falcon  très  appréciée,  Ram- 
l)le/.-Malherhe,contralto,  MM.  Gaillard,  ténor, 
Roselli,  un  bar\ton  fort  goûté,  et  Groininen, 
basse  noMi'. 

Le  quatuor  (ropéia-coniicpie,  composé  de 
M""'  Victoria  Fer,  1"  clianteuse  du  théâtre 
lie  Genève,  MM.  |olbert,  ténor  léger  du 
théâtre  d'Alger,  Cotreuil,  forte  basse,  i|ui 
nous  arri\e  île   Rouen    et    I)enia\',  bar\ton,  du 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


théâtre  de  Gencve,  est  excellent  également  ; 
c'est  un  vrai  régal  que  d'entendre  ces  artistes 
que  les  auditeurs  ne  manquent  pas  d'applaudir 
chaleureusement. 

Un  fort  orchestre  comprenant  une  pléiade 
de  prix  de  conservatoire  et  de  professionnels 
locaux  fait  merveille  sous  la  direction  expéri- 
mentée de  M.  Eug.  Thiery. 

E.  S. 

MOULINS.  —  La  jeune  Chorale  de 
Moulins  qui  n'a  que  quelques  mois  d'existence 
vient  de  se  couvrir  de  lauriers  au  concours 
musical  de  Limoges  des  14  et  15  août  dernier. 
Elle  a  obtenu  en  effet  un  premier  prix  de 
lecture  à  vue  avec  félicitation  au  directeur, 
—  M.  Emile  Vincent,  l'excellent  professeur 
de  violon  de  notre  ville,  —  un  second  prix 
d'exécution  et  un  second  prix  d'honneur, 
concurremment  avec  la  Société  Orphéonique 
de  Bordeaux.  Cette  dernière  société  était  par- 
ticulièrement redoutable.  Elle  existe  depuis 
longtemps  et  elle  a  un  long  entraînement. 
C'était  un  hormeur  périlleux  pour  la  jeune 
Chorale  de  Moulins  d'avoir  à  Se  mesurer 
avec  elle. 

Nous  sommes  heureux  d'enregistrer  les 
brillants  succès  de  cette  ardente  et  conscien- 
cieuse phalange  musicale  qui  ne  tardera  pas, 
le  travail  aidant,  à  se  placer  au  premier  rang. 
Son  directeur,  dont  la  méthode  a  été  si  appré- 
ciée, saura  l'y  conduire. 

MONT -DE -MARSAN.  —  Dernière- 
ment, l'Ecole  de  Musique  des  Landes,  qui, 
sous  la  direction  de  P.  Lacome  prospère  à 
Mont-de-Marsan  depuis  une  dizaine  d'années, 
donnait,  dans  la  salle  des  fêtes  de  l'Hôtel 
S'  Martin,  son  concert  annuel  de  fin  d'études. 
Comme  dans  les  précédentes  auditions,  l'audi- 
toire d'élite  qui  avait  répondu  à  l'invitation  du 
Maître  et  des  Elèves,  a  pu  apprécier  les  jolies 
voix  de  mieux  en  mieux  exercées  qui  ont,  tour 
à  tour,  détaillé  un  programme  choisi.  Nous  ne 
voulons  pas  les  nommer  pour  ne  pas  blesser 
leur  modestie,  car  toutes  devraient  être  citées. 

Dans  cet  article  nous  nous  contente- 
rons d'approuver  un  programme  où  se  réunis- 


saient  les  noms  de  Bach,  de  Mendelssohn  et 
de  Schumann  pour  les  classiques  ;  de  Meyer- 
beer,  Chabrier,  Rossini  et  Wagner  pour  les 
romantiques  ;  de  Duparc,  Sibelius,  Holmes 
pour  les  modernes,  et  qui  a  fait  connaître 
ainsi  le  lied  (objet  de  la  conférence  d'intro- 
duction) sous  toutes  ses  meilleures  formes  ; 
une  légère  critique  s'adressera  au  sentiment 
de  profonde  mélancolie  qui  se  dégageait  d'un 
ensemble  de  morceaux  un  peu  trop  tirés  sur 
le  sombre  :  mais  de  quelle  douce  rêverie  s'im- 
prégnaient les  esprits  et  les  cœurs  !...  Espérons 
que  l'Ecole  de  Musique  des  Landes,  dernier 
refuge  de  l'art  musical  à  Mont-de-Marsan, 
vivra  longtemps  encore  pour  la  grande  jouis- 
sance des  purs  dilettantes  landais. 

PERIGUEUX.  - —  La  monotonie  légen- 
daire de  notre  charmante  et  pittoresque  cité  a 
été  rompue,  le  mois  dernier  par  trois  mani- 
festations artistiques  de  premier  ordre. 

La  félibrée  annuelle  du  Bournat  s'est  dé- 
roulée à  Razac,  près  Périgneux,  où,  malgré 
les  menaces  de  pluie,  l'attrayant  programme 
de  la  fête  a  pu  être  exécuté  en  son  entier. 
Le  maire  de  la  localité,  M.  Deschamps,  avait 
mis  son  parc  ombreux  à  la  disposition  des 
félibres  et  de  leurs  invités.  C'est  là,  dans  ce 
cadre  verdoyant  que  s'est  tenue  la  cour 
d'amour,  présidée  par  une  gracieuse  reine  et 
ses  dames  d'honneur,  en  coiffe  périgourdine. 
La  partie  concert  a  été  très  réussie  et  s'est 
terminée  par  le  premier  acte  de  Mireille^ 
délicieusement  interprété  par  M'"°'^  Feytaud, 
Dupont,  Blondel  et  M.  Fraikin,  avec  un 
chœur  de  quarante  jeunes  et  jolies  magnana- 
relles,  patiemment  stylées  par  le  maestro 
Tenant,  qui,  avec  un  zèle  des  plus  louables, 
présida  à  tout  le  travail  préparatoire  de  cette 
artistique  et  inoubliable  journée,  au  début  de 
laquelle  avait  été  inaugurée  une  plaque  destinée 
à  perpétuer  la  mémoire  du  poète  Lagrange- 
Chancel. 

Puis  Sarah  Bernhardt  est  venue  donner  sur 
notre  scène  La  Dame  aux  Camélias^  où,  malgré 
une  fatigue  évidente,  la  vaillante  artiste  a 
remporté  son  succès  habituel. 

Enfin    sur    un    théâtre    de   verdure    installé 


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L'ACTUALITE    MUSICALE 


369 


dans  les  jardins  de  la  Préfecture,  M.  Berton 
a  fait  représenter  sa  MagdaUcnne^  pièce  bibli- 
que en  deux  actes  et  en  vers,  agrémentée 
d'une  émouvante  musique  de  scène  de  l'émi- 
nent  compositeur  M.  de  La  Tombelle.  C'est 
M"''  Madeleine  Roch,  de  la  Comédie  Fran- 
çaise, qui  tenait  le  principal  rôle,  entourée  de 
MM.  Perrin,  Desmares,  Valbel,  de  l'Odéon. 
Beaux  vers,  bonne  musique,  qui  gagneront 
sûrement  à  être  entendus  dans  un  grand 
théâtre  de  Paris,  où  l'œuvre  n'a  pas  encore 
paru.  Le  programme  était  complété  par  Le 
Passant^  de  Coppée,  interprété  par  M^^'^*  Ma- 
deleine et  Marguerite  Roch. 

En  terminant,  signalons  la  construction,  à 
Périgueux,  d'une  nouvelle  salle  de  spectacle, 
qui  comptera  700  places,  avec  une  scène 
machinée  et  des  décors  fournis  par  la  maison 
Wesbecher.  Nous  reparlerons  de  cette  salle, 
sur  laquelle  nous  attirons  d'ores  et  déjà  l'at- 
tention des  directeurs  de  tournées,  appelés  à 
la  fréquenter,  de  préférence  à  notre  vieux 
théâtre. 

F.  C. 

SAINT  JEAN-DE-LUZ.  —  Les  fêtes 
Basques.  —  Les  fêtes  musicales  et  traditionnel- 
les de  la  "  Société  Charles-Bordes  (28  et  29 
août)  ont  attiré  un  public  nombreux,  vivement 
intéressé  par  un  ensemble  de  manifestations 
ayant  pour  but  de  montrer  l'évolution  de  la 
musique  primitive  en  ces  formes  successives  : 
chant  grégorien,  mélodie  populaire,  polyphonie 
vocale. 

L'institution  des  fêtes  musicales  et  tradition- 
nelles remonte  à  l'année  1896  ;  elle  est  due  à 
l'initiative  de  Charles  Bordes,  qui  le  premier, 
associa  l'élément  ethnique  basque  (chant  et 
danses)  aux  manifestations  d'art  grégorien  et 
palestrinien. 

Les  quatre-vingts  choristes  de  la  "  Société 
Charles  Bordes  "  ont  chanté  à  l'église  parois- 
siale la  messe  "  Quarti  Toni  "  de  T.  L.  da 
Vittoria  (seizième  siècle). 

Tout  le  propre  de  l'office,  avec  l'alléluia  du 
jour,  fut  exécuté  en  chant  grégorien. 

Puis  environ  deux  mille  spectateurs  se  réu- 
nissaient au   "  Préau  Sainte-Marie  ",  où  avait 


lieu  la  fête  champêtre  basque.  L'inoubliable 
souvenir  de  Charles  Bordes  s'évoquait  irrésis- 
tible, car  tous  se  souvenaient  que,  l'année 
dernière  encore,  notre  bien  aimé  fondateur 
dirigeait  en  personne  les  "fêtes  traditionnelles." 

Ce  furent,  cet  été,  les  fêtes  de  la  danse  et 
de  la  chanson  basque.  Les  danses  "héroïques 
et  traditionnelles  "  permirent  d'admirer  ces 
beaux  danseurs  euskuariens,  dont  la  noblesse 
et  la  grâce  s'avérèrent  une  fois  de  plus.  Les 
chansons  morales,  amoureuses  et  satiriques  du 
pays  basque,  alternaient  avec  les  danses,  chan-. 
tées  par  les  choristes  de  la  Société  Charles 
Bordes. 

Les  fêtes  se  terminèrent  par  une  audition 
des  plus  intéressantes,  donnée  par  les  mêmes 
choristes,  sous  la  direction  de  M"'''  Jumel, 
l'éminent  professeur  de  chant  grégorien  à  la 
"  Schola  cantorum  "  de  Paris  et  directrice  de 
la  classe  de  chant  grégorien  à  la  "  Société 
Charles  Bordes.  " 

L'OPÉRA  BASQUE.  —  Un  événement 
musical  d'un  haut  intérêt  passionne  actuelle- 
ment les  dilettantes  des  curieuses  provinces 
basques,  espagnoles  et  françaises.  Il  s'agit  de 
l'éclosion  de  l'art  dramatique  basque  provoquée 
par  deux  artistes  français  des  environs  de 
Saint-Jean  de  Luz,  sous  le  remarquable  pa- 
tronage de  la  Société  Chorale  de  Bilbao. 

La  Pastorale  lyrique  basque,  en  2  actes, 
"  Maitena  ",  paroles  d'Et.  Decrept,  musique 
de  Ch.  Colin,  représentée  l'an  dernier  à  pareille 
époque  (juin)  au  théâtre  des  Campos-Elyseos, 
à  Bilbao,  riche  capitale  de  la  Viscaye,  a  sou- 
levé un  véritable  enthousiasme  qui  n'a  fait 
que  s'accroître  au  fur  et  à  mesure  des  repré- 
sentations successives  de  l'ouvrage. 

Ce  résultat  ne  devait  être  qu'un  début. 
Cette  année,  trois  pièces  lyriques  nouvelles 
viennent  accompagner  "  Maitena  "  au  théâtre 
Basque  définitivement  constitué  par  la  Société 
Chorale  de  Bilbao. 

Ce  furent  "  Mendi-Mendiau  ",  livret  de 
J.  Power,  président  actuel  de  la  Société^ 
musique  de  Uzandizaga,  jeune  musicien  gui- 
puscoan  ;  "  Mirentxu  ",  livret  de  A.  Echave, 
ex-président  de   la   même  société,  musique  de 


37° 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


Guridi,  compositeur  visca)'cn  ;  et  enfin  "  Lidc 
ta  Ixidor  ",  dont  le  livret  est  également  de 
Echave  et  la  musique  de  S.  Inchausti,  de 
Bilbao. 

"  Maitena  ",  reprise  a^■ec  un  succès  égal  à 
celui  de  sa  première  apparition,  et  les  trois 
autres,  opéras,  joués  successi\emcnt  au  théâtre 
des  Campos  Elyseos,  tous  interprétés  par  les 
uniques  éléments  de  la  Chorale,  furent  ac- 
cueillis passionnément  par  la  population  eus- 
karienne  et  par  les  nombreux  étrangers  attirés 
par  cette  manifestation  si  intéressante  de  décen- 
tralisation artistique. 

On  parle  de  différentes  tournées  dans  les 
Grandes  villes  espagnoles  et  françaises,  et  même 
à  Buenos-Ayres,  d'où  de  nombreux  cablo- 
grammes  ont  réclamé  déjà  le  voyage  triomphal, 
vers  l'Amérique  basque,  des  musiciens  euska- 
riens  et  de  leurs  incomparables  interprètes  et 
parrains  de  la  Société  Chorale  de  Bilbao. 

BREST.  —  Trois  musiciens  de  la  Schola 
Cantorum^  M.  D.  Sangrà,  violoniste.  M'""  Far- 
deau, pianiste  et  M"''  Darragon,  soprano,  ont 
donné  dernièrement  une  séance  de  musique 
des  plus  intéressantes. 

•  VANNES.  —  A  la  distribution  des  prix 
du  conservatoire  municipal  on  a  particuliè- 
rement applaudi  dans  le  concerto  en  ré  mineur 
de  Mozart  une  jeune  élève  du  cours  supérieur 
de  piano,  et  dans  le  Menuet-Valse  de  Saint 
Saëns  un  des  distingués  professeurs  de  ce 
cours. 

I /hymne  au  feu  sacré  de  Bourgault-Ducou- 
dray  et  quelques  extraits  de  Lalla-Rouk  de 
Félicien  David,  chantés  par  les  chœurs  ont 
obtenu  également  un  vif  succès. 

Cet  événement  est  d'autant  plus  intéressant 
à  signaler  que  le  Conservatoire  de  Vannes  est 
une  institution  qui  fonctionne,  en  dehors  de 
toute  attache  officielle,  et  dans  des  conditions 
réellement  démocratitiues,  grAce  à  une  sub- 
vention miuiicipale  et  au  concours  désintéressé 
de  professeurs  et  (raniatiurs  de  grand  mérite 
et  (le  réel  talent.  La  plupart  des  récompenses 
attribuées  aux  lauréats  proviennent  d'ailleurs 
(le  dons  généreux  faits   par    des    personnes   (|in 


témoignent  ainsi  d'une  sympathie   véritable  à 
l'art  musical  et  qu'on   ne  saurait  assez  louer. 

T.  C. 

GRANVILLE.  —  Les  concerts  donnés 
au  Casino  sous  l'experte  direction  de  M.  René 
Doire,  ont  obtenu  le  plus  grand  succès,  expli- 
cable, du  reste,  quand  on  connaît  le  nom 
des  artistes  qui  y  ont  pris  part  :  l'excellente 
basse  Fournets,  M""'  René  Doire,  M"''  Jane 
Quainom,  le  célèbre  violoncelliste-compositeur 
Hollmann,  et  les  œuvres  qui  y  furent  exécu- 
tées :  pièces  de  Hândel,  Rameau,  Chopin, 
Capriccio  Espagnol  de  Rimsky-Korsakoff^ 
ouverture  de  Phèdre  de  Massenet,  l'Intermezzo 
de  G.  Sporck,  Concerto  de  St-Saëns  pour 
\ioloncelle,  etc..  Il  convient  aussi  de  louer 
l'orchestre  si  souple  et  si  intelligent.  Félicitons 
le  Directeur  du  Casino  d'avoir  réussi  à  donner 
Granville  une  véritable  Saison  Musicale  du 
plus  haut  intérêt  ;  et  remercions-le  au  nom 
des  auditeurs  de  ces  concerts. 

ARCACHON.  —  La  saison  d'opérette 
donnée  par  le  Casino  de  la  Plage  a  été  très 
brillante. 

Le  Petit  Duc,  une  des  plus  aimables  opéret- 
tes de  Lecoq  mettait  en  effet  en  scène  les 
principaux  éléments  de  la  troupe,  et  nous 
sommes  heureux  de  dire  tout  de  suite  quel 
plaisir  ce  fut  pour  nous  de  constater  qu'elle 
possédait  une  liomogénéité  parfaite.  D'aucuns 
au  surplus,  nous  ont  paru,  ainsi  qu'au  nom- 
breux public,  qui  assistait  à  cette  première, 
posséder  de  réelles  qualités  artistiques  qui  nous 
promettent  pour  le  ccnn'ant  de  la  saison,  une 
série  de  représentation  dignes  de  nos  concitoyens 
et  de  leurs  iK'itcs. 

C'est  dire  que  l'administration  et  le  Direc- 
teur ont  fait  les  plus  grands  efforts  pour  arriver 
à  nous  donner  toute  satisfaction,  et  nous  serons 
heureux  d'applaudir  à  leur  réussite  ainsi  qu'aux 
succès  des  pensionnaires  de  la  Maison. 

(^n  nous  dit  également  beaucoup  de  bien 
des  artistes  d'opéra  et  d'opéra-comiquc  qui 
ont  siii:né  leurs  engagements.  Nouveau  plaisir 
sera  pour  nous  de  les  applaudir  prochainement. 
I';ir  nilleuis,  riulniinistiMtion  à  traité  avec  divers 


L'ACTUALITÉ    MUSICALE 


371 


toLiniccs  parisiennes  choisies  parmi  les  meilleures 
et  dont  l'une,  sous  la  direction  de  M.  Baret, 
avait  attiré  une  affluence  d'élite,  qui  a  fait  un 
beau  et  légitime  succès  a  la  petite  chocolatière, 
où  Andrée  Divonne  s'est  montrée  particu- 
lièrement exquise.  Orchestre  complet  sous  la 
direction  du  Maestro  Geoffroy.  A  signaler  par- 
ticulièrement le  violoncelliste  Bigaray  virtuose 
des  plus  distingués  dans  les  œuvres  de  Popper 
et  de  E.  Nicaise,  chef  de  notre  musique 
mvmicipale, 

E.  Nicaise. 

PAU.  —  Le  public  palois  eut  l'occasion 
d'applaudir  nos  compatriotes  :  Fournets  de 
l'Opéra  et  Chardy  i^  ténor  du  grand  théâtre 
de  Liège,  dans  le  Barlnei'  de  Séville. 

Fournets,  chanteur  admirable  et  comédien 
consommé,  fut  frénétiquement  rappelé  lors- 
qu'il chanta  avec  sa  maîtresse  habituelle  l'air 
fameux  de  la  calomnie.  Chardy,  ténor  à  la 
voix  claire  nous  a  fait  fort  bonne  impression. 
Maurianne,  du  théâtre  royal  de  Tournai 
(Figaro)  tint  son  rôle  à  la  satisfaction  générale, 
et  la  voix  de  M'^°  Roserni  du  théâtre  royal  de 
Bruxelles  est  fraîche  et  conduite  avec  art. 

Bref  nous  n'aurions  que  des  éloges  à  adres- 
ser à  l'imprésario  si  l'orchestre ne  s'était 

réduit  à  un  simple  piano  1... 

Inutile  de  dire  combien  nous  fûmes  désa- 
gréablement surpris  par  ce  sans  gêne  un  peu 
exagéré  ni  quel  fut  le  désappointement  des 
spectateurs  venus  pour  entendre  la  délicate 
partition  de  ce  chef-d'œuvre  de  l'opéra-comique. 

PRIVAS.  —  L'Association  Musicale  de 
Privas  dont  le  président  d'honneur  est  Vincent 
d'Indy  a  donné  le  g  Octobre  un  très  intéressant 
concert  avec  le  concours  de  M"*^  Odile  Clément, 
violoncelliste,  i'^'"  prix  du  Conservatoire  de 
Paris  et  M"''  Berthe  Ponthus,  professeur  de 
chant  à  Lyon. 

ROYAT.  —  Durant  toute  cette  saison,  les 
programmes  de  concerts  se  sont  tenus,  grâce  à 
M.  de  Villers,  à  un  niveau  artistique  fort  élevé. 

Les  grands  concerts  du  vendredi  ont  été  le 
prétexte    d'auditions    remarquables  :    festivals 


Saint-Sacns,  licrlioz,  Massenet  ;  concerts  con- 
sacrés à  Mendelssohn,  à  Schumann,  à  Wagner 
et  la  musique  moderne,  à  Lalo  et  la  musique 
russe.  Ce  dernier  a  été  pour  nous  d'un  vif 
attrait  —  encore  que  le  mélange  de  Lalo  et 
des  Russes  ne  fût  par  des  plus  heureux,  la  pure 
beauté  de  la  musique  française  se  trouvant 
offusquée  par  l'éclatant  coloris  des  composi- 
teurs slaves.  Le  festival  Berlioz  fut  un  des  plus 
goûtés,  grâce,  en  partie,  aux  voix  de  M"'" 
Dworska  et  Gustin,  de  MM.  Burlurut  et 
Imbert.  Un  autre  concert,  où  M.  de  Villers 
nous  fît  entendre  les  compositions  plus  qu'ho- 
norables (toujours  bien  écrites,  souvent  très 
émouvantes)  d'un  musicien  clermontois,  A. 
Claussmann,  obtint  les  acclamations  du  public. 
La  représentation  de  V Anniversaire^  avec  la 
musique  d'Adalbert  Mercier  n'a  pas  eu  autant 
succès.  En  revanche,  V Arlêsienne^  très-bien  de 
représentée  par  la  troupe,  très-bien  jouée  par 
l'orchestre,  fut  le  triomphe  de  la  saison. 

J.  D. 

EPERNAY.  —  Tous  les  ans,  la  florris- 
sante  Société  d'horticulture  et  de  viticulture 
d'Epernay  célèbre  la  Saint-Fiacre. 

Mais  la  fête  de  cette  année  devait  être  par- 
ticulièrement solennelle  et  brillante,  car  on 
célébrait  en  même  temps  le  trentième  anni- 
versaire de  l'élection  de  M.  Gaston  Chandon 
de  Briailles  à  la  présidence  de  la  Société,  et 
enfin  l'on  inaugurait  la  nouvelle  salle  ainsi 
que  le  superbe  parc  dont  M.  Gaston  Chandon 
vient  de  faire  généreusement  cadeau  à  la 
Société. 

La  musique  ne  fît  pas  défaut  ;  on  lui  réser- 
va une  bonne  partie  de  l'après-midi.  Trois 
sociétés  prêtèrent  leur  très  artistique  concours  : 
l'Harmonie  Municipale,  sous  la  direction  de 
son  chef  M.  Guignard,  l'Union  Chorale,  sous 
les  ordres  de  M.  Maître  et  l'Orchestre  Sym- 
phonique,  sous  la  direction  de  M.  Louis  Dupont. 
Tous  les  morceaux  inscrits  au  programme 
furent  exécutés  d'une  manière  parfaite  et  on 
ne  saurait  trop  féliciter  ces  trois  phalanges 
musicales  qui  ont  contribué  à  la  réussite  de 
cette  journée  dont  les  invités  garderont  le  plus 
agréable  et  le  plus  durable  souvenir. 


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L'ACTUALITE    MUSICALE 


373 


VERDUN.  —  A  la  distribution  des  prix  du 
collège  de  Verdun,  le  discours  d'usage  a  été 
prononcé  par  M.  Lévéque,  professeur  de  secon- 
de qui  avait  pris  comme  sujet  :  "  Du  rôle  de 
la  musique  dans  l'éducation. 

Nous  analyserons  succinctement  ce  discours: 

A  l'époque  où  bien  des  énergies  défaillent, 
où  le  désenchantement  se  glisse  jusque  dans 
les  âmes  enfantines,  où  l'indifférence,  en  mo- 
rale, et  en  art  accable  les  nations  vieillies,  ne 
pourrait-on  pas,  par  une  éducation  musicale 
sagement  comprise,  raviver  au  cœur  de  l'hu- 
manité la  flamme  de  l'idéal  qui  semble  prête  à 
s'éteindre  ? 

Les  anciennes  chansons,  "  ces  frêles  immor- 
telles qui  volent  de  lèvre  en  lèvre  à  travers  les 
âges"  expriment  dans  toute  leur  naïveté  et 
tout  leur  charme  les  idées  de  bonheur  d'un 
petit  garçon  ou  d'une  petite  fille  "  Giroflé- 
Girofla,"  "les  Compagnons  de  la  Marjolaine  ", 
"  Nous  n'irons  plus  au  bois  ",  "  Cendrillon", 
sont  de  merveilleux  petits  chefs-d'œuvre,  capa- 
bles d'entretenir  chez  l'enfant  cette  fraîcheur 
d'imagination  qui,  plus  tard,  embellit  la  vie, 
et  rend  plus  léger  le  fardeau  quotidier. 

A  mesure  que  l'enfant  grandira,  nous  le 
mettrons  en  présence  d'œuvres  musicales  déplus 
en  plus  complexes.  Nous  l'initierons  progres- 
sivement aux  compositions  musicales  des  grands 
auteurs  ;  et  nous  n'aurons  qu'à  suivre  l'histoire 
de  la  musique  depuis  le  XVIP  siècle  à  partir 
de  Lulli  et  de  J.  B.  Moreau.  —  Puis  ce  seront 
Mozart,  Beethoven,  Wagner. Le  9^  sym- 
phonie de  Beethoven  n'est-elle  pas  un  chant 
de  triomphe  de  l'énergie,  victorieuse  de  la 
douleur  ?  Et  d'autre  part,  Beethoven,  dans  ses 


adagios,  n'est-il  pas   le   plus  noble  consolateur 
de  l'humanité  ? 

Le  sentiment  du  beau,  l'énergie,  la  bonté, 
3  qualités  que  la  musique  peut  développer 
chez  un  enfant.  Puissions-nous  voir  dans  un 
avenir  prochain,  une  part  plus  grand  faite  à  la 
musique  dans  les  programmes  scolaires. 

GÉRARDMER.  —  Le  succès  de  notre 
casino  cet  été  doit  être  attribué  un  peu  à  la 
saison  maussade  qui  a  entravé  le  zèle  des 
excursionnistes,  mais  surtout  à  l'organisation 
musicale  qui  fut  excellente.  Un  orchestre,  peu 
nombreux  mais  composé  d'éléments  de.  premier 
ordre,  fut  dirigé  par  M.  Louis  Delune,  le 
distingué  prix  de  Rome  en  Belgique,  compo- 
siteur et  pianiste  dont  le  S.  L  M.  a  souvent  cité 
les  belles  et  puissantes  œuvres  jouées  à  Paris. 
S'il  ne  put  donner  des  œuvres  importantes 
pour  grand  orchestre  et  chœur,  il  fit  jouer 
d'excellente  musique  de  chambre.  Nous  gar- 
dons un  tout  particulier  souvenir  des  Variations 
pour  Quator  à  Cordes,  de  M.  Delune  et  nous 
espérons  bien  les  réentendre  cet  hiver  à  Paris. 

CONCERT  BRÉSILIEN.  —  Avec  une 
certaine  audace,  le  directeur  du  Conservatoire 
de  Rio  de  Janeiro,  M.  Alberto  Nepomuceno 
a  donné  un  "  Grand  Concert  Brésilien  avec 
Orchestre"   Salle   Gaveau,    le  17  Septembre. 

En  réalité,  M.  Nepomuceno  n'a  fait  enten- 
dre que  de  ses  œuvres.  (Le  Concerto  pour 
violon,  de  M.  Oswald,  fort  bien  joué  par 
M.  Chiafîitelli,  Brésilien  notoire,  n'a  été  qu'un 
intermède  banal  et  médiocre,  sauf  peut-être 
l'adagio.)   Y-a-t-il  une    musique   brésilienne  ? 


Application 

raisonnêe  des 

meilleurs  procédés 

pédagogiques 

et  techniques 

employés  par  tes 

grands  maîtres 

contemporains 

français 

et  étrangers. 


LEÇONS  de  PIANO 

VIOLONS,  SOLFÈGE  HARMONIE 

PAR  CORRESPONDANCE 

COURS    SINAT 

Rue   Franklin,    5,     PARIS    —     Trocadéro. 


374 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


Nous  l'ignorons  encore,  car  celle  de  M.  Ne- 
pomuceno  n'a  pas  de  caractère  local  et  peu  de 
personnalité.  Sa  symphonie  en  sol  mineur  est 
fort  mendelssohnienne  de  style,  avec  une 
orchestration  modernisée  mais  trop  souvent 
prétentieuse.Les  fragments  d'un  opéra  "Aboul", 
dont  le  programme  laissait  ignorer  la  donnée 
dramatique,  présentent  plus,  d'intérêt  dans  les 
deux  préludes  d'orchestre  que  dans  les  deux 
air,  que  chanta  M.  Dupriche,  de  l'Opéra 
Comique.  Enfin  une  "  suite  Brésilienne  "  où 
le  final  d'un  rythme  amusant  est  la  seule  partie 
un  peu  Brésilienne,  termina  ce  concert  peu 
subversif.  Ce  fut  à  peine  une  escarmouche 
avant  la  bataille  musicale  qui  se  prépare  pour 
riii\er  prochain. 

F.  G. 

LA  MUSIQUE  AU  SALON  D'AU- 
TOMNE. —  M.  Armand  Parent  vient 
d'organiser  des  séances  de  musique  de  chambre 
qui  auront  lieu  les  7,  14,  21,  28  Octobre  et 
4  Novembre  à  3  heures,  et  promettent  d'être 
fort  intéressantes.  On  y  entendra  d'es  œuvres 
de  Vincent  d'Indy,  Germaine  Corbin,  Béclard 
d'Harcourt,  P.  Le  Flem,  Jean  Déré,  M"'^  Ro- 
bert-Thieffry,  Herscher,  Vreuls,  Geloso,  Louis 
Vuillemin,  de  Falla,  Turina,  Cras,  Roussel, 
FI.  Schmitt,  Paul  Dupin,  interprétrés  par 
M""'  Marthe  Dron,  Chevalet,  MM.  Parent, 
Loiseau,  Brun,  Fournier. 


Belgique 


Le  temps  des  vacances  nous  a  éloigné  de  la 
capitale,  où  certes,  hi  musique  n'a  point  chômé. 
Il  serait  oiseux,  et  il  nous  est  impossible  de 
signaler  dans  ces  pages  d'Actualité,  gonflées 
déjà  par  la  correspondance  accumulée  de  deux 
mois,  le  détail  des  manifestations  multiples 
dont  l'Exposition  fut  l'occasion.  Nos  lecteurs 
trouveront  d'autre  part  le  compte-rendu  com- 
plet des  très  intéressantes  séances  données  à 
VJrt  ancien  Sf)us  le  haut  patronage  de  S.  M.  la 
Reine  des  Belges,  par  la  Sirtion  Bi'l;^i-  S.I.M., 
et  dont  le  grand  succès  est   tour  ;\  l'honneur 


des  ortjanisateurs  savants  et  dé\oués  MM.  A. 
Bein  et  E  Closson.  Ce  cycle  rétrospectif  est  le 
gros  événement  de  notre  année  musicale.  La 
Direction  des  Beaux- Arts  a  fait  œuvre  féconde 
et  belle.  Qu'elle  accepte  nos  vives  félicitations 
et  nos  remerciements. 

A  part  cela,  nous  devons  consacrer  quelques 
lignes  à  la  saison  extraordinaire  de  la  Monnait-. 
Elle  nous  a  valu  deux  premières  sensationnel- 
les, à  des  titres  bien  différents.  La  troupe  de 
Monte-Carlo  nous  a  présenté  Le  Fie'tl  Aigle 
de  M.  Gunsbourg,  (livret  de  Gorky)  et  la  der- 
nière production  de  J.  Massenet.  Disons  que 
le  héros  chevaleresque,  dans  les  deux  cas,  ne 
perd  pas  trop  à  s'envelopper  du  revêtement 
mélodique,  mais  qu'il  n'y  gagne  sûrement 
rien.  —  La  troupe  de  Cologne^  en  outre,  nous 
fit  connaître  Elektra  de  M.  Richard  Strauss. 
L'auteur  du  librctto  n'a  pas  ajouté  aux  données 
des  tragédies  antiques  :  il  les  a  condensées. 
Quant  à  la  partition,  c'est  une  œuvre  puissante, 
chaotique,  grandiose  même.  Un  critique  disait 
à  son  propos  qu'elle  est  "  le  point  culminant 
du  drame  lyrique  contemporain.  "  A  notre 
sens,  le  tempérament  du  compositeur  est  plus 
dramatique  que  vraiment  et  simplement  musi- 
cal. Chez  lui,  les  sons  ont  une  valeur  plus 
représentative  qu'émotive.  C'est  un  paroxyste, 
et  c'est  un  audacieux.  Sans  doute,  il  manipule 
l'orchestre  a^■ec  une  poigne  de  titan.  Son  art 
fulgurant  et  bruyant  fait  songer  à  l'orage.  Tout 
ici  se  heurte,  les  thèmes  s'enchevrêtent,  dans 
une  sarabande,  avec  des  fracas  de  cuivres,  des 
clameurs  furieuses  et  des  éclats  farouches. 
C'est  brutal  !  Strauss  nous  saisit  par  le  vacarme 
plutôt  que  par  le  sentiment.  Sa  profondeur 
appartient  à  la  physique  et  à  la  science.  A 
chacun  son  tempérament  :  l'incendie  d'une 
grande  \ille,  peut  être  "horriblement  beau"  ; 
j'aime  la  sublime  et  paisible  clarté  des  étoiles  ! 
La  beauté  m'apparaît,  reposante,  harmonieuse, 
et  calme,  conimi'  un  regard,  jeune  et  tendre- 
ment lumineux,  au  murmure  des  nvnts  sereines. 

La  même  troupe,  excellente  vraiment, 
nous  a  donné  Vz/finrau  de  Niheluiigen.  Mais 
inutile  de  parler  encore  de  ces  inoubliables 
visions.  I/ombrc  ili-  Wagner,  immensément, 
s'est  projetée  sur  le  monde,  et  le  couvre  encore. 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


375 


despotiquement.  De  loin  en  loin,  il  est  des 
hommes-dieux,  ainsi,  qui  recueillent  soudain 
le  fluide  épars  de  la  pensée  ;  grands  prêtres 
communiant  de  l'infini,  ils  parlent,  et  c'est 
pour  une  génération,  un  émerveillement  mor- 
tel. Il  est  temps  de  frémir  à  de  nouveaux 
frissons  ! 

La  saison  1910-1911  est  ouverte.  Hélas, 
notre  premier  scène  ne  trouve  pas  mieux  que 
l'Africaine,  Faust  et  Werther  !  —  On  nous 
promet  quelques  œuvres...  et  même  des  œuvres 
belges  !  Nous  les  attendrons.  Par  contre  le 
théâtre  de  Gand  annonce  une  série  d'opéras 
locaux  dignes  du  plus  haut  intérêt.  Notre 
éminent  correspondant  M.  le  docteur  Paul 
Bergmans,  nous  tiendra  au  courant  de  cet 
effort  dont  nous  félicitons  à  l'avance  les 
initateurs. 

OSTENDE.  20 juillet-  20  août.  — Parmi 
les  beaux  concerts  que  nous  donna  l'orchestre 
du  Kursaal,  il  faut  citer  celui  du  2 1  juillet, 
consacré  à  la  musique  belge,  trois  concerts  de 
musique  classique  dans  lesquels  Edouard  Risler 
Hugo  Heermann  et  Geneviève  Dehelly  se  sont 
successivement  fait  entendre,  ainsi  que  le  fes- 
tival d'auteurs  autrichiens  et  hongrois. 

Le  concert  donné  à  l'occasion  des  fêtes 
nationales  fut  particulièrement  intéressant  les 
auteurs  dirigeant  eux-mêmes  leurs  œuvres.  Il 
débuta  par  la  3*^  ouverture  symphonique  de 
Paul  Gilson,  œuvre  excellente,  mais  que  le 
compositeur  n'a  pas  fait  valoir  autant  qu'elle 
la  mérite,  par  le  calme,  le  flegme,  dirai-je,  qui 
caractérise  sa  direction  et  auquel  nos  orchestres 
ne  sont  pas  habitués.  Par  contre,  une  scène 
dé  son  drame  lyrique  Gens  de  OTi?r,  chantée 
par  M™''  Feltesse,  enthousiasma  l'auditoire. 
Ce.tte  même  cantatrice  chanta  encore,  avec 
accompagnement  d'orchestre  et  sous  la  direc- 
tion de  Rinskopf,  trois  lieder  du  regretté 
Gustave  Huberti. 

Le  distingué  directeur  du  conservatoire  de 
Gand,  M.  Emile  Mathieu,  fit  entendre  Les 
Noces  féodales^  tableau  symphonique  d'une  réelle 
beauté. 

Edgard  Tinel  nous  avait  réservé  l'ouverture 
de  sa  légende   dramatique  op.   44,  Katharina. 


Cette  œuvre  forte,  aux  riches  harmonies  et 
modulations  ne  put  manquer  de  faire  grande 
impression,  d'autant  plus  que  la  direction 
énergique  et  autoritaire  du  maître  en  mettait 
encore  plus  en  relief  le  caractère  personnel. 

Une  ballade  pour  orchestre  et  une  scène 
populaire  d'un  nouveau  drame  lyrique  Liefde- 
lied  (chant  d'amour)  de  Jan  Blockx,  le  compo- 
siteur anversois  qui  se  sent  vraiment  chez  lui 
quand  il  s'agit  d'écrire  des  carnavals  et  des 
scènes  burlesques  aux  rythmes  secoués  et 
hachés,  terminèrent  ce  concert. 

Le  jour  suivant  Edouard  Risler  nous  tint 
sous  le  charme  de  son  jeu  noble.  Allemand  de 
naissance  et  parisien  par  son  éducation,  il  allie 
à  une  profondeur  de  sentiment  toute  germa- 
nique, une  netteté  et  une  délicatesse  bien 
françaises.  Et  cela  fait  de  lui  un  interprète 
merveilleux  de  Beethoven,  dout  il  exécute 
les  œuvres  avec  une  technique  parfaite  et  une 
rare  compréhension.  Il  l'a  prouvé  une  fois  de 
plus  dans  le  concerto  en  sol,  une  des  plus 
belles  compositions  pour  piano  du  maître  de 
Bonn.  Vraiment,  à  entendre  jouer  une  telle 
œuvre  par  un  tel  artiste,  l'on  n'ose  plus  bouger 
de  peur  de  rompre  le  charme,  et  quand  Risler 
eut  terminé  ce  concerto  à  l'adagio  sublime, 
on  aurait  voulu  tout  à  coup  se  trouver  bien 
loin  de  toute  salle  de  concert  et  de  toute  foule 
mondaine,  babillarde  et  rieuse,  pour  continuer 
à  entendre  les  effluves  sonores  dans  le  calme 
de  la  nuit 

C'est  encore  avec  du  Beethoven  que  Hugo 
Heermann,  le  violoniste  allemand,  nous  régala. 
Son  jeu  sobre,  chantant  et  doux  rendit  bien  le 
caractère  très  poétique  du  concerto  pour  violon. 
Il  fut  tout  autre,  fougeux  et  vibrant,  dans 
l'exécution  des  Scènes  de  la  C-zarda  de  Jenô 
Hubay. 

M^^'^  Geneviève  Dehelly,  de  Paris,  nous 
permit  d'apprécier  une  finesse  de  toucher  et 
une  technique  à  coup  sûr  admirable.  Elle 
semble  affectionner  particulièrement  Liszt 
puisque  le  programme  portait  le  Concerto  en 
mi  \>  et  la  fantaisie  sur  Rigoletto  de  ce  maître. 
Elle  nous  joua  encore  une  étude  de  Chopin 
(en  mi  majeur)  et,  comme  bis,  la  Campanella. 
Le  tout   fut  rendu  d'une  façon   très   délicate, 


A.    DURAND   &    FILS,   Editeurs   de    Musique 

(DURAND   &   Cie) 

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Violoncelle  et  Piano 

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A.   de  CASTILLON,   CM.   WIDOR,   Claude    DEBUSSY, 

Paul  DUKAS,  Gabriel  PIERNÉ,  Emile  BERNARD, 

Charles  LEFEBVRE,  C.  CHEVILLARD,  GUY-ROPARTZ, 

G.M.  WITKOWSKI,  Maurice  RAVEL,  ROGER-DUCASSE,  etc. 


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Œuvres  de  Rameau,  Couperin,  Caix  d'HerVelois. 


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L'ACTUALITE    MUSICALE 


377 


pourtant  il  faut  déplorer  le  choix  du  concerto: 
c'est  en  effet,  une  composition  dans  laquelle 
piano  et  orchestre  semblent  plutôt  se  faire 
concurrence  que  se  compléter. 

Notons  que  dans  ces  différents  concerts 
l'orchestre,  habilement  conduit  par  M.  Léon 
Rinskopf,  a  toujours  consciencieusement  ac- 
compagné les  virtuoses  et  dans  ceux  de  Risler 
et  de  Heermann,  solo  et  accompagnement 
formaient  un  tout  bien  homogène  dans  lequel 
rien,  ni  un  tutti  trop  accentué,  ni  un  crescendo 
intempestif,  ne  vint  rompre  la  sensation  artis- 
tique. 

