k-^'-'-s-
5§*:^
::;:-':fW;:
'/
^'
Eh
^î^-■^,
k
\
^^-Hfé '
Digitized by the Internet Archive
in 2010 with funding from
Univers ity of Toronto
http://www.archive.org/details/simrevuemusicale191062pari
!• Année.
j/
N° 7.
15 Juillet
REVUE MUSICALE MENSUELL
publiée par la Société Internationale de Musique (Section de Paris)
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DES AMIS DE LA MUSIQUE.
3^otre Festival de Musique Française à JUCunich. — Souscription au Monument Wagner.
-ES DÉBUTS DE BALAKIREV, par N. Findeisen. ^ LES PLAGIATS DE HAENDEL, par Romain Rolland.
# LES RICHESSES MODALES DE LA MUSIQUE BRETONNE, par Maurice Duhamel. ^ LA
DAMNATION DE FAUST ET LA PRESSE EN 1846, par Adolphe Boschot. ^ Lettre de Naples. ^ LA
CRITIQUE MUSICALE AU TEMPS PRÉSENT, par L. Dauriac ^ LES LIVRES. ^ L'ACTUALITÉ
RÉDACTION :
2, RUE ST. AUGUSTIN
Librairie CH. DELAGRAVE
r<-..^^«.« «o /« or c
Le numéro :
FranceetBelgiq. 1fp.50lf
Un an — ISffc^
SOCIÉTÉ FRANÇAISE DES
AMIS T>E LA MUSIQUE
COMITE D'HONNEUR
M. le Président de la République.
M. le Ministre de V Instruction Publique et des Beaux- Arts.
M. le Sous-Secrétaire d'Etat aux Beaux-Arts.
M. Gabriel FAURE, Directeur du Conservatoire.
M. Henry MARCEL, ancien Directeur des Beaux- Arts y Administrateur génère
de la Bibliothèque Nationale.
CONSEIL D'ADMINISTRATION
BUREAU
PRESIDENT
M. LE COMTE Gaston Chandon de
Briailles.
VICE-PRésiDENTS
M.LE PRINCE A. d'ArENBERG,*/^ /'/«J///«/.
M. Louis Barthou, député^ ministre de
la justice.
M. Gustave Berly, banquier.
M. Adolphe Brisson, homme de lettres.
trésorier
M. Léo Sachs.
directeur artistique
M. Gustave Bret.
SECRÉTAIRE GÉnÉRAL
M. J. EcoRCHEViLLE, docteur ès-lettres.
SECRÉTAIRE DU CONSEIL
M. J. Pasquier.
MEMBRES DU CONSEIL
M"'" Alexandre André.
M™^ LA comtesse René de Béarn.
M. André Bénac, directeur général hono-
raire au ministère des finances.
M. LÉON Bourgeois, sénateur, ancien
ministre.
M. Franz Custot.
M"*** Michel Ephrussi.
M. Georges Gaiffe.
M. Fernand Halphen.
M™° LA VICOMTESSE d'HaRCOURT.
M"'' LA COMTESSE d'HaUSSONVILLE.
M. Jean Weber,
M. Louis Havet, de P Institut, professeur
au Collège de France.
M™® Daniel Hermann.
M"*'' Henry Hottinguer.
M""*^ Georges Kinen.
M"'' LA COMTESSE PaUL DE PoURTALÉS.
M""" Théodore Reinach.
M. Romain Rolland, professeur à la
Faculté des Lettres de Paris.
M. Louis Schopfer.
M"" Séligmann-Lui.
M""^ Ternaux-Compans.
agrégé de V Université.
LA SEMAINE DE MUSIQUE FRANÇAISE
A MUNICH
Pour la première fois depuis bien des années^ la musique française va être reçue
officiellement en Allemagne. Les trois grandes journées musicales organisées par la Société
Française des Amis de la musique^ à l'Exposition de Munich en septembre prochain,
compteront dans l'histoire de notre art national comme un événement, ha présence réelle et
le concours de maîtres éminents, tels que M. M. Saint Saè'ns, Fauré, Dukas et PFidor,
r empressement des Princes de la maison de Bavière, et de toutes les sommités officielles de
Munich à recevoir royalement les Mtes français, V affiuence des membres de notre société à
cette manifestation, tout nous laisse prévoir le succès complet du projet que nous avons
annoncé déjà dans notre bulletin de juin, et dont nons allons donner le programme plus
précis.
Samedi 17 septembre: Réception par la Municipalité.
Le soir : Représentation de Gala au Prinzregententheater.
Béatrice et Bénédict ...... Berlioz,
Dimanche 18. Matin : Promenade à Munich ; visite des Musées.
A^h. et demie du soir, LES BÉATITUDES . . César Frank.
Sous la direction de M. G. Bret.
Lundi 19. A ïi h. et demie: CONCERT DE MUSIQUE
DE CHAMBRE.
2* Sonate pour Piano et Violoncelle .... Saint Saëns.
L'Auteur et M. Maas.
Mélodies ........ Duparc et Chausson.
M"^ Rose Féart.
2* Trio . . . . . . . . . Saint Saëns.
M. M. Saint Saëns, Heyde et Maas.
11
LES AMIS DE LA MUSIQUE
Pièces pour le Clavecin
M"^^ Landowska.
Septuor .
Rigaudon et Tambourin .
Le Rossignol en amour
Les Viéleux et les Gueux .
Les Jongleurs, Sauteurs, etc.
Rameau.
Fr. Couperin.
A 8 h. et demie du soir: COISICERT D'ORCHESTRE.
Symphonie avec Orgue ......
Sous la direction de F Auteur.
Grand Orgue : M. Ch. Widor.
Symphonie ........
Sous la direction de M. Rhené Bâton.
Symphonie sur un Thème montagnard ....
Sous la direction de M. Rhené Bâton.
Saint Sa'éns.
Saint Saëns.
César Franck.
Vincent dindy.
Mardi 20. An h. et demie. DEUXIEME CONCERT DE
MUSIQUE DE CHAMBRE.
Sonate pour piano et violon ..... G. Faurè.
Trois mélodies ........ G. Faurè.
a) Au bord de Veau.
b) Les berceaux.
c) Les roses d' Ispahan.
M"^ Rose Féart.
Pièces de Piano ....... X.
M. Alfred Cortot.
Trois mélodies ........ G. Faurè.
a) Le parfum impérissable.
b) Mandoline.
c) Soir,
M"° Rose Féart.
Pièces Polyphoniques. Œuvres du XVI^ siècle.
La Madrigal Vcrcinigung.
Deuxième Quatuor ....... G. Faurè.
LES AMIS DE LA MUSIQUE
A%h.et demie du soir: 2" CONCERT D'ORCHESTRE.
111
Rhapsodie Norwègienne
Sous la direction de M.. Rhené Bâton.
Sinfonia Sacra. ....
Sous la direction de Fauteur.
Requiem .....
Sous la direction de V auteur.
Nocturnes .....
Sous la direction de M.. Rhené Bâton.
L! Apprenti Sorcier ....
Sous la direction de V auteur.
E. halo.
Widor.
G. Fauré.
Debussy.
P. Dukas.
Mercredi 21, Matin, Visite de P Exposition.
Le soir : Représentation de Gala au Prinzregententheater.
Benvenuto Cellini ...... Berlioz.
Jeudi 22. Excursion au lac de Starnherg.
Le soir : Représentation d'un Opéra de Wagner.
Comme on le voit, ce programme n est pas encore arrêté dans tous ses détails, mais il
y manque fort peu de choses. La liste des deux Comités d'honneur Allemand et Français
sera publiée ultérieurement.
Pour tout ce qui concerne les places des billets, nos Amis pourront s adresser :
A Paris : a la Société Musicale, G. Astruc et O" 32, rue Louis-le-Grand. (Pavillon
de Hanovre).
A Munich : Soit au Bureau des Fêtes de l'Exposition, 38, Theatinerstrasse, soit
à l'Office des Voyages Schenker et C% 16, Promenadeplatz.
La O^ Cook, place de V Opéra, a bien voulu, en présence de cette manifestation de
r art Français a V étranger, organiser personnellement un voyage d'une semaine a Munich,
qui coïncidera avec ces fêtes et s'effectuera a prix très réduits.
Tous ceux de nos Amis qui en feront la demande, seront tenus au courant et renseignés.
Nous leur donnons rendez-vous à Munich, ou nous espérons les voir en aussi grand
nombre que possible.
IV
LES AMIS DE LA MUSIQUE
MONUMENT WAGNER
Le Comité formé pour élever une Stèle a Richard Wagner au Palais Vendramin
à Venise, a reçu une lettre fort obligeante de M. Siegfried Wagner, en son nom et au nom
de Wahnfried, adressée h M""" la Comtesse Seilern.
Nous n avons pas encore le résultat de la souscription ouverte par la Société Interna-
tionale de Musique, mais nous sommes heureux de publier dès maintenant la première liste
de souscription qui nous est parvenue, et nous espérons bien que le léger effort a accomplir
encore ne fera pas reculer l'enthousiasme des Wagnériens.
M. P. A. Cheramy
M. L. Tauber
M. F. Custot
M. Lehmann
M. H. Sternberg
M. E. Marx
M. J. Schloss
M. S. Debenham
M. E. Stem
M. Léo Sachs
M. Max Rikoff
M. Feld-Degen
M. R. Esnault-Pelterie
M. Schumann
M. Dr Michel
MM. L. y O. Guttman
M"^ Emma Schrœder
M"*' la Baronne Franchetti
M""* la Comtesse Seilern
M'"" Chenu
M. Th. Dubois
M""" Pleyel, Wolff, Lyon & C'
M. Camille Chevillard
Paris
50
jj
50
5)
50
3>
20
3)
20
>>
20
3)
20
1>
100
))
100
))
30
)>
50
>)
20
)>
10
»
40
î)
30
))
100
»
20
))
10
>>
100
>}
20
»
10
)>
50
»
50
M. Prègre
M'^^ la Baronne Biedermann
M. M. Cohn
M. R. Winterberg
M. Hatvany Deutsch
M. M. Schlesinger
M°'" Schlesinger
M. L. Métal
M. P. Sonnenschein
M. Henri Koenigswarther
M. ^ M""" Hugo Nathan
M. du Chastin
M''' du Chastin
M. M. Grotrian
M. Louis Bonfiglio
M"" la Comtesse Sormani
M"^" la Comtesse Albrizzi
M. M. Manrener
M""" Fontaine
M"° Michelsen (
Total de la première liste. . . fr. 1.995
JJ
20
m Vienne
100
>)
100
j>
100
Budapest
200
»
10
>j
10
Berlin
100
Prague
50
Francfort
50
»
40
Bruxelles
10
»
10
Brunswick
20
Nice
10
Venise
40
»
25
))
5
îî
50
"Copenhague
^5
PROJET DU MONUMENT WAGNER AU PALAIS VENDRAMIN
PAR Ettore GADORIES.
LES DEBUTS
„= DE =— ^^
BALAKIREV
Le Maître de l'école Russe moderne, le chef des Cinq^ Mili Balakirev vient de
s'éteindre. Toutes les gazettes ont publié sa biographie, mais ce qu'on ne saurait trop
répéter, c'est que l'exemple de Balakirev et de son école est un argument frappant en faveur
de la liberté de l'art musical. La crainte de l'opinion, la pusillanimité qui ont fait tant de
tort à notre musique française du XIX® siècle, ont trouvé dans ces quelques audacieux des
ennemis déclarés. Nous sommes heureux de pouvoir publier ici quelques documents inédits
sur la jeunesse du Maître.
Le sort ne s'est guère montré favorable à l'égard des grands
compositeurs russes ; aucun d'eux n'a eu, de son vivant, sa biographie
imprimée. Il en a été de même pour l'auteur défunt d' " Istamée et
Pamaré " si l'on excepte une petite notice biographique qui a paru dans
les journaux russes il y a quelques i 5 ans. Or, cette absence de détails
biographiques, dûment contrôlés, prive l'historien de la possibilité de
préciser et de commenter la vie d'un compositeur. En ce qui concerne,
plus particulièrement, M. Balakirev, les détails de sa vie, aussi bien
privée que musicale, ont grand besoin d'être commentés d'une façon
fort précise, car il fut, pour ainsi dire, le point de départ et d'appui de
toute une école musicale russe, une école qui, tout en continuant les
traditions de Giinka et Dargomijsky a posé, chez nous, les principes du
nationalisme artistique et les bases de la libre esthétique.
Si, cependant, jusqu'à présent, nous ne possédons point de biographie
de Balakirev, plus ou moins vérifiée par le compositeur lui-même, il
convient de procéder, dès maintenant, à la réunion et la publication
des documents sûrs, afin de mettre les musicographes de l'avenir à l'abri
4i6 S. I. M.
de toutes sortes de racontars et même " faits ", qui, ne font que com-
pliquer et embrouiller la tâche et donnent d'ailleurs un tableau absolument
faux de la vie du musicien.
La notice présente est basée sur des lettres originales de Balakirev
adressées à l'auteur de ces lignes, ainsi que sur quelques manuscrits, remis
par feu Wladimir Stassow à la Bibliotèque Impériale de St. Pétersbourg.
Les faits mentionnés ci-dessous peuvent donc être considérés comme
absolument authentiques.
Balakirev m'écrivait, un jour, (le i6 mars 1907) : Je n'ai qu'un
souvenir fort vague de mon développement musical à l'époque de mon
enfance. Autant que je me rappelle, dès l'âge de huit ans, je ne quittais
guère mon piano, cherchant à jouer la musique que j'avais entendue
quelque part. Je me souviens fort bien avoir eu, dès mon enfance, le
sentiment du son très développé, car étant en visite chez M. Wasili
Yacherov, mon oncle, je me rendais compte que son piano était accordé
un ton plus bas que le nôtre. Dans une autre lettre (12 mars 1907)
" Balakirev répétait l'opinion très répandue laquelle, qui faisait de lui un
élève d'Antoine Koutski:" Cela est faux, écrivait-il. Je n'ai eu, comme
professeurs, que ma mère, ensuite le maître bien connu Alexandre
Iwanovvich Dubuc, ' chez qui j'ai pris dix leçons pendant mes vacances
et, finalement, Charles Eisrich. Après, étant déjà à Kasan, j'ai, sans doute,
profité du passage, dans cette ville de deux artistes. : Seymour Chif et
ensuite Antoine Koutski ; le premier, au point de vue musical, en général,
le second en tant que pianiste, plus particulièrement. Ayant appris que
M. Kontski avait, comme moi-même l'intention de se fixer à St. Péters-
bourg, j'étais décidé à devenir son élève, mais ses idées artistiques m'ont
fait revenir sur ma décision, et nos rapports ne dépassèrent point les
limites d'une simple relation.
Donc lors de son arrivée à St. Pétersbourg (en hiver 1H55), où
Balakirev se révéla comme un pianiste et professeur accompli, le futur
fondateur de l'école russe moderne, n'avait eu comme maîtres que deux
professionnels, savoir Dubuc et Eisrich. Celui-ci a, sans doute, joué un
rôle plus important que Dubuc, dans la vie de Balakirev. La preuve en
est fournie que la première œuvre importante de Balakirev a été dédiée à
Eisrich. Le manuscrit original de cette œuvre juvénile est conservé, dans
' Alexandre Dubuc (1812-1897), élève de Field, auteur de la "Technique du jeu de piano" très
populaire à cette époque-là.
LES DÉBUTS DE BALAKIREV 417
la Bibliothèque Impériale Publique et porte l'inscription suivante : ^
" Grande fantaisie sur airs nationaux russes pour le pianryforie avec accompa-
gnement d'' orchestre composée et dédiée a son maître ^Monsieur Char /es Eisrich
par éMily T^alakirev op 4. " La date porte : " 1852, 12 Décembre ".
Il convient d'ajouter qu'en dehors de deux autres manuscrits bien
connus de Balakirev {octuor pour piano ç,X fantaisie sur le trio de ]a " Vie
pour le Tzar", devenue par la suite, variations pour piano seul), on
conserve, dans une bibliothèque de Moscou, le manuscrit d'un ^^ Sextuor'''
pour piano, œuvre juvénile, complètement inconnue.
Bientôt après son arrivée à St. Pétersbourg, Mily Alexandrowitch,
joua en public, à deux reprises, et avec un incontestable succès, savoir :
le 12 février 1856 au " Concert 'Universitaire^''' où, sous la direction de
Charles Schubert, fit connaître son concert, et le 22 mars même année,
dans une matinée consacrée à ses œuvres, dont programme comportait,
entre autres V ^' Allegro de l'Octuor '\ le ^''Nocturne et le Scherzo'' ainsi
que la Grande fantaisie de l'opéra " La Vie pour le Tzar. Enfin," l'année
suivante, première audition publique d'une œuvre symphonique ^^l'Ou-
verture" (inédite jusqu'à ce jour), jouée au "Concert Universitaire",
(8 décembre 1857).
Tels furent les débuts du jeune compositeur à St. Pétersbourg.
Cependant ils n'eurent guère d'influence décisive sur l'avenir musical de
Balakirev. De beaucoup plus importante aura été pour lui son amitié
avec Glinka, celui-ci ayant distingué le génie musical du jeune composi-
teur russe. Dans les mémoires, inédits jusqu'à présent de la sœur du
grand compositeur de " Roustan ", M'"'' Ludmila.' Chestakowa, nous
trouvons quelques détails intéressants sur la première rencontre des deux
maîtres. Je les emprunte à la copie d'un manuscrit de M°^^ Chestakowa
que je possède : " Vers la fin de l'année 1855, M. Oulybychev, l'auteur
bien connu de la " Nouvelle biographie de Mozart " est venu rendre
visite à mon frère, accompagné de M. A. Balakirev, qu'il présenta comme
un bon pianiste, ayant une prédilection pour la musique sérieuse. Glinka
demanda à Balakirev de lui jouer quelque chose ; celui-ci exécuta sa
transcription du trio de la " Vie pour le Tzar ". Mon frère écoutait avec
beaucoup d'attention et ensuite ils causèrent tous deux pendant longtemps
musique. Au moment de se séparer, Glinka pria Balakirev de venir le
voir souvent et exprima le regret que celui-ci ne fut pas arrivé à
* En français.
4i8
S. I. M.
St. Pétersbourg plutôt. Il ajouta qu'au printemps il partirait pour Berlin,
afin d'étudier le plain-chant chez Dehn. A moi, il me dit qu'il considérait
Balakirev comme un musicien de grande valeur ". On sait que Glinka
donna à Balakirev le thème, qu'il avait apporté d'Espagne, de la
'-^ fEMarche nationale espagnole'\ thème, qui servit ensuite à Balakirev de
base pour son Ouverture. Encore plus curieux est le désir exprimé par
Glinka de voir précisément Balakirev veiller à l'éducation musicale de sa
nièce et filleule Olga Chestakowa. " Donne-moi ta parole, écrivait-il à
M"* Chestakov^a, que tu ne permettras à personne, sauf à Balakirev, de
s'occuper de l'éducation musicale de la petite. Lui seul a des idées si
voisines des miennes en tout ce qui concerne la musique. Tu peux lui
confier Olga et sois sûre qu'il suivra les traces de ton frère ; ce sera, avec
le temps, le second Glinka ".
Cette prédiction s'est réalisée. Dix années s'étaient à peine écoulées,
que Balakirev se trouva à la tête de l'école russe moderne, dont il aura
été le fondateur. Et pourtant le grand musicien russe a failli finir ses
jours dans la solitude, où il commença sa carrière musicale. Faut-il le
dire: son dernier concert, qui avait été fixé au i8 février 1909 (Balakirev
devait y diriger son ouverture Le Roi Lear) ne put avoir lieu ; la vente
de billets ayant été presque nulle ! N'est-ce pas une preuve de plus de
l'ingratitude incorrigible du public .?
Nicolas Findeisen.
LES " PLAGIATS " DE HAENDEL '
Nul exemple plus frappant de la façon dont Haendel transfigure ce
qu'il imite, que le fameux chœur de la grêle, dans Israël en Egypte :
" Et la grêle tomba^ la grêle mêlée de feu, elle se rua en torrents sur
PEgypte. "
Voilà une des pages les plus célèbres qui soient, au monde, la
peinture grandiose et simple d'un cataclysme effrayant. Les versets
qu'elle traduit sont des plus impressionnants de l'Exode ; et on sait que
Haendel en était pénétré. C'est, comme on l'a dit, une montagne en
musique ; la puissance d'effet n'en a d'égale que la simplicité des
moyens. Eh bien, ce monument colossal est presque tout emprunté à la
Sinfonia d'ouverture de la Serenata de Stradella, et, pour quelques mesures,
au chant bouffe de la basse : Piu seguir non voglio piu. Lisez les deux
textes : ils sont presque identiques. Et pourtant, il n'y a rien de pareil,
dans l'esprit. Rien. C'est une chose singulière. Dans Stradella, des instru-
ments qui s'accordent, en badinant. Dans Haendel, une trombe qui passe.
' Voir S.I.M. du 15 mai.
420
s. I. M.
Stradella: sinfonia d'ouverture de la SERENATA
Eœ.S CONCERTIKO
^S^^^^^^
^^^^^^S
^^^^^^^^g^^
■^^^^^^^Ê^-^l^^^^t^
f»^-r^YrTtrrfr^#mJ^^^^^
HAENDEL
£x^ SMÎte
Haendel: chœur de la grêle
Allegro 0»>o* Viol.
Org.soto
Tutti
421
f^
,
«r-
=1
V
ol.
FF"
E
E
^
. %Wvrn —
=q
p
iTiF
F
Ff
^
q
™
h^
ffi
4^
fr
pfi^
r
»*ir^=-i
w—
=
to
u
=to^
^
;3
?
3
^'
L
^
31
t£
S
V-"-»-
p
»i
»;
m^
1
^ —
►
E
Fap:.
ft'I
=^
P
r^=
Obo
—
—
^
-^
si
i^
dai
ms
~
E
^
V
N
=4=
ai
Ë^
/
W=^ïî- = 5
B
Bpl
-ia
i-i-i
Ff
^
4
?i
—
ri
^
ft
^R
IFîr
rffi
j
w — -^«w^
S
i|.
— 35 5g—-
è
^^
ï
>—
It^
J=
ë
c^i^
J
:M^ ^ p ^ ' 1
tnf
4«-
fl"«i
-fl
mz\
«
1 —
"H"
m-
r
[5^
*-■
"^
^
:
-a
3
S
W
SOPR.ALT. TENOR
CHCEUR I
Ha - Kel «tatt Re - gen fiel her - ab
EntTve du 2? Chœur
C'est ici que l'on voit comme quelques changements imperceptibles
peuvent modifier le tableau tout entier. Chez Stradella, le mouvement
est interrompu, rompu ; il s'arrête, puis recommence sur de nouveaux
422
S. I. M.
frais. Une fois commencé chez Haendel, il ne s'arrête plus, même la valeur
d'un demi-temps : c'est l'implacable choc des grêlons qui tombent, sans
qu'il y ait un seul vide dans cette masse serrée. Evidemment, Haendel a été
attiré, dans l'original de Stradella, par le dessin des deux mouvements
contraires dans la basse et dans le reste de l'orchestre, qui se heurtent. Mais
à ce heurt il donne un bien autre accent: les notes, piquées chez Stradella,
sont écrasées chez lui. Et l'instant où Stradella interrompt son mouvement
est justement celui où Haendel en redouble la violence, où toutes les
cataractes de l'orchestre s'écroulent sur la terre. Et de même, toutes les
fois qu'il reprend le dessin de Stradella, non seulement il donne çà et là
un coup de pouce au modelé de tel accord, pour rendre l'harmonie plus
rude, pour accentuer le choc, mais il ajoute au bon endroit une mesure
ou deux, qui fouettent la chevauchée, qui la font monter plus haut, qui
lui donnent une violence à laquelle Stradella n'avait guère pensé. —
Enfin, tout ce furieux courant aboutit au fleuve des deux chœurs colossaux
qui se répondent avec une exactitude, une impassibilité implacable.
Haendel; CHŒDR de la grêle (suite)
j
Ejo 4 CMcerm I
CHOïtrRlI
Tutu kassi <.- l'urKano y
HAENDEL
423
TTHl-
FeuV un - term Ha - gel
her,
lier,
î-N-jid^^
424
FcuV un • term Ha - geJ
^
S. I. M.
r-rm
r 7 î î î ^
her ,
^ ^
^ V
Feu'r un - term Ha • gel her ,
^^
Re - gun fifel hir -
^
2:
1. n}f
Ptur uD • term Ha gtl
-^MMM^
Re • gen fiel her - u.b ;
FeaV un • term Ha ■ gel
^=m^u¥f±]jjj^
On avouera que s'il y a emprunt, l'emprunt témoigne de plus de
génie que le modèle.
Je dis : " s'il y a emprunt ; " car le plus étonnant n'est pas que
Haendel ait repris et transformé une Sinfonia de Stradella, pour un chœur
à' Israël, mais que, dans ce même chœur, d'autres mesures soient calquées
sur des fragments d'autres chants de la même Serenata de Stradella. Par
exemple, ce motif saisissant peint l'éclair qui déchire le nuage et qui
tombe.
Haendel: CHŒUR DE LA grêle (suite)
Eai.5
Orgur.o
HAENDEL
425
Or, il est à peu près identique à cette phrase de Tair bouffe de la
basse : '^iu seguir non Ipoglio più :
Stradella. air de la basse de la SERENATA
^r^i f pf7^^#^
sfn ta. l'ar - mi' del-lo sde - gno
Et la phrase claironnante de Haendel : Feur unterm Hagei her sttirzt
in Stromen aiif das Land :
Haendel: CHŒUR DE La Grêle («uiie)
Ex. 7
her.
sturzt in Strcimeii auf das Land
est issue de la phrase du premier violon, qui prélude au même air
de Stradella.
Stradella (idj
Bx,8
Comment est-il possible que Haendel, au milieu du tourbillon de ce
chœur furieux, ait été froidement chercher, à travers toutes les pages d'une
Serenata étrangère, deux mesures ici, deux mesures là, pour les intercaler
dans son ouragan ? Et que ces mesures intercalées se soient trouvées si
prodigieusement à leur place, dans cette nouvelle place ? Il fallait donc
que Haendel eût l'œuvre de Stradella non seulement sous les yeux, mais dans
le sang ! Il fallait qu'elle fût devenue sienne.
Mais poursuivons notre examen, avant de tirer une conclusion :
Le fameux chœur n° i o : " Mais avec son peuple^ Il est comme un
pâtre " fait un lumineux constraste avec les sombres peintures qui pré-
cèdent : l'orage, les ténèbres (chœur 8 : £r sandte dicke Finsterniss), et
426
s. 1. M.
cette fugue chorale (£r schlug aile Erstgehurt Egyptens), grise comme le
Déluge de Poussin. — De ces pages admirables, des plus Haendeliennes
qu'on connaisse, presque rien ne semble appartenir à Haendel. Des deux
parties dont le chœur se compose, la première, l'exquise Pastorale, vient
de la ^erenata de Stradella ; ^ l'autre, la fugue, {Er fiihrte ste aus^ ?nit Silber
und Gold) vient d'un Capriccio de Strunck. ^ La phrase de Stradella est
textuellement reprise. Et pourtant n'est-il pas curieux qu'elle n'ait tout
son sens que dans l'œuvre de Haendel ? Dans la Sérénade, c'est l'air d'un
amant qui déclare qu'en dépit de tout il suivra la coquette qu'il aime :
" lo pur seguiro. " Le mouvement est allègre : A?'iû allegra, et le rythme
rapide et sautillant.
Stradella: air du soprano
Aria allegra
.Canto
Ejc. 9 Co.roBR'TO.O
frtrf !jpiff]rH±ltr
^
Jo purseçui-rô
io pursctfut-rè
ESf
^
m
i
s
^
g J.,I
î
■*ré
^ ^J-J
":rr-
SS
^
a
es
"m
^v=r^
9^^
m
w
-ETT
¥
' Voir Scdicy Faylor, op. cit. p. 73-75.
* Capriccio so/>ra Ic/i tianf^ Jir schon durch deinen SoJin. M. Scifffrt a été le premier à signaler cet emprunt,
qui avait échappé à S. Tayior.
HAENDEL
427
Chez Haendel, le morceau débute par quelques mesures instrumen-
tales et chorales, graves, massives, guerrières, qui s'cntre-choquent ; puis,
apparaît la suave mélodie. Il y a déjà là un effet de contraste, qui met en
pleine lumière la signification de la phrase. (Rappelons-nous le mot de
Gluck, que je citais, la dernière fois). Le rythme est d'ailleurs différent de
celui de Stradella : c'est un andante tranquille, un peu lent, au balance-
ment harmonieux.
Haendel: chœur du bon pasteur
.Andante SOFR. ALT. TENOR
Ex. 10
mmwr^
i\ - bermitseinemYol-ke,
r V y r
A - berKitsak.eKi
r^nnTj-ns^^^
A ■ bar îa'.tseijie.-a
ALTl Eoîi
428
Le sommet de la phrase, dans Stradella, est sur le second io pur
seguirô.
Stradella
Exit
m
^^=4^
m^
io pur se ^i- rô
Cela donne à tout l'ensemble un caractère de bonne humeur,
un peu plate, qu'accentue encore le second motif : c/ie sciogiiere il pie, où
le sens riant et badin de l'air est nettement marqué :
Stradella
Ex.i2
cbe sbio* gUe- re il piè d&i la« - ci <ti fe non
Kn - to non «ruo ao
no - non t<^a - to aoa vuà
Haendel retient la phrase, à mi-chemin.
/ Haendel
B».t9
^^
m
wlo • «in Hirt,
Il lui communique ainsi un caractère de rêverie heureuse, qui se
perd dans une sorte d'extase. La mélodie acquiert une beauté, une paix
pastorale. Mais surtout la poésie de cette page est dans le coloris frais et
HAENDEL
429
tendre des voix qui, l'une après l'autre, sur une pédale en «/, puis en W,
puis en r/, reprennent le délicieux motif, le prolongent dans le calme
harmonieux. Il flotte de toutes parts, il n'est plus seulement une phrase
vocale, mais toute une atmosphère. On en est enveloppé.
430
S. I. M.
log er da-
ffW
^
S
m
ff
H
'>.^rr;>
^i
ÏK
J
i
^
'^»j !
U F rg
=s
i
^
îc;::^
ss
^
fciK
^
!^^
tog
hin gleuhwie ein
Hirt,
t
m
Eâ
^Î=B=
^^
^^?^
t
hin gleich wie ein Hirt,
HAENDEL
431
.Ex.îi suite
Qui ne voit que de la figurine d'argile de Stradella Haendel a fait
un divin marbre grec ? ^
Je ne puis poursuivre cet examen de la partition à.'Israë! : la place
m'est mesurée. Je me contenterai de signaler un dernier morceau, le duo
célèbre des basses : Der Herr ist der starke Held^ — ces deux guerriers qui
chantent l'écrasement de Pharaon, sur un rythme de jubilation héroïque,
Haendel
^as.tS
Andauîe ullesni
^m
^s
ï)<j.r Herr ist der starke; Heldj
dii- lÎBrrjder Herr ist des- sfcarke HsW.
tandis que l'orchestre danse de joie.
^ Le chœur suivant : Froh sah Egypten fournit un exemple curieux des limites que Haendel lui-même semblait
fixer à ses droits d'emprunteur. C'est l'unique morceau d'ls?-ael qui soit presque textuellement calqué sur
une ceu vre étrangère (une canzona pour orgue, de Kerl). — Or, Haendel le supprima, de lui-même, dès la
seconde audition d'Israël. Cependant, la page est d'un grand effet. Mais Haendel paraît avoir senti qu'elle ne
lui app artenait point : il ne l'avait pas suffisamment assimilée, transformée, refaite à son image ; il s'était
conten té d'y attacher un sens précis par des mots : ce n'était pas assez.
432
S. I. M
Andante alle^rro
?ar./ff
F#¥^
j ■^^73]li
^^'i==ï
r^""^F^
rn^->n
-¥-J' y 1
7LL±U
^ î~~t
1 m
r ^ci^J'
•^T-^
L=f_i_iJ
L ^ '^ ^
? -f
é '
^=^
^/ ^WiTO^
Tm
^
t^=^
,£^1
^
/
luTra
^
«
4=U
^T^
rNMfii'Jhfi'j
Cette scène si frappante par sa physionomie d'allégresse cruelle
semble bien une invention originale de Haendel. — Or, elle est faite de
deux tronçons soudés de deux œuvres différentes : le Te Deum d'Urio et
le Magnificat d'Erba. Le prélude est fourni par Urio. ^ Dès la sixième
mesure, est cousu à la phrase d'Urio un motif du Magnificat d'Erba, qui
paraît aussitôt avoir été créé expressément pour cette place, où il donne
à la phrase d'Urio son caractère exultant. Le duo proprement dit, dont
Haendel reprendra presque textuellement le motif dans le Dettinger Te
Deum, a pour accompagnement le thème d'Urio, entre-mclé des phrases
jubilantes d'Erba. Un peu plus loin, le motif même du chant est pris au
Magnificat, qui dès lors est suivi fidèlement. Urio lui succède, pour
quelques mesures. Puis, le Magnificat reprend, mais singulièrement élargi,
agrandi, emporté d'un souffle plus passionné.
On voit le pouvoir singulier qu'avait Haendel de s'assimiler l'être
des autres pensées et d'en faire sa chair et son sang.
*
* *-
' Pour ne pas allonger indéfiniment ces citations, je renvoie au livre de M. Scdlcy Taylor, p. i i7-«37. où
on lc« trouvera in txtemo.
* On est auisi frappé de la parenté <|ui existe entre les passâmes du Tr Dium d'Urio et du Maf^nificat A'Eïhx
soudés cnscnnble. Rien ne me semblerait plus propre à faire naître «lans Tcsprit des doutes analogues à ceux de
M. Rohinson, et à suggérer cette conclusion : Urio et Erba ne seraient-ils, par hasard, qu'un seul homme?
Et quel homme ce pourrait-il être, — sinon Haendel }
HAENDEL 433
L'imitation et l'assimilation des pensées et des formes étrangères
sont, en soi, un phénomène très normal dans l'art. On pourrait dire que
c'est un trait essentiel du grand artiste. On a souvent répété que le génie
était celui qui inventait des formes et des pensées nouvelles. Je le veux
bien; mais, à ce compte, il faut rayer de la liste des génies les plus grands
créateurs artistiques. Si J. S. Bach, Haendel, Gluck, Mozart, Beethoven,
nous ont paru des inventeurs originaux, cela provient en grande partie
de notre ignorance. En réalité, toutes les fois qu'on étudie la période qui
précède un âge de floraison classique, on est frappé d'y trouver, non pas
en germe, mais nettement constituées et déjà clairement conscientes
d'elles-mêmes, toutes les formes et les pensées des grands classiques, —
ou peu s'en faut. Cela est surtout remarquable pour la période qui
précède immédiatement Haydn, Gluck et Mozart. Si le génie est
l'invention, on peut dire que l'âge qui va de la mort de J. S. Bach aux
premières œuvres importantes de Mozart brûle de génie. Dans tous les
genres : symphonie, musique de chambre, drame lyrique, lied, etc. vous
trouvez les routes nouvelles vigoureusement et largement ouvertes. Les
maîtres qui sont venus après, et, d'une façon générale, les génies classiques,
dont les noms sont les plus glorieux de l'art, inventent beaucoup moins
qu'ils n'absorbent. Leur grandeur est, pour une bonne part, dans leur
capacité d'absorption. Ils sont larges, vastes, robustes ; ils ont un esprit
lumineux et un appétit magnifique ; ils assimilent et coordonnent superbe-
ment toute la pensée artistique de leur temps. Leur originalité n'est pas
dans les éléments dont est constituée leur personnalité — (// ny a peut-
être pas un seul élément original dans la personnalité de Mozart) — elle est
dans la loi instinctive qui a présidé au groupement de ces éléments, dans
la somme et dans l'ordre de ces éléments groupés en eux : c'est cette
loi, c'est cet ordre qui constituent leur personnalité même.
Cet instinct puissant d'absorption, qui est une loi du génie, est
particulièrement caractéristique du génie musical allemand. Les Alle-
mands, qui disent avoir une personnalité spéciale, et qui l'ont en effet,
par certains côtés, au point de se heurter à tant d'incompréhensions de
la part de l'étranger, sont pourtant essentiellement assimilateurs et
assimilables. Ils se fondent volontiers dans la forme d'autres races. Un
Français pourra bien copier des traits d'une autre race ; mais ces traits
resteront toujours, si je puis dire, plus ou moins dépaysés chez lui : il
demeure Français, même s'il s'est dénationalisé depuis des siècles, comme
+ 3+ S. I. M.
tant de réfugiés huguenots du XVIP Siècle. Tous, nous connaissons à Paris
des compositeurs, qui dans leur admiration pour Wagner, ont calqué des
formules, des tics de Wagner, (comme les imitateurs de la voûte de la
Sixtine et du Jugement dernier copiaient, au XVP Siècle, jusqu'aux
moisissures de la fresque), et qui n'en gardent pas moins la physionomie
du Français, avec ses qualités et ses défauts Un artiste allemand se fond
bien davantage, il épouse les autres formes. Nous en avons cent exemples,
au XVIIP et au XIX^ Siècles. Tel, au temps de Haendel, ce J. Adolphe
Hasse, cet Allemand du Nord, qui fut le plus parfait Italien de la
musique du XVIIP Siècle. Quelle est la principale différence entre les
grands Allemands italianisés du XVIIP Siècle et les Italiens du même
temps ? Une différence de nature \ Il ne semble pas. Beaucoup plutôt
une différence de quantité qu'une différence de qualité. Un Hasse
communique à la musique italienne qu'il fait sienne son souffle et son
embonpoint ; il lui transfuse son sang ; elle ne se donne pas à lui : c'est
lui qui se donne à elle.
Mais la grande distinction qu'il faut faire entre Haendel et les autres
maîtres allemands de son temps, c'est que justement il n'en reste pas,
comme eux, à cet état passif où l'artiste est conquis par une forme et une
pensée étrangères : il les domine, il les conquiert, il les maîtrise, et il
les pétrit à sa volonté. Une œuvre comme Israël réalise ce tour de force
unique d'être l'œuvre la plus homogène, la plus une, la plus serrée, tout
entière marquée du sceau du génie Haendelien, — et d'être un composé
de matériaux de toutes provenances. Tout ce qu'il touche, Haendel le
fait sien : car il transfigure instantanément tout ce qu'il voit, par un
pouvoir de visionnaire presque halluciné, qui soudain lui fait apparaître
au travers de pauvres phrases vagues et banales de Stradella ou de
Muffat ' des images éblouissantes, des scènes tragiques, des catastrophes
cosmiques, Dieu sur le Sinaï. Et, par un don étrange, ce génie évocateur
s'unit chez lui à une volonté souverainement intelligente qui observe ses
visions et exerce sur elles une critique clairvoyante et sereine. Cette
double nature se retrouve, chez Haendel, du commencement à la fin de
sa vie. Son éducation avait beaucoup contribué à la développer. Son
premier maître à Halle, l'excellent F. W. Zachow^, dont l'intérêt historique
et le charme poétique viennent d'être révélés par la publication de ses
' Voyez, au dcbiit de la petite Ode h S^' Ci'cUe, comment Hacmlel a il<}fra^(i l'Auu- oarluc d'un prélude de
Muffat inconscient de lui-mt'mc, et a traduit avec soi arpèges imprécis la création du monde par l'Harmonie.
HAENDEL
435
œuvres jusqu'alors inédites,^ possédait, dit Mattheson,'-^ "une remarquable
collection de musique italienne et allemande. Il montra à Haendel les
façons d'écrire et les styles variés des différents peuples, en même temps
que les qualités et les défauts de chaque compositeur. Et afin que cet
enseignement ne fût pas seulement théorique, mais pratique, il lui donnait
souvent à faire des compositions dans ces différents styles. " ^
Ainsi, dès sa dixième année, Haendel apprenait à parler toutes les
langues musicales de l'Europe de son temps. Et ce n'était pas chez lui
ce travail machinal de perroquets de Conservatoire, qui répètent sans les
comprendre les mots appris par cœur. La méthode de Zachow, à la fois
critique et créatrice, lui enseignait à chercher l'âme cachée des œuvres
d'art, et, comme dit M. Seiffert, " à s'approprier leur contenu, par un
usage constant, comme un matériel d'expression personnelle, " qu'il
travaillait ensuite à améliorer. Il ne se livrait pas seulement à cet exercice
de critique incessante sur les œuvres des autres, mais sur les siennes. Il
est telles de ses propres phrases, — des plus célèbres et de celles qui lui
étaient le plus chères, — qu'il a gardées sur le chantier, pendant toute
sa vie, ne se lassant pas d'y retoucher, comme Michel-Ange à son Moïse,
les reprenant sans cesse, et à chaque fois y introduisant un changement
imperceptible, un léger coup de crayon, qui les rendait plus parfaites.
Telle, la mélodie de Rodrigo (1707) : Doice amor che mi consola^ reprise,
l'année suivante, dans Agrippina^ pour l'air de Poppea : Ingannata una
sol vol ta.
Bx.î7
Haendel: RODRIGO, 1707, (Florence)
^-=JÏC
SViol.soli
Dolci- amorohumi consolao lu- sing'ailcornel se • no
Tutli
%t^j%i-^f!-^fE^^frgT=^^^
Dolce oraorchenii
Base!
' Denkmâler deutscher Tonf^tmst, t. XXI et XXII. Edition de M. Max Seiffert, 1905.
^ Lebensbeschreibung Haendels, 1761.
* Dès cette époque Haendel eut connaissance de Kerl, Strunck, etc. dont il utilisa des pensées dans Israël.
43^
S. I. M.
j^^3^-=f=t^L^f^4^-4-^+^^^ I r P p r J^
conso-la flu - sin-;;;vilcoiTi'.-l
di-ci- ognor cbeundi se-re-no
vv Tj' r r I cj J t-rr~j^
Hœndel: AGRIPPINA, 1708 (Venise)
Ex.i?^
'j"5G5'gi'i'Wf"i"';';
Oboi e Violini
f4-J';^j>i^J^jfff^r^tff J- J'i^r^^
Ingannata u-na solvolta esser posso,nià non più,izià non pin.
^ P Daasl o VioU
HAENDEL
437
j
^
lè-^
WSL
# M I P
m
^^
|Ë^i p p=r|T#'#?^^^^^
|7-¥rW' i[jri iOTNifrjia:;iJ4f^^
La période est ici en cinq mesures, au lieu de la coupe précédente
en quatre, et reste suspendue. De plus, les deux so/i de violons qui
accompagnaient, dans le premier exemple, les périodes i et 3, sont ren-
forcés par les hautbois qui s'unissent aux cordes. C'est la même mélodie,
avec des riens qui suffisent à changer le dessin du nez, l'ovale du visage,
le pli de la bouche. ^ Pour un artiste ayant le sens et l'amour passionné
de la ligne en musique, l'étude des " états " successifs d'une même
mélodie de Haendel est une source de joie et le plus haut enseignement.
Supposez une série de dessins d'une même figure par Léonard. L'idéal
de Haendel est celui de tous les grands classiques; ce n'est pas l'originalité
ni l'invention, c'est la perfection.
En même temps qu'il cherche sans relâche le dessin le plus pur, il
poursuit l'expression la plus précise. Génie essentiellement subjectif,
lyrique, musical, et non pas musico-littéraire, il ignore le plus souvent la
signification consciente des phrases mélodiques qu'il invente. Certaines,
une fois écrites, continuent de sommeiller en lui pendant des années,
jusqu'à ce qu'il en ait pénétré le sens intime. Appliquées d'abord, suivant
les hasards du moment, à telle ou telle situation qui leur convient
^ Voyez encore comment la mélodie ■• L'aima mia d'Agrippina est reprise dans la Resurrez,ione, dans Rinaldo,
et dans Joskua.
43«
S. I. M.
médiocrement, elles sont pour ainsi dire en quête d'un corps où s'incarner;
elles cherchent la situation vraie, le sentiment précis dont elles sont
l'expression latente ; et une fois qu'elles l'ont trouvé, elles s'épanouissent
à l'aise. Voyez deux airs à'Almira^ le premier opéra de Haendel joué à
Hambourg en 1705 : l'air ila capo de Osman : Du irrst dich^ mein Licht^
et la danse des Asiatiques devant le char de Consalvo, traîné par des lions.
Le premier est chanté, dans la situation suivante : La princesse Edilia
aime le prince Osman, et le lui dit dans un air admirable. Osman, qui
l'aime aussi, mais qui refuse de s'engager avec elle, lui répond sur
l'accompagnement que voici :
HawideîfALMIRA,1705, AiR D'OSMAN
Ex. 18
m'iS^is -^jl çf r rirCrj^j]! çjir ^^mm
feES
^^
Du
^^
^
irrst dich) mcinLicMt
P-P P-^
È
Du
On reconnaît la belle gigue de la sixième suite en sol mineur du
second volume des 'Pièces pour le chivccbi^ parues à Londres en 1733. Ici,
HAENDEL
439
elle prend un caractère impertinent et burlesque, qui ne convient nulle-
ment au personnage, ni au sentiment. Il est évident que Haendel a conçu
son ♦air, sans égards à la situation théâtrale. — Pour la danse des
Asiatiques, le motif était mieux à sa place : c'est une Sarabande du type
habituel ;
Ha'iidelrALMÎRA danse des asiatîoues
Ex. if)
Mais combien Haendel s'est montré profondément inspiré, en
extrayant de cette petite danse l'air immortel de Rinaldo : Lascia cKio
pianga^ cet air de douleur sculpturale et d'amour, qui y était virtuellement
contenu !
Comme le statuaire de La Fontaine, bien souvent il ignore lui-même
ce qui sortira du bloc de marbre, (admirable toujours,) sur lequel il
travaille.
" Sera-t-il dieu., table., ou cuvette .^ "
Pouvait-il se douter, quand il écrivait ce badinage de la seconde
ouverture du Castor Fido (1733),
440
Ejc.20
S. I. M.
Hrendel: PASTOR FIDO, 1733
Vi\.iLe
que cette phrase indifférente enfermait l'affectueuse et touchante
mélodie, qui évoque la bonté de la reine morte, dans le Fanerai Anthem
(Trauer Ode) de 1737 ?
HeendehTRAUER ODE
Andaute larghetto
Eas.Si
Bien des fois, il a dû être le premier surpris de voir surgir d'une
nébuleuse musicale le Dieu de Moïse, au milieu de la foudre et des
éclairs.
*' Même ron dit que r ouvrier
Eut à peine achevé l'image^
Quon le vit frémir le premier^
Rt redouter son propre ouvrage. "
HAENDEL
441
Son valet le trouvait en larmes, au milieu de son travail. — " Si
j'étais dans mon corps, ou hors de mon corps, disait-il lui-même à propos
de VHalleluja du Messie, je ne sais pas. Dieu le sait. "
Mais toujours ce génie halluciné allait de pair avec le génie
critique ; presque toujours ces visions succédaient à un travail réfléchi sur
un texte musical précis, — de même qu'une découverte scientifique est
une lumière qui jaillit subitement au choc d'expérimentations minutieuses
de laboratoire.
Il n'opérait pas autrement avec les inspirations étrangères qu'il
utilisait qu'avec les siennes. Il avait sa mémoire et ses carnets remplis de
notes qu'il avait prises partout autour de lui, au cours de ses voyages, de
ses promenades, de ses lectures, aussi bien d'après les chants populaires,
les cris des rues, les bruits de la nature, ^ que d'après les œuvres savantes. '
C'était pour lui un réservoir d'impressions et d'expressions. Ces notes
étaient souvent hâtives et inexactes, comme les dessins qu'un Raphaël ou
un Rembrandt faisait d'œuvres étrangères : car leur objet n'était pas de
reproduire exactement des œuvres étrangères ; ils saisissaient dans ces
œuvres ce qui leur ressemblait, ce qu'ils reconnaissaient sur-le-champ
comme leur bien ; au moment même qu'ils le notaient, cela devenait un
morceau de leur vie. Tel air de VOctavia de Keiser a été si bien absorbé
par Haendel qu'il ne l'a plus quitté pendant cinquante ans, tour à tour
repris dans V Agrippina pour un air d'Ottone, dans le Trionfo del Tempo de
1708 pour un air de Disinganno, dans le Messie de 1742 pour le premier
récitatif, et jusque dans la dernière œuvre qu'il ait écrite, aveugle et près
de mourir, The Triumph ofTime and Truth de 1757, pour l'air de Counsel:
Mortals think.
Haendel: TRIUMBIÎ OF TIME 1757
Larghetto
E».Z3
' Il disait lui-même à une amie qu'il devait aux cris des rues et aux chants populaires les inspirations de
plusieurs de ses meilleures pages. Chrysander a retrouvé dans ses carnets telle notation de ce genre : ainsi, le cri
d'un marchand, '■'■qui ^vendait des allumettes près de la ta'verne à eau-de-'vie S. Giles, Tyburn Road, 1735." — J^
compte traiter ailleurs cette question des inspirations populaires de Haendel, dans ses oratorios.
* Voir les manuscrits de Haendel au Fitzwilliam Muséum de Cambridge.
442
S. I. M.
Visiblement, cette phrase lui a été si chère qu'on se demande si elle
n'était pas associée pour lui à quelque souvenir de sa vie. A tout le moins,
elle était devenue sienne; et il est bien certain qu'il en avait oublié
l'origine étrangère.
C'est qu'il apportait à la lecture des œuvres étrangères une passion
que leurs propres auteurs n'avaient jamais mise à les créer, et qui trans-
figurait leurs pensées le plus banales. Il prenait une phrase placide d'un
motet de Jacob Gallus (Hândl) :
Jacob Gallus. motet: ECCE QUOMODO MORiTUR JUSTUS
«au 23
Il la lisait, de toute son âme brûlante de foi et d'amour ; et elle de-
venait ce cri enivré, presque douloureux, de la Trauer Ode, qui se répète
huit fois, au cours du morceau, et qui huit fois retombe, cet élan d'extase
de l'âme chrétienne, qui tend les bras vers Dieu, et s'arrête, ne pouvant
plus parler :
Hœndel: TRAUER ODE
A
Lebhaft
Bai.2A^
é^-^
/,
j fi j-
UochUir RohmU-b«i
m
m
o ■ wiglicb,
«Pf
UiohL^rlUlnnle
^^^^m
zgxzz^^
Web e-wlg
m
Uctk.
HAENDEL
443
Il voyait dans ces phrases ce qui n'y était point. Il fallait son œil
— ou son oreille — pour découvrir dans la Sérénade de Stradella les
cataclysmes de la Bible. Chacun lit et entend différemment une œuvre
d'art ; et il peut arriver que ce ne soit pas le créateur qui en ait l'idée la
plus riche et la plus vivante. L'exemple de Haendel est là pour le
prouver. Non seulement il créait sa musique ; mais il créait celle des autres.
Stradella, ou Erba, n'étaient pour lui, — (si humiliante que soit la com-
paraison), — que ce qu'étaient pour Léonard les flammes du foyer et
les crevasses des murs, où il voyait des figures vivantes. Haendel entendait
passer le Jugement Dernier dans les grattements de guitare de Stradella.
Et c'est là le génie.
Romain Rolland.
LES RICHESSES MODALES DE LA
MUSIQUE BRETONNE
Parmi les pays où, dans la musique du peuple, les modes antiques
continuent d'être employés et de vivre, la Bretagne figure au premier
plan.
Si ses chansons n'ont guère subi l'influence de la musique moderne,
la vieille presqu'île le doit à l'isolement où l'ont maintenue sa situation
géographique et la conservation de sa langue. Mais cette dernière
particularité est précisément le plus pénible obstacle aux efforts du cher-
cheur. Car ceux qui chantent encore les gv\^erzes et les sônes tradition-
nelles, et ceux qui continuent d'en composer — les chercheuses d'épaves,
les mendiants, les pâtres, les " sonneurs " de bombarde et de biniou —
parlant rarement français, il est impossible de s'en faire comprendre à
l'étranger non familiarisé avec les difficultés de la syntaxe celtique. Et
ainsi s'explique que cette incomparable mine mélodique qu'est la musique
bretonne soit demeurée assez peu explorée jusqu'à présent.
Il y a une trentaine d'années, M. Bourgault-Ducoudray, grâce au
concours de quelques amis bretonnants, put recueillir un certain nombre
de thèmes armoricains, et il publia les plus beaux, dans un recueil célèbre,
qui fut une révélation. L'été dernier, reprenant son exploration, j'ai
eu la bonne fortune de trouver, dans les quelques cinq cents airs que j'ai
notés, ^ non seulement les modes déjà découverts par l'éminent auteur de
Thamara^ mais encore tous les modes diatoniques de la musique antique,
et quelques autres par surcroît.
Les modes les plus communs, en Bretagne, sont Vhypodorien^
(gamme de la sans accident) et le premier mode du plain chant (gamme
' Pour paraître prochainement chez Rouart, LeroUe et Cie.
LA MUSIQUE BRETONNE
445
de r/ avec si naturel). On les rencontre à chaque pas, et il est inutile
d'en citer des exemples.
Le majeur et le mineur s'y trouvent également. Mais il faut prendre
garde : ils ne sont souvent qu'une altération de modes antiques. C'est
ainsi que la fameuse An hini goz est généralement notée ainsi :
An hi-ni g-oz eo ma dous, A/i hi-iu goz eo 2ur,..
Traduction. — C'est la vieille qui est ma " douce, " — C'est la vieille, bien sûr...
Or, en Basse-Carnouaille, on chante cet air avec le sol naturel, et
telle est évidemment sa forme primitive. La mélodie mineure n'est donc
ici que la déformation d'une mélodie originairement hypodorienne.
De même, sur la côte trégorroire, où de tristes échantillons de
musique parisienne, apportés par les matelots, influencent parfois les
thèmes nationaux, on m'a chanté une sône dont voici le début :
M M J-.116
JtJl J- JiJ^y^=^Mi^^4-ja.^^d=tijrjj^^
M ho pod,nierc'heclyaouajik,m'hopedhagrio <juppli,Pa eet da Zant yakez, n'et kct re di- zour-si ...
Traduction. — r Je vous prie, jeunes filles, je vous prie et vous supplie, — Quand vous
irez à Saint- Jacques, n^y allez pas sans souci...
Une vieille femme qui ne parle pas français, et qui habite un petit
village éloigné du chemin de fer, par suite soustrait à l'action de la
musique savante, m'a chanté ainsi le même air :
M. M J. =iie
|r7nW:idaŒ#^^
M'hopod,merc?hedyaDuajQk,R^hoTodhasbosuî}pli, Pa oet daZant yakez, n'et kel re di-zoor-si ..
Cette fois, le thème d'apparence majeure est une altération d'un
thème hypolydien.
Ces deux exemples prouvent qu'il ne faut rien conclure à la légère,
de la fréquence apparente des modes majeur et mineur en Bretagne.
446
S. I. M.
Le dorien (gamme de mi sans accidents) était considéré par les
anciens comme " grandiose, calme et digne ", les théoriciens ne sont pas
d'accord au sujet de sa division, arithmétique ou harmonique. M. Bour-
gault-Ducoudray en a publié un admirable échantillon ', basé sur une
gamme dont la division en quarte et quinte (division arithmétique) est
incontestable. En voici un autre de même sorte :
.M. J:13
j,^'j,;,| J'jLjyi Jijr^ J,| JjLji^
Di - dos - tu - ut^^werzod yaou&jik, in - kon - ti-iuxn, .n» ho
^^^^^^^..^^^MàE^^^^^^-à
pecl, Me dis - kle-riu hc-p oheo -chamajit peto - re stad e ve - vet.
Traduction. — Ecoutez, jeunes garçons, à l'instant, je vous prie, — je vous apprendrai,
sans changement, en quel état vous vivez. [Recueilli à Kermaria-Siilurd^ Trègor).
Mais j'ai recueilli un autre thème dont les deux premières mesures
sont certainement doriennes, mais cette fois basées sur une gamme divisée
en quinte et quarte (division harmonique) :
M.M. J:
FûB-ia-n»! - la a ba - tous Prii» . Ei^ oa den jm -tiî wiik dU - Ift^, — -,
En wu!t lao-rct wir ben
he - re2,__ Diwar bar-ltn he ma - g-e - rot.
Traduction. — La Fontenelle, de la paroisse de Prat, — le plus beau gentilhomme
qui porte des habits, — a volé une héritière — sur les genoux de sa nourrice. (Chanté par
ITves Alenguy^ Pleven^ Haute-Cornouailles).
Faut-il inférer de ces deux modèles différents que la double division
était usitée chez les anciens ?
Le phrygien^ mode de Bacchus (gamme de rc sans accidents, basée
sur une dominante) est fréquent en Cornouailles, où la race est exhubé-
* BoURCAULT-DucouDRAY ; Tiiutf Mélodies Populairtt recueillies en Basse-Bretagne (Paris, Lemoinc).
LA MUSIQUE BRETONNE
447
rante et gaie, et la nature riante. La seconde moitié de la mélodie précé-
dente appartient à ce mode. En voici un autre exemple :
J.
^ J) J' i' jj jTJ^^^^^ît^^TjJj'i^
Nns-tron or o'hont^ htiçr o bri-e(1,_— A r.n r^-bred nuit di • me -zot ,
Traduction. — Le Seigneur Comte et sa femme — se sont mariés de bien bonne
heure — Ho ! — se sont mariés de bien bonne heure. (Mélodie de Haute-Cornouailles^ commu-
niquée par M. Vallée.)
Le lydien (gamme de do basée sur une dominante) est extrêmement
rare, dans tous les pays. " Il est presque introuvable aujourd'hui, même tant
en Grèce ", écrit M. Bourgault-Ducoudray, qui, avec moi, croit pouvoir
le reconnaître dans cet air que me chanta, en Trégor, une chercheuse de
lichen, conteuse attitrée d'Anatole le Braz :
M.M.<^"»?.iO
Dis - tov • fei ho vioitb-kouarJa, na
gle«wst eur_ son,.
<à ^ g^P* jw """^
^^^^^ïSt^^
da gle-iret evir zon, le- hl - ni 'aj bet sa • vet, Trei la la Ift Is
-t-:-h
v"'^m
jtU J'i ji'4^
I
la Tralo.-di-ra! le - hl - ni 'zo bet sa - vet Na - ne ket hep ra > zon .
Traduction. — Débouchez vos oreilles, pour entendre une chanson, — pour entendre
une chanson, — laquelle a été composée — treï la la la^ etc. — laquelle a été composée, ce
n'est pas sans raison. (Chanté par Maryvonne le Flem^ Port-Blanc.)
Le Mixolydien (gamme de j-/ basée sur une dominante) n'est guère plus
commun, et M. Bourgault-Ducoudry n'en rencontra aucun exemple.
En voici un, que je dois à la même chanteuse :
4+8
S. I. M.
0 tu - tore! euB enl lenr ne - wç, Me »ui boa gr»-t «jr pro m«f - ^c, Eur
plao'higlmant'Tnboa rankon-trct Ha^ he doapU-Jet d'an Boo-bet.
Traduction. — En m'en revenant d'une aire neuve, — j'avais fait une promesse ; —
Une fillette gentille j'avais rencontré, — et qui m'avait plu à souhait (Eadem).
Le locrien de Westphal (gamme de la sans accident, basé sur une
dominante) n'avait jamais, à ma connaissance, été découvert en Bretagne.
Voici un superbe appel de pâtres, chanté en Cornouailles, et qui est
composé sur ce mode :
I
.M.j,
72
^fe^ J j I " ^^=^r^^
10 !•
o lo Ip o lo le.
lo Ma- ri,
lo Ma- ri,
'¥=r:^'^'T^J^~^~^B^^TT'-^
0 lo Ma ri donLd'arnvo
0 lo In.
\j liypophrygien (gamme de sol 2Lyç,c f<i naturel), paraît à première vue,
assez fréquent. A la vérité, dans la plupart des mélodies comportant un
fa naturel et finissant sur un sol que 1 on entend en Bretagne, la répétition
constante de 1'///, qui révèle une division arithmétique, indique que l'on
LA MUSIQUE BRETONNE
449
se trouve en présence d'une gamme majeure retournée. Je crois pourtant
avoir trouvé l'hypophrygien dans l'exemple ci-dessous :
ÎO
M.M J : 132 .
ti»nn ti bi hd/i U.in or mt-ne, o gp! — .E • mao m* don»
j^ l^ la, Tra !a. la la la la la la, La la la la la!
Traduction. — Dans une petite maison, au faîte de la montagne, — O gat ! — Est
ma " douce, " mon amour. (Chanté par M. Alfred Lajaty Skrignak^ Haute-Cornouailles).
M. Bourgault-Ducoudray n'a rencontré Vhypolidien (gamme de^^
avec si naturel), tant en Grèce qu'en Bretagne, que dans des mélodies
hybrides. Je n'ai pas été plus heureux sous ce rapport, et si les trois
premières mesures du thème ci-dessous (très populaire en Trégor) sont
nettement hypolidiennes, les deux suivantes sont majeures, et les dernières
hypodoriennes.
M.M. J..-100
Toata-et tud yaouank, ha^^ e kle%v>fet ka-fian, ha^e klew-fei (ta-nan
ib:^>-i'-Y^- I J'J' Jn^ jijj^ ji^ >jjll^
But aon di - ver - td-sant zo sa- vert er blo-a-man.Tron ■ iet-te ion la,
Traduction. — Ecoutez, jeunes gens, et vous entendrez chanter, — et vous entendrez
chanter — une chanson divertissante, composée cette année-ci. (Chante par Maria Raoul^
Port-Blanc).
450
S. I. M.
Les mélodies hybrides sont d'ailleurs courantes en Bretagne, et j'en
ai recueillies de toutes sortes. J'y ai trouvé également divers types de
majeur, avec finale sur la tonique, la médiante et la dominante, et une
variété de mineur, dit " mineur de Lully, " qui n'est que la gamme de
ré sans si bémol, mais avec do dièse, basée sur la dominante la.
Mais la mélodie la plus curieuse, au point de vue tonal, que j'aie
rencontrée en Bretagne est à coup sûr Maro al laouena7iig (la mort du
roitelet), qui fut enregistrée au phonographe par l'excellent écrivain
breton Yves le Moal, et que je notai d'après le cylindre impressionné :
12
O otoase-al er cTios4 oti-b«rt,
Eli-ri^'^n e-r.i a'aj-ni-tm! Bnl la ouo-
p-raoa ta - pet... Birviken e - no, e-no, e-no, Birvtkene-no n'ami-anl.
Ift
Traduction. — J'étais allé chasser au bois. — y ornais là je n arriverai ! — Un roitelet
j'avais pris. — Jamais /à, /à, A?, — Jamais là je n arriverai ! (Chanté par Françoise le Bon,
Coadouty Goelo).
En extrayant de cette mélodie, et en les ordonnant, les notes mar-
quées d'une croix, on obtient une octave complète de la gamme que voici,
et qui est celle du mode chromatique oriental :
i3
On sait que le chromatique oriental, d'origine mauresque, n'avait
jamais été découvert non seulement en Bretagne, mais encore chez aucun
peuple d'Occident, et M. Bourgault-Ducoudray avait déduit de sa locali-
sation " chez les peuples qui ont une communauté d'origine avec les
Arabes, ou qui ont été asservis à leur domination " l'existence probable
d'un système musical particulier aux Aryens.
LA MUSIQUE BRETONNE
451
La mise au jour de Maro al laouenanig ruine-t-elle cette séduisante
hypothèse ? Je ne le pense pas. L'auteur de la chanson avait pu voyager
en Orient et utiliser un thème entendu au pays du soleil ; peut-être l'avait-
il simplement emprunté aux soldats espagnols dont la gwerz dit Marc harit
Char lez nous rappelle les passages en Bretagne, au XVI'"* siècle, et qui
tenaient le chromatique oriental de leurs anciens conquérants mauresques ;
ou peut-être encore était-il lui-même d'origine ibérienne, ^ et son œuvre
ne nous offre-t-elle que le fruit d'un atorisme obscur.
Quoiqu'il en soit, là encore, ne nous hâtons pas de conclure. La
rencontre d'une seule mélodie basée sur le chromatique oriental, dans un
ensemble de douze ou quinze cents thèmes recueillis à ce jour par
M. Bourgault-Ducoudray, M. l'abbé Guillerin, les directeurs de Dihunamb!
et de Klochdi Breiz, et moi-même, ne suffit pas à prouver la coexistence
originelle de ce mode et des modes diatoniques anciens, à entamer l'hy-
pothèse vraisemblable de l'unité musicale aryenne. Et si Maro al laouenanig
mérite d'attirer l'attention, tant pour sa grâce étrange que pour l'imprévu
de sa présence en Bretagne, je crois qu'il ne faut cependant voir en elle
qu'une curiosité musicale, une anomalie artistique, — un peu ce que
serait, pour un botaniste, la découverte d'un chêne-liège ou d'un olivier,
dans une lande de bruyères et d'ajoncs.
Maurice Duhamel.
^ Les habitants de plusieurs régions de Bretagne, notamment celle de Plougastel-Daoulas, viennent
d'Espagne. Rien ne trahit en eux cette origine, du reste, les peuples celtiques — Bretons et Gaëls — ayant
ce privilège singulier de façonner totalement les immigrés à leur image, d'où qu'ils viennent, en deux ou trois
générations.
LA
DAMNATION
DE FAUST
ET LA PRESSE
EN 1846
Sitôt finie (19 Octobre 1846), Berlioz veut faire entendre la Dam-
nation. Qu'on la copie, qu'on tire les parties pour l'orchestre et les chœurs.
Où la donnera-t-il ? Et comment ? Qui fera les frais ? Quel éditeur, quel
directeur de théâtre, ou entrepreneur de concerts, intéresser à cette affaire ?
Et quels chanteurs obtenir ?
L'échec de ses concerts, au Cirque Olympique, n'était engageant
pour personne. Sauf l'auteur, qui donc peut avoir confiance dans cette
partition nouvelle, rompant avec les habitudes du public, coûteuse à
monter, et qui fournira, pour une matinée ou deux, des recettes bien
aléatoires ? Avec l'Opéra où Habeneck est tout puissant, la guerre est
déclarée. A la Société des Concerts, c'est encore Habeneck qui règne.
Reste l'Opéra-Comique, que Berlioz encense alors dans ses feuilletons.
Avec le directeur Basset, il passe cette convention : il loue la salle ;
il y donnera son œuvre à ses frais, à ses risques et périls. Et c'est lui-même
qui conduira l'orchestre.
A la fin du mois d'octobre, les chanteurs sont recrutés. Tout de suite
les annonces paraissent, et l'on précise le jour :
LA DAMNATION DE FAUST 453
— "Ce sera le 29 Novembre, à rOpéra-Comique ;.... cette grande
solennité excite au plus haut degré la curiosité du public musical."
Un mois durant, dans les journaux amis, la série des annonces, sans
aucune cesse, fut adroitement variée et dosée. De fait, Berlioz jouait une
partie désespérée. La reculade, la défaite du romantisme, chaque jour,
depuis cinq ou six ans, s'était accentuée. Et, cette saison même, dans ce
Paris où Berlioz n'avait pas encore trouvé de public, pourrait-il, à moins
d'un miracle de la publicité, se susciter des auditeurs ? Alors on respirait
une fièvre, on souffrait d'un malaise général qui allait aboutir, quinze
mois plus tard, à la révolution de 48. Plus d'affaires ; l'argent se cachait ;
le bourgeois pris de peur, en venait à douter de Louis-Philippe. Louis-
Napoleon évadé du fort de Ham ; la Chambre dissoute, les élections de
Paris favorables à l'opposition ; la rente qui baisse et le prix du pain qui
augmente ; ce mois-ci, les ravages d'une inondation ; le mois dernier, une
émeute au faubourg Saint-Antoine : vraiment, comment drainer quelques
milliers d'auditeurs vers un " opéra de concert " dont nul ne se souciait ?
Infatigable, indomptable, Berlioz se multiplie. Par la presse, un
chroniqueur doit tout emporter. Un mois durant, c'est une pluie, un
torrent de communiqués. Des manuscrits d'articles (au moins quatre) et
des lettres subsistent encore dans les collections. Mais au style, et à des
détails que Berlioz seul alors peut savoir, on reconnaît sa main :
— " Une des plus importantes scènes de la Damnation a été écrite à
Prague, pendant {sic) une répétition de la Symphonie Fantastique "... Et la
France musicale^ dans six de ses hautes et larges colonnes, citait le livret...
— " Mon cher Ami (écrivait Berlioz), voilà trois réclames telles
quelles. Je suis abruti par tous les préparatifs..."
... " UOpèra Légende^ conçu pendant le dernier et brillant voyage de M. Berlioz en
Allemagne présente, dit-on, une variété de caractères et un éclat de coloris propres à justifier
l'intérêt extraordinaire qu'il excite déjà dans le public musical... On s'inscrit dès aujourd'hui
pour les loges au Bureau de location. "
Ou encore :
" Le Faust de M. Berlioz met en mouvement tout notre monde musical... Les Répétitions
préliminaires de ce grand ouvrage, ont déjà révélé des morceaux d'un effet extraordinaire et
pour lesquels les exécutants se passionnent d'une façon inaccoutumée...
Et le journal afîirme que M. de Montalivet, ancien Ministre (et
ancien protecteur de Berlioz), retarde un concert de Bienfaisance afin de
ne pas nuire à la Damnation.
45+ S. I. M.
Autre communiqué :
... " L'orchestre, composé de deux cents musiciens, sera conduit par l'illustre Maître lui-
même... Cette belle représentation, qui intéresse au plus haut degré les dilettantes, attirera
indubitablement une nombreuse affluence.
Dans d'autres journaux amis :
— " On assure qu'il n'y a déjà presque plus de places à louer."
Dans la Presse, Théophile Gautier, le " bon Théo" qui avait com-I
plaisamment exposé, avec l'accent le plus berliozien, une théorie sur
r interprétation harmonique des pédales supérieures \ — le " bon Théo '*^
commence par faire allusion à ce qui frappe le plus Timagination de lai
foule, c'est-à-dire l'agenouillement de Paganini devant Berlioz et le chèque
de vingt mille francs signé par le " Virtuose infernal. " Puis il brode sur
le livret, lance de pimpantes goguenarderies à propos du langage sweden-
borgien du Fandoemenium, — et il glisse :
" On aimonce, pour le 29 Novembre l'exécution d'une œuvre de la plus haute impor-|
tance : la Damnation de Faust.... Par la variété des scènes et la couleur romantique, c'est un des]
plus beaux sujets que puisse traiter un compositeur... M. Hector Berlioz a tout ce qu'il faut]
pour réussir... Rien ne lui manque, pas même un peu de bizarrerie."
Dans les Débats., " le prince de la critique " développait une note!
fournie par Berlioz. Entre ces deux camarades de rez-de-chaussée., c'était'
une habitude ancienne que de collaborer ainsi ; d'ailleurs certains détails
sur l'instrumentation, familiers au musicien, prouvent la provenance. Donc
yanin, avec une brillante abondance, annonçait la Damnation. Il louait
Berlioz d'avoir remplacé lui-même le décorateur et le librettiste : " quand
les paroles lui manquent, Berlioz n'est guère embarrassé pour trouver un
sens {sic)., un vers, un rime, quelquefois même une terreur [sic)...'' Et le
sémillant "J.J. ", paraphrasant le libretto imprimé, continuait de lancer,
en gerbe de feu d'artifice, les fleurs phosphorescentes de la plus tashion-
nable rhétorique... Enfin il concluait :
— " Quel courage dans le musicien qui sait se passer de tous les
accessoires usités : le costume, le ballet, le décor !
Janin, boulevardier sans illusions, pressentait-il un échec ?
Les satiriques, stimulés par cette publicité, y ajoutaient la leur :
Berlioz qui n'est pas pianiste, improvise ses partitions sur une grosse
' Voir Un Romantique sous Louis-P/iiiippr, p. 495 et 511.
LA DAMNATION DE FAUST 455
caisse, et ce diable d'homme la crève d'un doigt ; pour diapasons, il lui
faut prendre des canons et des obusiers ;... d'ailleurs il n'oublie pas sa
réclame :
— " Bonne ou mauvaise, sa musique fera du bruit'\
Cette première audition s'annonçait donc, ou plutôt était annoncée,
comme un grand événement parisien. Bien plus, la présence des Princes
Royaux était assurée. A un journaliste, Berlioz demande ;
— " Trouvez moyen, je vous prie, de glisser que M. le duc et M"'*" la
duchesse de Montpensier doivent y assister. Cela peut influer beaucoup
sur la recette... J'ai effectivement reçu avant-hier une lettre du Secrétaire
intime m'annonçant que Leurs Altesses viendraient."
Au dernier moment, il fallut remettre au dimanche suivant,
6 Décembre. Pendant huit jours, nouvel effort de publicité :
— " Cette fois, nous le croyons, M. Berlioz remportera une grande
victoire ! "
A la répétition générale, le vendredi matin (4 déc), les amis sont
là, les camarades de journalisme. Ceux des Débats, ceux de la Gazette
Musicale, figures familières ; et les chroniqueurs des autres feuilles,
aimables garçons qu'il interpelle et entretient volontiers aux premières
ou sur le boulevard ; et les autres gens de plume, librettistes, paroliers de
romances, courriéristes musicaux, qui peuvent avoir besoin de ses
feuilletons si amusants, si adroits et si lus. Parmi ce " parti " Berliozien,
c'est une atmosphère d'admiration. Lui, petit, trépidant, présent partout,
il électrise, il fanatise cet auditoire restreint. Et chacun s'exhalte, grisé
par une musique encore inentendue, et songe que cette révélation n'aura
peut-être pas d'auditeurs. Hors cette chambrée de prosélytes, ce sera sans
doute, dans deux jours, un désert d'indifférence.
Mais qu'il est beau, et conquérant, ce Berlioz. Figure énergique,
fauve, à profil d'aigle. Dominateur, soulevé par sa foi en lui-même, la
communiquant, l'imposant, combien alors on le " vénère." Eh oui, on
sait ses incorrigibles bizarreries, ses faiblesses, ses brèves et fulminantes,
ses " volcaniques " toquades d'amour, et ses romans, ses suicides qu'il a
racontés à tout le boulevard ; on a encore dans la poche telle lettre sans
vergogne, telle incidieuse réclame qu'il vient d'écrire avec une déconcer-
tante et trop avisée gaminerie... Malgré tout, où sont-ils donc, dans ce
Paris de spéculations, de bavardages parlementaires, de mascarades données
par la garde nationale, — où sont-ils donc les vrais artistes .? Avec lui.
456 S. I. M.
combien y en a-t-il qui luttent et souffrent pour leur art, qui se sacrifient
à leur œuvre, et qui acceptent l'existence comme une sorte de long mar-
tyre pour l'idéal ? Oui, dans ces années où triomphent de rusés fournis-
seurs, comme Ponsard, Scribe, Delaroche, et Clapisson, combien sont-ils
à mériter le nom de maître ?
Et Gautier, l'indulgent Théo, qui frémit d'enthousiasme quand
passe le mystérieux souffle du grand art, — Gautier prophétise, dès la
répétition du vendredi, que Berlioz est l'un des grands hommes du
siècle :
— " Hector Berlioz nous paraît former, avec Hugo et Eugène
Delacroix, la trinité de l'art romantique".
*
* *
Il vint enfin, le Dimanche de la première audition.
— " Cette solennité (annonçaient encore les journaux du matin)
réunira l'élite du monde artistique et du monde élégant."
A deux heures, la salle de l'Opéra-Comique est à moitié vide. —
Berlioz, quand il monte au pupitre directeur, peut voir que son œuvre
va mourir, faute de public. Partie perdue... Il est ruiné... Tout l'avenir
s'écroule.
Et là, sous sa main, il tient son chef-d'œuvre, son chef-d'œuvre in-
connu. En vain, désespérément, il va le faire retentir dans une salle indif-
férente. Quelques amis applaudiront. A quoi bon ?... On écrira d'excel-
lents articles. A quoi bon ?... Son génie est condamné à l'asphyxie de
l'isolement. Pour Berlioz, pas de public... Il est ruiné... Paris, indifférent
encore une fois, le rejette.
Minute horrible... Quiconque aimait Berlioz fut étreint de douleur.
Le soir même Jules Janin, qui avait réservé la fin de son feuilleton (im-
primé dans la soirée du dimanche) pour applaudir au triomphe de son
ami, — Jules Janin ne pouvait qu'écrire des phrases dont il faut peser
toute la tristesse. A ses lecteurs, publiquement, il ne pouvait en dire
davantage. Mais qu'on imagine Janin renseigné par quelqu'un ou présent
dans la salle : pas de public... L'avenir de Berlioz, tout à coup, lui
apparaît et pour masquer la défaite, Janin envoie ces lignes aux
Débats :
LA DAMNATION DE FAUST 457
... "Du côté de rOpéra-Comique, avcz-vous entendu sur les quatre heures, aujourd'hui,
les applaudissements les plus difficiles k obtenir ? Je veux parler de ces louanges si pénibles k
arracher, qui coûtent à l'artiste les parcelles les plus précieuses de sa vie, naoments si courts
qu'il faut payer par les angoisses les plus cruelles ; gloire impitoyable, cruellement débattue,
gloire contestée, terrain vague disputé à l'oubli, qu'il faut gagner pied à pied, à la sueur de son
front, par les tortures de son cœur.
... Luttes terribles, luttes cruelles, duel infini de l'homme qui sait oser, qui sait vouloir, et
qui mourra plutôt que de ne rien céder aux habitudes de la foule, à ses instincts aveugles, k ses
stupides volontés !
Heureux, trois fois heureux, qui pourrait être applaudi comme M. Scribe ! Que je plains,
hélas ! et que j'envie, l'infortuné qui force les louanges k la façon de Berlioz !
J. J- "
Pas de public... La présence de LL. AA. RR. ne rend que plus sen-
sible le vide de la salle. Les amis, les camarades, font bisser la Marche
Hongroise^ puis le Ballet des Sylphes : leurs applaudissements, violents mais
clairsemés, sonnent faux, lugubrement... Et l'exécution est incertaine,
molle, faute de répétitions qui auraient augmenté les frais. Le chant des
choristes est même si inquiétant que Berlioz, par crainte d'un accident,
supprime le Pandoemonium. Quant aux solistes, déroutés par cette musique
et découragés par une salle à demi-déserte, ils défendent mal cette
œuvre qui meurt dans leurs voix. ^
Pas de public.
Mais Berlioz ne désespère pas : les Princes sont venus ; dans deux se-
maines, le 20, une nouvelle audition sera peut-être une revanche. D'ailleurs
il tombait de la neige ; et il y avait une double concurrence : la distribu-
tion des prix au Conservatoire et le Concert de Bienfaisance organisé sous
lies auspices de M. de Montalivet... A la seconde audition, les frais seront
[bien moindres ; la recette pourra combler le déficit.
i Donc, dans les feuilles, nouvel eifort de publicité.
! Comptes-rendus excellents. — Aux Débats (où le musicien-journa-
liste est chez-lui), longue analyse dominée par ces mots :
— " L'œuvre nouvelle de M. Berlioz vient d'obtenir un succès trop
complet, trop éclatant, pour que ses amis ne regardent pas désormais
comme à l'abri de toute atteinte le triomphe d'une cause qui se défend
si magnifiquement elle-même..." ^
^ Distribution : Roger (Faust), Hermann Léon (Méphistophélés), Henri (Brander) M'™ Duflot-Maillard
(Marguerite).
Article signé E.D. — Deldevez, ou Démarest qui suivait l'Opéra en l'absence de Berlioz (Archives de
l'Opéra).
458 S. I. M.
A la Gazette Musicale^ — où Berlioz exerce depuis si longtemps une
collaboration prédominante et presque une direction effective, — autre
analyse enthousiaste :
... " M. Berlioz est l'artiste par exxellence pour hasarder victorieuse-
ment les extrêmes hardiesses, et lutter corps à corps avec l'impossible...
Cette physionomie excentrique de Faust, curieux mélange de rêverie et
d'action, de scepticisme raisonneur et de passion fougueuse, devait merveil-
leusement séduire l'homme qui a déjà écrit Harold^... et qui a longtemps '
médité un Hafnlet..y
Le " bon Théo ", dans la Presse^ combat pour Berlioz et pour l'art :
" M. Hector Berlioz, quel que soit le jugement qu'on porte sur ses œuvres, est un artiste
dans la force du mot. Chez lui jamais de lâche concession aux Philistins, jamais de sacrifice à
la vente et au succès du moment : ce n'est pas lui qui énerverait son mâle talent en vue des
pianos et des quadrilles. Il n'a pas peur de son originalité et ne recule pas devant une beauté
choquante. En ce temps de molesse où la platitude, sous le nom de bon sens, cherche à faire
école et rallie les esprits prosaïques, il conserve la même verve furieuse et la même passion
désordonnée qu'à son début,... bien que quelques poils gris commencent à briller dans ses
favoris et sa chevelure..."
Marqué par l'âge, Berlioz ne conservait pas tout entier son admira-
teur le plus véhément et le plus ancien. Et cela, qui est très symptomati-
que, mérite d'être médité. — Joseph d'Ortigue, qui jadis avait signé
l'autobiographie de Berlioz écrite par Berlioz, qui avait défendu Benvenuto
par un in-folio \ — le fidèle d'Ortigue lui-même n'admirait plus sans
réserve le novateur trop révolutionnaire. L'ancien gonfalonier du mu-
sicien romantique, maintenant assagi ou refroidi, dodelinait ses quarante
ans et ses déceptions dans la musique des " vieux maîtres ", dans la
douceur mystique du plain chant ; et il parlait doctoralement de la puis-
sance des bonnes traditions : sans se fâcher, Berlioz ne tardera pas à
l'appeler "l'abbé d'Ortigue"... A la Qi/otidie/nie, d'Ortigue fit un long
article amical et cruel: malgré quinze ans de lutte disait-il, M. Berlioz
n'arrive pas à ^^ se Jaire accepter''... Pourtant ce n'est pas un homme
ordinaire ;... bien qu'on le lui conteste, il a un " génie mélodique ",..
mais sa mélodie n'est pas' " la mélodie italienne dont nous avons fait
notre type et avec laquelle nos oreilles se sont familiarisées... Sous
l'ascendant de Gluck et de Weber,
... M. Berlioz se posa de prime-abord en compositeur roniantic]ue. Avec cet instinct mer-
veilleux de l'orchestration, avec ce génie particulier des timbrer, des effets nouveaux, des
' Voir un Komanhque sous Louis l'hilippr, j). 139 ù 149 et 462 .^ 465.
LA DAMNATION DE FAUST 459
nuances de sonorités que personne ne lui conteste, il sut reproduire fort heureusement des
images appartenant à la poésie et à la peinture.
... Tout entier préoccupé de ses innovations, séduit par ses combinaisons et par les effets
neufs qu'il produit, M. Berlioz perd tout à fait de vue son public et dépasse cette mesure, ce
niveau au-delà desquels les perceptions du public s'arrêtent. C'est alors qu'il lui arrive de com-
mettre ces fautes que des compositeurs souvent fort inférieurs à lui évitent... Alors, il donne
raison, aux yeux du public, à ses adversaires les plus déclarés. Croit-on, de bonne foi, que tel
membre du Conservatoire, que tel faiseur d'opéras, de ballets, de contre-point, etc., ... se fasse
illusion sur le valeur, la portée, la supériorité réelle de M. Berlioz ? Ils ne l'attaqueraient pas
avec tant d'acharnement s'ils le redoutaient moins...
Je peux à présent le proclamer sans crainte : M. Berlioz est de la taille des grands
maîtres... Comme musicien lyrique, comme poète, comme instrumentaliste, il a ouvert à l'art
des horizons nouveaux.
... Pour ce qui est de l'instrumentation, de l'entente des grands effets, des nuances infinies
de la passion, des fantaisies poétiques, M. Berlioz est parmi nous sans rival. Sous ces divers
aspects, il est allé plus loin que Mozart, que Beethoven et Weber, non qu'il leur soit supérieur,
mais parce que l'art a marché entre ses mains.
Néanmoins, M. Berlioz luttera toujours...
Il y aura tovijours un abîme entre la manière dont la masse de notre public (grâce aux
théories qu'on lui a faites) conçoit l'art, et l'art tel que le conçoit M. Berlioz...
Aveu cruel mais sincère : oui, le public et Berlioz sont séparés par
un abîme. — Mais pourquoi le fidèle d'Ortigue a-t-il la naïveté de le
reconnaître ? Cela peut nuire à la seconde audition...
Moins consciencieux, et beaucoup plus journalistiques, vingt autres
articles pourront séduire davantage le lecteur. Tous mettent hors de
doute l'énergie de M. Berlioz, sa constance à soutenir une lutte héroïque,
et son originalité de véritable novateur. Et même les amis ajoutent,
comme pour stimuler la curiosité, que M. Berlioz est excentrique avec
conviction :
— " Il se brûlera la cervelle, si jamais il est assailli par une idée banale ! "
Quant aux confrères jaloux, s'ils font quelques réserves, ils abondent
aussi en éloges, puisque le concert n'a pas réussi. Que leur servirait-il de
dénigrer la Damnation : l'œuvre est à terre, morte. Est-ce la peine de se
brouiller avec l'auteur, journaliste spirituel et à craindre, et avec les gens
de la Gazette Musicale^ de la Presse^ et surtout des officieux Débats^ et
avec l'omnipotent " J. J. ", prince de la critique ? Aussi bien, bon nombre
de chroniqueurs, braves garçons quand leur intérêt n'intervient pas, ont
pu être gagnés par l'enthousiasme de la répétition du vendredi, ou par
l'ardeur de Maurice Bourger, Morel, chaudesignes, et autres berlioziens.
Et puis, Berlioz n'est le concurrent de personne, et les faiseurs d'articles
4
460 s. I. M.
peuvent subir une double raison d'aimer cet artiste véritable : en lui, vit
la flamme sacrée, — et il ne fait pas de recette.
Quelques " insectes du feuilleton ", çà et là, firent leurs habituelles
piqûres. La Critique Musicale petite feuille débutante essaya d'attirer l'at-
tention sur elle par un éreintement féroce. Mais qui donc le lut ? Même,
elle collectionna les phrases les plus désagréables qu'on avait imprimées :
elles font sourire. Sous les épithètes choisies parfois pour blesser, sous les
hautaines réserves des Fiorentino, Jouvin et autres, il n'y a rien de sérieux,
sinon les éternelles et sottes critiques faites à toute musique nouvelle : pas
de mélodie, rythmes brisés, asymétrie des périodes musicales, destruction
du sentiment de la tonalité, surcharge de l'orchestre. — Reproches qu'en-
tendirent tour à tour Lully, Rameau, Gluck, Mozart, et tous les
novateurs. '
*
* *
Les articles sur le concert du 6 Décembre, les annonces et commu-
niqués pour celui du 20, — toute cette publicité, ce tutti d'éloges auquel
de menues critiques ou les railleries des satiriques ne donnaient que plus
de relief, allait-il amener enfin le public à Berlioz }
Le Dimanche 20 Décembre, la salle de l'Opéra-Comique est aux
trois quarts vide... Sans cette neige qui tombe encore, le serait-elle
beaucoup moins .? Le mauvais temps est impuissant pour retenir chez
eux, par ces soirées de Décembre, les admirateurs des Diama?js de la
Couronne. — Gibhy-la-Cornemuse " fait des recettes inouïes "...
Pour la Damnation^ le second comme le premier jour, pas de public...
Déjà les malveillants, tel le chroniqueur du Charivari., essaient leurs
pointes et traits spirituels : " ha Chanson du Rat va passer inaperçue,
puisqu'il n'y a pas un chat dans la salle."
Salle presque déserte. Quelques mains applaudissent, mais les mali-
cieux remarquent : " la salle est mieux coînposée que la musique "..., Et
Berlioz, dans ce vide sans écho, continue de conduire la Damnation., et de
la voir mourir... Le ténor Roger ne veut même pas chanter F Invocation
' Sur l'accueil fait par la Presse à la Damnation, un erreur s'est accréditée.
Berlioz môme écrit (fin décembre, voir plus loin) :
— " Trente journaux en ont fait l'clof^e."
Dans ses Mi'moires (Ch. LIV), il écrira un phrase que l'on cite à taux :
— " Rien, dans ma carrière d'artiste, ne m'a plus profondément blessé que cette indiiTércncc..." Mais dans
ce qui précètle, il parle du public, et non Jrs Journaux.
LA DAMNATION DE FAUST 461
a la nature.., U Invocation ., la page maîtresse !... Qu'importe : on peut déca-
piter l'œuvre, ce n'est déjà plus qu'un cadavre.
— " Enthousiasme immense !... Quatre morceaux bissés", publient dès
le lendemain les camarades de journalisme. Et, en hâte, sous leur impul-
sion, on se réunit, on se cotise, on organise un banquet. Est-ce pour
amorcer une troisième audition t Est-ce pour couvrir la déroute t
\jQ 2.(^ Décembre, banquet, avec toasts, en l'honneur de la Damnation.
Le baron Taylor préside : il porte la parole au nom des artistes ; puis
Dumas parle au nom des hommes de lettres ; Roger (qui n'avait pas
chanté F Invocation) retrouve sa voix et parle au nom des chanteurs ;
Osborne, au nom des artistes anglais ; et Offenbach au nom des artistes
allemands.
Et l'on décide " d'ouvrir une souscription pour faire frapper une
grande médaille d'or commémorative".
Comédie sinistre. On couronne une victime. " On étouffe ses cris
(ainsi le constate un ennemi clairvoyant), sous le bâillon des éloges."
Comédie nécessaire. Il faut ou que Berlioz s'avoue vaincu, — ou
qu'il se pose en vainqueur. Peut-il être dupe de cette attitude 1 Est-il
vainqueur, quand le public se dérobe .? Mais fatalement il la joue, cette
comédie, pour le public qui n'est pas venu ; il la joue pour les crédules
amis de province, pour les correspondants de l'étranger ; il l'a joue pour
ses parents. A tous, il mande et son succès, " le plus grand de sa vie ! " et
le banquet d'admirateurs et la médaille d'or :
— " L'Ouvrage est lancé (écrit-il à sa sœur Nanci), on en parle
partout, trente journaux en ont fait l'éloge ". ^
Ce triomphateur n'a plus qu'à fuir.
Pour ses deux auditions, il vient de " dépenser un argent fou ". Et
il ne l'a pas. Le voilà endetté, lui qui n'a aucune avance, aucune réserve.
Comment va-t-il payer 1 Et comment vivre lui-même, et alimenter ses
deux ménages t
— " Je suis (même lettre) comme les oiseaux de proie, obligé
d'aller chercher ma vie au loin. Les oiseaux de basse-cour, seuls, vivent
^ Lettre inédite. — Autographe communiqué par les héritiers de Berlioz.
462
s. I. M.
bien sur leur fumier... Je suis entouré de crétins qui cumulent jusqu'à
trois places largement rétribuées, tel que Caraffa, par exemple, un musi-
cien de pacotille, qui n'a pour lui que de n'être pas français... Il n'y a rien
à faire dans cet atroce pays, et je ne puis que désirer de le quitter au plus
vite." (fin Décembre 1846).
Le chef-d'œuvre de Berlioz venait de le ruiner.
Adolphe Boschot.
LETTRE DE NAPLES
UNE VISITE AU R. P. HARTMANN
Dimanche des rameaux ! Le printemps s'annonce par une journée
douce et embaumée. Tout le monde porte dans ses mains les rameaux, à
petites feuilles vertes ou en grandes branches jaunes distribués dans
les églises ; à tous les coins de rues les bouquetiers vous offrent des fleurs
d'amandier et des violettes.
Le tramway électrique, que je prends au Musée National, suit la
rue de Capodimonte, longe le parc royal dans toute son étendue et suit
la large voie Appienne, à travers les campagnes verdoyantes, jusqu'à
Marano^ où je descends après une heure de trajet. Le village est aussi en
fête. Ici-même fleurs et rameaux partout.
Le couvent des moines franciscains se trouve à gauche du pays, sur
une colline d'où l'on jouit d'une vue superbe ; tout le panorama de la
Campanie. A gauche la mer du golfe de Gaëte, puis, au loin, les mon-
tagnes de l'appenin napolitain, Caserte avec sa cascade, le Vésuve et le
golfe ! A la porte du cloître, un moine mince et pâle, aux cheveux très
ras, m'annonce au P. Bernardin, qui me fait passer dans le parloir, petite
chambre proprement meublée d'un divan, de quatre chaises de paille,
d'une table avec des livres et... d'un piano. Tandis que je regarde le
piano, le P. Bernardin me dit :
— C'est le piano que M. Clausetti, le directeur de la Société de
Concerts nous a envoyé pour le P. Hartmann. Notre Maestro est au
Chœur et il va venir tout à l'heure.
En effet, le célèbre musicien franciscain arrive et je lui annonce mes
intentions : " C'est la troisième fois que vous venez à Naples et il me
semble important de connaître votre opinion que pensez vous de notre
public et des éléments dont vous vous êtes servi pour donner la première
fois en Italie, votre Morte del Signore ".
464 s. I. M.
Le P. Hartmann me conduit dans sa cellule. Il prend place devant
une petite table, sur laquelle est ouverte la partition du Stabat Mater de
Rossini et, en m'ofFrant une chaise, me dit :
— Ici nous sommes à notre aise, n'est-ce pas ?
— Oui, nous sommes aussi bien qu'au confessional. Seulement c'est
vous, Padre, qui devez me répondre. Voilà la différence.
Le P. Hartmann sourit et j'en profite pour lui demander quelques
indications biographiques.
— Je suis né à Salurno, dans le Tirol, le 31 Décembre 1863, et à
seize ans j'entrais dans l'ordre de Saint François. La paix du cloître et les
chants liturgiques développèrent mon goût des études musicales. Je fis des
démarches pour être admis à l'école du père Pierre Singer, à Salzburg,
célèbre organiste et inventeur du 'Pansymphonicum. Mes études achevées,
on m'envoya organiste à Linz, puis à Reuth et, en 1893, ^ Jérusalem, pour
tenir l'orgue à l'église au Saint-Sépulcre ; j'y restai pendant deux ans.
Ensuite je passai à Rome, à l'église d'Aracœli. Là, je séjournai onze
années, et entre temps fus nommé directeur et professeur de composition
et d'instrumentation à P École Musicale Coopérative. En 1906, enfin, sur
l'ordre de notre Général, j'allai à Munich, où je suis actuellement. Voilà
tout.
— éMaestro^ on m'a dit que vous êtes aussi professeur de
philosophie
— Non, en 1905 l'Université de Wurzburg me donna le grade de
docteur en théologie ; c'est différent.
— Voulez-vous me dire, Maestro., quel genre de composition vous
préférez t
— J'ai écrit des Lieder., des Messes, des Motets, des quatuors, des
trios, des sonates et, surtout, des oratorios.
— Combien d'oratorios avez vous composés jusqu'ici ?
— Cinq. Le San Pietro^ écrit en 1899, et donné à Rome, la pre-
mière fois ; puis le San Francesco en 1900, exécuté à Saint Pétersbourg ;
la Cena del Signore., (que j'ai dirigée l'année dernière à Naples au San Carlo^)
écrite entre 1902 et 1903 et chantée, pour la première fois à Wurzburg ;
la <£Morte del Signore en 1905, que je viens de diriger encore ici, cette
semaine, à Santa Chiara et les 'àet te 'Parole., écrites en 1907 et exécutées à
New-York, où j'ai habité, deux ans. Le climat de ce pays, trop froid pour
LETTRE DE NAPLES 465
moi, me rendit gravement malade. Je ne me suis guéri, grâce à Dieu,
qu'à après mon retour en Europe,
— Et à présent que composez-vous ?
— Je travaille à un autre oratorio, pour voci sole, chœurs et orche-
stre, comme tous les précédents. Je ne puis vous en dire grand chose, je
n'en ai pas encore écrit une mesure. Je puis seulement vous donner son
titre le Te Deum.
— Je voudrais savoir, Maestro, comment vous préparez les textes de
vos oratorios.
— C'est très facile : je les emprunte à la liturgie, source intarissable
de toutes mes inspirations. D'abord je choisis le sujet. Ensuite j'y adapte
le texte correspondant des évangiles. Cela fait il ne me reste qu'à répartir
les morceaux. Lorsque ce travail est achevé, je commence la composition
musicale, et, enfin, l'instrumentation.
— Et tout ce travail vous prend-il beaucoup de temps ?
— Naturellement, de mois, une année et, quelquefois, même
davantage. —
On frappe à la porte. Notre conversation amicale — pendant
laquelle j'ai pris, effrontément, place à la table, pour noter la parole lente
et douce du P. Hartmann — est interrompue par un moine qui nous
apporte le café. Le père n'en prend pas. J'accepte ma tasse et tandis que
je bois le moine avec l'intention de se montrer aimable dit : Ça ne fait
pas mal : c'est de l'eau chaude !
Encouragé par sa bonté et par sa patience, je priai le P. Hartmann
de m'écrire les thèmes principaux de son oratorio, la morte del Signore. Il
prit la plume et après avoir tracé quelques lignes de musique, que je vous
envoie, il me dit.
— Le texte des évangiles de Saint Mathieu, de Saint Luc et de
Saint Jean, sur la mort du Seigneur, la plus grande tragédie de l'huma-
nité, me subjugua littéralement. La première partie de mon oratorio
représente l'humiliation de Jésus, qui souffre le supplice de la croix et
l'exaltation de ce sinistre instrument de mort, auquel les hommes ont voué
leur Dieu. Cinq mesures à peine de prélude orchestral précédent le chant
du contralto [Une voix mystérieuse) : Ecce crucem Domini. C'est l'Ame
repentie, souffrante à la vue du Très-Haut.
4
66
^^^^^
^ ».. u-
i=F=f^
.. '2* ^r^
_ •n.txJk/
JtiKK
^fyCft.JliJii^
^^^^^^.^f^^X^irj^f^^^^^
Toutes les voix se fondent dans le Venite adoremus.
]JHistoire (soprano), dans son récitatif raconte de supplice*et rappelle
la prophétie :
-^i
Et la Wa' mystérieuse reprend suivie du chœur qui répète l'invo-
cation.
Voici maintenant Jésus sur la croix. \JHistoirc montre le peuple
insultant et blasphémateur, et le baryton (Jésus) , que l'on ne voit pas,
accompagné par l'orgue, répond : O//, mon peuple^ que t'at-je fait ?
LE R. P. HARTMANN
(Croquis de Labella)
LETTRE DE NAPLES
■nVUtKCw <^ra»V>'ra£*tf^
• /-"-** '**, ~ t^
Le chœur :
£^1
< 1 ' -
467
Puis viennent les épisodes du mauvais larron et des soldats se
disputant.
cue^ Uc
r— ■ ^— ».
^m
irOtJJ. J,
rti .T^ f?
^;^^H^j-t^ r '' 'u4.,,x:^
•^^^^ <^ yk i. >- ^ ^ .
La seconde partie comprend deux thèmes, confiés à l'orchestre, aux
chœurs et au contralto ;
468
S. I. M.
U4>4
J.J.
cMm'^
^sg^
OxJïaa^ ,//^ ; T_ji____„- — j-v
z'
fe2=f
<*r7~
fc^
iiii
^^^
A-
^7T7i^^Xil3='
(li^c^ ">■> -(^ --.fc. /*i-'jzir
Auquel s'unit le soprano dans un duo sur les premières phrases
du Sfa^at éMater.
J^S^
Ici se place la scène de Marie et de Jean. Puis le peuple entonne :
O Maria^ mater Dei, (choral d'hommes) et : A te datur Paradisus^ (voix
de femmes).
^>40
\J Histoire, continue le drame jusqu'au bout et les voix de l'huma-
nité entière terminent par un hymne de gloire :
LETTRE DE NAPLES
469
Ar è i .^'i U rj.
ÀL l-i J-f ^, ^
'>*i V- '4w^
(i'^»^'^
Le P. Hartmann inépuisable de bienveillance continue et m'expose
ainsi ses œuvres et ses goûts. Il ne peut me cacher sa grande admiration
pour Beethoven.
— Le génie supérieur du titan de Bonn, particulièrement dans ses
symphonies, a ouvert à notre art, enfermé dans les lignes sévères du
classicisme, un nouvel horizon.
Mais ce qu'il nous a surtout appris c'est à penser en musique, à
mettre les ressources de notre art symphoniques au service d'un idée, à
subordonner l'œuvre à une psychologie particulière, qui l'anime, qui au
lieu de provoquer un simple plaisir passager, laisse un impression de véri-
table recueillement... Aussi je vous avoue que je ne cesse de relire les
dernières œuvres du maître.
— Et parmi les modernes ?
— Bien entendu, j'aime et j'admire Berlioz, Liszt, Wagner, Bruck-
ner et Brahms ont toutes mes sympathies, ainsi que Bizet, Franck, Saint
Saëns, Dubois et Pierné... Quant au présent, nous sommes sous le coup
de l'impressionisme de Debussy et du modernisme de Reger. Le moment
n'est pas venu de se prononcer encore...
Une clochette, résonne aigrement à travers les couloirs déserts et
discrets. C'est l'heure du réfectoire, ma visite est finie et je prends congé
du Père après m'être excusé de l'avoir si longtemps retenu.
G. DE Leva.
A TRAVERS L'ESTHÉTIQUE MUSICALE
LA CRITIQUE MUSICALE AU TEMPS PRESENT
J'ai longtemps et vainement souhaité, en France, une critique musicale représentée par
des écrivains au courant des choses de la musique, au besoin même de la technique de cet art,
et pourvus d'une culture générale qui leur permît d'en parler en humanistes. " Humaniste "
fut jadis un terme à la mode. Ce terme paraît bien tombé en désuétude, et cela par une raison
des plus simples. Les humanistes, aujourd'hui, sont en baisse. Ils se font de plus en plus rares.
Ils se font de moins en moins entendre. Ils se feraient entendre, qu'ils ne se feraient pas
écouter... Tel est le bruit qui court. Je ne suis pas sûr qu'il ait raison de courir. Ce dont je
suis malheureusement sûr, c'est que nous avons aujourd'hui des critiques musicaux très doués,
très cultivés, capables de penser, sans doute mais réussissant mal à faire penser le lecteur. De là
vient qu'ils ennuient, qu'ils m'ennuient. Un seul m'amuse, c'est l'Ouvreuse, dont vous
m'accorderez bien que l'ouverture d'esprit ne laisse guère à désirer.
Je ne parle point du court du trop court passage de Romain Rolland à la Revue de Paris.
Durant le temps qu'il y écrivit, ses articles surprirent par la richesse du contenu, par l'audace
des thèses exprimées ou suggérées, par la solidité des raisons qui autorisaient cette audace.
Romain Rolland réfléchissait sur la musique à la manière d'un musicien, et surtout, d'un
vivant. Et voilà pourquoi il nous faisait penser et réfléchir.
" Faire penser et réfléchir " voilà ce dont se soucient, moins que de tout le reste, nos
critiques musicaux contemporains, plus chroniqueurs, à vrai dire, que critiques véritables. Ils
pensent juger du bon, du médiocre et du meilleur. Si trancher, c'est juger, à la rigueur ils
jugent. Mais on dirait que la direction du journal où ils écrivent leur interdit de motiver leurs
jugements. Notez qu'en leur demandant des " motifs " je ne leur demande pas de " preuves "
au sens fort du terme. Je voudrais seulement qu'ils n'affirmassent rien sans dire pourquoi. Or
c'est ce dont ils n'ont cure.
" Faire penser et réfléchir " voilà ce que Goethe appréciait chez son ami Zelter. Goethe
était, quant à lui, médiocrement sensible aux beautés musicales. La perception directe de ces
beautés lui faisait naturellement défaut. Mais il les apercevait quand on les lui montrait. Le cas
de Goethe est assez répandu, très répandu même en France. Je parle de notre élite intellec-
tuelle, à qui très souvent, trop souvent la musique ne dit rien. On lui rcproclie de ne point
faire penser, on constate le plaisir qu'elle procure, celui que par intervalles, on y prend soi-
même. II est même aisé de s'apercevoir, à quel point la musique tient peu de place dans les
préoccupations de nos meilleurs critiques littéraires. Les images, les comparaisons, les
métaphores d'origine musicale sont loin de leur être familières. Tant il est vrai que la musique
" ne les fait point penser ".
Ne pourrait-on, ici, généraliser, et soutenir, qu'au sens propre ilu terme la musique ne
saurait exercer sur la pensée aucune action directe f
Pour mieux s'en rendre compte, il conviendrait peut-être de serrer de près la formule :
faire penser " ? Quel sens lui donnerons-nous, si même il est possible de lui donner un sens ?
A TRAVERS L'ESTHÉTIQUE 471
Quand Brunetière parlait de ses maîtres, et il en parlait volontiers, il citait au premier
rang, l'auteur des Maîtres (V Autrefois Eugène -Fromentin. Il considérait les leçons de Taine
sur V Idéal dans C Art comme un livre digne d'avoir fait une révolution dans la Critique. D'où
l'on peut conclure : i° que la critique d'art, passé une certaine hauteur, domine non seulement
l'art qui lui a servi de cause occasionnelle, mais tous les arts et, plus encore: 2" que les formules
mises en circulation par cette critique comportent une application générale. On admet
ordinairement que plus un auteur sème ou soulève d'idées générales, plus cet auteur fait penser.
Reste à se demander à quoi nous pensons quand on nous fait penser ? A quelles personnes
ou à quelles choses ? A nous-mêmes \ A nos semblables ? Aux événements qui jalonnent la vie
de chaque jour ? A moins que ce ne soit à ceux qui la troublent et, en la bouleversant, nous
bouleversent ? A la vie, en un mot ? — Est-ce ainsi qu'il faut répondre ?
En tout cas, à moins de se taire, on ne saurait répondre autrement.
Et cette réponse nous conduirait aisément, sinon immédiatement, — mais supprimons les
intermédiaires — à cette autre : " La critique musicale ne fait point penser parce qu'elle
manque de psychologie ".
*
* *
Il est certain que, la plupart du temps, elle en manque ? Peut-on lui en faire un reproche!
Nous écrivions jadis que la psychologie musicale est inséparable de la musique. Nous distin-
guons dans toute œuvre musicale : i" la forme ; 2" le fond. Nous allions même jusqu'à soutenir
qu'une musique très expressive n'est point nécessairement très belle. Peut-être en ce temps là,
étions-nous sur le chemin de l'erreur. Et pourtant que d'opéras s'imposent à l'admiration du
public, dont on dirait volontiers, comme de certains romans ou de certains drames : " qu'ils ne
sont pas écrits ! "
Dans ces conditions, une critique musicale limitée, l'examen de la valeur ou de la puis-
sance expressive des oeuvres risquerait de faire fausse route et de pécher par de regrettables
excès d'indulgence. Et les excès d'indulgence conduisent souvent à de véritables devis de
justice. Du point de vue de la psychologie musicale l'air de la Calomnie à^H. Barkiére est un
incontestable chef-d'œuvre, l'un des chefs-d'œuvre de Rossini. Ce chef-d'œuvre est pourtant
écrit à la diable. Le style musical est, on ne saurait mieux approprié à la situation. Le com-
positeur a écrit ce qu'il y avait à dire. Il s'est plié fort heureusement aux exigences du drame,
ce qui nous a valu un chef-d'œuvre de psychologie musicale. Cela ne veut pas dire un chef-
d'œuvre de musique.
La Fie de Rossini par Stendhal est semée de jugements qui font grand honneur au psy-
chologue : on ne l'a pas assez dit. On s'est contenté de récuser les jugements " musicaux " de
l'auteur. On a eu tort ; il est vrai, de les récuser en bloc. Si je rappelle ici cette œuvre injuste-
ment négligée de Stendhal, c'est qu'elle ne fait pas penser sensiblement moins que la plupart
de ses livres. D'où l'on serait tenté de conclure qu'une critique musicale capable d'éveiller ou
de suggérer des idées générales, y réussirait d'autant mieux qu'elle s'écarterait de sa véritable
voie. Car le propre de la critique d'art n'est-il pas de juger une œuvre d'art en tant que telle.
Or si l'on réduisait la critique musicale, à l'examen de la valeur psychologique d'une œuvre,
on lui imposerait une tâche qui n'est point la sienne.
Nous avons donc, nous, deux tâches à remplir, deux démonstrations à entreprendre: 1° La
musique est un art qui fait penser ; 2" par des vertus propres et qui sont indépendantes de sa
valeur ou de son contenu psychologique. Mais ce sera pour le mois prochain.
Lionel Dauriac.
BELLAIGUE C. — Gounod. (Collection des Maîtres de la
musique. Alcan 1910 in-12*').
Remercions M. Bellaigue d'avoir fixé ses souvenirs sur
Gounod et d'avoir consacré à l'auteur de Faust 300 pages élégantes,
pleines de vues esthétiques nouvelles. M. Bellaigue est avec
M. Saint Saëns, le meilleur juge de l'œuvre de Gounod, parce
qu'il a vécu dans sa familiarité, parce qu'il la connaît et parce
qu'il l'aime.
Gounod représente, dans la musique française, un bel et
noble effort d'adaptation. C'est lui, plus encore que Berlioz, qui
a réconcilié l'art d'Auber et de Boïeldieu avec celui de Beethoven
et de Mendelssohn. Il a, comme le dit excellemment M. Bellaigue,
ramené la musique française du dehors au dedans ; il a mis fin à ses
égarements et lui a pour ainsi dire rendu une patrie, celle de
l'âme et du sentiment. Aussi le caractère dominant de son œuvre
est-il celui de la conciliation : conciliation du mysticisme et de la
sensibilité profane, conciliation du romantique et de l'antique,
conciliation de l'esprit français (car il était infiniment spirituel)
avec la rêverie germanique. Tout cela avec onction, chaleur,
naïveté. Et n'est-ce pas dans le duo que la musique de Gounod a toujours triomphé, c'est
à dire dans les moments où il s'agit de fondre dans un même sentiment deux éléments diffé-
rents, de passer de la dualité à l'unité.
En notre pays séparatiste et chicaneur, et vers 1860, cet art de sympathie et de parfait
amour était héroïque. Aujourd'hui, nous le trouvons un peu démodé. Pourquoi ? Parce que
Gounod, en ramenant la musique française vers l'intériorité des émotions sentimentales n'a
fait pour ainsi dire que son devoir de musicien de génie. Et on ne sait jamais gré aux gens de
faire leur devoir. De son vivant même Gounod a été dépassé dans la voie où il s'était engagé,
dépassé par ses élèves, dépassé par les Allemands, si bien qu'il s'est trouvé dans la situation
pénible d'un progressiste qui devient réactionnaire. Il avait mis en marche une génération, il
avait provoqué un mouvement, et dans le temps même qu'il cherchait la formule artistique
de son enthousiasme, le siècle l'entraînait au lieu de se laisser guider par lui. L'admirateur de
Mendelssohn se trouvait tout à coup en face de Parsija/ et de la Demoiselle Elue. Toute son
œuvre se ressentit de cette perpétuelle concurrence.
LES LIVRES
473
Gounod ne parvint pas à arrêter à son profit la marche rapide de l'évolution de notre
musique moderne, il ne voulut pas non plus la suivre. Tel était sa crainte des excès, son goût
de l'opportunisme. Et peut-être doit-on voir dans ces hésitations l'influence de Rome, qui fut
extrême chez Gounod. S'il est au monde une ville antimusicale, c'est bien la Rome des
Césars et des Papes, lieu de diplomatie et d'administration, centre ambitieux d'éternité et de
perpétuel statu quo, dont la plus grande gloire se résume dans le Pontifex^ l'ingénieur des
ponts et chaussées ! Dans le musicien Gounod s'aperçoit clairement la lutte des deux grandes
énergies qui stimulent l'activité humaine, celle de la vie intérieure (Bach, Beethoven,
Mendelssohn) et celle de la vie extérieure (Rome). Et l'originalité de l'auteur de Faust est
précisément d'avoir cherché un compromis entre ces deux puissances, compromis délicieusement
instable.
M. Bellaigue semble tenté de faire un mérite à Gounod de cette réserve prudente. Et
c'est bien son droit. Il y a là en effet une certaine modération à laquelle les Français ont
toujours été sensibles en musique. Toutefois, il faudrait se garder d'opposer cette apparente
simplicité à la complexité d'un Wagner, comme le tente plusieurs fois dans ce livre M.
Bellaigue. S'il est bien entendu que Gounod a cédé à l'entraînement des grands maîtres
Allemands, et s'est engagé à leur suite dans la voie qui mène à la complexité des sentiments
intimes, s'il l'on tombe d'accord pour reconnaître que cette orientation est la caractéristique
de son génie, et représente la nouveauté apportée par lui dans la musique française, alors
Gounod n'est qu'un prédécesseur de Schumann et de Wagner, et il n'y a qu'une différence de
mesure entre Sapho et Brunnhilde, entre Roméo et Tristan. M. Bellaigue, reprenant une
argumentation chère à l'esthétique française, voudrait opposer " le conflit des pensées innombrables
et véhémentes " de Wagner à " Vunité de la sereine et profonde pensée " chez Gounod. Il voudrait
nous faire admettre qu'il y a dans Gounod un effort de concentration et de réduction à
l'unité tout aussi puissant que l'amoncellement édifié par Wagner. Hé bien non. Sans même
entrer dans le fond du début, qui est celui du classicisme et du romantisme^ on doit avouer
que Gounod ne procède pas par concentration mais par élimination. Comme le dit si bien
M. Bellaigue " // se restreint h ce quil sent le mieux convenir à la discrétion et à Pintimitè de son
génie ". Son goût, son tempérament le portent vers les paysages d'âmes qui sont ceux de
Shakespeare, de Goethe et de Wagner, mais arrivé là, son audace tombe. Il choisit dans Faust
l'épisode de Marguerite ; il passe à côté de Schopenhauer et s'en tient à l'antithèse du
rossignol et de l'alouette. Devant ce flot qui monte de la musique moderne, Gounod ne se
sent pas en sûreté ; sa religion s'alarme ; il cherche son salut du côté de l'oratorio. L'exaltation
qu'il a connue jadis à la Villa Médicis en 1840, lorsque Fanny Mendelssohn lui jouait les
œuvres allemandes, il voudrait la capter au profit de ses convictions religieuses, de son idéal
second empire, de son esthétique romaine. Mais Vesprit de la musique^ était ailleurs déjà, il
composait le quatuor de Franck, il préparait Fervaal, la Bonne Chanson, Tod und Verklaerung.
Gounod, comme toute l'école française qui procède immédiatement de lui, n'a pu se livrer
sans réserves au sentiment musical. Il fut par contre — laissons lui ce beau rôle — un
merveilleux initiateur. A notre musique française, asservie par l'opéra, et brutalisée par Berlioz,
il a rendu la confiance, le sourire et la beauté. Ne lui demandons pas davantage.
J. E.
LEICHTENTRITT (Hugo). — Geschichte der Musik von W. Ambros. Band IV.
(Lpz. Leuckart, 1909 in-8° de 906 pp. Mk. 15.)
474 S. I. M.
Je suis bien en retard avec cet ouvrage de notre excellent collègue le Dr. Leichtentritt.
Mais un in-octavo de cette importance ne se parcourt pas en quelques heures. Il ne s'agit rien
moins ici que de la refonte complète du tome IV de l'histoire de la musique d'Ambros, parue en
1878 et que M. Leichtentritt a doublé en 1909. Que l'on songe en effet à tout ce qui s'est
passé dans la musicologie depuis trente ans !
Ce volume traite de la musique italienne de 1550 à 1650, c'est à dire de l'époque
palestrinienne et de la grande révolution de la monodie. Il n'est pas sans doute en Europe de
moment plus impressionnant dans notre histoire artistique. Cet apogée de la polyphonie,
immédiatement suivi d'une réaction totale, intransigeante, est un spectacle bien curieux. Et
vraiment on serait fondé à croire que Palestrina, avec son idéal d'un art compréhensible et
verbal, a été un homophone beaucoup plutôt qu'un polyphone. Ce que l'Eglise repoussait
(et depuis longtemps) dans la polyphon-.e, c'était l'indépendance des parties, et la prédominance
du sentiment musical sur le sens intellectuel des mots. Palestrina l'homme de cette réforme,
n'a-t-il pas été l'instrument de la réduction à l'unité, si rapidement accomplie par l'opéra, après
lui, et presque à côté de lui ?
M. Leichtentritt avait, on le voit, la part très belle. Il dut cependant tenir compte de
l'auteur qu'il représentait au public, et Ambros avait ses points de vue. M. L. les a conservés,
tout en ajoutant ses idées personnelles ; le livre perd en unité, mais il gagne en sincérité. Les
grands travaux sur lesquels M. L. eut à s'appuyer furent ceux du Dr. Vogel, de Haberl, de
Kretzschmar, de Goldschmidt et de Romain Rolland. On est heureux de citer un nom
français parmi tant d'étrangers, et pour nous, cet isolement est à méditer. Dans l'histoire d'un
moment essentiel de notre évolution musicale, la France se trouve représentée par un seul
érudit ! Cela est fâcheux, et devrait faire réfléchir nos candidats aux doctorat, pour lesquels il
ne paraît pas exister d'autres sujets que ceux du XVII-XVIIP siècle parisien. La spécialisation
a du bon, mais vraiment Rameau commence à être connu. Les monodistes italiens de 1640
ne le sont pas du tout, et, pour nous modernes, leurs " lieds " sont infiniment plus intéressants
que les musiques de fermiers généraux qui sévissaient en France vers 1750. Que dire de
Luca Marenzio ? Que dire sur tout de ce prodigieux Gesualdo, prince de Venose, le Debussy
italien, l'homme qui a réellement tout osé, tout tenté en fait d'aggrégations sonores? Voilà des
hommes avec lesquels l'histoire de la musique devrait nous faire reprendre contact. C'est son
devoir.
J'espère que le volume de M. Leichtentritt attirera la curiosité des lecteurs, des auditeurs
des travailleurs et des organisateurs de concerts vers ce grand siècle de l'art musical italien, et
que les textes, cités par lui en si grand nombre, piqueront la curiosité de tous les curieux de
musique rétrospective. J. E.
BARCLAY SQUIRE. — Catalogue of the printed Music in the Library of the Royal
Collège of Music, London. (London, Novelle, in 4° de 368 pp.)
Cette bibliothèque du Royal Collège n'est pas destinée aux historiens, mais à la consul-
tation d'élèves. Elle coJitient cependant bon nombre d'ouvrages anciens et rares. Car son
premier fond lui est venu de l'achat de la bibliothèque de la " Sacred Harmony Society," dont
l'inventaire a été pubhé en 1872, et qui formait une série très respectable. Puis vinrent
s'ajouter la bibhothèque des "Concerts of Ancient Music ", offerte par la Reine Victoria, la
bibliothèque de sir George Grove, celle de la "Musical Union," plusieurs autres, et des
doubles du British Muséum. Le présent volume, fort minutieusement rédigé par notre collègue
M. Barclay Squire, ne contient que les ouvrages de musique pratique imprimes (y compris les
LES LIVRES
475
méthodes). Un autre volume donnera les manuscrits. Un troisième sera réservé aux ouvrages
théoriques. Quand aurons-nous traversé cet âge de bibliographie, et pourrons-nous, posséder le
grand inventaire général des livres de musique du monde entier?
INTERNATIONALE MUSIKGESELLSCHAFT j III Kongress. (Artariaà Vienne
et Breitkopf à Leipzig, in 8" de 700 pp.)
Voici que paraissent enfin les Actes de notre congrès de Vienne. Cet ouvrage est un
véritable monument élevé à la science et à l'histoire de la musique, et dont notre Société
Internationale peut être fière. Qui l'eut dit, il y a 11 ans, quand notre Société s'est formée
timidement, au milieu des rivalités de personnes et d'institutions, que nous arriverions à
grouper en une magnifique manifestation tout ce que le monde de l'érudition compte de
savants et de travailleurs éminents. Ceux qui n'ont pas compris ce mouvement de la solidarité
ou qui auraient voulu le confisquer à leur profit, se voient aujourd'hui perdus et impuissants
dans le domaine de la musicologie organisée.
Je me garderais de rendre compte dès maintenant de ce volume. Je le réserve pour la
période d'été où les obligations de la vie parisienne nous laissent quelque répit. Je tiens cepen-
à féliciter l'éminent Professeur Guido Adler qui a été l'âme du Congrès, et MM. Koczirz et
Haas qui en furent les br»as actifs et rapides. J. E.
HUET (Emile). — Jeanne d'' Arc et la musique. (Orléans, Il rue Jeanne d'Arc 1909,
in 8° de 230 p.)
Ce livre est la seconde édition d'un volume qui parut en 1894, et que son auteur a
considérablement augmenté. Il s'agit de nous présenter ici une bibliographie de toutes les
œuvres que la Pucelle a pu inspirer au sentiment musical de ses admirateurs. Car on a chanté
Jeanne d'Arc et un peu en toutes les langues de l'Europe. De Tschaikow^ski à Dubois, de
Gounod à Liszt, de Widor à Verdi, un grand nombre de compositeurs ont été séduits par la
mystique légende de Jeanne. Les uns lui ont consacré un lied, d'autres un poème d'orchestre
et chœurs, d'autres un opéra tout entier.
Chose singulière, la chanson populaire ne s'est emparé de ce sujet qu'assez tard. On ne
trouve pas dès le quinzième siècle un mouvement musical en faveur de la Pucelle. M. Huet
cite un motet, perdu d'ailleurs d'Elsy d'Amerval (1483) et un mystère de la prise d'Orléans,
qui ne signifient pas grand chose. Sous Louis XIII la Pucelle apparaît dans le Ballet
des Modes (1633), comme le représentant d'un personnage antique, et assez imprécis. ^
Il faut attendre la fin du XV IIP siècle pour voir une orientation de la favuer musicale vers
Jeanne.
M. Huet attribue cette attitude de la musique, à la lenteur même des progrès de cet art.
Je ne pense pas tout à fait comme lui. Les romans de chevalerie du moyen âge étaient déjà
entrés dans le matériel de notre opéra, que personne ne songeait encore à mettre la Pucelle en
musique. D'autre part, et sans faire tort aux maîtres qui ont illustré ce sujet de leur art, on
peut dire qu'aucune Jeanne d'Arc musicalisée n'a atteint un succès définitif. L'histoire de
Jeanne d'Arc ne paraît pas se prêter à une mise en œuvre artistique, du moins dans le domaine
du lyrisme. Malgré l'efFort des romantiques, malgré la pieuse vénération des catholiques,
' A ce sujet je ne saurais trop protester contre la mauvaise opinion que M. Huet, à la suite de M.
Germain Bapst, paraît avoir de la musique des ballets de Louis XIII.
476
S. I. M.
Jeanne ne représente pas dans l'humanité une de ces figures que l'artiste peut transposer
dans son imagination, et isoler, en quelque sorte de la réalité historique. N'avons nous pas vu
tout dernièrement un de nos plus célèbres écrivains, mettre tout son talent à replacer Jeanne
dans le terre à terre des fait divers de l'histoire. D'autre part l'Eglise en revendiquant pour la
religion la gloire de la Pucelle rend encore la tâche de l'artiste plus difficile. En un mot
Jeanne est venue trop tard dans notre Occident, pour que sa légende fasse oublier son histoire.
Verrons-nous un jour un grand musicien, qui serait en même temps un penseur et un poète,
synthétiser en Jeanne d'Arc, comme on l'a fait en Parsifal ou en Œdipe les préoccupations
éternelles et mystérieuses de l'humanité qui rêve ? Je ne le crois pas. Jeanne a maintenant son
étiquette. Pour les uns elle est Sainte ; pour les autres elle est phénomène historique. Et le
Français, ami des solutions simplistes, s'en tiendra là. L'affaire est classée. Toute la musique
du monde n'y changera rien. C'est dommage.
J. E.
RIEMANN (Hugo). — Mmlc-Lexikon. (Lpz. Max Hesse in 8" de 1600 p. Mk. 14.)
Tout le monde connaît le Dictionnaire biographique du Professeur H. Riemann. La
septième édition que nous avons sous les yeux atteste de l'intérêt de cet instrument indispen-
sable à tous les travailleurs. L'esprit encyclopédique de M. Riemann était bien fait pour
concevoir et réaliser un semblable ouvrage, en lui donnant, dès sa première édition, un
caractère d'éminente vulgarisation. Je serais curieux des savoir combien de lecteurs a trouvé le
Lexicon, en France. Cela nous donnerait une statistique intéressante.
BECK (Jean). — La musique des Troubadours. (Collection Laurens in 1 2°).
Malgré la difficulté de résumer en 96 pages in 12° un sujet aussi vaste et aussi neuf,
que celui de la poésie vulgaire musicalisée par le moyen âge, M. Beck a réussi à nous donner
une idée attrayante de ces questions ardues et controversées. Il ne pouvait guère que présenter
les éléments d'une initiation première, dont presque tous ses lecteurs avaient besoin. C'est là
un nouveau pas, fait avec beaucoup de précision et d'assurance, dans la voie de la vulgarisation
de notre musicologie médiévale. Le volume, selon les traditions de cette collection est orné
d'une multiple iconographie, qui égaie encore cette étude.
J. E.
BOSCHOT (A.). — Le Faust de Berlioz. (Constallat in 12° de 72 p., i fr.)
Ce petit volume est ce qu'on nomme en Allemagne un " Fuehrer ". Il ne contient
cependant pas de thèmes de musique ; probablement M. Boschot a pensé, avec raison, que
l'œuvre de Berlioz était trop populaire à Paris pour réclamer encore une anal)se thématique.
Ce commentaire condensé arrive parfaitement bien, au moment où l'Opéra nous donne la
Damnation.
J. E.
LALOY (L.). — La musique chinoise. (Collection Laurens in 12".)
Notre collègue et ami Laloy, aurait avec une égale facilité écrit un livre en chinois, sur
la musique française. Il lui a plu de nous donner d'abord un volume français sur la musique
chinoise. Nous lui en saurons tous gré. Cette musique chinoise ne nous est pas tout à fait
LES LIVRES
477
inconnue depuis que la gamme à cinq tons sévit dans notre modernisme, et nous avons déjà
mordu à ce fruit exotique sans le savoir. Ce que nous ne connaissions pas, c'est la doctrine, et
Vethos chinois. Le livre de Laloy nous l'apprend avec concision. Il nous montre un ensemble
d'idées et de convictions esthétiques vieilles de quelques milliers d'années. Je ne connais rien
de plus passionnant que de surprendre ainsi les premiers pas de nos civilisations musicales.
Une conclusion se dégage de cet ouvrage précis, c'est que l'humanité musicale a débuté par le
dogme, par l'abstraction et le formalisme. L'indépendance et la liberté sont des conquêtes
tardives et toujours discutées.
J. E.
BOTSTIBER (Hugo). — Musi^buch aus Oesterreich^ année VII. (Vienne C. Fromme
19 [O, in 8° de 425 p.)
Excellent annuaire de la musique en Autriche, rédigé par notre collègue viennois, le
Dr. Botstiber, secrétaire de l'Académie des Beaux-Arts. Je ne peux qu'admirer un pays où
l'Académie des Beaux-Arts prend elle-même l'initiative de publier un volume, qui chez nous
est abandonné aux spéculations de librairie. Nous sommes loin encore ici de cette sollicitude.
Le plan de ce volume ressemble à celui des annuaires de musique qui se publient un peu
partout. Cependant sa tenue est meilleure que celle de beaucoup d'entre eux. Aucune publicité
ne vient nous rappeler, dans le cours de l'ouvrage que nous sommes ici en présence du bottin
de la vanité artistique. Quelques articles musicologiques, en tête, nous donnent au contraire
l'impression qu'il s'agit d'une œuvre sérieuse. Une remarque cependant. Il me semble qu'il
vaudrait mieux renoncer dans ces annuaires à l'mdication sommaire de l'étranger, qu'on veut y
faire entrer malgré tout et au prix d'inévitables erreurs. Ainsi, nous apprenons par exemple,
que notre S. I. M., est édité chez Astruc. Ou bien encore que le Secrétaire de l'Association
des Concerts Lamoureux se nomme Vincent d'Indy. Il serait préférable de s'en tenir au pays
de l'annuaire lui-même. Le livre serait ainsi parfait.
J. E.
— D"" HUGO RIEMANN : Die Byzantinische mtenschrift im 10 bis i^.Jahrhundert. —
(Leipzig, Breitkopf & Haertel, 1909. In-8° grand de 98 pages, avec 8 phototypies et trans-
criptions, 5 mark).
Le savant professeur de l'Université de Leipzig a tour à tour porté ses investigations dans
les coins les plus divers de la musique. Une étude de lui, déjà assez lointaine, sur les Martyries^
ces curieuses " clefs " byzantines, une autre plus récente, sur la Mètrophonie^ du chant
Papadique, indiquait que la musique byzantine avait une porte dans ses préoccupations. La
publication de mon Catalogue de musique byzantine par la S. I. M. a décidé M. Riemann, au
cours de l'été dernier, à publier cet ouvrage, où il étudie paléographiquement soixante-dix
chants attribués à Saint André de Crète, Saint Jean Damanène, Saint Côme, le moine Jean, etc.
Mais l'histoire et la transcription de la musique byzantine sont encore si peu connues, que
les travaux consacrés à cette science depuis quelques années doivent être considérés comme des
travaux d'avancement. Aussi, M. Hugo Riemann, Dom Athanase Jaïsser, le P. Thibaut, et
moi-même, qui avons consacré à ce sujet, d'importantes études, ne sommes-nous pas d'accord
sur plusieurs points. Tantôt deux ou trois d'entre nous pensent de même sur une question, où
les autres diffèrent d'avis ; tantôt un seul soutient mordicus son opinion, la considérant comme
la seule vraiment scientifique. Tout cela demanderait une étude d'ensemble, que j'ai bien
l'intention de faire quelque jour.
478
S. I. M.
Or, ce dernier ouvrage de M. Riemann est principalement diricié contre les résultats que
j'ai proposés dans mon Introduction à la Paléographie musicale byzantine. Mais, si je suis prêt à
rendre hommage au savant musicologue sur plusieurs points, si je dois même le remercier de
quelques observations qui relèvent certains détails de mon ouvrage, il n'est pas possible de laisser
entrer dans le bagage scientifique byzantin toutes les conclusions de M. Riemann. En quelques
lignes, je ne puis ici instituer une discussion en règle, mais je tiens à relever, page 5, l'opinion
manifestement erronée sur l'origine des signes modernes des martyrïes^ où M. Riemann voit la
transformation des lettres abréviatrices de Dorien, Phygien, Lydien, Mixolydien, tandis que le
dépouillement que j'ai fait de près de cent manuscrits byzantins de diverses époques, et dont le
résultat est consigné pages 25-26 de mon Catalogue démontre à l'évidence que, par une
évolution continue, ces signes proviennent des quatre premières lettres de l'alphabet, indicatrices
des quatre tons authentes.
D'autre part, la théorie générale de M. Riemann sur ce que j'appellerai la quadrature du
rythme il l'a appliquée à la musique byzantine, de telle sorte que, bon gré mal gré, les accents
doivent régulièrement tomber sur les temps forts d'une mesure à quatre temps, les autres notes
étant distribuées dans l'intervalle, d'une manière plutôt arbitraire. Il en résulte que, assez
souvent où les manuscrits indiquent un temps long, M. Riemann note un son bref, et vice-
versa, parce que ces indications ne rentrent pas dans sa théorie : c'est grave.
Enfin, l'idée de M. Riemann de vouloir traduire mélodiquement et en mesure les signes
d'ornement dont le sens est inconnu, modifient la phrase d'une manière parfois extraordinaire.
La méthode suivie dans ce cas, et principalement par suite des règles de la métrophonie, peut
être acceptée lorsqu'il s'agit des chants de l'époque où ces règles se font jour, et spécialement
dans la seconde moitié du XVIIP siècle : on ne saurait, à mon avis, les expliquer en aucune
manière au déchifFrage des manuscrits du X*^.
AmÉdée Gastoué.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ FRANCO-JAPONAISE. (TarU, Dec, 1909
xni, p. 82;.
Dans un article intitulé : Jrt japonais et art européen^ notes recueillies et traduites
par M. Ed. Claverie, l'auteur, M. Kakusen Tokunaga, de Tokio, parle de différentes questions
artistiques. Il est ainsi amené à consacrer quelques pages à la musique. Malheureusement,
l'auteur ne semble pas posséder son sujet d'une façon complète ; il mêle les subtiles réflexions
émises par notre collègue Louis Laloy, aux tentatives de musique exotique de M. Bencdictus,
et va jusqu'à mentionner l'opérette anglaise. Il eut été préférable, ce nous semble, que ce cri-
tique japonais nous livrât de vrais documents, c'est à dire des musiques des airs japonais...
Gaston Knosp.
BULLETIN DE L'ÉCOLE FRANÇAISE D'EXTRÊME-ORIENT {IX N" 2
et 4. Oct.-Dèc. 1909.)
Cette publication a toujours témoigné d'un haut souci de précision scientifique; les
travaux qu'elle livre aux savants sont frappés au coin d'une solide érudition. M. Noiil Péri
y signe une belle et scrupuleuse étude du " Drame lyrique japonais ", (Le No). Que M. Péri
nous permette cependant une réflexion assez naturelle et que nous suggère le programme qu'il
LES LIVRES 479
s'est tracé ; il nous apprend que le No est avant tout une œuvre lyrique^ que divers modes de
rkïtatifs ou de chants rythmes par un orchestre rudimentaire ajoutent leur cadence h celle des verSy que
le ^^ Shite" est à la fois chanteur et danseur... c'est assez dire combien l'intéressant ouvrage de
M. Péri aurait gagné à se compléter d'une partie musicale, puisque cette dernière, aux dires de
l'auteur occupe une place assez importante dans le théâtre japonais. Quelques rouleaux phono-
graphiques lui auraient permis de curieux enregistrements dont la transcription en notation
aurait constitué un utile apport à son étude.
Ce dont il convient de féliciter M. Péri, c'est de la substantielle bibliographie qu'il établit
du répertoire théâtral japonais ; c'est là un précieux outil pour les travailleurs ; sous ce rapport,
l'auteur s'est acquis un titre à la reconnaissance des érudits japonisants.
BIBLIOTHÈQUE BECKER. — Plusieurs revues musicales ont parlé ces temps derniers
de la bibliothèque vendue à la ville de Lyon par M. Becker de Genève en 1894, et restée
soigneusement empaquetée à la Bibliothèque de la Ville, jusqu'au jour où notre confrère
M. Vallas en fit le dépouillement et la rendit accessible au public. De différents côtés on nous
demande quel était ce M. Becker et quelle fut la destinée de ses livres. Georges Becker
bibliophile naquit dans le Palatinat en 1834, et se fixa en Suisse au Grand Lancy, près Genève.
Il ne faut pas le confondre avec C. F. Becker l'auteur de la bibliographie bien connue.
Die Tonwerke des XVP und XVIP Jahrhunderts (Lpz. 1855). Voici du reste ce que M. Becker
a lui-même l'obligeance de nous écrire.
Lancy le 28 mai 1910.
Ma bibliothèque musicale il y a vingt-cinq ans, était composée de 2500 ouvrages. Quinze
cents volumes (la partie pratique) sont allés à Lyon par les soins de mon regretté ami le
Dr. Coutagne. Ma collection de psautiers a été vendue en 1886 à M. E. André, banquier à
Paris, et léguée par celui-ci à la Société de Protestatisme. Deux cents ouvrages des XVP et
XV IF siècles ont été éparpillés. Ces dernières années j'ai fait don de 250 à 300 volumes à
différentes bibliothèques de Suisse et les livres qui me restent sont destinés à la Bibliothèque de
Genève...
G. Becker.
LIVRES REÇUS.
— MAGNETTE (Paul). — Les grandes étapes dans l'œuvre de Berlioz. I. La Sym-
phonie Fantastique. (Liège, Muraille 1908 in-8° de 54 pages).
Anton Bruckner (Bruxelles, Weissenbruch, in-S" de 22 pages).
— WELLESZ (Egon). — J. J. Fux " Constanza e Fortezza ". (Denkmaeler autrichien
Vienne, Artaria. In fol. de 263 pages. K. 36).
— DAFFNER (Hugo). — Musikwissenschaft und Universitaet. (Breitkopf in- 12° de
23 pages. M. 50).
— HAMMERICH (Angul). — Musikhistorisk Muséum de Copenhague. (Cop. 1909
in-8° de 151 pages).
480
s. I. M.
UNE VENTE D'AUTOGRAPHES MUSICAUX.
Une importante réunion d'autographes a été vendue à l'Hôtel Drouot par les soins de
M. Charavay. Voici quelques prix atteints par les autographes concernant la musique :
Béranger. — 2 lettres : 1 5 et 3 1 frs.
Berlioz. — Lettre : 30 frs.
„ — Manuscrit aut : 40 frs.
Boieldieu. — Lettre : 35 frs.
Chérubini. — Lettre : 10 frs.
Lalande (Michel de). — Signature : 12 frs.
Le Sueur. — Lettre : 14 frs.
Lully. — Un Reçu : 76 frs.
Méhul. — Lettre : 25 frs.
Paganini. — Lettre : 40 frs.
Piccini. — Lettre : 26 frs.
Robert (Pierre). — Un Reçu : 22 frs.
Rode. — Lettre : 1 5 frs.
Rossini. — Lettre : 45 frs.
Sateri. — Quittance et morceau de musique
autographe : 78 frs.
Le prix le plus élevé a été atteint par une Mazurka autographe de Chopin : 1 1 10 frs.
'y^ffm^ihMi^i^
Mwn-r/wi^fGP^f
SOCIÉTÉ INTERNATIONALE
DE MUSIQUE
SECTION DE PARIS — SÉANCE DU 20 JUIN 1910
La séance est ouverte à 4 heures et demie chez MM. Gaveau, sous la présidence de
! Charles Malherbe, président.
j Etaient présents : MM. Prod'homme, Ecorcheville, Poirée, A. Laugier, I. Philipp,
Ch, Legrand, Lefeuve, Wagner, Ruelle, Gaveau, Greilsamer, A. de Bertha, M™^^ Lefeuve,
Gallet, M"®^ Pereyra et Daubresse.
Après la lecture du procès verbal de la dernière séance, M. Ecorcheville annonce que la
communication sur le Launeddas a attiré l'attention de notre collège M. Théodore Reinach,
auquel a été envoyé l'instrument présenté à la section et le texte de M. Fara Dessy.
Le président prend la parole pour expliquer l'ordre du jour qui a trait à la revue S. I. M.
n rappelle que cette revue fait partie des publications auxquelles la section accorde son patron-
nage et le droit de se servir de la mention : Publications de la Société Internationale de musique
[Section de Paris), et ajoute que cette mention devra être rétablie sur la revue de préférence à
la rédaction qui figure actuellement, dès que cela sera possible. Les droits de la section et le lien
qui la rattache à cette publication périodique seront ainsi précisés, tout en reconnaissant
d'autre part à M. Ecorcheville la propriété de la revue elle-même, avec son titre, format et
couverture. Cette proposition est adoptée à l'unanimité.
Le président ajoute qu'il est heureux de constater que la prospérité de notre organe
mensuel a rendu nécessaire la présence d'un secrétaire de rédaction, et demande à la section de
^remercier notre collègue M. Charles Legrand, qui a bien voulu assumer cette tâche.
î La président donne ensuite lecture d'une lettre qui demande : i" que nos séances aient
lieu à des dates fixes ; 2° que la durée des communications soit limitée ; 3" que chacun de nos
^membres s'engagent à donner une communication par an.
Ces différents articles sont mis en discussion. La section se prononce en faveur de la
fixation d'un quantième fixé pour chaque mois au début de la saison. Elle adopte la limite de
45 minute pour la durée comme un maximum pour les communications, en faisant observer
que la musique, qui sert souvent d'illustration à ces communications, n'est pas comprise dans
cette lim.ite. Enfin elle émet le voeux de voir le plus grand nombre possible de nos membres
présenter des communications à nos séances.
M. I. Philip a la parole. Il invite la section à demander officiellement la croix de la légion
Id'honneur pour le grand pianiste Feruccio Busoni. A ce propos M. Greilsamer fait observer
jique la France se montre toujours fort généreuse de décorations lorsqu'il s'agit d'artistes étrangers,
mais qu'elle se soucie très peu de demander à l'étranger des décorations pour ses propres
nationaux. La section s'associe toute entière au voeu présenté par M. Philipp et le président
482
s. I. M.
s'engage à faire à bref délai une démarche officieuse au ministère des Affiiires Etrangères. Une
délégation de la Société sera ensuite reçue officiellement et insistera en ce sens auprès du
Ministre.
Le secrétaire met la section au courant des démarches qu'il a faites et qui sont sur le point
d'aboutir, pour faire apposer des plaques commémoratives sur les maisons de Paris où ont résidé
Mozart et Chopin. Il exprime le désir qu'il en soit fait de même pour la maison habitée par
Wagner.
La séance est levée à 6 heures 1/4.
TABLE DES MATIERES
COMITÉS D'HONNEUR p.p. ii
NOTICES (texte allemand) par Cli. IMalheibc
BIOGRAPHIES DES COMPOSITEURS v-xxx
ANALYSES, ET PROGRAMMES :
rer concert d'orchestre xxxi
ler concert de musique de chanibic xxxix
2e concert d'orchestre xlvii
2e concert de musique de cliambre Ivi
3r concert d'orchestre Ixiii
Benvenuto CelHni Ixxvii
Elektra Ixxvii
ARTICLES EN FRANÇAIS :
" La musique pure dans l'école française contemporaine " par G. Carraud 483
" Debussy et le Debussysme, " par Louis Laloy 506
" En l'an 2012 " par E. Vuillermoz 520
L'ACTUALITÉ :
'' La petite musique française, " par P. Jobbé-Duval, illustrations de Bils.
TABLE DES PORTRAITS
Bordes (Ch.) p.p. 505 Indy (V. d') p.p. xxii, xxiii
Bruneau (A.) v Labey (M.) 496
Bréville (P. de) . . . . . . 493 Landowska (Mme W.) . . . . . xlv
Chabrier (E.) vii Lazzari (S.) 501
Chausson (E.) ix Maas (G.) xl
Coquard (A.) x Madrigal-Vereinigung ..'... Ix
Cortot (A.) xxxiv Pierné (G.) "... 494
Costeley (G.) ........ x Ravel (M.) xxv, xxvi
Couperin (Fr.) xi Rhené-Baton . xxxii
Darlays (Mme) Ixiv Ropartz (G.) 500
Debussy (Cl.) . . . . . . xiii, xiv Roussel (A.) 496
Dubois (Th.) xiv Saint Saëns (C.) .... xxvii, xxviii
Ducasse (Roger) xv Savard. (A.) . 494
Duparc (H.) . . . . . r '. . xv Séverac (D. de) •. 499
Fauré (G.) xvi, xvi, 529 Schmitt (F.) 500
Féart (Mlle R.) Lxiv Société Indépendante de musique . 529
Franck (C.) . . . . .• , . . . xix Viannenc. lxiv
Guilmant (A.) 505 Widor (Ch.-M.) xix, xxx
Huberdeau ......... lxiv Dessin original par Cl. Debussy . . 506
Heyde xl Autographe de' l'Absence' de Berlioz Ixvii
COMITÉS
M. Le Président de la République.
M. PicHox, Ministre des Affaires Etrangères. — M, L. Barthou, Garde des Sceaux.
M. G. DouMERGUE, Ministre de F Instruction Publique.
M. Dujardin-Beaumetz, Sous-Secrétaire d'Etat aux Beaux-Arts.
M. LE Baron de Grûnstein, Ministre Plénipotentiaire de Bavière à Paris.
M. Henry Marcel, Administrateur Général de la Bibliothèque Nationale.
M. Bellan, Président du Conseil Municipal.
M. Caron, Ancien Président de Conseil Municipal.
M. C. Saint-Saens, de r Institut. M. G. ¥ avrè^ de F Institut^ Directeur du Conservatoire.
M. Théodore Dubois, de FInstitut.
M. Messager, Directeur de FOpéra. M. Carré, Directeur de F Opéra-Comique.
M. G. AsTRuc, Directeur de la Société Musicale.
LE CONSEIL D'ADMINISTRATION DES AMIS DE LA MUSIQUE "
Le Comte G. Chandon de Briailles, Président.
Le Prince A.. d'Arenberg, MM. L. Barthou, Berly et A. Brisson, Vice-présidents.
G. Bret, directeur artistique. L. Sachs, trésorier.
J. EcoRCHEViLLE, Secrétaire général. J. Pasquier, secrétaire du Conseil.
M'"^ Alexandre André. — M™*" la comtesse René de Béarn. — M. André
Bénac, directeur général honoraire au ?ninistère des finances. — M. Léon Bourgeois,
sénateur^ ancien ministre. — M. Franz Custot. — M""® Michel Ephrussi. — M.
Georges Gaiffe. — M. Fernand Halphen. — M"'^ la vicomtesse d'Harcourt.
— M""^ LA comtesse d'Haussonville. — M. Louis Havet, de F Institut^ professeur
au Collège de France. — M"'" Daniel Hermann. — M"^ Henrv Hottinguer.
— M""" Georges Kinen. — M"'" la comtesse Paul de Pourtalès. — M™*
Théodore Reinach. — M. Romain Rolland, professeur a la Faculté des Lettres
de Paris. — M. Louis Schopfer. — M™" Séligmann-Lui. — M"'"" Ternaux-
Compans. — M. Jean Weher, agrégé de F Université.
LE COMITE CONSULTATIF ARTISTIQUE DES
"amis de la MUSIQUE"
M. \i. Brlsskl, du Figaro. — M. d. Carrai d, de la Liberté. — M. J. Chanta-
voiNE, de la Revue Hebdomadaire. — M. A. de Chevigné, du New-York Herald.
— M. A. CoQUARD, de F Echo de Paris. — M. E. de Curzon, du Guide
Musical. — M. Emmanuel, professeur au Conservatoire. — M. B. de Fourcaud,
du Gaulois. — M. A. Jii.likn, des Débats. — M. !.. l,\l.(>^■, de la Grande Revue.
— M. PL Lkutenhkrger, de F Opinion. — M. P. J^ocard, du Petit Journal.
— M. Ch. Malheriu:, Bibliothécaire de FOpéra. — M. J. Marnold du Mercure
de France. — M. Ci. de Pawlowski, de Comœdia. — M. V.. Piocn, de Musica. —
M. Louis Schneider. — M. P. Souday, de F Eclair. — M. E. Siouli.k^,, du
Monde Artiste. — M. J. Tiersot, bibliothécaire du Conservatoire,
D'HONNEUR
S.K.H. Prinz Heinrich von Bayern.
S.K.H. Prinz Ludwig Ferdinand von Bayern.
S.E.M. J. Cambon, Ambassadeur de France a Berlin.
Sr. E. Dr. K. Freiherr von Podwils-Durniz, Staatsminister des Aeussern.
Sr. E. Hermann Ritter von Pfaff, Staatsminister der Finanzen.
S. E. M. Allizé, Ministre plénipotentiaire de France a Munich.
Sr. E. Albert Freiherr von Speidel, General Intendant der Kgl. Hoftheater.
Oberburgemeister Dr. Wii.helm Ritter von Borscht.
Professer Eugène d'Albert. — Konrad Ansorge. — Professor Benno Becker. —
Professor Oskar Bie. — Léo Blech', kgl. Kapellmeister. — Kommerzienrat
MoRiz BûHLER. — Dr. Michael Georg Conrad. — Dr. Alexander Dillmann.
— Dr. jur. Ludwig Donle. — Professor Félix Draeseke. — Friedrich
Edenhofer. — Oscar Fried. — Direktor Georg Fuchs. — Dr. Georg Gôhler.
— Emil Gutmann. — JuLius Henle, Ministerialrat. — Dr. phil. Georg Hirth.
— Professor Engelbert Humperdinck. — Jan Ingenhoven, Kapellmeister. —
Dr. Edgar Istel. — Dr. Wilhelm Kienzl. — Thomas Knorr. — Dr. Julius
KoRNGOLD. — Rechtsrat Dr. Karl Kuhles. — José Lassalle. — Kommerzienrat
Simon Lebrecht. — Direktor Gustav Mahler. — Professor Henri Marteau.
— Wilhelm Meinel. — Bankier Sigmund Meyer. — Dr. Meyer-Riefstahl. —
Reichsrat Dr. Oscar von Miller. — Dr. Martin Mohr. — Hofoperndirektor
Félix Mottl. — Chefredacteur Mûller. — Dr. Otto Neitzel. — Professor Artur
NiKiscH. — JosEF Osterhuber. — Professor Karl Panzner. — Hans Ritter
VON Petersen, k. Professor. — Komponist Professor Karl Pottgiesser. — Kom-
merzienrat August Pschorr. — Kommerzienrat Josef Pschorr. — Dr. Ludwig
QuiDDE. — Director Rudolf Rosa. — Dr. Wilhelm Rosenthal. — Ministerial-
rat Ludwig Ruckdeschol. — Professor Emil Sauer. — Hofkapellmeister Franz
Schalk. — Max Scharre. — Dr. Leopold Schmidt. — Kommerzienrat Ignaz
Schôn. — Professor Georg Schumann. — Bernhard Schuster. — Professor
Schweitzer. — Kommerzienrat Karl Sedlmayr. — Emanuel Ritter von Seidl.
— Direktor Wilhelm Seitz. — Dr. Veit Solbrig. — August Spanuth. —
Hofkapellmeister Bernhard Stavenhagen. — Generalmusikdirektor Fritz
5 Steinbach. — Dr. Richard Strauss. — Ritter Franz von Stuck. — Otto
i Taubmann. — Kommerzienrat Josef Thannhauser. — Dr. Fritz Volbach. —
$ Siegfried Wagner. — Professor W^ilhelm Weber. — Hofoperndirektor Félix
VON Weingartner. — Ermanno Wolf-Ferrari.
A NOS LECTEURS.
NOTRE S.I.M., ORGANE PARISIEN DE LA SOCIETE INTERNATIO-
NALE DE MUSIQUE, NE PEUT QUE SE FÉLICITER D'AVOIR
L'OCCASION ET UHONNEUR DE PRÉSENTER AU PUBLIC
ALLEMAND L'ŒUVRE DES MAITRES FRANÇAIS, RASSEMBLÉE
DANS CES PROGRAMMES. ^ EN INVITANT LA MUSIQUE
FRANÇAISE A SE RENDRE A MUNICH SOUS LE PATRONAGE
DE SES AMIS, LEXPOSITION D\iRT ORIEXTJL A CERTAINE-
MENT ACCOMPLI UN GESTE DE HAUTE COURTOISIE, AU-
QUEL NOTRE REVUE, PLUS QUE PERSONNE EST HEUREUSE
DE RÉPONDRE, f UNE FOIS ENCORE LA MUSIQUE AURA
LE PRIVILÈGE DE RÉUNIR LES HOMMES AUTOUR D'UN
MÊME IDÉAL, ET C'EST LÀ UNE BELLE \'ICTOIRE DE LA
SOLIDARITÉ ARTISTIQUE SUR L'ÉGOISME ÉTERNEL. ^ LA
MUSIQUE EST FAITE POUR DE SEMBLABLES CONQUÊTES ;
ELLE SAIT, TOUT EN CONSER\^VNT L'INDÉPENDANCE DE
SON CARACTÈRE NATIONAL, S'ÉLÉVER AU DESSUS DES
IKONTIÉRES, ET CONCOURIR DANS LA PAIX A LA
FRATERNITÉ DES PEUPLES.
I.A RÉDACTION.
Franzôsisches Musîkfest
in Mûnchen
MM,
Festschrîft und Programmbuch
mit deutschem Text.
MM
ALFRED BRUNEAU.
Alfred Bruneau ist am 2 Mârz
57 zu Paris geboren. Er absolvierte
das Konservatorium, wo er den Ersten
Preis fur Violoncell und
den zw.eiten Rompreis
gewann. Seine ersten
Werke : " Heroische
Ouverture ", " Leda ",
" Dornr'ôschen ", " Kérim'\
zeugten schon von einem
fesselnden und kûhnen
Tempérament, aber erst
" der Traum " (Opéra-
Comique Paris, 1891)
machte den
Autor mit
einem Schlag
b e k a n n t .
Di eses
Werk, das
Gounod eine
" duftende
Partitur
nannte, war
fur die da-
malip^e Zeit
so eigenartig
und kûhri,
dass es viel
Alfred Bruneau par Bils.
vi AMIS DE LA MUSIQUE
Widerspruch erregte, ebeiiso wie aile tolgenden, aber es erwarb dem Schôpfer
auch warme Freuiide iind Anhanger. Daraut erschienen ^^ cùr Sturm au f die AiilhW
(Opéra-Comique 1893), ^^ Messido'r^^ (Grosse Oper 1897) — jenes schôiie, in
Munchen mit grossem Erfolg aufgetohrte Werk ; terner " dej' Orkan " (Opéra
Comique 1901); '■'■ das Konigskind^' (Opéra Comique 1905). ''''Nais Micoulin''
(Monte Carlo 1907). Von aiideren Werken Bruneaus nennen wir noch ein
Requiem^ ^^ Penthesilea'\ synx-^phornschç: Dichtu ng mit Gesang, ^^ Ueder ans Frank-
reich " , " Ta nzlieder ' ' .
Aile lyrischen Dramen Alfred Bruneaus sind nach Texten \'on Emile Zola
geschrieben, und von "Messidor" ab sogar direkt nach der Prosa des unster-
blichen Romanschriftstellers. Dièses seltene Zusammenwirken eines berûhmten
Literaten mit einem orrossen Musiker ist einer der denkwurdis^sten Falle in der
Geschichte der Kunste.
Bruneau nimmt in der zeitgenôssischen franzôsischen Musikwelt eine
hervori-a2;ende Stelle ein, obwohl er sich nie als Fiihrer einer Schule geberdete.
Er war ein Bahnbrecher : mit seinem " Traum " betreite er die Lyrik von den
ûberlebten Formen des alten Opernstiles und bewies schlao;end, dass die Tonkunst
ebenso geeignet ist, das moderne Leben, wie das der A^crgano;enheit auszudrïicken.
Die Fîaupteigenschatten Bruneaus sind sein Ideen Reichtum, seine Origi-
nalitat, die feine Disposition der Eintalle, — er ist ein Melodiker in des Wortes
bestem Sinne, — angeborenes Talent tiir dramatische Bewegung und richti<2;t^
Proportion, Klarheit der musikalischen Gedanken, Bestimmtheit in der musika-
lischen Darstellung der Charaktere, ein tietes Naturemptinden, vcrbunden mit
einer aussergewôhnlichen Piiicision des Ausdruckes in den einzelnen Stimmen. '
EMANUEL CHABRIER,
geboren am 18 Januar 1842 zu Ambert, vvo sein \"ater Advokat war, kam
Emanuel Chabrier nach Paris, um dort seine literarischen Studien zu vollenden
und die juristischen Fâcher zu belegen. Mit 20 Jahren
\-AX\A er eim Anstellung im Ministerium des Innern und
schien von nun an zur ehrenhatten, aber bescheidenen
. — Lautbahn eines Staatsbeamten bestimmt. I\r tricb die
jA .^^fc ^*y Musik aus Liebhaberei und \crnnugtc sich damit, tQr
ir V»i sich Walzer und (îalopps zu erhnden, wciche er ganz
harmlos seincn brcundcn bcidcrlci (icschlechts widmcte.
immcrhin lockte ihn eine gehcime Sehnsucht zu jenen
xcrborgencn Regionen dei" Musik, zu denen ihm ein alter
X'crkannter und x'crgcssenei" 'M'i-i\ de Rome", Aristide
Hignard, den \\'eg gezeigt hatte. iMnes ;\bends, im
cauihia- j.^i^j.^. jj^^^^ ^'.ji^^i cr^ich mi't einer Opérette " 7>r .S7r;v "
/'.. Chahnn-. ^,j,,. j^.,^ Ramiu'ii der Boutfcs Parisiens, eineni Wcrk,
' Difse Zcilcn vordankcn wir dci' Fcdcr Ktieiiiii.- Dcstrnn^à's, ciiu-s KmistkriilkiTS, ilcr sich iii sciiun
Bûi'licrn und Artiktln /uin Voïkilmpffr der junfifiaiizîisisclu-n Srluilc f^cmarlu liât. Kciii aiidoror konnto uni
FESTSCHRIFT
vil
•< ,
. V
E. Chabrier^ par Détaille.
X
AMIS DE LA MUSIQUE
1886) die ^^ Jacquerie'" (ein von Lalo
unvollendet hinterlassenes Werk) ; " Ja-
hel^ " " die Triippe Jolicoeur^ " " Oniea^ "
dessen Libretto er selbst schrieb, dann
cine " hrische Komodie^ " und zum
Schluss ein Stûck, welches nachstes
Jahr aufgetuhrt werden soll (an der
Opéra-Comique in Paris) und dessen
Verse er dem Dichter talent seiner Toch-
ter, Madame Fournery verdankt.
Als Musiker hat Coquard sich
euien her\'orrdagenden Platz errungen
auf der Buhne im Konzertsaal ; als
Schrittsteller wir wollen hier nur antuh-
seine Sîudien Ubej' Berlioz und
ren
FrtJUik^se'xn philosophises Essay: ''^ Einige
Païuijoii.
Arthur Coquard.
musikalische Problème''' und seine " Cf-
sch'ichte der Musik. "
A. Coquard ist eben am 20''"
Auo-ust zu Noirmoutier gestorben.
GUILLAUiVlE COSTELEY.
(geboren im Jahre 1531, gestorben
1606 zu Evreux). Ein liebenswur-
diger Dichter, gerûhmter Sanger und
Organist, besass Costeley vor al 1cm
eine wirkliche Beherrschung der mu-
sikalischen Komposition. Va- konnte
sich wertvoller l'Vcuiulschatren inul
hoher Protektioncn ri'ihmcn. Ailes
liess ihn der koniglichen (iiiiist wur-
dig: erschcinen.
Und tatsilchlich nahm er un ter
Karl IX die Stellung eines Organisten
u?id eines kfiniglichen Kilmmerlings
ein; cr wui-dc dei" I .ieblinLisimisikc-r
FESTSCHRIFT xi
dièses Fûrsten, der bestrebt war, die GeistesblQte des franzôsischen Reiches an
seinem Hofe zu versammeln. Die Werke, welche er hinterlassen hat, schuf er fur
den leuchtenden prunkenden Hof der Valois. Sie spiegeln ailes wieder, was ihn
(Musée de Versailles)
François Couperin.
beseelte, den kriegerischen Stolz, die Galanterie, die anmutige Kocketerie bis zu
den schlimmsten Ausschreitungen der gewagtesten Gauloiserien.
Wenn man mit einem Blick die Art des Autors umfasst, so muss man sagen,
xii AMIS DE LA MUSIQUE
dass sie einerselts aus den truheren tranzosischen Meistern, wie Cl. de Sermisy,
Consilium, Jannequin schôptt, dass sie andererseits von der Zeit eines Lasso
gefârbt ist, zugleich aber eine ganz eigeiiartige Iiidividualitât zeigt, die sich in
kûhnen melodischen Arabesken versucht und durch dereii kontrapunktische
Verarbeitunof maiichmal Cïberraschend neue harmonische EfFekte erzielt.
FRAN'COIS COUPERIN
(geboren zu Paris um 1668, gestorben 1733). François Couperin ist der berOhm-
teste Vertreter einer franzôsischeii Musikertamilie, deren Tatigkeit man von der
Mitte des 17. Jahrhunderts bis zum Anfang des 19. vertolgen kann. Die zarte
Eigrenart seiner musikalischen Ideen, die Unabhangrio-keit seiner Harmonisieruns:
und die Prazision seiner Technik stempebi ihn zu einem interessanten Zeitgenossen
von Fontenelle und Mignard. Die Clavecin-Kompositionen Couperin's sind das
inusikalische Gesenstïick zu der Architektur der beiden Trianons.
CFAUDE DEBUSSY
Die Studie, welche Romain Rolland Claude Debussy in seinem nieisterhatten Werk:
"Die Musiker von heute " gewidmet hat, beginnt tolgendermassen: " Die erste
Auffuhrung von Pelléas et Mélisande am 30. April 1902 war eines der bedeutend-
sten Ereignisse in cier Geschichte der tranzosischen Musik, ein Ereignis, dessen
Wichtigkeit man nur mit der ersten AufFûhrung von " Kaduius und Herm'wne "
von Eully, von '•'• IJyppo/xte und Arïcie'' von Rameau, oder von '•^ Jph'igenia in
Âulis'' von Gluck, d. h. mit einem der drei oder vier Hauptdaten aus der
Geschichte der tranzosischen Oper vergleichen kann. " Ein solcher Ausspruch
eines so berutenen Kritikers heisst das Werk mit dem Stcmpel der Unsterblichkeit
versehcn. Allerdings mag es bedcnklich cischcincn, die Zukiintt N'orausbestimmen
zu wollen und als Prophet autzutreten, doch ist es nur gcrecht, als Geschichts-
schreiber das Gegenvvartige testzustellen, und ailes zeigt, dass heute Claude
Debussy eine der bedeutendsten musikalischen Pers(")nlichkeiten ist. Selbst dcn
vveiniger Hellsehenden trappiert seine Originalitat ; aile milssen mit ihm rechnen,
ob sie bVanzosen oder Auslander sind ; man spricht ubcr ihn ; leidenschattlich ist
man ti'ir oJcr gcLicn ihii ; aber niemand kann ihn igiioi-iereii. Uberdies macht er
Sclnilc : man ahmt ihn nach, was ja als hcichster Grad des Ruhmes gilt.
Jmiic mcrkwi'inligc Ik'obachtimg ist, dass ilieser kohne Neuerer die klassische
Stutenlcitcr nicht vcrschm;iht hat ; wcnn cr sich dci" altcii l'di-iiu'lii cntledigte, so
gcschah es nicht, vvcil cr sic nicht behei-rschte, nanz im Gegentcil mit x'oller
SachkcMuriiis. J'',r war ciii citrigcr und hervorragender Schiller des Panser
Konscrvatoriums gewcse?i. /Ichille C/dude-Dehussx wurde am 22 August 1862
zu Saint-Gcrmaiii-cn-La\'e Lïcboren. Vx bctrieb drci fahi'c lan^ (îesanosstudien
FESl SCHRIFT
Xlll
und erwarb drei Medaillen 1875—76. Klavier lernte cr bei Marmdntcl, Harmonie
bei Lavignac und Koniposition bei Guiraud. 1874 und 1875 ^''"'"''igt ^^ zuerst die
zweite, dann die erste lobcnde
Erwiihnung fUr Klavier. J)en
zweiten Preis erhalt er 1877.
Den ersten Preis fQr Klavier-
begleitung gewinnt er im Jahre
I 880, den zweiten Accessit fur
Kontrapunkt und Fuge 1882,
den erst-zweiten Romprcis
1883 und schliesslich den
Grand Prix 1884 mit seiner
denkwilrdigen Kantate " Dcr
verlorene Sohn ". So hat er in
zehn Jahren die ganze Reihe
cier wichtigsten Auszeichnun-
gen, welche das Institut ver-
Claude Deb
ussy.
ûhu
o^ewonnen.
.r weiss nun
ailes, was man lernen kann ;
fHerr seiner Feder, wagt er zu schreiben, was seine Phantasie und sein Getûhl im
■diktieren. Er betritt einen neuen Weg, schon bei den ersten Schritten unterstûtz
von dem geist-
vollen und fôr-
■dernden Verleger
G. HaRTM AN N.
Seine Lieder,
seine Klavier-
rStiicke finden nach
y und nach Ver-
breitunor. " La
'iDemoiselk élue
'wird. mit Beifall
raufgenom m en.
,'Man geniesst den
ppoetischen Reiz
Ides Vorspiel zu
'^^L'après-midi d' un-
fa un e " und
ischliesslich zieht
'" Pellèas et Mè-
lisande " siegreigh
durch aile Lan-
der.
Claude Debussy et L. Laloy, faisant de V aviation.
XVI
AMIS DE LA MUSIQUE
Unter seinen bis jetzt erschienenen Werken nennen wir ausser Lieder und
Klavierstûcken ein StreicJiquarteît^ get allige Variationen fur Harfe und Orchester,
eine Pastorale fur die Orgel, und sehr intéressante Gesange fur Frauen-und
Kinderstimmen mit Orchesterbegleitung.
PAUL DUKAS
Unter den Schûlern des unvergessenen Musikers Ernest Guiraud ist Paul Dukas
viellelcht der begabteste und augenblicklich Claude Debussy der blendendste.
Geboren in Paris am i. Oktober 1865, beschloss er seine Studien am
Conservatorium mit einem ersten Preis fur Fuge, 1886 und dem erstzweiten
grossen Rompreis 1888. Die hôchste Auszeichnung war ihm versagt worden
mit einer Strenge, ûber die man sich wunderte und die einige seiner Schieds-
richter spater bedauerten ; doch fuhlte der junge Komponist sich stark genug
zum Kampt und liess sich durch eine solche Niederlage nicht entmutigen.
Vor allem erfûUte er die heilige Pflicht, die Oper, welche sein Meister unvollen-
det hinterlassen hatte, ^'' Frèdegonde " zusammen mit Saint Saëns zu vollenden ;
dann lieferte er den schlaoenden Beweis seines instrumentale!! Kônnens durch ciie
Kom position dreier gposser Ouverturen : " K'ônig Lea7\ " " Gûtz "con Berlichingen^ "
und " Polyeukt. " Seitdem ist seine musikalische Produktivitat immer mehr
gewachsen und hat auch an Bedeutung zugenommen, wenn man mehr die
Qualitat als die Quantitat betrachtet. Paul Dukas schreibt allerdings verhiiltnis-
massiff wenig^, denn er its strenge geo-en sich selbst.
Im Bereich der Klaviermusik bilden seine Sonate und seine Variationen ïiher
ein Thema Rameau\ fast zwei Merk-
steine ; auf der Buhne war seine wun-
derbare ^^ Ariane und Blaubart''' ilberwal-
tigend ; als Orchestermusik haben seine
Symphonie und vor allem sein " Zanber-
lehrling'' bewiesen, dass seine Fiihigkeit
wirksamer Steigerungen dem Reichtum
an tarbi^er Instrumentation olcichkam.
HENRI l)in\\RC
Zu den /citgcnossischen Mcistcrn dci'
tranz(')sischcn Schukvkann odcr \iclmhre
muss man Hcnii Duparc,den vornchmeii
Musikcr, der sich nie im Mittelmassigen
xcrucudctc, /iihlcn. V.v war cincr der
crstfn, wenn incht soL;ai" der allercrste
Schi'ilci- C"csai- 1"'r.\nck.'s uU'A hctrat den
Kaiiipfplat/. mit ciiicr " I.eunore,'' wclchc
y/, hitptni
FESTSCHRIFT
xvii
ihn mit einem Schlage einen unbestritteneii Ehrenplatz sicherte. Leider lahmte
Krankheit gar bald seine Arbeitskraft ; nur von ferne konnte er noch den Kampf
seiner Kollegen verfolgen, ohne sich daran selbst beteiligcn zu kônnen. Von Zeit
zLi Zeit hob er aus seinem geheimen Schatz von Melodien ein paar Lieder^ deren
fast orientalischen, durchdringenden Duft man nicht satt atmen kann und die ihn
wie einen Tonziseleur erscheinen lassen. Wenn irgend von Einem, so gilt von
ihm das Wort : " Pauca, sed bona ".
GABRIEL
FAURÉ,
geb. am 13. Mai 1845,
zu Ramiers (Ariège),
kam schon in sein en
neunten Jahr nach Pa-
ris. Sein Vater, Leiter
der Volksschule zu
Foix, hatte sich zu
dieser Trennung auf
die instandio-en Bitten
o
Niedermeyers ent-
schlossen, der gerade
seine Schule gegrûndet
und die ungewôhn-
lichen musikalischen
Anlagen des Kindes
erkannte. Hier lernte
Gabriel Fauré von
1854 bis 1866, hier
empfing er von St.
Saëns, dessen begeister-
ter Jûnger und Freund
er stets blieb, Unter-
richt und Rat. Vier
Jahre lang warer Orga-
nist an der Erlôser-
Kirche zu Rennes, —
fur ihn eine Zeit des
Exils — doch schon Gabriel F aurè.
1870 kam er nach Paris
zurûck, an die Kirche Unserer lieben Frau von Clignancourt.
Spâter Organist zu St. Honoré d'Eylau, dann zu St. Sulpice, wo er drei Ja
Crayon pa> J. Sai
Appar.'ient à Mme Long.
^y
hre
2
xviii AMIS DE LA MUSIQUE
Assistent von Widor war, kam er schliesslich an die Madeleine als nachfolger von
Saint-Saëns, und wurde 1877 Kapellmeister an dieser Kirche. Dieser Période voll
stiller Arbeit entstammen seine ersten Kompositionen, Motette, Lieder, eine Sonate
fur Klavier und Violine und eine Orchester-Suite. Dem Publikum war er noch
unbekannt, aber die Kenner begannen sich tûr ihn zu interessiren und seine Werke
verbreiteten sich in gewissen Salons, wo er es nicht unter seiner Wurde hielt,
Chôre von Dilettanten zu dirigieren. Die Stunde nahte, wo seine Stellung
und sein Ruhm sich festigten. Er folgte, wenn man will, dem Fusstapten Theodor
Dubois, denn im Laufe von etwa 20 Jahren wurde er dessen Nachfolger als
Kapellmeister an der Madeleine, Titular-Organist daselbst und als Director am
Conservatorium. In dieser langen Zeit hat er seine hervorragendsten Werke
^eschrieben und das Institut ôffnete ihm endlich 1909 die Tore, nachdem
die allgemeine Meinung ihm lângst dièse Ehre zuerkannt hatte.
Im Geo^ensatz zu einigen seiner Kollegen hat G. Fauré sich nicht in jedem
Genre versucht, oder er hat wenigstens mit Vorliebe jene Zweige behandelt,
zu welchen sein Génie ihn trieb. Das Orchester nimmt in seinem Schaffen
nicht den Hauptplatz ein: ein Requiem^ eine Symphonie^ (op. 40), eine Suih\
(op. 12), ein Violinkonzert (op. 14), eine Pavane und Chor-Kompositionen, wie die
Gehurt der Venus (op. 29), die Djinns (op. 10) und das Madrigal (op. '^Ç) bilden
— abo;esehen von Kompositionen furs Theater — die fast vollstandige Liste seiner
Instrumentalwerke. Das Theater scheint ihn ûberhaupt nur wenig anzuziehen.
Sein " Prometheus ", der einst in der Arena zu Béziers autgetûhrt wurde, mit
seiner Militâr- und Symphoniemusik, mit seinen Chôren und Sangen, ist ein
dekoratives Fresko-Gemalde, das ins Freie gehôrt und einen Aushnahme-Charakter
tragt. Wenn er sonst mit dramatischer Kunst in Beriihrung trat, so war es mehr
mit Bûhnenmusik, und ausd iesem Gebiet zahlt seine Krone drei kostbare Perlen :
" Crt%«/rt ", " 5/7)'/oC/è ", '•'■ Pelleas undMelisandé'Wi'xç.Yjxnwwç.rxxwxûV
entspricht seiner Natur mehr und - er hat hier bemerkenswerte Werke
geschaffen : ein Quintette zzvei Kla- ^^ - vie^'-Quartette^ (op. 15 & 45), eine
Sonate fiir Klavier und Violine {p^. ^m^j^ ^3) ^^'"^ M^iegenlied und eine Ro-
manze far Violine und Klavier (op. ^H. ^B ^^ ^ -^)' ^'"^ Elégie fur Violonccll
und Klavier (op. 24). Doch sein ^^^^H Hauptaugenmerk war immer auf
Klavier und Vokalmusikgerichtet. ^^^^^V Soll man hier die 2> Barcarolen^ à\ii
9 Nocturnos^ aile Impromptus^ Lieder ^^^^^ ^^^^^^ M^orie^ Balladen^ IValzer und
Mazurkas^ kurz aile jene Werke jj^V einzeln besprechen, welche nach
dem trefflichen Ausspruch cincs ^H unscrcr Kollcgcii " uns den Genuss
von etwas Leichtem, FlQchtigem, ^^| Unfassbarcn, von setlcner Delika-
tesse der Kmpfindung, anschmci- ^^^^^^^ chelnder Wcichhcit und zartester
Anmut, die HauptzCigc ihres ^I^^H^^ Schcipters bietcii. " W'as seine Lie-
der bctrifFt, zahlreich uiul glaii- zend, gleichcn sic cincin Schwann
von leichtbeschwinotcn l'altc-rn. (j. raior. \\'{v/,u sic aut/ahlcn odcr ncnncii :
W cr kcnnt und lient sie iiiclit r
FESTSCHRIFT
XIX
CESAR FRANCK.
" Welch feiner Kopf, dieser Kûnstler des XIX Jahrhunderts, dessen charak-
teristisches Profil sich scharf abzeichnet von dem franzôsischen Milieu, in dem er
gelebt ! Wie aus einer anderen Zeit, beschwôrt sein Lebenswerk (innerhalb ge-
wisser Grenzen) die Erinnerung an dasjenige von J. S. Bach herauf, und er
César Franck^ par M^^*^ Rongier.
Byaun ei'CîlT"^"
scheint das Leben wie ein Trâumer durchschritten zu haben, ohne sich um-
zublicken, nur an seine Kunst denkend, einsam, fur sich lebend in einer Art
Hypnose wie aile wahren Meister, aile Streng-Schaffenden, die ihren Lohn im
Schaffen und im der stets sich erneuernden, beseligenden tâglichen Arbeit finden,
XX AMIS DE LA MUSIQUE
unbekûmmert um deii Widerhall in der Menge, um Fûrstencrunst und ohne an
Zugestânûnis zu denken, die im Geringsten mit ihren Begriff von Wahrheit und
Schônheit in Konflikt standen. Sein Talent wendet sich an die feinsten Musik-
kenner. Ein glûhender Bewunderer der grossen Primitiven, scheint er einen
Funken ihres Geistes entwendet, in ihrer Mitte gelebt, sich mehr mit den Engeln
als mit den Menschen unterhalten zu haben ; was er sang, klang zur hôheren
Ehre Gottes."
Belgien kann ihn tur sich beanspruchen, er ist in Lûttich am lo Dezember
1822 geboren. Frankreich aber war sein Adoptivland, und das Land seiner
Tatigkeit. Er war dort naturahsiert worden, nachdem er schon seit seinem 1 5 Jahr
in Paris lebte, um seine Studien im Konservatorium zu beenden. Zimmermann
war sein Lehrer fur Klavier, Benoit fur die Orgel, Reicha, spater Leborne tûr
Contrapunkt und Fuge. Sein Fleis und Eifer trug aile Preise davon : 1838 erster
Klavierpreis, 1839 2:weiter Fugenpreis, 1841 erster Fugen- und Orgelpreis. Nach
einem zweijâhrigen Aufenthalt in Belgien liess er sich endgiltig in Paris nieder.
Seine vier Klavier-Trios verra.ten schon eine gewisse Individualitât, gingen
aber spurlos am Publikum voruber. Seine Klavierstilcke op. 3-7, seine Arrange-
ments und Phantasien op. 8-1 5, ein Dutzend Lieder, einige unverôffentlichte
Chôre, trugen um so weniger zu seiner Berûhmtheit bei, als es Jugendwerke sind,
welchen der Autor selbst spater jeden Wert absprach. Ein Oratorium " Ruth "
(1846), im Konservatorium aufgefuhrt, und eine Oper '■'■ Der Bane7iiknecJit''\ beim
Théâtre Lyrique (1848) eingereicht, ohne aufgefuhrt zu werden, bedeuten einen
unfruchtbaren Versuch, ans Licht zu treten.
Mehr als zwanzig Jahre lang war sein Los, Musikunterricht in sogcnannten
guten Hausern und Mâdchenpensionaten zu geben. 1859 wird er zum Organisten
von St. Klotikien ernannt, und nun grûndete er sich erst sein eisentliches "musika-
lisches Heim ". Bis 1870 hat er sich tast ausschliesslich der Kirchenmusik gewidet,
und man kann aus jener Zeit kaum mehr nennen, als das Oratoriinn ^'- Der Bah\lo-
nische Turm'" (unverôffentlicht) und eine Messe fttr Orchester und Chôre. (1861)
Da kam (1871) wie eine Offenbarung der Erfolg der '•'' Rntli " im Cirque d'Eté ùber
das Publikum und verlieh dem Meister die Nachfolge auf Benoist in der Orgel-
klasse des Konservatoriums. Die " ^r/oj//;/^ " (Rédemption) erscheint 1873 iind
die " Selïgpreisungen'' (Béatitudes) sind schon in Angriff genommen.
1876 bis 1890 reiht sich eine ganze Série Meisterwcrkc an, 1876 die sym-
phonische Dichtung '•'■ Eolides'\ 1878 Fantasie und Orgehtucke^ 1880 Khivierquintctt^
1881 das Oratorium '■'- Rebecca'\ 1883 die symphonische Dichtung ^^ Der li'ihic
Jàger'\ 1884 '■'■ /es Djinns '\ fur Klavier und Orchester, 1885 die Synip/wnisc/ien
Varia tionen und die Prci Indien^ 1886 die Sonate filr Klavier und Violine^ 1887
1^0 Psalm^ 1888 die symphonische Dichtung '■'■ Psyché^ 1889 Sfreic/if^uar/etf^ gvossc
Chorale und Symphonie in Z), 1890 Sechs Sti'icke fOr Harmonium.
Dieser Aufzahlung sind noch zwci Opern hinzuzufOgcn " lluhla " und
" Gisela ", won welchen die /.weitc unvollendct gebliebeii, xoii scinen SciiQlern
bccndct wurdc ; hciiic in Monte Carlo iS(^4 und 1 S(/) autL^cti'ihrt.
FESTSCHRIFT
XXI
Die Namen seiner Schiller kônnen denen seiner Werke angereiht werden,
demi ihm waren die einen so lieb wie die anderen und er war oft glQck-
licher ûber ihre als ilber seine eigenen Erfolge. Zwanzig Jahre hindurch, bis zu
seiner letzten Stunde wusste er eine eifrige und wissensdurstige Jugend um sich
zu versammeln, die es sich angelegen sein liess, ihn zu begleiten und eine Art
Ehrengarde zu bilden. Es waren Henri de Castillon, der fruh (1873) starb,
Vincent d'Indy, Henri Duparc, Ernest Chausson, Camille Benoit, Charles Bordes,
Albert Cahen, Pierre de Bréville, Arthur Coquard, Guy Ropartz, George
Rosenlecker, Samuel Rousseau, Gabriel Pierné, Dallier, Chapuis. Fur aile war
es ein herber Schlag, als am 8. November 1890 seine Augen sich fur immer
schlossen. Da erst konnte man an der unendlichen Lûcke, die entstand, die
Stellung ermessen, die er unter seinen Zeitgenossen einnahm.
VINCENT D'INDY
Geboren zu Paris am 27.Marz 1851 absolvierte Vincent d'Indy das Konserva-
torium, wo er 1874 in der Orgelklasse eine zweite und 1875 ^^'"'^ erste lobende
Erwahnung erhielt. Wie ein Fabriksherr, um durch Gehorchen das Befehlen zu
lernen, sich unter Arbeite mischt
und mit ihnen lebt und werkt,
so wollte sich der junge Musiker
auch durch die Praxis fur aile
Aufgaben des Komponisten vor-
bereiten. So sehen wir ihn bald
als Organisten in Saint Leu,
dann als Pauker und Chorfûhrer
in den Colonne-Konzerten, trotz-
dem Herkunft und Vermôgen
ihn nicht zu diesen bescheidenen
Dienste zwano^en. Nun da er
selbts Meister geworden ist,
bildet er die Schola unter seiner
Leitung zu einem Centrum mu-
sikalischen Kultur, zu einer Art
Institut oder Fakultât aus, ûber
deren Bestrebungen man wohl
streiten, deren Bedeutung man
aber nicht verneinen konnte.
Hier wird eine theorische " en
grand " und praktische Unter-
weisung erteilt, der er sehr
persônlichen Charakter zu ver-
leihen weiss. Als Lehrer preist Vincent cflndy.
Eau forte de Bern. Kleuc
XXll
AMIS DE LA MUSIQUE
er kein Genre an und zwingt keine bestimmte Kunsttorm aut, es muss nur ernst
und ehrlich gemeint werden. Vor allem aber lehrt er seine Schûlern die Klassiker
verstehen und treibt die Analyse ihrer AVerke bis zum âussersten, fast bis zur
Sekkatur. Er bemûht sich, ihnen das tietste Verstiindnis zu vermitteln damit sie
sie umso mehr lieben.
Die Anfânge der kompositorischen Tiitigkeit VinceiU d'Indy's reichen bis zu
Pasdeloup zuruck, welcher ein Fragment seiner Wallenstein-Trilogie, die Ouver-
V'incctit (CIh(1\ ru fam'iil,- (juin 1893^. '"^^s,^
turc zu lien '•^ Piccolom'uiV (1874) in seine Konzerte autnahm. Dcr Preis der
Statlt Paris, welcher ihm fur sein " Lied vo>i dcr Glockc " (1881) zuerkannt wurde,
sicherte ihm die cndfi:ilti";e Achtuno- aller Musiker und stelltc ihn die erste Reihe
der jung-franzôsischen Schule. Scitdem hat N'inccnr (.l'iinh-, aile Zweigc seiner
Kunst ausgeubt : Instruinental-inui \'()kaliuusik, drainatischc uiul Kii-chennuisik ;
FESTSCHRIFT
XXlll
er hat Symphonien und symphoiiische Dichtungen, Konzerte und Quartette,
Sonatcn und Lieder, Chore und Mottete, Cantaten und lyrische Dramen «^eschrie-
ben. Es seien hier hervorgehoben : die WallensLeïn-Trilogïe
op. 12, welche allein drei Ouverturen oder symphonische
Dichtungen umfasst, das " Lied von der Glocke ", zwei Sym-
phonien^ von denen die mit Klavier im Programm aufgenomen
ist und die andere op. 57 mit Recht fur ein Denkmal musi-
kalischer Architektur gilt. Eine Orchestersuite : " Sommertag
im Gehirge"" op. 61, zwei symphonische Dichtungen von
wunderbarer Leuchtkraft, " Istar " op. 42 und " Erinnerung "
(Souvenir op. 62, ein bemerkenswertes Klavierquartett op. 7
und zwei andere nicht weniger schône Vokalquartette op. '}^!^
& 45. Eine Fantasie fur Oboe und Orchester OTp. 31 und ein Lied
fur Cello und Orchester op. 1 9, Choral- Variationen fur Cello und
Klavier op. c^c^^ die Musik zur Tragôdie ^^Medea'" op. 47,
zwei lyrische Dramen " Fervaal " und " der Fremdling "
(l'Etranger) mit selbstverfassten Libretti. Ausserdem noch
eine Menge von Chôren, Liedern und Klavier Kompositionen.
EDOUARD LALO\
V (Tlndv Lalo ist am 27. Januar 1823 zu Lille geboren. Sein Name
statuette Par Daiiiés cleutct auf spanischen Ursprung und gehôrte tatsachlich einer
der vornehmsten Familien an, die sich im XVII. Jahrhundert
in Flandern niederliessen. Sein Vater, ein alter napoleonischer Offizier, war
Leihhaus-Direktor im Nord-Departement und hatte ihm eine vorzûgliche Erzie-
hung angedeihen lassen. Die Vorliebe, welche er gar bald fur die Musik verriet,
wurde nicht zu lebhaft bekampft. Wenigstens liess man ihn Violinunterricht am
Konservatorium seiner Geburtsstadt, das unter der Direktion eines deutschen
Lehrers namens Baumann stand, nehmen. Der Schiller machte merkliche Fort-
schritte und da Lille nicht mehr ein wûrdiges Feld seiner Tâtigkeit zu sein schien,
kam er nach Paris. Er besuchte am Konservatorium nur die Violin-Klasse, die
Habeneck leitete ; aber er studierte privât Komposition mit einem alten Laureaten
des Institutes, Crèvecœur, und mit dem bekannten Pianisten Schulhoff. Seine
Mittel erlaubten ihm nicht, ohne einen Verdienst zu leben. Wâhrend ein Massenet
und ein Guiraud mit ihren Rompreisen ihr Brot in einem Theaterorchester
fanden, verwertete Lalo, der unbekannte und nicht diplomierte Schiller, sein
Geigentalent als Bratschist in einem Quartett, dessen erste Krafte Armingaud
unci Jacquard waren. Die Kammermusikabende, die sehr besucht waren und
ott stattfanden, vervollkommeten die musikalische Erziehung des jungen
^ Il nous aurait été fort agréable de présenter ici une iconographie de l'auteur du Roi d'Ys. Malheureuse-
ment M. Pierre Lalo, fils du maître, a pour principe absolu de ne jamais répondre aux lettres qui lui sont
adressées. (La Rédaction.)
xxiv AMIS DE LA MUSIQUE
Kûnstlers und hier war es, wo er die Meister der Musik richtig kennen lernte.
Nun begann er selbst zu komponieren und einige Verleger wagten es, seine
Erstlingswerke herauszugeben. Ein halbes Dutzend Lieder, einige Stucke fur
Klavier und Cello, andere zahlreichere fur Klavier und Violine und ein Streich-
quartett op. 19 kennzeichnen sein Schaffen bis gegen das Jahr 1860. In Paris
hôrte man nach und nach bei Colonne, Pasdeloup und auch in der Société
Nationale 1873 ein Divertissement fiir Orchester^ 1874 ein VioUnkonzert^ 1875 ^i^
spanische Symphonie \x\\X.Wo\\\\ç^ o^^. 21, 1876 ein symphonisches Allegro (nach dem
Allegro fur Klavier und Cello op. 16), 1877 das Konzert fiir Cello. Verschiedene
Werke Lalo's wurden zum ersten Mal in Berlin aufgefûhrt, die Serenaden-Romanze
far Violine und Orchester und die Norvvegische Fantasie, (die erste Fassung der
Norwegischen Rhapsodie), u. s. w.
Wenn man einerseits die Zahl seiner Lebensjahre, andererseits die seiner
Werke betrachtet, wird man vielleicht finden, dass seine Produktivitât nicht
bedeutend ist, besonders wenn man bedenkt, dass ein und dasselbe Werk oft
mehrfach bearbeitet und inverscheidenen Fassungen verwendet wurde. Doch
erklâren allerlei Grunde dièse verhâltnismassige Unfruchtbarkeit. Vor allem hatte
sich Lalo ziemlich spat der Komposition zugewendet. Dann hatte er auch nicht die
Gabe der leichten Erfindung. Sei es nun, dass der musiker Unzulangliclikeiten bei
der Ausfuhrung empfand, oder der Komponist sich selbst gegenuber allzu strenge
verfuhr, — das Résultat war, dass er fast nie mit seineni ersten Wurf zufrieden
war. Er hat Werke, die zwanzig Jahre ait waren, wieder hergenommen, ausge-
bessert und retuschiert, und sie von Grund aus umgearbeitet. Was lag daran !
Was das Werk an Ursprûnglichkeit einbûsste, hat es andererseits an Vollkom-
menheit gewoiuien.
RAMEAU (1683-1764).
Jean Philippe Rameau ist in der Geschichte der Musik zu wohl bekannt um
den Lesern dieser Festschrift eigens vorgestellt werden zu mOssen. Er war zur
selben Zeit, wie Bach, Hiindel und Scarlatti geboren, als ob Frau Musika das
Europa der Tône unter dicse vier grossen Meister hiitte \crtcilcn wollen. Nach
Lully war er der \'orkampter der tranzôsischcn Musik und ihrcs spezihschcii
Stilles. Seine akustischcn und harmonischcn Thcoricn, habcn huiiic noch die Schulc
beheiTScht, als schon sein kunstlcnschcr Ruhm \ci"hlichcii war.
MAUR1C1^ RA\'EL.
Die franzôsische Musik besitzt in Ra\cl cinc der t\-pischen J-'.rscheinungen
<ier Gegenwart. Geboren am 7. Milrs 1875 ''•'■' Cibourre (Basses Pyrénées) absol-
vierte Joseph Maurice Ravel das Konservatoi iuni /.u Paris. Schiller Pessart's in
I Fu-moiiick'hrc, Bcriot's ini Klax'icrspicl, André Gcdal^c's in Kc^itrapuiikt uiui
FESTSCHRIFT
XXV
Fâuré's in Kompositionslehre, erhielt er 1901 einen zweitcn Grand Prix und
verzichtet freiwillig auf die hôchste Auszeichnung. Wie Alfred Bruneau, P. Dukas
• und Roger Ducasse gehôrte er zu jenen zweiten, die die Mittel haben, die ersten
zu werden. Er hatte am Konservatorium gelernt, was zu lernen war, aber er
wollte sich weiterhin frei fQhlen ; so ist er zu einer Zeit, wo andere noch Schaler
sind, seinen Weg gegangen und hat warme Bewunderung geerntet.
Ebenso wie Berlioz hatte er schon bei seinem ersten Auftreten Anhanfrer,
welche zu seiner Fahne schworen. Calvocoressi hat dieser musikalischen Persôn-
lichkeit in der Grande Revue (Mârznummer 1907) eine spezielle Studie gewidmet;
er hat Chabriers Einflus auf den
jungen Komponisten hervorge-
t hoben, einen Einfluss, der ur-
sprûnglich mit einem hohen
Respekt vor der Tradition oder
wenigstens vor den Mitteln der
Klassiker zusammenhing ; er hat
dann vornehmlich die merkwur-
digen Unterschiede in Auffass-
ung und Ausfuhrung festgestellt,
die Ravel von Kûnstlern trennen
wie Cl. Debussy, mit dem ihn
manche vergleichen.
Nachdem Ravel mit einem
Streichquartett debutiert hatte,
welches sofort die Auo-en der
Neugierigen auf ihn lenkte, ver-
ôffentlichte er mehrere Klavier-
stûcke und Lieder, die ihm einen
Ausnahmestellung sicherten. Aus
den Klavierstûcken seien her-
vorgehoben : " Springbrunnen^
das " Glockental^ " eine Sonatine^
eine Pavane und die Alborada^
dann der seltsame und eigenar-
tige " Kaspar in der Nacht^
(Gaspard de la nuit) ; von
den Liedern nennen wir : die
^^ Ueberseesturme'" (les Grands vents venus d'outre mer) und die merkwûrdige
Sammlung benannt " Naturgeschichten^ " (Histoires naturelles) die selbst dem
kritischen Louis Laloy enthusiastische Zeilen entlokten. Ein anderer seiner
Bewunderer G. Jean Aubry hat von dieser Musik gesagt, sie sei fur eine der
bewunderungswertesten Schôpfungen des modernen musikalischen Geistes und
Melcy.
Maurice Ravel (19 10)
f mit folgenden Worten legt er sein Glaubensbekenntnis ab
W
enn
auch
XXVI
ANJIS DE LA MUSIQUE
f^^4
XInuvui- RdVil pur Ouvre (1909).
FESTSCHRIFT
xxvu
ocwisse f(ci)i(issigte Berichtcrstattcr midi tiii- cincii N;in-cii haltcti, so fitulc ich tloch
in lier IVliisik Maurice Ravd's die ersehiiten Kmotionen, welche uns unsere
iMiiptîiulsamkeit uiid Feintiihlit^keit vermittelt. Ich fiiicle ciarin eiiien inusikalisthen
liihalt von reizvoll perscnilichcm Chai'akter uiul for alleni jeiie Atmosplulre wo
Eigenheit, Ironie, De-
likatesse und selbst
l 'oberteiiierung sich ■
iinmer trei bevvegen „ , ■ ., ~''""'*^' '
und ohne Misstoii ihre
ocistreichen Arabesken
^chlingen." Musik, die
so beur teilt wi rd, gefallt
vielleicht nicht jedem,
iiber gleichgiltig wird
sie keinen lassen.
3)
''■1/
CAMILLE
SAINT-SAENS.
Geboren zu Paris
lam 9 Oktober 1835
îzeigte Camille S. Saëns
frûhzeitig musikalische
Anlap^en
so dass er
mit Recht fur ein Wun-
iderkindgalt. Mitsechs
Jahrenschrieber kleine
I.Lieder und mit elf
Jahren gab er im Saal
Pleyel sein erstes Kla-
tvierkonzert. Klavier-
;spiel hatte er bei Sta- /
imaty, Harmonielehre
bei Maleden g-elernt.
o
Am Konservatorium,
in der Orgelklasse Be-
noit's, erhielt er 1849 den zweiten und 1851 den ersten Preis.
Eine " Ode an die Heilige CàcïUe " in einer Konkurrenz preisgekrônt, aber
unveroefFentlicht, bildet seinen ersten Erfolg in der Listrumentalkomposition
(1852). Seine Anstellung als Organist an der Kirche St. Merry spâter an der
Madeleine verpflichtete ihm Orgelstûcke, Mottete und andere kirchliche Werke
„
/'''■
!
J/
j
/''
/^''/' J
/
X
': 1
/
/
i
II
/
'
i
_ _ _ i
Camille St. S^
oaens c?i lo^i
XXVlll
AMIS DE LA MUSIQUE
zu schreiben, von denen als die wichtigsten : eine vierstimmige Messe fQr Soli
und Chôre, Orgel und Orchester (1857), das M^eihnachtsoratoriwn op. 12 (1858)
der Psalm " Coeli enarrant'' op. 42 (1873) und ein Requiem op. 54 (1878) zu
nennen sind.
In dieser Epoche konnte er sich, da er vom Kirchendienst befreit war, mit
weniger Skrupeln dem Theater, das ihn langst anzog;, sich zuwenden. 13och
Pholc fi. Ihoxd.
Cnin'iilc S(/i>it-S(n"?!S.
musstc cr sich mit Cicduld wappncn, chc es ihni die Tore offnete ; seine ersten
\WTke blieben 3, S und sogar 12 Jahre liegen, " Die o^elbe Pri}izessin'\ (la Princesse
jaune) 1872 in der Opéra Comique aufgefahrt, war blos cin l^iiiakter, '■'■ Sdwsou'"
musste '/u erst die Grenze Oberschreiten, iiiul in W'eimar, dank der hohen
IVotektioii l-is/.t's 1877, gasrhchc Aiihiahmc tindcn. Das '■'• Silhrnir Cilïnkchen
(Le timlire d'argent) 1S65 bcnoniien, wiii-de ci-st is~~ autl^cruhrt im Théâtre
FESTSCHRIFT
XXIX
.yrique und '■'•Etienne Marcel'' ging zuerst iii Lyon, Qber die Bretter. Von dicser
vioment an (1879) ist die Stellung des Komponisten so, dass die ehemals ver-
chlossenen Pforten der Theater sich vor ihm von selbst auftun.
Man wird es verzeihen, wenn wir hier nicht einmal eine fluchtige Skizze
fines Œuvre geben. Saint-Saëns hat sich nicht auf ein Spezialgebiet beschrankt,
r hat jede Art von Musik getrieben und ein Verzeichnis seiner Werke findet sich
1 allen musikahschen Handbûchern. Gounod gab einmal foleende Schilderuno-
laint-Saëns : " Saint-Saëns beherrscht sein Fach wie niemand, er kennt aile
deister auswendig, er lasst das Orchester spielen und spielt mit ihm, wie er auf
:em Klavier spielt ; mehr kann man nicht sagen. Er ist weder g;esucht, noch
evvalttatig, noch emphatisch. Er hat kein System. Er gehôrt zu keiner Partei, zu
:einer Clique ; er wirft sich nie zum grossen Reformater auf. Er schreibt nur,
i'as er will und was er weiss."
Von Saint-Saëns hies es lange, der schriebe eine gelehrte Musik und man
*^eiss, welch niedrige Eifersucht und neidische Parteilichkeit in dieser Bezeichnung
-erborgen liegt. Im Gegenteil eine heisse Flamme brannte in seinem Herzen,
eine lebhafte Phantasie trug ihn ins Traumland, seine Kraft und sein Kônnen
rieben ihn zur Tat, er wollte und konnte Gipfel erklimmen. Aber er stiess sich
n der Verachtung der Menge und fiihlte manchmal die schmerzliche Last der
^Zntmutigung. " Dann ", vertraute er mir eines Tages an, " nahm ich die Fûgen
^on Bach, die Symphonien von Beethoven, die Oratorien von Mendelssohn vor
md wie einst Anthâus bei der Beruhrung der Mutter Erde seine Krafte wieder-
and, so schôpfte ich wieder Vertrauen aus der Beruhrung mit diesen Riesen ;
T^on neuem studierte ich, verglich ich und
'la ich die Wahrheit auf der Fâhrte dieser
fjrossen find, schwang ich mich wieder aut. "
CHARLES MARIE WIDOR.
Widor gehôrt einer Organisten-Familie
m, die aus dem Elsass eingewandert war
md ist in Lyon geboren. Seine musika-
■ischen studien betrieb er in Brûssel, wo
Lemmens ihn die Orgel und Fétis die Kom-
bosition lehrte. Seine Fâhigkeit war bald
Dekannt, denn vor seinem 25. Jahr erwies
nan ihm die Ehre, ihn an die Orgel von
pt. Sulpice, eine der wichtigsten in Paris, zu
rufen. Der Kirchendienst zeichnete dem
Musiker seinen Weg vor ; die Orgel ist
ias fur eine Menge seiner Kompositionen
)bligate Instrument und bildet die Basis
p. Berger.
Ch.-M. TVidor.
XXX
AMIS DE LA MUSIQ
seiner relio;iôsen Musik. Ohne von seinen
Motteten zu sprechen, muss man sich der
arossen Rolle erinnern, welche sie in seiner
dritten Symphonie fur grosses Orchester
spielt und in seinen zehn Orgelsymphonien,
die jetzt fur klassisch gelten. Aber auch die
profane Musik bildet einen wichtigen Teil
seines Schaffens ; ausser drei Symphonien,
zwei Konzerte und einer Klavier-Fantasie,
einem Violin und einem Cellokonzert linden
wir noch Sonaten, in denen das Klavier mit
der Violine, dem Cello und der Flôte Zwie-
sprach hait, und grosse Kammermusikwerke,
ein Quintett, ein Quartett und ein Trio. Von
Liedern und Klavierstûcken existiert eine
a;anze Anzahl Hefte, die reiche Fantasie wie
unausgesetzte Arbeit verraten.
Im Theater war Widor mehr al s ein
Sieg beschieden : zwei lyrische Dramen in
der Opéra Comique " Maître Ambros " und
" Les Pêcheurs de St. Jean " ; die Musik zum
'■^ Aprilmârchen'' (Conte d'avril) (1885), eine
Pantomine " Jeanne d'Arc'' (1890) und
ein ballet das in der Oper schon seine
hundertste Auffuhrung erlebte : " La Corri-
gane " (1881).
Durch seine unbestrittenen Verdienste
war er fur Nachfolge Franck's beruten, in
der Oro-elklasse des Konservatoriums und
1896 in der Kompositions-klasse. Und seine
SchaflFenskraft war so gross, dass er noch
Zeit fand, die Gesellschaft " Concordia
zu leiten, welche die Hauptwerkc Bach 's
mcistcrhatt auftuhrte. ])a ihm iihcrdics seine
geistige Bcgabung erlaubte, i^^osa cbensogiit
wic Musik zu schrcibcn, \crschmahtc er
auch nichr, sich aut tlcni l'cKl der Ki"itik /u
bewegen und nian kann niehrere iXrtikcl ynn
ihm, mit vollcni Namcn oder mit einem
Pscudon\'m i^czcichnct, Icscn.
C/i.-M. ÎJ'ulor par Bits.
u'tr< cri or> or> lî^r/» cîfi cr< i":r> cîr> cr< ori c:r/ <r:5 li^ri crïKri cri orï r:ri cri r:r/ tt
«C TiC
Ip SONNTAG, DEN i8. SEPTEMBER ||
Il ABENDS J./8 UHR ii
1 I. ORCHESTER-KONZERT I
i Diriaent : Herr RHENÉ-BATON. p§
<criCriCriCr>cricricricricricr>cricricricricr>cricricr<cricricriicricricri»cricriicricr)criCficricr>c
»^ »»
i« T rm
se 1. a®
10 Vorspiel zu "■Messidor" . A. Bruneau. w2
m ^ ric
^1 Erste Symphonie fur Orchester und Klavier ... V. D'Indy. gp
[| (uber eine franzôsische Gebirgsweise). ^p
|iB I. Ziemlich langsam. — Massia;. — Bewe2:t. ai^
ië ■ . ^ ^ ^ j^^
sa IL Recht massig, doch nicht schleppend. S!lS
Sg III. Beweçt. »g
18 Klavier : Herr Alfred Cortot. g®
10 ȣ;
1^ La Procession (Gesang) C. Franck.
m Fraulein Rose Féart von der Grossen Oper ii
rsî 111 Pans. gfiR
1^ Ouverture zu '•'■ Gwendoline'' E. Charrier. P^
10 asiK
m TT »ia
10 il. »0
10 Symphonische Variationen, fur Klavier und Orchester. C. Franck. hà
S0 Klavier : Herr Alfred Cortot. si0
80 . . SI0
11 Dritte Symphonie C moll C. Saint-Saens. J|p
il; I. a) Adagio. -^— Allegro moderato. ^0
Il b) Poco adagio. ^ il
Il IL a) Allegro moderato. ^P
Il b) Maestoso. — Allegro. ||
m Orgel : Herr Ch.-M. Widor. — Klavier: Herr Alfred Cortot. |g
se wi
îcriCïï(Cîiicric:îcrîc:7cr<crïcricricriCr<cr«criCr3cricricricr/cricriCî7cricriC^cricrîc^criCriCS®
xxxii AMIS DE LA MUSIQUE
Cauthl h fh.
RI:i>ir-BiitciK
FESTSCHRIFT xxxiii
VORSPIEL ZU MESSIDOR
(Alfred Bruneau)
Dieser symphonische Satz leitet den IV, Akt des Werkes ein. Die Szenen'eano-aben
des Librettiste!! sind bestimmend tur das musikalische Gesamtbild dièses Satzes :
" Das Hûgelland, das sich weit hinstreckt, ist bis zum Horizont mit hohem
Koni von saftigem Ton bedeckt. Im Hiiitergrund erblickt man das Dorf mit dem
Kirchlein. MorCTenstimmuiiOf eines herrlichen Frublingstaees. Sieg-reich verpfoldet
die Sonne das schimmernde Getreide, und ailes straht und jubelt in seligem
Schauer der Fruchtbarkeit. "
Messidor, nach dem Roman von Emil Zola, wurde zum erstenmale am 19.
Februar 1897 in der Pariser Oper aufgefuhrt ; nach elf Vorstellungen wurde es
abgesetzt. Das Publikum verhielt sich dazu wie zu allen kûhnen Werken, die das
traditionelle Joch abwerfen, die unbegangene Pfaden beschreiten und entschlossen
neuen Idealen zustreben. Doch haben seitdem einzelne, in Konzerten aufeefûhrte
Teile die Bedeutung und den Wert des Werkes erkennen lassen. Wie bei vielen
andern Meisterwerken, z. b. Weber's Euryanthe, Schubert's Rosamunde, Schu-
mann's Genoveva, ist der Misserfolgauf der Buhnedurch den Beifall im Konzert-
saal ausgeglichen worden.
SYMPHONIE fiir ORCHESTER und RLAVIER
(Vincent d'Indy)
I. Ziemlich langsam. Mâssig. Bewegt. IL Mâssig, nicht schleppend. III. Bewegt.
Dièses Werk, das zu den populârsten seines Schôpfers gehôrt, ist schon frûh
geschrieben. Die erste ôfFentliche AufFuhrung; fand im Edentheater zu Paris am
20. Mârz 1887 statt, unter Leitung von Charles Lamoureux und mit Mme Bordes-
Pène am Klavier. Trotz des Misstrauens, fast der Abwehr, die zu dieser Zeit
allen dieser Schule entsprungenen Werken von vorne herein entgegengebracht
wurden, nahm das Publikum das Werk mit Wohlwollen auf.
Der Symphonie order vielmehr symphonischen Suite liegt eine Volksweise zu
Grunde, eine alte Mélodie aus den Cévennen, welche zu Anfang im englischen
Horn ertônt.
XXXIV
AMIS DE LA MUSIQUE
1 . \:^\.^}.^^Uf^
m
^
ÉE±
a^ r.V'im iMiïT v^vi ■"i iu^^^>
Bf?^
Alfred Cor tôt
LA PROCESSION
(César Franck).
(Paroles de Ch. Brizeux).
Dieu s'avance, à travers les champs,
V-A.X les landes, les prés, les verts taillis de hêtres.
Il vient, suivi du peuple, et pcirté par les prêtres.
Aux cantiques de rhomnie, oiseaux, mêle/ \'os chants !
On s'arrête : la foule, autour d'ini chêne antique.
S'incline, en adorant, sous l'ostensoir niystitjue.
Soleil, ilarde sur lui tes jon^s ra\-ons couchants !
FESTSCHRIFT xxxv
Aux cantiques de l'homme, oiseaux, mêlez vos chants !
Vous, fleurs, avec l'encens, exhalez votre arôme !
O fête ! tout reluit, tout prie et tout embaume !
Dieu s'avance à travers les champs !
OUVERTURE zu GWENDOLINE
(Emmanuel Chabrier)
Catulle Mendès schrieb ein dûstres und gewaltiges Drama betitelt " Gwen-
doline ", worin er die weibliche Anmut und Schwâche im Kampf mit der Kraft und
Rauheit des Mannes zeichnet. Zwei kriegerische Vôlker, Dânen und Sachsen,
stehen einander gegenûber. Die Handlung entwickelt sich in der grausamten
Barbarei des VIL Jahrhunderts. Die Ouverture fuhrt dièse Elemente vor, durch
passende Leitmotive musikalisch sehr deutlich ausgedrûckt. Die Hauptmotive
folgen einander und verbinden sich, wobei bemerkenswert ist, dass die ganze
Ouverture aus einem einzigen Tempo, Allegro con fuoco 6/4, nicht heraustritt.
Das erste Motiv, von Basskîarinette, Cello und Englisch-Horn getragen, ist aus
dem Chor der Piraten im I. Akt herûber genommen und stellt das dânische
Elément dar. Es o;eht durch das ganze Werk hindurch und sein zweiter Teil bildet
i eine der Hauptgrundlagen der Ouverture.
Auf dièses dânische Motiv folgen zwei andere, das eine als Glûckmotiv, das
; andere als Motiv der Angst, welche dem Liebesduett des II. Aktes entnommen
: sind.
Dièse beiden Themen, von denen das erste die Leidenschaft des liebenden
Kriegers ausdrûckt und das zweite im Verlaufe des I Aktes das Mitleid, welches
• das junge Mâdchen fur das unstâte Leben der Piraten empfîndet, sind die Motive
* der beiden Hauptpersonen Harald und Gwendoline.
Zum Schluss entrollt sich die grosse und schône Mélodie, die vor den Augen
t der Liebenden die Herrlichkeiten Walhall's erschliesst. Zuerst in Des^ teilt sie
: sich, vermischt sich mit dem Dânenmotiv, schweigt einen Augenblick, um das
J! Motiv des Mitleids wieder emporsteigen zu lassen, dann jenes des Haralds und
jl kehrt in C zurûck, im Glanz einer Apothéose unter dem Schmettern des Blechs.
I Eine kurze Pause gestattet den Holzblâsern das sanfte Bild Gwendolinens
aufzurufen. Das Tosen beginnt von Neuem und die Ouverture endet mit einem
1; glanzvollen Schlusssatz.
Nachdem dièse zweiacktige Oper 1876 zum erstenmal im Théâtre de la
Monnaie in Brûssel gegeben worden, kam sie nach Deutschland, ehe sie Frankreich
aufnahm. Sie wurde unter Mottl in Karlsruhe 1889 und in Mûnchen 1890
XXXVl
AMIS DE LA MUSIQUE
aufgefûhrt. Die Pariser Oper gab sie erst am 27. Dezember 1893, einige Monate
vor dem Tode des Komponisten, und gewahrte dem Meisrerwerk das Almoseii
von 14 Auffûhrungen.
SYMPHONISCHE VARIATIONEN
(César Franck)
Dièses o-lânzende Stûck, wo ein Motiv in technisch meisterhatter Behandluno;
sich durch eine Reihe rythmischer Verwandlungen von eigenartigster Wirkung
I.J^/„ , Ji^
1 M ^ .^i
r-i
-^-^^
T-» *■ a- ^ ^ — '
F^=H
<p y — L. — ^: — i ff^ —
\
t^ ^
0' -^ ^—
-* w
-^ ^ — ^^
1 '
B ^
1- -. \ ^ 1 M
1 1
durch schlingt, ist 1885 erschienen. Es gehôrt also der letzten Epoche des
Meisters an und wurde zum erstenmale am 2. Mai 1886, einem unvergesslichen
Tag, im Conzert Pasdeloup mit Diemer aufgetuhrt. Dieser famose Pasdeloup,
damais schon ziemlich bejahrt — es war eines seiner letzten Auftreten — nahm das
Tempo zu rasch und das Werk, das zudem noch schlecht einstudiert war, schloss
mit einer Art Verwirrung, die nur Franck allein nicht bemerkte.
DRITTE SYMPHONIE MIT ORGEL UND KLA\'IER
(Camille Saint-Saexs)
Dièse Symphonie zerfallt in zwei Siltzc, cbenso wie schon d;is I\' Khivicrkon-
zcrt und die Sonate fQr Klavier und Violine des Meisters. Trotzdcm ist dicse
UebertretLincr der Rc":cl hier nur scheinbar, denn die vier herk(")mmhchen Siitze
finden sich klar angedeutet, nur je zu zweien verbunden, dcnirt, d:iss das Adagio
als Schiuss des einlcitendcn Satzes und das Scherzo als Fingang des Innales
gelten kann. Betrachtet man genau liiese \'ici- Siitze, so kann nian in jedeni
von ihncn fast cin Haupt-uml ein Xcbcnthcina teststcllcn, dicsc bciden (l'i-uiuili-
iiien des Aufbaues der klassischen S\niph()nic.
Nach einigen langsamen und khigendcn J'anleitungs- laktcn
FESTSCHRIFT
xxxvu
C y^«
a^'t^J- - Sc-afr-^
bringem die Streicher das Erste Thema (6/8 C moll) von dûsterem bewegtem
Charakter.
A [ieo^ro mod^r
7.\i diesem contrastierend, bringen voll rugiger Empfindung die Geigen das
Gesangsthema.
P
1- i'^r- ^<__^. ^-^.
Das Adagio (Des) folgt aut die verschiedenartigsten Episoden, welche die
Entwicklung der vorhergehenden Motive gebracht hat : eingefûhrt vom Quartett
und gestûtz von majestâdschen Orgel-Accorden, macht es den Eindruck ruhiger
Grosse, ernster und tiefer Betrachtuna;, es entrollt sich vornehm in Geschmack
XXXVlll
AMIS DE LA MUSIQUE
raffinierter Harmonien und merkwïirdig rythmisierter Begleitfiguren, um in eine
Coda uberzugehen, deren mystische Farbung durch den Wechsel von E Moll und
Des-Dur Akkorden bewirkt wird.
Das Scherzo (allegro moderato) beginnt mit einer energischen Violinphrase,
All?mod'-°
zu welcker spâtter eine solche in Terzen sehr ausdrucksvoll contrastiert.
Ebenso kûndigt sich das eigentliche Finale durch ein herbes und ernstes
Grave.
'^'v>!i-Ucil-l--J
Choralartigen Thema in den Posaunen an, welches spâtter einer Episode weicht,
deren Pastorale Farbung Oboe und Flôte wiedergeben.
Die dritte Simphonie bedeutet tûr Saint-Saens einen der Giptelpunkte seines
SchafFens. Auf dem Gebiete der reinen Symphonie hat er spater weder ein
bedeutenderes noch ein gereifteres Werk hervorgebracht : sie war die Frucht
einer langen und ernsten Arbeit, das Résultat einer grossen Anstrengung, sodass
einmal, aïs ich den berilhmten Komponisten tragte, ob er eine neue Symphonie
schreiben wilrde, er mir einfach antwortete : " Nein, es ist aus ; ich habe damit
ailes gegeben, was ich geben konnte. Wozu auch ? Was ich damais schuf, werde
ich kein zweitesmal schaffen."
In London, durch die Philharmonische Gesellschatt in Mai 1886 zum
erstenmal aufgefQhrt, errang das Werk einen Ertolg, der sich bald aut den
Kontinent erstreckte ; aile grossen Konzertvereine wollten es ihre Programme
einverleiben ; in Paris filhrte man es zuerst im Conservatorium am 8. und 16.
Januar 1887 auf, dann im Trocadero unter Eeitung von Ed. Colonne (1889).
»« • ai:
Sïî Tin
il MONTAG, DEN 19. SEPTEMBER 1
SIS w^«
«s »«
Il VORMITTAG ii UHR ||
Il I. MORGEN-KONZERT |
as; u&
v><; aie
:>y as
^& a&
»« Zweite Sonate fur Klavier und Violoncello . . . . C. Saint-Saens. ai;
gs Der Komponist und Herr Gérald Maas. nR
rjfiî WR
il ) Chanson triste H. Duparc. ii
®| Melodien [ , ||
ac j Chanson perpétuelle E. Chausson. au
ais
«i£*
r/i^ Fraulein Rose Féart. «r
as; ae
SR Zweites Trio C. Saint-Saens. sr
a» a»
ae Der Komponist und die Herren Heyde & Maas. a»
a& ais;
as Cembalo Stûcke : a»
SR Rigaudon et Tambourin T. Rameau. §r
am ^ -'ai:
îîR T -T. • 1 ®®
Il Le Rossignol en amour Fr. Couperin. ||
il . , ^®
«^ Les Vièleux et les Gueux, les Jongleurs et Sauteurs, " ^P
»R 0R
^R Cembalo : M""" Wanda Landowska. ii
a& a&
ai ^®
SR Septett fur Klavier, Streichinstrumente und Trompeté C. Saint-Saens. «r
Il p®
as Der Komponist und die Herren Heyde, ab
»R "^ ' ' «R
®® T-ci\yfTT j as
»R i^RANZos, Stiglitz, Maas, Houdek und Sr
SR T »R
ag JuNGE. as
SR -^ »R
80 ae
SR SfR
gg ae
aîR aîi5
0R
aÉ:aea0aisaBaÉ:at;aî;ayat;ai:;aya«;»c;a«;ai;asai:a<!iac;a£;a!BaBasasai:asaiîaea0a!sasâÎ5
riRflRriar>RriRri0.rM':.^r:rir.r>rw^iV<r.rM':.'M':.oa'M'îriRriRri»VM':rM':riRïïiRriRriRriRriRriRfl
I Ii\ilr nud (r. M//I
FESTSCHRIFT
xli
ZWEITE SONATE fiir CELLO und KLAVIER
(Camille Saint-Saens)
Dièse Sonate in F dur, op. i'2'3^, lamfasst vier Satze.
Der erste Satz ist auf zwei Haupttbemena'afgebaut, welche sofort nach der
Einleitung zusammen erscheinen, um sich abwechselnd bald verlangert, bald
m
m
P
verkurzt, einzeln oder gegeneinander, bewegt, mit einem reichgegliederten Klavier-
part nach und nach zu entwickeln.
Der zweite Satz ist ein Scherzo in D moll, 6/8 mit acht Variationen ; deren
Thema vom Klavier zunâchst allein gebracht ; dann vom Cello aufgenommen
und mit Klavieraklcorden/begleitet wird.
Allegro animato.
riab]LiJiy.k3i'k].T^i^hrte
le^âto
Den dritten Satz bildet eine Romanze (B'Jimollj poco adagio 4/4), von
ausdrucksvollem und weich-em ■■Cha'raktée,^ xdé-rén Mélodie, eini^e Imitationen
auso-enommen, fast ausschliessHch vom iCéll-b- ttètragen- und von Klavierarpe^orien
begleitet wird. ' -i ■']■ ~; " .
Der vierte Satz, ein Allegro non ^troppo 3/4, von anmutigster Art, voll
Eleganz und Leben, wie es einem Finale gebûhrt. -Zwei Hauptgedanken, der eine
von mehr rythmisch, der andere cantabile.' '•'• - ■
CHANSON TRISTE
Henri Duparc. ^ • . ■■ ■• J^'j^oésre- âe Jean Lahor.)
Dans toil cœur dort un clair de lune,
Un doux clair de lune d'été.
xlii AMIS DE LA MUSIQUE
Et pour tuir la vie importune,
Je me noierai dans ta clarté.
J'oublierai les douleurs passées,
Mon amour, quand tu berceras
Mon triste cœur et mes pensées,
Dans le calme aimant de tes bras.
Tu prendras ma tête malade,
Oh ! quelquefois, sur tes genoux,
Et lui diras une ballade.
Qui semblera parler de nous.
Et dans tes yeux, pleins de tristesse.
Dans tes yeux alors, je boirai,
Tant de baisers et de tendresse,
Que peut être je guérirai.
CHANSON PERPETUELLE
Henri Duparc. (Poésie de Charles Gros.)
Bois frissonnant, ciel étoile,
Mon bien aimé s'en est allé.
Emportant mon cœur désolé.
Vents, que vos plaintives rumeurs
Que vos chants, rossignols charmeurs.
Aillent lui dire que je meurs.
Le premier soir qu'il vint ici.
Mon âme fut à sa merci ;
De fierté je n'eus plus souci.
Mes regards étaient pleins d'aveux.
Il me prit dans ses bras nerveux.
Et me baisa près des cheveux.
Yen eus un grand frémissement,
Et puis je ne sais plus comment
Il est devenu mon amant.
Je lui disais : Tu m'aimeras
Aussi longtemps que tu pourras.
Je ne dormais bien {]u'en ses bras.
Mais lui, sentant son cirur éteint,
S'en est allé l'autre matin,
Sans moi ! dans un pays lointain.
Pinsquc )e n'ai plus mon ami,
1
i
FESTSCHRIFT
Je mourrai dans l'étano;,
Parmi les fleurs, sous ]e flot endormi ;
Sur le bord arrivée, au vent,
Je dirai son nom, en rêvant
Que là je l'attendis souvent.
Et comme en un linceul doré
Dans mes cheveux défaits.
Au gré du vent, je m'abandonnerai.
Les bonheurs passés verseront
Leur douce lueur sur mon front.
Et les joncs verts m'enlaceront.
Et mon sein croira, frémissant.
Subir l'étreinte de l'absent.
xliii
ZWEITES TRIO
(Camille Saint-Saens)
Das zweite Trio Emoll, op. 92 besteht aus fûnf Sâtzen.
I. Allegro ma non troppo, 12/8. Ein ausdruckvoller Gedanke gestûtzt auf den
gebrochenen Emoll-Akkord, in leichtem Staccato auf den verschiedenen Oktaven
des Klaviers wiederholt.
yUes
S
■^'-q 1- 1 V
^. :i. é i^' T '
V/oC.
Dieser Hauptgedanke entrollt sich mûhelos, mit unvergleichlicher Eleganz. Der
zweite Gedanke ist eine einfache Figur, die vielfache Verânderungen und Imi-
tationen durchmacht, ohne die Bewegung zu verlangsamen oder das Interesse zu
ermuden.
^^
II. Allegretto. Der zweite Satz ist eine Art Scherzo in Edur in funfteiligem
Takt. Die Mélodie ist leicht, anmutig und von eigenartigem Rythmus. Die Geige
tragt sie, wâhrend das Klavier Takt fur Takt antwortet.
xl
IV
AMIS DE LA MUSIQUE
P °)^^'^^^^°
Coiitrastierend tritt zweimal, — einmal in Fismoll, das anderemal in A moll, —
eine Art von Divertissement aut, in dem das Klavier in raschen Fio;uren die
unregelmassior aefassten Perlen seiner. Sechzehntel vorubergleiten lasst.
III. Andante con moto 4/4, Hier finden wir eine kurze Mélodie in As, wie
von einem Hauch Schuman n's durchweht, so zart ist die Linie und die Empfin-
dung so fein. Zuerst vom Klavier allein, mit reichen Harmonisierung gebracht,
wird, sie vom Cello und zum Schluss von der Geige aufgenommen, bis aile drei
Instrumente sie in geistvollen Imitationen durchfûhren, und das ganze sich in der
Weichheit eines Traumes aufzulôzen scheint.
IV. Grazipsoppco, allegro 3/8. Der vierte Satz ist ein Intermezzo in G oder
vielmehr ein zweites Scherzo in Form eines deutschen AValzers, ein Gemeno;e von
liebenswilrdiger Anmut und einfacher Naivitat.
V. Allegro dem Finale liegt ein kurzes Motiv zu Grunde, das zu Beoinn
r)-^rM^- \r\\^
klar und krattig unisono ausgcdriïckt ist. Diescm crsten (Tcdankeii olicdert sich
ein zweiter an, dessen Entwichlung eine Folge von Iniitationem bietct, und soo-ar
einen richtiijen Fugeneinsatz :
icf
P
T^jii::]^!:
3Ci:
^^
Der ganzc Satz ist, bis zu scincr Unisono Coda, solid aufgcbaut und dank
zahlreicker Kontrapunktischcr Gcschicklichkcircn glOcklich gcti'ihrt.
Die crstc AufFCihrun'^- dièses Trios taïui bei dcn Sitzungcn der " IVompere "
am 6. januar 1H93 statt mit Dicmci-, Mai'sick und l-oib.
FESTSCHRIFT
xl
V
RIGAUDON et TAMBOURIN
(Rameau)
Dièse Piècen sind entiiommen dem Livre de Pièces de clavecin Paris 1706
n 4° oblg.
PIÈCES DE CLAVECIN
(Couperin)
Das erste dieser Stucke erschien im dritten Buch der Klavierstûcke (Paris
1722, infol.)
Die andern sind Auszûge einer Suite betitelt : " les Fastes de la grande et
Mme JV. Landowsko jouant devatit Tolstoï et Rodin.
ancienne Ménestrandise " oder " die glorreiche alte Bânkelsangerei, " welche im
:z,weiten Buch dieser Stucke enthalten waren. In diesem humoristischeii Werk
xlvi AMIS DE LA MUSIQUE
macht sich Couperin ûber die fahrenden Musikanten, Geiger und Fiedler lustio;.
Dièse alte Zuntt lag zu dieser Zeit im eifrigen Kampt mit deii unabhangigen
Fachkijnstlern. Sie beaiispruchte, dass aile Pariser und franzôsischen ausûbenden
Kiinstler ihrer " Gewerkschaft " beitreteii sollten. Dièses Stûck, wo der Kom-
ponist die Zïinttler auf die letzte Stufe der Seiltanzer verweist, zeigt uns eine
Episode musikalischen Syndikalismus aus dem i8. Jahrhundert.
SEPTETT mit TROMPETE
(C. Saint-Saens)
Dièses Werk verdankt seine Entstehung einem ganz besonderen Umstand.
Der Autor hatte es einem seiner altesten und andilchtigsten Bewunderer, Herrn
Lemoine, gewidmet, einem geistvoUen Melomanen, welcher eine musikalische
Liebhabergesellschaft gegrûndet hatte, den in der Kunstlerwelt von Paris bald
wohlbekannten Verein " Z.r7 Trompette''. Oft hatte Saint-Saëns fur dièse Gesell-
schaftsabende seine pianistische Mitwirkung zugesagt. Dabei kam ihm der
Gedanke, eine Suite zu schreiben, worin die Trompeté eine grosse Rolle zu
spielen hatte und ihren hellen Klang mit dem des Klaviers und des Streich-
Quartetts vermischen soUte. Dieser Versuch entbehrte weder der Neuheit noch
der Kûhnheit ; er errang aber einen voUen Erfolg. Die Trompeté, die durch ihre
Eigenart nur der Orchestermusik zu entsprechen schien, sah sich plôtzlich in den
intimeren Kreis der Kammermusik ayanciert. Das Instrument hatte, sozusagcn,
Amt und Verwendung gewechselt. Das Talent des Autors hatte genûgt, um dièse
intéressante Neuerung hervorzubringen. Man kann auch wirklich nicht genug die
Kenntnis der Klangfarben, die Diskretion des Stils, die Geschicklichkcit und die
Pracht bewundern, mit welcher der Komponist diesen ziemlich ungewôhnlichen
Part behandelt hat und welche Uberraschende, packende Effekte er damit zu
erziclcn wusste.
7v.imlini>ii>lf flliim-i'iTilT/lfllWrtf
r< cr/ ofi ori tiîri ir::> lî^ri ori >L^ri i":rior> >L^r/ cri r:ri ori cri ii^r/ cri or/ lî^ri o
51: pG.
i MONTAG, DEN 19. SEPTEMBER II
vc ^ 0i
îf ABENDS .',/8 UHR ||
riC; SîR
1 II.ORCHESTER-KONZERT I!
:>c ^ rm
r<c T/îc
rA":riCriCriCî^criicr>cr<cricricr<cricricricricr<cricricri(criC5c.'îcriv^ricrïcricriCricriCricricricrii'î
:xc yiB
TtC. Ti-G
sa 1- se
as . . a»
^1 Symphonie in D moll César Franck. ^
j)i Dirio^ent : Herr Rhené-Baton. al
SR "Pie Tesu " aus dem Requiem Gabriel Fauré. i®
-iC Jrrl. KOSE i^EART. ^g
riC Unter Leitung; des Komponisten. Tm
â» Norweo^ische Rhapsodie Edouard Lalo. «0
ig Dirigent : Herr Rhené-Baton. ag
si; S0
80 li. SB
3® »€
ii ^^ ,, f a) Nuaçes Claude Debussy. îi
IS "Nocturnes" ' ^ Il
I _ \ b) Fêtes Il
SB Arie aus Henri VIII . Camille Saint-Saens. y«
1^ Pas d'armes du Roi Jean
î)
«î»
1^ Fierr Viannenc, von der Opera-Comique. ^
Is Dirigent : Herr Rhené-Baton. 0®
â® ° SB
a^ "Pelléas & Mélisande ", Orchester Suite. . Gabriel Fauré. ^1
au Vorspiel. — hpinnenn. — biziiienne. 80
as — Molto andagio. gg
38 j %,- • 0S5
ae Unter i^eitung des Komponisten. SB
gi^ Spanische Rhapsodie Maurice Ravel. i®
^B D M j ' 1 •. SB
g® , rrelude a la nuit. j5[®
il ''^ Malaauena. I®
il b) Haba^era. ||
:|| c) Feria. SB
Il Dirigent : Herr Rhené-Baton. ||
fB B!B
'38 îï®
^cscricr>cricriC,'7cr«cricri(cr<crîcriic^crîcricricricricricricrî8r<cricri*crî(C5criCr)
xlviii
AMIS DE LA MUSIQUE
D MOLL SYMPHONIE
(C. Franxk)
Trotzdem Franck die Einteilung der klassischen Symphonie beibehielt, hat
er versucht diesem Werk eine freiere und modernere AVenduno; zu oreben durch
das Wiederauttauchen der Hauptidee in den verschiedenen Satzen der Komposi-
^
<!b^ ^ j
^
m
^
tion. Es bedeutet dies eigentlich die Einfûhrung des Leitmotivs in die Symphonie
oder, um uns eines Ausdruckes der Franck'schen Schule zu bedienen, die
" zyklische " For m.
Die erste xA.uffuhrung dieser Symphonie fand am 2"". Februar 1881 statt.
PIE JESU, aus dem Requiem
(G. Fauré)
Das Requiem, welchem das " Pie Jesu " entnommen ist, ist eines der
bedeutendsten Werke seines Schôpfers und man môchte sogar sagen, eines der
reizvollsten, \\ç.nn dieser Ausdruck bei dem Sujet und bei dem Inhalt des Textes
nicht fehl am Orte ware. Doch ist dièses Wort erlaubt, wenn man sich die
erfinderische und poetische, neue und persônliche Art vor Augen hait, mit der
Gabriel Fauré den alten Text autgetasst hat an welchem sich so viele Komponistcn
und nicht die geringsten versucht haben. Wiihrend die meisten unter ihnen in
diesen Trauerworten ein furchtbares Bild sahen und mit den grellstcn Farben die
Schrecken des jQngsten Gerichts malten, hat er absichtlich das Dies inic und sein
Grauen vermieden, und den Vers Tm Parculisuui^ à^n man \o\- ihm meistens
wegliess, eingeschoben. Er Irlsst sich nur von den himmiischcn \'isioncn inspirieren.
Eine Atmosphare von Reinheit und Frieden umgibt das Werk. Der Tod, der uns
darin entgegentritt, machtct nicht und erschilttcrt nicht, sondcrn gewilhrt Be-
trcuing und 1^'ricden.
Die erste volstilndige Auffi'ihrung des Rcquiems tand uiitcr l.eitung von
J^ugène dTIarcourt am 17. Mai 1S94 statt, mit Mme. (iRammacim-Soi I'.rk und
Herrn Auguez als Interpreten.
FESTSCHRIFT xlix
NORWEGISCHE RHAPSODIE
(E. Lalo)
In seinen interessanten Buch Dber die moderne franzôsische Musik hat sich
G. Servières Qber den Ursprung dièses Werkes ausgesprochen: " Ermutigt durch
den Beifall, mit welchem seine spanische Symphonie aufgenommen worden war,
suchte Ed. Lalo neue Inspirationen aus volkstûmlichen Weisen und dem skandina-
vischen Folklore zu schôpfen ; er komponierte eine Suite fur Violine und
Orchester, betitelt " Norwegische Fantasie ", welche Sarasate in Deutschland
auf seinen Konzertreisen berûhmt machte. Sie besteht aus drei Sâtzen, einem sehr
eigenartigen Allegretto, dessen Thema in 2/4 sich bewegt, einem Andante in 6/8,
gefolgt von einem Satz in 2/4 ; einen Allegro brillante fur Violin-Solo ; darauf
ein sehr lebhaftes Presto. "
Wir wollen die Authentizitât der Themen dahingestellt sein lassen ; sie sind
wohl in der blossenr Fantasie des Autors entstanden und tragen vielleicht aus
Norwegen nichts als ;den Namen. Dièse Suite hat die Norwegische Rhapsodie
entstehen lassen, deren erste Auffûhrung in ihrer endgûltigen Form am 20. April
1879 ^^^ ^^^ Société Nationale stattfand.
NOCTURNES
(Claude Debussy)
Mit dem Zauber einer ingeniôsen und subtilen Kunst geben die Nocturnes
drei Bilder von absichtlich verwischter Zeichnung, aber intensiver Farbe. Sie stellen
keine bestimmten Handlungen dar, nicht eimal Gefuhle, seelische Emotionen oder
das Spiel flûchtiger Gedanken, sondern unbestimmte und schwebende Visionen,
wie sie in Trâumen auftauchen ; sie strahlen Natureindrûcke wieder, mit dem
Auge eines Malers geschaut, sozusager, in den Gedanken eines Dichter-Musikers.
Das ist der Winterhimmel mit seiner trûben und eintônig-grauen tiefen Wolken,
das ist die Nacht mit dem Jubel ihrer Feste, dem Glanz der Lichter, dem wirren
Larm der Mengen und dem geheimmsvollen Schader ihrer Schatten, durch die
Gespenster streichen ; das ist das Meer — endlos bewegt — mit seinem ewigen
Schlummerlied, in dem die Stimmen unsichtbarer Sirenen wiederklingen, die den
Menschen locken, ihn der Erde streitig machen und in's Unendliche hinabziehen.
Das erste Bild " Wolken " in H moll 6/4, geht gleichmâssig in weichen und
/^i^^^^Ui^y^
1
AMIS DE LA MUSIQUE
verschleierten Klângen dahin, deren Zartheit durch keine Trompeté oder Posaune
o-estôrt mid. Die Streichinstrumente sind nicht nur sordiniert, soiidern auch viel-
fach geteilt, um noch mehr abgetônt und fliessend zu wirken, (Celli und Bratschen
zweifach, die Geigen sogar achttach).
Im Gegengesatz zum ersten Bild zeigt das zweite Bild " Feste^ " gewisse Ab-
^
?
fjTlyyv^
^
V-^AV^
^
wechslungen, welcher die Verwendung der werschiedenartigsten Takteinteilungen
entspricht : 2/4, 6/8, 9/8, und sogar die seltenen 5/4 und 15/8. Charakteristisch ist
auch eine Art antiker Skala, auf welcher die Harmonie beruht, z. B. F moll mit d
und es. An manchen Stellen bildet sich dièse Skala in eine andere mit sechs
Ganz-Tônen um. Uebrigens trâgt ailes dazu bei, dem Ohr den Reiz tonalen
Unbestimmtheit zu lassen, denn das Stuck, das in F-moll begonnen, endet in A-dur.
Die raffinierte Harmonie, die seltsamen Dissonanzen, die herbe Aufeinan-
derfolo-e von Quinten und Sekunden, ail dies verleiht diesen Bildern, ein intensives
undpersônliches Kolorit ; die melodische Erfindung schmQckt sich mit prunkvollen
und seltenen Kleidern.
Dièses Werk ist ziemlich lang im Schreisbtisch gelegen, ehe es vor einigen
Jahren eine ôffentliche erste Auffuhrung erlebte. Das Manuskript verzeichnet als
Ort und Zeit der Komposition " Paris 1898-99 ".
AIR D'HENRY VIII
Saint-Saëns.
Qui donc commande quand il ai nie.
Et quel empire reste au cœur
Où l'amour met son pied vainqueur,
Ah, c'est la torture suprême, •
Elle veut, puis ne veut plus.
Elle me cherche, et puis m'évite.
Le souvenir de Marguerite
Fait-il mes désirs superflus ?
Espérer et craindre à la tois,
Et vivre exilé de soi-même
Ayant des caprices pour lois.
V.Wc me cherche et puis m'évite,
I\lle veut, et puis iic \ciit phis.
FESTSCHRIFT
PAS D'ARMES DU ROI JEAN
Saint-Saëns
Par St Gilles,
Viens nous en,
Mon ae:ile
Alezan,
Viens, écoute,
Par la route.
Voir la joute
Du Roi Jean.
Qu'un gros carme
Chartrier
Ait pour arme
L'encrier,
Qu'une fille
Sous la grille
S'égosille
A crier.
Nous qui sommes
De par Dieu,
Gentilshommes
De haut lieu.
Il faut faire
Bruit sur terre.
Et la P:uerre
N'est qu'un jeu.
Cette ville
Aux longs cris,
Qui profile
Son front gris.
Des toits frêles.
Cent tourelles.
Clochers o-rêles.
C'est Paris.
Los aux Dames,
Au roi los ;
Vois les flammes
Des champs clos.
Où la foule
Qui s'écroule
(^Poésie de Victor Hugo).
Hurle et roule
A longs flots.
Sans attendre,
Çà, piquons.
L'oeil bien tendre.
Attaquons.
De nos selles
Les donzelles.
Roses, belles
Aux balcons.
Là haut brille
Sur ce mur,
Yseult, fille
Au front pur.
Là-bas, seules.
Forces aïeules,
Portant gueules
Sur azur.
On commence
Le befiroi.
Coups de lance.
Cris d'eflroi ;
On se forge.
On s'ég-orp-e.
Par Saint George,
Par le Roi.
Dans l'orag-e.
Lys courbé.
Un beau page
Est tombé.
Il se pâme.
Il rend l'âme.
Il réclame
Un abbé.
Moines, vierges
Porteront
De grands cierges
Sur son front ;
lii
AMIS DE LA MUSIQUE
Et dans l'ombre
Du lieu sombre,
Deux yeux d'ombre
Pleureront.
Car Madame
Isabeau
Suit son âme
Au tombeau.
Cà, mon frère,
Viens, rentrons,
Dans notre aire,
De barons.
Va plus vite.
Car au gite
Qui t'invite,
Trouverons,
Toi, l'avoine
Du matin ;
Moi, le moine
Augustin.
Ce saint homme
Suivant Rome,
Qui m'assomme
De latin ;
Et rédige
En romain
Tout prodige
De ma main.
Qu'à ma charge
Il émarge.
Sur un large
Parchemin.
Le vrai Sire
Châtelain,
Laisse écrire
Le vilain ;
Sa main digne,
Quand il signe,
Egratisne
Le vélin.
PELLEAS und MELISANDE
(G. Fauré)
Orchester Suite
Dcr grosse kuiistlcrisclie Krtolg, dcn Claude ncbuss\' in tlcr Opcia Comique
mit " l^elléas und Melisande " cn-ungcn hat, soll uns nicht \-crocsscn lasscn, dass
dassclbe Sujet schon einmal einen l'onkûnstlci" dcr tranzc'isischcn Scluilc hcgei-
sterte 1900. wurde das Drama Mactcrlinck's in London autgetulirt inui Ci. h'auré
hatte dcn Auttrag crhaltcn, die Musikda/.Li zii komponicrcn. l,;iiigsr war sein
l^uhni Liber dcn Kanal gcdrungen, sodass cr in Kngland wanne Bcvvundcrci- hatte.
l)cm I Icrkomnien gcmiiss hat der Koniponist die s\-mphonischen Zwischen-
spielc '/Al ciiicr Orclicstcr-Suitc m vicr Teilcn /.usaninu'ii ^c/.oLicn, wckhc inchrcre
yXufFuhrungen in Paris erlcbtc, ziierst in ticr Société Nationale, dann (am 2^;. April
1901) in dcn symphonischcn Kon/.crtcn des \^uidcvillc untcr André M i;ss.\('.kr's
l)irfkti()n und 111 dcn I. amoureux Kon/.crtcn. \'or /wci J;ihrcn WLii'dc sic von Jan
Jncknhovkn dcm MiinchcMcr i'uMikimi vorocfiihit.
FESTSCHRIFT
liii
SPANISCHE RHAPSODIE
(Maurice Ravel)
Dièses Werk, welches zum erstenmal am 25 Marz 1908 in den Coloniie-Kon-
zerten aufgefûhrt wurde und A. de Bériot gewidmet ist, besteht aus vier Stûcken.
Das erste, Prélude à la nuit^ gibt den Eindruck einer jener Sommernâchte
wieder, wo aus der Erde zu den Sternen eine weiche Sinnverwirrende Stimmung
autsteigt, wie ein stark berauschender Duft von Wollust. Aus den Serenaden
perlen weithin die Fiorituren, bald poetischer, bald burlesker Art, die das Echo
wiederholt. Eine vorûbergehende, leichteArabeske von vier gleichmâssigen Achteln,
sich stufenweise abwârts rankend, durchzieht das ganze Prâludium ; als Leitmotiv
taucht es im zweiten Teil, dann im Finale wieder auf.
■/:<; /(^y^^^^^^y)
Der Sweite Satz, genannt Malaguena^ was gleichbedeutend ist mit Sérénade,
lehnt sich an den ersten an.
Die Habanera^ weiche den dritten Teil bildet, war zuerst fur zwei Klaviere
geschrieben (1895) und in dieser ersten Form 1898 in der Société Nationale
gespielt worden. Den Anstoss zu dieser Komposition gab ein Vers Baudelaire's
aus dem Gedicht an eine Kreolin :
" Au pays parfumé, que le soleil caresse "
Cor anqla/s. récit
y^T^'^r^ii^'i^^^l^^i^'i^i^
liv
AMIS DE LA MUSIQUE
Das Finale oder Feria bringt ein Volksfest mit dem tollen Leben einer
tosenden Mencre und larmenden Taiizen, dessen gewoge durch die Improvisa-
tionen andalusischer Sanger unterbrochen wird.
Obwohl aile Motive dieser Rhapsodie, dièses merkwQrdigen und ktihiien
Werkes, das eine Art kunstlerischen \'orpostens bedeutet, einen volkstumlichen
Charakter tragen istdennoch keiiies \^on ihnen aus spanischen Volksweisen eiitlehiit.
Der Komponist hat sie in seinen eigenen Phantasie geschafFeii. Es siiid Variationen
ilber Original-Themeii.
Die erste Auffuhrung begegnete beim Publikuni einigen A\'iderspruch. Doch
waren die Freunde des Autors zahlreich genug um eine Wiederholung der
" Maleguena " durchzusetzen und das Gros der Presse iiusserte sich orfinstig.
Calvocoressi schrieb : " Die Klarheit des Werkes, die auterordentliche Kratt, mit
der es die Fantasie anregt, die Poésie, von der es erfullt ist, ist ebenso bewunde-
rungswurdig wie die Sicherheit der Technik, welche die reiche und eigenartige
Orchestration beweist ".
In der nâchsten Saison im Chatelet wiederholt, hatte die Spanische Rhapsodie
beim Publikum wie in der Presse einen durchschlaa^enden Erfolg.
DIENSTAG, DEN 20. SEPTEMBER 1
yc yc
yc , „, ^^,,. . _ ,._.^ _„^_,_, UK
yy
rlî: VORMITTAG ii UHR r!o
»« -r T T% /r y^-X T^ y^^ ¥-^ TW T T7^ y^-X Ifc. T /^"F T^ T^ /"^T-^ y'-i
yiy
Vf: ~ ■ ~ ~ no
yy yy
Il II. MORGEN-KONZERT
yc ys;
y'-î , . . y®
T'H Sonate tûr Violine und Klavier G. FaurÉ 3S
afj Der Komponist und Herr Heyde. ^P
Il Drei Lieder ■ .... G. Fauré ||
t'^i a.) Au bord de l'eau ' ■ ^^
y^; b.) Les Berceaux ... qu
y^; c.j J^es roses d ispanan aè
y"^ JbrJ. Rose J^eart. ^l£
i>'i Am Klavier : der Komponist. &&
r/iTî i^ sa
n\^ Drei Klavier-Stucke E. Chabrier «a
^{i a.) Idylle II
H b.) Scherzo. — Valse ||
SîK Herr Alfred Cortot. si
as ag;
Il Drei Lieder G. Fauré gp
!^p a.) Le parfum impérissable
y^j
h.) Mandoline 3«
r<ir: c.) boir. aîis
yt; ^ Hiu
r{^l Frl. Rose Féart. «g
r^l^j Am Klavier : der Komponist. ^p
y.: A-capella btucke uts
yrj a.) Il n'est plaisir Jannequin ys®
îli; b.) Las, je n'irai plus jouer Costeley ^|j
^g c.) Hau, hau, hau le boys Passereau gp
»p d.) Il est bel et bon C. de Sermisy ^
i»g e.) Madrigal G. FaurÉ t&î
Il Milnchener Madrigal Vereinigung.
|||: Dirigent : J. Ingenhoven.
'^'i Erster Quartett in C moll fur Klavier, Violine, Viola
j^'i und Violoncell G. Fauré gg
>][^ Der Komponist und die Herren Heyde, IVIaas, ^
îX< Stiglitz. Il
y^i ss
Tir. 0»
y,t;yi!^ycycysycyaa0y!S®«y[sysasy[sysy[Sysa«ysy!»ysycy<;ysyt;y^jysyt;ysytsasS!SH!S
Ivi AMIS DE LA MUSIQUE
SONATE fur KLAVIER und VIOLINE
(G. Fauré)
Die Violin-Sonate, op. 13, ist eines der ersten Instrumentalwerke des
Meisters, welcher bis 1877 kaum etwas anderes als Lieder komponiert hatte. Sie
wurde zum erstenmale am 15. Juli 1878 in der Ausstellung durch den Autor und
den Violinisten Maurin aufgefûhrt.
Das Allegro beginnt mit einem Motiv voll Leidenschatt und Unruhe, wie sie
Schumann eigen sind. In der Durchfûhrung der Themen ist ein Passus zu
bemerken, wo der Einfluss Tristan's tûhlbar ist.
Das Andante und das Scherzo verraten die rûhrende An mut, die eine Haupt-
eigenschaft Faurés ist.
AU BORD DE L'EAU
Gabriel Fauré. (Poésie de Sully Pruahomme.)
S'asseoir tous deux au bord du flot qui passe,
Le voir passer.
Tous deux s'il glisse un nuage en l'espace,
Le voir glisser.
A l'horizon, s'il tume un toit de chaume.
Le voir tumer.
Aux alentours, si quelque flein- embaume,
S'en embaumer.
Entendre, au pied du saule où l'eau nuimuire
L'eau murmurer.
Ne pas sentir, tant que ce rêve dure
Le temps durer.
Mais n'apportant de passion j-irofoiule
Qu'à s'acîorer,
Sans nul souci des qLici'clles du momie,
Les in;norer.
Et seuls, tf)us deux devant tout ce qui l.isse.
Sans se lasser,
Sentir l'amoin-, tlcvant tout ce c|ui passe
Ne point passer !
FESTSCHRIFT
[vil
LES BERCEAUX
Gabriel Fauré.
(Poésie de Sully Prudhomme.)
Le long du quai, les grands vaisseaux
Que la hoide incline en silence
Ne prennent pas garde aux berceaux
Que la main des femmes balance.
Mais viendra le jour des adieux,
Car il faut que les femmes pleurent.
Et que les hommes curieux
Tentent les horizons qui leurrent.
Et ce jour-là, les grands vaisseaux
Sentent leur masse retenue.
Par l'âme des lointains berceaux.
LES ROSES D'ISPAHAN
Gabriel Fauré.
(Poésie de Le conte de V Jsle.)
Les Roses d'Ispahan, dans leur gaîne de mousse.
Les jasmins de Mossoul, les fleurs de l'oranger.
Ont un parfum moins frais, ont luie odeur moins douce,
O blanche Léïlah, que ton souffle léger.
Ta lèvre est de corail, et ton rire léger
Sonne mieux que l'eau vive et d'une voix plus douce.
Mieux que le vent joyeux qui berce l'oranger,
Mieux que l'oiseau qui chante au bord d'un nid de mousse.
O, Léïlah, depuis que, de leur vol léger.
Tous les baisers ont fui, de ta lèvre si douce,
11 n'est plus de parfum, dans le pâle oranger.
Ni de céleste arôme, aux roses dans leur mousse.
O, que ton jeune amour, ce papillon léger
Revienne vers mon cœur, d'une aile prompte et douce.
Et qu'il parfume encor la fleur de l'oranger.
Les roses d'Ispahan, dans leur gaîne de mousse.
Iviii AMIS DE LA MUSIQUE
LE PARFUM IMPÉRISSABLE.
Gabriel Fauré. (Poésie de Leçon te de Vlsle.)
Quand la fleur du soleil, la rose de Lahor,
De son âme odorante, a rempli goutte à goutte
La fiole d'argile, ou de cristal, ou d'or.
Sur le sable qui brûle, on peut l'étendre toute,
Les fleuves et la mer inonderaient en vain
Le sanctuaire étroit qui la tient enfermée ;
Il garde en se brisant son arôme divin
Et sa poussière heureuse en reste parfumée.
Puisque par la blessure ouverte de mon cœur
Tu t'écoules de même, o céleste liqueur.
Impérissable amour qui m'enflammais pour elle ;
Qu'il lui soit pardonné,
Que son nom soit béni,
Par delà l'âme humaine
Et le temps infini.
Mon cœur est embaumé
D'une odeur immortelle.
MANDOLINE
Gabriel Fauré. (Poésie de I erlaiue.)
Les donneurs de sérénades
Et les belles écouteuses
Echangent des propos fades
Sous les ramures chanteuses.
C'est Tircis, et c'est Aminte,
Et c'est l'éternel Clitandrc,
Et c'est Damis qui pour mainte cruelle
V\x maint vers tendre.
Leurs courtes vestes de soie,
Leurs longues robes à queue,
F.cur élégance, leur joie,
Et leurs molles ombres bleues
Tourbillonnent dans l'extase
D'une lune rose et yrise.
Et la mamloline jase,
Parmi les trissons de brise.
p
FESrSCHRIFT lix
SOIR
Gabriel Faurè. (Poésie d' Albert Samain).
Voici que les jardins de la nuit vont fleurir.
Les lignes, les couleurs, les sons deviennent vagues.
Vois, le dernier rayon agonise à tes bagues,
Ma Sœur, entends-tu pas quelque chose mourir }
Mets sur mon front tes mains fraîches comme une eau pure.
Mets sur mes yeux tes mains douces comme des fleurs.
Et que mon âme, où vit le goût secret des pleurs
Soit comme un lys fidèle et pâle, à ta ceinture.
C'est la pitié qui pose ainsi son doigt sur nous ;
Et tout ce que la terre a de soupirs qui montent
Il semble qu'à mon cœur enivré le racontent
Tes yeux levés au ciel, si tristes et si doux.
A-CAPELLA STÛCKE
IL N'EST PLAISIR
Janequin (Auteur inconnu.)
Il n'est plaisir ne passe temps
Au monde que de bergerie,
Quand on est par bois ou par champs
Chantant, dansant, riant à son amie.
La droguette godinette,
Jolye, jolye, jolye
Au monde n'est rien si plaisant.
\ LAS JE N'IRAI PLUS
Costeley. {tiré àts Musiques àc 1570).
Las je n'iray plus, je n'iray pas
Jouer au boys.
Hier au matin m'y levai,
En notre jardin entrai.
Las je n'iray plus, je n'iray pas.
Jouer au boys.
FESTSCHRIFT Ixi
En notre jardin entray.
Trois fleurs d'amour y trouvay.
Las je n'iray plus, je n'iray pas
Jouer au boys.
Trois fleurs d'amour y trouvay ;
Une en prins, deux en laissay.
Las je n'iray plus, je n'iray pas
Jouer au boys.
Une en prins, deux en laissay ;
A mon amy l'envoirray.
Las je n'iray plus je n'iray pas
A mon amy l'envoirray
Qui sera joyeux et gay.
Las je n'iray plus, je n'iray pas
Jouer au boys.
IL EST BEL ET BON
Passereau. (Auteur inconnu.)
Il est bel et bon, bon, bon, bon, bon, commère,
Il est bel et bon, bon, bon, bon, bon, commère.
Commère, commère, mon Mary.
Il estoient deux femmes, toutes d'un pays
Disant l'une à l'aultre : avez bon Mary.
Il est bel et bon, bon, bon, bon, bon, commère,
Il est bel et bon, bon, bon, bon, bon, commère.
Commère, commère, mon Mary.
Il ne me couroûsse, ne me bat aussy
11 fait le mesnaige. 11 donne aux poulailles
Et je prends mes plaisirs.
Commère, c'est pour rire.
Quand les poulailles crient
Petite coquette, petite coquette
Petite coquette, qu'est cecy }
Il est bel et bon
Ixii AMIS DE LA MUSIQUE
HAU LE BOYS
CI. de Sermisw (tiré des Chansons musicales de 1529).
Hau, hau, hau le boys
Prions à Dieu le roy des roys
Garder ce gentil vin trançois
Si en beuvrons six pots pour trois —
Pour mieux nous esclairer les voix
Beuvrons d'autant, je m'y envois —
Hau, hau, hau le boys.
MADRIGAL
Gabriel Fauré.
Inhumaines qui, sans merci
Vous raillez de notre souci
Aimez quand on vous aime.
Ingrats qui ne vous doutez pas
Des rêves éclos sur vos pas
Aimez quand on vous aime.
Sachez, o cruelles beautés
Que les jours d'aimer sont comptés
Sachez, amoureux inconstants.
Que le bien d'aimer n'a qu'un temps.
Un même destin nous poursuit.
Et notre folie est la même
C'est celle de tuir cjui nous aime
C'est celle d'aimer tjui nous tuit.
i
DIENSTAG DEN 20. SEPTEMBER, Il
ABENDS .',/8 UHR gg
III. ORCHESTER-KONZERT i
rtir.uir.rt c:ri ari en c.Ti^ci^Tma'Ratia's^a'RatRrmana^aTiTma^Ti'rsiCSiC.Tiiiia^a'&ai^.Ti ert en en ene
se
T aifî
^- ae
Ouverture zu " Frithjof" Th. Dubois ^r
T ^ • • T T T-> f n ^'^
Dirigent : Herr Khene-isaton. g®
Sinfonia sacra Ch. M. Widor a»
TT T • 1 T^ • ®®
Unter Deitung des Komponisten. ag
Orgel : Herr Dr. Albert Schweitzer. ^
M T T Tl ^^®
Absence ri. liERLioz ^p
Melodien^ Ballade Ch.-M. Widor ^p
Repos éternel. . „ ^g
Mme Darlays, von den Lamoureux-Konzerten. ^^
Unter Leitung des Komponisten. âss:
In Norwegen (zwei Satze aus der Orchester Suite) . . A. Coquard ^^
a.) Am Nordkap. H
b.) Finale (Tanz) ^fi
Dirigent : Herr Rhené-Baton. gg
II §i
Vorspiel zum III Akt von " Ariadne und Blauhart'" . P. Dukas ^è
^ 0®
Franzôsische Suite Roger Ducasse ^^
a) Ouverture c) Recitativ et air ^^
b) Bourrée d) Menuet SS
, , 1 j. (La vague et la cloche ....... H. Duparc li
Melodien ti^^i, r-c c as
( La lyre et la harpe C Saint-Saens ^
Herr Huberdeau, von der grossen Oper in Paris. s®
Vorspiel zu " Fervaal " . . . V. d'Indy §g
Der Zauberlehrling (L'apprenti Sorcier) P. Dukas a»
Dirigent : Herr Rhené-Baton.
'tezteztezteztertezteztezte^teztezteztene'tezteztezteztezt^^tene'tezte'^tezteztezteztezte'teîte
ne
p. Berger
M. Hnbe7-deau
^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^H ^ain
■"■^
^■■■K^
^'%^
^^^^^^^^KyV:v«H^
^^^^^^^V
t
^^B^'r
^Bk ^l^jTS
-.
^^^■^B \eiMi^^^>^
y^"'- Rose Fhirt
;^i./,n
FESTSCHRIFT
LXV
OUVERTURE zu " FRITHJOF "
(Théodore Dubois)
Dièse Ouverture war durch eine skandinavische Légende angeregt und
sollte ursprûnglich eiii verôffentlichtes dramatisches Werk einleiten.
Frithjof, Sohn des Kônigs Bêla liebte die junge Fûrstin Jngeborg und hielt
bei ihrem Bruder, dem Kônig Helge, um ihre Hand an. Im Zorn ûber die Abwei-
sung, fûhrt er einen Schlag nach dem Kôniglichen Schild. Die Majestâtsbeleidigung
trâgt ihm die Verbannung ein. Eines Tags kehrt er zuriick, findet Jngeborg als
Weib eines andern, stûrt zum Heiligtum des Gottes Baldur und setzt es in
FJammen.
Die Ouverture wurde zum erstenmal am 13. Februar 1881 zu Gehôr
gebracht.
Der Komponist macht keinen Versuch, eine getreue musikalische Darstellung
der verschiedenen Begebenheiten der Légende zu geben ; er wollte nur deren
illgemeine Bedeutung ausdrûcken, ihren Geist und ihre Stimmung, ohne von den
ilberlieferten symphonischen Regeln abzugehen, also ganz im Sinne von Beet-
hovens Ausspruch : " Mehr Empfindung als Malerei ".
SINFONIA SACRA
(Ch.-M. Widor)
Der ausgezeichnete Commentator Bach's, Dr. Albert Schweitzer schreibt :
Dièses Werk, op. 81, ist ganz und gar auf dem Adventchoral "Es kommt der
Erlôser der Welt " aufgebaut, welcher der alten Hymne " Veni Redemptor
îentium " entspringt.
û
^
0»
I
^
/^
Jf
j^
/? J
1
i^\_ t jO
^ U^ (Jf ^^
^ fj^rjéâ^
ni "
rh ^ /ijo ^^'
.n ^ \ ^
//
«^/y^
rt ^^
A 0 ^
l\j 00 /y M »y 1 •u'
^
Oq
i? '^ 0 — 1
■ ■ : Die zwei ersten Sâtze der Symphonie basieren auf der ersten Phrase des
Chorals ; das Andante behandelt die zweite und dritte ; der letzte Teil, fugiert,
fûhrt die vierte Période durch. "
/. Satz. Nach einer kurzen Orchester-Einleitung prâludiert die Orgel dûster
m. C moll. Dann nimmt eine Geige das Lied : '■'■ Die Menschheit wartet des Erl'ôsers "
Ixvi AMIS DE LA MUSIQUE
auf. Die Orgel bringt es wieder, um es zum Schluss den Blasern zu ilberlassen,
die es zu voiler Kraft emporheben. Dann tritt Ruhe ein iind ailes kehrt
in die mystische und bange Andacht der Einleitung zurûck.
//. Satz. Orgeltriller und Pizzicati der Geigen eilen sich entgegen. Es
bleibt bei der Entwicklung des ersten Gedankens " Der Weltenerlôser kommt ";
er naht, die Ungeduld zittert...
/// Satz. Orgelakkorde. Ein Andante setzt ein, welches die zwelte und dritte
Période des Chorals ausfûhrend, die Stunden kûnttiger Seligkeit, das erhoffte,
sehnlichst erwartete Heil der Welt besingt. Violine, Cello, Oboe, Clarinette,
unter der diskreten Begleitung der Orgel senden einander Bruchstùcke der
Mélodie zu.
IV. Satz. Ein kraftiger Einsatz der gesamten Streicher. Die Orgel antwortet
in mâchtigen ff-Akkorden. Die Zeiten des Harrens und der Angst sind vorûber;
das wehmûtige Thema des ersten Prâludiums verwandelt sich in ein glânzendes
Fugenthema.
Nachdem aile technischen Môgligkeiten des Orchesters schon verbraucht zu
sein scheinen, ertônt plôtzlich ilber ail dieser aufgeregten kontrapunktischen
Polyphonie, der ailes beherrschende majestâtische Choral im Vollklang der
Posaunen. Die Themen der ganzen Symphonie werden in einer breiten Synthèse
zusammengefasst, einander gegenûber gestellt, vermengt, jedoch mit verânderten
Charakter und Ausdruck. Es ist nicht mehr dumpfe Angst wie zu Autant,
sondern ein sieghatter Jubel : " Da seht den Erlôser der Menschheit, er ist
zur Erde herabgestiegen, er ist in unserer Mitte ".
Dièses Werk ist aus einem besonderen Anlass entstanden. Es ist Sitte dass
die Mitglieder der Kgl. Akademie der Kûnste in Berlin bei ihrer Autnahme ein
Original- Werk einreichen, um gleichzeitig ihr Kônnen und ihre Dankbarkeit zu
beweisen. 1907 hatte Widor die Ehre, in dièse illustre Gesellschatt berufen zu
werden und schut bei dieser Gelegenheit die S'infonia sacra^ deren erste Auffohrung
in Berlin stattfand. In Frankreich wurde sie bisher noch nicht auts-etQhrt.
Berlioz
ABSENCE
Reviens, reviens, ma bien aimée
Comme une fleur loin du soleil
La fleur de ma vie est fermée
Loin de ton sourire vermeil.
Entre nos cœurs quelle distance
Tant d'espace entre nos baisers
O sort amer, o dure absence
O grands désirs inapaisés !
FESTSCHRIFT
IXVll
D'ici labas que de campagnes
Que de villes et de hameaux
Que de vallons et de montagnes
A lasser le pied des chevaux
^'U^rUi^mi^WtJ.
4 2uic!t Pûurji
H /3.
II
Fragment de F Autographe de " Absence "
[Bibliothèque Nationale:
Ixviii AMIS DE LA MUSIQUE
BALLADE DE LA MER
Ch.-M. Widor. {tirée de Maître Ambras).
Range à serrer la misaine.
Le flot nous entraîne
Le vent cruel.
Pense à carguer la grande voile,
Pas une étoile
Dans le ciel !
Ah ! depuis qu'il a levé l'ancre
Le trois mâts de mon doux ami,
Le ciel est noir comme l'encre
Et le vent toujours a gémi.
Et sur la dune où se décharge
La lame à grands coups furieux.
Cheveux épars au vent du large
Je l'attends la main sur les yeux.
Range à serrer la misaine
Le flot nous entraîne
Le vent cruel.
Pense à carguer la grande voile,
Pas une étoile
Dans le ciel !
Mais l'Océan couveit de bave
Du navire où sont mes amours
Ne m'ayant pas rendu l'épave
Je l'attendrai toujours toujours.
Et j'attendrai dans la tempête
Et sous le vol des goélands
Quand même le vent sur ma tcte
Ferait voler des cheveux blancs
REPOS ÉTERNEL.
Ch M. mdor.
Lorsque la mort, posant son doigt blanc sur mon front,
Fera que pour toujours mes yeux se termcront
FESTSCHRIFT
Ixix
A la beauté vivante,
Choisissez moi, vous tous à qui je serai cher,
Une tombe au soleil sur le bord de la mer
Infinie et mouvante.
Les jours où, prodiguant le rire et les sanglots.
Le vent labourera l'azur sombre des flots
J'écouterai gronder leur masse exaspérée,
Et je me souviendrai des fureurs d'autrefois,
Lorsque dans tout mon cœur retentissait la voix.
Des folles passions qui montaient leur marée.
Et lorsque chanteront les grands flots apaisés.
J'entendrai résonner des anciens baisers
La musique lointaine.
Pour charmer le repos éternel, c'est assez
Des trésors de douleur et de joie amassés.
Dans une vie humaine.
AUS NORWEGEN
(A. Coquard)
Die beiden Stûcke sind einer Orchestersuite entnommen, welche vier Telle
umfasst : Am Fjord^ Andante^ Am Nordkap^ Reigen.
" Am Nordkapy Fahle Nebel, aus welchen dûstre Felsen sich abheben, in
,1 Moderato
■^
é-.^^^. ^^'é^-riéy^^::_ii^
f
unendliche Einsamkeit getaucht. Plôtzlich zerreisst die Sonne die Wolken. Ihr
Glanz sprûht seltsam und geheimnisvoU kâmpfend, durch die Nebel. Doch nur
fur einen Augenblick scheint sie. Bald aufgesogen, wiederum verdichten sich
die Dûnste, der Horizont bedeckt sich mit einem dâmmerigen Leichentuch.
Der Autor hat hier nichts der Volksweise entlehnt. Die Musik ist auf folgendem
Motiv aufgebaut :
iymi^i-mriini^i;ljn'i^kJ"
Ixx AMIS DE LA MUSIQUE
Finale " ReigenT Ein kurzes, ernstes Prâludium. Der Reigen beginnt mit
wilder Freude, scharf kadenziert. Ein Intermezzo : weiche, schmachtende Trâume-
rei. Die Rhythmen drângen sich in gesteigerter Bewegung. Der Komponist hat
hier zwei norwegischen Weisen benutzt, die Grieg zuvor verwendet hatte.
^I^^ffli
^.^1%^
1902 komponiert, wurde dièse Suite op. 62 in den Lamoureux-Konzerten
gespielt.
ARIADNE und BLAUBART
(P. DUKAS)
Vorspiel zum III. Akt.
Das Gedicht Maeterlinck's enthâlt drei Akte, weiche die 1" Chronique
des Arts " in der glûcklichsten Weise zusammengetasst und ihre mehr oder
weniger symbolische Bedeutung verdolmetscht hat : Blaubart hat schon tiinf
seiner Frauen verschwinden lassen ; die sechste ist Ariadne, deren Nanien viel-
leicht das Andenken an jene Ariadne wieder hervorrufen sollte, weiche ehemals
die Irrgânge des Labyrinths zu ûberwinden wusste. Taub Hlr die Warnungen der
Bauerii, betritt sie den Palast Blaubarts. Unbetôrt beschaut sie den Schatz voii
Juwelen : Amethysten, Saphiren, Perlen, Smaragden, Rubinen und Diamanten,
den ihre Amme hinter den sechs erschlossenen Tûren ihr zeight ; der sicbente
Schlilssel ist der verbotene ; sie beniachtigt sich seiner und ôfFnet die siebente
Ture : da tônen aus dunklen Tieten die Stimmen der tiint gchingenen Frauen...
FOr ihren Uncrehorsam bestraft, muss sich Ariadne zu ihnen gesellen ; sie
ermuntert die Unglucklichen und zeigt ihnen einen Weg ins Freie ; die ganze
Natur strômt durch die offene Spalte herein, nian hôrt das Rauschen des Mecrcs,
Herdenglocken, und die tQnf Gefangenen tolgen zittcriui und gcblcndct ihrcr
Fûhrerin Ariadne hinaus. Dennoch kônnen sie nicht entHiehcn, denn das Schloss ist
verzaubert und die Zu^-briicken pchcn von sclbst in die Hohe. Aber sie habeii
die f.ebcnstreudc wiedergetiniden uinl Aruulnc sagt ihncn, wic scHc'hi sic siiul.
Ritter Blaubart ist inzwischen fortgezogcn, uni den Aufruhr der Baucrn zu
bekamjifen, die ihn fur den Mordcr Ariadne's uiul der i'ibrigcn Frauen haltcn. Kr
kehrt /LU-uck, von àcw Aufwieglern bcsiegr, gcbuiuicn, /.u Tod vci-\vutulct. Da
tritt die Wendung ein, weiche dem ganzen W'crke seine Bedeutung gibt :
Ariadne, deren stolze Seele weder (iewalt noch Sklaverei erdulden kann, schickt
FESTSCHRIFT
XXI
^ie Bauern, die sich zu ihrer Verteidigung erhoben hatten, weg und zum Er-
itaunen und Entsetzen ihrer Leidgenossinnen, verbindet sie die Wunden des
jewaltmenschen und lôst seine Fesseln. Er erhebt das Haupt, er ist frei ; aber
luch Ariadne ist frei ; sie verlâsst ihn und ôffnet das Tor. Ihre Gefâhrtinnen aber,
iie unglûcklichen Frauen, die sie retten wollte, weigern sich, ihr zu folgen und
/erbleiben bei dem Manne, dem sie nicht den Gehorsam zu kûndigen wagen, sie,
iie schwachen, liebenden, gebrochenen Seelen, die nur zum Dienen geboren sind."
Das Vorspiel zum III. Akt ist die Wiedergabe oder vielmehr das Symbol der
Sehnsucht nach dem Licht und nach Befreiung. Der Komponist erreicht es mit
Tiusikalischen Mitteln, deren Charakter Louis Laloy sehr richtig definiert hat,
indem er dièse merkwûrdige subjective, farbige und zugleich gelehrte Musik
^
^
3
S
^
^fe
5^ ■©- ^ ^
"ein symboHsches Gedicht " nennt " nach den ewigen musikalischen Gesetzen
der Wiederholung der Motive und der Variationen aufgebaut, und als solches
fahig, vom Drama selbst vom Gesang losgelôst, nichts von seinem krâftigen Gang,
iseiner grossartigen Architektur und seiner ûberragenden Macht zu verlieren. Die
Hauptqualitâten, welche zuerst ins Auge fallen, sind Verstand und Vernunft, denn
die Musik ist nicht unvereinbar mit diesen Eigenschaften, trotz des weitverbrei-
teten Vorurteils, welches annimmt, die Haupttugend eines Komponisten sei seelige
Uiibewusstheit. Kein anderes, als Dukas' Werk kann dièses Vorurteil krafiger
vernichten : in jedem hellen und starken Geist muss Uebereinstimmung in
Gedankenfuhrung, Reichtum, Stolz und Vornehmheit sein. Eine hoch intellek-
tuelle Musik wirkt eben dadurch ergreifend und schôn. "
Die erste Auffûhrung von " Ariadne und Blaubart'" fand am lo. Mai 1907 in
der Opéra-Comique statt.
Ixxii
AMIS DE LA MUSIQUE
FRANZOSISCHE SUITE
(Roger Ducasse)
Dièse Suite wurde zum erstenmal in den Colonne-Konzerten am 28 Februar
1909 aufgefûhrt und fand in der Presse eine gûnstige Aufnahme. Selbst die
" Ouvreuse " enthielt sich ihrer gewôhnlichen Strenge und konstatierte, dass
Roger Ducasse mit seiner an Eintâllen und Erfindung reichen, vornehm instru-
mentierten Suite in D einen vollen Sieg errungenhat.
In âhnlicher Weise gab Amedèe Boutarel sein Urteil ab : " Es ist ein etwas
archaisierendes Werk, das doch in einer sehr modernen orchestralen Form gehalten
ist. Die Ideen fliessen klar, mit geistreichen rythmischen Effekten verziert, das
Ganze ist farbig, behend und reizvoll, immer lebendig und niemals ermudend, "
^
^^(\\>.\K\^^J>J^=^
m
U ^nr^
^m
-^'•v^g^
i > SJ X
^m
^^
^
e^
^CL--^ o<-<:~-a-'^A/^ _
^^
ÎUi^.'-^'
FESTSCHRIFT
Ixxiii
Denselben Eindruck machte das Werk auf Luc Marwy : " Dièse Suite geht
einen sehr behenden Gang und ihr Modernismus steht im Gegeiisatz zu den
herkômmlichen Bewegungsformen der einzelnen Teile (Bourrée, Air, Menuet) :
feine Ergôtzungen eines raffinierten Literaten, dem es gefallt, Montaigne und
Baudelaire, Tristan l'Ermite und Mallarmé zu vereinigen, doch mit Antithesen
die wohl erraten lassen, dass er Herr seines geistvollen Spiels bleibt. Die Ouverture
erinnert an Chabrier, und das Scherzo, Bourrée genannt, zeigt eine Menge humo-
ristischer, ironisch orchestrierter Détails ; Recitativ und Arie stehen durch den
melancholischen Ernst des Dialogs (zwischen Clarinette und Englisch Horn) der
schâumenden Verve des Finales gegenuber, " Menuet vif" genannt :
LA VAGUE ET LA CLOCHE
H. Duparc,
Une fois terrassé par un puissant breuvage
J'ai rêvé que parmi les vagues et le bruit
De la mer, je voguais n'ayant plus l'espoir du rivage.
L'Océan me crachait ses baves sur le front
Et le vent me glaçait d'horreur jusqu'aux entrailles ;
Les vagues s'écroulaient, ainsi que des murailles.
Au rythme lent qu'un silence interrompt.
Puis, tout changea, la mer et sa noire mêlée.
Sous mes pieds s'effondra le plancher de la ba'-que.
Et j'étais seul dans un vieux clocher
Chevauchant avec rage une cloche ébranlée,
J'étrégnais la criarde opiniâtrement,
Convulsif et fermant dans l'effort mes paupières
Le grondement faisait trembler la vieille pierre
Tant j'activais sans fin le lourd balancement.
Saint-Saè'ns.
LA LYRE ET LA HARPE
(Poésie de Victor Hugo.)
Jouis ! C'est au fleuve des ombres
Que va le fleuve des vivants.
Ixxiv
AMIS DE LA MUSIQUE
Le sage, s'il a des jours sombres
Les laisse aux dieux, les jette aux vents.
Enfin, comme un pâle convive,
Quand la mort imprévue arrive ;
De sa couche il lui tend la main
Et, riant de ce qu'il ignore.
S'endort dans la nuit sans aurore
En rêvant un doux lendemain.
Dièses Stûck ist ein Auszug aus einer Cantate op. 57, die zum ersten Mal
am 28. August 1879 in Birmingham aufgefilhrt wurcie.
Aus dem Zusammenhang herausgerissen bûsst es leider etwas von seinem
Charakter, jedenfalls von seiner Bedeutung ein. Sein ziemlich gewôhnlicher
Rythmus, im ordinâren Walzertakt, soll die derbe Sinnenlust und den unbekehrten
Materialismus ausdrûcken.
Vorspiel zum I. Akt.
FERVAAL
(Vincent D'Indy)
Dièse " musikalische Handlung" in drei Akten und einem Vorspiel, Dich-
tung und Musik von Vincent d'Indy ist zum ersten Mal am 11. Milrz 1897
am Théâtre de la Monnaie zu Brûssel gegeben geworden.
Fervaal der letzte Spross aus dem Wolken-Geschlecht, noch aus den Urzeiten
der Welten stammend, ist der Held, auf welchen das ganze Land seine Hoffnung
setzt. Wenn er sich Reinheit bewarht, wenn irdische Liebe niemals seinen
Leib noch seine Seele bedrângt, wird er der auserwâhlte Brenn sein. Denn
Krawan, der unberûhrte Berg, das Wolkenheim der alten Gôtter, ist von den
immer kilhner werdenden Horden der Eroberer des Keltenlandes bedroht.
In Krwartung der Erfullung dieser hohen Bestimmung wird Fervaal mit seinem
I^'Cihrer, dem Druidcn Arfagard, von sarazenischcn Raubern obcrtallen und
vcrwundet. Guilhen, eine sarazenische Prinzessin, hat iim ;uis Mitlcid tiir scme
Jugen betreit und in ihrcn Palast gebracht, Liin ihn zu hcilcn.
Das Vorspiel zum I. Akt schildert den Schlutniiicr l^\'r\aals in den (iartcn der
^
i^
-:ir. — w
4^^
XT^
^
rt*
>
TH'\^^ ^\j^i 'îj;'UCp
FESTSCHRIFT
XXV
Guilhen und in breiter Entwicklung dehnt es sich noch bis in den Anfang
des Buhuenbildes hinein, welches der Autor so beschreibt: " Schattiger Saa],
iSûdliche Végétation, Orangen-, Citronen-, Olivenbâume und Eichen, Qberall
duftende Blumen. Warmer und lichtschimmernder Abend; die Sonne sinkt gegen
den Horizont. Fervaal liegt schlatend unter einem knorrigen Oelbaum. Der
Gedanke an Guilhen verfolgt ihn; er bewegt sich im Traum. Nach und nach
beruhigt sich sein Schlummer. "
DER ZAUBERLEHRLING
(Paul Dukas)
Es ist wohl unnôtig Text und Thema der bekannten Goethe'schen Ballade
zu wiederholen.
Die symphonische Dichtung Paul Dukas ist ein mit grosser Gelehrsamkeit
und Geschicklichkeit komponiertes Scherzo worin dessen typische Eigenschaften :
Eleganz und Geist, zu ihrem Rechte kommen. Drei Hauptmotive dienen dem
Werk als melodische Basis.
Vif. .
5Œ
Ésla^ai^^^ft
m^'ummW
Das erste, der gleich zu Anfang aufgenommen wird, kann man Zaubermotiv
nennen. Es umfasst zwei thematische Elemente : Das eine in den sordinierten
' Geigen, erscheint vom zweiten Takte an und bleibt fasst unverândert das ganze
: Stûck hindurch ; das andere in den Clarinetten, Oboen, Flôten nacheinander,
folgt unmittelbar auf das erste, wird variiert und geht nach der Einleitung in das
I eigentliche Scherzo ûber : dièses Thema in F moll 3/8 halten zuerst drei Fagotte.
Das zweite Motiv, das auch schon in der Einleitung vorkommt, bildet mit
' seinem leichten, hupfenden, einfachchromatischen Charakter (Flôten, Oboen und
' Clarinetten) das Lehrlingsmotiv.
Das dritte (Beschwôrungsmotiv) ist eine Art Fanfare oder Aufruf. Es ver-
Ixxvi
AMIS DE LA MUSIQUE
mischt sich mit den verschiedenen Combinationen der Hauptthemen und driickt
zum Schluss den Gedanken der Bemeisterung aus, itidem es erweitert im Nachspiel
erscheint und zur ruhio-en Beweo;uno; der Einlcituns zurQcktûhrt.
Zum ersten Mal 1897 in der Société Nationale unter der Leitung des Kom-
ponisten autgefuhrt erntete dièses Scherzo sogleich Verstandnis und Bewunderung;
in einem bemerkenswerten Aufsatz uber P. Dukas hat Gitstû-ve Sannizeuilh dasselbe
sehr richtig gezeichnet : " Eine symphonische Dichtung programmatischer Art,
welche vorzuglich die Ballade Gœthe's kommeiitiert, vor allem aber ein logisch
geformtes Stuck, das seinen musikalischen Sinn in sich selbst tragt und durch
seinen ironischen Rhythmus, seine hôllische A^erve und seine blendende instru-
mentale Technik als wùrdig ist ein Musterstûck dièses schwierigen Kompositions-
Genres zu gelten. "
Die anfangliche Autnahme hat sich in der Folge bewahrt, denn nach und nach
hat der Zauberlehrling aile europâischen Orchester bezaubert : Weingartner hat es
in Deutschlanci vorgestellt und Mengelberg in Holland ; man spielt es jetzt so
ziemlich ûberall. Sein Erfolg hat es popular gemacht, es ist fast auf dem Wege
" klassisch " zu werden.
Charles Malherbe.
1. FESTVORSTELLUNG
im Hof-Theater
BENVENUTO CELLI
VON
Hector Berlioz
^.îr^VrT"'! ACADEMIE ROYALE DE MUSIQUE. ""r^ZT^
AUJOURDHUI LUIVDI 10 SEPTEMBRE 1838.
La PREMIÈRE Représentation de
D
CELUNI,
OPERA en DEUX actes.
CMAirTi MM. VCnXZ. MASSOL. PEBlUNAIïD-PaÉVOT. DÉftlVïS. WARTBt, SEMBA, TWvanx. HoHain-i
M— DOavS-GHAS. STOLTZ.
ÊtAJVSEt MM. Qnériau. CoralU, Adice, AdHea, Honoré, De*pUce*i
M"" Goiclurd, DQmilâirc jtmmijrc, Bonilitre dcozièmc. CairaliDe.
(îaa Entrées de Faveur »onê suspendue*,)
!^'||J^f»^CT. pour la lot«lioD, au Bcrgaa de i'Àcadémie Royale ^e B3usi<;ue, rne Grange-BaieiiCTt. Hètel Chci»eol. U»o» te» jonre. Je II k i, be^g. j
Donnerstag den 21 September
FEST=VORSTELLUNG
im Hof=Theater
ELEKTR A
von RICHARD STRAUSS
Tragôdie in einem Aufziig von Hugo von Hofmannsthal
Musikalische Leitung : Herr Hofoperndirektc^r Motti.
Régie : Herr Oberregisseur Fucus
Dekorative Pj'nrichtung : Herr Maschinericciircktor Ki.kin
Kostiinie uncl Requisiten : Herr Protessor Buschmkck
)ie Dekoration ist ausgefiihrt von Herrn I^'isiukk, Maler de
Kgl. Hoftheater
ENDE 9 3/4 UHR
DANS
L'ÉCOLE FRANÇAISE CONTEMPORAINE
Si l'on entendait exactement par musique pure ^ la musique qui ne serait
rien qu'une combinaison de sons, et n'offrirait à côté de l'agrément de
cette combinaison aucune signification, ces mots seraient dénués de sens, je
ne suis pas le premier à l'observer, ou ne pourraient s'appliquer qu'à cer-
taine musique, qui n'est pas tout à fait de la musique. La beauté propre
de la combinaison sonore a dans la musique une importance essentielle ;
;elle en est la forme sensible, la condition esthétique ; qui la néglige
n'écrit pas non plus tout à fait de la musique. Mais il y a autre chose
dans la musique véritable, une chose qui ne lui est pas moins essentielle,
ill y a un sentiment incorporé à la combinaison sonore, un pouvoir évoca-
teur d'émotions et presque d'images, une sorte particulière de pensée, qui
s'expose, se développe et se meut par le moyen des formes musicales.
ILorsque cette pensée — malaisément définissable parce qu'elle a sa source
dans la couche fondamentale la plus obscure, mais la plus générale et la
plus stable de l'âme humaine, et presque dans l'inconscient — n'est précisée
;et fixée dans un ouvrage ni par une action dramatique, ni par des paroles
chantées ou dites, ni par ce que nous appelons un programme dans la
484 s. I. M.
musique symphonique, nous avons pris l'iiabitude de classer cet ouvrage
dans la musique pure. Mais la délimitation est incertaine. Dans bien des
cas, les genres se pénétrant — n'existe-t-il pas une symphonie de Beet-
hoven qui est " à programme, " une autre où se chante un poème ? —
on ne peut guère l'apprécier que par l'importance relative qu'auront prise,
dans la conception et l'exécution, l'idée même de la musique et telles
idées qui lui sont plus ou moins extérieures. Le théâtre nous apparaît à
l'opposé exactement de la musique pure : pourtant au théâtre même, et
Wagner en a souvent fait la preuve, la musique pure, le sentiment tout
intérieur qui l'anime, les formes qu'elle détermine peuvent trouver leur
place. On ne saurait estimer un drame lyrique dont l'inspiration et la con-
struction ne seraient pas commandées dans la plus grande mesure par des
raisons musicales, plus qu'on ne ferait d'un quatuor ou d'une symphonie
dénués de toute expression, qui n'exciteraient chez l'auditeur aucune
sorte de sentiment. Plutôt que d'employer ce nom de musique pure à une
classification des formes, je serais tenté de l'appliquer suivant la nature
du sentiment et de l'idée : de voir de la musique pure dans toutes les
œuvres où le sentiment est de la sorte, essentiellement humaine, que la
musique exprime par elle-même et dans toute son étendue, et où l'idée
s'y prête ; dans toutes celles, quels que soient la forme et le genre, où le
dessin, le mouvement et la proportion, où l'ensemble comme les détails
sont déterminés, expliqués et conduits par des raisons purement musicales
— qui sont donc aussi des raisons d'expression — où la musique, en un
mot, reste à elle-même sa propre fin, et n'est pas seulement un moyen
d'action plus puissant accaparé par la littérature. Ce sera évidemment plus
souvent dans les formes de la symphonie ou de la musique de chambre.
Mais je ne vois pas du tout la nécessité que la jmisique pure y reste étroite-
ment et pour toujours enfermée.
Je voudrais ici donner un aperçu très général de la taçon dont les
formes qu'on s'est entendu pour qualifier de musique pure se sont intro-
duites et développées dans l'école française, et dont le pur esprit de la
musique a pénétré en même temps et nourri toutes les formes de notre art.
Cela est de date récente. Très longtemps la musique n'a vécu en
France que par le théâtre, et par la sorte de théâtre la plus superficielle
LA MUSIQUE PURE 485
€t en réalité la moins musicale. Jean-Philippe Rameau lui avait donné
une première impulsion toute différente: et bien qu'il eût écrit, lui aussi,
principalement pour la scène, qui gardera probablement toujours la pré-
dilection du tempérament français, l'esprit, la forme et le style de son
ceuvre étaient tels, que la symphonie et le quatuor en auraient pu sortir,
tout aussi bien qu'un type profondément musical de théâtre lyrique.
Mais presque aussitôt notre pays s'abandonna à ce cosmopolitisme mercan-
tile qui devait pour un siècle y tuer toute musique, et qui trouve encore
aujourd'hui des partisans, non plus parmi les artistes, les critiques ni le public
qui prennent la musique au sérieux. Un art charmant, celui des bouffons
italiens, et un art sublime, celui de Gluck, servirent d'armes, dès le
début, à un homme dont le trouble génie mêla l'excellent avec le pire.
Rousseau a vivement senti la musique, s'il ne l'a très bien sue, et il en a
parlé souvent en grand prophète : mais il a été malfaisant. Rousseau de
Genève n'a jamais su devenir complètement français, et c'est pourquoi il
a haï la musique française et, sans la comprendre, arrêté net son
essor. Grâce à lui et à son influence indéfiniment prolongée, aucune
forme de musique en dehors du théâtre n'a pu exister dans notre
pays — car on ne saurait accorder une existence réelle aux blêmes essais
d'un Gossec, d'un Hérold, d'un Reber — et notre théâtre lyrique lui-
même n'a plus offert qu'un mélange des effets propres au bas théâtre
littéraire, avec des effets musicaux de l'ordre le plus facile et souvent le
plus grossier, que ne reliait aucun rapport profond. Rousseau, intelligent
€t artiste comme il l'était, ne voyait que la grandeur pathétique de la
tragédie gluckiste, que l'esprit et la vivacité musicale d'un Pergolèse.
Les idées dont il a jeté le germe ou détourné le rôle, n'en devaient pas
moins amener cette décadence que couronna le fastueux bric-à-brac des
Meyerbeer et des Halévy : et son 'Devin de Village n'était que le premier
•spécimen de l'opéra-comique plat, ignare et niais, qu'un jour on n'osa plus
appeler que l'opérette.
Dans le dernier quart du dix-neuvième siècle seulement, l'exemple
des chefs-d'œuvre de César Franck et son enseignement personnel
commencèrent de renouveler la France musicale, lui révélant à elle-
même ses tendances et ses facultés propres, jusque là distraites de leur
vraie voie. Homme d'une pureté de caractère et d'esprit admirable ; l'un
des plus complètement et des plus naïvement dévoués à son art qu'on ait
jamais vus ; possédant une originalité de style telle qu'une mesure de lui
6
486
S. I. M.
se reconnaîtrait immédiatement entre mille ; devant à son origine
wallonne son ingénuité mystique et le génie de la combinaison, à son
tempérament foncièrement français le goût de l'équilibre, de la logique et
de la mesure, Franck apparaît, par la torme et le sens de ses œuvres autant
que par les dates, comme le véritable et direct successeur de Beethoven. ^
Non pas celui qui, comme les Mendelssohn, les Schumann même
ou les Brahms, continue de remplir selon les nuances de sa personnalité,
mais sur un plan fixe, les cadres que le maître avait forgés à son usage.
Mais celui qui suit en vérité l'esprit du maître, prend son point de départ
et d'appui où il est parvenu, et s'efforce de trouver, ainsi qu'il a fait, des
cadres toujours nouveaux.
Franck reste un classique par la généralité et la simplification de
sa pensée, par la netteté de sa pensée et de son écriture, par l'im-
portance qu'il donne, dès la première conception de toute œuvre,
à sa forme architecturale. Cette forme, comme chez Beethoven,
existe non pour elle-même, mais seulement en raison de l'idée, et
se renouvelle tout entière avec elle. De même qu'on ne trouverait
dans l'œuvre de Beethoven, à partir de l'époque où il est en pleine
possession de soi, deux symphonies, deux quatuors, deux sonates qui
soient coulés dans le même moule, de même dans l'œuvre de Franck
chaque idée nouvelle a engendré une torme différente. Le principe
commun qui fait l'unité de toutes ces formes, principe particulier
à Franck, principe qui a rajeuni, pour longtemps sans doute, l'élan
de la musique pure, est ce que nous nommons assez mal le principe
cyclique : c'est a dire le principe d'un motif unique, qui par ses
retours et ses transformations sert de base au développement de l'œuvre
toute entière, fût elle en plusieurs parties. Ce principe existait en
germe chez Beethoven — la symphonie en ut mineur est à cet
égard une de ses œ^uvres les plus caractéristiques et les plus lourdes
d'avenir — et commençait de porter des fruits chez Liszt, plutôt
peut-être pour des raisons extra-musicales. " Il ne doit pas du tout
' Voir l'ouvrage de M. Vincent ci'Incly sur César Franck (dans la collection des " Maîtres lie la Musique "
publiée chez Alcan sous la direction de M. Jean Chantavoine) : ouvrage qui peut avoir le défaut ti'ètre par
endroits trop personnel, mais où, avec de très belles idées générales, l'art de Franck est iiierveillcusenient
analysé et son caractère exposé par un témoin de sa vie, et le disci])le le plus digne, comme homme et comme
musicien, d'être son successeur.
' Il serait très important, pour l'histoire de la torme cvclicjue, d'étudier aussi Schubert. Xon seulement
sa grande Fantaisie en ut, véritable sonate d'un seul tenant, est une (tuvre nettement cycli(|ue : mais encore
sa fa<,on de traiter et de ramener des thèmes, de les apparenter, de les déduire les uns îles autres, appartient
fré(|uemment dans ses autres ou\rages à la même conception.
LA MUSIQUE PURE 487
être confondu avec le leitmotiv w^agnérien. Tel que Franck l'a
définitivement établi, il constitue sur le leitmotiv un progrès d'une
ampleur égale à celui du leitmotiv lui-même sur les rappels de
thèmes de l'opéra de Weber, par exemple, ou de la symphonie de
Berlioz. Le leitmotiv est un principe dramatique, auquel Wagner
a appliqué les procédés de développement de la symphonie de Beet-
hoven. Le motif cyclique est au contraire d'ordre essentiellement
symphonique, même lorsqu'il s'applique à des œuvres dramatiques,
■ comme nous le verrons à propos à' Ariane et Barbe Bleue de M. Paul
1 Dukas. Le leitmotiv reste presque toujours à peu près semblable
à lui-même ; il se répète et se développe : le motif cyclique se trans-
forme. A côté de leur valeur musicale, les différents leitmotive d'un
_ ouvrage ont une signification symbolique, par convention préétablie entre
1 l'auteur et l'auditeur ; ils sont comme des matériaux avec lesquels
\ la pensée se construit une demeure : le motif cyclique est la pensée
même, l'âme de l'œuvre, agissant directement. Un tel système est
l'expression parfaite de la musique pure, le point où dès son origine
i elle devait aboutir, où toutes ses tendances et toutes ses forces devaient
s se concentrer. Pour le réaliser, c'est aux procédés de la dernière période
de Beethoven — du Beethoven des dernières sonates et des derniers
quatuors, qui disait, arrêté par la mort, ne laisser que quelques
notes sur l'art qu'il entrevoyait — que César Franck recourut, les
élevant à leur plus haute puissance : celui de la fugue, et celui
surtout de la " grande variation ", qui est devenu le véritable fon-
L dément de toute la production de notre école contemporaine.
En cela réside l'importance capitale de l'œuvre de Franck, plus
^ encore que dans les innombrables acquisitions harmoniques que lui doit
lia musique, ou sa conception personnelle de la modulation et de la
î mélodie elle-même. Ce besoin qui le possédait, de trouver pour chaque
^ idée nouvelle une forme nouvelle, semble avoir été poussé jusqu'au point
' de ne toucher qu'une fois ou deux à chacun des genres de la musique.
Presque dans chaque genre Franck a laissé des modèles admirables.
kMais c'est dans l'ordre instrumental que ces modèles ont la plus grande
I importance technique, qu'ils ont exercé et exerceront encore le plus
d'action. C'est là que Franck a le plus innové, et que son génie musical,
s'avançant avec le plus d'audace et de sûreté, a déposé la semence
féconde du futur. Plutôt que de sa maturité, c'est l'œuvre de son
488 S. I. M.
incomparable vieillesse. Avant et pendant la composition des Béatitudes^
qui occupe le centre de sa vie, on le voit se rendre maître peu à peu
de ses propres forces dans ses six pièces d'orgue (particulièrement
dans la grande pièce symphonique n" 2), dans les deux versions succes-
sives de l'interlude de Rédemption^ dans le Quintette enfin, qui reste
une de ses œuvres les plus chaleureuses et les plus frappantes. Et
ce sera ensuite en un espace de six années, qu'il développera toute
la géniale trouvaille dont on voit déjà l'embryon dans son trio ç.x\ fa die-ze^
sa première œuvre véritable, écrite à dix-neuf ans. En six années, il donne
les Variations symphoniques^ la symphonie en ré mineur^ et cette ardente
Psyché^ dont le mysticisme idéal garde une saveur de péché ; il ajoute
au quintette^ cet ensemble unique de musique de chambre : la sonate pour
piano et violon^ les deux grandes pièces pour piano seul (Prélude^ Choral
etfugue^ et Prélude^ Aria et Jinal) qu'on peut encore considérer comme
des sonates, et l'immortel quatuor en ré majeur ; il donne enfin les trois
grands Chorals pour orgue, son suprême testament. Dans son œuvre vocal
au contraire, opéras ou oratorios dramatiques, Franck, desservi par de
trop médiocres poèmes, sans cesser d'écrire de magnifique musique, appa-
raît timide, flottant, sans conception d'ensemble qui lui soit personnelle.
Et si ses oratorios mystiques sont admirables par l'ampleur et la solidité
de la structure, par l'importance toute nouvelle du plan tonal, ce qu'il
y faut chercher plutôt encore, c'est la pure grandeur du sentiment et de
l'imagination ; dans ces Béatitudes surtout, son œuvre la plus vaste, œuvre
de dix ans, où seul après Bach il a su faire parler le Christ.
Il peut sembler étrange que le musicien français qui a exercé la plu-^
forte influence sur son temps, et l'a orné de son plus beau monument
sonore, ait été précisément l'homme le plus différent de ses contemporains,
un homme comme hors de son temps par l'exaltation de sa foi mystique.
Mais cette foi était en lui si naturelle, familière, pour ainsi dire, qu'elle est
restée toujours humaine, comme une forme seulement d'amour, d'enthou-
siasme et de charité : et ceux-mêmes qui ne possèdent point la foi n'ont
pu rester insensibles à l'expansion du cœuv inépuisable de Franck. Plu>
qu'aucune autre en effet, sa musique est celle qui \ient du Cd'ur, et qui \a
au cœur. Mais elle est en même temps organisée par l'esprit, et elle
s'attache la plus \'i\e admiration de l'esprit. A^■ec l'ainc d'un Heato
Angelico, Franck est cefK-ndant bien de sou c[^(>c]ue pai" le rallîneinent de
son sens esthctiquc, pai- la pkiiitucie (\c siguitication, la rigueur ingénieuse
LA MUSIQUE PURE 489
et subtile de son raisonnement musical; par quelque chose de solide,
d'exact et de positif dans l'ordonnance de l'inspiration même la plus
éthérée, et jusque certain caractère d'abstraction à demi philosophique,
qu'on peut reconnaître en ses pages les plus enflammées ou les plus tendres,
et que souligne sa façon rarement coloriste de traiter l'orchestre. Si la
théorie de Taine est juste, que l'esprit moderne substitue les idées aux
images, cet art qui demeure dans le domaine de l'idée est bien venu au
moment nécessaire. La preuve n'en est-elle pas dans les nombreux
disciples qu'aussitôt éclos il a suscités ? Berlioz, avec tout son génie,
n'en avait pu obtenir un seul. Est-ce donc que ce génie s'était plutôt
trouvé d'accord avec la littérature et la peinture de son époque qu'avec
le véritable instinct musical de sa race, si longtemps endormi, et pour
cela méconnu ? Là même où son influence semble aujourd'hui renaître,
sous des formes quelquefois bien détournées, regardez y de près : l'idée,
quoi qu'il paraisse, garde le plus souvent encore la prééminence. Ce
serait d'ailleurs la sensation, plutôt que l'image, qui tendrait à la rem-
placer dans certaines musiques, de France comme d'Allemagne.
Le moment, il est vrai, fut exceptionnellement favorable à Franck.
