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Full text of "Société de l'histoire de France"

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»      t 


CHRONIQUES 


Dl 


J.  FROISSART 


998%  -  PARIS,  TYPOGRAPHIE  LAHURE 

Rna  dm  Vknroi»  • 


y-"- 


CHRONIQUES 


DS 


J.  FROISSART 


POBUftlS  POUR  U  SOCIÉTÉ  DB  L'hIROIRB  MK  FBAHGI 


PAR  8IMBON  LUGB 


TOME  SEPTIÈME 
1367-1370 

(nBMIU  L'sZnbinON  du  FIOTCB  DX  GAXXIS  BN  ■tPAOHB 

joiqd'a  là  nomutatiov  db  b.  du  Guncuir 

A  LA  CHAIGB  DK  OQHVÉrABLB  OB  nUHGB) 


A 


A  PARIS 

CHEZ  H"  Y*  IULES  RENOUARD 

(H.  LOON£S,  SUCXXSSEUR) 

LIBBAIRB  DB  LA  SOCIÉTÉ  DB  L*HISTOIRB  DB  FBAHCB 

BUB  BB  TOinUNMi,  R*  6 

M  DGCG  LXXVIII 


m'    •• 


\ 

Z4?é 


Anr.  14.  Le  Gonaeil  déiigne  les  oorrages  à  publier,  et  choisit 
les  pvsomies  les  plus  capables  d'en  préparer  et  d'en  suivre  la 
pohlîcatxm. 

n  nomiiie,  pour  chaque  ouvrage  à  publier,  un  Commissaire 
responsable  charge  d'en  surveiller  l'exiëcution. 

Le  nom  de  l'Éditeur  sera  placé  en  tSte  de  chaque  volume. 

Aucun  volume  ne  pourra  paraître  sous  le  nom  de  la  Société 
sans  l'autorisation  du  Conseil,  et  s'il  n'est  acccHnpagné  d'une  dé- 
daratîon  du  Commissaire  responsable,  portant  que  le  travail  lui 
a  paru  mériter  d'ttre  publié. 


Le  Commissaire  responsable  soussigné  déclare  que  le 
iome  Fil  de  l'Édition  des  CHmoNiQuas  db  J.  Feoissaat,  pré^ 
parée  par  M.  Siii<qn  Luci,  lui  a  paru  digne  d'être  publié 
par  la  Socinri  db  l*Hx8toirb  db  Fbâiicb. 


nu  à  Paris^  U  i^  mai  iS7S. 


Signé  L.  DSUSLE. 


Lre  Secrétaire  de  k  Société  de  rHîstoirc  de  France, 

J.  DBSNOYBRS. 


SOHSIAIRE. 


▼II  — a 


SOMMAIRE. 


CHAPITRE  Xa. 

nmis  DU  norci  db  oallbs  in  isrAGNB,  —  1367,  6  janvier. 

HAttSANCB   A.   BOIDSAUX    DU    PBINCI    MGHAKD,   OVFVIS    BICBÀID   II, 

^  Du  iO  au  29  janvier,  concehtbatioh  db  l'abm^b  anglaisb 

A  DAX;  ABBITtB  DU  DUC  DB  LAlfCASTBB  ;  OCCUPATIOB  DE  MIBANDA 
py  1»  FyBV7B^I#A-BBmA  ;  BBTBBVUB  OB  OOH  filIBB ,  PU  FBniCB 
as  OAIABI  BV  my  BOI   DB   KAYABBB,   A  9BVBBMHU9B.    -«»   Dm   \Â 

am  f 0  féwriwr.  fabsagb  du  rf%tBrta  bt  du  ntriL^  db  bobcb- 

▼AUX  FAB.  usa  TBOIS  COBFS  PB  LABlliB  ABGLAI&B.  —  13  mOTS^ 
ABUlVàVMNI  COamviB  BV  BOI  B«  BATABBB  BAB  «OVIBB  VB 
MkmPt,  —  BBDDITMnr  OB  «AtTATIBBBA  A  DOIT  FÈDBB  BT  ABBIT^B 
MB  AJiCUOB  DBVABT  TITOBIAt  pifAITB  PB  THOMAS  fBLTOV;  MOBT 
M  6«BLI.Ainil  VBLMMr.  «^  MOUVBMBIIT  BéimOOBADB  PB  l'aBH^B 
ASCLAISB;  PAMAOB  a  LAGUABDIA,  a  tlARA;  OCCT7PATION  DB  LO» 
GBOVO     BT    DB  HAYABBBTB.    i*'   avril.    LBTTBB    PU   PBIHCB    DB 

«OAift  A  POB  Bimmmu  «^  i  mmi,  bi^omb  bs  bos  bvbiqub 
ftàmH  A  BAiBBA  (S5  HeO  à  B7«). 

Lk  princesse  de  Galks  mat  «a  moïkk  à  Bordeaux  l'cniapt  cpii 
fbt  depuis  Rkhftrd  II  '.  Le  dimanche  suivant,  le  prince  de  Galles 

h  Vf^UmrX  ajoote  que  cet  enfant  na<]aît  le  joor  de  l'Apparition  des 
troU  Rois,  qui  toiaba  en  cette  année  sn  mercredi.  Cette  remarque  est 
perfaûeinent  exacte.  La  fête  de  l*Épiphanie  que  Ton  célèbre  le  6  jan- 
vier toml»»  en  1367,  un  mercredi.  Dant  le  quatrième  livre  de  ms 
CbrQaiqaee*  Froiasait  a  pris  soin  de  nous  dire  qu^il  était  à  Bordeaux 
a*  momem  de  la  naisience  de  Richard  II  :  a  A  saToir  est  que  j'esioie 
CD  k  cité  de  Rowdiaus,  et  seans  à  uble,  quant  U  rois  Richars  fu  nés, 
UqueU  vint  au  monde  par  un  meraedi,  sur  le  polat  de  dis  heures.  » 
Pe«  s*en  Mut  mioM  q«e  l'ialatîgahW  chrooiquear  m  prit  part  k 


iT  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAUT. 

part  le  matin  de  Bordeaux  ^  et  arrive  le  soir  à  Dax  ',  en  Gascogne, 
où  il  sëjoume  trois  jours,  attendant  que  son  frère  le  duc  de  Lan- 
castre  le  vienne  rejoindre.  Parti  de  basse  Normandie,  celui-ci 
débarque  à  Saint-Mathieu  ',  passe  à  Nantes,  traverse  le  Poitou  et 
la  Saintonge,  franchit  la  Gironde  à  Blaye  et  arrive  à  Bordeaux 
où  la  princesse  fait  ses  relevailles  en  Tabbaye  de  Saint-André. 
Après  une  courte  halte  dans  cette  ville,  le  duc  de  Lancastre  s'em- 
presse d'aller  rejoindre  son  firère  à  Dax.  Le  prince  de  Galles 
reçoit  aussi,  sur  ces  entrefaites,  la  visite  du  comte  de  Foix  qu'il 
charge  de  garder  sa  principauté  pendant  son  absence.  Inquiet  sur 
les  dispositions  de  Charles  le  Mauvais,  qui  passe  pour  avoir  conclu 
un  traité  d'alliance  avec  don  Enrique  de  Trastamare,  il  fait  occu- 
per par  Hugh  de  Calverly,  un  de  ses  lieutenants,  Miranda  ^  et 
Puente-la-Reina  *.  Le  roi  de  Navarre,  après  avoir  fait  présenter 

Texpédition  d'Espagne  ;  et  s'il  n'alla  pas  plus  loin  que  Dax,  c'est  qae 
le  prince  de  Galles  le  renvoya  en  Angleterre  auprès  de  la  reine  Phi- 
lippa,  à  la  personne  de  laquelle  Froissait  était  alors  attaché  en  qualité 
de  clerc  :  a  Car  tu  ne  l'avoie  (il  s'aeit  de  Richard  U)  depuis  qu*il  fu 
tentis  sur  les  fons  en  l'église  cathédrale  de  la  cité  de  Bourdiaus,  car 
pour  ces  jours  je  y  estoie.  Et  aroie  intention  d^aller  au  voyage  d'Es- 
paipne  aroec  le  prince  de  Galles  et  les  seigneurs  qui  au  voyage  furent  ; 
mais  quant  nous  fusmes  en  la  cité  de  Dax,  le  prince  me  renvoya  arrière 
en  Angleterre  devers  madame  sa  mère.  »  La  principale  source  où  a 
puisé  Froissart,  pour  cette  partie  de  ses  Chroniques,  est  la  chronique 
rîmée  du  héraut  Chandos  sur  les  faits  d'armes  du  prince  de  Galles, 
publiée  dans  ces  derniers  temps  par  M.  Coxe  pour  le  Roxburgh-Club. 
Life  of  Edward  the  black  prince,  in-4^  de  i-xn  et  1-399 'pages. 

1.  10  janvier  1367. 

2.  Dax,  Landes,  jésc  ou  Jx,  leçon  que  donnent  les  meilleurs  manu- 
scrits de  Froissart,  est  l'ancienne  et  bonne  forme  du  nom  de  cette  loc»- 
litë.  La  forme  actuelle,  qui  n'a  supplante  définitivement  la  forme 
primitive  qu'à  la  fin  du  dernier  siècle,  résulte  d'une  soudure  de  la 
préposition  De,  avec  élision  de  Ye  final,  et  de  j4x, 

3.  Nous  identifions  le  a  Saint  Mahieu  de  Fine  Poterne  »  de  Frois- 
sart avec  Saint-Mathieu-Fin-de-Terre  ou  Fineterre,  promontoire  et 
hameau  de  la  commune  de  Plougonvelin,  Finistère,  arr.  Brest,  c.  Saint 
Renan,  sur  l'Océan.  Dans  une  quittance  en  date  du  4  juillet  1374, 
Pierre  de  Earrimel  s'intitule  capitaine  de  «  Saint  Mahie  de  Fine  Po- 
terne ».  Bièl.  Nat.,  Tit.  se.  de  Clairambault,  vol.  62,  f»  4823. 

4.  Aujourd'hui  Miranda-de-Arga,  Espagne,  prov.  Navarre,  diocèse 
dePampelune,  sur  l'Arga.  Il  faut  bienfse  garder  de  confondre,  suivant 
un  exemple  récent  {OEuvres  de  Froissart,  xxv,  79),  Miranda-de- 
Arga,  ville  située,  comme  le  fait  remarquer  Froissart,  à  l'entrée  du 
royaume  de  Navarre,  du  côté  de  la  Gascogne,  avec  Miranda-de-Ebro, 
bourg  situé  sur  FÈbre  et  dans  le  diocèse  de  Burgos. 

t  5.  Aujourd'hui  Puente  la  Reina,  prov.  Navarre,  sur  l'Arga.  Cette 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  SS  !^60-576.  ▼ 

des  excuses  au  prince  à  Daz ,  par  rentremise  de  Martin  de  la 
Carra  S  vient  lui-même  à  Saint- Jean-Pied-de-Port*,  où  il  s'a* 
bouche  avec  le  duc  de  Lancastre  et  Jean  Ghandos,  et  là  il  mé- 
nage une  entrevue  qui  doit  avoir  Heu  à  Peyrehorade  *  entre  lui, 
don  Pèdre  et  le  prince  de  Galles.  P.  1  à  2S,  259  à  26i . 

Entrevue  de  don  Pèdre,  du  prince  de  Galles  et  du  roi  de  Na- 
varre, à  Peyrehorade*.  Charles  le  Mauvais  prend  l'engagement 
de  livref  passage  à  travers  son  royaume  à  l'armée  anglaise.  Le 
captai  de  Ruch,  les  seigneurs  d'Albret  et  de  Clisson  viennent  re- 
joindre à  Bax  '  le  prince  d'Aquitaine  et  de  Galles.  Rertrand  du 
Guesclin,  de  son  côté,  qui  se  tient  alors  auprès  du  duc  d'Anjou, 
traverse  à  marches  forcées  l'Aragon  et  revient  en  Espagne  offrir 
ses  services  à  don  Enrique  de  Trastamare  auquel  il  amène  un 
cùTj^  de  volcmtaires  français  et  bretons.  P.  5,  6,  261. 

petite  place  forte,  qui  fait  partie  da  diocèse  de  Pampelune,  est  à 
k  kD.  9.  O.  de  cène  rille.  La  chronique  rimëe  du  héraut  Ghandos 
mentionne  aussi  cette  occupation  de  Miranda  et  de  Puente  la  Reina 
par  Hogh  de  Calrerly,  qui  commandait  un  détachement  de  TaTant- 
garde  de  Tannée  anglaise  : 

En  ce  temps  et  oe  termeine, 
Mirande  et  le  Pont  la  Reine 
Ot  pris  Hugh  de  CaWerley, 
Dount  NaTaire  fuist  effraé. 

1.  Don  Martino  Henriquez  ou  Enriquez  de  la  Carra. 
i.  Bas0es-Pyrënëes,  arr.  Maulëon. 

3.  Landes,  arr.  Dax.      ^ 

4.  La  forme  de  ce  nom  de  lien,  dans  les  dÎTers  manuscrits  de 
Froissait,  est  Pierreferade  ou  Pierre ferrade.  Cette  forme  est  tout  à  fait 
▼ieieuse.  L'étymologie  vraie  de  Peyrehorade  est,  sans  aucun  doute,  le 
compose  latin  Petraforata^  en  français  Pierreforée,  Certains  noms  de 
lieu,  que  Ton  trouve  dans  d'autres  régions  de  la  France,  tels  que 
Pierrepercée  ou  Pierrepertuse ,  sont  les  équivalents  exacts  de  Peyre- 
horade. Dans  ce  dernier  mot,  le  changement  de  /*  latin  en  h  est  un  des 
caractères  distinctifs  de  l'espagnol,  et  notre  savant  confrère,  M.  A.  Lon- 

Snon,  nous  fait  remarquer  qu'on  le  retrouve  dans  beaucoup  de  noms 
e  lieu  da  pays  basque  :  La  Hitte,  équivalent  de  La  Fitte,  Horcade, 
érjnivalent  de  Forcade,  etc. 

5.  Si  le  prince  d'Aquitaine  resta  près  d'un  mois  à  Dax,  il  n'était 
pas  seulement  occupé  â  y  concentrer  ses  forces  ;  il  y  attendait  surtout 
de  l'argent  pour  entrer  en  campagne.  Par  acte  daté  d'Ax  (aujourd'hui 
Dax,  I^ndea)  le  29  janvier  1367  (n.  st.),  Edouard,  prince  d'Aquitaine 
et  de  Galles,  donna  procuration  à  Jean  des  Roches,  sénéchal  de  Bi- 

Soire,  pour  recevoir  en  son  lien  et  place  30  000  francs  sur  la  rançon 
n  roi  Jean  {Jreh.  Ntst,^  J642,  n*  V\  C'est  par  erreur  qu'Ax  a  été 
identifié  avec  Ax-aur*Anége  (Chron,  de  J,  Proiuarty  YI,  xcz).) 


ti  CHRONIQUES  DE  }.  FROlSSAAt. 

Eûtfe  Sftiftt-Jeati-ned-de-Pon  et  t^àmpelune  se  trouvent  de» 
dëfilës  tellement  étroits  et  inâceessibles  que  trente  hommes  en 
pourraient  fermer  le  passage  à  toute  une  armée.  L'armée  anglaise 
entreprend  ee  passage  à  la  mi-février  ^  et  pour  ^opérer  avec 
moins  de  difficulté,  se  divise  eu  trois  corps.  Le  premier  corps  ou 
avant-garde,  sous  les  ordres  du  duc  de  Lancastre,  opère  ce  pas- 
sage le  lundi  '.  Noms  des  principaux  chevaliers  qui  composent 
cette  avant-garde.  P.  7,  8,  261  et  f  Ô2. 

Le  mardi,  passage  du  deuxième  corps,  sous  les  ordres  du  prince 
dé  Galles,  de  don  Pèdre  et  du  roi  de  Navarre.  Noms  des  prin-* 
oipaux  chevaliers  qui  composent  ce  deukième  corps.  Qiarles  le 
Mauvais  flniène  le  prb<5e  de  Galles  et  don  Pèdre  en  &a  cité  de 
Fampelune,  tandis  que  leurs  hommes  Vont  camper  siir  les  hau- 
teurs qui  dominent  cette  ville.  P.  8,  9,  262  et  263. 

Le  mercredi,  passage  du  troisième  corps  où  figurent  James, 
roi  détrôné  de  Majorque ,  le  captai  de  fiuch ,  les  comte»  d'Âr<B 
magnac  et  de  Périgord,  les  seigneurs  de  Clisson,  d'Albret,  une 
foule  d'autres  seigneurs  anglo-gascons  et  les  princi))aus  chefs 
des  Compagnies.  Tous  ces  gens  d'armes,  au  nombre  d'enviroâ 
trente  mille  chevaux,  restent  campés  sur  le  «  comble  »  de  Pampe- 
lune  jusqu'au  dimanche  suivant^  et  mettent  au  pillage  le  pays 
des  environs,  au  grand  mécontentement  du  roi  de  Navarre. 
P.  9,  10,  263  et  264. 

Pendant  ce  temps,  don  Enrique  de  Trastamare,  qui  attend  de 
jour  en  jour  l'arrivée  de  Bertrand  du  Guesclin  à  la  tête  des  trou- 
pes auxiliaires  de  France,  appelle  sous  les  armes  tous  les  hommes 
valides  du  royaume  de  Gastille  pour  résister  à  ses  adversaires. 
Le  rendez- vous  général  est  à  Santo  Domingo  *  où  le  roi  de  GflS^ 
tille  parvient  à  rassembler  plus  de  soixante  mille  honunes,  tant  de 
pied  qu'à  cheval.  P.  10,  264. 

1.  En  1367,  la  mi-férrier  ou  le  l4  février  tomha  un  dimanche. 

2.  Sans  doute  le  lundi  15  fétrîer. 

3.  Dimanche  21  février  1367.  L^armée  anglaise  tout  entière  avait 
franchi  les  défilés  de  Roncevaux  à  la  date  du  20  février  1367,  comme 
cela  résulte  d*une  lettre  adressée  par  don  Pèdre  le  19  février  aux  ha<* 
hitants  de  Murcie.  Cascales,  Hijt.  Je  Mtireta,  116. 

4.  Aujourd'hui  Santo  Domingo  de  la  Calzada,  Espagne,  pror.  Lo- 
grono,  dioc.  Calahorra ,  sur  le  cliemin  qui  va  dé  PampelUne  a  Burgos 
en  passant  par  Logrono.  D'aprèi  Ajala,  beaucoup  mieux  informé  que 
Froissart  sur  ce  qui  se  passe  a  la  cour  de  ËUrgos,  Bertrand  du  Gues- 
clin se  trouvait  dès  lors  auprès  de  don  Ënrlque. 


soMMAUtt  81}  AeIiiIA  LfVMI,  Jg  Mo-S76.      tu 

Dott  EflflqM  envoie  en  If âVftité  titt  de  sél  héf fttttS  )>OftÉr  ifllè 

kfttre  «  de  déi  ftti  pHhdè  de  Q&lfe^.  Céttd^i  (todHê  lèttafè  de 
4ette  lettre  à  tes  prineltMiat  conseillers  qui  M  M6t  ptfs  d'aecoM 
sur  Ito  rëpotiée  qu'il  convient  de  fklfe  au  défi  du  roi  de  CàstiOe. 
P.  10  à  12,  264  et  265. 

PMdcDt  que  le  prîdce  M  fient  en  IH  ffiftrehe  de  Pâffipeinftè,  les 
Mm  Ftlton,  Tbooiii*  et  OuillâuBie,  et  Robert  Rlibile^,  à  U  tltê 
de  wBl  ftoltente  lauees  et  de  troiê  (seiits  âfeherft,  quittent  le  |foi 
de  l'ârai^,  (Nittittt  VÈbH  à  Logroflo  et  tdnt  M  poster  eil  tlfa  fU«< 
hge  ëppM  Ndyarretfi  *.  «^  Buf  eês  èfitrefâites)  lé  m  de  ffevum, 
4ief«tMhtBt  itir  les  frontières  de  \à  AaTarre  et  de  l'Ara^, 
m  ÏÊkm  faire  pfiMUitlîef  pal*  Olivlef  de  If duny  *,  et  l'on  sd^ 
poat  anàsii^  que  «'est  tine  ruse  eauêertëe  k  raranée  entre 

ce  prince  et  le  chevalier  breton  qui  Ta  arrête  :  en  demeurant 
iàplif  jnsqd'à  VlBêvm  de  là  tadipdgtiè^  Chartes  échappe  à  Tôbli-» 
|AtiM  dé  âè  Joihdfe  de  »a  per&btine  à  retpédittôti  du  tfïnté  Aé 
ualles  et  peut  attendre  les  ëvénemenis'i  Martin  de  la  Carraf 

1.  Cmê  letti%  H'èlt,  fcàttP  la  Hfté,  jNié  lA  reprdddctlôil  du  texte 
Aànhé  p9f  le  hëHbi  CliAndoA  ;  ffiftis  fii  Qiihddi  hl  Froissart  h'onf  fait 
mèndoil  d*dUe  reptmié  de  dott  finHqùë  de  Ti^itamàre  i  une  lettre  du 
pHncè  de  Galiéi,  fépohsé  ÛAiêé  dii  éàtnp  Aé  iVaierà  le  i  àrrll  liél  éi 
dont  on  trouTe  le  teitte  Ûàûs  Ryifièf  [ifoedéf^a^  %ol.  ttt,  U.  &â%1  et  dani 
Ajrâla  (/éhn^iâda  ^  p.  535  et  556).  Cette  téponië  é(A  ufi  doeament 
d'nne  importance  capitale  èû  té  ^iJi*il  Hoili  ifiobtfè  côdibleft  ce  qilé 
]l6dé  Appéidfii  Aujourd'hui  le  pAhcïpë  de  la  légltlniiti^  est  reit^  étran- 
ger à  rEspagiie  du  iboyen  fige. 

2.  Thomas  était  léitidéhal  d^AquitAlUé  et  GuiliAttiiië  à^tiéchal  dé 
PtHtati. 

3.  Côikfiie  rATifiéè  àhàhiêe  i*àtan(att  alôrfc  ¥eH  Ëurgos  par  1a  rotiie 
d«  YitoHA,  lé  NaVarreté  dotit  il  à^agit  ici  ne  peUt  être  ^de  lé  ttaVai¥ete 
aitué  en  AlaTa  et  Au  diocéfte  de  Calahoff A  (  fasali  f foistart  à  crii  par 
éHtaf  qu^il  était  question  du  Ifa^Aitete  dé  la  province  de  Logroi^o. 
Mr  lA  Nté  ârdjié  de  TÈbré ,  plui  iiliportant  e<  ()lds  connu  que  cetiU 
dé  rAlarA.  Voilà  pourquoi  dotrè  ébfbniqyeur  fait  passer  ibi  pr^mata- 
rénieiit  l^Èbi^ë  à  U  jtetite  it'odpè  d*^ctaii-eui'è  cbmftiAlid^e  (lAr  thomal 
Felton. 

4.  Dêi  1366,  fiérirâud  du  Ctiééctift,  A  qui  le  fbl  A^kHgàD  ^ëhaît  de 
ddmief  le  fiolUié  de  Bo^ja,  Avdit  iiomm^  son  éousbi  Olitier  de  Maun^, 
TUn  dé  êèi  plus  anolèdd  èoU)pa£honft  d^armei,  éapitàlue  Ae  \à  forteresse 
Aé  Borià,  éhêf-fleu  dd  énmté  de  ce  nom.  Èof^a  (aujourd'hui  Espagne, 

St&f.  Zaf<agozA,  dloé.  TaraidUa)  ^disait  autrefëis  partie  du  royaume 
'Ahtgdn,  et  ée  tfourè  liresdde  4  la  limité  de  ce  pajrb,  dé  la  if^avArre 
et  dé  JA  Galtille  Vieille,  à  20  kil.  au  S.  Ë.  de  tudela. 

i.  Cette  AirèstAtlbn  Concertée  eut  liéU  le  IJ  lAaré  Izél  {Grandes 
Ckrtmifues^  VI,  2tô,  2%6).  S*il  faut  en  cioire  Ayala  (dans  Cromcas  de 


Tin  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

lieutenant  général  de  Navarre  pendant  la  captivité  du  roi  son 
maître,  fournit  des  guides  au  prince  et  à  ses  gens  pour  traverser 
les  défilés  des  montagnes  ^.  L'armée  anglaise  s'avance  par  le  cèl 
d'Arruis  ^,  traverse  le  Guipuxcoa  '  et  arrive  à  Salvatierra  *•  P.  iS 
à  15,  265  à  267. 

Salvatierra  n'impose  aucune  résistance  et  ouvre  ses  portes  à 
don  Pèdre*.  Pendant  ce  temps,  Thomas  Felton  et  ses  éclaireurs, 
qui  se  sont  rendus  maîtres  de  Navarrete,  vont  un  jour  réveiller 
don  Enrique  jusque  dans  son  camp  et  renseignent  le  prince, 
établi  à  Salvatierra,  sur  la  situation  et  les  forces  de  son  adver- 
saire. —  Don  Enrique,  de  son  côté,  passe  la  rivière  qui  coule  à 
Najera  *,  et  s'avance  dans  la  direction  de  Yitoria  à  la  rencontre 
des  Anglais.  Aussitôt  qu'il  est  informé  de  ce  mouvement,  le  prince 

los  Rêfu  de  CttstUia,  Madrid,  1875,  I,  550),  Charles  le  lUanvais  avait 
acheté  la  complaisance  de  son  geôlier  en  loi  promettant  une  rente  de 
3000  francs  et  la  YÎlle  de  Gavraj  en  Normandie  :  a  ë  que  el  Rey  de 
Nararra  daria  por  heredad  al  dicho  Mosen  Oliver  on  castillo  ë  rilla 
que  el  Rey  de  Navarra  aria  en  tierra  de  Normandia  en  Francia,  que 
oicen  Gabraj,  con  très  mil  francos  de  oro  de  renta.  s  «  Gabray  »  où 
M.  Mërimée  a  vu  Guibray  {But,  de  don  Pèdre  I^,  Paris,  1874,  p.  453) 
est  ëridemment  une  mauraise  leçon  pour  Gayray  (Manche,  arr.  Cou- 
tances).  Le  château  de  Gavray  appartenait  en  enet  au  roi  de  NaTaire, 
qui  n*eut  jamais,  en  reranche,  Guibray  en  sa  possession. 

1.  Martin  Enriquez  de  la  Carra  alla  rejoindre,  a  la  tête  de  trois 
cents  lances,  l'armée  anglaise  près  de  Pampelune. 

2.  Petit  rillage  d'F<spagne,  prov.  Nararre,  dioc.  Pampelune,  sur  U 
rire  droite  du  ruisseau  Lecuinhegui,  près  de  Larracin.  lie  pas  d*Ar- 
ruiz  est  derenu  dans  Froissart  le  pas  ae  a  Sarris  j. 

3.  La  prorince  de  Guipuzcoa  {VEptuke  de  Froissart)  est  au  nord- 
ouest  de  fa  Nararre,  entre  cette  dernière  prorince  et  la  Biscaye. 

4.  Espagne,  proT.  Ala^a,  dioc.  Calahorra,  sur  la  route  de  Pampe- 
lune à  Vitoria,  a  16  kil.  à  l'est  de  cette  dernière  rille. 

5.  Cette  reddition  de  Salvatierra  à  don  Pèdre  est  confirmée  par 
Ayala  :  a  ....  la  rilla  de  Salvatierra,  que  es  en  aquella  comarca,  se 
diera  al  Rey  Don  Pedro  é  le  acoriera.  »  Le  22  juin  1382,  le  chroni- 
queur espagnol  que  nous  venons  de  citer,  don  Pedro  Lopez  de  Ayala, 
tut  fait  comte  de  Salvatierra  par  don  Juan  l^',  roi  de  Castille. 

6.  Najera,  Espajrne,  prov.  Logrofio,  dioc.  Calahorra,  sur  le  cours 
d'eau  Najerilla,  affluent  de  la  rive  droite  de  TÈhre.  D'après  Ayala,  les 
positions  qui  fîirent  successivement  occupées  par  don  Fnrique  sont  les 
suivantes  :  Santo  Domingo  de  la  Calzada,  Baîkaresj  sur  la  rive  droite 
de  l'Èbre  ;  sur  la  rive  gauche,  Anastro  près  de  Trevino,  enfin  Zaldia- 
ran ,  château  royal  juché  sur  l'une  des  plus  hautes  sUrrës  de  l'Alava. 
Ce  fut  la  force  de  cette  dernière  position  qui  décida  le  prince  de 
Galles,  arrivé  jusqu^à  Vitoiia ,  à  marcher  sur  Bni^goi  par  un  antre 
chemin. 


SOMMAIRE  BU  PREMIER  UVRE,  $$  560-876.        xx 

de  GaDes  vieot  à  son  tour  rejoindre  devant  Vitoria  Thomas  Fel- 
ton  et  ses  ëclaireurs.  P.  45  à  18,  267  à  269. 

Les  chefs  de  l'année  anglaise,  le  p  rince,  le  dac  de  Lancastre, 
Jean  Ghandos,  connétable  d'Aquitaine,  qui  se  croient  à  la  veille 
d'une  grande  bataille,  font  trois  cents  chevaliers  nouveaux,  et 
dans  le  nombre,  don  Pèdre,  le  roi  détrôné  de  Castille,  et  Thomas 
HoUand,  le  fils  d'un  premier  lit  de  la  princesse  d'Aquitaine  et  de 
Galles.  — Les  deux  armées  restent  immobiles  en  présence  l'une  de 
l'autre.  P.  18,  19,  269  et  270. 

Thomas  Felton  fait  une  reconnaissance,  à  la  tête  de  deux  cents 
hommes  d'armes,  bien  deux  lieues  en  avant  des  lignes  anglaises. 
—  Au  moment  où  Bertrand  du  Guesclin  amène  à  don  Enrique 
un  renfort  de  trois  mille  combattants  de  France  et  d'Aragon  S 
don  Tello  et  don  Sanche  ^,  frères  du  roi  de  Castille,  partent  avec 
un  corps  de  six  mille  chevaux  pour  aller  réveiller  les  Anglais. 
P.  19  à  21,  270  et  271. 

Us  dispersent  une  bande  de  fourrageurs  de  la  compagnie  de 
Hugh  de  Calverly  et  vont  jeter  l'alarme  jusqu'au  quartier  du  duc 
de  Lancastre  qui  commande  l'avant-garde  de  l'armée  anglaise. 
Au  retour,  ils  rencontrent  les  deux  cents  hommes  d'armes  qui 
sont  allés  en  reconnaissance  sous  les  ordres  de  Thomas  Felton. 
Ceux-ci  descendent  aussitôt  de  cheval,  se  retranchent  sur  un 
tertre  et  attendent  de  pied  ferme  les  Espagnols  '.  Seul,  Guillaume 
Felton,  frère  de  Thomas,  ne  veut  point  quitter  son  cheval  et  se 
précipite,  la  lance  baissée,  au  plus  épais  des  rangs  ennemis  où  il 
trouve  la  mort  *•  Cest  seulement  vers  le  soir  que  les  Castillans 

1.  D'après  la  ohronîqae  d'Ajala,  ce  renfort  était,  comme  nons 
TaTons  dit  plus  haut,  arriré  depuis  longtemps. 

2.  Ajala,  qui  omet  don  Sanche  parmi  ceux  qui  prirent  part  à  cette 
escarmouche,  mentionne  en  rerancne,  parmi  les  Français,  Amoul,  sire 
d'Audrehem ,  maréchal  de  France,  et  le  Bègue  de  Villaines  ;  parmi  les 
Aragonais,  don  Alfonso,  comte  de  Dénia,  fils  de  Tinfant  don  Pedro 
d'Aragon  ;  enfin,  parmi  les  Castillans,  Pero  Gonzalez  de  Mendoza,  don 
Pero  Hoikiz,  maître  de  CalatraTa,  don  Juan  Ramirez  de  Arellano,  et 
les  deux  grands  maitres  de  Santiago,  en  Castille  et  en  Léon,  don  Pero 
Ruiz  de  Sandoral  et  don  Ferrand  Osores. 

3.  Avala  dit  que  cet  engagement  eut  lieu  à  Arifiiz  :  a  ceroa  de  una 
aldea  de  Alara  que  dicen  Ariiiiz.  »  Arifiez  (proT.  Alara,  dioc.  Cala- 
horra)  est  aujourd'hui  un  petit  rillage  situé  dans  la  banlieue  de  Vitoria, 
•nr  la  route  qui  Ta  de  cette  rille  à  Burgos  et  à  Madrid. 

4.  La  résistance  héroïque  des  Anglais  et  la  braToure  téméraire  de 
Guillaume  Felton  lîapp^ent  tellement  les  imaginations  que  le  souTe- 


X  GHAONiQtn»  DE  i.  rkomjMt. 

pànriéiowtil  à  entflfdef  eetto  pd{gflë«  d'Anglâifl  qtt  Sôfit  tOtiS  fUéê 
ou  faits  prisonniers.  P.  Il  i  S6,  fe7i  à  174. 

Don  Telld  et  don  Sanche  amènent  leof s  priftoâûiëfs  i  dod  Ein- 
rîque.  Lé  lt>i  de  Castilie,  etl  préiebcè  de  Bertf  Afid  An  OUèsclifi 
et  d'Amoul,  sire  d'Audrehem ,  fëlieite  ses  deuit  îtèreS  âû  sûcthi 
qu'ils  viennetit  de  remporter.  Dialogue  entre  le  sire  â'Audrehetd 
ef  don  Efirîque  i  le  sire  d'Audrehetu  conseille  ati  rot  de  Gastillë 
d6  fie  pa«  livrer  de  bataille  rati|;ëe,  tiiaià  dé  garder  lei  pasSàg^i 
des  montagnes  et  d'affamer  l'enneifli  *•  Dotl  Ënri<(ue  rëpdnd  dU'il 
disposé  de  Sept  mille  hommes  d'armer,  de  dit  mille  géttëtaires 
et  de  Boitante  mille  fatiUftsins  S  «t  qu'avec  ût  telltfft  forcée  il  e§f 
bien  décidé  à  tenter  la  fbrtiin«  des  artte».  P.  fe9  à  27, 17%  et  i79. 


nir  t^en  est  oonserrë  dans  TAlava  jusqu*a  nos  jours.  On  montre  encore 
aujourd'hui  prés  d^Ariâez  le  tertfe  ou  Guillaume  Felton  tomba  crible 
de  coups  après  avoir  combattu  tout  un  jour.  On  l'appelle,  âani  lé  pa-^ 
Idis  du  pajsi  Ingiesmendis  la  butte  deë  Anglais i  Ajralaf  €roniett  del  kej 
Don  Pedro  dans  Cronicasd^  hs  Rfjes  de  Castilla,  Madrid,  1876,  gr.  iB-8*^ 
p.  554,  col.  1,  note  2. 

1.  Le  roi  de  France  se  ti^btiVâlt  dlors  lié  par  le  traite  de  firétlgny, 
mais  tontes  ses  sjrmpathièt  n*en  étaient  pas  moins  pouf  don  BflHqttej 
Charles  V  adressa  même  un  messa^^e  spécial  au  roi  de  Castilie  pour  lui 
donner  le  conseil  rapporté  par  Froissart,  conseil  qui  fut  fortement 
appuyé  par  le  sire  d^Audréhem  et  Bertrand  du  Guesclin  :  a  EsCando  el 
Rej  Don  Eririqbe  en  el  encitiar  de  Bafiares,  do  ténia  été  Cdnipaftafl 
ajuntadasi  ovo  cartas  mensageras  del  Rejr  Don  Carlos  de  Franciai  por 
las  quales  le  enviô  rogar  é  oonsejar  que  non  pelease ,  é  que  escusase 
aquella  batalla,  cà  él  le  facia  cierto  que  con  el  t^rincipe  de  Gales  venia 
la  flor  de  la  Cabaileria  dèl  mubdô  :  é  por  endé  que  desmanasë  aquellà 
pelea,  é  ficiese  su  guerra  en  otra  gulsa  ;  ca  el  Principe  é  aquellas  Com- 
paras non  podrian  durar  mucho  en  Castilla  é  que  se  tornarian.  Sobre 
e^to  Mosen  BeltTau  de  Claquin  é  él  Mâriscdl  de  AUderiehan,  que  esta- 
ban  con  el  Rey  Don  EnHque  ê  eràn  CdbâlIefO»  YamIIos  del  RëJr  dé 
Fraticia,  fablttron  con  el  Rey  bon  Enrlqùe  de  parte  del  Rey  de  F'rartcia 
todas  estd«  ratone»  que  le  ètiviaba  dëcir,  é  ffiandaba  ê  elldè  qtie  ftiblàs 
•en  côn  él  por  tal  mànera  que  la  batàllà  faon  Aë  fitiiese,  tia  el  Rey  de 
Francia  é  todo  ftU  Coiisejb  eran  en  esto.  t  Ayala,  Ctonieà  del  Âëf  Dbh 
Pedro,  1367,  cap.  tî,  p.  553.— Ayâla  âjaùie  que  dbii  Enriqfae  rejeta  ce 
eonfteil  èfi  disant  que,  s^il  le  suivait,  le»  proTTÎnceè  <iêdë^  à  rintaéioiî  6é 
déclareraient  aussitôt  pour  doii  Pèdre  et  que,  d*allletiri,  Fhctafieur  Idl 
défendait  d'abandonner  à  la  tengeanCe  de  MH  enneifai  del  bitë»,  deé 
filles  et  des  hommes  mû  s'étaient  déVdUéft  à  M  éati^e. 