Le  concert  donné  à  l'occasion  du  80''  anni- 
versaire de  l'empereur  François-Joseph,  était 
réservé  aux  œuvres  d'auteurs  autrichiens  et 
hongrois,  et  était  dirigé  par  le  compositeur 
Jenô  Hubay,  Programme  chargé  et  heureux. 
Nous  avons  entendu  entre  autres  l'Adagio  de 
la  symphonie  en  ut  j|  mineur  de  A.  de  But- 
tykay  —  page  symphonique  aux  thèmes  larges 
et  aux  majestueuses  modulations,  —  l'ouverture 
Au  printemps  de  Goldmarck,  le  prélude  très 
fouillé  de  l'opéra  M.oh.aro%sa  de  Hubay  et  un 
poème  symphonique  La  Sirène  de  Mihalovich. 
Un  autre  poème  symphonique  Sarka  de  Sme- 
tana,  termina  le  concert. 

Cette  œuvre  tirée  du  cycle  Ma  vlast  (ma 
patrie)  dépeint  un  épisode  de  la  guerre  des 
jeunes  filles  de  Bohême,  dont  Schârka  était 
une  des  héroïnes.  Cette  composition  est  un 
des  chants  d'une  véritable  épopée  nationale 
qu'écrivit  le  grand  tchèque  ;  elle  est  une  de 
ses  meilleures  productions.  On  y  sent  encore 
de  loin  en  loin  l'influence  de  Liszt,  mais  elle 
possède  bien  un  cachet  personnel  et  se  distin- 
gue par  sa  richesse  polyphonique. 

Pour  terminer,  je  ne  puis  omettre  de  toucher 
un  mot  du  spectacle  d'œuvres  belges  que  le 
théâtre  adonné  le  19  août.  En  vérité,  c'étaient 
plutôt  des  essais  de  composition.  Il  faut  souli- 
gner le  succès  remporté,  et  mérité,  par  Ceci 
n  est  pas  un  conte  pièce  lyrique  en  un  acte  de 
M.  C.  Stiénon  du  Pré,  sur  paroles  de  M.  G. 
Dumestre.  La  pièce  n'est  assurément  pas  par- 
faite mais  n'oublions  pas  qu'elle  est  l'œuvre 
d'un  très  jeune,  qu'elle  trahit  des  qualités 
dramatiques   réelles  et   que   l'orchestration  en 


était   soignée.  Souhaitons  à  son    auteur  persé- 
vérance. M. 

GAND.  —  Au  Grand  Théâtre.  D'une 
statistique  dressée  par  M.  G.  Bonneville,  il 
résulte  que  le  répertoire  lyrique  de  l'année 
1909- 1 910  s'est  composé  de  40  ouvrages,  dus 
à  24  compositeurs  différents.  Les  nouveautés 
de  la  saison  furent  :  Au  pays  du  lin  (drame 
lyrique  en  3  actes  et  4  tableaux,  musique  de 
Joseph  Vander  Meulen),  et  la  Mort  du  roi 
Reynaud  (légende  lyrique  en  2  actes  et  3  ta- 
bleaux, musique  de  Robert  Herberigs),  comme 
œuvres  nationales,  et  Madame  Butterfly^  le 
Chemineau^  Marie-Madeleine^  Fortujiio  et  le 
Paradis  de  Mahomet^  comme  œuvres  étran- 
gères. 

La  campagne  a  duré  du  i*^'"  octobre  1909 
au  22  mars  19 10.  La  direction,  confiée  à 
M.  Raffit,  fut  abandonnée  par  lui  au  bout  de 
deux  mois,  et  continuée  en  régie  par  l'admi- 
nistration communale.  Le  nombre  des  repré- 
sentations s'est  élevé  à  132,  dont  27  matinées. 

Les  pièces  les  plus  jouées  ont  été  :  Madame 
Butterfly  (17),  le  Chemineau  (lo),  la  Vie  de 
Bohême  (9),  Faust  (8),  Manon  (7),  Au  pays  du 
lin,  Lakmè^  la  Tosca  et  Werther  (chacun  6). 
Parmi  les  compositeurs,  Puccini  tient  la  corde 
(32  représentations  avec  3  œuvres)  ;  puis 
viennent  Massenet  (24  représentations  avec 
5  œuvres),  Gounod  (14  représentations  avec 
3  œuvres)  et  Xavier  Leroux  (10  représentations 
avec  I  œuvre). 

Dans  la  liste  des  artistes  en  représentation, 
nous  relevons  M™®*  Marguerite  Bériza,  De- 
:mougeot  et  Geneviève  Vix,  MM.  Léon  Beyle 
et  Vigneau. 

M.  Pierre  de  Meyer  a  été  nommé  directeur 
pour  1910-1911;  il  dispose  d'une  troupe 
bilingue  qui  lui  permettra  de  puiser  à  la  fois 
dans  le  répertoire  français  et  dans  le  répertoire 
allemand. 

Le  Vaux-Hall  a  terminé  sa  saison  de  con- 
certs symphoniques  qui  a  été  très  attrayante, 
grâce  à  ses  distingués  chefs  d'orchestre,  Joseph 
Lefébure  et  Oscar  Roels.  Ceux-ci  ont  réservé 
à  l'art  national  une  place  considérable,  et  nous 
trouvons  inscrits  aux  programmes  les  noms  de 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


378 

Peter  Benoit,F.-A.  Gevaert,  Jan  Blockx,  Léon 
Dubois,  Albert  Dupuis,  Paul  Gilson,  Edgard 
Tinel,  Emile  Wambach,  etc. 

Les  compositeurs  gantois  n'ont  pas  été 
oubliés,  et  il  n'est  peut-être  pas  sans  intérêt 
de  les  énumérer,  cette  liste  constituant  un 
document  utile  d'histoire  artistique  locale  : 
Oscar  Bergmans,  M'^'"'^  de  Guchtenaere,  R. 
Guillemyn,  M.  Henderick,  Paul  Lebrun, 
Joseph  i>efébure,  M^"''  G.  Masure,  Emile 
Mathieu,  César  Michiels,  Albert  Morel  de 
VVestgaver,  Charles  et  Oscar  Roels,  Adol[)he 
Samuel,  L.  Stiénon  du  Pré,  Frans  van  Aver- 
maete,  Jean  Vanden  Bogaert,  Jean  Vanden 
Eeden,  Léo  Vander  Haegen,  Joseph  Vander 
Meulen  et  Henri  Waelput. 

Parmi  les  derniers  concerts,  il  y  a  lieu  de 
signaler  spécialement  celui  où  ont  été  exécutés 
des  fragments  de  Lina^  roman  musical  en 
3  actes  de  Léo  Vander  Haeghen,  qui  sera 
représenté  cet  hiver  au  Grand  Théâtre.  Les 
extraits  choisis  ont  beaucoup  plu  et  font 
augurer  favorablement  de  l'avenir  de  l'oeuvre 
à  la  scène. 

Relevons  aussi  parmi  les  solistes  des  der- 
nières soirées,  une  jeune  pianiste  d'un  talent 
rempli  de  promesses,  M*^''*^  Mariette  Hill,  qui 
a  notamment  joué  le  beau  Concertstûck 
d'Emile  Mathieu,  Paysages  cV automne. 

D'  Paul  Bergmans. 

CONCERTS  ANNONCÉS.  —  Pour 
le  jeudi  20  Octobre^  Salle  de  la  Grande  Har- 
monie, audition  d'cjeuvres  du  compositeur  russe. 
A.  Scriahifie.  Orchestre  :  D"'  M.  W.  Safonoff. 
Piano  :  M""'  Scriabine.  Au  programme  : 
l'*^  symphonie  en  ;///  majeur  ;  concerto  piano 
et  orchestre  en  fa  dièze  majeur.  Rêverie  et 
12  études  pour  piano. 

—  La  Société  Bach  donnera  ses  concerts  : 
les  Dimanches  :  4  Décembre  ;  26  février, 
27-28  mai  festival  avec  la  Passion  selon  S'' 
Jean,  et  la  Messe  en  si  mineur.  Artistes  annon- 
cés :  M"""  Noordewicr,  Reddingins,  Tilio  Hill, 
E.  Ohlohof.  —  De  Haan,  Manifarges,  Schtl- 
ncman,  Stapelfelt,  MM.  G.  Walter,  Halds/.un, 
Stefani,  Zalsinan,  Jan  Redcr.  — 

—  Rappelons   (|uc    réininciit     musicologue 


M. le  D''  Dwelshauvers  a  publié  une  excellente 
brochure  analyse  de  la  Passion  selon  S^  Jean, 
indispensable  à  ceux  qui  veulent  en  pénétrer 
le  sens  profond  et  la  facture. 

—  M.  Syrlney  Vaute\n^  professeur  au  Con- 
servatoire de  Liège,  donnera  à  la  Grande 
Harmonie,  le  16  Novembre,  un  Récital  Schu- 
man. — 


COMMUNIQUE.  —  Listitut  musical 
d'Ixelles  35,  Rue  Souverain.  Cours  profession- 
nels, libres  et  mondains,  selon  le  programme 
du  gouvernement,  par  professeurs  diplortiés^zxcc 
participation  au  Concours  général  de  l'Enseigne- 
ment du  Royaume,  —  Cours  musicaux, 
dramatiques,  littéraires,  esthétiques  et  plastiques. 
—  Sous  l'éminente  direction  de  M.  Henry 
Thiébaut.  — 


MM.  Duples^x  et  Gaston  Dupuis  ont  fondé 
la  Société  belge  d'art  populaire.  —  Initiati\e 
pleine  d'intérêt.  —  i*^  audition,  le  Dimanche, 
9  Octobre,  au  Théâtre  Royal  de  V Alcaxar.  — 

Pour  renseignement,  s'adresser  aux  bureaux: 
Rue  du  Treurenberg,  chez  l'éditeur  Lauwe- 
ryns.  — 


Etranger 


FLORENCE^.  —  Florence  va-t-elle  rede- 
venir, comme  autrefois,  une  des  grandes  cités 
musicales  de  l'Europe.  On  n'ose  guère  l'espé- 
rer. Mais  on  aurait  presque  pu  le  croire,  en 
voyant  se  multiplier  tout  d'un  coup  les  concerts 
et  les  fêtes  de  musique.  La  société  du  Quartetto 
Jîorentino  a  exécuté  dans  ses  dernières  séances 
des  quatuors  de  G.  Pacini,  de  Bazzini,  île 
Moilona,  de  Faccio  Franco,  un  quintette  de 
Dworak  et  le  septuor  de  Beethoven.  Nous 
avons  eu  presque  à  la  fois  quatre  concerts  de 
grand  orclu-stri'  (les  seuls  de  l'année,  il  faut  le 
dire)  doniu's  par  la  Société  orchestrale  floren- 
tine. Les  trois  pri'inicTs   étaient   dirigés  par  ini 


L  '  A  C  T  U  A  L  I  T  E    M  U  s  I  C  A  L  E 


379 


des  meilleurs  chefs  d'orchestre  d'Europe,  W. 
Luigi  Mancinelli,  qui,  entre  une  exécution  fort 
satisfaisante  de  la  5*^  symphonie  de  Beethoven 
et  une  interprétation  très  personnelle  de  divers 
fragments  symphoniques  de  Wagner,  nous  a 
fait  admirer  dans  son  œuvre  nouvelle.  Ouver- 
ture romantica  (1910)  la  parfaite  maîtrise  de 
son  instrumentation.  On  regrette  que  cet 
orchestre  de  cent  musiciens,  qui  possède  des 
qualités  sérieuses,  ne  nous  ait  pas  donné  cet 
hiver  des  concerts  réguliers  que  le  public 
'florentin  aurait  certainement  suivis  avec  em- 
pressement. 

Au  théâtre  Verdi,  une  première  :  Don 
Quichotte^  "  comédie  musicale  "  en  trois  actes, 
poème  de  M.  Riccardo  di  Cagliostro.  Je  n'ai 
pas  encore  eu  le  temps  de  faire  connaissance 
avec  le  Don  Quichotte  de  M.  Massenet  et 
pourtant  je  n'hésite  pas  à  affirmer  que  celui 
de  M.  Pacini  ne  lui  ressemble  en  rien. 
M.  Pacini,  qui  a  fait  ses  études  musicales  à 
Leipzig,  s'est  proposé,  dans  cette  œuvre  curieuse 
et  déconcertante,  d'appliquer  au  poème  un  peu 
grêle  et  fort  peu  dramatique  de  M.  di  Cagli- 
ostro, les  procédés  musicaux  du  drame  wagné- 
rien.  Cette  disproportion  produit  quelque 
malaise  et  l'orchestre  ne  nous  permet  pas 
toujours  d'entendre  les  acteurs.  Parmi  les  pages 
les  mieux  venues,  on  peut  signaler  la  mort  de 
don  Quichotte  et  la  scène  de  l'acte  II  où  il 
défie  les  esprits  de  la  nuit.  Ce  qu'il  y  a  de  plus 
intéressant  dans  l'œuvre  de  M.  Pacini,  c'est  la 
volonté  délibérée  de  rompre  nettement  avec  le 
style  dramatique  de  M.  Mascagni  ou  de 
M.  Puccini,  de  s'engager  dans  des  voies  nou- 
velles (du  moins  en  Italie),  même  au  risque  de 
se  fourvoyer. 

On  peut  constater  dans  quelques  milieux 
italiens,  et  particulièrement  à  Florence,  le  goût 
et  le  besoin  d'une  musique  nouvelle.  Plusieurs 
amateurs  et  aussi  quelques  jeunes  compositeurs 
pleins  de  promesses  étudient  Strauss,  Mous- 
sorgsky,  Debussy.  Récemment,  dans  une  con- 
férence illustrée  par  une  audition  de  ses 
œuvres,  M.  Gino  Bellio,  dont  l'originalité 
audacieuse  ne  paraît  pas  avoir  été  affaiblie  par 
de  longues  années  d'enseignement,  exposait 
une  théorie  de  la  liberté  rythmique  et  toriale 


et  rendait  hommage  aux  innovations  fécondes 
de  la  jeuriè  école  française. 

Mais,  comme  il  est  naturel,  c'est  surtout 
dans  son  passé,  si  glorieux,  que  la  musique 
italienne  devra  fortifier  son  inspiration.  S'ils  ne 
se  décident  pas  encore  à  utiliser  les  trésors  du 
chant  populaire  sarde  ou  calabrais,  les  Italiens 
ont  tenté,  cette  année,  plusieurs  reprises  im- 
portantes d'opéras  anciens,  la  Mèdée  de  Che- 
rubini,  la  Vestale  de  Spontini  et  VOrfeo  de 
Monteverdi,  qui,  donné  d'abord  à  Milan  par  les 
soins  de  la  société  des  Amis  de  la  musique^  vient 
d'être  exécuté  tout  récemment  à  Florence,  avec 
les  mêmes  chanteurs  et  avec  le  duc  Visconti  de 
Milan  pour  chef  d'orchestre,  sous  les  auspices 
de  l'Association  des  musicologues  italiens  (la 
S.  I.  M.  d'Italie).  Ce  fut  une  belle  fête  de 
musique,  où  triomphèrent  le  célèbre  baryton 
Kaschmann  et  M"""®  Fino  Savio  et  Maria 
Ppzzi.  L'adaptation  de  M.  Orefîce,  conçue 
dans  un  esprit  assez  différent  de  celle  de 
M.  Vincent  d'Indy,  est  fort  agréable  à  enten- 
dre, mais  les  libertés  prises  avec  le  texte  sont 
vraiment  excessives,  comme  l'a  fort  bien 
montré  M.  Gaetano  Cesari,  dans  une  magis- 
trale étude  de  la  Kivhta  Musicale  Italiana. 
M.  Orefîce  a  fait  profiter  Monteverdi  de 
l'expérience  acquise  par  trois  siècles  de  musi- 
que. Il  l'a  aussi  rendu  beaucoup  plus  accessible 
au  gi"and  public,  qu'une  transcription  plus 
fidèle  aurait  peut-être  rebuté  et  qui  a  accueilli 
celle-ci  avec  enthousiasme.  Après  tout,  si  c'est 
là  le  seul  moyen,  à  l'heure  actuelle,  de  faire 
aimer  Monteverdi,  peut-être  devons-nous  con- 
tenir notre  indignation  d'historiens,  —  et 
applaudir. 

Paul-Marie  Masson. 

PAYS  DE  GALLES.  —  Treize  sociétés 
chorales  venues  de  différents  points  du  pays  de 
Galles  et  formant  un  ensemble  de  1300  voix 
se  sont  assemblées  à  Harlech  célèbre  par  son 
vieux  château  et  par  son  héroïque  défense 
durant  la  guerre  des  deux  Roses  en  1460. 
C'est  sans  doute  de  cette  époque  que  date  une 
des  célèbres  mélodies  galloises  "  The  march  of 
the  men  of  Harlech  "  qui  est  un  des  plus  beaux 
airs  guerriers  de  l'Europe.  Cette  marche  devint 


Cavaillé-Coll-Mutin 

15.   AVENUE   DU   MAINE 


Charge  de  la  Construction  de  VOrgue  monumental  Je  Sainl-Picnc   Je  Rome 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


l'air  national  Gallois  et  ne  fut  remplacée  par 
l'air  actuel  qu'à  la  fin  du  siècle  dernier.  Le 
Festival  du  8  Juillet  dernier  fut  une  rénova- 
tion de  festivals  qui,  il  y  a  25  ans,  étaient 
le  plus  grand  événement  de  la  vie  musicale 
Galloise. 

Mrs.  Mary  Davies  la  vaillante  secrétaire  de 
la  "  JVehch  Folk  song  Society''''  a  présidé  la  séance 
du  matin  où  les  choeurs  se  sont  fait  entendre 
séparément. 

A  la  séance  du  soir,  les  1300  voix  se  sont 
unies  dans  une  admirable  interprétation  du 
Messie  de  Handel.          Lucie  A.  Barbier. 

BOSTON.  —  L'un  de  nos  jeunes  compo- 
siteurs les  plus  intéressants,  M.  André  Caplet, 
vient  d'être  chargé  de  conduire  les  œuvres 
françaises  l'hiver  prochain  à  l'Opéra  de  Boston. 

Remarquable  chef  d'orchestre  M.  André 
Caplet  va  trouver  dans  la  conduite  de  Pelléas 
et  Mélisande,  et  d'Ariane  et  Barbe-bleue, 
entre  autres,  une  compensation  aux  deiix 
derniers  concerts  organisés  par  MM.  Durand 
et  Co.  pour  lesquels  il  avait  été  choisi,  mais 
qu'une  indisposition  l'avait  empêché  de  con- 
duire. 

LE  RÉPERTOIRE  FRANÇAIS  MO- 
DERNE AUX  ÉTATS-UNIS.  —  La 
saison  prochaine,  voici  les  œuvres  qui  seront 
représentées  dans  les  grandes  villes  :  New- 
York,  Chicago,  Philadelphie,  Boston,  Wash- 
ington, La  Nouvelle-Orléans  : 

"  Samson  et  Dalila  ",  "  Javotte  "  et 
"  Henry  VIII  "  du  Maître  Saint-Saëns,  "  Pel- 
léas et  Mélisande  "  et  "  L'Enfant  Prodigue  " 
de  Claude  Debussy,  "  Ariane  et  Barbe-Bleue  " 
de  Paul  Dukas,  "  L'Heure  Espagnole  "  de 
Maurice  Ravel. 

VALENCE.  —  Des  concerts  sans  intérêt 
ont  été  donnés  à  l'Exposition  Nationale  d'Arts 
et  Industries.  A  signaler  la  visite  de  la  Schola 
Chorale  de  Tarrasa  (Barcelone)  qui,  sous  la 
direction  du  Maître  M.  Llongueras,  a  donné 
deux  séances  de  musique  et  de  gymnastique 
rythmique  (d'après  la  méthode  de  M.  Jaques 
Dalcroze). 


381 

A  signaler  aussi  l'exécution  des  œuvres 
telles  que  les  Chorals  de  Victoria  ou  de  Bach, 
les   chants   catalans  de  Morera,  PedrcU,  etc.. 

On  apprécia  tout  particulièrement  l'inter- 
prétation parfaite  des  poses  de  gymnastique 
rythmic|ue.  M.  Llongueras  est  allé  lui-même 
en  Suisse  pour  étudier  la  méthode  de  M. 
Jaques  Dalcroze  ;  il  a  la  chance  d'avoir 
des  élèves  très  douées  et  dont  la  grâce  tout 
hellénique  fut  vivement  appréciée.  Bref,  très 
grand  succès. 

Nous  avons  eu  aussi  un  concours  de  fanfares, 
très  important.  Ed.  L.  Chavarri. 

CADIX.  —  Le  programme  du  douzième 
Concert  donné  par  "  l'Octeto  Sinfonico  " 
comprenait  la  Danse  aux  Flambeaux  de 
Moszkowski,  des  mélodies  de  Grieg,  le  pré- 
lude du  troisième  acte  d'Hérodiade  de  Masse- 
net,  la  S''  Symphonie  de  Beethoven,  des 
fragments  de  Parsifal,  Tristan,  l'Or  du  Rhin 
et  du  Crépuscule  des  Dieux. 

MARIAGE.  —  Nous  apprenons  avec 
plaisir  le  mariage  de  notre  collègue  M.  Mau- 
rice Reuchsel,  membre  de  la  Société  Inter- 
nationale de  Musique,  compositeur,  rédacteur 
en  chef  du  journal  U Express  Musical  de  Lyon, 
avec  M"''  Louise  Perrenot,  fille  de  feu  M® 
Perrenot,  avoué,  et  nièce  du  Général  Berthier, 
commandeur  de  la  Légion  d'honneur. 

NÉCROLOGIE.  —  Frédéric -Adolphe 
Steinhausen,  médecin  général  et  médecin  du 
seizième  corps  d'armée  à  Metz,  bien  connu 
dans  le  monde  musical  pour  ses  ouvrages  sur 
"  le  maniement  de  l'archet  dans  les  instru- 
ments à  cordes  "  et  "  la  nouvelle  technique 
du  piano  "  est  mort  à  Boppard  le  23  juillet  à 
l'âge  de  51  ans. 

—  M'"®  Berta  Adels  von  Mûnchhausen, 
célèbre  cantatrice  d'oratorios  et  de  lieder,  en 
même  temps  que  professeur  distingué,  est 
décédée  subitement  à  Strasbourg  le  2  sep- 
tembre. Elle  avait  su  acquérir  une  place  très 
importante  dans  la  vie  musicale  de  Strasbourg 
et  le  public  ainsi  que  la  presse  étrangère  lui 
réservaient  toujours  le  plus  chaleureux  accueil. 


CE  QUE   Cu4\US0 

TENSE  T>U  TIANOLA 


Caruso-jouant-clu  Pianola  caricaturé  pnr  lui-iiiênie. 

ENRICO  CARUSO,  le  merveilleux  ténor,  est,  comme  toutes  les  célébrités 
musicales,  un  fervent  admirateur  du  PIANOLA.  "  7V  vuu^  ,l\iil(ihlii-  le  Pi,iih<l<i 
cxccntcr  une  coiiiposilioii  diJ/iciU-,         écrivait-il    naguère    à   la    Compagnie    ^olian, — 

(7  SCS  effets  sont  non  scutcnicnl  nnisiranx  cl  nilislninrs,  iihiis  siiuplciiuiil  shipi'ihjiits.  Oiiiiint  on 
soniie  que  /f  Pianota,  muni  du  Mc'Iroslyte,  permet  à  un  novice  de  rendre  les  nuances  et  les 
finesses  de  Vinterprctatiou  d'un  thef-d'ivuvre  par  un  i^raud  artiste,  le  Pianola  cesse  vraiment 
d'être  un  instrument  mccanitiue.    Je  vous  souhaite  tout  le  sueeh  que  vous  méritez." 

Le  Catalotiue  illiislié  "C"  scrn  cnvové  i'ianco  à  toute  pt-isomic  qui  eu  tcia 
la  flciuauck-.    Le   l'iaiiola   peut-être   euleiulu  à  toute   heure,   dans  les  salons  de 

77/A'  MOU  AN  COMPANY  LA. 


PIdNOI./lS  —  l'IdNOI.d  ridNos  - 
/l-:()I.IdN()R(:ilFSTRELLF.S 


PI d NOS  STFCK  &  IIF.RER 
GRANDES  ORCUFS 


S/n.LE    mOT.LlN,   32,  AVENUE  DE   E'OPÉR.I.    P. /RIS. 


Nous  venons  de  fêter  à  Niort  le  80^  anni- 
versaire d'un  artiste  vaillant  que  n'ont  pas 
oublié  tous  ceux  qui  aimaient  la  musique  et 
en  suivaient  les  manifestations  il  y  a  vingt-cinq 
ans.  Tolbecque  né  en  1830  était  le  neveu  de 
Tolbecque,  chef  d'orchestre  émiiient  sous 
Louis-Philippe  et  rival  de  Musard. 

Il  obtint  à  l'unanimité  en  1849,  ^^  Con- 
servatoire de  Paris,  son  premier  prix  de  Violon- 
celle avec  le  2™®  Concerto  en  la  minpur  de 
Baudiot.  Il  fut  professeur  au  Collège  de  Pons, 
Violoncelliste  solo  au  Grand  Théâtre  de  Mar- 
seille et  professeur  à  l'Ecole  de  Musique  de 
cette  ville  de  1865  à  1871.  —  Il  faisait  partie 
des  quatuors  Mi  lion. 

Après  la  guerre  il  revint  à  Paris  et  fut 
Violoncelle  solo  à  la  Société  des  Concerts.  C'est 
là  que  pour  la  première  fois,  il  exécuta  le  pre- 
mier Concerto  en  la  mineur  qui  lui  avait  été 
dédié  par  l'auteur  :  "  Camille  Saint-Sâens." 

Violiste  distingué,  il  se  fit  entendre  souvent 
et  il  y  a  quelques  années  encore  à  la  Société  In- 
ternationale de  Musique  à  Paris,  où  il  donna  la 
Sonate  de  Bach  pour  Basse  de  Viole  et  la  6™° 


sonate  du  même  auteur  pour  la 
Viola  Pomposa  (Violoncelle  à  5 
cordes). 

Compositeur  de  valeur,  il  a 
écrit  de  nombreuses  œuvres  pour 
Violoncelle  Solo,  Violoncelle  et 
Piano,  Messes  solennelles  avec 
Orchestre  qui  furent  exécutées 
à  la  Cathédrale  de  Niort  et  d'un 
petit  Opéra  Comique  qui  a  fait 
les  délices  des  auditeurs.  Sa 
Gymnastique  du  Violoncelliste.,  ré- 
pandue dans  le  monde  entier, 
sert  d'études  dans  tous  les  Con- 
servatoires. Citons  encore:  Danse 
Cosaque.,  Les  1)agues,  et  La 
Marche  des  Mousquetaires  pour 
Violoncelle  sans  accompagne- 
ment, et  enfin  ses  "  Souvenirs 
cViin  musicien  de  province  ". 

Tolbecque  n'était  pas  seulement  violoncel- 
liste, compositeur  et  ami  des  livre?.  Il  eut 
encore  la  passion  de  la  lutherie,  au  point  de 
devenir  un  professionnel  des  plus  habiles. 
Poussé  par  un  irrésistible  désir  de  connaître 
et  d'approfondir  les  détails  de  fabrication  d'un 
instrument  qu'il  aimait,  il  prit  la  résolution  de 
se  mettre  en  apprentissage  de  lutherie  chez 
Victor  Rambaux  au  même  moment  qu'il  sui- 
vait les  classes  de  Vaslin  au  Conservatoire. 
Dans  sa  chambre,  l'établi  voisinait  auprès  du 
pupitre  et  le  pot  à  colle  fredonnait  pendant 
l'exécution  d'un  concerto.  Et  en  vérité  Tol- 
becque eut  préféré  la  vie  paisible  de  l'atelier  à 
l'existence  mouvementée  d'artiste  qu'il  mena 
pendant  soixante  ans  ! 

Par  étude  et  par  goût  Tolbecque  devint 
l'homme  de  France  le  plus  habile  à  la  remise 
en  état  des  anciens  instruments  de  la  musique, 
dont  on  commençait  alors  à  peine  à  se  soucier. 
Le  musée  de  Bruxelles  à  lui  seul  pourrait 
fournir  des  preuves  éclatantes  de  la  maestria 
de  Tolbecque.  Le  tour  de  force  du  maître  fut 


384 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


la  réparation  du  fameux  C<?w/)5W«/// de  Winkel,      bccque  date  de  1848.    C'est    un    Alto  dont  la 
instrument  mécanique  à  tuyaux,  \ariant  à  l'in-      sonorité  rivalise  avec  celle  du  Violoncelle. 


fini    un    thème    quelconque     noté    sur    deux  Son    exposition    d'instruments    disparvis    du 

cylindres.  XV    au    XV''    siècle    fut    achetée    par    notre 

Le  premiî-r    instrument   construit   par  Toi-      collègue,    le   collectionneur  Charli-s  Petit.  — 


Pour  paraître  le   15  Octobre 

"Les  Femmes  du  Jour 


>> 


REVUE 

des  Personnalités  et  Choses  fénminines 

Marquise  de  La  Feuillade,  Directrice       Pierre  Jobbé=Duval,  Rédacteur  en  chef 


Le   Numi'ro   fr.    0.20 

DBHHHIHI^^nBHR 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


3BS 


Gand,  l'illustre  luthier,  lui  avait  commandé 
une  série  d'instruments  rétrospectifs  qui  firent 
l'admiration  des  visiteurs  de  l'Exposition  de 
1865. 

Tolbecque  s'est  encore  livré  avec  succès  à 
la  fabrication  des  Orgues. 

Il  construisit  celui  de  Pons,  celui  du  Mar- 
quis de  Foucault  (g  jeux,  deux  claviers  et 
pédales  séparées).  Le  bel  et  intéressant  instru- 
ment qui  dans  son  salon  occupe,  la  place 
d'honneur  est  au  dire  de  nos  grands  facteurs 
qui  l'ont  examiné  et  des  artistes  qui  l'ont 
touché,  un  véritable  bijou. ^ 

Depuis  de  longues  années  Tolbecque  est 
retiré  à  Niort  dans  sa  propriété  du  Fort  Fou- 
cault, et  partage  son  temps  entre  sa  merveil- 
leuse collection  d'instruments  et  de  très  belles 
auditions  classiques  où  il  a  su  grouper  (chose  si 
difficile  en  province  !)  les  meilleures  forces  de 
notre  ville.  Tous  ses  amis  ont  tenu  à  offrir  au 
maître  à  l'occassion  de  son  80®  anniversaire  une 
preuve  de  leur  reconnaissance  et  de  leur  estime. 
Ils  ont  eu  la  délicate  pensée  de  choisir  une 
œuvre  d'art  qui  eut  à  la  fois  une  grande  valeur 
et  le  charme  d'un  souvenir  :  c'est  un  buste  en 
cire  perdue  modelé  par  Dubois,  et  qui  repré- 
sente le  grand  ami  de  Tolbecque,  Camille 
Saint-Saëns. 

Que  celui  qui  tient  entre  ses  mains  la  des- 

^  L'expérience  acquise  par  plus  d'un  demi  siècle  de 
travaux  a  été  condensée  par  Tolbecque  dans  différents 
volumes  :  "  Quelques  comide'rations  sur  la  lutherie  ", 
Notices  historiques  sur  les  instruments  à  cordes"  et  surtout 
^^ L'Art  du  Luthier"  (Paris  Fischbacher  1902).  Cette 
activité  valut  au  maître  la  croix  de  la  légion  d'honneur. 


tinée  de  chacun,  daigne  conserver  longtemps 
encore  à  l'art  de  la  lutherie  et  de  la  musique 
un  de  ses  plus  fervents  adeptes. 


UNE  MAISON  D'EDITION  MODERNE 

Paris  compte  de  grands  éditeurs  de  musique.  Il  n'en  connaît  pas  de  mieux  organisés  que  la 
maison  Cosiallat  et  Cie.  MM.  Costallat  et  Cie  ont  été  les  premiers  à  faire  pénétrer  en  France 
l'édition  des  grands  classiques  étrangers.  Depuis  1895,  ils  furent  les  représentants  actifs  et 
autorisés  de  MM.  Breitkopf  et  Haertel,  chez  qui  Beethoven,  Haendel,  Bach,  Haydn,  IMozart, 
Palestrina,  Liszt,  Vittoria,  Schumann  et  tant  d'autres  grands  musiciens  ont  paru  en  éditions 
complètes  et  soigneusement  revisées.  Grâce  à  ce  dépôt,  MM.  Costallat  ont  introduit  chez  nous  un 
genre  d'ouvrages  que  les  éditeurs  de  musique  se  refusaient  presque  tous  à  adopter,  celui  des  publi- 
cations et  livres  de  musicologie.  Ils  ont  ainsi  contribué  effectivement  à  combler  l'abîme  qui  existait 
tout  récemment  encore  entre  la  librairie  proprement  dite  et  l'édition  musicale.  Parmi  ces 
vohunes  se  trouve  entre  autres  la  célèbre  biographie  de  Badi  par  le  Dr  vSchweitzcr,  qui  fait 
autorité  aujourd'hui,  et  le  manuel  bibliographique  de  Pazdirck,  ouvrage  colossal,  qui  contient  en 
ses  volumes  le  répertoire  de  la  musique  en  librairie  dans  le  monde  entier. 

Si  la  maison  Costallat  est,  de  tous  nos  éditeurs,  lapins  solidement  outillée  pour  le  répertoire 
cosmopolite,  elle  est,  d'autre  part,  et  par  ses  origines  une  des  plus  françaises  puisqu'elle  tient  en 
grande  partie  son  fonds  de  Richault,  fondé  à  Paris  en  1805,  éditeur  de  Berlioz  et  des  grands 
romantiques.  La  Damnation  de  Faust,  que  l'Opéra  vient  de  remettre  en  scène,  et  Y  Enfance  </// 
Christ,  qui  s'y  montrera  peut-être  un  jour,  donnent  à  ces  éditeurs  une  glorieuse  renommée. 

Citons  encore  parmi  les  modernes  édités  par  la  maison  Costallat  :  A  Coquard,  Maurice 
Le  Boucher,   Léon  Moreau,  A.  Mercier,  qui  vient  d'être  couronné  par  la  ville  de  Paris,  etc.. 

Kniîn,  non  content  de  joindre  la  musique  à  la  musicologie,  le  détail  au  gros,  l'étranger  au 
français  et  l'ancien  au  moderne,  MM.  Costallat  et  Cie  ont  eu  l'heureuse  idée  d'associer  à  leur 
fonds  la  vente  et  la  location  d'instruments  à  clavier.  Grâce  à  l'ancienne  et  puissante  maison 
américaine  G.  Esley,  de  New- York,  dont  ils  sont  à  Paris  les  représentants,  ils  offrent  au  public 
le  piano,  l'auto-piano,  et  les  orgues,  sans  lesquels  les  textes  publiés  restent  muets. 

On  ne  saurait  donc  s'étonner  de  l'extension  prise  par  la  Maison  Costallat  dans  ses  locaux 
de  la  Chaussée  d'Antin.  Ces  agrandissements  font  d'elle  une  maison  dWiition  moderne  au  sens  le 
plus  étendu  de  ce  mot,  où  le  lecteur  et  l'amateur   de   nuisiquc 

trouveront  tout  ce  dont  ils  ont  besoin,  tout  ce  cjui  peut  servir  à  la  lliXKi    n.\vi:\i:v. 

théorie  connue  à  la  piaticpie,  a   la   lecture  connue  à  l'executidu.  A.  M. 


Depuis  longtemps  les  musiciens  critiquent, 
avec  raison,  les  programmes  scolaires  auxquels 
ils  sont  en  droit  d'adresser  les  reproches  les 
plus  graves. 

Actuellement,  les  enfants  des  écoles  pri- 
maires commencent  l'étude  de  la  musique  à 
l'âge  de  dix  ans  ou  môme  onze  ans  :  c'est 
trop  tard.  Cette  étude  devrait  commencer, 
parallèlement  avec  l'alphabet,  à  cinq  ans 
environ,  ainsi  que  cela  se  pratique  en  Alle- 
magne, en  Autriche,  en  Suisse,  en  Danemarck, 
en  Suéde  et  en  Norwège. 

Partisan  résolu  de  cette  méthode,  M.  L.-J. 
de  Schepper,  directeur  du  "  Groupe  sympho- 
nique  ",  de  l'harmonie  "  l'Union  musicale  " 
et  de  la  "  Chorale  la  Fraternelle  ",  dés  son 
arrivée  à  Château-Gontier,  en  janvier  1893, 
sollicita  l'autorisation  de  faire,  à  titre  absolu- 
ment gracieux,  des  cours  de  solfège  dans  toutes 
les    classes    des    écoles    communales.    Malgré 


toute  sa  bonne  volonté  il  dut  attendre  pendant 
quinze  ans  cette  faveur  :  la  chose  peut  paraître 
singulière  ;  elle  est  rigoureusement  exacte  ;  il 
désespérait  de  réussir  quand  à  la  rentrée  d'oc- 
tobre 1908  il  obtint  enfin  l'autorisation  si 
impatiemment  attendue. 

Sans  perdre  un  instant,  il  se  mit  au  travail 
avec  ardeur  et,  depuis,  consacre  plus  de  dix 
heures  chaque  semaine  à  des  cours  supplé- 
mentaires. Sous  cette  vigoureuse  impulsion  les 
bons  résultats  ne  pouvaient  se  faire  attendre  ; 
en  janvier  dernier  une  première  distribution 
d'instruments  eut  lieu  et  le  quatorze  juillet 
les  jeunes  instrumentistes  exécutèrent,  au 
kiosque  des  Promenades,  un  programme  de 
quatre  morceaux  d'une  certaine  diflSculté. 

Leurs  qualités  de  son,  de  justesse,  d'ensemble 
et  de  résistance  furent  très  remarquées  et  ils 
obtinrent  un  grand  et  légitime  succès. 

Cette  petite  harmonie,  composée  exclusive- 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


388 

ment  d'enfants  de  huit  à  treize  ans,  (un  seul, 
le  clarinette-solo  a  quatorze  ans)  comprend  : 
une  petite  flûte  ;  une  petite  clarinette  ;  quatre 
clarinettes  si  b  ;  deux  cornets  ;  quatre  bugles  ; 
deux  saxophones-altos  :  un  saxophone-ténor  ; 
trois  altos  ;  deux  barytons  ;  deux  trombones 
et  cinq  basses  si  b  ;  elle  a  pour  titre  :  "  Har- 
monie des  pupilles  de  l'Union  musicale  "  et 
possède  déjà  un  répertoire  de  dix  morceaux, 
tous  de  la  composition  de  leur  dévoué  profes- 
seur, ainsi  d'ailleurs  que  les  solfèges  qu'il  im- 
provise au  tableau  et  que  les  méthodes  qu'il 
leur  copie  lui-même. 

En  attendant  une  modification  des  pro- 
grammes qui  s'impose,  souhaitons  de  voir  les 
professeurs  de  musique  prendre  partout  une 
semblable  initiative  et  travailler  avec  autant 
de  courage  et  de  désintéressement  au  relève- 
ment du  niveau  de  l'enseignement  musical 
dans  les  écoles  publiques.  Que  les  professeurs 
démontrent  par  des  faits  aux  plus  sceptiques, 
aux  plus  incrédules,  que  le  solfège  peut  être 
enseigné  avec  fruit  dès  l'âge  le  plus  tendre. 
Rubinstein,  le  grand  compositeur  russe,  l'a  dit 
fort  justement  :  "  L'étude  de  la  langue  musi- 
"  cale  est  semblable  aux  autres  langues,  celui 
"  qui  l'apprend  dès  l'enfance  peut  se  l'appro- 
"  prier,  mais  à  un  âge  avancé  il  est  presque 
"  impossible  d'y  parvenir.  " 

Cet  enseignement  peut  être  donné  de  la 
façon  la  plus  animée,  la  plus  attrayante, 
rompre  heureusement  la  monotonie  forcée 
d'autres  exercises.  Il  n'exige  pas  beaucoup  de 
temps,  deux  séances  par  semaine  suffisent.  Ce 
qui  se  fait  ailleurs  peut  et  doit  se  faire  chez 
nous.  Nous  ne  sommes  pas  nécessairement 
condamnés  par  le  destin  à  voir  le  char  de  la 
Musique  rouler  et  tanguer  à  perpétuité  le 
long  des  ornières  de  la  routine. 

p.  Luth. 

(lu  journal  "  Le  l'rof^rcs  "  <ic  Laval 

et  de  Châtcau-Gontier. 


^ 


Questions 


Sociales 


ET  INTERETS   PROFESSIONNELS 

Comptez  d'abord  sur  vous-même  ! 

Nous  étions  amené  récemment,  au  cours 
d'un  entretien,  avec  un  de  nos  distingués 
économistes,  (son  nom,  ici,  importe  peu)  à  lui 
exposer  quelques-unes  de  nos  vues  sur  la  con- 
dition des  artistes,  en  général,  et  celle  des 
musiciens,  en  particulier. 