La France sortait d'une grande épreuve. Toutes ses espérances, toutes ses
énergies ise relevaient à la fois. Elle se sentait, avec l'intarissable fond
1 de sensibilité et de pensée qui n'appartient qu'à ceux qui ont beaucoup
souffert, de ferventes ardeurs de jeunesse. En toutes choses elle s'habituait
à l'idée et à la pratique de la liberté. La musique ne devait pas être la
moins riche moisson de sa renaissance. Infatigable et confiante ascension
- vers la lumière, l'œuvre de Franck répondait alors à ses aspirations, à
: ses besoins, à ses plus hautes facultés : il répondait à la sensibilité nuancée
! du tempérament français, comme à son enthousiasme, comme à son
! besoin de clarté, de symétrie, de déduction, d'enchaînement rythmique
I et prochain des idées. Le terrain aussi se trouvait autrement préparé
j qu'à répoque de Berlioz. Préparé d'abord par Berlioz lui-même. Car,
• si paradoxal que cela puisse paraître, Berlioz, aux antipodes de la
i musique pure et parfaitement incapable de la comprendre, a beaucoup
fait inconsciemment, par ses articles et par sa musique même, pour
! nous mener à la symphonie. Puis d'autres musiciens, par leur culture
« et par leur style, renouaient le contact avec l'art classique : en même
i temps que la symphonie de Franck paraissaient la troisième symphonie
5 de M. Saint-Saëns et la symphonie d'Edouard Lalo, l'un des plus parfaits
490 S. I. M.
et des plus personnels entre nos compositeurs, à qui la vie ne permit
point de se développer dans toutes les directions avec autant d'abondance
que M. Saint-Saëns, mais moins éclectique, plus imaginatif et plus
sensible. Pour n'avoir point abordé les formes de la musique pure,
Gounod lui-même et Bizet n'avaient pas été inutiles au relèvement
de notre goût. Il suffit à ce moment que surgît en France l'œuvre
accompli dont toute la beauté, avec les caractères propres à notre nature,
était de musique pure ; il suffit qu'un modeste professeur d'orgue
— Franck, officiellement, ne fut jamais autre chose — éveillât et guidât
notre zèle, pour que se développât l'aptitude qu'on avait toujours refusée
à notre frivolité, et qu'aussitôt se formât en France l'école de musique
pure la plus originale et la plus riche du monde de notre époque \
Mais il fallut attendre la mort de Franck pour qu'on s'en aperçût
ailleurs que dans l'entourage immédiat qui le vénérait. Ses œuvres,
jusque-là, n'étaient presque point jouées, et la plupart des gens — même,
et surtout des musiciens — ne lui donnaient que par dérision ce nom
de " père Franck " qui devait lui rester comme une gloire. Car il tut
bien, avec une conviction et une bonté d'apôtre, le père de la musique
française moderne.
Deux courants se partagent aujourd'hui cette musique. Lorsque
parut l'étonnante personnalité de M. Debussy, nous crûmes tous la
direction de notre art à tout jamais changée ; et certes la trace que
laissera dans la musique toute entière cet artiste sans pareil restera
en tout cas ineffaçable. Nature profondément musicale, M. Debussy
avait conservé quelque chose de l'esprit de la musique pure et même
de ses formes, subtilement enveloppées. Il l'avait pratiquée. Ses premières
compositions symphoniques, le Fréliaic a P Apres-Midi (fun Faune et les
Nocturnes^ sont assez près d'elle ; et son quatuor reste un de ses ouvrages
les meilleurs et les plus caractéristiques. Mais on en est vciui, en très
peu d'années, à se demander si cet art si émouvant et si neut ne sera pas
un peu court. Aussitôt que la sensibilité merveilleuse de M. Debussy
n'entre plus en jeu, son style, entre ses mains mêmes, tombe au procédé,
' Il ne faudrait pas ncj^^ligcT, dans uni.' liistoirr ))lus ( (iiii|)Kic du développement de la musique pure en
Krance, le rôle décisif et f,dorieux de la "Société Nationale" fondée aussitôt a])rès la «guerre tranco-
aliemande, et (iu()i(|ue trop atta(|uée aujourd'hui, toujours en pleine activité. On ]ieut dire i]ue tout ce tiui
s'est produit de remarcjuable en fait de music|ue de cliamhre et — en ur'Tide paiiie — de nuisiiiue symiihonique,
a été cnten<lu dans ses c<;nccrts ])nur la première fois, et (|ue tous les mou\enunts originaux de noire art
sont sortis d'elle et dûs à ses encouraifements.
LA MUSIQUE PURE 491
et l'on voit des imitateurs se l'approprier avec une facilité inquiétante.
Chez des musiciens qui, comme M. Maurice Ravel, possèdent encore un
don réel et quelque individualité, il tourne à une spirituelle menuaille,
volontiers puérile, qui nous ramène vite et droit à une conception tout
extérieure de la musique. A moins que ce ne soit décidément là le
signe d'une infirmité de notre constitution musicale, dont un effort
généreux nous aurait guéris pour une période et où nous serions menacés
j> de retomber, l'arrivisme turbulent des auteurs de cette école, la rapidité
de leur succès, le tapage qui se mène autour de leurs plus minces
j productions sont pour mettre en défiance. Quoi que nous prépare l'avenir,
I aujourd'hui encore on sent plus puissant et plus désintéressé, plus
n nombreux, plus sûr de son but, apparemment plus durable, le courant
dérivé de César Franck, et dirigé après lui par M. Vincent d'Indy. C'est
^ à ce courant que je veux borner le reste de cette étude, et à deux
i musiciens tout à fait indépendants, M. Dukas et M. Magnard, qui
vivent à peu près dans le même esprit.
Il me serait pourtant impossible, puisqu'il s'agit ici de musique pure ^
de ne point parler auparavant de l'homme qui représente le plus pure-
ment la musique pure en France, pour ne pas dire dans toute notre
époque. Par une circonstance singulière, M. Gabriel Fauré, qui est aimé
' et admiré de tous sans conteste, dont on retrouve plus ou moins l'action
sur tous nos musiciens, et dont l'empire s'est encore affirmé depuis qu'il
dirige et réforme notre Conservatoire, ne se peut classer nulle part. Il reste
isolé dans l'infinie distinction de sa pensée et de son style. Dès ses
commencements, qui se pourraient rattacher à M. Saint-Saëns et à
Lalo, il se révèle . l'un des plus originaux de tous nos musiciens, par le
['. sentiment qui l'inspire, par ses tournures mélodiques, et surtout par son
invention harmonique. Mais le besoin des formes nouvelles ne l'a jamais
tourmenté. L'enrythmique simplicité de celles qu'il choisit, la sobriété de
ses moyens font de lui, malgré sa sensibilité si moderne, plus grave qu'elle
n'en a quelquefois l'air, le plus classique entre nos contemporains. Il est
extrêmement regrettable que sous ce rapport on ne puisse dire qu'il ait
fait école, ni déterminé un mouvement spécial. Les musiciens qui avaient
tout d'abord procédé de lui, se sont au contraire écartes peu à peu vers
492 S. I. M.
les extrêmes. ^ Ils n'ont profité que de l'extraordinaire tiuidité de sa
trame harmonique, sans observer cette transparente et rythmique fermeté
du style qui assure les plus fragiles, les plus vaporeuses de ses créations,
comme elle allège les plus amplement construites. Encore n'ont-ils vu que
le petit côté technique de cette harmonie si doucement persuasive, qui est
l'âme de la musique de M. Fauré : l'âme dont la mélodie apparaît comme
la surface, le visage expressif aux traits purs. Ils semblent n'avoir reconnu
en lui que l'auteur exquis de petites compositions pour le chant et pour
le piano : et il est vrai que le charme typique de ces compositions à
longtemps trompé trop de personnes sur la valeur exacte de M. Fauré.
Son œuvre ne se donne d'importance ni par le volume, ni par le poids,
ni par le bruit ; mais il est tout plein de substance, de substance morale
comme de substance musicale, et jusque dans ses parties les plus légères.
Vous n'y trouverez pas une âme nostalgique, qui se replie sur soi-même
pour en faire jaillir un monde meilleur que celui où elle désespère,
mais une âme qui aime la vie, et s'y mêle, et la veut goûter belle et
nous la montrer belle ; qui en a ce sentiment intense et élégant, où il
peut bien entrer du scepticisme et de la mélancolie, que nous allions
volontiers à une certaine indolence à vivre, et qui habille la souffrance
même d'un charme voluptueux. Si les lieder de M. Fauré sont des
miniatures achevées — avec souvent une grande profondeur ou une
véritable véhémence d'expression — faut-il oublier les lignes souples
et parfaites du développement dans sa musique de chambre, ou sa
fougue passionnée î l'art avec lequel il y a su, mieux qu'aucun autre
musicien peut-être, tracer au piano son rôle et l'équilibrer parmi les
instruments à archet ? l'émotion grandiose des adagio de ses quatuors,
la sérénité de celui du quintette .? l'harmonieuse et concise proportion
de ce Requiem sans épouvantes, qui n'a voulu retenir du texte sacré que
la première parole, la plus suave que puisse entendre l'homme qui a
vécu ? et ce Prométhée enfin, si inattendu dans son cruvre discret, t]ui
a toute la vigueur avec toute la grâce, et la majesté aisce tics moiuimcnts
grecs profilés nettement sur l'azur ?
' M. Gabriel Faurc est ccrtaincmtnt aux orifjincs liii ilebussysiiK-, axoo Eniinanuol Cliabiiii. nature
exubérante et peu élevée, sans aucune conception estliéticiue, mais inventeur dont la féconciitc a nourri
et nourrit encore l'orit^inalité de <|ucl<|ues nuisicicns.
:
LA MUSIQUE PURE
493
La fatalité a voulu que les premiers élèves de Franck fussent arrêtés
dans leur carrière avant d'avoir pu réaliser toute leur personnalité, et la
libérer complètement à la fois de celle de leur maître et de celle, si
écrasante à cette
époque, de Wagner.
Alexis de Castil-
LON ^ vint tard à la
musique et surtout
à la bonne musique,
et il mourut à trente-
cinq ans : son œuvre,
très honorable par
l'effort qu'il repré-
sente avant même la
renaissance dont je
parlais tout à l'heure,
a surtout un intérêt
historique. La mala-
die obligea M.Henri
DuPARc d'interrom-
pre prématurément
sa production, et il
est à craindre qu'il ne
laisse que son poème
symphonique de Lé-
nore et une douzaine
de lieder d'une rare
beauté. Ernest
Chausson, a eu le
temps d'écrire da-
vantage, et des œuvres considérables. Mais il était de ces personnalités
qui se forment tard, et lentement. Il avait une très belle âme, timide et
concentrée, timide par conscience de sa force même et de sa profondeur ;
^ Alexis de Castillon de St. Victor, né à Chartres en 1838, mort à Paris en 1873 ; d'abord officier
de cavalerie ; avait été élève de Victor Massé avant de connaître César Franck. Il a laissé deux trios, un
quatuor et un quintette avec piano, un quatuor pour archets, une sonate pour piano et violon, des lieder et de
petites pièces pour piano, un très remarquable Concerto en re' majeur pour piano et orchestre, une ouverture du
Tasse, enfin le Psaume 84.
Pierre de BrèviUe
494
extrêmement pas-
sionnée, élevée et
sensible, et gardant
comme une pudeur
de sa sensibilité. C'est
dans sa musique de
chambre qu'il l'a le
plus complètement
exprimée : son Con-
cert en sextuor, ses
quatuors, sont des
plus éloquentes cho-
ses que notre époque
ait produites. Dans
ses œuvres sympho-
niques ou dramati-
ques l'originalité pa-
raît moins dégagée :
mais la forme et le
langage sont toujours
S. I. M.
Aiii'Uit'in bavard
Rtiitliiiger.
Gohriel "P'ieruè -. -.h
d'une noblesse et d'une
sincérité sans taches.
Tout récemment
Charles Bordes ' aussi
a été frappé trop tôt par
la mort. Fondateur des
célèbres " Chanteurs de
St-Gervais " et l'un dc<
fondateurs de la Schc^l.i
Cantoruni, il a usé la
plus i^randc part de son
' Charlks Bordes, ne à Vou-
vray iii 1X63, mort à Nice en 1909.
1-c |)riiici])al ilo son (X'uvre consiste en
numliixuN liciliT, et queliiiies pièces
(Ir imisii|ik- lie clianibre ou d'ordies-
iic sur (les niolits basques; il a laissé
lin ilranie lyri(iiie |iresi|ue achevé,
iniitiilc: li> Doit l'tii^urs.
LA MUSIQUE PURE 4.95
^activité et de sa vie dans une œuvre de prosélytisme qui fut pour tout
iinotre mouvement musical un stimulant et un appui précieux. Il a
notamment relevé le culte de la véritable musique religieuse.
Deux autres élèves de César Franck arrivent au seuil de leur
imaturité et sont en pleine production. M. Pierre de Bréville, ' avec une
rare délicatesse de la pensée, de la couleur et de l'expression, semble se
itourner plus volontiers vers la musique vocale et le théâtre. M. Guy
RoPARTz '\ plus fidèle qu'aucun autre aux principes et au style de son
■maître, a déjà composé un important ensemble d'œuvres symphoniques
et de musique de chambre, où sans que rien se soit perdu des qualités
d'un tempérament naturellement chaleureux et brillant, l'élévation et la
gravité du sentiment et des idées sont aussi remarquables que la force
de la construction, l'intérêt et la sûreté de l'écriture. Il faudrait encore
noter la bienfaisante influence de Franck sur quelques musiciens qui ne
furent ses élèves que pour l'orgue, et n'ayant reçu pour la composition
que l'enseignement de l'ancien Conservatoire, n'ont abordé que très
accessoirement la musique pure : M. Gabriel Pierné ^ par exemple.
Cette influence fut aussi très marquée sur M. Sylvio Lazzari, * qui n'est
pas français de naissance, mais qui a fait toute sa carrière en France :
sa musique, avec un caractère souvent un peu dramatique, ne manque ni
jd'ampleur, ni de vie, ni d'éclat.
L'homme qu'il fallait après César Franck s'est trouvé en la personne
de M. Vincent d'Indy, le plus grand de ses disciples, le musicien qui
a pris aujourd'hui la première place en France à côté de M. Fauré. Son
érudition complète, et une aptitude exceptionnelle à comprendre et
à sentir comme des choses vivantes les formes d'art depuis le plus long-
temps disparues, ont permis qu'il se retrempât à toutes les sources,
conçût comme une chaîne interrompue l'histoire des formes musicales,
et poursuivît d'une façon plus didactique et plus raisonnée l'évolution
^opérée par le " père Franck ". Le besoin de se rattacher constamment
^ Son Eros Fainqueur a été représenté cette année à Bruxelles avec succès.
Guy Ropartz, né à Guingamp en 1864, aujourd'hui directeur du Conservatoire de Nancy, où il a créé
'Tin centre musical important par la fondation de concerts symphoniques très actifs. Œuvres principales :
^Fantaisie en ré pour orchestre ; trois symphonies, la troisième, en mi majeur, avec chœurs ; musique de
;scène et suite d'orchestre pour Pêcheurs d'Islande ; quatuor pour archets ; sonates pour piano et violon, piano
^et violoncelle ; lieder et pièces pour piano ; un drame lyrique encore inédit : le Pays.
^ Celles de ses œuvres où se reconnaît l'influence de César Franck sont ses oratorios ; l'An Mil surtout,
et la Croisade des Enfants.
■* Sylvio Lazzari, né à Bozen en 1858. Œuvres principales : sonate pour piano et violon, octuor,
Effet de nuit pour orchestre, symphonie en mi bémol ; lieder ; drames Armor, La Lépreuse, Melanis, Faust.
49
o6
S. I. M.
^g
ail passé s'accorde chez AI. d'Indy avec celui de toujours marcher vers
l'avenir. Il aime la vraie liberté, qui reste dans la loi. Il s'est constitué
dans l'art classique une idéale
patrie pour qui son émanci-
pation n'est jamais ingrate.
Il est tout entier dans cette
distinction si juste qu'il éta-
blit lui-même à propos de
César Franck, entre la ti'adi-
tiou^ qui soutient l'art, et la
convention^ qui le tue. L'im-
portance capitale de la struc-
ture commandée par l'idée,
et conçue comme une exten-
sion synthétique du rvthme,
reste sa première directrice.
Le principe cyclique, les pro-
cédés de la fugue et surtout
de la grande variation conti-
nuent de se développer entre
Marcel Labey SCS mai US, mais dans un
esprit plus mathématique, avec quelque chose de plus intellectuel et
de plus compliqué. L'emploi du style contrapontique par opposition au
style harmonique devient de plus en plus méthodique ; et ce style prend
parfois un accent abstrait, dur,
tendu, parfois aussi une somp-
tuosité pittoresque qu'on ne
trouve pas non plus à ce degré
chez Franck.
Mais les gens qui ne
veulent voir en M. d'Indy
qu'un expert et frigide archi-
tecte des sons ne le compren-
nent point du tout. Cet austère
doctrinaire de la tonne est
au tond une nature de pas-
sioiuié, de révolté, unissant
Dcroclic
/■///'f-rt Roi/ssn
LA MUSIQUE PURE 497
pune profonde sensibilité intime à la sensualité la plus aiguisée de
Toreille et de l'œil. Peut-être doit-il les effets admirables de son art
précisément aux combats perpétuels et aux mutuelles contraintes de son
j esprit et de son tempérament. S'il a quelque chose de la profondeur
^allemande, c'est avec une lucidité du raisonnement, une chaleur du coloris,
une précision et une impétuosité rythmiques, un tact de la proportion et
jde la mesure qui sont tout français. S'il ramène à l'intérieur toutes ses
impressions du monde sensible, ce monde cependant existe pour lui ; il
l'admire ; il le peint en traits saisissants. La plus énergique volonté a fait
converger ces contradictions. Elle est la caractéristique de la formation de
'M. d'Indy. Il veut son œuvre rigoureusement discipliné; mais il ne cesse
[d'y verser des trésors d'émotion et de fantaisie, et il ne cesse de se rebeller
'contre toute idée convenue. Et c'est cette émotion, c'est cette fantaisie, c'est
cette indépendance, c'est le plus vif sentiment pittoresque qui en sont le
principe essentiel et en font la valeur. Par la vertu de la plus rare certi-
tude du cerveau, de l'oreille et de la main, ce principe demeure vivant
au travers du plus savant appareil et s'ajuste aux combinaisons les plus
ardues. Certaines de ces combinaisons, comme dans Istar ou \2i Sonate pour
piano iraient jusqu'à une sorte de byzantinisme, si on ne les sentait si bien
consécutives à l'idée et toutes vivifiées par elle.
La nature même de M. d'Indy veut que son progrès, bien qu'il ait
été continu, ne suive pas une ligne directe. De ses deux derniers
ouvrages de longue haleine, par exemple, l'un, la symphonie intitulée :
'^Jour d'été a la montagne^ est le plus neuf et, dans une forme très serrée,
de plus libre qu'il ait écrit, celui où la musique pure s'aventure avec le
'plus de hardiesse, avec des traits concis, des tons francs et presque crus
Idans le domaine du pittoresque. Tandis que l'ample développement,
régulier et fondu, de la Sonate en mi majeur le montre plus imbu que
;jamais de l'idéalisme et de la manière même de Franck. Mais à quelque
;genre qu'il s'applique — et il n'en a négligé presqu'aucun — l'esprit de
la musique pure, dont il a été le premier à pénétrer le drame lyrique
français, grandit sans cesse en lui : on le constate de Fervaai à V Etra?jger,
comme de la première à la seconde symphonie. Quant au principe
cyclique, il domine toujours M. d'Indy, sans apparaître en tous ses
ouvrages de la même façon. Il est souvent dans le sentiment général
plutôt que dans la disposition thématique. C'est le cas du Jour d'Eté,
qui juxtapose une extraordinaire variété de thèmes. L'unité cyclique au
498 S. I. M.
contraire est complète et magnifiquement amplifiée dans le deuxième
quatuor — le plus beau assurément, avec celui de Franck, qu'on ait écrit
depuis Beethoven — et les sonates, dans la première et surtout la
deuxième symphonie, dans le poème symphonique : Souvenirs.
Il convient de relever chez M. d'Indv une autre influence, qui ne
fut pas moins forte à ses débuts que celle de Franck, et qui fut peut-être
plus visible; celle de Wagner. Cette influence, imperceptible chez Franck
lui-même, eut la plus grande importance pour toute sa descendance artis-
tique. Mais si M. d'Indy a pu dire qu'il y avait eu chez Franck " assi-
milation de l'héritage beethovénien à une intelligence vraiment créatrice "
on peut dire de M. d'Indy la même chose pour l'héritage wagnérien. Il n'a
pas retenu de Wagner mesquinement des procédés d'écriture, comme tant
de compositeurs ont fait, en France ou en Allemagne, fabriquant un wagné-
risme épais et borné, à dégoûter de Wagner : il a pénétré au fond de l'art
wagnérien ; il y a vu la suite de l'art classique ; il s'est assimilé la moelle
de ses idées générales, remontant à ses puissantes racines, et rejetant peu à
peu tout ce qu'il avait de trop spécial à l'homme et à la race. Considérer
cette création gigantesque, un peu monstrueuse, comme si elle n'était
point, ce n'eût été possible ni souhaitable pour la musique d'aucun pays.
Seuls des esprits étroits et puérilement rétrogrades ont pu s'y attarder. Il
fallait seulement ne point se laisser absorber par elle. L'œuvre de César
Franck est venu nous offrir le contrepoids capable d'en équilibrer l'influ-
ence. Grâce à Franck et à M. d'Indy, c'est la France qui a vu refleurir
en sa grandeur et en sa vérité l'esprit de Beethoven et de Richard Wagner.
M. d'Indy a été l'organisateur de la conquête de Franck. Son zèle
ardent pour la musique n'a point été entravé, comme celui de son maître,
par les difficultés de la vie. Il a pu se déployer avec une activité prodigi-
euse, dans la composition, dans le professorat, dans la direction des con-
certs où M. d'Indy répand la connaissance et la plus pénétrante intelligence
des plus hauts chefs-d'œuvre de l'art classique. Il n'a pas été sans soulever
des critiques, en ce qui concerne surtout le gouvernement de la Schola
Cantorum. Pour être juste envers l'utilité de cette institution, il faut se
souvenir qu'à l'époque où elle se fonda, il n'était question dans l'enseigne-
ment du Conservatoire officiel ni de symphonie, ni de musique de chambre,
ni de quoi que ce soit d'autre que d'imbéciles cantates pour le Concours de
Rome et de mélodies de salon. Si même il était à moitié vrai que l'ensei-
gnement de M. d'Indy eût pris quelque chose d'un peu dogmatique, il
LA MUSIQUE PURE
499
faudrait encore avoir la bonne foi de reconnaître que le signe distinctif de
son école, comme de celle de César Franck, est précisément l'étonnante
diversité des personnalités qui en sont sorties, et le respect qu'on y a toujours
gardé de leurs tendances particulières, même les plus opposées aux tendances
de l'école. Et quand j'entends reprocher à la Schola Cantorum d'ctre une
école où l'on n'ouvre pas assez les fenêtres, je ne peux que sourire, en
songeant au sentiment presque violent
de la nature qui imprègne certaines
pages de M. d'Indy, et à la fraîcheur
délicieuse des ouvrages d'élèves tels
que M. Déodat de Séverac ou M.
Albert Roussel. Reconnaissons à ces
attaques le mépris de l'amateur pour
l'artiste qui se croit obligé d'apprendre
son métier.
C'est un point commun en effet
entre les jeunes musiciens que je
viens de citer, que le parfum agreste
que dégage toute leur musique. Plus
spécial à sa province chez M. de
Séverac, qui n'a encore que très peu
écrit, et, en fait de musique pure, que
quelques pièces, d'une grande valeur,
pour le piano. ^ Plus général chez M.
Roussel, dont le trio^ le divertissement
pour instruments à vent, les pièces pour piano, la symphonie intitulée:
Foeme de la Forêt^ la Sonate pour piano et violon, avec de grandes et
fines qualités de forme, une vivacité et un charme extrêmement person-
nels de l'idée et du style, font penser à de libres promenades dans l'air
clair d'un beau paysage. Un peu de la sensibilité frémissante, de la
légèreté de main de M. Debussy, s'est combiné chez ces deux artistes de
qualité rare — de ceux dont notre jeune école attend le plus — avec les
grands principes de composition de M. d'Indy.
Tout adonnés aux constructions idéales, ce sont des compositeurs
extrêmement différents de ceux-là, et très différents entre eux, que
1 Le chant de la Ten-e ; En Languedoc. — M. de Séverac a fait représenter cette année à l'Opéra-Comique
en deux actes : le Cœur du Moulin, où le sentiment de la nature prend une intimité singulière ; et en ce
moment : He'liogabale, sur les Arènes de Béziers.
Déodat de Séverac par Léandre.
500
S. I. M.
M. WiTKowsKi, — plus passionné, plus abondant, un peu touffu, remar-
quablement vivant et vigoureux dans son quatuor^ sa symphonie^ sa sonate
pou?' piano et violon — et M. Marcel Labev, symphoniste plus mesuré et
plus précis. Les élèves de M. d'Indv sont au
reste tort nombreux, et je ne puis citer que
ceux d'entre eux dont la personnalité s'est
le mieux affirmée jusqu'ici.
Nombreux aussi les compositeurs qui
en dehors de l'influence, directe de Franck
ou de M. d'Indy se sont adonnés à la mu-
sique pure et je ne les nommerai pas tous.
M. Augustin Savard, ' nature un peu rude
et secrète, mais particulièrement élevée, après
une symphonie assez vvagnérienne a écrit un
quatuor dont X adagio surtout est d'une beauté
admirable. M. Gedalge, dont l'esprit est
très différent de celui de tous les compositeurs Florent Schmht ^^'"'
que j'ai étudiés ici, a donné
cette année même une sym-
phonie tort intéressante. M.
Florent Schmitt, un élève
très doué de M. Gabriel
Fauré, nous laisse encore dans
l'incertitude. Si la plupart de
ses ouvrai2es sont fortement
teintés de debussysme et re-
cherchent en même temps
l'éclat extérieur, son cjuintcttc
tait espérer tic lui tout autre
chose.
G'/M' lirjpdti'z
Il me reste a parlci' des
deux musiciens i]ui sont ap-
AUGUSTIN SAVARI), ;i (loi) ne encore une ouverture pour le /ifo/' L/v/r et un poème en ileux aries,
\a. Fon</ ,rei)réscnt(j (lernicrenuiii à !"( )iK-ra), hautement appréciés par tous les musiciens.il est directeur du
Conservatoire (le Lyon. — .M. Witkouski a fondé dans la même ville d'importants concerts symphoni.jues.
LA MUSIQUE PURE
501
pelés, je pense,
Exactement du
M. Albéric Ma-
gnard se sont for-
més entièrement
eux-mêmes. Le
maître du pre-
mier fut en effet
— comme celui
de M. Debussy —
l'innocent Ernest
Guiraud ; et si le
second doit quel-
que chose, assez
peu de chose,
aux leçons de M.
d'Indy, il n'a rien
conservé de celles
de M. Massenet,
qu'il reçut aupa-
ravant. M. Dukas
et M. Magnard,
sans se ressembler
d'ailleurs, ont cer-
tains points com-
muns : la profon-
deur morale, le
souci d'une forme
très solide déter-
minée par une
pensée très haute,
et beaucoup plus
d'originalité dans
cette pensé e
même que dans
les termes du lan-
gage qui l'ex-
à prendre la première importance dans notre école,
même "âge, on peut dire que M. Paul Dukas et
Sylvio Lazzari.
502 s. I. M.
prime. Ils sont partis l'un et l'autre du wagnérisme, mais du wagnérisme
intelligent, comme M. d'Indy, et substantiellement nourri des classiques.
On peut trouver chez l'un et chez l'autre des affinités, les plus remar-
quables qu'on ait vues chez aucun musicien moderne, avec le sentiment
et l'art beethovéniens. Mais ces affinités se sont développées dans deux
sens opposés.
La formation musicale de M. Paul Dukas est comme une
puissante assimilation, à une individualité originale et profonde, de
toutes les grandes formes de l'art qui l'ont précédée. Avec le sentiment
de Beethoven, c'est le style de Wagner et celui de César Franck
qu'on y voit dominer. Liszt y est aussi de quelque chose, et parmi
les contemporains M. Saint-Saëns, M. d'Indy, M. Debussy, plus récem-
ment M. Richard Strauss lui-même. Mais ce que M. Dukas a pu
apprendre des autres, il l'amalgame en un style fortement personnel, d'une
richesse et d'une sûreté surprenantes, et il ne s'en sert que pour exprimer
les pensées les plus personnelles aussi. Il produit — ou publie — peu, et
semble ne vouloir écrire qu'après avoir définitivement sondé sa pensée,
assuré sa pleine maîtrise de son esprit et de sa plume. Sa culture générale,
littéraire, philosophique, esthétique, n'est pas moins large que sa culture
musicale. Mais toute la science de cette nature essentiellement réfléchie,
grave et pondérée, n'obéit qu'à l'impulsion primesautière d'un tempé-
rament merveilleusement artiste. Elle réfléchit, seulement pour mûrir
les données d'une sensibilité et d'une imagination particulièrement
vives. Ceux qui ne connaissent M. Dukas que par le populaire Apprenti
Sorcier n'ont vu qu'un côté d'une organisation si riche et profondément
poétique. Côté des plus originaux et des plus caractéristiques, il est
vrai, et qui promet de bien autres révélations : c'est, avec le sens de la
structure claire et ferme qui n'abandonne jamais M. Dukas, celui d'un
}>itt')icsque éclatant, et celui, peut-être unique avec cette intensité, du
coinic|uc iiuisical. Vous savez d'ailleurs que le sujet de ce poème
symphonique ne l'empêche nullement d'être sous tous les rapports un
modèle de nuisic|ue pure, JÙ si M. Dukas tend à s'écarter pour le
moment — avant [Kut-être qu'il s'ingénie à les rénoxer — des tonnes
classiques, un [k-u fatiguées, c'est bien res[->rir de la iiuisique pure (.]ui
inspire son œuvre eiitici-. Peu de nuisieiens ollreiu l'exemple d'une
intériorité si persévérante (hi sentiment, ipiel cpie soit le sujet c]u'il traite,
et d'une forme aussi constamment musicale, cjuel cjue soit le genre.
LA MUSIQUE PURE 503
Même dans sa première période de production, où il n'apparaît pleine-
ment lui-même qu'avec le finale de sa sonate, sorte d'hymne d'héroïque
comhat et de souveraine conquête, il n'écrit rien qui ne soit d'un
penseur intimement ému, et rien qui ne soit d'un constructeur impec-
cahlement musicien.
Ariane et Barbe Bleue inaugure sa véritable maturité. Et il ne sera
pas trop paradoxal d'en parler ici, bien que ce soit un ouvrage de théâtre,
le plus parfait, avec Pélléas, que notre école ait produit : car les drames
de M. Vincent d'Indy, tout admirables qu'ils sont, le montrent jusqu'ici
plus indécis que ses ouvrages de concert, et encore en voie d'évolution.
Dans Ariane et Barbe Bleue la qualité de l'émotion, virilement contenue,
mais la plus noble et la plus irrésistible qu'on puisse imaginer ; la beauté
propre de la musique et la splendeur de l'orchestre ; la marche de l'idée
elle-même comme celle du développement musical ; la forme, la propor-
tion, le rapport ou l'opposition des parties, tout, sans cesser d'être drama-
tique, appartient à la musique pure. Plutôt qu'à la manière du leitmotiv,
les motifs sont traités selon les procédés de la variation beethovénienne et
le principe cyclique de Franck; c'est la source d'une diversité de couleur
et d'une souplesse d'expression que le leitmotiv n'atteint pas. Quand on
dit à M. Dukas que la partition de son drame est faite comme une
symphonie, ce n'est point du tout méconnaître ses qualités scéniques,
qui sont égales à ses qualités musicales. Mais on le fâche, parce qu'il
sait la spontanéité de sa conception, et son principe tout cordial. C'est
pourtant la seule figure qui donne quelque idée de l'exécution, instinctive
ou voulue, de cette conception. Et cette conception, s'élevant du fond le
;plus ténébreux de la souffrance et de l'ignorance humaines vers un rêve
ide lumineuse et libre joie, n'était la sublime tristesse du dénouement,
tserait précisément beethovénienne.
M. Albéric Magnard ^ est plus expansif et il a beaucoup produit,
touchant déjà à presque tous les genres de la musique : symphonie,
musique de chambre, lied, drame. Les diverses influences qu'il a pu subir
se sont très vite effacées. Plus directement qu'aux modernes, on le ratta-
^ Albéric Magnard, né à Paris en 1865. Musique de chambre : quintette pour piano et instruments à
vent, sonate pour piano et violon, quatuor pour archets, trio pour piano, violon et violoncelle, poèmes pour chant
et piano et pièces pour piano. Orchestre : Suite dans le style ancien, Ouverture, trois symphonies, Chant
Funèbre, Hymne à la Justice, Hymne à Vénus. Théâtre : Yolande, Guercœur, Be're'nice. Seuls la sonate, le trio, et
la troisième symphonie (en si bémol), ont eu plusieurs auditions à Paris. Yolande a été représentée à
Bruxelles en 1892. Be're'nice a été reçue par M. Albert Carré pour être représentée l'hiver prochain à
l'Opéra-Comique.
504. s. I. M.
cherait aux classiques, et jusqu'à Gluck et à Rameau. Sans rechercher
aucune innovation harmonique, aucune singularité de tournures, il s'est
constitué cependant un style à lui, souvent âpre, heurté, comme volontaire-
ment dépouillé des agréments qui liattent, enveloppent, concilient, mais
extraordinairement expressif et fier, vit et clair ; un style sans équivoques,
sans détours, précis et direct, réduit à l'essentiel ; le style le plus nettement
et le plus vigoureusement trançais peut-être que la musique ait connu
depuis Berlioz : français encore par son harmonieuse et limpide simplicité
dans les moments de tendresse ou de sérénité. Une aptitude très particulière
à l'écriture polyphonique caractérise la manière de M. Magnard : non
point qu'il la surcharge de contrepoints et d'artifices scolastiques, mais sa
pensée s'ordonne naturellement en claires et vivantes combinaisons de
lignes mélodiques, dont chaque inflexion est pleine de sens, et dont les
rencontres, tantôt moelleuses, tantôt cruelles, accusent l'expression, si
diverse qu'elle soit, avec la dernière intensité. Pas une note de remplissage.
Et le rythme, comme chez M. Dukas, est partout souverain. D'une façon
plus déterminée que M. Dukas et tout à fait spéciale, qui s'adapte avec
plus d'exactitude et de mouvement à l'action scénique, au dialogue et à
l'action intime, M. Magnard introduit dans le drame des formes et des
procédés de musique pure. Il y apporte moins d'opulence et de séductions
pittoresques que l'auteur à' Ariane ; et, de Gucrcœiir à Bérénice nous le
voyons se rapprocher de plus en plus de la tragédie, par la nudité de l'in-
trigue et l'austérité des moyens, la noblesse de l'attitude et la puissance du
pathétique. De plus en plus il élimine l'accessoire, et concentre le drame
en son noyau moral. Tel est aussi le drame profond qui se développe dans
ses plus belles œuvres de musique de chambre : son quatuor, ou sa sonate
pour piano et violon. Nul esprit de système n'apparaît d'ailleurs dans les
formes, d'une simplicité presque trop accusée. C'est comme l'épanchement
immédiat et sans apprêt de l'émotion créatrice.
Cette musique toujours évidente, et tantôt si poignante, tantôt d'une
ardeur si chaste ou d'une vivacité si nerveuse; cette musique m;ile et saine et
logicpiement bâtie, remarquable par l'abondance et la longueur de l'inven-
tion mélrxlique autant que pai- la lichesse psychologique, n'aur.r.t-clle pas
dû, au pix-inicr cnip, se gagner tous les Cd'Ui's? I{llc ne tait [toint d'aNniut-
a Tauditeui", et ne nuiinge [toint la motle. Il sullit tpi'on la coiuiaisse bien
pour la préteicT a de plus prévenantes. Mais on ne la connaît [">oint. A ceux
qui devraient la laiie connaître elle est suspecte, [ku" son iiulépenilance
LA MUSIQUE PURE
505
altière. La dignité du caractère de M. Magnard et la sauvagerie de son
existence retirée les offusquent. Ils lui opposent une inertie à peu près
générale. Comme s'il fallait qu'en notre époque même la tradition se
perpétuât au moins par un exemple, de l'hostilité qu'éveille naturellement
chez l'homme l'art le plus pur et le plus élevé.
Gaston Carraud.
LES I FONDATEURS DE LA SCHOLA
Ch. Bordes, A. Guilmant, V. d'Indy.
'T)ehussysme
LOUIS LALOY
Dessin oriLj'ilKll ik' C"l. Dilnissy pour l;i
couviTtiin.' ihi " C'iiii.DRKNS C\)Rm:r "
' I")iiian<l rt HIs, édilours).
C'est en France que la musique vient d'accomplir son dernier
progrès, non par l'effet d'une réforme comme celles de Gluck et de
Wagner, mais par la seule et toute puissante persuasion des œuvres que
nous a données Claude Debussy. Quelque opinion que l'on professe
au sujet de ces œuvres, il est certain qu'elles marquent dans l'histoire
une date au moins aussi importante que celle des premiers opéras
florentins, qui ont permis au chant d'exprimer la passion et ont dégagé
du contrepoint l'harmonie ; car elles ont renouvelé, elles aussi, à la fois
le sentiment et le système de la musique ; elles en ont étendu le pouvoir,
et l'ont établie sur de nouvelles lois qu'à vrai dire on cherchait depuis
longtemps, dont on avait même aperçu quelques-unes, sans arriver à en
saisir l'ensemble et l'unité.
Un aussi grand changement ne pouvait laisser l'opinion indifférente.
Les uns, prédestinés sans doute, l'ont accueilli comme la réalisation de
leur plus secrète et plus chère espérance ; ils ont reconnu la musique
promise, dont la prophétie obscure était au fond de leurs cœurs ; ils ont
entendu cette voix ; ils ont compris ce langage qu'ils ignoraient la veille,
et ils ont été comblés de joie.
Mais d'autres, auprès d'eux, écoutaient sans rien discerner qu'un
bruit confus, étrange, pénible même. Bien peu d'entre ceux-là avaient
assez de bonne foi pour avouer que tant de nouveauté les prenait au
dépourvu, assez de bonne volonté pour tenter de s'y accoutumer. Un
Rimski-Korsakov ne craignait pas de déclarer qu'il " ne comprenait pas
encore, mais allait étudier et réfléchir"; il est mort avant d'avoir terminé
son étude, mais sa dernière partition, le Coq d'Or, le montre déjà
familiarisé avec les locutions nouvelles. La plupart, envieux d'un enthou-
siasme qu'ils ne pouvaient partager sur-le-champ, se consolaient en le
traitant d'affectation ou de folie ; ils reprenaient les vieux sarcasmes qui
d'âge en âge ont désigné aux huées de la foule le crime de sentir ce
qu'elle ne sent pas. Enfin quelques artistes, sans méconnaître le charme
qui les captivait, refusaient de s'y abandonner, par crainte d'en perdre
la raison. Parmi ceux-là on peut citer M. Vincent d'Indy, qui a pris
5o8 S. 1. M.
publiquement la défense de Pelléas et Mélisande^ et recommande à ses
disciples d'admirer Debussy sans l'imiter, les mettant même en garde
contre le danger d'une fréquentation trop assidue, et leur prescrivant
comme des antidotes les ouvrages de Bach, de Beethoven ou de
César Franck.
Ce n'est pas la première fois que ces trois factions s'étaient trouvés
en présence. Wagner, pour ne pas remonter jusqu'à Gluck, Rameau,
Lulli ou Monteverde, avait eu, lui aussi, ses partisans, ses détracteurs et
ses adversaires. De là des querelles qui n'ont jamais été longues, et se sont
toujours terminées par le triomphe des idées nouvelles : en art, comme
en politique, les partis avancés sont assurés de la victoire après un certain
délai. Ce qui ne signifie pas d'ailleurs que les partis de réaction soient
appelés à disparaître : ils sont nécessaires, puisqu'ils existent.
Aujourd'hui on ne trouverait plus, même parmi ceux que Tristan
ou '^arsifal accable d'un ennui mortel, un homme assez dédaigneux du
ridicule pour discuter Wagner. Bientôt Debussy sera sacré à son tour.
Déjà on ne se vante plus de ne pas le comprendre ; ceux qui ont encore
le courage de lui contester sa gloire cherchent des arguments qui le
condamnent, et les trouvent dans la théorie de Wagner, ce qui revient
à lui reprocher de n'être pas Wagner, et d'être né un demi-siècle plus
tard; mais la plupart ont abjuré leur erreur, soit que la grâce les ait
touchés, ou que l'amour propre les engage à faire les connaisseurs. Seuls
résistent encore, parce qu'ils croient défendre ainsi certains principes
absolus de l'art, les doctrinaires qui à la Schola Cautorum entourent
M. Vincent d'Indy. Encore ne sont-ils pas sans accepter eux-mêmes
quelques-unes des libertés récemment conquises; ils prétendent seulement
en restreindre l'usage, ou, comme ils disent, en réprimer l'abus. Au-
jourd'hui l'influence de Debussy est partout sensible: il a enrichi le
langage musical d'expressions et de tours qui lui étaient devenus néces-
saires, et dont pas un artiste, non seulement en France, mais en tout pays
du monde, ne voudrait se priver, pour peu qu'il soit soucieux de se taire
écouter de ses contemporains. Il s'agit seulement de savoir quel emploi
on fera de ce trésor, trouvé par un seul, et devenu le bien de tous; les uns
voudraient sauver le }")lus possible des règles anciennes, et les autres aller
toujours de l'avant, a ravciituic. Cependant Claude Debussy lui-même
s'est recueilli, après l'émoi des [neinicres découvertes, nhn d'arriver à en
tirer tout l'effet dont elles étaient suscefUibles. Sa gloire lut d'abord celle
LE DEBUSSYSME 509
"d'un inventeur ; aujourd'hui l'artiste apparaît davantage. L'inventeur,
ainsi que l'a fort bien fait observer M. Jean Marnold, avait sa voie
tracée ; bénéficiant des recherches et des essais antérieurs, il a, par un coup
de génie, tiré de l'obscurité la vérité nouvelle que l'on soupçonnait sans
parvenir à la formuler. Mais l'artiste pouvait avoir un tout autre goût ;
il pouvait même n'en avoir aucun : l'exemple n'est pas rare, de précur-
seurs à qui la faculté de mettre en œuvre a manqué. Claude Debussy
a ce privilège de compter lui-même parmi ceux dont il fut précurseur.
Ce qu'il a apporté de nouveau dans la musique se résume sous un
vocable qui a beaucoup servi déjà, aux uns d'insulte, aux autres de fière
devise : c'est le Debussysme. Le Debussysme répond à ce que fut, pour la
poésie, le symbolisme, et l'impressionnisme pour la peinture. L'analogie
n'est pas fortuite : né en 1862, Claude Debussy achevait sa jeunesse au
moment où ces systèmes triomphaient ; et il a fréquenté le salon de
Stéphane Mallarmé, qui fut le temple où l'on en célébrait pieusement les
mystères.
Le symbolisme tente une nouvelle alliance des sens et de l'esprit.
Nos poètes classiques remplaçaient un objet par une idée qu'ils dévelop-
paient ensuite logiquement; les romantiques ont converti ces idées en des
sentiments qu'ils manifestent par des images ; les parnassiens sont revenus
à une description minutieuse des objets, pris pour eux-mêmes et sans
inuUe association d'idée ou de sentiment. Les classiques sont rationalistes;
[«les romantiques, spiritualistes; les parnassiens, matérialistes. Pour les adeptes
Idu symbolisme, au contraire, il n'est point de matière sans pensée, ni de
pensée sans matière. Leur effort sera de ne jamais séparer par une analyse
imeurtrière ces deux aspects complémentaires de toute chose. Sous chaque
['forme, ils laissent transparaître une idée ; et il n'est pas d'idée qu'ils ne
revêtent d'une apparence. Calculées et raisonnées, ces transcriptions per-
pétuelles ne mériteraient que le nom d'allégories; elles seront symboles,
si elles ont été révélées par l'intuition, seule égale au réel. Le poète ne
sera poète que s'il est de nature initié aux analogies qui composent l'uni-
vers : le symbolisme est une doctrine mystique.
Le mot, instrument du poète, sera lui-même susceptible de deux
acceptions : il devra figurer un sens, en même temps qu'il éveillera
5IO S. I. M.
une sensation. Il est le point de rencontre d'une idée et d'un son. De
même le vers ne se contentera pas d'un rythme régulier et de rimes har-
monieuses : son rythme et ses rimes ne seront pas là seulement pour le
plaisir, mais pour la représentation de la vie; le rythme en suivra les mou-
vements : il sera libre; la rime en imitera les nuances, elle sera tour à tour
vibrante ou étouffée, brillante ou sombre, au lieu de ne viser, comme chez
les parnassiens, qu'à une banale richesse. Ce qu'on veut tirer du langage,
ce sont donc les effets musicaux dont il est susceptible. La poésie, fuyant
la raison, tend les mains à la musique. Paul Verlaine demande
Df la musique avant toute chose.
Selon Stéphane Mallarmé, " la musique et les lettres sont la tace al-
ternative, ici élargie vers l'obscur, scintillant là avec certitude, du phé
nomène que j'appelai l'idée. " Et René Ghil écrit, avec des mots, des
symphonies.
Les peintres impressionnistes ont déclaré la guerre, eux aussi, à la
raison abstraite qui prétend enfermer dans une prison de contours telle ou
telle figure, un arbre, un homme, une maison, pour la peindre isolément
Ils croient également que tout se tient dans l'univers : les couleurs réagis-
sent perpétuellement les unes sur les autres; la lumière ne peut se séparer
du milieu qu'elle traverse. Ce qu'il faut représenter, ce ne sont donc pas
des objets déjà choisis et retirés de l'ensemble, c'est la complexité des
sensations telles qu'elles parviennent à nos yeux; et si la représentation est
fidèle, l'esprit y retrouvera les objets par un effort tout pareil à celui que
lui impose la nature. Un tableau ne sera pas un paysage, ni une nature
morte, ni une composition historique : il sera une impression visuelle,
fixée sur la toile sans déformation ni parti pris d'aucune sorte. La science
a, comme on sait, aidé beaucoup les impressionnistes à accomplir la tâche
qu'ils s'étaient assignée : elle leur a appris que la rétine avait ses illusions
nécessaires, donc sa vérité propre, et que toute couleur pouvait être
obtenue par la juxtaposition de couleurs simples; ce dernier procédé, quii
est la division du ton, est même souvent d(^nné comme le caractère
distinctif de l'impressionnisme, alors qu'il n'en est qu'une conséquence.
Mais les leçons tic la science n'établissent (.ju'unc xérité générale ; elles
irindic|uent rien, dans ch;H]ue cas particulici' ; c'est le peintre qui doit
voir avec assez d'acuité [lour deviner la réactic^n mutuelle des ccnileurs,
ou résoudre l'une d'elles en ses éléments premiers. Ainsi que l'a écrit
LE DEBUSSYSME 511
Jules Laforgue, " les arts optiques relèvent de l'œil et uniquement de
l'œil ". Comme le symbolisme, l'impressionnisme aboutit à l'apothéose
de la sensation.
La musique ne fait appel qu'à la sensation. Les sons qu'elle emploie
n'ont aucun sens, ni ne peuvent représenter aucun objet. Il semble donc
qu'elle dût être, naturellement et dès l'origine, symboliste et impression-
niste entre tous les arts. Il n'en a rien été, du moins en Europe, et depuis
les temps historiques. Le Chinois que le son des pierres sonores ou des
cloches suffit à transporter, l'Hindou qui longuement fait vibrer, l'une
après l'autre, les cordes de son luth en bambou, le Sénégalais qui caresse,
des heures entières, une petite harpe si douce qu'il est seul à l'entendre,
sont des impressionnistes et même des symbolistes sans le savoir : ils
entendent, ils sont émus, et ils rêvent. Mais l'Occidental est né raison-
neur. Son premier soin fut de classer les sons. Leur hauteur, choisie
comme signe distinctif, abstraction faite du timbre et de l'intensité,
assigna à chacun d'eux une place déterminée, dans une série préétablie
qu'on appelle gamme : l'invention remonte aux anciens Grecs ; elle a
duré jusqu'à nos jours. Ainsi le son cesse d'être un son pour devenir une
note, c'est-à-dire un numéro d'ordre ; à l'entendre, on n'éprouve aucune
impression particulière, mais on le reconnaît pour le premier, le troisième
ou le sixième degré d'une certaine gamme, et l'on se demande si l'un des
degrés voisins va suivre, ou un autre. L'esprit occidental, effrayé de tout
ce qui échappe à la raison, voulut rendre la musique inoffensive en y
transmuant la sensation en notion. Il y parvint, avec le temps, de mieux
en mieux. La musique grecque a encore des gammes différentes appelées
modes, et ces modes sont, comme j'ai essayé de le montrer ailleurs \ irré-
ductibles les uns aux autres, ayant chacun des intervalles propres. Les
modes du chant grégorien, qui dérivent de ceux-là, ne sont plus déjà que
les morceaux d'une même gamme, coupée à différents endroits. A partir
du XVir siècle, cette gamme elle-même n'admet plus qu'une coupe
régulière, un mode normal : c'est le mode majeur, et le mode mineur,
seul vestige de l'ancienne diversité, ne compte que comme une altération
accidentelle du majeur. Au XVIIP siècle, la musique n'est plus qu'un jeu
entre différentes gammes majeures, exactement semblables entre elles,
mais transposées à des hauteurs différentes : c'est ce qu'on nomme des
tons ; le changement de ton est une modulation : tout l'intérêt de la
' Aristoxène de Tare7ite et la musique de V antiquité.
512 s. I. M.
musique appelée classique est dans la modulation. Les mélodies qu'elle
emploie ont pour mission de représenter un ton ; l'harmonie qui les
accompagne, de le spécifier mieux, par des formules affirmatives qu'on
appelle cadences. La musique arrive à une stylisation intégrale, à une
abstraction géométrique. Elle y arriverait plutôt, si l'instinct des musi-
ciens n'était indomptable ; la sensation malgré tout se glisse parmi la
rigueur du système, et la vie, que l'on croyait exterminée, reparaît. Ce
qui confère aux œuvres de Couperin comme de Rameau, de Haydn
comme de Mozart, de Bach comme de Beethoven, une jeunesse intiétris-
sable, c'est ce qu'ils y ont mis de fantaisie : c'est l'inflexion de la mélodie
que la gamme n'appelait pas, la suite d'accords que la logique du ton ne
suffit pas à expliquer, la modulation imprévue et charmante.
Les classiques s'accommodaient des règles parce que leur pensée,
toute raisonnable, ne réclamait pas, pour s'exprimer, de grandes libertés.
Les romantiques se sont insurgés contre elles, afin de livrer passage au
torrent de leurs passions. Ils ont ouvert en eff^et de larges brèches, mai-
n'ont pas abattu les murailles entières. Avide de l'espace entrevu, leur
musique veut s'y jeter, mais son élan se brise, car elle est encore
enfermée. De là, en toutes leurs œuvres, une lutte : ce sont des cris
d'appel, des défis, des victoires, des accablements, des regrets, dc>
désespoirs. Ni Berlioz, ni Chopin, ni Schumann, ni Liszt, ni Wagner,
ne font exception : c'est même chez le dernier que le combat prend une
grandeur épique, toutes les forces nouvelles ruées à l'assaut de la vieille
forteresse qui résiste, inébranlable. C'est avec Debussy seulement que
vint la délivrance; elle fut soudaine et sans efi"'ort ; comme touche-
d'une baguette magique, en un instant les remparts s'étaient évapores
dans l'air, la nature s'ouvrait, frémissante, bruissante, radieuse et sans
limites.
Cette facilité n'était miraculeuse qu'en apparence. Dès 1880 on la
pouvait prévoir. Déjà, à l'autre bout de l'Europe, des musiciens s'étaient
évadés de la forteresse pour courir la campagne : c'étaient Balakirev,
Rimski-Korsakov, Borodine et Moussorgski ; les deux premiers pitto-
resques, épris de la sonorité jusqu'à l'ivresse, inventeurs d'un orchestre
oîi chacjue note est une couleur; les deux autres d(Hiés il'une sensibilité
vive, tendre et généreuse, qu'ils veulent faire passer tout entière en leur
musique, sans nul souci des règles ; et le dernier surtout, que son
ignorance préserve de corriger crheureuses fautes d'harmonies, y réussit.
LE DEBUSSYSME
513
Moussorgski dans ses romances et dans Boris Godounov est le précurseur
le plus prochain de Debussy.
Le principe de la musique nouvelle qui nous a été donnée, c'est
que la note y attire la note directement, sans la justification d'une
gamme ; de même l'accord y attire l'accord sans cadence ; l'idée y attire
I l'idée sans contraste ni modulation nécessaire. Tout s'y enchaîne, et rien
n'y est commandé ; c'est une musique qui n'obéit à nul précepte, mais
aux seules lois de la sensation : une musique purement auditive, comme
la peinture impressionniste est toute visuelle. Elle n'a nul parti-pris, et
fréquemment ses mélodies n'emploient d'autres notes que celles de la
gamme majeure, ses accords sont ceux d'un ton déterminé : elle retrouve
vi ainsi le système classique, mais sans avoir eu l'intention préméditée de s'y
\ conformer, et seulement parce que cette disposition est celle même de
sa fantaisie. Elle en retrouve également de tout autres: on croit entendre
r tantôt l'écho de modes anciens, ceux du chant grégorien ou de la
musique grecque, tantôt les gammes chinoises sans demi-tons, puis des
gammes chromatiques, toutes en demi-tons, des gammes par tons entiers,
d'autres encore, avec des altérations, jusqu'ici inconnues, du quatrième,
du cinquième et du septième degré. Mais ce n'est là qu'une illusion :
cette musique, qui semble employer tant de gammes diverses, n'en
t emploie aucune. Elle n'a pas de gammes : elle n'a que des mélodies.
Son harmonie n'a pas d'enchaînements nécessaires : elle n'a que des
a accords. C'est dire qu'elle ne connaît que la consonance et ignore la
i dissonance. Un accord dissonant est un accord instable et provisoire,
[qui doit se résoudre en consonance. Les accords de cette harmonie ont
t tous en eux-mêmes leur raison d'exister : ils sont donc tous acceptés
'.comme consonants. M. Jean Marnold a montré d'une manière irréfutable
c que d'âge en âge un plus grand nombre d'accords avaient été admis au
\ nombre des consonances, et que cette accession progressive avait suivi
U'ordre même des sons harmoniques : la quinte fut consonante avant la
f tierce. Aujourd'hui c'est le tour des septièmes et des neuvièmes, et même
des onzièmes et des treizièmes, qui représentent les sons harmoniques de
r même rang. Il y a plus : nous arrivons à une époque où tout accord,
quelle qu'en soit la composition et même si on ne peut le réduire à des
; sons harmoniques, pourra compter comme consonance. Un accord n'a
i plus aucune preuve à nous fournir de sa légitimité ; c'est une sonorité,
qui, bien employée, contentera pleinement notre oreille, sera donc
514 S. I. M.
justifiée. De la combinaison des sons, un autre son d'ensemble résulte,
comme de la juxtaposition des couleurs, une autre couleur.
De tels accords se suivront comme se suivent les aspects du ciel ou
les émotions de notre cœur. Et l'œuvre entière n'aura pas d'autre unité :
les mélodies y seront unies d'une parenté secrète, et, au lieu de lutter
entre elles par jeu, comme dans la musique classique, elles paraîtront
l'une après l'autre comme des sœurs qui se tiennent par la main,
différentes de visage et pourtant inséparables. L'œuvre ne sera justifiée
que par elle-même ; elle portera en elle la raison intérieure de ses détails
et de ses accidents; elle sera créatrice de sa propre forme.
En une telle musique, rien n'est mis pour la svmétrie, le contraste,
ou l'ornement. Chaque note est sensation ; partout la vie affleure. Mais
la poésie symboliste lui a communiqué le respect du mystère : elle aurait
honte de se livrer. Ses mélodies ne se détacheront pas en pleine lumière,
une buée d'harmonie les protégera ; et sitôt apparues, elles s'effaceront,
craintives de s'être, en un instant, trahies. C'est une musique d'allusion,
d'indication, pareille elle-même au symbole d'une autre musique, à
jamais indicible, car elle découvrirait l'existence jusqu'à ses racines.
Telle est la délicatesse inouïe où par degrés Debussy amena son art,
illustrant les Ariettes oubliées (1888) et les Fêtes gci/antes (1892) de
Verlaine, les Proses lyriques (1895), sur ses propres paroles, les Chansons
(le Bilitis (1898) de Pierre Loiiys, écrivant le Quatuor à cordes (1894),
le Prélude a Pavres-jnicli d'un Faune (1894), inspiré par le poème de
Mallarmé. Les chefs-d'œuvre du genre sont les Nocturnes (1899), et le
drame de Pelléas et Mélisande^ sur le texte de Maeterlinck, représenté à
rOpéra-Comique le 30 avril 1902. Les Nocturnes sont trois tableaux d'or-
chestre comme il n'en avait jamais été tenté : Nuages, Fêtes et Sirènes s'v
évoquent non par eux-mêmes, mais seulement par la vibration de l'air, le
frémissement de la lumière ; des objets, seule l'enx clc^pjK' est gardée ; plus
rien de matériel, d'opaque, d'immobile: des reHets changeants, des clartés
qui passent, aux confins du rêve et de la réalité. Dans Pelléas et Mélisande.
le musicien, prolongeant la pensée du poète bien au-ilclà îles mots illu-
soires, fait apparaître, au fond des cœuis, le dcsir iiicoiiiui qui s'v cache,
ignorant raison et devon'.
()n connaît le destin de l'ouvrage : l'irc^iie presque unanime de la
critic]ue, les [)rotestatioiis, les rires, à la répétiticMi générale et nu\ premieies
représentations, puis, quand fut admis enfin le public qui aime la musique
LE DEBUSSYSME 515
:t n'est jamais invité, l'attention, le recueillement, l'émotion profonde, les
icclamations sans fin et le succès qui jusqu'à ce jour ne s'est pas démenti.
La victoire du Debussysme était définitive.
t- *
Mais justement, à cette date, symbolisme et impressionnisme ne
régnaient plus sans partage : on commençait à s'apercevoir que l'art était
devenu un instrument d'une délicatesse merveilleuse, mais qu'à cet instru-
ment on pouvait demander mieux que l'exactitude. Le premier, Gauguin,
au lieu de rivaliser avec la nature, se l'était soumise, par l'autorité de ses
figures sans détails, dont les contours résument, et de ses franches couleurs,
dont l'harmonie est plus riche d'avoir supprimé les nuances. Un aussi fier
exemple ne devait pas être perdu : ce qu'on a désormais demandé à un
peintre, ce n'est plus tant de fixer l'aspect fortuit d'un instant, que d'éta-
blir des rapports stables, qui ne dépendent pas de la ressemblance. L'artiste
1 recouvré son droit d'interprétation ; il l'a hautement affirmé : aujourd'hui
il pousserait le parti-pris jusqu'à l'absurde, plutôt que d'abdiquer devant
['objet.
La littérature s'est refusée, elle aussi, à subir tous les caprices du
sentiment. Elle a voulu éliminer ce qui n'appartient qu'à l'histoire parti-
culière d'une conscience, garder au contraire ce qui manifeste une loi de
la vie. Le maître de nos jeunes poètes, aujourd'hui, n'est plus Mallarmé,
mais Paul Claudel, dont ils admirent avec raison le style sans retours, aux
phrases de pierre dure. Mais la vérité plus générale que l'on cherche ainsi
n'est pas une vérité de raison, comme aux siècles classiques : c'est une
vérité d'intuition, de celles que le symbolisme a su atteindre, dégagée
seulement des apparences qui la voilaient.
La musique ne pouvait échapper à ce tourment de l'essentiel. Les
Nocturnes et Pelléas sont des œuvres qui nous resteront chères à jamais
parce qu'elles traduisent, mieux que tous les vers des poètes et tous les
tableaux des peintres, le jeune enthousiasme de ces temps où l'on dé-
couvrait des régions inconnues de l'existence ; ce qui nous les rend plus
chères encore, c'est que jamais elles ne seront recommencées. Lee senti-
nents qu'elles nous ont apportés ne seront pas perdus ; mais le trouble
-t l'incertitude du premier instant ne se retrouveront plus. Ce
monde que d'abord nous osions à peine contempler doit aujourd'hui
5i6 S. I. M.
fournir à Tartiste la matière dont il construira un autre monde, plus
solide et plus défini. C'est de quoi Claude Debussy, le premier, s'est avisé.
C'est dès 1904 que l'on a pu remarquer un changement dans sa
manière. A cette date ont paru trois romances sur des poèmes de Verlaine,
qui forment le second recueil des Fêtes galantes ; dans la deuxième de ces
romances, le piano, au lieu d'envelopper le chant d'une vibration d'ac-
cords, se contente d'égrener une ritournelle mélancolique, à l'imitation
de la flûte, sur le rythme étouffé d'une danse lointaine ; dans la troisième
(Colloque sentimental)^ l'harmonie qui accompagne ce dialogue d'oubli
repose sur une seule note constante, dont le battement morne dit mieux
que toute modulation la tristesse de ce qui n'est plus. Cette même année,
trois Chansons de France^ sur des paroles de Charles d'Orléans, atteignaient,
par des lignes plus simples encore, à l'élégance fière et résistante du
poète. L'année suivante, ce fut un recueil de trois pièces pour piano,
dites Images^ dont les premières montrent un style aussi souple et fleuri
que les Estat?îpes^ de 1903 ; mais la dernière f Mouvement) se satisfait dt
combiner de perpétuels triolets avec un thème bref et sauvage. En 190^
aussi parut la Me?- : ce sont trois esquisses symphoniques, dont la première
idée remonte à 1903 ; ici la mélodie est sans réticences, et l'harmonit
forme ses accords par la combinaison de motifs définis, selon le principe
du contrepoint ; mais ni l'une n'est astreinte à la gamme majeure, n
l'autre à la cadence parfaite : leur volonté seule les conduit.
En 1907 paraissait un second recueil d'Lnages pour le piano, doni
la seconde accomplit ce que l'on croyait interdit aux temps modernes
une musique entièrement mélodique. 11 n'y a plus ici un chant qu
s'appuie sur des accords, comme aux âges classique et romantique, ni qu
en émane, ainsi que dans l'art symboliste. Sous ce titre. Et la lune descem
sur le temple cjui fut^ le sommeil d'un vaste paysage, que des rayons inter
mittents caressent et consolent, est évoqué par une mélodie si soutenue
qu'elle se passe de tout appui extérieur. C'est un chant qui s'élève et S(
prolonge, isolé dans l'espace muet qui l'écoute ; mais ce chant est lui
même tracé par des accords ; ce n'est pas une ligne, c'est une figure plein(
où le musicien, sculpteur des sons, a condense toute la \'ie eparse alentcnii
lMif]ii, en i9oH,le [K'tit recueil [tour enfants, Cliildrc/is (>;/7/(V, traçait
avec (le telles mélodies, de délicates miniatures, et île nouvelles Chanson
de Charles (POrléans en composaient des chd-urs, d'une grâce auss
nerveuse que les modèles de la Renaissance, mais plus tendre.
LE DEBUSSYSME 517
Ces œiu^res étaient messagères d'une forme nouvelle, plus solide que
celles dont usait le dehussysme ; mais de cette forme, l'artiste n'était pas
encore entièrement le maître. Il la devinait, l'approchait, parfois la
rencontrait pour la perdre de nouveau. D'où une certaine application qui
faisait contraste avec l'ingénuité première, et de temps à autre de légères
inégalités de style, qui surprenaient chez un écrivain si sûr, donnant aux
uns l'espoir et aux autres l'inquiétude d'une prochaine défaillance de son
génie ; mais quelques-uns comprenaient qu'ayant quitté le sûr refuge de
la manière qu'il avait instituée, et que déjà on imitait avec zèle, il cher-
chait à réaliser une idée de beauté mûrie par son esprit ; et ils lui faisaient
confiance. Leur espoir n'a pas été déçu, car cette année même, coup sur
coup nous sont venues des compositions que cette beauté anime tout
entières, sans un instant de trouble, d'hésitation, sans retouche ni repentir,
ce sont les deux poèmes symphoniques, Iberia et Rondes de ^rmtemps, les
Douze préludes pour piano, et Xd. -Rhapsodie pour piano et clarinette.
Iberia se divise en trois parties, dont les deux dernières se jouent sans
interruption, et les trois sont reliées ensemble par le retour de quelques
mélodies. Car il y a ici des mélodies non seulement achevées, mais qui se
développent, engendrant autour d'elles, fécondes, d'autres mélodies, qui
s'entrecroisent sans voiler la mélodie principale, tronc robuste d'un arbre
hluxuriant. Et pour cette raison elles se répètent, sous des aspects toujours
[^nouveaux : deux d'entre elles, sauf les rappels accessoires, suffisent à occu-
per l'un des morceaux tout entier. C'est ici le contraire de l'indication :
partout le chant en relief, la phrase qui affirme, le rythme qui entraîne.
Et de quelle souplesse pourtant cette netteté est susceptible, c'est ce que
'montre l'épisode central, Parfums de la nuit^ contemplation suave où les
«idées émanent des lointains diffus, s'approchent, se précisent, s'évanouissent,
-et reviennent, transfigurées par une variation intérieure qui en change
>tous les détails et en garde le sentiment. Par un secret instinct de l'ordre,
^ces idées se disposent à peu près comme un couplet qui serait compris
entre deux refrains, mais se lient entre elles d'un progrès ininter-
'rompu, et, quand reparaît la première, tout a pris un nouvel accent
Ide voluptueuse tristesse : ainsi la vie partout accompagne l'équilibre, ou
^plutôt l'engendre d'elle-même, comme en un monde surnaturel où l'har-
ïmonie serait un attribut de l'existence.
Les Rondes de printemps^ plus hardies encore, développent une seule
pidée, qui passe et court parmi de claires frondaisons mélodieuses, jusqu'à une
5i8 S. I. M.
danse hors d'haleine qui tournoie un instant, puis se calme et se disperse
dans l'air léger : et, l'orchestre lui-nième avant répudié l'éclat des cuivres,
c'est, avec des tons plus lumineux cependant, la grâce vaporeuse et
cependant précise d'un paysage de Corot.
Les Préludes sont des morceaux de tantaisie qui peuvent évoquer,
par exemple, les Danseuses (le Delphes^ le Vent dans la plaine ou les Pas
su?- la neige^ sans toutefois que ces assimilations aient rien de nécessaire,
chacun d'eux associant ses idées par des raisons avant tout musicales ; et
c'est pourquoi les titres, très ingénieusement, ont été placés à la fin : ce
qu'on entend d'abord, c'est une composition musicale; après quoi on peut
se plaire à l'illustrer de telle ou telle image. Ces préludes différent de ce
qu'un a écrit jusqu'ici sous ce titre en ce qu'ils ne se contentent pas de
méditer sur un seul motif: la construction en est plus complexe, et dans
chacun l'on distingue une mélodie principale, qui s'expose et revient,
parfois même à plus d'une reprise, après avoir reçu la réplique d'autres
mélodies. Ce sont les œuvres les plus parfaites que l'auteur ait écrites
jusqu'à ce jour pour le piano : on n'y trouve pas l'exubérante ornementa-
tion des pjstampes^ ni la nudité parfois un peu exsangue des secondes
Images^ mais une musique toute d'émotion, qui ne se prive ni de larges
accords ni de figurations rapides et variées, toujours exactement arrêtée
au point en deçà duquel l'expression serait incomplète, tandis qu'au delà
c'est la virtuosité qui commence.
Enfin la Rhapsodie pou?- clarinette est un morceau d'une richesse
incomparable, où les idées naissent l'une de l'autre, rêveuses, carevssantes,
passionnées et d'un enjouement mélancolique tour à tour, t(Hites chaleu-
reuses, selon le caractère lie l'instrument et comme si elles iailli>saient
d'un même foyer immortel,
A ces compositions, d'autres teront suite : on peut tlcja citer ileux
mélodies sur des fragments de Tristan Lhermite, et trois autres sur des
ballades de Villon, d'une beauté grave et conteiuie. Le temps est veiui où
Claude Debussy, après avoir rendu la musique capable de traduire des
impressions inexprimables )us(.|u'ici, dispose de tes éléments selon la
vr)lonté de son esprit. C'est donc au|ourd'liui que, le de[\u"t étant tait de
tout ce (.ju'il ;(pportait avec lui (riiiouY, on peut detei'iniiier .1 cjuelle i"ace
d'artistes il appartient : c'est a la [tlus [niic de toutes, celK' qui n'est
capable en son art cpie d'amcnir, ignorant la haine, le combat, le con-
traste, la violence et la laideur. Parmi les musiciens, )osquin de Prés,
LE DEBUSSYSME
519
Piilestrina, François Couperin, Haendel, Mozart en furent, et c'est du
dernier surtout que Debussy se rapproche, par un égal privilège d'inno-
cence et de clarté : l'un et l'autre ont pouvoir de répandre sur tout ce
qu'ils touchent une sérénité limpide, et d'elle-même leur pensée monte
vers la paix et la joie. Ceux qui parlent du divin Mozart pourraient fort
bien appliquer la même louange au musicien moderne ; inutile de dire
que pour la plupart ils s'y refusent avec indignation. Et non seulement
ces peu clairvoyants défenseurs d'une tradition qu'ils croient morte, et
qui revit, non seulement les wagnériens qui énoncent les théories de leur
maître comme des articles de foi, ou les disciples de M. d'Indy qui se
cuirassent d'austérité, mais même un certain nombre de debussystes, réser-
vent une admiration qu'il semblerait aisé d'accorder à une musique bien
plus régulière et explicite que celle des premières œuvres ; on croirait
qu'ils en veulent à l'artiste, comme d'une trahison, d'avoir dépassé la
définition qu'ils s'en étaient donnée : ils avaient fait un premier effort, et
considérable, pour le comprendre ; on n'obtiendra plus rien d'eux désor-
mais. Ils s'en tiennent aux Nocturnes^ et se croient quittes envers Debussy,
lorsqu'ils ont écrit ce titre à un de leurs programmes. Les Nocturnes sont
de merveilleux poèmes en effet, mais se placent au début d'une carrière
féconde et par le nombre des œuvres et parce que chacune, comparée à
celles qui précèdent, est nouvelle. Combien il eût été facile à l'auteur,
après ses premiers succès, d'arriver jusqu'à la popularité, en passant le
reste de ses jours à se copier soi-même ! Il faut lui pardonner: la sincérité
n'est pas chez lui une vertu ; c'est une nécessité.
Louis Laloy
Critique musical de la Grande Re--uue.
FACULTE NATIONALE
DE
MUSIQUE
C»>
DISTRIBUTION DES PRIX
(ANNÉE SCOLAIRE 2011-2012)
ALLOCUTION PRONONCEE PAR LE DELEGUE SYNDICAL
DES PROFESSEURS.
Mes chers amis,
Avant de cueillir les lauriers qui turent l'objet de vos généreuses
luttes, lauriers dont la conquête suscite, chaque année, dans vos rang>,
une si magnifique émulation, avant de vous élancer vers la mer, la plaine,
la montagne ou les champs aériens pour retremper dans la bienveillante
nature votre énergie affaiblie par un hiver laborieux, permettrez-vous a
un vieillard ne s'intéressant plus, hélas, qu'au passé, d'immobiliser quel-
ques instants, ô jeunesse impatiente et intrépide, l'essor de votre pensée
si prompte à déchiffrer l'énigme du tutur ?
Vous ignorez, sans doute, que nous célébrons cette année un anni
versaire. Nous fêtons un centenaire : celui de la vénérable bâtisse qui n()u>
abrite. C'est en 191 i, en effet, que notre Faculté de nuisique, désignée
alors sous le nom de Conservatoire, quitta la baraque vermt)uluc qui lui
servait d'asile dans un sordide faubourg, aujourd'hui tiis[>ai-u, le taubmnu
des Poissonneries, pour venir s'installer dans ces immeubles de la rue lic
Madrid dont l'exiguité et l'incommodité n'ont pas tardé, à leur tour, .1
devenir légendaires.
Un siècle a passé sur ce nouvel autel de nos [nuivres dieux lares,
un siècle a passé, modifiant profondément les êtres et les choses, boulever-
sant de ses coups d'état successifs le royaume des mcrurs et la république
EN L'AN 20T2 521
des idées. Un monde de sensations nouvelles et de concepts rajeunis nous a
rapidement séparés de ces hommes du siècle dernier dont nous ne devinons
les véritables tendances que par un effort assez hasardeux de rétrospection
psychologique. C'est pourtant à cette aurore du XX"'" siècle que je prétends
vous ramener aujourd'hui, c'est parmi les artistes qui en furent l'illustra-
tion que je veux choisir les exemples propres à exalter vos jeunes imagi-
t nations, c'est en feuilletant cet intéressant chapitre de l'histoire de notre
art que je souhaite découvrir, pour l'ornement de vos consciences, une de
ces précieuses leçons dont est si prodigue le passé.
La période que j'évoque est digne de votre curiosité ; notre art
national a vécu là une des heures passionnées de son printemps. Mais il
i faut, pour en apprécier l'intensité et le pathétique, se placer dans l'état
i d'esprit qui fut celui de nos arrière-grand-pères et analyser l'atmosphère
' intellectuelle qu'ils respirèrent.
On était à l'agonie de la troisième République, à cet instant d'an-
goissant malaise social où une oligarchie financière élevait désespérément
( de puériles digues de sable contre l'irrésistible flux de la marée syndica-
^ liste. Le travail traquait partout le capital. On était, en outre, en pleine
crise morale et religieuse. La séculaire empreinte de la philosophie catho-
lique s'effaçait lentement de la conscience humaine et les plus douloureux
conflits de croyances divisaient les familles. Goûtez, je vous prie, le sym-
j bolisme tout extérieur que nous ofFrent ces villes, déjà modernisées sous
la baguette des premières fées scientifiques penchées sur leur berceau,
villes d'art, cités industrielles, ports de commerce, dominés par la masse
anachronique des cathédrales désertes dont les flèches dressées vers le ciel
n'éternisent plus l'auguste vision d'un geste de prière mais évoquent
seulement pour les imaginations irritées les oreilles pointues d'un gigan-
tesque bonnet d'âne posé sur la stupidité d'un peuple 1...
La sensibilité des artistes était à vif et l'inquiétude de l'heure exas-
pérait sourdement ces grands enfants impressionnables. Cet état fiévreux,
d'ailleurs, ne leur était pas pernicieux et entretenait même une sorte
d'excitation singulièrement favorable à leurs facultés créatrices. La
musique était toute vibrante encore du souvenir de deux beaux songes :
mal éveillée de l'héroïque cauchemar wagnérien elle s'était voluptueuse-
ment abandonnée à l'ensorcellement du doux rêve debussyste mais cette
double sidération n'avait pas provoqué de dangereuse hypnose. Rappelés,
par un chant de sirène, au sentiment de leur noblesse ethnique, à l'orgueil
S22
S. I. M.
de la pureté de leur race, les jeunes compositeurs français, en pleine
ferveur d'internationalisme politique et social, concevaient la beauté d'un
nationalisme musical supérieur. Renouer les deux extrémités flottantes
du mystérieux fil d'Ariane que constitue une tradition artistique, fil con-
sidéré comme rompu depuis Rameau, devint la touchante ambition,
avouée ou inconsciente, de toute une génération révolutionnaire. Nous
savons trop, en effet, que, malgré toute leur bonne volonté, malgré leurs
littéraires élans vers l'unité, l'adaptation et l'harmonie, les artistes de tous
les temps n'ont jamais su s'inscrire dans la logique d'une époque. Les
contradictions se multiplièrent bientôt ; dans un milieu évoluant vers le
communisme, favorable à toutes les tendances corporatives et universa-
listes, l'art s'orienta vers l'individualisme le plus exaspéré. Chaque com-
positeur eut sa technique et créa ses formes. Ce fut une recherche ardente,
systématique, et par là même souvent stérile, de l'inédit et de l'inouï, ce
fut une débauche de " métier " une orgie de talent, une dépense déraison-
nable de subtilité verbale, une folie d'écriture artiste, plus impressionnan-
tes, hélas, pour les auditeurs d'alors que pour nous qui trouvons bien
timides et bien anodines ces frasques sonores de nos bisaïeuls.
Le résultat immédiat ne pouvait être douteux : la pauvre humanité se
révolta, se boucha les oreilles et cria au meurtre. Honorable scandale, mes
chers amis ! Un art qui recevrait, au jour de sa naissance, le baptême du
suffrage universel serait singulièrement suspect. Le consentement unanime
des peuples était dans l'antique théologie, un argument en faveur de
l'existence de Dieu : il n'en tut jamais un en faveur de l'existence d'un
art. L'incompréhension publique est un hommage délicat, un certificat
d'originalité et de distinction dont peu de musiciens accepteraient d'être
frustrés. De tout temps, vous le savez, les hommes ont oppose, instincti-
vement, à la Beauté une résistance impie ; la banale accoutumance par-
vient seule, sournoisement, à les désarmer sans qu'ils s'en doutent. Le
curieux mouvement musical du siècle denfier ne pcnixait cchappei' à cett>
loi d'airain, mais la sottise des nations lui fit vraiment Woy Imniie mesure.
La clf)ison cpii sépare généralement les ciéateurs tles auditeurs ne t"ut
jamais plus étanche qu'à cette époque. Ce renouveau, cette riche efier-
vescence, cette fioi'aison si spontanée crinnombi'ables taK-nts n'enicrx eillei'ent
personne. Pendant que- l.i foule ric;uiait st upidenuiii, les brigades centrales
de la ci-ititjue sabraient joyeusement ces manifestants. Tout le monde se
mit de la [">artie. Lu romancier du temps (]in pratiquait aussi la musico-
EN L'AN 201 2 523
graphie — le cas était alors extraordiiiairement fréquent — fit une sati-
rique peinture de ce milieu d'art et l'intitula " La Foire sur la place ".
C'était résumer assez fidèlement l'impression de confusion, de désordre,
. de mercantilisme et de bruit ressentie par l'âme simpliste du public mais
c'était, en vérité, manquer singulièrement de clairvoyance. L'événement
se chargea de le démontrer mais un tel état d'esprit n'était pas exception-
nel chez les écrivains de l'époque.
Il ne faut pas oublier, d'ailleurs, qu'au début du XX""" siècle la
r critique musicale était organisée d'une façon étrangement paradoxale. En
[matière de musicologie l'autorité croissait en raison inverse de la
compétence. Sous l'ingénieux prétexte que Monsieur Josse ne saurait
parler convenablement d'orfèvrerie on s'accordait à préférer à l'avis
(tendancieux d'un compositeur le sentiment désintéressé d'un journaliste
vierge de toute éducation musicale et, partant, de tout préjugé. L'igno-
rance apparaissant à tous comme une précieuse garantie d'impartialité fit
bientôt prime dans les gazettes. Sous la conduite de guides aussi ingénus
1 l'opinion publique ne tarda pas à perdre pied dans sa difficile ascension
vers le Beau. Avec la meilleure foi du monde on porta des jugements
absurdes et l'on rendit des arrêts scandaleux. Toute une jurisprudence
révoltante d'injustice se constitua peu à peu et s'imposa partout : on croit
rêver en lisant les "considérant" et les "attendu" élaborés par les plus
illustres de ces magistrats de l'esthétique.
Songez qu'on déplorait alors, couramment, la dégénérescence de l'art
i national et l'impuissance des nouvelles générations. Un délicat poète —
dont la plus grande ambition était, naturellement, de jouer les législateurs
au parlement de la double croche — écrivait en 19 10: "Nos jeunes
compositeurs s'adonnent à l'esthétique du souffle court... la musique
actuelle manque absolument de puissance elle est petite, elle est toute
{petite mon Dieu, qu'elle l'est donc ! Sans doute ses auteurs la font ainsi
pour la faire avec soin, mais vraiment, à ce point !...." et l'aristarque
porte-lyre stigmatisait vertueusement " la mode très répandue, élégante et
dangereuse, de l'aversion pour l'œuvre de vastes dimensions, pour la
L grande machine". Et chacun de généraliser, doctement !
Vous avez bien entendu? Voilà ce qu'osaient dire les contemporains
! de Florent Schmitt, du " Père Schmitt " comme vous le désignez avec
une affectueuse familiarité, de ce prolifique ancêtre dont les partitions
I couvrent des rayons entiers de notre Bibliothèque, de ce formidable
524 S. I. M.
polygraphe pour lequel on a dû établir un catalogue spécial et qui avait
la passion germanique du colossal! Et pourtant, ils avaient pu entendre son
Quintette géant, son Psaume XLVI, premier feuillet de ce monumental
Psautier écrit pour tout un peuple de chanteurs et d'instrumentistes par
un rude gaillard atteint de boulimie auditive, qui faisait ajouter des notes
supplémentaires à ses pianos et avait besoin de six portées pour écrire
— à deux mains ! — l'accompagnement de ses lieder ! Une telle appré-
ciation convient-elle à l'auteur de ces étonnants poèmes symphoniques
pour triple chœur et double orchestre qui nécessitent la mobilisation
d'une armée d'exécutants et l'emploi d'accessoires sonores spécialement
fabriqués pour cet usage, de ces drames lyriques si largement développés,
de cette titanesque " Symphonie expiatoire en l'honneur de Ferrer "
dont, chaque année, la République Espagnole donne une exécution
nationale ou de ce terrifiant " Dies iras " qu'il composa pour ses propre^
funérailles pendant la maladie qui devait l'emporter et dont il dirigeait
lui-même, de son lit, les répétitions, estimant que ses choristes ne seraient
jamais prêts, pour la funèbre cérémonie s'ils ne s'v prenaient pas long-
temps à l'avance.
Ce " Père Schmitt ", c'est lui dont, invinciblement, j'évoque l'éner-
gique figure lorsque j'entends railler les hommes aveulis, les volontés
affaiblies, les intelligences épuisées, les artistes exténués du siècle passé
Ce farouche ancêtre, violent et autoritaire, que ses colères tumultueuse^
ont rendu le héros de tant d'anecdotes pittoresques, effroi de ses eleve>.
terreur de ses interprètes qu'il n'hésitait pas à apostropher au milieu d'une
exécutif)!!, cet être de fer, qui ne pouvait souffrir aucune contradictic^i,
qui, un soir, en plein Opéra, à la "première" d'un de ses i>uvrage^.
abattit froidement sur son pupitre, d'un coup de revolver, le célèbre cher
d'orchestre Inghelbrecht, sous prétexte que celui-ci avait pris un mouve-
ment trop lapide sur la pente duquel '' il falhiit à tout prix l'arrêter pour
sauvegarder l'efîet de la f^age suivante " citnime il l'expliqua obligeam-
ment, plus tard, a ses juges stupéfaits, ce terrible aïeul appartenait-il
vraiment ;i une génération efféminée ? Ne reconnaissez-vous p.is en \u\.
au contraii-e, un fils de cette indomptable '•'• vieille l''r;mce " étrangère i
nos neurasthénies actuelles, un trere des hommes hardis de ce temps, qui
sacrifiaient si aisément Irur \ie [lour reculer les bornes de la [niissance
humaine, de tes courageux (.hercheurs cjui etudinient st(Vïquement la
navigation sous-marine dans île barbares subnu l'sibles tr(^p tacilement
EN L'AN 20I2 525
t. Submergés et qui découvraient la navigation aérienne à l'aide de grossiers
' ©iseaux mécaniques, engins mortels, aigles sinistres et sublimes, aux vols
j tragiques, aux ailes sanglantes ? Cette époque était-elle vraiment une
époque de pygmées et d'homuncules ? Sont-ce là ces impuissants qui
' scandalisaient si tort les Hercules du journalisme musical ? Etait-ce bien
un art de liliputiens et de miniaturistes que le leur ?
L Mais nous constatons des erreurs d'optique plus flagrantes encore.
Cette musique rabougrie tut déclarée par de bons juges " monotone,
ennuyeuse et privée de vie". On noircissait des rames de papier pour
développer ces entantillages pessimistes à l'heure où un Maurice Ravel
prononçait les discours musicaux les plus vivants, les plus attachants et
les plus nuancés qui aient jamais fleuri des lèvres humaines.
Nous avons peine à concevoir un semblable aveuglement. L'art du
^ vieux Ravel, ce miracle de grâce, de justesse et de subtilité, nous semble
^ s'imposer avec une autorité irrésistible. Nous en subissons encore, avec
i délices, le charme impérieux. Ce musicien apportait à son siècle d'inesti-
î mables présents, un goût à peu près infaillible, un sens délié de l'humour,
1 une écriture à la fois libre et raisonnée, des notations de couleurs et de
I parfums d'une étonnante maîtrise. Il renouvelait l'écriture du piano,
Urouvait des tormules saisissantes d'impressionisme sonore et utilisait avec
une aisance souveraine les ressources de cette " harmonie naturelle " qui
commençait seulement alors à ouvrir ses fleurs ingénues dans les géomé-
ï triques parterres des accords universitaires. La musique de Ravel, c'était
1 la révélation de ce qu'il peut y avoir de direct dans le langage musical,
t c'était le triomphe du verbe harmonieux dans toute sa simplicité native,
: aussi pur de symbolisme artificiel que de convention grammaticale.
' C'était aussi la consécration d'une esthétique nouvelle, faite de mesure,
5 de goût, d'émotion contenue et d'une sorte de pudeur dans le lyrisme qui
; sont les vertus les plus précieuses de notre race. Au fond nous n'avons
i jamais porté avec beaucoup de conviction et de grâce la fameuse cape
1 romantique. Nos crises romantiques, d'ailleurs, ne furent jamais que
i d'épidémiques importations : leurs ravages internes avaient une origine
germanique et leurs volcanismes extérieurs procédaient d'un méridiona-
! lisme latin assez superficiel. Notre ironie et notre bonne humeur, notre
amour de l'expression juste, notre faculté de dédoublement critique,
I même dans les minutes d'ardente passion, n'avaient pas encore trouvé leur
i traduction musicale avant VHeure Espagnole ou les Histoires naturelles et
526
S. I. M.
cette heure devait être saluée avec joie qui donnait la première place à la
vie et à la vérité dans un art trop tacilement voué à l'emphase, à la
rhétorique et à la fausse noblesse. Ne nous y trompons pas, c'est à cette
date que se fonde le panthéisme raffiné qui nous a valu tant de chefs-
d'œuvre inspirés par la religion des choses, tant de merveilleux paysages
du son, tant de sites auriculaires auprès desquels les descriptions et les
évocations des autres écoles musicales apparaissent incroyablement con-
ventionnelles.
Hélas, tout cela resta lettre morte pour les auditeurs du temps. Nul
ne soupçonna le miracle si proche. On continua à fêter les dieux morts
et à raillei" les jeunes prophètes. L'hostilité était instinctive. Les esthètes
" éclairés et avertis " attentifs aux lois des convenances, avaient adopté
une attitude prudente ; soucieux de marcher à la tête du mouvement, ils
avaient compris l'opportunité d'absoudre Debussy, déjà trop puissant
pour être utilement combattu, mais ils se vengèrent sur ce qu'on appelait
alors les " debussystes ". Vous connaissez la valeur de ces classifications
simplistes que nous retrouvons à chaque page de notre histoire. Le mot
" wagnérien " eut une fortune égale et des applications non moins fantai-
sistes. Georges Bizet et Massenet furent étiquetés wagnériens par leurs
frères : Ravel et Schmitt n'échappèrent pas au grief de debussvsme 1
Debussystes aussi les Caplet, les Huré, les Casella, les Grovlez, les
Ducasse, les Kœchlin, les Delage, les Aubert... etc. tous ces vieux
maîtres dont les caractéristiques nous semblent aujourd'hui parfaitement
opposées et souvent incompatibles. L'épithète est absurde mais cette-
question du "■ debussysme unifié " est pour nous singulièrement révéla-
trice : dans la vertueuse indignation qui accueillit les travaux de ce
groupe nous trouvons la preuve de la secrète impopularité de son leader.
Il eut été moral de reprocher aux imitateurs serviles leur défaut de per-
sonnalité mais il était absurde de les accuser de sacrifier à la laideur. Vnc
bague dérobée dans la vitrine de l'orfèvre qui Fa ciselée ne pcvd pas
subitement sa valeur : au doigt d'une jolie voleuse elle garele tcnite sa
beauté. Les trouvailles debussystes, adroitement serties dans les œuvres
d'un faussaire étaient toujours des trouvailles ilebussvstes, c'est à dire des
choses exquises dont aucune considération moiale ne ["louxait aiiKumlrir
le charme inunédiat. Les certificats iroiigine, les brex'ets, les cacbets, les
poinçons, les bandes de garaïuie et auti'cs inveiUions du protectionnisme
barlnirr de ce temps n'ont [nis a interx'enir dans la \'olu[>té auditive : le
EN L'AN 20I2 527
pedigree d'une harmonie n'ajoute rien à sa caresse. En découvrant les
bijoux de l'orfèvre Debussy dans les poches de maint larron subtil on
avait le droit de se scandahser mais non de piétiner ce riche butin avec
une horreur démonstrative.
Hélas, nous ne voyons que trop clair dans le jeu de ces défenseurs
héroïques de la propriété artistique. Cet art savoureux était toléré à
regret chez son inventeur mais traqué avec une instinctive férocité
lorsqu'il s'avisait de chanter sur les places publiques. Et ce spectacle est
propre à nous attrister et à nous inspirer de salutaires réflexions. Un
siècle de recul a modifié notre angle de vision et nous permet de perce-
voir l'ordre et la logique des évolutions intellectuelles suspectes d'incohé-
rence et d'anarchie. Cette école du XX°''' Siècle venait à son heure. Les
déterministes de " l'harmonie naturelle " avaient raison qui affirmaient la
nécessité immanente d'un tel art. Le phénomène était aussi inévitable
que celui de la condensation ou de la cristallisation dans une atmosphère
ou un liquide sursaturés. Toute une tribu de chercheurs d'or fouillait le
sol et devait fatalement découvrir un jour ou l'autre le fabuleux "placer"
où un génial prospecteur avait soudain planté son pic avec une surprenante
divination.
Il n'y avait donc ni snobisme, ni mode, ni engouement dans les
recherches parfaitement inconscientes de cette génération. Ces jeunes
gens frayaient aveuglément le bon sentier. Un instinct les poussait à
demander à la matière sonore une puissance et une subtilité plus com-
plètes, à rechercher "des fleurs plus larges et des plaisirs inéprouvés".
îC'est à leur persévérance que la musique moderne doit le prodigieux
s accroissement de son domaine. Sans leur méthodique efl^ort nous n'aurions
pas encore épuisé toutes les combinaisons harmoniques fournies par
l'ancienne échelle conventionnelle du chromatisme tempéré et nous n'au-
: rions pas été amenés à emprunter à l'art japonais cette subdivision du
quart de ton qui a ouvert à notre technique contemporaine des horizons
[infinis ; sans eux nous connaîtrions encore le joug des modes majeurs et
■mineurs, le frein des tonalités, l'entrave des gainmes empiriques, le mal-
entendu du rythme et le cloisonnement grossier des barres de mesures !
Ils furent de merveilleux explorateurs. Gloire à ces bons serviteurs de la
[i musique : ils l'ont aimée et enrichie : ils ont droit à notre reconnaissance
émue et à toute notre admiration.
Le destin, vous le savez, leur fut cruel et leur zèle ne reçut pas
528 S. I. M.
immédiatement sa récompense. La pauvre humanité — et c'est, mes chers
amis, la pensée que je voudrais livrer à vos méditations de vacances —
ne sut jamais étreindre la beauté à son heure. Aux beaux vergers d'har-
monie elle ne découvre pas les fruits mûrs et attend paresseusement qu'ils
se flétrissent et tombent à ses pieds. Je n'ai jamais cru, mes enfants, à
l'éternité des chefs-d'œuvre. Les œuvres ont une enfance, une adolescence,
une maturité et une décrépitude. On peut les conserver d'ailleurs presque
éternellement par la dessication et la stérilisation mais elles ont une heure
de beauté vivante inégalable qu'elles ne retrouveront jamais. Heureuses
les sensibilités qui peuvent vibrer a l'unisson d'une âme de créateur en ces
rares minutes : elles connaissent une volupté divine. La belle école du
siècle dernier n'a pas senti se réaliser cet harmonieux accord. Nul n'enten-
dit sonner l'heure exquise, l'heure du berger.... ou du muletier !.... Et
maintenant, il est trop tard !
Il m'a été donné d'assister à la " millième" de la " Cloche engloutie"
de Ravel. Ma mélancolie v fut sans égale ; certes, nous goûtons toujours
un vit plaisir rétrospectif à l'audition de cette merveilleuse musique mais
qu'il est douloureux et émouvant de songer à la fraîcheur et au partum
qu'apportait cette partition aux auditeurs indifférents de 1920! Hélas
oui, il est trop tard : la cloche est bien engloutie et sa voix ne nous par-
vient plus qu'étouffée sous les vertes écharpes des vagues. Gardons le
consolant espoir que certains isolés, au milieu de l'incompréhension
générale, aient pu, alors, deviner l'ineffable minute : s'ils ont existé, ceux-
là furent divinement récompensés de leur sagesse !
Sovez ces sages, mes chers enfants, ne vous laissez pas égarer par
des classifications et des théories stériles. Cueillez joveusement les truits
murs sur leur branche, soyez gourmands et ingénus, l'âge viendra trop
tôt où vous ne pourrez plus grimper aux arbres de science. N'étudiez pas
les fleurs dans les herbiers, les papillons dans les vitrines et l'amour dans
les livres ! Aimez la vie, ayez la religion de la vie, le sens de sa noblesse
et de sa générosité. Méfiez-vous de la hicile ilex'cuion du classicisme : le
mot '■'■ classique " est toujours un hommage exf^iatoii-c, un cllort de répara-
tion. N'attendez pas l'heure des léhabilitations ; reiule/ les inutiles e>i
supprimant d'abord les dénis de justice. L'étude lie l'histoire nous montre
(ju'aiKune époque ne fut prixee de ehets-crd'uvre : eheiehons à découxrir
de suite les nôtres et ne laissons pas à nos petits entants le soin île reparer
nos cireurs judiciaires. \'ous ave/ aeluellenunt autour île x'ous les
EN L'AN 201^
529
"classiques" de demain : sachez les deviner et les honorer. Que le culte
des morts ne vous fasse pas oublier vos devoirs envers les vivants.
C'est là, mes chers amis, la meilleure leçon que nous donne ce passé
auquel je viens de vous ramener quelques instants, avec une insistance que
vous me pardonnerez en comprenant mon désir de vous faire vivre plus
intensément les minutes présentes : vous n'en soupçonnez pas toute la
richesse et vous ne parviendrez jamais à en épuiser la saveur. Votre jeune
sensibilité est une force presque infinie ; demandez lui beaucoup, imposez
lui la conquête d'un merveilleux empire, elle vous le soumettra car elle
peut accomplir des miracles. Et qu'ainsi soit récompensé, par de sur-
naturels présents, le don total de ceux d'entre vous qui consacrent leur
vie à l'étude des mystères de la Bonne Déesse ; ils ont choisi la meilleure
part, elle ne leur sera point enlevée : la Musique ne trompe que ceux
qui n'attendent pas assez d'elle !
Vu pour copie conforme.
Le sténographe : Emile Vuillermoz.
Un curieux document du XX"* siècle. Cliché Mrmeét.'^
Koechlin Aubert Hiiré j^^^^i Caflet Vuillermoz
G. Faiiré
LES FONDATEURS DE LA SOCIÉTÉ INDEPENDANTE DE MUSIQUE" EN 1910
Mathot
Dncasse
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
DES
i J M jI ..^^^
SOCIÉTÉ FRANÇAISE IDES
JAfIS "DE LA MUSIQUE
COMITE D'HONNEUR
M., le Président de la République.
M. le Ministre de F Instruction Publique et des Beaux-Jrts.
M. le Sous-Secrétaire d'Etat aux Beaux-Arts.
M. Gabriel FAURE, Directeur du Conservatoire.
M. Henry MARCEL^ ancien Directeur des Beaux-Arts, Administrateur général
de la Bibliothèque Nationale.
CONSEIL D'ADMINISTRATION
BUREAU
PRESIDENT
M. LE COMTE Gaston Chaxdox de
Briailles.
VICE-PRESIDENTS
M. LE princeA. d'Arenberg,<;/c'/'/;/5//V///.
M. Louis Barth ou, député, ministre de
la justice.
M. Gustave Berly, banquier.
M, Adolphe Brissox, homme de lettres.
TRESORIER
M. Léo Sachs.
DIRECTEUR ARTISTIQUE
M. Gustave Bret.
SECRÉTAIRE GÉnÉRAL
M. J. EcoRCHEviLLE, docteur es-lettres.
SECRÉTAIRE DU CONSEIL
M. I. Pasquier.
MEMBRES DU CONSLII.
M"'® Alexandre André.
M"'^ la COMTESSE RenÉ DE BÉaRN.
M. André Bénac, directeur général hono-
raire au ministère des finances.
M. LÉON Bourgeois, sénateur, ancioi
ministre.
M. I'Kanz Cusror.
M"'' M le H 11. Ephrussi.
M. Georges (jaiffe.
M. Fernand Halphen.
M™" LA VICOMTESSE l)'I I \l<(()rRr.
M"" la comtesse d'I I.\l SSONVII.I.E.
M. JEAN \Vi;i:i R, r/
M. Louis Havet, de F Institut, professeur
au Collège de France.
M'"^' Daniel Hermann.
M'"'' Henrv Hottinguer.
M""^ Georges Kinen.
M""' la comtesse Paui. de Pourtalès.
M""' Théodore Rhinach.
M. RiiM \i\ l\()i.i.\\n, p)'ofcs:cur a la
laciiiié des Lettres de Paris.
M. Louis Schopfer.
M""-' Séi.igmann-Lui.
M '"" T E R N A U X-C O M P A N S .
'ré'jé de r Université.
NOTRE SEMAINE A MUNICH
Tous nos Amis et tous nos lecteurs attendent avec impatience le compte 7'endu détaillé
'des Fêtes qui viennent d' être organisées par les soins de notre Société dans la capitale de
•la Bavière^ et dont toute la presse a déjà signalé V importance dans de multiples chroniques.
Nous ne pourrons que retracer ici tout a fait objectivement les péripéties de ces journées
fameuses^ réservant pour notre prochain Bulletin du mois de novembre.^ une Revue critique
des jugements de la presse allemande^ qui nous permettra de tirer., en quelque sorte^ un
^enseignement de cet effort considérable accompli pour la première fois par la musique
.française en Allemagne.
Il T)és le lo septembre, les premiers éléments français arrivent à Munich, et à leur
:':ête F infatigable Rhené-Baton, qui allait prendre contact avec un orchestre plein de
i
IV
LES AMIS DE LA MUSIQUE
docilité^ JHûis habitué a un style tout différent de celui de Ravel et de Debussy. Rien de
curieux comme de voir un chef d' orchestre aux prises avec des éléments artistiques inconyius
quil faut transformer^ façonner a sa guise^ et rompre a de nouvelles disciplines. A la
seconde répétition toute anxiété disparaît.^ et la partie peut être considérée comme gagnée ;
r accord s' est établi entre l'orchestre et le chef mais aux prix de quels efforts ! Du
mardi 13, au mardi 20, Rhené-Baton devra diriger 17 répétitions de 3 heures^ soit
5 1 heures j en plus des auditions mêmes.
Le comte G. (Jh(iiirlo>i de lirutdlei^ an Rdtluuis^ rèponl iin iliscouis du Bourgf/iestre.
Qtic'lqiirs jottrs se passott diuis la ficvre des prèpiiratifs.^ la presse allematiile^ enc
toute à Custav Mahler^ se tutirnc rcsoltimott ilu côté dti Festival hrançais^ et lui }-éserv.
un accueil, 01) Li curiosité le dispute à la s\»ipathie. Xaus }rcevoi/s à ce >no>t/eitt uni
mauvaise nouvelle, la mort du sculpteur I')è)iiiei ttotts prive JualheureiiseDient ilu concour.
personnel du Maître Gabriel b'auré, doitt notts itotis faisons un honneur de reproduire ic
la lettre, datée du mercredi 14 septembre.
LES AMIS DE LA MUSIQUE v
Cher Monsieur et Ami,
" l'^ous ne pGU-vez pas avoir oublié que j'avais accepté avec une joie véritable de
participer aux Fêtes de Munich. Je ne prévoyais pas alors le malheur qui vient de nous
frapper et qui rend les miens trop profondément malheureux pour que je puisse songer à
ni éloigner d'eux^ même momentanément. Dites bien a Saint-SaënSj à celui dont je suis si
fier d'être V élevé et V ami^ combien f aurais eu de véritable bonheur a me trouver a ses
côtés j et veuillez bien remercier Cortot de son amical dévouement. Le sort de mes œuvres
r ne saurait être en de meilleures mains. Et vous^ cher Monsieur., soyez assuré des vifs
'regrets de votre cordialement dévoué.""
j Déjà prévenu télégraphiquement., notre ami Cortot^ veut bien se substituer dans la
h Séance de Musique de Chambre au Directeur de notre Conservatoire., et prendre sa place
r au piano.
Le samedi 17 septembre arrive enfin 1 Dans la grande Salle de F ancien Hôtel de
\l Ville ^ aux boiseries fameuses., et dans lequel V Empereur Guillaume reçut .^ il y a quelques
années^ la médaille d'or de la Ville de Munich., se trouvent rassemblés la Municipalité., le
^ Ministre des affaires Etrangères von Podezvilz^ et de hautes personnalités munichoises. Du
côté français., on aperçoit: M. Allizé., Ministre Plénipotentiaire a Munich., le Comte Gaston
', Chandon de Briailles., Président de la Société., M. Berly., Vice-président.^ M. Léo Sachs^
i Trésorier., M. Franz Custot et M'"" Th. Reinach., Séligmann-Lui ^ Daniel Herrmann.,
ime,inbres du Conseil d'Administration., M. Gustave Bret., Directeur Artistique.,
)M. J. 'Ecorcheville., Secrétaire Général., M. J. Pasqtder^ Secrétaire du Conseil.,
^ M"' Gaillard de U^itt^ M''' Bazaillas, M"" Léo Sachs, M'"' Bret, M'"^ Rhené-Baton,
[ MM. Max Rikoff, Prègre, Félix Dreyfus, Daniel Hejrmann, Hugues Kraft, H. de
ViSaxe, Paul Gentien, J.-G. Prod' Homme, O d' Gelly àj' G. Boeswilwald de la presse
Strasbourgeoise. L'Orchestre joue la '■^Marche de Tannhauser," et en l'absence du
premier Bourgmestre, le Bourgmestre von Brunner se lève et prononce une allocution de
;'< bienvenue en l'honneur des hôtes français. Il rappelle le rôle international de la musique,
tangue universelle " qui fait communiquer les âmes malgré la différence des dialectes et
' des nations, " et terynine par une phrase française qu'il emprunte a notre S. I. M.
\^^La Musique est faite pour de semblables conquêtes; elle sait, tout en conservant
l'indépendance de son caractère national, s' élever au-dessus des frontières, et concourir
dans la paix a la fraternité des peuples. "
vi LES AMIS DE LA MUSIQUE
Le Président des Amis de la Musique rappelle h son tour^ que la musique française
est infiniment heureuse de "venir se faire applaudir dans la patrie de Bach et de M^agner^
et que nMre Société se fait son interprète^ en remerciant les Hauts Protecteurs de V art^ la
Municipalité et la i-ille toute entière qui F accueillent si généreusement.
Cette réception solennelle^ entreinelée de musique^ et arrosée de Champagne^ a été
immédiatement suivie d'un grand déjeûner dans la Salle des Séances de F Hôtel de Ville.
Un excellent repas accompagné de l'ins merveilleux de la Ratskeller^ permettent à 80 con-
vives d'apprécier d'une façon toute matérielle la générosité de nos hôtes. Là encore^
quelques discours sont échangés^ discours plus intimes; le Bourgmestre von Brunner s'efforce
de parler français.^ non sans élégance^ et notre Président lui répond en allemand avec la
meilleure des bonnes volontés.
Le soir à 9 heure s ^ à F Hôtel Regina^ tous les Aînis de la Musique^ auxquels s'étaient
joints M. &' M'"' Allizé, se trouvaient de nouveau réunis autour de leur Président.^ pour
recevoir leurs L. L. AA. RR. les Princes Henri et Louis-Ferdinand de Bavière^ qui nous
avaient fait F honneur d' agréer notre invitation. Une centaine de notabilités munichoises
dont les journaux ont donné les noms., avaient également répondu à F appel de notre Président,
et la cordialité succédait à la cérémonie des premières présentations. La musique française fit
alors sa première apparition., Je Maître Saint-Saëns voulut bien se mettre au piano., il joua
'■'■La Valse Mignonne., " et quelques autres cvuvres encore. M. JVidor et M. Léo Sachs,
voulurent bien chacun à leur tour, accompagner dans leurs mélodies M""' D(irla\s et
M^'" Rose Féart. Et sur la demande du Prince Louis-Ferdinand, le jeune Schmitz qui
arrivait de Paris, dut exécuter " La Soirée dans Groiadef et " Le Jardin sous la Pluie "
de Debussy. Fjifin, surprise agréable, Erich Korngold, F enfuit prodige, fils de notre
Collègue le critique de la Neue Freie Presse de Vienne, étonna F auditoire et les Maîtres
eux-mêmes, en exécutant un morceau cFune sonate qiCil vient de composer.
Les réceptions n'étaient pas finies, elles devaient encore recommencer le lendemain.
A I heure, notre Ministre et M""^ Allizé réunissaient autour de leur table, sous la prési-
dence du Prince Louis-Ferdinand, le pation de toutes ces manilestalions, une vingtaine de
convives. A 1 heures, au château de N\mphenbiirg, le I ersailles Munichois nous conviait
le IVince Louis-Ferdinand, pour nous présenter aux Princesses en ce moment h Munich.
Ici, de nouveau, musique et chants avec M'^'' Féart, M'"' l)arla\s, .\L\L Viiinnenc àf
Huberdeau, et un petit incident J'ori ii m usant, qui montre bien la charmante intimité de ces
LES AMIS DE LA MUSIQUE
vu
AV CHATEAU DE NTMPHENBURG
] F. Custot ^ikoff
^eidel.Bret.C.deBriaillesM.Ani-::,^ G. Berly M"'' Féart Trince Louis-Ferdinand Schmita,
'P^EI-uira P" Pila?- Infallte-Marie M' Séligmann 5' Saens P' délia Pas; C"^" fVrbna M'^ Sachs Léo Sachs M' Darlays M' Landoivska
viii LES AMIS DE LA MUSIQUE
Fêtes. M^'^ Féart axant voulu chanter " Plaisir d'Amour " de Martini^ pria M. Schnitz
de vouloir V accompagner de mémoire bien que celui-ci ignorât totalejnent ce morceau.
C était un tour de force auquel le jeune virtuose se prêta de bonne grâce, mais non sans
commettre auelques défaillances. Camille Sai)it-Saè'>is qui se trouvait derrière le piano, se
glissa tout à coup à coté de Schmitz, et d'une main alerte, remplit quelques basses incer-
taines. On vit alors le jeune Schmitz glisser de son tabouret, et Saint-Saëns se substituer
à lui, sans que le mo/'ceau ait été interrompu, et sans même que la chanteuse s" en fut
aperçu. Infiniment amusé pat cet incident, le Maître ajouta quelques ritournelles dont le
brave Martini aurait eu certainement tort de se plaindre, et le morceau s" acheva dans un
tonnerre d'applaudissements.
Enfin, arriva le premier concert d' Orchestre, le dimanche a 7 heures iji, et ce nest
certes pas sans une appréhension que nous nous rendions tous dans ce gigantesque Hall de
T^.T^oo places, pour y entendre sonner notre musique française. Dès le premier morceau qui
était " Le Prélude de Messidor, " le public était conquis, et on sentait que la bienveillance
qui nous avait accueillis jusque-la, s' étendrait a toutes les manifestations artistiques qui
allaient se dérouler. En même temps nous arrivaient de toute F Allemagne des télégrammes
de félicitations, et parmi ceux-ci, une dépêche de Siegfried JFagner, et un mot aimable
de Félix 'Weingarjier.
Le lundi matin, succès colossal pour le Maître Saint-Saëns dans F exécution de ses
œuv7-es de musique de chambre, accompagné par MM. Maas et Heyde. La petite Salle de
600 places du Kunstler Theater était retenue déjà plusieurs jours à F avance, et jamais
peut-être, on ne remarqua plus de brillant, plus de précision dans le jeu du Maître, jeu
que les années ont en quelque sorte spiritualisè.
L' élan était do)i)ié, lundi soir, mardi nuiti)! et mardi soir, tout se succéda comme nous
F avions espéré, et de nouveau les réceptions repriroit au nFilicu des jours. Le lunili soir à
10 heures, les AuFis de la Musique tencFicnt à hoiDicur de réunir F Orchestre To>iki<>istler,
et son vaillant chef José Lasalle, autour (F un chan/pagiie bienveillant, les toats ne man-
quèrent pas, et surtout celui (F u)i musicioi de F Orchestre dédié aux Dames friuiçaises,
dans un français vibrant et de fougueuse allure.
Mardi Faprès-midi à 4 heures, M. à? M""' Fhon/as Kiiorr, F éminent Directeur des
Neuste Nachrichten, avaient ouvert, non pas leurs s<ilons, )nais leur villa toute entière, villa
fameuse où J4\igner vint jadis s'établir à Mioiich, et où se trouve réunie ntainten<int une
LES AMIS DE LA MUSIQUE
IX
Au Château de N]mphenburg
X LES AMIS DE LA MUSIQUE
des plus belles collections de tableaux modernes de V Allemagne entière. C est la au milieu
des Boecklin^ des Lembach^ des Thomas^ des Sganbati^ des Stuck et de tant d'autres toiles
fameuses^ admirablement choisies^ que les hôtes français eurent une surprise délicate.
Dans les salons où circulait le tout Munich des grandes cérémonies^ Richard Strauss nous
attendait^ et nous faisait le plus aimable accueil. Dès que M'"^ Lando'dcska eut répandu par
son clavecin une atmosphère musicale sur tout V auditoire^ V Auteur de Salomé se mit au
piano^ et non seulement nous joua., mais nous chanta de la voix la plus imprévue quelques
scènes de son Rosenkavalier. C'est là une œuvre., comme le dit astucieusement le Maître
lui-même., qui n est pas de V auteur d'Elektra., mais de F émule de Johann Strauss. Avec
peine les français quittèrent cette charmante demeure., après en avoir admiré tous les
coins j et particulièrement les pièces meublées en ce goût nouveau que Munich est en train de
donner en spectacle a F Europe., et qui est bien une des plus prodigieuses créations de notre
vieille civilisation.
Après le concert du soir., grand banquet offert par la Municipalité. En quelques
mots émus., le Prince Louis-Ferdinand., qui avait bien voulu présider ce banquet nous
assura de sa sympathie., et leva son verre en Fhonneur de F art et des Maîtres Français.
Puis., le premier Bourgmestre., le Chevalier von Borscht qui avait tenu à rentrer exprès à
Munich j en un toast plein d'esprit et de bonhomie malicieuse., rappela les liens qui unissent
F art de notre pays a celui de Munich., et il termina par une sorte d'allitération aimable.,
en souhaitant que., " les Amis de la Musique devinssent a leur tour, les Amis de la Vil!'
Munich. " Le Comte Chandon de Briailles releva cet aimable défi., et promit notre retou,
dans une autre occasion., en cette capitale de F Allemagne du Sud. Enfin le D'^ Kilhles^
parla en français au nom du Comité de FExposition : " Ce n'est pas sans hésiter,
dit-il., que l'on avait accueilli le projet de M. Emile Gnii)ia)in. Aujourd' Jiui., no:
sommes tous remplis d' ddnFiration pour la prodiiciion des musiciens français et ..
efi'orts de leurs chefs ; et si l'on a pu dire que Munich est le cœur île F Allemagr.
(comme Berlin en est la tète)., les mai très français peuvent se vanter }n,ii)iten,i'
d'avoir fait., par le charme de leur musique., la conquête du cœur de ce cœur .
F Allemagne. Puisse bientôt le tricolore flotter de nouvctiu <ii{-devant de la Mit.
française aux portes de F Exposition. "
Faut-il le dire r" tatit de musique., et ta)it de cérémonies de tous genres ne nous sujfj-
saient pas., et après ce banquet., vers une heure du mati)i^ plusieurs d'entre nous accow-
LES AMIS DE LA MUSIQUE
XI
^
^
-«.
%
^
xii LES AMIS DE LA MUSIQUE
pagnes de tout un groupe^ firent cortège au Prince Louis-Ferdinand. Et nous allâmes
applaudir des danses espagnoles.^ et des valses chaloupées^ en un lieu bizarre de l'Expo-
sition le Park Casino, oh la musique française fut encore victorieuse.^ puisque Schmitz
fut contraint d'exécuter devant F auditoire stupéfait., la " Soirée dans Grenade., " qui
n avait jamais sans doute paru au Café-Concert. A 4 heures 1/2 du matin., nous v étions
ejicore !
Le merci edi soir^ le Théâtre de la Cour nous offrait une représentation de ^^ Ben-
venuto Cellini^'' médiocrement chantée., mais délicieusement dirigée et mise au point par
Félix Mottl ; et, bien entendu., la soirée ne s' acheva pas sans un banquet. Cette fois., c était
M. Lasalle., et quelques membres de V Orchestre., qui nous régalaient par un menu dont
je ne puis résister de citer ici le détail :
Hors d'œuvre variés
St Peray Mousseux
Consommé double à la moelle
Darne de saumon grillé a la Montpellier
Filzener i qoo
Cœur de Filet de bœuf à la bouquetière
Château Mouton Rothschild 189^^
Vol-au-vent a la Cardinal
Schloss Jolunniisberger 1897
Supré/nes de perdreaux., flanqués de cailles.
Salade Ni)ion et compote de pêches
Moël, U'hilc Star
.1)1 a lias à F Orientale
Petits furs
Piiilletles aux froniiiges
Corbeille de fruits
Mocca
Cognac Prunier 1 S 1 i
LES AMIS DE LA MUSIQUE xiii
he même jour dans r apres-midi^ M., et M""' Allizé avaient eu la délicate pensée de
convier les princes et princesses de Bavière en ce moment a Munich^ à un Thé en
r honneur des français^ et nous nous retrouvâmes^ cette fois ^ en territoire national^ dans la
plus douce et la plus aimable des réunions.
Knfin^ il fallait songer a clore cette semaine de débauches^ le jeudi seul restait encore.,
c est le jour que choisit son A. R. le Prince Henri de Bavière., pour convier quelques-uns
d'entre nous a un déjeuner qui restera fameux dans les annales des Amis de la Musique.
Le Prince.^ vers le milieu du repas., se leva et prononça dans le plus pur français cette
allocution dont les termes délicats auront certainement en France un grand retentissement.
'•''Messieurs. Les grandes manœuvres niayant ernpêché d' assister aux fêtes officielles de
ces jours derniers.^ je nai^ du moins ^ pas voulu renoncer au bien vif plaisir de vous prier
de venir déjeuner chez moi — si f ose ni exprimer ainsi — .a la bonne franquette...
Je vous remercie bien sincèrement de vous être rendus a mon invitation^ et je regrette
seulement que., rappelés à Paris par des raisons fort urgentes., les Maîtres Saint-Saëns et
Fauré., n aient pu être des nôtres.
Je voudrais vous répéter encore une fois que je me sens vraiment fier de voir figurer
mon nom en tête du cojnité d'honneur de cette brillante fnaiiife station., et je vous prie de me
permettre de vous rappeler la gracieuse pensée de notre aimable bourgmestre., M. von
Borscht., qui vous a demandé d' être non seulement les Amis de la musique., mais aussi
ceux de Munich.
La première visite a Munich de votre éminente Société y a laissé un souvenir
ineffaçable., et c est en vertu de ce souvenir que je vous prie de ne pas nous dire adieu.,
mais au revoir.
Je tiens encore a remercier mes chers concitoyens de ce que., de nouveau., ils se sont
montrés fidèles aux antiques traditions hospitalières de notre belle capitale., et je les prie de
boire avec moi à F éternelle gloire de la musique française., et a la santé de ses créateurs.,
de ses interprètes., et de tous ses amis.'''
Et le soir., après tant de 7nusique française., après tant d' échanges de sympathies., de
vues., de projets^ après l'effervescence de la nuit et du jour., nous eûmes la grande joie
XIV
LES AMIS DE LA MUSIQUE
d\issister pendant une heure et demie a F horreur tragique de ce drame sans précèdent qui
s appelle '■^ Elektra'\ Il }f est pas possible de traduire F émotion presque physiologique de
cette tragédie réalisée par M""^ Fassbender et Mildenburg et dirigée ou plutôt inteiprétée^
reconstituée par le Kapelbneister Félix Mottl.
Driunit If Kiiii>tlritliOit,>-
Le vendredi^ grande dislocation^ cl pouria>it^ quelques retardataires bioi inspirés
curcia la bonne fortune d' assister au g)\i)id iléfilé historique de la fête (F octobre^ où
S. /l. R. le Régent^ ci tous 1rs Fri>iccs de la Maison de Bavière demanderenl à serrer la
fnain de notre Présidoil^ le Comte Chando)! de Bri,iilles^ et à lui dire de bi façon la plus
obligeante^ toute leur sympathie pour les /Imis de la niusique.
LES AMIS DE LA MUSIQUE
XV
nos
Je ne sais si cette rapide narration où il nest si peu question de musique donnera a
membres une 'vision bien claire de cette Semaine désormais fameuse. Les quelques
jours que nous avons passés comme dans un rêve^ au milieu d'émotions les plus diverses
et d'incessantes surprises., laisseront dans nos âmes le souvenir d'un grand événement.
On chicanera très évidemment sur le dispositif des programmes^ sur V opportunité de ceci
et de cela., et les conseils ne manqueront pas, de la part de ceux qui considèrent les choses
quelque sorte par l'extérieur. Mais pour nous., qui avons vécu ces Fêtes, et qui savons
qu'elles représentent dans l'équilibre de l'art européen, nous verrons plus haut et plus
loin que toutes les critiques. La visite que nous faisions en Allemagne aurait pu être une
visite de politesse, elle s'est prolongée dans l' enthousiasme véritable et sincère, c'est un
résultat dont les Amis de la Musique ont le droit d'être fiers.
Cl! q
ce
MEMOIRES INEDITS DE STEPHEN HELLER
Heller n'était pas seulement un musicien de grand talent mais encore un écrivain plein
d'humour et de finesse. Ses articles de la Gazette Musicale en font foi et les pages suivantes
dont le style a été très peu retouché, montreront que Stephen était bien le contemporain de
Sterne. Les Mémoires d'Heller ont déjà vu le jour sous une forme très mutilée et très différente
de celle-ci dans la Gazette de Schlesinger de 1841. L'heureux possesseur de ce manuscrit, va
bientôt publier ces précieux documents ainsi qu'une volumineuse correspondance de Stephen.
Il nous a autorisé à donner à nos lecteurs la primeur de cet ouvrage.
Ces mémoires manuscrits portent le titre de Mémoires pour servir aux futurs biographes
de Stephen. L'auteur pour se présenter lui-même au public a imaginé une fiction légère, et fait
tenir la plume par un ami d'enfance. Puis le style devient direct et Stephen lui-même prend la
parole. Né à Budapest en 181 5, Heller eut le sort de tous les jeunes prodiges. Son père le
traîna de tournées en tournées en Hongrie, en Pologne et en Allemagne. Heller parvint enfin à
s'émanciper, et l'improvisateur de concert devint compositeur. Arrivé à Paris en 1838, il y
mourut en 1888. Le génie de Stephen porta toujours la marque de cette stupéfiante éducation
de virtuose martyr.
532
S. I. M.
SOUVENIRS D ENFANCE.
Je suis ami d'enfance de Stephen. Nous étions assis sur le même
banc à l'école de notre ville natale. C'était un garçon doué d'une facilité
remarquable à saisir tout ce qu'on lui enseignait. Cette facilité n'était
appuyée, du reste d'aucun travail ; il était paresseux à l'excès et vovant
que tout allait assez bien sans travail, il s'en dispensait entièrement. Une
heure avant d'aller à l'école, il se hâtait de faire son pensum, de traduire
les trois pages marquées par le professeur, — quelques passages de Cicéron,
de Sénèque, ou des Mémoires de Plutarque, — et sa besogne était faite.
Il passait le reste du temps à lire avec avidité des contes de revenants, de
chevaliers du moyen âge et des prouesses de brigands fameux, qu'il
empruntait au cabinet de lecture, en y laissant les deux sous que son
père lui donnait pour les menus plaisirs du jour.
Il avait choisi le grenier pour s'y établir sur des tas de foin et s'adon-
ner à la lecture, sa plus grande passion. Quand son père, qui était très
sévère, montait voir son fils, qu'il savait étudier dans les hautes régions,
il le trouvait, lisant dans la Grammaire latine de Broeder ou dans les
lettres de Cicéron, que le scélérat avait eu la précaution de prendre avec
lui. Quant aux autres livres, ils étaient précipitamment dissimulés dans
le foin.
Stephen devait étudier le droit et les Lois qui gouvernaient alors sa
ville natale. Le bourgmestre de la ville étant son parent, il pouvait espérer,
— Dieu et le Bourgmestre aidant, — devenir un jour officier d'état civil
ou greffier de l'endroit.
L'école où nous avions commencé nos études était un Couvent, et tous
les professeurs, des moines de l'ordre des Piairistes, — espèces de Jésuites
très savants. — Ils avaient soin surtout de notre éducation religieuse et
ous souffrions souvent de leur rigorisme catholique.
Entre autres devoirs pénibles, nous étions tenus à nous confesser,
tous les quinze jours ; et pour ne pas risquer de communier avec un crime
non digéré, nous avions ordre d'inscrire soigneusement nos péchés sur de
petits chiffons de papier. Quatre ou cinq jours avant cette fatale opération,
nous nous examinions scrupuleusement, toujours par ordre, et nous nous
mettions en quatre pour trouver quelque chose de convenable à confesser.
Je me rappelle qu'un jour, Stephen se plaignit à moi et à plusieurs autres
STEPHEN HELLER 533
camarades de ce qu'il ne trouvait plus rien de nouveau à confesser,
— c'était là un point d'honneur — , il avait épuisé imaginairement tous les
péchés ; et le délai de quinze jours, qui séparait une confession de l'autre
était vraiment insuffisant pour qu'il put en trouver de nouveaux, soit
comme quantité, soit comme qualité. Il nous priait donc de lui prêter
quelques péchés à nous, pour compléter sa liste défectueuse, et était
prêt à restituer fidèlement l'emprunt sauveur. Souvent ainsi, nous échan-
geâmes nos papiers pécheurs, avant de nous agenouillier derrière le
vasistas grillé du Confessionnal, où était assis le moine, semblable à un
gros radis noir. On payait l'inventaire, la liste des notables péchés, avec
quelques bâtons de sucre d'orge.
Il faut vous dire. Madame, que nous remarquions avec cette sagacité
pénétrante, particulière aux écoliers, que nos révérends P.P. préféraient
ceux d'entre nous qui confessaient les plus grosses fautes ; par exemple :
distractions à l'église, tapage à l'école avant l'arrivée du Père Professeur,
pensées irrévérencieuses envers un serviteur de Dieu, etc Les
causes de cette préférence étaient d'abord qu'ils avaient un plus grand
nombre de pénitences à nous infliger, (par exemple, 30 Pater Noster et
24 Ave Maria par écrit à donner au Père Confesseur,) et puis qu'ils
étaient touchés de la sincérité de nos repentirs. En vrais moines, ils
étaient persuadés que l'on péchait abondamment dans cette vallée de
larmes; et voyaient dans un récit trop court, l'obstination criminelle d'un
cœur endurci, qui tait ses crimes et ses méfaits.
Ce fut pourtant dans ce couvent qu'on s'aperçut de la vocation
] musicale de Stephen. Un de nos professeurs, à la fois maître de Chapelle
i et organiste, le chargeait souvent d'exécuter ce roulement solennel de
1 timbales qui annonce le Sanctus. (Stephen, qui croit en Dieu avec ferveur,
1 n'a jamais douté d'aucun miracle; il sait Dieu partout; mais il aime mieux
1 le voir dans le soleil et dans toute autre magnificence de ses créations.)
Le Père Eisner, — c'était son nom, — lui enseignait aussi à manier les
soufflets de l'orgue ; Stephen devint bientôt des plus habiles. Encouragé
j par ces succès, le Père Eisner, excellent homme s'il en fut, lui apprit
. quelques préludes sur l'orgue. Sans connaître ses notes, Stephen s'en tirait
avec cette adresse qui lui a toujours été particulière.
Persuadé que Stephen avait des dispositions musicales, le bon Père
: Eisner alla voir le père de mon ami, et le pria de lui faire donner des
} leçons de musique. Celui-ci s'effraya beaucoup de la découverte d'un talent
534 S. I. M.
dans sa famille, qui jusqu'alors avait toujours vécu honorablement; à cette
terrible nouvelle, il demanda au Père Eisner s'il était bien sûr de ce qu'il
avançait et ce qu'il faudrait faire si ses prévisions se confirmaient. Dame !
répondit le bon professeur, en voyant M. Stephen père pâlir, les indices
du talent sont là, donnez lui tout de suite un professeur de musique et peut-
être cela passera.
Quelquesjours après, je passais comme d'habitude la soirée avec Stephen,
lorsque nous vîmes entrer son père, accompagné d'une demi-douzaine de
soldats, armés jusqu'aux dents de trompettes, bassons et ophicléides. Notre
frayeur se dissipa lorsque nous reconnûmes les musiciens du 5" Régiment
d'artillerie garnisonné à P Trois fois par semaine, cette musique exé-
cutait des Ouvertures et des Marches entières sur la Place aux Lapins,
devant la maison de M. le Général de Kinsky. M. Stephen père fut très
délicat pour ces musiciens. Il leur fit servir d'excellent pain noir et une
bouteille d'eau de vie. Puis il fit défiler ces artistes si bien armés devant
son fils et lui dit : " Voilà, mon cher enfant, des musiciens pleins de talent,
comme tu le sais, puisque tu les as entendu jouer sur la place aux Lapins.
Désigne celui d'entre eux qui te plaît le mieux. "
Stephen, assez stupéfait, finit par désigner furtivement un homme
d'une assez bonne figure, mais horriblement ravagé par la petite vérole ;
il voulait, m'a-t-il avoué plus tard, l'en consoler, par son choix. Après le
départ des musiciens, le père fit sentir à son fils avec quelle répugnance il
sacrifiait, pour son bonheur, un argent et un temps destinés à lui donner
un emploi honorable dans la magistrature. Le pauvre enfant se mit à
pleurer à chaudes larmes : il devait s'entendre reprocher ce sacrifice
jusqu'à sa dix-huitième année.
Le nouveau professeur de piano, qui était un virtuose du basson,
mais ne savait toucher la moindre chose sur un clavier, commença par
envoyer son élève trois fois par semaine à huit heures du soir, sur la place
aux Lapins, chargé de plusieurs cahiers de musique et d'un pupitre très
portatif, mais incommode. A huit heures et demie, arrivait le corps de
musique et avec lui son maître Wiliczanowsky ; (il était d'un village de
Bohème et parlait un horrible mélange d'allemand, bohémien, hongrois et
valaque). On exécutait alors de la musique magnifique de Rossini et de
Carafa, à l'usage des piétons, généraux, gamins et caporaux. Plusieurs
soldats du corps martial des grenadiers hongrois formaient une haie clair-
semée, afin d'empccher la foule d'entrer dans le cercle magique des musi-
STEPHEN HELLER 535
ciens. Stephen était du petit nombre des élus ; il jouissait de la fortune
très enviée de rester en dedans du cercle, de tenir un pupitre et de tourner
les feuilles devant un des musiciens.
Un soir, il eût le malheur de tourner trop tard la feuille qu'il tenait
en face de son maître le basson ; et celui-ci, se voyant enlevé un magni-
fique contre-ut, qui se trouvait sur le verso, fut tellement blessé dans cette
sensibilité naturelle à tout musicien, qu'il n'hésita pas un instant à
appliquer un soufflet vigoureux à son malheureux élève.
Le Père de Stephen, et celui-ci lui-même, en furent contrariés à tel
; point, qu'ils crurent convenable d'aller à la recherche d'un maître moins
I chatouilleux.
M. Stephen père s'adressa donc au 3® Régiment de hussards, pour y
trouver un remplaçant au basson par trop incivil. Cette fois-ci ce fut
d'un serpent à pistons, (instrument fort agréable quand on s'y habitue,)
qu'il gratifia son fils unique.
Mais hélas, ce serpent s'adonnait à la boisson et à la musique avec
une persévérance égale ; et l'exercice continu de ces deux passions finit
: par lui attirer un coup de sang qui le tua subitement : il mourut comme
il avait vécu : d'un seul trait.
Après la mort du serpent, M. Stephen père, éclairé par les conseils
d'un ami de la famille, homme de beaucoup d'expérience, résolut de donner
à son fils un maître de piano qui jouât de cet instrument, aujourd'hui
presque universellement connu.
Bientôt, son professeur ne lui suffisant plus, comme cela arrive toujours,
[ on songea à lui donner un maître de premier ordre, capable de suivre ses
[ pas de géant dans la carrière musicale.
Le père, voyant que M. Semler, — c'était le nom du pianiste évincé —
; était très content de Stephen, en concluait avec justesse que c'était un
' mauvais professeur qui n'y entendait rien. Il vit, avec désolation, les autres
maîtres également satisfaits. Il en eût souhaité un qui eût trouvé tout
détestable ; alors il aurait eu confiance.
M. Heller Père.
Mon père avait la manie de dresser des règlements pour les moindres
choses. J'avais un horaire de mes délassements, de mes études et de mes
promenades. Mes professeurs à Vienne avaient un livret, soigneusement
536 S. I. M.
relié, où ils devaient remplir, après chaque leçon, une de ces quatre
rubriques : Très bien, bien, médiocre, mauvais.
Comme les médiocres et les mauvais étaient en majorité, il en
résultait pour moi une notable minorité de dîners et de soupers.
En 1825 mon père travailla à son insu à diminuer mon attachement
pour la religion. Sous prétexte de Carême, il me fit jeûner pendant
46 jours. Je fus nourri de salsifis, d'épinards, vermicelles, carpes, et
autres mets insupportablement catholiques. Quand Pâques arriva, mon
père me dit : " Stephen, mon enfant, j'ai été sévère, mais tu étudiais le
piano à peine huit heures par jour : tu riais insolemment ton maître au
nez, quand il marchait dans sa chambre M. M. J =120 pour t'empêcher de
jouer le presto de Clémenti en mesure, n'ayant pas de Métronome chez
lui. C'était manquer au respect dû à tout maître à tout homme plus âgé
que toi. J'ai cru devoir, pour ton bonheur, t'inliiger une pénitence, trop
sévère, il est vrai, car tu es un faible enfiuit qui a besoin de se soigner....
Mon cœur saignait en te voyant manger rien que des légumes et des
poissons. Néanmoins, je reconnais tout ce qu'il y a de noble dans ton
caractère et je me propose de te mener aujourd'hui à l'hôtel de Russie,
pour y manger du veau rôti. Reconnais-tu mon amour pour toi .? "
" J'aimerais mieux du poulet ! " répondis-je en pleurnichant.
" Va, créature corrompue, " tempêta mon père " tu ne mérites pas
mes soins ; tu ne comprends pas mes vues sur ton bonheur ; tu auras du
bouilli pour ton dîner et tu mangeras seul !
Or, c'était une fête pour moi de dîner seul. Je n'avais pas à supporter
les sermons de mon père sur la manière de me servir du -couteau, de la
cuiller et de la fourchette. J'avais l'exécrable habitude de mettre la cuiller
en long dans ma bouche. Lui, persistait dans sa volonté de m'obliger à
la mettre en large .? Puis je mangeais trop vite le potage et trop lentement
la viande. Si, pour comble de malheur, je laissais tomber quelques gouttes
sur mon gilet, qui était toujours neuf, c'était une source d'amers reproches.
Dînant tout seul, non seulement, j'évitais tout cela, mais je pouvais
même me balancer sur ma chaise et essayer de casser les deux petits
morceaux de bois en croix, qui en formaient le dossier. Cependant,
craignant les suites de l'aventure, je me contentais de quelques légers
craquements, et ma passion de briser était satisfaite.
Puis je pouvais, tout en dînant, m'occuper de littérature; et lire, par
exemple : Vie, aventures et hauts faits de Rina/Jo Kinaldini, chct d'une
STEPHEN HELLER 537
bande de brigands qui désolait les Abruzzes, ouvrage essentiellement
historique. Ce vertueux bandit, qui passait son temps à sauver la vie à
beaucoup de personnes innocentes, à doter richement de jeunes paysannes
pauvres mais honnêtes ; à ne tuer que des notaires infidèles, des tuteurs
perfides et surtout des juges iniques, m'inspirait une vive sympathie.
J'éprouvais une douleur vraie à l'idée qu'un tel homme fut récom-
pensé par un grand cordon, qui trop étroit pour son corps, et lui
fut passé autour du cou. Rinaldo Rinaldini ne put, bien entendu, survivre
à cette désillusion et préféra une mort subite à cette vie pleine de décep-
tions et de chagrins ■
PÉRIGRINATIONS.
Après avoir étudié plusieurs années à Vienne, et profité des conseils
de plusieurs grands artistes, dans cette capitale de la musique, Stephen,
toujours accompagné de son père, partit pour un grand voyage artistique.
Ils parcoururent ainsi pendant 5 ans la Hongrie, la Pologne et l'Allemagne.
Enfin, c'est à Paris que je les retrouvai. Il me conta alors sa vie aventu-
reuse pendant ces cinq mortelles années et ce supplice de donner dans
chaque ville ou dans chaque hameau un Concert ou une Soirée musicale.
" Oui, s'écriait-il, c'était une vie de nomades, sans repos, sans espoir,
.sans but. Mon père, l'homme du caractère le plus probe et le plus honnête,
avait les bizarreries les plus étranges. Il croyait me faire le plus grand
bien, en m'obligeant à agir en homme mûr et formé, au lieu de me laisser
:enfant, ce que j'étais.
I '- Ainsi, à peine arrivé dans une ville, tout éreinté des fatigues du
voyage, qui était toujours arrangé de la façon la plus économique et la
moins commode, mon père m'ordonnait de retirer mes hardes de la malle,
de donner un coup de brosse à mon habit et pantalon noirs, de mettre un
:chapeau qui avait l'air d'une supplique, et des bottes, qui par le moyen
d'une étoffe de laine et d'une rosace mensongère qui couvrait le coup de
pied, ressemblaient à s'y méprendre à une paire de souliers humblement
polis. Puis, je recevais de mon père un gros paquet de lettres de recom-
mandation que je devais porter à leurs adresses.
538 S, I. M.
Pendant cette course, qui me coûtait beaucoup de larmes, parceque
j'étais timide, non seulement comme je le suis encore aujourd'hui, mais
aussi de la timidité bien naturelle à un enfant, mon père inspectait les
salles de spectacle, esquissait l'ordre des réjouissances publiques,
(je veux dire les programmes du concert), et mettait en ordre les parties
d'orchestre des morceaux que je devais jouer dans la ville. Puis il souli-
gnait à l'encre rouge les articles de journaux qui parlaient de mes concerts
dans la ville voisine et que je devais montrer. A ce sujet, j'avais toujours
des reproches à subir, ne voulant pas de cette manœuvre que je regardais
comme déshonorante pour un artiste.
Pendant ces affaires importantes, je faisais les courses, semblable à un
commissionnaire ou à un être antédiluvien, moitié artiste, moitié facteur.
Tout le monde était étonné de voir entrer ce petit garçon à l'air
solennel ; par le dégoût qui se peignait sur ma figure, tout le monde
pouvait voir que je récitais pour la centième fois la leçon qui m'avait été
faite : Monsieur, je prends la liberté de vous présenter une lettre que
M. un Tel de m'a donnée. Je suis pianiste et j'ai l'intention
de me faire entendre dans votre charmante ville (Ici, on changeait
selon la nécessité capitale, hameau, chef-lieu) dont le goût pour
les arts est connu partout ailleurs. Croyez vous. Monsieur ?
J'allai voir, par exemple, M. le Comte de Mieg, président de la
Cour de Cassation. Je fus reçus à ma 5'' visite et on me pria de laisser
mon adresse. Quelques jours après, je trouvais une invitation de sa part,
conçue dans ces termes très gracieux et très allemands : " A M. Stéphen,
artiste musicien. "
"J'ai après demain du monde à dîner chez moi. Si vous voulez
passer le soir à huit heures chez moi, vous aurez occasion de faire des
connaissances qui pourront vous être utiles. Donc, si vous n'avez rien de
mieux à faire venez ; ie suis vôtre,
Comte de Mieg."
" Post Scriptum : n'oubliez pas de prendre de la musique avec vous.
Mon piano étant très discord, je vous prie de prévenir mon accordeur
Mocher, qui demeurait autrefois rue Gerber, mais qui vient de déménager.
Demandez son adresse, S. V. P. "
J'arrive deux jours après chez le Comte de Mieg. Il y a foule ;
partout des figures enluminées par un dîner copieux. Son Excellence
M. le Comte est bien loin d'inviter un humble artiste à dîner ; non, il
STEPHEN HELLER 539
est assez bon pour le servir à ses hôtes comme un plat, comme un mets
de plus : entendre improviser un jeune homme imberbe, n'est ce pas offrir
à ses invités une nouvelle espèce de primeurs, des petits pois au mois de
Janvier !
C'était un dîner et une soirée d'hommes. Ainsi, je n'avais rien à
espérer, car les femmes seules auraient pu me donner du courage. On ne
voyait qu'habits noirs et pantalons majestueusement larges ; que perru-
ques soigneusement blondes et nez abondamment nourris de tabac dont
quelques grains folâtraient dans les jabots ou bien se montraient distillés
dans cette rosée à laquelle le nez semblait servir de gouttière ; ce qui
achevait de leur donner un air grandiose et propre à faire glacer mes
doigts de terreur.
Cependant, j'eus du succès et on daigna me demander si je jouais de
quelqu'autre instrument encore, et à quel âge j'avais commencé à apprendre
la musique. " Ah, s'écria un Conseiller d'Etat, quel bonheur que d'avoir
du talent pour les arts. De qui était donc le morceau que vous venez
d'improviser .? " " Oui, il y a quelque chose de mystérieux dans
le talent et dans la manière dont il se fait jour, " remarqua le Consul des
Villes Hanséatiques. " Voyez, par exemple, la complexion singulière d'un
Mathieu Frok — (ici, je pâlis) — vous savez, le célèbre coureur. Figurez
vous qu'il a fait le chemin de Gottingue à Cassel en deux heures 25 mi-
nutes et que M. le Substitut du Référendaire du Commissariat des
Contributions Communales ne le put suivre à cheval qu'avec peine.
Certainement, c'est un talent d'ordre subalterne, mais enfin, tout le monde
ne peut pas "
Je prenais mon chapeau lorsque M. le comte de Mieg me dit à part :
*' Je vous remercie, M. Stephen et je vous prie de m'envoyer un billet
pour votre Concert, s'il a lieu. Je suis désolé que ma femme soit souffrante
et que mes filles ne sortent jamais. Adieu donc et si je puis vous être
utile, disposez de moi " Et il me fit l'honneur d'arracher un bouton de
mon habit.
Avant de passer la soirée chez cette Excellence, je m'étais présenté
chez M. Ernemann, le Liszt et le Beethoven de l'endroit. Je m'attendais
à trouver un artiste jaloux et inquiet de voir un collègue exploiter une
population à laquelle il donnait des leçons depuis 25 ans ; je ne me
trompais pas.
" Ah, Monsieur, dit-il d'un air renfrogné, j'ai déjà entendu parler de
540 S. I. M,
vous : M. TefFeln, n'est ce pas ? " Stephen " fis-je doucement. " Ah oui,
oui, je sais. Eh bien, mon cher M. Stréphen, voyez-vous, la saison actuelle
est extrêmement défavorable ; le Carnaval absorbe tout le monde ; on veut
des bals, on s'occupe des travestissements.... (Variante : il fait beau temps,
qui donc voudra s'enfermer dans une salle de Concert au moins de Juin.)
Et puis notre ville n'est pas grande ; (Variante : et puis, dans une grande
ville il y a tant de distractions !) par conséquent, il y a peu à espérer d'un
Concert. "
L'excellent collègue, pour se débarrasser de moi, ajoute : " Mais je
vous donnerai un conseil ; à D.... vous trouverez plus d'amateurs qu'ici
la population de D... est en général plus aisée que la nôtre ; (à D... on
renvoie à B.... sous prétexte qu'il y a des particuliers plus riches.) Aussi,
je m'empresserai, continue le charitable collègue de vous donner une
recommandation pour un homme tout puissant à D.... qui est mon ami
et organiste à l'Eglise S*' Elisabeth. "
Triste, abattu, découragé, je raconte à mon père le succès de ma
visite. Il me répond : " tu as été comme à l'ordinaire, gauche, timide
hautain et monosyllabique. Tu es bête quand il s'agit de montrer de
l'esprit, et tu en montres avec moi, qui n'en veux pas ! Tu pleurniches
quand je te dis la vérité, tu trembles quand il faut de la fermeté, et tu
bégaies quand il s'agit de parler clairement ! Est ce que Mozart, est ce que
Hummel et tant d'autres se montraient aussi lâches, aussi faibles que toi,
quand ils voyageaient, avec leur père également, pour donner des Concerts.? "
La voix de mon père s'attendrissait peu à peu pendant cette allocu-
tion, de sorte que, malgré le comique de la scène, qui ne m'échappait pas,
je me sentais me trouver mal, tant j'aimais mon père, et tant est irrésistible
la voix de celui qui nous donna le jour. Une tendresse délirante s'emparait
de mon cœur, quand je croyais voir souffrir mon père, l'être le plus sacré
pour moi après Dieu !
(cl suivre.)
|î™»P^P|:
i"îWffP
IWMl'^
L'EXOTISME ET LA MUSIQUE
DE L'AVENIR
Depuis le succès de M'"' Butterjîy, qui utilise des motifs et des
mélodies japonaises, et depuis le triomphe de 'Œ^eliéas et Méiisande, dont
la mélodie et l'harmonie ont pour base l'échelle diatonique chinoise, on
peut prétendre que la musique européenne, en France du moins, se meut
dans l'atmosphère exotique. Il y a déjà quelques années, Saint-Saëns avait
annoncé l'apogée de cette tendance, dans un passage fameux de son
Harmonie et Mélodie.
La propagande que j'ai entreprise en Allemagne en faveur de cette
musique, tant par mes études que par mes arrangements et compositions,
m'autorise à prendre position sur cette question.
Depuis que la polyphonie a amené la musique européenne à recon-
naître le principe de la Tonalité ; depuis que l'harmonie, résultat fortuit
de la conduite des voix, est devenue un des facteurs essentiels de la
musique, la mélodie a subi une notable dépréciation. Depuis la concen-
tration du sentiment tonal en deux modes, le Majeur et le Mineur, la
musique a fait bon marché des diverses modalités ecclésiastiques : c'est là
un recul regrettable si l'on se place au point de vue moderne. Il faut bien
avouer que nous n'avons qu'une tonalité en Europe, la tonalité
Majeure, car le genre Mineur ne peut guère être considéré comme indé-
pendant, étant donné les importants emprunts qu'il fait au majeur.
542 S. L M.
Un temps devait venir où une innovation allait s'imposer, pour échap-
per à l'imitation obsédante de l'art classique ; et, ce renouveau ne pouvant
venir de la Tonalité, il fallut bien chercher ailleurs : i°, dans la modulation,
aboutissant à la négation presque absolue de la Tonalité ; 2*^, dans la
polyphonie, poussée jusqu'au désordre le plus inextricable ; 3°, dans la
recherche du coloris musical de plus en plus raffiné.
Ce sont là des moyens pleinement justifiés, mais qui ne satisfont
pas complètement la loi d'évolution de la musique occidentale. Il est évident
qu'à l'heure actuelle, nous ne pouvons plus rien produire de nouveau dans
les limites de nos gammes diatoniques majeures et mineures : mais ne
pourrions-nous pas faire place à d'autres échelles, diatoniques aussi .? Ne
pourrait-on pas obtenir de nouvelles ressources par l'élargissement du
PRINCIPE TONAL EUROPÉEN ? C'cst là le point de départ de la nouvelle ten-
dance exotique que nous signalons ici.
C'est avec raison que Saint-Saëns reconnaît dans les tonalités, (plus
justement les gammes,) le moyen de revivifier la mélodie moderne, en la
délivrant des tyrannies accessoires... Mais peut-on envisager les gammes
exotiques, dont certaines sont identiques aux modes ecclésiastiques,
comme des tonalités indépendantes, ayant leurs cadences caractéristiques.?
Je crois pouvoir l'affirmer, en m'appuyant sur les déductions suivantes.
Il faut d'abord convenir que nos ancêtres avaient absolument raison
de se sentir instinctivement attirés vers la tonalité majeure ; il est
indéniable que le majeur est la seule tonalité naturelle, la seule qui se base
sur les harmoniques les plus puissants. Prenons, par exemple, la tonalité
d'Ut Majeur : je la représente par la succession harmonique suivante,
succession retournant à son point de départ.
Fa la Ut mi Sol si ré fa
A ^^'t^ Î5 '
Notre Mineur, par contre, n'est pas une tonalité simple : c'est un
genre hybride, qui fait des emprunts à deux tonalités majeures : ainsi, La
Mineur dérive de La Majeur et d'Ut Majeur, à la fois. L'accord lui
même de La Mineur, (La, Do, Mi) doit être considéré aujourd'hui
comme un mélange des accords de La Majeur et d'Ut Majeur. *
On pourrait concevoir une échelle Mineure construite par les
' Tandis que jusqu'à Bach, au contraire, l'accord parfait mineur était vraisemblablement perçu comme
un accord parfait altéré La Majeur.
L'EXOTISME ET LA MUSIQUE
543
mêmes procédés que l'échelle Majeure, ce qui donnerait pour La Mineur
le type suivant :
Ji $ ^ ^^ ■ 1 . ,
Ré fa la ut mi sol ^ si ré
Mais on se trouverait alors en contradiction avec le sentiment
moderne, qui veut que la tierce soit un élément essentiel du mode
Mineur. Acceptons donc l'hypothèse d'un Mineur hybride : La Majeur,
Ut Majeur.
Nous serons aussitôt portés à nous demander de quelle façon former
ici la cadence la plus naturelle ? Evidemment au moyen de la tonalité
majeure originale, (La Majeur), c'est à dire celle dont le mineur dérive
directement. Elle nous fournit la dominante Mi, avec ou sans septième
et le mouvement D. T.
Mais ne pourrait-on pas former la cadence de la Mineur en se
servant de l'accord de Sol, Dominante de la Tonalité relative d'Ut .?
On le peut, comme le prouve l'exemple suivant :
— ^r —
'■ y ^
ii
22
Etant donné la résonnance simultanée de la quinte supérieure, (la
note entre parenthèse) le ré de la basse devient fondamentale de la sous
dominante de La Mineur ; et comme le mouvement cadençant Ré La,
relève de la Tonalité de La Majeur, il est évident que les deux tons
originaux, (La et Ut Majeur), participent à cette forme de cadence. Sa
sonorité agréable prouve pratiquement la justesse de notre nouvelle
conception du mineur. Par là se légitime aussi le mouvement diatonique
Sol La, en La Mineur. On obtient donc la gamme éolienne suivante :
la si do ré mi fa sol la
en tant que gamme indépendante à cadence propre, gamme que j'appelle
le " petit mineur. "
Grieg, dans ses mélodies " Herbststimmung " et " Sieh dich vor " a
544 S- I- ^•
employé cette cadence Mineure sans toutefois s'être rendu compte de sa
justification logique.
Mais d'autres gammes Mineures peuvent se prêter à l'établissement
de Tonalités indépendantes. Il est possible de concevoir l'accord parfait
mineur de La, non seulement comme étant La Do Mi (Sol), mais en
d'autres circonstances, comme étant :
l! # ^
La Ut Mi, (Fa) La Ut Mi, (Sol) ou encore (Ré Fa) La Ut Mi.
Par conséquent La Mineur peut passer pour un La Majeur altéré,
dont voici l'échelle :
La Si Do Ré Mi Fa jr Sol < La, (Mineur Fondamental ;)
ou pour un La Majeur + Fa Majeur, dont la gamme serait :
La Si ^ Ut Ré Mi Fa Sol La, (Grand Mineur)
ou finalement comme La Majeur + Sol Majeur,^ dont voici l'échelle tonale:
La Si Do Ré Mi Fa ? Sol La, (Mineur de Neuvième).
Ici également, c'est l'accord de Dominante de la Tonalité originale qui
fournit les cadences les plus naturelles ; par exemple, pour le mineur de
neuvième, on procède à l'aide de l'accord parfait ou de l'accord de Sep-
tième Majeur sur Ré, formation de Dominante de la Tonalité de Sol
Majeur. ^
Il serait indispensable de fixer des termes exacts pour les nouveaux
types Mineurs : ils ont l'aspect des gammes médiévales, ils n'en ont plus
le sens.
A ces formations viennent se joindre les différentes gammes des
Tsiganes avec leurs secondes augmentées. En fait de Gammes à Sept
degrés nous aurons donc à l'avenir à notre disposition 26 tonalités sur la
même base, (Tonique), y compris nos modes Majeur et Mineur ; étant
donné que chacun des douze degrés de notre gamme tempérée est sus-
ceptible de devenir la fondamentale de 26 gammes nouvelles, nous
obtiendrons 26 x 12 = 312 Tonalités, qui récèlent une multitude de
moyens d'expression nouveaux.
Comme preuves de leur utilisation mélodique, je citerai le ton entier
Sol La au lieu du demi ton Soit La, (en La petit Majeur et La Mineur),
le ton entier Si La, au lieu du demi Ton Si ^ la en Ré Mineur,
' Étant donné que l'accord de Neuvième, Rc Fa i La Ut Mi est un aspect de la Dominante de Sol
Majeur.
L'EXOTISME ET LA MUSIQUE 545
le demi ton Si Ut au lieu du Ton Si ^ Ut en Fa majeur et Fa mineur;
puis aussi les intervalles spécifiques que l'on rencontre dans les gammes
tsiganes : Ut Ré, jt Ré f Fa, Sol t Ut, et leurs renversements.
Ces intervalles se rencontrent parfois dans la musique européenne,
mais accidentellement, sans que les fondements de nos Tonalités et le
caractère de leurs cadences en soient altérées. Ajoutons que ces mouve-
ments mélodiques sont utilisés le plus souvent dans un but pittoresque.
Le nouveau style exotique, au contraire, n'y cherche que des moyens
d'expression.
En tous cas, il ne s'agit plus seulement d'un procédé d'harmonisation
mais d'un problème bien autrement important : la fusion de l'Orient et
de l'Occident. Et d'ailleurs, cet art nouveau ne se bornera pas à révolu-
tionner les gammes diatoniques : le chromatisme et la modulation ne lui
manqueront pas. Dès maintenant, nous pouvons prévoir dans le genre exo-
tique de notre musique occidentale des modulations infiniment variées. ^
Mais le style exotique ne nous fournit pas seulement les gammes à
sept degrés ; il nous en offre également à cinq et à six degrés : la gamme
chinoise diatonique : Do Ré Mi Fa)}, Sol# ou Lab, Sib Ut, ainsi que la
gamme pentatonique de forme chino-celtique : Do Ré Mi Sol La Do,
sans demi-tons et de forme japonaise : Ut Ré Mib Sol Lab Do.
Comme pour les gammes à sept degrés, chaque ton, ici, peut aussi
devenir la Tonique d'une nouvelle gamme. Ajoutons toutefois que dans
les gammes pentatoniques, l'harmonie ne peut se passer des degrés absents.
Selon nous, le système pentatonique ne peut être considéré que comme
formation mélodique particulière, dans les limites du système des gammes
à sept degrés.
L'arrangement des mélodies exotiques conçues en dehors de nos
imodalités Majeure et Mineure constitue une excellente préparation à
l'application du nouveau style. Mentionnons ici les quatre façons de
procéder dans ce travail.
i*' Reproduction phonographiquement exacte des mélodies et de leur
harmonie éventuelle. 2° L'autre extrême : Europaïsation totale de la
mélodie et de l'harmonie. 3° Harmonisation Occidentale de la mélodie
exotique scrupuleusement respectée. 4° Harmonisation Exotico-Occiden-
tale de la Mélodie non modifiée. Pratiquement, le premier procédé est
^ Ainsi le type petit mineur de La peut moduler au grand mineur, c'est à dire que La Si Ut Ré Mi Fa
Sol La devient Mi Fa Sol La Si Do Ré Mi.
546
S. I. M.
SHOTAI
s
*=^FÎ7
ri *\
:3=ps
K^t j . : 1 ^a
-* — •-
^^=^
^ — 4-
■w*
^g
s
I
^
%
i
i
■?!
2==I
^
tz.
J^-
i
;! 7 Po/'cv/c
^
^
3tzi
:;e=
"a — >n~"«^
^
i
H-
S
M=l^
l»l U
L©;-
H^
^m
3c:±:
r^ ir\ ^-^
I i i u
J r »
^^^
* 3t î*
^
iÈ
r^
m
n
^
y n n
Ca^p ^JUls. yi^ .
w
^^
-•^-^
i
i=?5:
±^
P
-iF i^
T-» — a * j>i — r-
É
^^ JCatJ^
^
^
É
S
iia=&=î:
-# ^
^
g
±±
Îî3
^
P
^
î
i
^
1 ^
WY^n
=*^E
^
1^1 i'jt^
L'EXOTISME ET LA MUSIQUE 547
inapplicable ; il n'offre aucune ressource, étant donné la divergence qui
existe entre notre goût, notre éducation musicale, et la musique orientale.
La seconde méthode, qui fleurissait jadis, doit être écartée comme ne res-
pectant pas la mélodie.
L'exemple que je soumets ici est une chanson de route japonaise
caractéristique, " Shotai ", construite à l'aide de la Gamme :
Ré Mi Fa Sol La Si Do Ré.
Qu'on veuille bien lire cette mélodie en imaginant les dièzes à leurs
places respectives, et l'on verra qu'elle acquiert de suite un caractère
européen. L'arrangement de J. A. Pollak, a respecté la mélodie, que
viennent cependant contredire l'harmonie et la Tonalité. En procédant
ainsi, la mélodie perd son caractère d'acuité : nous n'avons plus là qu'un
spécimen puéril de cette musique. Le 3^ exemple, par contre, tend
vers la fusion de l'harmonie et de la mélodie.
Lorsque Saint-Saëns annonçait que le rythme à peine exploité se
développerait, il eut pu ajouter que la musique exotique, en vertu de son
principe homophone, pouvait se permettre plus de liberté, quant aux
rythmes, à l'accent et à la forme, que la musique européenne. N'oublions
pas que la division en mesures, nécessaire à la production simultanée des
différentes voix constitue une entrave au libre mouvement de la mélodie
et du rythme. Elle a conduit la phrase musicale à la carrure et elle a
annihilé en nous le sens des grandes périodes mélodiques. En dépit des
libertés rythmiques qui caractérisent la musique exotique, cette
dernière ne doit pas être taxée d'amorphie : les fréquentes répétitions
servent ici à ponctuer le langage musical. Et telle est la force
du sens rythmique en Orient que les instruments à percussion qui
accompagnent les différents morceaux, n'accentuent pas, comme chez
nous, les temps forts, mais précisément les temps faibles.
Il est difficile de prédire quelle influence pourront avoir sur l'art
européen les rythmes et le style exotique. Il est impossible de dire si les
tiers et quarts de tons exotiques provoqueront une nouvelle division des
demi-tons. L'intuition des quarts de tons existe chez nous à l'état latent
mais il n'est pas prouvé que ces tons, abandonnés jusqu'à présent à
l'arbitraire, puissent jamais être choisis comme degrés essentiels de notre
système musical. Celui-ci passerait alors du système de douze degrés à
celui de cinquante-trois degrés.
Georges Capellen.
2
Gamelang Salandro (Sultanat de Yogyakarta)
transcriptiou pour instruinents européens par Ch. Kœchltn
-er-Q-
TK^
^
?:
^
^
-^
I T
-^^
i-i»
^Vv^--,;: l^fog
1 — r
l À'J' J Ç>^
=t=F
r
/^
S
^S
±±
-w-
^
î
--^ g<^ J a'r-^J'Jj-
^
:&
O ''^
i
cr^9.ujL
.( «w*e «^ l-^'j"fc^ "^ 'ïow^ Ju^ t^ .fX^-U^^J
m
s
?if
T
\ia^^'
^•
^
±t
•:£-
"xr
Ih
m
H
Go n» •
i
3B
ît
-i^
-rH-
iH:
:^
T
Voici un des plus curieux essais tentés en France dernièrement pour introduire la musique orientale dan$
nos concerts. Ces pièces javanaises ont été orchestrées par M. Cl.arles KOrlilin, et exécutées à la société
Indépendante <le musique au mois de juin 1910.
GAMEl.ANG SALANDRO
p^'4 f^ti:
54 9
plctl
^^p4:^=3=l=J=^=^£=^=^fc^
^P
#^
2:
kj»»^ <^ — •-'*' r"
-g p^^ -^
X
^
^
H=r:
?
T-
^^ (of,h^'K>- kb Se ^/^
^
^^^^^:
^^^S
^
^
^^ fT^ fTTi n^ jm r^mm
^
J «ï^ «g-
1^=1
^g^s
- /' T^
Â.
^
//,
-(L fA^ v.7"^^-<~
7-^
s
.,.,,^. ...„.,„...;
550
S. I. M.
r^
(^'^ ijj I jji ui. u i ^M
^^
?=€::(:
J.^r-^ />f/>
é
^
'^fa
C«. Ct^ra_
^
zzz
-Xylol^k
oVLft-'
>/
// ,1,1 I ^
' 1 r j r-i f-^ rj ;-i r * r j
fafcSS
(7
^gf fgLp^rrrfïï^fTtfjTTin^^
f/^
^^
ékf J J. <^ ri J J ^ ^
r^
s
=j^,^%^ " y^ji_j:
/^>
GAMELANG SALANDRO 551
pedt
■CS cL> t^
1 1 11 11 Jll 1 M T j
r
m^ju^'^dh^.
^
-C^
/^
^
?^
^ -^^-^ v.-'-^x-^, Cf^^^ f^
^
Ct^^j?. «'v-i iv\ a^vv-^
Z\>^yf
^^::îij.
552
s. I. M.
^î^jfff- *] ^ e^ ^ ' d :^ ■g' j/^
r^
J7ÏÏ rro j!tr pg jTg p:! j:m fsiÉ
f
É
-f-^^-'^TD Kf<^ ■ ^
i
T /
/>//
^
S^
O
O
i!t-, -•-
f^
GAMELANG SALANDRO
553
P^/^'fc-
:.i.i^H'l^ -r H-r^
^
^
13
I^
w
^^
l/J Jtcrvv
^^
/^
^m
w
"■/"■''^
uiLyîr
7 7 r'r^ ]-r^l I 7 M r
r"
=5?3
f=^T±
X W U f-^^-ay-'— b
fj- ci-fTh''^ lo u^^ /j^^ 't-^ «L« K-o-n
y-ijif^'^ c| n '^^ T ^ ^
^"^
^-
-^^ — ^
I
^
-^
?v
^*->_*)
K^^
/"^
^
/~^
=yj
' ^y*—*^ •
s. I. M
^^F=^
; 1 1 î . J î
1 ] n 7
V
.•r^
Jr
fr^i:^
~^ "^«^ t?ol~^
rf-^:h^ ^ 1 ' l -' i i -^ -' ^ • * ' * ' i
/-\
Vu/.^
^
ht -f ^,1 X
E*3=
SE
!S<:
^^f. ''v^t-x- -/ ^ ^ _1 -i- -L
h "h^r^ -rcj-^
GAMELANG SALANDRO
555
■Ta^.iz fe::^
,(i.^^i'^'i lii
^^
j^
fÇJz ■ j>^
^^
U II I I lA
r^
''i .,un. ^^ i j iji
/-^
tT=p^
GL.é.^<
^
^ ' 'X ' ' ^
-T«V-
W
n^^~^f
r~
-rr
/îi
'/
^
5
:zmam^
JSÏ.
3S
23C
^,'
û^^u^
V
]É
i
r^
l
<^
r A /
556
S. I. M.
i
^S
T — : ^ h
•^ m.
i
^
2:^
/^rt
^
l\'\ \\\
M
^
^
^ftê^ /-'U y\±U (JJ Irè
^mt
z=i$2^
<^ J gL t.i W J g/ j
■^^>.
^m
s;
^
i
/^
C-if^
4^
^
E^^
i
GAMELANG SALANDRO
557
'^yrt^ï,
2E
J 4 "^ -^-^i>J>— ^ "*■ _j. 4 j > . J_
j' ^ j ^fe
^ y^A Lrv-<_
>\y
J^7-JL
î
r- / r-
i /
J <a,-c<. £>v. um ^o^
'f't hti^»-t>-,
558
S. I. M.
^^
^^
i^^-
/ M .^ ? ^ ^ / / ! I I r
t-^f ^r^r f^-^^
t^
f^. ^ '' -/ V
^^
^
.^-^-W--^
^
^^
p:
-&
m
C—- r Tr-^
o
f
f
f
tJ
-t: jvv^c>-'<_>— )
tr
T»™»
r\£
P
^
y;^
p
^ip^i.
GAMELANG SALANDRO
i$tP''A
-y^y
â
T-T^
?:
^>-^oo
7
■15^:
^
^^
2:!:::
P
:&
1
^f
3 ;h-
i
5. I. M
^^^
' 1 I
Ce^L^iiÂ.
^
^
-^ L-
vrO
^^
S>(^-
T^
-f >-
h
^
-i ^
n
j::!.
1 — r
< >»^,
b
3=n:
^^
^!ï
r^' b
OT"^.
/C>
g
J^t'-^X^k- .
l-^a^y\fJ^ ^
jm"' ^.
:r3:
S:
^
^
?
7?^
' — ir;^
É
5é
^
è
:?=^
I
A^ ' ^
à
v>
^^
r>
1
l=.^^=ï
t:
"tZ t^ t«--o, ■
J?-'»-
A?
^
7=5:
P
i
^
ro
(- //, gô^^
^
^S
fBlîi
GAMELANG SALANDRO
561
f^-^^'LM^ - ^^
'j^H 'f-lf r J -H^T-^-^^^^=^=^-fJ^^f^4=^^
^^
^
E
(^.'/trx .
^S
/^
?
^^ï/llt
^^s
-XL.
-^**»
-^*, -^^-^"s^A—
:^
■ jfttf-
ï
':t
s>
^^
ïr^swfir^^^
T
^^
r-r-sêb Âr-r-4^
^^=^
J);h.- cA
///
^^
■ip ■ ^ss»^~
t±ï
X^/kA.îi ."
P-
Û~-r\^
m
m;
IMlll TT^ ' 'T
3pl
'^^rfOû-'^
502
s. 1. M.
^ /7-^
(JS
> ''[T
J ir\^ fr ^
^t^H ' i~yV7r ^ ; r^ r 1 r-f J~=
/et
k^.-*^^ r w
^«
~â — T
j^J J t } r- I *.
r S : > ^
vV^
/^A>->y— » -^t
L>r~w
12^5:
C/J^ti^.
^
^i^i^i^f
É
-* — _ — I — L
^
tft
y
~)-i^
^
^
^5
^^
^
:^
er>rjy^.^dL-
^^
-ft^î^
â
^
^
:f^
:ti
Û r «^
±f
■T"-^
T
=^
£
:P
tE
fcy
r T /-^
GAMELANG SALANDRO
563
Cj^-^o.
^
^^^^S
U>-.>v"T
«°f S^î_
7 J<J>-" V"«-2. .
J,
:^^
P
^Ê
lA/"-Crf7
t i>-ï«.®
âife
?
w^
-^ p ^
t^V
p- f;S' j"-
/^
Q-tf-v^
M'
€5;iO f^"^ I
/O
F^
.-it6^'
On a mis, depuis sept ou huit ans, dans l'histoire de la musique,
beaucoup de choses à la Stamitz. Autour d'un grand musicien, soudaine-
ment tiré de l'oubli, les ombres des " Mannheimer " ont été évoquées et
l'on a, de droite et de gauche, repris à d'autres, pour les leur rendre ou
les leur attribuer, toutes sortes d'inventions grandes et petites, formes,
formules ou procédés de composition ou d'exécution. A l'heure du Juge-
ment, qu'annonce l'Evangile, " les derniers seront les premiers " : des
trompettes impatientes sonnent déjà pour appeler à la gloire les Stamitz,
Richter, Toeschi, Holzbauer, Filz, Cannabich, et faire d'eux l'avant-
garde d'Haydn, Mozart et Beethoven. Le résultat de ce mouvement,
dont le D' Hugo Riemann a, comme on sait, pris l'initiative et la
direction, est, autant qu'une découverte, un déplacement d'opinions et
d'attributions. C'est aussi un coup de fouet donné aux chercheurs de tous
pays, dont l'amour-propre national entre en jeu. Déjà sont apparus, en
face des rénovateurs de l'école de Mannheim, les défenseurs de l'école
viennoise. A nous, Français, importe surtout quelle part peuvent reven-
diquer nos artistes dans le partage commencé. En attendant que des
champions fortement armés se décident à rompre quelques lances en
faveur de l'ancienne musique symphonique française, on peut tenter, du
bout de la plume, une escarmouche à propos d'un très petit détail,
l'invention du crescendo. Récemment, M. Alfred Heuss a annoncé '
l'intention d'écrire l'histoire de la " dynamique musicale ", et il a d'avance
insisté sur l'utilité des études à faire dans cette direction, négligée
jusqu'ici parceque les points d'appui semblent manquer pour s'y engager
avec fruit. L'apparente rareté des documents n'est pas chose propre à
rebuter le courage des érudits ; tous savent que d'une mention, d'un tait
jugé à première vue sans importance peuvent découler d'assez notables
conséquences ; et c'est pourquoi les moindres indications doivent être
recueillies pour servir de jalons ou de parapets, le long d'une route
incertaine.
' Dans l'intéressante étude qu'il a donnée à la Ffstschrift Rumann.
L'ORIGINE DU "CRESCENDO" 565
Avant que l'on songeât à établir les droits de Stamitz et des
" Mannheimer " sur la création de la symphonie, on leur faisait honneur
déjà de l'invention du crescendo. Trois écrivains servaient de caution :
Burney, Reichardt et Schubart. Ce dernier reste la moindre " autorité ",
non seulement parceque son livre, écrit de mémoire pendant sa captivité,
et imprimé après sa mort, ne fournit pas de date précise, mais parceque
nombre de ses affirmations pèchent par l'exactitude. Le passage qui con-
cerne l'orchestre de Mannheim vise principalement au beau style : " Son
forte est un tonnerre, son crescendo une cataracte, son diminuendo un mur-
mure cristallin de rivière qui s'éloigne, son piano une haleine du prin-
temps". Schubart, d'ailleurs, trouve aux œuvres de " Staniz le père" une
" mine vieillotte " ; c'est du temps de Cannabich qu'il a entendu les
musiciens de Mannheim, et c'est Cannabich qu'il vante comme " le
créateur de l'exécution égale " qui règne dans cet orchestre, comme
l'inventeur de " tous ces miracles que l'Europe admire ". ^
Reichardt et Burney non plus ne connurent l'orchestre de Mannheim
que sous la direction de Cannabich, longtemps après la mort de Stamitz.
C'est de 1772 que date le fragment souvent cité des voyages de Burney,
où sont célébrés les fastes musicaux de la résidence palatine : " C'est là
que Stamitz, stimulé par les œuvres de Jommelli, a pour la première fois
étendu les limites de l'ouverture... C'est dans cette salle que sont nés le
crescendo et le diminuendo. Le piano., que l'on n'employait principalement
qu'en guise à' écho, le forte, devinrent ainsi de véritables couleurs musi-
cales... " A ces textes, M. Riemann joint un extrait du petit écrit de
Reichardt " sur les devoirs du musicien d'orchestre ", qui parut en 1776:
" La plupart des orchestres connaissent et emploient seulement \q forte et
le piano, sans s'inquiéter d'une délicate gradation... îl est difficile, très
.difficile d'obtenir d'un orchestre ce que déjà ne réalise qu'avec peine un
I virtuose isolé. Cependant cela est possible: on a entendu cela à Mannheim
Ut à Stuttgart ". ^
' Déjà dans un ouvrage précédent, — son premier ouvrage, —
Reichardt s'était extasié sur le crescendo de Mannheim. Il datait de
Berlin la première de ses " lettres d'un voyageur attentif, concernant la
musique ", et, après avoir parlé de l'orchestre de Dresde, il disait :
^ Schubart, Ideen zu einer JEsthetik der Tonkunst, 1806, p. 121, 137.
^ Ces textes sont cités par Riemann dans sa préface au premier volume de symphonies de l'école palatine
)avaroise, Denkmâler der Deutscher Tonkunst, 2^ série, 3^ année, vol. I, 1902.
566 S. I. M.
" Quant à l'augmentation et diminution {Anivachsen et Versckwinden)
d'un son prolongé ou de beaucoup de sons successifs, qui produit, pour
ainsi dire, toutes les nuances {Schattirung) d'une couleur allant du clair au
foncé, et qui est si magistralement exécuté à Mannheim, je n'en parlerai
pas ici (à Berlin), car Hasse et Graun ne s'en sont jamais servi... " ^ —
Il est curieux de voir en 1835 un rédacteur de l'Encyclopédie de Schilling
expliquer le crescendo comme une chose encore à peine clairement définie,
emprunter sa description à Reichardt, insister sur ce que le passage du
piano au forte doit être constamment gradué, sans à-coups, et sur ce
que il n'est pas de règle d'y associer une accélération de mouvement ; et
dire enfin que pour un virtuose isolé l'exécution du crescendo est aisée,
mais qu'elle est, pour un orchestre, " d'une difficulté inouïe (iingeheuer
schwer)^ si ce n'est même impossible. " ^
C'était sur la foi de Reichardt que le même lexicographe désignait
Jommelli comme celui qui avait " élevé le mot italien crescendo à une
signification musicale technique, esthétique ". On raconte, avait dit
Reichardt, que " le jour où Jommelli fit entendre cela à Rome pour la
première fois, les auditeurs, pendant le crescendo^ se levèrent peu à peu de
leurs sièges, et ne respirèrent qu'au diminuendo^ s'apercevant alors qu'ils
avaient perdu l'haleine. — J'ai moi-même, ajoute-t-il, éprouvé cet effet
à Mannheim ".
L'invention de crescendo n'est d'ailleurs pas absolument revendiquée
en faveur de Stamitz et de ses élèves, par leurs nouveaux avocats. Le
D" Riemann concède que le procédé était connu des solistes, chanteurs
ou instrumentistes, et que, entre autres, Geminiani le pratiquait dans ses
œuvres et sa méthode de violon : en quoi Geminiani suivait simplement
l'exemple des grands virtuoses de l'art vocal, car, dès 1723, Pier Francesco
Tosi définissait la bonne mise de voix " la manière de commencer le son
pianissi??îo et de le conduire insensiblement du pianissimo au fortissimo, puis
de le ramener avec la même respiration du fortissimo au pianissimo'', et il
ajoute que, de son temps, les chanteurs " modernes " dédaignaient déjà
ce procédé d'un " excellent effet ", mais regardé C(jmme " ancien " ; ^ —
et en 1739, le président de Brosses admire, dans les duos qu'il entend en
Italie, la façon dont " les voix, ainsi que les violons, emploient ce clair-
' Rkichardt, Bnefe e'inei aitfmi-rksamen Kciseiidiii, ilie Mitsik bctriffenJ, 1774, tome I, lettre i.
* An. Crescendo AkV EncYclof'^Jie lier gesaminti'ii musikiiruiheti irhsiiisc/uifiin, de Schilling, t. II, p. 327.
* Tosi, Opinioni Je' Caniori aiilic/ii e moJenti, etc., cliap. I. — traii. tV., p. 37.
L'ORIGINE DU ''CRESCENDO" 567
obscur, ce renflement insensible du son, qui augmente de force de note
en note, jusqu'au plus haut degré, puis revient à une nuance extrême-
ment douce et attendrissante ". ^ Il serait aisé de réunir d'autres textes,
qui, tout au moins pour l'exécution des solos, contredisent l'idée des
alternatives brusques de force et de douceur, des oppositions perpétuelles
de contrastes en écho. Aussi M. Riemann y renonce-t-il, et, dans l'affaire
principale du crescendo des " Mannheimer ", s'arrête-t-il à affirmer seule-
ment que l'extension du procédé à l'exécution orchestrale et l'adoption
du mot cresce?ido pour le commander, lui paraissent la propriété de
Stamitz, auquel seulement l'exemple de Geminiani aurait appris à prêter
plus d'attention aux signes dynamiques. ^
Sur ce terrain, d'autres chefs d'orchestre allemands marchaient en
même temps que lui. Reichardt, dans sa lettre de Berlin, parlait du
Concertmeister de Dresde, Pisendel, qui " se donnait la peine presque
incroyable d'inscrire sur toutes les parties de chaque opéra, de chaque
musique qu'il devait diriger, \t,% forte et les piano., leurs différents degrés,
et même les coups d'archet ". Ce Pisendel était mort avant Stamitz, le
25 novembre 1755, après quarante ans de services à la cour de l'électeur
de Saxe ; sur l'ordre de son maître, il avait voyagé en France, en Italie,
et il passait pour avoir introduit dans la direction de l'orchestre de
Dresde un goût " mélangé de français et d'italien ". On aimerait à
connaître la forme de ses annotations dans les partitions et les parties
séparées de ses propres ouvrages et des ouvrages d'autres compositeurs,
dont les manuscrits peuvent encore subsister ; on aimerait surtout savoir
comment il exprimait ces " différents degrés " àt forte et de piano. Dans
une ouverture de Galuppi, que mentionne M. Riemann, écrite pour //
flosofo in campagîîa, et jouée à Milan en iJSA-> ^ Mannheim en 1756, la
succession des termes pianissimo, piano., mezzo forte., forte, fortissimo, pres-
crivait fort exactement la gradation fameuse, la " chose qui existait, dit
M. Riemann, avant le mot " : et c'est de la même façon que se trouve
prescrit le même effet, dans l'ouverture du Choix d'Hercule, de H^endel,
dont la composition remonte à 1750. ^
L'innovation de Stamitz ou de Cannabich se réduirait-elle donc à
^ Le Président de Brosses en Italie, t. II, p. 382. — M. Kamienski s'est servi de ce texte dans l'article cité
plus loin.
^ V. un article de M. Hugo Riemann dans le Bulletin mensuel de la Socie'té intern. de mus., t. X, 1908-1909,
p. 137.
^ Romain Rolland, Handel, p. 200 et suiv.
568 S. I. M.
une question de mot ? Toujours est-il qu'avant la date des voyages de
Reichardt et de Burnev le mot aussi bien que la chose étaient déjà, de
côté et d'autre, employés. Haydn, en 1768, rédigeant des instructions
pour l'exécution de sa cantate Applausus^ recommandait à ses interprètes
de prendre garde aux signes de nuances, " car il y a, écrit-il, une très
grande différence tnirt piano tt pianissimo^ forte ç.\. fortissimo^ entre crescendo
et sforzando ". ^ La notation du " cresc. " existe, dit M. Kamienski, dans
plusieurs ouvrages de Hasse (ce qui contredit l'assertion de Reichardt) et
dans les symphonies (ouvertures) de Jommelli, qui sont à la bibliothèque
de Berlin. ' Eitner, qui a signalé l'emploi du crescendo à la fin de l'ouver-
ture de Lisuart et T>ariolette^ de Hiller, — un opéra-comique allemand
écrit en 1766 par un maître qui n'était jamais allé à Mannheim, — ne
nous explique pas par quel mot ou quel signe le compositeur l'exprimait. *
Pour chercher des exemples de l'emploi du crescendo en France,
nous partirons de la date où Reichardt déclarait ce procédé " possible ",
mais usité seulement à Mannheim et à Stuttgart, et nous remonterons de
cette date à d'autres, antérieures.
Donc, en 1775, un des compositeurs ordinaires du Concert Spirituel,
à Paris, Henri-Joseph Rigel, se sert du crescendo comme d'un élément de
description musicale, dans son oratorio la Sortie d'Egypte. La première
audition avait eu lieu le 25 mai 1775, une autre, en 1777 ; après celle-ci,
le Journal de Paris déclara charmante " la marche des Israélites, exécutée
comme elle l'est, avec toutes les gradations du crescendo ". "* L'effet
était renouvelé de la marche des janissaires, dans /es Deux avares^ de
Grétry (1770), et déjà tellement connu et goûté du public français,
qu'en 1765 le sieur Berger, " accompagnateur du concert de Grenoble"
et inventeur d'un " clavecin organisé " qu'il appelait le Pneumacorde^
s'efforçait d'en faciliter l'exécution sur les instruments à clavier, et pro-
posait aux amateurs d'adapter, moyennant 300 livres, aux clavecins
ordinaires, " sa mécanique avec le crescendo ". '
La notation du même effet, par l'abréviation cresc.., s'introduisait en
même temps dans la gravure des œuvres musicales, et nous la trouvons,
' PoHL, Haydn, t. II, p. 39 et suiv.
' V. l'article de M. Kamienski, Mann/uim et l'Ilaiu; clans le Riiiiril trinustritl de la Soc. intcrn. de mus.,
t. X, 1908-1909, p. 307 et suiv.
' Monatshefu ftir Muiikj^euhkhle, t. XXIV, 1S92, p. 39.
* Jonrnal de Paris du 26 mars 1777.
* Annonces, affiches et ai'is di'vers, du 15 octobre 1765.
L'ORIGINE DU ^'CRESCENDO" 569
par exemple, dans les Six Symphonies a grande orchestre^ œuvre X, de
Miroglio le jeune (Jean-Baptiste Miroglio), mises en vente dans l'été de
1764 ' et dont nulle particularité ne passait pour une innovation. Si
Cannabich fut l'introducteur du crescendo dans l'orchestre de Mannheim,
il pouvait donc l'avoir trouvé d'usage courant à Paris, lorsqu'il y vint
en 1772. ^
En remontant encore de quelques années, nous lisons dans le compte-
rendu d'un des opéras les plus oubliés de J.-B. de La Borde, les Bons amis^
— un petit opéra-comique en un acte, — joué en 1761, l'éloge d'un
" crescendo dans l'accompagnement d'un monologue ", qui produisait " un
grand effet ". ^ Un autre journaliste va nous montrer que " la chose '',
sinon, cette fois, le " mot " avait été pratiquée à Paris antérieurement au
séjour de Stamitz. L'auteur des Sentiments d'un harmoniphile sur différents
ouvrages de musique^ retraçant la biographie de l'organiste et compositeur
Antoine Calvière, mort le 18 avril 1755, s'étend avec complaisance sur
sur le Te Deum que ce maître avait fait exécuter en l'église de l'Oratoire
du Louvre, "pour la convalescence du Dauphin", c'est-à-dire en 1752.
Une peinture musicale du Jugement dernier accompagnait le verset
Judex crederis, et dans cette page exécutée par " tout le corps de la
symphonie ", un tambour placé au milieu de l'orchestre, imitait le bruit
du tonnerre " par un roulement continuel et toujours en enjiant le son. "
Autour de lui, les instruments chargés d'interpréter " une tempête qui
fait frémir ", se bornaient-ils à des teintes plates et à l'amusement des^
échos ? C'est peu probable. Eux aussi, vraisemblablement usaient de ce
moyen d' " enfler le son " dont la valeur descriptive n'échappait pas à
l'auteur de ce Te T>eum. * Remarquons toujours que Stamitz, en séjour-
nant environ un an à Paris, en 175 4- 1755, put connaître Calvière et son
Te T)eum., dont le succès avait été si grand, que " plusieurs musiciens "
s'en étaient fait immédiatement les imitateurs et avaient " travaillé dans
le même genre " leurs propres composition sur ce texte. ^
Rien n'était plus cher alors aux musiciens et au public français que les
effets descriptifs. Tout ce qui pouvait renforcer ou préciser l'expression
^ UA-uant-Coureur àvi 15 octobre 1764.
^ Nous avons donné quelques indications relatives au voyage de Cannabich dans notre livre : les Concerts
en France, p. 399.
^ Mercure de France, avril 1 7 6 1 .
* Le Te Deum de Calvière paraît malheureusement perdu.
* C'est ce qu'affirme l'auteur des Sentiments cTun harmoniphile, qui écrit en 1756, quatre ans après
l'exécution de l'ouvrage de Calvière.
570 S. I. M.
répondait aux goûts d'une époque plus foncièrement éprise de littérature
que de musique pure. Le crescendo apportait une couleur précieuse à la
peinture sonore : Calviere l'admit à ce titre. Pourquoi ne pas supposer
que Rameau, qui connaissait dans le chant " les sons enflés et diminués "
et qui demandait qu'un chanteur mît " de l'âme dans toutes ses expres-
sions ", ^ se servit du crescendo pour souligner une progression harmonique
en même temps qu'une " situation " théâtrale } Sans doute, les partitions,
gravées ou copiées, de ses opéras, sont presque dépourvues de signes
dynamiques ; mais avec, M. Kamienski, nous regardons volontiers les
simples p. et f. les brèves indications de doux et de fort^ comme le
" squelette " sur quoi s'ajoutaient les nuances intermédiaires capables de
lui communiquer la vie. L'ouverture de Nais (1749), vraie symphonie
descriptive qui peint l'assaut des Titans, escaladant le ciel, ne nous
invite-t-elle pas à deviner, à lire entre les signes ordinaires d'opposition,
une " gradation " de sonorité soulignant l'ascension fébrile des arpèges
qui se brisent, la répétition syncopée d'accords dont le retour exprime
l'effort " haletant, exaspéré, tenace ", ^ rendu sensible, par l'oreille, aux
yeux de l'esprit 1
Sinon dans les partitions, du moins peut-être dans les parties séparées,
copiées pour l'exécution, des œuvres de nos anciens maîtres français,
trouverait-on des indices précis de leur manière de nuancer. De telles
découvertes n'auraient pas seulement pour effet de fixer un détail histori-
que : elles éclaireraient d'un peu plus de lumière les doctrines incomplètes
et controversées sur lesquelles nous basons actuellement les exécutions et
les rééditions de musique ancienne.
Michel Brenet.
' Ce sont les termes dont il se sert, au chapitre "de l'Expression ", du CoJe Je munque pruuqu/.
' V. à la p. 127 de l'excellent livre de M. Laloy sur Rameau quelques lignes tris justes et très heureuses
concernant cette ouverture.
On en a dit et on en va dire sans doute encore tout au monde, peut-
être même qu'elle n'a eu aucun succès. C'est pourquoi Vienne et Mannheim
s'en sont d'ores et déjà assuré les reprises. La vérité est que, de ma
vie, je n'ai assisté à un pareil déchaînement d'enthousiasme, à d'aussi
interminables ovations. Or notez que sous ce rapport l'Allemagne n'est pas
la France, encore moins l'Italie. Notez en outre ceci : les quatre mille
personnes qui, les 12 et 13 septembre remplirent la grande halle de
l'Exposition de Munich, vue ainsi pour la première fois comble, (ce qui
n'était pas même arrivé aux fêtes Richard Strauss) représentaient à la fois
les grandes orgues de la sensibilité musicale allemande et austro-slave et
l'élite du monde artistique d'Europe et d'Amérique. On était venu,
comme à Prague, lors de la VII™^, de partout, et je tiens à signaler le fait
que, de France même, des admirateurs de la 11°"^ sans mandat officiel
comme sans notoriété, mais suivant simplement l'impulsion de leur cœur
conquis, avaient tenu à être de la fête. En sorte que si l'on peut parler de
cause gagnée, en ce qui concerne cette VIII™®, on le peut d'autant mieux
que nulle voix de l'opposition n'a été étouffée ; on l'a même fort claire-
ment entendue, voguant en petite arche opiniâtre sur le déluge des
acclamations. Jamais triomphe mieux mérité n'eut plus réelle valeur, pour
avoir été mieux disputé. S'il y a eu victoire, en effet, ce fut en dépit de
572 S. I. M.
tant de mauvaises volontés ! Les clameurs jubilantes n'ont empêché, bien
au contraire, ni les critiques les plus acerbes, ni les discussions les plus
violentes. Nul mieux que nous, du reste, n'a pu percevoir combien de
colères ou d'ironies dissidentes se sont réfugiées, celles-ci dans les petits
groupes de Français, arrivés en avant-coureurs de leur Festival, celles-là
dans les journaux d'Allemagne et de Suisse, tandis que ceux de France se
taisaient, comme si l'événement n'eut été d'aucune importance. Des
journaux suisses-allemands, par exemple, j'en pourrais citer où les invec-
tives personnelles s'en prirent non seulement à Mahler, mais à ceux aussi,
dont le Dr. Paul Stefan, de Vienne, avait groupé les pages de fête, offertes
en un livre d'hommage au Maître, à l'occasion de ses cinquante ans. Car
il demeure acquis, semble-t-il, que la plus grande injure qu'on puisse faire
à la critique soit d'admirer quelqu'un sans sa permission. La très sobre,
très exacte et très documentée biographie de Mahler, que le même Paul
Stefan ^ vient de publier, a été, pour parler net, véritablement lacérée au
moral par certains journalistes, et avec un tel accent de haine, qu'aucune
explication, antisémitisme, chauvinisme, rivalités d'école, inimitiés per-
sonnelles, vengeances n'est suffisante, hors peut-être celle-ci : on a deviné
sous le musicien la présence du prophète et qu'il s'agit non plus, avec
cette musique, de délecter agréablement les sens raffinés et l'esprit
ingénieux d'une centaine de précieux dilletanti, mais d'ameuter les foules,
de les rassembler autour de ces mêmes vérités vieilles comme le monde,
desquelles le monde contemporain croyait s'être détinitivement affranchi
et qui se démontrent une fois de plus immortelles. Les raisons du caractère
très spécial des haines que suscite Mahler, aussi bien en Allemagne qu'en
France, sont que sa musique met aux prises les salons et la place publique,
l'irréligion oligarchique et l'idéalisme populaire; qu'elle chante : " Dieu
m'a donné une petite lumière "; que le maître éprouve le besoin de construire
l'un des plus gigantesques premiers mouvements de symphonie qui
existent, sur les paroles du Veni creator spiritus et que, de toutes les puis-
sances de son orchestre, il lance au ciel ce Gloria Patri et Filio que
l'irréligion contemporaine espérait bien ne plus entendre que de la bouche
des " pauvres d'esprit ", et dont elle escomptait ne plus rendre responsable
que l'imbécile " foi du charbonnier ". Or Mahler est l'un des plus
érudits et des plus profonds penseurs de notre temps !
' Dr. Paul Stefan : Gustav MahUr, cine studic ubcr PersOnliclikcit und VVcrk — Municli R. Piper. Et chct
le môme éditeur : Gustav Mahler .• ein Bild seiner PersOnlichkeit in Widmungen.
GUSTAVE MAHLER 573
Et c'est là le fond de la question. Voici une musique qui rejette
carrément les suffrages des cénacles et en appelle directement au peuple,
à tous les peuples de la terre entière ; voici une musique qui ne s'inquiète
pas une minute des modes du jour et revient à la pleine mélodie spon-
tanée, sans s'inquiéter d'être taxée de vulgaire ou de triviale. Des thèmes
paraissent ramassés sur la rue. Ils sont la voix même de la rue, élevée à
proclamer Dieu lui-même. Les détracteurs parlent à la fois de Tristan,
du Faust de Schumann, et de Johann Strauss, de Perosi, de Mascagni et
de Puccini. Les thèmes sont " volés partout ", disent-ils, et ne servent qu'à
des " grossissements photographiques. " Ce volé partout n'est pas exact :
car il est à remarquer d'abord que les emprunts sont approuvés tantôt,
tantôt taxés de citations, quand ils ont lieu dans certaine école, et que
personne ne trouve à redire à Wagner d'avoir dévalisé tous ses grands
prédécesseurs, ni de ce que tous les grands maîtres d'autrefois se soient
servi dans la rue et les champs, dans les poches du populaire, comme du
reste font tous les rois de la terre. Et ensuite des thèmes de l'allure du
Veni Creator^ qui est à la base de toute l'œuvre monumentale, peuvent
avoir n'importe quelle provenance, ils prennent immédiatement une
physionomie telle, qu'un Richard Strauss a pu dire à Prague, " une seule
mesure de Mahler, cueillie n'importe où, est telle que Mahler seule pou-
vait ainsi l'écrire et seul de tous les musiciens modernes il se reconnaît
immédiatement à cette seule mesure. " Quant à ce qui se construit
à l'aide de ces thèmes, tenus par d'aucuns pour quelconques et qui
ne le sont en réalité nullement, l'importance et la magnificence en est
telle qu'on peut voir aussi bien un Max Reger ou un Richard Strauss
qu'un Père Hartmann suivre la partition, au concert, de la première à la
dernière mesure, sans une minute en relever les yeux, puis, les premiers,
Reger et Strauss, donner le signai des applaudissements. Et cela nous
; .'change un peu de ces roitelets d'aujourd'hui, dont la jalousie vindicative
:■ -s'attaque même à Wagner, même à Franck, même à Beethoven, à tout
ce qui n'est pas eux-mêmes enfin.
Je ne veux du reste pas aborder en ce moment cette absurde question
de la provenance des thèmes, et de la classification des thèmes vulgaires
ou distingués. Tous sont également bons ou mauvais selon ce qu'on en
fait, et au bout de cinquante ans ils sont tous égaux devant la postérité,
\ qui ne sait plus quels ont été distingués et quels vulgaires, en soi. Le
*' goût du jour " passé, il ne leur reste plus que la beauté, la noblesse ou
574 S. I. M.
l'indignité de ce que l'auteur en a fait. Et en ce qui concerne Mahler,
nous dormons aussi tranquilles qu'en ce qui concerne Bruckner et
Beethoven. Nous demandons aux thèmes de créer de la vie et rien autre.
La vie la plus intense, la plus passionnée est ici, qui nous console des
pensums scholastiques et des architectures ennuyeuses, voire même des
architectures de nuages, engendrées par tant de thèmes très distingués,
cycliques ou non, vertébrés ou invertébrés.
La VHP'' symphonie de Mahler, cyclique à sa manière, puisque tout
y est engendré par le premier thème du Veni Creator^ est une immense
composition décorative, exécutée par une foule et proposée aux foules,
dans un but d'édification à la fois sacrée et profane, mais tendant à subli-
mer le profane par le sacré. Elle entend rappeler au culte de l'Esprit
Créateur le monde moderne et lui proposer de fondre en une seule adora-
tion l'Eros antique et le Saint Esprit catholique, au cours d'une grande
fête pompeuse où toutes les puissances de la suggestion musicale entrent en
jeu. L'humanité entière étant Faust, elle recourt ensuite au finale du Faust
de Goethe pour se rendre claire à elle-même sa pensée, pour dégager
d'elle-même les paroles trancendantes dont elle est grosse. Viens à nous,
Esprit Créateur, et fais nous comprendre que, par delà toutes les expé-
riences, toutes les défaillances de la vie, ceci seul persiste, indemne et
grand, source de tout, supérieur à tout l'Amour, et que, sur les ailes de
l'Amour, nous entrons dans l'éternité. Gloire au Père, au Fils et au Saint
Esprit, dont le nom est Amour, auprès de qui nous atteindrons par
l'Amour et qui, par l'Amour, nous entraînent à eux.
Les mots à' Eternel féminin sont tenus ici dans une acception toute
philosophique et kabbalistique, qui exclue toute idée de sexe. Mahler a
pris la formule de Gœthe, il eut tout aussi bien pu recourir à la Schek-
hina du Zohar. Le texte n'est ici que le revêtement révélateur (au sens
primitif re-voiler) de la pensée créatrice, et, si je puis m'exprimer ainsi la
peau, l'épiderme du corps musical, de la masse symphonique, la signifi-
cation extérieure de la cohue chorale. Comme on le voit, nous sommes
loin de l'infime discussion de la provenance et de la qualité de thèmes. Ils
n'ont pas plus d'importance ici que les mots élus pour créer un sens, pour
définir une vérité. La pensée tout au long de la symphonie les purifie sans
cesse et leur crée une splendeur, une éloquence persuasive, que les thèmes
les plus savants, les plus épurés par la plus sévère critique de soi-disant
" bon goût " n'obtiendront jamais. Une telle symphonie est aussi éloignée
GUSTAVE MAHLER 575
de la notion courante de l'œuvre d'art qu'un bloc de Rodin, qu'une
tranche de la Comédie humaine^ qu'un livre de Rabelais, que le Faust ou la
Divine Comédie,
Sa première étrangeté et sa grande nouveauté est d'être non pas une
symphonie avec chœurs comme l'avaient comprise Beethoven, Liszt
(Faust ^ Dante) et même le Mahler des symphonies II et III, mais une
symphonie chorale où les voix agissent en fonction d'instruments. Rien
d'un oratorio, rien d'une messe, encore que depuis Bach et Haendel
jamais chœurs n'aient été traités avec cette maîtrise, cette possession de
toutes les ressources des voix humaines, qui laisse bien loin en arrière ce que
même le Beethoven de la Missa solemnis^ le Bruckner du Te Deu?n, le
Liszt de Christus^ de «S*^ Elisabeth et de la Messe de Gran, le Brahms du
Requiem et du Chant du destin avaient essayé. Toutes ces grandes et belles
choses sont œuvres où des génies modernes s'épuisent à reprendre l'ancienne
tradition chorale et à en tirer des effets neufs. Mahler au contraire arrive,
candide et omnipotent, qui s'empare des voix avec le même sans gêne
dominateur que de l'orchestre, et par ces mille bouches exprime le débor-
dement de son cœur. Les gens du métier, les plus impropres à accepter
l'entrain et la verve spontanée de la musique de Mahler, sont les premiers
à avoir rendu hommage à la belle franchise, à la frappe vigoureuse et
martiale de ces chœurs, à l'allégresse heureuse et jeune de ces trois cents
voix d'enfants et de ces merveilleuses voix de femmes, parfois criant à tue
i tête dans la masse fougueuse et bouillonnante de ce Veni Creator^ au-delà
. duquel on ne sait plus ce qu'il serait encore possible d'inventer d'inattendu
! et de frappant. Et cependant Mahler tient encore la gageure d'apporter
; autre chose et sinon mieux, comme le disent les uns, aussi bien, comme
\ disent les autres.
Cette formidable symphonie, dont la durée est de une heure quarante
[ï minutes avec une seule et très courte pause, est divisée en deux parties.
'! La première, le Veni Creator,, est un premier mouvement de symphonie
dans toutes les règles, mais chanté en même temps que joué ; la seconde
confond et entremêle les diverses autres parties (scherzo,, adagio,, finale) en
une agglomération d'un seul bloc, qui s'exprime par le texte de Gœthe et,
à certaines minutes, nous donne excellemment idée de ce que pourrait
Mahler s'il lui plaisait un jour de s'attaquer à un drame musical. L'im-
pression du Veni Creator a été écrasante et n'a pas permis une minute de
souffler. Ici l'orchestre reprend ses droits et se succèdent les épisodes les
576 S. I. xM.
plus variés, atmosphères et clartés mystique, paradis de peintre primitif
ou paysage des Chimères de Gustave Moreau, exhaltation des anachorètes,
et des pénitentes, invocation à la Mater gloriosa et son apparition, et Ton
ne doit pas être surpris de reconnaître de ci de là, transposé en clarté
purificatrice, l'accent même du péché primitif, ainsi que dans nos corps
glorifiés du dernier jour se retrouvera quelque apparence de notre corps
charnel. Ici encore on a parlé, comme à chaque symphonie de Mahler,
de profanation et de sacrilège. A en croire certains c'est même l'intangible
texte de Goethe qui aurait été profané. J'ai l'impression au contraire que
ce grand païen de Goethe, qui pouvait bien concevoir l'hymne à V Eternel
féminin^ mais non pas V Eternel féminin comme Dante a conçu sa Béatrice
et Mahler le sien, c'est-à-dire chemin et guide sur les voies du Gloria
Patri^ se complairait à certaines pages du Faust du maître autrichien
mieux qu'à celles de tout autre prédécesseur, de Spohr à Gounod, de
Berlioz à Wagner et à Schumann. Il en est là, que l'on voudrait baiser
au passage et telles que toutes les beautés des symphonies précédentes
sont certainement atteintes, encore que je ne cache pas que, s'il s'agit de
l'œuvre prise dans son ensemble, je n'hésite pas, vu la singularité et
l'appareil anormal de celle-ci, de lui préférer, du moins après les sept ou
huit auditions totales que constituent tant de répétitions partielles, les
deux répétitions générales et les deux auditions, cette rayonnante VII™^
symphonie des beaux jours de Prague 1908. Mais qu'est-ce que huit
auditions pour prendre connaissance d'une œuvre aussi à part dans la
production de notre temps ? Il est facile de prétendre qu'elle ne présente
aucun problème, lorsque l'on n'a pas même aperçu ces problèmes ! Qui
voudrait seulement étudier par le menu la façon dont texte et musique
se comportent en leurs rapports réciproques, les retours de thèmes et les
rappels d'une partie en l'autre, enfin et surtout le miracle d'être demeuré
constamment dans l'unité symphonique sans entorse à l'expression drama-
tique, pourrait trouver là une intarissable matière aux plus édifiants com-
mentaires et développements d'esthétique musicale.
Intercalée comme exprès, entre une audition de la ^Missa solemnis et
une de Deborah (Hœndel) par les chœurs venus de Vienne, sous la direction
de M. Schalk, et de Leipzig, sous la direction de M. Gœ^hler, justement
pour l'œuvre géante, cette VIIT symphonie est apparue très à son aise, et
comme dans son milieu naturel, parce que de tous points l'expression en
quelque sorte mondiale de l'état de notre vie, de notre culture et de notre
GUSTAVE MAHLER 577
idéal. Œuvre démocratique et universelle par excellence, elle s'adresse non
à celui-ci ou à celui-là, mais à tous. Son intention n'est pas de capter les
suffrages des délicats, de chatouiller des sens ou des esprits blasés, mais de
remuer des populations modernes entières et de leur donner cette minute
d'exaltation et de réconfort que les foules du moyen âge tiraient des
pompes du culte ou de l'Empire. En examiner à la loupe la texture serait
aussi fou que d'appliquer un télescope sur les floraisons délicates de la
musique française de l'heure actuelle. Une cantate, décorative à la manière
d'une fresque, n'est pas un instantané d'émotion rare, à la manière d'une
pochade impressionniste, et il est absurde d'appliquer à Saint Pierre de
Rome le même critère qu'à une maison slovaque sous chaume, encore
que certaines lois constructives s'y retrouvent immuables. Le Festival
français qui, à trois jours d'intervalle, suivit est arrivé, lui aussi, comme
exprès pour nous bien faire toucher du doigt les complications et les incon-
séquences de la vie. C'est votre république, pas mal démagogique, qui pro-
duit les œuvres subtiles et exquises, d'un irrésistible attrait sur les aristo-
craties d'intellectuels blasés, et ce sont en nos solides monarchies disciplinées
que s'élèvent les grandes voix amples comme les flots de la mer, des fêtes
de la Fraternité dans la Joie et l'Amour. Evidemment il y a là deux arts
absolument incompatibles et pourtant qui ne s'excluent pas, justement du
fait d'être si différents. Les trois nocturnes de la VIP symphonie de
Mahler contiennent certainement l'analogue de ce qui, une minute nous
séduit dans les Fêtes de Debussy ou la Rhapsodie espagnole de Ravel.
Et ce qui intéressait le plus les musiciens français, présents à Munich lors
des journées Mahler, était les pages de fraîcheur naïvement populaire, ou
certaines bizarreries orchestrales de la scène de Faust. Mais à côté des
iminutes exquises, l'œuvre du maître contient autre chose, et du moins en
ice qui nous concerne, nous les amis de Mahler, c'est cela seul qui importe
îet cela seul par quoi il durera, cela seul qui le met au rang des Hsndel,
l'des Haydn, des Beethoven et des Bruckner. Et je sais, je sais pertinem-
|ment qu'en France même beaucoup commencent à s'en apercevoir.
Il est impossible de ne pas parler d'une exécution merveilleuse, une
de ces exécutions dont Mahler seul a le secret, pour laquelle s'étaient
dérangés deux cent cinquante chanteurs de Vienne, deux cent cinquante
ichanteurs de Leipzig, et à Munich les trois cent cinquante enfants des
écoles de chant et les cent cinquante musiciens de l'orchestre du Konzert-
verein renforcé. Cet orchestre fut ainsi distribué : 24 premiers et 20 se-
578 S. I. M.
conds violons, i6 violes, 14 violoncelles, 10 contrebasses, 5 harpes et
2 mandolines, 2 petites flûtes, 4 grandes, 4 hautbois et cors anglais, 2 cla-
rinettes en mi-bémol, 3 autres, i clarinette basse, 4 bassons et contre-
bassons, 8 cors, 4 trompettes, 4 trombones, la basse tuba, les timbales, la
grosse caisse, les cvmbales, le tamtan, le triangle, les grosses cloches, le
glockenspiel, le celesta, le piano, l'harmonium et l'orgue, sans compter
4 trompettes et trois trombones, isolés au milieu des masses chorales.
Enfin huit solistes de premier ordre devraient être, du moins six sur huit,
célébrés sans aucune hésitation sur le choix de termes, car les plus forts
sont les plus mérites. MM. Félix Senius, de Berlin, (Ténor et Doctor
Marianus\ Nicolas Geisse-Winkel de Wiesbaden (Bariton et Pater exta-
ticus), Richard Mayr, de Vienne (Basse et Pater Profundus)^ M"""* Ottilie
Metzger, de Hambourg, (premier alto et mulier samaritana), Anna Erler
Schnaudt, de Munich (second alto et Maria /Egyptiaca\ Emma Bellwidt,
de Francfort sur Mein {Mater Gloriosa), Marthe Winternitz-Dorda, de
Vienne, (second soprano et magna peccatrix)^ enfin Gertrude Foerstel de
Vienne (premier soprano et una pœnitenthini)^ ont tous et toutes bien mérité
du maître, qui souvent exigeait l'impossible, et de notre reconnaissance.
Mais si je nomme en dernier M'"*" Gertrude Foerstel, c'est pour la mettre
hors pair. Vraiment je crois n'avoir jamais rien entendu de pareil à la
pureté, à l'élan, à la passion, à la force de ce magnifique soprano, donnant à
chaque fois l'impression de planer dans le ciel bleu, haut, haut et lent
comme un grand aigle, bien loin au-dessus de toutes les agitations humaines.
Après la si fraîche rentrée des voix enfantines sur le gloria patri^ qui suit
le petit interlude en fugato, où passe comme un souftie de Bach, soudain
lancés dans le vide, au-dessus des passions de l'orchestre frénétisé, les deux
soprani un instant semblent tomber d'un autre monde et les courbes de
leur élan sonnent orientales comme une voix de muezzin. C'est l'une
des minutes extraordinaires de cette partition radieuse. Partout ailleurs du
reste, ce fut comme un oiseau dans l'air, comme un poisson dans l'eau,
que cette Gertrude Foerstel chanta tout son rôle par cœur et évolua au
milieu des mille voix déchaînées... Pauvres chanteuses du temps de II
IX'"" symphonie, qui prétendaient se déchirer le gosier pour le plaisir de
Beethoven ! Celles-ci étaient toutes trop heureuses d'avoir été les éluc>
Venir de Francfort à Munich pour chanter les vingt mesures tout unies,
de la Mater Glor'wsa^ c'est là dévouement qui paraît encore tout simple en
Allemagne. Et que dire de la joie des eiitants, des coquetteries réciproques
GUSTAVE MAHLER
579
II
de Mahler à leur égard et au sien des " Herren Buben " (qui étaient surtout
des fillettes). Qui n'a pas vu les sept cents petites mains agitant les blancs
feuillets au milieu des hurlements forcenés et du tapage de la foule,
à l'heure du délire finale, ne saurait concevoir ce qu'un tel triomphe
peut avoir de réconfortant. C'est un de ces spectacles qui réconcilient
avec la vie.
A quand le prochain ? Un de ces jours les IX et X^ symphonies,
qu'on achève d'imprimer, vont paraître à la fois. Puissent elles, Dieu et
M. Emile Gutmann aidant, être le grand bonheur de notre année 191 1.
William Ritter.
BRENET (Michel). — Les Musiciens de la Sainte Chapelle
du Palais. (Publications de la Section de Paris de la S. I. M. —
Picard et fils 1910. In-4" de 380 pp. ; frs. 15.)
Fondée par Saint Louis pour recevoir et conserver dignement
la sainte Couronne d'épine, la Chapelle du Palais a joué un rôle
fort important dans l'histoire de la musique religieuse française.
Après la musique du roi celle de la Sainte Chapelle était la
première et la plus illustre. Les postes de chantres et organistes
étaient dévolus aux maîtres les plus en vue ou les plus appuyés.
C'est dire que depuis le XIV^ siècle jusqu'au XVIIL' les archives
de cette fondation ont gardé pour l'historien un véritable trésor.
Peu d'entre nous s'étaient aventurés dans ces cartons de la
Sainte Chapelle soit aux Archives, soit dans les bibliothèques.
M. Brenet vient de nous rendre toutes recherches désormais
inutiles en publiant méthodiquement et chronologiquement tout ce
qui a trait à la musique et aux musiciens dans ces fonds. Et, pour
ajouter plus de prix à cet ouvrage, l'infatigable chercheur qu'est
notre collègue Brenet a versé dans ce volume, soit en notes, soit en
appendices, toutes les fiches qu'il avait rassemblées sur les person-
nages cités dans ces documents. Dans toute notre musicologie
française nous n'avons peut-être pas deux volumes aussi amplement documentés que cet in-4*'
où apparaissent près de 700 noms de praticiens français.
Si j'avais la place de donner à ces notes bibliographiques les développements d'une
chronique, je ne résisterais pas au plaisir de donner une image sommaire de cette vie musicale
de la Sainte Chapelle, avec ses rivalités de fonctionnaires, ses chicanes de maîtres, et révolution
de l'art au milieu de cette illustre compagnie. A noter la disparation d'un registre des archives
qui correspond, au XVII'' siècle, à une curieuse dispute autour d'un Lutrin. Brenet insinue fort
justement que Boileau dut emprunter ce document des mains de son oncle, le chanoine
Dongois, et omettre de le restituer. A remarquer encore la difficulté de faire participer lc<
chapelains à l'exécution de la musique lorsque celle-ci eut pris hors de la liturgie l'importaiu
et le caractère d'un art véritable. C'est une querelle que nous retrouvons dans tt)utes les
institutions de ce genre, dont la fondation remonte au moyen Age.
Nous attendions tous avec impatience le livre de Brenet, et plus d'un parmi nous pourni
désormais poursuivre des études que le manque de documents arrêtait. C'est un gros morceau
de l'histoire biographique qui devient accessible. Il ne sera plus possible de parler au XVIP
siècle français en érudit sans s'être référé à ce dépouillement laborieux et qui honore si grande»
ment la musicologie du XX'' siècle. J. E.
LES LIVRES 581
HAMMERICH (Angiil). — Musi{hisioris{ Muséum Katalog (Copenhague 1909 in-S"
de 150 pp.)
Quand on songe au déplorable état de notre Musée du Conservatoire et au peu d'éclat
qu'on a donné à cette collection nationale, il est toujours pénible de voir l'étranger créer et
développer ses musées d'instruments anciens. M. Hammerich est arrivé à doter le Danemark
d'un fond de 700 spécimens fort intéressants, très bien choisis, et dont il nous présente un
Catalogue richement illustré par les procédés de reproduction moderne. Gémissons sur notre
Conservatoire et félicitons M. Hammerich.
ROLLAND (Romain). — Handel. (Collection des Maîtres de la musique. — Alcan 19 10
in-ia", frs. 3,50).
Nos lecteurs ont suivi les belles et profondes études de notre éminent collègue sur Haendel
et ses plagiats. Elles étaient détachées, comme ce volume lui-même des cours de Sorbonne
professés sur ce sujet écrasant par M. Romain Rolland. Ce livre n'a pas la prétention d'épuiser
une matière gigantesque, mais de réunir sous un format réduit l'essentiel et ce qu'il faut savoir
de l'auteur du Messie, de ses œuvres, de sa vie, de son style, de ses tendances. Il faut admirer
M. Rolland de pouvoir mettre au service de la vulgarisation une érudition, qui suppose avant
tout la lecture attentive des cent et quelques volumes in-folios que la Hcendel Geselhchaft a mis
au jour, et le dépouillement minutieux de fonds Schoelcher du Conservatoire.
La thèse qui semble se préciser dans ces pages c'est que Haendel ne doit pas être considéré
comme le représentant de la musique emphatique et pompeuse, mais comme une âme drama-
tique et essentiellement active. Au lieu du Cent Kilos de la musique, nous aurions en Haendel
un génie descriptif, évocateur, un homme de théâtre, épris de contraste, d'émotions vives et de
pittoresque. Je le veux bien, mais j'avoue qu'en rassemblant mes souvenirs je ne me sens pas
persuadé. Cela tient sans doute à ce que nous ne connaissons ici qu'une part de l'œuvre de
Hasndel, et sous un jour froid qui tombe d'une exécution mauvaise.
Où je me sépare de mon collègue, c'est à la page 160, sur la question de l'ornementation.
Dire : on ne doit conserver des génies que ce qu^ils ont de toujours vivant^ c'est parfait. Mais pour-
quoi vouer à la mort ces malheureux ornements. Je reviendrai un jour sur ce problème, qui ne
se laisse pas résoudre en une page.
RHODES (Emile). — Les Trompettes du Roi. (Paris, Picard et fils, 1909. In-8° de
70 pages.)
Je suis d'autant plus heureux de l'apparition de cette brochure que j'avais moi-même
, publié autrefois ^ les documents ayant trait aux trompettes de la Grande Ecurie du Roi au
XVII™^ siècle, contenus dans les cartons des séries O et Z des Archives. M. Rhodes,
qui est un descendant d'une dynastie de trompettes de la cour, s'est beaucoup plus étendu sur
ce sujet que je ne l'avais fait moi-même. Plusieurs manuscrits de la Bibliothèque Nationale et
des pièces d'archives d'Auvergne lui ont fourni une abondante contribution. A signaler pour
! l'histoire de la musique une lettre du Duc de Chaulnes, tirée des Archives du Ministère de la
Guerre, et qui se termine ainsi : "Il manque deux trompettes, et comme il n'y en a guère de
bons en France, je crois devoir en prendre d'étrangers sous le bon plaisir de Votre Majesté. Il
s en présente deux, l'un Napolitain, l'autre Suisse. Ils sont bons, mais comme ils sont jeunes,
1 La musique de la Grande Ecurie du Roi. (Bulletin mensuel de la Société Internationale de musique...
Breitkopf et Hartel.)
582
S. I. M.
il y a apparence qu'ils deviendront excellents. Je demande à votre Majesté la permission de les
prendre. Si Elle l'accorde, je les essayerai à la tête de la brigade avant de les mettre en
charge. "
Il faut cependant constater que dans la grande écurie de la maison militaire du Roi aux
17^ et iS*^ Siècles, presque toutes les charges sont tenues par des familles qui habitaient et
habitent encore la haute Auvergne, aux environs de Riom. M. Rhodes n'aurait-il apporté que
cette démonstration, que son ouvrage serait déjà précieux.
Quatre pages de musique tirées du Manuscrit Philidor bien connu de la Bibliothèque de
Versailles complètent cette monographie. Je signale à M. Rhodes un manuscrit qui paraît
contenir un répertoire de trompettes françaises de la fin du i y'^ siècle. Il se trouve dans la
bibliothèque de la Société Musicale de Varsovie.
WEINMANN (D"" Karl). — Kirchenmusikalisches Jahrhuch. (23'' Année, Regensburg,
1910. In-8".)
Cette vénérable publication nous apporte encore cette année de très intéressantes études.
Tout d'abord, la suite d'une biographie de StefFani par notre collègue Einstein, puis une con-
tribution à l'histoire de l'organiste français Titelouze ; d'abondantes bibliographies et enfin de
petits articles, parmi lesquels j'ai remarqué surtout celui du D"^ Weinmann sur la musique
sacrée ancienne et moderne. Le problème que pose notre confrère en ces quelques pages, à propos
de l'avenir de la musique d'Eglise est des plus importants. Il est bien certain en effet que nos
maîtres musiciens ne produisent plus rien dans le domaine sacré, rien au moins qui soit à la
hauteur de leur production dans le domaine profane. Pourquoi ? c'est ce qu'il importerait de
rechercher.
TILLIE (Gustave). — Guide pratique d'Edition. (Aux bureaux du Moniteur juridique,
4 rue du Fouarre. 19 10. In- 12°, de 134 pp. 2 fr.)
Petit mémento qui rappellera aux auteurs ce qu'ils devraient savoir. J'aurais aimé que
M. Tillié, qui s'intitule lui-même ancien éditeur, nous ait renseigné plus sûrement encore et
plus en détail sur les pratiques de ses confrères. Mais, tel qu'il est ce Guide peut rendre
d'utiles services.
KWARTIN (Bernard). — Der Moderne Gesangunterricht. (Cari Konegcn, Vienne,
1910. In-12'', de 116 pp. 2 fr.)
Voici une brochure d'un caractère tout nouveau. L'auteur a rassemblé les 10 OU
12 que«,tions qui se posent en général à propos de l'art du Cliant et qui ont fait l'objet de
toute un littérature depuis ces 10 dernières années. Il s'est livré à propos de ces questions à
une véritable eiuiuête qui a duré plusieurs années, et pour laquelle il a interrogé plus de
500 personnes, professeurs ou élèves. L'auteur conclut que la décadence de l'art du Chant ne
provient ni d'un travers du goût ou du style, ni d'une pénurie des voix, mais de l'anarchie det
méthodes et de l'insuffisance des professeurs, La majorité des élèves perd confiance dans un
enseignement arbitraire et aveugle, et change sans cesse de professeur et de méthode. Il en
résulte un désarroi complet, qui produit les pires résultats. Les voix de Ténor ont le plus &
souffrir de cet état de choses. La France aurait beaucoup à gagner ;i la connaissance de ce
petit volume nourri de faits.
LES LIVRES 583
OLSCHKI (Léo S.). — Catalogue de manuscrits sur vélin avec miniatures^ du X^ au
XVl'^ siècle. (Florence, 1910. In-4" de 100 pp. 20 fr.)
De tous nos grands libraires d'Europe, et de monde entier, M. Olschki est celui qui
sacrifie le plus volontiers à la somptuosité des catalogues. Ce dernier ouvrage, avec ces tirages
en bistre, ses reproductions en couleur, son iconographie débordante, est une contribution
véritable et précieuse à l'histoire du manuscrit sur vélin. Tous les amateurs, et ceux surtout
qui ne peuvent atteindre les originaux décrits dans ces pages, les conserveront et les consulte-
ront. A noter des offices, et surtout deux splendides Antiphonaires du XV% ornés de très belles
miniatures.
CATALOGUE OF THE MUSIC LOAN EXHIBITION. (London Novelleo&C",
1909. In-fol de 350 pp.)
Décidément les catalogues et les inventaires ont en ce moment toutes les sympathies des
bibliophiles. Cet ouvrage, qui jadis eut été un simple in 8°, sa présente à nous, grâce aux soins
de M. Novello, comme un merveilleux et imposant in folio. Je soupçonne fort notre éminent
collègue M. Littleton, d'avoir contribué pour une grande part à cette somptuosité, et la
musicologie lui en saura gré.
L'exposition musicale dont ce volume est l'inventaire, s'est tenue en 1904 à Londres pour
célébrer le troisième centenaire de la vénérable ÏVorshipful Company of Musicians de Londres,
fondée par charte du roi Jacques I en 1604. Exemple à proposer à nos syndicats de musiciens
qui pourraient réclamer de la Confrairie des Mènestriers^ si leurs ancêtres n'avaient pas impru-
demment détruit eux-mêmes leur corporation dès le XVIIP siècle. L'Angleterre avait la
première donné le modèle d'une exposition de musique, en 1872, puis en 1885 et en 1900.
La Loan Exhibition devait donc être en progrès sur celles qui l'avaient précédées, et en effet
elle fut remarquable. Livres, manuscrits, portraits, souvenirs, instruments, tout s'y trouvait en
abondance. Le catalogue de cette réunion de raretés est fait méthodiquement. Il contient
maintes bonnes notices. Et surtout des reproduction en héliotypie infiniment précieuses. Il
doit être complété par un ouvrage que nous avons analysé ici même, et où se trouvent les
lectures faites dans cette exposition qui s'appelle : English Music (Walter Scott Publishing C°.)
J'observerais cependant que le portrait de Monteverde me paraît d'une attribution bien
contestable. M. Hill, qui a mentionné cette toile, lorsqu'elle était encore en Italie, n'avait pas
été si affirmatif, à ce que je crois me rappeler. A critiquer aussi la planche qui représente des
" Recorder. " Le catalogue nous dit très justement que le mot recorder s'appliquait aux flûtes
à bec, et la planche représente en outre des hautbois et des cornets !
Dans la section des mss,, plusieurs volumes sont à relever : des tablatures de luth et
de violle ; le fameux Old Hall Ms. décrit dans nos bulletins internationaux par M. Barclay
Squire ; enfin trois livres de pièces de Virginal^ deux prêtés par le Roi d'Angleterre, un par les
marquis d'Abergavenny.
CHANTS FACILES A DEUX VOIX ÉGALES pour les familles et les écoles,
3® fasicule, i brochure de 16 pages, o fr. 15, chez Lebègue, 30 rue de Lille, Paris. — Ce
nouveau recueil de chants notés dans le système galiniste est digne des précédents. La musique
est claire, simple, populaire. Elle est empruntée en grande partie aux acteurs d'opéras-comi-
ques du 1 8*^ siècle et du commencement du 1 9*^, Reichardt^ Doche^ Dezède^ Laujon^ Gaveaux,
Gillier^ Hérold. On y rencontre aussi les noms de Beethoven^ de Mozart^ de Schubert^ de
Mendelssohn, de Rameau^ de IVeber. Un seul morceau est signé du nom d'un contemporain.
584
s. I. M.
M. Bonnet^ le président de l'association galiniste. Les paroles originales sont conservées le plus
souvent possible, ce qui est excellent. Quand il a fallu les remplacer par d'autres, on a fait des
einj^runts à des poètes connus, ou l'on a fait appel à l'initiative d'un homme de goût et
d'expérience. Nous souhaitons le plus vif succès à ce petit volume.
Paul Landormy.
J. BONNET ET G. MICHAÊLIS. — Tlu^orie Musicale, d'après Pierre Galin et ses
disciples, i vol. in-8", 5 fr. chez Lebègue et C"', 30, rue de Lille, Paris. — C'est là un
excellent volume de théorie à l'usage des écoles et des lycées. Il est très méthodique et très
complet, dans les deux systèmes de notation, galiniste et non-galiniste. Les chapitres sur
l'expression et sur la pose de la voix sont nouveaux et intéressants au point de vue pédagogique.
Un appendice sur le plain-chant fournit d'utiles renseignements élémentaires.
LA MÉTHODE MODULE CHIFFRÉE. — i vol. in-8'\ 2 fr. chez J. Lebègue
et C'', 30 rue de Lille, Paris. — Remarquable plaidoyer en faveur du système galiniste
comme moyen d'initiation musicale dans les écoles primaires. La question vaudrait d'être
discutée, un jour ou l'autre, très largement.
HENRY WOOLLETT. — Histoire de la musique depuis l'antiquité jusqu'à nos jours,
i^ volume, in-i6, 517 pages, 3 fr. 50, publication du "Monde Musical," 3 rue du 29 juillet.
— Ce premier volume nous mène des origines jusqu'à Gluck en 9 chapitres intitulés : Coup
d^œil d"" ensemble, le monde antique oriental et les chants populaires de Vorient moderne, la musique
dans la Grèce antique et moderne, origines et développement du Plain-chant, la musique au moyen-âge,
Vèpoque du contrepoint et la naissance du drame lyrique, le drame lyrique de Caccini a Lully et
Hcendel, P époque du Clavecin, le draîue lyrique de Rameau à Gluck. Le livre est plein de faits et
de bons exemples. Il est peut-être un peu trop savant pour les lecteurs auxquels il prétend
s'adresser. Le grand public réclame sans doute des vues plus rapides et plus systématiques. Tel
qu'il est, cet ouvrage rendra de grands services, et nous lui souhaitons le meilleur succès.
Paul Landormy.
E. L. BAZIN, Ingénieur des Arts et Manufactures : Ecriture et Théorie octavinolcs de la
Musique, chez l'auteur, 17 rue de Versailles à Nantes, et chez les libraires. 19 10. Gr. iii-4'
de 94 pages, avec un portrait de l'auteur.
Comme tous ceux qui joignent une culture sérieuse à la connaissance de la musique,
H. liazin a été frappé de l'anarchie et de l'incohérence qui régnent dans l'écriture et même
dans la théorie musicales. Aujourd'hui que se manifeste partout un esprit d'organisation et de
méthode, la musique semble s'attarder en une sorte de Kabile, et se complaire au sein d'un
inextricable Babiiismc, la même note, grâce au système de la portée à 5 lignes et des clefs,
pouvant offrir just|u'à 150 figures différentes ! La plupart des traités de solfège et d'harmonie
découlent de l'empirisme le plus suranné I^eur enseignement à la fois compliqué, pérenip-
toire et catididc, n'est cpie terminologique, purement vertical ; et s'enternie dans le plus étroit
des formalismes.
Depuis J. J. Rousseau, \r problème de la simplification de l'écriture musicale et de son
établissement sur îles bases logiijues est à l'ordre du jour, et il nous souvient il'en avoir lu dani
la S. I. M. une solution ingénieuse, due à M. Haustont. Mais, jusqu'à présent, nul n'a pu
LES LIVRES 585
triompher de la toute-puissante routine, et on continue h perdre un temps précieux à apprendre
à lire la musique, au lieu d'apprendre la musique elle-mâme.
Pourtant, les défauts de la notation actuelle apparaissent en toute évidence. En laissant
coexister la portée à 5 lignes munie de lignes supplémentaires et le système des clefs, cette
notation constitue une contradiction grossière; car si l'on multiplie les lignes de la portée, c'est
apparemment afin de réaliser une représentation immédiate de la plus grande partie possible
de l'échelle sonore, et d'emplacer les octaves. Or, le changement des clefs, c'est-à-dire des
points initiaux, a, au contraire, pour objet de rétrécir l'étendue de la portée. Ajoutons que la
lecture de toutes ces clefs ne s'acquiert que lentement, au prix d'un labeur rebutant, et
constitue la plus vaine des sciences. Et quelle inutile complication pour les instruments
transpositeurs.
Sans doute, ces anomalies peuvent se justifier d'un point de vue historique. Mais, là n'est
pas la question, d'autant plus que tous ces faits d'empirisme accumulés dans la notation ont
été des perfectionnements successifs, et que, par conséquent, rien ne nous empêche d'ajouter,
à notre tour, à la chaîne du passé un maillon plus solide et mieux conditionné.
Le système d'écriture de M. Bazin est dit octavinaly parce que chaque octave s'écrit tou-
jours de la même manière au moyen de 7 notes de forme invariable et d'une portée réduite à
3 lignes. Les clefs sont supprimées, les notes ne changent jamais de nom, et les octaves se loca-
lisent dans l'échelle au moyen de chiffres romains placés en tête de la portée. Evidemment, ces
chiffres constituent des espèces de clefs puisqu'ils indiquent l'exhaussement ou l'abaissement du
plan de l'intonation, mais, au moins, présentent-ils l'énorme avantage de conserver aux notes
leurs noms, de numéroter les octaves de façon précise et de supprimer toute ambiguïté de la
hauteur des sons.
M. Bazin règle avec la même logique la question des indices métriques qui, dans la notation
classique, est résolue de la façon la plus irrationnelle. Et, en effet, si, en rythme binaire,
la noire est l'unité du temps, en rythme tertiaire, elle est remplacée par la noire pointée, choix
vraiment singulier pour une unité. Dans l'écriture octavinale on rejette cette unité fraction-
naire, et on adopte la noire comme unité de temps, en rythme ternaire. La division du temps
s'établit alors au moyen d'une figure nouvelle, la crochette, une noire, valant trois crochettes, et
toutes les mesures de rythme binaire ou ternaire, s'écrivent de la même façon, au moyen de la
fraction : ^g^ ou ^^^Xues- ^^^ ^' ^' ^^ deviennent ainsi des |, |, *^ et l'incompréhensi-
ble terminologie qui fait de ces mesures des mesures composées disparaît.
Abordant le théorie même de la musique, M. Bazin traite de la formation des tonalités
qu'il classe en positives majeures et en négatives mineures et dont un système ingénieux
d'armures permet de reconnaître immédiatement la modalité.
Ce livre vient à son heure, car, comme toujours, l'art contemporain est en avance sur la
notation, qui, de plus en plus, se montre impuissante à le traduire. Quand l'esprit change, il
i faut que le matériel se transforme, aussi, ne saurions-nous trop recommander aux professeurs
de musique une étude attentive de la réforme octavinale présentée par M. Bazin avec un
remarquable esprit de logique. Peut-être pourrait-on reprocher à son ouvrage un certain excès
de concision qui en rend la lecture assez malaisée ; mais, il convient de rendre justice à l'effort
et à la rigueur de méthode dont il témoigne. Seulement, comme toutes les tentatives
antérieures, la méthode octavinale se heurtera à une assez sérieuse difficulté d'application, en
raison de l'énorme quantité de musique déjà gravée dans le système de la portée à 5 lignes, et
pour laquelle il faudrait procéder à une complète réforme typographique.
Lionel de la Laurencie.
586 S. I. M.
LUCIEN HARVET, le subtil mélodiste, le beau poëte du piano nous offie un lied :
Je t'aime^ poésie d'Andersen traduite par Wilder, (édition Breitkopflf). Chant de passion
désespérée, aux accents sauvages et doux à la fois, avec le geste des deux mains ferventes
— vers Elle — offrant le cœur qui saigne ; sur la plainte lente et mouvante, en accom-
pagnement, des vagues désolées. Art personnel, spontané, simple, jailli du fond de l'être, et qui
émeut sans détours. —
LIVRES REÇUS.
— GLASENAPP. — Dai Leben Richard Wagner s. (Breitkopf, 1 905-1 910, 6 vol.
in-S". Mk 47, 50.)
— GROVE. — Dictionary of Music. Vol. 5, T à Z. (Macmillan & C° 1910 in-8^ de
672 pp. 21/.)
— BURKERT (Otto). — Fuehrer durch die Orgel Litteratur^ von Kothe-Forch-
hammer, neubearbeitet von... (Lpz. Leuckart 1909 in-i2° de 388 pp. Mk 3.)
— KNOSP. (Gaston). — Notes sur la musique Indo-chinoise. (Extrait de la Revista
musicale.)
— JOHN (Ernest H. H.) — VolksUeder aus dem Saechsischen Erzgebirge. (Annaberg,
Grassers Verlag. in-8° de 240 pp. Mk 4, 80.)
— GASTOUE (A.). — Récitatifs ou Chants simples pour les Graduels., Traits et Alleluyas,
(Bureaux de la Schola in-4° de 44 pp.)
— BAZIN (S. L.). — Ecriture et Théorie octavinale de la musique. (Nantes in-4°
de pp.)
— VIRGILI (ViRGiLio). — Bernardo Pasquini (Pescia. E. Nucei 1908 in- 12° de 80 pp.)
— WUSTMANN (Rudolf). — Musikgeschichte Leipzigs in drci Baenden. Band 1.
(Lpz. Teubner, 1909, in-4" de 505 pp. M 6.)
— TILE (Gustave). — Guide pratique d"" édition. (Paris, 4 rue du Fouarre, 19 10 in- 12°
de 130 pp. Fcs 2.)
— RHODES (Emile). — Les Trompettes du Roi. (P. A. Picard et fils. 1909 in-4"*
de 70 pp.)
— WEINMANN (D' K.). — Kirchemusikalisches Jahrbuch. XXIIP année. (Regensburg
19 10, in-8'' de 190 pp.)
— CATALOGUE OF THE MUSIC LOAN EXHIBITION. (Novelleo & C^' 1909
in fol de 350 pp. London.)
— ROLLAND (Romain). — Haendel. (Collection des maîtres de la musique ; Alcan.
1910, in-12'' de 350 pp.)
— HAEGER (G.) et WÛST (W.). — - VolksUeder aus der Rheinpfalz. (Kaiserlautern,
H. Kayscr, 1909, 2 vol. in-8" de 300 pp.).
— KLOSS (E.). — Richard Wagner^ tiber die JVeistersinger. (Breitkopf 1910, in- 16"
de 86 pp. ; Mk 1.50).
— FARAIy (E.). — Les Jongleurs en France au moyen-âge. (H. Champion 1910, in-8
de 340 pp. ; 7.50).
— GRAVES (L. L.). — Musical monstruositics. (London, Sir Pitman 1909, in-12" de
230 pp. ; 1.50).
— WINDAKIEWICZOWA (Helena). — Katalog Pinni Polsko-Morawskich. (Kra-
kowic 1907, in-8" de 50 pp.)
LE FESTIVAL DE MUNICH ET LA PRESSE
Est-il une meilleure preuve du succès moral et artistique de la semaine française
organisée par nos- soins à Munich que l'intérêt accordé par la presse européenne à cette
imposante manifestation ? Nous avons reçu, au cours de ces trois derniers mois^ plus de
huit cents coupures de journaux ou revues. Elles représentent un effort d"* attention et de
sympathie que nous sommes heureux d'' avoir éveillé des deux cotés du Rhin. Nous adres-
sons ici fios plus sincères remerciements à tous nos confrères de la presse^ et en particulier
de la presse parisienne, qui dès le mois de juillet nous ont aidés avec une inlassable bien-
veillance, et un entier désintéressement, à propager Vidée d'un festival Français en
Allemagne, a la faire connaître et agréer du public. Et nous restons infiniment obligés a
l'Exposition d' Art Musulman de Munich, qui nous a rendu possible la réalisation de ce
beau projet.
Il nous reste aujourd'hui à dresser le bilan artistique de ces fêtes, à dégager, des
appréciations multiples et souvent contraires qui nous sont parvenues, un enseignement
utile. Une revue de la presse allemande nous dira l'opinion générale moyenne de cette
critique au devant de laquelle nous allions, guidés par nos maîtres.
Les Amis de la musique — il ne faut pas l'oublier — tentaient a Munich une
expérience nouvelle. Du coté de la France, il leur fallait échapper a tout esprit de coterie
et rassembler, en un programme limité, les éléments très divers, nombreux, inégaux et
antagonistes qui composent aujourd'hui l'art musical français. L'esprit d'impartialité et de
conciliation nous était imposé par le caractère même de notre société. D' autre part, il nous
fallait tenir compte de l' auditeur étranger. La critique allemande, venue en grand
nombre a Munich, pour la VHP symphonie de Mahler, et pour notre festival, dirigeait
naturellement sa curiosité vers les œuvres les plus nouvelles de notre jeune école. Le gros
public devait préférer nos œuvres consacrées, dont le style lui est déjà familier. On sait
enfin comment l'équilibre de nos premiers programmes, établis au mois de juin, se trouva
■complètement modifié par l'impossibilité de découvrir, soit en Allemagne soit en Suisse, un
chœur qui voulut préparer une audition des Béatitudes.
Quel fut le résultat d'un effort ainsi dirigé ? La presse allemande va nous l'indiquer.
Et ses indications portent, avant tout, la marque d'une sympathie très franche. Les
Allemands ont été heureux de nous recevoir; tous leurs compte-rendus témoignent d'une joie
incère (aufrichtiger Freude). On s'en est étonné chez nous. " Trop de fleurs" s'est-on
krié après la seule lecture des Munchener Neuste Nachrichten, sans faire réflexion que ce
I
ii LES AMIS DE LA MUSIQUE
quotidien^ organe officiel de r Allemagne du Sud^ se sentait tenu à une courtoisie^ dont
M. Knorr nous permit d' apprécier toute la mesure. Les mêmes réserves ne s imposaient
pas ailleurs y et les critiques ne nous ont pas manqué.
Le héros de la fête fut notre maître Saint Saëns — le Nestor de la musique
française^ com?ne T appelle un de nos confrères d' Outre Rhin. On s'est plu à voir en lui le
représentant des qualités les mieux connues de notre tempérament national. "La symphonie
en ut, écrit M. Spanuth, ^ peut passer pour un exemple achevé de la manière fran-
çaise de construire une symphonie et, ainsi considérée, elle apparaît comme un
chef-d'œuvre ; le musicien allemand peut apprendre quelque chose de cette clareté
du dispositif, et de cette perfection absolue dans la mise au point des détails ".
A côté de Saint-SaënSj Gabriel Fauré accentua le caractère de grâce légère et de
parfum de délicatesse qui frappe tout Allemand en présence de notre musique. Le grand
Hall de V Exposition était un peu spacieux pour le Pie Jesu, mais le Kuenstlertheater
s'adaptait merveilleusement à la voix de Mlle Féart^ et les lieder du maître ont été
pour beaucoup une révélation. Rarement le public allemand, toujours un peu méfiant
à regard du cha.rme français, a pu s'initier de plus près au sentiment puissant et sensuel,
qui se cache derrière les lignes fuyantes de ces mélodies délicieuses.
La symphonie de Franck a triomphé. Sa violence, superbement mise en valeur par
Rhené-Baton, la chaleur de son mysticisme rapprochent cette œuvre et son auteur des
sympathies germaniques. " Chez Franck, écrit le D" San Galli : ^ on dirait volontiers
que le cœur est toujours de la partie ; mais ce ne serait pas assez ; c'est l'âme
même de l'auteur qui passe dans sa musique. Franck était un artiste religieux. En
ce sens on peut dire avec un critique français des programmes du festival, quel
Franck fut un véritable successeur de Beethoven. (Qu'il ait été le seul, c'est à direi
plus que Beethoven, Schumann et Bramhs, c'est contestable). Mais en tout cas lai
symphonie en ré est ce que tout le programme nous a montré de plus profond. Dc|
ce point de vue Franck mérite sans doute d'être placé à la tête de l'école fran-
çaise ". Et la rédaction du journal ajoute aussitôt cette note bien caractéristique : " Le
jugement de notre collaborateur s'accorde parfaitement avec ce fait que Franck'
était né de parents allemands ".
Mais passons sur les éloges accordés en détail et en grand nombre à tous nos maîtres^
et arrivons aux critiques d'ensemble. Elles sont souvent vives et imprévues, mais il cofi-
vient de n en rien cacher.
M. Léopold Schmidt, ?totre éminent confrère du Berlincr Tageblatt écrit ^ : Un
' Berlincr Lokal Anzciger, du 25 septembre.
* Rhein-IVeslfalische Zcilung, du i^ septembre.
^ Le 24. septembre.
LES AMIS DE LA MUSIQUE iii
programme de trois concerts d'orchestre et de deux auditions de musique de
chambre devait mettre suffisamment en valeur les caractères communs à l'art national
français. Il nous montra cependant aussi combien en France, comme chez nous, il
y a rupture entre l'ancien et le moderne. Ce n'est pas seulement Saint Saëns, lui
jadis le premier à transporter en France le poème symphonique de Liszt, qui passe
au rang des classiques, mais des maîtres beaucoup moins conservateurs que lui,
sont refoulés vers lui par les tendances modernistes. Gabriel Fauré, malgré tout
l'intérêt de son style harmonique, et César Franck lui-même, si profond, si riche,
et qu'on voudrait considérer (non sans quelque exagération) comme le père de la
musique française, César Franck avec son inspiration pour ainsi dire gothique, son
goût des formes cycliques — l'un et l'autre restent, à côté de l'universel Saint
Saëns, les représentants de cet art qui s'est formé en pays gaulois, sous des influences
italiennes et grâce à des apports occasionnels venus d'Allemagne. Ils opèrent
(surtout Saint Saëns et Franck) par contrastes, leurs idées claires et plastiques ont
l'appui d'une rythmique vigoureuse, leurs formes et leurs moyens d'expression
sont purement et essentiellement musicaux. Le sentiment allemand pourrait peut-
être demander plus de passion, plus de complexité, plus de premier jet, mais il
convient cependant de se réjouir et de constater qu'en fin de compte ce qu'il y a
de meilleur et de plus particulier dans le caractère national d'une musique échappe
\ l'auditeur étranger... Vincent d'Indy, teinté de sécessionisme, appartient au
même groupe et y joue le rôle d'un savant doctrinaire... Un genre bien français
lui aussi, et qui relève de l'art d'agrément léger, raffiné, habilement ciselé, c'est celui
dont Lalo sera toujours le représentant le plus brillant. Entre les anciens et les
nodernes, se place Chabrier, dont la fantaisie infiniment riche n'a malheureusement
Das trouvé de moyens d'expression adéquats... La musique nationale en France a
depuis le milieu du XVIIP siècle soutenu de pénibles luttes. Sa nouvelle victoire
'en est que plus bruyamment célébrée. Depuis que Pelléas et Mélisande a fait le
ïour des scènes allemandes, nous connaissons les œuvres où Claude Debussy
orèche le nouvel évangile... L'article de Laloy publié dans les programmes, donne
sur lui les meilleurs éclaircissements... On ne peut se soustraire à l'impression de
rlécadent que fait naître dans cet art nouveau la crainte de la clareté, des contrastes
:t de toute saine vigueur. On ne saurait non plus contester qu'il abuse des effets
ilont Berlioz (toujours méconnu en France) avait déjà montré la profusion, sans
cependant les ériger en doctrine. Mais, quoiqu'il en soit, nous ne pouvons nous
mpêcher de suivre avec attention le debussysme. . . Ses grâces délicates son
léahsme indiscutable méritent notre intérêt, sinon chez ses imitateurs impuissants
tel Maurice Ravel) du moins chez le maître lui-même.
iv LES AMIS DE LA MUSIQUE
De la nouvelle école se dégage une personnalité celle de Paul Dukas, dont
"l'Apprenti Sorcier", esquisse colorée pleine de verve, a partout triomphé...
" En Norwèo-e " d'Arthur Coquard se conforme à des modèles connus, mais avec
une technique parfois toute personnelle. Roger Ducasse attire l'attention sur son
jeune talent par l'allure vivante, les fermes contours, et l'habile emploi des formes
anciennes, que nous montrent sa " Suite Française ".
M. Herz se montre assez sévère : ^
" Parmi les jeunes s'est sans conteste Paul Dukas qui remporte le prix ; il
est destiné à prendre en France le rôle prépondérant. Pour moi il se place bien au-
dessus de Debussy et de Ravel, dont les recherches ingénieuses dans le domaine
de l'orchestre ne doivent pas être mises en doute, mais qui, étant donné leur
amorphie, ne me paraissent pas qualifiés pour être à la tête d'une nouvelle école.
De Debussy nous n'avons du reste rien entendu de neuf, mais les " Nocturnes **
aux couleurs chatoyantes et magiques. De Ravel au contraire une nouveauté, la
"Rapsodie Espagnole " dont j'attendais beaucoup et qui m'a complètement déçu...
Chez Ravel la mélodie est pour ainsi dire égorgée, et les effets de sonorité
dominent exclusivement, ils dégénèrent même dans le dernier morceau en musique
" tintamaresque ". Si je me permets ce jugement vraiment dur, c'est que je ne
doute pas du talent extraordinaire de Ravel, et que je suis persuadé qu'il faudrait
ramener ce talent à sa véritable voie... Le jeune Roger Ducasse a débuté avec le
plus grand succès ; sa Suite respire la grâce et la joie française et particulièrement
" l'Ouverture" et la "Bourrée" sont des pièces charmantes et tout à fait aima-
bles. Dans la musique pure les " Suites " de Lalo, Fauré, Dubois et Coquard sont
des compositions très estimables, de bonne et sérieuse flicture, quoique d'invention
mélodique assez peu originale, ce qui explique l'incursion de ces Messieurs du
côté du Folklore ".
Voulons-nous voir r extrême du blâme, nous le trouverons dans V AUgemeuie Musik-\
%eitung sous la signature du docteur Eduard JVahl : ^
" Pour Debussy je dois avouer que je ne partage pas l'admiration de seîl
compatriotes à son égard. Certes ses théorèmes sont intéressants, certes sa manièrej
vous séduit, lorsqu'on l'entend pour la première fois. Mais je ne pourraiïl
vraiment l'apprécier que si elle était capable de produire cet effet d'une façoi^
durable. Et cela ne me paraît pas le cas. Lorsqu'on a pénétré le secret de ce senti
ment harmonique, assez simple d'ailleurs, on remarque que l'horizon de Debuss)
est petit et que l'originalité qui nous frappait passe rapidement à l'état de cliché.,
' Fremdenblatt. tienne le 5 octobre.
' 30 septembre.
LES AMIS DE LA MUSIQUE
Gabriel Fauré est très inégal. Il faut placer très haut sa suite de " Pelléas ". L'in-
fluence de Wagner est incontestable. Mais un Wagner si bien digéré qu'il n'en
résulte aucun dommage pour l'auteur, et l'on trouvera rarement l'impression
d'inconsolable douleur, de désir inassouvi exprimé par des sons aussi purs et dans
une forme aussi parfaite...
Citons encore un des articles les plus longs de la presse^ celui de notre confrère
Korngold^ successeur de HansUck a la Neue Freie Presse de Vienne : ^
" La musique instrumentale française prend conscience d'elle-même. Il y a dix
ans encore on ne l'aurait pas vue prenant le train à la gare de l'Est pour venir
célébrer ici trois journées de fêtes. En 1899 MM. Rabaud et d'Ollone passèrent à
Vienne ; c'étaient alors les maîtres Saint Saëns, Franck, Dubois, d'Indy, Chabrier,
Lalo, Bruneau qui nous paraissaient les représentants d'une génération de musi-
ciens modernes. Mais rapidement d'autres modernes ont succédé à ceux-là, et qui
ont non seulement cherché à transformer la langue musicale en usage, mais encore
à transporter dans le domaine de l'art des préoccupations nationalistes. Or, n'est-ce
pas justement ce groupe radical, épris de revendications nationales, qui a permis à
la musique française de jouer un rôle de plus en plus considérable dans la con-
:urrence internationale ? Si paradoxal que cela puisse paraître, on peut dire que l'art
des anciens et des jeunes, ne serait pas venu aussi complet à Munich, si ces
"révolutionnaires de la dernière heure n'avaient accompli leur mouvement de
révolte contre toute influence étrangère. "
M. Korngold rappelle V évolution de la mentalité musicale française depuis Berlioz et
ijoute : " Tout à coup vers la fin du siècle dernier se produisit un changement de
Tont contre la musique étrangère et particulièrement contre Wagner. Cette école
se rassembla autour de Franck. Puis un nom commença à circuler parmi les
krivains et les compositeurs libérés de Bayreuth: Debussy! Un nouvel " isme "
laquit : le debussysme... Ici une grande place avait été accordée à Saint-Saëns.
3a symphonie s'élève sans cesse au-dessus du spirituel et du joli (Nur-Geistreiche
ùind Nur-Feingebildete) et le cœur commente le souvenir de Liszt, dans les
irythmes il est vrai de Schumann et de Mendelssohn. Le premier allegro pourrait
"^tre de la main d'un Allemand. Dans l'adagio apparaît le Français.
I Gabriel Fauré nous montre un art voisin. Son quatuor en ut majeur parle une
jiangue sérieuse et d'excellente compagnie. Ses mélodies ont un parfum délicat,
1 inon le " Parfum Impérissable " dont il est question dans l'une d'elles. A côté
le Saint Saëns et de Fauré plaçons Dubois et Widor, tous deux issus de l'orgue,
-a France connaît aussi comme nous certaine facture musicale qui se réclame de
23 septembre.
vi LES AMIS DE LA MUSIQUE
l'académie, mais qui chez nos voisins a le bon goût de renoncer aux allures de la
profondeur et du colossal...
Suivant le moment on devient à l'orgue un Bach, un Bruckner ou un César
Franck. Il serait difficile d'indiquer les origines de l'art franckiste, qui est devenu
lui-même un point de départ. Toutefois c'est l'esprit de la musique allemande qui
se manifeste dans cette gravité religieuse, dans cette profondeur de la pensée
harmonique, même dans ce goût d'une fantaisie incertaine. Chez Franck l'invention
mélodique n'est ni puissante ni variée ; Franck est original mais pas riche.
Quand on parle de Franck, Vincent d'Indy n'est pas loin. La symphonie sur
un thème montagnard poursuit son motif initial avec une persistance voulue, au
milieu d'un travail thématique qui donne moins l'idée d'une véritable composition
que d'une transposition et d'un jeu. Dans la dernière partie la verve apparaît
cependant et tout l'esprit des rythmes. Sur l'accompagnement en cimbales du
piano et de la harpe, la clarinette joue un air de musette ; c'est une kermesse vue
du boulevard ".
A propos de Chahrier M.. Korngold rappelle le mot de Bellaigue, lors de la repré-
sentation de Gwendoline. ^^Et le reste ? Ce n est pas du silence^ comme dirait Hamîety
mais du bruit'\
De Bruneau l'Ouverture de Messidor est " eine Morgenstimmung im Treib-
hause " cest à dire " une impression matinale dans une serre ".
" On nous a donné la Rapsodie Norwégienne de Lalo. L'auditeur allemand a
déjà fait souvent cet agréable voyage aux pays du Nord.
" Venons aux jeunes et — pourquoi ne pas le dire — à ceux qui nous
intéressent. Debussy et Ravel sont facilement reconnaissables : mépris de la culture
musicale traditionnelle, et retour au primitif par le raffinement... Les créations
de Debussy ne sont pas seulement d'une originalité exclusive, elles sont l'expression
même de la solitude et de la désolation d'une âme (seelig veroedet). Mais ce
formalisme extrême, qui cherche à remplacer les formes absentes, ce sens délicat
des nouvelles valeurs harmoniques et des couleurs, créent à leur tour de nouveaux
attraits. La sensibilité, je dirais volontiers la chasteté de Debussy, disparaît com-
plètement chez l'hyperdebussyste Ravel, un jeune sauvage, mais plein de talent pour
les hors-d'œuvre de l'instrumentation, et qui sait nous tenir en suspens devant!
l'exécution d'un rien sonore, comme sa rapsodie espagnole. Nous avions du resttj
déjà entendu à Vienne un quatuor de lui, qui n'était ni moins espagnol, ni moinî
rapsodique. A la mesure de ces deux musiciens Paul Dukas apparaît comme ur
artiste pur sang. Son "Apprenti sorcier ", devenu un morceau de répertoire, a ci
tout le succès d'une manifestation musicale du plus pur esprit gaulois. Dukas es
LES AMIS DE LA MUSIQUE vii
un des plus grands espoirs de la musique française contemporaine. Qui connaît cet
homme spirituel, le redoutera — à cause de son esprit même. Il lui manque la
fraîche naïveté qui ose ; les regards qu'il jette vers le passé semblent faire tort à
l'audace qu'il sait cependant montrer à l'occasion. Aux fêtes de Salzbourg Dukas,
qui ne sent pas apprécié à sa valeur en France ni à l'étranger, laissa échapper ce
joli mot : A Salzbourg on me croit trop Parisien, et à Paris je passe pour être trop
Salzbourgeois. — Ne pas confondre avec lui Roger Ducasse, dont la " Suite
Française " amuse par son humeur pétillante, par le feu d'artifice de ses rythmes,
par le jacassement de ses bois et de ses cordes. Un Wolf-Ferrai français... "
La place nous manque pour citer encore de nombreux confrères qui ont^ chacun de
leur point de vue ^ jugé ^ critiqué^ et fait assaut de qualificatifs autour de nos musiciens. Encore
moins voudrions-nous résumer nous-même ces impressions multiples et un peu fugitives. Dans
notre prochain Bulletin des Amis nous grouperons quelques textes allemands qui ont précisé-
ment cherché à tirer des conclusions générales de ces fêtes et à donner à leurs lecteurs une
opinion comparée de F état présent de la musique des deux côtés du Rhin.
LE MONUMENT WAGNER
ha souscription ouverte dans notre Bulletin au printemps dernier^
et destinée a V érection d'un monument Wagner a Venise^ dans le Palais
, Vendramin où est mort le Maître^ a produit la somme de fr. 2.000
i auquel il convient d'ajouter le don généreux de S. M. le Roi de Bulgarie . . fr. 500
Soit fr. 2.500
L'inauguration de ce bas-relief a eu lieu le 26 octobre dernier, en présence des
autorités communales de Venise, d'une nombreuse colonie étrangère, et de la haute société
\ Vénitienne.
C'est à Ettore Cadorin, un sculpteur vénitien fixé a Paris, que nous devons ce
[^monument de marbre. Le bas-relief a 1^25 de hauteur sur une largeur de i°'45 ;
il comporte un médaillon du Maître entouré d 'une guirlande de lauriers. Au bas ces mots
de Gabriele d'Annunzio :
" In questo palazzo l'ultimo spiro di Riccardo Wagner odono le anime
perpetuarsi corne la marea chè ïambe i marmi. "
Après le prélude des Maîtres-Chanteurs par /' orchestre communal, sous la direction
i du Maestro Preite, M. Max Rikoff prit la parole au nom du Comité, et prononça
\ l'allocution suivante :
^^ La sculpture et la poésie s'unissent en ce jour pour rendre hommage a la mémoire
d'un maître, dont le nom, assez illustre pour se passer de toute épithète banalement
viii LES AMIS DE LA MUSIQUE
louangeuse, sonne comme une fanfare triomphale, à travets le motide de la musique :
Richard Wagner.
" // ne s'agit pas d'ériger ici un jnonument a sa gloire. De tels monuments se
dressent ailleurs, et le plus beau d'entre eux n'atteindra jamais la splendeur des œuvres
dont on se proposera de magnifier V auteur. Il s'agit d'un simple souvenir, et, si l'on
veut excuser ce mot prosaïque, d'un "avis au public". Oui, nous avons souhaité qu'en
passant devant ce palais, les Vénitiens et les étrangers, les curieux et les indifférents,
s'arrêtent et lisent. Qu'ils se reportent un instant, par la pensée, à cette date du
13 février 1883, jour de deuil et de larmes pour la musique! Qu'ils songent
pieusement : la séjourna quelques mois l'un de ceux qui ont compté parmi les hoynmes ;
là son cœur a cessé de hatt7'e ; là ses yeux se sont fermés à la lumière.
"£/ tel est le prestige du génie qu'il échappe aux distinctions d'école, aux
particularités de race, aux limitations de frontières. Parvenu à certain degré, il n'est
plus d'un seul pays, mais de tous les pays. Dans ce sens on a pu proclamer que l'art
n'a pas de patrie, l'art, c'est-à-dire l'art supérieur, celui qui porte en soi et transmet
à la terre un reflet du ciel, un rayon divin. Homère et Platon, Virgile et Dante,
Shakespeare et Ne-wton, Molière et Pasteur, Mozart et Beethoven n'appartiennent plus
à leur nationalité d'origine; ils ont dépassé le niveau on l'homme demeure obscur pour
ses semblables parce qu'il reste confondu dans la foule ; or, a mesure qu'il s'élève, il
voit de plus haut, comme on le voit de plus loin. Ainsi Wagner a grandi de telle sorte
que si V Allemagne a la juste fierté de son fils, l'humanité le réclame à son tour para
qu'il lui fit honneur, parce qu'il a noblement travaillé pour agrandir le champ de
son esprit, pour étendre le dofnaine de son idéal.
" Voilà pourquoi un groupe d'admirateurs, parmi lesquels toutes les nations sont
représentées, a conçu le projet qui se réalise aujourd'hui. En son nom je remets à la ville
cette plaque commémorative, dont elle accepte la garde. Venise la belle, aime ce qui est
beau. Elle se rappellera que la beauté de l'art est une religion, et que, dans cette
religion, Richard Wagner fut l'un des apôtres les plus convaincus et les plus grands. "
Le Maire de Venise, Comte Grtjnani, remercia en termes chaleureux le Comité
International et l'auteur de cette œuvre fort réussie. Il donna l'assurance que la ville
se ferait un plaisir de prendre sous sa garde, ce Monument Commémoratif Après la
cérémonie, l'orchestre exécuta encore quelques morceaux, pendant que les invités
passaient en gondole devant le monument. M. Max Rikoff, déposa devant le bas-reliefs
une couronne au nom de la "Société Française des Amis de la Musique"; le
Conservatoire " Benedetto Marcello" de Venise en fit autant. Parmi les assistants^
nous avons remarqué le Préfet de Venise; le Commandant du Département ; Duchesse
Canevaro, Baronne Ellembach; Baronne de Fontaine; Comte et Comtesse Lovatelli;
Baronne Bosch; Rudolph Wintenberg; Broceo, Représentant de la Maison Ricordi ;
von Siepski, Consul d'Autriche, M. et M"" Davez, etc.
Il y a quelques années, un professeur genevois, M. Jaques-Dalcroze,
I eut l'idée de faire exécuter à ses élèves solfégistes des mouvements coor-
donnés à la musique qu'il leur faisait entendre. Le but était de fortifier,
chez ses élèves, l'instinct musical, quelquefois défaillant.
Lorsqu'il songea à prendre le pas pour unité de mesure et à associer
des mouvements corporels à l'audition de la mélodie, M. Dalcroze ne
soupçonnait sans doute pas toutes les conséquences de sa géniale tenta-
tive, et le développement que devait prendre, par la suite, la Qymnastique
Rythmique qu'il venait de créer.
588
S. I. M.
En France, nous ne connûmes guère de la gymnastique rythmique
que son nom, quelques comptes-rendus de presse nous l'ayant appris. De
timides essais d'acclimatation, faits à Paris, n'intéressèrent qu'un petit
groupe. Il est probable que nous en serions
restés fort longtemps à cette vue limitée
si un remarquable artiste, et un homme
d'initiative, M. Jean d'Udine, ne s'était
subitement enthousiasmé pour la nouvelle
méthode. Il l'évalua, par intuition immé-
diate, et pressentit les merveilleux résultats
qu'une judicieuse application en pouvait
obtenir, non seulement au point de vue de
la culture musicale d'un individu, mais
encore au point de vue de sa culture
générale. Sans délai, avec un courage et un
esprit de décision qu'on ne saurait trop
louer, M. d'Udine abandonna la situation
qu'il occupait à Paris et alla s'installer à
Genève où il se soumit à un entraînement
intensif sous la direction de M. Jaques-
Dalcroze. Il associait à son effort deux
collaboratrices dont le dévouement doit
être, ici, rappelé : sa femme M""" Jean
M. Jean d'Udine d'Udine, et M^"*^ Charruit, sa belle sœur.
Tous trois travaillèrent un an.
De retour à Paris, en octobre 1909, M. d'Udine inaugurait les
premiers véritables cours de G. R. dans une salle louée et aménagée à cet
effet. Il expliqua, dans une conférence d'ouverture, ce qu'était la G. R. et,
avec une confiance ingénue, proposa à ses auditeurs le nouvel enseignement.
Engager des Parisiens distraits, sceptiques, frivoles, (opinion accréditée
dans le monde entier, donc indiscutable) à revêtir régulièrement, deux
fois par semaine, un costume de gymnastique, et, sans apparat, sans |
snobisme, tout simplement, tout docilement à se placer sous la direction
d'un professeur !.. convier ces gens accablés d'occupations, de soucis, de
plaisirs à améliorer leurs corps imparfaits, à combiner des mouvements
harmonieux sous la dictée de la Musique, à établir, en leur mentalité,
des associations nouvelles, à travailler difficilement, avec persévérance, des
LA GYMNASTIQUE RYTHMIQUE 589
rythmes oubliés depuis les années de collège, et à rendre, en leurs cœurs,
hommage à la Beauté, c'était : ou d'une candeur désarmante, ou d'une
intrépidité de conviction singulière. On resta d'abord saisi ; puis, la
ferveur de ce converti à la doctrine dalcrozienne, sa parole entraînante,
son accent de franchise, la grâce des attitudes de ses deux monitrices,
exemples vivants de l'excellence de la méthode ; cette sympathie, que
suscite tout enthousiasme sincère, l'emportèrent tout à coup. On fut
subjugué, entraîné, conquis, et, avant la fin de la séance, le programme
était adopté.
En s'adressant à Paris, M. d'Udine prouvait qu'il connaissait bien
cette Ville aux ressources d'intelligence, aux avidités de savoir et à cette
continuité de labeurs que beaucoup méconnaissent parce qu'elle a le bon
goût et la délicate politesse de masquer son effort d'un sourire. Hommes,
femmes, enfants s'inscrivirent aux nouveaux cours, on refusa des élèves.
Le succès avait répondu à l'ardeur de foi agissante du nouveau maître.
Malheureusement, quelques mois après, un deuil cruel venait attrister
la maison. M"" Charruit était enlevée à l'affection des siens. M. et M""^
d'Udine continuèrent seuls la tâche.
Presqu'un an passé et aujourd'hui des résultats s'imposent à notre
attention. Et d'abord, qu'est-ce que la Gymnastique Rythmique ?
Au déchiffrage, lorsque le pianiste lit couramment les signes sur la
portée, il organise mentalement, et de façon presque instantanée, la série
des mouvements nécessaires à l'exécution du morceau. Cette blanche doit
durer deux temps ; ces deux temps doivent être lents, car le tempo indiqué
est : adagio ; le son sera plein et fort, car la nuance l'exige ; le doigt se
lève donc à une certaine hauteur afin de presser comme il faut la touche.
Immédiatement, avec une rapidité surprenante, la durée, la vitesse,
l'intensité du son, l'amplitude du mouvement nécessaire à le produire
ont été évalués par l'exécutant. Entrevu un petit rond blanc, ou noir, sur
une portée, et tout le mécanisme mental se déclanche; le courant nerveux
est projeté le long du bras, dans la main, le doigt tombe, l'effet est
obtenu.
Ce que fait là le pianiste, pour que sonne le clavier, ce travail
immédiat d'action manuelle, l'élève de G. R. l'accomplit avec tout son
590
S. I. M.
corps. Pour lui, l'audition entraîne immédiatement une série d'images
mentales et une organisation consécutive de mouvements rythmés. Taine,
dans cet admirable livre de V Intelligence^ d'une analyse
si pénétrante, si aiguë et si juste de tout le processus
mental, Taine dit que le mot et l'image forment un
couple inséparable ; l'un, le mot, lu ou entendu, suscite
une série d'images lui correspondant, l'autre, l'image,
ou les images perçues entraînent le vocable qui les
désigne. C'est un couple lié — chez tout sujet normal.
— Il en va de même en G. R., mais ce n'est plus du
mot qu'il s'agit, c'est du son. Ainsi on peut dire :
le son perçu par le ryth??îicien ^ est couplé à une série
d'images mentales représentatives de mouve?nents. Ces
images sont — comme nous le voyions tout-à-l'heure
pour le pianiste — de durée, de vitesse, d'étendue et
d'intensité. Par la suite, et à ces premiers groupes,
s'ajoutent d'autres images, d'un ordre différent, que nous
appellerions volontiers, de pathétisme.
Les mouvements corporels peuvent ne pas être
exécutés, ils sont toujours perçus en puissance d'actes (lorsque l'entraîne-
ment est suffisant). Des que le son et P image sont couplés^ le logos musical
est traduit par le geste du corps : geste
prompt, agile, détendu, rapide ou lent ;
pompeux, marqué, ou simplement esquissé,
très large ou petit et comme resserré. Il
se mesure et s'appuie aux fractions du
temps, et ainsi sa durée s'adapte à la
vitesse ; enfin il s'intensifie, devient riche
et comme tout plein d'une force qu'il
projette. Quelquefois il se pathétise, l'in-
terprète transmet alors tout le contenu
émotionnel de son être sous l'influence
excitatrice du dessin musical perçu.
La G. R. aboutit donc à la panto-
mime et à la danse expressives, non pas
celles que nous connaissons trop et dont les attitudes prévues sont
' Terme adopté par l'Ecole Française de (x. R
Un premier temps
Un deuxième temps
Dernier temps
ritenuto
LA GYMNASTIQUE RYTHMIQUE
591
imposées par un maître de ballet suivant des traditions, trop souvent
fausses, incohérentes, et comme établies contre la Musique. Il s'agit, en
G. R. d'une pantomime et d'une danse expressives créées spontanément,
par le danseur lui-même, en fonction de la musique qu'il traduit. C'est,
au sens littéral, une inspiration musicale. L'interprète dessine dans l'espace,
qu'il emplit de belles images mouvantes, le mystérieux poème : joie,
pleurs, ironie, dédain, divertissement, amour, lamentations, que chante,
clame ou murmure la voix de la Muse lorsqu'elle rompt le silence.
Est-ce tout ?... Bien plus encore. Nous allons constater un curieux
phénomène de réversibilité. L'artiste, c'est le pratiquant de G. R. que je
veux dire, a obéi à la Musique et, sous sa dictée, il a dessiné de beaux
gestes. Maintenant, mû par cet instinct créateur qui pousse l'homme,
à chaque instant, vers des voies nouvelles et toujours plus variées, il va
suivre une marche inverse, et ceci vaut qu'on s'y arrête; il va, avec des
gestes, créer de la musique, c'est-à-dire
des rythmes nouveaux. Lorsque le
peintre a beaucoup observé la Nature et
s'est astreint longuement à sa minutieuse
représentation, il arrive qu'il cesse un
instant d'ouvrir les yeux sur Elle.
Regardant en lui-même, retourné vers
ces cavernes mystérieuses de la pensée :
insondables gouffres tour-à-tour pleins de
lumières et noirs de formidables ombres,
il découvre une foule de formes harmo- _
nieuses qu'il ne soupçonnait pas en lui.
Elles sont sa création propre, le fruit de
son esprit et comme les filles mêmes de
son âme. Saisissant alors ses pinceaux,
ses couleurs, ses toiles, le peintre fixe,
pour nous, ces créatures imaginaires
venues de ce monde intérieur que nous connaissons si peu. Ainsi en
va-t-il de même pour l'adepte de G. R. Il cesse parfois de désirer
entendre la musique, il ferme l'oreille à ses accents ; il se recueille ;
l'éveil et la surexcitation du sens dynamique, très développé chez lui,
déterminent V invention ; il élabore des rythmes nouveaux, les propose
Scherzo
592
S. I. M.
à la mélodie ; il les veut fixer en de beaux chants, il se charme soi-même
de ses trouvailles, leur cherche une voix qu'il tient à nous faire entendre,
note leur dessin, leur cours régulier et paisible, ou l'oppression de leurs
syncopes haletantes. Comme la pythonisse, agitée par le dieu, trouve enfin
la formule de l'oracle, le " rythmicien ", dans ce nouvel état, découvre
l'expression musicale correspondant au geste qu'il vient de concevoir.
Ici, le mouvement a créé la Musique.
On voit quel large champ est ouvert à ceux qui voudraient appro-
fondir cette moderne orchestique et quelles multiples activités elle
solliciterait chez eux.
*
On peut définir la Musique, il est impossible, avec des mots, d'en
donner l'impression. Ayant, à rendre compte d'une composition entendue,
'^/..i,.
•'"(
Agenouillements
je puis énoncer qu'elle est d'un mouvement lent, à quatre temps, en mi
bémol, confiée à tels et tels instruments. Celui qui me lit, ou m'écoute,
n'est pas plus avancé ; j'accumule les adjectifs, dis que le morceau était
superbe, magnifique, sublime, ou plat et ennuyeux ; qu'il a fait couler
LA GYMNASTIQUE RYTHMIQUE 593
des larmes, ou fuir le public ; du point de vue musical, ce sont paroles
inutiles ; rien de plus de la composition n'est révélé. Le choc verbal : le
retentissement du mot dans la pensée, n'est en rien comparable au choc
musical^ ou plutôt, les rapports entre eux sont tellement éloignés que presque
nuls. Il faut entendre soi-même ; entrer personnellement dans le cercle
des ondes sonores, vibrer de leurs vibrations pour savoir ce qu'est la
Musique et l'effet produit par telle ou telle composition.
De même, en G. R. ni vocables, ni même croquis, si parfaits soient-
ils, ne peuvent donner l'idée de la succession des mouvements, encore
moins du travail mental que nécessite leur exécution. Il faut voir, le
mieux serait de devenir soi-même rythmicien, pour prendre l'idée com-
plète de l'admirable méthode dalcrozienne.
Certains compositeurs, pour aider à la compréhension de leurs œuvres,
en donnent quelquefois une analyse thématique. L'idée est bonne ;
essayons-en.
Avant toute chose, en dehors de la G. R. et précisément dans cette
Revue Internationale de Musique, nous formulerons un vœu : c'est que
le mot rythme soit mieux défini. En effet il peut désigner :
1° Le mouvement : On dit un rythme vif et gai.
2 Une certaine disposition régulière de valeurs : le rythme du
boléro, de la barcarolle.
3° Un dessin mélodique (voir les ouvrages de Mathis Lussy) un
rythme thétique, anacrousique.
4° La durée des valeurs : un rythme de blanches et de noires.
C'est beaucoup. Il importerait de préciser.
En G.R. un rythme est la série des valeurs d'un dessin musical. (Com-
binaison des définitions 3 et 4).
Ceci dit, revenons à notre méthode.
Tout dessin mélodique suppose une mesure (2, 3, 4 temps) remplie
par des notes ou des silences de durées différentes (blanches, noires, soupirs).
Tout individu normal possède des bras et des jambes. Il peut donc
se proposer d'indiquer, par les mouvements des membres, les temps et les
durées. Par exemiple : les bras battront les temps^ avec des gestes convenus,
tandis que les jambes marqueront les durées^ par station ou mouvements.
Etant donné ce rythme : f f f les bras feront quatre mouvements, les
pieds frapperont le i®' temps ; indiqueront le 2""^ par un mouvement, le
corps restant stationnaire, et marcheront les temps 3 et 4.
594
S. I. M.
Il a fallu convenir d'un certain nombre de mouvements significatifs
correspondant aux temps et aux durées. S'il a connaissance des conventions
faites, le spectateur d'une leçon de G. R. peut lire^ dans les gestes exécutés
devant lui, par les élèves, les valeurs musicales données par l'instrument.
Il les découvrirait d'ailleurs par lui-même en peu de temps.
On arrive ainsi à :
1° Battre la mesure avec les bras ; marquer les rythmes avec les pieds.
2° Battre la mesure avec les pieds ; marquer les rythmes avec les bras.
3° Penser, ou mieux sentir mentalement la mesure, et battre le rythme
avec les bras et les pieds.
4° Indiquer les rythmes, non plus par des mouvements segmentaires,
mais par l'attitude complète et même expressive du corps.
Tout ceci, d'après la leçon du piano, et a F iustaîit 7ncme de V exécution.
En d*autres termes, le rythmicien fait de la "dictée musicale" non écrite,
mais mimée ; il la réalise, non par la graphie, mais par le geste. Les
élèves arrivent, très rapidement à traduire les improvhatiojis qu'ils entendent,
comme les solfégistes à les écrire. Ils font mieux encore. Au bout de
quelques mois d'étude, ils réussissent à figurer un rythme qu'ils viennent
de percevoir, tout en enregistrant un autre, qu'ils vont exécuter. C'est cc
qui se produit quand ils "agissent" un contre point sous forme canonique.
Voici un exemple entendu réccminent au cours de M' d'Udine :
Elèves
Flino
LA GYMNASTIQUE RYTHMIQUE 595
s —
r* u r
tl) <?■> C3)
ci/ r r-
ete;
Le piano propose le rythme i ; les élèves l'exécutent à la deuxième
mesure, en enregistrant le rythme 2, qu'ils vont figurer pendant la
3°"® mesure, en enregistrant le rythme 3. Et ainsi de suite pendant toute
la durée du canon.
On peut également demander aux rythmiciens d'exécuter les
mouvements en sens contraire, autrement dit de réaliser un rythme en
le commençant par le dernier temps, cependant qu'ils battent la mesure
à l'envers et marchent rythmiquement en arrière au commandement.
Toute cette partie d'acquisitions techniques, sans stylisation, est
d'un intérêt majeur, et révèle, chez les plus petits enfants, (certains des
élèves ont cinq ans) une puissance d'organisation motrice tout à fait
stupéfiante et, jusqu'ici, insoupçonnée.
Allez voir ces gentils élèves qui, sous le magistère de M. J. d'Udine,
attendent l'heure de la leçon. Ils sautent, courent, bondissent dans la
vaste salle et semblent se soucier fort peu de psychologie. Cependant le
maître s'assied au piano, le travail commence. Tous les jeunes disciples,
garçons et filles, sont attentifs ; ils nouent et dénouent leur ronde ;
précipitent ou ralentissent leurs pas, selon que la mélodie s'enfle ou
diminue ; les petits pieds frappent les temps forts, les bras et les mains
mignonnes s'élèvent en cadence. Pas un des enfants n'est passif. lis ne
peuvent pas F être. Aucun de ces martyrs mécaniques qui ânonnent, au
'Cours de solfège, un^ deux^ trois., quatre., un., deux., trois., quatre, la
figure grise et la pensée absente ; toutes les petites bonnes gens, ici,
rassemblés sont en train de bien vivre leur vie ; ils s'activent et s'appli-
quent, il ne faut point troubler les pas, ni manquer la mesure : les têtes
travaillent, les mouvements sont commandés, inhibés et repris suivant la
leçon du piano.
Après les exercices, les jeux, avec application des mêmes principes.
Aujourd'hui, c'est le Petit Poucet dont M"" d'Udine a écrit la musique.
■Un brave petit homme de six ans, au minois futé, aux yeux brillants
d'intelligence tient le grand premier rôle de Poucet. Ses dix frères le
suivent. Tous abandonnent leur famille. Apparition terrifiante de l'Ogre.
En la circonstance, c'est un élève de G. R. détaché du cours d'hommes.
2
596
S. I. M.
— Faut-il ajouter qu'il est un de nos plus admirables poètes. — Bien supé-
rieur au jeu auquel il s'associe, et d'une signification plastique étonnante,
son départ est superbe : un tel élan ferait la joie d'un sculpteur. Il y a là
un allongement de lignes prodigieux, donnant la sensation même du
démesuré, une étonnante projection du bras droit en avant, par un
vigoureux lancé, tandis que la jambe droite s'étire longuement en arrière
et que le regard scrute, à des lieues, un imaginaire horizon. Cet Ogre est
immense. Toute la scène se déroule rythmiquement^ chaque geste com-
mandé par les combinaisons de valeurs de la notation proportionnelle.
C'est un contre-point d'un nouveau genre, dont l'exposition est faite à
la fois par le piano et par les figurants : l'Ogre et le personnage collectif
Le Tctit Toucct
de la famille Poucet. On pourrait l'écrire à onze parties, si on voulait,
un ancien harmoniste n'y eut pas manqué et nos jeunes rythmiciens n'y
verraient nulle difficulté.
*
Quelle est l'utilité de semblables exercices.? ont demandé certaines i
gens qui n'ont jamais beaucoup réfléchi à leur propre existence, se |
préoccupant moins de sa qualité que de sa longueur.
Pourvu qu'en somme
Je vive, c'est assez, je suis plus que content.
Cet idéal, qui n'en est pas un, semblera pcut-ctrc un peu court.
A ceux qu'il ne satisferait point et qui veulent surtout vivre, en qualité^
nous dirons que la G. R. peut les intéresser au triple point de vue:
musical, plastique et psychologique. '
LA GYMNASTIQUE RYTHMIQUE 597
Musical. Il est presque inutile d'y insister. La culture musicale
rythmique est, chez nous, assez négligée, et même nulle. Les plus
remarquables virtuoses ne soupçonnent guère leur arythmie ; elle existe
cependant, et il leur serait impossible d'exécuter, tout virtuoses qu'ils
sont, les mouvements que fait, sans peine, un jeune rythmicien de dix
ans. Un entraînement méthodique, et progressif, ne leur serait donc pas
inutile. Quant aux musiciens non-virtuoses, ils sont foule, ils auraient
• UOgre.
tout profit à développer, en eux, le sens du rythme par l'étude, ou plutôt
la pratique de la G. R.
Si par hasard, fantaisie prenait aux compositeurs de devenir ryth-
miciens, ils acquerraient les notions les plus claires et les plus précieuses
sur les rapports du geste et de la musique, (nous ne disons rien des
maîtres de ballets). Ils feraient, en ce qui touche au rythme, de véritables
découvertes leur permettant de varier un peu les formules qu'ils emploient.
Quelques-uns d'entre eux cesseraient peut être de demander la variété
rythmique à l'incohérence. Ce serait tout profit pour l'art.
Plastiquement, la G. R. détermine l'harmonie du geste. Regardez
les gens agir autour de vous ; que de mouvements mal venus ; ou trop
arrondis, et lâches, et mous; ou anguleux, rétrécis, désagréables à l'œil.
La cause d'effets si fâcheux ?... nous sommes presque tous arythmiques
par suite d'une mauvaise éducation, ou si l'on veut, d'absence d'éducation
59»
S. I. M,
Spéciale : nous ne savons pas coordonner les mouvements les plus
élémentaires ; nous dépensons trop, ou trop peu, d'influx nerveux ; nous
ne pouvons pas commander, en temps et quantité voulus sa distribution.
La G. R. apprendrait à chacun de nous, hommes et femmes, la grâce
du geste, non pas cette grâce factice que les femmes, particulièrement,
surajoutent à leurs mouvements comme elles mettent de la poudre sur
leurs visages; grâce agaçante et fausse, fard du geste, dissonance et
mensonge, mais la grâce véritable que donnent, naturellement, des
mouvements justes représentant le minimum d'effort musculaire pour le
maximum d'effet réalisé.
Mais restreignons à ceux que la méthode dalcrozienne intéresse
plus directement. Les peintres, sculpteurs, dessinateurs et tous artistes
de la forme, trouveraient, dans les rythmiciens, des collaborateurs autre-
ment précieux que les mo-
dèles gagés qui tiennent, plus
ou moins bien, "la pose". Ils
pourraient perfectionner, là,
cette éducation de l'œil qui
leur est indispensable et que
les habitudes de notre civili-
sation favorisent si peu. Un
artiste génial. M' Rodin, a
trouvé le moyen d'obtenir
des poses libres^ des mouve-
ments spontanés, des flexions
à saisir au vol, pour la plus
grande joie de l'œil qui se
caresse aux contours ; mais
tous les amoureux de la ligne
ne peuvent pas user du pro-
cédé de M' Rodin. La G. R.
le leur offrirait dans des con-
ditions inespérées et peut-
être plus parfaites encore.
Autre aspect de la question : si Ton songe au développement du
*' bel animal humain ", les médecins seraient tout désignés pour en suivre
les phases sous l'influence de la G. R. 11 est même étonnant, par ce
Quatrième temps d'une
mesure à ^
Dernier temps en force
LA GYMNASTIQUE RYTHMIQUE
599
temps de médicophilie, que M' d'Udine n'ait pas, dès le début de ses
cours, prié quelque sommité médicale de " mesurer " les candidats qui
se présentaient afin de constater leurs modifications physiologiques,
après quelques mois d'exercices.
Enfin les psychologues ne devraient pas négliger l'assistance aux
cours de G. R. Ils devraient même y être les premiers. Qu'on veuille
bien se rappeler en effet que la Mémoire est notre faculté maîtresse, la
base même de toute notre vie psychique, conditionnant l'autre. Associa-
tions, dissociations, ces deux aspects d'un même phénomène si remar-
quablement étudié par M"" Ribot dans son livre sur les Maladies de la
Mémoire^ voilà tout le travail de la pensée.
Il n'est rendu possible que par la mémoire.
Pas un de nos gestes, pas la plus petite
de nos actions, qui ne suppose un en-
traînement, c'est-à-dire un fait de mé-
moire. Par contre, la plus légère amnésie
nous frappe d'incapacité. L'étude de la
mémoire constitue, certainement, le plus
important chapitre de toute la psycho-
logie ; combien s'enrichirait-il de l'at-
tention donnée à la gymnastique créée
par M' Jaques-Dalcroze. Elle institue une
série toute faite de remarquables expé-
riences sur le passage du conscient à l'in-
conscient. M'' le Professeur Grasset dirait :
sur les relations multipliées du centre O
avec le polygone. Et, l'illustre psycho-
i logue. M"" le D"" Pierre Janet, trouverait
; ici matière à une superbe leçon ajoutée à
1 X Automatisme Psychologique.
Une autre étude pourrait encore
s'offrir à l'intérêt de tant de renommés ^ , ' ~^
1-11 , 111 i emps fort après une note piquée
\ philosophes ; nous voulons parler de la ^ j r ri
lecture et comme de la visibilité des sentiments sur tout le corps humain
en action. L'élève rythmicien est pour ainsi dire condamné à l'expression
de sa vérité sentimentale par la justesse même de son effort, 't'out l'in-
dividu devient expressif. D'une part, la qualité du tempérament se signifie
6oo
S. I. M.
dans le geste, d'autre part, l'émotion y est saisie dans sa presque intégra-
lité ; elle est mise à nu, et comme dévoilée, par le frémissement des lignes
vivantes d'un corps projeté tout entier, dans l'action qu'il accomplit.
Les leçons de G. R., pour qui sait entendre le silence du geste, sont
des révélatrices.
*
*
*
Le cours des jeunes filles est toute grâce, sans aucune mièvrerie, et
res mirabilis^ toute vérité. Des femmes, quittant pour un instant le
vêtement de mensonge que leur imposent, dès l'enfance, les stupides
conventions auxquelles elles sont soumises, n'est ce point un spectacle
inattendu ! On nous le donne, il nous enchante. Avec une simplicité
charmante, une sincérité, nous dirions presque, au meilleur sens du mot,
une candeur délicieuse, ces jeunes rvthmi-
ciennes se soumettent aux plus difficiles
exercices: mesures compliquées; syncopes,
contre-temps, n'ont plus de secrets pour
elles. L'évaluation exacte des silences, si
difficile, et incertaine pour les meilleurs
des musiciens, n'est qu'un jeu pour ces
élèves. Sculpteur idéal et impérieux, le
rythme modèle tous ces jeunes corps et
les anime à son gré : fragiles, gracieuses
et vivantes statuettes.
Des exercices de pure technique, on
passe, sans effort, à la stylisation du geste.
Ce sont de petites scènes aimables : La
cueillette des fleurs ; le jeu de la boule lancée
et reprise. L'une derrière l'autre, et comme
accomplissant quelque mystérieuse gyro-
mancie, les élèves dessinent le geste que
V ' /- — réclame la mélodie ; l'ensemble est char-
9 / mant. On voit poindre la danse expressive,
appuyée sur une solide technique. Il y a
„ des ai^enouillements lents qui prennent des
Sotto voce A 1W1 ^ • 1 1 1 ' ••
grâces d clegie, et des marches héroïques
où- ces féminines faiblesses se muent en forces avec l'accent vainqueur
LA GYMNASTIQUE RYTHMIQUE
6oi
des odes triomphales. Quelquefois les mains se nouent aux épaules, et,
au dessin que la mélodie expose, répond le souple balancement des corps.
A droite, à gauche, semblables aux fleurs penchées sous l'effort du vent
qui les ploie et que redresse vivement le vouloir de leur petite vie végétale,
image unique, aux multiples visages, le groupe des jeunes femmes
s'incline et fléchit comme si la Musique aimantait, vers un point
qu'elle désigne, la courbe hiarmonieuse de ces corps délicats. L'at-
traction cesse, les formes se relèvent doucement, pour s'infléchir de
nouveau cédant au mystérieux appel que murmure la caressante mélodie.
La leçon achevée, toutes s'en vont, l'œil et
l'oreille emplis de beaux rythmes. C'est, pendant
cette heure bénie, une esthétique vécue qu'inspira
la Musique. Instants heureux, pendant lesquels ces
enfants ont échap-
pé à l'emprise du
laid: du geste in-
cantatoire de leurs
petites mains, elles
lui ont interdit
d'avoir accès près
d'elles. La G. R.
n'aurait-elle point
des significations
plus hautes, des
symboles plus par-
lan ts que ceux
auxquels nous son-
geâmes ici
iHude du canon plastique
Au c o u rs
d'hommes, l'im-
pression est tout
autre. Les gestes
ont une aisance,
une solidité, une
Etude du canon plastique
carrure, donnant bien l'impression d'une force qui se déploie, et décelant.
602
s. I. M.
de prime, lallongue habitude des mouvements non entravés que la femme,
toujours enveloppée de la jupe, n'a jamais connue et prend difficilement.
Les élèves se placent à la file, l'un derrière l'autre. Le maître est au
piano. Au commandement de : hop ! tous doivent commencer ou modifier
l'exercice convenu. Les rondes, les noires, les blanches se succèdent et
ces jeunes -hommes règlent la durée de leurs mouvements sur les valeurs
qu'ils entendent. Ils tournent en cadence dans la grande salle, les pieds
scandant d'un vigoureux appel le
/^ premier temps de la mesure.
Chacun d'eux occupe successive-
ment tous les points du cercle et
y érige, statue vivante et fugitive,
instantané humain, une attitude
aussitôt changée. Les bras se
lèvent, s'abaissent, remontent, se
croisent, s'écartent, puis revien-
nent. Toutes ces lignes blanches,
des bras blancs, et les petites lignes
des doigts fins, font et défont
d'idéales arabesques, au-dessus des
têtes blondes ou brunes des hom-
mes courant. C'est une ronde sin-
gulière. Il semble qu'un lien idéal
et magnétique, force jetée de l'un
à l'autre, invisible chaîne, joigne
tous ces corps dans une poursuite
inlassable et comme fatidique.
L'espace qui les sépare semble
encore empli d'eux-mêmes, la
sensation devient continue,le piano
sonne avec des heurts de cymbalum ; cette musique martelée, ces appels
retentissants des pieds frappeurs, la rapidité des images mouvantes in-
duisent le spectateur en une sorte de griserie, avec d'arrière-visioFiS
bizarres de derviches tourneurs et d'ivresse obtenue par la continuité'
d'une giration obstinée. Bientôt la vitesse s'accélère, les jeunes gens vont,
tournent, se suivent, s'atteignent, un vertige semble les emporter, livrés
tout entiers au coup de fouet du rythme obsédant qui les cingle.
Agenouillement pathétique
LA GYMNASTIQUE RYTHMIQUE 603
Et je songe que, dans sa 'Psychologie des Foules^ Gustave le Bon n'a
rien dit de cette contagion dynamique, de cette aimantation de l'immo-
bile par le mouvant, qui, soudain, fait des êtres distincts et séparés qu^
nous sommes, un faisceau de forces jetées d'un seul élan, avec la puissance
irrésistible du flot marin ou de la lave volcanique.
Nous voici loin du cours de G. R. Eh ! non, car une discussion
s'élève sur l'interprétation d'un motif. Invité par le maître, l'un des
élèves esquisse l'enchaînement des poses que la musique suggère. Les
autres regardent, attentifs. En cette minute, lui, fait songer à un de ces
gracieux faunes rieurs et dansants que nous légua l'antiquité ; non que
son jeune visage, ait rien du masque traditionnel, toute la ressemblance
est dans cette grâce enlevée du mouvement, dans cette agilité heureuse,
dans cette joyeuse exubérance du geste qu'une mélodie ordonne et disci-
pline sans rien lui ôter de sa spontanéité. La forme souple bondit, retombe,
puis s'élance, avant de s'immobiliser soudain dans une dernière attitude
comme suspendue encore à l'action qu'elle achève.
La preuve est faite et le cours continue
En quittant cette petite salle où, soutenu par la foi vivante d'un
maître, on travaille si naïvement, si sincèrement, nous dirions presque si
pieusement, nous restions songeur. Une poétique et douce croyance veut
que la prière des cœurs fervents rachète, mystique compensatrice, le mal
qui s'accomplit. Peut-être quelques-uns des crimes que le laid médite
constamment, dans l'ombre, nous seront-ils épargnés par la vertu efficace
ies gestes harmonieux qui, chaque îour, rendent ici hommage à la Beauté.
Juillet 19 10. M. Daubresse.
Mouvements de la ronde a six temps
Croquis de M' Paulet Thévenaz élève de l'Ecole Française de G. R. à Paris.
QUELQUES ERREURS SUR CABEZON ^^^
15 10-1566
iiiiijrp.'wiipyyiiftafflBafiiaMi^^ mr ■■.-i.^imiMiu
L'Espagne musicale célèbre cette année-ci le quatrième centenaire
de la naissance de l'un des musiciens les plus glorieux du XVF siècle ;
Antonio de Cabezon. La Revista Musical Catalana^ de Barcelone, la Ke-
njista Musical^ de Bilbao, et, tout dernièrement, Musica Sacro-Hispana^ de
Bilbao, ont consacré au fameux organiste des études fort remarquables.
Seules les revues étrangères — un peu oublieuses cette fois-ci, — n'ont
pas signalé cet événement et il n'en est qu'une, que je sache, qui se soit
occupé d'Antonio de Cabezon.
Je ne nommerai pas la revue dont il s'agit pour ne pas froisser
l'écrivain (mal renseigné !) qui a écrit : L Que Félix Antonio de Cabezon
naquit à Madrid. IL Que son ouvrage : Livre du musique pour jouer du
clavecin.^ de la harpe et de la vielle (voilà une traduction un peu trop...
libre^ vraiment !) est devenu tellement rare qu'après l'avoir inutilement
cherché en Espagne, Saldoni n'eût la chance de le retrouver qu'à la
Bibliothèque Royale de Berlin. IIL Qu'il existe un traité de composition
(de Cabezon), qui porte le titre de Musica teorica y practica. — Or,
Antonio de Cabezon ne s'est jamais appelé Félix^ il n'est pas né à Madrid,
le livre publié par son fils n'est pas aussi rare qu'on veut bien le
croire (nous en connaissons j/x exemplaires) et son soi-disant traité intitulé:
Musica Teorica y practica est, enfin, un ouvrage... imaginaire.
Mais éclairons — ne fut-ce qu'en passant, — ces quelque^
erreurs.
*
Une première question se pose lorsqu'il s'agit dAntonio de Cabezon.
S'appelait-il Félix Antonio ou simplement Antonio ? Fétis, Eslaaa.
Saldoni, Soriano Fuertes, Pareda y Baneto — tout le monde, enfin ! —
l'appclcnt Félix Antonio. Or, on a des raisons fort sérieuses pour croire
ERREURS SUR CABEZON 605
qu'il ne s'appelait qu'Antonio. L'erreur viendrait, paraît-il, d'une mauvaise
traduction de ce premier vers de son épitaphe :
Hoc situs est feiix Antonius ille sepulchro.
En le copiant, il est des biographes qui ècYivç.ntfélix avec minuscule
et d'autres qui l'écrivent avec majuscule. Dans quel sens ce mot fut-il
employé .? " J'adopte définitivement le mot placé comme épithète — écrit
le maître Pedrell — et cela pour différentes raisons : la première, parce
que je suppose que l'inscription étant tracée en lettres lapidaires sans
distinction de majuscules, on a copié Félix au lieu de FELIX et que de
là sans doute, est survenue l'erreur." ^
Pedrell croit, enfin, que Cabezon ne s'est jamais appelé Félix parce
que " ni son fils, ni ses contemporains ne l'appellent une seule fois Félix
Antonio ni même F. Antonio."
Les raisons du maître Pedrell sont, comme on le voit, excellentes.
Tant qu'on ne prouvera pas le contraire — et il n'est encore per-
sonne, que nous sachions, qui ait essayé de le faire — il faudra bien
admettre, que l'auteur des Diferencias sobre la Gallarda Milanesa s'appellait,
quoi qu'on ai dit, Antonio tout court.
\ La plupart de biographes font naître Cabezon à Madrid, cela est
évidemment faux. " Fué natural de la montana..r écrivit Hernando de
Cabezon lorsqu'il publia les œuvres de son père. Cela était fort vague.
Heureusement, Hernando lui même se charge de nous renseigner là dessus
orsqu'il écrit dans son testament : " de la mitad dellos se aga una capellania
în Castrillo ques donde nacio Antonio de Cabeçon mi senor e padre que sea
în gloria que es el dicho lugar barrio de Castro Jeriz..." ^
Antonio de Cabezon est donc né à Castrillo de Matajudios,^ quartier
le Castrojeriz (province de Burgos), en 1510. Il était fils de Sébastian
I^abezon et de Maria Gutiérrez. Il mourut à Madrid le 26 Mars 1566.
Nous pourrons ajouter qu'il était aveugle dès l'enfance (" descde muy nino "
;;crit son fils Hernando), et qu'il fut maître de la camara y capilla de
Z^harles V et de Philippe II.
^ liupanite Schola Musica Sacra, opéra 'varia (Saecul XV, XVI, XVII et XVII I). diligenter excerpta,
ccurate revida, sedulo concinnata a Philippe Pedrell, vol. III et VIII. Dans ces deux volumes on trouvera la
rentière étude vraiment sérieuse qui ait été faite, de nos jours, sur Antonio de Cabezon.
* "...de la moitié d'eux qu'on érige une chapelle à Castrillo où naquit Antonio de Cabeçon mon père... etc."
^ Actuellement Castrillo — Matajudios.
6o6 S. I. M.
Disons bien vite que les erreurs bibliographiques commises à propos
des œuvres de Cabezon sont également importantes. Ces œuvres furent
publiées, ainsi que nous l'avons dit, par son fils Hernando et se trouvent i
toutes dans un seul volume dont voici le signalement exact : !
" Obras de éMusi | ca para te cl a arpa y | vihuela^de Antonio de Cabeçon^ '
éMusico de | la camara y capilla de! Rey Don Phi | lippe nuestro senor. 1 1
Recopiiadas y puestas en cifra por Hernando | de Cabeçon su hijo. Ausi mesmo i
musico de camara y capilla de su éMagestad. | Dirigidas a la S. C. R. <SM. del i
Rey Don | Philippe nuestro senor. (Il y a un é eu s son) | con privilegio | Im-
pressas en ^Madrid en casa de Francisco Sanchez. Ano de ^SM. D. LXXVIIiy
Outre les œuvres d'Antonio de Cabezon (qui sont en grand nombre),
il y a dans ce volume des compositions de Juan de Cabezon (frère
d'Antonio) d'Hernando de Cabezon et de quelqu'un d'autre.
D'après ce qu'Hernando de Cabezon avoue lui-même dans le beau
Proemio al lector en loor de la musica., qui sert d'introduction aux œuvres
de son père qu'il publie, Antonio de Cabezon ne put écrire tout ce qu'il
aurait voulu car il n'eût ni le temps ni le calme nécessaire. Tout ce que
le volume dont nous nous occupons contient ne sont, donc, ainsi que le
dit son fils, que les " miettes qui tombaient de sa table " ^ ces miettes —
migajas — n'étant, en outre, que les leçons qu'il donnait à ses élèves ne
contiennent pas, ainsi que le fait remarquer Hernando de Cabezon, tout
ce que leur auteur savait^ mais, seulement, ce qu'il pouvait donner à ses
élèves. Et, cependant, que des beautés ! Il faut croire, enfin, qu'il n'existe,
aujourd'hui, d'Antonio de Cabezon, que ce que contient la cifra ou Tabla-\
ture publiée par son fils. Hernando de Cabezon parle, il est vrai, |
dans son testament, de dos Libros de musica contenant des composi-
tions de lui et de son père ^ mais on n'en connaît aucun exemplaire j
et on ignore même s'ils ont été publiés. Le maître Pedrella transcrit '
enfin, en notation moderne ^ d'autres compositions qu'il attribue à
Antonio de Cabezon. Elles se trouvent un Libre de cifra de Venegas de
Hinestrosa intitulé : Libro de cifra nueva | para tcla harpa y vihueLu
' Estas jornadas y ocupaciones, no le dcjaron escreuir como lo hiziera, si tuuicra quietud y tiempo, y assi
lo que en este libro va, mas se pucdeii tener por mip^ajas que cayan de su mcsa, que por cosa que el liubies$e
neclio de proposito ni de assiento, jiarque no sou mas que las ieciiones que el daua a sur discipulos, las qualdl j
no ercm conforme o* lo que sabin el maestro, sino o' la medida île lo que ellos poilian alcanzar y entendcr." ' ;
'' I per quanto de los travaxos del dicho mi padrc é mios tengo eclios dos Libros de musica pucstos W
cifra los quales son de fjrandisima utilidad para la rcpublica y cstan para se poder ympriinir suplico o' W
magestad sea servido de mandar que se su ympriman pues es cosa lan util para loda la cristiandad."
' Hispaniae Sohale musica Sacra Vol. VIII.
l4-
H"î"'*'^
'.^— ^^
'oÎ3reel câoto lianodelCaiiallerG*
^ê^|:^i* |:.«^i.^. |...._4ï__ |X«_|!
*^— r— ,
•|-4-*$-
..iJl
f««»«.é^^.,.^— ««
^..^1,
f^î-I^I^
rr
]f-m
-^-f
^
f-î--"«-f-*
^»«p«»ifc«^j«w.«i,
«,.v^^».
A-l».
.^^
f-s-^
M~i^
— *--!-.'
•!-•
4— -|-*-4-f-|-î4f"
•f--i--î-4-
j ^ J /
ê
**.Af-,
..
^f&^,.*«^f^.«.Vf— f-
' ♦^>''ï§î*«5«<^J»«
■*^-
/
Cliché dc[Mitsica\Sacro-hhpana.
Fac-slmile du folio 189 des '' Ohras de Mus'ica,"
o?
ERREURS SUR CABEZON 607
m ei I quai se ensena brevemente cantar canto-llano^ y canto de orga | no^ y
algunos auisos para contra punto, compuesto por Luis Venegas de Hinestrosa.
Dirigido al Illustrissimo senor Don Diego Tauera, obispo de Jaen. | En Alcala
I En casa de Joan de Brocar | 1557.