2.  Le  héraut  Gbanddl,  dans  sa  thi-t^nique  rimée,  évaldè  lêil  fôrëél 
de  don  fifarïqUe  à  dOÔO  hbdmies  â'àtthéê  k  cheial,  6000  àrbalétriertf, 
montés  ou  non  ttôntéft,  et  50060  hdtâftsiiis.  A^ala  tf6mpte4900  lanéei 
Mhlèmenf  dàni  l'àfinéè  (JàsailâHé;  D*aptès  lé  tiioiflé  de  Séridt-AIban,  le 
rlVal  de  don  Pèdre  ii'atalt  pàà  soiiâ  se^  ôrdrèl  moins  de  idlxante  ttiiUe 


SOBOIAllUi  bO  If^AEMlBA  tlVRB,  SS  ^60-576.        tt 

L'ârméê  anglttlse,  campée  depuis  sit  jours  detant  Yitorlâ,  eùm^ 
mence  à  manquer  de  vivres  et  à  souffrir  de  la  fbfniue.  Le  prince 
de  Galles  rentre  en  Navarre  *,  franchit  le  pas  ou  col  de  Laguar- 
dia*,  s'arrête  deut  Jours  à  Viana*,  traverse  sur  le  pont  de  Lo** 
grofio  la  rivière  qui  sëpare  la  Navarre  de  la  Castille  *,  et  s'ëubilt 
sur  la  rive  droite  de  cette  rivière,  sous  les  murs  mêmes  dé  Lo« 
gfofio  *,  an  milieu  d'une  campagne  plantée  d'oliviers.  «^  A  cette 
nouvelle,  don  Enrique  quitte  San  Vicente*  et  vient  camper  de-» 
vant  Najera.<»Fra()pé  du  courage  et  de  l'esprit  de  résolution  dé 
son  adversaire,  le  prince  de  Galles  se  décide,  avant  d*en  venir 
aux  mains,  à  adresser  une  lettre  à  don  Enrique.  P.  t7  à  29,  17S 
et  276. 

Par  cette  lettre,  datée  de  Logrofio  le  80  mars  [1307],  le  prince 
fait  savoir  au  comte  de  Trasumare ,  en  réponse  au  message  qu'il 
en  a  reçu,  qu'il  entre  à  main  armée  en  Castille  pour  rétablir  te 
roî  légitime,  don  Pèdre,  allié  du  roi  d'Angleterre  son  père.  Il 
lyottte  quei  si  le  comte  veut  se  désister  de  ses  prétentions  sur  la 
couronne  de  Ciastille,  il  se  fait  fort  d'obtenir  pour  lui  de  don 


eombattantf  ;  «  Erat  antem  Dumems  comitiTae  circiter  Mxagînta  millîa 
beUatorom.  »  Chronieon  >^fi^//jr  (1328-1388),  edited  b^  Edward  Atauude 
Thompson,  1874|  p.  58.  —  Nous  crojons  que  Ja  rente  ou  du  moins  la 
Tralsemblance  est  entre  réraluation  exagérée  des  chroniqueurs  anglais 
et  de  FroisMrt  et  TéTaloation  trop  faible  d'A^ala. 

1.  Le  prince  de  Galles,  arrivé  a  Pampelune,  avait  d*abord  marché 
sur  Burgos  par  la  route  la  plus  courte,  c'est-à-dire  par  Vitorta  ;  mais 
trouvant  les  défilés  de  TAlava  bien  gardes  par  don  Enrique ,  il  prit  le 
narti  de  se  diriger  vers  la  capitale  de  la  Vieille  Castille  en  passant  par 
Logro&o. 

3.  Espagne^  prov.  Alava,  dioc.  Calahorra,  bourg  situé  à  environ 
4  kil.  de  l'Èbre,  sur  la  rive  gauche  de  ce  fleuve. 

3.  Espagne,  prov.  Navarra ,  dioc.  Calahorra,  petite  ville  située 
comme  Laguardia  sur  la  rive  gauche  et  a  peu  de  distance  de  TÈbre, 
au  nord  de  Logrofio. 

4.  Cette  rivière^  ou  plutôt  ce  fleuve^  est  l'Èbre  que  Froissart  appelle 
«  TEmer  ». 

3.  La  ville  forte  de  Logroûo,  située  sur  la  rive  droite  de  TÈbre  et 
réunie  dès  le  moyen  âge  par  un  pont  à  la  rive  gauche  de  ce  fleuve, 
aujourd'hui  capitale  de  la  province  du  même  nom,  était  restée  fidèle 
à  don  Pèdre.  Cascales  [Hist.  de  Mureia,  116  v»)  a  publié  une  lettre 
de  don  Pèdre  datée  de  LogroHo,  primero  de  abril  era  de  1405  (l*'  avril 
1367). 

6.  Espagne,  prov.  Logrofio,  village  situé  sur  TÈbre,  un  peu  à  Test 
de  Haro  et  à  Touest  de  Loarono,  non  loin  du  confluent  de  TÈbre  et  de 
rOjcrilk. 


zxi  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

Pèdre  la  plus  grande  situation  et  qu'au  reste  il  entrera  en  Gasdlle 
par  où  il  lui  conviendra  le  mieux  ^.  P.  29,  276  et  277. 

Un  hëraut  du  prince  de  Galles  apporte  le  message  à  Najera  où 
don  Enrique  est  campe  au  milieu  des  bruyères.  À  la  lecture  de 
cette  lettre,  Bertrand  du  Guesclin  conseille  au  roi  de  Gasdlle  de 
prendre  sans  retard  toutes  ses  mesures  en  vue  d'une  bataille  dé- 
sormais imminente.  Don  Enrique  répond  qu'il  ne  désire  rien  tant 
que  d'en  venir  aux  mains  et  fait  de  nouveau  l'énumération  des 
forces  dont  il  peut  disposer.  P.  29,  30,  277  et  278. 

Le  vendredi  ^  2  avril ,  à  Taube  du  jour,  le  prince  de  Galles 
quitte  Logrono  et  s'arrête  entre  neuf  et  dix  heures  du  matin  *  à 
Navarrete*  qui  n'est  qu'à  deux  lieues  de  Logrono.  Arrivé  là,  il 
envoie  des  éclaireurs  reconnaître  la  position  de  l'ennemi  et  donne 
l'ordre  de  se  préparer  à  la  bataille  pour  le  lendanain.  P.  30,  31, 
278  et  279. 


1.  La  lettre  rapportée  par  Froissart  se  retroaye,  sauf  la  mesure  et 
la  rime,  dans  la  chronique  rimée  du  héraut  Chandos.  Elle  diffère 
essentiellement,  et  pour  le  fond  et  pour  la  forme,  de  la  lettre  authen- 
tique datée  de  Navarrete  en  Castille  le  1*'  avril  1367  et  adressée  par  le 
prince  de  Galles  à  don  Enrique,  comte  de  Trastamare,  lettre  dont 
Rjmer  a  publié  le  texte  en  castillan  et  en  latin  [Foedtra^  édit.  de  1830, 
Tol.  in,  pars  II,  p.  823  et  824).  La  réponse  de  don  Enrique,  qui  s^in- 
titule  roi  de  Castiile  et  de  Léon,  est  datée  de  Najera  le  2  avril,  et  nous 
l'avons  aussi  sous  sa  double  forme,  en  castillan  et  en  latin.  lh\d,^ 
p.  824  et  825.  Cf.  AjaJa,  Croniea  del  Rey  Don  Pedro,  1367,  cap.  xi, 
p.  555  et  556. 

2.  Cette  indication  du  jour  de  la  semaine  est  parfaitement  exacte. 
En  1367,  le  2  avril  est  tombé  un  vendredi. 

3.  Froissart  s'est  servi  de  cette  expression  :  a  à  heure  de  tierce.  » 
Tierce,  en  comptant  à  la  manière  romaine,  c'est  la  troisième  heure  du 
jour  ou  neuf  heures  du  matin.  Froissart  a  précisé  lui-même  le  sens  de 
tierce  dans  deux  passages  où  il  a  raconté  la  naissance  de  Richard  II  : 
a  Et  vint  cilz  entes  sus  terre,  environ  heure  de  tierce.  r>  Et  ailleurs  : 
a  . . . .  liquels  (Richard  II}  vint  au  monde  par  un  mercredi,  sur  le  point 
de  dix  heures.  » 

4.  Navarrete  est  en  effet  à  11  kil.  au  sud-est  de  Logrofio,  sur  un 
affluent  de  la  rive  droite  de  TÈbre.  Ce  Navarrete  est  parfois  appelé 
Navarrete  de  Rioja ,  pour  le  distinguer  du  Navarrete  de  TAlava  aont 
il  a  été  question  plus  haut. 


SOMMAIRE  DU  PREBUKR  UYRB,  $$  577-594.      xui 


CHAPITRE  XCn. 

uffTAinunoir  db  doh  ptoui.—- 1367,  3  atril.  batâills  os  vaiha; 
BUTiAiro  DU  GiTBScLnr  KT  u  wAifeiiAT.  d'audbxhbm  nusoHmBis 
DBS  AHGLAis.  — Fin  doiml  et  mai,  wnt  vèdbb  bt  lb  vbihcb  db 

GALLES  A  BDmGOS,— Ifoi.  ABBIT^B  DB  DOH  BHBIQUB  BB  LANGUBOOG. 
—  Juin,  SÀOUB  DU  FBIirCB  DB  GALLBS  A  TALLADOUO  BT  D^ABT 
DB  DON  VÈDBB  POUB  8ÉVILLB;  DISSBRTIIIBErTB  BUTBB  LB  niHCS  BT 
LB   BOI  DB   CASTILLB.   i3  OOÛt,  TBAIT^  d'alUARCB  DB  DOIT  BIT- 

BiQUB  ATBC  1M  DUC  d' ANJOU. — jioât  et  Septembre»  bbtoub  du 

PBIKCS    DB    GALLES    BT    DB    l'aBH^B    ANGLAISE    BIT    GUTEMin.    *- 

27  décembre,  mise  en  libebt^  de  bbbtband  du  gubsclin.  — 
4368,  du  4  mars  au  22  mai,  siAgb  et  vbisb  db  tabasgon  vab 

DU  gubsclin  BT  LB  DUC  d' ANJOU;  BAVAGBS  DBS  COMPAGNIES  AN- 
GLAISES EN  BOUBOOGNÊ,  EN  CHAMPAGNE,  DANS  l'auZBBBOIS,  LA  SO- 
LOGEE,   LA  BKAUCB    BT   LB    GÂTINAIS.    —   4  mai,  MABIAOB  DU  8IBB 

d'albbbt  avec  mabgubbitb  de  boubbon.  —  Fin  de  mai,  ABBTviB 

DE  JEAN    CHAND08   EN   BASSE   NORMANDIE  (§5  577  à  594). 

Ce  Tendredi,  sur  le  soir,  don  Enrique  et  Bertrand  do  Guesclin 
se  préparent,  de  leur  côte,  à  marcher  contre  les  Anglais.  Après 
minuit,  les  trompettes  sonnent  le  réveil  et,  vers  l'aube  du  jour,  les 
gens  d'armes  entrent  en  ligne.  On  forme  trois  batailles  ou  divi* 
sions  :  la  première,  composée  de  quatre  mille  cbevaliers  et  écuyers 
de  France  ou  d'autres  pays  étrangers,  sous  les  ordres  de  Ber- 
trand du  Guesclin;  la  seconde,  un  peu  en  arrière  et  à  gaucbe  de 
la  première,  où  Ton  compte  seize  mille  hommes  et  dans  ce  nonn 
bre  beaucoup  de  génétaires,  sous  la  direction  de  don  Tello  et  de 
don  Sanche,  frères  de  don  Enrique;  la  troisième  enfin,  dont 
l'effectif  est  évalué  à  sept  mille  cavaliers  et  à  quarante  mille  fan- 
tassins*, sous  le  commandement  de  don  Enrique  lui-même.  Celui- 


1.  Froissait,  comme  on  le  voit,  donne  à  don  Enriqae  vingt-sept 
mille  chevaux  et  quarante  mille  hommes  de  pied.  Ces  chifi&Nes  sont 
évidemment  très-exagérés.  Ayala,  témoin  oculaire,  ne  compte  dans 
Parmëe  castillane  qae  quatre  mille  cina  cents  lances  et  ne  dit  pas  le 
nombre  précis  des  j^ënétaires  ni  de  rinlanterie  :  «  Asi  qae  ténia  el  Rey 
Don  Rnriqne,  el  dia  desta  batalla,  en  sa  compaAa  de  los  que  iban  de 


XIV  GHAONIQUn  BB  J.  VaOISSART. 

ci,  monte  selon  l'usage  du  pays  sur  une  forte  mule  et  d'allure 
rapide,  parcourt  les  lignes,  exhortant  ses  gens  à  bien  faire  et 
promettant  de  leur  donoer  Texefpple.  Enyiron  soleil  levant,  les 
Espagnols  ainsi  rangés  s'avancent  dans  la  direction  de  Navarrete. 

l^  Angl^  9e  9WX  fl<i^  r^gés  ^n  bataille  et  mis  ep  o^ouye* 
q)^nt  4^s  le  poÎQt  du  jour  S  Leç  deux  armées  marchent  aio$i  l'une 
contre  l'autre.  Tout  à  coup»  à  la  descente  d'une  petite  montagne, 
l^  prince  de  Q^Ues  et  ses  gens  se  trouvent  en  présence  du  gros 
des  force3  de  don  Enriquet  Aussitôt  pu  fait  halte  des  deux  côtés 
et  Yw  s'apprête  k  en  venir  avo,  mains.  Av^int  que  l'action  soit 
engagée»  Jean  Chandos  se  fait  autoriser  par  le  prince  de  Galles, 
avecU  cérémonial  d'usage,  à  lever  b^mnière*.  P.  33  à  3S^  281 
a  283, 

liCS  Anglo^ïascons  mettent  pied  à  terre'.  14^  prince  de  G«il)es, 
les  mains  jointes  et  les  yeux  levés  ver^  le  ciel,  prie  Dieu  dq  lui 
donner  la  victoire  et  le  prend  4  témoin  de  la  justice  de  sa  cause. 
hb  premier  choc  a  Ueu  entre  l'avant^garde  anglaise  «  que  cqn- 
duisent  Jean  Ghandos  et  le  duc  de  Lancastre  *,  et  ravw»trgarde 
de  Tarmée  de  don  Enrique,  camw^ndée  par  Sertr^nd  du  QueiK^lin 
et  le  maréchal  d'Audrehem.  P.  35,  36,  283  et  284. 

hsi  prinee  4e  Galles,  à  U  tête  de  sa  division,  vi^t  attaquer  la 

eaMla  é  dt  pie  quatni  mil  é  qviaîeBtai  à%  oahallo  ;  é  ott^  ténia  el 

RejF  P«[|  Ewiotte,  de  la»  mfmta|i%9,  é  de  Quipmieo»  4  Yiveaya  4  Aanm- 
rias,  mwchof  £«cudero«  de  pie  ;  pero  aprovecharon  muv  poco  en  esta 
batalla,  ca  toda  la  pelea  fué  en  los  omes  de  armas.  »  àronka  del  Rey 
Don  Pedro  primero  dans  Cromkas  dé  lo$  Reyéê  de  CtutUlm,  Madrid,  1S7S^ 
I,  55J. 

1.  a  E  el  Rey  Don  Pedro  é  el  Principe  é  todaa  sus  CompaS&as  par-* 
tieron  de  l^avarrete  sabado  (samedi  3  ayrîl)  por  la  maûana.  »  Ayala, 
I,  556. 

d.  Jean  Chasdct  avait  la  grande  situation  terrienne  d'vB  ebcvalîar 
banneivl  au  moins  depuis  qu'Edouard  Kl  lui  ayait  donné  en  1360  le 
magnifique  domaine  aie  Saint-Sauveur-le- Vicomte  ;  mais,  cettç  dona- 
tion ayant  eu  lien  peu  de  temps  après  la  conclusion  du  traité  de  Br^ 
tigny,  le  nouveau  yicomte  de  Saint-Sauveur  n'avait  pas  encore  eu 
Toccasion  de  lever,  en  d*autres  termes,  de  déployer  sur  un  champ  de 
bataille  sa  bannière. 

3.  «  Todos  vinieron  à  pie  •,  dit  aussi  Ayala  (I,  552),  en  parlant  des 
Anglais.' 

k.  Ayala  ajoute  à  ces  noms  ceux  de  Raoul  Camois»  de  Hagli  de 
GaHerly,  d*OKvier  de  Clisson ,  et  dit  que  PefPselif  de  ravunt-^afde 
anglaite  sMlerait  à  trois  miHe  hommes  d^amet  (I,  553;  1B67,  eap.  ▼). 


SOMMAlfiB  OD  FHEMm  UVlf ,  SS  «77-594.        xv 

Im^iîIIé  oq  divîtiûii  éê  dm  Ttllo  et  de  dttB  Sanehe  ;  mais  doi| 
Tello  lâche  pied  sans  coup  fërir  et ,  suivi  de  deux  ou  trois  mille 
fsyevds*  e'éloigne  du  ohamp  de  batailla  ^  Vainqueore  de  ee  efttë, 
le  pripce  ^t  don  Mdra  toumeal  alors  toutes  leurs  foroee  oontre 
les  quarante  mille  hpmmea  de  la  diyisioii  de  don  Snrique.  Les 
ffOMleiifi  eapagBola  et  Gatalana,  dont  les  pierres  ont  d'abord 
bris4  les  beauaes  et  les  bassinets  des  homipes  d'armes  ennemis, 
ne  peuvent  soutenir  longtemps  la  grêle  de  traits  des  arehers  an^ 
fiais.  Pendant  oe  temps,  les  eheTaliers  de  Franee  et  d'Aragon, 
sooa  les  ordres  de  Bertrand  du  Guesclin,  fopt  éprouver  de  grandes 
pertes  à  la  division  de  Jean  Gbandos  et  du  due  de  Laneastre. 
Une  lutte  corps  à  corps  s'engage  entre  Jean  Chandos  et  un  che- 
valier eastillaa  nommé  Martin  Femandea  *•  Gelui->ci  tarasse  son 
adversaire,  mais  Jean  Chandos  entraîne  l'Espagnol  dans  sa  ehute 
el,  le  frappant  d'un  coup  de  poignard  au  défaut  de  la  cuirasse, 
h  hlesee  mortellemMit.  P.  36  k  3i,  i84  à  186. 

JUaifûM  des  principaux  guerriers  anglais,  gascons,  ehefs  des 
Compagnies,  qui  se  distinguent  dans  les  trois  divisions  de  l'armée 
dn  prioeo  de  Galles.  -<«*  Noms  de  plusieurs  chevaliers  de  Franee 
et  de  Hainaut  qui  combattent  aux  côtés  de  Bertrand  du  Guesclin 
et  du  maréchal  d' Audrehem.  —  Don  Enrique  fait  tous  ses  efforts 


l.  Le  témoignage  de  FMsiarty  rdaltvimait  à  cette  fiiîte  honteuse 
de  don  Tello,  est  oqnfiimé  par  Ayela  :  «  £  les  de  la  ala  dereeha  de  la 
aTsnguarda  del  Priaqipe  •  que  eraa  ei  Goode  de  Armiflaque,  é  los  de 
Lebret,  é  otros  muchos  qua  venian  en  aqoella  haz,  enderezaron  i 
Don  Tello  ;  ë  ël  é  los  que  eon  4k  tstsbnn  non  los  etperaron,  ë  movie- 
ron  del  campo  a  todo  ronsper  Ce^endo.  »  (I,  557)  1367,  cap.  xii.^ 

3.  La  narration  de  Ffoissett  semble  tirée  de  celle  du  hmnt 
Chandos  : 

Chamides  fbt  à  terre  abatus  ; 

Far  dssm  li  esloit  ehens 

Vm  CastiUas  qni  monh  ta  grant, 

Appelles  fu  MaitiBS  Forant, 

Leqeel  d«riBient  se  paTBoit 

Conmient  occire  le  purroit, 

£i  li  plaia  par  la  visière. 

Cbaimdos,  a  très  hardie  ehière, 

Un  eotell  prist  à  son  eosté  ; 

Le  Castillain  en  ad  frappé 

Qn'en  um  eorps  loi  ad  «mbatu 

Far  feiee  le  eotelle  agu. 

Iie  CaniUain  mort  s'estendi, 

Et  Chaandos  sur  ses  pies  sailli. 


XTi  CHR0NIQX7ES  DB  J.  FROISSART. 

pour  rallier  ses  soldats  et  les  ramène  trois  fois  à  la  charge  ^. 
P.  38  à  41,  286  à  288. 

Les  fantassins  et  les  gens  des  commonantës  d'Espagne,  armes 
seulement  de  frondes,  se  dëbandent  sous  les  décharges  meur- 
trières des  archers  anglais;  toutefois,  les  génëtaires,  échelonnés 
à  cheval  sur  les  deux  ailes,  réussissent  à  maintenir  pendant  quel- 
que temps  les  lignes  qui  commencent  à  plier.  —  Noms  d'un  certain 
nombre  de  seigneurs  et  de  sénéchaux  des  diverses  parties  de  la 
Guyenne,  enrôlés  sous  la  bannière  du  prince  de  Galles.  —  Don 
Pèdre  et  don  Enrique  payent  largement  de  leur  personne  et  don- 
nent à  leurs  partisans  l'exemple  de  la  bravoure.  P.  41  à  43,  288 
et  289. 

La  division  de  Bertrand  du  Guesclin  oppose  à  l'avant-garde 
anglaise  la  résistance  la  plus  opiniâtre.  Tous  les  compagnons 
d'armes  de  Bertrand  se  font  tuer  ou  sont  faits  prisonniers  avec 
leur  chef.  Noms  de  quelques-uns  de  ces  prisonniers  ^.  Encouragés 
par  ce  succès,  Jean  Ghandos  et  le  duc  de  Lancastre  vont  joindre 
leurs  forces  à  celles  du  prince  de  Galles  pour  achever  d'écraser 
la  division  de  don  Enrique;  celui-ci  redouble  d'efforts  pour  ra> 


1.  On  dirait  que  Froissait  s^est  borné  i  mettre  en  proie,  dans  ce 
passage,  les  vers  saiyants  dn  hérant  Ghandos  : 

Par  trois  fois  les  fist  reculer. 

En  disant  :  a  Seigniours,  aidés  moy 

Par  Dieuy  car  tous  m'arés  fidt  roy  ; 

Et  si  m'avés  fait  serement 

De  moy  aider  loialment.  9 

Mais  sa  parole  rien  ne  vaut, 

Car  tousjours  renforce  Passant. 


Ayala  dit  la  même  chose  :  «  E  ei  Rey  Don  Enrique  llegé  dos  6  très 
reces  en  su  caballo  armado  de  loriga,  por  acorrer  à  los  suyos  que  es- 
taban  de  pie  s  ;  mais  le  chroniqueur  espagncJ  est  le  seul  qui  men- 
tionne la  bannière  de  TÉcharpe,  «  el  pendon  de  la  Vanda  »,  qui  serrit 
dans  cette  journée  de  point  de  ralliement  aux  partisans  de  don 
Enrique. 

2.  Ayala  ne  cite ,  parmi  les  prisonniers  français ,  que  Bertrand  du 
Guesclm,  le  maréchal  d'Audrehem  et  le  Bègue  de  Villaines,  mais  il 
donne  une  longue  liste  des  prisonniers  espagnols  (I,  557).  Bertrand  du 
Guesclin  avait  entraîné  à  sa  suite  quelques-uns  des  chefs  et  un  certain 
nombre  de  soudoyers  des  garnisons  des  riUes  par  où  il  avait  passé 

Îiour  se  rendre  en  Espagne;  et  c*est  ainsi  que  le  capitaine  de  Lyon, 
ean  de  Saint-Martin,  cheralier,  fut  tué  à  Najera  Lâreh,  Hat.^  JJ 100, 
no  135;  JJ99,  n»  4d4). 


SOBfMAIRE  DU  PREMIER  LITRE,  $$  577-594.     xth 

mener  aa  combat  les  fc^ards,  et  qainze  cents  des  siens  restent 
sar  le  champ  de  bataille  *.  P.  43  à  44,  289  et  290. 

Les  E^gnols,  ne  pouvant  soutenir  le  choc  des  trois  divisions 
anglaises,  effectuent  leur  retraite  en  désordre  du  côté  de  Najera 
dont  ils  sont  sépares  par  une  grosse  rivière  ;  don  Enrique,  après 
avoir  vainement  essayé  de  les  retenir,  remonte  à  cheval  et  se 
sauve  dans  une  autre  .direction.  Anglais  et  Gascons,  remontant 
aussi  à  cheval  et  s'élançant  à  la  poursuite  des  fuyards,  les  écra- 
sent aux  abords  du  pont  de  Najera  ou  les  forcent  à  se  jeter  dans 
la  rivière  *.  Le  grand  prieur  de  Saint-Jacques  '  et  le  grand  maftre 
de  Calatrava  *  parviennent  à  entrer  dans  la  ville  et  se  barricadent 
dans  une  grande  maison  maçonnée  de  pierre;  mais  l'ennemi  les 
y  force  et,  se  répandant  par  les  rues,  fait  main  basse  sur  la  vais- 
selle et  les  joyaux  de  don  Enrique.  Cette  bataille  se  >livre  entre 
Najera  et  Navarrete  le  samedi  3  avril  1367  ^  P.  44  à  46,  290 
et  291. 

La  déconfiture  des  Espagnols  a  commencé  vers  midi  et  dure 
jusqu'au  soir.  Le  prince  de  Galles,  le  roi  de  Majorque,  don  Mar- 
tines  de  la  Carra,  commandant  en  chef  des  forces  navarraises, 
font  flotter  leurs  bannières  sur  des  hauteurs  pour  rallier  leurs 
gens.  Le  prince  de  Galles  tend  la  main  à  don  Pèdre  qui  veut 
s'agenouiller  devant  lui,  et  Finvite  à  rendre  grâces  à  Dieu  seul  de 
la  victoire  qu'ils  viennent  de  remporter*;  il  charge  quatre  che- 

1.  En  1370,  don  Enriqae  fit  abandon  de  certaines  redcTanoes  assises 
sur  le  cbiâteau  de  Najera  en  fareur  de  l*abbé  et  des  moines  da  monas- 
tère de  San  MiUan,  parce  que  cet  abbé  et  ces  moines  araient  pris  soin 
de  recneillir  sur  le  champ  de  bataiJle  de  Najera  les  cadavres  des  par^ 
titans  du  roi  de  Castille  tués  dans  cette  journée  et  leur  avaient  rendu 
les  derniers  honneurs.  Sandoral,  Fundaciones,  F>  90. 

2.  La  Najerilla,  dont  une  crue  subite,  d'après  la  rédaction  d'Ayala 
dite  Abreviada  (I,  557,  note  2),  augmenta  le  désastre. 

3.  «  Don  Garcî  Alrarez  de  Toledo,  Maestre  que  fiiera  de  Santiago.  » 
Quelques  lignes  plus  loin,  don  Pero  Lopez  de  Avala  se  mentionne 
lui-même  parmi  les  prisonniers  :  «  E  Pero  Lopez  de  Ayala.  >  I,  557. 

k.  c  Don  Pero  Moniz,  Maestre  de  Calatrava.  i 

5.  Cette  date  est  parfaitement  exacte,  a  SabiUo  ires  dîas  del  mes  de 
«bril  Uegamos  cerca  de  Najara....  é  peleam  cicon  el  traydor  del 
Conde....  >,  écrivait  don  Pèdre  lui-même  dans  une  lettre  datée  de 
Burgos  le  15  avril  suivant  et  adressée  aux  habitants  de  Murcie.  Cas- 
cales,  Hist,  de  Murcia. 

6.  Ici  encore,  Froissart  semble  copier  le  héraut  Chandos  : 

Le  roy  daun  Pètre  est  venus 
Au  prinw,  qui  moult  fa  ses  dnu , 

vn  —  4 


XTiu  CHRONIQUES  DE  J.  IKOISSART. 

▼aliers  et  quatre  hërauts  d'aller  sur  le  champ  de  bataille  comp- 
ter les  morts.  Les  pertes  des  Espagnols  s'ëlèvent  à  dnq  mille 
soixante  hommes  d*armes  ^  et  à  sept  mille  cinq  cents  fantassins  et 
gens  de  commmiautës,  sans  compter  ceux  qui  se  sont  noyës  dans 
a  rivière  de  Najera  et  dont  on  n'a  pu  retrouver  les  cadavres. 
Les  Anglais,  an  contraire,  n  ont  à  regretter  que  quatre  chevaliers, 
deux  Gascons,  un  Anglais  et  un  Allemand,  vingt  archers  et  qua- 
rante simples  soudoyers.  Les  vainqueurs  passent  ce  samedi  soir 
et  le  lendemain  dimanche  de  [la  Passion  '],  en  fêtes  et  en  réjouis- 
sances. P.  46  à  48,  291  et  292. 

A  la  prière  du  prince  de  Galles,  don  Pèdre  accorde  le  pardon 
aux  seigneurs  espagnols,  faits  prisonniers  à  Najera,  qui  ont  pris 
es  armes  contre  lui  et  consent  à  recevoir  leurs  serments.  Il  em- 
brasse même  son  frère  don  Sanche  *,  et  lui  promet  d'oublier  sa 
conduite  passée.  Gomez  Carrillo  est  seul  excepté  de  l'amnistie,  et 
on  lui  tranche  la  tête  séance  tenante  *.|Don  Pèdre,  don  Sanche, 

Et  lui  ad  dit  :  «  Nostre  cousin  chier, 
Je  TOUS  doi  bien  remercier. 
Car  à  jour  de  huy  m'avës  fait  tant. 
Que  jammès  jour  de  mon  Tirant 
Je  ne  le  pnrray  desservir.  » 
—  c  Sire,  fist  il,  vostre  pleisir, 
Merciés  Dieu,  et  noun  pas  moy  ; 
Car,  par  la  foy  que  tous  doy. 
Dieux  Fad  fait,  et  noun  mie  nous.  » 

1.  Le  corps  de  du  Gnesclin  perdit  à  lui  seul  quatre  cents  hommes 
d*armes,  la  moitié  de  son  effectif  :  «  E  con  Mosen  Beltran  de  Claouin 
fueron  muertos  estos  que  aqui  dirémos  :  Garci-Laso  de  la  Vega,  Suer 
Perez  de  Quifiones,  aancho  Sanchez  de  Rojas,  Juan  Rodriguez  Sar- 
miento,  Juan  de  Mendoza,  Ferrand  Sanchez  de  Ângulo  é  otros  fasta 
quatrocientos  omes  de  armas.  »  Ayala,  I,  557. 

3.  Ayala  et  les  chroniqueurs  espagnols  appellent  ce  dimanche  el 
domingo  de  Lataro,  c  Ga  la  batalla  tuera  el  sabado  antes  del  domingo 
de  Lazaro,  é  el  domingo  estovieron  en  el  campo.  b  Ayala,  I,  559.  — 
La  bataille  de  Najera  se  livra  en  effet  la  Teille  du  dimanche,  dit  en 
France  de  la  Passion ^  qui  tomba  en  1367  le  k  avril.  Cette  annëe,  le  di- 
manche de  Pâque  ûewrie  ou  des  Hameaux,  que  Froissart  a  substitué  par 
erreur  au  dimancne  de  la  Passion,  tomba  seulement  le  11  avril,  c'est- 
à-dire  huit  jours  après  la  victoire  du  prince  de  Galles. 

3.  Don  Sanche,  frère  naturel  de  don  Pèdre  et  Tun  des  frères  de  don 
Enrique,  avait  partage  avec  du  Guesclin  le  commandement  de  TaTant- 
garde  castillane  et  aTait  été  fait  prisonnier  en  même  temps  que  le 
chevalier  breton. 

4.  D'après  Ayala,  le  chevalier,  qui  fut  ainsi  tué  par  don  Pèdre  le 
soir  même  de  la  bataille  de  Najera,  s'appelait  don  Inigo  Lopez  de 


SOHMAIBE  DU  PREBIIER  UVRE,  $$  577-594. 

le  maître  de  Calatrava  et  les  deux  marëchanz  de  Tannée  anglaise 
marchent  ensuite  sur  Burgos;  le  lundi  matin,  ils  arrivent  devant 
cette  ville  dont  les  habitants  leur  ouvrent  aussitôt  les  portes*. 
Le  prince  de  Galles,  de  son  côte,  après  avoir  fait  halte  à  Bri- 
viesca,  du  lundi  au  mercredi ,  vient  dans  la  journée  du  mercredi 
rejoindre  son  avant-garde  sons  les  murs  de  Burgos  où  il  établit 
son  camp  et  tient  cour  plénière  *.  P.  48  à  51 ,  292  et  293. 

Le  prince  anglab  et  don  Pèdre  célèbrent  la  fête  de  Pdques* 
dans  la  ville  de  Burgos  et  y  séjournent  plus  de  trois  semaines. 
Mis  en  demeure  d'exécuter  ses  engagements  et  de  payer  à  ses 
auxiliaires  l'indemnité  de  guerre  convenue ,  le  roi  de  Castille  dit 
qu'il  n'a  point  d'argent,  mais  qu'il  va  se  rendre  m  la  marche  de 
Séville  pour  s'en  procurer  *,  et  il  promet  d'être  de  retour  au  plus 
tard  au  terme  de  la  Pentecôte,  n  se  dirige  en  effet  vers  Séville, 
tandis  que  le  prince  de  Galles  va  se  loger  à  Valladolid.  P.  51, 
52,  293  à  295. 

La  victoire  de  Najera  porte  à  son  comble  la  renommée  et  la 
gloire  du  prince  de  Galles,  spécialement  en  Allemagne  et  en  An- 
gleterre; et  les  bourgeois  de  Londres  donnent  à  cette  occasion 
une  (ête  triomphale.  En  France,  au  contraire,  la  nouvelle  de 

Orozco;  il  arait  été  fait  prisomiier  par  un  cheTaller  gaicon  (Croniea 
del  Rgy  Don  Pedro  primero^  I,  562;  1367,  cap.  xix).  Cest  le  lendemain 
dimanche  teulement  que  Gomez  Carrillo  et  Sancho  Sanchex  Moscoto, 
grand  commandeur  ae  Santiago  ou  de  Saint-Jacques,  livrés  i  don 
Pèdre,  furent  aussitôt  décapités  devant  la  tente  et  par  Tordre  du  roi  de 
CastiUe. 

1.  Don  Pèdre  ne  partit  pour  Burgos,  en  compagnie  du  prince  de 
Galles,  que  le  lundi  5  avril;  il  ne  put  par  conséquent  arriver  dans 
cette  rille  le  même  jour.  «  E  el  lunes  partieron  todos  para  Burgos.  » 
ihid,^  I,  559. 

2.  Le  prince  de  Galles  et  le  duc  de  Laneastre  campèrent  d'abord, 
le  premier  à  Las  Huelgas,  le  second  à  San  Pablo,  monastères  situ<<s 
dans  la  banlieue  de  Burgos;  ils  ne  firent  leur  entrée  dans  la  rille 
même  que  deux  jours  après  don  Pèdre  (Ayala,  I,  563). 

3.  En  1367,  Pâques  tomba  le  18  avril. 

4.  Par  acte  daté  de  Burgos,  en  Téglise  cathédrale,  devant  le  grand 
autel»  le  2  mai  1367,  en  présence  de  Jean,  comte  d'Armagnac,  de  Jean 
Qiandos,  vicomte  de  Saint-Sauveur,  connétable  d'Aquiuine,  de  Tho- 
mas de  Felton,  sénéchal  d'Aquitaine,  de  Martin  Lopez,  d'Olivier  de 
Qisson,  de  Robert  Knolles,  de  Baudouin  de  Fr^ville,  sénéchal  de  Poi- 
tou ,  don  Pèdre  confirma  les  engagements  pécuniaires  qu'il  avait  pris 
envers  le  prince  de  Galles  le  23  septembre  précédent;  et  par  un  autre 
a  ete,  date  du  monastère  de  Las  Huelgas  près  Burgos  le  6  mai,  il  s'obli- 
gea à  payer  an  dit  prince  un  million  d*or.  Rymer,  m,  825. 


CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART* 

cette  victoire  produit  la  plas  pénible  impression ,  surtout  quand 
on  apprend  que  Bertrand  du  Guesclin  *  et  le  marëchal  d'André- 
hem'  ont  ëté  faits  prisonniers.  P.  52  à  54,  295  et  296. 

1.  Bertrand  du  Guesclin  perdit  ton  sceau  dans  le  tumulte  de  la 
mêlée  :  c  ....  maxime  in  bello  Nadrensi  in  quo,  prout  notorium  erat, 
dictus  connestabuiarius  captus  fuerat  et  sigiilum  suum  ac  omnia  bona 
Bua  perdiderat.  >  Arch.  Nat.^  sect.  jud.,  X'*38,  f»  246.  —  Bertrand 
aTait  ëté  pris  par  un  chevalier  anglais  nommé  Thomas  Chejne,  auquel 
Edouard  III  le  racheta  le  20  juillet  1367  au  prix  de  quatorze  cent 
quatre*Tingt-trois  lÎTres,  six  sous,  six  deniers  «  pur  la  fynance  de  Ber- 
tram  de  GucscItu,  chivaler,  pris  en  la  bataille  de  Nazare  ».  Le  28  mai 
1381,  John  et  William  Cheyne,  frères  et  héritiers  de  Thomas,  rëcla- 
maient  encore  le  payement  de  cette  somme,  et  Richard  II  donna  des 
ordres  pour  qu'il  leur  fût  donné  satisfaction  (Rymer,  ëdit.  de  1740, 
t.  III,  pars  II,  p.  133).  D*après  Cuvelier,  le  prince  de  Galles  confia  la 
garde  ae  du  Guesclin  au  captai  de  Buch  qui  nt  coucher  dans  sa  propre 
chambre  le  vainqueur  de  Cocherel  : 

«  Par  foy  !  bien  tous  en  croi,  dit  lî  castal  soubtiz  ; 
Delez  moi,  en  ma  chambre,  sera  fais  vostre  lis.  » 

Chron,  de  'È,  du  Guesclin^  ëdit.  de  Charrière, 
I,  426,  vers  12191  et  12192. 