—  Vous  vous  occupez  beaucoup,  lui  disions- 
nous,  des  Clûsst's  Moycnnei}  Les  petits  commer- 
çants, petits  industriels  et  agriculteurs  sont 
l'objet  de  votre  sollicitude  ;  vous  avez  déjà 
obtenu  de  nos  députés  certaines  disposif'ons 
législatives  favorables  à  cette  classe  si  intéres- 
sante de  producteurs,  mais  pourquoi,  en  prenant 
cette  rubrique  :  classes  ftioyenncs,  la  faites-vous 
limitative  ?  Vous  en  excluez  les  "  petits 
artistes  "  ceux  qui,  péniblement,  laborieuse- 
ment, luttent  aussi,  avec  non  moins  de  courage 
contre  des  conditions  sociales  désastreuses  pour 
eux.  Moins  nombreux  peut-être  que  vos  pro- 
tégés ils  forment  cependant  un  groupe  notable 
dans  Tcnsemble  de  la  populatii)!!,  groupe  qui 
s'accroît  tous  les  jours.  Ceux-là  aussi  sont 
dignes  de  votre  bienveillance  ;  ceux-là  aussi 
sont  des  producteurs,  quoique  d'un  genre  dif- 
férent ;  ceux-là  aussi  sont    utiles,    ils  S(Mit   des 

'  Ici  iiiOinc  nous  avons  juiblic  un  article  sur  un 
Congrh  Jes  Cliissrs  Movr/tiirs  tenu  à  Paris  en  Novembre 
1909. 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


389 


citoyens,  ou,  si  vous  voulez,  simplement,  des 
hommes  aux  prises  avec  de  dures  réalités  et 
plus  désarmés  peut-être  que  les  autres  pour  en 
tirer  habilement  parti.  Savants,  artistes,  repré- 
sentent ce  capital  intellectuel  aussi  nécessaire 
à  une  nation  bien  portante  qu'à  un  individu 
sain  car  vous  ne  concevez  pas,  j'imagine,  un 
être  humain  comme  uniquement  préoccupé  de 
s'enrichir  au  moyen  du  commerce,  de  l'agri- 
culture ou  de  l'industrie.  Accordez  donc  aux 
"  petits  artistes  "  je  veux  y  insister,  une  place 
dans  vos  préoccupations  sociales. 

Mon  interlocuteur  avait  écouté  fort  poliment 
cette  tirade,  débitée  avec  le  feu  que  donne 
toujours  une  conviction  sincère,  mais  la  froideur 
de  son  attitude  n'indiquait  pas  qu'il  fût  con- 
vaincu. 

—  Enfin,  dis-je,  devant  son  silence,  que 
pensez-vous  ? 

Il  prit  un  temps,  et,  fort  posément  : 

—  Nous  ne  demandons  pas  mieux,  fit-il, 
que  d'accueillir  les  artistes.  Quant  à  espérer, 
pour  les  tirer  d'affaire,  la  modification  des  lois 
qui  les  concernent  c'est  une  autre  question  et 
ils  pourront  attendre  longtemps  qu'on  s'in- 
quiète de  leur  sort.  Comprenez  donc  qu'ils  ne 
sont  pas  intéressants. 

Je  sursautai. 

—  Laissez-moi  poursuivre.  Vous  n'êtes  pas 
intéressants,  vous  autres  artistes,  parce  que 
vous  ne  formez  pas  un  parti  politique.  Le  petit 
cominerçant,  l'industriel,  l'agriculteur  a  des 
opinions  politiques,  —  bonnes,  ou  mauvaises, 
il  n'importe.  —  Il  les  propage  autour  de  lui. 
Sa  boutique,  son  usine,  son  exploitation  sont 
des  endroits  de  réunion,  des  petits  centres 
d'action,  des  organismes  déjà  constitués  dont 
profitent  ceux  qui,  à  tort  ou  à  raison,  préten- 
dent diriger  les  autres  et  établir  leur  situation 
même  sur  l'utilité  de  cette  direction.  Rien  de 
pareil  avec  les  artistes.  Ils  sont  des  isolés,  des 
individualistes,  des  nomades  souvent,  et,  pour 
les  trois-quarts  d'entre  eux,  la  politique  est 
chose  indifférente.  Ils  n'exercent  pas  d'action 
appréciable  dans  un  cercle  donné  ;  en  quoi 
voulez-vous  qu'ils  touchent  nos  législateurs  ? 
Un  commerçant  influe  sur  son  entourage,  il 
est  à  ménager,  mais,  je  vous  le  demande,  quel 


est  l'emploi,  comme  rouage  social,  d'un  petit 
violoniste,  râcleur  de  concerts,  dans  les  grandes 
villes,  l'hiver,  dans  les  casinos,  l'été  ? 

Je  restai  sans  réponse  tellement  ces  idées 
me  semblaient  étranges.  Où  la  politique  allait- 
elle  se  nicher  !  Je  ne  pouvais  contester  l'exac- 
titude de  ces  affirmations.  Oui,  sans  doute,  les 
choses  devaient  se  passer  ainsi.  Et  cependant 
une  telle  injustice  m'indignait. 

—  Eh  !  quoi,  poursuivit-il,  ces  musiciens 
auxquels  vous  vous  intéressez  si  obstinément 
n'ont-ils  donc  rien  fait  pour  améliorer  leur  sort? 
Qu'ils  prennent  alors  exemple  sur  ces  petits 
commerçants,  agriculteurs,  industriels,  dont 
nous  parlions  tout-à-l'heure.  Ceux-là  ont  com- 
pris que  la  période  de  développement  de 
l'individualisme  était  close.  Ils  se  sont  aperçus 
que  la  facilité  donnée  au  libre  jeu  de  la  con- 
currence n'aboutissait,  en  définitive,  qu'à  l'écra- 
sement de  l'individu  ;  alors,  par  un  juste 
retour,  ils  ont  cherché  dans  l'union  des 
forces,  l'appui  nécessaire  contre  l'aveugle  pres- 
sion sociale,  quitte,  après  un  assez  long  temps, 
à  éprouver  les  inconvénients  de  ce  nouvel  état 
et  à  revenir  à  l'individualisme.  Nous  n'avons 
pas  à  prévoir  cette  conséquence  lointaine  nous 
en  sommes  à  la  période  associative.  Adaptez- 
vous  donc  et  surtout  :  comptez  sur  vous- 
même. 

Au  départ,  cette  parole  me  suivit  :  Compter 
sur  soi-même.  N'est-ce  pas  tout  le  secret  de  la 
victoire  dans  cette  lutte  quotidienne  qu'il  faut 
que  chaque  être  et  chaque  collectivité,  sou- 
tienne contre  un  milieu  toujours  hostile.  Etre 
attaqué  sans  cesse,  se  défendre  sans  cesse, 
trouver  en  soi  toutes  les  énergies  nécessaires  à 
une  continuelle  réaction,  se  maintenir  en 
équilibre  et  conquérir  chaque  jour,  au  soleil, 
une  place  toujours  disputée.  C'est  la  loi  de  la 
vie. 

Quelques  musiciens  ont  compris  la  nécessité 
de  tenter  quelque  chose  et,  ne  sachant  com- 
ment se  déterminer,  ils  se  sont  adjoints  aux 
associations  déjà  existantes,  ils  se  sont  syndi- 
qués. Ils  sont  allés  frapper  à  la  Bourse  du 
Travail  où  ils  furent  accueillis  et  assimilés  aux 
syndicats  ouvriers.  Au  début,  ils  ont  retiré, 
grand  profit  de  cette  alliance  mais,  actuelle- 


LES  PIANOS 

STEINWAY 

Proclamés  par    les   grands    musiciens 
comme    les   meilleurs    du    monde    entier. 


E,  MOULLÉ 

AGENT  GÉNÉRAL 

i,    RUE    "BLANCHE,    VARIS. 


c*> 


c«> 


Lettre  d' HECTOR  BERLIOZ 


Paris,  25  Septembre  1867. 

Messieurs  Sleinway  et  Fils, 

J'ai  entendu  les  magnifiques  pianos  qui  sortent  de 
votre  fabrique.  Permettez-moi  de  vous  faire  mes 
compliments  sur  leur  excellence  el  les  rares  qualités 
qu'ils  possèdent. 

Leur  sonorité  est  splendide  et  csscnlicUciiu'iil 
nnblc  ;  en  plus  vous  avez  découvert  le  secret  de 
diminuer  jusqu'à  un  point  imperceptible  l  harmonie 
déplaisante  de  la  septième  mineure,  qui  jusiiu'a 
présent  se  faisait  entendre  à  la  huitième  el  neu- 
vième vibration  des  plus  longues  cordes,  rendant 
ainsi  les  son»  cacophonique».  Comme  tant  d'autres  améliorations,  celle-ci  est  un  grand  progrès  dans 
la  fabrication  de»  pianos  el  un  progrès  pour  lequel  tous  les  artistes  et  amaleuis  doues  d  un  goul 
délicat   vous  devront  de  la  reonnaissance. 

Veuillez  accepter,   M»-^" 'ir-.    <vcc  me»  compliments  l'assurance  de  mon  respect. 

IIKCTOR  BF.RLIOZ. 


L'ACTUALITE     MUSICALE 


^9t 


ment,  un  mouvement  de  recul  paraît  se  des- 
siner, certains  symptômes  se  précisent  d'une 
prochaine  évolution.  Les  termes  de  la  loi  de 
1884,  régissant  les  syndicats,  étaient  formels  : 
A'  syndicat  devait  être  une  association  unique- 
ment préoccupée  des  intérêts  professionnels  de 
ses  membres.  On  sait  ce  qu'il  est  devenu  et 
comment  les  syndicats  affiliés  à  la  Bourse  du 
Travail  ont  été  détournés  de  leur  but,  trans- 
formés en  partis  politiques,  dressés  contre  la 
société  qui  leur  avait  donné  naissance,  adoptant, 
■  comme  progrès,  les  doctrines  révolutionnaires. 
Nous  n'avons  pas  à  juger  leur  action,  mais  nous 
pouvons  constater  que  beaucoup  de  leurs  plus 
fervents  adeptes  commencent  à  en  être  las.  Ce 
ne  sont  pas  seulement  les  manœuvres  et  les 
ouvriers  qui  regimbent  sous  la  férule  des  me- 
neurs. Il  y  a  là,  pour  qui  suit  le  mouvement, 
fort  utiles  à  noter,  les  prodromes  d'une  réaction 
qui  ne  saurait  tarder. 

La  nécessité  du  groupement  reste  entière  ;  l'éti- 
quette syndicale  commence  à  être  bien  discré- 
ditée. On  pourrait  peut-être  trouver  autre 
chose  et  ceux  des  artistes  musiciens  à  qui 
répugnent  les  procédés  et  les  allures  de  la  pire 
démagogie  auraient  quelque  intérêt  à  réfléchir 
à  ce  sujet  et  à  découvrir  quelle  forme  associa- 
tive leur  convient  le  mieux  :  un  groupement 
basé  uniquement  sur  les  intérêts  professionnels, 
n'est  peut-être  pas  une  chimère,  il  est  temps 
que  quelques-uns  d'entre  nous  en  prennent 
l'initiative. 

Les  artistes  doivent  se  persuader  qu'ils 
auraient  tout  à  perdre  à  une  transformation 
brutale  de  l'état  social  présent  et  que  leur 
intérêt  n'est  pas  d'y  travailler.  Ces  grands  bou- 
leversements qui  saisissent,  pour  ainsi  dire, 
toute  la  puissance  de  volonté  d'un  peuple  et 
l'appliquent  au  pénible  passage  de  la  théorie 
à  l'action  révolutionnaire  ne  sont  pas  favorables 


au  développement  de  l'art,  qui  est  un  luxe,  et 
à  la  condition  de  ceux  qui  le  servent.  Quant 
à  une  transformation  plus  lente,  mais  plus 
sûre  peut-être,  en  faveur  du  prolétariat  ouvrier, 
elle  est  tout  aussi  redoutable  à  envisager  pour 
l'artiste.  I/industrialisation  à  outrance  d'un 
pays,  où  jusqu'à  présent  la  part  d'intellectua- 
lisme a  été  sauvegardée,  l'exclusion  du  patro- 
nat, au  profit  de  collectivités  anonymes,  repré- 
senteraient, au  moins  pendant  un  long  temps, 
des  conditions  de  vie  détestables  pour  les 
artistes.  A  eux  de  sauvegarder  leur  précaire 
existence  en  reconstituant  promptement  leurs 
corporations,  non  pas  dans  les  formes  suran- 
nées et  désuètes,  mais  en  accord  avec  les 
exigences  d'un  temps  nouveau.  Tous  les 
modes  de  groupements  doivent  être  essayés, 
tous,  bien  compris,  peuvent  donner  de  bons 
résultats.  Nous  en  citerons,  pour  conclure,  un 
seul  exemple.  Il  nous  vient  d'Amérique  et 
vaut  d'être  retenu. 

"  A  New  York,  les  artistes  lyriques  et  dra- 
matiques disposent  de  trois  clubs  où  ils  se 
retrouvent  quotidiennement.  Le  plus  grand  de 
ces  clubs,  et  le  plus  distingué,  est  le  Players- 
Club,  fondé  en  1888,  par  Edwin  Booths  le 
plus  célèbre  des  tragédiens  américains.  Le  local 
du  club  contient  des  salles  de  jeux,  de  lecture, 
une  bibliothèque  de  6000  volumes.  Beaucoup 
moins  fermé  est  le  Lambs  Club.  Ses  fêtes  sont 
célèbres,  ainsi  que  ses  représentations  données 
sur  un  petit  théâtre  propriété  du  club.  I>e 
Green  room  Club  comprend  des  directeurs  et 
des  imprésarios.  Son  but  est  de  rapprocher  ceux 
qui  offrent  et  ceux  qui  demandent  des  emplois, 
et  de  créer  des  relations  personnelles  entre 
directeurs  et  artistes.  " 

Concluons,  suivant  la  formule  :  pourrait 
être  essayé  à  Paris. 

M.   Daubresse. 


Uon  se  propose  dans  cette  rubrique,  qui  paraîtra  désormais  tous  les  mois  yion  point  de  dresser  un 
répertoire  des  sommaires  —  ce  que  fait  fort  bien  le  bulletin  mensuel  de  la  I.  M.  G.  —  mais  de 
glaner  pour  les  lecteurs  du  S.  L  M.,  dans  les  revues  de  divers  pays,  des  idées  et  des  documents 
intéressants,  de  résumer  pour  eux  la  substance  des  études  ou  des  récits  les  plus  originaux  ;  ceci  sans 
la  moindre  prétention  à  être  complet,  mais  avec  Fespoir  de  ne  rien  omettre  d^essenticl  en  Fespcce, 
soit  dans  le  choix  des  articles,  soit  dans  la  tnaniére  de  les  résumer. 

M.  D.   C. 


LETTRES  DE  JEUNESSE  DE  BALA- 
KIREW,  —  C'est  la  Gazette  musicale  Russe 
(25  Juillet,  I  Août  19 10)  de  M.  Findeisen, 
indispensable  à  qui  veut  connaître  la  musique 
russe  qui  en  publie  des  extraits.  Ainsi  que 
le  disait  naguère  ici  même  le  distingué  musico- 
logue russe,  il  est  grand  temps  de  recueillir 
et  de  publier  tous  les  documents  possibles  sur 
la  vie  et  l'œuvre  du  grand  artiste  et  de 
l'homme  très  bon  que  fut  Balakirew.  A  présent 
qu'il  est  mort  on  finira  bien  par  lui  rendre  un 
juste  tribut  d'admiration,  et  l'heure  est  venue 
pour  les  biographes  d'entrer  en  scène. 

Ces  lettres  furent  adressées  au  docteur 
Zatkévitch,  camarade  de  collège  du  maître  et 
appartiennent  à  la  période  de  1857-1858  soit 
du  premier  séjour  de  Balakirew^  à  St.  Péters- 
bourg. 

Le  premier  extrait  est  des  pkis  caractéris- 
tiques, et  nous  montre  déjà  tout  entier  la  belle 
intransigeance,  la  foi  artistique  du  inaître  : 

"  'i'u  m'as  mal  compris  ou  bien  je  me  suis 
mal  exprimé.  Ce  dont  je  me  plains,  c'est  de 
riiKhftérence  du  public  pour  tout  ce  qui  est 
vraiment  beau  :  ce  pourcpioi  on  devrait  ni'ap- 
plaudir,  on  ne  l'api^lautlit  pas  :  ce  qui  n'est 
(|ue  routine  produit  au  contraire  de  l'effet  et 
j'en  produis  (|uand  je  joue  des  Nocturnes  poui 
belles  dames  de  Ch()[)in,  ou  bien  mes  pre- 
mières compositions  (|ui  ne  valent  rien,  fe  ne 
traite  point  Ciiopin  de  compositeur  pour  bi-lles 
(lames  :  il  a  écrit  des  œuvres  magnificpies  m;îis 
ce  sont  celles-là  cpii  ne  produisent  point  d'i  ll(  t 
sur  le  public...  Je  viens  de  recevoir  une  h  itie 
(le   lî.;  écnle   ;i/ni  de  nie    pupier  ;iu  vif,  "  (l;ins 


mon  propre  intérêt."  On  lui  a  dit  que  je  m'en 
crois  trop,  que  j'ai  le  culte  de  moi-même.  Tu 
sais  combien  tout  cela  est  faux.  Il  me  signale 
encore  le  danger  de  \i\  re  parmi  des  partisans 
trop  enthousiastes  qui  m'encensent.  Quelles 
niaiseries  !  Pour  le  choix  de  mes  relations  je 
m'en  tiens  à  la  précieuse  vérité  d'un  conseil  de 
Schumann  :  "  recherche  ceux  qui  te  connais- 
sent le  mieux  "...  B.  me  dit  que  mon  igno- 
rance du  français  me  nuira  en  m'empèchant 
de  fréquenter  les  artistes  qui  pourraient  m\'tre 
utiles  {:).  Mais  le  peuple  des  \irtuoses  est  aux 
antipodes  de  la  musique.  Pour  eux  c'est  non 
l'art  mais  l'argent  qui  est  au  premier  plan.  Seul 
d'entre  les  virtuoses,  Liszt  est  devenu  musicien 
parce  qu'il  a  cessé  d'être  virtuose.  Mais  chez 
nous,  à  Pétersbourg,  il  n'y  a  jamais  eu  de 
Liszt.  On  s'y  contente  de  racaille  comme 
Henselt,  Lechetitsky,  etc.  (j'entends  racaille 
au  point  de  \  ue  musical,  car  pour  ce  qui  est 
de  leur  jeu,  il  est  excellent).  Je  termine  ce 
\'()lume  par  cet  autre  aphorisme  de  Schumann: 
passe  plus  de  temps  en  conijiagnie  des  parti- 
tions qu'en  compagnie  des  \  irtuoses.  Et  je 
t'en\oie  ma  lettre  \xw  un  ceitain  ianatique  de 
mon  talent  —  le  seul  qu'on  puisse  trouver  à 
Pétersbourg.  Il  m'est  sympathiiiue  parce  que 
son  cœur  est  bon,  son  Ame  ardente,  mais  non 
parce  (|u'il  a  cette  foi  fanaticpie  en  mon  talent. 
Mais  il  est  superflu  ili-  t'explicpier  cela." 

Ia-s  autres  extraits  montrent  Halakirew  très 
jiauvre  au  point  d'Iiésiter  à  payer  ilix  kopecks 
pour  le  pnrt  (riuii-  lettre,  et  d'humeur  assez 
snmliic,  eiuoic  tpTil  ne  si-  laissât  point  aller 
;iu  (lée(Mii;im-iuiiit. 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


393 


M.  GUSTAVE  MAHLER.  —  Tant  h 
l'occasion  du  cinquantième  anniversaire  de  ce 
compositeur  qu'à  celle  de  la  première  exécu- 
tion de  sa  huitième  symphonie,  les  journaux 
allemands  parlent,  naturellement,  beaucoup  de 
son  œuvre  et  de  lui-même.  Non  moins  na- 
turellement, les  diatribes  s'opposent  aux  dithy- 
rambes, La  note  juste  paraît  être  donnée  par 
le  compte-rendu  de  M.  A.  Spanuth  [Signale, 
2 1  septembre)  où  se  mêlent  le  blâme  et  l'éloge. 
Même  sans  avoir  entendu  cette  symphonie,  on 
est  persuadé  que  M.  Spanuth  a  raison  en 
déclarant  qu'une  belle  œuvre,  avant  tout 
vocale,  ne  peut  être  considérée  comme  mar- 
qviant  la  symphonie  de  l'avenir,  ce  qui  impli- 
querait la  condamnation  de  la  symphonie 
instrumentale.  Et  qui  connaît  les  précédentes 
ne  s'étonnera  pas  d'apprendre  qu'il  ny  a  qu'une 
très  lâche  corrélation  esthétique  entre  la  seconde 
partie  et  la  première  ;  mais,  lisant  que  jamais 
M.  Mahler  n'a  montré  moins  de  sens  critique, 
il  restera  effaré. 

En  somme,  M.  Spanuth  trouve  que  l'œuvre 
ne  révèle  rien  de  neuf,  mais  est  digne  d'être 
connue. 

Veut-on  de  ces  contradictions  qui  jamais  ne 
manquent,  mais  réjouiront  toujours  ?  En 
voici  une 

"...  Oubha-t-on  même  que  les  œuvres  de  M.. 
Mahler  sont  le  point  de  la  réflexion  bien  plutôt  que 
de  V inspiration...''''        (M.  Spanuth,  toc.  cit.) 

"...  Voilà  qui  prouve  que  Mahler  est  un 
musicien  de  sensibilité  et  non  un  musicien  d^ enten- 
dement. . . 

(M.  Jelinek,  Musikalisches  IVochenblatt,) 

LE  DÉVELOPPEMENT  DE  LA  MU- 
SIQUE FRANÇAISE.  —  Soixante-huit 
lignes  pour  un  tel  sujet  :  ce  n'est  guère,  et 
pourtant  M.  von  der  Stucken  {Signale,  14  sep- 
tembre) s'en  accommode,  il  trouve  même 
moyen  de  faire  en  si  peu  de  mots  (et  c'est  en 
allemand,  non  en  turc  qu'il  écrit)  des  remarques 
intéressantes,  comme  celle-ci  :  "  les  Allemands 
apprécient  mal  le  caractère  sérieux  et  profond 
des  œuvres  françaises  modernes.  Une  musique 
qui  émeut  jusqu'au  tréfonds  l'âme  française 
n'est  considérée  ici  que  comme  spirituelle  et 


agréable.  Ne  vaudrait-il  pas  la  peine  d'étudier 
ces  œuvres  de  manière  plus  intime,  au  point 
de  vue  du  caractère  et  du  sentiment  français  r  " 
Oui,  certes  ;  mais  cela  est  très  difficile,  dirai-je 
volontiers,  en  voyant  combien  la  réciproque 
l'est,-  et  comme  l'on  a  du  mal,  ici,  à  juger 
Brahms,  M.  Mahler  et  M.  Reger  au  point  de 
vue  du  caractère  et  du  sentiment  allemands. 
N'importe,  il  faut  toujours  essayer,  comme  le 
conseille  M.  von  der  Stucken  ;  et  si,  à  force 
de  le  faire,  on  finit  par  s'apercevoir  que  la 
musique  est  le  moins  international  des  arts  — 
ou  du  moins,  celui  qui  met  le  plus  de  temps 
à  franchir  les  frontières  —  ce  sera  toujours  une 
vérité  esthétique  d'établie  ! 

CARACTÈRES  DISTINCTIFS  DE 
TONALITÉS.  —  Très  sage  article  de 
M.  G.  Cumberland  [Musical  Opinion,  août)  sur 
ce  thème  cher  aux  abstracteurs  de  quintessence. 
Pour  l'auteur,  inie  tonalité  "  possède  les  carac- 
téristiques que  lui  attribue  tout  individu  comme 
résultat  d'une  crise  d'émotion  ou  bien  parce 
qu'il  a  fréquemment  associé  une  certaine  dis- 
position d'esprit  à  une  certaine  tonalité.  "  Il  a 
pu  constater  que  "  des  tons  ont  acquis  de 
manière  absolue  une  atmosphère,  une  qualité 
émotionnelle  à  lui  communiquées  par  une 
seule  pièce  imbue  de  cette  émotion  ou  de  cette  ' 
atmosphère.  " 

D'autre  part,  "  tout  pianiste  a  ses  tons 
favoris,  ceux  qui  sur  le  clavier  conviennent  le 
mieux  à  la  conformation  particulière  de  ses 
mains  :  moins  souple  est  sa  technique,  plus  il 
préférera  certains  tons  aux  autres.  Aux  premiers 
s'associeront  pour  lui  les  idées  de  fluidité,  de 
grâce,  de  lyrisme  ;  à  ceux  qui  sont  difficiles, 
celles  de  trouble,  de  nuit,  de  souffrance.  Des 
expériences  prouvent  combien  le  caractère 
attribué  aux  tonalités  varient  avec  les  auditeurs. 

ŒUVRES   DE  M.  DEBUSSY.  —  La 

critique  anglaise  s'y  intéresse  beaucoup  et 
depuis  fort  longtemps  —  comme  nouvelles 
preuves  de  cet  intérêt,  voici  [Musical  Opinion,- 
août)  un  article  élogieux  de  M.  G.  Lowe  sur 
les  mélodies  de  M.  Debussy,  et  un  autre  [ib., 
septembre)  de  M.  J.  Matthews  sur  les  nouveaux 


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L'ACTUALITE    MUSICALE 


395 


Préludes.  M.  Matthcwssait  apprécier  le  charme 
de  ces  préludes,  encore  qu'il  fasse  nombre  de 
réserves  :  souhaitant,  par  exemple,  "  un  peu 
de  Grieg  tout  frais,  tout  animé  des  brises- 
salines  du  Nord,  comme  fortifiant  après  les 
sonorités  languides  et  énervantes  du  4'"''  ". 
Ce  qua  vu  le  vent  eV Ouest  est  "fort  laid"  mais 
d'autres  pièces,  comme  Les  collines  d'' Anacapri^ 
La  fille  aux  cheveux  de  lin  etc.  sont  fort  vantées. 
En  manière  de  conclusion  :  une  réaction  se 
produira  un  jour  contre  le  réalisme  de 
M.  Strauss  et  de  M.  Debussy  et  en  faveur  de 
la  musique  pure,  sans  programme.  Le  Quatuor 
de  M.  Debussy  prouve  que  ce  compositeur 
peut  écrire  de  belle  musique  pure  ;  attendons 
une  sonate  pour  piano,  d'égal  intérêt. 

M.  DEBUSSY  DEVANT  L'HIS- 
TOIRE. —  Relevons  aussi  —  il  n'est  pas 
trop  tard  pour  le  faire  —  les  réflexions  suivan- 
tes sur  l'art  de  \fi.  Debussy  par  M.  Ernest 
New^man  [Musical  Times,  l  Mai). 

Quelle  place  la  critique  historique  donnera- 
t-elle,  en  fin  de  compte,  à  M.  Debussy  ?  On 
peut  aborder  ce  problème  sans  témérité,  aujour- 
d'hui que  de  fréquentes  auditions  et  la  rapide 
publication  des  œuvres  rendent  possible  ce 
qu'on  n'aurait  jamais  pu  oser  autrefois.  Que  la 
musique  du  compositeur  offre  maintes  beautés 
et  doive  toujours  occuper  une  place  importante 
dans  l'histoire  est  hors  de  doute  ;  mais  dans 
quelle  mesure  sera-t-elle  aimée  d'ici  une  géné- 
ration ou  deux,  et  dans  quelle  mesure  regardée 
comme  le  premier  balbutiement  d'un  art  qui 
n'a  point  eîicore  maîtrisé  le  langage  qu'il 
ambitionne  de  parler  ?  Certains  ont  donné  de 
puissantes  impulsions  à  l'art,  sans  que  pour 
cela  leurs  œuvres  aient  survécu  :  tels  les 
réformateurs  florentins  qui  fondèrent  l'opéra. 
D'autre  part,  les  formes  d'art  les  plus  belles  et 
les  plus  durables  semblent  ne  venir  qu'à  la  fin 
de  longues  périodes  d'évolution,  être  l'expres- 
sion autant  d'une  race  ou  d'une  époque  que 
de  l'individu  qui  les  met  au  jour.  L'extrême 
individualité  de  Debussy,  le  caractère  très 
particulier  de  son  œuvre  ne  permettent-ils  pas, 
de  même  que  sa  prédilection  pour  certaines 
formules   et   pour   certains  effets  toujours  les 


mêmes  et  parfois  affectés  de  le  considérer 
comme  un  génie  limité,  un  pionnier  qui  ne 
peut  conquérir  la  Terre  promise  qu'il  a  décou- 
verte ?  M.  Debussy  est  un  "  type  transitionnel  " 
et  ce  n'est  pas  lui  qui  récoltera  le  meilleur  de 
ce  qu'il  a  semé.  Son  malheur  est  d'inaugurer 
une  époque  au  lieu  de  la  clore.  Telle  est  la 
conclusion  de  ces  "notes";  simple  esquisse, dit 
l'auteur,  mais  esquisse  à  coup  sûr  réfléchie, 
sagace  et  modérée  qui  pourrait  bien  être  la 
plus  riche  en  idées  et  en  observations  justes 
que  compte  jusqu'à  ce  jour  la  littérature  anti- 
debussyste  —  où,  pour  mieux  dire,  la  critique 
non  apologétique  des  œuvres  de  M.  Debussy. 

ŒUVRES  DE  M.  JOSEPH  HOL- 
BROOKE.  —  Un  nouveau  drame  lyrique, 
Dylan,  de  ce  compositeur,  un  des  plus  en  vue 
de  la  jeune  école  anglaise, nous  est  présenté,  sans 
grand  commentaire  vu  la  difficulté  d'en  juger 
d'après  la  partition  pour  piano,  par  M.  J.  Bow^- 
den  {Musical  Standard,  10  Sept.).  Ce  serait  une 
des  meilleures  œuvres  de  l'auteur,  aux  mélodies 
duquel  M.  Georges  Lowe  consacre,  dans  le 
même  périodique  (17  Sept.)  un  article  détaillé 
et  des  plus  élogieux  pour  une  bonne  partie  des 
pièces  énumérées  ;  celle  dont  le  texte  est  l'im- 
mortelle Annabel  Lee  de  Poe,  les  six  Chansons 
romantiques,  et  Marina  Faliero  (d'après  Byron) 
sont  particulièrement  citées  comme  fort  belles. 
M.-D.  Calvocoressi. 

L'AFFAIRE  DE  LA  LÉPREUSE.  — 
La  Revue  des  grands  procès  contemporains 
vient  de  publier  les  plaidoieries  du  procès  de 
la  Lépreuse  et  le  jugement  qui,  pour  un  mo- 
ment, a  interrompu  les  hostilités  entre  auteurs 
et  directeurs.  On  se  souvient  que  Sylvio  Laz- 
zari  et  Henry  Bataille  présentèrent  en  1900 
au  directeur  de  l'opéra-comique  un  drame 
lyrique  :  la  Lépreuse.  On  se  souvient  aussi 
comment  l'œuvre  quelque  peu  modifiée  sur  la 
demande  de  M.  Carré,  devint  la  Sorcière,  puis 
l'Ensorcelée,  et  fut  acceptée  en  1901,  annoncée 
et  afl^chée  en  1902  et  1903.  C'est  à  cette 
époque  que  remontent  les  dissentiments  entre 
les  auteurs  et  le  directeur,  dissentiments  pro- 
voqués  par  les  atermoiements  de    M.    Carré 


396 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


et  son  refus  de  jouer  la  pièce  reçue  ;  les 
polémiques  de  presse  et  même  vui  débat  à  la 
chambre  ont  d'ailleurs  rendus  publics  ces 
démêlés.  Enfin  la  Justice  fut  invitée  à  trancher 
le  litige,  elle  le  fit  avec  une  fantaisie  inattendue. 
Les  juges  ont  décidé  notamment  que  M.  Carré 
pou\ait  se  libérer  de  son  engagement  en  payant 
à  Lazzari  le  montant  du  dédit  stipulé  dans 
son  traité  avec  la  Société  des  auteurs,  bien  que 
Lazzari  ne  fit  pas  partie  de  cette  Société  au 
moment  où  sa  pièce  fut  reçue  à  l'Opéra  Comi- 
que. Ils  ont  prétendu  aussi  que  l'annonce,  au 
moyen  de  circulaires  et  d'affiches,  de  la  re- 
présentation d'une  œuvre  dramatico-musicale 
ne  saurait  prouver  la  réception  de  cette  œuvre. 
Ils  ont  adopté  avec  empressement  les  argu- 
ments cependant  bien  pauvres  de  M.  Carré. 
Heureusement  cette  décision  demeuie  sans 
importance,  et  la  Cour  d'appel  nous  dira  sans 
doute  prochainement  s'il  faut  encore  croire  à 
l'équité  des  juges.  Georges   Baudin. 


L'Edition 
Musicale 


CHANT.  —  La  Cantatr  nu  Xf^IV  et 
XVllV  unies,  par  A/'""  Jane  Ârger.  —  Une 
très  jolie  collection  d'airs  et  île  récits,  clioisis 
avec  infiniment  de  goût  dans  ce  que  la  musi- 
(|iie  française  offre  de  plus  pimpant  et  de  plus 
enjoué  à  l'époque  classique.  Nous  ne  trou- 
verons ici  aucun  de  ces  airs  languissants  et 
éternellement  attendris,  ilont  il  y  a  tant  d'ex- 
emples à  cette  époque.  Ne  prenons  pas  ce 
petit  recueil   pour  une  image  exacte  du  genre 


Cantate.  Nous  risquerions  de  nous  en  faire 
une  idée  trop  fa\orable.  Un  seul  ordre  de 
sentiments  a  trouvé  place  ici  ;  et  il  y  faut 
chercher  moins  de  passion  que  de  galanterie, 
moins  de  con^'iction  que  de  bonne  grâce.  Seul, 
un  air  de  Monteclair,  Pan  et  Syrinx,  se  dé- 
tache d'une  façon  un  peu  plus  dramatique  sur 
ce  charmant  badinage. 

Pour  chant  aussi,  4  mélodies  plutôt  ordi- 
naires, de  Charles  Neveu  :  NoÈl  Marin, 
Fleurs  Mortes,  Vers  luisants.  Aux  étoi- 
les. Le  Vieux  Calvaire,  du  même  auteur, 
évoque  assez  heureusement  un  de  ces  paj'sages 
bretons  dont  la  sérénité  triste  ne  manque  pas 
de  noblesse.  Les  Rossignols  du  Cimetière, 
petites  pièces  pour  \oix  d'enfants,  de  Louis 
Boycr,  ne  sont  qu'un  enfantillage  musical,  sur 
un  poème  d'Alphonse  Daudet,  que  nous  eus- 
sions préféré  ne  pas  connaître. 

PIANO.  —  Un  volumineux  paquet  de 
musique  pour  piano  nous  arrive  de  Hongrie. 
Nous  ne  nous  permettrons  pas  de  nous  en 
porter  juges.  Les  lecteurs  de  la  S.  I.  M.  liront 
dans  un  article  prochain  les  origines  et  les 
ambitions  de  la  jeune  école  hongroise.  Pour 
aujourd'hui,  conseillons-leur  de  s'attaquer  plu- 
tôt aux  œuvres  d'un  Szr/ifly  (Six  poÈmes  hon- 
grois, Aphorismes,)  ou  d'un  Léo  iVeiner 
(SÉRÉNADE,  réduite  à  4  mains)  qu'aux  élucu- 
brations  un  tant  soit  peu  effarantes  d'un  Zolian 
Kodal)\  10  PIÈCES  pour  le  Piano,  pour  les- 
quelles l'initiation  ne  sera  pas  de  trop. 

M.  S'igfyûl  Karg  Ellett,  en  homme  prudent, 
publie  avec  sa  Sonate  pour  piano  (Fis  Moll 
Op.  50.)  un  petit  opuscule,  destiné  à  guider  le 
lecteur  à  travers  les  méandres  de  son  œuvre. 
A  première  \  uc,  la  nécessité  de  ce  fil  conduc- 
teur paraît  cruellement  évidente.  Et  M.  Elert, 
lui-même  en  semble, plus  qu'un  autre  persuadé, 
lorsqu'il  inscrit,  en  tête  de  son  jirogramme,  en 
<;uise  île  motto  d'épigraphe,  dirions-nous,  les 
vers  suixants  : 

"  Emporte/.-moi,  ipiand  même  ce  serait  sur 
les  ailes  île  la  nuit,  je  veux  parvenir  à  la 
lumière.  La  force  des  Titans  est  née  de  l'an- 
goisse, et  le  jour  des  œu\  res  s'élève  de  la  lunt 
et  du  chaos.  " 


L'ACTUALITE    MUSICALE 


397 


On  serait  fortement  tenté  de  croire  que  les 
ténèbres  sont  demeurées  victorieuses,  et  que  la 
lumière  aura  bien  du  mal  à  jaillir  de  ces  39 
pages  denses,  laborieuses  et  touffues.  Mais  les 
courageux  n'auront  pas  à  se  repentir  d'avoir 
bien  voulu  suivre  M,  Ellert.  Il  rappelle  sou- 
vent Schumann,  et  le  meilleur,  celui  des  Varia- 
tions Symphoniques  ;  mais  un  Schumann  qui 
se  serait  assimilé  toutes  les  richesses  de  l'har- 
monie ultra  moderne.  Sa  phrase,  souvent  cha- 
leureuse, chante  et  s'étale  avec  largeur  et 
abondance.  Ses  trouvailles  pianistiques,  quel- 
quefois très  heureuses,  sont-elles  aussi  un  pro- 
longement des  procédés  de  l'école  romantique. 
Si  le  deuxième  morceau,  en  forme  de  marche 
funèbre,  nous  rappelle  un  peu  trop  textuelle- 
ment certains  Adagios  classiques,  si  le  char- 
mant petit  passage  à  5/8,  basé  sur  un  mode 
pentatonique,  s'efface  avec  une  brièveté  décon- 
certante, (M.  Ellert  n'est  pas  homme  à  s'amuser 
aux  subtilités  de  l'exotisme,)  l'œuvre  nen  est 
pas  moins  riche,  et  d'une  belle  venue. 

VIOLONCELLE.  —  Le  même  auteur 
nous  envoie  une  Sonate,  pour  Piano  et  Violon- 
celle, qui  ne  paraît  pas  beaucoup  plus  accessible 
que  l'autre.  Ces  deux  œuvres  ont-elles  chance 
d'être  appréciées  en  France  ?  Je  le  souhaiterais 
bien  vivement. 


LES  ABEir>LES  ET  LA  MUSIQUE.— 

Il  ne  s'agit  pas  de  rapporter  ici  le  résultat  des 
recherches  de  quelque  patient  savant  notant 
minutieusement  le  bourdonnement  musical  de 
la  ruche  et  s'efîbrçant  d'en  expliquer  le  sens  — 
ni  d'émettre  une  opinion  plus  ou  moins  autori- 
sée sur  la  sensibibilité  des  abeilles  au  charme 
de  la  musique  ;  car  les  abeilles  dont  nouS 
voulons  parler  sont  celles  qui  bourdonnèrent 
sous  les  doigts  agiles  de  la  célèbre  pianiste 
Marguerite  Nécom  dans  un  récent  concert  à 
Hanovre  ;  ces  abeilles-là  ne  piquent  pas  ;  bien 
au  contraire,  elles  sont  douces  aux  oreilles  des 


auditeurs  ;  ceux-ci  furent  à  tel  point  charmés 
par  la  virtuosité  de  la  charmante  artiste  qu'ils 
se  crurent  pendant  quelques  instants  bien  loin 
de  la  salle  de  concert  et  qu'ils  sentirent,  s'il 
faut  en  croire  un  Journal  Allemand,  passer 
sur  leurs  fronts  alourdis  par  l'atmosphère  sur- 
chauffée, un  souffle  de  printemps  :  la  brillante 
pianiste  venait  d'exécuter  un  des  "  poëmes 
virgiliens"  de  Th.  Dubois  :  les  Abeilles. 

AUTOS  MUSICALES.  —  Seul  Guil- 
laume II  a  le  droit,  dit-on,  de  faire  annoncer 
son  passage  en  automobile  par  une  trompe 
sonnant  une  fanfare  sur  trois  notes  ;  on  connaît 
la  passion  du  Kaiser  pour  la  musique  ;  aussi 
ne  surprendrons-nous  pas  nos  lecteurs  en  leur 
apprenant  que  cette  fanfare  est  inspirée  d'un 
thème  de  Wagner  qui  apparaît  pour  la  première 
fois  à  la  fin  de  l'Or  du  Rhin. 

Nous  recevions  récemment  le  catalogue 
d'une  nouvelle  trompe  pour  automobiles  auquel 
était  joint  un  petit  cahier  de  musique  ;  le 
catalogue  assurait  que  chacun  peut,  grâce  à 
cette  invention,  exécuter  telle  musique  qu'il  lui 
plaît  et  terminait,  d'une  façon  rassurante,  du 
reste,  en  déclarant  qu'aucune  étude  n'est 
nécessaire  pour  arriver  à  ce  résultat.  Quant  au 
cahier  de  musique,  qui  nous  avait  fort  intrigués, 
il  nous  déçut  entièrement.  Nous  pensions  y 
voir  quelque  musique  de  nos  meilleurs  com- 
positeurs: illusion  puérile  !  Nous  n'y  trouvâmes 
ni  Samson  et  Dalila,  ni  Fervaal,  ni  Pelléas, 
mais  "Via  l'Général  qui  passe  ",  "  Via  vot'fîlle 
qui  j'vous  ramène  ",  "  La  marche  des  Zoua- 
ves ",  etc..  Nous  déchirâmes  tristement  cette 
réclame  qui  tient  vraiment  trop  peu  de  compte 
de  notre  vie  musicale  ;  puisque  Guillaume 
joue  du  Wagner  en  automobile,  pourquoi  le 
représentant  de  notre  pays  ne  quitterait-il  pas 
l'Elysée  annoncé  par  Pelléas  ;  pourquoi  cet 
hiver,  à  la  sortie  de  l'opéra-comique,  les  paris- 
siennes  ne  gagneraient-elles  pas  leurs  autos 
au  son  de  quelque  fragment  de  "  l'Heure 
Espagnole  "  de  Ravel  ? 