*
Un mot encore : on a prétendu, jusqu'à présent, que les plus
inciennes variations connues étaient de William Byrd. Pour quiconque
;st un peu au courant du XVP siècle musical espagnol cela est évidem-
nent inadmisible. Et il est même étonnant, ajouterons-nous, que, malgré
eut ce que le maître Pedrell a publié pendant ces dernières années, sur
10s anciens maîtres, cette erreur puisse subsister. — Je pensais à ceci,
eut dernièrement, en lisant (avec combien d'intérêt), le deuxième
7olume du Cours de composition musicale publié par M. Vincent d'Indy.
lia aussi on dit : " Des essais de Thèmes variés avait été tentés déjà assez
ongtemps auparavant par des musiciens Anglais, et notamment W. Byrd
jui écrivit en 1591 diverses Variations sur des airs répandus à son époque
;n Angleterre."
Je prie le lecteur français de bien vouloir comparer ces dates :
William Byrd, 1538-1623 ; Antonio de Cabezon, 1510-1566. En outre,
es variations de Byrd datent, paraît-il, de 1591. Or, dans la Tablature
)ubliée en 1578 par Hernando de Cabezon on trouve déjà pas mal de
''piferencias (variations) d'Antonio de Cabezon. ^ D'ailleurs, ce n'est pas
feulement Cabezon qui écrivit de Diferencias. On en trouve dans d'autres
Libros de cifra espagnols du XVI siècle. ^
Tant qu'on ne présentera pas des variations anglaises antérieures à
telles, déjà connues, de William Byrd, il faudra donc admettre, croyons-
lous, que cette forme fut cultivée en Espagne avant de l'être en Angleterre.
En attendant, nous demandons qu'on veuille bien corriger les erreurs
iistoriques que nous venons de signaler.
F. Lliurat.
^ Diferencias sobre la Gallarda Milanesa, Diferencias sobre el canto del Caballero, Diferencias sobre la
a'vana Italiana, Diferencias sobre el canto de la Dama le demanda, Diferencias sobre el canto De quie'n teme
lojo Isabel, etc,. etc.
^ Nous citerons, par exemple : Anriqùez de Valderrabano : Libro de musica de njihuela intitulado Silva de
Irenas. Valladolid 1547.
MEMOIRES INEDITS DE STEPHEN HELLER^
Les malheureux artistes, ci-devant enfants prodiges, ne savent jamais
au juste leur âge. L'affiche de Concert est leur extrait baptistaire. En
Allemagne, on a toujours soin de marquer, sur l'affiche, l'âge du petit
prodige: de même que chez le marchand, on réclame toujours un rabais
sur le prix marqué, de même, les pères d'artistes, (j'écrirai un jour leur
physiologie dans " les Français peints par eux-mêmes, ") rajeunissent tou-
jours leurs malheureux enfants, de 2 ou 3 ans. Du reste, voici un acte
officiel, rédigé par mon père.
Avec permission ties aiiîot ités supêrieiwes.
Cracovie, ville libre et privilégiée.
Aujourd'hui, Lundi le 13 Décembre 1829, à 8 h. du soir.
Le jeune pianiste Stcphen, âgé de i i ans : (j'en avais treize,) aur
l'honneur de donner une grande soirée musicale dans laquelle on entendrï
les premiers talents de la ville libre de Cracovie et des environs.
Cette grande soirée aura lieu dans la salle de Mgr le Comte dt
' Voir S. I. M. (lu 15 octobre.
STEPHEN HELLER 609
Potocki honorant de sa haute protection le talent précoce du bénéficiaire,
qui s'efforcera de mériter un tel patronage et par des compositions des
grands maîtres et par une grande improvisation. (Première audition à
Cracovie).
1 PROGRAMME :
N° I. Concerto en la mineur y par Hummel, exécuté par Stephen, âgé
de onze ans.
N° 2. Air varié pour le violon, de Lafont, exécuté par M. Sacco-
witz.
(Cet artiste de grand renom, n'a pas hésité à se rendre à l'invitation de Stephen, bénéfi-
:iaire, et vient expressément de Bochnia, pour lui prêter l'appui de son beau talent.) (^)
N° 3. Improvisation sur des thèmes donnés, par Stephen.
N° 4. Cavatijie " di tanti palpiti^^' de Tancrède, musique de Gioacchino
Rossini, Chantée par M"^ Adelina Wieliszka.
(Cet air, un des plus illustres de l'illustre cygne de Pesaro, — comme l'Europe tout entière
i nommé le grand et fécond Gioacchino Rossini — ne manquera certainement pas d'exciter le
mblic P. P. à des applaudissements unanimes.)
N^ 5. Fantaisie de bravoure^ sur des thèmes irlandais, composée par
VIoscHELÈs, exécutée par Stephen.
(Cette fantaisie, exécutée par le jeune bénéficiaire à ses concerts de Vienne, de Pesth,
3ochnia, Tarnow et autres capitales, est une des dernières compositions du célèbre Ignace
VIoschelès, né à Prague le i8 Juillet 1793 et maitenant à Londres, premier pianiste de Sa
Alajesté britannique George IV, roi d'Angleterre, d'Ecosse, etc., etc.)
I N° 6. Variations pour deux flûtes concertantes^ sur God Save the King,
bar Drouet, exécutées par MM. Balthazar et Stanislas Bemutsky, artistes
du théâtre de la ville libre de Cracovie.
N° 7. Deuxième et dernière improvisation^ par Stephen.
On est prié de préparer des thèmes, soit nationaux, soit d'Opéras et
le les apporter par écrit au Concert.
Le bénéficiaire remercie d'avance une haute noblesse, un louable
corps d'officiers, une honorable bourgeoisie, et une population estimable
le leur intérêt et prie d'agréer l'assurance de la plus profonde soumission,
(') Saccowitz était un misérable saltimbanque ; il avait le malheur d'une main humide, et la séchait pendant
haque pause avec du son, qu'il portait dans la poche de son gilet.
6io S. I. M.
du plus inaltérable respect, de la plus parfaite obéissance de leur très
humble serviteur,
Stephen.
Dans les Carpathes.
Nous étions, mon père et moi, au pied des Carpathes, les Pyrénées
de ma patrie.
Accroupis dans une méchante carriole, attelée de cinq chevaux, nous
avions beaucoup de peine à nous tenir en équilibre sur nos sièges, c'est à
dire sur des tas de foin et de paille. Nous traversâmes les Villes Libres
de Miskoltz et de Sixo. Il y avait foire en ce dernier endroit et mon père
voulut absolument profiter de cette circonstance pour m'y faire donner un
Concert. En habile général, il voulut d'abord prendre connaissance du lieu,
afin de procéder savamment à la prise de la place. La ville de Sixo ne se
doutant pas de la présence d'un ennemi redoutable tel qu'un pianiste
précoce, prêt à fondre sur elle avec force improvisations et variations,
nous ouvrit ses portes, avec cette hospitalité qui distingue les Hongrois
qui pourtant ne sont point Arabes.
Selon l'usage, nous allâmes présenter nos hommages au Bourgmestre
de l'endroit, qui nous donna la permission d'afficher nos prétentions et
nos programmes. Comme il n'y avait point d'autre local que la salle de
l'hôtel de ville, pour le moment occupée par des marchands de peaux de
tigre et de lapins, venus là pour la foire, il ordonna aux charpentiers et
architectes de la ville, de nous construire une vaste boutique en bois,
semblable à celle des meilleurs saltimbanques qui honoraient alors Sixo de
leur présence. Pendant que mon père concluait cet arrangement; je dépensai
gaiement un florin, allant des chiens savants aux sauvages qui avalaient
des sabres, puis aux nains et aux géants, puis aux potentats et brigands
de cire ; le tout en grignottant du pain d'épice et des bâtons de sucre
d'orge.
Mais hélas, je n'en étais qu'à mon 9" bâton de sucre d'orge, que je
vis arriver mon père, appuyé sur un bâton, que je n'aimais pas du tout.
Quelle fut ma surprise quand je le vis sourire avec bonté, me disant:
" Eh bien, Stephen, je parie que ton argent s'est en allé dans toutes ces
STEPHEN HELLER 6ii
boutiques : tu as bien fait ; il faut que jeunesse se passe. Tiens, prends
encore ce petit écu, et réjouis toi. "
Les larmes me vinrent aux yeux ; je murmurai quelques mots de
tendresse et de reconnaissance. Mais bientôt, je vis que mon père semblait
vouloir lire au fond de mon âme. Il y avait un singulier mélange de
crainte, et d'autorité paternelle dans son regard.
" Bah, me dis-je, dépensons d'abord le petit écu : la morale ou
l'ennui viendront ensuite. "
Mais j'avais deviné juste : mon père venait de me donner, somme
toute, des arrhes, comme vous allez voir.
Bientôt, je vis apparaître des ouvriers, accompagnés d'un officier
1 municipal et d'une espèce d'architecte, à en juger par un crayon rouge,
un portefeuille et un mètre qu'il tenait à la main. Mon père, à mon grand
étonnement, alla au devant d'eux et s'entretint à voix basse avec l'homme
au crayon rouge en jetant de temps à autre des regards presque timides
sur moi.
Je devins attentif, mais je fus bientôt distrait par une jeune paysanne
habillée en Grecque qui exécutait des tours d'adresse sur un tapis, pres-
qu'en face de moi. C'était une charmante enfant de quinze à seize ans.
Ses longues tresses de cheveux châtains tombaient presque à ses pieds,
Une calotte rouge lui couvrait la tête. Une courte jupe blanche laissait
voir une tunique bleue qui tombait à la cheville. Ses jolis pieds effilés
étaient chaussés de pantoufles de maroquin rouge, et quand elle dansait,
'on voyait ses longues guêtres de velours, brodées d'or.
Hélas, la malheureuse fille avait déjà perdu toute fraîcheur, comme
tson costume, qui avait du être somptueux autrefois. La misère avait terni
ses yeux et fané les couleurs de ses joues. Et pourtant, quelle noble créature
elle était encore sous ces haillons ! Comme elle exécutait magistralement
' ses pirouettes. Avec quelle ironie elle marchait sur les mains, elle qui avait
de si jolis pieds ! Mais elle n'était pas seule : un vieillard aux cheveux
blancs, aux mains tremblantes, aux jambes ployées était auprès d'elle.
Ce vénérable vieillard était un farceur ignoble ; c'était le partner de la
jeune fille. Il exécutait avec elle des pas de deux, à faire frémir les Vestris,
des Petit pas et les Gardes Municipaux. C'étaient des danses prévues par
le code civil, tout imprévues qu'elles étaient.
Oh, quelle honte et quelle horreur de voir ce vieux mourant faire
assaut de grâce et de lubricité avec cette belle enfant. Plus loin on voyait
3
6i2 s. I. M.
la mère qui battait de la grosse caisse. Près d'elle sautillait un nain qui
pouvait avoir 60 ans et se vantait d'avoir été caressé par tous les potentats
de l'Europe et de l'Asie et de s'être reposé sur les genoux de plusieurs
têtes couronnées. Ce nain complétait ce quatuor infortuné, dont l'aspect
me causait un mélange de joie et de douleur que je m'explique aujourd'hui
mieux qu'alors.
Tout à coup, j'entends la voix de mon père, disant : " ce sera ici la
première place, là bas la seconde, et puis"....
Je m'élançai vers le groupe d'ouvriers ; mon père leur expliquait, je
n'en pouvais douter, les dispositions d'une salle de Concert. Et quelle salle,
grand Dieu ! Au milieu des singes, des Saltimbanques et des danseurs de
corde ! Mon père, m'écriai je hors de moi, que faites vous là .? Voudriez
vous m'humilier à ce point .? me faire jouer au milieu des nains et des
kanguruhs .? Ah, votre petit écu devait m'apprivoiser ! Eh bien, le voici.
Il ne sera pas dit qu'un morceau de vil argent m'aura fait oublier ma
dignité d'enfant précoce et d'artiste plein d'avenir. " (C'étaient les termes
dont on s'était servi dans le dernier article publié à mon sujet.)
Mon père reprit l'argent et me signifia de me rendre aux arrêts à
l'auberge ou nous étions descendus.
Je lui répondis : "je porterai avec d'autant plus de force la besace
honorable de l'artiste, qu'un long apprentissage m'a déjà initié aux vicis-
situdes de cette existence.
Cette longue et belle tirade me fit du bien, car je croyais avoir
décoché de la sorte un terrible épigramme à mon père.
En attendant, on travaillait toujours à l'horrible édifice. De l'auberge,
je pus très bien attendre les coups de marteau qui devaient fixer les
poutres de ce nouveau temple de la gloire. Je songeai à Egmont qui
entendait, de sa prison, les pioches des ouvriers construisant son échafaud.
Cette ressemblance avec un de mes héros favoris me soulagea un peu.
Mon père vint réitérer ses prières et ses menaces, mais rien n'y fit.
Et comme il s'obstinait autant que moi, je fus forcé de recourir à mon
dernier moyen ; je me dis malade, je me couchai, et ne mangeai qu'en
cachette. Mon père, voyant qu'il était impossible de meplier à sa volonté
despotique, prit le parti de quitter Sixo et de fixer ailleurs notre tente.
Nous arrivâmes à Leutschau, situé également au pied des Carpathes.
Imaginez une seule et immense rue, au bout de laquelle se trouvent
deux tours crénelées, et vous aurez idée d'une ville libre hongroise. Les
STEPHEN HELLER 613
maisons sont toutes d'un étage et blanchies à la chaux. Elles sont presque
toutes séparées l'une de l'autre et possèdent chacune deux petits jardins,
l'un en dehors, l'autre, plus vaste, servant de cour par derrière.
Le préfet ^ de Leutschau, M. de St Kiraly, (il y a en Hongrie
comme en France beaucoup de noms qui commencent par Saint,) nous
accueillit très bien et nous invita à dîner, ce qui est une faveur marquée
de la part d'un préfet hongrois. Au beau milieu du repas, nous entendîmes
des cris, à déchirer le cœur. Je laissai tomber ma fourchette et je
m'élançai vers la fenêtre pour voir d'où venaient ces cris atroces : " Eh
bien, s'écria le préfet, qu'a donc cet enfant .? "
— " Mais, lui dis-je d'une voix étouffée, vos hussards de police
battent un pauvre paysan, attaché sur le " gazon. "
— " Eh bien, Teremtete, ils époussettent quelque vilain, peut-être
même un voleur."
Il faut dire que le " gazon " en Hongrie, est un banc, sur lequel on
fixe un homme à l'aide d'anneaux en fer. Puis, deux bourreaux, armés
de bâtons de noisetier le frappent de 40 à 50 coups à longs intervalles.
Ordinairement, le patient crie après chaque coup : grâce, grâce ! Et après
ce cruel châtiment, il se relève en chantant et en demandant un verre de
wotka. Cette abominable justice est adaptée à ces hommes de fer, qui
ne comprendraient pas d'autre punition. C'est au moins l'opinion des
législateurs hongrois, tant soit peu sauvages et barbares.
Quoiqu'il en fût, je ne pus supporter ces cris, qui me faisaient
claquer des dents, et, en enfant impressionnable et mal élevé que j'étais,
je pris mon chapeau et je descendis l'escalier quatre à quatre pour fuir
le lieu de ce supplice odieux.
Mon père rentra bientôt en me disant que le préfet était furieux et
avait dit à haute voix : Mais, mon cher Monsieur, votre fils est une
femmelette ; ce n'est pas un Hongrois, c'est un maudit Allemand. Terem-
tete Cristosag ! (Jurement effroyable).
Mon père voyait déjà les espérances d'un beau concert anéanties par
na faute. Le hasard me sauva des suites de cet accident.
Il venait d'arriver à Leutschau une troupe de Comédiens ambulants,
jui représentaient le Fiesque de Schiller, l'Avare de Molière, Don Juan
ît Joseph. Mon père reçut des autorités locales l'ordre suivant :
^ (Obergespan).
6i4 S. I. M.
A Istran ^ Heller :
Les notables de la ville de Leutschau îie veulent point se priver du plaisir
d'entendre F Opéra Don Juan par feu <£Moz.art^ et r Opéra Joseph en Egypte^
par le célèbre Compositeur parisien éM. de <^éliul ; mais comme il n existe
point d'orchestre convenable pour accompagner le chant des artistes, le musicien
Istran est requis d 'autorité d 'accompagner les dits musiciens sur le piano qui
lui sera transmis dans ce but. Accordons au dit musicien Istran i Jiorins par
jour pour toute la durée de ces représentations extraordinaires. Kn outre., lut
accordons une représentation a son bénéfice., d'un Opéra a son choix, et cela
aux conditions ordinaires, frais d'éclairage, police et denier des pauvres et
établissements de bienjaisance.
Le Sénat de la Ville Libre de Leutschau.
Le tout était contresigné, timbré, scellé ; enfin cela avait l'air d'un
ordre de gouvernement des plus importants.
Parmi les actrices, il y avait une Zerline ravissante, qui ne se lassait
pas d'admirer mon habileté, et mes longs cheveux bruns, fort beaux
alors. Elle avait le soin de me bourrer de tartelettes aux cerises, et cette
délicate attention lui avait gagné toute ma tendresse.
Le jour de la première représentation arriva. Imaginez une abomi-
nable grange, quelques planches formant scène au fond, et un fabuleux
appareil de cordes, d'échelles et de toiles peintes. Les spectateurs étaient
placés sur de longs bancs de bois sans dossier. Plusieurs tiambeaux d'église
éclairaient les toilettes invraisemblables de la haute société de Leutschau.
Six chandelles et autant de lampions brillaient devant l'immense paravent |
qui servait de toile. Là où auraient dû être placés les musiciens, on voyait
une espèce de fossé, où se trouvait un petit piano octogone. C'était là
ma place.
La salle, c'était à dire la grange, était comble. La plupart des
spectateurs, et le Vice Gespan ' lui-même avaient auprès d'eux des'
hussards domestiques chargés de vider, bourrer et allumer les longues
pipes turques de leurs maîtres. La fumée était si forte que je faillis'
étouffer en entrant. Je toussai et le Vice Gespan, voyant mon malaise
mit sa pipe de côté et se leva pour prononcer le remarquable discours
que voici :
' Stephen en Hongrois.
' Sous préfet.
STEPHEN HELLER 615
" Gentilshommes ! Officiers du 5^ Dragons ! Bourgeois ! et vous
autres ! (c'étaient les domestiques, les garde cochons et autre canaille,) je
vous fais connaître que notre compatriote Istran se trouve incommodé
de la fumée de tabac. Mettez donc vos pipes de côté et ne les reprenez
pas avant la chute du rideau (il voulait dire paravent)".
Je commençai l'ouverture sur le chaudron monocorde, et la ter-
minai aux applaudissements frénétiques du public. Le Vice Gespan sauta
par dessus le fossé où j'étais enseveli et m'embrassa à m'écorcher la joue
avec sa barbe énorme.
Le tumulte apaisé, deux paysans apparurent sur l'avant-scène pour
replier le paravent, et on vit ce vaurien de Leporello, représenté par un
grand flandrin, gai comme un portier ivre.
On ne chantait point les récitatifs. On les déclamait tout simplement
comme à l'Opéra Comique.
J'étais impatient de voir apparaître la gentille Zerline. Enfin, elle
arriva, sautillante et fraîche, au bras de ce benêt de Mazetto. Le chœur
des paysannes braillait impitoyablement une mesure avant moi.
Je sautai une mesure pour les rattraper ; mais ces malheureux,
s'étant aperçus de leur faute, sautèrent également, pour réparer leur
erreur. Dès lors, il nous arriva ce qui arrive souvent dans la rue lorsque
deux passants se trouvent nez à nez : l'un va à droite, l'autre aussi, puis
ils tournent tous les deux à gauche et ainsi de suite. Je poursuivis donc
mon chœur, il me poursuivit à son tour, et nous terminâmes misérable-
ment, tous exténués de fatigue.
Pour en revenir à Zerline, elle excitait un murmure d'admiration
générale. Elle portait un joli costume de paysanne hongroise : robe de
toile blanche, garnie de volants bleus, corset de velours, manches longues,
brodequins rouges à hauts talons, ornés de jolis éperons d'argent. Ses
cheveux pendaient en deux longues tresses, entremêlées de rubans bleus,
l'une par devant, l'autre par derrière, selon l'usage du pays. Le succès fut
immense et les Comédiens purent donner 14 représentations.
Pendant les e.ntr'actes de la représentation donnée à mon bénéfice,
j'improvisai sur des thèmes hongrois et tout le monde m'embrassa, le
seigneur préfet, sa femme, les dragons, les domestiques, les comédiens, les
pâtres, et mon père lui même. Mais ce qui me rendait le plus heureux
c'était une invitation secrète de Zerline.
Cette faveur m'embarrassait bien un peu ; Zerline semblait avoir
6i6
S. I. M.
juré le malheur de Mazetto, qui était du reste un rustre assez malappris, j
bête, jaloux, et chantant constamment un quart de ton trop haut. Mais !
j'avais une idée confuse que ce souper était une chose défendue pour moi. \
La foule s'étant écoulée, il ne restait que mon père, les Comédiens i
et quelques officiers de cavalerie qui causaient assidûment avec
M°"^ Donna Anna et Elvire. Je profitai d'un moment propice et dis à
Zerline :
" Vous m'avez parlé d'un souper "?...
— " Oui, Maestro, vous viendrez " ?...
— "J'aimerais bien, mais Papa "
— " Bah, est ce qu'il jouera le tyran ? "
— " Il ne veut jamais me laisser seul."
— " Vous voulez donc rester seul avec moi," repartit la perfide
Zerline.
Je rougis, sans savoir pourquoi, et répondis assez niaisement :
— " Mon père craint pour moi les tartelettes aux cerises."
Elle se mit à rire et me dit en ricanant : " Tu n'en auras point
d'indigestion, va ! " Puis elle alla mettre dans la confidence le Comman-
deur, qui descendait justement de son grand cheval. Celui-ci prit la
parole devant mon père et, d'une voix grave, émit le vœu de me garder
à souper. Don Ottavio roucoula dans le même sens et pour l'attendrir
versa même le reste des larmes qu'il avait répandues au i"^ Acte. Mais
mon père ne voulut pas se laisser fléchir. Alors, Zerline fit avancer le
corps de réserve qui devait tout emporter : les officiers du 5' Dragons.
Mon père, ayant les traîneurs de sabre en horreur, céda pour se débarras-
ser d'eux. Il jeta un regard courroucé sur moi et me laissa tremblant de
peur et de joie.
fA suivre.)
estss
saBs
LA JEUNE
ÉCOLE ITALIENNE
simmtmÊtÊStaéhs:ssssiÊB
Dans ma lettre de Rome du 15 Juin, j'ai signalé un mouvement
intéressant parmi les jeunes musiciens de cette ville dont j'examinais les
tendances, tout en analysant l'étude critique de l'un d'eux, Francesco
Santoliquido, sur Debussy et Strauss. Déjà l'an dernier, j'avais remarqué
avec intérêt que certains esprits jeunes et indépendants cherchaient à se
frayer une voie nouvelle en s'afFranchissant de l'influence que la musique
allemande a exercé depuis Wagner en Italie, aussi bien qu'en France.^ En
tâchant de m'orienter dans ces tendances nouvelles, j'eus la bonne fortune
d'être guidée par une artiste que le professorat tient éloignée depuis
plusieurs années de la carrière d'exécutante, mais qui juge l'évolution de
la musique avec d'autant plus de sérénité et de clairvoyance : Emma
Mettler qui fut quelque temps élève de Liszt et qui est restée fidèle au
généreux éclectisme de son maître, me fit connaître l'hiver dernier un
jeune musicien dont plusieurs œuvres devaient être exécutées au cours de
à la saison.
Français par sa mère et petit-neveu de Guizot, Alberto Gasco
i m'intéressa autant par son talent de musicien qu'à cause de sa culture
létendue qui participe de sa double origine ; né à Naples en 1879, il fit
pes études d'harmonie à Rome avec le professeur Terziani ; au lieu de se
^cantonner dans un mouvement isolé de la musique moderne, comme c'est
le cas de bien des jeunes musiciens, Gasco a étudié toutes les œuvres de
Franck, de d'Indy, de Magnard, de Debussy, de Moussorgski, et il a reçu
a maintes reprises les conseils et les encouragements de Vincent d'Indy et
de Romain Rolland. Aussi après avoir entendu l'hiver dernier le quatuor,
' Je citerai à ce propos un article où M. Silvio Tanzi jeune musicien et critique plein de verve commentait
les volumes de " Révolte " du Jean Christophe de Romain Rolland : " Voici enfin que la musique allemande a
! " été observée par un regard et sous un aspect nouveau et que cette analyse ai^uë, sûre, originale, impitoyable
I " parfois, a été faite par un français. Cela est très réconfortant pour la France et de bon augure pour tous les
" autres pays."
6i8 S. I. M.
le Scherzo et les lieds de Gasco, je pensai à l'interroger sur ses idées
d'esthétique musicale.
Tout en ne se croyant pas encore autorisé à exprimer des théories
musicales, avant qu'une série d'oeuvres plus importantes lui donne
quelque sorte le droit de formuler ses principes d'art, Gasco a bien voulu
néanmoins interrompre ses rêveries musicales sous les chênes verts de la
villa Lante, villégiature idéale pour un artiste qui s'inspire volontiers des
chefs-d'œuvre de la Renaissance, et m'indiquer les principes qui l'ont
guidé dans la composition de son Scherzo pour orchestre " Orgie ": ^ " Il
s'agit," m'écrit-il, en m'envoyant les phrases les plus caractéristiques de ce
morceau, " d'un poème symphonique sans programme. Il est cependant
clair que j'ai suivi un plan et que j'ai cherché à rendre tour à tour avec
une certaine évidence — quoique très sobrement les divers aspects
d'une fête dyonisiaque. Ainsi, il y a une partie dithyrambique, une
partie plus bruyante, où pointent des rythmes de danse, une partie
sentimentale, et vers la conclusion de la pièce, un choral bachique, un
hymne de joyeux buveurs. — Vous me demanderez peut-être pourquoi
je n'ai pas voulu indiquer de programme à ma composition. Je répondrai
ceci : il me semble que de nos jours, le poème symphonique, — forme
admirable de composition musicale, issue de la symphonie classique
modifiée profondément par l'introduction d'éléments pittoresques et
dramatiques — est sur le point de dégénérer à cause de l'abus de
programmes trop longs et trop détaillés. Je puis me tromper, mais je
crois que tout poème symphonique doit être constitué par un fonds
de musique, belle en elle-même, et intéressante en dehors de tout
programme. Un titre bien choisi et un bref commentaire, ajoutent
évidemment de l'attraction à l'œuvre musicale ; tandis qu'un programme
excessivement compliqué, finit par absorber presque totalement l'intérêt
de l'auditeur qui s'épuise à trouver le rapport exact entre la musique
qu'il entend et les différents épisodes du programme, sans y réussir, le
plus souvent. — Et puis, certaines de ces compositions dégénèrent par-
fois en véritables actes d'opéras sans paroles. Il en résulte ainsi un
genre hybride, car on fait du drame lyrique en renonçant à la voix
humaine, qui, d'après moi, est l'organe essentiel pour exprimer le
drame en lui-même.
— " Une autre erreur très répandue, — que l'on me pardonne ce
' Ce Scherzo a été exécuté aux concerts de l'Augustcum au mois de Mai.
LA JEUNE ÉCOLE ITALIENNE 619
"jugement audacieux, — est de croire que la mélodie n'a pas de véritable
" puissance descriptive, et qu'elle est presque dépourvue d'éléments de
" suggestion. Il me semble au contraire que la mélodie possède une
" prodigieuse souplesse, une incroyable force plastique qui la rend apte,
" quand elle est bien bâtie et bien travaillée, à traduire tout sentiment
" — même le plus vague, le plus subtil et indéfini. Peut-être même,
*' pourraît-on opposer un impre s sionisme mélodique à l'impressionisme
" harmonique dont on abuse tellement à présent."
La phrase initiale du quatuor pour cordes de Gasco me semble un
exemple très clair de cet " impressionisme mélodique." Ce morceau qui
lui a été inspiré, par le célèbre tableau de Giorgione " Vénus dormant'\
est construit sur des thèmes clairement mélodiques, et logiquement
développés ; tout en restant de la musique descriptive, il rend très bien
l'atmosphère de volupté et de repos dont le tableau est empreint. Il est
le premier en date d'une série de compositions qui lui ont été inspirées
par les chefs d'œuvres de la beauté plastique à laquelle, en véritable artiste
mérédional, Gasco est excessivement sensible. ^
Le jeune compositeur m'explique également, comment il s'est
efforcé, dans une autre œuvre 'Œ^oemes de la nuit et de P Aurore d'atteindre
au juste équilibre entre la voix et l'accompagnement ; la voix est en effet
un instrument bien négligé par les musiciens modernes qui réduisent
souvent la partie chantée à une simple déclamation. A ce sujet, les idées
exprimées par un autre jeune compositeur Francesco Santoliquido, dans
un interview du Secolo, au sujet de son nouvel opéra, démontrent claire-
nent que la voix est encore pour les Italiens l'instrument de prédilection
3our exprimer les passions et le drame ; on pourrait, il est vrai, leur
objecter que les méthodes de chant usitées en Italie depuis vingt ans font
le la voix un instrument bien imparfait et tout-à-fait inapte à rendre la
loblesse de la mélodie et la pureté du " bel canto " ; mais peut-être y
Dnt-ils déjà songé eux-mêmes ; et leurs efforts pour s'élever au-dessus de
a mélodie vulgaire et banale du mélodrame moderne italien, pourraient
)récisément amener une transformation de la technique du chant.
Tandis que je préparais ces pages, une initiative d'une importance
raiment considérable vient d'être prise par un groupe déjeunes musiciens
omains : Gui, Tommasini, Santoliquido, Gennaro Napoli ont établi
^ Les œuvres de Gasco sont le quatuor et le Scherzo précités. — Un opéra, " La Légende des Sept Tours "
ir le poème d'un ami.
fai
620 s. I. M.
une espèce de concours permanent pour la musique symphonique dont
les juges seront Toscanini Wolff-Ferrari et Sinigaglia, les trois person-
nalités les plus autorisées pour prendre la tête de ce mouvement. Quarante-
trois partitions ont déjà été présentées et les meilleures seront exécutées
aux concerts de l'Augusteum, ce qui permet d'augurer un heureux
développement de la musique symphonique italienne. J'ai interrogé
Santoliquido sur les tendances de ce groupe de jeunes musiciens qui
veulent régénérer la musique de leur pays ; le jeune maestro — Santo-
liquido n'a pas encore vingt-cinq ans — m'a répondu, des bords du lac
de Côme où il se recueille en vue des représentations prochaines de son
opéra à Milan :
" Nous voulons, m'écrit-il, opérer un renouvellement de la musique
italienne, aussi bien symphonique que théâtrale. Nous voulons introduire
dans la musique de notre pays des éléments de pensée et ^intellectualité
qui en étaient presque complètement absents. Pour arriver à ce résultat,
il est compréhensible que nous écoutions les voix qui nous viennent
d'au-delà les Alpes, en les réchauffant cependant au soleil italien. Aussi
Strauss, Debussy et les symphonistes russes ont leur influence sur cette
renaissance de la musique italienne, mais seulement au point-de-vue
technique, nullement sous le rapport de l'inspiration et de l'âme. Les
mêmes phénomènes se sont produits dans toutes les renaissances
musicales."
A propos de son opéra en un acte, la " Favola di Helga " qui sera
représenté à la fin d'octobre à Milan ^ au théâtre : " Del Verme," Santo-
liquido m'écrit : " Je suis absolument contraire au mélodrame, parce
" que ce genre est d'un niveau intellectuel fort bas; je rêve une forme spé-
" ciale de tragédie lyrique qui sans renoncer aux traits caractéristiques de
" l'âme latine puisse trouver place dans une atmosphère idéale et esthéti-
" que plus haute et plus raffinée. Le public italien n'aime pas les révolu-
" tions d'art, attaché comme il est aux traditions ; il faudra donc le
" conduire vers la forme rêvée, petit à petit, par évolutions. Fidèle à mon
" système de l'évolution je n'ai mis dans mon premier opéra que les
" premières flammes de mon rêve." — Organisation poétique et rafiinée,
vrai type de l'artiste italien théoricien et savant, Santoliquido fait penser
' Ces pafîcs ayant cté (irrites en octobre, il est probable que la première représentation de l'Opéra de SantO-
lic|ui(lo aura déjà eu lieu (juand elles paraîtront.
LA JEUNE ÉCOLE ITALIENNE 621
à ces artistes qui à l'aurore du X VIF siècle, présidèrent, aux académies des
Bardi, à la naissance du drame lyrique.^
Quelques notes sur les condisciples de Santoliquido achèveront de
donner de ce groupe de très jeunes musiciens une idée plus complète :
Gennaro Nûpoii, né à Naples en 1881 a été élève du conservatoire de
cette ville. En 1906, il fut le premier lauréat d'un pensionato (concours)
national de musique qui venait d'être institué. Sa symphonie en ré fut
exécutée à Naples et dirigée par Martucci, le savant et regretté chef
d'orchestre de cette ville, puis ensuite à Rome. Son poème " Il Sole
Risorto " (la Résurrection du Soleil : il s'agit de la grande terreur de l'an
mille) pour Soli, chœurs et orchestre a été jugé inexécutable par le jury
du " Pensionato " à cause de sa tendance ultra-moderne. Il sera exécuté
à Naples l'hiver prochain. Gennaro Napoli prépare un drame lyrique en
quatre actes sur le fameux roman de Foscolo : " Jacopo Ortis."
Vincenzo Tommasini et Vittorio Gui sont romains tous les deux ;
le premier, après avoir travaillé l'harmonie à Rome avec Falchi, a terminé
ses études musicales à Berlin. Son œuvre se compose de quelques mélodies
sur ses propres poésies, d'une suite pour orchestre, d'une ouverture pour
la tragédie de Calderon : "La Vie est un songe" et d'un opéra en trois
actes, " Médée " représenté à Dresde en 1906. — Le second. Gui, né en
1885, est un jeune chef d'orchestre d'avenir; son tempérament musical
s'est révélé précocement et il s'est déjà essayé à divers genres de compo-
sitions : mais il se sent surtout attiré par l'intimité et l'art raffiné de cer-
tains poètes modernes et il a écrit des mélodies sur diverses poésies de
Catulle Mendes et de Samain. Vittorio Gui compose actuellement la
îiusique chorale et symphonique qui accompagnera les représentations
d'art antique qui auront lieu au Palatin l'an prochain ; il dirigera aussi cet
liver la saison d'opéra au San Carlo de Naples.
I Ayant tâché d'indiquer par ce rapide aperçu quel est le mouvement
Iqui se dessine actuellement parmi les très jeunes compositeurs italiens, je
erais heureuse si la lecture de quelques pages de leurs œuvres et l'exposé de
[uelques-unes des idées et des principes auxquels ils obéissent, aidaient
e lecteur français à les juger impartialement : c'est-à-dire en se souvenant
[ue le public italien pour lequel ils écrivent, est imbu de traditions fort
^ Les œuvres de Santoliquido sont : des mélodies pour chant et piano, des œuvres symphoniqnes entre
iteurs. Esquisses symphoniques " Pacsaggi. " Crépuscule sur la Mer, et voix d'automne." — " La Favola di
elga," récemment acquise par Ricordi. Il prépare un nouvel opéra en 4 actes : " Claudia Lanteschi."
É
622 S. I. M.
différentes des nôtres, et que les jeunes artistes qui se proposent d'élever
son goût n'en sont encore qu'à leurs œuvres d'essai. Il m'a semblé
intéressant de démontrer que les germes de vie musicale nouvelle qui
fermentent dans les autres pays, existent aussi en Italie, ce qui n'est pas
indifférent pour la musique moderne en général, à laquelle il manquait
peut-être jusqu'ici des sources d'inspiration latine. De plus, il convenait
de rendre hommage à l'initiative de ces jeunes artistes de Rome qui en
ouvrant un concours aux œuvres musicales du pays entier, ont voulu lui
donner un caractère national et non plus régional, comme cela est trop
souvent le cas chez nos voisins. Puissent-ils réussir à donner, comme ils
le voudraient, une impulsion nouvelle à la vie musicale de leur pays, et un
plus grand développement à la musique symphonique.
Hélène Barrère.
GROVE'SDICTIONARYOF MUSIC & MUSICIANS.
— Nouvelle édition T. V. et dernier. (Londres, Macmillan 1910).
J'ai déjà signalé ici (Octobre 1908) les précédents volumes de
cet ouvrage dont j'ai dit, en même temps que l'excellence géné-
rale, les quelques défauts particuliers. Le voici complet, et le
cinquième volume ne changera rien à l'impression que laissaient
les quatre autres, le dictionnaire est bien le précieux ouvrage de
chevet, unique en son genre, dont ne pourra se passer aucun
travailleur, aucun amateur sérieux de musique.
Parmi les plus remarquables articles, il convient de citer :
Tempérament par M. J. Ucky ; Variation par Sir H. Parry ;
Wagner par Danreuther et M. Hubert Thompson ; Welsh Music
par M. F. Kidson.
Dans un appendice on s'est efforcé non seulement de com-
pléter et de corriger les articles du dictionnaire, mais encore de le
tenir à jour par des articles nouveaux. Là se trahit (mais n'était-ce
point invitable ?) le point faible de l'ouvrage et l'on n'est pas
parvenu, sur le sujet des contemporains, à éviter tout à fait l'arbi-
traire. La préface (vol. I) prévoit ce reproche ; mais il n'en
demeure pas moins vrai que nommer certains vivants et en négliger
j d'autres de mérite sensiblement équivalent est un grave défaut. Laissons de côté pour n'être
i point plus royalistes que le roi, les artistes, compositeurs ou écrivains anglais : mais pourquoi,
;: puisque l'on a consacré avec raison, un article assez étendu à M. Maurice Ravel, n'en avoir
; pas fait autant pour M. Florent Schmitt et pour M. Déodat de Séverac ?
Pourquoi ? parce ce que sans doute nul dictionnaire international des contemporains ne
j; saurait être tout à fait complet, tout à fait à jour. S'abstenir par parti pris d'y faire figurer les
[ jeunes eut été pire, et il faut bien reconnaître que les éditeurs du Grove ont des deux maux
': choisi le moindre. M. D. C.
JOSEF MACHAC. — Bedrich Smetana a cizina (Prague in-8° 19 10.)
THEOBALD KRETSCHMANN. — Tempi passati (Vienne in-8° 19 10.)
Deux livres intéressants viennent de paraître dus, l'un à un musicologue, l'autre à un
I musicien tchèques. Le premier Bedrich Smetana a cizina (Frédéric Smetana et F étranger) établit
I inventaire complet des succès et défaites de l'œuvre de Smetana hors des frontières de
Bohème. L'auteur M. Josef Machac en a rassemblé les matériaux depuis six ans et à propre-
ment parler n'a rien omis. Il est triste de constater que, dans la connaissance de l'œuvre du
maître tchèque la France est restée en arriére même sur la Roumanie et l'Espagne. M. Machac
640
s. I. M.
préconise hautement l'idée de grands festivals internationaux à Prague et propose que le
Narodu divadlo exporte tels quels, en tchèque, les Smetana. Il y toutes chances pour qu'ils
continuent de remporter à l'étranger les mêmes succès qu'à Vienne lors de V Exposition interna-
tionale de Théâtre et de -Sllusique en 1892, épisode qui demeure l'un des points culminants de
la carrière du poète F. A. Subert, alors directeur du Théâtre National.
Le second de ces livres, en allemand, sous le titre italien de Tcmpi pasîati est du autant
à la bonne humeur et à l'humour qu'à la plume de M. Theobald Kretschmann, un vieux
camarade de Sevcik, longtemps violoncelliste à l'Opéra de Vienne, après ceux de Prague et de
Breslau. Ce sont des souvenirs qui apportent une contribution importante à l'histoire de la
musique en Autriche depuis 1858. A noter surtout les deux chapitres consacrés à Smetana et
à Dvorak, puis ceux concernant Brahms et Robert Franz, Bayreuth de 1876 (un véritable
journal des répétitions auxquelles Kretschmann prenait part). Le livre entier, du reste, se lit
avec le plus parfait agrément même par le pire profane en matière musicale. W. R.
DECOUVERTE. — Le célèbre concerto d'orgue en rè inineur^ de Wilhelm Friedemann
Bach, cette pièce superbe que tous les exécutants ont inscrite à leurs programmes, depuis que
M. Auguste Stradal en a fait la magistrale transcription que l'on sait pour le piano, vient
d'être reconnue pour une simple transposition, très à la Bach, mais enfin transposition d'un
concerto de violon d'Antonio Vivaldi. On sait que J. S. Bach, père, lui-même fut incité à écrire
ses concertos pour piano et orchestre, par les œuvres du '■'■ preto rosso'''' propagateur du concerto
de violon solo, et que déjà il avait transposé des concertos de violon du Kapellmeister du duc
de Hesse (régent de Mantoue. Vivaldi n'a pas été établi à Darmstadt) : il en a arrangé six
pour piano, quatre pour orgue ; et, pour quatre pianos, celui de Vivaldi pour quatre violons en
si mineur. Des élèves de Bach, le duc Ernest de Saxe, Benedetto Marcello, Telemann, firent
des arrangements analogues. Or voici que le musicographe munichois, M. Ludwig Schittler
qui travaille à une édition des oeuvres " inconnues " de Friedemann Bach, a trouvé un manus-
crit du concerto, à la Bibliothèque royale de Berlin, dont le titre énonce sans laisser subsister
de doute que la composition originale est de Vivaldi. Faisant ensuite des recherches dans le
fonds de 80 (quatre-vingts) concertos manuscrits qui gisent, assez délaissés, à la Bibliothèque
de Dresde, M. Schittler eut la bonne fortune d'y découvrir en effet l'œuvre originale du
maître italien.
Ne parlait-on pas, ces temps derniers, dans notre monde musical contemporain, de
l'originalité des thèmes et de mélodies prises dans la rue ? Un Bach transcrivait et remaniait les
œuvres de ses voisins aussi bien que les siennes propres. Ne nous montrait-on pas ici même,
récemment, que Haendel en usait avec une égale et superbe désinvolture ?.. M. Mtd.
GRAVES (L. C.) — Musical Monstrosities. (London, Isaac Pitman 1909. In-l6°). |
Ne pensons pas à Berlioz, ni aux Grotesques de la Musi(]uc : l'esprit français, mêmci
romantique, a toujours eu des réticences et des subtilités que l'humour anglais ne connaît pas.
Les Français trouveront peut-être que M. Graves manie souvent la plaisanterie à coups de
massue. Et cependant, à ses fictions les plus ahurissantes, il mêle toujours un fonds de vérité:
ainsi nous apprenons grjlce à lui que M. Godowsky dévoue ses loisirs à un traité sur l'histoire
du Bi Métal ; que le Pr. Metchnikoff, dans son Traité sur la Prolongation de la vie, a conclu
que la carrière la plus conservatrice est celle de Choriste dans un Opéra Italien ; que la Royal
Commission a suggéré l'emploi d'un " Pole-Tax," contre tous les virtuoses dont le nom
comporte plus d'un (crtain nombre de consonnes consécutives La méthode, un peu
LES LIVRES 641
déconcertante, irrite parfois mais amuse quand même. Quelques illustrations ajoutent à l'ori-
ginalité de ce petit volume.
ENGEL (Carl). — Tlie music ofthe most ancicnt nations. (London, William Reeves, in 8°).
SMITH (Hermann). — The world''s ecirliest ynus'ic. (IvOiidon, William Reeves, in 8^').
Deux livres, de sujets à peu près identiques, publiés en Angleterre tous deux, et se
ressemblant jusque dans leurs défauts. On a trop longtemps oublié, de l'autre côté de la
Manche, que l'histoire de la Musique est une science, et que la science ne se base pas sur des
conjectures. Pour nous, habitués à d'autres procédés, il y a quelque chose d'irritant à suivre
des raisonnements qui s'arrêteront toujours en chemin, et où s'entremêleront, sous couleur de
littérature, des appréciations humoristiques voisines de l'enfantillage.
M. Smith a sur M. Engel ce mérite de poser très nettement les problèmes, lors même
qu'il ne parvient pas toujours à les résoudre. Son chapitre sur l'évolution de la flûte, particu-
lièrement ingénieux, nous a paru un des meilleurs du volume ; — cependant, le mérite d'avoir
signalé la parenté du double aulos avec le lioneddas de Sardaigne revient à M. Engel. —
Regrettons que M. Smith s'obstine à nous donner comme étrusques des reproductions extraites
de vases grecs. Regrettons aussi son mépris pour la musique chinoise "qui ne peut avoir que
peu d'attraits pour nous," et son enthousiasme exclusif pour le système diatonique, " ce trophée,
à la conquête duquel la musique a marché pendant des milliers d'années." Le temps s'est
chargé déjà de faire raison de ces assertions.
Nos deux auteurs consacrent tous deux de longues pages à l'évolution de la lyre antique,
— qu'ils confondent l'un et l'autre avec la cithare — ; leurs hypothèses à ce sujet sont dès à
/présent mises à néant par le très remarquable travail de Miss Schlesinger sur les Origines du
Violon.
Le livre de M. Engel, tout entier, est appelé au même sort: déjà la plupart des problèmes
qui y sont efllleurés ont fait l'objet d'une abondante bibliographie : son capital défaut est de
dater de 1864. Il nous décrit la musique chinoise, d'après les écrits du Père Amiot, les
antiquités égyptiennes d'après M. Villoteau, et ne cite Homère que dans la traduction de
Pope. Il expédie en deux pages la question de la double flûte, en une phrase celle de la musique
tzigane, et passe sous silence les origines du luth. Et que dire de généralisations hâtives comme
celle-ci : " Les progrès dans la musique ont été beaucoup moins rapides que dans les autres
arts, à cause de la lenteur qu'ont mis les instruments à se perfectionner." Ou bien : " les
peuples les moins civilisés sont ceux qui accordent la plus grande prédominance aux paroles
[isur la musique." Et encore : " Les plus anciens chants juifs étant en mode phrygien et
[myxolydien, comme beaucoup de chansons arabes et turques, il faut voir là une caractéristique
rde la musique orientale" Toute la musique bretonne est là pour contredire cette théorie.
! Enfin, M. Engel, aussi bien que M. Smith, travaillent l'un et l'autre à reconstituer des
musiques disparues, d'après les instruments qui les exécutaient. Le procédé est plausible —
.bien qu'on puisse se demander au contraire si ce n'est pas la musique qui détermine les
instruments, et non les instruments qui déterminent la musique — mais pour l'appliquer, il
faudrait la divination d'un Cuvier, qui avec une vertèbre ou une dent reconstituait le monstre
d'une époque disparue. Ni M. Smith, ni M. Engel ne me paraissent y avoir réussi.
A. I. SCHMIDT.
642 s. I. M.
LIVRES REÇUS
— BACH. — Jahrbuch der neuen Bachgesellschaft^ (Leipzig, Breitkopf et Hârtel 1909 in 4*^.
— FEININGER (Karl). — An experiential psychology oj music. (New- York, A.
Gemunder and Sons, in 4° de 320 p.).
— FONDI (Enrico). — La vita el' opéra litteraria del musicista Benedetto Marcello.
(Rome, Modes 1909 in 12° de 135 pages).
— GASTOUE. — Traite d'harmonisation du chant Grégorien. (Lyon, Janin 1910, in-S"
de 130 p.).
— HARDY. — Rodolphe Kreutzer. (Paris, Fischbacher 1910 in-S").
— ISTEL. — Das Kunstwerk Richard TVagncrs. (Leipzig, Teubner 1910 in-4'' de
145 p.).
— KATALOG DER MUSIKBIBLIOTHEK PETERS. — Tome I, (Leipzig,
Peters 1910 in-8° de 227 p.).
— ILLUSTRIERTER TONKÙSTLER KALENDER, (Munich, Mûller in 8° de
750 p.p.).
— LOGAN. — Musicology. (New-York 1910, Hinds, Noble et Eldridge in-12'').
— PROCEDINGS OF THE MUSICAL ASSOCIATION. (Londres, Novello 1910
in 12° de 128 pages).
— RADICIOTTI. — G. B. Tergolesi. (Rome, Edition musica 1 910 in 8" de 292 p.).
— STIEVENARD. — Traité des principes de la musique. (Hamelle 1910 in 8").
— TARDUCCI. — Storia de S. Gregorio e del suo temps. (Rome, Pustet 1909 in-8° de
499 P-)-
— VOIGT. — Excursionshuch zîlm Studium der Fogelstimmrn. (Leipzig, Quelle et
Meyer in- 12'').
— PRODHOMME (J. G.). — Œuvres en prose de Richard Wagner, Tome VI. (des
Gesammelte Schriften tome IF et Fil). (Paris, Ch. Delagrave in 12" de 252 pp.)
— WOLF (Hélène). — TVie studiert yuan am Klavier ? (Magdebourg 19 10, Heinrischs-
hofcn's Verlag in- 12").
SOCIÉTÉ INTERNATIONALE
DE MUSIQUE
SÉANCE DU VENDREDI, 28 OCTOBRE
La Séance est ouverte à 4 1/4 heures, chez MM. Gaveau, étaient présents : MM. Charles
Malherbe, Président ; J. Ecorcheville, L. Dauriac, J.-G. Prod'Homme, A. Boschot, M. et
M°^ G. Lefeuve, MM. Ruelle, A. Laugier, F. Guérillot, L. Greilsamer, A. de Bertha,
M*^^^ Babaian. S'étaient excusés : M™'' Filliaux-Tiger, M. Daubresse et Mutin.
Après la lecture du procès-verbal, la candidature de M. le Comte G. Chandon de Briailles
présentée par M. Charles Malherbe et M. J. Ecorcheville, est admise à l'unanimité.
Le Président prend la parole pour faire l'éloge de notre Collègue Pierre Aubry, dont la
perte a été si douloureusement ressentie par toute la Section. Il retrace la vie de notre ami, et
fait un tableau de son inlassable activité.
La Séance est levée en signe de deuil.
*
SECTION DU MIDI DE LA FRANCE
Une nouvelle Section de notre Société vient de se former, grâce à l'initiative de M. Chr.
L'Hôpital, inspecteur d'Académie du Gard : la Section du Midi. Le comité en est ainsi
composé :
Président : M. Chr. U Hôpital^ à Nîmes.
Secrétaire : M. Caillaba^ à Nîmes.
, Trésorier : M. Ch. Gervais^ à Montpellier.
! Nous sommes heureux d'applaudir à la création de cette nouvelle Section et de constater
jue la région du Midi qui a toujours été favorable à la musique, l'est maintenant aussi à la
nusicologie.
ALBERTO GASCO
FRAGMENT
Sarito Liquida
-^-^-1-7-- -l" t^^
FRANCESCO SANTO LIQUIDO
'n^rU 1^
Jk^
'hKfllo
C(^iC CÛu^^-^^
~>
lé U 1. tl 1- '- i.M.l4i^^ -TtH^^J^i^^^^^^fel^
Uvu^ÇtMc ^
44Vr^ fiM»u^7ak
tTuM.^'\u> I 9-
tuX-t^ (^'^/-L.îi.%
^^
4=
^
^
^
^^
m4m^
Z/./^^{^-fn^^i^J
MELODIE
Gennaro Napoli
? tf ir ^CJ V 'f 'CJ ^T 'î ^tir
(cl iToiLf ^etfg "^nna ..
Poco puZ
^Tîon,
GENNARO'NAPOLI
P^o^^uc^ h£j a.uT^u
VESPRO
l^ittorio Gui
\ 1 l
■k. riA'vV
:£:
Ocui^co
-d
ve.
^.
!J -il] iji;
^
^^3
m
m
^3
t
^
jvAaxo
\ '^ 1 "^^J^ C&vae^ caA^^May^^Z^'^c>-Uy^>
* É
Vvvv_j30 aoiTOTO i)Ci-ivbx^
; ; j
i
i 1 r.
î
l'c^av — bKX- bc-Aui^^o Xo- 6toi/\-v Xcc --way—iacviv te-
T — ■! *
^
^^^S^^3
S^3^^S^3
i
iui
A.
iâ — • i • i
s
^
m
^
î
— — i\e (Dcx/C dhjwiz-ùo
CAAO-'ht
t>l bu
i
jrr
Ch\ c\\\\o le
VITTORIO GUI
LE FESTIVAL DE MUNICH ET
LA PRESSE ALLEMANDE
En allant à Munich pour ainsi dire en délégation^ nous offrions a la critique
allemande V occasion de porter un jugement d'ensemble sur notre art français. Nos
confrères d'Outre Rhin n ont pas manqué de faire état de ce festival pour caractériser^ a
leur manière^ les tendances de nos musiciens.
Dès le i^ septembre on pouvait lire dans la Magdeburgische Zeitung :
" L'influence de la musique allemande sur la musique française, qui était
incontestable avant la guerre, cessa pendant quelque temps, et ainsi se forma, en se
rattachant à Berlioz et à Franck, une école nationale. Mais celle-ci fut à son tour
menacée par le wagnerisme. Ce n'est que tout récemment que la Jeune France
musicale a pu échapper à ce géant. Elle entend désormais suivre ses propres voies,
parmi lesquelles le sentier de Debussy la conduira sans doute, au plus court, vers
l'inconnu. Les Français n'ont jamais nié qu'ils nous devaient beaucoup en musique.
I" La musique allemande, écrit M. Romain Rolland, apporta à la musique française
lun caractère grave et savant ". Mais ce caractère n'empêcha pas de conserver dans
rie domaine des sons, ce qu'il y a de meilleur dans l'art français, ce charme
jinimitable. Et dernièrement M. Chevillard a pu affirmer que cette influence
iallemande, jadis prépondérante, était aujourd'hui à peu près nulle ".
Ce petit entrefilet nous indique déjà de quel point de vue les Allemands allaient se
placer pour nous juger.
" La musique française, pour la Neue Hamburger Zeitung^ est un modèle de
facture aisée et transparente. Elle a le sens de la ligne élégante, qui rarement
[comme chez Debussy) perd son souffle et sa belle assurance, et rarement tombe
dans le vulgaire. Du moins dans les œuvres exécutées à Munich, un style piquant,
gracieux, souvent plein de feu, caractérise la plupart de ces maîtres... Leurs idées
ne sont pas toujours profondes mais la manière de les présenter a quelque chose de
particulièrement prenant. Ce n'est pas toujours la sincérité du sentiment, la vérité
(Copyright By S. I. M. 1910)
ii LES AMIS DE LA MUSIQUE
de l'imitation naturelle que nous rencontrons dans la musique française. L'acuité
de l'esprit, le choix habile de l'effet, toutes les qualités de l'intelligence, l'emportent
sur les énergies sentimentales... Lorsqu'ils mettent l'âme à nu, ils en cachent
toujours quelque chose ; ils veulent plaire. Leur goût de l'exotique et de ses
sonorités délicieuses, de leurs prétérences pour une certaine religiosité solennelle, et
jusqu'à la note parfumée qui évoque le salon, tout cela s'explique parfaitement
Que cette musique puisse se soutenir à côté de la nôtre, énergique et écrasante,
cela me paraît peu probable. On demande ici des effets autrement violents, que
ceux dont on se contente dans les œuvres musicales de là-bas ".
" Soyons francs, écrit le critique du Vorwaerts, l'intelligence, la clarté, l'élégance
de la facture, l'allure particulière des rythmes, une fantaisie béate qui se perd dans
de singulières rêveries, remplace bien souvent chez les Français ce qu'est pour la
musique allemande le sentiment, la sensibiHté et la langue du cœur. Par contre la
France ne connaît pas la "musique philosophique ". Mais, Franck mis à part, on
ne trouve ni chez ses élèves (en tête desquels est Vincent d'Indy), ni chez ceux qui
les suivent, Saint-Saëns, Fauré ou Dukas, cette protondeur d'âme qui appartient
en propre à la musique allemande. Ces deux mondes, le sentiment musical moderne
français et le sentiment musical moderne allemand ne peuvent guère communiquer
que du côté de la technique, technique des formes et technique des couleurs, car
ici la nouvelle génération des musiciens parisiens égale Berlioz et le dépasse même
certainement chez Debussy "
" Ce qui nous rend la musique française agréable, écrira La TaegUche Rundschau
du 1^ septembre^ ce qui constitue ses qualités, est facile à distinguer ; de même il est
aisé de se rendre compte de ses points faibles. Le Français a toujours appliqué son
attention à la forme sympathique, à la clarté de l'ensemble, à la facile compréhension
du style. Tant qu'il reste fidèle à ses principes il est capable de rendre aimables ses
symphonies, et attrayante sa musique de chambre Aux auteurs qui suivent cette
esthétique se sont opposés récemment les descriptifs, qui cherchent du nouveau et
semblent encore bien empruntés ; ils ont devant eux un lointain imprécis plutôt
qu'un but certain ; leur musique apporte le trouble et non la clarté. On peut
affirmer avec une quasi certitude que l'art dont on nous a montré ici les productions
— aussi bien chez les formalistes que chez les autres — n'aura dans l'avenir, pour
nous autres Allemands, qu'une valeur toute historique. Il se passera pour les plus
grands de ces maîtres ce qui se passe pour Couperin et pour Rameau leurs
devanciers. La musique française, dans la mesure où elle s'avère sincère et
naturelle, trouvera toujours en Allemagne un écho, mais dès qu'elle voudra s'élever
aux régions du pathétique et du sentiment elle laissera nos cœurs parfaitement
froids. C'est une joie de suivre les idées françaises légères et gracieuses, dans leur
présentation et plus encore dans leur habile mise en œuvre. On joue là un jeu
plaisant, et même quand on passe à la danse proprement dite, personne ne résiste.
L'élégance et la galanterie l'emportent... Le va et vient des pizzicati heureusement
combinés avec les coups des rigoureux archets n'apparaissent plus comme des effets
on a plutôt le sentiment de se trouver en face d'un homme qui conte avec esprit
LES AMIS DE LA MUSIQUE iii
ses propres aventures. L'Allemand nous semble véritablement grand là où il laisse
déverser sa passion pour Dame Musique — le Français Test au contraire là où il
nous montre comment on flirte avec elle. Et notez qu'il est absolument persuadé
que son flirt est une passion profonde. Ces différences de races ne disparaîtront
jamais, et il faut s'en réjouir là-bas comme ici ".
M. Eisenmann^ insiste sur les qualités plastiques de notre musique : " Même des
latures aussi opposées que Franck et Bruneau, Chabrier et Saint-Saëns peuvent se
:omparer et présenter des traits communs. C'est ce que nous a montré le festival
lès son premier concert. Malgré l'influence exercée par l'Allemao-ne sur les
:ompositeurs français ceux-ci ont cependant conservé leur autonomie. Qu'ils
;voluent sur le terrain classique, ou qu'ils prennent en main le drapeau du progrès,
Is se montrent toujours hommes de leur race ; ils ont leur style, avec ses tendances
es qualités et ses défauts. La déclamation a chez eux un rôle prépondérant. Il y a
[es compositeurs allemands qui ont des idées superbes, mais qui ne savent rien en
aire. L'art de l'expression, joint à l'art du geste telles sont au contraire les
ualités maîtresses des Français. Ils ignorent la spéculation confuse et abstruse, et
Drs même qu'ils deviennent graves, ils restent clairs et compréhensibles. A la
érité ils tombent parfois dans un pathos qui nous semble un peu outré..."
M. Joseph Jurinek ^ insiste sur le pittoresque : " A mesure que les œuvres
accédaient aux œuvres nous avions la conviction que les Français sont en musique
es descriptifs éminents, mais que le gracieux et l'enjoué est avant tout leur fait.
>n dirait qu'ils se jouent sur les flots de la vie, sans vouloir sonder ses
rofondeurs, et plonger dans ces abîmes, où tout est noir, où le cœur de l'homme
; prend à trembler. Tantôt la musique française est un jeu en plein soleil, tantôt
ti rêve par une nuit de mai à la clarté tranquille de la lune qui palpite.
à et là un accent intense de la vie qui s'affirme ; et puis des couleurs qui
U précipitent, une débauche de sonorités, une plénitude orchestrale qui nous
hlouit. Mais que ce soit Bruneau, d'Indy ou Chabrier, Franck, Ravel, Widor ou
ebussy, nous n'avons pas un instant d'ennui en présence de cet art. On ne saurait
)pliquer aux Français le mot sévère qui fut proposé à propos de Strauss : Là où
is idées manquent, le boucan commence. Les Français, même lorsqu'ils donnent
rut ce qu'ils peuvent, savent toujours conserver la mesure ".
Très justement le D' E. Wahl ^ reprend ces comparaisons tirées des beaux-arts :
^Un regard jeté sur notre musique allemande et une vue d'ensemble telle que la
ïrmettait ce festival de la musique française, montre une difi^érence fondamentale
kre les deux arts voisins. On connaît les vers où Nietzsche chante le vent du
ristral :
Mistralwind du Wolkenjaeger, Trubsalblaeser, Himmelsfeger
Brausender, wie lieb'ich dich.
* Tageblatt de Cologne du 2 1 septembre.
^ General Anzeiger de Mannheim du 22 septembre.
^ Allgemeine Musikzeitung du 30 septembre.
iv LES AMIS DE LA MUSIQUE
Cette apostrophe ne pourrait-elle s'appliquer à notre musique ? Par contre,
les jeunes Français aiment avant tout le nuage irisé, le gris qui atténue toutes les
couleurs, et qui, infiniment diversifié, reste toujours le gris. On n'a qu'à voir où un
Richard Strauss, un Mahler se trouvent conduits par la recherche des solutions
nouvelles, et où se dirige un Debussy, pour assister à ce contraste typique. Ou
bien, remontant un peu plus haut que l'on compare Anton BrQckner avec Saint ,
Saëns on trouvera la même différence, moins manifeste cependant, car la génération |
des compositeurs âgés n'avait pas encore rompu avec les traditions de vigueur et j
d'énergie de la musique française. Pour tout dire en deux mots : nos allemands sel
plaisent aux empâtements, les Français font du pastel. Chez nous des tons francs,!
appliqués à la brosse ou au couteau ; en France le coloris doux et tendre des;
crayons, avec ses procédés raffinés et ses prodigieux fondus, mais glabre et sucré..." j
M. le D^ San-Galli^ cherche à préciser ces nuances : " Nous arrivons, écrit-il, au,
style-type des Français avec MM. d'Indy, Bruneau, Debussy, Dukas et Ducasse.i
Chez eux le sentiment français de la sonorité a fait naître une musique, un style, i
Je dis le sentiment français de la sonorité, car nos compositeurs ont eux aussi!
des problèmes de sonorité à résoudre ; et les deux nations se trouvent en face dei
la même question : qu'est-ce que le compositeur entend et comment .'' Mais elles y|
répondent d'une manière différente. Nous tendons l'oreille vers ce qu'il y a de plusj
profond dans un poème symphonique. Le Français songe toujours au salon, et lui]
conserve une place dans son cœur. L'humeur et l'esprit restent prépondérants.j
L'Allemand vit ses états d'âme, le Français les voit. C'est là l'immense différence.!
Le peintre a lieu d'être satisfait plus que personne de la musique français{|
moderne. Celui qui a un peu le sens de l'émotion pittoresque trouvera délicieu>j
les Nuages de Debussy Debussy est un paysagiste, un impressionniste et on m|
peut rendre la nuance de cette musique en termes allemands. Le symbole et Sîi
profondeur dépendent d'une fantasmagorie, et d'une imprécision des lignes et dd
formes, qui autorisent l'auditeur à s'imaginer tout ce qu'il voudra, ou à ne rien
s'imaginer du tout et à s'abandonner aux joies de la simple sensation. C'est là sans
doute quelque chose et même beaucoup ; et il est impossible de prévoir en ce
moment la portée de cet art. Mais un point reste acquis. C'est là un an
essentiellement français ".
M. A. Steinitzer^ est sévère : "A la fin de ces auditions qui nous ont donn^
une image extrêmement instructive de l'évolution et de l'état présent delà musiqd
française on ne peut se soustraire à l'obligation de résumer les impressions ressenties!
Et de suite s'impose cette conviction. La France ne dispose pas en musique dj
génies créateurs semblables à ceux que nous avons produit à la même époqucj
l'époque de Brahms, Bruckner, Pfistner et Strauss. Debussy est le seul qu'oi
puisse admettre ; lui, a réellement ouvert de toutes nouvelles perspectives, don
nous ne pouvons encore prédire l'avenir... Tous les autres jeunes gens sont à I
vérité maîtres de leur art, mais aucun n'est doué de facultés créatrices... Il fà
' Rhcin-Westfalischc Zeitung du 23 septembre. -^
' General Anzeigcr de Duesseldorf du 25 septembre. .JB
LES AMIS DE LA MUSIQUE v
rejeter l'activité intellectuelle dans le domaine de la technique ; la force créatrice
doit partir du cœur pour aller au cœur. C'est là ce qui manque à la nouvelle école
française. Ainsi n'avons-nous pas éprouvé là d'émotions vécues. Par contre il faut
reconnaître sans réserve, que le Français même lorsqu'il a peu d'idées sait toujours
intéresser par son coloris et son métier, tandis que l'Allemand, dans le même cas,
est souvent brutal et presque toujours ennuyeux..."
Voici la conclusion de M. A. Eisenmann : ^ " Les Français ne nous enlèveront
pas la gloire de nos maîtres... Mais nous pouvons justement aussi apprendre
beaucoup de leur art. Qu'on n'ait pas toujours besoin de se plonger dans les
problèmes abstrus, et que la recherche légitime de nouveaux moyens d'expres-
sion puisse fort bien s'accorder avec le charme et la clarté. Voilà la leçon que
nous devrions prendre en considération ".
M. le Jy Leopold Schmidt ^ voit notre effort en historien : " Il faut se souvenir
dans ce jugement sur le festival de Munich, des éléments de supériorité que la
France musicale n'a pu ici mettre en jeu. Ceux-ci jadis et jusqu'à ces dernières
temps appartenaient à l'art du théâtre. Or justement je voudrais voir la caractéristique
de cette manifestation de Munich, dans ce fait qu'il a été possible, somme toute,
de nous donner une idée de la musique française contemporaine, sans tenir compte
du théâtre lyrique. C'est là sans conteste un mérite qui revient à l'école nouvelle.
L'ancienne prévention en faveur de la musique dramatique a disparu ; bien plus
;lle s'est retournée. Aujourd'hui l'effort principal de la musique française porte sur
l'instrumentale. Il n'est pas impossible, vu l'intensité de ce mouvement, qu'une
prochaine fête de musique française, que nous espérons bien voir à Berlin parce
qu'elle y rencontrerait un intérêt passionné, confirme pleinement ce jugement ".^
M. Spanutk* enfin : "Puisque la première tentative d'une fête de ce genre a
•éussi, on devrait dans un délai convenable en organiser une autre. L'échange
Tiusical entre la France et l'Allemagne peut se faire indépendamment de toutes les
iîonstellations politiques, il devrait être assez intime pour que les musiciens d'ici et
le là-bas ne puissent plus apercevoir les poteaux de la frontière. Cela peut se faire,
i condition de provoquer en Allemagne un mouvement et surtout de gagner
'intérêt de nos compositeurs. Ce qu'il nous a été donné d'entendre à Munich des
eunes musiciens français, a dû cependant remuer un peu les plus indifférents.
Celui même qui pousse l'amour de soi jusqu'à croire à l'inutilité de toute musique
lors de l'Allemagne, se demandera si les jeunes Français ne marchent pas à la tête
du mouvement avec plus d'audace que leurs voisins et si ils n'apportent pas de
ésultats plus positifs que les Allemands. Le jour où cette constatation se sera
' mposée parmi nous, les Amis de la Musique pourront dire qu'ils sont payés de leurs
fforts et que leur initiative a porté ses fruits ".
' Kulturbeitraege de Stuttgart du 22 septembre.
^ Berliner Tageblatt du 24 septembre.
^ Faut-il à titre documentaire le jugement humoristique du petit Musical Courrier Américain : " Le Festival de
lunich n'a pas persuadé aux Français qu'ils apprenaient quelque chose aux Allemands et a fortement ancré
:s Allemands dans l'idée qu'ils n'avaient rien à apprendre des Français ".
* Signale fur die Musikalische Welt du 28 septembre.
vi LES AMIS DE LA MUSIQUE
De ces articles de fond ^ que V Argus allemand nous avait envoyés^ nous avons tenu h
citer la totalité. Ils honorent la presse allemande par leur gravité^ le soin avec lequel ils
ont été écrits, et V absence d'hostilité dont ils font preuve. Certes, il y aurait beaucoup à
dire sur ces jugements d'ensemble, qui nont du reste pas la prétention d'être définitifs, et
dont il serait téméraire de vouloir a notre tour tirer des conclusions. En tout cas il ne
saurait être question d' établir une hiérarchie en les deux arts ainsi comparés. Les
Allemands connaissent et apprécient notre musique. Ils ne la goûtent pas toujours de la
même manière que nous. Ils en remarquent surtout V aspect d'aimable sociabilité. Le
festival de Munich n'aura pas sur ce point modifié leur avis, ou plutôt leur sentiment.
Toutefois, depuis quelques années, des éléments nouveaux ont altéré sensiblement cette
physionomie traditionnelle de la musique française. La critique allemande s'en aperçoit, et
elle s'efforce d'expliquer a sa façon ce changement, qui l'intrigue peut-être plus encore qu'il
ne r enthousiasme. Elle emporte donc de Munich cette i?npression qu'il se passe quelque
chose chez nous et que son jugement applicable aux XIX^ siècle français aura bientôt besoin
d'être revisé.
Les Amis de la Musique ne pouvaient en demander plus. Il leur suffit dans cette
première manifestation, d'avoir précisé la curiosité de nos voisins, d'avoir, en pleine
Bavière, éveillé l'intérêt pour un art qui n'est ni celui de Beethoven ni celui de JVagner,
et donné l'occasion à l'esthétique allemande de méditer a V aise sur le problème des
nationalités musicales.
UN DOCUMENT SUR LA MUSIQUE BELGE
Lors du Congrès de la Fédération Archéologique et Historique de Belgique dont la
XXI™^ session fut tenue à Liège en août 1909, congrès où l'on voulut bien créer une sous-
section de musicologie sur mon initiative, j'avais tenté de déterminer les programmes des
Recherches à faire dans les fonds musicaux de la province de Liège et je concluais en demandant
que le plus important d'entre eux, le Fonds Terry, qui se trouve déposé à la bibliothèque du
Conservatoire royal de Liège, fût ouvert aux recherches des historiens. Ce résultat n'a pu être
entièrement obtenu jusqu'ici, faute d'un local suffisant, mais il a été possible à M. le D"" Joris-
5enne, Président de notre Société de Musicologie, de se procurer et de nous faire connaître
:ertaines richesses comprises dans ce fonds. En particulier, j'ai pu commencer le dépouillement
d'une série de quinze fardes, comprenant environ vingt cinq mille pages de l'écriture de Terry
;t contenant les notes prises au courant de ses laborieuses lectures, pendant toute une vie de
:ravail. Arrivé au tiers environ de cette recherche, rendue assez longue par la nécessité de
dasser les documents obtenus, j'ai mis la main sur la copie que fit Terry d'un manuscrit de
t^enri Hamal dont l'original est peut-être perdu. Je le reproduis en l'augmentant de notes
jdrées d'autres sources.
Quant au Fonds Terry -^ lui-même, riche d'environ sept mille livres et deux mille numé-
os de musique, je n'ai pu encore l'étudier suffisamment dans son ensemble pour le décrire
ci : mais je ne désespère pas d'arriver quelque jour à le faire.
Henri Hamal, auteur des notes ci-dessous, a eu un biographe anonyme qui signe L. L. L.^.
* Léonard Terry est né à Liège le 13 février 18 16 et y décéda le 25 juillet 1882. Chanteur, professeur et
compositeur, il était surtout lettré, très polyglotte et chercheur actif. Mais l'esprit de classement lui manquait
!t il n'a tiré parti que d'un très petit nombre des éléments qu'il avait rassemblés. On lui doit pourtant des
rticles parus dans la Biographie Nationale ainsi qu'une biographie de Henri Dumont, parue en 1872 chez Léon
e Thier. En 1874, il avait été élu membre de l'Académie royale de Belgique.
Après son décès, de longs pourparlers eurent lieu au sujet de sa bibliothèque qu'il fallait conserver à sa
aile natale. On pensa d'abord la déposer à l'Université, ce qui eut été la solution la meilleure ; mais elle fut
lemisée au Conservatoire où elle resta, de fait, inaccessible pendant de bien nombreuses années : le manque
" "'un local approprié et du personnel suffisant en entrave encore la jouissance. La Ville de Liège a voté les fonds
écessaires pour élever le local demandé à côté du Conservatoire, mais jusqu'ici l'État belge, toujours à court
argent, n'a pas promis sa cote-part et la question reste pendante.
^ Essais de Biographies musicales liégeoises. Les Hamal. Liège, F. Renard éditeur, 1860. Extrait de l'Annu-
re de la Socie'té libre d'Emulation.
P
648
s. I. M.
Henri, fils de Dieudonné Lambert Hamal, chirurgien distingué de la cité de Liège, et de
Marie Elisabeth Delvaux, naquit à Liège le 20 juillet 1744 ; il était petit-fils de Henri
Guillaume et neveu de Jean Noël Hamal, tous deux maîtres de chapelle de la cathédrale, et
dont nous aurons à reparler. Après avoir été initié aux éléments de la composition musicale par
son oncle, Henri partit pour l'Italie, ainsi que la coutume en était établie à Liège, et il se
trouvait depuis plusieurs années à Rome lorsqu'en 1770 il fut rappelé à Liège pour venir
occuper dans le choeur de la cathédrale une stalle de chanoine, faveur que son oncle Jean Noël
lui avait fait obtenir, voulant s'assurer dans son neveu un successeur de mérite. Ce désir était
partagé par le Chapitre. Vers la fin de 1770, Henri Hamal prit possession de son siège cano-
nical et de la direction de la chapelle de la cathédrale Saint Lambert, Pendant huit ans, il la
dirigea avec son oncle et put ainsi s'assimiler la tradition établie.
La première de ses compositions musicales écrites à Liège paraît être une grande cantate
exécutée le 16 janvier 1772 à l'occasion de l'élection solennelle de M^"" François Charles de
Velbruck comme Prince-Evêque de Liège. Le 5 février suivant, nouvelle cantate exécutée en
l'honneur du Prince à la salle de la Redoute, devenue depuis la Société libre d'Emulation, et
enfin, le 5 mai, troisième cantate sur le même sujet, intitulée : les Réjouissances du Parnasse^
paroles de M. Bernard, pour laquelle les talents de l'oncle et du neveu s'étaient associés.
Trois années après, le 28 janvier iJJSy 1^ théâtre de Liège représenta une pièce intitu-
lée : le Triomphe du Sentiment^ a) comédie en trois actes, mêlée de chants et de danses, paroles
de M. Joseph Bertrand, musique d'Henri Hamal.
A l'inauguration de la Société libre d'Emulation b) — cette société existe encore et le
dépouillement de ses archives nous fournira sans doute de nombreux documents — cérémonie
qui eut lieu le 2 juin 1779, Henri Hamal fit exécuter une grande scène lyrique, paroles de*
M. Dreux, puis en 1784, Hamal composa la musique de deux cantates à l'occasion de l'éléva-
tion à l'épiscopat du successeur de Velbruck, César Constantin François de Hoensbroeck ; ces
cantates furent exécutées le 21 juillet; les paroles étaient de MM. Henkart et Milon. Le
20 décembre de la même année, nouvelles fêtes pour lesquelles Hamal écrit le Cri de la Patrie.
Chose singulière, Hamal ne semble plus avoir composé dans la suite.
Au reste, son existence devait bientôt se modifier. Lors de l'envahissement du pays de
Liège, la démolition de la cathédrale Saint Lambert fut décrétée et la vie musicale suspendue.
Henri Hamal cessa ses fonctions en février 1793. La plus grande partie des documents
concernant la musique dans la principauté disparut à ce moment de troubles et de pillages. Les
sacs successifs de la ville au cours du moyen âge, les incendies fréquents, la destruction de la
cathédrale, dont il ne resta absolument rien, forment des obstacles insurmontables à une étude
complète de l'art musical liégeois. Contentons-nous donc du peu de documents qui sont
conservés.
a) La partition existe dans le Fonds Terry. Cette œuvre est dédiée à Velbruck.
b) Hamal a peu publié. I^z feuille sans titre n° 169 du samedi 19 juillet 1777 annonce pourtant un Recueil
des romances de divers auteurs etc. dédié à S. A. S. M"" la Duchesse d'Arenberge etc. avec accompagnement
de Forte Piano par M. Hamal Neveu etc. 8" 3 livres. Avec dédicace :
En vous consacrant ces essais,
Je vous offre un bien faible hommage.
J'ai consulté mon avantage
Beaucoup plus que vos intérêts :
Votre nom est trop beau pour un pareil hommage
Mais il en fera le succès.
J'ai aussi trouvé le titre de l'un de ses autres ouvrages : Extraits des airs français des opéras comiques
nouveaux qui ont été représentés à Paris, appropriés pour le chant, ou flûte et violon, avec la basse continue
chiffrée etc. 5 parties. In folio.
UN DOCUMENT SUR LA MUSIQUE BELGE 649
Hamal, privé de sa situation, ne resta pas inactif. Il siéga au sein du Jury de l'Instruction
publique, créé près de l'administration centrale du département de l'Ourthe. En qualité de
secrétaire de ce Jury, il rédigea un rapport daté du 27 décembre 1797 demandant la création
d'une école de musique à Liège. Nous comptons publier dans la suite quelques renseignements
documentaires sur ce placet, sur les démarches faites par Grétry pour l'appuyer etc. En fait,
le projet échoua et ce n'est que trente ans après, en 1828, que Liège fut dotée d'un
Conservatoire.
A l'époque du rétablissement du culte, en 1804, Hamal déclina les offres qui lui furent
adressées de redevenir maître de chapelle et se retira dans la vie privée. Il ne devait mourir que
bien plus tard, en le 17 septembre 1820.
A quelle date se place la rédaction du manuscrit qui nous occupe ? ou plutôt des deux
manuscrits, car ce sont deux fragments qui traitent parfois des mêmes sujets, se complètent,
complètent aussi un manuscrit de Hamal dont M. le D"" Jorissenne a donné le texte ^ etc. de
sorte que l'on pourrait penser qu'à diverses reprises, Hamal a rédigé ces notes de façon assez
hâtive sur le même sujet, ne s'efforçant en rien d'être complet, ainsi que le prouve la brièveté
des notices consacrées à son grand'père et à son oncle, dont il devait parfaitement connaître la
biographie ?
M. Jorissenne place vers 1806 la rédaction de la pièce qui l'occupe. La date la plus
récente contenue dans le premier fragment ci-dessous est 1798 ; dans le second, 1806. Aucune
autre indication ne nous permet de conclure, en ce qui concerne le second manuscrit, mais le
premier est antérieur à 1805, puisqu'il parle de la Collégiale Saint Pierre comme encore
existante, et que ses orgues furent transportés à Saint Paul en 1805. (Voir article Thorette).
Il est probable que ces travaux sont de l'époque où Hamal était rentré dans la vie privée. Il eût
donné plus de soins à une rédaction officielle. Le premier manuscrit daterait en ce cas de 1804
ou 1805.
Les documents compris dans les fardes laissées par Terry portent le titre général :
Simples notes pour servir a l'Histoire des Beaux- Arts au pays de Liège.
Nos deux fragments sont empruntés au cahier No. 57 dont ils occupent respectivement
les pages 3 à 10, puis 10 à 12 et 16 à 19, les pages 12 à 16 étant remplies par une autre
copie.
*
PREMIER FRAGMENT.
NOTES SUR LES PRINCIPAUX MUSICIENS COMPOSITEURS LIÉGEOIS.
N° i. De la main de H. Hamal, 4 feuillets gr. in 8°.
" Le pays de Liège a eu en tous temps d'excellents musiciens. La
" Cathédrale, les Collégiales ^ entretenaient des écoles de musique ; sans
" compter l'école de la ville de Châtelet, d'où sont sortis de grands musi-
^ Un manuscrit historique de Hamal, communication faite à la Société liégeoise de musicologie le 5 janvier
1910 ; in Wallonia de mars-avril 19 10.
^ " Liège en comptait huit : Saint Pierre, Saint Barthélémy, Sainte Croix, Saint Martin, Saint Jean
Evangéliste, Saint Denis, Saint (?) et Saint Jacques, qui ne le devint qu'en 1785." Terrj^, cahier n" 56, p. 15. " La
suppression des huit collégiales à la Révolution entraîna celle des chapelles et mit les musiciens à pied, entre
autres Henri Hamal... et Henri Moreau, " dont il sera question plus loin. Ch"'' Daris, Histoire du Diocèse de
Liège, t. IIÏ, p. 162.
650
s. I. M.
" ciens. Ces élèves allaient ensuite se perfectionner à Rome ou à Naples,
" avec une pension des dites églises.
" Il y avait à Rome une maison sur la place dite Monte d'Oro, fon-
" dée par Lambert d'Archis ^ pour les jeunes gens qui venaient étudier
" le droit ou les beaux-arts pendant cinq ans. Ils étaient logés et
" nourris, sous la direction de cinq proviseurs qui devaient être du pays
" de Liège, de même que le Recteur nommé par eux pour demeurer à la
" maison et surveiller les élèves. Cette maison pouvait avoir, en 1768,
" 1400 écus romains.
" I. Gilles Haine, né à Liège vers 1585, devint par ses talents
" intendant de la musique du prince Ferdinand de Bavière, qui lui con-
" fera un 1627 un canonicat de Saint Jean Evangéliste à la place de
" chantre. Ce savant musicien a composé 18 Psaumes à cinq voix, des
" Antiennes à 6 et 8 voix, et une Messe des SVLorts qu'il présenta en 1647
" au Chapitre de la Cathédrale. Il a fait imprimer à Anvers, en 1645,
" trois ouvrages chez l'héritier de Pierre Phalèse. "
On compte deux Haine, Heine, Hayne, Haym, Henné, (Egidio)
Hennio, (Aegidius) Hennius, dont l'un, Gérard, " florissait vers 1585^
tandis que l'autre Gille est né à cette date. Ce dernier " doit avoir surpas-
sé son maître Guiot ^ Il fit élever son épitaphe sur la porte de Saint
Jean... qui fut un (sic) des plus beaux du temps, aussi orné de divers
instruments de musique... Il doit être le neveu du précédent" qui floris-
sait en 1585 "et devint directeur de la chapelle de S. A. de Bavière,
évêque de Liège et électeur de Cologne ; il fut aussi appelé par S. A. S.
le duc de Neubourg à la surintendance de sa musique. Ses pièces ont été
imprimées et distribuées partout et longtemps après sa mort on les tenait
en grande estime. Il vivait en cette réputation l'an 1633 âgé de ans
(les chiffres manquent), comme j'ai vu par son portrait qu'il était cha-
noine et chantre de la Collégiale de Saint Jean" ^
' ou Darchis. Ce philanthrope est né à Liège, paroisse de S' Hubert, le 31 juillet 1625 ; il s'établit à
Rome dès sa jeunesse et y fit fortune. Son testament du 22 octobre 1696 crée l'Hospice ou Collège liégeois, qui
après bien des modifications existe encore. — Avant cette fondation, on envoyait, d'après Terry, les jeunes gens
à Rome au Collège gei-manique.
^ Les Hamal, voir note 2, page 647.
Jorissenne, loc. cit. le fait mourir en 1588.
•■' D'après le manuscrit de Hamal cité par Jorissenne, Jean Guiot, chanoine impérial et maître de chapelle
de la Cathédrale, né à Chastelet (Châtelet) mourut fort âgé le 15 mars 15 18. S'est fait connaître par ses savants
ouvrages avant de revenir dans sa patrie. Il avait été plusieurs années intendant de la musique de l'empereur
Ferdinand. En réalité, d'après Cl. Lyon, Guiot est né en 15 12 et mort en 1588, comme son élève.
* Manuscrit intitulé : Les œu-ures curieux des çavants de la nation liégeoise qui ont passer (!) à la postérité
1690- 1702, sans nom d'auteur, p. 129 cité par Terry. Le portrait en question avait été gravé à Liège {Biogr. Nat.)
UN DOCUMENT SUR LA MUSIQUE BELGE 651
Si le rôle joué à Liège par Egidio Hennio est peu connu, on est
mieux renseigné au sujet de sa vie sur le Bas-Rhin (Dusseldorf) où la
musique était en grand honneur à cette époque à la cour du Pfalzgraf
Wolfgang Wilhelm von Pfalz-Neubourg (jusque 1653), revenu au
catholicisme et épris d'art italien.
En 1631, Heine avait été engagé comme chantre à Saint Jean
Evangéliste à Liège ' en remplacement d'Alphonse Fressadis (le i 3 mars de
cette année) et, bien que bénéficiaire d'un autre emploi, il figure dans les
registres jusqu'en 1649. Mais dès 1638, il appartenait officiellement au
service du Pfalzgraf, ainsi qu'il ressort d'une lettre de Heine du 17 décem-
bre 1637 qui laisse supposer des relations officieuses antérieures. Ses fonc-
tions étaient peu absorbantes, mais il devait venir à Dusseldorf au premier
appel de son seigneur. Il recevait une annuité de cent florins d'or, d'ail-
leurs assez rarement payée en ces temps de guerre. Ses fonctions ne l'ont
pas empêché de partager son temps entre Dusseldorf et Liège. A Dussel-
dorf, il semble avoir eu pour aide, parfois insuffisante, un maître de
chapelle du nom de éMarini.
M. Willibald Nagel cite 38 de ses compositions.
Au reste, notre Gille Heine a fait école à Liège, où " il fut suivi de
près d'Albert Gherin, maître des chantres de Saint Martin, qui par la
nouveauté de sa manière eut aussi l'art de plaire et dont les œuvres furent
recherchées quelque temps. " ^
" IL Léonard de Hodemont, maître de musique de la cathédrale,
" mort en 1639, a composé pour cette église le Kyrie de Pâques, que l'on
" chantait encore en 1794 ; un Ecce Panis à 6 voix ; un Sahe pour les
" samedis, à 8 voix ; V Antienne de Saint Lambert^ à 6 voix, et d'autres
" ouvrages estimés qui sont restés à la cathédrale. "
Léonard de Hodimont, village presqu'incorporé aujourd'hui dans la
ville de Verviers, province de Liège, était un maître réputé. Phalèse a
publié une œuvre de lui en 1640, donc après sa mort, sous le nom de
Léonard Hodimontio. ^
" III. Lambert Colen, chanoine de Saint Materne, et musicien
" intonateur de la cathédrale, mort en 1654, est connu par plusieurs
" Sahe à 6 et à 8 voix ; des Antiennes particulières des Sainte Anne et
^ Willibald Nagel in Monatshefte fur Musikgeschichte 1896 n° 8, 9.
Ibid. p. 1 30.
Le bibliophile belge t. III, p. 330, article de Alph. Govaerts.
652
s. I. M.
" Saint Joseph à 8 voix ; plusieurs Ecce partis à 6 voix, qui se chantaient
" encore en 1756. "
Dans l'ouvrage cité à la note i, il est mentionné sous le nom de
Collin.
" IV. Henri Dumont, né à Villers-l'Evêque, enfant de chœur de
" Saint Servais à Maestricht, part pour Paris avec un colonel français en
" 1630. Abbé de Silly, diocèse de Séez en Normandie. — <3dotets^ cinq
" Grand' ^Ae s se s. dites royales, etc."
Cette note brève n'ajoute certes rien au travail documentaire de
M. Henri Quittard: Henri Du éMont^ Mercure de France, 1906. Les très
nombreuses notices que je possède sur le même sujet sont aussi des répé-
titions l'une de l'autre ^ et il peut paraître que le travail de M. Quittard
épuise actuellement la question. Une remarque nous sera toutefois per-
mise en ce qui concerne le nom même de ce musicien, qui fut également
porté par un chanoine théologal de Liège, abbé séculier d'Amay, que
Moreri ^ fait naître à Viemme en Hesbaye, à cinq lieues de Liège, en
1610, c'est-à-dire la même année que le musicien. Du Mont s'appelait
originairement De Thier et M. Quittard le croit parent avec les Cheva-
liers de Thier dont la famille n'est pas éteinte à Liège. L'aîné d'entre eux
nie cette parenté, en se basant sur des papiers de famille fort en ordre. De
plus, l'étymologie du nom De Thier ne doit pas être cherchée si loin que
le fait de M. Quittard. En patois liégeois, thier signifie mont^ montagne,
élévation. Du Mont a donc tout simplement traduit son nom en français,
puisqu'il allait en France, comme il l'aurait traduit en italien, à la façon
de Josquin, s'il ce fût dirigé plus au sud.
" V. Pierre Thorette, bénéficier et musicien de la cathédrale,
" mort à Liège, en 1684. La Chasse de Saint Hubert^ exécutée tous les
" ans à grand orchestre à Saint Pierre depuis plus d'un demi siècle, chef-
" d'oeuvre pour ce temps là ; il la composa en 1 670, et la dédia au Baron
" de la Pierre, tréfoncier, abbé de Ciney, grand amateur.
L. L. L. ne fait que citer son nom. — La Collégiale Saint Pierre
• Lacombe, dictionnaire portatif des Beaux-Arts ; la feuille sans titre n" 52, 24 mars 1777; Pauwels de Vis,
dictionnaire biographique des Pays-Bas ; Gassner, Leniken ; Biogr. géne'rale des Belges; Michaud, biogr. uni-verselle ;
Piron, algem. levens der Mannen etc. ; Feller, dictionnaire historique ; Becdelièvre ; Jawe, du chant liturgique,
Titon de Tillet ; Laborde, essai sur la musique ; de Villenfagne, discours sur les artistes liégeois; Adoux, hist. eccle's.
de la cour de France ; Compai'aison de la musique italienne et la musique française j Revue de Danjou ; un article
de Stephen Morelot, Walter, musik. Lexikon ; Delvenne, biogr. du Royaume des Pays-Bas ; Dewez, histoire de Liège;
etc. etc. Comparez aussi Jorissenne, loc. cit. La Biographie Nationale contient un bel article de Terry sur
Dumont.
^ Litt M, p. 89, supplément.
UN DOCUMENT SUR LA MUSIQUE BELGE 653
n'existe plus depuis 1805, année où ses orgues furent transportées à Saint
Paul. Ce manuscrit est donc antérieur à 1805. — L'habitude d'exécuter
l'œuvre de Thorette existe encore à Liège, à l'église Sainte Croix.
" VI. Lambert Pietkin, chanoine de Saint Materne, maître de
" chapelle, né à Liège en 161 2, mort en 1696 ', un des plus savants
" musiciens du XVII™° siècle. Beaucoup d'ouvrages restés à la cathédrale,
" entre autres 12 ^SM^esses à 6 et 8 voix ; les Antiennes^ O Sancta Anna,
" iAve, Saint Joseph, qu'on chantait encore en 1794, des Salve, et trois
" ouvrages imprimés à Liège, en 1685, chez Guillaume Streel."
Ses musiques ont été laissées par testament au chapitre cathédral et
on les chantait encore en 1794, c'est-à-dire lors de la suspension du culte
par la Révolution et de la destruction de la cathédrale Saint Lambert. Il
est infiniment probable que ses manuscrits ont été également détruits à
cette époque. Il reste à rechercher ses œuvres imprimées. D'après la
Biographie Nationale, deux d'entre elles sont parues en 1668. Nous ren-
voyons du reste à ce document.
" VIL Henri Guillaume Hamal, né à Liège en 1685, i^oi"t en
' 1752, élève de Lambert Pietkin, a introduit à Liège le goût de chanter
' des Italiens et a fourni les bons musiciens du pays. Outre qu'il avait
' une belle taille qu'il conduisait à volonté, son chant était rempli de
' grâce et d'expression. Il a composé des <^esses, des éMotets, des Tantum
' ergo, à grand orchestre, qu'on a exécutés pendant plus de vingt ans à la
' cathédrale et dans les autres églises, et des Cantates en Italien, en Fran-
' çais et en Liégeois, d'un goût extrêmement agréable et qui sont restées
' dans les mains des amateurs de Liège."
Il convient de remettre à plus tard les remarques sur ce musicien,
dont une plus longue biographie se trouve dans le second fragment.
" VIII. Henri Denis Dupont, chanoine et maître de chapelle,
" mort en 1727, grand théologien et savant compositeur, a laissé à la
" cathédrale des éMesses,àts éMotets, des O pour F ^venti^.) plusieurs «S^é-j-j-^j-
" de requiem, et un Te Deum pro Turcarum destructione, qu'il composa en
" 17 17 ; il en eut beaucoup d'honneur."
Dupont fut l'émule d'Henri Guillaume Hamal et le maître de
composition de son fils Jean Noël. Grâce à l'influence de Dupont et
de Hamal, la musique italienne s'introduisit à Liège. Le manuscrit étudié
1 Comparez Jorissenne loc. cit. D'après son manuscrit de Hamal, Pietkin serait né en 1621. Cette transposi-
tion des deux chiffres est curieuse : i, 2 ; 2, i.
654 S. I. M.
par Jorissenne ^ est plus complet. La Biographie Nationale contient du
reste la biographie complète de Dupont, par Terry.
" IX. Hubert Renotte, savant organiste de la cathédrale, mort en
" 1747, a composé de bons ouvrages d'église et a fait graver à Liège,
" chez les Demoiselles Libert, trois œuvres de Sonates pour deux violons
" et violoncelle."
Dans le manuscrit étudié par Jorissenne ", Hamal fait naître
Renotte en 1694 et le fait mourir en 1645. Une œuvre de ce composi-
teur se trouverait à Namur, d'après des notes peu explicatives de Terry, et
l'organiste Lamine, de Tongres, aurait aussi possédé une œuvre de
Renotte. Je n'ai pu retrouver encore ces œuvres.
" X. Jean Noël Hamal, fils de Henri Guillaume, mort en 1778,
" célèbre par ses Opéras liégeois, deux oratorios^ David et Jonathas, en
" italien, et Jonas^ en latin ; et plus de cinquante autres grands ouvrages
" d'église. "
Nous reviendrons plus loin sur ce sujet.
" XL D. Raick, organiste renommé de la cathédrale de Gand, né
" à Liège et mort en 1760. Trois œuvres de Sonates de clavecin, gravées
" par Wouters, de Gand. "
Denis Raick ne m'est connu que par ce passage et par une simple
citation de LLL. ^ Mais Gregoir ^connaît un Dieudonné Raick qui ne
paraît faire qu'un avec Denis : " organiste compositeur, né vers 1698,
" enterré à Anvers, le 2 décembre 1764, attaché jadis aux jubés des
" cathédrales d'Anvers et de Gand. — On lui doit un grand nombre de
" compositions éditées pour le clavecin. Sa musique a un style qui dénote |
" plus de science que celle de ses contemporains et il avait des connais-
" sances approfondies des secrets de l'harmonie et du contrepoint (voir
" notre première édition et notre ouvrage : Histoire de l'orgue).'' ]t n'ai pu
" me procurer ces deux ouvrages.
" XIL Herman François Delange, mort à Liège en 1780. Plu-
" sieurs œuvres de Symphonie^ Liège ; de même qu'un journal de musique^
" sous le titre du Rossignol^ chez Phillipart ; des œuvres d'église^ et un
" opéra avec Dupéron, joué en ..."
Voir plus loin.
' lûc. cit.
* loc. cit.
Voir note 2, page 647.
* Les artistes musiciens belges. Scliott 1899.
UN DOCUMENT SUR LA MUSIQUE BELGE 655
" XIII. Georges Wenick, maître de chapelle de la collégiale Saint
' Denis, mort en 1760, bon organiste et savant compositeur. <âMesses,
Motets, 'Psaumes, qui lui ont valu une réputation."
Nous ne possédons pas d'autre renseignement sur ce musicien.
" XIV. Henri Moreau, maître de chapelle de Saint Paul, corres-
I' pondant de l'Institut, mort à Liège en 1803, à l'âge de 81 ans. Ouvrages
savants : ^yMesses, plus un ouvrage imprimé à Liège chez Loxhay, en
1783 ; dont voici le titre : F Harmonie mise en pratique ; un second, en
manuscrit, chez sa veuve, intitulé : Nouveaux principes d'harmonie, selon
I le système d'aAntonio Ximénès. Des symphonies, etc."
Voir plus loin.
j " XV. Théodore Paque, Liège 1737, mort en Pologne vers 1790.
! Après avoir étudié la composition à Naples pendant neuf ans, au Con-
servatoire, il fut appelé à Turin pour composer un grand opéra qui eut
du succès ; de même qu'à Milan et à Venise. Il partit pour la Pologne,
où il fut directeur de l'Opéra de la Cour bien des années. Il a aussi fait
plusieurs éMesses et éMotets à grand orchestre, exécutés à la cathédrale
de Liège."
Pas d'autres documents.
" XVI. Joseph Léonard Bernard, maître de chapelle de Saint
Denis, né à Liège en 1747, mort en 1780. élève de Henri Hamal pour
' la composition, fit de grands progrès en peu de temps et composa des
' éMesses, des <3V[otets et des 'Psaumes à grand orchestre, exécutés à Saint
' Denis avec applaudissements."
Pas d'autres documents.
" XVII. Antoine Gressnick, né à Liège en 1758, mort à Paris en
' 1798, enfant de chœur à la cathédrale, alla à Naples où il étudia pen-
Tdant huit ans la composition au Conservatoire. Après avoir renvoyé
'plusieurs ouvrages à Liège, il se rendit à Lyon, à Paris, etc. Beaucoup
'de morceaux plusieurs opéras et de charmants duos pour le violon-
'celle. — Il fut présenté au départ, par le Jury d'instruction publique,
'an VI, projet d'école par Henri Hamal, par le au ministre. —
"Décret du Directeur, qui assure une école, Liège. — Avant l'an VI,
"sn l'an IV, note remise, sollicitations. "
Ces paroles un peu énigmatiques se rapportent aux démarches faites
pr Henri Hamal en faveur de la création d'une école de musique.
Voir plus loin.
656 s. I. M.
" François Leclercq, etc."
Voir plus loin.
Ici s'arrête brusquement la copie de Terry — et très probablement
le texte de Hamal, le terme "etc." semblant indiquer chez l'auteur une
certaine lassitude.
SECOND FRAGMENT.
N° 2. 4 FEUILLETS GRAND IN 8°, DE LA MAIN DE HeNRI HaMAL.
" I. Henri Moreau, maître de chapelle de la collégiale Saint Paul,
" membre correspondant de l'Institut national, mort à Liège en 1803,
" âgé de 8 1 ans, est auteur de plusieurs éMesses, ^SMotets^ à grand
" orchestre. En 1783, il dédia à la Société d'Emulation de Liège un
" ouvrage élémentaire, intitulé : T)e P harmonie mise en pratique^ imprimé à
" Liège chez S. G. M. Loxhay. Un autre manuscrit est resté dans sa
" famille, sous le titre de Nouveaux principes d'harmonie^ selon le système
" d'(iAntoine Ximénes. C'était un parfait honnête homme, doux et fort
" modeste."
Grégoir ^ complète ces renseignements : Moreau est né le 15 juillet
1728. En 1750, il était déjà maître de chapelle de la collégiale Saint
Paul. Il fut le maître de Grétry et ce dernier lui conserva de la recon-
naissance, car il le fit nommer membre correspondant de l'Institut de
France en 1797. Moreau est mort le 3 novembre 1803.
D'autre part, la Gazette de Liège annonce :
le i^"^ novembre 1777, six trios en vente chez Latour, sur Meuse et
chez Desoer.
le 21 ventôse an VIII, " un cours de composition musicale qu'il donne
au cloître Saint Paul (où il habite) les jours impairs de 9 J à 11 heures,
prix (bien modique!) 6 francs par mois, payables d'avance."
Et la Gazette Latour :
Le 19 germinal an X, Moreau dirigera " un concert à la Société
d'Emulation, le 22 germinal, dans lequel on exécutera une partie du
Stahat mater du fameux Haydn."
Moreau perdit sa place de maître de chapelle lors de la Révolution
' loc. cit.
UN DOCUMENT SUR LA MUSIQUE BELGE 657
Il avait dix enfants et fut réduit à la plus profonde misère, ainsi du reste
que bon nombre des trois cents musiciens de la ville, qui presque tous
tiraient du service des églises la grande part de leurs revenus. Il obtint
l'an VI la place de gardien de l'église Saint Paul, dans laquelle sous le
nom de "mobilier national" on avait remisé une grande partie du mobi-
lier cultuel de la ville : chasubles, etc. ^
C'est peu après que Moreau annonça ses cours de composition.
Certes, il dut peiner dur jusqu'à la fin de son existence, c'est-à-dire jus-
qu'à jt^ ans et non 81 ans, comme le dit Hamal. (1728-1803).
Le manuscrit de \ Harmonie mise en pratique se trouve dans le fonds
Terry dont les numéros 643, 644 et 645 sont donnés à des œuvres
i'église de Moreau. Je viens d'acheter pour ce fonds un exemplaire de
'ouvrage lui-même, découvert dans un catalogue de Bertling à Dresde.
" IL Herman François Delange, premier violon de la collégiale
' de Saint Paul, mort à Liège en 1781, âgé de 64 ans, a composé plu-
' sieurs œuvres de syfnphonies^ des Messes, des Motets. Il est auteur d'un
' Journal de musique^ intitulé Le Rossignol, imprimé à Liège, en 1765 et
' 1766, chez J. B. Phillipart. Il a encore composé un Opéra, sous le
' titre de Nicette, qui. a été représenté sur le théâtre de Liège, en 1776.
' C'est un bon musicien ; il avait étudié à Rome sous Giovanni Costanzi,
' fameux violoncelle et maître de chapelle de Saint Pierre."
Cette note, plus détaillée que le XII du premier fragment, peut être
j:omplétée de la façon suivante :
1° Par des notes éparses de Terry : Delange est né en 1717; il existe
le lui deux messes à Namur (Terry ne dit pas qui les possède), un Lauda
'ion en re à Chatelet et M. Bartholomè (décédé et inconnu aujourd'hui)
n possède des morceaux. — Delange aurait écrit six messes à 4 voix,
% violons et orgue. — Nicette ou l'école de la Vertu, comédie en trois
ctes mêlée d'ariettes par M. le Commissaire Du Perron et la musique de
A. F. De Lange, citoyens de la ville de Liège. Représentée pour la
•remière fois sur le théâtre de la même ville, en janvier 1776. A Liège
•;hez D. de Baubers, imprimeur-libraire, 1776 in 8° de 86 p. Terry
ahier n° 54 p. loo-i 13, avec un résumé de la pièce.
2° Par mes recherches dans les ''''Avertissements^'' de la Gazette de Liège
^ Gobert, les rues de Liège, t. III p. 90. Je remercie M. Antoine Auda qui a bien voulu me signaler les
nseignements contenus dans cet alinéa. Son travail sur Moreau paraîtra sous peu dans le Courrier de Saint
f/goire.
2
658 s. I. M.
de 1759 à 1782 \ j'ai établi que Delange avait fait paraître les œuvres
suivantes. Il faut toutefois remarquer que Delange porte ici les prénoms:
Ernest F. au lieu de François Herman. Cette raison ne me paraît pas
suffisante pour faire admettre l'existence de deux F. Delange, car E est
l'initiale de Ermanno, son prénom italianisé et Ernest serait une addition
fautive à l'initiale.
Delange annonce :
Le 19 octobre 1764 op. 7. six symphonies à huit.
op. 8. six sonates en trio.
Le 24 décembre 1764 la publication du Rossignol'.
Le 10 octobre 1766 op. 9. six symphonies à huit.
Le 26 octobre 1767 op. 10. six symphonies à huit avec des menuets.
Le 22 juillet 1769 une œuvre de trios.
Et enfin le Toton harmonique., analogue aux dés harmoniques., aux cartes
harmoniques^ au ludus melothedicus qui venaient de Paris et servaient à
composer des Menuets en tirant au sort les notes à écrire et en suivant un
tableau spécial pour composer l'harmonie... c'est le système du Genius
moderne, à cette différence près que les dés d'aujourd'hui servent à com-
poser des Valses et non plus des Menuets. — La biographie Nationale con-
tient une étude documentaire de Terry sur Delange.
" IIL Antoine Gressnick, d'abord enfant de chœur à la cathédrale;
" il alla ensuite étudier à Naples, au Conservatoire San Onofrio, puis il
" vint à Paris, où il a composé plusieurs opéras. Il est mort l'an VI. Il
" faudrait voir le Journal de Paris de cette année (?); je n'ai pu me le
" procurer."
La triste existence de Gressnick est suffisamment connue ^ pour que
nous ne nous y arrêtions pas. Je publierai prochainement une de ses lettres
adressées à Hamal. Il est regrettable que les œuvres de Gressnick soient
pour la plupart inconnues. J'ai fait exécuter avec succès un air de sa
composition que le hasard m'avait procuré.
" IV. Simon Leclercq, mort à Liège en 1806, âgé de 70 ans,
" musicien taille de la cathédrale, élève des Hamal, alla se perfectionner
" à Rome à l'école de l'abbé Lustrini. De là, il passa au Conservatoire de
' En cours de publication dans la h\'dt'rat'ton Artistique de Bruxelles.
'' M. Clément Charlier a lu à la S. M. liégeoise un très intéressant travail sur ce sujet ; il sera publié
ultérieurement.
^ Voir L. De Sagher, Les musiciens lit'geois, Grétry, Gressnick, F. N. Hamal, Bibliothèque Gilon, Verviei»,
sans date, épuisé.
UN DOCUMENT SUR LA MUSIQUE BELGE 659
•' San Onofrio. Ce savant musicien revint à Liège en 1770. Il s'est distin-
* gué tant par son chant, que par plusieurs ouvrages d'église d'un bon
=* goût. "
Leclercq — on écrit aussi Leclerc — a composé beaucoup de musi-
que religieuse. Il serait important d'établir en quelle année il fut nommé
maître de chant à Strassbourg, ce qu'il y fit en cette qualité et quand il
revint à Liège.
Leclercq avait été le second maître de Grétry, qui le cite dans ses
mémoires \
" V. Henri Guillaume Hamal, né à Liège en 1685, apprit la
■' musique de Lambert Pietkin, savant maître de musique de la cathé-
•* drale de Liège. Il fit en très peu de temps des progrès rapides dans son
■' art et acquit fort jeune une grande réputation, tant par sa belle voix
' que par l'expression et le goût qu'il mettait dans son chant. A 23 ans,
' il fut choisi maître de musique de la grande église de la ville de Saint
' Trond. Quelque temps après, il revint à Liège occuper la sous-maî-
r trise de Saint Lambert. C'est lui qui a fourni les meilleurs musiciens de
' Liège, et qui a commencé à introduire le goût de la musique italienne.
j'* Ses ouvrages en musique sont des Motets en tous genres, à grand
' orchestre, qu'on a exécutés pendant plus de quarante ans à la cathé-
'^ drale ; des cantates en Italien, en Français et en Liégeois qu'il compo-
' sait avec une facilité étonnante, ce qui le faisait rechercher des
•* premières maisons de Liège. "
Il est regrettable que Henri Hamal ne nous ait pas laissé sur son
^rand'père des souvenirs plus détaillés. Si nous ajoutons ceux compris dans
ies trois manuscrits — celui de Jorissenne et les deux de Terry — nous
arrivons à des notions encore très incomplètes sur ce musicien qui a joui
d'une énorme réputation et qui a, avec Dupont, imposé la musique
italienne à Liège. Certes nous avons la biographie signée L L L ^ ; elle est
pourtant incomplète.
Jusqu'ici je n'ai pu découvrir de musique de Henri Guillaume
Hamal. Peut-être le fonds Terry en contient-il, bien que probablement
:et improvisateur ait peu publié et que sa musique religieuse dût être
détruite avec la bibliothèque de la cathédrale.
" VI. Jean Noël Hamal, fils du précédent, nacquit à Liège, le
' Voir Grégoir loc. cit. premier supplément.
Voir note z, page 647.
66o S. I. M.
"23 décembre de l'an 1709, mort en 1778. Il reçut de son père les
" premiers principes du chant, et ceux de la composition de Henri
" Dupont. Les grandes dispositions que le jeune Hamal montra pour la
" composition déterminèrent ses parents à le faire partir en 1728 pour
*' Rome. 11 fit de si grands progrès sous la direction de Monsieur Joseph
" Amadori, qu'il (Amadori) exécutait les musiques du jeune Hamal dans
" les églises de Rome. Le chapitre cathédral apprenant les grands progrès
'* de Hamal, lui conféra en 173 1 un bénéfice pour se l'attacher, et en
*' attendant que la maîtrise vint vaquer. Ayant déployé un talent extra-
*' ordinaire, il obtint en 1738 la place de maître de musique de la cathé-
" drale. Pour lors, il se fit heureuse révolution dans la musique à Liège.
*' Les chanoines tréfonciers secondèrent le zèle de Hamal, en augmentant
" le nombre des musiciens et devenant plus difficiles sur le choix des
" sujets. Hamal, de son côté, se livra au travail avec une ardeur nouvelle; |
*' et ses savantes compositions. Messes, Motets, Psaumes, à grand orchestre,
" établirent sa réputation. Ces succès ne l'éblouirent point ; il crut qu'un
" second voyage en Italie ajouterait à ses connaissances. Il partit en con-
" séquence en 1749 pour Rome, où il trouva la musique bien changée.
" Il lia connaissance avec plusieurs grands maîtres, entre autres avec
*' le fameux Nicolas Jomelli, alors maître de musique à Saint Pierre, qui
*' l'accueillit avec une distinction bien flatteuse. De Rome, Hamal passa à
*' Naples, où il se lia d'une amitié très étroite avec François Durante, le
" plus savant musicien du siècle, et sur lequel les ouvrages de notre auteur
*' firent la plus grande sensation. Il revint à Liège en 1750. Peu de
" temps après, il composa deux oratorios : Jonaîhas et Judith, quatre opé-
" ras liégeois, intitulés : hi Voëgge di Chôfontaine, es treus act ; li Ligeoi
" ^S^ê^-> ^^ deux parteies ; li Fiesse di Houtesip/ou, opéra comique es treus
*' parteies ; les Hypocontes, opéra hurle s s es treus act, avou des grands chœurs;
" beaucoup d'ouvrages d'église tels que <£Messes, <3\Iotets, Psaumes, Litû-
" nies à grand orchestre ; quatre œuvres de symphonies gravées à Paris en
" 1743, chez M. Leclerc et à Liège chez Benoît Andrez, un /// exitu
" Israël, à deux orchestres, qui mit le comble à sa réputation. "
La biographie de L. L. L. est encore incomplète. De Sagher ' donne
plus de détails. J'ai établi ^ que Jean Nocl Hamal avait été l'un des
' Voir note 3, pa^c 658.
* Le Fédération ArtistirjUf, des i et 7 mars 1 908 et communications faites à la XXI'"* session du Congre» de U
fédération archéologique tt historitiue de Belgique, Liège 1909.
UN DOCUMENT SUR LA MUSIQUE BELGE 66 1
premiers protagonistes de la forme-sonate, et j'ai fait exécuter à VŒuvre
des Artistes de Liège deux airs à' In exitu Israël ainsi que le quatuor op. i
n" I. Mais Hamal mérite d'autres études, d'autres exécutions.
Ses œuvres, comme celles de son ami Jomelli, nous réservent peut-
être des surprises, et si l'on a dit que Jomelli avait inspiré Gluck', on
trouvera peut-être quelque jour que J. N. Hamal n'a pas été sans influence
sur Johann Stamitz.
D"" Dw^ELSHAUVERS.
' Hermann Kretzschmar.
IMPRESSIONS MUSICALES DE JEUNESSE
PASDELOUP ET LES CONCERTS
POPULAIRES
J'ai décrit, dans un article précédent, ^ le temple de la Musique (ven
1860). A cette époque, âge héroïque de la Symphonie, le temple était
un hippodrome... Et je disais, pour conclure, qu'il ne fallait pas trop
s'en scandaliser. D'abord, la forme rayonnante de la salle favorisait la
convergence des auditeurs ; toutes les oreilles se tendaient naturellement
vers un centre où, les soirs de cirque, se tendaient les yeux : et cela était
propice à la communion des esprits, à l'enthousiasme sympathique. —
Et puis n'allait-elle point, la Symphonie, réitérer — d'une façon plus
idéale, s'entend, — les jeux olympiques, en ses scherzi^ ses allégros pour
ainsi dire athlétiques, même ses atuiantes^ ses adagios rythmés, procès
sionnels ?
Car c'est un caractère de l'Art classique allemand, de traduire la
' Voir S. /. M. (lu I 5 juillet 1909. " Impressions musicales d'enfance et de jeunesse ". /. Lfi musiques </<
mon enfance.
IMPRESSIONS MUSICALES DE JEUNESSE 663
multiplicité, la splendide variété des actes musculaires, de restituer, sous
la forme immatérielle du son, la beauté plastique des attitudes, de faire
\':hanter le geste ^ en un mot... Le rythme^ cette sagesse qui réglait autrefois
usqu'aux emportements dyonisiaques, est un de ces rituels qu'on voudrait
lémoder, aujourd'hui ; mais le rythme persistera tant que la marche
ilternera nos pas, que la vie fera palpiter, sourdement, notre cœur, et se
'loulever, à des intervalles égaux, notre sein.
Or j'allais apprendre, en ce palestre ennobli, spiritualisé, en cette
)iste où galopaient des écuyères en cadence, et qui, planchéiée, devenue
able d'harmonie, laissait voir 60 archets monter, puis descendre en
lessinant une trace sonore, j'allais apprendre cette chose qu'on ne sait
)lus, qu'on paraît avoir oubliée : l'existence du lien qui rattache le geste
!, la musique ; et X eurythmie m'allait être révélée, qui, de belles pensées,
'légage de beaux essors, et fait, réciproquement, de ces essors mélodieux,
lillir la pensée pure, l'expression.
*
I Quelle émotion singulière, déjà, en cette rumeur de foule, non
lusicale pourtant, mais qui précède la musique ! Irrégulière, et point
oncertée, cette clameur confuse, préludant au concert, monte et descend
e ton, a des crescendo^ des descrescendo ; elle est chaotique — ou chroma-
que, si l'on veut : un peu à la manière de telles musiques très modernes....
4ais chut ! Un coup d'archet l'interrompt, — l'assourdit, plutôt, instan-
Inément, comme si, à l'orgue tumultueux de l'impatience populaire, on
vait mis une sourdine.
I Et du même coup s'éteint l'autre rumeur, celle des instruments qui
laccordent.... Un la persévérant, tenace comme la justice, rallie, non
ms peine, les violons s'essayant encore aux arpèges, les contrebasses
ourdonnant, les flûtes roucoulant leurs gammes, et les cors, jusqu'au
srnier moment, s'évertuant à clarifier leur voix.
L'homme qui, dans une minute, allait déchaîner d'un geste ces élé-
lents, accaparait tous les regards. Il était petit, trop petit, avec une
oaisse et longue barbe d'un blond fauve, des traits fins, une voix
enfant.... Son nom bizarre de Pasdeloup suscitait des rapprochements
.^ec le divin Mozart, qui, chacun sait, avait pour prénom Wolfgang.
lais le fondateur des concerts populaires rappelait beaucoup moins le
albe mondain du grand maestro que la figure du nain Alberich, dans la
It
664 S. I. M.
Tétralogie. De temps en temps, l'excellent homme qu'était cet admirable i
initiateur de beauté, raccourcissait sa barbe de fleuve ; et c'était aux jours
de gala, quand, interrompant Beethoven, on jouait du Gounod.
I
* I
Et le premier Allegro^ comme un torrent, s'écoulait.... c'est-à-dire j
qu'on exécutait le premier numéro du programme. Ah ! ces programmes '
du Concert populaire, quel éloquent et méthodique enseignement ils '
déroulent ! Je les recueillais, un à un, les collectionnais soigneusement!
"^ro memoria "; et aujourd'hui, je regrette de les avoir perdus, — de les j
avoir, dans une crise d'élimination, jetés au panier.... Ils seraient, à nos!
fils trop "avertis," initiés trop tôt aux extrêmes, le témoignage d'une!
éducation musicale bien ordonnée qui met les bœufs devant la charrue,:
trace un sillon correct, et ne précipite rien.
A cet âge d'innocence orchestrale, on ne redoutait pas d'écouter, en |
guise de prélude, Haydn, — '■'' le bojihomme Haydn,''' comme on disait i
alors, avec une tendresse d'arrière-petit-fils, mais sans nul sourire équi-|
voque. Généralement, une de ses ii8 Symphonies précédait l'une des 9I
du grand Beethoven. Puis c'était la tour de Mozart, d'être mis en
contraste avec le géant. D'ailleurs le i^ Symphonie de ce dernier formait!
naturellement le passage. Les 3 ouvertures de Weber servaient de pylônes
introductoires, et sa toute gracieuse Invitation a la Valse laissait le public
s'écouler vers l'issue, comme à travers des jardins de fête.... De distance
en distance, on introduisait Mendelssohn, tel un aventurier de bonne
compagnie, qui racontait en allemand des aventures italiennes ; et la
porte s'ouvrait aussi pour Schumann, rêveur douloureux, romantique,
mais qui parlait encore la bonne langue. Enfin, par une courtoisie toute
académique, l'harmonieux Salon des Filles du Calvaire laissait pénétrer
quelques hommes de théâtre présentant, en guise de carte, une Sinfonia ;
c'est ainsi que nous vîmes un jour — (oh ! pure exception), le nom
d'Auber imprimé tout près de ceux de Weber, de Schubert.... Evidem-
ment, la désinence germanique n'y était pour rien ; mais, à tout prendre,
la préface instrumentale de la '*■ Muette de Portici'' pouvait passer pour
une miniature de Symphonie.
*
1. c^
^
1 P5
K
!;
e:
1
t ^-^
i S ^ §
^
^
"ïï
9
^m
e M i |H
s
î
la i
^
: ^1
î ' — ^ s^
? 1 1 c_ ^
ï^ ! J 0- oo-t^ *«
5
^ J
g ê
? «i 5.11 IbsIi
d ^ r^ i . mil °,ii : è
i" V§0r=.8-fi; : -■ -■ :•• -.^S : :S
m
o
II
f, ^
.8 1
1 1
n
II
! i
Mme G BEN
Le gtaiid org
Uuierlurc.
Pouce harmonie.
La nature sommpillail
Donce harmonie
LuliruyaDtc trompette
Marche.
La douce flûte aux pu
Les violons en courrou
Grand Dieu, quel art h
Orphée autrefois. ...
Quand la brillante Cec
A ses accents mfilodieo
riure de la Grotte de
e ballet de Prométhé
Le flOlode violoncelle p
!
Slll
<
o
JE
6 §■
s
1 s
1
3 .—
/
i
o
<
7 *
j
Oh
P
O
W
O
<
'•■
■ .!
CL,
\
1 ^
y
<
Z
<f~ '■-
pq
'
\%
w
•^;V
V
s
•v"-' ' '"^
S
S
i
y'
z
^
w
o
O-,
M
P
O
<
J
-a
H
^
Q
rs
<
OJ
PU
rt
f^
H
o
Q
"U
-OJ
Lh
G
c^
(U
w
3
u
r!
o
ni
c;
U
^
D
IMPRESSIONS MUSICALES DE JEUNESSE 665
Le public de ces concerts dits populaires^ presque exclusivement
composé de professeurs de piano, d'ailleurs assez pauvres, apportait à ces
auditions un zèle d'attention, et aussi une ferveur d'admiration qui, de
nos jours, sembleraient un peu surannés... Et cependant, quelle sponta-
néité, quelle sincérité ! L'excellent Pasdeloup, adoré comme un père,
abusait peut-être un peu du Septuor^ de ce grand Septuor aux 6 numé-
ros successifs, dont Beethoven lui-même avait fini par se fatiguer : c'était
le plat de résistance, et le plat favori, celui qu'on redemande toujours et
quand même. Bien sûrement, nul dans l'auditoire n'eût pensé que cette
musique de chambre dilatée jusqu'au périmètre orchestral, pouvait péri-
cliter au voisinage de la Pastorale ou de X Héroïque.,., Après tout, on
avait peut-être raison ; et maintenant on ne le joue pas assez, ce fameux
Septuor ; il serait au moins instructif.
Pour faire diversion à ces morceaux de longue haleine, il y avait,
par exemple, les Scènes d'enfants de Schumann. Ces jolies pièces très
brèves, — ce qui ne veut pas dire très concises, trouvaient un succès
tout particulier, un franc succès... Et plus d'un, dans son for intérieur,
était reconnaissant de pouvoir suivre, une fois par hasard, de la musique
savante jusqu'au bout.
C'est ainsi qu'à chaque retour de saison, nous autres habitués reli-
sions nos auteurs favoris — dans l'original, naturellement, puisque la
Musique est une langue universelle. Et, dans l'étroite enceinte du Cirque
d'hiver, chaque dimanche, tandis qu'au dehors, le ciel était bas, la
îlumière trouble, la rue sordide et tumultueuse, nous vivions trois heures
en une sorte de Paradis tout abstrait où le ciel bleu, le soleil d'or, le
balancement des cimes d'arbres et le méandre des ruisseaux se substituaient
.magiquement aux gradins numérotés d'un luxe sommaire, éclairés par
|:des carreaux de couleur d'un très mauvais goût.
I Et chaque année, discrètement, de nouveaux noms venaient s'inter-
caler, sur les programmes au milieu des anciens, des " hors concours. "
Mais l'auditoire, si docile qu'il pût être et qu'il fût, avait ses crises de
rébellion ; et ces crises coïncidaient avec des moments de hardiesse, — ce
que j'appellerais : les belles audaces de Pasdeloup. Quelque dure que fût
l'extrémité, il fallut bien, le moment venu, imposer Berlioz d'abord, puis
Franck, enfin Wagner. J'ai gardé toujours dans mon souvenir cette après-
666 S. I. M.
midi vraiment mémorable, où l'hippodrome des concerts populaires fut
secoué par un double orage : au tumulte de l'ouverture du Tannhœuser^
jouée trop fort par des musiciens irrités, peut-être, se mêlait la symphonie
grandiose et terrible d'une salle soulevée, houleuse comme l'Océan,
mêlant elle-même le tonnerre des applaudissements au souffle strident des
sifflets. Tous les spectateurs debout, battant des deux mains, ou jouant
de leurs clefs, quel spectacle !...
Et quand on pense qu'aujourd'hui, cette ouverture formidable
coule, sur les cordes et les cuivres apprivoisés, avec la majesté sereine du
vieux Rhin....
*
Mais Pasdeloup, depuis longtemps, n'est plus ; Cirque d'hiver et
Cirque d'été ne résonnent, désormais que sous les sabots de chevaux
savants ; ils ont retrouvé leurs fins premières. Et puis, il est si délicat de
parler des maîtres vivants....
Quand je disais, tout à l'heure, que les concerts Pasdeloup réalisaient
une exposition méthodique de l'Art musical, ce n'était pas sans quelque
restriction. Bach et Haendel, en effet, ne figuraient que rarement sur les
programmes : la multiplicité des voix qu'il eût fallu, sans compter
l'Orgue, réduisait ces grands ancêtres aux seules œuvres instrumentales,
et encore ! D'autre part, l'archéologie musicale n'était pas assez avancée
pour qu'on pût mettre sur les pupitres les pièces de Josquin des Prés, de
Clément Jannequin, ou de Costeley. Nous sommes, aujourd'hui, mieux
documentés sur les origines ; mais si nos regards peuvent se porter plus
loin et plus clairement en arrière, — ils sont quelque peu troublés, dans
le présent, par l'évolution si rapide de l'Art vers la complication et
l'indépendance. Et c'est ainsi que, déroutés par Wagner et par Debussy,
nous oublions de voir en Haydn le créateur d'un genre à longue et bril-
lante fortune, le père de la Symphonie classique, un jalon de première
importance, un point de départ. C'est même un trait bizarre de notre
époque, que cette ferveur rétrospective pour des maîtres beaucoup plus
vieux, ferveur qui va de pair avec la passion de l'ultra-moderne, tandisquc
l'auteur de la Symphonie de la Reine n'est presque plus joué, — et à peine
écouté.
Quelle en peut être la raison ? La faute en est-elle à Haydn lui-
même — où à notre état d'âme .?
IMPRESSIONS MUSICALES DE JEUNESSE 667
Cette musique a-t-elle le tort de précéder de trop près Beethoven,
— ou bien ne sommes-nous pas, pour l'entendre, en état de grâce ?... Je
pencherais pour cette dernière opinion, tout en admettant sans difficulté
que le progrès de la forme, et surtout de l'idée dans la musique instru-
j mentale, a fait pâlir un peu cette première étoile. Mais, en Art, il faut
)|se défier des contrastes ; le beau simple ne peut-il pas être " tué, " comme
on dit, momentanément, par un beau moins parfait, souvent, mais com-
plexe, ou agrandi à une échelle double ?... Quand on songe que la Vénus
de Milo^ si d'aventure ou la réduisait aux proportions d'une statuette, ne
jtiendrait peut-être pas devant une Baigneuse de Falconet, par exemple,
[en grandeur normale.... Et d'autre part, en la Nature même, après avoir
admiré le corps gracieux de la colombe, — que le faisan doré nous
apparaisse, ou que le paon déploie sous nos yeux son éventail de plumes,
— est-ce que la colombe ne devient pas, soudain, bien peu de chose ?...
Sans recourir au pédantisme pour remettre Haydn en honneur,
sans insister sur ce fait, qu'il a tiré du plan de la Sonate cette forme
symphonique qu'on pourrait appeler Sonate d'orchestre, — le sentiment
>eul de son génie suffit à lui faire rendre justice. Et c'est ce sentiment
Ique je voudrais communiquer, car, chose incroyable, j'aime beaucoup
Iplus Haydn aujourd'hui qu'autrefois, lorsqu'assis sur les banquettes du
Cirque d'hiver, je m'initiais à ses rythmes vifs, à ses thèmes si francs,
k ses développements logiques et limpides.... Oui, je l'aime aujourd'hui
davantage, malgré que j'aie l'oreille et l'âme remplies de tant de flots
ionores, — et peut-être, justement, parce que. Dût-on me juger mal, je
l'avouerai : quand les flots vs^agnériens, ou les filets subtils des ondes
iebussystes, ont passé sur moi, j'éprouve, en réentendant Haydn, le plaisir
qu'on ressent, lorsqu'après les cascades de Suisse, ou les ruisseaux com-
pliqués du Forez, on revoit le cours de la Durance, uni, clair et vif.
Mais il ne semble point que le public des concerts en soit là. Peut-
kre, pour le convertir, devrait-on essayer la méthode inverse : inaugurer
des séances historiques, où la jeune Sonate de Philippe Emmanuel, la suite
ie danse et même le folk-lore musical autrichien mettraient en évidence
a genèse, l'incubation régulière et normale de la Symphonie.
Car, on l'a souvent entendue, — et on l'entend encore tous les
limanches, la Symphonie ; mais si l'on en saisit, si l'on en goûte la saveur,
— sait-on exactement, ce qu'elle est, ce qu'elle représente ? A-t-on bien
a notion de sa nécessité, — j'allais dire un grand mot : de son immanence f...
668 S. I. M.
J'ai bien peur que cette forme souveraine de la Musique ne se
détruise, en se transformant, avant qu'on ait connu sa signification, sa
vertu secrète.... Et, c'est cette vertu, cette signification profonde, autant
qu'étendue, que j'aurais l'ambition de dévoiler... ; oh ! cela très discrète-
ment, et petit à petit, en franchissant un à un les stades d'Haydn à
Mozart, et de Beethoven à Mendelsshon, à Schumann. Après eux, la
Symphonie, ayant atteint le terme de son développement, se déformera,
pour se conformer ensuite en pohne symphonique.
*
Mais, détournant nos yeux de l'avenir, reportons-les en arrière, sur
le passé. Lorsque, de ma stalle de seconde, en ce Cirque Olympique
devenu temple de l'harmonie, je suivais, docilement, les péripéties de la
Symphonie militaire, — ou de cette autre Symphonie que l'opinion a dédiée
a Marie-Antoinette, quel était, au juste, mon état d'âme ?
Je puis faire, a distance, une réponse dont j'aurais alors été incapable.!
Ce que mon âme entrevoyait, — oh ! bien confusément, en ces suites
sonores, c'est ce que la réflexion, depuis, m'a fait dégager : c'est-à-dire,
tout à la fois une voix, — un geste, — nntjigure. La voix, elle se révélait
surtout dans les Adagios, ou les Andantes ; le geste, il se manifestait, spé
cialen">ent, dans les Scherzos ; quant aux figures, la musique les dessinait à
mon œil interne à tous les moments de la Symphonie où les violons ne
" chantaient " pas, où cordes et cuivres ne marquaient plus un pas, uni
saut, un effort nettement rythmé.
Cette classification n'est-elle pas absolument naturelle.? Ne se justific-
t-elle point par les intentions même du compositeur .? Car s'il veutj
exprimer l'activité purement physique en ces Menuets, ces Scherzos, qui!
dérivent des Danses populaires, et représentent à l'oreille une diversionJ
un "divertissement," force lui sera de serrer ses phrases, comme on tcnq
ses muscles, et de les diviser en périodes rythmiques conformes aux
mouvements de nos membres. Au lieu que, visant à traduire un acte!
psychique, pensée, sentiment, interrogation, décision, le musicien prendra]
pour ainsi dire, des attitudes sonores différentes : le motif intel/cctuet^
ou sentimental se distinguera du motif purement dynamique et traducteu
du jeu, par ces deux traits essentiels : plus de variété dans le rythme
et plus de souplesse dans l'inflexion.
IMPRESSIONS MUSICALES DE JEUNESSE 669
On trouverait mille exemples pour démontrer qu'en passant du
tyle rythmique au style proprement mélodique, les valeurs respectives
lu rythme et de l'inflexion se renversent, de sorte qu'on aurait :
^ dans le premier cas, et -f dans le second. Et notre esprit dès lors
hange de position : au lieu de nous offrir une image de mouvement^
bstrayant plus ou moins la sensation de sonorité, — de mouvement
(luet, c'est le geste sonore qu'il évoque, c'est Vmjiepcion de voix, c'est la
larole.
Mais puisque la parole est encore un geste^ en réalité, sa traduction
lusicale ne rejettera point le rythme, cette division nécessaire de tout
ffort, aussi bien moral qu'organique ; seulement, elle en affinera les
sssorts, en assouplira la rigidité mécanique. Ce ne sera plus la répétition
niforme du pas dans la marche, ou la brusquerie de l'élan, ou même la
onctualité géométrique des attitudes dans les exercices du corps les plus
ompliqués, et les plus gracieux ; mais on y percevra la dynamique
îcrète qui règle l'articulation verbale de nos pensées, suivant la loi
'économie respiratoire et nerveuse.
Et c'est là ce qui justifie cttiQ persistance de r élément rythmique dans
îs épisodes les plus pathétiques, en les phases les plus idéales de la
ymphonie classique. Certains s'en étonnaient, dans les propos qu'on
ent, après le concert, et leur sentiment s'en scandalisait presque. Un
iiien ami (bien peu musicien, il est vrai), traduisait ce ressentiment
rtistique d'une façon naïve et quelque peu brutale. Après l'audition d'un
lorceau d'Haydn : " Qu'est-ce que cette musique, me disait-il, qui fait
Dujours : ta-ta-ta-ta-ra-ta-ta .?..." Je ne redirai pas à son sujet le vers
iimeux :
" Cet homme, évidemment, n aimait pas la Musique. " Mais je pense
iue c'était un de ces aveugles du rythme, rares en ce temps-là, et qui
)rment aujourd'hui une catégorie pathologique assez inquiétante....
* *
Les âmes qu'Haydn n'a pas su toucher, comprendront-elles jamais
. beauté des jeux, des ébats puérils.?... Qu'elles aillent donc flâner deux
eures dans un de ces jardins où, sous le feuillage des marroniers banals,
: le regard non moins banal des mères ou des bonnes assises, tout un
£tit peuple s'agite et se trémousse.
670 s. I. M.
Pour moi, c'est un spectacle qui surpasse toutes les coûteuses re-
présentations, et les chorégraphies les plus esthétiques ; je retrouve là
tous les rythmes, et toutes les inflexions diverses qui, dans les Allégros
du vieux maître, et tous ces morceaux qu'on appelle des " inouvements^^^
m'avaient tant charmé. Et n'est-ce pas très intéressant de trouver une chose
dans une autre ^ et de sentir vivre tout à coup, sous forme visible et!
familière, les jeux abstraits de la Sonorité ?... J'ai fait, d'ailleurs, cette
expérience, que l'observation de scènes très ordinaires, de gestes courants,
d'attitudes et de physionomies qu'on voit tous les jours, était une école!
excellente pour l'intelligence de l'Art. Beaucoup n'apprécient point ceti
Art comme il conviendrait, parce qu'ils ont, justement, les yeux — oui
les oreilles tendues sans relâche sur les ouvrages artificiels. A force de
regarder les tableaux, d'écouter les opéras, les symphonies, leur vue, —
leur ouïe se concrétise, pour ainsi parler, et se cristallise : ils deviennent de
terribles amateurs, des critiques sans âme.
Ceci semble paradoxal ; mais pour bien comprendre les chefS'
d'œuvre, c'est moins le texte même des chefs d'oeuvre qu'il faut appro-
fondir, que le monde extérieur, la Nature, et la nature humaine. Encore
une fois, pour bien comprendre Haydn, et l'aimer, — je crois, comme
pour Fra Angelico, qu'il faut être en état de grâce.
Maurice Griveau.
LA BOURREE
D'AUVERGNE
De toutes nos vieilles danses provinciales, la Bourrée d'Auvergne est
ertainement une des plus vivaces encore. Elle a conservé son prestige et
on charme populaire. Elle fait partie de toutes nos fêtes, elle accompagne
t extériorise le sentiment musical de tout un terroir, de toute une race.
D'où vient la bourrée, son nom, ses gestes et sa chorégraphie ?
''aut-il voir en elle, comme on l'a voulu, un vestige des danses maures et
rientales que l'Espagne a conservées sous le nom de fandango, habanera
te ?... Faut-il rattacher sa gaillardise à la danse du ventre ? Et comment
oncilier ses trois temps avec le mouvement binaire de la bourrée des
:Vr XVIP XVIIP siècles, la bourrée de Lully et de Bach ?
Autant de graves questions que j'abandonne à la musicologie propre-
ment dite, me contentant ici de fixer en quelques pages la physionomie
Livergnate de cette aimable danse.
Comme toutes les danses locales qui ont conservé leur figuration, la
ourrée constitue un véritable petit scénario, dont l'amour fait les frais,
serait difficile de donner une idée de la bourrée autrement qu'en disant
ae les deux danseurs se cherchent et se fuient. Cependant le rôle de
lacun d'eux est bien différent. L'homme hardi danse, le bâton suspendu
1 bras, d'un air faraud, frappant des pieds et des mains, jetant des cris,
a femme, à la fois audacieuse et timide attire son chevalier et le fuit,
éployant une ruse calculée et de tendres artifices. L'un se montre pres-
nt l'autre coquette. C'est comme un pourchas amoureux qui tient du
672
s. I. M.
boléro, du quadrille et de la valse. A travers les figures les couples se
mêlent, s'entrecroisent, balançant le corps et la tête, levant les bras, faisant
claquer les doigts, et martelant bruyamment en cadence avec les pieds la
mesure que leur donne la cabrette (musette) ou la vielle.
Le grand charme de la bourrée est sa vivacité, son entrain gaillard. Et
déjà M™^ de Sévigné s'était émerveillée de ce jeu rapide. Lors d'un séjour
à Vichy en 1 676 elle écrivait à sa fille :
" Il est venu ici des demoiselles du pays avec une flûte, qui ont dansé la bourrée dans la
perfection. C'est ici où les bohémiennes puisent leurs agréments ; elles font des dégognades ou
les curés trouvent un peu à redire. "
Et quelques jours après encore, le 26 mai et le 8 juin :
" Les femmes dansaient hier des bourrées du pays, qui s&nt en vérité les plus jolies du
monde. Il y a beaucoup de mouvement et l'on se dégogne extrêmement. Mais, si on avait, à
Versailles, de ces sortes de danses en mascarades, on en serait ravi par la nouveauté, car cela
passe encore les bohémiennes... Tout mon déplaisir c'est que vous ne voyiez pas danser les
bourrées d'Auvergne, c'est la plus surprenante chose du monde ; des paysans, des paysannes,
une oreille aussi juste que vous, une légèreté, une disposition, enfin j'en suis folle,..
Il y a avait un grand garçon déguisé en femme, qui me divertit fort. Sa jupe était toujours
en l'air et l'on voyait de fort belles jambes. ^ "
0/2 se dégogne^ écrit la marquise, et ce mot résume bien en effet tout
l'artifice de ce petit mimodrame. Il existait même à cette époque une bour-
rée qui portait le nom de gognade^ et que le rigoureux Fléchier poursuivit
de ces critiques épiscopales. Nous trouvons en effet ce passage indigné :
" On ne laisse pas d'avoir encore quelques bourrées et Q^ç\.Q^t%go'ignades. Ce sont deux dan-
ses qui sont dans une même cadence et qui ne sont différentes qu'en figures. La bourrée d'Auvergne
est une danse gaie, figurée, agréable, où les départs, les rencontres et les mouvements font un très
bel effet et divertissent fort les spectateurs. Mais la gognade ajoute sur ce fond de gaîté de la bour-
rée, une broderie d'imprudence, et l'on peut dire que c'est la danse du monde la plus dissolue.
Elle se soutient par des pas qui paraissent fort déréglés, qui ne laissent pas d'être mesurés et justes,
et par des figures qui sont très hardies et qui font une agitation universelle de tout le corps. Vous
voyez partir la dame et le cavalier avec un mouvement de tête qui accompagne celui des pieds,
et qui est suivi des épaules et de toutes les autres parties du corps qui se démontent d'une ma-
nière très indécente. Ils tournent sur un pied, fort agilement, ils s'approchent, se rencontrent, se
joignent l'un à l'autre immodestement... Je ne doute point que ce soit une imitation des Bac-
chantes dont on parle tant dans les livres anciens. M. l'évêque d'Aleth excomunie dans son
diocèse ceux qui dansent de cette façon. L'usage en est pourtant très commui en Auvergne." ^
La gognade n'existe plus et Fléchier ne pourrait s'indigner contre elle.
Mais la bourrée d'Auvergne a conservé la forme d'une rencontre amoureuse.
La femme s'y montre exquise de gaminerie et d'aimable tactique.
' Ce passage montre combien la bourrée auvergnate différait de la bourrée binaire en honneur à la cour
depuis un siècle au moins.
* Mémoires sur les Grands Jours d'Auvergne 1665. Ed. Hachette de 1862 p. 257.
LA BOURRÉE D'AUVERGNE 673
S'offre-t-elle ? C'est un déploiement de tous ses artifices. Elle sait se ren-
dre désirable, et ne néglige rien pour séduire le danseur. Ses yeux pren-
nent une expression de câlinerie, parfois son regard devient canaille. Un
léger déhanchement découvre à dessein une ligne souple et fuyante. Son
abandon a toute la grâce et la naïveté d'une jeune fille, et même, s'il le
faut, la gaucherie d'une fillette. Mais, hâtons-nous d'ajouter que dans
cette comédie, qu'elle vit plutôt qu'elle ne joue, la femme mime avec
réserve et décence. Dans l'entraînement de son jeu, son espièglerie lui
suggère parfois quelques gestes risqués — mais si légèrement ! C'est un
charme de plus. Et tout aussitôt, les yeux baissés, elle paraît confuse. Sa
tenue, son maintien disent d'ailleurs assez qu'elle promet véritablement
plus qu'elle ne peut tenir, et si le cavalier n'était point aveuglé, il ne se
méprendrait pas sur les promesses de la belle !
Mais l'homme est aveugle ! Séduit par les débats de la danse, il se
laisse berner. Un peu fanfaron, il plastronne, et pose pour le séducteur. Il
a pour lui la franchise, une franchise naïve et presque bête, qui sauve
tout. Il se laisse prendre et ne cache point son jeu, ni même sa brutalité.
Dame ! La vie rude de nos montagnes, et les durs travaux des champs ne
sont guère faits pour lui donner de la souplesse et de la grâce. Il danse
comme il peut et comme il sait danser, lourdement, bruyamment. Et s'il
gesticule, s'il crie, c'est encore une façon rustique d'exprimer sa joie.
Tel est ce flirt rustaud et fin tout à la fois, exempt de perversité et
d'émotions malsaines, et qui demande à la musique de le soutenir de ses
rythmes et de ses mélodies.
La mélodie de nos bourrées a toujours un caractère dolent et lan-
goureux, qui rappelle la monotonie de nos paysages et la tristesse de nos
bois. Jouée sur la cabrette et créée pour elle, elle évoque la poésie des
souvenirs champêtres, simples et naïfs. Cinq notes lui suffisant bien sou-
vent pour poser un motif, qui ne se développera guère.
On peut dire, d'une façon générale qu'une bourrée se compose de
huit mesures : quatre pour le thème, quatre pour la variante. ^ Prenons
comme exemple la bourrée fameuse, dite " bourrée d' Auvergne " :
Parfois, mais très rarement, il existe une seconde variante de 4 autres mesures, comme dans la bourrée
'^?ara lou loup ", que me signale fort aimablement M. Terisse, secrétaire de la mairie d'Aurillac.
67+
S. I. M.
Ce quatre mesures font l'objet d'une reprise immédiate, sur une
expression légèrement plus accentuée, afin d'avertir les danseurs de la
tourne. Soit un total de huit mesures, obtenu par répétition A + A. Puis
vient une variante de quatre autres mesures :
rêA
1
i
Wl ' -g
^—4
•\j] •\.) ' ' 1 V "^ 1
qui se répète aussi, mais dont la mesure finale est altérée pour former ca-
dence ; c'est ce qu'on nommait jadis la forme ouverte et la forme fermée :
\jr-Q::
^«src^^La danse, ainsi composée de A + A + B + C, peut être jouée de
suite et répétée autant de fois qu'il en est besoin, iusqu'à ce que le cabret-
taïre (joueur de musette) veuille la faire cesser. Fréquemment celui-ci
s'ingénie à trouver des variantes ornées ; il agrémente les thèmes de trio-
lets, de mordants, de diminutions... mais tout en respectant scrupuleusement
la mesure, et les reprises. Sa finale définitive est marquée par un cri aigu
LA BOURRÉE D'AUVERGNE 675
de la cabrette, dont la voix se meurt subitement, comme un pleur étrange.
Ainsi caractérisé, le chant plaintif a son rôle dans la bourrée. Il
symbolise l'attitude et le jeu de la femme ; il représente le caractère
féminin du drame. La grâce aisée, franche, la simplicité charmante de la
mélodie forment le commentaire de la mimique naïve de la danseuse. Ces
échappées qui donnent du nerf et de l'allure aux motifs des bourrées
auvergnates, ces phrases courtes et pimpantes, laissent l'impression d'une
légère ironie, qui se raille de la suffisance du danseur. Il semble que la
mélodie soit là pour nous rappeler qu'il s'agit d'une petite comédie,
l'éternelle comédie de la passion humaine.
Et voici par contre le rythme qui nous montre l'autre aspect du
scénario : la confiante brutalité de l'homme convaincu. Le rythme est
essentiel dans la bourrée. Au point qu'il lui arrive de se suffire tout seul.
En l'absence du cabrettaïre, on voit l'un des danseurs, juché sur une table,
entonner le chant d'une bourrée, qu'il martèle vigoureusement du pied.
Puis, insensiblement, son fredonnement diminue, il ne chante plus. Son
talon suffit à faire tourner les couples jusqu'au petit jour.
Comme la trochée des Grecs, la bourrée se note en un mouvement
de 3/8 de forme thétique^ c'est à dire en appuyant sur le premier et le
troisième temps ; et en rendant le deuxième temps léger. D'ordinaire le
cabrettaïre accentue le troisième temps du talon gauche seul et le premier
des deux talons réunis ; ou bien, il se sert de la pointe du pied droit pour
le troisième temps et du talon pour le premier. Parfois il accentue les
trois temps, et ses deux jambes prises d'un tremblottement nerveux frappent
continuellement du pied et des talons. Cela se produit par exemple pour
les bourrées dites SVlontagnardes. Mais, dans ce cas, il s'arrange toujours
pour faire ressortir les appuis des premiers et troisièmes temps. Pour
accuser encore la sauvagerie de ce rythme, le cabrettaïre ajoute fréquem-
ment le bruit d'une grelottière assujettie à sa cheville.
C'est ici qu'une comparaison pourrait s'établir entre la bourrée et cer-
taines danses espagnoles ; l'analogie des grelots et des tambourins qui en sont
souvent pourvus, est assez facile. D'ailleurs le mouvement de la bourrée
est un allegro vif, joyeux, nerveux, saccadé, plein de verve méridionale.
Dans cette pétulance, la mélodie se trouve prise comme en une
étreinte brutale ; sa langueur est brutalisée, contradiction ironique et
charmante ! Ce dualisme est l'expression même de la vérité et il donne
raison au vieux proverbe des anciens, qui disait : la mélodie est femelle^ le
676
s. I. M.
rythme est mâle. Rien n'est plus mâle, en effet, que la turbulence tapageuse
de cette allure monotone, qui soutient et encourage le jeu du danseur, et
met en branle la cadence de ses gros sabots. Le rythme nous dévoile la
psychologie du cavalier montagnard, et nous apprend que celui-ci n'est pas
aussi bon enfant qu'il le paraît. Il y a derrière lui un fond de naturel indomp-
té, qui perce malgré tout et que divulgue cet acharnement des rythmes.
Scénario, melos et rythme,^ ces trois éléments se complètent à mer-
veille et donnent un tout ingénieux, dont l'homogénéité captive, et assurera
pendant longtemps encore le succès de la bourrée d'Auvergne. _
Et cependant, cette idylle naïve serait d'un piètre effet, si elle n'avait J
pour interprètes les parfaits artistes que sont nos danseurs. Grâce auH
naturel de leur jeu, à un je ne sais quoi du typique qui se trahit dans
leur interprétation, cette intrigue ne manque jamais ni d'originalité ni de
cachet. A tout cela se mêle le chevrottement particulier de la cabrette
et son timbre perçant, tout à fait couleur locale. Il faut voir nos bourrées
joyeusement virées les jours de fêtes, au temps des fauchaisons. C'est un
tableau sans mièvrerie, ancien par les traditions qu'il évoque, et toujours
moderne cependant par la vie qui l'anime, par le symbole amoureux dont
il cherche à nous présenter la réalité. C'est l'âme même de notre pays, de
l'Auvergne. Marius Versepuy.
LA THEORIE DE LA BOURREE
Le pas de bourrée est semblable à celui de la valse bostonnée, plus petit sans déhanche-
ment, surtout pour la femme. Les deux danseurs doivent autant que possible se regarder, soit
de face soit en tournant la tête. Il faut de la grâce, comme pour une danse de caractère, et il
faut de l'entrain.
La bourrée peut se danser à deux, ou à quatre, six, huit etc.. Ses figures sont infiniment
variées. Dans la bourrée de St. Flour celles-ci se rapprochent parfois de celles des quadrilles :
visites, chaînes des dames etc..
Une des plus gracieuses bourrées à quatre est celle que l'on danse à Vic-sur-Cère. Les
figures manquent peut-être un peu de variétés, car elles se résument à d'interminables croise-
ments, mais les danseurs saluent, se découvrent avec une élégance toute française.
La Montagnarde n'est dansée que par les hommes, leurs bâtons suspendus aux poignets.
Le caractère est guerrier. Les mains reposent constamment devant les yeux des danseurs ; le
pas est celui d'une marche lourde et un peu sautée. Rien de bien gracieux, mais de la
sauvagerie.
' L'allure un peu accélérée de nos bourrées ne permet guère de les revêtir de paroles bien intéressantes. Le
développement littéraire n'est pas ici à sa place. La bourrée est essentiellement musicale. Néanmoins elle est
fréquemment chantée sur des paroles vives, de patois auvergnat. Mais ces paroles font bien l'effet d'une super-
fétation, ou d'un procédé commode pour se passer de la cabrette.
J
La Bourrée d'Auvergne
à deux'
FIGURE I
LU; f 1, ÛÙI V^ l|-\n-^
Le couple se tient par les mains. Sur les quatre premières mesures il tourne à droite,
l'épaule gauche du danseur frôlant; =4'épaule gauche de la danseuse. Puis, durant les quatre
mesures suivantes, qui forment la répétition des premières, le mouvement à lieu à 2;auche, et
les épaules droites se touchent.
678
s. I. M.
FIGURE 2
^ ^ , -^ *^
ï
il:
"■a^
5
s^ >■*
s
Le danseur prend de sa main gauche la main de la danseuse, et durant quatre mesures ils
tournent lentement.
(bh ^ 1
Puis le mouvement a lieu en sens inverse pendant les quatre mesures suivantes. Durant
cette figure le danseur place sa danseuse et s'en éloigne pour lui faire vis à vis. Les deux-
danseurs se trouvent alors dans la position de la figure 3, et commencent la figure la plus
généralement connue de la bourrée.
LA BOURRKF T)\AUVKRGNE
679
FIGURE 3
'iX^j '^'^'M
5
pi^ 1 — ^
^
^
^
Durant ces huit mesures les danseurs échangent leurs places, en conservant toujours le
pas de la bourrée. Au point de croisement, ils s'effleurent légèrement. Pendant les huit mesures
suivantes ils accomplissent le rétour à leurs positions primitives. Ce mouvement af'lieu en
virant, c'est à dire en "valsant. Ce croisement constitue le principal et bien souvent l'unique
figure de nos bourrées communes. On vire ainsi durant des heures, tant que le cabrettaïre a de
souffle.
68o
S. î.
FIGURE 4
rs i P J I J
^ --.
^ ^
m
A=^
_»-_ :
Dans certains villages, après avoir exécuté la figure 3, l'homme fait vis à \ is à sa danseuse,
et très proche d'elle, avance en la faisant reculer. Puis ce mouvement se danse en sens inverse,
et c'est le danseur qui recule pendant que la femme suit.
LA BOURREE D'AUVERGNE
68i
FIGURE 5
i^^
eiT=È=t
=&
n
JS^Z
-^ — ^^
li
&— ^
:5=T
T
ay
:é
La femme tourne autour du danseur. Celui-ci reste en place, marquant violemment
quatre mesures du pied droit, puis quatre mesures du pied gauche. Et la figure se répète, la
danseuse prenant la place et le rôle du danseur. Pour terminer une bourrée complète, ainsi que
je l'ai vu parfois danser en Haute Auvergne, le couple, après cette dernière figure reprend la
première pose, pour s'arrêter après les croisements.
Bourrée des Foulards
FIGURE I
CIkuiuc danseur fait danser deux ieninies. J/honimese [ilacc entre ses deux danscusi-
tenant de eliaque inain Us houts tic deux foulards dont les autres- extrémités sont tenues p.i
les deux femmes. Les figures sont celles île la bourrée i)rdinaire, mais les danseuses retenue-
par les foulards, dansent toujours par groupes île trois. Ces foulards sont constamment agite-
(lar l'Iionunr, (pii lr\e ses liras riin apirs rautie.
BOURREE DES FOULARDS
683
FIGURE 2
: Un trio danse encore sur place. Le danseur du vis à vis prenant sa cavalière de droite par
'a taille la fait passer sous le foulard de sa cavalière de gauche, et ramène ainsi la première à sa
alace. De même avec la cavalière de gauche. Et le second trio en fait autant.
68
+
S. I. M.
N
FIGURE". 3
Loisciu'il y a plus ilc deux groupes de trois pour cette bourrée les danseurs, on conservant
toujours le pas de la bourrée, et réunissant dans leur maifi droite les deux foulards conduisent
leurs danseuses au plus grand danseur. Celni-i i réunit dans sa main droite tous les bouts de
foulard et arrive ainsi à avoir autour de lui toutes Us danseuses. Levant alors le bras, il setrou\c
au centre d'un ccrlc d'où les foulards rayonntiit m parapluie. Les tlanseuses font un tour à
droite puis un tour à gauclie, cependant ijue les hommes dansent sur place. Puis, ceux-ci
viennent reprendre leurs tianseuses, laissant glisser leius mains sur les foul.ucls pour ne pas les
laisser choir... Lentement les ilanseuses passent sous les foulanls et tiiiniiunt par une révérence.
Ces figures se dansent sur cpiatre, luu't, sei/e mesures, suivant l'éloigncnuiit des \is-à-vis.
MEMOIRES INEDITS DE STEPHEN HELLER
(Fin)
Les Comédiens s'établirent dans la grange, qui sur un coffre, qui
sur un matelas, qui sur un tas de guenilles dramatiques. On plaça le
grand paravent sur des bancs pour s'en servir comme de table. Trois ou
quatre manteaux, couleur de muraille, provenant de la dernière conjura-
tion de Fiesque servirent de nappe. Pour compléter le service de table
on apporta des poignards ébréchés, des coutelas rouilles, des bouts de
lances dépareillés, et autres armes : sur la table, force gobelets d'étain et
lampions. On commença à boire, à manger, à chanter, et à jurer ; ce fut
bientôt un vacarme épouvantable. Je commençais à me sentir mal à l'aise,
lorsque Zerline, assise à mes côtés me fit signe de la suivre.
686 S. I. M.
Nous allâmes dans une petite pièce qui sentait singulièrement
récurie ; elle mit une nappe blanche sur une table ; des fruits, des gâteaux
et du vin de Tokay, ce noble vin de ma patrie, qu'on appelle le Roi des
Vins et le Vin des Rois. Elle faisait les honneurs avec une grâce enchan-
teresse ; avant de me faire boire, elle effleurait mon verre, de ses lèvres
fraîches et vermeilles. Elle appuyait doucement son bras frais et rond sur
le mien, puis, ôtant la flèche d'or de ses cheveux et couronna ma tête de
ses longues tresses.
— " Dis moi franchement, Maestro, comment me trouves-tu .?... "
— " Oh, mais tu n'es pas une femme ! Je crovais que des êtres
pareils n'existaient que dans ces beaux livres que je lisais en cachette au
grenier de la maison paternelle. "
— " Oh, Caro, viens avec moi ; reste avec nous ; est-ce que cette
vie libre et indépendante ne t'attire pas? Tu es artiste, tu dois aimer
ce changement continuel, ces jours d'orgueil et de découragement, ces
triomphes et ces humiliations, cette abondance et cette misère; tout
cela n'est il pas fait pour t'attirer invinciblement ? Tu écriras une Sym-
phonie héroïque et un autre Don Juan, où il n'y aura point de Mazetto.
Tu seras mes seules amours ! "
— " Oh, Zerline, mais je me sens comme en délire... Mais dis moi,
il me semble que tu es mariée avec Mazetto .? "
— " Le vin et l'amour ont troublé ton cerveau. Tout cela n'était
qu'un jeu, une farce sublime. "
— " Mais, Zerlina, je me rappelle ; tu as écouté les galanteries d'un
gentilhomme qui s'appelait Don Juan. Oh, un bien bel homme, et si
bien mis. "
— " Laisse donc, chéri, tout cela n'était qu'un jeu, n'était qu'une
farce. "
— " Eh, ce que vous me disiez tout à l'heure n'était pas une farce
aussi, une comédie?"
— " O, caro giovino, vois-tu ces yeux ? Etaient-ils aussi brillants
quand ils regardaient le beau gentilhomme? Vois-tu ce sourire. Etait-il
aussi radieux ? Et cette main, pressait-elle amoureusement son bras,
comme je presse en ce moment le tien ?
J'allais tomber évanoui, dans ses bras qui s'ouvraient pour me
soutenir lorsqu'une voix, terrible, se fit entendre.
STEPHEN HELLER 687
La porte s'ouvrit avec fracas et mon père entra. En le voyant, je
me sentis brisé de douleur. " Un souvenir, m'écriai-je, un souvenir,
Zerline, de cette soirée ! "
" Ah, je t'en donnerai, des mèches de cheveux ! " s'écria mon père
furieux. Et je sentis ses doigts dans ma chevelure, comme s'il eût voulu
me donner une toute autre mèche que celle que je désirais.
Nous traversâmes la grange où se trouvaient pèle mêle les comédiens,
les officiers, et les autres convives, couchés, qui sur la table, qui par
terre, grotesquement affublés de manteaux de pourpre, d'hermine,
d'habits vénitiens et de casques moyen âge ; tous ronflant à faire trembler
les planches, naguère spectatrices de leur grandeur.
Mon père, armé d'un misérable rat de cave, trébucha sur plusieurs
premiers lieutenants qui lui barraient le chemin et sa crainte d'avoir
offensé la force armée fit une diversion utile à sa colère.
Arrivé à l'auberge — il était bien minuit — il me dit d'une voix
assez douce :
— " Va te coucher, scélérat de fils, et sois prêt demain matin à
6 heures, à faire nos malles."
— " Nos malles, répétai-je ; il me semble qu'une de nos malles se
trouve actuellement sous la garde de l'aubergiste de Bochina, qui l'a
retenue, en manière de souvenir de notre part. "
— " Je sais cela aussi bien que toi, fils dénaturé, mais j'ai acheté
une seconde malle ici, parce que nos effets ne sauraient tenir en une seule."
— " Pour ce qui est de nos effets, j'espère que vous avez fait
acquisition d'une toute petite malle. D'ailleurs, il est bon d'avoir toujours
deux malles et je vous conseille, mon père, d'en avoir toujours une toute
prête à laisser aux aubergistes, en gage d'amitié."
— " Tu rabâches toujours la même chose ; va te coucher, garçon,
je te pardonne tout."
— " Mais enfin, vous ne pouvez me condamner sans m'avoir
entendu."
— " Silence, je te répète que mon pardon t'est assuré. Mais en
revanche, tu improviseras dans deux concerts consécutifs, que je vais
monter à Galitzin."
— " Oh, mon père, ne pardonnez pas, je vous en prie. J'ai commis
une grave faute ; j'ai bu du vin et j'ai beaucoup mangé ; il est impossible
que vous me pardonniez... oh, je ne le ferai plus de longtemps... Et puis
688 S. I. M.
Zerline m'a prié de vouloir bien avoir la complaisance de l'aimer d'un
amour éternel."
— " Malheureux, tu déshonores mes cheveux gris."
— " Grisonnants, mon père, ne vous abusez pas."
— " Et qu'as-tu répondu à l'insolente proposition de M"^ Zerline ?"
— " |e n'ai pas cru devoir refuser un aussi léger service. Je lui ai
promis de l'aimer aussi éternellement que je pourrais."
— Tu me fais des contes. D'ailleurs, je sais que tu es un homme
raisonnable. Tu as quatorze ans maintenant : à cet âge, et grâce à
l'éducation que je t'ai donnée, on connaît le monde et les hommes.
Ainsi, je me couche tranquillement; fais en autant, sois content et je te
promets que tu dîneras après demain au plus tard."
Je me couchai en dévorant mes larmes. Le lendemain, nous quittâmes
Leutschau. Et je n'ai plus jamais entendu parler de Zerline.
*
Une Tournée en Hongrie.
Nous fîmes un voyage affreux, de Cracovie à Varsovie ; c'était en
1828-29 et l'hiver, même pour la Pologne, était des plus rigoureux.
Nous fûmes huit jours en route, souffrant horriblement du froid, de la
faim, et de la crainte de voir apparaître des loups affamés : notre cocher
croyait déjà les entendre hurler au loin, et tenait, comme c'est l'usage
en Pologne, un cheval débridé, à côté de ceux qui traînaient la voiture,
pour l'abandonner aux loups en cas de danger. Ils seraient tombés tous
sur le malheureux animal et auraient laissé aux autres le temps de
s'enfuir.
Il n'y a ni chemins, ni auberges, ni village, jusqu'à Rodom, à cent
verstes de Varsovie. Nous avions un peu de jambon et du pain, que le
froid avait rendus presque immangeables. Un peu d'eau de vie, dont le
froid ôtait toute la force, nous ravivait de temps à autre. Nous grelottions
dans nos petits manteaux de drap. On avait bien conseille à mon père de
se pourvoir de quelques pelisses, mais il avait saisi cette occasion de
m'apprendre à supjKorter le froid. Et lui, pauvre père, n'en souffrait-il pas f
Je le vois encore tout transi sous cette glace neigeuse, qui dans ce pays
abominable vous blesse, comme autant de coups d'épingles.
STEPHEN HELLER 689
Plusieurs fois, nous dûmes nous frotter le nez, les mains et les
oreilles avec de la neige, pour les raviver, car on ne les sentait plus.
Enfin, nous arrivâmes à Varsovie. Mon père était sain et sauf, mais
moi, je tombai malade. Aujourd'hui ; je bénis mon père de ce voyage
terrible. J'en suis sorti parfaitement bien et je sais ce que c'est que le
froid. Mon père me soigna avec une tendresse et un amour qui me firent
un bien immense. Je vis son cœur sous cette écorce qui l'enveloppait si
rudement ; mon amour et ma vénération pour lui redoublèrent.
Nous arrivâmes à Bartfeld, aux confins de la Pologne et de la Hon-
grie, au mois de Juin 1828. La ville était remplie de magnats hongrois
qui, fiers de leur compatriote enfant prodige, me comblèrent de préve-
nances. Le Comte de Szirmay, un des plus riches propriétaires de Tokay
était seul de toute la ville à posséder un piano. Il me le prêta pour mon
Concert, qui devait se donner à quatre heures de l'après-midi dans la salle
de Jeu. Le succès d'un Concert dans une ville d'eaux, — Bartfeld est
connu en Hongrie par ses eaux minérales d'un goût exquis, — dépend
surtout du temps qu'il fera. Il y avait, près de la salle de jeu une petite
colline, qui habituellement se couvrait de nuages lorsque le temps allait
se gâter. Cent fois au moins, mon père alla l'examiner ; son anxiété me
donnait un inextinguible fou rire. Enfin ; la pluie se mit à tomber tout
doucement, et les hôtels de Bartfeld rentrèrent pour jouer au Pharaon, au
Macao, les jeux de hasard les plus diaboliques et les plus aimés des
Hongrois. La banque se tenait dans la salle même où j'allais jouer. Mon
généreux protecteur, le Comte de Szirmay, très considéré par tout le
monde à cause de son rang et de sa fortune se plaça à l'entrée du salon, et
obligea tous ceux qui y entraient pour jouer, à prendre un billet à la caisse
établie près de là, et tenue par son heyduc^ espèce de valet de chambre en
uniforme de haute fantaisie.
Le piano, — un misérable petit piano carré, grand comme une
table, — fut apporté par un domestique, qui le transportait sous son
bras, et le Comte vint me chercher dans mon trou d'attente pour me
présenter à l'honorable assemblée. Un hurrah effroyable me salua de tous
les coins de la salle. Il s'adressait aussi bien à mon costume qu'à ma répu-
tation de jeune pianiste hongrois. Le Comte avait obtenu de mon père la
permission de me faire faire un petit costume national. Il détestait l'habit,
les pantalons et la cravate blanche, alors de rigueur chez tout artiste. Il
m'avait fait faire une redingote noire, [bekescH]^ chamarrée de brande-
4
690 s. I. M.
bourgs de soie et des pantalons collants, également ornés de dessins pleins
de goût et de simplicité dans leur richesse ; puis des bottes, (czismas) qui
se mettaient par dessus les pantalons, et qui arrivaient à la hauteur du
mollet. Une cravate noire à bouts frangés d'or et un ca/pac, espèce de
casquette en martre doublée de velours noir, qui ne se porte jamais sur la
tête mais sous le bras gauche, complétaient ce costume, qui m'allait très
bien.
Une misérable troupe de Comédiens qui donnait des représentations
à Bartfeld pendant la saison d'été, prêta son secours de remplissage à mon
concert. M"* Célia, soubrette d'un âge avancé et d'un port grandiose,
déclama un monologue d'une comédie de Kotzebue ; M. Kalisch, ténor
de la première scène lyrique de Raab, dit un air de Moïse d'Elcia, qu'il
avait lui-même transposé pour ténor. Enfin, pour la bonne bouche, une
bande de Zingaros exécutèrent sur le Cimbalon, violon et basse des danses
hongroises merveilleusement pittoresques.
Pendant toute la durée du Concert, on ne cessa de fumer de magni-
fiques pipes d'écume de mer et de jouer au Pharaon, à la grande table
verte, d'où l'on entendait crier : 'Œ^aroli^ Va banque ! le tout entremêlé de
cris et de jurons, comme ne les possède aucune autre langue.
*
Une visite a Kalkbrenner (1838).
Ma nouvelle résidence était située Cité Bergère, où j'avais une
méchante chambre, passablement obscure et humide. Je n'osais demander
du bois, car mon père m'avait dans sa dernière lettre, prévenu sur les
dangers de cet article à Paris.
Avant tout, je me dirigeai Rue Cadet, No 24, où demeurait mon
espérance capitale, mon ancre de salut, sous le nom de Kalkbrenner.
Il me reçut avec un sourire innefiable, qui me parut d'un triste
présage. La première question qu'il m'adressa fut celle-ci : combien
d'argent pouvez vous dépenser à Paris? Mais, M. Kalkbrenner, répondis-
je en pâlissant, aucun argent, vous savez bien qu'un artiste n'a point
d'argent.
" Comment, point d'argent ! est ce que par hasard, je ne serais point
artiste, moi ! Je suis riche, très riche, quoique les temps soient passés où
STEPHEN HELLER 691
je gagnais cent vingt, cent trente, et même cent quarante mille livres bon
an mal an. Voyez un peu mon appartement, mon cher Stephen ; voyez,
et ne soyez pas timide avec moi, que diable : on ne devient pas fier en
acquérant un nom célèbre. Voyez, je vous prie, (il souriait toujours,) ce
plafond, ces papiers, ce tapis, ces glaces de Venise, ces tableaux. Avez-
Vous vu de pareils appartements dans votre pauvre Allemagne, chez les
pauvres artistes de là-bas, sans fortune comme sans réputation .?
Savez-vous que je paie neuf mille francs de loyer .? "
Ici, je joignis les mains et je dis : " Ah, M. Kalkbrenner ! "
" Venez, mon cher, nous irons faire un tour. Je vous présenterai à
mes éditeurs ; mon Dieu, il n'y en a pas d'autres dans Paris ! — Je composai
avant hier une charmante pensée fugitive que je jouai hier soir chez
jyj-me j'^ppony \ on répandit des larmes. C'est que, voyez-vous, mon cher,
c'est peut-être la plus belle œuvre qui soit jusqu'à présent sortie de ma
plume. Voulez-vous l'entendre .?
" Mais, je serais trop heureux ! "
" Vous allez entendre quelque chose de neuf. "
Et il me joua un méchant petit morceau, vieux d'invention comme
de forme ; tiède et fort comme du thé qui a bouilli dix fois.
Il me regarda avec une espèce d'avidité qui me fit faire presque à mon
insu, des contorsions et des cabrioles admiratives.
Nous sortons ensemble. Je parle ordinairement un peu bas. Le bruit
des rues de Paris couvre ma voix ; et à chaque instant, M. Kalkbrenner me
crie : " Parlez haut, très haut. On voit que vous êtes habitué aux misé-
rables petites villes d'Allemagne. Pauvre provincial que vous êtes ! Je ferai
non seulement votre éducation musicale, mais je m'efforcerai de vous
décrotter, de vous rendre présentable à Paris. Voyez-vous, mon cher, on
vous rirait au nez si vous restiez comme vous êtes. Vous êtes gauche,
timide, vous parlez le Français horriblement mal ; vous marchez d'un air
disgracieux ; vous avez l'air trop sérieux, trop mélancolique. Enfin, il
faut vous régénérer tout à fait, je vous trouve très ridicule. "
" Mais, M. Kalkbrenner, fis-je, il me semble qu'on ne peut trouver
ridicule un homme tout à fait sans prétention, comme moi. "
" Si, si, mon cher, vous ne pouvez oser vous montrer dans un salon
de Paris. Vous ne savez pas ce que c'est qu'un salon de Paris. Voyez-vous,
mon cher, j'ai toujours été près du trône, moi ; j'ai conversé avec des Rois,
avec des Reines ; et M""® la Duchesse de Berry était pour moi comme une
692 s. I. M.
sœur ne Test pas pour son frère. Cette longue pratique avec les chefs
d'une grande nation m'a donné ces manières distinguées, cette aisance
qu'on me voit. Est-ce que vous sauriez parler à une Duchesse, vous seriez
bête comme une oie ! Moi, je donne des leçons à Son Altesse Royale la
Duchesse d'Orléans. Charmante femme que cette Duchesse d'Orléans !
Je crois très importante ma mission d'inculquer les principes de mon art
à une princesse qui un jour sera Reine ! ! ! Cela influera sur le pays qu'elle
gouvernera. On me bénira alors, parceque j'aurai été son maître.... Voyez
comme on me salue de toutes parts.... je ne puis faire un pas sans rencon-
trer des amis intimes... Celui qui vient de me saluer était le Duc de
Noailles. Le petit gros homme avant lui, le général de Sparre, pair de
France.... Justement, voici la Comtesse d'Osmond; " .... bonjour, chère
Comtesse, êtes vous reposée du Raout charmant de la Princesse de
Belgiojoso .? "
Nous étions arrivés rue Richelieu, chez l'éditeur Schlesinger, auquel
M. Kalkbrenner me présenta en disant : " Cher Maurice, je vous présente
un nouvel élève à moi ; il joue, et il compose aussi un peu. Mais tout
cela est pauvre, petit et sans style Enfin, nous le formerons. J'ai vu
quelques articles de lui dans la Gazette de Leipzick : pas mal, pas mal du
tout. Vous pourriez l'employer pour votre journal de Musique. Ainsi
Blanchard, ce misérable, vient de critiquer ma Polonaise en Ali. Dites à
Stephen de faire un nouvel article sur ma Polonaise. Il est capable d'en
comprendre toutes les qualités. "
M. Schlesinger lui répondit : "Avec plaisir, cher Monsieur, mais
je vous prie de ne pas trop me presser sur l'argent que je vous dois pour
votre fantaisie brillante op. 86 sur Guido et Ginevra. Je n'ai pas d'argent,
foi d'honnête homme, mais vous aurez l'article demandé, d'ici quinze
jours dans ma Gazette musicale. "
— " Vous êtes un farceur, mon cher Maurice, reprit M. Kalkbren-
ner, je vous connais. Faites passer l'article de Stephen sur ma Polonaise
et confiez hii encore quelques autres œuvres de \\\o\.
— " Mon cher Kalkbrenner, je vous avoue que votre fantaisie bril-
lante op. 86, ne va pas bien !
— " Allons donc, vous êtes, parole d'honneur, le [iicinier éditeur
qui me parle ainsi ! Je vous enrichis, vous auties drôles "
— *' Vous autres drôles de compositeurs, vous nous donnez pour de
bon argent, de mauvaises croûtes !"
STEPHEN HELLER 693
— " Que vous ne nous payez pas, coquins d'éditeurs. "
— " Que vous, marauds, vous voudriez voir payées, avant de les
avoir écrites. "
— " Vous êtes toujours très gai, mon cher Maurice. "
— " Mais oui, je ne grave en ce moment aucun morceau de vous. "
— " Ecoutez, mon cher Maurice, faites passer l'article de Stephen
pour dimanche prochain. "
— " Vous l'aurez, vous l'aurez, mais avouez que cela paraîtra fort
étrange de voir deux articles de suite sur le même morceau. Enfin, ça ne
fait rien ; mais vous ne me presserez pas quant à l'argent, n'est ce pas,
mon cher Kalkbrenner .? "
— " Non, non, mais que je voie l'article dimanche prochain ! "
— " Vous l'aurez, cher ami.
— " Donc adieu, mon cher Maurice, sans rancune. "
— " Adieu, mon cher Kalkbrenner, sans rancune. "
Je vous fais grâce de mes réflexions pendant ce colloque. C'était
pour moi chose toute neuve d'entendre un éditeur parler ainsi à un artiste
de grand renom. Cette manière de quêter un article me surprit désagréa-
blement. Et puis, M. Kalkbrenner avait vraiment une singulière façon de
me recommander !
Quelques jours après, M. Kalkbrenner me mena dans son salon où je
trouvai un jeune homme, qui étudiait en compagnie d'une barre de bois
sur laquelle étaient appuyés ses avant-bras. D'abord, je crus que c'étaient
là d'espèces de ceps, où les mains du malheureux patient devaient expier
quelque crime musical. Je vis sur le pupitre devant l'infortuné jeune
homme "Polonaise brillante pour le piano, op. 86, par Fred. Kalk-
brenner. "
Je me rappelai le rédacteur malappris, dont j'avais entendu parler
l'autre jour, et l'idée que quelqu'horrible vengeance se tramait là, se
présenta aussitôt à mon esprit.
Pourtant, je me trompais. M. Kalkbrenner me dit : " Voilà ; mon
cher, un condisciple ; il est déjà avancé et vous suivrez ses conseils. Tous
les huit jours, je vous donnerai une leçon, moi-même. Si j'en étais empê-
ché, un de mes meilleurs élèves, Camille Stamaty, me remplacerait.
D'abord, un petit examen avant de commencer : avez-vous assez d'argent
pour me payer les quinze cents francs pour trois ans que doivent me payer
tous les élèves qui se destinent à l'art .? Si vous n'avez pas d'argent
694 ^' ^' ^'
comptant à me donner — 500 francs d'avance, — vous me souscrirez
un papier de ce genre :
"Vous me donnez votre parole d'honneur de ne jamais professer une
autre méthode que la mienne. Si vous composez quelque chose, vous ne
le donnerez à aucun éditeur sans ma permission. Je ne veux pas que mes
élèves me compromettent, en livrant à la publicité des compositions
médiocres ou mauvaises. Vous n'accepterez point d'élèves, sous aucune
condition, sans ma permission.
Maintenant, dites moi quel est le ton qui a 32 dièzes. "
— " Hein ? " fis-je.
Il répéta d'une voix plus accentuée.
— " Pardon, répondis-je, je crois ne pas bien entendre. "
— " S Allemand, s'écria-t-il, je vous demande, corbleu, quel est
le ton, le nom du ton, le mode enfin, où il y a ^2 dièzes à la clef? "
A mon tour, la colère me prit. Cependant, je me contins encore.
— " Je ne suis pas habitué à ce bruit des rues de Paris, fis-je avec
assez de calme. Peut-être ai-je des bourdonnements dans l'oreille. Parole
d'honneur, je crois que vous plaisantez. "
— " Mille diables ! Vous croyez que je plaisante, mauvais plaisant
que vous êtes. Vous n'êtes tous que des manœuvres, et non pas des artistes.
Vous croyez en savoir assez, quand vous connaissez vos 24 modes
majeurs et mineurs. Moi, je ne me contente pas du nécessaire. Moi, j'en
sais plus qu'il n'en faut à ufi artiste. Je suis de première force au billard,
de seconde force en équitation, je fais des armes comme Collignon, mon
maître ; je joue à tous les jeux de cartes avec supériorité. Tout cela n'est
pas nécessaire, n'est ce pas .? Voyons, le ton de 32 Dièzes ? "
Ici, je ne fus plus maître de moi. Je commençais à voir des taches
rouges et vertes, signes de mes grandes colères. Je me sentais monter le
sang à la tête. Ma langue était lourde, et comme retenue par un poids
immense.
Comment, me dis-je, toi, Stephen, tu te laisserais ainsi mahraitcr par
un misérable paon, stupide, orgueilleux et niais. Tu serais désormais
esclave d'un homme qui commet journellement une Fantaisie ou une
Polonaise, et qui porte atteinte à la pudeur des jeunes artistes inexpéri-
mentés, qui n'ont au monde que leur réputation, si tant est qu'ils en aient.
Commcîit, toi, dont diflerentes compositions ont été signalées par Schuniaïui
au monde musical, comme des morceaux génialcment fous, tu ne serais
l
STEPHEN HELLER 695
qu'un manœuvre, et tu prendrais des leçons d'un élève de M. Kalkbrenner !
Non, ce ne sera pas !
" M. Kalkbrenner, dis-je d'une voix tremblante d'indignation, je
suis assez musicien pour pouvoir me passer de tout guide, fût-ce votre
guide-mains breveté lui-même. Il fut un temps où je travaillais huit
heures par jour ; je jouais vos polonaises et je souffrais beaucoup. Tempi
passait ! Je n'aime plus les brandebourgs et les passementeries musicales.
Depuis la révolution de 1830, nous autres Jeunes Allemagne^ nous avons
chassé les mauvais rois. L'ancien régime des Polonaises a été remplacé
par celui des bonnes Sonates constitutionnelles. Et gare à vos perruques
poudreuses ! "
Par malheur, M. Le Chevalier Kalkbrenner est pourvu d'une perru-
que en toutes lettres.
Il me regarda, stupéfait, et chercha quelqu'arme ou bâton.
Je m'armai aussitôt d'un guide-mains, qui traînait d'un air soucieux
dans un coin de la chambre.
Après un long silence M. le Chevalier s'écria : "Jamais, tant que
je vivrai, vous n'aurez ni élèves, ni éditeur ! "
— " Au moins, répondis-je, j'aurai toujours le loisir d'écrire dans la
Gazette musicale^ dont M. Schlesinger m'ouvre les colonnes, quelque bonne
critique sur les Polonaises des temps modernes, et sur la décadence des
Compositeurs Pianistes, ci-devant capitalistes d'un revenu de 120, 130,
et même 140 mille livres, bon an mal an. "
Je saluai et je partis, heureux de m'être délivré de ce Chevalier....
d'industrie, puisqu'il fabriquait des pianos avec M. Pleyel.
Mais je tremblais en voyant diminuer tous les jours mon capital de
700 Francs. Car M. Schlesinger accepta bien mes articles pour sa gazette,
mais ne voulut pas entendre parler de mes compositions.
Stephen Heller.
LA JEUNE
ÉCOLE ITALIENNE
T^Iusieurs de nos lecteurs ont été surpris de ne pas trouver dans noire der-
nier numéro des fragments d'œuores des compositeurs Jl. Çasco et Tommazini;
nous sommes heureux de pouvoir satisfaire leurs légitime curiosité; c'est avec
intention que nous avons retardé la publication de cette musique à laquelle nous
désirions donner toute la place quelle mérite.
L'ORGIA
Poème symphonique en forme de Scherzo (Fragments)
Thème I : ^ ' /"
&^
m
LA JEUNE ÉCOLE ITALIENNE 697
t^m mi: f^m mi t^m
M
-^
M. f ■ r f' c^33
i
J:
Ki^.
irffim^
rrrirrr^r
^1
^^
Ce thème donne lieu à de nombreuses variations et modifications. Le
plus important de ces développements est celui qui précède de peu la con-
clusion de la pièce et auquel on arrive par un crescendo en progession :
Thème II :
<>a-4-io-r^
Thème III :
b
X <<.c»/&:W
'°»^c..a4Î4
698
s. I. M.
^T^-^^^-hA
■^'. ^^ \Ji-^^^t^
cZi
fei |-"j
^^^^^J^l^
|Ti m .iï'TMn
ec:
IV. Episode Sentimental
^ mOaIca^
LA JEUNE ÉCOLE ITALIENNE 699
V :
rv c ^o-cjL .)
i.U
-0-^
<J^ ^<S2I
f
î^
^^
t
-^■A
a
^Q
<-H#— «■
fll^^
ffl
!*■
j.- ■ M
»^
P^
ûri!P
^tStS <^t*X.V -nj livS ^.^^'o.;;:?-
^^
fl
TJfHJ?^ffl41lHl
-1^
:2^
ij ki
^ï^i^aaïïT-
3^
^
f^
^
Tg— t
f
n
C3:
'^ '*
iiîîi
^^
? ^
1 1
^
7«^ -.
^
4t — ^
:V\
JZ:
,J- J.
rr-*-
700
S. I. M.
QUATUOR A CORDES
(Fragment)
A. Gasco
,>4v*-<3L<v^e •' = ^^
\
; i^' '.
Ti-^
(■•' ' U f I r riJ C_i
I *^-i >i V >^
=) j-n-^.
^ ^ 'n7ri.,..!TO
etc. . «.c -
^^
I
QUATUOR A CORDES
(Fragment)
y. r<
omma%int
RIEMANN (Prof. Hugo). — Beethoven Streichquartette
(Schlesingersche Musikbibliothek N" i 2. Lpz. Berlin in 12"; i .80.)
C'est là un excellent petit guide conducteur à travers les
difficiles quatuors de Beethoven, que contiennent les parties les
plus audacieuses de l'œuvre du maître. M. Riemann a naturelle-
ment employé pour ces analyses son système de chiffrage, qui se
révèle comme parfait pour ces sortes de travaux, où il s'agit avant
tout de mettre de l'ordre dans les con\entions musicales. Je ne
cesserai de le répéter, le chiffrage riemannien n'a rien à voir avec
l'acoustique des physiciens ; il constitue une habile simplification
à l'usage des musiciens, qui veulent connaître les fonctions des
différentes personnalités harmoniques. Pour ceux-là il -est infini-
ment utile.
HORNBOSTEL (Erich ^on). — Ueher einlge Panpfelfen
aus Norwesthrasilien. (Tirage à part. Berlin in 4" de 15 pp.)
Notre confrère de Berlin, bien connu pour ses études de
folklore musical exotique, a eu la bonne fortune de pouvoir
étudier toute une collection de flûtes de Pan, du Brésil, telles
qu'elles sont encore employées par les indigènes du Nord-Ouest de ce pays. Il en a tiré
d'intéressantes constatations et conclut en attribuant aux Indiens du Brésil une oreille
assez juste, la volonté de systématiser l'ordre des sons, et le goût des séries purement
diatoniques.
PETERS. — Katalog fier Mus'ikhihliothek PeterSy ncu bearbeitet von D"" Rudolf Schwartz,
Band I. Bucchcr und Schriften. (Lpz. in 4° de 225 pp.)
Tout le monde connaît la belle et riche bibliothèque, dont la maison Pctcrs a voulu
gratifier le public musical de Leipzig. M. R. Schwartz, qui en est le conservateur éclairé
vient de mettre la main à une refonte de son catalogue. L'ouvrage ne comprend encore que
le premier volume, soit les livres et écrits sur la musi(]ue. Il est divisé en classes méthodiques ;
bibliographies ; périodiques ; histoire ; biographies ; méthodes ; méthodes de chant ; instru-
ments et instrumentation ; méthodes d'instruments ; esthétique. Il contient à la fin une table
alphabétique des noms cités. C'est un répertoire commode et qui rendra service non seulement
à ceux qui ont le boniicur de le consulter dans la bibliothèque Peters, mais à ceux que la
bibliographie soutient dans leurs travaux habituels.
LES LIVRES 703
LEMAITRE (Henri). — Histoire du dcpôt légal l^*" partie (France). Publications de la
société française de bibliographie. (Picard et fils in 8" de 128 pp.)
Cet ouvrage touche peu à la musique, dont le dépôt légal ne s'est jamais beaucoup
soucié. Nous voyons cependant qu'en 17 14 les graveurs de musique sont rappelés à la loi de
dépôt, ainsi qu'en 1738 et 1740 ; en 1745 le censeur Simon insiste pour se faire remettre les
cantates de Bernier. De nos jours, il paraît qu'un exemplaire de la musique déposée va à la
Bibliothèque Nationale, un autre au Conservatoire, et le troisième au Sous-Secrétariat des
Beaux-Arts, qui envoie la musique de chambre à la bibliothèque de l'opéra et le reste en
province. Il faut admirer le discernement des Beaux-Arts, qui précisément font parvenir à la
bibliothèque d'un théâtre subventionné la musique écrite pour la chambre !
VIRGILI (Virgih'o). — Bernardo Pasquini (Pescia E. Nuvci 1908 in 12*^).
Utile petit ouvrage à consulter et qui peut-être l'amorce de la grande monographie que
mérite le claveciniste Pasquini, l'une des meilleures gloires italiennes.
ILLUSTRIRTER TONKUENSTLER KALENDER (Mûnchen G. Muller 19 10
in 8".)
M. M. J. Seiling et E. Istel ont donné un aspect nouveau au calendrier musical. Sur les
pages de droite se trouve le quantième et l'annonce du jour : puis des portraits de musiciens
dont c'est l'aniversaire et enfin divers renseignements et dates utiles. Sur la page de gauche
les habituelles annonces qui permettent à ces ouvrages de voir le jour. Une idée ingénieuse
est d'avoir indiqué le jour pour 191 0, 1911 et 191 2. De la sorte le calendrier pourra servir
pendant plusieurs années. L'iconographie est habilement choisie, et le présentation des annon-
ces fort artistique.
BACH-JAHRBUCH année 1909. (Breitkopf in-12'' de 160 pp.)
La société Bach, après avoir rendu au monde le grand service de rééditer et de mettre
au jour toutes les œuvres du maître, ne s'est pas complètement dissoute. Elle continue de
vivre sous le nom de Neue Bachgesellschaft ; elle organise des fêtes comme celles de Duis-
bourg, où, il y a quelques mois. M™® Landowska a fait triompher le clavecin ; elle publie un
Bulletin annuel. Celui de 1909, dirigé par notre collègue Arnold Schering, contient les
articles suivants : R. Handke " Zum Linearprinzip J. S. Bach. " K. Nef. Bachs Verhaeltniss %ur
Klaviermusi^. " Oppel " Zur Ténor Arie der Kantate 166." Dannreuther " Traduction alle-
mande de son chapitre sur P ornementation chez Bach " Wustmann " Konnte Bach Gemeinde bei
sienen einfachen Choralsaetzen mitsingen^' Oppel ^^ Buxtehudes musikalischer Nachruf heim Tode
seines Vaters " Wustemann " Matthâuspassion. " Schering " Xu den Beschluessen des Dessauer
Kirchengesangvereintagcs. Tous les amis de Bach et de son art devraient se passionner pour ces
questions, qui paraissent minutieuses mais qui nous initient à la restauration méthodique et
certaine de l'art du XVIIP siècle.
FONDI (Enrico). — La vita e V opéra litteraria del musicista Benedetto Marcello (Roma
Modes in- 12° de 134 pp. Lire 2).
Je ne puis comprendre la pensée qui a présidé à la composition de ce volume. La matière
en est divisée en chapitres qui ont l'air de s'ignorer les uns les autres, et dont chacun com-
prend en forme d'appendice sa propre bibliographie, de telle sorte qu'il est impossible de faire
704 S. I. M.
aucune recherche utile dans ce fatras. L'auteur paraît cependant s'être donné bien du mal.
Ses sources sont nombreuses, et il a lu les ouvrages qui l'avaient précédé sur ce sujet. Pourquoi
n'en a-t-il pas tiré meilleur parti r On ne saurait trouver de plus joli sujet que celui de la vie
et des œuvres de ce gentilhomme de lettres et de musique Benedetto Marcello. M. M. Bour-
gault-Ducoudray et Bellaigue en savent quelque chose.
LÉVÊQUE (R. P. Dom). — Saint Grégoire le Grand et F ordre bénédictin. (In- 12" de
XXII-330 pages, 4 fr. 50. Sethielleux, 10, rue Casette, Paris).
TARDUCCI (Prof. T.) — Storia di S. Gregorio Magno e del suo tempo. (In-8" de 500 p.
6 fr. Pustet, Rome.)
Saint Grégoire le Grand est décidément à l'ordre du jour. Est-ce la rénovation du chant
qui porte son nom qui a valu cela ? Tant mieux ; car, malgré l'intérêt et le charme du chant
grégorien, il tint en somme peu de place dans la vie de ce grand pontife, qui est de plus un
grand homme. C'est dire que, dans les deux ouvrages que nous annonçons, on trouvera peu
de musicologie : en revanche, ceux de nos lecteurs qui sont tentés par l'histoire d'une curieuse
époque y trouveront maints détails attachants. A. GastouÉ.
LIVRES REÇUS
— BERGER (Achille). — Théorie Scientifique du violon (Paris. Démets, in-4° de I15 p.)
— KINKELDEY (Otto). — Ein Beitrag ziir Geschichte der Instrumenta Imusi'k (Leipzig,
1910, Breitkopf et Hartel, in-4" de 320 p.)
— KRETZSCHMAR (Hermann) — Gesammelte Aufsatze ilher Muzik. (Leipzig,
19 10, Fr. Wilh. Grunow ; in-4° de 577 p.)
— LENOEL-ZEVORT (Alix). — Gra?nmaire de la diction et du chant. (Paris,
G. Ficker ; in- 12" de 523 p.)
— RIEMANN (Prof. D' Hugo). — Beethoven Stràchouartette {Meistirfuhrcr^ Band 12)
(Berlin, Schlesinger : in-S").
— THIBAUT {?.].). — Panégyrique de Plmaculée. (Paris, Alph. Picard, 1909 ; in-4"
de 52 p.)
— VIERGE (Louis). — De Mozart à Chopin. (Pau. Imprimerie Vignancour 1907 ;
in-8" oblong de 53 p.)
— CHARRIER (Pierre). — Les droits du critique théâtral., littéraire^ musical et artistique.
Préface de M'' René Lafon. (Paris Schlcicher frères, in 12° de 132 pp. Fr. 2.50).
SOCIÉTÉ INTERNATIONALE
DE MUSIQUE
SÉANCE DU LUNDI 7 NOVEMBRE 1910
La Séance est ouverte à 2 heures à la Bibliothèque Nationale. Assistaient à cette Séance :
M. Malherbe, Président, MM. Ecorcheville, L. de la Laurencie, J.-G. Prod'Homme, Poirée, .
Dauriac, M. et Mme Lefeuve, Ch. Legrand, Ch. Petit, Cesbron, Laugier, H. Marcel,
M. Gandillot, G. Knosp, F. Guérillot, Tiersot, A. de Bertha, Mme Brenet, Mlle Babaian,
Mlle Daubresse, A. Trotot, E. Wagner, H. Quittard, L. Greilsamer, A. Boschot, Laugier,
Docteur Marage.
La Séance est consacrée à l'audition des instruments anciens (luth, théorbe, clavecin,
clavicorde), que notre Collègue de Boston, M. Arnold Dolmetsch, est parvenu à reconstituer
après de patientes recherches. M. Malherbe souligne tout l'intérêt d'une telle reconstitution,
et remercie M. Dolmetsch de bien vouloir consacrer à notre Section, quelques moments de
son court séjour à Paris.
M. Dolmetsch prend ensuite la parole. Il dit ses premières études pour la reconstitution
des instruments anciens, d'abord en Angleterre, puis en Amérique où il eut la bonne fortune
de rencontrer en MM. Chickering et fils, les facteurs de pianos de Boston, d'enthousiastes
admirateurs, qui, en mettant à sa disposition leur personnel et leurs ateliers, lui permirent de
poursuivre efficacement ses expériences.
M. Dolmetsch exécute sur le luth des pièces anglaises, françaises et écossaises ; sur le
clavicorde, une Chaconne de Haendel, deux sonates de Scarlatti, une toccata de Purcell, la
Suite en mi de Rameau ; celle en Sol de Bach ; sur le clavicorde, des pièces du Clavecin bien
tempéré, et du livre de Anna-Magdalena Bach, une Sonate de Mozart.
Miss Victoria Harrell et Mademoiselle Madeleine Bonnard, chantent l'une et l'autre,
accompagnées au théorbe.
Au cours de cette audition, M. Dolmetsch donne différentes explications, tant sur ses
instruments que sur la musique qu'il exécute, en insistant sur l'utilité des instruments anciens,
au point de vue de la compréhension des oeuvres anciennes.
Puis, M. Dauriac parle de la famille Dolmetsch ; il rappelle que le grand'père de
M. Arnold Dolmetsch se rendit de Stuttgard à Zurich au début du XIX^ siècle, et qu'il prit
part avec Naegeli aux célèbres éditions de Bach. Ses fils furent des virtuoses : l'un d'eux
écrivit vers 1860 un morceau intitulé " Le Hamac. "
La Séance est levée à 4 heures 1/2.
LA COMMISSION DU CORPUS
SCRIPTORUM DE MUSICA M^DII JEVl
Il y a quelques années l'un de nos plus éminents collègues M. le D"" Guido Adlcr,
professeur à l'Université de Vienne, et le promoteur de ces grand Denkmaeler qui ont rendu
tant de services à l'histoire musicale lança l'idée d'un vaste corpus de tous les traités de théorie
musicale du moyen âge. Cette entreprise considérable ne pouvait réussir qu'avec l'appui d'un
comité international, qui se forma dans notre société et qui se mit aussitôt à l'oeuvre.
Cette commission, après avoir constitué ses règlements se réunit à Vienne en 1909, et
vient se d'être convoquée à nouveau à Munich en J^^^ dernier. Notre pauvre collègue
Pierre Aubry, qui se trouvait à la tête du groupe français, ne pouvant se déplacer à cette
époque m'avait chargé de le représenter à la séance de septembre, puisque aussi bien nos fêtes
françaises m'obligeaient à me trouver en Bavière à ce moment.
Cette conférence se tint à l'Université de Munich le 15 septembre en pi-ésence de
M. M. Guido Adler {Autriche)^ président, le R.P. don Amelli {Italie\ J. Ecorcheville [France\
A. Thurlings recteur de l'Université de Berne et P. Wagner [Suisse], Johannes Wolf (Prusse),
H. Abert [Saxe), Sandberger et Th. Kroyer [Bavière], Ludwig [Strûssbourg], Chybinslci et
Jachimecici [Pologne], Scheurleer [Pays-Bas], S'étaient excusés M. M. Barclv Squire [Angleterre),
Dom Gaisser [Rome], Kretschmar [Berlin], Krohn [Helsingsfors], Dom Mocquercau [Ile de
Wight], Sachetti [St. Petersbourg], Woolridge [Oxford).
Après les formalités d'usage et les discours de bienvenue, le président fit l'éloge de
nos collègues Pierre Aubry (Paris), F. Haberl (Ratisbonne), O. KoUcr. Chaque nation
présenta un rapport sur les travaux de la commission dans son pays. En Autriche, en Suisse et
en Angleterre, les travaux de bibliographie et de dépouillement des bibliothèques sont terminés.
En Allemagne ils sont en train et seront achevés pour le congrès de Londres (191 1). En
Italie, ils suivent les dépouillements de la société des Musicologi Italiani. En Belgique et en
France rien n'a encore été fait. La France s'engage à terminer la bibliographie d'ici le congrès
de Londres, à la réserve du fonds latin de la bibliothèque nationale. La Russie oppose à toute
entreprise Internationale une inertie complète et la plus mauvaise volonté. M. Jachimecici est
chargé de poursuivre ses efforts de ce côté. En Espagne notre collègue M. Collet a pris des
dispositions pour achever cette bibliographie aussi vite que les conditions du travail dans ce
pays le permettent. En Hollande M. Scheurleer s'entendra avec le Professeur Wolt.
Le professeur Sandberger pose la question financière. Le gouvernement d'Autriche-
Hongrie avait accordé un crédit de 3000 couronnes qui permit de dresser la bibliographie
dans ce pays. 11 a désormais inscrit au budget de l'Instruction publique 5000 couronnes affectés
au Corpus. A Berlin, l'Académie des Beaux-Arts a donné une somme de 1,500 mk. et se
propose de continuer vmc contribution de ce genre, \ la condition que le Corpus observe
certaines prescriptions paléographiques. La Suisse estime que le gouvernement confédéral
s. I. M. 707
donnera par annuités une somme de 5000 francs. La Bavière obtiendra quelque chose, la
Hollande aussi. En Angleterre les Académies ont été pressenties. En France aucune demande
n'a encore été faite. — L'ensemble de la publication comprenant tous les traités du VII* au
XVI'' siècle, avec les frais de bibliographie et l'appareil critique nécessaire atteindra certainement
le chiifre de 150.000 francs.
Les matériaux à mettre en oeuvre et à publier seront ainsi réparties :
1° "Période preguidonienne^ les Bénédictins de Solesme.
2° Guido et ses commentateurs^ Dom Amelli.
3" Les traités liturgiques de 1200 à 1600, MM. Hermann Mûller et Mathias.
4° UÂrs Antiqua^ MM. Ludvi^ig et Ecorcheville.
5° UArs Nova, M. Johannes Wolf.
6" De 1450 à 1600, MM. Reitsch et Kroyer.
A la demande de MM. Gastoné et Dom Gaisser une question concernant les traités
byzatins se trouve posée. La commission, bien que n'ayant eu en vue que les traités de langue
latins ou vulgaire, est disposée à entendre les propositions qui lui seront faites à ce sujet.
M. Ecorcheville est chargé de représenter la France dans la commission du Corpus en
remplacement de M. Aubry et de diriger d'une commun accord avec ses collègues les travaux
du Corpus en France.
L'entreprise considérable que constitue cette édition critique semble donc en bonne
voie. Les travaux préparatoires de bibliographie seront sans doute achevés dans l'Europe
entière d'ici trois ans ; ils le seraient l'année prochaine si l'Italie et l'Espagne se hâtaient. La
besogne se trouve dès maintenant divisée entre différentes compétences. La France a tenu à
conserver dans sa part l'art des mensuralistes du XIIP siècle, art éminement parisien.
Malheureusement la mort de Pierre Aubry enlève à notre pays le seul savant qui eut
véritablement droit de s'adjuger ce labeur, et nous avons du prier notre collègue le D' Ludwig
de l'Université de Strasbourg de bien vouloir se substituer à lui, et s'associer à nous. De
notre côté, une fois la bibliographie achevée sommairement, grâce aux catalogues des Mss.
des Bibliothèques de France, nous espérons trouver auprès de notre gouvernement et de nos
Académies les ressources qui nous permettrons de former un matériel photographique complet
de tous ces Mss. et contribuer ainsi à ce grand oeuvre international.
La commission du Corpus se réunira à nouveau à Londres au printemps prochain.
J. E.
RECTIFICATION
Je reçois du Président de notre Section de Paris la lettre suivante :
Paris, 29 Novembre 19 10.
Monsieur le Directeur,
Une notice nécrologique sur M. Pierre Aubry a été publiée dans le Bulletin de la S. I. M. du 15 Octobre
dernier. Absent de Paris quand ce N" a paru, je viens seulement d'en prendre connaissance, et j'y trouve, à ma
grande surprise, la dite note signée de mon nom.
La vérité m'oblige à déclarer hautement qu'il a été fait un regrettable abus de ma signature, car je n'ai
pas rédigé cet article ; je n'en suis l'auteur, ni direct, ni indirect ; donc, je le désavoue pleinement.
Veuillez faire dans le prochain N" de la S. I. M. une rectification que je juge indispensable à mon hon-
neur personnel, et agréer l'assurance de ma considération très distinguée.
Charles Malherbe
Président de la Société Internationale de Musique
(Section de Paris)
J'insère d'autant plus volontiers cette rectification que je suis moi-même l'auteur de ce
texte nécrologique. En disposant dans cette circonstance de la signature de notre président,
j'avais cru accomplir un acte purement administratif. Je n'avais pu encore réunir les matériaux
de l'article que je compte consacrer à Pierre Aubry et qui paraîtra dans notre numéro de janvier.
J. ECORCHEVILLE.
CONGRÈS DE LONDRES
Le congrès qui doit réunir nos membres à Londres à la fin de mai prochain, paraît devoir
être particulièrement brillant. Lors du congrès de 1909, à Vienne, le gouvernement austro-
hongrois, la Ville et diflFérentes institutions avaient réuni un fonds de 100,000 francs pour
honorer la musique et les congressistes. L'Angleterre a eu recours à un autre système. Elle
vient de former un comité de garantie dont les fonds réunis à ce jour s'élèvent à 8.000 livres
st. soit 200.000 fr. On peut donc être assuré que nous serons bien reçus.
Le comité de patronage présidé par M. Balfour comprend les noms suivants : duchesse
d'Abercorn, duchesse de Norfolk, duchesse de Sutherland, comte et comtesse of Clonmell,
comte de Dysart, comte Hovv^e, comte de Pembroke et Montgommcry, comte de Plymouth,
comte de Shaftesbury, comtesse de Randor, Vicomte Iveagh, Lady Arthur Hill, Lady North-
cote, Lady Mary Trefusis, Lord Alverstone, Lord Burnham, Lord Arthur Hill, Lord
Howard de Walden, Lord Ludlow^, Lord Strathcona, Baron Frédéric d'Erlanger, RH. Charles
Stuart Wortlcy, H. A. Nelson Hood, H. Harry Lawson, Sir Edgar Speyer.
A la tcte de la section de Londres se trouvent Sir Alexander Mackenzie, président,
directeur du Royal Collège of Music, MM. Mac Lean, Cummings, Sir Hubert Parry,
Frederick Bridge, C.V. Stanford, Granville Bantock, Littleton, Niccks etc.
Les comités ont pris part à une première réunion le 14 décembre à la Mansion House,
sur l'invitation du Lord Maire de Londres et sous la présidence de M. Balfour. Le pro-
gramme général soumis à l'approbation des membres comprend à côté des travaux proprement
dits du congrès, les solennités suivantes :
Une réception générale. — Deux concerts au Quccn Hall. — Un concert historique de
musique de chambre organisé par M. Fuller Maitiand — Une audition de la Société Hudders-
field Choral (300 choristes). — Deux exécutions d'ancicime musique religieuse anglaise à St.
Paul et i Westminster. — Une audition d'orchestres militaires groupés. — Une soirée k
l'opéra. — Un thé. — Un Baïuiuct au Savoy.
GEORGES CESAR FRANCK
Georges Cèsar-Franck
(27 Novembre 1848-10 Septembre 19 10).
C'est avec une douloureuse stupeur que nous avons appris, au cours des vacances
dernières, la disparition brutale et subite de Georges César-Franck. Rien ne pouvait faire
prévoir la fin prématurée de cette intelligence restée si jeune, si active, qui rappelait souvent
celle de son Père. On ne peut croire que cet esprit si lumineux se soit éteint pour toujours,
que cette voix extraordinaire, si chaude et si vibrante, se soit tue à jamais.
La mort de Georges Franck est une grande perte pour l'Uiiiversité de France et pour
l'art français. Professeur d'histoire de l'art dans l'enseignement secondaire et supérieur, il avait
provoqué de grands enthousiasmes, au Lycée Lakanal, à la Sorbonne, à l'Ecole Normale de
Sèvres, au Cours Patin Bastard. Partout où il professait il était apprécié et il était aimé.
C'était une nature d'artiste. Durant les vacances, seul moment où il goûtait un peu de
repos, il s'adonnait à l'aquarelle avec passion. Il a laissé à ses enfants et à quelques rares amis,
des souvenirs pleins de vérité. Il était merveilleusement doué pour la musique. Sa mère
d'abord, puis son père avaient dirigé son éducation musicale. Au Collège Rollin, où il avait
fait des études excellentes sous les soins affectueux du Directeur des Etudes, M. Auguste
Pierceau, son parent, il avait un piano, placé sur le palier de l'escalier montant aux dortoirs,
et aux heures de récréation, il étudiait Mozart, Bach, Beethoven. En rhétorique, il s'était
déjà acquis une célébrité musicale ; camarades, élèves des autres classes, maîtres d'études,
professeurs, et même quelquefois les grandes autorités se groupaient autour de son piano. Le
Dimanche, il prenait sa leçon avec son père. Peu à peu César Franck mettait son fils au
courant de son travail de chaque jour, et de ses projets d'avenir. Ils jouaient souvent ensemble
à quatre mains et c'était une oie pour le père de voir son fils comprendre et rendre comme
lui la musique.
Personne n'a mieux connu César Franck que son fils Georges. S'il ne lui ressemblait
pas d'une façon frappante au point de vue physique il avait pourtant les mêmes gestes, la
même démarche, parfois même les mêmes éclats de voix. Comme son père, il s'était réservé
un " Temps de la Pensée, " et il y méditait le plan de ses admirables leçons de la Sorbonne
qui rappellent tout à fait, parait-il, la manière et la méthode de notre grand A^Iichelet.
Ces Cours de la Sorbonne, limités d'abord à quelques leçons chaque année avaient eu tout
de suite un immense succès. Etendus, en 1899 ^ l'année entière, ils avaient été transférés du
vieil amphithéâtre provisoire, ? l'amphithéâtre Guizot ; puis, celui-ci dexenant trop petit à son
tour, au grand amphithéâtre Richelieu. Georges Franck y développa, en un admirable cvcle
de leçons, toute l'histoire de l'art moderne, depuis les origines de l'art chrétien jusqu'au
préraphaélisme anglais.
Il n'a\'ait rien d'un orateur, si l'on entend par talent oratoire un certain ensemble d'artifices
de parole, plus ou moins persua.^ifs. Et cependant, nul orateur n'a jamais captivé son public
comme il captivait le sien : son érudition, toujours de niveau avec les dernières découvertes de
l'archéologie et de l'histoire, inspirait tout de suite la confiance. La sincérité de ses convictions,
la chaleur avec laquelle il les exposait, rendaient son enthousiasme contagieux et irrésistible.
Se trou\'ait-on en face d'une tradition mal établie, fut-elle consacrée par toutes les sanctions
imaginables, il n'hésitait pas à la saper par la base, s'acharnant, s'indignant, avec une véhémence
dont il était le premier à sourire. Malgré l'acharnement qu'il mettait à défendre ses théories,
Georges Franck n'était point un démolisseur. Son esprit très fin ne s'exerçait jamais aux
dépens de personne. Avait-il à dépeindre deux artistes tout différents : dédaigneux d'un facile
parallèle, il ne les opposait pas l'un a l'autre, il les rapprochait, cherchant plutôt les points de
contact que les divergences. Et une harmonie profonde résultait de sa parole. Son vocabulaire
lui-même avait gardé quelque chose de musical, comme s'il n'avait pu se défaire de certains
mots appris dès l'enfance : une cathédrale était une symphonie de pierre, tel motif en était le
thème conducteur et les mots de rythme et d'harmonie étaient de ceux qui revenaient
constamment à ses lèvres. Pour beaucoup de ses auditrices, il est resté le type de l'initiateur
artistique ; comme son père, il exerçait une sorte de rayonnement sur ceux qui l'approchaient
■et il réussissait à leur communiquer quelque chose de ses enthousiasmes artistiques.
Son immense labeur ne lui avait jamais permis de mener à bonne fin un projet qui lui
tenait de bien près au cœur : publier une vie de son père, et nous rendre le César Franck
intime, vivant et vécu que lui seul aurait pu écrire. L'œuvre ne sera pas faite et nous ne
saurions trop le déplorer: Georges Franck est mort trop tôt. Ses forces le trahirent brusque-
ment cet été en terre étrangère, sur les bords de ce lac de Thun qu'il affectionnait particu-
lièrement. Ses élèves perdent en lui un maître irremplaçable, un ami charmant et dévoué qui
savait d'un regard vous redonner courage et vous remettre dans le bon chemin. On le regrettera
longtemps, toujours, et il sera beaucoup pleuré parcequ'il était très aimé.
L'un de ses plus chères élèves, la petit fille d'un grand savant, vient de prendre l'initiative
d'unmouvement touchant. Il s'est formé grâce à elle un Comité d'élèves et d'amis qui aura
pour but d'ériger un monument au cimetière de Sceaux où repose Georges César-Franck.
La Souscription fermée le i'' Janvier prochain, est ouverte aux adresses sui\'antes :
M. Daux, proviseur du Lycée Lakanal.
M"'^' Belugon, Directrice de l'Ecole de Sèvres.
M"'^'"" Bastard et Cote des Combes, au cours Patin, 4 rue Pasquier.
M. Pierre Lafenestre, 5 Avenue Lakanal, Bourg la Reine.
M"'^' Vallery Radot, 3 rue St Dominique.
Et aux bureaux de la Rexue Musicale S. I. M., 22 Rue St. Augustin.
R. F.
■ « «■
-'«5 -?■
««If ^
,^M^^
i»ii#jjfe:'
^«
w =
< S
O =.
f-l rt
co a
«►4-^
CONCERTS ANNONCES
SALLE GA\'EAU
I
4
5
6
8
10
1 1
M
15
15
16
18
19
20
22
24
^4
25
Dé
embrc. Salle des Concerts — Concert du Cekclk Militaikk
Concert Lamourkiw
Salle des Quatuors — Concert U. F. P. C
Salle des Concerts — Société Philhakmoxiqi'IC
Salle des Quatuors — Audition Le Faure Boucherit . ...
Salle des Concerts — Concert Hasselmaxs (orchestre) . . . .
,, „ — Concert Lamourktx
,, ,, — Concert Marteau (avec orchestre) . .
,, ,, — Rep. publique Société Bach . . . . ,
,, ., — Concert de L'Orchestre Médical (^provi-
soirement) ,
„ „ — Société Bach
,, ,, — Concert Lamol'kelx
Salle des Quatuors — Concert U. F. P. C
Salle des Concerts — Concert Au<fuste Lami (orchestre) . .
Salle des Quatuors — Concert Raals (piano)
Salie des Concerts — Concert Hassklmans
,, ,, — 30 ans de Théâtre
,, ,, — Concert Lamotrici'X
,, „ — Rep. publique ScnoLA
— Concert Schola CAXroRLM
9 heures
3 heures
2 heure-
9 heures
1 heure
3 heures
3 heures
9 heures
4 heure -
9 heures
9 heures
3 iieures
2 heures
9 heures
9 heures
3 heures
9 heures
3 heure>
() heures
r
1 I 1 )ei
I 2
14
15
iS
'9
SALLE PLEYEL
embre Matinée d'Elèves de Madame Abian Cassan 1 heure
Le Quatuor Morhant^e-Pelletier 9 heures
Le Quatuor Lejeuiie 9 heures
Mademoiselle I\. Léiiars el. Monsieiu' Bi/.et 9 heures
l\Litinée d'Flcves de Madame Lei^rin 1 heure
Madame Ro'fcr-Miclos-Hattaille d lu-un-^
■1
GUITARE
M" B. DORE
ÉLÈVi: DI': MIGUKL KLOBET
Leçon«4 Cours Ensemble
SpcaKs cnKlish ilabla «'spanol CONCERTS
8, Rue Fui'stcnborg Vio
Téléphone 829.80 PARIS. 28. Ruo Donioui-s. XVII
MIGUEL LLOBET
Guitariste virluosf
de la Cour d'Espagne
LEÇONS
Les Fêtes Chopin à Lemberg
Les fêtes de musique polonaise à Lemberg ont été vraiment imposantes et j'ai pu
constater non sans orgueil national qu'elles ne cédaient en rien aux fêtes de Haydn à Vienne
aux 'Bachfeste à Duisburg et aux Festivals de musique française à Munich.
La participation très active de Paderewski a donné à cette fête un éclat et une splendeur
toute particulière ; c'est que le grand interprète de Chopin, glorieux dans le monde entier
comme musicien, a encore d'autres titres à l'admiration dans son pays natal, ceux de grand
patriote et de donateur généreux. Après avoir doté la ville de Cracovie d'un monument
superbe il a offert à la ville de Lemberg de patronner les fêtes en l'honneur de Chopin, qu'il
s'engageait à interpréter dans tous les concerts. Malheureusement, des névralgies qu'il ressen-
' tit ces temps derniers et que nous espérons passagères, l'ont forcé à ne tenir sa promesse qu'à ■
moitié : il se fît entendre à plusieurs reprises mais comme... orateur. Nous savions déjà par
ses discours à Cracovie que Paderewski orateur est aussi grand que Paderewski pianiste, mais
sa conférence sur Chopin au concert de l'inauguration a surpassé toutes nos attentes.
Les journaux polonais ont donné in extenso ses quelques pages de belle littérature, mais je
crois que je n'oserai jamais les lire car elles manqueront toujours pour moi de ces accents
fiévreux, de ces nobles transports, de ces modulations capricieuses et de toute cette infinité de
nuances que possède l'art inégalable de notre orateur-musicien. Lassés, fatigués par une
matinée trop remplie de musique et de conférences, nous entendîmes ce discours enflammé
durant une heure et demie sans un moment d'impatience ou de défaillance.
Son langage très recherché, très ciselé, est cependant simple, clair, naturel,
comme le doit être celui d'un tribun populaire, mais un tribun aux gestes nobles, aux
manières aristocratiques, harmonieux même dans ses exclamations les plus dramatiques et
dans ses défis les plus explosifs lancés à la face de nos oppresseurs. Et quand il a terminé par
cette phrase risquée dans la bouche de tout autre : " Chopin, c'est nous ! s'il est grand, il l'est
par notre grandeur et s'il est beau, il l'est par notre beauté ! " — Paderewski fut vraiment
beau.
Je m'arrête de crainte de tomber malgré mon enthousiasme très sincère dans un ton
déclamatoire que j'abhorre. Les critiques et les fabricants de compte-rendus ont abusé des
adjectifs louangeurs, ont assez souillé les mots : "divin, admirable, grandiose, colossal " et je
ne me sens point la force d'en inventer d'autres dans le wagon où j'écris cette lettre de
Pologne.
Paderewski a été fêté comme un roi, " Pourquoi me gâter ainsi, — se plaint-il dans un
de ses discours suivants ; à Cracovie on parlait de moi plus que du Grunwald, ici à Lembero-
vous me donnez plus de place qu'à Chopin... que faire, c'est bien là notre nature polonaise
excessive, sans frein, sans mesure, c'est le tempo ruhato de notre caractère, qui fait que nous
donnons toujours ou trop ou pas assez "
Etait-ce peut-être une allusion à sa jeunesse quand, pauvre, il a dû quitter son pays,
chassé par les ricanements des pions et des critiques qui lui refusaient tout talent parce
qu'il ne levait pas assez haut son quatrième doigt ! Et il a dû courir le monde durant de
longues années, dévoré par une nostalgie égale à celle de Chopin, jusqu'au jour où il devint
le grand musicien et l'interprète célèbre dans le monde entier. Virtuose, il ne le fut jamais,
du moins dans le sens que nous donnons à ce terme à l'heure présente. Le virtuose c'est le
7IO S. I. M.
calculateur qui combine froidement ses effets pour éblouir le public ; c'est le joyeux commis-
voyageur en art qui, le soir, penché sur son clavier, nous parle souffrances, c'est le chercheur
de réclame sans scrupule, le coureur de dot et de gain, qui, armé de son archet, veut nous
donner des leçons d'amour et de désintéressement.
Toute la vie, toute la carrière de notre grand compatriote fut toujours sincère, noble et
généreuse et les honneurs qui lui ont été rendus durant ces dernières fêtes furent des plus
mérités et nullement excessifs.
Le Concert d'Inauguration nous a apporté une œuvre de circonstance de Zygmunt
Noskowski, compositeur de talent, mort l'année dernière ; le titre en est un peu prétentieux :
La Fie de la Nation. Ce sont des variations symphoniques sur le thème du Prélude en la maj.
de Chopin. J'avoue avoir manqué le Te Deum d'Elsner qui fut, comme on le sait, le maître
de Chopin. Mais cette pièce a suivi le discours de Paderewski, qui fut le plus beau poème
symphonique en paroles et après lequel on " ne veut rien de plus, on ne veut rien de
mieux, pour contenter l'esprit et l'oreille et les yeux.
Le deuxième Concert fut entièrement consacré à la musique polonaise ancienne. Le
programme, très intéressant, comprenait des œuvres totalement inconnues et môme inédites :
des chœurs a capella de Jean Polak (Joannes Polonus) de la fin du XVP siècle et de Waclaw
Szamotulski du commencenient du même siècle ; une petite cantate de Bartholomieï Pekiel
du XVII" siècle ; un Magnificat de Nicolaï Zielenski du commencement du XVIP siècle ;
une sonate pour deux violons et orgue ou clavecin de S. S. Szarzynski du XVII'' siècle et
toute une série de pièces de luth et de clavecin de Podbielski, Dlugoraj, Diomedes Cato et
autres que M""" Wanda Landowska a exécutées au clavecin.
Et cela nous fut une véritable joie de constater que ce programme a intéressé au plu.s
haut degré non seulement les musiciens, mais le très nombreux public, car la grande salle du
théâtre de Skarbek était archicomble. Quant à la soliste de la soirée, une vague parenté qui
me lie à cette personne m'empêche de dire tout le bien ou tout le mal que j'en pense. Il
serait à désirer que les œuvres de l'ancienne musique polonaise qui moisissent dans les biblio-
thèques ou chez des collectionneurs parussent, à l'instar des Denkjnaeler der Oeiterreicher
Tonkunsty sous le contrôle des musiciens instruits qui les sauvegarderaient de toute transcription
sacrilège.
M. Maurice Rosenthal est venu de très loin pour prendre part au troisième concert.
Peu de musiciens savent que l'éblouissant pianiste est polonais natif de Lemberg. Il a rayé de
son programme toute pièce pouvant donner lieu à une exhibition de la virtuosité, nous prou-
vant ainsi que, pour honorer Chopin, on doit éviter les tours de force, les sauts périlleux, le
fracas inutile, et garder tout cela pour le gros public.
Au quatrième concert nous avons entendu M. Schelling, un élève de Paderewski que
le maître entourait de soins paternels. Cependant M. Schelling doit son succès à ses mérites
personnels, c'est un pianiste de tout premier ordre, au toucher délicat, à la sonorité ronde et
pleine et d'un goût sûr.
Le cinquième concert a été consacré aux compositeurs vivants. Après VOuverture du
vieux maître Ladislas Zclcnski tirée de son opéra " Janek " nous avons entendu un poème
symphonique de M. Ludomir Rozycki, qui compte parmi les plus intéressants compositeurs
de la jeune Pologne. A peine Agé de 26 ans M. Rozycki a écrit plusieurs opér.is et toutes une
série de pièces syniplioniques. Son poème An helli est de toute beauté. Le prof. Melcer, com-
positeur qui compte en même temps parmi nos meilleurs pianistes, a exécuté son Concerto
pour piano et orchestre qui fut récompensé en 1895 au concours Rubitistein. Le clou de la
soirée, la symphonie en ù mineur de Padereu^ski dirigée par M. Opicnski fut accueillie avec
FETES DE CHOPIN
711
des ovations très prolongées. On connaît cette oeuvre à Paris où elle a été exécutée sous la
direction de M. Messager.
Le sixième, le concert populaire, fut précédé d'une conférence de M. Edouard
Walter et comportait un très riche programme, très varié, qu'il nous a été impossible de
suivre, car en dehors des concerts, des réunions, nous avons eu une avalanche de réceptions.
Parmi les plus réussies nous devons compter celle de S. Ex. Tchorznicki le président du
Comité et celle de la C"' Pélagie Skarbek la petite fille de Frédéric Skarbek qui fut le parrain
et le protecteur de Chopin et qui elle-même est une artiste de grand talent, d'ailleurs bien
connue à Paris.
Le banquet offert par la société littéraire et artistique suivi d'une séance musicale impro-
visée fut parfait, d'atmosphère cordiale et enjouée.
Le Congrès des musiciens polonais a été présidé par l'abbé Surzynski, le fameux historien
de la musique religieuse en Pologne. Dans son discours d'ouverture le président a souligné les
grands mérites pour la musicographie du D" A. Chybinski et du D'' Jachimecki. Les travaux
ont été divisés en trois sections. Parmi les très intéressantes conférences je mentionnerai celles
du D"" Berson sur La réforme dans la notation des partitions^ celle de M. Henri Opienski sur
La nécessité des cours d^Histoire de la musique^ celle de M. Rosenzwejg sur L'Avenir de
r esthétique musicale. M. Ignace Fuhrman, le secrétaire du Comité Chopin, a parlé de Vunifica-
tion de la nomenclature musicale en Pologne. M°"° Cornelie Parnass nous a fait connaître quelques
petites pièces inconnues et quelques variantes de Chopin ainsi qu'un album de compositions
inédites de celle qui lui inspira son premier amour, Marie Wodzinska. Je parlerai dans le
prochain numéro des décisions du comité et du mouvement musicographique en Pologne.
Qu'il me soit permis maintenant d'adresser de chaleureuses félicitations au Président, à
Son Excellence Alexandre Tchorznicki, au vice-président, au grand écrivain Adam
Krechowiecki, et surtout à M. Stanislas Niewiadomski, notre Schubert polonais, qui fut
l'énergique organisateur de toutes ^ces fêtes, ainsi qu'à son vaillant adjudant M. Ignace
Fuhrman.
Henri Lew Landowski.
Théâtres et Concerts
MACBETH. — Drame lyrique^ musique de Ernest Bloch^ représenté à V Opéra-Comique.
Il est toujours un peu téméraire d'inoculer le virus de la musique à une œuvre profondé-
ment saine, et qui se porte à merveille depuis des siècles. Ce qui précisément crée le chef
d'oeuvre, c'est un certain équilibre de tous les éléments de vie, et de toutes les convenances
artistiques. Le Macbeth de M. Bloch en est un nouvel exemple après tant d'autres, et un
exemple saisissant par le redoutable talent musical qu'il nous révèle. Séduit par l'horreur de ce |
drame, M. Bloch a pensé qu'il trouverait là une occasion de montrer son art trépidant et
comolexe. Et en vérité, ce musicien arrive à nous donner une parfaite idée de la façon dont il
manie, ce que Victor Hugo appelait " l'informe hurlant. " Mais n'aurait-il pu le faire, et
beaucoup mieux, à ses propres risques, sans entraîner Shakespeare dans l'aventure ?
L'horreur de Macbeth a fait naître dans l'imagination de Shakespeare une intrigue qu'on
peut appeler littéraire, c'est-à-dire, dans laquelle la poésie, et l'intelligence claire, lucide, logique
ont leur part. La pièce anglaise nous élève ainsi au-dessvis de la brutalité des événements, elle
donne un sens à la réalité qu'elle éclaire. Mais la musique, et surtout celle de M. Bloch ne
s'adresse plus qu'aux sens exaspérés. Elle nous replonge dans la grossièreté du fait divers. Elle
donne le frisson, c'est entendu, mais rien que le frisson. Les paroles disparues dans le fracas
d'un orchestre moderne, il reste tout juste une lamentable histoire qui se traîne dans un joli
décor moyen âge, et qui étire pendant quatre heures et demie son mélodrame vieillot.
On peut très bien concevoir le drame musical comme une crise rapide, et pour ainsi dire
hystérique. C'est le cas de Salomé et d'Elektra. Mais Richard Strauss, lorsqu'il tente de nous
asséner un terrible coup, nous tient tout juste une heure et demie, et sans entr'acte. Le coup
est porté, et chacun se retire. C'est juste le procédé opposé à celui de Shakespeare qui veut que
son auditeur se resaisisse, et se dégage pour ainsi dire du drame lui-même. Macbeth, encore une
fois, perd tout à être mise en musique, puisqu'elle perd l'élément shakespearien qui la rendait
précieuse.
Les critiques d'ordre esthétique que je formule ici contre la pièce de l'Opéra-Comique,
n'atteignent pas le talent très réel et très fougueux du solide musicien qu'est M. Bloch, et que
nous espérons bien voir à l'œuvre une autre fois.
La 84*^ année des Concerts du Conservatoire, le Millième Concert Colonne,la 30^ année des
Concerts Lamoureux ! Faut-il conclure de ces chiffres que la France se convertit sincèrement
à la musique et qu'elle y devient une fonction sociale ? Quoi qu'il en soit, l'évolution est trop
bien établie pour cesser ou même se ralentir. Après avoir entendu de la musique par snobisme,
quelques centaines de Parisiens l'entendent par goût et par besoin et finissent par la comprendre.
C'est la symphonie Héroïque qui a ouvert la saison au Conservatoire^ bien jouée certes
par l'orchestre, mais assez alourdie aussi par M. Messager dans certains passages, le milieu du
finale par exemple, ou le mouvement fut par trop lent. La Thamar, de Balakirew^, qu'on
donnait pour la première fois, est une de ses meilleures pages. Avec quelques développements,
il en eût fait un merveilleux ballet. Mais n'y cherchez pas autre chose que du pittoresque. La
Nuit, chœur de Saint-Saëns pour voix de femmes, arrivait des Concerts Colonne au Conser-
THÉÂTRES ET CONCERTS 713
vatoire sans éclat, ainsi qu'il convient, trop calme mï^me, Mlle Campredon a fort agréablement
(hante les trilles du solo. Dans le Concerto de piano en sol, de Beethoven, Mme Alem-Chené
a eu de la finesse et du charme, à défaut de puissance. L'œuvre exige d'ailleurs peu de force,
La deuxième symphonie de Balakirew, au Concert LamoureuXy fut une vraie nouveauté
car c'est peut-être la dernière œuvre de l'auteur et elle n'avait été exécutée qu'une fois à
St Petersbourt!;, l'an dernier. Le développement symphonique y fait défaut, et à vrai dire, elle
n'a de symplionic que le titre. C'est un peu simple de facture, cela manque de procédé et de
style. Mais quelle sincérité dans les motifs et dans leur présentation et quelles jolies trouvailles
sonores ! Le poème symphonique de M. Lucien Lambert, " Prom'nons nous dans les bois"
est une page aimable et amusante. M. Chevillard l'a fait suivre des Murmures de la Forôt,
de Siegfried, avec quelque malice. On a beaucoup applaudi le Don Juan, de M. Strauss. C'est
l'antithèse de Balakirew. On attendait beaucoup des fragments d'Eros vainqueur, les scènes
lyriques de M. de Brévillc, représentées avec succès à Bruxelles, On eut quelque déception.
Non que cette musique soit banale, mais, écrite dans une tonalité volontairement grise, discrète,
et infiniment distinguée elle porte peu et le public ne lui a pas rendu justice, Baba-Yaga, de
Liadow, est une drôlerie musicale tout à fait réjouissante, présentée avec une dextérité
merveilleuse et fort bien rendue par l'orchestre de M. Chevillard. Mais quel bariolage que ces
programmes où Liadow coudoie M. de Bréville !
M. Chevillard a jusqu'ici, heureusement choisi ses solistes : Mlle Dehelly, dans un
Concerto de Liszt, Mmes Isnardon et Le Senne, Mlle Calo, Mlle Croiza, M. de Lausnay
' dans un Concerto de Lalo, etc.
C'est par Beethoven que M. Pierné a célébré le millième Concert de r Association
\i Artistique (Concert National le 2 mars 1873, Association Artistique en 1875). M, Kreisler
joua le Concerto de violon, M, Clark chanta les Lieder de Gellert, l'orchestre brilla dans la
3^ ouverture de Léonore, M. Mounet Sully dit les vers de M. Emile Moreau à la gloire de
Colonne, enfin Chœurs et Orchestre s'unirent pour la 9*^ Symphonie. Une précédente séance
avait été consacrée à Franck et à Wagner, où Mlle Selva avait joué les Djinns ; à une autre
M. D'Indy avait conduit son Wallenstein et reçu un triomphal accueil ; le Paradou, de
M. Bruneau est toujours intéressant, quoiqu'on dise. Enfin citons un poème de M. Taillade
pour voix et Orchestre, l'Enfant, sur des vers de Victor Hugo, qui fut à peu près la seule
nouveauté du mois, page pittoresque, expressive et l'écriture experte.
MM. Séchiari et Hasselmans ont eu, pour leur rentrée, la récompense de leur per-
sévérante initiative, car les salles étaient élégamment garnies. Un concert symphonique dans
la semaine, quatre en matinée le Dimanche ne sont plus excessifs pour nos goûts. Mais
il faut encore à ces deux jeunes orchestres un effort pour arriver à une exécution tout à fait
d'aplomb. Pourquoi ne pas donner deux fois de suite les œuvres importantes et se ménager
uainsi plus de répétitions ?
A la première séance Séchiari, on a applaudi les Trois Sorcières, de M. Léo Sachs,
eœuvre de couleur sombre, dramatique, quelque peu Wagnérienne, bien chantée par Mme Rose
Féart. De M. Ch. Quef, une Suite Flamande, violente et populaire, presque trop. Le joli
petit Concerto qu'est la Hafïher Sérénade, de Mozart, a fourni une occasion de briller à
^M, Bittar. Est-il bien vrai qu'elle n'avait jamais été jouée à Paris ? M. Hollmann, parfait
:dans la mélodie Kol Nidrei, de Max Bruch, s'est fait entendre aussi dans un concerto de sa
composition, " œuvre aimable et brève" du "roi des violoncellistes." Ainsi s'exprimait le
iprogramme. Inclinons-nous,
: Un enrouement de M, Fabert causa quelque trouble au programme de M, Hasselmans
net nous priva de deux nouveautés. Correcte et bien écrite sans plus est l'ouverture de
714 s. I. M.
M. Louis Dumas. Il faut espérer de M. Dumas, dont le Cercle de l'Art Moderne va donner
un quatuor à cordes. Exécution un peu flottante de la 3*" symphonie de Saint-SaÊns, mais, par
contre, absolue perfection de M. Hayot dans le Concerto de Violon de Lalo et le Rondo
Capriccioso de Saint-Saëns, qu'il a joués en grand virtuose et en grand artiste. Nous avons
encore des violonistes à Paris.
Feurwerk, de M. Strawinsky, a eu quelques enthousiastes. Beaucoup — et nous sommes
du nombre — n'ont vu que trente-six chandelles à ce Feu d'Artifice et tous nos sentiments
pour la " nation alliée et amie " ne nous empêcheront pas de le dire. L'exécution était
d'ailleurs plutôt vacillante.
Il est assez délicat de parler des concerts historiques de l'Opéra Comique. M. Carré et
M. Expert ont la louable intention d'initier le public, en seize séances, à l'histoire de la
mélodie moderne. Qu'ils en soient loués et remerciés. Mais une toute petite conférence de
M. Expert est insuffisante. Hâtons-nous de dire que l'auditoire en digérerait mal une plus
longue. Puis, au lieu de ce défilé de mélodies, quelques scènes importantes bien choisies, avec
un petit orchestre au lieu d'un piano, donneraient une idée plus exacte de l'évolution musicale.
L'Opéra-Comique l'avait essayé il y a quelques années, ce nous semble. Quoiqu'il en soit,
M. Expert parle avec désinvolture et précision et, des artistes entendus dans les trois pre-
mières séances, plusieurs furent très agréables ; Mlles Bilbaut Vauchelet, Hatto, Lucy Vau-
thrin et Martyl, MM. Francell et Gilles sont à nommer tout d'abord.
La Société Phi/harmonique a fait plus que le maximum avec MM, Kreisler et Harold
Bauer, car nous avons vu " refuser du monde." Ce fut une belle séance où la virtuosité ne
nuisit pas à une interprétation profondément artistique. Ces talents ont les mêmes mérites de
finesse et de pondération, la même qualité de son, la même discrétion de nuances. Au troisième
concert, affluence un peu moindre. Le double Quintette (M. Sechiari premier violon) donnait
le septuor de Beethoven et une " symphonie de chambre, " avec piano, de M. VVolfF Ferrari,
dont il y a peu à dire en bien et en mal. Par contre, le petit trio sérénade (flûte, violon, alto)
de Beethoven est toujours exquis, joué par des artistes comme M. Sechiari, Hennebains et
Vieux, et Mlle Helbronner a une voix agréable, égale et une excellente diction.
La Société J. S. Bach va donner la Passion selon St-Matthieu. Elle y a préludé par la
cantate nuptiale pour soprano et la cantate profane " Nous avons un nouveau gouverneur ".
qui est une des œuvres de Bach les plus imprévues. Le vieux cantor y fait la critique de ce
moderne style qui allait bientôt être celui d'Haydn.
M. Raugel dirige la Société Hecndcl avec une foi qui transporterait des montagnes mais
qui ne remédiera jamais à la défectuosité des églises pour les oratorios et l'orchestre. Il faut
qu'il nous redonne le Te Deum de Hsendel ailleurs qu'à S^ Eustache. Pour parler de cette
grande œuvre, il eût fallu l'entendre sans résonnances, et sans échos. Revenons donc vite à la
salle de la rue de Trévise.
Toujours soucieux d'instruire son auditoire fidèle, la Schola a donné pour son premier
concert mensuel des " suites " de Bach, H^eiulel, Debussy, d'Indy, où son orchestre a montré
des progrès. M''*' Selva a commencé une série de concerts sur la sonate de piano avant
Beethoven. Voilà des programmes comme il n'y en a pas assez. Dans le même sentiment
didactique, M"'" Pironnay donneront d'ici à la fin de décembre sept séances avec conférences
de M. Landormy sur la musique depuis le commencement tlu XIX* siècle. C'est la suite d'une
série " d'illustrations " de l'histoire musicale.
U Union dei femmes Professeurs et compositeurs est d'une incontestable activité. Elle aura
bientôt, nous assure-t-on, son orchestre, entièrement féminin, bien entendu. Dès maintenant,
elle donne deux concerts par mois d'une bonne tenue artistique. Le sexe laid y est admis sans
THÉÂTRES ET CONCERTS 715
être obligé de se laisser raser, à l'encontre de ce que prétendait irrévérencieusement je ne sais
plus qui. Avec M""' Forte-Gex (violon), M""Caffaret (piano). M"'' Laskine (harpe), M'"'= Bathory
(chant), M"" Bonnard et son Trio de la Reine le programme n'avait rien d'ennuyeux, et les
• artistes ont été fort applaudies.
Hâtons-nous de mentionner le trio Kellert^ déjà entendu l'an dernier et en appréciables
progrès, les trois concerts de M. Spalding^ un des violonistes excellents de notre époque de virtuoses,
un très intéressant concert du Lied Moderne où M""' Marteau de Milleville a donné des œuvres
vocales de M"''' Delage Prat, de MM. Georges HUe, Langlois et Pessard (M°'^ Delage Prat
et M. Hue excellent dans les petits tableaux de genre,) le concert Thibaut Floresco^ puis le très
beau ^(7«(:i?r^ Qhoral de la Société Spœl^ de La Haye. Avons-nous des chœurs capables de chanter
à Cappella avec ce sentiment, ce goût et cette justesse ? C'est douteux.
Moussorgski, M™*^ Marie Olénine, M. Cortot ! Si vous êtes insensible à ces trois noms
sur un programme, ne vous dites pas musicien. La séance à laquelle nous venons d'assister rue
d,'Athènes fut vraiment et absolument belle. Ce Moussorgski vous secoue, vous boulverse, sans
rien emprunter à aucune école, sans obéir à aucun système. On ne lui résiste pas. Et quelle
interprètes que M"^*^ Olénine, à la foi d'apôtre, et M. Cortot ! Ils donneront encore un concert —
le quatrième — le 19 décembre, après que le S. L M. aura paru. Allez y, c'est la grâce que
je vous souhaite.
Le " Pax Quatuor " commence sa deuxième année d'existence. Très belle exécution du
3** quatuor de Beethoven et du 3^ de Schumann par MM. Louis Carembat, G. Poulet,
Drouet, A. Cruque, et de la sonate en sol mineur de Haendel pour piano et violoncelle,
jouée par M. Cruque et M™^ Muller de Beaupré, l'infatigable organisatrice, dans un style
admirable.
Gardons-nous d'oublier le Concert de la Société des Dilettantes où l'art musical russe fut
savamment commenté par M. Louis Thomas. Citer le nom de M°^*' Raymonde Delaunois et
de M. E. Trillat qui interprétèrent des œuvres de Moussorgsky, Blumenfeld, Borodine,
Balakirew, RachmaninofF, c'est dire tout le succès que remporta cette remarquable séance.
Enfin reconnaissons la belle interprétation de M™'' Raunay dans deux cantates de
Schiitz, et surtout dans la fille de Jephté de Carissimi. Il y aurait beaucoup à dire sur
cette séance qui nous a promené de la fin du XVIIP siècle allemand au milieu du
XVIP italien. L'intention est louable, la réalisation pleine de noblesse mais l'ensemble,
mené militairement par Chevillard, manquait un peu de cet abandon qui est nécessaire
pour séduire pleinement. N'importe ! Un bon point à cette belle initiative.
La dernière matinée donnée par M. Challet et M™® Challet-Vicq était consacrée
aux œuvres de MM. Auhert et Duteil d^Ozanne.
De ce dernier, la charmante Suite en forme de Sonate pour piano et violon était
je crois, plus connue du public que le cycle de mélodies.
F. GuÉRILLOT.
Province.
LE HAVRE. — UN CONCERT ESPAGNOL. — Le Havre vient d'être témoin
d'une manifestation touchante et significative en faveur de la musique espagnole. Grâce au
concours de M™® Miguel Alzieu, de M"® Launay, de M. de Falla, et du quatuor Willaume-
Feuillard, Les Havrais ont eu la primeur d'un musique vraiment nouvelle.
Administration de Concerts A. DANDELOT, 83, rue d'Amsterdam
SALLE DES AGRICULTEURS: 8, RUE D'ATHÈNES
QUATRE RÉCITALS DE LA
"MAISON DU LIED" DE MOSCOU
Chant: M""^ MARIE OLÉNINE d'ALHEIM
Piano : M. ALFRED CORTOT. — M. ALEXANDRE OLÉNINE.
PREMIER RÉCITAL, LUNDI 28 NOVEMBRE
Bach : Zuversicht und Trost.
Beethoven : In questa Tomba oscura.
Berlioz : La Mort d'Ophelie
Li?zt : Die Drei Zigeuner.
Moussorgski.
Sans Soleil !
(Poëmes de Golenitchef-Koutouzof.)
Entre quatre murs. — Perdu dans In foule. — Soir de
Fête. — Spleen. — Elégie. — Sur l'eau.
Chants et Dits populaires
La Berceuse du p.nyaan. — La Berceuse du Pauvre. —
Le dit de l'Orpheline. — Chant hébraïque. — Je
sais un frais jardinet. — La Foire de Saratschinsk.
— Dans la Forêt. — Le Dnieper.. — Le Hopak.
" Pour les Enfants "
Chanson d'Enfant. — La Pie. — Le Cousin et l'Araignée.
Chants et Danses de la Mort
Sérénade. — Berceuse. - Le Chasse-Neige. — La Guerre.
M'"' M. Olénine. — M. A. Cortot.
TROISIÈME RÉCITAL, LUNDI 12 DÉCEMBRE
Schubert (Winterreise).
Gute Nacht. — Die Wetterfahne. — Gefror'ne Thranen.
— Erstarrung. — Der Lindenbaum. — Wasserflut.
— Auf dem Plusse. — Riickblick. — Das Irr-
licht. — Rost. — Frilhlingstraum. — Einsamkeit.
— Die Post. — Die Greise Kopf. — Die Kr-^he. —
Letzte Hoffhung. — Im Dorle. — Der StQrmiche
Morgen. ■ — Taiischung. — Der Wegweiser. — Das
Wirtshaus. — Mut. — Die Nebensoanen der
leiermann.
Der Wanderer Schmidt -von LUbcck.
Robert Schumann.
Kinderscenen.
Moussorgski.
"La Chambre d'Enfants"
Dis moi, veux-tu grand'mère. La Prière.
Dans le Coin. Le Chat matelot.
Le Hanneton. A cheval sur un bâton.
Berceuse de la poupée.
M"" M. Olénine. - M. A. Cortot.
DEUXIEME RÉCITAL, LUNDI 5 DÉCEMBRE QUATRIÈME RÉCITAL, LUNDI 1 9 DÉCEMBRE
Balnkiref :
Même moi, ô nuit ! Nuit sans étoiles.
Esprits du Ciel. Chanson de Sélim.
Je l'ai aimé. Je suis triste.
Le Din. Mon enfant reste avec moi.
Franz Liszt :
Sonate Si Mineur
Du bist wic eine Blume. - Ihr glorkcn von Mnrling. —
Vergiftet sind meine Lieder. — Es muss ein Wun-
derbares sein. — Anfangs wolet ich fast vcrzagen.
— Die Stille Wasserrose. ^- Das Vcilchen. — Ich
liebc dich. - - Gcbct.
Chopin :
Zyc/.cnic. Sniutna rzcka.
Mionn.T. Mclooya.
Pio^nka litweska Leciliocie drzcwa.
Vojak.
M"' M. Olénine. - M. A. Cortot.
Chants populaires.
La Chanson de Roland (La Mort).
Chanson tie Burn<.
My hearts in the Highi.md. — John AnJerson, My
Jo. — Oh wert thou in the cauld blast. — Scots, wha
hac wi' Wallace bled. The Chevalier's Lamcnt. —
Phcmie. — Mary Morison. -- Les adieux de Mac-
Pherson.
Sept Chansons populaires.
Espaonoli, Russe, Flamande, Limousine, Ecossaise, Ita-
lienne, Hébraïque.
La vie d'une femme.
(Chants populaires Russes) [^.\. Olénine).
Berceuse. -- Chanson de Noi'l. - - Rêverie. - Sous m.i
fenêtre. - Je ne dis pas mon secret. -- Bénédiction.
— Chant Nuptial. — Chanson de table. — Tristesse.
— Chant de hlcuse.
M"" M. Olénine. M. .\. Olénine.
Pri
' Série :
Balcon
10 fr
3 frs.
2""" Série : 6 frs.
Galerie : 1 fr.
de» place» : F'&trade el Fauteuil de Face I'
Fauteuil de Coté : 4 fr». Parterre : 2 frs.
Location : A In »allc de» A^riculleurs chez MM. DURAND ^ Cie. •♦. niace de la Madeleine. - ORUS.
116. Boulevard Hau»»mann. M. tSCHIG. 13. rue Laffillc. fOKriN.SI. rue Saint-Placide &
à l'Adminitlration de Concerts. — A. DANDF-LOT, 83, rue d'Anuterdam. Téléphone : 1 10,35.
THÉÂTRES ET CONCERTS 717
Ce n'est pas aux lecteurs de notre Revue que j'apprendrai l'existence de la Musique
Moderne Espagnole ; M. Henri Collet a publié ici même en 1908 deux articles auxquels
devront toujours recourir ceux qui voudront avoir sur la question les grandes données
claires.
Le grand Albeniz, deux ans avant sa mort, m'avait déjà entretenu des efforts faits dans
son pays pour dégager une musique vraiment nationale et personnelle, du sein des influences
italianisantes ou vulgaires qui en submergeaient le caractère initial profond, ardent, mélancolique
et coloré. " Il n'y a pas que moi comme musicien espagnol " me disait-il avec cette sympathie
débordante et cette familiarité enthousiaste que nous avons tous connue et que nous ne
cesserons pas de regretter.
Et déjà lui seul n'ètait-il pas un témoignage merveilleux de la vitalité du génie espagnol,
des ressources trop méconnues de la pensée et de la sensibilité de ce peuple ? Ses propres
œuvres ne restent-elles pas ime beauté digne de tous les enthousiasmes ?
' Aussi ai-je cru devoir dignement dédier ce concert et ceux qui le suivront dans d'autres
•villes françaises et étrangères " A la mémoire d'Albeniz " et en faire débuter chacune des
deux parties par deux pièces tirées d'Iberia.
C'est à Henri Collet que nous devons de pouvoir débrouiller les grandes directrices de la
renaissance espagnole musicale : personnellement c'est à lui que je dois d'avoir pu être mis en
relations avec plusieurs compositeurs et d'avoir entre les mains des œuvres manuscrites qui
furent parmi les plus émouvantes de ce concert.
Outre quatre pièces d'Albeniz (Evocation, El Puerto, Triana, Ameria) j'avais choisi
pour représenter les œuvres de piano la suite Sevilla de Turina^ et les Quatre Pièces Espagnoles
de Manuel de Falla. Ce sont là des œuvres que Paris connaît, puisqu'elles y ont été inter-
prétées, et éditées, et que leurs auteurs y vivent actuellement.
Manuel de Falla vint jouer lui-même ses pièces ; il me semble difficile qu'on puisse
' trouver un meilleur interprète de ces œuvres délicates et nuancées : surtout de " Cubana
I et " Montanesa " qui sont parmi les plus adorables pages que nous devions à la littérature
moderne du piano.
Comme mélodies, la délicieuse Chanson de V Etoile tirée des " Pireneos " de Pedrell et une
; grave et belle mélodie de Morera " l'Hiver."
Je ne prétends certes pas avoir ainsi représenté complètement ces deux dramaturges, dont
I les œuvres dépassent considérablement les moyens et le cadre d'une séance de musique de
i chambre, mais je crois que ce sont là deux pages susceptibles d'indiquer à l'auditeur qu'il aurait
1 intérêt à pousser plus loin sa connaissance du Wagner espagnol, ainsi que certains appelent
! Pedrell, et de l'auteur d'Emporium.
Trois mélodies populaires harmonisées par Olmeda représentaient mal Olmeda lui-même
: dont ie pense donner quelque jour la Sonate, mais pouvaient donner au public la mesure du
'- chant populaire d'Espagne qui n'est pas toujours selon nos idées préconçues. Deux mélodies
>; de /^///«r et deux de Manuel de Falla complétaient le programme; les premières plus con-
jf' formes à l'esthétique classique, les deux autres dignes de rivaliser avec nos mélodies les plus
modernes, au bon sens du mot.
J'avais cru devoir choisir précisément des œuvres qui en représentassent aussi les autres
aspects, l'aspect mélancolique et cependant ardent et inquiet dans les "Caprichos romanticos
de del Campo, grave et farouche dans la mélodie de Morera, délicat et naïf dans la chanson
de l'Etoile de Pedrell, mélancolique et religieux dans les thèmes populaires.
' i" Concert de Musique Espagnole moderne. Le Havre le dimanche le 30 octobre 19 10.
7i8 S. I. M.
Quatre pièces de Falla, quatre pièces d'Albeniz, et la Sévilla de Turina, représentaient
dans ce concert le côté coloré, vibrant, expansif de l'Espagne.
L'impossibilité où l'on est en province de répéter fréquemment des expériences du genre
de celle-ci contraint à donner plutôt des indications que des exposés complets.Aussi pourrait-on
puiser intarissablement dans les recueils de mélodies populaires soit parmi celles qui furent
recueillies par Olmeda, soit parmi les chansons catalanes qu'édita Morera.
C'est là qu'on trouvera les indices du véritable caractère musical de l'Espagne sur lequel
la plupart s'abusent. D'ailleurs il n'est peut-être pas de pays en Europe que les Français connais-
sent aussi mal que l'Espagne, non seulement en tant que pays, mais en ce qui touche sa
littérature, ses beaux arts, et à plus forte raison sa musique, puisqu'on ignorait encore Victoria
et Cabezon en France il y a moins de dix ans et qu'on y ignore aujourd'hui un compositeur de la
valeur de Conrado del Campo.
Le public s'est trouvé en face d'une œuvre admirable, pleine, originale personnelle et
émue, les " Caprichos romanticos" de Conrado del Campo, suite d'impressions d'après des poèmes
du poète espagnol Becquer ; peut-être peut-on trouver dans le final, à la première audition,
quelque longueur, (c'est un sentiment dont on revient ensuite) cette suite pour quatuor d'archets
sonne d'une façon que n'atteint peut-être pas, même le quatuor de Debussy, il y a là une
combinaison de timbres et de nuances vraiment exquise.
Ce quatuor, en un autre programme, aurait été accueilli avec un vif succès : il n'a trouvé
vraiment que l'enthousiasme des musiciens et parmi ceux-là un certain nombre m'ont déclaré
que ce n était pas espagnol.
Savent-ils ce que c'est que d'être espagnol r Voici une oeuvre au moins doublement espagnole
par le caractère de son auteur, et par les thèmes littéraires sur lesquels elle s'appuie '; parce que
Becquer était un mélancolique, un poète à la façon de Henri Heine ou de Verlaine, dirons
nous qu'il est un écrivain allemand ou français ?
Mais il faudra du temps pour remonter un préjugé qui a de trop nombreuses références.
Pour des Français, l'art espagnol c'est un art objectif et joyeux, il n'y a pas à sortir de là : et
c'est peut-être pourquoi, comme le faisaient remarquer il y a peu de temps encore M. Charles
Malherbe d'une part, et Henri Gauthier-Villars, les Espagnols comprennent si difficilement nos
interprétations de l'Espagne.
Le champ est vaste, l'école musicale espagnole est riche : n'attendons pas cinquante ans
comme on l'a fait pour les Russes pour nous apercevoir que nous nous trouvons en face d'une
floraison admirable née du sol même, susceptible de donner à nos oreilles et à nos âmes des
sensations délicieuses et des émotions rajeunissantes.
J'ai tenté dans le programme analytique * de ce concert d'esquisser une bibliographie des
auteurs espagnols contemporains : mais ce n'est là qu'une esquisse : s'il est vrai qu'on y trouvera
presque totale la bibliographie de Conrado del Campo, de Turina, de Falla, les autres ne sont
que des résumés qui pourront donner un simple aperçu de l'abondance de ce mouvemerit.
Iva cordiale confraternité d'Hcfiri Collet, l'appui de jeunes écrivains espagnols tels qu'Al-
fonso Hernandez Cata, l'amitié de quelques-uns de ces compositeurs, le souvenir d'Albeniz, la
bonne volonté de mes interprètes m'ont aidé à réaliser une entreprise has;irdcuse que je songe
à renouveler dans d'autres villes.
Si d'autres veulent s'y employer nous unirons nos efforts : il faut faire la justice sur ce
' Ce programme analytique est une brochure de trente deux pages rédigée en français et en espagnol — et
contenant des notices — sur Albeniz — Olmeda — Pedrell — Morera — Conrado Del Campo — Ferez
Casas — Falla — et Turina.
THÉÂTRES ET CONCERTS 719
point : et pour cela il vaut mieux ne compter que sur nous-mômes ; n'attendons rien des
pouvoirs publics ni de ses représentants.
— Au Havre, je me souviendrai toujours de la sympathie que ma tentative a rencontrée
auprès des membres du Corps consulaire, mais je me rappellerai toujours aussi que le seul consul
qui m'ait refusé son appui a été le consul d'Espagne : tant il est vrai que l'ironie ne perd jamais
ses droits ! et puis cela n'empêche pas la lumière de se faire, n'est-ce pas ?...
G. Jean-Aubry.
ARMENTIÈRES. — M. le Principal du Collège de Garçons a donné, comme tous les
ans, un Concert sous le patronage de l'Association Amicale des anciens élèves.
La fanfare du Commerce, sous la direction de son sous-chef, M. Ducouraut, exécuta
brillamment la Polonaise de Vuillermin et la Marche et Cortège de Léo Delibes ; M"® Marthe
Duderguy, cantatrice, Messieurs Edouard Debruyne, baryton, André, diseur humoristique, et
Delabarre, pianiste, charmèrent ensuite l'auditoire et furent chaleureusement acclamés.
Nous devons une mention toute spéciale à notre sympathique professeur de violon,
M. Paul Dujardin qui, dans deux morceaux hérissés de difficultés, qu'il enleva d'ailleurs en
véritable virtuose, sut tenir en haleine toute la salle, qui lui fit une ovation bien méritée.
Nos meilleurs compliments et tous nos regrets de n'avoir pas plus souvent l'occasion de
l'entendre. H. D.
DOUAL — La société des Concerts Populaires a donné le 20 novembre son i" concert
annuel avec le concours du célèbre violoniste Jules Boucherit. Cet artiste a été incomparable
comme pureté de style et comme sonorité dans l'interprétation du classique — (concerto en
la de Mozart, Romance en sol de Beethoven, sonate de Leclair), — étourdissant de verve, de
brio, de fantaisie dans la Polonaise en Ré de Wienav^^ski. Les œuvres pour orchestre,
inscrites au programme étaient : L'ouverture du songe d'une nuit d'été, Mendelsshon ;
l'Andante de la symphonie en ut m. de Dukas ; la symphonie en Ré m. Haydn.
Elles ont été dirigées par M. Paul Cuelenaere, avec une fermeté, une sûreté et un sens
artistique dignes des plus grands éloges. Il a prouvé une fois de plus qu'il possède un profond
talent mûri par une longue expérience.
— A signaler une belle manifestation d'art choral. Voici les principaux numéros d'une
très intéressante audition donnée par la société chorale mixte La Lyre de Douai.
La Forêt, scène chorale pr. 4 vdix d'hommes. Th. Dubois ; Chanson de mai, chœur
mixte, Ch. Lefebvre ; Symphonie religieuse, 4® partie (voix mixtes), Bourgault-Ducoudray ; Nos
Pères, chœur à 7 voix, Bourgault-Ducoudray ; Les voix au vent, pr. 4 voix d'hommes,
Lefèvre Derodè ; l'Etoile, (chœur de femmes), H, Maréchal ; Romance du soir, (voix mixtes),
St-Saëns ; Notre Dame de la mer, Th, Dubois. A. G.
BERNA Y. — Un concours de musique aura lieu dans notre ville le 30 juillet 191 1. Le
règlement sera prochainement adressé aux Sociétés. On peut, dès à présent, s'adresser pour
tous renseignements à M. Célos, secrétaire général du Concours Musical de Bernay.
RENNES. — Entre la Société de Concerts., qui s'est adjugée le lot des grandes auditions
symphoniques, et V Association Artistique^ qui inlassablement se consacre à la musique de
chambre, est venue prendre place une nouvelle société qui se propose " de faire exécuter les
œuvres inédites de compositeurs bretons et de découvrir des talents musicaux inconnus en
Bretagne ". Tentative intéressante dont nous devons remercier l'actif et intelligent promoteur,
720 s. 1. M.
M. G. Lavello. Saluons donc la jeune Société de Musique Bretonne et souhaitons lui longue et
prospère existence.
Vif succès pour le premier concert dont le programme réunissait éclectiquement les
oeuvres les plus variées (non toujours inédites par exemple !) des compositeurs les plus divers ;
d'où programme abondant, trop abondant même... Je cite par ordre alphabétique pour ne
froisser personne et faciliter les recherches des musicographes futurs : J. Bcesau, Ch. Bodin,
H. Bogé, Bourgault-Ducoudray, Boussagol (je croyais le sympathique directeur du Conserva-
toire de Rennes né sur les bords de la Garonne r), C. A. Collin, Marcel Labey, P. Ladmirault,
P. Le Flem, Guy Ropartz, M'"* Ch. Sohy. Pour être exact je dois dire qu'une indisposition
d'interprète a nécessité la substitution impromptu de C. Franck et de Chausson à M. J. Bëesau
et à Bourgauh Ducoudray. C'était fâcheux pour M. Bëesau, bien que les deux recueils déjà
publié-s de ses remarquables mélodies l'empêchent d'être considéré comme un talent à découvrir;
quant à notre excellent compatriote Bourgault-Ducoudray, il ne pourra plus, hélas ! protester.
En somme plusieurs oeuvres de premier ordre, les autres intéressantes, aucune indigne de
l'exécution publique.
Toutefois une critique : pourquoi n'avoir fait entendre que des fragments du quatuor en
sol mineur de Guy Ropartz et de la sonate en ré-mineur pour piano et violon de M. Ch. Bodin r
Le but de la société est de faire connaître des œuvres de compositeurs bretons ; les mutiler
c'est justement empêcher de les connaître et de les juger, qu'il s'agisse aussi bien du quatuor
de Ropartz, œu\re classée à qui respect est dû, que de la sonate encore inédite de M. Bodin ;
seul le premier mouvement de cette sonate a été exécuté ; il semble bien annoncer une
composition de réelle valeur et déceler chez son auteur une remarquable personnalité musicale ;
je n'en ai que plus de regret d'ignorer si la fin vaut le commencement.
Donc, plus de coupures : si l'œuvre est bonne, tant mieux ; si elle ne \aut rien, tant
mieux encore, parce que du même coup le talent inconnu.... vous comprenez r
— La Société des Concerts a donné sa première séance le 20 novembre. Le programme
comprenait des œuvres de Wagner fort bien interprétées par M"'^ Germaine Le Senne, de
l'opéra, M"" Mascal, baryton du théâtre de Rennes, les Variations Symphoniques pour piano et
orchestre de César Franck, et la fantaisie en fa pour piano de Chopin, exécutées par
M""'^ Marthe Bouvaist, avec tout l'art que l'on sait.
NANTES. — La saison des conférences et des concerts a débuté le i i novembre par
un intéressante conférence de M. Paul Landormy sur " le passé et l'avenir de la musique fran-
çaise. " J^e présent ne fut pas négligé non plus et la conférence fut entrecoupée d'auditions
d'un choix d'œuvres modernes exécutées par le conférencier, qui possède luie fort jolie \oix et
surtout une diction et un sentiment parfaits, et par M'"" i>andormy, pianiste du Quatuor
Parent.
La Société Beethoven inaugurait sa seconde année d'existence par un concert donné le
iH novembre. J'ai parlé déjà, l'an passé, des excellents artistes qui la comprend. Au programme :
Beethoven, Saint-SaC-ns, Sgambatti.
Le 25 novembre, nous avons assisté au concert donné par le pianiste Edouard Bernard,
professeur à la Schola cautorum, avec le concours de M'"" Paul-Dicij. M. Bernard exécuta, en
un style sobre et puissant, im programme où les pièces de résistance étaient la sonate op 81
de Iieerlu)ven et le poème des montagnes de d'Iiuiy. Quant à Madame Paul-Diey, il faut citer
surtout les "Cloches" Debussy et le "Manoir de Rostinonclc" de Henri Dupare i]u'elle chanta
avec infiniment de goût.
La municipalité Nantaise a voté récemment un subvention destinée à la reprise des con-
THÉÂTRES ET CONCERTS 721
certs symphoniques populaires interrompus depuis de longues années déjà. Espérons que, cette
fois, un effort sérieux sera fait pour doter notre ville de concerts dignes d'elle.
J. B.
AUCH. — Nous apprenons que la vaillante société de gymnastique " L Avant Garde
Amcetaïne " dirigée avec autorité par le sympathique M. Maugis, vient de grouper sous sa
bannière une phalange d'excellents musiciens.
Nos félicitations à " V Avant Garde'''' pour cette heureuse innovation qui nous procurera
le plaisir d'entendre une nouvelle société.
POITIERS. — Très intéressant concert donné par le ténor Rodolphe Plamondon avec
le concours de M"'*^ Laverdin, professeur de chant à Poitiers, M. Bas, hautboïste et M. J.
Masson, pianiste. Au programme des œuvres de Bach, Couperin, Schubert, le concerto pour
hautbois de Handel, les duos d'Orphée et de Tristan et Isolde qui valurent à leurs interprètes
le plus vif et le plus légitime succès.
M. H.
TOURS. — A la belle matinée artistique pour l'Inauguration de V limon des Conférences
Tourangelles^ une partie de concert nous a permis d'applaudir la réputée cantatrice mondaine
M""^ Maurice Gallet, directrice de l'U.F. P. C. dont M'"'' Bonis-Billard, brillante violoniste
et M*^® Lily Laskine, remarquable harpiste sont parmi les membres de valeur : elles furent
vivement applaudies toutes les trois, et de même, le jeune et charmant ténor M. Pasquier. —
Au Concert Plamondon-Bas-Masson, peu de monde, mais accueil chaleureux, et bien mérité
par l'excellent ténor, l'impeccable hautboïste, et le très délicat pianiste, ainsi que par leur
programme de tout premier choix. — Pas grand monde non plus au Concect du violoniste
M. A. Spalding et du pianiste M. A. Oswald, qui sont pourtant déjà des virtuoses d'une belle
force... Trop de concerts à l'horizon pour que les amateurs veuillent les suivre tous !...
* *
Ce fut une belle soirée que celle du 27 novembre ; M"^ Wyda et M. Liéron donnaient,
en effet, leur première séance de Sonates piano et violon. Ces deux artistes ont donné de
parfaites exécutions de la Sonate en fa majeur de Mozart, de celle en si mineur de Richard
Barth (i'^ audition) et de celle en fa majeur de Grieg.
H. H.
CAEN. — L'Ecole nationale de musique a ouvert la saison des concerts classiques en
exécutant devant un public très nombreux : l'ouverture de la Princesse Jaune de Saint-Saëns, le
Dixtuor de Th. Dubois, l'air de ballet des scènes Pittoresques, la marche nuptiale du Conte
d' Avril de Widor ; M™® F. a merveilleusement chanté^la Sérénade de Schubert et la cantilène
de la Fée d' Argonges de M. Mancini, directeur de l'Ecole dont l'orchestre a fait entendre
également la Rapsodie Normande.
ANGERS. — Aux deux derniers concerts ont triomphé deux solistes : — l'une
M™® Caponsacchi — Jeisler dont le talent de violoncelliste déjà connu et apprécié à Angers
a remporté une véritable ovation dans le concerto de Lalo et le Lied de V. d'Indy ; — l'autre,
M*^^^® Jeanne Blancard, dont le jeu musical et élégant a parfaitement interprété les Variations
Symphoniques de Franck, et des pages de Chopin et de Granados.
Le compositeur Ed. Trémisot est venu conduire son ouverture de Pyrame et Thisbé,
fort bien accueillie du public, et l'orchestre sous la belle direction de Rhené-Baton nous a fait
722
S. I. M.
connaître la Symphonie de Chausson, au poignant Andante, au Final d'une si admirable
élévation.
Citons encore la symphonie en Mi b de Schumann, les Airs de Ballet de Parysatis de
Saint-Sal'ns et ceux des Indes galantes de Rameau, amusant contraste au même concert, le
prélude du 3*^ Acte de Tristan admirablement interprété par M. Englebert, et la rutilante
ouverture de Gwendoline de Chabrier. M. B.
SENLIS. — La Manècanterie des Petits Chanteurs à la Croix de Bois a exécuté à la
Cathédrale une messe de Vittoria.
Au théâtre, représentation de Faust, plus que sommaire, hélas !
Au patronage de S' Rieul, M"" l'Abbé Dourlent commence une série d'auditions de
Jeanne d'Arc, de Gounod ; Orchestre d'amateurs de la Ville, renforcé par quelques artistes de
Paris.
NANCY. — Les concerts du Conservatoire viennent de reprendre. Le premier était
consacré à l'audition intégrale et présentée chronologiquement des œuvres de concert de César
Franck : les Eolides (1876), le Chasseur Maudit {iSSl), les Djinns (1884), les Fariations Sympho-
niques (1885), la Procession (1888), la Symphonie en rè mineur (i 886-1 888). M"^ Marthe Dron
joua avec son talent habituel la partie de piano des Djinns et des variations symphoniques ;
la Procession fut excellemment chantée par M""^ Schaeffer-Labriet. Quant à l'orchestre, sous
la direction de M. Guy-Ropartz, il n'est plus d'éloges qu'on puisse lui faire.
Editions M. Senart, B. Roudanez et Cie — PARIS
Siège Social : 20, Rue du Dragon — Vente au détail : 9, Rue de Médicis
CHANTS DE FRANCE ET D'ITALIE
Publiés sous la direction artistique de
Henry Expert
" exécutés aux Concerts Historiques de l'Opéra Comique "
Chansons Mondaines
harmonisées par
Emile Desportes
Ma bergère est fendre et fidèle
N'oubliez pas votre houlette
La Bergère (ileuse
Puisque ma bergère
Viens charmante Annette
Je ne connaissais point l'amour
Amants qui près d'une maîtresse
Loin de vos yeux je soupire
Philis, le long de la prairie
Mon pcre m'y a marié
— chaque 0.50 fr. —
Airs de Cour
réduction au Clavier par
Henry Expert
"de Boesset "
Philis vous avez tant d'apfwt
Divine Amarillis
" de Guedron "
Beaux yeux les doux vamqueurs
hc, pourquoi n'oserai-je pas
*' de Tesiier "
Dancez devant ces beaux yeux
Brouttcz Camuseltcs.
— chaque 0 50 fr. —
THÉÂTRES ET CONCERTS 723
ANNECY. — Concert très intéressant donné par l'excellent pianiste, M. Edouard
Bernard et M""" Paul Dicy, cantatrice.
Au programme, des œuvres de Rameau, Bach, Scarlatti, Beethoven, Liszt, Moussorgsky,
Balakirew, Vincent d'Indy ; toutes ont valu de chaleureux applaudissements à M. Bernard.
M""' Paul Diey a interprété avec beaucoup de charme et de style un air de Bach et des
mélodies de Schumann, Chabrier, Duparc et Debussy. J. R,
CHAMBERY. — Nous avons eu dans la grande salle des Concerts du théâtre, un
grand Concert donné par le célèbre pianiste Bernard ainsi que la cantatrice M""^ Paul Diey.
Au programme, des œuvres de Bach, Beethoven, Rameau, Scarlatti, Listz, Vincent
d'Indy, furent exécutées comme sait le faire Edouard Bernard.
jyjino Pjj^^i Diey ravit l'auditoire par l'excellence de sa voix et de sa diction dans des
mélodies de Schumann, Chabrier, Claude Debussy et Henri Duparc ; elle fut longuement
acclamée.
BORDEAUX. — Très intéressante audition, donnée à la Salle Franklin, par le jeune
et déjà célèbre violoniste " A. Spalding," la virtuosité éblouissante et la technique irréprochable
du jeune artiste, se sont davantage affirmées, depuis l'an dernier où il se fît déjà entendre.
Le pianiste Alfredo Oswald aussi bon accompagnateur, qu'excellent concertiste recueillit
sa part du succès, surtout dans la sonate à " Kreutzer," et le concerto de " Mendelssohn. "
V Alhamhra Théâtre^ vient de faire une ouverture sensationnelle avec " l'Arlesienne,"
l'œuvre si dramatique de " Daudet. "
La partition de " Bizet " a été admirablement exécutée par l'orchestre du Conservatoire,
sous l'habile et expressive direction du Maître Pennequin et les chœurs vraiment parfaits,
conduits dans la coulisse par Monsieur Valentin Gendreu, chef des chœurs du Conservatoire
contribuèrent, pour leur juste part,au succès de l'œuvre.
Ces belles soirées auront de nombreux lendemain, le programme publié par les sympathi-
ques directeur de la salle désormais classique de l'Alhambra : MM. Dufey, Lemarchant, et
Mauret, nous promet une saison fertile en manifestations aussi artistiqnes.
La Messe traditionnelle, que donne chaque année, à l'Eglise Notre Dame, la Société
Sainte Cécile^ avec le concours des chœurs et de l'orchestre du Conservatoire de Musique, a eu
lieu le 22 novembre et a remporté son succès accoutumé. Cette année la messe choisie était
celle de Saint-Saëns, à 4 voix, soli, chœurs orchestre et deux orgues. L'exécution de cette belle
œuvre de jeunesse du grand Maître Français, fut rendue par les chœurs et l'orchestre, sous la
direction de leur chef Pennequin, d'une façon irréprochable.
Mesdames " Guérin-Lernos ", "Tilland de Fiers", et Messieurs A. D... et Soum, qui
chantaient les soli, et Messieurs " Combes et Grange " les distingués organistes de la paroisse,
contribuèrent pour une bonne part au succès de cette belle manifestation musicale.
Puisque nous parlons de la Société Sainte Cécile, disons un mot du programme musical
de ses concerts classiques de la saison 1910-1911. A part les symphonies de Beethoven,
Mozart et Haydn, dont l'audition est obligée, le Comité se propose de nous faire entendre, les
symphonies modernes de C. Franck, Bruckner, Dukas, Gedalge, des œuvres chorales, comme
la cantate Réformation de Bach, le Messie de Handel, le chant Elégiaque de Beethoven, des
chœurs de Costeley, le concerto Brandebourgeois, de J. S. Bach, un concerto grosso de
Handel, du Schumann, du Wagner, du Liszt, du Rimsky — Korsakof, du Saint-Saëns, du
Chausson, du d'Indy, du Debussy et du R. Strauss. Comme on le voit par ce programme, si
largement éclectique, la Société Sainte Cécile poursuit dignement le chemin qu'elle s'est tracé.
724 s. I. M.
Le peu de place dont nous disposons nous force à parler très brièvement, du Concert du
Salon (ï Automne^ où se firent applaudir, Mme Guerin-Lemer, et Tillant de Fiers, et le
violoniste Salm, sans oublier Mlle Laurentine Barbarin, qui fut aussi brillante exécutante
qu'accompagnatrice consciencieuse; du Concert des jeunes aveugles organisé par Gartin
Sarreau, où le talent du violonist Bartien, fut une fois de plus très apprécié, aussi que celui des
nombreux élèves, de l'organisation, qui lui prêtaient leur concours.
Deux mots pour finir, sur la première séance intime du jeune harpiste Jancelly, l'exellent
artiste, et ses partenaires. Mlle Lalanne, et le flûtiste Bcrqeen y furent très fêtés, dans un
programmme des plus intéressants,
Valentin Gendreu.
CHERBOURG. — Concert Magne. — Les joies artistiques sont rares en notre ville —
les joies musicales surtout. Ce n'est point, sans doute, faute d'auditoire; juger ainsi ser;i ^
faire insulte au goût artistique très sûr qui distingue nos officiers de marine et nos officiers ue
terre — nombreux à Cherbourg. Une initiative artistique vraiment digne de considération
recueillerait ici, j'en suis sûr, l'approbation d'un public sélect et éclairé, qui déplore la rareté
des manifestations d'arts qu'abrite notre cité. Lorsqu'on saura que ces manifestations se bornent
annuellement à deux ou trois concerts de notre société Philharmonique locale, augmentée de
très rares tournées (la tournée Hollmann par exemple) on jugera de la légitimité des plaintes
exhalées par les musicophiles — nombreux je le répète — qui résident en notre ville.
Le cas n'est pas unique. Elles sont bien rares les cités privées du moindre rudiment
d'école musicale et par suite en proie à une désespérante pénurie de bonne, de vraie musique.
Mais c'est assez se lamenter. Je dois enregistrer a\ ec une réelle satisfaction, le succès
qu'a remporté ici l'audition sélecte ofrerte aux mélomanes par la Maison Magne. Le grand
salon de l'Hôtel-de-Ville en lequel fut donné ce concert admirablement composé parut aux
auditeurs d'une exiguité criante. Mieux, on refusa du monde. Successivement M"*^ Marke
Dœrken, soliste de Concerts Colonne, dans des œuvres de Gluck, Sokolow, Strauss,
M. Vangeon, violoncelliste des Concerts Colonne dans des concertos de Saint-Saëns, Lalo,
Griez, Popper M. Barozzi violoniste, i^'"" prix du Conservatoire, dans le concerto en sol mineur
de Max Bruch et MM. Magne et Penau, pianistes, obtinrent les ovations les plus chaleu-
reuses et les plus sincères. Il convient de confondre en un même éloge mêlé de gratitude les
jeunes virtuoses qui viennent d'obtenir en cette circonstance un si franc succès.
LYON. — La Société des Grands Concerts a repris ses séances toujours très suivies.
L'orchestre de M. Witkowski est en progrès constants ; le quatuor à cordes, en particulier,
est d'une parfaite homogénéité et conduit par des chefs de pupitre éprouxés et sûrs de leurs
attaques.
Au premier concert, le violoniste Boucherit s'est fait applaudir dans un concerto
d'Haydn et dans les romances en fa et en sol de Bcctho\en. Les ouvertures i^ Athalie et
à^Ohèron et spécialement la symphonie d'y/w/^r, admirablement détaillée, ont été très appréciées
du public. Le succès, au second concert, a été partagé par le pianiste Cortot et l'orchestre.
Fort bien accompagné, le concerto en la mineur de Schuman n a reçu la plus merveilleuse
interprétation ainsi que la Fantaisie pour piano, chœurs et orchestre de Ikethoven, qui n'avait
pas été jouée à I^yon depuis trente ans. Trois pièces de Debussy, îles fragments de Dardanus^
de Rameau et l'ouverture des Maîtres chanteurs — les morceaux de résistance du programme
— ont été excellement nuancés et enlevés par l'orchestre sous l'habile direction de son chef
éminent.
Ph
VL
<
Z
y:
THÉÂTRES ET CONCERTS 725
Signalons encore une intéressante séance de musique classique, à la salle Beal, par
M"" Blanche Selva et MM. Chanel et AUard, et une audition de musique ancienne, donnée à
la salle Rameau, par la société des Concerts (r autrefois.
AVIGNON. — En attendant les concerts annoncés pour la première quinzaine de
Décembre avec M. Firmin Touche et le quatuor Zimmer, le Grand-Théâtre a rouvert ses
portes. Carmen^ en représentation extraordinaire, a valu un triomphe éclatant à M"'" Char-
bonnel, de l'Opéra-Comique. Les autres œuvres de l'éternel répertoire : U Africaine les
Huguenots^ Mignon^ ont permis à la troupe d'affirmer un ensemble assez homogène dans
lequel il faut remarquer : M"*^ Ruiss, exquisse musicienne, M. de Roqueville, M. Fourès
M""*^ Broglia, M. Storel, M""* Moutini, M. Moisson.
MOULINS. — La S'^^ Cécile. — Le dimanche 27 novembre, la jeune Chorale de Moulins
a fort bien célébré la fête de S**^ Cécile. A la messe de midi, en l'église Cathédrale, elle a
interprété, sous la ferme direction de son " chef, " M. E. Vincent, plusieurs chœurs religieux
qu'elle a rendus avec \m ensemble parfait et un rare souci des nuances. On a beaucoup
goûté la jolie voix de ténor de M. Pierre Concasty, dans le solo d'un Notre Père de M. l'abbé
Radureau, maître de chapelle à S* Pierre de Moulins. La pieuse mélodie était accompagnée et
soutenue par une large et belle phrase de violon que détailla excellement M. Bourgougnon,
professeur de cordes au lycée Banville.
*
Plusieurs solennités artistiques nous sont annoncées pour cet hiver. La lyre Moulinoise
prépare déjà ses deux concerts de la saison, dont l'un sera aussi original qu'intéressant. Il y
aura, nous dit-on, une conférence sur la musique. Il y aura... Mais, chut ! Nous avons promis
d'être discret.
DUNKERQUE. — Notre premier concert a été donné au profit des Ecoles Mater-
nelles et avec le concours de M^^® Yvonne Dubel, de l'opéra. M. G. Dantu, ténor de l'opéra
comique, et M. Paul Bazeloire, i®'' prix de violoncelle du Conservatoire de Paris, qui s'est
distingué dans 5 morceaux de genre différent.
En plus d'une partie dramatique, l'orchestre du théâtre municipal dirigé par son Chef
Eug. Théry, a donné la Marche, Cortège de Gounod, les mélodies élégiaques de Grieg et
l'ouverture des noces de Figaro.
— Notre Théâtre Municipal sous la direction de M. Lussiez (3® année) obtient avec sa
troupe d'opéra, un gros et continuel succès. Cette phalange est composée de M"*^ Electra
Tésoroue, Messieurs Bensa, ténor, Monet, baryton et Bugel, basse. De temps à autre
M™'' Lussiez, femme du sympathique directeur, ex-contralto des théâtres de Marseille, New-
Orléans et Toulouse, M"® Blanche Semet, contralto du théâtre de Pâu, prêtent leur excellent
concours. Nous avons eu ou aurons ces temps-ci : Le Trouvère, la Favorite, Lucie de Lamer-
moor, la Dame Blanche, Messaline, etc. F. S.
Belgique
BRUXELLES. — Premier Concert de la Société J. S. Bach. — Nous venons d'entendre
pour la première fois, à Bruxelles, les Cantates " /c/î bin etn Gâter Hlrt" '-'■ Eine feste Burg""
'■'■ Apollon et Pan" .
b
Rouart, Lerolle <S C'"
ÉDITEURS DE MUSIQUE
18, BOULEVARD DE STRASBOURG - PARIS
Le plus grand abonnement de France
service : Maison GAVEAU, 45, rue de la Boëtie.
TOUTE LA MUSIQUE en lecture
Représentation exclusive des Éditions Bélaïeff, Hansen,
Jurgenson, UniverseHe et Zimmermann.
Dépositaires exclusifs des œuvres de G. MAHLER
Ire SYMPHONIE EN RÉ MAJEUR
2me SYMPHONIE EN DO MINEUR
3me SYMPHONIE EN RÉ MINEUR
4me SYMPHONIE EN SOL MAJEUR
Chaque piano à 4 mains , . . net fr. 12
„ petite partition d'orchestre net fr. 8
PIANOS VJ X X ▼ JUjI \, V-/ PIANOS
Siège Social: 45 et 47, rue de la Boëtie (VII^) PARIS
Rayon spécial de Musique c \ i r'o Usine modèle à Fontenay-
(vente et abonnement) SALLES sous=Bois (Seine)
TÉLÉPHONE : 528=20 DE- Agence générale à Bruxelles
Adresse Télégraphique : CONCELRlS Dépôt deS éditions
GAVEAU-PIANOS=PARIS de la S.I.M.
MEMBRE DU JURY — HORS CONCOURS
Barcelone 1888, Moscou 1891, Chicago 1893, Amsterdam 1895
Paris 1900.
DIPLÔMES D'HONNEUR
Amsterdam 1883, Anvers 1885, Bruxelles 1888
GRANDS PRIX
Hanoï 1893, Liège 1905.
728
S. I. M.
L'exécution fut remarquable. M. Zimmer y apporta le talent, la conscience, le
dévouement religieux de son apostolat. Il avait groupé des éléments d'élite. Mme Tilia
Hill, soprano, Else Schùnemann, alto, MM. Van Kempen, ténor, Stephany, basse, Jan Reder,
basse, Baldzùn, ténor. — Sans doute pourrait-on se permettre quelques critiques, si l'on vou-
lait obtenir l'idéal d'une reconstitution réelle. Mais on approche de la perfection. M. Zimmer
et ceux qui lui prêtèrent appui méritent notre gratitude.
4 Décembre 1910. R. L.
— La nouvelle " Académie de musique" installée rue Mercelis, 15, sous la direction de
M. Th. Ysaye a donné jusqu'ici deux séances de musique de chambre.
La première consacrée à l'école française contemporaine, et précédée d'une excellente
conférence de M. Lebroussart ; la seconde nous touchait particulièrement, puisqu'elle réunis-
sait, sous le vocable d'Ecole belge "les trois noms de Franck (le quintette), de Lekeu (la sonate
de piano et violon), et de J. Jongen (trio i) la tendance franckiste était donc seule représentée.
Après une intéressante causerie de M. \^an den borren, MM. Th. Ysaye, Chaumont, Franckin,
Dolhacrd, Van Hout, et M. Jongen, dans son beau trio en si mineur, ont donné, des œuvres
inscrites au programme, une interprétation vivante et fort applaudie.
J. F.
— Concert populaire du 20 novembre. — M. Dupuis avait composé pour ce concert un
programme varié : l'ouverture tragique de Brahms, un poème symphonique de M. Van Winckel,
d'harmonie et d'orchestration très contemporaines, mais un peu mince d'idées; un autre poème
symphonique, très beau, "Sauge fleurie" de Vincent d'Indy, puis le " Chasseur maudit : " le
tout exécuté avec conscience, mais sans grande chaleur : — En outre M. Mischà Elman. —
M. Elman est un violoniste extraordinaire : technique et pureté de son. Il s'est merveilleuse-
ment servi de ses dons naturels contre le concerto de Beethoven, et au profit de cette peu
sympathique Symphonie Espagnole de Lalo ; aussi, pour servir en "bis" une petite valse infecte
et un arrangement de Wilhelmy sur le chant de concours de Walther — ô Cendres de
Wahnfried ! —
J. F.
— Récita/ Fritz Kreisler. — Fritz Kreisler, dont la réputation aujourd'hui est sans conteste
celle d'un grand violoniste, excelle k rendre la vie aux compositions des anciens maîtres. Le
récital qu'il a donné le 14 novembre à la Grande Harmonie offrait aux gens de goûl une sérieP
d'oeuvres de Hacndel, Pcrgnani, Martini, Couperin, Dittcrsdorf, Francœur et Tartini, qui ont
fait leurs délices.
J. F.
CONCERT ISAYE. — Un critique grincheux eût pu, naguère, reprocher k Jacqut-
Thibaut une certaine afféterie, un recherche d'expression outrée, nuisant fréquemment à
l'ampleur que réclame l'interprétation des chefs-d'œuvre. — Aujourd'hui, tel reproche n'est
plus de mise. L'artiste a su, tantôt, donner une très noble ligne à ce dangereux concerto de
Brahms. Il a su joindre, à sa sonorité merveilleuse, une sobre et belle harmonie. Thibaud est
un des grands violonistes de notre temps. Il possèile le charme, la grandeur la somptuosité, la
pavsion. Aussi, dans l'admirable concc-rto en mi de Nardiniy a-t-il déchaîné un enthousiasme
légitime.
E. Isaye accompagnait son émiiient élève à l'orchestre, avec une touchante sollicitude.
L'ouverture de Tremisot et une (vuvre pleine, d'une nouveauté harmonique évidente.
Œuvre moderne, elle a pris couleur sous le h.lton chaleureux du Maître.
THÉÂTRES ET CONCERTS 729
La symphonie funèbre de G, Huberty, — hommage à sa mémoire — présente, à cAté
de passages véritablement libres, et élevés, trop de longueurs, sous lesquelles succombe
l'expression.
Une œuvre fraîche de Svendsen terminait le concert — qui fut un succès.
LA SCOLA MUSICAL, donnait, le 14 novembre dernier, sa première séance d'hiver,
en son local, 90 rue Gallait, à Schaarbeek. M. Scharrès, professeur à l'institution, fit valoir
d'excellents dons et sa haute culture dans un récital pour piano; M"'" Ch*^*^ Lechien lui
prêtait le précieux concours d'une jolie voix, assez bien conduite, compréhensive et émue.
Au programme : Bach, Beethoven, Brahms, d'Indy, Chopin, Liszt, Saint-Saëns, Tschai-
korsky, M. de Falla. Cette soirée eut vif succès auprès d'un public choisi.
— Au 10 décembre aussi, concert de la Croix Verte^ sous le Haut Patronage de M. le
Ministre de France, — Le compte rendu au prochain n''.
— La deuxième séance de sonates par M"^ Tambuyser et M. Jores a eu lieu le 7 décembre,
à la salle Allemande. Les deux artistes y ont trouvé l'occasion de faire valoir leurs très
réelles qualités.
— Au 21 décembre, concert à la Grande Harmonie, par M™® Marie Leroy la cantatrice
célèbre, et M, Dumesnil, pianiste ; oeuvres de M, Moor.
— Cari Friedberg^ l'éminent professeur de piano au Conservatoire de Cologne donnait le
30 novembre à la Grande Harmonie, un récital, qui fut une véritable fête d'Art, Bramhs,
Schubert, Schuman, Chopin, Liszt trouvèrent en lui un interprète merveilleux, plein de
subtilité, de finesse, et parfaitement maître du clavier.
— Nous n'avons pu encore rendre compte ici des examens à l'Institut des Hautes Etudes
musicales et dramatiques d'Ixelles. M. Henry Thiebaut le distingué directeur nous avait invité
à faire partie des jurys, et nous avons eu l'occasion d'apprécier à sa valeur le caractère de
l'enseignement donné par le corps professoral qu'il a groupé. L'Ecole de la rue Souveraine
se recommande par l'élévation des cours où la littérature, l'esthétique, l'art vont de pair avec la
méthode et la science. En ce qui concerne la session présente, disons simplement que l'en-
semble des résultats des examens comporte plus de 150 distinctions. Les artistes appelées à les
décerner furent unanimes à féliciter M. Thiebaut et ses collaborateurs pour ce beau
succès.
— Nos lecteurs apprendront avec plaisir la haute marque de distinction — que vient
d'accorder au célèbre violoncelliste belge Edouard Jacobs, S. M. Guillaume IL En souvenir de
l'audition dont nous rapportions le succès dans notre dernier numéro, l'Empereur d'Allemagne
a fait parvenir à l'artiste les insignes d'officier de l'ordre de l'Aigle Rouge. — Toutes nos
félicitations.
WATERMAEL-BOITSFORT. — Le Cercle Royal : « Bien faire et laisser dire "
de Watermael, sous la présidence d'honneur de M. Sam Wiener, et la vice-présidence
d'honneur de M. Schlim fêtait le 20 novembre, son 25^ anniversaire. Cette fête fut l'occasion
d'une audition musicale choisie, à laquelle prêtèrent leur concours Madame Boulanger,
professeur à l'Ecole de Musique de Boitsfort, MM. Demont, professeur au Conservatoire
Royal de Bruxelles, Fernand Pierard, moniteur au Conservatoire Royal de Bruxelles, Jean
Buytinx, soliste de la Monnaie, et M. Ernest Jhek, le sympathique directeur de l'Ecole de
Musique, et du Cercle symphonique de Boitsfort. Réunion intime et joyeuse, où l'on
entendit des pages de Haendel, Beethoven, Mozart, Weber, etc., et une ouverture gracieuse
de Jhek.
730 S. I. M.
ANVERS. — Le Gala de la IP allonie a trouvé cette année un vif succès. Un public
nombreux et choisi se pressait au théâtre Royal. M. De Vos bourgmestre, M. l'Echevin, M"*
et M"* Desguin, M. et M'"'= Van Kuyck, MM. Meunier, Lagonge et Beaurain, président,
trésorier, secrétaire, respectivement, de La JP'allon'ie occupaient la loge d'honneur. Le ténor
Francell, M"<^ KorsofF de l'opéra comique, M"*" Savelle, Ista, Suzel, Lejeune, MM. Boussa,
Duron et Dezan y prêtaient leurs concours.
— La Société des Nouveaux concerts a offert, pour la première fois, au public musical anver-
sois, un acte de Panifal. M"'« Litvinne et Van Dyck en furent les interprètes éminents. Le
chœur des Blumenmiidchen était ravissant, et l'exécution, parfaitement stylée, consciencieuse et
compréhensive, fait grand honneur à l'excellent musicien Lodewyk Mortelmans, directeur de
la société.
— On annonce à Anvers la fondation de concerts classiques, sous la direction de M. L. de
Vocht. — On peut avoir renseignements au Cercle catholique ou au secrétariat : 27, Champ
Vleminckx, Anvers.
GAND. — Au Conservatoire Royal. — La distribution des prix a eu lieu le 20 novembre
et a été accompagnée de la traditionnelle audition d'élevés lauréats. Cette séance reflète natu-
rellement le niveau des derniers concours, qui ont été d'une honorable moyenne, sans plus.
L'éminent directeur du Conservatoire, M. Mathieu, a dirigé l'ouverture des Noces de
Gamache de Mendelssohn, ainsi que le bel air d'Odile de son opéra Richilde, chanté par
M""" Maria Bultiauw, Pour les autres numéros du programme, il a cédé le bâton k ses
distingués professeurs: M. Léo Vanderhaegen ' (chant), qui fit exécuter un air: Aan.mijne Lier
{A ma l\re\ de son opéra flamand L/W, par M. de Raeve ; M. Albert Zimmer (violon), dont
les élèves, MM. Fred. Ghigo et Cari Van Styvoort jouèrent le largo du concerto en ré mineur
pour deux violons, de J.-S. Bach, et M. Ed. Potjes (piano), dont l'élève, M"'" Germaine Van-
den Abeele s'est attaquée au concerto en la mineur de Grieg.
— Au Cercle Artistique et Littéraire. — La saison a débuté par une audition du quatuor
" blanc, " composé de M''"'"' Corinne Coryn (i" violon), Germaine Schellinck (2*' violon),
Hyacinthe Slingcneyer (alto) et Daisy Jean (violoncelle). Très vif succès pour l'interprétation
bien comprise et bien fondue du quatuor en mi bémol de Mozart et du diflftcultueux quatuor
en la mineur de Brahms. L'idée de jouer en morceau isolé la célèbre canzonetta de Men-
delssohn, et d'en faire un " morceau des paletots, " m'a paru une petite faute de goût.
' On sait que M, Léo Vanderhae^en est un de nos jeunes compositeurs en c]ui les musiciens ont mis leur
confiance. On doit représenter cette année même à Gand une de ses œuvres.
LA SCOLA MUSICy^
Institut musical de 1^' ordre, 90 rue Gallait.
BRUXELLES
Chant, déclamation, instruments, harmonie,
esthétique musicale, littérature française.
Études complètes.
THÉÂTRES ET CONCERTS 731
M. Sydney Vantyn s'est fait applaudir aussi dans son récital consacré à Schumann et à
Chopin. Du premier, les Etudes symphoniques et les Kreisîeriana^ du second, la grande sonate
en si bémol mineur, l'impromptu en fa dièse, le nocturne en fa dièse et la polonaise en la
bémol. Ce pianiste est un poète dont la pensée s'alanguit volontiers en une rêverie mélan-
colique, et qui aimer à noyer dans la brume les contours des phrases.
— Au Collègue musical. — Poursuivant l'instructive série de ses soirées musicales, le
Collège musical a convié ses élèves et leur parents à une audition d'oeuvres de César Franck.
La directrice Mme Vierset a rendu un hommage éloquent à ce grand et pur artiste, dont des
pages choisies ont été rendues avec talent par Mmes Krické et D'Hondt, en passe de prendre
rang parmi nos meilleurs amateurs, et Mlle H, Slingeneyer, professeur de violon au Collège ;
au piano d'accompagnement, Mlle J. Raepsaet.
D"" Paul Bergmans.
MONS. — M. le D"" Dwelshauvers donnait, à l'U. P. de Mons, une conférence
consacrée à Liszt, dont on fête le centenaire cette année. — Il a retracé la carrière du
grand musicien, avec une émotion pieuse, il évoqua sa noble et pure figure, des plus admirables
de la musique. Il analysa son génie, que l'on n'a pas assez compris encore. Liszt ne fut pas
seulement un éblouissant virtuose, un technicien merveilleux, il fut et reste avant tout un
sublime inspiré. Que de trésors son œuvre profonde pleine de poésie et d'émotion vivantes,
récèle. — Telle page, comme François de Paule^ marchant sur les flots sont parmi les chefs-
d'oeuvre impérissables. Nous n'essayerons pas, en deux mots hâtifs, d'en résumer la splendeur.
Telles mélodies et telles pièces pianistiques chantent la plus subtile et fluidique impression.
Le pianiste et compositeur belge, Arthur Van Dooren dont nous esquisserons prochainement
la silhouette, fit revivre ces pages, au recueillement d'un auditoire ému. M^ Tombeur
chanta délicieusement 3 lieder français et 3 lieder allemands, qu'accompagnait au piano
M. le D"" Dwelshauvers.
— L'organiste de S*^ Waudru, M. Léon Jadm, compositeur talentueux, donnera le
12 décembre au Théâtre de Mons une audition de ses œuvres, avec le concours d'un
orchestre et de chœurs forment ensemble de 200 exécutants et de Mme Feltesse, cantatrice
du Lyrique d'Anvers. Mlle Sodoyer, MM. Tondeur, Conrardy, Reumont. Au programme :
Geneviève de Brabant, cantate, sur des vers de V. Gille, un chœur d'E. Depas, un poème
symphonique, un Appasionata pour violoncelle et une mélodie : Le Soir^ sur un poème de
René Lyr.
MALINES. ^ — Les amateurs du carillon purent se réjouir. Ils eurent l'occasion d'assister
à de très beaux concours les 21 et 22 Août. Chaque concurrent devait exécuter deux morceaux
au choix, plus un morceau imposé. Het Lied der Vlamingen.^ extrait de l'oratorio De Schelde de
Peter Benoit. Pour clore la première journée, fête de nuit et Concert par le Cercle Mozart,
sous la direction de M. J. Em. Strauwen.
Au cours de la deuxième journée, les meilleurs des dix-sept carillonneurs se firent
entendre. Voici les pièces exécutées par les concurrents :
I. C. De Mette : Andante de la sixième symphonie, Haydn ; Souvenir de Mignon, A.
Thomas ; 2. E. Redouté, de Mons : Les Pêcheurs de perles, Bizet ; La Voix des chênes,
Goublier ; 3. A. Rollîers, de Saint-Nicolas : Les Cloches de Corneville, R. Planquette ; Het
Lied van den Smid, R. Andelhof ; 4. A. Schrynkel, d'Audenarde : Marche solennelle, A. Mailly;
^ Le compte-rendu ci-après s'étant égaré, nous nous excusons auprès de notre correspondent M. CoUaer et
auprès de nos lecteurs, de le donner ce mois seulement. — (N. de la R.)
A. DURAND & FILS, Editeurs de Musique
(DURAND & Cie)
4, Place de la Madeleine, PARIS
Musique de Chambre nouvelle
J. JONGEN
Trio pour Violon, Alto et Piano
net
lo fr
id.
Quatuor pour Violon, Alto
Violoncelle et Piano
net
12 fr
id.
2™^ Sonate pour Violon et Piano
net
lo fr
B. HOLLANDER
Quatuor à cordes
Partition et Parties
net
lO tr
ROGER-DUCASSE
Quatuor à cordes
Partition in-i6°
net
3fr
Parties séparées
net
lo fr
GRAND CHOIX DE MUSIQUE DE CHAMBRE FRANÇAISE & ÉTRANGÈRE
Œuvres de C. SAINT-SAËNS, Edouard LALO, Vincent d'INDY,
A. de CASTILLON, CM. WIDOR, Claude DEBUSSY,
Paul DUKAS, Gabriel PIERNÉ, Emile BERNARD,
Charles LEFEBVRE, C. CHEVILLARD, GUY-ROPARTZ,
G.M. WITKOWSKI, Maurice RAVEL, ROGER-DUCASSE, etc.
CLASSIQUES FRANÇAIS
CEuVres de Rameau, Covperin, Caix d'HerVelois.
Grand abonnement à la lecture musicale française et étrangère.
Plus de 50.000 morceaux et Partitions.
Dépôt exclusif pour la l'Vancc cics Editions Peters.
THÉÂTRES ET CONCERTS 733
extraits de Tannhciuser, Wagner ; 5. J. Van de Plas, de Louvain : Préludes i et 2, Van den
Gheyn ; Uenclume^ Alb. Parlow ; 6. Em. Verrees, de Turnhout : Les Rameaux^ Faure ;
Quand ^oiseau chante^ Tagliafîco ; intermède de Cavallei-'ta rusticana, Mascagni.
Outre ces pièces, chaque concurrent devait exécuter un morceau imposé, un Andante
cantabilf., composé spécialement par M. J. Denyn, le carillonneur de Malines.
Les prix ont été décernés comme suit :
Premier prix, M. Van de Plas, Jul., de Louvain; deuxième prix, M. Rolliers, de Saint-
Nicolas ; troisième prix, M. Redouté, de Mons ; quatrième prix, M. De Mette, d'Alost ;
cinquième prix, M. Schrynkel, d'Audenarde ; sixième prix, M. Verrees, de Turnhout ;
septième prix, M. Nauwelaerts, de Lierre ; huitième prix, M. Oyen, de Bonsecours-Péruwelz ;
neuvième prix, M. Van Zuylen, de Gouda : dixième prix M. Van de Plas, Th., de Diest ;
onzième prix, M. Van Beers, de Malines ; douzième prix, M. De Lange, de Rotterdam.