2*  Le  marëchal  d'Audrehem,  qui  ëtait,  suivant  l'expression  d'Ayala, 
c  Frances  de  Picardia  »,  fait  prisonnier  à  la  bataille  de  Poitiers,  avait 
étë  relâche,  suivant  l'usage,  avant  d'avoir  entièrement  paye  sa  rançon  ; 
mais  il  avait  prête  le  serment  de  ne  pas  porter  les  armes  contre  le  roi 
d'Angleteire  ou  son  fils,  à  moins  que  ce  ne  fât  sous  la  bannière  du  roi 
de  France  ou  d'un  prince  de  sa  famille,  de  quelqu'un  des  Fleurs  de  Lis. 
Le  lendemain  de  la  bataille  de  Najera,  le  prince  de  Galles,  ayant  fait 
comparaître  devant  lui  le  sire  d'Audrehem ,  l'appela  parjure  et  traître 
et  lui  dit  qu'il  méritait  la  mort.  Toutefois  un  tribunal  d'honneur,  com- 
pose de  douze  chevaliers,  quatre  Anglais,  quatre  Gascons  et  quatre 
Bretons,  dëclara,  après  un  débat  contradictoire,  que  le  marëchal  n'était 
point  coupable.  Le  système  de  défense  du  chevalier  français,  reconnu 
valable  par  ses  juges,  consista  à  dire  qu'il  n'avait  point  viole  son  ser- 
ment de  ne  porter  les  armes  ni  contre  le  roi  d'Angleterre  ni  contre 
son  fils,  puisqu'à  Najera  il  s'était  battu  en  rëalitë  contre  don  Pèdre , 
non  contre  le  prince  de  Galles  qui  n'avait  ëtë,  à  le  bien  prendre ,  dans 
cette  joumëe  qu'un  capitaine  a  la  solde  du  roi  de  Castille  :  a  ca  el 
Capitan  ë  cabo  desta  batalla  es  el  Rey  Don  Pedro ,  ë  à  sus  gages  ë  & 
su  sueldo,  como  asoldado  ë  gagero,  venides  vos  aqui  el  dia  de  noy,  é 
non  venides  como  mayor  desta  hueste.  i  Cronicas  de  Cattilla^  I,  558 
et  559.-^ Le  marëchal  d'Audrehem  fut,  comme  du  Guesclin,  mis  en 
libertë  sous  caution  dès  les  premiers  mois  de  1368 ,  et  le  comte  de  Foix 
prêta  six  mille  francs  d'or  a  Amoul  pour  l'aider  à  payer  sa  rançon  que 
Charles  V,  par  mandement  en  date  du  2  mars,  imputa  sur  les  aides 
du  Languedoc  {Bibl,  Nat.,  Collection  des  titres  originaux,  au  mot  jàu- 
dene/um).  Dans  des  lettres  de  quittance  générale  qui  furent  dëlivrëes 
au  neux  guerrier  à  Vincennes  le  9  février  1370  (n.  st.)t  on  trouve  les 


i 

f 
1 


SOBIMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  SS  ^77-594.       m 

Don  Eoriqae  vainca  avait  gagne  l'Aragon^  Arriva  à  Valence', 
3  confie  sa  femme  et  ses  enfants  '  à  la  garde  du  roi  don  Pedro  IV, 
en  guerre  avec  le  prince  de  Galles;  il  se  rend  ensuite  à  Mont*- 
pellier^  auprès  du  duc  d'Anjou  son  allie,  et,  du  chitean  de 


ligoei  saiTantet  qui  tradaiient  avec  force  la  reconnaisiance  du  fouTe- 
lain  pour  des  services  tout  à  fait  exceptionnels  :  c  ....  redncentes  illese 
fidelitatis  consoientiam  et  obsequia....  utilia  reipublice  regni  nostri, 
tam  in  premissia  qaam  etiam  in  aliis  magnis,  ardais  et  secretis,  et  fir- 
miter  tenentes  et  indubie  quam  dictas  oonsiliarius  noster,  qai  famosui 
ezistit  et  génère  et  animo  nobilis,  quem  non  semel  sed  plories  pro- 
priam  corpos  mortis  periculo  certum  est  boncrifice  submisisse  pro  statu 
prospère  rapublice  regni  nostri,  et  hostes  ipsum  duxisse  et  dactam 
aia  tenaisse  captiyum,  pro  quibus  excessiras  redemptiones  non  de 
lacili  habitas  exsoirisse  dinoscitnr,  omni  prorsos  spreta  cupidine,  re- 
eeptas  qaasconqae  pecuniarnm  summas  per  ipsam  de  ino  mandato  Tel 
SQo  nomine,  in  premissoram  et  aliorum  conunissorum  eidem  execu- 
ôone,  atiliter  exposait,  nec  ad  acqairendam  pecuniam,  sed  ut  daret 
actas  nobiles,  famam  et  bonorem ,  quse  post  mortem  laudem  et  glo* 
riam  remémorant  acquirentinm....»  jérch.  Nat,^  JJlOO,  n*  35.  —  Le 
fidèle  et  Taillant  soldat,  qui  avait  si  noblement  serri  la  France  pendant 
plus  de  trente  ans,  aTait  bien  le  droit  d*étre  enterra  k  Saint-Denis,  k 
eôtë  de  nos  rois,  et  c'est  en  effet  le  suprême  bonneur  que  Cbarles  Y 
conféra  au  plus  digne  compagnon  d'armes  de  du  Guesclin. 

1.  Don  Enrique,  pour  mieux  fuir,  ëcbangea  le  grand  et  massif  destrier 
bardé  de  fer  qu'il  aTait  monté  pendant  l'action ,  «  un  caballo  grande 
mcio  castellano  é  armado  de  lorfga  »,  contre  un  genêt,  a  caballo  gi- 
nete  »,  c'est4-dire  une  monture  plus  lëgère  que  lui  donna  un  écujer 
de  l'AlaTa,  nommé  Rui  Femandez  de  Gaona  {Cronicas  de  CastUla^  I, 
559).  Le  destrier  fut  pris  par  les  Anglais,  car  nous  apprenons  par  un 
fragmcBt  de  compte,  en  date  du  lundi  5  juillet  1367,  qu'Edouard  III 
fit  payer  seize  liTres,  treize  sous,  quatre  deniers,  à  Franskin  Forsett, 
Talet  d'écurie  du  prince  d'Aquitaine  :  c  ducenti  domino  régi  quemdam 
dextrarium  Henrici  bastardi  Ispaniae,  captum  apud  bellum  de  Nazerr.  » 
Rjmer,  édit.  de  1830,  III,  825. 

â.  Don  Ënrique  n'alla  pas  à  Valence.  De  Najera,  il  gagna  Soria, 
puis  Ulueca,  en  Aragon,  d'où  don  Pedro  de  Luna,  qui  devait  dcTenir 

{>las  tard  l'antipape  Benoit  XIII,  serrant  de  guide  au  fugitif  a  traTert 
es  montagnes,  le  conduisit  lui-même  à  Ortbez,  à  la  cour  du  comte 
de  Foix. 

3.  A  la  première  nouTelle  de  la  défaite  de  son  mari,  do&a  Juana, 
femme  de  don  Enrique,  emmenant  aTec  elle  l'infante  Léonor  d* Aragon 
fiancée  à  son  fils ,  aTait  gagné  précipitamment  Saragosse  dont  l'arcbe* 
Tê<pie,  de  la  famille  des  Luna,  lui  était  déToué;  mais  don  Pedro  IV, 
roi  d'Aragon,  la  reçut  fort  mal,  rompit  le  mariage  projeté  entre  sa 
fiUe  Léonor  et  le  fils  de  don  Enrique  et  ne  se  fit  aucun  scrupule  d'en- 
trer en  négociations  aTec  les  Tainqueurs  de  Najera. 

4.  En  ^ttant  Ortbez,  don  Enrique  se  rendit  d'abord  à  Toulouse 
oà  téàdaat  alors  le  due  d'Anjou.  '^ 


un  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSA&T. 

Boqaemanre  *  qui  lui  est  assigne  pour  r^denoe ,  il  fait  des  in- 
cursions dans  la  principauté  d'Aquitaine.  Sur  les  plaintes  de  la 
princesse  de  Galles,  le  roi  de  France  adresse  à  ce  soget  des  repré- 
sentations à  don  Enrique  et  fait  même  enfermer  au  Louvre  le 
jeime  comte  d'Auxerre  qui  enrôle  des  gens  d'armes  pour  les 
amener  au  roi  détrôné  de  Gastîlle.  Don  Enrique,  à  la  tête  de 
quatre  cents  Bretons  qu'il  a  pris  à  sa  solde,  n'en  ouvre  pas  moins 
les  hostilités,  envahit  le  Bigorre  et  s'empare  de  Bagnères.  P.  54 
à  56,  296  à  298. 

Le  prince  de  Galles  se  tient  à  Valladolid  jusqu'à  la  Saint-Jean  ^ 
d'été.  Étonné  de  ne  pas  recevoir  de  nouvelles  du  roi  de  Gastille, 
il  envoie  deux  de  ses  chevaliers  à  Séville  demander  à  don  Pèdre 
,  pourquoi  il  ne  tient  pas  ses  engagements.  Celui-ci  répond  que  ses 
sujets  refusent  de  lui  payer  aucuns  subsides  tant  que  les  Compa- 
gnies, qui  mettent  JK>n  royaume  au  pillage ,  ne  seront  pas  sorties 
d'Espagne.  Pendant  ce  séjour  du  prince  à  Valladolid,  le  roi  de 
Majorque  tombe  malade,  et  l'on  met  en  liberté  moyennant  rançon 
ou  l'on  échange  le  sire  d'Audrehem ,  le  Bègue  de  Villaines  et  la 
plupart  des  chevaliers  de  France  et  de  Bretagne  faits  prisonniers 
à  Najera.  Informé  que  don  Enrique  vient  de  recommencer  la 
guerre  en  Bigorre  ',  le  prince  ne  veut  à  aucun  prix  délivrer  Ber- 

1.  Tarn,  air.  Gaillac,  c.  Rabastens.  Dès  le  24  mai  1367,  don  En- 
rique se  trouTait  à  Serrian  (Hérault,  arr.  Béziers)  d'où  il  adressa  au 
roi  d'Aragon  une  lettre  qui  a  étë  publiée  par  Zurita  {Anales  de  Aragon  y 
édit.  de  1610,  1.  9,  p.  348).  Dans  cette  lettre,  le  yaincn  de  Najera 
annonce  à  don  Pedro  IV  qu^il  est  sur  de  Talliance  effectiTe  du  roi  de 
France  et  du  duc  d'Anjou ,  et  qu'il  Ta  lever  un  corps  de  trois  mille 
lances.  Une  autre  lettre  de  don  Enrique,  adressée  à  «  son  très  cher  et 
amé  frère  »  le  dur  d'Anjou,  en  date  au  8  septembre  1367,  est  datée  du 
château  de  Roquepertuse  (Hay  du  Chastelet,  EUt,  de  du  GueseRn, 
p.  320).  Dès  la  fin  ae  juin  1367,  le  compte  du  receveur  municipal  ou, 
comme  on  l'appelait  dans  le  pays,  du  boursier  de  Millau,  en  Rouergue, 
est  rempli  de  mentions  relatives  à  l'approche  de  don  Enrique  et  de 
ses  bandes.  Le  9  juillet,  les  Aragonais^  car  c'est  ainsi  que  les  désigne 
le  consul  boursier  de  Millau,  livrent  un  violent  assaut  à  Nant  (Aveyron, 
arr.' Millau)  et  sont  repoussés  par  Penni  Terréta  et  le  bour  de  Cau- 

Ï>ène.  Pendant  ce  temps,  don  Enrique,  arrivé  dans  le  Camarès  et  sur 
es  montagnes  de  Brusque ,  menace  en  personne  Vabres  et  Saint- 
AfTrique.  Le  Rouergue  sous  les  Anglais^  par  M.  l'abbé  Joseph  Rouquette, 
Millau,  1869,  p.  88  à  92. 

2.  24  juin  1367.  Don  Pèdre  avait  promis  de  payer  la  moitié  de  sa 
dette  dans  un  délai  de  ouatre  mois,  pendant  lequel  l'armée  auxiliaire, 
soldée  par  lui,  occuperait  la  province  de  Valladolid. 

3.  C  est /ans  doute  pour  se  procurer  de  l'argent  en  vue  de  cette 


SOMMAIRK  DU  PREMIER  UVRB,  $$  577-594.    xxiii 

traml  du  Goesdin,  dans  la  crainte  qu'il  n'aille  prêter  assistance 
an  bâtard  de  Casdlle.  P.  56  à  58,  298  et  299. 

Edouard,  irrite  de  la  maoTaise  foi  de  don  Pèdre  et  très* 
éptfm^é  par  le  climat  brûlant  de  l'E^Mgne*,  se  décide  à  re- 
prendre le  cbemin  de  la  Gayenne;  i)  laisse  à  Valladolid  le  roi  de 
Majorque,  encore  trop  malade  pour  remonter  à  cheval  ou  se  faire 
port^  en  litière.  Il  effectue  son  retour  par  Madrigal,  campe  pen- 
dant un  mois  dans  la  vallée  de  Soria,  sur  les  confins  de  la  Cas- 
tille,  de  TAragon  et  de  la  Navarre,  et  réussit,  à  la  suite  de  longs 
pourparlers,  à  se  faire  octroyer  par  les  rob  de  Navarre  et  d'Ara- 
gon le  passage  a  travers  leur  pays.  Il  préfère,  comme  plus  direct, 
le  passage  par  la  Navarre,  dont  le  roi  raccompagne  jusqu'au  pas 
de  Rcmcevaux.  Après  une  halte  de  quatre  jours  i  Rayonne,  il 


Ittion,  que  don  Euriqae,  retiré  dans  son  comté  de  Getienoo, 
Tendit  an  roi  de  France,  par  acte  daté  du  chateaa  de  Serrian  le  2  jnin 
1367,  le  dit  comte,  comprenant  notamment  les  ehlteanx  de  Cettenon 
(Hérault,  azr.  Saint'-Pons,  c.  Saint-Chinian)  et  de  Théun  (Hérault, 
air.  Béaen,  c.  Murriel),  an  prix  de  ringt-tept  mille  francs  d'or. 
Anoel  Chotard,  conseiller  du  roi,  et  Jean  de  Beuil,  eheraKer,  cham- 
heilan  du  duc  d'Anjou,  commis  par  ces  deux  princes,  passèrent  le 
contrat  de  rente  «  dans  la  chambre  oA  Henri,  roi  de  dstille,  couchoit  a . 
Le  6  juin,  le  duc  d'Anjou;  ayant  ratifié  cet  achat  dans  une  réunion  de 
son  Grand  Conseil,  tenue  à  Nimes,  ordre  fut  donne  à  maître  Jean 
Pcrdi^er,  recereur  général  de  Languedoc,  de  verser  la  dite  somme 
an  roi  d^  Castille.  Le  27  du  même  mois,  dofta  Juana,  femme  de  don 
Enrique,  et  Juan,  infant  de  Castille,  leur  fils,  ratifièrent  à  leur  tour 
cette  Tente  à  Thézan  où  le  mauTais  accueil  du  roi  d'Aragon  les  avait 
déterminés  à  se  rendre  {jirch,  Hat»,  seot.  hist.,  J300,  n**  109  à  109*). 
—  c  Entendiendo  esto  el  Rey  Don  Enrique  y  que  los  Ingleses  se  salian 
de  CastiUa  y  que  el  Principe  de  Gales  no  ténia  pensamiento  de  quedar 
en  Espafta  ni  râler  mas  à  su  adrersario,  apressurava  el  négocie  y  con- 
certo se  con  d  Conde  de  Auserta  (Auxerre)  y  con  el  seflor  de  Benjo 
(Beanjeu)  y  con  el  seftor  de  Vinay,  para  que  con  dos  mil  lanças  y  con 
qninientos  archeros  hiziessen  guerra  en  el  ducado  de  Guiana  hasia 
Nnestra  Sefiora  de  setiembre  (8  septembre  1367);  e  hizo  su  capitan 
général  en  Guiana  al  Conde  de  Auseru.  t  Zuriu,  JnaUsj  édit.  de  1610, 
p.  350. 

1.  a  Edwardus  princeps,  per  idem  tempns,  ut  dicebatnr,  intoxioatus 
luit  ;  a  quo  qnidem  tempore  nsque  ad  nnem  rilK  suse  nunquam  ga- 
risus  est  corporis  sanitate.  Sed  et  plores,  strenui  et  ralentes,  post  ric- 
toriam  Hispanicam ,  flnxu  rentris  et  aliis  infirmitatibus  perierunt 
ibidem,  ad  magnnm  detrimentum  anglicani  regni.  »  Thomm  fFaitingham 
kitt,  €mgl.  (1272-]381),  London,  1863,  p.  305  et  306.  —  c  Post  hsec 
pcriit  populus  angUcanus  in  Hispania  de  floxu  rentris  et  aliis  infirmi- 
tatibus  quod  rix  quintns  homo  redierit  in  Angliam.  »  Knygbton,  dans 
Twyiden,  p.  2629. 


CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

rentre  à  Bordeaux  et  donne  congé  à  ses  gens^.  Toutefois,  il  ne 
peut  licencier  sur-le-champ  les  Compagnies  qui  attendent  toujours 
le  payement  de  leur  solde.  A  la  nouvelle  du  retour  du  prince , 
don  Enrique  quitte  Bagnères  et  va  passer  tout  Thiver  à  la  cour 
du  roi  d'Aragon  son  allié  ',  où  il  se  prépare  à  recommencer  la 
guerre  contre  don  Pèdre,  leur  ennemi  commun.  P.  58  à  62, 
299  à  302. 

1.  Le  prince  de  Galles  rentra  en  Guyenne  et  arrira  à  Bordeanx  dans 
les  premiers  jours  de  septembre  1367.  Dès  le  14,  le  15  et  le  16  de  ce 
mois,  quelques-unes  des  bandes  qu'on  Tenait  de  licencier  arrivèrent 
aux  portes  de  Montpellier  sous  les  ordres  d*Amaud  Solier,  dit  le  Li- 
mousin, de  Perrin  de  Savoie  et  d'Yvon  de  Groeslort  {Groesiort  est  sans 
doute  une  corruption  de  Keranloet;  Yron  de  Keranloet  ou  de  Kerloet 

guerroyait  alors  dans  le  midi  de  la  France^.  Comme  on  n*osait  yen- 
anger  par  crainte  des  Compagnies,  le  Limousin  prêta  vingt  lances 
aux  bourgeois  de  Montpellier,  a  per  gardar  lo  labor  de  vinoemias.  > 
Thalamus  parvtts,  p.  381. 

2.  Cette  assertion  est  très-inexacte.  Don  Enrique  ne  se  rendit  point 
auprès  de  don  Pedro  IV,  qui  venait  de  conclure  un  traité  d'alliance 
avec  les  rois  de  P^avarre  et  d'Angleterre.  Ce  que  le  rival  de  don  Pèdre 
pouvait  alors  attendre  de  mieux  du  roi  d 'Aragon  ,  c'était  une  sympa- 
thie dissimulée  et  une  neutralité  effective.  II  chercha  et  il  trouva  un 
allié  plus  puissant ,  et  cet  allié  ne  fut  autre  que  le  duc  d'Anjou ,  lieu- 
tenant en  Languedoc  du  roi  de  France.  Nous  avons  été  assez  heureux 
pour  retrouver  le  texte  d'un  traité  secret  qui  avait  échappé  jusqu'à  ce 
jour  à  toutes  les  recherches.  Par  acte  daté  d'Aigues-Mortes  au  diocèse 
d'Arles,  le  13  août  1367,  don  Enrique,  roi  de  Castille  et  de  Léon,  re- 
présenté par  Alvarez  Garcia ,  chevalier,  Pero  Femandez  de  Velasco, 
damoiseau,  ses  conseillers,  et  Gomez  Garcia,  chancelier  de  son  sceau 
secret,  et  Louis,  duc  d'Anjou,  représenté  par  François  de  Périllos, 
vicomte  de  Rodes,  et  Pierre  d'Avoir,  seigneur  de  Chateaufromont , 
contractèrent  une  alliance  offensive  et  défensive  contre  Edouard ,  roi 
d'Angleterre,  et  ses  enfants,  spécialement  Edouard,  prince  de  Galles, 
Jean,  duc  de  Lancastre,  et  Lionel,  ainsi  que  contre  Charles,  roi  de 
Navarre,  et  don  Pèdre  a  qui  nuper  dictum  regnum  Castelle  tenere 
solebat  9. ^rc A.  Nat,^  sect.  hist.,  J 1036,  n»  26. —  Don  Enrique  confirma 
ce  traité  au  château  de  Roquepertuse  le  8  septembre  suivant  {Hay  du 
Chastelet,  Hut,  de  B,  du  Gueschn^  p.  320).  Par  conséquent  il  ne  se  mit 
pas  en  marche  pour  rentrer  en  Espagne  t^ers  le  milieu  d'août,  comme 
l'affirme  Mérimée  {Hut,  de  don  Pèdre,  édit.  de  1865,  p.  499).  Vers  la 
fin  de  septembre  au  plus  tôt,  le  vaincu  de  Najera,  entrant  par  la  vallée 
d'Aran  dans  le  comté  de  Ribagorza,  ne  fit  que  passer  à  Estadilla  et  à 
Balbastro,  villes  qui  font  partie  de  l'Aragon*,  il  ne  s'arrêta  que  devant 
Calahorra,  c'est-a-dire  lorsqu'il  eut  mis  le  pied  en  Castille.  (Zurita, 
Anales,  édit.  de  1610,  II,  349.)  Le  duc  d'Anjou  avait  chargé  le  séné- 
chal de  Carcassonne  et  Bernard  de  Villemur  de  faire  la  conduite  à  son 
allié  jusqu'à  l'entrée  de  la  vallée  d'Aran  (Dom  Vaissete,  IV,  580, 
note  zxvn). 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  SS  ^*77-594.      zxt 

Bertrand  du  Guesclin,  amène  à  Bordeaux  *  où  il  est  le  prison- 
nier du  prince  de  Galles  et  de  Jean  Chandos,  est  mb  en  liberté 
moyennant  le  payement  d'une  rançon  de  cent  mille  francs '.  A 
peine  délivre,  Bertrand  vient  servir  le  duc  d'Anjou*  qui  fait  alors 
la  guerre  à  la  reine  de  Naples,  comtesse  de  Provence  \  et  assiège 

1.  Les  poiirparlen ,  relatifs  a  la  rançon  et  à  la  mise  en  liberté  de 
Bertrand  da  GuescHn ,  commencèrent  dès  les  premiers  jonrs  de  dë- 
cemUe  1367,  car  Charles  V  s*exprime  ainsi  dans  une  lettre  auto- 
gru>he  adressée  à  son  trésorier  Pierre  Scatisse  et  datëe  de  Paris  le 
7  décembre  de  cette  annëe  :  a  Seiez  ausin  bien  vfisé  que  au  prince 
nous  sommez  obligez,  pour  la  delirrance  Bertran  de  Caclin,  en  xxx 
mile  doblez  d*Espaine  ou  la  valeue,  à  paier  en  ti  moiz  aprez  sa  déli- 
vrance, la  moitié  lez  m  premierz  moiz  aconpliz  puiz  son  département 
de  prison,  et  l'autre  moitié  en  la  fin  dez  ti  moiz.  Sjr  ne  savonz  encore 
se  le  ait  prince  asetera  la  dite  obligasion;  et  sy  toit  que  nouz  le  saron,  nouz 
te  90US  ferons  savoir,  s  Arch.  Hat,^  sect.  hist.,  K  49,  n*  34*;  Musée  des 
jérckires^  p.  319  et  220. 

2.  Le  prince  d'Aquitaine  et  de  Galles  accepta  Tobligation  da  roi  de 
France  dont  il  est  question  dans  la  note  précédente,  et  Bertrand  da 
Guesclin,  duc  de  Trastamare,  comte  de  Longuerille,  fut  mis  en  liberté 
â  Bordeaux,  le  27  décembre  1367,  jour  où,  ayant  pris  rengagement 
de  payer  aa  prince  cent  mille  doubles  d'or,  des  coin,  poids  et  aloi  de 
Castilie,  à  savoir  soixante  mille  doubles  trois  mois,  et  les  quarante 
mille  doubles  restants,  six  mois  après  sa  mise  en  liberté,  il  donna  hy- 
pothèque sur  tous  ses  biens  à  Charles  Y  qui  s'était  obligé  envers  le 
prince  pour  les  trois  dixièmes  de  cette  somme,  c'est-â-dire  pour  trente 
mille  doubles  d'or  {Arch.  iVa/.,  J381,  n»  7;  Charrière,  II,  402  et  403). 
En  effet,  le  31  mars  de  l'année  suivante,  Pierre  Scatisse,  trésorier  da 
roi  à  Nîmes,  en  vertu  d'un  mandement  de  Charles  Y,  daté  de  Melun 
le  5  mars  précédent,  autorisa  Jean  Perdiguier,  receveur  des  impo- 
sitions en  Languedoc ,  à  payer  sur  les  deniers  de  sa  recette  quinze 
mille  doubles  d'or  d'Espagne  au  prince  d'Aquitaine ,  à  Poitiers  (J381, 
n«  8  •  et  *;  Musée  des  Archives^  p.  220). 

3.  Dès  le  7  février  1368,  Bertrand  du  Guesclin,  déjà  sorti  de  sa 

STÎson  de  Bordeaux,  était  de  passage  à  Montpellier,  se  rendant  à 
limes  où  il  allait,  en  compagnie  du  maréchal  d'Audrehem,  rejoindre 
le  duc  d'Anjou  (Thalamus  parvus,  p.  382).  Le  26  du  même  mois,  le 
duc  de  Trastamare,  comte  de  Longueville,  reparaissait  à  Montpellier; 
il  venait  d'enrôler,  pour  une  campagne  en  Provence,  le  bâtard  de  l'Ile, 
Perrin  de  Savoie,  le  Petit  Meschin,  Noli  Pavalhon,  Amanieu  d^Ortigue 
et  autres  chefs  de  Compagnies  qui  désolaient  les  environs  de  cette 
viUe  {nid.). 

4.  Au  commencement  de  1368,  Louis,  dnc  d'Anjou,  à  qui  l'empe- 
reur Charles  IV  avait  cédé  en  1365  ses  droits  sur  le  royaume  d'Arles, 
résolut  de  profiter  de  la  présence  de  Bertrand  du  Guesclin  et  de  l'ab- 
lence  de  Jeanne,  reine  de  Naples  et  comtesse  de  Provence,  pour  les 
ûire  valoir;  dans  les  premiers  joars  de  mars  de  cette  année,  il  passa 
le  Rhdne  et  envahit  la  Provence  (Dom  Yaissete ,  Hist,  de  Languedoc^ 
IV,  335). 


xxYi  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

Tarascon  ^.  —  Le  lundi  après  la  Trinité  '  1368,  lion,  doc  de  da- 
rence,  l'un  des  fils  d'Edouard  III,  après  avoir  traverse  au  milieu 
des  fêtes  la  France,  le  duché  de  Bourgogne  et  la  Savoie,  se  marie 
à  Milan  à  la  fille  de  Galeas  Visconti,  seigneur  de  Milan,  et  de 
Blanche  de  Savoie,  nièce  du  comte  de  Savoie.  P.  62  à  64,  302 
et  303. 

Le  prince  de  Galles  invite  les  Compagnies,  dont  Tefiectif  s'élève 
à  six  mille  combattants,  à  vider  sa  principauté  d'Aquitaine.  — 
Noms  des  principaux  chefs  de  ces  Compagnies.  — •  Chassées  de  la 
Guyenne,  les  Compagnies  entrent  en  France*  qu'elles  appellent 
leur  chambre,  passent  la  Loire  et  s'établissent  en  Champagne  ^, 


1.  Bertrand  du  Guesclin  assiégea  Tarascon  du  samedi  4  mars  an 
lundi  22  mai  1368.  Après  une  résistance  de  deux  mois  et  demi,  la  ville 
se  rendit  au  duc  d'Anjou  {Thalamus  parvus,  p.  382).  C'est  pendant  ce 
siège  que  Bertrand  leya  une  contribution  de  guerre  de  5000  florins 
sur  les  habitants  d'Avignon  et  du  Comtat  Çireh,  Nat,^  sect.  hist., 
L377).  Par  uneJhuUe  datée  de  Montefiascone  le  1*^  septembre  suivant, 
le  pape  Urbain  V,  indigné  de  cette  vexation,  donna  1  ordre  à  l'official 
d'Avignon  de  faire  le  procès  de  «  Bertrandus  de  Clexquino,  cornes  de 
Longavilla,  Noljus  Pavalhanus  ac  Parvus  Meschinus,  Bosonietus  de 
Pau  et  Petrinus  de  Savoye,  capitanei  cujusdam  gentis  armigere  atque 
detestabilis  et  perverse,  que  Societas  appellatur.  i  Arch,  de  Faueluse^ 
série  B-7  (registre  des  hommages  de  la  Chambre  apostolique). 

2.  Le  lundi  après  la  Trinité  tomba  en  1368  le  5  juin.  Lionel,  duc 
de  Qarence,  dont  la  suite  se  composait  de  457  serviteurs,  parmi 
lesquels  figurait  Froissart,  et  de  1280  chevaux,  s'arrêta  à  Paris,  au  di- 
manche 16  au  jeudi  20  avril  1368  {Grandes  Chroniques^  VI,  251  et  252). 
Le  prince  anglais  passa  aussi  quelques  jours  à  Bourg  en  Bresse  où 
Amédée  VI,  comte  de  Savoie ,  faisait  alors  sa  rësidetice  {Arch,  de  la 
Càte-^Or,  B9292  et  9293;  Invent.,  III,  398). 

3.  Les  Compagnies,  congédiées  par  le  prince  d'Aquitaine  au  retour 
de  son  expédition  en  Espagne  à  la  fin  de  1367,  se  répandirent  d'abord 
en  Auvergne  et  en  Berry.  A  l'entrée  du  mois  de  février  I3689  le  gros 
de  ces  handes  passa  la  Loire  à  Marcîgnj-les-Nonnains  (aujourd'hui 
Marcigny,  Saône- et-Loire,  arr.  CharoUes,  sur  la  rive  droite  de  la  Loire, 
près  de  Semur).  Ces  brigands  restèrent  quelque  temps  en  Maçonnais, 
ils  entrèrent  ensuite  en  Bourgogne,  dans  le  duché;  mais  le  défaut  de 
vivres  les  força  bientôt  d'évacuer  cette  [région ,  le  duc  Philippe  ayant 
eu  soin  de  faire  tout  mettre  en  sûreté  dans  les  forteresses  {Grandes 
Chroniques,  VI,  249  ;  Arch,  Nat.^  JJ115,  n«  66).  Us  envahirent  l'Auxer- 
rois  où  ils  s'emparèrent  des  églises  fortifiées  de  Gravant  et  de  Ver- 
manton  (JJ  122,  n*  221  ;  JJ  111,  n»  355). 

4.  A  Gravant,  la  Grande  Compagnie  se  divisa  en  deux  bandes. 
Tandis  que  l'une  de  ces  bandes,  composée  de  huit  cents  hommes  d'ar- 
mes anglais,  passait  l'Yonne  et  entrait  en  Gâtinais,  l'autre  bande,  où 
l'on  comptait  environ  quatre  mille  combattants  et  dix  mille  pillards. 


SOBOiÂlEtE  DU  PREMIER  LIVRE,  §$  577-594.    xxtii 

dans  Pardievêchë  de  Reims,  les  ëvêchës  de  Nôyon  et  de  Sois- 
sons.  Elles  se  disent  envoyées  par  le  prince  de  Galles,  et  le  roi 
de  France  donne  an  seigneur  de  Clisson^,  devenu  l'un  de  ses 
fifcvoris,  le  conunandement  suprême  des  forces  chargées  de  les 
combattre.  —  D'un  antre  cAté,  le  mariage  du  seigneur  d'Alfaret 
avec  [Marguerite*]  de  Bourbon,  l'une  des  sœurs  cadettes  de  la 
rdne  de  France,  qui  a  lieu  sur  ces  entrefaites ,  excite  au  plus 
haut  degré  le  mécontentement  du  prince  de  Galles.  P.  64  à  66, 
304  et  305. 

Edouard  f  dont  les  dettes  ont  été  accrues  par  les  frais  de 
Fexpéditioii  d'Espagne,  prend  le  parti,  pour  se  mettre  en  me- 
sure de  les  payer,  de  lever  dans  sa  principauté  d'Aquitaine  un 
fouage  qui  doit  durer  cinq  ans*.  Les  habitants  du  Poitou,  du 
limousin,  de  la  Saintonge,  de  la  Rochelle,  convoqués  à  Niort 
par  le  conseil  de  Févèque  de  Bath*,  chancelier  du  prince,  se 

femmes  et  enfants,  passait  la  Seine,  PAube  et  s'établissait  en  Cham- 
pagne cm  elle  occupait  Épemay,  Fismes,  Coincy-l' Abbaye,  Ay  (Gr, 
Ckrom.,  YI,  250  ;  JJ 100,  n*  24  ;  JJ 104,  n*»  192,  211,  226).  —  Le  sa- 
medi 18  mars  1368,  la  Grande  Compagnie  mit  le  siège  derant  le  fort 
de  Villien-Saint-Benoit  (Yonne,  arr.  Joigny,  o.  Aillant),  au  bailliage 
de  Cepoy,  qui  se  racheta  après  huit  jours  de  résistance  an  prix  ae 
300  liinres  (JJ99,  no  594). 

1 .  Olirier,  sire  de  Clisson,  envoyé  par  Charles  Y  contre  les  Com- 
pagnies oui  infestaient  la  Beauce  et  la  Sologne  (JJ  111,  n*  72;  JJ  103, 
n«  209),  nt  son  mandement  entre  Tours  et  \^dôme  en  mai  1368.  Jean 
de  Momfamn,  de  Tours,  qui  prit  part  à  cette  expédition  sons  Robert 
de  Beaumanob,  commit  sur  la  route  un  grand  nombre  de  vols  (JJ  122, 
nM50>. 

2.  Froissart  donne  par  eireor  à  cette  princesse  le  prénom  d'Isabelle, 
qui  était  celui  d'une  de  ses  saurs  morte  sans  alliance.  Arnaud  Ama- 
nîen ,  sire  d'Albret  et  ricomte  de  Tartas ,  se  maria  a  Marguerite  de 
Bourbon,  l'une  des  sœurs  cadettes  de  la  reine  de  France,  par  contrat 
passé  le  4  mai  1368  {Eut.  généaL,  I,  300;  YI,  210,  211  ;  Vin,  445). 
Cf.  tome  YI  de  cette  édition,  p.  xcvi,  note  2,  et  les  Archives  hUtorlques 
de  la  Gironde,  I,  157  à  159. 

3.  L'édit  fut  promulgué  à  Angouléme  le  26  janrier  1368  (n.  st.). 
Far  cet  édit,  Edouard,  prince  d'Aquiuine,  fixa  la  taille  de  la  monnaie 
pour  eînq  ans,  à  raison  de  61  livres  pour  le  marc  d'or  et  de  5  lÎTres 
5  sous  pour  le  marc  d'argent,  et  fit  diverses  autres  concessions,  en 
emuidiratian  Sun  impét  que  les  trois  États  de  Guyenne^  réunis  à  Angou- 
UwÊe^  avaient  permis  Rétablir  pour  cinq  ans  sttr  tous  les  feus  de  la  prinei- 
pmaé^  à  raison  de  10  sous  par  feu  et  par  an.  Archives  de  Bordeaux^  I,  173 
A  177. 

4.  Jean  HareweU,  évêqne  de  Bath  et  de  WeUs,  chancelier  du  prince 
d'Aquitaine,  obtînt  d'Edouard  III  des  lettres  de  non-préjudice,  le  28 
noTcmbre  1368  (Rymer,  III,  852  et  853). 


zxvni  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

laissent  imposer  ce  fouage;  mais  les  vassaux  des  hautes  marches 
de  Gascogne,  le  comte  d*Armagnac,  le  sire  d'Àlbret  son  neveu* 
les  comtes  de  Périgord  et  de  Comminges,  le  vicomte  de  Caraman 
et  plusieurs  autres  seigneur^  refusent  de  s'y  soumettre.  Ces  hauts 
barons  viennent  à  Paris  porter  leurs  plaintes  au  roi  de  France  à 
qui  ils  en  appellent  des  exactions  du  prin^  conune  à  leur  sou- 
verain. Charles  Y  les  accueille  avec  empressement,  s'engage  à  ap- 
puyer leurs  réclamations  et  les  entretient  ainsi  dans  leur  résis- 
tance. Jean  Chandos,  opposé  à  la  levée  de  ce  fouage  dont  on 
attend,  à  raison  de  un  franc  par  feu,  un  produit  annuel  de  douze 
cent  mille  francs,  voyant  qu'il  ne  peut  rien  empêcher,  quitte  de 
dépit  le  Poitou  et  va  passer  plus  d'un  an  *■  dans  sa  terre  de  Saint- 
Sauveur-le-Vicomte,  en  basse  Normandie.  P.  66  à  69,  305  à  311. 