FÉLIX  ALCAN,  Éditeur,    108,    Boulevard    Saint-Germain,    PARIS  (6") 


Les  Maîtres  de  la  Musique 

ÉTUDES    d'histoire    ET    D'ESTHÉTIQUE    PUBLIEES    SOUS    LA    DIRECTION    DE    M.    JEAN    CHAXTAVOIXE 

Chaque  volume  in-8  écu  de  250  pages  environ 3   fr.    50 


Vient  de  Paraître 


HAENDEL  par  Romain  Rolland 


Palestrina,  par  Michel  Brenet  (3"  éd.) 
César  Franck,  par  Vincent  d'Indy  (s"  éd. 
J.-S.   Bach,  par  André  Pirro,  (3"=  édition.) 
Beethoven,  par  Jean  Chantavoine  (5"  éd.) 
Mendeissohn,   par   Camille   Bellaigue 

(2"  édition) 
Smetana,  par  William  Ritter. 
Rameau,  par  Louis  Laloy  (2''  édition) 


Moussopgski  par  M.-D.  Calvocoressi. 
Haydn,  par  Michel  Brenet  (2''  édition.) 
Trouvères  et  Troubadours,   par  P.  Auhry 

(2"  édition.) 
Wagner,   par   H.  Lichtenberger  (3''  édition) 
Gluck,  par  Julien  Tiersot. 
Liszt,  par  Jean  Chantavoine. 
Gounod,  par  Camille  Bellaigue. 


CONSERVATOIRE    DE    LAUSANNE 

INSTITUT     DE     MUSIQUE 

Classes    Normales    —    Classes   de    Virtuosité.    —    Classes   secondaires  et   primaires 

DIPLOMES    OFFICIELS 

Dl^.IVRÉS    SOUS    LES    AUSPICES    ET   LES    SCE.XT'X    DE    L'ÉTAT     ET    DE    LA    VILLK 


Renseignements:    Mr.  J.  NICATI,    Directeur. 


II    13201    E 


GUITARE 


M'"^  B.  DORE 

ÉLÈVE    DE    MIGUEL    LLOBET 
Leçons       Cours      Ensemble 

Speahs  english        Habla  espanol 

8,  RUE   FURSTENBERG 

Téléphone  829.80 


MIGUEL    LLOBET 

Guitariste  virtuose 
de    la   Cour   d'Espagne 


CONCERTS 


LEÇONS 


28.   Rue   Domoiii's.   XVII  . 

mmaÊÊÊBf^UÊÊKÊÊBmÊÊÊmÊmm 


L'ACTUALITÉ     MUSICALE 


399 


Cours  et  Leçons 

M"^'^  ELIZABETH  DELHEZ,  profes- 
seur de  chant,  a  repris  ses  cours  et  leçons  le 
i"  octobre  en  son  salon,  38,  rue  Pergolèse, 
Paris,  et  recevra  le  Mardi  de  2  à. 4  h. 

—  La  réouverture  du  COURS  SAUVRE- 

ZIS  (82,  rue  de  Passy,  et  4,  rue  de  la  Sor- 
bonne)  a  eu  lieu  le  4  octobre.  Ecole  d'art 
élémentaire  et  supérieure  :  solfège,  gymnas- 
tique rythmique,  harmonie,  chant,  chœurs, 
piano,  instruments  à  cordes,  orchestre,  etc. 


M.  G.  Lantelme  devient  titulaire  du  cours 
de  chant  d'ensemble,  M""^  Jumel,  de  celui  de 
plain-chant.  M"''  Herval,  de  celui   de  diction. 


Information 

Mr.  A.  Dandelot,  de  retour  à  Paris,  reprend 
ses  réceptions  de  2  à  4  heures  en  ses  bureaux 
du  83  de  la  Rue  d'Amsterdam.  L'Administra- 
tion de  Concerts  A,  Dandelot  est  ouverte 
tous  les  jours  (dimanche  excepté)  de  9  heures 
à  midi  et  de  2  à  6  heures. 


BERLIOZ 


PAR 


ADOLPHE  BOSCHOT 


la    plus    vaste   biographie   qui   ait 
paru   en   France. 


'rÇ^^C^^&i^a^^Z)^-:' 


Couronnée  par  l'Institut 

"^^^^ 

Nombreux    documents   inédits, 
table  chronologique  et  analytique. 
Vie  de  l'artiste  ;   son  œuvre  ;  son 
époque.    Portraits. 


I.   La  Jeunesse  d'un   Romantique 

4*'  édition  —   540  pages 4  fr. 

II.  Un  Romantique  sous  Louis-Philippe 

3"^  édition  —  670  pages  —   5   tr. 


Paris  —  LiBRAiRiK  PLON,   8,  rue  Garancière  —  Paris. 


Théâtres   et 


Concerts 


C'est  par  la  i66"®  de  la  Damnation  de 
Faust  qu'a  commencé  la  saison  musicale,  ainsi 
qu'il  est  d'usage  au  Chatelet.  M.  Pierné,  qui 
n'est  pas  un  ingrat,  devait  cette  dévotion 
liminaire  à  Berlioz.  Il  l'a  renouvelée  le  di- 
manche suivant,  ménageant  nos  émotions  en 
vue  des  nouveautés  annoncées,  peu  nombreuses 
d'ailleurs.  Cette  quiétude  n'a  pas  été  troublée 
par  une  ouverture  de  fête  écrite  par  M.  Saint 
Saëns  pour  l'inauguration  du  Musée  Océano- 
graphique de  Monaco,  et  donnée  par  M.  Pierné 
à  l'occasion  des  75  ans  du  Maître. 

Le  troisième  concert  nous  offrait  l'ouverture 
non  moins  inaugurale  de  Beethoven,  zur 
Weihe  des  Hauses  (op.  124)  qu'on  joue  rare- 
ment, page  sans  caractère  dramatique  dont 
l'écriture  est  le  principal  intérêt.  Le  Chant 
Funèbre  de  M.  Alberic  Magnard  exprime 
noblement  d'intimes  et  profondes  émotions. 
Dans  l'exquis  Concerto  Brandebourgeois,  en 
ré,  de  Bach,  où  la  partie  de  clavecin  est  d'une 
importance  et  d'un  intérêt  exceptionnels, 
M^^^  Selva  fut  une  admirable  interprète,  comme 
elle  l'avait  été  à  la  Société  Bach.  Une  telle 
œuvre  ainsi  jouée  rayonne  sur  tout  un  concert. 

La  symphonie  d'Ernest  Chausson  et  celle 
en  mi  bémol,  de  Borodine  sont  presque  des 
nouveautés  et  il  faut  louer  M.  Chevillard  d'en 


avoir  orné  ses  deux  premiers  programmes.  Il 
est  difficile  de  parler  après  l'analyse  pénétrante 
que  lui  consacrait  l'autre  jour  M.  Boschot, 
de  la  symphonie  de  Chausson,  "  œuvre  très 
haute,  sincère  et  probe,  mais  habillée  selon 
une  mode  qui  n'est  déjà  plus  à  la  mode  et 
qui  n'a  pas  encore  l'ascendant  des  choses 
d'autrefois.  "  Comme  bien  des  choses,  elle 
gagnera  en  vieillissant.  Borodine,  lui,  a  gardé 
sa  fraîcheur  orientale,  un  peu  simple  et  super- 
ficielle, mais  intéressante  tout  de  même.  Les 
deux  solistes  de  ces  séances  furent  M.  Renaud 
de  l'Opéra  et  M.  Jacques  Thibaud,  pour  les- 
quels tout  l'encens  des  louanges  a  été  brûlé. 
Mais  leur  perfection  technique  est-elle  exempte 
d'affectation,  et  leur  charme  de  préciosité  ? 
Ce  sont  deux  merveilleux  artistes,  voilà  ce  que 
personne  n'osera  contester. 

Au  Salon  cC Automne^  parmi  les  peintures 
effarantes  et  les  sculptures  chaotiques,  M.  Pa- 
rent a  voulu  donner  cinq  séances  de  musique 
contemporaine,  ce  dont  il  faut  grandement  le 
louer.  Il  apporte  à  cette  tâche  un  peu  ingrate 
—  salle  d'acoustique  médiocre  et  de  tempéra- 
ture fraîche,  public  encore  ahuri  ou  égayé  de' 
la  peinture  qu'il  vient  de  voir  —  sa  foi  et  son 
ardeur  habituelles.  (Notez  qu'entre  temps,  il 
donne  à  la  Schola  tout  l'œuvre  de  musique  de 


402 


L'ACTUALITE 


chambre  de  Schumann).  Les  œuvres  entendues 
au  Salon  d'Automne  l'ont  été  déjà  à  la  Schola 
ou  à  la  Nationale  et  nous  les  avons  signalées  à 
leur  apparition.  Elles  résument  assez  bien  les 
tendances  actuelles. 

La  Société  Philharmonique  annonce  une 
belle  série  de  séances.  Elle  a  débuté  par  une 
soirée  tout  à  la  gloire  de  A4.  Saint-Saëns, 
toujours  jeune  et  toujours  applaudi.  Il  a  joué 
—  avec  une  légitime  coquetterie  —  le  con- 
certo de  Mozart  qui  figurait  à  son  premier 
concert  en  1846  salle  Pleyel  et  à  celui  qu'il  y 
donna  cinquante  ans  plus  tard.  Le  2""'  trio, 
joué  par  M.  Hayot,  M.  Salmon  et  le  Maître, 
est  certes  toujours  intéressant.  Mais  on  aurait 
dû  lui  joindre  une  autre  page  de  musique  de 
chambre  plutôt  que  les  mélodies  qu'a  chantées 
M""^^  Auguez  de    Montalant  et  les  pièces  de 


piano  qu'a  jouées  —  avec  perfection  — 
M'"''  la  Comtesse  de  Guitant.  L'hommage  eut 
été  plus  complet  et  plus  exacte  l'impression 
sur  l'auditoire. 

Faut-il,  pour  être  à  peu  près  complet  (ce 
qui  ne  nous  arri\era  plus  guère  les  prochains 
mois)  signaler  l'orchestre  russe  de  balalaïkas 
entendu  ce  mois-ci  au  Théâtre  Sarah-Bern- 
hardt  r  II  y  eut  là  un  soliste  merveilleux, 
M.  Trojanowsky,  pour  tirer  parti  de  la  man- 
doline nationale,  et  un  groupe  de  25  artistes, 
soutenus  par  deux  cithares.  Sonorité  curieuse, 
quelques  airs  populaires  bien  harmonisés  par 
M.  Andreeff,  le  capellmeister,  mais  trop  de 
valses,  vraiment. 

Attendons,  sans  impatience,  novembre  et  le 
déluge  musical  dont  il  nous  menace. 

F.   GuÉRiLLor. 


Province. 

Comme  tous  les  ans  à  pareille  époque^  r  activité  musicale  de  la  province  ne  fait  que  renaître. 
Nous  avons  cependant  reçu  quelques  intéressantes  correspondances  que  nous  sommes  heureux  d^ insérer. 


BREST.  —  Le  répertoire  lyrique  de  cet 
hiver  promet  d'être  servi  par  une  interpréta- 
tion de  choix,  à  en  juger  par  le  grand  succès 
obtenu  jusqu'à  ce  jour  par  M""'^  Luisa  Myriel  et 
Muller,  MM.  Deliano,  Engelibert  et  ÎLscach 
sur  la  scène  du  Grand  Théâtre. 

"  Manon  ",  "  Lakmé  ",  "  Werther  ", 
■"  Mignon  ",  le  "Jongleur  de  Notre-Dame  " 
"  Louise  "  ont  attiré  au  théâtre  beaucoup  de 
monde,  et  notre  public,  d'ordinaire  assez- 
difficile,  a  témoigné  aux  pensionnaires  de 
M.  Dorfer  toute  sa  satisfaction. 

L'orchestre  a  été  transformé  :  toute  une 
partie  se  trouve  logée  sous  le  proscenium  :  le 
résultat  est  admirable  pour  nos  excellents 
musiciens,  (|uc-  (hrige  avec  talent  M.  Brisard. 
Quo  Vadis  ?  La  Habanera,  Don  Quichotte, 
que  l'on  doit  prochainement  monter,  s'en 
trouveront  bien. 

On  annonce  aussi  la  création  à  Brest  il'un 
(juvragc    inédit  :    les  Fiancés  d'Armor,  drame 


musical  d'une  forme  originale,  de  MM.  Per- 
pignan et  Pierre  La  Heuzanne.  La  troupe 
d'opérette,  a\ec  la  joyeuse  M"''  Ne)-ral, 
comme  dixette,  est  fort  L;;oritée. 

J.  S. 

BORDP2AUX.  —  Après  quelques  mois  de 
chômage,  la  musique  à  lîordeaux,  eommence 
de  nouveau  à  reprendre  droit  de  cité.  Ainsi 
notre  Grand  Théâtre  vient  de  faire  une  ouver- 
ture sensationnelle  a\ec  les  "  Huguenots.  " 
La  Direction  Bory,  a-t-elle,  cette  fois-ci, 
trouvé  la  fameuse  troupe  homogène,  si  \aine- 
ment  cherchée  depuis  longtemps?  J^a  com- 
pagine  ne  mant|ue  pas  île  bons  éléments, 
Atteiulons  donc  poiii'  la  jugi'r,  île  la  xoir  à 
l'oeuvre  dans  des  ou\  lages  sérieux  et  musicale- 
ment intéressants. 

Notre  Société  Sainte  Cécile  (Conservatoiri- 
de  Musique)  nous  promet,  ilit-on,  une  Saison 
musicale  très  intéressante.  Tout  le  monde  sait 


La  Musique  Française  au  XIX'  Siècle  et  commencement  du  XX' 


LUNDI  7  NOVEMBRE,    à  4  heures   1/2 
Conférence  :  de  1800  à  1860 
Audition  :  Œuvres  de  Mîcolo,    I^oiel- 
DiEU,  Meyerbeer,  Berlioz. 

LUNDI   14  NOVEMBRE,  à  4  heures   1/2 

Conférence  :  de  Gounod  a  M.  Gustave 
.  Charpentier.- 

Audition  :  Œuvres  de  Gounod,  Reyer, 
BizET,  Massenet,  Bruneau,  Char- 
pentier. 

LUNDI  21   NOVEMBRE,  à  4  heures  1/2 

Conférence  et  Audition  :  Lalo,  Saint- 
Saens,  FaurÉ. 

LUNDI  28  NOVEMBRE,   à  4  heures  1/2 
Conférence  et  Audition  :  CÉsar  Franck. 


LUNDI  s  DECEMBRE,    à   4  heures  1/2 
Conférence  :  L'École  Franckistr. 
Audition  :  Œuvres  de  Castillon,  Vin- 
cent d'Indy,  Henry  Duparc,  Charles 
Bordes. 

LUNDI  12  DÉCEMBRE,  à  4  heures  1/2 
Conférence  :  L'Ecole  Franckiste  (suite) 
Audition  :  Œuvres  de  Vincent  d'Indy, 

Ernest  Chausson,  Pierre   de  Bré- 

viLLE,  Roussel. 

LUNDI    19   DÉCEMBRE,  à  4  heures  1/2 

Conférence  :  Impressionnistes  et  Indé- 
pendants. 

Audition  :  Œuvres  de  Chabrier,  Déodat 
DE  SÉVERAC,  Claude  Debussy,  Ravel. 


CONSERVATOIRE    DE    LAUSANNE 

INSTITUT     DE     MUSIQUE 

Classes   Normales   —   Classes   de   Virtuosité.   —    Classes  secondaires  et   primaires 

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DÉTLIVRÉS    SOlTS    LES    AUSPICES    ET   LES    SCEAUX    DE    L'ÉTAT     ET    DE    LA    VILLE 


Renseignements:    Mr.  J.  NICATI,   Directeur. 


H   13291    L 


UITARE 


MIGUEL    LLOBET 

Guitariste  virtuose 
de    la    Cour   d'Espagne 


M"«  B,  DORE 

ÉLÈVE    DE    MIGUEL    LLOBET 

Leçons  —  Cours  —  Ensemble 

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Téléphone  829.80  PARIS.         28,    Rue   Demours.   XVI 


CONCERTS 


LEÇONS 


The  Clutsam  Keyboard 
Syndicale  Proprietary. 


D.R.R    211650. 


Lettre  de  M.  ERNST  VON  DOHNANYI, 

professeur    à    l'Académie   royale    de    Musique 

de  Berlin  : 

Cher  S^onsieur  Clutsam, 

J  ai  grand  plaisir  à  vous  confirmer  par  lettre  ce 
que  je  vous  ai  dit  de  vive  voix.  J^yant  eu  derniè- 
rement, à  plusieurs  reprises,  l'occasion  de  faire  usage 
de  voire  clavier  circulaire,  en  public,  je  ne  puis  que 
m'en  déclarer  de  plus  en  plus  satisfait.  Je  préférerai 
toujours  les  CLAVIERS  CLUTSAM  aux  claviers 
droits,  et  j'espère  que  le  moment  viendra  —  c'est 
inévitable  —  où  je  pourrai  ne  plus  jouer  sur  d'autres 
que  ceux-là. 

Votre  très  dévoué 

ERNST  VON  DOHNANYL 


A  l'Exposition  de  Munich  le  clavier  Clutsam  est  re- 
présenté par  la  Maison  GROTRI AN-STEINWEG.  A 
Paris,  il  se  trouve  en  dépôt  chez  MM.  PLEYL,  WOLF 
LYON    6   Cie. 


BERLIN    W.    50.    ^    Pragerstrasse    22 

Telefon  :    Amt  Wilmersdorf  3910 


Cavaillé-Coll-Mutin 

15.   AVENUE   DU    MAINE 


Chargé  de  la  Construction  de  l'Orgue  monumental  de  Saint-Pierre   de  Rome 


LES  PIANOS 

STEINWAY 

Proclamés  par    les   grands    musiciens 
comme    les   meilleurs    du    monde    entier. 


E.  MOULLÊ 

AGENT  GÉNÉRAL 

1,    RUE   "BLANCHE,    PARIS 


C«>  C*> 


Lettre  d'HECTOR  BERLIOZ 


Paris,  23  Septembre  1867. 

Messieurs  Steinway  et  Fils, 

)\ii  entendu  les  magnifiques  pianos  qui  sortent  de 
votre  fabrique.  Permettez-moi  de  vous  faire  mes 
compliments  sur  leur  excellence  et  les  rares  qualités 
qu'ils  possèdent. 

Leur  sonorité  est  splendide  et  essentiellement 
noble  ;  en  plus  vous  avez  découvert  le  secret  de 
diminuer  jusi]u'à  un  point  imperceptible  l'iiarmonie 
(Irplaisanle  de  la  septième  mineure,  qui  jusqu'à 
présent  se  faisait  entendre  à  la  huitième  et  neu- 
vième vibration  des  plus  longues  cordes,  rendant 
ainsi  les  sons  raroplioniques.  (lomnie  tant  d'autres  «niclioration.s,  celle-ci  est  un  grand  progrès  dans 
la  fabrication  des  pianos  et  un  provjrcs  pour  lequel  tous  les  artistes  et  amateurs  doués  d'un  goût 
délicat   vous  devront   de   la   rcconnuissuncc. 

Veuillez  accepter,    Messieurs,  avec  me»   compliments   l'assurance  de   mon   respect. 

lIKCrOR    iU-.KI.IOZ. 


L'ACTUALITE 


407 


à  Bordeaux,  et  depuis  loiiL^temps  que  pour 
notre  vieille  Société  Musicale,  promettre  et 
tenir  c'est  tout  un  et  qu'elle  est  toujours  à 
hauteur  de  son  passé  artistique,  sous  la  direc- 
tion, toujours  si  appréciée  de  son  comité 
musical  et  de  son  éminent  Directeur-Chef 
d'orchestre,  J.  G.  Pennequin. 

Nous  publierons  prochainement  les  pro- 
grammes de  huit  concerts  classiques,  que 
donne  annuellement  cette  Société. 

V.   Gendreu 

NANCY. — Concerts  du  Conservatoire. — 
M,-J.  Guy-Ropartz  vient  d'arrêter  les  gran- 
des lignes  du  programme  de  la  Saison  1910- 
191 1. 

Pour  commémorer  le  20"^  anniversaire  de 
la  mort  de  César  Franck  (8  novembre  1890) 
quatre  séances  seront  consacrées  à  l'audition 
intégrale  des  œuvres  de  concert  du  Maître  : 
Symphonie  en  ré  mineur,  les  Eolides,  les 
Djinns,  Variations  symphoniques,  le  Chasseur 
Maudit,  Psyché,  Psaume  CL,  Ruth,  Rebecca, 
Rédemption,  les  Béatitudes. 

D'autre  part,  poursuivant  la  "  revue  "  de 
la  "  Symphonie  française  contemporaine,  " 
commencée  en  i  900- 1 901  par  l'audition  des 
symphonies  écrites  entre  1885  et  1900,  M.J.- 
Guy-Ropartz  fera  entendre  des  œuvres  com- 
posées entre  1900  et  1910:  Deuxième 
symphonie  de  V.  d'Indy,  troisième  Symphonie 
de  Gédalge,  symphonie  de  Th.  Dubois,  Sylvio 
Lazzari,  etc. 

Les  onze  ouvertures  de  Beethoven,  dont 
certaines  sont  si  peu  connues,  figureront  éga- 
lement au  programme,  en  même  temps  que 
certaines  œuvres  nouvelles  dont  ce  sera  à  Nancy 
la  première  audition  et  dont  la  liste  n'est  pas 
encore  définitivement  arrêtée. 

Enfin  un  Festival  Wagner  sera  donné  avec 
le  concours  de  M.  Delmas,  de  l'Opéra. 

Les  solistes  des  Concerts  seront  :  M^^"  Blan- 
che Selva  et  M.  Edouard  Risler  (piano)  M. 
Hugo  Heermann  (violon)  M^^'^  Jean  Marx 
(violoncelle)  etc.  Pour  le  chant,  outre  M,  Del- 
mas et  M"""  P.  Frisch,  les  artistes  les  plus  aimés 
de  notre  public  :  Jean  Reder,  G.  Mary, 
G.  Monys,  etc.   etc.,  et  d'autres  encore  selon 


les    nécessités  des   œuvres    pour   soli,    cluturs 
et  orchestres  inscrites  au  programme. 

ANGERS.  —  Notre  i"^"-  concert  de  la 
saison  a  eu  lieu  Dimanche  16,  sous  la  belle 
direction  de  Rhené-l^aton  qui  remplaçait  au 
pupitre  de  chef  d'orchestre  le  sympathique 
Max  d'Ollone. 

L'intéressante  Symphonie  en  Fa  de  Boëll- 
mann  ouvrait  la  séance  avec  son  Lento  si 
poignant,  son  gracieux  Intermède,  son  presti- 
gieux Finale. 

Le  baryton  Jan  Reder  a  remporté  un  vif 
succès  avec  une  sélection  des  Poèmes  d'Armor 
pour  chant  et  orchestre,  de  Louis  Brisset  et 
les  Chants  religieux,  de  Beethoven. 

Les  délicieuses  pages  de  Debussy  :  Cortège 
et  Air  de  Danse  de  l'Enfant  Prodigue,  la 
Danse  Macabre  de  St.  Saëns  et  l'ouverture 
d'Obéron  complétaient  le  concert. 

—  Une  intéressante  matinée  poétique  et 
musicale  a  été  donnée  chez  M°"^  D...  Au 
talent  de  l'excellente  diseuse  et  d'une  pléiade 
de  jeunes  filles,  se  joignait  celui  de  M^^^*^  B.  de 
M.  qui,  par  sa  diction,  son  chant  et  sa  grâce, 
a  conquis  le  public  particulièrement  dans  la 
Danseuse  de  Pompéï,  accompagnée  au  piano 
par  l'auteur,  M"''^  B. 

M.  B. 

SALON.  —  C'est  avec  impatience  qu'est 
attendu  le  transfert  du  Conservatoire  dans  un 
nouvel  immeuble  qui  permettra  la  création  de 
nouvelles  classes,  comme,  par  exemple,  la 
classe  d'instruments  à  cordes.  La  nécessité 
d'un  local  plus  spacieux  se  fait  sentir  impé- 
rieusement. 

En  191 1  la  Musique  Municipale  et  l'Union 
Chorale  s'en  iront  cueillir  de  nouveaux  lauriers 
dans  les  Grands  Concours. 

TROUVILLE.  —  La  saison  musicale 
s'est  brillamment  terminée  par  une  reprise  du 
répertoire  d'Opérette  —  M""®  Tariol-Baugé 
que  nous  n'avons  eu  qu'en  Septembre  a  beau- 
coup plu  et  a  remporté  de  gros  succès,  très 
bien  secondée  par  le  reste  de  la  troupe. 


4o8 

—  M.  Figarella  a  été  comme  toujours  très 
applaudi,  il  est  parfait  dans  tous  ses  rôles  tant 
d'opérette  que  d'opéra-comique.  —  M.  Lorrain 
est  toujours  très  symphatique,  Villat  toujours 
désopilant  et  M°"^  Mico  la  plus  amusante  des 
duègnes.  —  L'orchestre  et  les  chiEurs  sous 
l'habile  direction  de  M.  Louis  Masson  furent 
toujours  dignes  de  tous  les  éloges. 

Le  Casino  nous  promet  une  petite  saison, 
pour  Pâques  ;  cette  innovation  sera  bien 
accueillie  par  les  personnes  qui  ont  l'habitude 
de  faire  un  séjour  à  cette  époque. 

Eglise  N.  D.  de  Bon  Secoia-s.  —  Nous  avons 
eu  à  cette  église  une  solennité  musicale  qui 
avait  attiré  une  nombreuse  assistance.  A  l'oc- 
casion de  l'inauguration  d'une  statue  de  Jeanne 
d'Arc  on  a  exécuté  une  cantate  de  circonstance 
écrite  spécialement  par  J.  Toutain-Grïm  et 
que  l'auteur  a  dirigée  elle-même.  —  Cette 
œuvre  assez  développée  et  écrite  sur  le  mode 
dorien  comprenait  des  soli  qui  furent  chantés 
par  M""'  Lac()mbe-01i\ier  de  l'Opéra  dont  la 
merveilleuse  \oix  sut  rendre  l'enthousiasme 
inspiré  de  l'héroïne  ;  le  rôle  du  Ténor  était 
très  bien  chanté  par  M.  Bousseau  de  New- 
York,  élève  du  Maître  Giraudet  ! 

Les  chœurs  obligeamment  prêtés  par  le 
Casino-Salon  ont  été  absolument  remarqua- 
bles. L'Orgue  et  un  petit  orchestre  complé- 
taient la  parfaite  interprétation  de  cette  belle 
œuvre  qui  a  produit  une  grande  impression. 
Un  solo  de  violon  (La  vision  de  Jeanne  d'Arc) 
d'une  jolie  couleur  a  été  très  bien  rendu  p:n' 
M.  Debruyne.  Au  salut  il  nous  fut  donné 
d'entendre  :  Un  Ave  Maria  à  quatre  \()ix  de 
Th.  Porel,  un  Pater  Noster  de  I^ourtlcncN' 
pour  ténor  et  clutrur. 

AIX-KN-PROVENCK. —- Dans  la  cathé- 
drale St-Sauvcur,  M.  Joseph  iionnet,  le  mer- 
veilleux organiste  de  Saint  P2ustache,  nous  a 
donné  un  magnifie] ue  récital  d'orgue. 

Au  programme,  des  couvres  de  P'rescobaidi, 
Hach,  Clérambault,  Huxtehude,  Martini,  et 
parmi  les  modernes,  Sciiumann,  Fianck,  Guil- 
mont,  Tourncmire,  Messerer,  I^onnet. 

Une  très  nombreuse  assistance  a  admiré  en 
silence,  mais  avec  ferveur  le  prestigieux    niéca- 


L'ACTUALITE 


nisme   de    M.  Bonnet,    et    surtout   son    style 
impeccable. 

Il  serait  injuste  d'oublier  la  maîtrise  de  la 
cathédrale,  qui,  sous  l'intelligente  direction  de 
M.  l'abbé  Peyre,  a  bien  interprété  plusieurs 
pièces  anciennes  et  modernes. 

F.  M. 

BOURGES.  —  Encouragée  par  le  succès 
si  \  if  qui  a\ait  accueilli  1'  "  Arlésienne  "  en 
JLiin  dernier,  la  Société  des  Fêtes  a  continué 
a\ec  "  Mireille  "  la  série  de  ses  soirées  à  la 
halle.  Les  deux  représentations  des  24  et  25 
octobre,  qui  feront  date  dans  ses  annales,  ne 
l'ont  cédé  en  rien  comme  \aleur  artistique  à 
celle  du  13  juin. 

Profitant  des  conseils  à  eux  dictés  par  l'ex- 
périence, les  organisateurs  n'a\aient  rien  né- 
gligé pour  faire  de  ce  lieu  public  —  si  détourné 
pourtant  de  son  affectation  ordinaire,  —  une 
confortable  salle  de  spectacle,  qui  permit  à 
tous  d'apprécier  la  valeur  des  interprètes. 

A  signaler  l'ampleur  de  la  voix  et  la  netteté 
de  la  vocalise  dans  M"''  Vallandri  (Mireille), 
le  timbre  sympathique  de  M.  Galand  (Vincent), 
dignement  entourés  par  Mauzin,  M"*''  Vilmer, 
Juliette  Dor\s. 

Chœurs  du  Jardin  d'acclimatation  et  or- 
chestre de  50  musiciens  conduits  habilement 
par  M.  Courrouy,  auquel  nous  ne  saurions 
adresser  trop  d'éloges  pour  le  sens  artistique 
d'interprétation  qu'il  possède  etpoin^  la  maestria 
dont  il  tait  preu\e  dans  la  direction. 

II  serait  à  souliaiter  qu'un  orchestre  aussi 
homogène,  constitué  avec  les  éléments  et  sur 
les  bases  actuels  se  fasse  entendre  non  seule- 
ment en  tant  qu'orchestre  d'accompagnement, 
mais  seul,  ilans  des  auditions  spécialement 
réserxées  à  lui,  dans  les  chets-d'unn  re  de  la 
musique  classique  et  moderne. 

().  M. 


Belgique. 

A  LA  MONNAIE.  —  y  von  Ir  T.rrihl.; 
jtaroles  et  musique  de  M.  Cjunsbourg,  \  ient 
d'être  représenté  sur  uotic  pnniiire  scène  avec 


L'ACTUALITE 


409 


un  soin,  et  avec  un  succès  vraiment  extiaor- 
dinaires.  C'est  une  représentation  qui  comptera 
dans  les  fastes  de  la  Monnaie.  Nous  avons 
déjà  parlé  de  la  conception  du  compositeur. 
Pour  lui,  la  mélodie  seule  a  de  l'intérêt,  et  il 
donne  au  chant  toute  prédominance.  Foin  des 
recherches  harmoniques,  foin  des  combinaisons 
de  l'orchestration  moderne  !  —  Je  comprends 
fort  bien  le  principe  de  M.  Gunsbourg,  et  je 
l'admirerais  s'il  n'était  pas  trop  visiblement  un 
"  principe  "  — .  Evidemment,  il  ne  faut  pas 
exiger  d'un  artiste  ce  qu'il  ne  prétend  point 
nous  offrir.  M.  Gunsbourg  se  contente  de 
réaliser  des  œuvres  qui  savent  gagner  sans 
peine  le  gros  public,  qui  le  charment  sans  fati- 
gue. C'est  un  mérite,  appréciable,  ma  foi,  et 
c'est  surtout  un  titre  à  la  reconnaissance  des 
foules  dilettantes.  M.  Gunsbourg  a  d'autres 
qualités  ;  il  n'a  pas  de  rival  comme  metteur  en 
scène,  il  excelle  dans  la  technique  de  l'effet  à 
produire  :  ayant  beaucoup  d'expérience,  il  tire 
parti  merveilleusement  des  moindres  ressources. 
Le  théâtre  n'a  plus  de  secret  pour  lui. 

Dans  l'œuvre  présente,  évocation  de  la 
sombre  époque,  dont  tous  les  manuels  d'his- 
toire retracèrent  les  horreurs,  où  le  tzarisme 
rouge,  reçut  le  pourpre  baptême  du  sang,  le 
dramaturge  trouve  champ  fécond. 

Malheureusement,  à  part  les  costumes,  dont 
s'émerveilla  notre  critique  officielle  et  que 
célébrèrent  à  l'avance  les  communiqués,  — 
costumes  venus  à  grand  frais  des  théâtres  de 
l'Empire  slave, —  et  quelques  authentiques  dan- 
seurs russes,  il  faut  reconnaître  que  la  couleur 
locale  fait  défaut  ! 

Et  pourtant  M.  Gunsbourg,  russe   de  nais- 


sance, habitué  aux  péripéties  d'une  vie  agitée, 
avait  toutes  les  quah'tés  pour  rendre  la  figure 
de  ce  terrible  personnage. 

Yvan  le  Terrible  lui  fournit  la  matière 
d'un  intense  mouvement  de  situations  savam- 
ment alternées,  pour  ménager  les  nerfs  des 
paisibles  spectateurs.  —  Quant  à  la  partition 
en  elle-même,  il  y  a  çà  et  là  de  jolis  passages, 
quelques  belles  phrases,  un  certain  mouvement, 
des  tonalités  heureuses,  des  chatoyements,  des 
ors,  sur  un  ensemble  parfois  expressif.  Rien  de 
trop  poignant  néanmoins.  En  somme,  l'en- 
semble porte^  selon  les  désirs  de  l'auteur,  et  la 
salle  brillante  des  grandes  premières  a  frémi 
dans  tout  son  entliousiasme. 

M.  Gunsbourg  a  connu  chez  nous  l'ivresse 
des  triomphes.  —  Il  faut  dire  qu'il  possédait 
des  interprètes  de  tout  premier  ordre,  et  que 
l'orchestre  a  réussi  tout-à-fait,  sous  l'intelli- 
gente direction  du  sympathique  et  compréhen- 
sif  M.  Sylvain  Dupuis,  à  mettre  au  point 
l'œuvre  élue.  —  Tout  est  bien  donc,  et  sou- 
haitons à  nos  maîtres  belges  de  telles  fêtes, 
longtemps  désirées. 

ARTS,    SCIENCES,     LETTRES.    — 

]y[eiJe  Aline  Laleman  compositeur  et  cantatrice 
avait  organisé  par  les  soins  du  Spectacle  Office, 
une  intéressante  Soirée  Musicale  le  samedi 
20  Octobre  à  la  Salle  Erard.  La  programme 
comportait  une  intéressante  sélection  de  mélo- 
dies interprétées  par  leur  auteur  M"''  Laleman 
et  une  série  d'œuvres  de  Grieg,  Mendelsohn, 
Schumann  et  Gounod  avec  le  concours  de 
Mrs  Chosty  basse  chantante,  Doehaerd,  vio- 
loniste, et  Kauffmann  pianiste. 


LA  SCOLA  MUSIC^ 

Institut  musical  de  1^'*  ordre,  90  rue  Gallait. 

BRUXELLES 

Chant,    déclamation,  instruments,   harmonie, 

esthétique  musicale,  littérature  française. 

Études  complètes. 


VIENT  DE   PARAITRE 

A  LA 


MAISON    BEETHOVEN 

(GEORGES     OERTEL) 

RUE  DE  LA  RÉGENCE,  17-19,  BRUXELLES. 


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Pour  Violon  et  Orchestre 
Réduction  :    VIOLON    ET    PIANO,  net 6.00 

EN    LOCATION    LE    MATERIEL    D'ORCHESTRE 

CHOPIN-THOMSON 

MAZURKA    op.    7    No.   I.    Violon  et  Piano,  net  2.00 


EN  PRÉPARATION: 

ROOVERSLIEEDE 

DramI';    Lyriquk    un     un    actk    dk     P.      GII—SON 
PARTITION  :    Piano   et   Chant. 


L'ACTUALITE 


4ir 


—  M.  Durant  a  donné  le  1 6  octobre  dcriiicr, 
sous  les  auspices  du  Comité  de  l'Exposition, 
un  concert  entièrement  consacré  aux  œuvres 
de  César  Franck  ;  il  a  été  vraiment  remar- 
quable. 

"Psyché"  ouvrait  la  séance  :  cela  manquait 
un  peu  de  fluidité,  de  ligne  enveloppante  : 
il  est  vrai  que  la  salle  était  d'une  sonorité  fort 
crue  —  néanmoins  l'exécution  dans  l'en- 
semble fut  bonne  :  M.  Durant  a  montré  là, 
ce  qu'il  peut  donner  lorsque  la  surcharge  de 
travail  ne  lui  impose  pas  des  études  hâtives. 

Avec  son  admirable  talent,  M.  De  Greef 
vint  ensuite;  inutile  de  dire  que  les  "Djinns" 
cette  œuvre  un  peu  ingrate,  et  les  admirables 
"  Variations  symphoniques"  n'eurent  pas  à  se 
plaindre  de  leur  interprète  :  peut-on  parler 
encore  de  la  merveilleuse  technique  de 
M.  De  Greef,  de  sa  force,  de  sa  délicatesse,  de 
son  jeu  idéalement  pur,  de  sa  compréhension 
souple  et  nuancée  \  à  peine  pourrait-on  lui 
reprocher  parfois  un  romantisme  un  peu  poussé 
dans  l'expression  :  mais  cela  ne  l'empêche  pas 
d'être  un  grand  pianiste.  Le  public  lui  a  fait 
de  tumultueuses  ovations. 

On  donne  rarement  à  Bruxelles  des  frag- 
ments d'œuvres  lyriques  de  Franck.  Ceux  du 
ballet  d'  "  Hulda  "  (la  lutte  de  l'Hiver  et  du 
Printempis)  que  nous  avons  entendus  hier  sont 
pourtant  pleins  de  vie  et  de  couleur  :  il  man- 
que bien  à  la  symphonie  printanière,  victo- 
rieuse du  lourd  Hiver,  un  peu  de  cette  aérienne 
fraîcheur  qu'on  trouve  dans  le  Prélude  Fugue 
et  Variation,  par  exemple  ;  mais  le  premier 
mouvement  est  un  chef-d'œuvre  d'interpréta- 
tion musicale. 

La  symphonie  en  ré  couronnait  magni- 
fiquement l'ensemble  du  concert  ;  si  l'allé- 
gretto fut  traité  à  la  manière  rude,  si  le 
final  fut  d'un  tempo  instable,  trop  tiède  dans 
les  débuts,  le  premier  mouvement,  en  revan- 
che, a  reçu  de  M.  Durant  et  de  son  orchestre 
une  exécution  vraiment  digne  d'éloges. 

Aussi  le  public,  malheureusement  clairsemé, 
a-t-il  rigoureusement  applaudi  tout  le   monde. 

LE  CENTENAIRE  DE  LISZT.  — 
De  tous  côtés  l'on  s'apprête  à  fêter  le  cente- 


naiie  de  Franz  Lis/,t,  né  v\\  i8ii.  A  cette 
occasion,  le  piai'iiste  Arthur  van  Dooren  orga- 
nise wxui  tournée  de  Récitals  dans  laquelle  il 
sera  accompagné  par  le  D''  Dwelshauvers, 
conférencier,  et  une  cantatrice  de  renom.  La 
tournée  débutera  à  Bruxelles,  en  janvier  pro- 
chain. 

CONCERTS  ISAYE.  —  Il  y  aura  6 
concerts  au  cours  de  la  saison,  au  Théâtre  de 
l'Alhambra,  aux  dates  ci-après  : 

29-30  octobre,  3-4  décembre,  14-15  jan- 
vier, 11-12  février,  1-2  avril.  Plus  2  concerts 
extraordinaires  :  22-23  ^^''''')  ^"7  "'''i'- 
Les  artistes  suivants  y  participeront  : 
Chant:  M'"*^  Bosetti,  de  l'Opéra  de  Munich; 
MM.  H.  Dufranne,  de  l'Opéra  de  Paris  ; 
H.  Hensel,  de  l'Opéra  de  Wiesbaden. 

Fïam  :  MM.  Mark  Hambourg  ;  Ossip 
Gabrilowitsch. 

Violon  :  MM.  Eug.  Isaye,  Jacques  Thibaud. 
Violoncelle  :  M.  Jean  Gérardy. 
Ch.  (Torchestre  :  MM.  Otto  Lohse,  Edvi'ard 
Elgar,  Eug.  Isaye  et  Théo  Isaye. 

Le  Tonkunstler  orchester  de  Munich,  sous 
la  direction  de  Joseph  Lassalle. 

Jux  programmes  :  Bach,  Mozart,  Beethoven, 
Schuman,  Brahms,  Wagner,  Strauss,  Sw^en- 
den,  etc. 

Nouveautés  :    Suite    Burlesque,  A.  Dupuis. 
Symphonie,  Delcroix. 

Ryelandt. 
Elgar. 
"  Lazzari. 

Ouverture,  Trémisot. 

Poème  symphonique,  Buffin. 
La  forêt  et  l'oiseau,  Théo  Isaye. 