Concours d'honneur : premier prix (prix du roi, objet d'art) : M. Rolliers de Saint-Nicolas,
à l'unanimité ; deuxième prix (objet d'art) : M. Redouté, de Mons, par trois voix contre .
deux. Diplôme d'honneur : M. Jules Van de Plas, de Louvain.
Puis M. J. Denyn, du haut de la tour de Saint-Rombaut exécuta en parfait virtuose
des airs variés, de vieilles chansons françaises, etc.. Enfin, sous la direction de M. Henri
Dubois, professeur de cor à l'Académie de Musique, les cors et trompettes sonnèrent des
intermèdes ; la fête se termina par l'exécution d'un postludium de Jef Denyn.
ARLON. — A la fête des " Artisans, " du 26 novembre, on a applaudi la belle voix
de M"'' Mary Schw^artz, cantatrice d'Arlon, dans V Air des Saison (V. Massé), VAir du Q^d
(Massenet), et Viens^ mon bien-aimè (Chaminade). Un artiste-amateur arlonais, M"" Paul Henrion,
baryton, a fait admirer un organe bien étoffé dans la Roi de Lalwre et dans la Romance à F Etoile
du Tannhaiiser,
D'autre part, les fervents de l'extension ont eu l'occasion de goûter la musique de rêve de
Merovak, l'Homme des Cathédrales. Bientôt deux soirées musicales leur seront offertes par
M^^*^ E. Spierkel, professeur à l'Ecole de musique, d'Arlon. L'une, de 1 1 décembre, consacrée,
en grande partie, à Léon Boëllmann, avec le concours de M"" Cholet, violoncelliste, de
Bruxelles ; l'autre, du 8 janvier, consacrée aux Clavecinistes du 16® et du 17® siècle et à l'his-
toire de la sonate.
Le 15 janvier, M'' René Lyr, fera une conférence sur quelques musiciens Wallons,
Elle sera " illustrée " par une douzaine de lieder chantés par M^^® Mary Schwartz, canta-
trice et professeur de chant.
Enfin, le 2 avril. M'' G. Dwelshauvers, professeur à l'Université de Bruxelles, bien connu
comme musicologue, parlera de l'évolution de la musique en France depuis 1870. Cette con-
férence sera accompagnée d'auditions musicales. J. V. D.
Etranger
AIX-LES-BAINS. — Au grand Cercle d'Aix-les-Bains, très intéressante audition des
Danses à 5 temps de notre Collègue Julien Tiersot. L'orchestre sous la direction de Léon
Jehin, a donné une exécution vraiment brillazite de cette musique dont le rythme inac-
coutumé n'est pas sans offrir de notables difficultés.
Ajoutons à cela, une excellente représentation de Proserpine, et particulièrement une
734 S. I. M.
étonnante représentation des Maîtres Chanteurs avec MM. Delmas, Laffitte, Riddez et
M"^ Magne.
SUISSE ROMANDE. — Les conservatoires de musique ont donné le signal du
commencement de la saison. Ces établissements d'éducation jouent, en efiFet, dans nos
petites villes un rôle plus essentiel que dans les grands centres. Notre vie musicale est trop
étroite pour se disperser, ou donner naissance à des tendances, à des organismes absolument
indépendants. C'est toujours le même groupe, la même élite que l'on retrouve dans la plupart
de ses manifestations. La plupart de nos personnalités musicales appartiennent, à des titres
divers, à nos Conservatoires. Ceux-ci deviennent aussi, tout naturellement, des sortes de foyers
intéressc'S, directement ou non, à tout ce qui est de la musique chez nous. Leur action n'en
est ou n'en peut être que plus grande. Il semble bien, d'ailleurs, que leurs directeurs s'en
rendent compte, et fassent effort pour la rendre aussi bienfaisante que possible et lui donner
toute sa portée. C'est ainsi qu'à Fribourg, grâce au talent et à l'intelligent labeur de
M. Antoine Hartmann, le Conservatoire a fait, dans ses six années d'existence, des progrès
incessants, ajoutant chaque semestre à son programme de nouveaux cours et augmentant
régulièrement le nombre et la qualité de ses élèves.
A Lausanne, après une période de développement croissant, le Conservatoire vient de
franchir une étape décisive : il a créé des classes normales et des classes de perfectionnement,
de telle sorte que ses élèves pourront j parcourir désormais le cycle complet des études
musicales 5 en même temps, il devient à demi-officiel, c'est-à-dire que ses diplômes seront
délivrés sous les auspices et avec les sceaux du département de l'Instruction publique du
Canton de Vaud et de la Ville de Lausanne. Enfin, et c'est là l'essentiel, il marque de plus en
plus sa volonté de favoriser selon ses moyens le développement musical de cette ville dans tous
les domaines, en prenant une part directe dans l'administration et l'organisation de l'Orchestre
et de certaines institutions comme celle qui nous donnera l'an prochain au Théâtre du jorat
des représentations modèles de VOrphèe de Gluck. Cette transformation du Conservatoire, qui
ne manquera pas d'avoir sur la vie musicale Lausannoise une influence salutaire, est essen-
tiellement l'œuvre de son directeur M. Jules Nicati, Pianiste éminent, mais surtout ami
dévoué et désintéressé de la musique, M. Nicati a exercé depuis quelques années une
activité intense dans notre vie musicale. Mais cette activité était cachée, elle se déroulait à
l'ombre des comités et des bureaux ; la Réforme du Conservatoire que M. Nicati a signée
vient heureusement la mettre en pleine lumière ; elle a permis enfin à notre public de lui
rendre le juste hommage qui lui était dû.
Application
raisonnêe des
meilleurs procédés
pédagogiques
et techniques
employés par les
grands maîtres
contemporains
français
et élran/icrs.
LEÇONS de PIANO
VIOLONS, SOLFÈGE HARMONIE
■PAR CORRESPONDANCE
COURS SINAT
Rue Franklin, 5, PARIS Trocadéro.
THÉÂTRES ET CONCERTS 735
Quant au Conservatoire de Genève, il n'est pas plus indépendant de son milieu que les
précédents ; un de ses professeurs de piano, M. Stavenhagen, est directeur des concerts d'abonne-
ment ; l'excellent organiste Barblan y enseigne le contrepoint et la composition ; et il a partagé
avec le pays tout entier les regrets qu'a causés le départ de M. Jaques-Dalcroze pour Dresde,
Mais il ne présente pas au même degré que les Conservatoires de Lausanne et de Fribourg le
spectacle d'une évolution incessante, pour la bonne raison que, plus ancien et mieux doté
qu'eux, il est depuis plusieurs années en pleine prospérité.
Après les Conservatoires, les Salles de Conserts ont ouvert leurs portes. Ce fut d'abord le
Kursaal de Montreux. M. F. de Lacerda y a recommencé une nouvelle série de ces programmes
dont j'ai souvent relevé ici la tenue intelligente, la richesse et le goût. Reprenant en mains son
orchestre fatigué et quelque peu déformé par les concerts en plein air, il l'a ramené en quelques
semaines à ce jeu sûr, si beau de style et de sonorité que l'on admirait ces années dernières.
L'exécution magistrale que ce petit orchestre a donnée de Tod und Verkldrung de Richard
Strauss est à cet égard significative. Le sommet de cette première période de concerts est marqué
par la VII""' Symphonie de Beethoven, dont l'interprétation mit en valeur de manière excep-
tionnelle le sens de l'équilibre et des valeurs rythmiques.
Les concerts d'abonnement de Genève ont publié leurs programmes. La même sincérité
que j'employai ce printemps à parler de la direction de M. Stavenhagen me permettra de louer
le sérieux effort que dénotent ces programmes. Jamais encore M. Stavenhagen ne nous en avait
donné de si équitables et de si heureusement composés. Représenter la France par la Symphonie
de Franck, la Mer de Debussy et la Rhapsodie espagnole de Ravel est sûrement une pensée
louable, de la part d'un musicien aussi éminemment tudesque. Et sans doute, c'est encore moins
qu'on en attendrait d'une ville aussi romane que Genève ; mais c'est mieux que Genève ne
fit jamais.
Les concerts d'abonnement de Lausanne ne sont pas annoncés ; ils ne le seront peut-être
pas cet hiver. Le néfaste Casino dont je vous ai déjà parlé a amené l'orchestre à un état pire
que le néant, car il ne suffirait pas de le reconstruire entièrement, il faudrait encore le décrasser
d'une ambiance détestable et perfide,
E, Ansermet.
MOSCOU, — Nous sommes menacés d'une avalanche de concerts symphoniques.
Dix concerts de la Société Impériale de musique seront conduits par Emile Konpère, dix autres
(avec un programme historique) par Serge Wassilevksky, La Société Philharmonique aura pour
chef d'orchestre : M, Koats, Gab. Fauré, W. Mengelberg, F. Mottl, F. Weingartner,
S. Rachmaninow, Al. Ziloti. S. Kussewitzki, dirigera une partie de ses concerts, secondé par
Ose. Fried de Berlin, et Arth. Nikisch. Les amis de la musique russe^ (M. Kerzin) donneront
435 concerts symphoniques conduits par Em. Konpère. Ajoutons encore les " Oratorio ",
au nombre de 5 avec orchestre et choeurs, conduits par M. W. Boulytchew.
La Société hnpériale commença ses concerts avec Schumann : Godfried Galston, M. Capet
et Casadesus se firent entendre.
La Symphonie de Scriabine " L'Extase ", fut exécutée avec succès. C'est une œuvre
forte qui fit grande impression.
Aux Concerts historiques du Dimanche se firent entendre Jacques Handelin, organiste,
A. Ziloti, pianiste. La second concert avait inscrit à son programme des œuvres de Handel,
Muffat, Grétry, Rameau. M. W. Boulytchew donna une très bonne exécution des Saisons de
Haydn. Félicitons le chœur qui chanta les œuvres de du Fay, Okeghem, J, des Prés, Arcadelt, etc.
Musique de Chambre. — Marc Meiteliek fut le premier pianiste de la saison sa
73^
S. I. M.
technique est admirable. Citons aussi les séances fort intéressantes d'Al. Goldenweiser,
pianiste, et B. Sibor, violoniste, qui exécutèrent toutes les sonates de Beethoven pour violon et
piano.
L'enfant prodige, Irène Eneri, (13 ans) vint se faire entendre avec un programme, qui
ferait honneur à un grand pianiste.
Ellen von Tidebohl.
STRASBOURG. — Le départ pour Mayence du premier chef d'orchestre de l'opéra,
Albert Gorter et la nomination de Hans Pfitzner comme directeur font entrer notre Théâtre
Municipal dans une nouvelle phase de son développement ; l'avenir dira si nous avions raison
de bien augurer de ces changements. La saison ne nous promet, aucune nouveauté ; jusqu'à
présent, on a donné Freischûtz avec M""^^ Mahlundorst, Croissant et M. Wissiak ; Fidelio,
Czar et Charpentier, de Lortzing, Iscyl et Tiefland, de l'Albert, le Secret de Suzanne de Wolf
Ferrari, Carmen, les Huguenots, etc. Est-il préférable de représenter beaucoup d'oeuvres qui
n'auront eu que peu de répétitions chacune, ou au contraire peu d'œuvres mais fréquemment
répétées ? Cette question ne se pose pas.
Parmi les concerts, signalons ceux de Frédéric Lamond, pianiste, qui donne son audition
au Théâtre, de M""^ Fila Plaichinger qui chante au concert la mort d'Iseult et des scènes
d'Electra, de M'"*^ Spiro-Rombro de Rome, violoniste émérite. Le programme du premier
concert municipal fut très goûté du public (Symphonies de Mozart et de Brahms.) Triomphe
pour Pfitzner qui conduit l'Orchestre et pour le pianiste Ed. Risler. — Le quatuor Capet nous
donne des exécutions parfaites du 3^ quatuor op. 59 de Beethoven et de celui de Debussy.
Au i'"" Concert populaire, le chef d'Orchestre Fried dirige a\ec autorité la symphonie Italienne
de Mendelssohn et le pianiste Bœswillwald se couvre de gloire dans l'exécution du Concerto
en la Mineur de Grieg.
S. S.
VIENNE. — La démission de Weingartner était tout à fait inattendue. La presse
affirmait que Weingartner était heureux de la sympathie que lui témoignait l'Intendant, le
Comte Montenuova, et qu'il ne pouvait être question d'une crise à l'Opéra, la situation
financière étant excellente. Puis, soudain, on appela M. Gregor, de l'Opéra-Comique de
Berlin, dont on n'avait pas encore parlé ; il excelle à mettre à la scène ; c'est là une qualité
indispensable à la Direction d'un théâtre privé, mais insuffisante pour diriger le premier des
théâtres allemands de musique. M. Gregor a affirmé à la Presse son intention de respecter les
traditions de l'Opéra ; de cette façon, il s'assure sa sympathie. Il serait à souhaiter qu'il fît
davantage. Espérons qu'il nous donnera des exécutions aussi bonnes que celles de Mahler. II
promet de tout faire pour rappeler Mahler comme premier chef d'orchestre, car il est évident ;
qu'agir autrement constituerait la plus lourde des fautes. Le choix de Mahler est pour la
nouvelle direction une question vitale.
— "Quo Vadis ", l'opéra français, a remporté un très grand succès à l'opéra Populaire.
L'opéra de Franz Schvcker " der ferne Klang " est accepté à l'Opéra et doit ctrc reprc-senté
au commencement de la saison prochaine.
LONDRES. — La " Philarmonic Society" vient de donner la première audition de
la dernière œuvre de Sir Edward Elgar, son Concerto pour violon, qui a été accueilli par des
acclamations enthousiastes s'adressant au compositeur et à l'interprète, M. Kreisler. Ce
Concerto, plein de charme et de sérénité forme un heureux contraste avec sa symphonie et
deviendra sans doute plus populaire encore ; la forme en est classique et l'orchestration
THÉÂTRES ET CONCERTS 737
moderne ; on y retrouve toutes les qualité sérieuses de Sir Edward Elgar, sa conviction et sa
sincérité habituelles.
NEW-YORK. — La Société des Instruments à vent Earrêre annonce trois intéressantes
séances. On y entendra parmi les œuvres de musiques française moderne : les Esquisses Antiques
de Inghelbrecht, pour flûte et harpe, le Quintette d'André Caplet, la petite suite de Debussy
(transcrite pour instrument à vent), le Dixtuor d'Enesco.
BARCELONE. — UOrfêo Cantata vient d'organiser, dans son Palace^ les cinq premiers
concerts de la saison. On nous a donné une excellente exécution A'Orphèe^ de Gluck qu'on
n'avait plus entendu, chez nous, depuis de longues années. Outre la collaboration des beaux
chœurs de la maison, toujours superbes, on s'était assuré le concours de notre compatriote
Maria Gay et de Mlles Aline Béran et de Furnells. L'œuvre de Gluck a été exécutée deux
fois et le succès en a été colossal. Faut-il ajouter que Maria Gay et les chœurs ont été admi-
rables et que le maître Millet a dirigé en artiste l'ouvrage dont-il s'agit ? — Maria Gay était
encore engagée pour nous donner un récital de Lieder. Elle a fort bien dit de très belles pages
de Beethoven, Salvator Rosa, Giordano, Haendel, Mozart, Schumann, Schubert, Brahms
Borodine, Perilhou et R. Hahn ainsi que quelques chansons populaires. Dans cette même
séance, le Trio Pichot-Costa s'est également fait entendre. L. Pichot a enfin joué le concerto
en mi de J.-S. Bach dans une des séances de cette première série. — Après les concerts dont
nous venons de parler, Jacques Thibaud et notre Granados ont donné deux séances de Sonates
avec le plus grand succès. Bach, Mozart, Beethoven, Schumann et César Franck ont été les
auteurs choisis par ces deux artistes. C'a été un régal.
\JOrquesta Simfonica de Barcelona a donné (toujours au Palace de la Musica\ son tout
premier concert. Il s'agit d'une société de concerts nouvellement organisée que le maître
Lamote de Grignon dirige. Le concert de présentation a fort bien réussi. Au programme,
V Héroïque de Beethoven, La nit de Nadal (chœurs, solistes et orchestre), de Lamote, Marche
de la Symphonie Fantastique^ de Berlioz, Fêtes^ de Debussy, et, enfin, V Apprenti sorcier de
Dukas. L'orchestre, sous la direction du maître Lamote, a bien débuté.
La nit de Nadal est, croyons-nous, une des premières choses que Lamote ait écrites.
C'est de la musique infiniment sincère et volontiers catalane. Une partition, en somme, remplie
de jolies choses.
Rosenthal a donné enfin deux concerts. Son mécanisme est extraordinaire, oui, d'accord.
Mais est-il bien sûr que tous les esprits sérieux qui assistent aux concerts, de bonne foi, pour y
entendre de la musique^ ne sont-ils pas toujours un peu déçus en écoutant ces virtuoses dont le
but principal consiste, dirait-on, à épater les badauds !... F. Lliurat.
CADIX. — On ne saurait trop louer l'activité du directeur de l'Académie de Santa
Cecilia ; grâce à lui, et à lui seulement, (car notre Société ne reçoit aucune subvention)
l'Académie de Santa Cecilia se développe de jour en jour. C'est ainsi que nous pouvons avoir
de superbes exécutions comme celle qu'il nous fut donné d'entendre de la 9^ Symphonie de
Beethoven, au 13^ Concert.
Le programme du concert donné à l'occasion de la fête de Sainte-Cécile comprenait
notamment une Leçon de Solfège à deux chœurs du directeur M. A. Galvez, des fragments
de Parsifal de Wagner, l'hymne à Sainte-Cécile de Sancho Marraco. M"" Rafaël Olivares Bel
exécuta le Rondo Capriccioso de S* Saëns et les ovations ne lui furent pas ménagées.
S. V.
DÉSIREZ-VOUS CONNAITRE L'ADRESSE
d'une Maison donnant en LECTURE non seulement de la
Musique Française
MAIS ÉGALEMENT ET SURTOUT
Toute la Musique Etrangère
ET MÊME DES
Partitions d'Orchestre ?
ADRESSEZ-VOUS A
M. MAX ESCHIG, 13, ^ue laffitte, 13, PARIS
TÉLÉPHONE 108-14
qui vous enverra immédiatement toutes les conditions
SERVICE POUR PARIS ET LA PROVINCE
ÉDITION POPULAIRE SIMROCK
Les Chefs-d'Œuvre de BRAHMS, BRUCH,
DVORAK, SCHUTT, etc.
POUR LA MOITIÉ DE LEURS PRIX ANCIENS!
DEMANDEZ LE CATALOGUE SPÉCIAL
THÉÂTRES ET CONCERTS 739
SARAGOSSE. — UOrquata Sinfonica de Barcelone a donne ici un concert fort intéres-
sant ; au programme : la Symphonie héroïque de Beethoven ; la Fantastique de Berlioz, Fêtes
de Debussy, Phaëton de S'' Sacins ; Siegfried-Idylle ; l'ouverture des Maîtres-Chanteurs de
Wagner ; Scherzo et Rêverie de Lamote de Gringnon.
Viiîes, à son récital de piano a joué la Sonate Appasionata de Beethoven, les Etudes
Symphoniques de Schumann, le prélude de RachmaninofF, les Tourbillons de Rameau, au
couvent de Borodine, Jardins sous la Pluie, de Debussy, la Tarentelle de Moskowsky. Inutile
de dire son succès.
M. D. F.
OVIEDO. — A la Philharmonique Ricardo Vines triomphe dans la Sonate Appasionata
de Beethoven, et les oeuvres de Schumann, Chopin, Fauré, Debussy, Falla, Turina, Granados
et Albeniz.
P. A. B.
LIBERTE, EGALITE.... GRATUITE.
Il y a quelques mois nous dénoncions, ici même, l'abus du " gracieux concours ",
ruineux pour les artistes et vraiment peu honorable pour les " donneurs de concerts " qui ne
craignent pas d'en profiter. Aujourd'hui nous voudrions appeler l'attention de nos bienveillants
lecteurs sur un autre genre d'abus non moins regrettable et beaucoup plus important. C'est
dire que son examen dépassera un peu le cadre habituel de ces modestes études musico-sociales.
Liberté, Egalité... Gratuité. Cette possible devise, dont le troisième terme ne figure pas
sur nos monuments, représente l'un des plus formidables bluffs que l'impersonnel Etat propose
à la béate admiration de la foule troupeau qu'il est censé représenter. Mettons à part l'illusoire:
" Liberté " ; " l'Egalité " plus bouffonne encore, et considérons seulement la " gratuité "
d'une irrésistible séduction pour ceux qui s'imaginent en jouir.
Toute chose a une valeur, dit la science économique et le bon sens ; valeur variable
dépendant des lois de l'offre et de la demande et de quelques autres facteurs que nous n'avons
pas à examiner ici. Travail musculaire, manuel, intellectuel, peuvent se mesurer et s'échanger
avec d'autres équivalences ; en général, dans notre société ci\ iliséc, c'est l'argent qui sert de
dénominateur commun.
Or il advint que les utopistes, puis les gens habiles amateurs de popularité, se proposèrent
d'accomoder au goût moderne le panern et cir censés, àcWcti de la plèbe romaine. Ils inaugurèrent
les échanges " gratis " et l'objet du troc, si l'on peut ainsi parler, porta notamment sur le
travail intellectuel. Notre panern, tout spiritualisé, nous fut distribué sous forme d'enseigne-
ment laïque, obligatoire et gratuit. Encouragés par cette première tentative d'un Etat paternel
et imprévoyant, de bons esprits ne craignirent point de demander, par la suite, le théâtre
gratuit ; pour réformer, purifier, amender le goût populaire ; puis le pain gratuit — le pain
réel, de pur froment — et enfin le vêtement gratuit à l'usage des non-favorisés de la fortune.
Si cela continue nous jouirons tous un jour de ces inappréciables bienfaits, ce sera l'Eldorado....
et l'égalité dans la ruine. Car vous imaginez bien qu'il n'y a là qu'un trompe-l'œil, un tour
de paste-passe (électoral) et pour tout dire un de ces mensonges sociaux dont, naïfs, nous nous
payons si facilement. L'enseignement est gratuit mais.... le contribuable paie de lourds impôts
pour en profiter. Dans les écoles — nos chères écoles, laïques et obligatoires — certains élèves
sont alimentés et vêtus gratuitement mais.... des gens bénévoles remplissent la caisse. Il y a
des représentations et des concerts gratuits mais.... l'Etat, c'est-à-dire tout le monde, subven-
tionne les organisateurs. En sorte qu'il y a toujours quelqu'un qui paie pour ceux qui ne
déboursent rien et même beaucoup de ces derniers arrivent à payer, seulement sous une autre
rubrique, de sorte qu'ils ne saisissent pas tout de suite l'ingéniosité du mécanisme.
A la suite de l'P^tat, de grandes associations d'enseignement s'organisèrent et firent appel
aux professeurs pour répandre, gracicuscmint, dans des cours, nombreux et \ariés, le savoir
qu'ils possédaient. Les musiciens ne furent pas les derniers à répondre à l'invite et se mirent à
enseigner qui le piano, qui le violon et qui le chant.
Qu'espèrent donc les artistes en se prêtant à cette comédie et se mêlant aux distributeurs
de pâtée intellectuelle pour les gens du commun ?
QUESTIONS SOCIALES 741
Les uns désirent et obtiennent, pour ce fait, quelques menues distinctions : diplômes,
médailles et bouts de ruban dont leur vanité puérile s'enorgueillit. Les autres attendent que,
dans le nombre des élèves attirés par l'enseigne : " Ici on instruit gratis, " il s'en trouve
quelqu'un, plus riche que les autres, qui paie les conseils du maître. Espoir trop souvent déçu.
La vérité c'est qu'en agissant ainsi l'artiste travaille à sa propre ruine, qu'il contribue à
propager une idée fausse : celle de la gratuité possible du travail intellectuel ; qu'il adopte une
attitude sans dignité et déprécie son enseignement.
Si l'on veut bien réfléchir un instant et ne pas s'attarder aux vaines apparences d'une
prétendue noblesse qui placerait l'artiste comme hors du monde où il vit, on reconnaîtra qu'il
est soumis, comme toute unité sociale, à des nécessités économiques pressantes. II lui faut,
pour tout dire, comme le commerçant, l'industriel, l'agriculteur, le plus souvent gagner sa vie
par l'exploitation du capital intellectuel dont il est pourvu. Rares sont les musiciens — pour
nous en tenir à notre corporation — pour lesquels l'art n'est qu'un luxe ; bien au contraire le
plus grand nombre doit vivre d'un travail soutenu et rémunéré. Or, que dirait-on d'un com-
merçant, d'un industriel qui s'aviserait de distribuer gracieusement au public les marchan-
dises de son magasin ou les produits de sa fabrique ? Cet homme est fou s'exclamerait-on ; il
court à sa perte et réduit à la misère, tombera bientôt à notre charge. — En va-t-il donc
autrement pour celui qui dilapide son intelligence et ses forces sans un légitime profit ? Et
fait-on autre chose en instaurant des cours gratuits?...
En second lieu l'artiste qui consent à jouer cette comédie pseudo-philanthropique
contribue à répandre dans le public l'idée de la non-valeur du travail intellectuel. Les plus
honnêtes gens commencent à s'en persuader. Ils acceptent, et même sollicitent, qu'on les
instruise, eux, ou leurs enfants, à titre gracieux et tel qui n'aurait pas l'idée saugrenue d'aller
demander à son boulanger de le nourrir gracieusement lui et sa famille, ou à son tailleur de
l'habiller sans argent, n'est nullement gêné de recevoir et même d'exiger des leçons de
musique qui ne lui coûtent rien. Cette habitude est analogue à celle de beaucoup de personnes,
fort à leur aise, qui ont la manie d'aller au théâtre avec des billets donnés.
Les artistes ont beaucoup travaillé et regrettablement à donner d'eux-mêmes une fort
piètre idée. Certains cours de musique ont lutté de réclame... et de gratuité. Ici on offre la
musique aux élèves, là on leur distribue à certaines époques, des livrets de caisse d'épargne ;
ailleurs on leur prépare fréquemment àei, five o'clock tea, intermèdes des leçons austères, trans-
formés, à certains jours, en réceptions où la mère peut conduire sa fille et même lui trouver
un mari ! Tout le monde musical a connu une brave dame dont les nombreux automnes
s'agrémentaient, aux grands jours, d'une couronne de pâquerettes (Innocence et simplicité).
Elle mariait ses élèves. Le plus drôle c'est que les jeunes filles reconnaissantes, lorsque
" l'affaire " était conclue demandaient à la marieuse la permission de lui adresser un petit
souvenir. Invariablement celle-ci demandait certain service d'argenterie, objet de ses désirs.
On acquiesçait, on envoyait le service,... qui repartait bien vite chez l'orfèvre en attendant
un prochain retour. Le marchand et la dame s'entendaient moyennant un bénéfice honnête.
Tout l'entourage connaissait le procédé et en riait sous cape. Ce n'est qu'une anecdote, il ne
faut pas généraliser et conclure que tous les professeurs en usent d'aussi étrange façon, mais
beaucoup arrivent à des compromis discutables et à des attitudes peu conformes à la di2;nité
et à l'intégrité de leur caractère. Ils cherchent, par des moyens détournés, à obtenir la
rémunération qu'ils ne peuvent plus demander à visage découvert puisqu'ils ont avili eux-
mêmes le prix de leurs leçons.
Au moins attendent-ils quelque reconnaissance de leurs élèves avec de telles façons d'agir?
— Aucune. Les gens estiment peu ce qui ne leur coûte rien. Un instinct obscur leur fait
c
742 S. I. M.
pressentir que si on leur donne quelque chose, sans rien exiger en échange, c'est que l'objet
n'a pas de \aleur, ils le méprisent comme le prospectus reçu dans la rue et qu'ils jettent, fripé,
sans même le lire.
Si, de la considération du préjudice matériel, nous passons à un autre point de vue, il ne
nous satisfera pas davantage. Moralement, l'artiste qui accepte de distribuer les éléments d'une
science ou d'un art à tort et à travers est fort coupable. Il trompe sciemment ceux qui vien-
nent à lui ; il laisse croire qu'il peut donner le meilleur de lui-même, remplir la tâche admirable
du véritable maître, assumer tous les devoirs qu'elle comporte, prodiguer ses soins et cela à tout
venant ; aux inconnus, aux mal doués, aux indifférents, à tout ce que le hasard de la route met
sur son chemin. Eh ! bien, ce n'est pas vrai. S'il plaît à un musicien, par amitié pour un élève
de lui donner ses conseils, nul n'y trouve à redire. Si un sujet exceptionnellement doué, et
pauvre, intéresse un maître qui consente à l'éduquer, dans l'intérêt même de l'art, rien de mieux,
et nous pourrions citer ici bien des noms vénérés de grands artistes qui ont généreusement secondé
de véritables vocations. Grâces leur en soient rendues et éternelle reconnaissance ; mais notre
sujet est tout autre, nous faisons allusion à ces élèves quelconques qui, avec plus ou moins
d'exactitude, suivent les cours gratuits qu'on leur ouvre si indiscrètement, Mimis-Pinsonnettes
et autres petites filles que la musique sensibilise ; primaires récemment sortis de l'école commu-
nale, nourris de mots plus que d'idées et nullement préparés, (sauf de très rares exceptions) à
recevoir un enseignement artistique profitable. Ni leur éducation première, ni le milieu dans
lequel ils se trouvent, en générai, ne constituent un terrain d'é\olution favorable à la culture et
à la croissance d'un art donné. Nous traiterons prochainement cette question du milieu nécessaire
au développement des facultés artistiques chez l'enfant.
Qu'on veuille bien croire qu'en engageant ici les artistes à renoncer à de si fâcheuses
habitudes : supprimant les gracieux concours et fermant les cours gratuits^ nous ne voulons pas les
inciter à n'obéir qu'à des mobiles mesquins, intéressés ; cette revue n'ouvre pas un cours de
mercantilisme, mais, fidèle au programme que nous nous sommes tracé, nous voulons leur faire
prendre une vue plus nette, plus claire de leurs véritables intérêts, les amener à une estimation
d'eux-mêmes moins peureuse, à une attitude plus résolue et, entre eux à une " entente cordiale "
bien nécessaire.
M. Daubressb.
CONSERVATOIRE DE LAUSANNE
INSTITUT DE MUSIQUE
Claeses Normales — Classes de Virtiiosilc. — Classes secondaires et primaires
DIPLOMES OFFICIELS
DhTJVkBS SOUS LKS AUSPICES KT LKS SCKAUX DE LKTAT KT I3E LA VILLE
Renseignements: Mr. J. NICATI, Directeur.
H I.î2(>i L
LES GRANDES EPOQUES DE LA MUSIQUE. — D'accord avec les organisa-
trices Mlles Pironnay, M. Lajuiormy a pris, cette année, pour sujet : La musique française au
XIX'^ siècle et commencement du XX^. Il a d'abord montré que de l8oo à l86o, elle fut pure-
ment théâtrale sous ces deux formes de l'Opéra Comique et de l'Opéra,
Toutefois, M. L. estime avec raison que la supériorité des français au XIX*" siècle s'est
affirmée, non au théâtre, mais au concert, la véritable école de l'amateur et du compositeur.
Mlles Mary et Fernande Pironnay dont il faut louer la voix et l'intelligence exécutèrent
les exemples accompagnant ces intéressantes leçons avec le concours de chanteurs de talent :
Mlles Malnory, Grignard, Plisson, MM. Landormy et Josselin et des distingués pianistes,
Mme Landormy et M. Motte-Lacroix.
HAUTES ETUDES SOCIALES. — Les conférences musicales ont repris, à l'Ecole
des Hautes Etudes sociales, i6 rue de la Sorbonne, depuis le i8 novembre. Voici la liste de
ces conférences : L'art populaire dans le chant grégorien, i8 novembre, A. Gastoué. Le mois
musical, 25 novembre, Calvocoressi. Nature et évolution de l'art musical, 2, g, 16, 23,
30 décembre, Jean Marnold. La Musique en Allemagne au XVII" siècle (suite), 13, 20,
27 janvier, 3 février, André Pirro. Le mois musical, 10 février, Calvocoressi. La musique
italienne en France sous Mazarin, 17, 24 février, Henry Prunières. Le mois musical,
3 mars, Calvocoressi. Les pastorales en musique au XVIP siècle en France, 10, 17 mars,
Lionel de la Laurencie. Légende et histoire de l'Ecole russe au XIX® siècle, 24, 31 mars,
Louis Laloy. Le mois musical, 7 avril, Calvocoressi.
M. Gastoue, — Uart populaire dans le chant grégorien. — M. Gastoué (18 novembre)
définit avec précision l'art grégorien celui dont les lois régissent le chant liturgique officiel
de l'église latine et délimitent la participation de chacun, clerc ou fidèle. On ne doit pas
confondre les chants officiels avec d'autres qui sont écrits d'après les chants liturgiques et qui
sont tout à fait en dehors.
Dès le IV^ siècle, les papes préoccupés par cette question d'une musique liturgique,
essaient d'établir une règle générale. Le monde romain a complètement sombré. Ses jeux
populaires ne subsistent qu'à Byzance, là même où le culte chrétien atteint sa plus grande
splendeur. Vainqueurs et vaincus n'ont qu'une seule religion. L'Eglise veut restaurer les Arts,
surtout la musique. Ces efforts successifs sont synthétisés par Saint Grégoire dont M. G.
retrace la vie. Ce pontife musicien par goût fonde la Schola cantorum, corporation de chantres
avec une école annexe. Il crée en même temps 2 antiphonaires romains, répertoire de chants
destinés les uns à la Schola^ les autres au peuple.
Ce recueil fut augmenté par la suite, il y a lieu de distinguer le fonds primitif. M. G.
s'occupant de la partie populaire établit trois divisions : les pièces venues du peuple, les pièces
écrites pour le peuple, celles enfin bâties sur des thèmes populaires.
G. RoucHÈs.
LA CRITIQUE MUSICALE. — " Comment la faire ?" se demande {Signale, 2 nov.)
M. le D"" Niemann, à qui cet épineux problème inspire de fort sagaces réflexions. Reprenant
pour le compte de la critique musicale les vues émises relativement à la critique d'art par
M. Richard Muther dans son Histoire de la peinture au dix-neuvième siècle, il recommande de
ne point trop s'en tenir aux considérations d'histoire ou de tradition. La connaissance
de l'histoire de l'art aide bien peu à une juste et libre intelligence des oeuvres d'art. Qui-
conque veut faciliter aux masses l'accès des chefs-d'œuvre doit être capable de deviner le
secret de ces chefs-d'œuvre et non pas seulement de les analyser. La " spécialisation "
du musicographe, c'est le plus grand des dangers. L'art n'est-il point la joie, la vie universelles?
Le Courrier Musical (octobre-décembre) publie, sur le même sujet, la leçon faite en 1908
à l'Ecole des Hautes Etudes Sociales par le signataire de la présente rubrique, qui s'est efforcé
de résumer quelques conseils pratiques, basés principalement sur la distinction des " jugements
d'opinion " et des " jugements de fait ", et aussi, plus généralement, de tracer le portrait du
critique idéal, " portrait qu'on esquisse plus facilement qu'on ne l'incarne ".
En même temps que le D"" Niemann, le D"" W.A. Thomas San-Galli aborde le même
problème [Musikalisches IFochenblatt, 3 novembre) mais au point de vue de l'enseignement
plutôt qu'à celui de la critique ; il arrive aux mêmes inévitables conclusions : " Point de con-
naissance de l'art sans art. Il y a une chronologie, une philologie, une mathématique de la
musique — mais ce ne sont que des sciences auxiliaires. Qui veut enseigner la science musi-
cale doit être musicien et artiste. "
LES PETITES PROFESSIONS DES INSTRUMENTISTES. — Dans le Musi-
kalisches IVochenblatt du 3 novembre, M. Léopold Schmidl montre à quelles besognes supplé-
mentaires sont obligés de se livrer en Allemagne les petits musiciens d'orchestre. Il est assez
naturel d'apprendre que beaucoup sont copistes, fabricants d'anches, voire régleurs de rouleaux
perforés pour appareils automatiques. Mais il paraît qu'à Berlin, il en est beaucoup qui
pratiquent avec succès l'élevage des volailles (M. Schmidl ne dit point si ce sont spécialement
les clarinettistes), la photographie ou le commerce des timbres-poste. Un timbalier de la même
ville est détective et très apprécié comme tel.
HUGO WOLF. — Dans la New ^^usic Revicw de Décembre, M. Bayard Quincy
Morgan revient sur quelques-unes des opinions exprimées sur ce compositeur par M. Ernest
Newman dans son excellente biographie, et les tiiscutes avec preuves à l'appui. Il \oiuirait
faire des réserves sur deux points : d'abord sur le degré de " l'cftacement de l'individualité du
compositeur au profit de celle de la composition " ; puis, sur " sa magistrale adaptation de la
musique aux textes. "
DEBUSSY ET LE NATIONALISME MUSICAL. — Sous ce titre, M. Ernest
Newman, à propos de l'interview de l'auteur de 'Pcllêas et ^LUisande publiée par VOuest-
/Irtiste, se demande {/lilusical Times, Novembre) comment il est possible de s'imaginer qu'on
ne sera vraiment Français, en musique, qu'en se déclarant foncièrement différent des Alle-
mands. Ceci, dit-il, est déplorable ; " et quand M. Debussy affirme que ni l'une ni l'autre de
ces races ne devrait essayer de toucher le sens musical de l'autre il ne fait que colorer de
A TRAVERS LES REVUES 745
mauvaise sociologie un accès d'humeur. Existent-t-ils, L'esprit français, L'esprit allemand,
L'esprit anglais ? La Bruyère n'a-t-il pas dit que la raison est de tous les pays ?
Dans la dernière de ses vivantes chroniques des Marges^ M. Vuillermoz en arrive, par
un chemin un peu différent, exactement, au môme point :
" Certes, dit-il, la musique a mieux à faire qu'à ambitionner la gloire d'un volapuk ou
d'un espéranto supérieurs; les nuances ethniques qui brillent en elle sont de précieuses parures,
dont elle ne doit pas chercher à se dépouiller, mais nos facultés d'assimilation nous permettent
d'en tirer le plus heureux parti pour l'enrichissement de notre art. Nous crions volontiers à
l'incompatibilité des races, lorsque nous nous trouvons en face d'un Reger excessif ou d'un
Mahler trop copieux, sans nous souvenir que les plus délicats de nos amateurs digèrent
Borodine, Glazounow ou Moussorgsky plus aisément que Bruneau ou Widor, tandis que les
moins dégoûtés de nos compatriotes ont trouvé dans Mascagni, Puccini et Léoncavallo la
nourriture convenant le mieux à leur estomac bien français. "
Il s'est dit tellement de sottises, depuis quelques années, de ce problème de la nationalité
musicale devenu le tarte à la crème de certains, qu'il est tout à fait réjouissant de constater un
mouvement en faveur de ce qu'indique le simple bon sens.
LA GAMME PAR TONS. — Très bonne étude esthétique et technique de M.
Clutsam [Musical Times, novembre et décembre) sur cette vexata quaestio de tous les
théoriciens, avec beaucoup d'exemples où l'on s'étonne seulement de ne voir cités ni le
Rousslàn de Glinka, ni l'extraordinaire finale du Convive de Pierre de Dargomyjski. Mais ce
travail est fort nourri, et mérite d'être lu.
LE " MACBETH " DE M. BLOCH. — Il est encore un peu tôt, au moment où
il me faut livrer à l'impression cette chronique, pour se faire une idée d'ensemble de l'opinion
de la chronique sur cette œuvre : seuls les comptes-rendus du lendemain sont à ma disposition.
Je compléterai donc la prochaine fois les présentes notes.
En général, la critique rend hommage à la probité d'aspirations qui décèle chez M. Bloch
le fait d'avoir choisi pareil sujet et la manière dont il l'a traité. Mais en même temps, la
phipart des commentateurs se demandent si Macbeth offrait une matière bien convenable à un
drame lyrique : l'honneur y est trop uniforme, trouvent MM. Fauré [Figaro], Carraud
[Liberté], Hahn [Journal], Boschot [Echo de Taris] et moi-même [Gil Blas]. M. Hahn ajoute
qu'un tel choix permet de classer le compositeur parmi ceux "qui estiment que la musique
déchoit et se prostitue dès qu'elle cesse d'être revêche, ardue, brutalement dissonnante, et qui
finissent par être " sincères " dans le culte soigneux de la laideur et dans une sorte d'avide
aspiration vers l'ennui ". M. Gauthier-Villars [Connsdia] estime, bien qu'en définitive l'élément
féerique et l'intrigue sont insuffisamment empoignants pour nous, que le " substratum ps ycho-
logique n'est pas aussi riche et nuancé que de coutume ".
Les avis diflPérent sur la valeur de l'adaptation réalisée par M. Fleg. Comedia, le Journal,
le Figaro, V Echo de Taris estiment que le librettiste s'est fort bien tiré de sa tâche. Le Gil
Tlas est de l'avis opposé, et reproche notamment à M. Fleg d'avoir ajouté certains détails ; la
même remarque est faite, avec de meilleurs exemples à l'appui par MM. Souday [Eclair] et
plus accessoirement, Carraud.
U Eclair, VEcho de Taris, Paris-Journal (M. Prodhomme) et le Gil Blas jugent sévère-
ment la musique. Au contraire, la Liberté et le Figaro, tout en n'approuvant pas sans réserves
reconnaissent à l'œuvre beaucoup de grandes qualités. Comœdia analyse de près la partition qui
est déclarée " extraordinairement vivante, agissante, et gesticulante." En somme, presque tous
les comptes-rendus, même sévères, sont assez sympathiques à M. Bloch et à sa première œuvre.
M.-D. Calvocoressi.
(i) Chez Cari Simon à Berlin. (2) Chez Enoch. (3) A l'édition mutuelle. (4) A la coopérative des
compositeurs. (5) Chez Foctisch. (6) Chez Carisch et Jânichen. (7) Chez Eschig. (8) Chez Justin Robert
ORGUE. — J'avoue que je ne vis pas sans un certain effarement, arriver, la semaine
passée un volumineux paquet de musique, qui me parut représenter à tout le moins l'œuvre
complète de Sigfrid. Karg Elert (i). Mon Dieu, me dis-je, si ces trente-sept morceaux
ressemblent seulement de loin à la sonate reçue le mois dernier, il me faudra au bas mot une
année entière de travail avant de pouvoir en donner le plus léger aperçu aux lecteurs de la
S. I. M., qui du reste, ne m'en sauront pas le moindre gré. Inquiétude déplacée ; M. Elert
n'est nullement le musicien rébarbatif que j'avais imaginé. Il convient de faire deux parts dans
son œuvre : ses improvisations, Fantaisies^ Préludes^ Postludes^ Variations pour grand orgue me
séduisent fort peu : écrire des Variations me paraît déjà fâcheux ; les publier l'est encore bien
davantage. Devant cette perpétuelle redondance des idées, devant ces développements surabon-
dants, oiseux et souvent injustifiés, on ne peut s'empêcher de songer que les qualités d'un
improvisateur de\ienncnt bien facilement des défauts. Dans plusieurs œuvres dont la mise au
point paraît cependant plus poussée, la Fantaisie et Fugue Op. 39 d'une assez grandiose tenue,
dans la belle Passacaglia Es Moll dans les Sonatines en G. Dur et en A Moll, nous retrouve-
rons ce même caractère d'improvisation hâtive. Au contraire dans de très courtes pièces comme
les Madrigale, (Zehn schlichte Weisen) son Humores^e, son Capriccietto^ la personnalité de
M. Elert nous paraît très nette et très saisissable. Nous trouverons chez lui de la candeur, de
de la spontanéité, un certain mysticisme qui fait songer à Schubert ; à côté de cela, un
imprévu dans les rythmes et les dissonnances, un tour audacieux et burlesque, que viennent
encore accentuer des nuances de caractère très soigneusement indiquées : " mit grotesken
humor, " " mit einem stich in kokette. " Un des morceaux est même intitulé " Piquanterie"
Le comique, ici est peut-être involontaire. — M. Elert manie fort joliment le pastiche, sa
Sonatine en E Moll^ sa partita en D. Dur^ charmantes d'un bout à l'autre, sont d'excellentes
imitations des classiques allemands du XVIIP. Malheureusement, il n'échappe à la tentation
de retoucher les œuvres d'autrui : quand il transcrit V Ave Maria d' Arcadelt^ ou la Sarabande
de CorelU^ il n'y a encore que demi mal. Mais à quoi bon transcrire POUR HARMONIUM
une Suite de clavecin de Rameau: n'est-ce pas à la fois une faute d'histoire et une faute de goût .''
PIANO. — Tous les morceaux que je viens d'énumcrer sont écrits pour grand orgue,
harmonium ou harmonium d'art. Les pages intitulées Aphorismcn sont destinées au contraire
au piano. Courtes, amusantes et caractérisées, je les recommanderai ;\ tous ceux qui \ eulent
se faire, plus aisément que je ne lai pu, une idée de la personnalité de M. Elert.
Ceci m'amène à quelques productions pour piano seul. D'abord, un petit Album de
10 morceaux très faciles '■'•Les menottes^ " par M"" Toutain-Grun (2). Ceci répond \ une
tendance toute nouvelle : on s'est avisé récemment que nos enfants, pour avoir de petites
mams n'étaient pas forcément dépourvus de toute espèce de goût ; et qu'un artiste pouvait
sans déchéance, composer à leur intention. Les Contes de ma mhe COie^ de Ravel, ont été
écrits dans ce sens. Encore quelques années, nous verrons disparaître des " Méthodes " ces
petits morceaux insipides ou infects sur lesquels nous avons tous pAli dans le temps jadis. En
attendant, il faudrait que le volume de M""' Toutain-Grun soit entre les mains de tous les
professeurs de piano.
L'ÉDITION MUSICALE 747
Chopin est toujours de mode, il inspire à M. Jemain une Ballade en Si Bémol (3), à
M. Louvier une Nuit tombante (4) d'une désespérante fadeur, et à M. Hans Huber, Six
Etudes Lyriques (5). Rien d'ennuyeux comme ces retours d'un romantisme hors de mise. Ce
qui était fort intéressant en 1850 ne l'est plus nullement. Et pourquoi s'acharner à ce genre
hybride des Etudes qui ne sont ni des morceaux, ni des exercices. Je sais bien que ce système
nous a valu des chefs d'oeuvres comme les études de Chopin. Mais cependant, pour s'exercer
aux arpèges de main gauche, il n'est nul besoin de les nommer Sur l'eau^ et pour travailler les
notes répétées, d'en faire une Matinée brumeuse. Ne suis-je pas trop sévère pour des œuvres de
bonne tenue.
Après Chopin, Wagner, et Wagner trahi par un de ses pires imitateurs, par un Italien.
Le Giuda de Kerioth^ (6) de M. Rîcci Signorini est un ténébreux poème pour grand
orchestre, où des pages d'une intensité dramatique, outrageusement tendue, voisinent avec les
plus plates vulgarités. Pourquoi en avoir tenté cette transcription pour piano, surchargée,
illisible et presque injouable.
Allons vite goûter un peu de repos avec le charmant Paysage de M. Pujol (3) une
contrée paisible, herbeuse, dominée par de hautes collines qui ne sont pas encore des montagnes,
et parfumée d'un grand souffle de brise alpestre ; voilà, à mon idée, ce que M. Pujol a voulu
nous peindre. Nous sommes entrés ici dans le domaine de la grande musique.
Nous y resterons, avec deux admirables pièces d'AlbenîZ, (3) Zort-zico^ danse à cinq
temps, et La Fega^ premier morceau d'une Suite pour piano inspirée par l'Alhambra de
Grenade. Par la fluidité des modulations, et l'exquise recherche de la couleur sonore, il est
d'un bout à l'autre un régal exquis pour l'oreille. Ceux qui ne veulent voir en Albeniz que
le champion tapageur d'une école ultra moderne, seront peut être surpris de ce morceau.
CHANT. — Pour ne pas quitter cette musique espagnole si séduisante, passons aux
quatre Chansons d'enfants de Joseph Civil Y Castellvi, (3) (Beau Soleil, Saint Ange
Gardien, La fleur d'Amour). Ces petites mélodies d'un tour imprévu, qu'une traduction
française assez baroque rend encore plus déconcertantes, ont quelque de chose de jeune, de
frais, de malhabile, infiniment sympathique.
M. Siefert nous offre un poème qui porte ce titre éminemment suggestif. Doux réconfort
quune présence de veilleuse... (3) vous devinez que les vers sont de Rodenbach ; vous devinez
aussi tout ce qu'un prestigieux clair obscuriste a su dépenser d'ingéniosité dans la description
de ces pénombres musicales : malgré tant d'habileté, devant cette petite veilleuse, je regrette
le grand soleil d'Espagne.
ENSEMBLE. — Le Lied d'Eugène Cools (6) est un excellent morceau de salon,
dépourvu de toute nouveauté (pour flûte et violoncelle). Enfin, nous recevons la dernière
minute, un très bel Aria pour violon, de Clément Robert (8). L'auteur s'y montre,
comme toujours un mélodiste de premier ordre. La pureté presque classique de son dessin,
l'aisance de ses moludations, et la très haute tenue de son style nous font augurer grand bien
de trois pièces qu'il nous promet pour l'an prochain ; Prélude, Arabesque et Finale.
ORCHESTRE. — La collection des petites partitions d'orchestre de Durand s'est
augmentée de trois volumes : La Foi de Saint Saens ; Etude Symphonique d'après La Nef
de Samazeuilh, et V Etude pour le Palais Hanté., de Florent Schmitt. Nous y reviendrons.
V. P.
N. B. — Nous attirons l'attention de nos lecteurs sur l'intéressante publication par souscription annoncée dans le présent
numéro pour une série de chefs-d'œuvre du XVIII"= siècle : opéras-comiques ds Favart, Duny, Monsigny, arrangés pour
piano et chant. Cette publication, dont l'apparition coïncide avec les représentations données au Théâtre de Monsieur, ne
peut manquer de recevoir des amateurs de bonne musique française le meilleur accueil.
— Nous apprenons avec plaisir que notre excellent collègue Laloy a été nommé à la
suppléance du cours de M. Romain Rolland à la Sorbonne.
— M. Paul Le Flem reprend ses cours d'harmonie (17 rue Froidevaux). Il commencera
un cours d'orchestration pratique qui comprendra : i" L'analyse orchestrale d'oeuvres anciennes
et modernes ; 2° Des essais d'orchestration sous la direction du professeur ; 3° Des corrections
d'essais présentés par les élèves.
— Scho/a Cantorum. — Monsieur Vincent d'Indy vient de créer un cours supérieur de
violon à la Schola Cantorum.
C'est M. Armand Parent, déjà titulaire du cours du deuxième degré qui a été désigné
pour le diriger.
— Un directeur français en Colombie. — M. G. Uribe, élève de Vincent d'Indy, auteur
d'une sonate et de lieds appréciés, vient d'être nommé directeur de l'ancienne Académie
nationale de musique de Bogota (capitale de la Colombie), où il prépare d'importantes
réformes.
— La littérature musicale russe s'enrichit chaque jour de nouvelles découvertes, les
folkoloristes sont inlassables. Dans la seule province de Perni ils ont recueilli plus de 52
chansons populaires. Les paysans les chantent dans les églises et pendant les cérémonies
nuptiales. Chants d'amour ; chansons de brigands. Chose curieuse, aucune de ces petites
compositions ne célèbre le vin ou l'alcool. Les paysans ne chantent pas les mélodies originales;
ils en inventent selon leur fantaisie.
— Les théâtres de Lisbonne deviennent républicains ainsi le Théâtre Royal prend le nom
de Théâtre-Lyrique et le Théâtre Donna Amélia s'appelle Théâtre de la République.
— De quelques fauteuils académiques. Les titulaires :
V'^ fauteuil : Méhul, Boïcldieu, Reicha, Havély, Clapisson, Gounod, Théodore Dubois.
2* fauteuil : Cherubini, Onslow, Reber, Saint-Saëns.
3® fautueil : Gossec, Auber, Victor Massé, Léo Delibes, Guiraud, Paladilhe.
4*^ fauteuil : Grétry, Monsigny, Catcl, Pacr, Spontini, Ambroisc Thomas, Ch. Lcnepveu,
Widor.
5' fauteuil : Berton, Adolphe Adam, Berlioz, Félicien David, Reyer, Fauré.
6" fauteuil: Lesucur, Carafa Bazin, Massenet.
— Sait-on que Brahms ne se contentait pas des lauriers du compositeur, mais briguait ceux
de l'historien. Il travailla, jusqu'à sa mort, à une Histoire militaire ele l,i guerre frunco-allemande.
A noter une définition de la musique par Christiani auteur des Ptituipes du joueur de piano-
forte. " Cet art (la musique) a sa lui rDiiilamentale dans la loi ilc la hiauté. La beauté présuppose
la symétrie. La symétrie est visible dans le rythme. VjC rythme rend audicible la symétrie par le
mouvement symétrique. Le mouvement symétrique est dont k priiuipal élément de la
musique. *'
Tous droits réserves pour tous pays y compris la Scandinavie et l'Extrême Orient.
Le Gérant : Marcel Fredet.
Impr. par The St. Catherine Press Ltd. Bruges, Belgique.
L'JCTUALITÉ
MUSICALE
15 Janvier 1910
L' je TU ALITÉ MUSICALE
Annexe de la reVue musicale S.I.M.
publiée par la section de Paris de la Société
Internationale de Musique.
M M M
Trente-deux pages mensuelles.
FRANCE ET BELGIQUE
Le numéro fr. 0.40
Un an fr. 4.00
UNION POSTALE
Le numéro fr. 0.60
Un an fr. 6.00
REDACTION :
„PARIS: 22, RUE ST. AUGUSTIN
BELGIQUE: RENÉ LYR A BOITSFORT, BRUXELLES
ADMINISTRATION :
LIBRAIRIE CH. DELAGRAVE, 15, rue Soufflot, PARIS.
Tous les mandais doivent être adressés soit à la librairie DELAGRjlVE,
soit à M. RE^É LYR.
SOMMAIRE DE L'ACTUALITÉ
THÉÂTRES ET CONCERTS, à Paris par Gasidn Carraud. — En province —
Belgique. — Bibliographie. — A l'Etranger. — JOUR ET NUIT, par Jonnfe-DuvAL. Le .
petit Conservatoire. — COURS l'/T CONFERENCES. Leç9P crouvcrture au o<)n-servar. i
toirc par M. Emmanukl. — Le cours de Ry;viAlN Roi. i. and à la Sorbonne. — SOCIETE
INTERNATIONALE DE MUSIQUE. — LES INSTRUMENTS, Les nouveautés
(Je partout par L. Greilsamer. Une expérience d'acoustique par le Dr. Marage. —
QUESTK^NS SOCIALES, par M. Daubresse. Le Congrès des crusses moyennes et les
musiciens, — Fait^ sociaux. — ÉDITION MUSICALE.
Théâtres et Concerts
Paris décembre
Notre S.I.M. étant uniquement dédié à Haydn l'Actualité se trouve, cette fois un peu modifiée. La chronique
du mois de notre collaborateur M. Gaston Carraud remplace cette fois, dans cette rubrique des théâtres et
concerts tous les autres compte-rendus de Paris.
Le bon papa Haydn cette fois relègue en
marge les choses du jour. Et cela est fort bien fait.
Il est si vénérable et si charmant, si familière-
ment original et grand : et le monde musical
moderne l'oublie vraiment trop, lui qui fut
bien un peu le papa de la musique moderne.
Faisons donc bref en son honneur, et différons
les concerts : ils ne nous ont d'ailleurs, en ce
dernier mois de l'année, rien apporté, que
l'audition médiocrement accueillie de deux
symphonies de Brûckner, chez M. Hasselmans,
puis chez M. Chevillard. C'est un sujet inté-
ressant, qui veut être traité à loisir, et qui peut
attendre le mois prochain. Mais au théâtre
— et à l'Opéra-Comique — deux événements
se sont produits, trop importants pour que je
remette d'en parler, fût-ce rapidement.
Oui : c'est en ce temps un événement con-
sidérable que la représentation d'un tout petit
ouvrage en deux actes, qui est de la bonne
musique. 'Far sa distinction d'ârhe et de style,
par sa saine jeunesse, sa sincérité, son désinté-
ressement, il nous réconforte et nous rafraîchit.
Nous n'avions rien eu de tel — sans sotte
comparaison — depuis Ariane et Barbe Bleue.
Je n'ai pas besoin de vous présenter
M. Déodat de Séverac. S'il avait trop peu
produit jusqu'ici pour être répandu dans le
grand public, il n'est pas une personne musi-
cienne qui par quelques pages du Chant de la
Terre et de En Languedoc^ simples suites pour
le piano, ne connût en lui une des personna-
lités les mieux définies et les plus remarquables
de notre jeune musique, et qui n'attendît
beaucoup de la première œuvre plus développée
qu'il nous donnerait.
Le Cœur du Moulin., il faut bien l'avouer
tout de suite, est pour la scène une œuvre
manquée : mais c'est une œuvre exquise, et
qui tient plus encore que le musicien n'avait
semblé promettre. Car si nous lui savions une
sensibilité rare et très particulière, et en
même temps le sens intime et délicat du
pittoresque, nous ne savions pas de quelle
manière il emploierait ces qualités à la vie
d'un drame, ni quelle précision, ni quelle
intensité il serait capable de lui donner. J'ai
dit que le Cœur du Moulin était une œuvre
manquée, mais uniquement par là faute du
livret, qui malgré de réels mérites poétiques et
musicaux, expose maladroitement, sans assez
de mouvement ni de clarté, une idée un peu
courte, et jolie.
Le don scènique du musicien, en revanche,
L'ACTUALITE MUSICALE
est manifeste. Ce qu'il y a de discret, de con-
tenu dans son émotion ne la rend que plus
efficace. Son expression est directe. Elle atteint
le fond du cœur. Chaque mot, chaque geste,
est empli de sens par la musique ; et c'est
avec une pitoyable douceur qu'elle nous
découvre les sentiments des personnages. Voyez
comme les situations sont naturellement et
sobrement traitées. Voyez avec quelle vérité
et quelle touchante noblesse les caractères de
Marie et du Vieux Meunier surtout sont
dessinés. Malgré que l'orchestre soit un peu
préoccupant pour l'auditeur, par la recherche
trop constante de la sonorité pittoresque et le
travail trop abondant des motifs, il est en
équilibre avec les voix, et ne contrarie point la
déclamation. Ce qu'on trouvera encore d'un
peu compliqué et d'un peu haché dans cette
partition peut tenir à ce qu'elle date de plus de
six années déjà, et fut plusieurs fois remaniée.
Mais la pensée est simple chez M. de Séverac,
et l'écriture se fera simple aussi. Et cette
pensée est d'une fraîcheur, d'une clarté, d'une
générosité singulières. Ne vous y trompez pas;
il y a plus de mélodie dans les deux cents pages
du Cœur du Moulin que dans l'œuvre com-
plet de toute la séquelle italienne.
Le don mélodique est une des choses
qui distinguent M. de Séverac de M. De-
bussy, dont on l'a trop dit le disciple. On
trouve assurément chez M. de Séverac des
détails, de sonorité surtout, ou d'harmonie, qui
viennent de M. Debussy. On en trouve aussi
qui peuvent venir de M. Gustave Charpen-
tier : telles phrases dites presque à vide, par
exemple, ou telle trompette avec sourdine, qui
est plutôt celle de Louise que celle de Pellèas.
Ce sont là les acquisitions pour ainsi dire
matérielles que chaque compositeur original
apporte à la musique, et qui deviennent ensuite
la propriété de la musique toute entière. Mais
en rien de ce qu'elle a d'essentiel, la inMsi(]uc
de M. de Séverac ne provient de celle de
M. Debussy. Sa sensibilité est d'une espèce
toute différente. Toutes différentes, ses formes
mélodi(|ucs et ses assises tonales ; différente sa
déclamation ; et différent son rythme.
Une autre diffï-rence est dans le sentiment
de la nature, qui tient chez ces deux artistes
une si grande place. Tandis que M, Debussy
semble la peupler d'êtres mystérieux, de puis-
sances suavement formidables qui se jouent
d'une humanité quasi inconsciente, la nature
de M. de Séverac est une confidente mater-
nelle et une conseillère, tout près du cœur de
l'homme. Nos moindres émois trouvent en
elle leur écho immédiat. Elle vibre, elle aime
et souffre, pleure et caresse avec nous. Depuis
l'enfance, elle forme insensiblement notre
âme. Elle est immobile et muette en réalité:
mais tous ses traits, comme les rides attendris-
santes et le regard lumineux de nos vieux
parents, deviennent pour notre âge milr les
symboles des idées de bien, de bon et de beau:
c'est nous qui prêtons une voix aux choses, et
c'est la voix du plus lointain passé, du passé
candide que l'immutabilité de ces choses fait
remonter à notre mémoire trouble.
Au théâtre, cela se matérialise d'une façon
infiniment désagréable, incompréhensible et un
peu ridicule. Mais la musique l'exprime avec
une éloquence délicieuse. Elle est tout d'abord
un charme continuel pour l'oreille, par sa
sonorité vi\ e, chatoyante, subtile, par son con-
tour et par son rythme. Elle est comme une
atmosphère qui chante et frissonne avec l'heure,
qui baigne et pénètre l'action. L'expression et
la couleur sont en elle comme une seule et
même chose. Et de même que si l'on examine
par la technique la musique de M. de Séverac,
on y distinguera à la fois l'inspiration la plus
franche, la plus spontanée, et la plus savoureuse
recherche d'écriture; de même, dans sa couleur
et dans son expression, on reconnaîtra l'artiste
et le poète raffinés, en même temps que
l'homme tout près de la nature, qui vit et sent
et pense en elle. Et l'homme d'une nature
particulière, l'homme de sa province, non
point lie cet odieux Midi, tapageur et vantard,
que nous connaissons trop, mais il'un Midi
enveloppé, seiisitif, intérieur, qu'ombragent le
rêve des pins, le style des cyprès, la finesse
des oliviers. Attendons en grande confiance
l'ouvrngc que M. de Séverac composera sur un
poème tout à fait digne de lui : et si le Cœur
du .Moulin nous a paru cjuclque ptii languissant
L'ACTUALITE MUSICALE
et monotone, n'oublions pas qu'on a fâcheuse-
ment coupé à la représentation tout un diver-
tissement populaire, d'une musique allègre et
rigoureuse, que les auteurs avaient amené
ingénuement sans doute, mais pour le plus utile
contraste.
*
* *-
L'interprétation nouvelle d'une œuvre an-
cienne peut être une chose presque aussi
importante que la révélation d'une œuvre
nouvelle. Et elle est bien aussi une révélation,
car elle nous donne de cette œuvre des clartés
que nous ne possédions point, l'intuition et
l'étude d'un grand artiste pouvant beaucoup
plus que notre froide analyse. C'est ainsi que
cette Carmen^ dont nous sommes si rebattus,
vient de nous réapparaître avec une fermeté
classique du style, à la fois, et une force
réaliste de l'expression qui nous semblent toutes
neuves. M"*^ Lucienne Bréval, qui fut pour nous
la seule Brunnhilde et la seule Valentine, et
Armide, et Phèdre, est aussi la seule Carmen
qu'aient pu connaître ceux qui n'ont pas assisté
à la création du chef-d'œuvre de Bizet. Et
l'interprétation de ce personnage si différent de
ceux où nous avons accoutumé de la voir, se
trouve être l'interprétation la plus complète
qu'elle ait encore réalisée, et le modèle en
même temps de ce que doit être l'interpréta-
tion d'un personnage lyrique. Interprétation
beaucoup plus complexe qu'on ne l'imagine
communément, puisqu'elle doit, de toute la vie
intérieure de ce personnage, de sa vie plastique,
et encore de la vie propre et de la forme de la
musique, constituer une harmonie vivante elle-
même. C'est une tâche si difficile, que le
nombre est infiniment petit, des personnes qui
en ont aperçu seulement une lueur. Et il
n'était sans doute pas de rôle où elle fût plus
difficile que dans ce rôle de Carmen, devenu,
aux mains de toutes les cantatrices du monde
peut-être, comme une loque déformée, usée,
vidée.
Mérimée et Bizet, et l'Espagne des peintres
et celle des poètes, et le vieil opéra-comique
et le drame moderne, nous voulons tout voir,
même le plus contradictoire, dans cet ouvrage
favori, dont la forme et le caractère, malgré sa
beauté, restent ambigus. Et voici que tout
s'accorde, parce que M""" Bréval, très simple-
ment, sans s'occuper de ce qui se put faire
avant elle, chante cette musique telle qu'elle
est dans sa ligne et dans son rythme, mais
avec l'intelligence profonde de cette ligne et
de ce rythme ; et parce qu'en toute chose,
depuis la couleur de son costume et de son
teint jusqu'à la couleur de sa voix, depuis son
geste jusqu'à son chant, dans sa démarche,
dans son regard admirable, dans le plus effacé
de ses accents comme dans celui qui doit
frapper le plus fort, elle s'oublie elle-même et
ne s'inquiète de rien, sinon de recomposer
l'être humain qu'elle a su deviner : la Gitane
indomptable et lointaine, qui n'accepte de loi
que son plaisir et le Destin. L'oreille, l'œil et
l'esprit sont d'un coup merveilleusement satis-
faits, et par ce comble d'art et de volonté qui
atteint au naturel parfait. Car cette Carmen
de grand opéra n'est pas seulement la plus
tragique de toutes, ma^ la plus légère où il
faut, la plus spirituelle, la plus simple
et celle qui dit le mieux " le poème ", comme
on appelle à l'Opéra-Comique ces invraisem-
blables proses — même quand elles sont de
Meilhac et Halévy. Il est bien regrettable
qu'on n'ait pas profité de l'occasion pour
rétablir dans le même esprit toute l'interpré-
tation de Carmen^ si dénaturée aujourd'hui
comme celle de toutes les œuvres tombées dans
le " répertoire ". La fadeur inconsistante des
uns, les outrances mélodramatiques et anti-
musicales des autres paraissent, autour de
^eiie gi-^yal^ d'un goût également faux.
Gaston Carraud.
En Province
LE FESTIVAL DE LILLE. — Les
concerts du dimanche à Paris sont peu à peu
devenus prisonniers d'un public ennemi de la
nouveauté. Ils n'ont plus aujourd'hui ce rôle
d'initiateurs qui fit leur gloire il y a vingt ans.
Encore un peu, et leur mission sera celle de
L'ACTUALITE MUSICALE
toutes les grandes institutions officielles, c'est
à dire de conserver l'héritage du passé et de
le faire connaître à un public de plus en plus
étendu, de plus en plus ami de la vulgarisation.
Les grands concerts de province ne connais-
sent pas encore cette tyrannie des années. Ils
sont jeunes, et ils peuvent avoir une influence
décisive sur la vie musicale décentralisée.
Ces réflexions me venaient samedi, en
quittant l'Hippodrome de Lille, et en gagnant
dans la brume du Nord le lieu de cordiale
réception où Mme Maquet avait convié
Mme Malkick Maquet
quelques journalistes intrépides. Car la musi-
que à Lille a ses gramls festivals, tout comme
à Cologne ou à Manchester. Et, bien plus, jls
sont dirigés par une femme de courageuse
initiative, sur laquelle les Flandres commen-
cent à avoir les yeux fixés.
Il y a quelques années Maurice Maquet,
après avoir défendu pendant quinze ans, à
Lille, la cause du giaïul art, succombait
brusquement, et sa veuve, sans hésiter, prenait
d'une main ferme son œuvre de propagande
musicale et son bâton de chef d'orchestre.
Spectacle singulier, en vérité, de voir un être
du sexe que l'on croit faible, imposer sa
volonté à 300 exécutants ! Mme Maquet
dirige avec un sens très précis de l'éqmlibre.
Elle sait que son premier devoir est d'obtenir
l'homogénéité de ces éléments divers, réunis
à son appel. Mais, en outre, et ceci est bien
féminin, elle se livre toute à la volupté du
son. Quel(|ues fois même, il m'a semblé qu'elle
ralentissait les mouvements, pour prolonger
l'extase. Mme Macjuet se- plait ;i l'activité de
Hacndel, à la tension soutenue d'un César
Franck. Wagner est son dieu. L'art de demain,
flottant et fugitif, est moins de son goût.
Il s'agissait, dans ce festival spirituel, du
Magnificat de Bach, du Requiem de Mozart,
d'un Concerto d'orgue de Haendcl et d'un
morceau de Rédemption. Comme on le voit,
deux bonnes heures de musique sérieuse !
Toutes les Flandres, de Calais à Mézières et
d'Amiens à Roubaix, avaient envoyé par
petits groupes leurs fidèles et formaient un
public calme, attentif, capable d'émotion
contenue, un de ces publics qui ont de
l'estomac, et qui ne connaissent pas les dé-
goûts subits de nos Parisiens. Il est vrai
d'ajouter que l'effort réalisé par Mme Maquet
se trouvait appuyé par de très solides parte-
naires : Mme Auguez de Montalant, MM.
Bonnet, Phimondon et Froelich.
Haendel a porté plus que tout autre. La
plasticité de cet art vigoureux a réellement
enle\é la salle. Mozart et Franck ont eu aussi
leurs suffrages. Bach s'est contenté d'une
mention honorable. N'en soyons pas étonné.
C'est déjà bien joli de pouvoir remplir jus-
qu'aux bords une vaste enceinte comme
l'Hippodrcnne lillois, sans y faire aucune con-
cession à l'habituel Oitovadisme.
Ya je songeais involontairement en regar-
dant la forme de ce grand édifice, à un autre
cirque, celui des Filles-du-Calvaire, où la
musique française fit ses premières armes. A
Lille comme à Paris, c'est autour d'une piste
transformée que l'art instrumental, la musique
pure, fut obligée de se réfugier tout il'abind.
Souhaitons que la Flandre saclie donner à l'art,
et plus tôt qu'on ne l'a fait ici, la demeure
convenable et digne, le temple que ses fidèles
réclament.
Car l'initiatiNe île Mme Maquet ne tend à
rien moins qu'à restaurer en terre flamande les
trailitions et la splendeur d'un art, où les
rr;iiu-o-belges se sont jadis illustrés. Lille peut
et doit devenir un centre de musique vigou-
reuse et protoiiile. Depuis trop longtemps
Paris absorbe pour lui seid les énergies provin-
ciales et les déracine à son profit, l'.ntre la
Belgique et la Piianlie, entre la Manclu' et la
L'ACTUALITE MUSICALE
■7
Lorraine vit et prospère un peuple essentielle-
ment attaché à cet art intérieur qu'est la
musique. Pourquoi n'aurait-il pas ses grandes
auditions, son organisme de symphonie locale?
Pourquoi ne chanterait-il pas pour lui-même?
Malheureusement, il faut bien le dire, la
province est divisée. De là sa faiblesse. La
musique, comme toute autre chose, y subit la
contagion de ce détestable esprit de parti, où
il semble que la France cherche à épuiser ses
forces. A Lille comme ailleurs les intérêts de
l'art passent bien souvent après ceux de la
-coterie
On ne saurait trop compter sur l'enthou-
siasme débordant de Mme Maquet, sur sa
confiance aveugle dans le triomphe du beau,
sur la force de son apostolat, pour entraîner
dans un grand mouvement d'art les timidités
des égoïsmes locaux. La musique n'a-t-elle
pas été donnée aux hommes pour purifier
leurs cœurs de tout levain de discorde, pour
créer parmi nous ces courants de sympathie
magnétique qui rassemblent les forces d'un
même pays autour d'un même idéal !
J. ECORCHEVILLE.
LYON. — La société Lyonnaise de musi-
que ancienne, composée de M. M. Maurice
Reuchsel (quinton et violon), Bay (viole d'a-
mour), Ticier (viole de gambe) et Amédée
Reuchsel (clavecin), a repris ses séances avec le
plus vif succès. Au concert du 13 décembre,
un public nombreux a beaucoup goûté des
pièces en trio de Couperin et de Rameau,
ainsi que des sonates de Marcello, de -Barrière,
de Geminiani, et des soli de Milandre, Pasquini,
Caix de Hervelois, Melle Bellemin a chanté*
d'une façon remarquable des airs de Bach,
Rameau et Clérambault.
Une intéressante causerie précédait l'audi-
tion.
BESANÇON. — Mardi 21 décembre
audition intégrale du Messie de Haendel
donnée par les Chanteurs de St. Pierre — 140
exécutants, sous la direction de Félix Raugel,
cette audition est la première en France, avec
l'orchestration originale, reconstituée d'après
les manuscrits de Haendel, par F. Raugel.
Les solistes étaient: soprano, Melle Forien
alto, Madame Philipp des concerts Lamou-
rcux : ténor, Plamondon ; basse, Mary. Les
chœurs et l'orchestre ont été excellents. Tous
nos compliments à M. Forien le président des
chanteurs de St. Pierre et au zélé chef de
chœurs M. Doyen qui eut à faire étudier la
partie chorale du chef-d'œuvre de Haendel.
TOURS. — Après la série d'Auditions
Hebdomadaires de Musique ancienne et mo-
derne que le vaillant violoncelliste Maxime
Thomas conduisit vers la 200" avec un succès
constant qui le suivit quand il quitta Tours
pour Paris, — après les généreuses mais
infructueuses tentatives de l'Association sym-
phonique que dirigeait magistralement M.
Etesse, les dilettantes tourangeaux connurent
des années maigres, où ils n'eurent, pour tout
régal (souvent de premier choix, il est vrai),
que les rares concerts de l'aristocratique Société
des Amis des Arts, de la décentralisatrice
Société Littéraire et Artistique, de la Chorale
S***^ Cécile, et des démocratiques Orphéon et
Philharmonie réunis sous la baguette habile et
zélée de M. H. Sartel. L'année 1910 semble
devoir être plus copieuse : puisse la qualité
valoir la quantité ?....
— L'Union des Femmes professeurs et
compositeurs (27, Rue Blanche, Paris) an-
nonce, en 8 concerts, l'exécution chronologique
des œuvres de Bach, Mozart, Beethoven,
Schubert, Schumann, César Franck, d'auteurs
du XV IIP siècle et d'auteurs modernes.
— Les très réputés professeurs de piano et
de chant. M""* Perny et Ruin-Gabriac,
donnent, avec le concours de leurs élèves,
3 conférences-auditions ayant pour thème les
Influences i^ de la Religion, 2^ de la Nature,
3*^ de l'Amour, sur la Musique : le public qui
vint en foule à la i'^*' ne manquera pas de reve-
nir aux deux suivantes, et d'en sortir en-
chanté.
— La Société des Amis des Arts prépare,
pour Février, une soirée de gala avec le
concours du " Concert Rouge," et de chan-
teurs dans une sélection de la Damnation de
8
L'ACTUALITE MUSICALE
Faust. De plus, il y a eu et il y aura, sous le
patronage de la même Société, de nobles
auditions de musique, de musique de chambre.
— La Série a été ouverte par un Récital du
jeune pianiste M. Edouard Bernard, qui c'est
montré artiste personnel et virtuose particulière-
ment dans la Sonate en /a bémol de Weber,
les grandes variations de Liszt sur un thème de
Bach, Prélude, Choral et Fugue de Franck. —
Puis, ce furent, avec la belle basse M.
Chanoine-Davranches, MM. Alfred Cortot et
Jules Boucherit qui nous interprétèrent la
Sonate en ut majeur de Mozart et la Sonate a
Kreutzer. Et quelle évocation émouvante du
Romantisme Allemand plus pittoresque que
les Etudes Symphoniques de Schumann !
— Enfin, nous avons eu la première des
Matinées de Sonates, organisées par les deux
excellents musiciens tourangeaux, la pianiste
M"*" Wyder, et le violoniste M. Lièron. Le
programme comprenait les Sonates en mi
majeur op. 40 de Rontgen, en ut mineur op.
30 de Beethoven, et op. 45 de Grieg : exécu-
tion à la fois sévère et vibrante, et c'est le
mérite de cette initiative à laquelle nous sou-
haitons de réunir, chaque mois, un public épris
de musique pure de plus en plus nombreux.
H.
ROUEN. — Conférence de M. P. L.
Robert. — Le public roueimais a été initié à
la musique de Moussorgsky par M. P. L.
Robert, qui vient de prononcer ici une inté-
ressante conférence sur la vie et l'influence du
grand musicien russe. Mme Robert, accom-
pagnée par Roger Boucher a fait entendre
ensuite diverses fragments d'œuvres de Mous-
sorgsky ; entre autres le recueil intitulé la
Chambre d'enfants. Voilà d'excellente propa-
gande par la musique de ce maître si peu
coiuiu chez nous.
Belgique
BRUXELLi^S. — Ainsi que je l'annon-
çais dans la chronique de Novembre, la saison
IQOQ-IQIoest extraordinaireinent abondante
en auditions de toutes espèces. De nouvelles
sociétés se sont formées, les anciennes ont
trouvé de neuves énergies, les virtuoses se
succèdent — des programmes merveilleux se
multiplient, s'enchevêtrent, et se disputent la
faveur du public. Lui aussi — le public —
semble avoir dépouillé l'indifférence qu'on lui
reprochait, naguère, avec raison. Non pas que
les salles soient combles toujours, mais il faut
compter que deux, trois, quatre séances, parfois,
le sollicitent à la même heure, — et reconnais-
sons donc que les Belges s'éprennent, de plus
en plus, de musique.
Nous avons pu entendre, cette année, ainsi
qu'on le lira plus loin, plusieurs productions
nationales, bien peu, encore, sans doute,
bien peu, si l'on songe à la splendide floraison
présente, où le génie d'une race singulièrement
active et robuste semble s'épanouir. On nous
en promet d'autres. Les éditions sont nom-
breuses et variées, ce qui ne veut certes pas
dire qu'elles soient toutes éminemment éclec-
tiques, mais nous pouvons espérer qu'elles le
deviendront, au fur et à mesure que sera
cultivé le goût populaire. L'activité orphénique
intense réclame des aliments nouveaux. En
un mot, l'heure est incontestablement aux
choses musicales.
Devons-nous voir en cela une manifestation
toute spontanée d'aspirations propres au mo-
ment où nous vivons? ou bien, un premier
résultat satisfaisant d'eftorts tentés, dans ces
dernières années en vue de l'éducation esthé-
tique de notre génération .'' Il apparaît, au cher-
cheur, impatient peut-être, d'un meilleur
devenir, qu'un mouvement général s'agite
'aux tréfonds de la foule. Puisse-t-il aider la
réaction, qui s'impose contre le praticisme
effréné, contie la mécanisation destructrice de
rêve et d'idéal. Qu'on sème la bonne parole,
afin que germe vuie moisson plhiihe. Et
saluons toutes les initiatives. Il est temps que
de jeunes courages se dressent, impérieux,
devant la routine, la crainte aussi, l'esprit de
lucre qui a gagné les meilleurs et le cœur
même de notre vie artistique.
Nous l'avons dit, et nous le redirons, — c;u
il le finit, — souvent, nous possédons une
L'ACTUALITE MUSICALE
musique profoiulcmcnt originale et vivante ; il
est désirable qu'enfin, le grand public, pour
qui, en somme, nous œuvrons, puisse prendre
notion de Vanir musicale riôtm.
La multiplication des concerts, leur valeur,
la bonne volonté des artistes, l'abondance et le
caractère des compositions, le concours acquis
de l'élite dilettante — l'intensité du mouve-
ment, nous convient à la réalisation d'un
programme qu'aucun musicien belge ne dés-
avouera.
Et en écrivant ces lignes, je pense aux
paroles simples et claires qu'a prononcées
tantôt le nouveau Roi de Belgique : Albert^
dans son discours d'inauguration.
"le peuple belge poursuivra sa marche
vers les conquêtes pacifiques du travail et de la
science tandis que les artistes et les écrivains de
Flandre et de JVallonie sèmeront le chemin de
leurs chef s-d"" œuvre ".
Une nation dont le Premier Citoyen ainsi
qu'il aima s'appeler lui-même, parle en ces
termes, a le droit de se réjouir, et le Serment
du trône offert à sa prospérité, affirme l'avéne-
ment de son Art.
René Lyr.
LA MONNAIE nous annonce, outre les
nouveautés que je signalais : la Danse des Fkes
d' Hèbè^ de Rameau, et P Enfance du Christ de
Berlioz.
M. Henry de Curzon, notre éminent col-
lègue et collaborateur, secrétaire de la Société
de l'Histoire di^ Théâtre, à Paris, avec l'aide
infiniment précieuse et savante d_e- M. Ch.
Malherbe, président de notre Section française
de la S. L M., a retrouvé, aux archives na-
tionales, la description fidèle des costumes
qui servirent pour la première représentation,
en 1764, à Versailles, de la Danse. Les des-
sinateurs de la Monnaie ont pris copie de ces
documents, ce qui nous vaudra une recon-
stitution intéressante de ce chef-d'œuvre du
vieux Maître français.
— A part la reprise à'' Alceste^ rien à signaler:
le théâtre national, ayant, par deux fois,
fermé ses portes en signe de deuil: pour la
mort du bourgmestre de Bruxelles, M. de- Mot,
et celle du Roi Léopold IL
— Au deuxième Concert Populaire., M.
Sylvain Dupuis inscrivit au programme des
œuvres belges. Cette audace — car c'en est
une — est une nouvelle justification de mon
optimisme, qui ne manquera pas, d'ailleurs,
de faire sourire, tout premier, le Maître 'Paul
Gilson^ dont la spirituelle ironie s'exprimait, au
lendemain de l'événement, par ces lignes, que
je découpe dans le Soir:
...Son initiative n'est guère encouragée par
notre public, qui se départit rarement de sa
native froideur pour tout ce qui touche la
" musique nationale ".
" Il suffit que j'annonce une audition de
musique belge, pour que le vide se fasse à mes
concerts, me disait dernièrement un chef
d'orchestre bruxellois.
" Depuis une bonne trentaine d'années, j'en-
tends les mêmes doléances, et rien ne fait
prévoir le moindre changement à ce fâcheux
état de choses.
" La musique belge n'est pas encore entrée
dans nos mœurs ", s'exclamait mélancolique-
ment l'excellent M. B..., d'Anvers qui s'effor-
çait par tous les moyens de secouer la torpeur
indifférente de ses compatriotes, mais en pure
perte....
" Peut-être les compositeurs belges écrivent-
ils de la musique trop sérieuse, ce qui est,
chez nous, un moyen très efficace pour ne
pas être pris au sérieux ".
Au surplus, je me permettrai de faire remar-
quer, très respectueusement, au Maître de la
Musique Belge, que c'est peut-être un tort,
— que partagent, il est vrai, toute notre
critique, et tous nos musiciens — d'insister
avec une sorte de complaisance amèrement
moqueuse, sur le peu de succès que trouvent,
chez eux, nos compositeurs. Ce n'est peut-
être pas le moyen d'encourager les directeurs
et chefs d'orchestre, déjà si peu disposés à
faire un sacrifice, et à lutter avec persévérance,
contre les dilections du public. Celui-ci n'en
peut mais et ne faudrait-il pas, au contraire,
applaudir chaleureusement à toute tentative —
lO
L'ACTUALITE MUSICALE
le moindre succès en ces matières étant
"quand même" une \ictoire — en \ue du
triomphe final dont tous se réjouiront.
Le grand musicien qui, à la façon d'un
Jef Lambeaux de la matière harmonique, a
magnifié sa race et son pays, pourra sourire à
mes affirmations — son Œuvre n'est-elle pas
la plus imposante protestation contre les
sourires, et n'a-t-elle pas suscité, au cœur du
siècle, une large impulsion qui tait notre
enthousiasme r A l'ombre de son labeur, Paul
Gilson peut entendre, déjà, lever la jeune
et belle moisson qu'il a semée...
Nous essayerons de le montrer, dans un
prochain numéro.
Et pour en revenir au Concert populaire^ il
donnait donc une ouverture pour Phèdre de
M. Martin Lunssens. — M. Lunssens est au
nombre de nos compositeurs remarquables.
S'il ne possède pas une transcendentale
originalité, on lui reconnaît une science pro-
fonde et sûre, une écriture parfaite, une
technique solide, avec la distinction de pensée
et de sentiment. C'est un artiste qui honore
son art. L'ouverture de 'Phèdre témoigne une
fois de plus de ces qualités, assez rares pour
qu'on les signale, et pour qu'on les salue.
A côté de cette oeuvre, le Concerto pour
Violoncelle de M. Louis Uelune, d'une con-
struction moins sohde, et de trame plus lâche,
apparut, par contraste, un peu mièvre. M""'
Delune, artiste d'un talent déh'cat, interprétait
cette page, et fit valoir aussi le concerto de
Tartiniy fort bien orchestré par M. Delune.
— Le deuxième concert Durant s'ouvrit par
la huitièine symphonie, en fa majeur, de
Heethoven où l'on peut désirer encore un peu
plus de souplesse, et de fondu. M'"'' Borgo a
fait remarquer ses facultés dramatiques dans
l'air d'/ZArj/c, et la fin du (Jn^puscule des Dieux.
J/orchestre a donné la Sérénade en rè
de Brahms, que M. Durant aftcctionm- et
s'efforce de faire apprécier à Bruxelles, comme
il convient. l>e vaillant chef d'orchestre est en
réel progrès, et nous lui ménagerons d'autant
moins l'éloge t|ue nous n'avons point ménagé,
jusqu'ici, la critique... Ikavo ! l'orclu-stre est
meilleur, plus homogène, plus docile, la ferveur,
l'émotion le gagne, et M. Durant lui-même
sacrifie plus au sentiment. Le public, et en
particulier, les admirateurs de Brahms lui ont
fait succès, ainsi qu'à ses collaborateurs, et en
applaudissant à la correction, au coloris de
l'interprétation.
Outre ces grands concerts, M. Durant
inaugura une série de 24 auditions populaires.
Les premières séances n'ont pas trouvé foule,
et devant ce peu d'enthousiasme du public elles
ne furent pas renouvelées.
— Le programme du deuxième concert
Ysa\ e réunissait les noms de Beethoven et
JVagner. Il était consacré à l'œuvre drama-
tique de Maîtres, avec le concours des célèbre^
M. et M""- Henusel.
Nous n'avons plus à redire la valeur de
l'orchestre et de son directeur. Remarquons
simplement que l'exécution manquait un peu
d'envolée — et qu'il nous apparaît préférable
qu'on ne réunisse point des génies aussi essen-
tiellement différents, et dans la conception er
dans le sentiment, et dans la manière.
AU CONSERVATOIRE. — Nomina-
tions :
M. S)'Stermans, critique musical du A A
Siècle, est nommé administrateur-trésorier.
M""' Eléonore Neur)-Mahieu, professeur de
diction, en qualité de professeur de déclamation
(tragédie et comédie) ; M""' Van Steenkiste-
Gérard et M"' Jeanne Dubreucq, actuelle-
ment chargées de cours, aux fonctions de
professeurs-adjoints de déclamation. M. Samuel,
piotesseur-adjoint, en c]ualité île professeur
d'harmonie pratique et M"'' VVouters, aux
fonctions de professeur-adjoint d'harmonie
(jeunes filles).
Sur la proposition île M. rincl, la Com-
mission vient de décider de rendre désormais
publiques les répétitions générales des concerts.
C'est une excellente mesme.
Les concerts du Conser\ati)ire de cette
saison sont fixés aux dimanches 30 jan\ier,
20 février et 20 mars. On exécutera au premier
concert la 7'' symphonie de Beethoven, Nœniey
L'ACTUALITE MUSICALE
1 1
et le Chant des Parqurs^ de Hrahnis, et V Âctus
Tragicus^ de J.S. Bach.
ERRATA. — Il s'est glissé une erreur
typographique assez grave dans la composition
de ma copie de Décembre. — Dans la rela-
tion de M''"" Butterfly, on m'a fait dire :
" Dont les épanchements mélodiques n'at-
tendent pas plus ou moins ('/(? poétiques rêves''\
— Il faut lire : " rives." —
— Nos lecteurs apprendront avec plaisir que
nous serons secondés, dans la relation de la
vie musicale à Bruxelles par le compositeur
Michel Brussehnans^ un des plus remarquables
'harmonistes de notre jeune école, — l'élève
aimé du Maître Paul Gilson. M. Brusselmans
tient, dans les colonnes du Guide Musical^
depuis plusieurs années, ime plume éminem-
ment autorisée, aux appréciations sobres, im-
partiales, mesurées, et que les musiciens esti-
ment justement.
R. L.
LIEGE. — La saison musicale, tardive en
notre bonne ville, ne nous a donné encore
que peu de concerts intéressants. On a ap-
plaudi M"" et. — surtout — M. Heusel
Schweitzer en une audition w^agnérienne.
Nous avons applaudi Risler aux " Concerts
Debefre ", où Georges Sporck a remporté un
grand succès de compositeur avec sa Légende
et Islande. L' " Œuvre des Artistes " a con-
sacré sa première séance de propagande à
Victor Vreuls, qui a partout sa bonne semaine.
Et voilà notre saison amorcée.
Au " Théâtre Royal ", reprises habituelles
du répertoire dans lequel Massenet est très
copieusement représenté. On prépare les
M aîtres-Chanteurs. Le succès de la troupe,
parmi laquelle on compte des chanteurs de
talent, s'appuie sur la musicalité très avertie
du chef d'orchestre, M. Kochs. Et le succès
est grand auprès du public.
Dr. Dw^elshausers.
Nous apprenons avec plaisir la nomination
de notre excellent ami, M. L. Mawet, qui s'est
distingué, parmi nos compositeurs, par l'ori-
ginalité de ses lied, en qualité de professeur
au Conservatoire de f^iége, en même temps
que M'"" Maison, et M. Henrion — en rem-
placement de M""" Van den Boorn-Coclet,
MM. Debefre et Jaspar, promus à d'autres
fonctions. Nos félicitations sincères.
GAND. — Le Festival J. Vandermeulen.,
au grand théâtre de Gand, fut un éclatant
triomphe pour le compositeur. On y donnait
des pages symphoniques, l'ouverture de Tibé-
rius, qui rappelle par certains aspects, et trop,
Wagner., l'Adieu, solo pour cor et orchestre,
l'entr'acte du 2^ acte de Frya et, c'est la
partie essentielle du programme, l'opéra en
3 actes et 4 tableaux " Au pays du lin " (livret
de MM. Declercq et Sevens.) Sur une trame
suffisamment banale, quoiqu'on y trouve
certains croquis pris sur le vif de la mentalité,
du caractère, de la vie flamande, le musicien a
écrit une œuvre simple, franche, intéressante,
et probe. Cette musique sans recherche, n'est
certes pas dépourvue d'inspiration, et sollicite
l'intérêt. Cependant, elle n'échappe pas toujours
à la sécheresse, et, il faut le dire, à la banalité.
Quoiqu'il en soit. Au pays du lin marque un
effort sincère, qu'il faut encourager ; et, en
dehors du succès tout exceptionnel qui le
consacre dans l'affection du peuple flamand
auquel jl appartient directement, saluons en
M. Vandermeulen un artiste de talent remar-
quable.
MONS. — Le directeur de la Société
Nouvelle., revue qui sut rester, chez nous,
l'organe des plus larges tendances scientifiques
et littéraires : M. Jules Noël, écrivain doublé
d'un musicien érudit, a bien voulu se charger,
pour S. I. M. de la relation du mouvement
musical en la cité boraine. Nous l'en remer-
cions bien cordialement.
BIBLIOGRAPHIE
en décembre :
Schott frères (Bruxelles).
"Joseph Jo?igen., Trois pièces pour harmonivim.
L. Walner., Moment musical (piano).
12
L'ACTUALITE MUSICALE
M. Cric^hoom^ Ballade pour violon et piano.
E. deir Acqua^ Rondel sur l'eau (piano).
A. Crawz (Bruxelles).
Marins Cannan^ Le petit tonnelier (piano).
— — Pantins à sonnettes (piano).
Michieli^ Ouverture à 4 mains.
— Trois morceaux de style ancien
(piano).
H. ir'ryfSy Serpentins argentés (piano).
Bre'itkopff et Hlirtel (Bruxelles).
Victor 'Biiffin^
Quatre mélodies :
1 . Si i'ctais roi.
2. Parfois, lorsque le soir.
3. La lune.
4. Dieu, qui souffre et qui donne.
M'"' /^ve Q j^^ff^^ (Bruxelles).
Marie Pottellet^ Première valse (piano).
6'. Lecail^ Bruxelles-Exposition.
C Lainverxtis^ Favita (valse lente).
•SlAaison F. P. Lauxveryns (Bruxelles).
M. y. Erb, Douze pièces (recueil pour la
jeunesse).
P. S. — Au moment de mettre m)ii> pre>se
nous parviennent plusieurs journaux de
Province où nous trouvons des compte-rendus
de la tournée entreprise, dans les Universités
Populaires, par le barde belge Ch. Mêlant.
Ce dernier, dans une conférence qu'il eilt
l'heureuse idée d'aller donner partout, illustrée
de ses compositions musicales, dont on sait le
caractère éminemment populaire, est accueilli,
par le public provincial, à bras ouvert.
J'extrais, de V Avenir du Rorinage (Mons)
ces quelques lignes, "La plus gratule partie de
la soirée est cf)nsacrée à l'œuvre du compo-
siteur Charles Mêlant qui est un peu de notie
pays borain, comme il l'a dit lui-même. Avec
simplicité, avec une familière cordialité, il a
lui-même exposé ce t|u'il a voulu faire, com-
inent il fut amené à mettre de la prose en
musicpie, et à faire des adaptations musicales
^ur (les poèmes d'écrivains belges. Se/on lui^ on
peut mettre de la musique sur tout : AL Henri
Houben l'a montré en chantant une lettre,
que M. Mêlant mit en musique après l'avoir
reçue .
Cette opinion du sympathique compositeur
— à savoir que l'on peut écrire delà musique
(et quelle musique !) sur n'importe quoi —
nous fait songer au grand artiste de la forme
poétique française, S. Mallarmé, qui prétendait
que *■'■ le vers est partout^ excepte à la 4'" page des
/ournaux."
R. L.
Étranger
DRESDK. — Le groupe de la Société
Internationale de musique \ ient d'organiser à
l'occasion des fêtes Noël une reconstitution de
l'Oratorio de Noël de Schiitz, retrou\é par
notre collègue le docteur A. Schering à la
bibliothèque d'Upsala. Composée en 1664,
cette œuvre est une des premières où le grand
compositeur aborde ce stvle intensément ex-
pressif ; la force naïve et la conviction qui
se manifestent dans le rôle de l'Exangéliste
ont fait une énorme impression. L'exécu-
tion était donnée par le " Schiilerchor
de la '' Kreuzkirche " sous la direction
de M. Otto Richter. Elle dure une petite
heure. On ne saurait trop féliciter M. Schering
d'avoir rendu à nos concerts sacrés V "Historia
der treuden- und gnadeiueichen Geburt Jésus
Christi ", comme l'appelle SchiU/ lui-même.
KARLSRUHK. — Une fort amusjmte
audition de musique rétrospective vient d'être
donné ici, sous la forme d'un ctincert
d'(cuvies de Caspar Fischer, de Stamitz
de Xavier Richter, et Fesca. La première
partie comprenait par conséquent de la musique
de la fin du XV II' et du début du WIII",
l'autre atteignait le plein XIX*. Pour rendre
l'illusion plus complète les exécutants avaient
revêtu les costumes de i/So. Malheureusement
il leur était impossible île se travestir à chaque
nouvelle (i:u\ re ; il en résulta i|ueU|ue anachro-
nisme. Le clavecin était une copie il'un instru-
L'ACTUALITE MUSICALE
13
ment construit pour lîach par Silhcrmaiin.
S. A. le grand duc de Hade honora de sa pré-
sence la première audition et la coiu" vînt
assister en foule à la seconde.
BARCELONE. — C'est avec le grand
J^ach que nous avons repris, cette année con-
tact avec la musique des concerts. L'Orféo
Catala, suivant en ceci la voie tracée par la
Schola de Paris, s'est attaqué à la Messe en si,
n'en exécutant, il est vrai que le Credo. Cette
audition nous valut d'entendre Albert Schweit-
zer dans un Concerto de Rheinberger, et dans
la Symphonia Sacra de Widor. De môme
l'excellent ténor Walter profita de sa présence
parmi nous pour nous donner un Liederabend
extrêmement applaudi. Voilà qui nous repose
un peu des Mmes Butterfly dont le théâtre du
Lycée nous comble.
V. M. DE GlBERT.
CADIX. — Ici, l'Académie philharmoni-
que de Ste Cécile fort bien dirigée par l'abbé
J. Galvez y Ruiz vient d'inaugurer sa saison
nouvelle. Le programme de cette audition ne
vous révolutionnera pas à Paris, mais il est
bon cependant que vous le connaissiez, pour
vous faire une idée de la vie musicale en ce
coin de l'Espagne. Nous avons donc eu le
plaisir d'entendre : Marche nuptiale de Grieg ;
Caprice sur Alceste de St. Saëns ; 2*^ Sonate
de Grieg ; Air de Pagliaci de Leoncavallo ;
Air de Samson de St. Saëns ; Ballada oriental
de Galvez ; Hymne à Ste Cécile de Gounod ;
Danses de Debussy ; Romance de Arnau ;
Pièces espagnoles de M. de Falla ; les Erin-
nyes de Massenet,
Il y a plus de cinquante ans que cette phil-
harmonique a été fondée par quelques amis de
la musique dont j'étais, et sous la direction de
Bernard Darhan, qui avait été élève du Con-
servatoire de Paris dans la classe de Lafont.
Actuellement cette société, soutenue par deux
maîtres, Galvez et Miguel Mendaro, est une
des meilleures que nous ayons en notre pays.
Salvador Vuinegra.
BUDAPEST.
Nous somme heureux
d'annoncer la triomphe du maître Guilmant,
(|ui est venu donner ici une audition de ses
(Euvres.
MUNICH. — L'Opéra de Munich a
repris entre Noël et Nouvel an la Jessonda de
Spohr, digne façon de clore l'année du cin-
quantenaire de la mort d'un compositeur trop
oublié. On sait que Spohr a laissé de très
intéressants mémoires de sa vie, qu'on aurait
lieu de rééditer à cette occasion. Ils ont été
publiés à Hanovre en 1860-61 en 2 volumes.
W. R.
LONDRES. — Au théâtre. Pierrot and
Pierrette, opéra comique, n'ajoutera rien à la
renommée de M, Holbrooke. Excellente mise en
scène du Beethoven de Fauchois à His Maje-
sty's Théâtre ; sir H. Beerbohm Tree a été
tout simplement admirable. Mais le grand
succès est pour l'Oiseau Bleu de Maeterlinck
habillé à l'anglaise et avec musique de scène
de O'Neill ; c'est une des réalisations les plus
artistiques qui se puissent voir à Londres. Nous
verrons si elle sera dépassée à Paris par Chan-
tecler.
Au concert le " New symphony orchestra "
dirigé par Landon Renald. Deux œuvres
nouvelles de Georg Schumann ne nous ont
rien révélé de nouveau, non plus que The Maid
of Astolat poème symphonique d'inspiration
tennysonienne de M. J. Davis. Miss Viola
Tree a fait un début de beaucoup de goût
dans Louise. Au Bechstein Hall, la Société
des Concerts français a pleinement réussi avec
deux auditions, l'une consacrée à d'Indy et
A. Magnard, l'autre à R. Hahn, Inghelbrecht
et F. Schmidt. Pour interprètes : Blanche
Selva, Engel et Mme Bathori, Mme Wurmser-
Delcourt.
La " Queen's Hall Choral Society " a
donné une bonne audition de la Bonduca de
Purcell, sorte de musique de scène, qui avait
été pour la circonstance arrangée en suite d'or-
chestre,De même une autre œuvre,"The Wed-
ding of Shon Maclean ", très moderne et très
écossaise avait été arrangée par Hubert Bath
et a fort plu.
La symphonie de Dukas et son Apprenti
14
L'ACTUALITE xM U S I C A L E
Sorcier, quasi-classique à Londres, ont été joués
au Queen's Hall par H. Wood. De Paderews-
Icy la nouvelle symphonie bruvante et diffuse
ne m'a guère ravi. Elle symbolise la révo-
lution polonaise de 1863, et contient des
marches militaires, du canon et du tonnerre
(réalisé par un instrument nouveau le tonitru-
one). Tout cela est plein de bonnes intentions.
A signaler quatre récitals: celui de MlleSelva,
celui de Mlle Teyte, celui de Miss Stuart,
et enfin celui de Miss Mary Cracfort consacré
à Debussy naturellement, puisque celui-ci
représente de plus en plus à Londres la musique
française. A cette audition M. Boulestin prit
la parole pour parler du sentiment de la nature
chez Debussw
La critique s'agite. Le Times avait écrit :
" que la Qeen's Hall était rempli par les ad-
mirateurs de Mme Clara Batt, venus là pour
applaudir une chanteuse et n'appréciant pas à
sa valeur la symphonie de Dukas. " Le mari
de ladite chanteuse, M. K. Rennford, rencon-
trant à quelques jours de là le critique du
Times dans un couloir se précipita sur lui la
canne levée. D'où bataille, procès et innom-
brables commentaires dans la presse sur les
droits de la critique.
X. M.
VIENNE. — J>a vie musicale subit en ce
moment à Vienne un véritable malaise. Cha-
cun le constate sans en trouver le remède. Au
théâtre, hors le Harbier de Bagdad, rien à
signaler.
Le quatuor de Bruxelles a donné avec
succès le quatuor de Ravel. M. Gustav Mahler
écrit quelques duos sur des traductions de
Confucius. H. Loewy, le très subtil trans-
cripteur pour piano du quatuor de Debussy,
écrit avec GrctaWiesenthal, l'une des soeurs ap-
plaudies récemment à Paris un " Tan/poem "
qui sera représenté à Berlin. Arnold Schoen-
berg, dofit le quatuor vous sera bientôt révélé
par Parent, termine un " Monodrame " pour
voix de femme et orchestre, d'un goût tout à
fait impressioruiiste. Knfin une nouvelle revue
musicale " Der Merker " a fait son apparition
et s'est de suite classée comme une des meil-
leures que nous ayons. Elle est dirigée par
Batka avec des tendances très modernes.
E. W.
OVIEDO. — La Société Philharmonique
\ ient de nous donner successivement le Trio
Chaignau, Mme Landowska, Louise Debogis
et Harold Bauer ; enfin un espagnol M. F.
Bordas professeur du Conservatoire de Madrid
et excellent \ioloniste.
PRAGUE. — L'académie tchèque Fran-
çois Joseph, composée de quatre classes, a dans
sa séance solennelle du 6 Décembre au
Panthéon et Musée National de Prague,
affecté, ainsi que toutes les années, un grand
nombre de prix aux principaux travaux d'art,
de littérature, de sciences et de musique,
exécutés ou parus dans le courant de 1909.
Voici, d'après les Narodni List\\ ceux de la
section de Musique.
2000 couronnes à M. Otakar Ostrcil pour
son Opéra Kunalov\ oci (les \'eux de Kunalti).
Et voici désormais clos l'incident, pendant
entre M. Ostrcil et l'Académie depuis la
séance de 1907, après laquelle on se rappelle
que le compositeur refusa les quelques cent
couronnes, dont on prétendait récompenser
sa symphonie en /«, tandis que V Âsraël de
M. Suk décrochait le prix de 2000 couronnes.
M. (ostrcil ne put admettrequeson (cuvre parut
manifestement intérieure à celle de st)n rival.
Le deuxième prix de 800 couronnes va à
IVL Jan Kunc pour un quatuor op 9. l^e
troisième de 500 ne trouve pas de titulaire
mais est alloué sous forme de subvention à M.
Rudolf Karcl pour son Opéra Iheino snLe (le
cœur frils^f). 300 couronnes aideront M. M.
Otakai Zich et Vacla\ Stop:in à continuer
leurs études musicales.
Les 1000 couronnes décernées en souxenir
des soixante ans de règne de l'Empereur Fran-
çois vont à l'itnix re du iumpositcur inorave
Josef Nesvera.
En outre 1 000 cnurc^nu-s vont à lu Phil-
harmonie tchèque; 400 à M. Josef Kouba poui
une sonate de violon et de la musique pour
piano; enfin 200 couronnes, ihi fonds Clemcn-
L'ACTUALITE MUSICALE
^5
tine Kalasova destiné aux jeunes compositeurs,
récompense un quintette en la mineur, les
Impressions hitnnes et Paysages de M. Em. Jaros.
On commence à se préoccuper de la repré-
sentation de Boris Godounof z.\\ Narodni Divadlo
{Théâtre National). Le grand quotidien tchèque
Narodni Listy entreprend une vigoureuse
campagne pour que l'on adopte la version ori-
ginale de Moussorgski ovi que, du moins, l'ordre
original des scènes soit rétabli. C'est-à-dire que
\t drame finisse sur le tableau de la grand
rovite avec les lamentations de l'innocent.
Le même {Théâtre National) vient de re-
prendre l'un des premiers opéras de Dvorak le
Jacobin. An mois de janvier on remet en scène
Eva de Foerster.
Le 1 1 janvier au Narodni Dum {Maison
Nationah^ de Smichow, l'une des villes dont se
compose Prague, la Société Artistique tchèque a
consacré une soirée à l'œuvre pour piano du
compositeur Josef Suk, qui y a exécuté trois
cycles de ses œuvres intimes les plus poétiques.
On sait que M. Suk, gendre de Dvorak,
second violon du Quatuor bohème^ est le plus
avancé des jeunes compositeurs tchèques dans
les voies modernes. W. R.
MOSCOU. — Nous sommes menacés
d'une avalanche de concerts ! Moscou peut de
plus en plus passer pour un centre musical
d'une haute importance. Les concerts Sym-
phoniques annoncés pour la saison arrivent à
près de cinquante ! Le premier a été celui
d'une série historique, dirigée par Serge JVas-
silenko^ et dont les prix d'abonnement très
modérés ont attiré un public nombreux. On a
commencé par Bach, Couperin et Rameau ; on
arrivera aux modernes vers la fin de la saison.
Les concerts ont lieu dans l'après-midi du
dimanche et la jeunesse, en vacances, leur fait
un accueil enthousiaste.
Les concerts Symphoniques de Serge Kus-
sevitski forment la nouveauté attrayante de la
saison : orchestre nombreux, programmes
variés, solistes de premier ordre. L'orchestre
sous la baguette du fameux contrebassiste se
montre ferme. Oscar Fried viendra le rempla-
cer pour quelques concerts.
La Société de Musique Russe, dont le fon-
dateur est Arc. Kerzine et qui vient d'entrer
dans la 14""' année de son existence, nous
apporta dans son dernier concert une compo-
sition nouvelle, une Suite pour violon et
Orchestre l'Op. 28. de Serge Taneiew^ com-
positeur connu par son goût classique, sa
science du contrepoint, et l'éclat de son har-
monie. C'est une œuvre de longue haleine,
dont l'exécution a duré près d'une heure. Le
violoniste Sibor, pour lequel cette Suite a été
écrite, la joua en manuscrit.
La Société Philharmonique a de grands noms
à montrer : W. Safonoff, W. Mengelberg,
F. Mottl, Zilotti, Arthur Nikish, G. Thibaud,
Hubermann, Litvinne, Pugno, etc.
La Société Impériale de Musique \ient
d'entrer dans la cinquantième année de son
existence. Mich. Ippolitov-Ivanov, Em. Kou-
per, K. Glazounov en sont les chefs d'or-
chestre. G. Enesco, S. Gerardy, J. Hofmann
. ont figuré comme solistes. Le Concert du 4
Décembre (21 Novembre style russe) a été
entièrement réservé à César Cui, qui vient
aussi de célébrer les cinquante ans de son
activité musicale.
Son Scherzo Op. I qui figurait au pro-
gramme, avait été exécuté pour la première
fois le 14 Décembre 1859. Comme solistes
A. Katschenowski, A. Bogdanovitsch (ténor)
et B. Sibor.
César Cui, présent au concert, a été chaleu-
reusement applaudi par les artistes et le public.
A l'opéra, la saison a été ouverte au
Théâtre Solodownikov par la toute pre-
mière représentation en Russie des " Meister-
singer " avec d'admirables décors de Pierre
Olénin; puis la première du dernier Opéra de
Rimski Korsakov " Le Coq d''or " œuvre sati-
rique et frondeuse à laquelle la censure, avant
de donner son autorisation, a créé mille
difficultés. Des changements de paroles, de
mise en scène ont été exigés etc. Le Tsar
Dodon est devenu un simple voivode (gou-
verneur de province). L'appel du Coq !
" RègnCy couché sur le dos ! " a dû être changé
etc. etc. Et quant même la satire est restée
ingénieuse et acharnée.
i6
L'ACTUALITE MUSICALE
On a eu la surprise inattendue de voir le
même Coq cCor à l'Opéra Impérial avec Mme
Nechdanova. Enfin Nikish nous gratifia d'une
représentation de Lohengrin qui fut un
événement,
Ellen von Tidebôhl.
VARSOVIE. — Octobre-Novembre. — La
vie musicale de notre ville a subi un grave
changement au commencement de cette
saison. La Société de la Philharmonie ne
pouvant subvenir plus longtemps, à l'entre-
prise des concerts et en même temps à celle
de l'Opéra, se vit obligée de fermer ses portes.
A ce moment vraiment critique pour l'or-
chestre et pour notre musique symphonique
en général s'est trouvé un homme : le prince
Ladislas Lubomirski — musicien et composi-
teur — qui s'est chargé de prendre à ses frais
l'orchestre (70 musiciens) et une série de
concerts symphoniques à la salle de la Philar-
monie. M. G. Fitelberg un jeune mais émi- •
nent chef d'orchestre fut nommé directeur
artistique de l'entreprise ; une série des con-
certs sera dirigé par M. Henri Opiénski.
Le premier concert (le 1 5 octobre) a été
consacré à la mémoire de notre estimé com-
positeur Sig. Noskowski mort au mois de
juillet.
Au premier concert d'abonnement nous
avons entendu Joseph Hofman (concertos de
Beethoven en sol maj. et de Liszt), au second
le deuxième acte de Tristan et Yseult inter-
prété par Mme Félicie Kaszow^ka (esquise
Yseult) et le Dr. Briesemeister, au troisième
Kubelik (toujours le même). Dans les con-
certs symphoniques Fitelberg a dirigé pour
la première fois à Varsovie " Wallenstein "
de d'Indy, " L'île des morts " poëme sympho-
nique de S. Rachmaninnoff (après Bocklin),
" En saga " de I. Sibelius.
Dans le concert consacré aux compositeurs
français sous la direction de M. Opiénski, on
a exécuté les œuvres de Bizet, d'Indy,
Bruneau et Chabrier ; le premier concert
historique de la société de musiqvie (aussi sous
la direction de M. Opiénski) a présenté des
œuvres de Bach (concerto pour trois pianos)
et de Haendel. La section de la S. I. M. se réunit
tous les quinze jours ; on y a exécuté les
œuvres de Fasch, Stamitz et P. E. Bach
(Collegium musicum de Riemann) les œuvres
de Dengoraj et autres. H. O.
CONSTANTINOPLE. — Parmi les
concerts qui ont eu lieu à Constantinople
dans le courant du mois dernier, il en est trois
particulièrement intéressants. Jacques Thi-
baud, vm des purs maîtres de l'archet, s'est
fait entendre, avec le pianiste Georges de
Lausnay.
Puis, le jeune ^'ioloncelliste arménien, Diran
Alexanian, un enfant de Constantinople, dans
deux concerts qu'il vient de donner, avec le
concours du compositeur Jean Huré.
Nous avons recueilli dans la Sonate, en
fa dièze mineur^ pour piano et \'ioloncelle de
Jean Huré, des impressions quelque peu rebelles
à l'analyse, mais que nous tenons à exquisser
en raison du caractère intéressant de cette
œuvre. M. Hviré nous paraît trop indépendant
pour se réclamer d'une école. Mais nous le
classerions volontiers dans le groupe de Claude
Debussy, que nous admirons, d'ailleurs, vive-
ment. La Sonate de M. Huré révèle moins
une idée d'ensemble, une conception pour ainsi
dire architecturale, qu'un travail de ciselure,
très fouillé par endroits. Les idées y sont
entrecoupées, mais constamment renaissantes.
A travers un fourmillement de dissonances,
tour à tour étranges, attachantes, charmeresses,
crispantes, nous percevons une sorte d'impres-
sionnisme musical. Sensations de fluide, sensa-
tion de r " impondérable. "
Mentionnons, enfin, tout le bien que nous
pensons du jeune violoniste hongrois Franz
von Vecsey. Personnellement, nous sommes
prévenu contre les petits prodiges. Cependant,
nous admirons sans réserve ce virtuose techni-
cien stupéfiant. Tigrane Tschaïan.
Jour i.
Â
Nuit
LE PETIT CONSERVATOIRE
Chaque Novembre, un peu avant neuf
heures du soir, la cour de la Mairie Drouot
"s'emplit d'une petite foule d'aspect variable,
selon que la nuit est neigeuse, pluvieuse, ou
comme celle-ci, très froide et zébrée d'un
violent clair de lune.. Devant un solennel
M. ISNARDON'.
sergent de ville, planté en haut de trois mar-
ches, que peut donc attendre cette petite foule?
Tout simplement que le sergent de ville ouvre
la porte et laisse monter dans la salle des Fêtes
où a lieu l'examen d'admission au cours gratuit
de chant de M. Jacques ISNARDON
Que l'on ne s'effraie pas!... M. Jacques
Isnardon n'est nullement le grand Pourvoyeur
du cabotinisme, cette guillotine des dévoyés.
Non. Cet éminent artiste veut tout simple-
ment apprendre à la jeunesse qu'il existe une
musique autre que celle miaulée au coin des
rues, et comment il faut chanter cette bonne
musique. Sans doute, si dans le grand nombre,
un organe et un tempérament apparaissent, le
professeur les dégrossit, les développe. Ainsi,
ne débauche-t-il pas le tapissier ou la couturière,
mais il les place dans une voie qui est la leur,
et où — les exemples ne manquent pas — ils
réussissent brillamment.
Neuf heures.. La salle bruit, s'em.plit. Des
bavardages, des mains qui remettent en place
des cheveux rebelles. Des blancheurs de hou-
pettes. Des serrements de mains. De petits
groupes qui se forment par zones d'amitié ou
de sympathie.
i8
L'ACTUALITE MUSICALE
Grandeurs, petitesses, grosseurs, maigreurs,
chairs blanches et teints bistrés Surtout
des femmes. Des chignons roux, des bandeaux,
bruns, blonds. Des robes de deux louis, qui
vous ont des airs de grande couture. Venues
de tous les coins de Paris des gentillesses, des
élégances, du charme et même des beautés.
Dix-huit, vingt, trente ans. Aurores, petits
matins, matinées de la jeunesse !...
Voilà que lui aussi le jury fait son appari-
tion et s'assied en avant, dans la partie réservée
devant l'estrade, autour du piano ; sur les
" Ralliez-voui a mon face à main " ? Mademoi-
selle Hatto !...
— Et ce Monsieur avec un binocle gros
comme une petite bicyclette, un beau gilet de
velours noir, et qui ressemble au père NoCl, ou
encore à M. Dujardin-Beaumetz ?
— Malheureuse enfant ! Tant qu'il vous
plaira, dites que M. Raoul Pugno, est le
Tivant portrait du père Noël, mais n'insinuez
jamais qu'il est celui du père — pardon ! de
M. Dujardin-Beaumetz... — il ne vous le
pardonnerait pas! D'ailleurs pour éviter des
Ils n'okt pas l'air rosse...
petites tables revêtues pour la circonstance, de
classiques tapis verts et où il va prendre ses
notes avec conscience et bonne humeur.
— Ils n'ont pas l'air rosse
Impression que donne à sa voisine une
blonde enfant, qui tout à l'heure va se révêler
future Du gazon..
— Qui est-ce celui-là ? qui a les cheveux en
brosse, dt- grandes oreilles, un grand nez, une
petite moustache, une belle cravate grise ?
— M. Chevillard, Mademoiselle !..
— Cette dame qui a de si beaux yeux,
paraît si aimable et qui insiste pour que la
grosse (lame placée à sa droite, retire sa four-
rure, qui en effet, doit lui tenir bien chaud.
— Près de cette danic, dont le toquet
s'orne d'un panache blanc, et {|ui a\ec ses
lunettes de luxe, semble nous n idiiim.uulcr :
désagréments qui pourraient être la consé-
quence de vos comparaisons pittoresques, ne
me questionnez plus. Je vais vous renseigner
de moi-même. Voilà Madame Isnardon, cette
dame dont le charme exotique doit \ous faire
penser : " Est-ce une espagnole qui a grandi au
Japon^ ou une Japonaise qui a fait sa croissance
en Espagne? ^\... Près de moi? ce monsieur
qui fait songer à un gros chat ? M. Vidal, un
des grands chefs d'orchestre de l'Opéra, qui
pour ce soir a confié son bâton a un petit
extra: M. Messajier.... Ce bon visatie enlu-
miné, où pétillent des yeux malicieux, ce nez
flaireur et cette bouche gourmande ? Le ro-
main ier Auguste (jermain, le Jean Veber, le
peintre à la |iliniie des ciioses et des gens de
théâtre. Près de lui, l'air triste, M. Gaubert,
un chef choriste île l'Opéra. I.à-b.is, ce
l'actualitp: musicale
^9
Monsieur au tient de
fomaiiichell et qui exa-
mine déjà la liste des
concurrents ? Le com-
positeur Gaston Paulin..
A qui les deux têtes de
ce conciliabule? Celle-
ci moustache et barbe ?
Monsieur Georges H lie,
l'auteur du ^^ Miracle''\
l'opéra de l'an pro-
chain. Celle-là sans
barbe et ornée de
moustaches à la Gau-
loise et qui semble
avoir fait sa chevelure
d'une tête de loup? Celle de M. Vuillemin:
le handerUlo attitré de M. Broussan...,
Ah ! nous n'avons plus le temps
de continuer. Arrêtoyis-noui ici^
arrêtons-nous ici!...'^ M. Jacques
gravit les marches de l'estrade et
s'arme de son monocle. La séance
va commencer. Mademoiselle, je
ne vous connais plus, je ne vous ai
jamais connue, car le saviez vous,
moi aussi, je suis du jury !....
des professionnels^ dissimulations des âges^ falsifi-
cation des états civils. . .
Rien que cela ! Mais alors, à quoi pense
notre ministre de la Justice ? Quand va-t-i!
enfin lancer un mandat d'amener contre ce
M"' ISNARDON.
Curieuse révélation ! Après
un aimable préambule : re-
merciements au jury et
bién-venue aux candidats,
M. Isnardon nous apprend
comment faire le bien suffit
à déchaîner ces chiens en-
ragés qui sont la bêtise et la
méchanceté humaines. C'est
ainsi que donnant une bonne
part de son temps à l'œuvre
des cours gratuits, M. Jacques
Isnardon s'est vu l'objet
d'accusations variées : trafics
des livres de prix^ tromperies
sur les résultats de fin d'' année ^
substitution des amateurs par
p-^
M. Pu GNO.
20
L'ACTUALITE MUSICALE
ce maître chanteur,
qu'est M. Jacques
Isnardon r..
Avec facilité, es-
prit, et un amour
de petit accent qui
ne vient pas du
Nord, je vous en
réponds, M. Jacques
Isnardon achève son
allocution fort ap-
plaudie.Puis, crayons
et listes sont distri-
bués au jury, l'ac-
compagnateur gagne
sa place, le tourneur
de pages la sienne,
cependant que de sa
dextre énergique,
M. Jacques Isnardon
frappe trois coups
qui font tressaillir la
sonnette de remou-
leur, qui est à portée
de sa main. On va
commencer. On
commence !...
M, G. Hw.E.
*
Sorti des premiers rangs, voilà que se pré-
sente un petit homme rond de visage, carré
d'épaules et
arqué de jam-
bes. Sans hé-
sitation, avec
un superbe
aplomb, il fait
le geste d'écar-
ter piano et
pianiste, et s'é-
crie avec un
beau dédain :
"/'rt//>flj hrsoin
^'^v/".P^t d'une
voix à crier
" J\ji de la -
belle hollande " M. PAt;i.iN.
il nous affirme
qu'il aime le son
du cor^ le soir au
fond des bois
M. Jacques Is-
nardon veut ou-
vrir l'examen en
gaîté. Il laisse
donc aller tout du
long celui-là qui
aime le son du
cor. Mais, quand
salle et jury sont
prêts à pleurer de
rire, M. Jacques
Isnardon termine
ce numéro, par
un tintement de
sonnette impéra-
tif et pitoyable :
— Merci M on-
sieur /. . .
Combien ex-
pressifs, ces *■'' mer-
ci Monsieur^ merci
M ademoiselle " et
ces coups de son-
nette interrup-
teurs, retentissant
tour à tour en
funèbre
bateur.
M. Pl-tîlT
glas, ou;encarill(Mi joyeux et appro-
V-
: " Drc lin....
Drc Un. Ouille pan
x^^. if^X-^ //(• .' C'est navrant
«V\\/
M. Vl ll.l.KMIN.
Drelin, drr/in.
Brav(^ ! Honnc petite
voix !
Bandeaux sombres,
regard fatal, bras cioisés
sur la poitrine bien
offerte, taille cambrée,
jarrets tendus, petits
pieds gainés ti'escarpins
vernis à boucles d'acier,
si ce n'était en plus
ce diable de grand bo-
livar traversé de mcur-
L'ACTUALITEMUSICALE
21
trières épingles, longues comme des javelots,
ne jurerait-on pas que cette jeune interprète
de Gluck, est la farouche espagnole du tableau
de Falguères, Eventail et poignard ? . ..
— Divinités du styx !...
Tudieu, quelle vigueur dans l'entrée, quelle
voix sonore et bien disante. A vous Mademoi-
selle le royal coup de sonnette !...
air modeste et consciencieux — une bonne
petite voix. — Cette jeune enfant a séduit le
jury. En jetant un paternel coup d'oeil à sa
jupe d'écolière, M. Pugno déclare quelle ne
marchera pas mal Allons tant mieux !
— C'étaient trois hussards de la garde qui
revenaient en congé
Ce Monsieur, qui avec sa petite taille ne
.^U
Toupet à la Mayol surplombant la
peau très mobile du front ridé, sourcils en
accent circonflexes, bouche grimaçante, voici
le monsieur à " F Africaine ".
— Ah ! ne t'éveille pas encore
Soixante-huit saisons. Des cheveux qui
folâtrent, un nez à la Yvette Guilbert, des
mains qui caressent le tour de cou, un petit
devait évidemment posséder qu'une voix de
basse taille, ne pouvait choisir chanson
plus appropriée à sa personne. En effet, son
blair d'artilleur nous semble très familiarisé
avec les choses militaires, qu'il chante d'ailleurs
avec beaucoup de force et de couleur. Encore
une recrue pour M. Isnardon !...
— La Valse des cent Vierges.
22
L'ACTUALITE MUSICALE
Mais oui, cette demoiselle qui croise genti-
ment les mains sur son abdomen, et dont les
cheveux sont coiffés
d'un gracieux poiluchon
orné de petites plumes
à la Méphistophélès
va nous la chanter. Elle
nous la chante. Quel
succès ! M. Isnardon
fredonne, le jury fre-
donne, la salle fre-
donne ! Ah ! le coup de
sonnette ! il était temps!
Une minute de plus,
et la salle des fêtes
de la rue Drouot était
transformée en salle de
bal.
Qui expliquera la
toute puissance des val-
ses du second empire ?...
Attendez un peu,
voici un jeune homme
qui va calmer cette ex-
traordinaire agitation.
/ Qu'il est triste ce jeune
homme, avec sa sil-
houette de " saule pleu-
reur ". Ce jeune homme
à la chevelure partagée
d'une raie impeccable,
et dont les mèches bien lasses retombent
presque jusqu'aux yeux, atones, implorants,
on dirait prêts à s'emplir de larmes. Ce jeune
homme a naturellement un grand ne/. — un
nez de basse ; c'est comme un fait exprès,
toutes les basses ont des grands nez. Un
grand nez qui a l'air d'un éteignoir au-dessus
de la bouche amère et désabusée. Type ac-
compli de l'amateur mondain, le voilà qui nous
distille du bout des lèvres et si l'on peut dire :
au compte gouttes, les strophes d'un poème
écrit sur un rythme de valse lente : Les
chrysanthèmes : —
— Drr //// /);y lin. ! Alnci Mou-
sieur !
Ah ! Monsieur Isnardon, pour ce jeune
homme aux chrysanthèmes, que- votre sotuiette
a donc tinté funèbrement, et que votre merci
Monsieur., nous a versé dans le dos, la douche
du grand frisson !..
Le chanteur aux chrysanthèmes, termine la
séance, durant laquelle on put entendre quel-
ques soixante-dix chanteurs et chanteuses,
dont nous n'avons pu noter ici qu'un nombre
trop restreint. Que de " Manon " de " Mi-
gnon " de " Prophète ! " Mais surtout, que de
" Lakmè ". Tant et tant que devant leur
répétition un vrai pari mutuel s'engage parmi
le jury. Nous serions bien étonnés si la pro-
chaine fois, le sympathique inspecteur des jeux,
M. Soullière ne faisait pas son apparition à la
mairie Drouot.
Pour être en majorité, les opéras célèbres
n'ont pas accaparé tout le programme. A côte
des opéras et des ren-
gaines, très rares, il faut
bien le dire, nous avons
écouté, de tendres mé-
lodies, des airs très
vieux, et peu connus.
Chose curieuse, ce
ne sont pas les toutes
jeunesses qui affec-
tionnent les grands airs
d'opéra, mais les autres, ç^
celles de vingt-cinq, \_~.
vingt-huit, trente ans,
les jeunes filles qui
pourraient être des
jeunes femmes, qui sont
les ferventes de Schu-
mann, île Schubert, de
toutes les Rêveries, de
toutes les Mélodies,
qu'elles choisissent, on
dirait, comme accom-
pagnement à leur mé-
lancolie d'êtres qui
n'ont pas connu encore
les joies et les douleurs
de l'Amour.
A cette soirée, du
Petit Conservatoireyinni^
avons observé une de celles-là qui, non point
faite pour les b.itaillcs de la vie, mais tout
/VK
L'ACTUALITE MUSICALE
23
simplement pour mener une existence pai-
sible, (aimer et être aimée), nous a paru, avec
son allure un peu grave des êtres déjà résignés,
porter tout le poids d'un cœur solitaire. Ses
cheveux étaient blonds, longs, soj^eux et drus.
Ses jeux très beaux, sa bouche épaisse et
voluptueuse. Pauvre belle jeune fille, arrivée
à ce moment terrible où il est encore très tôt,
mais où, pour entreprendre quelque chose,
iî est déjà presque trop tard !...
C'est vous dont l'image m'a poursuivie jus-
qu'au Champagne de minuit, si gentiment
offert par M. Isnardon à son jury. C'est vous,
beauté, charme et talent, vous mélancolique
jeune femme qu'en souvenir j'entendrai long-
temps chanter de si déchirante façon, "/'//</;>«"
de Schubert.
Pberre Jobbk-Dwval.
r^H
Leçon d'ouverture
au Conservatoire
LE 9 DÉCEMBRE 1 909
PAR MAURICE EMMANUEL'.
Monsieur le Directeur, -
Mon cher Maître, ^
Messieurs, ^
En prenant la parole clans cette vieille et
chère Maison je veux, sans rhétorique, expri-
mer ma reconnaissance à ceux qui m'ont élu.
Avec une bienveillance et une cordialité- qui
resteront pour moi la plus rare et la précieuse
des joies, MM. les membres du Conseil Supé-
rieur m'ont désigné au choix de M. le
Ministre de l'Instruction publique et des
Beaux-Arts. Ai-je besoin de dire que je ne
me sens pas moins honoré par la sympathie
de ces suffrages que par la fonction même à
laquelle ils m'ont appelé r Comment expri-
merai-je à mon maître Bourgault-Ducoudray,
qui m'a soutenu de sa bonté et de son influence,
la gratitude profonde que je ressens pour lui r
Si grand que soit mon désir de payer une
dette si grosse, j'aime mieux demeurer en reste
que de paraître vouloir m'acquitter avec des
mots. Je m'en tiens à un remerGÎment très
bref, ma cou molto senti mento.
Mon cher maître, si c'est pour moi un
grand honneur de vous succéder, cet honneur
ne va pjis sans mélancolie et sans suprise. J'ai
été votre élève de 1881 à 1886. L'an passé,
sans savoir que vos leçons devaient ûtre les der-
' La sténographie a laisse à ntte Kçon d'ouvirturc
son caractère essentiellement oral.
^ M. Gabriel Fauré.
^ M. liourf^ault-Ducoiulray.
* Les ék-ves titulaires.
nières de \ otre enseignement au Conservatoire,
et mû par un ardent désir de retrouver en vous
écoutant les impressions de ma jeunesse, je
suis venu vous entendre. Or rien n'a changé
ici : dans l'antichambre la même table modes-
tement se cache sous l'ampleur du même
tapis vert ; le même vieux meuble, élégant,
est coiffé de la même urne funéraire, l'urne
aux boules noires des votes. En entrant dans
la salle on aperçoit les mêmes choses impé-
rialement vieillotes : les grandes orgues, in-
strument magnifique, délices du maître Guil-
mant et de ses élèves; les banquettes moelleuses;
les baignoires confortables ; les tribunes qui
flanquent la loge de Madame Bonaparte, et
-auxquelles il est interdit de monter, par
crainte d'effondrement. Tout cela était im-
muable.
Vous non plus n'aviez point changé. Ni
votre voix, ni votre ardeur n'a\aient fléchi.
Votre parole vibrante et communicative
dardait sur vos auditeurs ses fusées et ses
pointes et exhortait vos élèves, comme il y a
vingt-cinq ans, à l'indépendance et la dignité.
Il faut croire cependant que le temps a marché
puisque par une coquetterie dont vos auditeurs
ne vous savent aucun gré, vous avez voulu
faire valoir des droits certains à la retraite !
Vous m'avez défendu de vous louer. Soit.
Je partage votre goût pour la simplicité des
sentiments et du langage. Mais vous me
permettrez de rappeler le plan de votre cours
afin que je puisse y rattacher le mien.
En un cycle de quatre années vous pré-
sentiez l'ensemble de l'histoire musicale, que
vous divisiez en deux grandes périodes : celle
de la monodie pure ou de la mélodie prédomi-
nante et qui s'étend jusqu'au seuil de la
Renaissance; et celle de la polyphonie "tonale"
qu'ouvre le XV siècle. A partir du moment
où la polyphonie est constituée vous pour-
suiviez les destinées de l'art à travers la France
L'ACTUALITE MUSICALE
25
seule, - — à notre pays tout honneur ! — et
vous aboutissiez à la fin du XVIIP siècle en
insistant sur le réveil des idées antiques à cette
époque.
Apres avoir, pendant deux ans, fait con-
verger vers la France votre éloquente dialec-
tique, vous consacriez deux autres années à
l'étude des écoles de la grande famille euro-
péenne, ne perdant aucune occasion de vanter
les qualités propres à chaque peuple, de
protester contre l'internationalisme musical,
de souhaiter pour chaque pays, à commencer
par le nôtre, la garde jalouse de sa personnalité
et l'emploi des trésors que lui fournit son art
populaire. Tout cela dit avec une verve et un
entrain et une originalité que vos désirs
m'obligent à ne mentionner que... pour mé-
moire.
Je suis décidé à vous piller. Je reprendrai
pour mon compte l'apologie de la musique
ethnique, de la musique " de race ". Et je
vous suivrai, non en disciple aveuglé par
l'affection, mais en disciple volontairement et
rationnellement convaincu.
Et voici d'autres larcins que je commettrai
sur vos, terres, pour le plus grand profit de
mes élèves. La première fois que je vous
entendis (en Décembre 1881 !) vous exprimiez
dans la leçon initiale de l'année des idées géné-
rales qui me confondirent. Vous m'inspiriez
alors une terreur sacrée. Ce jour là vous
protestiez contre la tyrannie d'uT majeur, ce
monarque absolu de notre régime moderne.
Vous rappeliez les vieux Modes oubliés en
dépit de Jeur beauté et de leur robustesse.
Vous protestiez aussi contre la tyrannie de la
barre de mesure. J'ouvrais de grandes oreilles.
Et j'aurais eu besoin, après la leçon, de quel-
ques explications supplémentaires. Mais je
serais mort plutôt que d'adresser la parole à
un homme qui disait d'une voix véhémente
et avec un ardeur passionnée des choses aussi
terribles. J'ai appris à connaître depuis la
bonté qui se cache sous votre apparente
brusquerie.
Mais alors : attenter à la dignité d'uT
MAJEUR, bousculer une échelle à laquelle je
grimpais avec tant de sécurité me paraissait
un crime! Kt maintenant je suis décidé à
marcher après vous, avec vous, à l'assaut de la
citadelle où le haut et puissant seigneur, en
compagnie de la Tonalité, s'est installé de
manière formidable. Non que nous ne lui
reconnaissions des droits de suzeraineté. Il les a
affirmés dans des oeuvres si belles, l'art lui
doit un si splcndide épanouissement depuis la
Renaissance que nous saluons en lui un roi
digne d'hommages.
Toutefois notre respect n'ira pas sans exiger
de lui une charte. Nous combattrons son
absolutisme et nous réclamerons pour les
Modes oubliés le droit de participer aux affaires
musicales, d'y devenir ses suffragants. Nous
lui imposerons des ministres.
Nous les verrons, ces vieux Modes, comme
maintes fois vous les avez montrés, pleins de
vigueur dans l'art musical populaire, dans l'art
national de divers pays. Et bien que ce ne
soit pas notre rôle d'étudier les ouvrages con-
temporains, nous. nous réjouirons d'y signialer
d'audacieux défis portés à ut majeur et qui
témoignent que nous nous acheminons vers un
régime au moins constitutionnel. Nous n'avons
pas le droit d'en demander davantage. A nos
petits neveux de fonder, s'ils le peuvent, la répu-
blique modale ! Un cours d'histoire ne doit
pas être tendancieux et je me garderai bien de
tirer l'horoscope de la musique. A un reporter
qui voulait absolument lui faire déclarer ce
qu'il pensait de l'Art dans l'avenir, Gevaert
répondit : " Vous tenez donc, mon cher
monsieur, à imprimer, sous mon nom, des
sottises ? "
S'il vient à la pensée des élèves qui m'é-
coutent que je commets un oubli singulier,
que je passe indûment sous silence l'échelle
mineure, ce Mode Mineur qui coexiste à ut,
je réponds, — ou plutôt je répondrai dans
mes leçons — que nous n'avons pas de vrai
mineur, ni mélodiquement, ni harmonique-
ment ; que notre mineur est terriblement
teinté de majeur ; qu'il n'est qu'un plat valet
du dit majeur ; qu'il n'est qu'un mode d'uT
MAJEUR émasculé. Et je m'efforcerai d'en
fournir la preuve. .
:26
L'ACTUALITE MUSICALE
Vous protestiez aussi, mon clier maître,
contre la tyrannie de la barre de mesure. Vous
rappelliez le temps où la barre n'était pas
inventée ; où l'on ne s'était pas encore avisé
d'enfermer le langage sonore dans de petites
cases régulières ; où les rythmes se succédaient,
non pas en désordre, mais dans une liberté
d'allures, dans une variété de formules que
nous ne connaissons plus. C'est l'époque
hellénique. Bien que les œuvres musicales des
maîtres musiciens de la Grèce soient anéanties,
il nous reste de leur rythmique des traces
assez nettes pour que leurs ouvrages nous
apparaissent, à cet égard, supérieurs aux œuvres
modernes. Nous aurons à marquer les causes
de cette déchéance. Et je crois bien que la
barre nous apparaîtra comme l'une des prin-
cipales. Cette maudite barre, créée par les
nécessités de la polyphonie grandissante, a
paralysé le rythme et pour longtemps.
Nous la verrons à l'œuvre, avec sa commère
la carrure, imposant aux plus grands maîtres
une monotonie d'allures contre laquelle Bach
€t Beethoven eux-mêmes, ces grands manieurs
de rythmes, n'ont pas toujours regimbé.
Nous nous efforcerons de préciser et de
limiter son rôle : elle n'est point une auxiliaire
du rythme. Même elle entre souvent en con-
flit avec lui. Elle ne fait point partie du
paysage rythmique ; elle n'est qu'une borne
le long du chemin, utile, nécessaire si l'on
veut, mais dont la légitimité ne nous abusera
pas. Et nous en arriverons vite à crier " A bas
les temps forts ! " dont elle prétend ôtre le
signal.
Je viens d'évoquer les échelles et la Ryth-
mique. Je leur emprunterai deux exemples
qui m'aideront à marquer l'orientation de ce
cours.
Si nous réalisons l'objet qu'évoque le mot
" échelle " et si nous construisons l'échelle
d'uT MAJEUR nous obtc^nons un assez singulier
appareil : ses éclu-lons, inégalement distants
les uns (les autres ont tout l'air de casse-cou.
Mais les musiciens les escaladent avec aisance.
Il serait, facile de montrer que les Ancietis
ont possédé une échelle trjute semblable, iniiis
dont la pente est autrement orientée. C'est
l'échelle de Mi, le type du mineur pur, du
mineur intégral. Elle a été souveraine durant
de longs siècles ; un peu moins tyrannique
que la nôtre puisqu'elle accueillait à côté
d'elle des échelles suffi'agantes : mais elle
avait pour elles quelque mépris : elle les
appelait barbares. Et l'on peut dire que les
deux grands époques de la musique sont celles
du règne de mi et du règne d'uT.
Comment a-t-on passé de l'une à l'autre.
Quand le chavirement s'est-il fait r C'est assez
près de nous ; Attila et ses hordes n'ont pas
réussi à détruire les antiques échelles qui
gravitaient autour de mi. C'est au Moyen
Age que les musiciens se sont mis à les se-
couer avec une fureur croissante.
Or ces deux échelles inverses sont symé-
triques. [Démonstration au tableau]. Y a-t-il
des raisons, — il doit y en avoir, — pour
qu'elles se soient successivement emparées de
l'hégémonie r Et leur organisme interne n'ex-
plique-t-il pas leur importance ? C'est ainsi
que l'histoire des échelles est l'histoire même
de la langue sonore.
Moins heureux que les échelles, les Ryth-
mes n'ont pas résisté aux invasions barbares.
Mais il est plus juste de dire que les barbares
n'ont fait que consommer leur ruine. Les
splendides constructions rvthmiques des Grecs
s'étaient écroulées sur elles-mêmes et déjà les
Romains ne les comprenaient plus. Fait re-
marquable et qui montre combien durable fut
le prestige, j'allais dire le mirage de l'art
hellénique : le Moyen Age qui -ue voyait
goutte dans les rythmes des Anciens avait
conservé leiu' terminologie : hiots vides de
sens que les théoriciens se lancent à la figure et
qu'ils jettent au nez du vulgaire, comme
Si^anarelle jetait son latin. Vous n'entendez
pas la rythmique r — Molosse, Antispaste,
Hacchiaque, Dochmiaquc... Or on commence
.1 peine à savoir quelles réalités se cachent
sous ces étiquettes.
Laissons les mots et regardons le> choso ;
empruntons au théAtre antique une scène des
ClKiéphorcs. Si merveilleux que soit l'agence-
iniiit d'un acte île Tristan ou du Crépuscule,
L'ACTUALITE MUSICALE
27
nous ne pouvons nous refuser à deviner dans
la construction rythmique et lyrique d'une
scène d'Eschyle un ensemble musical aussi
sxjmptueusement réglé. Que serait-ce si nous
possédions les mélopées anéanties et, j'ajoute,
si nos oreilles pouvaient s'helléniser, de telle
sorte que nous fussions capables de goûter cette
musique raffinée, belle par ses seules lignes et
presque entièrement privée de couleur !
[Ici description (au tableau) des pendants
strophiques, des emboîtements, des alternances,
des retours lointains de la mélopée et du
rythme dans les parties lyriques chantées,
des mesodes pendant lesquels la voix parlée
s'accompagnait du jeu des instruments. Con-
struction splendide à travers laquelle les
rythmes les plus variés se succèdent et
s'enlacent.]
De ces exemples il est permis de tirer cette
conclusion que, aux deux bouts de l'histoire,
— s'il est vrai que le temps ait des extrémités,
— nous sommes en face d'un art pleinement
constitué. Le nôtre tend à une polyphonie de
plus en plus chromatique. Celui des Anciens
a pour idéal la monodie pure, isolée dans
l'espace sonore, belle par ses seules lignes,
colorée de ses seuls reflets. Si bien que la
question peut se poser : lequel est le plus
grand des deux ?
Il nous faut faire effort pour nous demander
cela. Car la magie de Tristan nous ensorcelé.
Et à Dieu ne plaise que je cherche à ébranler
une foi qui nous vaut ces extases ! Mais il faut
que nous interrogions le passé : là-bas, derrière
nous, de grands musiciens ont peut-être dit
d'aussi grandes choses, là-bas sous le règne de
Mi, le mineur intégral. De ce qu'alors la
mélodie était toute nue, s'ensuit-il qu'elle fût
moins belle ?
De sorte que si l'on fait la balance des deux
arts on trouve là des richesses qui ne sont
plus ici et l'on demeure incertain sur le bilan
des deux fortunes. Incertitude tout intellec-
tuelle, parce que nous devons préférer à coup
sûr l'art de notre temps, parce que nous
devons aimer la vie, la lutte dans notre milieu
à nous. Mais incertitude féconde en ce sens
qu'elle stimule notre curiosité, élargit nos
idées et peut grandir notre idéal.
Nous notis arrêterons donc, avec complai-
sance, sur la période monodique de l'art. Est-
ce à dire que je vous exhorterai à être des
mélodistes ? Oui, et entendons-nous. Je vous
proposerai pour modèles les mélopées antiques
et médiévales, certaines mélodies populaires :
ce sont là des formes d'art supérieures. Et ne
sommes-nous pas à la veille de voir la monodie
toute nue reprendre à côté de la polyphonie
un droit à l'existence ? Souvenez-vous de la
chanson du matelot dans Tristan et de la
cantilène du cor anglais !
A étudier les belles fornies monodiques
nous apprendrons les formes essentielles et
vraiment organiques du langage sonore. La
mélodie restera toujours la pierre rare, celle
qu'il faut tailler avec amour. D'ailleurs est-ce
que le chœur vocal ou instrumental des Josquin
des Bach, des Beethoven, des Wagner n'est
pas constitué par des lignes mélodiques souples
et ondoyantes?
Gevaert avait été enfant de chœur dans
une pauvre église, privée d'orgue. Il s'y
trouvait en revanche un maître de chapelle
amoureux des voix pures et des mélodies
liturgiques. L'orientation de la vie et des
travaux de Gevaert est née de cette circon-
stance. Sa géniale perspicacité a été aiguisée
par la pratique du chant homophone. Et ce
récit, que je tiens de lui-même, est une leçon.
En vous prêchant le culte de la monodie
je reprendrai encore une idée chère à Bour-
gault-Ducoudray. J'irai jusqu'à ses consé-
quences pratiques. Lorsque nous aurons
analysé les rares restes de la monodie antique
et sa survivance dans les mélopées médiévales,
je vous demanderai, et dès nos premières
leçons, de composer sur leur modèle, des
monodies, riches si vous pouvez.
Un peu plus tard je vous convierai à l'har-
monisation des échelles modales. Mais ici
encore, entendons-nous. Ce n'est pas à un
placage d'accords sous des plains-chants que
je vous exercerai. Cela est simplement absurde
monstrueux. Il y a parmi vous des maîtres de
chapelle en herbe. Je les conjurerai de renoncer
28
L'ACTUALITE MUSICALE
à toute harmonisation des IntroTts^ graduels^
versets aîleluiatiques^ êffertoires^ communions^
antiennes vespérales ; car tout cela est de l'art
monodique qui exclut formellement les accords.
Gare les paroissiens, par exemple ! Ils sont
habitués à entendre ronronner l'office à l'ultra
grave avec renfort de l'orgue, dit d'accom-
pagnement, qui harmonise au petit bonheur,
cette basse obstinée. Ils ne vous pardonneront
pas son déshabillage. J'espère que vous n'en
aurez cure.
Nous harmoniserons des textes de Tiersot
ou d'Expert, de vieilles chansons de France
ou des chorals, souvent des chorals huguenots,
où survit la modalité antique, et nous leur
appliquerons, comme on faisait au XVP siècle,
l'harmonisation contrapon tique.
Nous essaierons d'échapper aux influences
de la Tonalité envahissante à cette époque et
que subissaient les musiciens de la Renaissance.
Nous serons donc plus et moins libres qu'eux,
— partant moins artistes, — mais il y a des
heures, dans les études musicales, comme en
tout autre, où il faut être un peu pédant ;
quitte à le savoir et à ne pas transformer cet
effort d'analyse scolaire en un procédé de
composition libre. Et sur cette harmonisation
je reprendrai quelques unes des idées très
fécondes de mon maître Bourgault.
Il arrivera ceci, Messieurs. En vous plaçant
dans un secteur musical autre que celui des
harmonistes, vous emploierez d'autres moyens,
et vous serez étonnés des résultats. Il pourra
bien se faire que nous prenions résolument
parti pour des pratiques réprouvées par les
harmonistes. Qu'est-ce à tiire ? Y aurait-il
conflit entre vos maîtres d'harmonie, de
contrepoint, de composition et moi ? Ce n'est
pas impossible. De sorte que vous serez
semblables au patient qui consulte deux
médecins ; lesquels onlonnent à leur client des
choses contradictoires. Et votre embarras sera
grand...
Non. Ya voici le moyen de vous en tirer.
En écrivant des leçons d'harmonie ou de
contrepoint, des fugues, ayez vis-à-vis ile nos
maîtres une intégrale soumission. En vous
essayant à des mt)n<idies» ou à des contrepoints
en polyphonie modale, honorez moi de la
même confiance.
Je ne vous prêche point là le sccptisisme :
\ os maîtres auront raison ; peut-être que je
n'aurai pas tort. Mais ce n'est pas à demeurer
incertains que je vous convie ; c'est à trouver
dans la pratique d'un style ancien, adapté à
nos penchants modernes, le moyen d'assou-
plir votre main et de rajeunir votre art.
Ne craignez pas que je vous noie dans
l'archéologie et que je vous propose en exem-
ples des choses mortes. Nous nous efforcerons
de vivre la musique, à travers l'histoire, de
tirer de ses archives des matériaux utilisable,
de reprendre en main des armes vigoureuse-
ment fourbies par nos devanciers. L'histoire
peut enrichir notre vocabulaire sonore : nous
lui demanderons de nous livrer toutes les
belles formes déjà créées du langage musical.
On dit de nous, musiciens, que nous som-
mes illettrés. C'est un reproche justifié. Et
c'est un fait grave de conséquences. Que de
talent gaspillé autour de livrets médiocres,
voire détestables, sans que le musicien paraisse
se douter des causes de son insuccès. S'il savait
ciioisir et se déterminer par des motifs valables
il ne s'exposerait pas à des compromissions de
cette nature et il n'en serait pas si souvent la
victime. (!^ela me mènerait loin si j'entre-
prenais de vous montrer que l'histoire de la
musique, à elle toute seule, ne suffit peut-être
pas encore à la formation d'un artiste, et qu'une
culture plus générale est nécessaire ; mais, et
bien que le " moi " soit haïssable, permettez
moi de vous citer im fait d'expérience person-
nelle.
Lorsi]ue j'essayai, il y a longtemps déjà, de
pénétrer dans le domaine de la Danse Grecque
Antique, je cherchai dans quelques cours de
l'enseignement supérieur une orientation silre.
Or à écouter Louis Havet, qui enseigne la
versification grecque et latine à la Sorbotuu-,
j'ai reçu des leçons île Rythmique infinement
|>récieuses pour un musicien, parce que neu\es
pour lui et d'une application générale. Je vous
en ferai profiter : un tel enseignement est un
puissant moteur.
A écouter Maxime Collignon exposer
L'ACTUALITE MUSICALE
29
l'histoire de la sculpture grecque, j'ai entendu
définir le mouYement et le geste dans la vie
des Anciens ; et comme bon nombre de
statues ou de reliefs antiques représentent des
danseurs, de pareilles leçons m'étaient d'un
secours direct.
A écouter Edmond Pottier décrire, à l'école
du Louvre, les Vases peints trouvés dans les
tombeaux, j'ai entendu faire l'histoire du
dessin, de ses conquêtes successives dans la
représentation figurée de la vie. Bien plus j'ai
compris, en voyant ce qu'est la ligtie dans la
peinture décorative des Grecs, ce que pouvait
être la l'igtie musicale dans l'art hellénique. Je
vous mènerai un jour au Louvre, pour fixer
là-dessus vos idées. Et la peinture nous ap-
prendra la musique.
J'ose donc vous conseiller si, compositeurs,
vous voulez traiter des sujets empruntés à
l'histoire d'aller vous renseigner, aux bonnes
sources, sur les temps auxquels vos ouvrages
voudront s'adapter.
Il reste à tous exposer brièvement le plan
de nos études. Elles s'adresseront aux élèves
titulaires du Conservatoire, en particulier aux
élèves des classes d'harmonie, de contrepoint
et de composition, dont ma classe voudrait
être l'auxiliaire modeste mais active.
D'accord avec notre éminent directeur et
mon maître Bourgault-Ducoudraj", je renon-
cerai à présenter en quatre ou cinq années le
tableau complet de l'histoire générale.
Lorsqu'il j a trente et un ans vous avez,
mon cher Maître, inauguré vos cours, vous
avez, en l'absence de tout ouvrage méthodique,
créé, par un labeur personnel intense, un
exposé d'ensemble d'une centaine dé leçons.
Je ne le puis plus : les matériaux, depuis
vingt ans, se sont accumulés. Je me sens
incapable de tirer de telles archives une sorte
de tétralogie historique. Je taillerai dans cette
surabondante matière des tranches parallèles ;
chaque année je traiterai une question ; je la
suivrai depuis ses origines jusqu'à nos jours.
Cette année sera consacrée à l'étude des
Echelles et de la Tonalité.
Puis j'aborderai successivement l'histoire de
la Rythmique, de la Polyphonie, des gran-
des Formes musicales (Fugue, Sonate, Sym-
phonie, Drame lyrique, etc.) ; — l'histoire de
l'oRCHESTRA'iioN, de la notation ; — en
dernier lieu celle de I'orchestique, la noble
danse que les temps modernes ont outragée et
qui fut jadis sœur de la Poésie et de la Musi-
que. Programme long et ambitieux pour la
réalisation duquel il faut que Dieu me prête
vie !
De parti pris je négligerai la biographie des
musiciens. Allez chez Laurens ou chez Alcan
vous munir des monographies, parfois excel-
lentes, qu'on y trouve. Allez à la Sorbonne
recevoir les leçons de Romain Rolland. Il
vous dira mieux que moi la vie des musiciens,
les batailles qu'ils ont livrées, les circonstances
et les milieux où les maîtres ont produit leurs
ouvrages. Le cours d'histoire de cet homme
éminent vous apprendra l'esthétique de votre
art. Ici nous ferons de la technique, exclusive-
ment.
Et je conclus.
Pour féconder nos recherches, il faut nous
dire que pas plus que l'architecture, la sculp-
ture, la peinture, la musique n'est un art né
d'aujourd'hui, ni d'hier, ni d'avant hier. Sa
beauté est vieille de quelque 3000 ans.
De Terpandre à Beethoven, d'Eschyle à
Wagner il y a une continuité merveilleuse, en
dépit des brisures et des périodes de dépression;
il y a un art constitué, dont nous montrerons
que les bases sont les mêmes (la quinte est l'or-
gane essentiel de sa structure). Aussi bien dans
la période monodique, où la ligne musicale est
pure comme celle du dessin des vieux vases,
que dans la période polyphonique où les lignes
s'associent et où les couleurs interviennent,
nous chercherons et nous trouverons des œuvres
accomplies. Si celles de notre temps sont les
seules que nous connaissions bien et qui puis-
sent agir sur nous dans leur plénitude, nous
devons avoir l'esprit assez libre pour rendre
hommage au passé. Tout n'est pas dit " depuis
six mille ans qu'il y a des hommes et qui pen-
sent." Jamais une époque n'a donné et ne don-
nera le dernier mot de rien. Jamais non plus
30
L'ACTUALITE MUSICALE
un art nouveau n'apparaîtra crée de toutes
pièces. Les plus libres artistes greffent leurs
trouvailles sur la tradition et se gardent bien
de rompre les amarres par lesquelles ils s'atta-
chent à elle.
C'est l'ensemble merveilleux de ces efforts
séculaires que je tenterai d'exposer à mon tour,
dans l'espoir qu'il stimulera l'activité de nos
élèves. Ce n'est pas à être des faiseurs de pasti-
ches que je les invite, ni de faux naïfs, ni
des archaïsants, ni des snobs. Et ce n'est pas
moi qui leur conseillerais de relaver les sables
dont nos devanciers auraient extrait tout l'or.
Mais je suis sûr comme vous, mon cher Maître,
que le fleuve roule encore des paillettes et je
vous exorte, mes chers Amis, à les recueillir.
Vous n'avez pas à craindre que le passé nous
masque le présent ou nous l'amoindrisse :
nous serons modernes et mêmes d'avant garde,
— si nous pouvons.
Mais derrière nous le gros de l'armée, c'est
à dire la tradition millénaire, sera notre force
et notre sécurité.
Et ainsi, par les exemples de l'Histoire, je
m'efix^rcerai, après Bourgault-Ducoudray, et
moins éloquement que lui, de vous pousser
vers l'indépendance.
Mai'rice Emmanuel.
COURS D'HISTOIRE DE LA MU-
SIQUE, PROFESSÉ A LA FACULTÉ
DES LP:TTRES (1909-1 910), PAR M.
ROMAIN ROLLAND.
Les Orijrines du " STYLE NOUVEAU "
dans In musir^ur allemande- de la prrmirre moitié
du Xr/ir urcle.
Jeudi 25 novemhre 1909.
M. Romain Rolland entend par ^^ sty/e
nouveau " le style mélrxlique et expressif (vocal
et instrumental), qui se dégage du grand style
p()lypli()ni(]ue et contrapontique d'un J. S.
liach ou d'un Haendcl, et qui aboutit, dans la
seconde moitié du XVIII'' siècle, :\ la sym-
phonie de Haydn et à l'opéra de (jluck. Il
montre que ces deux styles ont coexisté, l'un
à côté de l'autre, et que la lutte a commencé
entre eux, dès le début du XVIIP siècle. Elle
fut un épisode de la grande querelle des
Anciens et des Modernes ; et, dès les premiers
combats, le sentiment public s'est prononcé
pour les Modernes, qui avaient à leur tête
Keiser, Telemann tit. Mattheson. — M. Rolland
analyse les caractères principaux du " style
nouveau ", et montre comment le puissant
mouvement de la musique allemande au
XVIIP siècle, soutenu par un sentiment
national qui ne cessait de grandir, a dû pour-
tant le meilleur de ses forces à des influences
étrangères : italiennes, françaises, bohèmes,
polonaises, etc. qui ont revivifié l'art allemand.
Jeudi 2, 9, 16 Décembre.
Georg Philipp Telemann. — Importance de
son rôle dans la musique allemande, et injus-
tice de l'histoire envers lui. Il fut un des
pionniers du st\ le musical nouveau, un des
premiers en date, des plus hardis à le soutenir,
en plein règne du style contrapontique ; et il
contribua beaucoup à la victoire de ce style
par son propre succès qui fut européen. —
Sa vie. Prépondérance des influences françaises
dans sa formation artistique. Il fut le cham-
pion du style français en Allemagne. Sa
polémique avec Graun, au sujet de Rameau.
— Sa hardiesse harmonique. Ses peintures en
musique. [TonmaUrei.) Ce que la musique
allemande lui a dû. — Ses opéras-comiques.
(Telemann, précurseur de Pergolèse, écrit,
quatre ans avant lui, une Serva Padrona.) Ses
opéras, ses cantates et ses oratorios, sa musique
instrumentale. [Analyses au piano.)
Jeudi 23 Dt'cemhre.
Joh. /Idolphe Hasse. — Le plus grand
méloiliste allemand avant Mozart. Il fait passer
dans la musique allemande le meilleur ilu style
italien, de même que 'l\'lemann communique
à l'art de son pays une partie des qualités du
style français. — Sa vie. Ce qu'il doit à
Kciser et h Alessandro Scarlatti. Ses rapports
a\ec le jeune Mozart. Sa popularité et l'oubli
total où est tombé son nom.
L'ACTUALITE MUSICALE
31
Société Internationale
de Musique
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
DE LA SECTION DE PARIS
La Sectioiî de Paris a tenu son assemblée
générale le 17 décembre à 4 heures chez
M. M. Gaveau, sous la présidence de M. Ch.
Malherbe, président.
Assistaient à cette séance : MM. Ecorche-
ville, Prud'homme, Laloy, La Laurencie,
Boschot, membres du comité; MM. Bouvet
Poirée, Ruelle, Gaveau, Dauriac, Mutin,
Trotrot, Knosp, Schneider, Legrand, Laugier,
Emmanuel, Greilsamer, Charrier, Lefeuve,
Guérillot, AUix, Mmes Gallet, Daubresse
et Hibert. M. Schiffer de la section de Vienne,
S'étaient excusés : Mme Filliaux-Tiger.
MM. Gastoué, Gariel et Romain Rolland.
La parole est donnée au secrétaire qui lit
une lettre de M. R. Rolland. Notre collègue
annonce la création d'une section d'histoire
de la musique à l'Institut français de Florence.
Cet Institut, créé grâce à l'initiative de M.
Julien Luchaire et inauguré officiellement en
1908 a pour objet de répandre la culture
française en Italie et d'ouvrir à la science
française un champ d'études italiennes. Il
comprend actuellement trois sections:
i*' Section des lettres italiennes. M. J.
Lxichaire professeur ; A. Galletti, chargé de
conférences.
2° Section de l'Art. M. Emile Bertrand ;
directeur d'études ; M. Gustave Soulier, chef
des travaux.
3° Section d'histoire de la musique, M. R.
Rolland directeur d'études ; M. P.-M. Masson
chargé de conférences.
La section d'histoire de la musique se
propose, outre ses travaux et conférences de
musicologie, de dresser et de publier des
répertoires des collections musicales publiques
et privées d'Italie, ainsi que des éditions de
textes musicaux.
De cordiales relations s'établiront certaine-
ment entre l'Institut française et la Société
Internationale de musique.
La candidature de M. Salabert présentée
par M. M. Knosp et Ecorcheville est ensuite
adoptée à l'unanimité.
Après une allocution du président, le secré-
taire rend compte des travaux de la section
pendant cette année 1909. A ce propos
Mme Gallet demande de préciser quel lien
rattache la Section à la Société française des
Amis de la musique. Le président rappelle
comment notre bulletin français a été choisi
par la Société française des Amis pour y publier
toutes les communications de cette société avec
laquelle nous entretenons les plus cordiales
relations, et ceci tout en laissant à la Section
sa pleine et entière indépendance..
^ Le trésorier lit ensuite son rapport. M. Le-
feuve émet le vœu de voir les cotisations des
membres parisiens demeurer pour une plus
grande part dans la caisse de la section. Après
une discussion assez longue sur les moyens
propres à résoudre ce problème financier, il
est décidé que M. Lefeuve remettra au comité
une note précisant la motion dont il a pris
l'initiative.
L'assemblée procède alors à l'élection de
son comité. Sont élus à la majorité des voix
présentes :
M. Ch. Malherbe, président,
M. j. Ecorcheville, vice-président ;
M. G. y. Prod'horame, secrétaire;
M. L. Laloy, trésorier ;
M. L. de la Laurencie, archiviste ;
MM. A. Boschot et E. Wagner, membres
du comité.
La prochaine séance est fixée au 1 5 janvier,,
à 9 heures du soir. La séance est levée à 6 h.,
demie.
32
L'ACTUALITE MUSICALE
Les Instruments
LES NOUVEAUTES DE PARTOUT.
Les compositeurs aiment à écrire dans les
gazettes. C'est pour eux un moyen de rester
en communication constante avec le public,
et de se mettre, de leur vivant au moins, à
l'abri de l'oubli. Il n'j a pas grand mal à cela,
lorsqu'ils abordent des sujets étrangers à leur
art, alors même qu'ils les ignorent. Mais
lorsqu'ils errent en des matières où ils sont
sensés être les mieux orientés, cela devient
plutôt drôle. Tel est le cas du célèbre Richard
Strauss, et la presse musicale allemande en
marqua son étonnement. Il s'agit de la note
suifante, communiquée par l'illustre composi-
teur aux journaux, à propos d'une interprétation
du second Concerto lirarulebourgeois de l^ach
dans une soirée symphonit|ue à l'Opéra Royal
de lierlin : " Jy'audition préparée par moi-
môme du deuxième concerto brandebourgeois
de liach, au troisième concert de la chapelle
royale, a excité tiiversement l'intérêt des
personnes qui connaissent bien la musique de
Bach et de celles t)ui l'aiinciit. Le concerto
' La suite lie l'Ktudi; histori(itic sur le liant l)<)is
paraiU'a dans notre pruchain iiuincro.
avait été mis au point pour les besoins de
l'exécution par Philippe Wolfrum, un des
hommes les plus au courant du style de Bach.
Malheureusement, il avait laissé sans change-
ment la partie originale de la trompette aiguë
en /<7, et aujourd'hui il n'existe pas de trom-
pette aiguë en fa. Sur quel instrument était
exécutée au temps de Bach cette partie, voilà
ce que nous ne savons pas. Mon père était
d'avis que ces trompettes aiguës, pour lesquelles
écrivait Bach, n'étaient autre chose que des
variétés de clarinettes construites en métal
(d'où le nom de clarini qui fut employé plus
tard au lieu de trompette). Les soi-disant trom-
pettes de Bach (Bach-Trompetten), dont on se
sert à présent, outre qu'elles n'atteignent point
les notes élevées dont on a besoin pour le
second concerto brandebourgeois, sont, dans
tous les cas, d'une sonorité beaucoup trop
criarde pour pouvoir être utilisées dans l'œuvre
délicate dont il s'agit. Les précédents adapta-
teurs de ce concerto se sont bornés à prescrire
de jouer une octave au-dessous les parties trop
hautes pour l'étendue des trompettes de fabri-
cation moderne ; mais cela est évidemment
contraire au sentiment de Bach, puisqu'une
partie extrême devient par là une partie
moyenne. En ce qui me concerne, j'ai pris le
parti de faire exécuter les parties de solo de
trompettes en fa par le piccolo-heckelphone,
inventé par M. Heckel, de Biebrich. Cet
instrument, bien que sa sonorité ait le caractère
de celle du hautbois, m'a paru un suffisant
équivalent. I^orsque, dans les tutti, le heckel-
phonc marche à Toctavc avec la trompette et
est doublé par deux clarinettes en w/,sa sonorité
devient telle qu'elle affecte une apparence
vicillote et se rapproche de l'effet que Bach a
souhaité d'obtenir. Dans le dernier morceau,
dont l'effet repose sur l'interprétation des
solistes, je me suis vu forcé de confier au
piccolo-heckelphone la partie de trompette de
Bach en entier, et d'écrire une partie de
trompette complète qui sonne à l'unisson,
tantôt du violon-solo, tantôt de la flûte-solo,
tantôt lUi liautbt)is-solo. J'ai dû ici m'écarter
de la lettre de Bach, mais je crois avoir agi
conformément à l'esprit de sa composition.
V
L ' A C T U A L 1 T 11 MUSICALE
33
Ma transcription, faite après des expériences
nombreuses et variées, povn'rait être considérée,
dans tous les cas, comme reproduisant le plus
exactement possible le coloris sonore entrevu
par Bach, et cela jusqu'au jour où un facteur
d'instruments sera parvenu à établir une trom-
pette aiguë dont le timbre puisse correspondre
au caractère de la musique de chambre et se
mêler, en solo, avec les sons du violon, de la
flûte et du hautbois. Actuellement, le timbre
de nos trompettes tue simplement toutes les
autres voix dans le genre de musique dont
nous nous occupons. "
Pour ma part, je ne pousserai pas l'indiscré-
tion jusqu'à demander au Maître, par quel
truchement il a communiqué avec feu J. S. Bach,
pour savoir quelle sonorité il a souhaité d'ob-
tenir. Je me contenterai de signaler les erreurs
matérielles qui enlèvent toute valeur à son
opinion.
I* Sur quoi se base-t-il pour supposer
l'existence de clarinettes en métal du temps
de Bach : La description de tels instruments
ne se trouve dans aucun ouvrage du temps,
et pas un seul spécimen nous en est parvenu.
Par contre, nous savons que la clarinette fut
inventée vers la fin du 1 7™* siècle par Denner
(né à Leipzig le 23 Novembre 1655, mort à
Nuremberg le 20 Avril 1707). Le nom de
C/arinetto, qui fut donné au nouvel instrument
est le diminutif de Clarino^ registre aigu de
la Trompette, à cause de la ressemblance qui
existait entre le timbre des deux instruments,
et dans son Music Saûl, Joseph Friederich
Bernhard Gaspar Mayer (Nuremberg 1741)
s'exprime ainsi au sujet de la clarinette :
" Die Clarinetto klingt von ferner einer
Trompette zimmlich ahnlich. "
" Le son de la Clarinette est de loin assez
semblable à celui d'une Trompette. "
M. R. Strauss a confondu la cause avec l'effet.
2* Au dire de l'éminent chef d'orchestre,
le Heckelphone piccolo remplacerait avanta-
geusement le clarino.
Ici, Strauss est en contradiction avec lui-
même, car, si réellement du temps de Bach
on s'était servi de Clarinettes métalliques
comme il le prétend, c. à d. d'instruments à
perce cylindri(|ue à anche simple, on ne peut
trouver leur équivalent de sonorité dans le
Heckelphone, qui est un instrument à perce
conique, et à anche double.
3" L'auteur de Salomé préconise son idée,
en attendant qu'un facteur d'instruments soit
parvenu à établir une trompette aiguë, etc.
Ce rêve est réalisé depuis longtemps. La
maison Gebrtider Alexander de Mayence en
fait figurer toute une collection sur son cata-
logue. Ces trompettes sont spécialement con-
struites (fa et ré aigus) pour exécuter la musique
de Handel et de Bach, et la maison Mahillon
de Bruxelles en construisit une en fa, expres-
sément pour l'exécution du Concerto Brand-
bourgeois N* 2, au Conservatoire royal de
musique de Bruxelles, il y a bon nombre
d'années.
A l'opposé des recherches archéologiques,
Paderewski vient de diriger ses efforts vers une
autre branche de l'instrumentation, et avec
un plein succès, paraît-il. Il vient d'inventer
un instrument nommé Toniiruone^ destiné à
faire le tonnerre à l'orchestre. On l'a expéri-
menté récemment pour la première fois à
Londres, aux Concerts Symphoniques, dans la
nouvelle symphonie de Paderewski dirigée par
le D' Richter, et où le tonnerre a la parole.
Le but poursuivi par Paderewski était d'obtenir
un bruit si l'on peut dire musical, que les
plaques de tôle dont on se sert habituellement
au théâtre sont loin d'avoir. Le résultat de
multiples expériences fut une plaque d'acier
doublée d'une plaque de cuivre, le tout entouré
d'un bourrelet de laiton. L'instrument définitit
a la forme d'un parapluie ouvert, et est mis en
vibrations par une mailloche.
Imiter le bruit du tonnerre a toujours tenté
les musiciens : quo non ascendam ! C'était le
violon d'Ingres du chanteur Lablache, dont
la corpulence est restée aussi célèbre que la
voix. Il ne ratait jamais l'occasion, lorsqu'il
rencontrait un piano ouvert, de s'asseoir
brusquement sur les touches. Il appelait cela :
faire le tonnerre^ et avait paraît-il des admira-
teurs ; non content d'écraser un piano, il eut
voulu écraser du même coup tous les pianistes,
et s'en prenant au plus célèbre et au plus
34
L'ACTUALITE MUSICALE
anguleux à la fois, il avait l'habitude d'ajouter :
" Ce pauvre Liszt, quaiid-il veut m'imiter, il
n'arrive à prendre qu'une tierce ".
Si les écrits des musiciens ne valent en
général pas grand chose de leur vivant, ils
prennent parfois après leur mort une singulière
valeur. On vient de mettre en vente à Londres
une série de 23 lettres de Beethoven adressées
en partie à son ami Bernhard et ayant presque
toutes trait à la tutelle de son neveu, ainsi
que le mémoire de 46 pages, que le maître de
Bonn adressa au tribunal d'appel, au sujet de
cette même tutelle. Ces 24 pièces, plus deux
lettres furent déjà mises en vente à Vienne,
mais n'obtinrent pas le prix global de demande
soit 35.380 couronnes. C'est pourquoi elles
furent retirées. C'est un beau prix pour des
documents qui n'intéressent en rien l'histoire
de l'art et relatent seulement des démêlés de
famille assez vulgaires, et qui ont d'ailleurs été
presque tous publiés
N'avez-vous pas remarqué comme depuis
quelque temps les violonistes en vedette font
parler d'eux ? Au virtuose A, des admirateurs
ont offert un Guarnérius de 25000 frs... Le
père du petit prodige B vient de donner à son
illustre fils, pour célébrer le quatrième aniver-
saire de sa naissance, un Stradivarius de
30.000 fr... Le grand violoniste C vient
d'acquérir avec une partie de ses recettes
d'Amérique, le célèbre Stradivarius rouge de
1708 pour 75.000 fr... (Instrument conservé
pendant un demi-siècle dans la vitrine d'un
amateur manchot). L'illustre maître D vient
d'acheter un Amati incomparable pour
125,000 fr...
Après cela vous croyez qu'on peut tirer
l'échelle ? — Point. Nous lisions ces jours
derniers que le grand violoniste C déjà nommé,
vient de mettre en pièces, involontairement,
en tombant dessus, au moment ou il allait
saluer le public au quarantième rappel, le
Stradivarius rouge payé etc..
Eh ! bien moi j'ai un ami, violoniste aussi,
auquel il est arrivé plus fort que tout cela :
Son Stradivarius vient de faire des petits. Ceci
est déjà extraordinaire, vous en conviendrez,
mais ce qui l'est encore bien davantage, c'est
que le dit violoniste m'a défendu de le nom-
mer... par modestie.
Lucien Greilsamer.
UNE EXPÉRIENCE D'ACOUSTI-
QUE PHYSIOLOGIQUE.
Notre éminent collègue le D"" Marage a
présenté dernièrement à l'Académie des Scien-
ces une forte intéressante communication. Le
D"" Marage, on le sait, a fait une étude appro-
fondie des vibrations de la parole, et ses expé-
riences d'analyse et de s\'nthèse l'ont conduit
à admettre que la voix est une vibration aéro-
laryngienne renforcée ou transformée par
divers éléments, la bouche principalement. Il
s'agissait de prou\ er que le larynx seul était
capable de produire cette vibration.
Après avoir répété sous une forme person-
nelle, d'anciennes expériences faites sur les
vivants pour démontrer que le larvnx produit
les cinq voyelles, ou, a, e, i, o. M"" Marage a
poussé son investigation sur des larynx de
chiens, isolés, et se rapprochant beaucoup de
la normale :
Techniqur. — Trois heures après avoir été
injecté à la morphine, l'animal est endormi au
chloroforme et pendant le sommeil le larynx
est enlevé avec l'os hyoïde et les cinq ou six
premiers anneaux de la trachée ; un tube de
caoutchouc du même diamètre que la trachée
est raccordé à celle-ci par un tube de verre
mince, de manière à pouvoir faire passer un
courant d'air dont on mesure la pression avec
un manomètre métalique extra-sensible gradué
en milliniètrcs d'eau.
Cet air peut être pris dans un réservoir
quelconque à ^"" emirc^i, ou bien on peut se
contenter de souffler soi-même ou de faire
souffler dans le tube de caoutchouc.
Les muscles laryngiens sont soumis à un
courant d'induction produit par la petite bobine
à chariot qu'on trouve ilans tous les labora-
toires ; le courant primaire est proiluit par un
seul accumulateur. On photographie le larynx
au magnésium sur îles plaques sensibles au
rouge, car les muscles sont gorgés de sang, et
on inscrit ces vibrations sur un phonographe.
Rt'su/tdts. — I. Si le larynx a été enlevé
L'ACTUALITE MUSICALE
35
pendant le sommeil du chloroforme, les mus-
cles peuvent se contracter pendant trois à dix
minutes au plus ; si on enlève la larynx immé-
diatement après la mort, le plus souvent on ne
peut obtenir aucune contraction, car le sang
artériel s'est écoulé.
2. Pour produire des vibrations, le courant
d'air doit avoir une pression variant, comme
chez l'homme pendant la phonation, entre 150
et 200 millimètres d'eau.
3. Si l'excitateur est placé au niveau des
muscles crico-aryténoïdiens postérieurs, la
glotte s'ouvre largement, les cordes vocales
s'écartent au maximum il n'y a aucun son.
4. Si l'excitateur est placé au niveau des
ary-aryténoïdiens, les aryténoïdes se rappro-
chent et l'on obtient une belle note grave
rappelant à s'y méprendre l'aboiement d'un
chien sur une note continue de l'octave i (ces
notes ont été inscrites au phonographe).
5. Si l'excitateur est disposé de manière à
faire contracter non seulement les ary-aryté-
noïdiens, mais encore les thyro-aryténoïdiens
(cordes vocales), on obtient une note très pure
et très aiguë, appartenant à l'octave 5 : c'est
une sorte de sifflet sur U', correspondant au
hurlement des chiens qui, la nuit, aboient à la
lune.
Cette note, très aiguë, a été obtenue sur un
chien de taille moyenne ; sur la photographie
on voit que les aryténoïdes ont presque che-
vauché l'un sur l'autre, la glotte est devenue
très mince et très courte.
6. La hauteur de la note ne semble dépen-
dre ni du courant, ni de la pression de l'air,
mais uniquement de la position de l'excitateur,
c'est-à-dire des muscles qui se contractent.
7. En aucun cas les lois des vibrations des
cordes rie m'ont paru s'appliquer aux vibrations
des cordes vocales ; celles-ci n'ont pas de son
par elles-mêmes, c'est l'air qui vibre.
Des conclusions tirées qar l'éminent savant,
la plus intéressante au point de vue de l'acou-
stique est que les cordes vocales n agissent pas du
tout comme des anches membraneuses^ et que le
point où les vibrations se produisent est iusquà
présent impossible à déterminer.
Questions
Sociales
ET INTERETS PROFESSIONNELS
Le Congrès des Classes Moyennes et les
Musiciens
Nous sommes conduits, par la force
des choses, à demander aux classes
moyennes les sommes nécessaires aux
dégrèvements proposés.
(Declaj-ation de M.. Caillaux le 22 mai 1907.^
Le deuxième Congrès organisé par Y Asso-
ciation de défense des Classes Moyennes vient de
tenir ses assises à Paris. Il n'est pas trop tard
pour en parler ici, d'autant que nous lui
devons d'utiles indications et de précieux en-
seignements.
Une première chose nous avait frappé en
lisant ce titre : Classes Moyennes : Union
des commerçants et industriels de France. Pour-
quoi les artistes étaient-ils exclus de cet
ensemble ? Est-ce qu'ils ne constituent pas
une fraction, et une fraction importante, de
ces classes laborieuses, de cette petite bour-
geoisie, vivant de son travail, dont la condition
devient actuellement si précaire r Afin d'être
édifié sur ce point nous nous rendîmes au
siège même de la société. ^
Sans longues explications, on nous fit la
' Association de Défense des Classes Moyennes,
2 1 Place de la Madeleine.
L'ACTUALITE MUSICALE
36
plus aimable et la plus spirituelle des réponses
en nous invitant à assister au Congres.
Certain musicien de nos amis, à qui j'en
parlai, resta stupide d'étonnement.
— " Qu'est-ce que vous avez à démêler,
me dit-il, avec les commerçants et les indus-
triels, petits ou grands. Qu'entre-eux ils
s'occupent de leurs intérêts, les discutent, rien
de mieux, je les approuve. Mais qu'est-ce que
cela peut nous faire, et en quoi cela nous
touche-t-il r Pour un artiste, vous avez de
drôles d'idées.
Je ne répondis rien. Fallait-il prouver que
nous sommes tous solidaires et qu'une classe,
puisqu'il s'agit de classes, ne peut prendre une
décision, possibilité d'actes, sans qu'il y ait
répercussion sur la vie de toutes les autres
classes : La suite devait montrer clairement
qu'il était utile d'aller à ce Congrès et que les
petits commerçants et industriels peuvent
" toucher " les artistes.
Disons tout d'abord que nous avons passé
là d'excellentes heures. Ah ! qu'on y était
loin du conférencier qui, en termes plus ou
moins heureux, développe un thème plus ou
moins connu. Ici, nous nous sentions en face
de gens ayant pris le maniement de la parole
dans leurs syndicats, leurs unions, leurs fédé-
rations ; cette parole, ils en usaient pour
exposer des faits précis à d'autres gens qui en
comprenaient d'autant plus l'importance que
ces faits étaient de nature à modifier, immé-
diatement ou à terme rapproché, leurs condi-
tions d'existence. L'impôt sur le retenu,
l'établissement de la patente, la pratique de
l'achat en commun, la décentralisation, toutes
ces questions-là, si revêches d'aspect, deve-
naient, pour ainsi dire, vivantes dans l'esprit
de ces auditeurs ; elles entraient à la fois dans
leur sensibilité et dans lelir intelligence ; ils
éprouvaient d'un trait, et par prévision, toutes
les atteintes que telle ou telle mesure fiscale
pouvait porter à eux et aux leurs ; ils en étaient
émus à la mesure où la parole de l'orateur les
leur rendait intelligibles.
Voilà qui nous changeait des parleurs à
vide et des déclamateurs à froid. Ces agri-
culteurs, ces commerçants, ces inilustriils ont
le plein sens des réalités et ils en deviennent
tout de suite et de prime d'abord intéressants. Ils
reconnaissent qu'ils se sont un peu endormis
sur le mol oreiller des vieilles habitudes, ma
aujourd'hui ils se ressaisissent, s'orientent, l;,
sans plaintes ni vains regrets, ils acceptent la
lutte avec un tranquille courage. Sous la
pression des événements, et par le seul effet
de leur hérédité, ils renouent, d'un geste, la
tradition historique et affirment à nouveau la
vitalité de cette bourgeoisie française : pratique,
patiente, fière et d'une inébranlable constance
dans la revendication de ses droits. On sent
ici une force qui veut bien s'employer. L'éner-
gie, c'est le sentiment qui domine : il circule
sous le verbe, depuis la belle allocution
d'ouverture de M. le député Arnard, jus-
qu'à la remarquable communication finale de
M. Charles Brun, aussi attachante de forme
que solide de fond. Et tous les autres discours
sont dans le même esprit, de ce ton pacifique
et résolu qu'anime une conviction sincère et
forte. Nous ne faisons point le compte-remlu
de ce congrès, nous entendons seulement en
dégager ce qui peut convenir aux artistes : le
sens averti des réalités économiques, la résolu-
tion ferme en face des difficulté'S croissantes de
la vie sociale quotidienne ; la promptitude
d'adaptation à des conditions nouvelles et la
résurrection de cette initiative qui fut toujours
une des qualités distinctives de notre race.
De toutes les questions qui ont été traitées
au Congrès de V Association des Classes AI oynuus^
plusieurs touchent les artistes; nous ne crovcMis
cependant pas qu'ils puissent s'inscrire, en
bloc, à cette association ; il y a connexité des
intérêts, il ne peur v avoir confusion. Ce qu'ils
doivent retenir, c'est l'exemple à suivre ! la
nécessité d'une association similaire ayant uni-
t]uenKiit pour objet l'étude des questions
économiques les concernant. Pourraient entrer
dans le programme à réaliser : la fondation de
sociétés coopératives de consommation ; la
construction d'habitations à bon marché ; de
dispensaires ; de maisons de cure (s.-inatorium
hypnœum ') ; de repos ; de retraite. — On
pourrait donner {|uelque attention aux agences
' On (lit aussi : soinnariuin.
L'ACTUALITE MUSICALE
37
qui s'occupent des engagements d'artistes —
nous traiterons ici, de cette question, un
prochain jour — . Enfin une des premières
questions à traiter serait celle de V organisation
du crédit pour les artistes.
Combien d'entreprises ont sombré qui
auraient connu un meilleur sort, et qui en
étaient dignes, si elles avaient pu disposer, à
un certain moment, du cajpital nécessaire.
Combien d'artistes, dans leur particulier,
subissent des crises financières momentanées
dont une aide propice atténuerait l'acuité.
Fait curieux, un peu à côté de notre sujet,
lïiais intéressant à signaler : il y a en France
3000 sociétés de crédit agricole, il n'y en a
pas plus de 40 de crédit urbain. Pourquoi
cette disproportion ? Ce n'est pas l'instant
d'en rechercher les causes. Que les artistes, et
notamment les musiciens, étudient, en ce qui
les concerne, le moyen d'augmenter le nombre
des sociétés de "crédit urbain ", qu'ils recher-
chent la forme la plus adaptée à leurs besoins
actuels ; c'est là une tâche urgente.
Revenons au Congrès des Classes Moyennes
et voyons quels enseignements nous y pouvons
encore puiser. Le problème de la Décentralisa-
tion a été magistralement traité par M. Charles
Brun. Il est d'une actualité palpitante pour
les musiciens. — Songez qu'il s'est présenté,
cette année, 1.734 élèves aux examens du
Conservatoire de Paris ! — On nous donne
sans cesse à méditer l'exemple de l'Allemagne
où tant d'universités vivent d'une vie autonome
sans se réclamer d'un centre unique, distri-
buteur patenté d'énergie. Mais, sans regarder
hors frontière, nous pouvons dire qu'il est
grand temps de travailler, d'un commun effort,
à une décentralisation rapide. Il faut provo-
quer, dans de nombreuses régions françaises,
l'activité dont elles sont dépourvues ; le mou-
vement doit être à double effet : il faut
d'abord décentraliser, (c'est-à-dire, étymologi-
quement, éloigner du centre où elles s'écrasent
et s'annulent les trop nombreuses unités d'une
même corporation), et, d'autre part, il faut
fixer, dans leur pays d'origine, les valeurs
intellectuelles qui s'y produisent ; c'est ce que
nous avons appelé autrefois, dans un travail
paru à V Energie française^ la détermination du
" mouvement d'exodes et de stabilités néces-
Une autre question, très importante, devrait
attirer l'attention des musiciens, et nous allons
toucher l'une des réactions d'une classe sur
l'autre à laquelle nous faisions allusion au
début de cet article. Il s'agit de la Patente.
Dans une communication très documentée et
très attachante, M. Frédéric Clément propose
que les artistes, les musiciens^ les journalistes,
les littérateurs,' les députés soient soumis à la
patente. Pourquoi, dit-il, en substance, les
petits commerçants et industriels supporte-
raient-ils seuls les charges fiscales tandis que
d'autres catégories de citoyens en seraient
exemptes ? Pourquoi r Etat laisserait-il échapper
ces nouvelles sources de revenus. ^ Pourquoi ne
frapperait-il pas les administrateurs des grandes
sociétés, les ingénieurs, etc. // faut élargir la
patente^ ^ afin de dégrever le petit commerçant.
Et, poursuivant son idée, M. Clément
communique un intéressant projet " d'élar-
gissement ". La patente serait perçue sous
cinq chefs.
I* Valeur locative.
2* Nombre d'employés.
3* Nombre de machines.
4° Instruments de travail.
5° Droit fixe.
Qu'on veuille bien réfléchir un instant aux
applications possibles de ce projet. Elles n'ont
pas été formulées au congrès, mais il est très
facile de les prévoir. Considérons une grande
association musicale, celle des concerts Lamou-
reux ou Colonne, par exemple, les cinq titres
trouveraient très bien là leur application.
Valeur locative : calculée sur le loyer.
Nombre d'employés : nombre d'exécutants.
Machines : soufflerie, machines électriques
pour l'éclairage, le chauffage etc.
Instruments de travail : violons, cors, cla-
rinettes etc.
Droit fixe : à calculer sur la recette.
' On peut croire que cette bonne parole sera
recueillie.
L'ACTUALITE MUSICALE
38
Encore une fois, il n'a pas été question des
musiciens... ce jour-là, mais l'idée d'une recette
possible pour l'Etat fait toujours un chemin
rapide et les musiciens feraient peut-être bien
de prévoir c'est-à-dire de se rendre compte, à
l'avance, de projets menaçants pour leur sécu-
rité financière.
On voit l'étendue et l'importance des
questions qui s'offriraient à l'examen des arti-
stes soucieux d'assurer leur stabilité économique
encore bien plus compromise que celle des in-
dustriels et des commerçants. Il ne faut pas qu'ils
s'illusionnent : ils sont nécessaires à la création,
mais ils ne sont pas indispensables ; de nos
jours ils sont en trop grand nombre et, s'ils
n'y prennent garde et ne s'unissent, il pourrait
se produire de cruelles éliminations. Il est
temps de prendre une connaissance exacte des
conditions nouvelles que va imposer à l'artiste
un société qui est, c'est indéniable, en voie de
rapide transformation.
Deux autres choses nous ont frappé au Con-
gés des classes Moyennes: c'est, d'abord, l'absence
de femmes. Il y en axait une qui n'était
pas commerçante. Quand je pense que des fem-
mes trouvent le temps d'assister à certaines réu-
nions de revendicatrices, folles ou criminelles,
où on les berne avec les beautés du matriarcat
et de la gynécocratie — c'est mélodieux —
et que pas une ne s'est jointe à ces braves gens,
avisés, d'esprit sagace, d'une bonne volonté si
droite et d'un cœur si français. Que les femmes
artistes se gardent d'agir de la sorte. Je sais
bien que certains musiciens, d'une de nos
grandes associations de concert, m'ont dit un
jour, parlant à ma personne, pour employer le
style de la jurisprudence : " Les femmes !.. ce
sont des concurrentes ". Mot dur, injuste,
signe de vue étroite. Les femmes peuvent être
d'utiles et fidèles alliées. Qu'elles mettent au
service de la cause que nous défendons ici
leurs qualités d'ordre, d'exactitude, de patient
travail. Musiciens et musiciennes sont victimes
des mêmes errements, se trouvent en face des
mêmes difficultés ; un eff()rt, commun est pour
eux aussi urgent qu'obligatoire.
La seconde remarque, sur laquelle nous
allons conclure, est celle-ci. La nécessité de
l'association étant reconnue, la tendance
actuelle est de l'établir, non plus sur des bases
confessionnelles ou politiques, mais bien, et
uniquement, sur le terrain professionnel. De
plus en plus on tend à reconstituer, sous d'au-
tres formes, les anciennes corporations, on les
organisé au seul nom des mêmes intérêts écono-
miques. C'est ce que nous ne devons pas perdre
de \ue à la Société Françoise des Amis de la
Musique.
M. Daubresse.
FAITS SOCIAUX
Pétition adressée par les directeurs des théâtres de
province : i" aux maires des villes qui ont des théâtres,
2" à la société des auteurs. Objet de la pétition :
Demander la suppression des Tourne'es ou l'imposition,
aux imprésarios, de conditions ruineuses.
Lausanne. — La P/iilharmontque ItaHenne demande
un directeur pour le 1" février 19 10. Ecrire à M.
Costantino Lomazzi. Lausanne (Suisse).
Paris. — L'Opéra vient d'accepter M*""' Laskinc
comme harpiste. C'est la premi?re femme admise à
l'orchestre de ce théâtre.
— Le théâtre du Grand-Guigfnol supprime le pour-
boire des ouvreuses. Exemple à suivre ; à condition
que le traitement de ces employées compense la perte
subie.
Prague. — Fondation d'une chaire de musique i
l'Université de cette ville.
Fribourjj. — Organisation d'un chitur d'étudiants ;
il donne plusieurs concerts réussis. A imiter dans nos
diverses Facultés ; excellente institution.
Paris. — Fondation de la Societf PaUstrinti. Pré-
sident : M. Vincent d'Indy.
— Concours de "Chansons et Poésies" organisé par:
La Bonne Chanson. Deux milles francs de prix.
" — Revendications des auteurs et acteurs. Les .Auteurs
demanilent : Réforme coni]ilète (mais non suppression)
de la Société des auteurs ; tlétense îles stagiaires qu'on
traite en quantité négligeable ; modifications i appor-
ter à la commission des auteurs : suppression des trai-
tés qui lient les théâtres à la société,- substituer au tant
pour cent actuel, qui constitue les droits d'auteur, une
échelle proportionne le îles tlroits, par traité librement
consenti entre directeur et auteur, traité que défendrait
le syndicat ; suppression du droit tics pauvres ; lutte
contre le système des tournées.
Les .Acteurs désirent : Qu'on tienne coinjite dans
les entre|)rises théâtrales des lois sur l'hygiène et de la
morale ; de la loi sur le repos hebdomadaire : paiement
du travail supplémentaire ; protection des acteurs en
L'ACTUALITE MUSICALE
39
cas de faillite ; suppression des amendes ; minimum
de salaires sans différence de sexe ; lutte contre les
agences, dont le syndicat demande la suppression.
Pour faire aboutir ces revendications auteurs et
acteurs ont fondé un syndicat affilié à la Bourse du
Travail.
New- York. — On vient d'installer dans les souter-
rains d'un " gratte-ciel " une nouvelle salle de théâtre.
Elle a douze mètres de haut et peut contenir dix-huit
cents personnes. — Un inventeur présente un instru-
ment appelé mirophone au moyen duquel les notes
données par le chanteur lui sont renvoyées en écho. Il
peut ainsi juger des imperfections de sa voix et y
remédier.
L'Edition
l
LES NOUVEAUTES MUSICALES
Pour plus de clarté nous donnons en tête de cette
rubrique les numéros qui correspondent à chacun des
éditeurs des œuvres citées, i Démets. 2 Evette de
Schaeffer. 3 Breitkopf. 4 Edition Mutuelle. 5 Max
Eschig. 6 Durand et Fils. 7 Lascano Y Mar.
(Bilbao). 8 Doblinger (Vienne). 9 Fuerstner (Berlin).
10 Rob. Lienau (Berlin).
Une curieuse Suite ^ pour deux flûtes ou deux
violons^ d'un musicien tout à fait inconnu,
Pierre Bucquet,(i734), un air ^ pour Ténor
extrait du Demofoonte de Leonardo Léo, exhu-
més par notre excellent collègue Charles Bouvet,
deux Smates de Haendel, transcrites pour
clarinette Si bémol par M. Stiévenard ^ et un
volume des Denkmaeler ^ allemands contenant
des hymnes de PraetorIus, voilà l'hommage
rendu ce mois-çi aux vieux maîtres. Passons
aux jeunes.
M. Stiévenard publie'' une Etude pratique
des gammes pour la Clarinette^ ouvrage plutôt
rébarbatif aux yeux des profanes, mais fort
utile aux professionels. J'ai pris, d'autre p>art
le plus vif plaisir à feuilleter le luxueux volume
de M. Iîaggers " Méthode de timbales et d'in-
struments à percussion " : ce titre ne semble pas
annoncer un ouvrage bien attrayant : détrom-
pez-vous ; sa dernière partie en particulier,
qui traite des instruments de fantaisie et d'imi-
tation usités dans nos orchestres, nous dévoile
de la façon la plus amusante quelques uns des
mille secrets de l'instrumentation moderne.
Tout ceci n'est point pour nuire à la valeur
théorique de l'œuvre et je me permettrai d'y
revenir plus longuement.
M. Ducourau et M. SiEFERT avec leurs
pièces pour piano. '^ M. Nirag avec une estimable
Sonate en Ré bémol* se complaisent dans une
austérité toute scholastique : M. Eugène Cools
avec une Sicilienne pour flûte et piano ^ ne
recherche que le succès facile. M. Beesau
publie 14 Mélodies pour chant et piano, *
musique distinguée et un peu précieuse, sur
des poèmes plus précieux encore, le tout, très
représentatif des tendances actuelles de l'art
français.
Mais c'est de l'étranger que nous vient ce
mois-ci le souffle vivificateur, avec les amusantes
Pièces espagnoles de M. Manuel de Falla ® et
surtout avec l'admirable Quintette pour piano
et cordes * de M. Joaquin Turina. Souhaitons
d'entendre bientôt à Paris cette œuvre capitale.
M. de Falla n'a pas eu, comme son compa-
triote, l'avantage d'aller prendre l'air de la
Rue St Jacques ; et c'est ici que nous voyons
combien est nécessaire à un musicien la maî-
trise parfaite de son art. A côté d'eux la musique
religieuse en Espagne fait bonne figure avec
une Messe de Goicochea '' et une Antologie
moderne des organistes espagnols, publié par
le R. P. NoTANO. ''
D'Allemagne, nous arrivent la partition
d"" orchestre de la 5® de Bruckner^ et la huitième
en charmante partition d'orchestre format de
poche (3 mark) ^'^, enfin 32 mélodies pour chant ^
de M. Richard Strauss : les unes traduites,
par M. Louis Schneider qui se fait un plaisir
40
L'ACTUALITE MUSICALE
<le laisser parfois percer la puérilité du lyrisme
allemand ; les autres par M. Marnold. Ici
l'accent prosodique et l'accent musical ne
coïncident pas toujours ; il en résulte un
déséquilibre assez désagréable pour le chanteur.
Ces lieds de Strauss mériteraient de faire
fortune chez nous et de figurer au répertoire
de nos chanteurs à côté de ceux de Schumann
et de Schubert, dont ils sont l'aboutissement
direct. Leur extrême difficulté leur nuira sans
doute : compliqués à lire, d'intonations ardues,
mal écrits pour les voix, tels d'entre eux
exigent un déploiement de virtuosité que nous
ne sommes plus habitués à rencontrer chez les
interprètes du lied. Les plus accessibles sont
" Florilège ", la " Berceuse " puis la " Forêt
solitaire ' qui rappelle les plus belles créations
de Schumann et de Brahms. " A l'hiver " est
au contraire tout à fait Schubertien : d'autres
" Les sept buveurs" "Serment de célibataire",
" Mon hôte " ont une bonhomie toute ger-
manique. " Aurore matinale " est d'un lyrisme
véhément et enfiévré. Enfin, avec " le Soli-
taire ", " Aimer et Souffrir ", "Atlas le Grand"
" Ressouvenirs ", M. Strauss atteint aux plus
hauts sommets de l'intensité dramatique. Puisse
notre public français, trop disposé à se com-
plaire dans les demi teintes et le clair obscur,
reprendre goût à l'héroïsme et " s'emballer
devant des œuvres de cette virilité et de cette
puissance.
V. P.
Le Gérant : Marcel Prbobt.
Inipr. par The St. Catherine Press Ltu. Rrugcs, Hd^ique.
L'ACTUALITÉ
MUSICALE
ANNEXE DE LA REVUE MUSICALE S.I.M.
PUBLIÉE PAR LA SECTION DE PARIS DE LA
SOCIÉTÉ INTERNATIONALE DE MUSIQUE
5 FEVRIER 1910
FRANCE ET BELGIQUE
Le numéro : 0.40 - Un an: 4.00
UNION POSTALE
Le numéro: 0.60 - Un an: 6.00
L'JCTU ALITÉ MUSICALE
REDACTION
PARIS: 22, RUE ST. AUGUSTIN
BELGIQUE: RENE LYR A BOITSFORT, BRUXELLES
ADMINISTRATION :
LIBRAIRIE CH. DELAGRAVE, 15, rue Soufflot, PARIS.
Tous les mandats doivent être adressés soit à la librairie DELAGR^^VE,
soit à M. REU^É LYR.
SOMMAIRE DE L'ACTUALITE
DU 15 FÉVRIER
THP!:ATRES et concerts, à Paris par Gi'KRiM.or — Pr.nincc. — Belgique. —
Étranger. —JOUR ET NUIT, par Pikrkk Johhk-Duval. — LES INSTRUMENTS; les
nouveautés de partout par L. Greilsamer. Notice liistoricjue sur le hautbois par Hridet.
— QUESTIONS SOCIALES; le Gracieux Concours par M. Daihrksse. — COURS
ET CONEÉRENCES à l'Ecole des Hautes Etudes Sociales par G. RcH'CHÈs. —
L'I'.Dri ION MUSICAL]^. H<h<'nict- île MaL^Manl, par Sania/.euilh : Le ipiatuor à cordes
de Th. Dubois, par |. E.
Théâtres et Concerts
Ce modeste compte rendu des Concerts de
Janvier à Paris débutera par une " annonce
et réclamera " toute l'indulgence du public
car il sera insuffisant et incomplet. Le cente-
naire de Haydn qui a valu à VS. I. M. un
numéro documentaire et à X Actualité Musicale
le "Mois" de M. Gaston Carraud nous a
empêchés de faire même une simple mention
des concerts de décembre. Et voici que pour
ceux de janvier, nombreux et souvent impor-
tants, les inondations, qui ont coupé Paris en
deux, ont singulièrement compliqué la tâche
de nos collaborateurs. Malgré leur courage, ils
ont plus d'une fois reculé devant les dangers
d'une navigation jusqu'aux salles Gaveau,
Erard et Pleyel. Eux aussi ont été débordés.
Ne voulant, contrairement à l'usage, parler
que de ce qu'ils avaient entendu, ils ne nous
ont rien envoyé sur bien des séances certai-
nement intéressantes. Que le lecteur nous
pardonne ! Février sera sans doute plus clé-
ment : de tant de flots envahissants il ne sub-
sistera plus que celui des concerts; nous ferons
de notre mieux pour le canaliser.
A l'Opéra Comique on reprend Phryné
et Paillasse, deux pièces qui se font mutuel-
lement repoussoir.
Belle est la voix de M™'' Nicot-Vauchelet,
et plus distinguée encore sa personne. Pour
une courtisane l'allure est un peu sélect. Peut-
être l'art classique de M. St. Saëns convient
il à la délicatesse de ce flirt. , ■
De même M. Salignac a donné à Leonca-
vallo une dignité que je ne lui connaissais
pas. Et ici, est-ce un mérite ? Il est vrai que la
voix, toujours un peu contenue de M. Salignac
l'engageait à ménager ses effets. M^'*^ Lamare
s'agite fort à propos ; le rôle est un peu haut
perché pour elle. Mais bravo pour sa " furia "
que je voudrais retrouver dans l'orchestre.
N'atténuons pas ce qu'il y a de choquant
pour nous dans cette musique. Que resterait-il
en effet ?
En Décembre, le Conservatoire avait
inscrit à ses programmes la Symphonie avec
chœurs, l'Enfance du Christ et un concert
inédit de Haydn — remarquablement joué
par M. Boucherit. En janvier, M. Messager
a donné deux belles séances. A la première,
M™'^ Marguerite Long fut l'interprète élégante
du troisième Concerto de M. Saint Saëns,
qu'accompagnaient la symphonie pastorale, le
prélude à l'après-midi d'un Faune, de M.
Debussy et une des cinq cantates que Bach
écrivit pour la fête de Pâques. Programme
sagement équilibré, comme on voit. La can-
tate, donnée pour la première fois à Paris,
est très stricte de forme, étant toute entière
basée sur l'hymne "VictimœPaschalis laudes",
et sa beauté est austère.
Les Concerts Lamoureux ont souffert
du désarroi général de la seconde quin-
zaine car, faute d'éclairage, ils ont dû re-
noncer à leur séance du 30. Dans les trois
44
L'ACTUALITE MUSICALE
autres programmes il faut citer l'œuvre com-
plexe, touffue, énorme de M. Richard Strauss
" Ainsi parla Zoroastre ", triomphe de cet
admirable orchestre et de son chef. Les applau-
dissements du public ont prouvé, croyons-
nous, une satisfaction d'ordre purement musical.
Il a renoncé à scruter l'abstraite quintessence
de la donnée littéraire. Puis ce furent la sym-
phonie de Franck, la symphonie en ut mineur
de M. Saint-Saëns (dont c'était exactement
— de la symphonie, bien entendu — le 23"""
anniversaire au Concei t Lamoureux), la sym-
phonie en si b de Schumann, la Forêt enchantée
de M. d'Indy, œuvre toujours jeune elle aussi,
la Fantaisie sur des Airs Angevins, de G.
Lelceu, vigoureuse et franche, la Bataille des
Huns, de Liszt, pompeuse et bruyante. Nous
allions oublier l'agréable mais peu debussyste
petite suite de M. Debussy, orchestrée par M.
Busser. Chaque concert eut son soliste.
Le mois de décembre s'est terminé aux
Concerts Colonne par le grand succès de
AI. ii'Ind\- conduisant des fragments impor-
tants de l'Etranger, trop tôt exilé de l'Opéra.
La réouverture de janvier s'est faite par un
Festival Franck, dirigé par son successeur à
S'*" Clotilde, M. Pierné. Ce furent deux belles
séances pour notre école française. Mais elles
n'eurent pas de lendemain car on revint aux
fragments de drames wagnériens — inexplica-
bles depuis qu'on les donne à l'Opéra — et à
la terrible Sinfonia domestica de M. Strauss,
ceuvre deux fois allemande. La Symphonie
avec Chœurs de Beethoven fut toutefois donnée
le 23 et le 31 avec le concours de l'Ecole de
Chant Choral, Comme nouveautés une fan-
taisie pour piano et orclustrc de M'"' Mel-
Bonis et les Lieder de la Forêt, de M. J. G.
Ganayc, la première bruyante, les autres peu
intéressants. Et c'est tout.
Disons au revoir, avec queUpies regrets, à
M. Hasselmans dont l'orchestre joua pour
la dernière fois le i 5, avec" deux œuvres nou-
velles ici, inais d'assez mince intérêt, une
ouverture pour Polyeucte, de M. Tinel et lui
scherzo de M. Simia. Par contre, M"" Lucile
Panis qui chante un air d'Iphigénie en
Tauride a fait entendre une belle voix de
contralto dramatique. Après l'avoir applaudie
au Conservatoire, nous espérons l'entendre
bientôt au théâtre.
Les Concerts Symphonia poursuivent
leur carrière. En décc-nibre, W^"" Rose Féart
et Lapeyrette, de l'Opéra, y chantèrent un duo
nouveau de M. Léo Sachs, "Jour et Nuit"
œuvre bien écrite pour les voix, sobre et distin-
guée de forme, discrète d'orchestration. Les
deux séances de janvier (dont celle du 16 con-
sacrée à Schumann) furent dirigées par M.
Catherine et M. Busser. La symphonie de
E. Chausson fut applaudie comme elle eût du
l'être du vivant de son auteur.
M. Sechiari, excellent violoniste, cappel-
meister un peu sec, reprend son bâton de
chef d'orchestre et annonce six séances au
Théâtre Marigny. Sa rentrée fut très applau-
die, mais le concert faillit être compromis
par la grippe des deux solistes. M""' Isnardon
et M"'" Leginska, que remplacèrent aimable-
ment M""' Gaétane Vicq, dans les lieder de
Schubert et M. Maurice Duniesnil dans le
Concerto de Grieg. Comme nouveauté nous
eûmes un poème symphonique de Smetana,
écrit en 1H58, inédit à Paris, " Richard III"
œuvre intéressante, dans la manière de Liszt.
Le dilettantisme nioiulain est toujours
fidèle à la Société Philharmonique, dont
les programmes méritent cette faveur. Nous
allons entendre le quatuor Rosé, de Vienne, et
d'autres artistes notoires. En attendant, la
société fêta Schumann avec le quatuor Hayot
toujours élégant et précis, M. Artur de Greef,
le délicat pianiste et surtout M""' Bréma plus
intelligente, plus expressive, plus comnuniica-
tive que jamais. Le 25, on applaudit le trio
Russe (M"'" Vera l^ess, MM. Joseph et
Michael Press) qui joua un trio agréable de
Schubert, un trio long et prétentieux de
TschaïkowskN it une belle Passacaille de
Hiendel, enfin le baryton Oscar Seaglc, à la
\()ix ample mais un peu dure et métallique.
Huit matinées et soirées — musique de
chambre, soli et danses — ontcommiiué :'i la
Salle Fémina, sous le titre de Festivals
MusiCft. Connue c'est M. Astruc qui les
organise on n'a pas de déceptions à reilouter.
L'ACTUALITE MUSICALE
45
r^ii
Le 19 Janvier au DECEM
Rouart, Lerolle ù C"
ÉDITEURS DE MUSIQUE
18, BOULEVARD DE STRASBOURG - PARIS
Le plus grand abonnement de France
service : Maison GAVEAU, 45, rue de la Boëtie.
TOUTE LA MUSIQUE en lecture
Représentation exclusive des Éditions Bélaïeff, Hansen,
Jurgenson, Universelle et Zimmermann.
VIENNENT DE "PARAITRE :
Déodat de Séverac : LE CŒUR DU MOULIN, Drame- Lyrique en
2 actes, la partition I 5 francs.
Pierre de Brêville : EROS VAINQUEUR. Conte Lyrique en 3 actes
la partition net 20 francs.
Albert Roussel : POÈME DE LA FORÊT, Symphonie réduite à
4 mains, net 1 0 francs.
L'ACTUALITE MUSICALE
47
Aux deux premières séances, les Quatuors
Parent et Geloso, le Quatuor vocal Expert
M. Fauré, M. Diéiner, Miss Maggie Teyte,
M'"'' Henriquez, M. Cortot, M. Muratore et
pour la danse, M''"'''* Chasles, Barbier, Kubler,
et Meunier, de l'Opéra, nous valurent une
artistique satisfaction. Les programmes à venir
ne le cèdent en rien à ceux-ci.
Il faudrait parler avec quelque détail de la
séance supplémentaire donnée au théâtre de
l'Athénée par le Cercle Musical. Elle
méritait certes plus nombreuse assistance.
M. Debussy lui-même y conduisit ses jolies
chansons de Charles d'Orléans, où Miss
Teyte chanta délicieusement le solo. Le
Quatuor Firmin Touche joua le quatuor du
Maître.
Nous ne pouvons que mentionner la " ren-
trée " de l'excellente Société Moderne
d'Instruments à vent. Ce groupe célébrait
sa centième audition d'œuvres nouvelles, ce qui
n'est pas un mince mérite. Nous avons goûté
une fantasia con fuga de M. Flament, pour
septuor, le joli divertissement d'E. Bernard,
îiuteur regretté, et un sextuor de M. Reuchsel,
inférieur toutefois à ses ceu\'res pour cordes.
La Société Nationale elle aussi, nçn
est plus à compter ses œuvres nouvelles. Dans
sa séance du 22, après le quatuor d'E. Chausson,
nous notâmes une suite agréable et bien écrite
pour piano à quatre mains (Rhapsodie Gaéli-
que) de M. Paul Ladmirault. Le reste du
concert fut moins intéressant, même une autre
rhapsodie pour deux pianos de M. Florent
Schmitt, dont nous attendions mieux.
Rappelons les Soirées d'Art où tous les
Samedis, rue d'Athènes, M. Barrau a son
public nombreux et fidèle pour célébrer Franck,
Schiibert et récemment M. Georges Enesco.
Nous allons enfin faire connaissance avec la
musique anglaise contemporaine, si, comme
nous l'espérons d'après la première séance, la
"British Concerts Society tient ses pro-
messes et comme M. Calvocoressi l'a annoncé
dans un speech inaugural. Le programme
comprenait des mélodies de MM. Elgar,
Cyrill Scott, Quilter, Ronald, etc. de ten-
dances diverses mais prouvant, un réveil
musical de l'autre côté du détroit. Miss
Swinson a une belle voix de contralto et
M. Lionel Tertis a joué en grand artiste de
l'alto dans une sonate de M. Bow^en et dans
une romance intéressante de M, Dale.
Il nous faut mentionner en hâte le Decem
qui fit entendre un dixtuor de M. Th. Dubois,
d'une belle sonorité, la sonate de violoncelle
de M. Chevillard (l'auteur et M. Dressen),
un Octuor de Mozart et une jolie mélodie de
M. Léo Sachs, " le retour près de l'aimée ".
M. Van Dyck y fut comme toujours un grand
artiste. Un mot enfin : le Quatuor Mar-
Sick-Hekking qui a donné trois très bonnes
séances, le QuatÙor Parent qui, donnant à
la Schola les i 7 quatuors à cordes et 7 sonates
de piano de Beethoven, fait œuvre de vulga-
risation désintéressée (ce qui ne surprendra
pas de la part de M. Parent) ; le Quatuor
Fax jeune et ardent; le Quatuor Lejeune,
intelligemment dirigé et poursuivant son Jiis-
toire du quatuor à cordes par deux fort inté-
ressantes séances de musique russe (la
première ouverte par une Conférence de
M. Calvocoressi) : le Quatuor Rimé Sain-
tel, le Quatuor Berthe Wagner, deux
groupes féminins d'une exécution souple et
gracieuse.
L'Union des femmes professeurs
et Compositeurs de Musique, présidée par
M"'" Maurice Gallet, donne les i«'" et 3*^ Mardis
une matinée salle Gaveau. Celle du 18 fut
consacrée à Mendelssohn avec le trio en ut
mineur (M^^^^ Hélène Colin, Fernande Reboul
et M"'*" Ancel Guyonnet) des pièces de Piano
et de Violon (M™*'*' Reboul et Guyonnet) et
de chant (M"'*^' Jacquemin, soprano, M*^"^ Blot-
kine, contralto).
Le Lyceum Club reste le foyer musical
intéressant que nous avons déjà mentionné, sous
l'impulsion artistique de JM"^* Gignoux et
Delhez. On y entend d'excellente musique le
Vendredi.
Tous les quinze jours, à la Salle de la
Société d'horticulture, M. Paul Landormy
continue ses conférences musicales avec audi-
tions sur les Grandes époques de la
musique. Il ne peut V avoir de meilleur
COURS DE CHŒUR
11 R UE. DE Ç HANALE i L LESP^S:
DIRIGÉ PAR AN'i^GERMAÏNE
CH&VALE.T AV£CL£CONC0tJ«S
DE ni JE.AN VE.RO E-ToerAiis
(■«lARCELLE CROUe. as
LE.5AME01 oî 2^ AÔ^i»
DÉŒKBRE a/AAI
MUSIKALISCHES WOCHENBLATT ^m
Directeur: LUDWIG FRANKENSTEIN
ABONNEMENT 13 FR. PAR AN.
Le " MUSIKALISCHES WOCHENBLATT " publie des articles de fond
des nouvelles et des critiques, rédigés par les musiciens et les musicologues les plus
éminents. Cette revue abondante donne un tableau complet de la vie musicale
du monde entier. Elle est connue pour ses tendances progressistes.
Le " MUSIKALISCHES WOCHENBLATT" se recommande aux artistes,
éditeurs, luthiers et établissements de tout genre, qui désirent se faire connaître
par des insertions.
Envoi gratuit d'un numéro spécimen.
Administration: OSWALD MUTZE, LEIPZIG
4, L|ND1:NS TR AS.SK.
L'ACTUALITE MUSICALE
49
complément d'une éducation musicale que ces
tix-s substantielles conférences qu'illustrent des
artistes de premier mérite.
Nous arrivons aux Concerts d'Artistes, et
c'est ici surtout que nous avons des oublis à
nous faire pardonner. M""' Ida Isori vient de
terminer ses six belles séances de musique
italienne ancienne, qu'elle a données avec
M. Wittwer (violon) et M. Litta (piano). Ce
fut une liistoire complète de cette époque trop
décriée du bel canto, faite par une grande
artiste. M""^' Isori qui a obtenu tout le succès
qui lui était dû nous reviendra sans doute.
M. Mark Hambourg ne doit pas être jugé
sur son exécution 'du Concerto en ut mineur
de Beethoven au Concert Chevillard. Ses
deux concerts des 6 et 1 1 janvier donnent une
idée plus exacte de sa nature d'artiste. Sa
technique est remarquable, il est d'une origi-
nalité tout à fait intéressante dans les œuvres
romantiques, mais il manque de style dans le
classique, il faut bien le dire. Son interpréta-
tion de la sonate en si b mineur de Chopin
surpasse presque toutes celles que nous en
avons entendues. Mais il fut, dans la sonate
Op. 3 de Beethoven, d'une fantaisie de rythme
et de nuances plutôt déconcertante. M. Lam-
BERG, également pianiste, a bien joué les
Etudes Symphoniques de Schumann, la mé-
diocre sonate de violoncelle de Chopin et une
sonate de Locatelli avec M™*^ Casais.
M. Lortat Jacob (prix Diémer) a été
forcé par les circonstances d'ajourner son con-
cert annoncé pour le 30. Au premier, avec
l'orchestre du Conservatoire que dirigeait .
M. Gaubert, il a joué avec style les Variations
Symphoniques de Franck, le Concerto en sol,
de Beethoven, celui en mi b de Liszt et un
poème symphonique de M. Pierné que nous
regrettons vivement d'avoir manqué.
La salle Erard a donné ce mois-ci sa gra-
cieuse ho^italité à quelque trente artistes.
Nous ne pouvons que mentionner le talent
très délicat, très féminin de M™*' Norman
O'Neill, plus adéquat aux mignardises char-
mantes de Scarlatti qu'aux œuvres de Brahms
.et de Schumann ; et surtout le remarquable
tempérament artistique de M^'' Clara San-
SOni qui a eu la bonne pensée de donner un
Concert d'œuvres d'Albeniz, ce véritable créa-
teur de l'école espagnole moderne. M"'' Selva
et M. Ricardo Vînes jouent assez souvent de
ses œuvres, notamment de cette exc|uise Iberia,
mais ils ne les jouent pas mieux que M"''
Sansoni. Nous osons à peine consacrer deux
lignes à M. Risler qui vient de jouer les
sonates de MM. D'Indy et Dukas à la salle
Pleyel et qui y donnera encore un Concert
moderne, alors qu'il faudrait parler en détail
des œuvres et de l'artiste. Qu'il veuille bien
nous en excuser.
Une toute jeune violoniste, élève de M.
Parent, M"" Crespi, débuta il y a quelques
jours à la salle Fémina. Nous croyons qu'elle
prendra place parmi nos meilleurs violonistes
car elle a une remarquable qualité de son,
(Concerto pour deux violons, de Bach, avec
M. Parent) une technique complète (Concerto
de Tschaïkowsky) et un beau style (sonate
pour violon seul De Bach). L'érudit et le
virtuose qu'est M. Debroux continue à la
salle Pleyel les intéressantes séances de musique
ancienne de violon dont il a on peut le dire,
la spécialité. Personne ne connaît et ne fait
connaître comme lui ces œuvres trop oubliées.
" AucaSSin et Nicolette, chante-fable
en un prologue et trois parties, musique de
Paul Le Flem, ombres de MM. Dorival et
Bordry " fut un enchantement pour nos yeux
et un agrément pour nos oreilles, car les om-
bres sont d'un goût parfait et la musique,
plutôt Debussyste, a une réelle valeur. Avec
une exécution plus soignée, ce sera un joli
petit spectacle. Bravo pour la harpe chroma-
tique modifiée, dont les dessus sonnent ad-
mirablement.
M. Bonjean, dont l'inépuisable bonté s'est
vouée au sauvetage de l'enfance malheureuse
ou coupable, a entrepris aussi le sauvetage des
littérateurs et des musiciens incompris ou
infortunés. (Il en existe). Son œuvre est " la
Jeune France." Il réunit chez lui ces jeunes
talents et rêve de leur donner une " Villa
Médicis " libre. M. Victor Charpentier le
seconde. Nous avons eu le plaisir d'assister
l'autre soir à une de ces réunions et, si nous
5°
L'ACTUALITE MUSICALE
n'en awons pas rapporté d'émotion artistique
profonde, plusieurs des artistes étant quelque
peu " chatnoiresques " elle nous a laissé le
souvenir d'une œuvre charitable et généreuse.
Plus modeste est la société d'éduca-
tion musicale qui nousa\ait conxiés le 22
une à soirée musicale à Auteuil. Elle a obtenu
des résultats encourageants que nous avons été
heureux de constater.
Deux mots, pour terminer, d'auditions d'élè-
ves spécialement intéressantes. AI. Philipp
a fait entendre salle Gaveau ses élèves du Con-
servatoire, avec le concours de plusieurs pre-
miers prix sortant de sa classe. Cet enseigne-
ment est hors de pair. M. Charles Bouvet,
notre distingué collègue a également présenté
quelques-uns de ses élè\es à la salle Pleyel
dont plusieurs ont une virtuosité et un sens
artistique intéressants. Mentionnons enfin une
excellente audition du CourS Sauvrezis,
à Passy, dans les œuvres de Franck, et la très
intéressante matinée de M"" Maurat-Sain-
selve, avec concours de M"'' Lénars et de
M. Lebebez, d'une charmante intimité.
Nous allons enfin avoir un Théâtre Mo-
derne, et adapté aux besoins de l'r.rt drama-
tique et lyrique tel qu'il s'est établi en Europe
depuis les grandes réformes de Wagner. M.
Gabriel Astriic qui a assumé la lourde tâche de
créer cet organisme nécessaire, vient d'acheter
comme on le sait, avenue Montaigne, les
terrains destinés à la construction de ce Palais.
Toute la presse a dit ce qu'il fallait sur cet
événement. Nos lecteurs trouveront dans un
de nos prochains numéros, tous les détails de
cette Salle, qui sera un modèle, et qui profite-
ra de l'expérience de tous ceux qui ont élevé
des théâtres depuis tn-nte ans chns le monde
entier.
La manécanterie des petits
chanteurs à la croix de bois
dont nous avons à |)lusieurs reprises signalé
l'intérêt, vient de recevoir de Sa Sainteté
l'encouragemeiir suivant :
" A nos cliers fils, Cliarics Simon et Pierre
Martin.
Cher fils, Salut et Bénétliv'tion Apostolique :
Ce que l'on Nous a dernièrement appris de la
Société que vous avez fondée sous le nom de Mané-
canterie des petits clianteurs à la croix de bois. Nous
a été fort agréable. Nous nous réjouissons doublement
(les soins pleins de zèle que vous prenez d'enseigner
aux entants le chant de l'Eglise pour favoriser la
restauration de la musique sacrée, et de ce que vous-
mêmes vous rendez plus fructueuse encore l'étude de
cet art par l'instruction chrétienne qu'avec toute votre
bonne volonté vous donnez aux petits chanteurs. Et
c'est bien là !e meilleur moyen de procur^- la beauté
de la Maison de Dieu, qui de la bouche des enfants
reçoit la louange la plus parfais- 1 Que votre cntrejirise,
digne d'être comblée de tous les éloges, soit couronnée
d'un heureux succès par Dieu, dont elle sert à aug-
menter la gloire. Et nous, comme gage des célestes
lécompenses, comme preuve de notre bienveillance,
comme encouragement à vos travaux, accordons avec
toute Notre affection, la Bénédiction Apostolique à
vous, chers fils, à tous ceux qui avec vous dirigent et
aident votre Société, ainsi qu'aux enfants admis dans
votre Chœur.
Donné à Rome, auprès de St. PiL-rre, etc.
Pi us PP. X.
NÉCROLOGIE. — Notre eininent collègue
M. MatJiis LussYy ue Lausanne est mort à
A'Iontreux le 20 Janvier dernier. Il a été
enterré à Stans, au milieu d'une affluence
générale de parents, d'amis et d'élèves. Notre
section de Paris était représenté à ses funérail-
les par M. Marcel Herwegh, qui a tenu à
rendre hommage à léminent musicologue en
des termes émus tjue la pi esse a reproduits.
M. Dauriac, notrr président honoraire, rap-
pellera dans notre nri)chain numéro, la vie et
les mérites du lii'lunr.
A rut Mineur toujouis attentif à séduire
ses invités M. Custot nous avait réservé le
10 janvier un amusant programme composé
d'instruments à wwx lU- li.upe, de pi:ino et de
chant. HeiHiebains, Paradis, Mas, i.amoiuet,
V'i/entini, G. île i.ausnav. M""' Micheline
Kahn ont fait merveille, et la princesse Elisa-
beth liaratov est venue ajouter un peu d'exo-
tisme à cette soirée bien parisienne.
Notre coll.diorateur lîils auquel rien n'é-
rh.ippc a pris sur le vif le violoncelliste Hek-
killg-Denancy .iKirs qui, sans se douter de
L'ACTUALITE MUSICALE
51
riçn il
un sal
Nous
à conviction.
exécutait inie sonate de Hicndel, dans Plusieurs séances musicales intéressantes
on où l'on fait d'excellente musique. suivirent, organisées, successivement, par des
sommes heureux de citer ici cette pièce pianistes, professeurs réputés, de l^ordeaux^:'
F. Gulî.RiLLor
M""' L. Barbarin, Lepine, Rapliel de i^aleu,
E. Ducros, et la dernière par IVl""' J. C,
présidente de la société.
De nombreuses artistes prêtèrent le con-
cours de leur talent à ces diverses auditions,
qui furent toujours très suivies. La déclamation
y fut représentée par le professeur Bachelet et
ses élèves, et l'art si intéressant de la danse,
auquel I' " Actualité " ne peut rester étrangère,
par l'excellent professeur M"'' J. Babillot,
avec un essaim de petites danseuses, dans un
délicieux menuet du XVIP siècle.
— 4® ET 5'' Concert de la Société
S""' Cécile. — Les nombreux dilettanti, venus
pour assister à ce 4'^ Concert, étaient certaine-
ment attirés par l'audition de deux nouveautés
du programme : " Rebecca ", du Père
Franck, et " Sadko ", si vivant et si pitto^
resque.
Le premier concert de musique de chambre,
que donne la société, et qui a eu lieu dans .la
Erii Province
BORDEAUX. — Union Féminine Ar-
tistique. — Gros succès d'ouverture du
Salon, organisé par cette importante société
liî . Sarraut.
féminine, avec le concours de l'excellente
musique du 144*^ de ligne (chef M. Sarraut).
grande Salle du Conservatoire, a été des plus
intéressant.
Notre compatriote. Renée Billard, violo-
niste, l"' prix du Conservatoire de Paris, et
André Turcat, pianiste, interprétèrent très
brillamment diverses œuvres de Bach, Schu-
mann, Chopin, Liszt, Franck et Brahms.
Lucien Capet triompha, et Pennequin de
même.
- — 2^^ Concert du Cercle Philharmo-
nique. — Très brillant ce deuxième Concert.
DÉSIREZ-VOUS CONNAITRE L'ADRESSE
d'une Maison donnant en LECTURE non seulement de la
Musique Française
MAIS EGALEMENT ET SURTOUT
Toute la Musique Etrangère
ET MEME DES
Partitions d'Orchestre ?
ADRESSEZ-VOUS A
M. MAX ESCHIG, 13, rue laffitte, 13, PARIS
TÉLÉPHONE 108-14
qui vous enverra inimédiateiiient toutes les conditions
SERVICE POUR PARIS ET LA PROVINCE
EDiriON POPULAIRE SIMROCK
Lks C'iiiis-dXIm vrk i)k BRAHMS, BRUCM,
DVORAK, SCllUTr, 1 rc
l'OUR E\ MOITIK DI", I.I'.UKS PRIX ANCII-.NS!
DIAI.WDI',/. I,l'. eW TALOCiUl'. SIm'aIAI,
L ' A C 1' U A L I T E MUSICALE
53
Au programme M"'' L. Duprc, de la Monnaie,
notre compatriote le violoncelliste Hekking et
Artiuirde Greef, du conservatoire de Bruxelles.
Belle et magistrale exécution du long con-
certo de Dvorak, d'une sonate ancienne de
Bréval, et d'un l'Andante de Corelli.
— La Chanterelle. — Cinq Ecoles. —
Troisième séance consacrée à la musique
Espagnole. Le conférencier Berthelot y fut
très applaudi ainsi que Madame Lauga-Linder
et la basse profonde du chanteur Despujols.
— Concert de Musique de Chambre
Thibaud. — Le peu de place dont nous
disposons ce mois-ci nous oblige à renvoyer
après leur dernier concert, le compte-rendu
des intéressantes séances musicales que donne
à Salle Bermond, le pianiste J. Thibaud, en
compagnie du violoniste Ch. Arthur, et du
violoncelliste Rosoon.
— Cercle OrphÉonique. — Messe An-
nuelle. — Cette importante société chorale
donnait dans la basilique S*^ Michel, sous la
direction de son chef Francis Bettes, sa messe
annuelle en l'honneur de la S**^ Cécile.
L'Orphéon, et les jeunes filles de la section
de " Mimi Pinson " chantèrent le Kyrie et
le Gloria de Th. Dubois, le Sanctus de
Luigini.
J. Gendreu.
MONTPELLIER. — Opéra. — Notre
théâtre municipal a pris le nom d'Opéra !
Direction Godefroy ; chef d'orchestre M. Ba-
zigade.
Troupe plutôt bonne : M. Rocca, jeune
ténor, très jolie voix, peu de métier ; de l'ave-
nir s'il travaille ; M™® Lavarenne, soprano,
artiste accomplie ; M. Bedué, très bon bary-
ton ; orchestre suffisant, un peu rétif à la
mesure, avec de bons solistes. Au répertoire
tout Puccini : Manon Lescaut.^ la Bohême., la
Toica^ M^^ Butterfly., et pour varier Mascagni
et Léoncavallo. On vient cependant de re-
prendre Louise... il était temps !
— Concerts. — En décembre concert
Spalding. Un peu méfiant au début, le public
n'a pas tardé à applaudir le jeune et brillant
violoniste. A citer l'exécution excellente de là
sonate en mi mineur et la fameuse chacone de
Bach ; d'///// Springhrunnen de Schumann. A
ce même concert la ballade et la sarabande de
Cl. Debussy, très bien jouées par M""' Moreau-
Leroy, et des fragments de LuUi, Schumann
(en allemand), Schubert, R. Wagner, St. Saëns,
Tschaikowski (en russe) chantés avec émotion
par M''"" Maritza Rozann, de la Monnaie.
— Un cours de gymnastique rythmique., selon
la méthode Jacques Dalcroze, a été créé de-
puis peu à Montpellier par M. Paul André.
Le succès a couronné les efforts du jeune
professeur qui a déjà réuni plus de soixante
élèves. Nous avons pu apprécier la valeur de
la méthode et le mérite du professeur, le
2 2 décembre, à la salle des concerts où, après
une très intéressante conférence de M. Jean
d'Udine, les élèves de M. André ont exécuté
quelques mouvements qui ont enthousiasmé
les spectateurs. Je crois que Montpellier est la
première ville de Province, en France, où a ét^
créé un cours de gymnastique rythmique. Il
faut donc l'enregistrer, ainsi que son grand
succès.
— Désabusé, paraît-il, M. Castelbon de
Beauxhostes abandonne les arènes de Bèziers.
Mais les bitterois ne veulent pas renoncer à
leurs fêtes artistiques et nous aurons cette
année comme précédemment, la représentation
d'une pièce inédite d'un jeune auteur méri-
dional avec, ce qui ne peut que nous réjouir,
musique de Déodat de Sévérac.
E. P.
POITIERS. — Très intéressante soirée
avec le concours du réputé pianiste Alejandro
Ribô^ qui fit valoir son impeccable mécanisme
et sa délicate entente des nuances dans une
étude symphonique de Schumann, le Scherzo
romantique de Chopin, une délicieuse suite
d'Albeniz " Chants d'Espagne ", le Scherzo-
valse de Chabrier, et enleva pour finir avec
un brio remarquable la 2™'' Rhapsodie Hon-
groise de Liszt.
jYjeiie ]\/[Q(iglglng Bouhe., cantatrice du Kur-
saal d'Ostende interpréta avec art le grand
54
L'ACTUALITE MUSICALE
Belgique
Air d'Iphigénie de Gliick, des œuvres de
Franck, Fauré, Puccini et une charmante
Sérénade de Richard Strauss qui lui fût bissée.
Maurice Hachette.
RETHEL. — La Société d'Etudes Svin-
phoniques, organisée par le Dr. Gobinet, a
donné le i8 décembre dernier, une très in-
téressante audition, précédée d'une causerie
sur l'histoire de la musique. Au programme :
Robin m'aime, d'Adam de la Halle ; une
Sonate de Corelli ; une Sonate de Leclair ;
un air de Télaire de Rameau et le Ballet de
Paris et Hélène de Gluck. Qui aurait cru que
la bonne et la meilleure des musiques pénétre-
rait ainsi jusqu'au tond des Ardennes.
NICE. — Mentionnons le succès obtenu
par M""^" Jennv Pire, la délicate cantatrice
dans les Adieux d'un poge^ de la Baronne de
Kabath,au concert de bienfaisance de l'Œuvre
de la Fleur. Voici d'excellent féminisme
musical.
LILLK!. — f.e prochain fcsti\al lillois
aura lieu le 26 féxrier à 8 1/2 h. Au pro-
gramme une Svmphom'e de Chausson, un
Concerto pour flûte et Orchestre de Mozart,
deux poëmes de Smetana et la Marseillaise
orchestrée par Berlioz.
A. M.
RC^UEN. — Bon concert tic Eelièvre-
Zaremba où nous avons entendu succcssi\e-
ment la voix et le \ iolon de M. Leiièxri'. I^a
société (le peinture moderne mérite la recon-
naissance du "jeunes" qu'elle aide à se pro-
duire, et du public qu'elle cntrainc vers l'art.
M. C}.
RKIMS. — La "Jeanne «l'Arc " de notre
collègue A. Gastoué vient d'être iloiniée ici à
la Maison dfs O'Mvres^ avec un très urand
succès.
cy>
M. E. Tnu'l
Croquis par Van Offcl
BRUXELLES. — Nous ne saurions mieux
commencer cet article sur la musique en
Belgique pendant le derin'er mois, qu'en
rendant compte de la séance d'inauguration
de la Section Belge de notre Société Inter-
nationale lie musique, dans laquelle notre
collègue M. van den Borren prit la parole
pour taire une très intéressante communication
sur les Origines du drame musical et FOrfeo de
Monteverde. Montrant d'abord comment la
pohphoine arri\ a à la monodie accompagnée
et à l'âge de: la basse continue, M. van den
Borren situe Monteverde dans l'histoire, et
expose ce que l'on sait de la vie de cet artiste.
Il caractérise le géiu'e de l'auteur du Couron-
nenient de Poppée et ce romantisme c]ui le
pousse \ers les coiu|uètes de l'orchestre, vers
les audaces île l'harmonie. Monte\erde, Ame
dramatique, inaugure le st\ le eomitato^ c'est à
ilire |iassionné. Son Orteo, anahsé par le
conlérencier, nous montre iléjà le leitniotif",
et l'opposition d'un \éritablf drame a\ec un
lyrisme tout élégiaipie.
Cette coninunncation, parfaite en tous
points, fut suivie il'une audition de fr.igments
d'Orfeo à laquelle prirent part M. et M"'°
Dcniest, M. M. H..u\, X'aniK-rschrik et Minet.
L ' A C 1^ U A L I T K MUSICALE
ss
M.
chaîne
séance
de 1;
en arnH)iu;a, que la pro-
i section serait réservée à
AI. Fûfi dm Borren.
J. B. Lœillet, compositeur de Gand, à la fin
du XVIT' siècle. On exécutera trois sonates
de ce maître, réalisées par M. Alexandre Béon.
La jeune Section Belge manifeste, comme
on le voit, une réelle activité ; elle prendra
rapidement dans la musicologie un des
premiers rangs.
— Quoique ralentie, par suite du deuil national
et par suite de l'avènement du Roi Albert,
la vie musicale compte, en janvier, plusieurs
: manifestations remarquables.
Le concert Isaye^ dont le principal attrait
c consiste, annuellement, dans la participation
t en soliste du grand virtuose belge, lui fut
l'occasion d'un nouveau triomphe — Eugène
Isaye est l'une de ces artistes qu'il plaît de
voir nimbés d'une auréole glorieuse.
Dimanche, il s'était adjoint M. François
Rasse, compositeur, dont nous aurons le
plaisir de parler, dans l'avenir, et chef d'or-
chestre à l'Opéra d'Amsterdam. Sa direction
consciencieuse et sobre a contribué pour u/ie
bonne part au succès de la séance.
L'élément particulièrement remarquable du
concert, au point de vue composition — et à
notre point de vue belge — fut le Poème
symphonique " Les Abeilles " de M. Théo
Isaye. M. T. Isaye se place à côté des
J. Jongen, Vreuls, Mawet, Dupuis, Delcroix,
au premier rang de nos compositeurs wallons
(je suis tenté de dire : liégeois), qui continuent
la tradition de Franck, et dont les plus jeunes
subissent — ou comprennent — l'influence
croissante du Debussysme. L'œuvre entendue
hier n'est pas parmi les meilleures compo-
sitions de M. Isaye, précisément par suite de
cette influence dont je parle. Néanmoins, elle
évoque d'exquises sensations poétiques.
M. Bèon.
— M. Durafît^ de son côté, poursuit le
vaillant combat. Son troisième grand concert,
en la salle Patria, nous permet de lui présenter
de nouveaux éloges. Il en donna la reproduc-
tion à Mons. Nos lecteurs trouveront plus
F. CHATENET
Photographie documentaire
et artistique
67, rue des Batignolles, 67, PARIS.
Nouveau procédé sur papier; blanc sur noir, grandeur 18x24:
Pour une commande de cmquante épreuves 0.75 par épreuve.
Par petite quantité: 1 fr. par épreuve.
Par ce procédé, la Maison CHATENET a fourni aux Bénédictins
de Solesmes pour leur Paléographie plus de 40.000 photographies.
PRIX COURANT :
Cliché 13x18 avec une épreuve, 3 fr., les suivantes, chaque 0.73
Cliché 18 X 24 avec une épreuve, 4 fr. ; les suivantes, chaque 1.00
Cliché 24 X 30 avec une épreuve, 5 fr. ; les suivantes, chaque 1.50
il' ■ u-vwuflji uic-mma\l}actuïiti\aiimtt:timmta4m
r, J*
^\
l,xlriiil du roinan de l'uuvcl llil3l puMir en reproduction photographique.
L'ACTUALITE MUSICALE
îl
P
loin l'appréciation de notre correspondant.
— Le quatuor Piano et Archet a donné le
12 janvier sa 3^ séance. Trio (op 87) de
Brahms, quatuor (op 47) de Schumann^ et
première exécution de la 2*" sonate de Jos.
Jongen. Cette œuvre solidement bâtie, d'une
belle inspiration, affirme la maîtrise du com-
positeur une fois de plus. Les mouvements ont
de l'ampleur, et V Andante produit une intense
émotion.
— Communiqué. — Le merveilleux man-
doliniste italien M. Silvio Ranieri a donné un
récital à la Salle Allemande le jeudi 27 jan-
-vier à 81/2 heures. Le jeune artiste nous
offrit un régal artistique des plus rares.
Au programme : Vieux temps, Corelli,
Haendel, Tartini, Bach, Milandre, Gossec,
de Bériot, de Sarasate.
L'accompagnateur M. Marcel Raymond
jouait un piano à cinq pédales avec jeu de
harpe et de clavecin.
— Bibliographie'. — Trois Poèmes^ mu-
sique de Harold Bridgman.
Chez Schott : A une femme^ mélodie de
Alberto Jonas.
Révélation : valse Czigane de André le Pas.
Chez Fernand Laweryns : Chanson d^ autre-
fois^ par Henry Delisle.
— Dans un élégant volume publié par le
Thyrse^yi. Victor Hallut étudie l'œuvre des
grands maîtres classiques du X VHP siècle (Bach,
Haydn, Mozart, Beethoven). C'est en quelque
sorte un exposé de l'évolution de la musique
moderne, où " l'inspiration directe et libre,
" l'instinct naturel et spontané de la mélodie
*' remplace la rigidité des canons, les formules
" savantes et ardues. "
Quatre portraits hors texte illustrent l'ou-
vrage qui se vend deux iï^.ncs.
LOUVAIN. — Le premier concert de
l'Ecole de Musique de Louvain a eu lieu au
théâtre de la ville sous la direction de M. Léon
Dubois, le talentueux auteur du Mest.
Au programme, la Matthe au Temple de la
cantate Andromède du compositeur gantois
Oscar Roels, et la Chasse de Minuit de Léon
Dubois. Ces œuvres personnelles furent lon-
guement applaudies.
ANVERS. — Nous apprenons que la
Société des Concerts de Musique Sacrée,
placée sous le haut patronage de S. A. R. la
Comtesse de Flandre, donnera le 13 Mars
prochain une exécution intégrale de la célèbre
Missa Solemnis de Beethoven. Comme solistes
sont engagés : Mmes. Cahnbley-Hinken, de
Dortmund et Durigo, de Buda Pesth ;
Mrs. Plamandon et De la Cruz-Frolich de
Paris. Les chœurs et l'orchestre formeront un
ensemble de près de quatre cents exécutants.
Cette œuvre géniale ne fut jamais exécutée .
dans la métropole belge.
— Quo Vadis première en Belgique !
Grand succès ; interprétation, et mise en scène
remarquablement soignées. Directeur et acteurs
ont fait de leur mieux.
ARLON, ce 7-1-10. — Concert de la
Royale Philharmonie. — ■ Cette société, diri-
gée par M. J. Ysaye, directeur de l'Ecole de
musique et frère de notre grand violoniste,
donna son concert annuel le 31 décembre. On
a l'occasion d'entendre, à ces soirées de gala,
de véritables artistes. Cette année, on ne sait
trop pourquoi, le programme n'offrait pas
l'attrait de vedettes illustres. Trois artistes
verviétois. M""" Nihoul, M'"'^ Fils, et M. De-
prez, baryton, ainsi que M. Reuland, violon-
celliste de la Monnaie, s'y sont fait applaudir.
Le concert se terminait par Les Noces de
Jeannette.
— La Musique a la " Société géolo-
gique " DU Luxembourg. — Dimanche
prochain, 20 janvier, M. Dordu, lieutenant
au 10® régiment de ligne, à Arlon, a fait une
conférence, avec auditions musicales, sur
Schubert.
Gaston Dumestre a Arlon. — Gaston
Dumestre, ex-chansonnier du Chat Noir,
poète et romancier, (il vient de publier son
second roman : Monsieur Van Grippenbergh)
a fait, le 6 février, une causerie, " illustrée ''
d'auditions musicales. Il a parlé des Chanson^
S8
L'ACTUALITE MUSICALE
d^amour et
d'Arlon.
fil- bataille à l'Université libre
CHARLEROI. — M. Paulin Marchand,
directeur de l'Ecole de musique de Mar-
chienne-aii-Pont, professeur au Conservatoire
Royal de Bruxelles, a obtenu le prix de sym-
phonie de l'Académie Royale de Belgique, —
Nos vives félicitations.
— L'Académie de musique de Charleroi a
donné le 2 janvier un concert avec le concours
d'Eugène Isave. Succès enthousiaste du célèbre
violoniste. L'orchestre, très complet et très
sûr, interpréta avec art des pages de Schumann,
Grieg et Weber, et de pittoresques et colorés
Conta (V Orient du compositeur wallon Adolphe
Biarent qui s'acquitta, en outre, de ses fonc-
tions de capellemeister avec beaucoup de talent.
— Le 1 2 janvier, à l'occasion de la distri-
bution des prix, il y eut un charmant concert
à l'Ecole de musique de Marchienne-au-Pont.
Un très bon orchestre joua excellemment du
Mozart et du Haydn. Avec les chœurs — bien
stylés — il exécuta un Noël simple, court et
émouvant de Paulin Marchand. Le public fit
fêtes aux collaborateurs de cette intéressante .
séance d'art, notamment à Mademoiselle La-
fontaine, une pianiste d'une sensibilité très
délicate.
— A Marcinelle, l'U. P., que dirige
.VL Jules Destrée, député et esthète de mérite,
initie la foule aux beautés de la musique russe.
Celle-ci n'a malheureusement pas le don
d'enthousiasmer le peuple et la bonne bour-
geoisie au même titre que la musique fran-
çaise... Et cette vérité se traduit par des salles
à demi-pleines.
— Le théâtre de Tournav vient de repré-
senter avec le plus vif succès Myrtis, Opéra
de M. Nicolas Daneau.
LIKCjE. — l'!n ce mois peu chargé à cause
du deuil national, nous n'avons guère à signa-
ler que le très grand succès remporté, au
Cercle royal des Amateurs, par M"'' Maud
Delstanche, une reni.nc|uable élève d'Ysaye ;
le concert de la disti iliution des prix au Con-
servatoire royal, où l'on a applauili deux mé-
daillés de cette année, le violoniste Kevseler,
dernier élève de .VL Rodolphe Massart (qui fut
le maître d'Ysaye) et le pianiste Henrion, élève
de M. Jean Lebert qui a joué en vrai virtuose
le concerto en yn'i hhnol de Liszt. Puis vient à
noter la bonne réussite d'une Audition de
musique Scandinave, dirigée par M. Léopold
Charlier, professeur au Conservatoire, et la
participation du Decem^ société de musique
de chambre mixte de Paris, à un Concert
Dumont-Lamarche. Ce groupe de tout pre-
mier choix a remporté un succès dont on
parlera longtemps ; il v avait près de deux
mille deux cent personnes pour l'entendre.
— Au Théâtre Royal, les .Maîtres Chan-
teurs ont paru à l'affiche et remportent, chaque
fois qu'on les joue, un éclatant succès de salle
et d'applaudissements. L'exécution en est fort
bonne et en tout cas infiniment supérieure à
ce que l'on pouvait attendre en province. Le
chef d'orchestre Kochs, le régisseur Strélisky,
MM. Arrial (Hans Sachs), ^ Raynal (Beck-
messer) se sont surpassés et le reste, acteurs,
choeurs, figuration, décors, est digne d'éloges.
— Le mois de décembre a vu se fonder une
Société de Musicologie qui prend pour lâche
principale d'élucider les questions relatives à
l'histoire de la musique à Liège. La première
séance effective a eu lieu le 5 janvier ; on y a
décidé l'affiliation de ce groupe à la Soci/tr
Internationale de Musique et les travaux ont
commencé. Les premières démarches tendront
à obtenir l'accès du fonds Terr\\ riche collec-
tion (7H00 livres, 2000 partitions et \ni
manuscrit de Léonard Terry retraçant l'his-
toire de la musique à Liège) déposé au C«mi-
servatoire et actuellement fermée, vu le
manque d'un local approprié. — Mais d'autres
études sont en voie d'exécution : le groupe se
propose d'examiner systématiquement les do-
cuments musicaux des bibliothèques privées
ou publiques du pays. Les travaux du groupe
— assez, nombreux déjà — sert)nt d'ordinaire
publiés par la re\ue ff^al/onia.
Dr. nWKI.SHAl'SKRS.
MONS, 10 janvier 1910. — 2'' Cdnckrt
Di'KANr. — M. F. Durant continue son
(ru\re île décentralisation artistique.
L'ACTUALITE MUSICALE
59
Et (i'iiborcl, la décentralisation artistique,
musicale surtout, est-elle plus désirable que la
décentralisation politique ?
Question.
Nous l'approuverions quant à nous si elle
pouvait nous épargner la manifestation locale
d'interprétation de chefs-d'œuvre qui sévissent
dans les théâtres des chefs-lieux et bourgades
véritables blasphèmes lancés à la face de l'art.
Mais ceci admis il faudrait au moins que
les pouvoirs publics encouragent des tentatives
qui, comme celle de M. Durant ne peuvent
manifestement se suffire à elles-mêmes. Pas-
sons. Le programme du 2""^ concert de la
série était séduisant et copieux du reste et
s'ouvrait par la 7"'*^ symphonie en ut majeur
de Schumann.
Le ballet de Rameau (Hippolyte et Aricie)
le vieux maître vers lequel retourne avec tant
de piété la jeune école française fut enlevé
avec justesse.
Un baryton qui fut à Bayreuth M. Louis
Frôlich, fît les délices du public par l'ampleur
de sa voix et la clarté de sa diction. L'ovation
qui se déchaîna après l'air des Saisons d'Haydn,
d'vuie simplicité presque banale, se mua en un
froid hyperboréal lors de la poignante et ad-
mirable plainte d'Amfortas que M. Durant
avait cependant fait précéder intelligemment
du prélude ineffable et sacré de Lohengrin,
C'est que la nullité intellectuelle de l'audi-
toire — snobs y compris — confine à l'in-
digence, et que la culture générale est nécessaire
pour comprendre de telles œuvres.
— On annonce à Mons un concert con-
sacré à M. V. Vreuls, directeur du Conserva-
toire de Luxembourg, élève de Vincent d'Indy.
M. Vreuls fut lauréat du prix annuel
décerné par l'Académie Libre de Belgique,
fondée par M. Edmond Picard. J. N.
TOURNAY. — Myrtis, poème de Ch.
Henri, musique de Nicolas Daneau, vient
d'être représenté à Tournay avec un reten-
tissant succès. Ce triomphe est légitime, et
nous en sommes particulièrement heureux.
M. Nicolas Daneau est un musicien du plus
grand talent, qui honore la Wallonie et la
musique belge. —
Étranger
LONDRES. — Mr. Thomas Beecham
annonce une saison d'opéra à Covent Garden
qui durera du 19 février au 15 mars. Les
œuvres représentées au cours de cette brève
saison sont : Elektra de Richard Strauss,
Tristan und Isolde^ Hansel und Gretel^ U Enfant
prodigue de Debussy, The IVreckers de Miss
Ethel Smyth, The Village Romeo and Juliet
de Delius.
Elektra sera dirigé par Strauss lui-même.
]^e Censeur a refusé l'autorisation de monter
Salomè pour quelque raison mystérieuse connue
de lui seul et du Dieu de la Bible, nombre de
" Salomés " ayant déjà cabotine sur les planches
des théâtres de Londres et même des music-
hall, par les soins de Miss Maud Allen,
M^"« Odette Valéry et autres. X. M. B.
— Un interview de M. Kennedy Scott.
— L' " Oriana Madrigal Society ". —
Mr. Kennedy Scott habite dans une petite
rue bien calme de Londres une gentille maison
tapissée de lierre, une maisonnette modeste et
accueillante avec, devant la porte, une mi-
gnonne pelouse de ce vert somptueux qu'on
ne rencontre qu'en Angleterre. Dès le seuil,
j'entends des notes s'égrener, lentes, dans le
calme. M. Scott est au piano d'où, souriant,
il se lève pour me recevoir. Nous n'en sommes
pas d'ailleurs à notre première rencontre. Je
l'ai déjà vu plusieurs fois diriger le chœur de
r " Oriana Society " et plusieurs fois aussi
j'ai eu le plaisir en soirée de goûter l'agilité et
la sincérité profonde de son esprit.
Sanglé dans l'habit ou dans la redingote,
l'artiste, dans le monde, paraît toujours un
peu endimanché ; il donne toujours un peu
l'impression d'un exilé en terre étrangère.
C'est le véritable Scott que j'ai maintenant
devant moi, grand, souple, bien découplé,
libre dans son complet gris de cycliste : et il
me semble que sa conversation aussi est plus
vive. C'est peut-être parce qu'il me parle de
l'œuvre de sa vie, de la Société à laquelle il
consacre tout le temps que lui laisse son
métier d'organiste et de professeur.
6o
L'ACTUALITE MUSICALE
"L'Oriana Madrigal Society" prit naissance,
durant l'automne de 1904, me dit-il, grâce
surtout — je puis bien vous le déclarer — à
mon initiative. Depuis déjà longtemps, j'avais
senti vivement toute la beauté de la musique
polyphonique ; je me rendais compte qu'elle
nous révélait des choses que nous ne trouvons
pas dans la musique d'aujourd'hui et que nous
avons besoin d'entendre. J'estimais que l'étude
de cette musique ne devrait pas demeurer
seulement une " chasse gardée " des anti-
quaires, mais entrer dans le domaine des
réalisations pratiques ; bref, qu'il fallait chanter
les Madrigaux au lieu d'écrire à leur sujet.
L' " Oriana Society " est donc une société
d^ action pratique qui sert avec une sorte de
zèle apostolique la cause de la musique poly-
phonique en général, et du Madrigal anglais
en particulier. Nous nous sommes confinés
entièrement dans les Madrigaux anglais, non pas
que nous considérions les autres madrigaux
comme inférieurs, mais parce que nous regar-
dons les nôtres comme fort beaux et pensons
qu'ils devraient attirer tout d'abord l'attention
des Anglais. Nous croyons aussi qu'en con-
centrant nos efforts sur un point spécial nous
accomplissons une œuvre plus utile que si
nous attaquions à l'ensemble de la question.
Nous donnons tous les ans deux concerts
consacrés entièrement à la musique chorale
anglaise du seizième et du dix-septième siècle.
Les répétitions ont lieu, une fois par semaine,
d'octobre à juin. Nous comptons environ
70 membres actifs et 80 membres honoraires;
nous ne désirons pas accroître le nombre de
nos choristes ; mais nous serions fort heureux
de voir s'allonger la liste de nos membres
honoraires !
Pour parfaire notre œuvre, nous inililions
dans notre " Euter/)f " des morceaux de
musique ancienne. Cette publication paraît
<leux fois par an ; et nous chantons à nos
concerts les pièces qui v figurent. Jusqu'à
présent cliaque volume a contenu en général
deux madrigaux et trois " 77?m«('/î " et i]iicli]iit.'-
fois une préface traitant du mulriLial à un
point (le vue spécial, fr ne nous lirai pas
réiuiinrration (iétaillée de notrt: répertoiri- «.-t
des œuvres de Bateson, Wilbye, Vanter,
Lichfield, VVeelkes, Dowland, Byrd et Mor-
ley, publiées par nous. M. Fuller Maitland,
le critique musical du Times^ président de
notre comité, a écrit la préface de notre pre-
mier volume, " Les Madrigaux ", M. Aric-
wright, celle du deuxième volume, " Les Modes
et les Clefs ", et Miss Dodge, celle du troi-
sième, " Les Joueurs de Luth et la Musique de
Luth en Angleterre ". Ch. ChassÉ.
PAYS DE GALLES. — La. célèbre can-
tatrice galloise, Mrs Mary Davies qui a depuis
quelques années abandonné sa carrière, con-
sacre maintenant son activité à réveiller
l'enthousiasme de ses compatriotes pour leurs
vieilles chansons populaires. Elle donna Mer-
credi dernier à l'Université une fort intéres-
sante conférence.
La "Cymdeithas Alawon Gwerin Cymru"
(en anglais Welsh Folk-Songs Society, société
de chants populaires gallois) dont elle est
secrétaire honoraire, a été fondée en 1906 et
compte actuellement 168 membres, sous la
présidence de Sir William Preece. Mr. Lloyd
George, ministre des finances est un des vice-
présidents. La société a été organisée dans le
but de recueillir, de collectionner et de con-
server les chants populaires gallois et de publier
ceux qui en valent la peine. Les airs doivent
être recherchés parmi les paysans, dans les
villages éloignés ou parmi les pêcheurs. Le
collectionneur doit se faire chanter l'air une
ou deux fois d'abord pour en saisir la forme
puis le faire chanter de nouveau pour en
écrire chaque note sans souci de la mesure et
enfin vine dernière fois pour enregistrer le
rythme. — Les paroles doivent être aussi
soigneusement notées. — La correction d'er-
reurs supposées conduit fréquemment à la
suppression de caractéristiques d'une valevu"
spéciale, comme par exemple lorsque les airs
modulés sont transcrits par le collectionneur
tiaiis le mode mineur. — S'il y a des variantes
datis les différents couplets, vWv^ d(^i\ent être
fidèlenuiit conservées. Dans les \ieux airs,
il \ a souvent de la difficulté à écrire la
musupie en nicsuies de longueiu' égale ; le
L'ACTUALITE MUSICALE
6i
chant sera donc écrit comme il est chanté,
même si le résultat donne des mesures inégales.
Mrs Davies a chanté " a capella " et dans
un style impeccable, de sobriété et de senti-
ment vrai, un air " Dacw'nghariodi " (Voici
mon amour) qu'elle a elle-même découvert et
noté il y a un an. Des exemples d'autres
vieux airs aussi récemment découverts et tous
pleins d'un charme mélancolique ont été
chantés par un chœur composé d'étudiants et
étudiantes de l'université. La parfaite justesse,
la qualité des timbres, l'ensemble de l'exécu-
,tion et la naïve émotion des interprètes nous
ont prouvé que la réputation mondiale dont
jouissent les chanteurs gallois n'est point
usurpée.
Mrs Davies a terminé en demandant aux
étudiants qui formaient une importante partie
de son auditoire, de se passionner pour leurs
vieux airs nationaux et de les substituer aux
chansonnettes de " music-hall " et de " mu-
sical-comédies ". Lucie A. Barbier.
— Ebenezer Prout. — Notre collègue
Ebenezer Prout, professeur de musique à
l'Université de Dublin, membre de la " Royal
Academy of Music ", est mort à Londres le
mois dernier. Fils d'un pasteur congrégationnel
du Northamptonshire, il obtint en 1862 le
prix offert par la " Society of British Musi-
cians ", pour le meilleur quatuor à cordes, ce
qui l'engagea définitivement dans la carrière
musicale. Ses articles de critique, ses quatre
symphonies, et surtout ses ouvrages théo-
riques : Harmony^ Counterpoint^ Musical Form^
etc., restent autant de garants de sa haute
valeur.
BILBAO. — Notre Société Philharmonique
vient d'entrer dans sa quatorzième saison. Elle
a été la première de ces associations, si répan-
dues maintenant en Espagne, où les amateurs
peuvent, pendant l'hiver, entendre deux con-
certs par mois, souvent avec les meilleurs
artistes d'Europe, moyennant une cotisation
mensuelle de cinq francs, et qui rappellent
les Académies de Musique en France au
XVIIP siècle.
La Philharmonique de Bilbao a ouvert le
feu en Octobre avec la Nouvelle Société des
Instruments à vent, de Paris, dont je n'ai à
vous vanter le mérite. Le succès personnel des
artistes a été très grand. Toute leur maîtrise
était nécessaire, pour nous faire goûter cette
combinaison instrumentale, qui semble porter
malheur à ceux qui la cultivent, puisqu'elle a
inspiré à Beethoven son Octette, peut-être la
seule œuvre absolument ennuyeuse qui soit
sortie de sa plume.
En Novembre, un nouveau quatuor espagnol,
nous a été présenté, le Quatuor Vela^ qui bat le
record de la jeunesse parmi les sociétés de ce
genre, le plus âgé de ses membres ayant à peine
dépassé vingt ans. L'homogénéité n'est pas
encore parfaite, et il est à craindre qu'elle ne
le soit jamais, car il manque à cet organisme
l'homogénéité des tempéraments, la plus diffi-
cile à obtenir et qui fit la force du Quatuor
tchèque par exemple. En compensation le Qua-
tuor Fêla fait preuve d'une musicalité rare et ses
interprétations sont d'une technique presque
parfaite. Les quatuors de Grieg et Tschai-
kowski (en ré) ont été — et c'est naturel —
les mieux interprétés dans les deux séances,
et parmi les classiques, celui de Mozart (en
mi bémol).
Enfin nous avons connu, le mois dernier,
un tout jeune pianiste, espagnol aussi, qui
semble appelé à une notoriété prochaine. C'est
un nom à retenir celui de Thomas Teran qui
malgré ses treize ans ne donne nullement
l'impression de l'enfant-prodige. Le jeune
Teran est étonnant de force rythmique, d'en-
train, de vigueur. Il a donné une interpréta-
tion stupéfiante de la Fantaisie Chromatique
de Bach, et a été très remarquable dans la sonate
op III de Beethoven.
Il faut féliciter M. Guervas^ professeur au
Conservatoire de Madrid, d'avoir su guider
si adroitement ce jeune homme.
J. C. DE Gortazar.
MADRID. — Le correspondant de la
S. I. M. à' Madrid se heurte comme ses con-
frères espagnols en critique contre le snobisme
fermé de la Philharmonique... Nous avons pu
FACTEUR y^-^ A X T 1~^ ATT FACTEUR
DE ( T A V h A i ^^
PIANOS >^^ X X T 1^^ 1 JL V^ PIANOS
Siège Social: 45 et 47, rue de la Boëtie (VI II'") PARIS
Rayon spécial de Musique i i r-o Usine modèle à Fontenay=
(vente et abonnement) SALLES sous=Bois (Seine)
TÉLÉPHONE : 528 = 20 DE Agence générale à Bruxelles
Adresse Télégraphique : CON CERFS Dépôt des éditions
GAVEAU=PIANOS=PARIS de la SI. M.
MEMBRE DU JURY — HORS CONCOURS
BAKcr.i.oNK 1888, Moscoii 1891. Chicago 1893, Amstrkdam 1895
Paris 1900.
DIPLÔMES D'HONNEUR
Amstf.kdam 1883, Anvkks 1885, Bkuxkllks 1888.
GRANDS PRIX
Hanoï 1893, Liège 1905.
L'ACTUALITE MUSICALE
63
ccpciulaiit savoir que M"" Waïuhi ivaiKldwska
remporta le plus légitime des triomphes en son
répertoire bien connu. . . Mais la Philarmonique
étant exclusivement vouée au culte de l'art
étranger ne saurait retenir notre attention.
Mieux vaut regarder du coté de "l'Opéra et
surtout des concerts indigènes publics ou privés.
L'Opéra continue à interpréter du Wagner
à sa manière, qui n'est pas la bonne. Des
Italiens sans voix et sans intelligence musicale
abîment la plus haute des musiques avec une
inconscience superbe. Puis, pour varier les
spectacles les divos régalent de notes aiguës et
discordantes, de vocalises de basse-- cour, les
fervents admirateurs des " subh'mes " créations
d'un Ambroise Thomas ou d'un Puccini...
La magnifique inspiration de ces deux mes-
sieurs jointe à l'interprétation des dits chan-
teurs nous donne de petites séances fort diver-
tissantes. Mais par bonheur, en cette nuit
trouble brillent quelques étincelles... C'est
Maria Gay et sa création captivante de Car-
men que les Espagnols trouvèrent indécente...
Ce sont les reprises de Samson et Dalila et
surtout l'annonce d'une œuvre nouvelle du
génial Amadeo Vives, intitulée Co/s/tz/jc, drame
lyrique réaliste dont nous rendrons compte le
mois prochain. La misérable œuvre de Chapi,
Margarita la Tornera^ nous fait regretter que
nul vrai musicien n'ait songé à commenter
d'une palette fine et délicate les merveilleuses
légendes de Zorrilla.
Le grand événement musical de ces quelques
mois écoulés fut l'interprétation de VIberia
d'Albeniz par le prix-Diémer, JoaquimMalats.
Les privilégiés, qu'attira l'affiche de théâtre de
la Comédie, se souviendront longtemps de cette
belle soirée d'Art où la musique du grand
Espagnol — ce poète unique du piano —
revécut, palpitante, sous des doigts d'Espagnol.
Car cette œuvre si nationale en sa conception
pour ainsi dire universelle, requiert une mise
en œuvre adéquate. Nous le disons avec foi :
Iberia est le plus magnifique effort tenté par
un musicien, du piano, depuis Robert Schu-
mann. Inspiration d'origine populaire ; classi-
cisme de la Forme, de l'Architecture ; nou-
veauté sans précédent de la technique ;
modulations iiientendues, agrégations harmo-
niques inexplicables mais du plus heureux
effet, pirouettes contrapontiques d'une aisance
qui ravit, et par-dessus tout, un impressionisme
où Moussorgsky, Debussy et Fauré sf)nt vrai-
ment assimilés.
Grâce à Malats nous avons pu entendre un
peu de musique à Madrid... Henri Collet.
BARCELONE. — Gros succès pour
Madame Landowska et son clavecin. Il peut
y avoir des virtuoses plus tapageurs, il ny en
a pas de plus délicieusement sincères.
F. Lliurat.
SARAGOSSE. — Ici le public accueille
d'enthousiasme les artistes de plus en plus
nombreux qui viennent lui faire entendre de
la vraie musique. La " Soctedad filarmonica "
qui en est à la cinquième année de son exi-
stence nous a permis d'applaudir La Société
Moderne d'' instruments h vent ^ M™*^ Landowska^
le quatuor Vela^ Louise Debogis^ H. Bauer et le
quatuor Rosé. M. DE LA Figuera.
MUNICH. — On sait que le Konzertverein
de Munich a repris la tâche de l'ancien insti-
tut Kaim et qu'il s'est mis en moins de deux
ans à la hauteur des meilleures associations cie
même genre fonctionnant dans les principales
villes d'Autriche et d'Allemagne. On sait
moins que son effort n'eut pas été possible
sans l'appui incessant que lui a prêté M™*^ Marie
Barlow^. Aussi le 2 janvier dernier, qui ame-
nait la 70™*^ année de ce généreux Mécènes
dont le mérite n'a d'égal que la modestie, la
fête de M™*^ Barlow a pris l'importance d'un
événement public, auquel tout Munich s'est
associé, depuis le Prince Régent, lequel a
envoyé une médaille d'or qu'aucune femme
encore ne possédait ; — ni personne du reste
en or, — jusqu'au plus humble des musiciens
ou des amateurs.
Excellente musicienne elle-même. M™® Bar-
low a la joie de voir les bonnes traditions de
sa maison persister en ses petits enfants. L'une
d'entre eux, M"*^ Emmy Braun exécutait le
19 janvier, aux concerts symphoniques popu-
64
L'ACTUALITE MUSICALE
laires ce brillant, difficile et avant tout fort
beau concerto en si bcmol mineur, op 6 que
le musicien prématurément enlevé Félix von
Rath (i 866-1 905) écrivit pour M"'" Langen-
han Hirzel, qui a toujours excellé à le faire
valoir.
Les répétitions du Konzertverein ménagent
aux favorisés qui y sont admis des incidents
qui ne surprennent plus personne tant ils sont
bien selon les traditions artistiques de la Cour
de Bavière. Le prince Louis-Ferdinand aime
à venir s'asseoir au milieu de l'orchestre de
I\l. Ferdinand Loewe et y tenir sa partie de
premier violon. D'autres part l'angle de la
galerie est ordinairement occupé par deux
charmants enfants avec leur précepteur. L'un
a huit ans, l'autre quatre et demi. L'un est
le futur roi, l'autre son frère le prince Albert,
que leur père S. A. R. le prince Rupprecht
et leur mère, soeur de la reine des Belges,
tiennent à voir initiés dès leur plus bas âge à
Beetho\en, Schubert et Bruckner. Parfois
même, si l'on s'est trompé d'heure ou que
M. Lœwe intervertisse son programme, c'est-
l'op. 108 de Max Reger qui tombe sur les
petites têtes charmantes ! Chez eux, il arrive
que les petits princes fredonnent des motifs de
Beethoven dans leurs ébats. Et voici pour
faire plaisir à M. Louis Dimier, qui préconise
l'abandon des musiques et livres enfantins,
lesquels, on le sait, n'amusent jamais que les
grandes personnes, tandis que les enfants sont
si heureux d'être traités eux en grandes per-
sonnes !• W. R.
STRASSBOURG. — Un cercle d'ama-
teurs se propose, sous le nom de Société
dramatique de Strasshouri^ d'organiser des
représentations qui sauvegardent la culture
française en Alsace.
U.ll'ZICÎ. — Le- s\ nipathic|ue pianiste et
compositeur Ernest de Dohnaiiyi, professeur
à l'Ecole des Hautes Etudes musicales de
Berlin, a remporté \u\ brillant succès au der-
nier concert du (piatuor tchèque qui exécutait,
comme nouveauté, son opus 1, (Juintettr [\
cordes avec piano en ut mineur. Cîluvre encore
schumaniennc, juvénile, mais d'une sincérité et
d'un naturel réconfortants, d'une belle venue.
— Le chœur d'hommes de Leipzig a
célébré ce 30 janvier, le 2 5"anniversaire d'entrée
en charge de son directeur, M. Gustave
Wohlgemutii. Il a organisé à cette occasion
un concert monstre, auxquels prirent part
différentes sociétés chorales, de sorte que l'on
put exécuter avec environ 480 chanteurs le
Retour du Croise de Wilhelm Kienzl ; le
Liebesmabl der Apostei de Wagner et le Chant
des Bardes de Richard Strauss, dédié précisé-
ment à M. Wolhgemuth.
PRAGUE. — Hélas ! Le Narodni Divadh
{Théâtre National tchèque) entend demeurer
fidèle aux vieux errements. Son Directeur,
M. Gustave Smoranz, en une lettre qui
témoigne la plus complète ignorance des mœurs
artistiques russes, de la \ ie de A'ioussorgski et
même de la partition de Boris Godounow^
annonce que l'œuvre sera représentée avec des
coupures, dont il entend demeurer seul juge ; il
donne pour prétexte dtf cette décision arbitraire
que Rimsky Korsakof et les Directions de
Théâtres Russes sont meilleurs juges de ce
qui convient à Moussorgski, que les fidèles de
la version originale. De ce train-là, nous ne
désespérons pas de voir, dès 191 1, le Théâtre
Allemand donner au Narotlni Divadh une
leçon de slavisme intégral et de conscience
artistique, en montant, lui, le Boris autiientique.
En attendant le Narodni Divadlo se résigne
très facilement à l'humiliation d'aborder /:7/\^/;v/
de Richard Strauss avec orchestration réduite
à soixante-quinze instruments. Et nous qui
avions toujours tenu le Narodni Divadlo pour
une des premières scènes du monde !
Le cinquantenaire ilu compositeur Joseph
Bohouslaw Fœrster v a été fêté par ime
reprise, dans des décors nouveaux, de l'opéra
qui avait tonde sa renommée, Eva.
— La llmèleekti Hiseila (Société artistique)
de Prague vient de publier le second opéra de
M. Karel Kovaro\ ic, en réduction pour piano
a\ec texte. Na starem héliillé [.i ranàennt
/danihisserie)y tiré du fameux roman tchèque
la (irandWIère [Bal>icka)y de Bozena Nêmcova,
L'ACTUALITE MUSICALE
65
a consolide la cc'lcbrité nationale acquise par
M. Kovarovic avec ses Psohlavci (les Tetc-de
chien^ surnom donné aux montagnards diodes,
à cause de l'emblème de leurs drapeaux). Ce
premier opéra était un noir tableau de la lutte
d'une population libre à qui l'on retire ses
privilèges, contre la tyrannie du mauvais
seigneur ; le second chante au contraire la paix
des campagnes à l'ombre d'une demeure
seigneuriale où règne une châtelaine exquise.
Les deux œuvres sont d'un particularisme
tchèque si délicat que leur transplantation
hors de Bohême nous paraît à tout jamais im-
possible. C'est dommage, car il est difficile de
rêver partitions plus délicates dans le tragique,
l'une et l'autre, dans un demi-caractère sou-
riant et attendri.
La même Umêlecka Beseda a encore édité
tout récemment les quatre beaux Chants mé-
lancoliques sur r Amour opus 38, datant de
1906 de Vitezlav Novak, sur des textes des
poètes Saroslav Vichlicky, Jaromir Barecky et
Jan Neruda. Inutile de dire que l'honneur de
ces sortes d'éditions nationales n'est réservé
qu'aux œuvres les plus marquantes de la
production tchèque contemporaine.
L'éditeur Topic de son côté a fait une
tentative originale. Voici une dizaine d'années,
il avait donné une édition de Démon-Amour^
poème célèbre de Saroslav Vichlicky, curieuse-
ment illustré par le peintre idéologue Max
Pinner. Il y revient et en offre cette saison
une édition musicale, où les treize romances
du recueil ont été partagées entre MM. Joseph
Bohouslaw Fœrster, Karel Pospisil, et Karel
Moor (qu'il ne faut pas confondre avec le
musicien Emmanuel Moor, établi à Lausanne
et dont la fécondité est déjà assez extraordinaire
sans cela.)
— Prague n'avait pas encore de monument
Smetana. La Umêlecka Beseda (toujours elle !)
en a pris l'initiative, Une société s'est fondée
dont la première réunion a eu lieu le 5
Décembre. On a élu un comité présidé
par l'historien J. Croll, et où figurent M.
Kovarovic et Max Svabinsky, l'artiste auquel
l'on doit le plus beau portrait de Smetana,
comme de juste, presque tous les musiciens et
écrivains de Prague. A la date de cette réunion
ils avaient déjà rassemblé 7569 couronnes.
— La musique et la littérature tchèques
sont en deuil d'un homme c]u'il faut citer
comme l'un des plus consciencieux, et des
plus sérieux critiques et écrivains musicaux de
notre temps. Le Dr Otokar HOSTINSKY est
mort le 19 Janvier dernier. Il était né le
2 Janvier 1847, à Martinoves, près Budine.
Docteur en philosophie dès 1869 et professeur
en 1877, après de sérieuses études à Munich
et à Prague, il était à l'université de cette
dernière ville, privat-docent depuis 1883,
et, depuis 1892, professeur d'esthétique. Dès
le principe, il soutint à Prague le bon combat
pour Wagner, en même temps que pour
Smetana et la musique nationale. Longue est
la liste de ses écrits : Christophe IVilibald Gluck
(1884), 5wr les origines de la Musique^ Les
Représentations théâtrales h Athènes^ La vieille
musique grecque {\'^%'Ç) Hector Berlioz-^ La Dé-
clamation fnusicale tchèque (1886). En 1892
il édite 36 chants populaires tchèques profanes du
XF/"'^ siècle. En 1896 son importante Con-
tribution à r étude de la Musique et de la théorie
musicales tchèques au XVI'"'' siècle, est basée sur
l'étude spéciale de Jan Blahoslar et de Jan
Josquin, et illustrée d'exemples de 1569 pour
le premier, et de 1561 pour le second. En
1900 Hostinsky, dont l'autorité augmente de
jour en jour, publie La Musique en Bohême, et,
l'année suivante paraît son ouvrage capital et
absolument définitif: Bedrich Smetana, et sa
lutte pour la musique tchèque moderne. En 1906
c'est la Chanson populaire profane tchèque. En
1908, Antonin Dvorak dans l'évolution de notre
musique dramatique. En 1905 La musique
tchèque de 1864 a 1904. Enfin tout récem-
ment, à Noël 1909, ses Souvenirs sur Fibich, à
qui il avait fourni le poème d'opéra La Fiancée
de Messine; moins excellent encore que celui
qui fit la force de la Cendrillon de Roskosny,
Il était le président du comité tchèque, qui
recueille pour les grandes publications du
Ministère des cultes et de l'instruction publique
d'Autriche les chants populaires de Bohême.
La perte d'un tel Maître ne sera pas facile-
ment réparable. W. R.
66
L'ACTUALITE MUSICALE
MILAN. — La Mèdèe de Cherubini n'a
pas été un succès. La pièce assez froide et
antique n'a causé qu'une grande déception.
UOrfio de Monte verde a par contre soulevé
l'enthousiasme. La reconstitution en a été faite
par Giacomo OreHce d'une façon intuitive
plutôt qu'historique, et avec l'intention de
faire œuvre d'artiste plutôt que d'archéologue.
L'orchestre notamment était réalisé assez libre-
ment. Beaucoup d'entre nous en Italie pensent
en effet que les préoccupations musicologiques
ne vont pas sans une certaine pédanterie, qui
cristallise le sens artistique. Certains effets de
sonorité étaient donc tout modernes.
La mélodie de Monteverde a extrêmement
porté sur le public milanais ; l'exécution par
Kaschmann, i^avin et Fino, sous la direction
d'Amilcare Zabella (du Liceo Rossini de
Pesaro) tut excellente. Un bon point pour
" l'Associatione degli Amici délia Musica " de
Milan, qui avait pris l'initiatixe de cette
reprise tardive !
Succès considérable pour " Samson et
Dalila " de St Saëns à la Scala, a\ec excellent
ensemble.
J'aurais beaucoup à dire du mouvement
général de la musique ici. Nous sommes dans
une période d'expectation ;. nous attendons le
Messie de la musique pure. Disons cependant
que notre Conservatoire espère arriver cette
année à l'établissement d'un orchestre stable,
qui lui permettrait d'organiser d'une façon
permanente des Concerts Symphoniques.
G. Zampif.ri.
VIENNE. — A PROPOS de Mahler, —
Lors de sa dernière lettre d'Amérique M. G.
Barrère a, dans 1' S. I. M. de décembre, pris
position contre les arrangements que Gustave
Mahler ne craint pas de faire subir aux parti-
tions de Beethoven. Comme cette lettre a fait
le tour de la presse musicale française, je me
crois en droit d'ajouter ici quelques explica-
tions, en faveur de Mahler, notre grand chef
d'orchestre.
Toucher aux partitions de Beethoven, n'est-
ce pas un sacrilège ! Et comment Mahler, un
de ceux (|ui connaissent le mieux l'oi ciiestre,
un chef réputé pour son fanatisme lorsqu'il
s'agit de sonorité, s'est-il résolu à de pareilles
modifications, sans s'en cacher le moins du
monde : Mais précisément au nom de la plas-
tique de l'œuvre et l'orchestre moderne.
Mahler retouche lui-même sans cesse ses
propres partitions, et je me souviens lui
avoir vu supprimer les trombones dans sa
seconde symphonie à un endroit où ils cou-
\ raient le chant, la dernière fois qu'il dirigea
à Vienne. Je l'entends encore s'écrier : " A
bas r autorité ! f^ive le chef d^ orchestre qui fera
des changements dans mes propres œuvres là oh il
lui sembleront utiles pour mettre en valeur r in-
tention et P effet voulus ! "
Or, chez Beethoven, par exemple dans la
Neuvième^ chacun sait que la technique instru-
mentale du XIX'" siècle n'était pas à la hauteur
du génie du Maître. Cela est particulièrement
vrai pour les cors, les trompettes et les sons
aigus des bois.
Wagner axait déjà proposé ici toute une
série de modifications qui ont été admises par
presque tous les orchestres de l'Allemagne.
Et, depuis Wagner, nous avons fait des progrès
en orchestration ! L'arrangement de Mahler,
écrit pour la Philharmonique a fait si bon
effet que bien des gens ont déclaré qu'ils ne
se doutaient pas de ce qu'était la Neuvième
avant de i'axoir ainsi entendue. Or Mahler
n'a tait ici que continuer l'œuxre de Wagner;
ainsi, par exemple, en développant la sonorité
des \ents. Wagner a\ait déjà remarqué que le
second thème du scherzo ne sort absolument
pas en présence du premier, exposé par le
quatuor. Mahler ajoute ici aux bois de la
partition, 6 cors et deux trompettes ! Le tout
gagne en clarté et en intensité. Ailleurs Mahler
unit les hautbois aux HAtes et remplace les
hautbois de la partition par des clarinettes,
tandis qu'enfin il donne aux cors en fa les
parties de clarinette écrites par Beethoven.
Pourquoi ? Parce que dans le fort de l'orchestre
le registre bas lie clarinette tel qu'il est écrit
iii ne s'enteiul pas, tandisque leur registre
moyen a une très belle sonorité. Dans la
" /llli M<u\i,i ", dont parle M. Barrère,
Mahler ;i aussi ses bonnes raisons. Le hautbois
L'ACTUALITE MUSICALE
67
qui expose cette marche lointaine ne peut
jouer />/> dans son registre aigu, et d'ailleurs sa
sonorité naturelle a quelque chose qui le met
en saillie, empêchant ainsi l'idée d'éloignement.
iViahler remplace le hautbois par des flûtes, et
met des sourdines aux cors. Le problème est
résolu.
On pourrait presque, en suivant pas à pas
les innovations de Mahler dans la Neuvième^
écrire un nouveau Traité d'instrumentation.
Car toutes ces modifications ont leur cause
dans l'expérience journalière de l'orchestre
moderne.
Certes le musicologue protestera, et il aurait
raison s'il s'agissait d'œuvres appartenant à la
musicologie, c'est à dire à une manière de
sentir qui n'est plus la nôtre. Mais des
œuvres qui vivent encore de notre vie mo-
derne, qui sont notre pain quotidien, nous
avons le droit et le devoir de les rendre con-
forines aux exigences de nos orchestres et de
nos oreilles, en réalisant les intentions de
l'auteur par les perfectionnements de notre
technique actuelle. Et cela de la manière qu'il
aurait employée s'il vivait en ce moment.
Dr Egon Wellecz.
— On organise pour mars des fêtes en
l'honneur de la Philharmonique de Vienne,
qui célèbre son cinquantenaire. L'orchestre
recevra solennellement la grande médaille d'or
de St-Salvador.
GR AZ. — Menus passe-temps de la censure.
Le drame lyrique Misé Brun du compositeur
Suisse-romand, Pierre Maurice, vient d'être joué
au théâtre municipal avec un joli succès. L'ac-
tion se passe à Aix en Provence et la musique
emploie divers chants populaires du midi.
Mais il y a aussi une procession et une exécu-
tion capitale, où les moines récitent des textes
latins. La censure les a impitoyablement biffés;
de la sorte l'orchestre arrive à jouer, dans
certains passages, sans les chceurs ; mais comme
les bons religieux ne peuvent pas assister
muets à l'exécution finale, la censure a toléré
qu'on leur fit murmurer indistinctement des
paroles latines quelconques. Le régisseur, en
désespoir de cause, fit marmotter sourdement
le ... Gaudeamur igitury à la place du Kyrie
eleison ! La censure fut en paix et l'on assure
que l'émotion du public ne s'en trouva pas
troublée.
— A un récent concert de le société acadé-
mique Richard Wagner (on voit aujourd'hui
de ces accouplements de mots !) s'est révélé un
talent musical remarquable : le jeune compo-
siteur styrien, D"" Geppo Marx. Une centaine
de lieder le font déjà désigner comme le digne
continuateur de son compatriote Hugo Wolf.
L'originalité de sa facture, la richesse de son
invention, l'expressivité de ses motifs mélo-
diques ont produit une véritable sensation.
MM.
SALZBOURG. — De grandes fêtes en
l'honneur de Mozart auront lieu ici du 29
juillet au 6 août, à l'occasion de la fondation
de la Mozarthaus. On entendra la Fliite^ Don
Juan et six Grands Festivals, comprenant :
Laudate pueri^ Ave Ferum\ Requiem. — Qua-
tuor (K. V. 465), Lieds, Quatuor avec piano
(K. V. 478.). — Symphonie en ré majeur.
Concerto de violon. Concerto pour flûte et
harpe. Symphonie en sol mineur, — Aria pour
soprano et chœurs. Sonate pour violon et piano,
solos de piano. Aria du Roi pasteur. Quintette
avec cor. — Quintette à vent. — Symphonie
en mi bémol majeur. Concerto de piano. Aria
de Cosi fan tutte., Symphonie en mi bémol
majeur; enfin, au dôme, la messe en ut majeur.
Pour tous renseigneiTients s'adresser aux
bureaux du S. L M.
BUCAREST. — Le public roumain est
communicatif et enthousiaste ; il n'y a pas de
soliste ou d'orchestre venu à^Europe qui ne
remporte ici, qui plus, qui moins, mais encore
sans distinction très marquée, des succès pro-
digieux. On y applaudit d'aussi grand cœur
Massenet et Wagner, Puccini et Debussy ;
et Dvorak y passe pour classique aux côtés de
Bach. Cet éclectisme, du moins, contribue à
l'éducation générale, et il faut concéder que
les progrès du goût musical ont été sensibles
et rapides déjà.
LEO OLSCHKI
FLORENCE Lungamo Acciaioli 4.
LIBRAIRIE ANCIENNE
Pulci (l.uigi', DriaJcs d'amore sa.
Catalogues de Musique ancienne Rarissime
Manuscrits, Tablatures, Antiphonaires
Hymnologie, Chansons.
BIBLIOFILIA, revue mensuelle, illustrée et connue dans
le monde entier des bibliophiles. (Un an 30 fr.)
L'ACTUALITE MUSICALE
69
Mais jamais la foule ne délire, comme
lorsque un exécutant ou un compositeur rou-
main vient montrer que la musique nationale
existe, que l'art national soutient la compa-
raison avec l'art d'occident. Et parfois il se
trouve que cela est vrai.
Les deux derniers concerts de caractère bien
roumain, furent et non moins artistique ceux
de M'"*^ Triteanu et de M. G. Enesco.
L'éloge de ce dernier n'est plus à faire à
Paris. A Bucarest non plus. Il vient de se pro-
duire trois fois de suite, avec un égal succès,
devant ses compatriotes, dans ses trois qualités
de violoniste, de pianiste et de compositeur.
Comme pianiste, il a eu le rare mérite, la belle
confraternité, de se faire l'interprète de la
Symphonie roumaine pour piano et orchestre de
M. Stan Golestan. Dame, M. Golestan ne
semble pas encore prophète en son pays. Les
laoutars barbus mettent le directeur de l'or-
chestre officiel du Ministère de l'Instruction
publique, M. D. Dinicu, en garde contre les
*' intrus en musique " ; et voici comment ils
analysent la " prétendue " symphonie rou-
maine : " autour d'un motif populaire suffisam-
ment trivial, qui passe par tous les instruments,
s'enlacent un ou deux motifs de Grieg, repris
et attaqués sans aucun lien sensible, et sans
que l'auteur arrive un instant à être maître des
masses instrumentales"... ; cela ne veut pas
dire grand'chose, et la présence de M. Enesco
au piano parle mieux en faveur de l'oeuvre.
Violoniste, M. Enesco prêta son concours au
premier concert de M""^ Triteanu, avec un Air
de Bach et les Humoresques de Dvorak. Com-
positeur, il bénéficia de tout un festival où l'on
n'entendit un choix de ses œuvres, sous sa
direction personnelle, verveuse et ferme. Le
programme comprenait le Poème roumain^ du-
quel date la consécration du musicien : le
charme des airs nationaux opère toujours, ainsi
que la relative simplicité d'écriture, et impres-
sionne intensément l'auditoire.
La suivante symphonie en mi bémol apparaît
plus ardue, trop développée, dit-on dans cer-
taines de ses parties ; si elle n'était pas
d'Enesco..., mais il la dirige admirablement,
avec un soin des détails autant que de la ligne
a.rc]iitecturale qui atteint à un grand effet. Et
l'on respire de nouveau à l'aise dans les Rap-
sodies roumaines^ celle en rè majeur surtout, où
vibre l'âme môme du pays.
M'"" Veturia Triteanu est une autre char-
meuse. Elle arrive de Transylvanie, de chez
" les frères de Hongrie " avec une réputation
de rossignol. D'une voix vibrante et chaude de
inezzo-soprano, au timbre bien roumain, elle
chante également Schumann et Schubert,
Dvorak et Brahms, Wagner ou Strauss. Mais
elle a un art particulier de dire les chants
populaires de son pays, les complaintes jaillies
du tréfond de misères d'un peuple oppressé.
M. M.
VARSOVIE. — Dans la série de grands
concerts symphoniques à la Philharmonie, sous
la direction de M. Z. Fitelberg, à noter (au
mois de décembre) le très grand succès de
Jacques Thibaud qui a enlevé l'enthousiasme
d'une salle comble. Un des concerts de musique
de chambre (arrangé par M. H. Melcer) a été
consacré entièrement à la musique française.
Quatuor de César Franck^ concerto pour piano
et violon avec ace. de quatuor à cordes de
Chausson, mélodies de Berlioz, Franck, Chaus-
son, Chabrier, Ravel, Debussy, Dukas et
d'Indy. N'ayons garde d'oublier le brillant
succès d'Isaye. Comme nouveauté sympho-
nique, il faut mentionner " La mer " de
Debussy, exécutée avec grand soin par l'or-
chestre symphonique du Prince L. Lubomirski.
— L'Opéra de Varsovie passe une époque
de crise assez pénible. Après une saison de
trois mois dirigée par un groupe d'artistes
polonais (non subventionné) la salle du Grand
Théâtre est louée pour quatre mois à un
entrepreneur italien Castellano. D'après les re-
présentations que nous avons eues les résul-
tats artistiques de l'entreprise sont à peine
satisfaisants. A l'exception de quelques artistes
(M"^^^ Bianchini-Cappelif, M""* Maggini-
Coletti) elle ne possède que des voix médiocres
et nous attendons avec impatience et inquié-
tude des changements décisifs qui nous redon-
neraient l'opéra subventionné par le gouver-
nement.
70
L'ACTUALITE MUSICALE
— A partir de mars notre Section polonaise
de la S. I. M. aura son Bulletin trimestriel.
H. O.
S' PETERSBOURG.— Les deux grands
événements de notre vie musicale en cette
saison sont : le 50""' anniversaire de la Société
Impériale Musicale Russe (fondée au prin-
temps de 1859), et le 50'"" jubilé de M. César
Ciiiy dont cette même société exécutait un
scherzo le 14 décembre 1859.
Le noyau de la Société hnpér. Mus. Russe
fut la Société Musicale Russe à S' Pétersbourg,
formée aussi en 1859, 9^' succédait elle-même
à une " Société Symphonique ", composée à
moitié de dilettanti et qui, dix ans auparavant,
avait cessé d'exister. Les fondateurs de la
jeune Société étaient A. G. Rubinstein, le
comte Aiathieu J. Wielhorsky, le mécène
bien connu, D. W. Kapchine, W. A. Kolo-
griwow et D. W. Stassow, grands amateurs
de musique. Ce dernier est le frère du critique
d'art bien connu M. Wladimir Stassow et le
seul parmi les fondateurs qui aura assisté au
50™'' anniversaire de la Société. Les jeunes fon-
dateurs, à la tète desquels il convient de placer
Rubinstein, eurent recours au patronage de la
Grande Duchesse Hélène Pawlowna, tante de
l'Empereur Alexandre II et femme de haute
culture, qui, ne se bornant pas à protéger la
jeune institution, lui prodiguait personnelle-
ment des secours matériels. De suite, la
Société déploya son activité musicale a\ec
vigueur. — Ses concerts symphoniqucs et de
chambre n'eurent qu'une interruption mo-
mentanée, lors des événements de 1905-1906,
alors que le mouvement révolutionnaire se fit
sentir jusque dans le Conservatoire même.
Dès 1859, la Société organisa un chœur, une
bibliothèque, des concours entre compositeurs
et fonda un " Cours de musique populaire ",
dans le j-'alais Michel, mis gracieusement à la
disposition de la Société par la Grande
Duchesse Hélène. Ces cours devinrent, en
I 862, le Conservatoire de St Pétersbourg^ dont
le premier lauréat fut Tchaïkowsky, en 1865.
II ne faut pas oublier qu'axant la formation
du Conservatoire de S' Pétcrsliourii Ks musi-
ciens russes ne jouissaient pas de droits civi-
ques, qu'ils ne pou\aient être ni fonctionnaires
des Théâtres Impériaux ni professeurs de
musique dans les instituts de jeunes filles.
Rubinstein, qui, malgré sa renommée uni-
verselle, avait lui-même éprouvé les fâcheuses
conséquences de l'inique situation dans la-
quelle se trouvaient tous les musiciens russes,
obtint qu'il fut accordé, de par la loi, le titre
^.''artiste libre^ pour les anciens élèves du Con-
servatoire — titre qui n'avait été décerné
jusqu'alors que par l'Académie Impériale
des Arts.
L'actixité de la Société de\int de plus en
plus étendue. Un an après sa fondation, Rubin-
stein créa une section indépendante à Moscou.
Ensuite, peu à peu, se formèrent des sections
à Charkow, Kiew, Saratow, etc. etc. A cette
époque (en 1865), pour mieux surveiller
racti\ité toujours croissante de la Société, il
fut instituée une Direction principale, à la
tête de laquelle, avec le titre de président, ont
toujours été placés des membres de la famille
impériale. Ainsi, après la mort de la Grande
Duchesse Hélèjie (t 1873), ce fut le Grand
Duc Konstantin Nicolaé\ itch, ensuite (1899)
son épouse Alexandra Josefowna, laquelle
choisit, comme aide, son fils le Grand Duc
Konstantin Konstantinowitch ; celui-ci n'a
renoncé à ses fonctions qu'au commencement
de 1909, lorsque la princesse Hélène de Saxe-
Altenbourg (petite-fille de la Grande Duchesse
Hélène rawioviria) a été élue présidente de la
Société.
En 1873, la Société a reçu le titre d' " Im-
périale ". Je passe tous les détails du déve-
loppement de la Société, les modifications de
ses staiiuts ainsi que de ceux du Conservatoire
et d'autres institutions musicales affiliées à elle.
Actuellement la Société Musicale compte plus
de 35 sections — dans tous les centres im-
portants de Russie — du Caucase à la Sibérii,
et 2 conservatoires (S' Pétersbourg et Moscou),
16 écoles musicales et 16 cours musicaux
(pour la plupart du type d'écoles musicales
de 4 classes), où plus de i 8000 élèves étudient
toutes les branches île la musique.
La section ile St Pefers/>uri^ aura été le tronr
L'ACTUALITE MUSICALE
7
de cette énorme ramification à travers toute
la Russie.
Son Conservatoire a eu à sa tête : Rubin-
stein (à deux reprises, en 1862- 1867 et 1887-
1891), N. J. Zaremba (i 867-1 871), M. P.
Asantchewsky (i 871-1876), le célèbre violon-
celliste K. J- Dawydow (1876-1887), les
professeurs J. J. Johansen (1891-1897),
A. R. Bernhardt (i 897-1905) et finalement,
A, K. Glazounow (depuis 1905) que l'on peut
à juste titre, considérer comme la plus grande
autorité musicale russe de l'heure actuelle.
En 1896, il alla s'installer dans un énorme
palais, construit sur l'emplacement de l'ancien
Grand Théâtre et dû à la libéralité de l'empe-
reur Alexandre m. En 50 ans, la section de
St Pétersbourg, à elle seule, a donné plus de
500 concerts symphoniques et plus de 400
soirées de musique de chambre, sans compter
les exercices d'élèves. Les concerts sympho-
niques ont été dirigés par des célébrités russes
et étrangères, telles que Rubinstein, Balakirew,
Berlioz, Bulow, Auer, Safonov et grand nom-
bre de jeunes musiciens auxquels la Société
donnait la possibilité de se produire. Enumérer
les noms des compositeurs et exécutants ayant
figuré dans les programmes des concerts de la
Société — équivaudrait à copier le dictionnaire
des musiciens du 19® et du commencement
du 20'' siècle.
Les fêtes du 50*^ anniversaire dureront
plusieurs jours en dehors d'une séance solen-
nelle, il y aura deux concerts de gala, (l'un deux
répétera le programme du premier Concert de
la Société, du 23 Novembre 1859) et une
représentation d'opéra. ^
*
L'importance du le 50'' jubilé de M. C. A.
Cui est certes moindre, cependant il a aussi
vivement intéressé notre public musical. Auteur
de " William Ratcliff'" " Angelo " '■'■Le prison-
^ Il a été publié, à l'occasion de l'anniversaire, par
les soins de la Direction de la Section de Pétersbourg,
un aperçu historique du cinquantenaire de la Société ;
ce travail a été confié à l'auteur de ces lignes.
nier de (Jaucase " " Flihustiero'''' " Sarazin ", sans
compter plusieurs petits opéras, un très grand
nombre de romances (dont quelques-unes fort
populaires), et de morceaux pour piano etc. ;
critique, très écouté à un certain moment et
propagateur des tendances russes modernes —
M. Cui fut, en même temps que Balakirew,
un des premiers fondateurs de l'école des 5
avec Moussorgski, Rimsky-Korsakow et Bo-
rodine. Le réalisme, le langage imagé et
descriptif, le respect du coloris national, l'af-
franchissement complet de la routine, telles
étaient les tendances de ce groupe qui sym-
pathisait avec Liszt, Berlioz et Schumann,
tout en luttant contre les idées réformatrices
de Wagner et contre le Conservatoire (Je
Rubinstein. Cette lutte, assez âpre à certains
moments, s'est apaisée avec le temps.
L'œuvre musicale et littéraire de M. Cui
est assez connue en France ; ses 2 opéras
furent représentés à Paris et en Belgique,
d'autres de ses œuvres ont souvent été exé-
cutées surtout grâce à la propagande de la Com-
tesse de Mercy-Argenteau, admiratrice et
amie de M. Cui à qui elle a consacré tout un
livre. Enfin, c'est à Paris que fut publié le
livre de M. Cui " La Musique en Russie "
ouvrage, qui, malgré un certain exclusivisme,
bien compréhensible d'ailleurs, a pendant fort
longtemps, servi de source principale pour tous
ceux qui, en Europe occidentale, se sont inté-
ressé à l'actualité musicale russe. Pour le jour
de son jubilé M. Cui a achevé un nouvel
opéra " La fille du Capitaine " (sujet pris dans
un roman de Pouchkine). Cet anniversaire est
fêté aussi bien à St. Pétersbourg, qu'à Moscou
et en province ; les Théâtres Impériaux re-
prennent à cette occasion — à Pétersbourg :
" Angelo " le plus important des opéras du
maître, à Moscou — le " Prisonnier de
Caucase ". — N. Findeisen.
MOSCOU. — La distribution des prix à
la mémoire de Glinka a eu lieu le 27 no-
vembre (10 décembre), anniversaire des pre-
mières représentations de La vie pour le Tsar^
et Russlan. Cette institution a été fondée par
Métrophan Bélaiew, éditeur de musique et
72
L'ACTUALITE MUSICALE
en même temps grand amateur et patriote
ardent.
Le grand prix de i.ooo roubles a été donné
à Thèod. Blumenfeldt pour une symphonie à
grand orchestre (Op. 39). Les quatre prix à
500 roubles : i.) à N, Tsherepnin^ pour un
concerto de piano ; 2.) à M. Steinberg, pour
un Quatuor ; 3.) à JI. Scriabin, pour sa 5™*
Sonate de piano ; 4.) Igor Straviuski pour un
Scherzo fantastique pour orchestre.
— Citons de grands noms : Mengelberg à
la Philharmonique ; Safonov qui revient cou-
vert de lauriers, et auquel on fait ovation ;
Oskar Fried au concert Kussewitzki ; Nedbal
qui nous offre à la Société Impériale deux
nouveautés,, un Poème Sy7nphonique d'après
Lenau par Henri Rabaud, et le Caleidoscope de
Noren ! Parmi les pianistes Slivinski, Hofman,
Leonide Kreutzer (un joli nom pour les
sonates !) enfin, à une place à part M""^ Lan-
dow^ska, la triomphatrice en ce moment ici.