CHAPITRE  XGIII. 

BBSTAURATiON  DE  DON  ENBiQUB.  —  1367,  fin  de  Septembre,  BHTUés 
DB  DON  ENRiQUE  EN  CASTiLLE.  —  Fin  dtoctobre.  BEDOrriON  DE 
BURGos.  — 1368,  fin  de  janvier,  prise  de  l^on.  — 1368,  avril^ 
à  1369,  fin  de  mars,  siège  de  tolède.  — 1368,  20  novembre, 

TRATTÉ   d'alliance  AVEC  LE  ROI  DE  FRANCE  ;    RETOUR  DE  BERTRAND 
DU  GUESCLIN   EN   ESPAGNE.  1369,  14  marS,    BATAILLE   DB   MON- 

TiEL.  —  23  mars,  mort  de  don  pioRE.  —  4  mai,  Bertrand  dv 

GUESCLIN   CRÉÉ   DUC   DE   MOLINA   (§§  595  à  600). 

Don  Enrique  prend  congé  du  roi  d'Aragon  à  Valence  ^  et  entre 
en  campagne  contre  don  Pèdre  à  la  tète  de  trois  mille  cavaliers 

1.  Jean  Chandos  arriva  à  Saint-SauTeur-le-Vicomte  vers  la  fin  de 
mai  1368  (Delisle,  UUt,  du  château  et  des  sires  de  Saint-Sauveur;  preures, 
p.  147).  Nous  apprenons  par  un  article  d'un  registre  des  revenus  du 
roi  de  Navarre  en  Normandie,  que  Ferrando  d'Ayenz,  lieutenant  du 
captai  de  Buch  à  Cherbourg,  fit  abattre  un  certain  nombre  de  pièces 
de  gibier  dans  la  forêt  de  Brix  pour  fêter  la  venue  du  vicomte  de 
Saint-Sauveur,  ce  Pour  despenz  de  pluseurs  archiers  qui  furent  par 
trois  jours  es  forests  de  Bris  chassier  et  prendre  venaisons,  en  esté 
Van  Lxviii ,  pour  la  venue  de  messire  Jehan  Chandos  qui  ou  pais  de  Cos^ 
tentin  devait  venir.  »  Bibl,  Nat,^  ms.  fr.  n»  10367,  f*  130  v«.  —  Du  reste, 
Cbandos,  comme  nous  rétablirons  plus  loin,  ne  passa  guère  que  cinq 
mois,  et  non  un  an,  en  basse  Normandie. 

2.  Vojez  le  chapitre  précédent ,  p.  xxiv,  note  2. 


SOMBIAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  SS  !^95-600.     zxix 

et  de  six  mOle  fantassins.  Il  occupe  successÎTement  Burgos  ^,  Val- 
ladolid,  où  le  roi  de  Majorque  est  fait  prisonnier  ^,  Lëon*.  P.  70, 
li,  311  et  312. 

Après  la  reddition  de  Lëon,  don  Enriqne  voit  la  Galice  *  tout 
entière  se  déclarer  pour  lui  ainsi  que  plusieurs  hauts  barons  que 
don  Pèdre  s'est  aliènes  par  sa  cruauté.  Il  met  le  siège  devant 
Tolède,  au  moment  où  Bertrand  du  Guesclin,  qui  est  déjà  entre 
en  Aragon  après  sa  campagne  en  Provence  et  devant  Tarascon 
au  service  du  duc  d'Anjou,  s'avance  à  marches  forcées  pour  le 
venir  rejoindre.  —  Don  Pèdre,  de  son  côté,  qui  se  tient  en  la 
marche  de  Séville  et  de  Portugal,  à  la  première  nouvelle  du  re- 
tour offensif  de  son  adversaire,  fait  alliance  avec  les  rois  de  Gre- 
nade, des  Béni-Mérîn  et  de  Tlemcen,  qui  lui  envoient  vmgt  mille 
hommes*,  et  parvient  à  réunir  sous  ses  ordres  quarante  mille 


l.  Le  ^k  leptembre  1367,  don  Enriqoe  était  à  nneUeae  de  Haetca, 
Poù  il  a  daté  une  lettre  adressée  à  don  Pedro  Jordan  de  Urnes,  pre- 


et  il  était  déjà  maître  de  Burgos  le  6  noTembre  sutTant,  jour  où  il  con< 
finna  les  pririléges  des  habitants  de  Cordoue  (Pellioer,  Mêm,  de  don 
F«m,  de  los  Âios,  p.  11). 

3.  Ce  n*est  pas  à  Vailadolid,  c'est  à  Burffos  que  le  mari  de  Jeanne, 
reine  de  Naples,  ancien  roi  de  Majorque,  mt  fait  prisonnier;  il  pava 
on  plutôt  sa  femme  paja  pour  lui  une  rançon  de  80  000  doubles.  Ajala, 
1367,  cap.  xxxT. 

3.  Après  la  prise  de  Duefias,  dans  la  Vieille  Castille,  don  Enriqne 
rint  assiéger  Léon  dans  la  seconde  quinzaine  de  janvier  et  s*en  rendit 
maître  après  un  siège  de  quelaues  jours.  Ajala,  1368,  cap.  i. 

4.  Dans  les  premiers  mois  ae  1308,  la  Galice,  contrairement  à  l'as- 
sertion de  Froissart,  dominée  par  don  Femand  de  Gistro,  demeurait 
encore  fidèle  à  don  Pèdre,  ainsi  qu'une  partie  des  Asturies;  mais 
toutes  les  autres  prorinces  du  nord  s'étaient  déclarées  pour  don  En- 
riqne. Don  Pèdre  conservait  la  supériorité  dans  les  provmces  du  midi, 
en  Murcie,  en  Estramadnre  et  en  Andalousie,  à  Texception  de  Cordoue 
et  de  quelques  petites  places  de  la  frontière  portugaise. 

5.  Mohamed,  roi  de  Grenade,  amena  à  don*Pèdre  cinq  mille  géné- 
taires  et  trente  mille  hommes  de  pied,  dont  un  grand  nombre  d'arba- 
létriers habiles  et  exercés.  Les  Maures  mirent  le  siéffe  devant  Cordoue, 
et  ne  pouvant  prendre  cette  ville,  détruisirent  de  fond  en  comble 
JaÇn,  Ubeda  (Ajala,  1368,  cap.  v,  note  1)  ;  ils  enlevèrent  du  seul  terri- 
toire  d'Utrera ,  à  quelques  lieues  de  Séville ,  plusieurs  milliers  de  per- 
flonnes.  Argote  de  Molma,  NobUza  de  Jndaîucia^^'  ^^'  —  ^*  Béni- 
MértR  ont  été  probablement  les  introducteurs  en  Espagne  des  moutons 


CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT. 

combattants^  tant  Chrétiens  que  Juifs  et  Sarrasins.  «—  Sur  ces 
entrefaites  *,  Bertrand  du  Guesclin  arrive  sous  les  murs  de  Tolède 
et  apporte  à  Tarmëe  assiégeante  un  renfort  de  deux  mille  sou- 
doyers*.  P.  71  à  73,  312  et  313. 

Don  Pèdre,  après  avoir  concentré  ses  forces,  quitte  SéviUe  et 
entre  en  campagne  pour  faire  lever  le  siège  de  Tolède*.  Par  le 
conseil  de  Bertrand  du  Guesclin,  don  Enrique,  laissant  devant  la 
ville  assiégée  une  partie  de  ses  troupes  sous  les  ordres  de  don 
TeUo,  l'un  de  ses  frères,  marche  avec  don  Sanche,  son  autre 
frère,  et  six  miUe  combattants,  l'élite  de  son  armée,  à  la  rencon- 
tre du  roi  de  Castille.  Il  lance  en  avant  des  espions  pour  éclai- 
rer sa  marche,  et,  grâce  à  cette  précaution,  il  tombe  à  Timpro- 
viste,  dans  les  environs  de  Montiel,  sur  l'ennemi  qui  chemine  en 


1.  Un  grand  érénement  diplomatique,  dont  Froissait  ne  dit  rien, 
avait  précédé  le  retour  de  du  Guesclin  en  Espagne.  Le  20  noTembre 

1368,  à  Tolède,  «  in  palatio  nostro,  in  obsidione  nostra  supra  civita- 
tem  Toletanam  »,  Charles  Y,  représenté  par  François  de  PériUos, 
vicomte  de  Rodes,  amiral  de  France,  et  par  Jean  de  Rjre,  chevalier  de 
la  comté  de  Bourgogne ,  seigneur  de  Balançon  (aujourd'hui  château 
situé  en  la  commune  de  Therray,  Jura,  arr.  Dôle,  c.  Montmirej-le- 
Château),  Charles  V,  dis-je,  et  don  Enrique,  roi  de  Castille  et  de  Léon, 
ayaient  conclu  un  traité  d'alliance  offensiTe  et  défensive  {Areh,  Nat,^ 
J603,  n<»  59;  Rymer,  III,  850  à  852;  Dumont,  Corps  diplomatiaue^  II, 
68  à  70;  Hay  du  ChaBtelet,  Hîtt,  deB,  du  Guesclin,  p.  320  à  322). 
Don  Enrique  avait  remis  au  roi  de  France  la  décision  de  tous  les  dif- 
férends existant  entre  lui  et  don  Pedro  IV,  roi  d'Aragon  (J603,  n»  60; 
Dumont,  I,  321).  Le  8  juin  de  l'année  suivante,  a  in  palatio  nostro 
nostre  civitatis  Toletane  »,  en  présence  de  Jean  de  Berguette ,  cham- 
bellan, e  id'Yvon  de  Keranbars,  huissier  d'armes,  du  roi  de  FVance, 
don  Enrique  confirma,  en  les  précisant,  certaines  stipulations  du  traité 
du  20  novembre  1368  (J603,  n*  61  ;  Dumont,  II,  74). 

2.  D'après  Ayala  (1369,  cap.  i),  François  de  Périllos  et  Jean  de  Rye,  les 
deux  négociateurs  au  traité  français  du  20  novembre  1368,  promirent, 
aussi  à  don  fînrique  de  lui  envoyer  Bertrand  du  Guesclin  avec  cinq 
cents  lances.  «  Otrosi  los  dichos  mensageros  dixeron  al  Rey  Don  En- 
rique como  el  Rey  de  Francia  le  enviaba  luego  en  su  ayuda  à  Mossen   ' 
Beltran  de  Claquin  con  quinientas  lanzas.  n 

3.  c  Le  roi,  dit  Mérimée  d'après  Ayala,  partant  de  Sérille,  traversa 
la  Sierra-Morena  par  un  de  ses  cols  les  moins  élevés,  probablement  en 
suivant  la  route  qui  passe  par  Constantina  pour  aller  aboutir  à  Llerena. 
Après  avoir  franchi  sans  obstacle,  dans  les  premiers  jours  de  mars 

1369,  la  barrière  de  montagnes  qui  sépare  l'Andalousie  de  la  Manche, 
il  fit  halte  sur  un  des  grands  plateaux  de  cette  province,  là  où  s'élevait 
autrefois  le  magnifique  château  de  Calatrava,  chef-lieu  de  l'ordre  mi- 
litaire de  ce  nom.  Il  était  alors  à  quelque  vingt  lieues  de  Tolède.  » 
His$.  de  don  Pèdre,  p.  521. 


SOMMAIRE  DU  PREMIKR  LIVRE,  §&  895-600.    zxxi 

désordre;  il  l'attaque  maigre  une  supérioritë  numérique  de  six 
contre  on  et  donne  l'ordre  de  ne  prœdre  personne  à  rançon. 
P.  73  à  76,  313  et  314. 

Bertrand  du  Guesclin  et  ses  Bretons^  ainsi  que  plusieurs  che- 
valiers de  l'Aragon,  font  des  prodiges  de  valeur.  Du  côté  de  don 
Pèdre,  les  Juifs  tournent  le  dos  dès  le  début  de  lacticm;  mais  le 
trait  des  Sarrasins  de  Grenade  et  des  Béni-Mérin,  armés  d'arcs  et 
d'archigaies,  produit  de  grands  ravages.  Don  Pèdre  brandit  une 
hache  avec  laquelle  il  donne  de  tels  coups  que  nul  ne  l'ose  ap- 
procher. Don  Enrique,  précédé  de  sa  bannière,  va  droit  à  la 
bannière  de  don  Pèdre.  Les  hommes  d'armes  qui  entourent  le  roi 
de  Castille  commencent  alors  à  lâcher  pied.  Par  le  conseil  de  don 
Femand  de  Castro,  don  Pèdre  lui-même  court  s'enfermer  avec 
douze  des  siens  dans  le  château  de  Montiel*.  Ce  château  n'est 
accessible  que  par  un  défilé  dont  le  Bègue  de  Villaines  se  hâte  de 
garder  l'entrée.  Vingt-quatre  mille  hommes  restent  sur  le  champ 
de  bataiUe  ',  et  don  Enrique  et  Bertrand  du  Guesclin  font  plus 
de  trois  grandes  lieues  à  la  poursuite  des  fuyards.  Cette  bataille 
se  livre  sousMontiel  le  [14  mars  1369*].  P.  76  à  78,  314. 

Don  Enrique  et  Bertrand  soumettent  le  château  de  Montiel  au 

1.  Montiel  était  une  riche  commanderie  de  Saint* Jac^et,  dont  le 
gouverneur,  nomm^  Garci  Moian,  ëtait  un  des  rieux  semtenrt  de  don 
Pèdre.  c  E  aqnella  noche  el  alcayde  del  castillo  de  Montiel,  que  era 
un  Cahallero  de  la  Orden  de  Santiago  Comendador  de  Montiel ,  mie 
decian  Garci  Moran ,  que  era  Asturiano,  él  é  los  snjoa  rieron  grandes 
faccos  a  dos  leguaa  del  loaar  de  Montiel,  ë  ficieron  saber  al  Rey  Don 
Pedro  que  pareacian  grandes  fuegos  à  dos  léguas  del  castillo  donde  éi 
estaha,  é  que  catase  si  eran  de  sus  enemigos.  »  Ayala,  1369,  cap.  ti. 
~  Les  feux,  dont  il  est  question  dans  ces  lignes  d'Ayala,  étaient  les 
torches  portées  par  Tayant-garde  de  du  Guesclin.  C'est  pour  n'avoir 
pas  tenu  compte  de  Tayis  de  Garci  Moran  que  don  Pèdre  fut  surpris 
et  Tainea  derant  Montiel. 

2.  L'affaire  de  Montiel,  qui  fut  une  surprise  plutôt  qu'un  combat, 
ne  fut  au  contraire  nullement  sanglante,  a  E  en  esta  hatalla  non  mo- 
rieron  de  los  del  Rey  Don  Pedro  ornes  de  cuenta,  salvo  un  Cahallero 
de  Gordoha  que  decian  Juan  Ximenes  ;  ë  la  razon  porque  pocos  mo- 
rieron  fné  porque  los  nnos  posaban  en  las  aldeas,  é  non  eran  llegados 
i  Ui  hatalla  ;  ë  los  otros  que  y  eran  recogieronse  con  el  Rey  al  castillo 
de  Montiel.  »  Ayala,  1369,  cap.  yi. 

3.  Protssart  s'est  trompe  grossièrement  en  assignant  à  Taflaire  de 
Montiel  la  date  du  13  août  1368.  c  Ë  fné  esta  hataUei  miercoles  catoroe 
dias  de  marao  deste  dicho  aiko  (1369),  à  hora  de  prima.  »  Ayala,  1369, 
cap.  TI.  —  Cette  date  est  exacte  de  tout  point  :  en  1369,  le  14  mars 
est  tombe  un  mercredi. 


zxxii  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

plus  ëtroit  blocus.  Ce  château  est  très-fort  et  pourrait  faire  une 
longue  résistance,  mais  il  n'est  pourvu  de  vivres  que  pour  quatre 
jours.  Vers  minuit,  don  Pèdre  essaye  de  s'échapper^  en  compa- 
gnie de  don  Femand  de  Castro  et  des  gens  de  sa  suite,  mais  il 
est  fait  prisonnier  par  le  Bègue  de  Villaines,  qui  garde  le  passage 
à  la  tète  de  trois  cents  compagnons.  Il  est  conduit  dans  la  tente 
d'Yvon  de  Lakouet  ',  où  don  E^que  se  rend  aussitôt,  et,  après 

1.  Don  Pèdre  essaya  de  s^échapper  la  nuit  du  23  mars  1369,  dix 
jours  après  le  combat  de  Montiel.  Diaprés  le  récit  d'Ayala,  fort  diffé- 
rent de  celui  de  Froissart,  don  Pèdre,  par  Tentremise  a*un  de  ses  che- 
valiers, Men  Rodriguez  de  Senabria,  Tun  des  tenanciers  de  la  sei- 

fleurie  de  Trasiamare,  naguère  racheté  par  Bertrand  du  Guesclin  à 
emard  de  la  Salle  au  prix  de  5000  florins,  don  Pèdre,  dis-je,  aurait 
fait  proposer  à  Bertrand  de  lui  donner  en  héritage  Soria,  Atienza, 
Almazan,  Monteagudo,  Deza,  Moron  et  de  plus  200000  doubles  cas- 
tillanes d*or,  si  le  chevalier  breton  consentait  à  le  tirer  d'affaire  et  à 
le  mettre  en  lieu  sûr;  et  du  Guesclin,  après  avoir  communiqué  à  don 
Ënrique  les  ouvertures  de  Men  Rodriguez,  aurait  attiré  don  Pèdre 
hors  du  château  en  feignant  de  se  rendre  à  ses  propositions  (Ayala, 
1369,  cap.  vin;  Chronicon  Briocense,  dans  dom  Morice,  Preuves  de 
^Hist,  de  Bretagne^  I,  4k6;  Thalamus  parvus^  p.  383). 

2.  Cet  Yvon  de  Lakouet  était  entré  au  service  du  roi  de  France  le 
mercredi  26  avril  de  l'année  précédente,  et  Olivier  de  Mauny  s'était 
porté  garant  des  engagements  pris  par  son  compatriote,  ainsi  qu'il  ré- 
sulte de  l'acte  suivant  :  c  Sachent  tuit  que  je  Olivier  de  Mauny,  che- 
valier, ay  promis  par  la  foy  de  mon  corps  et  juré  et  jure  aus  sains 
ewangiles  de  Dieu  que,  ou  cas  où  messire  Yon  de  Lacouet,  chevalier  de 
Bretaingne,  mouvroit  ou  feroit  Compaingnes  ou  assemblées  de  gens 
ou  royaume  de  France  pour  grever  ou  dommager  ycellui,  aportend 
dommage  par  moy  et  de  tout  mon  povoir  au  dit  messire  Yon  et  à  ses 
aliez,  par  toutes  les  voyes  et  manières  que  je  pourrë,  si  tost  et  incon- 
tinant  que  par  le  roy  nostre  sire  ou  ses  gens  en  seray  acertenez...';  et, 
pour  ce  tenir  et  non  venir  contre  ou  enfraindre,  je,  à  la  requeste  du 
dit  messire  Yon,  me  establis  pleiges  envers  le  roy  nostre  sire  soubz 

'obligacion  de  tous  mes  biens  meubles  et  héritages  à  justicier  par 
toute  justice.  Donné  en  tesmoing  de  ce  soubz  mon  seel  le  mercredi 
xxvi«  jour  d'avril  l'an  mil  ccclx  et  huit,  s  Arch.  Nat,^  J621,  n®  72.  — 
Charles  V  avait  raison  de  prendre  ses  sûretés  en  enrôlant  Yvon  de  La- 
kouet. Ce  chef  de  bande  était,  suivant  l'expression  consacrée,  sujet  à 
caution,  comme  le  prouve  un  acte  daté  de  Paris  en  juin  1368  par  lequel 
le  roi  fit  grâce  à  un  certain  Guillaume  Bonnet,  âgé  de  vingt  ans,  ori- 
ginaire de  Saint-Germain-du-Plain  et  demeurant  à  Chalon,  qui,  trois 
ans  auparavant,  s'était  mis  en  la  route  et  compagnie  c  d'un  Breton 
nommé  Lakouet  et  de  ses  gens^  qui  aloient  ou  paiz  dEspaigne^  lesquelz^ 
quant  il  passèrent  devant  la  ColUoinne  (aujourd'hui  la  Colonne,  hameau 
de  Gigny,  Saône-et-Loire,  arr.  Chalon,  c.  Sennecey),  y  mistrent  et  bour 
tèrent  Us  feus  en  plusieurs  Ueux  et  depuis  à  Brancion  (aujourd'hui  Brancion, 
Saône-et-Loire,  air.  Mâcon,  c.  Toumus).  Arch,  JUat.^  JJfi9f  n<>  236. 


SOMMÀIRB  DU  PRKMIER  LIVfi£,  $$  595-600.  mm 

mk'iébmge  de  paroles  ifijnneuses,  une  lotte  corps  à  corps  s'en- 
fage  entre  les  deux  frères.  Don  Pèdre  a  dTdbord  le  des^s;  Q 
terrasse  '  son  compétiieiir  erletient  sctis  lai;'nuris'le  i4comte  <fe 
Rocabertî  S  cheraller  aragomâa  présent  à'  celte  scène ,  ééfàgt 
doD-Enriqne  qai  tue  d'un  eoap  dedâgue  le^reideCastille.'  P.  78 
à  92,314  à  84». 

Le  lendeottin  de  la  mort  de  don  Pèdre,  le  adgnettr  dé  Montiel 
▼ient  rendre  son  château  à  don  £nrique.  À  la  nouvelle  de  cetle 
mort,  Tolède  ouvre  aussitôt  ses  portes  au  vainqueur,  et  le  roi  de 
Portugal,  après  avoir  d'abord  dëfië  le  meurtrier  de  son  cousin  et 
envahi  la  marche  de  Séville,  ne  tarde  pas  à  faire  la  paix.  Une 
fus  redevenu  attitré  et  paisible  possesseur  du  royaume  dont  il  a 
d^à  été  investi,  don  Bnrîque  récompense  magnifiquement  les  che- 
valiers de  France  et  de  Bretagne,  qui  ont  tant  contribué  à  le  re- 
mettre sur  le  trône*  Bertrand  du  Guesclin  est  cfëë  connétable  de 
Castille  et  giratifié  de  la  terre  de  Soria  *  qui  vaut  par  an  vingt 


1.  Le  TÎeomte  dé  Roeabertî  est  auss!  nommé  par  un  auteur  catalan 
anonyme  dont  Toici  le  texte  cité  par  Ltaguno  dans  ses  notes  sur  Avala  : 
«  Enfonces  el  Vizconde  de  Rocaberti  diÔ  un  golpe  de  la  daga  al  Rey 
Don  Pedro,  y  le  trastomô  de  la  otra  parte.  » 

2.  Par  acte  daté  de  Sévîlle  le  4  mai  1369,  don  Rnrique,  roi  de  Ca^ 
tîHe,  de  Tolède,  de  Lëon,  de  Galice,  de  Sérille,  de  Cordoue,  de  Mur- 
cie,  de  Jaen,  d'Algarbe,  d^Algecîras  et  seigneur  de  Molîna,  régnant 
a>rec  la  reine  doAa  Juana  sa  femme  et  Tinfant  don  Juan  héritier  des 
royaumes  de  Castille  et  de  Lëon,  donna  à  perpétuité  à  a  messire  Ber- 
tran  de  Glaquen,  comte  de  Lon^eville,  d  1»  son  bourg  de  Molinas 
avec  le  château  et  raulorisation  de  prendre  le  titre  de  duc  de  Molina, 
S*  le  bourg  de  Soria  avec  le  château,  3*  le  bourg  d*Atienza  arec  le 
ehâteaa,  4«  le  bourg  d*Almatan  arec  le  château,  t^  Moron,  6®  Mon- 
teagado,  7®  le  bourg  de  I>eza.  Don  Enriqne  ne  retint  que  les  minet 
d*or,  d'argent  et  d^azur  (lazuJite)  et  te  privilège  de  battre  monnaie  de 
aept  ans  en  sept'  ans.  Ces  donations  furent  faites  à  la  condition  que  du 
GuescKn  resterait  au  service  de  don  Enriqne,  et,  après  le  décès  du  roi 
de  Castille,  au  service  de  l'infant  don  Juan,  son  fils  et  héritier  pré» 
iomptif  (Dom  Morice,  Preuves  de  thitt.  de  Bretagne^  I,  1628  à  1631]. 
L'original  du  diplôme,  dont  nous  venons  de  donner  Tanalyfe,  rédigé 
en  castillan,  se  trouve  aujourd'hui  à  la  bibliothèque  de  la  ville  de 
Rennes  à  laquelle  tt  a  été  légué  par  la  dernière  duchesse  de  Gesvres  ;  et 
le  texte  en  a  été  publié  par  M.  André  {Buitetin  de  la  Société  archéolo^ 
gique  d'IlU^tt'FUame^  t.  Vil).  —  Le  duché  de  Molina  et  tous  les  fiefs 
énumérés  plus  haut,  ainsi  que  le  comté  de  Borja  donné  dès  1366  par  le 
foi  d'Aragon,  sont  situés  dans  un  rayon  assez  rapproché.  Tout  le  monde 
connaît  cette  chaîne  de  montagnes,  analogue  à  nos  Cévennes,  qui,  des 
Astories  à  Gibraltar,  coupe  du  nord  au  sud  la  péninsule  ibérique  en 
denx  venante  très-inégaux,  le  versant  oriental  et  le  versant  oceiden- 

vn  —  e 


CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

mille  florins.  Olivier  de  Bfaany,  neveu  de  Bertrand,  est  investi 
de  la  seigneurie  d'Agreda  ^,  d'un  revenu  annuel  de  dix  mille  flo- 
rins. Don  Enriijue  vient  tenir  sa  oour  à  Burgos  où  les  rois  de 
France,  d'Aragon  et  le  duc  d'Anjou  lui  font  parvenir  leurs  fâi- 
citations.  -—  Mort  tragique  *  de  lion  d'Angleterre  marie  à  la  fille 
de  Galeas  Yisconti ,  seigneur  de  Milan  ;  guerre  entre  Galeas  et 
ÉdcNnurd  lancer,  apaisée  par  l'entremise  du  comte  de  Savoie. 
P.  81  à  84,  317  à  319. 


tal.  Soria  se  trouTe  sur  le  rersant  occidental  de  cette  ekahie,  tout  près  des 
raines  de  l*anti([ue  Namance  et  non  loin  de  la  source  du  Duero,  le  seul 
fleure  qui  arrose,  arec  le  concours  de  nombreux  affluents,  il  est  rrai, 

a  Vieille  Gastille  et  Lëon.  Le  comté  de  Borja  s'ëtendait  sur  le  versant 
oriental  de  cette  même  chaîne,  au  bas  des  pentes  de  la  Sierra  Moncajo, 
qui  sëpare  le  Duero  naissant  et  ses  premiers  affluents  de  la  Taille  de 

'Èbre  au  milieu  de  laquelle  s'élèye,  sur  la  rire  droite,  la  riUe  de  Boria, 
qui  avait  donné  son  nom  à  ce  comté.  La  seigneurie  d'Agreda,  cédëe 
par  don  Enrtque  à  Olivier  de  Maunj,  est  précisément  à  mi-chemin  de 
Borja  et  de  Soria.  La  ville  forte  de  Molina  (auj.  Molina  de  Aragon, 

Srov.  de  Guadalajara,  dioc.  de  Sigûenza),  che^lieu  de  la  seigneurie 
e  ce  nom,  érigée  en  duché  en  faveur  de  du  Guesdin,  est  située,  comme 
Soria,  sur  le  versant  occidental  de  la  chaîne  dont  il  s'agit,  mais  un  peu 
plus  au  sud,  là  où  commence  la  vallée  du  Tage  ou  plutôt  de  son 
premier  affluent  le  Gallo  ;  elle  commandait  par  conséquent  la  route 
qui  met  Saragosse  en  communication  avec  Tolède,  c'est-à-dire  TAragon 
avec  la  Nouvelle  Gastille,  la  Manche  et  TEstramadure.  Fa  1375,  Ber- 
trand du  Guesclin  vendit  le  comté  de  Borja  à  rarchevéque  de  Sara- 
Sosse,  moyennant  le  prix  de  27000  florins  d'or  (^Arch,  de  r Archevêché 
e  Zaragoza ,  d'après  une  communication  de  M.  le  marquis  de  Santa 
Coloma). 

1.  La  ville  d'Agreda,  cédée  à  Olivier  de  Maunj,  fait  aujourd'hui 
partie,  ainsi  du  reste  que  presque  toutes  les  seigneuries  données  à  du 
Guesclin,  de  la  province  de  Soria. 

2.  Lionel,  duc  de  Clarence,  né  à  Anvers  le  29  novembre  1338,  fit 
son  testament  le  3  octobre  1368  et  mourut  le  17  de  ce  mois.  La  ru- 
meur publique  avant  attribué  à  un  empoisonnement  la  mort  de  ce 


,    —        . ^  venger,  pnt y.  *w- . 

contre  le  duc  de  Milan  et  reçut  à  cette  occasion ,  au  mois  de  décembre 
1308,  les  félicitations  ainsi  que  les  remercîments  du  roi  d'Angleterre. 
Keryyn,  OEupres  de  Froutart^  xvin,  489,  490. 


SOMMAIU  DU  PREBOJSR  UYRE,  §&  601-610.    xzxr 


CHAPITRE  XaV. 

■uiTCix  DU  THAiTi  Di  BBÉTiorr.  —  1368,  Wjanpier.  ixHm  d'um 
fouAOs  XN  AQUiTAiRB.  —  Mai  et  juin,  appel  point  ditaitt  lb 
mot  I»  nukKCB  PAi  Ln  baioms  db  gabcooiib.  —  3  décembre. 

VAU8ANCB   DO    DAIJPBm    CBUBLBS ,   l»nns    CMUOMB  VI.    -^  1368,     , 

fin  de  décembre^  et  1369,  Janvier,  mâamojif  db  l'appbl  d» 

BABOHS  db   GAflCOGBB  BT  CITATIOff  ADBBSSÏB  AU  PBOfCB  DB  GALLES. 

—  1369,  premiers  mois^  défaitb  db  thomas  db  wbtbhmalk, 

S^arrfCHAL  AKGLAI8  DU  BOUBRGUB,  PBÉS  DB  MORTAUBAB.  — *  BBTOIIB 
DB  JBAB  CBAVDOB  EN  GUYBirBB  ;  SOU  ABBIVl^  A  MOUTAUBAB.  — 
IDVTIJBB  DBS  BiCGOATIOBB  BT  D^CLABATIOIf  DB  GUBBBB.— 29  Of^rii, 
BXDDinOir     d'abBBTILLB     BT     du     POHTIBO     au     BOI     db]     IBAirOB 

(SS  601  JL  610). 

Le  prince  de  GaOes  lève  nn  (buage  *  dans  sa  priocipaut^  d'A- 
qaitaine  et  oonyoque  à  cet  effet  des  parlements  à  Niort,  à  Angoa- 


1.  Le  prinee  de  Galles  ëtait  à  peine  rentré  â  Bordeaux,  an  retour 
de  Mm  ezpMition  d'Espagne,  que,  tots  le  milieu  de  septembre  1367, 
il  eoDToqna  pour  le  3  octobre  suiTant  les  trois  ordres  do  rAquitatne,  à 
Saînt-Émilion,  afin  de  leur  demander  des  subsides.  On  ignore  ce  qui 
se  pana  dans  cette  assemblée  où  beaucoup  de  députes,  qptammeiit 
ceux  des  communes  du  Rouergue,  ne  purent  se  rendre  par  crainte  des 
G>mpagmes  qui  infestaient  alors  toutes  les  routes.  Le  prince  conroqua 
une  seccmde  fois  les  Étau  généraux  de  sa  principauté  à  Angouléme 
pour  le  mois  de  janvier  1368,  en  Tue  d^obtenir  le  rote  d'un  fouage 

Stt'il  avait  résolu  d'imposer.  Le  18  de  ce  mois,  ce  parlement,  en  retour 
e  concessions  nombreuses  et  importantes,  octroya  pour  cinq  ans  un 
fooage  de  dix  sous  par  feu  au  fils  aine  du  prince  de  Galles,  âgé  de 
moins  de  cinq  ans;  et  l'ordonnance,  relattre  à  ce  fouage,  fut  promul- 
guée le  36  janvier  1368  (vojes  plus  baut,  p.  xxni,  note  3).  Enfin, 
m  troisième  pariement  réuni  k  Saintes  au  mois  d'août  suivant,  vota 
un  impôt  sur  les  dîmes  inféodées,  c'est-A-dire  aliénées  par  l'ËffUse  et 
possédées  par  des  laïques,  et  Guillaume  de  Seris  fut  envoyé  a  Rome 
pour  obtenir  Tadbésion  du  pape  Urbain  Y  à  cet  impôt.  Par  consé- 
quent, les  parlements  de  Niort,  de  Poitiers,  de  Bordeaux  et  de  Berg^ 
rac,  dont  parle  Froissart ,  ne  purent  être  que  des  assemblées  prépar»- 
tmres  où  Von  fit  choix  des  députés  chargés  de  représenter  ces  villes 
aux  États  généraux  de  Saint-Émilion ,  d'Angouléme  et  de  Saintes. 
Vojes  l'onvrage  solide  et  judicieux  de  if.  l'abbé  Rouquette,  Lt  Borner^ 
guêsotulêè  jâMgUis^  p.  100  à  108. 


zxxn  CXOIONIQUBS  DE  J.  mOtSâAlT. 

lème,  à  Poitiers,  à  Bordeaux  et  à  Bergerac.  Les  seigneurs  de 
Gascogne,  notamment  les  comtes  d'Armagnac  ^,  de  Périgord,  de 
Gomminges  et  le  seigneur  d'Albret,  s'insurgent  contre  cette  pré- 
tention et  en  appellent  au  roi  de  France^.  Les  personnages  les 
plu^  influents  de  l'entourage  de  Charles  Y,  notamment  Gui  de 
Ligny,  comte  de  Saint-Pol  *,  qui  vient  de  rentrer  en  France, 


I.  laritë  à  adhâper  à  la  ïerée  dans  ses  teigneorie*  da  fovage  Totë 


par  deux  cheTaliers  de  sa  maison,  le  seigneur 
Gôraod  de  Jauiin.  Oatre  cfu'il  invoqoait,  en  motivmnt  ton  refqâ,  la  né- 
cessité où  il  était  de  demander  des  subsides  à  set  rassaux  pour  payer 
les  dettes  contractées,  soit  à  l'occasion  de  sa  rançon  après  Launac, 
soit  a  la  suite  de  l'expédition  d*Ëspagne  ik  laquelle  li  renaît  de  prendre 
part  son»  les  ordres  '  du  prince,  le  comte  d'Armagnac  sontenait  que 
«  nous  et  nos  gens  estions  frans,  ne  onques  a  us  ro/s  de  France  et 
d^Angleterre  n'avions  paie  fouage  ne  aucune  subvencion,  et  que,  pour 
rien,  ne  nous  metterions  en  telle  serritude.  »  Toutefois;  c'est,  seule- 
ment après  aToir  vu  ses  réclamations  réitérées  repoussées  par  Edouard  III 
comme  par  le  prince  soniib  que  Jean,  dans  le  courant  du  mois  d'avril 
1368,  prit  le  parti  de  se  rendre  à  Paris  et  de  demander  justice  au  roi 
de  France.  Jhitl.,  p.  144  à  149. 

2.  Cet  appel  fut  fait  en  mai  et  juin  1368  et  coïncida  à  peu  près  arec 
le  mariage  ci* Arnaud  Amanieu,  sire  d'Albret,  neveu  du  comte  d'Arma- 

Snac,  avec  Marguerite  de  Bourbon,  l'une  des  sœurs  cadettes  de  la  reine 
e  France,  dont  le  contrat  fut  passé  le  4  mai  de  cette' année  (,<^^A;  Nat,^ 
JJ99,  n»  345).  Avant  de  consentir  k  recevoir  l'appel  des  seigneurs  ffà»- 
oons  et  surtout  de  rendre  publique  celte  résolution,  Charle»  V  eonraut, 
le  30  juin,  avec  le  comte  d'Armagnac  et  ses  adhérents  une  cooventioii 
secrète  par  laquelle  le  roi  de  France  et  les  barons  de  Gaaôogne  con- 
tractaient une  alliance  indissoluble  en  cas  de  guerre  avec  l'Angleterre, 
à  la  seule  condition  que  le  roi  respecterait  les  privil^es  des  barons  et 
ne  lèverait  pendant  dix  ans  aucun  fouage  extraordinaire  sur  lettrs  do- 
maines sans  leur  consentement  (Biil.  d»  CÉeoU  des  Cftartef,  xn^  103; 
RonoueCte,  Le  Bouêrguesous  les  AnglaUy  p.  111).  Le  lendemain  !•'  juil- 
let ,  le  roi ,  voulant  récompenser  le  comte  d'Armagnac ,  chef  de  cette 
ligue  contre  les  Anglais,  lui  donna  les  comtés  de  Bigorre  et  de  Gaure, 
Montréal,  Mezin,  Franoescas,  Asuffort,  Lavardac,  FaugnerbUes,  Can- 
deron.  Cordes,  Castels,  Mas-d'Agenais,  Lias,  Montagnac,  Monguilhem, 
la  moitié  de  la  vicomte  de  Juilfaae,  les  hommages  de  Casaubon,  de 
Poudenas,  de  Pourcès,  de  Villeneuve,  les  appellations  et  premi  ers  res- 
sorts de  Lectoure  (Ordonn.^Vi,  104).  Toutes  ces  seigneuries  étaient 
encore  soumises  à  la  domination  anglaise. 