LA  MUSIQUE  BELGE  A  L'ÉTRAN- 
GER. —  Après  une  saison  magnifique  au 
Kursaal  d'Ostende,  le  maestro,  Léon  Rinskoflf, 
se  prépare  comme  les  années  précédentes  à 
porter  et  défendre  au  loin  le  bon  renom  de 
nos  compatriotes. 

Les  tournées  antérieures  en  Allemagne  et 
en  Angleterre  ont  eu,  on  s'en  souvient,  un 
grand  succès,  et  les  festivals  qu'il  donna  de 
musique  belge  furent  bien  goûtés. 


412 


L'ACTUALITE 


Cette  année,  en  décembre,  à  Budapesth,  en 
Hongrie,  puis  à  Rome  et  à  Nice  ;  en  janvier, 
il  donnera  des  auditions  des  œuvres  suivantes  : 

Ouverture  de  Godlicve    .      .      .  Ed.  Tinel. 

Macbeth^  poème  symphonique  .  S.  Dupuis. 

Variations  symphoniques    ...  P.  Gilson. 

Psyché,  poème  symphonique      .  C.  Frank. 

Danses  Jîamandes J.  Blockx. 

Fantaisie  sur  des  thèmes  popu- 
laires wallons Th.    Ysaye. 

Nul  doute  qu'avec  l'ardeur  infatigable, 
tout  le  sentiment  artistique  et  la  grande  com- 
préhension des  œuvres  qu'il  fait  exécuter,  le 
^sympathique  maestro,  n'obtienne  cette  année, 
dans  sa  tournée,  le  même  et  peut-être  encore 
meilleur  succès  que  précédemment.  Tous  nos 
vœux  l'accompagnent. 

CONCERTS  POPULAIRES.  —  Les 
quatre  concerts  d'abonnement  auront  lieu  aux 
dates  ci-après:  19-20  novembre  191  o,  premier 
concert,  avec  le  concours  de  M.  Misha 
Elmann,  violoniste  ;  21-22  janvier  191 1, 
deuxième  concert,  avec  le  concours  de  M^'*^ 
Clara  Sansoni,  pianiste;  18-19  f'^vier,  troisième 
concert,  avec  le  concours  de  M""'  Leffler- 
Burckard,  cantatrice  de  l'Opéra  royal  de 
Berlin  ;  25-26  mars,  quatrième  concert  con- 
sacré à  l'exécution  de  La  Création^  oratorio 
d'Haydn,  soli  chœurs  et  orchestre. 

LIEGE.  —  Les  débuts  du  théâtre  royal 
n'ont  pas,  jusqu'ici,  donné  grande  satisfaction. 
Plusieurs  nouvcau-vcnus  ont  dû  résilier. 
Treize  opéras  joués  en  dix-sept  jours  énervent 
les  interprètes.  Réservons  donc  notre  avis. 

Les  nouveautés  de  la  saison  seront  :  jI/""' 
Buttrrfly  de  Puccini,  Mona  Vanna  de  Février, 
la  Glaneuse  de  Fourdrain  et  Knmrsse  !  d'Arthur 
van  Dooren,  le  sympathique  pianiste  bruxel- 
lois.   Une  œuvre  belge...  bravo  ! 

L'administratio!!  communale  a  organisé,  à 
l'occasion  de  la  visite  des  Conseillers  munici- 
paux parisiens,  un  grand  concert  de  solistes 
(Eugène  Ysaye,  Jean  Gérardy,  M"""  de  Ceu- 
ninck)  que  dirigea  M.  Sylvain  Dupuis.  Elle  a 
oublié  d'y  convier  la  presse  musicale. 

D""  DWKLSHAUVERS. 


ANVERS.  —  Le  Gala  Français  aura  lieu 
cette  année  le  23  ou  le  30  novembre,  au 
Théâtre  Royal.  La  représentation  comportera 
M""'  Butterfly,  avec  le  concours  de  Marguerite 
Carré,  M'"'"  Brohly  et  M.  Léon  Beyle  de 
l'opéra  comique.  —  S'adresser  à  M.  le  Prési- 
dent de  la  Chambre  de  Commerce  française, 
15,  Longue  rue  de  l'Hôpital,  Anvers. 

La  société  royale  du  Jardin  Zoologique  donnera 
de  nombreux  concerts  en  la  saison  1910-1911, 
sous  l'éminente  direction  de  M.  Edward 
Keurvelsj  musicien  sa\'ant,  chef  d'orciiestre 
accompli.  Du  i  novembre  au  29  mars,  les 
mercredis  à  8  1/2  du  soir  et  dimanche  à  3  lJ2 
après-midi. 

Parmi  les  virtuoses  qui  prêteront  leur  con- 
cours à  ces  concerts  :  MM.  Laurent  Swolts, 
Ludwig  Froelich,  M"*^  Hélène  Luquiens, 
J.  Daene,  Mav  Harrisson,  M.  J.  Riss-Arbeau, 
M.  Jesu  Daisy,  Jules  TordJ,  Casella,  M"'^ 
Clair  Bamberg,  Aima  Mandie,  A.  Raveau, 
J.  Bonnet,  Gérard,  Heking,  Denaucy,  M'"^ 
Heilbronner,  Fernand  Charlier,  Raoul  Pugno, 
M"^'  Maud  Delstauche,  Mark  Hamburg,  M"*-' 
Rotsaert,  Louis  Robert,  Henriette  Renié, 
Povia  Frisch,  Pli.  Gaubert,  César  Thomson, 
Flora.   Joutard-Loevensohn,  H.  Ven-Elsacker. 

—  La  société  des  Concerts  de  Alusique  sacrée 
annonce  pour  la  saison  l'exécution  de  Josué  de 
Haendel,  et  la  Messe  en  si  mineur  de  Bach. 

Josué  n'a  jamais  été  entendu  en  Belgique. 
—  Les  dates  et  détails  de  ces  solemnités  seront 
données  ici  prochainement. 

—  .14.  Mahillon,  est  nommé  conservateur  en 
chef  à  titre  personnel  du  musée  instrumental 
ilu  Conser\atoire  royal  du  Bruxelles. 

—  Une  fanfare  wallonne  \ient  de  se  créer  à 
Ixelles.  S'adresser  à  M.  Stéphane,  compositeur 
137,  Avenue  du  Pesaye,  Ixelles. 

—  La  société  :  La  IVallonie,  sous  la  ilirec- 
tion  de  M.  /-.  Laurent,  professeur  de  cluint, 
ilonnait,  le  8  octobre,  une  excellente  soirée. 
M.  Brieoult,  ténor  rcinarc]uable,  à  la  voix 
svmpatlii(]ui'  et  puissante,  joliment  timbrée, 
fort  bien  conduite,  M.  Gonze  baryti>n,  qui 
unit  une  culture  parfaite  k  d'égales  qualités, 
M"'  Mary  Roosen  la  charmante  cantatrice 
ilont  nous  avons  ici-même  noté  déjà  les  succès 


L'ACTU  ALITE 


413 


prometteuses,  et  M"''  Le  Brun,  excellente 
pianiste,  prêtaient  leur  concours  à  cette  fôte. 
Lu  Société  des  nouveaux  Concerts,  sous  la 
direction  du  compositeur  Lodeivyk  Mortelmans 
donnera  au  Théâtre  Royal  cinq  grands  con- 
certs. 

LOUVAIN.  —  M"^^  Raphaële  Rodhaïn,  la 
charmante  artiste  est  engagée  pour  une  repré- 
sentation de  JVerther,  les  26  et  30  novembre. 
Les  Louvanistes  se  feront  fête  d'applaudir  leui 
compatriote. 

TOURNAI.  —  La  section  dramatique  de 
la  Société  Royale  des  Orphéonistes  Tournai- 
siens  organise  un  grand  concours  international. 
Ecrire  à  M.  Tordeur,  secrétaire,  Avenue  du 
Maire,  pour  renseignements. 

Nous  détachons,  dans  La  Vie  Musicale, 
revue  Suisse,  publiée  sous  la  direction  de 
M.  Georges  Humbert,  l'article  suivant,  con- 
sacré à  une  artiste  de  valeur,  que  le  public 
belge  eut  l'occasion  d'applaudir  souvent,  et 
qui  fait  honneur  à  M^^*^  Lefébure,  l'excellent 
professeur  de  chant  dont  elle  fut  l'élève. 

"  A  r Exquise  interprète  de  Godelieve''^  inscri- 
vit le  maître  Edgar  Tinel  au  bas  du  portrait 
qu'il  offrit  à  M^^*^  Homburger,  et  peu  après, 
la  charmante  cantatrice  recevait  de  la  reine 
mère  d'Italie  un  superbe  bijou.  C'est  dire  que, 
quoique  jeune  encore,  l'artiste  a  déjà  connu 
les  succès. 

M'^*^  Eisa  Homburger  est  Saint-Galloise,  de 
cette  Suisse  allemande  qui  a  fourni  déjà  plus 
d'un  chanteur  à  l'Allemagne,  voir  même  à  la 
France.  Il  est  vrai  qu'à  l'âge  de  seize  ans  à 
peine  elle  partit  pour  Bruxelles  et  qu'elle  y  fit 
toutes  ses  études  musicales.  Avec  des  profes- 
seurs du  Conservatoire,  mais  non  point  comme 
•  élève  de  l'établissement  lui-même,  M"*^  Eisa 
Homburger  travailla  le  solfège,  l'harmonie,  le 
piano  et  la  déclamation  ;  puis  elles  devint, 
pour  le  chant,  disciple  fervente  et  exclusive  de 
M"-^  H.  Lefébure. 

Cinq  ans  plus  tard,  en  1901,  —  en  posses- 
sion de  tous  les  secrets  de  l'art  vocal  et  douée 
d'une  voix  de  soprano  "  sympathique,  cares- 
sante, pure  comme  le  cristal  et  très  étendue 


—  elle  débute  dans  un  conceit  du  "  jVI;i-n- 
nerchor  "  de  Zurich,  sous  la  direction  de 
M.  C.  Attenhofer.  Elle  chante  ici  et  là, 
oratorios,  concerts  d'église,  soirées  de  lieder, 
avec  un  succès  croissant,  et  se  fait  hautement 
apprécier  comme  professeur  de  chant  dans  sa 
ville  natale. 

M""  Eisa  Homburger  ne  devait  pas  tarder 
à  être  appelée  en  Belgique,  par  la  "Société 
de  musique  "  de  Tournai  qui,  sous  l'excel- 
lente direction  de  M.  H.  De  Loose,  organise 
année  après  année  de  grandes  auditions  d'ora- 
torios. Notre  cantatrice  y  chanta  le  Requiem 
de  J,  Brahms,  Sainte-Ludmile  d'A.  Dvorak, 
Sainte-Godelive  d'Edg.  Tinel.  Puis  ce  furent 
des  engagements  à  Paris,  à  Wiesbaden,  à 
Mulhovise,  à  Turin,  en  Suisse  naturellement, 
et,  cet  hiver  Tnême,  NP^^  Eisa  Homburger  se  pro- 
pose de  donner  à  Bruxelles  un  "  Liederabend  " 
analogue  a  celui  qui  lui  valut  il  y  a  deux  ans, 
dans  la  même  ville,  un  très  grand  succès. 

GAND.  —  La  direction  du  Grand-Théâtre 
a  été  confiée  cette  année  à  vm  de  nos  con- 
citoyens, M.  Pierre  De  Meyer,  un  Heldeiitenor 
qui  jouit  en  Allemagne  d'une  bonne  réputa- 
tion. M.  De  Meyer  s'est  assuré  le  concours 
d'artistes  français  et  allemands  ;  il  peut  ainsi 
puiser  dans  des  répertoires  très  différents  et 
donne  des  spectacles  aussi  variés  qu'intéressants. 
Il  n'est  pas  banal  de  voir  alterner  sur  l'affiche 
d'un  théâtre  de  province  :  Samson  et  Dali  la, 
die  T'Valkure,  Cariiien,  la  Juive,  Faust,  Paillasse, 
la  vie  de  Bohème,  Tiejland,  sans  compter 
l'opéra  Lira  du  compositeur  gantois  Joseph 
Vander  Meulen,  qui  remplit  les  fonctions  de 
chef  d'orchestre,  avec  l'excellent  d'Oscar 
Becker. 

Les  chanteurs  français  sont  de  valeur  iné- 
gale. Le  soprano  insuffisant  sera  remplacé. 
Dans  Samson  et  Dalila,  le  beau  contralto  de 
M"''  Berthe  Soyer  a  fort  agréablement  fait 
valoir  les  caressantes  mélodies  de  Saëns  ;  mais 
les  qualités  dramatiques  de  cette  artiste  ne 
sont  pas  à  la  hauteur  de  ses  ressources  vocales, 
et  son  apparition  dans  Carmen  n'a  que  trop 
permis  de  constater  la  différence.  M.  De 
Meyer,   qui   chante   dans  les  deux  langues,   a 


414 


L'ACTUALITE 


été  un  Sainson  émouvant,  tandis  qu'un  autre 
ténor,  M.  G.  Dufriche  se  faisait  applaudir 
dans  Faustj  dans  C^'^^'^^y  ^^  surtout  dans 
Paillasse.  M.  Florian  est  un  jeune  baryton 
d'avenir.  La  basse,  bonne,  est  M.  Dorich- 
Steinar  qui  appartient  en  même  temps  à  la 
troupe  allemande. 

Dans  son  ensemble,  celle-ci  est  de  qualité 
bien  supérieure.  Elle  a  fait  un  brillant  début 
dans  la  IValkure^  avec  M.  De  Meyer  dans  le 
rôle  de  Siegmund^  M.  Dorich-Steinar  dans 
celui  de  Humiingy  M.  Schutzendorff,  dans 
celui  de  IVotan;  M"'' Weingarten  était  Sieglindei 
M'"''  Hansen,  "Bninnhilde  et  M""'  Blegenburg, 
Fricka.  Le  succès  de  ces  artistes  s'est  affirmé 
dans  le  Tiefland  d'Eugen  d'Albert. 

Le  public  français  ne  connaît  pas  encore  les 
œuvres  dramatiques  du  célèbre  pianiste  \ir- 
tuose  qui  se  double  d'un  compositeur  de  pre- 
mier rang.  Dans  Tiefland^  E.  d'Albert  a  su 
rendre  d'une  façon  saisissante  le  contraste 
entre  les  sentiments  purs  et  nobles  des  habi- 
tants de  la  montagne  et  les  instincts  bas  et  vils 
des  gens  de  la  plaine,  du  Tiefland.  Quoique 
l'action  se  déroule  en  Catalogne,  au  bas  des 
Pyrénées,  d'Albert  n'a  pas  voulu  la  localiser 
musicalement,  par  l'emplio  de  thèmes  et  de 
rythmes  espagnols.  Ce  sont  des  idées  générales 
c]u'il  tient  à  exprimer,  et  il  les  exprime  par 
les  voix  de  ^orche^tre  où  des  thèmes  symbo- 
liques s'entremêlent  et  se  combattent  tandis 
que  les  personnages,  sur  la  scène,  ont  pour 
mission  d'évoquer  l'action  spécialisée  dans  le 
livret.  D'Albert  connaît  toutes  les  ressources 
de  l'orchestre  moderne,  et  il  les  utilise  heu- 
reusement. Au  premier  abord,  l'œuvre  paraît 
s'inspirer  de  la  manière  violemment  mouve- 
mentée du  vérisme  italien  ;  mais  elle  me 
paraît  être,  en  réalité,  d'un  art  plus  éle\é  cpie 
les  opéras  des  Mascagni  et  des  Puccini. 

I>'interprétation  de  Ticfiand  est  bonne  : 
M''''  Weingarten  {Martha)  et  M.  Donich- 
Stcinar  [Tomasso)  encadrent  artistement  Pedro 
et  Sehastiano.,  si  bien  campés  par  MM.  De 
Meyer  et  Schnt/.endorf. 

Il  convient  d'ajouter  (]ue  les  petits  inles  et 
les  ch(rurs  ne  donnent  lieu  à  aucune  criticpH-, 
ce   (|ui   est  aussi  très  rare  en  province.  Ils  oni, 


au   contraire,  tait  sou\ent   preuve   de  qualités 
sérieuses  de  discipline  et  d'intelligence. 

—  La  Veuve  Joyeuse  de  Franz  Lehar  fait 
florès  à  la  fois  en  flamand,  au  Théâtre  néer- 
landais,  et  en  français,  au  Théâtre  Minard. 

—  Au  Collège  musical,  mon  excellent  con- 
frère, M.  Dwelshau\ers,  a  fait,  avec  un  vif 
succès,  une  intéressante  conférence  sur  la 
technique  pianistique  moderne.  Propagandiste 
convaincu  des  théories  de  Breithaupt,  il  a 
montré  que  l'ancienne  technique  était  irra- 
tionnelle au  point  de  vue  physiologique,  et 
que,  d'autre  part,  elle  était  devenue  insuffisante 
tant  pour  les  œu\  res  modernes  que  pour  les 
pianos  actuels.  Il  faut,  aujourd'hui,  autre 
chose  que  de  la  vélocité.  M.  Dwelshauvers  a 
exposé  avec  clarté  les  caractéristiques  de  la 
nouvelle  technique,  et  il  a  terminé,  fort  judi- 
cieusement, en  rappelant  que  la  technique  ne 
suffit  pas  pour  former  un  artiste  :  celui  qui 
aspire  à  ce  titre  doit  aussi  faire  l'éducation  de 
son  intelligence,  par  la  pratique  et  l'analyse 
des  œuvres  des  maîtres  et  par  l'étude  de 
l'histoire  de  son  art. 

D""  Paul  Bergmans. 

BIBLIOGRAPHIE.  —  Des  cahiers  de 
musique  scandina\e,  éditée  par  M.  Willem 
Hansen.  (Représentant  exclusif  pour  la  Belgi- 
que ;  M'"''  V''  Ratto.),  fort  intéressants  : 

Schytte.  Die  kunst  aut  dcm  klavier  /.ù 
zingen. 

Sinding  :  op  82. 

Sinding  :  Sonate  pour  piano. 

Halvorsen  :  Chant  de  la  Vesfenroy. 

Burmester  :  Ga\otte  (violon  et  piano). 

Âllmtii  pour  piano  :  I,a  musi(]ue  scaiulina\e 
à  l'Exposition   l  9  l  O. 

Extraits  de  la  ^Presse  :  élégante  brochurette, 
accompagnée  d'une  ravissante  photographie  et 
d'une  lettre  enthousiaste  du  maître  Eugène 
Isaye,  de  M"''  Maud  Dektauche.  La  jeune  et 
talentueuse  violoniste  cpie  nous  saluions  ici, 
naguère,  a  su  s'attaclici'  Us  phis  hauts  s\  nipa- 
thies  et  le  \  if  intérêt  du  moiule  musical.  Ces 
notes  rassemblées  le  prouvent  et  nous  sommes 
licinrux  d'ajouter  {|ue  c'est  à  justr  titic  (|nr 
l'on  attetui,  de  M"''  Maud  Delstauihe,  la  plus 


L'ACTUALITE 


4^5 


brillante   carrière.   Nous  aurons   l'occasion   tic 
marquer  ses  succès  futurs. 

Le  violoncelliste  virtuose  M.  Edouard  J acobs^ 
dont  on  se  souvient  du  succès  en  Russie,  à  la 
cour  même  du  Tsar,  jouait  le  26  octobre 
devant  S,  M.  l'Empereur  d'Allemagne,  à 
l'occassion  de  sa  visite  à  Bruxelles.  Guillaume 
II  sut  apprécier  le  jeu  impeccable,  la  senti- 
mentabilité  charmeuse  et  distinguée,  les 
qualités  de  son  et  d'interprétation  de  l'artiste. 
—  Aux  compliments  qu'il  lui  adressa,  nous 
joignons  toutes  nos  félicitations. 

CONFÉRENCE.  — M.  le  docteur  Dwels- 
hauvers  donnait  à  l'Institut  des  Hautes  Etudes 
d'Ixelles,  le  24  octobre,  une  très  intéressante 
causerie  sur  la  technique  pianistique  moderne. 
On  trouvera  un  compte-rendu  de  la  même 
conférence  aux  feuillets  de  notre  éminent  col- 
laborateur gantois,  M.  le  docteur  Bergmans. 
M.  Dwelshauvers  retraça  succinctement  l'his- 
torique des  instruments  à  clavier.  La  loi  physio- 
logique "  La  fonction  crée  l'organe,  et  l'organe, 
la  fonction  "  régit  l'histoire  des  instruments. 
Elle  pense  que  l°  les  œuvres  créées  pour  les 
instruments  représentent  en  chaque  période 
l'expression  la  plus  parfaite  des  possibilités 
techniques  du  moment,  2"  que  chaque  dé- 
couverte technique,  entraîne  un  progrès  de 
l'art,  3*'  qu'à  chaque  perfectionnement  corres- 
pond une  efRorescence  de  la  technique  et  de 
la  littérature. 

La  technique  moderne  doit  répondre  au 
moment.  Nos  instruments,  dit  M.  le  docteur 
Dwelshauvers,  se  sont  modifiés.  Ce  sont  les 
pianos  allemands  et  germano-américains  qui 
réalisent  le  dernier  progrès  ;  les  instruments 
Ibach  et  Steinway,  sont  aux  français  Pleyel  et 
Erard  comme  la  musique  anglaise  à  la  mécani- 
que viennoise.  Les  français  s'efforcent  de 
parfaire  dans  ce  sens  leur  construction. —  Pour 
en  tirer  tous  les  effets  possibles,  la  technique 
doit  être  profondément  modifiée.  Le  siège 
sera  bas,  éloigné  du  clavier,  coudes  sous  le 
niveau  des  touches,  le  corps  en  avant,  sur  le 
bord  de  la  chaise,  le  pied  gauche  tourné 
légèrement  en  dehors,  le  talon  droit.  —  Les 
mains  dans  l'axe  du  bras,  l'articulation  digito- 


mctacarpicnne  ressort,  la  main  se  creuse  en 
hémisphère.  Les  doigts  ne  sont  plus  que  des 
chevilles,  le  poignet  joue  exclusivement  le 
rôle  d'un  ressort.  Le  bras  est  transporté  vers 
la  gauche,  ou  la  droite,  on  obtient  le  doigté 
unique  1-5,  pour  les  touches  noires  et  blanches. 
L'avant  bras  roule  autour  de  sr)ii  axe,  puis, 
dans  ce  trémolo,  il  met  en  jeu  les  muscles  de 
l'épaule  et  surtout  du  dos. 

Ce  roulement  supprime  les  difficultés  du 
passage  du  pouce.  Le  rejet  du  poids  par  l'élas- 
ticité du  clavier  donne  le  staccato^  si  le 
relâchement  musculaire  est  complet  et  im- 
médiat. .. 

Ces  exercices,  combinés  d'après  ces  princi- 
pes, seront  exécutés  à  une  main,  puis  avec  2 
mains,  en  sens  direct  et  contraire,  à  2  ou  3 
octaves  d'intervalle,  pour  rendre  aisée  la  posi- 
tion du  corps,  l'audition  précise,  et  ménager 
le  médium  du  piano  (côté  pratique).  Ils  met- 
tront en  jeu  tout  l'organisme,  développeront 
la  maîtrisé  de  soi  et  feront  acquérir  la  beauté 
sonore. 

La  technique  bien  comprise,  ajoute  l'émi- 
nent  conférencier,  ressortit  de  la  volonté.  La 
gymnastique  rythmique  sera  son  corollaire. 
Une  éducation  du  goût  l'accompagnera.  Les 
sonates  de  Spork  (analyses)  sont  recommanda- 
bles  en  ceci.  —  On  habituera  l'élève  à  une 
économie  de  force,  et  à  l'effort  volontaire,  par 
l'étude  lente,  peu  prolongée. 

Conseils  du  D""  Dwelshauvers  aux  jeunes 
pianistes. 

1.  Deviens  maître  de  toi,  cultive  ta  volonté. 

2.  Ecoute  ton  jeu,  prends  un  excellent 
piano,  bien  réglé,  d'accord,  tends  toujours 
vers  la  beauté. 

3.  Cherche  un  meilleur  résultat  avec  un 
moindre  effort. 

4.  Joue  des  œuvres  faciles  avec  grande 
perfection. 

5.  Joue  chaque  jour  du  Bach  ;  sans  lui, 
point  de  vrai  musicien. 

6.  Joue  des  œuvres  à  ta  portée,  étudie 
l'harmonie,  le  contrepoint,  —  analyse. 

y.   Fuis  la  médiocrité. 


4i6 


L'ACTUALITE 


8.  Ne  méprise  pas  le  r\  thme  des  danses, 
(le  manque  de  rythme  est  /'//«  des  défauts  de 
notre  musique  belge.) 

9.,  Aime  le  classique  ;  qui  doit  être  ton  pain 
quotidien  :  apprends  les  modernes. 

10.  Etudie  l'histoire  de  l'art. 

11.  Fais  de  l'ensemble,  accompagnements, 
chœurs. 

12.  Ecoute  les  chants  populaires,  utilise  les 
dans  les  improvisations. 

COMMUNICATIONS.  —  On  nous 
prie  d'annoncer  le  Récital,  à  la  Grande  Har- 
monie, que  donnera  M.  Vantyn,  pianiste, 
professeur  au  Conservatoire  royal  de  Liège  et 
à  l'Institut  des  Hautes  études  musicales  d'Ixel- 
les,  le  mercredi  16  novembre  1910,  à  8  1/2 
heures  du  soir. 

On  nous  prie  d'annoncer  un  Récital  de 
Piano  que  donnera  M.  Adolf  Waterman, 
jeune  pianiste  hollandais,  à  la  Grande  Har- 
monie, le  mercredi  23  novembre,  à  8  1/2 
heures  du  soir. 

M"''  Gabrielle  Tambuyser,  pianiste,  et 
M.  Marcel  Jorez,  violoniste,  annoncent  pour 
les  vendredis  25  novembre  et  g  décembre, 
deux  séances  de  sonates.  Au  programme  : 
l^ahms,  Fauré,  Saint-Saëns,  Grovlcz. 


Etranger 


LONDRES.  —  CovEN r  Garden.  —  Une 
saison  d'automne  sous  la  direction  de  M. 
Thomas  Hcecham  ne  s'annonce  pas  comme 
très  heureuse.  Teijîand  de  M.  d'Albert  et  Le 
Chemineau  se  jouèrent  devant  des  salles  peu 
garnies  ;  même  Tristan  et  Elektra  ne  firent 
pas  de  salles  combles  malgré  la  qualité  de 
l'interprétation.  L'opéra  à  Londres  dcvieiulrait- 
il  inoins  populaire  ?  Ce  n'est  pas  une  reprise 
de  1  lamlrt  (|ui  attirera  la  foule  égarée. 

Il  semble  que  M.  lîecrham  ne  doiuiera  pas 
suite  à  son  projet  annoncé  dans  les  journaux 
d'une  saison  d'été  à  Drury  ]>ave.  ly'oii  dit 
même  qu'il  n'entrera  plus  en  concurrence  avec 
Covent  Garden   et  a  signé  avec   le  Syndicat 


un  arrangement  satisfaisant.il  ferait  des  débuts 
comme  chef  d'orchestre  pendant  la  saison 
ordinaire  (Mai- Juillet)  du  Royal  Opéra. 

PROVINCE.  —  Le  Festival  de  Leeds  a 
été  des  plus  réussis.  Masses  chorales  et  orches- 
tre admirables.  Deux  nouveautés  intéressantes  : 
la  Sea  Symphon\  de  Vaughan  Williams  (ba- 
sée sur  une  poésie  de  Walt  Whitman,)  en 
quatre  parties  et  les  Sougs  of  the  Flect  de  Sir 
Charles  Villiers  Stanford.  Miss  Glason-White 
et  Miss  Perceval  Allen  s'y  distinguèrent  ainsi 
que  dans  la  Damoiselle  Elue  de  Debussy. 

CONCERTS.  —  Les  "  Promenade  Con- 
certs "  sous  la  direction  de  M.  Henrv  Wood 
continuent  leur  œuvre  de  popularisation.  En 
outre  des  œu\  res  à  succès  de  Wagner,  Debus- 
sy, Bruneau,  d'Lidy,  Ravel,  et  des  symphonies 
classiques,  une  (eu\  re  nouvelle,  symphonie  de 
M.  Emil  Paur,  bien  faite  et  sans  grande 
originalité  a  obtenu  un  certain  succès.  —  Miss 
Mar\-  Cracroft  a  donné  un  beau  concert  dont 
le  principal  intérêt  fut  le  Concerto  pour  Violon, 
et  orcliestreen  D  mineur  de  Bach,  (d'habitude 
joué  comme  concerto  de  piano)  reconstitvié 
d'après  F.  Da\  id  et  des  manuscrits.  — 
M.  Backhaus  a  tiiomphé  a\ ec  un  programme 
Bach-Debussy  ;  M.  Pachman  avec  son  Cho- 
pin habituel  ;  Ysaj'e  avec  Mozart  et  Vivaldi  ; 
Kubelik  dans  du  Max  Bruch.  Concerts  en 
somme  nombreux  et  pas  particulièrement 
intéressants.  —  Deux  chanteuses  ont  fait  une 
grande  impression,  toutes  deux  engagées  en  ce 
moment  à  Covent  Garden,  Miss  Maggie 
Teyte  et  M"*'  Mignon  Nevada,  fille  de  la 
célèbre  artiste. 

X.    M.    H. 

VIENNE.  —  La  saison  qui  commence 
|iri)nur  irètre  très  intéressante.  A  l'Opéra 
voici  les  premières  nouveautés  :  "  Le  secret 
de  Suzanni'  "  de  Wolf  Ferrari  et  la  pantomine 
"Le  Bonhonnne  île  Neige"  de  Wolfgang 
l''rich  KorngoKl.  L'cruvre  de  Ferrari  est  un 
opriii-comique  imité  de  l'ancien  opéra-comi- 
(|ui-  italien,  particulièrement  de  la  Servante 
maîtresse  de  I^crgolèse.  L'intrigue  est  moderne: 


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songe  que  le  Pianola,  muni  du  Métrostyle,  permet  à  un  novice  de  rendre  les  nuances  et  les 
finesses  de  l'interprétation  d'un  chef-d'œuvre  par  un  grand  artiste,  le  Pianola  cesse  vraiment 
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Barcelone  1888,  Moscou  1891,  Chicago  1893,  Amsterdam  1895 
Paris  1900. 

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Amsterdam  1883,  Anvers  1885,  Bruxelles  1888 

GRANDS   PRIX 

Hanoï  1893,  Likck  1905. 


L'ACTUALITE 


42  I 


un  jeune  mari  tlccouvre  que  sa  iL-innu-  lui 
cache  quelque  chose  :  et  pense  qu'elle  le  trom- 
pe ;  la  vérité  est  qu'elle  fume  en  cachette  :  il 
exècre  le  tabac  ;  tout  s'explique  :  on  se  récon- 
cilie. C'est  là  un  ou\rage  bien  insignifiant  pour 
ctre  représenté  à  l'Opéra.  La  pantomime  de 
Korngold,  par  contre,  offre  beaucoup  d'in- 
térêt ;  mais  comment  ne  pas  s'étonner  de  \'oir 
exécutée  par  la  Philharmonique  l'œuvre  d'iui 
enfant  de  treize  ans  ;  du  reste,  aux  répétitions 
d'orchestre,  le  jeune  auteur  modifiait  tant  et 
tarit  que  la  Philharmonique  se  refusait  à  jouer. 
Voici  le  scénario  de  cette  pantomime  :  c'est 
l'époque  de  la  Noël  ;  des  enfants  construisent 
un  bonhomme  de  Neige  sur  la  place  Saint- 
Marc.  Pierrot,pour  pouvoir  courtiser  tranquille- 
ment Colombine,  prend  la  place  du  bonhomme 
de  Neige.  Au  second  tableau.  Pierrot,  après 
avoir  raillé  son  rival,  s'enfuit  avec  Colombine. 
La  fin  du  premier  tableau  est  d'une  poésie 
charmante,  alors  que  Pierrot,  transformé  en 
bonhomme  de  Neige,  se  tient  dans  la  rue 
toute  éclairée  de  lune. 

Le  Concertverein  exécute  les  neuf  Sym- 
phonies de  Bruckner,  puis  quelques  œuvres  de 
Dukas  et  Debussy.  Les  concerts  de  la  Société 
des  Amis  de  la  musique  donnent  la  huitième 
de  Mahler  et  la  Passion  selon  S*^  Mathieu  de 
Bach. 

Le  Chœur  philharmonique,  sous  la  direction 
de  Franz  Schvelcer,  prépare  trois  concerts 
composés  uniquement  de  nouveauté  :  un 
psaume  de  A.  de  Zemlinsky,  la  Messe  de  la 
Vie,  de  Delius,  Gloria  de  Nicodé  et  des  chœurs 
de  Schônberg. 

MUNICH.  —  Le  programme  des  concerts 
d'abonnement  du  Konzertverein,  que  dirige 
à  la  Tonhalle  M.  Ferdinand  Lœv/e,  de  Vienne, 
a  ménagé  une  belle  surprise  à  tous  les  amateurs 
de  musique  pure,  à  ceux  qu'intéresse  en  parti- 
culier le  développement  moderne  de  la  forme 
musicale  par  excellence,  la  symphonie,  dont 
le  cadre  logique  et  la  discipline  spirituelle  sont 
si  bien  faits  pour  se  prêter  à  l'expansion  des 
individualités  les  plus  diverses.  Pour  la  première 
fois  cet  hiver,  nous  échappons  à  la  sugestion,et 
et    il    faut    dire    aussi    à   la  routine,    des  neuf 


Symphonies  de  lieethoven.  Pour  la  première 
fois  elles  seront  remplacées  par  l'exécution 
intégrale  et  chronologique,  des  neuf  Sympho- 
nies de  Bruckner.  Il  était  réservé  à  M.  Kerd, 
Lœwc  d'accomplir  ce  beau  geste  ;  le  nom  du 
disciple  se  nimbe  là  de  la  pure  gloire  du  maître. 
Et  ce  premier  cycle  liruckner  marcjue  une 
date. 

Le  programme  au  reste,  est  un  des  plus 
intéressants  qui  nous  aient  été  offerts  depuis 
des  années.  Le  voici  en  entier  :  17  Octobre  : 
Bruckner  I  ;  Mozart  :  Sérénade  si  bénol majeur \ 
R.  Strauss  :  Mort  et  Transfiguration. —  7  Nov.; 
Beethoven  VIII  ;  Cl.  Debussy  :  Rondes  de 
Printemps  (i*^  audition  à  Munich)  ;  l^erlioz  : 
chant  ;  Harold  en  Italie.  —  14  Nov.:  Bruck- 
ner II  ;  Hugo  Wolf  ;  Penthesilée  ;  Schubert  : 
Inachevée^  (celle-ci  p.  ex.  on  commence  à  la 
connaître).  —  21  Nov.:  Fred.  Delius  :  Brigg 
Pair  [i^  audition)  ;  Schumann  ;  Concerto  de 
violoncelle  (P.  Casais)  ;  Bruckner  III.  —  19 
Dec:  Bach  :  Concerto  Sol maj.  (Arrigo  Serato)  ; 
G.  Mahler  :  l-Sy?nphonie.  —  9  Janv.  :  Haydn  : 
Symphonie  ut  mineur  ;  W.  Braunfels  :  Sérénade 
(i*"  audition);  Bruckner  IV.  —  30  Janv.: 
ouverture  d'Idoménée  ;  Concerto  de  piano  (R. 
Pigno)  ;  Bruckner  V.  —  13  Fé\'.  :  Bruckner 
VI  ;  E.  Boehe  :  Ouverture  tragique  (l*^  audi- 
tion) ;  Mozart,  Syynphonie  ré  majeur.  —  27 
Févr.  :  P.  Dukas,  ouverture  de  Polyeucte  (i*^ 
audition)  ;  Beetho\en  :  Concerto  de  violon  (Fr. 
Kreisler)  ;  Bruckner  VIL  —  6  Mars  : 
Bruckner  VIII  ;  Psaume  150.  —  20  Mars  : 
Brakms  III  ;  R,  Strauss  :  Don  Quichotte  ; 
Beethoven  VI.  —  10  Avril  :  Bruckner  IX 
avec  le  Te  Demn. 

On  aurait  dit  au  vieux  Schulmeister  qu'un 
jour  il  occuperait  les  concerts  de  tout  un  hiver 
et  que  Brahms  ne  figurerait  qu'avec  une  seule 
symphonie  !  il  n'en  aurait  pas  cru  ses  oreilles, 
mais  nous  nous  aurions  sans  doute  une  Sym- 
phonie de  plus. 

De  son  côté  l'Académie  de  Musique,  dont 
Félix  Mottl  dirige  les  concerts  à  l'Odéon, 
annonce  comme  d'ordinaire  huit  soirées  d'a- 
bonnement et  deux  soirées  supplémentaires. 
Celles-ci  seront  consacrées  à  de  grandes  œuvres 
chorales  :   le  jour  de  la  Toussaint,  l'oratorio 


422 


L'ACTUALITE 


Samson  de  Haendel  ;  le  dimanche  des  Rameaux, 
l'oratorio  Christus  de  Liszt,  avec  le  concours 
de  la  chorale  des  maîtres  d'école. 

Les  quatre  premiers  concerts  affichés  ont  à 
leur  programe  :  ii  Novembre  :  i"  concerto  de 
Brandebourg  et  la  cantate  Non  sa  che  sia  do/ore 
de  Bach,  et  V Héroïque.  —  25  Nov.:  Beethoven 
I  ;  G.  Mahler  :  Kinder-totenlieder  (l*^  audition) 
par  M""^  Preuse-Matzenauer  ;  Liszt  :  Prédica- 
tion aux  oiseaux  (i*  audition)  ;  Fr.  Klose  : 
Pèlerinage  à  Kevlaar^  mélodrame  pour  chœur 
et  orchestre,  sur  le  poème  de  H.  Heine  (i^ 
audition).  —  9  Dec.  :.  une  soirée  slave,  chose 
rare  à  Munich  :  Glinka  :  Kamarinskaia  ; 
Glazonnow  :  Symphonie  la  majeur  ;  Reger  : 
concerto  de  piano  (l*'  audition)  avec  M.  A. 
Schmid-Lindner  ;  Beethoven  VIIL 

Le  directeur  des  deux  séries  de  Concerts 
populaires  à  la  Tonhalle,  Al.  Paul  Prill, 
Kapellmeister  de  la  Cour  de  Schwerin,  fêtait 
ce  I  octobre  son  50*^  anniversaire  ;  ce  fut 
l'occasion  pour  le  Konzertverein  et  les  habitués 
de  mercredi,  de  lui  faire  par\enir  les  témoigna- 
ges les  plus  flatteurs  de  sympathie  et  de  recon- 
naissance. M.  Prill  est  en  effet  très  apprécié 
comme  chef  d'orchestre,  non  seulement  pour 
le  soin,  la  conscience  et  l'intelligence  musicale 
très  vive  qu'il  apporte  à  ses  exécutions,  mais 
pour  le  bon  goût  et  l'érudition  avec  lesquels  il 
compose  ses  programmes  ;  soit  en  reprenant 
des  ouvrages  négligées,  soit  en  confrontant  des 
œuvres  similaires  d'auteurs  ou  d'époques  dif- 
férents, soit  par  des  belles  séries  classiques,  il  a 
su  élever  des  concerts,  précisément  destinés  à 
la  petite  bourgeoisie  et  à  la  jeunesse  des  écoles, 
à  la  hauteur  d'un  véritable  Institut  d'éducation 
musicale,  dans  lequel  la  mode  n'a  de  place 
qu'autant  c|u'elle  peut  servir  à  d'utiles  compa- 
raisons. 

PMs  déjà  d'un  diicctcur  de  inusic]ue,  à 
Berlin,  M.  Paul  Prill,  comme  ses  frères  Karl 
Prill  l'excellent  violoniste,  Konzertmeister  de 
r()[)éra  de  Vienne,  et  Emile  Prill  le  maître 
flûtiste,  professeur  à  l'Ecole  des  hautes  études 
de  musique  à  Berlin,  reçut  les  premières  notions 
de  son  art  de  son  père.  Puis  il  sortit  de  l'école 
violoncelliste  et  de  brillantes  tournées  avec  ses 
frères.    Mais    il     ne    tarda    pas    à    prendre    la 


baguette  et  dès  1885  devint  directeur  d'opéras 
aux  théâtres  Wallner  et  Belle-Alliance  de 
Berlin,  à  ceux  de  Hambourg,  Rotterdam, 
Nuremberg  ;  passa  cinq  ans  après  premier 
Kapellmeister  au  Mozarthaus  et  au  Nouveau 
Schauspielhaus  de  Berlin,  pour  être  enfin  ap- 
pelé à  Munich  au  poste  qu'illustrèrent  déjà 
les  Siegmund  von  Hausegger,  les  Peter  Raabe, 
les  Bernhard  Stavenhagen.  Puisse  le  Konzert- 
\erein  le  conserver  longtemps. 

ALarcel  Monta n don. 

TURIN.  —  Turin  fêtera  dans  six  mois  la 
50*^  année  de  la  proclamation  de  Rome  comme 
capitale  de  l'Italie. 