Aux concerts historiques de Serge Wassilenko,
elle nous a ravi avec un concerto pour piano
d'Haydn dont elle a composé elle-même la
cadence, et du Mozart, du Rameau, du Bach
soit au piano, soit au clavecin ! J'ajoute que
la sonorité du clavecin Pleyel, que M""" Lan-
dowska avait amené m'a semblé parfaite.
Ellen de Tideboehl.
UN TOURNOI MUSICAL. — Tous
les deux ou trois ans, l'Allemagne musicale
organise des grandes fêtes en l'honneur de
J. S. Bach. Elles auront lieu cette année à
Duisburg, sous la direction de Walther Joseph-
son et dureront du 4 au 7 juin. Une commis-
sion spéciale, composée des plus grandes no-
toriétés doit résoudre le problème de savoir si,
pour l'interprétation des oeuvres de Bach, les
instruments anciens à clavier peuvent être
remplacés par notre piano moderne. Devant
ce jury, M"'" Wanda Landowska aura à dé-
fendre la cause du clavecin, en exécutant sur
cet instrument plusieurs oeuvres de Jean-
Sébastien, qui seront ensuite jouées par des
artistes notoires au piano.
UNE LETTRE DE MAX REGER.
— Le Musical Courrier de New^-York publie
une lettre qui a été adressée par son corres-
pondant de Leipzig, et dans laquelle M. Max
Reger apprécie de la façon suivante le rôle de
la critique musicale.
" Est il rien de plus humoristique, que la
lecture des critiques ? Un vieux proverbe a
beau dire : Le musicien n'est pas un critique
et le critique ne sera jamais un musicien "
malgré tout, et quoiqu'on fasse pour se péné-
trer de cette vérité, on demeure stupéfait
devant les bourdes, les contradictions et l'éter-
nel discrédit qui se renouvellent ici journelle-
ment. On dira, pour se défendre : Qu'est-ce
qui n'est pas critique aujourd'hui r Des gens
qui n'ont rien à faire avec la musique, des
médecins, des professeurs, des fonctioimaires
apportent le concours de leur compétence
critique et musicale, avec toute la modestie
des oracles. Autrement dit, la critique n'a
qu'à s'en prendre à elle, si elle ne peut pas se
faire prendre au sérieux. Et puis les coteries
décident si souvent de la bienveillance ou de
l'animosité ! Est-ce que les sympathies ou les
haines personnelles ne parviennent jamais à
troubler le regard des juges ? Certes je connais
et j'estime quelques vrais critiques, qui pren-
nent la musique au sérieux, mais ils sont aussi
clairsemés que ces compositeurs, auxquels la
critique en question accorde l'originalité, la
beauté, l'expression etc., etc..
D"" Max Reger.
GENÈVE. — A Genève et Lausjinnr,
Ricardo Vinès fait merveille, au Conservatoire
et en deux récitals de musique moderne, de
Chopin à Ravel.
L'ACTUALITE MUSICALE
73
M. Harpignies.
Maîtres et Amateurs.
Un Amateur : Harpi(;nif.s.
Pour ce maître paysagiste se ser\ir du mot :
" amateur " même pour désigner le musicien,
le joueur de violoncelle, n'est-ce pas aussi
gênant que de l'appeler " Monsieur " '
De ce " Monsieur " gonflé de vent et d'im-
portance bourgeoise qu'une politesse toute con-
ventionnelle voudrait nous faire placer avant
les noms des artistes vivants !
Eh bien ! non ! plutôt être impoli que ridi-
cule. Ecrivons donc Harpignies tout court
montrant par là combien nous tenons cet
homme pour déjà et définiti\ement passé dans
la Postérité.
Harpignies !
Regardez comment se présente l'assemblage
de ces lettres. Ecoutez-en la sonorité r Harpi-
gnies, ne voycz-\c)us pas, n'entendez-\ cnis pas
dansée nom là, tout ce qu'il v a dans l'oeuxre
de cet artiste : souplesse, fermeté, grande
allure, et grande honnêteté. Oui, \raiment, il
y a des noms qui, dirait-on sont faits sur
mesure. Harpignies grand talent et grand
coeur, voilà l'homme.
— Cet homme là r [e l'embrasserais !...
Cette exclamation d'une belle jeune femme
devant une photographie d'Harpignies, traduit
à merveille la sensation que l'on éprouve en
effet, devant ce visage tout intelligence et bonté.
Mais pourquoi, belle jeune feninie,
n'éticz-vous pas avec nous, lorsque nous
soinmes allés chez le Maître, lui ileniandci
.ses impressions sur la nuisupic et les inwsuicns:
Ainsi auriez-vous pu l'embrasser. Et il ne s'en
serait pas plaint, allez, le solide et charmant
vieillard !
Vous l'auriez trouvé. Madame, dans une
simple maison de rapport, située dans une
petite rue tranquille et presque provinciale de
la ri\e gauche. Au devant de vous, serait
\'enue, aimable, vive et légère, une dame aux
chexeux couleur de cendre et qui a dû être
bien jolie. Cette dame vous aurait menée dans
un \aste atelier meublé très sobrement. Piano,
large table, fauteuils, bibliothèque. Un atelier
où il faisait très chaud, et où il n'y a\ait de
précieux que, aux murs, des paysages autant
de petites fenêtres ou\ertes sur la Nature.
Calotte de velours noir, le regard pétillant,
le teint frais tranchant bien rose sur le blanc
neigeux de la moustache et de la barbe, dans un
fauteuil Voltaire, tenant l'attitude d'vm bon
père-grand sur le point de conter une mer-
\eilleuse histoire à ses petits entants, tel \ous
auriez. Madame, trt)uvé Harpignies. Et voilà,
rappelé dans ses souvenirs par la vieille amie
aux cheveux couleur de cetulre qui l'appelle
" Patron ", ce (.ju'il \ous aurait dit :
— Mais j'ai été éle\é dans la Musique !
Ma mère et ma sceur étaient excellentes musi-
ciennes. Aussi vite qu'iui pinceau j'ai touché
un instrument. Puis dès que j'ai pu, tt)ut île
suite, mon choix a été tait : l^eethoven et
Bach.... Heetlun en.... \(ne/-vous, celui-là
c'est le Père ! un père qui ne m'empêche pas
d'aimer ses entants et d'avoir longtemps joué
des trios de Mozart, de Ha\'dn, avec le peintre
[léliert et le musicien Del Sarte. Dans ce
itinps là U' ne ral;ns pas un concert. | étais \\\^
L ' A C T U A L I T ]<: MUSICAL E
IS
des fidèles de Pasdeloup, où l'on jouait la
Symphonie en ut. On ne nous rasait pas
encore avec votre sacrée musique moderne....
Le Maître coupe l'air avec sa main comme
s'il voulait chasser une mouche.
— Oh non, je x\y comprends rien à votre
sacrée-musique moderne. Chopin ? Ah, celui-là
c'est une autre histoire, je l'adore parce que
lui a vraiment trouvé quelque chose et voyez
vous, en art, trouver quelque chose tout est
là ! Wagner \ si vous voulez, mettons que
je l'admire tout en me dispensant d'entendre
ses opéras qui durent trois jours Les s^rands
concerts "i maintenant je n'y vais plus beaucoup
bien que j'y sois abonné depuis quarante ans.
C'est que voyez-vous j'ai toujours peur d'y
entendre votre sacrée-musique moderne et
qu'alors je ne peux pas m'empêcher de faire
mes réflexions ou de foutre le camp !.... La
musique ! en ai-je entendu et en ai-je fait
chez moi, avec des musiciens comme Taffanel!.
— Patron, racontez-leur donc l'histoire des
dames qui causaient, vous savez bien....
— Ah oui !..., C'était un samedi où Taffa-
nel et d'autres amis venaient à la maison.
Croyez-vous que pendant l'exécution d'un
quatuor d'Haydn, des dames causaient Moi
vous savez.... quand on joue de la musique
c'est sacré ! Alors qu'est-ce que je fais "i Je
pose mon archet. Je me croise les bras et je
dis : " Quand ces dames auront fini leur musique
jious reprendrons la nôtre. " C'est qu'elles
n'étaient pas contentes ! mais elles se sont
tues. Nous avons pu jouer tranquillement et
c'était le principal. Ah les dames qui causent
pendant les auditions ! tenez, voilà une des
raisons qui m'auraient éloigné de l'Opéra si
j'avais commencé à le fréquenter Mais je
ne l'aime pas l'Opéra, rapport aux chanteurs et
aux chanteuses Vous allez voir quelle fut
ma chance la seule fois où j'ai voulu y aller de
moi-même pour entendre l'ouverture de Guil-
laume Tell. Ce bon Gaillard m'avait donné
une loge de Scène. Mais comme l'ouverture
se joue rideau baissé, et que dans une loge de
scène j'étais naturellement derrière le rideau,
je n'ai rien entendu !....
La musique, ah oui je l'aime ! Quel est le
peintre qui peut y rester indifférent ? Le Nature
n'est-elle pas une universelle et continuelle
mélodie .''
Le Maître pousse un gros soupir, nous
montre sa main engourdie par les rlunnatismes
et nous dit :
— Mais cette mauvaise bougresse là ne
me permet plus maintenant de toucher à ma
" basse " !
Avec des mots, des intonations qui perdraient
toute leur saveur' à être écrits, avec des gestes
qui ne se décrivent pas, ceux d'un homme qui
a toujours vécu dehors et respiré l'air pur, loin
de l'existence malsaine des Villes, enfin avec
toute sa manière d'être et de s'exprimer qui
nous donne comme l'impression de humer à
pleine bouche une vivifiante brise champêtre,
une bonne odeur de feu de bois et de soupe aux
choux, le Maître nous parle de ses hivernages
dans le Midi, de cette côte d'azur d'où il
rapporta tant de toiles inoubliables. De Beau-
lieu, où durant ses études du matin du soir,
la Princesse d'Arenberg venait le voir et faire
avec lui un grand doigt de causerie. De Ville-
franche dont la " bouillabaisse " le console du
surgissement formidable des hôtels qui chaque
année abîment un peu plus le paysage aujour-
d'hui livré à eux, aux fumées de pétrole des
automobiles, aux rastaquouères, aux anglo-
saxons dont les hommes promènent leur tête
de boxeurs, les femmes leur taille de poutre
et leur profil chevalin.
Silhouettes d'Actualité.
Reynaldo Hahn.
On n'a pas idée comme l'attente prolongée
finit par éveiller des idées bizarres, une menta-
lité singulière. Oui ! à quoi ne peut-on penser
pour tuer le temps qui ne s'en porte pas plus
mal pour cela, lui. Ainsi, récemment, dans
une de ces longues solitudes inoccupées que
sont pour les chroniqueurs l'attente de leurs
sujets vivants, combien ai-je regretté d'être
presque un honnête homme, ou si l'on préfère
de ne pas avoir le courage et le métier suffi-
sants pour être le contraire Horizon
puissamment entrevu dans le petit cabinet de
76
L'ACTUALITE MUSICALE
travail où j'attendais que paraisse Mr. Heynaldo
Hahn, l'auteur de " la Fête chez Thérèse^ " le
nouveau ballet que vient de représenter l'Opéra.
Durant cette bonne (était-elle si bonne que
cela?) demi-heure pendant laquelle le composi-
teur s'est fait désirer, j'ai songé : " Quel temps
précieux perdu ! Avec quel profit remploierait un
cambrioleur très ordinairement doué. " C'est que,
en effet, il y a des souvenirs très artistiques et
de valeur à emporter chez M, Reynaldo Hahn !
Ne parlons pas de cet autographe d'Alphonse
Daudet ou même de cet autre dû à l'auteur de
Chatterton.
'' A voir ce que Von fût sur terre et ce quon laisse
Seul le silence est grand tout le reste est faiblesse
Alfred de Vigny. i8 Novembre 1856.
Oui, laissons cela. On sait le prix que l'on
peut tirer de ces choses, fussent-elles d'un
grand poète et même d'un grand poète mort.
Côté cheminée il y avait plus " à faire. " Cette
merveilleuse collection de papillons, cette reli-
que certainement de proAcnance espagnole :
une grande boîte carrée verticalement close
d'une vitre derrière laquelle apparaît dans sa
cellule, priant agenouillée devant son petit lit
de sangle une religieuse tout de noir vêtue
Aux murs.^ quelques bonnes captures possibles.
Des panneaux d'ébène dont un curieux et pa-
tient plaquage d'argent — ou d'étain — encore
faudrait-il savoir ! — représente des poissons
et des oiseaux Par terrer un riche tapis
ancien qui même pour un collectionneur ne
serait pas à dédaigner, a\'ec son primitif stceple-
chase de petits lapins — brodés naturellement...
Enfin, un piano, ça se de\ine. Mais quoi sur
ce pianor Un phonographe! Oui, avec un
pavillon! Et quel pavillon ! Je ne sais pas
s'il est a vendre, mais comme- il mérite d'être
loué ! P^t vous savez, si ce pavillon là ne marche
pas ne soyez pas en |ieine, il v en a un autre
d'égale dimension, et qui attend son tour.
— Désolé de vous faire attendre
Très brun, fine moustaclie roulée au petit
fer, ombre de barbe au menton, les joues
veloutées d'un récent frimas de pondu-, \v toisi-
à l'aise dans un coin de feu kaki, avant dans la
pliysionomie et dans l'allure uw je ne sais quoi
d'abbé barbu sorti d'une toile de Watteau
ou de personnage échappé d'un conte de Jean
Lorrain, Reynaldo Hahn communique vrai-
ment une impression étrange et qu'on n'oublie
pas Presque espagnol, puisque natif du
Venezuela, encore jeune — à vingt-deux
mois — Reynaldo Hahn avait déjà une oreille
et même deux oreilles énormes Nous
voulons dire qu'il avait à cet âge tendre une
déconcertante délicatesse musicale
Ce fut-elle qui l'entraînait à ces petits scan-
dales toutes les fois qu'un vieil ami de la famille
commençait à fredonner le même air d'opéra
italien invariablement chanté faux. Justement
surpris et flatté d'une telle disposition M.
Hahn père qui pourtant n'était pas un artiste
mais un homme de finance jura qu'aussitôt
capable de marcher seul, l'enfant apprendrait
la musique et entrerait au Conservatoire.
Ainsi fut fait. Le jeune Reynaldo suivit
en effet les classes préparatoires du piano.
C'est d'ailleurs là que pour un oui, pour un
non, et pour d'autres motifs aussi mal définis,
on venait le demander pour servir d'accom-
pagnateur dans les autres classes et surtout
dans celles de clarinette et de maintien. Ces
classes de maintien ! O irrévérence et ironie
des exemples ! A ce moment là qui enseignait
les grâces ? Un pauvre vieux bonhomme décré-
pit, qui tour à tour présentait l'aspect grotesque
d'un crabe en marche ou celui plus pénible
encore d'un fantoche monté — comme la
vieille vigne — sur des échalas !
Empressons-nous d'écrire que M. Re\naldo
Hahn n'a pas emporté du Conservatoire que
ce souvenir lamentable ! Il en a d'autres flat-
teurs, pour l'enseignement de cette école et
pour ses maîtres. Ainsi, a\cc une belle cha-
leur, M. Re\'naldo Hahn nous assvne qu'il n'y
a pas de meilleur endroit pour apprendre la
technique musicale et rencontrer des profes-
seurs comme Massenet — Massenet : le
roi iK-s jirofesseurs, qui n'a pas — selon
Re\-naKlo Halin — son pareil pour faire com-
prendre et ailorer les musiciens du Passé...
A);uit fait dr Sehuniann et de Mozart ses
amis de clavier, Revnalilo Halin retira de ces
excellentes fréquentations une science et une
L'ACTUALITE MUSICALE
11
grâce qui jointes à ses qualités personnelles
devaient tout naturellement le conduire à bien
composer cette partition faite d'imprévus char-
mants et de savantes harmonies qui est " La
Fête chez Thérèse ".
AIDA BONI.
Ni grande, ni petite, menue plutôt, gra-
cieuse, vive et légère, M"'^' Aïda Boni est
avec M"'^' Zambelli, la plus adorable et la
plus vivante expression de la Danse, cet Art
aimable, joyeux et reposant, qui est comme
lît brise, la caresse, le parfum de notre Epoque
laborieuse, violente et tourmentée.
Dans n'importe quel ballet d'Opéra, regar-
dez bien M*^""^ Aïda Boni. Détaillez là depuis
le moment où elle prend son vol, jusqu'à
celui où elle s'immobilise, tel un bel oiseau
qui se reposerait après s'être longtemps joué
de l'air. Et dites-moi si toute cette mélodie de
mouvements n'est que le résultat d'une méca-
nique plus ou moins vite et plus ou moins
intelligemment apprise ? Non ! Comme
M"'" Zambelli, M"^ Aïda Boni est possédée
par l'âme de la Danse. Chose extraordinaire,
comme M'"' Zambelli, M'^*^ Aïda Boni pré-
sente des jambes tout à fait quelconques. Rien
de sensationnel, ni même de discrètement
annonciateur. Combien d'autres jambes, pro-
fanes, si l'on peut dire '•'■ des jambes courantes ",
ont au contraire une physionomie bien per-
sonnelle, une sorte d'éloquence de formes, qui
même vues du côté pile, font penser de celles-
ci, aux mollets débonnaires: '•'•jambes de petite
femme tranquille " ou de celles-là nerveuse-
ment tournées, dont les jarrets se cambrent
avec des airs de défi : " Oh^ oh : " jambes de
petite femme qui ne doit pas se laisser embêter "...
Mais revenons donc aux jambes de M"*" Aïda
Boni qui pendant l'immobilité ne vous ont
pas le moindre air de promettre : •' Fous allez
voir tout a. Vheure cette conversation ! " Oui,
mais attendez que ces jambes s'animent !
Alors ce ne sont plus des jambes, ce sont des
petites personnes, des fées, collaborant avec le
torse, le visage, les bras et faisant leur œuvre
d'eaichantement.
... M®"*^ Aïda Boni a toujours dansé, dès
en naissant ! De joie sans doute à la pensée de
toutes les excellentes choses qui l'attendaient.
La première fois où M"'' Aïda Boni se révéla,
ce fut à Milan, sa ville natale. L'arrivée du
fameux cirque Buffalo Bill l'anima d'un tel
plaisir qu'elle exécuta en pleine place publique
une folle tarentella. Hélas, vous allez voir à
quelles terribles conséquences peut conduire
la manifestation de précoces dispositions choré-
graphiques. Au moment où devant le défilé
Buffàlo Bill, la jeune Aïda Boni tournoyait
comme une petite feuille dans la brise, des
bohémiens la voient, l'évaluent, profitent du
bruit, de la foule, et l'enlèvent. Heureusement
qu'un peu plus loin, grand'maman, qui pas-
sait, vit le désastre et put reprendre possession
de la bambina, cependant que les ravisseurs dis-
paraissaient en toute hâte. Sans elle, Belle
Etoile, où seriez-vous ? Qui seriez-vous ?
Femme serpent peut-être ? Femme à barbe cer-
tainement non !... Enfin, cette première
grande émotion eut cela de profitable qu'elle
mit en garde M""^ Aïda Boni contre le
péril de certaines représentations gratuites
et lui donna un peu plus tard l'aplomb néces-
saire pour subir victorieusement l'examen
d'admission à la Scala de Milan. Etrange
Académie où l'on est reçue première danseuse
ou mise à la porte !...
Après la Scala de Milan^ " la Monnaie
— un bien joli nom pour un théâtre, n'est-ce
pas — , où elle dansa pendant sept ans, après
avoir été à Marigny le bouton de rose dans
" Le chevalier aux fleurs " d'Armand Sylvestre
et Messager, ce fut en 1908, au Cercle de
r Epatant que M'^'^ Aïda Boni devait, à la
pointe de ses escarpins, décrocher au ciel de la
gloire, cette étoile qui, depuis, nimbe ses
beaux cheveux blonds. En effet, qui ne se
souvient des " Deux Pigeons ", où, à côté de
M"® Zambelli, M"'' Aïda Boni mit sur pieds,
ou plutôt sur pointes, un personnage pitto-
resque de sémillante et coquette bohémienne ^
Rôle pour lequel elle était d'ailleurs docu-
mentée, depuis belle lurette ! Sans doute
influencée par La Fontaine, après la fête de
r Epatant^ tout comme le Pigeon de la Fable,
M"*' Aïda Boni résolut d'entreprendre un
78
L'ACTUALITE MUSICALE
voyage en lointain pays. C'est ainsi qu'elle
partit pour le théâtre de Covent Garden :
autant dire une Garden-Party.
Fort heureusement, la perfide Albion
nous a rendu M"'" Aida Boni, non sans lui
avoir appris sa langue et lui avoir donné un
goût très prononcé pour le gui, ainsi que pour
les meubles et les estampes anglaises.
Tôt levée, et chaque fois qii'il est possible
plus tôt couchée encore, M"*" Aïda Boni a
l'Amour de son Art : qui le lui rend bien.
Livrée à ce travail extrême, la charmante
artiste est presque un phénomène : la femme
qui n'a pas le temps de respirer Mais
comptant bien moins sur ses efforts que sur
le bon plaisir de la Destinée, M'"'' Aïda Boni
est naturellement superstitieuse, comme l'est
une Parisienne de naissance italienne.
Aussi ne doit-on pas être étonné qu'avant
d'entrer en scène, cette charmante artiste se
défende contre le mauvais sort avec un signe
de croix ou tout autre geste destiné à la pro-
téger de la guigne : cette cerise amère dont
jy/foiie y\^Yda Boni a toujours ignoré le goût, le
■ mauvais goût ! Il y a cependant un mal contre
lequel M'"'' Aida Boni ne peut rien et qui fait
sa désolation. Ce sont les donneurs de souhaits.
Ah si elle pouvait les donner en pâture au
crododile de l'Or du Rhin. Nous qui sommes
renseignés ; nous ne souhaiterons rien à M"'
Aïda Boni, mais nous souhaiterons à nous, de
voir briller longtemps cette belle étoile à
cet Opéra où fut une si adorable Thérèse.
Qu'après chaque représentation, quand la salle
est vide — le veilleur de nuit nous l'assme —
on peut entendre du haut des toits et en
l'hoimeur de la belle danseuse :
. . . Lfi rossignol caché dans son nid thii'hri'ux
(Uuniti'rcomnir un poète et comme un amoureux..
La boite à Musique
Où KST LA PkINCKSSK JaUNKT
Ce n'est pas celle du Maître Saint-Saëns,
ni celle du peintre Rochegrossc. . . Non, c'est
une Princesse toute vivante, une île nos plus
séduisantes mondaines, si nous sommes bien
renseignés, la femme d'u/j magistiat, ami per-
sonnel de M. Dujardin-Beaumetz... A toutes
les générales, à toutes les premières, princi-
palement à celles de l'Opéra et de l'Opéra
Comique, elle apparaît presque toujours vêtue
d'étoffes légères, soyeuses d'un vieux jaune
chinois qui pare merveilleusement son charme
étrange et très Beaudelairien. Voici pourquoi
on l'a surnomme la Ti incesse Jaune, jusqu'alors
fidèle à toutes ces générales, à toutes ces pre-
mières, pourquoi donc ne l'a-ton pas vue à la
sensationnelle reprise de Phrynt\ la Princesse
Jaune ^ Ce fut vraiment une déception grande,
lorsque dans sa loge, on \ it à sa place une grosse
dame et quelques messieurs sans importance...
La 'Princesse Jaune aurait-elle renoncé aux
plaisirs des réunions bien parisiennes ? A
l'abri du Déluge, reste-elle au coin de son feu,
de\ant son piano, à jouer du Chopin, son
musicien favori ? Est-elle partie respirer l'air
chargé de miel de la Riviera :
Où est la Princesse Jaune : Qui nous rendra
la Princesse Jaune r
Les Maquillés.
Qn roman dans lequel M. Auguste Germain
nous présente nombre de personnalités théâtra-
les où le monde musical est particulièrement
représenté. Riches compositeurs, amateurs,
cantatrices, ténors célèbres, librettistes, cri-
tiques, courriéristes, ménages, mariages et
divorces sensationnels ! Tout un défilé o{\
derrière les masques, il est facile de recon-
naître des \ isages bien familiers... Dans un
cadre pittoresque et vrai, une agitation d'ef-
forts, de talents, de jalousies, de bassesses de
ridicules, tout le commerce, le bluff et aussi le
travail du Pout 'Paris artiste.
Avec impartialité, esprit et une belle tenue
littéraire, M. Auguste Germait» sert à chacun
sa part. Une part qvn' est pour quelques uns
la part du Lion !
l'Hommk Falair.
C'est en province, à Reims. Une jevme et
belle chanteuse \a entrer en scène, émotionnéc
comme il sied à une iHTsoiinc (]ui \a inter-
prêter les (ru\:es d'un composUeur de grande
actualité. M"' X. reprend courage grâce atix
L'ACTUALITE MUSICALE
79
bonnes paroles que l'auteur lui iiulic|ue clans
la coulisse.
— Allons du ncrf^ voyons^ cà tra t?rs bien.
En la poussant l'auteur glisse dans la main
de la cantatrice une chose qu'elle prend de
confiance, sans bien savoir ce qu'elle fait.
Horreur ! quelle est cette chose molle, gluante
et qui s'écrase dans sa main qu'elle n'ose
ouvrir. Pendant tout le temps qu'elle est en
public, la chanteuse garde en ses doigts stricte-
ment fermés, la chose inconnue. Enfin, délir
vrance, c'est fini. Voici le moment si attendu
pu elle se retire. Elle ouvre la main, que
trouve-t-elle ? un éclair au chocolat!...
Le Geai paré des plumes du Paon.
C'est un impressario amateur et très riche.
Sa musique ne fait peut être pas la joie des purs
musiciens, mais elle contente les Directeurs,
qui avec lui n'ont pas besoin de faire recette...
Or, cet amateur a fait recevoir dans notre
bonne ville de Paris un de ses plus récents
opéras, déjà représenté dans une grande Salle
de la Côte d'Azur. Cet opéra a tout une his-
toire — certains disent même une histoire de
brigands.
— /'«z un livret d''Opèra tiré du russe, dit
un jour une belle jeune fille à l'un de nos
avoués les plus favorisés. Pourrie-z-vous me
présenter à un musicien ? — Comme çà se trouve^
mais certainement mon ami X. est h Pans.
Bref, on se donne rendez-vous dans^ un
restaurant de la rue Royale, où au dessert, le
scénario s'étale. Enthousiasme. Projets. Sortie.
Effusion. Au revoir et merci....
Après. Des semaines. Des semaines ! Tout
à coup, la lumière, et comment ! Le monsieur
avait trouvé le livret si bien fait qu'il l'a signé
tout seul paroles et musique.
On nous assure que pour la reprise à Paris
de cet Opéra créé à la Côte d'Azur, le véri-
table auteur prépare une bonne petite ven-
geance. A la prochaine fois le plaisir de faire
connaître les personnages de cette cause essen-
tiellement parisienne.
Le Théâtre " Séraphita ".
il ouvrira au printemps.... Si cela continue
avec ce théâtre Séraphita et les autres qui sont
annoncés, nous en aurons bientôt plus que de
feuilles sur les marronniers! Comme son nom
l'indique, le Théâtre lyrique Séraphita^ ne
représentera que des Opéras exclusivement
célestes, où apparaîtront tous les anges, archan-
ges, et autres personnages, rigoureusement
séraphiques. On nous annonce des décors
merveilleux, et c'était fatal de la musique de
M. Massenet. Enfin, ce théâtre lyrique Séra-
phita^ dont le capital serait constitué par des
actions cotées à la Bourse, sera élevé dit-on
sur l'emplacement actuel de l'Hippodrome
Ne nous frappons pas ! Le théâtre Séraphita
n'est qu'une nouvelle invention de la Société
des " Pince sans rire " qui récemment lancè-
rent un ballon de même couleur : Le théâtre
au service de Dieu, qui devait être gratuit, avec-
une petite indemnité de 2, 3 et 5 francs selon
les places.
Messieurs les Pinces sans rire, un peu d'ima-
gination s. V. p. A propos de Chanteder vous
feriez mieux de nous annoncer les Animaux
Malades de la peste ! Pierre JobbÉ-Duval.
Application
raisonnée des
meilleurs procédés
pédagogiques
et techniques
employés par les
grands maîtres
contemporains
français
et étrangers.
LEÇONS de PIANO
VIOLONSASOLFÈGE HARMONIE
PAR CORRESPONDANCE
COURS SINAT
Rue Franklin, 5, PARIS — Trocadêro.
HH
8o
L'ACTUALITE MUSICALE
Les Instruments
LES NOUVEAUTÉS DE PARTOUT.
Contraste : à l'heure où j'écris ces lignes,
les représentants de la Société internationale
de Musique, section française, font une dé-
marche auprès de notre Sous-secrétaire d'Etat
aux Beaux-Arts, pour sauver la salle du Con-
servatoire de musique, qui par son acoustique,
passe pour la huitième merveille du monde, et
l'autorité compétente (hélas ! que ne le fût-elle
plus tôt !), ferme la salle du Trocadéro, dans le
but d'essayer d'en corriger les échos. Il est
triste de penser que la construction d'une
salle dans laquelle on a installé un orgue de
350.000 francs ait été confiée à des architectes
si peu entendus. Je sais bien que la question
d'acoustique des salles est une des plus ditli-
ciles, et que l'on ne peut a\()ir la prétention
de voir un Vitruve sortir tous les ans de l'iù-ole
des beaux-arts, m' même entrer à rin^ritur à
chacjue... vacance, mais il est certain qu'ici,
les règles précises et primordiales ont été, je
n'ose pas dire ignorées, mais tout au moins
négligées. L'architecture nourrit par.iîr-il co-
pieusement son homme et il y a Vwu i\r s'éton-
ner de voir tant d'erreurs accumulées connue
à plaisir parmi nos monuments modernes.
Seul, l'Opéra, œu\ re d'un inconnu jeune et
sans gros titres, sauve la mise à l'architecture
française moderne.
Puisque nous sommes sur le chapitre de
l'acoustique, saluons la maison Hill de Lon-
dres, laquelle a pris l'iintiative de recueillir des
fonds, en vue d'éle\er à Crémone un monu-
ment à la gloire d'Antonio Stradivari. Tous
les marchands de lutherie devront souscrire à
la glorification de celui dont les œuvres sont
depuis près de trois siècles, leur pain quotidien.
En effet, de l'atelier de cet artiste laborieux
jusqu'à la plus extrême \ieillesse, sortirent un
nombre considérable d'instruments, dont les
survivants prennent, à chaque transaction, une
valeur nou\elle.
En attendant le monument de l'ancêtre,
signalons à l'attention des délicats, un émule
moderne et américain de l'illustre Antonio :
Un Yankee, M. Atkinson, \ ient de terminer,
après un an de labeur (le temps ne fait rien
à l'affaire, dirait Molière) un chef-d'œuvre
étrange. C'est un violon composé de 3.374
cure-dents ! Pas un de plus, pas un de moins.
Inutile d'ajouter que les journaux d'outre-mer
s'émerveillent de la sonorité de l'instrument.
Faire avec de bons et honnêtes cure-dents, un
mauvais violon, me paraît une idée bien co-
casse, l'aurais attendu d'un américain pratique
autre chose, par exemple de faire de bons
cure-dents avec tous les mauvais \ iolons.
Quelle hécatombe !
Puisque nous stunmes en Amérique, arrê-
tons-nous im instant pour admirer l'initiative
d'une dame Anna Schaw P'aulkner. Dans une
série de conférences où elle traite la question
de l'orchestre et ses ressources, Madame
Schaw Faulkner a pour faire la ilémonstration
un orchestre complet sous la main. X'oilà
cruvre vraiment utile, qviaïul on" songe que
braucoup lie compositiurs, théoriciens ac-
complis, composent pour le piano et trans-
crivent pour l'orchestre, au petit bonheur. Ils
doivent être bien étoiniés souxeiit de ce qu'ils
entendent, |H-ut-êtrc- aiuant cpie le public,
fe n'ai pas l'intention île nirilne du piano.
Bien au roiitrau'e. S'il lu' remplace pas un
4
L'ACTUALITE MUSICALE
8i
orchestre, il a son utilité et son rôle. Aussi
ai-je lu avec intérêt que la fabrique de pianos
des frères Perzina à Schwerin, vient de con-
struire un instrument appelé à rendre de
nombreux services, s'il est pratiquement aussi
utilisable que le disent les inventeurs. Il s'agit
d'un piano qui par un jeu de pédales se trans-
forme à volonté en harpe ou en cemhalo
(clavecin d'orchestre). Il pourra servir non
seulement à accompagner la musique ancienne,
mais surtout à remplacer la harpe dans les
orchestres qui ne possèdent pas cet instru-
ment. On affirme que le timbre " harpe
est absolument identique à celui de la harpe
authentique.
Voilà qui trancherait d'une façon césarienne
la question des harpes, si c'était vrai. Mais
rien de plus incertain. Aussi, je répéterais
volontiers aux intéressés le mot du petit père
Thiers : " Il ne faut rire de rien, ni s'alarmer
de rien ".
En Angleterre, pays de toutes les libertés,
on semble ne vouloir rire de rien et s'alarmer
de tout : il paraît que les représentations de
" Salomé " de Richard Strauss au théâtre de
Covent-Garden de Londres, viennent d'être
interdites par la censure.
Je l'ai lu, de mes yeux lu, dans plusieurs
feuilles anglaises sérieuses, et malgré cela j'ai
de la peine à le croire, tant cela me paraît
fabuleux.
Consolons-nous, les anglais viendront voir
*' Salomé " à Paris. Ils en profiteront pour
faire de longues stations dans tous nos moulins
rouges, et, en rentrant chez eux, ils parleront
avec mépris des français, mangeurs de gre-
r^ouilles.
Lucien Greilsamer.
NOTICE HISTORIQUE
SUR LE HAUTBOIS (Suite). ^
Si j'ai pu rapidement énumérer les instru-
ments de la famille des hautbois qui ont
précédé l'époque grecque, je le dois à ce que
ces instruments existent encore de nos jours ;
' Voir le n" du mois de décembre.
il n'en est pas de môme des instruments qui
furent en usage chez les Grecs et les Romains
et dont tous les exemplaires ont disparu.
Pour reconstituer leur histoire, trois sources
s'offrent aux chercheurs : les découvertes
archéologiques, les monuments et les écrits ;
les deux preinières sont incomplètes ou insuf-
fisantes: les découvertes archéologiques ne sont
pas nombreuses et les monuments nous ensei-
gnent seulement que les instruments de cette
époque étaient pour la plupart de médiocre
longueur ; j'ai remarqué cependant que leur
forme était généralement conique.
Il ne reste donc que les écrits mais, comme
le dit Fétis : ^ " Les auteurs grecs, Aristoxène,
" Plutarque, Athénée, Pausanias, Pollux, etc.
" ne fournissent que des noms de " flûtes "
"avec quelques indications sommaires de
" l'usage qu'on en faisait dans certaines cir-
" constances de la vie publique et privée
" On ne peut tirer de leurs récits aucune
" lumière concernant la construction de ces
" instruments. "
Je cite aussi Gevaert : " " Jusqu'à ce jour
" l'incertitude la plus complète a plané sur la
" construction, le timbré et l'étendue des
" auloi ".
Je ne dissimulerai pas la difficulté de la
tâche que j'entreprends en me proposant d'ap-
porter un peu de clarté dans cette partie de
l'histoire des instruments.
Comme je l'ai fait observer à la fin de mon
premier article, les instruments à vent de
l'époque grecque étaient désignés sous le nom
générique d' "auloi" (plur. d' " aulos " mot
généralement traduit par " flûte " ; ^ malgré le
nombre considérable d'écrits d'auteurs anciens
et modernes, sur cette question, je n'ai encore
rencontré aucune solution satisfaisante, certains
^ Fétis, p. 278, liv. 3.
^ Gevaert. La Musique de l'antiquité. Liv. IV,
tome 2, p. 271.
^ Gevaert, ibid p. 273. Ordinairement les écrivains
occidentaux traduisent " aulos " et son équivalent en
latin, " tibia ", par le mot " flûte " en entendant par
là notre flûte à bec. Mais c'est là une désignation
vicieuse, à la faveur de laquelle se sont perpétuées les
idées les plus erronées sur le caractère et le timbre des
instruments à vent employés dans l'antiquité.
82
L A C T U A L 1 T H MUSICALE
ne \ oulant voir dans les " auloi " que des
hautbois, d'autres que des chalumeaux.
Je ne ferai pas comme M. Le Fè\ re qui
désespérant d'y rien débrouiller, couronna ses
veilles pénibles sur cette matière, en faisant des
vers latins pour louer Minerve de ce qu'elle
avait jeté la " flûte " dans l'eau et pour maudire
ceux qui l'en avaient retirée !
J'essaierai d'être simple autant qu'il est pos-
sible de l'être pour un sujet aussi compliqué
et je mettrai tout le monde d'accord en disant
que les Grecs et les Romains ont connu : la
flûte de Pan (flûte à plusieurs tuyaux), la flûte
oblique (nay des Egyptiens), la flûte douce
(flûte à bec) le hautbois, le chalumeau (clari-
nette), la musette et le chalumeau à outre. ^
Il me reste à prouver que l'instrument le
plus en faveur fut surtout le hautbois.
De tout temps - " les Grecs, dans leurs
" " auloi ", les Romains dans leurs " tibiae "
" ont su discerner deux familles d'instruments:
"des "auloi" "tibiae" selon l'acception
" étroite du mot et des " syringes " fistulae ".
" Déjà 1'" Iliade" connaît cette distinction:
" Lorsqu'il (Agamemnon) portait son regard
" sur la plaine de Troie, il était étonné de
" voir tous ces feux qui brillaient sur les murs
" d'Ilion, et d'entendre le son des " auloi " et
" des " syringes " se mêlant au bruit de la
" foule ".
" Quand les écrivains gréco-romains sont
" amenés à marquer nettement la différence
" entre les deux types sonores, le mot " auloi "
" en latin " tibiae " désigne des instruments à
" anche, tandis que les " syringes ", " fistulae "
" sont des flûtes ".
Les "auloi " sont donc des instruments à
anche : Quelle était cette anche, sa forme ;
était-ce une anche simple comme dans la
clarinette, ou une anche double comme dans
le hautbois ?
Avant de résoiulre cette question, il me faut
faire remarquer tout d'abord que les écri\ains
' Seule lotic riCitc tiavfisiôrc actuelle ne tut pas
connue (les G rcrs, le mot "riùte" est donc fort mal
cmployc; pour tjualifier toute une catéf^orie (l'iiistiu-
mcnts (jui à notre époi]ue portent (i<s noms diHVrents.
' Gcvaert, ibid p. 274.
de la période alexandrine prétendent que
r " auloi " fut importé en Grèce par les
Phrygiens. ^
Les Lydiens, le pays d'Argos, la Boétie
s'approprièrent 1' " auloi " et Thèbes fut le
siège principal de l'art "aulétique".
E!n général, les écri\ains qui ont traité
cette partie de l'histoire de la musique, n'ont
\oulu voir dans les " auloi " que des chalu-
meaux : pourquoi : c'est ce qu'ils n'expli-
quent pas clairement.
En comparant divers auteurs, je me suis
rendu compte que bien des détails qui n'auraient
pas échappé à un instrumentiste, ont été chez
les écrivains la cause d'erreurs ; en ce qui con-
cerne les anches particulièrement, les textes
grecs sont assez explicites pour en déduire
l'affirmation que les Grecs n'ignorèrent ni
l'anche simple, ni l'anche double mais, qu'il est
plus souvent fait allusion à l'anche double ; ils
eurent tout comme nous, des facteurs d'anches
et des facteurs d'instruments. -
Fous les écrivains sans exception font re-
marquer que les " aulètes " (joueurs de flûte)
s'appliquaient une sorte de muselière en cuir,
appelée en grec " phorbeia ", en latin " capis-
trum ", laquelle serrant les joues, passait devant
la bouche, de manière à ne laisser qu'un orifice
assez grand pour permettre l'intioduction de
l'embouchure; tout en citant cette particularité,
les auteurs ne s'y arrêtent pas davantage.
C'est à mcMi avis une précieuse indication. En
effet : Pour que l'instrumentiste soit obligé de
mettre un bandage il faut : i" que l'instru-
ment soit pénible à jouer ; 2" que le système
de mise en vibration soit libre, c'est à dire
qu'aucune pression des lè\ l'es ne soit néces-
saire ; en réalité on ne peut et serrer les lèvres
et gonfler les joues en même temps. '
(La phrase de Pollux semble pourtant s'ap-
pliquer dans certaines de ses expressions à un
instrumentiste ne portant pas ce banilage
' Vfiir le 11" (lu mois de déicmbrc.
- Pollux, t. IV, sert. 73.
' Pollux-Onomasticon. On peut dire en parlant d'un
joueur (le "fliite" tiu'il a les joues ]>leines, fjjoiiHOes,
houHîes, (.'levées, itendues, adiicTcntes, pleines de vent,
les veux irritt's san^juinolents.
L'ACTUALITE MUSICALE
«3
" phoibcia " mais clic ne détruit pas ce que
j'avance sur la mise en vibration de l'air ; on
verra plus tard lorsque je parlerai de l'anche
que certains instrumentistes la serraient avec
les lèvres).
Ces " flûtes ", si elles étaient pénibles à
jouer ne pou\'aient être des flûtes douces (flûtes
à bec).
Dans la seconde hypothèse, il faut admettre
que la mise en vibration de la colonne d'air ne
pouvait être obtenue que par une anche, et
aussi, que cette anche devait être bien petite
ppur ne pas gêner l'instrumentiste, ce qui peut
très bien se faire avec une anche double ; s'il
fallait admettre que l'anche était simple il
faudrait aussi penser que l'anche devait être
plus longue qu'une anche double et aussi que
le bec qui est indispensable pour l'anche
simple, aurait singulièrement indisposé l'exé-
cutant. ^
L'anche double est plus admissible, et si le
" phorbeia " a disparu il a été remplacé par
un autre dispositif dont je parlerai plus tard
lorsque je traiterai de l'ancêtre immédiat du
hautbois moderne ; jusqu'à une époque assez
rapprochée de la nôtre, le hautbois (Schalmey)
s'est joué à anche libre introduite dans la
bouche ; il y avait alors à la base de l'anche
qui était très petite, comme une seconde em-
bouchure où les lèvres venaient prendre appui
en même temps qu'empêcher une introduction
trop profonde de l'anche dans la bouche.
Pour que le " phorbeia " ou " capistrum "
soit cité par tous les auteurs, il faut croire que
son usage était courant et qu'il ne servait pas
qu'à un instrument isolé.
D'autre part, Fétis ^ citant Pollux dit ceci :
" D'ailleurs^ parmi la variété de caractère que
" distingue '^Pollux dans le son des ^''flûtes
" grecques^ il V indique comme solide^ plein^
" agréable^ délicat^ flexible^ touchant ou lugubre
" aigu^ aigre^ puissant^ etc. — Des sonorités si
" différentes ne peuvent être produites par un
" mode unique d' ébranlement de V air et cette
" diversité de timbres ne peut se trouver dans un
" seul instrument // n est pas douteux que
" les caractères sonores des " flûtes " ènumérées
^ Fetis liv. 3 p. 281. ■
" par 'Pollux^ n^nt pu être réalisées par le même
" procédé d'' insufflation dans 1rs tubeSy et quil y a
" eu chez les Grecs des flûtes éi anche et d' autres
" // siffet ou embouchure. — On trouve d' ailleurs
" dans un passage du traité de musique de 'Plu-
" tarque la preuve que toutes les flûtes de la
" Grèce n^ étaient pas à anche ; le voici
" Téléphaue de Mégare avait tant d'aversion
" pour l'usage des ANC^HES^ qu'il ne permit
'"''jamais aux facteurs de finies d'en appliquer sur
" ces instruments^ et ce fut la principale raison
" qui r empêcha de disputer le prix aux jeux
" Pythiques."
Je dois opposer ici, la traduction du même
passage de Plutarque cité par Gevaert ' :
" Dans la syringe monoclame, la partie supé-
" rieure du tuyau, renfermant le canal
" d'insufflation et la bouche biseautée, était
" appelée comme l'instrument " sifflet " ; elle
" se séparait à volonté du reste de l'appareil.
" Cela ressort à l'évidence du passage suivant
" de Plutarque : " Téléphane de Mégare
" (célèbre aulète du temps d'Alexandre) avait
" une telle aversion pour l'usage des SIRIN-
" GES, qu'il ne permit jamais, aux facteurs
" d'en appliqvier sur ses " auloi " Ce fut la
" principale raison qui l'empêcha de disputer
" le prix au concours Pythique. "
C'est certainement Fétis qui a raison dans
sa traduction, les "auloi" à ancheétant lesseuls
admis aux concours Pythiques. Gevaert lui-
même se contredit lorsqu'il raconte ^ : " Une
" curieuse anecdote relative à l'aulète Midas
" d'Agrigente, célébré dans la 12™*^ Pythique
" de Pindare, le démontre clairement. Voici
" ce que raconte un ancien scholiaste : Pen-
" dant qu'il était occupé à exécuter le morceau
" de concours, son anche vint à se cacher
" dans la bouche et alla s'attacher au palais ;
" la virtuose se mit alors en devoir d'emboucher
" l'instrument au moyen des seuls tuyaux,
" comme une syringe. Les auditeurs étonnés
" prirent plaisir à ce genre de sonorité, et
" Midas obtint le prix. "
Tous les auteurs citent cette ancedote mais
aucun ne sert de la même expression : " Son
^ Gevaert idib. Liv. IV. Ch. i p. 276-277.
- id. Liv. IV. Ch. i p. 274-275.
84
L ' A C T U A L I T
anche vint... à se cacher... à se casser... à
tomber... à se recourber, cecqui fait dire à
Fctis que les anches étaient en airain. Dégager
la vérité de ces différents modes d'expression
est chose difficile, il est plus logique de penser
qu'un accident étant survenu à l'anche, celle-ci
rendit un son moins criard, plus voilé ou
moins fort, ce qui plût sans doute beaucoup
aux auditeurs.
Je crois en avoir assez dit sur les flûtes
grecques pour prouver que celles-ci étaient
surtout des flûtes à anche ; il me faut encore
démontrer que les anches étaient en général
des anches doubles. Ce sera l'objet d'un pro-
chain article.
A. Bridet,
Agence Musicale E. DEMETS, 2, rue de Louvois
SAI,LK DK LA SCHOLA CAXTORU>r.
VENDREDI 18 MARS 1910, à 9 heures du soir
Mlle Antoinette VELUARD
CfcsAR Franck
ViNXIiXT D'iNDY
3me RECITAL DE MUSIQUE MODERNE
1. SONATE PAUL DUKAS
I. Modérément vite
II. Calme un peu lent très soutenu
III. Vivement avec Icjîerelé
IV'. Tres-lent, animé, vif
2. PRELUDE. CHOKAL et FUGUK . .
3. SONATE E\ Ml
I, Mdiléré
II. Très animé
III. Modéré
Piano ÉRARD
Prix i>e.s Placfjî: Parterre ^ fr. — .Amphithcâtre 3 f 1 . — Galerie 2 f r.
SALI.K DE LA SCIlOLA CANTOKrM
VENDREDI 25 FÉVRIER 1910. à 9 heures du soir
E MUSICALE
Agence Musicale E. DEMETS, 2, rue de Louvois
.SALLE DE GEOGRAPHIE, is^. H.nilevard St.-Germain
MARDI 22 FÉVRIER 1910. à 9 heures du soir
M. sandôrT kôvacs
SE.W'CE DE MUSIQUE ANCIENNE
AVKC I.K CONLOlkS DK
Mlle Magdeleine TRELLI
PHOGRA.M.ME
1. .^I Barafostus Dreame .... Auteur inconnu l6mesii,
Bl Quodiings Delight .... Giles Karnabi 1560-15,.
<-") Fugha per il cembalo . ■ • Gir. Frescobaldo 1585-1644
M, KOVACS
2. A) Non posso disperar . . . . Seb. de Luca 15. ,..-16....
B| Cassate di piagarmi .... Alessandro Scarlalli 1640-1723
CI I In un fiorito pralo lO»/(-<i) . Montevcrde i5()8-i64);
• 1 Lasciatemi morire ICaiito
d'Mrianiia
Mlle M, TRELLI .
3. A) Presto Domenico Scarlatti 1685-1757
B) Gavotte
Cl Menuet
r>) Allegro
l'I Toccata
M. KOVACS
4. a) Dormi bella ^- Gio-B.issami 1657-1716
H) Piepilleta .Andréa Kalconieri
C) Chi vuoi comprar Niccola Jommelli 1714-1774
Mil" M, TRELLI,
Piano STEINWAY
PRIX DES PL.ACES : l'arquet, ire série, la place; 5 francs
— 2me série, — 3 francs
Entrée — 2 franc-s
Mlle Antoinette VELUARD QueStiOllS
2mc RECITAL SCHU.MANN
1. CARNAVAL DE VIENNE (op. 26)
1. Alle^Jro 4. Intermezzo
2. Komaiiza 5, Kinale
3. Sclierzino
2. SONATE en fa tlirze mineur (op. 11)
1, Inliixliizione Allt^'id vlvace
2. Aria
3. SCENES DE LA KORET (op. Kj)
1. Entrée
2. Lc!t Clianseurs aux ajjnel"-
3, Eleiir» solitaircH
4, PoHition décriée
5 Joveux pavHHfîi-
4. ETUDES SVMPlIONK.ilM^
Sociales
3, Scherzo
4. Kinale
6, A l'AulicriJc
7, L"t>i>,eau prophele
N, Chant lie chasse
0 I.C Dépari
l"l>. rv)
Piano ÉRARD
Prix DKs Pi,ac|'.S: Parterre » fi. — Amphithéâtre 3fr.- Galerie i fr.
v:v iNTHRi-yrs professionnels
I-1-. ( ÎKACIKIX CoNtiH'RS
E'articlf cjiu- nous ;u t)ns imblit- sur le
gracieux concours nous a valu un graïul nombre
de lettres et des avis assez, différents. Nous ne
pouvons tout puiilier, mais nous résumerons,
avec impartialité, ropinion des lecteurs qui ont
L'ACTUALITE MUSICALE
«5
bien voulu repondre à notre demande d'en-
quête.
M. Saint-Aubin nous écrit, de Bordeaux,
une lettre assez humoristique, trop longue
pour être reproduite, nous en détaclions le
passage suivant :
"Si vous vous mettez à recueillir les plaintes des
artistes, votre revue n'y suffira pas. Ils sont, par essence,
nerveux, irritables, mécontents et "geignards". Se
plaindre est, pour eux, un besoin et un plaisir dou-
loureux, mais certain. Comme les enfants, dont ils
tiennent, c'est une manière qu'ils ont de se rendre inté-
ressants. Et ils geindraient, de se voir ôter les motifs
de geindre ; aussi n'espérez pas qu'ils vous aideront
dans votre utile campagne, il y faudrait une énergie et
un sens pratique qui leur font absolument défaut ".
Pas aimable, M. de Saint-Aubin ; malheu-
reusement, sa lettre n'aboutit pas à des con-
clusions pratiques dont nous puissions tirer
profit.
Un " abonné de la première heure " se
susceptibilise — g^ire au désabonnement de la
deuxième heure. —
Monsieur,
Le moment est peut-être mal choisi pour les artistes,
et pour vous, qui, de bonne foi sans doute, vous faites
leur interprète, de se plaindre aussi amèrement des
"donneurs de concerts". Croyez que ce sont eux qui,
le plus souvent, recherchent la faveur de se faire
entendre dans nos salons. Comme vous l'avez fait pres-
sentir, il sera très facile aux gens du monde de
s'abstenir de céder aux sollicitations, quelquefois per-
sistantes, dont ils sont trop souvent l'objet et de rem-
placer les auditions musicales par d'autres divertisse-
ments.
Agréez etc.
Voyons, voyons, il faudrait s'entendre.
D'abord nous n'avons pas fait de personnalités
et notre grincheux correspondant devrait com-
prendre que nous protestons, au nom des
artistes, qui s'en plaignent^ contre I'abus du
gracieux concours ; contre la facilité avec la-
quelle on accepte la contribution du talent sans
le rénumérer. Au lieu de s'abstenir, de céder
aux " sollicitations dont il est l'objet " l'auteur
de cette lettre, devrait plutôt plaindre les in-
fortunés musiciens que la concurrence et la
nécessité contraignent d' " offrir " le savoir
qu'ils ont acquis avec tant de peine et dont il
est légitime, pour eux, de tirer profit.
Une femme du monde, qui ne veut pas
qu'on donne son nom, nous envoie une lettre
beaucoup plus précise que nous publions prcs-
qu'entièrcment, malgré des passages un [leu
durs.
Une remarque, en passant. Quelle idée
singulière de ne jamais vouloir signer publi-
quement ses lettres. I>es unes se retranchent
derrière la discrétion féminine, qu'exige le
bon ton; les autres protestent cju'ils ne \eu-
lent point avoir l'air de recheicher une
réclame intempestive en livrant leur nom à la
publicité. Il nous semble (]ue ces raisons sont
petites; la franchise d'attitude, et la netteté
du geste ne les admettent point. Ayons donc
le courage d'être ce que nous sommes jus-
qu'au bout, cela vaudra mieux pour tous.
Remercions, malgré cela, nos aimables corres-
pondants et correspondantes et relisons la
susdite lettre.
Monsieur,
Dans votre article sur le gracieux concours, vous
priez vos lecteurs de vous donner leur avis sur cette
question et vous vous adressez également aux artistes
et aux gens du monde. J'ignore l'avis des premiers,
mais, faisant partie de la " gent mondaine", laissez-
moi vous dire que j'ai été fort surprise de ma lecture.
A vous entendre, il semble que nous soyons de bien
méchantes personnes : Nous " exploitons " les artistes,
profitant de leur talent sans le payer ; nous leur im-
posons des frais dont nous ne demandons pas la note.
Eh ! là, que de méfaits et combien j'ai de remords de
m'étre, si souvent, rendue coupable, car, laissez-moi
vous le dire, chaque fois qu'il m'a semblé bon d'ajouter
la musique comme attrait de quelques réunioTis mon-
daines, j'ai toujours trouvé plus d'artistes à inscrire au
programme que je ne l'aurais désiré et mon embarras
a plutôt été de faire entendre un refus poli à ceux que
je ne pouvais accepter que de solliciter les autres.
Comment pouvais-je me douter, devant tant d'insis-
tance, des intentions vilaines que l'on peut prêter aux
" donneurs de concerts ".
Cependant, et quoique je blâme un exclusivisme et
une ardeur de combattre qui vous entraînent un peu
loin, vos arguments me touchent et je veux essayer, non
seulement d'y répondre, mais encore de "réparer ma
faute — puisque je suis fautive — et engager mes amies
à semblable réparation. Des femmes, et, croyez-le.
Monsieur, surtout des "femmes du monde", ne
peuvent rester insensibles à une souffrance si, même
injustement, elles sont accusées de l'avoir causée.
Je crois qu'il ne faudrait pas prendre la question en
bloc, comme vous l'avez fait, mais rechercher les cas
86
L'ACTUALITE MUSICALE
dans lesquels le gracieux concours peut être utile aux
artistes et ceux dans lesquels il leur est nuisible. Il est
évident qu'à un début de carrière il est urgent, pour
l'artiste, de se taire connaître. Au sortir de l'école, cette
présentation au public est comme un complément
d'instruction ; c'est une nouvelle et nécessaire expé-
rience à acquérir (quelquefois aux dépens des auditeurs) ;
c'est, pour le débutant, un supplément des charges à
compterdans les frais d'éducation. On ne peut vraiment
exiger, si bénévoles que nous soyons, que nous
offrions des cachets d'importance à déjeunes élèves qui
font, sur une véritable scène, leurs premiers pas, quel-
quefois mal assurés. La seule chose dont on pourrait
convenir, en ce cas, c'est de donner une moJicjue
rénumération à ceux qui tentent ces premiers essais. ' C'est
ce qui se fait déjà, dites-vous, sous le nom d'indemnité
de déplacement, l'usage pourrait se généraliser. ' Quant
aux autres, aux "arrivés ", ce sont eux qui posent leurs
conditions. Restent ceux qu'une persistante malechance
a poursuivis. Croyez- vous. Monsieur, qu'il y ait, parmi
eux, tant de méconnus et que le -frai talent reste si
ignoré ?
Mais je m'aperçois que je m'éloigne de la question
et, qu'au lieu de réparer ma faute, comme je m'y suis
engagée, je l'aggrave encore. Venons donc à l'idée que
je veux vous soumettre et qui pourrait être facilement
mise en pratique. Fondez, une ligue contre F abus du
gracieux concours. Par ce temps de ligues, cela n'aura
rien de surprenant. Les " donneurs de concerts " qui
s'y inscriraient, prendraient l'engagement de ne jamais
accepter le concours d'artistes à titre absolument gra-
cieux. (Quant à fixer un minimum, ou un maximum,
il ne saurait en être question). Je vous envoie mon
adhésion le jour où vous commencerez la liste et vous en
promets plusieurs autres. S'il devenait à la mode de
faire partie de cette ligue, le sort des artistes auxquels
vous vous intéressez, avec un si généreux emporteinent,
serait C|uelque peu amélioré. Veuillez croire que je le
souhaite de grand cœur...
Nous avons donné cette lettre presqu'en-
tièremcnt, les considérations finales, sur le
fonctionnement de la ligue importent peu,
bien que le projet mérite d'être pris en con-
sidération à la Société française dci Amis de la
musifjuc. Elle nous intéresse en ce qu'elle
confirme l'avis de notre " abonné de la pre-
mière heure ". Les artistes se sont offerts trc>p
facilement et ont travaillé à leur propre mal.
Des conversations récentes, ipie nous avons
eues sur ce sujet, concluaient dans le même
sens. Un jeune chef d'orchestre nous disait :
" Ils nie supplient de K-s htire enteiulie, je ne
' C'est nous (|ui soulignons ce passage intéressant.
peux pourtant pas leur offrir de l'argent. "
C'est très juste.
Arrêtons-nous ici pour aujourd'hui. De
nouvelles missives m'arri\ent en si grand
nombre que j'ai besoin d'en faire le classe-
ment. (Il y en a exactement 95 !) Nous résu-
merons tout ce débat dans le numéro du
1 5 mars et essaierons d'en dégager un en-
seignement utile.
M. D. AU BRESSE,
FAITS SOCIAUX
Thk.atres. — Dans un des théâtres de New-York
le directeur se propose d'occuper les entractes par des
auditions musicales dans le caractère de la pièce. Pour-
rait être essayé ici. — La compagnie des ^arzuélistrs
espagnols de Madrid va donner des représentations en
Italie. Pourrait être invitée en France. — A Saint-
Moritz (Engadine) on va installer un- théâtre en plein
air. — A Paris 13 et 15, Avenue Montaigne, on va
construire un théâtre vraiment moderne.
Concerts. — A Londres, au Coliseum, audition de
l'orchestre des balala'ikistes. Serait intéressant à Paris.
— A Lyon on fonde une société de concerts, anonyme,
au capital de un million. — A Parme l'église del Car-
mino va être transformée en salle de concerts. Désaffectée
depuis 1810. — Steltenbosch distante de quelques
milles du Cap (Afrique du Sud) a un Conservatoire ;
un chœur mixte de 100 exécutants et un orchestre de
50 musiciens. Les programmes comprennent des
(euvres de Haydn, de Mendelsshon, etc.
Mouvement Social. — L'entente est parfaite
entre les huit syndicats suivants, qui imposeront, à
tour de rôle, leurs revendications : Union syndicale des
Artistes Lyriques. Union syndicale des c/ioristes. Fédération
des Artistes Musiciens de France. Syndicat des machinistes-
accessoiristes. Union syndicale des Artistes C/iorégrap/ics.
Union syndicale des Artistes Dramatiques. Union syndicale
du petit personnel des théâtres et concerts. Section des
électriciens des théâtres. — Le Syndicat des Artistes
Lyriques, adhérent à la C.G.T. vient d'absorber la
Féilération indépendante des artistes lvrii]ues qui se
syndique pour obtenir la tin de la pornographie au
concert, un minimum tle salaire, le paiement des
matinées et la suppression des agences. — Vn généreux
anonyme donne cent à cinq cent mille frs à des artistes
([ui s'engageront à construire un music-hall où la
moiali- scia icspecicc.
Knsekjmment. — A Munich, on vient de fonder
une Société Pergolèse qui se propose, la publication, en
L'ACTUALITE M U S I C A L IC
«7
éditions nouvelles, des principales (L-iivres du maître et
la mise à la scène de ses opéras les plus renommés, -ir-
Dans une des villes de rAméric|ue du Nord les enfants
offrent, chaque mois, à la musique, un acte d'amour.
Ils inscrivent sur une feuille blanche attachée à la
chaire du jiiaître, ce qu'ils se proposent de faire en
riionneur de la Musique et .-ignent de leur nom.
L'idée est jolie, à mettre en pratique. — Les conser-
vatoires de Cologne, de Heidelberg et l'Académie
impériale et royale de Vienne ont adopté la gymnastique
rythmique de Jaques Dalcroze. — A Munich, il y a
quatre ans, on a fondé une bibliothèque musicale
populaire qui est florissante. Son catalogue comjjrend
7.600 numéros, elle compte 77S abonnés. Les femmes
représentent 1/6 du total. Wagner a été demandé
689 fois. Stuttgart, Vienne, Cassel, Salzbourg, Ham-
bourg vont créer des bibliothèques analogues. On
songe déjà à une fédération de ces institutions. — Le
Musée Instrumental du Conservatoire de Bruxelles
vient d'acquérir le jjiano appartenant à François-Joseph
Fétis le célèbre musicogi-aphe, piano carré qui mesure
2 mètres de long et construit de manière à servir de
bureau ministre. Le dessus est garni de cuir gaufré or
et le clavier peut se repousser à l'intérieure. Avis à
Gustave Lyon ! — Le concours d'essai pour le grand
prix de Rome aura lieu désormais, chaque année, le
premier mardi de Mai. — A Genève, organisation
d'un concours de quatuors vocaux ; à essayer ici. —
Prague vient d'établir, à l'université une chaire de
musique à l'exemple le Berlin, Vienne, Leipzig. —
Relevé dans le programme d'une de nos Facultés de
province : le cours d'histoire de la musique portera sur
Fei-'vaal de M. V. d'Indy. Prihr Je se munir de la
partition ; pourrait être généralisé.
Invkniions. — I,a musique contribuant à la beauté
de l'appartement. Nouveau style : les lampes en forme
de lyre ; les paravents ornés de portraits de musiciens ;
le piano servant de motif de tentures ; et les ustensiles
des services à thé ou à café aflPectant la forme des
notes. — Dans le même ordre d'idées : à noter les
admirables panneaux pour la décoration d'une salle de
musique, école italienne, salon de 1909.
Bibliographie. — A Londres publication d'un
nouveau journal Le Chœur consacré à la musique
d'église et à l'hymnologie. — A Sainte-Pazanne
(Loire Inférieure), publication d'une nouvelle revue
musicale Le Barde.
Divers. — L'associations des musiciens italiens qui
se réunira à Ferrare en 1910 inaugurera le monument
élevé à Guy d'Arezzo à Pomposa. : — On nous annonce
la formation d'un orchestre de femmes. La direction
en serait confiée à M"^® Nadia Boulanger ou à M"'"
Toutain Grûn. Les promoteurs: M'''* Coquard, M™""
Chausson, Gallet, etc., demanderaient la Salle du
Conservatoire p6iur y donner des auditions. Bon succès
à cette intéressante tentative.
Nous sommes heureux d'annoncer que notre colla-
borateur P. Jobbé-Duval de la Petite Gironde, vient
d'être nommé correspondant à Paris pour tout ce qui
touche à l'Actualité.
AUX HAUTES ETUDES SOCIALES
ir
i6 et 23 Novembre : — M. Prunières,
parlant de l'œuvre de jeunesse de LuUv, montra
comment le Florentin devint peu à peu un
musicien exclusivement français. Par les ballets
et Jes comédies-ballets, il arriva aux opéras.
iM"'' Bertaux et M. Sautelet, avec une vive
intelligence, interprétèrent divers airs majes-
tueux ou bouffons.
30 Novembre : — M. Paul Marie Masson
qui devait donner trois conférences sur Rameau
est parti en mission pour Florence où il
organisera la section musicale de l'Institut
français. MM. Prunières et Romain Rolland
le remplaceront. M. Prunières indique la place
que la musique occupait dans la musique du
XVIT' siècle. Elle est plus en faveur qu'on ne
se l'imagine sur la foi de gens de lettres jaloux.
Il faut lire les gazettes. I^a musique intervient
dans toutes les manifestations de la vie, chez
les nobles ou les bourgeois. Décor nécessaire,
il n'y a pas de fête sans elle. Les bousculades
à la porte de l'Opéra sont significatives.
7 et 14 Décembre : — M. Romain Rolland
s'occupe de Hxndel. D'abord la description
au physique de ce véritable géant, puis un
portrait psychf)logique. H. est loyal, indépen-
dant autant que Beethoven et il montre une
énergie héroïque durant vingt ans de lutte en
Angleterre. Sa musique paraît insensible, parce
qu'elle était pour lui une région sereine où la
passion ne devait pas pénétrer. Au demeurant,
il était très bon rt la charité fut sa seule
religion.
Il est purement objectif et il a le sens peu
germanique de la forme. On l'a accusé de
plagiat, sans raisons. Il a emprunté des
thèmes, mais il faut voir ce qu'ils étaient et ce
qu'il en a fait. D'une façon générale, nous
connaissons mal H. faussé par Mendelssohn et
les Antilais. Ils en ont fait une manière de
compositeur dévot et aristocratique. Comme
l'orateur antique, il s'adressait au peuple.
2 1 Décembre : M. Calvocoressi, sous la
rubrique le Mois musical^ traita des récentes
productions musicales.
II, 18 et 25 Janvier : — M. Pirro parle
de Buxtehude, en s'appuyant principalement,
dans l'œuvre du vieux maître, sur les cantates
que possède l'Université d'Upsal et que M.
Pirro doit publier. Après quelques explications
sur la tablature et sur la disposition manuscrite
d'une page de B., M. Pirro indique le carac-
tère général de cette musique. Populaire et
vulgarisateur, B. simplifiait ; des fragments de
de gammes ou d'arpèges formaient ses mélo-
dies traitées selon les exigences de l'antique
contrepoint ; un thème fréquent est sa hrrga-
masque très répandue à cette époque.
Les harmonies sont limpides, tonales et
franches. B. oppose à ses mélodies des accords
consonnants. Il emploie fréquemment les ac-
cords de sixte, au besoin la tierce. Il adopte
l'accord de quarte et sixte dont on commence
seulement à se servir ou\ertement. Il aime les
accords de septième pour leur clarté. Il ne
s'en sert pas, comme mo\ens expressifs, mais
pour éveiller l'attention.
Comment l'orchestre de B. est-il composé ?
Le \ iolon y tient le premier rang. B. n'exige
pas une très grantie \irtuosité. Comme ses
conteinpoiains, il n'écrit pas au-delà de 1'//^
dièze et du /('au-dessus de la portée. Très rare
est le mi qui, au ilébut du XV III'' siècle, sera
encore la note extrême. Les exemples de
doubles cordes sont rares. Assez fréquemment,
on trouve des traits en arpège et des passages
rapides, et aussi le trnnolo qui constitue une
nouveauté. Il y avait, à Lilbeck, une école île
violonistes florissante. I,a viole de gambe a aussi
une place importante tlans l'orchestre de B.
Les instruments à vent ne jouent pas im rôle
aussi granil. Peu de flûtes. Le basson intervient
L'ACTUALITE MUSICALE
89
souvent et aussi les trompettes, pour donner
de l'éclat dans les compositions solennelles, li.
use surtout du clarïno petite trompette plus
courte et plus étroite dont on obtient certaines
notes au moyen des sons bouchés. Le cornet,
en faveur durant le siècle, est plus souple pour
les transitions. Quant aux trombones, ils
tiennent la place des cors modernes.
Pour les voix, B, franchit les limites de
l'étendue moyenne surtout pour les soprani et
les basses. Il avait d'ailleurs à sa disposition
des chanteurs émérites.
, Une question essentielle est celle de la
réalisation de la basse continue. Dans certaines
pièces, B. a omis les chiffres de la basse.
Seraient-ce des passages ad libitum avec des
fioritures ? M. Pirro ne le croit pas, B. étant
assez rigoureux sur ce point. D'une façon
générale, les indications orchestrales manquent,
ce qui permet les plus grandes erreurs.
CONCERTS
13 et 20 Janvier : — Une audition de la
Servû padrona offerte aux invités de l'Ecole,
ouvrit la série des concerts que M. Expert
organise. Ils sont consacrés à la musique de
chambre en France et en Italie aux XVIP et
XVIIP siècles. A la première de ces séances,
nous avons fait une incursion dans le XVP
siècle. Il est impossible de rendre compte en
détail des deux beaux programmes abondants
sans longueur qu'exécutèrent avec soin les
artistes du quatuor vocal Expert et du quatuor
instrumental Luquin, Mesdames d'Almeïda,
pianiste, Jane Argez et Claire Hugon, canta-
trices.
Gabriel RouchÈs.
L'Edition
Musicale
LA " BERENICE " DE M.
MAGNARD
ALBERIC
J'ai tenté naguère ^ de définir la puis-
sante individualité de M. Albéric Magnard
et la valeur singulière d'œuvres qui, même
privées du bénéfice de l'exécution instrumen-
tale ou de l'animation scénique, — honorent
notre pays et classent parmi les meilleurs com-
positeurs de ce temps un musicien volon-
tairement confiné dans la retraite, loin des
instrigues et de l'agitation stérile où se com-
plaît l'arrivisme de tant de ses congénères,
travaillant sans relâche et ayant, à l'aurore de
sa maturité, donné sa mesure dans tous les
genres. J'avais alors déploré le peu de zèle de
nos sociétés à inscrire sur leurs programmes sa
Troisième Symphonie ou ses ouvrages de musique
de chambre, et l'inexplicable obstination de
nos théâtres à ignorer une tragédie musicale
aussi noble, aussi généreuse, aussi pleine de
substance que Guercœu?-^ qui depuis dix ans
déjà, attend sa réalisation scénique.
Rien de tout cela hélas ! n'a changé. La
mâle simplicité de la musique de M. Magnard,
son accent incisif, ses brisures souvent agres-
sives, son parfait dédain pour les " curiosités "
harmoniques si fort en vogue par le temps qui
court, sa généralité classique, son originalité
inorale surtout, tellement éloignée d'une facile
recherche d'excentriques singularités, n'ont rien
^ Courrier Musical du 15 juillet 1907.
90
L'ACTUALITE MUSICALE
de ce qu'il faut pour lui concilier la ta\eur de
nos esthètes avancés ou de l'écœurant snobisme
de nos salons. Loin d'en prendre souci M.
Magnard, fidèle à ses principes d'indépendance
laborieuse, a poursuivi sa besogne et nous donne
aujourd'hui dans une seconde tragédie lyrique
l'expression, plus définitive encore, de son art.
Je ne prétends pas, cette fois-ci, considérer
en détail la partition nouvelle. D'ailleurs avant
sa représentation, quelle minutieuse anah'se,
quels industrieux commentaires lui gagneraient
plus de partisans qu'une lecture approfondie,
tant il est vrai que ce n'est pas la théorie dont
on les croit issues, mais bien uniquement
l'éloquence communicati\e du génie créateur
qui prête aux productions artistiques toute leur
force persuasive?... Au cours d'une fière et
spirituelle préface, qui déjà le dépeint tout
entier. M. Magnard explique comment il
conçut l'idée d'interpréter musicalement le
sujet de Bérénice^ et pourquoi, sans toucher au
délicieux chef-d'œuvre de Racine, il fut amené,
écartant toute inutile complication, à réduire
l'intrigue de son poème au débat de conscience
si fortement résumé dans VInvitus invitam de
Suétone. Par la simplicité de l'action, l'inten-
sité héroïque des sentiments l'atmosphère ten-
dre et douloureuse du cadre, la sobriété
poétique du langage, le poème de la Bérénice
nouvelle convient en effet particulièrement à
sa destination lyrique, et à la nature artistique
de M. Magnard.
Comme dans Gurrcceur en effet, et même
davantage ici la musique est la conscience vi-
vante, la raison d'être de l'œuvre ; la source
magique où le drame piuse sa vie. Il faut louer
M. Magnard d'avoir ainsi appliqué le prin-
cipe essentiel et vivifiant de la théorie wagné-
ricnne. Je n'en veux pour preuve que le
zèle expressif, la logique tonale avec quoi
le discours musical s'empare du drame, le
pénètre et le transporte en lui. Je me bor-
nerai à vous en rappeler les qualités intrin-
sèques, aussi frappantes que par le passé : cette
vie tumultueuse, cette véhémence rythmique,
cette précieuse faculté d'invention thématit]ue,
cette solidité de structure, cette curieuse utih-
sation des formes sym|ih()ni(|ues, cette conci-
sion presque linéaire d'écriture, cet éloignement
instinctif de toute fadeur con\entionnelIe, cette
subtile psychologie des caractères, cette décla-
mation continuellement mélodique, ordonnée
et nuancée suivant une discipline toute indivi-
duelle. Vous les trouverez tour à tour dans la
belle préface svmphonique, qui contient en
puissance toute la signification émotioimelle de
l'œuvre, puis, au premier acte, dans l'attente
angoissée de Bérénice, l'arrivée de Titus,
l'ardente scène d'amour avec les délicieux
chœurs dans les jardins, — au second acte,
dans la poignante méditation de Xitus, la scène
du sacrifice, entrecoupée par les féroces cla-
meurs du peuple, — au troisième acte enfin,
dans l'ultime entrevue des deux amants sur la
trirème de Bérénice, dans le rythme puissant
du chœur des rameurs, et surtout dans la
sublime déploration de la reine abandonnée,
sacrifiant à Vénus la parure de ses admirables
cheveux.
En vérité, cette scène finale de l'œuvre, où
le sentiment pathétique concentré atteint à
une profondeur extraordinaire, où l'émotion
souveraine crée avec elle la clarté, où le style
le plus ferme et le plus éloquent sait toujours
rester pur et noble, où l'harmonie générale
n'est jamais troublée, — réalise cet équilibre
supérieur des facultés du cœur et de l'esprit
qui permet seul à l'art d'atteindre son but
suprême d'expression lunnaine... Et vous
reconnaîtrez dès lors a\ec moi dans cette
Bcrènicr à la fois si classique et si française, —
renouvelées par l'originalité vivace d'un tem-
pérament moderne, — les vertus essentielles
d'unité, de tenue et de sobriété, qui distinguent
un opéra de Rameau ou une tragédie de
Racine.
A une époque qui connaît la disgrâce de
voir la marée montante des pioiluits les plus
grossiers du vrrismr italien et d'une estiiétique
(le niui'h-hall enxaliir le répertoire des théAtres
v trioiui^lur a\ic unpudence et en chasser
peu à peu tout art éle\é, — grâce à la b.as-
scsse des instincts, à Tincurahle hostilité liu
gros public, grâce aussi à notre coupable
indifférence ou à nos mesquines liisputes de
chapelles, — rix-uvri- île M. Magnard apporte
L'ACTUALITE MUSICALE
91
un réconfort et une compensation trop rares
aux gens pour qui le goût n'est pas une chose
\ aine, je souhaite qu'en lui offrant une hospi-
talité, d'ailleurs peu onéreuse, le directeur
d'une de nos scènes lyriques subventionnées
honore bientôt sa gestion et fasse de nouveau
à une musique vraiment de notre race la place
qu'occupèrent naguère avec éclat Fcrvaal,
Louise^ V Etranger^ Pellèas et Mèlhande^ Ariane
et Barbe-bleue. Puisqu'il s'est trouvé un public
cultivé et averti, capable d'apprécier la pureté
raffinée de la poésie d'un Jean Moréas, il serait
hi,imiliant de songer qu'il n'existe pas aujour-
d'hui une élite du même ordre pour aimer la
Bérénice latine de M. Magnard ^ et comprendre
le sens profond de sa beauté. Le seul but de
ces brèves lignes aura été de tâcher de lui en
inspirer dès à présent le désir.
Gustave Samazeuilh.
LE QUATUOR A CORDES DE
THÉODORE DUBOIS.
Depuis le mois de Mai dernier, je m'étais
promis de signaler tout spécialement aux
amatevirs de musique de chambre le Quatuor
à Cordes de Th. Dubois, que nous avaient
fait entendre d'après le manuscrit MM. Parent,
Loiseau, Brun et Fournier, et qui parait enfin.
Un Allegro avec introduction lente, un
Vivace en scherzo, un Larghetto et un Allegro
vivo forment les divisions classiques de cet
ouvrage. Le thème, qui s'annonce d'abord
' La partition de Bérémce, tragédie en musique, de
M. Albéric Magnard est en vente à V Edition Mutuelle
269, rue St-Jacques, à Paris et chez l'auteur à Baron
(Oise).
chromatique et timide, s'essore dans le premier
morceau, se renverse et se morcelle dans le jeu
du scherzo, s'étire dans le largo, et, tout
simplet enfin dans la finale, se prête à un
amusant canon. L'ensemble, très pondéré, très
maitre de soi, tranche cependant sur beaucoup
d'autres compositions de M. Dubois, j'oserais
dire qu'une œuvré de ce genre est plus voisine
de la rue St. Jacques, où nous l'avons enten-
due, que de l'Institut. Il y a des gens de parti
pris qui n'admettront jamais l'esthétique de
M. Dubois, mais les autres trouveront dans ce
quatuor un intérêt constant, une force sou-
tenue, qui ne laisse place à aucun développe-
ment inutile. C'est l'œuvre d'un maitre délivré
de toute contrainte pédagogique, de tout souci
administratif, et que l'inspiration jalouse
entraine vers cette musique pure dont le
quatuor à cordes est l'interprète le plus auto-
risé. Notre art français s'honorera d'un effort
aussi noble. J. E.
TE DEUM DE BERLIOZ
Notre collègue, M. Adolphe Boschot, dont
la grande bibliographie de Berlioz est devenue
classique, vient de publier un intéressant arti-
cle dans le Correspondant du 25 Décembre
sur la musique religieuse de Berlioz, dans
lequel il donne de très curieux détails sur le
Te Deum écrit en 1 848, et analyse un prélude
d'orchestre de Berlioz, que le compositeur
Balakirev a retrouvé sur le manuscrit gardé à
Saint-Pétersbouro;.
J. E.
Le Gérant : Marcel Fredet.
Impr. par The St. Catherine Press Ltd. Bruges, Belgique.
Concerts annoncés pour
la seconde quizaine
de Février et la première quinzaine de Mars
SALLE GAVEAU
28
Deuxième concert des Frères
Kellert
soirée
lirancle Jsalle
FEVRIER
MARS
I
Société Philharmonique .
soirée
15-
2"* soirée du Cercle Militaire
soirée
2
Concert Durand
soirée
i6.
Premier concert donné par la
6
Lamoureux
matinée
Maison Durand ....
soirée
8
Société Philharmonique .
soirée
i8.
Concert au bénéfice du Sana-
9
13
Durand
soirée
torium Maritime ....
soirée
Lamoureux
matinée
20.
Concert Lamoureux . . .
matinée
14
Concert Canivet (piano et or-
20.
La Solidarité Commerciale .
soirée
chestre
soirée
22.
Société Philharmonique . .
soirée
23-
Deuxième concert donné par
Salle des Quatuors
la Maison Durand . . .
soirée
I
Union des Femmes profes-
24.
Société J.S. Bach (répétition
seurs et compositeurs . .
matinée
pubHque
matinée
10
Mademoiselle Percheron . .
matinée
25-
Société J.S. Bach: La Passion
10
Mademoiselle Chareau. . .
soirée
27-
selon St. Jean
soirée
matinée
15
Union des Femmes profes-
seurs et compositeurs .
matinée
Concert Lamoureux .
SALLE PLEYEL
24
La Société des Compositeurs
Grande Salle
de Musique (2*^ séance).
soirée
FÉVRIER
25
Mme Roger Miclos Battaille
soirée
"=;•
Madame Alitault Steit^er . .
soirée
26
Mr. Georges Binon.
soirée
16.
Mr. Joseph Debroux {2® sé-
27
Mme Bernard (institut Sé-
ance)
soirée
vigné) Elèves
matinée
'7-
Mlle Marguerite Masson . .
soirée
28
Madame L. Wurmser . . .
soirée
18.
Mlle Clémence de Cock .
soirée
19.
La Société Nationale de Mu-
Salle des Quatuors
sique (3"^ séance) ....
soirée
20
Madame Asselin (Elèves).
matinée
21.
Mme Roger Miclos Battaille.
matinée
23
Le quatuor Calliat (3'' séance)
soirée
21.
Mme Jeanne Carcassanne. .
soirée
24
M'"" Buisson Ciianlier (Elèves)
matinée
22.
Mme Legrix (Elèves) .
soirée
27
M'"" Breton Haimagrand
23'
LequatuorLejeune (3'' séance)
soirée
(Elèves) ..."....
matinée
SALLE ERARD
M.
I
\RS.
M. (ÎALSTON . . Piano
i'i':
\'R1ER
2
MmeCAi'ONSACcHi-
Jkisslkr . . . X'iolonc, i
•t Piano
16.
M. IsNARuoN . . Aud. de ses Elevés
^>
Ml Cakkmk . .
<7-
M. (Iai.ston . . Piano
4
5
M. DK RaDWAN i'i. 111(1
18.
M. DK RAf)\VAN .
M. Stauh
19.
M. LoYONNKT. .
()
M.WiNTZWKii.i.KK Matinée (
Elèves
20.
Mme CHAUMf)NT. Matinée (
r Elèves
J
M. LovoNNKT. . Piano
21.
M. RiCARDo ViNKS Piano
,s
Mlle Lkwinsoiin
22.
M. i)K Radwan
l)
Mlle Laimk. . . Violon
23-
Mme Bai.ti^s
1 (1
M. m l'iCANCMISNlI. I'i.m«;i\vilcc..iu-,.m-sdc |
Jacouari)
lOulii-strc
i.;iini>iiic'ii\.
24.
M. (iAI.STON . .
1 1
Mil. IVmvKV. . . Piano
25-
Mlle Lakui-kkr .
1 2
M. (Idi.dsciimidt.
27.
M. DiMiTui. . . MaliiK-f (
•l'-.lev.s
13
Mlle Tih'I1.i.ii;r . Matinée c
r Elèves
28.
M. Sai.omon . . i'i.mo
> 1
M. Emii.Sai'I'K . Piano
1 5
M. (ÎKANi)iANV Harpiste
(|ii.itnor
avec le
rcnrhc.
L'ACTUALITÉ
MUSICALE
ANNEXE DE LA REVUE MUSICALE S.I.M.
PUBLIÉE PAR LA SECTION DE PARIS DE LA
SOCIÉTÉ INTERNATIONALE DE MUSIQUE
5 MARS 1910
FRANCE ET BELGIQUE
Le numéro: 0.40 -Un an: 4.00
UNION POSTALE
Le numéro: 0.60 - Un an: 6.00
L'JCTUALITÉ MUSICALE
REDACTION
PARIS: 22, RUE ST. AUGUSTIN
BELGIQUE : RENE LYR A BOITSFORT, BRUXELLES
ADMINISTRATION :
LIBRAIRIE CH. DELAGRAVE, 15, rue Soufflot, PARIS.
Tous les mandais doivent èire adressés soit à la librairie DELAGRAVE,
soit à M. REtKÉ LYR.
SOMMAIRE DE L'ACTUALITE
DU 15 MARS
THEATRES ET CONCERTS, à Paris par GvîiRUA.or — Province. — Belgique. —
Etranger. — LES INSTRUMENTS: les nouveautés de partout par L. Grkii.samer.
Notice historique sur le liauthois par Hridkt. — QUESTIONS SOCIALES; le Gracieux
Concours (/in) par M. Dai'hkkssk. — COURS ET CONFKRENCES : à IT.cole des
Hautes Etudes Sociales ; à l'Institut l""rani;ais île Florence; les grandes époques de la musique;
à la Faculté de théologie; à l'Institut Pschygologicpu-. — L'ÉDITION MUSICALE.
Théâtres et
Concerts
Notre monde des Concerts s'est assez vitç
remis des émotions de la fin de Janvier et des
perturbations que la Seine avait apportées à
l'emploi de ses soirées. Il n'en est plus resté
que quelques interversions dans l'ordre prévu.
Bref, nous voici en pleine ferveur musicale
pour trois mois, avec six, — peut-être bien
sept — concerts dominicaux et les infortunés
critiques sont terrifiés par l'invasion toujours
croissante des exécutants de tout ordre.
Le Conservatoire a eu un grand succès
avec la Symphonie le M. Paul Dukas qu'il
donnait pour la première fois. On ne l'avait,
croyons-nous, entendue qu'en 1897 aux assez
médiocres concerts de l'Opéra. C'était donc
à peu près une nouveauté et l'on pouvait redou-
ter la réserve traditionnelle des abonnés. Bien
au contraire, l'accueil fut presque triomphal.
Les œuvres nouvelles que donne cette année
le Concert Lamoureux ne nous révèlent
rien jusqu'à maintenant, ou peu de chose :
cependant le Rêve de Ste Thérèse, poème
symphonique de M. Raoul Brunel mérite la
mention très honorable que le public lui a
décernée. Un thème fort simple a fourni à
l'auteur qui, sous son nom de nuance différente
appartient, comme on sait, au corps médi-
cal, l'occasion d'une étude musico-physiologi-
que. Cela rappelle un peu l'entracte connu
d'Esclarmonde.
Aux Concerts Colonne, M. Pierné fait
dans ses trop copieux programmes plus de
place aux œuvres nouvelles. Iberia, de M.
Debussy ne nuit pas aux pièces analogues
d'Albeniz et de Ravel. Un fragment d'un
drame lyrique de M. H. Maréchal " Autour
d'une tiare " dont M. Delmas — toujours
trop Wotan — fût le protagoniste, a paru
languissant au Concert. Il faudrait le voir et
l'entendre au théâtre.
Il manque encore aux Concerts Sympho-
nia une exécution plus corsée, plus homogène
et un public plus nombreux. N'y a-t-il pas
témérité à donner un quatrième Concert régu-
lier le dimanche ?
Deuxième Concert Sechiari (cinquième
concert du dimanche). En quête de nouveau-
tés, l'excellent artiste a révélé une symphonie
d'Haydn, qui n'avait pas encore paru sur
nos programmes. Pourquoi ? car elle est char-
mante. Elle a cette particularité d'être écrite
pour deux violons et violoncelle principaux.
96
L ' A C T C A L I T E MUSICALE
L'orchestre est bon et nous donnera certaine-
ment d'autres séances intéressantes.
Il faudrait encore parler des Concerts popu-
laires de M. de Léry, donnés à la Salle
Berlioz. Nous reviendrons à ce sixième Con-
cert dominical. Arrivons aux Concerts de
Musique française moderne que Al.
Durand organisa et où AI. Rhené-Baton
s'est révélé vrai chef d'Orchestre. La deuxiè-
me séance nous a fait regretter d'a\oir manqué
la première. Programme très moderne, en
effet ; les belles Â^'ariations pour piano (A4.
Ferté) et Orchestre de M. Rhené-Baton,
peuvent être rapprochées des variations sym-
phoniques de Franck dont elles procèdent.
Enfin M.. d'Indy conduisit sa deuxième
symphonie, œuvre considérable où il a mis
toute sa science, dont on ne peut park-r sérieu-
sement en deux lignes. Tous l'ont applaudie,
combien l'ont pleinement comprise r
La seconde partie de la Messe en si mineur
et la Passion selon St. Jean ont été données
ce. mois-ci par la Société J. S. Bach.
Très Bonne exécution surtout par les solistes
et l'orchestre.
AUX ARTISTES SINISTRES
Les artistes sinistrés peu\ent s'adresser
(munis d'un certificat du commissaire de
police) à y Actualité Musicale (22 R. St.
Augustin) où ils trouveront quelques adres-
ses utiles ; à V Action Sociale de la Femme
(35 rue Boissy-d'Anglas 2 h. à 5 h.) où on
leur indiquera les œuvres d'assistance qui
pourraient leur convenir immédiatement
(prêts de meubles, vêtements, secours divers).
Les professeurs, momentanément pri\és
de leurs salles de cours et leçons, peuwnt
aller à V Institut de la Femme Contemporaine
(27 R. de la Chaussée d'Antin) où on si-rair
disposé à prêter monn-ntanément c|Ufl(]uc-s
salles disponibles, (lù'iirc, ou dinianilrr
M"" T- P- K<Trit-r K- iciidi (U' 2 à S-)
A la Société Haendel, K- pro-ramnu-
faisait honneur à M. RauLîel. Axcc (|U(li|ucs
fragments d'œuvres du glorieux patron, il
comprenait des pièces de Schutz, ce grand
précurseur, de Hasse, une sonate pour \iolon
de Rust (Al. Borrel) et une cantate de Bux-
tehude. La S'iciété n'a encore que des moyens
limités. Alais, avec de la toi et de la persévé-
rance, elle remplira son but, donner de bonnes
exécutions de Hiïndelet de l'école Allemande
des XVP et X\'ir siècles.
Le Quatuor Rosé, de Vienne, nous a
procuré, ainsi qu'on pouvait s'y attendre, une
satisfiiction ah>oluc, à deux séances de la
Société Philarmonique. C'est la per-
fection de la musique de chambre, le quatuor
idéalement homogène et sonore, à la fois précis
et souple. Au second concert M. Fauré tint
la partie de piano dans son i"" Quatuor. Ai""^
Powla Frisch chanta des lieder d'une \ oix splen-
dide,maisa\ec un peu de prétention. A4"'^Hanna
Verbena a moins plu, en raison du choix des
morceaux, mais elle a un bien joli timbre de
\oix. AI. Sauer est un grand pianiste, c'est
sûr, mais il ne tait pourtant pas oublier certains
des nôtres.
AI. Astruc continue a\ ec des salles combles
ses matinées et soirées " Musica ". Peut-il en
être autrement avec le Quatuor Sechiari, avec
Al. Georges Enesco, avec A'I"'' Germaine
Schnitzler ('ixcellente dans le Carnaval de
Schumann), a\ec Ai""' René Doire, tout à fait
remarquable dans des (cu\res de Alax Reger
et de R. Strauss, pour piano, enfin avec
M'"- Maggie Teyte et surtout M"'' Marcelle
Demougeot qui tient enfin à l'opéra la place
qu'elle mérite : La danse classique fut bien
représentée par AI""" Lobstein et Piron.
Quant aux ''interprétations" mimées par
AI"' Celia Chuul de la Sonate au Clair de Lune^
elles nous échappent. Pourquoi préciser par
des gestes des œu\res (|iie leurs auteurs ont
voidues imprécises :
Au Théâtre Féniina, MM. Rouart et
Lerolle ont iirésenté tout une série de mélo-
dies françaises et de pièces instrimientales,
exécutées par d'excellents artistes, œuvres de
\aleur assez inégale, plusieurs intéressantes,
innmn- U's mélodies celtiques de M. Bourgaidt
I )iieoinli:i\ (M""" fuditli Lassalle), deux pièces
L'ACTUALITE MUSICALE
97
/Vi o
Rit a r do PI ne s.
Rouart, Lerolle 6 C"
ÉDITEURS DE MUSIQUE
18, BOULEVARD DE STRASBOURG - PARIS
Le plus grand abonnement de France
service : Maison GAVEAU, 45, rue de la Boëtie.
TOUTE LA MUSIQUE en lecture
Représentation exclusive des Editions Bélaïeff, Hansen,
Jurgenson, UniverseUe et Zimmermann.
VIENNENT DE "PARAITRE :
Déoclat de Séverac : LE CŒUR DU MOULIN, Drs^e-Lyrique en
2 actes, la partition 1 5 franco.
Pierre de Bréville : EROS VAINQUEUR. Conte Lyrique en 3 actes
la partition net 20 francs.
Albert Roussel : POÈME DE LA FORÊT, Symphonie réduite <i
4 mains, lut 10 francs.
I
L'ACTUALITE MUSICALE
99
de Ch. Bordes (M'"^' Raunay) des œuvres de
piano de MM. de Castéra et de Séverac
(M^'"« Sel va), etc.
M. Reynaldo Hahn a dirige à la Société
Moderne d'Instruments à vent son
" Bal de Béatrice d'Esté " qui est un exquis
petit pastiche et M. Georges Enesco son
Dixtuor, un peu long mais original et dont
il faudrait pouvoir dire quelques mots.
Dans la même salle, rue d'Athènes, M. Bar-
rau a célébré Beethoven à ses Soirées d'Art,
tous ces derniers samedis, avec le Quatuor
Geloso, M. Diémer, M""-' Povla Frïsch, M"''' de
Montalant.
Voici deux œuvres dignes d'intérêt, la pre-
mière uniquement artistique, la seconde en
même temps charitable. M. Emile De Meo
groupe sous le patronage de Mozart, l'enfant
musicien idéal, de jeunes instrumentistes de
douze à seize ans. La première audition de cet
Orchestre Mozart est très encourageante
et nous lui adressons tous nos vœux. Il a été
parlé ici de la Manécanterie des Petits
Chanteurs à la Croix de Bois. Elle
vient de donner un Concert auquel ont parti-
cipé M^^® Selva, M. d'Indy et M, Tournemire,
avec le chœur à Capella de ces tout jeunes
enfants. Il y a là une sonorité spéciale
que n'ont pas les chœurs mixtes. L'œuvre est
digne de tous les encouragements.
Nous regrettons de rappeler seulement le
Quatuor Lejeune (histoire du Quatuor à
Cordes en Russie) dont les deuxièmes et troi-
sièmes séances ont été fort intéressantes ; la
British Concerts Society qui le 7 Fé-
vrier a fait entendre, parmi d'autres œuvres
de moindre valeur, un beau Quintette de
M. Vaughan William ; la Société Artis-
tique de l'Ouest dont les deux concerts
comprenaient des œuvres comme le Quintette
de M. Alary et toute une série de composi-
tions de' M. Bourgault Ducoudray ; le Pax-
Quatuor (Quatuor Feuillard) qui donne
deux séances classiques chaque mois ; la
Société Haydn Mozart Beethoven
(Quatuor Calliat) qui est digne de son nom ;
le Quatuor Rimé Saintel, qui vient de
jouer des œuvres de M. Colomer et de M. Ga-
briel Fabre ; le Lied en tous Pays, d'un
sage éclectisme, que dirige avec foi artistique
M. René Lenormand ; des groupes musicaux
qui comme 1' " Orchestre au Palais " et
" rOrchestre Médical " demanderaient
mieux qu'une mention.
Parmi les Cercles Artistiques, nous retrou-
vons le Lyceum, où nous sommes heureux
d'applaudir, avec M"'* Marthe Girod, que
nous n'avions pas entendue depuis trop
longtemps : M"''' Gignoux, Delhez, Decourt,
M"'' Marguerite Achard, l'excellente har-
piste, M. Monys, etc. A la société '* La
Poétique " nous entendîmes des œu\Tes du
compositeur belge Louis Delune, des mélodies
très fines et surtout un exquis poème pour
violoncelle que M"^*^ Jeanne Delune joua
en grande artiste.
Comment répartir les quelques lignes dont
nous disposons encore entre quelques uns des
Concerts d'artistes donnés en Février .'' Nous
n'en donnerons que deux au dernier récital de
M. Risler, où cet artiste si complet joua,
comme lui seul les joue, des œuvres modernes.
Les autres virtuoses excuseront ainsi notre
laconisme à leur égard.
Il nous faut nommer tout d'abord M.
Greorge Walter que nous avons souvent
applaudi à la société Bach. Il a donné à lui
seul une séance de chant allemand : Bach,
Schubert, Schumann, Hugo WolfF, où il a
montré une compréhension aussi parfaite des
lieder modernes que des cantates d'Eglise et
des Geistliche lieder. M"'*^ Emma Holm-
Strand, cantatrice suédoise a donné rue
d'Athènes un concert tout à l'honneur des
œuvres modernes de son pays, qu'elle a fait
valoir par sa belle voix M. Grottfried
Galston, fit apprécier, dans des sonates de
Beethoven, des Etudes de Chopin, des pièces
de Liszt et de J. S. Bach, une admirable
technique.
Notre grand artiste M. Ricardo Vinès,
dont le style est idéal dans la musique roman-
tique et les œuvres modernes, a célébré le
centenaire de Chopin.
M. de Radwan qui a fait de même, joue
Chopin tel qu'il est écrit et le joue en mesure,
COURS DE CHŒUR
11 R UE. QE C HANALE i LLES^gS:
DiRi&É PAR A\*^ GERMAINE
CH&VALE.T AVEC l£ C ONC0U«S
DE n^ JE. AN VE.RO e-Toe/Aiis
LE.5AMEDI of sa ^3'^=
JREA/AAi
MUSIKALISCHES WOCHENBLATT lOlL
Directeur: LUDWIG FRANKENSTEIN
ABONNEMENT 13 FR. PAR AN.
Le " MUSIKALISCHES WOCHENBLATT " publie des articles de fond
des nouvelles et des critiques, rédigés par les musiciens et les musicologues les plus
éminents. Cette revue abondante donne un tableau complet de la vie musicale
du monde entier. Elle est connue pour ses tendances progressistes.
Le " MUSIKALISCHES WOCHENBLATT" se recommande aux artistes,
éditeurs, luthiers et établissements de tout genre, qui désirent se faire connaître
par des insertions.
Envoi gratuit d'un numéro spécimen. i
ADMINISTRATION: OSWALD MUTZE, LEIPZIG
4, LiNDENSTRASSE.
L'ACTUALITE MUSICALE
lOI
rigoureusement, comme Chopin lui-même
jouait sa musique. L'absence de fantaisie
nV-xclut pas la vigueur et la passion.
Nommons enfin M. Szanto, M. Boes-
willwald et M"'' Veluard qui ont joué
surtout des œuvres modernes de piano. Le
mois dernier nous avons dit quelles espérances
on pouvait fonder sur cette jeune artiste à qui
peu de chose manque pour arriver aux tout
premiers rangs. Elle a fort bien joué les
oeu\'res de Schimiann qui fonnaient son pro-
a;ramme du 25 Février.
M"'' Geneviève Abadie, à la fois canta-
trice et pianiste — ce q ui n'est pas banal — s'est
fait entendre à ces deux titres à la Salle Erard.
C'est une bonne pianiste et une cantatrice
agréable. M"*" Claire Hugon a fait applaudir
à défaut de grands moyens vocaux, une réelle
intelligence artistique dans des lieder de
Mozart et de Beethoven.
Parmi les violonistes, M. DebrOUX con-
tinue à révéler l'école française du XVIIP
siècle mais il fait à chaque concert une excur-
sion dans les œuvres contemporaines où son
souple talent est aussi à l'aise que dans les
concertos d'Aubert et les sonates de Leclair.
Le trio des frères Kellert que nous avons
apprécié en Janvier a donné une séance
d'œuvres de Beethoven avec le concours de
M. Plamondon. Deux mots enfin de la toute
jeune M}^^ Yvonne Astruc, au talent très
délicat, très féminin, qui a su choisir des
œuvres en rapport avec son tempérament
artistique.
Nous ne pouvons donner ici à M. Sli-
Winski la place qu'il mérite. S'il est un
pianiste dont le jeu mériterait d'être loué sans
réserves c'est bien celui qui nous donna une si
merveillence audition de Chopin le mois
dernier.
M"'^ Stella Goudeket et M™^ Wurm-
ser Delcotirt sont des virtuoses de la
harpe chromatique. M™® Wurmser — qui
charme les oreilles et les yeux — a joué des
œuvres modernes spéciales pour l'instrument
et des transpositions du piano (la fantaisie
chromatique et une gigue de Bach, une
Gavotte, de Rameau, etc).
Nous ne pouvons mieux finir que par le
gracieux concert organisé par M.deBric-
queville. Avec un quintette original et
bien écrit, de M. Destenay pour deux violons
alto, violoncelle et harpe, on eut deux nou-
veautés de M. de Bricqueville, une Gavotte
pour harpe (M. André Mullot) et un charmant
pastiche ancien. Concert Champêtre, pour
chant, flûte, vielle (oui, pour vielle, et c'est
l'auteur qui en joua) violon, basse, harpe et
tambourin. Pourquoi les artistes n'étaient-ils
pas costumés en bergers Louis XV t
F. GuÉRILLOr.
Ricûirlo Fines
En Province.
LYON. — En se rendanÇ à Genève, l'Or-
chestre Lamoureux nous a gratifié d'une splen-
dide audition, organisée par les soins de
M. Dulieux. Je me permettrai toutefois deux
remarques : pourquoi M. Plamondon a-t-il
chanté seul l'Alleluya final de l'Enfance du
Christ, réservé aux Chœurs dans le lointain ?
I02
L'ACTUALITE MUSICALE
Pourquoi aussi le programme s'est-il complu
à un éclutisme aussi généreux ? Tous les con-
certs lyonnais semblent s'être concentrés dans
ce mois de février : concerts de la Symphonie
Lyonnaise qui s'unit à V Union Chorale^ concerts
de la Société des Grands Concerts^ \ rai ment
excellente, concert de la Société Lyonnaise de
musique ancienne et moderne, Lyon serait-il en
train de devenir une ville de musique ?
E. B.
BORDEAUX. — A la Société S'' Cécile,
deux œu\Tes de longue digestion, la svmphonie
en' mi mineur de Brahms et la Fantaisie en ré
de Guy Ropartz ; puis la défaite de Sennache-
rib'jde Moussorgski et enfin la svmphonie de
si majeur de notre compatriote Tournemire.
Le public a-t-il bien saisi cette œuvre élégante
et -solide à la fois r Une société de musique an-
cienne \ient d'ctre fondée, par des jeunes
naturellement, et nous a donné une fort bonne
inauguration à la salle Bernard. Je reviendrai
sur cette société. Signalons enfin une belle
, séance du quatuor Pennrquin.^
MONTPELLIER. — A l'Opéra, où
sévissent avec fureur les œuvres italiennes, un
curieux incident : M'"'' Jane Mercy s'é\anouit
au 2^ acte du Barbier, et fit le lendemain
placarder des affiches pleines de récriminations
contre le directeur. La Schola n'existant plus
nous nous rattraperons sur les artistes de pas-
sage ; de Greef, Spalding, lilanche Sel\a et
Thibaud. En fait de virtuoses nous avons eu
le plaisir d'applaudir Jean d'Udine \c\\\.\ pour
présider une séance de Gymnastique r\th-
mique. Montpellier possède en eff^et depuis peu
un cours de ce genre, dirigé par M. Paul
André, qui fait pénétrer chez nos méridionaux
les méthodes de Dalcrozeet le sens du rythme.
Cette écoK' a un siici rs fmi.
' Dans le n" de février ime irniir de mi .e en paj^e a
attribué à M. Pennc(|iiin lis traits de M. Sarreau. Kt
pour compléter la confusion le nom de Sarreau était
écrit Sarraut, de telle sorte (juVin pouvait croire qu'il
s'afjissait du chef de inusiepie du 144". Tous les
Bordelais ont d'eux-mCmcs rétablis la vérité, et nous
ont pardonné cette méprise.
BEZIERS. — AL Castelbon de Beaux-
hostes abandonne les arènes de Béziers. Sa
succession est confiée au D"" Chavrv, qui don-
nera cet été une tragédie de Sicard avec
musique de Déodat de Sé\ erac : Héliogahai, .
On parle d'une partie chorégraphique con-
fiée à Régina Badet et d'un orchestre de
130 musiciens.
NANCY. — Applaudissements frétiétiquL^
pour Boucherit dans le Concerto pour \iol(ui
d'Haydn, œuvre simpliste mais d'une sonoritc
exquise, si l'on excepte les traits de virtuoM:
semés ça et là par le bia\e Haydn. L'orchesti
a\ait à nous révéler la Marche Ecossaise de
Debussy qui présente a\'ec diversité un thème
populaire.
H. P.
ALENÇON. — Pour une petite ville,
deux concerts comme celui de la Société Phil-
harmoniquc et celui de la Musique Municipale,
c'est très joli. Peut-être les voix manquent
elles encore un peu d'assurance, mais la foi
artistique y est, et c'est elle qui sauve. Nous
avons pu entendre un morceau qui n'est cer-
tainement pas au répertoire parisien : Le
dernier jour de la Terreur, de Littolf ! Appels
à la Liberté, ébranlement des faubourgs,
tumulte à l'Assemblée, accusation et arresta-
tion de Robespierre et sa chute finale dans \\\\
crescendo monstre,, dominé par la Marseil-
laise... le tout d'un grand effet. Je m'en
voudrais d'oublier M"''Ni\erd, qui a\ ec une
voix de ieune fillette de 14 ans nous a ra\ is
par quelques romances aimable-.
\'. A.
ANGERS. — Tout le monde coiniaît
y Association artistique lii' h\\<-Z,'^X'!, et son président
le comte L. de Romain. On y exécute les
œuvres les plus moileiius, de Gla/.ounov à
Lekcu, et lie l)elniss\' à Marcel Labew l,e>
ciiefs d'onliestre ]•".. Bialn, ^L^\ d'Olloiie, et
l'admiiablc Rheiié-Baton nous ont permis
d'attirer les meilleurs soli^te> : Maik Ham-
bourg, i'aola Frisch, Cor^ot...
A cette s\niph()nie, il faut joimire lUie
L'ACTUALITE MUSICALE
1 03
musique de chambre dont M. M. Lagardc,
Bourgault, Bailly, Becker et M. d'Ollonc
soutiennent très heureusement l'éclat, et qui
nous font goûter non seulement du Franck,
mais le quatuor de Ravel est celui de Doh-
nanyi !
M.B.
MOULINS. — Voici le moment de la
Fête des Brandons^ qui met en liesse toute notre
région au premier dimanche de carême. A la
tombée de la nuit de petites lueurs sautent de
ci et de là à travers la campagne, jetant soudain
une grande clarté avant de s'éteindre. Ce sont
les brandonniers qui vont avec une torche de
brandes à la main (aujourd'hui remplacé par
de la paille) pour tracer, autour des arbres et
des champs, le cercle de feu qui doit les pré-
server de tous leurs ennemis. Et la musette
accompagne de ses jolis airs ce cortège de
quelque fête païenne, consacrée jadis à Cérès.
LE PUY. — Tous les journaux ont raconté
l'histoire de M""' de Vaugelet, qui vient de
léguer en mourant mille francs à la Société
orphéonique de Gannat, sous la condition que
cette société accompagnerait son cercueil en
jouant un air funèbre. La dite société ne
connaissant en fait d'airs funèbres que la
Marche de Chopin, la joua autant de fois qu'il
fut nécessaire pour arriver jusqu'au cimetière;
ce fut exactement 12 fois. M™® de Vaugelet
était connue à Vichy pour sa passion des
modes antiques et pour ses papillottes. Ce
qu'on sait moins c'est qu'elle voulut, (bien que
mariée jadis à un capitaine de gendarmerie) se
faire délivrer il y a quelques mois, par une
doctoresse de Vichy, M"® Bouet, un certificat
de virginité. Elle y réussit et son testament
prescrivit un enterrement blanc !
SAINT ETIENNE. — On nous signale
le succès de M^^'^ Chevalet, dans des mélodies
de Schubert et de Duparc.
TOURS. — Voici tout d'abord la soirée
des Amis des Arts, qui nous ' a révélé une
exquise tourangelle M"'' Antoinette Pradier ;
puis ru. F. P. C. Un bon point à M'"" Gallet
pom- a\()ir conduit vers nous M"'' Renée Bil-
lard, une violoniste étonnante. Enfin la soirée
consacrée par la Société artistique et littéraire
de Touraine à la mémoire de cet excellent
Bordes, et dans laquelle M'"* Wyder M.
Lieron et M"" de la Barthe se sont fait
applaudir. Une conférence de Horace Hennion
sur la carrière et les œuvres de Bordes précé-
dait cette touchante manifestation.
H.
LE HAVRE. — L'église St-Michel vient
d'être le théâtre d'une très remarquable mani-
festation artistique et religieuse. Sous la direction
de M. Gustave Bret, le distingué directeur de
la Société Française des Amis de la Musique^
nous avons eu la joie d'entendre la Passion
selon St. Jean de Bach, exécuté par les choeurs
et l'orchestre de la Société Ste Cécile unis
au chœur de la Lyre Havralse.
Cette preuve admirable de la vitalité du
sentiment musical au Havre montre que tout
est possible dans une grande ville comme la
nôtre et qu'il suffit d'es ayer pour réussir.
Toutes ces forces latentes qui viennent de
se réunir autour du grand Bach ont désormais
pris conscience d'elles-mêmes. Nos sociétés
d'amateurs qui sommeillaient ont repris courage
devant ce succès éclatant.
LILLE. — Avec son inlassable vaillance
Madame M. S. Maquet-Devilder continue
auprès du peuple de Flandre l'œuvre de
Maurice Maquet. Elle conduit avec une réelle
autorité son bel orchestre parisien à la disci-
pline stricte, à la cohésion merveilleuse, et
ses masses chantantes remarquables.
La grande tache lumineuse de ce concert
fut la magistrale Symphonie en si bémol majeur
de Chausson ; cette œuvre forte et véritable-
rnetit inspirée est de celles qui forcent l'ad-
miration. La clarté du style et la noblesse des
idées, la somptuosité des détails et la richesse
du coloris orchestral, l'originalité des com-
binaisons sonores et de ses développements
.04
L'ACTUALITE MUSICALE
très fouillés, ui donnent une étonnante saveur
dans sa sérénité et sa sincérité. L'exécution
en fut excellente, pleine de cctrur et de
sensibilité.
L'ouverture de Benvenuîo Cellhii de Berlioz,
débordante de lyrisme et d'enthousiasme, à
l'orchestration extrêmement brillante, nous à
subjugué et transporté. Et Ion ovationna
longuement, avec le Concerto pour flûte et or-
chestre de Mozart, le remarquable flûtiste-solo
de l'orchestre M. Gaston Blanquart. De son
jeu élégant, fin et délicat, il en a donné une
interprétation si délicieuse et si pure qu'il
semblait a\oir toute la belle âme d'artiste du
divin Mozart.
Comment ne pas être ra\ i par le charme
pittoresque, la perfection des détails, la déli-
cieuse fraîcheur a\'ec lesquels M""^' Maquet a
conduit le Siegfried- Idy II de Wagner, ce
bijou musical r
Enfin pour la première fois à Lille on
inscrivait à un programme de concert une
page de Smetana. Tltava est un poème s\"m-
phonique original et pittoresque ; aux thèmes
très-descriptifs et d'une belle \enue, harmo-
nieusement enlacés de dessins et d'accom-
pagnements d'une extraordinaire \ariété.
L'interprétation très-colorée, pleine de mou-
vement et de contrastes, a laissé une fraîche
impression de poésie et de grandeur.
Ce troisième concert de la saison était
donné au profit des Inondés de Paris, sui\ant
en cela la parole de Liszt. " L'art doit être
envisagé comme une force qui rapproche et
unit les hommes. " Nous eûmes à cette
occasion une triomphale exécution de La
Maneillaise arrangée à grand orchestre et
double choeur par Hector Berlioz ; les choris-
tes l'ont chantée avec une réelle puissance et
un bel enthousiasme, tandis que M""" Maquet-
De\ ilder, qui la conduisit de façon remar-
quable, reçut du public de frénétiques ovations.
P. C.
NANTES. — Nantes à^vu naître cette
année deux nouvelles sociétés de musique de
chambre : le trio Hallez-MuUer-Jandin et la
société Beethoxen. Chacune a donné quatre
concerts très sui\is.
Le tria Hallez-Muller-Jandin nous a don-
né, entre autres œu\rcs intéressantes, le déli-
cieux trio de César Franck, le " trio à
l'Archiduc" de Beetho\en, le trio op. l8 dt-
S^ Saëns etc.; nous devons téliciter les artis-
tes pour le soin qu'ils ont pris d'obtenir une
mise au point parfaite et une exécution abso-
lument homogène. M. Mûller nous a joué
a\ ec le son exquis et la sûre technique qui lui
sont habituels la sonate à Kreutzer et les
sonates de C. Franck et de G. Lekeu. AL
Jaiulin nous a fait le plus grand plaisir avec
la sonate pour \ioloncelle et piano de Grieg
et surtout avec la sonate de Caix d'Hcrvclois
qui a toute la grâce un peu compassée de la
musique du début du XVIII'' siècle. Enfin
M"*-' A. Hallez a tenu a\ec le jeu souple et
varié que nous lui connaissons la partie de
piano.
— La société Beethox en a été fondée cette
année par MM. Arcouët, pianiste et Lonati,
\ioloniste qui se sont adjoint le concours de
M. Habin, \ioloniste et de ik'ux an!j,e\ins
i"
Application
ruisonnée des
meilleurs procédés
pédagogiques
et techniques
em!>loyês par les
grands matt es
contemporains
français
et étrangers.
LEÇONS de PIANO
VIOLONS, SOLFÈGE HARMONIE
PAR CORRESPONDANCE
COURS SINAT
Rue Franklin, 5. TARIS Trocadéro.
L ' A C T U A L. I T E M U S I C A L I<:
105
MM. l^ailly, altiste, et Ik-cker, violoncelliste.
Ces artistes nous ont donné une exécution
excellente des difficiles quatuors à corde n"" 8,
9 et 10 de Beethoven, du quintette de C
Franck, du quatuor avec piano (inachevé) de
Lekeu et d'un quatuor à cordes très original
de Rimsky-Korsakow.
M. Lonati a exécuté en musicien consommé
la sonate n° l de Schumànn et la sonate
(op. 30) de Beethoven. M. Bailly a rendu,
avec une belle maîtrise, la sonate pour alto et
piano de Rubinstein. Quant à M. Becker, il
nous a fait connaître l'œuvre très neuve et
très originale de notre compatriote J. de
Gibon : concerto en mi majeur pour violon-
celle et piano, accompagné par l'auteur. Enfin
M. Arcouët nous a donné une exécution hors
de pair de la sonate appasionata.
— Depuis huit années, M. R. Herrmann,
violoniste, organise des concerts très goûtés
des amis de la musique. Ceux de cette année
ont été particulièrement brillants et nous ont
permis d'entendre le quatuor féminin Mor-
trange-Pelletier, M'^^ O'Déyé, M. P. Viardot,
M"^« Auguez de Montalant, M"'' Lucie
Caffaret et M. Rodolphe Plamondon. Je
tiens à noter le remarquable tempérament
d'artiste de M^^'^ Caffaret, une toute jeune
pianiste qui joint, à une parfaite compréhension
de la musique, une souplesse, une variété et
une puissance extraordinaires. Elle se montra
supérieure dans tous les génies depuis de petites
pièces de Rameau jusqu'à la transcription du
Prélude de Messidor,
J. B.
AUTUN. — Nous avons eu en Février la
satisfaction, trop rare ici, d'un concert de vraie
musique donné par iXn Quatuor de Paris et
deux artistes de notre ville M. et M™*" Pla-
mondon. (M. Plamondon est le frère de
l'excellent ténor de Paris). Au programme :
Andante et menuet d'Haydn, 4*^ Quatuor de
Beethoven, Andante et final ilu i^' Quatuor
de Mozart, i'"'' Acte de Lakmé, etc.
PAU. — La Schola fondée à Paris par le
regretté Charles Bordes reste agissante et
l^rospère, malgré une certaine résistance de ses
auditeurs à accueillir les œuvres anciennes..
Elle adonné le 14 Février un beau concert avec
le concours de MM. Bourgeois et Gibert de
la Schola de J'aris.
ROUJ{N. — Nous sommes obligés de re-
mettre à avril la lettre de Rouen qui nous
parvient trop tard et qui signale l'inlassable
activité déployée par notre collègue madame
Capoy, pour attirer les Normands à la musi-
cologie.
GRENOBLE. — Le très-probe et très-
consciencieux artiste qu'est A'î. Edmond Ar-
Agence Musicale E. DEMETS, 2, rue de Louvois
ORGAXISATION DE CONCERTS
SALLE DE LA SCHOLA CANÏORUM.
269, RUE ST. JACQUES
VENDREDI 18 MARS 1910, à 9 heures du soir
(ouverture des portes a s h. l\2]
lîe Antoinette VeLUARD
3me RECITAL DE MUSIQUE MODERNE
1. SONATE . . . . , Paul Duras
I. iModérément vite
II. Calme un peu lent très soutenu
m. Vivement avec légèreté
IV, Très-lent, animé, vif
2. PRELUDE, CHORAL et FUGUE . . César Franck
3. SONATE EN MI Vincent d'Indy
I, Jlodéré
II. Très animé
III, Modéré
SALLE ERARD, 13 Rue du M.\il
JEUDI 14 AVRIL 1910, à 9 heures du soir
(OUVERTURE DES PORTES A 8 H. I[2)
4'"^' RECITAL AVEC ORCHESTRE
sous la direction de M, VINCENT D'INDY
1. CONCERTO op. 54
Allegro affectuoso
Intermezzo
Allegro vivace
2. VAR1-4TIONS SYMPHONIQUES ,
3. CONCERTO en mi b majeur . .
Allegro
Adagio
Rondo.
. CÉs.AR Franck
. BEETHOVEN
naud, poursuivant avec autant de modestie que
de talent l'œuvre qu'il a entreprise depuis
tantôt dix ans, nous a offert le lo février un
FACTEUR
DE
PIANOS
GAVEAU
FACTEUR
DE
PIANOS
Siège Social: 45 et 47, rue de la Boëtie (VIIIO PARIS
Rayon spécial de Musique
(vente et abonnement)
TÉLÉPHONE : 528=20
Adresse Télégraphique ;
GAVEAU=PIANOS=PARIS
SALLES
DE
CONCERTS
Usine modèle à Fontenay=
sous=Bois (Seine)
Agence générale à Bruxelles
Dépôt des éditions
de la S.I.M.
MEMBRE DU JURY — HORS CONCOURS
Barcelone 1888, Moscou 1891, Chicago 1893, Amsterdam 1895
Paris 1900.
DIPLÔMES D'HONNEUR
Amsterdam 1883, Anvers 1885, Bruxelles 1888.
GRANDS PRIX
Hanoï 1893, Liège 1905.
L'ACTUALITE MUSICALE
107
excellent concert de musique de chambre. Les
noms d'André Hekking et de S. Gillardini,
aussi bien que l'annonce du trio en si à
l'archiduc Rodolphe et de la sonate de Franck,
avaient plus que rempli la médiocre et disgra-
cieuse Salle des Concerts de l'Hôtel de Ville.
Une seconde fois, le 10 février, la sonate
de Franck nous fut donnée, mais avec moins
de sûreté et surtout d'homogénéité, par un
jeune violoniste local, M. Graen, qu'accom-
pagnait — ou plutôt qui accompagnait M.
Lazare-Lévy. Celui-ci nous donna ensuite,
avec moins de flamme que de correction, le
Nocturne de Fauré, la Fête-Dieu à Séville
d'Albeniz, et les légendes consacrées par Liszt
à 2 de ses patrons.
Enfin, le 24 février, M"*^ Yvonne Tardy,
la plus récente et aussi la plus séduisante
illustration d'une famille de musiciens greno-
blois, a magistralement exécuté avec le Quatuor
Zimmer, que notre ville ne se lasse pas d'en-
tendre, un programme d'un exceptionnel
intérêt : quatuor en ut min. piano et cordes de
Schubert (la jeune fille et la mort) ; enfin ce
que la critique locale appelle " la triomphe
quintette " de Franck.
André Allix.
ISelgique.
BRUXELLES. — Les concerts ont repris
de plus belle après l'arrêt momentané causé
par le deuil de la Cour. Je ne crois pas que
l'on entendit jamais, à Bruxelles, autant de
musique, de bonne musique. On aurait tort
vraiment d'encore se plaindre du public : il
est indéniable que son éducation a fait d'im-
menses progrès. Et je n'en veux pour preuve
que l'opinion que m'exprimait un de nos plus
brillants artistes du clavier. " Il est intéressant
de remarquer l'évolution accomplie depuis quel-
ques aniîées par le goût du public. Réunir une
chambrée complète pour entendre uniquement
des œuvres de Franck dont certaines, comme
Prélude, Aria, et Fugue, sont ardues pour le
profane, et de grande envergure ; et retenir ce
public, pendant 2 heures ^^ sans qu'il se lasse.
prouve cjuc I on peut maintenant, au concert,
aborder sans crainte les œuvres de pure
musicalité, et lais'^er désormais, les ctuvres
de pure virtuosité où l'on ne peut briller
que par des eiîets factices, souvent peu
musicaux. " Ce qui est vrai pour Franck l'est
pour Beethoven, pour Schumann,pour Schubert
— pour Bach, pour Monteverde, pour Boro-
dine, Moussorgsky, Dukas, Ravel, Debussy.
— C'est vrai pour les anciens et pour les
modernes : ce sera vrai aussi pour les com-
positeurs belges quand ils " voudront ",
enfin, quitter leur ombre, laborieuse et féconde,
je veux bien, mais qui nous prive d'un rayon
particulièrement cher. Les mercantis se trom-
pent, voire jusque dans leur plus vils calculs, la
foule est tout prête à imposer elle-même notre
Art. — Vox populi, Vox Dei.
A La Monnaie. — M. Van Rooy a rem-
porté un succès considérable, et dont il gardera
souvenir. L'artiste, d'ailleurs, est en tous points
admirable ; voix souple et sûre ; incarnation
fidèle et inspirée ; culture musicale et artistique
très complète. Il a rendu hommage au public
bruxellois, qui lui parut des plus subtils, des
plus intelligents et sympathiques.
Le quatrième Concert Durant était consacré
à Haendel, — Bach — Brahms, — Mozart
— et d'Indy. — M. Capet y prêtait son con-
cours. Il fut irréprochable, et distingué. Les
concertos en mi majeur de Bach, et de Brahms
furent tout spécialement goûtés. Par contre, la
sérénade en si bémol de Mozart d'une exécu-
tion moins heureuse, et d'un caractère assez
étrange, n'eut pas l'heur de nous charmer.
Confessons d'ailleurs notre peu d'enthousiasme,
à l'ordinaire pour la musique, pourtant intan-
gible, du divin Mozart. — Question de tem-
pérament, sans doute. — La séance se terminait
par le Camp de TVaîlemtein^^Q Vincent d'Indy.
Cette composition mouvementée fut très bien
enlevée par l'orchestre, que M. Durant conduit
décidément aux bonnes conquêtes.
Le 5'^ Concert Durant avait au programme
la 2® symphonie en si mineur de Borodine^ de
caractère original ; le 2*" concerto de S^ Saëns,
qui interprétait M. Jos. Uo/Iman, l'excellent
violoncelliste, l'Andante de Maligyie., V Ah end-
io8
L'ACTUALITE MUSICALE
lied de Schumann^le Tasse de Liszt, et V Apprenti
Sorcier, l'œuvre célèbre de Dukas. Le plus grand
succès fut fait au virtuose et à Torchestre.
Au Conservatoire : Bach, Beethoven et Brahms
firent le programme de la première auditif)n.
La septième symphonie de Beetho\en, bien
interprétée par M, Tinel, fit passer la grande
âme chantante du Maître sur un auditoire
recueilli. De Brahms : deux partitions : La
Nanie et le Chant des Parques, pour chœurs et
orchestre, — empreintes d'une belle élévation,
dans une forme rigoureusement classicjue.
UActus Tragicus de Bach terminait le concert.
Inutile de dire combien M. Tinel possède le
style et l'ampleur, pénètre l'art et la pensée de
ces œuvres, qu'il ressuscite véritablement, —
a\ec un soin tout religieux.
M. Théo Isaxe, a donné, salle Patria, une
fort belle audition a\ec le concours du \ioloniste
hongrois Szigeti, de M"'' Denise Callemen
du théâtre lyrique d'Anvers, et de l'orchestre
des concerts Isaye.
J-^xcellente interprétation d'un concerto de
Tschaikowsky, une chanson de Bach — dont
le nom s'inscrit à tous les programmes de la
saison — et d'un " Rêve de sorcière" d'Arnold
— un jeune, dont le talent se manifeste sous
des formes autant multiples que distinguées.
Ces compositions, dans lesquelles il serait
difficile de discerner une personnalité bien
consistante révèlent néanmoins une connais-
sance souvent profonde de la science musi-
cale. —
Le progratvme du 4'' concert Isaye, avec le
concours de M. Pablo Casais, le célèbre
violoncelliste, comportait : i. Symphonie n" 4,
de Mendclssohn. — 2. Concerto de Schuniann.
— 3. A. Prélude-, H. Danse, (première exécu-
tion) de J. Jongen. — 4. Concerto en ré
majeur d'Haydn. — 5. Catalona, de Albeni/..
Ce superbe programme jouit d'une interpré-
tation parfaite, sous la conduite ilu très artiste
M. Théo Isaye, et grâce au i<u tout en nuan-
ces de M. Casais.
Le cercle artistique a comménioié le iiiUe-
naired'Haydn,avec la participation du (juatuor
Rosé, de Vienne.
Le pianiste Emile Sauer, toujours pres-
tigieux, je dirais \olontiers " acrobatique "
a fait une fois de plus apprécier son extraor-
dinaire virtuosité dans " l'appassionata " de
Beethoven ; la sonate op 35 de Chopin, le pré-
lude op 104 de Mendeissohn, le "Clair de
lune " si délicatement inspiré, si subtil, de
Debussy, et dans quelques études de sa com-
position.
Le groupe de Compositeurs a donné sa première
séance. Elle fut malheureusement consacrée
à des compositions peu intéressantes, en som-
me, et nous le regrettons sincèrement ; de
telles " fautes", quelque pieuse pensée trouvent-
elles pnir excuse, il faut le dire franche-
ment, sont de nature à mettre le public,
en défiance. Espérons que les prochaine--
auditions seront plus audacieuses — c'est nécLs-
saire, c'est urgent. Il ne manque pas. Dieu
merci, de compositeurs remarquables, d'artistes
éniinents, au sein du groupe ; cet organisme
doit prendre effecti\ement la première place,
dans la musique belge : elle lui re\ ient à tous
les titres.
Le quatuor Piano et Archets : continue la série
de ses très belles séances. La quatrième avait
pour programme : trio en ta majeur de IVlozart
quatuor en ut mineur, op 15, de Fauré — er
le cjuintette de f^^anck. — .A.xec ce souci de
l'interprétation impeccable et la compréhen-
sion délicate qui les caractérise, les artistr^
surent gagner la croi>sante sympathie de
l'auditoire. — A noter que la partie de
deuxième violon lut excellement tenue par
M"'' Delstanche, qui fut remarquée déjà |-iar
notre correspondant liégeois, M. le docteui
I )\vilshauvvers.
.1/"' Clémence De Cock : trouve un >ucces
très encourageant, à son récital de la grande
Harmoin'e. L'artiste témoigne d'une bonne
technii|ue ipi'clie ne peut manquer île lair(
appréciiM" mieux iiuorcJorMjue M)n réel talent
secoiulera avec plus de souplesse, l'émotion
plus vibrante.
.W"'' hlnniiii He.iuck nous a offert ilans la
très jolie salle, modern-st\ le de sa villa Avenue
des Fleurs, l'extiuis plaisir d'uiu' lunne musi-
cale de la plus pui'e élév ation. Vue voix jeune,"
L'ACTUALITE MUSICALE
109
aux intonations merveilleusement souples, en-
veloppantes et chaudes. — Une belle égalité
d'émission, nuancée, une diction caressante et
A'ive, un art enfin, de distinction et de finesse.
Au programme : J. S. Bach, A. Stradella,
Benati, Franck, Borodine.
Le piano était tenu par M"'' Devos, une
artiste de tempérament tout à fait remarquable.
Elle eut grande part des applaudissements —
d'ailleurs regrettables, vu qu'ils détruisent par
leur insupportable claquement d'hélices, l'im-
pression encore flottante après chaque audition.
, Le pianiste Charles Delgouffre^ avec le con-
cours du violoniste Ed. Lambert, de Madame
Lambert, cantatrice, et de M'"® B. donnait,
en la salle Erard, (le 18 de ce mois) une séance
César Franck.
Au programme : he Vase Brise. Roses et
'Papillons. Nocturne. Mariage des Roses, l'admi-
rable Sonate. Prélude. Air et final.
M. Charles Delgouffre est un virtuose, pour
qui le clavier n'a point de secret, c'est aussi
un artiste. M. Lambert et lui firent apprécier
dans la sonate, la beauté d'un sentiment élevé
d'une grand style.
M""^' B... joua adorablement les pièces
d'harmonium. Les lieder furent chantés par
M""* Lambert. Une salle comble rappela les
artistes après chaque exécution,
7 La fanfare royale " Phalange artistique"
(directeur : M. J. E. Strauwen) a donné son
4*" concert à l'Alhambra, l'excellence de cette
société n'est plus à dire ; elle possède des
éléments de tout premier choix, et sa Direction
est confiée à un musicien consommé. Il tire
de cet incomparable clavier sonore, bien équi-
libré, de puissants effets musicaux.
La chorale de Maestrichter Star, masse de
228 chanteurs, compose un ensemble plus
impressionnant, encore, et il faut en féliciter
M. Gielen, ainsi que les participants, des
amateurs fort bien éduqués. Le succès de ces
deux sociétés fut très vif, au milieu d'une
assistance compacte.
M. Deru, le violoniste bien connu, prêtait
l'attrait de son concours à la séaiice. Il fut
fêté !
yj^iie Q^ Tamhuyser s'est fait applaudir, à son
récital de piano, doinié le i''' mars au Palais
des Arts. Le prcjgramme, — peu audacieux, —
mit en valeur une virtuosité remarquable, et
un sentiment souvent personnel dans l'inter-
prétation. La jeune artiste promet beaucoup.
Nous avons appris, avec le plus vif plaisir,
le triomphal succès remporté à Vienne par
notre ami M. Gulry Isaye, fils du grand
violoniste et violoniste lui-même. — Le talent
de M. G. Isaye se montre digne, et c'est
loyal compliment — d'une glorieuse renom-
mée. — Nos félicitations.
La musique à V Exposition. — L'inaugura-
tion se fera, le 23 avril par une ouverture
solennelle pour grand orchestre de M. Paul
Gilson. Il y aura ensuite toute une série de
concerts soit purement symphoniques, soit à
la fois symphoniques et choraux, dont l'en-
semble constituera une sorte de revue inter-
nationale de la musique.
En mai, on entendra un concert de l'orches-
tre et des chœurs du Conservatoire royal de
Bruxelles, sous la direction de M. E.Tinel ; en
juin, une exécution de Franciscus, de M.Tinel,
sous la direction de M. Sylvain Dupuis avec
le concours de l'orchestre et des chœurs du
théâtre de la Monnaie renforcés ; un concert
par l'orchestre Ysaye, dans lequel l'illustre
violoniste belge jouera un concerto de Vieux-
temps et dirigera les Béatitudes de César
Franck ; puis, trois concerts entièrement con-
sacrés à la musique et aux virtuoses belges,
sous la direction de M. François Rasse. A un
de ces concerts on entendra pour la première
fois une nouvelle composition de M. Léon
Dubois, Nos Carillons, pour petit orchestre et
voix d'enfants. Au mois d'août, l'orchestre et
les grands chœurs du Benoit's Fond d'Anvers
viendront donner une exécution intégrale de
la Rubens-Kantate de Benoit.
Le 9 juillet, l'illustre orchestre du Conser-
vatoire de Paris viendra au grand complet
sous la direction de son chef, M, André
Messager, donner une audition de musique
française. Un peu plus tard se donnera un
concert allemand, probablement sous la direc-
tion de M. Steinbach, avec, au programme,
du Brahms, du Bach et la 9* symphonie de
F. CHATENET
Photographie documentaire
et artistique
67, rue des Batignolles, 67, PARIS.
Nouveau procédé sur papier; blanc sur noir, grandeur 18x24:
Pour une commande de cinquante épreuves 0.75 par épreuve.
Par petite quantité: 1 fr. par épreuve.
Par ce procédé, la Maison CHATEXET a fourni aux Bénédictins
de Solesmes pour leur Paléographie plus de 40.000 photographies.
PRIX-COURANT :
Cliché 13x18 avec une épreuve, 3 fr. , les suivantes, chaque 0.75
Cliché 18 X 24 avec une épreuve, 4 fr. ; les suivantes, chaque 1.00
Cliché 24 y 30 avec une épreuve, 5 f r. ; les suivantes, chaque 1 .50
' BWk-VBR' -"PÏC-
^'■■>>'>'*fc- -" -~"> '-V-^towns^cIÎTiû lai. vaitTiux hîm mimai 4ai
>/
■■^\
i.xir.iit du rt)iii.in de i'.iuvcl (1313) public en rc|>ruciuctioii phulographique.
L'ACTUALITE MUSICALE
r I I
Beethoven. Un concert de musique espagnole,
qui ne manquera certes pas d'intérêt, se don-
nera par un des célèbres chorals de Barcelone,
11 est question encore d'un concert italien,
au sujet duquel des pourparlers sont engagés ;
peut-être aussi fera-t-on un conceit russe et
un concert anglais.
Au théâtre de la Monnaie il y aura en mai
et juin une série de représentations extra-
ordinaires, un véritable festival dramatique,
auquel participeront les artistes les plus cé-
lèbres du moment : représentations italiennes,
représentations d'opéra et de ballet russes, le
Ring en allemand avec les interprètes de
Munich et de Ba)M-euth, le cycle de Gluck
en une semaine, enfin Elektro et Salo?né de
R. Strauss.
Don Juan^ opéra en 2 parties, de W. A.
Mozart, (nouvelle version française de A.
Maquaire) sera donné en répétition générale
publique le l8 mars, au profit des inondés de
France, sous les auspices de la société belge :
la Villégiature scolaire d'' Ixelles. [Théâtre Varia).
Cette œuvre fait partie du répertoire de la
tournée de vulgarisation entreprise par l'im-
presario-compositeur Maquaire, en Belgique
et Nord de la France. — M. Maquaire nous
prie de faire appel aux compositeurs belges,
dont il est un admirateur dévoué, pour la
représentation d'' ouvrages e?! un acte. — Adresse :
à Boitsfort.
— Bibliographie. — Publications musicales.
Chez Schott : rue Coudenberg, Bruxelles.
Jean Strauwen : Nocturnes pour violoncelle et
piano.
Jean Strauwen : Canzonetta pour violoncelle
et piano.
L. TVahier : Berceuses pour alto.
id. : Rhapsodie russe pour alto.
Joseph Jongen : trois pièces pour orgue.
/. Callaerts : Album pour orgue. — 5 pièces
pour orgue.
Chez Lauweryns, rue du Treurenberg,
Bruxelles.
Carlo Guillaujne : Charmeuse, valse pour piano.
id. Idylle, id. id.
id. Gavotte, id. id.
— LivRKs. — Jules Caniauer. Essai de
critique musicale : Edgard Tinel, opus 40 et
opus 41. (Breitkopf et Haërtcl, iJiuxelles.)
Ce livret témoigne d'une connaissance
musicologique étendue, et d'un bel enthou-
siasme M. Camauer tient une plume alerte ;
il l'a vouée à la défense des traditions à l'école
du cliant. " La voix humaine, dit-il, est l'ex-
pression directe de l'ame, " et nous sommes en
cela tout à fait d'accord avec lui. Selon Madame
De Bériot Malibran, il veut que quiconque
chante, apprenne d'abord à poser la voix, à
articuler la parole, à rejeter le timbre guttural,
et le timbre nasal. Parfaitement. Edgard Tinel,
pour qui le critique professe une vénération à
laquelle il nous plaît de rendre Jiommage,
possède l'art d'écrire merveilleusement pour la
voix. Voyez son opus 42 et son opus 40.
Mais M. Cam.aiier manie l'étrix'ière, sans
merci, pour les diciples et admirateurs de
Ravel et Debussy, "jeunes illuminés d'une
petite école " ; et il exagère certainement.
Si le génie de Wagner fait pardonner les dis-
sonances " excessivement " hardies qu'il s'est
permises, pouiquoi donc Debussy n'aurait-il
pas la même excuse r L'harmonie n'a certes pas
une seule forme — celle qu'affectionne M.
Camauer, — les jeunes illuminés d'aujourd'hui
seront, demain les classiques, et leur vérité
vaut bien la vérité d'hier.
R. L.
LIEGE, I 5 février. — Le récital de piano
donné par notre compatriote Louis Closson —
l'un des meilleurs élèves de Busoni — a fait
sensation. Il possède un mécanisme étonnant
d'habileté, un son d'une rare puissance, un jeu
viril et coloré. Son interprétation de Bach et
de Liszt est remarquable.
M"® Léonie Neutelaers, élève de M. Jules
Ghymers, a fait preuve par contre d'une dis-
tinction toute féminine dans le concerto en sol
mineur de Mendelssohn, à l'Audition dirigée
par M. Jaspar. Ce dernier a donné une bonne
interprétation de la symphonie en si bémol de
Schumann.
A l'Œuvre des Artistes, le Quator Charlier
a fait entendre le très intéressant Quatuor n° 3
I I 2
L'ACTUALITE MUSICALE
en la mineur de Scontrino, si différent des
œuvres classiques mais imprégné d'un charme
étrange, exotique un peu. Cette page vétilleuse
était excellemment exécutée. Ajoutons qu'à la
même séance, M^'' Marguerite RoUet a rem-
porté un beau succès en interprétant avec l'art
qu'on sait des mélodies de Chabrier, Chauson,
Fauré, Debussy et de Castéra.
Deux verviétois se sont partagé le reste de
l'intérêt.
Les œuvres du regretté Lekeu faisaient
l'objet d'une audition arrangée par M'"^ Marthe
Lorrain et à laquelle collaboraient des mem-
bres du cercle " Piano et Archets ". l^a musi-
que de Lekeu — mort à 24 ans ! — a con-
servé une vivacité d'expression singulière, elle
est presque plus " neuve " qu'il y a seize ans !
Rien de vieilli, rien de passé. C'est la marque
des pensées profondes.
Le poème symphonique ÎP erther de M.
Victor Vreuls que son auteur dirigea au Con-
cert Debefve a remporté un très grand et très
sympathique succès. La partition paraît sur-
chargée à la lecture et exige la collaboration
de 102 musiciens. Mais à l'audition, grâce à
l'excellent équilibre sonore que l'auteur obtient,
la belle et riche mélodie est mise en vedette,
l'œuvre chante et impressioJine. A côté de sa
science, c'est une page inspirée, dramatique,
d'une psychologie profonde et d'une grande
beauté de timbres. L'emploi des saxophones et
du bugle obligé, qui souvent jouent à décou-
vert, lui donne un coloris très neuf.
D"" DWELSHAI'WERS.
— Représentation de Noi'l Sanglant de M.
Fernand Mawet. ' Cette (tnivre du début, au
théâtre, de l'excellent compositeur, est très
attachante par l'emploi de thèmes populaires,
noirls et cramignf)ns liégeois ; au surplus, M.
Mawet y déploie les ressources d'un talent
distingué et d'une iirotonde érudition.
NOMINATION. — M. Mathu-u Crick-
boom est nommé professeur de violon au
conservatoire de Liège. C'est Lilgi' (|ue nous
' Frère de M. Lucien Ma«ct. —
félicitons de s'être attaché l'enseignement d'un
tel artiste — qui l'honore d'une mondiale
consécration.
ALALINES. — La \ie artistique ne se
manifeste en ces derniers temps que d'une
fiiçon très modeste. Deux ou trois expositions
de peinture, quelques concerts en général fort
médiocres, \oilà le bilan de la saison. Est-ce
au voisinage de Bruxelles, dont les concerts et
théâtres attirent le public malinois, qu'il faut
attribuer cette absence regrettable de manifes-
tations d'art r
Le manque total d'auditions de bonne
musique ne signifie pourtant pas que tout
mouvement musical ait cessé ici ; mais ce
mouvement se fait jour d'une toute autre
façon que par des concerts et des représenta-
tions théâtrales. A l'instar de ce qui se fait à
Anvers, la section du " Algemeen Nedeilandsch
Verbond " a entrepris d'améliorer le mauvais
goût musical du peuple. C'est là un but fort
louable, et qui mérite d'attirer l'attention de
tous les amis de notre art.
A cet effet, des " Soirris dr chant pour le
peuple " ont été instituées. Plusieurs amateurs
de musique y enseignent au public, a\ec une
patience admirable, des chansons populaires
anciennes et modernes, des chansons saines,
dont la musique ne nous vient pas des cafés-
concerts de la capitale. Les professeurs chan-
tent les airs strophe par strophe, les élèves les
reprennent en chœur, on corrige leur manière
de chanter et de prononcer.
II \'ient à ces réuni(Mis des gens de tous âges
et lie toutes eonditii)ns, t't le public se tait de
plus en plus nombreux, niorurant ainsi le
goût i|u'il prenil à ces séances iiuéressantes.
Les résultats sont tout-à-tait concluants. Déjà,
après trois mois île tia\ail, on peut constater
c|ue les efîorts n'ont pas été dépensés vaine-
ment. Peu à peu, les chansons insipides et
malsaines commencent à taire place aux bon-
nes mélodies ilans le répertoire des ménagères.
C'est :uissi une gr.iiule satisfaction et un bon
stimulant pour les organisateurs, que d'enten-
dre parfois les ouvriers à leur travail chanter
les airs (ju'ils viennent apprendre le jeudi soir,
L'ACTUALITE MUSICALE
Ï13
et cela non pas en un vulgaire patois, mais
en un langage convenable.
Il est à espérer que dans quelque temps les
vaillants organisateurs de ces soirées de chant
présenteront au peuple, par voie progressive,
les purs chefs-d'œuvre de la musique. Peut-
être alors, quand le public goûtera notre art,
y aura-t-il moyen de donner de beaux con-
certs à Malines. Paul C.
ANVERS. — Théâtre Royal. — Nous
avons eu une série de Grands Galas de bien-
faisance, tous réussis, tant au point de vue
artistique que financier.
Les Sourds Muets choisirent " Le Chemi-
neau ", le drame empoignant de Jean Riche-
pin, si superbement inspiré par Xavier Leroux
et Henri Albers, de l'Opéra Comique, a ravi
son auditoire grâce à sa voix toujours ample et
son jeu impeccable et étudié. M^^'^ Demellier,
qui nous vint également de la salle Favart, ne
m'a guère enthousiasmé.
La Tuberculose nous offrit "Carmen ". M'"'^
Breval fut une intéressante bohémienne, avec
gestes nouveaux et jeux de scène du meilleur
goût. Jadis elle remporta d'immenses succès
comme chanteuse. Son partenaire fut Muratore,
de l'Opéra, un peu lourd comme jeu, mais
fort joli garçon. La voix ne manque pas de
charme, mais elle a une tendance au chevrotte-
ment.
M. Noté, toujours le merveilleux baryton
que tout le monde connaît, prêta son concours
dans " Rigoletto " pour les Aveugles. Je vous
laisse à penser l'ovation que déchaîna le célèbre
duo avec M™'' Rossi, notre brillante chanteuse
légère. La page fut bissée. Le duc de Mantoue
fut M. Dubois, encore de l'Opéra : timbre
toujours fort agréable, et acteur plein de dis-
tinction.
xA part ces grands galas, nous avons eu les
soirées à honneur ou à bénéfice, comme vous
voulez. M™*^ Rossi, l'idole de la troupe fut
fêtée et fleurie dans Gilda de " Rigoletto."
jyj^me ]?tty, notre jeune falcon, qui promet
pour l'avenir, a pu voir dans " Hérodiade "
que le public lui sait gré de ses progrès.
Quant à M. Girod, que la Monnaie s'est
assuré pour trois années consécutives, il a
triomplié en Don José ; fleurs, cadeaux, rap-
pels, rien ne manquait.
Abonnement courant, nous eûmes un oiseau
de passage : M. Imbart de hr Tour dans Raoul
de Nangis. Comédien incomparable, il pro-
voqua cinq rappels après le quatrième acte.
Je ne dirai rien du chanteur, pour ne pas
blesser un artiste qui a eu une carrière glorieuse,
et dont les leçons profiteront à bien des jeunes
commençants.
Enfin, toujours pendant le même mois, en
présence de l'auteur M. Félix Fourdrain, on a
créé avec un succès inoui " La Glaneuse " :
le compositeur fut traîné devant le public et
vint saluer un auditoire emballé. Interprétation
hors ligne confiée à M""''' Gavelle, Rossi ;
MM. Girod, Mezy, Hardy. Excellent, l'or-
chestre sous la direction de M. Bovy.
— Opéra Flamand. — On vient de mon-
ter " Amours de Brigands " ; M. Paul Gilson
a écrit une musique délicate, prenante, pleine
de sentiment sur un livret peu heureux. C'est
dommage pour l'éminent compositeur. ^
La première de " Zigeunerbaron ", par
Johan Strauss, eut plus de succès ; le public
s'est laissé prendre aux flonflons légers du
gracieux musicien.
M™*^ Feltesse, la forte chanteuse, a été fêtée
dans " la Walkyrie " ; son réengagement pour
la saison prochaine a été accueilli par un ton-
nerre de bravos.
" L'Or du Rhin ", avec le brillant concours
d'Ernest Van Dyck a fait sensation. Interpré-
tation parfaite. Recettes : quinze mille francs
nets pour " Le Lait pour les Petits ".Brillant
résultat, et félicitations aux organisateurs.
— ]y[me jjg^ Isori, la célèbre cantatrice
florentine, des concerts de la "Libéra Estetica"
a donné une audition de douze petites œuvres
de maîtres italiens du " bel canto " du XVI,
XVII et XVIII siècle. Les membres de la " So-
ciété Royale d'Harmonie " lui ont fait un succès
réel.
Georges de Gers.
^ Nous parlerons de cette dernière œuvre du Maître
de façon complète dans une étude prochaine.
114
L'ACTUALITE MUSICALE
CHARLEROI. — 20 Février. — Le
" Foyer d'Ârt^ " cercle d'expansion et de
décentralisation artistique et littéraire, nous a
donné une séance de sonates d'un grand
intérêt.
Au programme :
l" Sonate n" 3 en sol mineur pour piano et
violoncelle, de Haendel.
2" Sonate en fa majeur pour piano et vio-
loncelle, op. 4, de VVilhem de Fesch (1695-
1758).
3" Sonate en ta majeur pour piano et violon
op 24 de L. Van Beethoven.
4" Adagio de' Mozart et Presto d'Haydn
pour piano et violoncelle.
5" Sonate en fa majeur pour piano et violon,
op 8, de Grieg.
6" Petites pièces de R. Schumann pour
piano et violon.
Exécutants: MM. Henri Van Hecke, vio-
loniste, Louis Miry, violoncelliste, Francis de
Bourguignon, pianiste.
Ces artistes de valeur ont très bien inter-
prété ces œuvres des princes et roi de la sonate.
Le jeu de M. Van Hecke a été particulière-
ment remarquable.
Pourquoi cette exhumation de la sonate de
Wilhem de Fesch.
Amour de la moisissure ? Enfantine curio-
sité r C'est du temps perdu.
Le public avait répondu nombreux à l'appel
du " Foyer (Fart " dont l'effort doit être
encouragé.
21 Février. — Le langage mystérieux de-
là musique agirait-il enfin sur mes concitoyens
jusqu'à les détourner de leurs préoccupations
coutumières ? Il faut bien le croire : il y avait
salle complète à la deuxième séance de musi-
que de Chambre qui se donnait dans le salon
trop bas et sans acoustic]ue du Cjianil ll(')rtl
GrOber.
Cette séance s'est ouverte par les Préhult- et
Menuet extraits tlu Quintette de E. Pessart,
écrit pour instruments à vent : musicpu- sim-
plement agréable ; la première jKutic du sex-
tuor pour instruments à vent et piano ne nous
a guère déilommagés : elle était insignifiante
et diffuse.
Mais nous avons été largement récompensés
par la sérénade pour flûte, violon et alto ainsi
que par le quintette pour piano, hautbois,
clarinette, cor et basson de L. Van Beethoven.
O, Beethoven !
La sérénade fut merveilleusement ciselée
par M. Quinet, flûtiste de grand talent,
MM. Lefèvre, altiste et Doneux, violoniste.
Le quintette fut interprété avec une belle
conscience artistique par M"*^^ Privé (piano) et
MM. Bertiaux (Hautbois), Brijyerre (clari-
nette), Henrv (cor), Aveau (basson).
L'andante menuet pour viole d'amour de
Milandre (1750) fut délicatement joué par
M. Lefèvre que le public a acclamé.
Bref, séance remarquable qui permet de
constater qu'il existe en notre pays de fer et
de charbon, des artistes de grande capacité et
des auditeurs accessibles au langage élevé de
la vraie musique.
Franz Rurv.
BRUXELLES. — Mademoiselle Margue-
rite Rollet, la talentueuse cantatrice avec le
concours de Mademoiselle Germaine Scliellingy
violoniste distinguée donnait un récital, le 18 à
salle Pétrin. Vif succès, pour un programme
éclectique, avec les noms de Bach, Schubert,
Brahms, Wolf, Mozart, Rimsky-Korsakor,
Chausson, Debussy, de Bré\ ille, d'Indy. Inter-
prétation très remarquable. M"'' Rollet a con-
quis, d'ailleurs, toutes les sympathies du public
bruxellois : c'est une artiste de grande distinc-
tion de «jrande valeiu'. — Mademoiselle Seliel-
//;/;'■ joue avec âme, et finesse.
L'accompagnateur .] l met.
Comme toujours tut j->:utait.
ARLON. — Un groupe d'artistes-aniatcurs
liruxeilois fst \enu, sous les auspices de '' \a\
VVallone, " ilonner, le samedi 19 février, un
concert-spectacle artistique qui a été un gros
succès. On a eu l'occasion, entie autres, d'en-
tendre M"' Henriette Clément [Air des Hijou.\\
de Faust), M. Emile Léger, ténor {Air ih ■
Lettres, de La Tosca), M"'' M. (^oKLchmidi,
r' prix d\i Conservatoiie royal île iiruxelles, a
joué, avec bi-auioup d'art, trois morceaux de
L'ACTUALITE MUSICALE
'5
harpe, dont Nocturne^ de Pessaid, et Idyllr^ de
Holz. M"*' Clément et M. Léger ont, en
outre, interprété avec succès un fragment du
\^ acte de Lnknic. Enfin on a entendu, à cette
soirée, un opéra-comique : Oui perd geigne^
paroles de MM. Julal et Emile Lecomte,
musique de Arthur Norel.
— Samedi 12 mars, distribution des prix à
l'Ecole de musique.
Etranger
FLORENCE. — Le grand événement
musical de ces temps derniers a été la vente
des collections ayant appartenues à Paganini.
et que ces descendants avaient résolu de ne
pas garder. Il y avait de tout : des auto-
graphes, des habits, des cadeaux et jusqu'à une
voiture.
Puis, plusieurs objets d'usage courant dont
Paganini s'est servi, (les héritiers s'en portent
garants) : des montres, des lorgnons, un couvert
de voyage, des tabatières, une petite épée,
quelques mouchoirs, un habit de cérémonie en
drap marron foncé, avec la culotte noire et le
gilet brodé d'argent. Il faut y ajouter la
voiture de voyage, achetée en Angleterre, qui
a roulé avec l'artiste sur toutes les routes de
l'Europe,
M. Olschki, le libraire florentin bien connu,
a acquis pour 17.500 francs tout un lot fort
considérable de musique inédite et d'auto-
graphes musicaux (duos, trios, quatuors, me-
nuets, caprices, sonates, morceaux de genre)
dont il nous donnera sans doute prochainement
la liste et la description détaillée dans quelqu'un
de ses beaux catalogues. Un autre lot intéres-
sant pour la biographie de Paganini a été cédé
pour 3050 francs au libraire De Marinis. Il
comprend, outre quelques manuscrits musicaux
déjà publiés par Schônenberger, les brevets et
les diplômes attestant les nombreuses distinc-
tions honorifiques décernées au virtuose, et
surtout un grand nombre de lettres, opuscules
et papiers divers qui nous font pénétrer dans
l'intimité de sa vie. A côté des lettres d'admi-
ration signées des plus grands noms de l'Europe,
on trouve une quittance datée du 19 mars
1 83 1 pour huit mille francs donnés par l'artiste
aux pauvres des hôpitaux de Paris ; sous la
rubrique " autographes divers de Nicolo Paga-
nini ", on remarque une " recette pour faire
les ravioli ", une autre " pour fabriquer une
liqueur"; des recueils de formules pour ter-
miner les lettres ou pour y signifier un refus ;
et quatre petites pages de notes qu'il écrivit
pendant les derniers jours de sa vie, quand il
ne pouvait plus parler.
Son archet a été acquis, pour une somme de
huit cents francs, offerte avant la vente, par la
ville de Gênes, qui possédait déjà le violon.
Devant le désir exprimé par la patrie du grand
virtuose, les nombieux amateurs réunis chez
M. Battistelli se sont généreusement abstenus
de toute surenchère. On a aussi vendu un beau
violoncelle de Ruggieri (1734) pour 5800
francs et un petit violon antique, le premier
violon sur lequel s'exerça l'artiste, ainsi que la
mandoline avec laquelle, étant enfant, il donna
des concerts à G nés.
Enfin, avec une grande mosaïque de Flo-
rence, cadeau de la princesse Baciocchi, la plus
belle pièce de la vente est sans contredit
l'admirable portrait de Paganini par le peintre
anglais Georges Patten. Paganini lui-même en
vante la ressemblance dans la lettre suivante
écrite à Patten, et dont l'autographe a été
vendu avec le lot De Marinis :
" Illustre ami,
" Le portrait que vous avez bien voulu me faire est
tellement ressemblant que je ne pourrai jamais vous en
exprimer assez ma satisfaction. J'en attends !a copie
avec impatience et un tel don sera un précieux
souvenir pour mes descendants, et l'Italie verra avec
admiration l'œuvre d'un génie britannique tel que
vous.
" Agréez les sentiments de haute estime, de grati-
tude et de reconnaissance avec lesquelles j'ai l'honneur
de me dire votre ami très affectionné
N. Paganini.
Paris, 10 novembre 1832. "
Paul-Marie Masson.
NAPLES. — Deux concerts à sensation
donnés à la Société Giuseppe Martucci par le
VIENT DE PARAITRE
A LA
MAISON BEETHOVEN
(GEORGES OERTEL)
RUE DE LA RÉGENCE, 17-19, BRUXELLES.
C. THOMSEN:
ZIGEUNERMUSIK
Rhapsodie à la Zingaeres pour Violon et Orchestre
Réduction : VIOLON ET PIANO, net 6.00
EX LOCATION LE MATKRIEL D'ORCHESTRE
CHOPIN-THOMSON :
xVIAZURKA op. 7 No. I. Violon et Piano, net 2.00
EN PREPARyrnON:
ROOVERSLIEFDE
DrAMM f-YKKjUK KN UN ACTK l)K P. (ilLSON
l'AKI'l riON : Piano et Chant.
L'ACTUALITE IVI U S I C A L I^
117
violoniste Vccscv, ^ le jeune pr()di[i;e que vous
entendrez un jour ou l'autre à Paris. Ce (]ui
est étoijnant chez cet artiste c'est le calme
parfait avec lequel il aborde les œuvres les plus
difficiles ; il semble même indifférent à l'émo-
tion esthétique qu'il cherche à produire sur le
public. Peut-être est-ce la conséquence de ce sur-
menage imposé à tous les virtuoses qui veulent
se produire à travers le monde, dans le moins
de temps possible. Je causais avec M""' Vecsey,
mère, derrière les décors du Politeama, pendant
que son fils exécutait le Concerto en ré de
Paganini.
— Nous sommes arrivés hier soir, me
disait-elle, nous partons tout à l'heure pour
Rome, puis pour Bologne, Turin, Gênes, et
dimanche prochain nous donnons ici, à Naples,
Jiotre second concert.
— Et le temps de repasser les programmes?
— Quelques minutes seulement ; le matin
par exemple il a répété une heure avec son
accompagnateur.
Nous avons pu comparer le jeune Hongrois
avec deux autres de ses confrères : Gérardy et
Thomson.
Gennaro de Leva.
DRESDE. — Le Foile de Pierrette de M.
A. Schnitzler est une pantomime qui se passe
à Vienne dans le même temps que le premier
acte de la Fête chez Thérèse à Paris. C'est ce
que nous appelons ici le " Biedermeyerzeit ".
Le compositeur Dohnanyi, de Pressbourg, un
jeune (34 ans) que vous commencez à con-
naître en France a écrit sur cette donnée une
musique infiniment habile. Dohnanyi est un
de ces compositeurs dont on doit attendre
quelque chose.
M'^'' Marie Dubois, parcourt l'Allemagne
avec la volonté de faire connaître l'école fran-
çaise du piano, elle nous a intéressé avec un
programme peut-être un peu trop éclectique,
et où certaines pièces de second ordre auraient
^ Un de nos lecteurs de Constantinople, M. Louis
Benci nous signale d'autre part le succès de Vecsey
•dans la capitale de Tui-quie, et nous prédit son
triomphe à Paris.
pu être remplacées par d'autres plus significa-
tives.
D'' K. Neufeld'i".
VIENNE. — Passons sur la première de
Tosca^ et sur la Société des Instruments Anciens^
et signalons les séances du Verein fur Kunst
und Kultur consacrées à Arnold Schœnherg^ à
Bruno Walter^ et à Karl IVeigl^ des noms que
vous ignorez sans doute. Et surtfjut la soirée
réservé à Anton von IVehern^ élève de Schœn-
berg, qui a fait scandale. Webern tient ces
mélodies dans les limites d'une simple psalmo-
die, mais son harmonie est des plus étranges. Il
a aussi composé cinq pièces pour quatuor dont
chacune ne dure pas plus de 10 minutes et qui
rompent avec toutes les lois acceptées. Je les
tiens pour des recherches d'impressions plutôt
que pour des œuvres définitives.
E. W.
ROUMANIE. — Pugno triomphe à Bu-
carest, et à propos de la Fileuse de Mendelg^
sohn, exécutée par lui, un critique du lieu,
M. Georgescu Stefanesti se plaît à écrire :
" Toute l'âme de Mendelssohn apparut en sa
subtilité, et nous nous sentioJis involontaire-
ment reportés à l'époque des dentelles des
jabots et des perruques blanches ". Voilà ce
qui peut s'appeler de l'admiration histori-
que ! D'ailleurs la musicologie est ici dans de
mauvaises conditions. Lors du congrès récent,
qui a réuni tous les maîtres de musique des
écoles de Roumanie, l'orchestre officiel exécuta
deux morceaux de l'Héroïque. Plusieurs de ces
excellents professeurs furent émus jusqu'aux
larmes, mais peu d'entre eux ce savaient qu'ils
avaient entendu. La joie fut grande quand on
sut que c'était de Beethoven. L'un des assis-
tants avoua que depuis 1 2 ans qu'il avait
quitté Bucarest, il n'avait plus entendu de
musique. Aussi est-il question d'organiser des
tournées de l'orchestre officiel.
M. M.
MADRID. — La Colomba du maestro
Vives nous a un peu déçus. Nous attendions
plus d'originalité de l'auteur d'Euda d'Uriach.
H. C.
ii8
L • A C T U A L I T E iVI U S I C A L E
Les Instruments
LES NOUVEAUTES DE PARTOUT
La musique viendrait-elle troubler la paix
du monde r Partout on récrimine contre l'en-
vahissement des instruments étrangers. En
Angleterre, à l'occasion des récentes élections,
des feuilles violentes, signées des plus impor-
tants producteurs de pianos londoniens, récla-
maient des tarifs douaniers élevés pour protéger
l'industrie anglaise contre la concurrence
allemanile qu'elles allaient jusqu'à qualifier de
déloyale (Unfair compétition). Rien que cela!
La presse allemande releva comme il coin enait
une telle intempérance de langage. Mais voilà
que de son côté cette même presse, devant le
projet soumis aux chambres françaises, d'éle\ cr
les droits d'entrée des instruments de musique
menace à son tour notre pa\s »le terribks
représailles. " Celui qui habite une maison de
verre ne doit pas jeter de pierres ! " s'écrie-t-
on de l'autre côté du Rhin.
D'autre part, le Ja[)on est en train de
prendre à l'Américpie toute l'expoitation
d'instnunents de musi(|uc |)our la Chiiu- <i
une partie de l'extrême Orient. Le Japon
possède actirllt-nicnt prés de 2000 vapeurs et
de 5000 voiliers ; a\ ec cela on peut faire un
peu d'exportation. Il s'agit surtout d'harmo-
niums et de gramophones dont les chinois
sont très amateurs. Les américains pour parer
le coup imaginèrent d'établir des fabriques en
Chine même, pour pouvoir abaisser leurs prix.
Les Japonais ripostèrent en faisant venir
d'Amérique les machines les plus nouvelles
et les mieux perfectionnées, et ils en pour-
vurent leurs fabriques. Grâce au bon marché
de la main d'œuvre au Japon, ils sont arrivés
à livrer aussi bien et à plus bas prix que les
Américains, et les voilà maîtres du marché
instrumental. Comment tout cela \a-t-il finir?
En attendant le catacivsme qui pourrait
résulter du choc de tant d'intérêts, nous som-
mes menacés d'un piano monstre. Paderewski
qui vient de faire rouler le tonnerre au moven
d'un appareil de son in\ention, peut bien
actuellement être surnommé le génie des
grandeurs. Il a donné ces jours passés à Vienne
au concert sur un piano monstre de huit
octaves, construit par la maison Bosendorfer.
On se demande si les notes extrêmes de cet
instrument sont bien perceptibles, et on en\i-
sage a\ ec effroi l'envahissement de nos salons
et salles de concerts par de tels surpianos.
Puisque nous sommes sur le chapitre des
pianos il con\ient tle signaler une invention
qui fait pendant au Piano-Harpe tlont j'ai
parlé dans ma dernière causerie. C'est le Piano-
Orgue, dont la Aritschrift tiir histruninitnihau
nous donne la description.
Cet instrument fabriqué par la maison
Poppcr tt C" à Leipzig est à la fois un piano
et un orgue ainsi que son nom l'indique. On
peut jouer séparément ou simultanément de
l'un rt lie Pautir. Il est destiné aux représen-
tations (.niéniatographiques, dans lesquelles le
|ii:iniste improvisateur trouvera sous la main
toutes les ressources nécessaires pour sin\re
l'action qui se déroule, et la souligner, ou
l'ilhisticr si l'on \eut, avec variété.
Les intiumeiits anciens font aussi parler
d'eux. A propos de la dernière vente il'anti-
i|iu-s (]ui eut lieu récemment à J,ontlres, le
Mcncsircl publiait la note sui\ante:
'' l'iix lie \ iolons vi'Hilus ,1 Londres en
L ' A C T U A L I T ]{ MUSICALE
119
décembre dernier: Grancino, 1.150 fr.; C.G.
Testore, 1.175 tV. ; Rocca, i.ooofr.; Guar-
nerius, 2.500 fV,; Maggiiii, 1.750 fr.; A. et
H. Amati, 3.500 fr.; C. A. Testore, 1.350 fr.;
Landolfi, i.ooofr.; Moiitagiiana, 1.650 fr.;
Gabrielli, 1.125 fr.; P. Guarnerius, 4.250 fr.;
Gragnani, 1.150 fr. ; Gagliano, 1,500 fr. ;
N, Amati, 1.500 et 1.625 fr,; San Serafino,
1-375 f''-; Stradivarius, 14.375 fr.; Klotz,
1.875 fr.; J. Guarnerius, 4.00ofr.; Ruggerius,
1.650 fr.; un violoncelle de Ruggerius, 1.200
fr.; une guitare du XVIP siècle, 2.000 fr.
Tous ces prix ont été considérés comme
normaux et non entachés de l'exagération que
bien des maisons allemandes ou autres cher-
chent à faire accepter comme la conséquence
d'une hausse régulière provenant de l'extension
des demandes, ce qui peut paraître contes-
table. "
La Zeitschrift au nom du Commerce
allemand répondit avec beaucoup de raison
et de modération que la marque d'un instru-
ment n'en fait pas uniquement la valeur, et
que les tares dont il peut être affligé sont
susceptibles de diminuer singulièrement cette
valeur.
J'ai personnellement traité la question en
détail dans ^'■V Hygiène du Violon'''' (Bulletin
S. I. M.), et j'y reviens ici, uniquement pour
mettre les amateurs en garde contre certains
préjugés surannés. Sur cent violons de maîtres
anciens, combien sont actuellement jouables
au concert \ Demandez-le aux virtuoses, aux
artistes professionnels qui se produisent en
public, et ils vous raconteront les déceptions
qu'ils ont éprouvées à ce sujet, et vous diront
aussi tout l'argent qu'ils ont englouti d'échange
en échange.
Lucien Greilsamer.
NOTICE HISTORIQUE
SUR LE HAUTBOIS
(Suite) ^
En ce qui concerne les anches des " auloi "
" tibiae " greco-romaines, je laisserai parler les
^ Voir les n''* de décembre 1909 et février 19 10.
A propos du premier article de décembre 1909, j'ai
auteurs qui ont lapporté et traité cette obscure
question et me contenterai de les commenter.
Les documents les plus importants nous
sont donnés par Aug. Wagener :
— Sur la sigiu'fication du mot " zeugos "
et de quelques autres termes se rapportant aux
instruments à anche ' —
reçu de M. E. Closson, le distingué conservateur
adjoint du Musée du Conservatoire de Bruxelles,
l'obligeante observation suivante :
" Monsieur,
" J'ai lu avec intérêt votre article si documenté dans le
" dernier S.I.M. (décembre) sur les origines du liautbois.
" Permettez moi de vous faire remarquer que le " sour-
" nay " persan que vous dites ne pas se trouver dans
" les musées eui-opéens, est représenté dans celui du
" Musée du Conservatoire de Bruxelles ".
Je suis heureux d'enregistrer cette rectification et
j'en remercie Monsieur Closson ; en signalant l'absence
du " Sournay " je n'ai fait que reproduire l'assertion de
Fétis (Hist. g'*^ de la musique. Liv. 2, page 409).
' Gevaert (La Musique de l'Antiquité. T. 2, appen-
dice p. 647) rapporte aussi cette opinion et en conclut,
que les flûtes greco-romaines possédaient en général des
anches simples ; il semble avoir été influencé par la
découverte, dans les ruines de Pompéï, de plusieurs
" tibiae " romaines à tuyau cylindrique, mais est-ce
bien là une preuve pour avancer que les anches de ces
" tibiae " et conséquemment des " auloi " grecs étaient
simples ; on verra par la suite que certains instruments
à tuyau cylindrique se jouaient avec des anches
doubles.
Ce même auteur fait remarquer que les " auloi "
étaient pour la plupart des tuyaux de médiocre
longueur ; ce n'est pas encore une preuve suffisante
pour en déduire que ces instruments possédaient des
anches simples.
Gevaert ajoute : (T. 2, p. 282) " Il est permis de
" dire d'une manière générale que les tuyaux cylin-
" driques ne s'associent qu'à des anches battantes
" (anches simples), les tuyaux coniques par contre,
" veulent des anches doubles ; conséquemment tous les
" instruments à anche se rattachent soit à la famille
" des chalumeaux ou clarinettes (anche battante tuyau
" cylindrique), soit à la famille des hautbois (anche
" double tuyau conique). Or, comme les anciens
" utilisaient de préférence les tuyaux cylindriques, nous
" sommes fondés à en conclure que la plupart de leurs
" " auloi " appartenaient à la première famille ".
Gevaert en employant le mot " chalumeau " lui
donne un sens déterminé l'assimilant à la clarinette
(anche simple) ; il me faut chercher l'origine du mot
" chalumeau " — G. A. Villoteau (De l'analogie de la
I 20
L'ACTUALITE MUSICALE
" Tout ce qu'on a dit de la signification du
" mot " zeugos " pour i5lésigner ,unç des parties
" de r " aulos " est en contradiction formelle
" avec les termes qui en parlent- d'une manière
" explicite. Partant de l'idée préconçue que
" ce mot devait indiquer l'accouplement de
" deux choses égales, à l'instar du " joug
" " zeugos " qui unit une couple de bœufs, on
" l'a mis en rapport avec la double flûte. ^
" Mais on ne saurait invoquer aucun texte à
" l'appui de cette interprétation, tandis que la
" véritable signification du mot " zeugos " se
" dégage clairement de l'examen attentif, de
" la comparaison d'un chapitre de Théophraste
" et de deux passages d'Aristote.
musique avec le langage. L. i, p. 2c6 et suiv.) nous
en donne l'explication :
" Les Hébreux nommaient leurs poèmes " miz-
" mour ". Ce mot dans son acception étymologique,
" signifie un discours d'un style coupé et bien ordonné;
" il vient de la racine " zamara " (il a coupé, il a taillé):
" on l'a appliqué à la poésie et à la musique par
" allusion à la manière de tailler les arbres, en coupant
" les branches gourmandes qui en épuisent la sève ;
" de là vient qu'on appelle " mézamerah ", une ser-
" pette de vigneron. Ainsi du mot "zamarah" (^il a
" coupé, il a taillé), on a fait " zemmera " (il a mo-
" dulé, il a chanté soit avec la voix, soit avec un
" instrument] ; et du mot "zamourah " qui signifie
" un rejeton, un provin, et par extension, un discours
" mesuré et coupé par petites jîhrases distribuées en un
" certain ordre, de même que le sont les branches de
" vigne que le vigneron a taillées en retranchant toutes
" celles qui auraient fatigué inutilement le cep, on a
" fait " zémirah " (cantique, psaume, poème, discours
"d'un style coupé) et "zamir" (chant, inflexion
" cadencé de la voix).
"Zamir" est le nom du hautbois égyptien, "zamar "
ou "zamir" est le nom du hautbois arabe et persan.
" Schalmey " dont le radical " schal " signifie en
Allemand chant, est le nom du hautbois allemand ;
de là vient le mot "chalumeau " ; son emploi, pour
déterminer ou indiquer un instrument à anche simple,
est tout au moins curieux !
Je suis d'accord avec Riemann (Diciionnaire mu-
sical, p. 131);" Chalumeau " (du latin calamus, tuyau
" tige ; en Allemand Schalmei). Ancien instrument à
" vent à anche doiihlr insérée dans une sorte de bassine,
" l'ancêtre du hautbois obtenu par la simple suppres-
" sion de la bassine et l'obligation pour l'instrumen-
" tiste de pincer l'anche entre ses lèvies".
' L'accouplement de deiu choses égales mis en
rapport avec la double flûte est certes une erreur, mais
peut logiquement s'appli<|uer une anclie double dont
les deux parties l'ga/is sont accoiipli'ei.
" Voici d'abord ces derniers textes litté-
" ralement tradujts :
Ar^stote. De Aubid. p. 802, b. (éd. Beklcer) :
" Il fauj: que les anches , ("yXw-ra*) des
" " auloi " soient compactes, lisses et uni-
" formes, afin que grâce à elles, le souffle qui
" les pénètre soit de même, doux, uniforme
" et sans intermitance. C'est pourquoi les
" " zeugé " humectés et imbibés de salive ont
" un son plus moelleux, tandis que secs ils
" donnent un mauvais son. Car l'air qui tra-
" verse (un corps) humide et lisse est doux et
" uniforme. La preu\e c'est que le souffle
" lui-même, lorsqu'il est chargé d'humidité
" va beaucoup inoins se heurter contre les
" " zeugé " et se disperser, tandis que s'il est
" sec, il s'accroche da\antage et rend par sa
" violence l'attaque plus dure. " '
Ibid. p. 804, a : " Les sons épais sont ceux
" qui se produisent lorsqu'une grande quantité
" de souffle se projette simultanément au
" dehors. C'est ce qui donne plus d'épaisseur
" à la \()ix des hommes et aux sons des
" chalumeaux-parfaits, surtout lorsqu'on les
" remplit de souffle. La preuve c'est que lors-
" qu'on pince les " zeugé " le son est plus
" éle\é et plus fin. " Il en est de même
" lorsqu'on raccoiucit les syringes. Mais lors-
" qu'on les allonge, on obtient un son beaucoup
" pkis plein, à cause de la quantité de souffle
" (qui s'y engage) comme c'est aussi le cas
" pour les cordes qui ont une plus grande
" épaisseur.
Maintenant voici le texte de Théophraste,
Hist. plant., TV, II, (éd. VVimmer) : '^ On
" dit c|u'il \ a di'iix espèces de roseaux : celui
" poin- les instruments à \ent (l'aulétique) «et
" l'autre r
" Ce qu'on raconte au sujet du roseau pour
" instruments, à savoir qu'il pousse tous les
' l'oiir qu'une anclic de hautbois donne un son.
moelleux, il faut qu'elle soit imbibée d'eau ou de
salive, pour l'anche simple de la clarinette, il suftit
qu'elle soif légèrement humectée.
■' ... Lorsqu'on pince les " zeugé " le son est plus
élevé et plus fin ; ceci peut se produire sur un instru-
ment de l.'i famille du hautbois (anche d(Uible) et non
sur un instrument app.irlenant à la tamille clarinette
(anche simj)le).
L'actualité: musicale
I 2 I
neuf ans, en vertu d'une loi naturelle, n'est
pas exact. Kn soinme il se produit lorsqu'il
y a crue du lac (d'Orchomène)
" Le roseau • aulétique réussit! lôi'squ'àprès
de fortes pluies l'eau denleuré' pendant deux
ans au moins
" Oii dit, et la chose paraît exacte, que
lorsque le lac gagne en profondeur, le roseau
atteint (dès la première année) toute sa
longueur, mais que l'année suivante seule-
ment, en demeurant sur place, il atteint sa
maturité. On ajoute que le roseau arrivé à
maturité est celui qui sert à fabriquer les
" zeugé " (le roseau " zeugite ") tandis que
celui dont l'eau s'est retirée est le " bomby-
cios " (le roseau pour tuyau). On dit qu'il
(le roseau " zeugite ") diffère en général
des autres roseaux par je ne sais quoi de
plantureux : il est plus plein, plus charnu et
a dans l'ensemble un aspect féminin. Son
feuillage est plus large et plus clair, et il a
la panicule plus petite que les autres ;
quelques (exemplaires) même n'en ont pas
du tout, ce qui fait qu'on les appelle des
ennuques. On prétend que ceux-ci sont les
meilleurs pour les " zeugé ", mais que
bien peu réussissent pendant la fabrication. ^
" Avant l'époque d'Antigénide (v. 380 av.
J.-C.) lorsqu'on jouait " sans ornements
la coupe, dit-on, se faisait au mois de
Boédromion, vers le lever du Bouvier (mi-
septembre). Celui que l'on coupe alors ne
peut être employé que plusieurs années plus
tard ; il doit être joué longtemps avant (de
pouvoir servir) et l'ouverture [to crroina) des
anches se contractCj ce qui est utile pour le
jeu ordinaire. Mais lorsqu'on en vint à la
musique " figurée ", l'époque de la coupe
fut changée, car on coupe maintenant le
roseau au mois de Scirrophorion ou d'Héca-
tombéon (juin), un peu avant le solstice
d'été, ou à cette époque même. On peut
l'employer au bout de trois ans ; ^ il ne doit
' ... bien peu réussissent..., peut s'appliquer à l'anche
simple, mais combien mieux à l'anche double.
- PoUux sect. 7 1 . La préparation des anches formait
une industrie à part. Celui qui fabrique les " auloi "
s'appelle " Aulopios " et pour ce qui concerne les
" pas être joué longtemps et les anches se
" prêtent aux entrebâillements nécessaires pour
" jouer dts morcéslux 'de virtuosité.
" Telles sont d(jnc les époques de la coupe
" du' (roseau) " zeugite". Quant à la manière
" de le travailler, la voici En été
" on le coupe aux nœuds On laisse à
" la partie comprise entre deux nœuds, le
" nœud supérieur Les entre-nœuds
" les plus propres à la fabrication des " zeugé "
" sont ceux qui occupent le milieu du roseau ;
" les entre-nœuds les plus rapprochés des
" branches fournissent les " zeugé " les plus
" doux ; ceux qui sont voisins de la racine
" fournissent au contraire les plus durs. Les
" anches faites du même entre-nœud sont
" dit-on d'accord entre elles, tandis que les
" autres ne le sont pas. L'anche prise du côté
" de la racine est pour le tuyau de gauche (le
" plus aigu) ; celle que l'on prend du côté des
" branches est pour le tuyau de droite (le
" plus grave). ^ Lorsque l'entre-nœud est
" coupé en deux, l'ouverture {t6 arofia) de
" chaque anche se trouve du côté de l'incision.
" Si les anches sont faites autrement, elles ne
" s'harmonisent pas. ^
Aug. Wagener : " Pour peu qu'on se donne
" la peine de lire attentivement les passages
'.' que nous venons de transcrire, on verra
" clairement que le " zeugos " ne peut être
'• autre chose que l'ouverture de 1' " aulos ".
" En effet d'après Aristote, il est imbibé de
" salive, et lorsque cet auteur dit qu'en le
" pinçant on rend le son plus élevé et plus fin^
" il ne peut être question que de l'action
" exercée sur le " zeugos " par les lèvres. ^ •
" La preuve c'est qu'Aristote emploie le
" même mot {Trii.Z,Hv) dans le passage suivant.
parties de l'instrument il y a le facteur d'anches
(jXiiJTTOTToioç) et le foreur (^avXoTpînnjç).
Les Grecs avaient particulièrement observé ce qui
convenait le mieux pour la qualité des anches et
" zeugé " de leurs " auloi " ; nos fabricants d'anches
et nos marchands de roseaux actuels feraient bien
parfois de les imiter.
^ Le contraire s'expliquerait mieux.
^ Ces dernières phrases s'appliquent, je l'avoue, à un
système d'anche simple.
^ Voir note 5.
122
L'ACTUALITE MUSICALE
" De Aud., p. 8oi, b : " Quand les anches
" sont plus étroitement unies (au bec), le son
" devient plus dur, et plus éclatant lorsqu'on
" les pince davantage au moyen des lèvres,
" parce que le souffle est projeté avec plus de
" violence. ' D'autre part le " zeugos " n'est
" pas la même chose que l'anche (y/\(.)--«).
" Ceci n'a pas besoin de démonstration pour
" ceux qui connaissent le langage précis
" d'Aristote et de Théophraste, lesquels n'em-
" ploient jamais dess\nonymes inutiles propres
" à introduire de la confusion dans l'esprit.
" Toutefois il doit y avoir une étroite
" relation entre le " zeugos " et 1' " anche ".
" En effet les " entre-nœuds " du roseau
" " zeugite " servent à la fabrication des
" " zeugé ". Mais ces mêmes " entre-nœuds "
" ser\ent aussi à la fabrication des " anches ".
" Qu'est-ce à dire.^ c'est que l'entre-nœud est
' Aristote, parlant des "zeugé" dit: "Lorsqu'on
" pince les "zeugé " le son devient plus e'iex'e et plus
'■'■ fiti " (voir la note 5) ; mais l'effet n'est plus le même
quand cet auteur parle des anches : " lorsqu'on les
" pince le son devient plus e'elatant " ; il faut néces-
sairement admettre pour le second cas une autre dis-
position de l'anche.
Gcvaert, ibid, annote aussi ce passage : "Lemanus-
" crit porte (Ti-yK-po-ffjutr. ce que Bekker a changé en
" iri:\t)fjoT(oair. Ce changement ne nous paraît pas
" heureux. Aristote vient de dire que les instruments
" à anches "obliques" (quelle forme d'anches entend-
" t-il par là ?) ont des sons plus doux, parce que le
" souffle y pénètre immédiatement dans un espace plus
" large. Il s'agit donc de trouver un adjectif qualifiant
des anches à disposition différente "
.'Xnches "obliques", quelle forme d'anche entend-
t-il par là .■"
L'anche simple et le bec, comme dans nos clari-
nettes, ne peuvent être désignés plus clairement et c'est
bien la seule fois (|u'ils sont indi<|ués d'une façon aussi
précise ; en effet, le roseau servant de bec devait être
taillé de manière à recevoir l'anciie (sim|)le), et pour
que l'ouverture de l'anche fut réduite à des proportions
raisonnables, le roseau devait être entaillé oblujur-
menl ; la position de l'anche sur ce roseau (bec) était
donc obli'jui- et le souffle y pnu'Irail immi'Aiate-
ment dans un espace plus large; de nf)s jours c'est le
bec même de la clarinette (|ui est taillé obli(|uement.
Ces anches (unies au bec) ont des sons plus iloux,
pourtant les auteurs Grecs dépeignent Us sons de
r " aulos " comme strident horriiile ; ils emploient
aussi des (|ualificatifs plus aimables, il faut donc
reconnaitre (|u'il existait diHércntes dispositions des
anches.
" d'abord di\ isé en deu.x parties, probablement
" égales, dont chacune sert à fabriquer un
" " zeugos ". Celui-ci s'obtient ensuite en
" pratiquant dans le demi entre-nœud une
" incision longitudale, de telle .sorte que l'une
" des deux parties ainsi obtenues soit assez
" mince pour pouvoir vibrer comme une
" anche (yAwrra. lingula). Elle peut par l'une
" de ses extrémités rester attachée à l'autre
" partie, comme dans 1' " Arghoul " des
" Arabes. Elle peut aussi en être détachée, sauf
" à s'y rajuster ensuite au moyen d'un fil ou
" autrement. C'est ce dernier procédé qui paraît
" avoir été pratiqué habituellement à l'époque
" Alexandrine, puisque les aulètes avaient alors
" un récipient spécial {y\u)T-OKono7ov) pour
" y enfermer leurs anches (v. Pollux, 1 1, 103;
"^- 153), "^
Il y a d'autres preuves encore pour a\ancer
que les instruments de la famille des hautbois
ont tenu une place plus large que ne veulent
lui accorder certains auteurs ; je dois citer les
passages sui\ants : "
" On louera un auléte en parlant de sa respi-
" ration impétueuse, par rapport à la quantité
" de son, au timbre et à la vigueur du souffle,
" et à l'absence de (grimaces " (Pollux,
1. IV, sect. 68.)
" Si l'on en croit certains auteurs de l'époque
" romaine, les instruments à vent n'auraient
" eu que 4 trous et moins encore.
■^ " Anciennement les trous n'étaient qu'au
" nonihre de 4 ; niais Diodore de Thèbes eti
" perça plusieurs, ouvrant, au iiKnen d'orifices
" latéraux, des issues au souffle. " (Pt>llux,
l. IV, sect 80.)
■' " Toutefois des instiunicnts aussi primi-
" tifs se rapportent à une époque légendaire.
" De bonne heinx- les '' Hi'lrcs " simples furent
" percées d'une assez graiule tjuantité de
" trous. Si nous acceptons comme normal le
" nombre sept, lequel se représente a\ec une
' Ce lécipient pouvait servir à y enfermer au.ssi bien
des anches doubles qui se détachent de l'instrument.
■' Gevaerf, Hislojre de la musii]ue tie l'antiquité.
L. 2, p. 293, note 1.
•' 1(1., note \.
* Id., j). i94.
L'ACTUALITE MUSICALE
123
" persistance remarquable sur les instruments
" arabes et iiulous. " (Pollux, 1. IV, scct, 72.)
' " Les i|ualités que l'on recherchait chez
'* l'aulète étaient la longueur et lY-galité de la
" respiration, la variété du timbre et des
" nuances, mais avant tout la prestesse de la
" main, l'agilité des doigts. " (Nonn.., Dionys.,
Ch. III, V. 234-242.)
' " Les épithétes propres à un aulète sont :
" soufflant bien.... ayant un son mâle, ner-
" veux, fort, juste, retentissant, saisissant,
" suave ; ayant une émission douce, plaintive,
" gracieuse, séductrice Notez aussi chez
" l'aulète l'agilité, la dextérité et la facilité de
" la main de la langue et de la bouche, la
" plénitude et la continuité du son. " (Cf. Bar-
thol, de Tib. vet. 1. i, ch. 7 et 8.)
La longueur de la respiration, la continuité
du son étaient les qualités que l'on recherchait
chez l'aulète ; il faut y voir une étroite rela-
tion avec les instruments indous ^ ancêtres du
hautbois ; l'anche simple qui occasionne une
déperdition de souffle beaucoup plus grande,
plus rapide, puisque F air y pénétre immédiate-
ment dans un espace plus large n'aurait pu con-
venir à l'aulète pour acquérir cette continuité.
Les mêmes nombres de trous 4 et 7 se re-
trouvent dans les instruments (de la famille du
hautbois) arabes et indous, les instruments à
anche simple y tiennent une place relative-
ment restreinte, alors pourquoi voir le contraire
chez les grecs et Romains.
Une dernière preuve que les " auloi " grecs
devaient posséder en général des anches dou-
bles nous sera fournie par le rapprochement
des deux textes suivants l'un d'un ancien,
il'autre d'un moderne :
Ptolomée, dans le chapitre 3 du livre pre-
mier des Harmoniques, dit : " la trachée artère
" est une flûte (aulos) naturelle.
Voici maintenant l'opinion de M. Alb.
Lavignac (La Musique et les Musiciens 8™^
édit. p. 29) : " Les instruments employés en
" musique obéissent tous aux lois que nous
:" avons précédemment étudiées ; (lois d'acou-
' ^ Id., p. 300.
^ Id., p. 300, note 3.
^ Voir le n° de décembre.
" stique). Le classement suivant montre à
" laquelle de ces lois est soumis chacun d'eux
" en particulier.
Je n'indique que ce qui peut nous intéres-
ser ici et je trouve dans ce classement :
l'Clarinette
à anches fermés-^ Cor de Basset
(Clarinette Basse
" Tuyaux
" Tuyaux ouverts à anche doublée
(Voix humaine
1 H.(mthois
I Cor Anglais
Basson
I Contre Basson
vSarrussophone
Tout commentaire est je crois inutile.
Les" flûtes" grecques étaient très nombreuses
mais on peut juger par ce qui précède qu'il est
difficile si non impossible d'en établir une
exacte classification, on trouvera leurs noms
dans les écrits des auteurs que j'ai cité. Je
reproduirai pourtant un passage de Gevaert
oè-^cet auteur cite les " auloi " qu'il admet
dans la famille des hautbois :
^ •' La famille des hautbois avait donc chez
" les anciens un domaine singulièrement re-
" streint ; ses représentants doivent être cher-
" chés parmi les variétés secondaires des
" " auloi enfantins " - ; c'étaient pour la
" plupart des instruments étrangers, peu cul-
" tivés par les Grecs et destinés à être joués
"sans chant. Tel est le "gingros" dont le
" tuyau n'avait que la longueur d'un empan
" (20 à 25 cent.) dimension qui lui assigne une
" place dans la classe la plus aiguë représentée
■ " par " l'aulos parthénien " (Mi 3 mi 5 au
" diapason moderne). ^ Ses sons étaient aigres
^ Gevaert, id., p. 284.
- Id., p. 273 (Division Aristoxénienne).
^ L' " e, ràqyeh " dont il sera parlé par la suite est
un hautbois persan (Fétis, t. 2, p. 152) ; il ne mesure
que 244 millimètres et possède cependant une échelle
divisée par quarts de tons qui va du
àl'
124
L'ACTUALITE MUSICALE
'' et plaintifs. (Ath., 1. IV, p. 174 f. cf. Pollu.x,
*' 1. IV, sect. 76.) "
" Les Phénidens auxquels on attribue l'in-
" ventioii de ce petit hautbois, l'appelaient
" " Adonis " du nom de certains chants rtié-
" lancoliques sur la mort du jeilne dieu tué
" par un sanglier. Les Athéniens du IV*^ siècle
" a\'. J. C. s'en servaient parfois dans leurs
" banquets. (Amphis et Axionicos, ap. Athen.
"liv. IV, p. 175, a. b.)
" Nous rangerons aussi parmi les hautbois,
" r " aulos " funèbre de la Phrvgie, en usage
" également chez les Cariens (Pollux, 1. IV,
" sect. 75.)
' " Un renseignement d'Elien, recueilli par
" Porphyre, nous apprend que les auloi phr\'-
" giens axaient un diamètre plus étroit que
" ceux d'origine grecque. Leur timbre était
" en conséquence moins plein que celui des
" instruments à gros tuyau (bombykoi) ; les
" littérateurs Roinains le dépeignent comme
" terrifiant, strident, horrible. "
L'art aulétique fut cultivé a\'ec un grand
soin chez les Grecs, et l'aulète (le joueur
d' " aulos ") l'objet d'une admiration et d'une
considération très en\'iahles ; point de funérail-
les ni de noces d'où les aulètes fussent absents.
r>es musiciens Romains des deux premiers
siècles ne portèrent pas moins leur attention
vers cette partie de l'art pratique; les"tibiae"
accompagnaient au théâtre les ensembles dra-
matiques, les tibiae longues et graves étaient
affectées à l'usage du culte Romain.
Mais vers le V" siècle les "auloi " cessèrent
d'être cultivés avec soin, le christianisme con-
damna l'instrument auquel les païens attri-
buaient le pouvoir d'apaiser les dieux ; les
"auloi " fureur abandonnés aux musiciens po-
pulaires pour une longue suite de siècles ; nous
les retrouverons chez les Arabes et les Ivjyp-
tiens sous les noms de " z.uur " et " zaïnir ". -
' Gevacrf, id., p. 288.
* Voir la note- 2.
A. HKii)i:r
Questions
Sociales
c*>
ET INTERETS PROFESSIONNELS
Le Gracifa'x Concours
Remercions vivement tous les artistes qui
ont bien \oulu répondre à notre enquête sur
cette importante question du gracieux concours.
Ils témoignent, en écrivant, d'un esprit de
solidarité tout à leur honneur et aussi d'un
certain courage puisqu'ils osent, en toute
franchise, donner leur opinion et leur sii^na-
ture. C'est d'un bel et bon exemple. L'énergie,
la décision prompte, la rectitude du caractère
sont les premières des qualités pour im artiste...
et pour un homme.
Rendons hommage, tout d'abord, au maître
\énéré qui nous adresse la lettre siuvante, à
M. Tliéoilort- Dubois.
M.,
A mon avis le " irraoioux ooncours " ne tlo\ rait
jamais être sollicité par les LTens liii monile ni accordé
par les artistes.
Mais comment empC-cher cela ? Grève, afjence,
syndicats, me paraissent moyens ilétestables, dont le
résultat serait finalement, et fatalement, de nuire aux
artistes, car ce serait alors les ijens du monde qui
feraient la gri-ve et qui auraient recours aux amateurs,
aujourd'hui très nombreux et dotu beaucoup ont un
réel talent.
I,es |iau\res artistes sont smueiu victimes tie cette
espèce d'indiscrétion cpii les poursuit, inconsciemmeiu
le plus souvent. — Combien de maîtresses lie maison
donnent, ainsi, chez elles, de maLTiiifiques concerts qui
ne leur coûtent rien !
En sotTime, le " j^racieux concours " ne devrait
exister que d'artiste i artiste, ou encore lorsqu'il
L'ACTUALITE MUSICALE
125
s'agit d'it'uvres de bicnfaisaïu'c notoires. Coinincnt le
combattre sous les autres foniies ? Je crois que l'inter-
vention ^> peu pris unanime de la presse pourrait avoir
un bon résultat si elle s'efforçait, par des arguments
solides, et sous une forme courtoise, de faife com-
prendre aux gens du monde qu'ils commettent une
action peu digne d'eux et,^e leur situation en récla-
mant et en acceptant le concours d'artistes sans
rétribution. — Le comprendront-ils ? Là «st la
question. Ne se feront-ils pas ce raisonnement : Il est
vz-ai que nous ne payons pas les artistes, mais lorsqu'ils
donnent des concerts, nous leur prenons des billets .?
C'est possible et même vrai, mais combien en prennent-
ils } Un, deux, trois. Ils vont rarement au-delà ! — Il
faut avouer que c'est une mesquine rétribution.
Quoi qu'il en soit, je ne vois guère d'autre moyen
de combattre le " gracieux concours " que la per-
suasion. Tout autre serait une atteinte à la liberté
de chacun.
Théodore Dubois.
On reconnaît, dans cette lettre, l'esprit de
tact, de modération, de courtoisie qui caracté-
risent M. Th. Dubois. La " persuasion
est-elle suffisante pour déterminer ceux qui en
profitent à renoncer à leurs avantages '^. C'est
ce que l'avenir montrera.
M. Georges Sporck est très net dans sa
réponse.
Monsieur et cher Collègue,
Je me fais un devoir de répondre à la question que
vous posez : le gracieux concours doit-il être toléré,
encouragé ou combattu ?
Encouragé, quand, par devoir professionnel, nous
le prêtons entre artistes, c'est-à-dire dans la grande
famille intellectuelle que nous formons.
Absolument supprimé pour toute autre cause.
Il y a trop d'abus.
Les artistes auront toujours à cœur de ne demander
ou d'accepter de gros cachets quand on les sollicitera
pour des oeuvres de bienfaisance ; mais là, où il y
aura recette, on devra leur donner autre .^chose que
cent sous pour leurs voitures et un bouquet de
trois francs cinquante. Les femmes, notamment, ont
des frais de toilette dont il faut bien tenir compte.
, Pour les soirées mondaines, je suis tout aussi radical.
Les personnes qui reçoivent devront envisager les
deux solutions suivantes : ou bien s'imposer une
dépense de quelques louis de plus ; ou restreindre
leurs frais de réception.
N'est-il pas navrant de penser qu'après avoir
travaillé toute la journée, nous devions continuer le
soir en exécutant une partie de concert qui nous fait
coucher tard, nous fatigue, et ne nous rapporte que
de l'eau bénite de cour.
Voici, cher Monsieur, mon impression personnelle,
qui, je le sais, est celle de beaucoup de mes confrères.
' G. Sporck.
Ceci .est net, et rempli de bon sens —
qualité plus rare qu'on ne suppose — •. Si tous
les confrères de M. Sporck sont de son avis,
le " gracieux concours " sera bientôt supprimé.
M. Roger de Beaumercy, organisateur de
soirées mondaines, paraît fort bien placé pour
connaître la question. Sa lettre est trop longue
pour être publiée intégralement ; c'est dom-
mage, car elle est fort humoristique. En voici
quelques passages :
" A mon avis, le '* gracieux concours " doit être
combattu.
L'artiste a trois ennemis : le gâcheur, Y amateur, et
le " tapeur de concours gracieux ".
Le gâcheur, c'est l'artiste de métier qui se dérange à
n'importe quel prix, celui qui va jouer une revuette
dans une société à 100 kilomètres de Paris pour 25 fr. ;
celui qui ira chanter à Bondy ou à Bourg-la Reine
pour 10 fr. et ainsi de suite. J'en connais, l^'amaleur
est toujours doublé d'un gâcheur et d'un artiste
médiocre, il se dérange pour rien, ou presque, et rend
ridicule le genre qu'il exploite. "
Ici nous protestons. M. de Beaumercy, en
écrivant cette phrase, a en vue un certain
genre de productions, mais, à notre tour nous
dirons : je connais des " amateurs ": canta-
trices, instrumentistes, chanteurs, bien au-
dessus de certains professionnels, allons plus
loin, doués d'un très réel talent et s'étant
astreints à un très sérieux travail — ce qui
rend, pour les artistes, leur concurrence d'au-
tant plus dangereuse.
Reprenons notre lettre.
" Au point de vue salon. — Une maîtresse de
maison a toujours, plus ou moins, un professeur de
chant ou de piano pour sa fille.... le concours du
professeur est acquis de droit ; mais la maîtresse de
maison, roublarde, le prie d'amener, pour sa soirée,
quelques camarades. — Alors le professeur, pour
garder sa cliente, prie des amis de venir et ceux-ci
viennent en effet, pour être agréables à leur collègue.
Le tour est joué.
Une autre forme de tapage c'est celle qui consiste à
demander votre " gracieux concours " en vous faisant
valoir qu'il y aura dans le salon en question : M. X,
le gros banquier, M. Y, l'industriel bien connu, ou
M. Z, le notaire, qui donnent des fêtes magnifiques
et qui vous prendront skrejnent en vous donnant un
gros cachet.
120
L'ACTUALITE MUSICALE
,Bref, pour les salons, il n'y a qu'un moyen, c'est
d«ï refuser.
Pour les sociétés... je repondrai que les plus chics
de Paris sont celles qui payent le moins et elles ont
à rceil : la Comédie-Française, l'Opéra, l'Opéra-
Comique... commenfvoulez-vous que ceux qui n'ont
qu'une demi-vedette se tassent payer ?.. Le mal vient
d'en haut.
Le remède ?
Pour les salons, rien à taire. On ne peut-empécher
un artiste d'aller dans un salon ami. Pour les sociétés
qui ont un caractère public (puisqu'on peut payer sa
place) il taut exiger un minimum d'un louis par
artiste. Ce jour-là, au lieu de donner des concerts avec
20 altistes, de i h. i à 6 h. ^, ils commenceront à
3 heures jusqu'à 5 h. A avec 6 ou 7 artistes de métier,
qui garderont la scène | d'heure au lieu de dire juste
une poésie et de s'en aller.... Il faudrait créer un
Syndicat des artistes Professionnels concertistes. Ce grou-
pement pourrait lutter efficacement contre hs fàc/ieux
en les boycottant, en clouant leur nom au pilori...
Enfin ce syndicat ferait distribuer, à toutes les sociétés,
la liste des amateurs moitié-protessionnels qui encom-
brent la situation :
M. un tel, chanteur, est un courtier en vins.
M. un tel, humoriste (.^), est un calicot.
M. un tel, violoniste, est un fonctionnaire,
vivant de leur métier et faisant " l'artiste " pour leur
argent de poche.
Voilà la bonne besogne à faire, etc.
R. DE Beaumkrcy.
Cette lettre e>t extrêmement intéressante,
non seulement par elle-même, mais par l'état
d'esprit qu'elle dénote. Nous n'en connaissons
pas personnellement l'auteur ; peut-être a-t-il
souffert lui-même de l'état des choses, certai-
nement il en a \ 11 beaucoup souftrir et,
passionnément, il entreprend de se défendre,
lin, et les autres. Il coimaît bien la question,
mais l'examine d'iui point de \ ue trop parti-
culier : celui du genre qu'il cidti\e; cependant
il est pratique, le chiffre ne l'effraie point, ni
le détail pittoresi|ue. Certains de nos lecteurs
trouveront peut-être que ces questions de
" gros sous " m-'iiquent d'élégance. Qu'ils
veuillent bien se représenter la condition
médiocre de beaucoup de pauvres hères qui
ont cru se vouer au " Cjrand Art " et ipii
voient se dérouler, aHreusement tristes, non
pas le collier, mai?, la lourde chaîne des jours ;
ceux qui sourient en scène et se demandent
dans la coidisse, avec im serrement de cti-ur,
comment ils régleront le terme à \einr ou la
note d'un fournisseur impavé. Il y a là de
grandes détresses, et loin de cultiver nos sen-
sibilités exigeantes en nous plaignant de les
connaître, il taut nous pencher sur elles et
leur tendre une fraternelle main.
T' Ajoutons que, comme pour nuire à sa cause,
notre correspondant nous dévoile inconsciem-
ment tous les désa\antages du mo^■en qu'il
préconise. Le syndicat s'affirme ici avec sa
tyrannie possible. Nous " boycotterons " les
fâcheux ; nous " démolirons " (le mot y est)
les amateurs.... C'est l'attitude du combat, et,
par définition, celle de l'injustice, car le com-
bat, bien mené, c'est l'espérance de la \ictoire
à tout pri.x. " J'aime mieux l'injustice que le
désordre ", disait Gœthe. Parole étonnante
chez un tel hcMnme et faite pour déshonorer
une telle bouche. Il ne taut jamais aimer
l'injustice.
De M""' Jane Arger, l'aimable cantatrice,
nous rece\<)iis la lettre suivante qui fait autant
d'hoiuieiir à la temme qu'à l'artiste :
" Supprimer le " gracieux concours " ? Je ne crois
pas que vous trouviez une. solution radicale. Mais on
peut l'endiguer peut-être. Car enfin il faut bien
avouer qu'il n'est pas toujours l'ennemi de l'artiste.
Vous avez dit si joliment le rôle des artistes dans les
bonnes œuvres, qu'il est inutile d'ajouter un mot à
vos lignes. Mais l'interprète a, je crois, une autre
raison d'accepter le très onéreux " gracieux concours ".
C'est la joie désintéressée, irrésistible pour lui de
prendre part à l'exécution d'une belle œu\re. Si, par
surcroît, cette ti^uvrc est celle d'un auteur inconnu,
digne d'être secondé, (combien de jeunes musiciens ne
pourraient faire connaître leurs œuvres sans le secours
du " gracieux concoui-s "... hélas !) l'action est plus
digne encore.
Mais... mais... il y a les abus.
Contre ces abus, il faut que les amateurs de musique
nous aident eux-mêmes à réagir. Il faut que vous leur
fassiez comprendre la grave responsabilité qu'ils assu-
ment. Lorsqu'il s'agit des cas mentionnés dans votre
étude (concerts mondains, tasse de thé) le temps que
le " gracieux conct)urs " dérobe à l'artiste est perdu
pour l'art ; car, en outre du temps ([u'il donne,
l'artiste est entraîné à t|uelques dépenses obligatoires ;
il doit regagner tout cela tiifficilcmeni d'un autre côté.
Cunnnent . Kn faisant ce t|ue les professionnels ap-
pellent a\ec tristesse : du métier. Car il faut vivre !
Il me semble qu'en mettant de part et d'autre de la
bonne volonté, artistes et amateurs de musique pour-
raient facilement s'entcntire. Vn bon exemple est
tourni actuellement par les doi leurs en médecine.
L'ACTUALITE MUSICALE
I 27
Tous, célèbres ou inconnus, appllcjucnt ;'i l;i socictc la
même loi d'éc|uilil")re ; dévoués é^^aleiiient aux riches et
aux pauvres, ils demandent à ceux qui peuvent donner
et n'exigent rien de ceux qui ne possèdent rien. Les
afrtistes créent la beauté pour l'âme. Pourquoi les
interprètes ne suivraient-ils pas tous cette voie si bien
tracée .-' Ils ne se feraient d'ennemis que parmi ceux
qui ne comprennent pas le noble rôle joué par l'art
dans la société. "....
Jank Arger.
Un excellent professeur de chant, M""^
Jacquemin, nous écrit d'autre part :
" Que faire .-' Il faudrait que tous les artistes fussent
ligués et se missent en grève. Jamais on n'arrivera à
. cela... De plus, si nous refusons tous notre " gracieux
concours ", les amateurs nous remplaceront sans peine,
il y en a de fort intéressants.
Il y a du vrai dans cette dernière phrase.
Pour finir, l'avis, très pratique et très net,
de M^'" Delhez, la gracieuse cantatrice qui
organise les séances du Lyceum Club :
" Dans tous les cas, les frais de voiture et de dé-
placement exigés par les répétitions, de même que
l'accompagnateur (pour les chanteurs, violonistes, etc.)
devraient être remboursés. Même dans les concerts de
bienfaisance une redevance doit être allouée aux
artistes. Sans eux, il n'y aurait pas de concert possible...
Il faudrait s'entendre ; nous pourrions nous syndiquer.
Les pianistes-accompagnateurs se sont syndiqués ; je
ne crois pas que cela leur ait nui...
Les choses de luxe s'apprécient seulement lorsqu'elles
I coûtent cher, et, en discréditant la musique, nous
I nous tuons nous-mêmes.
Cette philosophique réflexion devrait être
i inscrite en lettres d'or dans toutes les salles de
; concert et méditée longuement par tous les
. auditeurs.... et les exécutants. Elle comporte
; des sens nombreux, divers, et fort attachants.
Nous donnerons dans le prochain numéro
les lettres de M'"' Mulet, Schmoll, Godebski,
fLeborne, Weiller ; de M"'*^ Delage-Prat,
Carissan, compositrices ; Caillé, etc.
M. Daubresse.
C*>
FAITS SOCIAUX
Thkairk. — Un groupe d'artistes lyriques va
donner, à Liège, une série d'opéras-comiques du
XVIII'' et du début du XIX« siècles. — A Berlin on
se sert du gramophone pour imiter les murmures de la
foule dans le Forum ; à Londres pour " la musique
dans l'éloignement " ; à Moscou pour les plaintes et
les cris des enfants dans un drame de Gorki. — A
New-York, depuis le mois de janvier 1910, première
saison d'opéra par la téléphonie sans fil, porte à
100 kilom. — A Calcutta, à une représentation du
Roi Cadore, les artistes portaient tous de vrais bijoux :
la chanteuse avait une tiare de diamants et de rubis,
un collier de brillants, un bracelet de saphirs. Le total
montait à 10 millions. Si non è 'uere. — A Munich,
fondation d'un Opéra populaire. — A Buenos-Ayres,
une nouvelle société, La Teatrale, va truster les
théâtres sud-américains, elle forme aussi une troupe
d'opérettes. — A Alexandrie une troupe française
d'opéra comique s'installe à l'Alhambra et une troupe
italienne au Petit-Théâtre. — Depuis la Noël les
théâtres de Londres n'ont pas représenté moins de
cinq pièces pour enfants, jouées par des enfants. —
Au Lyceum, à Londres, dans la pantomine Aladin
le principal tableau est un parc d'aviation avec aéro-
planes de modèle réduit.
Concert. — A New-York, Mr. Harding a joué
du piano pendant 36 heures 32 minutes. C'est le
record. — Une société musicale indienne, sous la
conduite d'un chef indien, fera une tournée européenne
du 15 juin au 15 septembre. — M"'' Pilar Osorio est
une pianiste espagnole de 3 ans qui joue les morceaux
les plus difficiles ( !) sur un petit piano à son usage. —
A Bruxelles, lors de la future exposition, audition
d'une Cantate avec 1400 exécutants.
Mouvement social. — Les machinistes de l'Opéra
et de la Hofburg (Vienne) se mettent en grève,
demandent une augmentaticn de salaire et la recon-
naissance de leur syndicat. — A Trieste le conseil
communal refuse la subvention annuelle de 40.000
couronnes. Il n'y aura que quelques représentations
populaires. — A Biella, on donnait Ernayii ; les
artistes qui n'étaient pas payés, refusent d'entrer en
scène ; le directeur s'étant absenté avec la recette, cris,
tumulte. On menace les malheureux de prison. Ils
jouent et le lendemain décampent. — Les choristes de
Budapesth sollicitent une augmentation ; la direction
les licencie, ils rentrent sans avoir rien gagné. — A
Kiel, de jeunes enfants, engagés pour jouer Cendrillon
et non payés, se mettent en grève. On fait venir des
bonbons, la grève échoue. — A Budapesth le directeur
de la police exige des artistes de Music-hall un
brevet de capacité (!) et des tenanciers de bars, au
théâtre, un brevet de moralité (!!).
M. D.
DÉSIREZ-\ eus CONNAITRE LWDRESSE
d'une Maison donnant en LECTURE non seulement de la
Musique Française
MAIS EGALEMENT ET SURTOUT
r
Toute la Musique Etrangère
ET MEME DES
Partitions d'Orchestre ?
ADRESSEZ-VOUS A
M. MAX ESCHIG, 13, rue iaffittk, 13, PARIS
■*
TÉLÉPHONE I0S-I4
qui vous enverra immcdiatctnent toutes les cc^nditioiis
SERVICF. POUR PARIS HT [.A PROVINCE
ÉDinON 1\)1^ULA1RE SIMROCK
Lks CHFKs-n'ŒuvRK i)K lîRAllMS, BU l'un,
I)\'()K\K, SCHUTT, F.rc.
POIIK L\ MOIIMK \)l. LEURS PRIX ANUIl-.NS!
Dl'.MANDl,/ i,l'. LATAI.Oca !•: SI'I'aI AI,
HAUTES ETUDES S0CIALP:S
I février : — M. Pirro termine l'étude de
Buxtehude (A ce propos, je rectifie une
coquille égarée dans le dernier compte rendu :
lire la et non sa herga masque) en parlant des
intentions symboliques de ses compositions.
Les contemporains avaient adopté des formes
correspondant à des pensées. B. n'en abuse
pas, très simple et d'ailleurs empêché par son
harmonie homophone et par son instrumenta-
tion peu souple. En somme il use exception-
nellement des valeurs musicales. Il se sert plus
fréquemment des procédés expressifs, obligé de
compter avec un public des négociants qu'il
fallait distraire et émouvoir : il emploie les
sixtes mineures pour les implorations, les tons
chromatiques exaspérés pour rajeunir les
thèmes et les chorals usuels, les interruptions
aux effets dramatiques et enfin la mélodie
ample qui, venue d'Italie, apparaît en Alle-
magne et va se développer. Elle surgit à
l'époque du Piétisme, mouvement pieux des
Luthériens autour des souffrances de Jésus.
B. a pris part sinon au Piétisme ennemi des
arts, du moins à l'esprit piétiste avant sa
lettre, nourri de textes pathétiques d'origine
catholique. B. le reflète. Il remplit vraiment
par là sa fonction sociale du musicien qui sert
de lien entre ses contemporains de mêmes
tendances.
■ I 6 et 22 Février : — M. de la Laurencie
traite du ballet de cour où la poésie et la
musique se combinent avec la danse qui
domine. Ce genre comprend des entrée, des
récits chantés surtout explicatifs et des danses.
L'origine du ballet, il faut la chercher non
seulement dins le ballet italien, mais dans nos
tournois et nos mascarades accompagnés de
musique. Sa poétique, comme il tend seule-
ment à distraire, n'est pas rigoureuse. On
met en scène des entités métaphysiques ou
bien des actions romanesques. L'opéra est sorti
de là. M. de la Laurencie donne la hiblio;^ra-
phie des principaux ouvrages concernant le
ballet : traités, livrets, relations de l'époque,
études modernes. La vogue de ce spectacle
fut très grande. Poètes et renom et grands
seigneurs s'en occupèrent. La musique com-
prend de courtes symphonies et des entrées.
Elle est généralement composée en collabora-
tion. Elle est froide et monotone, mais elle
prend de plus en plus d'importance. M. de la
L. indique les éléments qui rehaussaient l'ac-
tion: les actualités, l'exotisme, les bouffonneries
surtout au début et enfin les décors, les ma-
chines et la mise en scène qui, sommaire au
XVP siècle se perfectionna. C'est surtout dans
la danse qu'on doit chercher le caractère
expressif. Dans la musique qui l'accompaghe,
il y a des essais de description et aussi de psy-
chologie. M. de la L. nous indique la compo-
sition de l'orchestre. Les musiciens se trouvent
souvent en scène, costumés, soit pour accom-
pagner les personnages, soit sur les machines,
dans les décors. Le chant comprend des récits
purement explicatifs ou bien dramatiques, des
dialogues toujours symétriques et des chœurs
à deux ou trois voix. De vrais finals d'Opéra
terminaient chaque partie. En terminant, M. de
la L. mentionne un élément assez fréquent :
l'air à boire, qui émigrera dans l'Opéra.
A la fin de la deuxième conférence, accom-
pagnés par M, Wagner, M. Sautelet et M"*"
Bonnard chantèrent divers airs ou dialogues
avec infiniment de goût.
— Je suis obligé de parler très brièvement, —
et je le regrette beaucoup — , des quatre der-
niers concerts donnés par M. Expert. Comme
les deux premiers, ils ont été d'un très grand
intérêt en nous révélant bien des œuvres in-
justement oubliée-. Les maîtres grands ou petits
italiens ou français, du XVIL et du XVIIP
siècles nous sont maintenant plus familiers et
notre reconnaissance pour M. Expert en est
erande.
LEO OLSCHKI
FLORENCE Lungarno Acciaioli 4.
LIBRAIRIE ANCIENNE
Pulci (L.uigi), Driades d'amorc sa.
Catalogues de Musique ancienne Rarissime
Manuscrits, Tablatures, Antiphonaires
Hymnologie, Chansons.
BIBLIOFILIA, revue mensuelle, illustrée et eonnue dans
le monde entier des bibliophiles. (Lin an 30 fr.)
L'ACTUALITE M U S 1 c: A L r:
J31
LES GRANDES EPOQUES DE LA
MUSIQUE
Sous ce titre, M. Landormy et M"'" Pironnay
ont entrepris, il y a deux ans, une œuvre très
utile : sans tomber dans le banal cours mon-
dain, apprendre à un publie désireux, de s'in-
struire ce qu'est la véritable musique. Cette
année, M. Landormy, appuyant ses leçons
d'exemples nombreux et caractéristiques, a
parlé de la musique instrumentale. Il en a
jretracé dans ses grandes lignes, l'origine dans
J'antiquité, ensuite au Moyen Age et pendant
la Renaissance, en Angleterre, en Italie et en
France puis il en Allemagne. Il nous a
montré le dé\eloppement de l'art religieux à
l'église, et celui de l'art profane grâce aux
minnesinger et aux meistersinger, puis la trans-
formation qu'amène la Réforme. 11 fut ensuite
question des grands précurseurs, Schutz, Swe-
linck, Buxtehude, Kuhnau et des Italiens
venus dans les cours allemandes.
A. Bach furent consacrées deux conférences
où ]\(I. Landormy étudia la structure et le
style des cantates, notamment leur significa-
tion .symbolique, puis la technique du maître,
ses modifications concernant l'étude du clave-
cin et enfin l'emploi qu'il fit de la fugue et du
choral. Haendel fut l'objet d'une autre leçon
où furent retracées les péripéties d'une existence
courageuse et mouvementée. A propos d'
Haydn, M. Landormy montra la transforma-
tion qui s'accomplit dans l'art classique. Il fit
revivre pour nous le maître viennois, musicien
— valet, brave homme sans passions dont le
rôle fut des plus utiles, car il contribua à créer
la sonate et la Symphonie.
Gabriel Rouchès.
UNIVERSITÉ DE GRENOBLE. —
Cours d'histoire de la musique, professé à
l'Institut' Français de Florence, annexe de la
Faculté des Lettres de l'Université de Gre-
noble, par M. Paul-Marie Masson.
U Art musical dans Vhistoire de la civilisation
européenne. Introduction à l'étude de la musique
européenne.
Dans le cours de cette année, M. Paul-
Marie Masson s'attache surtout à montrer
l'importance de l'histoire de la musique pour
l'étude des questions d'histoire générale, et
inversement, la nécessité de faire appel à l'his-
toire générale pour expliquer l'évolution de
l'histoire de la musique. M. Masson étudie les
grandes époques de la musique, depuis l'anti-
quité gréco-latine jusqu'à la période contem-
poraine, au point de vue de leurs rapports avec
les divers courants dé pensée et de civilisation,
avec la littérature et les arts plastiques, avec
les grandes transformations politiques ou so-
ciales. L'enrichissement progressif de la tech-
nique et les principaux caractères des différentes
modes musicales sont mis en 'lumière à l'aide
de quelques textes choisis, analysés au piano.
C'est là surtout, comme le titre l'indique, un
cours d'introduction, destiné à familiariser les
étudiants français et italiens a.vec cet ordre de
questions, encore nouveau pour eux. M; Mas-
son commencera dès l'année prochaine, l'étude
détaillée de la musique franç^iise. L'empresse-
nient avec lequel le nouveau cours est suivi
par les étudiants français, par le public florentin
et par la colonie étrangère fait bien augurer de
l'avenir de la section d'histoire musicale orga-
nisée à l'Institut français de Florence par
M. Paul-Marie Masson sous la haute direction
de M. Romain Rolland.
Faculté de théologie protestants. —
M. JEAN LEMONNIER, professeur à la
faculté, a donné les 17 février et 3 mars deux
conférences sur l'histoire du Choral Luthérien
que nous citerons pour l'audition musicale
très bien comprise qui les accompagna. (Cho-
rals de Bach, de Goudimel, et anonymes).
Institut Général Pschygologique. —
Notre collègue M. A. de Bertha a très judi-
cieusement caractérisé en une conférence la
psychologie des Tziganes, et fait entendre au
piano quelques pièces de leur musique.
-^
0. BOUWENS VAN DER BOIJEN & C
lE
EDITEURS
6, Square de VOpéra, 6, VARIS.
■ ■I
MORCEAUX POUR PIANO
PIANO A 2 MAINS
O. BOUWEXS VAX DER BOIJEN
Etude en sol bémol majeur net 2 fr.
Fantaisie en ut mineur — 6 fr.
(réduction de l'orchestre pour un 2"' piano.)
Feuillets d'Album — 3 fr.
Impromptu — 2 fr.
Trois Bagatelles — 3 fr.
Un soir — 2 fr.
WALTER BRAUNFELS
Deux pièces d'orgue de J.-S. BACH (tr. p. pianol net 5*"-5"'-5'"'-
JACQUES LARMANJAT
\'alse-Impiomptu net 2 tr.
CHARLES MALHERBE
Kn Route (pas redoublé) net 2f-2^''-2™'^
Sclierzetto
AXDRÉ POLLONNAIS
Mleuse
Iris (Valse)
Pavane
Suite Romanesque
JOSEPH SZL'LC
Valse de Cvnthia (du ballet " Une Nuit d'Ispalian ") net 2f-2'"'-2"'»'
HENRI WELSCH
Soir sur l'eau net 2 fr"
net 2 t'r
net 2 fr.
— 2 fr.
— 2 fr.
— 8 fr.
PIANO A 4 MAINS
O. liOrWENS VAN DER BOIJEN
l'rélude en fa miniiir net 3 tr.
CHARLES M.\IJll-:ivM^E
V.n Riiuli' (pas redoublé) net 5'-5"''-6"'''
PAUL LADiMlUAULT
I\Mi:iiisndie Gaélique (en 6 parties) lul 8' 8''-8"'''
L'ACTUALITE MUSlC'ALi:
^33
L'Édition
Musicale
Nous avons reçu " Calme Lunaire ^ " de
M. Stan Golestan^ (pour chant, piano et flûte),
et les " Adieux ffun Page ", (pour chant), de
la Baronne de Kabath. ^ Nous avons été quel-
que peu intrigués en voyant arriver de Buenos-
Aires un petit recueil intitulé " Tabarè ^ "
contenant onze Mélodies, Duos et Trios pour
voix de femmes. En ouvrant le volume, autre
surprise sur ces poèmes espagnols de Zorilla
de San Martin, M. Broqua a écrit de la
musique française : française par les qualités
comme par les défauts : discrétion parfaite,
sens des demi-teintes, incertitude perpé-
tuelle de la mesure et du contour ; çà et là,
quelques souvenirs opiniâtres de la Bonne
Chanson ; et à peine, de temps à autres,
quelques singulières formules rythmiques, qui
se faufilent et font une petite tache d'exotisme
tout à fait savoureuse.
La Sonate piano et violon de M. Stan Gok-
stan ^ est évidemment une œuvre de jeunesse.
Elle sera toutefois lue avec le plus grand
plaisir par tous ceux que déroute notre
musique ultra-moderne ; ils y trouveront à
défaut d'un coloris bien vif ou d'un lyrisme
bien intense, une grande facilité mélodique,
de la bonne foi, et même de l'enthousiasme,
chose rare aujourd'hui.
M. Richard Buchmayer édite une Cantate
de Georg Bohm : ^ " Mein Freund ist mein ",
pour quatre Solistes et pour Chœur, avec
' chez Gallet.
^ chez Fœtisch à Lausanne.
^ chez Médina et Higo à Buenos-Aires.
accompagnement léduit ;iu piano. Malgré
quelque monotonie due à la répétition con-
stante des mêmes paroles et du même thème,
toute l'œuvre, saine et forte, peut rivaliser
avec les productions analf)gues de Haendel ou
de Bach, dont elle est contemporaine.
M. Shapleigh représente l'Ecole américaine,
presque totalement inconnue en France :
nous avons ici sous les yeux trois Suites d'Or-
chestre : Mirages^ Ramayana^ et Gur Amir^
Il faudrait entendre ces œuvres pour pouvoir
les juger équitablement. Quand donc aurons-
nous une séance de musique américaine ?.
Notre collègue Charles Bouvet ^ continue
avec la patience qui convient à la musicologie
sa publication de textes. Après s'être attaqué
à Leclair et avoir payé son tribut à Bach, il a
restitué très heureusement quelques œuvres
bien injustement oubliées des deux vieux
Couperin, le Sieur de Crouilly et Louis
Couperin. Puis il est passé en Espagne avec
un air de délia Torre (XV^ siècle) et avec ce
mystérieux Pierre Bucquet, Français égaré à
Madrid. Voici enfin que cette collection arrive
à l'Allemagne italianisante avec deux Sonates
de Gluck et à l'Italie proprement dite, avec un
concerto de Vivaldi pour quatre violons, l'un
de ceux que Bach se plut à transformer pour
instruments à clavier.
M. Bouvet, en se vouant à cette tâche de
faire admirer et surtout goûter les belles
œuvres des anciens s'est mis à la tête d'une
entreprise extrêmement délicate et qui réclame
à la fois un artiste, un érudit, un connaisseur
du' public et même un capitaliste. Car il
s'agit de rendre accessible au goût moderne
des amateurs des ouvrages écrits il y a plusieurs
siècles, et toutefois sans que ces ouvrages per-
dent rien de ce qui les fit jadis admirer. Tout
en ayant l'air de travailler pour le public,
il faut en réalité faire son éducation, et sans
être pédant, se défendre contre la critique.
La collection Bouvet fait peu à peu son
chemin dans le monde ; elle a déjà rendu de
grands services à la cause de l'art ancien.
J. E.
^ chez Breitkopf et Hartel. - chez Démets.
Concerts annoncés pour la seconde quinzaine
de Mars — =
24
SALLE ERARD
M. l'HlLIl'P ....
Mme BKA
Mme ALEM-CHKXK
M. GOLDSCHMIDT.
Mme CHENE .
M. SAUKR '. , . .
Mme lhroy-dp:tournelle
Mme CHENE ....
Mivs CRACK KHRLICH .
Piano
Audition d'Elèves
Piano
do.
Matinée d'Elèves
Piano
do.
Audition d'Elèves
l'iano
SALLES GAVEAU
Salle des Quatuors
16. 2e Concert de Mademoiselle S. Pecheron'.
17. Audition des élèves de Mademoiselle Roger
22. Concert donné par M. Edouard Bernard .
22. Concert de MM. Van Isterdael et de Vogel
Grande Salle des Concerts.
'7-
iS.
20.
23-
2.=^-
2i).
2e Concert des Frères Kellaert . .
Répétition publique de la Schola Cantorum
Concert de la Schola Cantorum.
Concert Lamoureux .....
Concert de la Schola Cantorum.
Concert Lamoureux . .
Concert du Cercle Militaire
matinée
matinée
matinée
soirée
soirée
matinée
soirée
soirée
soirée
soireé
adirée
SALLES PLEYEL
qnie séance
Grande Salle
I'). .Mme Roger Miclos Hattaille (Fest. Chopin)
16. Le quatuor Lejeune (4me séance)
17. Mme J. Mortier (lère séance) .
Audition de Harpe Chromatique
La Société Nationale fie Musique
Mademoiselle A. iiaik-
Mademoiseli<- Toulouse (lOlèves)
Mr. Waël-Muuk ....
Le Trio Dcvade Ciuétieu (2e séance)
Mme J. Mmlitr (2e séance)
Salle des Quatuors
16 Mme Cliassein-llerl/.og
17. Mademoiselle Horlense louent (lOlèves)
20. Mademoiselle Horlense Parent (Elèves)
22. Lis Auditions Modernes
iK.
!•;.
20.
21.
22.
2.V
matinée
soirée
soirée
matinée
soirée
soirée
matinée
soirée
soiiée
soirée
soirée
matinée
matinée
soirée
Impr. par Thr St. Cathkrink Priîss Ltd. Hru^es, Bclj.îiquc.
I
L'ACTUALITÉ
USICALE
ANNEXE DE LA REVUE MUSICALE S.I.M.
PUBLIÉE PAR LA SECTION DE PARIS DE LA
SOCIÉTÉ INTERNATIONALE DE MUSIQUE
15 AVRIL 1910
FRANCE ET BELGIQUE
Le numéro: 0.40 -Un an: 4.00
UNION POSTALE
Le numéro: 0.60 - Un an: 6.00
L' je TU AU TÉ MUSICALE
RÉDACTION' :
PARIS: 22, RUE ST. AUGUSTIN
BELGIQUE: RENÉ LYR A BOITSFORT, BRUXELLES
ADMINISTRATION :
LIBRAIRIE CH. DELAGRAVE, 15, me Soufflot, PARIS.
Tous les mandats doivent être adressés soit à la librairie DELAGRjlV E,
soit à M. REtKÉ LYR.
SOMMAIRE DE L'ACTUALITÉ
DU 15 A\R11.
THÉÂTRES ET CONCERTS, à Paris, par Gi'krii.lot. — Piovi.u-c-. — Hcliiiquc. —
Étranger. — JOUR E'I' NUIT, par Pikrrk JoiuiK-DrvAi.. — INSTRUMENTS:
Les Clarinettes, par Emile StiÉvknard. — INSTRUISONS-NOUS ! par Doublk-
DlèsE. — MUSIQUE MILITAIRE : Ea Musique de la Garde Rcipublicaine,
par Hknri uv Cur/oN. — COURS E'E CONFÉRENCES: Cmn> d'Histoire de la
Musi(juc, |>r(it(^s(' ;'i I;i I'';uult(' des Lettres par M. Ruinain Rdllaml. (^'ours de i'J'lcole
des Hautes lùudes Sociales. — I/KDITION M l 'SK'.A I . l",. Caiaiulriir des Concerts.
Théâtres et
Concerts
La Quinzaine de Pâques a quelque peu
ralenti les concerts d'artistes, mais la semaine
sainte nous a apporté les concerts spirituels de
tradition. Abstenons-nous de tout préambule
et commençons par le Conservatoire qui
donna deux œuvres importantes, la Faust
Symphonie, de Liszt, qui fut une nouveauté
rue Bergère, et le Requiem, de M. Fauré.
L'œuvre de Liszt est une de celles où il nous
apparaît le plus comme un Précurseur. Le
Requiem, très caractéristique de son auteur,
est délicat et reposant. Il n'a pas de " dies
irae, pas de fracas à la Berlioz. C'est le
Requiem de Mélisande. ou de quelque vague
petite princesse, l'auteur l'a voulu ainsi, mais
notre émotion n'en est pas moindre. Aux
deux derniers concerts auxquels nous assis-
tâmes, M. Messager conduisit trop lentement,
•surtout les fragments de Maîtres Chanteurs et
la Symphonie en ré de Brahms.
Voici les Concerts Colonne atteints
par la perte trop prévue du chef qui les con-
duisit pendant trente-six années. Le Maître
eut ses derniers jours éclairés par les succès de
son orchestre dans plusieurs œuvres nouvelles,
comme le Diptyque Breton de M. Pierre
Kunc, l'Hymne à Aphrodite de M. Gabriel
Dupont, les Symphonies de MM. Théodore
Dubois et Gédalge, l'An Mil, toujours amu-
sant, de M. Pierné. La 3°^*^ Symphonie de
M. Gédalge n'a pas déplu, elle vaut mieux
que ce demi succès. La Symphonie Française
de M. Dubois, jouée en novembre dernier à
Bruxelles, . vivante et vibrante, honore celui
qui l'écrivit. Au Concert Spirituel, on donna
les Béatitudes, dans leur ensemble.
Aux Concerts Lamoureux, deux es-
sais de chœurs d'enfants, de M. Roger Ducasse,
ont peu réussi, en raison surtoyt de l'inex-
périence des exécutants ; une mélodie, de
M. Coquard, d'orchestration puissante, eut
demandé une partie vocale plus importante.
La Symphonie nouvelle de M. Lazzari est
vigoureuse et claire, sans concessions au
m.odernisme ; mais elle a trop d'extériorité,
elle veut vivre plus encore qu'elle ne vit.
Deux mélodies — si mélodies il y a — de
M. Florent Schmitt sont surtout des pièces
d'orchestre. Y a-t-il donc quelque infériorité
à écrire pour la voix ?
Philarmonia nous paraît être à peu près
Symphonia transférée du théâtre insuffisant
des Batignolles au coquet théâtre Réjane.
Puisse cette salle, où s'est faite tant et de si
bonne musique, porter bonheur à MM. Cathe-
rine et Bachelet. Le début est excellent.
L'ACTUALITE MUSICALE
M. Sechiari a tenu à répéter les frag-
ments importants de Solea, la " tragédie
lyrique " de M. Isidore de Lara dont il nous
avait gratifiés l'an dernier. Cette musique
composite, cosmopolite, violente et creuse
serait tout à fait à sa place sur une scène de
casino. Elle procède de Messaline et a produit
Sanga. Le choix de l'ouverture " solennelle "
de Tschaïkowsky, 1812, n'a pas été plus
heureux. Voilà un bruit bien cher ! Au con-
cert précédent, on axait eu la chance d'en-
tendre M. Risler et M"" Kacerovska, de
jolies pièces de MM. Th. Dubois et Léo
Sachs qui consolaient de la trop pathétique
Symphonie n" 6 de Tschaïkowsky.
Nous avons quitté avec regret la Salle
Gaveau, le 9 mars, après le dernier Concert
Durand. Le grand succès de ces séances de
musique française nous fait croire à la même
série l'an prochain. On aurait ainsi des im-
pressions annuelles sur notre évolution que
par les programmes nécessairement éclectiques
des autres concerts.
La Schola, plus agissante que jamais, a
donné à la Salle Gaveau deux bonnes auditions
de la Messe en ré et une d' " Orphée et
Eurydice " de Gluck, tel qu'il fut chanté de
1774 à 1831. N'est-il pas stupéfiant qu'une
coupure, une transposition, un changement
dans un rôle et — ce qui est plus gra\e ici —
le changement complet d'un rôle, apportés
par un régisseur quelconque, forment aussitôt
ime tradition immuable. M. Carré aura-t-il
jamais cette audace-là r
La deuxième séance de la Société
Haenclel avait à son programme de grands
et \énérables noms comme ceux de Sweelinck,
Schlitz, Keiser et Haendel, dans des œuvres
un peu trop courtes mais d'un intérêt puissant.
Mais à cela il faudrait des moyens d'exécution
(|ui manquent encore à une jeimc société
(i'amateurs, quelle que soit la foi de son chef
et de ses membres. Il serait préférable de se
restreindre et de ne donner {|ue des (cuvres
chorales bien étudiées et jouées dans la sono-
rité voulue.
Le 2J avril, nous entendrons ( ttle société
groupée au i rocadéro et ;ui nombre de
400 exécutants ; elle donnera une audition
du Messie au profit des Inondés.
Ce n'est pas déchoir que de rappeler main-
tenant les séances du Cercle Musical
puisque le quatuor Firmin Touche en est la
base. Le 4 mars, il v joua un nouveau
Quatuor pour Archets de M. Th. Dubois
qui témoigne de la \igueur et de la souplesse
d'esprit d'un auteur toujours resté jeune.
Les Soirées d'Art ont également clôturé
a\ec des salles combles. Toute la série des
Quatuors de Beetho\en a eu son épanouisse-
ment dans l'exquis Septuor qui, s'il n'a pas la
grandeur des immortels derniers Quatuors, e.^t
une œu\re d'éternelle fraîcheur. Comme
solistes, MM. Risler, Van Dyck, etc. On ne
pourra demander mieux l'an prochain et la
continuité de cette- œuvre d'intelligente \ul-
garisation est assurée.
Pour son dernier concert d'œu\res fran-
çaises de violon, M. DebroUX donna deux
concertos et une sonate de [. M. Leclair, une
sonate de Bouvard et des œuvres de Jacques
et de Louis Aubert. Il y a dans toute cette
musique un air de famille qui prive quelque
peu d'imprévu, mais une santé et une robus-
tesse à la Haendel qui plaisent. Exécution
parfaite par M. Debroux et par M. Eugène
Wagner, qui accompagne ces \ieilles choses
a\ec un style idéal.
Les trois séances pour harpe chromatique
de M"'' Cornelis — qui est à la fois can-
tatrice très agréable — nous ont laissé une
profonde impression, car la \ irtuosité n'\' avait
cju'une place accessoire. M. l^oissel a chanté,
à la dernière séance, il'expressix es méloilies de
M. Ch. Koechlin.
11 faudrait disposer de quelc]ues lignes povu"
résumer et apprécier la remarquable Confé-
rence faite — en français très pur et a\cc vm
grand bonluur d'expressions — par M. Edwill
Evans, de Londres, sur le lied anglais, à la
Société liu Lit<l eu tous les pa\s si heureusement
dirigée par M. Lkniirman r. Nous igru)rons
presque tout île l'étr.uiger, aussi si)mmes-nous
charmés lorsiiu'on nous en parle a\i'C compé-
tence. Ce fut K' ras. Cet exposé de l'état
actuel lU- la luusique dans le Ro\aume Uni fut
L'ACTUALITE MUSICALE
139
(L.r/
Cl.»
illustré d'une quinzaine de lieder chantés avec de Vixaldi, le concert de M. Jean Ten Have
beaucoup d'intelligence et de charme par avec le concours de sa sœur M'"" Salmon, le
1\1"'' Hélène M. lAïquiens. récital de piano de M. Paul Goldschmidt,
Mentionnons à la hâte une séance d'(!fc'u\rcs interprète délicat et distingué de Chopin,
de M""' Héritte Viardot, fille de la puissant de Liszt et de l^rahms, très applaudi,
grande cantatrice, œuvres descriptives et agréa- l'intéressant trio Kellert, le deuxième con-
bles (joli trio), le Concert de M, et M""' cert de M""' Caponsacchi Jeissler,
Gustav Wagner, avec la belle sonate de violoncelliste d'un charme et d'une pureté de
\'iolon de Lekeu, une moins bonne de son toute spéciale, (la sonate de M. Chevillard
Trepart et le Concerto pour quatre violons fut très bien jouée,) une séance de violoncelle
il SOCIÉTÉ MUSICALE INDÉPENDANTE '"
sa ,..,
^^ Malgré le progrès du goût musical dans notre pays et le nombre relativement i';f/
«S élevé des sociétés de concert, l'abondance et la variété de la production musicale $h
0^ contemporaine rendent chaque jour plus nécessaire la création de nouveaux c:q
au organes de diffusion artistique. ^^jt]
Igïj Sans méconnaître les précieux services rendus à notre art par tant de sociétés (:ri
^^ musicales actives et dévouées, il est perm.is de déplorer que les plus florissantes fî^
^^ d'entre elles n'aient pu échapper — rançon inévitable du succès — à une certaine J<sj^
p^ spécialisation. Créer un milieu libre où toutes les tentatives artistiques, sans Ç^
1RS distinction de genre, de style ni d'école recevront bon accueil, où toutes les forces f^'u
îRHi vives de notre jeune génération s'uniront fraternellement pour mettre à la dis- f}is
®^ position de tous des moyens d'exécution aussi parfaits que possible qu'il 03
^^ s'agisse de musique d'Orchestre ou de musique de chambre, tel est le but que r^i
Il se propose d'atteindre la SOCIÉTÉ MUSICALE INDÉPENDANTE. pg
H Tout en s'attachant particulièrement à favoriser les plus jeunes tendances et à }}^
Il préparer l'avenir, la SOCIÉTÉ INDÉPENDANTE n'exclura pas cependant de ses gg
S| programmes les œuvres du passé dont la révélation pourrait sembler intéressante. pjjj
Il L'administration artistique de la SOCIÉTÉ INDÉPENDANTE sera assumée gg
p^ par le Comité soussigné, sous la présidence effective de M. Gabriel FAURÉ pX*
i55â Directeur du Conservatoire. éh
il Le Comité : Il
Il Gabriel FAURE, Louis AUBERT, André CAPLET, Roger )¥{
Il DUCASSE, Jean HURÉ, Charles KOECHLIN, Maurice RAVEL )1i^
Il Florent SCHMITT, Emile VUILLERMOZ. fef/
au Secrétaire général : A. Z. MATHOT. «^
»^ Envoyer les adhésions, les souscriptions, les manuscrits et les demandes d'exécution au Secrétariat )fiil
^^ Général de la SOCIÉTÉ MUSICALE INDÉPENDANTE, 11. rue Bergère. Tél. 23431. ^fj
SjH La cotisation annuelle des membres de la Société est fixée à 30 fr. donnant droit à 3 places &ï>.
jR^ réservées pour chaque Concert. j-Jçn
g^ Les cinq premiers Concerts de cette saison seront donnés alternativement Salle GAVEAU et ^Xx
.gfïï* Salle ERARD. Le premier est fixé au Mercredi 20 Avril. ■ ^gf
lRfii au
&uf^uauf^ufjuf:ufjufjufjuf^ufjuf£ufjiuauauauf^^^
le
Rouart, Lerolle <S C
ÉDITEURS DE MUSIQUE
8, BOULEVARD DE STRASBOURG - PARIS
Le plus grand abonnement de France
service : Maison GAVEAU, 45, rue de la Boëtie.
TOUTE LA MUSIQUE en lecture
Représentation exclusive des Éditions Bélaïeff, Hansen,
Jurgenson, Universelle et Zimmermann.
VIENNENT DE "PARAITRE :
Déoclat de Séverac : LE CŒUR DU MOULIN, Drame-Lyrique en
2 actes, la partition 1 5 francs.
Pierre de Bréville : EROS VAINQUEUR, Conte Lyrique en 3 actes
la partition net 20 francs.
Albert Rous.s.1 : POÈME DE LA FORÊT, Symphonie réduite à
4 mains, net 1 0 francs. '
L ' A C T U A L rr E MUSICALE
141
également par M. Gcor^'S Sitsch a\cc les
trois grandes s<inates (M""' Jane Mor'iif.r au
piano) de J. S. lîach, où l'exécution eut quel-
que sécheresse, d'agréables récitals de piano de
M. Herbert Tryer, de M"' GuUer, etc.
M. Roger de Pranemesnil, pianiste déjà
glorieux, se fit entendre le 10 mars, Salle
Erard, avec l'orchestre de M. Chevillartl, dans
les Concertos de Schumann et de Rimsky
Korsakow (qu'il joua mieux que celui de
Schumann) et de jolies pièces adéquates à son
talent très délicat mais sans grande puissance.
La Sonate de M. Dukas, ia Sonate en mi
de M. d'Indy, le Prélude Choral et Fugue de
Franck, voilà certes un programme qui n'a
rien d'enfantin. C'était celui de M"" Veluard
à la Schola, le 18 mars, et vous savez que
j^iie Veluard est presque une enfant. Exécu-
tion souple et facile, pas assez de force dans le
Franck, mais quel espoir ne pas fonder sur des
dons comme ceux-là !
Nous aurons encore en avril l'occasion de
parler du Quatuor Lejeune dont nous ne
dirons jamais trop de bien. Le 16 mars, il y
eut ce curieux Quatuor sur le nom de Bielaïeff
(si b, la, fa) écrit par Rimsky, Liadow, Borodine
et Glazounow^, et trois délicieuses novelettes
pour quatuor archets de Glazounow, un
quatuor de Kopylov^^ et enfin. M™® Miquel
Alzieu dans Islamey, la fantaisie orientale de
Balakirew^.
Nous sommes aux regrets de n'avoir que
deux lignes pour le concert de M. de Vogel,
professeur de piano au Conservatoire de Rot-
terdam, et de M. Van Isterdael, professeur
de violoncelle au Conservatoire de la Haye.
Ce dernier est un remarquable artiste, d'une
qualité de son et d'une sobriété d'elïets remar-
quables. Après une sonate de Brahms, M. Van
Isterdael a joué avec l'auteur une sonate
encore inédite de M. Louis Delune qui est
d'une haute valeur musicale et tranche abso-
lument avec tant de banalités écrites pour ce
noble instrument.
Nous ne pouvons que citer l'audition
d'œuvres nouvelles donnée par la maison
d'édition Roudanez et exprimer nos regrets
de n'avoir pu y assister. Il en fut de même du
Concert classique et moderne ((Euvres de
M. Tremisot) que donna le Cours Chevillard-
Lamoureux de la Plaine- Monceau.
Les Vendredis du Lyceum nous ont valu
plusieurs agréables heures de musique, comme
précédemment. Rappelons le beau talent de
pianiste de M"'' Marthe Girod dans des
oeuvres de Schumann, celui de M'"" Astruc
Doria, cantatrice, dans de jolis lieder de
M. Georges Hue, de M'"^ Elizabeth Dél-
iiez dans du Gounod, etc.
Un des principaux événements du mois, et
de la saison a été le concert de musique hon-
groise moderne donné par de jeunes maîtres
de Budapest. Nous publierons prochainement
un article important sur cette école des Kodaly
et des Bartok. — Aux Auditions Modernes
de nouvelles œuvres : une Suite en trio de
Henri Defosse de brillante allure, une Sonate
piano et violon, d'Albert Laurent (d'Armen-
tières), claire et généreuse, enfin un quatuor à
cordes de J. Binebaume, jeune Turc, élevé
en Bulgarie et transplanté en Allemagne élève
de Rheinberger, musique touffue, mais très
sincère. Remercions M. OberdoerfFer de pour-
suivre cette œuvre de diffusion. — A la
Sorbonne au concert du 20 mars nous avons
surtout remarqué la voix de M"^*^ Camille
Chadeigne contralto accompli, comme l'air de
Bach qu'elle chanta. — Enfin mentionnons
l'audition d'élèves de M"'^ Kohi. Le cours de
M"*^^ Kohi est certainement à Paris un de ceux
où se conservent le plus sûrement les bonnes
méthodes de chant.
Nous oublions certainement beaucoup d'ar-
tistes. Qu'ils veuillent bien considérer le peu
de place dont nous disposons et la place
énorme qu'ils tiennent dans la vie intelligente
de Paris l'hiver et ils ne nous en tiendront
pas trop rigueur.
F. Guérillot.
Province
BORDEAUX. — Troisième et dernier
Concert au " Cercle Philharmonique," avec le
concours de Mme Long, dans la " Ballade "
COURS DE CHŒUR
llRUE-QECHAMALEiLLESPJ:
Dirigé par /a^J^'GERMAÎME
CHE. VALENT AV£CL£CONC0U<=^S
oe Ms: JE. AN VERO ltoe W^
^^AftCELLE CROué«3
LL5AMEDI oî gii aS^==
DÉCE^\BRE a /AAJ
p^^1
MUSIKALISCHES WOCHENBLATT
Directeur: LUDWIG FRANKENSTEIN
ABONNEMENT 13 FR. PAR AN.
40 ANNEE
Le " MUSIKALISCHES WOCHENBLATT " publie des aiticles de fond
des nouvelles et des critiques, rédigés par les musiciens et les musicologues les plus
éminents. Cette revu^ abondante donne un tableau complet de la vie musicale
du monde entier. Elle est connue p^ur sîs tendances progressistes.
L • " MUSIKALISCHES WOCHENBLATT " se recommande aux artistes,
éditeurs, luthiers et établissements de tout genre, qui désirent se faire connaître
par des insertions.
Envoi g aluil (l'un nu.néro spiciman.
Administration: OSWALD MUTZE. LEIPZIG
4, Lindf.nstrasse.
L'ACTUALITE MUSICALE
143
lie Paiirr, avec orchestre, et le sioloniste
l^ouclieiit dans un intéressant concert inédit
d'Ha\cln, qu'il joua remarquablement.
De même à la Société Sainte Cécile, 8'' et
tlerin'er concert, de la saison, avec le concours
de Mme Renié, harpiste, et Ph. Gaubert,
dans l'adagio du délicieux concert pour flûte
et harpe de Mozart. L'Orchestre Pennequin,
dans la symphonie inache\'ée de Schubert, et
a\ec les chœurs dans la Psyché de Franck.
Entre temps, deux séances intimes données
par la même société, dans la grande salle de
son Conservatoire. Dans l'une on entendit le
quatuor Pennequin, dans le quintette de Mo-
zart et dans le délicieux quatuor de Debussy.
Dans l'autre séance, se fiient applaudir, l'habile
violoncelliste Van Ktaerdael, le pianiste Vogel
et notre harpiste du Conservatoire R.Jandelly.
A la salle Bermond " La Société de Musi-
que ancienne", continue la série de ses intéres-
santes séances, avec des œuvres de choix, la
plupart inédites et une très bonne mise au
point.
Deux mots sur le récital vocal que donnait.
Salle Franklin, Mlle Emilie Grossard, belle
voix de contralto, chaude, expressive, excellente
interprétation des œuvres du programme.
La Chanterelle (Cinq Ecole), vient aussi de
terminer sa saison musicale avec les œuvres du
Compositeur de la Tombelle, qui prit part
à l'exécution de ses compositions, et fit une
très spirituelle conférence. Le cercle orphéo-
nique qui prêtait son concours à cette séance,
venait lui aussi, de donner, avec le concours
de la Société Musicale " La Bordelaise ", de
Mme Lacroix Orlof, de l'Opéra Impérial
de Saint-Pétersbourg, et de divers artistes
renommés, un grand concert au profit des
Familles inondées de la Seine.
Signalons, le grand Concert, que vient de
donner, le corps médical bordelais au grand
Théâtre, au profit de l'œuvre intéressante
*' La goutte de lait bordelaisp " manifestation
artistique imposante qui fait honneur aux
■organisateurs, et aux bons artistes qui prêtaient
gracieusement leur concours.
Enfin pour terminer, " Sauer ", le grand
pianiste " Sauer " ! est venu dans nos murs.
la Salle Franklin, était trop petite pour conte-
nir les admirateurs du maître Allemand. Pro-
gramiuc aussi intéressant (|ue varié et accueil
enthousiaste de la part de nos amateurs.
Quelques jours avant et dans la même salle,
nous eûmes le plaisir d'entendre, un grand
pianiste aussi, un Français, celui-là, je veux
parler d'Ed. Risler, qui nous charma par
une sélection des œuvres les plus importantes
de Chopin. M. Risler, donnait ce récitai à
l'occasion, du Centenaire du Maître roman-
tique. Gros succès.
V. Gendreu.
NEVERS. — Le magnifique concert donné
le 1 1 Mars par M^^*^ Cécile Déroche, (i"' prix)
pianiste, M^^^ Christiane Roussel, violoniste et
M"'' Vannier, cantatrice, a remporté un légi-
time succès.
M"*^ Christiane Roussel dont la parfaite
technique lui permet de badiner avec les plus
hautes difficultés, interpréta avec âme et finesse
Andante et Rondo de la Symphonie Espagnole,
Berceuse de Fauré et les aiis Russes de Wie-
nawski.
M"'^ Cécile Déroche joint une étonnante
virtuosité à des sentiments profonds de musi-
cienne. Belle sonorité et respect de l'auteur
dont elle se fait la plus fidèle interprète. Ce
sont ces qualités personnelles qui lui permirent
de nous donner une exécution brillante et
raffinée des Sonates de Franck et Destenay, de
la fantaisie de Chopin et de Mazeppa de Liszt.
De frénétiques applaudissements saluèrent ces
deux jeunes artistes auxquel nous prédisons le
plus bel avenir.
M"® Vannier sut malgié un enrouement
très gênant faire apprécier la beauté de sa voix
et son impeccable diction.
G. G.
ST-ETIENNE. — Le troisième et dernier
concert de la saison, donné à St-Etienne par
la Société des Grands Concerts de Lyon,
direction G. M. Witkowski, a obtenu un
grand et mérité succès.
Le principal attrait de ce concert était la
i'" audition dans notre ville, de Shèhèraxade^
144
L'ACTUALITE M U S I C A L E
de Rimskv-Korsakoff, que l'orchestre dirigé
avec maestria par M. Witkowski a rendu de
façon parfaite.
M"*^ Vallin a chanté deux lieder SEgmont^
Phidylè de Duparc et la Procession du père
Franck, avec sa voix prenante de mezzo et
• unie sûreté de méthode vraiment remarquable.
La Chambre Syndicale des Artistes Musi-
ciens de St-Etienne annonce pour le " Avril,
,iun( Concert classique, sous la direction de
M. Ph. Flon.
-..'i/M. Perrachio, le violoncelliste bien connu
donnera le lo Avril son concert annuel a\ec
le coVicours de M"'" Vallin, cantatrice, M"" Gi-
rard,rr piain'ste, professeur au Conser\atoire, et
M.' Chanel, le nouveau professeur de violon
supérieur au Conservatoire.
E. Michel.
.. GUÉRET. — Dimanche 13 Mars, le
lycée donnait sa fête annuelle dont les béné-
fices iront aux innondés de la Seine. Pensée
délicate qui s'accordait au caractère du spec-
tacle, car le rire le plus franc n'y glissa jamais
j;,à la vulgarité.
De jeunes élèves, que la direction ingénieuse
de M. Duval sut improviser acteurs, se risquè-
rent bravement à jouer, sans l'expérience des
professionnels, mais aussi sans leurs contresens,
les personnages du Légataire et de l'Axocat
Pathelin.
Mais cette partie littéraire ne constituait à
vrai dire qu'un hors-d'œuvre. Elle aidait cer-
taines complexions réfractaires à la musique,
à accepter un menu dont l'aspect paraissait
lu)stile.
Mais les bravos unanimes qui soulignè-
rent la fin du trio en mi -1 de Scliubert, de la
sonate en la mitu-ur île Si liimiaiin, du rrio en
ut de Hach et du clurur rH\nine à la Nuit
de Rameau témoignent c|ue ces maîtres n'ont
pas seulement prêché des convertis.
Remercions M Lemoine MM. lîoos,
Pieircr, Marsal, Retorr de nous avoir nuiiés à
ces hauteurs.
'i'OUkS. — Récital d'œuvres de Chopin,
par Raoul Pugno, à l'occasion du Centenaire
du " Poète du Piano " ; 5"'" et (i^' concerts
de ru. F. P. C, consacrés l'un à Schumann
(M'"' Ch. Boichin, Dubrav, Noëla Cousin),
l'autre à César Franc!: (M"'' Alice Daumas,
Jeanne Blancard, M"" Rimé-Saintel) ; 3™**
Conférence-audition de M'^*""* L. Pern\" et
Ruin-Gabriac (l'Influence de l'Amour sur la
Musique ; — œuvres de M. René Lenor-
mand, sous la direction de l'auteur); 3""^ séance
de Sonates par M"'' Wyder et M. Liéron,
(Sonates de Corelli et de Gabriel Pierné) avec
le concours de M. F. Mockers, comme soliste;
concert de M. Lazaie Lévy et de M"*^ Jeanne
Leclerc. — Et, sans parler de soirées plus ou
moins artistiques de Sociétés plus ou moins
éphémères, voilà, n'est-il pas vrai r beaucoup
de musique, en quinze jours, pour une ville
de province ! Il \' faudrait un compte-rendu
détaillé pour qu'il puisse intéresser le lecteur.
Faute de Place, et, plutôt que de voir celui-ci
soumis à quelque amputation qui le dénature,
j'y renonce...
H.
CARCASSONNE. — Tout récemment a
eu lieu le troisième concert de V Association des
Concerts Symphoniques de Carcassonne,
On a remarqué — M. Michel Sabatier
iic\eu dans le 22""' concerto pour violon de
Viotti, — M""' Jeanne Sabatier, pianiste, dans
une Etude de Paul Lacombe et la Seguedilla
d' Alheniz^ — M""' Auzon^', accompagnée au
piano par M. Auzon\', dans une naïve poésie
tiu troiiM-rc Rutcbeuf, mise en musique par
F. Coui tade, dans les Stances de Snpho de
Guonod et une mélodie, V hlxilè de P. Lacomhfy
— et M^L Douce, Harral et Ra\iiaud dans
le Trio pour Clarinette, cor anglais et basscMi
de Heethoxen.
Tous les artistes méritent nos chaleureuses
félicitations.
! /orchestre, dirigé par M. Miz a fait en-
teiulre une otnurture SYHi/>/ionique ôc A^/iw/V/.v, les
Masfjues de Pedrotti^ Au bord de la AIrr de
Dunkler (soliste : M. Her;:asse, violoncelliste)
et If Pri^lude du Dr/uge de St Sai'ns (soliste :
M. Mir /ils, violoniste).
L'orchestre et admirablenunt entiaîné et
L'ACTUALITE MUSICALE
^^S
cliu;iie de tout éloge ; il faut le louer surtout, '•'• Ahacc-Lr)rra'ini'^\ En tout 90 exécutants,
d'avoir permis à un auditoire nombreux et Au programme : l'Ouverture de Léonore, les
élégant d'applaudir une ^uïtc pastorale du Variations symphonique et Rebecca de PVanck.
maître carcassonnais 'Paul Luconihi'. A. G.
POITIERS. — Pour la première fois nous
avions le plaisir d'entendre à Poitiers la célèbre
cantatrice M""' Litvinne ; sa voix merveilleuse,
son admirable intjrprétation soulevèrent un
véritable enthousiasme dans la Mort d'Yseulc
de Wagner, le grand Air d'Alceste, les Amours
du Poète de Schumann dont elle donna l'audi-
'tion intégrale et des œuvres de Paul Vidal,
Diémer, Moussorgski.
M. Robert Schmitz, pianiste dont le jeune
talent promet beaucoup, interpréta a\'ec une
compréhension profonde l'exquise Soirée dans
Grenade de Debussy, un Scherzo d'Edmond
Malherbe, mais manqua de puissance dans la
difficile Etude Transcendantale de Liszt.
L'excellent violoncelliste Paul Bazelaire
donna avec M. Schmitz la belle et sombre
Sonate de Boëllmann et des pièces de César
Gui, Mozart, Chopin qui lui valurent un réel
succès. M. H.
ANGERS. — A signaler la très intéres-
sante conférence donnée par le comte du Pies-
sis de Grénédan et nous montrant la vie intime
et la vie musicale de Mozart, avec des exem-
ples nombreux de musique et de chant.
M. B.
RETHEL. — La Société d'' Etudes ^ympho-
niques a donné en mars dernier un très beau
programme, à l'Ecole Primaire Supérieure.
Mozart, Haydn, Haendel et Beethoven y
figuraient avec des œuvres de chambre et
d'orchestre et se trouvaient réunis autour d'une
conférence du Dr. Gobinet sur : les origines
du style instrumental et du style classique.
Voilà de l'excellente propagande provinciale.
La musique moderne a été représentée par
un grand concert dirigée par Grégoire Vays-
man, et organisé avec différents concours.
Comme solistes: M^^^ Malnory, M"*" Verteuil,
MM. Paul Dazy et H. Grimaud. Comme
chœurs un groupe de jeunes filles et l'Orphéon
ROUEN. — Nous axons eu souvent plaisir
à signaler ici même l'inlassable activité de
M'"° Capoy, qui, au milieu des devoirs de sa
profession, trouve le temps et les moyens de
propager à Rouen (ville jadis musicale)'! de
goût de la beauté sonore.
Cet hiver M™*^ Capoy abordait trois^ Sujets
différents, et nouveaux pour tout le^fflonde
ici. Elle traita d'abord de la musique allemande
avant Bach, et nous présenta d'admifëibles
œuvres de Schûtz, de MufFat et de l'art ch'oral
germanique. Puis elle transporta sa cu'Pfpsité
et la nôtre dans la vieille Normandie, avec une
série de Noëls, très curieux historiquement,
très intéressants musicalement et dont nous
espérons bien voir un jour la publication dans
rS. I. M. Enfin elle aborda la science 'piire
avec une conférence sur la physiologie du larynx.
Car M™*^ Capoy est une élève, et très fervente
du Dr. Marage, dont elle suit les cours à' la
Sorbonne. Donner à tout ceux qui le désirent
un moyen pratique et scientifique de soigner
leur organe et d'obtenir une belle voix, telle est
l'ambition du Dr. Marage et des méthodes
que M™*^ Capoy est venu nous exposer, avec
la meilleure grâce, et une simplicité dont nous
avons tous tiré le plus grand profit. La dé-
monstration était faite par M™'" Capoy elle-
même, et par une jeune artiste de l'Odéon,
M^^'^ Himmel, qui en déclamant de jolies
pièces, nous a ravi jusqu'au troisième ciel.
(Qu'elle me, pardonne ce jeu de mot) !
M. N.
LYON. — Très beau succès au Grand
Théâtre de Lyon pour le Cahrettaïre, vieille
légende d'Auvergne transformée en ballet, par
Marins Versepuy, et que nous applaudirons
sans doute un jour à Paris.
PRIVAS. — \J Association-musicale de Privas,
continue son œuvre d'éducation. Après nous
avoir donnée les trois premières symphonies
146
L'ACTUALITE M U S I C A L E
de Beethoveîi, voici qu'elle organise un con-
cert avec la cinquième, plus Peer Gynt de
Grieg, le Prélude Lohengrin^ et l'Ouverture
à'' Iphigènie en Aididc. Privas s'éveille à la grande
musique.
A. R.
LYON, — I.c concert donné le 9 mars à
la salle Rameau par M""' Félia Litvinne,avec le
concours du violoncelliste Bazelaire et du
pianiste Robert Schnitz, a été pour la grande
cantatrice l'occasion d'un \éiitable triomphe.
A la huitième séance de la Société des Grf/fu/s
(Joncerts, dont le programme était très réussi,
on à applaudi le pianiste Emil Sauër qui a t;iit
apprécier un talent très personnel et un Jl-u
d'une incomparable légèreté.
Pour clôturer la série des auditions de cette
année, M. Witkowski a fait entendre le mardi
saint, dans un concert spirituel. A? 'Passion se/on
Saint Jean. L'oeuvre de Bach, qu'on exécutait
pour la première fois, à L\on, a été donnée
dans sa presque intégralité. M"'" Eléonore
Blanc, M Fouqué, M. M. Plamondon e^
Mary en ont chanté les soli, ces deux derniers
art's':e> avec beaucoup de succès. L'orchestre
s'est montré à la hauteur de sa tâche; mais les
chceurs de la Sc/io/a, st\'lcs a\ec une patience
inla'-sable par M. Witkowski, méritent des
éloges spéciaux pour Itur belle tenue et l'as-
surance avec laquelle ils ont exécuté les diffi-
ciles vocalises et les parties figurées qui abondent
dans la partition du grand Cantor.
Lts exécutants et leur chef ont été l'objet
d'ime enthousiaste ovatiofi ;i la suite ele cette
rcmai(|uablc aiidlrl. .11. }\. ]',.
MOULINS. — La Chomh de Moulins est
une jeune société qui ne compte guère plus de
cinq mois d'existence. Elle a été fondée et
elle est dirigée par M. E. Vincent, professeur
de \i()lon. Le 19 Mars dernier elle donnait,
au théâtre municipal, son premier concert.
Les artistes et amateurs distuigués de la ville
lui avaient prèré leur concours ainsi que la
section svmphonique de la L\'re Moulinoise.
Ce fut une très belle soirée, La Chorale de
Moulins a de bons é'éments. Avec du tra-
\ail et de la persévérance elle pourra aborder
très rapidement les belles œuvres de la poly-
phonie vocale. Il serait désolant qu'elle en
restât longtemps aux fadeurs rvthniées des
danses viennoises nu aux pompons démodés
de Saintis,
Nous souhaitons à la Chorale de Moulins
(le continuer la bonne entente des premiers
jours avec la L)'re Moulinoise. Unissant et
combinant leiu-s efforts, ces deux Sociétés pour-
lont nous taire entendre quelques belles pages
des maîtres anciens ou modernes, du H.Tndel,
par exemple, ou du Berlioz, ou du Wagner,
Nous c^o^■oMS savoir qu'à l'occasion d'une
grantle cérémonie religieuse qui aura lieu à
Notre-Dame de Moulins le 19 Juin prochain,
M. l'abbé Magnasse fera exécuter, par l'excel-
lente Maîtrise de cette église, dont il est le
direcrenr, inie grande canta'e de sa composition.
NAN'l'ES. — L:.-s concerts, à Nantes, ont
été particulièrement brillants ce mois-ci.
Cr fur d'aboril, le 28 Février, M""' Felia
Lirvimu-, ijui ^e faisait entendre pour la pre-
mier;- lois dans notiT \ illi'. l'.llr inter|iréra, île
Application
ruisonnée de\
meilleurs procédés
pédagogiques
et techniques
employés par les
grands maîtres
contemporains
frattçais
et étrangers.
LEÇONS de PIANO
VIOLONS. SOLFÈGE HARMONIE
VAR CORRESPONDANCE
COURS SINAT
Rue Franklin. 5. VA RIS Trocadêro.
L'ACTUALITE M U S 1 c: A L E
H7
magnifique façon, l'air d'Alceste, à la suitr
duquel le public enthousiasmé lui fit une
véritable ovation, les " Amours du poète, " la
mort d'Ysuelt et différentes mélodies parmi
lesquelles l'étrange " Berceuse " extraite des
" Danses de la mort " de Moussorgski. — Au
même concert, nous entendîmes M'' Robert
Schmitz, pianiste agréable, et M'' Paul Baze-
laire, violoncelliste qui a du charme et une
jolie qualité de son.
Le 1 1 Mars, l'orchestre des concerts popu-
laire d'Angers donnait, avec Edouard Risler,
un concert qui fut un des principaux événe-
ments de la saison musicale.
Le pianiste Nantais G. Arcoùet donnait, le
i8 Mars, un récital de piano en trois parties :
la première consacrée à la musique ancienne
(Bach, Scarlatti, Rameau, Daquin,) la seconde
à Chopin, la troisième aux compositeurs mo-
dernes (Sgambatti, Moskowski, Wagner,
Zistz,) M. Arcouet a toutes les qualités qui
font les grands virtuoses, technique impeccable,
légèreté, souplesse et puissance. M™*^ Benz-
Piédeleu, au même concert, donna, avec infi-
niment de tallent, deux intermèdes de chant.
Notre savant compatriote Bourgault-Ducou-
dray fit, le 21 Mars, au Théâtre Graslin, une
intéressante conférence sur les mélodies popu-
laires en Bretagne. Après la conférence, des
artistes du théâtre interprétèrent des mélodies
bretonnes recueillies et harmonisées par le
maître.
Au théâtre Graslin, première représentation
à Nantes de " Monna Varma " le drame
lyrique de Henry Février, sous la direction de
l'auteur.
J. B.
Belgique
EROS VAINQUEUR A LA MON-
NAIE. — C'est sur une trame d'irréel, qu'a-
nime à peine une légende que Pierre de Bréville
a écrit une musique toute en nuances.
Elle fuit, dirait-on, l'étreinte d'un accord.
Amoureusement ouvragée, la partition révèle
un goût très affiné, aristocratique, latin. L'or-
chestre laisse flotter, sur la brume des "cordes"
les sonorités grêles et claires des flûtes,des liaut-
bois, des clarinettes et des cors. Dans le loin-
tain des chœurs, où dominent les voix fémi-
nines,plânent coiume un murmure de feuillages
où s'inscrit parfois une adorable mélodie. —
Les rythmes flous achè\'ent de donner l'impres-
sion de vague demi-tciiite, un peu monotone,
malgré quelques accents d'un lyrisme plus
intense. — Cette musique caresse.
Outre celui de l'immatérialité — elle a le
grand mérite de la rareté. On sent bien, çà et
là,- que M. de Bréville écouta la leçon de
Franck, surtout dans les chœurs religieux. On
oublie presque qu'il est contemporain de Claude
Debussy. — Ses moyens témoignent d'une
recherche, précieuse. Par tempérament bien
Français, il possède le sens de la mesure, des
proportions, de la clarté. — Chez lui, point
d'exagérations, point d'outrances, point de
longueur.
La réalisation théâtrale fut très soignée. —
Le talent de Madame Croiza a toute une
admiration ; M^^'^" Béai, Dupré, Symiane, sont
princesses gracieuses ; les décors de M. Deles-
cluses étaient féeriques ; danseuses et danseurs
bien stylés. L'orchestre, encore qu'il manquât
d' " éther " et malgré l'acoustique déplorable
de la salle, fit de son mieux.
BRUXELLES. — Le dernier concert popu-
laire réunissait JVagner et Strauss. L'Elektra
(fragment) du d.ernier ne fut pas très goûtée.
— Son orchestration buissonnière, ses brutalités
sont peu faites, il est vrai, pour les oreilles
" délicates ". — M"^ Plaichinger tint vaillam-
ment sa partie. — Sa voix est ample et forte.
On sait quElektra figure au programme de la
saison extraordinaire de la Monnaie à l'occasion
de l'exposition 1910.
— Au Conservatoire^ magistrale exécution
du Messie^ de Haendel. L'oratorio majestueux,
monument de la musique, fut évoqué dans
toute sa puissance, dans toute sa beauté. Les
ensembles surtout furent remarquables d'am-
pleur et de justesse, maniés par ce maître des
masses vocales et instrumentales ! Edgard
Tinel.
FACTEUR
DE
PIANOS
GAVEAU
FACTEUR
DE
PIANOS
Siège Social: 45 et 47, rue de la Boëtie (VIII^ PARIS
Rayon spécial de Mu&ique
(vente et abonnement)
TÉLÉPHONE : 528=20
Adresse Télégraph.que :
iGAVEAU=PIANOS=PARIS
SALLES
DE
CONCERTS
Usine modèle à Fontenay=
sous^'Bois (Seine)
Agence générale à Bruxelles
Dépôt des éditions
de la SI. M.
qrr
îofF
MEMBRE DU JURY - HORS CONCOURS
Barcelone 1888. Moscou 1891. Chicago 1893. Amsterdam 1895
Paris 1900.
DIPLÔMES D'HONNEUR
Amstkrdam 1883. Anvers 1885, Bruxelles 1888.
GRANDS PRIX
Hanoï 1893, Liège I9Uj.
L'ACTUALITE MUSICALE
— Le Groupe des Compontcnrs a donne sa
deuxième séance. Les mélodies de Lucien
Mamoi d'une inspiration originale et distinguée.
— Le scherzo-caprice d'Erasme Raway est une
œuvre très remarquable, surtout par le côté
" construction ", technique profonde et inspi-
ration élevée, telles sont les caractéristiques
du musicien. Trois pièces symphoniques d'y/.
Dupuis furent très applaudies, de même que
les trois pièces pour violoncelle de Guillaume
Frèmolle^ un modeste et un probe, dont la
personnalité mérite tout intérêt. La mélodie
immortel Amour de M. Dubois sur le poème de
Lucien Solvay est de belle envolée. — Le
succès du concert fut très vif. — Nos félicita-
tions.
— Le cinquième concert Isaye était dirigé
par Otto Lohse, chef d'orchestre du théâtre de
Cologne. Le jeune cappel-meister se distingue
par le soin qu'il apporte dans l'interprétation,
à respecter les intentions des compositeurs. —
Il sacrifie le détail à l'ensemble, s'occupant
surtout de donner le caractère que voulut à
son œuvre le musicien. — Lui-même semble
vouloir s'efFacer, sobre de gestes, quoiqu'il
soit absolument maître de ses instrumentistes,
et obtienne d'eux une remarquable homogé-
néité. — Au programme : Beethoven, Berlioz,
Wagner, Lifzt. Le pianiste célèbre Cortot
prêtait son concours à cette belle séance.
— L'Institut des Hautes Etudes musicales et
dramatiques d''Ix elles nous conviait, le mois
dernier, à la distribution des prix à ses élèves.
— Nous manquons ici de la place nécessaires
pour exposer l'œuvre si digne d'attention de
M. Henry Thiebaut. Nous y reviendrons dans
l'avenir. Qu'il nous suffise de dire notre admi-
ration devant une foi ardente, tenace, et désin-
téressée.
Au programme de la fête ; partie musicale :
fragment du Juré, monodrame lyrique d'' Edmond
Picard, adaptation symphonique de Henry
Thiebaut. Quoique, selon nous, le drame mou-
vementé, poignant, de M. Picard n'eût aucune-
ment demandé le commentaire musical, et s'y
prêtât fort peu, nous apprécions l'efiFort artisti-
que du compositeur.
Il témoigne d'une science étendue, et d'une
149
Imirable
originalité certaine. Il fit valoir
diction de M"'' PVancis.
L'impression de M. Picard est à noter.
"Dans la partition du Juré, non seulement la ^
musique est ininterrompue, mais encore et
c'est le point principal — elle analyse psycho-
logiquement les personnages, s'identifie avec ;
eux, extériorise leurs impressions intérieures
sans se priver pour cela, d'être descriptive
lorsqu'il y a lieu ".
— Au cours de cette même matinée, il
nous fut donné d'assister pour la première fois
en Belgique, à une démonstration de Gvrpjia-
stique rythmique, méthode Jacques Dalcroze.
— Nous réservons notre jugement, pour une
étude plus étendue, mais il nous a paru que
cette méthode — qui prétend " développer
harmonieusement le physique par l'intellect, "
et susciter par l'éducation, l'éveil du rythme
chez les enfants il nous semble que cette -
méthode fait fausse route. — Scolastique, sa
doctrine ne tend-elle pas plutôt à dessécher |
cette belle harmonie spontanée, cette grâce
instinctive et charmante, par là-même, des
mouvements puérils ? — Elle reproche à jj
Duncan de n'avoir que l'Instinct ! Elle eût dû
lui reprocher seulement d'avoir voulu faire
" école " d'Inspiration.
Je m'en voudrais de condamner par deux
lignes tout un enseignement qui vise haut —
mais je me permets de penser qu'il faut
donner, à des enfants de l'air, de l'espace, de
la liberté, du soleil — même au point de vue
de la psychologie, certains jeux de l'enfance
sont plus profonds, plus intéressants que cette
démonstration sur la scène ; laissons donc ces
fillettes se débaucher, danser, sauter, courir,
battre des mains, chanter, se trouver belles, et
laissons les respirer à l'aise. Ne vous occupez
pas trop de leurs jeux auxquels — hélas —
nous ne comprenons plus rien.
C'est la meilleure des écoles !
— Le cercle d'amateurs Crescendo, sous la
direction de M. L. Polliet a donné Salle Patria
un très beau concert. Cette société mérite
tous les encouragements. — Nous retrouverons
prochainement son historique, et ses succès. —
L'audition dernière fut vraiment remarquable.
I ;o
L'ACTUALITE MUSICALE
— Nous avons surtout applaudi la Mer^ de
Paul Gilson, que nous ne sommes pas loin de
tenir pour le chef-d'œuvre du Maître. —
Toute la richesse de son tempérament flamand
s'y déploie. — Le son et la couleur régnent
en maîtres, un souffle puissant les anime, qui
soulève et emporte irrésistiblement aux paro-
xysmes d'une sensation. De telles œuvres véri-
tablement grandes, sont à la gloire de la race.
— M"'^^''CoRVN et Laenen sont toutesdeux
artistes merveilleusement douées. Autant nous
apprécions la virtuosité, l'expressivité de jeu
de M""'' Coryn, autant nous sommes conquis
par la compréhension, la vigueur passionnée de
M^'"" Laenen.
Leur troisième matinée, salle Bonté, con-
sacré à la musicfue hclgc fut un succès qu'il nous
est agréable de souligner. — Retenons, parmi les
œuvres de programme : deux romances très
émues de François Ranc, a\ec Toccata brillante
de De.Boek, et Taysagc de Paul Gilson. La
Polka^ du même, nous a paru très " sla\ e. "
Dt'sirè Pâqur, Piîcy Benoit et Franck complé-
taient le programme.
— L'abondance des matières nous oblige
à remettre au mois prochain quelques comptes-
rendus de la dernière heure, et nos bulletins.
Nos lecteurs voudront bien trouver une
compensation dans les " nou\ elles de province "
dont certaines ont pris cette fois de l'extension.
— RÉCITAL DE SiCARD. Programme parti-
culièrement intéressant pour le récital donné
ieudi 17 mars, en la salle Patria, par le grand
\ ioloniste russe, Michel de Sicard.
La première partie, entièreinent consacrée
aux maîtres anciens, comprenait indépendam-
ment du concerto en mi majeur de Bach, des
œu\res de Teiiaglia, Couperiii, Rameau, Scar-
latti, etc., qui n'ont guère été jouées à Bruxelles
et dont l'exécution par l'éminent virtuose tut
à nos dilettanti un véritable régal d'art.
Au piano : M. Georges Lauweryns.
LIEGE
Peu (,ie monde au Concert
COMPOSITIONS DE EDGAR TINEL
Nouvelles éditions revues et corrigées
Op.
Op.
Op.
Op.
Op.
Op.
Op.
Op.
Op.
On.
I. Quatr-e Nocturnes b une
VOIX Fr. 2.
2 Trois Morceaux de Fan-
taisie pour Piano : No. I.
Papillon. 2 Le soir.
3. Adieu . . . complet „ 2.
3. Scherzo i-n ut mineur pour
piano 2.
4. Drie Llederen (texte fl.). „ 1.75
5. Quatre Mélodies ;
1. L'Automne 1 •
2. Charm.inle Rose 1.35
3. Bel tnfnni, »ouris-moi . .. 0.85
4. L'Oracle en d^lnul, . ,. 1 OC
idem . . complet net . „ 2.5 0
6. Deux Mélodies :
1. L'Angelu» 1.35
2. Pourquoi ,,1.35
7. I . Impromptu-valic, p. piano ,. 2.
2. Chanton. pour piano . . .. 1 -
8. Sechs Lieder iind Gesnnge
ilextc nllcmanci cl llnmnndl ,. 3.
9. Sonate fiour pinnn . net ,. 5.
10. Schllllledep von ^icoUn
Lrniw Ucxte allrm. et (l.l „ 2.
Op
II.
Op. 12.
Op
13
Op
14
Op. 17
Op. 30,
Funf Gesnnge ,ius N. Lc-
nau .•; ' Lieder der Sehn-
sucht " llexle allcm. et (1.1
Een krnns van veertien
oud-vlaamsche niin-
neiiederen (texte flam.l
complet net
Viei- oud - vlaanische
drinklieiiei'en (texte fl.i
complet net
Au printenips. cinq mor-
ceaux de fantaisie p. piano:
I . Hymne. 2. Joie. 3. Peti-
tes fleur» I... 4. Ave Maria.
5. Danse de paysans . .
Marche extraite de la can-
t.ite " KIoltke Roeland
iniur Piano a 4 mains . .
Mai'Che ii. piano a 2 mains
Wevershed uil de cantate
" j^lokke Koeland " . .
Marche Nuptiale pour
piano à 4 m.iins ....
Le Mois de Mal (à Ma-
rie' Mélodie ....
2.50
2.
1 .35
3.
1 .35
SCHOTT FRÈRES, Editeurs do Musique à BRUXELLES
L'ACTUALITE MUSICALE
51
Durant — mais quelle belle exécution ! L'ou-
verture de Lo}u;ngr'tu surtout tut d'une envolée
superbe, comparable à l'idéal obtenu par les
meilleurs chefs d'orchestre étrangers. Comme
soliste, M. Capet donna une vraie leçon de
style — de styles plutôt — dans les concerts
en ;///' de Bach et celui de Brahms, admirable-
ment caractérisés et dans l'interprétation des-
quels semblait revivre quelque chose du sérieux
analytique, de la méticulosité et de la grandeur
de Hans von Biilow.
Un jeune organiste chercheur, qui eut le
bon esprit d'aller prendre conseil auprès du
maître Widor lorsqu'il sortit frais émoulu de
notre conservatoire et qui, depuis, travaille
avec ferveur en autodidacte, nous a prouvé ses
nouveaux progrès dans un récital d'orgue en-
tièrement consacré à Bach. Il nous en joua
onze pièces par ordre chronologique, nous
conduisant de la Toccata et fugue en rè
mineur au Prélude et fugue en ut majeur
(celui que rappellent les Maîtres Chanteurs).
par une gradation insensible, témoin vivant du
prodigieux développement de ce premier de
tous les génies musicaux. Un sincère succès
d'art et de salle — chose remarquable vu
l'austérité du sujet ■ — récompensa l'intelligent
interprète.
A l'Œuvre des Artistes, récital de piano
très réussi de M"** Neutelaers, élève de. M.
Jules Ghymers, le doyen de nos pianistes
enseignants. Après du Bach, du Chopin, du
Maszkowski, elle a interprété avec une finesse
charmante trois des petites pièces que publia
S.I.M. sur le nom de Haydn : le Menuet de
d'Indy, celui de Ravel et le thème varié de
Reynaldo Hahn : ils ont tous trois beaucoup
plu. A la même séance M™® Eymael avait fait
entendre d'intéressantes mélodies de M. Marcel
Orban, notre compatriote, actuellement l'un
des disciples préférés de d'Indy : parmi elles,
Croix de bois est. un petit chef-d'œuvre.
Passons rapidement sur le concert des Ama-
teurs où l'on apprécia le violoniste Schkolnik
et venons-en au concert Debefve, qui fut un
triomphe pour le trio Cortot, Thibaut, Casais.
On y réentendit la symphonie en ut mineur
de Saint Saëns.
Au dernier Concert Duinont Jyamarche,
le Quatuor Cliarlier avait excellemment com-
posé son programme d'œuvre de Mozart,
Schumann et Richard Strauss.
D'" DWELSHAUWERS.
OSTENDE. — Ostende qui en été s'élève
au rang d'une capitale, tant par l'éclat de ses
fêtes que par le luxe de ses réunions mon-
daines, reprend, une fois la saison terminée,
son aspect de petite ville de pro\ince. Les
fêtes, ne parvenant plus à être somptueuses,
deviennent toutes bourgeoises, et les événe-
ments artistiques se font plutôt rares.
C'est ainsi que depuis le commencement de
l'année nous n'avons à enregistrer que deux
révmions réellement intéressantes, au point de
vue musical.
Mentionnons d'abord la représentation de la
vieille tragédie Adam in Ballingschap (Adam
en exil) de J. v. d. Vondel (i 587-1 679) avec
musique du compositeur Hollandais Hubert
Cuypers. Le sujet de la tragédie est tiré de la
Bible : le Seigneur, après avoir donné à Adam
l'Eden merveilleuse qui fleurit aux bords de
l'Euphrate, lui crée une compagne ; et c'est
aux sons des trompettes, des buccins et des
harpes célestes que l'hymen bienheureux est
célébré. Mais Lucifer et ses compagnons com-
plotent la perte de l'homme ; malgré la vigi-
lance des anges gardiens, le Serpent parvient
à séduire Eve, qui goûte le fruit défendu et
qui entraîne son époux dans sa chute.
Cette pièce, écrite selon les règles classiques,
contient de longs monologues et est entrecoupée
de chœurs. Le compositeur n'en a pas fait un
opéra ; il s'est contenté, ou plutôt, il est par-
venu à l'illustrer musicalement.
Partout où il en sentait le besoin, il a sou-
tenu le vers par une musique douce et très
cadencée. Dans les passages où l'attention
devient trop tendue, une esquisse sonore vient
rafraîchir l'esprit ; les longs monologues, néces-
sairement un peu monotones, s'animent sous
l'action des accords, et les récits se colorent.
Une des parties les plus intéressantes de ce
mélodrame est à coup sûr la danse que ies
anges, Adam et Eve exécutent en l'honneur
F. CHATENET
Photographie documentaire
et artistique
67, rue des Balignolles, 67, PARIS.
Nouveau procédé sur papier; blanc sur noir, grandeur 18x24:
Pour une commande de cmquante épreuves 0.75 par épreuve.
Par petite quantité: 1 fr, par épreuve.
Par ce procédé, la Maison CHATENET a fourni aux Bénédictins
de Solesmes pour leur Paléographie plus de 40.000 photographies.
PRIX-COURANT :
Cliché 13x18 avec une épreuve, 3 fr. , les suivantes, chaque 0.75
Cliché 18 X 24 avec une épreuve, 4 fr. ; les suivantes, chaque 1.00
Cliché 24 X 30 avec une épreuve, 5 fr. ; les suivantes, chaque 1 .50
vffi
,2i^U \j3uA ,)3frtir u Lnuy4iBir - uicé Cnit^irft nu
K\
V \s • . ' ^ ..-^^
\ » • , .
l.xirnil (lu rmiinn de lauvcl ll3l5l (iul>lif rii rcprorlurlioti |)l)<)toRrii|ihiiiuc.
L'ACTUALITE MUSICALE
^53
du Créateur, au cours de la fcte nuptiale : la
scène rappelle les tableaux chat())'ants des
priniitifs italiens et les voix très chantantes qui
déclament ces vers bien rythmés provoquent
en nous le charme des belles créations que l'on
entend pour la première fois.
M. Cuypers a fait de cette tragédie une
œuvre délicate et éminemment artistique. Nous
ne savons ce qu'il faut admirer le plus : le
caractère naturel qu'il a su donner à sa com-
position, et qui fait que l'on ne sait plus lire
certaines parties du poème sans que l'on entende
en sourdine quelque figure de violon, ou l'art
avec lequel il a constamment su rester au
second plan, dans les coulisses. La musique,
loin de dominer, ne perce jamais, et les acteurs
semblent ne pas s'en préoccuper. Elle n'est
vraiment là que pour faire ressortir le rythme
des vers, pour soutenir et guider la déclamation.
Elle se compose exclusivement d'esquisses
sonores : aucun motif n'est développé ; tout
en étant très mélodieuse, elle ne contient en
réalité aucune mélodie suivie. De légères
modulations indiquent et amplifient les diver-
ses sensations évoquées par les phases de l'action.
La mesure qui nécessairement fait souvent
violence à la parole — est presque complète-
ment négligée : le rythme seul domine, le
rythme qui suit pas à pas la cadence des mots.
Il en est résulté un effet inattendu et merveil-
leux. Les vers ne sont plus déclamés, ils ne
sont pas chantés non plus, et l'on assiste en
quelque sorte à la fusion de la parole et du
chant.
Et si nous avons cru voir et entendre en
scène, non des hommes, mais des êtres supé-
rieurs, si vraiment nous nous sommes sentis
envahis d'une joie céleste devant la félicité du
premier couple, et si les cris de douleur d'Adam
puni ont retenti si profondément dans notre
âme, nous devons sans aucun doute tant à la
musique délicate de M. Cuypers qu'à la bril-
lante interprétation que la troupe Royaards
d'Amsterdam a donnée de cette tragédie aux
vers magnifiques.
D'un autre côté, nous avons assisté le
l6 février à une conférence de M. Emile
Hullebroecksur la chanson populaire flamande.
Le brillant conférencier nous a entretenu
de la naissance de cette chanson, qui a trouvé
son origine dans l'hymne " Veni Creator ", et
de son développement à travers les siècles. Il a
commenté successivement les chansons d'amour
de nos trouvères, les chansons de Jean I, duc
de Brabant, les chansons historiques, humo-
ristiques et satiriques, ainsi que quelques airs
locaux.
Parlant d'une façon claire et précise, il s'est
facilement tait comprendre par son auditoire
qui, à côté du public ordinaire des réunions
de ce genre, comprenait également — et il
faut en être heureux — bien des gens de la
classe ouvrière.
Toutefois, malgré le grand intérêt de cette
conférence, l'audition que M. Hullebroeck
donna ensuite de quelques-unes de ses œuvres,
nous séduisit beaucoup plus. C'est qu'en effet
ce jeune compositeur gantois se trouve à la
tête du mouvement populaire (si l'on peut
dire 1) qui s'est dessiné au sein de la musique
flamande. Ce que Botrel tente en France,
Hullebroeck l'a réalisé en Flandre.
On lui doit la rénovation de la chanson
populaire flamande. Après avoir étudié la riche
collection de vieilles chansons dont s'enor-
gueillit la Flandre, il s'est dit que si le peuple
ne les chantait plus, c'était parce que les
paroles, les poésies étaient d'un autre siècle.
Le peuple de nos jours ne sent plus, ne jouit
plus, ne rit plus et ne souffre même plus de
la même façon que le peuple de jadis. C'est
pour cette raison que l'ouvrier et l'ouvrière ne
les chantent plus, ces mélopées charmantes de
nos vieux trouvères. Seules quelques dentel-
lières les savent encore et les murmurent par-
fois au cliquetis de leurs fuseaux.
Mais à certain moment, quelques jeunes
poètes se sont adonnés à la poésie populaire.
Dans de petites pièces bien rythmées, ils chan-
taient l'ouvrier et ses travaux, les joies et les
peines de son foyer. Ces auteurs n'étaient
lus que par quelques rares amateurs. Ils ont
persévéré et ont continué à écrire des berceuses.
VIENT DE PARAHRE
A LA
MAISON BEETHOVEN
(GEORGES OERTEL)
RUE DE LA RÉGENCE, 17-19, BRUXELLES.
C. THOMSEN:
ZIGEUNERMUSIK
Rhapsodie à la Zingaeres pour Violon et Orchestre
Réduction : VIOLON ET PIANO, net . 6.00
EX LOCATION LE MATÉRIEL d'ORCHESTRE
CHOPIN-THOMSEN :
MAZURKA op. 7 No. I. Violon et Piano, net 2.00
EN PRÉPARATION :
ROOVERSLIEFDE
1)kami. LvuKin-: in in a( ri-: dk 1*. (iII.SON
PARI rriON : Piano et Chant.
L'ACTUALITE MUSICALE
^SS
des cliansons à boire et des cliants d'amf)ur,
malgré les critiques de lecteurs habitués à une
littérature raffinée, tant néerlandaise que
française. On ne les lit peut-être pas beaucoup
plus maintenant, mais on les chante un peu
partout.
Emile Hullebroeck a, le premier, songé à
écrire de la musique sur ces poésies qui étaient
déjà presque des chansons. Il a formé jusqu'à
présent un recueil d'environ cinquante lieder.
Presque toutes écrites dans les mesures 2/4
ou 6/8 ces chansons se caractérisent par leur
simplicité et par leur caractère vraiment popu-
laire. A les écouter on entend des échos, des
ritournelles et des ballades des temps passés,
et Ton ne peut manquer de songer que l'on
possède là une collection de petits chefs-d'œuvre
pleins de bon goût, de poésie et de vie.
Elles sont humoristiques comme celles du
" Petit Sacristain " et tantôt joyeux comme
cette " Kermesse flamande ". Parfois elles se
caractérisent par leur douce mélancolie ou ont
l'air de vieilles romances. Mais c'est surtout
lorsque le compositeur aborde les sujets in-
times qu'il trouve des accents qui vont droit
au cœur. Parmi les plus belles et les plus
charmantes, je dois citer " Alijn kleen^ kleen
dochterken ". M.
L'abondance des matières nous oblige à remettre
au prochain numéro les correspondances de Charleroi,
Wasmes, Quaregnon, Pâturages, Mons et Malines.
Etranger
MOSCOU. — A signaler une belle sym-
phonie de S. Taneiew, un " Pokme Divin "
de Scriabine, qui cherche -à ouvrir à l'art de
nouvelles voies. Les Amis de la musique
r^isse nous ont fait entendre la septième de
Glazounow, 1' " Ile des Morts " de Rach-
maninow, et le " Lac enchanté " de Liadow.
Je ne vous citerai pas toiite la liste des vir-
tuoses, que Moscou fascine cette année comme
LeS; autres. Mais je voudrais attirer l'attention
des musicologues sur une Société de musique
ancienne que; vient de créer M. BoulytschefF,
et qui a donné une fort bonne audition de
" Sanison " de Haendel.
E. VON TlDEBOEHL.
VIEINNE. — Au début de mars a eu lieu
l'Assemblée générale de la Section de Vienne
de la Société Internationale de Musique, et
l'élection du bureau. I.e Dr. Erwin Luntz, qui
est depuis 6 ans président delà section nes'étant
pas représenté, le bureau a été constitué de
la façon suivante : Président, Dr. Hugo Bots-
tiber, vice-président, Dr. E. Luntz, Secrétaire,
Dr. Egon Wellecz, trésorier, Dr. A. Koscirz;
membres, les Professeurs Haboech, Prohaska,
et E. Mandyczewsky ; Contrôleurs, MM.
Thalberg et Gregor.
La séance suivante adopta le principe de
s'intéresser avant tout à des exécutions musi-
cales, dont le nom sera celui de Kollegium
Musicum. La Section organisera prochaine-
ment, au profit du Mozarteum de Salzbourg,
une séance de ce genre réservée aux œuvres
de Bach, avec le concours de Mme Landows-
ka, et des plus grands artistes de Vienne.
Puis les communications suivantes ont été
inscrites : Dr. Richard Batka " la Technique
du chant populaire " ; Dr. Max Graf, " le
Vaisseau Fantôme ; " et enfin une exécution
du Stabat de Pergolèse.
Les sœurs Wiesenthal jouent à l'Apollo une
pantomime de Franz Schreker " V Anniver-
saire de r Infante " avec le plus grand succès.
Schreker est un de nos modernistes les plus
actifs.
Le grand événement de Vienne est la
publication des œuvres d'un jeune prodige,
W. E. Korngold, le fils du critique musical
de la Neue Freie Presse. A peine âgé de
12 ans, ce compositeur vient de mettre au
jour une Sonate, une fantaisie pour piano et un
ballet, qui ont rernpli d'étonnement les profes-
sionnels et les amateurs. Ceci a l'air d'une
simple réclame. Je dois pourtant vous avouer
que Strauss et Nikisch ont même avoué leur
surprise devant tant de maturité et un art
aussi peu conforme à ce que l'enfance pourrait
nous laisser supposer. Le cas Korngold mérite
qu'on s'y arrête. E. W.
L'ACTUALITE M U S I C A L E
MUNICH. — Voici en gros le programme
musical de la saison de Munich cette année.
Du 20 au 23 mai un cycle Schumann. Puis
quelques festivals choraux. Du 23 au 28 juin
grande semaine Richard Strauss. En août,
cycle Beethoven, Brahms, Bruckner. Enfin au
1 2 septembre la symphonie géante de Gustav
Malher avec ses mille exécutants.
HEIDELBERG. — Nous organisons de
grandes solennités musicales pour la fin d'oc-
tobre. Ces fêtes seront données par le Bach-
verein et l'Akademischer Gesangverein. Elles
seront consacrées au grand cantor, et auront
lieu tant à l'église qu'au concert.
NAPLES. — Après a\()ir été tout à Wagner,
les Concerts Martucci ou\Tent leurs portes à
la Société des Concerts d'Autrefois. Succès
complet pour cet art qui n'est pas sans sur-
prendre les Napolitains. La sonate de Marcel-
lo, et la musette de d'Hervelois ont été
bissées.
Le bénédictin Hartmann est arrivé ici pour
donner son Oratorio La morte del Signore, et
diriger le Stabat de Rossini.
FLORENCE. — M. Léo S. Olschki a eu
l'heureuse idée de faire exécuter quelques unes
des œuvres inédites de Paganini dont il s'est
rendu acquéreur à la vente du mois de février.
Une première audition en a été donnée, avec
un vif succès, chez M. Olschki lui-même,
puis, sous forme de concert public, dans la salle
de la société Leonardo. Les pièces exécutées
sont un quatuor à cordes (Allegro macstoso^
Minuetto^ Adagio^ Rondeau)^ un Cautah'tle et
une Tarantella^ pour violon et piano, et enfin
le Larghetto et la Polacca d'un quatuor a\ec
guitare.
Le Quartctto Fiorentino^ qui s'était chargé
de l'exécution de ces œuvres, donne, dans le
saNxi de la l^ergola, une série de six concerts
de miisi(|U{; de chambre. Nous y avons déjà
cntciidii (les (fu\ res de lieetlio\i-ii, de Chtiu-
bini, de Hocclierini, de Tartiin' et de G. H.
SaniMiartini, interprétées de fa(,()n fort intéres-
sante par MM. CaJamanni, Lm/.oni, Frangini
et Coen.
Nous avons eu même une première, le
Calendimaggio de M. Giuseppe Pietri, donné
le 14 mars au théâtre de la Pergola. Sur un
livret rapide et violent de M. Pietro Gori,
le jeune musicien a composé une partition
d'une inspiration généreuse, où les rémi-
niscences de Mascagni n'empêchent pas de
de\iner quelque originalité et où les marques
de talent ne sont pas rares, malgré une cer-
taine intempérance dans l'emploi des forces
orchestrales.
Il s'est conservé à Florence un usage qui
ne subsiste plus que dans quelques rares villes
d'Italie ; c'est celui d'exécuter pendant les
trois derniers soirs du carnaval, dans une des
églises de la \ille, un opéra dont le sujet ait
quelque rapport avec la religion. Ces exécu-
tions, données naturellement sous forme de
concert, ou, comme on dit ici, d'oratorio, ont
lieu d'ordinaire dans l'église San Giovannino
degli Scolopi. On y a déjà entendu notamment
le Pol'iuto de Donizetti, / Lombardi de Verdi :
cette année nous avons assisté à un autre
opéra de Verdi, fort célèbre en son Temps, le
Nabucodonosor. Les Italiens, massés dans la
petite église ont paru retrou\er avec plaisir
plusieurs morceaux qui sont encore populaires
dans toute l'Italie, la marche du premier acte,
l'air Dell ! perdouii du 3*' acte et surtout le
fameux chœur, Va^ pem'iero^ mlV al'i dorate^ où
les Hébreux esclaves célèbrent les douceurs de
la patrie perdue, et que l'on chantait dans les
rues, comme un Innine de ralliement, pendant
les jours héroïques de l'unité italienne.
C'est un spectacle bien curieux que cette
exécution d'une (x;u\re c|ui re^te en grande
partie profane ilans l'atmosphère de l'église,
entre deux bénédictions. Le concert est inter-
rompu par un eiitr'acte d'une demi-heure
environ, perulant lequel un prédicateur est
chargé d'occuper l'attention îles assistants. Le
nôtre s'acquitta de cette tAche délicate avec
une surpri-nante tlextérité. Puis le concert
rt-prit. Les fidèles, les prêtres et les entants île
clufur suivaient soigneusement, sur leurs
lihrettiy les terribles aventures île Nabucodo-
nosor, de sa fille Fenena et de la perfide
Abigaille. C,';'i et là certains, pour n'en j-ioint
L'ACTUALITE MUSICALE
'S7
point perdre un mot, avaient allumé des rats-
de-cave. Par moments quelque mélodie trop
sautillante réveillait le sens du rvthmc dans
l'âme des vénérables ecclésiastiques, qui se
mettaient à marquer crânement la cadence
d'un petit mouvement de leurs bonnets carrés.
Pourtant, lorsque Fenena ou Abigaille chan-
tait, les yeux baissés sur les livres se levaient
un instfint vers l'estrade pour tâcher d'aperce-
voir leur visage derrière le treillis doré. Mon
voisin m'expliqua que cette année, pour la
première fois, des femmes ont été admises à
chanter dans ces veglie saci'e. L'année dernière
encore, on avait fait venir de Rome des chan-
teurs spéciaux, qui avaient de belles voix de
soprano. Maintenant le Saint-Père a permis
de mettre des femmes véritables à la place des
autres. Car il paraît que l'espèce se perd....
Paul-Marie Masson.