3.  Par  acte  daté  de  Westminster  le  10  février  1367,  Edouard  III 
accorde  un  permis  de  séjour  en  France  jusqu'au  jour  Saint-Micluel 
prochain  venant  à  Gui,  comte  de  Saint-Pol,  otage  en  Angleterre,  et 
s'engage  à  mettre  en  liberté  au  dit  terme  de  Saint-Michel,  Waleran  et 
Robert  de  Saint-Pol,  puges  au  lieu  et  place  de  leur  père^- quand  même 


SOMMAIBE  DU  FREMm  UVRE,  $$  601-610.  xam, 

a^iès'  «féir'ëlé  peûdam  pteîeiir»  anoëes  oU^  ea  AngletejTO^ 
ooDseîllent  de  faire  .droit'à  la  nxfiiite  des  bar«iu  de  Oa3cogiie,  e^ 
s^ppayaut  m  ctifUiafMi  stipalatÎDoa  da  traité  de  Bré^g^y.  P.  84 

Tnte  it  i'uqe  de  ce»  stipuJatÎQns^  dite  charte  des  sou* 
missions,  datée  de  Calais  le  24  octobre  1360  ^  P.  87  à  91, 
321,  322. 

Diaprés  les  conseillers  de*^  la  éôbf  de  France,  Charles  T  doit 
recevoir  Fappel  des  barons  de  Gascogne,  non-seulement  parce 
qa'fidooard  III  a  viole  plosieurs  stipulations  du  traité  de  firéti- 
gny,  mais  encore,  parce  que  les  habitants  de  la  priocipautë,  sur- 
tCMit  ceux  du  Poitou,  de  la  Saintonge,  du  Limousin,  du  Rouer^ue, 
du  Qnerejr  et  de  l'Aunis,  sont  animes  au  plus  haut  degré  contre 
les  Anglais,  le  peuple,  parce  qu'il  est  écrasé  d'impôts,  les  gentils* 
hommes  du  pays,  parce  que  le  prince  d* Aquitaine  les  exclut  de 
tous  les  emplois  au  pro£t  de  ses  compatriotes  et  des  chevaliers 
de  son'  entoorage.  Le  duc  d'Anjou,  qui  réside  alors  à  Toulouse 
en  qualité  de  lieutenant  général  dans  le  Languedoc,  est  un  des 
plus  ardents  à  pousser  le  rot  son  frère  à  une  rupture  avec  l'An* 
glelerre  ^.-^  Charles  Y  £ût  lé  meilleur  accueil  aux  appelants^  sans 
vouloir  néanmottis  prendre  au  début  un  engagement  exprès ,  et 
pendant  ce  temps  il  sonde  les  dispositions  des  habitants  d'Abbé* 
viBe  et.  êm  Pontiea.  —  £n  13ê8,  par  un  avent,  naissance  de 

eeloî*^  ne  serait' pat  de  retour  à  Londres  dans  le  délai  fixé  (Rymer^ 
m,  819). 

.  1.  D'après  Ut  légistes  de  CharietV,  le  roi  de  France  n'aTaft  pas,  â 
prepreKimt  parler,  renoncé  à  la  souyeraineté  et  au  ressort;  il  en  arait 
tcalement  siupendo  Tosage  en  subordonnant  ta  renonciation  d^finitire 
m  certaÎBct  condiÔDat  qa*Édouard  lU  n'avait  pas  remplies  [Grandes 
Cknmi^wjt  VI,  254  à  263). 
3.  Lottfts,  du»  d'Anjoa,  aTtît  des  griefs  joersonnels  contre  Édonard  III 

r'  l'aTsit  d^noneë.  comme  déloyal  et  félon  lorsque  le  second  des  fils 
Toi  J«an ,  Pun  d«t.  otages  da  traita  de  Brëtigny,  mis  en'liberté  sot 
parole  à  la  fin  de  1363,  aTait  refusé  de  revenir  en  Angleterre.  Nommé 
dans  kt  praniers  jour»  de  naTembre..l36^  (JdandtmeMts  de  Otaries  T^ 
p^  61  y ^2)  lieutenant  du  roi  son  frère  en  Lan^edoc,  Louis  suppoiv 
tait  impatiemment  le, voisinage,  de  la  domination  anglaise.  M.  Tabbé 
&Micpieue>a  retrouTë  dans  les  archives  communales  de  Millau  une 
lettMde  cf  prince,  adressée  aux  habitants  de  cette  ville  et  datée  de 
TcMikmse.le.  2S  décembre  1368,  où  Von  voit  bien  l'actÎTité  qu'il  dé^ 
ploya  pour  ^re  éclater  un  mouvement  insurrectionnel  en  Guyenne  et 
MEtoutdant  le  Qnercj  et  le  Ro^ergue,  Le  Âouerrue  tous  les  jÊngUds^ 
p.  118  à  120. 


xxxrnt  CHRONIQTŒS  DE  J.  FROtSSART. 

Charles,  fils  atn^  da  itn  de  France  *,  et  de  Charles  d'Altvet,  fils 
du  seigneur  d'AlbretV  P.  91  à  93,  32Sà  3Ï4.  j 

Charles  T  se  décide  à  recevoir  l'appel  port^  devant  le  par- 
lement de  Paris  contre  le  prince  de  Galles  par  la  plupart  des 
barons  de  Gascogne  *.  —  Noms  de  ces  barons,  —  Un  clerc  de 


n  effet  i 

,  premier  jour  de 
l'ATcnt,  et  fut  bapti)^  en  l'^elite  Saim-Pol  le  mercredi  S  décembre 
soiTant  [GraniUt  Chroniquei,  VI,  266  k  268).  C'ett  le  jour  même  de  la 
naiuanee  de  M>n  héritier  présomptif,  cotacidant  arec  l'Aveot,  qoe 
Charles  V  adreiM  deux  lettre*  dont  il  ter*  fait  mention  plu  loin,  l'une 
aux  habitants  de  Monltuban ,  l'autre  1  Gui  de  S^rërac,  cheralier  du 
Roneivue,  où  pour  la  première  foi*  il  déclarait  publiquement  reaermr 
l'appel  des  barons  de  Gascogoe. 

2.  Charles  d'Albrel,  l'aîné  des  trois  enfants  d'Amanieu,  lire  d'Albret 
et  de  Marguerite  de  Bourfion,  «i  l'on  place  sa  naisMnce  au  mois  de 
décembre  de  cette  «nnëe,  serait  venu  au  monde  i  huit  mois. 

3.  Le  prudent  Charles  V  hàita  beaucoup  sTant  de  prendre  une  d^ 
terminaiion  qni  équinlaît  k  une  mptuT«  du  traita  de  BrAi^j-,  Dan* 
une  assemblée  tenue  le  Tendredi  30  juin  1368,  il  consulta  sou  con- 
•eil  ;  trente-sept  membres  de  ce  conseil  furent  d'avis  que  le  roï  devait 
recevoir  les  appellations  portées  par  les  habitants  de  la  Gujenne  devant 
le  Parlement  (^rcA.  liai.,  J  393,  n»  16  et  17).  Le  28  décembre  suivant, 
Charles  V,  i  pour  auurer  sa  conscience  d,  soumit  de  nouveau  la  ques- 
tion aux  dëlibératioDS  de  quarante-buit  personnes  des  plu*  notables  de 
son  royaume.  II  iiit  décida,  à  l'unanimité,  que  le  roi  pouvait  et  devait 
tuer  de  se*  «onTcraineté  et  ressort  en  recevant  les  appellations  de  se* 
sujets  de  Guyenne,  el  ce  sous  peine  de  péché  mortel  (^Arth.  JVbi.,  J654, 
n<  3}.  Dé*  le  commencement  de  ce  mois,  Charles  V  avait  écrit  des 
lettres  aux  principales  villes  et  aux  seignenn  les  plut  marquants  du 
Rouergue  et  du  Quercy,  où  il  revendiquait  son  droit  de  ressort  et  de 
souveraineté  sur  cette  province  au  sujet  des  appellationi  du  comte 
d'Armagnac  et  du  sire  d'Alhret  (J  655,  n°  23),  tout  en  protestant  en> 
core  qu'il  ne  voulait  point  rompre  le  traité  de  Brétignj.  L'une  de  ce* 
lettres,  adressée  aux  habitants  de  Hontauhan,  est  datée  du  3  décembre 
1363  (Dom  Vais*ete,  Hlsi.  de  Languedoe,  IV,  338).  Par  une  autre  lettre, 
dat^e  au**i  de  Paris  le  3  décembre  1353,  Cbarlei  V  notiSe  i  Gui  de 
r  '  '  '  prinolpaux  seianeun  du  Rooerjue,  qu'il  a  reçn  l'ap- 
]  GascRgne,  e\  Pinvhe  i  fttife  »on  devoir  •  tel  comme 
I  1 1  »on  seigneur  io|tveraIii.  ■  I,b  31  d**eMb»e  suivant, 
]  u,  adrpste  de  ton  çdté  une  notiftcatlon  analogue  an 
J                               \u  Rouergue  et  potamment  Ji  *«t  <  rr*f  amer  les  con- 

i<le  la  Tille  de  IHiltau,  >  Sooqnelte,  l»  Roaerm  rem 
1  lao.  —  A  i«  même  d»te,  Çhar|«  V  av,[t  i&vité  te 
(  \  faire  publier  par  toutes  le*  vi|te*  de  »on  comté  b 

I  s  bargiii  d«  Gascogne  ;  gtais  Louii  de  BAtle ,  ^  ■• 

I  uven,  répondit  le^O  décembre  186B  piT  W  refci 

aiaei  sec  (Kervyn,  OEuvret  de  Fre'utarl,  xmt,  491). 


SOMMÂIRB  BU  FREMIBR  LIVBB,  $$  Mi-*iO.    mn 

droit*  et  un chevmlier  de  Beance,  nomnië  Gapoonet  deCtpenviI  \ 
vont  k  Bordeaux  porter  au  prince  one  lettre  dn  roi  de  Franee* 
P.  93  à  95,  324. 

Par  cette  lettre  en  date  du  15  janvier  [1399']«  le  prince  est 
somme  de  se  rendre  à  Paris  dans  le  plus  bref  délai  pour  y  être 
juge  en  Chambre  des  Pairs  au  sojet  de  l'appd  inteijeié  et  des 
plaintes  portées  contre  lui  par  ses  vassaux,  tant  de  la  Gascogne 
que  des  antres  parties  de  TAquitaine.  P.  95,  96,  3S4. 

Le  prince  de  Galles  entre  en  fureur  en  recevant  cette  somma- 
tion :  il  |rëpond  qu'il  ira  à  Paris,  puisqu'il  y  est  ajourné  par  le 
m  de  France,  mais  que  ce  sera  le  bassinet  en  tète  et  soixante 
nulle  hommes  en  sa  compagnie  *•  H  prétend  que  le  roi  Jean,  en 
cédant  l'Aquitaine,  a  déclaré  fmtnellement  renoncer  k  toute  es- 
pèce de  suzeraineté  ou  de  ressort,  et  il  reproche  A  Charles  V,  fils 
et  successeur  de  Jean,  de  violer,  en  recevant  l'appel  des  barons 
de  Gascogne,  l'une  des  stipulations  du  traité  de  Brétigny.-— Après 
leur  départ  de  Bordeaux ,  les  deux  messagers  du  roi  de  France 
sont  arrêtés  en  Agenais  par  un  chevalier  anglais  nommé  Guil- 
lanme  le  Moine,  sénéchal  de  ce  pays,  et  mis  en  prison  à  Agen  an 
moment  où  ils  se  dirigent  vers  Toulouse  pour  y  rendre  compte  an 
doc  d'Anjou  du  résulut  de  leur  message.  P.  96  à  99, 324,  3t5. 

Jean,  duc  de  Berry,  otage  en  Angleterre,  revient  en  France 


1.  Bernard  Palot,  juge  criminel  de  Tooloaie. 

3.  Ce  cfaeraUer  s'appelait  Jean  de  ChapouTal;  Capomiet  est  lans 
doate  un  samom.  Messire  Jean  de  ChaponTal ,  maftre  d'hôtel  da  ré- 
gent, fat  gratifié  en  jnin  1358  des  biens  que  Jean  Rose,  le  rebelle  de 
Heanx,  possédait  an  bailliage  de  Sentis  {jirch,  J9at.^  JJ  86,  n^  153). 

3.  Les  lettres  de  citation  du  roi  de  France  forent  signifiées  au  pnnoe 
de  Galles  &  Bordeaux  sur  la  fin  de  l'année  1368  on  dans  les  premierf 
Jpors  de  1369.  M.  Lacabane  a  pnbKé  le  texte  de  ees  lettres  dans  son 
mide  Charies  V  du  ÙicihwtairM  éê  h  Conf*r»«tUm,  Cf.  B\H,  d$  tÈeolê 
it  Chartes^  xii,  10%. 

k.  La  chronique  rfmée  da  li^tit  Qhmdot  pi^te  an  pyin^  de  Oelle 
ane  réponse  conçue  en  termes  presse  identiques  : 


LorsfenMUida  an  roy  de 

De  velMté  h$»à\m  et  firanee 

Qae  vohmtieM  eerteyneuMntt 

D  boit  A  sew  manéemem, 

Si  Dieux  li  donnast  faanfé  es  ne* 

Il  et  toute  sa  «oupâignif^ 

iÀ  èêtimi  mrmê  mm  mmêf^ 

Ptar  K  deftedtw  de  meashiaU 


»  -7  -CH»0NIQIim:I«  •!•  EROISSàRT. 

àHai&veiU'.  d'iinMCongé  d'an  an. qu'il  troinreie'mf^nêBde.pràlon*' 
gfiv^jfosifaé  la  déelandûii  de  guerre ^.  iean,  copite.de  Harcotiit, 
obtient  aussi  un  congé  par  l'entremise  de  son  oncle  Louia  de  Har-i 
cmvcty  Be^neur  poitôvin-,  qui. .à  ce  titre  est  alors. l'un  des  vassaux 
dupiince  d'Ânfiâtaine,  et  uae  maladie  dont  il  est  atteint  âpre» 
acm  retèur  en  .FY!anoe:  l'amène  à  prolonger,  oomme  le  duo  dé 
Beçry^r^dnsCQilgé  jusqitt!^  Touvertuire  des  hostiUtës*.  Mpias.heu*? 
reux  que  cc$  deux  premiers  otages.  Gui  dé  Bl^is,  alors,  jeune 
toijer,^^  fcère  du  coaite  Louis  de  Blois»  est  réduit  à  cacheter  sa 
Uberté  loayeopiiant  la/dession  au  roi  d'Angleterre  du  comté  >  de 
Soisdôns,  i|u'Bdouaird  III  rétrocède  k  «on  gendre  le  seigneur  de 
Goupy,  en 'échange  de  quatre  miUe  francs  de  rente  annuelle  à  va-* 
lok  SNT'  la jîdot  asÂgnée  .à  la.  dame,  de  Goucy  *•  Le  comte  Pierre 
dfAlepQciiiri recouvre  aussi  la  liberté  mojfeaaanit  le.  p^eoi^nt  de 
trente  mille,  francs  V  Quant  au  «duc  Louis,  de  BourboQ,  il  se  fait 
pptFQyec.s^Q  élarg^ement ^défipitif ,  en,iEersaat,vne  spi^me  de 


"  1.  L'acte  qui  antome  Jean,  duc  de  Berty'et  d'Anrergne,  à  retournée 
EB  France  et  a  7  aéjcmcner,  est  daté  de^Westminsterle  l**'fémer  •  1  S6d  \ 
et  ce- congé,  accordé  d'abord.poor  on  aa^  £ut  proloDgé  jusqu'à  Pâques 
1368  (Rymer.,  UI,  783,  785). 

2.  JéanVI,  comte  de  Harcodrt  et  d^Auttiale,  otaee  en  Angleterre, 
paani' procuration  Â  Londres  .le  12  janEner'1365  (ni  stv)  pour  serrir  ses 
fiefs  en  France,  et  spécialement  en  Tévêché  de  Poitiers  (La  Roque, 
Additions  aux  preuves  de  V histoire  de  la  maison  de  Harcourt^  IV,  1435). 
Dans  le  courant  de  1367,-41  la  requête  du  prince, d'Aquitaine  et  de 
GaUes,et  cuparmy  l'entreprise  et  piegge^e- de  npst^  ^her  et  féal  Loys 
de,  Harecourt , TOStre  oncle  »,  le  comte  de  Harcourt  fut  autorisé  à  se 
rendre  en  France. eta  y  résider  pendant  quelques,  moiis;  mais  dès  le 
1er  décembre  de  cette  année,  Edouard  III  le  somma  de  reyenir  se  c<m^ 
Mituer  otage  à  Londres^  et.  cette  sommation  fut  renouvelée  le  5  janvier 
de  l'année  suivante  (Rymer,III,.837,  8^0).  £n  cette  même  année  1368» 
le  \k  octobre,  Jean  VX  se  maria  à  Catherine  de  Bourbon,  l'une  des 
aœurs  cadettes  de  la  reine  de  France.  Louis  de  Harcourt,  oncle  de 
Jean  VI,  était  vicomte  de  Châtellerault,  et,  à  ce  titre,  comme  le  dit 
Froissart,.  le  seigneurle.plusimportant  du  Poitou. . 

3.  Gui  de  Blois,  sçtigneur, de ^ea.u.n^ont  en  Hainaut,  otage  d^uia  la 
conclusion  du  traité  de  Brétigny,  c'est-à-dire  depuis  la  fin  de  1360,  ne 
fut  autorisé  à  repasser -anr  le  oentinentque  le- 8  juillet  1367  (Rymer, 
m,  830).  Le  15  de  ce  même  mois,  par  eonianit  passé  à  Londres,  il 
céda,  ainsi  que  le  raconte  Froissart,  son  comté  de«Soissons  à  Enguer- 
rand,  sire  de  Coucy,  en  fayeur  d'Élisabetb  d'An^terre,  dame  de  Coucy 

(Anselme,  ir«/.  ^eiwW.,.VI,  97). 

4.  Pierre,  comte  d'AleqçoDi  fatikutfmsé  à  se  rendre  en  France  et  à 
y  séjourner,  en  même  temps  que  Jean»  duc  de  Beiry  et  d'Auvergne, 
du  1er  février  1366  à  PAquea  1368  (Rymer,  lU,  782,  783,  785). 


soMUÂnBam^nEiiiiR  uvre,  SS  ^<h-6io.    su 

^mgt^^wBé  fiuacsS  «t  eBobtaoniV  dor  pipe  UiMb  ¥«  dontii  « 
lo  bannes  gi4eea,  VAvUbà  de  Wincbeeterpour  GinUanme  Wickam^ 
efaapekin  et  ÊiYori  du  rai  d'Angleterre.  P.  »D  à  lût,  325,  SS6. 
.  Le  pnncede  GaUee  feit  de  gnads  pv^ratifiidd  guerre  coMre 
k  rot  de  ^France  et  dit  qu'il  compte  bien  assister  de  sa  personne 
à  lar.  (ète  du  Lan<)>(;  mais  il  est  retenu  à  Bordeaia  par  une  fay- 
dropisie  incurabàe ,  et  Cbarles  V  a  trourë  le  moyen  de  se  faire 
exactement  renseigner  sur  la  maladie  de  son  adversaire.  —  Peu 
après  l'arrestatioa  des  deux  messagers  qui  ont  porte  au  prince  la 
citation  du  roi  de  France,  les  contes  de  Përigocd,  de  Gommînges, 
te  vicomte  de  Caraman  et  quelques  autres  seigneurs  d'Aquitaine, 
ralliés  au  parti  français,  se  concertent  pour  tirer  vengeance  de 
cette  arreslalioiu  Us  tendent  une  ewbnseâde  à  Thomas  de  Wele»> 
baie,  sénéchal  anglais  du  Rouergue  '^  au  moment  où  celui-ci  fait 

l.ija  rançon  de  Lomi  D,  dnc  de  Beafaonnais,  fat  fixée  i  40000 
écoflf.ct  non  à  90000  francs,  conaM  le  lapporte  intxaeteaent  Fvois-* 
tut.  Lb  ptmBÎer  payement  en  fat  cfFeetvë  le  6  décembre  1367;  an 
■owet*  à**éompie-  tbr  porté  par  Hofiiet  de  Dfgoine  en  Angleterre,  le 
dl  mm  1368  (n.  vt.)  ;  et  la  rançon  ne  fnt  eomplétemant  pi^ée  qs^à  la 
fin  de  celte  année.  Le  due  L4Nm  n*en  fnt  pas  moint  mia  en  liberté  dit 
le  Si  janvier  1366  (Rymer,  III,  783)  ;  le  Ik  joni  de  cette  année,  il  était 
à  MooliM  {jfrtk.  Nai„  P1460,  n««  1936-74),  le  18,  i  Son^igny,  et  le  34* 
à  Moathiel  (  JrvA;  de  la  CàtB^Or^  B§&&3).  »  C'est  pour  parfidse  le 
payeinent  de  «a  rançon  mie  Loirit  H,  par  aete  daté  de  Paria  le  16  dé» 
eembre  1368,  engagea  k  Jean  Dœat,  bonrgeob  et  épkier  à  Ldmdres^ 
•■  prix  de  ÛOO  écoa  d^or,-  a  aa- cotte  d^eacarkte  rooaée,  ordonnée  à 
vetteme  de  homme,  semée  et  ouvrée  de  phiâeii  et  dWcra  oavraiges 
de  grosaea  periea  et  mbis  baiUaîs  et  sapbira a  Arth.  Nai,^  P 1368,  n^^; 
Ml.  dm  FKeoU  dès  Ckartu^  xvn,  268  à  373. 

S.  Thomas  de  Wetenhaie,  cooain  du  faaBAux  Hngh  de  CaWerlj,  avait 
été  nommé  aéûéehal  du  Roaergue  dans  le  conrant  dn  mois  de  ami 
1365,  en  remplacement  d'Amanieu  du  Foatat;  il  tenait  sa  cour  à 
ViUeAnnehe(avjourd'biii  Viliefranche-de^'Aoaergue,  Avejvon),  où  ré* 
«idak  également  Le  trésorier  dn  prince  d'Aquitaine  en  Rouergue* 
Quoique  Frouaart  fasse  vivre  le  sénéchal  du  Rouera  ne  jnaqn'à  la  red» 
4bdon  de  Millan  aa  dnc  d'Anjon ,  e'eat-««dire  )uiqu  an  31  asat  1370,  il 
est  certain  .que  Thomas  de  Weienhale  moumt  dans  la  seconde  moitié 
dn  aM>is  de  sepiembua  1369,  à  ia  suite  des  blesaorea  qu'il  avait  reçues 
an  eombat  de  Montlanr  (Avayron^  arr.  Saînt*-Aftnqiie,  o«  Rehnont),  oà 
il  avait  été  battu  par  Jean,  comte  de  Venddose  et  de  Castres  (an  mo» 
d'aoâl  précédent,  ta  seigneurie  de  Castres  avait  été  érigée  en  comté 
-par  Charles  Y);  Thoama  fat  enterré  a  Moatlaur,  où  Ton  voit  encoiv 
•ag^ourd'hui  son  tonabeam;  et  le  conseil  de  viUe  de  Milieu,  resté  fidèle 
an  parti,  anglaia^  fit  fabe  an  sénéchal  im  sM^ee  solennel  dans  T^gliae 
ilstr^-Dame  de  l'EapÎMCse»  U  Momi^m  s9um  Ut  Am^fimâ^  p.  73»  130, 


XLu  CHRONIQUES  DE  J.  FROiSSAlLT. 

route,  avec  soixante  lances  et  deox  cents  archers^  de  Tillenenve- 
d'Agen  à  Rodez  ^;  ils  le  surprennent  à  deux  lieues  de  McHitauban, 
le  battent  et  le  forcent  à  chercher  un  refuge  derrière  les  rem- 
parts de  cette  d^:*nière  ville.  A  cette  nouvelle,  le  prince  de  Galles, 

• 
1.  Les  historiens  da  Ronergne  ont  dit  (Gaujal,  Essms  historique* 
sur  le  Rouergue^  i,  411)  et  le  saTant  M.  Lacabane  a  rëpëté  {B'M. 
de  C École  des  Chartes^  xn,  103  et  104)  que,  dès  le  17  septembre 
1368,  Rodez  avait  expulsa  l'administratioD  anglaise.  Les  registres  des 
comptes  et  des  délibérations  consulaires,  conservés  aux  Archives  mu- 
nicipales de  MiJian,  contredisent  cette  assertion.  On  y  voit  que  la  cité 
de  Rodez,  soumise  à  Pévêque  de  cette  ville,  et  le  bourg  de  Rode^,  rele-» 
vant  du  comte  d'Armagnac,  adhérèrent  à  l'appel  au  roi  de  France  à  la 
fin  de  septembre  seulement.  Un  certain  Pierre  Borda  fut  alors  chargé 
de  porter  à  Paris  l'acte  contenant  cette  adhésion.  Adhérer  à  l'appel, 
c'était  reconnaître  implicitement  la  souveraineté  du  roi  de  France  ; 
mais  la  reconnaissance  de  cette  souveraineté  suprême  ou  du  ressort 
n'entraînait  pas  la  déchéance  du  souverain  immédiat,  c'est-à-dire  du 
prince  d^ Aquitaine.  Malgré  cette  reconnaissance,  la  ville  de  Rodes,  cité 
et  bouig ,  continua  de  rester  soumise  à  la  domination  anglaise.  Cela 
est  tellement  vrai  que  le  29  septembre,  le  grand  maréchal  d'Aquitaine, 
allant  en  ambassade  à  Rome,  passa  par  Rodez  et  j  reçut  des  consuls 
les  présents  accoutumés.  Rodez  ne  rompit  ouvertement  avec  le  gou» 
vemement  anglais  et  ne  se  donna  officiellement  à  la  France  qu'à  la  fin 
de  janvier  ou  dans  les  premiers  jours  de  février  1369.  Le  27  février 
seulement,  les  fleurs  de  lis  furent  placées  sur  le  Poids  et  la  maison 
commune  du  bourg.  La  première  place  du  Rouergue  qui  semble  avoir 
secoué  ouvertement  le  jong  étranger  est  Najac  (Aveyron,  arr.  Ville* 
firanche-de-Rouergue).  Dès  le  5  janvier  1369,  Raymond  Guerre,  bour- 
geois de  Najac,  se  faisait  donner  les  droits  utiles  de  la  chitellenie,  mon- 
tant à  20  marcs  d'argent  par  an,  ainsi  que  le  droit  de  basse  justice  au 
dit  lieu  de  Najac,  rapportant  annuellement  60  sous  tournois,  en  ré- 
compense de  son  entremise  «  in  et  circa  veram  obedîenciam  dicti  loci 
de  Najaco  erga  dominum  meum  regem  atque  nos  exhibitam  et  osten- 
sam,  s>  Âreh,  Ifat,^  JJIOO,  n»  537;  JJ 102,  n»  202.  —  Mais,  deux  ans 
plus  tard,  par  acte  daté  d'Albi  le  28  février  1371  (n.*  st.),  le  duc  d'An«- 
joa,  ayant  appris  que  Raymond  Guarra  s^était  fait  wsMt  aux  dépens 
de  ise  oancitoyens,  lui  vedrait  les  90  mares  d'argent  dont  il  'vient  d^toe 
question  ppnr  les  assigne»  à  eeiir-«i,  a  eonsidevantas  benam  rel«a^ 
tatem  et  aaadialeai  dilecoioaem  qnas  îpsi  eonsulas  et  habîtatofee  (Na#> 
}aoi)arga  demincon  aeuM  et  nos,  mutrAs  fltrmtdiMê  retrojsot^^  kabuerdBt 
«I  4f  /e«i0  mmuSfwwmu  de  pHmis  toiius  dt^êutus  JqiàUmi$^  ad  obedieii^ 
eiam  pagie  et  nostwim  v<onieAdo,  et  ipsion  dominum  meom  suurn  verumv 
•divectuia  et  natnndem  demimim  receanosoendo  et  ù^lmiêes  domim  mei  et 
nêêêros^  «r#iiaf  im  dhto  loeë  emiitemies^  debêUemé0  et  ah  eàdem  jfroj^ciemh.  » 
JJ  102,  «^  101.  -*  Quant  à  la  déAitie  de  TheaMt  de  WetanhaU  pf^ 
-de  Montniba»,  elle  n*a  pu  avoir  lieu,  si  tant  «M  qu'il  faille  ajonisr 
eniatqua  fiftt  a«r  iMoit  de  P»oisiart,  qu'au  mois  da  janviev  1960,  poifque 
Jeeénécbai  d«'%eiiefgue,>  risseiurdeeetlè  pTOwet»  depuis  plus  de  deux 
ans,  n'7  rentra  qu'au  mois  de  décembre  1368.  La  première  MnoontM 


SOMlfAIRE  DU  FREBOBR  LIVRE,  §§  601-610.    zuii 

qui  rëside  alors  à  Angoulfeme,  rappelle  de  Saint-Sauyeur-Ie- 
'^comte,  en  basse  Normandie,  Jean  Ghandos^  et  l'envoie  tenir 
garnison  à  Montaoban.  Le  sënëchalda  Ronergae  se  rend  à  Rodez, 
et  met  cette  ville  en  état  de  défense,  ainsi  que  Millaa  et  Mon- 
pazier*.  —Noms  des  principaux  seigneurs  gascons,  poitevins, 
anglais,  qui  défendent  sous  Jean  Chandos  les  frontières  du  Rouer> 
gne  contre  les  comtes  d'Armagnac,  de  Périgord  *,  de  Comminges, 
fe  vicomte  de  Caraman  et  le  seigneur  d'Albret. —  Le  duc  d'Anjou 
n'a  point  encore  pris  les  armes,  car  le  roi  de  France,  son  frère, 
lui  a  défendu  de  commencer  les  hostilités  sans  son  ordre  exprès. 
P.  102  à  105,  326  à  330. 

Le  roi  de  France  met  dans  ses  intérêts  plusieurs  chefs  de  Com- 
pagnies qui  ont  remonté  la  Loire  et  sont  cantonnés  sur  les  mar- 
ches de  Berry  et  d'Auvergne  *  ;  mais  il  le  fait  en  grand  secret, 
pour  ne  pas  donner  Téveil  au  roi  d'Angleterre,  qui  n'a  que  peu 
de  forces  à  Abbeville  et  dans  le  Pontieu,  dont  Charles  Y  travaille 
à  se  remettre  en  possession.  Pendant  ce  temps,  le  comte  de  Saar- 

eat  lieu  le  17  janvier  aa  Mont  d'Alazac,  où  Jean  d'Armagnac,  fib  du 
comte,  tua  400  Anglais,  en  prit  60,  et  parmi  ces  derniers,  Pierre 
de  Gontaut  et  un  nereu  du  sénéchal  de  Quercj.  Le  Rouergue  tout  Ut 
Anglau,  p.  121  à  137. 

1.  Il  importe  beaucoup,  pour  préciser  un  peu  la  chronologie  extrê- 
mement rague  et  confuse  de  Froissart,  d'établir  la  date  au  moins  ap- 
proximatire  du  départ  de  Jean  Chandos  pour  la  Guyenne.  Le  conné- 
table d'Aquitaine,  vicomte  de  Saint- Sauveur,  était  encore  en  basse 
Normandie  le  6  octobre  1368,  jour  où  il  donna  quittance  de  15000  fr. 
à  Gérard  de  Crépon,  vicomte  de  Valognes  (L.  Delisle,  Preuvet  dé  rhit'» 
t(Art  du  château  de  Salnt^auveur^U'Pleomte ,  p.  167).  Mais  il  était  ar- 
rivé en  Gujrenne  dès  le  mois  de  décembre  suivant,  ainsi  que  l'atteste 
Tarticle  de  compte  suivant  :  c  A  Navarre,  rov  des  heraux  de  Monsei- 
gneur (le  roi  de  Navarre),  par  mandement  de  l'abbé  de  Cherebourg 
au  xvni«  jour  de  décembre  mccclxvui,  pour  aUer  depert  mettire  Jehan 
Chandot  en  Gujenne,  »  ib'id.^  p.  148. 

9.  Dordogna,  arr.  Bergerac 

3.  Le  24  novembre  1368,  Charles  Y  fit  l'avance  de  12000  ffanai 
d*ef  k Taleyrand  de  P^rigovd,  er^ie  Ml  do  ce  même asois^  de  40<00ûfr. 
iéPor,  àtL  eoiAte  de  P^igord,  pont*  les  frais  de  la  goene  ûotitva  le^veî 
d*Ang!eter)re  (Delisle,  Mandemeutt  de  Cht^Ut  P',  «.240  à  S48)« 

4.  La  plùpsit  de  oes  ohelli  de  Compagnie  étaient  Bretons.  L^m 
d*euxj  Alain  de  Tailleeol,  surnomma  Tabbé  de  Malepaf  e,  tpà  prend  le 
tît^'  d^éeuyei*  dti  roi  dans  une  quitta»oe  datée  d'AageM  le  2  avril 
1366  fn.  ftt.),  (Htij  du  Chastelec,  But,  dé  fiertrmnd  du  Gàetclim,  p.  841  <et 
94*S],V>eeut>ait'a1dM  {Anh.  yai:;JJ lOG,  ii«  lf2)  lefort  de  BreviaMla^ 
en  Soleghe  (aa|oiii4*hiii  ferme  de  la  Riit^Iliibért,  'LeÎPf-etMChér,  aaK 
RomôrafltfB,  c.  Neung).  • •  ■•♦    ••     •*■"  «'  ••'  i»"*:  » 


xtxr  ~  CHKONBJCES  1»  T.  FROBSSÂRT, 

htttck'^'GrijXQÀnàïe  de  Dormans;  envoyas  en  ambàssaiie  liqpfès^ 
d^Édbuand  ifl,  font  traîner  à  dessein  les  nëgociatîoQs  en  longueur 
pendant  deint  mois*.  Une  fois  ses  préparatifs  terâiinés  et  les 
hostilitës  ouvertes  en  Gascogne,  le  roi  de  France,  qtn  a  pri($ 
secrètement  toutes  ses  mesures  pour  se  faire  liyrer  Abbéville, 
envoie  un  Breton,  Tun  de  ses  valets  de  cuisiné  *,  défier  lé  roi  d'An^ 
gleterréV  Le  comte  de  Saarbruck  et  Chiillaume  de  Dbnnans,  aq 
retour  de  leur*  mission ,  i^ncontrent  ce  Breton  à  Doovret  et  se 
hâtent  d'autant  plus  de  regagner  Boulogne.  -^  Guicbard  d'Ai^léy. 
maréchal  d'Aquitaine,  envoyé  par  le  prince  de  Galles  à  Rome  en' 
mission  auprès  du  pape  Urbain  Y,  est  informé  dé  l'ouverture  des 
hostilités  -au  moment  oi  il  se  dispose  à  rentrer  en \Fraiice.  Il  lait 
route  par  la  Savoie  dont  le  comt»  est  alors  en  guerre  avec  le 
marquis  de  Saluces;  mais,  arrivé  sur  les  confins  de  la  Boor-- 
gogne,  il  est  réduit  à  prendre  on  déguisement  de  pauvre  «  cha- 
pelain »  pour  regagner  la  Guyenne.  Jean  Ysoré,  chevalier  bre^ 
ton,  gendre  de  Guicbard  d'Angle,  né  peut  retourner -en  Breta^é 
qu'en  promettant  de  se  rallier  au  parti  français;  et  un  autre 
compagnon  de  voyage  du  maréchal  d'Aquitaine,  Guillaume;  dt 
Seris  *,  chevalier  poitevin,  après  être  rest^  plus  de  cinq  ai&s  <Aehé 
à  l'abbaye  de  Clnny,  finit  aussi  par  se  faire  Français.  I*.  106  à 


1.  Par  acte  daté  de  Westminster,  le  30  octobre  1368,  Edouard  III 
accorda  des  lettres  de  sauf-^conduit  aux  comtes  de  Tancarville  et  de 
Saarbruck,  k  maître  Guillaume  de  Dormans,  cheTalîw,  et  à  Jacx)ue$  le 
Riche,  doyen  de  Paris,,  qui  se  rendaient  en  Angleterre  avec  une  escorte 
de  cent  chevaux  (Rymer,  III,  850).  Le  24  décembre  suivant,  GharJes  V 
envoyait  encore  en  Angleterre  un  de  ses  huissiers  de  salle  porter  des 
fromages  de  France  à  sa  «  ties  chiere  et  amee  suer  la  royne  d'Angle* 
tem,  »  Delisle,  Mandements  de  Charies  V^  p.  245,  vfi  483.  -^  Lie  27-  dé- 
cembre ,  une  somme  de  mille  francs  d!or .  par  mois  ëtait  allouée  an 
comte  de  Tancarville  pour  ses  frais  de  yoyage  et  de  séjour  en  Angle- 
terre» 

•  i).  Que  le  roi  de  France  ait  fait  porter  par  un  de  ses  valets  de  cui« 
•ine  un  'défi  à  son  '  adversaire  d'Angleterre,  cela  est  dépourvu  de 
vraisemblance,  et  rien  n*est-plus  contraire  à  tout  ce  que  1-on-  sait  du 
caractère  de  Charles  V.  Quoi  qu'iten  sohi  les  deux  roks  se  préparèrent 
ouvertement  à  la  guerre  dès  les  premiers  mois  de  1369. 