Une  exposition  internationale  aura  lieu  à 
cette  occassion,  et  la  musique  v  aura  sa  place 
et  une  place  très  importante  ;  dans  l'immense 
salle  où  seront  donnés  les  concerts,  un  grand 
orgue  Vegezzi-Bossi  a  été  installé.  Citer  le 
nom  des  compositeurs  dont  certains  dirigeront 
eux  mêmes  leurs  œuvres  (Debussv,  d'Indy, 
Richtcr, Mahler,  Steinbach,  Mengelberg,  Tos- 
canini)  n'est-ce  pour  prédire  à  ces  concerts  un 
succès  certain  r 

S.'\RAGOSSE.  —  La  Filarmonica  a  donné 
deux  concerts  avec  le  Concours  de  l'Orquesta 
Sinfonica  de  Barcelone,  dont  le  chef  d'orchestre 
est  M.  Lamote  de  Grignon.  La  musique 
française,  en  particulier,  v  fut  bien  représentée 
par  des  œu\res  de  S'  Saëns,  César  Franck, 
Dukas  et  Debussy.  M.  Lamotte  de  GrigncMi 
dirigea  deux  de  ses  œuvres  :  Rêverie  et  Scherzo 
sur  un  thème  populaire. 

PRAGUE. —  M.  Ladislav  Dolansky,  l'un 
des  "  pionniers,  "  comme  on  dit  à  Prague,  de 
la  nuisiquc  ilc  Smetana  est  tiKM't  le  l"  juillet 
passé.  Les  re\  ues  musicales  tchèques  qui  ne 
paraissent  pas  en  été  rappellent  seulement 
aujourd'hui  ses  importants  services  de  critique. 
C'est  grâce  à  lui  que  la  Vmelecka  Beseda  a 
édité  les  œuvres  postluimes  de  Smetane.  ?2n 
1900  il  rédigea  la  revue  Dalihor.  11  ne  souf- 
frait pas  que  l'on  \  ilénigrât  cpii  que  ce  tut 
surtout  un  ilébutant.  —  Le  pa\s  tchèque  s'est 
d'autre  part  rappelé,  le  ^1  juillet,  le  quatre- 
vin<:tiènie    anin\ersaire    de     naissance    de     feu 


L'ACTUALITE 


423 


F,  Z.  Skuhersky,  fondateur  en  lîolicmc  de   la 
littérature  pédagogique  musicale. 

—  Le  9  octobre  passé,  à  Prague,  le  Phil- 
harmonie tchèque  a  recommencé  la  série  des 
concerts  symphoniques  populaires  dont  elle 
donne  à  peu  près  vingt-cinq  par  saison,  tou- 
jours le  dimanche  à  quatre  lieures,  La  meil- 
leure preuve  de  la  popularité  croissante  de 
Richard  Strauss  à  l'étranger  est  l'enthousiasme 
des  tchèques  à  son  égard  :  ils  ont  tenu  à  lui 
consacrer  la  première  séance  de  leur  Philhar- 
monie, Au  programme  :  la  symphonie  rap- 
portée à^ Italie^  Till  Eulempiegel^  Don  Juan^ 
Mort  et  Résurrection. 

—  Le  théâtre  de  Kralovské  Vinohrady 
vient  de  représenter  une  amusante  opérette  de 
Oscar  Nedbal  :  la  pudique  Barbara  avec  ce 
grand  succès  qui  accueille  toutes  les  produc- 
tions du  chef  d'orchestre  enfant-gâté  du  public 
tchèque. 

Bien  plus  sérieux  le  succès  d'estime  rem- 
porté au  Théâtre  National  de  Prague  par  la 
pantomime  en  trois  tableaux  de  M.  Ernest  de 
Dohnàny  sur  l'action,  passablement  macabre, 
de  M.  Arthur  Schmitzler:  le  Voile  de  Colombine. 
Musique  influencée  de  Richard  Strauss,  qui 
serre  de  très  près  un  scénario  de  Grande  Guignol . 

Le  samedi  15  octobre  dernier,  il  y  eut  dix 
ans  qu'est  mort  Zdenko  Fibich,  le  plus  grand 
musicien  tchèque  après  Smetana  et  Dvorak. 
La  philharmonie  de  Prague  lui  a  consacré  son 
concert  du  lendemain,  avec  ce  programme  : 
Ouverture  solennelle  et  honneur  de  Komensky  :  le 
mélodrame  Vodnik  ["homme  des  eaux)  avec  texte 
de  K.  J.  Erben  :  ouverture  pour  le  Nuit  à 
Karlstein^  (comédie  de  Vrechlicky)  ;  deuxième 
symphonie,  mi  bémol  majeur.  En  même  temps 
le  Théâtre  National  reprenait  l'un  des  pre- 
miers opéras  du  maître  :  la  Fiancée  de  Messine^ 
texte  tiré  de  Schiller  par  Otakar  Hostinsky. 
C'avait  été  justement  pour  honorer  à  sa  mort 
ce  poète  et  musicologue  distingué  que  l'opéra 
de  Fibich  avait  été  donné  pour  la  dernière  fois. 

—  A  Brunn,  en  Moravie,  la  troisième  des 
grandes  fêtes  musicales,  organisées  par  la 
Beseda,  la  plus  ancienne  société  de  musique  de 
la  ville  (côté  tchèque),  pour  célébrer  le  cinquan- 
tième anniversaire  de  sa  fondation,  a  surpassé 


en  éclat  les  deux  précédentes.  La  première 
avait  eu  lieu  en  Avril,  le  clou  en  avait  été 
Bourè  (la  Tempête),  le  poème  symphonique 
de  Vitiezlav  Novak  ;  la  seconde,  cet  été,  avait 
remis  en  honneur  l'œuvre  du  moine  Augustin 
Pavcl  Krizkovsky,  le  prédécesseur  de  Smetana 
dans  la  création  d'une  musique  nationale 
d'expression  artistique  (en  opposition  à  popu- 
laire) ;   la    troisième    donc,   qui   a  eu    lieu  le 

I  octobre,  a  vu  l'immense  succès  de  la  grande 
symphonie  A%raël  de  Suk  (commémoraison  de 
la  mort  de  Dvorak  et  de  sa  fille,  la  femme  du 
compositeur),  et  de  deux  poèmes  symphoni- 
ques, de  Novak  encore,  unis. sous  le  titre  le 
Dcsir  et  la  Passion.  Les  deux  panneaux  de 
cette  sorte  de  diptyque  musical  sont  titrés 
l'un,  le  Chant  de  r éternel  désir.,  l'autre  Toman 
et  Vhamadryade  (d'après  une  légende  tchèque). 
L'organisation  de  ce  concert  merveilleux  a 
subi  d'énormes  difficultés.  L'orchestre  entier 
du  Narodni  Divadlo.,  (Théâtre  National)  de 
Prague,  s'était  transporté  à  Brunn.  Son  direc- 
teur Karel  Kavarovic  est  le  grand  maître  de 
l'orchestre  tchèque.  Quand  viendra-t-il  faire 
ses  preuves  à  Paris  ?  Nul  encore  ne  se  rend 
compte  de  ce  que  devient  la  musique  tchèque 
dirigée  par  un  Tchèque. 

Le  Théâtre  National  tchèque  de  Prague  a 
repris,  avec  une  nouvelle  distribution,  à  la  fin 
de  Septembre,  Tverdé  palice  (les  Têtes  dures)  de 
Dvorak,  l'un  de  ses  opéras  les  plus  typiques. 
Cette  reprise,  succédant  à  celle  de  Dmitri,  de 
Selrna  sedlak  (le  Paysan  madré)  et  des  Jacobins., 
marque  un  significatif  retour  de  faveur  à 
l'égard   du  si   intéressant   théâtre   de   Dvorak. 

II  serait  à  souhaiter  que  le  Narodni  Divadio 
en  donnât  un  cycle  annuel,  ainsi  qu'il  fait  de 
celui  de  Smetana.  W.   R. 

LA  HAYE.  —  Salle  Diligentia.  —  Pro- 
gramme de  la  i''*^  Séance  de  Sonates  donnée 
par  M.  Ch.  Van  Isterdael,  violoncelliste, 
professeur  au  Conservatoire  Royal  le  Mercredi 
19  Octobre  1910,  avec  le  concours  de 
MM'"'  C.  L.  Wirtz  et  Alfred  Casella,  pianistes. 

Sonate  en  sol  majeur  pour  viole  de  Gambe 
(J.  S.  Bach).  —  Sonate  op.  99  (J.  Brahms). 
—  Sonate  op.  6  Alfred  Casella. 


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A.   de  CASTILLON,   CM.   WIDOR,   Claude    DEBUSSY, 

Paul  DUKAS,  Gabriel  PIERNÉ,  Emile  BERNARD, 

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Chacune,  net  fr.  2.50     Le  recueil  net  fr.  10.00 

Quatre  poèmes  pour  voix,  alto  et  piano. 

1.  La  cloche  fêlée   .     .  .     .     net  fr.  2.50 

2.  Dansons  la  gigue     ....     net  fr.  2.50 

3.  Le  son   du  cor  s'afflige  vers 

les  bois net  fr,  2.50 

4.  Sérénade net  fr.  2,50 


Dépôt  à  Paris  :  A.  DURAND  «S  FILS,  4  Place  de  ia  Made= 

leine.  —  MAX  ESCHIC,  13,  rue  Laffitte. 
Dépôt  à  Leipzig  :  FRIEDRICH  HOFMEISTER. 
Berlin  :  ALBERT  STAHL. 


WAGNER    &    MENDES 


à  Madame  Jane  Catulle  Mendh. 

Indifférente  aux  phrases  creuses,  à  toutes 
ces  déclamations  écrites  ou  verbales  inspirées 
d'un  patriotisme  faux,  fruste,  infantile,  relevant 
d'une  mentalité  de  gamin  jouant  encore  aux 
soldats,  aux  Roldats  comme  on  dit  à  la  Mater- 
nelle^ une  phalange  d'artistes  français  a  donc 
fait  entendre  et  acclam.er  notre  musique  à 
Munich.  L'intelligence  a  triomphé  des  mau- 
vais souvenirs  de  vols  et  de  tueries.  De  tout 
ce  Passé  odieux  issu  de  combinaisons  politiques 
ou  financières,  œuvre  des  gouvernements  misé- 
rables ou  incapables,  dont  les  hommes  ne  sont 
pas  plus  responsables  d'un  côté  de  la  Frontière 
que  de  l'autre. 

Ce  contact,  cet  accord  parfi\it,  ce  do-mi-sol- 
do  entre  races  si  différentes,  depuis  longtemps 
deux  hommes  au  sang  non  moins  dissemblable 
l'ont  obtenu:  le  Germain,  le  Teuton:  Wagner 
et  le  Latin,  le  liyzantin  :  Mendès. 

Tant  il  est  vrai  que  les  individualités  ont 
sur  les  masses  le  suprême  avantage  de  pouvoir 
agir  non  pas  selon  des  conventions,  des  préju- 
gés stupides  et  barbares,  mais  selon  leur  esprit 
et  leur  cœur. 

Aujourd'hui  que  l'œuvre  discutable  —  qui 
et  quoi  ne  l'est  pas  ?.  —  mais  moins  (|ue  toute 
autre  en  ce  que,  si  elle  a  ses  défauts,  elle  n'a  pas 


de  vice  comme  celle  de  certains  compositeurs 
italiens  ou  français,  les  uns  riches  en  paresse, 
les  autres  en  concession,  discutable  soit  mais 
en  tout  cas  surprenante,  titanesque  de  Wagner, 
est  estampillée  du  qualicatif  Beau,  rares  sont 
ceux  qui  la  dénigrent  ou  la  combattent.  Sa- 
\eur,  ceux  qui  acclament  à  présent  ne  sont-ils 
pas  pour  la  plupart,  nombre  de  ceux  qui 
sifflaient  r  Obéissant  à  la  Mode  commandant 
le  baiser  après  le  crachat. 

Axant  la  canonisation,  pendant  l'apostolat, 
en  France,  qui  le  premier  peut-être,  batailla 
pour  la  transfusion  de  l'Art  Wagnérien  dans 
cette  aorte  de  la  France  qui  est  Paris  ?  Qui 
prépara  ces  liens  noués  à  Munich  ?  Qui  P  Si 
ce  n'est  le  Poète  Catulle  Mendès,  dont  le 
nom  semble  de  ce  tait,  poiu"  toujours  accolé 
à  celui  de  Wagner,  comme  celui  de  Séïd  l'est 
à  celui  de  Mahomet. 


Louanges  et  critiques  n'ont  pas  manqué  à 
Wagner.  Se  \alant  en  violences  et  dispropor- 
tions elles  ont  surtout  fait  connaître  —  ou 
mécoimaître,  l'artiste,  et  peu  l'Homme.  Sans 
doute,  au  cours  île  quelques  causeries  hiitcs 
il  y  a  déjà  quelque  xingt-cinq  ans,  Catulle 
Mendès   présentait  Wagner  à  la  fois  artiste  et 


L'ACTUALITE 


427 


homme.  Mais  depuis,  et  pendant  les  plus 
violentes  polémiques  ou  apothéoses  Wagné- 
riennes,  s'il  fut  question  du  Musicien,  on 
n'évoqua  jamais  plus  — ou  si  peu,  ou  si  mal  — 
l'homme. 

Une  récente  conversation  ave'c  Madame 
Jane  Catulle  Mendès  nous  permet  de  faire 
renaître  les  souvenirs  de  Catulle  Mendès  sur 
Wagner. 


* 

*      * 


Ce  fut  à  Paris,  rue  d'Aumale,  que  Catulle 
Mendès  alors  tout  jeune  Poète  et  Directeur 
de  la  Revue  Fantaisiste^  connut  Wagner. 

Pour  entrer  dans  l'intimité  des  gens  il  y  a 
les  bons  et  les  mauvais  moments.  Mendès 
tomba  dans  vm  de  ces  derniers,  à  l'époque  où 
énervé  par  les  terribles  répétitions  de  Tann- 
hâuser  à  l'Opéra,  Richard  Wagner  n'était 
enclin  à  l'amitié  ou  seulement  à  la  sympathie, 
pour  aucun  nouveau  visage.  Fut-ce  pour  celui 
d'un  poète  venu  lui  faire  sa  déclaration.  Ayant 
reçu  un  accueil  poli,  mais  dénué,  sec  de  ces 
demi-chaleurs  de  voix  et  de  ces  souplesses 
d'attitudes  qui,  si  elles  ne  sont  pas  encore 
l'invitation  à  la  familiarité,  en  sont  tout  de 
même  les  prémices,  de  plus,  discret  et  retenu 
par  une  différence  d'âge  assez  considérable, 
Mendès  ne  retourna  plus  rue  d'Aumale.  Wag- 
ner en  partait  quelques  années  plus  tard  pour 
Tribchen  près  Lucerne. 

Avec  la  facilité  qu'à  vingt  ans  —  et  souvent 
même  beaucoup  plus  tard  —  l'on  a  de  s'attris- 
ter ou  de  se  réjouir  trop  vite,  avant  que 
l'Avenir  ait  donné  son  mot  de  la  Fin,  Mendès 
eut  donc  le  gros  chagrin.  Retrouverait-il 
jamais  son  Dieu  ?  Le  hasard,  parfois  l'ami  des 
hommes  et  même  des  poètes,  aurait  peut-être 
de  lui-même  un  jour  ou  l'autre  consolé  Men- 
dès. Moins  confiant  en  ce  Hasard  qu'en  lui, 
ce  en  quoi  il  avait  joliment  raison,  au  cours 
d'un  voyage  accompli  avec  son  ami  Villiers 
de  risle  Adam,  Mendès  résolut  de  revoir  son 
Dieu — 

Quelle  allait  être  la  réception  ?  Sans  doute 
Wagner  savait  avec  quelle  furie  pour  défendre 
ses  idées  et  son  oeuvre  Mendès  donnait  l'assaut 


à  la  Routine,  au  Bourgeoisisme  musical,  sou- 
tenu par  un  chauvinisme  obtus.  Mais  le  mépris 
et  le  ressentiment  que  le  grand  homme  pouvait 
avoir  contre  la  major'té  imbécile  (comme  le 
sont  toutes  les  majorités)  qui  l'avait  bafoué, 
cet  ogre  de  Majorité  qui  veut  toujours  tout 
dévorer  sans  savoir  même  ce  qu'il  dévore,  tout 
cela  n'avait-il  pas  été  assez  violent  pour  aigrir 
et  fermer  son  cœur  ?  Cela  au  détriment  de  la 
petite  Minorité  du  "Petit  Poucet  intelligent  et 
brave  qui  l'aimait  ? 

De  sa  parole  charmeuse,  de  sa  plume  d'où 
les  mots  tombaient  aussi  colorés,  chatoyants,' 
et  scintillants,  que  des  pierres  précieuses  d'un 
coffret  de  Princesse,  du  temps  où  les  Princesses 
ne  portaient  pas  leurs  bijoux  au  Clou,  Mendès 
conta  autrefois  cette  émotion  qui  l'étreignit  à 
Tribchen,  lorsque  le  train  stoppa. 

Après  le  premier  serrement  de  flancs  causé 
par  l'appréhension,  les  deux  voyageurs  en 
eurent  un  second,  celui-là  vite  suivi  de  cette 
dilatation,  de  cet  épanouissement,  de  cette 
respiration  large  et  facile  éprouvée  quand  on  a 
devant  soi  la  Chose  ou  l'Etre  désiré. 

Petit,  sec,  osseux,  tout  en  angles  incessam- 
ment déplacés,  le  corps  rendu  plus  gringalet 
encore  par  une  étroite  lévite  de  drap  marron, 
coiffé  d'un  immense  chapeau  de  paille  et  qui 
porté  en  arrière  n'empêchait  pas  de  voir  la  tête 
puissante,  dont  le  front  à  la  Beethoven,  don- 
nait bien  l'impression  de  ce  qu'il  était  :  la 
Capitale  de  toutes  les  forces,  Wagner  cher- 
che de  tous  côtés,  de  ses  yeux  vifs,  fouilleurs 
d'un  bleu  clair  et  pur,  innocents  comme  ceux 
d'une  Vierge,  pas  de  salon,  de  vitrail.  Après 
un  instant  reconnaît  l'un  d'eux,  grâce  au  sou- 
venir vivace  qu'il  en  a  gardé.  Alors  se  livre  à 
une  exubérante  pantomime  accompagnée  d'ex- 
clamations joyeuses.  Entraîne  celui-ci  de  sa 
main  droite,  celui-là  de  sa  gauche  jusqu'à  la 
la  voiture  attelée  du  petit  âne  qui  doit  les 
conduire  à  la  maison. 

Chaque  jour  dans  le  cottage  dressé  au  milieu 
du  beau  jardin  grassement  vert  et  généreuse- 
ment fleuri  c'est  la  même  hospitalité  simple, 
et  charmante,  atmosphère  où  il  n'y  a  qu'intel- 
ligence, joie  et  santé. 

Libre,  un  jeune  chien  noir  déjà  gros  comme 


428 


L'ACTUALITE 


un  petit  veau,  gambade,  se  mêle  aux  ébats 
d'enfants  qui  rient  et  jouent  sur  le  perron. 

A  l'intérieur,  dans  le  \aste  Salon,  aux  quatre 
grandes  fenêtres  ouvertes  sur  les  montagnes, 
jusqu'à  deux  heures,  moment  invariable  où  est 
servi  le  diner,  on  cause.  Rarement  assis,  par 
hasard  à  une  table  ou  au  piano,  le  Maître  est 
debout.  Mû  par  un  irrésistible  mou\ement 
perpétuel,  il  va,  vient,  s'arrête  et  repart. 

En  expédition,  à  la  découverte  de  sa  taba- 
tière en  Vermeil  incrusté  d'émaux  anciens  et 
qui  est  dans  sa  poche,  ou  de  ses  lunettes  qui 
sont  sur  son  nez,  il  parle  avec  une  inlassable 
facilité.  Non  seulement  de  l'Art  des  autres  et 
du  Sien,  mais  de  toutes  choses  et  gens.  Surtout 
de  ce  Paris  que  plus  tard  au  moment  du 
Désastre,  il  devait  avoir  l'imbécilité  de  raHler, 
avec  cette  lourdeur  d'esprit  à  laquelle,  sauf 
l'unique,  l'adorable  Henri  Heine  toute  l'Alle- 
magne   n'échappa  jamais. 

...  Au  moment  du  passage  de  Mendès  qu'il 
ne  savait  pas  Juif,  Wagner  n'avait  pas  encore 
écrit  son  lamentable  Pamphlet  contre  Paris 
investi.  C'était  ancore  le  temps  où  avec  des 
épanchements  de  Proscrit  qu'il  n'était  pas, 
Wagner  s'inquiétait,  de  ce  qu'avait  bien  pu 
devenir  dans  les  transformations  de  la  Ville, 
telle  Maison  qu'il  avait  connue,  habitée.  A 
cette  époque  où  pour  vivre  il  écrivait  des 
musiques  ti'Opérette  lîouffe  et  pour  cinq  cents 
francs  vendait  à  l'Opéra  le  Poème  de  son 
V ameau-F antôme . 

S'enfonçant  plus  loin  dans  le  Passé,  Wagner 
évoquait  aussi  les  soirs,  où  échappé  de  la  maison 
paternelle,  il  se  sauvait  en  rasant  les  murs  com- 
me un  voleur  —  de  plaisir  —  pour  aller  voir 
le  romantique  Weber  conduirL-   son  orchestre. 

Puis,  sans  transition  avec  cet  impromptu, 
ce  désordre  dans  la  manifestation  des  idées 
parce  que  trop  nombreuses,  trop  grouillantes, 
trop  bouillantes,  ne  s'épanchant  pas  avec  le 
calme  d'une  eau  canalisée,  mais  s'échappant 
comme  celle  d'un  torrent  vigoureux,  Wagner 
passait  tout  à  coup,  de  ses  souvenirs  triiomnic 
à  ses  projets  d'artiste. 

Persuasif  jusqu'à  l'éloquence  et  persuadé 
jusqu'à  l'extase,  il  devenait  un  Ilhiniiné  tenant 
à  la  fois  (lu  Théurgiste  et  ilu  Prophète. 


Cette  silhouette  et  ce  verbe  feraient  rire 
aujourd'hui  les  cinq  sixièmes  de  nos  contem- 
porains. Par  chic,  insensibles  les  deux  sixièmes 
ne  s'efforcent-ils  pas  de  garder  le  doigt  sur  la 
couture  du  pantalon  et  de  composer  l'attitude 
d'un  bonhomme  de  bois  —  moins  drôles  que 
ceux  de  Bils  r  —  Les  trois  autres  sixièmes 
ont-ils  d'autre  enthousiasme  si  ce  n'est  devant 
le  nombril  d'un  boxeur  noir,  rouge  ou  trico- 
lore : 

Catulle  Mendès,  qui  était  du  premier 
sixième,  ne  trou\ait  rien  de  grotesque  aux 
extériorisations  plus  ou  moins  excessives  de 
Wagner  qu'il  admirait. 

...  Par  ses  propos  grandiloquents,  entraîné 
souvent  très  tard  dans  la  veillée,  Wagner 
n'était  pas  moins  le\é  d'extrêmement  bonne 
heure,  à  laquelle  il  avait  pris  coutume  de  faire 
venir  Mendès.  Autant  par  plaisir  d'être  vite 
en  son  intimité,  que  par  malice  de  faire  sortir 
ce  sybarite  a\ec  l'aurore  !  A  son  balcon,  dans 
la  lumière  hésitante,  soigneuse,  tendre  et  louche 
du  petit  matin,  dès  qu'il  aperce\ait  Mendès, 
d'un  geste  gamin,  Wagner  agitait  son  béret 
de  velours  noir,  ia  crkt\  comme  il  l'appelait... 
Faiblesse  de  grandhomme,  Wagner  ne  se 
montrait  pas  alors  dans  sa  sobre  et  classique 
lévite  marron  de  l'après-midi  et  du  soir,  mais 
dans  un  accoutrement  singulier,  celui  d'un 
Mangin,  d'un  Robert  Houdin  ou  de  quelque 
Poète  décadent  :  dalmatique  et  pantalon  de 
satin  broché  d'or,  fleurs  et  perles.  Sans  aucune 
pose  avec  un  grand  naturel  comme  s'il  était  en 
modeste  pyjama  de  pilou,  Wagner  ne  chan- 
<2;eait  rien  ni  à  sa  conversation  ni  à  son  attitude 
habituelle.  Mais  il  recevait  dans  sa  chambre 
de  travail  où  sa  jiassion  des  étoffes  surtout 
fa'-tueuses  en  coulein-s,  lui  en  a\ait  fait  répandre 
à  profusion.  Sur  son  lit,  sur  les  murs,  sur  son 
piano,  juscjuc  sur  les  moindres  meubles. 

Après  un  mois  d'une  vie  pleine  et  d'un 
intérêt  jamais  faiblissant,  bien  contre  son  gré, 
mais  impérieusement  appelé  par  ses  occupa- 
tions parisiennes,  Mendès  qvnttait  Wagner  et 
re\  (.liait  en  Fiance  avec  de  lunnelles  forces  pour 
défeiuiie  son  Dieu   qui  était  devenu  son  Ami. 


* 


L  '  A  C  T  U  A  L  1  T  ]{ 


429 


Wagner!  Mendès!  Tannhiiuser!  les  batailles 
a  coup  de  chroniques,  de  conférences  et  de 
cannes  !....  Lointain  ! 

Après  avoir  été  traité  en  Fou,  déjà  Wagner 
commence  à  l'être  en  bourgeois. 

Après  Mendès  qui  fut  son  Annon  — 
ciateur,  qui  dans  l'Avenir  défendra  sa  gloire? 
Quand  le  temps  impitoyable,  avide  écrasant, 
enfouisseur,  après  l'homme  aura  fait  mourir 
l'artiste  ?... 

On  songe  à  la  fameuse  poésie  de  Baudelaire, 
où  montrant  une  charogne  au  détour  d'un 
sentier,  l'Amoureux  dit  à  la  Bien-aimée. 


. . .  O///,  tcllf  vous  srrez  ô  la  reine  des  grâces 

Après  les  derniers  sacrements 
Quand  vous  irez,  sous  P  herbe  et  les  floraisons  grasses 

Moisir  parmi  les  ossements 

Alors  ô  ma  beauté^  dites  a  la  vermine 
Qui  vous  mangera  de  baisers 

Que  j'ai  gardé  la  forme  et  V essence  divine 
De  mes  amours  décomposées  !.. 

Pierre  Jobbé-Duval. 


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UNE  MAISON  D'EDITION  MODERNE 

Paris  compte  de  grands  éditeurs  de  musique.  Il  n'en  connaît  pas  de  mieux  organisés  que  la 
maison  Cosiallai  et  Cie.  MM.  Costallat  et  Cie  ont  été  les  premiers  à  faire  pénétrer  en  France 
l'édition  des  grands  classiques  étrangers.  Depuis  1895,  ils  furent  les  représentants  actifs  et 
autorisés  de  MM.  Breitkopf  et  Haertel,  chez  qui  Beethoven,  Ha?ndel,  Bach,  Haydn,  Mozart, 
Palestrina,  Liszt,  Vittoria,  Schumann  et  tant  d'autres  grands  musiciens  ont  paru  en  éditions 
complètes  et  soigneusement  revisées.  Grâce  à  ce  dépôt,  MM.  Costallat  ont  introduit  chez  nous  un 
genre  d'ouvrages  que  les  éditeurs  de  musique  se  refusaient  presque  tous  à  adopter,  celui  des  publi- 
cations et  livres  de  musicologie.  Ils  ont  ainsi  contribué  effectivement  à  combler  l'abîme  qui  existait 
tout  récemment  encore  entre  la  librairie  proprement  dite  et  l'édition  musicale.  Parmi  ces 
volumes  se  trouve  entre  autres  la  célèbre,  biographie  de  Bach  par  le  Dr  Schweilzer,  qui  fait 
autorité  aujourd'hui,  et  le  manuel  bibliographique  de  Pazdirck,  ouvrage  colossal,  qui  contient  en 
ses  volumes  le  répertoire  de  la  musique  en  librairie  dans  le  monde  entier. 

Si  la  maison  Costallat  est,  de  tous  nos  éditeurs,  la  plus  solidement  outillée  pour  le  répertoire 
cosmopolite,  elle  est,  d'autre  part,  et  par  ses  origines  une  des  plus  françaises  puisqu'elle  tient  en 
grande  partie  son  fonds  de  Richault,  fondé  à  Paris  en  1805,  éditeur  de  Berlioz  et  des  grands 
romantiques.  La  Damiuition  de  Faust,  que  l'Opéra  vient  de  remettre  en  scène,  et  X Knlmtce  du 
C/irist,  qui  s'y  montrera  peut-être  un  jour,  donnent  à  ces  éditeurs  une  glorieuse  renommée. 

Citons,  encore  parmi  les  modernes  édités  par  la  maison  Costallat  :  A  Coquard,  Maurice 
Le  Boucher,   Léon  Moreau,  A.  Mercier,  qui  vient  d'être  couronné  par  la  ville  de  Paris,  etc.. 

Enfin,  non  content  de  joindre  la  musique  à  la  musicologie,  le  détail  au  gros,  l'étranger  au 
français  et  l'ancien  au  moderne,  MM.  Costallat  et  Cie  ont  eu  l'heureuse  idée  d'associer  à  leur 
fonds  la  vente  et  la  location  d'instruments  à  clavier.  (îrâce  à  l'ancienne  et  puissante  maison 
américaine  G.  Esley,  de  New- York,  dont  ils  sont  à  Paris  les  représentants,  ils  offrent  au  public 
If  piano,  l'auto-piano,  et  les  orgues,  sans  lesquels  les  textes  publiés  restent  muets. 

On  ne  saurait  donc  s'étonner  de  l'extension  prise  par  la  Maison  Costallat  dans  ses  locaux 
de  la  Chaussée  d'Anlin.  Ces  agrandissements  font  d'elle  une  )iinisoii  d'édition  iiiodernc  au  sens  le 
plus  éteuflu  de  ce  mot,  où  le  lecteur  et  l'amateur   de  niusique 

trouveront  tout  ce  dont  ils  ont  besoin,  tout  ce  qui  peut  servir  à  la  lliNKi    Davicnky. 

théorie  comme  à  la  pratique,  à  la  lecture  comme  à  l'exécution.  A.  M. 


Instruisons=nous, 


mmcmuTj^èifJti^^mi^ 


LE  GALINISME  ET  LA  NOTATION 
TRADITIONNELLE.  — Un  de  nos  abon- 
nés, M.  Perret-Bouty,  organiste  de  la  cathé- 
drale d'Oran,  nous  écrit  pour  nous  demander 
des  renseignements  sur  la.  méthocIegalinisteÇParis- 
Galin-Chevé)  officiellement  prescrite  dans  les 
Ecoles  Normales  depuis  le  4  Août  1905,  et 
dans  les  Ecoles  primaires  supérieures  depuis 
le  26  Juillet  1909.  Il  a  été  très  frappé  d'un 
article  paru  dans  le  Manuel  général  de  Vinstruc-r 
t'ion  primaire  du  5  février  1 9 1 o  sous  la  signature 
de  M.  Dangueuger,  intitulé  "  Qui  veut  la  fin 
veut  les  moyens.  —  Pour  enseigner  le  chant 
employez  la  méthode  chiffrée. "  Mais  M.  Perret- 
Bouty  fait  des  objections.  Il  craint  qu'on  ne 
dépense  "  beaucoup  de  temps  en  pure  perte,  " 
puisqu'il  faut  toujours  arriver,  en  définitive,  à 
la  connaissance  de  la  notation  traditionnelle... 
Enfin  il  désire  savoir  "l'opinion  des  personnes 
compétentes  ",  pour  éclairer  sa  religion. 

Notre  correspondant  ne  s'imagine  peut-être 
pas  qu'il  soulève  là  une  des  questions  les  plus 
discutées  de  la  pédagogie  contemporaine.  La 
lutte  entre  galinistes  et  antigalinistes  est  ardente, 
passionnée  ;  elle  prend  parfois  un  caractère 
d'une  violence  regrettable  :  les  adversaires  en 
présence  ne  reculent  pas  devant  l'injure,  lors- 
qu'ils sont  à  bout  d'arguments. 
.  Je  m'aventurerai  avec  précaution  sur  ce  ter- 
rain brûlant.  Je  tâcherai  de  ne  pas  apporter  de 
passion  en  résumant  ce  terrible  débat,  et, 
autant  que  possible,  de  rester  impartial. 

Tout  le  monde  sait,  je  pense,  que  la  méthode 
chiffrée,  ou  galinisme,  remplace  le  système  de 
notation  sur  la  portée  par  l'emploi  des  chiffres 
I  234567  qui  désignent  les  sons  de  la 
gamme  majeure,  quelle  qu'en  soit  la  tonique, 


et  qu'on  lira  ut^  ré^  mi^  fa^  sol^  la^  si  quelle  que 
soit  la  tonalité,  de  sorte  que  la  mélodie 


j-  j  j  *^  i^ J^  I  f  r  I  r 


s  écrira  : 

Il    î^      3^    1 

2     23 

4     4 

1     3 

se  lira    ut  ré  mi  ut 

ré  ré  mi 

fa  fa 

mi 

Je  renvoie  pour  l'exposé  détaillé  des  procédés 
galinistes  aux  ouvrages  spéciaux,  et,  par  exem- 
ple, à  un  petit  volume  de  2  frs  publié  chez 
J.  Lebègue  et  Cie,  30,  rue  de  Lille  à  Paris,  où, 
sous  le  titre  de  la  méthode  tnodale  chiffrée  se 
trouvent  exposés  les  principes  essentiels  du 
galinisme. 

On  voit  que  les  galinistes  ne  tiennent  pas 
compte  de  la  hauteur  absolue  des  sons  et  ne 
s'occupent  que  de  leurs  fonctions  tonales. 

Ce  procédé  de  notation,  dont  la  première 
idée  remonte  à  J.  J.  Rousseau,  a  toujours  déplu 
aux  musiciens  professionnels.  Ils  lui  reprochent 
de  ne  pas  habituer  l'oreille  à  distinguer  les  sons 
autrement  que  par  leurs  relations  dans  la 
tonalité,  de  telle  sorte  que  la  différence  entre 
le  même  morceau  chanté  en  ut^  en  ré  ou  en 
mi  devient  inappréciable.  Et  surtout  ils  se 
révoltent  contre  une  tentative  qui  aurait  pour 
but  de  substituer  à  un  système  de  notation 
éprouvé  par  une  longue  expérience  et  consacré 
par  une  puissante  tradition  un  autre  système 
imaginé  de  toutes  pièces  par  des  idéologues 
révolutionnaires. 

Les  partisans  du  galinisme  sont  plutôt  des 


432 


L'ACTUt^LJTE 


pédagogues  que  des  musiciens.  Ils  répondent 
à  leurs  adversaires  que  leurs  prétentions  sont 
tout  à  fait  modestes,  et  qu'on  leur  prête  des 
desseins  trop  ambitieux  et  trop  hardis.  Ils  ne 
songent  point  à  remplacer  la  portée  par  le 
chiffre.  La  portée  restera  le  moyen  de  notation 
des  artistes,  et  ce  n'est  pas  au  Conservatoire 
qu'il  s'agit  d'enseigner  le  chiffre.  Mais  le 
chiffre  sera  l'alphabet  musical  de  l'Ecole.  Il  est 


plus  simple,  plus  rapide,  plus  maniable.  Il  se 
prête  à  tous  les  besoins  de  renseignement  pri- 
maire. Il  a  même  cet  avantage,  qui  n'est  pas  à 
dédaigner,  d'être  plus  économique.  Du  reste 
les  galinistes  affirment  que  c'est  un  jeu  d'ap- 
prendre à  des  enfants  la  portée  quand  ils  con- 
naissent déjà  le  chiffre^  et  ainsi  leur  méthode, 
loin  d'allonger  l'étude  des  signes  de  la  musique, 
serait  un  raccourci.  L'une  des  autoritées  les  plus 


Ecole  Française  de  Gymnastiqiie  Rythmique 

Méthode  JACQUES-DALCROZE 


11   Avenue  des  Ternes 


2    ANNÉE  :   1910-1911    —  RÉOUVERTURE   LE    15   OCTOBRE 

HORAIRE   DES   COURS 

COURS  DE  PREMIÈRE  ANNÉE. 

Hommes  —  Lundi,  6  heures;  Vendredi,  9  heures  du  soir. 

Dames  et  Jeunes  Filles  —  Cours  A.  Mercredi  et  Samedi,  4  heures. 

Cours  B. 

Enfants  —  Cours  A.  (Grands)  Mardi  et  Vendredi,    5  h.  15. 
Cours  B.  (Petits)      Lundi  et  Jeudi,   4  h.  45. 
COURS  DE  DEUXIÈME  ANNÉE. 

Hommes  —  Mercredi,  9  h.  du  soir;  Dimanclie,  i  i  h.  du  matin. 

Dames  et  Jeunes  Filles  —  Mardi  et  Vendredi,  4  heures. 

Enfants  —  Mercredi  et  Samedi,  5  h.  15. 
SOLFÈGE  —   Méthode  Jacques-Dalcroze 

Cours  de  première  année  —  Jcuili,  i  i  heures  du  matin. 

Cours  de  deuxième  année  —  Dimanche,  9  h.  45  du  matin. 
SOLFÈGE  ÉLÉMENTAIRE.  —  Jeudi,  lo  h.  du  matin. 

M.  JEAN  d'UDINE,  reçoit  11,  Avenue  des  Ternes,  le  Mardi  et  le  Vendredi  de  2  à  4  heures. 


r 


Application 

raisonnêe  des 

meilleurs  procédés 

pédagogiques 

et  techniques 

employés  par  les 

grands  maîtres 

contemporains 

français 

et  étrangers. 


LEÇONS  de  PIANO 

VIOLONS,  SOLFÈGE  HARMONIE 

PAR  CORRESPONDANCE 

COURS   SINAT 

Rue    Franklin.    5.     "PARIS  Trocadérc 


L'ACTUALITE 


433 


compétentes  en  matière  d'instruction  primaire 
que  les  galinistes  aient  à  invoquer,  est  celle  de 
M.  Bouchor,  qui  leur  est  tout  à  fait  favorable. 

Pour  ma  part,  sans  émettre  aucune  opinion 
décisive,  je  regrette  que  les  galinistes  aient 
donné  les  noms  des  notes^  tit^  rè  rn'i^  fa^  sol^  la^ 
siy  aux  fonctions  tonales  qu'ils  représentaient  par 
les  chiffres  i,  2,  3,  4,  5,  6,  7.  C'est  là  l'origine 
d'un  gros  malentendu  et  de  la  principale  ob- 
jection qu'on  adresse  aux  novateurs.  "  Comment 
serais-je  galiniste  ?  s'écrie  tel  professeur  du 
Conservatoire.  Mon  oreille  entend  :  sol^  la^  si 
soly  In  et  vous  voulez  que  je  dise  :  ut^  ré^  mi, 
uty  rè  !  Cela  m'est  aussi  impossible  que  si  vous 
me  demandiez  d'appeler  rouge  ce  qui  est  jaune, 
et  jaune  ce  qui  est  vert  !  "  —  Il  fallait  inventer 
d'autres  noms,  et  l'objection  tombait  d'elle- 
même.  Il  est  certain  que  les  mêmes  mots  ne 
peuvent  pas  désigner  à  la  fois  des  sons  fixes 
d'un  hauteur  absolue  bien  déterminée,  et  aussi 
les  degrés  de  la  gamme  majeure,  abstraction 
faite  de  la  hauteur  absolue.  Il  y  aurait  même 
là  une  réforme  bien  facile  à  introduire  dans  le 
galinisme,  et  qui  serait,  il  me  semble,  d'une 
portée  considérable. 

Voilà  quelques  indications  très  rapides  sur 
un  sujet  extrêmement  vaste  que  nous  abordons 
aujourd'hui  par  la  première  fois  sans  avoir 
l'intention  de  l'épuiser,  et  sur  lequel  nous 
reviendrons  volontiers,  si  nos  lecteurs  nous  y 
convient. 


exemples  ont  été  reproduits  photographique- 
ment  d'un  façon  peu  nette  dans  le  numéro 
d'avril,  je  les  répète  aujourd'hui  pour  plus  de 
clarté.  Dans  l'édition  Peters  des  quatuors  de 
Beethoven,  le  grand  violoniste  Ferdinand 
David  a  réglé  ainsi  quelques  coups  d'archet 
(3"  quatuor)  : 


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au  lieu  de 


et  plus  loin  : 


au  lieu  de  : 


LA  BARRE  DE  MESURE.  —  Un  de 
nos  abonnés  se  fâche  très  fort  de  ce  que  j'ai 
dit,  il  y  a  quelque  temps,  de  la  barre  de 
mesure,  et  il  m'oblige  à  revenir  sur  ce  sujet. 
Je  ne  citerai  pas  les  paroles  de  mon  correspon- 
dant ;  car  mon  correspondant  est  fort  peu 
parlementaire,  et  il  ne  ménage  pas  les  épithètes. 
Si  je  le  citais,  je  serais  obligé  de  me  fâcher  à 
mon  tour,  ou,  au  moins,  d'en  avoir  l'air.  Ne 
peut-on  pas  discuter  posément,  sans  s'envoyer 
des  injures  à  la  tête  ? 