MADRID.— La " Philharmonique" nous
demeurant fermée, nous n'aurons point le
plaisir d'informer nos lecteurs des prouesses
acrobatiques de M. X, violoniste teuton, de la
virtuosité capricante de M™*^ Y, américaine,
de la frivolité welche de M. Z. ou de la pro-
fondeur du Quatuor Chinois... Mais, au fait,
ce que désirent savoir les amateurs fervents de
la S. L M., c'est sans doute le mouvement
indigène, l'orientation actuelle des efforts dés-
intéressés d'un petit groupe de bons musiciens
espagnols. L'étranger, en ces conditions, ne
nous attire guère. Nous ne le connaissons que
trop en notre France musicale.
L'Espagnol qui reste bien soi, enchante par
son individualisme sans pareil, naïf, ambitieux,
hautain, mais toujours original, imprévu, sin-
cère. L'Espagne est le pays du mélos aux
tonalités antiques, aux rythmes pittoresques,
des couleurs tantôt crues et bariolées, tantôt
douces et grises comme cette terre lumineuse
de l'Andalousie ou ces montagnes rêveuses de
Léon.
Cette atmosphère de contrastes expressifs,
d'alternances qui surprennent et ravissent, fut
admirablement comprise soit par les coloristes:
Albeniz, Turina, Falla, Pérez Casas, Arregni,
soit par les penseurs et les recueillis : Olmeda,
de Gibert, Noguera, Villar, Conradcj de!
Campo... Pedrell unit les deux tendances en
sa puissante synthèse dramatique et, par con-
tre, im Chapi en qui l'Espagne salue son
Beethoven ou son Mozart — quelle tristesse !
— n'a ni le brillant relief des uns, ni la pro-
fonde sentimentalité des autres : c'est et ce
sera toujours le type du musicien manqué que
par une lamentable erreur historique et pour
sa honte, l'ingrate Espagne protégera aux dé-
pens de ses vrais et grands artistes.
Mais ne nous égarons point: cette "sortie"
contre Chapi m'est inspirée par une ridicule
campagne de presse espagnole en faveur de
celui qui ne fut jamais un musicien, alors
qu'elle se tut lorsque Malats vint magistrale-
ment interpréter V Iheria d'Albeniz.
En revanche, quelques courageux apôtres
de la musique nationale opposent vaillamment
à cette néfaste opinion d'une presse peu avertie
des choses de musique, de nobles tentatives
qui méritent d'être encouragées et soutenues.
Je ne dirai qu'un mot des représentations
du Teatro Real. Wagner y occupa la première
place avec sa Tétralogie entière sauf Siegfried^
et reçut la plus détestable des interprétations
grâce au zèle intempestif d'un chef d'orchestre
allemand, W. Rabl, noble inconnu outre-
Rhin, et de chanteurs italiens de belle inintel-
ligence. La Salomè de R. Strauss, avec la Bel-
lincioni eut peu de succès, et ce fut justice...
L'orchestre du Real ne possède point en eflPet
le matériel nécessaire pour la digne mise au
point du chef-d'œuvre de l'auteur de la Sym-
phonie Domestique, et les chanteurs italianisèrent
outrageusement une musique déjà trop italienne.
A l'Ateneo de Madrid, un jeune prodige-
pianiste, M. Téran, nous donna un médiocre
échantillon de son savoir, et le signataire de
ces lignes organisa, avec le concours de o-rands
artistes de l'Opéra: M"-* Garcia Conde, Nava,
Perini, et de professeurs et amateurs de la
capitale : MM. Palau, S. Crepo et Elola, une
conférence-concert sur l'Or du Rhin, favora-
blement accueillie, ce dont il remercie le
public et la presse madrilènes.
Le merveilleux quatuor Vêla, composé de
Telmo Vêla (violon i^'"), Francisco Cano
L ' A C T L' A L I T E MUSICALE
158
(violon 2'), Enrique Alcoba (alto) et Domingo
Taltavull (violoncelle), a déjà donné trois con-
certs par lesquels il s'est révélé comme un des
quatuors les plus homogènes et de la plus fine
musicalité. Nous avons rarement vu artistes
plus anthousiastes, plus souples, plus compré-
hensifs, et sacrifiant, à l'âge des succès faciles,
un désir légitime de virtuosité à la discipline
émouvante du quatuor essentiel, avec une joie
profonde de musiciens qui vivent leur art.
Nous leur adressons nos plus chaleureux com-
pliments, et nous espérons que bientôt Paris,
Berlin ou Vienne pourront les entendre et les
applaudir.
En leur premier concert du 5 Mars, nous
ouïmes le délicieux quatuor en mi majeur de
Mozart ; le qur.tuor incomplet et vraiment
malheureux de ce Grieg décidément pau\re
technicien ; l'adorable Sérénade Italienne de
Hugo Wolf cher à notre grand Romain-Rol-
land; et enfin un quatuor enfantin de l'Espagnol
Serrano, que je préfère ne point critiquer.
Le second concert du 10 Mars, nous pro-
cura la joie d'entendre après, le charmant
quatuor (n'' 6) d'Haydn, une des plus lumi-
neuses et "françaises" exécutions du quatuor
Debussy, dont on bissa l'exquis second temps.
Mais le "clou" de la fête fut la primeur de
la Suite Léonaise de Rogelio Villar, l'un des
"jeunes" les plus intéressants de l'Espagne
actuelle, et qui promet d'être un Grieg méri-
di(jnal, plus fin et plus ém()U\ant. Cette suite
qui comprend quatre temps est d'un h'risme
doux et triste, d'une fraîcheur rare, d'un sens
musical affiné. Les thèmes populaires v reçoi-
vent un développement parfois brusquement
interrompu — ce qui est le défaut xoulu mais
réel de l'auteur — parfois un peu facile
(comme en son allegro niolto) et embarrassé
d'éléments " pianistiques " qui détonent et
cho(|uent, mais toujours captivant et svmpa-
thiquc, d'une technic|ue discrète et heureuse
plus que par son contrepoint, élémentaire, par
une harmonie savoureuse et (|ui respecte les
véritables tonalités des chants recueillis et
distribués avec art. l'ous nos compliments
au jeune auteur, l'un des mieux iloués, sinon
des plus savants, de sa génération.
Le troisième concert, du 1 7 Mars, nous
permit de réentendre le petit quatuor en sol
(n" 2) de Mozart, le 2""' quatuor, inégal, de
Beethoven, et un détestable quatuor d'im
Espagnol, M. Manrique de Lara, dépourvu
d'originalité non seulement espagnole, mais
musicale ; manquant d'équilibre et mélangeant
des progressions d'un chromatisme et d'une
polvphonie à la " Tristan " avec les reprises
invariables d'un pauvre thème diatonique ;
d'une harmonie poisseuse, \ide et arriérée y
enfin qui présente un abus du trémolo et du
pizzicato d'un effet effrovablement théâtral.
L'auteur jouit d'une certaine renommée en
Espagne, et c'est pourquoi nous devions insister
sur son œuvre. Mais cette renommée ne s'ex-
plique point, et nous éprouvâmes une cruelle
déception à nous en aperce\oir.
Concurremment avec le quatuor Vêla, la
Société des Instruments à Vent, fondée par le
célèbre maître Pérez Casas, a fait un " début"
sensationnel. L'ensemble de ces huit artistes
est \raiment satisfaisant, et, sans égaler la
notre, cette Société fait le plus grand honneur
à ses protecteurs, et à son chef éminent. Au
premier concert, du 8 mars, nous eûmes du
niau\ais Rubinstein, l'admirable Chanson et
Danses (bissées) de d'Iiuh-, un gentil sextuor
de Breton, le directeur du Conservatoire de
Madrid, et le jeune quintett de Beethoven
(op. 16). — Le second concert du 14 Mars,
nous cUmna l'heur d'applaudir du Ha\dn, de
bailler pendant du Haëiulcl, de dormir durant
du Klughardt mais d'applaudir \ igourcusement
la claire et charmante musicalité du Sextuor
(op. 6) du ba\arois-t\rolien '1 huille, régal de
sonorités heureuses,et de mélodies naïves et ten-
dres.Le succès qui acccucillit les deux premiers
concerts de la Société constitue un précieux
encouragement pour l'avenir. Nous souhaitons
longue \ie à la jeune assticiation et assurons
son directeur si méritant de ncjtre coriliale
s\ nipathie.
Au théâtre Je la "Cometlia" Berthe Marx
Goldschmidt voulut reconstituer les cinq
concerts historiques de Rubinstein. Nous
n'insisterons pas, par galanterie, sur cette
curieuse tentative.
L'ACTUALITE MUSICALE
Ï59
Et la Société des Concerts, sous la direction
de son illustre chef Arbos, va enfin ouvrir ses
portes à la foule avide de, sonorités orchestrales.
Nous suivrons la foule. ' Henry Collet.
VALENCE. — Nous venons d'inaugurer
des concerts de chambre sous la direction de
Chavarri, avec les Chansons et Danses de
Vincent d'Indy, qui ont cette fois obtenu
l'exécution et le succès digne de cette belle
œuvre, jadis exécutée à Valence. Puis le
Divertissement de si bémol de Mozart et enfin
une rapsodie de Chavarri, d'écriture très mo-
derne et qui a parfaitement réussi.
Jûar ^
liait
Chand d'BilletS. dîners, ou de bridije... Sujets à propos do quoi
on a vraiment en\ie de crier ainsi qu'à des
Chaque année, avec la ponctualité, la fidélité, tapevns incorrigibles: Encore vous? ah non!
de vieux serviteurs d'autrefois, il est quelcjues Jr '•i-ous ai (li'jîi donné !
sujets d'Actualité on peut dire chronii|uc- et 11 v a ainsi les baraques du iour de Tan, les
môme incurable qui reviennent aux mêmes marchandes de violettes ou de poires cuites au
époques jîour inspirer les mêmes articles de four, le marronnier du 20 mars, le dernier
journaux, les mêmes couplets de revues, les chet-d'ctnivre — toujours le dernier — de
mêmes propos autour des tables de Café, (K' M. R<niin... Il \ a aussi la cpiestion d'Orient
L'ACTUALITE MUSICALE
i6i
et nous y voilà : celle des marchands de billets !
Cette année elle offre ceci de nouveau qu'elle
est en train de prendre une importance consi-
dérable. Avant d'entrer dans ce vif qui est la
2;uerre entre certains Directeurs de théâtre et
marchands de billets, il faut d'abord s'entendre
sur ce qu'ils sont : les marchands de billets, et
révérence parlée, mettre l'objet en mains. Car,
s'il y a fagot et fagot il y a aussi marchand de
billets et marchand de billets : aristocratie et
populace, seigneur et ruffian.
A tout Seigneur tout honneur. D'abord
voyons donc " le Bourgeois " F Aristo, le mar-
chand de billets de luxe. Celui-là travaille à
découvert en toute sécurité. Il a façade sur le
Boulevard. De l'extérieur, par ses affiches
multicolores, sa boutique attire le regard à
bonne distance et le retient de près par sa
vitrine gentiment ornée de photos d'artistes et
même de silhouettes en bois.
Entrons. Aux murs, d'autres photos bien
plus séduisantes et grand format ! Une spécialité
de vedettes en vêtements légers..Une exposition
de charmes, qui pour être en papier ne laisse
pas tout le monde de bois... Et puis, toutes
les salles de spectacles en miniature : dites
^^ Guignor\ la caisse, tout le mobilier profes-
sionnel. Enfin : élégant de mise, d'allures, de
gestes et de conversation : le marchand de
billets qui vend sa marchandise avec amabilité
mais sans être ni insistant ni obséquieux. Un
Monsieur sûr de son commerce et qui peut
s'offrir, le cas échéant, avec le fidèle client, une
petite conversation sur la pièce, l'auteur et les
interprètes d'Actualité qu'il vient de juger à la
générale, le marchand de billets étant de toutes
les générales.
— Intéressante la pièce ?
— Mais oui, très bons décors, de F entrain, du
dialogue, de V esprit, des mots de situation.
— Alors on peut voir ça F
— "Je crois bien ! Une loge de face ?
N'en déduisez pas que par intérêt profes-
sionnel, le marchand de billets trouve forcé-
ment tout bon. Que non ! et, certains auteurs,
comédiens, chanteurs, ne seraient peut-être
pas toujours satisfaits de ses commentaires ou
de ses pronostics ! Mais le sait-on ? Aussi bien
que le plus subtil, le plus remuant, le plus
infatigable de nos courriéristes, serait-il le
Capitainc Fracasse ou Brichatiteau, le marchand
de billets connaît à peu près tout de ce rata
compliqué, \arié, imprévu qui mijote dans les
coulisses... Fort de leurs profondes relationsdans
les théâtres, ces marchands de billets de luxe
sont à l'occasion de très distingués indicateurs
galants... Pendant l'Exposition de 1900, il en
fut un qui avec beaucoup de tact et d'éloquence
s'en fut trouver une des plus éminentes per-
sonnalités administratives de l'Opéra :
— Si vous voiiUe% être mon avocat auprès de
ces demoiselles du corps de ballet comme nous pour-
rions faire de F or avec les Etrangers ! C^est très
simple
Sans doute parce que ce fut trop simple le
haut fonctionnaire sollicité ne voulut pas
comprendre. Le marchand de billets dut cher-
cher ailleurs.
Bref le marchand de billets de luxe exerce
une profession des plus agréables, peu fatigante
et qui, bon an mal an, lui rapporte tous frais
payés un bénéfice net de cinquante mille francs...
Combien différente est l'existence de l'autre
marchand de billets, du " ruffian ". Par la pluie,
la neige, la grêle, l'ardent soleil, enfin dehors
par tous les temps, de dix heures du matin à
dix heures du soir, le ruffian ne paraît cepen-
dant pas contracter une mauvaise santé à ce
genre de vie. A de bien rares exceptions près,
regardez sa belle troçne, on dirait enluminée
à tous les verres rouges des lampes électriques,
mais qui l'est en vérité à ceux des mastroquets
voisins. Admirez cette carrure, cet embon-
point. Ces mains larges comme des épaules de
mouton, ces doigts boudinés, luisants, roses
comme des petits paquets de saucisses, toute
cette rude allure d'un cultivateur endimanché,
d'un maquignon, d'un " book " et plus souvent
celle bien plus pittoresque d'un Monsieur que
vous ne voudriez pas rencontrer au coin d'un
Pré serait-ce même à celui du Pré-aux-Clercs.
— Pst ! Pst !..
102
L'ACTUALITE MUSICALE
Vous les connaissez bien ! Celui-ci vous
appelle du seuil d'un café modique.
— Une bonne place pour Ce- soir^ de face ?
Celui-là, pour peu que vous sembliez vous
diriger vers le bureau de location ou \ous
arrêter devant l'affiche et même tout simple-
ment si vous passez, \ous raccroche par \ otre
manche, \ous passe même tendrement le bras
autour de la taille et vous fait ses propositions
a\ec le bagout, l'insistance des photographes
forains ou du coiffeur qui veut à toute force
placer une friction ou un shampooing. Comme
tout ce qui est en dehors de l'ordre, du con-
venu, comme tout ce qui est si peu sau\age
que ce soit, ce marchand de billets dit " ruf-
fian ", est bien plus amusant que son confrère
de luxe ''''U Ar'nto " qui est au ruffian ce que
le cabot des rues est à la levrette de grande
maison, ce que le chat de gouttière est au chat
d'appartement.
"Par ci par là, bien forcé de \o\\ la \ie
plus en rosse qu'en rose, le " ruffian " n'est
pas 'exempt d'aléas puisqu'il n'a pas la
tranquillité d'une clientèle stable mais plutôt
Variable, aussi volante que volée. Non pas
comme l'Aristo, assuré d'amateurs réguliers,
le ruffian n'a pour établir un équilibre entre
ses dépenses et ses recettes que ses connais-
sances du répertoire à succès et des nouvelles
œuvres qui pourront réussir ou non. Mais s'il
pleut r La pièce a beau être bonne, les chan-
teurs fameux et les décors charmants. A' r/(/^rt//
risque le mauvais coup de garder ses billets
pour compte. C'est dans ces moments là que
— semblable à ces Dames de nuit encore
seulesà la dernière heure et qui (lc\iei)nént de
plus en plus pressantes parce que plus pres-
sées, — If rujjian se résout à toutes les audaces.
Poursuivant l'amateur jusque dans le vestibule
du théâtre il finit par se faire *' emballer
traîner au poste dont il est abonné fidèle et où
d'ailleurs on le relAche aussitôt, ce qui lui
permet d'y revenir plusieurs fois duiaiit la
même soirée.
Comme Xuw pense ces ** emballages " ne se
font pas toujours sans musif/ue: protestations
ou menaces. C'est que le marchand de billets
en plus d'un indicateur de la police, d'un
" book-maker " et même d'un Poète qu'il est
parfois peut de plus être un bon agent élec-
toral ou tout simplement ce personnage vénéré,
presque sacré. " L'électeur ". xi mcj2ao
Ainsi pour avoir fait arrêter un marchand
de billets racolant dans l'entrée même de son
Théâtre, M. Carré t-e vit-il montrer le poing
et promettre :
— Attends un peu ! je le dirai à Levreau !
Imiiilc- (le dire c|ne JAVieau c'était Iq^
drpntr ' ■ n' •'. •
J.e rulJian t]ui rançonne, d'apiès la loi d^
L'ACTUALITE MUSICALE
163
l'oftVc et de la demaïKle, et l'Aristo qui trafique
sur une augmentation à peu près fixe de trois
francs sur le prix de la location officielle, ne
se font ni tort ni concurrence. Chacun à sa
spécialité. Celui-ci accapare les grosses places,
celui-là les petites. Avec ou sans la complai-
sance des directeurs de théâtre dont bon
nombre les considèrent, les traitent en excel-
lents auxiliaires et même en collaborateurs
précieux.
Pour se procurer les places au bureau de
location, Arhto et Ruffian ont un procédé bien
simple qui consiste, moyennant une prime de
cinquante centimes par place, à les envoyer
prendre par des commissionnaires variés dont
le fonds ordinaire est surtout constitué par des
garçons de café, et l'extra par des passants
dont la profession est surtout celle de n'en pas
avoir. Faisant la joie des directeurs ennemis,
ces troupes auxiliaires ne reviennent pas tou-
jours d'expédition... Ce sont là des fuites peu
fréquentes, les marchands de billets étant à la
fois gens de précaution et d'ingéniosité capa-
bles de rivaliser avec nos meilleurs policiers, ce
qui évidemment n'est pas encore le Summum
delà difficulté Les marchands de billets
sont encore des veinards. Une très sympathique,
très capable et très artiste personnalité de
l'Opéra en sait quelque chose. Cette person-
nalité, appelons là M. Colin et si vous voulez
même M. Colin-Maillard à cause de cette
chasse aux marchands de billets toujours un
peu faite à l'aveuglette, avait dit à propos
d'une sensationnelle première :
— Je ne veux pas qu'il y ait dan^ la salle une
seule belle place vendue par un marchand de-
billets !
De permanence au bureau de location,
dévisageant tous les souscripteurs M. Colin
Maillard était presque sûr d'avoir évincé les
marchands de billets. Douce erreur ! Une
baignoire la veille prise par un des principaux
habitués de l'Opéra avait été revendue le len-
demain par un marchand de billets !
^Pendant l'instant durant lequel M. Colin
Maillard avait interrompu sa garde au bureau
de location la jeune bonne de M. X... titu-
laire de la baignoire s'était présentée au bureau
de location. En attendant son tour elle avait
avisé un monsieur très élégant, lui avait de-
mandé à qui fallait-il s'adresser pour se faire
rembourser des places qu'on ne pouvait utili-
ser. . .
— Mais mademoiselle^ je vous les prends moi !
et voilà cinq francs pour vous. . .
Le monsieur très élégant n'était autre qu'un
des plus habiles marchands de billets bien connu
sous le sobriquet très spécial de " Beau Bocal^
Pourquoi donc ne pas toujours aller au bu-
reau de location au lieu d'avoir recours aux
marchands de billets ?
Deux raisons font les marchands de billets
presqu'indispensables parce que répondant à
des besoins.
Le vitalité du marchand de billets de luxe,
réside en ce que présent dès l'ouverture de la
location, il ramasse les meilleures places que
l'amateur riche est toujours sûr de trouver
chez lui, même aux dernières heures de la
journée.
Excellentes places que cet amateur riche
peut en cas d'empêchement ou de caprice,
rendre ou échanger, celles de ce théâtre-ci
pour celles de ce théâtre-là. Enfin, précieux
arrangement : si cet amateur riche est un
fidèle, il a droit à un crédit souvent considé-
rable avec large facilité d'acquit.
Le marchand de billets populaire et si l'on
peut dire, ô ironie — à prix réduit ! — fit à
temps lui aussi la razzia des places qui l'inté-
ressent. Donc avantage de l'accapareur ven-
dant selon la naïveté du client ou la pénurie
des places disponibles à la location.
Les marchands de billets ne faisant en
somme que profiter en des proportions diffé-
rentes d'un agio légal quoique usuraire, quel
prétexte les pouvoirs publics peuvent ils pren-
dre pour s'immiscer dans leur commerce ?
Aucun. C'est donc au directeur de théâtre
hostile au marchand de billets — il nj en a
pas tant qui peuvent s'offrir ce luxe ! — à se
défendre par des moyens uniquement person-
nels.
Ainsi M. Carré que ses merveilleuses re-
1 64
L'ACTUALITE MUSICALE
cettes dispensent de toute collaboration fran-
che ou hypocrite avec les marchands de bil-
lets peut dans une certaine mesure contra-
rier, gêner le marchand de billets: surtout le
petit. Manière forte comme l'intervention de
la police en cas de racolage trop hardi. Eloi-
gnement indirect qui est le rachat des billets
d'auteur, autant de moins pour les marchands
de billets !
Cette demi impuissance contre les mar-
chands de billets est si bien comprise et si bien
acceptée que presque tous les directeurs de
théâtre ne l'ont jamais élevée à la hauteur d'une
question d'Etat. Or, et la chose est infiniment
comique, quels directeurs tentent de changer
ce débat personnel en débat public, législatif,
visant la fin des marchands de billets. Qui r
Les_ directeurs de la Gaîté Lyrique. Les frères
Isola — qui n'ont d'ailleurs jamais été frères.
Les frères Isola qui pour avoir d'abord fait des
tours de prestidigitation dans les catés de Paris,
de la Banlieue et de la Province, puis organisé
dans les bouis-bouis et music-hall, l'exhibition
d'un nombre incalculable de petites et de grosses
^ames plus ou moins décolletées — plutôt plus
— ainsi que la présentation de chiens savants,
die clowns excentriques et d'avaleurs de sabres,
étaient selon la logique, selon la justice de la
Vie tout* désignés pour prendre part à la
destinée de la grande Musique Française...
Sans doute reconnaissons-nous aux frères
Isola leur science des cliiffres, leur habileté à
savoir s'entourer de généreux commanditaires
comme M. Merzbach, de conseilleurs artistes
comme MM. Labis et Amalou. Cependant
notre admiration ne va pas jusqu'à nous faire
croire que si les frères Isola crient " vingincc "
contre les marchands de billets, c'est unique-
ment pour la défense de l'Art pur et du
Peuple ! Evidemment V /Irt pur et Ir Peuple
ont toujours en bon dos et l'on jieut dire bon
dos d'Ane. Mais cette fi^is le truc est trop
inélégant.
Non il n'y a pas (|ue liu désintéressement
dans cette indignation, mais encore une furieuse
colère personnelle contre ces marchands de
billets qui vivent largement des efforts et des
excellents résultats des frères Isola.
On sait comment sous l'habile prétexte
d'offrir au Peuple un spectacle de grand art,
pour un prix démocratique — mais où com-
mence et où finit-il donc ce prix démocrati-
que r — les frères Isola ont lancé une affaire qui
a réussi grâce à leur intelligence et à l'appui
formidable lie la N'ille ipn, en phis d'autres
avantages matériels, mit à leur discrétion,
répertoire, veiiettes, décors, costumes de l'Opéra
et de l'Opéra-Comique. Généreuse, fructueuse
combinaison, qui ferait un tort considérable
à nos lieux grands Subventionnés, s'ils n'étaient
pas aussi résistants. Disproportion entre frais
L'ACTUALITE MUSICALE
,6s
et rapports, qui inspira tout de suite aux
deux races de marchands de billets, cette
judicieuse réflexion :
" Les Huinir/iois pour quin-ze francs a
pour
a la
au moins dix francs à la Gaieté.
r Opéra et pour cent sous à la Gaieté P Ça vaut
Et voilà comment, de tous les Directeurs
de Théâtres, les frères Isola font les plus gros-
ses rentes aux marchands de billets.
Ainsi, la vérité " Phumble vérité " comme a
écrit Maupassant c'est que maintenant en
plein succès, forts d'un joli capital d'abonne-
ments, prêts à se débarasser de la protection
municipale afin d'être les Maîtres de leur
Exploitation, les Isola voudraient bien par la
même occasion, semer les marchands de billets.
Mais ces marchands de billets aristos et ruffians
se savent hors d'atteinte. Ils rient dans leur
barbe ou dans leur moustache. Ils se frottent
les mains. Ils songent qu'ayant ainsi laissé
découvrir leur secrète pensée par un bluft
maladroit et significatif, les Isola font désormais
figure de cavaliers seuls dans ce quadrille
excentrique des directeurs de théâtre et des
marchands de billets. Et ils concluent non
sans raisons peut-être, qu'après avoir été les
Isola, ces frères Siamois pourraient bien être à
présent les... Isolés.
Pierre Jobbé-Duval.
Les Instruments
LES CLARINETTES.
Les instrumentistes à vent français ont Ife
réputation d'être supérieurs à ceux des autres
pays. Cette suprématie est d'autant plus esti^'
mable que notre lutherie laisse passablement à
désirer. Depuis une cinquantaine d'années les
perfectionnements que l'on a apporté dans
certaines catégories d'instruments sont insigni-
fiants. Cependant les œuvres musicales moder-
nes demandent tous les jours plus de délica-
tesse et de virtuosité de la part des instrumen-
tistes ; sans compter que les harmonies serrées
de l'école contemporaine exigent une grande
justesse sans quoi la sauce harmonique tourne
au vinaigre. D'autre part la facilité avec
laquelle on module maintenant oblige les
instruments transpositeurs à jouer fréquement
avec beaucoup d'accidents, ce qui complique
singulièrement les doigtés.
Pour ces diverses raisons les exécutants
devraient avoir des instruments dont le méca-
nisme et la justesse soient irréprochables.
Malheureusement cela n'est pas. C'est pourquoi
on ne saurait trop souhaiter dans l'intérêt des
musiciens (avissi bien exécutants que composi-
Administration de Concerts A. DANDELOT, 83, Rue d'Amsterdam.
SALLE GAVEAU, 45-47, rue de la boëtie
Samedi 23 Avril 1910, à 9 heures très précises du soir
AUDITION D'ŒUVRES
d'ALFRED CASELLA
par l'Orchestre de l'Association des
CONCERTS HASSELMANS
sous la direction de l'auteur
avec le concours de MM. JAN REDER et JOSEPH BONNET
Organiste de Salnt-Eustache.
PROGRAMME
1. SUITE op. 13.
a. Ouverture
b. Sarabande
c. Bourrée
(Ire Audition)
2. " ITALIA " op. 11
Rupsodie sur des chants populaires
de l'Italie Méridionale.
(Ire Audition)
3. Trois Poèmes pour une voix et orchestre
a. Nuagéries
b. Soir Païen.
c. En ramant.
M. JAN REDER
4. Deuxième Symphonie op. 12
en ut mineur (Ire Audition)
a. Lento — Allegro
b. Scherzo
c. Andante
d. Tempo di Marcia — Epilogo.
Orgue: M. JOSEPH BONNET.
PRIX DES PLACES :
ORCHESTRE: Fauteuil: 12 \v. I .oj-ts. i.i pLio- 15 fr. Pourtour: 5 fr.
l'RKMlKH BALCON : I' ^.ln^ : 8 fr. .lutrcs rangs: 6 fp. I^.urioir : 3 fr.
DEUXIEME BALCON; 1" rang: 5 fr. autres rangs: 3 fp. Pourtoir : 2 fp.
PROMENOIR 1 fr.
BILLFirS : cher MM. DURAND ci l'iU. 4. l'Inrr do 1» Madeleine : GRU.S. I 16. Boulevard 1 lnii»mnnn, Max ESCHIG.
13. rue Ladiiie et h TADMINISTR ATION DT. CONCF-.KTS A. DANDF.LOT. 83. rue J'Am,trid.im, Tri 113-25,
L'ACTUALITE MUSICALE
167
teurs) que nos luthiers fassent l'effort néces-
saire pour se mettre au niveau des exigences
de l'écriture musicale moderne. Je ne signalerai
ici que quelques cas d'une seule variété d'in-
struments : les clarinettes alto, basse et contre-
basse. La plupart des compositeurs ne se
doutent pas de la valeur de la clarinette alto
dans la gamme des timbres de l'orchestre. Ils
ne s'en doutent pas n'ayant que bien rarement
l'occasion d'entendre cet instrument et ils
n'ont pas cette occasion parce que les luthiers
n'en fabriquent pas qui encouragent les artistes
'à s'en servir plus souvent. Voici un petit fait
significatif: Un luthier a fourni dernièrement
deux clarinettes alto à une administration
artistique sans avoir songé à fabriquer des becs
en rapport de la grandeur de l'instrument.
Les exécutants sont par conséquent dans
l'obligation de jouer ces clarinettes alto avec
des becs de clarinettes soprano, ce qui est
défectueux autant pour la justesse que pour la
qualité du son ; c'est comme si l'on jouait la
contrebasse à cordes avec un archet de violon.
Mozart et Mendelssohn seraient bien sur-
pris, s'ils revenaient au monde, de ne plus
trouver dans les orchestres un instrument qu'ils
aimaient bien et pour lequel ils ont écrit de
jolies pages : le cor de basset^ dont la déforma-
tion nous a donné la clarinette alto. J'ai la
conviction que si les luthiers fabriquaient des
cors de; basset irréprochables certaines sociétés
artistiques s'empresseraient de les faire entendre
au public, dans les trios de Mendelssohn, et
les cprnpositeurs ne tarderaient pas à enrichir
leur orchestration de ce ressuscité.
Cette intromission se ferait d'ailleurs tout
naturellement attendu qu'un des progrès de
l'art musical contemporain réside dans la com-
binaison des timbres lesquels sont pour le
compositeur ce que les couleurs sont pour le
peintre.
Voyons ce qui se passe pour la clarinette
basse. Les clarinettistes évitent, quand ils le
peuvent, de jouer de cet instrument sachant
fort bien les difficultés qu'ils auraient à vaincre
pour arriver à un " à peu près " tant au point
de vue de l'accord, que de l'homogénité des
registres. En effet, le mécanisme des clefs est
resté rudimentaire, il n'a ni la rigidité ni la
précision voulues ; les trous et la perce de
l'instrument sont faits, je ne dirai pas au hasard,
mais sans la minutie qu'il faudrait ; il en
résulte un certain nombre de notes défec-
tueuses'et un manque d'unité entre les diffé-
rents registres. Si le grave est excellent, le
médium et l'aigu sont sourds et péniblesautant
à jouer qu'à entendre. Cela rappelle les mal-
heureux chanteurs qui n'ont que quelques
bonnes notes pour se faire valoir.
Dans la pratique la conséquence suivante se
produit : tandis que les compositeurs emploient ,
de plus en plus la clarinette basse dans leurs
partitions, sans tenir compte toujours des
limites des difficultés indiquées dans les traités
d'instrumentation, l'exécutant, lui, se trouve,
par la faute de l'imperfection de l'instrument,
devant des obstacles matériels qui empêchent
une exécution impeccable. En un mot il y
a désaccord entre ce qu'on écrit et ce qui
est exécutable. Pour remédier à cet état de
choses, il ne faut pas s'adresser aux composi-
teurs, ceux-ci continueront à écrire la partie
de clarinette basse comme si cet instrument
était d'une construction parfaite. Si ce qu'ils
ont écrit est mal rendu ils ne penseront pas
que l'instrument peut y être pour quelque
chose mais que l'instrumentiste est un inca-
pable. Cependant ce malentendu pourrait être
évité si le luthier perfectionnait sa fabrication;
le clarinettiste s'en tirerait avec moins de mal
et plus d'honneur.
Et que faut-il pour cela ? Simplement con-
sulter les instrumentistes sur les améliorations
possibles et ensuite faire des essais jusqu'à
complète satisfaction.
Que dire de la clarinette contrebasse ? Si
Richard Strauss, Saint-Saëns, d'Indy et d'autres
maîtres l'ont employée c'est qu'ils appréciaient
les services qu'elle pouvait rendre ; il est donc
présumable que nous la verrons de plus en plus
utilisée dans l'orchestre. Et pourtant, disons-
le franchement, cet instrument reste, plus que
tout autre, à perfectionner. J'assistais ces jours
derniers à un concert où se trouvait une clari-
nette contrebasse. Voulant savoir si quelque
progrès avait été fait dans sa fabrication je
Administration des Concerts A. DANDELOT, 83, rue d'Amsterdam.
SALLE GAVEAU, 45, rue de la Boëtie.
Deux concerts Eugène Ysaye
avec le concours de MM. JOSEPH HOLLMAN
et JOSEPH BONNET, Organiste de St Eustache.
PREMIER CONCERT
"DIMANCHE 24 AVRIL
à 3 heures
I. Concerto en sol mineur .... Vivaldi
pour violon principal, orgue et or-
chestre à cordes, (en 5 parties)
remis au jour par E. Ysaye.
II. Le Poète et la Muse .... Saint Saens
Première audition.
MM. Ysaye et J. Hollman.
III. Concerto en rj majeur. . . . Brahms
DEUXIEME CONCERT
DIMANCHE 8 MAI
à 3 heures
I. Concerto en mi majeur . . . Bach
pour violon, orchestre à cordes
et orgue obligato.
II. Suite pour violon et Orchestre Noël Desjoyeux
Première Audition.
a. Prélude.
b. Andante.
c. Final.
III. ConcL-rto en ic majsur . . Beethoven
Orchestre de l'Association des Concerts Hasselmans, sous la Direction de
M. Louis Hasselmans.
DEUX CONCERTS JACQUES THIBAUD
l'RKMIKR CONCERT
DIMANCHE 1 MAI
à 3 heures
avec le concours de MM. Alfred Cortot, P.nblo
Ca».Tl«, Joseph S.ilmon, F. Dcnaycr, A. Tourrct.
I. Quintette (2 violons, 2 violoncelles
et alto) Schubert
II. Sonate.^ Kreutzer Beeihovf.n
III. Quintette (2 violon», alto, violon-
celle) C. Franck
DEUXIEME CONCERT
Jeudi 5 Mai, (Fête de l'Ascension)
à 3 heures
avec le concours de M. F. Dcnaycr
I. Symphonie Concertante, pour vio-
lon, alto et orchestre .... Mozart
II. Concerto et Orchestre
Mr.NnRLSOHN
111. Symplionic Espagnole, pour violon
et Orchestre En. Lai.o
Orchestre sous la direction de M, Pierre Monteux.
L'ACTUALITE MUSICALE
demandais au clarinettiste s'il était satisfin-t de
son instrument : " Le mécanisme est impos-
sible " telle fut sa réponse.
On peut m'objecter que les trois instru-
ments dont je viens de parler ne sont pas d'un
usage courant et que pour en bien jouer il faut
les travailler comme on travaille la flûte ou le
basson. Cela est fort juste mais n'excuse pas
169
une fabrication arriérée. Si les luthiers ne font
rien pour donner satisfaction aux instrumen-
tistes, ceux-c' continueront, par force, à se
contenter de ce qu'ils ont jusqu'au jour où un
fabricant étranger forcera, par la concurrence,
les luthiers français à soitir de leur routine.
(a suivre).
Emile Stihvenard.
" IMPROMPTU "
— Et bien que pensez vous de cette affaire, cher maître ?
— Joli sujet pour une fugue en ut Duez.
DÉSIREZ-VOUS CONNAITRE L'ADRESSE
d'une Maison donnant en LECTURE non seulement de la
Musique Française
MAIS EGALEMENT ET SURTOUT
r
Toute la Musique Etrangère
ET MEME DES
Partitions d'Orchestre ?
ADRESSEZ-VOUS A
M. MAX ESCHIG, 13, rue laffitte, 13, PARIS
TÉLÉPHONE 108-14
qui vous enverra immédiatement toutes les conditions
SERVICE POUR PARIS ET LA PROVINCE
ÉDITION POPULAIRE SIMROCK
Lis Ciikis-d'Œuvrk dk BRAHMS, BRUCH,
DVORAK, SCHUTT, etc.
POUR l.\ MOITIK I)I<: LEURS PRIX ANCIENS!
DEMANDEZ Ll- CATALOcilK SI'l'xiAI,
Nos lecteurs nous ont souvent demandé de les
instruire en les amusant c'est à dire de réserver, à côté
de l'érudition ou de l'intormation, une place pour
l'enseignement pratique, accessible à tous. Beaucoup
d'entre eux, élèves ou professeurs, cherchent les moyens
de compléter leur propre éducation musicale ou de
faciliter celle des autres. C'est à l'intention de ces
lecteurs studieux que nous ouvrons cette rubrique
nouvelle : Instruisons-nous ! Il y a tant de <:hpses
d'un intérêt immédiat et général qu'on ne sait pas, et
qu'il faut d'abord apprendre. Tous les jours quelque
correspondant nous demande une petite consultation
sur tel ou tel point de science musicale, d'histoire ou
de pédagogie. Au lieu de lui répondre par lettre, nous
lui répondrons ici même et nous sommes sûrs de satis-
faire ainsi d'autres abonnés qui ne nous écrivaient pas
pour nous poser les mêmes questions, mais qui avaient
songé bien souvent à le faire. Nous causerons à bâtons
rompus de tout ce qui peut aider les Amis de la
Musique à mieux sa'voir cet art, qu'ils aiment trop
souvent en l'ignorant, et dont on leur facilite si peu la
connaissance. Nous leur expliquerons de petits mys-
tères dont on ne trouve la clé dans presque aucun
ouvrage d'enseignement, et qui intriguent tout le monde.
Nous leur parlerons des grands musiciens, nous les
mènerons dans les Ecoles assister à des leçons de
musique fort curieuses, et cela leur donnera l'idée, s'ils
sont professeurs, de renouveler un peu leur enseignement,
de ne pas tourner toujours dans le même cercle de
procédés dont ils se lassent eux-mêmes. Nous leur
donnerons de petits problèmes à résoudre, de petits
jeux de patience à combiner, et les plus adroits, les
. plus avisés d'entre eux seront récompensés. Nous insti-
tuerons de véritables petits concours sur des sujets de
musique ou de musicologie. Et nous espérons par ce
moyen entrer en relations plus intimes avec nos lecteurs.
Nons faisons appel à leur collaboration : c'est sur eux
que nous comptons pour rendre vivant ce petit coin
d'une grande Revue Musicale, qui sera en même
temps l'Ecole d'instruction mutuelle.
Anacrouse et barre de mesure.
On écrivait ces jours derniers à notre direc-
teur : " Vous seriez bien aimable, cher mon-
sieur de me donner un renseignement que je.
ne trouve nulle part. Qu'est-ce qu'une ana-
crouse ? Je lis souvent ce mot ; je ne sais ce
qu'il veut dire. S'agît-il d'une forme de com-
position, d'un type de mélodie, d'un procédé
de notation.? Qu'est-ce donc qu'une anacrouse^'' ?
Rien de plus simple, que de satisfaire cette
légitime curiosité. Derrière ce mot d'allure un
peu pédante ne se cache pas un bien grand
mystère. Chantez le début de la Marseillaise:
Vous remarquerez que la mélodie ne com-
mence pas sur le temps fort de la mesure,
mais sur un temps faible d'une mesure incom-
plète ; c'est cette partie de la mélodie qui
précède le premier temps fort qu'on appelle
anacrouse. Toutes les fois qu'un morceau
commence en levantyComme disent les musiciens,
il y a anacrouse. Vous constaterez que la plu-
part des mélodies sont anacrousiques. Bien des
théoriciens pensent même qu'à l'origine il n'y
avait pas d'autre type de mélodie.
L'emploi de la barre de mesure fausse nos
idées sur l'anacrouse. Il nous paraît irrégulier
qu'un morceau débute par une mesure incom-
plète, et nous pensons qu'il est plus normal
que la première note d'une mélodie soit
aussi la première note d'une mesure.
Il faut nous rendre compte du caractère tout
à fait arbitraire et conventionnel de la barre
: de mesure. Inventée au XVP siècle, elle n'avait
d'autre but que de permettre aux exécutants
d'un ensemble de se retrouver à ces points de
repère naturels qui sont les temps forts, et il
fut Convenu que la barre de mesure serait
placée avant le temps fort. Il en est résulté
■par la suite cette idée tout à fait inexacte
qu'une mesure formait par elle-même un tout,
et qu'un morceau de- m-usique se trouvait
divisé en autant d'éléments se suffisant à eux-
mêmes qu'il contenait de mesures : de même
1/2
L'ACTUALITE xM U S I C A L E
que dans nos discours chaque mot a un sens
mcme s'il est séparé de la phrase à laquelle il
appartient. Or il n'en est rien. Découpez un
morceau de musique en fragments formés
chacun d'une mesure : vous verrez qu'aucun
de ces fragments n'offre un sens complet. Les
professeurs de solfège le savent bien, puisque
quand ils donnent par fragments le texte
d'une dictée musicale à leurs élèves, ils ont
toujours soin de ne pas s'arrêter sur le
dernier temps d'une mesure, mais sur le
premier de la mesure suivante. En réalité pour
que les barres de mesures marquent les vérita-
bles divisions de la phrase musicale, il faudrait
qu'elles soient placées non avant^ mais après
le temps fort. Et cela se comprend : pour que
je donne un bon coup de poing à un cama-
rade, il faut que j'aie commencé par prendre
mon élan, par ramener mon bras et mon poing
en arrière, en préparant mes muscles à l'effort
(et cela c'est le teinpi fa'ible\ puis mon poing
s'abat (et cela c'est le temps fort). Pour jouer
du piano je lève les doigts avant de les abaisser.
Pour manger, j'ouvre la bouche avant de la
fermer. Et ainsi tout mouvement est en 2
temps, le temps faible précédant toujours le
temps fort, et les deux temps formant par leur
liaison un mouvement bien défini et complet.
Le temps faible n'a de sens que parce qu'il
préparc le temps fort, et le temps fort n'est
possible que s'il est préparé par le temps faible.
Voilà ce que n'indique pas du tout notre barre
de mesure, bien au contraire. Voilà ce qu'il
importerait d'enseigner aux élèves qui ne s'en
rendent pas toujours bien compte.
Ainsi, dans le thème de la Marseillaise,
voici les divisions du son musical, correspon-
dant d'ailleurs à celles du sens «/rammatical :
tandis c|uir la ilisposition des barres de mesure
nous ferait croire qu'il faut chanter :
Allons en, -fanrs de, -la pn, -trii-,
I \ I
Dans des cas aussi simples, personne ne se
trompera. Mais il est des circonstances où de
fins musiciens commettront les plus lourdes
fautes d'interprétation, emportés malgré eux
par l'habitude de considérer la barre de
rriesure comme une séparation véritable entre
les éléments de la phrase musicale, (quand au
contraire elle marque une liaison étroite entre
les termes qu'elle semble désunir). Je veux
donner quelques exemples de ces erreurs si
gra\ es.
On sait que les violonistes ont pris pour
règle générale de tirer l'archet sur les temps
fort et de le pousser sur les temps faibles.
Chaque barre de mesure est pour eux le
signal d'un changement de coup d'archet :
Après le poussé du dernier temps faible de la
mesure précédente, le tire du temps yôr/ de la
mesure suivante. Voilà qui \a fort bien lors-
qu'il s'agit d'une succession de notes détachées^
c. à d. accentuées chacune par un coup d'archet
différent. Mais s'il s'agit de notes lièes^ c. à d.
exécutées du même coup d'archet, le violoniste
n'hésitera pas une minute à faire correspondre
l'étendue de ces liaisons à celle de chacune des
mesures, très exactement, ce qui dans bien des
cas produira de véritables contre-sens.
Je prends la partie de i^'"" violon des Quatuors
de Beethoven, édition Peters. Cette édition a
été revue soigneusement par un grand \ ioloniste
Ferdinand David : ses doigtés et ses coups
d'archet sont la plupart des temps excellents.
Mais \(Mci ce que je trou\ e dans le premier
morceau du 3^" quatuor :
Jf-
^
^F=^
3
t^
^
ce (|ui serait évidemment îihsiirde.
Pnurc]uiii tlétacher le la final ilcs trois notes
en triolet qui le précèilcnt et a\ec lesquelles
il a un lien si étroit r Pourquoi lui ilonner une
accentuation spéciale ? Voilà qui n'a aucun
sens, et qui n'est d'ailleurs pas même justifié
par la facilité d'exécution, car il serait plus
commode ici de n'avoir pas à reprendre l'archet
L'ACTUALITÉ MUSICALE
ï73
après la fin du triolet pour articulcT la note à la mémoire d'un grand musicologue qui vient
suivante. de disparaître.
Plus loin je trouve encore :
t
A
fc±
i
4g^. •.
E^
âir.
qui ne s'explique pas davantage.
De même dans l'Andante, après la lettre T,
(et ici c'est bien pis encore) :
au lieu de
infiniment plus correct &t plus facile.
Mais inutile de multiplier ces exemples,
d'autant plus nombreux dans notre musique
moderne, que bien souvent les compositeurs
eux-mêmes couvrent inconsciemment ces
erreurs de leur autorité, en se conformant à
des usages établis, sans en apercevoir l'incon-
vénient.
Il serait infiniment plus important d'ap-
prendre cela à nos enfants que d'insister au
tant qu'on le fait sur la théorie des tétracordes,
qu'on peut ignorer sans être un mauvais musi-
cien. Il importe avant tout de faire sentir la
musique aux enfants, de leur former le goût,
et ils n'ont aucun besoin d'être des savants en
musique.
Mais voilà ! Je crois que la plupart des
ouvrages d'enseignement ne soufflent pas mot
de la question dont je viens d'indiquer ici les
grandes lignes. Et tout le monde ne peut se
procurer, ni lire le traité de F expression musicale
de Mathis Lussy.
Saississons cet occasion de rendre hommage
A PROPOS d'Haydn.
Voici une lettre qui vaut un article et que
nous insérons avec le plus grand plaisir :
Monsieur le Directeur,
J'ai lu avec un vif intérêt le numéro de
rS. I. M. que vous avez consacré à Haydn. Mais
je ne vous cache pas cependant ma déception.
Je m'attendais à trouver quelque part un juge-
ment d'ensemble sur l'homme et sur l'œuvre,
qui m'eût aidé à préparer une petite leçon pour
mes élèves de l'Ecole Normale auxquelles je
fais chanter un chœur des Saisons. Je vous avoue
très humblement mes préoccupations égoïstes.
Si vous saviez comme nous autres, professeurs
de musique de province, nous sommes souvent
isolés dans nos petites villes, loin des concerts,
où l'on entend les œuvres de maîtres, loin des
bibliothèques, où l'on peut au moins les lire,
loin des amis de la musique que l'on voudrait
avoir autour de soi pour réchauffer de temps
en temps une passion qui finit quelquefois par
mourir faute d'aliment. Pas même un conseil !
Nos chefs ne sont pas toujours musiciens : ils
n'ont rien à nous dire, ils font semblant d'oublier
que nous existons. Bien heureux encore quand
ils ne nous traitent pas en ennemis... Je devais
parler à mes élèves d'Haydn, et j'étais bien
embarrassée. J'aurais voulu leur expliquer le
grand rôle que le vieux maître a joué dans la
formation du style et de la symphonie classique.
Mais je me sentais pas à la hauteur de mon
sujet. Alors je me suis contenté de tracer, tant
bien que mal, d'après des biographies que j'avais
lues, un portrait du brave homme que fut Haydn
et de la vie qu'il a menée. J'ai parlé d'abord
du petit paysan de Rohrau lâché dans la cam-
pagne, se prenant de bonne heure à aimer les
fleurs, les arbres, les bêtes, le chant du ruisseau
et le ramage des oiseaux. Je le montrais aussi,
rentré le soir chez lui, en admiration devant la
voix de ténor de son père et son talent sur la
harpe, et demandant à sa mère, plus nonchalante,
de chanter aussi ; se fâchant parce qu'elle ne
voulait pas redire avec le père le fameux duo qui
174 L'
marchait si bien ! Et
puis c'étaient les le-
çons de musique de
l'instituteur Franlch,
ensuite l'arrivée à
Vienne, l'entrée dans
la maîtrise de S'
Etienne, les pompes
du culte, les joyeuses
folies des récréations.
Et voici maintenant
le pauvre enfant a
I 7 ans sur le pavé de
Vienne,prenant gaie-
ment son parti de sa
conditions de musi-
cien errant. J'ai bien
amusé mon auditoire
avec l'histoire du
perruquier Keller
dont notre pauvre
Havdn aimait la fille
aînée, qu'il n'épousa
point parce qu'elle
était déjà fiancée à
un autre, se résignant
bonnement à un
mariage avec la ca-
dette, qu'il n'aimait
point, pour faire
plaisir au père Keller.
Et j'ai suivi ensuite
notre musicien chez
les Esterhazy ; j'ai
dit tout son rude la-
beur, tout son hum-
ble dévouement à te
grand seigneur un
peu de.^pote, routt-
cette obscurtr exis-
tence d'un artiste do-
mestiquéjsansgrande
joie, sans gloire et
sans éclat, heureuse
cependant. Puiseiifin
j'ai raconté les triom-
phes d'Angleterre et
la vieillesse paisible
ACTUALITE MUSICALE
NOS CONCOURS
JHôj^uj: , Jb^ l^'t^ .
^^===1=1
L'ACTUALITE MUSICALE
175
et souriante. Mais j'ai voulu surtout faire sentir
à mes jeunes filles la modestie et la bonté de
ce grand artiste qui s'inclinait respectueusement
devant la supériorité du jeune Mozart et l'aimait
d'une affection si profonde, si pure, si exempte
de jalousie !... Oui, mais tout cela n'est
pas la musique d'Haydn, et je n'ai rien su
expliquer à mes élèves de ce qui fait la beauté
d'une symphonie ou de ce charmant chœur des
Saisons.Vous auriez bien dû m'y aider un peu!"
A Dieu ne plaise ! Et nous trouvons que
notre correspondante s'est admirablement ac-
quittée de sa tâche, si elle a su rendre présente
à son jeune auditoire l'âme donce et paisible
du vieil Haydn ! Que faut-il de plus pour
comprendre ensuite sa musique ? *Et que vien-
draient faire ici les discussions des érudits ?
Faisons entrer bien vite la musique dans les
humanités. Evitons d'en faire une spécialité : ce
serait tuer l'enseignement musical.
Nos Concours.
Voici un petit exercice que nous proposons
à nos lecteurs pour leur donner l'occasion
d'exercer leur sagacité. C'est V explication d'un
texte musical. Tout le monde sait en quoi
consiste l'explication d'un texte littéraire, d'une
page de Racine, de La Fontaine, ou de Victor
Hugo. Hé bien ! Pourquoi ne pas appliquer à
des textes musicaux la même méthode d'ana-
lyse et de réflexion r Nous y voyons un excel-
lent moyen de développer l'esprit d'observation,
d'affiner le goût, de préparer à l'interprétation
intelligente des maîtres.
Voir le texte que nous proposons et qu'il
s'agit d'expliquer à la page ci-contre :
Nous demandons à nos lecteurs : 1° de nous
dire de quelle oeuvre ce texte a été détaché,
2° d'en indiquer toutes les particularités de
tonalité, de modalité, de rythme, de nuances,
et d'en analyser la construction mélodique
et harmonique (point de vue technique)., 3° d'en
déterminer la valeur expressive ou bien des-
criptive (point de vue esthétique)., 4'' d'y dé-
mêler, s'il se peut, certaines caractères dont on
peut dire qu'ils sont la marque du temps
sur cet ouvrage (point de vue historique).
Les réponses devront être adressées aux
bureaux de X Actualité musicale avant le l'''mai
19 10. Elles seront classées par ordre de mérite,
et nous dirons prochainement à quelles récom-
penses elles donneront droit.
Double-Dièse.
La Musique Militaire
LA MUSIQUE DE LA GARDE
RÉPUBLICAINE
Après ces quelques considérations sur les
Musiques Militaires en général, et leur rôle, ^
venons à la première d'entre elles, à celle de
la Garde Républicaine. Quelques détails sur sa
composition, ses origines, son répertoire ne se-
ront peut-être pas sans intérêt pour nos lecteurs;
Cette phalange exceptionnelle a aujourd'hui
54 ans d'âge. Elle a pu célébrer son jubilé,
ses noces d'or en quelque sorte, le 1 2 mars
1906. C'est sous la direction de Paulus qu'elle
fut organisée, en 1856, avec 55 exécutants.
Sa victoire à l'Exposition Universelle de 1867,
sur la musique des Guides, particulièrement
chère à l'Empereur, et qui passait pour la pre-
mière " harmonie " de France fut son premier
triomphe à la face du monde. Son second fut
en 187 I, à Londres, dans une autre exposition
internationale. Quant à la tournée de 1872,
en Amérique, elle dépassa toutes les espérances.
Au retour, un décret fusionna les deux légions
et groupa leurs talents. Peu après, en 1873,
Paulus prenait sa retraite et cédait le bâton à
Sellénick, dont les succès, à la tête d'une telle
réunioji d'artistes, devinrent légendaires en
Angleterre et en France... Puis c'est, en 1884,
G. Wettge, qui lui succède. Enfin, en 1893,
à la suite d'un concours, M. Gabriel Parés,
tout jeune encore, voyait sa hardiesse couronnée
et obtenait le poste exceptionnel, où il dé-
ployait, tout de suite, une activité sans égale.
C'est en effet à partir de sa direction, comme
il est facile de le constater en examinant la
série des programmes, que le répertoire de la
garde se transforma peu à peu et prit ce carac-
tère hautement artistique sur lequel je voudrais
insister aujourd'hui. Aussi bien M. Gabriel
' Voirie n. de décembre de rannée^i909j-page 38.
1
ADMINISTRATION DE CONCERTS
M EMÎL GUTMANN M
REPRÉSENTE LES ARTISTES ET LES
ASSOCIATIONS ARTISTIQUES LES PLUS
CONSIDERABLES, LES MAITRES LES
PLUS RÉPUTÉS EN ALLEMAGNE.
ENGAGEMENTS PAR TOUTES LES SOCIÉTÉS DE
CONCERT ALLEMANDES ET ÉTRANGÈRES. ^ ^
TOURNÉES D'ORCHESTRE ET DE
SOLISTES DANS TOUS LES PAYS.
SOLISTES POUR ORATORIOS.
ORGANISATION DE CONCERTS ET DE CONFÉ-
RENCES, DE RÉCITALS DANS TOUTES LES
SALLES DE MUNICH ET DE GRANDS FESTIVALS
INDICATIONS DE POSTES VACANTS
DE PROFESSEURS DE CONSERVA-
TOIRE ET D'ÉCOLE DE MUSIQUE. ^
ANNONCE, PUBLICITÉ, INFORMATIONS
LA PLUS GRANDE AGENCE DE CON-
CERTS DE L'ALLEMAGNE DU SUD.
1
1
MUNICH = Theatinerstrasse 38 = MUNICH
Adresse Télégraphique : K O N Z E R T G U T M A N N , MUNICH
- 1
L'ACTUALITE MUSICALE
177
Pares ctait-il un musicien de race et un chef
d'orchestre de carrière. Son père avait été cla-
rinette solo de la garde, au temps de Paulus ;
comme lui, il passa par le Conservatoire, mais
dans les classes d'harmonie et de composition,
en môme temps que dans celle de cornet à
pistons. Il en sortit pour conquérir, premier au
concours, la place de sous-chef de musique,
en attendant qu'un nouveau concours, autre-
ment disputé, lui donnât (en 1883) celle de
chef de la musique des équipages de la flotte,
à Toulon, qui le mit désormais, et notamment
à l'Exposition de 1889, tout à fait en vue. Si
je m'attachais ici spécialement à sa biographie,
je signalerais ses nombreux travaux, soit comme
compositeur au théâtre, [Le Secret de Maître
Corn'ille^ en collaboration avec son frère) au
concert, et surtout pour harmonie, (une foule
d'œuvres originales ou d'orchestration), soit
comme théoricien (un remarquable traité d'ins-
trumentation à l'usage des harmonies et des
fanfares).
La musique placée sous ses ordres com-
prend exactement 80 unités : i chef ; i sous-
chef ; 5 musiciens de i'"® classe, 10 de seconde,
13 de troisième, 25 de quatrième, tous comp-
tant à l'état-major, et 24 élèves musiciens.
L'admission se fait au concours. Tous ces
artistes sont indépendants et libres, en dehors
de leur service spécial, mais assimilés, selon
leur classe, à un grade et à une solde militaires.
La dénomination d'élève n'a qu'une significa-
tion de classe, car cette catégorie renferme
toujours plusieurs premiers prix du Conserva-
toire au début de leur carrière.
Voici quelle est la division des instruments :
1 petite flûte. 4 cors.
3 grandes flûtes. i saxhorn soprano
3 hautbois. (petit bugle).
4 clarinettes en mi bém. 4 saxhorns contraltos
16 clarinettes en si bém. (bugles).
(2 solo, 10 i^'"^, 6 2^'^) 3 saxhorns altos.
2 clarinettes basses. 2 saxhorns barytons.
2 saxophones altos. 6 saxhorns basses.
2 saxophones ténors. i saxhorn contre-basse en
2 saxophones barytons. mi bém.
2 bassons. 2 saxhorns contre-basses
I sarrasophone. en si bém.
3 trompettes, 5 trombones.
4 cornets. 2 contre-basses (cordes)
I paire de timbales.
I caisse claire.
I grosse caisse.
Un répertoire particulièrement vaste et varié
est exploité par cet orchestre de plein air. On
en sait l'une des raisons essentielles. La
musique de la Garde Républicaine est envoyée
constamment devant les publics les plus divers
et les plus disparates, dans les fêtes officielles
et dans les quartiers ouvriers. Aussi la compo-
sition des programmes est-elle la chose la plus
variable du monde. A chaque concert, public
nouveau et spécial, qu'il convient d'instruire
en le récréant, sans le dégoûter en dépassant
sa portée. Si l'attention populaire peut se fixer
d'abord, s'affiner ensuite, c'est par un rappro-
chement adroit d'œuvres profondes et originales
et de morceaux plus limpides et plus aisés à
suivre. Aux chefs-d'œuvre consacrés, s'il se
mêle quelque fantaisie des anciens répertoires,
d'ailleurs jouée en virtuose, telle page succède
aussi, des écoles nouvelles, françaises ou étran-
gères, qu'on chercherait vainement sur les
programmes de nos concerts et que l'avide
curiosité de M. Parés a su découvrir. Ne
conserver de l'ancien fonds de la musique de
la Garde que les morceaux de vraie valeur,
renouveler les arrangements classiques par une
étude plus sévère des partitions originales, et
marcher résolument de l'avant pour les pro-
ductions nouvelles, tel a été le but constam-
ment suivi. Aussi la collection des programmes
fait-elle preuve aujourd'hui d'un développe-
ment et d'un rajeunissement incessant de ce
répertoire.
D'une façon générale, il se partage en quatre
séries : les ouvertures, les suites, les morceaux
divers (danses, marches, petites compositions
d'orchestre) et les fantaisies.
Ce dernier groupe, qui est le plus considé-
rable dans la plupart des " harmonies ", parce
qu'il plaît particulièrement au gros public, ravi
de retrouver les motifs qui ont le plus aisément
frappé son oreille au théâtre, a été l'objet, de
la part de M. Parés, d'une sollicitude particu-
lière, justement parce qu'il est ordinairement
plus " galvaudé " que les autres par les fabri-
cants de pots-pourris, et dès lors plus méprisé
des musiciens sérieux. Les fantaisies qu'il fait
■78
L'ACTUALITE MUSICALE
1
exécuter se distinguent en général par un
respect très notable du texte original et un
goût très sûr et très fidèle au caractère de
l'œuvre, dans Iç passage d'un motif à l'autre.
Aussi bien a-t-il fait de beaucoup de ces arran-
gements de vraies suites, en ce sens qu'il a
traité les partitions acte par acte. Le répertoire
contient plusieurs fantaisies ainsi comprises, de
Tannhieuser, de Lohengrin, des Maîtres Chan-
teurs, de la JValkyrie, de la Damnation rit-
Faust, de Mefistofeles... Lui-même il en a écrit
un grand nombre, parfois plusieurs de la même
œuvre, afin d'en perfectionner encore l'adap-
tation : deux de Sigurd, notamment, et deux
de Salammbô. Je trouve encore des fantaisies
très intéressantes sur Treciosa (de Weber) et,
pour l'école moderne, sur V Enfant prodigue ou
P/irynè, Hienset et Gretel, Fervaal ou La vie du
poète ; et de Seidl, l'élève de Richard Wagner,
des arrangements de la ÎValkyrie, de Siegfried
et du Crépuscule des Dieux. Il \a sans dire que
dans ce fonds considérable, je ne note que les
morceaux qu'on ne trouve pas partout, et
spécialement ceux qui témoignent du travail
incessant et rien moins qu'endormi du corps
de musiciens qui nous occupe.
Dans la catégorie des ouvertures, je n'ai que
l'embarras du choix, et c'est presque au hasard
que je note, parmi les classiques : Iphigènie en
Aulide et la Flûte enchantée, Euryanthe et
Freischtitz (très difficile), Ohèron et Peter Schmoll
(du même Webcr, pas précisément banal),
Fidèlio ou Lèonore er VOnvertitre de fête (de
Heethoven ; où ruiitciul-on, ex- lie -là r) ; puis,
en avançant vers les écoles modernes : La
Grotte de Fingal et le Calme de la mer, ou le
Soni;e d'une nuit d\'ti\ Alanfred, Benvenuto
Ccllini et le Carnaval romain, Les 'Joyeuses
(jommères de IP indsor {àc Nicolaï), ou Turandot
(de Lachner) ; le Dernier Jour de la Terreur
ou Les Guelfes (de Litolft) ; la Princesse jtiune
(de Saint-Sal'ns) ou la Patrie (de l^izet) ;
Sigurd ou le Roi d^TS ; le Vaisseau fantôme,
Lohengrin, Tannhtvuser, les Alaîtres Chanteurs,
Panifal et (////' ouverture pour Faust... Quelle
crillcction superbe et digne des auditoires les
plus exigeants !
Jya série des morceaux s)inpli()nii|uts et îles
pages d'orchestre nous offrira bien plus de
curiosités encore. Sans parler des suites propre-
ment dites de Bizet, Massenet (première suite)
ou Saint-Saëns (Suites Algériennes), voici Rofnèo
et Juliette de Berlioz, la Rapsodie Norvégienne
de Lalo, le Carnaval de Guiraud (la plus
ancienne des suites), la Rapsodie cambodgienne
de Bourgault-Ducoudrav, V Intermède varié de
Boëllmann ; voici les Rapsodies hongroises (2 et
14) de Liszt, et ses Préludes (encore un mor-
ceau qu'on n'entend guère, comme aussi
bien la plupart de ceux que je note ici) ; le
Foïevode et Casse-Noisette de Tschaïkowsky, et,
de Grieg, Peer Gynt ou Sigurd Jorsalfar. Puis
ces fragments sublimes, le finale de VOr du
Rhin, V Enchantement du Vendredi-Saint, la
marche funèbre du Crépuscule des Dieux, la
Chevauchée des IValkyries... Comme pages sym-
phoniques : des parties de s\'mphonies de
Beethoven, ou la première de Saint-Saëns,
dont voilà encore Phaéton, la Danse macabre^
le Rouet d''Omphale, le prélude du Déluge,
Déjanire. Puis les Impressions d' Italie de Char-
pentier, la Marche funèbre d''une marionette de
Gounod, la Danse persane de Guiraud, Sylvia
de Delibes... Encore les deux Danses Hon-
groises de Brahms ou les Danses Norvégiennes
de Grieg, VEspana de Chabrier ou Ma patrie
de Smetana, Tarass Boulba d'Alexandre Geor-
ges ou Kermaria d'Erlanger... Voici, comme
contraste, des pages exquises de jadis : un
rigaudon de Rameau, trois menuets de Beet-
hoven, Haydn et Mozart, le concertino pour
dix clarinettes de Weber, la Chanson du prin-
temps,(\ki Mendelsohn etc., etc. Enfin comptons
ciuclciues marches, depuis la marche religieuse
d'Jlceste jusqu'à celle des Francs lictorieux de
César Eranck ou la Marche du Couronnementy
de St Saëiis, ainsi cjne son Orient et Occident,
spécialement écrit pour musique militaire.
Qiiaml 0:1 ilispose ilélénuMUs et de ressomces
comme personne n\ii a, il faut savoir en
profiter. C'est ci- ijue s\st toujours dit sans
doute M. Gabriel Parés, et c'est aussi corn nu-
personne cjue la Garde, sous sa diiection, a
travaillé et artirmé sa maîtrise.
[Jl-.NKI l)K CUR/(^N.
COURS D'HISTOIRE DE LA MUSI-
QUE, professé à la faculté des lettres par
M. ROMAIN ROLLAND.
Jeudi 13, 20, 27 Janvier 1910.
Joh. Adolphe Hasse. [suite). — De sa con-
'ception du drame lyrique. Sa collaboration avec
Métastase, dont il fut l'interprète préféré. M.
Romain Rolland combat l'idée courante,
suivant laquelle Métastase aurait été indifférent
au drame. Des réformes musicales, accomplies
ou inspirées par lui. Comment il fut le con-
seiller de Hasse, et comment sa pensée se
rencontre, sur certains points avec celle de
Gluck dans la préface à^Alceste. Beauté des
récitatifs accompagnati et des chœurs de Hasse.
Il s'y montre un précurseur et un modèle de
Gluck. — De l'orchestre de Hasse. Ses ouver-
tures sont déjà des symphonies en miniature.
Hasse est surtout un mélodiste de l'orchestre,
avec un génie des nuances, de fines modula-
tions, un accent élégiaque, qui font penser à
Phil. Em. Bach. Usage savant qu'il fait déjà
des nuances dynamiques, des dégradations du
forte et du piano. Profondeur expressive et
force dramatique de certaines ouvertures
d'oratorios. — De ses œuvres religieuses. —
Que Hasse est un des plus grands musiciens
du XVIIP siècle, et qu'on ne peut, si on ne
le connaît bien, bien connaître Mozart, avec
qui il a une étroite parenté de style.
[Analyses au piano^ de ses œuvres).
Jeudi 3, 10 et. 17 Février.
Cari Heinrich Graun. — Du rôle joué par
Frédéric II de Prusse dans l'histoire de la
musique. Frédéric II compositeur. Le petit
cercle musical de Rheinsberg : Quantz, Graun,
Benda, et le roi. De leur idéal commun. —
L'Opéra de Berlin. Son théoricien : Algarotti.
Son musicien : Graun. Examen des opéras de
Graun, et de V Essai sur la manière de réjormer
l'opéra par Algarotti. En quoi Graun et
Algarotti devancent Gluck, et comment
Frédéric II manqua l'occasion d'accomplir à
Berlin la réforme de l'opéra, que Gluck réalisa,
— De la collaboration de Frédéric II avec
Graun, et de l'influence conservatrice du roi
en musique. De l'esprit musical à Berlin :
critiques et théoriciens. Comment Berlin fut
une forteresse de la routine musicale, surtout
dans l'opéra.
Jeudi 23 Février.
Des cours de l'Allemagne du Sud, foyers de
l'art nouveau : Stuttgart, Mannheim, et
Vienne. — I. Stuttgart. — Le duc Karl
Eugen, et son action personnelle sur l'art. —
Jommelli. Sa vie et ses œuvres, avant son arrivée
à Stuttgart. Etude de ses maîtres italiens :
Provenzale, Leonardo Léo, Vinci.
— Société des Conférences. La confé-
rence de M. Humphry Ward, retardée pour
raison de santé, est définitivement fixée, sur
sa demande, au mercredi 4 mai. — A la
prière d'un grand nombre de personnes, M.
Camille Bellaigue a consenti à recommencer
sa conférence sur Offenhach (avec exemples au
piano) ; cette seconde conférence aura lieu le
mercredi 13 avril, à deux heures et demie.
— Hautes études sociales, i Mars M. Cal-
vocoressi passe en revue les trois grands événe-
ments musicaux du mois. D'abord les concerts
de musique anglaise. Après nous avoir entre-
tenus de la question des nationalités en musique
et de l'impossibilité d'une musique universelle,
M. C. nous retraça dans ses grandes lignes
l'histoire de la musique anglaise qui monta si
haut avec Purcell et tomba ensuite si bas
grâce à l'influence néfaste d'Haendel et de
Mendelssohn.
i«o
L'ACTUALITE MUSICALE
Il est extraordinaire qu'une race aussi bien
douée pour la poésie lyrique et d'un tempéra-
ment aussi fort n'ait pas sa musique. Déjeunes
compositeurs tentent de la lui donner, mais ils
sont encore à la remorque des écoles étran-
gères. A propos du centenaire de Chopin,
M. C. nous entretient des discussions auxquel-
les il a donné lieu et, partant de là, des deux
clans musicaux actuels, l'un idéaliste et intel-
lectuel, l'autre plus sensuel et plus libre. Le
premier dédaigne Chopin, le second le porte
aux nues.
Le troisième événement est la représentation
de la fête chez Thérèse,œuvre charmante et de
la Forêt^ à propos de quoi M. C. critique juste-
ment le fameux article XI (obligation pour
l'Opéra de monter une œuvre de Prix de
Rome tous les deux ans) d'intentions excel-
lentes, néfaste en réalité. M. C. nous indique
le sujet et nous lit l'article de notre collègue
M. Carraud. Il en fut pour ISI. Savard comme
pour Chopin. Les opinions diffèrent, émanées
de l'un ou l'autre parti musical. D'ailleurs
pour M. C. la critique impartiale est impossible.
Possible, elle serait inutile.
8 Mars M. Pierre Aubry traite la musique
instrumentale dans l'Europe occidentale aux
XIV et XV siècles. Il n'y a aucune indication
apparente dans la musique instrumentale du
Moyen Age ; en réalité d'après la disposition
des notes groupées ou espacées, on peut \()ir
s'il s'agit de voix ou d'instruments. " M. A.
étudie les formes connues du 13^' siècle, sui-
vantqu'il s'agit d'instruments seuls ou mélangés
aux voix. Guillaume de Machau est le plus
grand musicien du 14'' Siècle et la France
occupe alors le premier rang.
Mais l'Italie, l'Allemagne, l'Angleterre
rivalisent bientôt avec elle. On a cru longtemps
que la musique de chant était uniquement
" a cappella ". Après M. Hugo Riemann,
M. Aubry nous prouve que t'est une erreur.
Il y avait aussi de la musi(|ue accompagnée.
M. A. donne ensuite des indications sur la
musique instrumentale, sur les méthodes sur la
littérature d'orgue.
Gai'.kiki. RoL'CHKS.
L'Edition "S
Musicale
NOUVEAUTES MUSICALES
Pour plus de clarté, nous donnons en tête de cette
rubrique les numéros qui correspondent à chacun des
éditeurs des œuvres citées : i . Rouart Lerolle et C"^.
2. Bach and C" à Londres. 3. Coopérative des Com-
positeurs de Musique. +. Oriana Madrigal Society,
(Breitkopf et Hartel). 5. Durand. 6.Hamelle. 7. Edicion'
Cersosimo à Buenos-Aircs. 8. Leduc. 9. Elkin and
C" à Londres. 10. Édition de la Schola. 1 1. Béai frères
à Lyon, i 2. Démets.
Voici tout d'abord quelques publications
qui sont pour nous de \ieilles connaissances :
un \olume des Chansons de Frrinct\ Noëls et
Guillannées (l), puis les Nos X, XI, et XII
de la collection Alcxondro Scarlatti (2) ; nous
n'y remarquons rien de bien nouveau sur cet
auteur assez morose. Au répertoire de la
Société Haendel, un Air dr Poppcc (3), qui est
un vrai bijou, avec ses rythmes alternés, et
malheureusement défiguré par des paroles
françaises assez malhabiles. Le volume 10 de
la collection Euterpe (4) est consacré à des
fjuntuot s vocaux^ (paroles anglaises). Ceux de
Dow/and égaux aux meilleures pièces du Fitz- ^
William Virginal Hook, viennent nous confirmer
encore ilans la très haute opinion que nous
nous étions faite de ce compositeur et luthiste
consommé ; le volume finit sur trois rondes
en canon tout à lait amusantes, la seconde,
surtout, dominée tout le temps par le cri il'une
marchande : " New oysters ! "
Vieilles connaissances aussi, le ïfalli'nstrin
L'ACTUALITE MUSICALE
i8i
(5) de M. (Vlndy^ et sa Sauge f curie (6), habile-
ment réduits pour piano à deux mains par
M. Samazeuiih ; la tâche se complique avec
l'ouverture de Pol\eucte (5) de M. Paul Dukas
et, devient d'une difficulté extrême avec l'étude
pour le Palais hantè (5), de M. Florent Schmitt
(4 mains). Enfin, voici les Rondes de Printemps
de AI. Debussy : que les amateurs fassent preuve
de bonne volonté ! (Réduction à 4 mains par
M. Caplet.)
Je me réserve de revenir sur le Quatuor à
cordes de M. Hollander (5) lorsque nous aurons
'eu le plaisir de l'entendre : ce n'est pas de la
musique d'avant garde, évidemment, mais elle
fait preuve, à tout le moins, d'un grand sérieux
et d'une parfaite probité. Je voudrais pouvoir
en dire autant de trois auteurs exotiques que
nous présente la Revista Musical de Buenos-
Aires (7) ; ceux-là ne connaissent que la pire
musique italienne et lui ont emprunté ses plus
gros effets.
Mais, je ne sais pas pourquoi je m'attarde à
ces arriérés qui écrivent encore en Majeur et
en Mineur : voilà deux modes qui ne sont
plus de mise, et la petite gamme par tons
entiers, encore fort bien portée l'an passé, n'est
même plus tout à fait dernier cri. Il ne nous
faut que des modes grecs, écossais ou chinois !
M. Woolett a pris la peine de nous les exposer
tout au long dans un très bel ouvrage sur les
Mesures et Tonalités d''exception (8). Je me
demande si l'emploi systématique de ces modes
étranges part d'un raisonnement bien juste ; le
propre de ce genre d'innovations est d'être
imposé par un homme de génie, qui brise, sans
s'en rendre compte, les moules habituels : ceci,
du reste, n'est pour diminuer en rien le mérite
de M. Woolett, qui a composé, à l'appui de sa
théorie, de charmantes petites pièces : voyez
plutôt sa Chanson Ecossaise.
M. Cyril Scott (9), défend la même cause.
Laissons de côté son Intermezzo pour piano et
sa Berceuse^ pour chant, tous deux d'une bana-
lité désolante, et reconnaissons une très haute
poésie à ses deux Chansons Chinoises ; " Waiting'''
et " A picnic ". L'exotisme réussit moins à
M. Scott avec le Sphinx et Lotuslandy pour
piano, véritable dévergondage de modalités
excentriques. Et la jeune Chinoise de sa 3""^
chanson. " Dont corne in^ Sir, please ! " m'a tout
l'air d'avoir fait la connaissance de Paul Delemt,
dans un carrefour de Montmartre. N'est pas
chinois qui veut !
Puisque nous voici rentrés en France, voilà
cinq duos ou chœurs de M . Arthur Coquurd (5),
qui feront bien plaisir aux professeurs de chant,
toujours en quête de morceaux d'ensemble,
sans voix d'hommes ; il y a là un Nocturne,
l'inévitable Hirondelle, et le non moins inévita-
ble Rondel de Charles d'Orléans... M. Coquard
se fait plus d'honneur, à notre avis, avec sa
très belle Messe de Mariage (10) dont l'Alleluia,
en particulier, est tout à fait de haute envolée.
Nous recevons à peu près tous les mois quel-
que Chanson d'' Automne ; celle-ci, de M. Emile
Baux^ avec une autre Chanson intitulée le Vent
(il) compte parmi les meilleures, quoique le
contour mélodique soit presqu'inexistant, mais
la couleur est jolie et l'adaptation aux paroles
parfaite : quelques souvenirs des Chansons de
Miarka.
Nous terminerons, cette fois encore, à la
gloire de l'Espagne. Le Recuerdos, de M. Grov-
lez (5), pour piano, est à la fois un morceau de
haute virtuosité et une très intense page des-
criptive : écoutez ces jolis lointains ou vibrent
les guitares et cette Habanera, délicieusement
fausse. Quant à la Sonate Romantique de
M. Turina (12), elle devrait être sur le piano
de. tous ceux qui se piquent de suivre le mou-
vement musical contemporain. Œuvre capitale,
évidemment, et qui a toutes les richesses.
Richesse mélodique, (longue et sinueuse phrase
du thème qui s'étale) richesse rythmique (avec
ces mesures qui alternent de la façon la plus
imprévue et la plus matérielle). Et partout,
une belle audace de jeune, qui ne recule devant
rien et qui sauve les motifs les moins relevés ;
par la fougue même avec laquelle il les attaque
(voyez le Scherzo). Ajoutons à cela que la
Sonate de M. Turina n'est malgré toutes ses
qualités techniques, ni ennuyeuse, ni illisible.
Voilà un ensemble d'avantages que nous ne
sommes pas accoutumés à rencontrer tous les
jours.
V. P.
82
L'ACTUALITE MUSICALE
STATISTIQUE. — Notre confrère M.
Morel de la Bibliothèque Nationale a publié
dans la Mercure de France une très intéres-
sante étude de statistique dont nous extrayons
ce passage qui traite de la musique.
Suivant que l'on consulte les registres du
dépôt légal ou, comme le fait le Droit d^ auteur,
les fiches du journal de la Librairie, on trouve
pour la musique les chiffres suivantes :
Dépôt légal.
Journal.
1880
1890
1900
1905
1906
1907
1908
1909
5.642 .... 4.696
6.143 .... 5.471
6.635 .... 5.910
6. 711 .... 6.197
6,866 .... 5.926
10.220 .... 7.648
8.439 .... 7.531
7.316 .... 7.035
Le dépôt de 1907 est grossi par le dépôt en
masse de publications d'une maison importante
(Hachette). Les notices du Journal, qui, on le
voit, n'insèrent pas tout, groupent parfois, avec
raison, mais sans régularité, des notices. Elles
comprennent un grand nombre de pièces
doubles. Il y a loin de ces chiffres à ceux que
l'on aurait si l'on comptait ce qui s'appelle
" musique ". Le Bulletin de la Bibliothèque
nationale, qui n'a enregistré que les partitions,
recueils, méthodes et morceaux de quelque
intérêt ou nouveauté, arrive tout juste à ';i2
pour 1909, en comptant une quarantaine de
volumes ;//;• la musique.
Le Droit d'auteur écrit gravement que la
production des œuvres musicales a diminué un
peu en 1908 : — 1 17. Si l'auteur de l'article
avait songé à ce que représentent ces sept
mille paperasses, à la façon dont les morceaux
sont comptés, tantôt en bloc, tantôt un à un,
à l'impossibilité de savoir ce cjui n\sr p:is
déposé, enfin au simple fait que la coupure de
fin d'année, c|ui tombe tel ou tel jour, peut
rejeter à l'année d'après ou englober dans celle-
ci plusieurs centaines de n"", — il ne risquerait
pas de conclusions si précises, il n'en risi]U(r:iit
même aucune à un millier prh.
Au surplus nous avons cette année t.u hé de
nous rendre compte de ce c|ue signifient ces
chiffres de 7.035 compositions musicales an-
nuelles. Nous n'avons pas pu séparer le vieux
du neuf Cela aurait été intéressant, mais les
causes d'erreur auraient \raiment dépassé les
bornes. Tout est plus ou moins arrangement
en musique ; les partitions d'orchestre, quand
elles viennent, ce qui est rare, viennent parfois
des années après l'arrangement pour piano.
Sont déposées et comptées comme nouvelles
toutes les transpositions, adaptations et traduc-
tions de choses anciennes. Nous comptons
comme partition nouvelle la traduction faite
du Jongleur de Notre-Dame en anglais et si
19 morceaux de Monna-Vanna, faits en
2 envois, ne comptent que pour 2, c'est assez
exceptionnel, et nous les avons classés dans la
série Recueils et partitions. Du moins pouvons-
nous dire que le dépôt musical généralement
fait par l'éditeur, parfois même fart deux fois,
n'a pas le caractère mécanique du dépôt des
livres, fait par l'imprimeur. On n'y rencontre
pas cette masse de bréviaires, de manuels
scolaires, de vieux romans, les 400 éditions du
Livre de la pitié de la jeune plie, etc., etc.,
consciencieusement retirés sur les mêmes
formes et redéposés chaque année comme nou-
veautés, qui rendent si douteuses les statisti-
ques. A part peut-être un cent de doubles
emplois, toutes les pièces comptées ici ont
quelque chose de nouveau, ne fût-ce que les
annotations que M. Spork croit devoir mettre
aux sonates de Bectlio\en, ou les doigtés de
M. Philipp. Mais disons de suite que la plus
grande majorité de ce fatras, ce sont les chan-
sons avec ou sans accompagnement, tirées
sou\ent à \.\w<t cinquantaine d'exemplaires, pas
davantage, et qui relèvent autant de la poésie...
(d'une certaine poésie) que de la musique. Si
l'on débitait les poésies à la pièce au lieu d'en
faire des recueils, on aurait aussi un chiffre
fantastique.
Nos chiffres sont comptés par à peu près.
Notre total s'est trouvé juste à 100 près. Mais
nous avons tenu en mains ces 7.035 pièces, et
nous en a\(>ns classé les fiches. Il se peut, il est
certain, (]ue j'aie souvent confondu les roman-
ces et les chansons, quaiul celles-ci ont un
accompagMenunt de i^iaiio. De même, pour les
L' A C T U A L I T
morceaux de piano, les danses qu'on danse et
celles qu'on joue en virtuose sont, en ce temps
de valses lentes, souvent difficiles à distinguer,
et l'on hésite si cela doit faire danser ou faire
dormir. Le nom de l'éditeur et celui de l'auteur
peuvent servir d'indication. Mais il ne peut
s'agir que d'une évaluation. Je la crois utile.
Sur près de 1.800 pièces pour piano seul, un
artiste ou un critique n'aurait vraiment pas à
en considérer plus de 400 en faisant la part la
plus large possible aux doutes et divergences
d'appréciations. Classiques compris, j'en ai
'compté 300, dont 50 à quatre mains. Le reste
est pour danses, valses, quadrilles et galops, ou
petits morceaux faciles, réductions de chansons
de café-concert, etc.
Je n'ai fait d'ailleurs aucune distinction
pour les autres instruments.
La musique chorale et religieuse est avant
tout religieuse. Elle comprend tout ce qui a
un caractère liturgique, les prières nettement
religieuses. UAve Maria de Schubert serait
classé aux romances.
Musique (T ensemble .
Partitions d'orchestre. ^ Parties, etc. . 40
Musique de chambre (plus de 2 instru-
ments) 60
Partitions piano et chant. ^ Recueils
de chant 90
Opéras: anciens 25, nouveaux 15
Opéras-comiques, opérettes : an-
ciens 8, nouveaux 20.
Musique religieuse 100
Choeurs. Duos, etc. ...... 150
Musique militaire, orphéons, petit or-
chestre avec piano conducteur . 950
t Instruments (avec ou sans accompagnements
• de piano).
■- Instr. à corde (violon, violoncelle, etc.) 330
— à vent . 75
basson ..... 2
cor, trompettes, etc. 25
||< ^ Le nombre des partitions d'orchestre déposées est
infime. Les éditeurs ne se croient tenus qu'au dépôt
des partitions piano et chant, qui suffit à sauvegarder
leurs droits.
E MUSICALE
clarinette ....
flûte
haut-bois ....
saxophone
•B3
18
15
12
3
75
Piano 1.400
Morceaux, originaux, classi-
ques, etc 250
Danses, morceaux faciles, etc. i.ioo
Piano à 4 mains et 2 pianos. 50
1.400
Orgue et harmonium
Harpe ..........
Mandoline, guitare, èstudiantina .
Méthodes (piano 30, chant 35, etc.) .
Chant. Romances, airs détachés, etc, .
Chansons, principalement de café-
concert .
Résidu
33
34
80
75
35c
3.200
7-035
La production musicale française semble
stationnaire. Mais aucune conclusion n'est
possible tant que le travail de distinction ci-
dessus n'aura pas été fait pour chaque année.
La France pourrait quadrupler le nombre de
ses opéras, quatuors, et symphonies sans que
cela paraisse si Dranem est atteint de mélan-
colie et si Polin passe enfin dans la territoriale.
E. MOREL.
Nous apprenons la mort de notre
collaborateur
CHARLES CLARISSE
Auteur d'études remarquables à la Revue
des Flandres, poète et penseur, Clarisse,
né à Aumale (Algérie) en 1886 com-
mençait à se faire un nom dans les lettres.
Sa mort inopinée frappe doulouresement
tous ses amis. Nous prions M"^'' Ch.
Clarisse de bien vouloir agréer l'hommage
de notre respectueuse sympathie.
Le Gérant : Marcel Fredet.
Impr. [)ar The St. Catherine Press Ltd. Bruges, Belgique.
CONCERTS ANNONCÉS POUR LA SECONDE QUINZAINE D'AVRIL
SALLE ERARD
i6
17
18
19
20
21
22
^4
25
26
27
28
29
30
Melle G. DEHELLY
M. RIERA.
M. LORTAT JACOB,
M. EMIL EREY
M. EOERSTER.
M. BRAUD
M. GARES.
Melle MALLEZ.
Melle MORHAXGE BERR
Melle CAFFARET .
Melle DURAXTOX .
Melle TRELLI .
MM. FERTE & FOURXIER
SOCIÉTÉ XATIOXALE .
Piano
Piano
Orchestre
Piano
do.
Audition d'Elèves
Piano
Matinée d'Elèves
Violon
Piano
Piano et Violon
Chant
Piano et Violoncelle
Orchestre
Salle des Quatuors SALLES GAVEAU
19. Union des Femmes Professeurs et Compositeurs
21. Audition Derene .......
21. Mademoiselle Charreau ......
30. Audition Maire ........
Grande Salle des Concerts.
15. M. Jean Canivet
18.
19.
20.
21.
22.
M. Maggil Tevte et Mr. Oscar Seagle
Concert Kuhelik
24.
26.
27.
2^>.
29.
1er Concert Société Musicale Indépe
:Mad. Le Goff et S. Garenine .
M. Edmond Hertz
M. Casella (avec orchestre)
Concert Ysaye ....
Association Musicale de Paris .
Mlle Boucheron.
Répétition publique Société Bach
Concert Société Bach
ndantc
matinée
soirée
soirée
soirée
soirée
soirée
soirée
soirée
soirée
soirée
soirée
matinée
soirée
soirée
matinée
soirée
SALLES PLEYEL
Grande Salle
16. Le cjuatuor Mautînière
Iva Société des Instruments Anciens .
Mlle C. Boutet de Mouvel
M. Edgard Basset ....
La Société Mozart (irc séance).
Mme Charlotte Lormont .
Mme Bertin Steij^er ....
Mlle Jeanne Lyon ....
M. Joseph Salmon ....
Mlle D'Herbécourt ....
La Société des Compositeurs de Musique
Audition de liarpe Chromatique
La Société Mozart (2me séance)
Mlle \asi;i l'.oulanj^er
Salle des Quatuors
16. Melle Jeanne (irémaud
17. Mme Corret (Elèves)
24. Mme C. Laënnec (Elèves)
27. Le Ouatuor Calliat (^me séance)
30. Mnir Miintiux-Iirissac (Elèves)
18.
19.
20.
21.
22.
23-
24.
26.
27.
28.
29.
29.
(4 me
séance)
soirée
soirée
soirée
soirée
soirée
soirée
soirée
matinée
soirée
soirée
soirée
matinée
soirée
soirée
soirée
matinée
matinée
st)irée
soiiX'e
A LOUER DE SUITE
Vaste Boutique et Sous Sol 1.200^^de Superficie.
17 "'de Façade
Ilagasm,Bureriu,Plateau,nonte-chanjes
Le tout agence
AVENUE DE VILLIER3
PUBLICATIONS DE LA SOCIETE
INTERNATIONALE DE MUSIQUE
SECTION DE PARIS.
PARUS
H. QUITTARD. — Le Trésor d'Orphée, par Antoine Francisque, tablature de
lutli, transcrite pour piano à deux mains; i volume in 4° de 100 pages ... 5 fr.
J. BCORCHEVILLE, — Actes d'Etat civil d'artistes musiciens insinués au
Châtelet de Paris (1539-1650) ; i volume in-4° 10 fp.
A. GASTOUE. — Catalogue des mss. de musique byzantine conservés dans
k'S bibliothèques de France; i volume in-4'' 20 fr.
P. AUBRY. — Cent motets du XlIIe siècle, tirés du ms. Ed. VI-4 de la
Bibliothèque de Bamberg; 3 volumes in-4° . . . , 150 fr.
P. AUBRY. — Le Chansonnier français de l'Arsenal (XlIIe siècle), 15 livrai-
sons trimestrielles de 32 planches phototypiques avec la transcription des
mélodies en notation moderne. Notices par M. A. Jeanroy, professeur à la
Faculté des Lettres de Toulouse. La livraison 10 fr.
(On ne souscrit qu'à l'ensemble de la publication.)
SOUS PRESSE
J. ECORCHBVILLE. — Catalogue du fonds de Musique ancienne de la Biblio-
thèque Natiouale (jusqu'en 1750.) — Huit volumes de 250 pages chacun,
contenant dix mille thèmes de musique, et de nombreux fac-similé. L'ouvrage
complet 400 ft*.
H. QUITTARD. — L'Œuvre de clavecin de Chambonmcres d'après l'édition de
1670 et le manuscrit Vmy 1852 de la Bibliothèque nationale. — Un volume
in-4' f^*-' i°o pages de musique 5 fr.
M. BRENET. — Les Musiciens de la Sainte-Chapelle du Palais. — Un volume
in-4" <^6 300 pages 15 fr.
EN PRÉPARATION
A. PIRRO. — Les correspondants du Père Mcrsenne. — Publication de la cor-
respondance musicale adressée à Mersenne et conservée à la Bibliothèque
Nationale. Vol. I {J.B. Boni) — Un volume in-4'" '^^ 200 pages ....
L. DE LA LAURENCIE. — Les Musiciens de la Maison du Roy aux XV H' et
XVIII' siècles. (Inventaire musical de la Série O' des Archives nationales)
— Deux volumes de 200 pages chacun.
E. BLOCHET. — Traité de Musique, composé par Sharaf ed-Din Haioun.
fXlir siècle), d'après le manuscrit original de la Bibliothèque Nationale.
Traduction et fac-similé du texte Arabe. — Un volume in-4'' ^^' ^^o pages.
H. DE CURZON. — Correspondance des Directeurs de l'Opéru, conservée aux
Archives Nationales. — Un volume in-4° de 150 pages.
L. LALOY. — A"/;/ poii. Recueil d'Airs pour le A''/« ou luth chinois, transcrits
(le la tablature.
I.R COMITK DR I.A l'UHl.ICATlON :
P. Aubry, M. Brenet, L.lDnurloc. J. Ecorchevllie, H. Expert. L. de In Lnurencle,
Ch. Molhorbo. E. Poirée. G. Prod'homme. R. Rollntid. J. TIersot.
L'ACTUALITÉ
MUSICALE
I
ANNEXE DE LA REVUE MUSICALE S.I.M.
PUBLIÉE PAR LA SECTION DE PARIS DE LA
SOCIÉTÉ INTERNATIONALE DE MUSIQUE
15 MAI 1910
FRANCE ET BELGIQUE
Le numéro: 0.40 -Un an: 4.00
UNION POSTALE
Le numéro: 0.60 - Un an: 6.00
L'JCTUALITÉ MVSICALE
REDACTION :
PARIS: 22, RUE ST. AUGUSTIN
BELGIQUE : RENÉ LYR A BOITSFORT, BRUXELLES
ADMINISTRATION :
LIBRAIRIE CH. DELAGRAVE, 15, rue Soufflot, PARIS.
Tous les mandats doivent être adressés soit à la librairie DELAGRylVE,
soit à M. RE^É LYR.
SOMMAIRE DE L'ACTUALITÉ
DU 15 MAI
THEATRES ET CONCERTS, à Paii>, par GiKRii.i.crr, Romain Rolland, Maurice
Griveal'. — Pi()\incc. — Belgique ; Lettre de S. M. le Roi ALiîF.Rr I. — Etranger.
— JOUR E'I' NUIT, par Pierre JoiîhÉ-Dl'val, l'Association pour le développement
du Chant Choral. — QUESTIONS SOCIALES, le gracieux concours par M. Daubresse.
— LES INSTRUMENTS : Le C/Jmbalom et la harpe chromatique, par P. Aubry.
— L'ÉDITION MUSICALE, par V.P.
Théâtres et
Concerts
La saison musicale de Paris s'avance. Peu à
peu les grandes lumières s'éteignent, il ne
restera bientôt plus que la lueur des concerts
d'artistes et, vers le 15 juin, ce sera la nuit.
Nuit trop complète car à l'excès de musique
succède le manque absolu.
C'est un petit coup d'Etat qu'à fait le Con-
servatoire en donnant à ses deux dernières
séances la Damoiselle Elue de M. Debussy.
Son public a accueilli sans enthousiasme une
œuvre qui date d'un quart de siècle, n'a rien
de subversif, fut très bien chantée ; (M'^'^
Rose Féart, M"® Nottick) et mieux jouée
encore. Elle méritait d'autres applaudissements.
Les Concerts Lamoureux ont fini la
saison avec deux courtes mélodies de M. de
Saint Quentin pour toutes nouveautés, le
Chêne et le Roseau, de M. Chevillard.
En l'honneur du chef disparu, les Concerts
Colonne ont donné les œuvres qu'il avait
révélées. La damnation de Faust, les Béati-
tudes et Rédemption, avec des solistes dignes
d'elles (M°^" Litvinne, M"'' de Montalant,
MM. Delmas et Atchefsky) puis la deuxième
Symphonie de M. Mahler. Nous n'osons
parler de cette œuvre énorme par la durée et
les moyens sonores (avec l'orchestre et les
chœurs, l'orgue, des cloches, 10 cors, 7 trom-
pettes, 7 timbales, etc.), après M. Casella qui
a débrouillé ici même ce labyrinthe. Louons
l'exécution, dont; M. Malherja sans doute eu
quelque satisfaction.
Nous retrouverons l'an prochain, espérons le,
les Concerts Se^chiari, avec des program-
mes aussi intéressants ~qûe leur dernier et
Philharmonia qui donne déjà beaucoup plus
que des espérances. M. Bachelet, soigneux et
précis, a un orchestre qui deviendra excellent
et une salle parfaite. M, Isserlis, au dernier
concert a été de premier ordre.
On ne s'attend pas à trouver ici en trois lignes
sur Don L. Perosi et les œuvres qu'il a
données en avril au Trocadéro, autre chose
qu'une mention de leur succès. Il y a onze
ans, la curiosité y était pour beaucoup ; cette
fois la personnalité et le charme de cette
musique s'imposent. L'exécution fut parfaite
du Dies Iste, et de la suite Symphonique Flo-
rence, qui est vraiment au tout premier rang
de nos concerts parisiens,
La Société Bach a donné trois belles
cantates d'Eglise, avec M™^ Philippi, la grande
artiste qui s'est identifiée au Maître, A la saison
prochaine !
La S. M, L (rien de commun avec notre
^ Je tiens à signaler tout particulièrement la sonorité
de l'orgue Cavaillé-Coll, dont les Amis de la Musique
avaient assuré le concours à cette belle audition ; sous
un volume minime cet instrument exceptionnel contient
des ressources étonnantes.
iço
L'ACTUALITE MUSICALE
S. I. M.) cherche à réaliser l'indépendance
aussi difficile à atteindre en musique que partout
ailleurs. Et d'ailleurs de quoi, ou de qui serait-
elle indépendante : Louons la en tout cas de
nous faire entendre aussi bien du Fauré que du
Kodaly, sans crainte des potins. Puisque
l'humanité musicale ne saurait rien faire sans
coteries, il faut souhaiter que les coteries soient
aussi nombreuses que possible.
Malgré tout, la Société Nationale reste
bien vivante. Son concert du g a\ril avait
comme nouveautés des mélodies de M. Grov-
lez, indécises de tonalité, une sonate assez
courte de M. Sobrv et des mélodies de
MM. Woolett et M. Labey, agréables.
Mozart est le patron de deux sociétés nou-
velles : " l'Orchestre Mozart " composé
d'enfants, ou presque, qui donne son second
Concert le 9 avril et la Société Mozart qui
annonce six séances de Musique de Chambre
ou d'orchestre pour le mois de mai.
Il faudrait quelques lignes pour l'audition
de ses oeuvres que donna M. Casella et nous
ne pouvons que dire le succès de son orchestra-
tion colorée et de ses rythmes très personnels.
Il y a là une vie intense, et une fougue .prodi-
gieuse.
La Société des Compositeurs toujours
active a donné en a\Til deux séances, dont
l'œuvre la meilleure fut le charmant Dixtuor
de M. Th. Dubois. La sonate de violon de
D. Ch. Planchet a de la vigueur, mais trop de
recherche. Bien des longueurs dans le Quatuor
à Cordes de M.Capet.De l'allure et de la clarté
<lans le trio de M. Thirion.
La Schola se prodigue ainsi que son
éminent chef. Elle a chanté au '1 rocadéro
avec don Perosi, elle a donné comme Concert
Mensuel, la Messe en ré, son orchestre a
accompagné maint Concerto.
Les séances organisées par M. Astruc à la
Salle Pemina ont fini par une belle soirée
dont le Quintette nouveau de M. Léo Sachs
était l'cjeuvre importante. On lui a fait un
excellent accueil et nous l'entendrons souvent
l'hiver procliain.
Si les Concerts d'artistes sont i|uelijuetoiN de
modeste envergure, cette saison qui finit s'illu-
mine des noms d'Ysaye, de Thibaut, de
Kubelik, pour ne parler que des \ iolonistes.
Que dire de leurs Concerts : Nous axons épuisé
pour eux les formules laudatives.M. K0SS0"WS-
ky nou\ eau \enu à Paris, a donné (avec M"'^
Rosetti) un Concert de musique russe peu
intéressant mais bien exécuté.
M. Albert Spalding joue du violon avec
justesse, précision et st)le ; il a été remarquable
dans la i'"'^^ Sonate de Bach.M.Edgard Bas-
set brilla dans le Concerto de Saint Saëns,
M. Chiaifitelli dans les œuvres modernes.
M '" Adèle Clément, M. Pierre Des-
tombes, M.René Jullien et M. Four-
nier, ont donné d'incéressantes séances de
violoncelle; M. Gaston Blanquart, flûtiste
hors de pair, a donné, a\ ec Al""' Blanquart, AL
Ferté et M'"'^' Nicot Vauchelet, un charmant
Concert ; M' "" Labatut a\ ec un orchestre
dirigé par M. Monteux,a montré toutes les res-
sources de la harpe chromatique.
Dans le groupe des chanteurs. Al. Jules
Tordo fut l'interprète agréable d'œuvres
modernes (M'"'^ Nadia Boulanger, AL Dulau-
rens, AL Erlanger,M.Fauré),M'"' Germaine
Sanderson à la jolie voix, bien posée, mais à
la diction un peu molle eut comme partenaires
le Trio Chaigneau ; M''"\Iulia Hosbater
fût une intelligente Cantatrice de lieder ; M'"'
Protopopo\a, au beau timbre de voix, consacra
une séance aux œuvres de M. Fauré.
Nous en arrivons à la légion des pianistes.
Quel nombre de virtuoses et même d'excellents
artistes ! Si le piano avait besoin d'une réliabi-
litation elle serait maintenant superflue, car ses
interprètes l'ont rétun é. Plus de sécheresse,
l'emploi de la pédale, pas toujours judicieux,
donne quelque confusion. A4ais nous n'avons,
dans ce numéro de l'Actualité Musicale, que
la place de nommer des artistes comme
M. Ricardo Viuès i|iii célébra Sclunnann
a\ec M"" Raunay, M. Lortat Jacob qui
ilonna, avec l'orcliestre CoK»inie inie Séance
lie Concertos où il se montra un île nos meil-
U urs pianistes ; M'"'' Delielly qui interpréta
idralinu-nt Chopin ; M. Flescll qui donna
une I101UIC séance ,i\ cr ( )iH lu-sti"e ; M'"''
Hélène Barry, M. Frey, M. Galston,
L'ACTUALITE MUSICALE
191
M. Edmond Hertz, M. Fœrster.
M'^ Yvonne Péan, M"" Goodson, et
tant d'autres. 11 nous faut encore parler du
groupe des jeunes pianistes, si intéressant.
M'"'' Caffaret n'est plus une enfant prodige,
mais une artiste en possession d'un talent
exquis, très personnel, très délicat. Sa technique
surtout dans les octaves, est inerxeilleuse. A
■côté d'elle, M^'^^'^ Van Baerentzen, si bien
douée cependant, pâlit àpeiiie. M'"'' Veluard,
gloire de la Schola, a montré dans une série
de Concerts un beau tempérament de pianiste.
Et quels programmes pour une toute jeune
fille ! Les Sonates de Dukas et de d'Indy, les
Variations Symphoniques, Prélude Choral et
fugue, de Franck, des Concertos, etc. JM^"'-'
Landsmann n'a pas encore une technique
parfaite, mais on sent qu'elle est vraiment
musicienne et qu'elle arrivera aux premiers
rangs.
Nous allions oublier une grande artiste
qu'on n'entend plus assez et dont le beau et
-simple talent repose des virtuoses prétentieux
et bruyants. M""' Berthe Marx Gold-
SChmidt qui donne sept séances (avec les
programmes de Rubinstein). On n'a jamais
mieux joué les sonates de Beethoven. Et quelle
mémoire !
Il ne nous reste que quelques lignes pour le
Quatuor Lejeune qui a terminé son histoire
•de la musique, et surtout du Quatuor, en
Russie. Le 6^ Quatuor de M. Taneïew est un
peu touffu, mais intéressant ; de même le
thème varié de Pogoïeff.
]y[me Pilliaux Tiger a fait entendre au
Lyceum toute une série de ses œuvres, d'un
charme très féminin, avec d'excellents artistes,
dont M'^"'' Delcourt et M'"'' Delune qui est
la violoncelliste féminine la plus délicate que
nous ayons. Mentionnons enfin la séance
d'œuvres de M- André Fijean, d'une fran-
chise mélodique agréable, et la soirée Her-
mann Zipelins, consacrée à de si curieuses
Sonates à deux violons.
Nous apprenons que M'"'' Wanda Lan-
dowska vient de rentrer à Paris après une
tournée de sept mois, pendant laquelle elle a
parcouru, accompagnée de ses clavecins, l'Es-
pagne, le Portugal, l'Allemagne, l'Autriche et
la Russie jusqu'à Astrakan. Elle quittera de
nouveau Paris à la fin de Mai, et pour prendre
part aux fêtes que l'Allemagne organise tous
les deux ans en l'honneur de J. S. Bach.
La jeune Chorale mixte de Paris,
dont les Amis de la musique ont dernièrement
applaudi les débuts, s'est fait entendre pour la
première fois dans un salon, chez M""' A.
André, avec un effectif réduit. Rien ne con-
vient mieux aux réunions mondaines qu'en
chœur de voix fraîches chantant quelques
pièces de notre grande époque polyphonique.
Le 9 Mai, le Pax-
quatuor donnait salle
d'Eylau la dernière
des dix séances qu'il
consacra cette année
à la noblesse et aux
grâces de la musique
classique. On ne peut
louer l'excellente artiste
Muller de Beaupré
assez
qu'est M
d'avoir su grouper avec un sens si
exact de leur harmonie totale, les
éléments de son Quatuor. MM.
Carembat, G. Poulet, R. Mon-
feuillard et Cruque. Mme Muller
de Beaupré faisait une exception à ses pro-
grammes classiques, en donnant cette fois une
œuvre de Boellman, la dernière de l'auteur
mourant, œuvre attachante et désespérée.
Souhaitons que Mme Muller de Beaupré
inscrive à son programme de l'an prochain,
cette sonate, et que l'exquise Muse dont le
Maître Grasset illustra le programme de
Pax-Quatuor continue à protéger ces Séances
d'intimité artistique.
F. GuÉrillot.
LE MESSIE DE H^NDEL AU TRO-
CADERO. — Les lecteurs de cette revue
savent quelle est ma sympathie pour la Société
Hcendel et pour ses jeunes directeurs, MM.
Eugène Borrel et Félix Raugel. Depuis deux
ans, ils nous ont fait entendre à Paris une suite
le
Rouart, Lerolle cS C
ÉDITEURS DE MUSIQUE
18, BOULEVARD DE STRASBOURG - PARIS
Le plus grand abonnement de France
service : Maison GAVEAU, 45, rue de la Boëtie.
TOUTE LA MUSIQUE en lecture
Représentation exclusive des Éditions Bélaïeff, Hansen,
Jurgenson, Universelle et Zimmermann.
Dépositaires exclusifs des œuvres de G. MAHLER
Ire SYMPHONIE EN RÉ MAJEUR
2me SYMPHONIE EN DO MINEUR
3me SYMPHONIE EN RÉ MINEUR
4me SYMPHONIE EN SOL MAJEUR
Chaque piano à 4 mains , . . net fr. 12
,, petite partition d orchestre net fr. 6
L'ACTUALITE MUSICALE
93
d'œuvres admirables de ce grand liommc, pour
qui j'ai un culte passionné. Et ils apportent
à le ressusciter une ardeur d'enthousiasme, qui
rompt avec la fausse tradition de dignité guin-
dée sous laquelle on l'étouffait. Leur tâche
était difficile, périlleuse même : ils avaient à
former entièrement un orchestre, des chœurs,
un public : ils y ont réussi. Leur orchestre,
leurs chœurs,leur public,peu nombreux d'abord,
mais tout dévoués, se sont peu à peu étendus ;
l'ardeur des chefs s'est communiquée aux
exécutants ; et chaque concert marquait un
progrès nouveau.
Enfin, ils ont eu l'audace, qui vient d'être
récompensée, de faire entendre le Messie dans
le vaste cadre du Trocadéro. Ils avaient, pour
cette fois, fait appel au concours de la Schola
Cantorum^ des Chanteurs de la Renaissance^ et
des Chanteurs de S^ Pierre de Besançon. M. Guil-
mant, qui fut le premier en France à faire
connaître Haendel, tenait l'orgue ; et M. Vin-
cent d'Indy, donnant un bel exemple de con-
fraternité artistique, avait voulu prendre place
parmi l'orchestre, comme simple timbalier.
L'audition du 23 avril, au Xrocadéro, a été
une des plus belles, que nous ayons eues à
Paris, des grandes œuvres de la musique
ancienne. Enfin, l'on a pu se faire une idée
exacte de ce Messie^ dont tant de gens parlent,
mais que si peu connaissent vraiment. Non
seulement M. Raugel avait soiraeusement
revu la partition sur le manuscrit original, et
nous donnait, pour la première fois, le texte
intégral de l'œuvre ; mais sa direction intelli-
gente et vivante a su rétablir l'unité, la logique
et la suite de cette grande épopée et en rallu-
mer la flamme de poésie et de foi. Les solistes
étaient tous les quatre excellents : la voix de
Madame Mellot-Joubert est fraîche et char-
mante ; chacun connaît la belle, sobre et
émouvante déclamation de Madame Marthe
Philip ; M. Plamondon a dit d'une façon
pathétique les sublimes récitatifs de la Passion
et M. G. Mary a soutenu robustement
l'écrasant rôle de basse. Les chœurs et
l'orchestre ont été bons dans l'ensemble, avec
çà et là quelques flottements (inévitables, pour
une première épreuve de ce genre) ; mais on
peut dire qu'ils se sont montrés d'autant plus
sûrs que la musique était plus belle ; et aux
sommets de l'œuvre, leur exécution a été pres-
que digne des meilleurs Musikfeste allemands.
On les sent animés de la joie que rayonne
leur jeune chef Cette joie rend la vie au vieil
oratorio. Jamais encore on n'avait entendu
ainsi, en France, le formidable Hallelujah^
cette Voûte de la Sixtine en musique. J'ai
vu bien des musiciens, pour qui cette audition
du Messie a été une révélation de Haendel.
Que diront-ils, quand la Société Hcendel nous
rendra, comme je l'espère, des œuvres plus,
monumentales encore et plus vivantes, comme
Samson^ Saul, Hèraklès^ Belsazar^ Israël^.,, car
il s'en faut que le Messie soit, à mon sens,
l'œuvre la plus puissante et la plus neuve de
Haendel.
En attendant, félicitons la Société Handel^
et félicitons-nous. La soirée du 23 avril marque
un grand pas nouveau dans le progrès de nos
sociétés chorales, en France. ^
Romain Rolland.
JEUNESSE ET GÉNIE
COMPTE-RENDU d'uNE AUDITION d'ÉlÈVES
Paris offre, de temps en temps, des plaisirs
délicats. J'en ai goûté un de ce genre. Diman-
che passé, salle Pleyel. Parvenu, par un om-
nibus banal, à la non moins banale rue Roche-
chouart, je descendis au numéro 22 ; et là,
traversant vingt salles désertes peuplées de
pianos, j'atteignis un salon que remplissait déjà
une flore exubérante de chapeaux féminins, —
avec, hélas ! quelques " tuyaux de poêle " très
bien vernis... Au moment où j'entrai, le cla-
vier d'une grande queue d'acajou, au couvercle
dressé, résonnait, superbement, martelé par
quatre mains enfantines, avec un grand respect
de la mesure. — Car, il faut l'expliquer, M^^*^
Sauvrezis m'avait invité, gracieusement, à
une audition d'élèves de son cours.
Une audition d'élèves ! Combien cette for-
^ Le succès de cette audition a été tel que la Socie'te'
îîcendel dut en donner une seconde, le 1 1 Mai.
194
L'ACTUALITE MUSICALE
mule effraierait de gens, redoutant le piano, la
Sonate, et la pédagogie... L'on s'imagine, tout
de suite, une kyrielle de pensionnaires, à l'âge
ingrat, des apprentis-prodiges pour qui l'on
remonte la \is du tabouret, afin qu'ils rendent
au public le martyre qu'ils ont enduré... Mais
rassurez-vous ; notre époque a mis là de l'esthé-
tique, comme elle en met partout ; et si vous
me demandez mon impression je vous confierai
que cette troupe de fillettes et de garçonnets,
rangés sur l'estrade, en corbeille, et attendant
leur tour, posément, d'affronter les touches
d'ivoire, donnait un spectacle fort attachant :
ils (ou elles) étaient pour la plupart si jolis, si
bien habillés. — Et, moi, par malheur inexact,
ayant manqué l'Ouverture de Coriolan^ jouée
à huit mains (excusez du peu !), je donnai
toute mon attention à la Sonatine en ;v', du
même Beethoven.
Tout le programme, d'ailleurs, était consa-
cré à ce maître ; fort beau programme, certes,
même dans sa forme extérieure, et qu'on avait
illustré d'un fac-similé de Corot, représentant
un pâtre jouant du galoubet devant quelque
massif d'arbres touffu. Il n'énumérait pas
moins de 43 morceaux, avec, en marge, ce
seul nom, qui en vaut bien d'autres, en défini-
tive : 'Beethoven Et comme chaque morceau
avait son exécutant spécial, cela faisait, si je
compte bien, une quarantaine de jeunes pianis-
tes à entendre. Ah ! j'aurais voulu qu'il fût
là, le bon et très grand musicien, le musicien
définitif, peut-être, celui certainement qui a
trouvé le plus d'idées sonores, et qui les a tlé-
veloppées avec le plus de richesse et de per-
fection. J'aurais désiré qu'il piit assister à ce
concert juvéïu'le, qu'il entendît ses poèmes pro-
fonds interprétés par tant de jolies menottes
i;inocentes. Sans doute, la Sonatine en ;/
pour ([uatre mains, comme aussi les deux
Bagatelles et le Rondo en .vo/, op. 51, sont
bien adaptés à l'enfance. Bien qu'il ne se fût
jamais marié, Ludwig van Beethoven avait,
comme Victor Hugo, pratiqué 1' "art d'être
grand-père. " Lui (|u'Havdn n'avait pas com-
pris, et qui avait compris Haydn, était capable
d'écrire le Final de V Hthoïfjue^ — et les plus
délicieux badinâmes.
Mais il y eut. Dimanche, quelque chose de
particulièrement curieux — et de bien tou-
chant, à voir de jeunes doigts s'empresser à
traduire, sur les touches alternativement blan-
ches ou noires, ces dessins mvstérieux que deux
yeux attentifs épiaient au vol, sur la partition,
sans en apercevoir du tout le mystère. Une
fois de plus, je restais confondu de ce pouvoir
qu'a la Musique, de raconter des choses logi-
ques, belles et profondes, et qui ne peuvent se
définir, qui sont " indicibles " ; je me disais que
si l'un d'eux, parmi ce petit peuple, avait à vous
réciter, par exemple, " Dèfnocritè et lei Ahdèri-
toins^ " de Lafontaine, il ne parviendrait pas à
nous satisfaire comme il y parvenait, assez
exactement, en exécutant la "j"^ Sonate... C'est
que le texte musical n'est pas, comme est le
langage courant, con\entionnel, et qu'il porte
aAec lui sa signification, qu'il soit compris,
d'ailleurs, ou qu'il ne le soit pas, ou qu'il ne le
soit qu'à demi. C'est une espèce de chorégra-
phie, ou de mimique toute idéale, ou, si l'on
veut, une tapisserie immatérielle, extraordi-
naire et mer\eilleusement expressive ; un
apprenti la déroule sous vos regards ; vous-
même n'\' \oyez pas autre chose que ce qu'il
y voit, naïvement ; mais vous y faites plus
d'attention, et vous l'admirez davantage.
Ainsi faisais-je, en cette salle où, vraisem-
blablement, bien des auditeurs mûrs restaient,
en face de Beethox en, des enfants. Et com-
ment peut-il en être autrement, lorsque ce
riche tissu musical passe si vite, et que l'atten-
tion s'accroche si facilement à ces vastes empa-
nachures de tête dont les femmes, exquise
d'ailleurs, ombragent toutes perspectives maté-
rielles et morales r
Cependant, les plus belles Sonates du maître
se déroulaient, et se succédaient, de plus en
plus hautes et difficiles, à mesure que se succé-
ilaient au claviers des mains plus expertes et
des têtes adolescentes plus fermes. Parfois, les
Allégrettos étaient menés un peu trop prudem-
ment et les 'Prestos couraient trop précipités.
Très peu (je l'admirais) de défaillances, soit des
iloigts, soit lie la mémoire, et tinijours le joli
coursier fringant se reilressait, et la chevauchée
sonore se |i()ursui\ ait. . ..
L'ACTUALITE MUSICALE
195
Quel dommage que pour ces poèmes incom-
parables, ces épopées, ces idylles, ces élégies
dont la féerique et vive lumière éclipse les plus
beaux \ers de nos poètes, on n'ait pas trouvé
d'autre nom que celui, si froid, de Sonate^ —
d'autre signalement que celui d'une tonalité,
qui n'est d'ailleurs qu'initiale, et passagère !...
Eh quoi ? faut-il que la caresse des inflexions,
dans tel morceau, soit, dès l'abord, trahie par
un stupide numéro d'œuvre ? que l'éloquence
persuasive de cet autre soit compromise, aux
yeux du profane, par un titre aussi vain que
1' " Aurore ? " Vous me direz : c'est sans
importance, et " bon vin, comme on dit, n'a
pas besoin d'enseigne. " ... Et pourtant, com-
bien de passants, avant d'entrer dans le temple,
regardent ce qu'il y a d'écrit au fronton !
L' " Appassionnata " .'' — Mais toutes les
Sonates de Beethoven, à peu près, sont passion-
nées. Beaucoup expriment, de l'aurore, le
mouvement progressivement lumineux : ce
sont des montées de jour sonore ; et ainsi de
suite. Seul Vopus 81 se précise opportuné-
ment de cette annonce : " Les Adieux^
r Absence^ le Retour ; " délicieuse trilogie sen-
timentale, où la tendresse tantôt vive, nerveuse,
et tantôt languissante sans être langoureuse, se
résout, au finale, par une allégresse débordante.
La jeune fîlle de dix-huit ans qui traduisait
cela était-elle émue ? Vivait-elle ce moment
de passion sonore, par intuition, — ou bien
n'était-ce là pour cette fine tête auréolée de
fins cheveux, qu'une succession agréable, et
pas mal difficile, de traits diatoniques ou chro-
matiques, de cadences résolutives ou suspen-
dues, de passages dialogues, en mouvement
conjoint ou disjoint ? — Je ne sais, mais pour
ma part, j'étais touché, conquis, sans raisonne-
ment préalable. Or l'émotion est quelque chose
qui se communique, et j'ai tout lieu de croire
que l'enseignement qu'on dispense au Cours
Sauvrezis ne donne pas seulement le nerf,
mais la flamme. J'ai pu juger par moi-même
de la valeur de cet enseignement. Et d'ailleurs,
Mlle Sauvrezis tient beaucoup à ce qu'on voie
dans ses auditions d'élever une sorte de Musée
musical, déroulant en tableaux sonores la pensée
des grands maîtres.
Enfin j'ai quitté, Dimanche, la Salle Pleyel,
l'âme emplie de réflexions consolantes ; et,
frôlant au passage tous ces meubles de silhouette-
disgracieuse, mais d'usage précieux, (|u'(jn
nomme des pianos^ je me disais que tant qu'il
existera ces monstres sonores, et des jeunes
filles courageuses pour les dompter, la pro-
digieuse pensée de Beethoven et sa merveil-
leuse vivacité de cœur ne resteront pas lettre
morte.
Que c'est touchant, et que c'est beau, le
génie célébré ingénument par la jeunesse !
Maurice Griveau.
Province
BORDEAUX. — Le Quatuor Marteau-
Becker, de Berlin, de passage dans notre
ville, vient de se faire entendre dans la Salle
Franklin.
A l'église Sainte Eulalie (notre ville ne possé
dant pas de Salle de Concert ayant un orgue
jouable) grand Récital, par notre compatriote
Joseph Bonnet, organiste déjà célèbre du
grand orgue de Saint Eustache. Exécutant
remarquable des œuvres des grands maîtres,
le jeune artiste se fît grandement apprécier
comme compositeur. Les élèves du cours
Ramat chantèrent de lui quelques composi-
tions chorales d'une écriture aussi fraîche que
savante, et un Deus Abraham de Jean Huré,
très original, un peu osé de construction peut-
être, mais néanmoins très goûté des musiciens.
N'oublions pas la soirée d'art, donnée par
le compositeur Reynaldo Hahn, avec la colla-
boration de Madame L. Durand-Texte, Pitsch,
violoncelliste, et Fleury, flûtiste. Conférencier
plein d'érudition et d'esprit, dans une très
consciencieuse analyse des œuvres de musique
ancienne du programme, l'auteur de la Car-
mélite se fît applaudir dans d'aimables compo-
sitions, comme exécutant au piano et comme
chanteur habile et expressif.
Fidèles à la tradition, Lepine et Falcon, de
la Chanterelle^ nous convièrent à la Salle
TTp /'^ T-T /V T^TPTVIfn^ Photographie documentaire
67, rue des BatignoUes, 67, PARIS.
Nouveau procédé sur papier; blanc sur noir, grandeur 18x24:
Pour une commande de cinquante épreuves 0.75 par épreuve.
Par petite quantité: 1 fr. par épreuve.
Par ce procédé, la Maison CHATENET a fourni aux Bénédictins
de Solesmes pour leur Paléographie plus de 40.000 photographies.
PRIX-COURANT :
Cliché 13x18 avec une épreuve, 3 fr.; les suivantes, chaque 0.75
Cliché 18x24 avec une épreuve, 4 fr. ;les suivantes, chaque 1.00
Cliché 24 y 30 avec une épreuve, 5 fr. ; les suivantes, chaque 1.50
Vvv
-^■.«>a^na5££?^.■
|-.xlriiil flu rcitnan de l'auvcl (131 3l puMic en reproduction photographique.
L'ACTUALITE MUSICALE
197
Bermond, pour y entendre les dix sonates
piano et violon de Beethoven. Un de nos
universitaires, un savant doublé d'un excellent
musicien et beethovenien convaincu, M. R.
Lambinet y fit une très intéressante conférence
sur la vie et l'œuvre du maître de Bonn.
Une de nos gloires locales, le jeune harpiste
R. Jandelli, nous donna à la Salle Delmouly
une très belle audition des œuvres des maîtres
de la harpe Erard. Joseph Thibaud, M"'^ Mour-
lane, le professeur J. Bastien, le flûtiste
Feilleux et enfin M'^® J. Ramat dans des
chansons du XVIIP siècle, contribuèrent de
tout leur talent au grand succès de cette
intéressante matinée.
Nous attendons pour la fin du mois le
Tonkuenstler-Orchester de Munich, direction
J. Lassalle (un Français), qui vient inaugurer
le nouveau Théâtre de l'Alhambra.
V. Gendreu.
EVREUX. — Mardi, 12 avril, au concert
donné par la Société Symphonique d'Evreux,
audition de M"*^ Suzanne Chantai, dans
diverses pièces de Mozart, Haydn, Franck,
Dubois. Vif succès pour la délicieuse artiste.
Au programme également, le quatuor de
harpes chromatiques Lénars, très applaudi
dans des transcriptions de Tchaïkowski et de
Grieg ; certains numéros cependant, tels que
la Mort d'Ase, semblent, malgré tout le talent
des artistes, peu à la portée de la harpe.
Saynètes et imitations, par M"® M. Richard
et W. Burtey.
Le dimanche précédent, très gros succès, à
une séance privée, pour l'improvisateur Roger
de Beaumercy, toujours déconcertant d'esprit
et de brio.
ROUEN. — S'il en était des questions
d'art comme des questions politiques, et si l'on
abandonnait au suffrage universel des auditeurs
le soin de fixer un idéal esthétique Quo Vadh
serait peut-être l'idéal de la saison, 25 repré-
sentations semblent le prouver. Ni le R.oy £Ts^
ni Lokengrin^ ni Don Juan n'approchèrent de
ce chiffre. Mais l'intérêt musical de notre
existence rouennaise se trouve ailleurs, dans
les concerts, qui se multiplient iieureusement
et qui attirent de plus en plus le public.
Un jeune imprésario Rouennais M. Henri
Ursin en organisa quatre avec la Société des
Instruments Anciens^ le quator IVillaume^ MM.
Ysaye et Hekking^ et le Double quintette de Paris.
Des œuvres anciennes, classiques ou modernes
y furent exécutées, en général avec une per-
fection de style et de technique qui ne laissait
rien à désirer. Bruni, Nicolay, Monteclair
causèrent de délicates joies aux raffinés. Le
quatuor de Debussy subtilement nuancé en
vaporeuses et impondérables sonorités sembla
charmer toutes les sensibilités. Le 5°'*^ Concerto
brandebourgeois de Bach apporta de substan-
tielles satisfactions aux oreilles classiques. De
M. Marcel Houdret une Symphonie de Chambre
parut intéressante surtout par son andante et
son scherzo. La partie vocale dans ces concerts
était confiée à M™'' Buisson, Willaume-Lam-
ber, Passin-Marcillac, Foreau - Isnardon, à
MM. Muratore et Teissié.
De son côté M. Paul Boquel, dont les
concerts valent à la fois par le choix des pro-
grammes toujours artistiques et par celui des
interprètes, fît entendre à Rouen cet hiver
MM. Cortot et Boucherit dans une séance de
sonates, M. Jacques Thibaud dans un ensemble
d'œuvres italiennes très homogène, M. Lazare-
Levy assisté de M. Marcel Dupré, M"^'^^
Litvinne dans les pages les plus célèbres de
son répertoire. Et le succès n'alla pas seule-
ment à ces illustres vedettes, car M^^*" Suzanne
Chantai, M. Chanoine Davranches, MM.
Marcel Ciampi, Robert Schmitz et Paul
Bazelaire, pour être de moins illustres seigneurs
au pays de la gloire n'en ont pas moins un
talent très appréciable.
M. P. Mesnier violoniste admirable de
simplicité et d'émotion donne aussi chaque
hiver une audition avec sa fille et a\'ec
M"*" Duranton. Cette fois il nous révéla la
poignante et profonde Sonate en sol de Lekeu.
Ajoutons encore que les Concerts-Rouge avec
M^^" Nina Ratti et M. Chanoine-Davranches
obtinrent avec un programme très électique
un succès d'enthousiasme — et qu à un
Concert de Charité M. Enesco très applaudi
X
içS
L'ACTUALITE MUSICALE
comme exécutant et comme compositeur
trouva en M"^*^ Capoy une interprète délicate.
Mais ce qui nous intéresse plus encore ce
sont les résultats de notre activité propre.
Rouen offre au point de \ue vocal d'admi-
rables ressources d'abord comme solistes :
M'"" Marie Robert, Simon et Capoy et
M. Chanoine-Davranches, artistes dont la
réputation est solidement établie ailleurs qu'à
Rouen, puis comme Sociétés Chorales : l'Accord
Parfait dirigé par M. Albert Dupré et la
Gamme par M. Jules Haelling. Enfin deux
sociétés : la Société de Peinture Aloderne et
la Société des Artistes Rouennais organisent
des sérits de concerts.
S. I. M. ayant signalé l'audition consa-
crée par M""-' Marie Robert et M. Roger
Boucher à Moussorgsky (Chambre d'Enfants,
Sans Soleil, Berceuse du Paysan, l'Orphelin,
le Bouc, le Jardin prés du Don, le Chant juif,
la Nuit sur le Mont-Chauve) comme les
causeries de M™*^ Marie Capoy nous insisterons
sur les manifestations chorales ou sur les con-
certs de nos Sociétés de Peinture.
L'Accord Parfait, particulièrement actif cet
hiver, aura chanté au cours de la saison la
Cantate de Noël de Bach, la Messe en ut de
Beethoven; des fragments des Saisons d'Ha\dn,
la Passion selon Saint Matthieu de Bach et la
Demoiselle Elue de Debusssy. Voilà qui prouve
de la part de l'Accord Parfait un désir de se
montrer agréable à tous comme un dévoue-
ment à la musique tout à fait méritoires. Entre
toutes ces exécutions celle de la Passion^ pré-
parée cl^puis bientôt quatre ans fut particuliè-
ment belle. M. Ch. Widor y participa comme
organiste à côté de son suppléant à S'^-Sulpice,
M. Marcel Dupré. Les solis avaient été confiés
à M""" Max et Marty, à MM. Coulomb et
Charujine-Davranches. Sous la direction con-
vaincue de M. Albert Dujiré tous les exécu-
tants se montrèrent à la hauteur de l'œuvre.
La Gamme, de son côté lentorcéede la Maî-
trise et d'un orchestre donnait la i '"'■ audition
à Rouen (lu Faust de Schumann, puis seule,
celle des Si'f)t 'Paroles de Christ de Schdtz.
Ce furent au point de vue choral d'impeccables
exécutions, d'uni- fermeté et d'utie \ii:ueur
rares qui font à M. j. Haelling le plus grand
honneur.
A la Société de Peinture moderne M. et
M'"'- Landormy, M""^ Mayrand et M"^ G.
Dupin présentèrent une vue d'ensemble de la
musique française moderne en faisant une
place spéciale à Paul Dupin qui déjà l'an
passé s'était fait connaître avec le concours de
M"'^ Marie Robert à un public choisi d'ama-
teurs, une autre séance, fut remplie par M. et
M'"*^ Alberro de Viverro avec quelques œuvres
nou\elles d'A. Doyen.
A la Société des Artistes Rouennais un
concert svmphonique dirigé par M. Ch. Aufry
offrait beaucoup de premières auditions :
œuvres de Moussorgsky, de Rimsk\'-Korsakow,
de Svendsen, de Gade. Un autre sera consacré
en partie à M. Chanoine-Davranches, un
dernier concert comprend dans son programme
la Demoiselle Elue.
Donc cet hiver de grandes œuvres classiques
ou modernes auront été exécutées dans d'excel-
lentes conditions à Rouen : l'Ecole française
moderne, (Lekeu, de Castillon, Dupurc, d'Indy,
Debussy, P. Dupin, etc.), aura été largement
représentée dans les programmes des concerts.
Le goût musical ne peut qu'y gagner, et cette
saison apporte de belles espérances à ceux qui
détendent à Rouen la cause de la musique.
Pai'l-Lol'is Robert.
POITIERS. — Grand succès pour MM.
Wurmser, Hekking et Enesco dans le l''"" Trio
d'Ha^'dn et celui île Beethoven dédié à
l'Archiduc.
ANGERS. — Et \()ilà la saison terminée !
Les denuers concerts nous laissent sous une
impression d'art et île tristesse ; le s^■mpa-
thique et parfait chef d'orchestre Max d'Ollonc
nous faisait ses adieux après trois années
inoubliables ! Aurons-nous l'espoir de le voir
remplacé par Rhené-Baton ?
A signaler un certain nombre d'exécutions
wagnérieiuie^, les Béatitudes, le délicieux
François d'Assise de Max d'Ollonc, le Con-
cert de la Chorale Jeainie d'Arc du marquis de
Becdeliè\re. — Le théAtre lui-même a fermé
ses portes. A l'année prochaine. M. I^.
L ' A C: T U A L I T E MUSICALE
199
BLOIS. — On sait le succès des confé-
rences de M. Jean Richepin. Voici qu'un
intérêt musical vient s'ajouter à l'intérêt litté-
raire déjà très grand de ces causeries.
Un professeur de chant, M^''' Ruin Gabriac
accompagnait à Blois l'éminent académicien,
le 10 Avril dernier, et au cours de la confé-
rence intitulée " Les Chansons de la Mer "
plusieurs mélodies furent exécutées. — Au
Chnetière de G. Fauré sur des paroles de
M. Richepin, Coucher de Soleil de R. Lenor-
mand sur des vers de P. Veber ont été inter-
prétés à ravir par M^'*^ Ruin et le succès fut si
vif qu'aussitôt après le Concert le poète et son
interprète furent redemandés par la Société
des Amh des Arts de Loir-et-Cher, pour le
mois prochain.
Nous souhaitons que l'exemple donné par
notre société soit ailleurs suivi. Et il le sera,
la musique moderne et la poésie ne sont-elles
pas désormais inséparables.
R. M.
ALENÇON. — Nous venons d'applaudir
la Rose de Schumann, très bien présentée, si
l'on considère les éléments dont nous disposons
ici. Grand succès pour M. et M"® Ciampi.
St LO. — Une jeune Société chorale,
fondée depuis deux ans à peine, composée
d'employés, d'ouvriers, garçons de bureau, etc.,
et dirigée par un amateur, M. Baudry (lui-
même rédacteur à la Direction des Postes et
Télégraphes de S* Lo) a donné son premier
concert de l'année.
Au programme, le répertoire ordinaire des
chorales ; pour le violon, Wieniaw^ski et
Vieuxtemps ; pour le violoncelle du Golter-
man, et du Sinding pour le piano. De Rouen
étaient venus M. Dalvarez, ténor, et M™® La-
rose, mezzo. De Bayeux, M. Marchai, vio-
loniste ; de S* Lo, MM. Levatois et Pichard.
Excellent public et très bonne audition.
St BRIEUC. — La Société Philharmo-
nique a voulu nous reposer du surmenage
électoral en nous faisant entendre du Bach,
du Duparc, et du Chopin, sous la direction
de M. de Villermay, et avec les coiicours de
M. et M"" Ciampi, et de M. Baron (cor).
PÉRIGUEUX. — Dans notre ville, lès
manifestations artistiques se font de plus en
plus rares. La force d'inertie, le manque
d'entente de nos instrumentistes, profession-
nels ou amateurs, dont quelques-uns ne man-
quent pourtant pas de talent, provoquent un
marasme, qui crée forcément des loisirs aux
chroniqueurs. ;
L'an dernier, au mois d'octobre, les artistes
de la Comédie-Française vinrent représenter
sur un " théâtre de la nature " édifié place
Tourny, La Magdalèenne^ de notre ami
Berton, et ce fut là un spectacle inoubliable,
auquel on réserve, paraît-il, un lendemain.
On raconte, en effet, que notre éminent
compatriote, le baron de La Tombelle, a
écrit pour cette belle œuvre une musique de
scène remarquable ; et il est probable que la
pièce de M. Berton sera interprétée en juillet
avec la musique, soit à Périgueux, soit aux
environs. M. Berton vient de passer quelques
jours dans notre ville pour s'occuper de l'or-
ganisation de cette représentation.
COURTEY.
BREST. — Depuis la clôture de la saison
théâtrale, les concerts se succèdent relative-
ment nombreux.
Le violoniste Bertagne, qui s'établit comme
professeur de violon dans notre ville, a donné
une séance intéressante, excellemment accom-
pagné par M. Paul Loyonnet. La chorale
mixte Palestrina qui, dans des auditions anté-
rieures, avait donné en leur entier le 5® acte
d'Armide et le 4® d'Hippolyte et Aricie, nous
a fait entendre le Requiem de Mozart, un
motet de Vittoria, le Domine non sum dignus^
des extraits d'Œdipe à Colonne de Sacchini,
de Siroë d'Haendel et de la Création d'Haydn.
Gevaert et César Franck seuls représentaient
la musique contemporaine.
La Société Symphonique Les Amis du
Colonne a offert à ses sociétaires le dernier
concert de la saison. Au programme, deux
FACTEUR
DE
PIANOS
GAVEAU
FACTEUR
DE
PIANOS
Siège Social: 45 et 47, rue de la Boëtie (VII I^ PARIS
Rayon spécial de Musique
(vente et abonnement)
TÉLÉPHONE : 528=20
Adresse Télégraphique :
GAVEAU=PIANOS=PARIS
SALLES
DE
CONCERTS
Usine modale à Fontenay=
sous-A«is (Seine)
Agence gênôrale à Bruxelles
Dépôt des éditions
de la SI. M.
MEMBRE DU JURY — HORS CONCOURS
Barcelone 1888, Moscou 1891, Chicago 1893, Amsterdam 1895
Paris 1900.
DIPLÔMES D'HONNEUR
Amsterdam 1883, Anvers 1885, Bruxelles 1888
GRANDS PRIX
Hanoï 1893, Liège 1905.
L'ACTUALITE MUSICALE
20I
poèmes symphoniques : Ode à Carnac et
Veillée bretonne du compositeur L. Skilmans,
qui ont beaucoup plu.
J. S.
TOULOUSE. — Dans quelques jours,
sous la direction de M. Gabriel Laporte, chef
d'orchestre, vont commencer les concerts
symphoniques d'été alternant avec des festivals,
ou des auditions purement chorales. Pour
satisfaire le goût de chacun, plus exactement,
■semble-t-il, dans le but d'attirer le promeneur
pendant les belles soirées de mai, les grands
cafés vont aussi reprendre leurs petits concerts
des terrasses.
Tant de musiquette donnera-t-elle satisfac-
tion à tous ? Si l'écho d'un motif de valse
lente ou un air de polka arrivent jusqu'à nos
oreilles, un instant nous oublierons la mauvaise
impression d'une pitoyable saison théâtrale qui
vient de finir et dont le grand cheval de
bataille fut " Quo Vadis ". Après cette tapa-
geuse nullité, les directeur* démissionnaires,
obligés de se conformer au Cahier des Charges,
donnèrent " La Glaneuse " de Pourdrain
— deux représentations — et l'italienne
" Manon Lescaut " de Puccini — trois re-
présentations.
Ces œuvres merveilleuses^ géniales^ inimi-
tables^ coûtent à la population la bagatelle de
150.000 fr. C'est pour rien !...
J. H.
AURILLAC. — L'Eglise Notre-Dame
aux Neiges a été le théâtre d'une remarquable
manifestation artistique et religieuse. Sous la
direction de M. Xavier Permann, le célèbre
organiste, nous avons eu la joie d'entendre
" Les Sept Paroles du Christ " de Théodore
Dubois, exécuté par un groupe d'amateurs, il
est regrettable que la ville d'Aurillac ne pos-
sède pas un orchestre pouvant accompagner ce
chef-d'œuvre.
RENNES. — Le 24 avril dernier, la Société
de Concerts^ a donné sa troisième audition de
la saison.
Au programme, une importante œuvre
inédite du Compositeur Henri Bogé, une
sytnphonie en sol mineur^ que l'orchestre de la
société, sous la direction de M. Ch. Bodire,
rendit avec beaucoup de précision, de style et
d'éclat. Ce fut pour l'auteur et les interprètes
un véritable triomphe.
Grâce à l'admirable talent du grand violon-
celliste A. Hekking et au charme incomparable
qui se dégage du jeu de M. Bleuzet, le célèbre
hautboïste, le public rennais consentit à en-
tendre et même applaudit avec enthousiasme
quatre concertos: celui de Lalo, les Variations
de Boëllmann, le Concerto de Haendel en sol
mineur et le Concerto de M""^ de Grandval
pour hautbois.
L'audition prit fin sur une exécution très-
finie du Calme de la Mer de Beethoven pour
Chœurs et Orchestre.
CANNES. — Le grand Casino termine
sa saison. Les superbes concerts symphoniques
et classiques du Maître Louis Laporte contri-
buent pour la plus large part au succès de cet
établissement.
S* JEAN DE LUZ. — A signaler l'acti-
vité de la société Charles Bordes dirigée par
M™" Petit, dont les auditions s'inspirent des
grands principes de la Schola de Paris.
S^ SEBASTIEN. — A la salle des
Beaux-Arts, un ingénieur, M. Gastoué a donné
le premier avril sa dernière conférence sur
l'histoire de la Sonate (Franck et Saint-Saëns),
avec une excellente audition par M^^^^ Palante
et Genty.
BOURGES. — Les élèves du Lycée ont
eu l'ingénieuse idée d'offrir à leurs professeurs,
à leurs parents et amis, une matinée musi-
cale et littéraire. Voilà une initiative qui
devrait être suivie dans bien des endroits, et
même remplacer la monotone distribution de
prix. Le programme était assez panaché. La
difficulté est en effet de réunir un répertoire
accessible à ces exécutants. A côté de Schubert
voisinait Planquette, et la Valse poudrée de
Popy ou le Chœur des AUobroges faisaient
pendant au Père Martini et à Henri Rabaud.
202
L'ACTUALITE MUSICALE
PAU. — Félicitons M. Dubois du triomphe
de cette saison, et de l'homogénéité de sa
troupe. — Parmi les concerts, à côté de ceux
de M. Maufret et ceux de la Schola de Pau,
il faut mentionner les Auditions classiques du
maître Brunel, dont les programmes ne sont
inféodés à aucune chapelle. Brunel ne le cède
en rien, comme chef d'orchestre aux meilleurs
de Paris. Nous avons pu nous en rendre compte,
lorsque, il y a quelques années, Colonne et
Chevillard sont venus ici.
L. D.
ARLES, — Le grand salon de l'Hôtel du
Forum a retenti des ovations faites à M. et
M""^^ Fournier et à M^'*^ Maréchal (violoncelle,
chant et piano). D'autre part le quator Gallo-
Romain (Fabre, Doladille, Dagand et Rieu)
ont vigoureusement attaqué le 9*^ quatuor de
Beethoven. Nous faisons quelques réserves
pour le Minuetto, trop lent; et pour l'allégro,
trop mollement rendu. A l'étude le quatuor
de Lalo ; et à quand le quatuor de Franck et
celui de Debussy r
SALON. — Prochainement au Théâtre
Municipal : Taïma^ tragédie lyrique de Bédoc,
musique de David Polleri. Ce théâtre sous la
direction de Depère, se compose d'éléments
Marseillais. Il vient de nous donner une bonne
saison, d'ouvrage classiques, naturellement. Le
Conser\'atoire de Salon prépare ses examens
de fin d'année. Les concerts annoncent une
manifestation à l'Aérodrome de la Crau.
Plusieurs Sociétés nous ont visités ; ce fut
l'occasion de concours et de distributions.
J'allais oublier que nous aurons même une
Revue, dont le titre est nécessairement Chante-
clairettr^ du maître Mourret.
L.
VERDUN. — Exceptionnellement nous
a\'ons eu ce mois deux manifestations intéres-
santes : PoUain l'excellent violoncelliste, qui
consacra une soirée aux œuvres de Guv Ro-
partz, et une audition de Edouard Bernard, de
la Schola, a\ec le concours de M"''Svlvia Levis.
CAMBRAI. — Après Andromède et Sina'i
de Paul Lebrun, le Cheinin de Croix et les
Chants de Guerre d'A. Georges, Biblis et Eve
de Massenet, et la Nativité de Maréchal,
l'Union Orphéonique vient de donner la Dam-
nation de Faust. Elle s'était renforcée de l'or-
chestre des Concerts Rouges de Paris, sous la
direction de Rabani. Tous nos compliments
pour cette audace qui a pleinement réussi.
P. L.
CHARLEVILLE. — Bon concert par
M. Edouard Bernard et M"'' Syh'ia Levis,
a\ec un programme allant de Bach à Duparc
et qui nous sau\e des habituelles platitudes.
V ALENCIENNES. — Un grand concours
international de musique aura lieu du 13 au
15 août 191 1. Pour tous renseignements
d'adresser à M. Fievct, secrétaire général.
CAEN. — Avant d'entrer dans la période
des examens et des concours l'Ecole nationale
de musique a fait entendre ses meilleurs élèves
Application
raisonnêe des
meilleurs procédés
pédagogiques
et techniques
employés par tes
grands maîtres
contemporains
français
et étrangers.
LEÇONS de PIANO
VIOLONS, SOLFÈGE HARMONIE
VAR CORRESPONDANCE
COURS SINAT
Rue Franklin. 5. TARIS — Trocadéro.
L'ACTUALITE MUSICALE
203
dans un concert-exercice des plus intéressants.
Les élèves de la classe de musique de chambre,
que dirige M. Mancini, directeur de l'École,
ont joué avec une véritable perfection un trio
de Mozart et un quatuor d'Haydn. Les
classes d'orchestre, d'ensemble vocal, de violon
et de chant, ont été également très remarquées.
Le lendemain de cette audition l'Ecole, qui
vient d'être à nouveau érigée en Ecole nationale,
a reçu la visite de M. P. V. de la Nux,
inspecteur de l'enseignement musical.
Dans un concert hors série, l'Association
artistique des grands concerts caennais vient
de donner avec succès, sous la direction de son
chef d'orchestre, M. Sechiari, une exécution
intégrale de Rédemption.
A. M.
NARBONNE. — La Société des concerts
fondée en 1895 sous le nom de '■^ Symphonie
Amicale ''\ç.X. dirigée depuis par M. Emile-
Louis Fabre, nous a donné cette année après
son concert spirituel de la St-Cécile en l'Eglise
St-Paul-Serge, trois excellentes auditions clas-
siques.
Parmi les œuvres qui nous ont le plus
intéressé, citons : Habanera de Chabrier, la
Symphonie en ut majeur de Mozart, La Séré-
nade de Widor dans laquelle furent très
remarqués le violon de M"" Schneider et le
violoncelle de M^' Blanc. Nous nous en vou-
drions d'oublier celui de M'" Dangibaud dans
dans la scène religieuse des Erinnyes de
Massenet. Cette société qui compte 40 mem-
bres exécutants, n'est composée que d'amateurs
et de professionnels non rétribués, tous gens
de goût qui font de la musique pour leur plai-
sir et celui des autres. Nous les en félicitons
sincèrement. Nous parlerons prochainement du
dernier concert de la saison.
Scherzo.
LYON. — Bien que les grands concerts
aient pris fin la semaine sainte nous devons
encore signaler pendant ce mois d'avril un
certain nombre d'auditions intéressantes. Le
2 avril, le Tonkûnstler-Orchester de Munich,
sous la direction du kapellmeisîer J. Lasalle,
donnait un superbe concert dans la salle
Rameau devant des spectateurs malheureuse-
ment trop clairsemés. Au retour d'une tournée
triomphale en Espagne et au Portugal, cette
excellente phalange d'artistes s'arrêtera de
nouveau à Lyon et cette fois toutes les places
sont déjà retenues.
Mentionnons encore les séances de l'excel-
lent quatuor Gillardini, Vieux, Loiseau et
Hekking, qui a joué en dehors des œuvres
classiques un quintette inédit de V. Neuville,
un concert donné par M'' et M^^^ Péronnet et
enfin une audition du célèbre trio Cortot-
Thibaud-Casals, dans laquelle on a fort
applaudi une sonate pour piano et violon
de M. Witkowski. E. B.
Belgique
Au moment où l'Exposition Internationale de Bruxelles vient de
s'ouvrir solennellement, sous le haut patronage de L.L. M. M. le Roi
et la Reine de Belgique, nous nous faisons un \éritable plaisir d'offrir
à nos lecteurs la reproduction d'une lettre que S. M. le Roi Albert
daigna faire tenir à notre rédacteur en chef pour la Belgique :
M. René Lyr. Cette lettre nous flatte infiniment et nous exprimons
à Sa Majesté une sincère gratitude pour l'attention qu'EUe \ eut bien
accorder à notre effort artistique.
La Belgique, en ce moment, connaît une ère d'apogée qui tait
songer aux plus fastueuses époques de son passé.
C'est à cette heure que de jeunes sou^■erains, profondément
épris de Beauté montent sur le trône, et, par la main gracieuse de
S. M. la Reine Elisabeth, Ton peut dire que l'Art lui-même tient
le sceptre aux côtés du Roi Albert. Car la Reine de Belgique est
une musicienne enthousiaste et fervente. Violoniste de grand talent,
elle étudia passionnément les classiques. On put la \oir, émue et toute
recueillie, au temple de Bayreuth. Elle honore de son amitié le maître
Camille St Saëns, qu'elle rencontra en compagnie de Massenet à
Monaco. Elle fut à Pelléas et Mélisande, suivant sur la partition le
dessin subtil de l'œuvre. Elle admire Brahms et Richard Strauss. " Sa
Majesté, nous disait M. Deru, l'éminent virtuose, son professeur
depuis cinq ans, travaille avec une fougue admirable, de longues
heures par jour, et tort sérieusement. Elle parfait son érudition
musicale et littéraire. ProchainemiMit même, elle commencera le
contrepoint et la fugue, a\ec le Maître Edgar 'l'inel. Nul doute que
sous Son Règne, la musique ne soit tout particulièrement en faveur."
Nous nous réjouissons de pressentir, pour les artistes belges, nos
amis, une efBorescence merveilleuse, et nous nous tirons un devoir
d'aider à cet essor d'un peuple, dont le Génie s'est imposé à
l'admiration universelle. Que J^.L. M. M. le Roi it la Reine île
Belgique daignent en accepter le gage respictui-u\, a\ec l'ixpression
de nos sentiments (radinii.itiim rrcoiiiiaissanti',
LA RKDAC riON.
SECRÉTARIAT DES COMMANOEWENTS DU ROI
/.
t ^
jalaxs ire ^xumAIèq .
•^i-^e-MjLJ: -7rr..^i=i^''rz.<Z^fiu..:i/c .^ ^.^r^-ZHiuA. x^c-tx. c^î'^:-<iri-7-i^=/ .c-hx/:^:^tjt (A^^c^C^/iU.
^=3^<_ -TT-ZxCi. (Lc-rz.'^^^^caC^'
>^ ^3^^^<tyi..,(iyàe=i^,ejc.,^
U^&
c7^^^TK?2r--'7r?Tux- -.o^ <6tÙc^
_^ct
LETTRE DE S. M. LE ROI ALBERT I
VIENT DE PARAITRE
A LA
MAISON BEETHOVEN
(GEORGES OERTEL)
RUE DE LA RÉGENCE, 17-19, BRUXELLES.
C. THOMSON
ZIGEUNER RHAPSODIE
Pour Violon et Orchestre
Réduction : VIOLON ET PIANO, net 6.00
EN LOCATION LE MATERIEL D'ORCHESTKE
CHOPIN-THOMSON
MAZURKA op. 7 No. I. Violon et Piano, net 2.00
KN PREPARylTION :
ROOVERSLIEFDE
DrAMK LvRKiUK EN UN ACTE DK P_ GILSON
I^Aini ri()\ : Piano et Chant.
L'ACTUALITE MUSICALE
207
BRUXELLES. — Avant de présenter les
informations du mois, nous devons exprimer
;i nos lecteurs de vives excuses, et nos rci^rets.
Plusieurs coquilles typographiques se sont
glissées, en eftbt dans la copie du mois dernier.
C'est ainsi que les noms de MM. Lucien
Mawet, F. Rasse et Boute, sont devenus
Mamot, Roue et Bonté. La disposition des
points, virgules, tirets, etc., a souffert de même,
mais une faute surtout est impardonnable...
On nous a fait dire, à certain endroit : " Lais-
sons ces fillettes se Débaucher ". Nos lecteurs
' auront rectifié d'eux-mêmes, après un com-
préhensible sursaut. Nous avions écrit : déhan-
cher.
A l'Exposition. Le programme, que nous
avions annoncé, il y a deux mois, comportait,
pour la séance d'inauguration, une ouverture
de Paul Gilson, et pour la saison, sept à huit
grands concerts symphoniques de musique
belge. — Hélas, — un différend, d'ordre
purement et tristement financier, est survenu
au dernier moment entre le Comité artistique
de la JVorlds Faïr et le Syndicat des artistes
musiciens. Nous n'avons pas à rechercher ici
qui a raison, qui a tort, mais nous déplorons
vivement la décision prise à cette occasion,
car non seulement l'œuvre de Gilson ne sera
pas exécutée, mais il paraît que les concerts
symphoniques n'auront pas lieu non plus.
C'est franchement pénible : on trouve bien
des millions pour des attractions souvent bêtes
à pleurer, et pour l'amusement des badauds.
— N'est-il donc pas, au sein du comité
" artistique " un homme suffisamment enthou-
siaste à l'égard des choses d'Art, et en parti-
culier de la Musique, pour mettre au-dessus
■de toute préoccupation d'intérêt, l'expression
musicale de notre peuple .'' Celui-là aurait le
geste que nous attendons, malgré tout.
Groupe de Bruxelles de la S. L M.
Devant une assistance choisie, où sont réunis
les "princes" de notre critique, grand air
austère et mine grave, ainsi que l'élite de
nos musiciens, M. E. Closson, secrétaire de
la section, conservateur adjoint du musée du
conservatoire, parle du 17® siècle musical, et
du compositeur gsintois Loei/Iet, (165 3- 1728)
que I audition nous révèle, par trois sonates,
harmonisées par l'excellent compositeur Alex-
andre Bêon, avec une science, un tact, une
couleur remarquables.
Une suite pour viole de gambe et clavecin,
du compositeur parisien De Caix d' Hervé lois ^
(17*^ siècle) fut aussi fort goûtée.
M""' Beon tient éminemment le clavecin,
MM. Van Hout, Delfosse et Boone sont tous
trois d'impeccable artistes. Bref ! vif succès,
pour les organisateurs, et pour les interprètes,
et pour la jeune section S. L M.
Concerts : au Récital Litvinne, le 19 avril,
à la grande harmonie, un air d'Alceste, des
lieder de Beethoven, Fauré, Moussorgsky, et
la nuit d'Isolde, — avec le concours de Paul
Bazelaire, virtuose français bien connu, et
Lauweryns, pianiste-accompagnateur.
La chanson française^ du XIP et XIX'' siècle,
à l'Université Nouvelle, par Lucien de Clagny,
de l'Académie de Genève, et M"'' Luquiens,
cantatrice.
A la grande Harmonie, César Thomson se
fait applaudir chaleureusement un fois de plus,
devant une salle bondée.
La groupe des compositeurs donne sa troi-
sième séance, le 28 avril, Salle Patria, avec le
concours de M^^" Poirier, MM. Rasse, Wilford,
pianistes, Samuel, violoniste, La Chorale Mixte,
D''. Marivoet, et la Société de Musique de
Chambre de Bruxelles.
Au programme : Œuvres de Wilfordt,
Frémolle, Dupuis, Samuel, Rasse, Jongen,
Gilson et Dubois.
Salle Patria., le 25 avril, récital du violoniste
Schkohiick.
Au programme : Thomson-Tchaikowsky,
J. S. Bach, H. W. Ernst, Pianiste : Gabriel
Minet.
Au Conservatoire. Dimanche 24 avril, au-
dition de fragments importants de Parsifal,
avec le concours de M™® Emma Beauck, la
cantatrice compréhensive et passionnée, et
Ernest Van Dyck, l'éminent créateur wagné-
rien. Séance d'un art très élevé.
ANVERS. — Opéra Flamand. — " U An-
neau du Nihelung ",
238
L'ACTUALITE MUSICALE
L'Opéra flamand a donné, avec beaucoup
de succès, la célèbre tétralogie. Ce qu'il faut
admirer avant tout, et j'en félicite notre
Directeur M. Henrv Fontaine, c'est d'avoir
tenté de monter une œuvre aussi gigantesque,
avec ses propres pensionnaires, sans le concours
d'aucun artiste étranger. La tentative a réussi:
un théâtre, encore à son aurore, ne doit exiger
davantage. Cet effort artistique a été unani-
mement apprécié.
L'orchestre sous la baguette de M. Julius
Schrey est mer\eilleux. Une scène nouvelle,
avec des décors neufs, un éclairage moderne
et coûteux, avec tous les effets de lumière
voulus (car notre Ville d'Anvers, pour ce
théâtre^ ne regarde pas à la dépense) a la
tâche facile pour donner un cadre riche à de
pareils ouvrages.
Parmi, les interprètes, quelques-uns sont
excellents, d'autresmontrent beaucoup de bonne
volonté.
C. DE Gers.
ARLON. — Le Concert annuel que
VEcole rie A^uùqut- donné à l'occasion de la
distribution des prix a été fort intéressant. On
\ a entendu du Mozart, du Beethoven, du
Gluck, du Rubinstein, du Weber, du Vieux-
temps.
D'exquises Rondes enfantines, de Jacques-
Dalcroze, ont été chantées par un groupe
d'enfants.
I/avant-dernière fête intime donnée par
" La JValhnc " a permis d'apprécier deux
jeiwies talents qui se faisaient entendre pour la
première fois sur une scène publique : M"^
V. Hûhn, \'oix claire et pure. AL P. Henrion,.
s'est révélé comme un bar\ton à la voix
puissante et chaude. Il se propose, nous dit-
on, de faire des études au Conservatoire de
Paris.
Jacques Dalcroze à /^Extension. — M. Buvs-
sens, i'' prix du Conservatoire Ro\al de Gand,
est venu faire à l'Extension, une causerie avec
projectit)ns lumineuses et auditions musicaU-s
COMPOSITIONS DE EDGAR TINEL
■
■
■
■
Nouvelles ê
ditions revues et corrigées
Op.
1.
Quatre Nocturnes à une
2.- ■
■
Op. 11.
Funt Gesange aus N. 1 e-
nau's " I.iediT der Sehn-
Op.
2.
Trois Morceaux de Fan-
taisie pour Piano : No. 1.
Papillon. 2 Le soir.
3. Adieu . . . complet ,.
2.—
Op. 1 2.
suclit " Moxlr allim. et fl.»
Een krans van veertien
oucl-vlaamsche nijn-
nellederen (.texte dam.'
. 2.
Op.
3.
Scherzo en ut mineur pour
piano
2.
Op. 13.
complet net
VIer oud - vlaanische
. 5.
Op.
4.
Drie LIederen (texte fl.l. „
1.75
di'lnkliederen itcxie (l.i
Op.
5.
Quatre Mélodies ;
1. 1.,'Aulomnc-
2. Chnrmanlc Uo.se. . . ,
3. B<-l Lnfant, souris-moi . ..
4. L'Oracle en difaul. . ..
idem . . conipitl net . ..
1 .
1.35
0.85
1 .OO
2.50
Op. 14.
complet net
Au piintenips, cinq mor-
ceaux de fantaisie p piano;
1. Hymne. 2. Joie. 3. Pen-
tes fleurs 1... 4. Ave Maria
5. Dan.se de paysans . .
. 2.50
. 4.
Op.
6.
Deux Mélodies :
1 . 1 .'Aniii-lu9
2. Pourquoi „
1.35
1.35
Op. 17.
Marche exiraile de la can-
tate ■• Kl,.kke Koeland "
pour Piano ii 4 mains . .
. 2.50
Op.
7.
1. Impromplu-vnlic. p. piano „
2. Chnnuon, pour pinno . . .,
2.-
1.
MO' che p. pinno n 2 mjins
Wfivnrslled uil de caninir
. 2.
Op.
8
Sechs Liecler iind Gesniig
Mi-xlL- allemand >l (Inniandl ..
3.
Op. H).
■■ Klokke Roeland " . .
Marche Nuptiale iwur
. 1.35
Op.
').
Sonato pour piano . ne( „
5.
piano il 4 m. lins ....
. 3.
Op.
10
Schllflleder von iAfico/o.i
l.rnnii Hrxle nllcm. cl fl 1 ..
2.
Le Mois do Mal la Ma-
rie i Mrlo,l,e ....
, 1.35
■
■
■
■
■
■
SCHOTT FRÈRES, Éditeurs de Musique à BRUXELLES
L'ACTUALITK MUSICALE
209
sur Jacques Dalcro/.c, poète et compositeur.
Toutes ces chansons ont été dites par I\^.
Ikiyssens, avec un sentiment très juste des
nuances.
CHARLEROI. — Musique de Chambre.
— Comme toujours, salle comble à la qua-
trième séance de Musique de Chambre, salon
du Grand Hôtel Gruber.
Le programme débutait par une pastorale
de G. Pierné. Suivait le concerto en do majeur
d'Haydn pour violon et piano qui fut bien
joué par M. Joan Frigola : ce jeune violoniste
espagnol a de l'étoffe, il possède le mécanisme
de son instrument mais doit travailler l'inter-
prétation des maîtres.
Le morceau de résistance fut sûrement
" Chanson et Danses de V. d'Yndy ". Quelles
sonorités ! quels rythmes ! quelle richesse !
Toute banalité est proscrite de cette pièce
qui fut loin de plaire à la majorité de l'auditoire.
Mon voisin d'en face se démenait comme un
diable sous les effluves de cette musique trop
riche.
Survint heureusement le virtuose espagnol
qui nous donna la " Jota Aragonesa de P. de
Sarasate et autres inepties acrobatiques, en
supplément. La face du voisin s'est épanouie !
Le septuor de Thuille pour flûte, hautbois,
clarinette, basson, cor et piano terminait
dignement cette soirée.
L'interprétation des morceaux d'ensemble
n'a rien laissé à désirer et nous pouvons affirmer
que nous possédons à Charleroi une pléiade
d'artistes remarquable. Nous devons féliciter
M. J. Quinet de l'initiative qu'il a prise en
instituant ces séances. Franz Ruty.
LIEGE, 15 avril 1910. . — Le second
concert du Conservatoire, dont le programme
était uniquement consacré à César Franck,
n'a guère réalisé l'idéal de l'interprétation de
ce maître. De malencontreuses coupures sé-
paraient Psyché. Les trois Béatitudes inscrites
au programme, ont pâti d'une lenteur et d'une
froideur d'exécution décourageantes. Les chœurs
seuls étaient bien stylés (par MM. Debefve
et Delsemme).
A la dernière audition, on a entendu avec
intérêt la symphonie op. 26 en ut majeur
de M. J^éon Delcroix : l'orchestration en
est riche, elle évoque le drame lyrique.
L'œuvre en entier témoigne d'un excellent
musicien, rompu à la technique de son art. —
Le mélodrame Christine de M. Gustave
Huberti a laissé plutôt froid, mais on a applaudi
vigoureusement cette page courte et prenante:
le songe de Pauline, tirée du Polyeucte de M.
Edgar Tinel. — Enfin, le concerto de piano
de M. Cari Smulders, très artistement rendu
par M. Maurice Jaspai, a obtenu un grand
succès.
Nous ne citerons que pour mémoire une
audition de l'intéressante cantatrice, M"'' Reine
Davanzi, et ma conférence sur la naissance
du style musical moderne, donnée dans un
but de simple vulgarisation à V Amicale de
l'Ecole Moyenne.
Depuis le l'' janvier, la Société de Musicologie^
dont le premier acte a été de s'affilier à la
Société Internationale de Musique., tient régu-
lièrement ses séances et bon nombre de com-
munications intéressantes y furent faites. La
S. M. compte une trentaine de membres et
s'occupe spécialement d'études locales. Elle a
reçu des encouragements des autorités liégeoises
et tout fait prévoir que ses travaux en cours
jetteront quelque clarté sur l'histoire de, la
musique à Liège, histoire plus riche que l'on
ne pourrait l'imaginer de prime abord. Le
bureau de la S. M. est composé comme suit :
Président, M. le D'' Jorissenne ; Vice-prési-
dents, MM. Jules Ghymen et le D'" Dwels-
hauwers ; Secrétaire, M. Alexis ; Trésorier,
M. Henry Dabin ; Archiviste, M. Jean
Dabin. Le siège de la Société se trouve 45,
rue de l'Université, à Liège.
D'" DWELSHAUWERS.
MONS. — Grand Concert, le 24 avril
dernier, en la Salle du Théâtre, avec le con-
cours de MM. L. Capet, violoniste,. Cluytens,
pianiste. M""' Bernard, harpiste, et des sociétés
chorales de Flénu et Mons : "Art et Agré-
ment", "Roland de Lassus ". — D''^M.
Lexin.
2IO
L'ACTUALITE MUSICALE
ARLON. — Un concours mnsical. — Habay-
la-Neuve, ce joli coin de villégiature arden-
naise, organise, pour le 5 Juin prochain, un
festival avec concours de défilé. Une vingtaine
de sociétés ont déjà envoyé leur adhésion.
La société d'agrément " La Wallone ",
d'Arlon, avait fait appel, pour son concert du
16 Avril dernier, à deux brillants artistes
liégeois : MM. Paul Scheepers, ténor Solo de
la Royale Legia^ et Gérard Delhasche, Chan-
teur Comique Wallon du Théâtre de la
Renaissance, surnommé le Dranem Liégeois.
Leur succès a été très grand.
A cette soirée, on a entendu également une
jeune artiste d'Arlon, aussi modeste qu'extraor-
dinairement douée : M"*^ Léa Waldbillig, vio-
loniste, l"" prix du Conservatoire de Liège.
Elle a joué avec un art parfait l'admirable
Fantasia^ de Vieuxtemps.
M"'' Spierttel, professeur à l'Ecole de musi-
que d'Arlon, organise pour le 5 juin prochain,
un concert dont Grieg et Debussy surtout
feront les frais.
Cela promet une intéressante soirée d'art.
Étranger
AMÉRIQUE. — L'Amérique est en ce
moment en proie à une crise d'opéra. Les deux
opéras de New York et celui de Boston jouent,
en dehors de leurs villes respectives dans toutes
les villes où ils peuvent espérer un public :
Philadelphie, Chicago, Pittsburg, St. Louis,
Cincinnati, Washington, Haltimorc.
En attendant qu'elles s'unissent, les deux
houses de New York se dédoublent encore. Le
métropolitan joue simultanément l'opéra au
métropolitan et l'opéra comique au New
Théâtre, un ex(|uis nouveau théâtre de comé-
die où l'on donne deux représentations lyriques
par semaine et un concert symphonique le
Dimanche.
Hammrrstfin, l'aitif Ostar, fait construire
une salle de théâtre sur le toit de son Man-
hattan opéra housc et, dans quelques semaines
lorsque sa troupe d'opéra-comique et d'opé-
rette sera revenue du Canada où elle est alL
chercher un succès que New York lui refu-
sait l'intrépide manager tentera à nouveau
répreuve et jouera la Mascotte sur le toit et
Tannhaiiser en dessous.
Ce Tannhauser chanté en français avait \u\
peu inquiété les New Yorkais ; car si ceux-ci
acceptent des Butterfi\' en anglais, di.-^
Mignon ou Faust en Italien, des Carmen avec
des chœurs en Italien, et des Trovatare avec
des râles en Allemand ; ils deviennent tout à
coup minutieux à l'endroit de leur idole
populaire Richard Wagner et ne prévoient
pas que Taiinhaiiscr puisse se Franciser, fût-ce
le Tannhauser de la version de Paris. Il faut
reconnaître d'ailleurs qu'à la première toutes
ces préventions ont disparu devant une très
bonne interprétation dont Renaud fut l'étoile
avec sa Romance. Ceci est une nouvelle preuve
de l'extrême bonne volonté du public améri-
cain : s'il a des préjugés il sait les oublier pour
se rendre à l'évidence.
Le même Manhattan annonce pour bientôt
Elektra, puis Aphrodite, Monna Vanna. Cela
fera une diversion à l'avalanche d'opéras de
Massenet joués depuis le début de la saison
dans les 2 opéras : Manon, Werther, Thaïs,
Sapho, Hérodiade, Griselidis, le Jongleur.
Enfin la Presse s'étant un peu inquiété de
cette Massenepidémie, on revient à Faust
a\ec Gardcn, Carmen avec Cavalieri, Orphée
avec M"" Homcr, puis l'on reprendra Hansel
et Gretel, la Fiancée Vendue et les Contes
d'Hoffmann.
Avant d'en finir a\ec les opéras je tiens à
signaler les représentations de la fille de Mme
Angot avec E. Clément ; et une reprise
d'un vieil opéra comique allemand de l^irtzing,
Czar et Charpentier i|ui avec Werther (Clé-
ment, Farrar, Gilles) Don Pasquale (Honci)
forment le principal liu répertoire de ce New
Théâtre déjà cité.
Ne crove/, que cette axalanche île représen-
tations lyricpies ; (j'en ai compté b en 6 jours)
soit le seul élément musical de New "h'ork.
Les concerts s\ inplioiiiiiues ont aussi leur
clientèle assiilue.
Les deux pi iiiciiiales organisations qui rap-
L'ACTUALITE MUSICALE
21 I
pellent assez Colonne et Lamoureux tant par
leurs programmes que par leur bienfaisante
rivalité sont la New York Symphony Society
dirigée par Walter Damrosch et la New York
Philharmonie Society réorganisée cette année
et confiée à la baguette de Gustav Malher.
D'autres orchestres symphoniques donnent
également des séries de concerts. La plus
importante après celles citées plus haut est la
Russian Symphony Society dont l'actif chef
M. Modest Atschuler consacre exclusivement
ses intéressants programmes à la musique
Russe. Viennent ensuite l'orchestre Valpe qui
joua la symphonie de Franck dernièrement ;
et les concerts populaires conduits par F. Arens.
De plus la Boston Symphony donne à New
York 10 concerts par an sous la direction de
son chef Max Fiedler.
Enfin les 2 opéras, ne pouvant donner de
représentations défendues par la loi, donnent le
dimanche soir des concerts de chanteurs où
parfois est exécuté une pièce symphonique
importante.
La musique de Chambre, moins favorisée
ne se débat pas moins contre cette terrible
concurrence d'opéras et de symphonies. Le
Quatuor Kneisel donne des auditions mo-
dèles et est la seule organisation de ce genre
qui fasse régulièrement salle comble. D'autres
groupes méritent d'être cités : le Quatuor
Flonzaley ; le Philharmonie Trio, le Mar-
quilies Trio, etc.
Enfin la Musical Art Society, chœurs d'ar-
tistes professionnels,et l'Oratorio Society, chœur
de 500 exécutants donnent aussi leurs auditions
sous la direction de Frank Damrosch.
La Musical Art Society ne donne que
deux concerts par saison, où se rencontre tout
ce que New York connait d'élégance musicale.
Le programme du i'^'' concert débutait par
une suite de Six Ave Maria exécutés dans un
ordre quasi chronologique Palestrina, Vittoria,
Arcadelt, Liszt, Franck, Mendelssohn.
Ici, comme en France, la musique comporte
une large part de snobisme. La différence
qui existe ici est cependant à l'avantage du
public américain. S'il a parfois des naïvetés qui
permettent d'accepter sur un programme des
voisinages paradoxaux, il découle de ces
naïvetés même un éclectisme d'assez bon aloi
et dépourvu de ces partis pris si fréquents dans
la " haute société musicale parisienne. " Je
connais de ces milieux à Paris où le seul nom
de Mendelssohn provoque presque des nausées.
Ici le tnusic love?- aime Mendelssohn franche-
ment et sans arrière pensée. Son Ave Maria,
chanté avec enthousiasme, fut- acclamé de
même ; et ce fut justice.
A ce même concert les 3 chansons de
Ch. d'Orléans musiquées par Debussy ont été
bissées. Elles furent le point culminant de ce
très intéressant programme avec deux chœurs
de Brahms avec soli et orchestre : Rhapsody
et Nâmè.
Le nom de Debussy a d'ailleurs ici la même
influence magnifique qu'à Paris entre le
Châtelet et la salle Gaveau.
M. Walter Damrosch, de retour de sa
tournée de jubilé (25 ans de sa carrière de chef
d'orchestre) annonce un concert complet de
Debussy : L'Après-midi, — les Nocturnes, —
marche Ecossaise, — etc.
Les virtuoses sont toujours légion. Ils sont
trop connus des deux continents pour qu'il soit
utile de mentionner leurs succès, leurs noms
suflRsent en voici quelques uns :
M'^^^ Carreno, MM. Rachmaninoff, Mischa
Elman, Kreisler, Busoni, j'ai entendu dire que
ce dernier avait proposé la formation d'une
ligue contre l'abus des concerts, je suis sur
qu'il acceptera quelques exceptions; ne serait
ce que pour les récitals de piano ! ! ! !
George Barrère.
LONDRES. — "L'Enfant Prodigue,"
scène lyrique de Claude Debussy, vient d'être
représenté, avec grand succès, au Royal Opéra
Covent Garden, sous la remarquable direction
orchestrale de M. Percy Pitt et on annonce
une reprise de " Pelléas et Melisande. "
PAYS DE GALLES. — Pour la première
fois à la fête de Saint David patron du pays
de Galles, qu'on célébrait à l'University Col-
lège d'Aberystwyth un programme presque
entièrement consacré à la musique française
LEO OLSCHKI
FLORENCE Lungamo Acciaioli 4.
LIBRAIRIE ANCIENNE
Puici (Luigii, Di iadcs d'umorc s a.
Catalogues de Musique ancienne Rarissime
Manuscrits, Tablatures, Antiphonaires
Hymnologie, Chansons.
BIBLIOFILIA, revue mensuelle, illustrée et connue dans
le monde entier des biblioj)liiles. (\Jn an 30 fr.)
L'ACTUALITE MUSICALE
213
a ctc donne. La Danse Macabre et le ]-*iélucle
du Déluge de Saint Saëns ; la Nuit de Rey-
naldo Hahn exécutée avec beaucoup de déli-
catesse par un Octuor Vocal ; le Renouveau
de Jean Hubert chanté par Madame André
Barbier ; une sonate d'Aubert frère et une
Berceuse pour violon de Février interprétée
par M. Tom Williams.
Ces (fuvrcs toutes inconnues de l'auditoire
furent povu'tant chaudement accueillies. C'est
un premier pas qui nous fait espérer beaucoup
pour la propagation de notre art musical
'français dans un pays où jusqu'à présent la
musique allemande avait seule pénétré.
L. A. B.
VARSOVIE. — A part nos concerts
habituels, qui apportent toujours des nouveau-
tés symphoniques très intéressantes [Poëme
d^ extase de Scriabine, Boleslas le Hardi de
Rozycki jeune compositeur polonais d''un
talent remarquable), l'événement le plus
important de la saison était le centenaire de
la naissance de Chopin. Le 22 février fut un
jour de fête pour Varsovie : le matin messe
solennelle célébrée à l'église de la St. -Croix
(où gît le cœur de Chopin), le soir grand
concert à la salle de la Philharmonique. Après
le discours de Mr. Opienski, qui dans des
termes chaleureux caractérisa l'importance
de la musique de notre génie national, qui a
su être un génie universel, aux sons de la
Polonaise en la majeur — toute la salle
debout — les nombreuses couronnes portées
par les délégations ont été déposées au pied du
buste de Chopin, qui dominait l'estrade en-
touré de verdure. Moment d'émotion et d'en-
thousiasme poignant ! Le concert en mi
exécuté par Mr. Melcer, la sonate pour violon-
celle et piano ainsi que les mélodies de
Chopin chantées par Mr.Brzezinski et le beau
poëme de C. Norwid' ont suivi. Au nombre
des grands succès de la saison il faut signaler
le concert de M°"^ Wanda Landowska qui
après sa tournée en Russie s'est fait entendre
une seule fois à Varsovie dans des oeuvres de
Bach, de Mozart, Rameau Çouperin, etc.
VIENNE. — Je me hâte de vous signaler
le succès de l'opéra de Julius Bittner, Der
Mnslkant^ dont je vous parlerai en détail dans
une lettre prochaine. C'est une sorte de
Louise viennois, avec une description de la vie
bourgeoise. Le premier acte se passe à Paris,
de manière à former contraste.
La Section de Vienne a réuni ses membres
pour entendre M""''* Landowska, Cahier, et
M. A. Rosé, dans des œuvres de J. S. Bach.
Le premier concert organisé par le
" Merker " a eu lieu le 19. Au programme,
des œuvres de Bruno Walter et de J. Bittner.
Le 24, grande manifestation en présence
de l'Empereur et de toute la cour, pour
célébrer le jubilé de la Philharmonique. Sous
la direction de Weintgartner : le Te Deum
de Bruckner et la Neuvième. Puis grande
réception à l'Hôtel de Ville, et remise solen-
nelle de la Médaille d'or à la Philharmonique,
par le Maire, au nom de l'Empereur. Déléga-
tions, toasts, jubilation, etc..
ESPAGNE. — A Bilbao, grand concerj:
annuel de l'Académie de' musique. Puis Rosé".
— A Oviedo, Emil Sauer. — A Cadix, exé-
cution du Stabat de Antonio Maqueda, qui
mourut maître de chapelle de la Cathédrale
de Cadix en 1905, à 95 ans,
LEIPZIG. — Les dernières œuvres de
M. Max Reger sont bien faites pour lui attirer
un nombre d'admirateurs toujours plus grand
et toujours plus convaincus. Le Tsaume lOO'
eut sa première exécution, presque simultané-
ment, à Breslau et à Chemnitz, ici sous la
direction de l'auteur, dans l'église Saint Luc,,
le jour de la pénitence nationale en Saxe. Ce
n'en fut pas une pour les auditeurs. L'œuvre
s'intitule poème musical (Tondichtung) pour
chœur, orgue et orchestre, et démontre une
fois de plus combien l'auteur, dans ses travaux
de grande envergure, est un maître de la
forme en même temps qu'un musicien pro-
fondément inspiré. Ce n'est pas qu'il se plie à
des règles étroites, ou s'astreigne à suivre une
théorie préconçue. Il se permet au contraire
de faire le philosophe et de mêler, à son idée^
214
L'ACTUALITE MUSICALE
sa \ oix à celle du Psalmiste, tout en érigeant
une architecture d'une magnifique stabilité.
Cet opus io6 se compose de trois parties : la
première de louange et de cris de joie ; la
seconde toute de douceur et d'humilité ; et la
troisième d'exaltation, éclate en une double
fu2;ue qui s'enfle et monte, monte à de telles
hauteurs qu'elle s'arrête comme hésitante,
prise de doute... Alors, des profondeurs des
trombones, le compositeur proclame : E'in
feste Burg is ufiscr Gott ! et le ch(Eur reprend
et achève dans les transports de la joie con-
fiante. — L'opus 107 n'est qu'une sonate
pour clarinette^ la troisième (exécutée par
Bading au Gervandhaus), un chant de navrante
désolation qui épuise et exagère peut-être le
caractère spécial de l'instrument ; l'auteur y
module moins incessamment que d'ordinaire,
ses harmonies y ont plus de calme ; le succès
a été très marqué. — L'op. I lO, n" l, exécuté
par le chœur de l'église de la Croix à Dresde
a produit une grande impression : c'est un
motet à cinq voix, Mon souffle est faible^ d'une
écriture orchestrale sans égard pour les chan-
teurs, mais d'une intensité de sentiment reli-
gieux et d'une puissance que l'on compare
directement à Bach.
M. M.
MUNICH. — Aux grandes œuvres les
grands orchestres ; aux grands orchestres les
vastes salles. Munich n'en avait pas encore
pour les fêtes musicales de l'été prochain, elle
l'a fait construire par l'excellent architecte
Theod. Fischer dans une des halles d'exposi-
tion de l'an dernier. L'épreuve acoustique a
donné le résultat le plus satisfaisant.
La salle est en amphithéâtre et en 1er à
cheval ; le parquet, les stalles, les loges et les
galeries pourront contenir plus de 3500 per-
sonnes. 1 /'estrade donne place à un orchestre
de I 50 instrumentistes et sur les grailins qui
montent jusqu'à la tribune de l'orgue pourront
se poster des chœurs de 800 chanteurs.
C'est Ici qu'auront lieu les Concerts de la
Semaine Strauss; les 12 concerts du cycle
Beethoven-Brahms-Hruckner que dirigera M.
P'erd. Lœwe les 5, H, 10, 13, 17, 19, 22, 24,
27 et 31 août, les 2 et 4 septembre ; l'exécu-
tion de la VHP de G. ^'lahler et d'autres
festivals d'une non moindre importance.
On y donnera aussi l'opérette, et les Lehar,
les A. Strauss, les Léo Fall, le maître clas-
sique de la valse viennoise CM. Fiehrer,
viendront y prendre la baguette. Pour les
représentations, l'orchestre descendra dans
l'abîme ménagé en avant et en contre-bas de
l'estrade.
La musique vocale est relati\ement négligée
à Munich. Il existe bien une cinqua?itaine de
chorales, mais quoiqu'il soit touchant de les
entendre gra\ ement répéter dans les salles de
brasseries et de restaurants, jusque tard le soir,
en manière de repos après les besognes de la
journée, ces diverses associations d'employés,
d'artisans ou d'ouvriers, sont tout juste capa-
bles de chanter une grand'messe ou de figurer
aux fêtes des corporations.
Pour le chant artistique, il n'y a guère que
le Chorschulvercin que dirige depuis bientôt
trente ans, l'organiste de la Cathédrale M.
Eugène Wœhrie ; la Société de chant des Insti-
tuteurs (Lehrergesangverein) président M. G.
Friedrich, inspecteur scolaire ; la Socit'tt^ aca-
démique de chant et la Société pour les Concerts
de musique chorale (Konzertgesellschaft filr
Chormiisik) fondée et dirigée par M. Ludwig
Hess qui la soutient de son triple prestige de
chanteur, un des ténors les plus artistes de
l'Allemagne actuelle, de compositeur et de
Kapellmeister.
Une nouvelle Société, récemment créée par
M. Jan Ingenhoven, est venue combler une
lacune en se proposant a\ant tout d'exécuter
la musique vocale n capel/a, ancienne et mo-
derne. Bien qu'à l'exemple du double Quatuor
Bartli, elle s'intitule Madrigal-l'ereinigung^
elle ne se privera pjis d'exécuter également
des œuvres avec accompagnement d'instru-
ments, sinon précisément d'orchestre ; le
nombre de ses membres lui permettra de ne
pas se limiter aux chœurs mixtes, mais de
s'attaquer aussi aux (vu\res plus rares, écrites
pour voix (le femmes ou d'hommes seules.
Ces membres, dont plusieurs ont iléjà une ré-
putation de solistes, sont : M'""" Béatrice
L'ACTUALITE MUSICALE
215
Brehm, Doris Friess-Lanquillon, Dora Utz
(premiers soprani) ; Else Lauter, Nelsa Rudolf
(2'^^ soprani) ; Marie Henke, Thila Kœnig,
Aime Pœhn, Marthe Schaiim-Haussman
(altos) ; MM. Ant. Schlosser, Ludw. Renner
(ténors) ; Herbert Mayer, Hans Werner,
Koffka (basses).
De nouveaux impôts sont entrés en vigueur
et c'est le première fois qu'on en lève un sur
les divertissements publics; il frappe indiffé-
remment mais très inégalement les théâtres,
Les concerts et les brasseries qui entretiennent
quelques musiciens populaires.
Aux théâtres de la Cour l'impôt sera de
10 pfennig sur les places de plus de 2 mark
à 5 mk ; de 20 pf. pour celles de 5 à 12 mk ;
de 40 pf. au-dessus de 12 mk. Cependant les
deux places bon marché, dont le prix ne dé-
passe pas 3 mk, demeureront exemptes d'im-
pôt. Dans les autres théâtres de la ville, où le
prix des places est bien plus bas, il sera déjà
prélevé 5 pf. sur les billets de i à 2 mk.
Pour les concerts le droit, que prélève la
municipalité, qui doit ici aussi aller aux
pauvres, est fixé d'après le prix des billets,
mais il peut être prélevé sur la recette brute
ou, en bloc, sur une recette maximum fictive.
D'où mécontentements.
Pour les brasseries et restaurants c'est encore
pire : le droit pèsera jusque sur les billets
d'entrée à 50, 30 et 20 pf., à raison de 5 pf.
par billet.
M. M.
SAINT-GALL. — Pour le concert où
elle vient d'exécuter la Création d'Haydn, la
Société des chanteurs " Frohsinn " a joint à
son programme le fac-similé de celui de la
première audition de l'œuvre : Vienne, au
Théâtre de la Horburg, le 19 mars 1799. La
note qui l'accompagnait ne manque pas de
charme.
" Rien ne peut, pour Haydn, être plus
flatteur que les applaudissements du public.
Les mériter a toujours été son désir le plus
vif, et il a déjà eu souvent, plus même qu'il
n'aurait osé se le promettre, le bonheur de les
obtenir. Il espère cette fois encore, trouver à
l'égard de l'œuvre annoncée, la même bien-
veillance qu'il a rencontrée jusqu'ici pour son
réconfort, avec reconnaissance. Cependant il
désire encore, au cas où le succès aurait
l'occasion de se manifester, qu'il lui soit
permis de le considérer certes comme un
témoignage très précieux de satisfaction, mais
non comme l'ordre de recommencer l'un des
morceaux, parce qu'ainsi l'exacte union des
diflPérentes parties, dont la suite ininterrompue
doit produire l'effet d'ensemble, serait néces-
sairement détruite et par conséquent le plaisir,
dont une réputation peut-être trop favorable
aurait provoqué l'attente chez le public, se
trouverait sensiblement diminué i^
BUCAREST. — Le XVIP concert sym-
phonique populaire, consacré presque en entier
aux compositeurs allemands, " eut le don de
modifier l'opinion du plus grand nombre sur
la production musicale moderne en Allemagne."
La IV^ symphonie de Bruckner, qui paraissait
pour la première fois aux programmes de
l'orchestre officiel, n'y reviendra pas de sitôt :
sa salle archi-pleine s'est positivement mor-
fondue pendant cette heure et dix minutes
d'une musique, intitulée on ne sait pourquoi
" romantique ". Par bonheur, une autre com-
position, au fond vraiment romantique, pleine
d'idées traitées avec le lyrisme nécessaire,
ouvrait le séance : le Retour de V étranger^ de
Mendelssohn. Puis une cantatrice, M™^ Rosina
Blan-Steiner, a fait bonne impression avec le
rêve d'Eisa, des lieder de Schubert, de Brahms.
Enfin le succès bruyant fait à la Suite de
V Arlèsienne^ la 11% a bien prouvé le goût
général pour une musique moins lourde et
sans prétention.
Deux festivals Wagner dirent assez combien
on est arrivé à apprécier le grand compositeur
dramatique. Le XIX** concert symphonique
à son tour fut consacré aux maîtres français :
Berlioz, Saint-Saëns : concerto en sol mineur,
exécuté avec une rare entente musicale par le
jeune pianiste, d'ailleurs retour de Paris,
M^^® Cella Delavrancea. Mais il faut surtout
retenir un nom nouveau, celui de M. Nonna
Otescu, sorti du conservatoire de Bucarest :
k
DÉSIREZ-VOUS CONNAITRE L ADRESSE
d'une Maison donnant en LECTURE non seulement de la
Musique Française
MAIS ÉGALEMENT ET SURTOUT
r
Toute la Musique Etrangère
ET MEME DES
Partitions d'Orchestre ?
ADRESSEZ-VOUS A
M. MAX ESCHIG, 13, rue laffitte, 13, PARIS
TÉLÉPHONE I0R-I4
qui vous enverra immédiatement toutes les conditions
SERVICE POUR PARIS ET LA PROVINCE
ÉDUION POPULAIRE SIMROCK
Lks Chki-s-d'Œuvrk f:)k BRAHMS, BRUCII,
DVORAK, SC\11UTT, etc.
POUR LA MOITIÉ DE LEURS PRIX ANClh:NS!
di:mam)i:z i.i-: cArAEoiiUK sim':cial
L'ACTUALITE MUSICALE
2 I
7
sa suite symphonique, le Temple de Cnide, dont
M. Diniescu a donné un fragment, fait espérer
un véritable talent musical ; il est en possession
d'un métier déjà sûr.
A enregistrer encore l'apparition d'une
violoniste bien douée et très exercée, M"*^ Val.
Crespi, et le succès du quatuor d'instruments
anciens qui a su faire apprécier aux Bucares-
tois, cependant peu familiers avec le musique
ancienne, le charme désuet de pièces qui ont
aujourd'hui comme uiî accent de musique
populaire.
M. M.
BARCELONE. — La Direction du
'Palau de la Mmica Catalana [Orfeo Català\
vient d'offrir au public Barcelonais, 8 grands
concerts. Le succès en a été extraordinaire.
La première moitié de ces concerts a été
dirigée par Franz Beidlerj de Bayreuth, et les
4 derniers par Volkmar Andrée, de Zurich.
Les programmes ont tous été on ne peut plus
éclectiques et les nouveautés n'y ont pas
manqué.
La seconde symphonie de Mahler a été
donnée 3 fois et son final avec chœurs (d'un
effet aussi sûr !), a été acclamé avec enthou-
siasme. Max Reger (et c'est naturel !) n'a pas
été aussi vite compris.
Taolo e Francesca^ de Granados, représente,
à n'en point douter, un bien bel effort dans
la carrière de compositeur de cet exquis
pianiste. Sa pâte orchestrale, si nous pouvons
ainsi nous exprimer, est devenue plus riche,
plus savoureuse. C'est là, déjà, de la musique
symphonique bien brossée. Et la déclamation,
— car il y a là une voix de femme qui se
mêle à l'orchestre — en est aussi infiniment
heureuse.
Marines^ de V. M. de Gibert, avaient été
déjà données. Mais, la première fois, elles
n'étaient que pour orchestre à cordes. L^
compositeur a ajouté, à sa partition, quelques
sonorités nouvelles. Gibert est un élève de
d'Indy. La foi et le grand respect qu'il a
toujours pour son maître disent bien quelles
sont ses vues en musique. D'un tempérament,
en outre, très équilibré, il va sans dire qu'il a,
forcément, toujours, le souci de la forme.
J.es Marines ont été tirées de quelques beaux
vers de Maragall. Gibert en a fait, non sans
adressse, deux beaux tableaux bien suggestifs,
bien descriptifs et colorés. Le premier est
surtout réussi.
Taltabull est un tout jeune compositeur
fort sympathique. C'est un véritable tempéra-
ment de musicien. Élève de Pédrell, il fait
grand honneur à son maître. Il y a dans son
Prêtée un tel souci de la forme et des propor-
tions, un tel sérieux, et, surtout, une telle
sobriété d'écriture, qu'on s'étonne, vraiment,
de trouver tout cela dans l'œuvre d'un mu-
sicien aussi jeune.
Pahissa, dont on a joué un Poème sympho-
nique, est un artiste fort intéressant. Architecte
tout d'abord, mathématicien ensuite, de grand
talent, poète enfin (on connaît de lui des
sonets remarquables), il est devenu tout à coup
musicien ! Et il a, il faut en convenir, un
bien joli tempérament. Seulement, il fait
peut-être parfois fausse route. . . Son Combat est,
croyons-nous, une de ses meilleures choses.
Quant à la T'iegenda^ de E. L. Chavarri, on
l'a écoutée avec infiniment de sympathie.
Chavarri, je me fais un devoir de le rappeler,
est chez nous un des musicologues les plus
remarquables. C'est aussi un littérateur, un
artiste de grand talent. C'est, enfin, un homme
infiniment sympathique, infiniment spirituel
et infiniment... méridional. Quant à sa T'iegenda
on a fort goûté son bel effet. C'est de la
musique très mélodique, très franche et volon-
tiers populaire. L'exécution en a été absolu-
ment parfaite et on l'a fort applaudie.
Un mot encore, sur la séance que le pianiste
Malats vient de nous donner et dont l'attrait
principal était VIberia., d'Albeniz. Nous ne
savions quoi admirer le plus, sinon l'art absolu-
ment exquis, du pauvre Albeniz. Le succès
de Malats a été complet.
Au Liceo on va bientôt donner quelques
séries de la Tétralogie. Cette saison nous avons
eu, comme nouveautés. Terra bassa^ de l'Albert
(dont le poème est tiré de Terra Baixa^ de
notre Guimerà), et la Salomé !
F. Lliurat.
Jûur à.
L'Association pour le développement
DU Chant Choral et de l'Orchestre
d'Harmonie.
— Chauffeur^ Au Boa Sacré. . .
Grâce à Messieurs Robert de
Fiers et de Caillavet il n'est pas
nécessaire d'en dire plus long
pour être conduit rue de Valois
au Sous-Secrétariat des Beaux-
Arts, ce Temple dont M. Du-
jardin Beaumetz est pour la vie,
la chose est maintenant certaine
et nous l'espérons bien, le Dieu
laïque et obligatoire... Mais,
est-ce le parfum de la maison ^
Serait-il symbolique r Toujours
est-il que depuis la première
jusqu'à la dernière marche, le
vieil escalier de pierre aux allu-
res provinciales, est tout empli
d'une exquise odeur de bonne
cuisine. Savoureux fumet. Il em-
baume ! Il embaume ! Cela doit
être du poulet sauté. Ne nous
excitons pas sur l'arôme de ce
poulet invisible qui ne saute pas
pour nous, mais pour quelque
hamadrvadc ou (|uclc|ue Sylvaiti de ce Bois
Sacré, l'uisciue nous sommes venus cher-
cher l'histoire de " U Association pour le déve-
loppement (lu chant (Aioral et de rorchestre
erharnionie^ " allons donc la demander à
M. d'Kstournelles de Constant, son créateur et
président, <]ui a son gite tout en haut île ce
Bois Smn', au Muri-;iu di-s ThcAties dont il est
le' chef et où nous le trouvons les pieds bien
au doux sur la laine épaisse d'un beau tapis
d'orient et les \"eux ravis par une charmante
petite femme nue — en tableau! — Mais où donc
M. n'I'.STOURNKLLKS DE CONSTANT.
est le buste du patron de ce Jîois : M. Dujardin
Beaumet/, l'aurait-il emporté à Limoux, pour
les obligations décoratives île sa tournée élec-
torale r Quoiqu'il en soit, notre dessinateur se
fait un devoir d'exposer ici le buste à la place
qu'il devrait occuper là-bas.
L'ACTUALITE MUSICALE
2 19
M. Radiguer
220
L'ACTUALITE MUSICALE
D'une élégance d'anglais qui aurait la svel-
tesse de Mlle Polaire, porterait les bacchantes
de Vercingétorix et le binocle de M. Delcassé,
M. D'Estournelles de Constant nous initie
avec une grande sobriété de paroles et de
gestes. C'est évidemment un apôtre qui ne
porte pas le feu sacré à l'extérieur. Vraiment
oui, le regard réfléchi, attentif et pénétrant, la
phvsonomie exprimant la réserve, l'obstination
froide et méthodique, Mr. D'Estournelles de
Constant qui est l'homme le moins guerrier
du monde, a la physionomie de ces straté-
gistes qui avec un beau sang froid préparent à
coups d'équations les batailles les plus ter-
ribles... Cependant, à sa manière, c'est tout
de même un conquérant pacifique parti en
expédition pour le relèvement du goût musical
en France.
C'est il )' a quelque six ans, presque à ce
moment où Mr. Dujardin Beaumetz entrait
au Pouvoir — ce qui lui a certainement porté
bonheur — que M. d'Estournelles de Constant
entreprit sa croisade, en créant V Association
M. MOREL.
pour le développement du chant choj'al et de
rorchestre d^ Harmonie.
Rendre l'éducation musicale accessible
à tous, la spécialiser à la musique d'ensem-
ble, permettant l'exécution d'œuvres avec
chœur, enfin, rénover en les rajeunissant
les grandes fêtes musicales populaires d'au-
trefois, telle tut la pensée directrice de
Mr. D'Estournelles de Constant. Gros pro-
gramme ! travaux d'Hercule, dont il est
venu à bout, puissamment secondé par
M. Henri Radk.i'F.r, ainsi que par d'autres
persoiuialités éminentes, généreuses et dé-
vouées. La première condition du bon
départ, était le large enrôlement des pre-
miers contingents, assez, difficiles à recruter
et à réunir dans ces temps qvii n'étaient pas
encore ceux du métro avec déplacements
rapides et bon marché. C^n tovuiia la diffi-
culté en ouvrant tians cliacjur quartier des
sections d'études qui de\aient se réunir
pour les répétitions d'ensemble au Palais liu
Trocadéro. l/(l!uvrc était née. \J\\ peu
L'ACTUALITE MUSICALE
221
plus tard les anciens élèves de l'Ecole de
chant choral fournirent la Société, " Le
Chant Choral'''' tandis que F Ecole d'' harmonie
était à son tour renforcée par la Société
" U Harmonie des Anciens Musiciens de
r Armée " association des musiciens de l'ar-
mée libérés et anciens élèves de V Ecole
d'' harmonie.
Philosophe socialiste et militant, Mr.
D'Estournellesde Constant voulut que cette
Œuvre fut aussi de solidarité familiale et
sociale. Au lieu d'un membre d'une famille
suivant les cours, pourquoi pas toute la
famille : père, mère, enfants ? " La Famille
quand même " / Sans doute était-ce une
combinaison qui ne répondait peut-être pas
au désir général, mais tout de même à celui
de ceux qui aiment ça Il en faut bien
n'est-ce pas pour tous les goûts ?
Etendant ses projets de phalanstère fami-
lial à ceux de phalanstère social M. D'Es-
tournelles de Constant voulut encore que
cette Association devint un moyen de rap-
prochement entre les classes prolétarien-
nes, bourgeoises et aristocratiques. Pour
avoir été dictée par d'excellentes inten-
tions cette dernière idée n'a peut-être pas
donné à M. D'Estournellcs de Constant
tous les résultats qu'il en espéra'it. En
dépit de tous les philosophes de toutes
les philosophies, de tous les systèmes et
de tous les temps, à part quelques cas
exceptionnels, chaque catégorie sociale
n'est-elle pas faite pour la température
où elle s'est formée ? Donc, il ne faut
pas s'étonner si M. D'Estournelles de
Constant n'a pas réalisé le prodige impos-
sible de combler les distances sociales
avec la musique, qui, si elle adoucit
parfois les mœurs n'est pas encore prête
à les changer, ni à grouper en un grand
troupeau fraternel et bêlant toutes ces
sortes d'animaux qui forment — et
déforment — les Sociétés ! Heureuse-
ment 1 Ce sera si monotone, M. d'Estour-
nelles de Constant, le jour où tout le
monde sera frère et sœur ! -Oui, mais.
222
L'ACTUALITE MUSICALE
et c'est bien son droit, M. d'Estournelles de
Constant qui ne pense pas ainsi garde une
grosse molaire aux gens du monde et surtout
aux Dames qui préfèrent figurer à quelque
Générale ou à quelque vernissage plutôt que
de chanter leur partie dans les chœurs de
l'Association. C'est que, semblable à tous ses
confrères les apôtres en froc ou en jaquette
M. d'Estournelles de Constant a\ ec son bon
coeur, avec sa bonne Ame impitoyable, est un
de ces despotes pour le Bien qui ferait presque
aimer le mal s'il n'était déjà aimé pour lui-
même ! Ce Mal si nécessaire à faire valoir le
bien, que l'Eglise elle-même n'a pas hésité à
l'employer, quand elle a créé son Diable, pour
n'en faire que mieux adorer son Dieu.
Si M. d'Estournelles de Constant n'a pas
fait le maximum escompté comme Socialiste,
il a de quoi se consoler avec ses résultats
artistiques dont il peut être heureux et fier.
Les débuts difficiles sont loin.
M. d'Estournelles de Constant et son pré-
cieux lieutenant général M. Henri Radiguer,
ont depuis longtemps à leur disposition cette
remarquable phalange d'instrumentistes et de
choristes — plus d'un millier d'exécutants —
à qui nous devons les irréprochables auditions
des Œuvres de Beethoven, Bourgault-Ducou-
dray, Saint Saëns.
A même d'interpréter la grande musique
classique et moderne, cette Association offre
un autre intérêt. Elle est à la disposition des
compositeurs pour leur fournir dans les Con-
certs l'appoint nécessaire à une exécution
matérielle insuffisante. Ainsi elle incite à
écrire des partiti{)ns avec chœurs, cet art trop
facilement négligé.
Si la vie extérieure, rcxhibirion en soleniu'té
de cette (t;uvre, présente quelque chose de
fort, on peut même dire sans craindre l'exagé-
ration ou le ridicule, de grandiose, quoi de
plus pittoresque, cordial, s\mi\'itliiciue et méri-
toire que sa vie intime r Celle de tous ces
braves gens cpii, sans espoir de réclame ni
esprit de cabotinage, viennent après le gagne
pain souvent péiu'ble, étudier les Maîtres ? La
place nous maïujue pour passer en revue
toutes les sictioiis de cli;inl (ni d'Iiai iiioiiic.
Elles sont trop — si l'on peut dire ! — Mais
il est un cadre dont l'originalité mérite un
petit tableau : c'est celui où travaille VJssocia-
tion des anciens musiciens de r armée.
Nous y voici dans les caves du Grand
Palais. Avec ses soupiraux et son plafond
voûté, si ce n'étaient les ampoules électriques
en plus ; ne se croirait-on pas dans les cat .-
combes des chrétiens aux temps de Néron r
Mais l'assemblée n'a pas du tout un aspect de
persécution ! Elle exprime au contraire l'en-
train et la bonne humeur.
Voyez la mine paternelle de M. Casadesus
i'^''' chef d'orchestre qui se repose en fumant
sa pipe, tandis que M. Morel — dans le civil
contrôleur à la Cie du Gaz — conduit la
Pathétique^ après en avoir, a\ec une toute
paternelle autorité exigé l'attaque large et
\'igoureuse. Voici le premier cor, licencié en
philosophie ; le Solo Basson qui en sa qualité
d'ébéniste possède naturellement un instrument
de luxe. Pendant les repos, qu'il le berce, le
carresse, le traite comme une mariée, cet
instrument ! Avec des regards attendris qui
certainement doivent faire bien envie à cette
pauvre grosse caisse assez souvent délaissée
faute d'im titulaire fidèle et qui voudrait bien
régulariser une situation qu'elle trouve de
moins en moins intéressante... Et ce bon
vieux de soixante et onze ans, joueur de
Saxophone. Dans sa poche il n'a pas que la
photographie de ce tableau où il fut représenté
en Fieux )néloniane^ il possède encore sa biogra-
phie dont il est l'auteur et que voici :
"Né en 1838 le 23 Juin, bonne santé,
" jamais malaile, ni infirmité, très résistant,
" caractère gai, très philosophe, très grande
" mémoire. Elève au conser\atoire. Chitriste
" à l'Opéra et au Lyrique. Soliste enfant à
'* St. Eustache, la Trinité, St. Vincent de
" Paid et la Madeleine (1851-56). Musicien
"au 66""' de ligne (1857) passé à la garde
" municipale de Paris (1868), rentré dans mes
" foyers (1874). Marié depuis Mai 1874, j'ai
" joué la flilte, les saxo|ihones, le basson, et
" contre basson, les tini bal es (;\ PC )péraConiic]ue)
" et la grosse caisse dans tous les théâtres de
" musique. J'ai \()\n!:é jiour la musique
L'ACTUALITE MUSICALE
223
" (3 ans 1/2 en Afrique, 8 moi^ au Tonkin,
" 4 fois en Amérique, 8 fois en Angleterre :
" y Speck uigUsh a little). J'ai parcouru 40 dé-
" partements en troupe musicale. Je me suis
" instruit moi-même, grammaire, lettres, his-
" toire, arithmétique, géométrie, logarithmes,
" électricité médicale dosimétrie etc.... Je me
" soigne sans médecin par l'homœopathie. Je
" connais toutes les branches de la photogra-
" phie. Je puis soigner une bibliothèque et
" des dossiers. Je suis aussi poète. J'ai com-
" posé " Le Tambour Major et le Bec de Gaz.''^
" Mais je suis affligé d'une Palmite Chronique
" depuis 4 ans. Je serais heureux si Minerve
" (sous les traits de Mr. Dujardin Baumetz)
" voulait calmer cette fièvre avec quelques
" milimètres de taffetas violet, quoique mon
" casier judiciaire soit vierge. "
Allons, Mr. Dujardin Bcaumctz, un bon
mouvement ! Guérissez donc cette palmite.
Cela ne vous fera pas de mal et cela lui fera
tant de bien à ce vieux brave homme de saxo-
phone, oubli d'un vieux brave homme de poète,
comme il le dit si bien lui-même ;
Emule de yoltaïre et de Victor Hugo
]'' ai rime bien souvent pour " Savon du Congo ".
Pierre JobbÉ-Duval.
M. Casadesus
224
L'ACTUALITE MUSICALE
Questions
Sociales
ET INTERETS PROFESSIONNELS
Le Gracieux Concours
On nous pardonnera de re\'enir, encore une
fois, sur cette question du " gracieux concours"
elle est assez importante pour qu'on n'yapporte
pas une attention distraite et l'impatience
d'un autre sujet. Au reste les lettres que nous
avons reçues, touchant cette question, sont tout
à fait intéressantes et méritent d'être connues.
Nous en publierons même une in-extenso. Pleine
de bon sens, humoristique, généreuse, elle
dénote, chez son auteur, M. Henry Mulet,
un souci fort louable des intérêts de la grande
corporation musicale et une vue très nette de
la question présente. La voici dans toute sa
primesautiére vivacité.
Monsieur,
Bien volontiers, je vais vous cif)nncr quelques aper-
çus personnels sur la c|uestion tiont traite votre intéres-
sant article. Certes on oublie trop souvent qu'un artiste
" ne vit pas seulement de pain " et encore moins de
l'air du temps et (|ue les brirjiit's ne sont pas plus
favoraliles à son estomac c|u'à celui d'un sous-préfet.
Une campaj^nc tle presse, mffme de " Grande "
destinée à apitoyer, sur le sort des pauvres artistes,
messieurs les capitalistes, serait, je crois, de nul ctiet.
"Ventre repu n'a point d'oredles " !!... si ce n'est
pour écouter... distrailemeiii de la musique qui ne
coûte rien, et encore faut-il qu'elle ne trouble pas la
di^^estion.
Un syndicat de " musiciens mondains " (car il y a
déjà un syndicat de musiciens d'orchestre). Cela me
paraît également devoir être une tentative destinée au
ridicule. Le syndicat actuel, d'ailleurs, n'a jamais songé
à interdire à ses adhérents de prêter gracieusement leur
concours, s'ils croient personnellement poufoir en tirer
une reclame quelconque. C'est à eu.x de juger cela et à
leurs risques et périls.
Des intermédiaires .'..
Ou bien personne ne voudrait s'en servir ou bien....
ils rouleraient les artistes. Je ne vois pas bien non plus
une loi forçant tout le monde à ne jamais traiter une
affaire directement.
En résumé, je crois que le " gracieu.x concours" est
une nécessité.
De même qu'un commerçant, qui commence à
s'établir, fait de la réclame et sacrifie des sommes
importantes sous forme de : " primes à tout acheteur,"
affiches, rabais momentané, et souvent ne gagne rien
pendant un temps plus ou moins long, ayant un loyer
lourd, etc.. De même, l'artiste, non connu, est obligé
de faire de la réclame en se faisant entendre, en pavant
de sa personne, --voire ynéme de son argent, pour se faire
connaître et apprécier. L'artiste, connu et apprécie', tait
prime sur le marché, de même que le commerçant
connu, vend sa marchandise. L'un comme l'autre
auront dû commencer par semer avant de récolter.
Tant pis pour celui qui sème à tort et à travers, dans
tous les terrains, bons ou mauvais.
Maintenant vous me direz que l'habitude du
" gracieux concours " se généralise et qu'il a abus. Je
suis de votre avis. Mais je crois qu'il faut en recher-
cher la cause, elle n'est pas difficile à trouver.
i" Il y a beaucoup plus d'artistes qu'autrefois.
2" Le goût des arts, en général, va en diminuant.
D'une part, la recherche d'une vie plus facile, plus
agréable, plus libre, plus mondaine et brillante, pousse
les uns vers l'art, qu'ils croient être un métier rénumé-
rateur et Jacile, de préférence à tout autre. D'autre
part, les " idées modernes " poussent les autres vers des
satisfactions moins problématiques et plus matérielles que
celles offertes par les arts en général et la musique en
particulier. " L'extinction des lumières du Ciel ",
chère i Mr. Viviani, est certainement de nature à faire
reléguer tout idéal, même artistique, parmi les " vieilles
lunes ". Aujourd'hui, c'est le triomphe de l'automo-
bile, de l'aviation, des sports en général, de l'Industrie
et.... du " Café-Concert ", du " Cinéma ", etc.. ! Si
bien que lorsqu'un Monsieur de la France ou de la
Magistrature permet à un artiste non coté àc se faire
entendre dans son salon, c'est def) une grande faveur
qu'il lui accorde. L'artiste non-coté !.. mais on s'en
jiasserait très bien. On n'a pas besoin de lui, c'est lui qui
a besoin des autres. Et quand on veut bien faire silence
pendant qu'il " opère " il doit se mniitrir très heureux
et très lionoré.
Les artistes me sembleui d'être une longue file de
pêcheurs ;\ la ligne s'évcriuant à amorcir les poissons
L'ACTUALITE MUSICALE
225
repus qui regardent leurs appâts d'un air dédaigneux.
Les malheureux pêcheurs dépensent en amorces p'us
qu'ils ne récoltent en poissons, quand, tout à coup,
passe un pêcheur au filet (çà, c'est l'artiste coté) qui
rafle tout d'un seul coup.
Le fait qui domine tout cela c'est que : l'offre est
SUPÉRIEURE A LA DEMANDE.
Je propose un moyen radical : Quand un pays
produit plus de betteraves qu'il n'en peut vendre, les
indigènes n'ont qu'à culti--ver autre chose. Puisque la
musique devient un " mauvais métier ", et qu'il y a
trop de musiciens, que les musiciens peu convaincus
(Et il y en a des tripotées !) se mettent à faire autre
chose, c\u, du moins, qu'on ne fasse plus apprendre la
musique à autant de jeunes gens, en les leurrant sur
les be'ne'fices fallacieux qii Ils pewvent en attendre. Si ce
conseil était suivi, l'équilibre se rétablirait d'ici 30 ans
au plus.
Il y en aurait long à dire aussi sur le " cours gra-
tuit, " et r enseignement stupide autant quoutrancier du
métier musical .• solfège, piano, violon, mandoline,
piston, etc.... qui ne dé'veloppe nullement le goût 'vrai
de l'art, mais facilite V exécution, en famille, de toutes
les ordures. ^
Pour finir, permettez-moi de vous citer un fait de
nature à vous faire toucher du doigt l'action néfaste et
anti-artistique Aq l'ingérence de l'esprit syndical mesquin
dans les relations musicales.
Dans des sociétés telles que la " Nationale ", les
" Compositeurs ", la " Musique Nouvelle ", les auteurs
admis à faire entendre leurs œuvres sont tenus de
fournir leurs interprètes. Souvent ces auteurs n'ont
qui de très faibles ressources ; s'il leur fallait rénumé-
rer les artistes, ils seraient forcés de renoncer à l'exé-
cution. D'autre part, ces sociétés n'ont pas des
ressources suffisantes pour payer les artistes et, s'il leur
fallait le faire, elles devraient donner 1 ou 2 séances
seulement au lieu de 5 ou 6 par année Ainsi la
" Société Nationale " qui, avant l'application du tarif
syndical pouvait donner par an deux concerts d'orchestre,
dans lesquels les artistes étaient payés un tarif raison-
nable encore, quoique pas syndical, " ne peut plus
aujourd' hui en dominer qu'un seul.
Que le " syndicat " fasse financer les directeurs de
" Music-Hall ", rien de mieux, ces messieurs encaissent
des bénéfices énormes, et il n'est que trop doux pour
eux ; mais que, par ses exigences il prive une société
d'avant-garde, n'ayant que peu de ressources, et ne
faisant jamais un sou de gain, d'un z^' concert dans
l'année, intéressant au point de vue des nouveautés,
cela me semble le fait, non d'artistes, mais bien de
mercenaires ennemis de tout art, ne sachant pas voir
plus loin que la pièce de cent sous, et méconnaissant,
au fond, leur véritable intérêt, qui n'est pas certes que
le goût musical aille en diminuant, du fait de la
' Ceci est un peu en dehors de la question, cepen-
dant nous le publions, c'est un point sur lequel il
faudra revenir.
disparition progressive des entreprises désintéressées
qui pouvaient l'entretenir.
Ceci peut, je crois, nous être un exemple des résul-
tats de " l'action directe " en matière de revendications
artistiques.
H. Mulet.
M'"^' Ferrauté nous écrit une intéressante
lettre visant surtout les agences : " Il faut,
dit-elle, vous faire aider par les présidents de
Sociétés groupant les artistes.... que ces sociétés
réunies ne forment qu'une seule société rem-
plissant les fonctions d' agences. "
Oui, mais que diraient les Présidents ?....
Petit côté de la question dira-t-on. Il compte,
lorsqu'il s'agit de fusionner.
M. Weiller (des concerts Lamoureux) ne
partage pas l'avis de M. Mulet sur les syndi-
cats. Il nous écrit :
" Il me semble que l'organisation d'un syndicat
suffirait pour établir le contrôle et l'application des
amendes et autres peines qu'une commission extraite
de ce syndicat serait chargée d'établir. Utiliser la
Presse pour la propagande nécessaire à la formation
de ce syndicat. "
M. Schmoll préconise également la nécessité,
d'un syndicat mais il l'entrevoit moins tyran-
nique que M. Weiller.
" Le monde artistique, dit-il, manque de cohésion,
de solidarité, de tendances fraternelles. Or, puisque h
syndicalisme est à l'ordre du jour, — encore que,
bien souvent, il aille à l'encontre de l'intérêt général —
pourquoi ne créerait-on pas une vaste confédération
groupant, autour d'un comité d'artistes célèbres, les
forces artistiques de tout le pays } Le dit comité
réglementerait, d'une façon équitable, les rapports des
artistes entre eux, et ceux qui existent entre les artistes
et le public. On élaborerait ainsi, entre autres, un
règlement concernant le " gracieux concours " règle-
ment que, le cas échéant, il suffirait d'envoyer, en
guise de refus, aux gens du monde qui voudraient
abuser de la situation qu'un fâcheux usage a fait aux
artistes.
M™e Delage Prat, le charmante et distinguée
compositrice, a une idée fort originale. Après
nous avoir avoué qu'elle " n'entrevoit ni les
moyens d'actions ni les heureux effets qu'un
syndicat pourrait avoir à ce sujet " elle ajoute...
"Qu'un Brieux ou un Lavedan mette en scène un
de ceux qui font "chanter" les artistes, qu'une cam-
220
L'ACTUALITE M U S 1 C A L E
pagne de Presse s'organise, sur votre généreuse initia-
tive, c'est je crois, tout ce qu'on pourra faire d'utile
et de raisonnable, à mon modeste avis du moins. " —
C'est le cas de dire :
Allons messieurs les auteurs dramatiques...
à vos pièces. Il est vrai que le théâtre ayant
une très grande portée sociale, l'idée serait
peut-être bonne. M. Lenormand, l'auteur
estimé, a déjà essayé, avec beaucoup de talent,
dans ses possédés^ de mettre à la scène ces
femmes infortunées qui, portées pour servir
l'art, arrivent aux pires déchéances, le glorieux
concours n'est après tout, et pour l'appeler
par son nom : qu'un mode d'exploitation.
M'"''' R. Caille, rédactrice à la Française^
est partisan du syndicat. (En général, les
femmes lui sont hostiles ; c'est là une exception).
" Mon avis, dit notre correspondante, est que les
artistes lyriques et dramatiques, doivent, i, se syndi-
quer, c'est la première garantie de leurs intérêts. 2, que
la presse doit intervenir, en toute circonstance... pour
rétablir la situation très compromise des artistes. Plus
de gracieux concours ; on doit payer en espèces et non
en fleurs, diners et réclames d'échos mondains."
On ne saurait mieux dire et plus nettement.
M. Le Borne, Godebski, M*"" Carissau,
d'autres encore, très nombreux, ont bien voulu
nous écrire. Leurs lettres reproduisent tout ou
partie des arguments employés ici-même, sans
indiquer une solution nou\elle et pratique à la
question posée.
Ainsi qu'on en peut jtiger par notre enquête
les avis sont très partagés. Beaucoup de nos
correspondants, les actifs, les combattants, pro-
posent la formation d'un syndicat agissant
contre les "Donneurs de concerts", d'autres,
les modérés (en général les femmes) redoutent
le syndicat et la violence de ses procédés. Un
moyen terme a été proposé par l'une de nos
correspondantes c'est la fondation d'une '■'■Ligue
contre Pabus du grucicux concours réuifissant,
dans une même intention d'équité, les artistes
soucieux de leurs droits, conscients de leur
valeur, et les gens du monde décidés à ne pas
profiter mesquinement des circonstances qui
leur sont favorables pour imposer aux artistes
des conditions dérisoires ou nulles. In mèd'to
itat Veritas. Cette solution serait peut-être la
meilleure. M. Dai'BRESSe.
Les artistes et les " donneurs de concerts "
désireux de faire partie de la Ligue contre rahus
du gracieux concours sont priés d'adresser, dès
aujourd'hui, leur adhésion à M"" Ecorcheville
directeur S. L M., 22 Rue S' Augustin.
Cette inscription n'entraîne aucuns frais. Les
moindres s'engagent seulement à faire de bonne
propagande poiu' la nouvelle Ligue.
CHKMINS DE FER DE L'ETAT.
BILLETS DE BAINS DE MER ( "squau 31 Octobre 19 lO
l-'n'lminislralion des Chemins de Fer de I'EltI. dan» le l)ul de (aciliter au Public la visite ou le jcjour aux PLAGES DE LA
MANCHE cl de l'Océan, fail délivrer, au dépari de Paris, le» billets d'aller cl retour, ci-aprèj. qui comporicnl jusqu'à 40 °/o de
réduction sur Ir» prix du lirif ordinaire :
1. Bains de Mer de la Manche. Billet» individuels valable», suiv.ml la disl.mr.-. 3. 4 ri 10 lour» ( le et 2e CI.)
et 3 3 )our»iJr. 2e cl 3r Cl I
/-ri billets Jr 33 jours peuvent cire prolonges d'une ou Jeux périodes de 30 jours mo\iennunt supplément Je 10 "io par période
2. Bains d<- M(T de l'Océan. «Ai Rill.t» individuel» de le. 2r. r| 3r cl. valable» 33 jmir. avec faculté de pro-
lonR.'ilion d une ou deux prriodc» de JO jour» moyrnnnnt supplément de 10 °(o par période,
'13) Billets individuel, de le, 2e, et 3e Cl. valable» 5 jour» (sans (acuité de prolongation» du Vendre !i de chaque semaine au
Mardi suivant ou de 1 avant-vrille au surlendemain d'un jour (érié.
BILLETS d* VACANCES 'iu^mi'au 1er Octobre 19101. Billet» de famille valable, 33 jour» (le. 2e et 3e cl.»
avet I nulle de prolomintion d une <iu deux i>ériodrs de 30 jours moyennant supplément de 10 °/o par ^leriotlc.
/^.'* l'ijlfl» ""'1 Jéllorés aux fiiinilirs composées d'au moint trois personnes Vo})agnnt en$emhlr, pour toutes les gares du réseau
de I h.tat (I.Ignct du i>ud-Ouest) sltuéct à 1 25 kilomètres au moins de Varls, ou réciproquement.
L'ACTUALITE M U S I C A L ]{
227
Les lostruîïieets
LE CZIMBALOM ET LA HARPE
CHROMATIQUE.
• Le concert de harpe chromatique donné le
15 avril dernier, salle Pleyel, par M"'" Jeanne
Dalliès, harpiste diplômée de la Schola Canto-
rum^ a eu lieu avec le cérémonial accoutumé,
c'est-à-dire devant un public aussi nombreux
que démonstratif. Je crois à: la prédestination
dans la carrière de harpiste. M'^*^ Dalliès a au
plus haut point les dons spéciaux que son
instrument réclame.. Elle unit un charme
délicat qui lui est personnel à une musicalité
raffinée. Elle a aussi, mirabile d'ictu^ une cul-
ture «générale qui lui rendra les meilleurs ser-
\'ices dans sa carrière de virtuose et qui servira
surtout la cause de la jeune harpe à laquelle
elle s'est consacréQ,,
A l'heure présente la principale faiblesse de
la harpe chromatique réside dans la pénurie de
sa littérature: les oeuvres de génie ne s'impro-
visent point. Aussi les harpistes de la Maison
Plçyel en sont-elles réduites à la fâcheuse né-
cessité de jouer sur un instrument très riche,
les pauvretés musicales de la harpe à pédales,
ou bien encore elles composent leur répertoire
avec des pièces de clavecin ou de piano, ce qui
est peut-être le moins mauvais des pis-aller.
Déjà, à la Schola Cantorum on a songé à
faire revivre l'ancienne musique de luth des
XVP-XVir siècles : plusieurs pièces de luth
ont antérieurement figuré sur les programmes
de M^^'^ Héléna Zielinska et de ses élèves.
M^^*^ Dalliès doit en publier un prochain recvieil,
dans lesquelles ces compositions, transcrites
fidèlement sur l'ancienne tablature du luth,
n'auront à subir d'autres transformations que
d'être transposées dans les régions les plus sono-
res de la harpe chromatique.
Mais le concert de M"" Jeanne Dalliès
comportait une autre curiosité : on y a entendu
sur la harpe des chants pupulaires hongrois
traités à la manière tzigane. On sait déjà que
le czimbalom est l'instrument synthétique, par
excellence, — comme le piano chez nous, —
de la musique tzigane. Il est essentiellement
chromatique. L>es cordes sont attaquées avec
deux petits marteaux que tient l'excécutant.
Donc, pas d'accords plaqués de plus de deux
notes, mais, grâce à leur virtuosité bien connue,
les czimbalistes déroulent en les arpégeant dans
un mouvement très vif les accords les plus
chargés. Voici, à titre de curiosité, une pièce
spécialement écrite pour le czimbalom.
MIT SUSOG A FEHER AKAC.
Czimbalom
k
ADMINISTRATION DE CONCERTS
M EMIL GUTMANN M
REPRESENTE LES ARTISTES ET LES
ASSOCIATIONS ARTISTIQUES LES PLUS
CONSIDÉRABLES, LES MAITRES LES
PLUS REPUTES EN ALLEMAGNE.
ENGAGEMENTS PAR TOUTES LES SOCIÉTÉS DE
CONCERT ALLEMANDES ET ÉTRANGÈRES. .^ ^
TOURNÉES D'ORCHESTRE ET DE
SOLISTES DANS TOUS LES PAYS.
SOLISTES POUR ORATORIOS.
ORGANISATION DE CONCERTS ET DE CONFE-
RENCES, DE RÉCITALS DANS TOUTES LES
SALLES DE MUNICH ET DE GRANDS FESTIVALS
INDICATIONS DE POSTES VACANTS
DE PROFESSEURS DE CONSERVA-
TOIRE ET D'ÉCOLE DE MUSIQUE. ^
ANNONCE, PUBLICITÉ, INFORMATIONS
LA PLUS GRANDE AGENCE DE CON-
CERTS DE L'ALLEMAGNE DU SUD.
MUNICH =Theatinerstrasse 38 = MUNICH
Adresse Télégraphique : K O N Z E R T GU T M A N N . MUNICH
L'ACTUALITE MUSICALE
229
^^
n
T=^
<i
S
w^u
T-^
^
^^f:^
th^
f,
¥i¥-
^^
yTT^
^i±:^
O? /^
(Cimbalon-Gynjtemény, fascicule XIV, no. 3, Bard'Ferencz, éditeur,'^ Buda Pest)
Les Hongrois ont accordé une attention parti-
culièrement heureuse à leur littérature de folk-
lore musical. Certains éditeurs de Buda-Pest,
en ont publié d'admirables recueils et comme les
Tziganes sont les interprètes attitrés du nepdal
hongrois, comme ils ont donné à ces chants
une allure particulière avec leurs czimbaloms
et leurs orchestres d'archets, les éditeurs ont
pour la plupart publié leurs chants populaires
cziganyos moderban, c'est-à-dire à la manière
tzigane. A titre d'exemple, nous donnons un
chant populaire hongrois ainsi traité. ■-
ZINDELYEZIK.
2;0
L'ACTUALITE MUSICALE
^^
Sr.sa
j'y trrr
■j-r — I» ; i> - ;^—9 f
n ;FÎ
^^^^^
/'-ri-
;apclal..k /..n^..ra Alk.lm;.xt;, N:.^y /..lt;^n no. :'n Rn/sav<,hiyi, ôl.t.ur, lluda W-^]
(Nap
L'ACTUALITE MUSICALE
231
EI1 bien ! cette écriture est caractéristique
elle est dans la harpe chromatique. Tous les
effets à tirer de cet instrument s'y rencontrent.
D'abord, cette écriture est essentiellement
chromatique et ces pièces seraient injouables
sur la harpe à pédales. Ensuite dans les dessins •
accessoires qui entourent la ligne mélodique
centrale, que de ressources ! arpèges sur presque
toute l'étendue de l'instrument, dessins chroma-
tiques à destination anacrousique, successions
de gammes roulées, et après ces moments de
virtuosité pure, le chant populaire primitif
réapparaît et monte, qui permet à l'instrumen-
tiste de faire vouloir la belle sonorité calme et
"^ chaude de la harpe.
Bien entendu on ne saurait sans inconvé-
nient abuser de ce répertoire, mais dans le
domaine de la fantaisie musicale il faut le
mettre au rang des meilleurs, car, si l'inspira-
tion populaire dont ces chants sont issus, si la
manière dont ils sont traités paraissent très
différentes de notre formation et de nos goûts,
ces chants n'en sont pas moins comme de
beaux fruits gonflés par une sève généreuse,
qu'il fait bon cueillir partout où ils nous vien-
nent à portée de la main : un recueil de chants
hongrois dans le manière tzigane suivra la
publication des pièces de luth.
Telles sont les dernières nouvelles de la jeune
harpe chromatique : l'enfant se porte bien et
grandit tous les jours.
P. A.
•«r
232
L'ACTUALITÉ MUSICALE
L'Edition
Musicale
i) Chez Durand. — 2) chez Rouart Lerolle. —
3) Chez Bouvvens van der Boijen, 6, Square de l'Opéra.
MM. Rouart et Lerolle viennent de publier
des Chants anciens recueillis en Normandie
et des Chansons tendres, du XIIP au
XVIII^ Siècle, très habilement harmonisées
par M. Mouliè. Ces deux publications répon-
dent à un besoin évident ; notre goût pour
l'ailt ancien, pour les Louisquinzeries en
particulier, va toujours croissant. Mais, il
reste encore à glaner de ce côté, surtout si
l'on veut bien remonter vers le moyen âge,
au ■ lieu de s'arrêter à l'art du XVIIP
siècle : car, il faut bien l'avouer, de ce style
galant, se dégage une certaine impression de
fadeur. La charmante Lisette a rencontré le
berger Colin, sous l'ormeau, comme de raison
et je vous laisse à penser s'ils ont profité de
cet abri tutélaire. Les héroines des Chansons
normandes, pour s'appeler Rosette ou Jeanne-
ton, ne se conduisent pas beaucoup mieux et
c'est tout au plus si quelqu'une de ces demoi-
selles songe à s'écrier en manière de refrain :
eh, qu'en dira ma mère !
Mme Fuchs réédite ' le Largo de MiiRl-
DAi K Eupatore, de Scarlatti^ (pour Soprano),
et deux airs extraits des Cantates de Bach \
" Mon doux Jésus, " pour contralto ; et
" Viens en moi," pour ténor. Trouverons-
nous des artistes pour affronter ces terribles
vocalises classiques, plus difficiles encore que
les pires roulades italiennes: Cela est douteux;
mais en tous cas, il y a là d'excellents mor-
ceaux d'étude ; et pour refaire l'éducation de
nos chanteurs, le plus pressé était évidemment
de remettre à leur portée quelques chefs-
d'œu\res de virtuosité vocale. Il n'y a donc
qu'à applaudir au programme de Mme Fuchs.
La Sonate pour piano de Maurice Alquicr^-
austère, agressive et d'un sentiment exaspéré
procède des dernières œuvres de M. d'Indy.
Pour la bien présenter il faut un jeu remar-
quablement sûr, et cette sonorité un peu
métallique dont M"*" Selva possède le secret.
Elle évoque certains paysages de la Divine
Comédie, sinistres et ravagés, dont la grandeur
est faite de désolation.
A une autre extrémité de la musique, voilà
quelques morceaux de demi-teintes, de joie
paisible et de tendresse contenue. Et ce qui
nous rend sympathique toute cette musique,
qu'elle soit sévère ou caressante, c'est ce par-
fait bon goût qui y règne d'un bout à l'autre.
Remarquons que les éditeurs, (ceux du moins
dont nous signalons ici les productions), ont
définitivement renoncé à ces couvertures
historiées, illustrées, dont ils nous avaient
affligés trop longtemps. Maintenant, ils habil-
lent leur musique de somptueux papiers, aux
tons mats et sourds, à la fois opulents et
simplissimes, où le titre s'enlève, solitaire, en
hauts caractères de couleur. Et cette trans-
formation extérieure nous donne une image
assez juste des qualités actuelles de notœ
musique. Aucune concession à l'effet ; rien de
tapageur ni d'excessif. C'est à peine si, dans la
Dansk Di' Crépuscule, iS' Alberto Gasco, ^ la
mélodie s'étale avec un peu trop il'abon-
dance. La Danse de i.'Aube, dn même
auteur, est en revanche d'une sonorité char-
mante. C'est à peine si M. A. Pollonnaisy
dans sa Suite Romanesque, •' s'autorise de
quelques rémiiu'scences italiennes pour nous
offrir des rythmes de Harcarolles un peu trop
faciles. Les trois mki.odiks de Raoul Bardac^
sont parfaites, de même que le difficile Chceur
pour voix de femmes, de Rosier Ducasse. '
Souhaitons de les entendre bientôt.
Le Gérant : Marcel Fredet.
Inipr. par The St. Catherine Press Ltd. Bruges, Belgique.
CONCERTS ANNONCÉS POIIH LA SECONDE QUINZAINE DE MAI
SALLE ERARD
17-
Mlle MOI^SZTYN . . , .
Piano
18.
SOCIETE MUSICALE INDEPENDANTE .
Œuvres Modernes
19.
M. THALBEKG
Piano
20,
MM. DOKIVAL & HARTMANN ....
Piano et Violon
22.
Mme LONG DE MARLIAVE
Matinée d'Élèves
23-
MM. ÇARES, NANNY & BLEUZET ....
Piano, Contrebasse et Hautbois
24.
SOCIÉTÉ DES PROFESSEURS DU CONSERVATOIRE
25-
SOCIÉTÉ MUSICALE INDEPENDANTE .
Œuvres Modernes
26.
M. E. BOURGEOIS
Chant
27.
M. l'abbé DESJARDINS
28.
M. DIMITRI
Audition d'Elèves
29.
Mme BEX
Matinée d'Elèves
30.
M. THALBERG
Piano
31.
Mme FLEURY-MONCHABLON ....
Piano et Flûte ,' ^
Concerts du mois de Juin
1910
I.
M. BRAUD
Piano
2.
MM. DORIVAL & HARTMANN .
Piano et Violon
3-
Mlle SOLACOGLU ....
Piano
4-
Mlle JULLIEN
Piano
S-
Mlle RENIE
Matinée d'Elèves
6.
Mme de MARLIAVE ....
Piano
7-
M. DANVERS
Piano
SALLES GAVEAU
FÊTES DE LA PENTICOTE
17. Assemblée annuelle de l'Association des anciens Elèves de TEcole
Niedermeyer (matinée) ........
18. Concert de M. MARK HAMBOURG, pianiste (soirée) .
19. ler Concert de M. et Mme LEVINSOHN-JOUTARD, Violoncelle
piano (soirée) .........
19. Les Elèves de Mme Long de Marliave (matinée) .
20. ler Concert de Mme MYSZ GMEINER, cantatrice, (soirée).
22. Les Elèves de Mme MARIE DUPORT (matinée).
24. Concert de la SOCIÉTÉ GUILLOT de SAINTBRIS (matinée)
24. 2e Concert de M. et Mme LEVINSOHN-JOUTARD (soirée)
25. 2e Concert de Mme MYSZ-GMEINER (soirée) .
26. Concert de l'Association Générale des Etudiantes, (soirée)
27. Les Elèves de Mme CANIVET (matinée) ....
27. Concert de la SOCIÉTÉ NATIONALE DE MUSIQUE (soirée)
27. Les Elèves de Mme LE FAURE-BOUCHERIT (matinée) .
Salle des Quators j
Salle des Quators
Salle des Quators
SALLES PLEYEL
17. Mlles ZIELINSKA.
18. Mr. GEORGES PITSCH .
19. La Société des Compositeurs de
20. La Société Mo/art.
21. Mme BERNARD-VRAI
22. Mme P. VIZENTINI (Elèves)
23. Mlle MAGD. TAGLIAFERRO
25. Mr. GEORGES PITSCH .
26. Mlle BOICHIN .
27. La Société Mozart.
28. Mlle A. SAUVREZIS .
29. Mme EDOUARD LYON (Elèves
30. Mlle MAGD. TAGLIAFERRO
31. Mme REMAN ...
Musique
soirée
soirée
soirée
soirée
soirée
matinée
soirée
soirée
soirée
soirée
soirée
matinée
soirée
soirée
PUBLICATIONSDE LA SOCIETE
INTERNATIONALE DE MUSIQUE
SECTION DE PARIS
PARUS
H. QUITTARD. — Le Trésor d'Orphée, par Antoine Francisque, tablature de
luth, transcrite pour piano à deux mains; i volume in 4'' de 100 pages ... 5 fr.
J. ECORCHEVILLE. — Actes d'Etat civil d'artistes musiciens insinués au
ChâlLlcl de Paris (1539-1650); i volume in-4'' 10 fr.
A. GASTOUE. — Catalogue des mss. de musique byzantine conservés dans
les bibliothèques de France ; i volume in-4° 20 fr.
P. AUBRY. — Cent motets du XlIIe siècle, tirés du nis. Ed. VI-4 de la
Bibliothèque de Bamberg ; 3 volumes in 4° 150 fr.
P. AUBRY. — Le Chansonnier français de l'Arsenal (XlIIe siècle), 15 livrai-
sons trimestrielles de 32 planches phototypiques avec la transcription des
mélodies en notation moderne. Notices par ]\I. A. Jeanroy, professeur à la
Faculté des lettres de Toulouse. La livraison 10 fr.
(On ne souscrit qu'à l'ensemble de la publication.)
SOUS PRESSE
J. ECORCHEVILLE. — Catalogue du fonds de Musique ancienne de la Biblio-
llicque Nationale (jusqu'en 1750.) — ^ Huit volumes de 250 pages chacun,
contenant dix mille thèmes de musique, et de nombreux fac-similé. L'ouvrage
complet 400 fr.
H. QUITTARD. — L'Œuvre de clavecin de Chanibomi'cres d'après l'édition de
1670 et le manuscrit Vm7 1852 de la Bibliothèque nationale. — Un volume
in-4'' de 100 pages de musique , 5 fr.
M. BRENET. — Les Musiciens de la Sainte-Chapelle du Palais. — Un volume
in-4" de 300 pages 15 fr.
1':N PRÉPARATION
A. PIRRO. — Les correspondants du Perc Mersenne. — Publication de la corres-
pondance musicale adressée à Mersenne et CiMi^^ervée à la Bibliolhèiiue
Nationale. Vol. I {y.B. Dont) — Un volume in-4" '''•' 200 pages ....
L. DE LA LAURENCIE. — Les Musiciens de la Maison du Roy aux XVI l*' et
X\lll" siècit's. (Inventaire musical de la Série O' des Archives nationales)
— Deux volumes de 200 pages chacun.
E. BLOCHBT. — Traité de Musique, cii^j'osé par Sharal ed-Din Haroun.
(XIII siècle), d'après le manuscrit original de la Bibiiotlièque Nationale.
TiaduclioM et fac-similé du texte Arabe. — Un volume in-4" ^^^ loo pages.
H. DE CURZON. — Correspondance des Directeurs de l'Opéra, conservée aux
Archives Nationales. — Un vol. in-4" d^' 15° P-'iJcs.
L. LALOY. — k"in pou. Recueil d'Airs j-xhu- le k'!u ou luth t-hinois, ii.mseiits
<li' i.i laKl.iluiK.
Lii coMirfc; MK i.A i-'fiu.uAnoN :
p. Aubry, M. Brenet. L. Dniirinc, J. Ecorchovllln, H. Expert, L. clo In Lnurencle,
Ch. Malherbe, E. Poirée, G. Procl homme, R. Rollniid, J. TIersot.
L'ACTUALITÉ
MUSICALE
ANNEXE DE LA REVUE MUSICALE S.I.M.
PUBLIÉE PAR LA SECTION DE PARIS DE LA
SOCIÉTÉ INTERNATIONALE DE MUSIQUE
15 JUIN 1910
FRANCE ET BELGIQUE
Le numéro: 0.40 -Un an: 4.00
UNION POSTALE
Le numéro: 0,60 - Un an: 6.00
L'ACTUALITÉ MUSICALE
REDACTION :
PARIS: 22, RUE ST. AUGUSTIN
BELGIQUE : RENÉ LYR A BOITSFORT, BRUXELLES
ADMINISTRATION :
LIBRAIRIE CH. DELAGRAVE, 15, rue Soufflot, PARIS.
Tous les mandats doivent être adressés soit à la librairie DELAGRj^VE,
soit à M. REtKÉ LYR.
SOMMAIRE DE L'ACTUALITÉ
DU 15 MAI
LES CONCERTS, à Paris par GuÉrillot. — Province. — Belgique. — Étranger. — LA
MUSIQUE A L'ÉCOLE DES ROCHES, par Paul Landormv. — AUTOUR DE
LUI, par Pierre JobbÉ-Duval. — LES INSTRUMENTS : Ias Clarinettes (suite)
par Emile StiÉvenard. — INSTRUISONS-NOUS, par Doriu.K-Oii'./i.. — UN JEUNE
PRODIGP:, par J. E. — L'ÉDITION MUSICALE, par V. P.
LES
CONCERTS
Il y a peut-être trop de virtuoses en cette
fin d'année musicale, et pas assez d'œuvres.
Toutefois les programmes des concerts gardent
leur vieux fonds classique tandis que les entre-
prises théâtrales vivent des productions ita-
liennes modernes et des arrangements pour
ballets russes. C'est aux concerts que s'est
réfugiée la musique.
Le Messie de Haendel fut encore donné
deux fois au Trocadéro par la Société
Haendel. Pour son dernier concert d'abon-
nement, cette vaillante phalange a joué des
œuvres du Maître, dont de jolis fragments.de
l'Allégro e il Pensieroso et une cantate pour
ce " Foundling hospital " auquel Haendel
dédia le Messie.
La Schola, après la Messe en ré de
Beethoven, donna la Messe en si mineur de
Bach (moins le Gloria et l'Agnus). Chœurs
précis et justes ; solistes suffisants, direction
parfaite. Quant à ses séances d'élèves (Ensemble
Vocal, Classe d'Orchestre) elles sont d'un vif
intérêt, par leurs programmes et surtout par
les qualités d'enseignement dont elles témoi-
gnent. M. d'Indy et M. de Serres doivent
être heureux de ces résultats.
Deux importants groupements dé non-pro-
fessionnels, rOrcliestre, que dirige M. Victor
Charpentier, et la Société pour le déve-
loppement du Chant Choral, présidée
par M. d'Estournelles de Constant (voir
S. L M. du 15 mai) ont tenu leurs assises
annuelles au Trocadéro. La première a donné
Le Désert, de Félicien David, des Concertos
de Mozart et de Haendel et un Psaume de
Franck. La seconde a fait entendre sous la
direction de M. Vidal, la Symphonie funèbre
et triomphale de Berlioz, et toute une série
de soli, chœurs et danses de M. Casadesus sur
des airs populaires limousins. Espérons que
cette société conservera la bonne impulsion
que lui avait donnée M. Bourgault Ducoudray.
La nouvelle S. M. I. a; une louable activité,
car elle a donné trois concerts en mai, presque
tous d'œuvres nouvelles, un peu inégaux par
conséquent. Nous avons noté une sonate de
violon de M. Le Boucher, une suite de piano
de M. Bardac, des pièces de M. Debussy et
de M. Fauré, l'octuor de M. Enesco dont il
faudrait parler avec quelque détail.
La Société Nationale encadre sage-
ment les œuvres inédkes dans les Œuvres
classées comme le 1^ quatuor de M. d'Indy,
le " Soir de Fête " de Chausson et des
pièces vocales du XVP. Le Quatuor de
M. Savard, déjà entendu, est une page de
réelle valeur ; le Chant Funèbre de M. A.
Magnard, qui n'avait été joué qu'une fois en
1899, est un peu long, mais bien puissant,
expressif et personnel. Que dire de tout le
reste ? Trop d'efforts et de prétention potir
un mince résultat !
Deux concerts, également, de la Société
des Compositeurs de musique. Là
encore la musique de chambre vaut mieux
que les lieder. Il y a de la clarté et de l'allure
dans le trio de M. Thirion, de la personnalité
mais de la recherche dans la sonate de violon
le
Rouart, LeroUe ô C
ÉDITEURS DE MUSIQUE
18, BOULEVARD DE STRASBOURG - PARIS
Le plus grand abonnement de France
service : Maison GAVEAU, 45, rue de la Boëtie.
TOUTE LA MUSIQUE en lecture
Représentation exclusive des Éditions Bélaïeff, Hansen,
Jurgenson, Universelle et Zimmermann.
Dépositaires exclusifs des œuvres de G. MAHLER
Ire SYMPHONIE EN RÉ MAJEUR
2me SYMPHONIE EN DO MINEUR
3me SYMPHONIE EN RÉ MINEUR
4me SYMPHONIE EN SOL MAJEUR
Chaque piano à 4 mains , . . net fr. 1 2
,, petite partition d'orchestre net fr. 8
L'ACTUALITE MUSICALE
237
(Je D. Ch. Planchet, des longueurs dans le
Quatuor de M. Capet, peu d'originalité dans
la Suite Bourguignonne de M. Vierne, une
remarquable entente de l'orchestre dans la
Fantaisie pour piano et orchestre de M. Noël
Gallon. Les Poèmes des Saisons, de M. Philip,
sont d'une jolie couleur et agréablement mé-
lodiques.
Il faudrait un long article sur tout ce qui a
été joué cet hiver à l'Ecole des Hautes
iL Etudes Sociales qui est bien, pour la
musicographie et pour la musique ancienne,
le foyer le plus actif que nous ayons. Les
Jeudis de janvier et de février ont été con-
sacrés à la Musique de Chambre en France et
en Italie aux XVIP et XV IIP siècles. Puis
ce furent des séances du Dimanche : Lully,
Rameau, Monsigny (M™*^* Landowska et
Mockel), musique de chambre (le Quatuor
Luquin) ; enfin des œuvres modernes avec le
concours des auteurs, de M. Fauré à M. Ter-
rasse. Ce n'est pas ce dernier qui a eu le
moins de succès. Son trio à cordes et sa séré-
nade pour quatuor piano montrent qu'il est
capable d'écrire mieux que des opérettes.
M. Expert est l'âme de cette organisation si
complète et si libérale.
L'Union des femmes professeurs
et compositeurs vient de constituer un
orchestre qui a heureusement débuté, rue
d'Athènes, sous la direction de M™® Tôutain
Grûn. Citons enfin la vénérable Société
d^es Concerts de chant classique
(51™*^ année) qui a donné une jolie suite d'or-
chestre anonyme du XVIP siècle, retrouvée
par MM. Ecorcheville et Bouvet. Les Chan-
teurs de la Renaissance (M. Expert)
se sont prodigués à la satisfaction ■ des audi-
teurs.
Les concerts d'artistes ont eu, en ce mois
de mai, un vif éclat. Nommons seulement,
car ils n'ont pas besoin de qualificatifs, les
tout à fait grands : MM. Ysaye et Pugno,
Risler et Enesco, le trio Cortot-
Thibaud-Casals, qui ont donné des séances
classiques où l'exécution fut adéquate aux
oeuvres.
M"^^Toutain-Grun et M. Bachmann
qui viennent de grouper un nouveau quintette
ont débuté par une séance un peu trop con-
sacrée à Tschaïkowsky, mais ils annoncent
des programmes classiques qu'ils joueront
certainement fort bien. Le Pax-Quatuor
(M. Carembat) a terminé ses dix séances avec
un succès que nous avons déjà signalé. La
Société des Instruments anciens
(M. Casadesus) a donné un agréable concert
et concouru à d'autres, notamment à la séance
de M'"*^ Patorni à la Salle Pleyel.
Le Jeudi, au théâtre Michel, M"'«= de
Lauribar a illustré musicalement ses con-
férences sur Bach, Haydn, Mozart, etc. Nous
y avons apprécié plusieurs fois au piano
M. Delune et M'"*= Kellermann.
Comme concerts de chant, il faut grouper
M°^^Mysz Gmeiner et M. Georg'Wal-
ter, deux merveilleux interprètes de lieder.
M™^ Polva Frisch est une de nos canta-
trices les plus aimées du monde parisien. Elle
rompt avec la tradition qui ne retient dans le
lied que le chant et dans le chant que la
qualité de la voix ; avec une particulière
intuition, elle donne à l'œuvre musicale un
caractère dramatique et passionné ; elle recrée-
en quelque sorte l'œuvre tout entière.
M™" Bathori-Engel, si bien douée
comme musicienne et comme cantatrice, s'est
fait entendre dans deux séances aux program-
mes très variés. On sait que M™^ Ba:thori
s'accompagne toujours, ce qui n'est pas banal
dans les œuvres modernes, M^^*^ Charlotte^
Boichin a donné un concert intéressant et
très applaudi. M™'' Kutscherra s'est fait
entendre avec plusieurs de ses élèves, pour la
seule fois de la saison, croyons nous, et nous
le regrettons. M"*' Decourt a beaucoup plu
par sa voix bien timbrée, sa diction expressive
et son style. Elle a certainement un bel avenir.
Citons enfin M. Sautelet, interprète exquis
des vieilles chansons françaises, excellent aussi
dans les lieder de Schumann et de M. Enesco,
aussi artiste que chanteur ; M"*^ Alice Hof-
mann, cantatrice bien douée.
Il faut noter à part, mais avec de vifs éloges,
l'audition de Chant Grégorien des élèves
de M™*^ -Jumelj professeur à la Schola. Ainsi
238
L'ACTUALITE MUSICALE
interprété, le plain chant a des mo\ens d'ex-
pression trop méconnus.
Avec l'Orchestre de la Schola, M. Risler
a joué trois concertos de Beethoven, comme
seul il les joue et avec un succès que seul il
remporte. M. Canivet s'est modestement
limité a la partie de piano dans des œuvres de
M. Fauré. (Quatuors, sonate de violon). Mais
quel ensemble avec MM. Boucherit et Hek-
king ! M. Victor Gille est un interprète
très personnel de Chopin. M. Edmond
Hertz a une technique étonnante. M. Mar-
cian Thalberg (un autre nom prédestiné)
a joué remarquablement les Etudes svmpho-
niques de Schumann et M. Harold Bauer
des œuvres de Liszt.
Il eut été plus courtois de commencer par
les " pianistes femmes ", comme on dit au
Conservatoire. Puissent-elles nous le pardon-
ner et nous pardonner aussi d'être aussi bref !
M"' Suzanne Percheron, dont le pro-
gramme contenait les noms de M"'^' Dubel, de
MM. Gigout et Salmon, puis M"'' Marcelle
Bouclieron sont des pianistes bien douées
que nous retrouverons avec plaisir. M""' Jou-
tard Loe'wrensolin a plu par un jeu d'une
délicatesse exquise. C'est aussi une des qualités
de M"*^ Caffaret qui de petit prodige est
de\enue grande artiste. M"'' Piltan est éga-
lement une jeune pianiste d'un jeu intelligent
et discret. M"" Bargier Pelletier, M"'
Goodson, M" de Lauleri, M" Morsz-
tyn se sont fait applaudir dans des programmes
bien compris.
Il y a peu à dire de la pianiste Russe Nikto,
après ce qui a été dit de son étrange person-
nalité. C'est une interprète spéciale de Chopin,
mais ce n'est guère une pianiste. Elle s'est fait
entendre plusieurs fois, notamment au Lyceum.
Ce mois de Mai a été fécond en violoncel-
listes. Mentionnons seulement M. Casals,
leur chef incontesté, qui avec M. Pugno a
remplacé M. Ysaye souffrant. Dans im concert
à la salle (javeau.
MM. Hekking et Wurmser ont
donné trois séances de sonates où, a côté
d'oeuvres classicjues, nous avons apprécié une
sonate nouvelle de M. Bertelin, une de
Samuel Rousseau et celle de M. Chevillard.
M. Salmon a témoigné de son beau talent
dans des sonates de Beethoven et d'Ariosti et
dans de petites pièces qu'il a jouées à la per-
fection. Le tout jeune M. G. Pitsch. est de
nos premiers violoncellistes et ses deux concerts
ont été fort remarqués. M. Maxime Tho-
mas donne d'agréables matinées où il fait
entendre des œuvres nouvelles pour violon-
celle. M. Espinoza fut applaudi rue d'Athè-
nes dans des œuvres classiques, et M'"^ De-
lune au Lyceum dans un poème et une
sonate nouvelle de M. Louis Delune, œuvre
très personnelle dont nous reparlerons. Citons
enfin M. René JuUien. On le voit, le
le violoncelle n'est pas délaissé.
Moins nombreux mais non moindres furent
les violonistes :
M. Ysaye (avec M. Pugno), M. Thi-
baud (avec M. Cortot, M. Casals, et un
orchestre), M. Enesco (avec M. Risler). Ce
furent cinq séances hors de pair.
M. Juan Massia possède une belle sono-
rité et une technique impeccable. M. Herr-
mann et M'"'' Zipelius forment un duo de
violonistes fort intéressant (^jolie sérénade de
Sinding). M. ChiaflBtelli a beaucoup de
sûreté. M. Edgard Basset a joué avec
vigueur et justesse le Conserto de M. Saint
Saëns et Zapalcado, de Sarasate. Louons
enfin le joli talent, très délicat, de M"'' Mor-
hange.
Les six séances de harpe chrt>matique du
Quatuor Lénars se sont terminées dans
les applaudissements. M"'' Lenars et les parte-
naires tirent tout le parti possible de la harpe.
M. Barié, organiste de S' Germain des
Prés, a fait entendre une Symphonie pour
t)rgue qu'il vient de composer et qui est d'une
\éritable i)riginalité par le choix et le déxelop-
pement des thèmes et \x\v la régistration.
Il faut nientionncr da:is le^nii\rc-> nouNtlIes
de jolies mélodies de M"' Nadia Boulan-
ger, chantées à la Salle Ple\el, des pièces
très originales de piano et de chant M"'' Delhez
et l'auteur (M"'" Gignoux) données au Ly-
ceum, enfin toute une série d'cruxres de
M"' Sauvrezis, jouées Salle Plevel, dont
L'ACTUALITE MUSICALE
239
plusieurs ont un réel sentiment antique (hymne
Orphique, Epigramme funéraire.)
La Société Mozart fait revivre des
œuvres oubliées du Maître, comme la " Kleine
Nachtmusik " et la Sérénade qui figuraient à
un programme de son 2""' Concert.
La Société l'Etoile que dirige M'"'' de
Journel, la distinguée professeur de chant, a
donné une agréable matinée, avec M"*^ Nicot
Vauchelet, M. Foix dans le Roi d'Ys et la
nuit de S. Jean, de Lacome.
— A La Française, très intéressante audi-
tion d'œuvres de Bourdeney — le programme
a trouvé de bons interprètes en M"**^ Boichin,
Billard, Clapissen et M'" Bazelaire.
— r Très réussie la matinée que M^''' Kohl
a donné le 27 mai à la Salle Malakoff pour
l'audition de ses élèves.
Gros succès pour M"''^ Mary Chris-
tian, à la Salle du Petit Journal, soprano
dramatique d'une rare pureté.
Le cours de Chant, Diction et Mise en
Scène Reyer-Dumontier qui, jusqu'ici,
avait lieu au petit théâtre de la rue de Puteaux,
vient de se mettre dans ses meubles, en trans-
formant un atelier 16, avenue Rachel (18*^)
en un élégant salon avec Scène.
Le talent de Madame Edith Reyer et les
connaissances du Théâtre de M. Dumortier
comme chanteur et metteur en Scène, assurent
le succès de ce cours déjà très suivi par la
meilleure société mondaine. Cours spécial
pour les artistes.
— L'Assemblée générale de l'AsSOCia-
tion des Artistes musiciens (fondation
Taylor) a eu lieu le vendredi 6 mai, à une
heure et demie précise, dans la grande salle du
Conservatoire de musique et de déclamation
(entrée par la rue du Conservatoire). Ordre
du jour : 1° Compte rendu sur la gestion du
Comité pendant l'année 1909 et la situation
financière et morale de l'Association, par
M. Francis Waël-Munk, secrétaire ; 2" Ap-
probation des comptes de l'année 1909 ;
3° Vote du projet de budget de l'année 191 1 ;
4° Election de quinze membres du Comité.
— Le Salon de la Société Nationale des
Beaux y^rz'5 a donné le 31 mai, entre autres
œuvres intéressantes, une Sonate pour piano et
violon de M. L. Sachs. C'est une œuvre
d'allure très franche et qui montre à quel point
l'auteur affectionne la forme chantante du lied.
— Les deux Ecoles Normales d'institutrices
de la Seine ont offert aux Instituteurs et aux
Institutrices, une matinée musicale. L'exécu-
tion des chants fût vigoureuse, correcte, parfois
un peu raide. Mais est-ce là un défaut chez
des commençants ?
— Voici que le Pianola fait maintenant
concurrence aux meilleurs virtuoses. Cet excel-
lent instrument vient, en effet, de donner un
concert des plus intéressants à la Salle Fémina
et on reste surpris de leur interprétation si
vivante.
— La Société des Compositeurs
de Musique met au Concours, réservé aux
seuls Musiciens français, pour l'année 1911,
les œuvres ci-après :
I. 'Pièce Lyrique^ pour voix solo et orchestre.
Prix Arnbroise Thomas : 1000 francs.
II. Quintette^ pour instruments à archet et
un ou deux instruments à vent, au choix du
compositeur.
Prix : 500 francs, offert par la Société.
III. Pater Noster, pour ténor ou baryton
avec accompagnement d'orgue.
Prix Samuel Rousseau : 300 francs offert
par M™^ Samuel Rousseau.
— M™'' Rimé-Saintel a donné mardi
soir 31 mai. Salon Malakoff, une Audition-
Concert où l'éminente violoniste fut très
applaudie, ainsi que ses élèves, parmi lesquels
nous citerons : M"®® J. de Rosales, J. de
Labarde, M. Joviaux, J. Charton. M. Peplto
d'Aspiazu. etc. M"^*^ Le Senne, de l'opéra,
bissée dans de délicieuses " Mélodies " de Léo
Sachs. Curieux et fort artistique programme,
signé R. Bonfils, dessiné spécialement pour,
M"*^ Rimé-Saintel
Signalons enfin le beau concert du Phonola
Stransky, avec le concours des deux
prodiges Weltmann.
F. GuÉRILLOT.
A.' DURAND & FILS, Éditeurs de Musiq
(DURAND & Ciei
4, Place de la Madeleine, PARIS
ue
Musique
de Chambre nouvelle
J. JONGEN
id.
Trio pour Violon, Alto et Piano
Qualuor pour Violon, Alto
Violoncelle et Piano
net 10 fr.
net 12 fr.
id.
2'"*' Sonate pour Violon et Piano
net 10 fr.
B. HOLLANDER
Quatuor à cordes
Partition et Parties
net 10 fr.
ROGER-DUCASSE
Quatuor à cordes
Partition in- 16°
Parties séparées
net 3 fr.
net 10 fr.
GRAND CHOIX DE MUSIQUE DE CHAMBRE FRANÇAISE & ÉTRANGÈRE
Œuvres de C. SAINT-SAËNS, Edouard LALO, Vincent d'INDY
A. de CASTILLON, CM. WIDOR, Claude DEBUSSY,
Paul DUKAS, Gabriel PIERNÉ, Emile BERNARD,
Charles LEFEBVRE, C. CHEVILLARD, GUY-ROPARTZ,
G.M. WITKOWSKI, Maurice RAVEL, ROGER-DUCASSE, etc.
CLASSIQUES FRANÇAIS
Œuvres de Rameau, Couperin, Caix d'HerVelois.
Grand abonnement à la lecture musicale française et étrangère.
Plus de 50.000 morceaux et Partitions.
Dépôt exclusif pour la iM-anco des Editions Peters.
L ' A C T U i^ L ] T E M U SI C A L E
Province
241
QUATUORS DE PROVINCIAUX.
— Autrefois, alors que la musique de chambre
était accessible à une certaine catégorie d'ama-
teurs modestes, mais très convaincus, on voyait
fleurir dans les petites villes de province, des
sociétés de quatuors. C'était des employés,
des petits rentiers," des bourgeois cossus, voire
même des ecclésiastiques, piqués de. la formule
^artistique, qui se groupaient à jour fixe, et
assis devant les œuvres d'Haydn, Mozart,
Beethoven ou Mendelssohn se donnaient la
grande joie de mettre à peu prés au point, une
des pages admirables que ces Maîtres ont
écrites pour le quatuor seul. Ces séances,
toutes d'intimité et de mystère, se donnaient
dans des cénacles, d'où les profanes étaient
soigneusement exclus, à part quelques rares
exceptions, pendant lesquelles les exécutants
consentaient à s'exhiber et à se faire entendre
à quelques amis, soigneusement triés sur le
volet.
Ces réunions étaient exquises et suffisaient
à entretenir le feu sacré dans toute une petite
ville: les heureux tenants de ce tournoi musical
portaient le nimbe qui les sacrait' artistes
aux yeux de leurs compatriotes, et la jeunesse
d'alors aspirait à imiter leurs exploits. On
parlait dans les cercles du jour musical du
receveur particulier, ou des soirées artistiques
du i"' vicaire, organiste de la métropole, et
quelque peu violoncelliste à ses moments per-
dus. Il faut ajouter que souvent des agapes
plantureuses et joyeuses se greffaient sur les
réunions artistiques; après une mélodie de
Beethoven, le concerto de Brillât-Savarin ou
la Symphonie de Carême trouvaient dans les
quatre partenaires, des fourchettes alertes et
des estomacs solides et exercés, et tout cela
stimulait le zèle des gourmets qui, de ce fait,
devenaient des dilettantes consommés: puissan-
ce de la musique sur la gastronomie ou de
celle-ci sur la musique! Mystère!... que l'on
ne voulut jamais approfondir...
Ces heureux temps n'existent plus: l'odieuse
politique a divisé tous les esprits, a fermé tous
les ccjeurs; et le petit ministrable, le moindre
administratif, qui seul dans sa chambrette, use
un réel talent à repasser sur son violon, son
Kreutzer ou son Fiorillo, pour ne pas se
rouiller, y regarde à deux fois avant d'essayer
de joindre ses accords à ceux de l'alto militariste
et du violoncelliste clérical. Et s'il allait être
taxé par une casserole envieuse, de con-
spiration contre l'ordre des choses établies!..
Donc plus d'union! partant plus de musique.
Un autre échec au quatuor tranquille, est
l'intrusion dans l'éducation de la Jeunesse des
jeux en plein air. La Jeunesse moderne ne
rêve que plaies et bosses. On n'entend dans les
conversations d'adolescents parler que de per-
formances, matches, records, etc. La " Vie au
Grand Air " augmente bon tirage, tandis que
les Revues Musicales piétinent sur place quand
elles ne disparaissent pas dans l'indifférence et
l'oubli. Il ne faut pas s'inscrire en faux contre
cet état de chose ; mais seulement contre
l'excès qu'on en fait actuellement. L'athlétis-
me a du bon, mais pas trop n'en faut, et la
direction des jeunes esprits vers les sommets
sacrés de l'art, et surtout de l'art par excel-
lence, la musique est un genre d'Alpinisme
qui n'est pas à dédaigner. En reviendra-t-on?
il faut l'espérer. Lorsque la somme des mem-
bres cassés, des horions reçus et rendus, des
écrasements et des chutes aura comblé, la
mesure, sans aucun bénéfice pour les victimes,
on dirigera ses aspirations vers des distractions
plus paisibles, et la musique de chambre, re-
trouvant des adeptes et des fidèles tranquilles,
verra encore de beaux jours.
C'est alors que devra se lever une série de
compositeurs, qui, comprenant les besoins de
cette classe intéressante des musiciens, cher-
chera à l'intéresser par des œuvres emprun-
tant à l'art moderne toutes les ressources dont
il s'est enrichi, mais en ayant soin d'écarter
les difficultés accessibles seulement aux artistes
et qui rebutent des efforts moins habiles tout
en étant bien intentionnés. Car c'est là
également une raison du peu de succès des
quatuors de petite ville. Quand les modestes
partenaires veulent sortir de leur répertoire
classique, ils n'ont plus rien pour eux et lés
242
L'ACTUALITÉ MUSICALE
succès des grands quatuors de la Capitale
s'établissent sur des pièces qu'ils ne peuvent
aborder. Qu'ils travaillent, diront les maîtres
de le musique, et ils seront dignes de nous
jouer. Hélas ! il leur manque pour cela le
temps matériel possible, employés à leur bureau
ou à leur occupation journalière. Ce serait
donc faire œuvre utile pour les sociétés d'ama-
teurs et en même temps rénumératrice pour
le compositeur qui aurait l'habileté de conce-
voir intéressant et relativement accessible à
tous les amis de la musique, de penser à la
province dans certaines créations d'œuvres de
musique de chambre: RaflFy avait songé et il
donna des pièces qui n'ont pas la sévérité des
classiques et qui sont néanmoins délicieuses
à interpréter.
L'apaisement dans les esprits se fera sûre-
ment par la force des choses: le football aura
son temps : que les immortels quatuors inspi-
rent nos jeunes musiciens. On ne leur deman-
de que de composer compréhensible et l'on
verra refleurir les anciennes réunions de nos
jeunes années et se perpétuer le goût qu'elles
nous inspirèrent et que nous transmettrons
nous-mêmes à nos descendants par une pérenni-
té qui ne devra jamais finir.
J. Darrieux.
ALBI. — Une saison d'opéra-comique à
Albi est chose rare et mérite d'être signalée.
Mais il est à craindre que les efforts très
méritoires de M. Jan Boyer, directeur, ne se
heurtent à l'indifférence du public.
Et cependant nous entendîmes un " Barbier
de Sévillc " très acceptable et peut-on tenir
rigueur à la direction de ce que la perfection
n'ait pas été atteinte dans des œuvres comme
Werther et La Tra\iata r N. L.
ARLES. — Le quatuor Gallo-romain,
Fabre, Doladille, Dagard, Rieu, vient de
clôturer dignement ses séances de musique de
chambre en faisant entendre le quatuor de
Franck ; la Pa\ane de Ravel, un fragment du
Diciste de Perosi et enfin un quatuor de
Beethoven. A l'automne, la reprise de ces
intéressantes séances.
CARCASSONNE. — Autre concert sym-
phonique et concert des mieux réussis. Nous
nous permettons d'offrir toutes nos félicitations
à Messieurs Mir, père et fils, pour la maîtrise
avec laquelle ils ont tenu leur orchestre et
aussi à l'orchestre lui-même pour sa cohésion
et son admirable et méritoire entraînement :
Mention toute spéciale à Madame H. A'Iolinier,
l'excellente cantatrice, très bien accompagnée
au piano par Madame J. Sabatier — à Ma-
dame Vives-Curnier, harpiste, et à Madame
Combes, pianiste, dont l'exécution fut merveil-
leuse.
NIMES. — La société des concerts du
Conser\atoire de Nîmes, qui, depuis cinq ans
déjà, poursuit avec succès son œuvre d'éduca-
tion musicale du grand public nîmois, nous a
offert, mercredi dernier dans la coquette salle
de l'Eden, un magnifique récital de piano par
la jeune virtuose \on l^arcntzen, premier prix
du conser\;itoirc lic Paris de 1909, âgée
de I 2 ans.
Application
raisonnêe des
meilleurs procédés
pédagogiques
et techniques
employés par les
grands maîtres
contemporains
français
et étrangers.
LEÇONS de PIANO
VIOLONS, SOLFÈGE HARMONIE
VAR CORRESPONDANCE
COURS SINAT
Rue Franklin, 5, TARIS — Trocadéro.
L'ACTUALITE MUSICALE
243
Si de tels succès n'arrêtent l'évolution nor-
male de cette virtuose si précoce et si mer-
veilleusement douée, elle deviendra fatalement,
avec un peu plus de maturité l'une des plus
2;randes et des plus belles interprètes des grands
maîtres du piano.
L. B. C.
SALON. — On n'y est pas mélancolique.
Que nos lecteurs en jugent par ces quelques
lignes qui nous sont envoyées du Grand Café
du Commerce. (Rendez-vous de MM. les
Courtiers et Voyageurs) :
L'impressario amateur, auteur et acteur,
M. Mourret organise, pour être joué dans son
coquet théâtre de Verdure, de Fontgrave, un
véritable gala. Le programme comportera trois
pièces qui en disent long...
i" Banalités astrales, pièce d'actualité.
2'^' Voué au Blanc.
3" Tromb-Ac-Ca-Zar.
Nous sommes enchantés de donner à notre
actualité cette note de gaîté.
BORDEAUX. — L'événement artistique
capital du mois, fût la présence dans nos murs,
du "Tonkûnstler-Orchestre" de "Munich",
avec son chef, " José Lassalle " (un Français)
qui nous donna deux magnifiques Concerts
dans la nouvelle salle du Théâtre de " l'Al-
hambra ". Signalons tout particulièrement
l'exécution de la première symphonie de
Gust. Mahler et du Don Juan de R. Strauss
qui remportèrent un très gros succès.
La nouvelle salle du Théâtre de l'Alham-
bra qu'inaugurait l'orchestre de Munich, et qui
a été construite sur les plans de l'Architecte
" Tournier ", est certainement, une des plus
vastes et des plus confortables de Province.
2400 personnes, y sont très à l'aise ; l'acousti-
que y est excellente.
Pour être fidèle chroniqueur signalons le
concert donné par Madame Paul Duv, qui
chanta devant un public des plus élégants des
mélodies de C. Franck, Fauré, accompagné
par Monsieur " Edmond Bernard ", professeur
à la Schola Cantorum.
MM. Jacques et Joseph Thibaut viennent
de nous donner leur Concert annuel avec un
programme des plus artistiques.
V. Gendreu.
LES SABLES D'OLONNE. — Au
Grand Casino, M. Audubon a confié l'ad-
ministration artistique à M. Etienne Bardon,
officier de l'instruction publique, chef d'or-
chestre éminent, harmoniste distingué, excel-
lent violoniste, clarinettiste virtuose, en un
mot, artiste de réel talent.
Le passé de M. Bardon répondant de
l'avenir, à l'avance, il est facile d'augurer
qu'avec un tel artiste, notre Saison artistique
sera des meilleures.
Nous publierons prochainement le tableau
de la Troupe et le Répertoire de la Saison.
GUÉRET. — Vif succès pour M'^^' Vezet,
accompagnée par M'" Alaphilippe, dans la
Havanaise de S^ Saëns, Nos félicitations à
M. Tavannes dans Benvenuto Cellini.
— Des œuvres de Beethoven, Mendelssohn,
Cherubini, Bach, Gounod, Guiraud, Mascagni,
rehaussèrent les cérémonies de la premièie
Communion des lycées de jeunes filles et
garçons, et nous permirent d'admirer les jolies
voix de M^^*^* Chabot, Berge, Pignier, la belle
sonorité de M"*^ Duval et la maîtrise avec
laquelle M™'' Salmon dirige les chœurs de ses
jeunes élèves.
— A l'amicale des Instituteurs, une mention
spéciale à M"^® Soûlas et nos meilleures félici-
tations pour son brillant succès aux derniers
examens pour l'enseignement du chant dans
les écoles.
S* BRIEUC. — Concert intéressant donné
par la Philharmonique avec le concours de
Léon Moreau et de sa jeune élève M"*^ Che-
valier. Ils interprétèrent sur deux Pleyel à
queue de la Maison Gaudu les variations de
S*^ Saëns, Beethoven, et un concerto du distin-
gué Prix de Rome. La S^ Chorale, retour du
concours de Laval (avec deux premiers prix),
y chante avec succès deux morceaux.
TOURS. — La saison musicale est ter-
minée. Quand les fanfares de la foire de mai
F/~^ T_T A *T^ "C^ TWT TjÏ^ T* Photographie documentaire
. UrlA 1 tLNiL 1 e, artistique
67, rue des BatignoUes, 67, PARIS.
Nouveau procédé sur papier; blanc sur noir, grandeur 18x24:
Pour une commande de cinquante épreuves 0.75 par épreuve.
Par petit2 quantité : 1 f r. par épreuve.
Par ce procédé, la Maison CHATEXET a fourni aux Bénédictins
de Solesmes pour leur Paléographie plus de 40.000 photographies.
PRIX-COURANT :
Cliché 13x18 avec une épreuve, 3 fr.; les suivantes, chaque 0.75
Cliché 1 8 X 24 avec une épreuve, 4 fr. ; les suivantes, chaque 1 .00
Cliché 24 X 30 avec une épreuve, 5 fr. ; les suivantes, chaque 1.50
^^"t "i<: metg&\t73i3nr
iitf iii.^SEl.-
yÈity c-éô
fPs.
v'
'c mon- Te» »"cu i\\< .w ^n :\\tfvf\t\t ..
'UA ,pl,]
ur
*^
\-tii'i^iiux -»iU cfiiuti U'intc. .\Tnonr tm\ ^cKiunyçe]
Kxlrnil du romnn tic liiuvcl (131 Si puLlir rn n-prorlurlitin plioto^;riiphiguc.
L ' A C T U A L 1 T E M U s I C A L E
•45
ï^oiijieiit sur les bords \crdoyaiits de notre
Jvoire, qui pourrait résister à leur appel et aller
s'enfermer dans une salle de Concert, fût-ce
pour assister à une soirée aussi peu fatigante
que celle donnée pour la clôture par la société
littéraire et artistique de la Touraine (à noter
de belles pages de Chabrier, Ch. Bordes et
Fernand Jouteux fort bien chantées par M"^^'
Paul Diey, et de vieux airs accompagnant
V El Brou^ farce paysanne tirée du Folk-Lore
tourangeau par MM. Horace Hennion et
,Em. Morin) — fût-ce pour entendre une
aussi excellente interprétation de sonates que
celle de M^^^ Wyder et de M. Liéron à leur
dernière séance (mi maj. de J. S. Bach ; si
maj. de Victor Vreuls ; sol min. d'Ed. Grieg.)
Donc, à l'hiver prochain...
H. H.
CAEN. — La saison des Concerts est ter-
minée et l'activité musicale est concentrée au
théâtre pour la durée de la saison d'opéra.
Avec de bons artistes des grands théâtres de
province : M^^^' Virgitté, MM. Breton-Caubet,
Delpret, etc. et quelques artistes en représen-
tation: M™® Clément, M. Aumonnier, on joue,
au Théâtre municipal, le répertoire consacré.
A. M.
TROUyiLLE. — La réouverture du
Casino aura lieu le 1 5 Juin. La saison théâtrale
commencera par l'opérette avec M™® Landouzy
de l'opéra-comique.
Puis trois grands concerts avec le concours
de M™^ Félia Litvine la grande cantatrice,
M™® Juliette Toutain-Griin la célèbre virtuose
dont le talent est si apprécié et de M™® Herleray
de l'opéra-comique. Pour ces soirées M""' San-
drini de l'opéra, accompagnée de dix danseuses,
apportera un attrait nouveau pour les specta-
teurs du Casino.
Ajoutons à ces représentations quelques
tournées parisiennes avec le concours de M'""^®
Tessandier de l'Odéon, Berthe Bady du Gym-
nase, Andrée Megard, Madeleine Lely, Miss
Campton ; MM. Albers de l'opéra-comique,
Gémier, Calmettes, Max Dearly, André Brûle
etc.; on voit que les spectateurs n'auront que
l'embarras du choix.
Nous parlerons avant l'ouxeiture de la saison
des autres artistes de la troupe permanente.
MONTPELLIER.— Les ancienséléments
de la Schola viennent de se grouper à nouveau
sous le nom de " Société Charles Bordes ",
dans le but de continuer l'œuvie de décentra-
lisation artistique commencée par le Maître
prématurément disparu. La nouvelle société
s'est déjà fait entendre à l'église dans une
messe de Vittoria et diverses œuvres de Nanini,
R. de Lassus, Aichinger, Bach, etc. r
Grâce au concours des chanteurs de la Schola
d'autres sociétés peuvent donner de temps en
temps des auditions intéressantes. C'est ainsi
que la Société de S^ Jean, nous fît entendre
dans de bonnes conditions le beau psaume
" super flumin^ " de Guy Ropartz.
— De leur côté les musiciens professionnels
ont fondé une association de secours mutuels
au profit de laquelle ils ont donné cette année
quatre concerts.
— Parmi les artistes de passage je mention-
nerai : le Quatuor Zimmer, très aimé des Mont-
pellierains.
Enfin MM. Enesco, Wurmser et Hekking
se firent apprécier dans un joli trio d'Haydn,
la belle sonate (piano et violon) de Schumann,
admirablement interprétée, et la sonate de
Boëilmann. E. P.
BEZIERS. — Les représentations d'Helio-
gabale sont définitivement fixées aux 21 et 23
août. L'orchestre de 300 musiciens sera dirigé
par M. Hasselmans. Les danses, réglées par
M. Belloni, seront exécutées par M'"®^^ Napier-
kowska, Sereni et Ea Karité. M. Franz et
M"^ Le Senne de l'Opéra prêteront leur con-
cours pour la partie musicale. . E. P.
LYON. — Parmi les rares auditions de
cette fin de saison, nous mentionnerons : un
récital de piano dans lequel Edouard Risler et
son brillant élève Ennemond Trillat ont été
acclamés ; les deux dernières séances du quatuor
Gillardini, Loiseau, Vieux et Hekking et une
intéressante audition, des élèves de M™* Mau-
vernay. , ~
246
L'ACTUALITE M U S 1 c: A L E
Le deuxième concert du Tonkilnstler-Orchester
de'- Munich, a eu lieu, le 5 mai, à la salle
Rameau, cette fois archi-comble. La première
symphonie de G. Malher.
V Enchantement du Fcndredi saint, de Parsi-
fals, le 'Prélude et la mort d'Tseult, l'Apprenti
sorcier, de Dukas, et les ouvertures des A/^/^ré-i
Chanteurs et de Tannhaiiser figuraient au pro-
2;ramme et ont été merveilleusement exécutés.
Le public L}onnais a fait une enthousiaste ova-
tion aux artistes bavarois et à M. J. Lassalle,
leur chef expert et réputé.
L'audition des élèves de M. Gaston Bevle
a été très brillante ; c'est plaisir d'entendre
interpréter avec autant d'intelligence l'aventure
d'Arlequin de Hiliemacher et la Légende du
Point d'Argentan, de Fourdrain. E. B.
''AMIENS. — Après avoir fait applaudir
aux habitués de leurs concerts les oeuvres des
grands maîtres, les dirigeants de l'Harmonie
Municipale, variant le programme de leurs
réunions, nous avaient conviés, mardi soir, à
entendre et passer en revue les divers genres
de la chanson.
En un programme fort bien composé, nous
avous goûté en cette soirée les œuvres des
meilleurs maîtres chansonniers de toutes les
époques et de nationalités diflFérentes, airs du
passé, refrains des pays orientaux et slaves
les couplets modernes en passant par les chan-
sons canadiennes.
Les chansons tziganes, dont la musique
irrégulière nous échappe un peu, nous ont été
produites par M"'" Ew. de Primo-Zamco.
CHARLEVILLE. — Au théâtre, la
Société Philharmonique donnait son dernier
concert de la saison. L'excellent orchestre y
avait ample besogne. Signalons la brillante
ouverture de Phèdre (Masscnet) la S}'mph(Miie
d'Haydn rendue très délicatement, un andantc
pour instruments à vent, et un gracieux
Carillon de M. Tridemy, chef de la Société.
M. Dietrich exécuta au piano en un excel-
lent style un Nocturne de Chopin et cnlc\a
brillamment la l T' Rhapsodie de Lis/t.
M. Bellamy, en fin diseur, eut sa part d'ap-
plaudissements dans ses chansons modernes e:
dans quelques couplets de Béranger et de
Nadaud.
DOUAL — Les élèves de l'Ecole Natio-
nale de Musique, ont donné au cirque muni-
cipal un très intéressant exercice musical.
Mentionnons tout particulièrement l'orchestre
formé des élèves des différentes classes instru-
mentales, admirablement st^■lé par le directeur
M. Paul Cuelenaere. Ces jeunes gens et ces
jeunes filles, presque des enfants, ont assumé
la lourde tâche d'accompagner cinq Concertos
de Mozart, Max Bruch, Goltermann et
Grieg. Comme solistes signalons : M. André
Obez, pianiste doué d'un tempérament très
artistique, M. Delmotte, excellent clarinettiste,
M. Paul Elis, \ioloncelliste au son magnifique :
M"'' Suzanne Daoenne, dont le jeu est si
brillant.
RETHEL. — Très intéressant concert
donné par la Société d'Etudes S\mphoniqucs,^.\&c
le concours de M"'' Aimée Ozanne, pianiste,
M. Raymond Mennesson, violloncelliste ;
M. Martius Pompon, violoniste. .Excellent
programme et exécution très soignée. Voici
bientôt la fin de nos séances musicales qui
reprendront au début de l'automne.
NIORT. — M. et M'"^ Tolbecque vien-
nent de donner une audition de musique
classique, à laquelle prenaient part, outre
M. Tolbecque, M"''' Ducret et Loudun,
M'"" Corbin, RifJaud, Bertrand, M. Rittber-
ger. M. Tolbecque remporta un grand succès
tant comme chef d'Orchestre que comme
violoncelliste en exécutant le premier Concerto
de S' Saëns.
NANTES. — Deux auditions d'impor-
tance, en cette fin de saison. Tout d'abord le
concert Hermann, a\ec le concours de
MM. Capet et Paulet. M. Hermann s'est
révélé un excellent chef d'iirciiestre, plein
il'initiative et de décision. Puis le concert du
groupe " A Capella ", où M. Loins de Serres
\int diriger des (ru\res pol\ ph()nii|ues, et
L'ACTUALITE MUSICALE
247
M^''' Blanche Selva exécuter un programme
historique. M'"^' Selva excelle dans les œuvres
modernes, l'intensité et la vigueur de son jeu
portent haut et loin.
J. B.
ROUEN. — Les concerts de la Société
des Artistes Rouennais a présenté jusqu'au
bout un réel intérêt, avec son concert de mu-
sique de chambre, et surtout avec la " Damoi-
selle Elue ". M. Marcel Dupré, premier prix
du Conservatoire, s'est fait admirer dans des
œuvres de Bach, de Franck, d'Albeniz et dans
la jolie Suite bourguignonne de Vierne. Très
bon succès aussi pour M^'^René Doire, pianiste
brillante et délicate. P. L. Robert.
POITIERS. — A signaler le jeu sûr et
intelligent de M. Bernard, pianiste, et le succès
de M"^*^ Paul Diey. "
VESOUL. — Le 28 mai a eu lieu une
très intéressante audition des élèves de l'Ecole
de musique Lanzôni, avec un de ces pro-
grammes un peu mélangé, comme on en
rencontre encore tant en province, mais qui
témoigne d'un véritable et sincère effort artis-
tique.
Belgique
OUBLIS ET OMISSIONS. — Nous
avons oublié, dans le compte-rendu de la
2^ séance de la section belge de la S. L M. de
citer le nom de M. Van Bever. Qui prêtait
son précieux concours à l'audition, que l'ex-
cellent artiste veuille bien prendre sa part des
félicitations que nous avons exprimées.
— Omis également, à propos de la distri-
bution des récompenses aux élèves de l'Institut
musical dirigé par M. H. Thiebaut, de signaler
une exécution, certes mémorable, de la Kaiser
marsch de Wagner, par 16 mains et une cen-
taine d'enfantelets et jeunes filles, avec tra-
duction ^^w^r^n^ de M. Van den Borren.
— Toujours à propos de cette séance, nous
avons reçu une longue lettre, signée par
Madame Emma Lachenmeyer, de Genève.
Notre aimable correspondante, après noiis
avoir reproché un avis hâtif et superficiel
s'attaquant à une méthode dont nous n'avons
certes pu mesurer les effets lointains et la haute
portée — [nous l'avons dit, la démonstration
était la première faite en Belgique et c'est
d'après l'impression qu'elle nous donna que
nous avons cru, sous réserve, pouvoir émettre
une réflexion défavorable] — Madame La-
chenmeyer disons-nous, exalte la valeur de
cette méthode. Son enthousiasme ne réussit pas
à nous convaincre. "Ecole de volonté,' école
de lumière, école d'ordre supérieur — les
mouvements qu'elle enseigne montrent, tra-
duisent, développent à travers le corps tout
entier, l'âme personnelle de chaque petit enfant ;
impossible, avec ces mouvements de cacher
quoi que ce soit, mais mettre les défauts en
lumière, c'est les combattre ".
Franchement, nous n'avons pu soupçonner-
tout cela, et nous n'avons constaté qu'une
chose, à savoir que, par un commandement
bref, on oblige les enfants à se livrer à tel
mouvement appris d'avance, parfaitement
défini, alternant avec tel autre également prévu,
le même pour tous. C'est le côté " pion " de
la méthode. C'est le " programme " scolaire,
la contrainte, le frein pour le libre exercice du
corps — et de l'esprit.
C'est le règlement, la loi commune, qui
devant l'exception, devient non seulement ridi-
cule, mais odieuse. Elle a raison, peut-être,
pour ce qui regarde les fonctions générales, et
à ce titre, la gymnastique ordinaire, qui ne
prétend pas à l'art, et qui ne se réclame pas
de la " Musique " me paraît suffisante. Bien
plus, M. H. Thiebaut, dont nous admirions
la conviction, la ferveur, et les très hautes
ambitions, ne nous disait-il pas, " nous forçons
les fillettes à s'appliquer. Il faut qu'elles suivent
le commandement. Peu à peu, nous disci-
plinons les plus distraites — et ne nous préten-
dons pas qu'elles s'abandonnent à leur bon
plaisir, quand l'une se montre gracieuse (c'est
dans le caractère de la femme) nous nous
empressons d'intervenir, de corriger — car
VIENT DE PARAITRE
A LA
MAISON BEETHOVEN
(GEORGES OERTEL)
RUE DE LA RÉGENCE, 17-19, BRUXELLES.
C. THOMSON
ZIGEUNER RHAPSODIE
Pour Violon et Orchestre
Réduction : VIOLON ET PIANO, net 6.00
EN LOCATION LE MATÉRIEL D'ORCHESTRE
GHOPIN-THOMSON
MAZURKA op. 7 No. I. Violon et Piano, net 2.00
EN PREPARATION:
ROOVERSLIEFDE
Drame Lyrique en un acte de p. GILSON
PARTITION : Piano et Chant.
L'ACTUALITE MUSICALE
249
nous ne voulons pas, nous, de la Office. "
Eh : bien, je le demande, n'est-ce pas là de
la scolastique desséchante. — M. Jacques
Dalcroze et ses fidèles voudraient-ils donner
raison à la géniale ironie du plus grand
écrivain de notre ère ; en transformant nos
jeunes filles en autant de mannequins méca-
niques, annonciateurs de V Eve future ?
Certes, les jeux des enfants sont autrement
profonds, psychologiquement, que ces mouve-
ments de la méthode, et là seulement se
'traduit l'âme, telle qu'elle est. Et puis, que
dire de cette conception de l'harmonie qui pros-
crivant chez les fillettes, la grâce, qui est bien
l'expression distinctive, et le charme de nos
compagnes ? Allons donc, la nature se moque
bien des écoles, encore qu'elles soient d'inté-
grité, " parce que les mouvements doivent
être exécutés avec précision, sans à peu près,
jusqu'au bout, sans faire semblant, sous le
contrôle et la direction du rythme ". Et il ne
s'agit point, madame Lahenmeyer, de faire
exécuter les mouvements Dalcroze à la cam-
pagne pour que la méthode devienne lumi-
neuse. Ce n'est pas pour être exposée au plein
soleil de midi qu'une croûte quelconque
devient un Claus ! La clarté, comme l'âme,
vient du dedans, et la musique n'est pas un
contrôleur de volonté, et le rythme ne s'im-
pose pas. Chacun de nous porte le sien. C'est
ravaler cette expression supérieure de la vie
au rôle le plus attristant qui soit, que la faire
servir sur peau d'âne, sur corde ou métal, ou
à travers le corps des enfants, à l'ordre résumé
dans : Un, deux ! Cet ordre là, c'est le point
mort, et c'est pour l'oublier que nous sommes
nés musiciens.
R. L.
SÉANCES. — A y Université Nouvelle^
M. Lionel Dauriac a parlé de la Musique et
r Intelligence. yi. Henry Quittard annonce une
causerie sur la Musique vocale et instrumentale
aux I 5*^ et 1 6*^ siècles.
COMPOSITIONS DE EDGAR TINEL
m
m
■
B
Nouvelles éditions
revues et corrigées
Op.
1.
Quatre Nocturnes à une gg
voix Fr. 2.—
a Op. 11.
Funf Gesange aus N. Le-
nau's " Lieder der Sehn-
Op.
2.
Trois Morceaux de Fan-
taisie pour Piano : No. 1 .
Papillon. 2 Le soir.
3. Adieu . . .complet „ 2.—
Op. 12.
sucht " (texte allem. et fl.) ,
Een krans van veertien
oud-vlaamsche min-
neliederen (texte flam.)
2.—
Op.
3.
Scherzo en ut mineur pour
piano , 2.
Op. 13.
complet net ,
Vlen oud - vlaamsche
5.—
Op.
4
Dria Llederen (texte fl.). „ 1.75
dPinkliedenen (texte fl.)
Op.
5.
Quatre Mélodies ;
1 . L'Automne „ 1 ■ —
2. Charmante Rose. . . ., 1.35
3. Bel Enfant, souris-moi . „ 0.85
4. L'Oracle en défaut. . „ 1 .OO
idem . . complet net . „ 2.50
Op. 14.
complet net
Au printemps, cinq mor-
ceaux de fantaisie p. piano:
I . Hymne. 2. Joie. 3. Peti-
tes fleurs !... 4. Ave Maria.
5. Danse de paysans . . ,
2.50
4.—
Op.
6.
Deux Mélodies :
1. L' Angélus 1.35
2. Pourquoi .,,1.35
Op. 17.
Marche extraite delà can-
tate " Klokke Roeland
pour Piano à 4 mains . . ,
2.50
Op.
7.
1 . Impromptu-valse, p. piano „ 2. —
2. Chanson, pour piano . . „ 1 . —
Marche p. piano à2-mainsQ),
Weverslled uit de cantate
2.—
Op.
8.
Sechs LIeder und Gesange
(texte allemand et flamand) „ 3. —
Op. 30.
" Klokke Roeland "...
Marche Nuptiale ipour
1.35
Op.
9.
Sonate pour piano- . net ., 5. —
piano à 4 mains ,
3.—
Op.
10
Schilfliedep von ^l'co/as
Lenau (text allem. et fl.) „ 2.— 1
Le Mois de Mai (à Ma-
rie) Mélodie ,
1.35
m
m
■
B
B
SCHOTT FRÈRES, Éditeurs de Musique à BRUXELLES
LEO OLSCHKI
FLORENCE Lungarno Acciaioli 4.
LIBRAIRIE ANCIENNE
Puici (Luigii, Driades d'amore sa.
Catalogues de Musique ancienne Rarissime
Manuscrits, Tablatures, Antiphonaires
Hymnologie, Chansons.
BIBLIOFILIA, revue mensuelle, illustrée et connue dans
le nnonde entier des bibliophiles. (Un an 30 fr.)
L'ACTUALITE MUSICALE
251
M. f^an den Borren a termine" son cours
d^hktoire de la musique de Clavier.
Ce cours comprenait l'étude et l'exécution
de nombreuses œuvres, datant de 1450 à la
seconde moitié du 16'' siècle. L'érudit profes-
seur examinera l'an prochain Les origines de la
musique de clavier en Angleterre et dans les Pays
Bas, (lô^" siècle et début de ly^ siècle) et la
naissance de la " suite de clavier " pendant la
l'''^ moitié du 17° siècle.
— L'éminent professeur et écrivain M. £^wi/^
Sigogne^ a parlé chez Af "'^ Emma Beauck de
' P Esthétique de la Parole.
— L'orchestre du Conservatoire^ sous la direc-
tion du Maître Edgar Tinel a donné un
concert dans la grande salle des fêtes de l'Ex-
position Internationale, le 29 mai.
— On annonce, pour le 31 juillet 19 10, la
fête organisée par le Royal Cercle instrumental
de Bruxelles., à l'occasion du 25*^ anniversaire
de son président M. Borremans. Le jeune
artiste qui dirige excellement cette renommée
phalange y fera entendre un Chant triomphal
de sa composition avec le concours du Cercle
Royal y Orphéon.
— M.Z)w/"««^, dontnous admironsl'inlassable
dévouement à la tâche d'éducateur^ organisait,
dans le courant de mai, avec un orchestre de
65 instrumentistes, salle de la Grande Harmonicj
8 auditions.
Il fut secondé par M'^®® Angus, Ceuppens-
Honzé, Gabrielle Bernard, Ketty Kuzon,
Christiane Eymael, Marguerite Dases-canta-
trices.
p^/[Ues Berthe Bernard, Germaine Lievens,
pianistes. — MM. Doechaerd, Frigola, violo-
nistes, — Den Haerynck, baryton, Van Huile,
flûtiste, Van Neste, violoncelliste.
■ BIBLIOGRAPHIE. — Spleen de ?ieige, de
Michel Brusselmans. (Edition Oertel. Bruxel-
les. Avec couverture en couleur par le peintre
B. Brusselmans.)
Le jeune compositeur, dont le tempérament
dramatique et fort s'est affirmé dans des
œuvres largement conçues et construites, nous
offre une mélodie délicate, fluidique, peu en
rapport avec ce que nous connaissons de lui.
peu caractéristique de son art. Cela tient
vraisemblablement au poème — pardon —
aux paroles, qui sont en dessous de la littéra-
ture. — Une impression chante, légère et
douce, dans une tonalité, mélancoliquement
évocatrice, qui fait songer à la sonate au clair
de lune de Beethoven...
— Trois ^Poèmes de Harold Bridgman.
Une œuvre de début, d'un musicien qui
promet. M. Brigman excelle à évoquer l'âme
subtile d'un poème, sa musique, en demi-
teinte, est plus une sensation notée qu'un
thème dévoloppé. La nuance est vaporisée, et
flotte comme un voile autour du lied qui s'im-
précise. La " manière " debussyste hante le
compositeur : nous le mettons en garde contre
ce danger, le même pour tous les jeunes...
— Remembrâmes. — Quatre impressions
musicales sur des poèmes à'' Arthur Symons,
traduits par E. et L. Thomas.
De M. Ludovic Stiénon du Pré, sur de
délicates notations, a composé de fort agré-
ables harmonies, caresses musicales imprégnées
de regrets, et de vague tristesse. Ces quatre
mélodies sont d'excellente tenue et de distinc-
tion ; elles forment un charmant recueil.
LIEGE, 15 Alai 1910. — La tournée
Félia Litvinne est passée par chez nous,
triomphante comme partout, plus chaleureuse-
ment applaudie qu'ailleurs par la colonie des
étudiants russes à l'intention desquels la
superbe cantatrice dût chanter de nombreux
bis en leur langue. L'accompagnement mûri
par M. Lauweryns, devint une vraie et très
artistique collaboration et M. Bazelaire jugeait
le charme très pur de son violoncelle à la
passion de l'interprète principale.
Par une fâcheuse coïncidence, les auditeurs
de M^^^® Litvinne furent privés d'entendre le
concert des Amateurs, où M""*^ Gôb développa,
dit-on, un superbe organe en chantant du
Gluck, du Haendel; où M. Nicolas Radoux
se montra hors pair dans le concerto en sol
pour flûte de Mozart, où fut interprété —
avec la collaboration de MM. Dumoulin,
trompettiste et Maurice Jaspar, pianiste — le
septuor de Saint Saëns.
DÉSIREZ-VOUS CONNAITRE L'ADRESSE
d'une Maison donnant en LECTURE non seulement de la
Musique Française
MAIS EGALEMENT ET SURTOUT
r
Toute la Musique Etrangère
ET MEME DES
Partitions d'Orchestre ?
ADRESSEZ-VOUS A
M. MAX ESCHIG, 13, rue laffitte, 13, PARIS
TÉLÉPHONE 108-14
qui vous enverra immédiatement toutes les conditions
SERVICE POUR PARIS ET LA PROVINCE
ÉDITION POPULAIRE SIMROCK
Les Chefs-d'CEuvre de BRAHMS, BRUCH,
DVORAK, SCHUTT, etc.
POUR LA MOITIÉ DJ', LiajRS l'RlX ANCIP.NS!
DI.MANDi:/. \.V, CyX'I'AlXKUn', SIM'CIAI,
L'A C T U y\ L J T E M IJ S I C A L E
253
— M. Jules Debefve a repris cette année
ses concerts de printemps, au théâtre royal, et
malgré le programme attrayant dont il les dota
— un Festival Wallon — il n'a point à se
louer de cette entreprise. Le public ne vient
pas. Après une expérience de plusieurs années,
le fait s'avère et il est à souhaiter que M. De-
befve en revienne au système ancien, qui
consistait à donner quatre grands concerts
d'hiver et à supprimer les auditions de prin-
temps.
Le Festival Wallon était loin du reste de
réunir tous les grands noms de notre province,
et il me suffira de citer trois des oubliés :
Victor Vreuls, Philippe Rilfer et Erasme
Raway, pour démontrer les lacunes de son
programme. D'autre part, la partie ancienne
était soignée ; on a entendu du Gréty, du Jean
Noël Hamal (t 1778), autant que des acteurs
vivants : Cari Smulder, Albert Dupuis, Théo-
dore et Charles Radoux, Riga, Sylvain Dupuis,
Léon et Joseph Jongen ou d'autres, défunts :
Vieux-temps, César Franck, Lekeu. C'est un
joli contingent de noms et il est certe regret-
table que notre public ait montré si peu
d'empressement chauvin.
— A Vceuvres des Artistes^ le salon de mai
apportera bon marche de séances. La première,
consacré à Haydn et Schumann, a mis en
lumière l'andante et variations en si bémol, pour
deux pianos, deux violoncelles et cor (dont on
ne connaît guère que la réduction pour deux
pianos, publiée sub. op. 46). C'est une œuvre
superbe.
La deuxième séance était donnée par
M. Georges Sporck. Il fit entendre, à deux
pianos avec M. Léon Henry, ses paysages
normands et son orientale, puis grâce à la colla-
boration de M. Vranken, son Lied pour
violoncelle, et enfin il accompagna l'excellente
cantatrice parisienne M"'' Durand-Texte dans
ces deux cycles de mélodies, Sur la route
ardente et lïdinèsis.
Toutes ces œuvres, ont excité le plus grand
intérêt. Liège n'avait même apprécié de cet
auteur qxi Islande et la Légende pour les anglais,
exécutées dernièrement aux concerts Debefve.
Nous espérons faire connaissance avec l'œuvre
orchestrale entière du maître de la forme.
D. Dw^ELSHAUWER.
G AND. — L'y/ Cafiella Gantois vient de
fêter le dixième anniversaire de sa fondation.
Cette chorale mixte a été fondée à Gand,
le 20 septembre 1899, par un jeune musicien,
M. Emile Hullebroeck, qui avait été conquis
par les beautés de la musique palestrinienne
et avait conçu le projet de les faire goûter du
public belge. Il réunit un petit groupe de.
16 membres, dont le nombre fut porté ensuite
à 30, et, grâce à des études approfondies et
persévérantes, il put faire entendre non seule-
ment à Gand, mais aussi dans plusieurs villes
de Belgique des œuvres de Palestrina, notam-
ment la célèbre messe du Pape Marcel, ainsi
que des pages d'autres grands polyphonistes
du XV*^ et du XVP siècle : Okeghem, Josquin
des Prés, Roland de Lassus, Sweelinck,
Vittoria, Francesco Soriano, etc.
M. Hullebroeck parcourut en même temps
divers domaines de la musique ancienne. Il
organisa des concerts Scarlatti, Bach, Hândel,
des séances de chansons populaires françaises et
flamandes, des représentations de VEsther de
Racine, avec la musique de J.-B. Moreau.