3k  Guillaume  cfe  Seris,  que  la  Rochelle  avait  député^  vers  le  roî 
de  France,  a  Calais,  avec  quatre  autres  bourgeois,  le  15  août  1360 
(Ckrûmques  de  J  .Frvis^flri^  YI,  xvit,  note  6),  institué  avec  Jean  Çhan^ 
^os,  le  90  kûUet  .1-366,  gardiOi  des  terres  et  seigneuries  situées  «9 
Poitou  et  Samtonge,  et  cédées  par  le  duc  d'Orléims  à  Thomas  de  Wor 


soMMAnn  DD  fimnoi  ira»,  $$  ooi-eio.   nv 

Le  Valet  breloD,  envoyé  par  GiuHrles  V^  anivte  à  LoiidMa  «t 
remet  à  destUMUioa  fta  lettr»  de  défi  du  roi  de  France.  Édonend  III, 
après  xnnt  pria  oonaaiuoDce  du  message^  eat  tnuspoilé  de  61-» 
reor  ^  à  tel  point  que  le  comte  daaphm  d'AnTérgne,  le  comte  de 
férrieii,  lea  aeigneope  de  Rojre  et  de  Meukmer,  qui  sont  eoooiia 
acages  en  Angleterre,  redoutent  des  représailles  sur  leom  per» 

dectok,  ran  dés  fiU  d^Édouard  m  (Ryndner,  m,  7'94),'aKeoi«'fldMe  au 
putianglû  k  la  date  da  U  juin  1367  (Deipk,  Doammu  fmm^ït  ce 
An^tn€^  p«  lt7)t  Alt  gratifié  par  Charles  V,  cd  aaai  1371,  de  1009 
livrées  de  terre  00  de  1000  lÎTres  parîsis  de  rente  annuelle  et  perpé- 
tnelle,  pour  s^être  rallié  an  parti  français,  «  cam  dilectus  et  fldeKt 
asiles  et  eonnliarins  noster  GttfUeknaa  de  Sens,  pniana  prendans  ia 
pvlanMBto  ttosiro  Parisienst,  habita  noùcia  nostri  juris  et  jasticia  m 
gucrra  qnam  Edoardus  An^lie  et  princept  Wallie  primogenitus  suus, 
cajos  erat  consiliarîos»  nobis  nortter  suscitanuit ,  ipretis  honoribtis 
eaibos  se  gaodebat  attolli  et  ooasasodisoiiiiiilKis«  et  diaaîssM  peistsn 
aenibaa  et  bonis  sois  qnibusciuDqae ,  mobiiibus  et  immobitibos,  qoe 
sub  dictorum  hottium  nostrorum  dominio  possidebat,  ad  00s  accedens, 
nostre  le  submiaerit  obediencie,  nobis  et  nostris  le  ofTereDS  terri- 
tnmm....»  Arek,  Nai.^  sect.  bist.,  JJ102,  vfi  272.  —  Douze  jours  arant 
la  reddition  de  la  Rochelle,  par  acte  daté  de  son  château  du  Bois  de 
Viuonmes,  le  27  *oât  137â,  le  roi  de  France  doneai  Cuillaunne  de 
8cns«  cberaiier,  sou  conseiller,  premier  président  en  ton  Parlement, 
•  pour  ce  que  tiberalment  s^ast  soubmis  à  uostre  obeîasauce,  en  cognoia- 
lant  le  droit  qui  nous  appartient  eu  la  duché  de  Guienne  s,  une  nuison 
«>peléa  la  nuison  de  Fetsac,  sîie  i  la  Rochelle  et  confisquée  sur  Jean 


it  Ludanty  prêtre  anglais  et  raoereur  de  Saintonge^  JJ 103,  n*  237.  — 


GniUauma  d%  Sens»  institué  premier  préiident  du  Parlement,  atant  la 
anois  de  mat  1371 ,  mourut  a  Lyon  au  retour  d*un  Tojage  à  Rome  le 
3  octobre  1373,  et  le  ParWment  a^ta  en  corps  à  ses  obsèquçs  qui 
furent  célébrées  à  Pans  le  23  novembre  suivant;  U  est  mentionné 
comme  mort  dans  un  mandement  en  date  du  28  décembre  137(k,  relatif 
k  un  don  de  200  francs  fait  à  son  neveu  Etienne  Poissonart,  huissier 
d'arama  de  Charles  V,  c  pour  considération  des  services  que  nous  fist 
an  ton  vivant  nosCre  dit  coMeiller,  oncle  du  dit  Estienne.  s  Delisle, 
Mmadêmatts  dé  ChatU»  F^  p.  564.  —  En  supposant  exact  pour  tout  le 
icste  le  récit  de  Proissart,  Guillaume  de  Seris  ne  serait  donc  resté  i 
l'abbaye  de  Cluny  que  deux  ans  tout  au  plus,  et  non  cinq  ans. 

1.  Le  26  avril  1869,  Edouard  lU  renvoya  cinquante  pipes  de  via 
une  Cbailes  V  lui  av«it  fait  porter  en  Angleterre  et  présenter  par  un 
ues  officiers  de  son  échansonnerie  nommé  Jean  Eustache  (Rymer,  III, 
86%).  Cet  eut oi  de  vin,  qui  put  paraître  au  roi  d'Aagleterre  une  sorte 
de  bcatade  et  de  provocation  dérisoire  en  présence  des  préparatifs  de 
cnerre  ouverte  que  Ton  faimit  dès  Jors  de  Tautre  côté  du  détroit 
(Ddisle,  MandemenU  ^  p.  255,  n«  507),  n*aurait-il  pas  donné  lieu  a  U 
légende  du  défi  rapportée  plus  haut,  et  le  a  Johauoes  Eustachii,  pin- 
cerna  rsgîs  Fkuncise  »,  ne  serait-il  pas  le  «  Valet  de  cuisine  breton  m 
dont  parie  Frotsaert  ? 


jKwt  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

somieB  ^.  -^  Sans  perdre  un  moment,  il  envoie  cpiatre  oents  hommes 
d^armesy  sous  les  ordres  des  seigneurs  de  Percy,  de  NeviU,  de 
Garlton  et  de  Guillaume  de  Windsor,  renforcer  la  garnison  an- 
glaise d'Abbeville  *;  mais  on  apprend  bientôt  que  les  bourgeois 
de  cette  ville,  h  la  suite  de  pourparlers  secrets  avec  Charles  Y,  ont 
ouvert  leurs  portes  à  un  corps  de  six  cents  lances  amené  par  Gui, 
comte  de  Saint-Pol,  et  Hue  de  Châtillon,  alors  mattre  des  arba- 
létriers de  France  *.  Hue  de  Châtillon  fait  prisonnier  Nicolas  de 
Louvain*,  sénéchal  du  Pontieu,  et  les  Français  occupent  Saint* 
Valéry,  le  Crotoy  ^  et  Rue.  Le  comte  de  Saint-Pol  emporte  Pont- 
Remy  après  un  brillant  assaut  où  son  fils  aîné  Waleran  est  fait 
chevalier.  —  A  la  nouvelle  de  Toccupation  du  Pontieu  par  les 
Français,  Edouard  HI  redouble  de  fureur;  il  envoie  dans  les 
villes  de  l'intérieur  de  son  royaume  les  bourgeois  des  bonnes 
villes  de  France,  otages  du  traité  de  Brétigny,  et  les  soumet  à 
une  captivité  plus  étroite.  Toutefois,  il  permet  au  comte  dauphin 
d'Auvergne  *  de  se  racheter  moyennant  trente  miUe  francs,  et  an 


1.  A  la  nouTelle  de»  préparatifs  maritimes  du  roi  de  France,  l'opi- 
nion publique,  en  Angleterre,  fut  tellement  excitée  contre  les  otages 
français,  qu'Edouard  Ul  dut  dëfendie,  le  26  avril  1369,  de  leur  faire 
outrage,  menace  ou  riolence  (Rymer,  lU,  864). 

2.  Le  9  mars  1369,  le  roi  d'Angleterre  donna  Tordre  à  Henri  Les- 
crop,  gouTemeur  de  Calais,  Merck,  Oye,  Sangate,  Hames,  Audruicq, 
Gumes ,  Ardres ,  et  à  Nicolas  de  LouTain ,  gouverneur  et  sënéchal  du 
Pontieu,  en  résidence  à  Abbeville  (Rymer,  IH,  812),  de  mettre  en  bon 
état  de  défense  les  forteresses  confiées  à  leur  garde  (/^m/.,  862). 

3.  Le  dimanche  29  avril  1369,  Abbeville  et  Rue  se  rendirent  k 
Charles  Y  et  ouvrirent  leurs  portes  à  Hue  de  Châtillon,  maître  des  ar- 
balétriers de  France.  Le  comté  de  Pontieu  tout  entier  était  redevenu 
français  dans  la  première  quinzaine  de  mai,  à  l'exception  de  Noyellei 
(auj.  Noyelles-sur-Mer,  Somme,  arr.  Abbeville,  c.  Nouvion)  où  les  An- 
glais parvinrent  à  se  maintenir  (Grandes  Chroniques^  VI,  271  et  272). 
Aussi,  la  plupart  des  privilèges,  qui  furent  alors  accordés  aux  bour- 
geois d'Abbeville,  en  récompense  de  leur  soumission  spontanée,  sont- 
ils  datés  de  ce  même  mois  de  mal  1369.  Ordon»,^  Y,  177.  Delisle,  Jtfiaii- 
déments,  n^  541  et  5^.  Arch.  Nat.,  JJIOO,  n^  8,  167,  169,|189,  212, 
213,  219,  228,  517. 

4.  Nicolas  de  Louvain  avait  deux  maisons:  l'une  à  Rue,  l'autre  à 
Abbeville  c  devant  les  Flos  Saint  Sépulcre  »,  qui  furent  toutes  les  deux 
confisquées  en  mai  1369.  jireh.  Nai,,  JJ 100,  n«*  502,  611. 

5.  Arch.  Nat„  JJ  100,  n«  171  k  173. 

6.  An  commencement  de  1369,  Beraud,  comte  dauphin  d'Auvergne, 
se  racheu  moyennant  12000  nobles  d'or,  et,  par  acte  daté  de  Souvi- 
gny,  le  k  juillet  de  cette  année,  Louis,  duc  de  Bourbon,  comte  de 


SOMMÀIBB  DU  FRIMIER  LIVRE,  SS  61l*6t7.   x&vn 

comte  de  Porcien  ',  moyennaDt  dix  miUe  francs.  Moins  heureux 
«pe  ces  denz  otages,  le  seigneur  de  Roye  ne  recouvra  la  liberté 
que  pins  tard  et  par  un  cas  fortuit  *.  P.  109  à  143,  S8f  à  835. 


CHAPITRE  XGY. 

nirABATirs  vhitàibxs  bt  oufiuiTUBg  dbs  nosTarrÉs  sua  TOtms  lu 
FBOHTiiaEs  DU  moTAUKB.  — 1368,  s  et  17  ooéU.  piisb  db  yibb  bt 
BB  gbItbau-ooktixb  pab  lbs  couvagribs.  — -  1369|  avril  et  mai. 

us  GOHTBS  DB  CÂMBBIDGB  BT  DB  PEMBBOBB  BN  pâBICOBD;  SlfOB 
DB  BOUBDBIIXXS.  —  IBAlf  GBAITDOS  A  MOMTAUBAH;  FBISB  DB  BOQU»- 
SBBBltBB,  -^SliGB  DB  BÉALTILLB  PAB  LBS  GBMB  DU  DUC  d' ANJOU; 
BXDDITION  DB  SOIXASTB  PLACBS  POBTBS  DB  LA  GUYBBTNB  AUX  PBAK- 

çAis.  —  7  april.  mabiaob  du  duc  db  boubgoobb  atbc  mabgub- 
bub  db  vlahdbb.  —  ^o^,  ABinria  du  boi  db  havabbb  sb  bassb 

HOBMAlfDIB  BT  N^OOGIATIOIVS  BlfTBB  CB  PaiHCB  BT  LB  BOI  d'aN- 
GLEimaBB.  -«  BXPLOITS  DBS  FBABÇAIS  BEI  POFTOU;  FBISB  Dt  LA 
XOCHB-POSAY  PAB  IBAH  DB  BBBLOUBT.  «-  Jvril  et  mai.  OAMPAOBB 
DB  BOBEBT  XAOLLBS  BT  DB  IBAN  GHAlTDOS  EN  QTJBBCT;  8IÉGB  DB 
DUBATXL  BT  DB  DOMMB;  FBISB  DB  MOI88AG,  DB  OBAMAT,  DB  PONS, 
DB  BOGAMADOUB  BT  DB  TILLBPBAHCHX.  —  BBDOmON  DB  BilLTCLLB 
AUX  PBANÇAI8  BT  DB   BOUEOBILLBS  AUX  ANGLAIS  (§§  6il   à  6S7). 

Edouard  III ,  apprenant  que  le  roi  de  France  rassemble  une 
flotte  pour  envahir  l'Angleterre,  garnit  de  gens  d'armes  les  fron* 
tières  d'Ecosse,  les  côtes  de  son  royaume  dans  la  région  de 
Southanq>ton,  les  lies  de  Jersey,  de  Guemesey  et  de  Wight.  —- 


CXenntmX^  se  porta  garant  du  payement  de  cette  somme.  Rymer,  III, 
816,  817,  875. 

1.  Le  payement  de  la  rançon  de  Jean  de  GfaâdUon,  comte  de  Por- 
«ien,  n'était  pat  encore  dëfinitivement  réglé  le  28  octobre  1375.  Ry- 
mer, m,  10^3. 

2.  Nous  lommes  en  mesure  d'indiquer  dès  maintenant  le  cas  fortuit 
auquel  Froissait  fait  allusion.  En  1374,  Bertrand  da  Gnetolin  n^roda 
et  obtint  la  mise  en  liberté  de  Mathiea  II  du  nom,  seigneur  de  Roy« 
et  de  Germigny,  ota^e  en  Angleterre  depuis  1360»  à  condition  que  le 
dit  Mathieu  donnerait  Marie,  sa  fflle  umque,  en  mariage  à  Alam  de 
Mauny,  neren  à  la  mode  de  Bretagne  du  connétable  de  France.  An- 
sehne,  Bist.  gémM,^  VIII,  9  et  10. 


wm  CHRONIQUBS  DE  J.  FROISSART. 

Dans  le  BÙdî  de  la  Fraace,  le  duc  d'Anjou  rëunU  «a  corps  d'av- 
mëeà  Toulouse  et  s'apfirête  à  entrer  en  Guyenne,  tuïdis  que  le 
duc  de  Berry  ^,  à  la  tête  des  barons  de  l'AuTer^e,  du  Beny, 
du  Lyonnais ,  du  Beaujolais  et  du  Maçonnais,  ouvre  les  hostilités 
en  Touraine  et  sur  les  marches  de  Poitou  '.  ^-  Exploits  de  Louis 
de  Saint-Julien  *,  de  Guillaume  des  Bordes  *  et  du  Breton  Ker- 


1.  Par  acte  date  de  Paru  le  5  féTiier  1369  (a.  »t.))  Charlea  Y  iastîr 
tua  Jean,  duc  de  Berry  et  d* Auvergne,  son  lieutenant  général  pour  le 
fait  de  la  guerre  es  parties  de  Berry,  d^Auvergne,  de  Bourbonnais,  de 
Forez,  de  Sologne,  de  Touraine,  d'Anjou,  du  Maine,  de  fCotmandie, 
d'entre  les  rivières  de  Seine  et  de  Loire,  de  Maçonnais  et  de  Lyonnais, 
excepté  les  fiefs  du  duc  de  Bourgogne  es  pays  de  Lyonnais,  et  lui 
donna  pouvoir  d'assembler  des  gens  <rarmes  pour  résister  aux  Compa- 
gnies qui  éuieat  m  le  royaume  et  à  tous  aatret.  j4reK  Nùl.'i  sect. 

adm.,  P  2294,  f  730. 

2.  Dès  la  fin  de  1368,  la  région  de  la  Touraine,  contiguê  au  Poitou, 
avait  beaucoup  à  souffrir  du  voisinage  des  garnisons  anglaises.  L'im- 
prenable fbiterene  de  Loches,  mise  en  bon  état  de  défense  oar  En- 

Suerrand  de  Hesdin  quelques  années  auparavant,  était  le  grana  refuge 
es  malheureux  habitants  de  cette  région .  comme  on  le  voit  par  un 
acte  daté  de  Paris  en  décembre  1368,  où  Charles  V  autorise  la  création 
d'an  marché  k  Loches  le  lundi  de  chaque  semaine,  considérant  que 
c  nonnulli  patriote  et  alii  in  multitudine  copiosa  affluerint  in  eadem 
tempore  periculoso,  et  ipsorum  quidam  in  ipsa  sepius  morentur  ad 
evitanda  pericula  que  sepe  eveniunt  in  illa  patrîa  prope  metas  cujus- 
cumque  fréquentant  plores  nostri  malivoli.  »  Al^ch.  Nat.^  JJ99,  n<»280. 

3.  Ce  brave  chevalier  était  originaire  de  la  Marche,  Le  30  février 
1369  (n.  st.),  Charles  V  le  chargeait,  ainsi  que  Troullart  de  Maignac, 
de  c  certaines  grans  et  secrètes  besongnes  »  pour  l'accomplissement 
desqiiellet  il  faiaait  donner  à  ces  deux  chevaliers  une  somme  de 
2000  francs  d'or,  a  Sachent  tuit  que  nous  Loys  de  Saint  Julian  et 
Troullart  de  Maignac,  chevaliers,  confessons  avoir  eu  et  receu  de 
François  d*Aunoy,  receveur  sur  le  fait  des  aides  ordenez  pour  la  pro- 
vision et  défense  du  royaume  es  cité  et  diocèse  de  Paris,  la  somme  de 
deux  mille  frans  d'or  lesquelz  le  roy  nostre  sire  nous  a  fait  bailler 
comptant  par  le  dit  receveur  pour  certaines  grans  et  secrètes  besongnes 
toucnans  te  bien  et  prottfEt  du  roy  nostre  dit  seigneur  et  du  dit  royau- 
me. Desquelz  deux  mille  frans  nous  nous  tenons  à  bien  payez  et  en 
quittons  le  dit  seigneur,  yoelui  receveur  et  touz  antres  à  qui  quittance 
en  appartient.  En  tesmoing  de  ce,  nous  avons  scellé  oeste  quittance  de 
nostre  seel  commun  ouquel  sont  les  noms  et  l'emprainte  des  armes  es^ 
quartelées  de  nous  deux  ensemble,  qui  fu  faîcte  l'an  mil  coclx  huit, 
le  XX*  jour  de  février.  »  BiSl,  Nai.\  Titres  scellés  de  Clairambauks 
▼ol.  62,  P  4799,  au  mot  Julien. 

4.  Sr  Guillaume  Guenant,  seigneur  des  Bordes  fcbâteau  situé  à  Pr4»> 
ttgny-le-Petit,  Lodre-et-Loire,  arr.  Loches,  c.  du  Grand- Pressigny), 
oheTaUer  et  chambellan  da  roi  de  France,  guerroya  sur  la  frontière  dli 
Poitou,  ce  ne  put  être  que  pendant  la  steohda  moitié  de  1369»  car  di^ 


f 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  §§  611-627. 

looet  ^,  qui  commandent  les  forteresses  françaises  sur  les  marches 
deTouraîne.  P.  1t3.  114,  335,  336. 


montres  de  la  premiàre  moidë  de  cette  ann^  ëtablisieiit  la  pr^ 
sence  de  ce  cheYaller  à  AlençoD  le  28  janTier,  à  Saint-Lo  le  15  mars 
et  à  Saint-Omer  le  12  juin  (Èièl,  Nat.^  Titres  scellés  de  Clairambault, 
an  mot  Bordés),  Toatefois,  la  situation  du  domaine  dés  Bordes,  si  rap- 
procha de  La  Roche-Posay,  rend  cette  participation  de  GiuUaume 
Gnenant  à  la  guerre  du  border  poitevin  très-Traisemhlable.  Les  Gue- 
naut  étaient  en  outre  seigneurs  du  Blanc  (auj.  chef-lieu  d^arr.  du 
dëp.  de  rindre)  dont  le  château,  situe  sur  les  confins  du  Berrj  et 
dn  Poitou,  était  alors  occupé  par  les  Anglais.  Le  château  du  Blanc  ne 
fut  repris  par  les  Français  sous  la  conduite  de  Jean  de  Villemur  que 
dans  les  premiers  jours  de  février  1370  {Arch,  Nat.^  JJIOO,  n»  290). 

1.  Jean  de  Kerlouet.  écujer,  originaire  de  Plévin  au  diocèse  de 
Quimper  (auj.  Côtes-au-Nord ,  arr.  Guingamp,  c.  Mael-Carhaix; 
d*apr&  la  carte  de  Tétat-major,  il  7  a  encore  un  hameau  de  Ker- 
louet en  Plévin),  était  âgé  de  trente-cinq  ans  lorsqu'il,  déposa  à  Angers 
le  5  novemhre  {1371  dans  Fenquéte  pour  la  canonisation  de  Charles 
de  Blois.   Ancien   serviteur  et  partisan  dévoué  du  mari   de  Jeanne 
de  Penthièvre,  Kerlouet  avait  accompagné  Bertrand  du  Guesclin  dans 
sa  première  expédition  en  Espagne,  et  c'est  au  retour  de  cette  expé- 
dition, en  13689  qu'il  commença  à  guerroyer  contre  les  Anglais  sur  la 
frontière  du  Poitou  :  «  Item,  quando  iste  (Jean  de  Kerlouet)  et  multi 
alii  regressi  sunt  de  Yspania  in  societate  Bertrandi  de  Guesclin,  iste  et 
alii  socii,  numéro  duodecim  bellatorum  vel  circiter,  iverunt  in  equitatu 
versus  Salmurum  uhi  inimici  sui  erant,  ut  dicehatur.  Et  dum  fuerunt 
prope  Salmurum,  invenerunt  inimicos  suos  quasi  numéro  duodecim 
IwUatoram.  Et  cum  iste  et  socii  aliquem  capitaneum  non  haberent  et 
inimicos  assalire  vellent,  petiverunt  unus  ah  altero  qualem  damorem 
levarent ,  et  proclamaverunt  sanctum  Carolum  et  victoriam  obtinue- 
runt.  »  Dom  Morice,  Preuves  de  Ttûst,  de  Bretagne^  II,   19   et  20.  — 
Dans  les  quittances  auxquelles  Jean  de  Kerlouet  a  apposé  son  sceau 
(reçu,  soutenu  par  un  homme  armé,  porte  un  cor  de  chasse  accoté  de 
trois  merlettes),  le  nom  de  cet  écujrer  breton  est  écrit  tantôt  Karalouêt 
(quittance  des  20  avril  et  12  septembre  1371),  tantôt  Karelouet  (quit- 
tance du  23  avril  1371),  tantôt  enfin  Kaierlouet  (quittance  du  k  octobre 
1371).  BibL  Afat.y  Titres  originaux,  au  mot  KarMouet  et  Titres  scellés 
de  Qairambault,  tome  lxii,  f^  4819.  —  Le  plus  beau  titre  de  Jean  de 
Kerlouet ,  ce  sont  les  lignes  suivantes  du  testament  de  Charles  V  daté 
du  château  de  Melun  en  octobre  1374  :  «  Item,  voulons  que  pareille- 
ment soient  achetées  trente  livres  de  rente  pour  fonder  une  chapeUe 
pour  Caralouei ,  où  plus  profitablement  pourra  es^re  fait  au  regart  de 
ses  amis.  »  Arck.  IVaL^  J153,  n«  17;  K50,  n®  10,  f  3.  -r  U  importait 
d'autant  plus  de  bien  établir  ici  l'individualité  de  Jean  de  Kerlouet 
qu'on  a  confondu  récemment  (OEuvres  de  Fro'usart^  XX,  546,  au  mot 
Ckaruel)  cet  écujer  breton  avec  Tun  de  ses  compatriotes,  Ëven  Charuei, 
chevalier,  et  l'un  des  héros  du  combat  des  Trente.  On  est  allé  jusqu'à 
dire,  pour  justifier  cette  identification,  qa^Even  était  l'équivalent  de 
JeoM,  Nous  ne  prendrions  pas  la  peine  de  relever  de  telles  méprises, 

vn  —  d 


I.  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

Un  ëcuyer,  dit  le  Poursuivant  d'amours  ^^  capitaine  du  chftteaa 
de  Beaufort^y  en  Champagne,  pour  le  duc  de  Lancastre,  em- 
brasse le  parti  français,  tandis  qu'au  contraire  le  Chanoine  de 
Robersart  *,  qui  avait  été  jusqu'alors  à  la  solde  du  roi  de  France, 
entre  au  service  du  roi  d'Angleterre.  —  Le  duc  d'Anjou  réussit  à 
enrôler  quelques  chefs  de  Compagnies  *,  notamment  Bertucat  d'Al- 
bret|  le  Petit  Âf eschin,  le  bour  de  Bretenil,  Amanieu  d'Ortige,  Perrot 
de  Savoie,  Jacques  de  Bray  et  Emaudon  de  Pau.  — Prise  de  Vire  *, 

•i  elles  n*ëmanaient  d'un  savant  dont  le  nom,  entoorë  d*un  prestige 
légitime,  pourrait  les  faire  accepter  de  confiance. 

1.  Owen  de  Galles,  ëcuyer,  qui  prétendait  descendre  des  anciens 
sonTendns  du  pays  de  Galles,  réussit  k  rallier  au  parti  français  son 
compatriote  Jean  Win  (Laroque  et  M.  Paulin  Paris  ont  lu  :  Jacaues), 
dit  le  Poursuixant  d'amours,  dans  le  courant  de  1369  (Gr,  Chron,^ 
VI,  320;  Arch,  Nai,j  LL197,  n»  4).  Le  24  octobre  1365,  a  Johan 
Win,  escuier  »,  alors  au  service  d'Edouard  UI,  avait  été  chargé 
par  ce  prince,  ainsi  que  Nichol  de  Tamworth,  chevalier,  de  faire  éva* 
cuer  les  forteresses  des  comtes  de  Bourgogne,  de  Nevers  et  de  Rethel 
occupées  par  les  Compagnies  anglaises  TRymer,  III,  777).  Dans  un 
mandement  du  13  février  1379  (n.  st.)  ou  cet  ëcuyer  gallois,  devenu 
récuyer  d'écurie  du  roi  de  France,  est  retenu  pour  95  hommes  d'ar- 
mes, on  donne  aussi  à  Win,  «dit  Poursigant»,  le  prénom  de  Jean 
(Delisle,  MandemenU  de  Charles  V^  p.  739,  896).  Le  Poursuivant  d'a- 
mours était  encore  au  service  de  Charles  VI  le  19  février  1383  {^irch, 
JITar.,  JJ122,  no  128). 

2.  Aujourd'hui  Montmorency,  Aube,  arr.  Arcis-sur-Aube,  c.  Cha- 
vanges. 

3.  Thierrif  dit  le  Chanoine  de  Robersart  (Nord,  arr.  Avesnes,  c. 
Landrecies),  seigneur  d'Ëcaillon  (Nord,  arr.  et  c.  Douai),  reçut  d'E- 
douard III,  dès  le  Vk  août  1366,  une  pension  de  quatre  cents  livres. 
Par  acte  daté  du  château  de  Rouen  en  juillet  1369,  Charles  V  donna  à 
Jean  de  Dormans,  cardinal  évèque  de  Beauvais,  son  chancelier,  quatre 
marcs  d'or  achetés  par  le  Chanoine  de  Robersart,  deux'  sur  la  ville  de 
Crépy  en  Laonnois,  et  les  deux  autres  sur  la  ville  de  Vervîns  en  Thié- 
rache ,  confisqués  a  pour  ce  que  le  dit  Chanoine  s*es^  faiz  et  rendoz 
nostre  ennemy  et  a  tenu  et  tient  le  parti  de  Edwart  son  ainsné  filz  à 
rencontre  de  nous  et  de  nostre  royaume.  »  Arch,  Nat.^  JJIOO,  n<>  232. 

4.  Au  mois  de  janvier  1369,  le  duc  d'Anjou  enrôla  Noli  Pavalhan, 
capitaine  de  88  hommes  d'armes. (Titres  scellés  de  Gaignières  cités  par 
dom  Vaissete,  Eut,  de  Languedoc^  IV,  339). 

5.  Les  gens  des  Compagnies  anglaises,  commandés  par  Jean  Cresse- 
well,  Hochequin  Russel,  Folcquiu  l'Alemant  et  Toumelin  Bell,  s'em- 
parèrent par  surprise  de  la  ville  de  Vire,  le  2  août  1368  ;  le  château 
de  Vire,  défendu  par  Raoul  d'Auquetonville,  résista  aux  attaques  des 
Anglais  qui  évacuèrent  la  ville  elle-même  dans  les  premiers  jours  de 
septembre,  moyennant  le  payement  d'une  rançon  de  2200  francs  d'or 
(Grandes  Chroniques^  VI,  253,  25^;  BibL  de  P École  des  Chartes^  III, 
27(1  a  277;  Arch.  Hat,,  JJ  99,  n*  593). 


SOAfMÂlRB  DU  P&KBima  UVRE,  SS  611-627.        u 

CD  basse  Normandie  «  et  de  Ghâteau*Gontier  S  dans  le  Maine, 
par  le«  Compagnies  anglaises.  —  Les  comtes  de  Cambridge  et  de 
Fembroke,  charges  par  Edouard  III  d'amener  des  renforts  au 
prince  de  Galles,  débarquent  en  Bretagne,  et  profitent  de  leur 
sëjour  dans  ce  pays  pour  embaucher  les  Compagnies  de  Vire  et 
de  Châteaa«-Gontier  qu'ils  décident  à  repasser  la  Loire  au  pont 
de  Nantes,  ^^  Hugh  de  Calverly  ',  qui  a  quitté  la  marche  d'Ara- 
gon pour  rejoindre  le  prince  '  à  Angoolème,  à  la  première  non- 

1.  Yen  le  17  aoât  1368,  quatre  ou  cina  cents  oompagnont  anglais, 
sous  les  ordres  de  Jean  Crettewell  et  de  Folcqain  TAIemant,  s'étant  dé- 
taches de  la  bande  qui  STsit  surprit  Vire,  pénétrèrent  dans  le  Maine  et 
réntsirent  à  te  rendre  maîtres  de  Château-<9ontier  (GranJes  Chroniques^ 
VI,  Sô4).  L'éracoation  ou,  comme  on  disait  alors,  le  ridement  de  cette 
place  forte  ne  fat  obtenu ,  comme  celui  de  Vire,  qu'à  beaux  deniers 
comptants.  Un  subside  spécial  fut  \eré  sur  !(*s  deux  diocèses  du  Mans 
et  d'Angers  pour  parfaire  la  somme  destinée  au  rachat  de  Château- 
Gotttîer.  GuîUaaaie  Bequet,  reocTeur  général  eu  diocèse  du  Mans,  fut 
même  obligé,  le  Tersement  s*étant  trouTé  insuffisant,  de  laisser  ses  chs- 
raux  en  compte  aux  routiers  {^rch.  Nat,^  JJIOO,  Tfi  84).  C'est  alors 
sans  doute  que  le  Lîon-d'Angers  (Maine-et-Loire,  arr.  Segré)  fut  oc- 
cupé par  deux  chefs  de  bande,  «  Hochequin  Roussel  et  Jehan  Chache, 
capitaines  de  deux  routes  demourans  ou  dit  fort  de  Léon  en  Anjou  » 
JJlOO,  n*  155.  -^  Nous  Toyons  par  un  autre  mandement,  daté  de  la 
Suze-sur-Sarthe  le  8  septembre,  qu^Amauri,  sire  de  Craon,  donna  la 
chasse  à  d'autres  bandes  qui,  après  leur  départ  de  Château-Gontier, 
ataieiit  pénétré  en  Bretagne,  et  les  poursuivit  jusqu'à  Saint- Saureur-le- 
Vieomte.  Dom  Morice,  Preuves  de  Chist.  de  Bretagne^  I,  1632  à  1634. 

S.  Hugh  de  Calverly,  qui  avait  été  fait  comte  de  Carrion  par  dom 
Pèdre,  avait  dâ  rester  en  Espagne  même  après  le  départ  du  prince  de 
Galles  et  le  retour  de  l'armée  anglaise  en  Gujenne. 

3.  Avant  dVntrer  en  campagne,  le  prince  d'Aquitaine  crut  devoir 
adresser  un  manifeste  aux  prélats,  aux  barons  et  aux  communes  de  sa 
principauté.  Ce  manifeste,  daté  d'Angouléme  le  27  janrier  1369,  est 
surtout  dirigé  contre  le  comte  d'Armagnac  auquel  le  prince  reproche 
de  manquer  à  ses  serments,  de  le  payer  d'ingratitude  fui  qui  Ta  aidé  à 
acquitter  sa  rançon  au  comte  de  Foix,  et  enfin  de  le  mettre  en  guerre 
avec  la  maison  de  France.  Dans  sa  réponse  à  ce  manifeste,  datée  de 
Rodez  et  adressée  aux  consuls  de  Millau,  le  22  février,  le  comte  d'Ar- 
magnac dit  que  le  prince  lui  reste  redevable  de  200  000  francs  d'or 
sur  les  frais  de  l'expédition  d'Espagne,  qu'il  a  toujours  refusé  de  le 
mettre  en  possession  de  Monségur,  qu'il  a  été  remboursé  de  l'argent 
prêté  pour  payer  le  comte  de  Foix,  que  le  prince  et  le  roi  d'Angleterre 
son  père  n'ont  jamais  voulu  faire  droit  aux  réclamations  relatives  à  la 
levée  du  fouage,  et  «  que  nul  serment  de  feauté,  nui  bornage,  nul  ser- 
ment de  conseil  ne  nous  lie  en  riens  que,  quant  le  seigneur  nous 
griesve,  nous  ne  puissions  ne  deions  recourre  au  remède  de  droit,  c'est 
appeller  à  nostre  seigneur  souverain ,  et  ainsi  l'avons  nous  fait  au  roy 
de  France.  »  Ces  deux  documents,  qui  offrent  un  si  rif  intérêt,  ont  été 


LU  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

velle  de  la  reprise  des  [hosdlitës,  est  mis  à  la  tête  de  deux  mille 
soudoyers  de  ces  Compagnies  d'outre-Loire,  réunies  à  celles  qu'il 
a  ramenées  d'Espagne  ;  il  fait  des  incursions  sur  les  terres  du 
comte  d'Armagnac  et  du  seigneur  d'Albreti  P.  Ii4àil8,  336, 
337. 

A  peine  arrivés  à  Angoulème,  les  comtes  de  Cambridge  et  de 
Pembroke^  reçoivent  du  prince  de  Galles  Tordre  de  faire  une 
chevauchée  dans  le  comté  de  Périgord  ^^  à  la  tète  de  trois  mille 

publiés  pour  la  première  fois  par  M.  Tabbé  Joseph  Rouquette.  Lu 
Rouer gue  sotu  les  Anglais^  p.  139  al  42,  \kk  à  149. 

1 .  Il  importe  beaucoup,  pour  donner  une  base  solide  à  la  chrono- 
logie si  flottante  et  si  confuse  de  Froissart  dans  le  récit  des  guerres  de 
Gascogne,  de  déterminer  au  moins  d'une  manière  approxmiatÎTe  la 
date  ae  Parrivëe  en  Guyenne  des  comtes  de  Pembroke  et  de  Cam- 
bridge. Or,  nous  Toyons  que,  le  16  janvier  1369,  Edouard  III  accorda 
des  lettres  de  sauf- conduit  à  son  gendre  Jean  de  Hastings ,  comte  de 
Pembroke,  «  qui  in  obseqnium  régis,  ibidem  in  comitiva  Eduardi  prin- 
cipis  Aquitanie  et  Vallie  moraturus,  profeeturus  est  versus  partes  A  qui" 
tanie.  d  Rymer,  III,  857. 