Mon  impitoyable  critique  nie  que  l'usage  de 
la  barre  de  mesure  ait  jamais  été  l'origine  de 
nombreux  contre-sens  au  point  de  vue  du 
phrasé  musical.  Je  cite  pourtant  des  exemples, 
que  je  pourrais  multiplier.   Mais  comme   ces 


et  encore 


au  lieu  de 


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Si  des  erreurs  de  ce  genre  ont  été  commises 
par  un  artiste  de  la  valeur  de  Ferdinand  David, 
(et  par  bien  d'autres  encore),  il  me  semble  que 


434 


L'ACTUALITE 


l'intérêt  de  mes  observations  se  trouve  par  là 
même  justifié  ;  et  je  pourrais  d'ailleurs  en 
appeler  à  l'autorité  du  grand  musicologue 
allemand  Hugo  Riemann  qui  les  a  présentées 
avant  moi. 

Mais  je  m'étonne  davantage  que  mon  contra- 
dicteur n'ait  pas  compris  pourquoi  je  faisais 
cette  remarque,  —  si  banale^  —  que  la  barre 
de  mesure  indiquerait  mieux  les  divisions  de  la 
phrase  musicale  si  elle  était  placée  ap7-ès  le 
temps  fort,  et  non  avant^  comme  c'est  l'habi- 
tude. Supposons  que  je  sois  un  homme  si 
essoufflé  que  je  ne  puisse  chanter  deux  notes 
sans  respirer  ;  où  placerai-je  donc  les  respira- 
tions dans  le  thème  de  la  Marseillaise^  si  je  ne 
veux  pas  en  rendre  l'énoncé  absurde  r  Chan- 
terai-je  : 


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f¥f^ 


<?^ 


Ne  chanterai-je  pas  plutôt  : 


ff=Fff 


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9    s-  0 


Je  fais  correspondre  les  barres  de  mesure 
aux  respirations.  Je  remarque  seulement  que 
dans  le  second  énoncé,  je  tâcherai  de  suppri- 
mer la  respiration  sur  le  ré  aigu,  autant  que 
possible  :  mais  elle  est,  en  tout  cas,  mieux 
placée  sur  ce  rê,  que  dans  le  i"""  énoncé  entre 
le  si  et  le  sol  qui  suivent.  Autrement  dit  le 
phrasé  de  \?i  Marseillaise  peut  s'exprimer,  selon 
la  méthode  de  Hugo  Riemann,  par  ks  indi- 
cations suivantes  : 


sur  le  temps  fort,  comme  le  tnarteau  sur  r  enclume. 
Il  en  est  inséparable  comme  les  syllabes  d'un 
même  mot  sont  également  inséparables  dans  le 
langage  parlé,  tandis  que  les  mots  peuvent  à  la 
rigueur  se  séparer  un  peu  les  uns  des  autres 
dans  l'énoncé  de  la  phrase.  Voilà  ce  que  j'ai 
voulu  dire,  et  si  cette  fois  je  ne  suis  pas  clair, 
je  renonce  à  expliquer  un  fait  aussi  simple. 

D'ailleurs  mon  aimable  correspondant  ne 
craint  pas  de  se  contredire  en  acceptant  mes 
corrections  à  l'édition  David  des  quatuors  de 
Beetho\en,  ce  qui  implique  qu'il  admet  ma 
conception  du  phrasé. 

Après  tout  je  ne  regrette  pas  d'a\oir  trouvé 
l'occasion  de  revenir  sur  des  considérations  qui 
me  paraissent  tout  à  fait  importantes,  et  sur  les- 
quelles ni  mes  lecteurs,  ni  moi,  nous  n'aurons 
jamais  suffisamment  réfléchi. 

RÉSULTATS  DU  CONCOURS  DU 
15  JUIN  1910.  —  I.  Micha  (Montélinar).  — 
2.  Grenofi  (Sens).  —  3.  Ch.  Oméro.  (Paris).  — 
4.  Albert  Ardoin  (Nantes).  —  Les  autres  con- 
currents n'ont  pas  réalisé  la  basse  donnée  d'une 
façon  suffisamment  correcte.  Nous  accordons 
au  prernier  nomtnè  dans  ce  concours  uti  abonnc- 
7ne»t  gratuit  (Cun  an  à  PS.  I.  M. 

Le  texte  que  nous  avons  proposé  à  nos 
abonnés  fut  le  sujet  du  concours  d'harmonie 
au  Conservatoire  national  de  musique  en  1859. 
Le  premier  prix  fut  remporté  par  le  célèbre 
pianiste  Louis  Dicmer,  et  son  de\oir,  que  nous 
avons  retrouvé  dans  les  archives  du  Conserva- 
toire, nous  servira  aujourd'hui  de  corrigé.  Nous 
y  relevons  cependant  quelques  taches  ;  notam- 
ment à  la  45''  mesure  cette  incompréhensible 
partie  de  ténor  qui  monte  du  fa  au  sol  par  le 
fa  I  pendant  que  la  basse  monte  directement  du 
ta  au  sol.  N'v  a-t-il  pas  là  une  erreur  de 
copie  r  Car  ce  n'est  pas  le  devoir  même  de 
Diémer,  mais  seulement  sa  copie  tpie  nous 
avons  eue  sous  les  yeux... 


(|ui  font  bien  ressf)rtir  la  place  des  divisiouN  du 
membre  de  phrase  musicale,  toujours  au-delà  du 
temps  fort,  jamais  knirf.  i.f.  temps  FAIHI-F.  KT 
I.K  IKMPS  FOR  T.    Le  temps  faible  tend  à  tomber 


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L'ACTUALITÉ 


435 


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NOUVEAU  CONCOURS.  —  On  nous 
demande  de  donner  de  nouveau  comme  sujet 
de  concours  V explication  d'un  texte  musical. 
Voici  le  texte  que  nous  proposons.  Nous  prions 
nos  lecteurs  de  nous  dire  :  i"  de  quelle  œuvre 
ce  texte  a  été  détaché,  ou  au  moins  à  quelle 
époque  appartient  cette  œuvre  ;  2^  d'en  indi- 
quer toutes  les  particularités  de  tonalité,  de 
modalité,  de  rythme,  de  nuances,  et  iTcn 
analyser    la  construction    mélodique    et    har- 


monique [point  de  vue  technique)  ;  3^  d'en  dé- 
terminer la  valeur  expressive  ou  bien  descriptive 
[point  de  vue  esthétique)  5  4*^  d'y  démêltr,  s'il  est 
possible,  certains  caractères  dont  on  peut  dire 
qu'il  sont  comme  la  marque  du  temps  sur  cet 
ouvrage  [point  de  vue  historique). 

Les  réponses  doivent  être  adressées  aux 
bureaux  de  V  Actualité  Musicale  avant  le 
l''  décembre  l  9  lO. 


L'ACTUALITE 


439 


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Double  Dièze. 


LA  HUITIÈME  SYMPHONIE  DE 
M.  GUSTAV  MAHLER.  —  J'avais  effleuré 
ce  sujet  dans  ma  dernière  chronique,  mais  il 
me  faut  y  revenir  aujourd'hui.  L'exécution  de 
cette  œuvre  considérable  a  été  précédée  et 
suivie,  comme  de  juste,  d'un  véritable  débor- 
dement de  "  copie  ",  comptes-rendus,  analyses, 
commentaires.  Le  signataire  de  cette  rubrique 
a  devant  lui  environ  quatre-vingt-dix  articles 
ou  études,  en  français  ou  en  allemand,  qui  ne 
représentent  sans  doute  qu'une  fraction  de  ce 
qui  s'est  imprimé  après  le  festival  de  Munich. 
S'il  est  infiniment  aisé  pour  qui  n'a  point 
entendu  la  symphonie  de  M.  Mahler,  de  se 
former  une  opinion  après  lecture  d'un  quel- 
conque desdits  articles,  la  tâche  devient  bien 
plus  malaisée  après  avoir  parcouru  cette  formi- 
dable masse  d'impressions  et  de  théories  con- 
tradictoires. 

Dans  le  Berline)-  Borse?-  Courier^  il  est  dit  : 
"  Le  musicien  trouvera  dans  cette  œuvre  des 
créations  magnifiques;  l'homme,  des  sensations 
idéales  ;  le  public  des  effets  puissants  et  des 
émotions  fortes  ".  Le  critique  de  la  Potsdamer 
Tageszeitimg  déclare  l'œuvre  "  profondément 
émouvante",  tandis  que  celui  de  Y AUgeineine 
Muiik-zeitung  proclame  sans  ombrages  qu'il  n'a 
pas  été  le  moins  du  monde  ému  : 

"  Il  me  faut  déclarer  que  je  n'ai  senti  dans 
la  huitième  symphonie  de  Mahler  aucune  trace 
de  cette  puissance  qui  vit  dans  les  œuvres  de 
nos  grands  maîtres.  Pas  une  seule  mesure  ne 
me  fit  sentir  ce  souffle  de  l'esprit  (Gm/«  Rduch) 
qui  m'aurait  ému  sympathiqucment.  J'atten- 
dais, mais  en  vain  !  Morte  et  vide,  brillante  de 
prétentions  creuses  me  parut  cette   musique  ". 

Et,  alors  que  la  plupart  des  mahleristes  cla- 
ment bien  haut  que  les  œuvres  de  leur  maître 
préféré  sont  déconcertantes  par  leur  originalité, 
dont  on  ne  pourra  pénétrer  les  arcanes  c]u'avec 
le  temps,  et  au  prix  de  longues  et  proloudcs 
méditations,  le  même  critique  n'hésite  point  à 
affirmer  qu'il  n'y  a  pas  d'arcanes  du  tout  : 


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"  Je  ne  pus  m'empêcher  de  songer  à  Liszt 
et  à  Bruckner,  les  deux  maîtres  que  nos 
contemporains,  prompts  à  déverser  sur  Mahler 
leurs  applaudissements  frénétiques,sont  si  lents 
et  si  hésitants  à  suivre  dans  les  sphères  de 
l'idéalité  pure,  et  un  profond  dégoût  m'en\a- 
hit.  Non  que  la  huitième  de  Mahler  soit  d'une 
audace  inouïe,  contienne  quelque  chose  de 
hardi,  qui  devance  les  temps,  qui  nous  incite  à 
lutter,  mais  bien  parce  que  je  l'ai  trouvée  si 
mille,  si  indiciblement  superficielle.  Pour 
pénétrer  dans  ce  temple-là,  il  n'y  a  point  à 
]->asser  par  tics  portes  redoutables  !  Non  :  les 
portiques  sont  i)uverts  et  invitent  le  public  à 
entrer...  ici,  Mahler,  malgré  quelques  moder- 
nismes,  n'est  pas  lui  musicien  ilu  présent,  mais 
bien  du  passé  ". 

Moins  cruelle,  la  Tagliihr  Rumhchdu  n'est 
somme  toute  pas  moins  sé\  ère  et  se  place  à  un 
point  de  vue  analogue.  Il  y  est  obserxé  que 
M.  Mahler,  énergique,  a\  isé,  très  doué  du 
pou\oir  de  s'iilentiiii-r  à  la  pensée  des  maîtres, 
est    \\\\    ineoniparahlf    (.lief-d'orcliestre    inter- 


L'ACTUALITE 


441 


prète-né  des  œuvres  les  plus  diverses  de  toutes 
les  époques. 

"Mais  cela  ne  lui  suffit  pas.  Il  veut  vivre  sa 
propre  vie  musicale,  il  devient  compositeur, 
dirige  ses  propres  œuvres.  Et  alors,  du  moins 
à  ce  que  je  crois  reconnaître  —  il  présume  trop 
de  ses  forces  et  de  la  portée  de  sa  nature  de 
musicien  ". 

Le  critique  de  la  Neue Freie Presse  de  Vienne 
conclut  un  feuilleton  étendu  et  serré  en  sou- 
lignant la  beauté  et  la  noblesse  de  l'œuvre, 
tandis  que  celui  de  la  Vossische  Zeitmig  assure 
que  "  pas  une  note  de  cette  musique  n'a  été 
jusqu'à  son  cœur  "  et  se  demande  :  "  Est-ce  la 
faute  de  mon  insensibilité  ?  La  raison  dernière 
de  mon  indifférence  est-elle  que  la  musique 
manque  de  cordialité  '^.  Peut-être  la  manière 
dont  Mahler  s'exprime  contient-elle  quelque 
chose  qui  élève  une  barrière  entre  sa  musique 
et  ma  sensibilité.  Mais  je  ne  puis  qu'assurer 
que  malgré  ses  incontestables  mérites  techni- 
ques et  ses  explosions  de  force,  elle  m'a  paru 
sans  vie,  et  parfois  antipathique  ". 

Mais  il  me  semble  que  tout  compte  fait,  les 
articles  élogieux  sont,  dans  la  presse  allemande, 
en  majorité.  Du  jeu  de  les  comparer  si  l'on 
peut,  de  les  peser  si  l'on  ose,  il  ne  saurait 
résulter  rien  que   de  médiocrement  profitable. 

Un  point  particulier  qui  préoccupe  fort 
certaines  critiques  est  celui  de  la  forme  de 
l'œuvre.  Pour  la  Breslauer  Zeitung  c'est  "  une 
peinture  musicale  de  caractère  absolument 
vocal."  Dans  les  Dresdener  Nachrichten^  il  est 
dit  que  "l'on  ne  peut  point  considérer  l'œuvre 
comme  une  cantate  ou  quelque  chose  d'ana- 
logue :  le  caractère  symphonique  résulte  bien 
du  fait  que  l'architecture  est  rigoureuse,  que 
les  thèmes  sont  traités  tout  à  fait  symphoni- 
quement."  Mais  en  générale  l'étiquette  de 
"  symphonie  "  a  paru  à  beaucoup  de  critiques 
inexacte,  et  admissible  seulement  comme  pis- 
aller. 

"  On  en  est  arrivé  à  un  point,  constate, 
dans  son  compte  rendu  assez  favorable  la 
Deutsche  Tageszeitung^  où  l'on  peut  appeler 
symphonie  tout  ce  qu'on  veut." 

Et  la  Weser  Xeitung  de  Brème  remarque 
également   que   "  chaque   nouvelle  forme,  de- 


vrait   recevoir    une    désignation    nouvelle.    Et 
c'est  le  cas  de  l'œuvre  que  présente  M.  Mahler." 

"  Oui,  confirme  le  Bayrischer  Kurier  (après 
avoir  constaté  que  le  manque  d'indépendance 
de  M.  Mahler,  en  matière  d'invention  musi- 
cale, est  "  tragique  "  mais  qu'on  peut  se  laisser 
aller  à  l'éblouissement  que  causent  ses  œuvres) 
Mahler,  en  appelant  sa  nouvelle  œuvre  sym- 
phonie en  prend  à  son  aise,  mais  ne  met  point 
à  l'aise  le  bon  public...  Le  langage  est-il  si 
pauvre,  qu'on  ne  puisse  trouver  en  l'espèce 
une  dénomination  à  peu  près  convenable  ?  " 

Ce  mot  employé  de  manière  déconcertante, 
l'association  en  un  ensemble  de  textes  dont  la 
qualité  est  si  dissemblable,  la  manière  dont 
M.  Mahler  a  conçu  l'équilibre  de  son  œuvre, 
il  n'en  fallait  pas  plus  pour  rendre,  somme 
toute,  les  commentateurs  fort  perplexes.  Et 
tous  ceux  que  n'entraîne  point  un  irrésistible 
élan  d'enthousiasme  sont  évidemment  assez 
embarrassés  pour  parler  de  la  dernière  produc- 
tion de  M.  Mahler.  Il  est  nombre  de  comptes- 
rendus  assez  vagues  pour  qu'on  reste  bien  en 
peine  d'en  tirer  une  conclusion  et  même  de 
les  résumer. 

Pour  les  articles  publiés  dans  les  revues 
françaises,  il  en  est  deux  qui  émanent  de 
mahléristes  convaincus  et  depuis  longtemps 
connus  comme  tels  :  M.  William  Ritter  (dans 
la  Revue  -^Musicale  de  Lyon),  et  M.  Casella 
(dans  le  {Monde  Musical').  Ils  sont  naturelle- 
ment très  enthousiastes. 

Dans  la  Revue  Musicale  de  Lyon,  M.  Léon 
Vallas  a  pris  à  son  tour  la  parole,  et  son  article, 
publié,  cela  est  manifeste,  après  de  sérieuses 
méditations  basées  et  sur  l'étude  de  l'œuvre, 
et  sur  celle  des  critiques,  me  paraît  entre  tous 
digne  d'attention. 

Les  fervents  de  l'art  mahlérien  semblent  à 
M.  Vallas  "  rechercher  dans  les  symphonies 
ce  qu'ils  souhaitent  d'y  voir,  ce  que  Mahler  a 
voulu  y  mettre,  et  non  ce  qui  y  est...  M. 
Mahler  possède  une  énorme  puissance  de 
fascination...  La  VIII*'  symphonie  est  d'un 
intérêt  passionnant  par  son  noble  sujet,  par  le 
texte  qu'elle  traduit  en  musique...  Si  je  con- 
sidère l'œuvre  non  plus  au  point  de  vue 
mahlérien,  philosophique  ou  poétique,  mais  au 


442 


L'ACTUALITE 


point  de  \ue  purement  et  exclusivement  mu- 
sical, c'est-à-dire  si  j'examine  dans  la  com- 
position ce  qui  y  est^  je  reste  contraint  de 
répéter  que  la  VIII'^  S3^mphonie  m'apparaît 
comme  d'une  essence  inférieure,  sans  origina- 
lité, sans  nouveauté,  sans  avenir...  Il  est 
inutile  d'enfoncer  une  porte  ouverte  en  dé- 
clarant que  les  thèmes  de  M.  Mahler  sont 
dépourvus  d'intérêt  personnel.  Les  plus  fervents 
mahlériens  le  concèdent...  Mais  c'est  la  mise 
en  œuvre  de  matériaux  généralement  quel- 
conques qui  fait  naître  un  conflit  entre  dé- 
tracteurs et  admirateurs.  Polyphonie,  harmonie, 
orchestration  sont  déclarées  géniales  par  ceux- 
ci,  tandis  que  pour  les  oreilles  de  ceux-là,  elles 
ne  dépassent  pas  une  très  estimable  banalité. 
Dans  ce  débat,  il  n'est  pas  facile  de  trou\er 
un  étalon  aux  dimensions  duquel  mesurer  la 
valeur  précise  de  l'écriture  vocale  ou  instru- 
mentale... En  matière  d'esthétique,  tout  est 
pointes  d'aiguilles,  et  une  œuvre,  avec  la 
même  bonne  foi  mais  par  deux  personnes 
différentes,  peut  être  jugée  divine  ou  ridicule." 

"  LA  LÉPREUSE  "  de  M.  Sylvio  Laz- 
zari. —  Dans  le  Coury-'ie?-  3'Iuùcal  [i^  octobre) 
M.  Julien  Torchet  plaide  généreusement  la 
cause  de  cette  œuvre,  dont  on  sait  la  mauvaise 
fortune.  Il  résume  les  tribulations  de  M.  Laz- 
zari,  analyse  le  livret,  la  partition,  et  fait  remar- 
quer combien  vains  sont  les  scrupules  qui 
empêchèrent  les  représentations  et  mirent  au 
Concours  de  la  Ville  de  Paris  la  musique  de 
M.  Lazzari  en  fâcheuse  posture  :  conséquen- 
ces également  injustes  pour  le  bel  écrivain 
qu'est  M.  Henry  Bataille,  et  pour  le  cons- 
ciencieux écrivain  qui  a  mis  dans  la  partition 
de  La  Lèprcuif  le  meilleur  de  lui-même.  L'ar- 
ticle est  à  lire  tout  entier,  et  il  huit  souhaiter 
qu'il  ait  le  retentissement  qu'à  tous  les  égards 
il  mérite. 

UNE  CLASSE  DE  CHEFS  D'OR- 
CHESTRE AU  CONSERVATOIRE.  — 
Elle  n'existe  pas,  mais  dans  Cov.œd'ia  M.  Ga- 
briel Groviez,  avec  des  arguments  excellents, 
en  réclame  la  fondation.  Il  fait  justement 
remarquer    cju'elle    s'avère    aujoiiid'hui     iiuliN- 


pensable.  Il  mérite  d'être  loué  pour  a^■oir  fait 
tinter  haut  et  clair  un  grelot  attaché  il  y  a 
quelques  années,  mais  dont  le  son  jusqu'ici 
n'avait  guère  eu  d'écho. 

M.-D.  Calvocoressi. 


L'Edition         l^ 
Musicale 


t?^ 


I.  chez  Durand  ;  2.  chez  Bilibin  ;  3.  chez  Roudanez  ; 
4.  chez  Elkin  ;  5.  à  l'édition  Mutuelle. 

PIANO.  —  Moins  d'œuvres  originales  que 
de  transcriptions,  le  mois  dernier.  Nos  com- 
positeurs, ayant  donné  campo  à  l'inspiration, 
s'étaient  mis  à  remanier  la  musique  des  autres, 
en  guise  de  devoirs  de  vacances.  AI.  Jacques 
Durand  a  transcrit  la  Puce  Hcro'iquc  et  la 
Fantaisie  de  Franck  '  ;  M.  Harold  Bauer,  la 
Pastorale^  et  Prélude^  Choral  et  Fugue  \  du 
même  auteur.  M.  André  Caplet  a  réduit  (pour 
2  Pianos  4  mains)  les  Rondes  de  Printemps  de 
Delmssv  :  ^  voilà  deux  paires  de  mains,  et  sur- 
tout deux  paires  d'veux  qui  ne  manqueront 
pas  de  besogne.  M.  Roger  Ducasse  s'est  attaqué 
à  ses  propres  oeuvres,  avec  une  réduction, 
quelque  peu  surchargée  de  l'amusante  Bourrée 
de  sa  Suite  Française  ',  et  avec  une  transcrip- 
tion, (pour  2  Pianos  4  mains)  de  ses  l'aria  fions 
plaisantes  sur  un  thème  grave  ',  primiti\ement 
destinées  à  l'orchestre  avec  harpe  obligée. 

En  fait  de  nouveautés,  une  petite  valse  de 
Debussy^  la  Plus  que  Lente^  dont  la  tonalité, 
incertaine  et  flottante,  a  quelque  chose  de 
tlécevant  ;  puis  des  Novelles  de  Medtner^ 
éditées    sous    lUie    couverture     incendiaire    où 


L'ACTUALITÉ 


443 


luttent  les  caractères  russes  et  latins;  musique 
abstraite,  peu  captivante,  qui  dérive  plutôt  de 
l'école  allemande  que  de  l'école  russe. 

VIOLON.  —  M.  Jongen^  souvent  coutu- 
mier  des  enchevêtrements  les  plus  indéchiffra- 
bles, paraît  évoluer,  avec  sa  Sonate  \  vers  des 
formes  d'un  modernisme  moins  accentué.  Le 
thème  initial  qui,  soit  dit  en  passant,  est 
emprunté  textuellement  à  la  Tétralogie,  se 
déroule  avec  aisance  et  noblesse  ;  de  l'Andante, 
je  goûte  surtout  le  thème,  dans  son  éloquente 
simplicité,  et  les  quelques  épisodes  en  style 
rapsodique.  Le  finale  a  de  l'élan  et  de  la  tenue, 
sinon  une  originalité  bien  marquée. 

Dans  la  Pastorale  ^  de  Paul  Dupin  la  mélo- 
die, s'entoure  d'accompagnements  grinçants, 
dont  l'acidité  nous  surprend  :  M.  Dupin  nous 
a  souvent  donné  mieux,  et  même  beaucoup 
mieux.  Le  même  morceau  existe  aussi  pour 
quatuor  à  Cordes  avec  piano. 

Le  Lac  d'' amour  °  de  M.  Paolo  Litta,  l'émi- 
nent  directeur  de  la  Libéra  Esthetica,  est 
inspiré  de  Bruges.  C'est  une  sorte  de  poème 
symphonique  pour  piano  et  violon,  plein  de 
poésie  subtile  où  le  Nord  et  le  Sud,  l'Italie  et 
la  Belgique  s'allient  de  curieuse  façon.  Très 
difficile,  cette  oeuvre  mériterait  de  nous  être 
présentée  souvent  dans  nos  concerts.  Elle  con- 
stitue une  des  plus  intéressantes  manifestations 
de  la  Jeune  Italie. 

CHANT.  —  Quant  à  M.  Cyril  Scott,  qui 
passe  pour  un  des  meilleurs  musiciens  de 
l'Angleterre,  et  n'est  même  pas  tout  à  fait 
inconnu  sur  le  continent,  il  a  déjà  produit  des 
œuvres  de  valeur  ;  comment  se  laisse-t-il  aller 
à  publier  des  pages  comme  ces  3  petites  mélo- 
dies :  Scotch  Lullahy  ;  a  Spring  Ditty,  et  Arietta  * 
où  la  banalité  ne  le  cède  qu'à  la  platitude. 
Nous  sommes  habitués,  en  France,  à  faire  une 
distinction  entre  le  répertoire  des  Minstrels, 
nègres  ou  non,  et  celui  des  artistes,  et  nous  ne 
comprenons  guère  qu'un  musicien  convaincu 
se  plaise  à  fournir  indifféremment  l'un  ou 
l'autre. 

Voilà  maintenant  un  chœur  pour  deux 
voix    d'enfants  :    La    Rivière    de   chez    nous.  ■* 


d^ Auguste  Chapuis.  Ces  enfants,  s'ils  sont  un 
peu  observateurs,  se  demanderont  peut-être  ce 
que  vient  faire,  à  la  6°  mesure  de  l'accompa- 
gnement, dans  un  trait  en  la  mineur,  ce  fa 
dièze,  si  peu  joli  et  si  peu  justifié.  Enfin,  voici 
de  la  musique  :  deux  recueils  de  Debussy  :  le 
Promenoir  des  deux  Amants,  et  Trois  ballades  de 
François  Villon.  ^  Jamais  l'auteur  n'a  poussé 
plus  loin  les  raffinements  de  la  déclamation 
moderne  et  la  recherche  exquise  de  l'harmo- 
nie ;  il  a  trouvé  là  des  accompagnements 
inimitables,  fluides,  allégés,  où  s'égrène  de 
proche  en  proche  une  brève  dissonance  de 
seconde,  telle  une  gouttelette  d'eau  qui  roule 
dans  la  vasque  d'une  fontaine.  La  dernière 
ballade  de  Villon  écrite  dans  une  intention 
comique,  avec  un  accompagnement  staccato, 
alerte  et  malicieux,  un  peu  agressif  parfois, 
comme  un  babillage  qui  pourrait  devenir  une 
discussion,  nous  parait  la  meilleure  des  six. 

PARTITION   PIANO    ET    CHANT. 

—  La  Foret  Bleue,^  de  M.  Aubert,  ne  nous 
est  point  inconnue  ;  c'est  celle  de  Perrault, 
celle  où  s'endormit  la  Belle  au  Bois  dormant, 
où  le  Petit  Poucet  faillit  être  dévoré  par 
l'ogre,  et  où  Chaperon  Rouge  rencontra  le 
loup,  qui  du  reste  ne  la  mangea  point  pour 
cette  fois.  Car  le  librettiste  de  M.  Aubert, 
M.  Jacques  Chenevière,  s'est  permis  quelques 
familiarités  à  l'égard  du  texte  classique.  Pour 
grouper  en  un  même  scénario  les  personnages 
de  trois  contes  différents,  il  a  fallu  nécessaire- 
ment donner  plus  d'une  entorse  à  la  tradition, 

—  procédé  plausible,  mais  qui  ne  va  pas  sans 
nous  choquer  un  peu. 

Cette  forêt  bleue  nous  rappellera  encore 
celle  où  Hânsel  et  Gretel,  perdus,  eux  aussi, 
à  la  nuit  tombante,  rencontrèrent,  non  l'ogre, 
mais  la  fée  Grignotte.  Et  la  comparaison  sera 
infiniement  dangereuse,  pour  le  livret  comme 
pour  la  musique.  Les  personnages  de  Humper- 
dinck,  très  robustes,  assez  terre  à  terre,  ont 
plus  de  vitalité  que  ceux  de  la  forêt  bleue, 
volontairement  confinés  dans  le  domaine  im- 
précis de  la  légende.  La  musique  de  M. 
Aubert,  poétique  et  raffinée,  un  peu  étiolée, 
peut  être  touchera  quelquefois  au  point  où  la 


444 


L'ACTUALITE 


tendresse  devient  de  la  fadeur,  et  rexpressi\  ité, 
de  la  sensiblerie.  Le  prince  et  la  princesse, 
bien  languissants,  prolongeront  un  peu  trop 
leurs  duos  d'amour  ;  l'inévitable  choeur  des 
Pileuses  n'est  guère  original  ;  le  non  moins 
inévitable  chœur  des  Moissonnsurs  se  soutient 
à  peine  un  peu  plus  par  une  certaine  verve 
populaire.  Cela  dit,  signalons  mille  détails 
charmants  ;  les  chœurs  des  fées,  exquis  d'un 
bout  à  l'autre.  Puis  au  i'"acte,  le  mouvement 
mélodique  qui  accompagne  le  jeu  de  scène 
des  deux  enfants,  portant  ensemble  un  seau 
d'eau  trop  lourd  pour  eux  ;  l'arrivée  de  la 
Boulangère,  sur  un  air  connu,  auquel  une 
harmonisation  amusante,  donne  un  aspect 
Broiement  rébarbatif  ;  dans  l'Acte  sui\'ant,  la 
phrase  obséquieuse  du  Petit  Poucet:  "  Vous  ne 
\ous  êtes  pas  enrhumé  sur  la  mousse  r  "  Puis 
le  trio  des  enfants  qui  trépignent  autour  dii 
géant  débotté,   pendant  que   les  fanfares  de  la 


suite  du  prince  se  font  entendre  au  loin  dans 
la  forêt.  Etsi  nous  trouvons  que  la  musique 
souligne  avec  une  instance  un  peu  puérile  les 
rugissements  du  loup,  les  vols  de  papillons,  et 
les  battements  d'aile  des  oiseaux,  nous  nous 
rappellerons  que  les  Contes  bleus  sont  faits 
pour  les  petits  enfants. 

Une  seule  chose  nous  étonne,  c'est  que 
pareille  œuvre  musicale  n'ait  pas  été  tentée 
depuis  longtemps  déjà.  Les  Contes  de  Perrault, 
en  raison  de  leur  imprécision  même  n'inspire- 
ront peut-être  jamais  bien  brillamment  les  arts 
plastiques  :  Petit  Poucet  et  Chaperon  Rouge 
n'ont  pas  encore  franchi  les  limites  de  la 
simple  imagerie.  Mais  la  musique  a  le  pouvoir 
de  leur  faire  raconter  mille  choses  encore, 
sans  les  faire  sortir  au  domaine  du  rêve. 
Sachons  gré  à  M.  Aubert  de  l'avoir  si  bien 
compris,  et  souhaitons  d'entendre  très  prochai- 
nement sa  Forêt  Bleue.  V.  P. 


REVUES  ET  PÉRIODIQUES  REÇUS 


Nous  publions  la  liste  des  revues  et  périodiques  que  nous  recevons  dans  les  bureaux  de  la  Section 
de  'Paris.  Nous  attii'ons  tout  particulièrement  F  attention  de  nos  collègues  parisiens  sur  cette  collection  qu'ils 
ne  connaissent  pas  tous  et  quils  pourront  consulter  au  siège  de  la  Section,  22  rue  Saint- Augustin 
tous  les  Jeudis  après-midi. 


Anthropos,     Modling    {Basse 

Autriche). 
Ars  et  Labor,  Milan. 
L'Art  Décoratif,  Paris. 
Art  Moderne,  Bt-uxelles. 
Arte  Musical,  Lisbonne. 
Balance,  Moscou. 
Bayreuther  Blatter,  Bayreuth. 
Bibliofilia,  Florence. 
Chronique  Médicale,  Paris. 
Cœcilia,  Strasbourg. 
Comœdia  illustré,  Paris. 
Courrier  musical,  Paris. 
Cronaca  Musicale,  Pesaro. 
Deutsche    Militâr    Musiker- 

zeitung,  Berlin. 
Deutsche    Sângerbundeszeit- 

ung,  Leip%ig. 
Le  Diapason,  Bruxelles. 
The  Etude,  Philadelphie. 
Express  Musical,  Lyon. 
Le  Feu,  Marseille. 
La  Française,  Paris. 
Gazette  Musicale  Russe, 

St.  Pètersbourg. 
Grande  Revue,  Paris. 
Guide  du  Concert,  Paris. 
Guide  Musical,  Bruxelles. 
Die    Kirchenmusik,    Pader- 

born. 
Leonard's  lUustrierte  Musik- 

zeituna,  Berlin. 


Ménestrel,  Paris. 

Mercure  de  France,  Paris. 

Der  Merker,  Vienne. 

Monde  artiste,  Paris. 

Monde  Musical,  Paris. 

Monde  Artistico,  Milan. 

Monthly  Musical  Record, 
Londres. 

Miinchner  Neueste  Nach- 
richten,  Munich. 

Musica,  Paris. 

Musica,  Pome. 

Musica,  musicisti.  Milan. 

Musical  America,  New-Tork. 

Musical  Antiquary,  Londres. 

Musical  Courier,  New-Tork. 

Musical  Opinion,  Londres. 

Musica  Sacro-Hispana,  Bil- 
bao. 

Musical  Standard,  Londres. 

Musical  Times,  Londres. 

Musician,  Boston. 

Musikalisches  Wochenblatt, 
Leipzig. 

New  Music  Review,  New- 
Tork. 

Nouvelle  revue  française, 
Paris. 

La  Nuova  Musica,  Florence. 

L'Occident,  Paris. 

L'Orfeo,  Rome. 

Pan,  Paris. 


Revista  Musical,  Buenos- Aires. 
Revista  Musical  Catalana,  Bar- 
celone. 
Revista  Musicale  Italiana,  Turin. 
Revue     bibliographique     belge, 

Bruxelles. 
Revue    du     Chant    Grégorien, 

Grenoble. 
Revue  de  Hongrie,  Budapest. 
Revue  des  Lettres  et  des  Arts, 

Nice. 
Revue  Musicale,  Paris. 
Revue  Musicale  de  Lyon. 
Revue  de  Synthèse  Historique, 

Paris. 
Rheinische  Musik  und  Theater 

Zeitung,  Cologne. 
La  Rinascita  Musicale,  Parme. 
Santa  Cecilia,  Turin. 
Schweitzerische  Musik  Zeitung, 

Zurich. 
Signale    fiir     die    Musikalische 

Welt,  Berlin. 
Symphonia,  Naples. 
Théatra,  Marseille. 
Tribune  de  St.  Gervais,  Paris. 
Vers  et  Prose,  Paris. 
Vie  Musicale,  Lausanne. 
Zeitschrift  fûrinstrumentenbau, 

Leipzig. 
Zenevilag,  Budapest. 


PUBLICATIONS    DE    LA    SOCIETE 
INTERNATIONALE    DE   MUSIQUE 

SECTION  DE  PARIS. 


PARUS 

H.   QUITTARD.    —  Le  Trésor   d'Orphée,    par  Antoine   Francisque,  tablature  de 

luth,  transcrite  pour  piano  à  deux  mains;   i  volume  in  4"  de  100  pages  ...       5  fr. 

J.    ECORCHEVILLE.  —  Actes   d'Etat    civil    d'artisles   musiciens  insinués    au 

Chàtelet  de   Paris  (i 539-1650)  ;   i   volume  in-4" 10  fr. 

A.    GASTOUE.  —  Catalogue  des  mss.    de    musique  byzantine    conservés  dans 

les  bibliothèques  de  France;   i   volume  in-4'' 20  fr. 

P.    AUBRY.    —    Cent  motets  du   XlIIe  siècle,    tirés    du    ms.    Ed.  VI-4    de    la 

Bibliothèque  de  Bamberg;  3  volumes  in-4° 150  fr. 

P.  AUBRY.  —  Le  CJiansoimier  français  de  l'Arsenal  (XI Ile  siècle),  15  livrai- 
sons trimestrielles  de  32  planches  phototypiques  avec  la  transcription  des 
mélodies  en  notation  moderne.  Notices   par  M.  A.  Jeanroy,  professeur    à  la 

Faculté  des  Lettres  de  Toulouse.  La  livraison 10  fr. 

(On  ne  souscrit  qu'à  l'ensemble  de  la  publication.) 

M.    BRENET.    —  Les  Musiciens  de  la  Sainie-Chapelle  du   Palais.  —  Un  volume 

in-4"  fl^  3<^o  P'igs^ 15   fr. 

J.  ECORCHEVILLE.  —  Catalogue  du  fonds  de  Musique  ancienne  de  la  Biblio- 
thèque Nationale  (jusqu'en  1750.)  —  Huit  volumes  de  250  pages  chacun, 
contenant  dix  mille  thèmes  de  musique,  et  de  nombreux  fac-similé.  L'ouvrage 
complet 500  fr. 

SOUS  PRESSE 

H.  QUITTARD.  —  L'Œuvre  de  clavecin  de  Clianibonmcres  d'après  l'édition  de 
1670  et  le  manuscrit  Vm7  1852  de  la  Bibliothèque  nationale.  —  Un  volume 
in-4''  de   100  pages  de  musique 5  fr. 

EN  PRÉPAR.VriON 

A.  PIRRO.  —  Les  correspondants  du  Père  Mersenne.  —  Publication  de  la  cor- 
rc-^pfjndance  musicale  adressée  à  Mersenne  et  conservée  à  la  Bibliothèque 
X.itioiiak-.   Vol.   I   (7^./^.  Doni)  —  Un   volume  in-4"  d*-'  -C)0  pages     .... 

L.   DE  LA  LAURENCIE.   —  Les  Musiciens  de  la  Maison  du  Roy  aux  XVII"  et 
X\'III'    siècles.  (Inventaire  musical  de    l:i  Série  O'  des  Archives    nationales) 
-    Diiix   volumes  de  200  pages   chacun. 

E.  BLOCHET.  —  Traité  de  Musique,  composé  par  Sharaf  ed-])in  Haroun. 
(XI ir  siècle),  d'après  le  manuscrit  original  de  la  Bibliothèque  Nationale. 
Traduction  et  fac-similé  du  texte  Arabe.  —  Un  volume  in-4"  *^'*-'   ^^^o  pages. 

H.  DE  CURZON.  —  Correspondance  des  Directeurs  de  l'Opéra,  conservée  aux 
Arciiivts  Nationales.  —   Un  volume  in-4''  ^^^   "S^  P«iS^'^- 

L.  LALOY.  —  K'în  poii.  Recueil  d'Airs  pour  le  A''/«  ou  lulli  ciiinois,  transcrits 
de   la   tai)lalure.  ^ 

l.K    COMITK    Dir.    I.A    l't '  lU.ICATION'  : 

P.   Aubpy,   M.  Bi-eiiet.  L.  Dnurlac,  J.  Ecorclievllle,  H.    Expert.  L.    ilc  In    Lnureiicle, 
Cti.   Mnllierbe,    E.  Polréo,    G.  Pi'otl'hoiiinio,    R.    Rollniid,  J.  TIersot. 


JAQUES-DALCROZE 

Cours,   d'Octobre    1910    à    Juin     1911,    dans    les    salles    de 
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DU    RYTHME   MUSICAL   ET    PLASTIQUE;    FORMATION 

DE  L'OREILLE. 

COURS  NORMAL  pour  les  futurs  maîtres  de  gymnastique    rythmique    selon    la 

méthode  Jaques-Dalcroze. 

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Bildungs  Anstalt  fur  MusiR  und  Rythmus 
DRESDEN   15  —  Hellerau. 


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Siège    Social  :    20.    RUE    DU    DRAGON     —     Vente    au    détail  :    9.     RUE    DE    MÉDICIS. 

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DES   XVIl"   ET  XYIIl"   SIECLES   FRANÇAIS 

publiées  par  Henry  Expert 
Harmonisées    par    Emiie    Desportes 

Chaque   chanson    en    grand    format   O  fr.  50 


Musique  de  Chambre 

(ÉCOLES   ANCIENNES) 

Corelli  —  Couperin  —  Rameau  —  Mondonville 
Du  Caurroy  —  Masciti 


Trios  et  Quatuors  avec  accompagnement. 


PAUL  DUPIN: 

Poèmes  pour  Quatuor  à  Corde     .     .  4  fr.  net 
Pastorale,  piano  et  violon     ....  1.70 

Recueil  de  mélodies 7  fr.  net 


J.  DEBROUX: 

Les  Maîtres  du  Violon,    au  XVIP    et  XVIIP 

siècle 

25  sonates  déjà  parues     net  2  fr. 


ENVOI    FRANCO    DU    CATALOGUE    SUR    DEMANDE. 


Par  ces  temps  d'automobilisme  à  outrance, 
les  nombreux  voyageurs  qui  sillonnent  la  route 
de  Bordeaux  à  Rayonne  de  toute  la  vitesse  de 
leur  40  chevaux,  ne  se  doutent  pas  que  der- 
rière le  rideau  de  pins,  de  chênes  ou  de 
bruvères,  source  d'impressions  mélancoliques 
qu'ils  brûlent  impitoyablement,  se  cachent  des 
paysages  enchanteurs,  véritables  oasis,  semées 
çà  et  là,  pour  reposer  les  yeux  et  l'esprit 
d'une  désolation  par  trop  persistante.  Qu'ils 
donnent  un  coup  de  frein  et  s'arrêtent  un 
instant  devant  le  tableau  que  nous  allons  leur 
présenter  :  ils  ne  le  regretteront  pas. 

C'est  un  petit  village  :  cinq  ou  six  maisons 
très  proprettes,  très  blanches  se  groupent  au- 
tour d'une  église  sans  prétention  et  sans  style, 
mais  aux  allures  de  vieille  coquette  qui  semble 
vouloir  se  laisser  deviner  ou  se  faire  désirer  au 
milieu  du  bosquet  et  de  la  verdure  qui  la 
dérobent  aux  regards. 