C'est avec le concours de VA Capella aussi
que l'auteur de ces lignes put expliquer, en
1 904-1 905, en un cycle de trois conférences-
concerts et devant plusieurs auditoires, l'évolu-
tion du drame musical en France depuis le
moyen âge jusqu'à Lully.
A l'étranger, VA Capella gantois conquit des
palmes triomphales aux concours interna-
tionaux de Lille, en 1902, de Brest, en 1905,
et de Paris, en 1906 ; chaque fois, M. Hulle-
broeck choisit, comme morceau au choix, le
Credo ou le Gloria de la Messe du Pape
Marcel.
Pour fêter son dixième anniversaire, VA
Capella a donné un brillant concert, dont la
première partie comportait des motets de
Palestrina, de Roland de Lassus, et d'Aichinger,
que la chorale a exécuté avec sa perfection
habituelle ; ils étaient coupés par un intéressant
quatuor de Stamitz. La seconde partie était
254
L'ACTUALITE MUSICALE
réservée à des compositions du directeur ton-
dateur : le prélude orchestral à' Alcidh^ scène
lyrique, et un oratorio, Kunstvisioen (Vision
d'art), pour soli, petit et grand chœur et
orchestre. Ce sont des œuvres d'une inspiration
abondante et entraînante, d'une mélodie simple
et d'un rythme franc, écrites d'une plume
très coloriste, dans la manière de Peter Benoit
et de Jan Blockx, et qui classent M. Emile
Hullebroeck en fort bonne place dans l'école
flamande contemporaine.
Dr Paul Bergmans.
MALINES. — Quatre concerts de bonne
musique nous ont été donnés ce mois-ci. Le
"choral Pie X " de Bruxelles a donné une
audition intéressante d"œuvres chorales des
grands maîtres. Palestrina, Bach, Haendel,
Haydn, Astorga, Stehle, figuraient au pro-
gramme.
D'autre part, le " Peter Benoit's Fonds "
d'Anvers a donné un très belle audition
d'œuvres du grand maître flamand. Ce con-
cert se terminait par l'exécution de la cantate
" Het daghet " de notre concitoyen Josse Van
den Berghe. Certes, cette œuvre est loin
d'avoir une réelle valeur artistique, mais on y
remarque cependant un certain don mélo-
dique que l'auteur pourrait dé\elopper a\'ec
succès.
Le troisième concert était organisé par la
société royale l'Aurore. Retenons du pro-
gramme une bonne exécution de la première
partie des "Saisons" de Haydn, dont l'Aurore
préparc une exécution intégrale pour Pan
procliain.
Enfin, l'Académie de musique a doimé son
deuxième concert annuel. Nous y avons
entendu une exécution presque parfaite de
Léonore III et de la fine symphonie Ecossaise.
Le premier acte d'Alccste eût pu être étudié
davantage, et la cantatrice i]ui tenait le rôle
d'Alceste eût bien fait, à mon iiumhle avis, de
ne pas corriger GlUck en interposant des
appogiatures plutôt nuisibles, ou en changeant
les notes (|uand les récitatifs lui semblaient
trop monotones. On se croyait en pleine
époque du " bel canto." Le grand-]-)iétre a été
très correct. Nous avons constaté avec un \'\ï
plaisir les sérieux progrès réalisés par la s\m-
phonie en quelques mois de travail.
M. C.
NAMUR. — On annonce pour le
Dimanche 14 Ao{it \ Grande représentation de
Polyeucte tragédie de Corneille, musique
d'Edg. Tinel, directeur du conservatoire royal
de Bruxelles.
Limdï I 5 Août. Représentation de L'Arlé-
sienne, pièce en 3 actes, 5 tableaux d'A Dau-
det, Musique de G. Bizet.
Ces 2 Représentations au nouveau Stade
avec le concours des principaux acteurs de la
Comédie Française.
M. D.
Etranger
MOSCOU. — A l'occasion de la quaran-
tième année du professorat de J. Hrjmali, eut
lieu un Concours de violonistes. M. D. P.
Belaiew offrait deux prix, l'un de lOOO,
l'autre de 1500 roubles. Le jury de ce con-
cours était présidé par M. Michel H}'politoff
Iwanoff", directeur du Conservatoire. Le
morceau de concours consistait en un concerto
pour violon avec accompagnement de piano,
laissé au choix des élèves, d'une sonate de
Bach, enfin d'un morceau choisi aussi par eux.
Le premier prix fut décerné à Michel Presse,
du " Russischer Trio ". Il \- eut trois seconds
prix : MM. D. Krcin, Michel Erscnko, Lea
Leïbschut'/.
Le " Klavier-Abend " de Nicolas Medtner
mérite d'être signalé. Les œuvres de ce mvisi-
cien qui tient à la fois de Schumann et de
lîrahms, tout en sachant demeurer soi-même,
sont intéressants par leurs harmom'es, par la
grande diversité de leurs rythmes et par leur
solide architecture. L'auteur les exécute d'une
faCj'on impeccable.
Très brillant concert donné par la Société
de Musique Moiierne et consacré à la musique
française. Au programme : quatuor de V.
L'ACTUALITÉ MUSICALE
d'Indy, Andante et Scherzo du quatuor de
Ravel, les fêtes galantes de Debussy.
A mentionner encore: un concert donné
par les sœurs Luboschutz et le pianiste
Rouchitzky(œuvresdeScriabine,Tchaikowsky);
celui de la Société Brahms, celui de M.
Zimin à l'occasion du centenaire de Chopin.
Ellen von Tidebohl.
OVIEDO. — Parmi les derniers concerts
citons celui de M'" De Vogel, pianiste, et de
M'" Van Isterdael, un des meilleurs violoncel-
listes qu'il m'ait été donné d'entendre; celui
de M'' Emile Sauer et ceux de l'Orchestre
Symphonique que dirige l'éminent chef d'or-
chestre M'' Arbos.
P. A. BUILLA.
SARAGOSSE. — Carmen, Othello, La
Tosca, Aïda... telles sont les oeuvres que le
grand Théâtre vient déjouer, sous la direction
du Maître Tolosa, pour l'ouverture de la
saison d'Opéra. Les principaux interprètes
étaient Julian Biel, (ténor) et Mathilde de
Lenuan (soprano).
La Société Philharmonique nous a donné
le 1 5 Avril un concert très agréable avec des
artistes de notre ville. Citons parmi les œuvres
inscrites au programme: Le Quintette (La
Truite) de Schubert, parfaitement exécuté
par MM. Ballo (violon), Tremps (alto) An-
dolz (violoncelle) Laclaustra (contrebasse) et
Zubiria (piano) tous professeurs à l'Ecole de
Musique, le quartette en mi bémol pour piano
et cordes, de Beethoven, (Isabel Ballo, violon,
L. Ballo, alto, Cecilia Ballo, violoncelle,
Eugénie Lawoyed, piano.), une sonate de
Scarlatti et des pièces de Albeniz. C'est
M'^*^ Sirvent, pianiste, qui interprétait ces
dernières œuvres avec une exécution remar-
quable.
Ricardo Vines est venu nous donner un
récital de piano, consacré presque exclusive-
ment à l'école espagnole moderne (Albéniz-
Granados — Falla — Turina). Comme à l'ordi-
naire le public acceuillit Vines avec enthou-
siasme.
Les 10, II et 13 Mai la Société Philarmo-
255
nique a donné ses concerts avec le concours
de l'Orchestre Symphonique dirigé par M.
Enrique Fernandez Arbos.
M. DE LA FiGUERA.
CADIX. — L'Orchestre Symphonique
donnait le 5 Mai son dixième concert avec
l'ouverture de Sigurd (Reycr) la Petite Suite de
Debussy, la Symphonie Pastorale de Beethoven,
Fugue et Variations de Fischhof, et une valse
de Massenet.
MADRID. — Les temps sont durs pour
la musique espagnole. Les quartettistes en
renom : Francés ou Vêla se plaignent du peu
de succès de leurs séances pourtant si soignées.
L'admirable société des Instruments à Vent,
dont je citai les prouesses le mois dernier, a
vécu, après deux concerts, et s'est endettée de
cinq cents francs. La Société des Concerts
Symphoniques doit suspendre ses festivals aux
jours malheureux où le Tout-Madrid se rend
au Cirque... ^ Les Espagnols préfèrent en effet
les écuyères en chair et en os aux Walkyries
fantastiques, fussent-elles conduites par un
Wagner, et n'hésitent point entre le clown
classique et les gamineries du Till Eulen-
Spiegel de R. Strauss...
Le Maître Arbos, que nos musiciens fran-
çais connaissent bien, et qui est lui-même l'un
des plus ardents champions de l'art d'un
Franck, d'un Dukas, d'un Debussy ou d'un
Fauré, n'a pu cependant employer tout son
zèle à la propagande du modernisme étranger,
en raison de l'hostilité du public, me le disait-
il lui-même, pour " toute innovation musicale,
et son désir instinctif de limiter ses efforts à
l'audition d'un petit répertoire bien connu et
dans lequel il se complaît pour des raisons
étrangères à la musique ", Cette année, la
mode alla à J-S. Bach, et nous devons nous
réjouir de ce qu'un peuple aussi méridional
ait applaudi et bissé les Suites et les Concertos
du vieux " cantor ". Wagner après Bach eut
toutes les faveurs de l'auditoire, et Beethoven
ou Schubert recueillirent la majorité des suf-
frages. Mais on accueillit froidement la troi-
^ Nous n'exagérons rien : le fait est rigoureusement
exact.
h
ADMINISTRATION DE CONCERTS
M EMIL GUTMANN M
REPRESENTE LES ARTISTES ET LES
ASSOCIATIONS ARTISTIQUES LES PLUS
CONSIDÉRABLES, LES MAITRES LES
PLUS RÉPUTÉS EN ALLEMAGNE.
ENGAGEMENTS PAR TOUTES LES SOCIÉTÉS DE
CONCERT ALLEMANDES ET ÉTRANGÈRES. 4t 4t
TOURNÉES D'ORCHESTRE ET DE
SOLISTES DANS TOUS LES PAYS.
SOLISTES POUR ORATORIOS.
ORGANISATION DE CONCERTS ET DE CONFÉ-
RENCES, DE RÉCITALS DANS TOUTES LES
SALLES DE MUNICH ET DE GRANDS FESTIVALS
INDICATIONS DE POSTES VACANTS
DE PROFESSEURS DE CONSERVA-
TOIRE ET D'ÉCOLE DE MUSIQUE. ^
ANNONCE, PUBLICITÉ, INFORMATIONS
LA PLUS GRANDE AGENCE DE CON-
CERTS DE L'ALLEMAGNE DU SUD.
MUNICH =Theatinerstrasse 38 = MUNICH
Adresse Télégraphique : KONZERTGUTMANN. MUNICH
L'ACl'UALIl^E MUSICALE
257
sicme symphonie de Brahms et l'on discuta
celle de Franck, quoiqu'avec moins d'âpreté.
En revanche la place que voulut bien donner
Arbos aux œuvres nationales est un indice de
renaissance prochaine.
S. I. M. publiera prochainement une
étude sur Pérez-Casas et sa Suite Murcienne^
si originale et puissante. Nous ne dirons donc
ici que le succès inférieur à son mérite qu'elle
obtint du public espagnol toujours indifférent
à ses compatriotes de talent.
J'ai moins goûté la Entrada de la Maya de
Arregui, œuvre de jeunesse de cet auteur
cependant délicat et d'ordinaire mieux inspiré.
Nous eussions tous préféré entendre le François
d'' Assise, du même auteur ou sa Symphonie. Par
ailleurs il faut reconnaître que certaines mo-
dulations, certaines mélodies et certaines touches
d'orchestre sont assez heureuses en ce fragment
symphonique d'un opéra très exubérant.
Par contre, le fragment final de V Enjer de
la Divine Comédie, dû au talent très musical
de Conrardo del Campo m'a vraiment plu.
Un thème de noble allure se dégage peu à
peu du fond dissonant de l'orchestre, plutôt
qu'il ne se développe. L'orchestre très brillant
s'appuie sur la plus solide technique de quatuor
pur et grave. Une poésie secrète s'exhale de
cette noble page où l'auteur plus musicien
qu'espagnol, et plus romantique que le plus
espagnol, sut commenter les vers mystiques
de Dante. Je crois que la Divine Comédie de.
Del Campo, unie à la Suite Murcienne de
Pérez Casas et aux Symphonies d'Olmeda et
d'Arrcgui obtiendraient plein succès auprès
de nos publics français. H. Collet.
LA HAVANE. — Notre collègue M. J.
Nin vient de fonder la Société Philharmonique
et le Bulletin mensuel de cette société.
Trois concerts ont déjà été donnés, le pre-
mier consacré aux œuvres de Grieg,le deuxième
aux grandes écoles de clavier et de chant des
17*^ et 18'^' siècles, et le troisième aux Bach.
Nous souhaitons à la Société Philharmonique
et à son Bulletin la longue existence qu'ils
méritent et nous sommes heureux deféliciter M.
Nin — une fois de plus — de son dévouement
à la cause de la musique et de la musicologie.
TURIN. — Grâce à l'initiative de la Sec-
tion de Turin de l'Association des Musico-
logues, une représentation de " Nina pazza
per amore " de Paisiello • (i 789) vient d'être
donnée au théâtre Carignano.
POUR STRADIVARL — Le professeur
Angelq Berenzi a eu l'heureuse idée de pro-
poser aux habitants de Crémone une souscrip-
tion destinée à élever un monument à l'illustre
luthier, et cela sur le lieu même où se trouvait
la tombe des Stradivari. Ce serait pour Cré-
mone et pour le monde entier l'occasion de
réparer la profanation de 1869 5 à cette époque
on laissa démolir l'église où se trouvaient les
caveaux des Stradivari et disperser les restes
de ces artistes incomparables. Nous nous asso-
cions bien volontiers à l'initiative du Professeur
Berenzi.
CHEMINS DE FER DE L'ÉTAT.
BILLETS DE BAINS DE MER (Jusqu'au 31 octobre 19 lO)
L'administration de Chemins des Fer de l'Etat, dans le but de faciliter au Public la visile ou le séjour aux PLAGES
DE LA MANCHE et de l'Océan, fait délivrer, au départ de Paris, les billets daller et retour, ci-après, qui comportent
jusqu'à 40 0/0 de réduction sur les prix du tarif ordinaire.
1. Bains de Mer de la Manche. — Billets individuels valables, suivant la distance, 3, 4 et 10 jouis (le et
2e Cl.) et 33 jours (le, 2e et 3e Cl.)
Les billets de 33 jours peuvent être prolongés d'une ou deux périodes de 30 jours moyennant supplément de 10 °lo par période-
2. Bains de Mer de, l'Océan. — (A) Billets individuels de le. 2e, et 3e cl. valables 33 jours avec faculté de
prolongation d'une ou deux périodes ds 30 jours moyennant supplément de 10 o/o par période.
(B) Billets individuels de le, 2e, et 3e Cl. valables 5 jours (sans faculté de prolongation) du Vendredi de chaque
semaine au Mardi suivant ou de l'avant-veille au surlendemain d'un jour férié. _,
BILLETS de 'VACANCES (jusqu'au ier Octobre 1910). — Billets 'de famille valables 33 jours (le, 2e et 3e cl.)
avec faculté de prolongation d'une ou deux périodes de 30 jours moj'ennant supplément de 10 o/o par période.
Ces billets sont délivrés aux familles composées d'au moins trois personnes voyagant ensemble, pour toutes les gares du réseau
de l'Etal (Lignes du Sud-Ouest) situées à 125 l^ilomètres au moins de Taris, ou réciproquement.
VIENT DE PARAITRE
PUBLICATIONS DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE
DE MUSIQUE (SECTION DE PARIS)
LES MUSICIENS
SAINTE CHAPELLE DU PALAIS
Documents inédits^ recueil /is et annotés par
MICHEL BRENET
In 8" carré de 370 pages. Prix fr. 15.00
V A K 1 S
LIHKAIRIK ALPHONSE PICARD F, T" l'II.S
82, RU I-; IlON APA R r I
I 910
L'Université, qui, dans ses établissements
d'enseignement secondaire, prétend donner
aux jeunes gens des deux sexes, une culture
vraiment générale, n'oublie que de les initier à
la musique.
J'exagère : la musique a sa place, — bien
petite — dans les Lycées de jeunes filles.
Mais dans les Lycées de garçons, c'est le pur
néant : point de musique du tout.
Au même titre que la littérature cependant,
la musique est un moyen d'expression qui
nous fait connaître les pensées et les sentiments
de nos semblables, et notamment de quelques
grandes âmes, qui se nomment Palestrina,
Monteverdi,Bach,H£endel,Mozart,Beethoven,
César Franck. Cela ne compte donc pas dans
l'histoire de l'humanité, dans l'histoire de
la pensée et du sentiment, dans l'histoire des
peuples et de la Société ?
Espère-t-on que la sécheresse, que l'abstrac-
tion, que la pauvreté des mots parleront mieux
à l'esprit de l'enfant que la richesse vivante et
concrète de la phrase musicale ?
Notre système officiel d'éducation est encore
purement intellectualiste et livresque.
Mais ce n'est pas pour développer quelques
considérations générales sur l'enseignement de
la musique que j'écris cet article, c'est pour
apporter à la connaissance de tous, quelques
faits nouveaux, les résultats d'une expérience
qui se poursuit déjà depuis une dizaine
d'années, et dont les résultats me semblent dès
à présent concluants.
*
On sait que VEcole des Roches^ fondée à
Verneuil (Eure) par M. Demolins, et dirigée
actuellement par M. Georges Bertier, est un
établissement libre d'enseignement secondaire
où les ieunes gens sont instruits et élevés
selon une méthode toute nouvelle, imitée à
certains égards de la méthode anglaise, mais
adaptée aux besoins de l'esprit français. Les
élèves y sont répartis par maisons où ils vivent
avec leurs maîtres de la vie de famille. On
leur donne beaucoup plus de liberté et de
responsabilité individuelle que dans nos lycées,
et ils sont amenés à s'imposer à eux-mêmes
une ferme discipline, qu'ils ne subissent pas
comme la contrainte rebutante d'une autorité
extérieure, se substituant continuellement à
leur initiative. Cette autorité, nécessaire ce-
pendant, n'intervient pas pour régler le détail
de leurs actes : elle ne sanctionne que les
résultats.
L
FACTEUR
DE
PIANOS
GAVEAU
FACTEUR
DE
PIANOS
Siège Social: 45 et 47, rue de la Boëtie . (VIII^ PARIS
Rayon spécial de Musique
(vente et abonnement)
TÉLÉPHONE : 528=20
Adresse Télégraphique ;
GAVEAU=PIANOS=PARIS
SALLES
DE
CONCERTS
MEMBRE DU JURY — HORS CONCOURS
Barcelone 1888, Moscou 1891, Chicago 1893. Amsterdam 1895
Paris 1900.
DIPLÔMES D'HONNEUR
Amsterdam 1883, Anvers 1885, Bruxelles 1888
GRANDS PRIX
Hanoï 1893. Liège 1905.
Usine modèle à Fontenay=
sous=Bcis (Seine)
'igence générale à Bruxelles
Dépôt des éditions
de la S. T. M.
L ACTUALITE MUSICALE
26
La discipline est entretenue et fortifiée à
l'Ecole des Roches par les jeux en plein air et
par la musique.
Les jeux en plein air ont bien d'autres
avanta2;es, et l'on voit tout de suite ce qu'on
peut gagner physiquement et moralement à de
tels exercices : mais leur principal mérite est
peut-être de faire comprendre à l'enfant la
nécessité de l'organisation sociale, de la hiérar-
chie, de la discipline.
Il en est de même, pour la musique, qui
-donne des habitudes d'ordre, de précision, de
de ponctualité dans la soumission à une régie
commune.
A l'Ecole des Roches, l'enseignement musi-
cal a une importance qu'il n'a prise encore, à
maconnaissance,dansaucun autre établissement
d'enseignement secondaire. Voici ce que j'ai vu
ou entendu moi-même et ce qu'on m'a
expliqué :
1° On enseigne la lecture et l'écriture
musicale à tous les enfants. Les cours de solfège
sont obligatoire^, depuis les classes élémentaires
jusqu'à la fin de la seconde.
2° Tous les enfants chantent. Les mieux
doués sont groupés en une chorale.
3° N'apprennent à jouer d'un instrument
que les enfants ayant manifesté une aptitude
réelle. Ceux qui ont le plus d'oreille, travaillent
le violon^ ou (à partir de douze ans) le violoncelle^
les autres, le piano.
4" Quelques élèves, qui en ont le goût,
apprennent Vharmonie et la composition.
5" U Histoire de la Musique est enseignée à
^toute l'Ecole, comme l'histoire de la littérature.
Il paraît indispensable de faire connaître aux
enfants ce que furent les grands maîtres, et de
les aider par quelques commentaires à pénétrer
le sens de leurs œuvres.
Mais la musique n'est pas seulement objet
et enseimement à l'Ecole des Roches. Elle est
o
encore une des récréations favorites des élèves,
et c'est par là peut-être que s'accuse davantage
son caractère éducatif.
Tous les mercredis^ élèves et professeurs
instrumentistes se réunissent pour la classe
d'orchestre et là ils préparent les concerts assez
fréquents, pour lesquels toute l'Ecole est réunie.
Ces concerts coïncident généralement avec
les conférences d'histoire de la musique don-
nées devant toute l'Ecole assemblée, de sorte
que l'exemple \'ient immédiatement à l'appui
de la leçon.
Tous les Samedis., les professeurs de violon,
de violoncelle et de piano et les élèves les
plus remarquables donnent une séance de
musique de chambre.
Ainsi l'on forme des jeunes gens capables
d'écouter et de comprendre les chefs-d'œuvre
de l'art musical, et on leur prépare pour
l'avenir, des joies ou des consolations d'un
prix infini.
Rien de commun entre un enseignement
musical ainsi entendu et la vieille routine
desséchante dans laquelle s'entêtent tant de
professeurs de musique et tant de maisons
d'éducation : étude purement technique du
solfège, étude purement technique de l'instru-
ment, dans le seul but d'amener l'élève
à chanter ou à jouer avec succès un morceau
de salon.
Ici on aime la musique^ et on la cultive avec
le sentiment de sa valeur morale et sociale.
On se détourne des œuvres vulgaires et basses.
On se souvient que seuls les grands maîtres
ont le droit de parler à l'enfant, quand il
s'agit d'éveiller en son âme le sentiment du
Beau.
C'est Madame DemoUns qui a organisé
l'enseignement de la musique à l'École des
Roches. Elle en a confié la direction à M.
Armand Parent., qui vient une fois par semaine
inspecter les cours et conduire la classe d'or-
chestre. M. Parent s'est entouré d'excellents
auxiliaires: Deux professeurs de piano, M^^^
Desrousseau et M. Lambotte., un professeur de
violon, M. Bonjean^ et un professeur de
violoncelle, M. Corbusier^ sont attachés d'une
façon permanente à l'Ecole, qu'ils habitent.
Ce sont des artistes de valeur, capables d''inter-
prèter des œuvres ; et, pour ne citer qu'un fait
significatif à cet égard, tout dernièrement
M. Lambotte faisait entendre à la Société
202
L'ACTUALITE MUSICALE
Nationale un thème varié pour violoncelle, de
sa composition, qui fut exécuté très brillam-
ment par son collègue iM. Corbusier, et très
applaudi d'un public peu sujet aux emballe-
ments inconsidérés ; après quoi, M. Lambotte
se mit au piano et présenta a\ec autorité des
oeuvres nouvelles d'un autre jeune compositeur.
J'ai entendu Vorchestre de l'Ecole des
Roches jouer un Concerto grosso de Corel/iy des
symphonies à' Haydn, de Mozart, de Beethoven.
J'ai assisté au dkhiffrage du final de la
symphonie en sol mineur de Mozart: c'était
vraiment remarquable.
Comme il est facile de le penser, cet
orchestre est incomplet. Il serait dangereux de
vouloir le compléter : on n'obtiendrait que de
mauvais résultats. Il faut s'en tenir aux instru-
ments à cordes: on y joint 2 pianos et un
harmonium, même une flûte et on a un
ensemble très satisfaisant.
J'ai assisté également au Concours de Chaut
des cinq maisons de l'Ecole des Roches.
C'était tout à fait extraordinaire. Des meilleu-
res voix de chaque maison on avait formé un
chœur, parfois très pittoresque, tout ce qui
possédait une voix et une oreille ayant été
recruté. C'est ainsi que j'ai noté la composition
curieuse d'un de ces chœurs : Les jeunes
garçons avec les filles de la maîtresse de
maison et quelques dames-professeurs chan-
taient les soprani et les contralti ; de grands
jeunes gens encore imberbes encadrés par
leurs maîtres tenaient les parties graves, et, au
I premier plan se détachait M. l'abbé, chef
d'attaque des ténors. Cette collaboration de
tant de bonnes volontés réunies pour réaliser
une belle exécution musicale est un admirable
exemple d'excellente pédagogie. Et ici les
maîtres ne croient pas déchoir en associant
leurs efforts à ceux des élèves, et les élèves ne
songent pas une minute à trouver plaisant (]ue
leur professeur ou leur aumônier soutieinient
le chant choral de Ijurs voix plus expertes.
Mais i|iiel ne fut pas mon étormement
quand on annonça les titres des œuvres exécu-
tées ! J>a maison des Sa/dons concourait dans la
pièce de Claudin de Sermisy : " Au joli bois " ;
la maison <les 'Pins dans " Ce mois de mai
de Jannequin ; la maison du Coteau dans la
" Gloire de Dieu " de Beethoven ; la maison
de la Guichardière dans " Il est bel et bon " de
Pi/ssereaUy et la maison du Fallon dans " Mignon-
ne, allons voir si la rose" de Jannequin. Je me
demandais comment ces chansons du XVT'
siècle, d'une mise au point si délicate, d'une
exécution si périlleuse, seraient rendues par de
simples amateurs, et par des enfants ! Eh bien,
les voix étaient fort jolies, la prononciation
très claire, l'ensemble très fondu, l'interprétation
intelligente et \i\ante. La chorale du Vallon
qui remporta le prix était vraiment digne
d'être écoutée a\ec plaisir par les juges les plus
difficiles.
Voilà donc les faits: Voilà ce qu'on peut
obtenir au point de vue musical, de jeunes
gens qui font leurs études secondaires, sans
rien sacrifier du reste de leurs occupations,
sans même leur demander de consacrer beau-
coup de temps à la musique. Il suffit de leur
faire aùncr cet art ; et il faut pour cela qu'une
\olonté ferme, guidée par un goût sûr et une
ardente passion du beau, gouverne tout.
Dans les établissements universitaires, on ne
fait pas de musique parce qu'(?« ne veut pas en
faire: il serait très facile d'y organiser l'en-
seignement musical. Mais ce qui manque à
rUni\ersité, ce sont des chefs pour qui la
musique existe, pour qui elle soit autre chose
qu'un bruit désagréable, — ou même agréable
— pour qui les sons aient une Ame. Lorsque
nous aurons des directeurs, des inspecteurs et
des pro\iseurs musiciens, la question de l'en-
seignement musical dans les Lycées aura fait
un grand pas. Jusque là, ^ nous n'avons rien à
espérer: l'exemple tic rKcole îles Roches ne
sera pas suivi.
Paul Landormv.
J^S,
Autour de Lui.
En notre Temps de spectacles hilarants et
douloureux de petits ou grands Guignols, quoi-
qu'en disent les misanthropes, il n'y a pas
moyen de s'ennuyer un instant. Quand il n'y
en a plus il y en a encore. De plus en plus
fort, comme autrefois chez feu Jean Baptiste
Nicolet, qui grâce à M. Gabriel Astruc ne
laissera plus maintenant qu'un tout petit nom:
à peine un prénom.
Oh ! à propos de cette mirifique Saison
Italienne^ ne nous voilà pas en train de sortir
par la queue et du magasin des Accessoires ce
grand cheval de bataille qui sert à partir en
guerre pour la défense de ce qui est Beau,
Franc, Honnête. Non. D'abord ne monte pas
qui veut ce grand cheval de bataille sur lequel
il est infiniment plus facile d'être ridicule que
d'aplomb, l'attitude des moralistes, ne souffrant
aucune médiocrité. Laissons donc cette Mon-
ture à ceux qui savent s'en servir — ou le
croient — et seront d'ailleurs toujours assez
pour le fatiguer ce bon grand cheval de bataille
qui n'a d'ailleurs jamais réduit la Laideur, la
Mauvaise Foi ou la Bêtise et qui avant d'en
venir à bout, risquera fort de tomber les quatre
fers en l'air et les jambes raides.
Ne faudrait-il pas être aussi bien ingrats ou
bien inconscients pour ne pas être reconnais-
sants à cette Saison Italienne de nous avoir
donné par son étourdissant succès une si bonne
leçon de choses en nous montrant à quel point
le Public si fourbu parraisse-t-il, peut encore
marcher et même galoper quand il a pour
entraîneur un homme de génie à la fois hardi,
264
L'ACTUALITE M U S 1 C A L E
psychologue et organisateur comme AI. Gabriel
Astruc, Voyons, dites, est-ce tous les jours que
l'on voit quelque chose d'aussi fini, d'aussi
complet, en notre Siècle d'à peu près où l'ab-
solu tend de plus en plus à disparaître et où
deviendront bientôt aussi rares et de races
bâtardes le parfait honnête homme et la )>ar-
faite canaille, r
Pour apprécier tout l'intérêt que la Saison
Italienne suscita, il n'aura pas suffi de figurer
quelques soirs dans les salles combles et splen-
dides du Châtelet. Comme nous, il aura fallu
accomplir un petit tour dans la Coulisse où
plus exactement dans l'antichambre de la
Société musicale Astruc.
Sur la banquette, le sergent de \ille de
service à la fois important, débonnaire, protec-
teur, bavard, critique et confidentiel... Les
grandes dames venues elles-mêmes chercher
leurs places et attendant leur tour, humbles,
patientes comme de petites femmes de chambres
novices... Le désespoir des amateurs qui tom-
baient sur le fatal écriteaux : Full House^ ou se
présentaient après les heures de location et s'en
retournaient avec des airs des gens ruinés.
Mais aussi, l'allégresse de ceux qui partaient
avec leur billet en poche, gais comme des gens
qui l'heure précédente auraient perdu un
parent riche. Enfin, dans l'entrebâillement
d'une porte, l'apparition de M. Astruc, allant
et venant, portant haut sa belle barbe Assy-
rienne, ne couvrant tout de même pas le piquet
d 'œillettes pourpres ornant sa boutonnière.
J'entends, je vois des gens qui s'étonnent et
disent : — Pourtant, on ne se montre pas si
enthousiaste et même seulement si hospitalier
pour nos artises, au Metropolitan Opéra où les
Italiens qui en sont les maîtres absolus ne per-
mettent pas aux Français de chanter autrement
qu'en Italien... Et cette Saison Italienne que
nous a-t-elle révélé ? des ténors comme nous
en entendons au moins un par soir d'Opéra,
des œuvres déjà servies, desservies, et même
digérées. Enfin, n'aurait-on pu faire une Saison
Française qui pour une fois, par liasard, aurait
permis la révélation de jeunes talents r
Ces gens-là ont tort. Dans les grandes or-
ganisations théâtrah'^, loinine dans les grands
restaurants, rien de doit être perdu ni suranné.
Ici et là, le tout est d'avoir un chef cuisinier
qui sache accommoder les restes et vous les
faire prendre pour du " nanan ". Ce n'est pas
dire que si Tout Paris se passera longtemps
encore la langue sur les lèvres et se caressera
le ventre au souvenir du " nanan " que lui a
servi M. Astruc, la composition de ce '■'■nanan"
fut de basse qualité ! Non. M. Astruc est un
grand chef cuisinier honnête et intelligent à
qui nous ne voulons pas chercher noise sur
son Fricot dont nous allons juste extraire le
meilleur morceau qui lui a permis de réunir
tant de monde à sa Table. Ce produit d'im-
portation provisoire, ce demi-rossignol aux
mœurs de fourmi rouge — d'après BufFon, ce
sont les plus entendues aux afïliires — est, on
le devine le ténor Caruso ici représenté dans
son costume de Pierrot de Paillasse. Ce qui ne
l'empêche pas d'être le plus s^•mbolique
Polichinelle représentant la toute puissance du
bluff, cet article de création essentiellement
américaine et qui est de\enu comme l'on sait,
un des meilleurs articles de Paris... et même
d'ailleurs.
Assez de monde a déjà chronique sérieuse-
ment sur Caruso pour qu'il nous soit permis
de rire un peu : Les belles dames qui selon
leur propre expression éprouvent le frisson
dans les reins quand elles entendent Caruso,
voudront bien nous pardonner cette petite
pinte de bon sang que nous allons boire à
leur excellente santé ainsi natvn'ellement qu'à
celle de leur ténor. Il est bien entendu que
nous rapportons ici à titre de pure curiosité
des anecdotes vraiment surprenantes mais qui
ne nous laissent pas si incrédules que cela.
Tafit il est vrai que tout est possible dans
l'existence d'un ténor, même quant à propos
(rdli', lâchés par le Monde, ct)urent Biujf cX.
S)iohis'r>,\ ces deux glob-trotter réjouissants,
infatigahles et déconcertants.
Voilà d'abord la griffe du Lien — pardon
du Rossignol ! — avec quelques révélations
i^raphologiques sur elle ilonnéespar un éminent
spécialiste, certainement le nu-illeur ami de
M""' de Thèbes — et qui s'\- connaît.
L'ACTUALITE MUSICALE
265
" Ecriture essentiellement rhytmique, har-
monique, révélant d'une part une volonté qui
se soutient jusqu'à l'obstination, d'autre part
^a^-
'r!3
le sens profond de la beauté de la ligne — en
l'occurence de la mélodie. " —
Moi, ambitieux et têtu, caractère violent,
, sensuel, excessif et volontiers trompeur.
Trace de surmenage, de lassitude matérielle
non moins que morale.
pas faire exception aux phénomcnes artistiques,
notons d'abord que Caruso chanta en naissant
et que toutes les vieilles diseuses de bonne
aventure italiennes promirent une existence
glorieuse et dorée. Avaient-elles prédit que le
Phénomène aurait un temps difficile? Voilà
ce que l'histoire Carusiste ne nous apprend
pas et que nous allons dévoiler.
Ce temps difficile eut lieu en Toscane, à
Livourne, au Théâtre Goldini^ pourvu d'une
clientèle exigente, excitable, violente, démon-
strative, comparable à celles de nos Théâtres
de Province et entre autres de Toulouse. Ce
Théâtre Goldini qui ne pouvait somptueusement
Sentiment accusé de prévoyance, l'artiste à appomter ses interprètes, puisque le prix moyen
pensé et pense encore à posséder une situation
assise, il semble que le sujet éprouve cependant
quelque crainte quant à la fin de sa gloire, de
sa destinée.
Sentimentalement, cherche à se dérober.
A dû être fortement exploité, trompé. Se
méfie des autres par excellente connaissance
de soi-même.
" Pratiquement, l'artiste a une habileté
d'homme d'affaires. "
des places est deux lires, avait tout de même
deux ténors : Beducchi^ l'enfant chéri, et Caruso
la bête noire. Mais le directeur qui certaine-
ment avait eu ou devait avoir un Devin dans
sa famille, était persuadé que la bête noire
était au contraire une bête à Bon Dieu,
qu'il fallait absolument imposer à sa clientèle.
Bien que l'Avenir devait lui donner absolu-
ment raison, le directeur eut la douleur de
constater que malgré la Destinée lui et Caruso,
le Public ne voulait rien savoir et le prouva
bien, quand en 1897, à une représentation de
" la Fie de Bohhne " il bombarda Caruso des
plus belles tomates, religieusement ramassées
par le régisseur qui les rangea et les revendit
à la sortie, de telle sorte que ce furent les
mêmes, on peut le dire fournies par l'admi-
nistration, qui resservirent le lendemain. Con-
fiant en lui et en son Etoile, Caruso ne se
découragea pas pour si peu. Se produisant
encore en Italie, mais sans prodigalité, il
travailla férocement. C'est à ce moment où
paraît-il, pour développer son volume pulmo-
naire, il se fait promener en gondole, allongé
sur le dos, ouvrant une bouche de carpe,
respirant avec rythme et profondeur, — selon
les uns, — l'air embaumé — selon les autres
— l'air empesté des canaux vénitiens, indiffé-
rent aux autres gondoles, riches d'amoureux
et de serenata. Patience ! les heures de gondole
devaient bientôt rapporter. Non pas en France,
Ce n'est pas dans l'enfance ni dans l'ado- ^^„......_..
lescence de Caruso que l'on trouve de l'impré- où les réputations'^'exigent tout^ de même de
vu, du caractéristique, de l'amusant. Pour ne sérieux pédigris, mais "en Amérique, où les
266
L'ACTUALITE MUSICALE
Noms faits à coups de dollars et de trans-
parents lumineux se trouvent singulièrement
facilités par l'ignorance artistique de la plus
haute société qui est avant tout une société
d'argent et non pas d'artistes. Donc habilement
préparé, par un cornac intelligent, c'est au
Metropolitan Opéra de New-York, que Cariiso
devait édifier sa renommée. Ainsi lixréc à
riiabileté du Barnum qui lui sert sa pâtée
artistique et lui dit : " Ça coûte très chei., c\'st
donc très bon mange et n en laisse pas " la majorité
américaine dévora du Caruso à s'en rendre
malade, à s'en donner le gros ventre, et le
vénéra jusqu'à s'attacher à ses pas comme à
ceux d'un Animal Fabuleux qui aurait droit
à tous les présents, à tous les sacrifices. Adora-
tion Perpétuelle, qui en élargissant chaque
jour l'auréole de Caruso servit aussi à bien des
gens. Par exemple aux propriétaires des gros
hôtels et restaurants américains, qui pour avoir
fait la dépense légère d'attacher à leur établis-
sement un sosie ont vu leur clientèle augmenter
dans des proportions considérables pour le
seul plaisir de s'entendre annoncer par la
domesticité : " Ce Monsieur qui est là, c'est
Caruso ! "
Toutefois c'est la une attraction qui n'est
pas sans danger quand elle n'est pas bien réglée.
— (Jotntuent^ vous êtes encore là ? nuits voulez-
vous bien nie f. le caynp !
Voila comment [lour s'être bien après riieure
du spectacle, laissé baigner dans les délices du
dessert et de la pleine eau de vie, un
sosie fut rap[)elé à l'ordre par le gérant d'un
restaurant New-Yorkais, réputé pour sa fa-
meuse cuisine française, son atmosphère
joyeuse, sa vaste salle f^mpire, décorée de
cuivres rouges, de lampes électric|ues rouges,
(le hoquets de fleurs rouges, de tapis rouges....
C'ette histoire de sosie récalcitrant est moins
remar(|uable encore que la Mort du Poisson
Rouge
... Des adnurateurs New-Yorkais axaiciu
résolu d'oftrir à Caruso un présent d'un piix
considérable expression de leur cidtc. Mais
quoi ? Une bague, une automobile, un pur-
sang ?... On ('tait lort embarrassé, hirs(|u'uni-
vieille dame — les xicillcs dames ont toujours
de très bonnes idées — qui axait connu Verdi
proposa un poisson des Bermudes, mais lequel:
Un '■'■ hog-fisch'''' un ^'■queen-triagger'''' un '■^moon-
fisch'''' r On se décida pour le '''' spotted-moray '"
qui ressemble à un serpent métallique tacheté
de pourpre, un poisson à poses plastiques dont
la plus attrayante est celle qu'il prend lorsque
\enant à la surface de l'eau, il noue sa queue
et reste bouche bée, gosier palpitant, comme
s'il était pâmé ou agonisant. Joli cadeau à faire
à un entant et même à un ténor, mais difficile
à se procurer puisque ce Poisson des Bermudes
ne figure pas chez les particuliers, mais seule-
ment à Betterx- Palace^ dans les bassins de
r Aquarium^ propriété de l'Etat ! Mais à cœur
\aillant rien d'impossible ? On se procura donc
cet écliappé du Déluge, mais pour le fortifier,
le rendre plus beau, on lui fit subir une telle
suralimentation qu'il en creva. Sans doute,
on aurait bien trouvé un autre Bermudien,
mais la mort de celui-ci tût dit-on la cause
d'une dispute assez grave qui dislocjua le comité
d'admirateurs et le dissolut.
Caruso a vraiment de la chance ! Nous
trissonnons en pensant quel effet extraordinaire
dut produire sur l'élément téminin ce soir où
dans unt," de ses tournées, [lar l'œil de bœut de
sa loge, il chanta comme la foule assemblée le
lui demamlait : " Pour le pauvre peuple un petit
air par la Iniêtre ! " Croirait-on que des mal-
\ cillants ont prétendu (.|ue //' petit air par la
fenêtre était pa)é par le Directeur inquiet pour
ses carreaux r Si la chose est vraie il faut croire
alors (|ue le Directeur avait beaucoup île car-
reaux à protéger, car n'est-ce pas le prix du
pitit air par la fenêtre^ devait représenter pour
ce Directeur pas mal de carreaux...
Tus(]u'alors tcnites ces choses extraordinaires
ont eu lieu hors île France où l'Iilolâtrie pour
Caruso n'a pas encore tait naîtie l'industrie
des Sosies,la recherche îles poissons Bermudiens,
ni sur la plaie de Châtelet le rassemblement
d'une ()oi)ulaee mélomane demandant " (/;/
petit air p<ir la fenêtre. .^ Nous n'en sonunes
encore qu'aux )eux iilancs et aux soupirs.
Toutvfois, maiiUenant, oserait-on donner à
Caruso lUie de ces leçons de «iénérosité dans le
Lienre de celle-l.'i (iiii lui fut dit-on offerte,
L'ACTUALITE MUSICALE
267
lorsqu'aprcs avoir chanté pour un gala de
bienfaisance,!! vint toucher l'indemnité réservée
aux artistes peu fortunés, indemnité qui lui fut
accordée ainsi que l'escalier de service par où
on le fit passer...
Caruso excellent ténor, comme nous n'en
manquons pas, mais acteur grotesque, comme
nous n'en manquons pas non plus, vient tout
de même d'être sacré, canonisé. C'est presque
un Pape, mettons un sous-Pape. Ne va-t-on
pas en pèlerinage au Grand Hôtel voir le
numéro de sa chambre et questionner reli-
gieusement sur ses petites habitudes le domes-
tique chargé du brillant de ses bottines ?
Ne nous impatientons pas. Nous verrons
beaucoup mieux. Quand même aurions-nous
encore plus d'excellents chanteurs une quantité
de Renaud, de Clément, quand même une
nouvelle perfection dans l'art du chant serait-
elle là pour nous rendre plus difficile, il n'em-
pêche qu'à son prochain retour, Caruso sera
toujours le maître de la foule ! Même s'il lui
plaît de chanter " Au clair de la lune " ou
" Fiens poupoule " A condition, bien entendu
que ce soit un Italien — et que ça coûte très
cher.
Pierre Jobbé-Duval.
^^_i_ I - "■^"'•'^^■"•'n'Tiîjiaasgr:: —
THÉÂTRE NATIONAL DE L'OPERA
JUIN I 9 I o
SAISON DE BALLETS RUSSES
SOUS LE PATRONAGE DE LA
SOCIÉTÉ DES GRANDES AUDITIONS DE FRANCE
AVEC LE CONCOURS
D'ARTISTES DES THEATRES IMPÉRIAUX
REPERTOIRE
L'Oiseau de feu, Ballet fantastique en
un acte, avec apothéose de M. Fokine.
Musique de I. Stravinsky. (Création)
Shéhérazade, Drame cliorégraphique en
un acte, de M. L. Bakst.
Musique de N. Rimskv-korsakow
(Crralion)
Carnaval, Pantomine-Ballet en un acte de
L. Bakst et M. Fokine.
Musique de RoBERT Schumann (Création)
Orientales, Escjuisses choré^raphiciues.
(Création)
Danses Polovtsiennes
MusiiuK' de A.
Giselle, Ballet-Pantomime en deux actes, dç
Saint-Georges, Théopliile Gai'tier et
CORALY.
Musique d'AooLPHE Adam (1841)
{Reprise)
Cléopâtre, Mimodiamc en un acte, d'après
POUCHKINK,
Musique de A. Arknskv, Glixka Rimskv-
Korsakou Moi'ssorcskv et Glazouno\v.
Les Sylphides, Rêverie romantique en un
tableau,
Musique de Chopin
Le Festin, Suite de Danses.
du "Prince Igor"
BoRoniNE
Orchestre de l'Académie Nationale de Musique
Chefs d'Orchestre : M. M. G. Pierné, Tcherepnine. P. Vidal.
DÉCORS, COSTUMES et ACCESSOIRES
de MM. A.-C. Korovine, A. Golovinc, Alexandre Benois, L. Bnksi. J. Bililiiiu-, N. Rocrich
Exccutéi par MM. B. Anisfcid, L. Sapounov, O. Allcgri de, etc.
L'ACTUALITE MUSICALE
269
Les Instruments
LES CLARINETTES ^
Dans le S. I. M. d'avril dernier, je terminais
mon article en disant que si les luthiers fran-
çais ne sortaient pas de leur routine quant à la
fabrication de certains instruments à vent ils
auraient avant longtemps à lutter contre la
concurrence étrangère.
Je ne me doutais pas alors que les choses
iraient si \'ite et que j'aurais à vous faire con-
stater aujourd'hui que c'est un fait accompli :
un fabricant étranger a commencé à lancer
ses instruments chez nous ; le contrebasson
que l'on entetid à l'Opéra, dans " Salomé "
de Richard Strauss, est un produit allemand.
Cela est d'autant plus fâcheux que ce n'est
peut-être qu'un commencement ; rien ne nous
dit en effet qu'il ne va pas en être bientôt de
même pour la série des clarinettes alto, basse
et contrebasse et puis que ça continuera par le
basson dont les instrumentistes déplorent cer-
tains défauts de construction. (Il n'y a pas lieu,
je crois, d'y comprendre les flûtes, hautbois,
cor anglais et clarinettes soprano, la fabrication
française donne satisfaction aux intéressés).
' Voir S. I. M. du 15 avril.
Je sais bien ce que disent nos hithiers pour
excuser leur routine : les essais de perfection-
nements sur les clarinettes, le basson et le
contrebasson coûtent cher et nous n'avons pas
de compensation, la vente de ces instruments
étant restreinte.
Ce raisonnement n'est pas solide. Cette
vente est restreinte parce que les instruments
que l'on fabrique sont insuffisants. Je connais
personnellement un bon nombre d'instrumen-
tistes qui feraient immédiatement acquisition
soit d'une clarinette-alto, soit d'une clarinette-
basse, soit d*un contrebasson, s'ils avaient la
certitude d'a\'oir un bon instrument. Et puis
le simple bon sens fait comprendre que si un
luthier fabriquait plus soigneusement que les
autres il aurait inévitablement la clientèle des
artistes qui ont à cœur leur métier.
Par conséquent l'argent dépensé aux essais
de perfectionnements par ce luthier serait vite
rattrapé, et par le nombre d'instruments qu'il
vendrait et par l'augmentation de leurs prix.
A ce sujet il est un fait probant : le contre-
basson allemand qui est joué en ce moment à
l'Opéra a coûté le double de ce que coûte en
général l'instrument correspondant en France.
Si l'instrumentiste de l'Opéra a consenti à cet
excédent de dépense pour avoir un bon instru-
ment c'est qu'il escompte en avoir un bénéfice
prochain dans la préférence, sur ses collègues,
que lui donneront les chefs d'orchestre.
Ce calcul est excellent et devrait êtie imité
par les luthiers.
Il faut bien reconnaître que nous ne som-
mes plus au temps où il était extraordinaire
de voir dans un orchestre une clarinette-basse
ou un contrebasson ; aujourd'hui ces deux
instruments font partie de l'orchestration.
Cependant pour qu'ils y fassent bonne figure
par rapport à leur voisins de pupitre, il ne leur
faut plus qu'un luthier qui perfectionne leur
fabrication comme on a perfectionné le cor
anglais.
Il n'y a pas encore 15 ans, la clarinette-
basse qui servait à l'Opéra-comique était un
mauvais appareil qui moisissait dans un placard
et que l'instrumentiste prenait avec appréhen-
sion quand, par hasard, il était obligé d'en
270
L'ACTUALITE MUSICALE
jouer quelques mesures dans de rares ouvrages.
Le contre-basson était encore plus en retard.
Je ne puis me dispenser de raconter les ennuis
qu'essuya un bassoniste (c'était aux Concerts
d'Harcourt) qui avait été chargé de jouer du
contrebasson dans Fidélio. Pour trouver l'in-
strument dont il avait besoin, il dut frapper à
bien des portes sans succès a\ant de dénicher
dans le grenier d'un luthier quelque chose qui
ressemblait à un contrebasson.
A la première répétition de l'ouvrage de
Beethoven on entendit l'instrument en question,
ou plutôt on entendit un rugissement de fau\'e
qui mit en joie tous les assistants.
Comme cela n'avait rien de musical,
M. d'Harcourt pria l'exécutant de vouloir bien
travailler son soi-disant contrebasson afin de
lui faire donner des sons plus doux. A la répé-
tition suivante, comme le sombre instrument
rugissait avec la même violence le chef en fit
l'observation à l'intéressé.
Celui-ci s'excusa de n'avoir pu travailler à
son gré, le propriétaire de son logement ayant
fait irruption chez lui en le menaçant d'expul-
sion si les locataires entendaient de nouveau
cette bizarre machine ! Cette excuse, quoique
valable en soi, ne faisait pas l'affaire du chef
d'orchestre. Celui-ci insista donc encore une
fois auprès de l'instrumentiste afin qu'il trouxât
un endroit quelconque où il pourrait filer des
sons sans ameuter ses voisins. Ce fut promis.
Le lendemain de cette répétition, comme
je passais dans une petite rue de Montmartre,
inon attention fut attirée par des aboiements
de chiens et un attroupement de gamins dexant
le soupirail d'une cave. Je m'approchai et
constatai (jue l'affolement de tout ce petit
monde était provoqué par un bruit indéfinis-
sable qui venait de dessous terre : c'était mon
contrebasson qui faisait des gammes. Le mal-
heureux bassoniste n'avait pas trouvé d'autre
endroit qu'une cave pour s'exercer.
On doit comprendre cjue de pareils ennuis
ne sont pas pour encourager à l'achat de ces
instruments spéciaux. Mais puisqu'il en faut
dans les orchestres, il est de toute nécessité que
les fabricants donnent satisfaction aux intéres-
sés. Ce sera d'ailleurs un avantage pour tout
le monde : le compositeur aura un meilleur
interprète, le lutliier plus d'argent et l'exécu-
tant plus de facilité à bien faire.
Il est inouï de penser que ni l'Opéra-comi-
que, ni les concerts Colonne et Lamoureux
ne peuvent avoir un \éritable contrebasson en
bon état ; cet instrument est remplacé tantôt
par un sarriissophone, tantôt par un instrument
bâtard qui ne donne pas satisfaction.
. -.Cet hiver, salle Gaveau, on jouait un poème
s)mphonique de Richard Strauss. L'œuvre
commence par une tenue grave du contre-
basson ; eh bien ! je vous assure que la tenue
que j'ai entendue ressemblait beaucoup plus
au ronflement d'un moteiu^ d'aéroplane qu'à
une note musicale.
Kn définitive, la fabrication de la série des
instruments que j'ai signalée ne répond pas
aux besoin de l'orchestre contemporain. C'est
pourquoi les compositeurs et les instrumentistes
\ erront venir avec joie le luthier assez hardi
pour st)rtir des cliemins battus, et entreprendre
carrément les perfectioimements qui doivent
tloinier satisfaction aux musiciens et faire la
h)rtune de sa maison.
KmII.K SriKVKNARn.
Rythme et mesure.
On nous écrit pour nous demander quelques
explications sur la question du rythme. Il
paraît que les ouvrages d'enseignement les
plus répandus ne contiennent sur cette matière
que des indications fort sommaires et quelque-
fois très obscures. On jmrle longuement de la
mesure, mais on ne dit rien, ou presque rien,
du rythme.
Je crois que si les auteurs de manuels se
montrent aussi brefs sur un sujet aussi impor-
tant, c'est qu'ils sont très einbarrassés pour le
traiter. Les théoriciens sont en effet bien loin
d'être d'accord, même sur la simple définition
du rythme, et il suffit de les consulter l'un
après l'autre pour avoir l'esprit tout plein de
notions confuses et contradictoires. Les péda-
gogues effrayés par l'exemple des théoriciens,
aiment mieux éluder la difficulté que de
chercher à la résoudre à leur tour.
Soyons plus avidacieux. Laissons de côté
toutes les subtilités de l'érudition et de la
spéculation esthétiqvie, et tâchons de fixer
nettement quelques idées qui s'imposent à
première réflexion, et qu'il serait utile de
répandre.
On pourrait dire tout d'abord que la mesure
étant une division abstraite de la durée en
parties égales, (parties que l'on suppose à leur
tour divisées en parties égales), le rythme est
constitué par l'ensemble des valeurs concrètes
dont on remplit la mesure. Voici une durée
de 8 mesures, chaque mesure comprenant
3 temps ; je puis évidemment inscrire dans
cette durée totale, et dans chacune de ses
divisions, toutes sortes de valeurs diverses
(noires, blanches, croches, etc. pointées ou non,
et silences). Quelles que soient les valeurs qui
" meubleront " cet espace de temps et ses
parties, il est clair qu'il n'en sera pas modifié,
ni dans sa valeur totale, ni dans celle de ses
parties. 'Je puis donc inscrire une infinité de
rythmes différents dans une même mesure. Et si
l'on faisait une leçon à des enfants sur ce
sujet, il faudrait introduire ici un grand
nombre d'exemples. On remarquerait que dans
un même morceau, si la mesure ne change
pas, le rythme varie continuellement, et le
plus souvent à chaque mesure. Même les
différentes parties, ou voix, qui se superposent
dans une même mesure n'ont pas les mêmes
rythmes. On citerait aussi le cas des danses,
comme la polka, la valse, etc. dont l'accom-
pagnement a un rythme fixe, tandis que le
rythme de la mélodie peut varier.
Voilà donc une première manière de pré-
senter à des enfants quelques idées très claires
et très simples sur le rythme.
J'aimerais mieux peut-être une autre mé-
thode. Ce premier procédé a en effet l'in-
convénient de présenter la mesure comme
antérieure au rythme, ce qui est tout à fait
inexact. Les hommes ont évidemment commencé
par cha?iter sans se soucier de mesure., et ils ont
ensuite mesuré leurs chants. On peut dire que la
notion de mesure dans toute sa rigueur est
relativement récente ; elle est née seulement
avec la polyphonie et s'est précisée de plus en
plus depuis le XIP siècle jusqu'à la fin du XVP.
Ouvrons ici une parenthèse : il importe de
ne pas confondre la mesure musicale avec le
mètre poétique. La mesure musicale divise la
durée en parties égales. Le mètre poétique
n'est qu'un nombre de syllabes longues et
brèves dont la durée n'est pas exactement
déterminée. Une longue ne vaut pas 2 brèves,
elle vaut tantôt plus et tantôt moins : cela
dépend du mot, de la phrase et de l'expres-
sion, et ainsi 2 vers égaux métriquement
peuvent avoir des durées fort inégales du
moment qu'ils sont récités. Or le mètre poé-
tique a dû exercer, dès l'origine, une influence
considérable sur le rythme musical, et 1 on
272
L'ACTUALITE MUSICALE
voit qu'il de\ait, non pas faxoriser l'établisse-
ment de la mesure^ mais bien plutôt lui faire
obstacle.
Fermons la parenthèse et revenons à la
mesure du rythme. Un chant, quel qu'il soit,
a toujours un rythme, axant même d'avoir
une mesure, et quand même sa mesure serait
très difficile à déterminer. Chaque note d'un
chant a une valeur, et l'ensemble de ces
valeurs forme un groupe rythmique : cet
ensemble se di\'ise en plusieurs membres de
phrases séparés par des respirations.
Mesurer ce chant, ce sera le diviser en
parties d'égale durée, et cette opération n'a
d'autre utilité que d'en rendre la lecture plus
facile et l'exécution plus correcte.
Mais mesurer un chant n'est pas toujours
possible ; telle chanson populaire présente un
rythme irréductible à la mesu'e à trois temps
ou à la mesure à quatre temps ou à quelque
mesure que ce soit. Il faudrait changer la
mesure sans cesse, ce qui reviendrait à la
supprimer.
Cependant le cas est plus rare pour la
musique artistique, qui est généralement me-
surée. Qu'est-ce que cela prouve ? Que cette
musique artistique est supérieure à l'autre :
Non point. Mais que notre habitude de la
mesure nous a fiiit perdre l'invention de ces
rythmes infiniment souples et variés qu'a\ait
dictés aux piemiers musiciens sans éducation
technique la spontanéité de leur nature.
Cette habitude de la mesure, n'en disons
pas trop de mal cependant. Elle ne se justifie
pas seulement par cette piètre raison piatique :
la facilité de la lecture et de l'exécution —
j'ajouterai encore : et de l'audition. — Mais
il faut voir aussi qu'elle a sa valeur esthétique.
Elle introduit dans l'art un souci de la symé-
trie, cjui lui est essentiel, et qui s'\' manifeste
toujours à quel(|ue degré, même dans ses pro-
ductions en apparence les plus désonlonnées.
I/es jardins à la française ont Kur beauté, et
si l'on peut préférer un art plus sou[ile et plus
varié, on ne peut cependant aimer, pour elle-
mêine, l'incohérence.
Notons pour fîtu'r deux sens du mot /iiisurc.
La mesure, c'est iTaliDril l'acte ile mesurer.
C'est aussi chacune des divisions de la phrase
musicale qui serxent à la mesurer.
Le Diapason et l'Histoire de ses
vari.ations.
Un /4mi de la Musique nous écrit : " Puis-
que V Actualité musicale a eu la judicieuse idée
d'ou\rir la rubrique Instruisons-nous^ pourriez-
vous un jour consacrer un chapitre à l'Histo-
rique du Diapason r... On sait bien qu'au
temps de Gluck et de Mozart, la hauteur du
diapason non seulement n'était pas ce qu'elle
est aujourd'hui, mais qu'elle n'était pas fixe.
Il n'en serait pas moins intéressant de con-
naître la valeur tout au moins moyenne des
diapasons généralement usités à cette époque,
soit à Vienne, soit à Paris, pour la comparer à
celle qui de nos jours fait loi. J'ai consulté
là-dessus plus d'un musicien professionnel sans
obtenir de réponse satisfaisante.
C'est là en effet une importante question
que nous nous réser\ons de traiter plus com-
plètement une autre fois ; mais nous donnerons
dès aujourd'hui quelques indications qui ap-
porteront à notre aimable correspondant une
satisfaction au moins provisoire.
Rappelons que le mot diapason sigin'fiait en
grec Vocinve. Par suite le diapason normal tut
Yoctave normale^ c'est à dire accordée à une
hauteur absolue déterminée par conxention.
C'est ainsi que le mot diapason finit par
désigner V accord normal de Vcchelle fondamen-
tale, l'^nfin le mot diapason servit à dénommer
Tiiistrument [iroiluisant le la normal.
J^e diapason ne put être fixé d'une façon
vraiment stable qu'à partir du moment où l'on
sut coni|irer les \ ibrations des sons. Ce fut en
1858 que l'Académie des Sciences de Paris
décida c)ur la hautrui' noiniale du la'^ serait
de 870 \'ibrations simples ou 435 \ibrations
doubles par seconde. Dès lors ce diapason tut
ailopté dans toute l'Europe. L'Angleterre seule
résista longtemps, et s'obstina à conser\er un
iliapason plus éle\ é.
Un excellent ouvrage lie Etlis (History of
musical pifc/i)^ a paru en 1880 et on y trouve
la preuve c|u'a\ant la seconde moitié du
L'ACTUALITE MUSICALE
273
XIX*^ siècle le diapason fut des plus variables
aux différentes époques et dans les différents
pays. Mais il est extrêmement difficile à
riiistorien" de déterminer avec exactitude
chacune de ces variations. Dans tous les cas il
nous manque le seul renseignement précis, qui
écarterait toute discussion : le nombre des
vibrations données par le la.
Voici tout au moins ce qu'on peut dire : en
Allemagne le diapason semble avoir été de
presque un ton plus aigu que notre diapason
actuel pendant le XVP et le XVIP siècle.
On peut en juger par l'étude des anciennes
orgues que nous avons conservées.
Ensuite le diapason descendit peu à peu^
surtout à partir du moment où se constitua,
en deliors de la musique d'église, une musique
instrumentale dite musique de chambre (Kam-
mermusik). Cependant l'église conservait son
ancien diapason, ou à peu près : de telle sorte
qu'on distinguait 2 diapasons : celui de
l'église (Chorton), et celui de la musique de
chambre (Kamrnerton). Et il y avait encore un
troisième diapason, celui des musiciens de
plein air, celui des hautbois et des cornets,
des Stadtpfeifer (Kornetton)^ et ce diapason-là
était le plus haut de tous : une tierce mineure
devait le séparer du diapason de la musique de
chambre.
Notre correspondant ajoute que la question
des variations du diapason est liée à celle " du
caractère des diverses tonalités. On peut
lire, dit-il, dans Lavignac que tel ton est
énergique, tel autre champêtre, gai, tel autre
chevaleresque. Ces caractères, en admettant
que les musiciens soient d'accord à en recon-
naître la justesse, sont-ils vraiment inhérents à
la tonalité ?... Si à une époque et en un lieu
donné le diapason adopté a été, ou est encore,
tel qu'il diffère du nôtre d'un demi-ton, une
même phrase écrite par exemple en mi et
jouée à Paris dans notre ton de mi sera jouée
en cet autre lieu dans un autre ton de mi qui
correspondra à notre ton àt fa. En résultera-t-
il que cette phrase aura à Paris un caractère
éclatant^ chaud., joyeux (je cite toujours Lavi-
gnac), et dans l'autre lieu un caractère pastoral
et agreste f... Si du temps de Mozart le
diapason à Vienne était environ d'un |- ton
plus haut que le nôtre, ses notes en fa étaient
écrites par lui dans un ton qui est notre 5<?/b,
auquel les personnes imbues de l'idée d'un
caractère propre à chaque tonalité attribueront
un caractère bien différent de celui du ton de
fa... Et alors, qu'en conclure, sinon que ces
caractères sont imaginaires, et qu'on ne peut
véritablement attribuer de caractère o^ au
passage d''une tonalité à une autre., et jamais
à une tonalité considérée isolément ?
Voilà un très délicat et très intéressant
problème ! Il est bien difficile de le traiter en
quelques lignes. Je soumettrai cependant à
notre Ami de la Musique quelques rapides
réflexions.
D'abord, comme il le fait lui-même remar-
quer, les musiciens ne sont pas tout à fait
d'accord sur le caractère qu'il convient d'at-
tribuer à chaque tonalité. Leurs opinions
varient surtout suivant les époques., et M. Lavi-
gnac serait sans doute très étonné de lire par
exemple dans le beau livre de M. Laloy sur
Rameau de quelle façon le plus grand com-
positeur français du XVIIP siècle caractérisait
les différentes tonalités. Il y aurait là de quoi
donner peut-être raison à notre correspondant
et l'on pourrait être amené à penser que ces
changements d'impressions esthétiques dépen-
dent des variations du diapason.
Pour ma part, je n'interprète pas ainsi les
faits. Je ne crois pas en effet que le caractère
d'une tonalité donnée soit déterminé surtout
par la hauteur absolue des tons qui la com-
posent. Je crois bien plutôt qu'il est en rela-
tion avec la tonalité fondamentale de V instrument
sur lequel la musique doit être exécutée. Sur
une clarinette en si b et sur une clarinette en
la la même tonalité sonne de deux manières
différentes et change de caractère. Le piano
qui est accordé par tempérament à partir du
la ne rend pas les mêmes effets pour une
tonalité donnée que le violon qui a pour ainsi
dire quatre tonalités fondamentales dont les
exigences s'entrecroisent en se conciliant ou
se heurtant. Une tonalité très claire et très
brillante au piano pourra être très sourde et
très grise au violon. Que le violon soit accordé
274
L'ACTUALITE MUSICALE
au diapason normal, un peu plus haut ou un
peu plus bas, peu importe : il sonnera toujours
plus brillant en sol naturel majeur par exemple
qu'en solo majeur. Il y a là une foule de con-
ditions dont il faut tenir compte : la variété
des harmoniques d'abord et principalement,
les changements de cordes s'il s'agit d'un
instrument de la famille des violons, et les
retours plus ou moins fréquents de cordes à
vide ou de leur résonnance, les doigtés même,
etc. etc. Il me semble que ces conditions ont
plus d'importance que la hauteur absolue des
sons, surtout s'il ne s'agit que d'une différence
d'un \ ton ou d'un ton dans le diapason.
Il est \ rai que si l'on peut accorder un
piano ou un \iolon à différents diapasons et
construire aussi des hautbois et des flûtes un
peu plus hauts ou un peu plus graves, la voix
humaine est immuable. Elle a ses exigences
que nous ne pouvons modifier. Et c'est peut-
être aussi dans la musique vocale que les
variations du diapason modifieront le plus les
caractères des tonalités. A ce point de vue
notre correspondant reprendrait, il me semble,
l'avantage, et aurait tout à fait raison.
Il faudrait évidemment tenir comte aussi
de rdîet du passage (C une tonalité flans une
autre^ Ce qui reviendrait en somme à ce que je
disais tout à l'heure. Car on peut considérer
que tout instrument part tle ce que j'ai appelé
sa ou ses tonalités fondamentales, par rapjiorr
aux(|iielles toutes les autres se caractérisent à
leur tour, de telle sorte qu'il n'y aurait de
caractéristiques tonales que relatives, et non
pas absolues.
En tout cas ces quelques indications suffisent
à montrer combien la question est complexe,
et nous serons heureux si nous ;i\ ons su attiicr
l'attention de nos lecteurs sur un problème
qu'ils auront tout profit à méditer plus lon-
gUlUKIlt.
Accusés
l)F. KI'C Kl' I ION.
Nous a\()ns \\\\\ irautrcs lrlties(|ue nous
avons lues avec le plus grand plaisir. Elles nous
prouvent c|uc la rubri(|ue nouvelle " Instrui-
sons-nous " répondait à un besoin. ( )n (.si
enchanté de pouvoir s'adresser à nous pour
obtenir quelques renseignements qu'on ne
savait où se procurer. On nous demande de
traiter dans un prochain article telle ou telle
question de théorie ou de pratique, d'histoire
ou de pédagogie. Nous répondrons peu à peu
à nos aimables correspondants : qu'ils ne s'im-
patientent pas. Nous préférons les faire attendre
et leur donner tout à loisir la satisfaction qu'ils
réclament : deux lignes. ne leur suffiraient pas
pour les éclairer sur le point qui les embar-
rasse, et s'il, fallait tout de suite répondre à
tous, nous n'aurions que deux lignes pour
chacun. Nous grouperons autant que possible
les sujets à étudier afin de fournir sous un
même titre et dans un niêîiie article les ex-
plications demandées de di\ers cotés et à
différences époquesde l'année. Et nous espérons
que tout le monde sera content !
RÉSULTATS xi\} Concours du 15 avril 1910.
I. Sourdine (Bordeaux). — 2. G. Durant!
(Lyon). —3. Violette (S' Quentin.) — 4. L\sis
(Paris). — Les autres concurrents ne méritaient
pas d'être classés, leurs réponses était insuffi-
santes.
Nous accordons au premier nommé dans ce
concours un abonnement gratuit., ePun an à
PS. 1. M.
La page de musique qu'il s'agissait d'expli-
(juer était extraite de V Hippol\te et Aricie de
Rameau (p. 151 de l'édition populaire Durand
et fils). La construction technique en a été
assez bien analysée ; c'était la (partie la plus
facile (le la tache qu'avaient à remplir les
concurrents. L'expression delà phrase musicale
n'a pas loiijouis été lii(.'n comprise : on w'x a
pas senti le caractèie poignant irune .nnpie
lamentation. Au point de vue historique on
aurait dû faire reniarcpier surtout certaines
particularités li'écriture, comme ces accords
parfaits sans tiine dans la première mesure,
la marche continue îles noues de la basse, le
nu'l.iiiLir un peu hésitant ilu si\le puii-nu'nt
harmonique et du st\le polyphonique, l'ana-
logie de l'inspiration avec certaines "ritour-
nelles" des ails lie Daeh, l'emploi d'une courbe
L'ACTUALITE MUSICALE
275
mélodique particulièrement adaptée au jeu du épreuves les plus intéressantes auxquelles nous
violon, notamment dans la dernière partie de puissions soumettre la sagacité de nos lecteurs.
Tavant-dernière mesure, etc. etc. — - Nous Voici maintenant le texte d'un nouvel
donnons prochainement un sujet de concours exercice. Il s'agit de réaliser à 4 parties vocales
du même genre : nous voyons là une des la basse que nous donnons. Sont exclus de ce
/^. - f t^—^ — r I I I ^ ^ y I ) I .' I I 1 I I I
concours tous les élèves ou anciens élèves de admis à concourir qu'à la condition qu'ils ne
nos Conservatoires et Ecoles de musique. soient pas déjà diplômés à quelque degré et de
C'est surtout aux amateurs que nous nous quelque façon que ce soit,
adressons cette fois ; les professionnels ne seront Double-DiÈse.
L'Autriche \eiTa-t-elle en ce début du
XX'' siècle se reproduire le phénomène musi-
cal dont Mozart l'illustra, dans les dernières
an nées du
XVIIP siècle r
On peut se
poser cette
question en fa-
ce des œuvres
dujeuneKorn-
gold, dont l'o-
pinion \ ien-
noise a été si
curiseusement
intriguée de-
puis quelques
mois, et dont
l'Europe mu-
sicale com-
mence à s'é-
mouvoir.
Erich W<,]f-
gangKorngokl
est né à Brunn
Ie29maii897.
Il est fils de
notre éminen;
confrère de la
N e u e F r c i e
Presse, le cri-
tique musical
successeur de
Hanslick. A
cinq ans on le
mit au piano,
ou plutôt il
s'y mit de lui
môme, et s'y trouva tout del suite absolument
à son aise. A neuf ans il hii \int l'idée île
composer une cantate. On lui donna lomnie
professeur Alexandre de '/AinliiiNky, et, depuis
un an et demi, il suit les leçons d'harmonie
de Robert Fuchs. C'est aujourd'hui un jeune
garçon plein d'entrain, aimanta jouer, às'ébattre
et n'ayant rien
du génie fatal.
Mais irrésisti-
blement en-
traîné \ers la
musique.
Dès le dé-
but ses goûts
l'ont porté \ ers
les modernes ;
Strauss, Mail-
ler, Debussy,
Dukassont ses
maîtres favoris.
Et son oreille
lui permet de
distinguer sans
i n c e r t i t u d e
tous les élé-
meiusdont nos
grands orches-
tres associent
la complexité.
I,e sens des
réalités musi-
cales, mélodie,
h a r m o n i e ,
r\ thnic, style,
tonalité... s'est
ainsi dé\eloppé
che/. lui d'iuK-
façon instincti-
ve, et avec une
prompti tudi-
c|ui surprend. Personnellement le prodige
musical m'a toujours semblé un phénomène
ps)chologique, plutôt inquiétant t|ue Hatteur
poiu' l'an, fi' ne puis cependant niè ilélendre
!•:. W. KoK\c;oi.i)
Cliclii.' Grillicli, ii \'ifitiic
L'ACTUALITE MUSICALE
277
d'une réelle sympathie pour ce garçonnet qui
à 10 ans, dès la fin de 1908 compose une
pa)itomine^ une sonate de piano et un ^QX.\t poème
descriptif. Toute \aleur musicale mise à part,
il y a là une attraction d'un être jeune et naïf
vers le royaume des sons, qui me semble
infiniment touchante.
Quant aux œuvres elles-mêmes, ce qui
trappe en elles, c'est avant tout leur maturité.
Der Schneemann est une charmante suite de
40 pages qui transpose en musique des im-
pressions enfantines. Don Quichotte^ est plus
grave ; nous citons ici les deux premières
pages de cette œuvre qui est d'une étonnante
maîtrise pour un enfant. La Sonate vise plus
haut encore, avec son final, qui est un devoir
•Ziemlich schnell.
Erich Wolfgang Korngold.
3-^ r~7r~^ g:
Piano
^^^^^^
^
A A A.
si I '^ ' Il I '^ — ^
P
?^
Ziemlich
^i^
schnell
-1^
^
:'Éi-t'fEËii^to
(l'hannoiiic: (Idiim' au ji-iinc Korngold par nom le di-Mr et la xoloiité Av iréi-r. Diiais-jt' i]uc"*"
inaîtrc. Sur \mc liasse imposée s'élè\c une |e troiix e re|Hnilant iiioins de joie dans cette
sorte de ehaioiiiu- où I oli sent maiuleslement (l'iixre i|ue dans les deux autres, et un peu île
L'ACI'UALITE MUSICALE
279
formalisme, comme on devait d'ailleLirs s'y
attendre dans une forme dépourvue d'intention
pittoresque. La virtuosité dans le formalisme
est d'ailleurs le grand danger de tous nos
compositeurs modernes, en Allemagne surtout,
et je signale cet écueil au jeune maître.
En somme l'éveil il'une nature aussi iin-
périeusement douée que celle de Korngold,
l'apparition soudaine d'un enfant qui parle
naturellement le langage musical des adultes,
l'intervention d'une puissance spontanée au
milieu de tous nos travaux d'école et de con-
servatoires — c'est bien un fait nouveau dans
l'histoire de la musique contemporaine, et qui
mérite l'attention. Korngold sera-t-il l'homme
de demain, celui que la musique attendra dans
quinze ou vingt ans. C'est ce que personne
ne saurait dire. Mais en tout cas un musicien
nous est né. Parions encore une fois pour le
génie. J. E.
') O. Bouwens van der Boijen. — -) Durand. —
^) Alleton. — ') Hamclle. — ■') Edition mont-
rougienne. — ") Justin Robert, à Béziers.
Si les transcripteurs ont parfois de singu-
lières fantaisies, — nous y reviendrons tout à
l'heure — , il en est aussi de fort avisés ;
comme M. Delune^ qui vient de réduire pour
piano l'accompagnement d'orchestre de son
Poème pour violoncelle \ Cette œuvre sym-
pathique et chantante mérite d'être lue, et je
ne crois pas qu'elle perde à passer au domaine
de la musique de chambre. Quatul M. Pierre
Rrnauld réédite, pour deux Pianos la Sonate
A DEUX CLAVECINS de IV. F. Bach '\ c'est
encore fort bien. Le travail de M. Rraunfeh,
transcrivant pour piano deux PiècEs d'orgue
de J.S. Bach ', est un peu plus contestable :
les pièces d'orgue peuvent fort bien se lire au
piano telles qu'elles sont écrites ; et il n'est
pas question, j'espère, de les faire passer, une
fois arrangées, au programme des pianistes
virtuoses ; ils ont tout ce qu'il leur faut dans
l'œuvre de Bach. Mais il y a plus original en
ce genre: M. de Vagney a "complé'té" les
Sonates pour Piano de Beethoven '^ ; grâce à
ses soins empressés elles se transforment en
trios, ou bien en morceaux à deux pianos
concertants. Et ne croyez pas que M. de
Vagney se contente de morceler le texte
beethovenien pour le distribuer aux divers
instruments : il préfère composer, de son crû,
des parties d'accompagnement, qui viennent
se surajouter à l'original, laissé scrupuleusement
intact. M. de Vagney parvient ainsi à ren-
forcer l'Harmonie classique, parfois pauvre, ou
bien, il remplit les vides mélodiques par d'in-
génieuses broderies... ; vous n'imaginez pas,
par exemple, combien l'Andante de la Sonate
Pastorale gagne à être pourvu d'un petit
contre-point, qui reproduit le thème, mesure
par mesure Mais, faut-il vous l'avouer,
j'aime mieux les sonates de Beethoven, telles
que lui-même les a écrites.
La Sonate pour violon et piano, de
Guillermo Uribe ^, presque classique d'écriture,
est d'un bout à l'autre une œuvre franche et
saine. De même les Trois pièces d'orgue de
Maurice Reuchsel *, avec leur Finale d'une si
allègre envolée. M. Jules Dorsay^ avec le
Bouquet de l'AimÈe, piano et chant \
M. Marc Delmas avec une Idylle d'Automne
et un Nocturne Maritime, piano et chant ^,
n'évitent pas toujours les longueurs, ni les
complications inutiles, mais ont le mérite
d'échapper à toute vulgarité. M. S-zulc^ au
contraire, avec sa Pantomine Une Nuit
d'Ispahan, réduite pour piano ^, n'échappe ni
aux unes ni aux autres. Rien de plus banal
28o
L'ACTUALITE MUSICALE
que cet Orientalisme de ballet et toutes ces
Valses plus ou moins roses, ne valent guère
mieux que si elles étaient bleues.
Signalons tout particulièrement les Impres-
sions DE Printemps, de Clément Robert "" pour
piano et chant. Ce cycle de 7 Mélodies est
évidemment supérieur à tout ce que nous
avons reçu depuis longtemps. Telles d'entre
elles, les Amandiers^ le Semeur^ la Source/eite,
laissent l'auditeur sous une impression d'in-
tense et indéfinissable poésie ; leurs conclusions,
très significatives, très évocatrices dans leur
brièveté même, rappellent un peu certaines
formules chères au maître Fauré. M. Robert
n'a pourtant jamais été son élève. Il a passé
par l'école Niedermeyer et par le Conserva-
toire, mais sans doute sans s'y transformer
beaucoup, puisqu'il affirme aujourd'hui que la
Composition ne s'apprend pas. Très respec-
tueux de sa propre originalité, il entend
n'écrire que des œuvres patiemment mûries.
Entre sa première composition, une Grisaille
pour piano et chant ^ signée Broter Sohn et
ce volume de mélodies, il y a évidemment un
abîme. M. Robert n'a du reste pas perdu son
temps de l'une aux autres ; il a produit une
Jeanne d'Arc, une cafetière automatique et
un moteur à soupapes concentriques. Sou-
haitons que la mécanique ne le détourne pas
de la \o\Q artistique, où il donne déjà beaucoup
plus que des promesses. M. Robert peut se
placer demain au premier rang de nos jeunes.
Ceux qui goûtent le moins la musique de
Debussy seront forcés de convenir que l'appa-
rition de ses Préludes - marque une date
dans l'histoire de la musique de piano. En les
qualifiant de pianistiques, je ne veux pas
désigner par là l'emploi de ces formes de vir-
tuosité pure, dont les compositeurs romanti-
ques, Liszt en tête, nous ont donné l'exemple.
Rien n'est plus éloigné de M. Debussy. Dans
les passages les plus compliques en apparence,
les 10 doigts arrivent juste à point nommé et
cela sans écarts ni contorsions ; tout ce qui
est écrit est possible. Voyez ces petites gammes
ascendantes qui achèvent le prélude n" 2,
Voiles ; ou bien le début en sixtolets du n" 3,
Le Vent dans la plaine. Les trou\ailles sonores
ne sont pas moins étonnantes et font appel à
toutes les ressources que peuvent offrir les
pédales. Le n" 4, Les Sons et les Parfums^ a
une conclusion surprenante, quelque chose
comme un soulagement exquis après deux
pages délicieusement fausses. La Dance de Puck
est tout à fait aérienne. Enfin, M. Debussy a
voulu finir sur une note gaie, et le n" 12,
Mnistrels^ nous rappelle les joyeuses fantaisies
du GoUiwosr's Cake Walk. " V. P.
U Gérant: Marckl Fredet.
Impr. par The St. Catherine Press Ltd. Bruges, lu l^iiinc.
L'ACTUALITÉ
MUSICALE
ANNEXE DE LA REVUE MUSICALE S.I.M.
PUBLIÉE PAR LA SECTION DE PARIS DE LA
SOCIÉTÉ INTERNATIONALE DE MUSIQUE
5 JUILLET 1910
FRANCE ET BELGIQUE
Le numéro: 0.40 -Un an: 4.00
UNION POSTALE
Le numéro: 0.60 - Un an: 6.00
UJCTU ALITÉ MUSICALE
REDACTION
PARIS: 22, RUE ST. AUGUSTIN
BELGIQUE : RENÉ LYR A BOITSFORT, BRUXELLES
ADMINISTRATION
LIBRAIRIE CH. DELAGRAVE, 15, rue Soufflot, PARIS.
Tous les mandats doivent être adressés soit à la librairie DELAGRjiVE,
soit à M. REtKÉ LYR.
SOMMAIRE DE L'ACTUALITE
DU 15 JUILLET
J>ES CONCERTS, à Paris par Gi'KRili-ot. — Proyiiice. — Belgique. — Étranger. — LA
CLASSE D'ORGUE AU CONSERVATOIRE NATIONAL par C. M. — Léopoi.d
WiDHAi.M, luthier allcmaïul, par Ch. \\o\nÀY.. — LES INSTRUMENTS : Vente d'anciens
instruments, Concours de Violoncelles. — QUESTIONS SOCIALES : La-s préjugl^'s de
l'éducation musicale, par M. Daubresse. — L'ÉDITION MUSICALE, par V. P.
LES
CONCERTS
A. Nikisch.
M. Arthur Nikisch a mis quelque
coquetterie à ne nous revenir que plusieurs
années après ses derniers triomphes. Les deux
concerts qu'il vient de donner avec l'Orchestre
Colonne ont terminé la saison symphonique.
Il est inutile de rappeler avec quel comman-
dement M. Nikisch conduit un orchestre, à
quel point il lui impose sa griffe. C'est un chef.
Mais il déconcerte souvent par son interpré-
tation des classiques, par l'importance qu'il
donne à des détails justement négligés jusqu'à
lui, par un excès tout à fait allemand dans les
intentions. Nous sommes faits à plus de cor-
rection, à trop de correction peut-être. Par
contre, dans les œuvres romantiques, à ne
nommer que certaines de ses deux program-
mes, Tod und Verklaerunge, de Strauss, la
7*^ Rhapsodie de Liszt, orchestrée par H. de
Bulow, les œuvres de Berlioz, il est un maître
incontestable. Son succès fut grand et il faut
espérer qu'il nous reviendra l'an prochain.
Au concert supplémentaire de la Société
Nationale de Musique, deux premières
auditions : Deux poèmes pour chant et deux
pianos de Samazeuilh et la Sonate en ré mineur
pour piano et violon d'Albert Roussel. Ces
œuvres nouvelles étaient encadrées par la Sonate
de Witkowski et le Concert de Chausson.
La Société musicale indépendante
a clôturé sa première saison par une séance
avec Orchestre. Si les œuvres assez ternes du
programme pouvaient perdre de leur mince
intérêt c'était bien du voisinage d'un Vœ
Victis, de M. De Morawski, impitoyable pour
nos oreilles, cuivré à l'excès, non sans valeur
du reste, et d'un Psaume 47 d'une joie peut-
être biblique, mais pas idyllique du tout,
M°^® Litvinne fut la dramatique interprète de
deux émouvantes pages de Moussorgski.
M. Capet nous est heureusement revenu
avec un quatuor reconstitué, très homogène.
En deux séances il donna six quatuors de
Beethoven dont les 12*^, 13*^ et 15®.
]y[me Toutain Grun, artiste croyante et
agissante, a organisé un quintette dont les
débuts ont été mieux qu'encourageants, sur-
tout dans le quatuor piano de M. Fauré et le
quintette op. 34 de Brahms.
M. Unesco est une des personnalités mu-
sicales les plus intéressantes de l'heure présente,
violiniste puissant et précis, compositeur aux
idées jeunes et abondantes. Voilà un excès de
qualités que bien d'autres pourraient lui en-
vier. Il joua, avec M. Risler, son exubérante
sonate de violon, presque classique de forme
et la sonate à Kreutzer, idéalement exécutée,
indéfiniment applaudie.
Les séances bi-hebdomadaires de musique du
Salon des Artistes Français sont,
comme on sait, d'un louable éclectisme. La
le
Rouart, LeroUe ô C
ÉDITEURS DE MUSIQUE
18, BOULEVARD DE STRASBOURG - PARIS
Le plus grand abonnement de France
service : Maison GAVEAU, 45, rue de la Boëtie.
TOUTE LA MUSIQUE en lecture
Représentation exclusive des Éditions Bélaïeff, Hansen,
Jurgenson, Universelle et Zimmermann.
Dépositaires exclusifs des œuvres de G. MAHLER
Ire SYMPHONIE EN RÉ MAJEUR
2me SYMPHONIE EN DO MINEUR
3me SYMPHONIE EN RÉ MINEUR
4me SYMPHONIE EN SOL MAJEUR
Chaque piano à 4 mains , . . net fr. 12
,, petite partition d'orchestre net fr. 8
L'ACTUALITE MUSICALE
285
liste des œuvres nouvelles y fut copieuse cette
année, l'exécution un peu inégale et dans des
conditions matérielles assez médiocres.
Toujours bien vivante, la vénérable Société
Guillot de Sainbris s'est fait entendre
dans de jolis chœurs de Schumann, dans un
motet de Franck et dans une cantate injuste-
ment oubliée de M. Pierné. Exécution très
soignée comme toujours.
Nos nomenclatures mensuelles ne nous ont
permis que de citer les séances du Quatuor
Parent à la Schola, alors qu'il faudrait
étudier dans tous ses détails cette œuvre
poursuivie avec une foi persévérante et intel-
ligente. Après des soirées classiques la saison
s'est terminée par quatre séances d'œuvres
contemporaines allant de Franck à M. Ravel.
Le vrai public dilettante n'est pas effrayé par
le voyage de la rue St-Jacques car il sait que
certaines œuvres mfodernes ne sont jouées que
là comme elles doivent l'être et qu'on veut y
faire connaître de la musique plutôt que s'y
préparer des succès d'exécution. Un program-
me entier fut consacré à M. Paul Dupin, le
croyant, le persévérant que connaissent les
lecteurs du S. I. M.; on entendit le Quatuor
de M. Ravel, une suite romantique pour
piano de M. Turina, des Quintettes de MM.
Le Flem et Florent Schmitt. M. Parent
poursuit une belle et bonne œuvre et le succès
l'en récompense.
Les ballets russes de l'opéra nous ont valu
un regain de musique moscovite. La colonie
russe de Paris donna au profit de la Croix
Rouge française un beau concert dont Mme
Litvinne, — que nous pouvons bien, ce nous
semble, prétendre parisienne d'adoption —
— M™" Lydia Lipkowska et M. Alt-
chewski furent les protagonistes. M""^ Lip-
kowska est d'une virtuosité merveilleuse. De
M"'*^ Litvinne que dire, sinon vanter son
infatigable générosité pour les concerts de
charité ou de bienfaisance ? Nous l'avons
retrouvée le 26 Juin à la Salle Gaveau, avec
MM. Diémer et Maurice Dumesnil dans un
Concert Schumann-Wagner qui termine à
peu près la saison musicale.
Les pianistes ont remporté encore ce mois-
ci quelques victoires. M. E. Schelling joua
dans les deux concerts Nikisch, notamment
sa fantaisie pour piano et orchestre, intéressante
malgré la réclame excessive qu'en faisait le
le programme. L'artiste a une superbe techni-
que. M""' Roger Miclos nous plaît davan-
tage à chaque audition et — qu'elle veuille
bien nous en excuser — il y a quelque temps
que nous l'entendîmes pour la première fois.
Ses deux concerts salle Pleyel — le second
avec le Quatuor Vocal Bataille — compor-
taient plusieurs nouveautés, d'abord pour le
piano. Une petite suite de M. Paul Lacombe,
une joli scherzo de M. Staub, une légende de
M. Herard et surtout des " Poèmes Alpestres "
de M. Théodore Dubois ; puis de pièces
vocales de M. Vidal et de M. Herard. C'est
la suite, assez importante, de M. Th. Dubois
qui nous attirait et elle ne nous a pas déçu.
Musique claire, bien écrite et vraiment per-
sonnelle. M. Th. Dubois est plus actif et plus
fécond que bien des jeunesses.
]yj;oiie Tagliaferro, dont nous avons pré-
cédemment parlé. M™'' Fleury Moncha-
blon qui donna Salle Erard une charmante
séance, avec M. Fleury l'idéal flûtiste, M.
Geloso et M. Sautelet, merveilleux inter-
prète de chansons anciennes, M. André
Dorival qui se fît entendre salle Erard avec
le violoniste Hartmann M. André Tourcat,
— Voilà quelques-uns des pianistes entendus
en juin.
Ajoutons à cette liste très importante le
nom du jeune virtuose JameS Wittaker
dont le raient mérite qu'on s'y attarde quelque
peu : M. J. Wittaker a donné à la Salle Erard
un concert qui lui a valu une chaleureuse
ovation. Il se recommande par des qualités de
force et de netteté qui le classeraient parmi
les " dessinateurs " du piano. Il excelle à dé-
tacher les motifs et à faire comprendre l'archi-
tecture d'une œuvre. Dans les Scènes d'enfants
de Schumann, la '• manière " de l'exécutant
et, par suite, sa façon d'interpréter pourraient
surprendre. Schumann en écrivant ces " pièces "
dont chacune est un presque chef-d'œuvre, se
figurait assurément des enfants moins robustes
et moins sains. Et pourtant l'interprétation
286
L'ACTUALITE MUSICALE
" réaliste " de M. Wittaker ne manque ni de
charme, ni surtout d'mtérêt. Et c'est pourquoi
nous souhaitons au jeune et très intelligent
pianiste d^' rester fidèle.
M. Frédéric Gérard donna avec l'or-
chestre Hasselmans dirigé par M. Jacques
Thibaud, des Concertos de violon de J. S.
Bach et de Max Bruch, où il fit apprécier un
jeu classique et une belle sonorité. Nous
citerons encore une fois M. Georges Pitsch
dont le deuxième concert avait un beau et
copieux programme. M. Pitsch tient déjà une
bonne place parmi nos violoncellistes. Notons
enfin la huitième et dernière séance de musique
pour harpe chromatique où se distingua
M""^ Jane Montmartin, et arrivons aux
artistes du chant, par lesquels il eût été logique
de commencer.
Nous avons dit le mois dernier le beau
talent de M""" Misz Graeiner comme can-
tatrice de lieder. M"'' Julia Hostater,
artiste et intelligente, est moins bien douée
vocalement. M""" Gerhardt avait la bonne
fortune d'être patronnée par M. Nikisch. Il
l'a accompagnée au piano dans ses deux con-
certs, et nous avons entendu des voisins pré-
férer de beaucoup le Capellmeister au pianiste.
M""' Gerhardt a une belle voix très variée
d'effets. M""' Ida Reman a une agréable
voix de mezzo, étoffée et conduite avec goût,
sans affectations dans les nuances. On lui a
redemandé avec raison plusieurs morceaux. Il
est juste de dire qu'elle avait un accompagna-
teur hors de pair, M. Lucien Wurmser.
Nous n'avons pu que mentionner le mois
dernier le Concert de M"'' Suzanne De-
COUrt. On nous permettra de rL\enir sur U-
plaisu (|uc nous a doimé sa \()ix dramaticiue
et bien travaillée. M"'' Decourt est certai-
nement une de nos bonnes cantatrices de
concert.
I/'X((lJent trio féminin Laval Ballet
Clément a donné une agréable séance S.dle
Plcyel.
— La Société littéraire et artisti-
que de l'Ouest donne, tous les mois une
séance à Pass\ . ï a- I i (iiiil, il V avait au
programme le charmant opéra-comique de
Dalcroze, le Bonhomme Jadis, une sonate
pour Violoncelle et piano de Delune, sa suite
pour piano et son poème pour \ioloncelle, un
Duo pour harpes de A. Sau\Tezis. M""^ Delune
remporta un grand succès comme \iolon-
celliste.
— Mentionnons, parmi, les œuvres inscrites
au programme du concert donné par " la
Sourdine " trois délicates mélodies de Léo
Sachs : les Trois Sorcières, Solitude, Retour
près de l'Aimée, très bien interprétées par
M'"^ Panis.
M""' Capoy a donné une très intéressante
audition consacrée aux œu\res de Madame
Chaniinade, avec le concours de M""' Him-
mel, MM. Chanoine-Da\ranches, Gustave
Borde, Kochinski, M. Hennebains et de la
maîtresse de la maison.
— Madame Paul Poirson a fait entendre
chez elle des œu\res de Henri Lutz, le délicat
compositeur qui a niis en musique les beaux
poèmes de M""' Léopold Lacour.
— Nous avons le plaisir d'apprendre que
notre collaborateur, M. Jobbé Du\'al, vient
de rece\'oir les palmes académiques.
— Le 2 2 A\ril, les Concerts-Rouge con-
sacraient un partie de leur soirée à l'Audition
de plusieius mélodies publiées autrefois sous le
nom de Jean Hubert et dont l'auteur veut
bien aujourd'hui se taire connaître : c'est
M. Alexis Rostand, président et Direc-
teur général du Comptoir d'escompte. Ces
mélodies, pleines de grâce et d'esprit, étaient
interprétées par M"'' Marie de l'Isle, ilont on
sait le talent.
Au Lyceum, brillante soirée ilonnée par
M""' Macréjamska en l'honneur de M. Klobu-
kowsky, gouverneur général de l'Indocliine.
Au programme, œuvres de M'"^" J. "Foutain-
Griin interprétées par l'auteur et M""" Pauline
Sniirh et de M. Trémisat.
— Sous la (lircctii)n de N'ictor Cliarpentier,
"l'orchestre" a dontié au 'l'iocadéro, le
2S mai un très intéressant concert. Au pro-
gramme, des (fuvres île Hfindel, Mozart,
(îuilniani, Chaminade, Selz, César Franck,
ainsi (|u<- l'audirinii intégrale du Désert de
i'rluicn I)a\id, interpiété par M"'' Paule
LE MAESTRO TOSCANINI
VIENT DE PARAITRE
A LA
MAISON BEETHOVEN
(GEORGES OERTEL)
RUE DE LA RÉGENCE, 17-19, BRUXELLES.
C. THOMSON
ZIGEUNER RHAPSODIE
Pour Violon et Orchestre
Réduction : VIOLON ET PIANO, net
6.00
EX LOCATION LE MATÉRIEL D'OKCHESTKE
CHOPIN-THOMSON
MAZURKA op. 7 No. I. Violon et Piano, net
2.00
EN PRÉPARATION:
ROOVERSLIEFDE
Dramk Lyrique en un acte de p. GILSON
. . PAirrrriON : Pi;ino a chant.
L'ACTUALITE MUSICALE
289
Marsa, M. Plamondon, l'ensemble vocal de
" l'Orchestre " et le chorale " Les Enfants de
Paris."
F. GuÉRILLOT.
Province
BOURGES. — A l'occasion des Fêtes de
"l'Argentier Jacques Cœur" (12 et 13 Juin)
la Ville de Bourges a été le théâtre de mani-
festations artistiques qui resteront longtemps
dans la mémoire des nombreux étrangers
accourus dans ses murs.
C'est devant une salle littéralement comble
qu'eurent lieu les deux soirées des 12 et 13
Juin, la première presqu'exclusivement musi-
cale et chorégraphique, la seconde consacrée
à une représentation de l'Arlésienne.
Nous voudrions pouvoir nous étendre sur
la première qui réunit les musiques de la
garnison, la musique municipale et un orchestre
symphonique de 60 musiciens dont nous nous
réservons de parler plus loin, vanter ainsi
qu'elles le méritent les qualités des chanteurs
qui ont nom Juliette Dorys, Mario Varelly,
exprimer le suprême plaisir de l'ouïe et de la
vue à la fois que nous a procuré l'exécution
impeccable du ballet de Faust, dansé par
M"'' Sandrini et huit danseuses du corps de
ballet de l'Opéra.
Cependant, à rai'^on de l'attention particulière
qu'attira dans le monde des amateurs de
musique la représentation de l'Arlésienne, c'est
à elle que nous nous consacrerons plus spécia-
lement.
L'interprétation du chef-d'œuvre de Daudet
fut de tous points parfaite.
L'orchestre symphonique, n'a pas peu con-
tribué à la pleine réussite de l'œuvre.
Sous la baguette experte de M. Courrouy,
chef de la musique de la 8'' brigade d'artillerie,
qui avait bien voulu en accepter la direction
pour cette fête de bienfaisance, l'orchestre,
composé des meilleurs éléments de la Société
Philharmonique, auxquels on avait adjoint
plusieurs solistes, tous lauréats du Conservatoire
de Paris, avait acquis un degré de perfection
vraiment extraordinaire.
Ce fut une révélation ! Les frénétiques ap-
plaudissements d'une foule enthousiaste qui
accueillirent la délicieuse partition de Bizet et
notamment l'ouverture, le Menuet et l'Inter-
mezzo, sont le plus sûr garant du plaisir
extrême que nous a procuré cette phalange
d'artistes.
Nous ne saurions mieux faire que d'opposer
à ceux qui nous taxeraient d'un chauvinisme
excessif, les allégations mêmes de Tessandier,
qui au lendemain de la représentation, écrivait
au sympathique chef :
" ...Il y a fort longtemps, depuis Colonne
— que je n'ai entendu pareille sûreté d'exé-
cution."
Ce témoignage nous dispense de plus longs
commentaires.
Souhaitons que cette " révélation " consti-
tue un utile enseignement pour la Municipalité
et pour la Société des Fêtes et qu'un régal
semblable ne reste pas sans lendemain.
O. M.
BELLEY. — Importante manifestation
musicale à la Cathédrale à l'occasion de l'In-
tronisation du nouvel évêque M^'' Magnier :
F. CHATENET
Photographie documentaire
et artistique
67, rue des Batignolles, 67, PARIS.
Nouveau procédé sur papier; blanc sur noir, grandeur 18x24:
Pour une commande de cinquante épreuves 0.75 par épreuve.
Par petite quantité : 1 fr. par épreuve.
Par ce procédé, la Alaisoa CHÀTEXET a tounii aux Bénédictins
de Solesmes pour leur Paléographie plus ck- 40.000 photograpliies.
PRIX COURANT :
Clic'aë 13x18 avec une épreuve, 3 fr., les suivantes, chaque 0.75"
Cliché 1 8 X 24 avec une épreuve, 4 fr. ; les suivantes, chaque 1 .00
Cliché 24 X 30 avec une épreuve, 5 fr.; les suivantes, chaque 1.50
M
MlIL
l.xlr..ll .iu r<iiii.in (le l-auvcl (1^15) piil.llr cii upi ixluclioii plu.logl.ipliKluc.
L'ACTUALITE MUSICALE
291
œuvres de Bacli, Beethoven, Gounod, Franck,
Saint-Saëns, Baetz, quelques unes exécutées
par une Chorale d'enfants et d'hommes de
bonne volonté plus habitués aux travaux de la
campagne qu'à la musique. E. B.
CAMBRAI. — A l'occasion du mariage
de M"'^' Morand, fille du sympathique Président
de l'Union orphéonique, une manifestation
artistique d'une grande ampleur a été faite à
la Cathédrale. Au programme :
Chœur des Pèlerins, de Wagner ;
Pater Noster, de Niedermeyer ; Soliste :
M. Dumont;
Marche nuptiale, de Wagner ; (Trompettes);
Romance pour Violon, de Svendsen ; M.
Paul Cormont ;
Ave Maria de Gounod ; Solistes : M. Mar-
tin, ténor ; M"*" Inghebrelt, Harpiste ; M.
Marcel Richard, Orgue ;
Adagio du Septuor de Beethoven, par les
professeurs de l'Ecole Nationale de Musique ;
Sancta Maria, de Faure ; M. Dartus.
— Au deuxième Concert des Elèves de
l'Ecole Nationale de Musique, citons tout
particulièrement le jeune violoncelliste M. De-
bergue qui exécuta le Concerto de Golter-
mann d'une façon parfaite ; cet excellent
musicien possède un jeu très sur et une belle
sonorité... P. Cormont.
LILLE. — M™'' Maquet a dignement
clôturé la série des Concerts Symphoniques en
donnant le 2g Mai la première audition en
France de la Délivrance de Prométhée, poème
symphonique pour orchestre, chœurs et réci-
tant. Le Final de l'Or du Rhin, le prélude du
troisième acte et la dernière scène des Maîtres
Chanteurs complétaient le programme de ce
magnifique Concert. M""' Maquet a été applau-
die comme elle le méritait. La saison musicale
est à peine finie que l'active musicienne
annonce pour l'an prochain la neuvième
symphonie et d'importants fragments Wagné-
riens.
TROUVILLE. — La saison promet d'être
brillante au Casino ; il suffit de lire les noms
des artistes : Litvinne, de l'Opéra, Thévenet,
de l'Opéra Comique, Toutain-Griin et Barthé,
des Concerts de Monte-Carlo, Sandrini, de
l'Opéra... Et les œuvres qu'on représentera
sont nombreuses et variées.
DUNKERQUE. — Au point de vue
artistique, notre Ville ne reste pas en arrière.
Sous la direction de son excellent chef M.
Eug. Théry, l'Association des artistes musiciens
donne chaque année deux concerts de musique
qui obtiennent toujours un vif succès.
Le premier, cette année, eut lieu le 15
avril, avec le concours du pianiste A. Lermyt.
" Rédemption " de Franck fut représentée
dans toute son intégralité, fait assez rare
en province.
Les Chœurs d'hommes et de femmes furent
bons. La seule chose à souhaiter pour une
prochaine fois, c'est un renforcement des
chœurs, cela est nécessaire, sinon indispensable,
pour exécuter de pareils monuments d'art
musical.
L'orchestre, au grand complet, n'eut aucu-
ne faiblesse.
Application
raisonnée des
meilleurs procédés
pédagogiques
et techniques
employés par les
grands maîtres
contemporains
français
et étrangers.
LEÇONS de PIANO
VIOLONS, SOLFÈGE HARMONIE
PAR CORRESPONDANCE
COURS SINAT
Rue Franklin, 5, PARIS — Trocaàêro.
292
L'ACTUALITE MUSICALE
Madame Auguez de Montalaiit avait pour
la circonstance prêté son concoure;. Le poème
fut récité par M. Granlieu, ancien pension-
naire du Théâtre de notre ville.
La soirée avai t commencé par la " Procession "
de C. Franck et la " Chanson de Barbaine ''
de V. Jallois, chantées par Mme de Montalant.
E. S.
LORIENT. — Nous possédons ici une
jeune société chorale, qui vient, dans un
récent concours à La\al, de se cou\rir de
gloire.
Fondé en 1907 par M. Mars Refray et
présidé aujourd'hui par M. Brard, conseiller
municipal, le " Choral Lorentais " a, depuis le
mois de novembre dernier, pour Directeur
M. Maublanc. Au concours de Laval elle
avait comme concurrents le Choral laïque de
Fougères et le Choral de Villers-Boccage; or,
elle a obtenu le i'"' prix de lecture à vue
à l'unanimité, un i'^'' prix d'exécution avec le
choeur choisi " La Légende de la Glèbe "
(La Charrue) de La Tombelle et un 2'"^' prix
d'honneur avec le morceau imposé: " Voici
Juillet " de Cools. Résultat superbe!
A leur retour à Lorient les vainqueurs ont
été reçus comme ils le méritaient. Nous adres-
sons au choral Lorientais nos plus sincères fé-
licitations, et nous lui souhaitons surtout une
longue carrière, car hélas, combien chez nous,
de sociétés qui se fondent et ont juste assez de
torce pour vivre, comme les roses du poète,
l'espace d'un matin !
C. S.
GUERE T. — Le concert E. Bernard fut
un succès pour cet artiste, et, si son interpré-
tation de la Sonate Appassionata put soulexcr
quelques critiques, il fut viaiment remarqua-
ble dans les autres œuvres qui composaient
son programme.
— Conférence très intéressante (le M. Lan-
dormy sur la musique moderne, avec exécu-
tion d'oeuvres de I)ebuss\', Chausson, d'In(l\',
Lelceu, certainement nu\ux applaudies c|ue
comprises.
— La sonate à Kreut/.er et la Ronde des
Lutins de Bazzini furent tort bien exécutées
par M*" Cazaneuve dans un concert où se fit
applaudir M"" Tuburlut.
— Audition très intéressante des élèves de
M"" Pierret. Bach, Beetho\ en, Mozart, Schu-
mann, Rode, Fauré et Paganini même, dans
son difficile Mouvement Perpétuel, eurent des
interprètes qui firent \Taiment honneur à leur
s\'mpathique professeur.
MOULINS. — Nous a\ons déjà annoncé
qu'à l'occasion d'une grande cérémonie qui
doit être célébrée, dans notre ^■ille, le 19
courant, un grand oratorio-cantate allait être
exécuté. Voici quelques brefs renseignements
sur cette œu\'re inédite. Les paroles sont de
M. l'Abbé Parsv, aumônier du Ivcée de
Valenciennes et la musique de M. l'abbé
F. Magnasse, directeur de la psallette de la
Cathédrale de Moulins. Cet oratorio-cantate
est divisé en cinq parties. Après un solennel
prélude d'orgue, une phrase large et soutenue,
confiée au barvton, annonce le Couronnement
de la Vierge. Puis survient un colloque entre
le ciel et la terre. Les soprani, remplaçant les
anges, font entendre des Allfliùa dont le thème
est emprunté aux différents modes en plain-
chant. Des \oix de basse, assez contenues,
répondent par une mélodie simple et suppliante
aux \()ix du ciel. Enfin, le ciel et la terre
s'unissent en un grand cliœur final qui ter-
mine la première partie. Il serait intéressant
d'analyser jusqu'au bout l'œuvre fort intéres-
sante de M. l'Abbé Magnasse. Mais nous en
reparlerons après son exécution qui promet, —
avec les éléments dont dispose la Maîtrise de
Moulins auxquels \iendront, pour la circon-
stance, s'ajouter de solides renforts, — d'être
fort belle.
— A l'occasion du Concours Nati(Mial Agri-
cole qui vient de se tenir à Moulins, toutes nos
Sociétés Musicales se sont prodiguées et distin-
guées, mais tout particulièrement la L\'re
Moulinoise et la Chorale de Moulins, ainsi
t]u'une société de trompettes, l'Etendard
Moidinois, qui se sont faits applauilir à plusieurs
reprises, pendant toute une sem.nine, sur nos
places et cours.
L'ACTUALITE MUSICALE
293
ROYAX. — Le gcHit éclairé et la sincérité
artistique de M. Maurice de Villers donnent,
cette année, à la saison de Royat, un intérêt
exceptionnel ; on nous promet, en musique :
l'Enfance du Christ, la Damnation de Faust,
les Béatitudes, Antar, les Symphonies de
Beethoven, de Schumann, etc., des œuvres
importantes de Lalo, Saint-Saëns, Fauré, etc.
Pour commencer, il nous fut donné d'entendre,
vendredi 24 juin, un excellent " concert clas-
sique " (classique, au sens précis du mot)
dont le programme réunissait les noms de
Gluck, Mehul, Haendel, Haydn, Mozart, etc.
Le gros succès de la soirée a été pour
WP^ Streletski dans la scène et l'Air de Beet-
hoven " Ah ! perfide " Ce morceau, si
puissamment dramatique, s'exécute rarement,
parce qu'il exige un registre vocal d'une rare
étendue. Ce tut une bonne fortune, pour les
auditeurs de Royat, de l'entendre interprété
avec une justesse de sentiment et une musicalité
parfaites. On a beaucoup applaudi, également,
la belle voix de basse chantante de M. Bastide,
dans l'Air de la Flûte enchantée, et le violoncelle
de M. Merck, dans la Romance en fé, de
Saint-Saëns. T. D.
BORDEAUX. — Plus de musique, plus
de virtuose ! l'activité musicale est complète-
ment calmée à Bordeaux. Signalons cependant
une intéressante audition d'artistes et d'ama-
teurs de notre ville, élèves de G. Sarreau, à
l'Institution nationale des Souides et Muettes,
au profit de la caisse de secours des anciennes
élèves de la maison. Puis encore, le concert
donné à la Salle Bermond, par l'orchestre de
la société 1' " Accord Parfait ", direction du
sympathique professeur " Chaubet ".
D'autre part, la belle Revue de L. Lemar-
chand, " Tout pour la bordelaise ", triomphe
S DE EDGAR TINEL
Nouvelles éditions revues et corrigées
OpII. Funf Gesange aus N. Le-
nau s " Lieder der Sehn-
sucht " (texte allem. et fl.)
Op. 12. Een krans van veertieii
oud-vlaamsche min-
neliedenen (texte flam.)
complet net
Op. 13. Vier oud - vlaamsche
dpinkliederen (texte fi.)
complet net
Op. 14. Au printemps, cinq mor-
ceaux de fantaisie p. piano:
1 . Hymne. 2. Joie. 3. Peti-
tes fleurs !... 4. Ave Maria.
5. Danse de paysans
Op. 1 7. Marche extraite de la can-
tate " Klokke Roeland
pour Piano à 4 mains . .
Marche p. piano à 2 mains
Wever»lred uit de cantate
" Klokke Roeland " . .
Op. 30. Marche Nuptiale pour
piano à 4 mains ....
Le Mois de Mai (à Ma-
rie) Mélodie ....
Op.
1.
Quatre Nocturnes à une
2
?
Op.
Trois Morceaux de Fan-
taisie pour Piano: No. 1.
Papillon. 2 Le soir.
3. Adieu . . . complet „
2
—
Op.
3.
Scherzo en ut mineur pour
piano
2
—
Op.
4.
Drie-Liederen (texte fl.). „
1
75
Op.
5.
Quatre Mélodies ;
1 . L'Automne „
2. Charmante Rose . . . ,,
1
1
35
3. Bel Enfant, souris-moi . „
0.85
4. L'Oracle en défaut. . „
1
OO
idem . . complet net . „
2
50
Op.
6.
Deux Mélodies :
1 . L' Angélus
2. Pourquoi „
1
1
35
35
Op.
7.
1 . Impromptu-valse, p. piano „
2. Chanson, pour piano . . „
2
1
Op.
8.
Sechs Lieder und Gesang
e
(texte allemand et flamand) „
3
—
Op.
9.
Sonate pour piano- . net .,
5
—
Op. 10
Schilflieder von lACicolas
Lenau (text allem. et fl.) „
2.
—
2.50
2
50
2
—
1
35
3
-
1
35
SCHOTT FRERES, Éditeurs de Musique à BRUXELLES
294
L'ACTUALITE MUSICALE
au Théâtre de l'Alhambra pendant qu'au
Théâtre de la Nature de l'Américan Parle, le
baryton de Souza obtient un très grand succès, ■
en même temps que l'excellent orchestre
Renaud intéresse les nombreux promeneurs
du parc.
Rien de plus à dire d'intéressant ; cependant
il est bon de faire connaître à nos lecteurs
français et étrangers, que notre Théâtre
Municipal n'a pas changé de direction. " Fer-
nand Bor)'^ " préside encore pour trois années
aux destinées musicales et chorégraphiques de
notre première scène, avec, comme Conseiller
Musical, le chef d'orchestre " E. Montagni ".
D'une telle collaboration, il ne peut résulter
que de bonnes et belles choses.
V. Gendreu.
TOULOUSE. — Au théâtre Lafayette,
les deux chanteuses d'opérette. M""' Gabrielle
Frédax et M'"*^ Lucy Raymond, reçoivent, les
enthousiastes acclamations du public.
Aux Nou\eautés, la féerie "Tout en Rose"
attire tous les soirs un nombre considérable de
spectateurs. Malgré ce succès, directeurs et
artistes vont prendre deux mois de repos légi-
timement conquis.
Le 27 Juin, au théâtre de la nation, exquise
représentation de Lakmé avec M""' Victoria
Fer, du grand théâtre de Genève.
Au Conservatoire, concours publics de fin
d'année. Nous avons remarqué la belle tciuie
des classes d'instruments à archet, et de celles
de basson, liant bois, trompette et clarinette.
J. H.
NIMES. — La saison dernière a été extrê-
mement riche au point de vue musical à Nîmes.
Aux Concerts du Conservatoire on a enti lulu
Ricardo Vines et Firmin Touche.
A la Chambre Musicale, qui reste coninir
par le passé le sanctuaire du grand art, on a eu
en dehors des séances ordinaires, treize concerts
de tour (ireniicr ordre, avec le comours de
M"'' Hl. Selva, du quatuor Zimnier et de
M. Plamondon. Il serait trop long d'énumérer
toutes les oeuvres (|iii ont été exécutées et il
suffit presque de dire que les programmes ont
été irréprochablement beaux. Beethoven a été
représenté à lui tout seul par 12 des sonates
pour piano, 4 quatuors dont le XW*" et le
XV% et les variations sur une valse de Dia-
belli. On a en outre commencé à faire une
place importante à la musique ancienne, a\ec
des exécutions d'œuvres de Kuhnau, de Scar-
latti, de LuUi, de Couperin et de Rameau.
Quant aux artistes ils peuvent se considérer
comme étant désormais tout-à-fait chez eux à
la " Chambre, " où l'on a la plus grande
admiration, non seulement pour leur talent,
mais surtout pour leur sincérité et leur con-
science artistique.
La saison a été couronnée, fait sans précé-
dent, par un mer\'eilleux concert, organisé
uniquement a\ ec les ressources dont dispose la
\ ille. Le programme était consacré à Rameau
et à J. S. Bach. De ce dernier maître on a
exécuté, et ce pour la première fois à Nîmes,
la " cantate du café. " Admirable exécution,
excellemment dirigée par un jeune chef d'or-
chestre de grand talent, professeur au Conser-
vatoire, M. Delaunay.
Un de nos collègues de la Société interna-
tionale de musique, M. L'Hôpital, a profité
de l'occasion pour faire un plaidoyer en faveur
de la musique ancienne. Il a prêché l'union
de toutes les bonnes \ olontés pour qu'on en
arrive à restaurer cette musique dans sa dignité
et son éclat par des exécutions qui sont loin
d'être irréalisables dans une ville comme
Nîmes. Espérons que son appel sera entendu
et que la saison prochaine nous réser\era de
boiuies surprises.
SALON. — A la suite du Concours de
Musitpie lie l'Isle-sur-Siirgues, les sociétés de
Salon, qvn \- ont remporté de nombreux
lauriers, ont iloiuié, a\ec le Concours de la
musiqu J municipale, une très brillante audition.
— Nous sommes heureux d'appreniire que
M"' Simone GirarJ wvnt de remporter un
légitime succès au cours de Taudition que
M"'' Rose Demav, professeur ele diction et île
déclamation organisa à Marseille, dans les
Salons Massilia.
L'ACTUALITE MUSICALE
295
— La saison théâtrale (Direction Depère)
s'est terminée par la Tosc^ de Puccini.
— Les examens de fin d'année sont com-
mencés au Conservatoire Municipal de Lyon.
La distribution des récompenses donnera lieu,
comme les années précédentes, à une audition
publique des lauréats de l'année.
L.
VALENCE. — La Société des Concerts-
Conférences de notre ville a clôturé on ne peut
plus dignement sa saison par l'audition intégrale
et inédite en France du Miracle de Saint-Nico-
las, légende lorraine en deux parties pour
solis-chœurs, projections et grand orchestre,
de Guy Ropartz, directeur du Conservatoire
de Nancy. Nos sincères compliments aux
interprètes et aux dévoués administrateurs.
* *
Nous apprenons que notre grande et sym-
pathique fanfare de Valence vient d'être invitée
à Lausanne (Suisse) sur l'instigation de la
délégation des ingénieurs.
De grandes fêtes sont préparées les 9, 10
et 1 1 juillet en l'honneur de notre vaillante
Société, par un comité spécial à l'organisation
de cette réception.
Belgique
COMMUNIQUES. — Choses théâ-
trales. — Le jeune compositeur, Léon
Delcroix, vient de terminer une oeuvre nou-
velle intitulée : La Bacchante^ conte mimo-
symphonique, dont le scénario est dû à la
collaboration de deux hommes de théâtre bien
connus, MM. F. Ambrosiny et Armand Du
Plessy. L'action se passe au temps des Grecs
d'Alexandrie, sous le règne de Bérénice, et
sert notamment de prétexte à des reconstitu-
tions de la danse antique dans ses diverses
manifestations.
L'œuvre sera représentée dans le courant
de la saison d'hiver prochaine.
A LA MÉMOIRE DE MaX WaLLER.
Le projet d'ériger un monument à Max
Waller, le fondateur de la "Jeune Belgique ",
semble devoir se réaliser bientôt grâce aux efforts
incessants du Comité constitué dans ce but.
Et voici que dans une pensée de glorifica-
tion immédiate Messieurs Fonson viennent de
frapper une médaille à l'effigie du poète.
Le bijou grand modulé en bronze sera mis
en vente au profit de la souscription.
Grâce à l'initiative de Messieurs Fonson, le
Comité Waller tient dès aujourd'hui à la
disposition des souscripteurs, pour la somme
de 10 francs, cette très jolie médaille due au
talent de Godefroid Devreese, qui est passé
maître en cet art.
L'artiste y a fait revivre la physionomie si
sympathique du jeune écrivain. L'œuvre con-
stitue un précieux souvenir que voudront pos-
séder tous ceux qui vouent à Waller le culte
que l'on doit à cet éveilleur d'enthousiasme
littéraire.
Les adhésions peuvent être adressées à
M. Léopold Rosy, Directeur du Thyrse,
Secrétaire du Comité Waller, 130 rue de
Bruxelles à L^ccle.
A L'EXPOSITION, brillante exécution
de <S* Francisons d'Edgar Tinel, avec tout le
succès que mérite l'œuvre magistrale, noble
et belle,
— Le 9 juillet, on entendra l'orchestre du
Conservatoire de Paris ; les 1 6 et 17 juillet,
festival allemand sous la direction de M.
Steinbach.
A propos des manifestations musicales de
la saison " extraordinaire " — on se demande
en quoi, — nous découpons, dans les bonnes
feuilles du Diapason^ organe indépendant des
combien justes doléances de nos musiciens, ces
lignes dues à la plume alerte de l'excellent
compositeur et écrivain M. Cari Smulders :
" L'Exposition de Bruxelles nous vaudra
la visite de millions d'étrangers. Pour inter-
nationale que soit cette exposition, il est hors
de doute que nos hôtes ont avant tout le
désir de contempler nos villes, au cachet si
particulier, d'admirer nos monuments, d'étu-
LEO OLSCHKI
FLORENCE Lungarno Acciaioli 4.
LIBRAIRIE ANCIENNE
Pulci (Luigi), Driades d'amore sa.
Catalogues de Musique ancienne Rarissime
Manuscrits, Tablatures, Antiphonaires
Hymnologie, Chansons.
BIBLIOFILIA, revue mensuelle, illustrée et connue dans
le monde entier des bibliophiles. (LJn an 30 fr.)
L'ACTUALITE M U S I C A L P:
297
dicr notre formidable outillage industriel, de
prendre connaissance des produits de notre
sol, de notre science et de notre art. Ce n'est
pas pour applaudir V Aumuiu du Niebelung ou
Sûlofiir qu'ils entreprennent leur pèlerinage.
Tout cela, ils peuvent l'entendre chez eux. Il
semble bien qu'on eût dû mettre l'occasion à
profit pour représenter sur notre première
scène lyrique les productions de nos musiciens
nationaux, les œuvres de Jan Blockx, de I^éon
Du Bois, de Paul Gilson, d'Albert Dupuis.
, C'eût été d'un patriotisme éclairé et bien
entendu.
M. Smulders aurait-il encore des illusions ?
— Nous trouvons, dans V Artiste Musicien^
organe des Chambres Syndicales fédérées de
Belgique, au cours d'une réponse à un article
paru dans le XX'^ siècle, qui reprochait au
Syndicat des Artistes, sous une forme inter-
rogative, il est vrai, de causer, par ses exigen-
ces, la mauvaise préparation, l'à-peu-près de
nos auditions au théâtre et aux concerts, ce
renseignement bon à noter.
" MM. Sylvain Dupuis et Isaye payent les
mêmes salaires que feu Joseph Dupont". "Ce
n'est donc pas là qu'il faut chercher la mau-
vaise préparation des concerts. Seulement,
lorsque Joseph Dupont dirigeait, on faisait 7,
8, et même plus de répétitions pour mettre
une oeuvre au point et les artistes recevaient
une somme variant entre 38 et 45 fr. pour
chaque concert. Aujourd'hui on se contente de 2
ou 3, exceptionnellement de 4 répétitions^ et un
concert rapporte lorscju'il est bien payé 25 ff-"
Et plus loin :
" Les musiciens syndiqués, à Bruxelles, —
il n'y en a presque plus d'autres — font un
sacrifice très grand en jouant pour 3,50 fr. une
répétition de 2 heures, et pour 5 et 8 fr. un
concert, qui sont payés à Paris 8 et 10 fr.
les répétitions, et 18 et 20 fr. le concert. "
Ceci est édifiant et nous ne pouvons qu'ap-
plaudir à la conclusion de l'article : " Le
Syndicat, qui poursuit le noble but de mettre
les artistes à même de gagner honorablement,
leur existence, mériterait plutôt l'aide de ceux
qui s'intéressent à la musique que leur mé-
prisable critique. "
LA GYMNASTIQUE RYTHMIQUE
AU POINT DE VUE HYGIÉNIQUE
ET MÉDICAL. — Dans son numéro du
15 avril dernier, le S. I. M. (page 149), par-
lant de l'Institut des Hautes études musicales
et dramatiques d'Ixelles, juge une démonstra-
tion de Gymnastique rythmique, méthode
Jacques Dalcroze et semble vouloir lui refuser
sa valeur réelle.
Permettez nous d'ajouter à l'appréciation
de votre correspondant quelques considérations
hygiéniques et médicales au sujet de la gym-
nastique rythmique qui monteront que son
importance ne se borne pas au rythme et à la
grâce mais qu'elle constitue tout un pro-
gramme d'éducation où s'associent également
la volonté centrale, la transmission nerveuse
CHEMINS DE FER DE L'ETAT.
BILLETS DE BAINS DE MER (J"^^^'^" 3i octobre I9i0)
Ladministration de Chemins des Fer de TElat, dans le but de faciliter au Public la visite ou le séjour aux PLAGES
DE LA MANCHE et de FOcéan, fait délivrer, au départ de Paris, les billets daller et retour, ci-apres, qui compoitent
jusqu'à 40 0/0 de réduction sur les pri.x du tarif ordinaire.
1. Bains de Mer de la Manche. — Billets individuels valables, suivant la distance, 3, 4 et 10 jouis (le et
2e Cl.) et 33 jours (le, 2e et 3e Cl.)
Les billets de 33 jours peuvent être prolongés d'une ou deux périodes de 30 jours moyennant supplément de I0°lo par période.
2. Bains de Mer de l'Océan. - (A) Billets individuels de le. 2e, et 3e cl. valables 33 jours avec taculte de
proloni^ation d'une ou deux périodes ds 30 jours moyennant supplément de 10 0/0 par période.
(B) Billets individuels de le, 2e, et 3e Cl. valables S jours (sans faculté de prolongation) du Vendredi de chaque
semaine au Mardi suivant ou de l'avant-veille au surlendemain d'un jour férié.
BILLETS de VACANCES (jusqu'au 1er Octobre 1910). — Billets de famille valables 33 jours (le, 2e et 3e cl.)
avec faculté de prolongation d'une ou deux périodes de 30 jours moyennant supplément de 10 0/0 par période.
Ces billets sont délivrés aux familles composées d'au moins trois personnes vojfagant ensemble, pour toutes les gares du réseau
de l'Etat (Lignes du Sud-Ouest) situées à 125 kilomètres au moins de 'Paris, ou réciproquement.
i
DÉSIREZ-VOUS CONNAITRE L'ADRESSE
d'une Maison donnant en LECTURE non seulement de la
Musique Française
MAIS EGALEMENT ET SURTOUT
Toute la Musique Etrangère
ET MEME DES
Partitions d'Orchestre ?
ADRESSEZ-VOUS A
iM. MAX ESCHIG, 13, rue laffitte, 13, PARIS
TÉLÉPHONE 108-14
qui vous enverra immédiatement toutes les conditions
SERVICE POUR PARIS ET LA PROVINCE
EDITION POPULAIRE SIMROCK
Lis Chi.fs-f)'Œ(ivrk i)k BRAHMS, BRUCH,
DVORAK, SCMIUTT, ktc
P()(i!^ LA MorriL i)]<: leurs prix anciens!
DI'-MAM)!':/ IJ-, CA'l'ALOCJUl'. SI'l'X'IAI,
L'ACTUALITE MUSICALE
299
et l'éxecution par des muscles exercés et
régénérés.
Sans entrer dans les détails d'exécution,
connus déjà, on peut considérer l'élève comme
un réceptable d'où partiront des manifestations
variées, dont l'excitation initiale sera le rythme
donné par le piano.
Suivons schématiquement les diverses opé-
rations qui amèneront l'exécution d'un mou-
vement rythmé :
i" L'oreille reçoit la sensation de l'air
mélodique qui lui indique le mouvement à
exécuter.
2° Cette sensation est transmise au cerveau
et devient, grâce à la conscience, une percep-
tion.
3'^' Cette perception, toujours dans les cen-
tres cérébraux, devient une solution, l'indica-
tion d'un mouvement à accoupler, mettant
en jeu un groupe de muscles.
4° Transmission aux muscles mêmes du mot
et de l'ensemble de l'exercice.
On voit par ce tableau succinct combien
est varié et multiple l'activité déployée au
cours d'un exercice rythmique et combien le
développement psychique et harmonique de
tout notre organisme peut bénifîcier de l'exé-
cution d'une gymnastique avissi rationnelle.
A côté de la physiologie même, nous trou-
vons chez les jeunes gens bien des cas patho-
logiques qui bénéficieront d'exercices appro-
priés et bien compris qui tous font partie de
la gymnastique rythmique :
i" Enfants dont la poitrine est trop étroite.
Leur respiration se fait mal, leurs poumons
ne peuvent prendre un développement suffisant,
d'où résulte un état d'anémie générale, de
déperdition de force, avec manque de croissance
et prédisposition à la phtysie.
De grandes inspirations, des mouvements
de dégagement du torse aideront à rétablir la
fonction respiratoire dans sa normale.
2° En classe, les enfants, prennent souvent
•des attitudes vicieuses d'où résultent des défor-
mations de la colonne vertébrale, soit à cause de
la faiblesse des muscles du dos, soit à cause de
la trop grande force des muscles de l'abdomen
qui ramène le buste en avant. C'est alors que
les mouvements rythmés interviendront pour
rendre aux muscles leur équilibre et permettre
la rectitude du tronc.
A une époque plus avancée, les os se sont
déformés et le mal est devenu difficile à
réparer. Il convient donc de commencer la
gymnastique rythmique dès le jeune âge si on
veut prévenir les déformations vertébrales et
corriger les mauvaises attitudes.
Sans entrer plus avant dans le détail même
de l'exécution, on peut conclure qu'une har-
monie parfaite entre les centres psychiques et
les muscles s'obtient grâce à la gymnastique
rythmique et que son emploi régulier contribue
à l'esthétique de la forme et à l'harmonie de
l'individu.
D'" Gaston Daniel.
LIEGE, 15 juin 1910. — A noter, en ce
dernier mois, une avalanche de petits concerts:
c'est sans doute un dédommagement pour la
vacuité marquée de certaines périodes de
l'hiver, en cette année peu musicale.
A V Œuvre des Artistes^ on a beaucoup
applaudi M™*^ Durand-Texte qui, accompa-
gnée par l'auteur, fit entendre nombre de
mélodies de M. Reynaldo Hahn. Les meilleures
d'entre elles étaient déjà connues du public.
— La séance consacrée à M. Guy Ropartz a
fait plus d'impression : l'art sérieux de ce
compositevir, basé sur des chants populaires
bretons qui évoquent les mélodies grégoriennes,
nous porte dans un monde harmonique tout
spécial, parent de celui qui baigne la musique
d'orgue allemande du XVIP siècle. Les
œuvres exécutées {sonate et andante pour violon,
choral varie pour piano) sont sévères, mais
belles, grandioses, et leur interprétation, con-
fiée à M. Louis Claesen, violoniste, et à
M. Louis Lavoye, pianiste-organiste, fut
parfaite. En des mélodies pleines de mélancolie
et marquées au coin d'un sentiment profond,
M"® Davanzi nous a prouvé que M. Ropartz
sait à merveille écrire pour la voix. — La
dernière Heure de musique était consacrée à
l'art ancien. Le choral mixte a capella
dirigé par M, Lucien Mawet a fait entendre
une sélection de pièces de la grande période
VIENT DE PARAITRE
PUBLICJTIONS DE LA SOCIETE INTERNATIONALE
DE MUSIQUE (SECTION DE PARIS)
LES MUSICIENS
SAINTE CHAPELLE DU PALAIS
Docu?nents inédits^ recueillis et annotés par
MICHEL BRENET
In 8'' carré de 370 pages. Prix fr. 15.00
V .\ R I S
M in<A I R I I', Al.l'llONSK IMlARI) !•, I' lll.S
8 2, RU !■; no n a p a ri i
1910
L'ACTUALITE MUSICALE
301
de polyphonie vocale : le canon anglais de
Fornsete (1226), de l'Aixadelt, du Waelrant,
du Lasso, du Palestrina, du Bach, donnant un
aperçu rapide de l'art profane et religieux de
ces cinq siècles. M. Léopold Charlier, accom-
pagné par M. Fernand Mawet, agrémentait
l'audition par l'impeccable interprétation d'une
sonate de Tartini et de la Ciacona de Vitali.
Au Palais des Beaux-Arts, on a applaudi
une séance de sonate donnée par M. Chau-
mont et M"*^ Stévart, un récital de piano de
•M. Demblon qui se montra bon interprète de
la musique française moderne mais non de
Beethoven et de Chopin, puis les cercles de
musique de chambre : Piano et archets^ surtout
dans le quintette de Franck, et le Quatuor
Charlier surtout dans le Quatuor de Debussy.
Nous ne signalerons pas d'autres séances
moins intéressantes, n'ayant pas la prétention
de publier un résumé fidèle des programmes
liégeois, mais bien de relever les faits les plus
caractéristiques de notre vie d'art.
Parmi ceux-ci rentre un concert Chopin
organisé par les étudiants polonais avec le
concours du très intéressant et personnel con-
férencier M. Arthur Hubens, de M™' Abla-
movvicz, cantatrice habile, et de M. Lidney
Vantyn, qui se montra interprète pénétrant,
poétique et extériorisateur magistral de l'œuvre
de Chopin. D'" Dwelshauwers.
MALINES. — Les concerts de carillon
ont repris depuis le i"' juin. Le temps était
bon, et de nombreux auditeurs étaient ac-
courus. Nous y avons remarqué pas mal
d'étrangers. C'est sans doute l'Exposition qui
nous les amène. P. C.
REVUES A LIRE. — La Société Nouvelle,
sociologie, science et art. Directeur M. Jules
Noël. II, rue Ghisaire, Mons.
La Belgique artistique et littéraire, revue du
mouvement artistique belge, sous la direction
de M. Paul André. Bureaux : 26-28, rue des
Minimes, Bruxelles.
•- Le Thyrse, revue d'art et de littérature.
Directeur M. Léopold Rosy. 16, rue du Fort,
Bruxelles.
Wallonia, revue mensuelle du mouvement
artistique et littéraire de Wallonie. Directeur
M. Oscar Colson. Rue Léon Mignon, Liège.
Le Diapason, journal hebdomadaire de
sociétés de musique belges et étrangères. Di-
recteur M. Garras. 2 2, rue de la Bourse,
Bruxelles.
U Artiste Musicien, tribune libre, orirane
mensuel des Chambres Syndicales fédérées de
Belgique. Rédaction : 26, Place S'* Gudule,
Bruxelles.
Etranger
LONDRES. — On a pris grand intérêt
aux deux concerts alternés ^qjJte donnaient, le
2 juin, M. Franz Liebich, avec le concours
de M"« Marguerite Babaïan, et, le 7, M'^« Mar-
guerite Babaïan, avec le concours de M. Franz
Liebich. Le premier conduisait du romantisme
à l'impressionisme, en passant par la musique
exotique, et M. Louis Laloy s'était chargé de
démontrer (en français) la légitimité de cet
apparent détour ; le second comprenait des
mélodies françaises du XVII® et du XVIIL
siècle, des œuvres de Moussorgski, et de De-
bussy ; et M. Laloy y reprenait la parole pour
expliquer, cette fois en anglais, comment il
avait eu la bonne fortune de découvrir douze
mélodies inédites de Moussorgski, dans un
manuscrit appartenant à la collection de M.
Charles Malherbe. M. Liebich joint à une
très sûre technique le don précieux de l'émo-
tion musicale, et l'on peut apprendre de lui à
jouer Debussy en toute simplicité de cœur.
Huit des douze Préludes qui viennent de
paraître lui avaient été confiés, et il a su en
faire sentir le charme. M^^*^ Babaïan est une
musicienne exquise, et sa voix délicate, pré-
cieuse, que nous connaissions pareille à un filet
d'or liquide, a pris aujourd'hui la seule qualité
qui lui manquait encore : l'assurance. Le
succès des deux artistes a été très grand, et le
critique d'un journal quotidien s'est chargé de
la bévue obligée : il a attribué à une erreur
d'exécution l'intervalle de quarte augmentée
A. DURAND & FILS, Editeurs de Musique
.DURAND & Ciei
4, Place de la Madeleine, PARIS
M usiq ue de Chambre nouvelle
J. JONGEN
id.
B. HOLLANDER
ROGER-DUCASSE
T?io pour Violon, Alto et Piano net lo tr.
Quatuor pour Violon, Alto
Violoncelle et Piano
2™^ Sonate pour Violon et Piano
Quatuor à cordes
Partition et Parties
Quatuor à cordes
Partition in-i6°
Parties séparées
net 12 tr.
net lo tr.
net lo tr.
net 3 tr.
net lo tr.
GRAND CHOIX DE MUSIQUE DE CHAMBRE FRANÇAISE & ÉTRANGÈRE
Œuvres de C. SAINT-SAÈNS, Edouard LALO, Vincent d'INDY,
A. de CASTILLON, CM. WIDOR, Claude DEBUSSY,
Paul DUKAS, Gabriel PIERNÉ, Emile BERNARD,
Charles LEFEBVRE, C. CHEVILLARD, GUY-ROPARTZ,
G.M. V^ITKOWSKI, Maurice RAVEL, ROGER-DUCASSE, etc.
CLASSIQUES FRANÇAIS
ŒuVres de Rameau, Couperin, Caix d'HerVelois.
Grand abonnement à la lecture musicale française et étrangère.
Plus de 50.000 morceaux et Partitions.
DcpAt exclusif pour la i'raïKc des Editions Peters.
L'ACTUALITE MUS1c:ALE
303
qui heurtait son oreille incrédule, dans une des
mélodjes populaires grecques harmonisées par
Maurice Ravel.
Le 9 juin, Pelléas et Mélisande reparaissait
à Covent Garden, devant une salle fervente,
et M. Campanini conduisait l'orchestre avec
le soin le plus ému : c'est ici qu'on peut
retrouver bien des détails, et surtout des accents
qui s'étaient perdus aux dernières exécutions
parisiennes, M"'® Edwina est une jolie Méli-
sande ; M. Devries, dans le rôle de Pelléas,
semble forcer sa voix pour se faire entendre,
-en quoi il a bien tort ; M. Bourbon donne à
Goland un caractère saisissant et tragique ;
M"*^ Bourgeois est la meilleure Geneviève que
nous ayons jamais entendue, tout comme M.
Marcoux le plus emprunté des Arkhel.
VIENNE, — De plusieurs côtés, on an-
nonce la démission de Weingartner comme
directeur de l'Opéra, démission qui est aussitôt
démentie.
On parle cependant du successeur de l'émi-
nent Cappelmeister qui serait M. Souche
à moins qu'un protégé de la Cour n'intervienne
au dernier moment.
STRASSBOURG. — Le chef d'orchestre
Albert Gorber cède sa place, à la tête de
l'opéra, au compositeur Hans Phitzner qui
prend le titre de directeur de l'Opéra. Comme
M. Phitzner est, en même temps directeur du
Conservatoire de la Ville et directeur des
Concerts d'abonnement, sa tâche est extrê-
mement lourde.
Les 12 et 13 juin ont eu lieu la troisième
session des fêtes musicales d'Alsace Lorraine
consacrées au Centenaire de Schumann.
S. s.
" MILAN. — Si nous faisons le bilan de
toutes les fêtes musicales de ces 8 derniers
mois nous avons le droit d'être assez satisfaits.
A la Societa del Quartetto nous avons eu
Vecsey. La Société des Concerti Sinfonici
a été confiée cette année à Mengelberg qui
a introduit dans ses programmes quelques
modernes italiens : Fromo, de Venise, Enrico
Bossi, le Comte Guerchi. Bientôt vont com-
mencer les examens au Conservatoire de
Milan. G. E.
FLORENCE. — i^es amateurs de musique
n'auront pas à se plaindre de cette fin de
saison. Nous avons eu coup sur coup quatre
grands concerts d'orchestre extrêmement in-
téressants. L'orchestre de Munich, sous la
direction magistrale de M. Ferdinand Lowe,
nous a donné en deux séances la symphonie
héroïque et la pastorale de Beethoven, la séré-
nade en ré majeur de Mozart, l'ouverture de
Benvenuto Cellini de Berlioz, le Tasso de
Liszt, divers fragments de Wagner et le Tyll
Eulenspiegel de Richard Strauss. A son tour,
la vaillante société orchestrale florentine, dirigée
par le jeune Kapellmeister finlandais Georg
Schnéevoigt, a fait merveille et n'a nullement
souffert de la comparaison. L'ouverture de Lènore
de Beethoven, la 13^ symphonie d'Haydn,
le prélude du premier acte des Maîtres Chan-
teurs, un poème symphonique de Liszt (les
Préludes), l'Apprenti sorcier de Dukas et
même une symphonie de Techaikowsky (la 4^)
ont donné matière à deux concerts remarqua-
bles ou l'orchestre florentin a montré mieux
que jamais ses qualités d'homogénéité et de
souplesse. P. M. M.
TURIN. — Grâce à la munificence de
M™® la princesse Laetitia et de quelques dilet-
tantes de l'aristocratie piémontaise, Turin vient
d'être témoin d'une très curieuse et très signi-
ficative manifestation d'archéologie musicale,
La " Nina pa%xa per amore " de Paisiello a été
remis au théâtre par les soins de la section de
Turin de l'Associazione di Musicologi, qui est
la forme italienne de notre Société Interna-
tionale de Musique. Il y avait 120 ans que
cette partition n'avait plus vu la rampe, si l'on
peut s'exprimer ainsi, et le public dont la
curiosité est toujours un peu mêlée d'ironie ne
regardait pas sans quelques appréhensions cette
reconstitution. Le succès fut complet et Nina
va rester au répertoire non seulement de Turin
mais de l'Italie toute entière. Ce qui a plu
surtout ici c'est que l'œuvre est extrêmement
fraîche. L'instrumentation élégante, mais sobre
304
L'ACTUALITE MUSICALE
laisse dominer une mélodie expressive et \i\e,
dont les modernes véristes ont déshabitué nos
auditeurs et que les Italiens ont acclamé a\ec
joie. C'est un petit drame, mais charmant et
que la Section de Paris de la S. I. M., ou les
Amis de la musique devraient bien faire revivre
en France. Le public turinois qui s'est rué à
ces quatre représentations de Nina est le
meilleur garant du succès de cette ceu\ re. Es-
pérons d'ailleurs que ce n'est là que le com-
mencement d'une remise au théâtre du fonds
musical ancien, qui fit jadis la gloire de l'Italie,
et que tous les Paillasses actuels n'ont pu faire
oublier totalement. M. L.
BARCELONE. — Un mot sur les der-
niers concerts donnés tout dernièrement au
Palace de la Musica (Orfeo' Català) par
VOrquesta Sinfonica^ de Madrid, avec le con-
cours de VOrfeo' Català. On a donné 5
concerts d'abonnement et un extraordinaire.
Les programmes ont été superbes: du Bach, du
Gréty, du Haendel, Beetho\'en, Liszt, Wag-
ner, Brahms, Strauss, Albeniz, Dvorak,
Liadow, rien ne manquait à ces programmes,
vraiment.... pantagruéliques. Le * succès de
toutes ces séances a été extraordinaire. On a
applaudi, surtout la belle Symphonie^ de Franck,
la troisième de Brahms, le Choral varié, les
deux Suites (en ré et en si mineur), de J. S.
Bach, la Pastorale, de Beethoven, le Concerto
Grosso, de Haendel, Vouverture du 'Paunhiiuser
(qui a dû être rejouée), El Puerto et V Evoca-
cion, d' Albeniz {{.V ///eria), que le maître
Arbos a mis en partition, et, nifin, l;i Si/i/e
Espagnole, de Pérez Casas, cpToii nous don-
nait pour la première fois, et (|ui n'a pa>. ru
le même succès qu'à Madrid. Par contre, à
Madrid on n'a pas beaucoup ajiplaudi, paraît-
il, la Troisième Symphonie de lirahms !... Mais
c'est évidemment la Neuvième, de lînrhoMii,
qui constituait le clou de ces concerts. Il est
vrai qu'elle a été exécutée par la Sinfonica, île
Madrid, et par notre Orfeo Català. On l'at-
tendait donc avec délices. Nos gourmets d'art
n'ont pas été déçus car l'exécution le ce chef-
d'œuvre a été L-n tous points parfaite.
y Hymne à la Joie, de Schiller, a été lancé.
par VOrfeo, avec tout l'enthousiasme désiré et
le tout, d'un bout à l'autre, a été absolument
vivant.
Un mot, a\ant de finir sur Vorquesta Sinfo-
nica, de Madrid, C'e^t, incontestablement un
des meilleurs orchestres qui existent. Le qua-
tuor de cordes est, surtout d'une perfection
\raiment rare. Et le tout a un fondu, une
sonorité, une précision et un sérieux qu'on ne
trouve pas souvent, il faut en convenir, aussi
bien réuni. En outre le maître Arbôs (dont
on connaît le beau talent de violoniste) est un
chef d'orchestre remarquable.
Nous avons actuellement au Palais des
Beaux-Arts une Exposition de portraits et de
dessins anciens et modernes. On expose là
de bien belles choses. A cette occasion on a
donné et on donnera encore, dans la grande
salle (trop grande, hélas!) de ce Palais quel-
ques séances musicales. On en a donné trois,
sous la direction du maître Beidler — a\ec la
" Domestica " de Richard Strauss — et on en
donnera encore quelques-uns, sous la direction
du maître Nicolau, Directeur de l'Ecole mu-
nicipale de Musique et avec le concours de
rOrfeo Català. F. Ii.u'rat.
MADRID. — L'orchestre d' Arbôs a
terminé sa tâche par une apothéose Franko-
Wagnérienne. Décidément les Espagnols ont
pour le maître de Ba\reuth une admiration
passionnée. Seulement ne leur jouez point les
Maîtres-chanteurs ou Tristan : il n'y sauraient
(irendre plaisir. Mais que la romantique
Che\auchée les secoue de son r\ rhnie bien
assuié, i]ue le sommeil île l)riinnhilil les berce,
invariable, que le Prélude de ParsifaI leur
rappelle Iharnionie dmit s'émeu\ent les ca-
thédrales d'Ibérie, et \ ous les voyez heureux.
lyC répertoire de leurs goûts musicaux est fort
Innité, et se réduit, suivant leur chef Arbôs, à
l'audition d'environ huit pièces de Bach,
Meethoven et Wagner.
C'est devant une partie de ce public de
Madrid que '' notre " pianiste Ricardo Villes
a " graeieusenuni " iniei prêté les plus signi-
ficatives parmi les icuv res des écoles modernes
française et espagnole. Le concert donné à
L ' A C T U A L I T-E MUSICALE
3^5
l'Athéiiéc et précédé d'une conférence de
M. Henri Collet comprenait des pièces de
Fauré, Schmitt, Ravel, Debussy, Séverac,
Granados, Turina, Falla, Albéniz.
La farouche gallophobie des P^spagnols, qui
va cliaque jour s'accroissant, vcnis expliquera
pourquoi la partie espagnole plut infiniment
mieux que la partie française du programme.
Et je vous dirai : Mes Frères, réjouissons-nous.
Les Allemands, les Italiens et les Espa2;nols
peuvent, comme cela est, ne rien comprendre
à Pelléas et Mélisande, et mépriser Racine...
t'est notre meilleure gloire.
Donc, on ne comprit guère à Madrid, la
subtilité pointilliste de Ravel, la profondeur
rêveuse de Schmitt, le caprice de Fauré ; la
fougue de Déodat de Séverac ou la magie
sonore de Debussy. En revanche, le roman-
tique Chopin et les jeunes Espagnols électri-
sèrent une salle par ailleurs fort agréable et
brillante.
Célébrons cependant le fait unique dans
l'histoire musicale espagnole de ces cinquante
dernières années, qu'un public perverti par la
zarzuela corrompue (car nous ne nous lasse-
rons point de répéter que la zarzuela d'au-
jourd'hui, dérivation de l'opéra boufTe italien,
ne ressemble en rien à la zarzuela du XVII""-'
siècle) ait applaudi avec enthousiasme un peu
de musique, puis qu'enfin musique il y a dans
ces compositions si colorées d'un Turina ou
d'un Granados, d'un Albéniz ou d'un de Falla.
Souhaitons que ce semblant de réaction
contre le réalisme grossier du charivari à la
Arrieta ou à la Chapi, ne s'évanouisse pas
encore dans la retombée d'indifférence dont
sont coutumiers les Espagnols épris de domi-
nation " mondiale. "
Dans son répertoire espagnol, Vifîès sut
conquérir tous les cœurs. Albéniz et Granados
étaient déjà connus : tpar Vifîès, Turina et de
Falla furent sacrés en Madrid grands compo-
siteurs.
Souhaitons à Vifîès un prompt et triom-
phant retour à Madrid. La presse qui l'accla-
ma, le public qui le choya, les amis qui l'en-
tourèrent, tous l'attendent avec impatience en
un théâtre plus digne de ses exploits, sur ime
scène plus vasfc et où nul ne le [XHura le criti-
quer " qui n'en ait acheté le droit en entrant. "
Vinès a prêté son gracieux conccnirs a
l'Athénée. C'est grande bonté de sa part.
Qu'il en soit loué, mais ne recommence plus !
Henri Collet.
CADIX. — Un aimonce la construction
d'un grand Casino dans lequel la musique
aura sa place ; d'importants concerts sont
projetés pour l'hiver prochain.
SEVILLL. — On se soucie peu du progrès
de la musique moderne ; par bonheur quelques
amateurs éclairés font tout ce qu'ils peuvent
pour l'encourager. La Société musicale artisti-
que, la Société des Quatuors, l'Orféon de
Seville sont des institutions trop récentes pour
qu'on puisse leur prédire un brillant avenir.
A la Salle des Concerts Piazza nous avons eu
des concerts classiques. G. Latorre.
STOCKHOLM. — La nouvelle Société
Philharmonique a donné la passion selon
S* Jean de Bach, le Requiem de Sgambati ;
la Société de Musique, le Messie de Haendel,
des œuvres de Franck, Bach, Schubert, Liszt,
Normann et Olsonn. L'Union des Concerts a
consacré quatre concerts d'orchestre à Beetho-
ven, Brahms et à deux compositeurs romanti-
ques Berwald et Norman. Parmi les artistes,
citons le pianiste compositeur Stenhammar,
et la cantatrice M'""" Sigfrid Arnoldson-
Fischof. Julia Culp, Halle, Joan Manen, Franz
von Vecsey, Ed. Risler, Ignaz Friedmann,
Harold Bauer, Ludwig Wiillner et Marcel
Legay sont venus donner des concerts. L'opéra
a représenté la " Dame de Pique " de
Tchaikowsky et " Versiegelt " de Léo Blech.
Les compositeurs d'opéras les plus connus
sont Berwald, Hallstrôm, Hallen, Stenhammar
et Peterson-Berger. Ce dernier est le compo-
siteur de l'opéra " Arnljot ". Il en a écrit le
poème et la musique. Le drame vit par
lui-même. Ce qui le différencie des drames
musicaux des compositeurs allemands moder-
nes où l'action n'est qu'une illustration de ce
qui se passe dans l'orchestre.
O. Morales.
C'est la première fois que le bulletin de
la S. I. M. \a faire mention du concours
d'or2;ue. Depuis la fondation de la classe,
semble-t-il, cette épreu\'e avait lieu à huis-clos ;
il n'a rien moins fallu que le manque d'un
instrument convenable au Faubourg Poisson-
nière, la construction d'une belle salle et d'un
orgue moderne rue de la Boëtie pour décider
le Jury à transporter ses pénates à la Salle
• Gaveau et à permettre à un public, plus
nombreux que les rares initiés des concours
précédents, d'assister à un tournoi vraiment
di^ne de retenir l'attention des professionnels
et des amateurs sérieux.
On peut dire qu'il n'y a pas d'épreu\e aussi
intéressante et où rélè\e puisse autant, de
manières différentes, donner la mesure de ses
connaissances et de son talent que le concours
d'orgue.
On demande :
l" L'accompaijnemcnt du chant grégorien
dans la tonalité des modes.
2" Improvisation sur un thème grégorien
dans la tonalité du plain-chant.
3'^ Improvisation d'une fugue à quatre
parties sur un sujet donné. Les élèves n'ont
que deux ou trois minutes pour trouver la
réponse, les strettes, etc.
4" Improvisation libre sur un sujet donné
au moment de jouer.
5" Exécution d'une pièce difficile (par clut-ur)
choisie dans les œuvres de Bach, Mendels-
sohn, Scluimann, Huxtehude, Thicle, Liszt,
ou d'auteurs modernes.
Dans la plupart des Conservatoires d'Europe,
on se contente d'une lecture à vue ou d'un
accompagnement et du morceau d'exécution ;
dans certains, le morceau d'exécution tient
lieu de tout.
Faut-il voir dans l'énorme travail que l'élève
du Conservatoire de Paris est obligé de fournir,
pour se présenter au Concours, la supériorité
de l'Ecole Française d'orgue sur toutes les
autres ; é\ idemment cette préparation est bien
pour quelque chose dans le succès de nos
organistes, mais il convient de rappeler aussi
que la classe d'orgue a toujouis été confiée à
des maîtres du plus grand saxoir et que c'est à
eux surtout qu'on est redevable de traditions
qui font école dans le monde entier. Il suffira
de nommer les trois derniers titulaires :
César Franck.
Ch. M. Widor.
Alex. Guilmant.
L'œuxre de César Franck est trop connue
pour que j'insiste sur rinfluence qu'eut ce
Alaître sur ses élèves ; il fut professeur de
ICS72 à i8go.
Ch. M. Widor succéda à César Franck et
dirigea la classe d'orgue jusqu'à la fin de 1896,
époque à laquelle il fut nommé à une classe
de composition. Ch. M. Widor est un des
musiciens les plus éminents de notre époque :
auteur de dix svmphonies pour orgue, de sym-
phonies pour orgue et orchestre, il a créé une
école brillante dont les élè\:cs les plus remar-
quables sont : Louis Vierne, Cliarles Tourne-
mire, Henri Libert.
Alex. Guilmant, le titulaire actuel, a formé
à son toiu' luie véritable phalange d'artistes
renommés ; nous donnons plus loin la liste de
tous lis premiers prix obtenus dans sa classe
depuis Tannée 1898. Par ses concerts au Tro-
cadéro depuis 1878 et les coius pratiques, qu'il
fit dans la même salle, comme complément à
celui du Conservatoiri-, par les auditions si
intéressantes qu'il donna à Hellevue, M. Guil-
mant s'est conc)uis une place tout-à-fait à part
dans la vulgarisation di^ toute la musique
d'orgue, aussi bien celle de l'Ecole française
que de toutes les Ecoles étrangères.
Ees différentes classes du Conservatoire
National ont toujours été s\'mpathiques à îles
amateurs qui ont toiulé des prix pour récom-
penser les meilleurs élèves ; la classe d'orgue
seule était oublié. Ce n'est qu'à partir de 1901
L'ACTUALITE MUSICALE
307
qu'un anonyme remit à chacun des premiers
prix une somme de cinq cents francs en sou-
venir de Cavaillé-Coll. En 1905, Alex. Guil-
mant fondait le prix qui porte son nom, prix
de cinq cents francs attribué au premier prix
premier nommé. Cet encouragement donné
directement par le Maître à ses élèves mérite
d'être signalé ; et il est à souhaiter que cet
exemple soit suivi et que la publicité donnée
maintenant au Concours inspire quelques
Mécènes. Un premier prix nommé second ou
un second prix valent mieux que la simple
mention qui leur est remise.
Au Conservatoire, il y a trois classes d'orgue
par semaine : deux sont consacrées à l'impro-
visation et une à la technique.
On a pu se rendre compte, par le dernier
concours, de la supériorité de cet enseignement.
Si nous consultons la liste des grands compo-
siteurs, on peut dire que l'influence de l'orgue
fut pour une large part dans la beauté de leurs
conceptions : Ch. Gounod fut organiste aux
Missions Etrangères ; C. Saint-Saëns tint pen-
dant vingt-deux ans le grand orgue de la
Madeleine ; César Franck était organiste à
Sainte-Clotilde ; Théodore Dubois remplaça
Saint-Saëns à la Madeleine et il fut remplacé
lui-même au clavier de cet instrument par
Gabriel Fauré, le très distingué Directeur de
notre Conservatoire ; Ch. M. Widor, auteur
de Maître Ambrose, les Pêcheurs et la Korri-
gane, est organiste de Saint-Sulpice depuis
1870 ; Samuel-Rousseau fut organiste et maître
de Chapelle de Sainte-Clotilde pendant de
longues années ; Gabriel Pierné succéda à
César Franck à la même église ; Alexandre
Georges est organiste à Saint- Vincent de
Paul ; Périlhou est à Saint-Séverin ; Césare
Galeotti et Georges Hue eurent un premier
prix d'orgue ; Chapuis, Trépard, de la Tom-
belle, Charles Bordes ; ' et j'en oublie certai-
nement.
Voici maintenant la liste des premiers prix
depuis que M. Guilmant est titulaire de la
classe :
1898: Alphonse Schmitt.
Charles Ouef.
1900 : Georges Jacob.
1901 : Louis Andlauer.
Juliette Toutain.
Félix Fourdrain.
Emile Aviné.
1902
1903
1904
Nadia Boulano-er.
Joseph Bonnal.
1905 : Joseph Boulnois.
1906 : Joseph Bonnet.
Augustin Barié.
René Vierne.
1907 : Marcel Dupré.
Paul Fauchet.
1908 : Alexandre Cellier.
1909 : Georges Krieger.
1910: Roger Boucher.
(Il ny eut aucun premier prix en 1899).
Il ne reste qu'à souhaiter à tous ces artistes
de marcher sur les traces de leur Maître et de
leurs devanciers. Il reste à souhaiter aussi que,
lors du transfert de notreConservatoireNational
à la Rue de Madrid, l'Etat puisse mettre à la
disposition de la classe d'orgue un instrument
digne d'elle. " C. M.
^ Furent organistes avant d'être compositeurs.
11
CONCOURS PUBLICS
Nous ne donnons pas les résultats des concours publics ; ils auront,
en effet ; été publiés par tous les grands quotidiens avant l'apparition du
présent numéro et le palmarès que nous pourrions transcrire occuperait
dans notre Actualité une place bien inutile. Mieux vaut, avons-nous pensé,
demander à un de nos collaborateurs de dégager ultérieurement la morale
de ces tournois musicaux.
1^— IB^" ■■■' ■ ■ llll II ■llllllllillllilllBl^m— ■^Tfl-^— T^"^—
^^
' ■■■^■™" .
LÉOPOLD Wl DHALM
LUTHIER ALLEMAND
NUREMBERG, XVII'- SIÈCLE
Léopold Widhalm est un des luthiers les
plus réputés de l'école allemande ; mais, en
France, il est fort peu connu. Dans l'espoir
que ma modeste contribution pourra offrir
quelque intérêt aux amateurs de lutherie, je
présente aux lecteurs de cette Revue le résultat
de mes recherches sur sa vie et ses œuvres.
Une famille de luthiers.
Plusieurs membres de la famille Widhalm
se sont distingués dans la fabrication des instru-
ments à archet ; mais, éclipsés par la brillante
renommée de Léopold, ils sont à peu près
inconnus et les auteurs, à l'exception de
M. von Lûtgendorff, dans son ouvrage sur
*' les luthiers du moyen âge à nos jours " sem-
blent avoir ignoré leur existence.
Quand on étudie la carrière de Léopold
Widhalm, on est surpris par la durée vraiment
inadmissible (1720 à 1B07) de la période pen-
dant laquelle il aurait exercé son art ; le maître
aurait atteint un âge en comparaison duquel
les Mathusalems de la lutiierie n'auraient été
que. des enfants. M. von Liitgendorff signale,
il est vrai, que plusieurs étiquettes authentiques
portent des dates fausses ; j'ai constaté moi
aussi le fait dans un exemplaire, mais, à elle
seule, cette explication n'est pas de nature à
satisfaire les moins exigeants, j-'eut-être aurais-je
fait comme ceux qui, plus (jualiliés cpie moi,
ont étudié cet artiste sans cherciier à (lécou\rir
le mystère, si M. von Hexold, Directeur du
Musée Germanique de Nuremberg, ne m'avait
mis sur la vj)ie en m'écrivanr (\n:\ son avis, il
a dû exister deux luthiers liu nom de Li'dpold
Widhalm. J'ai alors deinamlé à diverses pa-
rf)isses de Nuremberg d'effectuer des recher-
ches, a/111 d'essayer de reconstituer l'aibre
généalogique de la faniille. Le succès a dépassé
toutes mes espérances, et l'ample moisson de
documents que j'ai pu réunir éclaire la question
d'un jour tout nouveau. ^
Bien que Léopold Widhalm fasse seul l'ob-
jet de cette étude, parce que le seul dont les
ouvrages me soient connus, quelques indica-
tions sur les autres artistes de la famille ne
seront pas superflues.
Le plus ancien luthier du nom de Widhalm
s'appelait Léopold ; son acte de nai^sance et
son acte de mariage n'ont pas été retrouvés,
mais les renseignements contenus dans l'acte
de décès sont assez précis pour y suppléer. Il
a dû naître le 2 octobre 1722, et en 1746, il
était établi luthier à Gostenhot " et épousait
Barbara S\billa Schellin, âgée alors de 27 ans.
Il mourut le ii Juin 1776 et fut inhumé le
14 Juin dans le cimetièie St Rochus. Sa veuxe
lui survécut quelques années et mourut le 26
Mars 1781. Léopold Widhalm eut six enfants;
trois sont morts dans la plus tendre enfance ;
les autres furent :
i" Martin Léopold, né le 3 Juin 1747,
décédé le 16 Mars i 806.
' Je suis lieiircux d'exprimer iei ma profonde reeon-
iiaissanee à tous les amis de l'art qui m'ont aidé ilans
ma tâche : M. le docteur Munumnhof, archiviste de
la \ille de Nilrember2[ : M. von Ikzold, Directeur du
Musée Germaniciue ; MM. Ks Pasteurs des Ki^lises
St Leoininrcî*, St Lorcnz et W'OIuhI qui ont bien voulu
enucpreniiio en ma faveur de longues et délicates
rccherclics dans les archives de leurs paroisses.
'■' Gostenhot, Wolu'd et Glockenliof sont des quar
tiers de Nureniberij. Widhalm ioiy;nait fi sa jirofession
(le luthiei- celle de militaire. Les actes de nais.<'ance de
î^es enfaïUs portent qu'il était caporal île la fjarde
nninicipale, f^anle eivi(|ue ipii existait dans la Ville
libre à ( ôté de r.inncc du cercle franconien de
i']-'. mpiiw
■'âl'i'itiîM^fi,
.-.J
■\
3IO
L'ACTUALITE MUSICALE
2° Gallus Ignatius, né le 19 Mars 1752, et
qui vivait encore le 18 Mai 1804.
3° Veit Anton, né le 16 Janvier 1756,
Les deux premiers ont été luthiers à Gosten-
hof ; quant au troisième, on n'en retrouve
aucune trace à Nuremberg et peut-être est-ce
lui qui, établi à Regensburg vers 1780, a fait
des copies très remarquées de Stainer et de
Stradi\'arius.
En 1779, un luthier du nom de Johann
Veit WiTHALM, établi précédemment à
Vienne, habitait Glockenhof; l'orthographe
diffère ; mais, au XVII P siècle, on attachait
peu d'importance à l'orthographe des noms de
famille.
Enfin, d'après M. \on Ltitgendorff, un
luthier du nom de Joseph Widhalm aurait
travaillé à Nuremberg en 1737, maison ne
possède sur lui aucun renseignement précis et
son existence semble très douteuse. Comme
on ne me le signale môme pas, il n'a pas dû
travailler à Gostcnhof, s'il a réellement vécu.
Les instruments portant son étiquette ne sor-
tent pas de la médiocreté.
Il est donc établi que deux luthiers, le père
et l'un de ses fils, ont porté le nom de Leopold
Widhalm et se sont succédé à Nuremberg.
Bien qu'aucune différence de style ne distin-
gue leurs ouvrages, on peut cependant les
classer en cinq catégories. La première, de
1746, à 1770 environ, comprend les instru-
ments faits par le père seul ; la deuxième, de
1770 à 1776 ceux faits en collaboration par
les deux artistes, sans doute sous le contrôle
du père ; la troisième, 1776 à 1806, ceux qui
sont l'œuvre du fils; la quatiième, fin 1806 et
1807, ceux qui étaient terminés ou sur le
point de l'être à la mort de Martin Léopold.
.Reinar'.|Uf)ns ici que Gallus Ignatius, bien que
luthier à Gostenhof, parait n'avoir jamais signé
d'instruments ; il est donc fort pioiiahlc (]u'il a
travaillé à l'atelier de son frère et a participé
aux instruments des deuxième et troisième
périodes ; peut-être même, s'il vivait encore en
l8o7,a-t-il terminé et étiiiueté les instruments
laissés inachevés par son frère. L'atelier des
Widhalm fut ensuite fermé. A cette épocpie,
Ja guerre ravageait l'Europe ; on avait plus
besoin de canons que de violons, et nombre
de luthiers durent chercher dans d'autres tra-
vaux leurs moyens d'existence : le métier ne
faisait plus vivre l'artiste. C'est là la cause prin-
cipale de la décadence de la lutherie, aussi
bien en Italie qu'en Allemagne et en France.
Reste la dernière période (1720 a 1746), la
première dans l'ordre chronologique. A qui
attribuer les instruments de cette époque ? Il
n'est pas possible de répondre d'une manière
catégorique. La seule hypothèse plausible, à
moins de considérer, contre toute évidence, ces
instruments comme faux, serait que le père de
Léopold aîné ait, lui aussi, porté le prénom de
Léopold et ait ouvert l'atelier de Gostenhof.
L'acte de naissance de 1722 aurait sans doute
fourni des indications précieuses et permis de
faire la lumière sur ce point, malheureusement
toutes les recherches, même celles effectuées à
Nuremberg par M. \ on Bezold, sont restées
infructueuses. Le fait que deux Widhalm ont
porté le prénom de Léopold, ^ comme aussi la
certitude que Gostenhof fut le berceau de la
famille, donnent à cette opinion une grande
probabilité ; mais, enfin, ce n'est qu'une hypo-
thèse, alors qu'il eût été si intéressant d'arriver
à une certitude.
Aucune différence, nous l'avons déjà vu, ne
permet de distinguer les instruments des deux
(ou même des trois) artistes ; aussi, dans l'étu-
de de leur modèle et de leurs ouvrages, je
grouperai sous le nom de Léopold Widhalm,
comme si un seul luthier les avait construits,
les instruments sortis de l'atelier de Gostenhof.
J'ai, d'ailleurs, l'intime conviction que l'inten-
tion du fils, en conservant les étiquettes de son
père, était de retenir la clientèle attirée par les
remarquables travaux sortis de la maison et
déjà hautement appréciés.
La carrière des Widhalm a été très longue,
ils ont beaucouii travaillé jiour les couvents, et
' Martin l.copoUi eut pour parrain Martin TyroH,
niarclianil d'objcls d'art ;\ NOrt-iiibcrfï. Son acte de
naissance ])orie en note : " Le père est catliolique,
c'est jM)uri|uoi on a pu donner à l'entant le nom de
Léopold. " Pourt|U()i a-t-on voulu ajouter ce prénom
au j)remier enfant miile, alors que les autres enfants
ont re<;u exactement ceux de leurs parrains ou marrai
ncs, suivant le sexe ?
L'ACTUALITE MUSICALE
3^1
leurs instruments sont très répandus en Alle-
magne. Outre les violons, il ont construit des
harpes excellentes, paraît-il, autrefois très
recherchées, aujourd'hui réduites au silence.
En France leurs spécimens sont plutôt rares,
et je n'en ai rencontré que trois.
Le Modèle.
On ne connaît pas le maître qui a initié
Widhalm aîné à son art ; ses étiquettes sont
muettes à ce sujet, M. von Bezold pense que
ce fut Leonhardt Maussiel, qui a travaillé à
Nuremberg de 1708 à 1757 et qui, lui aussi,
était un artiste de talent. Heureusement pour
les amateurs de belle lutherie, l'élève n'a pas
donné dans le travers de son maître, et n'a
jamais substitué à la volute, qui est le couron-
nement de l'œuvre, des têtes de femmes ou
d'animaux. Son fils, nous l'avons vu, fut son
élève et son successeur.
D'après les auteurs, Widhalm aurait travaillé
exclusivement sur les modèles de Stainer et
aurait copié le fameux luthier allemand avec
une telle exactitude et un tel bonheur "qu'un
connaisseur très habile peut seul distinguer ses
instruments de ceux du maître, " écrit M.
Vidal. Il n'est pas contestable qu'il fut, en
effet, un disciple de Stainer dont il fit des
copies parfaites, mais nombre de ses instruments
on le verra plus loin, dénotent une tendance
marquée à suivre sa propre inspiration. En tous
cas, si l'on était tenté de critiquer le choix de
son modèle, il serait bon de se rappeler qu'à
l'époque où vivait Widhalm, la gloire du plus
célèbre luthier qu'ait produit l'Allemagne
brillait d'un éclat incomparable et surpassait
celle de Stradivarius lui-même. En le copiant,
le luthier de Nuremberg ne faisait que suivre
la voie tracée par son illustre devancier, et dans
laquelle s'étaient engagés avant lui nombre
d'artistes de haute envergure et de toutes
nationalités.
Le modèle de Widhalm est grand, les voûtes
élégantes, bombées sans excès, le patron varie.
Tantôt ses instruments présentent des formes
larges et massives, tantôt ils affectent l'appa-
rence plus grêle du violon longuet, notamment
dans la largeur de la partie inférieure où l'on
trouve (les écarts atteignants 12 millimètres;
en revanche les patrons étroits sont un peu
plus longs que les autres et leurs voûtes sont
un peu plus élevées, de manière à conserver le
même volume à la caisse sonore. Pour la
majeure partie de ses altos, il a adopté l'ancien
modèle à dos plat. Il existe également des
variations très curieuses dans le traitement des
ouïes ; tantôt elles presque droites, tantôt plus
inclinées que de coutume ; quelquefois elles
sont très arrondies, ailleurs elles marquent une
tendance vers la forme pointue ; leur longueur
et leur largeur varient ; elles sont plus ou
moins rapprochées des bords de l'instrument ;
enfin, dans quelques spécimens, elles sont pla-
cées beaucoup plus bas que dans la plupart de
ses instruments. Ces quelques détails montrent
la fertilité de l'imagination de l'artiste, et les
recherches qu'il a faites pour obtenir une
qualité de son excellente. Si Widhalm n'a pas
ouvert à la lutherie des horizons nouveaux, il a
fait preuve néanmoins, dans une certaine
mesure, d'une originalité incontestable et ce
serait une erreur de ne voir en lui qu'un servile
copiste de Stainer.
Le Travail.
Tous les auteurs déclarent que la main
d'œuvre de Widhalm est parfaite et que la
qualité de ses instruments en est la conséquence
naturelle. Je tiens cependant de connaisseurs
éclairés, très familiarisés avec ses ouvrages, que
son travail n'a pas toujours été égal ; s'il est
vrai que la plupart de ses instruments témoi-
gnent du plus précieux fini, quelques-uns sont
très négligés. D'ailleurs, au risque de passer
pour un révolutionnaire, j'avouerai que la main
d'œuvre n'a, au point de vue de la qualité du
son, qu'une importance très secondaire, témoins
Guarnerius del Gesu et Storioni, dont les
instruments, souvent fort peu soignés, ont
cependant des qualités acoustiques de premier
ordre. Que d'exemples du contraire on pour-
rait citer ! Toutefois, si la beauté du travail
n'est pas indispensable, elle ne nuit pas, est
agréable à l'œil et, de ce chef, mérite d'être
prise en considération quand la sonorité est
bonne. Pour en revenir à notre luthier, j'ajou-
ADMINISTRATION DE CONCERTS
M EMIL GUTMANN M
REPRESENTE LES ARTISTES ET LES
ASSOCIATIONS ARTISTIQUES LES PLUS
CONSIDÉRABLES, LES MAITRES LES
PLUS RÉPUTÉS EN ALLEMAGNE.
ENGAGEMENTS PAR TOUTES LES SOCIÉTÉS DE
CONCERT ALLEMANDES ET ÉTRANGÈRES, ^n -H
TOURNÉES D'ORCHESTRE ET DE
SOLISTES DANS TOUS LES PAYS.
SOLISTES POUR ORATORIOS.
ORGANISATION DE CONCERTS ET DE CONFÉ-
RENCES, DE RÉCITALS DANS TOUTES LES
SALLES DE MUNICH ET DE GRANDS FESTIVALS
INDICATIONS DE POSTES VACANTS
DE PROFESSEURS DE CONSERVA-
TOIRE ET D'ÉCOLE DE MUSIQUE. ^
ANNONCE, PUBLICITÉ, INFORMATIONS
LA PLUS GRANDE AGENCE DE CON-
CERTS DE L'ALLEMAGNE DU SUD.
MUNICH -Theatinerstrasse 38 = MUNICH
Adresse Télégraphique : KONZERTGUTMANN. MUNICH
L'ACTUALIT
terai que le bois qu'il a employé est générale-
ment très beau ; le sapin est à veines plutôt un
peu serrées ; l'érable dont il s'est servi pour
ses fonds (ceux que j'ai vus sont d'une seule
pièce) présente tantôt de larges ondes, tantôt
de petites veines courtes et chatoyantes rappe-
lant le bois à œil de perdrix dont on fait les
beaux chevalets ; les ouïes sont d'un dessin
vigoureux et finement découpées. La volute,
généralement en poirier, est très bien sculptée,
et comme la spirale s'élargit rapidement et que
la séparation du milieu est très accusée, elle
possède une grande vigueur ; le chevillier, aux
parois très épaisses, présente une largeur suffi-
sante pour que les cordes y tiennent facilement
à l'aise, et les chevilles sont bien placées. Je
signale en passant que les contours de la volute
ne portent pas de filets noirs, et sont vernis
comme le reste de l'instrument.
Le Vernis.
Certains luthiers contemporains intitulent
Widhalm luthier tyrolien italien et j'ai sous les
yeux, en écrivant ces lignes, une lettre où il est
ainsi désigné. Cet assemblage de mots, bizarre
au premier abord, doit être justifié dans la pensée
de celui qui l'a employé. Comme le modèle
de Widhalm est tout allemand, l'épithète
d'italien ne peut donc s'appliquer qu'à son
vernis, et l'examen attentif de ses ouvrages
semble montrer que, comme Stainer, il con-
naissait les procédés des maîtres italiens ; il
habitait, en effet, près de l'Italie et, d'ailleurs,
ces procédés n'avaient rien de mystérieux à
son époque. Son maître, Maussiel, semble
avoir eu, lui aussi, et à un degré égal, les
mêmes connaissances.
Les auteurs sont unanimes à reconnaître
que Widhalm s'est servi d'un vernis d'une
qualité supérieure ; sur ce point seulement ils
sont d'accord ; sur les autres caractéristiques
du vernis, on trouve les divergences les plus
étranges. Passons en revue les diverses opinions.
" Son vernis n'a pas la délicatesse de celui
de Stainer, mais il est excellent ; la couleur en
est généralement rouge pâle. " Hart, Le Violon,
page 244.
" Le vernis est mince, de couleur rouge
EMUSICALE 313
brun foncé et très brillant. " M. von LUtgen-
dorff. Les luthiers, page 707.
" Vernis gras épais, dont la couleur varie du
rouge clair au rouge brun. " M. Fuchs.
Ainsi le vernis de Widhalm aurait été,
suivant les différents ouvrages cités, ou clair
ou foncé, ou mince ou au contraire épais.
Chaque auteur a évidemment basé son opi-
nion sur les spécimens qu'il a eus entre les
mains. La vérité me semble toute différente;
j'ai examiné attentivement trois instruments
authentiques, et chacun d'eux pouvait corres-
pondre à l'une de ces descriptions, à l'exclusion
des autres.
Le plus ancien est un alto de 1731 (chiffres
surchargés, sans doute 1751), grand patron,
aux formes élégantes, revêtu d'un splendide
vernis rose pâle d'une minceur extrême. Il
semblait une peinture, et son parfait état de
conservation en faisait une pièce remarquable.
L'autre est un violon de 1752 ; le vernis rouge
clair, légèrement nuancé de brun, était peu
épais et laissait voir les ondes de l'érable, très
courtes et très rapprochées, ce qui donnait à
ce violon un aspect tigré des plus séduisants ;
l'instrument était assez bien conservé et cepen-
dant le vernis était presque complètement usé
sur les joues et sur la volute. Le troisième,
dont je donne ici la photographie et la mensu-
ration est mon violon, daté de 1769. ^ Le bois
est superbe, le vernis, rouge foncé très pur,
tirant même sur le violet lie de vin aux endroits
intacts, est à dessous doré. Le dos, à larges
veines, semble recouvert d'un verre épais mer-
veilleusement coloré, au fond duquel on aper-
çoit le ondes du bois. Le vernis forme de
grandes épaisseurs, particulièrement visibles
aux endroits où il est dégradé, et il a été
employé avec une prodigalité telle qu'il s'est
mis en grumeaux sur les bords des tables et sur
les éclisses. Malgré sa grande épaisseur, qui
^ Longueur totale o™595
Longueur de la caisse o™356
{Haut o'^iôô
Milieu o™io8
Bas o"'2o6
Longueur des fF o™o68
■u ^ j T- 1- f Haut. . . o^ozQ fort
Hauteur des Eclisses < „ „ r
( iJas . . . 0^031 rort
3
FACTEUR >^>^ A ^ T 1"^ ATT FACTEUR
DE ( T A V h A i J ■'^
PIANOS V> X JL T J^^l jL V^ pianos
Siège Social: 45 et 47, rue de la Boëtie (VIII^) PARIS
Rayon spécial de Musique o a i i t^o Usine modèle à Fontenay=
(vente et abonnement) SALLES sous=Bois (Seine)
TÉLÉPHONE : 528=20 DE. Agence générale à Bruxelles
Adresse Télégraphique : CONCERTS Dépôt des éditions
GAVEAU=PIANOS=PARIS de la S.I.M.
MEMBRE DU JURY — HORS CONCOURS
Barcelone 1888, Moscou 1891, Chicago 1893, Amsterdam 1895
Paris 1900.
DIPLÔMES D'HONNEUR
Amsterdam 1883. Anvers 1885, Bruxelles 1888
GF(ANDS PRIX
Hanoï 1893. Liège 1905.
L'ACTUALITE MUSICALE
Les Etiquettes.
315
fait paraître la table plus foncée que le reste de
l'instrument, il n'empêche pas de distinguer
les fibres du sapin, et cependant il perd un peu
de la transparence des tons plus clairs.
La qualité de ce vernis devait être parfaite,
car l'instrument a beaucoup servi, comme en
témoignent ses glorieuses blessures, l'usure des
tables et des éclisses prés du manche, et les
traces laissées par un menton qui n'avait que de
lointaines relations avec le rasoir ; et pourtant,
à part un endroit où devait être un cachet de
cire qui a emporté le vernis, il ne présente que
peu de traces d'usure et subsiste encore presque
intact sur les bords et sur les coins. Cepen-
dant, en cette même année 1769, le maître fit
des instruments revêtus d'un vernis brun et
mince, et on en connaît aussi d'une teinte plus
claire. J'aurai l'occasion d'en parler plus loin.
La pâte du vernis de Widhalm est toujours
souple, très transparente et excellente ; la cou-
leur a varié, mais la nuance prédominante est
le rouge brun. En ce qui concerne les diffé-
rences d'épaisseur, il est difficile de se pronon-
cer. On ne peut nier qvie Widhalm ait fait
preuve d'une habileté consommée comme ver-
nisseur ; mais peut-être les instruments au
vernis épais ont-ils été faits plus hâtivement et
avec moins de soin, ou le mélange des couleurs
à la pâte aura-t-il été moins complet. Au sur-
plus, les craquelures et les grumeaux ne sont
pas spéciaux au vernis de Widhalm, et nombre
d'instruments italiens présentent ce trait com-
mun avec les siens. Peut-être est-il une expli-
cation plus simple. Widhalm ayant vécu long-
temps, on peut penser que, vers la fin de sa
carrière, ses premiers instruments étaient déjà
assez anciens pour qu'il pût remarquer qu'une
usure précoce menaçait le vernis. Afin d'assu-
rer une durée indéfinie à des œuvres dont il
n'ignorait pas les qualités, le maître aurait
augmenté l'épaisseur de son vernis pour lui
donner plus de résistance à l'action dissolvante
du temps ; d'où les instruments aux tons
chauds et au vernis épais et craquelé. Cette
explication aurait l'avantage de rendre compte
des variations d'mtensité qui se rencontrent
dans une même couleur ; cependant leur rareté
semble plutôt trahir une origine accidentelle.
Quelques instruments de Widhalm portent
ses initiales L. W. marquées au fer chaud à
l'intérieur. Aucun de ceux que j'ai vus ne
portait cette marque ni dans les descriptions
que j'ai reçues.
Ses étiquettes sont nombreuses.
1. L. Widhalm
Lauten und Gcigenmacher
Nûrnberg fecit A l'JT^l
2. Leopold Widhalm
Lauten und Geigenmacher
in Nûrnberg fecit ^1752
3. Leopold Widhalm, Lauten und
Geigenmacher in Nûrnberg jecit A 1769
4. Leopoldus Widhalm
Norimherga 1774
5. Leopo Widhalm, Lauten und Geigenmacher
in Nûrnberg fecit A 1807
6. Leopold Widhalm, Lauten-Geigenmacher
in Nûrnberg A ijbg
Les trois premières sont celles des instru-
ments que j'ai eus entre les mains ; les modè-
les i et 2 en caractères allemands, l'autre en
caractères romains.
Le Musée Germanique de Nuremberg
possède trois instruments de Leopold Widhalm,
dont la rareté mérite une description spéciale. ^
1° M. J. 301. Violon de 1807 (étiquette
n° 5), assez beau ; vernis brun clair très
mince ; le son est faible.
2° M. J. 26. Violon de 1769 (étiquette
n° 6), très beau et d'un travail soigné ; vernis
brun, mince. La longueur de la caisse n'est
que de 0°^284. " Petit instrument dont le son
à l'accord normal est faible. Il s'améliore si
l'on accorde l'instrument sur un ton plus élevé.
C'est peut-être un violino piccolo, dont l'ac-
cord était : ut, sol, ré, la.
3" M. J. 313. Alto de 1757 (étiquette
n° 3), de grandissime patron. "
^ J'emprunte les descriptions qui vont suivre à
M. von Bezold qui a eu l'obligeance de m'envoyer de
splendides photographies des instruments de Musée et
de son propre violon. Il est très regrettable que le
défaut de place ne permette pas de les reproduire.
CE QUE CAT{ySO
TENSE T>U TIuiNOLA
Caruso jouant du Pianola caricaturé par lui-même.
ENRICO CARUSO, le merveilleux ténor, est, comme toutes les célébrités
musicales, un fervent admirateur du PIANOLA. " /< :■'<"■• </'<///</;</»<■ /(■ l'i.uiol.i
iWiriihr nue coiiiposilioii dijfuih, écrivait-il naguère à la Compagnie ^olian, —
et SCS effets sont iiou seiilenieiif iiiiiSKtiiix et iii lisluiins, iiuiis sinipleiiii ni slnf^efinnls. Oniiuti .'//
sonjie que le Pianola, ninni dn Métrostyte, pei\net à nu novice de rendre les unances cl les
finesses de l'intcrprctalion d'un chef-d'aiivrc par nu i>rii)id artiste, le Pianola cesse vraiment
d'être nn insirnnicnt mécanique. Je vous souhaite tout le succès que vous méritez."
I>(j C:it;ilf),mic illustre " C " scia c'n\-ové iVaiico à toute jX'rsdnnc qui eu Icia
la (k'uiaudc. Le Pianola peut-être euteudu à toute iK'ure, tlaus les salons de
THE ALOLIAN COMPANY Ei.l.
PIANOLdS — PIANOLA-riANOS — PIANOS STF.CK & H'FEER
A':oUAN-()Ki:HESTRF.LLES — GRANDES ORGUES
SALLE /EOTJ.fN,
lî'ENUK DR i:OPKR.L P-IRIS.
L'ACTUALITE MUSICALE
317
Longueur totale o"'70
Longueur de la caisse o"'44
Largeur o"'2 2 — o"'i44 — o"'2 7
Hauteur des éclisses, o"'o6
Le travail est excellent ; le vernis, d'une
teinte plus claire que d'ordinaire chez Wid-
halm, est brun jaunâtre, de moyenne épais-
seur et très transparent. Cet alto, presque
intact, et dont l'état primitif a été scrupuleu-
sement respecté, montre ce qu'était un instru-
ment neuf au sortir des mains de l'artiste. Il
porte encore le cordier original ; la touche,
plus courte qu'on ne les fait aujourd'hui, est
finement découpée en accolade à sa base ; le
sillet est en ivoire et les chevilles, ouvragées,
sont en buis. La qualité du son est bonne,
bien qu'un peu sombre. Que l'on ne vienne
pas nous dire, après cela, qu'un instrument
doit être gratté pendant des siècles avant d'être
bon. Comment, alors, justifier la réputation
dont a joui Widhalm, de son vivant même ?
Cette légende, née de l'impuissance où les
luthiers modernes se sont trouvés d'égaler la
belle lutherie ancienne, a heureusement vécu.
M. von Bezold possède un violon au vernis
brun et mince, au son puissant, et M. von
Bezold fils un excellent violoncelle très sonore.
Je citerai encore l'alto que M. Snœck a
légué au Musée du Conservatoire de Berlin,
où il est inscrit sous le n" 575 du catalogue
(collection Snœck). ^ Cet instrument, daté de
1777 (étiquette n° 3 en caractères romains),
ne mesure que 3 9"" 5 de corps. Il porte, gravé
sur le dos, le nom de son précédent proprié-
taire, Louis Grégoir. Les voûtes sont d'une
moyenne élévation ; les ouïes un peu plus
larges que le modèle adopté d'ordinaire par
Widhalm. Le vernis, brun sombre avec reflets
violets, est assez épais ; à certains endroits, la
teinte est devenue plus claire, par suite de l'u-
sure. La qualité de son est bonne et ne laisse
rien à désirer. Malgré tout, l'instrument du
I
' La collection Snœck a été divisée en deux parties:
l'une, comprenant les instruments néerlandais, à été
léguée au Conservatoire de Bruxelles ; l'autre, la plus
importante, au Conservatoire de Berlin. M. Fleischer,
Conservateur du Musée de Berlin, a bien voulu me
communiquer la description qui suit.
Musée de Nuremberg, de proportions plus lar-
ges, me semble supérieur.
Qualités Acoustiques.
Les instruments de Widhalm ne sont pas
tous d'un égal mérite et, indépendamment de
la beauté de leur facture, il s'en trouve de très
médiocres et d'excellents. Les premiers sont
toutefois l'exception et, dans le nombre,
quelques-uns peuvent être l'œuvre de copistes
plus ou moins habiles, car Widhalm, comme
tous les- artistes réputés, a eu des contrefacteurs.
Les bons instruments ont une grande richesse
de timbre, un son puissant très en dehors, dont
une émission facile et une articulation rapide
accroissent encore la pureté. Dans ses violons,
la chanterelle est onctueuse et sonore comme
une cloche, la quatrième est mâle et vibrante,
et l'égalité de cordes est parfaite. Ce sont des
ouvrages d'une haute valeur artistique, dignes
d'être pris en considération, et qui peuvent
aisément rivaliser avec bien des instruments
portant une étiquette italienne ; on leur accor-
dera toute l'attention qu'ils méritent quand les
luthiers allemands seront mieux connus en
France. Car, il faut loyalement le reconnaître,
il y a eu, au-delà du Rhin, des artistes pénétrés
de leur art, indifférents au bénéfice qu'ils pour-
raient retirer de leurs travaux, tandisque l'école
française, à part de trop rares exceptions, n'a
guère produit que des commerçants fabriquant
des violons à la douzaine, sans se préoccuper
de leur valeur artistique. Aussi la vogue qui a
favorisé quelques-uns de nos luthiers diminue-
t-elle considérablement depuis que l'on juge
leurs ouvrages avec plus d'impartialité, et les
étrangers, qui les ont achetés autrefois, ont
profité de notre engouement pour nous les
rendre, et n'en veulent plus aujourd'hui à
aucun prix. Au contraire, nous nous trouvons,
pour acquérir les instruments de Léopold
Widhalm, en concurrence avec ses compatrio-
tes qui leur donnent une place d'honneur dans
leurs Musées, et sont tout disposés à offrir des
prix plus élevés que nous, pour rentrer en
possession des instruments de cet artiste qu'ils
considèrent comme une gloire nationale.
r hle-sur-Serein (Tonne). Ch. BoulÉE.
3i8
L'ACTUALITE MUSICALE
Les Instruments
Vente de la Collection d'Anciens
Instruments de Musique ayant appartenu
A M. le Baron de Lery.
Les 14, 15 et 16 Juin dernier ont vu se
disperser sous le feu des enchères, à l'hôtel
Drouot, l'ancienne collection crinstrumcnts de
M. le Baron de Lery.
Quoique ce genre de bibelots jouisse de peu
de faveur dans le monde des collectionneurs,
quelques objets ont atteint des prix relativement
élevés, peut-être plus pour certains, par le
souvenir historique cpii s'v rattache, que [lar
leur mérite artistique.
Voici la nomenclature des iirincijiales en-
chères :
Trompette en argent par Ad. Sax n" 13663
une des six faites pour l'escadron des ceiu
gardes de Napoléon III, avec la flamme en
soie brodée sur les deux faces frs 4000.
Un lot de Tambours historiques, de lOO à
300 frs pièce, sauf un Tambour I>ouis XIV,
sur le fAt ducpiel un épisode de la guerre des
Flandres est assez bien peint, cpii a atteint,
frs 1850.
Un Tablier de Timbales de Cavalerie, du
premier Empire en drap \ert avec aigle en
relief frs 1460.
Deux belles guitares italiennes du i j'"*^ siècle
incrustées d'ivoire et d'ébène, l'une frs 505,
l'autre, frs 330.
Un Archiiuth du XVF' siècle à côtes creu-
ses, en cèdre, triple rosace ajourée, sculptée
dans la table, frs 880.
Un Archiiuth du XVP siècle à côtes unies,
doubles filets i^■oire, très-belle rosace sculptée
et ciselée à jour, frs 910.
Un beau luth à manche renversé de Sé-
bastian Schelle à Nuremberg 1726, érable et
palissandre, frs 755.
Guitare-luth Louis XVI de Caron, luthier
de la Reine à Versailles 1784. Pièce rare et
très pure, frs 900.
Deux belles violes d'amour, Tune de Tomasso
Eherle à Naples 1774, frs 800, l'autre de
Socque t à Pa?vs, frs 670.
Une Basse de \iole de 'Pirter Rotnbouts à
Amsterdam 1723, pièce superbe n'a fait que
420 frs, tandis qu'une basse de Claude Boivin
à Paris 1754 a monté jusqu'à frs 1920.
Un Cla\ccin Louis XV, à double clavier,
décoré de paysages et amours en vernis Mar-
tin, table d'harmonie décorée de bouquets de
fleurs, larges bandes rouges et dorées, le tout
retouché et restauré n'a pas dépassé frs 4. 100.
DEUXIÈME CONCOURS INTERN.A-
TIONAL DE. LUTHERIE ANCIENNE
ET MODERNE : VIOLONCELLES.
L'an ilernier nous axons eu, à propos (.lu
premier Concours, l'occasion d'examiner la
valeur lie ce genre d'épreuves. Nous n'y
reviendrons pas, et rcinox 011s nos lecteurs à
l'article si documenté de notre collaborateur
L. Cjreilsamer, auqui'l nous ne saurions rien
ajouter. Le résultat du Concours de Violon-
celles, qui \ient d'avoir lieu, salle îles agricul-
teurs, a donné le résultat li' plus cocasse du
niondr.
Si.\ iiiNînmu'iUs anciens : Stradi\ arius,
Gagliano, Tcchler, C;ipp;i, Piesseiula et (juar-
L'ACTUALITE MUSICALE
319
nerius (Lequel ?) devaient lutter contre six
instruments modernes.
Voici dans quel ordre les douze champions
furent classés : i Moderne 465 points 2 Stra-
divarius 288 points, 3 moderne, 270 points,
4 moderne 231 points, 5 moderne 227 points
6 Cappa 191 points. 7 moderne, 119 points,
Pressenda 103 points, Techler 93 points,
Guarnerius 50 points.
Le total des points en faveur des modernes
serait donc de 1484 contre 883 pour les
anciens. Pauvres anciens !
Questions
Sociales
LES PREJUGES DE L'EDUCATION
MUSICALE
Nous avons longtemps hésité à écrire cet
article. Beaucoup de professeurs, à qui nous
avions communiqué quelques-unes de nos
idées, nous en détournaient énergiquement.
— " Comment, nous disaient-ils, conciliez-
vous le souci de nos intérêts, que vous préten-
dez défendre, avec l'entreprise d'une campagne
qui réduira certainement le nombre de nos
élèves. De ceux-ci, il y en a beaucoup de
médiocres, c'est indéniable, mais est-ce utile
d'ouvrir les yeux des familles ?. . . Si insuffisante
que soient ces élèves, ils comptent dans notre
clientèle ; ne les découragez pas ; laissez donc
aller les choses ".
Infortunés petits professeurs à la poursuite
d'élèves qui, tel l'insaisissable Dewet, se
dérobent à toutes recherches ; leurs raisons
me touchaient. Sans m'illusionner sur la
portée de ces modestes articles, je songeais que
cependant ils pouvaient influer sur certains
esprits, ébranler les solides préjugés de l'édu-
cation musicale, détourner quelques familles de
l'appel aux professeurs. Singulière idée pour
un écrivain qui essaie de soutenir leur cause.
— Eh ! bien, j'avais tort ; il ne faut jamais
" laisser aller les choses " ; laisser croire qu'une
erreur, — fût-elle profitable à quelques-uns —
peut être inoffensive. L'erreur est toujours
funeste, nuisible, affaiblissante, destructive ;
il la faut dénoncer sans lassitude et combattre
. par tous moyens. Allons plus haut, dépassons
le point de vue des matériels intérêts et des
exigences respectables, mais limitées, du corps
musical enseignant, nous verrons clairement
notre meilleur devoir. Avec les véritables
artistes, et nous unissant à eux, en pensée,
nous méditerons l'admirable et profonde parole
de Camille Mauclair : " La musique n'est pas
la propriété des compositeurs", et, l'appliquant
à un cas déterminé, nous dirons : " La musi-
que n'est pas la propriété des professeurs ",
en ajoutant : l'âme de nos enfants n'est pas
non plus leur propriété ; ils n'ont pas le droit
de desservir l'art en abîmant les âmes. Sus
donc à tous les préjugés et, nous musiciens,
luttons contre les préjugés de l'éducation
musicale.
L'un d'eux, le plus néfaste, consiste à im-
poser à des enfants, même mal cloues^ l'étude
longue, pénible et inutile de la musique, ou,
pour parler exactement, d'un instrument de
musique, ce qui n'est pas la même chose.
Pendant des années, certaines familles, de
plus en plus nombreuses, à Paris, et en
province, perdent ainsi leur peine, leur argent,
et, chose plus grave, font perdre à leur enfant
un temps qui serait beaucoup plus utilement
employé au développement de ses véritables
aptitudes. ^ On suscite ainsi, chez certains
' Eclaircissons tout de suite une apparente contra-
diction entre le nombre croissant des élèves et les
doléances des professeurs dépourvus d'élèves. Il faut
entendre que les dits professeurs se sont multipliés
dans les proportions qui dépassent de beaucoup les
besoins de la clientèle, bien que celle-ci s'accroisse
chaque jour.
320
L'ACTUALITE MUSICALE
sujets, de fausses vocations ; on détermine chez
d'autres le dégoût de l'art véritable ; on exalte
chez presque tous un amour-propre exagéré ;
l'habitude de l'exhibition et l'amour du solo.
On obtient, grâce à ce système, des virtuoses,
sous-virtuoses, et pseudo-virtuoses de 1 5'"*^
catégorie qui, sans dispositions musicales avé-
rées, s'acharnent pendant des semaines, voire
des mois, à l'infructueuse étude de quelques
morceaux de bravoure. Leurs familles les
entendent inlassablement avec un ennui ré-
signé, leurs voisins avec un ennui exaspéré, et
leurs auditeurs, les jours d'exécution (!!) avec
un ennui sombre, aggravé par la recherche
des formules de politesse qu'ils sont obligés de
découvrir pour louer d'aussi médiocres exécu-
tants.
Les causes d'une telle aberration :... Elles
sont multiples. Certaines gens agissent par
intérêt. Grisés par les succès et les gains de
grands et incontestables virtuoses, dont la
presse musicale célèbre les exploits... et les
profits, ils engagent leurs enfants dans " la
carrière d'artiste " pensant que le " métier "
en vaut la peine. DEGOURAGEONS-LES.
Que la presse musicale et la presse quotidienne
nous y aide ; c'est un devoir social. Le métier
EST PERDU. Avis aux gens pratiqués et aux
arrivistes pressés. Les musiciens sont trop ; on
n'en veut plus, et il sera désormais inutile,
pendant de longues années, de condamner au
piano forcé d'infortunés petits êtres qui auront
plus tard tout le loisir d'en mourir de faim.
D'autres familles agissent par \anité, avec,
en-dessous, le désir de satisfaire à cette égalité
inscrite sur nos monuments. Pourquoi les
" gens du fond de la cour ", comme ilit drôle-
ment Sudermann, ne feraient-ils pns comme
ceux de la façade r et la |U'tite demoiselle du
quatrième, comme celle du premier r et la
fille du pâtissier comme celle du notaire r
" Et moi aussi, j'apprends le piano ! " — On
peut encore découvrir là une part de ce
mimétisme social analogue à celui qiu fait que
nous voulons tous porter l'habit de la inênu'
couleur que le voisin, et que des fenunes,
dont beaucoup ne sont pas absolument stupides,
adoptent les modes Ii's plus laides et U-s plus
extravagantes. Ah ! si nous apportions un peu
de sincérité dans notre vie, notre manière
d'être, notre pensée surtout. . . Mais ces con-
sidérations sociales nous entraîneraient trop
loin. Arrivons au movens d'améliorer une
situation musicale regrettable pour les élèves
et pour la musique.
Quelle est la condition première pour entre-
prendre l'éducation musicale d'un enfant?
N'hésitons pas à répondre : des dispositions
nature/les, CRÉATRICES, manifestées dès Venfarice.
L'histoire musicale nous apprend que les
Havdn, les Beethoven, les Mozart, les Gounod
découvrent, dès leur jeune âge, leurs mer-
veilleuses aptitudes. Sans prétendre égaler de
si illustres modèles, on peut dire que l'enfant
qui ne cherche pas, à cféer^ en musique, ne
sera jamais un \ éritable artiste ; il peut de\ enir
un bon amateur, et même, en travaillant la
technique a\ ec ardeur, un premier prix de
Conservatoire, en réalité, la Musique ne lui
devra rien. Il est bon pour la garde du temple,
le service de l'avitel lui demeure interdit.
Nous n'a\ons pas ici à nous occuper de ces
quelques élus, créateurs de génie, ?nissi domitiici^
trop rares, dont les œu\res immortelles
éclairent notre \ie de joies consolatrices.
Laissons-les à leurs brillantes destinées.
Aux antipodes de ceux-ci, les non-doués,
les parias de l'art, les incompréhensifs, irré-
médiablement. En musique (le croirait-on) ils
sont relati\ement en petit nombre et sont
caractérisés par une oreille radicalement fausse.
Abandonnons-les à leui infortune et occupons-
nous de la grande masse îles autres, c'est-à-dire
de la moyenne.
Restent ilonc (.levant nous les enfants qui,
sans dispositions naturelles (créatrices) bien
constatées sont cepenilant susceptibles d'une
certaine éducation musicale. Nous distingue-
rons ceux auxcjuels une certaine aisance per-
met, sans (loinmage, l'étude coûteuse ti'un
instrument de musiipie et ceux " ilu tonil de
la cour" {]ui feront raisonnablement mieux de
s'alistenii'. i-es piiiuieis iloi\ent se ilni' c|ue
poui' ilt\ei)ii' hon nuisicien (Hùtiste, \ioloniste,
orL;anislc, [iianiste) il faut consacrer à l'instru-
nicnt choisi, au moins dix ans irétudes sui\ies
\
L'ACTUALITE MUSICALE
321
et persévérantes. C'est l'avis d'un éminent
pédagogue M. Lavignac. Pendant ce temps il
faut, au minimum, 2 heures d'études par jour,
ce qui représente un total de 7.300 heures
qu'on peut augmenter, au moins, d'une heure
de leçon par semaine, ce qui donne 7.820
heures. Voilà pour le temps. Quant à l'ar-
gent !... C'est encore un préjugé de l'éduca-
tion musicale de croire qu'on peut donner au
débutant des instruments détestables et des
professeurs médiocres, arguant que : " c'est
•assez bon pour lui ". Voyez-vous une mère
nourrissant son petit enfant de pain gâté,
sous prétexte qu'on lui donnera plus tard,
quand il sera grand, du petit pain de gruau !
Drôle d'idée d'empoisonner l'oreille avec les
affreuses sonorités d'un piano ou d'un violon
au rabais, ou encore de laisser abîmer la main
d'iui jeune élève par un maître ignare et
maladroit. Préjugés ! préjugés !■ ! Calculez donc
ici la dépense avant de vous engager dans les
frais d'une bonne éducation 'musicale. Enfin, '
avant de l'entreprendre, faites examiner le
" sujet " par un maître consciencieux, et s'il
ne découvre à votre fils, ou votre fille, aucune
aptitude sérieuse, pas même de quoi faire un
bon amateur, n'hésitez pas a abandonner
l'étude d'un instrument ; il restera encore à
votre enfant quelque chose à faire, nous le
verrons tout à l'heure. Si l'élève est bien doué,
l'avis du maître favorable, vos ressources
suffisantes et votre instrument choisi, nous
dirons encore : qu'aucune idée de lucre vous
guide ; faire de la musique n'est pas un métier.
Etre boulanger, menuisier, laboureur, employé
d'administration, c'est fort honorable quand
on est un honnête homme, et c'est un "métier"
ou, si l'on veut, une profession. Etre musicien,
c'est, par définition, être artiste c'est-à-dire
vouer toute son âme à un art choisi, l'aimer,
le servir inlassablement et de toutes ses forces.
On ne fait pas cela pour de l'argent, c'est
inévaluable.
Mais, dira-t-on, les enfants auxquels leur
famille ne peut, par manque de fortune, faire
donner l'éducation musicale, et qui cependant
aiment la musique, que leur reste-t-il i* Nous
avons promis de nous en occuper. Il leur reste
un ad'mirahlc, un splendide, un superbe in-
strument, qui vaut tous les pianos et les violons
du monde ; qu'ils portent avec eux ; qui ne
leur coûte rien et ne demande qu'à être
exercé. Ih ont tous une voix. Pour l'amour de
la Musique, qu'ils s'en souviennent donc. La
voix, c'est le charme, le délice, la pure joie
musicale, utilisez-la. Sauf la très petite mi-
norité de ceux qui ont l'oreille fausse, les
autres, ayant une voix parlée., ont une voix
chantée^ et la voix chantée c'est de la musique.
Je ne dis pas : faites tous du chant, au sens,
où l'entendent les professeurs de vocalises,
mais : faites tous du solfège., excellente prépara-
tion à la musique chorale. Et ne me faites
pas dire non plus que je conseille les solfèges
horriformes préconisés par les Conservatoires ;
lecture en 7 clefs, traquenards et pièges à
voix ; non, il faut adopter le bon, le mélodique
solfège. Les professeurs de musique ont là un
beau rôle à jouer, qu'ils le prennent ; qu'ils
répandent partout, dans les grandes villes et
les tout petits villages, le goût du solfège,
qu'ils en multiplient les leçons ; elles abouti-
ront forcément, et par un naturel enchaîne-
ment de cause à effet, à l'admirable musique
chorale, dont nous nous réservons d'indiquer
le rôle social, indépendant de la beauté essen-
tielle. Le solfège n'est pas ennuyeux — encore
un préjugé — il a le tort de ne pas fournir
aux familles, dans la personne de l'enfant, une
distraction suffisante, mais l'égoïsme des
familles et leur désir de s'amuser avec et par
l'enfant n'a rien à voir ici. Le solfège n'est
détestable qvie lorsqu'un professeur ignare le
rend tel. Qu'on pique, stimule l'esprit des
élèves ; qu'on essaie promptement du solfège
à deux et même trois voix. Les résultats seront
surprenants. La voix charme, enchante, sen-
sibilise l'âme de l'enfant. Où le son sec et
froid du piano, criard du violon, n'aura rien
suscité, la voix touchera et éveillera douce-
ment, dans son âme puérile, les premières,
profondes, pures joies musicales, promesses,
pour notre art, d'un meilleur avenir.
M. Daubresse.
322
L'ACTUALITE MUSICALE
L'Edition i=î
Musicale
') Durand. — -) Hamelle. -
— *) Bouwens van der Boijen.
Berlin.
^) Edition mutuelle.
") Liepmannsolin, à
N'allez pas conclure, devant la longueur
inusitée de ce compte-rendu à une vive recru-
descence de l'inspiration musicale. Quantité et
qualité sont deux choses différentes; et avouons-
le, il faut feuilleter bien des pages insignifiantes,
avant d'en trouver une qui vaille la peine
d'être approfondie.
PIANO SEUL. — La musique de piano,
en particulier, ne nous offre, ce mois-ci, rien
que de très ordinaire : des Arabesques ' de
A4. Delafosse^ cinq petites pièces où l'idée mu-
sicale est courte ; puis, du même auteur, un
Prélude ' et une Etude de Concert \ deux
avalanches ininterrompues de doubles notes ;
voilà bien des notes doublement inutiles.
M. Maurici' Pessi\ avec la Source qui chante *
s'adresse évidemment aux pianistes qui désirent
briller à peu de frais. La Chanson du Ruis-
seau ^, de M. JVidor^ est au contraire d'une
exécution vétilleuse ; de même sa Kermesse
Caru^lonnante ^. Dans un genre plus quin-
tessencié, voilà une Berceuse ^ de M. de
Castêra et deux morceaux de Pdul Le Flem :
Par Landes et Clair de lune sous bois ■',
celui-ci pour harpe chromatique ; sonorités très
enveloppées, grands effets de pédale, enchaîne-
ments bien modernes, un peu décousus parfois.
L'interminable Sonate de M. J. SzuU n'est
pas absolument distinguée ; on im- iiardomu-ra
e ne pas énumérer le reste des qualités qui lui
ont défaut : i est temps de retrou\er un peu
de grande et saine musique, avec la Jeunesse
d'Hercule', de St. Soëns^ réduite par M. Stauh.
Claire, aisée et très pianistique, la réduction
donne cependant parfaitement l'impression de
l'orchestre.
CHANT. — Les voix ca\erneuses pour-
ront chanter le Chasseur Noir, de M . La-
parra^ ballade d'un effet un peu gros et d'un
romantisme halluciné. Les voix moyennes
diront la Prière a Madame la Vierge -, de
Paul Lacombe^ oeuvre d'une déclamation juste;
et le Grand Sommeil Noir, de M. Laparra -,
qui décidément se voue au genre ténébreux.
Pour les voi.x étendues, Green -, de Lydie
M'tchaïloff^ morceau qui tout en étant d'un
très joli sentiment, ne nous fera pas oublier
celui de Fauré sur les mêmes paroles. Puis, le
Doux d'Appel -, deÂ/. IVidor, dont le lyrisme
exalté évoquera le souvenir de Gounod. (Ac-
compagnement de \ iolon ou violoiicelle obligé).
Les voix angéliques auront deux œu\ res de
Nadia Boulanger : une Prière"- dont les paroles,
malheureusement sont peu intelligibles ; et un
Cantique -, charmant de simplicité et de
candeur. La ligne mélodique y est ample,
aisée et d'un contour parfait ; les accompagne-
ments, dans leur simplicité presque rudimen-
taire, ne manquent ni de richesse, ni de
coloris : constatons-le une fois de plus : il ne
faut pas beaucoup de notes pour exprimer
beaucoup de choses en musique.
PIANO 4 MAINS. — Nous redirons cela
à propos de la petite sm'te de M . Ravel Ma
MÈRE l'Ove \ cinq pièces qui pourront être
jouées par toutes les petites mains. Rien n'est
plus amusant que de voir réaliser, dans une
écriture claire, et avec des moyens aussi res-
treints, lies effets aussi intensément modernes.
XI. Florent Sihrritty qui ne dédaigne pas
non plus d'amuser la jeunesse fera rire tout le
monde avec ses Musiques foraines *. Sa valse
(iuMle, où des ilu\:ui\ de bois planent éper-
dueiuiut, parmi un brun di' poulies grinçantes
et au son d'un orgue c|ui iK'rhiipiète inlassable-
L'ACTUALITE MUSICALE
323
ment la même petite phrase, est pleine d'hu-
mour.
Remarquons, en passant, que l'Orgue de
Barbarie se porte beaucoup cette année dans la
musique. Pour la jeunesse, aussi, le Prélude
de M. de Lartnanjat et sa Romance Suran-
née ■^. Les morceaux de ce genre me font in-
vinciblement penser aux boîtes de couleur sans
danger que l'on donne aux enfants, pour leur
enlever avec toute possibilité d'empoisonne-
ment, toute chance de peindre.
2 PIANOS. — IbÉria\ de Debussy^ pu-
bliée pour deux pianos, ne devient pas beau-
coup plus facile qu'à quatre mains. L'introduc-
tion du 3*^ Acte d'ARiANE et Barbe Bleue ^
paraît après cela d'une lecture facile ; c'est tout
dire. Citons encore une assez amusante Toc-
cata de M. Paul Fournier.
MUSIQUE INSTRUMENTALE.— La
musique instrumentale est mieux représentée,
ce mois-ci que la musique de piano : le i'"
volume de 1' Anthologie zur illustration
DER Musikgeschichte ^, de Hugo Riemann^
renferme trois délicieux trios de Pero;olèse :
certain Andante, de toute beauté, méritait bien
d'être remis au rang des chefs-d'œuvres clas-
siques ; d'autres pages toutes d'enjouement et
de gaieté, font penser aux meilleures de Mo-
zart.
M. Marcel Samuel Rousseau extrait de son
Noël Berrichon ^, un adagietto pour violon
ou violoncelle, les Promis, M. Florent Schmitt
nous donne deux petites pièces tout en demi
teintes, très simples, très chantantes. Guitare
et Chanson a bercer ^ serait-il las des effets
tonitruanes où il s'est complu si longtemps ?
M. Destenay publie un fort beau Trio ^, qui
gagnerait peut-être à être élagué de quelques
longueurs, dans la finale surtout. La i'*' Rhap-
sodie pour clarinette en si bémol, de Debussy ^
est un régal, de sonorités exquises : quand l'en-
tendrons-nous ? Et le Duo pour violon et
violoncelle, la Muse et le Poète \ d'inspi-
ration toute classique, de forme aisée, porte
bien la griffe du maître St. Saëns.
PARTITIONS. - Beaucoup d'éditeurs,
jusqu'ici conservaient jalousement leurs parti-
tions d'orchestre, comme autant de trésors à
préserver du public et des copistes. M. Durand,
au contraire, vient de publier l'ouverture de
PoLYEUCTE, de Dukas^ IbÉria et les Rondes
DE Printemps, de Debussy^ en petites volumes
in- 12", commodes et légers, qui pourront se
glisser dans toutes les poches. Félicitons-le de
rompre avec une tradition qui ne fait pas
toujours grand honneur à l'édition française.
AucASSiN ET NicoLETTE ^ connus jusqu'ici
de quelques initiés, ont fait leur entrée dans le'
monde sous la couverture verte de l'Edition
iTiutuelle. Nous eussions souhaité les j retrou-
ver en compagnie des silhouettes de M. Dori-
val. La musique de M. Le Flern y eut gagné
encore. Rappelons-nous certains albums de
Fragerolle, le créateur du théâtre d'ombres en
musique. A la lecture comme à l'audition, nous
avons goûté surtout le prologue, aves-ses grands
accords âpres et frustes, balayés par un souffle
de mistral, la complainte d'Aucassin, l'Ouver-
ture de l'épisode des bergers, et l'exquise
phrase du récitant à la fin du 1^ Acte. La
déclamation, très juste, sans mots ni notes
superflues, rappelle certaines œuvres de De-
bussy, la Damoiselle Elue en particulier. Mais,
ici, le mysticisme n'est plus de mise, les per-
sonnages, très humains, parlent encore notre
langue ; ils la parlent même avec entrain et
verdeur. Je suis heureux de conclure sur cette
œuvre originale et savoureuse, qui marque,
évidemment une étape intéressante dans l'his-
toire de la musique française.
V. P.
Le Gérant : Marcel Fredet.
Impr. par The St. Catherine Press Ltd. Bruges, Belgique.
BERLIOZ
PAR
ADOLPHE BOSCHOT
la plus vaste biographie qui ait
à paru en France.
.r(^^t><M&^^-^-.
Couronnée par l'Institut
Nombreux documents inédits,
table chronologique et analytique.
Vie de l'artiste ; son œuvre ; son
époque. Portraits.
I. La Jeunesse d'un Romantique
4*-' édition — 540 pages — 4 tr.
II. Un Romantique sous Louis-Philippe
3'" édition — 670 pages — 5 tr.
Paris — LiHRAiRiK PLON, 8, rue Garancière — Paris.
L'ACTUALITÉ
USICALE
ANNEXE DE LA REVUE MUSICALE S.I.M.
PUBLIÉE PAR LA SECTION DE PARIS DE LA
SOCIÉTÉ INTERNATIONALE DE MUSIQUE
15 SEPTEMBRE 1910
FRANCE ET BELGIQUE
numéro : 0.40 - Un an: 4.00
UNION POSTALE
Le numéro: 0.60 - Un an: 6.00
L'JCTUALITÉ MUSICALE
REDACTION :
PARIS: 22, RUE ST. AUGUSTIN
BELGIQUE: RENÉ LYR A BOITSFORT, BRUXELLES
ADMINISTRATION :
LIBRAIRIE CH. DELAGRAVE, 15, rue Soufflot, PARIS.
Numéro spécial à l'occasion des fêtes
de Musique française à Munich.
SOMMAIRE
LA PETITI', MUSIQUE FRANÇAISE, p;ir W loKiu'-DrvM.
ILLUSTRATIONS ni: Bus.
La Petite Musique Française
LA MUSIQUE
Il est d'inoubliables souvenirs d'enfance gardés intacts jusqu'au dernier déménagement,
quand le grand Propriétaire donne d'une main congé pour le Provisoire et de l'autre bail
pour l'Eternité.
Dans cet autrefois de choses et de gens, je vois une jeune femme coquette, étourdie,
sentimentale, joyeuse, légère et blonde. D'un blond !... à faire croire qu'elle avait un abon-
nement de teinture avec le soleil du plein midi. Je ne me la rappelle pas seulement parce
qu'elle était intensément blonde, vive, et qu'elle passait avec une égale facilité du gros chagrin
à la joie la plus exubérante, avec dans ces différents états d'âme une frénésie de jeux, d'em-
brassades, de larmes et de rires. Je me la rappelle encore et surtout parce qu'elle avait la
folie du chant.
La Manola^ le Temps des Cerises^ le Joli Rêve^ les Pompiers de Nanterre ! Des fadaises
sentimentales, guerrières ou polissonnes. Des refrains de gugusse. Souvent des riens, mais
lancés avec quel entrain et quelle voix !
Echevelée, changeante, cascadeuse et fraîche comme sa personne, cette voix, beauté du
diable et diablesse de beauté, était aussi charmante à entendre que ses dents éblouissantes
l'étaient à voir dans leur rire chronique.
A la ville, comme à la campagne, à table, en voiture, en bateau, dans un salon comme
dans un jardin, que la Société fût grave ou légère, le temps vilain ou beau, elle trouvait
toujours moyen, vraie linotte en délire, de lancer quelque romance ou tout au moins quelque
trille ou vocalise.
Sans doute quand elle chantait, le nez en l'air, agitant son chignon rayonnant et parce
que trop lourd toujours prêt à se dérouler comme un serpent doré, il y avait souvent là
quelqu'un pour lui dire :
— Vous devriez travailler votre voix, chanter autre chose. . .
Ce quelqu'un savant, autoritaire et borné, qui ne sait pas distinguer les Races et au lieu
de les laisser avec leurs dons et leurs tares inséparables, les tourmente, les déforme quand il ne
les anéantit pas.
Fort heureusement la linotte ne s'est pas occupée de travailler sa voix pour lui faire
prendre du service dans les grands airs d'Opéra ! mais a continué longtemps tant qu'elle a pu
à se griser d'airs langoureux, abracadabrants jusqu'à ce que devenue vieille et privée de
voix, elle n'a plus gardé, avec ses cheveux teints à en être verts que la fureur des baisers
désormais réservés aux petits enfants qui n'en sont pas plus fiers pour ça.
Arrivée du Passé en vitesse et précision, cette jeune femme autrefois si fringante, un
peu truste, et même un rien canaille, n'est-elle pas ici bien à sa place pour servir de frontispice
à cette Petite Musique Française ?
Cette Petite Musique Française, observée dans son ensemble, n'est-elle pas la belle fille
328 L'ACTUALITE M U S 1 C A L E
populaire qui chante au petit bonheur, les sentiments ni trop délicats ni trop protonds ni trop
artistes, qui lui passent par la tête et par le coeur :
*
Pour n'être pas ce grand Art musical qui au seizième siècle prit son véritable essor, la
Petite Musique n'en a pas moins toujours occupé une très forte place, on peut même dire une
place forte dont nous ne croyons pas utile d'évoquer l'histoire bien connue.
LE REPERTOIRE
Aujourd'hui nourrie d'autres sentimentalisme et gaillardise, la Chanson a ses deux
quartiers : Faubourg S^ Germain^ Faubourg S^ Jfitoine.
Faubourg S^ Germain^ avec la Valse Chantée exclusi\ ement réservée à l'usage des Salons.
Faubourg S' Antoine^ bien plus vivant, bien plus populaire et plein de \ariétés a\ec :
La Chanson tendre^ où selon l'auteur sont recommandées :
Sagesse :
" Garde ton cœur Madeleine^ "
ou Folie :
" F ni açons-nous follement.
La chanson gaie riche en historiettes,
citadine :
" Quand on a bien travaillé pendant six jours entiers
ou champêtre :
" Au bord de Peau^ Anastasie viens-y !
La chanson militaire, dont le genre commence à se dépersonnaliser pour tourner à la
chan^lon 2;aie récitée par un militaire en bonne tenue — ou à la chanson excentrique, inter-
prétée par un énergumène qui fait moins songer à un tourlourou qu'à un échappé de
Chareiiton.
La Chanson excentrique, Clownerie musicale de caté-concert. Traitant du nioven de
déménager son propriétaire :
" 'Je lui rentre dans le chou
et autres récits plus in\ raisemblahles, avec accompagnement de contorsions, grimaces, pas de
polka, cette chanson peu sou\ent spiiituelle ou si'ulrnu-nt drôle, a tout de même une certaine
force comique provoquant l'hilarité.
. j Enfin la Chanson idiote ou obscène, l'avarie du Caté-concert, une avarie tort rcclierchée
rapportant bien, grâce aux amateurs de ce pauvre pinisir piis tlaiis les plus hunentahles et plus
faciles scatologies !
* *
Non plus comme autrefois musique écrite d'après les paroles mais au contraire paroles
écrites d'après la Musique, la Chanson est aujourd'hui (l'un placement bien diHicile. Concur-
rence devenue terrible, presque impossibilité de \enilre à l'éditeur une chanson c|ui n'est pas
déjà interprétée. \ /a révélation de la Chanson ne se faisant plus par les chanteurs des rues
A II HEURES DU SOIR.
L ' A C T U A L 1 T K MUSICAL K
329
mais par ceux des Catés-Concerts, après au moins quatre mois de culture, sauf naturel Icment
pour les créations privilégiées immédiatement en vogue.
Deux lancements différents selon qu'il s'agit de la chanson populaire ou de la Chanson
de luxe qui est la valse chajitée.
Edition coquette, avec couverture souvent illustrée par un artiste de talent, pot de vin au
chanteur de caté-concert, dans les journaux publicité souvent très coûteuse quoique d'un
rapport sou\ eut nul, le lancement de la chanson de luxe est le plus coûteux.
Il n'en est pas ainsi de la chanson populaire.
Impression sur papier commun dit à " chandelle " gratuité de l'interprète à la recherche
d'un morceau populaire à succès, diffusion par ces précieux collaborateurs les chanteurs des
rues, sans budget de publicité, la Chanson populaire est d'un lancement bien plus facile et
moins cîTiéreux.
Dans ces conditions il ne faut pas s'étonner que les auteurs voués à la chanson de luxe
n'aient pas grand succès auprès des éditeurs. Avant d'avoir fait des preuves, dure obligation
d'une édition à ses frais Le compositeur populaire trouve plus facilement à vendre sa
chanson : vm ou deux louis ! Autant dire rien. Un rien que le malin éditeur sait rendre
séduisant par la perspective enchanteresse des futurs droits d'auteur. Pour exister, ces droits
d'auteur sont de rapport bien modeste, et surtout bien incertain si l'on songe aux difficultés
que rencontre la petite Société des Auteurs et Compositeurs pour exactement les récupérer.
Exécutants dont les uns comme les grands orgues forains ne peuvent pas escamoter les
droits puisqu'ils paient à la petite Société un droit fixe de 20 fr., mais dont certains autres
comme les orchestres tziganes, payant un droit fixe de 300 fr. par an pour un certain nombre
de morceaux, en consomment bien pour dix-huit cents !...
Le rapport d'une chanson même à succès n'est donc pas surtout dans les droits d'auteur
mais d'éditeur, c'est-à-dire dans la vente du " papier " ou si l'on préfère des exemplaires, tant
à Paris que dans les grandes villes de province : Marseille, Bordeaux, Lyon et de l'Etranger
non seulement en Europe mais en Amérique, surtout du Sud, Brésil et Mexique, Pays aussi
friands de nouvelles chansons que de nouveaux gouvernements.
Voulant connaître tous les succès dont le refrain est gardé en français, chaque pays
choisit tout de même selon son tempérament.
L'Angleterre bien connue pour sa chasteté, demande des mélodies d'amour, autant que
possible écrites sur un rythme lent. L'Allemagne très éclectique désire toutes les chansons
avec toutefois une légère préférence pour celles dont le rythme dansant lui rappelle les valses
viennoises.
A propos de cette exportation, on ne saurait laisser dans le silence les plaintes véhémentes
et d'ailleurs légitimes des auteurs français révoltés du sans-gêne avec lequel certains pays tels
que la Russie, la Belgique, la Roumanie, l'Argentine s'emparent de leur répertoire sans jamais
payer le moindre droit et sans pouvoir y être obligés.
Ce regrettable état de choses qui règne dans ces pays voleurs se complique même d'un
effet assez inattendu et savoureux : Le pays voleur s'appropriant la paternité des œuvres en
devient ainsi le second propriétaire qui, important en France sa nouvelle marque d'éditeur, en
a tous les droits !
Qu'elle rapporte à ses auteurs ou à ses éditeurs, pour passer frontières et mers, exception
faite des quelques valses chantées à gros succès, il n'y a vraiment que la petite chanson
populaire.
330
L'ACTUALITE MUSICALE
Qu'importe si les paroles en sont bien souvent banales et si, malgré les années qui
auraient dû le dégrossir davantage, le sentimentalisme s'obstine à être empreint de ce rococo,
de ce passe-partout d'idées et d'expressions qui révoltent le bon goût ainsi que choquent l'œil
un vêtement mal coupé ou des bottines montées de travers. Qu'importe ! n'est-ce pas l'air qai
fait la Chanson ? De ces airs-là, \,raies trouvailles d'harmonie très simple et très familière d'un
rythme si personnel qu'une fois entendu et pour toujours planté dans la mémoire il deyient
cette hantise musicale qui fait chanter la petite ouvrière penchée sur son ouvrage et siffler K
garçon de magasin sur son tri-porteur.
Dans cet art tout spécial de la Petite Musique Française il r a naturellement, comnai
dans tous les arts, pléthore de production qui porte à l'encombrement et à la monotonie. Dan>
toute cette avalanche de chansiMis, parfois six à la semaine, comment reconnaître la bonne,
comment choisir entre des œuvres souvent de mérite égal ? En cette matière, rendons justic».
au public de la Petite Musique Française : sa justesse d'oreille lui fait rarement adopter un
vilain air, er se tromper dans ce qu'il lui faut pour sa consommation, dont MM. Vincent
Scotto et Margis nous semblent être les deux principaux grands fournisseurs : le premier de la
chanson populaire et le second de la \alse chantée.
*
* *
UN COMPOSITEUR
Pour ce portrait biographique ne faut-il pas
regretter que notre motièle ne soit pas au physique
et au moral l'un de ces hommes en tous moyens et
qui peuvent passer n'miporte où sans plus attirer
l'attention sur eux qu'un morceau de sucre parmi
d'autres morceaux de sucre : Avec ces gens-là qui
ont dans la vie la personnalité du morceau de sucre
dans le kilo, l'ouvrage est facile. De la même balance
on pèse leurs petits défauts, leurs
petites qualités que l'on enveloppe
avec le même papier, que l'on
présente avec le même sourin-,
avec le même " Et avec ça... "' Le
pesé, l'enveloppé est content. Tout
est dit. Hélas, M. Vincent Scotto
n'est pas du tout, homme et artiste,
si l'on peut comprendre et accep-
ter cette métaphore, un niorceaii
du sucre comme tout le momie.
Alors tant pis, s'il n'est jias content
— il le sera tout de- même au
fond. — • On n'emploieia [)as pour
l'évaluer la balance- commune mais
le trébuchet, et non pas le |i,ipi( i
^^•^
I iihi->it Scotto.
L'ACTUALITE MUSICAL?:
• rLs, i«ais l'autre, celui à étoiles, qui ont de petits
défauts, mettons celui aux étoiles ganguées.
Pas liaut mais large d'épaules et bien
d'aplomb, l'un de ces petits hommes vifs et ramassés
a]uc l'on imagine volontiers faisant à l'occasion et
bien le coup de pied, de poing et de tête, avec ses
clievcux noirs, sa moustache de même couleur et
fine, ses yeux brillants, un rien fripouillard et son
teint bistre, au premier coup d'œil, Vincent Scotto
présente l'aspect de ces tziganes mâtinés, arrivés en
zig-zag de Bohême et dont les mains nerveuses sont
aussi habiles à jouer des czardas qu'à tordre le cou à
des poulets.
Puisque nous î^vons mis M. Vincent Scotto
sui' le trébucher, la vérité nous oblige de dire que
dans le " poids " tzigane de M. Vincent Scotto, il
entre quelques onces de commun, de peuple, qui
malheureusement — car c'est son épice, son piment
générique — ne manquera pas de disparaître avec
ses succès grandissants qui l'affineront de plus en
plus en lui assurant la nourriture fine, les vêtements
bien coupés, la fréquentation de plus en plus absolue
du monde intelligent, spirituel, élégant et raffiné,
Autant dans son ensemble, brutale, puante
et grossière, l'on peut avoir la classe prolétarienne
en horreur, autant l'on doit avoir en sympathie, en
aifection, ces individualités qui, à la seule force de
leur mérite, parviennent à s'échapper d'où ils vivaient,
de ce grouillement populacier dont l'ignorance et la
vulgarité n'excluent pas la prétention...
...Vivant exemple de ces individualités tel est
Vincent Scotto.
Sortant de la primaire pour faire son apprentissage
«l'ébéniste, le jeune Scotto travaille sans enthousias-
me, distrait, bien plus occupé d'entendre les chansons
nouvelles et de se les rappeler. Cette hantise de la
Petite Musique ne tarde pas à le faire accomplir un
de ces coups d'audace dont les résultats, du domaine
de l'absolu, sont généralement ruine ou fortune.
Voilà donc sans le moindre argent d'avance
pour tenir tête aux premières attaques de la Desti-
née, notre apprenti ébéniste qui laisse atelier et
famille pour s'engager dans une troupe tzigane, qui
passe dans sa ville de Marseille.
Il ne joue pas, il chante en Napolitain, un
Napolitain très écorché un Napolitain de cuisine.
Mais commme il porte bien la \'este rouge à bran-
debourgs noirs, et que surtout la voix est bien tim-
33
Un débutant.
Administration de Concerts A. DAN DE
1910 — SALLE GAVEAU, PARIS — 1910
QUATRE CONCERTS d'Orchestre
de Musique Française Moderne
Sous le Patronage de MM. A.
Mercredi 16 Février
Vincent d'Indy Fervaal. Prélude du 3' Acte.
Roger Ducasse Suite Française [ré majeur.)
Louis Aubert Fantaisie pour piano et orchestre.
Au piano : l'Auteur.
Troisième Symphonie, avec orgue
{ut mineur) op. 78.
Orgue : Mr. A. Guilmant.
C. Saint-Saens
Mercredi 23 Février
Paul Dukas
C. Saixt-Saens
Claude Debussy
Khené-Baton
Vincent d'Indy
Ariane et Barbe Bleue, prélude d
3* Acte.
Parysatis, Airs de Ballet.
Le Jet d'eau. (Chant et Orcheslr
Chant : Mme Durand-Texte.
Variations pour piano et orchestr
Au piano : Mr. A. Ferté.
Deuxième Symphonie [si ben»
op. 39. Sous la direction (
l'Auteur.
Mercredi 2 Mars
C. Saint-Saens Ouverture d'Andromaque.
Izeyl. Suite d'orchestre. Sous la
direction de l'Auteur.
Rapsodie Espagnole
Fantaisie pour Hautbois et Or-
chestre, op. 31. Sous la direction
de l'Auteur.
Hautbois : M. Gaudard.
Rondes de Printemps (Images n" 3)
1° audition. Sous la direction de
l'Auteur.
G. M. Witkowski Première Symphonie (ré mineur) ||
Sous la direction de l'Auteur.
L'Orchestre sous la direction
Gabriel Pierné
Maurice Ravel
Vincent d'Indy
Claude Debussy
Mercredi 9 Mars
Vincent d'Indy
André Caplet
C. Saint-Saens
Claude Debussy
Paul Dukas
Jour d'Eté à la Montagne. Op. 5
Sous la direction de l'Auteur.
Deux poèmes (Chant et Orchcstr
Chant: Mme Melk.t-Joubert.
Phaéton. Poème Symphonique.
La Mer. Esquisses Symphoniqut
L'Apprenti Sorcier. Poème Svii
phonique.
de M. RHENÉ-BATON.
Parmi les Artistes ayant confié l'Organisilin
PIANO ■ MM Busoni - Cortot — Delaborde — Diémer - Galston — A. de Gre£F - P. Gj^i-i
PIANO . MM. BL^^^^ ^ ^^^^^^ _ ^^^^^^ __ ^ ^^ R^DWAN - ^ SaUER - THALBHRG - R- VlNES - L
VIOLON- MM. J. Boucherit - L. Capet - G. Enesco - A. Geloso - Hayot - A. H.^rtman» .
VIOLONCELLE : MM. P. Casals - L. Feuillard - J. GÉRardy - A. Hekking - J. ""''''"*^'
CHANT • MM. Engel - Fugère - Froelich - Rudolf Gmeiner - von zur Muhlen - K. 1 u
CHANi . MM. ^^^^^ lehmann - M. Le Goi-f - Litvinne - KutscHerra - Mayrand - MH'J
ENSEMBLES : Trio : A. CoRTOT, J. Thibaud, P. Casals. ^ Quatuors : Capet — Chaillht ^- LejUJH
3i
s PARIS ^ 83, rue d'Amsterdam, 83.
1911 - SALLE ERARD, PARIS - 1911
CINQ SÉANCES de Musique de
Chambre Moderne Française
JRAND & FILS, ÉDITEURS
Mercredi 1 Mars, Première Séance
Saint-Saens
, SAMAZEL'ILH
lAlUlCE KAVEI,
In. Lau)
Quatuor à Cordes. — MM. Hayot,
André, Denayer, Salmon.
Sonate pour Violon et Piano. —
MM. Jacques Thibaud et Alfred
Cortot. ■
Gaspard de la Nuit. 3 poèmes pour
Piano. — M. Ricardo Vinès.
3""-' Trio pour Violon, Violoncelle
et Piano. — MM. Hayot, Salmon
et Lortat-Jacob.
Mercredi 8 Mars, deuxième séance
I\()(;ek Ducasse
A. Roussel
C. Saixt-Saens
Vincent d'Indy
Quatuor à Cordes.-- MM. fiayot,
André, Denayer, Salmon.
Kusticiues. pour Piano. -Mlle
Blanche Sel va.
Deuxième Sonate pour Violoncelle
et Piano. — MM. Salmon et
LorLat-Jacob.
Sonate pour Piano.
Mlle Blanche Selva.
Mercredi 15 Mars, troixième séance
ÎLAUDE Debussy Quatuor à cordes. — MM. Hayot,
André, Denayer, Salmon.
IBÉRIC Magnard Promenades. Pièces pour Piano.
M. Edouard Risler.
, Chevillard
.UL Dukas
Sonate pour Violoncelle et Piano
MM. SahTion et l'Auteur.
Sonate pour Piano.
Risler.
Vincent d'Indy
J. Gdy-Ropartz
Claude Debussy
C. Saint-Saens
Mercredi 22 Mars, quatrième séance
G. M. WiTKOWSKi Quatuor à cordes. — MM. Hayot,
André, Denayer, Salmon.
Paul Duras Variations, Interlude et Finale, sur
un thème de J. Ph. Rameau.
Mlle Blanche Selva.
Vincent d'Indy Sonate pour Violon et Piano. —
M. Armand Parent et Mlle
Marthe Dron.
Ch.-M. Widor Quatuor pour Violon, Alto, Violon-
M.Edouard ~ celle et Piano. — - MM. Hayot,
Denaj'er, Salmon et Lortat-
Jacob.
Mercredi 29 Mars, cinquième séance.
Deuxième quatuor à Cordes. — MM. Hayot, André, Denayer, Salmon.
Sonate pour Violoncelle et Piano. — MM. Fernand Pollain et Lortat-Jacob.
Préludes pour Piano. — L'Auteur.
Deuxième Trio pour Violon, Violoncelle et Piano. — MM. Hayot, Salmon et Lortat-Jacob.
Paderewski
iSonccrts à M. A. DANDELOT tigurent :
► Mark Hambourg — J. Lhévinne — Lortat Jacob
itc. — Mmes Marg. Long — Schnitzer — Berthe Marx
steau — P. Marsick — P. Sechiaki — F'. Touche — Jacques Thibaud
i^Eois — J. Salmon — Mmes Casals Suggia, Caponsacchi etc.
]m Reder — G. A. Walter etc. — Mmes' Bathori — Culp — Mysz Gmeiner
r— J. Raunay — Ida Reman — G. Vicq etc.
[iicK — - Willaume 4t Orchestre Hasselmans.
J. Mal.ats — I. Philipp
— Marie Panthès etc.
E
Ysaye etc.
Id.4 Isori
Cavaillé-Coll-Mutin
13, AVENUE DU MAINE
Chargé de la Constiurtion de \'()ri^uc iiionunicnUil </c Suiril-Pinic de Rome
LEO OLSCHKI
FLORENCE Lungarno Acciaioli 4.
LIBRAIRIE ANCIENNE
Pulci (Lulgl^ Driades d'amore s. a.
aiogMes de Musique ancien:
I, An
e •
Lanssime
onaires
., revue mensuelle, illustrée et connue dans
le monde entier des bibliophiles. (Un an 30 fr.)
336
L'ACTUi^LlTE MUSICALE
bréc, prenante, à la fois langoureuse, brutale et chaude, l'illusion est parfaite: c'est un
Napolitain !
Inconvénients d'un aussi parfait trompe l'œil, trompe-l'oreille et trompe-tout, ce pur
sans de Marseille est si Napolitain, que séduit par son talent de chanteur tour à tour furieux
et tendre, pendant les entr'actres les dames françaises un peu au courant des langues étran-
gères s'efforcent de parler à ce malheureux qui de cette langue connaît à peine quelques mots :
ceux de son répertoire !
Réduit au demi-silence et au sourire, le tzigane attend avec impatience la reprise du
concert, cependant que les plus audacieuses admiratrices, les \ ieilles dames, ces vieilles dames
de villes d'eaux si étonnamment, si singulièrement décrites par Jean Lorrain, avec leurs précieux
face-à main vieiment dévisager, insentorier, de bas en haut, de haut en bas, en tous sens, cet
éniiimatique tzigane qui chante si bien et qui parle si peu.
Bientôt lassé d'une vie toujours pareille, des ardentes, mais blettes " Madame Moupalouf "
Vincent Scotto abandonne son complot homard-cuit pour revenir à Marseille.
Avec quelques économies, s'établit professeur de mandoline et de guitare. Professeur
émérite, apprend vite le moven de faire du bruit — le misérable ! — (pour un bon joueur de
guitare ou de mandoline combien de torturants et prétencieux raseurs : choléra, peste musicale
autour de soi).
Entre temps, compose d'abord une danse provençale qui obtient un gros succès dans une
société lyrique et dansante, puis encouragé par ce début, commence à écrire la musique de
quelques chansons dont le formidable succès local le décide à jouer une seconde partie — la
belle, avec la Destinée.
Part pour l'attirant, le fascinateur, l'irrésistible Paris, pour si peu le Pa\s de Cocagne,
pour tant d'autres le pa\s d'inabondance, quand il n'est pas le Nouméa !
Arri\é pendant un hiver des plus rigoureux, certainement un mauxais tour de la guigne
qui voulait au moins une fois, toucher ce Vincent le Téméraire, qu'elle ne flairait pas pour
elle, ce fut alors le temps des luttes, de tous ces petits et grands combats pour la \ ie, qui à leur
manière sont bien aujourd'hui aussi dms, aussi féroces que ceux d'autrefois, des hommes primi-
tifs avec le>. bêtes gigantesques.
Heureusement que ne devaient pas durer longtemps ni ces corps à corps avec le terrible
Mammouth qui répond au vilain nom de " La Purée ", ni ces retours mélancoliques et souvent
désespérés, dans la petite chambre d'hôtel sans teu où pour avoir chaud le compositeiu' et sa
jeune femme se couchaient dès diner !
En effet, de ce triste cabinet meublé, on passa \ ite à la chambre dans la maison bour-
geoise. Cette chambrette d'où après avoir \ u entrer un lit et une malle, la concierge vit a\ec
stupéfaction sortir des meubles bizarres mais enfin des meubles. Hureau armoire, divan !
— [^ous rif If s emporter fz. fxis^ ■-.•ous navrz pas. emmrna<rè ttvir ,• ,v n\-sf pas à vous, où /es avez-
vous pris c'
Excusable, ce chien de gard<- dt- propriétaire, cette vigilante concierge pouvait-elle
savoir, qu'ancien ébéniste son locataire- confectionna cet original mobdier avec des caisses, vm
restant de papier peint oublié \x\y les peintres, du brou de noix et une scie cmpriuitée au
marchand de bois du coin.
Aujourd'hui, arrivé au succès, Vincent Scotto tpii a tait des largesses avec son ancien
mobilier, garde tout de même comme souvenir la petite aiinoire d'autrcfoi^^.
Pièce à conviction pleine de saveur dont il ne si- détcra cei t.iinem.nt pas...
Après les heures d'improvisation sur sa guitare, son instrument de travail familier, si
commode pour travailler debout, assis, en marche, cpiand il a trouvé l'air tendre il'une " Ma
M iitti " ou réjouissant d'une " Pitite l'onkimisf, " nous gageons bii-n ipii- plus d'une fois
L ' A C T U A L I T E MUSICAL E 337
Vincent Scotto jette à l'armoire des mauvais jours, les petits coups d'œil triomphants du
chasseur qui peut se vanter d'avoir la peau du Mammouth cité plus liant — puisqu'il
l'a tué.
L'INTERPRÉTATION
Considérée au seul point de vue professionnel, prend bien des aspects, depuis la Rue
jusqu'au Café Concert, en passant par les Etablissements de nuit montmartrois.
Qu'ils opèrent soit de midi et demi à une heure dans la région des grands ateliers de
couture et de modes, soit de nuit au Faubourg ou dans les fêtes foraines, les interprètes de la
rue, l'un armé de la chanson et l'autre des traditionnels violon, mandoline et guitare, se
produisent avec le même répertoire, la chanson du jour achetée un franc le cent et revendue
(dix centimes pièce. L'auditoire varie. Midi et demi autour des boulevards c'est l'élégance,
l'exposition des bolivars largement emplumés ou fleuris, des jupes entravées, un auditoire en
grande partie féminin, parfois renforcé de quelque garçon boucher qui se moqiie du filet à
livrer.
Au Faubourg, de sept à Imit heures du soir, c'est dans le clair-obscur d'un coin de rue un
rassemblement de zingueurs en bourgeron, de terrassiers avec la pioche sur l'épaule, d'ouvrières
d'imprimerie ou. d'usine, ruban clair au cou, gros peigne de plomb ou de corne blanche dans
la tignasse libre.
A la fête, c'est de tout. Coude à coude, voix à voix, pèle mêle de quatorze juillet.
Changement de décor, de personnages et de costumes : l'interprétation dans les établis-
sements de nuit.
De dix heures à minuit : une grande salle pleine de consommateurs, un orchestre tzigane
accompagnant un monsieur en habit rouge ou noir, qui selon son programme ou les demandes
de son public fait entendre chansons populaires ou valses chantées... Minuit, l'endroit devient
moins animé, moins chaud, moins bruyant, moins tapageur. Orchestre et chanteurs multiplient
leurs repos. Ailleurs !
Basse de plafond, à peine grande comme trois petites chambres à coucher, une pièce où
règne une chaleur d'étuve imprégnée par un suffocant et singulier mélange de tabac, parfums,
vapeurs de Champagne. En habit noir et robe de bal, un assortiment de gens dont les derniers
arrivés se tiennent encore, mais dont les autres travaillés par l'alcool sont effondrés sur les
banquettes de velours pêche ou bouton d'or et à coups de louis font bisser, trisser, la chanson
au chanteur ou la musique à l'orchestre.
Après la petite interprétation des rues, des faubourgs, des têtes et. celle assez étrange des
établissements de nuit, voici la plus importante, la grande : l'interprétation au café-concert.
Aujourd'hui que l'amour de tout savoir des moindres ragots de coulisses, de boudoir ou
de cabinet qui n'ont pourtant rien de si particulier, nous a fait coiffer jusqu'aux oreilles ce
bonnet de vieille portière, qui, à peu près, ne connaît de ce théâtre le re\'ers de médaille ? Ce
côté pile plus ou moins vert-de-grisé ?
Jusqu'à présent il n'y en eût que pour le théâtre avec un grand T, ce despote du jour et
de la nuit, qui de ses invariables pirouettes eut toujours comme centre de gravité le cofFre-fort
ou le lit.
Ainsi, à part quelques documentations espacées, incomplètes, timides et peu connues, la
vie des artistes de Café-concert n'a donc pas encore dépassé la rampe, cette dispensatrice
d'illusions en deçà, de désillusions au-delà. Le jour où ces artistes auront leur histoire,avant le
second plan des futilités ou fricotages dont leur vie grouille autant que celle du Théâtre, place-
ra-t-on au premier plan leurs difficultés, leurs misères souvent plus grandes encore que celles
338
L'ACTUALITÉ MUSICALE
Le cours du soif
L'ACTUALITE MUSICALE 339
d'en-face, celles du 'riiéiltre. A\ec les portes de ce paradis cj ne le Cafc-conccrt est pour quelques
vedettes, ouvrira-t-on les portes de cet enter pavé de mauvaises intentions que ce Café-concert
est. pour tant d'autres Tant d'autres qui finissent à deux francs par jour chanteurs dans
les bains de vapeur, ou font à Robinson les pitres au milieu des noces qui leur jettent deux sous
et quatre sottises ?
C'est que, dans la vie des interprètes de théâtres, les révoltes, mesquineries, méchancetés,
compromissions, ont tout de même pour frein ce demi-choix d'individus retenus par une
certaine éducation. Mais au Café-Concert, hormis quelques exceptions, quelque intelligence
qu'il montre dans son travail, l'interprète surtout d'extraction modeste porte en soi tout ce pire,
fait de bas instincts, d'amour-propre borné, et aussi tout ce meilleur que, en se dépêchant, l'on
trouvera encore dans ce peuple d'où il sort, avant que celui-ci n'ait perdu ses dernières vertus :
le courage et la charité.
Pour cc:)nnaître cet effectif du (^lafé-concert, depuis ses mercenaires au service des boui-
boui jusqu'à ses généraux qui commandent au grand café-concert y a-t-il à Paris deux endroits
comme celui chaque jour plein de chanteurs venant chercher la chanson à succès ou
l'apprendre ?
Assemblée combien panachée, où venu de tous les coins et recoins de Paris, défile ce
qui s'est voué ou se destine à la petite nuisique.
Au piano l'accompagnateur-serineur joue et fredonne, d'abord timidement suivi par
Vartute qui peu à peu s'enhardit ne fait pas attention au cercle environnant, cependant que
dans un angle de la pièce, le compositeur, divinité du lieu, fait corriger un texte à son parolier
ou cause avec quelque vedette.
Ce grand, brun aux mains de forgeron, qui porte rose écarlate à sa boutonnière et ne
semble pas du tout affligé par sa pupille droite voilée de cataracte : trois francs dans quelque
Gaïtè-Belleville. Autant, cette pauvre gosse, dix-huit ans peut-être, ouvrière déclassée, déjà
encanaillée, fourbue, qui avec son fard maladroitement mis, son henné d'occasion, ses vêtements
de couleur criarde, de coupe lamentablement excentrique, fait songer à quelque silhouette
échappée d'un album de Toulouse-Lautrec.
Qui sait \ après avoir atteint les appointements raisonnables de dix francs à Paris et de
X en province selon le succès local, l'homme à la rose rouge et à la cataracte, la débutante
appelée en argot de métier crapaud gagneront peut-être un jour des cachets à la Mayol : cinq
cents francs par soir de Paris, mille par soir de province ou ce qui serait encore excellent des
appointements à la Dranem : trois cents francs Paris, cinq cents francs province.
Sans appuis financiers, peut-être suffira-t-il pour cela de la chanson qui dite à peu près,
portera sur un public en bonne humeur et montera du beuglant au grand café-concert. Aussi
depuis le plus obscur jusqu'au plus réputé chanteur, quelle chasse à la bonne chanson, instru-
ment de conquête et de défense ? Trouvée, quelle âpreté à la garder, à en faire son Bien, sa
Façade, son Pignon sur Rue ! L'Envie féroce, quand le rival a découvert mieux ! La dernière
torture quand un caprice de public oblige l'artiste à chanter le succès d'un autre !
— ^ Vous voyez ce que vous avez fait ! Comme c'est agréable pour moi d' avoir été obligé^ de
chanter ça^ qui n est pas de mon répertoire^ votre Petite Ton/(inoise^ avec laquelle vous avez rajeuni
Polin de dix ans !
Ainsi forcé de chanter la Petite Tonkinoise créée par Polin, n'est-ce pas le célèbre Mayol
qui dans une de ses tournées à Marseille se plaignait ainsi à l'auteur, par hasard là r
Fertiles en bien d'autres genres d'incidents, ces tournées sont une vraie Providence, pour
les artistes qui grâce à elles, peuvent laisser reposer leur public et s'en faire désirer. Jusqu'à
présent organisées en Europe les tournées étaient pour l'Amérique et particulièrement celle du
Sud, pour ainsi dire exclusivement réservées aux artistes femmes engagées à raison de quatre
CE QUE CAT{ySO
TENSE i)U TIANOLA
Cai'iiso jouant cki Pianola caricaturé par lui-même.
ENRICO CARUSO. le merveilleux ténor, est, comme toutes les célébrités
musicales, un fervent admirateur du PIANOLA. Vi ;/(//> ,/,;;/,/;,/;< /< /'/.n;./.i
ixànky mil niiiiposiluui dilluih, ■ écrivait-il naguère à la Compagnie JEolian, —
il SCS effets sont non scitlcinciit niit>iii(ii(x cl iirllstuiiics, nniis siiiif'Icinctil slnf>cti,inls. Quand on
' >n_iic qnc le l'innolu. muni tin Mctroslylc, /^ei nui l'i nn novuc de reniire tes nnanees et les
nncsscs de l'inlerpiéliilion tl'nn eUel-d'ivnvre pnr un i^iand miisle, le Piunoln eesw vronnent
d'elle un insirinneni nu'eaniiine. Je vous sonliaile tout le snceès tjiic 7'ous inérilez."
\a- Catalogue illustré "C" scia ciuové franco à toute }X"rsoniic qui eu tcia
1 I dcuiaudc. Lr Pianola )H'ut-ctrc cutciidu à toute heure, dans les salons de
THE /F.OLIAN COMPANY Lt,l.
PUNOL/IS — l>IAN()l..l-riAN()S -
.1:01.1 AN -ORCH ESTREI.LF.S
PIANOS STFCK & HERER
GRANDES ORGUES
S/ILLh: /FX)/J.^N. ^2, AVENUE DE LOPÉR.L l'.lRIS.
A. DURAND & FILS, Éditeurs de Musique
(DURAND & Cie)
4, Place de la Madeleine, PARIS
Musique de Chambre nouvelle
J. JONGEN Trio pour Violon, Alto et Piano net lo fr.
id. Quatuor pour Violon, Alto
Violoncelle et Piano net 12 fr.
id. 2'^"' Sonate pour Violon et Piano net 10 fr.
B. HOLLANDER Quatuor à cordes
Partition et Parties net 10 fr.
ROGER-DUCASSE Quatuor à cordes
Partition in-i6° net 3 fr.
Parties séparées net 10 fr.
GRAND CHOIX DE MUSIQUE DE CHAMBRE FRANÇAISE & ÉTRANGÈRE
Œuvres de C. SAINT-SAËNS, Edouard LALO, Vincent d'INDY,
A. de CASTILLON, CM. WIDOR, Claude DEBUSSY,
Paul DUKAS, Gabriel PIERNÉ, Emile BERNARD,
Charles LEFEBVRE, C. CHEVILLARD, GUY-ROPARTZ,
G. M. WITKOWSKI, Maurice RAVEL, ROGER-DUCASSE, etc.
CLASSIQUES FRANÇAIS
Œuvres de Rameau^ Couperin, Caix d'HerVelois,
Grand abonnement à la lecture musicale française et étrangère.
Plus de 50,000 morceaux et Partitions.
Dépôt exclusif pour la France des Editions Peters.
342 L'ACTUALITE MUSICALE
vingts francs par jour. De cette année seulement, les artistes hommes sont demandés. Serait-ce
parce que les très chastes compagnies de na\i!:j;atioii menacent de ne plus prendre à bord les
artistes femmes, dont la conduite serait paraît-il fort légère pendant la traversée r
Ces compagnies ne sont pas les plus fortes avec leurs bannies qui les trompent avec des
stratagèmes subtils et variés. Une fois embarquées, le capitaine à séduire, l'équipage est à
discrétion. Et vive la vie libre en mer !
Ainsi, en dépit des précautions, inquisitions souvent ridicules et vexatoires, malgré la
nouvelle concurrence artistique masculine, souvent même sans garantie d'un engagement
régulier, de plus en plus nombreuses les chanteuses partent pour l'Amérique.
LES INTERPRÈTES
ESTHER LEKAIN
Toute la Chanson
Dans le décor classique du jardin \ert-bleu et rose tendre, avec ses cheveux roux, crépu^,
son visage gracile, sa robe simplette et montante de mousseline blanclie ou bleue (Esther Lekain
n'est-elle pas le première chanteuse qui ait abandonné la mbe à paillettes r), est-ce une
demoiselle de pensionnat venant réciter sa Fable, chercher son prix avec sa couronne de
laurier dorée r Attendez ! Le visage ne reste pas longtemps innocent, ni le corps tranqiulle.
Expressive, frétillante, frémissante, et tour à tour tendre, malicieuse et gaie, follement. Avec un
art véritable de diction elle met en relief sa voix petite mais charmante. Agréable dans tous les
genres, son éclectisme lui permet de tenir aujourd'hui la triple place occupée naguère par les
Yvette Guilbert, les Anna Thibaud et les Polaire. Ses débuts il est vrai ne datent pas d'hier.
Ancienneté non pas vieillissante puisque à six ans, présentée par son père au grand café de sa
ville natale. A l'heure de l'apéritif pour la grande joie des habitués et celle moindre dc^
passagers dérangés dans leur correspondance.
Grande, grosse, blonde et hirsute comme un bottillon de blé très mûr, monte sur les
tables, mime et déclame. Probablement avec ce seul talent naturel aux petites Hlles pas bètes,
éveillées, audacieuses, qui ont en vérité sur les autres d'égale intelligence, l'unique supériorité
d'être encouragées à satisfaire tous leurs caprices.
— La petite ira loin. Ce sera une seconde Rachel !
Inévitable, mais mauvaise prophétie ! Si la petite devait aller loin ce n'était pas dans l'Art
déclamatoire. Fantasque, touche-à-tout, se soucie peu d'être la seconde Rachel annoncée i*.
l'intérieur... Avec tout l'aplomb que donnent aux enfants gAtés leurs parents à genoux deTant
eux, par vanité folle et faiblesse voisine du gâtisme, la fillette se ilcclaie future graiule cantatrice
d'opéra.
Ou rebutée par des études graves, difficiles et longues o\.\ consciente île la disproportion
entre ce qu'elle veut et ce qu'elle peut? Toujours est-il que, à quin/,e ans, tourne le dos à la
grande musique pour courir à la petite : à la Chanson.
Tout de même douée pour quelc|uc chose, après ces différents essais, l'.sther Lekain devait
s'arrêter au dernier qui était le bon puisiju'il lui a réussi.
A voir cette chanteuse dirait-on si fragile, la supposerait-on pratiquante de tous les sports
et en particulier de l'escrime } C'est pourtant l'exacte vérité tlont elle possède la preuve
avec ce premier prix gagné dans un championnat féminin d'épée. Cette passion ne l'empêche
pas comme toutes nos Aspasies et <lemi-Aspasies modernes d'en :i\()ir une autie pour les gens et
L ' A C T U A L I TE MUSICALE
343
les choses du mondes politique où elle fit ses débuts
quand il s'agissait de rappeler à M. Clemenceau
l'application de la loi contre les quêtes dans les
concerts. Dans un sévère et grave salon du Mi-
nistère de l'Intérieur, en compagnie des camara-
des membres du Syndicat des artistes de Café-
concert, Esther Lekain attend le moment où avec
sa petite troupe elle va paraître devant le citoyen
Premier Ministre. Ainsi que beaucoup de ses con-
temporains, bien à tort intimidés par la réputation
d'homnie sarcastique et brutal de M. Clemenceau,
'ce prétendu croquemitaine qui n'a jamais été
qu'un croque-mort de ministères, Esther Lekain
se montre assez troublée par de violents éclats
de voix venus de la pièce voisine.
— Oh vous entende'Z comme il crie !
En effet, selon son habitude qui a toujours été
de malmener avec force hurlements tous les pieds-
plats qui ont bien voulu se laisser faire par intérêt
ou pleutrerie, le Maître d'alors tançait une vic-
time invisible, mais certainement bien servie.
Enfin la discussion cesse. La porte s'ouvre. //
apparaît avec son air de Colonel Ronchouot triste,
glabre, maigre. Il écoute la requête et y souscrit
avec cet intérêt de commande d'un monsieur qui
s'en moque, en a promis et en promettra bien
d'autres.
De cette entrevue, Esther Lekain garde,
dit-on, la grosse déception, de n'avoir pas entendu
M. Clemenceau faire un peu d'esprit. M. Cle-
menceau a-t-il usé d'un esprit que dans son
trouble Esther Lekain n'a pas compris ?
MAYOL.
La Chanson gaie.
Il serait superflu de faire la description physi-
que et artistique du mondial Mayol.
Nous nous demandons même si au lieu de
représenter l'artiste dans sa pose classique notre
dessinateur n'aurait pas mieux fait de le montrer
sous un aspect inédit ?
Mayol.
344
L'ACTUALITE MUSICALE
Par exemple au moment du repos solitaire et quotidien, quand il a retiré son toupillon
postiche, son coquet habit noir à la boutonnière toujours fleurie, ses chaussettes largement
ajourées et ses beaux petits souliers vernis ^
Li^ chose aurait-elle plu au spirituel chanteur devenu fort susceptible et redoutable grâce
à de récents procès remportés contre la malignité des caricaturistes ou des écrivains r
Gagnant beaucoup d'argent, nous avons dit combien, Mavol nen conser\e pas moins de
remarquables qualités d'altruisme, d'ordre et d'économie.
D'altruisme : quand il chante maintes fois au bénéfice de camarades ou d"œu\ res.
D'ordre : quand après avoir chanté pour un camarade, celui-ci lui offrant en témoignage
reconnaissant un agrandissement photographique, MaAol pour ne pas oublier les circonstances
dans lesquelles ce cadeau lui fut fait l'accroche dans son salon a\ec sur le cadre cette étiquette:
Coût : cinq cents francs
On a bien compris que ces cinq cents francs ne font pas le prix du sou\enir, mais du
cachet perdu par M'" Mayol.
D'économie : quand. un rigoureux hiver en réprésentation au casino de Béziers, à l'hôtel
Ma^'ol n'avant pas brûlé tout le bois commandé, fit appeler la Charbonnière Blanchette et lui
dit :
— Reprenez ce bois et tenez m'en compte sur ma facture...
Nous avons parlé de la générosité de Mayol : Surtout excercée dans un cercle professionnel,
elle atteindrait paraît-il des proportions invraisemblables. Ayant eu la faiblesse de prêter sa
baignoire à un pauvre marchand de programmes, celui-ci en prit une excessi\e habitude. Alors
tyranisé par son bon cœur le célèbre chanteur n'aurait-il pas sou\ent du abandonner son bien
pour aller se baigner ailleurs r
Enfant chéri du Café-concert et de ces guignols qui sont les tribunaux, Mayol aime s'en
reposer au moins une fois l'an dans la villégiature méridionale de sa \ illa Félix. Là, surveille
amoureusement sa vigne. Pour les amis — autant que pour lui-même — confectionne encore
l'aioli — le Mav...oli — avec tout le talent et l'expérience que lui confère son ancienne fonction
dans les restaurants touloniiais.
JEAN FLOR
De son ancien métier de compositeur typographe
Jean Flor a gardé cette légère inclinaison du buste en
avant, qui, aujourd'hui, ne le penche plus vers les marbres
de composition ou le clavier des linotypes, mais \ers un
public, qui lui, ne reste pas de marbre à l'audition des
romances amoureuses, servie d'une voix un peu aigrelette,
mais non sans charme.
Un des rares chanteurs de caté-concert cjui n'éproux c
pas le besoin de transformer ses bras en ailes de moulins
à vent dès son entrée en scène. Sans doute ne détaille
'pas encore le couplet avec une élégance absolument
dégagée, mais avec une gentillesse persuasive qui tout
de même manque rarement son but : le cœur dé ce
public aimant être ému à la bonne franquette, sans ma-
nières, sans chichis.
Juin Flot .
^^>-^
•4^--^-—
M
A UNE HEURE DU MATIN.
L'ACTUALITE MUSICALE
345
A la ville, si vous l'approchez, regardez au repos ou en mouvement, cette attitude
d'homme fatigué, ces yeux mornes, ce long nez pincé, cette bouche jamais ouverte pour en
conter une bien bonne et dirait-on modelée par le pouce sec et maigre de l'amertume. Enfin
cette figure cet ensemble d'homme, conduit poussé courbé, par la fatigue, l'ennui, le désœuvre-
ment. Avant .qu'il n'ait parlé, dites-moi son pays ? Le Nord ? L'enfant des pauvres villes
enfumées, des jours nostalgiques entortillés de brume et trempés de pluie obstinée ? Vous n'y
êtes pas. Attendez qu'il parle. Il a parlé.
— De Marseille? Mais oui! Croyez-vous qu'il l'a mise dans sa poche avec tous ses
mouchoirs par dessus, la bonne exubérance méridionale ?
Cet enfant de Marseille qui représente si mal la réputation de son pays, vint à Paris
comment ?
— Est-il grand? demandait à son protecteur, qui voulait le faire engager, l'un de nos
grands directeurs parisiens.
— Oui.
— AlorSy amenez-le.
Avis aux amateurs : de la hauteur d'abord, de la voix après.
DARIUS
LA CHANSON EXCENTRIQUE
Vêtu d'inénarrables complets à
carreaux de couleur, arrive en scène
dans une série de brasses, bonds, pi-
rouettes et trébuchements. A-t-il mal
calculé son élan ? tombe-t-il dans l'or-
chestre, et dans sa chute a-t-il crevé
la boîte du premier violon ? Ne soyez
pas en peine ! Avant la fin de votre
émotion, d'un saut périlleux, le voilà
sur scène reprenant sa pantomime
excentrique, et sa chanson non moins
excentrique.
Chanteur, nageur, danseur ou
acrobate r Pour ne pas se tromper,
affirmons qu'il est tout à la fois. Sans
doute ce n'est pas de l'Art, mais une
bouffonnerie non sans valeur, puis-
qu'elle déclanche le rire des spectateurs les plus sérieux. Aujourd'hui dilateur de rates et
secoueur de côtes, ce rigolo cabriolant tint combien d'emplois!...
Mime dans les troupes de cirques, traître — au théâtre — interprète de la romance
sombre, enfin comique excentrique. Question grave : portera-t-il un taux nez ? Son indécision
l'entraîne à prendre avis. Comme le genre humain n'est même pas fichu de s'entendre
à propos d'un faux nez, le chanteur joue ce faux nez à pile ou face. Le sort s'étant prononcé
pour adopter ce faux nez, qui le fait reconnaître à la ville quand il oublie de le retirer.
Donc chanteur comique, le voilà faisant les petites et grandes villes de France.
Son faux nez ne l'empêche pas de séduire une charmante acrobate qu'il épouse et dont il
Darius à la ville
UNE MAISON D'EDITION MODERNE
Paris compte de «grands éditeurs de musique. Il iî"cn connaît pas de mieux ors^^anisés que la
maison Costallat ci Cic. MM. Costallat et Cie ont été les premiers à faire pénétrer en France
l'édition des grands classiques étrangers. Depuis 1895, ils furent les représentants actifs et
autorisés de MM. Breitkopf et Haertel, chez qui Beethoven, Hœndel, Bach, Haydn, Mozart,
Palestrina, Liszt, Vittoria, Schumann et tant d'autres grands musiciens ont paru en éditions
complètes et soigneusement revisées. Grâce à ce dépôt, MM. Costallat ont introduit chez nous un
genre d'ouvrages que les éditeurs de musique se refusaient presque tous à adopter, celui des publi-
cations et livres de musicologie. Ils ont ainsi contribué effectivement à combler Tabîme qui existait
tout récemment encore entre la librairie proprement dite et l'édition musicale. Parmi ces
volumes se trouve entre autres la célèbre biographie de Bacli par le Dr Schweitzer, qui fait
autorité aujouid'hui, et le manuel bibliographique de Paziiirck, ouvrage colossal, qui contient en
ses volumes le répertoire de la musique en librairie dans le monde entier.
Si la maison Costallat est, de tous nos éditeurs, la plus solidement outillée pour le répertoire
cosmopolite, elle est, d'autre part, et par ses origines une des plus françaises puisqu'elle tient en
grande partie son fonds de RiciiauU, fondé à Paris en 1805, éditeur de Berlioz et des grands
romantiques. La Dciiniuilioii de Faust, que l'Opéra vient de remettre en scène, et VKnfninc du
Christ, qui s'y montrera peut-être un jour, donnent à ces éditeurs une glorieuse renonunée.
Citons encore parmi les modernes édités par la maison Costallat : A Coquard, Maurice
Le Boucher, Léon Moreau, A. Mercier, qui vient d'être couronné par la ville de Paris, etc..
Kniin, non content de joindre la musique à la musicologie, le détail au gros, l'étranger au
français et l'ancien au moderne, MM. Costallat et Cie ont eu l'heureuse idée d'associer à leur
fonds la vente et la location d'instruments à clavier. Grâce à l'ancienne et puissante maison
américaine (i. Ksicy, de New- York, dont ils sont à Paris les représentants, ils offrent au public
le piancj, l'auto-piaiKJ, et les orgues, sans lesquels les textes publiés restent muets.
On ne saurait donc s'étonner de l'extension prise par la Mai.son Costallat dans ses locaux
(le la Chaussée d'Anlin. Ces agrandissements font d'elle une maison d'cditioit moderne au sens le
plus étendu de ce mot, où le lecteur et l'amateur de musique
liouveront tout ce dont ils ont besoin, tout ce cpii peut servir à la HI'NKI Davkn'KY.
théoiic coiiiiiic a la |n al i(|iii-, ;'i la Ici'l nie conuiu- a rrxrrntinn. A. M.
1
ADMINISTRATION DE CONCERTS
M EMIL GUTMANN M
REPRÉSENTE LES ARTISTES ET LES
ASSOCIATIONS ARTISTIQUES LES PLUS
CONSIDERABLES, LES MAITRES LES
PLUS RÉPUTÉS EN ALLEMAGNE.
ENGAGEMENTS PAR TOUTES LES SOCIÉTÉS DE
CONCERT ALLEMANDES ET ÉTRANGÈRES. ^ ^
TOURNÉES D'ORCHESTRE ET DE
SOLISTES DANS TOUS LES PAYS.
SOLISTES POUR ORATORIOS.
ORGANISATION DE CONCERTS ET DE CONFÉ-
RENCES, DE RÉCITALS DANS TOUTES LES
SALLES DE MUNICH ET DE GRANDS FESTIVALS
INDICATIONS DE POSTES VACANTS
DE PROFESSEURS DE CONSERVA-
TOIRE ET D'ÉCOLE DE MUSIQUE. ^
ANNONCE, PUBLICITÉ, INFORMATIONS
LA PLUS GRANDE AGENCE DE CON-
CERTS DE L'ALLEMAGNE DU SUD.
\
1
1
MUNICH =Theatinerstrasse 38 = MUNICH
Adresse Télégraphique : KO N Z E R TOUT M A N N , MUNICH
le
Rouart, Lerolle ô C
ÉDITEURS DE MUSIQUE
18, BOULEVARD DE STRASBOURG - PARIS
Le plus grand abonnement de France
service : Maison GAVEAU, 45, rue de la Boëtie.
TOUTE LA MUSIQUE en lecture
Représentation exclusive des Éditions Bélaïeff, Hansen,
Jurgenson, UniverseUe et Zimmermann.
Dépositaires exclusifs des œuvres de G. MAHLER
Ire SYMPHONIE EN RÉ MAJEUR
2me SYMPHONIE EN DO MINEUR
3me SYMPHONIE EN RÉ MINEUR
4me SYMPHONIE EN SOL MAJEUR
Chaque piano à 4 mains net fr. 1 2
,, petite partition d'orchestre net fr. 8
GUITAR
M"« B. DORE
ÉLÈVE DE MIGUEL LLOBET
Leçons — Cours Ensemble
SpeaKs english Habla espanol
8, RUE FURSTENBERG
Téléohone 829.80
MIGUEL LLOBET
Guitariste virtucse
de la Cour d'Espagne
CONCERTS LEÇONS
28, Rue Demours. XVIT.
COMPOSITIONS DE EDGAR TINEL
Nouvelles éditions revues et corrigées
Op. 1.
Op. 2.
Op. 3
Quatre Nocturnes à une
voix Fi
Trois Morceaux de Fan-
taisie pour Piano : No. I.
Papillon. 2 Le soir.
3. Adieu . . . complet .,
Scherzo en ut mineur pour
piano ,
2
Op.
4^
Drie Liederen (texte fl.K ,.
t
75
Op.
5.
Quatre Mélodies ;
1. L'Automne
2. Charmante Rose. . . ,
1
1
35
3. Bel Lnfant, souris-moi . ,,
G
85
4. L"Oracle en défaut. . „
1
OO
idem . . . complet net . „
2
50
Op.
6.
Deux Mélodies :
1. L'Angelus
2. Pourquoi „
1
1
35
35
Op.
7.
1 . Impromptu-valse, p. piano „
2. Chanson, pour piano . . „
2
1
Op.
8.
Sechs Lieder und Gesang
• texte allemand et flamand) „
e
3
Op.
9.
Sonate pour piano . net .,
5
—
Op.
10.
Schilflieder von S^icolas
Lenau i text alleni. et fl.l ,.
2.
—
S Op. 1 1. Funf Gesange aus N.Le-
nau's " Lieder der Sehn-
sucht " Itexte allem. et fl.l
Op. 12. Een krans van veertien
oud-vlaamsch min-
neliederen (texte flam.)
complet net
Op. 13. Vier oud - vlaamsclie
drinkliederen (texte fl.l
complet net
Op 14. Au printemps, cinq mor-
ceaux de fantaisie p. piano:
1 . Hymne. 2. Joie. 3. Peti-
tes fleurs !... 4. Ave Mari.i.
5. Danse de paysans
Op. 17. Marche ex'raite delà c-^n-
tate " Kloklce RoelanJ
pour Piano à 4 mains
Ma' che p. piano à 2 m^ms
WeversIiecI uit de cantate
•• Klokke Roeland " . .
Op. 30. Marche Nuptiale, pour
piano à 4 mains .
Le Mois de Mai là Ma-
rie i Mélodie ....
2.50
2.—
1 .35
3.
1 .35
SCHOTT FRÈRES. Éditeurs de Musique à BRUXELLES
Application
raisonnêe des
meilleurs procédés
pédagogiques
et techniques
employés par les
grands maîtres
contemporains
français
et étrangers.
VIOLONS, SOLFEGE HARMONIE
PAR CORRESPONDANCE
COURS SINAT
Rue Franklin, 5, PARIS — Trocadêro.
FACTEUR
DE
PIANOS
GAVEAU
FACTEUR
DE
PIANOS
Siège Social: 43 et 47, rue de la Boëtie (VllIO PARIS
Rayon spécial de Muiique
(vente et abonnement)
SALLES
DE
TELEPHONE : 528=20
Adresse Télégraphique : CONOLH. 1 S
GAVEAXJ=PIANOS=PARIS
Usine modèle à Fontenay=
sous=Bois (Seine)
Agence générale à Bruxelles
Dépôt des éditions
de la SI. M.
MEMBRE DU JURY — HORS CONCOURS
Barcelonf. 1888, Moscou 1891, Chicago 1893, Amstkkdam 1895
Paris 1900.
DIPLÔMES D'HONNEUR
AmsteI^dam 1883. Anvkrs 1885. Bruxf:li.ks 1888
GRANDS PRIX
Hanoï 1893, Lii-c.k 1905.
DÉSIREZ-VOUS CONNAITRE L'ADRESSE
d'une Maison donnant en LECTURE non seulement de la
Musique Française
MAIS EGALEMENT ET SURTOUT
Toute la Musique Etrangère
ET MEME DES
Partitions d'Orchestre ?
ADRESSEZ-VOUS A
:. MAX ESCHIG, 13, RUE laffitte, 13, PARIS
TÉLÉPHONE 108-14
qui VOUS enverra immédiatement toutes les conditions
SERVICE POUR PARIS ET LA PROVINCE
EDITION POPULAIRE SIMROCK
Les Chefs-d'Œuvre de BRAHMS, BRUCH,
DVORAK, SCHUTT, etc.
POUR LA MOITIÉ DE LEURS PRIX ANCIENS!
DEMANDEZ LE CATALOGUE SPÉCIAL
P
?>s^
L'ACTUALITE MUSICALE
fait une chanteuse comique — sans taux nez — . Pour travailler à deux, en numéro, le
métier n'est pas beaucoup plus fructueux. Et paf ! complication : un garçon. Joie, folie!
Dans les instants de repos affuble le petit de son faux nez et de ses chapeaux singulier^.
Au cours de ses tournées, par manque de lit d'enfant, berce le nouveau-né dans un cou\'erclc
de malle, le couche dans le tiroir d'une commode...
Avec ses inévitables deux
côtés : joie et malheur, si la desti-
née souriait peu à peu aux artistes
elle devait par contre frapper cruel-
lement le père et la mère en leur
enlevant leur petit. Mais comme
il faut vivre et que d'ailleurs toutes
les grandes joies comme toutes les
grandes douleurs rentrent peu à
peu, inéluctablement dans cet ho-
rizon vague du passé, ce demi
Oubli, le comique a repris l'usage
de son taux nez, de ses cabrioles
et de ses calembredaines qui font
son succès.
* *
POLIN
La' chanson militaire
Comme Dranem interprète
l'imbécillité en civil, Polin repré-
sente la godicherie en uniforme.
Tristesse grotesque du soldat con-
signé, emphatiques déclarations
d'amour à la cantiin'ère, rendez-
vous avec les bonnes d'enfants,
exploits et a\atars du militaire
emprunté qui n'est pas dt- Paris,
Polin a tout montré.
Pourquoi duratit ses (h'ftérents états d'âme (r) s'est-il toujouis servi du même pantalon à
basane spécial au Train des éciuipages ? Pourquoi n'a-t-il jamais pu se dispenser de ce sautille-
ment sur place et de cette pantoniime accusantj'extrème difficulté à se ganter ou à sortir de
sa poche le torchon jaune ipii lui sert de mouchoir ? l^ien des gens amateurs île ilifficultés se le
demandent encore. Il n'\' a pourtant pas besoin d'avoir comersé avec les sphvnx pour deviner
cette énign\e. Agissant comme tous les Artistes et semblable à ces peintres qui, a\ant eu ilu
succès avec des grognards, des marquises ou des paysages à la crème comme ceux lir
M. Didier-Pouget, sont obligés de continuer, sous peine d'être confondus, oubliés dans la
masse des autres producteurs, Polin a donc été coiulamné à garder son éternel pantalon de
tringlot, son képi dr travers, son mouchoir de paysan et ses gants tro|i étroits.
Fin lettré,, amateur d"(L-u\re^ d'art, pas cabotin pour un centime, un peu las di- chansons
militaires, aujourd'hui beaucoup moins reclierchécs, il est probable que dans un a\enir très
prochain Polin passera définitivement du C:ifé-Con<'ert au Théâtre où il lit déjà il't'xcellentes
créations.
n^h
Dtnius au couù'rt.
l'actualitp: musicale
353
D'ici là, si la chanson militaire
vit encore, pour ses derniers amateurs
qui prendra la succession? A qui le
képi de travers, le dolman mal bou-
tonné, le pantalon, à basane, le mou-
choir et les gants ? Viendra- t-on
les prendre ou les abandonnera-t-on à
la boutique du chand' habits, oii ils
rejoindront les gants noirs d'Yvette
Guilbert, la taille de guêpe de Polaire
— cette autje déserteuse — le cache-
nez rouge d'Aristide Bruant et la
coiffe alsacienne de Judic ?
DRANEM
La chanson idiote.
Dans n'importe quelle chanson,
dans la salle enfumée ou dans celle
de plein air, la vision de Dranem est
invariable. C'est toujours dans l'en-
semble la même silhouette d'idiot
recevant une semonce ou marmotant
sa prière. Dans le détail, le même
costume d'innocent que l'on a laissé
grandir sans renouveler ses vêtements
devenus ridicules, le même chapeau
bourrelet, le même nez vermillonné,
les mêmes paupières baissées qui lui
ont valu d'ailleurs ce juste surnom
" (Vyeux cousus. "
Comment avec ce personnage
éternel, fastidieux, ce navrant réper-
toire exclusivement composé d'imbé-
cillités ou de cochonneries, Dranem
a-t-il fait ce chemin stupéfiant ? C'est
que, non pas un imbécile comme
l'affirment à tort les gens de parti pris
ou les jaloux, mais au contraire fort
intelligent, Dranem a su créer un
genre : le genre idiot qui pour idiot
qu'il soit est tout de même un genre.
Soyons juste, l'intelligent Dranem fait
l'idiot comme ne le feraient pas réunis
tous les idiots de la terre ! Faire l'idiot
Polin.
354
L'ACTUALITE MUSICALE
n'est pas si commode, surtout: quand c'est tous les
jours et souvent deux fois : matinée, soirée. Sans
doute pour obtenir ce résultat d'idiotie, s'il avait
suffi d'aller faire un tour vers Montléry, à l'asile
des idiots de Vaucluse et d'engager quelques-uns
de ces malheureux, M. Ménard n'aurait jamais été
Draneni. Oui, mais voilà, les vrais idiots n'ont
jamais pu rien apprendre, serait-ce même une
chanson de Dranem. Tout le secret est là. Evi-
demment il fallait encore oser. Bah, pour qui
apprécie à sa juste non-valeur un bon coin de
l'espèce humaine, la partie ne pouvait être que
o-agnée. Avisé psychologue Dranem s'est donc créé
partant de ce principe que le besoin crée l'organe.
Avec son visage de César barbouillé, il a fait
comme le Romain : il est venu, il a vu, il a vaincu.
Vid'i, l idi^ V'icï : devise que nous lui indiquons.
Résultat bizarre chez un homme intelligent:
cet Empereur de la Décadence de la Chanson, a fini
par prendre goût à ses imbécillités. En effet, dans
sa villa de campagne son plus grand bonheur est,
installé au milieu de son jardin, entre son cheval et
ses poules, d'écouter le phonographe où est enregistré
son répertoire. Béatitude du créateur devant sa
création ! Béatitude dont il se repose pour aller faire
un bilLud ou sortir ses mémoires d'un superbe
encrier empire. Billard et encrier offerts par l'un de
ses éditeurs au moment où il devait lancer " la
Jambe de Bois ".
Une jambe qui avait le pied nickelé, puisqu'elle
ne marcha pas avec Dranem mais avec Déslys,
le Chanteur en habit noir qui se fit acclamer,
sans billard ni encrier.
Ainsi plus forte que la Mu-
sique d'Opérette mourante et celle
de Danse (|ui n'en \audra guère
mieux c)uand la neurasthénie uni-
verselle aura fait fondre ce qu'il
reste de mollets, /« 6Vi^/«5(?« demeure
la suprême et vraie Petite Musi'jiir
françaiie... A l'inverse de la Daim-
blonde, aujourd'hui vieille, cette
Chanson rajeu:)ie par les années
qui passent, eonriniic donc sa
D)(inein
L'ACTUALITÉ MUSIc:ALE
355
petite bonne femme de route à travers toutes les parades, convulsions et dégringolades dont
elle se moque bien !...
Tout n'a-t-il pas toujours débuté, fini et recommencé par des chansons dont quelques-
unes parmi les plus anciennes restent incrustées dans le gosier populaire ou la caisse des Orgues
de Barbarie.
Pierre JobbÉ-Duval.
r
H^gB
" Tous droits réservés par les éditeurs des clichés, ainsi
que par S, I, M., pour tous pays, y compris la Scandi=
naVie et VExtrême=Orient",
I
SOCIÉTÉ INTERNATIONALE DE MUSIQUE
SECTIONS ET GROUPES
ALLEMAGNE.
Section de l'Allemagne du Nord.
Président: Dr. H. Kretzschmar, professeur de l'Université.
Secrétaire: Dr. M. Friedlander,
Membres du comité: Dr. M. Seiffert, " "
Dr. Cari Stumpf,
Chevalier R. de Liliencron, conseilier d'état.
Groupe de Berlin.
Président: Dr. J. VVolf, professeur de l'Université.
Vice-Président: Dr. Cari Stumpf. "
SecVétaires: Dr. Hermnnn Springer, de la Bibl. Royale.
Dr. Frédéric Zelle.
Archiviste: Max Schneider, de la Bibliothèque Royale.
Section de l'Allemagne du Sud-Ouest.
Président: Dr. Bauer, à Franckfort.
Pf. Kayser, Conservateur à la Bibl. de la Ville de Cologne.
Dr. Friedrich Ludwig, Privat-docent à l'Univ. de Strasbourg.
Groupe de Francfort.
Président: Théodore Gérold.
Secrétaire: Albert Dessof.
Trésorier: Maurice Sondheim.
Section de Bade.
Président: Dr. P'i. Wolfrum, prof, à l'Univ. de Heidelberg.
Section de Bavière.
Président : Dr. Adolphe Sandberger, pr. à l'Univ. de Munich.
Secrétaire: Théodore Kroyer, Professeur à Munich.
Section de Saxe et Thuringe.
Président: Dr. H. Rieniann, prof, à l'Université de Leipzig.
Secrétaire: Dr. Arthur Priifer " " "
Membres du comité: Dr. A. R. Buclimayer à Dresde.
Dr. Obrist, conservateur du musée Liszt à Weimar.
Dr. H. Abert à Halle.
Groupe de Oi'esde.
Président: Le Conseiller Ermisch; direct, delà Bibliothèque
Royale de Saxe.
Secrétaire: Dr. Rudolf Wustmann.
Trésorier: Richard Bertling, Editeur.
Membres du comité: Otto Richter, directeur de la musique
royale et maître de chapelle de la K.reutzkirche.
J. Kiitzschke, maître de chapelle.
Groupe de Leipzig.
Président: Dr. Arthur Priifer, professeur à l'Université.
Vice-Président: Dr. Arnold Schering.
Secrétaire: Cari Ettler.
Trésorier: R. Linncmann, éditeur de musique.
AMERIQUE.
Président: Dr. A. Stanley à Ann Arbor. (Michigan.)
Vice-Président: Dr. Damrosch à New-York.
Trésorier: Dr. Waldo S. Pratt à Hartford. (Connccticut).
Secrétaire: Dr. Sonnck à Washington.
ANGLETERRE.
Président : Sir Alcxandcr Mackc-n/.ic,dircctcur de l'Académie
Royale de Musique à Londres.
Vice-Président: Dr. W. H. Cunmiings a Sydcotc.
Trésorier: Hrcitkopf et Hacrtcl à Londres.
Membres du comité: Sir Hubert Parry, Sir Fr. Bridge, Sir
Ch. Stanford. MM. Bantock, Dent, Edgar, Hadow,
Maclcan, Maitland, Mrs Naught. MM. Mycrscough,
Nicck», l'iout et Barclay Squirc.
Groupe de Dublin.
Président: S. Myerscough.
Secrétaire; Révérend H. Bewerunge.
' Groupe d'EdInbourg.
Président: Prof. Frédéric Niecks.
Secrétaire: Mrs. Kennedy Fraser.
Groupe de Londres.
Président: Dr. VV. H. Cumming*.
j Secrétaire: T. Percv B:iker.
I AUTRICHE.
Président : Dr. Guido Adler, prof, à l'Université de Vienne.
Vice-Président: Dr. Erwin Luntz à Vienne.
Secrétaire: Dr. Robert Haas à Vienne.
Trésorier: Dr. A. Koczirz à Vienne.
BELGIQUE.
Président : Edgar Tinel, direct, du conservatoire de Bruxelles.
Vice-Président: A. Béon, Compositeur.
Secrétaire: Closson, conservateur du Musée du Conservatoire
de Bruxelles.
Trésorier: Hans Taubert, éditeur de musique.
DANEMARK.
Président: Dr. A. Hammerich.
Secrétaire: Dr. VV. BchreaJ.
Trésorier: S. Lév\fohn.
ESPAGNE.
Dr. Felipe Pcdrell, Barcelone.
FRANCE. — Section de Paris.
Président: Ch. Malherbe, Bibliothécaire de l'Opéra.
Vice-Président: f. Ecorcheville, Dr. ès-lettres.
Secrétaire: J. G. Prod'homme.
Trésorier: L. Laloy, Dr. ès-lettres.
Bibliothécaire: L. de La Laurencie.
Membres du comité: Pierre Aubry,
A. Boschot.
INDES.
Dr. A. M. Pathan, Musicien de S. A. le Mahar.ijah de Baroda.
ITALIE.
La section italienne est formée par: V Aaociaaione dei Musico-
logi Italiûtii.
I Président: Prof. Gaspciini .'i P:irme.
POLOGNE.
Président: H. Opiensky à Varsovie.
Secrétaire-Trésorier: A. de Gujewsky 'a Varsovie.
Archiviste: M. Sujynsky à Varsovie.
SUEDE.
Président: G. Claudius à Malmoc.
Secrétaire: Tobias Norlind à Tomclilla.
Trésorier: Prcben Nodermann à Malmoe.
SUISSE. — Section de Baie.
Président: II. Sutcr, H.'ilc.
Vice-Président: A. Hamm.
Secrétaire: Cari Nef.
Trésorier: Max BoUcr.
Membres du Comité: Dr. Bcrnoulli,
Dr. A. Bcrthnjjct.
L'ACTUALITÉ
MUSICALE
ANNEXE DE LA REVUE MUSICALE S.I.M.
PUBLIÉE PAR LA SECTION DE PARIS DE LA
SOCIÉTÉ INTERNATIONALE DE MUSIQUE
15 OCTOBRE 1910
FRANCE ET BELGIQUE
Le numéro : 0.40 - Un an: 4.00
UNION POSTALE
Le numéro: 0.60 - Un an: 6.00
L'JCTVAUTÉ MUSICALE
REDACTION
PARIS: 22, RUE ST. AUGUSTIN
BELGIQUE: RENÉ LYR A BOITSFORT, BRUXELLES
ADMINISTRATION
LIBRAIRIE CH. DELAGRAVE, 15, rue Soufflot, PARIS.
Tous les mandats doivent être adressés soit à la librairie DELAGRjiVE,
soit à M. RE^CÉ LYR
SOMMAIRE DE L'ACTUALITE
DU 15 OCTOBRE
THÉÂTRES ET CONCERTS : — Province. — Bclgic]uc. — Étranger. — UN
VIEIE ARTISTE. — L'ENSEIGNEMENT MUSICAL A L'ÉC()I,E PRIMAIRE.
par O. Luin. — QUESTIONS SOCIALI^S : Ci>iii|nc-/, d'alioiil sur \()us-inriiic' par
M. Daiihrkssk. — A 'J'RAVERS Li:S RFA'UI'.S, par M. 1). C.\i.\ (koukssi. —
L'ÉDITION MUSICALI', iiar V.P.
PIERRE AUBRY
La mort vient de frapper douloureusement la musicologie
française, et notre Section Parisienne de la Société Internatio-
nale de Musique. Pierre Aubry a été victime d'un accident
lamentable. Au cours d'un assaut d'armes, l'épée de son
adversaire se trouvant en mauvais état, et maniée avec une
grande violence, a pénétré jusqu'au poumon de notre malheu-
reux Ami. Une hémorragie se déclara, et quelques heures après,
Pierre Aubry était mort.
Tous ceux qui s'intéressent aux sciences musicales avaient
pu apprécier notre Collègue, qui, frappé à 36 ans, laisse derrière
lui une œuvre déjà considérable et un nom glorieux. Nous
réunissons en ce moment les éléments d'une nécrologie digne de
Pierre Aubry, et que nous publierons dans notre prochain
Numéro.
Lors des funérailles, notre Collègue Romain Rolland
retenu en Italie, avait en quelques mots qui ont été prononcés
par M. Emile Dacier, Bibliothécaire de la Bibliothèque Natio-
nale, rendu hommage au nom de notre Société à l'Ami que
nous regrettons tous.
Le Président de la Section de Paris,
Charles Malherbe.
DESIREZ-VOUS CONNAITRE L'ADRESSE
d'une Maison donnant en LECTURE non seulement de la
Musique Française
MAIS EGALEMENT ET SURTOUT
r
Toute la Musique Etrangère
ET MEME DES
Partitions d'Orchestre ?
ADRESSEZ-VOUS A
M. MAX ESCHIG, 13, rue laffitte, 13, PARIS
TÉLÉPHONE 108-14
qui vous cnvefra immédiatement toutes les conditions
SERVICE POUR PARIS ET LA PROVINCE
ÉDITION POPULAIRE SIMROCK
Li.s Chf.is-d'(E[ivki.: dk BRAHMS, BRUCII,
DVORAK, SCHUTT, etc.
l^OljR LA MOITIÉ DE LI^Jl^S PRIX ANCIENS!
DEMANDEZ 1,E CA'IW E( )( M ' Iv Sl'iaiAI,
Heliogabaîe
Le genre de spectacle donné à Béziers a un
caractère très particulier auquel on aurait tort
de n'attacher aucune importance. Il a la pompe
du grand opéra, la coupe de l'opéra-comique
et la forme du mélodrame. C'est presque le
drame antique. Aussi les sujets tirés de l'His-
toire Ancienne conviennent-ils bien au cadre
des arènes, mais ils ne sauraient se passer de
musique. Celle-ci doit avoir une ligne bien
accusée, ne pas se perdre dans des raffinements
inutiles et se borner à être décorative en lais-
sant de côté la psychologie des personnages.
C'est ce qu'a compris M. de Séverac, comme
déjà avant lui M. Saint-Saëns, dont la Dejanire
passait jusqu'ici sans conteste pour le modèle
du genre.
Alors que le poète à"" Heliogabaîe s'attardait
dans un symbolisme désuet, le musicien a
écrit au contraire une partition d'allure très
franche. Il a vu surtout dans l'Empereur
dégénéré le Prêtre du Soleil, le syrien fantasque
et voluptueux qui fît venir à Rome, sur un
chemin semé de poussière d'or, la pierre noire
d'Emese, et il a donné à la plus grande partie
de son œuvre une teinte orientale peut-être
un peu trop marquée : le thème qui caracté-
rise la mollesse d'Heliogabale, celui qui accom-
pagne ses prêtres et ses éphébes sont construits
sur des formules empruntées aux gammes
orientales, gamme sans quarte et sans note
sensible, ou mode mineur avec fausse relation
de triton. Il en résulte plus de monotonie
encore que de couleur. M. de Séverac va
jusqu'à utiliser des modes hindous, auxquels
succèdent des modes grecs antiques. En plein
air c'est de l'érudition perdue et tous ces
modes nous sont devenus tellement familiers
qu'ils n'ont plus aucun caractère.
L'acte le plus réussi est le premier ; je puis
même dire que c'est un chef-d'oeuvre, ainsi
que le prologue qui le précède, où le poète
résume le drame : Rome s'endormant dans la
volupté, pendant que les chrétiens prêchent
la chasteté et le renoncement, et se révoltant
pour se débarrasser tragiquement d'Helioga-
bale. Le musicien en profite pour exposer ses
principaux thèmes, celui de Rome, simple et
frappant, clamé par les trompettes, celui
d'Heliogabale et de sa suite, et enfin celui des
chrétiens, assez solennel. Ces thèmes, sauf le
dernier, forment le fond du premier acte où le
cruel Empereur fait mourir ses convives sous
362
L'ACTUALITE MUSICALE
un déluiie de roses et condamne deux chré-
tiennes à un supplice atroce, ce qui lui vaut
la haine du père des deux martyres (et au
dernier acte il tombera sous les coups de ce
père outragé). Il confie ses craintes et ses
remords à sa mère vigilante et faible, et pour
chasser ses hallucinations fait danser devant
lui des esclaves exotiques, ce qui donne lieu à
un joli numéro d'orchestre et de chant, la
Danse lascive.
Dans le second acte, consacré exclusive-
ment aux chrétiens, M. de Séverac a écrit des
chœurs fugues, assez courts (et il n'y a pas de
fugue proprement dite), procédé un peu facile
pour un musicien tel que lui, et s'est égale-
ment servi de Y Alléluia grégorien si expressif
que chantent si bien les chanteurs de Saint-
Ger\ais. Il en a fait un motif principal formant
fond de tableau. Au lieu de lui conserver son
caractère monodique, il lui a adjoint un ac-
compagnement simple et fort joli qui le rend
trop séduisant pour un chant de chrétiens
primitifs et austères. Je dois dire néanmoins
qu'il est ainsi fort agréable à entendre et qu'il
a beaucoup plu. De même le Pater noster à
quatre parties n'a pas l'onction et l'humilité
qui conviennent à cette prière, et dans tout
cet acte on sent que le musicien a cherché
surtout à faire joli. Il y a pleinement réussi.
Le troisième acte comprend un long ballet,
traité simplement à la manière de ceux de
Gliiclc, et toujours dans le style oriental, une
danse du Soleil, très originale, et une masca-
rade pétillante d'esprit.
Le style de M. de Sé\erac dans Heliogahale
diffère sensiblement de celui que nous lui con-
naissions. On conçoit que cela était nécessaire,
et il est curieux de remarquer combien le
plein-air fond les dissonances, atténue les
crudités : les suites de quintes et de quartes
qui accompagnent par exemple le motif de
l'empereur efféminé sont très douces ; les
frottements de secondes mineures, chers au
compositeur é^ En Langurdoc., produisent à peine
un petit frisson, et en revanche les pédales
profondes, très nombreuses et souvent crun
effet très réussi, sont très frappantes, comme
aussi les trouvailles rythmiques, très heureuse^,
telle, pour n'en citer qu'une, que ralternance
de la mesure à 4/4 avec la mesure à 2/2 dans
la bacchanale du dernier acte, produisant une
confusion apparente bien en situation.
L'orchestre se composait de plusieurs musi-
ques militaires et du quatuor ordinaire ren-
forcé. Le musicien les a divisés en groupes
dont il se sert un peu à la façon des registres
d'un orgue. Les violons, qui s'entendent bien,
font de jolis contrastes avec les cuivres, et les
harpes sont utilisées avec une très louable
modération. Au 3*^ acte, M. de Séverac a
introduit, dans son orchestration, quatre cha-
lumeaux.^ instruments à anches d'origine basque,
rappelant par leur crudité les clarinettes en ut.
Elles encanaillent, comme disait Berlioz, de
façon pittoresque le défilé des masques.
Bien que cette partition, adaptée après coup
à une tragédie écrite pour une autre destina-
tion, paraisse avoir été un peu hfitivement
composée, elle marque un pas plus décisif du
musicien que le Cœur du moulin dans le genre
dramatique. En se sur\eillant moins, il se
livre à nous tout entier, laissant à découvert
ses défauts et ses qualités, défauts et qualités
également indispensables pour faire un homme
de théâtre : beaucoup de facilité, idées abon-
dantes et claires, harmonie riche et solide, et
où l'on remarque enfin une tendance heureuse
à se dégager définiti\'ement des liens de l'Ecole.
Il y a peu de choses à dire sur l'interpréta-
tion. Les soli étaient bien chantés, par des
\oix sonores, mais les choeurs — où nr
figurait pas la Schola de Montpellier, annon-
cée à tort par les affiches et les journaux —
détonnèrent abominablement. M'"'' Napier-
kowska ne vint pas, et les attitudes, la grâce
de M'"'' Nina Sereni nous consolèrent de sa
défection. \x décor, souteiui par des madriers
d'un effet déplorable, ne recueillit pas tous les
suffrages, et le spectacle en général, monté
a\ec un peu de hâte, accusait des négligences
regrettables dans beaucoup de détails. En re-
\anche l'orchestre fut merveilleux sous la
baguette de M. Ffasselmans et le jeune chef
d'orchestre fut tout sini|iKnunt atlmirable. Sa
maîtrise suppléa au manque île répétitions et
lie mise au point qui eussent pu compromettre
L'ACTUALITE MUSICALE
363
tTicheuscment le succès de cette remarquable
partition.
Edouard Perrin.
TOURS. — Le compositeur tourangeau,
M. Fernand Jouteux vient de remporter un
beau succès à la Distribution des Prix de
l'Ecole qu'il a été, au début de l'année, chargé
de diriger et de réorganiser. L'Ecole compte
deux-cents élèves, et les concours publics ont
été excellents. Au Concert donné au Grand
, Théâtre, M. Fernand Jouteux a dirigé,
entr'autres, plusieurs de ses œuvres : une pitto-
resque Danse Chinoise; un chœur délicieux
'•'• Ma fille ^ veux-tu un bouquet''''^ et une grande
scène dramatique, pour solis, chœurs et
orchestre " le Retour du Marin ", qui fut
acclamée avec enthousiasme.
SEDAN, — Représentation en plein air
de " l'Arlésienne ".
Cette manifestation artistique et populaire
organisée à l'occasion de l'Liauguration offi-
cielle de la ligne de Chemin de fer de Sedan
à la Frontière Belge, eut lieu au Champ de
Mars, dans un paysage charmant et devant
environ huit mille spectateurs.
Loin de moi l'idée d'établir une compa-
raison entre le cadre grandiose des différents
théâtres antiques d'Orange, de Nimes, de
Béziers, d'Arles, etc.. et le lieu de la repré-
sentation.
Mais l'interprétation de la belle œuvre de
Daudet fut parfaite.
Sous l'habile direction de son chef, M. Cla-
rinval, la Société Philarmonique de Sedan
sut en cette occasion se rendre digne tant du
dévoûment de son distingué Président, M. le
docteur Hennecart, que du public de connais-
seurs que l'on rencontre dans tous ses concerts.