2.  L'expédition  des  comtes  de  Cambridge  et  de  Pembroke  en  Péri- 
gord ne  peut  être  antérieure  à  la  seconde  quinzaine  d'avril  1369,  car 
c'est  alors  seulement  qu'Archambaud  Y,  comte  de  Périfford,  se  décida 
après  de  longues  hésitations  à  donner  son  adhésion  a  Tappel  porté 
dcTant  le  roi  de  France  par  Jean,  comte  d'Armagnac,  et  le  sire  d'Al- 
bret.  Le  comte  avait  été  devancé  par  son  frère  Taleyrand  de  Périgord 
qui  avait  adhéré  à  l'appel  dès  le  28  novembre  de  l'année  précédente  et 
en  faveur  duquel  Louis ,  duc  d'Anjou ,  par  acte  daté  de  Toulouse  en 
mars  1369,  venait  de  constituer  une  rente  de  3000  livres  à  prendre 
a  in  et  super  conquesta  in  senescallia  Petragoricensi  et  in  senescàllia  Ca- 
turcensî.  >  {Arcn.  Nat,^  JJ  100,  n^  ?78.)  Le  15  du  mois  suivant,  le 
prince  d'Aquitaine,  pour  retenir  Archambaud  dans  le  parti  anglais, 
confirma  solennellement  les  privilèges  de  son  comté  {Bibl.  Hfat,,  fonds 
Doaty  reg.  244  ;  Périgord,  tome  III,  f»  19)  ;  mais  il  éuit  trop  tard  :  le 
comte  de  Périgord,  qui  se  trouvait  alors  à  Canssade  en  Quercy  (Tarn- 
et~Garonne ,  arr.  Montauban) ,  avait  adhéré  formellement  a  l'appel 
deux  jours  auparavant  {Ihid.^  reg.  242;  Périgord,  tome  I,  (^661).  Dans 
le  courant  de  mai,  Archambaud  prit  ouvertement  parti  contre  les  An- 
glais et  se  rendit  à  Toulouse  auprès  du  duc  d'Anjou  (Jrch.  municipales 
ae  Périgueius,  livre  noir,  (^  46,  cité  par  Dessalles,  Périgueux  et  les  deus 
derniers  comtes  de  Périgord^  Paris,  1847,  p.  89).  Tandis  que  Charles  V, 
par  acte  daté  de  Saint-Germain-en-Laye  en  mai  1369,  confirmait, 
pour  récompenser  le  comte  de  Périgord,  toutes  les  donations  antérieu- 
res faites  en  sa  faveur  {Areh.Nat,^  JJIOO,  n»  431),  le  prince  d'Aqui- 
taine, impatient  de  se  venger  de  cette  défection,  donnait  l'ordre  aux 
comtes  de  Cambridge  et  de  Pembroke  de  marcher  sur  le  Périgord,  et, 
le  26  juin,  après  avoir  confisqué  ce  comté,  en  faisait  don  à  Regnault 
de  Pons,  vicomte  de  Turenne  et  de  Cariât,  seigneur  de  Ribérac,  de 
Montfort,  d'Aillac,  de  Carlux,  oncle  par  alliance  d' Archambaud  V. 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  Sg  611-627.       un 

combattants.  Ils  mettent  le  siëge  devant  la  forteresse  de  Rour- 
ddlles^  que  défendent  les  deux  firères  Ernaudon  et  Rernardet  de 
RadefoP,  ëcuyers  de  Gascogne.  P.  118,  il 9,  337,  338. 

En  Poitou  et  sur  les  marches  d'Anjou  et  de  Touraine,  la  supé- 
riorité du  nombre  est  du  côte  des  Français,  et  deux  ou  trois 
cents  Anglais  ont  à  garder  la  frontière  contre  mille  combattants. 
Profitant  de  cette  supériorité,  sept  cents  Français,  sous  les  ordres 
de  Jean  de  Reuil  ',  de  Guillaume  des  Rordes,  de  Louis  de  Saint- 
Julien  et  de  Jean  de  Kerlouet,  mettent  un  jour  en  déroute,  sur 
une  chaussée  rompue,  entre  Lusignan*  et  Mirebeau,  une  troupe 

1.  Dordogne,  arr.  Périgneuz,  o.  Rnntôme.  Pendant  le  liége  de 
Ronrdeilles ,  les  Aurais  s'emparèrent  de  Ronssille  (chatean  titué  en 
DouTille,  Dordogne,  arr.  Bergerac,  c.  Villamblard)  et  firent  des  tenta- 
ÛTes  infructuenses  contre  Auberoche  (château  situé  au  Change,  arr. 
Përigneux,  c.  SaTÎcnac-les-Églises)  et  Montignac  (Dordogne,  arr.  Sar- 
kt).  DessaUes,  Ibtd.^  p.  90. 

3.  Ernaudon  et  Rernardet  de  Radefol  étaient  les  deux  fils  naturels 
de  Seguin  de  Gontaut,  sire  de  Badefols  (auj.  BadefoIs>de-Gadouin 
Dordoene ,  arr.  Bergerac ,  c.  Cadouin  ) ,  père  du  fameux  Seguin 
de  Badefol,  empoisonne  par  le  roi  de  Nararre  a  la  fin  de  1365.  Se- 
guin de  Gontaut,  qui  aTait  aussi  donne  le  jour  â  trois  filles  naturelles, 
riTait  encore  au  commencement  de  1369;  il  mourut  peu  après,  le 
23  août  1371,  et  fut  enterré  dans  Tabbaje  de  Gidouin.  Tandis  que  les 
deux  bâtards  de  ce  seigneur  sVtaient  enrôlés  dans  le  parti  français  et 
commandaient  la  garnison  de  BourdeiJles,  Gastonnet  ou  Tonnet,  le 
dernier  né  des  fils  légitimes  de  Seguin,  était,  comme  nous  le  Terrons 
l^us  loin,  capitaine  de  Bergerac  pour  les  Anglais. 

3.  Le  5  aTril  1369,  Charies  V  manda  à  Jean  le  Mercier,  trésorier  des 
guerres,  c]e  fournir  cinquante  payes  à  son  «  amé  et  féal  Jehan  de  Bueil, 
cheralier,  pour  la  garde  de  la  ville  tt Angers  et  du  pays  d'environ,  b  De* 
lisle,  Mandementi  de  Charles  V^  p.  258.  —  Dans  deux  actes  datés  des  1 6  et 
18  juillet  suivants,  Jean  de  Benil  est  mentionné  comme  faisant  alors  la 
guerre  sur  les  confins  de  la  Touraine  et  du  Poitou  {Arch,  Nai,^  JJ100« 
n«526J. 

4.  Ce  combat,  qui  fut  livré  près  de  Lusignan  vers  le  milieu  de  1369» 
paraît  avoir  eu  une  certaine  importance.  Froissart  est  le  Aenl  chroni- 
queur qui  le  mentionne ,  mais  nous  avons  découvert  un  jicte  relatif  k 
un  chevalier  français  qui  j  perdit  la  vie,  où  Ton  donne  à  cet  engage- 
ment le  nom  de  <  bataille  i .  Par  cet  acte  daté  du  bois  de  Vincennes 
en  septembre  1369,  Charles  V  donna  les  biens  confisqués  de  Simon  du 
Felonx,  de  Robin  du  Portau  et  de  Jean  de  Maisoncelles,  sis  en  Lou- 
dunois,  à  Philippe  de  Montjeban,  veuve  de  Robert  Fretart,  fils  de  feu 
Robert  Fretart,  en  son  vivant  chambellan  de  Philippe  de  Valois,  afin 
de  la  dédommager  de  ce  qu'elle  avait  pajé  f  pour  la  reançon  de  feu 
Robert  Fretart  son  filz  lequel,  pour  nous  servir  en  nos  guerres,  fn  plu- 
sieurs foi*  prisonnier  à  Montbason  et  ailleurs  et  darriennement  perdi  un 
cAcm/,  du  pris  da  cent  livres^  n  ia  batauxb  qui  fu  imfbAs  LniovAir, 


uv  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

d'Anglais  commandés  par  Simon  Burleigh  ^  et  d'Agortsses  '•  Ce 
dernier  réussit  à  s'échapper  et  se  jette  dans  le  château  de  La« 
signan,  mais  Simon   Burleigh  reste  au  pouvoir  des  vainqueurs. 
P.  120,  421,  338,  339. 
Sur  les  firontières  du  Toulousain,  JeanChandos',  le  captai  de  Buch*, 


en  lacnielle  aussi  fu  mort  le  dit  Robert,  •  Ar^,  Nût,^  JJIOO9  n^  393« 
Cf.  JJ 100,  no»  112  et  280. 

1.  Simon  Burleigh  avait  été  éler^  avec  le  prince  de  Gallefl  qui  le  char- 

gea,  ainsi  que  Guichard  d'Angle,  de  diriger  l'édacation  de  son  second 
U,  depuis  Richard  II.  Froissait  fut  mis  de  bonne  heure  en  relation 
avec  ce  chevalier  auquel  il  dut  sans  doute  quelques-uns  de  ses  récits. 
«  De  ma  jeunesse,  dit  le  chroniqueur  racontant  la  mort  violente  de 
Simon  Burleigh  en  1387,  je  Tavoie  trouva  courtois  chevallier  et  à  mon 
semblant  pourveu  de  bon  sens  et  entendement.  »  Froissart  de  Buchon, 
éd.  du  Panthéon,  II,  613.  —  Simon  Burleigh  avait  ëpous^  Marguerite 
de  Beaussé,  veuve  du  seigneur  de  Machecoul  (Loire-Inférieure,  arr. 
Nantes),  laquelle  lui  avait  fait  donation  de  tous  ses  biens  au  détriment 
de  ton  héritière  naturelle  Catherine  de  Machecoul ,  mariée  à  Pierre 
de  Craon.  Par  acte  daté  de  Paris,  au  mois  de  juillet  1369,  Charles  V 
déclara  cette  donation  nulle  et  non  avenue,  et  il  importe  de  signaler 
cet  acte  parce  qu'il  mentionne  Poccupation  à  cette  date  de  Saumur 
par  les  Français,  contrairement  à  l'assertion  de  tous  les  historiens  an- 
ciens et  modernes  de  PAnjou  (Arch,  Nat,^  JJIOO,  n«  540). 

2.  Ce  chevalier  dont  le  véritable  nom  est  resté  un  mystère  pour  tbus 
les  éditeurs  et  commentateurs  de  Froissart,  s'appelait  Adam  Chel,  dît 
d'Agorisses  ;  il  était  originaire  du  pays  de  Galles  et  marié  à  la  dame  de 
Mortemart  (Haute-Vienne,  arr.  Bellac,  c.  Mézières).  Le  2  mars  1370, 
Charles  V  déclara  confisqué  le  château  de  Gençay  (Vienne,  arr.  Civray) 
qui  appartenait  à  Adam  Chel,  et  le  donna  à  Jean  de  Villemur;  puis, 
deux  jours  après,  le  k  du  même  mois,  il  révoqua  la  précédente  dona- 
tion et  transporta  le  dit  château  à  Louis,  sire  de  Malval.  Au  reste,  ces 
donations  ne  tiraient  guère  à  conséquence,  puisque  Gençay  n*avait  pas 
cessé  d'être  au  pouvoir  d^Adam  Chel.  Arch,  Nat,^  JJ  100,*  f»  242  ^charte 
barrée)  et  n®»  804  et  472. 

3.  Dès  la  fin  de  janvier  1369,  Jean  Chandos  devait  être  arrive  k 
Montauban,  puisque  Thomas  de  Wetenhale,  voulant  relever  le  courage 
et  soutenir  la  fidélité  des  habitants  de  Millau,  après  la  défaite  des  An- 

Slais  au  mont  d'Alazac  arrivée  le  17  de  ce  mois,  leur  disait  que  Chan- 
lOt  et  Bertucat  d'Albret,  à  la  tête  de  troupes  considérables,  étaient  en 
route  pour  venir  protéger  le  Rouergue  et  en  chasser  les  ennemis  {Le 
Rouergue  sous  Us  Anglais ^  p.  137).  La  mention  de  Bertucat  d'Albret, 
désigné  par  Thomas  de  Wetenhale  comme  le  compagnon  d*armes  de 
Chandos,  prouve  en  outre,  contrairement  à  l'assertion  de  Froissart,  que 
ee  chef  de  Compagnies  était  encore,  à  cette  date,  dans  le  parti  anglais, 

4.  Le  27  mars  1369,  c'est-à-dire  au  moment  même  où  Anglais  et 
Français  se  disputaient  le  Quercy  à  main  armée,  le  prince  d'Aquitaine 
donna  le  comté  de  Bigorre  à  Jean  de  Grailly,  captai  de  Buch,  dont  il 
récompensait  ainsi  l'inaltérable  fidélité  à  sa  cause  (Carte,  Râles  gascons^ 


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SOMMAIRE  DU  PBEMIKR  LIVRE,  $^  611-627.        lt 

le  sire  de  FftrtkeiiayS  Louis  de  Harcourt  et  Guiohard  d'Angle, 
qui  tiennent  garnison  à  Montauban  et  disposent  d'an  millier  de 
oombattanU,  s'emparent,  après  quinze  jours  de  si^ge,  de  Ro- 
queserrière ',  et  peu  s'en  faut  qu^ils  ne  surprennent  Lavaur. 

p.  157).  Cette  donation  fut  confirmée  par  Edouard  ni ,  le  8  juin 
soÎTant. 

1.  GoiUaume  LarcheTéqae,  seigneur  de  Parthenay.  Par  acte  dat^  du 
bois  de  Vincennes  en  juin  1369,  Charles  V  donna  à  son  am^  ëcujrer 
d'ëeurie  Guillaume  Goffier  les  château  et  chatellenie  de  Rugnj  en 
Tooraine  (aujourd'hui  Rigny,  Indre-et-Loire,  arr.  Chinon,  c.  Azay- 
le-Rideau),  confisqua  sur  Guillaume  Larcheréque,  aire  de  Parthenay, 
qui  les  possédait  au  chef  de  sa  femme,  «  pour  ce  que  le  dit  Guillaume 
s'est  rendus  nostre  ennemi  et  a  tenu  et  tient  le  parti  du  dit  prince  de 
Gales,  duc  de  Guienne,  et  s*est  armez  et  arme  contre  nous  et  nos  sub» 
ffiez,  en  faisant  et  portant  de  jour  en  jour  tous  les  dommages  qu*il  peut 
a  nostre  dit  royaiûme ,  et  lequel  chastel  a  esté  pris  par  force  de  noz 
gens.  »  jéreh,  iVo/.,  JJIOO,  n»  197.  —  Le  9  du  mois  snirant,  le  roi  de 
F^mnce,  apprenant  que  la  terre  de  la  Fougereuse  en  la  ricomtë  de 
Thouars  (aujourd'hui  section  de  Saint-Maurice*la-Fougereuse,  Deux* 
Serres,  arr.  Bressuire,  c.  Argenton-Château),  appartenant  à  Briand  de 
la  Haye,  chcTalier  du  parti  français,  arait  été  donnée  par  le  prince  de 
Galles  au  sire  de  Parthenay,  assigna  au  dit  Brianu  500  liyres  de 
rente  sur  les  biens  confisqués  de  Guillaume  Lareheréque.  JJ  100 , 
n»  201. 

S.  Le  «  Cerriéres  »  du  texte  (Terriireâ  n'est  sans  doute  qQ*nne  anau* 
Taise  leçon  prorenant  de  la  similitude  du  /  et  du  «  dans  l'écriture  des 
quatorzième  et  quinzième  siècles),  situé  en  Toulousain,  suirant  la  re- 
marque du  chroniqueur,  doit  être  identifié  selon  toute  Traisemblanee 
avec  Roqueserrière  (Haute-Garonne,  arr.  Toulouse,  e.  Montastrnc).  Ce 
que  Froissart  dit  ensuite  d'une  tentative  infructueuse  contre  Lavaur, 
confirme  cette  identification.  Les  gens  d'armes  du  prince  d'Aquitaine 
attaquèrent  sans  'doute  avec  un  acharnement  particulier  les  châteaux 
et  manoirs  de  ce  Pierre  Raymond  de  Rabastens,  seigneur  de  Cam- 
pagnac  (Tarn,  arr.  Gaillac,  c.  Castelnau-de-Montmiral)  et  de  Mezens 
(c.  Rabastens),  successirement  sénéchal  d'Agen,  de  Beaucaire  et  en 
denier  lien  de  Toulouse  (Areh.  Nai.^  JJ  102,  n*  324),  l'agent  dont  le 
duc  d'Anjou  s'était  surtout  servi  dans  set  négociations  avec  les  appelants 
du  Quercy  et  du  Rouergue  (Ordonn,^  VI,  500  et  501).  Quoi  qu'il  en 
soit,  les  Anglais  ravagèrent  alors  à  tel  point  l'Albigeois  que  la  popu«- 
lation  déserta  en  masse  les  campagnes  pour  chercher  un  refuge  dans 
les  villes  fermées.  Les  vignobles  restèrent  incultes  faute  de  bras  pour 
les  cultiver,  et,  sur  la  plainte  des  habitants  de  Castres,  Charles  V  dut 
défendre  aux  campagnards  de  transporter  leurs  vins  et  vendanges  à 
l'intérieur  de  cette  ville  et  dans  sa  banlieue,  c  cum  major  pars  terri torii 
et  pertinentiarum  dicte  civitatis  habundet  in  vineis  plusqnam  in  aliis 
terris  fraotiferis,  que  rinee,  tam  propter  pestiferas  mortalitates  quam 
eciam  gnerrarum  discrimina,  pro  majori  parte  inculte  et  derelicte  re- 
manserunt,  presertim  ille  que  distant  et  sunt  longe  a  dieu  civitate,  et 
oh  hoc  depopulatur  cîvius  antedicta.  s  Arch,  Hat,^  JJ  100,  n«  573» 


LVi  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

—  Les  Français,  de  leur  côte,  ayant  à  leur  tête  les  comtes  de 
Périgord^y  de  Gomminges,  de  Tlsle,  les  vicomtes  de  Garaman, 
de  BruniqueP,  de  Talar,  de  Montredon  et  de  Lautrec,  ainsi  que 
Bertucat  d'Albret  et  les  autres  chefs  des  Compagnies,  dëtachës  du 
parti  anglais  par  les  soins  du  duc  d'Anjou,  les  Français,  dis-je, 
entrent  en  campagne  avec  un  effectif  d'environ  dix  mille  hommes 
et  mettent  le  siëge  devant  Rëalville',  en  Quercy,  dont  ils  font 


1.  On  a  TU  plut  haut  qu'Archamband  V,  comte  de  Përigord,  éuit  à 
Canssade  en  Quercy  le  15  avril  et  à  Toulouse  en  mai  1369.  Le  2k  et 
le  28  norembre  1368,  Charles  Y  avait  assigne  40  000  francs  au  comte 
de  Périgord  et  12  000  à  Taleyrand,  frère  du  comte,*  payables  tous  les 
ans  dans  le  cas  où  le  comte  adhérerait  à  l'appel,  depuis  le  moment  où 
le  prince  de  Galles  lui  aurait  déclare  la  guerre  jusqu'à  la  fin  de  la  lutte 
(Delisle,  Mandements  Je  Charles  V^  p.  240  à  242). 

2.  Par  acte  daté  de  Toulouse  le  20  décembre  1369,  Louis,  duc 
d* Anjou,  donna  a  Roger  de  Gomminges,  vicomte  de  Bruniquel  (Tarn- 
et-Garonne,  air.  Montauban,  c.  Monclar),  200  livres  de  rente  assises 
sur  divers  lieux  du  diocèse  de  Gahors  {Arch,  Nat,^  JJ102,  n*  140). 

3.  Tam-et-Garonne,  arr.  Montauban,  c.  Gaussaae.  Au  premier  abord, 
en  lisant  dans  le  texte  le  récit  de  ce  long  siège  de  Réalville  par  les  gens 
du  duc  d* Anjou,  on  serait  tenté  d'accuser  Froissart  d'une  de  ces  erreurs 
de  date  dont  il  est  coutumier.  On  sait  en  effet  que,  dès  le  18  mars 
1369,  les  habitants  avaient  adhéré  à  Tappel  au  roi  de  France,  après 
avoir  massacré  la  garnison  anglaise  (y/rcA.  Nat,^  J716,  n«  18;  art.  de 
M.  Léon  Lacabane  dans  BibL  de  P Ecole  des  Chartes^  XII,  107).  D'ail- 
leurs, à  la  date  même  de  cette  adhésion,  Louis,  duc  d'Alnou,  donna  k 
messire  Regnault  de  Donerel,  doyen  de  Gayrac  (Tam-et-Garonne,  arr. 
Montauban,  c.  Gaussade),  la  justice  haute,  moyenne  et  basse  de  Gayrac, 
60  sous  sur  un  moulin  de  la  rivière  de  Vayron  et  le  tiers  du  port  de 
Réalville  en  la  sénéchaussée  de  Quercy  {Arch,  iVa/., *JJ  100,  n^  243). 
Toutefois,  il  y  a  lieu  de  supposer  que  Réalville  fut  repris  par  les  An- 
glais peu  après  l'expulsion  de  ceux-ci,  et  que  par  conséquent  les  Fran- 
çais, pour  rentrer  en  possession  de  cette  place ,  durent  la  soumettre  à 
un  siège  en  règle.  Cette  supposition  se  fonde  sur  un  acte  daté  de  Ju- 
miéges  en  août  1369,  où  l'on  voit  que  Réalville,  redevenu  une  seconde 
fois  français  à  cette  date,  et  donné  au  sire  de  Puy cornet,  avait  été  à 
peu  près  détruit  à  l'occasion  de  la  guerre.  Par  cet  acte,  Charles  V,  à  la 
prière  de  ce  même  Regnault  de  Donerel,  doyen  de  Gayrac,  dont  il  vient 
d'être  question,  met  hors  de  tout  autre  ressort  que  celui  de  Gahors  la 
temporalité  du  doyenné  de  Gayrac  ressortant  auparavant  à  la  bailie  de 
Réalville,  «  licet,  oceasione  guerre  per  dictas  Edwardum  (Edouard  III)  et 
Edwardum  (Edouard,  prince  d'Aquitaine)  commote  et  habite^  locus  de  Be- 
galivUla  fuerit  et  sit  destruetus  et  devastatus  sicque  in  eoaem  non  est 
neque  speratur  quod  sit  aliquis  ba juins  seu  baillivus  qui  ibidem  rema- 
nere  esset  ausus...;  et  una  cum  hoc  prefatus  locus  de  Regalivilla  do- 
mino de  Puichcomet  fuerit  et  sit  concessus.  »  Arch,  Nat,^  JJ  100 , 
n»  242. 


SOBfMAIRE  DU  PREMI£R  LIVRE,  §§  6i  1-627.     ltxi 

battre  les  remparts  par  quatre  grands  engins  qu'on  leur  expëdîe 
de  Toulouse.  P.  121  à  124,  339  à  341. 

Pendant  ce  temps,  Jean,  duc  de  Berry,  Jean  d'Armagnac  *■  son 
beau-frère,  Jean  de  Yillemur,  Roger  de  Beaufort  *,  les  seigneurs 
de  Beaujeu,  de  Villars  et  de  Chalançon,  font  la  guerre  aux  Anglais 
sur  les  frontières  du  Limousin,  de  l'Auvergne  et  du  Quercy. 
L'archevêque  de  Toulouse  ',  envoyé  en  mission  par  Louis ,  duc 


1.  C'est  Jean  d* Armagnac,  fils  du  comte  d* Armagnac,  qui  fut  le  prin- 
cipal chef  des  opëration§  militaires  dans  le  Roaergue  et  V Albigeois  au 
commencement  de  1369.  Parti  du  Charollais,  il  trarersa  1* Auvergne, 
pois  le  Gëraudan  par  où  il  pénëtra  en  Rouergue  et  inaugura  la  cam- 
pagne, dans  les  premiers  jours  de  janyier,  par  la  prise  de  la  Roque- Val- 
lergne.  Pendant  ce  temps,  le  comte  d* Armagnac,  seconde  par  Pierre 
Raymond  de  Rabastens,  sënéchal  de  Toulouse,  que  le  duc  d'Anjou  lui 
arait  adjoint  (Ordonn»,  VI,  500  et  501),  se  chargeait  surtout  des  né- 
gociations arec  les  principales  Tilles  {Ordonn,^  Y,  702  à  707;  ^reA.  /Vaf., 
JJ 100,  n»  881). 

2.  Par  acte  date  de  Toulouse  en  fërrier  1369,  Louis,  duc  d* Anjou, 
donna  à  Roger  de  Beaufort,  chevalier  et  seigneur  de  Beaufort,  les 
lieux  de  Montfancon  (Lot,  arr.  Gonrdon,  c.  Bastide)  et  a  de  Avaro  i, 
en  la  sënëchaussée  de  Quercy  {Âreh.  Naf,,  JJIOO,  n»  303). 

3.  Cet  archeréque  s'appelait  GeofBroi  de  Vayroles.  Le  5  juin  1369, 
0  fut  gratifie  par  Charles  V  d'une  somme  de  800  livres  d'or  {Gall. 
Christ.^  xin,  41);  et  la  même  année,  Louis,  duc  d'Anjou,  constituait 
une  rente  annuelle  et  perpétuelle  de  1000  livres  au  profit  de  GauM;lm 
de  Vayroles,  seigneur  de  Lalbenque  (Lot,  arr.  Cahors),  frère  de  l'ar- 
chev^ne  de  Toulouse  (Jrch.  Nat,^  JJ102,  n*  111).  Dès  le  mercredi 
31  janvier  1369,  le  duc  d'Anjou  avait  envoyé  ce  chevalier,  qualifié 
sénéchal  du  Quercy,  avec  cent  hommes  d'armes,  prendre  le  gouverne- 
ment du  Périgord  et  du  Quercy  et  traiter  avec  les  habitants  de  ces 
deux  provinces.  Gauselm  était  de  retour  à  Toulouse  le  3  juillet  suivant, 
jour  où  il  donna  quittance  de  400  francs  d'or  pour  ses  gages  en  la  pré" 
tente  guerre  de  Gaieogne  {Bibl.de  P École  des  Chartes^  XV,  199).  Du 
reste,  Tévéque  de  Cahors  était  alors  Begon  de  Castelnau;  et  ce  n'est 
pas  révoque,  comme  Froissart  le  dit  sans  doute  par  confusion  (p.  124), 
c'est  le  sénéchal  de  cette  ville  et  du  Quercy,  qui  était  le  frère  de  Geof- 
froî  de  Vayroles  archevêque  de  Toulouse.  Sauf  cette  erreur,  Tassertion 
de  Froissart,  relative  aux  services  exceptionnels  rendus  par  l'archevêque 
de  Toulouse  et  par  son  frère ,  est  confirmée  d'une  manière  éclatante 
par  un  acte  authentique,  daté  de  Paris  en  avril  1371,  où  Charles  V, 
ratifiant  la  donation  de  1000  livres  tournois  de  rente  faite  à  Gauselm 
de  Vayroles  par  le  duc  d'Anjou  son  frère,  ainsi  que  l'assignation  de 
cette  rente  sur  un  certain  nombre  de  seigneuries  du  Quercy  et  de 
l'Albigeois,  motive  cette  faveur  dans  les  termes  suivants  :  «  considé- 
rantes et  ad  memoriam  reducentes  omnia  et  singula  pfemissa  et  lauda- 
bilia  et  utilia  servicia  que  Gofiredus,  archiepiscopus  Tolosanus,  Gau- 
selmi  de  Vairoliis  germanus,  et  miles  predictus  ac  eorum  antecessores 


Lx  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

française.  Il  garde  donc  la  neutralité,  et  cet  exemple  est  suivi  par 
Jeanne,  duchesse  de  Brabant  ^.  En  revanche,  les  ducs  de  Gueldre 
et  de  Juliers  dëfient  le  roi  de  France.  P.  424  à  129,  341  à  345. 

Le  pape  Urbain  V  refuse  pendant  cinq  ans  d'accorder  les  dis* 
penses  nécessaires  pour  le  mariage  d'Aymon,  comte  de  Cam- 
bridge, Tun  des  fils  d'Edouard  III,  avec  Marguerite  de  Flandre  ^. 
Louis,  comte  de  Flandre,  père  de  Marguerite,  cédant  aux  solli- 
citations de  la  comtesse  d'Artois  sa  mère,  prend  le  parti  de  don- 
ner la  main  de  sa  fille  à  Philippe,  duc  de  Bourgogne,  frère  cadet 
du  roi  de  France'.  Charles  V  engage  Lille  et  Douai*  entre  les 


trat  de  mariage  conclu  à  Saint-Quentin ,  le  3  mars  de  Tannée  précé- 
dente, entre  Marie  de  France,  fille  de  Charles  V,  et  Guillaume ,  fils 
aîné  d'Aubert  de  Bavière,  gouremeur  des  comtés  de  Hainaut,  Hollande 
et  Zélande  {Arch,  Nat„  J412,  n**  1).  Par  son  mariage  ayec  Jean,  sire 
de  Ligne,  fils  de  Guillaume,  Eustachie ,  Taînëe  des  filles  de  Jean  III , 
tire  de  Barbençon,  mort  sans  héritiers  maies,  porta  la  terre  de  ce  nom 
dans  la  maison  de  Ligne. 

1.  Wenceslas,  duc  de  Luxembourg,  frère  puîné  de  Tempereur 
Charles  IV,  marié  à  Jeanne,  duchesse  de  Brabant  et  de  Limbourg, 
était  Toncle  maternel  de  Charles  Y,  fils  de  Bonne  de  Luxembourg.  Sur 
les  relations  d'intimitë  qu'entretenaient  alors  le  roi  de  France,  le  duc 
et  la  duchesse  de  Brabant,  voyez  Pinchart,  Études  sur  PhUtoir^  des  arts^ 
Bruxelles,  1855,  p.  17,  18,  30. 

2.  On  ne  saurait  nier  que,  sur  cette  question  des  dispenses  pour 
mariage,  Urbain  Y  n'ait  fait  preuve  d'une  véritable  partiahté  en  faveur 
du  roi  de  France.  Le  mercredi  2  octobre  1364,  le  pape  donnait  dis- 

Sensé  pour  le  mariage  de  Marie  de  France ,  fille  du  roi  Jean ,  avec 
[enri,  duc  de  Bar,  parrain  et  parent  au  troisième  degrë  de  consan- 
guinité de  la  dite  Marie  (jérck.  Nat,^  J437,  n«  32)  ;  et,  le  jeudi  30  oc- 
tobre de  Tannée  suivante,  par  deux  bulles  adressées  aux  archevêques 
de  Cambrai  et  de  Canterburj,  il  révoquait  toutes  les  dispenses  de  ma- 
riage en  termes  généraux  concédées  par  Clément  YI  et  Innocent  YI 
aux  empereurs,  rois,  princes,  ducs  et  marquis  ;  et  il  commandait  aux 
dits  archevêques  de  déclarer  à  Edmond,  fils  d'Edouard  III,  qui  avait 
obtenu  pareille  dispense  pour  contracter  mariage  avec  Marguerite , 
fille  de  Louis,  comte  de  Flandre ,  parente  aux  troisième  et  quatrième 
degrés,  que  la  dispense  qu'il  avait  obtenue  était  révoquée,  et  que  le 
dit  Edmond  et  la  dite  Marguerite  tomberaient  sous  le  coup  des  cen- 
sures, s'ils  passaient  outre  (J558,  n<»  6  et  6  his).  Enfin,  par  une  bulle 
datée  de  Saint-Pierre  de  Rome  le  3  novembre  1367,  Urbain  Y  décla- 
rait Edmond  et  Marguerite  libres  de  contracter  ailleurs  mariage  et  les 
absolvait  du  serment  qu'ils  pouvaient  s'être  fait  mutuellement  (J  558,  n»  7) . 

3.  Ce  mariage,  c  qui  longuement  avoit  esté  traictiét,  fut  passé  et 
accordé  le  samedi  après  Pâques  (Pâques  tomba  en  1369  le  1«'  avril), 
c'est-à-dire  le  7  avril  1369  (Gr.  Chron.,  YI,  271). 

4.  A  ces  deux  châtellenies,  mentionnées  par  Froissart,  il  faut  ajouter 
celle  d'Orchies  [Nord,  arr.  Douai). 


SOBfMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  gg  611-627.       lzi 

mains  de  son  jetme  frère,  en  considération  de  ce  mariage  qui  se 
célèbre  à  Gand^.  Un  tel  événement  a  pour  effet  de  refroidir 
Edouard  m  à  l'endroit  des  Flamands  ses  anciens  alliés,  mais  les 
communes  de  Flandre  n'en  continuent  pas  moins  d'être  plus  favo- 
rables an  roi  d'Angleterre  qu'au  roi  de  France.  P.  129  à  131« 
346. 

Par  l'entremise  d'Eustacbe  d'Auberchiconrt ,  capitaine  de  Ga« 
rentan,  Charles,  roi  de  Navarre,  qui  se  tient  alors  à  Cherbourg  *, 

1.  Ce  mariage  fat  en  effet  célébré  à  Gand,  le  19  jain  1369,  en  l'ab- 
baje  de  Saint-Baron.  Charles  Y  et  les  commnnefl  flamandes  eurent 
soin  de  prendre  leors  suretës.  Le  12  septembre  1368,  le  roi  de  France 
le  fit  remettre  une  contre-lettre  secrète  où  le  duc  de  Bourgogne  son 
frère  s'engageait  à  restituer  les  trois  chatellenies  de  Lille,  de  Douai  et 
d'Orchies,  dès  que  Louis  de  Maie,  comte  de  Flandre,  serait  mort;  et, 
le  27  mars  1369,  Marguerite  de  Maie  dut  prêter  entre  les  mains  de  son 
père  le  serment  solennel  de  ne  jamais  consentir,  après  son  entrée  en 
possession  de  lille ,  de  Douai  et  d*Orchies,  à  Taliénation  de  «  ces  an- 
dennes  parties  de  la  Flandre.  »  Inptnt,  des  Archives  de  Bruges^  Bruges, 
1873,  n,  155  à  157. 

2.  Le  rédacteur  des  Grandes  Chroniques  dit  que  le  roi  de  Nayarre 
c  Tint  par  la  mer  en  Constantin  s  au  mois  de  septembre  1369  (Gr, 
Ckron.^  VI,  318).  Ce  n'est  pas  tout  à  fait  exact.  Charles  le  MauTais 
airiTa  à  Cherbourg  dès  le  13  août  de  cette  année,  ainsi  que  Pétablit 
l'article  de  compte  suivant  :  cA  messire  Jaques  Froîssart,  clerc  de 
monseigneur  (le  roi  de  Nararre),  par  mandement  de  monseigneur  d*A- 
Tranches  et  de  Ferrando  d'Ajenz,  lieutenanz  de  monseigneur,  donné 
le  Ti  aoust  nul  ccglxx,  pour  despens  de  ses  gens  et  chevaliers,  depuis  le 
xm  aoust  mil  ccCLxix  que  monseigneur  vint  et  arriva  dans  sa  ville  Je  Che^ 
rehourg  jusqu'au  xin  aTril  mil  ccclxx  ,  ti  sous  par  jour,  ix  livres  par 
roots,  ce  qui  fait  lxxii  lÎTres,  franc  pour  xxviii  sous  pièce,  valant 
L  frans,  I  tiers,  m  sous.  i>  Bibl.  Nat. ,  registre  des  revenus  du  roi  de 
Navarre  en  Normandie,  ms.  fr.  n«  10367,  f*"  136.  —  Aussitôt  après  son 
arrivée  à  Cherbourg ,  le  roi  de  Navarre  entama  des  néeociations  avec 
Edouard  III  auprès  de  qui  il  dépécha,  a  Tan  lxix,  à  la  mi  aoust  o, 
Jaquet  de  Rue  et  Pierre  au  Tertre.  Le  29  août  1369,  Edouard  III  oc- 
troya des  lettres  de  sauf-conduit  à  Baudouin  de  Beaulo ,  chevalier,  & 
Sanche  Lopez,  huissier  d'armes,  i  Pierre  du  Tertre,  secrétaire  du  roi 
de  Navarre,  à  Guillaume  Dordan,  bailli  du  Cotentin  pour  Charles  le 
Mauvais,  envoya  par  le  dit  roi  en  Angleterre,  a  pro  quibusdam  nego- 
tiis  et  tractadhus  nos  et  praefatum  regem  Navarrœ  tangentibus.  a 
Rymer,  m,  879.  —  A  la  mi-juin  de  Tannée  suivante,  Pierre  du  Tertre 
et  Guillaume  Dordan  étaient  encore  en  Angleterre  où  ils  se  firent  dé- 
livrer des  passe-ports  pour  se  rendre  en  Navarre  (Rymer,  édil.  de  1740, 
ni,  170).  Mais  c*est«seulement  dans  le  courant  du  mois  d*août  1370 
que  Charles  le  Mauvais  passa  la  mer  en  personne  et  reçut  l'hospitalité 
an  manoir  de  Clarendon  où  résidait  alors  le  roi  d'Angleterre  (Rymer, 
m,  899).  C'est  alors  que  les  deux  rois  arrêtèrent  les  bases  d'un  traité 
d'alliance  en  vertu  duquel  Edouard  promettait  à  Charles  la  Champagne, 


Lxii  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSÂRT. 

se  rend  en  Angleterre  où  il  conclut  un  traite  d'alliance  offenaive 
et  défensive  avec  Edouard  III.  Les  nefs  anglaises^  qui  ont  ramené 
le  Navarrais  à  Cherbourg,  sont  capturées  au  retour  par  des  ma- 
rins normands,  et  les  chevaliers  ou  écuyers  de  distinction,  em- 
barqués sur  ces  navires,  faits  prisonniers.  £usti|che  d'Auberchî- 
court  prend  congé  du  roi  de  Navarre  pour  répondre  à  Tappei  du 
prince  de  Galles.  Arrivé  à  Angoulême,  il  se  met  aux  ordres  du 
prince  qui  l'envoie  à  Montauban  rejoindre  Jean  Chandos  et  le 
captai  de  Buch.  P.  131  à  133,  346,  347. 

Les  chevaliers  et  écuyers  de  Picardie,  au  nombre  de  mille 
lances,  vont,  sous  les  ordres  de  Moreau  de  Fiennes,  connétable 
de  France,  et  de  Jean  deWerchin,  sénéchal  de  Hainaut,  faire 
une  démonstration  devant  la  bastide  d'Ardres  ^  occupée  par  les 
Anglais.  P.  133,  134,  347,  348. 