Le  village  est  civilisé.  Les  maisons  sont 
deux  auberges,  le  bureau  de  tabac,  une  cabine 
téléphonique,  la  mairie,  le  presbytère,  une 
maison  d'école,  reliés  par  un  boulevard  tout 
comme  au  cœur  de  Paris,  et  une  place  en 
quinconces  semblable  à  celle  de  Bordeaux. 
Notre  petit  village  n'a  rien  à  envier  aux  plus 
grandes  cités  et  sagement  il  ne  leur  envie 
rien.  Sa  population  ne  l'encombre  point,  elle 
s'étend  dans  la  campagne  et  ne  se  réunit 
qu'aux  temps  de  repos,  le  Dimanche  et  les 
jours  fériés,  pour  traiter  les  affaires  de  la 
commune,  satisfaire  sa  piété  ou  prendre  quel- 
ques instants  de  distraction. 

Aussi  le  voyageur  peut  sans  crainte  s'avan- 
cer seul,  guidé  par  des  écriteaux  nombreux 
qui  témoignent  d'une  administration  pré- 
voyante et  surtout  très  jalouse  de  ses  droits, 
suivre  une  jolie  route  qui  serpente,  qui  descend 
vers  une  rivière  rieuse  que  l'on  traverse  sur 
un  pont  rustique  appelé,  hélas  !  à  disparaître 
bientôt,  qui  remonte  ensuite  dans  un  bois  de 
pins  passé  à  la  tondeuse,  et  il  se  trouve  alors 


tout-à-coup  de\'ant  une  pelouse,  éclatante  de 
verdure,  parsemée  de  bouquets  d'arbres  d'es- 
pèces variées,  et  sur  laquelle  un  peintre  im- 
pressionniste a  semé  quelques  taches  blanches 
et  brunes  :  les  troupeaux  qu'elles  représentent 
annoncent  une  ferme  ou  un  château.  Avan- 
çons encore  sans  avoir  peur  d'effrayer  les 
lapins  qui  s'enfuient  sous  nos  pas  ou  les 
faisans  qui  volent  sur  nos  têtes,  et  sur  le  flanc 
du  coteau  apparaît  comme  le  joyau  de  tout  le 
paysage,  une  coquette  demeure,  percée  de 
verrières,  à  la  fois  castel  et  villa,  semblant 
nous  dire  :  "  Venez,  ne  craignez  point,  vous 
serez  bien  accueilli.  "  Devant  cette  invite  gra- 
cieuse, nul  ne  résiste  :  point  n'est  besoin  de 
sonner,  on  pousse  un  portail  toujours  ouvert, 
et  l'on  est  arrivé. 

Dans  ces  lieux  enchanteurs,  tout  est  amé- 
nité, et  celui  qui  les  a  créés  a  su  leur  donner 
la  caractéristique  de  sa  propre  individualité  : 
que  le  maître  soit  là,  ou  qu'il  soit  sur  ses 
terres,  le  passant  est  toujours  assuré  d'être  le 
bienvenu.  "  Vous  venez  en  touriste,  très  bien, 
mon  cher  Monsieur,  nous  allons  faire  le  tour 
du  propriétaire.  "  Et  c'est  la  promenade  dans 
les  allées  ombreuses,  la  visite  aux  champs  et 
aux  guérets,  on  dévale  le  coteau,  on  entre 
dans  les  taillis,  et  partout  le  paysage  est  vivant 
et  animé,  non  par  les  humains  dont  on  n'aper- 
çoit que  de  rares  spécimens,  vaquant  aux 
divers  tra\aux  des  champs,  mais  par  une  faune 
variée  destinée  aux  plaisirs  de  la  chasse.  "  Je 
vous  conduis  au  pont  du  Diable,  car  nous 
avons  su  nous  donner  une  réduction  très 
fidèle  des  ravins  suisses  et  des  cascades  pyré- 
néennes. "  Le  tout  bien  ordonné  et  posé 
admirablement  à  sa  place.  Pour  combler  l'il- 
lusion, le  cor  de  Rolland  retentit  et  un  écho 
répond  à  la  tierce.  Les  Maures  ne  sont  pas 
loin,  mais  n'ayez  nulle  crainte,  ils  sont  domes- 
tiqués et  vous  amènent  le  char  qui  doit  vous 
aider  à  contiiuier  la  promenade.  Vous  vous 
laissez    doucement    conduire    et   vous    n'avez 


L'ACTUALITE 


449 


qu'à  admirer  un  paysage,  plein  de  fantaisie  et 
d'imprévu,  et  néanmoins  réglé  avec  un  ordre 
parfait.  On  sent  que  celui  qui  le  possède  l'a 
voulu  ainsi  pour  son  grand  amour  du  Fini 
dans  l'Art  qui  a  été  le  but  de  sa  vie  :  on  com- 
prend alors  qu'il  ne  s'arrache  qu'avec  peine 
à  cette  délicieuse  solitude,  où  il  trouve  toutes 
les  sensations,  qu'il  sut  lui-même  communi- 
quer aux  foules. 

Vous  saluez,  en  la  quittant,  cette  demeure 
du  Sage  dont  votre  cœur  et  vos  yeux  empor- 
tent une  image  profonde  :  L'une  et  l'autre 
vous  ont  également  conquis. 

Et  cependant,  quelque  suaves  qu'aient  été 
ces  impressions,  elles  ne  sont  pas  compara- 
bles à  celles  qu'éprouvent  les  nymphes  de  ces 
bosquets,  lorsque,  le  soir  venu,  elles  prêtent 
l'oreille  aux  accents  qui  sortent  de  la  maison 
silencieuse  le  jour,  mais  vibrante,  l'ombre 
venue,  du  langage  des  dieux.  Seuls,  vous  les 
connaissez,  ô  chantres  des  forêts,  doux  ros- 
signols qui  apprenez  à  égrener  vos  roulades 
sur  les  tendres  nocturnes  de  Chopin  ou  les 
douces  rêveries  de  Schumann,  que  seuls  désor- 
mais vous  êtes  admis  à  entendre  !... 

Car  le  petit  village  s'appelle  S*  Avit  et  celui 
qui  n'a  plus  d'autre  ambition  que  d'étendre 
sur  lui  sa  douce  et  chère  influence,  vous  l'avez 
déjà  nommé,  c'est  Francis  Planté. 

Jean  de  l'Armagnac. 


Çà  et  Là 

La  Société  Hàndel  inscrit  aux  programmes 
de  ses  concerts  pour  l'année  prochaine,  les 
œuvres  suivantes  : 

G.  F.  Handel  :  Saûl  ;  Te  Deum  de 
Dettingen  ;  Coronation  Anthem.  Fragments 
de  la  Fête  d'Alexandre  et  de  l'oçcasional 
Oratorio.  Concerti  grossi. 

Lully  :  Extraits  d'Isis  et  du  Triomphe  de 
l'Amour. 

Schûtz  :  Concerts  spirituels. 

Gossec,  Stamitz  :  œuvres  instrumentales,  etc. 

—  Le  Société  F.  S.  Bach  sous  la  direction 
de  M.  G.  Bret,  annonce  pour  la  saison  1910- 
191 1,  quatre  concerts  d'abonnement  dont  le 
premier  aura  lieu  le  1 8  novembre  avec  le  pro- 
gramme suivant  :  Suite  en  ut  majeur  pour 
orchestre  (i''®  audition);  Cantate  nuptiale  "  O 
Holder  Tag"  ;  Cantate  burlesque  "  Nous  avons 
un  nouveau  gouverneur  "  ;  (M"*^  Laupecht 
von  Lammen  de  Francfort,  M.  Demetrio 
Floresco  ;)  Concerto  en  mi  majeur  pour  violon 
(M.    Daniel    Herrmann)  ;    Prélude    et  fugue 


450 


L'ACTUALITE 


en  sol  mineur,  pour  orgue  (M.  Joseph  Bonnet). 
Sera  reprise  ensuite  la  série  des  grandes  audi- 
tions avec  la  Passion  selon  Saint  Matthieu  qui 
occupera  les  soirées  du  i6  décembre  et  1 7 
mars,  le  défi  de  Phœbus  et  de  Pan,  l'Ode  funè- 
bre etc..  Comme  par  le  passé,  les  concerts 
seront  donnés  salle  Gaveau  et  précédés  d'une 
répétition  publique  qui  aura  Heu  la  veille 
(toujours  le  jeudi  à  4  heures). 

—  La  "  Neue  Bach-Gesellschaft  "  \ient  de  ' 
recevoir  un  don  important.  M.  Hermann 
Obrist,  le  sculpteur  de  Munich,  a  offert  à 
cette  Société  la  précieuse  collection  de  son 
frère,  le  conseiller  Aloys  Obrist,  parmi  laquelle 
se  trouvent  des  instruments  semblables  à  ceux 
dont  se  servait  J.  S.  Bach.  Par  vénération 
pour  le  travail  de  son  frère,  M.  Hermann 
Obrist  a  exprimé  le  désir  de  voir  ces  instru- 
ments conser\és  au  Musée  Bach  d'Eisenach, 
dans  la  maison  où  naquit  le  grand  musicien  ; 
nulle  place  ne  pouvait  mieux  convenir  à  la 
donation  "  Jloys  Obrist.  " 

—  M.  Rhené-Baton,  Directeur  Artistique 
des  Concerts  Populaires  d'Angers  dirigera  cet 
hi\er,  —  en  plus  du  répertoire  classique  et 
moderne  — ,  les  œuvres  suivantes  dont  ce  sera 
la  première  audition  à  Angers  :  Symphonies 
de  Chausson,  Boelhnann,  Casadesus,  Gedalge  ; 
suites  d'orchestre  de  Saint-Saëns,  Piernè,  Mas- 
senet,  Coquard,  Casella,  Roger-Ducasse  ;  ou\er- 
tures  de  Paul  Dukas,  Saint-Saëns,  Trèmisot  ; 
œuvres  diverses  de  Vincent  d' lnd\\  Borodine, 
Stravinsky,  Sporck,  Jaques-Dalcroxe,  Debussy, 
Gemain,  Samazeuilh,  Golrstan,  Brisset,  Enesco  ; 
et  parmi  les  œuvres  classiques  :  Symphonie  de 
Haydn,  Sérénade  de  Mozart,  concerto  grosso 
de  (Jore/li,  concerto  pour  4  violons  de  Fivaldi, 
Pastorale  de  l'oratorio  de  Noël  ilc  Biuh,  Airs 
de  ballet  et  cantates  de  Rameau. 

M.  Rhené-Baton  donnera  également  deux 
concerts  avec  chceurs.  Dans  l'un  il  exécutera 
la  Damoiselle  Ecue  de  M.  Debuss)-.  —  L'autre 
concert  sera  entièrement  consacré  à  une  des 
grandes  ct-uvres  de  Berlioz. 

—  L'ifitéressante  Socikê  des  Concerts  Fran- 
çais, de  Londres,  annonce,  pour  cette  saison, 
cinq  concerts  consacrés  aux  œu\  res  de  S'-Saëns, 
Fauré,    d'Indy,    Debussy,    Chausson,    Pierné, 


Caplet,  Ducasse,  Lenormand,  Koechlin,  FI. 
Schmitt,   Moret,   de   Castillon,  VVoollett,  etc. 

Les  artistes  engagées  sont  :  M°'*^*  Durand- 
Texte,  Willaume-Lamber,  Blanche  Marchesi, 
Marcelle  René  Doire,  M'"*  Autran,  MM. 
Dumesnil,  A.  Mangeot,  la  "  Société  des 
Listruments  à  vent  "  et  le  "  Quatuor  vocal 
Mauguière." 

Cette  troisième  saison  de  concert  aura 
certainement  le  même  succès  que  les  précé- 
dentes et  tous  les  musiciens  applaudiront  à 
l'activité  que  déploie  chaque  année  M.  ].  T. 
Guéritte. 

—  Voici  les  principales  œu\  res  qui  seront 
données  cet  hiver  à  Leipzig:  Berlin  :  Requiem 
(exécution  intégrale),  symphonie  Fantastique, 
ouvertures,  etc.  ;  Charpentier  :  Impressions 
d'Italie;  Debussy:  La  Damoiselle  élue,  Iberia; 
Schubert:  Stabat  Mater,  symphonies;  Bruchier: 
Messe  en  fa  min.,  s\mphonies  ;  Haydn  : 
Messes,  oratorios,  symphonies,  etc.  ;  Liszt  : 
Christus,  Messe  de  Grau,  Sainte  Elisabeth, 
le  13'' psaume,  symphonies,  poèmes  symphoni- 
ques,  concertos,  œu\res  pour  piano,  etc.  ; 
Bach  :  Cantates,  Passion  selon  St  Jean,  Messe 
en  mi,  etc.  ;  Hdndel  :  Deborah,  Baltazar, 
concerti  grossi,  cantates,  etc. 

Œuvres  de  Wogrsch,  Nowowiezski,  Schu- 
mann,  E.  Koch,  Beetho\en,  R.  Strauss, 
Mailler  (4''  symph.),  C.  Horn,  Tschaïkowsky, 
Dukas,  Blegle,  Brahms,  etc. 

—  Notre  collègue  Adolphe  Boschot  \ient 
de  prendre  à  V Echo  de  Paris  la  succession  du 
regretté  Arthur  Coquard.  Nous  adressons  nos 
bien  \  i\es  félicitations  à  notre  ami  Boschot, 
et  nous  constatons  avec  grand  plaisir  que,  de 
tous  les  candidats  à  ce  poste  en\  ié,  c'est  un 
membre  du  bureau  de  notre  Section  Parisienne 
de  la  S.  I.  M.  qui  a  été  élu. 

—  Un  autre  de  nos  collègues,  M.  Gabriel 
Astruc,  Directeur  de  la  Société  Musicale  reçoit 
la  croix  de  la  légion  d'honneur,  que  son  in- 
lassable zèle  pour  la  musique,  lui  avait  depuis 
longtemps  méritée.  Nous  n'oublions  pas  que 
M.  Austruc  fut  un  des  promoteurs  de  notre 
Section,  à  hiipielle  il  donna  généreusement 
.isile  clans  le  pavillon  de  Hanovre,  pendant  les 
priinièies  années  île  notie  existence.  Nos  plus 


L'ACTUALITE 


451 


sincères  compliments  au  collègue  aimable,  et 
au  sympathique  Directeur  de  \^.  Société  Musicale. 
—  Le  22  octobre  commençait  à  l'opéra- 
comique  la  série  des  Concerts  Historiques  de  la 
Musique  que  M.  Carré  eut  la  bonne  idée  d'orga- 
niser et  qui  ont  pour  objet,cette  armée,  l'histoire 
de  la  Mélodie.  Notre  collègue  M.  Henri 
Expert,  bibliothécaire  du  Conservatoire,  fit 
une  courte  mais  éloquente  conférence  sur  la 
Mélodie  du  Moyen  âge  et  de  la  Renaissance  ; 
les  auditeurs,  ainsi  avertis,  goûtèrent  beaucoup 
la  musique  des  Marcabru,  Rambaud  de 
Vaqueiras,  Thibaud,  roi  de  Navarre,  Janne- 
quin,  Claude  le  Jeune,  du  Caurroy,  Mauduit, 
dont  les  interprètes,  est-il  besoin  de  le  dire, 
rendirent  si  bien  l'apparente  naïveté.  Ces  con- 
certs sont  l'indice  que  le  goût  du  public 
s'oriente  peu  à  peu  vers  la  musicologie  :  voilà 
bien  de  quoi  se  réjouir. 


—  La  Société  Haeridel  dont  nous  avons 
publié  d'autre  part  le  programme  de  la  saison, 
donnera  à  l'Eglise  S'  Eustache,  le  22  novem- 
bre, à  3  heures,  une  exécution  intégrale  du 
Te  Deum  de  Dettingen  (1743)  de  G.  F, 
Haendel.  On  peut  se  procurer  des  cartes 
d'entrée  à  la  Sacristie  de  S'  Eustache. 

—  Sous  le  titre,  Chansons  lointaines  le  déli- 
cat poète  Pierre  Reyniel  vient  de  faire  paraître 
un  recueil  de  poésies  qui  sera  bien  accueilli 
des  lettrés  et  des  musiciens. 

—  tM.  Alfred  Cottin  a  repris  ses  leçons 
particulières  et  ses  cours  124'^^'*  Avenue  de 
Villiers  où   il   reçoit  le  Samedi  de  5  h.  à  7  h. 

—  Nous  sommes  heureux  d'annoncer  à  nos 
lecteurs  que  notre  correspondant  de  Nancy, 
M.  H.  Parisot  vient  d'être  nommé  Secrétaire 
du  Conservatoire  de  cette  ville.  Toutes  nos 
félicitations. 


SOCIÉTÉ  MUSICALE,  G.  ASTRUC  &  C'%  32,  Rue  Louis-le-Grand,  (Pavillon  de  Hanovre). 

SALLE  GAVEAU,  45,  Rue  La  Boëtie,  PARIS 
Le  SAMEDI   19   NOVEMBRE   1910.  à  9  heures  du  soir 

CONCERT    donné   par 

ENSEMBLE  VOCAL   SPOEL 

Sous  le  Haut  Patronage  S.  M.  LA  REINE  MÈRE  DES  PAYS=BAS 
et  sous  la  Direction  de  M.  ARNOLD  SPOEL 

Professeur  de  chant  au  Conservatoire  Royal  de  La  Haye 


Première  Partie 


PROGRAMME 


Deuxième  Partie 


1.  a.  Tenebrae  factae  sunt    .     .     .     Palestrina  (1514-15941 

b.  Ecce,  quomodo  moritur    .     .     Gallus  (  1550-1591) 

c.  O  vos  omnes F.  A.  Valotti 

(1697-1780) 

2.  Crucifixus A.  Lotti  (1667-1740) 

(Chœur  à  8  voix). 

3.  a.  Du  Hirte  Israëls  (Vous,  ber- 

ger d'Israël) Dimitri  Bortnianski 

(1752-1825) 

b.  Ave  Verum W.  A.  Mozart 

(1756-1791) 

4.  Trauergesang  (Chant  funèbre)  .     Martin  Blumner 

(1827-1898) 


5.  Xoël 

6.  a.  La  Violette 

b.  Grisélidis 

Brunettes  à  4  voix. 

7.  a.  O  dolci  lacci 

b.  Vieni,  vieni  nei  boschetto   .     . 

Canons  à  3  voix  de  femmes. 

8.  Calme  des  Xuits 

9.  a.  Bede  voor  het  Vaderland. 

(Prière  pour  la  Patrie)     .     .     . 

b.  'k  Kwam  laestmael  over  bergen 
en  dalen  (Je  cheminais  par 
montagnes  et  vallées)   .     .     .     . 

c.  Slaep,  kindeke,  slaep  (dors  mon 
enfant,  dors) 

Adaptées  par  Florimond  V 

10.  04:he  bon  ecco 

(Chœur  à  8  voix)     / 


Arnold  Spoel  1859 
1650 

L.  Cherubini 
(1760-1842) 

Saint-Saëns  (1835) 

A.  Valerius  (1625) 

Vieilles  Chansons 
Néerlandaises 
du  XVIII  siècle 

Duyse  (1843-1910) 

Orlando  di  Lasso 

(1532-1594) 


BILLETS  :  15  fr.  —  10  fr.  -  8  fr.  —  5  fr.  —  3  fr.  —  2  fr.  —  1  fr. 


Notre  encartage 


Nous  publions  ce  mois-ci,  sous  forme  d'un  encartage,  une 
Bibliographie  de  la  musique  exotique,  à  laquelle  notre  collègue 
M.  Q.  Knosp  a  depuis  longtemps  consacré  ses  efforts.  Cette 
bibliographie  paraîtra  successivement  dans  chaque  numéro,  et 
formera  une  brochure  de  trente-deux  pages  environ.  Elle  sera  suivie 
d'un  certain  nombre  d'ouvrages  du  même  genre.  S.  I.  M.  espère  que 
tous  les  chercheurs  lui  sauront  gré  de  mettre  à  leur  disposition  des 
instruments  de  travail  et  d'investigation  dont  notre  histoire  musicale 
sent  l'impérieux  besoin. 

La  T^édaction, 


NOUVELLE  ÉDITION  DES  ŒUVRES  CLASSIQUES  POUR  PIANO 


Dans  quelque  ordre  d'idée  qu'on  se  place:  lettres,  sciences,  art,  une  éducation  qui  ne  serait  pas  basée  sur 
l'étude  des  classiques  ne  saurait  être  ni  complète,  ni  forte.  Connaître  la  littérature  moderne,  ou  la  peinture 
moderne,  ou  la  musique  moderne,  c'est  connaître  seulement  une  partie  —  et  non  les  origines  et  le  développe- 
ment —  de  la  littérature,  ou  de  la  peinture,  ou  de  la  musique.  En  effet,  tous  ceux  qui,  dans  l'immense  domaine 
de  l'esprit  humain,  ont  semblé  apporter  des  éléments  nouveaux,  des  pensées  et  un  langage  jusqu'alors  inconnus, 
n'ont  fait  que  traduire,  à  travers  leur  sensibilité  personnelle,  ce  que  d'autres  avaient  déjà  pensé  et  dit  avant  eux  ; 
de  même  que  la  forme  de  leur  langage,  pour  si  brillante  ou  hardie  qu'elle  soit,  ne  fait  que  résumer  les  efforts, 
les  acquisitions,  les  g^rogrès  successifs  que  nous  a  légués  le  passé. 

Pour  bien  connaître  un  art,  quel  qu'il  soit,  il  ne  faut  donc  rien  ignorer  ni  de  ses  origines,  ni  de  son 
développement.  Ici  il  s'agit  de  musique  et,  tout  particulièrement,  de  musique  de  piano.  Aussi  ajouterai-je  que 
s'il  est  indispensable  pour  un  compositeur  de  recourir  aux  exemples  que  peuvent  lui  fournir  les  productions  des 
maîtres  de  tous  les  temps  et  de  toutes  les  écoles,  il  est  également  indispensable,  pour  un  pianiste,  de  connaître, 
en  remontant  aussi  loin  que  possible,  la  longue  et  si  intéressante  suite  des  œuvres  écrites  pour  le  piano,  de 
s'assimiler  leurs  formes  et  leurs  caractères  différents,  d'en  suivre,  en  un  mot,  la  progression,  s'il  veut  parvenir 
à  les  traduire,  non  seulement  avec  la  technique  qu'elles  comportent,  mais  encore  avec  toute  la  justesse 
d'expression  et  toute  la  variété  de  style  nécessaires. 

Mettre  à  la  portée  des  élèves  de  piano  toute  l'admirable  production  qui,  commençant  par  les  clavecinistes, 
les  conduira  jusqu'à  Chopin  et  Schumann,  c'est  ce  que  vient  de  réaliser  la  Maison  Ricordi  avec  un  soin  qu'on 
ne  saurait  trop  apprécier  et  une  sûreté  d'information  qui  s'est  appuyée,  autant  qu'il  a  été  possible,  sur  les 
manuscrits  originaux.  Pour  J.  S.  Bach  et  pour  les  clavecinistes,  elle  a  fait  plus  :  considérant  que  les  dons  naturels, 
que  l'instinct  le  plus  sûr  peuvent  s'égarer  devant  le  caractère  si  spécial  de  ces  œuvres,  elle  a  joint  à  chacune 
d'elles  une  sorte  d'analyse  qui  en  établit  le  plan  général  et  renseigne  l'élève  sur  la  nature  des  périodes  mélodiques, 
sur  leur  ponctuation  et  leur  accentuation.  D'autre  part,  elle  fixe  avec  précision  l'exécution  technique,  —  objet 
de  tant  de  controverses,  —  des  trilles,  des  groupes,  des  "mordants  "  qui,  dans  la  musique  de  clavecin,  repré- 
sentaient plutôt  un  moyen  d'expression  qu'un  enjolivement.  Enfin,  pour  ce  qui  concerne  certaines  œuvres  de 
musique  moderne,  notamment  celles  de  Chopin,  l'Edition  Ricordi  comporte  des  indications  très  précieuses  et 
très  judicieusement  établies  sur  l'emploi  de  la  pédale. 

On  peut  juger  par  ce  que  je  viens  de  dire,  quel  parfait  moyen  d'éducation  —  à  la  fois  technique  et  intel- 
lectuel —  représente  cette  magnifique  publication  des  Maîtres  du  piano  à  laquelle  on  doit  souhaiter  et  l'on  peut 
prédire  le  plus  grand  et  le  plus  légitime  succès.  GABRIEL    FAURE. 

Pour  le  catalogue  des   "  ŒUVRES    CLASSIQUES  "  ci-dessus,  il  suffit  d'écrire  à  la  Maison 

G.   RICORDI   &  Co,   62,   Boulevard   Malesherbes,  PARIS. 
Il  sera  fait  une  remise  spéciale  aux  artistes  et  professeurs. 


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INTERNATIONALE    DE    MUSIQUE 

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PARUS 
H.   QUITTARD.  —  Le  Trésor  d'Orphée,  par  Antoine  Francisque,    tablature    de 

luth,  transcrite  pour  piano  à  deux  mains;  i  volume  in  4°  de  100  pages    ...        5  fr. 

J.   ECORCHEVILLE.  —  Actes  d'Etat    civil    d'artistes    musiciens    insinués    au 

Châtelet  de  Paris  (1539-1650);   i  volume  in-4'' 10  fr. 

A.   GASTOUE.  —  Catalogue  des  mss.  de    musique    b^^zantine    conservés    dans 

les  bibliothèques  de  France;  i  volume  in-4° 20  fr. 

P.  AUBRY.  —  Cent   motets    du    XlIIe    siècle,    tirés    du    ms.    Ed.    VI-4    de    la 

Bibliothèque  de  Bamberg  ;  3  volumes  in  4° 150  fr. 

P.  AUBRY.  —  Le  Chansonnier  français  de  l'Arsenal  (XlIIe  siècle),  15  livrai- 
sons trimestrielles  de  32  planches  phototypiques  avec  la  transcription  des 
mélodies  en  notation    moderne.    Notices  par  M.  A.  Jeanroy,  professeur  à  la 

Faculté  des  lettres  de  Toulouse.  La  livraison 10  fr. 

(On  ne  souscrit  qu'à  l'ensemble  de  la  publication.) 

SOUS  PRESSE 

J.  ECORCHEVILLE.  —  Catalogue  du  fonds  de  Musique  ancienne  de  la  Biblio- 
thèque Nationale  (jusqu'en  1750.)  —  Huit  volumes  de  250  pages  chacun, 
contenant  dix  mille  thèmes  de  musique,  et  de  nombreux  fac-similé.  L'ouvrage 
complet 400  fr. 

H.  QUITTARD.  —  L'Œuvre  de  clavecin  de  Chavibonnières  d'après  l'édition  de 
1670  et  le  manuscrit  Vm7  1852  de  la  Bibliothèque  nationale.  —  Un  volume 
in-4°  de  100  pages  de  musique , 5  fr. 

M.   BRENET.  —  Les  Musiciens  de  la  Sainte-Chapelle  du  Palais.  —  Un  volume 

in-4"  de  300  pages 15  fr. 

EN  PRÉPARATION 

A.  PIRRO.  —  Les  correspondants  du  Père  Mersenne.  —  Publication   de  la  corres- 

pondaiice    musicale    adressée    à    Mersenne  et    conservée    à    la    Bibliothèque 
Nationale.  Vol.  I  {J.B.  Boni)  —  Un  volume  in-4°  de  200  pages     .... 

L.  DE  LA  LAURENCIE.  —  Les  Musiciens  de  la  Maison  du  Roy  aux  XVI P  et 
XVIII"  siècles.  (Inventaire  musical  de  la  Série  O'  des  Archives  nationales) 
—  Deux  volumes  de  200  pages  chacun. 

B.  BLOCHET.    —    Traité    de   Musique,    composé  par    Sharaf   ed-Din    Haroun. 

(XII 1  Niècle),  d'après    le  manuscrit    original    de    la    Bibliothèque    Nationale. 
Tiadiiction  et  fac-similé  du  texte  Arabe.  —  Un  volume  in-4°  de  100  pages. 

H.  DE  CURZON.  —  Correspondance  des  Directeurs  de  l'Opéra,  conservée  aux 
Archives  Nationales.  —  Un  vol.  in-4"  ^^  ^5°  pages. 

L.  LALOY.  —  K'tn  poii.  Recueil  d'Airs  pour  le  k'tn  ou  luth  ciiinois,  transcrits 
(le  l.i  tablature. 

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P.  Aubry,  M.  Brenet,  L.  Daurinc.  J.  Ecopchevllle,  H.  Expert,  L.  de  In  Lnurencle, 
Ch.  Malherbe,  E.  Poirée,  G.  Prod'homme,  R.  Rollnnd,  J.  Tlersot. 


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C'est   dans   cette   Collection,    qui   peut   être   mise   entre   toutes  les  mains,  qu'ont  déjà  paru  : 
Anthologie  des  Poètes  français  du  xix"  Siècle  (1800  à  1866),  par  G.  Pellissier. 
Anthologie  des  Poètes  français  Contemporains  (1866  à  nos  jours),  par  G.  Walch. 
Victor  Hugo.  Morceaux  choisis,  Prose,  par  J.  Steeg. 

—  —  Poésie,  par     — 

—  —  Théâtre  par  H.  Parigot. 

Alfred  de  Musset.  Œuvres  choisies  (prose  et  poésie),  par  E.  Morillot. 

Alfred  de  Vigny.  Œuvres  choisies  (prose  et  poésie),  par  Tréfeu. 

Ferdinand  Fabre.  Œuvres  choisies,  par  Maurice  Pellisson. 

Rudyard  Kipling.  Traduction  française.  Œuvres  choisies,  par  Michel  Epuy. 
Elle  se  continuera  par  la  publication  de  l'ANTHOLOGIE  DES  PROSATEURS  FRANÇAIS 
CONTEMPORAINS  (1850  à  nos    ours),  qui  comportera  3  vol.  : 
Tome  I.     —  Les  Romanciers. 

Tome  II.    —  Les  Historiens  —  Mémorialistes  —  Ecrivains  et  orateurs  politiques. 
Tome  III.  —  Les  Critiques  littéraires  —  Critiques  d'art  —  Moralistes  —  Philosophes  —  Ecri- 
vains et  Orateurs  religieux  —  Écrivains  scientifiques  —  Divers. 

VIENT  DE  PARAITRE  : 


ANTHOLOGIE   DES 

PROSATEURS    FRANÇAIS 

CONTEMPORAINS 

(1850  à  nos  Jours) 

Tome  I.  —  LES    ROMANCIERS 

par    g.    PELLISSIER 

Docteur  ès-lettres. 
Ce  volume  de  500  pages  environ  comprend,  pour  chaque  auteur,  une  notice  biographique  et 
bibliographique  et  la  reproduction  d'un  autographe.  Il  a  été  fait  un  choix  d'extraits  pris  dans  les 
Œuvres  les  plus  caractéristiques  de  chaque  écrivain.  L'ordre  chronologique  a  guidé  le  classement, 
sans  aucune  exclusion  ni  parti  pris  d'école.  Une  préface  reconstitue  l'histoire  du  Roman  pendant 
ces  soixante-dix  dernières  années. 


PRINCIPAUX   AUTEURS 

CITES  : 

V.  Hugo. 

H.  Malot. 

V.  de  risle  Adam. 

J.  Lemaître. 

A.  Hermant. 

Fromentin. 

G.  Droz. 

Huysmans. 

Rodenbach. 

M.  Prévost. 

0.  Feuillet. 

A.  Theuriet. 

0.  Mirbeau. 

L.  Descaves. 

H.  de  Régnier. 

G.  Flaubert. 

J.  Vallès. 

G.  Ohnet. 

J.-H.  Rosny. 

J.  Renard. 

Erckmann  Chatrian. 

L.  Halévy. 

M.  de  Vogue. 

Hervieu, 

L.  Daudet. 

Les  Goncovu-t, 

E.  Le  Roy. 

J.  Richepin. 

Rod. 

P  Louys. 

A.  Dumas  fils. 

J.  Claretie. 

Gyp. 

A.  Capus. 

M.  Tinayre. 

F.  Fabre. 

A.  Daudet. 

G.  de  Maupassant. 

Courteline. 

G.  Farrére. 

E.  About. 

E.  Pouvillon. 

P.  Loti. 

P.-V.  Margueritte. 

Ctesse  de  Noailles 

J.  Verne. 

E.  Zola. 

Elémir  Bourges, 

P.  Adam. 

R.  Boylesve. 

V.  Cherbuliez. 

A.  France. 

F,  Bourget. 

M.  Barrés. 

G.  Lecomte,  etc. 

SOUS   PRESSE  : 

ANTHOLOGIE    DU   THEATRE    FRANÇAIS   CONTEMPORAIN 

par   G.    PELLISSIER 

Ce   volume   sera   conçu  sur   le   même   plan   que   le   précédent,  avec   notices  et  autographes. 

Il   contiendra  frose   et   vers. 


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c*> 


Lettre  d' HECTOR  BERLIOZ 


Pans,  25  Septembre  1867. 
Messieurs  Steinway  et  Fils, 

J'ai  entendu  les  magnifiques  pianos  qui  sortent  de 
votre  fabrique.  Permettez-moi  de  vous  faire  mes 
compliments  sur  leur  excellence  et  les  rares  qualités 
qu'ils  possèdent. 

Leur  sonorité  est  splendide  et  essentiellement 
noble  ;  en  plus  vous  avez  découvert  le  secret  de 
diminuer  jusqu'à  un  point  imperceptible  l'harmonie 
déplaisante  de  la  septième  mineure,  qui  jusqu'à 
présent  se  faisait  entendre  à  la  huitième  et  neu- 
vième vibration  des  plus  longues  cordes,  rendant 
ainsi  les  sons  cacophoniques.  Comme  tant  d'autres  améliorations,  celle-ci  est  un  grand  progrès  dans 
la  fabrication  des  pianos  et  un  progrès  pour  lequel  tous  les  artistes  et  amateurs  doués  d'un  goût 
délicat  vous  devront  de  la  reconnaissance. 

Veuillez  accepter,   Messieurs,  avec  mes  compliments  l'assurance  de  mon  respect. 

HECTOR  BERLIOZ. 


G.   Schîrmer  (Inc.)  New  YorR 

Editeurs  de  Musique. 

QUELQUES    PUBLICATIONS    IMPORTANTES 


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violons,  alto  et  Violoncelle.         Xet  fr.  12.00 

THÉODORE  YSAYE 

Op.  9.  Concerto  en  Mi  bémol,  pour  piano 
avec  accompagnement  d'orchestre. 
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pour  grand  orchestre. 

Partition,  net  fr.  12.50.     Parties,  net  fr.  25.00 

Op.  14.  Symphonie  en  Fa  majeur,  pour 
grand  orchestre. 
Partition,  net  fr.  30.00.  Parties,  net  fr.  50.00 

Op.   15.    Le    Cygne.    Esquisse  symphonique 
pour  grand  orchestre. 
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SYLVIO   LAZZARI 

Trois  chansons  de  Shéhérazade  (Poésies 
de  Tristan  Klingsor.) 

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Trois  Poésies    d'Emile    Blémont  (d'après 
Henri  Heine.) 

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pour  grand  orchestre  et  viole  d'amour. 
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Réduction  pour  piano  à  4  mains,  par  Marcel 
Labey net  fr.  10.00 

La  Villanelle  du  Diable,  Fantaisie  Sympho- 
nique pour  grand  orchestre  et  orgue. 
Partition,  net  fr.  25.00      Parties,  net  fr.  50.00 
Réduction  pour  piano  à  4  mains,  par  Marcel 
Labay net  fr.   10.00 

Deux  Rapsodies.  pour  hautbois,  alto  et 
piano  (L'étang,  La  cornemuse.)    net  fr,  6.25 

Un  poème  Païen,  (d'après  Virgil)  pour  grand 
orchestre  avec  piano,  cor  anglais  et  trois 
trompettes  obligato. 

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par  H.  Gebhard net  fr.  7.50 

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sies de  Gusta\e  Kahn. 

I.  Timbres  oubliés.      2.  Adieux  pour  jamais. 
3.  Les  soirs  d'automne.     4.  Les  Paons. 
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3.  Le  son   du  cor   s'afllige  vers 

les  bois net  fr.  2.50 

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Administrateur  Directeur  :  M.  P.  BOYER. 


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Envois  de  Fonds  en  Province  et  à  l'Etranger,  Souscriptions,  Garde  de  Titres,  Prêts  hypothécaires 
maritimes,  Garantie  contre  les  risques  de  remboursement  au  pair,  Paiements  de  coupons,  etc. 

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du  public,  14,  rue  Bergère;  2,  place  de  VOpéra;  747,  boulevard 
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aux  taux  d'intérêts  ci-dessus,  sont  à  ordre  ou  au  porteur,  au  choix  du  Déposant.  Les  intérêts  sont 
représentés  par  des  Bons  d'Intérêts  également  à  ordre  ou  au  porteur,  payables  semestriellement 
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Cannes,  Châtel-Guyon,  Cherbourg,  Compiègne,  Dax,  Dieppe,  Dunkerque,  Enghien,  Fontainebleau, 
Havre  (Le),  Mont-Dore  (Le),  Nice,  Pau,  Rochelle  (La),  Saint-Germain-en-Laye,  Saint  Nazaire,  Trou- 
ville-Deauville,  Vichy,  Tunis,  Saint  Sébastien,  Monte-Carlo,  Le  Caire,  Alexandrie  (Egypte),  etc.  ; 
ces  agences  traitent  toutes  les  opérations  comme  le  siège  social  et  les  autres  agences,  de  sorte 
que  les  Etrangers,  les  Touristes,  les  Baigneurs,  peuvent  continuer  à  s'occuper  d'affaires  pendant 
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Revue  de  Hongrie 


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La  REVUE  DE  HONGRIE    est    une  revue  hongroise  rédigée    en  langue  française. 

Elle  publie  des  articles  écrits  par  des  hommes  d'Etat,  des  littérateurs,  des  savants 
hongrois,  et  ayant  trait  à  la  Politique,  à  la  littérature,  aux  Sciences,  aux  Beaux- Arts,  aux 
Finances,  à  l'Economie  Sociale,  à  l'Histoire,  etc. 

La  REVUE  DE  HONGRIE  s'occupe  de  toutes  les  questions  qui,  d'un  point  de  vue 
général,  peuvent,  en  mettant  en  relief  les  choses  de  la  Hongrie,  intéresser  l'étran- 
ger et  notamment  le  lecteur  français.  Elle  compte  également  des  collaborateurs  dans 
tous  les  pays  et  pubhe  des  articles  d'un  intérêt  général  qui  lui  donnent  un  caractère 
international. 

La  REVUE  DE  HONGRIE  est  une  tribune  ouverte  à  tous,  elle  restera  indépen- 
dante de  toute  influence   de    parti. 

La  REVUE  DE  HONGRIE  est  l'organe  de  la  Société  Littéraire  Française  de 
Budapest. 


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86  95 

74  60 


71    90 
61    60 

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Extrait  du  roman   de   Fauvel  (13)5)  publié  en  reproduction   photographique. 


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DES    ORIGINES    AU    XX*^    SIECLE) 

PAR 
MICHELREVON 

An'Cien  Professeur  a  la  Faculté  de  droit  de  Tôkyô,  anciem  Conseiller  légiste 

du   gouvernement  japonais. 

Chargé  du  cours  d'Histoire  des  Civilisations  d'Extrême-Orient 

A  LA  Faculté   des  Lettjies  de  Paris. 

Recueil  de  morceaux  choisis,  traduits  et  empruntés  à  toutes  les  époques 
de  la  littérature  japonaise.  Ouvrao;e  extrêmement  curieux  donnant  pour  la 
première  fois  d'abondants  extraits  de  la  littérature  japonaise  et  dont 
l'élaboration  a  présenté  de  grandes  difRcultés  en  raison  de  la  diversité 
des  langues  successivement  parlées  au  Japon.  Des  notices  explicatives 
(historiques,  littéraires,  etc.)  accompagnent  les  morceaux  et  des  notes  au 
bas  des  paf^es  donnent  des  indications  précieuses  qui  rendent  le  texte 
absolument  intelligible. 

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Anthologie  des 

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et  AMERICAINS 

(DU    XVIP    SIÈCLE    A    NOS   JOURS) 
MORCEAUX    CHOISIS 

Traduction   française 
Notices  biographiques  et  bibliographiques 

PAR 

MICHEL    EPUY 


Auteurs  cités  :  Humoristes  Anglais  des  XVIP  et  XVIIP  siècles  :  Burton, 
Swift,  Addison,  Steele,  Goldsmith,  Sterne,  Fielding. 
Humoristes  Anglais  du  XIX"*  Siècle  :  Lamb,   Thackeray, 

Dickens,  George  Eliot. 
Humoristes  Anglais  Contemporains  :  Anthony  Hope, 
G.  K.  Chesterton,  Richard  Whiteing,  Walter  Emanuel, 
Owen  Seaman,  C.  Burnand,  J.  M.  Barrie,W.  Pett  Ridge, 
J.  K,  Jérôme  Zangwill,  R.  Kipling,  Von  Arnim,  F. 
Anstey,  W.  W.  Jacobs. 
Humoristes  Américains  du  XIX*^    Siècle  ;    Irving,  Haw- 

thorne,  Holmes, 
Humoristes  Américains  contemporains  :  Stockton,  Burgess, 
Mark  Twain.  ■    -    • 

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