EPINAL. — Nul de ceux qui assistèrent,
lors de l'exposition artistique de 1908, au
concert offert par VOrchestre Cosmopolite dans
les jardins de la Maison Romaine, n'avait
oublié le charme de cette soirée.
Cette fois encore le Cosmos avait choisi le
même cadre. Le programme se composait de
trois morceaux symplioniques choisis au réper-
toire des grandes auditions. Tout d'abord,
VOuverture de Guillaume Tell^ puis la Sy?n-
phonie inachevée de Schubert et, enfin, la
Romance en Sol, de Beethoven, qui permit à
M. Rietschler de mettre en évidence son jeu
souple, sobre et ému.
A signaler aussi une Gavotte de Popper où
M. Talaupe, violoncelliste, excella comme à
son ordinaire ; trois chœurs sans accompagne-
ment, de Schumann, et qui furent parfaite-
ment rendus.
La soirée se termina par une ode sympho-
nie pour ténor, chœur et orchestre, traitée
par un lorrain — René de BoisdefFre — dans
la manière de Massenet, et qui fut l'occasion
d'un beau succès pour l'auteur et les exé-
cutants.
NANTES. — Du 23 juillet au i août se
sont déroulées, à Nantes, les fêtes de la
Bretagne à travers les âges. Exposition bretonne,
cavalcades historiques, concours de costumes,
de danses et de chant, telles furent les princi-
pales attractions. La musique eut, dans ces
fêtes, un rôle important.
Le Dimanche 24, nous assistions à une
représentation d'Andromaque au théâtre de la
nature organisé dans le parc de M. Brousset,
au front du Cens. Interprètes : M""^ Second-
Weber, M"'' Madeleine Roch, MM. Jacques
Fenoux, Mayer et Albert Lambert père. La
musique de scène de Saint-Saëns était exécutée
par l'orchestre Lonati.
Le soir, l'Orphéon nantais " la Sainte-
Cécile ", sous l'habile direction de M. La-
combe, et l'orchestre Lonati donnaient un
concert à l'exposition avec le concours de
M"''' G..., de M. Nucelly, de l'opéra, et de
M. Reliet, premier prix de chant au conser-
vatoire de Nantes. La cantate de Thielemans
" les deux Bretagnes " obtint un vif succès et
nous eûmes le plus grand plaisir à en entendre
une seconde audition au concert du 28.
Le 27 et le 28, concerts populaires donnés
par la Garde républicaine.
Le Dimanche 31 juillet on avait eu l'heu-
reuse idée d'organiser une cour d'amour dans
ADMINISTRATION DE CONCERTS
M EMIL GUTMANN M
1
REPRÉSENTE LES ARTISTES ET LES
ASSOCIATIONS ARTISTIQUES LES PLUS
CONSIDÉRABLES, LES MAITRES LES
PLUS RÉPUTÉS EN ALLEMAGNE.
ENGAGEMEN7S FAR TOUTES LES SOCIETES DE
CONCERT ALLEMANDES ET ÉTRANGÈRES. .-• ^
TOURNÉES D'ORCHESTRE ET DE
SOLISTES DANS TOUS LES PAYS.
SOLISTES POUR ORATORIOS.
ORGANISATION DE CONCERTS ET DE CONFE-
RENCES, DE RÉCITALS DANS TOUTES LES
SALLES DE MUNICH ET DE GRANDS FESTIVALS
INDICATIONS DE POSTES VACANTS
DE PROFESSEURS DE CONSERVA-
TOIRE ET D'ÉCOLE DE MUSIQUE. ^
ANNONCE. PUBLICITÉ, INFORMATIONS
LA PLUS GRANDE AGENCE DE CON-
CERTS DE L'ALLEMAGNE DU SUD.
1
MUNICH =Theatinerstrasse 38 = MUNICH
Adresse TéléRraphique : KONZERTGUTMANN. MUNICH
L'ACTUALITE MUSICALE
365
la cour principale du Cliateau des ducs de
Bretagne, En présence de la duchesse Anne,
M^'"*^ Meunier, de l'Opéra, exécuta une danse
grecque. Puis M. Nucelly et M'^'"' Delvair,
sociétaire de la Comédie française se firent
entendre. Le " Choral Nantais " et la
" Sainte-Cécile " exécutèrent une des plus
belles mélodies bretonnes recueillies par Bour-
gault-Ducoudray : " le Semeur ", sous la
direction de M. Morisson, et la " Légende
bretonne " de Sanitis sous la direction de
M. Lacombe. L'Union Philharmonique fit
entendre enfin différents morceaux, entre
autres l'originale " Marche des Korrigans
de Guy Ropartz.
Les Nantais ont voulu clore cette série de
fêtes par un pieux hommage à la mémoire du
regretté maître Bourgault-Ducoudray. C'est à
ses œuvres que fut consacré le festival très
réussi donné le i^'^août par la Société Philhar-
monique, le Choral Nantais et la Sainte-
Cécile.
Mais ce qui donna aux fêtes Nantaises leur
parfum vraiment spécial ce fut 1-a musique des
bretons bretonnants : les binious et les bom-
bardes.
CAUTERETS. — De tous les " Théâtres
de la Nature " créés (avec quelque excès) ces
derniers temps, aucun ne peut rivaliser avec
le nôtre avec son incomparable décor de forêts,
de sapins et de Pyrénées neigeuses. Il est à
quelques minutes de la ville, fort bien installé,
un peu vaste toutefois pour des représentations
d'œuvres lyriques composées pour nos salles
de théâtre.
Nous venons d'y entendre " Paillasse
avec Campagnola de l'Opéra, et " la Navar-
raise " avec M'^'^'^ Lucy Vauthrin, de l'Opéra-
Comique.
Ensemble excellent de solistes, mais chcEurs
et orchestre vraiment insuffisants. Dans l'Ar-
lésienne — jouée par la troupe du Théâtre
Sarah Bernhardt, au lieu d'Antar annoncé —
l'orchestre a été tout à fait médiocre.
Au Casino, très bonnes représentations de
Werther, Madame Butterfly, Carmen etc.
avec Seldon, de la Monnaie de Bruxelles,
ténor de belle prestance, de voix superbe mais
insuffisamment travaillée et M""' Lise Lam-
bertha, du même théâtre.
En somme peu de villes d'eaux peuvent
donner d'aussi bonnes représentations lyriques.
Avec un effx)rt des chœurs et de l'orchestre
ce serait parfait.
F. A.
CETTE. — Le Kursaal qui vient de
brûler pendant une représentation de Carmen^
était situé sur la plage et, pendant la saison
des bains de mer, donnait régulièrement de
très bonnes représentations d'opéra-comique et
de grand opéra. La ville de Cette qui possède
un joli théâtre, tout neuf, imité de celui de
Montpellier (qui lui-même ressemble à l'Opéra-
Comique), n'a cependant pas de saison théâ-
trale d'hiver, — Cette possède également un
conservatoire.
TROUVILLE. — Casino-Salon. — La
troupe d'Opéra-Comique a fait d'heureux
débuts. M™*^ Landouzy est une chanteuse
légère, dont la voix très fraîche est d'une
virtuosité remarquable. Le rôle de Rosine, du
Barbier, a été un véritable triomphe pour elle.
M. Geyre, premier ténor, n'est pas un inconnu
pour les habitués du Casino, où il a déjà
chanté, il est élégant et a une jolie voix.
M. Figarella, le baryton, est parfait dans tous
ses rôles, c'est un artiste absolument remar-
quable. M. Bathier est une basse merveilleuse,
le public lui prodigue ses applaudissements et
c'est justice. Nous avons eu de belles exécu-
tions de Lakmé, Le Barbier, Manon, La
Dame blanche, La Vie de Bohême, alternant
avec les représentations d'opérettes. Paillasse
et l'Attaque du Moulin ont été donnés avec
M. Abers, le baryton spécialement engagé
pour ces représentations qui ont été superbes.
Les tournées nous ont donné : La Vierge
folle, avec M™*' Berthe Bady dans le rôle de sa
superbe création de Fanny Armaury. Miquette
et sa mère a été l'occasion d'un gros succès
pour M. Max Dearly qui tenait le rôle de
Monchablon qu'il a créé et à ses côtés une
très bonne troupe assurait le succès de la
366
L'ACTUALITE MUSICALE
pièce. Gcmier nous a donné une parfaite
interprétation de Papillon dit Lyonnais le
Juste, fort bien secondé par une excellente
troupe d'ensemble. Les soirées de gala nous
ont permis d'applaudir de grandes artistes :
M""^ Litvine, la grande cantatrice dans les
" Amours du Poète " de Schumann, M"'*^
Juliette Toutain-Griin, la mer\'eilleuse pia-
niste, dans le 2°^*^ concerto de Saint-Saëns. Au
même concert M""^' Barthé se faisait applaudir
dans : Les Nuits d'orient et L'Oiseau bleu de
J. Toutain-Grûn qui triomphait comme vir-
tuose et comme compositeur. M""^ Chenal de
l'Opéra obtint un beau succès en faisant
entendre de jolies mélodies de C. Erlanger.
MAÇON. — Le concert donné par le
choral Lamartine a été très réussi et l'occasion
pour MM. Lenormand père et ses deux fils
d'un très réel succès. Ces Messieurs avaient
choisi " Rédemption " de Gounod qui était
applaudi avec frénésie et c'était justice car
l'exécution était parfaite.
Le concert ofFert sur la promenade Lamar-
tine par notre Harmonie municipale a permis
d'apprécier le talent et le savoir de son nou-
veau chef M. Laurent à qui nous sommes
heureux de souhaiter la bienvenue.
L'Union Chorale a fêté le 2^^ anniversaire
de sa fondation et son fondateur-chef, M.
Oberdœrffer. Un banquet très animé a com-
mencé la fête. Quant au concert qui devait
avoir lieu promenade Lamartine, force fut à
la société de le repousser en deux fois, les
cataractes célestes n'ayant pas permis de s'ex-
poser au-dehors, mais la troisième tentati\e a
réussi et plus de 3. 000 auditeurs ont souligné
de leurs applaudissements les choeurs, orchestre
et solistes. M"'"'' 'l'héveiiin (très goûtée dans la
" Fileuse " de Laurent), MM. Daly et Besson.
Cette société doit prendre part le i i septembre
prochain aux fêtes du Millénaire de la fonda-
tion de la ville et de l'Abbaye de Cluny. Ce
jour un cortège doit défiler en ville. On doit
reconstituer la visite que Louis IX fit à la
célèbre abbaye. Les sociétaires de l'Union
Chorale figureront les moines et exécuteront
un (.haut liturgicpie du VIIT' siècle. Un grand
congrès de Sa\ants organisé par l'académie de
Mâcon réunira à Cluny le monde savant de
toute l'Europe, donnant ainsi à cette fête un
caractère grandiose.
LES SABLES-D'OLONNE. — La saison
se poursuit très brillante au Casino des Sables-
d'Olonne grâce à l'excellente administration de
son propriétaire M. Audubon.
Après une parfaite saison d'opérette, les
artistes d'opéra qui ont nom : M'"^'" Cahuzac,
Van den Berg, O'deyer ; MM. Cargue,
Léger, Delhaye, Borelli, Gauthier, remportent
tous les soirs des succès complets avec Faust,
Mireille, Le Chemineau, Manon, Le Jon-
gleur, etc..
A noter une magnifique représentation du
ténor Da\'id, de l'Opéra-Comique, dans Wer-
ther. Compliments à tous ces artistes et
surtout à l'infatigable chef d'orchestre Et.
Bardou.
Les concerts donnés sur la terrasse sont
également très suivis grâce au réel talent des
artistes qui le composent et dont quelques-uns
sont l'^''"'' prix du conservatoire de Paris.
M. P.
DUNKERQUE. — Les amateurs dun-
kerquois, malouins, ainsi que les étrangers en
villégiature sur notre plage, peuvent s'estimer
heureux de trcnncr une aussi bonne troupe
lyrique que celle qu'a su tléiiichcr M. Der-
x'illez, le s\nipatliit]ue directeur de notre
kursaal.
Nous axons, par semaine, 2 ou 3 grands
opéras et 4 à 5 opéras-comiques ou opérettes.
Au répertoire : Les Huguenots, L'Afri-
caine, Thaïs, Samson et Dalila, Hamlet, etc.
exécutés par des artistes de grand talent :
MM""' Madeski, falcon très appréciée, Ram-
l)le/.-Malherhe,contralto, MM. Gaillard, ténor,
Roselli, un bar\ton fort goûté, et Groininen,
basse noMi'.
Le quatuor (ropéia-coniicpie, composé de
M""' Victoria Fer, 1" clianteuse du théâtre
lie Genève, MM. |olbert, ténor léger du
théâtre d'Alger, Cotreuil, forte basse, i|ui
nous arri\e île Rouen et I)enia\', bar\ton, du
L'ACTUALITE MUSICALE
théâtre de Gencve, est excellent également ;
c'est un vrai régal que d'entendre ces artistes
que les auditeurs ne manquent pas d'applaudir
chaleureusement.
Un fort orchestre comprenant une pléiade
de prix de conservatoire et de professionnels
locaux fait merveille sous la direction expéri-
mentée de M. Eug. Thiery.
E. S.
MOULINS. — La jeune Chorale de
Moulins qui n'a que quelques mois d'existence
vient de se couvrir de lauriers au concours
musical de Limoges des 14 et 15 août dernier.
Elle a obtenu en effet un premier prix de
lecture à vue avec félicitation au directeur,
— M. Emile Vincent, l'excellent professeur
de violon de notre ville, — un second prix
d'exécution et un second prix d'honneur,
concurremment avec la Société Orphéonique
de Bordeaux. Cette dernière société était par-
ticulièrement redoutable. Elle existe depuis
longtemps et elle a un long entraînement.
C'était un hormeur périlleux pour la jeune
Chorale de Moulins d'avoir à Se mesurer
avec elle.
Nous sommes heureux d'enregistrer les
brillants succès de cette ardente et conscien-
cieuse phalange musicale qui ne tardera pas,
le travail aidant, à se placer au premier rang.
Son directeur, dont la méthode a été si appré-
ciée, saura l'y conduire.
MONT -DE -MARSAN. — Dernière-
ment, l'Ecole de Musique des Landes, qui,
sous la direction de P. Lacome prospère à
Mont-de-Marsan depuis une dizaine d'années,
donnait, dans la salle des fêtes de l'Hôtel
S' Martin, son concert annuel de fin d'études.
Comme dans les précédentes auditions, l'audi-
toire d'élite qui avait répondu à l'invitation du
Maître et des Elèves, a pu apprécier les jolies
voix de mieux en mieux exercées qui ont, tour
à tour, détaillé un programme choisi. Nous ne
voulons pas les nommer pour ne pas blesser
leur modestie, car toutes devraient être citées.
Dans cet article nous nous contente-
rons d'approuver un programme où se réunis-
saient les noms de Bach, de Mendelssohn et
de Schumann pour les classiques ; de Meyer-
beer, Chabrier, Rossini et Wagner pour les
romantiques ; de Duparc, Sibelius, Holmes
pour les modernes, et qui a fait connaître
ainsi le lied (objet de la conférence d'intro-
duction) sous toutes ses meilleures formes ;
une légère critique s'adressera au sentiment
de profonde mélancolie qui se dégageait d'un
ensemble de morceaux un peu trop tirés sur
le sombre : mais de quelle douce rêverie s'im-
prégnaient les esprits et les cœurs !... Espérons
que l'Ecole de Musique des Landes, dernier
refuge de l'art musical à Mont-de-Marsan,
vivra longtemps encore pour la grande jouis-
sance des purs dilettantes landais.
PERIGUEUX. - — La monotonie légen-
daire de notre charmante et pittoresque cité a
été rompue, le mois dernier par trois mani-
festations artistiques de premier ordre.
La félibrée annuelle du Bournat s'est dé-
roulée à Razac, près Périgneux, où, malgré
les menaces de pluie, l'attrayant programme
de la fête a pu être exécuté en son entier.
Le maire de la localité, M. Deschamps, avait
mis son parc ombreux à la disposition des
félibres et de leurs invités. C'est là, dans ce
cadre verdoyant que s'est tenue la cour
d'amour, présidée par une gracieuse reine et
ses dames d'honneur, en coiffe périgourdine.
La partie concert a été très réussie et s'est
terminée par le premier acte de Mireille^
délicieusement interprété par M'"°'^ Feytaud,
Dupont, Blondel et M. Fraikin, avec un
chœur de quarante jeunes et jolies magnana-
relles, patiemment stylées par le maestro
Tenant, qui, avec un zèle des plus louables,
présida à tout le travail préparatoire de cette
artistique et inoubliable journée, au début de
laquelle avait été inaugurée une plaque destinée
à perpétuer la mémoire du poète Lagrange-
Chancel.
Puis Sarah Bernhardt est venue donner sur
notre scène La Dame aux Camélias^ où, malgré
une fatigue évidente, la vaillante artiste a
remporté son succès habituel.
Enfin sur un théâtre de verdure installé
îe
Rouart, Lerolle ô C
ÉDITEURS DE MUSIQUE
18, BOULEVARD DE STRASBOURG - PARIS
Le plus grand abonnement de France
service : Maison GAVEAU, 45, rue de la Boëtie.
TOUTE LA MUSIQUE en lecture
Représentation exclusive des Editions Bélaïeff, Hansen,
Jurgenson, Universelle et Zimmermann.
Dépositaires exclusifs des œuvres de G. MAHLER
Ire SYMPHONIE EN RÉ MAJEUR
2me SYMPHONIE EN DO MINEUR
3me SYMPHONIE EN RÉ MINEUR
4me SYMPHONIE EN SOL MAJEUR
Chaque piano à 4 mains , . . net fr. 1 2
,, petite partition crorchestre net fr. 8
L'ACTUALITE MUSICALE
369
dans les jardins de la Préfecture, M. Berton
a fait représenter sa MagdaUcnne^ pièce bibli-
que en deux actes et en vers, agrémentée
d'une émouvante musique de scène de l'émi-
nent compositeur M. de La Tombelle. C'est
M"'' Madeleine Roch, de la Comédie Fran-
çaise, qui tenait le principal rôle, entourée de
MM. Perrin, Desmares, Valbel, de l'Odéon.
Beaux vers, bonne musique, qui gagneront
sûrement à être entendus dans un grand
théâtre de Paris, où l'œuvre n'a pas encore
paru. Le programme était complété par Le
Passant^ de Coppée, interprété par M^^'^* Ma-
deleine et Marguerite Roch.
En terminant, signalons la construction, à
Périgueux, d'une nouvelle salle de spectacle,
qui comptera 700 places, avec une scène
machinée et des décors fournis par la maison
Wesbecher. Nous reparlerons de cette salle,
sur laquelle nous attirons d'ores et déjà l'at-
tention des directeurs de tournées, appelés à
la fréquenter, de préférence à notre vieux
théâtre.
F. C.
SAINT JEAN-DE-LUZ. — Les fêtes
Basques. — Les fêtes musicales et traditionnel-
les de la " Société Charles-Bordes (28 et 29
août) ont attiré un public nombreux, vivement
intéressé par un ensemble de manifestations
ayant pour but de montrer l'évolution de la
musique primitive en ces formes successives :
chant grégorien, mélodie populaire, polyphonie
vocale.
L'institution des fêtes musicales et tradition-
nelles remonte à l'année 1896 ; elle est due à
l'initiative de Charles Bordes, qui le premier,
associa l'élément ethnique basque (chant et
danses) aux manifestations d'art grégorien et
palestrinien.
Les quatre-vingts choristes de la " Société
Charles Bordes " ont chanté à l'église parois-
siale la messe " Quarti Toni " de T. L. da
Vittoria (seizième siècle).
Tout le propre de l'office, avec l'alléluia du
jour, fut exécuté en chant grégorien.
Puis environ deux mille spectateurs se réu-
nissaient au " Préau Sainte-Marie ", où avait
lieu la fête champêtre basque. L'inoubliable
souvenir de Charles Bordes s'évoquait irrésis-
tible, car tous se souvenaient que, l'année
dernière encore, notre bien aimé fondateur
dirigeait en personne les "fêtes traditionnelles."
Ce furent, cet été, les fêtes de la danse et
de la chanson basque. Les danses "héroïques
et traditionnelles " permirent d'admirer ces
beaux danseurs euskuariens, dont la noblesse
et la grâce s'avérèrent une fois de plus. Les
chansons morales, amoureuses et satiriques du
pays basque, alternaient avec les danses, chan-.
tées par les choristes de la Société Charles
Bordes.
Les fêtes se terminèrent par une audition
des plus intéressantes, donnée par les mêmes
choristes, sous la direction de M"''' Jumel,
l'éminent professeur de chant grégorien à la
" Schola cantorum " de Paris et directrice de
la classe de chant grégorien à la " Société
Charles Bordes. "
L'OPÉRA BASQUE. — Un événement
musical d'un haut intérêt passionne actuelle-
ment les dilettantes des curieuses provinces
basques, espagnoles et françaises. Il s'agit de
l'éclosion de l'art dramatique basque provoquée
par deux artistes français des environs de
Saint-Jean de Luz, sous le remarquable pa-
tronage de la Société Chorale de Bilbao.
La Pastorale lyrique basque, en 2 actes,
" Maitena ", paroles d'Et. Decrept, musique
de Ch. Colin, représentée l'an dernier à pareille
époque (juin) au théâtre des Campos-Elyseos,
à Bilbao, riche capitale de la Viscaye, a sou-
levé un véritable enthousiasme qui n'a fait
que s'accroître au fur et à mesure des repré-
sentations successives de l'ouvrage.
Ce résultat ne devait être qu'un début.
Cette année, trois pièces lyriques nouvelles
viennent accompagner " Maitena " au théâtre
Basque définitivement constitué par la Société
Chorale de Bilbao.
Ce furent " Mendi-Mendiau ", livret de
J. Power, président actuel de la Société^
musique de Uzandizaga, jeune musicien gui-
puscoan ; " Mirentxu ", livret de A. Echave,
ex-président de la même société, musique de
37°
L'ACTUALITE MUSICALE
Guridi, compositeur visca)'cn ; et enfin " Lidc
ta Ixidor ", dont le livret est également de
Echave et la musique de S. Inchausti, de
Bilbao.
" Maitena ", reprise a^■ec un succès égal à
celui de sa première apparition, et les trois
autres, opéras, joués successi\emcnt au théâtre
des Campos Elyseos, tous interprétés par les
uniques éléments de la Chorale, furent ac-
cueillis passionnément par la population eus-
karienne et par les nombreux étrangers attirés
par cette manifestation si intéressante de décen-
tralisation artistique.
On parle de différentes tournées dans les
Grandes villes espagnoles et françaises, et même
à Buenos-Ayres, d'où de nombreux cablo-
grammes ont réclamé déjà le voyage triomphal,
vers l'Amérique basque, des musiciens euska-
riens et de leurs incomparables interprètes et
parrains de la Société Chorale de Bilbao.
BREST. — Trois musiciens de la Schola
Cantorum^ M. D. Sangrà, violoniste. M'"" Far-
deau, pianiste et M"'' Darragon, soprano, ont
donné dernièrement une séance de musique
des plus intéressantes.
• VANNES. — A la distribution des prix
du conservatoire municipal on a particuliè-
rement applaudi dans le concerto en ré mineur
de Mozart une jeune élève du cours supérieur
de piano, et dans le Menuet-Valse de Saint
Saëns un des distingués professeurs de ce
cours.
I /hymne au feu sacré de Bourgault-Ducou-
dray et quelques extraits de Lalla-Rouk de
Félicien David, chantés par les chœurs ont
obtenu également un vif succès.
Cet événement est d'autant plus intéressant
à signaler que le Conservatoire de Vannes est
une institution qui fonctionne, en dehors de
toute attache officielle, et dans des conditions
réellement démocratitiues, grAce à une sub-
vention miuiicipale et au concours désintéressé
de professeurs et (raniatiurs de grand mérite
et (le réel talent. La plupart des récompenses
attribuées aux lauréats proviennent d'ailleurs
(le dons généreux faits par des personnes (|in
témoignent ainsi d'une sympathie véritable à
l'art musical et qu'on ne saurait assez louer.
T. C.
GRANVILLE. — Les concerts donnés
au Casino sous l'experte direction de M. René
Doire, ont obtenu le plus grand succès, expli-
cable, du reste, quand on connaît le nom
des artistes qui y ont pris part : l'excellente
basse Fournets, M""' René Doire, M"'' Jane
Quainom, le célèbre violoncelliste-compositeur
Hollmann, et les œuvres qui y furent exécu-
tées : pièces de Hândel, Rameau, Chopin,
Capriccio Espagnol de Rimsky-Korsakoff^
ouverture de Phèdre de Massenet, l'Intermezzo
de G. Sporck, Concerto de St-Saëns pour
\ioloncelle, etc.. Il convient aussi de louer
l'orchestre si souple et si intelligent. Félicitons
le Directeur du Casino d'avoir réussi à donner
Granville une véritable Saison Musicale du
plus haut intérêt ; et remercions-le au nom
des auditeurs de ces concerts.
ARCACHON. — La saison d'opérette
donnée par le Casino de la Plage a été très
brillante.
Le Petit Duc, une des plus aimables opéret-
tes de Lecoq mettait en effet en scène les
principaux éléments de la troupe, et nous
sommes heureux de dire tout de suite quel
plaisir ce fut pour nous de constater qu'elle
possédait une liomogénéité parfaite. D'aucuns
au surplus, nous ont paru, ainsi qu'au nom-
breux public, qui assistait à cette première,
posséder de réelles qualités artistiques qui nous
promettent pour le ccnn'ant de la saison, une
série de représentation dignes de nos concitoyens
et de leurs iK'itcs.
C'est dire que l'administration et le Direc-
teur ont fait les plus grands efforts pour arriver
à nous donner toute satisfaction, et nous serons
heureux d'applaudir à leur réussite ainsi qu'aux
succès des pensionnaires de la Maison.
(^n nous dit également beaucoup de bien
des artistes d'opéra et d'opéra-comiquc qui
ont siii:né leurs engagements. Nouveau plaisir
sera pour nous de les applaudir prochainement.
I';ir nilleuis, riulniinistiMtion à traité avec divers
L'ACTUALITÉ MUSICALE
371
toLiniccs parisiennes choisies parmi les meilleures
et dont l'une, sous la direction de M. Baret,
avait attiré une affluence d'élite, qui a fait un
beau et légitime succès a la petite chocolatière,
où Andrée Divonne s'est montrée particu-
lièrement exquise. Orchestre complet sous la
direction du Maestro Geoffroy. A signaler par-
ticulièrement le violoncelliste Bigaray virtuose
des plus distingués dans les œuvres de Popper
et de E. Nicaise, chef de notre musique
mvmicipale,
E. Nicaise.
PAU. — Le public palois eut l'occasion
d'applaudir nos compatriotes : Fournets de
l'Opéra et Chardy i^ ténor du grand théâtre
de Liège, dans le Barlnei' de Séville.
Fournets, chanteur admirable et comédien
consommé, fut frénétiquement rappelé lors-
qu'il chanta avec sa maîtresse habituelle l'air
fameux de la calomnie. Chardy, ténor à la
voix claire nous a fait fort bonne impression.
Maurianne, du théâtre royal de Tournai
(Figaro) tint son rôle à la satisfaction générale,
et la voix de M'^° Roserni du théâtre royal de
Bruxelles est fraîche et conduite avec art.
Bref nous n'aurions que des éloges à adres-
ser à l'imprésario si l'orchestre ne s'était
réduit à un simple piano 1...
Inutile de dire combien nous fûmes désa-
gréablement surpris par ce sans gêne un peu
exagéré ni quel fut le désappointement des
spectateurs venus pour entendre la délicate
partition de ce chef-d'œuvre de l'opéra-comique.
PRIVAS. — L'Association Musicale de
Privas dont le président d'honneur est Vincent
d'Indy a donné le g Octobre un très intéressant
concert avec le concours de M"*^ Odile Clément,
violoncelliste, i'^'" prix du Conservatoire de
Paris et M"'' Berthe Ponthus, professeur de
chant à Lyon.
ROYAT. — Durant toute cette saison, les
programmes de concerts se sont tenus, grâce à
M. de Villers, à un niveau artistique fort élevé.
Les grands concerts du vendredi ont été le
prétexte d'auditions remarquables : festivals
Saint-Sacns, licrlioz, Massenet ; concerts con-
sacrés à Mendelssohn, à Schumann, à Wagner
et la musique moderne, à Lalo et la musique
russe. Ce dernier a été pour nous d'un vif
attrait — encore que le mélange de Lalo et
des Russes ne fût par des plus heureux, la pure
beauté de la musique française se trouvant
offusquée par l'éclatant coloris des composi-
teurs slaves. Le festival Berlioz fut un des plus
goûtés, grâce, en partie, aux voix de M"'"
Dworska et Gustin, de MM. Burlurut et
Imbert. Un autre concert, où M. de Villers
nous fît entendre les compositions plus qu'ho-
norables (toujours bien écrites, souvent très
émouvantes) d'un musicien clermontois, A.
Claussmann, obtint les acclamations du public.
La représentation de V Anniversaire^ avec la
musique d'Adalbert Mercier n'a pas eu autant
succès. En revanche, V Arlêsienne^ très-bien de
représentée par la troupe, très-bien jouée par
l'orchestre, fut le triomphe de la saison.
J. D.
EPERNAY. — Tous les ans, la florris-
sante Société d'horticulture et de viticulture
d'Epernay célèbre la Saint-Fiacre.
Mais la fête de cette année devait être par-
ticulièrement solennelle et brillante, car on
célébrait en même temps le trentième anni-
versaire de l'élection de M. Gaston Chandon
de Briailles à la présidence de la Société, et
enfin l'on inaugurait la nouvelle salle ainsi
que le superbe parc dont M. Gaston Chandon
vient de faire généreusement cadeau à la
Société.
La musique ne fît pas défaut ; on lui réser-
va une bonne partie de l'après-midi. Trois
sociétés prêtèrent leur très artistique concours :
l'Harmonie Municipale, sous la direction de
son chef M. Guignard, l'Union Chorale, sous
les ordres de M. Maître et l'Orchestre Sym-
phonique, sous la direction de M. Louis Dupont.
Tous les morceaux inscrits au programme
furent exécutés d'une manière parfaite et on
ne saurait trop féliciter ces trois phalanges
musicales qui ont contribué à la réussite de
cette journée dont les invités garderont le plus
agréable et le plus durable souvenir.
LEO OLSCHKI
FLORENCE Lungarno Acciaioli 4.
LIBRAIRIE ANCIENNE
Pulci (Luigi), Driades d'amorc s. a.
Catalogues de Musique ancienne Rarissime
Manuscrits, Tablatures, Antiphonaires
Hymnologie, Chansons.
BIBLIOFILIA, revue mensuelle, illustrée et connue dans
le nrionde entier des bibliophiles. (Un an 30 fr.)
L'ACTUALITE MUSICALE
373
VERDUN. — A la distribution des prix du
collège de Verdun, le discours d'usage a été
prononcé par M. Lévéque, professeur de secon-
de qui avait pris comme sujet : " Du rôle de
la musique dans l'éducation.
Nous analyserons succinctement ce discours:
A l'époque où bien des énergies défaillent,
où le désenchantement se glisse jusque dans
les âmes enfantines, où l'indifférence, en mo-
rale, et en art accable les nations vieillies, ne
pourrait-on pas, par une éducation musicale
sagement comprise, raviver au cœur de l'hu-
manité la flamme de l'idéal qui semble prête à
s'éteindre ?
Les anciennes chansons, " ces frêles immor-
telles qui volent de lèvre en lèvre à travers les
âges" expriment dans toute leur naïveté et
tout leur charme les idées de bonheur d'un
petit garçon ou d'une petite fille " Giroflé-
Girofla," "les Compagnons de la Marjolaine ",
" Nous n'irons plus au bois ", " Cendrillon",
sont de merveilleux petits chefs-d'œuvre, capa-
bles d'entretenir chez l'enfant cette fraîcheur
d'imagination qui, plus tard, embellit la vie,
et rend plus léger le fardeau quotidier.
A mesure que l'enfant grandira, nous le
mettrons en présence d'œuvres musicales déplus
en plus complexes. Nous l'initierons progres-
sivement aux compositions musicales des grands
auteurs ; et nous n'aurons qu'à suivre l'histoire
de la musique depuis le XVIP siècle à partir
de Lulli et de J. B. Moreau. — Puis ce seront
Mozart, Beethoven, Wagner. Le 9^ sym-
phonie de Beethoven n'est-elle pas un chant
de triomphe de l'énergie, victorieuse de la
douleur ? Et d'autre part, Beethoven, dans ses
adagios, n'est-il pas le plus noble consolateur
de l'humanité ?
Le sentiment du beau, l'énergie, la bonté,
3 qualités que la musique peut développer
chez un enfant. Puissions-nous voir dans un
avenir prochain, une part plus grand faite à la
musique dans les programmes scolaires.
GÉRARDMER. — Le succès de notre
casino cet été doit être attribué un peu à la
saison maussade qui a entravé le zèle des
excursionnistes, mais surtout à l'organisation
musicale qui fut excellente. Un orchestre, peu
nombreux mais composé d'éléments de. premier
ordre, fut dirigé par M. Louis Delune, le
distingué prix de Rome en Belgique, compo-
siteur et pianiste dont le S. L M. a souvent cité
les belles et puissantes œuvres jouées à Paris.
S'il ne put donner des œuvres importantes
pour grand orchestre et chœur, il fit jouer
d'excellente musique de chambre. Nous gar-
dons un tout particulier souvenir des Variations
pour Quator à Cordes, de M. Delune et nous
espérons bien les réentendre cet hiver à Paris.
CONCERT BRÉSILIEN. — Avec une
certaine audace, le directeur du Conservatoire
de Rio de Janeiro, M. Alberto Nepomuceno
a donné un " Grand Concert Brésilien avec
Orchestre" Salle Gaveau, le 17 Septembre.
En réalité, M. Nepomuceno n'a fait enten-
dre que de ses œuvres. (Le Concerto pour
violon, de M. Oswald, fort bien joué par
M. Chiafîitelli, Brésilien notoire, n'a été qu'un
intermède banal et médiocre, sauf peut-être
l'adagio.) Y-a-t-il une musique brésilienne ?
Application
raisonnêe des
meilleurs procédés
pédagogiques
et techniques
employés par tes
grands maîtres
contemporains
français
et étrangers.
LEÇONS de PIANO
VIOLONS, SOLFÈGE HARMONIE
PAR CORRESPONDANCE
COURS SINAT
Rue Franklin, 5, PARIS — Trocadéro.
374
L'ACTUALITE MUSICALE
Nous l'ignorons encore, car celle de M. Ne-
pomuceno n'a pas de caractère local et peu de
personnalité. Sa symphonie en sol mineur est
fort mendelssohnienne de style, avec une
orchestration modernisée mais trop souvent
prétentieuse.Les fragments d'un opéra "Aboul",
dont le programme laissait ignorer la donnée
dramatique, présentent plus, d'intérêt dans les
deux préludes d'orchestre que dans les deux
air, que chanta M. Dupriche, de l'Opéra
Comique. Enfin une " suite Brésilienne " où
le final d'un rythme amusant est la seule partie
un peu Brésilienne, termina ce concert peu
subversif. Ce fut à peine une escarmouche
avant la bataille musicale qui se prépare pour
riii\er prochain.
F. G.
LA MUSIQUE AU SALON D'AU-
TOMNE. — M. Armand Parent vient
d'organiser des séances de musique de chambre
qui auront lieu les 7, 14, 21, 28 Octobre et
4 Novembre à 3 heures, et promettent d'être
fort intéressantes. On y entendra d'es œuvres
de Vincent d'Indy, Germaine Corbin, Béclard
d'Harcourt, P. Le Flem, Jean Déré, M"'^ Ro-
bert-Thieffry, Herscher, Vreuls, Geloso, Louis
Vuillemin, de Falla, Turina, Cras, Roussel,
FI. Schmitt, Paul Dupin, interprétrés par
M""' Marthe Dron, Chevalet, MM. Parent,
Loiseau, Brun, Fournier.
Belgique
Le temps des vacances nous a éloigné de la
capitale, où certes, hi musique n'a point chômé.
Il serait oiseux, et il nous est impossible de
signaler dans ces pages d'Actualité, gonflées
déjà par la correspondance accumulée de deux
mois, le détail des manifestations multiples
dont l'Exposition fut l'occasion. Nos lecteurs
trouveront d'autre part le compte-rendu com-
plet des très intéressantes séances données à
VJrt ancien Sf)us le haut patronage de S. M. la
Reine des Belges, par la Sirtion Bi'l;^i- S.I.M.,
et dont le grand succès est tour ;\ l'honneur
des ortjanisateurs savants et dé\oués MM. A.
Bein et E Closson. Ce cycle rétrospectif est le
gros événement de notre année musicale. La
Direction des Beaux- Arts a fait œuvre féconde
et belle. Qu'elle accepte nos vives félicitations
et nos remerciements.
A part cela, nous devons consacrer quelques
lignes à la saison extraordinaire de la Monnait-.
Elle nous a valu deux premières sensationnel-
les, à des titres bien différents. La troupe de
Monte-Carlo nous a présenté Le Fie'tl Aigle
de M. Gunsbourg, (livret de Gorky) et la der-
nière production de J. Massenet. Disons que
le héros chevaleresque, dans les deux cas, ne
perd pas trop à s'envelopper du revêtement
mélodique, mais qu'il n'y gagne sûrement
rien. — La troupe de Cologne^ en outre, nous
fit connaître Elektra de M. Richard Strauss.
L'auteur du librctto n'a pas ajouté aux données
des tragédies antiques : il les a condensées.
Quant à la partition, c'est une œuvre puissante,
chaotique, grandiose même. Un critique disait
à son propos qu'elle est " le point culminant
du drame lyrique contemporain. " A notre
sens, le tempérament du compositeur est plus
dramatique que vraiment et simplement musi-
cal. Chez lui, les sons ont une valeur plus
représentative qu'émotive. C'est un paroxyste,
et c'est un audacieux. Sans doute, il manipule
l'orchestre a^■ec une poigne de titan. Son art
fulgurant et bruyant fait songer à l'orage. Tout
ici se heurte, les thèmes s'enchevrêtent, dans
une sarabande, avec des fracas de cuivres, des
clameurs furieuses et des éclats farouches.
C'est brutal ! Strauss nous saisit par le vacarme
plutôt que par le sentiment. Sa profondeur
appartient à la physique et à la science. A
chacun son tempérament : l'incendie d'une
grande \ille, peut être "horriblement beau" ;
j'aime la sublime et paisible clarté des étoiles !
La beauté m'apparaît, reposante, harmonieuse,
et calme, conimi' un regard, jeune et tendre-
ment lumineux, au murmure des nvnts sereines.
La même troupe, excellente vraiment,
nous a donné Vz/finrau de Niheluiigen. Mais
inutile de parler encore de ces inoubliables
visions. I/ombrc ili- Wagner, immensément,
s'est projetée sur le monde, et le couvre encore.
L'ACTUALITE MUSICALE
375
despotiquement. De loin en loin, il est des
hommes-dieux, ainsi, qui recueillent soudain
le fluide épars de la pensée ; grands prêtres
communiant de l'infini, ils parlent, et c'est
pour une génération, un émerveillement mor-
tel. Il est temps de frémir à de nouveaux
frissons !
La saison 1910-1911 est ouverte. Hélas,
notre premier scène ne trouve pas mieux que
l'Africaine, Faust et Werther ! — On nous
promet quelques œuvres... et même des œuvres
belges ! Nous les attendrons. Par contre le
théâtre de Gand annonce une série d'opéras
locaux dignes du plus haut intérêt. Notre
éminent correspondant M. le docteur Paul
Bergmans, nous tiendra au courant de cet
effort dont nous félicitons à l'avance les
initateurs.
OSTENDE. 20 juillet- 20 août. — Parmi
les beaux concerts que nous donna l'orchestre
du Kursaal, il faut citer celui du 2 1 juillet,
consacré à la musique belge, trois concerts de
musique classique dans lesquels Edouard Risler
Hugo Heermann et Geneviève Dehelly se sont
successivement fait entendre, ainsi que le fes-
tival d'auteurs autrichiens et hongrois.
Le concert donné à l'occasion des fêtes
nationales fut particulièrement intéressant les
auteurs dirigeant eux-mêmes leurs œuvres. Il
débuta par la 3*^ ouverture symphonique de
Paul Gilson, œuvre excellente, mais que le
compositeur n'a pas fait valoir autant qu'elle
la mérite, par le calme, le flegme, dirai-je, qui
caractérise sa direction et auquel nos orchestres
ne sont pas habitués. Par contre, une scène
dé son drame lyrique Gens de OTi?r, chantée
par M™'' Feltesse, enthousiasma l'auditoire.
Ce.tte même cantatrice chanta encore, avec
accompagnement d'orchestre et sous la direc-
tion de Rinskopf, trois lieder du regretté
Gustave Huberti.
Le distingué directeur du conservatoire de
Gand, M. Emile Mathieu, fit entendre Les
Noces féodales^ tableau symphonique d'une réelle
beauté.
Edgard Tinel nous avait réservé l'ouverture
de sa légende dramatique op. 44, Katharina.
Cette œuvre forte, aux riches harmonies et
modulations ne put manquer de faire grande
impression, d'autant plus que la direction
énergique et autoritaire du maître en mettait
encore plus en relief le caractère personnel.
Une ballade pour orchestre et une scène
populaire d'un nouveau drame lyrique Liefde-
lied (chant d'amour) de Jan Blockx, le compo-
siteur anversois qui se sent vraiment chez lui
quand il s'agit d'écrire des carnavals et des
scènes burlesques aux rythmes secoués et
hachés, terminèrent ce concert.
Le jour suivant Edouard Risler nous tint
sous le charme de son jeu noble. Allemand de
naissance et parisien par son éducation, il allie
à une profondeur de sentiment toute germa-
nique, une netteté et une délicatesse bien
françaises. Et cela fait de lui un interprète
merveilleux de Beethoven, dout il exécute
les œuvres avec une technique parfaite et une
rare compréhension. Il l'a prouvé une fois de
plus dans le concerto en sol, une des plus
belles compositions pour piano du maître de
Bonn. Vraiment, à entendre jouer une telle
œuvre par un tel artiste, l'on n'ose plus bouger
de peur de rompre le charme, et quand Risler
eut terminé ce concerto à l'adagio sublime,
on aurait voulu tout à coup se trouver bien
loin de toute salle de concert et de toute foule
mondaine, babillarde et rieuse, pour continuer
à entendre les effluves sonores dans le calme
de la nuit
C'est encore avec du Beethoven que Hugo
Heermann, le violoniste allemand, nous régala.
Son jeu sobre, chantant et doux rendit bien le
caractère très poétique du concerto pour violon.
Il fut tout autre, fougeux et vibrant, dans
l'exécution des Scènes de la C-zarda de Jenô
Hubay.
M^^'^ Geneviève Dehelly, de Paris, nous
permit d'apprécier une finesse de toucher et
une technique à coup sûr admirable. Elle
semble affectionner particulièrement Liszt
puisque le programme portait le Concerto en
mi \> et la fantaisie sur Rigoletto de ce maître.
Elle nous joua encore une étude de Chopin
(en mi majeur) et, comme bis, la Campanella.
Le tout fut rendu d'une façon très délicate,
A. DURAND & FILS, Editeurs de Musique
(DURAND & Cie)
4, Place de la Madeleine, PARIS
Musique de Chambre nouvelle
J. JONGEN
id.
id.
B. HOLLANDER
ROGER-DUCASSE
Trio pour Violon, Alto et Piano
Quatuor pour Violon, Alto
Violoncelle et Piano
2™*"' Sonate pour Violon et Piano
Quatuor à cordes
Partition et Parties
Quatuor a cordes
Partition in-i6°
Parties séparées
net lo tr.
net 12 fr.
net lO fr.
net lo fr.
net 3 fr.
net lo fr.
GRAND CHOIX DE MUSIQUE DE CHAMBRE FRANÇAISE & ÉTRANGÈRE
Œuvres de C. SAINT-SAËNS, Edouard LALO, Vincent d'INDY,
A. de CASTILLON, CM. WIDOR, Claude DEBUSSY,
Paul DUKAS, Gabriel PIERNÉ, Emile BERNARD,
Charles LEFEBVRE, C. CHEVILLARD, GUY-ROPARTZ,
G.M. WITKOWSKI, Maurice RAVEL, ROGER-DUCASSE, etc.
CLASSIQUES FRANÇAIS
Œuvres de Rameau, Couperin, Caix d'HerVelois.
Grand abonnement à la lecture musicale française et étrangère.
Plus de 50.000 morceaux et Partitions.
Dépf'it exclusif pour l.i It.iikc des Editions Peters.
L'ACTUALITE MUSICALE
377
pourtant il faut déplorer le choix du concerto:
c'est en effet, une composition dans laquelle
piano et orchestre semblent plutôt se faire
concurrence que se compléter.
Notons que dans ces différents concerts
l'orchestre, habilement conduit par M. Léon
Rinskopf, a toujours consciencieusement ac-
compagné les virtuoses et dans ceux de Risler
et de Heermann, solo et accompagnement
formaient un tout bien homogène dans lequel
rien, ni un tutti trop accentué, ni un crescendo
intempestif, ne vint rompre la sensation artis-
tique.
Le concert donné à l'occasion du 80'' anni-
versaire de l'empereur François-Joseph, était
réservé aux œuvres d'auteurs autrichiens et
hongrois, et était dirigé par le compositeur
Jenô Hubay, Programme chargé et heureux.
Nous avons entendu entre autres l'Adagio de
la symphonie en ut j| mineur de A. de But-
tykay — page symphonique aux thèmes larges
et aux majestueuses modulations, — l'ouverture
Au printemps de Goldmarck, le prélude très
fouillé de l'opéra M.oh.aro%sa de Hubay et un
poème symphonique La Sirène de Mihalovich.
Un autre poème symphonique Sarka de Sme-
tana, termina le concert.
Cette œuvre tirée du cycle Ma vlast (ma
patrie) dépeint un épisode de la guerre des
jeunes filles de Bohême, dont Schârka était
une des héroïnes. Cette composition est un
des chants d'une véritable épopée nationale
qu'écrivit le grand tchèque ; elle est une de
ses meilleures productions. On y sent encore
de loin en loin l'influence de Liszt, mais elle
possède bien un cachet personnel et se distin-
gue par sa richesse polyphonique.
Pour terminer, je ne puis omettre de toucher
un mot du spectacle d'œuvres belges que le
théâtre adonné le 19 août. En vérité, c'étaient
plutôt des essais de composition. Il faut souli-
gner le succès remporté, et mérité, par Ceci
n est pas un conte pièce lyrique en un acte de
M. C. Stiénon du Pré, sur paroles de M. G.
Dumestre. La pièce n'est assurément pas par-
faite mais n'oublions pas qu'elle est l'œuvre
d'un très jeune, qu'elle trahit des qualités
dramatiques réelles et que l'orchestration en
était soignée. Souhaitons à son auteur persé-
vérance. M.
GAND. — Au Grand Théâtre. D'une
statistique dressée par M. G. Bonneville, il
résulte que le répertoire lyrique de l'année
1909- 1 910 s'est composé de 40 ouvrages, dus
à 24 compositeurs différents. Les nouveautés
de la saison furent : Au pays du lin (drame
lyrique en 3 actes et 4 tableaux, musique de
Joseph Vander Meulen), et la Mort du roi
Reynaud (légende lyrique en 2 actes et 3 ta-
bleaux, musique de Robert Herberigs), comme
œuvres nationales, et Madame Butterfly^ le
Chemineau^ Marie-Madeleine^ Fortujiio et le
Paradis de Mahomet^ comme œuvres étran-
gères.
La campagne a duré du i*^'" octobre 1909
au 22 mars 19 10. La direction, confiée à
M. Raffit, fut abandonnée par lui au bout de
deux mois, et continuée en régie par l'admi-
nistration communale. Le nombre des repré-
sentations s'est élevé à 132, dont 27 matinées.
Les pièces les plus jouées ont été : Madame
Butterfly (17), le Chemineau (lo), la Vie de
Bohême (9), Faust (8), Manon (7), Au pays du
lin, Lakmè^ la Tosca et Werther (chacun 6).
Parmi les compositeurs, Puccini tient la corde
(32 représentations avec 3 œuvres) ; puis
viennent Massenet (24 représentations avec
5 œuvres), Gounod (14 représentations avec
3 œuvres) et Xavier Leroux (10 représentations
avec I œuvre).
Dans la liste des artistes en représentation,
nous relevons M™®* Marguerite Bériza, De-
:mougeot et Geneviève Vix, MM. Léon Beyle
et Vigneau.
M. Pierre de Meyer a été nommé directeur
pour 1910-1911; il dispose d'une troupe
bilingue qui lui permettra de puiser à la fois
dans le répertoire français et dans le répertoire
allemand.
Le Vaux-Hall a terminé sa saison de con-
certs symphoniques qui a été très attrayante,
grâce à ses distingués chefs d'orchestre, Joseph
Lefébure et Oscar Roels. Ceux-ci ont réservé
à l'art national une place considérable, et nous
trouvons inscrits aux programmes les noms de
L'ACTUALITE MUSICALE
378
Peter Benoit,F.-A. Gevaert, Jan Blockx, Léon
Dubois, Albert Dupuis, Paul Gilson, Edgard
Tinel, Emile Wambach, etc.
Les compositeurs gantois n'ont pas été
oubliés, et il n'est peut-être pas sans intérêt
de les énumérer, cette liste constituant un
document utile d'histoire artistique locale :
Oscar Bergmans, M'^'"'^ de Guchtenaere, R.
Guillemyn, M. Henderick, Paul Lebrun,
Joseph i>efébure, M^"'' G. Masure, Emile
Mathieu, César Michiels, Albert Morel de
VVestgaver, Charles et Oscar Roels, Adol[)he
Samuel, L. Stiénon du Pré, Frans van Aver-
maete, Jean Vanden Bogaert, Jean Vanden
Eeden, Léo Vander Haegen, Joseph Vander
Meulen et Henri Waelput.
Parmi les derniers concerts, il y a lieu de
signaler spécialement celui où ont été exécutés
des fragments de Lina^ roman musical en
3 actes de Léo Vander Haeghen, qui sera
représenté cet hiver au Grand Théâtre. Les
extraits choisis ont beaucoup plu et font
augurer favorablement de l'avenir de l'oeuvre
à la scène.
Relevons aussi parmi les solistes des der-
nières soirées, une jeune pianiste d'un talent
rempli de promesses, M*^''*^ Mariette Hill, qui
a notamment joué le beau Concertstûck
d'Emile Mathieu, Paysages cV automne.
D' Paul Bergmans.
CONCERTS ANNONCÉS. — Pour
le jeudi 20 Octobre^ Salle de la Grande Har-
monie, audition d'cjeuvres du compositeur russe.
A. Scriahifie. Orchestre : D"' M. W. Safonoff.
Piano : M""' Scriabine. Au programme :
l'*^ symphonie en ;/// majeur ; concerto piano
et orchestre en fa dièze majeur. Rêverie et
12 études pour piano.
— La Société Bach donnera ses concerts :
les Dimanches : 4 Décembre ; 26 février,
27-28 mai festival avec la Passion selon S''
Jean, et la Messe en si mineur. Artistes annon-
cés : M""" Noordewicr, Reddingins, Tilio Hill,
E. Ohlohof. — De Haan, Manifarges, Schtl-
ncman, Stapelfelt, MM. G. Walter, Halds/.un,
Stefani, Zalsinan, Jan Redcr. —
— Rappelons (|uc réininciit musicologue
M. le D'' Dwelshauvers a publié une excellente
brochure analyse de la Passion selon S^ Jean,
indispensable à ceux qui veulent en pénétrer
le sens profond et la facture.
— M. Syrlney Vaute\n^ professeur au Con-
servatoire de Liège, donnera à la Grande
Harmonie, le 16 Novembre, un Récital Schu-
man. —
COMMUNIQUE. — Listitut musical
d'Ixelles 35, Rue Souverain. Cours profession-
nels, libres et mondains, selon le programme
du gouvernement, par professeurs diplortiés^zxcc
participation au Concours général de l'Enseigne-
ment du Royaume, — Cours musicaux,
dramatiques, littéraires, esthétiques et plastiques.
— Sous l'éminente direction de M. Henry
Thiébaut. —
MM. Duples^x et Gaston Dupuis ont fondé
la Société belge d'art populaire. — Initiati\e
pleine d'intérêt. — i*^ audition, le Dimanche,
9 Octobre, au Théâtre Royal de V Alcaxar. —
Pour renseignement, s'adresser aux bureaux:
Rue du Treurenberg, chez l'éditeur Lauwe-
ryns. —
Etranger
FLORENCE^. — Florence va-t-elle rede-
venir, comme autrefois, une des grandes cités
musicales de l'Europe. On n'ose guère l'espé-
rer. Mais on aurait presque pu le croire, en
voyant se multiplier tout d'un coup les concerts
et les fêtes de musique. La société du Quartetto
Jîorentino a exécuté dans ses dernières séances
des quatuors de G. Pacini, de Bazzini, île
Moilona, de Faccio Franco, un quintette de
Dworak et le septuor de Beethoven. Nous
avons eu presque à la fois quatre concerts de
grand orclu-stri' (les seuls de l'année, il faut le
dire) doniu's par la Société orchestrale floren-
tine. Les trois pri'inicTs étaient dirigés par ini
L ' A C T U A L I T E M U s I C A L E
379
des meilleurs chefs d'orchestre d'Europe, W.
Luigi Mancinelli, qui, entre une exécution fort
satisfaisante de la 5*^ symphonie de Beethoven
et une interprétation très personnelle de divers
fragments symphoniques de Wagner, nous a
fait admirer dans son œuvre nouvelle. Ouver-
ture romantica (1910) la parfaite maîtrise de
son instrumentation. On regrette que cet
orchestre de cent musiciens, qui possède des
qualités sérieuses, ne nous ait pas donné cet
hiver des concerts réguliers que le public
'florentin aurait certainement suivis avec em-
pressement.
Au théâtre Verdi, une première : Don
Quichotte^ " comédie musicale " en trois actes,
poème de M. Riccardo di Cagliostro. Je n'ai
pas encore eu le temps de faire connaissance
avec le Don Quichotte de M. Massenet et
pourtant je n'hésite pas à affirmer que celui
de M. Pacini ne lui ressemble en rien.
M. Pacini, qui a fait ses études musicales à
Leipzig, s'est proposé, dans cette œuvre curieuse
et déconcertante, d'appliquer au poème un peu
grêle et fort peu dramatique de M. di Cagli-
ostro, les procédés musicaux du drame wagné-
rien. Cette disproportion produit quelque
malaise et l'orchestre ne nous permet pas
toujours d'entendre les acteurs. Parmi les pages
les mieux venues, on peut signaler la mort de
don Quichotte et la scène de l'acte II où il
défie les esprits de la nuit. Ce qu'il y a de plus
intéressant dans l'œuvre de M. Pacini, c'est la
volonté délibérée de rompre nettement avec le
style dramatique de M. Mascagni ou de
M. Puccini, de s'engager dans des voies nou-
velles (du moins en Italie), même au risque de
se fourvoyer.
On peut constater dans quelques milieux
italiens, et particulièrement à Florence, le goût
et le besoin d'une musique nouvelle. Plusieurs
amateurs et aussi quelques jeunes compositeurs
pleins de promesses étudient Strauss, Mous-
sorgsky, Debussy. Récemment, dans une con-
férence illustrée par une audition de ses
œuvres, M. Gino Bellio, dont l'originalité
audacieuse ne paraît pas avoir été affaiblie par
de longues années d'enseignement, exposait
une théorie de la liberté rythmique et toriale
et rendait hommage aux innovations fécondes
de la jeuriè école française.
Mais, comme il est naturel, c'est surtout
dans son passé, si glorieux, que la musique
italienne devra fortifier son inspiration. S'ils ne
se décident pas encore à utiliser les trésors du
chant populaire sarde ou calabrais, les Italiens
ont tenté, cette année, plusieurs reprises im-
portantes d'opéras anciens, la Mèdée de Che-
rubini, la Vestale de Spontini et VOrfeo de
Monteverdi, qui, donné d'abord à Milan par les
soins de la société des Amis de la musique^ vient
d'être exécuté tout récemment à Florence, avec
les mêmes chanteurs et avec le duc Visconti de
Milan pour chef d'orchestre, sous les auspices
de l'Association des musicologues italiens (la
S. I. M. d'Italie). Ce fut une belle fête de
musique, où triomphèrent le célèbre baryton
Kaschmann et M"""® Fino Savio et Maria
Ppzzi. L'adaptation de M. Orefîce, conçue
dans un esprit assez différent de celle de
M. Vincent d'Indy, est fort agréable à enten-
dre, mais les libertés prises avec le texte sont
vraiment excessives, comme l'a fort bien
montré M. Gaetano Cesari, dans une magis-
trale étude de la Kivhta Musicale Italiana.
M. Orefîce a fait profiter Monteverdi de
l'expérience acquise par trois siècles de musi-
que. Il l'a aussi rendu beaucoup plus accessible
au gi"and public, qu'une transcription plus
fidèle aurait peut-être rebuté et qui a accueilli
celle-ci avec enthousiasme. Après tout, si c'est
là le seul moyen, à l'heure actuelle, de faire
aimer Monteverdi, peut-être devons-nous con-
tenir notre indignation d'historiens, — et
applaudir.
Paul-Marie Masson.
PAYS DE GALLES. — Treize sociétés
chorales venues de différents points du pays de
Galles et formant un ensemble de 1300 voix
se sont assemblées à Harlech célèbre par son
vieux château et par son héroïque défense
durant la guerre des deux Roses en 1460.
C'est sans doute de cette époque que date une
des célèbres mélodies galloises " The march of
the men of Harlech " qui est un des plus beaux
airs guerriers de l'Europe. Cette marche devint
Cavaillé-Coll-Mutin
15. AVENUE DU MAINE
Charge de la Construction de VOrgue monumental Je Sainl-Picnc Je Rome
L'ACTUALITE MUSICALE
l'air national Gallois et ne fut remplacée par
l'air actuel qu'à la fin du siècle dernier. Le
Festival du 8 Juillet dernier fut une rénova-
tion de festivals qui, il y a 25 ans, étaient
le plus grand événement de la vie musicale
Galloise.
Mrs. Mary Davies la vaillante secrétaire de
la " JVehch Folk song Society'''' a présidé la séance
du matin où les choeurs se sont fait entendre
séparément.
A la séance du soir, les 1300 voix se sont
unies dans une admirable interprétation du
Messie de Handel. Lucie A. Barbier.
BOSTON. — L'un de nos jeunes compo-
siteurs les plus intéressants, M. André Caplet,
vient d'être chargé de conduire les œuvres
françaises l'hiver prochain à l'Opéra de Boston.
Remarquable chef d'orchestre M. André
Caplet va trouver dans la conduite de Pelléas
et Mélisande, et d'Ariane et Barbe-bleue,
entre autres, une compensation aux deiix
derniers concerts organisés par MM. Durand
et Co. pour lesquels il avait été choisi, mais
qu'une indisposition l'avait empêché de con-
duire.
LE RÉPERTOIRE FRANÇAIS MO-
DERNE AUX ÉTATS-UNIS. — La
saison prochaine, voici les œuvres qui seront
représentées dans les grandes villes : New-
York, Chicago, Philadelphie, Boston, Wash-
ington, La Nouvelle-Orléans :
" Samson et Dalila ", " Javotte " et
" Henry VIII " du Maître Saint-Saëns, " Pel-
léas et Mélisande " et " L'Enfant Prodigue "
de Claude Debussy, " Ariane et Barbe-Bleue "
de Paul Dukas, " L'Heure Espagnole " de
Maurice Ravel.
VALENCE. — Des concerts sans intérêt
ont été donnés à l'Exposition Nationale d'Arts
et Industries. A signaler la visite de la Schola
Chorale de Tarrasa (Barcelone) qui, sous la
direction du Maître M. Llongueras, a donné
deux séances de musique et de gymnastique
rythmique (d'après la méthode de M. Jaques
Dalcroze).
381
A signaler aussi l'exécution des œuvres
telles que les Chorals de Victoria ou de Bach,
les chants catalans de Morera, PedrcU, etc..
On apprécia tout particulièrement l'inter-
prétation parfaite des poses de gymnastique
rythmic|ue. M. Llongueras est allé lui-même
en Suisse pour étudier la méthode de M.
Jaques Dalcroze ; il a la chance d'avoir
des élèves très douées et dont la grâce tout
hellénique fut vivement appréciée. Bref, très
grand succès.
Nous avons eu aussi un concours de fanfares,
très important. Ed. L. Chavarri.
CADIX. — Le programme du douzième
Concert donné par " l'Octeto Sinfonico "
comprenait la Danse aux Flambeaux de
Moszkowski, des mélodies de Grieg, le pré-
lude du troisième acte d'Hérodiade de Masse-
net, la S'' Symphonie de Beethoven, des
fragments de Parsifal, Tristan, l'Or du Rhin
et du Crépuscule des Dieux.
MARIAGE. — Nous apprenons avec
plaisir le mariage de notre collègue M. Mau-
rice Reuchsel, membre de la Société Inter-
nationale de Musique, compositeur, rédacteur
en chef du journal U Express Musical de Lyon,
avec M"'' Louise Perrenot, fille de feu M®
Perrenot, avoué, et nièce du Général Berthier,
commandeur de la Légion d'honneur.
NÉCROLOGIE. — Frédéric -Adolphe
Steinhausen, médecin général et médecin du
seizième corps d'armée à Metz, bien connu
dans le monde musical pour ses ouvrages sur
" le maniement de l'archet dans les instru-
ments à cordes " et " la nouvelle technique
du piano " est mort à Boppard le 23 juillet à
l'âge de 51 ans.
— M'"® Berta Adels von Mûnchhausen,
célèbre cantatrice d'oratorios et de lieder, en
même temps que professeur distingué, est
décédée subitement à Strasbourg le 2 sep-
tembre. Elle avait su acquérir une place très
importante dans la vie musicale de Strasbourg
et le public ainsi que la presse étrangère lui
réservaient toujours le plus chaleureux accueil.
CE QUE Cu4\US0
TENSE T>U TIANOLA
Caruso-jouant-clu Pianola caricaturé pnr lui-iiiênie.
ENRICO CARUSO, le merveilleux ténor, est, comme toutes les célébrités
musicales, un fervent admirateur du PIANOLA. " 7V vuu^ ,l\iil(ihlii- le Pi,iih<l<i
cxccntcr une coiiiposilioii diJ/iciU-, écrivait-il naguère à la Compagnie ^olian, —
(7 SCS effets sont non scutcnicnl nnisiranx cl nilislninrs, iihiis siiuplciiuiil shipi'ihjiits. Oiiiiint on
soniie que /f Pianota, muni du Mc'Iroslyte, permet à un novice de rendre les nuances et les
finesses de Vinterprctatiou d'un thef-d'ivuvre par un i^raud artiste, le Pianola cesse vraiment
d'être un instrument mccanitiue. Je vous souhaite tout le sueeh que vous méritez."
Le Catalotiue illiislié "C" scrn cnvové i'ianco à toute pt-isomic qui eu tcia
la flciuauck-. Le l'iaiiola peut-être euleiulu à toute heure, dans les salons de
77/A' MOU AN COMPANY LA.
PIdNOI./lS — l'IdNOI.d ridNos -
/l-:()I.IdN()R(:ilFSTRELLF.S
PI d NOS STFCK & IIF.RER
GRANDES ORCUFS
S/n.LE mOT.LlN, 32, AVENUE DE E'OPÉR.I. P. /RIS.
Nous venons de fêter à Niort le 80^ anni-
versaire d'un artiste vaillant que n'ont pas
oublié tous ceux qui aimaient la musique et
en suivaient les manifestations il y a vingt-cinq
ans. Tolbecque né en 1830 était le neveu de
Tolbecque, chef d'orchestre émiiient sous
Louis-Philippe et rival de Musard.
Il obtint à l'unanimité en 1849, ^^ Con-
servatoire de Paris, son premier prix de Violon-
celle avec le 2™® Concerto en la minpur de
Baudiot. Il fut professeur au Collège de Pons,
Violoncelliste solo au Grand Théâtre de Mar-
seille et professeur à l'Ecole de Musique de
cette ville de 1865 à 1871. — Il faisait partie
des quatuors Mi lion.
Après la guerre il revint à Paris et fut
Violoncelle solo à la Société des Concerts. C'est
là que pour la première fois, il exécuta le pre-
mier Concerto en la mineur qui lui avait été
dédié par l'auteur : " Camille Saint-Sâens."
Violiste distingué, il se fit entendre souvent
et il y a quelques années encore à la Société In-
ternationale de Musique à Paris, où il donna la
Sonate de Bach pour Basse de Viole et la 6™°
sonate du même auteur pour la
Viola Pomposa (Violoncelle à 5
cordes).
Compositeur de valeur, il a
écrit de nombreuses œuvres pour
Violoncelle Solo, Violoncelle et
Piano, Messes solennelles avec
Orchestre qui furent exécutées
à la Cathédrale de Niort et d'un
petit Opéra Comique qui a fait
les délices des auditeurs. Sa
Gymnastique du Violoncelliste., ré-
pandue dans le monde entier,
sert d'études dans tous les Con-
servatoires. Citons encore: Danse
Cosaque., Les 1)agues, et La
Marche des Mousquetaires pour
Violoncelle sans accompagne-
ment, et enfin ses " Souvenirs
cViin musicien de province ".
Tolbecque n'était pas seulement violoncel-
liste, compositeur et ami des livre?. Il eut
encore la passion de la lutherie, au point de
devenir un professionnel des plus habiles.
Poussé par un irrésistible désir de connaître
et d'approfondir les détails de fabrication d'un
instrument qu'il aimait, il prit la résolution de
se mettre en apprentissage de lutherie chez
Victor Rambaux au même moment qu'il sui-
vait les classes de Vaslin au Conservatoire.
Dans sa chambre, l'établi voisinait auprès du
pupitre et le pot à colle fredonnait pendant
l'exécution d'un concerto. Et en vérité Tol-
becque eut préféré la vie paisible de l'atelier à
l'existence mouvementée d'artiste qu'il mena
pendant soixante ans !
Par étude et par goût Tolbecque devint
l'homme de France le plus habile à la remise
en état des anciens instruments de la musique,
dont on commençait alors à peine à se soucier.
Le musée de Bruxelles à lui seul pourrait
fournir des preuves éclatantes de la maestria
de Tolbecque. Le tour de force du maître fut
384
L'ACTUALITE MUSICALE
la réparation du fameux C<?w/)5W«/// de Winkel, bccque date de 1848. C'est un Alto dont la
instrument mécanique à tuyaux, \ariant à l'in- sonorité rivalise avec celle du Violoncelle.
fini un thème quelconque noté sur deux Son exposition d'instruments disparvis du
cylindres. XV au XV'' siècle fut achetée par notre
Le premiî-r instrument construit par Toi- collègue, le collectionneur Charli-s Petit. —
Pour paraître le 15 Octobre
"Les Femmes du Jour
>>
REVUE
des Personnalités et Choses fénminines
Marquise de La Feuillade, Directrice Pierre Jobbé=Duval, Rédacteur en chef
Le Numi'ro fr. 0.20
DBHHHIHI^^nBHR
L'ACTUALITE MUSICALE
3BS
Gand, l'illustre luthier, lui avait commandé
une série d'instruments rétrospectifs qui firent
l'admiration des visiteurs de l'Exposition de
1865.
Tolbecque s'est encore livré avec succès à
la fabrication des Orgues.
Il construisit celui de Pons, celui du Mar-
quis de Foucault (g jeux, deux claviers et
pédales séparées). Le bel et intéressant instru-
ment qui dans son salon occupe, la place
d'honneur est au dire de nos grands facteurs
qui l'ont examiné et des artistes qui l'ont
touché, un véritable bijou. ^
Depuis de longues années Tolbecque est
retiré à Niort dans sa propriété du Fort Fou-
cault, et partage son temps entre sa merveil-
leuse collection d'instruments et de très belles
auditions classiques où il a su grouper (chose si
difficile en province !) les meilleures forces de
notre ville. Tous ses amis ont tenu à offrir au
maître à l'occassion de son 80® anniversaire une
preuve de leur reconnaissance et de leur estime.
Ils ont eu la délicate pensée de choisir une
œuvre d'art qui eut à la fois une grande valeur
et le charme d'un souvenir : c'est un buste en
cire perdue modelé par Dubois, et qui repré-
sente le grand ami de Tolbecque, Camille
Saint-Saëns.
Que celui qui tient entre ses mains la des-
^ L'expérience acquise par plus d'un demi siècle de
travaux a été condensée par Tolbecque dans différents
volumes : " Quelques comide'rations sur la lutherie ",
Notices historiques sur les instruments à cordes" et surtout
^^ L'Art du Luthier" (Paris Fischbacher 1902). Cette
activité valut au maître la croix de la légion d'honneur.
tinée de chacun, daigne conserver longtemps
encore à l'art de la lutherie et de la musique
un de ses plus fervents adeptes.
UNE MAISON D'EDITION MODERNE
Paris compte de grands éditeurs de musique. Il n'en connaît pas de mieux organisés que la
maison Cosiallat et Cie. MM. Costallat et Cie ont été les premiers à faire pénétrer en France
l'édition des grands classiques étrangers. Depuis 1895, ils furent les représentants actifs et
autorisés de MM. Breitkopf et Haertel, chez qui Beethoven, Haendel, Bach, Haydn, IMozart,
Palestrina, Liszt, Vittoria, Schumann et tant d'autres grands musiciens ont paru en éditions
complètes et soigneusement revisées. Grâce à ce dépôt, MM. Costallat ont introduit chez nous un
genre d'ouvrages que les éditeurs de musique se refusaient presque tous à adopter, celui des publi-
cations et livres de musicologie. Ils ont ainsi contribué effectivement à combler l'abîme qui existait
tout récemment encore entre la librairie proprement dite et l'édition musicale. Parmi ces
vohunes se trouve entre autres la célèbre biographie de Badi par le Dr vSchweitzcr, qui fait
autorité aujourd'hui, et le manuel bibliographique de Pazdirck, ouvrage colossal, qui contient en
ses volumes le répertoire de la musique en librairie dans le monde entier.
Si la maison Costallat est, de tous nos éditeurs, lapins solidement outillée pour le répertoire
cosmopolite, elle est, d'autre part, et par ses origines une des plus françaises puisqu'elle tient en
grande partie son fonds de Richault, fondé à Paris en 1805, éditeur de Berlioz et des grands
romantiques. La Damnation de Faust, que l'Opéra vient de remettre en scène, et Y Enfance <///
Christ, qui s'y montrera peut-être un jour, donnent à ces éditeurs une glorieuse renommée.
Citons encore parmi les modernes édités par la maison Costallat : A Coquard, Maurice
Le Boucher, Léon Moreau, A. Mercier, qui vient d'être couronné par la ville de Paris, etc..
Kniîn, non content de joindre la musique à la musicologie, le détail au gros, l'étranger au
français et l'ancien au moderne, MM. Costallat et Cie ont eu l'heureuse idée d'associer à leur
fonds la vente et la location d'instruments à clavier. Grâce à l'ancienne et puissante maison
américaine G. Esley, de New- York, dont ils sont à Paris les représentants, ils offrent au public
le piano, l'auto-piano, et les orgues, sans lesquels les textes publiés restent muets.
On ne saurait donc s'étonner de l'extension prise par la Maison Costallat dans ses locaux
de la Chaussée d'Antin. Ces agrandissements font d'elle une maison dWiition moderne au sens le
plus étendu de ce mot, où le lecteur et l'amateur de nuisiquc
trouveront tout ce dont ils ont besoin, tout ce cjui peut servir à la lliXKi n.\vi:\i:v.
théorie connue à la piaticpie, a la lecture connue à l'executidu. A. M.
Depuis longtemps les musiciens critiquent,
avec raison, les programmes scolaires auxquels
ils sont en droit d'adresser les reproches les
plus graves.
Actuellement, les enfants des écoles pri-
maires commencent l'étude de la musique à
l'âge de dix ans ou môme onze ans : c'est
trop tard. Cette étude devrait commencer,
parallèlement avec l'alphabet, à cinq ans
environ, ainsi que cela se pratique en Alle-
magne, en Autriche, en Suisse, en Danemarck,
en Suéde et en Norwège.
Partisan résolu de cette méthode, M. L.-J.
de Schepper, directeur du " Groupe sympho-
nique ", de l'harmonie " l'Union musicale "
et de la " Chorale la Fraternelle ", dés son
arrivée à Château-Gontier, en janvier 1893,
sollicita l'autorisation de faire, à titre absolu-
ment gracieux, des cours de solfège dans toutes
les classes des écoles communales. Malgré
toute sa bonne volonté il dut attendre pendant
quinze ans cette faveur : la chose peut paraître
singulière ; elle est rigoureusement exacte ; il
désespérait de réussir quand à la rentrée d'oc-
tobre 1908 il obtint enfin l'autorisation si
impatiemment attendue.
Sans perdre un instant, il se mit au travail
avec ardeur et, depuis, consacre plus de dix
heures chaque semaine à des cours supplé-
mentaires. Sous cette vigoureuse impulsion les
bons résultats ne pouvaient se faire attendre ;
en janvier dernier une première distribution
d'instruments eut lieu et le quatorze juillet
les jeunes instrumentistes exécutèrent, au
kiosque des Promenades, un programme de
quatre morceaux d'une certaine diflSculté.
Leurs qualités de son, de justesse, d'ensemble
et de résistance furent très remarquées et ils
obtinrent un grand et légitime succès.
Cette petite harmonie, composée exclusive-
L'ACTUALITE MUSICALE
388
ment d'enfants de huit à treize ans, (un seul,
le clarinette-solo a quatorze ans) comprend :
une petite flûte ; une petite clarinette ; quatre
clarinettes si b ; deux cornets ; quatre bugles ;
deux saxophones-altos : un saxophone-ténor ;
trois altos ; deux barytons ; deux trombones
et cinq basses si b ; elle a pour titre : " Har-
monie des pupilles de l'Union musicale " et
possède déjà un répertoire de dix morceaux,
tous de la composition de leur dévoué profes-
seur, ainsi d'ailleurs que les solfèges qu'il im-
provise au tableau et que les méthodes qu'il
leur copie lui-même.
En attendant une modification des pro-
grammes qui s'impose, souhaitons de voir les
professeurs de musique prendre partout une
semblable initiative et travailler avec autant
de courage et de désintéressement au relève-
ment du niveau de l'enseignement musical
dans les écoles publiques. Que les professeurs
démontrent par des faits aux plus sceptiques,
aux plus incrédules, que le solfège peut être
enseigné avec fruit dès l'âge le plus tendre.
Rubinstein, le grand compositeur russe, l'a dit
fort justement : " L'étude de la langue musi-
" cale est semblable aux autres langues, celui
" qui l'apprend dès l'enfance peut se l'appro-
" prier, mais à un âge avancé il est presque
" impossible d'y parvenir. "
Cet enseignement peut être donné de la
façon la plus animée, la plus attrayante,
rompre heureusement la monotonie forcée
d'autres exercises. Il n'exige pas beaucoup de
temps, deux séances par semaine suffisent. Ce
qui se fait ailleurs peut et doit se faire chez
nous. Nous ne sommes pas nécessairement
condamnés par le destin à voir le char de la
Musique rouler et tanguer à perpétuité le
long des ornières de la routine.
p. Luth.
(lu journal " Le l'rof^rcs " <ic Laval
et de Châtcau-Gontier.
^
Questions
Sociales
ET INTERETS PROFESSIONNELS
Comptez d'abord sur vous-même !
Nous étions amené récemment, au cours
d'un entretien, avec un de nos distingués
économistes, (son nom, ici, importe peu) à lui
exposer quelques-unes de nos vues sur la con-
dition des artistes, en général, et celle des
musiciens, en particulier.
— Vous vous occupez beaucoup, lui disions-
nous, des Clûsst's Moycnnei} Les petits commer-
çants, petits industriels et agriculteurs sont
l'objet de votre sollicitude ; vous avez déjà
obtenu de nos députés certaines disposif'ons
législatives favorables à cette classe si intéres-
sante de producteurs, mais pourquoi, en prenant
cette rubrique : classes ftioyenncs, la faites-vous
limitative ? Vous en excluez les " petits
artistes " ceux qui, péniblement, laborieuse-
ment, luttent aussi, avec non moins de courage
contre des conditions sociales désastreuses pour
eux. Moins nombreux peut-être que vos pro-
tégés ils forment cependant un groupe notable
dans Tcnsemble de la populatii)!!, groupe qui
s'accroît tous les jours. Ceux-là aussi sont
dignes de votre bienveillance ; ceux-là aussi
sont des producteurs, quoique d'un genre dif-
férent ; ceux-là aussi sont utiles, ils S(Mit des
' Ici iiiOinc nous avons juiblic un article sur un
Congrh Jes Cliissrs Movr/tiirs tenu à Paris en Novembre
1909.
L'ACTUALITE MUSICALE
389
citoyens, ou, si vous voulez, simplement, des
hommes aux prises avec de dures réalités et
plus désarmés peut-être que les autres pour en
tirer habilement parti. Savants, artistes, repré-
sentent ce capital intellectuel aussi nécessaire
à une nation bien portante qu'à un individu
sain car vous ne concevez pas, j'imagine, un
être humain comme uniquement préoccupé de
s'enrichir au moyen du commerce, de l'agri-
culture ou de l'industrie. Accordez donc aux
" petits artistes " je veux y insister, une place
dans vos préoccupations sociales.
Mon interlocuteur avait écouté fort poliment
cette tirade, débitée avec le feu que donne
toujours une conviction sincère, mais la froideur
de son attitude n'indiquait pas qu'il fût con-
vaincu.
— Enfin, dis-je, devant son silence, que
pensez-vous ?
Il prit un temps, et, fort posément :
— Nous ne demandons pas mieux, fit-il,
que d'accueillir les artistes. Quant à espérer,
pour les tirer d'affaire, la modification des lois
qui les concernent c'est une autre question et
ils pourront attendre longtemps qu'on s'in-
quiète de leur sort. Comprenez donc qu'ils ne
sont pas intéressants.
Je sursautai.
— Laissez-moi poursuivre. Vous n'êtes pas
intéressants, vous autres artistes, parce que
vous ne formez pas un parti politique. Le petit
cominerçant, l'industriel, l'agriculteur a des
opinions politiques, — bonnes, ou mauvaises,
il n'importe. — Il les propage autour de lui.
Sa boutique, son usine, son exploitation sont
des endroits de réunion, des petits centres
d'action, des organismes déjà constitués dont
profitent ceux qui, à tort ou à raison, préten-
dent diriger les autres et établir leur situation
même sur l'utilité de cette direction. Rien de
pareil avec les artistes. Ils sont des isolés, des
individualistes, des nomades souvent, et, pour
les trois-quarts d'entre eux, la politique est
chose indifférente. Ils n'exercent pas d'action
appréciable dans un cercle donné ; en quoi
voulez-vous qu'ils touchent nos législateurs ?
Un commerçant influe sur son entourage, il
est à ménager, mais, je vous le demande, quel
est l'emploi, comme rouage social, d'un petit
violoniste, râcleur de concerts, dans les grandes
villes, l'hiver, dans les casinos, l'été ?
Je restai sans réponse tellement ces idées
me semblaient étranges. Où la politique allait-
elle se nicher ! Je ne pouvais contester l'exac-
titude de ces affirmations. Oui, sans doute, les
choses devaient se passer ainsi. Et cependant
une telle injustice m'indignait.
— Eh ! quoi, poursuivit-il, ces musiciens
auxquels vous vous intéressez si obstinément
n'ont-ils donc rien fait pour améliorer leur sort?
Qu'ils prennent alors exemple sur ces petits
commerçants, agriculteurs, industriels, dont
nous parlions tout-à-l'heure. Ceux-là ont com-
pris que la période de développement de
l'individualisme était close. Ils se sont aperçus
que la facilité donnée au libre jeu de la con-
currence n'aboutissait, en définitive, qu'à l'écra-
sement de l'individu ; alors, par un juste
retour, ils ont cherché dans l'union des
forces, l'appui nécessaire contre l'aveugle pres-
sion sociale, quitte, après un assez long temps,
à éprouver les inconvénients de ce nouvel état
et à revenir à l'individualisme. Nous n'avons
pas à prévoir cette conséquence lointaine nous
en sommes à la période associative. Adaptez-
vous donc et surtout : comptez sur vous-
même.
Au départ, cette parole me suivit : Compter
sur soi-même. N'est-ce pas tout le secret de la
victoire dans cette lutte quotidienne qu'il faut
que chaque être et chaque collectivité, sou-
tienne contre un milieu toujours hostile. Etre
attaqué sans cesse, se défendre sans cesse,
trouver en soi toutes les énergies nécessaires à
une continuelle réaction, se maintenir en
équilibre et conquérir chaque jour, au soleil,
une place toujours disputée. C'est la loi de la
vie.
Quelques musiciens ont compris la nécessité
de tenter quelque chose et, ne sachant com-
ment se déterminer, ils se sont adjoints aux
associations déjà existantes, ils se sont syndi-
qués. Ils sont allés frapper à la Bourse du
Travail où ils furent accueillis et assimilés aux
syndicats ouvriers. Au début, ils ont retiré,
grand profit de cette alliance mais, actuelle-
LES PIANOS
STEINWAY
Proclamés par les grands musiciens
comme les meilleurs du monde entier.
E, MOULLÉ
AGENT GÉNÉRAL
i, RUE "BLANCHE, VARIS.
c*>
c«>
Lettre d' HECTOR BERLIOZ
Paris, 25 Septembre 1867.
Messieurs Sleinway et Fils,
J'ai entendu les magnifiques pianos qui sortent de
votre fabrique. Permettez-moi de vous faire mes
compliments sur leur excellence el les rares qualités
qu'ils possèdent.
Leur sonorité est splendide et csscnlicUciiu'iil
nnblc ; en plus vous avez découvert le secret de
diminuer jusqu'à un point imperceptible l harmonie
déplaisante de la septième mineure, qui jusiiu'a
présent se faisait entendre à la huitième el neu-
vième vibration des plus longues cordes, rendant
ainsi les son» cacophonique». Comme tant d'autres améliorations, celle-ci est un grand progrès dans
la fabrication de» pianos el un progrès pour lequel tous les artistes et amaleuis doues d un goul
délicat vous devront de la reonnaissance.
Veuillez accepter, M»-^" 'ir-. <vcc me» compliments l'assurance de mon respect.
IIKCTOR BF.RLIOZ.
L'ACTUALITE MUSICALE
^9t
ment, un mouvement de recul paraît se des-
siner, certains symptômes se précisent d'une
prochaine évolution. Les termes de la loi de
1884, régissant les syndicats, étaient formels :
A' syndicat devait être une association unique-
ment préoccupée des intérêts professionnels de
ses membres. On sait ce qu'il est devenu et
comment les syndicats affiliés à la Bourse du
Travail ont été détournés de leur but, trans-
formés en partis politiques, dressés contre la
société qui leur avait donné naissance, adoptant,
■ comme progrès, les doctrines révolutionnaires.
Nous n'avons pas à juger leur action, mais nous
pouvons constater que beaucoup de leurs plus
fervents adeptes commencent à en être las. Ce
ne sont pas seulement les manœuvres et les
ouvriers qui regimbent sous la férule des me-
neurs. Il y a là, pour qui suit le mouvement,
fort utiles à noter, les prodromes d'une réaction
qui ne saurait tarder.
La nécessité du groupement reste entière ; l'éti-
quette syndicale commence à être bien discré-
ditée. On pourrait peut-être trouver autre
chose et ceux des artistes musiciens à qui
répugnent les procédés et les allures de la pire
démagogie auraient quelque intérêt à réfléchir
à ce sujet et à découvrir quelle forme associa-
tive leur convient le mieux : un groupement
basé uniquement sur les intérêts professionnels,
n'est peut-être pas une chimère, il est temps
que quelques-uns d'entre nous en prennent
l'initiative.
Les artistes doivent se persuader qu'ils
auraient tout à perdre à une transformation
brutale de l'état social présent et que leur
intérêt n'est pas d'y travailler. Ces grands bou-
leversements qui saisissent, pour ainsi dire,
toute la puissance de volonté d'un peuple et
l'appliquent au pénible passage de la théorie
à l'action révolutionnaire ne sont pas favorables
au développement de l'art, qui est un luxe, et
à la condition de ceux qui le servent. Quant
à une transformation plus lente, mais plus
sûre peut-être, en faveur du prolétariat ouvrier,
elle est tout aussi redoutable à envisager pour
l'artiste. I/industrialisation à outrance d'un
pays, où jusqu'à présent la part d'intellectua-
lisme a été sauvegardée, l'exclusion du patro-
nat, au profit de collectivités anonymes, repré-
senteraient, au moins pendant un long temps,
des conditions de vie détestables pour les
artistes. A eux de sauvegarder leur précaire
existence en reconstituant promptement leurs
corporations, non pas dans les formes suran-
nées et désuètes, mais en accord avec les
exigences d'un temps nouveau. Tous les
modes de groupements doivent être essayés,
tous, bien compris, peuvent donner de bons
résultats. Nous en citerons, pour conclure, un
seul exemple. Il nous vient d'Amérique et
vaut d'être retenu.
" A New York, les artistes lyriques et dra-
matiques disposent de trois clubs où ils se
retrouvent quotidiennement. Le plus grand de
ces clubs, et le plus distingué, est le Players-
Club, fondé en 1888, par Edwin Booths le
plus célèbre des tragédiens américains. Le local
du club contient des salles de jeux, de lecture,
une bibliothèque de 6000 volumes. Beaucoup
moins fermé est le Lambs Club. Ses fêtes sont
célèbres, ainsi que ses représentations données
sur un petit théâtre propriété du club. I>e
Green room Club comprend des directeurs et
des imprésarios. Son but est de rapprocher ceux
qui offrent et ceux qui demandent des emplois,
et de créer des relations personnelles entre
directeurs et artistes. "
Concluons, suivant la formule : pourrait
être essayé à Paris.
M. Daubresse.
Uon se propose dans cette rubrique, qui paraîtra désormais tous les mois yion point de dresser un
répertoire des sommaires — ce que fait fort bien le bulletin mensuel de la I. M. G. — mais de
glaner pour les lecteurs du S. L M., dans les revues de divers pays, des idées et des documents
intéressants, de résumer pour eux la substance des études ou des récits les plus originaux ; ceci sans
la moindre prétention à être complet, mais avec Fespoir de ne rien omettre d^essenticl en Fespcce,
soit dans le choix des articles, soit dans la tnaniére de les résumer.
M. D. C.
LETTRES DE JEUNESSE DE BALA-
KIREW, — C'est la Gazette musicale Russe
(25 Juillet, I Août 19 10) de M. Findeisen,
indispensable à qui veut connaître la musique
russe qui en publie des extraits. Ainsi que
le disait naguère ici même le distingué musico-
logue russe, il est grand temps de recueillir
et de publier tous les documents possibles sur
la vie et l'œuvre du grand artiste et de
l'homme très bon que fut Balakirew. A présent
qu'il est mort on finira bien par lui rendre un
juste tribut d'admiration, et l'heure est venue
pour les biographes d'entrer en scène.
Ces lettres furent adressées au docteur
Zatkévitch, camarade de collège du maître et
appartiennent à la période de 1857-1858 soit
du premier séjour de Balakirew^ à St. Péters-
bourg.
Le premier extrait est des pkis caractéris-
tiques, et nous montre déjà tout entier la belle
intransigeance, la foi artistique du inaître :
" 'i'u m'as mal compris ou bien je me suis
mal exprimé. Ce dont je me plains, c'est de
riiKhftérence du public pour tout ce qui est
vraiment beau : ce pourcpioi on devrait ni'ap-
plaudir, on ne l'api^lautlit pas : ce qui n'est
(|ue routine produit au contraire de l'effet et
j'en produis (|uand je joue des Nocturnes poui
belles dames de Ch()[)in, ou bien mes pre-
mières compositions (|ui ne valent rien, fe ne
traite point Ciiopin de compositeur pour bi-lles
(lames : il a écrit des œuvres magnificpies m;îis
ce sont celles-là cpii ne produisent point d'i ll( t
sur le public... Je viens de recevoir une h itie
(le lî.; écnle ;i/ni de nie pupier ;iu vif, " (l;ins
mon propre intérêt." On lui a dit que je m'en
crois trop, que j'ai le culte de moi-même. Tu
sais combien tout cela est faux. Il me signale
encore le danger de \i\ re parmi des partisans
trop enthousiastes qui m'encensent. Quelles
niaiseries ! Pour le choix de mes relations je
m'en tiens à la précieuse vérité d'un conseil de
Schumann : " recherche ceux qui te connais-
sent le mieux "... B. me dit que mon igno-
rance du français me nuira en m'empèchant
de fréquenter les artistes qui pourraient m\'tre
utiles {:). Mais le peuple des \irtuoses est aux
antipodes de la musique. Pour eux c'est non
l'art mais l'argent qui est au premier plan. Seul
d'entre les virtuoses, Liszt est devenu musicien
parce qu'il a cessé d'être virtuose. Mais chez
nous, à Pétersbourg, il n'y a jamais eu de
Liszt. On s'y contente de racaille comme
Henselt, Lechetitsky, etc. (j'entends racaille
au point de \ ue musical, car pour ce qui est
de leur jeu, il est excellent). Je termine ce
\'()lume par cet autre aphorisme de Schumann:
passe plus de temps en conijiagnie des parti-
tions qu'en compagnie des \ irtuoses. Et je
t'en\oie ma lettre \xw un ceitain ianatique de
mon talent — le seul qu'on puisse trouver à
Pétersbourg. Il m'est sympathiiiue parce que
son cœur est bon, son Ame ardente, mais non
parce (|u'il a cette foi fanaticpie en mon talent.
Mais il est superflu ili- t'explicpier cela."
Ia-s autres extraits montrent Halakirew très
jiauvre au point d'Iiésiter à payer ilix kopecks
pour le pnrt (riuii- lettre, et d'humeur assez
snmliic, eiuoic tpTil ne si- laissât point aller
;iu (lée(Mii;im-iuiiit.
L'ACTUALITE MUSICALE
393
M. GUSTAVE MAHLER. — Tant h
l'occasion du cinquantième anniversaire de ce
compositeur qu'à celle de la première exécu-
tion de sa huitième symphonie, les journaux
allemands parlent, naturellement, beaucoup de
son œuvre et de lui-même. Non moins na-
turellement, les diatribes s'opposent aux dithy-
rambes, La note juste paraît être donnée par
le compte-rendu de M. A. Spanuth [Signale,
2 1 septembre) où se mêlent le blâme et l'éloge.
Même sans avoir entendu cette symphonie, on
est persuadé que M. Spanuth a raison en
déclarant qu'une belle œuvre, avant tout
vocale, ne peut être considérée comme mar-
qviant la symphonie de l'avenir, ce qui impli-
querait la condamnation de la symphonie
instrumentale. Et qui connaît les précédentes
ne s'étonnera pas d'apprendre qu'il ny a qu'une
très lâche corrélation esthétique entre la seconde
partie et la première ; mais, lisant que jamais
M. Mahler n'a montré moins de sens critique,
il restera effaré.
En somme, M. Spanuth trouve que l'œuvre
ne révèle rien de neuf, mais est digne d'être
connue.
Veut-on de ces contradictions qui jamais ne
manquent, mais réjouiront toujours ? En
voici une
"... Oubha-t-on même que les œuvres de M..
Mahler sont le point de la réflexion bien plutôt que
de V inspiration...'''' (M. Spanuth, toc. cit.)
"... Voilà qui prouve que Mahler est un
musicien de sensibilité et non un musicien d^ enten-
dement. . .
(M. Jelinek, Musikalisches IVochenblatt,)
LE DÉVELOPPEMENT DE LA MU-
SIQUE FRANÇAISE. — Soixante-huit
lignes pour un tel sujet : ce n'est guère, et
pourtant M. von der Stucken {Signale, 14 sep-
tembre) s'en accommode, il trouve même
moyen de faire en si peu de mots (et c'est en
allemand, non en turc qu'il écrit) des remarques
intéressantes, comme celle-ci : " les Allemands
apprécient mal le caractère sérieux et profond
des œuvres françaises modernes. Une musique
qui émeut jusqu'au tréfonds l'âme française
n'est considérée ici que comme spirituelle et
agréable. Ne vaudrait-il pas la peine d'étudier
ces œuvres de manière plus intime, au point
de vue du caractère et du sentiment français r "
Oui, certes ; mais cela est très difficile, dirai-je
volontiers, en voyant combien la réciproque
l'est,- et comme l'on a du mal, ici, à juger
Brahms, M. Mahler et M. Reger au point de
vue du caractère et du sentiment allemands.
N'importe, il faut toujours essayer, comme le
conseille M. von der Stucken ; et si, à force
de le faire, on finit par s'apercevoir que la
musique est le moins international des arts —
ou du moins, celui qui met le plus de temps
à franchir les frontières — ce sera toujours une
vérité esthétique d'établie !
CARACTÈRES DISTINCTIFS DE
TONALITÉS. — Très sage article de
M. G. Cumberland [Musical Opinion, août) sur
ce thème cher aux abstracteurs de quintessence.
Pour l'auteur, inie tonalité " possède les carac-
téristiques que lui attribue tout individu comme
résultat d'une crise d'émotion ou bien parce
qu'il a fréquemment associé une certaine dis-
position d'esprit à une certaine tonalité. " Il a
pu constater que " des tons ont acquis de
manière absolue une atmosphère, une qualité
émotionnelle à lui communiquées par une
seule pièce imbue de cette émotion ou de cette '
atmosphère. "
D'autre part, " tout pianiste a ses tons
favoris, ceux qui sur le clavier conviennent le
mieux à la conformation particulière de ses
mains : moins souple est sa technique, plus il
préférera certains tons aux autres. Aux premiers
s'associeront pour lui les idées de fluidité, de
grâce, de lyrisme ; à ceux qui sont difficiles,
celles de trouble, de nuit, de souffrance. Des
expériences prouvent combien le caractère
attribué aux tonalités varient avec les auditeurs.
ŒUVRES DE M. DEBUSSY. — La
critique anglaise s'y intéresse beaucoup et
depuis fort longtemps — comme nouvelles
preuves de cet intérêt, voici [Musical Opinion,-
août) un article élogieux de M. G. Lowe sur
les mélodies de M. Debussy, et un autre [ib.,
septembre) de M. J. Matthews sur les nouveaux
^^?r r; A VF ATT "'™
PIANOS VJ X X Y LJj 1 X V^ PIANOS
Siège Social: 45 et 47, rue de la Boëtie (VIII^ PARIS
Rayon spécial de Musique o a l l?c Usine modèle à Fontenay=
(vente et abonnement) SALLLb sous=Bois (Seine)
TÉLÉPHONE : 528=20 DE Agence générale à Bruxelles
Adresse Télégraphique : CONCERTS Dépôt des éditions
GAVEAU=PIANOS=PARIS de la S.I.M.
MEMBRE DU JURY — HORS CONCOURS
Barcelone 1888, Moscou 1891, Chicago 1893, Amsikkdam 1895
Paris 1900.
DIPLÔMES D'HONNEUR
Amsterdam 1883, Anvers 1885, Bruxi-.lles 1888
GRANDS PRIX
Hanoï 1893, Liège 1905.
L'ACTUALITE MUSICALE
395
Préludes. M. Matthcwssait apprécier le charme
de ces préludes, encore qu'il fasse nombre de
réserves : souhaitant, par exemple, " un peu
de Grieg tout frais, tout animé des brises-
salines du Nord, comme fortifiant après les
sonorités languides et énervantes du 4'"'' ".
Ce qua vu le vent eV Ouest est "fort laid" mais
d'autres pièces, comme Les collines d'' Anacapri^
La fille aux cheveux de lin etc. sont fort vantées.
En manière de conclusion : une réaction se
produira un jour contre le réalisme de
M. Strauss et de M. Debussy et en faveur de
la musique pure, sans programme. Le Quatuor
de M. Debussy prouve que ce compositeur
peut écrire de belle musique pure ; attendons
une sonate pour piano, d'égal intérêt.
M. DEBUSSY DEVANT L'HIS-
TOIRE. — Relevons aussi — il n'est pas
trop tard pour le faire — les réflexions suivan-
tes sur l'art de \fi. Debussy par M. Ernest
New^man [Musical Times, l Mai).
Quelle place la critique historique donnera-
t-elle, en fin de compte, à M. Debussy ? On
peut aborder ce problème sans témérité, aujour-
d'hui que de fréquentes auditions et la rapide
publication des œuvres rendent possible ce
qu'on n'aurait jamais pu oser autrefois. Que la
musique du compositeur offre maintes beautés
et doive toujours occuper une place importante
dans l'histoire est hors de doute ; mais dans
quelle mesure sera-t-elle aimée d'ici une géné-
ration ou deux, et dans quelle mesure regardée
comme le premier balbutiement d'un art qui
n'a point eîicore maîtrisé le langage qu'il
ambitionne de parler ? Certains ont donné de
puissantes impulsions à l'art, sans que pour
cela leurs œuvres aient survécu : tels les
réformateurs florentins qui fondèrent l'opéra.
D'autre part, les formes d'art les plus belles et
les plus durables semblent ne venir qu'à la fin
de longues périodes d'évolution, être l'expres-
sion autant d'une race ou d'une époque que
de l'individu qui les met au jour. L'extrême
individualité de Debussy, le caractère très
particulier de son œuvre ne permettent-ils pas,
de même que sa prédilection pour certaines
formules et pour certains effets toujours les
mêmes et parfois affectés de le considérer
comme un génie limité, un pionnier qui ne
peut conquérir la Terre promise qu'il a décou-
verte ? M. Debussy est un " type transitionnel "
et ce n'est pas lui qui récoltera le meilleur de
ce qu'il a semé. Son malheur est d'inaugurer
une époque au lieu de la clore. Telle est la
conclusion de ces "notes"; simple esquisse, dit
l'auteur, mais esquisse à coup sûr réfléchie,
sagace et modérée qui pourrait bien être la
plus riche en idées et en observations justes
que compte jusqu'à ce jour la littérature anti-
debussyste — où, pour mieux dire, la critique
non apologétique des œuvres de M. Debussy.
ŒUVRES DE M. JOSEPH HOL-
BROOKE. — Un nouveau drame lyrique,
Dylan, de ce compositeur, un des plus en vue
de la jeune école anglaise, nous est présenté, sans
grand commentaire vu la difficulté d'en juger
d'après la partition pour piano, par M. J. Bow^-
den {Musical Standard, 10 Sept.). Ce serait une
des meilleures œuvres de l'auteur, aux mélodies
duquel M. Georges Lowe consacre, dans le
même périodique (17 Sept.) un article détaillé
et des plus élogieux pour une bonne partie des
pièces énumérées ; celle dont le texte est l'im-
mortelle Annabel Lee de Poe, les six Chansons
romantiques, et Marina Faliero (d'après Byron)
sont particulièrement citées comme fort belles.
M.-D. Calvocoressi.
L'AFFAIRE DE LA LÉPREUSE. —
La Revue des grands procès contemporains
vient de publier les plaidoieries du procès de
la Lépreuse et le jugement qui, pour un mo-
ment, a interrompu les hostilités entre auteurs
et directeurs. On se souvient que Sylvio Laz-
zari et Henry Bataille présentèrent en 1900
au directeur de l'opéra-comique un drame
lyrique : la Lépreuse. On se souvient aussi
comment l'œuvre quelque peu modifiée sur la
demande de M. Carré, devint la Sorcière, puis
l'Ensorcelée, et fut acceptée en 1901, annoncée
et afl^chée en 1902 et 1903. C'est à cette
époque que remontent les dissentiments entre
les auteurs et le directeur, dissentiments pro-
voqués par les atermoiements de M. Carré
396
L'ACTUALITE MUSICALE
et son refus de jouer la pièce reçue ; les
polémiques de presse et même vui débat à la
chambre ont d'ailleurs rendus publics ces
démêlés. Enfin la Justice fut invitée à trancher
le litige, elle le fit avec une fantaisie inattendue.
Les juges ont décidé notamment que M. Carré
pou\ait se libérer de son engagement en payant
à Lazzari le montant du dédit stipulé dans
son traité avec la Société des auteurs, bien que
Lazzari ne fit pas partie de cette Société au
moment où sa pièce fut reçue à l'Opéra Comi-
que. Ils ont prétendu aussi que l'annonce, au
moyen de circulaires et d'affiches, de la re-
présentation d'une œuvre dramatico-musicale
ne saurait prouver la réception de cette œuvre.
Ils ont adopté avec empressement les argu-
ments cependant bien pauvres de M. Carré.
Heureusement cette décision demeuie sans
importance, et la Cour d'appel nous dira sans
doute prochainement s'il faut encore croire à
l'équité des juges. Georges Baudin.
L'Edition
Musicale
CHANT. — La Cantatr nu Xf^IV et
XVllV unies, par A/'"" Jane Ârger. — Une
très jolie collection d'airs et île récits, clioisis
avec infiniment de goût dans ce que la musi-
(|iie française offre de plus pimpant et de plus
enjoué à l'époque classique. Nous ne trou-
verons ici aucun de ces airs languissants et
éternellement attendris, ilont il y a tant d'ex-
emples à cette époque. Ne prenons pas ce
petit recueil pour une image exacte du genre
Cantate. Nous risquerions de nous en faire
une idée trop fa\orable. Un seul ordre de
sentiments a trouvé place ici ; et il y faut
chercher moins de passion que de galanterie,
moins de con^'iction que de bonne grâce. Seul,
un air de Monteclair, Pan et Syrinx, se dé-
tache d'une façon un peu plus dramatique sur
ce charmant badinage.
Pour chant aussi, 4 mélodies plutôt ordi-
naires, de Charles Neveu : NoÈl Marin,
Fleurs Mortes, Vers luisants. Aux étoi-
les. Le Vieux Calvaire, du même auteur,
évoque assez heureusement un de ces paj'sages
bretons dont la sérénité triste ne manque pas
de noblesse. Les Rossignols du Cimetière,
petites pièces pour \oix d'enfants, de Louis
Boycr, ne sont qu'un enfantillage musical, sur
un poème d'Alphonse Daudet, que nous eus-
sions préféré ne pas connaître.
PIANO. — Un volumineux paquet de
musique pour piano nous arrive de Hongrie.
Nous ne nous permettrons pas de nous en
porter juges. Les lecteurs de la S. I. M. liront
dans un article prochain les origines et les
ambitions de la jeune école hongroise. Pour
aujourd'hui, conseillons-leur de s'attaquer plu-
tôt aux œuvres d'un Szr/ifly (Six poÈmes hon-
grois, Aphorismes,) ou d'un Léo iVeiner
(SÉRÉNADE, réduite à 4 mains) qu'aux élucu-
brations un tant soit peu effarantes d'un Zolian
Kodal)\ 10 PIÈCES pour le Piano, pour les-
quelles l'initiation ne sera pas de trop.
M. S'igfyûl Karg Ellett, en homme prudent,
publie avec sa Sonate pour piano (Fis Moll
Op. 50.) un petit opuscule, destiné à guider le
lecteur à travers les méandres de son œuvre.
A première \ uc, la nécessité de ce fil conduc-
teur paraît cruellement évidente. Et M. Elert,
lui-même en semble, plus qu'un autre persuadé,
lorsqu'il inscrit, en tête de son jirogramme, en
<;uise île motto d'épigraphe, dirions-nous, les
vers suixants :
" Emporte/.-moi, ipiand même ce serait sur
les ailes île la nuit, je veux parvenir à la
lumière. La force des Titans est née de l'an-
goisse, et le jour des œu\ res s'élève de la lunt
et du chaos. "
L'ACTUALITE MUSICALE
397
On serait fortement tenté de croire que les
ténèbres sont demeurées victorieuses, et que la
lumière aura bien du mal à jaillir de ces 39
pages denses, laborieuses et touffues. Mais les
courageux n'auront pas à se repentir d'avoir
bien voulu suivre M, Ellert. Il rappelle sou-
vent Schumann, et le meilleur, celui des Varia-
tions Symphoniques ; mais un Schumann qui
se serait assimilé toutes les richesses de l'har-
monie ultra moderne. Sa phrase, souvent cha-
leureuse, chante et s'étale avec largeur et
abondance. Ses trouvailles pianistiques, quel-
quefois très heureuses, sont-elles aussi un pro-
longement des procédés de l'école romantique.
Si le deuxième morceau, en forme de marche
funèbre, nous rappelle un peu trop textuelle-
ment certains Adagios classiques, si le char-
mant petit passage à 5/8, basé sur un mode
pentatonique, s'efface avec une brièveté décon-
certante, (M. Ellert n'est pas homme à s'amuser
aux subtilités de l'exotisme,) l'œuvre nen est
pas moins riche, et d'une belle venue.
VIOLONCELLE. — Le même auteur
nous envoie une Sonate, pour Piano et Violon-
celle, qui ne paraît pas beaucoup plus accessible
que l'autre. Ces deux œuvres ont-elles chance
d'être appréciées en France ? Je le souhaiterais
bien vivement.
LES ABEir>LES ET LA MUSIQUE.—
Il ne s'agit pas de rapporter ici le résultat des
recherches de quelque patient savant notant
minutieusement le bourdonnement musical de
la ruche et s'efîbrçant d'en expliquer le sens —
ni d'émettre une opinion plus ou moins autori-
sée sur la sensibibilité des abeilles au charme
de la musique ; car les abeilles dont nouS
voulons parler sont celles qui bourdonnèrent
sous les doigts agiles de la célèbre pianiste
Marguerite Nécom dans un récent concert à
Hanovre ; ces abeilles-là ne piquent pas ; bien
au contraire, elles sont douces aux oreilles des
auditeurs ; ceux-ci furent à tel point charmés
par la virtuosité de la charmante artiste qu'ils
se crurent pendant quelques instants bien loin
de la salle de concert et qu'ils sentirent, s'il
faut en croire un Journal Allemand, passer
sur leurs fronts alourdis par l'atmosphère sur-
chauffée, un souffle de printemps : la brillante
pianiste venait d'exécuter un des " poëmes
virgiliens" de Th. Dubois : les Abeilles.
AUTOS MUSICALES. — Seul Guil-
laume II a le droit, dit-on, de faire annoncer
son passage en automobile par une trompe
sonnant une fanfare sur trois notes ; on connaît
la passion du Kaiser pour la musique ; aussi
ne surprendrons-nous pas nos lecteurs en leur
apprenant que cette fanfare est inspirée d'un
thème de Wagner qui apparaît pour la première
fois à la fin de l'Or du Rhin.
Nous recevions récemment le catalogue
d'une nouvelle trompe pour automobiles auquel
était joint un petit cahier de musique ; le
catalogue assurait que chacun peut, grâce à
cette invention, exécuter telle musique qu'il lui
plaît et terminait, d'une façon rassurante, du
reste, en déclarant qu'aucune étude n'est
nécessaire pour arriver à ce résultat. Quant au
cahier de musique, qui nous avait fort intrigués,
il nous déçut entièrement. Nous pensions y
voir quelque musique de nos meilleurs com-
positeurs: illusion puérile ! Nous n'y trouvâmes
ni Samson et Dalila, ni Fervaal, ni Pelléas,
mais "Via l'Général qui passe ", " Via vot'fîlle
qui j'vous ramène ", " La marche des Zoua-
ves ", etc.. Nous déchirâmes tristement cette
réclame qui tient vraiment trop peu de compte
de notre vie musicale ; puisque Guillaume
joue du Wagner en automobile, pourquoi le
représentant de notre pays ne quitterait-il pas
l'Elysée annoncé par Pelléas ; pourquoi cet
hiver, à la sortie de l'opéra-comique, les paris-
siennes ne gagneraient-elles pas leurs autos
au son de quelque fragment de " l'Heure
Espagnole " de Ravel ?
FÉLIX ALCAN, Éditeur, 108, Boulevard Saint-Germain, PARIS (6")
Les Maîtres de la Musique
ÉTUDES d'histoire ET D'ESTHÉTIQUE PUBLIEES SOUS LA DIRECTION DE M. JEAN CHAXTAVOIXE
Chaque volume in-8 écu de 250 pages environ 3 fr. 50
Vient de Paraître
HAENDEL par Romain Rolland
Palestrina, par Michel Brenet (3" éd.)
César Franck, par Vincent d'Indy (s" éd.
J.-S. Bach, par André Pirro, (3"= édition.)
Beethoven, par Jean Chantavoine (5" éd.)
Mendeissohn, par Camille Bellaigue
(2" édition)
Smetana, par William Ritter.
Rameau, par Louis Laloy (2'' édition)
Moussopgski par M.-D. Calvocoressi.
Haydn, par Michel Brenet (2'' édition.)
Trouvères et Troubadours, par P. Auhry
(2" édition.)
Wagner, par H. Lichtenberger (3'' édition)
Gluck, par Julien Tiersot.
Liszt, par Jean Chantavoine.
Gounod, par Camille Bellaigue.
CONSERVATOIRE DE LAUSANNE
INSTITUT DE MUSIQUE
Classes Normales — Classes de Virtuosité. — Classes secondaires et primaires
DIPLOMES OFFICIELS
Dl^.IVRÉS SOUS LES AUSPICES ET LES SCE.XT'X DE L'ÉTAT ET DE LA VILLK
Renseignements: Mr. J. NICATI, Directeur.
II 13201 E
GUITARE
M'"^ B. DORE
ÉLÈVE DE MIGUEL LLOBET
Leçons Cours Ensemble
Speahs english Habla espanol
8, RUE FURSTENBERG
Téléphone 829.80
MIGUEL LLOBET
Guitariste virtuose
de la Cour d'Espagne
CONCERTS
LEÇONS
28. Rue Domoiii's. XVII .
mmaÊÊÊBf^UÊÊKÊÊBmÊÊÊmÊmm
L'ACTUALITÉ MUSICALE
399
Cours et Leçons
M"^'^ ELIZABETH DELHEZ, profes-
seur de chant, a repris ses cours et leçons le
i" octobre en son salon, 38, rue Pergolèse,
Paris, et recevra le Mardi de 2 à. 4 h.
— La réouverture du COURS SAUVRE-
ZIS (82, rue de Passy, et 4, rue de la Sor-
bonne) a eu lieu le 4 octobre. Ecole d'art
élémentaire et supérieure : solfège, gymnas-
tique rythmique, harmonie, chant, chœurs,
piano, instruments à cordes, orchestre, etc.
M. G. Lantelme devient titulaire du cours
de chant d'ensemble, M""^ Jumel, de celui de
plain-chant. M"'' Herval, de celui de diction.
Information
Mr. A. Dandelot, de retour à Paris, reprend
ses réceptions de 2 à 4 heures en ses bureaux
du 83 de la Rue d'Amsterdam. L'Administra-
tion de Concerts A, Dandelot est ouverte
tous les jours (dimanche excepté) de 9 heures
à midi et de 2 à 6 heures.
BERLIOZ
PAR
ADOLPHE BOSCHOT
la plus vaste biographie qui ait
paru en France.
'rÇ^^C^^&i^a^^Z)^-:'
Couronnée par l'Institut
"^^^^
Nombreux documents inédits,
table chronologique et analytique.
Vie de l'artiste ; son œuvre ; son
époque. Portraits.
I. La Jeunesse d'un Romantique
4*' édition — 540 pages 4 fr.
II. Un Romantique sous Louis-Philippe
3"^ édition — 670 pages — 5 tr.
Paris — LiBRAiRiK PLON, 8, rue Garancière — Paris.
Théâtres et
Concerts
C'est par la i66"® de la Damnation de
Faust qu'a commencé la saison musicale, ainsi
qu'il est d'usage au Chatelet. M. Pierné, qui
n'est pas un ingrat, devait cette dévotion
liminaire à Berlioz. Il l'a renouvelée le di-
manche suivant, ménageant nos émotions en
vue des nouveautés annoncées, peu nombreuses
d'ailleurs. Cette quiétude n'a pas été troublée
par une ouverture de fête écrite par M. Saint
Saëns pour l'inauguration du Musée Océano-
graphique de Monaco, et donnée par M. Pierné
à l'occasion des 75 ans du Maître.
Le troisième concert nous offrait l'ouverture
non moins inaugurale de Beethoven, zur
Weihe des Hauses (op. 124) qu'on joue rare-
ment, page sans caractère dramatique dont
l'écriture est le principal intérêt. Le Chant
Funèbre de M. Alberic Magnard exprime
noblement d'intimes et profondes émotions.
Dans l'exquis Concerto Brandebourgeois, en
ré, de Bach, où la partie de clavecin est d'une
importance et d'un intérêt exceptionnels,
M^^^ Selva fut une admirable interprète, comme
elle l'avait été à la Société Bach. Une telle
œuvre ainsi jouée rayonne sur tout un concert.
La symphonie d'Ernest Chausson et celle
en mi bémol, de Borodine sont presque des
nouveautés et il faut louer M. Chevillard d'en
avoir orné ses deux premiers programmes. Il
est difficile de parler après l'analyse pénétrante
que lui consacrait l'autre jour M. Boschot,
de la symphonie de Chausson, " œuvre très
haute, sincère et probe, mais habillée selon
une mode qui n'est déjà plus à la mode et
qui n'a pas encore l'ascendant des choses
d'autrefois. " Comme bien des choses, elle
gagnera en vieillissant. Borodine, lui, a gardé
sa fraîcheur orientale, un peu simple et super-
ficielle, mais intéressante tout de même. Les
deux solistes de ces séances furent M. Renaud
de l'Opéra et M. Jacques Thibaud, pour les-
quels tout l'encens des louanges a été brûlé.
Mais leur perfection technique est-elle exempte
d'affectation, et leur charme de préciosité ?
Ce sont deux merveilleux artistes, voilà ce que
personne n'osera contester.
Au Salon cC Automne^ parmi les peintures
effarantes et les sculptures chaotiques, M. Pa-
rent a voulu donner cinq séances de musique
contemporaine, ce dont il faut grandement le
louer. Il apporte à cette tâche un peu ingrate
— salle d'acoustique médiocre et de tempéra-
ture fraîche, public encore ahuri ou égayé de'
la peinture qu'il vient de voir — sa foi et son
ardeur habituelles. (Notez qu'entre temps, il
donne à la Schola tout l'œuvre de musique de
402
L'ACTUALITE
chambre de Schumann). Les œuvres entendues
au Salon d'Automne l'ont été déjà à la Schola
ou à la Nationale et nous les avons signalées à
leur apparition. Elles résument assez bien les
tendances actuelles.
La Société Philharmonique annonce une
belle série de séances. Elle a débuté par une
soirée tout à la gloire de A4. Saint-Saëns,
toujours jeune et toujours applaudi. Il a joué
— avec une légitime coquetterie — le con-
certo de Mozart qui figurait à son premier
concert en 1846 salle Pleyel et à celui qu'il y
donna cinquante ans plus tard. Le 2""' trio,
joué par M. Hayot, M. Salmon et le Maître,
est certes toujours intéressant. Mais on aurait
dû lui joindre une autre page de musique de
chambre plutôt que les mélodies qu'a chantées
M""^^ Auguez de Montalant et les pièces de
piano qu'a jouées — avec perfection —
M'"'' la Comtesse de Guitant. L'hommage eut
été plus complet et plus exacte l'impression
sur l'auditoire.
Faut-il, pour être à peu près complet (ce
qui ne nous arri\era plus guère les prochains
mois) signaler l'orchestre russe de balalaïkas
entendu ce mois-ci au Théâtre Sarah-Bern-
hardt r II y eut là un soliste merveilleux,
M. Trojanowsky, pour tirer parti de la man-
doline nationale, et un groupe de 25 artistes,
soutenus par deux cithares. Sonorité curieuse,
quelques airs populaires bien harmonisés par
M. Andreeff, le capellmeister, mais trop de
valses, vraiment.
Attendons, sans impatience, novembre et le
déluge musical dont il nous menace.
F. GuÉRiLLor.
Province.
Comme tous les ans à pareille époque^ r activité musicale de la province ne fait que renaître.
Nous avons cependant reçu quelques intéressantes correspondances que nous sommes heureux d^ insérer.
BREST. — Le répertoire lyrique de cet
hiver promet d'être servi par une interpréta-
tion de choix, à en juger par le grand succès
obtenu jusqu'à ce jour par M""'^ Luisa Myriel et
Muller, MM. Deliano, Engelibert et ÎLscach
sur la scène du Grand Théâtre.
" Manon ", " Lakmé ", " Werther ",
■" Mignon ", le "Jongleur de Notre-Dame "
" Louise " ont attiré au théâtre beaucoup de
monde, et notre public, d'ordinaire assez-
difficile, a témoigné aux pensionnaires de
M. Dorfer toute sa satisfaction.
L'orchestre a été transformé : toute une
partie se trouve logée sous le proscenium : le
résultat est admirable pour nos excellents
musiciens, (|uc- (hrige avec talent M. Brisard.
Quo Vadis ? La Habanera, Don Quichotte,
que l'on doit prochainement monter, s'en
trouveront bien.
On annonce aussi la création à Brest il'un
(juvragc inédit : les Fiancés d'Armor, drame
musical d'une forme originale, de MM. Per-
pignan et Pierre La Heuzanne. La troupe
d'opérette, a\ec la joyeuse M"'' Ne)-ral,
comme dixette, est fort L;;oritée.
J. S.
BORDP2AUX. — Après quelques mois de
chômage, la musique à lîordeaux, eommence
de nouveau à reprendre droit de cité. Ainsi
notre Grand Théâtre vient de faire une ouver-
ture sensationnelle a\ec les " Huguenots. "
La Direction Bory, a-t-elle, cette fois-ci,
trouvé la fameuse troupe homogène, si \aine-
ment cherchée depuis longtemps? J^a com-
pagine ne mant|ue pas île bons éléments,
Atteiulons donc poiii' la jugi'r, île la xoir à
l'oeuvre dans des ou\ lages sérieux et musicale-
ment intéressants.
Notre Société Sainte Cécile (Conservatoiri-
de Musique) nous promet, ilit-on, une Saison
musicale très intéressante. Tout le monde sait
La Musique Française au XIX' Siècle et commencement du XX'
LUNDI 7 NOVEMBRE, à 4 heures 1/2
Conférence : de 1800 à 1860
Audition : Œuvres de Mîcolo, I^oiel-
DiEU, Meyerbeer, Berlioz.
LUNDI 14 NOVEMBRE, à 4 heures 1/2
Conférence : de Gounod a M. Gustave
. Charpentier.-
Audition : Œuvres de Gounod, Reyer,
BizET, Massenet, Bruneau, Char-
pentier.
LUNDI 21 NOVEMBRE, à 4 heures 1/2
Conférence et Audition : Lalo, Saint-
Saens, FaurÉ.
LUNDI 28 NOVEMBRE, à 4 heures 1/2
Conférence et Audition : CÉsar Franck.
LUNDI s DECEMBRE, à 4 heures 1/2
Conférence : L'École Franckistr.
Audition : Œuvres de Castillon, Vin-
cent d'Indy, Henry Duparc, Charles
Bordes.
LUNDI 12 DÉCEMBRE, à 4 heures 1/2
Conférence : L'Ecole Franckiste (suite)
Audition : Œuvres de Vincent d'Indy,
Ernest Chausson, Pierre de Bré-
viLLE, Roussel.
LUNDI 19 DÉCEMBRE, à 4 heures 1/2
Conférence : Impressionnistes et Indé-
pendants.
Audition : Œuvres de Chabrier, Déodat
DE SÉVERAC, Claude Debussy, Ravel.
CONSERVATOIRE DE LAUSANNE
INSTITUT DE MUSIQUE
Classes Normales — Classes de Virtuosité. — Classes secondaires et primaires
DIPLOMES OFFICIELS
DÉTLIVRÉS SOlTS LES AUSPICES ET LES SCEAUX DE L'ÉTAT ET DE LA VILLE
Renseignements: Mr. J. NICATI, Directeur.
H 13291 L
UITARE
MIGUEL LLOBET
Guitariste virtuose
de la Cour d'Espagne
M"« B, DORE
ÉLÈVE DE MIGUEL LLOBET
Leçons — Cours — Ensemble
SpeaKs english — Habla espanol
8, Rue Fupstenberg Vie
Téléphone 829.80 PARIS. 28, Rue Demours. XVI
CONCERTS
LEÇONS
The Clutsam Keyboard
Syndicale Proprietary.
D.R.R 211650.
Lettre de M. ERNST VON DOHNANYI,
professeur à l'Académie royale de Musique
de Berlin :
Cher S^onsieur Clutsam,
J ai grand plaisir à vous confirmer par lettre ce
que je vous ai dit de vive voix. J^yant eu derniè-
rement, à plusieurs reprises, l'occasion de faire usage
de voire clavier circulaire, en public, je ne puis que
m'en déclarer de plus en plus satisfait. Je préférerai
toujours les CLAVIERS CLUTSAM aux claviers
droits, et j'espère que le moment viendra — c'est
inévitable — où je pourrai ne plus jouer sur d'autres
que ceux-là.
Votre très dévoué
ERNST VON DOHNANYL
A l'Exposition de Munich le clavier Clutsam est re-
présenté par la Maison GROTRI AN-STEINWEG. A
Paris, il se trouve en dépôt chez MM. PLEYL, WOLF
LYON 6 Cie.
BERLIN W. 50. ^ Pragerstrasse 22
Telefon : Amt Wilmersdorf 3910
Cavaillé-Coll-Mutin
15. AVENUE DU MAINE
Chargé de la Construction de l'Orgue monumental de Saint-Pierre de Rome
LES PIANOS
STEINWAY
Proclamés par les grands musiciens
comme les meilleurs du monde entier.
E. MOULLÊ
AGENT GÉNÉRAL
1, RUE "BLANCHE, PARIS
C«> C*>
Lettre d'HECTOR BERLIOZ
Paris, 23 Septembre 1867.
Messieurs Steinway et Fils,
)\ii entendu les magnifiques pianos qui sortent de
votre fabrique. Permettez-moi de vous faire mes
compliments sur leur excellence et les rares qualités
qu'ils possèdent.
Leur sonorité est splendide et essentiellement
noble ; en plus vous avez découvert le secret de
diminuer jusi]u'à un point imperceptible l'iiarmonie
(Irplaisanle de la septième mineure, qui jusqu'à
présent se faisait entendre à la huitième et neu-
vième vibration des plus longues cordes, rendant
ainsi les sons raroplioniques. (lomnie tant d'autres «niclioration.s, celle-ci est un grand progrès dans
la fabrication des pianos et un provjrcs pour lequel tous les artistes et amateurs doués d'un goût
délicat vous devront de la rcconnuissuncc.
Veuillez accepter, Messieurs, avec me» compliments l'assurance de mon respect.
lIKCrOR iU-.KI.IOZ.
L'ACTUALITE
407
à Bordeaux, et depuis loiiL^temps que pour
notre vieille Société Musicale, promettre et
tenir c'est tout un et qu'elle est toujours à
hauteur de son passé artistique, sous la direc-
tion, toujours si appréciée de son comité
musical et de son éminent Directeur-Chef
d'orchestre, J. G. Pennequin.
Nous publierons prochainement les pro-
grammes de huit concerts classiques, que
donne annuellement cette Société.
V. Gendreu
NANCY. — Concerts du Conservatoire. —
M,-J. Guy-Ropartz vient d'arrêter les gran-
des lignes du programme de la Saison 1910-
191 1.
Pour commémorer le 20"^ anniversaire de
la mort de César Franck (8 novembre 1890)
quatre séances seront consacrées à l'audition
intégrale des œuvres de concert du Maître :
Symphonie en ré mineur, les Eolides, les
Djinns, Variations symphoniques, le Chasseur
Maudit, Psyché, Psaume CL, Ruth, Rebecca,
Rédemption, les Béatitudes.
D'autre part, poursuivant la " revue " de
la " Symphonie française contemporaine, "
commencée en i 900- 1 901 par l'audition des
symphonies écrites entre 1885 et 1900, M.J.-
Guy-Ropartz fera entendre des œuvres com-
posées entre 1900 et 1910: Deuxième
symphonie de V. d'Indy, troisième Symphonie
de Gédalge, symphonie de Th. Dubois, Sylvio
Lazzari, etc.
Les onze ouvertures de Beethoven, dont
certaines sont si peu connues, figureront éga-
lement au programme, en même temps que
certaines œuvres nouvelles dont ce sera à Nancy
la première audition et dont la liste n'est pas
encore définitivement arrêtée.
Enfin un Festival Wagner sera donné avec
le concours de M. Delmas, de l'Opéra.
Les solistes des Concerts seront : M^^" Blan-
che Selva et M. Edouard Risler (piano) M.
Hugo Heermann (violon) M^^'^ Jean Marx
(violoncelle) etc. Pour le chant, outre M, Del-
mas et M""" P. Frisch, les artistes les plus aimés
de notre public : Jean Reder, G. Mary,
G. Monys, etc. etc., et d'autres encore selon
les nécessités des œuvres pour soli, cluturs
et orchestres inscrites au programme.
ANGERS. — Notre i"^"- concert de la
saison a eu lieu Dimanche 16, sous la belle
direction de Rhené-l^aton qui remplaçait au
pupitre de chef d'orchestre le sympathique
Max d'Ollone.
L'intéressante Symphonie en Fa de Boëll-
mann ouvrait la séance avec son Lento si
poignant, son gracieux Intermède, son presti-
gieux Finale.
Le baryton Jan Reder a remporté un vif
succès avec une sélection des Poèmes d'Armor
pour chant et orchestre, de Louis Brisset et
les Chants religieux, de Beethoven.
Les délicieuses pages de Debussy : Cortège
et Air de Danse de l'Enfant Prodigue, la
Danse Macabre de St. Saëns et l'ouverture
d'Obéron complétaient le concert.
— Une intéressante matinée poétique et
musicale a été donnée chez M°"^ D... Au
talent de l'excellente diseuse et d'une pléiade
de jeunes filles, se joignait celui de M^^^*^ B. de
M. qui, par sa diction, son chant et sa grâce,
a conquis le public particulièrement dans la
Danseuse de Pompéï, accompagnée au piano
par l'auteur, M"''^ B.
M. B.
SALON. — C'est avec impatience qu'est
attendu le transfert du Conservatoire dans un
nouvel immeuble qui permettra la création de
nouvelles classes, comme, par exemple, la
classe d'instruments à cordes. La nécessité
d'un local plus spacieux se fait sentir impé-
rieusement.
En 191 1 la Musique Municipale et l'Union
Chorale s'en iront cueillir de nouveaux lauriers
dans les Grands Concours.
TROUVILLE. — La saison musicale
s'est brillamment terminée par une reprise du
répertoire d'Opérette — M""® Tariol-Baugé
que nous n'avons eu qu'en Septembre a beau-
coup plu et a remporté de gros succès, très
bien secondée par le reste de la troupe.
4o8
— M. Figarella a été comme toujours très
applaudi, il est parfait dans tous ses rôles tant
d'opérette que d'opéra-comique. — M. Lorrain
est toujours très symphatique, Villat toujours
désopilant et M°"^ Mico la plus amusante des
duègnes. — L'orchestre et les chiEurs sous
l'habile direction de M. Louis Masson furent
toujours dignes de tous les éloges.
Le Casino nous promet une petite saison,
pour Pâques ; cette innovation sera bien
accueillie par les personnes qui ont l'habitude
de faire un séjour à cette époque.
Eglise N. D. de Bon Secoia-s. — Nous avons
eu à cette église une solennité musicale qui
avait attiré une nombreuse assistance. A l'oc-
casion de l'inauguration d'une statue de Jeanne
d'Arc on a exécuté une cantate de circonstance
écrite spécialement par J. Toutain-Grïm et
que l'auteur a dirigée elle-même. — Cette
œuvre assez développée et écrite sur le mode
dorien comprenait des soli qui furent chantés
par M""' Lac()mbe-01i\ier de l'Opéra dont la
merveilleuse \oix sut rendre l'enthousiasme
inspiré de l'héroïne ; le rôle du Ténor était
très bien chanté par M. Bousseau de New-
York, élève du Maître Giraudet !
Les chœurs obligeamment prêtés par le
Casino-Salon ont été absolument remarqua-
bles. L'Orgue et un petit orchestre complé-
taient la parfaite interprétation de cette belle
œuvre qui a produit une grande impression.
Un solo de violon (La vision de Jeanne d'Arc)
d'une jolie couleur a été très bien rendu p:n'
M. Debruyne. Au salut il nous fut donné
d'entendre : Un Ave Maria à quatre \()ix de
Th. Porel, un Pater Noster de I^ourtlcncN'
pour ténor et clutrur.
AIX-KN-PROVENCK. —- Dans la cathé-
drale St-Sauvcur, M. Joseph iionnet, le mer-
veilleux organiste de Saint P2ustache, nous a
donné un magnifie] ue récital d'orgue.
Au programme, des couvres de P'rescobaidi,
Hach, Clérambault, Huxtehude, Martini, et
parmi les modernes, Sciiumann, Fianck, Guil-
mont, Tourncmire, Messerer, I^onnet.
Une très nombreuse assistance a admiré en
silence, mais avec ferveur le prestigieux niéca-
L'ACTUALITE
nisme de M. Bonnet, et surtout son style
impeccable.
Il serait injuste d'oublier la maîtrise de la
cathédrale, qui, sous l'intelligente direction de
M. l'abbé Peyre, a bien interprété plusieurs
pièces anciennes et modernes.
F. M.
BOURGES. — Encouragée par le succès
si \ if qui a\ait accueilli 1' " Arlésienne " en
JLiin dernier, la Société des Fêtes a continué
a\ec " Mireille " la série de ses soirées à la
halle. Les deux représentations des 24 et 25
octobre, qui feront date dans ses annales, ne
l'ont cédé en rien comme \aleur artistique à
celle du 13 juin.
Profitant des conseils à eux dictés par l'ex-
périence, les organisateurs n'a\aient rien né-
gligé pour faire de ce lieu public — si détourné
pourtant de son affectation ordinaire, — une
confortable salle de spectacle, qui permit à
tous d'apprécier la valeur des interprètes.
A signaler l'ampleur de la voix et la netteté
de la vocalise dans M"'' Vallandri (Mireille),
le timbre sympathique de M. Galand (Vincent),
dignement entourés par Mauzin, M"*'' Vilmer,
Juliette Dor\s.
Chœurs du Jardin d'acclimatation et or-
chestre de 50 musiciens conduits habilement
par M. Courrouy, auquel nous ne saurions
adresser trop d'éloges pour le sens artistique
d'interprétation qu'il possède etpoin^ la maestria
dont il tait preu\e dans la direction.
II serait à souliaiter qu'un orchestre aussi
homogène, constitué avec les éléments et sur
les bases actuels se fasse entendre non seule-
ment en tant qu'orchestre d'accompagnement,
mais seul, ilans des auditions spécialement
réserxées à lui, dans les chets-d'unn re de la
musique classique et moderne.
(). M.
Belgique.
A LA MONNAIE. — y von Ir T.rrihl.;
jtaroles et musique de M. Cjunsbourg, \ ient
d'être représenté sur uotic pnniiire scène avec
L'ACTUALITE
409
un soin, et avec un succès vraiment extiaor-
dinaires. C'est une représentation qui comptera
dans les fastes de la Monnaie. Nous avons
déjà parlé de la conception du compositeur.
Pour lui, la mélodie seule a de l'intérêt, et il
donne au chant toute prédominance. Foin des
recherches harmoniques, foin des combinaisons
de l'orchestration moderne ! — Je comprends
fort bien le principe de M. Gunsbourg, et je
l'admirerais s'il n'était pas trop visiblement un
" principe " — . Evidemment, il ne faut pas
exiger d'un artiste ce qu'il ne prétend point
nous offrir. M. Gunsbourg se contente de
réaliser des œuvres qui savent gagner sans
peine le gros public, qui le charment sans fati-
gue. C'est un mérite, appréciable, ma foi, et
c'est surtout un titre à la reconnaissance des
foules dilettantes. M. Gunsbourg a d'autres
qualités ; il n'a pas de rival comme metteur en
scène, il excelle dans la technique de l'effet à
produire : ayant beaucoup d'expérience, il tire
parti merveilleusement des moindres ressources.
Le théâtre n'a plus de secret pour lui.
Dans l'œuvre présente, évocation de la
sombre époque, dont tous les manuels d'his-
toire retracèrent les horreurs, où le tzarisme
rouge, reçut le pourpre baptême du sang, le
dramaturge trouve champ fécond.
Malheureusement, à part les costumes, dont
s'émerveilla notre critique officielle et que
célébrèrent à l'avance les communiqués, —
costumes venus à grand frais des théâtres de
l'Empire slave, — et quelques authentiques dan-
seurs russes, il faut reconnaître que la couleur
locale fait défaut !
Et pourtant M. Gunsbourg, russe de nais-
sance, habitué aux péripéties d'une vie agitée,
avait toutes les quah'tés pour rendre la figure
de ce terrible personnage.
Yvan le Terrible lui fournit la matière
d'un intense mouvement de situations savam-
ment alternées, pour ménager les nerfs des
paisibles spectateurs. — Quant à la partition
en elle-même, il y a çà et là de jolis passages,
quelques belles phrases, un certain mouvement,
des tonalités heureuses, des chatoyements, des
ors, sur un ensemble parfois expressif. Rien de
trop poignant néanmoins. En somme, l'en-
semble porte^ selon les désirs de l'auteur, et la
salle brillante des grandes premières a frémi
dans tout son entliousiasme.
M. Gunsbourg a connu chez nous l'ivresse
des triomphes. — Il faut dire qu'il possédait
des interprètes de tout premier ordre, et que
l'orchestre a réussi tout-à-fait, sous l'intelli-
gente direction du sympathique et compréhen-
sif M. Sylvain Dupuis, à mettre au point
l'œuvre élue. — Tout est bien donc, et sou-
haitons à nos maîtres belges de telles fêtes,
longtemps désirées.
ARTS, SCIENCES, LETTRES. —
]y[eiJe Aline Laleman compositeur et cantatrice
avait organisé par les soins du Spectacle Office,
une intéressante Soirée Musicale le samedi
20 Octobre à la Salle Erard. La programme
comportait une intéressante sélection de mélo-
dies interprétées par leur auteur M"'' Laleman
et une série d'œuvres de Grieg, Mendelsohn,
Schumann et Gounod avec le concours de
Mrs Chosty basse chantante, Doehaerd, vio-
loniste, et Kauffmann pianiste.
LA SCOLA MUSIC^
Institut musical de 1^'* ordre, 90 rue Gallait.
BRUXELLES
Chant, déclamation, instruments, harmonie,
esthétique musicale, littérature française.
Études complètes.
VIENT DE PARAITRE
A LA
MAISON BEETHOVEN
(GEORGES OERTEL)
RUE DE LA RÉGENCE, 17-19, BRUXELLES.
C. THOMSON
ZIGEUNER RHAPSODIE
Pour Violon et Orchestre
Réduction : VIOLON ET PIANO, net 6.00
EN LOCATION LE MATERIEL D'ORCHESTRE
CHOPIN-THOMSON
MAZURKA op. 7 No. I. Violon et Piano, net 2.00
EN PRÉPARATION:
ROOVERSLIEEDE
DramI'; Lyriquk un un actk dk P. GII—SON
PARTITION : Piano et Chant.
L'ACTUALITE
4ir
— M. Durant a donné le 1 6 octobre dcriiicr,
sous les auspices du Comité de l'Exposition,
un concert entièrement consacré aux œuvres
de César Franck ; il a été vraiment remar-
quable.
"Psyché" ouvrait la séance : cela manquait
un peu de fluidité, de ligne enveloppante :
il est vrai que la salle était d'une sonorité fort
crue — néanmoins l'exécution dans l'en-
semble fut bonne : M. Durant a montré là,
ce qu'il peut donner lorsque la surcharge de
travail ne lui impose pas des études hâtives.
Avec son admirable talent, M. De Greef
vint ensuite; inutile de dire que les "Djinns"
cette œuvre un peu ingrate, et les admirables
" Variations symphoniques" n'eurent pas à se
plaindre de leur interprète : peut-on parler
encore de la merveilleuse technique de
M. De Greef, de sa force, de sa délicatesse, de
son jeu idéalement pur, de sa compréhension
souple et nuancée \ à peine pourrait-on lui
reprocher parfois un romantisme un peu poussé
dans l'expression : mais cela ne l'empêche pas
d'être un grand pianiste. Le public lui a fait
de tumultueuses ovations.
On donne rarement à Bruxelles des frag-
ments d'œuvres lyriques de Franck. Ceux du
ballet d' " Hulda " (la lutte de l'Hiver et du
Printempis) que nous avons entendus hier sont
pourtant pleins de vie et de couleur : il man-
que bien à la symphonie printanière, victo-
rieuse du lourd Hiver, un peu de cette aérienne
fraîcheur qu'on trouve dans le Prélude Fugue
et Variation, par exemple ; mais le premier
mouvement est un chef-d'œuvre d'interpréta-
tion musicale.
La symphonie en ré couronnait magni-
fiquement l'ensemble du concert ; si l'allé-
gretto fut traité à la manière rude, si le
final fut d'un tempo instable, trop tiède dans
les débuts, le premier mouvement, en revan-
che, a reçu de M. Durant et de son orchestre
une exécution vraiment digne d'éloges.
Aussi le public, malheureusement clairsemé,
a-t-il rigoureusement applaudi tout le monde.
LE CENTENAIRE DE LISZT. —
De tous côtés l'on s'apprête à fêter le cente-
naiie de Franz Lis/,t, né v\\ i8ii. A cette
occasion, le piai'iiste Arthur van Dooren orga-
nise wxui tournée de Récitals dans laquelle il
sera accompagné par le D'' Dwelshauvers,
conférencier, et une cantatrice de renom. La
tournée débutera à Bruxelles, en janvier pro-
chain.
CONCERTS ISAYE. — Il y aura 6
concerts au cours de la saison, au Théâtre de
l'Alhambra, aux dates ci-après :
29-30 octobre, 3-4 décembre, 14-15 jan-
vier, 11-12 février, 1-2 avril. Plus 2 concerts
extraordinaires : 22-23 ^^''''') ^"7 "'''i'-
Les artistes suivants y participeront :
Chant: M'"*^ Bosetti, de l'Opéra de Munich;
MM. H. Dufranne, de l'Opéra de Paris ;
H. Hensel, de l'Opéra de Wiesbaden.
Fïam : MM. Mark Hambourg ; Ossip
Gabrilowitsch.
Violon : MM. Eug. Isaye, Jacques Thibaud.
Violoncelle : M. Jean Gérardy.
Ch. (Torchestre : MM. Otto Lohse, Edvi'ard
Elgar, Eug. Isaye et Théo Isaye.
Le Tonkunstler orchester de Munich, sous
la direction de Joseph Lassalle.
Jux programmes : Bach, Mozart, Beethoven,
Schuman, Brahms, Wagner, Strauss, Sw^en-
den, etc.
Nouveautés : Suite Burlesque, A. Dupuis.
Symphonie, Delcroix.
Ryelandt.
Elgar.
" Lazzari.
Ouverture, Trémisot.
Poème symphonique, Buffin.
La forêt et l'oiseau, Théo Isaye.
LA MUSIQUE BELGE A L'ÉTRAN-
GER. — Après une saison magnifique au
Kursaal d'Ostende, le maestro, Léon Rinskoflf,
se prépare comme les années précédentes à
porter et défendre au loin le bon renom de
nos compatriotes.
Les tournées antérieures en Allemagne et
en Angleterre ont eu, on s'en souvient, un
grand succès, et les festivals qu'il donna de
musique belge furent bien goûtés.
412
L'ACTUALITE
Cette année, en décembre, à Budapesth, en
Hongrie, puis à Rome et à Nice ; en janvier,
il donnera des auditions des œuvres suivantes :
Ouverture de Godlicve . . . Ed. Tinel.
Macbeth^ poème symphonique . S. Dupuis.
Variations symphoniques ... P. Gilson.
Psyché, poème symphonique . C. Frank.
Danses Jîamandes J. Blockx.
Fantaisie sur des thèmes popu-
laires wallons Th. Ysaye.
Nul doute qu'avec l'ardeur infatigable,
tout le sentiment artistique et la grande com-
préhension des œuvres qu'il fait exécuter, le
^sympathique maestro, n'obtienne cette année,
dans sa tournée, le même et peut-être encore
meilleur succès que précédemment. Tous nos
vœux l'accompagnent.
CONCERTS POPULAIRES. — Les
quatre concerts d'abonnement auront lieu aux
dates ci-après: 19-20 novembre 191 o, premier
concert, avec le concours de M. Misha
Elmann, violoniste ; 21-22 janvier 191 1,
deuxième concert, avec le concours de M^'*^
Clara Sansoni, pianiste; 18-19 f'^vier, troisième
concert, avec le concours de M""' Leffler-
Burckard, cantatrice de l'Opéra royal de
Berlin ; 25-26 mars, quatrième concert con-
sacré à l'exécution de La Création^ oratorio
d'Haydn, soli chœurs et orchestre.
LIEGE. — Les débuts du théâtre royal
n'ont pas, jusqu'ici, donné grande satisfaction.
Plusieurs nouvcau-vcnus ont dû résilier.
Treize opéras joués en dix-sept jours énervent
les interprètes. Réservons donc notre avis.
Les nouveautés de la saison seront : jI/""'
Buttrrfly de Puccini, Mona Vanna de Février,
la Glaneuse de Fourdrain et Knmrsse ! d'Arthur
van Dooren, le sympathique pianiste bruxel-
lois. Une œuvre belge... bravo !
L'administratio!! communale a organisé, à
l'occasion de la visite des Conseillers munici-
paux parisiens, un grand concert de solistes
(Eugène Ysaye, Jean Gérardy, M""" de Ceu-
ninck) que dirigea M. Sylvain Dupuis. Elle a
oublié d'y convier la presse musicale.
D"" DWKLSHAUVERS.
ANVERS. — Le Gala Français aura lieu
cette année le 23 ou le 30 novembre, au
Théâtre Royal. La représentation comportera
M""' Butterfly, avec le concours de Marguerite
Carré, M'"'" Brohly et M. Léon Beyle de
l'opéra comique. — S'adresser à M. le Prési-
dent de la Chambre de Commerce française,
15, Longue rue de l'Hôpital, Anvers.
La société royale du Jardin Zoologique donnera
de nombreux concerts en la saison 1910-1911,
sous l'éminente direction de M. Edward
Keurvelsj musicien sa\'ant, chef d'orciiestre
accompli. Du i novembre au 29 mars, les
mercredis à 8 1/2 du soir et dimanche à 3 lJ2
après-midi.
Parmi les virtuoses qui prêteront leur con-
cours à ces concerts : MM. Laurent Swolts,
Ludwig Froelich, M"*^ Hélène Luquiens,
J. Daene, Mav Harrisson, M. J. Riss-Arbeau,
M. Jesu Daisy, Jules TordJ, Casella, M"'^
Clair Bamberg, Aima Mandie, A. Raveau,
J. Bonnet, Gérard, Heking, Denaucy, M'"^
Heilbronner, Fernand Charlier, Raoul Pugno,
M"^' Maud Delstauche, Mark Hamburg, M"*-'
Rotsaert, Louis Robert, Henriette Renié,
Povia Frisch, Pli. Gaubert, César Thomson,
Flora. Joutard-Loevensohn, H. Ven-Elsacker.
— La société des Concerts de Alusique sacrée
annonce pour la saison l'exécution de Josué de
Haendel, et la Messe en si mineur de Bach.
Josué n'a jamais été entendu en Belgique.
— Les dates et détails de ces solemnités seront
données ici prochainement.
— .14. Mahillon, est nommé conservateur en
chef à titre personnel du musée instrumental
ilu Conser\atoire royal du Bruxelles.
— Une fanfare wallonne \ient de se créer à
Ixelles. S'adresser à M. Stéphane, compositeur
137, Avenue du Pesaye, Ixelles.
— La société : La IVallonie, sous la ilirec-
tion de M. /-. Laurent, professeur de cluint,
ilonnait, le 8 octobre, une excellente soirée.
M. Brieoult, ténor rcinarc]uable, à la voix
svmpatlii(]ui' et puissante, joliment timbrée,
fort bien conduite, M. Gonze baryti>n, qui
unit une culture parfaite k d'égales qualités,
M"' Mary Roosen la charmante cantatrice
ilont nous avons ici-même noté déjà les succès
L'ACTU ALITE
413
prometteuses, et M"'' Le Brun, excellente
pianiste, prêtaient leur concours à cette fôte.
Lu Société des nouveaux Concerts, sous la
direction du compositeur Lodeivyk Mortelmans
donnera au Théâtre Royal cinq grands con-
certs.
LOUVAIN. — M"^^ Raphaële Rodhaïn, la
charmante artiste est engagée pour une repré-
sentation de JVerther, les 26 et 30 novembre.
Les Louvanistes se feront fête d'applaudir leui
compatriote.
TOURNAI. — La section dramatique de
la Société Royale des Orphéonistes Tournai-
siens organise un grand concours international.
Ecrire à M. Tordeur, secrétaire, Avenue du
Maire, pour renseignements.
Nous détachons, dans La Vie Musicale,
revue Suisse, publiée sous la direction de
M. Georges Humbert, l'article suivant, con-
sacré à une artiste de valeur, que le public
belge eut l'occasion d'applaudir souvent, et
qui fait honneur à M^^*^ Lefébure, l'excellent
professeur de chant dont elle fut l'élève.
" A r Exquise interprète de Godelieve''^ inscri-
vit le maître Edgar Tinel au bas du portrait
qu'il offrit à M^^*^ Homburger, et peu après,
la charmante cantatrice recevait de la reine
mère d'Italie un superbe bijou. C'est dire que,
quoique jeune encore, l'artiste a déjà connu
les succès.
M'^*^ Eisa Homburger est Saint-Galloise, de
cette Suisse allemande qui a fourni déjà plus
d'un chanteur à l'Allemagne, voir même à la
France. Il est vrai qu'à l'âge de seize ans à
peine elle partit pour Bruxelles et qu'elle y fit
toutes ses études musicales. Avec des profes-
seurs du Conservatoire, mais non point comme
• élève de l'établissement lui-même, M"*^ Eisa
Homburger travailla le solfège, l'harmonie, le
piano et la déclamation ; puis elles devint,
pour le chant, disciple fervente et exclusive de
M"-^ H. Lefébure.
Cinq ans plus tard, en 1901, — en posses-
sion de tous les secrets de l'art vocal et douée
d'une voix de soprano " sympathique, cares-
sante, pure comme le cristal et très étendue
— elle débute dans un conceit du " jVI;i-n-
nerchor " de Zurich, sous la direction de
M. C. Attenhofer. Elle chante ici et là,
oratorios, concerts d'église, soirées de lieder,
avec un succès croissant, et se fait hautement
apprécier comme professeur de chant dans sa
ville natale.
M"" Eisa Homburger ne devait pas tarder
à être appelée en Belgique, par la "Société
de musique " de Tournai qui, sous l'excel-
lente direction de M. H. De Loose, organise
année après année de grandes auditions d'ora-
torios. Notre cantatrice y chanta le Requiem
de J, Brahms, Sainte-Ludmile d'A. Dvorak,
Sainte-Godelive d'Edg. Tinel. Puis ce furent
des engagements à Paris, à Wiesbaden, à
Mulhovise, à Turin, en Suisse naturellement,
et, cet hiver Tnême, NP^^ Eisa Homburger se pro-
pose de donner à Bruxelles un " Liederabend "
analogue a celui qui lui valut il y a deux ans,
dans la même ville, un très grand succès.
GAND. — La direction du Grand-Théâtre
a été confiée cette année à vm de nos con-
citoyens, M. Pierre De Meyer, un Heldeiitenor
qui jouit en Allemagne d'une bonne réputa-
tion. M. De Meyer s'est assuré le concours
d'artistes français et allemands ; il peut ainsi
puiser dans des répertoires très différents et
donne des spectacles aussi variés qu'intéressants.
Il n'est pas banal de voir alterner sur l'affiche
d'un théâtre de province : Samson et Dali la,
die T'Valkure, Cariiien, la Juive, Faust, Paillasse,
la vie de Bohème, Tiejland, sans compter
l'opéra Lira du compositeur gantois Joseph
Vander Meulen, qui remplit les fonctions de
chef d'orchestre, avec l'excellent d'Oscar
Becker.
Les chanteurs français sont de valeur iné-
gale. Le soprano insuffisant sera remplacé.
Dans Samson et Dalila, le beau contralto de
M"'' Berthe Soyer a fort agréablement fait
valoir les caressantes mélodies de Saëns ; mais
les qualités dramatiques de cette artiste ne
sont pas à la hauteur de ses ressources vocales,
et son apparition dans Carmen n'a que trop
permis de constater la différence. M. De
Meyer, qui chante dans les deux langues, a
414
L'ACTUALITE
été un Sainson émouvant, tandis qu'un autre
ténor, M. G. Dufriche se faisait applaudir
dans Faustj dans C^'^^'^^y ^^ surtout dans
Paillasse. M. Florian est un jeune baryton
d'avenir. La basse, bonne, est M. Dorich-
Steinar qui appartient en même temps à la
troupe allemande.
Dans son ensemble, celle-ci est de qualité
bien supérieure. Elle a fait un brillant début
dans la IValkure^ avec M. De Meyer dans le
rôle de Siegmund^ M. Dorich-Steinar dans
celui de Humiingy M. Schutzendorff, dans
celui de IVotan; M"'' Weingarten était Sieglindei
M'"'' Hansen, "Bninnhilde et M""' Blegenburg,
Fricka. Le succès de ces artistes s'est affirmé
dans le Tiefland d'Eugen d'Albert.
Le public français ne connaît pas encore les
œuvres dramatiques du célèbre pianiste \ir-
tuose qui se double d'un compositeur de pre-
mier rang. Dans Tiefland^ E. d'Albert a su
rendre d'une façon saisissante le contraste
entre les sentiments purs et nobles des habi-
tants de la montagne et les instincts bas et vils
des gens de la plaine, du Tiefland. Quoique
l'action se déroule en Catalogne, au bas des
Pyrénées, d'Albert n'a pas voulu la localiser
musicalement, par l'emplio de thèmes et de
rythmes espagnols. Ce sont des idées générales
c]u'il tient à exprimer, et il les exprime par
les voix de ^orche^tre où des thèmes symbo-
liques s'entremêlent et se combattent tandis
que les personnages, sur la scène, ont pour
mission d'évoquer l'action spécialisée dans le
livret. D'Albert connaît toutes les ressources
de l'orchestre moderne, et il les utilise heu-
reusement. Au premier abord, l'œuvre paraît
s'inspirer de la manière violemment mouve-
mentée du vérisme italien ; mais elle me
paraît être, en réalité, d'un art plus éle\é cpie
les opéras des Mascagni et des Puccini.
I>'interprétation de Ticfiand est bonne :
M'''' Weingarten {Martha) et M. Donich-
Stcinar [Tomasso) encadrent artistement Pedro
et Sehastiano., si bien campés par MM. De
Meyer et Schnt/.endorf.
Il convient d'ajouter (]ue les petits inles et
les ch(rurs ne donnent lieu à aucune criticpH-,
ce (|ui est aussi très rare en province. Ils oni,
au contraire, tait sou\ent preuve de qualités
sérieuses de discipline et d'intelligence.
— La Veuve Joyeuse de Franz Lehar fait
florès à la fois en flamand, au Théâtre néer-
landais, et en français, au Théâtre Minard.
— Au Collège musical, mon excellent con-
frère, M. Dwelshau\ers, a fait, avec un vif
succès, une intéressante conférence sur la
technique pianistique moderne. Propagandiste
convaincu des théories de Breithaupt, il a
montré que l'ancienne technique était irra-
tionnelle au point de vue physiologique, et
que, d'autre part, elle était devenue insuffisante
tant pour les œu\ res modernes que pour les
pianos actuels. Il faut, aujourd'hui, autre
chose que de la vélocité. M. Dwelshauvers a
exposé avec clarté les caractéristiques de la
nouvelle technique, et il a terminé, fort judi-
cieusement, en rappelant que la technique ne
suffit pas pour former un artiste : celui qui
aspire à ce titre doit aussi faire l'éducation de
son intelligence, par la pratique et l'analyse
des œuvres des maîtres et par l'étude de
l'histoire de son art.
D"" Paul Bergmans.
BIBLIOGRAPHIE. — Des cahiers de
musique scandina\e, éditée par M. Willem
Hansen. (Représentant exclusif pour la Belgi-
que ; M'"'' V'' Ratto.), fort intéressants :
Schytte. Die kunst aut dcm klavier /.ù
zingen.
Sinding : op 82.
Sinding : Sonate pour piano.
Halvorsen : Chant de la Vesfenroy.
Burmester : Ga\otte (violon et piano).
Âllmtii pour piano : I,a musi(]ue scaiulina\e
à l'Exposition l 9 l O.
Extraits de la ^Presse : élégante brochurette,
accompagnée d'une ravissante photographie et
d'une lettre enthousiaste du maître Eugène
Isaye, de M"'' Maud Dektauche. La jeune et
talentueuse violoniste cpie nous saluions ici,
naguère, a su s'attaclici' Us phis hauts s\ nipa-
thies et le \ if intérêt du moiule musical. Ces
notes rassemblées le prouvent et nous sommes
licinrux d'ajouter {|ue c'est à justr titic (|nr
l'on attetui, de M"'' Maud Delstauihe, la plus
L'ACTUALITE
4^5
brillante carrière. Nous aurons l'occasion tic
marquer ses succès futurs.
Le violoncelliste virtuose M. Edouard J acobs^
dont on se souvient du succès en Russie, à la
cour même du Tsar, jouait le 26 octobre
devant S, M. l'Empereur d'Allemagne, à
l'occassion de sa visite à Bruxelles. Guillaume
II sut apprécier le jeu impeccable, la senti-
mentabilité charmeuse et distinguée, les
qualités de son et d'interprétation de l'artiste.
— Aux compliments qu'il lui adressa, nous
joignons toutes nos félicitations.
CONFÉRENCE. — M. le docteur Dwels-
hauvers donnait à l'Institut des Hautes Etudes
d'Ixelles, le 24 octobre, une très intéressante
causerie sur la technique pianistique moderne.
On trouvera un compte-rendu de la même
conférence aux feuillets de notre éminent col-
laborateur gantois, M. le docteur Bergmans.
M. Dwelshauvers retraça succinctement l'his-
torique des instruments à clavier. La loi physio-
logique " La fonction crée l'organe, et l'organe,
la fonction " régit l'histoire des instruments.
Elle pense que l° les œuvres créées pour les
instruments représentent en chaque période
l'expression la plus parfaite des possibilités
techniques du moment, 2" que chaque dé-
couverte technique, entraîne un progrès de
l'art, 3*' qu'à chaque perfectionnement corres-
pond une efRorescence de la technique et de
la littérature.
La technique moderne doit répondre au
moment. Nos instruments, dit M. le docteur
Dwelshauvers, se sont modifiés. Ce sont les
pianos allemands et germano-américains qui
réalisent le dernier progrès ; les instruments
Ibach et Steinway, sont aux français Pleyel et
Erard comme la musique anglaise à la mécani-
que viennoise. Les français s'efforcent de
parfaire dans ce sens leur construction. — Pour
en tirer tous les effets possibles, la technique
doit être profondément modifiée. Le siège
sera bas, éloigné du clavier, coudes sous le
niveau des touches, le corps en avant, sur le
bord de la chaise, le pied gauche tourné
légèrement en dehors, le talon droit. — Les
mains dans l'axe du bras, l'articulation digito-
mctacarpicnne ressort, la main se creuse en
hémisphère. Les doigts ne sont plus que des
chevilles, le poignet joue exclusivement le
rôle d'un ressort. Le bras est transporté vers
la gauche, ou la droite, on obtient le doigté
unique 1-5, pour les touches noires et blanches.
L'avant bras roule autour de sr)ii axe, puis,
dans ce trémolo, il met en jeu les muscles de
l'épaule et surtout du dos.
Ce roulement supprime les difficultés du
passage du pouce. Le rejet du poids par l'élas-
ticité du clavier donne le staccato^ si le
relâchement musculaire est complet et im-
médiat. ..
Ces exercices, combinés d'après ces princi-
pes, seront exécutés à une main, puis avec 2
mains, en sens direct et contraire, à 2 ou 3
octaves d'intervalle, pour rendre aisée la posi-
tion du corps, l'audition précise, et ménager
le médium du piano (côté pratique). Ils met-
tront en jeu tout l'organisme, développeront
la maîtrisé de soi et feront acquérir la beauté
sonore.
La technique bien comprise, ajoute l'émi-
nent conférencier, ressortit de la volonté. La
gymnastique rythmique sera son corollaire.
Une éducation du goût l'accompagnera. Les
sonates de Spork (analyses) sont recommanda-
bles en ceci. — On habituera l'élève à une
économie de force, et à l'effort volontaire, par
l'étude lente, peu prolongée.
Conseils du D"" Dwelshauvers aux jeunes
pianistes.
1. Deviens maître de toi, cultive ta volonté.
2. Ecoute ton jeu, prends un excellent
piano, bien réglé, d'accord, tends toujours
vers la beauté.
3. Cherche un meilleur résultat avec un
moindre effort.
4. Joue des œuvres faciles avec grande
perfection.
5. Joue chaque jour du Bach ; sans lui,
point de vrai musicien.
6. Joue des œuvres à ta portée, étudie
l'harmonie, le contrepoint, — analyse.
y. Fuis la médiocrité.
4i6
L'ACTUALITE
8. Ne méprise pas le r\ thme des danses,
(le manque de rythme est /'//« des défauts de
notre musique belge.)
9., Aime le classique ; qui doit être ton pain
quotidien : apprends les modernes.
10. Etudie l'histoire de l'art.
11. Fais de l'ensemble, accompagnements,
chœurs.
12. Ecoute les chants populaires, utilise les
dans les improvisations.
COMMUNICATIONS. — On nous
prie d'annoncer le Récital, à la Grande Har-
monie, que donnera M. Vantyn, pianiste,
professeur au Conservatoire royal de Liège et
à l'Institut des Hautes études musicales d'Ixel-
les, le mercredi 16 novembre 1910, à 8 1/2
heures du soir.
On nous prie d'annoncer un Récital de
Piano que donnera M. Adolf Waterman,
jeune pianiste hollandais, à la Grande Har-
monie, le mercredi 23 novembre, à 8 1/2
heures du soir.
M"'' Gabrielle Tambuyser, pianiste, et
M. Marcel Jorez, violoniste, annoncent pour
les vendredis 25 novembre et g décembre,
deux séances de sonates. Au programme :
l^ahms, Fauré, Saint-Saëns, Grovlcz.
Etranger
LONDRES. — CovEN r Garden. — Une
saison d'automne sous la direction de M.
Thomas Hcecham ne s'annonce pas comme
très heureuse. Teijîand de M. d'Albert et Le
Chemineau se jouèrent devant des salles peu
garnies ; même Tristan et Elektra ne firent
pas de salles combles malgré la qualité de
l'interprétation. L'opéra à Londres dcvieiulrait-
il inoins populaire ? Ce n'est pas une reprise
de 1 lamlrt (|ui attirera la foule égarée.
Il semble que M. lîecrham ne doiuiera pas
suite à son projet annoncé dans les journaux
d'une saison d'été à Drury ]>ave. ly'oii dit
même qu'il n'entrera plus en concurrence avec
Covent Garden et a signé avec le Syndicat
un arrangement satisfaisant.il ferait des débuts
comme chef d'orchestre pendant la saison
ordinaire (Mai- Juillet) du Royal Opéra.
PROVINCE. — Le Festival de Leeds a
été des plus réussis. Masses chorales et orches-
tre admirables. Deux nouveautés intéressantes :
la Sea Symphon\ de Vaughan Williams (ba-
sée sur une poésie de Walt Whitman,) en
quatre parties et les Sougs of the Flect de Sir
Charles Villiers Stanford. Miss Glason-White
et Miss Perceval Allen s'y distinguèrent ainsi
que dans la Damoiselle Elue de Debussy.
CONCERTS. — Les " Promenade Con-
certs " sous la direction de M. Henrv Wood
continuent leur œuvre de popularisation. En
outre des œu\ res à succès de Wagner, Debus-
sy, Bruneau, d'Lidy, Ravel, et des symphonies
classiques, une (eu\ re nouvelle, symphonie de
M. Emil Paur, bien faite et sans grande
originalité a obtenu un certain succès. — Miss
Mar\- Cracroft a donné un beau concert dont
le principal intérêt fut le Concerto pour Violon,
et orcliestreen D mineur de Bach, (d'habitude
joué comme concerto de piano) reconstitvié
d'après F. Da\ id et des manuscrits. —
M. Backhaus a tiiomphé a\ ec un programme
Bach-Debussy ; M. Pachman avec son Cho-
pin habituel ; Ysaj'e avec Mozart et Vivaldi ;
Kubelik dans du Max Bruch. Concerts en
somme nombreux et pas particulièrement
intéressants. — Deux chanteuses ont fait une
grande impression, toutes deux engagées en ce
moment à Covent Garden, Miss Maggie
Teyte et M"*' Mignon Nevada, fille de la
célèbre artiste.
X. M. H.
VIENNE. — La saison qui commence
|iri)nur irètre très intéressante. A l'Opéra
voici les premières nouveautés : " Le secret
de Suzanni' " de Wolf Ferrari et la pantomine
"Le Bonhonnne île Neige" de Wolfgang
l''rich KorngoKl. L'cruvre de Ferrari est un
opriii-comique imité de l'ancien opéra-comi-
(|ui- italien, particulièrement de la Servante
maîtresse de I^crgolèse. L'intrigue est moderne:
Rouart, LeroUe 6 C
le
ÉDITEURS DE MUSIQUE
18, BOULEVARD DE STRASBOURG - PARIS
Le plus grand abonnement de France
service : Maison GAVEAU, 45, rue de la Boëtie.
TOUTE LA MUSIQUE en lecture
Représentation exclusive des Éditions Bêlaïeff, Hansen,
Jurgenson, Universelle et Zimmermann.
Dépositaires exclusifs des œuvres de G. MAHLER
Ire SYMPHONIE EN RÉ MAJEUR
2me SYMPHONIE EN DO MINEUR
3me SYMPHONIE EN RÉ MINEUR
4me SYMPHONIE EN SOL MAJEUR
Chaque piano à 4 mains , . . net fr. 12
„ petite partition d'orchestre net fr. 8
LEO OLSCHKI
FLORENCE Lungarno Acciaioli 4.
LIBRAIRIE ANCIENNE
Puici (Luigi), Driades d'amore s. a.
Catalogues de Musique ancienne Rarissime
Manuscrits, Tablatures, Antiphonaires
Hymnologie, Chansons.
BIBLIOFILIA, revue mensuelle, illustrée et connue dans
le monde entier des bibliophiles. (Un an 30 fr.)
CE QUE CA'RJJSO
TENSE T>U TIANOLA
Caruso jouant du Pianola caricaturé par lui-même.
ENRICO CARUSO, le merveilleux ténor, est, comme toutes les célébrités
musicales, un fervent admirateur du PIANOLA. " Je viens deuteiidre le Pianola
exécuter une composition difficile, — écrivait-il naguère à la Compagnie ^olian, —
et ses effets sont non senlement mnsicanx et artistiques, mais simplement stupéfiants. Quand on
songe que le Pianola, muni du Métrostyle, permet à un novice de rendre les nuances et les
finesses de l'interprétation d'un chef-d'œuvre par un grand artiste, le Pianola cesse vraiment
d'être un instrument mécanique. Je vous souhaite tout le succès que vous méritez."
Le Catalogue illustré "C" sera envoyé franco à toute personne qui en fera
la demande. Le Pianola peut-être entendu à toute heure, dans les salons de
THE yEOLIJN COMPANY Ltd.
PIANOLAS — PIANOLA-PIANOS -
^OLIAN-ORCHESTRELLES
PIANOS S TECK & WEBER
■ GRANDES ORGUES
SALLE MOLIAN, 32, AVENUE DE L'OPÉRA, PARIS.
'^'or n A VF ATT "-"
PIANOS VJ X X T JJj 1 X V-y PIANOS
Siège Social: 45 et 47, rue de la Boëtie (VIII^ PARIS
Rayon spécial de Musique c a i i" ce Usine modèle à Fontenay=
(vente et abonnement) SALLES sous=Bois (Seine)
TÉLÉPHONE : 528=20 DE, Agence générale à Bruxelles
Adresse Télégraphique : CONC-LlvIS Dépôt deS éditions
GAVEAU=PIANOS=PARIS de la SI. M.
MEMBRE DU JURY — HORS CONCOURS
Barcelone 1888, Moscou 1891, Chicago 1893, Amsterdam 1895
Paris 1900.
DIPLÔMES D'HONNEUR
Amsterdam 1883, Anvers 1885, Bruxelles 1888
GRANDS PRIX
Hanoï 1893, Likck 1905.
L'ACTUALITE
42 I
un jeune mari tlccouvre que sa iL-innu- lui
cache quelque chose : et pense qu'elle le trom-
pe ; la vérité est qu'elle fume en cachette : il
exècre le tabac ; tout s'explique : on se récon-
cilie. C'est là un ou\rage bien insignifiant pour
ctre représenté à l'Opéra. La pantomime de
Korngold, par contre, offre beaucoup d'in-
térêt ; mais comment ne pas s'étonner de \'oir
exécutée par la Philharmonique l'œuvre d'iui
enfant de treize ans ; du reste, aux répétitions
d'orchestre, le jeune auteur modifiait tant et
tarit que la Philharmonique se refusait à jouer.
Voici le scénario de cette pantomime : c'est
l'époque de la Noël ; des enfants construisent
un bonhomme de Neige sur la place Saint-
Marc. Pierrot,pour pouvoir courtiser tranquille-
ment Colombine, prend la place du bonhomme
de Neige. Au second tableau. Pierrot, après
avoir raillé son rival, s'enfuit avec Colombine.
La fin du premier tableau est d'une poésie
charmante, alors que Pierrot, transformé en
bonhomme de Neige, se tient dans la rue
toute éclairée de lune.
Le Concertverein exécute les neuf Sym-
phonies de Bruckner, puis quelques œuvres de
Dukas et Debussy. Les concerts de la Société
des Amis de la musique donnent la huitième
de Mahler et la Passion selon S*^ Mathieu de
Bach.
Le Chœur philharmonique, sous la direction
de Franz Schvelcer, prépare trois concerts
composés uniquement de nouveauté : un
psaume de A. de Zemlinsky, la Messe de la
Vie, de Delius, Gloria de Nicodé et des chœurs
de Schônberg.
MUNICH. — Le programme des concerts
d'abonnement du Konzertverein, que dirige
à la Tonhalle M. Ferdinand Lœv/e, de Vienne,
a ménagé une belle surprise à tous les amateurs
de musique pure, à ceux qu'intéresse en parti-
culier le développement moderne de la forme
musicale par excellence, la symphonie, dont
le cadre logique et la discipline spirituelle sont
si bien faits pour se prêter à l'expansion des
individualités les plus diverses. Pour la première
fois cet hiver, nous échappons à la sugestion,et
et il faut dire aussi à la routine, des neuf
Symphonies de lieethoven. Pour la première
fois elles seront remplacées par l'exécution
intégrale et chronologique, des neuf Sympho-
nies de Bruckner. Il était réservé à M. Kerd,
Lœwc d'accomplir ce beau geste ; le nom du
disciple se nimbe là de la pure gloire du maître.
Et ce premier cycle liruckner marcjue une
date.
Le programme au reste, est un des plus
intéressants qui nous aient été offerts depuis
des années. Le voici en entier : 17 Octobre :
Bruckner I ; Mozart : Sérénade si bénol majeur \
R. Strauss : Mort et Transfiguration. — 7 Nov.;
Beethoven VIII ; Cl. Debussy : Rondes de
Printemps (i*^ audition à Munich) ; l^erlioz :
chant ; Harold en Italie. — 14 Nov.: Bruck-
ner II ; Hugo Wolf ; Penthesilée ; Schubert :
Inachevée^ (celle-ci p. ex. on commence à la
connaître). — 21 Nov.: Fred. Delius : Brigg
Pair [i^ audition) ; Schumann ; Concerto de
violoncelle (P. Casais) ; Bruckner III. — 19
Dec: Bach : Concerto Sol maj. (Arrigo Serato) ;
G. Mahler : l-Sy?nphonie. — 9 Janv. : Haydn :
Symphonie ut mineur ; W. Braunfels : Sérénade
(i*" audition); Bruckner IV. — 30 Janv.:
ouverture d'Idoménée ; Concerto de piano (R.
Pigno) ; Bruckner V. — 13 Fé\'. : Bruckner
VI ; E. Boehe : Ouverture tragique (l*^ audi-
tion) ; Mozart, Syynphonie ré majeur. — 27
Févr. : P. Dukas, ouverture de Polyeucte (i*^
audition) ; Beetho\en : Concerto de violon (Fr.
Kreisler) ; Bruckner VIL — 6 Mars :
Bruckner VIII ; Psaume 150. — 20 Mars :
Brakms III ; R, Strauss : Don Quichotte ;
Beethoven VI. — 10 Avril : Bruckner IX
avec le Te Demn.
On aurait dit au vieux Schulmeister qu'un
jour il occuperait les concerts de tout un hiver
et que Brahms ne figurerait qu'avec une seule
symphonie ! il n'en aurait pas cru ses oreilles,
mais nous nous aurions sans doute une Sym-
phonie de plus.
De son côté l'Académie de Musique, dont
Félix Mottl dirige les concerts à l'Odéon,
annonce comme d'ordinaire huit soirées d'a-
bonnement et deux soirées supplémentaires.
Celles-ci seront consacrées à de grandes œuvres
chorales : le jour de la Toussaint, l'oratorio
422
L'ACTUALITE
Samson de Haendel ; le dimanche des Rameaux,
l'oratorio Christus de Liszt, avec le concours
de la chorale des maîtres d'école.
Les quatre premiers concerts affichés ont à
leur programe : ii Novembre : i" concerto de
Brandebourg et la cantate Non sa che sia do/ore
de Bach, et V Héroïque. — 25 Nov.: Beethoven
I ; G. Mahler : Kinder-totenlieder (l*^ audition)
par M""^ Preuse-Matzenauer ; Liszt : Prédica-
tion aux oiseaux (i* audition) ; Fr. Klose :
Pèlerinage à Kevlaar^ mélodrame pour chœur
et orchestre, sur le poème de H. Heine (i^
audition). — 9 Dec. :. une soirée slave, chose
rare à Munich : Glinka : Kamarinskaia ;
Glazonnow : Symphonie la majeur ; Reger :
concerto de piano (l*' audition) avec M. A.
Schmid-Lindner ; Beethoven VIIL
Le directeur des deux séries de Concerts
populaires à la Tonhalle, Al. Paul Prill,
Kapellmeister de la Cour de Schwerin, fêtait
ce I octobre son 50*^ anniversaire ; ce fut
l'occasion pour le Konzertverein et les habitués
de mercredi, de lui faire par\enir les témoigna-
ges les plus flatteurs de sympathie et de recon-
naissance. M. Prill est en effet très apprécié
comme chef d'orchestre, non seulement pour
le soin, la conscience et l'intelligence musicale
très vive qu'il apporte à ses exécutions, mais
pour le bon goût et l'érudition avec lesquels il
compose ses programmes ; soit en reprenant
des ouvrages négligées, soit en confrontant des
œuvres similaires d'auteurs ou d'époques dif-
férents, soit par des belles séries classiques, il a
su élever des concerts, précisément destinés à
la petite bourgeoisie et à la jeunesse des écoles,
à la hauteur d'un véritable Institut d'éducation
musicale, dans lequel la mode n'a de place
qu'autant c|u'elle peut servir à d'utiles compa-
raisons.
PMs déjà d'un diicctcur de inusic]ue, à
Berlin, M. Paul Prill, comme ses frères Karl
Prill l'excellent violoniste, Konzertmeister de
r()[)éra de Vienne, et Emile Prill le maître
flûtiste, professeur à l'Ecole des hautes études
de musique à Berlin, reçut les premières notions
de son art de son père. Puis il sortit de l'école
violoncelliste et de brillantes tournées avec ses
frères. Mais il ne tarda pas à prendre la
baguette et dès 1885 devint directeur d'opéras
aux théâtres Wallner et Belle-Alliance de
Berlin, à ceux de Hambourg, Rotterdam,
Nuremberg ; passa cinq ans après premier
Kapellmeister au Mozarthaus et au Nouveau
Schauspielhaus de Berlin, pour être enfin ap-
pelé à Munich au poste qu'illustrèrent déjà
les Siegmund von Hausegger, les Peter Raabe,
les Bernhard Stavenhagen. Puisse le Konzert-
\erein le conserver longtemps.
ALarcel Monta n don.
TURIN. — Turin fêtera dans six mois la
50*^ année de la proclamation de Rome comme
capitale de l'Italie.
Une exposition internationale aura lieu à
cette occassion, et la musique v aura sa place
et une place très importante ; dans l'immense
salle où seront donnés les concerts, un grand
orgue Vegezzi-Bossi a été installé. Citer le
nom des compositeurs dont certains dirigeront
eux mêmes leurs œuvres (Debussv, d'Indy,
Richtcr, Mahler, Steinbach, Mengelberg, Tos-
canini) n'est-ce pour prédire à ces concerts un
succès certain r
S.'\RAGOSSE. — La Filarmonica a donné
deux concerts avec le Concours de l'Orquesta
Sinfonica de Barcelone, dont le chef d'orchestre
est M. Lamote de Grignon. La musique
française, en particulier, v fut bien représentée
par des œu\res de S' Saëns, César Franck,
Dukas et Debussy. M. Lamotte de GrigncMi
dirigea deux de ses œuvres : Rêverie et Scherzo
sur un thème populaire.
PRAGUE. — M. Ladislav Dolansky, l'un
des " pionniers, " comme on dit à Prague, de
la nuisiquc ilc Smetana est tiKM't le l" juillet
passé. Les re\ ues musicales tchèques qui ne
paraissent pas en été rappellent seulement
aujourd'hui ses importants services de critique.
C'est grâce à lui que la Vmelecka Beseda a
édité les œuvres postluimes de Smetane. ?2n
1900 il rédigea la revue Dalihor. 11 ne souf-
frait pas que l'on \ ilénigrât cpii que ce tut
surtout un ilébutant. — Le pa\s tchèque s'est
d'autre part rappelé, le ^1 juillet, le quatre-
vin<:tiènie anin\ersaire de naissance de feu
L'ACTUALITE
423
F, Z. Skuhersky, fondateur en lîolicmc de la
littérature pédagogique musicale.
— Le 9 octobre passé, à Prague, le Phil-
harmonie tchèque a recommencé la série des
concerts symphoniques populaires dont elle
donne à peu près vingt-cinq par saison, tou-
jours le dimanche à quatre lieures, La meil-
leure preuve de la popularité croissante de
Richard Strauss à l'étranger est l'enthousiasme
des tchèques à son égard : ils ont tenu à lui
consacrer la première séance de leur Philhar-
monie, Au programme : la symphonie rap-
portée à^ Italie^ Till Eulempiegel^ Don Juan^
Mort et Résurrection.
— Le théâtre de Kralovské Vinohrady
vient de représenter une amusante opérette de
Oscar Nedbal : la pudique Barbara avec ce
grand succès qui accueille toutes les produc-
tions du chef d'orchestre enfant-gâté du public
tchèque.
Bien plus sérieux le succès d'estime rem-
porté au Théâtre National de Prague par la
pantomime en trois tableaux de M. Ernest de
Dohnàny sur l'action, passablement macabre,
de M. Arthur Schmitzler: le Voile de Colombine.
Musique influencée de Richard Strauss, qui
serre de très près un scénario de Grande Guignol .
Le samedi 15 octobre dernier, il y eut dix
ans qu'est mort Zdenko Fibich, le plus grand
musicien tchèque après Smetana et Dvorak.
La philharmonie de Prague lui a consacré son
concert du lendemain, avec ce programme :
Ouverture solennelle et honneur de Komensky : le
mélodrame Vodnik ["homme des eaux) avec texte
de K. J. Erben : ouverture pour le Nuit à
Karlstein^ (comédie de Vrechlicky) ; deuxième
symphonie, mi bémol majeur. En même temps
le Théâtre National reprenait l'un des pre-
miers opéras du maître : la Fiancée de Messine^
texte tiré de Schiller par Otakar Hostinsky.
C'avait été justement pour honorer à sa mort
ce poète et musicologue distingué que l'opéra
de Fibich avait été donné pour la dernière fois.
— A Brunn, en Moravie, la troisième des
grandes fêtes musicales, organisées par la
Beseda, la plus ancienne société de musique de
la ville (côté tchèque), pour célébrer le cinquan-
tième anniversaire de sa fondation, a surpassé
en éclat les deux précédentes. La première
avait eu lieu en Avril, le clou en avait été
Bourè (la Tempête), le poème symphonique
de Vitiezlav Novak ; la seconde, cet été, avait
remis en honneur l'œuvre du moine Augustin
Pavcl Krizkovsky, le prédécesseur de Smetana
dans la création d'une musique nationale
d'expression artistique (en opposition à popu-
laire) ; la troisième donc, qui a eu lieu le
I octobre, a vu l'immense succès de la grande
symphonie A%raël de Suk (commémoraison de
la mort de Dvorak et de sa fille, la femme du
compositeur), et de deux poèmes symphoni-
ques, de Novak encore, unis. sous le titre le
Dcsir et la Passion. Les deux panneaux de
cette sorte de diptyque musical sont titrés
l'un, le Chant de r éternel désir., l'autre Toman
et Vhamadryade (d'après une légende tchèque).
L'organisation de ce concert merveilleux a
subi d'énormes difficultés. L'orchestre entier
du Narodni Divadlo., (Théâtre National) de
Prague, s'était transporté à Brunn. Son direc-
teur Karel Kavarovic est le grand maître de
l'orchestre tchèque. Quand viendra-t-il faire
ses preuves à Paris ? Nul encore ne se rend
compte de ce que devient la musique tchèque
dirigée par un Tchèque.
Le Théâtre National tchèque de Prague a
repris, avec une nouvelle distribution, à la fin
de Septembre, Tverdé palice (les Têtes dures) de
Dvorak, l'un de ses opéras les plus typiques.
Cette reprise, succédant à celle de Dmitri, de
Selrna sedlak (le Paysan madré) et des Jacobins.,
marque un significatif retour de faveur à
l'égard du si intéressant théâtre de Dvorak.
II serait à souhaiter que le Narodni Divadio
en donnât un cycle annuel, ainsi qu'il fait de
celui de Smetana. W. R.
LA HAYE. — Salle Diligentia. — Pro-
gramme de la i''*^ Séance de Sonates donnée
par M. Ch. Van Isterdael, violoncelliste,
professeur au Conservatoire Royal le Mercredi
19 Octobre 1910, avec le concours de
MM'"' C. L. Wirtz et Alfred Casella, pianistes.
Sonate en sol majeur pour viole de Gambe
(J. S. Bach). — Sonate op. 99 (J. Brahms).
— Sonate op. 6 Alfred Casella.
A. DURAND âc FILS, Editeurs de Musique
(DURAND & Cie»
4, Place de la Madeleine, PARIS
M usiq ue de Chambre nouvelle
J. JONGEN
id.
id. •
B. HOLLANDER
ROGER-DUCASSE
Tîio pour Violon, Alto et Piano net lO fr.
Quatuor pour Violon, Alto
'Violoncelle et Piano
2™'' Sonate pour Violon et Piano
Quatuor à cordes
Partition et Parties
Quatuor à cordes
Partition in-i6°
Parties séparées
net 12 fr,
net lo tr.
net lo tr.
net 3 fr.
net lO fr.
GRAND CHOIX DE MUSIQUE DE CHAMBRE FRANÇAISE & ÉTRANGÈRE
Œuvres de C. SAINT-SAÈNS, Edouard LALO, Vincent d'INDY,
A. de CASTILLON, CM. WIDOR, Claude DEBUSSY,
Paul DUKAS, Gabriel PIERNÉ, Emile BERNARD,
Charles LEFEBVRE, C. CHEVILLA RD, GUY-ROPARTZ,
G.M. WITKOWSKI, Maurice RAVEL, ROGER-DUCASSE, etc.
CLASSIQUES FRANÇAIS
ŒuVres de Rameau, Couperin, Caix d'HerVeïois.
Grand abonnement à la lecture musicale française et étrangère.
Plus de 50,000 morceaux et Partitions.
Dépôt exclusif pour la I-Vancc des Editions Peters.
G. Schirmer (Inc.) New York
Editeurs de Musique.
QUELQUES PUBLICATIONS IMPORTANTES
GABRIEL FAURÉ
Quintette en Ré mineur, pour piano, deux
violons, alto et Violoncelle. Net fr. 12.00
THÉODORE YSAYE
Op. 9, Concerto en Mi bémol, pour piano
avec accompagnement d'orchestre.
Partition, net fr. 75.00. Parties, net fr. 62.50.
Piano principal avec réduction de l'orchestre
pour un second piano (en partition) netfr. 10.00
Op. 13. Fantaisie sur un thème Wallon
pour grand orchestre.
Partition, net fr. 12.50. Parties, net fr. 25.00
Op. 14. Symphonie en Fa majeur, pour
grand orchestre.
Partition, net fr. 30.00. Parties, net fr. 50.00
Op. 15. Le Cygne. Esquisse symphonique
pour grand orchestre.
Partition, net fr. 12.50 Parties, net fr. 25.00.
SYLVIO LAZZARi
Trois chansons de Shéhérazade (Poésies
de Tristan Klingsor.)
1. Demande net fr, 1.50
2. Chanson des beaux amants . net fr. 1.90
3. Le passé net fr. 1.50
Le recueil, net fr. 5.00
Trois Poésies d'Emile Blémont (d'après
Henri Heine.)
1. Nuit en Mer net fr. 1.90
2. Une femme net fr. 1.90
3. Malentendu ...... net fr. 1.50
Le recueil, net fr. 5.00
LES ŒUVRES PUPiLIEES
IJK
CHARLES M. LOEFFLER,
La Mort de Tintaciles, Poème dramatique,
pour grand orchestre et viole d'amour.
Partition, net fr. 25.00 Parties, net fr, 50.00
Réduction pour piano à 4 mains, par Marcel
Labey net fr. 10.00
La Villanelle du Diable, Fantaisie Sympho-
nique pour grand orchestre et orgue.
Partition, net fr. 25.00 Parties, net fr. 50.00
Réduction pour piano à 4 mains, par Marcel
Labay net fr. 10.00
Deux Rapsodies, pour hautbois, alto et
piano ^L'étang, La cornemuse,) net fr, 6.25
Un poème Païen, (d'après Virgil) pour grand
orchestre avec piano, cor anglais et trois
trompettes obligato.
Partition, net fr. 50.00 Parties, net fr. 75.00
Réduction pour deux pianos, (en partition)
par H. Gebhard net fr. 7.50
Quatre Mélodies, pour chant et piano. Poé-
sies de Gustave Kahn.
I. Timbres oubliés. 2. Adieux pour jamais.
3. Les soirs d'a''tomne. 4. Les Paons.
Chacune, net fr. 2.50 Le recueil net fr. 10.00
Quatre poèmes pour voix, alto et piano.
1. La cloche fêlée . . . . net fr. 2.50
2. Dansons la gigue .... net fr. 2.50
3. Le son du cor s'afflige vers
les bois net fr, 2.50
4. Sérénade net fr. 2,50
Dépôt à Paris : A. DURAND «S FILS, 4 Place de ia Made=
leine. — MAX ESCHIC, 13, rue Laffitte.
Dépôt à Leipzig : FRIEDRICH HOFMEISTER.
Berlin : ALBERT STAHL.
WAGNER & MENDES
à Madame Jane Catulle Mendh.
Indifférente aux phrases creuses, à toutes
ces déclamations écrites ou verbales inspirées
d'un patriotisme faux, fruste, infantile, relevant
d'une mentalité de gamin jouant encore aux
soldats, aux Roldats comme on dit à la Mater-
nelle^ une phalange d'artistes français a donc
fait entendre et acclam.er notre musique à
Munich. L'intelligence a triomphé des mau-
vais souvenirs de vols et de tueries. De tout
ce Passé odieux issu de combinaisons politiques
ou financières, œuvre des gouvernements misé-
rables ou incapables, dont les hommes ne sont
pas plus responsables d'un côté de la Frontière
que de l'autre.
Ce contact, cet accord parfi\it, ce do-mi-sol-
do entre races si différentes, depuis longtemps
deux hommes au sang non moins dissemblable
l'ont obtenu: le Germain, le Teuton: Wagner
et le Latin, le liyzantin : Mendès.
Tant il est vrai que les individualités ont
sur les masses le suprême avantage de pouvoir
agir non pas selon des conventions, des préju-
gés stupides et barbares, mais selon leur esprit
et leur cœur.
Aujourd'hui que l'œuvre discutable — qui
et quoi ne l'est pas ?. — mais moins (|ue toute
autre en ce que, si elle a ses défauts, elle n'a pas
de vice comme celle de certains compositeurs
italiens ou français, les uns riches en paresse,
les autres en concession, discutable soit mais
en tout cas surprenante, titanesque de Wagner,
est estampillée du qualicatif Beau, rares sont
ceux qui la dénigrent ou la combattent. Sa-
\eur, ceux qui acclament à présent ne sont-ils
pas pour la plupart, nombre de ceux qui
sifflaient r Obéissant à la Mode commandant
le baiser après le crachat.
Axant la canonisation, pendant l'apostolat,
en France, qui le premier peut-être, batailla
pour la transfusion de l'Art Wagnérien dans
cette aorte de la France qui est Paris ? Qui
prépara ces liens noués à Munich ? Qui P Si
ce n'est le Poète Catulle Mendès, dont le
nom semble de ce tait, poiu" toujours accolé
à celui de Wagner, comme celui de Séïd l'est
à celui de Mahomet.
Louanges et critiques n'ont pas manqué à
Wagner. Se \alant en violences et dispropor-
tions elles ont surtout fait connaître — ou
mécoimaître, l'artiste, et peu l'Homme. Sans
doute, au cours île quelques causeries hiitcs
il y a déjà quelque xingt-cinq ans, Catulle
Mendès présentait Wagner à la fois artiste et
L'ACTUALITE
427
homme. Mais depuis, et pendant les plus
violentes polémiques ou apothéoses Wagné-
riennes, s'il fut question du Musicien, on
n'évoqua jamais plus — ou si peu, ou si mal —
l'homme.
Une récente conversation ave'c Madame
Jane Catulle Mendès nous permet de faire
renaître les souvenirs de Catulle Mendès sur
Wagner.
*
* *
Ce fut à Paris, rue d'Aumale, que Catulle
Mendès alors tout jeune Poète et Directeur
de la Revue Fantaisiste^ connut Wagner.
Pour entrer dans l'intimité des gens il y a
les bons et les mauvais moments. Mendès
tomba dans vm de ces derniers, à l'époque où
énervé par les terribles répétitions de Tann-
hâuser à l'Opéra, Richard Wagner n'était
enclin à l'amitié ou seulement à la sympathie,
pour aucun nouveau visage. Fut-ce pour celui
d'un poète venu lui faire sa déclaration. Ayant
reçu un accueil poli, mais dénué, sec de ces
demi-chaleurs de voix et de ces souplesses
d'attitudes qui, si elles ne sont pas encore
l'invitation à la familiarité, en sont tout de
même les prémices, de plus, discret et retenu
par une différence d'âge assez considérable,
Mendès ne retourna plus rue d'Aumale. Wag-
ner en partait quelques années plus tard pour
Tribchen près Lucerne.
Avec la facilité qu'à vingt ans — et souvent
même beaucoup plus tard — l'on a de s'attris-
ter ou de se réjouir trop vite, avant que
l'Avenir ait donné son mot de la Fin, Mendès
eut donc le gros chagrin. Retrouverait-il
jamais son Dieu ? Le hasard, parfois l'ami des
hommes et même des poètes, aurait peut-être
de lui-même un jour ou l'autre consolé Men-
dès. Moins confiant en ce Hasard qu'en lui,
ce en quoi il avait joliment raison, au cours
d'un voyage accompli avec son ami Villiers
de risle Adam, Mendès résolut de revoir son
Dieu —
Quelle allait être la réception ? Sans doute
Wagner savait avec quelle furie pour défendre
ses idées et son oeuvre Mendès donnait l'assaut
à la Routine, au Bourgeoisisme musical, sou-
tenu par un chauvinisme obtus. Mais le mépris
et le ressentiment que le grand homme pouvait
avoir contre la major'té imbécile (comme le
sont toutes les majorités) qui l'avait bafoué,
cet ogre de Majorité qui veut toujours tout
dévorer sans savoir même ce qu'il dévore, tout
cela n'avait-il pas été assez violent pour aigrir
et fermer son cœur ? Cela au détriment de la
petite Minorité du "Petit Poucet intelligent et
brave qui l'aimait ?
De sa parole charmeuse, de sa plume d'où
les mots tombaient aussi colorés, chatoyants,'
et scintillants, que des pierres précieuses d'un
coffret de Princesse, du temps où les Princesses
ne portaient pas leurs bijoux au Clou, Mendès
conta autrefois cette émotion qui l'étreignit à
Tribchen, lorsque le train stoppa.
Après le premier serrement de flancs causé
par l'appréhension, les deux voyageurs en
eurent un second, celui-là vite suivi de cette
dilatation, de cet épanouissement, de cette
respiration large et facile éprouvée quand on a
devant soi la Chose ou l'Etre désiré.
Petit, sec, osseux, tout en angles incessam-
ment déplacés, le corps rendu plus gringalet
encore par une étroite lévite de drap marron,
coiffé d'un immense chapeau de paille et qui
porté en arrière n'empêchait pas de voir la tête
puissante, dont le front à la Beethoven, don-
nait bien l'impression de ce qu'il était : la
Capitale de toutes les forces, Wagner cher-
che de tous côtés, de ses yeux vifs, fouilleurs
d'un bleu clair et pur, innocents comme ceux
d'une Vierge, pas de salon, de vitrail. Après
un instant reconnaît l'un d'eux, grâce au sou-
venir vivace qu'il en a gardé. Alors se livre à
une exubérante pantomime accompagnée d'ex-
clamations joyeuses. Entraîne celui-ci de sa
main droite, celui-là de sa gauche jusqu'à la
la voiture attelée du petit âne qui doit les
conduire à la maison.
Chaque jour dans le cottage dressé au milieu
du beau jardin grassement vert et généreuse-
ment fleuri c'est la même hospitalité simple,
et charmante, atmosphère où il n'y a qu'intel-
ligence, joie et santé.
Libre, un jeune chien noir déjà gros comme
428
L'ACTUALITE
un petit veau, gambade, se mêle aux ébats
d'enfants qui rient et jouent sur le perron.
A l'intérieur, dans le \aste Salon, aux quatre
grandes fenêtres ouvertes sur les montagnes,
jusqu'à deux heures, moment invariable où est
servi le diner, on cause. Rarement assis, par
hasard à une table ou au piano, le Maître est
debout. Mû par un irrésistible mou\ement
perpétuel, il va, vient, s'arrête et repart.
En expédition, à la découverte de sa taba-
tière en Vermeil incrusté d'émaux anciens et
qui est dans sa poche, ou de ses lunettes qui
sont sur son nez, il parle avec une inlassable
facilité. Non seulement de l'Art des autres et
du Sien, mais de toutes choses et gens. Surtout
de ce Paris que plus tard au moment du
Désastre, il devait avoir l'imbécilité de raHler,
avec cette lourdeur d'esprit à laquelle, sauf
l'unique, l'adorable Henri Heine toute l'Alle-
magne n'échappa jamais.
... Au moment du passage de Mendès qu'il
ne savait pas Juif, Wagner n'avait pas encore
écrit son lamentable Pamphlet contre Paris
investi. C'était ancore le temps où avec des
épanchements de Proscrit qu'il n'était pas,
Wagner s'inquiétait, de ce qu'avait bien pu
devenir dans les transformations de la Ville,
telle Maison qu'il avait connue, habitée. A
cette époque où pour vivre il écrivait des
musiques ti'Opérette lîouffe et pour cinq cents
francs vendait à l'Opéra le Poème de son
V ameau-F antôme .
S'enfonçant plus loin dans le Passé, Wagner
évoquait aussi les soirs, où échappé de la maison
paternelle, il se sauvait en rasant les murs com-
me un voleur — de plaisir — pour aller voir
le romantique Weber conduirL- son orchestre.
Puis, sans transition avec cet impromptu,
ce désordre dans la manifestation des idées
parce que trop nombreuses, trop grouillantes,
trop bouillantes, ne s'épanchant pas avec le
calme d'une eau canalisée, mais s'échappant
comme celle d'un torrent vigoureux, Wagner
passait tout à coup, de ses souvenirs triiomnic
à ses projets d'artiste.
Persuasif jusqu'à l'éloquence et persuadé
jusqu'à l'extase, il devenait un Ilhiniiné tenant
à la fois (lu Théurgiste et ilu Prophète.
Cette silhouette et ce verbe feraient rire
aujourd'hui les cinq sixièmes de nos contem-
porains. Par chic, insensibles les deux sixièmes
ne s'efforcent-ils pas de garder le doigt sur la
couture du pantalon et de composer l'attitude
d'un bonhomme de bois — moins drôles que
ceux de Bils r — Les trois autres sixièmes
ont-ils d'autre enthousiasme si ce n'est devant
le nombril d'un boxeur noir, rouge ou trico-
lore :
Catulle Mendès, qui était du premier
sixième, ne trou\ait rien de grotesque aux
extériorisations plus ou moins excessives de
Wagner qu'il admirait.
... Par ses propos grandiloquents, entraîné
souvent très tard dans la veillée, Wagner
n'était pas moins le\é d'extrêmement bonne
heure, à laquelle il avait pris coutume de faire
venir Mendès. Autant par plaisir d'être vite
en son intimité, que par malice de faire sortir
ce sybarite a\ec l'aurore ! A son balcon, dans
la lumière hésitante, soigneuse, tendre et louche
du petit matin, dès qu'il aperce\ait Mendès,
d'un geste gamin, Wagner agitait son béret
de velours noir, ia crkt\ comme il l'appelait...
Faiblesse de grandhomme, Wagner ne se
montrait pas alors dans sa sobre et classique
lévite marron de l'après-midi et du soir, mais
dans un accoutrement singulier, celui d'un
Mangin, d'un Robert Houdin ou de quelque
Poète décadent : dalmatique et pantalon de
satin broché d'or, fleurs et perles. Sans aucune
pose avec un grand naturel comme s'il était en
modeste pyjama de pilou, Wagner ne chan-
<2;eait rien ni à sa conversation ni à son attitude
habituelle. Mais il recevait dans sa chambre
de travail où sa jiassion des étoffes surtout
fa'-tueuses en coulein-s, lui en a\ait fait répandre
à profusion. Sur son lit, sur les murs, sur son
piano, juscjuc sur les moindres meubles.
Après un mois d'une vie pleine et d'un
intérêt jamais faiblissant, bien contre son gré,
mais impérieusement appelé par ses occupa-
tions parisiennes, Mendès qvnttait Wagner et
re\ (.liait en Fiance avec de lunnelles forces pour
défeiuiie son Dieu qui était devenu son Ami.
*
L ' A C T U A L 1 T ]{
429
Wagner! Mendès! Tannhiiuser! les batailles
a coup de chroniques, de conférences et de
cannes !.... Lointain !
Après avoir été traité en Fou, déjà Wagner
commence à l'être en bourgeois.
Après Mendès qui fut son Annon —
ciateur, qui dans l'Avenir défendra sa gloire?
Quand le temps impitoyable, avide écrasant,
enfouisseur, après l'homme aura fait mourir
l'artiste ?...
On songe à la fameuse poésie de Baudelaire,
où montrant une charogne au détour d'un
sentier, l'Amoureux dit à la Bien-aimée.
. . . O///, tcllf vous srrez ô la reine des grâces
Après les derniers sacrements
Quand vous irez, sous P herbe et les floraisons grasses
Moisir parmi les ossements
Alors ô ma beauté^ dites a la vermine
Qui vous mangera de baisers
Que j'ai gardé la forme et V essence divine
De mes amours décomposées !..
Pierre Jobbé-Duval.
^
^
^
^
#
^
^
^
UNE MAISON D'EDITION MODERNE
Paris compte de grands éditeurs de musique. Il n'en connaît pas de mieux organisés que la
maison Cosiallai et Cie. MM. Costallat et Cie ont été les premiers à faire pénétrer en France
l'édition des grands classiques étrangers. Depuis 1895, ils furent les représentants actifs et
autorisés de MM. Breitkopf et Haertel, chez qui Beethoven, Ha?ndel, Bach, Haydn, Mozart,
Palestrina, Liszt, Vittoria, Schumann et tant d'autres grands musiciens ont paru en éditions
complètes et soigneusement revisées. Grâce à ce dépôt, MM. Costallat ont introduit chez nous un
genre d'ouvrages que les éditeurs de musique se refusaient presque tous à adopter, celui des publi-
cations et livres de musicologie. Ils ont ainsi contribué effectivement à combler l'abîme qui existait
tout récemment encore entre la librairie proprement dite et l'édition musicale. Parmi ces
volumes se trouve entre autres la célèbre, biographie de Bach par le Dr Schweilzer, qui fait
autorité aujourd'hui, et le manuel bibliographique de Pazdirck, ouvrage colossal, qui contient en
ses volumes le répertoire de la musique en librairie dans le monde entier.
Si la maison Costallat est, de tous nos éditeurs, la plus solidement outillée pour le répertoire
cosmopolite, elle est, d'autre part, et par ses origines une des plus françaises puisqu'elle tient en
grande partie son fonds de Richault, fondé à Paris en 1805, éditeur de Berlioz et des grands
romantiques. La Damiuition de Faust, que l'Opéra vient de remettre en scène, et X Knlmtce du
C/irist, qui s'y montrera peut-être un jour, donnent à ces éditeurs une glorieuse renommée.
Citons, encore parmi les modernes édités par la maison Costallat : A Coquard, Maurice
Le Boucher, Léon Moreau, A. Mercier, qui vient d'être couronné par la ville de Paris, etc..
Enfin, non content de joindre la musique à la musicologie, le détail au gros, l'étranger au
français et l'ancien au moderne, MM. Costallat et Cie ont eu l'heureuse idée d'associer à leur
fonds la vente et la location d'instruments à clavier. (îrâce à l'ancienne et puissante maison
américaine G. Esley, de New- York, dont ils sont à Paris les représentants, ils offrent au public
If piano, l'auto-piano, et les orgues, sans lesquels les textes publiés restent muets.
On ne saurait donc s'étonner de l'extension prise par la Maison Costallat dans ses locaux
de la Chaussée d'Anlin. Ces agrandissements font d'elle une )iinisoii d'édition iiiodernc au sens le
plus éteuflu de ce mot, où le lecteur et l'amateur de niusique
trouveront tout ce dont ils ont besoin, tout ce qui peut servir à la lliNKi Davicnky.
théorie comme à la pratique, à la lecture comme à l'exécution. A. M.
Instruisons=nous,
mmcmuTj^èifJti^^mi^
LE GALINISME ET LA NOTATION
TRADITIONNELLE. — Un de nos abon-
nés, M. Perret-Bouty, organiste de la cathé-
drale d'Oran, nous écrit pour nous demander
des renseignements sur la. méthocIegalinisteÇParis-
Galin-Chevé) officiellement prescrite dans les
Ecoles Normales depuis le 4 Août 1905, et
dans les Ecoles primaires supérieures depuis
le 26 Juillet 1909. Il a été très frappé d'un
article paru dans le Manuel général de Vinstruc-r
t'ion primaire du 5 février 1 9 1 o sous la signature
de M. Dangueuger, intitulé " Qui veut la fin
veut les moyens. — Pour enseigner le chant
employez la méthode chiffrée. " Mais M. Perret-
Bouty fait des objections. Il craint qu'on ne
dépense " beaucoup de temps en pure perte, "
puisqu'il faut toujours arriver, en définitive, à
la connaissance de la notation traditionnelle...
Enfin il désire savoir "l'opinion des personnes
compétentes ", pour éclairer sa religion.
Notre correspondant ne s'imagine peut-être
pas qu'il soulève là une des questions les plus
discutées de la pédagogie contemporaine. La
lutte entre galinistes et antigalinistes est ardente,
passionnée ; elle prend parfois un caractère
d'une violence regrettable : les adversaires en
présence ne reculent pas devant l'injure, lors-
qu'ils sont à bout d'arguments.
. Je m'aventurerai avec précaution sur ce ter-
rain brûlant. Je tâcherai de ne pas apporter de
passion en résumant ce terrible débat, et,
autant que possible, de rester impartial.
Tout le monde sait, je pense, que la méthode
chiffrée, ou galinisme, remplace le système de
notation sur la portée par l'emploi des chiffres
I 234567 qui désignent les sons de la
gamme majeure, quelle qu'en soit la tonique,
et qu'on lira ut^ ré^ mi^ fa^ sol^ la^ si quelle que
soit la tonalité, de sorte que la mélodie
j- j j *^ i^ J^ I f r I r
s écrira :
Il î^ 3^ 1
2 23
4 4
1 3
se lira ut ré mi ut
ré ré mi
fa fa
mi
Je renvoie pour l'exposé détaillé des procédés
galinistes aux ouvrages spéciaux, et, par exem-
ple, à un petit volume de 2 frs publié chez
J. Lebègue et Cie, 30, rue de Lille à Paris, où,
sous le titre de la méthode tnodale chiffrée se
trouvent exposés les principes essentiels du
galinisme.
On voit que les galinistes ne tiennent pas
compte de la hauteur absolue des sons et ne
s'occupent que de leurs fonctions tonales.
Ce procédé de notation, dont la première
idée remonte à J. J. Rousseau, a toujours déplu
aux musiciens professionnels. Ils lui reprochent
de ne pas habituer l'oreille à distinguer les sons
autrement que par leurs relations dans la
tonalité, de telle sorte que la différence entre
le même morceau chanté en ut^ en ré ou en
mi devient inappréciable. Et surtout ils se
révoltent contre une tentative qui aurait pour
but de substituer à un système de notation
éprouvé par une longue expérience et consacré
par une puissante tradition un autre système
imaginé de toutes pièces par des idéologues
révolutionnaires.
Les partisans du galinisme sont plutôt des
432
L'ACTUt^LJTE
pédagogues que des musiciens. Ils répondent
à leurs adversaires que leurs prétentions sont
tout à fait modestes, et qu'on leur prête des
desseins trop ambitieux et trop hardis. Ils ne
songent point à remplacer la portée par le
chiffre. La portée restera le moyen de notation
des artistes, et ce n'est pas au Conservatoire
qu'il s'agit d'enseigner le chiffre. Mais le
chiffre sera l'alphabet musical de l'Ecole. Il est
plus simple, plus rapide, plus maniable. Il se
prête à tous les besoins de renseignement pri-
maire. Il a même cet avantage, qui n'est pas à
dédaigner, d'être plus économique. Du reste
les galinistes affirment que c'est un jeu d'ap-
prendre à des enfants la portée quand ils con-
naissent déjà le chiffre^ et ainsi leur méthode,
loin d'allonger l'étude des signes de la musique,
serait un raccourci. L'une des autoritées les plus
Ecole Française de Gymnastiqiie Rythmique
Méthode JACQUES-DALCROZE
11 Avenue des Ternes
2 ANNÉE : 1910-1911 — RÉOUVERTURE LE 15 OCTOBRE
HORAIRE DES COURS
COURS DE PREMIÈRE ANNÉE.
Hommes — Lundi, 6 heures; Vendredi, 9 heures du soir.
Dames et Jeunes Filles — Cours A. Mercredi et Samedi, 4 heures.
Cours B.
Enfants — Cours A. (Grands) Mardi et Vendredi, 5 h. 15.
Cours B. (Petits) Lundi et Jeudi, 4 h. 45.
COURS DE DEUXIÈME ANNÉE.
Hommes — Mercredi, 9 h. du soir; Dimanclie, i i h. du matin.
Dames et Jeunes Filles — Mardi et Vendredi, 4 heures.
Enfants — Mercredi et Samedi, 5 h. 15.
SOLFÈGE — Méthode Jacques-Dalcroze
Cours de première année — Jcuili, i i heures du matin.
Cours de deuxième année — Dimanche, 9 h. 45 du matin.
SOLFÈGE ÉLÉMENTAIRE. — Jeudi, lo h. du matin.
M. JEAN d'UDINE, reçoit 11, Avenue des Ternes, le Mardi et le Vendredi de 2 à 4 heures.
r
Application
raisonnêe des
meilleurs procédés
pédagogiques
et techniques
employés par les
grands maîtres
contemporains
français
et étrangers.
LEÇONS de PIANO
VIOLONS, SOLFÈGE HARMONIE
PAR CORRESPONDANCE
COURS SINAT
Rue Franklin. 5. "PARIS Trocadérc
L'ACTUALITE
433
compétentes en matière d'instruction primaire
que les galinistes aient à invoquer, est celle de
M. Bouchor, qui leur est tout à fait favorable.
Pour ma part, sans émettre aucune opinion
décisive, je regrette que les galinistes aient
donné les noms des notes^ tit^ rè rn'i^ fa^ sol^ la^
siy aux fonctions tonales qu'ils représentaient par
les chiffres i, 2, 3, 4, 5, 6, 7. C'est là l'origine
d'un gros malentendu et de la principale ob-
jection qu'on adresse aux novateurs. " Comment
serais-je galiniste ? s'écrie tel professeur du
Conservatoire. Mon oreille entend : sol^ la^ si
soly In et vous voulez que je dise : ut^ ré^ mi,
uty rè ! Cela m'est aussi impossible que si vous
me demandiez d'appeler rouge ce qui est jaune,
et jaune ce qui est vert ! " — Il fallait inventer
d'autres noms, et l'objection tombait d'elle-
même. Il est certain que les mêmes mots ne
peuvent pas désigner à la fois des sons fixes
d'un hauteur absolue bien déterminée, et aussi
les degrés de la gamme majeure, abstraction
faite de la hauteur absolue. Il y aurait même
là une réforme bien facile à introduire dans le
galinisme, et qui serait, il me semble, d'une
portée considérable.
Voilà quelques indications très rapides sur
un sujet extrêmement vaste que nous abordons
aujourd'hui par la première fois sans avoir
l'intention de l'épuiser, et sur lequel nous
reviendrons volontiers, si nos lecteurs nous y
convient.
exemples ont été reproduits photographique-
ment d'un façon peu nette dans le numéro
d'avril, je les répète aujourd'hui pour plus de
clarté. Dans l'édition Peters des quatuors de
Beethoven, le grand violoniste Ferdinand
David a réglé ainsi quelques coups d'archet
(3" quatuor) :
^
tt
*3E
au lieu de
et plus loin :
au lieu de :
LA BARRE DE MESURE. — Un de
nos abonnés se fâche très fort de ce que j'ai
dit, il y a quelque temps, de la barre de
mesure, et il m'oblige à revenir sur ce sujet.
Je ne citerai pas les paroles de mon correspon-
dant ; car mon correspondant est fort peu
parlementaire, et il ne ménage pas les épithètes.
Si je le citais, je serais obligé de me fâcher à
mon tour, ou, au moins, d'en avoir l'air. Ne
peut-on pas discuter posément, sans s'envoyer
des injures à la tête ?
Mon impitoyable critique nie que l'usage de
la barre de mesure ait jamais été l'origine de
nombreux contre-sens au point de vue du
phrasé musical. Je cite pourtant des exemples,
que je pourrais multiplier. Mais comme ces
et encore
au lieu de
g?^4^ ^1-1 r — r_^ I i Ë
Si des erreurs de ce genre ont été commises
par un artiste de la valeur de Ferdinand David,
(et par bien d'autres encore), il me semble que
434
L'ACTUALITE
l'intérêt de mes observations se trouve par là
même justifié ; et je pourrais d'ailleurs en
appeler à l'autorité du grand musicologue
allemand Hugo Riemann qui les a présentées
avant moi.
Mais je m'étonne davantage que mon contra-
dicteur n'ait pas compris pourquoi je faisais
cette remarque, — si banale^ — que la barre
de mesure indiquerait mieux les divisions de la
phrase musicale si elle était placée ap7-ès le
temps fort, et non avant^ comme c'est l'habi-
tude. Supposons que je sois un homme si
essoufflé que je ne puisse chanter deux notes
sans respirer ; où placerai-je donc les respira-
tions dans le thème de la Marseillaise^ si je ne
veux pas en rendre l'énoncé absurde r Chan-
terai-je :
^m
f¥f^
<?^
Ne chanterai-je pas plutôt :
ff=Fff
^
^
9 s- 0
Je fais correspondre les barres de mesure
aux respirations. Je remarque seulement que
dans le second énoncé, je tâcherai de suppri-
mer la respiration sur le ré aigu, autant que
possible : mais elle est, en tout cas, mieux
placée sur ce rê, que dans le i""" énoncé entre
le si et le sol qui suivent. Autrement dit le
phrasé de \?i Marseillaise peut s'exprimer, selon
la méthode de Hugo Riemann, par ks indi-
cations suivantes :
sur le temps fort, comme le tnarteau sur r enclume.
Il en est inséparable comme les syllabes d'un
même mot sont également inséparables dans le
langage parlé, tandis que les mots peuvent à la
rigueur se séparer un peu les uns des autres
dans l'énoncé de la phrase. Voilà ce que j'ai
voulu dire, et si cette fois je ne suis pas clair,
je renonce à expliquer un fait aussi simple.
D'ailleurs mon aimable correspondant ne
craint pas de se contredire en acceptant mes
corrections à l'édition David des quatuors de
Beetho\en, ce qui implique qu'il admet ma
conception du phrasé.
Après tout je ne regrette pas d'a\oir trouvé
l'occasion de revenir sur des considérations qui
me paraissent tout à fait importantes, et sur les-
quelles ni mes lecteurs, ni moi, nous n'aurons
jamais suffisamment réfléchi.
RÉSULTATS DU CONCOURS DU
15 JUIN 1910. — I. Micha (Montélinar). —
2. Grenofi (Sens). — 3. Ch. Oméro. (Paris). —
4. Albert Ardoin (Nantes). — Les autres con-
currents n'ont pas réalisé la basse donnée d'une
façon suffisamment correcte. Nous accordons
au prernier nomtnè dans ce concours uti abonnc-
7ne»t gratuit (Cun an à PS. I. M.
Le texte que nous avons proposé à nos
abonnés fut le sujet du concours d'harmonie
au Conservatoire national de musique en 1859.
Le premier prix fut remporté par le célèbre
pianiste Louis Dicmer, et son de\oir, que nous
avons retrouvé dans les archives du Conserva-
toire, nous servira aujourd'hui de corrigé. Nous
y relevons cependant quelques taches ; notam-
ment à la 45'' mesure cette incompréhensible
partie de ténor qui monte du fa au sol par le
fa I pendant que la basse monte directement du
ta au sol. N'v a-t-il pas là une erreur de
copie r Car ce n'est pas le devoir même de
Diémer, mais seulement sa copie tpie nous
avons eue sous les yeux...
(|ui font bien ressf)rtir la place des divisiouN du
membre de phrase musicale, toujours au-delà du
temps fort, jamais knirf. i.f. temps FAIHI-F. KT
I.K IKMPS FOR T. Le temps faible tend à tomber
JH^
L'ACTUALITÉ
435
fc
■r-' y '
sz.
m
^
È
i
^
e
ï
"V
■^ ^.
;^r T r r
^^
#
P
i^^^^
Ê
i
È
?*
^ r r
p g
f If r
f^=^=f
fe
43^
L'ACTUALITE
E
^ ^^M U
^
g
^
::a:
^fe^
ê
T:
^^
f=#f
M
T
i
^
:i?
^^
?^
^
^
^i — ^
I' r f
^^^
^^
^^
JK-'' f r ■'
^ V. -
^^
^^
^
^^
1=3=
T=^
L'ACTUALITE
437
m
^^^
£=
$
ML.
G
-^z
^^
::£:=?=
:Ê:
^
K
438
L'ACTUALITE
t^
~. J
- — TT
ISI
ï^
f r '
&
f
±±L
^^3E^
:?=!:
ï
:^
-^-^
:t^
r r >^r
I^
T r p
^^^
=F=F
NOUVEAU CONCOURS. — On nous
demande de donner de nouveau comme sujet
de concours V explication d'un texte musical.
Voici le texte que nous proposons. Nous prions
nos lecteurs de nous dire : i" de quelle œuvre
ce texte a été détaché, ou au moins à quelle
époque appartient cette œuvre ; 2^ d'en indi-
quer toutes les particularités de tonalité, de
modalité, de rythme, de nuances, et iTcn
analyser la construction mélodique et har-
monique [point de vue technique) ; 3^ d'en dé-
terminer la valeur expressive ou bien descriptive
[point de vue esthétique) 5 4*^ d'y démêltr, s'il est
possible, certains caractères dont on peut dire
qu'il sont comme la marque du temps sur cet
ouvrage [point de vue historique).
Les réponses doivent être adressées aux
bureaux de V Actualité Musicale avant le
l'' décembre l 9 lO.
L'ACTUALITE
439
/h-Oii^
m
^=j=^
i i_j j
rm J J
sfeÉ
^ij I I
c- «^
^1
JtWjv<^
^l!,b^. ^ ^
^
ï^5[
JXTI
-,A— *C-
l
r^^\
an-"^'^
^^
^'î^
TÂÂT^
Double Dièze.
LA HUITIÈME SYMPHONIE DE
M. GUSTAV MAHLER. — J'avais effleuré
ce sujet dans ma dernière chronique, mais il
me faut y revenir aujourd'hui. L'exécution de
cette œuvre considérable a été précédée et
suivie, comme de juste, d'un véritable débor-
dement de " copie ", comptes-rendus, analyses,
commentaires. Le signataire de cette rubrique
a devant lui environ quatre-vingt-dix articles
ou études, en français ou en allemand, qui ne
représentent sans doute qu'une fraction de ce
qui s'est imprimé après le festival de Munich.
S'il est infiniment aisé pour qui n'a point
entendu la symphonie de M. Mahler, de se
former une opinion après lecture d'un quel-
conque desdits articles, la tâche devient bien
plus malaisée après avoir parcouru cette formi-
dable masse d'impressions et de théories con-
tradictoires.
Dans le Berline)- Borse?- Courier^ il est dit :
" Le musicien trouvera dans cette œuvre des
créations magnifiques; l'homme, des sensations
idéales ; le public des effets puissants et des
émotions fortes ". Le critique de la Potsdamer
Tageszeitimg déclare l'œuvre " profondément
émouvante", tandis que celui de Y AUgeineine
Muiik-zeitung proclame sans ombrages qu'il n'a
pas été le moins du monde ému :
" Il me faut déclarer que je n'ai senti dans
la huitième symphonie de Mahler aucune trace
de cette puissance qui vit dans les œuvres de
nos grands maîtres. Pas une seule mesure ne
me fit sentir ce souffle de l'esprit (Gm/« Rduch)
qui m'aurait ému sympathiqucment. J'atten-
dais, mais en vain ! Morte et vide, brillante de
prétentions creuses me parut cette musique ".
Et, alors que la plupart des mahleristes cla-
ment bien haut que les œuvres de leur maître
préféré sont déconcertantes par leur originalité,
dont on ne pourra pénétrer les arcanes c]u'avec
le temps, et au prix de longues et proloudcs
méditations, le même critique n'hésite point à
affirmer qu'il n'y a pas d'arcanes du tout :
^,, '<è
" Je ne pus m'empêcher de songer à Liszt
et à Bruckner, les deux maîtres que nos
contemporains, prompts à déverser sur Mahler
leurs applaudissements frénétiques,sont si lents
et si hésitants à suivre dans les sphères de
l'idéalité pure, et un profond dégoût m'en\a-
hit. Non que la huitième de Mahler soit d'une
audace inouïe, contienne quelque chose de
hardi, qui devance les temps, qui nous incite à
lutter, mais bien parce que je l'ai trouvée si
mille, si indiciblement superficielle. Pour
pénétrer dans ce temple-là, il n'y a point à
]->asser par tics portes redoutables ! Non : les
portiques sont i)uverts et invitent le public à
entrer... ici, Mahler, malgré quelques moder-
nismes, n'est pas lui musicien ilu présent, mais
bien du passé ".
Moins cruelle, la Tagliihr Rumhchdu n'est
somme toute pas moins sé\ ère et se place à un
point de vue analogue. Il y est obserxé que
M. Mahler, énergique, a\ isé, très doué du
pou\oir de s'iilentiiii-r à la pensée des maîtres,
est \\\\ ineoniparahlf (.lief-d'orcliestre inter-
L'ACTUALITE
441
prète-né des œuvres les plus diverses de toutes
les époques.
"Mais cela ne lui suffit pas. Il veut vivre sa
propre vie musicale, il devient compositeur,
dirige ses propres œuvres. Et alors, du moins
à ce que je crois reconnaître — il présume trop
de ses forces et de la portée de sa nature de
musicien ".
Le critique de la Neue Freie Presse de Vienne
conclut un feuilleton étendu et serré en sou-
lignant la beauté et la noblesse de l'œuvre,
tandis que celui de la Vossische Zeitmig assure
que " pas une note de cette musique n'a été
jusqu'à son cœur " et se demande : " Est-ce la
faute de mon insensibilité ? La raison dernière
de mon indifférence est-elle que la musique
manque de cordialité '^. Peut-être la manière
dont Mahler s'exprime contient-elle quelque
chose qui élève une barrière entre sa musique
et ma sensibilité. Mais je ne puis qu'assurer
que malgré ses incontestables mérites techni-
ques et ses explosions de force, elle m'a paru
sans vie, et parfois antipathique ".
Mais il me semble que tout compte fait, les
articles élogieux sont, dans la presse allemande,
en majorité. Du jeu de les comparer si l'on
peut, de les peser si l'on ose, il ne saurait
résulter rien que de médiocrement profitable.
Un point particulier qui préoccupe fort
certaines critiques est celui de la forme de
l'œuvre. Pour la Breslauer Zeitung c'est " une
peinture musicale de caractère absolument
vocal." Dans les Dresdener Nachrichten^ il est
dit que "l'on ne peut point considérer l'œuvre
comme une cantate ou quelque chose d'ana-
logue : le caractère symphonique résulte bien
du fait que l'architecture est rigoureuse, que
les thèmes sont traités tout à fait symphoni-
quement." Mais en générale l'étiquette de
" symphonie " a paru à beaucoup de critiques
inexacte, et admissible seulement comme pis-
aller.
" On en est arrivé à un point, constate,
dans son compte rendu assez favorable la
Deutsche Tageszeitung^ où l'on peut appeler
symphonie tout ce qu'on veut."
Et la Weser Xeitung de Brème remarque
également que " chaque nouvelle forme, de-
vrait recevoir une désignation nouvelle. Et
c'est le cas de l'œuvre que présente M. Mahler."
" Oui, confirme le Bayrischer Kurier (après
avoir constaté que le manque d'indépendance
de M. Mahler, en matière d'invention musi-
cale, est " tragique " mais qu'on peut se laisser
aller à l'éblouissement que causent ses œuvres)
Mahler, en appelant sa nouvelle œuvre sym-
phonie en prend à son aise, mais ne met point
à l'aise le bon public... Le langage est-il si
pauvre, qu'on ne puisse trouver en l'espèce
une dénomination à peu près convenable ? "
Ce mot employé de manière déconcertante,
l'association en un ensemble de textes dont la
qualité est si dissemblable, la manière dont
M. Mahler a conçu l'équilibre de son œuvre,
il n'en fallait pas plus pour rendre, somme
toute, les commentateurs fort perplexes. Et
tous ceux que n'entraîne point un irrésistible
élan d'enthousiasme sont évidemment assez
embarrassés pour parler de la dernière produc-
tion de M. Mahler. Il est nombre de comptes-
rendus assez vagues pour qu'on reste bien en
peine d'en tirer une conclusion et même de
les résumer.
Pour les articles publiés dans les revues
françaises, il en est deux qui émanent de
mahléristes convaincus et depuis longtemps
connus comme tels : M. William Ritter (dans
la Revue -^Musicale de Lyon), et M. Casella
(dans le {Monde Musical'). Ils sont naturelle-
ment très enthousiastes.
Dans la Revue Musicale de Lyon, M. Léon
Vallas a pris à son tour la parole, et son article,
publié, cela est manifeste, après de sérieuses
méditations basées et sur l'étude de l'œuvre,
et sur celle des critiques, me paraît entre tous
digne d'attention.
Les fervents de l'art mahlérien semblent à
M. Vallas " rechercher dans les symphonies
ce qu'ils souhaitent d'y voir, ce que Mahler a
voulu y mettre, et non ce qui y est... M.
Mahler possède une énorme puissance de
fascination... La VIII*' symphonie est d'un
intérêt passionnant par son noble sujet, par le
texte qu'elle traduit en musique... Si je con-
sidère l'œuvre non plus au point de vue
mahlérien, philosophique ou poétique, mais au
442
L'ACTUALITE
point de \ue purement et exclusivement mu-
sical, c'est-à-dire si j'examine dans la com-
position ce qui y est^ je reste contraint de
répéter que la VIII'^ S3^mphonie m'apparaît
comme d'une essence inférieure, sans origina-
lité, sans nouveauté, sans avenir... Il est
inutile d'enfoncer une porte ouverte en dé-
clarant que les thèmes de M. Mahler sont
dépourvus d'intérêt personnel. Les plus fervents
mahlériens le concèdent... Mais c'est la mise
en œuvre de matériaux généralement quel-
conques qui fait naître un conflit entre dé-
tracteurs et admirateurs. Polyphonie, harmonie,
orchestration sont déclarées géniales par ceux-
ci, tandis que pour les oreilles de ceux-là, elles
ne dépassent pas une très estimable banalité.
Dans ce débat, il n'est pas facile de trou\er
un étalon aux dimensions duquel mesurer la
valeur précise de l'écriture vocale ou instru-
mentale... En matière d'esthétique, tout est
pointes d'aiguilles, et une œuvre, avec la
même bonne foi mais par deux personnes
différentes, peut être jugée divine ou ridicule."
" LA LÉPREUSE " de M. Sylvio Laz-
zari. — Dans le Coury-'ie?- 3'Iuùcal [i^ octobre)
M. Julien Torchet plaide généreusement la
cause de cette œuvre, dont on sait la mauvaise
fortune. Il résume les tribulations de M. Laz-
zari, analyse le livret, la partition, et fait remar-
quer combien vains sont les scrupules qui
empêchèrent les représentations et mirent au
Concours de la Ville de Paris la musique de
M. Lazzari en fâcheuse posture : conséquen-
ces également injustes pour le bel écrivain
qu'est M. Henry Bataille, et pour le cons-
ciencieux écrivain qui a mis dans la partition
de La Lèprcuif le meilleur de lui-même. L'ar-
ticle est à lire tout entier, et il huit souhaiter
qu'il ait le retentissement qu'à tous les égards
il mérite.
UNE CLASSE DE CHEFS D'OR-
CHESTRE AU CONSERVATOIRE. —
Elle n'existe pas, mais dans Cov.œd'ia M. Ga-
briel Groviez, avec des arguments excellents,
en réclame la fondation. Il fait justement
remarquer cju'elle s'avère aujoiiid'hui iiuliN-
pensable. Il mérite d'être loué pour a^■oir fait
tinter haut et clair un grelot attaché il y a
quelques années, mais dont le son jusqu'ici
n'avait guère eu d'écho.
M.-D. Calvocoressi.
L'Edition l^
Musicale
t?^
I. chez Durand ; 2. chez Bilibin ; 3. chez Roudanez ;
4. chez Elkin ; 5. à l'édition Mutuelle.
PIANO. — Moins d'œuvres originales que
de transcriptions, le mois dernier. Nos com-
positeurs, ayant donné campo à l'inspiration,
s'étaient mis à remanier la musique des autres,
en guise de devoirs de vacances. AI. Jacques
Durand a transcrit la Puce Hcro'iquc et la
Fantaisie de Franck ' ; M. Harold Bauer, la
Pastorale^ et Prélude^ Choral et Fugue \ du
même auteur. M. André Caplet a réduit (pour
2 Pianos 4 mains) les Rondes de Printemps de
Delmssv : ^ voilà deux paires de mains, et sur-
tout deux paires d'veux qui ne manqueront
pas de besogne. M. Roger Ducasse s'est attaqué
à ses propres oeuvres, avec une réduction,
quelque peu surchargée de l'amusante Bourrée
de sa Suite Française ', et avec une transcrip-
tion, (pour 2 Pianos 4 mains) de ses l'aria fions
plaisantes sur un thème grave ', primiti\ement
destinées à l'orchestre avec harpe obligée.
En fait de nouveautés, une petite valse de
Debussy^ la Plus que Lente^ dont la tonalité,
incertaine et flottante, a quelque chose de
tlécevant ; puis des Novelles de Medtner^
éditées sous lUie couverture incendiaire où
L'ACTUALITÉ
443
luttent les caractères russes et latins; musique
abstraite, peu captivante, qui dérive plutôt de
l'école allemande que de l'école russe.
VIOLON. — M. Jongen^ souvent coutu-
mier des enchevêtrements les plus indéchiffra-
bles, paraît évoluer, avec sa Sonate \ vers des
formes d'un modernisme moins accentué. Le
thème initial qui, soit dit en passant, est
emprunté textuellement à la Tétralogie, se
déroule avec aisance et noblesse ; de l'Andante,
je goûte surtout le thème, dans son éloquente
simplicité, et les quelques épisodes en style
rapsodique. Le finale a de l'élan et de la tenue,
sinon une originalité bien marquée.
Dans la Pastorale ^ de Paul Dupin la mélo-
die, s'entoure d'accompagnements grinçants,
dont l'acidité nous surprend : M. Dupin nous
a souvent donné mieux, et même beaucoup
mieux. Le même morceau existe aussi pour
quatuor à Cordes avec piano.
Le Lac d'' amour ° de M. Paolo Litta, l'émi-
nent directeur de la Libéra Esthetica, est
inspiré de Bruges. C'est une sorte de poème
symphonique pour piano et violon, plein de
poésie subtile où le Nord et le Sud, l'Italie et
la Belgique s'allient de curieuse façon. Très
difficile, cette oeuvre mériterait de nous être
présentée souvent dans nos concerts. Elle con-
stitue une des plus intéressantes manifestations
de la Jeune Italie.
CHANT. — Quant à M. Cyril Scott, qui
passe pour un des meilleurs musiciens de
l'Angleterre, et n'est même pas tout à fait
inconnu sur le continent, il a déjà produit des
œuvres de valeur ; comment se laisse-t-il aller
à publier des pages comme ces 3 petites mélo-
dies : Scotch Lullahy ; a Spring Ditty, et Arietta *
où la banalité ne le cède qu'à la platitude.
Nous sommes habitués, en France, à faire une
distinction entre le répertoire des Minstrels,
nègres ou non, et celui des artistes, et nous ne
comprenons guère qu'un musicien convaincu
se plaise à fournir indifféremment l'un ou
l'autre.
Voilà maintenant un chœur pour deux
voix d'enfants : La Rivière de chez nous. ■*
d^ Auguste Chapuis. Ces enfants, s'ils sont un
peu observateurs, se demanderont peut-être ce
que vient faire, à la 6° mesure de l'accompa-
gnement, dans un trait en la mineur, ce fa
dièze, si peu joli et si peu justifié. Enfin, voici
de la musique : deux recueils de Debussy : le
Promenoir des deux Amants, et Trois ballades de
François Villon. ^ Jamais l'auteur n'a poussé
plus loin les raffinements de la déclamation
moderne et la recherche exquise de l'harmo-
nie ; il a trouvé là des accompagnements
inimitables, fluides, allégés, où s'égrène de
proche en proche une brève dissonance de
seconde, telle une gouttelette d'eau qui roule
dans la vasque d'une fontaine. La dernière
ballade de Villon écrite dans une intention
comique, avec un accompagnement staccato,
alerte et malicieux, un peu agressif parfois,
comme un babillage qui pourrait devenir une
discussion, nous parait la meilleure des six.
PARTITION PIANO ET CHANT.
— La Foret Bleue,^ de M. Aubert, ne nous
est point inconnue ; c'est celle de Perrault,
celle où s'endormit la Belle au Bois dormant,
où le Petit Poucet faillit être dévoré par
l'ogre, et où Chaperon Rouge rencontra le
loup, qui du reste ne la mangea point pour
cette fois. Car le librettiste de M. Aubert,
M. Jacques Chenevière, s'est permis quelques
familiarités à l'égard du texte classique. Pour
grouper en un même scénario les personnages
de trois contes différents, il a fallu nécessaire-
ment donner plus d'une entorse à la tradition,
— procédé plausible, mais qui ne va pas sans
nous choquer un peu.
Cette forêt bleue nous rappellera encore
celle où Hânsel et Gretel, perdus, eux aussi,
à la nuit tombante, rencontrèrent, non l'ogre,
mais la fée Grignotte. Et la comparaison sera
infiniement dangereuse, pour le livret comme
pour la musique. Les personnages de Humper-
dinck, très robustes, assez terre à terre, ont
plus de vitalité que ceux de la forêt bleue,
volontairement confinés dans le domaine im-
précis de la légende. La musique de M.
Aubert, poétique et raffinée, un peu étiolée,
peut être touchera quelquefois au point où la
444
L'ACTUALITE
tendresse devient de la fadeur, et rexpressi\ ité,
de la sensiblerie. Le prince et la princesse,
bien languissants, prolongeront un peu trop
leurs duos d'amour ; l'inévitable choeur des
Pileuses n'est guère original ; le non moins
inévitable chœur des Moissonnsurs se soutient
à peine un peu plus par une certaine verve
populaire. Cela dit, signalons mille détails
charmants ; les chœurs des fées, exquis d'un
bout à l'autre. Puis au i'"acte, le mouvement
mélodique qui accompagne le jeu de scène
des deux enfants, portant ensemble un seau
d'eau trop lourd pour eux ; l'arrivée de la
Boulangère, sur un air connu, auquel une
harmonisation amusante, donne un aspect
Broiement rébarbatif ; dans l'Acte sui\'ant, la
phrase obséquieuse du Petit Poucet: " Vous ne
\ous êtes pas enrhumé sur la mousse r " Puis
le trio des enfants qui trépignent autour dii
géant débotté, pendant que les fanfares de la
suite du prince se font entendre au loin dans
la forêt. Etsi nous trouvons que la musique
souligne avec une instance un peu puérile les
rugissements du loup, les vols de papillons, et
les battements d'aile des oiseaux, nous nous
rappellerons que les Contes bleus sont faits
pour les petits enfants.
Une seule chose nous étonne, c'est que
pareille œuvre musicale n'ait pas été tentée
depuis longtemps déjà. Les Contes de Perrault,
en raison de leur imprécision même n'inspire-
ront peut-être jamais bien brillamment les arts
plastiques : Petit Poucet et Chaperon Rouge
n'ont pas encore franchi les limites de la
simple imagerie. Mais la musique a le pouvoir
de leur faire raconter mille choses encore,
sans les faire sortir au domaine du rêve.
Sachons gré à M. Aubert de l'avoir si bien
compris, et souhaitons d'entendre très prochai-
nement sa Forêt Bleue. V. P.
REVUES ET PÉRIODIQUES REÇUS
Nous publions la liste des revues et périodiques que nous recevons dans les bureaux de la Section
de 'Paris. Nous attii'ons tout particulièrement F attention de nos collègues parisiens sur cette collection qu'ils
ne connaissent pas tous et quils pourront consulter au siège de la Section, 22 rue Saint- Augustin
tous les Jeudis après-midi.
Anthropos, Modling {Basse
Autriche).
Ars et Labor, Milan.
L'Art Décoratif, Paris.
Art Moderne, Bt-uxelles.
Arte Musical, Lisbonne.
Balance, Moscou.
Bayreuther Blatter, Bayreuth.
Bibliofilia, Florence.
Chronique Médicale, Paris.
Cœcilia, Strasbourg.
Comœdia illustré, Paris.
Courrier musical, Paris.
Cronaca Musicale, Pesaro.
Deutsche Militâr Musiker-
zeitung, Berlin.
Deutsche Sângerbundeszeit-
ung, Leip%ig.
Le Diapason, Bruxelles.
The Etude, Philadelphie.
Express Musical, Lyon.
Le Feu, Marseille.
La Française, Paris.
Gazette Musicale Russe,
St. Pètersbourg.
Grande Revue, Paris.
Guide du Concert, Paris.
Guide Musical, Bruxelles.
Die Kirchenmusik, Pader-
born.
Leonard's lUustrierte Musik-
zeituna, Berlin.
Ménestrel, Paris.
Mercure de France, Paris.
Der Merker, Vienne.
Monde artiste, Paris.
Monde Musical, Paris.
Monde Artistico, Milan.
Monthly Musical Record,
Londres.
Miinchner Neueste Nach-
richten, Munich.
Musica, Paris.
Musica, Pome.
Musica, musicisti. Milan.
Musical America, New-Tork.
Musical Antiquary, Londres.
Musical Courier, New-Tork.
Musical Opinion, Londres.
Musica Sacro-Hispana, Bil-
bao.
Musical Standard, Londres.
Musical Times, Londres.
Musician, Boston.
Musikalisches Wochenblatt,
Leipzig.
New Music Review, New-
Tork.
Nouvelle revue française,
Paris.
La Nuova Musica, Florence.
L'Occident, Paris.
L'Orfeo, Rome.
Pan, Paris.
Revista Musical, Buenos- Aires.
Revista Musical Catalana, Bar-
celone.
Revista Musicale Italiana, Turin.
Revue bibliographique belge,
Bruxelles.
Revue du Chant Grégorien,
Grenoble.
Revue de Hongrie, Budapest.
Revue des Lettres et des Arts,
Nice.
Revue Musicale, Paris.
Revue Musicale de Lyon.
Revue de Synthèse Historique,
Paris.
Rheinische Musik und Theater
Zeitung, Cologne.
La Rinascita Musicale, Parme.
Santa Cecilia, Turin.
Schweitzerische Musik Zeitung,
Zurich.
Signale fiir die Musikalische
Welt, Berlin.
Symphonia, Naples.
Théatra, Marseille.
Tribune de St. Gervais, Paris.
Vers et Prose, Paris.
Vie Musicale, Lausanne.
Zeitschrift fûrinstrumentenbau,
Leipzig.
Zenevilag, Budapest.
PUBLICATIONS DE LA SOCIETE
INTERNATIONALE DE MUSIQUE
SECTION DE PARIS.
PARUS
H. QUITTARD. — Le Trésor d'Orphée, par Antoine Francisque, tablature de
luth, transcrite pour piano à deux mains; i volume in 4" de 100 pages ... 5 fr.
J. ECORCHEVILLE. — Actes d'Etat civil d'artisles musiciens insinués au
Chàtelet de Paris (i 539-1650) ; i volume in-4" 10 fr.
A. GASTOUE. — Catalogue des mss. de musique byzantine conservés dans
les bibliothèques de France; i volume in-4'' 20 fr.
P. AUBRY. — Cent motets du XlIIe siècle, tirés du ms. Ed. VI-4 de la
Bibliothèque de Bamberg; 3 volumes in-4° 150 fr.
P. AUBRY. — Le CJiansoimier français de l'Arsenal (XI Ile siècle), 15 livrai-
sons trimestrielles de 32 planches phototypiques avec la transcription des
mélodies en notation moderne. Notices par M. A. Jeanroy, professeur à la
Faculté des Lettres de Toulouse. La livraison 10 fr.
(On ne souscrit qu'à l'ensemble de la publication.)
M. BRENET. — Les Musiciens de la Sainie-Chapelle du Palais. — Un volume
in-4" fl^ 3<^o P'igs^ 15 fr.
J. ECORCHEVILLE. — Catalogue du fonds de Musique ancienne de la Biblio-
thèque Nationale (jusqu'en 1750.) — Huit volumes de 250 pages chacun,
contenant dix mille thèmes de musique, et de nombreux fac-similé. L'ouvrage
complet 500 fr.
SOUS PRESSE
H. QUITTARD. — L'Œuvre de clavecin de Clianibonmcres d'après l'édition de
1670 et le manuscrit Vm7 1852 de la Bibliothèque nationale. — Un volume
in-4'' de 100 pages de musique 5 fr.
EN PRÉPAR.VriON
A. PIRRO. — Les correspondants du Père Mersenne. — Publication de la cor-
rc-^pfjndance musicale adressée à Mersenne et conservée à la Bibliothèque
X.itioiiak-. Vol. I (7^./^. Doni) — Un volume in-4" d*-' -C)0 pages ....
L. DE LA LAURENCIE. — Les Musiciens de la Maison du Roy aux XVII" et
X\'III' siècles. (Inventaire musical de l:i Série O' des Archives nationales)
- Diiix volumes de 200 pages chacun.
E. BLOCHET. — Traité de Musique, composé par Sharaf ed-])in Haroun.
(XI ir siècle), d'après le manuscrit original de la Bibliothèque Nationale.
Traduction et fac-similé du texte Arabe. — Un volume in-4" *^'*-' ^^^o pages.
H. DE CURZON. — Correspondance des Directeurs de l'Opéra, conservée aux
Arciiivts Nationales. — Un volume in-4'' ^^^ "S^ P«iS^'^-
L. LALOY. — K'în poii. Recueil d'Airs pour le A''/« ou lulli ciiinois, transcrits
de la tai)lalure. ^
l.K COMITK Dir. I.A l't ' lU.ICATION' :
P. Aubpy, M. Bi-eiiet. L. Dnurlac, J. Ecorclievllle, H. Expert. L. ilc In Lnureiicle,
Cti. Mnllierbe, E. Polréo, G. Pi'otl'hoiiinio, R. Rollniid, J. TIersot.
JAQUES-DALCROZE
Cours, d'Octobre 1910 à Juin 1911, dans les salles de
l'ancien Palais des Etats, à Dresde=Altes Staendehaus,
DRESDEN A.
DÉVELOPPEMENT DU SENS RYTHMIQUE ET MÉTRIQUE; ÉTUDE
DU RYTHME MUSICAL ET PLASTIQUE; FORMATION
DE L'OREILLE.
COURS NORMAL pour les futurs maîtres de gymnastique rythmique selon la
méthode Jaques-Dalcroze.
COURS DE THEATRE pour les chefs-d'orchestre, régisseurs, chanteurs et danseurs.
COURS D'ENFANTS pour l'âge de 6 à 12 ans.
COURS D'AMATEURS pour garçons, filles et adultes.
Prospectus (cours, conditions etc.) et renseignements au bureau de l'Institut :
Bildungs Anstalt fur MusiR und Rythmus
DRESDEN 15 — Hellerau.
Éditions M, Senart, B, Roudanez ô C^^, Paris
Siège Social : 20. RUE DU DRAGON — Vente au détail : 9. RUE DE MÉDICIS.
MUSIQUE CLASSIQUE à 25 centimes
Edition en grand format publiée sous la Direction artistique de VINCENT D'INDY
Chansons mondaines
DES XVIl" ET XYIIl" SIECLES FRANÇAIS
publiées par Henry Expert
Harmonisées par Emiie Desportes
Chaque chanson en grand format O fr. 50
Musique de Chambre
(ÉCOLES ANCIENNES)
Corelli — Couperin — Rameau — Mondonville
Du Caurroy — Masciti
Trios et Quatuors avec accompagnement.
PAUL DUPIN:
Poèmes pour Quatuor à Corde . . 4 fr. net
Pastorale, piano et violon .... 1.70
Recueil de mélodies 7 fr. net
J. DEBROUX:
Les Maîtres du Violon, au XVIP et XVIIP
siècle
25 sonates déjà parues net 2 fr.
ENVOI FRANCO DU CATALOGUE SUR DEMANDE.
Par ces temps d'automobilisme à outrance,
les nombreux voyageurs qui sillonnent la route
de Bordeaux à Rayonne de toute la vitesse de
leur 40 chevaux, ne se doutent pas que der-
rière le rideau de pins, de chênes ou de
bruvères, source d'impressions mélancoliques
qu'ils brûlent impitoyablement, se cachent des
paysages enchanteurs, véritables oasis, semées
çà et là, pour reposer les yeux et l'esprit
d'une désolation par trop persistante. Qu'ils
donnent un coup de frein et s'arrêtent un
instant devant le tableau que nous allons leur
présenter : ils ne le regretteront pas.
C'est un petit village : cinq ou six maisons
très proprettes, très blanches se groupent au-
tour d'une église sans prétention et sans style,
mais aux allures de vieille coquette qui semble
vouloir se laisser deviner ou se faire désirer au
milieu du bosquet et de la verdure qui la
dérobent aux regards.
Le village est civilisé. Les maisons sont
deux auberges, le bureau de tabac, une cabine
téléphonique, la mairie, le presbytère, une
maison d'école, reliés par un boulevard tout
comme au cœur de Paris, et une place en
quinconces semblable à celle de Bordeaux.
Notre petit village n'a rien à envier aux plus
grandes cités et sagement il ne leur envie
rien. Sa population ne l'encombre point, elle
s'étend dans la campagne et ne se réunit
qu'aux temps de repos, le Dimanche et les
jours fériés, pour traiter les affaires de la
commune, satisfaire sa piété ou prendre quel-
ques instants de distraction.
Aussi le voyageur peut sans crainte s'avan-
cer seul, guidé par des écriteaux nombreux
qui témoignent d'une administration pré-
voyante et surtout très jalouse de ses droits,
suivre une jolie route qui serpente, qui descend
vers une rivière rieuse que l'on traverse sur
un pont rustique appelé, hélas ! à disparaître
bientôt, qui remonte ensuite dans un bois de
pins passé à la tondeuse, et il se trouve alors
tout-à-coup de\'ant une pelouse, éclatante de
verdure, parsemée de bouquets d'arbres d'es-
pèces variées, et sur laquelle un peintre im-
pressionniste a semé quelques taches blanches
et brunes : les troupeaux qu'elles représentent
annoncent une ferme ou un château. Avan-
çons encore sans avoir peur d'effrayer les
lapins qui s'enfuient sous nos pas ou les
faisans qui volent sur nos têtes, et sur le flanc
du coteau apparaît comme le joyau de tout le
paysage, une coquette demeure, percée de
verrières, à la fois castel et villa, semblant
nous dire : " Venez, ne craignez point, vous
serez bien accueilli. " Devant cette invite gra-
cieuse, nul ne résiste : point n'est besoin de
sonner, on pousse un portail toujours ouvert,
et l'on est arrivé.
Dans ces lieux enchanteurs, tout est amé-
nité, et celui qui les a créés a su leur donner
la caractéristique de sa propre individualité :
que le maître soit là, ou qu'il soit sur ses
terres, le passant est toujours assuré d'être le
bienvenu. " Vous venez en touriste, très bien,
mon cher Monsieur, nous allons faire le tour
du propriétaire. " Et c'est la promenade dans
les allées ombreuses, la visite aux champs et
aux guérets, on dévale le coteau, on entre
dans les taillis, et partout le paysage est vivant
et animé, non par les humains dont on n'aper-
çoit que de rares spécimens, vaquant aux
divers tra\aux des champs, mais par une faune
variée destinée aux plaisirs de la chasse. " Je
vous conduis au pont du Diable, car nous
avons su nous donner une réduction très
fidèle des ravins suisses et des cascades pyré-
néennes. " Le tout bien ordonné et posé
admirablement à sa place. Pour combler l'il-
lusion, le cor de Rolland retentit et un écho
répond à la tierce. Les Maures ne sont pas
loin, mais n'ayez nulle crainte, ils sont domes-
tiqués et vous amènent le char qui doit vous
aider à contiiuier la promenade. Vous vous
laissez doucement conduire et vous n'avez
L'ACTUALITE
449
qu'à admirer un paysage, plein de fantaisie et
d'imprévu, et néanmoins réglé avec un ordre
parfait. On sent que celui qui le possède l'a
voulu ainsi pour son grand amour du Fini
dans l'Art qui a été le but de sa vie : on com-
prend alors qu'il ne s'arrache qu'avec peine
à cette délicieuse solitude, où il trouve toutes
les sensations, qu'il sut lui-même communi-
quer aux foules.
Vous saluez, en la quittant, cette demeure
du Sage dont votre cœur et vos yeux empor-
tent une image profonde : L'une et l'autre
vous ont également conquis.
Et cependant, quelque suaves qu'aient été
ces impressions, elles ne sont pas compara-
bles à celles qu'éprouvent les nymphes de ces
bosquets, lorsque, le soir venu, elles prêtent
l'oreille aux accents qui sortent de la maison
silencieuse le jour, mais vibrante, l'ombre
venue, du langage des dieux. Seuls, vous les
connaissez, ô chantres des forêts, doux ros-
signols qui apprenez à égrener vos roulades
sur les tendres nocturnes de Chopin ou les
douces rêveries de Schumann, que seuls désor-
mais vous êtes admis à entendre !...
Car le petit village s'appelle S* Avit et celui
qui n'a plus d'autre ambition que d'étendre
sur lui sa douce et chère influence, vous l'avez
déjà nommé, c'est Francis Planté.
Jean de l'Armagnac.
Çà et Là
La Société Hàndel inscrit aux programmes
de ses concerts pour l'année prochaine, les
œuvres suivantes :
G. F. Handel : Saûl ; Te Deum de
Dettingen ; Coronation Anthem. Fragments
de la Fête d'Alexandre et de l'oçcasional
Oratorio. Concerti grossi.
Lully : Extraits d'Isis et du Triomphe de
l'Amour.
Schûtz : Concerts spirituels.
Gossec, Stamitz : œuvres instrumentales, etc.
— Le Société F. S. Bach sous la direction
de M. G. Bret, annonce pour la saison 1910-
191 1, quatre concerts d'abonnement dont le
premier aura lieu le 1 8 novembre avec le pro-
gramme suivant : Suite en ut majeur pour
orchestre (i''® audition); Cantate nuptiale " O
Holder Tag" ; Cantate burlesque " Nous avons
un nouveau gouverneur " ; (M"*^ Laupecht
von Lammen de Francfort, M. Demetrio
Floresco ;) Concerto en mi majeur pour violon
(M. Daniel Herrmann) ; Prélude et fugue
450
L'ACTUALITE
en sol mineur, pour orgue (M. Joseph Bonnet).
Sera reprise ensuite la série des grandes audi-
tions avec la Passion selon Saint Matthieu qui
occupera les soirées du i6 décembre et 1 7
mars, le défi de Phœbus et de Pan, l'Ode funè-
bre etc.. Comme par le passé, les concerts
seront donnés salle Gaveau et précédés d'une
répétition publique qui aura Heu la veille
(toujours le jeudi à 4 heures).
— La " Neue Bach-Gesellschaft " \ient de '
recevoir un don important. M. Hermann
Obrist, le sculpteur de Munich, a offert à
cette Société la précieuse collection de son
frère, le conseiller Aloys Obrist, parmi laquelle
se trouvent des instruments semblables à ceux
dont se servait J. S. Bach. Par vénération
pour le travail de son frère, M. Hermann
Obrist a exprimé le désir de voir ces instru-
ments conser\és au Musée Bach d'Eisenach,
dans la maison où naquit le grand musicien ;
nulle place ne pouvait mieux convenir à la
donation " Jloys Obrist. "
— M. Rhené-Baton, Directeur Artistique
des Concerts Populaires d'Angers dirigera cet
hi\er, — en plus du répertoire classique et
moderne — , les œuvres suivantes dont ce sera
la première audition à Angers : Symphonies
de Chausson, Boelhnann, Casadesus, Gedalge ;
suites d'orchestre de Saint-Saëns, Piernè, Mas-
senet, Coquard, Casella, Roger-Ducasse ; ou\er-
tures de Paul Dukas, Saint-Saëns, Trèmisot ;
œuvres diverses de Vincent d' lnd\\ Borodine,
Stravinsky, Sporck, Jaques-Dalcroxe, Debussy,
Gemain, Samazeuilh, Golrstan, Brisset, Enesco ;
et parmi les œuvres classiques : Symphonie de
Haydn, Sérénade de Mozart, concerto grosso
de (Jore/li, concerto pour 4 violons de Fivaldi,
Pastorale de l'oratorio de Noël ilc Biuh, Airs
de ballet et cantates de Rameau.
M. Rhené-Baton donnera également deux
concerts avec chceurs. Dans l'un il exécutera
la Damoiselle Ecue de M. Debuss)-. — L'autre
concert sera entièrement consacré à une des
grandes ct-uvres de Berlioz.
— L'ifitéressante Socikê des Concerts Fran-
çais, de Londres, annonce, pour cette saison,
cinq concerts consacrés aux œu\ res de S'-Saëns,
Fauré, d'Indy, Debussy, Chausson, Pierné,
Caplet, Ducasse, Lenormand, Koechlin, FI.
Schmitt, Moret, de Castillon, VVoollett, etc.
Les artistes engagées sont : M°'*^* Durand-
Texte, Willaume-Lamber, Blanche Marchesi,
Marcelle René Doire, M'"* Autran, MM.
Dumesnil, A. Mangeot, la " Société des
Listruments à vent " et le " Quatuor vocal
Mauguière."
Cette troisième saison de concert aura
certainement le même succès que les précé-
dentes et tous les musiciens applaudiront à
l'activité que déploie chaque année M. ]. T.
Guéritte.
— Voici les principales œu\ res qui seront
données cet hiver à Leipzig: Berlin : Requiem
(exécution intégrale), symphonie Fantastique,
ouvertures, etc. ; Charpentier : Impressions
d'Italie; Debussy: La Damoiselle élue, Iberia;
Schubert: Stabat Mater, symphonies; Bruchier:
Messe en fa min., s\mphonies ; Haydn :
Messes, oratorios, symphonies, etc. ; Liszt :
Christus, Messe de Grau, Sainte Elisabeth,
le 13'' psaume, symphonies, poèmes symphoni-
ques, concertos, œu\res pour piano, etc. ;
Bach : Cantates, Passion selon St Jean, Messe
en mi, etc. ; Hdndel : Deborah, Baltazar,
concerti grossi, cantates, etc.
Œuvres de Wogrsch, Nowowiezski, Schu-
mann, E. Koch, Beetho\en, R. Strauss,
Mailler (4'' symph.), C. Horn, Tschaïkowsky,
Dukas, Blegle, Brahms, etc.
— Notre collègue Adolphe Boschot \ient
de prendre à V Echo de Paris la succession du
regretté Arthur Coquard. Nous adressons nos
bien \ i\es félicitations à notre ami Boschot,
et nous constatons avec grand plaisir que, de
tous les candidats à ce poste en\ ié, c'est un
membre du bureau de notre Section Parisienne
de la S. I. M. qui a été élu.
— Un autre de nos collègues, M. Gabriel
Astruc, Directeur de la Société Musicale reçoit
la croix de la légion d'honneur, que son in-
lassable zèle pour la musique, lui avait depuis
longtemps méritée. Nous n'oublions pas que
M. Austruc fut un des promoteurs de notre
Section, à hiipielle il donna généreusement
.isile clans le pavillon de Hanovre, pendant les
priinièies années île notie existence. Nos plus
L'ACTUALITE
451
sincères compliments au collègue aimable, et
au sympathique Directeur de \^. Société Musicale.
— Le 22 octobre commençait à l'opéra-
comique la série des Concerts Historiques de la
Musique que M. Carré eut la bonne idée d'orga-
niser et qui ont pour objet,cette armée, l'histoire
de la Mélodie. Notre collègue M. Henri
Expert, bibliothécaire du Conservatoire, fit
une courte mais éloquente conférence sur la
Mélodie du Moyen âge et de la Renaissance ;
les auditeurs, ainsi avertis, goûtèrent beaucoup
la musique des Marcabru, Rambaud de
Vaqueiras, Thibaud, roi de Navarre, Janne-
quin, Claude le Jeune, du Caurroy, Mauduit,
dont les interprètes, est-il besoin de le dire,
rendirent si bien l'apparente naïveté. Ces con-
certs sont l'indice que le goût du public
s'oriente peu à peu vers la musicologie : voilà
bien de quoi se réjouir.
— La Société Haeridel dont nous avons
publié d'autre part le programme de la saison,
donnera à l'Eglise S' Eustache, le 22 novem-
bre, à 3 heures, une exécution intégrale du
Te Deum de Dettingen (1743) de G. F,
Haendel. On peut se procurer des cartes
d'entrée à la Sacristie de S' Eustache.
— Sous le titre, Chansons lointaines le déli-
cat poète Pierre Reyniel vient de faire paraître
un recueil de poésies qui sera bien accueilli
des lettrés et des musiciens.
— tM. Alfred Cottin a repris ses leçons
particulières et ses cours 124'^^'* Avenue de
Villiers où il reçoit le Samedi de 5 h. à 7 h.
— Nous sommes heureux d'annoncer à nos
lecteurs que notre correspondant de Nancy,
M. H. Parisot vient d'être nommé Secrétaire
du Conservatoire de cette ville. Toutes nos
félicitations.
SOCIÉTÉ MUSICALE, G. ASTRUC & C'% 32, Rue Louis-le-Grand, (Pavillon de Hanovre).
SALLE GAVEAU, 45, Rue La Boëtie, PARIS
Le SAMEDI 19 NOVEMBRE 1910. à 9 heures du soir
CONCERT donné par
ENSEMBLE VOCAL SPOEL
Sous le Haut Patronage S. M. LA REINE MÈRE DES PAYS=BAS
et sous la Direction de M. ARNOLD SPOEL
Professeur de chant au Conservatoire Royal de La Haye
Première Partie
PROGRAMME
Deuxième Partie
1. a. Tenebrae factae sunt . . . Palestrina (1514-15941
b. Ecce, quomodo moritur . . Gallus ( 1550-1591)
c. O vos omnes F. A. Valotti
(1697-1780)
2. Crucifixus A. Lotti (1667-1740)
(Chœur à 8 voix).
3. a. Du Hirte Israëls (Vous, ber-
ger d'Israël) Dimitri Bortnianski
(1752-1825)
b. Ave Verum W. A. Mozart
(1756-1791)
4. Trauergesang (Chant funèbre) . Martin Blumner
(1827-1898)
5. Xoël
6. a. La Violette
b. Grisélidis
Brunettes à 4 voix.
7. a. O dolci lacci
b. Vieni, vieni nei boschetto . .
Canons à 3 voix de femmes.
8. Calme des Xuits
9. a. Bede voor het Vaderland.
(Prière pour la Patrie) . . .
b. 'k Kwam laestmael over bergen
en dalen (Je cheminais par
montagnes et vallées) . . . .
c. Slaep, kindeke, slaep (dors mon
enfant, dors)
Adaptées par Florimond V
10. 04:he bon ecco
(Chœur à 8 voix) /
Arnold Spoel 1859
1650
L. Cherubini
(1760-1842)
Saint-Saëns (1835)
A. Valerius (1625)
Vieilles Chansons
Néerlandaises
du XVIII siècle
Duyse (1843-1910)
Orlando di Lasso
(1532-1594)
BILLETS : 15 fr. — 10 fr. - 8 fr. — 5 fr. — 3 fr. — 2 fr. — 1 fr.
Notre encartage
Nous publions ce mois-ci, sous forme d'un encartage, une
Bibliographie de la musique exotique, à laquelle notre collègue
M. Q. Knosp a depuis longtemps consacré ses efforts. Cette
bibliographie paraîtra successivement dans chaque numéro, et
formera une brochure de trente-deux pages environ. Elle sera suivie
d'un certain nombre d'ouvrages du même genre. S. I. M. espère que
tous les chercheurs lui sauront gré de mettre à leur disposition des
instruments de travail et d'investigation dont notre histoire musicale
sent l'impérieux besoin.
La T^édaction,
NOUVELLE ÉDITION DES ŒUVRES CLASSIQUES POUR PIANO
Dans quelque ordre d'idée qu'on se place: lettres, sciences, art, une éducation qui ne serait pas basée sur
l'étude des classiques ne saurait être ni complète, ni forte. Connaître la littérature moderne, ou la peinture
moderne, ou la musique moderne, c'est connaître seulement une partie — et non les origines et le développe-
ment — de la littérature, ou de la peinture, ou de la musique. En effet, tous ceux qui, dans l'immense domaine
de l'esprit humain, ont semblé apporter des éléments nouveaux, des pensées et un langage jusqu'alors inconnus,
n'ont fait que traduire, à travers leur sensibilité personnelle, ce que d'autres avaient déjà pensé et dit avant eux ;
de même que la forme de leur langage, pour si brillante ou hardie qu'elle soit, ne fait que résumer les efforts,
les acquisitions, les g^rogrès successifs que nous a légués le passé.
Pour bien connaître un art, quel qu'il soit, il ne faut donc rien ignorer ni de ses origines, ni de son
développement. Ici il s'agit de musique et, tout particulièrement, de musique de piano. Aussi ajouterai-je que
s'il est indispensable pour un compositeur de recourir aux exemples que peuvent lui fournir les productions des
maîtres de tous les temps et de toutes les écoles, il est également indispensable, pour un pianiste, de connaître,
en remontant aussi loin que possible, la longue et si intéressante suite des œuvres écrites pour le piano, de
s'assimiler leurs formes et leurs caractères différents, d'en suivre, en un mot, la progression, s'il veut parvenir
à les traduire, non seulement avec la technique qu'elles comportent, mais encore avec toute la justesse
d'expression et toute la variété de style nécessaires.
Mettre à la portée des élèves de piano toute l'admirable production qui, commençant par les clavecinistes,
les conduira jusqu'à Chopin et Schumann, c'est ce que vient de réaliser la Maison Ricordi avec un soin qu'on
ne saurait trop apprécier et une sûreté d'information qui s'est appuyée, autant qu'il a été possible, sur les
manuscrits originaux. Pour J. S. Bach et pour les clavecinistes, elle a fait plus : considérant que les dons naturels,
que l'instinct le plus sûr peuvent s'égarer devant le caractère si spécial de ces œuvres, elle a joint à chacune
d'elles une sorte d'analyse qui en établit le plan général et renseigne l'élève sur la nature des périodes mélodiques,
sur leur ponctuation et leur accentuation. D'autre part, elle fixe avec précision l'exécution technique, — objet
de tant de controverses, — des trilles, des groupes, des "mordants " qui, dans la musique de clavecin, repré-
sentaient plutôt un moyen d'expression qu'un enjolivement. Enfin, pour ce qui concerne certaines œuvres de
musique moderne, notamment celles de Chopin, l'Edition Ricordi comporte des indications très précieuses et
très judicieusement établies sur l'emploi de la pédale.
On peut juger par ce que je viens de dire, quel parfait moyen d'éducation — à la fois technique et intel-
lectuel — représente cette magnifique publication des Maîtres du piano à laquelle on doit souhaiter et l'on peut
prédire le plus grand et le plus légitime succès. GABRIEL FAURE.
Pour le catalogue des " ŒUVRES CLASSIQUES " ci-dessus, il suffit d'écrire à la Maison
G. RICORDI & Co, 62, Boulevard Malesherbes, PARIS.
Il sera fait une remise spéciale aux artistes et professeurs.
PUBLICATIONS DE LA SOCIETE
INTERNATIONALE DE MUSIQUE
SECTION DE PARIS
PARUS
H. QUITTARD. — Le Trésor d'Orphée, par Antoine Francisque, tablature de
luth, transcrite pour piano à deux mains; i volume in 4° de 100 pages ... 5 fr.
J. ECORCHEVILLE. — Actes d'Etat civil d'artistes musiciens insinués au
Châtelet de Paris (1539-1650); i volume in-4'' 10 fr.
A. GASTOUE. — Catalogue des mss. de musique b^^zantine conservés dans
les bibliothèques de France; i volume in-4° 20 fr.
P. AUBRY. — Cent motets du XlIIe siècle, tirés du ms. Ed. VI-4 de la
Bibliothèque de Bamberg ; 3 volumes in 4° 150 fr.
P. AUBRY. — Le Chansonnier français de l'Arsenal (XlIIe siècle), 15 livrai-
sons trimestrielles de 32 planches phototypiques avec la transcription des
mélodies en notation moderne. Notices par M. A. Jeanroy, professeur à la
Faculté des lettres de Toulouse. La livraison 10 fr.
(On ne souscrit qu'à l'ensemble de la publication.)
SOUS PRESSE
J. ECORCHEVILLE. — Catalogue du fonds de Musique ancienne de la Biblio-
thèque Nationale (jusqu'en 1750.) — Huit volumes de 250 pages chacun,
contenant dix mille thèmes de musique, et de nombreux fac-similé. L'ouvrage
complet 400 fr.
H. QUITTARD. — L'Œuvre de clavecin de Chavibonnières d'après l'édition de
1670 et le manuscrit Vm7 1852 de la Bibliothèque nationale. — Un volume
in-4° de 100 pages de musique , 5 fr.
M. BRENET. — Les Musiciens de la Sainte-Chapelle du Palais. — Un volume
in-4" de 300 pages 15 fr.
EN PRÉPARATION
A. PIRRO. — Les correspondants du Père Mersenne. — Publication de la corres-
pondaiice musicale adressée à Mersenne et conservée à la Bibliothèque
Nationale. Vol. I {J.B. Boni) — Un volume in-4° de 200 pages ....
L. DE LA LAURENCIE. — Les Musiciens de la Maison du Roy aux XVI P et
XVIII" siècles. (Inventaire musical de la Série O' des Archives nationales)
— Deux volumes de 200 pages chacun.
B. BLOCHET. — Traité de Musique, composé par Sharaf ed-Din Haroun.
(XII 1 Niècle), d'après le manuscrit original de la Bibliothèque Nationale.
Tiadiiction et fac-similé du texte Arabe. — Un volume in-4° de 100 pages.
H. DE CURZON. — Correspondance des Directeurs de l'Opéra, conservée aux
Archives Nationales. — Un vol. in-4" ^^ ^5° pages.
L. LALOY. — K'tn poii. Recueil d'Airs pour le k'tn ou luth ciiinois, transcrits
(le l.i tablature.
l.V. COMITÉ UK I.A l'Ulil.ICATION :
P. Aubry, M. Brenet, L. Daurinc. J. Ecopchevllle, H. Expert, L. de In Lnurencle,
Ch. Malherbe, E. Poirée, G. Prod'homme, R. Rollnnd, J. Tlersot.
Librairie CH. DELAGRAVE, 15, rue Soufflet, PARIS.
PUBLICATIONS NOUVELLES
" COLLECTION PALLAS "
Charmants vol. in- 16, sur beau papier vergé, broché 3 fr. 50
Relié, peau souple 5 francs.
C'est dans cette Collection, qui peut être mise entre toutes les mains, qu'ont déjà paru :
Anthologie des Poètes français du xix" Siècle (1800 à 1866), par G. Pellissier.
Anthologie des Poètes français Contemporains (1866 à nos jours), par G. Walch.
Victor Hugo. Morceaux choisis, Prose, par J. Steeg.
— — Poésie, par —
— — Théâtre par H. Parigot.
Alfred de Musset. Œuvres choisies (prose et poésie), par E. Morillot.
Alfred de Vigny. Œuvres choisies (prose et poésie), par Tréfeu.
Ferdinand Fabre. Œuvres choisies, par Maurice Pellisson.
Rudyard Kipling. Traduction française. Œuvres choisies, par Michel Epuy.
Elle se continuera par la publication de l'ANTHOLOGIE DES PROSATEURS FRANÇAIS
CONTEMPORAINS (1850 à nos ours), qui comportera 3 vol. :
Tome I. — Les Romanciers.
Tome II. — Les Historiens — Mémorialistes — Ecrivains et orateurs politiques.
Tome III. — Les Critiques littéraires — Critiques d'art — Moralistes — Philosophes — Ecri-
vains et Orateurs religieux — Écrivains scientifiques — Divers.
VIENT DE PARAITRE :
ANTHOLOGIE DES
PROSATEURS FRANÇAIS
CONTEMPORAINS
(1850 à nos Jours)
Tome I. — LES ROMANCIERS
par g. PELLISSIER
Docteur ès-lettres.
Ce volume de 500 pages environ comprend, pour chaque auteur, une notice biographique et
bibliographique et la reproduction d'un autographe. Il a été fait un choix d'extraits pris dans les
Œuvres les plus caractéristiques de chaque écrivain. L'ordre chronologique a guidé le classement,
sans aucune exclusion ni parti pris d'école. Une préface reconstitue l'histoire du Roman pendant
ces soixante-dix dernières années.
PRINCIPAUX AUTEURS
CITES :
V. Hugo.
H. Malot.
V. de risle Adam.
J. Lemaître.
A. Hermant.
Fromentin.
G. Droz.
Huysmans.
Rodenbach.
M. Prévost.
0. Feuillet.
A. Theuriet.
0. Mirbeau.
L. Descaves.
H. de Régnier.
G. Flaubert.
J. Vallès.
G. Ohnet.
J.-H. Rosny.
J. Renard.
Erckmann Chatrian.
L. Halévy.
M. de Vogue.
Hervieu,
L. Daudet.
Les Goncovu-t,
E. Le Roy.
J. Richepin.
Rod.
P Louys.
A. Dumas fils.
J. Claretie.
Gyp.
A. Capus.
M. Tinayre.
F. Fabre.
A. Daudet.
G. de Maupassant.
Courteline.
G. Farrére.
E. About.
E. Pouvillon.
P. Loti.
P.-V. Margueritte.
Ctesse de Noailles
J. Verne.
E. Zola.
Elémir Bourges,
P. Adam.
R. Boylesve.
V. Cherbuliez.
A. France.
F, Bourget.
M. Barrés.
G. Lecomte, etc.
SOUS PRESSE :
ANTHOLOGIE DU THEATRE FRANÇAIS CONTEMPORAIN
par G. PELLISSIER
Ce volume sera conçu sur le même plan que le précédent, avec notices et autographes.
Il contiendra frose et vers.
DESIREZ-VOUS CONNAITRE L'ADRESSE
d'une Maison donnant en LECTURE non seulement de la
Musique Française
MAIS EGALEMENT ET SURTOUT
Toute la Musique Etrangère
ET MEME DES
Partitions d'Orchestre ?
ADRESSEZ-VOUS A
M. MAX ESCHIG, 13, rue laffitte, 13, PARIS
TÉLÉPHONE 108-14
qui vous enverra immédiatement toutes les conditions
SERVICE POUR PARIS ET LA PROVINCE
EDITION POPULAIRE SIMROCK
Lks Chf.fs-d'Œ[ivrk dk BRAHMS, BRUCH,
DVORAK, SCHUTT, etc.
POUR LA MOITIÉ DE LEURS PRIX ANCIENS!
DEMANDEZ LE CA'I'ALOCU^E SPl'X'IAI,
LES PIANOS
STEINWA Y
'Proclamés par les grands musiciens
comme les meilleurs du monde entier.
E. MOULLÊ
AGENT GÉNÉRAL
1, RUE BLANCHE, "PARIS
CéO*
c*>
Lettre d' HECTOR BERLIOZ
Pans, 25 Septembre 1867.
Messieurs Steinway et Fils,
J'ai entendu les magnifiques pianos qui sortent de
votre fabrique. Permettez-moi de vous faire mes
compliments sur leur excellence et les rares qualités
qu'ils possèdent.
Leur sonorité est splendide et essentiellement
noble ; en plus vous avez découvert le secret de
diminuer jusqu'à un point imperceptible l'harmonie
déplaisante de la septième mineure, qui jusqu'à
présent se faisait entendre à la huitième et neu-
vième vibration des plus longues cordes, rendant
ainsi les sons cacophoniques. Comme tant d'autres améliorations, celle-ci est un grand progrès dans
la fabrication des pianos et un progrès pour lequel tous les artistes et amateurs doués d'un goût
délicat vous devront de la reconnaissance.
Veuillez accepter, Messieurs, avec mes compliments l'assurance de mon respect.
HECTOR BERLIOZ.
G. Schîrmer (Inc.) New YorR
Editeurs de Musique.
QUELQUES PUBLICATIONS IMPORTANTES
GABRIEL FAURE
Quintette en Ré mineur, pour piano, deux
violons, alto et Violoncelle. Xet fr. 12.00
THÉODORE YSAYE
Op. 9. Concerto en Mi bémol, pour piano
avec accompagnement d'orchestre.
Partition, net fr. 75.00. Parties, net fr. 62.50.
Piano principal avec réduction de l'orchestre
■ pour un second piano (en partition) net fr. 10.00
Op. 13. Fantaisie sur un thème Wallon
pour grand orchestre.
Partition, net fr. 12.50. Parties, net fr. 25.00
Op. 14. Symphonie en Fa majeur, pour
grand orchestre.
Partition, net fr. 30.00. Parties, net fr. 50.00
Op. 15. Le Cygne. Esquisse symphonique
pour grand orchestre.
Partition, net fr. 12.50 Parties, net fr. 25.00.
SYLVIO LAZZARI
Trois chansons de Shéhérazade (Poésies
de Tristan Klingsor.)
1. Demande net fr. 1.50
2. Chanson des beaux amants . net fr. i.qo
3. Le passé net fr. 1.50
Le recueil, net fr. 5,00
Trois Poésies d'Emile Blémont (d'après
Henri Heine.)
1. Nuit en Mer net fr. i.oo
2. Une femme iiet fr. 1.90
3. Malentendu net fr. 1.50
Le recueil, net fr. S.od
LES ŒUVRES PUBLIEES
DE
CHARLES M. LOEFFLER.
La Mort de Tintaciies, Poème dramatique,
pour grand orchestre et viole d'amour.
Partition, net fr. 25.00 Parties, net fr, 50.00
Réduction pour piano à 4 mains, par Marcel
Labey net fr. 10.00
La Villanelle du Diable, Fantaisie Sympho-
nique pour grand orchestre et orgue.
Partition, net fr. 25.00 Parties, net fr. 50.00
Réduction pour piano à 4 mains, par Marcel
Labay net fr. 10.00
Deux Rapsodies. pour hautbois, alto et
piano (L'étang, La cornemuse.) net fr, 6.25
Un poème Païen, (d'après Virgil) pour grand
orchestre avec piano, cor anglais et trois
trompettes obligato.
Partition, net fr. 50.00 Parties, net fr. 75.00
Réduction pour deux pianos, (en partition)
par H. Gebhard net fr. 7.50
Quatre Mélodies, pour chant et piano. Poé-
sies de Gusta\e Kahn.
I. Timbres oubliés. 2. Adieux pour jamais.
3. Les soirs d'automne. 4. Les Paons.
Chacune, net fr. 2 50 Le recueil net fr. 10.00
Quatre poèmes pour voix, alto et piano.
1. La cloche fêlée . . . . net fr. 2.50
2. Dansons la gigue .... net fr. 2.50
3. Le son du cor s'afllige vers
les bois net fr. 2.50
4. Séiénade net fr. 2,so
;j c i.* '- ^' '- i.* c V c i.' c i.» c i.» c 1.* '..: i.* c y c :j> c y fj i.» c V' f^ v» c i.» ♦,■ l.» 'j y 'j :.' 'j y >^ v 'j :.» ' j y 'j i.» ' j y '^ i.> c y c y c y c
Dépôt à Paris: A. DURAND 6 FILS, 4 Place de la Made=
leine. — MAX ESCHIC. 13, rue Laffitte.
Dépôt à Leipzig: FRIEDRICH HOFMEISTER.
Berlin: ALBERT STAHL.
VIENT DE PARAITRE
A LA
MAISON BEETHOVEN
(GEORGES OERTEL)
RUE DE LA RÉGENCE, 17-19, BRUXELLES.
C. THOMSON
ZIGEUNER RHAPSODIE
Pour Violon et Orchestre
Réduction : VIOLON ET PIANO, net 6.00
EN LOCATION LE MATERIEL d'ORCHESTRE
CHOPIN-THOMSON
MAZURKA op. 7 No. I. Violon et Piano, net 2.00
EN PREPARATION :
ROOVERSLIEFDE
Drame Lyrique en un acte de p_ GILSON
PARTITION : Piano et Chant.
Bibliothèque Tournante Terquem
POUR LIVRES ET MUSIQUE
APPUI-LIVRES, CHEVALETS, CLASSEURS A RIDEAUX
ARTICLES DE BUREAUX RICHES ET HAUTE FANTAISIE
EM. TERQUEM
19, RUE SCRIBE
TOUT MUSICIEN
doit avoir une BIBLIOTHÈQUE TOUR-
NANTE TERQUEM adaptée spécialement
pour la musique. Il n'est pas de CASIER A
MUSIQUE plus élégant, plus pratique et meil-
leur marcîié.
TOUT MUSICIEN devrait grâce au
" Terqi " relier sa musique lui-même sans perte
de temps, et mieux qu'un relieur dont les
volumes NE S'OUVRENT PAS.
Demandez nos catalogues et nos prospectus envoyés franco
EM. TERQUEM
Téléphone 303 = 59 19, fUC Scrlbe, PARIS Téléphone 303-59
Comptoir National d'Escompte
DE PARIS.
CAPITAL : 200 Millions de francs entièrement versés.
SIEGE SOCIAL: RUE BERGÈRE — SUCCURSALE; 2, Place de l'Opéra, PARIS.
Président du Conseil d'Administralion : M. Alexis ROSTAND
Vice-Prcsidcnl, Directeur : M. E, 'ULLMANN,
Administrateur Directeur : M. P. BOYER.
OPERATIONS DU COMPTOIR
Bons à échéance fixe, Escompte et Recouvrements, , Escompte de chèques, Achat et vente de
Monnaies étrangèi-es, Lettres de Crédit, Ordres de Bourse, Avances sur Titres, Chèques, Traites,
Envois de Fonds en Province et à l'Etranger, Souscriptions, Garde de Titres, Prêts hypothécaires
maritimes, Garantie contre les risques de remboursement au pair, Paiements de coupons, etc.
AGENCES
38 Bui'eaux de quartiers dans Paris — 15 Bureaux de Banlieue — 1 50 Agences en Province
1 1 Agences dans les colonies et pays de protectorat — 1 2 AG£^SC£S A L'ÉTRANGER.
LOCATION DE COFFRE-FORTS
Le Comptoir tient un service de coffre-forts à la disposition
du public, 14, rue Bergère; 2, place de VOpéra; 747, boulevard
Saiirt-Geriuain; 4g, avenue des Champs-Elysées, et dans les
principales Agences.
UNE CLEF SPÉCIALE UNIQUE EST REMISp
A CHAQUE LOCATAIRE.
La combinaison est faite et changée par le locataire, à son
gré. — Le locataire peut seul ouvrir son coffre.
BONS A ÉCHÉANCE FIXE. — Intérêts payés sur les sommes déposées
De 6 à II mois, ij "J^. De i à 3 ans 3 ^j„. — Les bons délivrés par le COMPTOIR NATIONAL
aux taux d'intérêts ci-dessus, sont à ordre ou au porteur, au choix du Déposant. Les intérêts sont
représentés par des Bons d'Intérêts également à ordre ou au porteur, payables semestriellement
ou annuellement suivant les convenances du Déposant. Les Bons de capital et d'intérêts peuvent
être endossés et sont par conséquent négociables.
VILLES O'&AUX.
Stations estivales et hivernales.
Le Comptoir National a des agences dans les principales Villes d'Eaux : Aix-en-Provence,
Aix-les-Bains, Antibes, Bagnères-de-Luchon, Bayonne, Biarritz, Bourboule (La), Brest, Calais,
Cannes, Châtel-Guyon, Cherbourg, Compiègne, Dax, Dieppe, Dunkerque, Enghien, Fontainebleau,
Havre (Le), Mont-Dore (Le), Nice, Pau, Rochelle (La), Saint-Germain-en-Laye, Saint Nazaire, Trou-
ville-Deauville, Vichy, Tunis, Saint Sébastien, Monte-Carlo, Le Caire, Alexandrie (Egypte), etc. ;
ces agences traitent toutes les opérations comme le siège social et les autres agences, de sorte
que les Etrangers, les Touristes, les Baigneurs, peuvent continuer à s'occuper d'affaires pendant
leur villégiature.
LETTRES DE CRÉDIT POUR VOYAGES
Le COMPTOIR NATIONAL D'ESCOMPTE délivre des Lettres de Crédit circulaires payables
dans le monde entier auprès de ses agences et correspondants; ces Lettres de Crédit sont accom-
pagnées, d'un carnet d'identité et d'indications et offrent aux voyageurs les plus grandes commo-
dités, en même temps qu'une sécurité incontestable.
Salons des Accrédités, Succursale, 2, place de l'Opéra
Installation spéciale pour voyageurs. Emission et paiement de lettres de crédit. Bureau de
change. Bureau de poste. Réception et réexpéditions des lettres.
Remise de 5 ù 10 % sur prix
de Catalogues aux lecteurs
du SA, M,
MEUBLES EN TOUS GENRES
ET EN TOUS STYLES
BUREAUX
SALLES A MANGER
SALONS
SITTING ROOMS
CHAMBRES A COUCHER
TAPIS,
CARPETTES ETC.
INSTALLATIONS COMPLÈTES ET A FORFAIT
D'APPARTEMENTS ET DE BUREAUX
N. B. Pour bénéficier de la REMISE, utiliser le bulletin ci-dessous, qui ne comporte
pour le signataire aucune obligation,
MM. ANTONA & VALADON FRÈRES
9, RUE PILLET-WILL, PARIS. — Tél. il#
Comme suite à voire annonce dans S.I.M. ; veuillez envoyer un Je Vos repré-
sentants chez ^M^
à
(Signature)
N. H. l!i(li([iK-i- ^^i possible k- juiir cl l'Iu-iiic.
Collection d'Enseignement et de Vulgarisation
-<: g ,..o.Q PLACÉE SOUS LE HAUT PATRONAGE DE L'ADMINISTRATION DES BEAUX-ARTS,
PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE
^ ^ T
M, £LI£ POIR.ee, Conservateur adjoint à la bibliothèque Sainte=Geneviève
Chaque volume in-8" (14x20,5) de 128 pages avec 12 gravures
Broché : 2 fr. 50 — Relié : 3 fr. 50
ERNEST REYER
PAR ADOLPHE JULLIEN
NOUVEAUTÉS
LULLY
PAR HENRY PRUNIERES
LA
MUSIQUE
CHINOISE
PAR LOUIS
LALOY
1 VOLU
VIE
LA MUSIQUE DES
. ""^ TROUBADOURS
Jean Beck
Déjà parus :
Berlioz, par Arthur Coquard.
Boieldieu, par L. Auge de Lassus.
Chopin, par Eue Poirée.
Félicien David, par René Brancour.
Gluck, par Jean d'Udine.
Gounod, par P.-L. Hillemacher.
Grétpy, par Henri de Curzon.
Hépold, par Arthur Pougin.
Liszt, par M.-D. Calvqcoressi.--
Mendeissohn, par P. de Stœcklin.
Mozart, par Camille Bellaigue.
Paganini, par J.-G. Prod'homme.
Rameau, par Lionel de la Laurencie
Rossini, par Lionel d'Auriac.
Schubert, par L.-A. Bourgault-Ducoudray.
Schumann, par Camille Mauclair.
Weber, par Georges Servières.
LIBRAIRIE RENOUARD — H. LAURENS, Editeur
Rue de Tournon. 6. PARIS (6'
RECONNUS LES MEILLEURS
VIOLONS
I
O
L
O
N
S
I
ETABLIS D'APRES LES DONNEES VERITABLES DE
STRADIVARIUS ET GUARNERIUS .-. /. .-. .-. /.
RECONSTITUTION DE L'ANCIEN VERNIS DE CRÉMONE
SONORITÉ ITALIENNE .-. .-. .-. /. .-. .-. .-. .-.
POSSÉDANT TOUTES LES QUALITÉS REQUISES POUR
ÊTRE JOUÉS IMMÉDIATEMENT AU CONCERT .-.
pj^ ^Oï^"!" "Ofl ^ S'adresser pour tous renseignements :
da.ns le Lucien Greilsamer
COniIïlCrCe 32, rue Vuperrê. taris HX).
Le Vernis
^^^ de Crémone
Étude historique et critique
par
LUCIEN GREILSAMER
Un Volume in=8° broché jT. /mOU
chez l'auteur 32, rue Dupérré, (ÎX') VARÎS.
RIVISTA MUSICALE ITALIANA
1910— T ANNÉE
La Rivista est publiée en fascicules trimestriels de 1 50 pages environ.
LES ABONNEMENTS PARTENT DE JANVIER
Prix de l'abonnement : LIRE 14.
S'adresser à la LIBRAIRIE BOCCA, Turin, Via Carlo Alberto, 3.
CHEMINS DE FER DE L'ETAT
PARIS A LON DRES
via Rouen, Dieppe et Newhaven, par la Gare Samt- Lazare
Services rapides tous les jours et toute l'année [Dimanches et Fêtes compris)
DÉPARTS DE PARIS-SAINT-LAZARE :
à 10 h. 20 matin (i'" et 2' Cl.) et à 9 h. 20 soir (i"', 2'' et 3" cl.)
DÉPARTS DE LONDRES:
VICTORIA (C"'^' de Brighton) à 10 h. matin (i''' et z" cl.) et à 8 h. 45 soir (l'% 2" et 3" cl.).
LONDON-BRIDGE à 9 h. 50 matin (9 h. 25 le Dimanche) (i" et 2'^ cl.) et à 8 h. 45 soir (i^ z" et 3'^ cl.)
Revue de Hongrie
paraissant tous
les mois
La REVUE DE HONGRIE est une revue hongroise rédigée en langue française.
Elle publie des articles écrits par des hommes d'Etat, des littérateurs, des savants
hongrois, et ayant trait à la Politique, à la littérature, aux Sciences, aux Beaux- Arts, aux
Finances, à l'Economie Sociale, à l'Histoire, etc.
La REVUE DE HONGRIE s'occupe de toutes les questions qui, d'un point de vue
général, peuvent, en mettant en relief les choses de la Hongrie, intéresser l'étran-
ger et notamment le lecteur français. Elle compte également des collaborateurs dans
tous les pays et pubhe des articles d'un intérêt général qui lui donnent un caractère
international.
La REVUE DE HONGRIE est une tribune ouverte à tous, elle restera indépen-
dante de toute influence de parti.
La REVUE DE HONGRIE est l'organe de la Société Littéraire Française de
Budapest.
PRIX DE L'ABONNEMENT
Hongrie et Autriche. Un an, 25 coup. — Six mois, 15 coup.
Etpanger (Union Postale) — 30 francs — 20 francs.
Ppix de la livpaison : 2 cour. 50 c.
Un numéro spécimen est envoyé franco sur demande.
ADMINISTRATION DE CONCERTS
M EMIL GUTMANN M
REPRÉSENTE LES ARTISTES ET LES
ASSOCIATIONS ARTISTIQUES LES PLUS
CONSIDÉRABLES, LES MAITRES LES
PLUS RÉPUTÉS EN ALLEMAGNE.
ENGAGEMENTS PAR TOUTES LES SOCIÉTÉS DE
CONCERT ALLEMANDES ET ÉTRANGÈRES. 4t ^
TOURNÉES D'ORCHESTRE ET DE
SOLISTES DANS TOUS LES PAYS.
SOLISTES POUR ORATORIOS.
ORGANISATION DE CONCERTS ET DE CONFÉ-
RENCES, DE RÉCITALS DANS TOUTES LES
SALLES DE MUNICH ET DE GRANDS FESTIVALS
INDICATIONS DE POSTES VACANTS
DE PROFESSEURS DE CONSERVA-
TOIRE ET D'ÉCOLE DE MUSIQUE. ^
ANNONCE, PUBLICITÉ, INFORMATIONS
LA PLUS GRANDE AGENCE DE CON-
CERTS DE L'ALLEMAGNE DU SUD.
1
MUNICH = Theatinerstrasse 38 = MUNICH
Adresse Télégraphique : KO N Z E R TOUT M A N N , MUNICH
1
Chemins de Fer de l'État et de Brîghton
DEPART
de
Londres, Victoria
(Brighton
Railway)
a 10 h. du matin.
I" et 2" classes
ARRIVÉE
Paris-St.-Lazare
à 6 h. 43
du soir.
P^mS k ION PRES!
PRR ROUEN , DIEPPE
Se- MEWHE^VEN
DE LA I
àlCfio matin et S"eo soir
Prix des Billets
BILLETS SIMPLES
BILLETS OALLERlRETOUR
Inm franco don bulletin spécial du Seruice sur deiiia*lea
Service
de Nuit
DÉPART
de
Paris-St.-Lazare
.1 9 h. 20 du soir.
i'", 2''et3'' classes
ARRIVÉE
à
Londres, Victoria
(Brighton-Rail-
way) et London-
Bridge
à 7 h. 30 du matin
DÉPART
de
Londres, Victoria
Brighton-Rail-
way) et London-
Bridge à 8 h. 45
du soir
!'■'', 2'' et 3° classes
ARRIVÉE
à ■
Paris-St.-Lazare
à 6 h, 30 du
matin.
Excursions SUR LES COTE!
DE L'ANGLETERRE, L'ILE DEWIGHT ET LONDRES
VIA DIEPPE ET NEWHAVEN
Si7/e(s circulaiies déliorés loule l'année au départ de PARIS (St. Lazare), %OUEN et DIEPPE, valables pendant 60 jours.
1er ITINÉRAIRE. — Paris (Saint-Lazare), Rouen, Dieppe, Xewhaven, Eastbouine, Bexhill, St.-Leonards, Hastings
Tunbridge Wells, Londres, Arundel, Portsmouth, Ryde (Ile de Wiglil), Portsmouth, Cliidiester, Bognor, Littlehampton
Brighton, Newhiaven, Dieppe, Rouen, Paris.
2e ITINÉRAIRE. — Paris (Saint-Lazare), Rouen, Dieppe, Newliaven, Eastbourne, Tunbridge Wells, Londres, Arundel,
Ciiicliester, Bognor, Littlehampton, Brighton, Newhaven, Dieppe, Rouen, Paris.
3e ITINÉRAIRE. — Paris (Saint-Lazare), Rouen, Dieppe, Xewhaven, Eastbourne, Tunbridge Wells, Londres, Brighton,
Xewhaven, Dieppe, Rouen, Paris.
Prix des Billets au départ de :
PARIS (saint-uazare)
ROUEN (rive droite)
DIEPPE .
1er ITINERAIRE
ire Classe
las--e
111 50 76 90
94 45 i 66 60
82 10 i 58 80
2e ITINERAIRE
ire Classe
2e Classe
FR. c.
104 -
86 95
74 60
71 90
61 60
53 80
3e ITINERAIRE
ire Classe |
2e Classe
FR. c.
99 -
81 95
69 60
FR. c.
69 40
59 10
51 30
^ ,.LGERIE
TOfsliSJE
[Pilleb^eVoyagcsàilinéraires fixes, rét2";cUssc5.,
déli/rà^iuj[are«kParis.Wan5ie5principales^^
Le livret-Guide Horaire P.LM. vendu 0.50 indicjue la norw.enchiture
e ces voyz çç«3
i<liiiii'l»ii't»fflllii lifi-ilritihrff^
Ff^T-¥ A nPTrM¥r'nP Pl^ot<^g»'aphie documentaire
• V^'ii/jL X J^l^ Mlé JL el artistique
67, rue des
ign
s, 67, PARIS.
Nouveau procédé sur papier; blanc sur noir, grandeur 18x24:
Pour une commande de cinquante épreuves 0.75 par épreuve.
Par petite quantité : 1 f r. par épreuve.
Par ce procédé, la Maison CHATENET a fonrjn aux E>énédictins
de Solesmes pour leur Paléographie plus de ^0.000 ]^hotograpbies.
PRIX-COURANT :
Cliché 13x18 avec une épreuve, 3 fr.; les suivantes, chaque 0.75
Cliché 18x24 avec une épreuve, 4 fr. ;les suivantes, chaque 1.00
Cliché 24 X 30 avec une épreuve, 5 fr. ; les suivantes, chaque 1.50
mi"h \mWhv^'Sx^mit bioi^um-^^'-
K- MMSê
KR
iS
^gH|
.k- 'L'm '
tLi. ..._
, '
#^n:s^.
u,
^,..._J^,..,
'm
• l.rrtœ;
-—^- ' -~
y>M......g.a:.:..:,.^f.«.»«M t.ifc;., »»v.». vn-. m...m* >»w..ry.r.'».it,; -.a.,.-8»*».J!H».T„JW.,^Mtw*t ■M:fi.i.Y^.^M>j»LtmsihMiiiiiSA'^i^.i. >■-
Extrait du roman de Fauvel (13)5) publié en reproduction photographique.
-r« J
LIBRAIRIE CH. DELAGRAVE 15, RUE SOUFFLOT, PARIS.
"COLLECTION PALLAS"
'Oienl de paraître :
^ nthologie
de îa
ttteraîure ^japonais
DES ORIGINES AU XX*^ SIECLE)
PAR
MICHELREVON
An'Cien Professeur a la Faculté de droit de Tôkyô, anciem Conseiller légiste
du gouvernement japonais.
Chargé du cours d'Histoire des Civilisations d'Extrême-Orient
A LA Faculté des Lettjies de Paris.
Recueil de morceaux choisis, traduits et empruntés à toutes les époques
de la littérature japonaise. Ouvrao;e extrêmement curieux donnant pour la
première fois d'abondants extraits de la littérature japonaise et dont
l'élaboration a présenté de grandes difRcultés en raison de la diversité
des langues successivement parlées au Japon. Des notices explicatives
(historiques, littéraires, etc.) accompagnent les morceaux et des notes au
bas des paf^es donnent des indications précieuses qui rendent le texte
absolument intelligible.
Un vol. de 500 pages imprimé sur beau papier vergé, in-i6 broché . 3.50
élégamment relié mouton souple 5.00
RAPPEL : Du même auteur:
ŒUVRES CHOISIES DE RUDYARD KIPLING
broché ^.50 relié mouton s()U[-)le <;.oo
LIBRAIRIE CH. DELAGRAVE 15, RUE SOUFFLOT, PARIS.
"COLLECTION PALLAS"
'Oient de Paraître :
Anthologie des
HUMORISTES ANGLAIS
et AMERICAINS
(DU XVIP SIÈCLE A NOS JOURS)
MORCEAUX CHOISIS
Traduction française
Notices biographiques et bibliographiques
PAR
MICHEL EPUY
Auteurs cités : Humoristes Anglais des XVIP et XVIIP siècles : Burton,
Swift, Addison, Steele, Goldsmith, Sterne, Fielding.
Humoristes Anglais du XIX"* Siècle : Lamb, Thackeray,
Dickens, George Eliot.
Humoristes Anglais Contemporains : Anthony Hope,
G. K. Chesterton, Richard Whiteing, Walter Emanuel,
Owen Seaman, C. Burnand, J. M. Barrie,W. Pett Ridge,
J. K, Jérôme Zangwill, R. Kipling, Von Arnim, F.
Anstey, W. W. Jacobs.
Humoristes Américains du XIX*^ Siècle ; Irving, Haw-
thorne, Holmes,
Humoristes Américains contemporains : Stockton, Burgess,
Mark Twain. ■ - •
Un vol. imprimé sur beau papier vergé in-i6 broché . . . . 3:50
élégamment relié mouton souple . . . . : . ... 5.00
Rappel :
ANTHOLOGIE DE LA LITTÉRATURE ALLEMANDE
{des Origines au XXe siècle) par LUDOVIC ROUSTAN
broché 3.50 — rehé mouton souple 5.00
Dépositaires du
S. I. M. à Paris
AFFOLTER, 50, rue de Laborde.
HEYMANN, i, rue Laffitte.
ARNAUD, 26, Avenue de l'Opéra.
HIBRUIT, 135, Boulevard St. Michel.
BADUEL, 52, rue des Ecoles.
LAROUSSE, 58, rue des Ecoles.
BLANXHARD 4, Boulevard St. André.
LE MERCIER, i. Galerie Véro-Dodat
BOULINIER, 19, Boulevard St. Michel.
— 5, Place Victor- Hugo.
BRIQUET, 34, Boulevard Haussmann.
LEMERRE, 23, Passage Choiseul.
BRISSET, 15, Boulevard Malesherbes.
LE SOUDIER, 174, Boulevard St. Germain.
COMMAILLE, i, rue Auber.
MARTIN, 3, Faubourg St. Honoré.
CONARD, 17, Boulevard de la Madeleine.
MATHOT A.-Z., 11, rue Bergère.
COSTALLAT & Cie, 60, chaussée d'Antin.
MEA, i'"", rue du Havre.
DENOIX, 67, rue Caumartin.
MELET, 45, Galerie Vivienne.
DEMETS, 2, rue de Louvois.
ORPHÉE A., 114, Boulevard St. Germain.
DURAND & Cie, 4, Place de la Madeleine.
PAUL E., 100, Faubourg St. Honoré.
ESCHIG (MAX), 13, rue Laffitte.
PERRET, 14, rue Chauveau-Lagarde.
FEUILLATRE, 8, Boulevard Denain.
PICARD, 126, rue du Faubourg St. Honoré.
FISCHBACHER, 33, rue de Seine.
REY, 8, Boulevard des Italiens.
FLAMMARION, Odcon
ROUDANEZ, 9, rue de Médicis.
— 14, rue Auber.
ROUART, 18, Boulevard de Strasbourg.
— 3, Boulevard St. Martin.
SAUVAITRE, 72, Boulevard Haussmann.
— 10, Boulevard des Italiens.
SEVIN, 45, rue Boissy d'Anglas.
— 36'''", Avenue de l'Opéra.
SEVIN ET SARRAT, 25, rue La Boëtie.
FLOURY, I, Boulevard des Capucines.
STOCK, 155, rue St. Honoré.
GAMBER, 7, rue Danton.
TARIDE, 18, Boulevard St. Denis.
GATEAU, 8, rue de Castiglione.
TIMOTEI, 14, rue de Castiglione.
GAVEAU, 45, rue La Boctie.
WEIL, 60, rue Caumartin.
GRUS & Cie, 116, Boulevard Haussmann.
•
-y
w
■iiliiiij '-'""*
3 9999 06607 747 8
■■■ ' • >
* ^v
'k.M
\ V* '-•
■'RÇJf..
>
^ ■
1 f^
^t^^y
^^:::A
•:?/ -^