La  forteresse  de  Réalville,  en  Qaercy,  abandonnée  par  Jean 
Chandos  et  le  captai  de  Buch  qui  font  frontière  à  Montauban 
ainsi  que  par  les  comtes  de  Cambridge  et  de  Pembroke  qui  as- 
siègent Bourdeilles,  se  rend  aux  Français  *.  Après  la  reddition  de 
Réalville,  les  chefs  des  Compagnies  à  la  (solde  du  duc  d'Anjou 


la  Bourgogne  et  le  Lîmoasin.  Le  prince  de  Galles,  qui  reprit  Limoges 
le  19  septembre  suivant,  s'ëtant  oppose  à  la  cession  de  cette  dernière 

Srovince,  le  traite  de  Clarendon  resta  non  avenu  :  ce  qui  décida  le 
'ayarrais  à  traiter  avec  Charles  Y. 

1.  Pas-de-Calais,  arr.  Saint-Omer.  Cette  bastide  d'Ardre»  était  une 
sorte  de  poste  aTancé  qui  gardait  les  approches  de  Calais.  Le  l^  dé- 
cembre 1369,  une  convention  ou,  pour  employer  le  terme  de  la  chan- 
cellerie anglaise,  une  endenture  fiit  conclue  à  Calais  entre  Jean,  duc  de 
Lancastre,  sénéchal  d'Angleterre,  lieutenant  en  ces  parties  de  France, 
et  Jean,  sire  de  Gommegnies.  £n  vertu  de  cette  convention,  le  sei- 
gneur de  Gomm,egniés  fut  institué  capitaine  d'Ardres  avec  ime  gar- 
nison de  100  hommes  d'armes,  à  savoir  lui  chevalier  banneret,  10  che- 
valiers bacheliers,  89  écujers  et  200  archers  (Rjrmer,  III,  882).  Ce 
texte  prouve  que  Vhomme  tT armes  ^  tel  que  l'entendaient  les  Anglais 
en  1369,  comprenait  3  personnes,  1  chevalier  ou  1  écujer  et  2  ar- 
chers. On  remarquera  aussi  la  part  prise  a  cette  démonstration  mili- 
taire par  Jean  deWerchin,  le  chef  du  parti  français  en  Hainaut,  et  par 
suite  l'ennemi  personnel  du  seigneur  ae  Gommegnies,  qui,  non  con- 
tent de  servir  Edouard  III,  faisait  de  la  propagande  dans  son  pays  en 
faveur  de  l'alliance  anglaise. 

2.  Cette  prise  de  Réalville  par  les  Français  et  la  participation  du 
comte  de  Périgord  et  de  son  frère  Talevrand  à  ce  fait  de  guerre  sont 
rappelées  dans  un  acte,  daté  de  Paris  le  27  juillet  1371,  par  lequel 
Charles  Y  donne  à  Pierre  de  Campagnac,  chevalier,  frère  de  maître 
Bertrand  de  Campagnac ,  en  considération  de  services  rendus  qd  la 


SOMMAIAE  DU  PR£MIKa  UVAB,  $^  6ii-627.    uuii 

vont  loûr  garniaon  à  Cahon,  tandis  qœ  le  oomte  de  P^igord  et 
les  autres  seigneurs  regagnent  leurs  terres  pour  les  défendre  coi^ 
tre  les  incursions  des  Compagnies  anglaises.  —  Exploits  de  Tho« 
mas  de  Wetenhale  ^,  capitaine  anglais  de  MiJlau  '  et  de  la  Roque* 
Valsergue^  en  Rouergue,  contre  les  Français.  P.  134  à  136, 
348,  349. 

eompagnie  de  nos  fëaax  ooosîiis  le  comte  de  Périgord  et  Taleyrand 
de  Périgord,  100  Uttcs  tonmois  de  rente  oonfiiquëet  tor  Evrard  de  la 
Roche,  che^dier,  assises  à  Rëalville  et  à  nous  advenues  depuis  que 
c  dicta  Regalis  YiUa  vi  armorum  per  gMes  nattra»  capta  fuit,  »  jirck, 
Nai.^  JJ102»  no  305.  —  L'occupation  de  Réalrille  avait  ëtë  précëdëe  de 
la  soumission  d'une  bourgade  voisine,  de  Caussade,  en  latin  Caleiata^ 
soomisaion  qui  en  avril  1369  ëtait  un  fait  accompli  (JJIOO,  n»  768). 

1.  Le  34  juin  1369,  Thomas  de  Wetenhale,  c  se  dicens  senescalium 
Ruthenensem  1,  assiégeait  la  tour  de  Valady  (Aveyron,  avr.  Rodez, 
c.  MarcilJac),  sur  le  sommet  de  laquelle  les  habitants,  vassaux  du  vi- 
comte de  Murât ,  avaient  arboré  une  bannière  aux  armes  de  France 
iidrek,  Jfat.,  JJ 100,  n«  830). 

3.  Froissart  prétend  que  Thomas  de  Wetenhale  tint  Millau  plus 
d'an  an  et  demi  et  ne  rendit' cette  place  qu*à  du  Guesclin.  Lorsqu'à 
k  fin  de  mai  1370,  Millau  ouvrit  ses  portes  au  duc  d'Anjou  et  au  roi 
de  France  à  la  suite  de  négociations  qui  duraient  depuis  le  5  décembre 
de  Tannée  précédente  (^Arch.  Nat,^  Jj  100,  n^  76),  727  et  797),  il  y 
avait  plu  de  huit  mois  que  le  sénéchal  anglais  du  Rouergue  était 
mort;  il  avait  succombé  aux  blessures  reçues  au  combat  de  Montlaur 
vers  le  milieu  du  mois  de  septembre  1369.  Le  chroniqueur  de  Yalen- 
ciennes  parait  avoir  confondu  Thomas  de  Wetenhale,  sénéchal  du 
Rouergue,  avec  Thomas  de  Walkefare,  sénéchal  anglais  du  Quercy, 
dont  un  fief,  appelé  en  latin  «  Naotavernas  «  et  situé  près  de  Cahors, 
ffOLl  confisqué  en  janvier  1370  (n.  st.)  au  profit  de  Gauselm  de  Vay- 
roles,  sénéchal  français  de  la  même  province  {Areh,  Nat,^  JJ108, 
n*  183).  Nous  ne  savons  si  Thomas  de  Walkefare  contribua  à  retenir 
Millau  sons  la  domination  anglaise  pendant  les  premiers  mois  de  1370; 
le  sénéchal  anglais  du  Quercjr  fut  pendu  sur  un  échafaud  à  Toulouse, 
au  mois  de  septembre  de  cette  année,  par  ordre  du  duc  d'Anjou  (dom 
Vaiasete,  HUt.  </#  Languedoc^  IV,  346). 

3.  Le  lieu  fort ,  appelé  par  Froissart  c  Vauclère  »  et  situé  en 
Rouergue  i,  doit  certainement  être  identifié  avec  la  Roque- Valsergue 
(AYeyron,  arr.  Millau,  c.  Campagnac),  château  qui  était  au  moyen  iige 
le  chef-lieu  d'une  des  quatre  grandes  chalellenies  du  Rouergue.  £ji 

1368,  Guillaume  Pevret,  châtelain  anglais  de  la  Roque- Valsergue,  avait 
été  tué  par  un  écuyer  du  pays,  nommé  Bernard  Broissin  {Areh.  Nat., 
JJ  100,  n^  827).  Ce  fut  la  première  place  de  cette  sénéchaussée  dont 
les  Français  s'emparèrent  dans  les  premiers  jours  du  mois  de  janvier 

1369,  au  début  de  la  campagne  contre  les  Auglais.  Jean  d'Armagnac, 
fiU  du  comte  de  Rodez,  à  qui  le  duc  de  Berry,  campé  en  Auvergne, 
avait  confié  un  détachement  de  ses  troupes,  après  avoir  traversé  le  Gé- 
vandan,  vint  mettre  le  ûége  devant  la  Roque-Valsergne,  et  livra  plusieurs 
assauts  à  cette  fMteresse.  Au  dernier  de  ces  assauts,  le  capitaine  de  la 


LxiY  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

Prise  de  la  Roche-Posay'j  sur  les  confins  du  Poitou  et  de  la 
Touraine,  par  les  Français  sous  les  ordres  du  breton  Kerlouet  \ 
de  Jean  de  Beuil,  de  Guillaume  des  Bordes  et  de  Louis  de  Saint- 


« 

garnison  anglaise  fîit  taë  et  la  place  emportée.  Amauri  de  Narbonne, 
qui  arait  pris  part  à  ce  fait  d'armes,  en  transmit  aussitôt  la  nouvelle  a 
Rodez.  Mais  Thomas  de  Wetenhale,  qui  se  trouvait  alors  a  Villefranche 
avec  Diego  Massi,  châtelain  de  Millau,  était  resté  étranger,  quoi  qu'en 
dise  Froissart,  à  la  courageuse  résistance  de  la  garnison  de  la  Roque- 
Valsergue. 

1.  Vienne,  arr.  Châtellerault,  c.  Pleumartin.  La  Roche-Posaj  est 
sur  la  rive  gauche  de  la  Creuse,  au  confluent  de  cette  rivière  avec  la 
Gartempe,  a  la  limite  du  Poitou  au  sud-ouest ,  du  Beriy  au  sud-est  et 
de  la  Touraine  au  nord.  Cette  forteresse  commandait  la  route,  an- 
cienne voie  romaine,  qui  mettait  en  communication,  de  temps  immé- 
morial, Poitiers  et  Tours.  Occupée,  peu  après  1356,  par  le  Basquin 
du  Poncet,  elle  avait  servi  de  base  d'opérations  à  ce  chef  de  bande 
dans  toutes  ses  entreprises  contre  la  Touraine,  dans  ses  pointes  sur 
Cormerj  et  sur  Véretz.  Témoin  vénérable  de  cette  période  de  luttes, 
l'église  actuelle,  dont  la  construction  remonte  au  quatorzième  siècle,  a 
conservé  des  restes  de  fortifications.  A  la  date  du  11  mai  1369,  la 
Roche-Posay  était  encore  au  pouvoir  des  Anglais ,  ce  dont  Charles  V 
se  plaignait  en  ces  termes  dans  une  sorte  de  mémorandum  diploma- 
tique adressé  à  Edouard  III,  et  où  le  roi  de  France  énumère  tous  ses 
griefs  contre  son  adversaire  d'Angleterre  :  «  Item,  que  aucunes  des  for- 
teresses ne  furent  oncques  délivrées  ;  ainsois  ont  toujours  esté  occu- 
pées et  encores  sont  par  le  dit  roj' d'Angleterre  ou  par  ses  subgiés  ou 
aliés,  c'est  assavoir  la  Roche  de  Posaj,  »  Gr.  Clwon,^  VI,  296  et  297,  — 
D'un  autre  côté,  Charles  V,  par  acte  daté  de  Paris  en  août  1369,  donna 
les  biens  confisqués  de  Jean  de  Surgères,  chevalier,  seigneur  d'Azay- 
sur-Cher,  et  de  Guillaume  du  Plessis,  chevalier,  partisans  des  Anglais, 
à  Jean  de  Besdon,  a  qui  nous  a  servi  en  noz  guerres ,  et  par  espeeial  à 
prendre  la  Roche  de  Posay  où  il  est  continuelment.  t  Arch,  Nat,y  JJIOO, 
n<>  91.  —  D^où  l'on  peut  conclure  que  la  prise  de  la  Roche-Posay  par 
les  Français  eut  lieu  entre  le  11  mai  et  le  mois  d'août  1369,  vers  le 
milieu  de  cette  année. 

2.  Dès  le  12  septembre  1369,  par  acte  daté  de  Sainte-Catherine  sur 
Rouen,  Charles  V  assigna  à  son  amé  et  féal  huissier  d'armes  Jean  de 
Kerlouet  45G0  francs  d'or  à  payer  chaque  année  en  quatre  termes /^our 
la  garde  des  châteaux  et  ville  de  la  Roche-Posay^  et  il  confirma  cette  do- 
nation à  Paris  le  18  septembre  (Hay  du  Chastelet,  Hist.  de  B.  du  Gués- 
clin ^  la.  kZk),  Les  environs  de  la  Roche-Posay  eurent  beaucoup  à  souf- 
frir du  voisinage  de  la  garnison  de  cette  forteresse,  comme  le  prouvent 
des  lettres  de  rémission  délivrées  en  mars  1379  (q^.  st.)  à  Jean  Fauge- 
reux,  de  Saint*  Savin  en  Poitou  (auj.  Saiut-Savin-sur-Gartempe,  Vienne, 
arr.  Montmorillon),  u  comme  pour  le  temps  que  feu  Karalouet  tenoit 
le  fort  de  la  Roche  de  Ponzay,  ouquel  temps  le  prince  de  Galles  nostre 
ennemi  occupoit  le  pays  de  Poitou,  pour  lequel  fort  advitailler  et 
garder,  comme  il  feust  assiz  en  frontière  d'ennemis,  il  estoit  de  néces- 
sité le  dit  suppliant  et  ses  compaignons,  pour  la  garnison  du  dit  fort, 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  gg  614-627. 

JoKen.  —  A  cette  nouvelle,  Guichard  d'Angle*,  Louis  de  Har- 
ooort  *  et  le  sagneur  de  Parthenajr  '  quittent  Montauban  où  ils 
servent  sous  Jean  Ghandos  pour  aller  en  Poitou  défendre  leurs 
possessions.  —  Le  seigneur  de  Chauvigny,  vicomte  de  Brosses  *, 


aler  et  cherauchter  en  foornige,  quérir  et  aroir  des  viTres  en  plasienrt 
et  divert  lieux  loing  du  dit  fort,  meftmement  que  le  dit  pays  de  Poitou 
cnTiron  yoelini  fort  ettoit  Ion  ga«të  et  destruit  et  comme  tout  desimë 
de  WTTes  et  autres  biens  par  le  fait  et  occasion  de  noz  auerres.  Et,  «n 
cherauchant  par  le  dit  pays  de  Poitou  qnerant  des  diz  riTres,  prindrent 
douie  beols  lesquelz  leur  furent  ostez  en  la  rilie  d'Escuillë  en  Touraine 

Sanj.  ÉcueiUë,  Indre,  arr.  Châteauroux).  Elu  laquelle  ville ,  pour  cause 
les  diz  beufs  à  eulz  ainsi  ostez  il  prindrent  par  manière  de  marque 
douze  personnes,  que  bommes,  que  femmes,  et  par  force  les  menèrent 
ou  dit  fort  et  les  urent  composer  à  eulz  à  la  somme  de  cent  francs 
d*or.  Et  aTecques  ce  cheraucbèrent  par  plusieurs  foiz  en  la  terre  du 
seigneur  de  Prully  (auj.  Preuilly,  Indre-et-Loire,  arr.  Loches)  et  de 
plusieurs  autres  noz  subgiez  ou  dit  pays  et  enriron,  en  prenant  tontes 
manières  de  TÎTres....  »  Jrch,  Nat,^  JJ114>  n*  204. 

1.  Guichard  d* Angle  arait  été  créé  maréchal  d'Aquitaine  "^ar  le 
prince  de  Galles.  Par  acte  daté  de  son  hôtel  Saint- Pol  le  19  ^rier 
1371  (n.  st.),  Gbarles  V  donna  à  Gefiroi  de  la  Celle,  cheratier,  60  li- 
vres tournois  de  terre  en  Touraine  sur  les  biens  confisqués  de  Guichard 
d*Angle,  c  cberalier,  rebelle.  »  Areh.  Nat,^  JJ102,  n«  182. 

2.  Par  acte  daté  de  Paris  en  novembre  1369,  Charles  V  donna  à- 
Jean  VI,  comte  de  Harcourt,  comme  assiette  des  2000  livres  de  terre 
assignées  en  dot  à  sa  belle-sœur,  Catherine  de  Bourbon ,  comtesse  de 
Harcourt,  le  château  de  Mazères  (auj.  Mézières-en-Brenne ,  Indre 9 
arr.  le  Blanc),  avec  Tlsle-Savary  (auj.  commune  de  Clion,  Indre,  arr. 
Châteauroux,  c.  Ch&tillon-sur-Indre),  confisqué  sur  Louis  de  Harcourt, 
vicomte  de  Chatellerault,  oncle  du  dit  comte,  ainsi  que  la  ville  et  for- 
teresse de  Saint-Christophe  en  Touraine  (auj.  Saint*Christophe-sur* 
le-Nais,  Indre-et-Loire ,  arr.  Tours ,  c.  Neuvy-le-Roy),  confisquée  sur 
Guillaume  Larchevéque,  seigneur  de  Parthenay,  a  noz  desobeissanx 
et  rebelles  et  qui  tiennent  contre  nous  la  partie  de  nos  ennemis,  s 
Areh.  Nat.^  JJlOO,  n«  552.  —  Le  dernier  avril  1371,  Charles  Y  gratifia 
Louis  de  Maillé,  chevalier,  du  fort  du  c  Peu  Milleron,  sis  es  frontières 
de  Gnienne,  qu'il  a  pris  n'a  gaires  et  mis  en  nostre  obéissance  1 ,  con- 
fisqua sur  Louis  de  Harcourt,  vicomte  de  Chatellerault,  «  nostre  ennemi* 
Cl  rebelle.  9  JJ102,  n«  259. 

3.  Outre  la  confiscation  de  Rugny  et  de  la  Fougereuse  rapportée 
plus  haut  (p.  LV,  note  1)  et  celle  de  Saint-Christophe  dont  il  est 
question  dans  la  note  précédente,  Charles  V  confisqua,  en  novembre 
1369,  sur  Guillaume  Larchevéque,  seigneur  de  Parthenay,  les  château 
et  ville  de  Semblançay  (Indre-et-Loire,  arr.  Tours,  c.  Neuillé-^Pont- 
Pierre)  et  les  donna  à  son  très-cher  et  amé  firère  le  comte  de  Harcourt. 
JJlOO,  n«551. 

4.  Les  ruines  du  château  des  Brossés  se  voient  encore  dans  la  com- 
mune de  ChaillaCy  Indre,  arr.  du  Blanc,  c.  de  Saint-Benoit-du-Sault. 
Par  acte  daté  de  Paris  le  13  décembre  1369,  Charies  V  donna  à  Gai, 


•ni  —  e 


X.ZT1  GEBiONIQUJSS  DE  J.  FROISSART. 

se  tourne  français  et  Dût  occuper  par  des  Bretons  sa  forteresse 
de  Brosses.  Le  vicomte  de  Rochechouart  *,  accuse  aussi  de  dé- 
fection, vient  à  Angoulême  se  justifier  auprès  du  prince  de  Galles. 
James  d'Audeley,  sénëchal  du  Poitou  ',  Baudouin  de  Frëville,  së- 
nëehal  de  Saintonge  ',  et  les  principaux  seigneurs  de  ces  deux  pro- 
vinces vont  porter  le  ravage  en  Berry;  ils  assiègent  .et  prennent 
Brosses  et,  pour  punir  le  seigneur  de  Ghauvigny  de  sa  défec- 
tion, font  pendre  seize  de  ses  hommes,  puis  ils  retournent  à 
Poitiers.  P.  136  à  439,  349  à  351. 

Robert  Knolles  quitte  son  château  de  Derval  *,  en  Bretagne,  et 
va  à  Angoulême  offrir  ses  services  au  prince  de  Galles  qui  Tinsti- 
tue  souverain  maître  de  son  hôtel.  Robert,  ayant  sous  ses  ordres 


aire  de  Ghauvigny  et  de  Gliâteauroax,  vicomte  de  Broce,  cheTalier, 
500  livrëes  de  terre,  pour  le  dédommager  de  la  perte  de  ton  château 
de  la  Broce  en  Poitou,  a  que  les  ennemis  tiennent  »,  évalué  avec  ses 
appar]fenances  à  4000  livrées  de  terre.  Areh,  Nat.,  JJlOO,  n»  470.  —  Il 
y  a  aussi  un  château  de  la  Brosse  dans  la  commune  de  Thollet  (Vienne, 
air.  Montmoriilon ,  c.  la  Trimouille),  qui  est,  comme  le  premier,  un 
vestige  de  Tancienne  vicomte  de  Brosses. 

1.  Louis,  vicomte  de  Rochechouart,  fils  de  Jean,  1^  du  nom,  tué 
à  la  bataille  de  Poitiers,  et  de  Jeanne  de  Sully,  dame  de  Corbeffy, 
frère  de  Jean  de  Rochechouart,  archevêque  de  Bourges  (Anselme,  HUt, 
génial.^  IV,  653;  Gall,  Christ.^  I,  580).  Par  acte  daté  de  Paris  en  juin 
1369,  Charles  V  assigna  à  son  amé  et  féal  cousin  Louis,  vicomte  de 
Rochechouart,  2000  livres  de  rente  assises  sur  les  château  et  chutellenie 
de  Rochefort  sur  Charente,  au  diocèse  de  Saintes,  et  au  besoin  sur  l'île 
d'Oléron  au  dit  diocèse.  Arch,  Nat,,  JJlOO,  n»  137. 

2.  Sur  ce  titre  de  sénéchal  du  Poitou  donné  par  Froissart  à  James 
d'Audeley,  voyez  plus  bas,  p.  lxxtv,  note  1, 

3.  Jean  Uarpeaenne,  chevalier  anglais,  s'intitule  a  seneschal  de 
Xaintonge  »,  châtelain  et  capitaine  de  Fontenay-le-Comte,  dans  un 
acte  date  de  Niort  le  27  novembre  1369  (Fillon,  Jean  Chandos^  conné^ 
t^le  eP Aquitaine,  Fontenay,  1856,  p.  30  et  31).  D*un  autre  côté,  Bau- 
douin de  Fréville  est  déjà  mentionné  comme  sénéchal  du  Poitou  dans 
une  obligation  souscrite  à  Burgos  par  don  Pèdre  le  2  mai  1367  (voyez 

Elus  haut,  p.  XIX,  note  4).  D'où  il  y  a  Heu  de  conclure  qu'en  1369 
audouin  de  Fréville  n'était  plus  depuis  longtemps  sénéchal  de  Sain- 
tonge. 

k.  Dès  son  avènement,  Jean  IV,  duc  de  Bretagne,  avait  donné  à 
Robert  Knolles  les  terres  de  Derval  et  de  Rougé  (Loire-Inférieure, 
air.  Châteaubriant)  et  en  outre  2000  livres  de  rente  sur  la  terre  de  Conq 
(auj.  Beuzec-Conq,  Finistère,  arr.  Quimper,  c.  Concameau).  j4rch.  dép, 
de  la  Lolre^Jnférieure^  Ë  154,  cassette  59;  lavent,^  p.  60.  —  Cette  der- 
nière donation  nous  explique  pourquoi  Knolles,  voulant  se  rendre  par 
mer  de  Bretagne  à  Angoulême,  sVmbarqua,  comme  FVoissart  a  soin 
de  nous  le  dire  (p.  149),  au  port  de  Conq. 


; 


SOBCMAIEE  0U  PREMIER  LIVRE,  SS  611-627.     htm 

cinq  cents  boomies  d'armes,  cinq  cents  archers  et  autant  de  bri- 
gands, va  tenir  garnison  à  Agen  ^  d'où  il  compte  se  rendre  en 
Qoercy  où  se  trouvent  les  chefs  des  Compagnies  rallies  an  parti 
français.  Il  mënage  une  entrevue  avec  Bertucat  d'Albret,  le  plus 
important  de  ces  chefs,  et  rëussit  à  le  faire  rentrer  au  service  du 
prince  de  Galles  *,  ainsi  que  cinq  ou  six  cents  soudoyers  gascons. 
P.  139  à  142,  351  à  3K4. 

'  1.  Dans  une  lettre  dat^  de  Castebnns  le  22  janvier  1369  et  adreitée 
par  Jean  de  Lerezon,  ieîgneiur  de  Castelmns.  aax  consiUt  de  Mîllaa, 
on  lit  que  presque  tons  les  gentilshommes  ae  TAgenais  avaient  em« 
brassé  le  parti  français  et  que  la  ville  d^Agen  elle-même  était  dès  lors 
entrée  en  pourparlers  avec  le  duc  d'Anjou  pour  se  faire  française: 
•  E  may  norel  que  totz  los  gentils  homes  d'Ajanez  so  Franoes,  fora 
d'un  ;  •  ^^cn  ^ue  et  en  eert  paiu  am  ic  duc  (d'Anjou)  Je  far  Frtmcet,  » 
Rooqpiette,  Le  Bouerguê  sous  Us  Anglais ^  j^,  137.^  Quoi  qu'il  en  soit, 
Agen  ne  se  soumit  aWe  manière  définitive  qu'au  commencement  de 
Tannée  suivante ,  et  le  séjour  que  fit  alors  le  duc  d'Anjou  dans  cette 
TÎlle,  dont  il  voulait  en  quelque  sorte  prendre  possession  et  dont  il 
confirma  les  prÎTiléges,  est  du  mois  de  février  1370  (On^ona.,  XV, 
636). 
2.  Par  acte  daté  de  Toulouse  le  !•'  mai  1369,  Louis,  duc  d*Anjon, 
rit  an  serrice  du  roi  de  France  Berard  d'Albret ,  chcTalier,  capitaine 
e  Lavardac  (Lot-et-Garonne,  arr.  Nérac],  de  Ourance  (arr.  Nérac, 
c.  Honeilles)  et  de  FeugaroUes  (arr.  Nérac,  c.  LarardacJ,  lui  et 
25  hommes  d'armes ,  pour  la  garde  des  dites  places ,  aux  gages  de 
15  francs  par  mois  pour  chaque  homme  d'armes  {Bihl,  N«U»^  Titres 
originaux,  xxrv,  n^  12).  Troisième  S\b  de  Bernard  Ezv,  sire  d'Alhret 
et  ae  Madie  d'Armagnac ,  par  conséquent  frère  cadet  d'Arnaud  Ama- 
nieu,  sire  d'Alhret,  marié  le  8  mai  de  l'année  précédente  à  Margue- 
rite de  Bourhon,  Berard  d'Albret  était  aussi  seigneur  de  Saînte-Bazeille 
(Lot-et-Garonne,  arr.  et  c.  Marmande)  par  son  mariage  avec  Hélène 
de  Canmont.  Il  est  possible  que  Bertucat  d'Albret,  après  avoir  promis 
de  se  rallier  au  parti  français  en  même  temps  que  Berard  d*Albret, 
c'est-à-dire  dans  les  premiers  jours  de  mai  1369,  ait  ensuite  manqué 
à  «a  parole,  comme  le  raconte  Froissart,  sur  les  instances  de  Robert 
Knolles.  Quoi  qu'il  en  soit,  c'est  seulement  pendant  la  première  moitié 
de  1370  aue  Bertucat  d'Albret  se  rallia  effectirement  au  parti  français. 
An  mois  d'août  de  cette  année,  Charles  V  donna  k  perpétuité  à  l'avide 
partisan,  en  récompense  de  ses  services  en  ces  présentes  guerres^  Berge- 
rac, LaÛnde,  Castillonnès ,  Beaumont-du-Périgord  et  quatre  autres 
petites  places  encore  occupées  par  les  Anglais.  Ar5i.  Nat. ,  JJ 100,  n^  645. 
—  Le  roi  de  France  donnait,  comme  on  le  voit,  ce  qu'il  n'avait  pas. 
Bertucat  n'était  pas  homme  à  se  payer  d'une  telle  monnaie  ;  aussi  ne 
taid»-t-il  pas  à  se  remettre  avec  les  Anglais  au  nom  desquels  lui  et 
Bernard  de  la  Salle  surprirent  Figeac  le  14  octobre  1372  (dom  Vais- 
sete,  Hisi.  de  Languedoc^  Y,  351).  —  Quoique  Froissart,  dans  le  ma- 
nuscrit d* Amiens  (p.  340),  ait  rangé  Garcia  du  Castel  parmi  les  chefs 
de  Compagnies  qui  se  rallièrent  dèi  le  commencement  ae  1 369  au  parti 


S 


LZTm  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

Après  la  défection  de  Bertucat  d'Albret ,  les  autres  chefs  des 
Compagnies,  Amanieu  d'Ortige,  Jacques  de  Bray,  Perrot  de  Sa- 
voie ,  Emaudon  de  Pau ,  évacuent  Cahors  et  se  fortifient  dans  le 
prieuré  de  Duravel  *■  où  Robert  Knoiies  vient  les  assiéger.  A  cette 
nouvelle ,  Jean  Chandos  part  de  Montauban  avec  une  troupe  de 
trois  cents  lances,  se  fait  rendre  en  chemin  Moissac  *  et  vient  re- 
joindre Robert  Knolles  devant  Duravel.  P.  142  à  145,  354  à  356. 

français,  il  j  a  lieu  de  croire  que  Garcia  quitta  le  service  du  prince 
d'Aquitaine  à  pea  près  à  la  même  date  que  Bertucat,  mais  il  fut  plus 
fidèle  que  ce  aemier  à  la  nouTcIle  cause  qu'il  avait  embrassée.  Garcia 
du  Castel,  comme  son  prénom  Pindique  clairement ,  appartenait  a  la 
région  pyrénéenne.  D^ailleurs,  dans  le  troisième  livre  des  Chroniques 
(Buchon,  édit.  du  Panthéon,  ET,  383),  Espaing  ou  Ëspan  du  Leu  (fief 
litué  à  Oraas,  Besses-Pyrénées,  arr.  Ghrthez,  c.  Sauveterre),  chevauchant 
en  compagnie  de  Froissart  sur  la  route  de  Lourdes,  constate  formelle- 
ment cette  origine  :  a  messire  Garcia  du  Chastel,  un  moult  sage  homme 
et  vaillant  chevalier  de  ce  nay$  ici  et  bon  françois.  »  On  est  donc  un 
peu  surpris  de  voir  rattacoer  Garcia  du  Castel  à  la  famille  exclusive- 
ment bretonne  et  léonaise  de  Tannegui  du  Chastel  :  a  Garsis  du  Chas- 
tel était  le  cinquième  fils  de  Tannegui  du  Chastel  et  de  Tiphaine  de 
Plusquellec.  »  OEuvres  de  Froissart^  JHC,  5^9,  au  mot  Chastel ^ —  H  faut 
avouer  que ,  si  Ton  n*avait  lu  ce  qui  précède ,  on  se  laisserait  prendre 
à  tant  d  assurance  et  de  précision  généalogique.  " 

1.  Lot,  arr.  Cahors,  c.  Puy-rèvêque,  sur  la  rive  droite  du  Lot.  Le 
prieuré  de  Duravel  dépendait  de  Tabbaye  de  Moissac  (Longnon,  Pouillé 
du  diocèse  de  Cahors,  Paris,  1877,  p.  87  et  88).  Ce  sic'ge  de  Duravel 
doit  être  antérieur  au  11  mai  1369,  jour  où  le  duC  d'Anjou  infligea  le 
dernier  supplice  à  cinq  chefs  de  Compagnies,  inculpés  de  trahison^ 
dont  quatre,  Perrin  de  Savoie,  le  Pe6t  Meschln,  Noli  Pavalhon  et  Bo- 
•onet  de  Pau,  après  aToir  étë  longtemps  à  la  solde  du  roi  d'Angleterre, 
avaient  été  enrôlés  par  Bertrand  du  Gueselin  dès  la  fin  de  février  1368 
pour' faire  le  siège  de  Tarascon.  Lorsque  Froissart  parle  de  l'adhésion 
passagère  au  parti  français,  puis  de  la  défection  de  Bertucat  d'Albret, 
il  confond  peut-être  le  rôle  de  ce  dernier  avec  celui  de  quatre  rou- 
tiers qui  avaient  été  longtemps  ses  compagnons  d'armes.  Quoi  qu'il  en 
soit,  le  duc  fit  noyer  dans  la  Garonne  Perrin  de  Savoie  et  le  Petit 
Bf eschin  et  écarteler  Amanieu  de  Lartigue ,  NoU  Pavalhon  et  Bosonet 
de  Pau  :  c  En  Han  mocguhx,  a  xi  de  may,  lo  dich  mossenhor  lo  duc 
d*Anjo  fé$  neguar  a  Thoiosa  ios  sobredits  Perrin  de  Savoya  e  Petit 
Mesquin,  e  fesscapsar  e  seartayrar  Ameinen  /lisez  :  Ameineu)  de  Lar- 
tigna  e  Noli  Pavalhon  e  Boulhomet  (on  Ut  ailleurs  :  Bosoniet)  de  Pan, 
capitanis  de  las  diohas  companhas,  per  so  ear  avian  con^irada  tfacion 
contra  lo  dich  mossenhor  lo  duc  de  redre  el  prizonier  als  Angles  o 
d'auctr  luy.  »  Thalamus  parlas  p.  383  et  384. 

2.  La  reddition  de  cette  ville  à  Jean  Chandos,  s'il  &llait  ajouter  foi 
au  récit  de  Froissart,  donnerait  lieu  de  ranger  Moissac  parmi  les  places  - 
qui  avaient  secoué  le  joug  anglais  dès  les  premiers  mois  de  I369ff 
puisque,  suivant  le  chroniqueur,  il  n'y  avait  nnl  gentilhomme,  et  que 


SOfllMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  SS  611-627.    121X 

Les  Anglais  sont  (^ligës  de  lever  le  siège  de  Doravel  et,  a{n^ 
avoir  assiège  sans  succès  Domme  ^  pendant  quinie  jours,  ils  en- 
voient le  héraut  Cbandos  à  Angoulème  demander  des  renforts  au 
prince  de  Galles.  P.  «45  à  147,  356  à  350. 

Levée  du  siège  de  Domme.  Gramat^,  Fons*,  Rocamadour*, 
Yillefranche  *  se  rendent  aux  Anglais.  P.  147  à  150,  359  à  362. 

Le  siège  de  Bourdeilles  par  le  corps  d'armée  anglais  qui  opère 
en  Pèngord  sous  le  commandement  des  comtes  de  Cambridge  et 
de  Pembroke,  dure  depuis  plus  de  onze  semaines.  Les  assiégeants 


l«s  habitants  livrés  k  eux-mêmes  n'en  etaajèrent  pas  moins  de  rëtister 
aux  Ânglaif .  Il  eft  Trtâ  qu« ,  dès  le  moii  d«  leptembre  1367,  Cattet- 
tamsin,  qui  est  à  pen  de  dUtance  an  sud  de  MoiiMC,  avait  une  gar» 
nison  française  assez  forte,  dont  OliTier  de  Maony  était  capitaine 
(dom  Vaîssete,  Hist,  de  Languedoc^  IV,  335).  Quoi  qu'il  en  soit.  Mois- 
sac  ne  se  rendit  dèfinitirement  au  due  d'Anjou  que  le  23  juillet  1370 
(TkalûMiu  parvus^  p.  384).  L'identification  du  c  Montiach  s  de  Froissart 
avec  Monsac  (Dordogne,  arr.  Bergerac,  c.  Beaumont),  qui  se  pr^nte 
an  premier  abord,  ne  serait  admissible  que  si  le  chroniqueur  faisait 
jouer  à  un  détachement  de  la  garnison  anglaise  de  Bergerac,  enroyé 
contre  Durarel,  le  ràXe  qu'il  prête  dans  cette  afiaire  à  Jean  Cbandos, 
capiuine  de  Montauban.  D'ailleurs,  le  prieuré  de  Durarel  dépendait, 
comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  de  rabbaje  de  Moissac.  I^edot  de 
Lautrec,  qui  gouremait  alors  cette  abbaje  et  qui  appartenait  à  une 
famille  très-attachée  au  parti  français,  fut  peut-être  accusé» d'une  cer- 
taine connivence  dans  cette  occupation  d'un  de  ses  prieurés  par  des 
gens  d'armes  k  la  solde  du  duc  d'Anjou,  et  Ton  ne  saurait  par  consé- 
quent s'étonner  de  voir  le  siège  de  Moissac  coïncider  avec  celui  de 
Dnravd. 

1.  Dordogne,  arr.  Sarlat,  sur  la  rive  gauche  de  la  Andogne,  an 
nord  de  Dunivel  et  un  peu  au  sud  de  Sarlat. 

2.  Lot,  arr.  Gourdon,  à  l'est  de  Domme. 

3.  Lot,  arr.  et  c.  Figeac,  un  peu  au  nord-ouest  de  Figeae. 

4.  Lot,  arr.  Gourdon,  c.  Gramat,  le  plus  célèbre  pèlerinage  do 
Qnercy  et  l'un  des  plus  fréquentés  du  midi  de  la  France  an  moyen 
âge. 

5.  Froissart  semble  s'être  embrouillé  au  milieu  des  nombreux  Vill^ 
firanche  que  l'on  trouve  sur  les  bords  de  la  Garonne  et  de  ses  affluents. 
Après  avoir  placé  d'abord  en  Toulousain  (p.  Ik9)  le  Villefranche  oc- 
cupé dans  cette  campagne  par  les  Anglais,  il  le  transporte  ensuite  em 
Agenais^  sur  lesmarenet  du  Toulousain  (p.  150).  Si  Ton  ne  se  place  qu'au 
point  de  vue  stratégique,  on  peut  hésiter  entre  Yillefrancne-de-Bel- 
vès  (Dordogne,  arr.  Sarlat)  et  Villefranche-d' Albigeois  (Tarn,  arr.  Albi), 
car  si  Villefranche-de-Rouergue,  qui  se  trouve  également  dans  la  ré- 
gion où  opérait  alors  Cbandos  (auî.  chef-lieu  d'arr.  de  l'Avejron),  avait 
reconnu  la  souveraineté  de  Charles  Y  dès  le  commencement  de  mars 
1369,  on  ne  voit  pas  que  cette  place  soit  retombée  à  aucun  moment 
pendant  le  cours  de  cette  année  au  pouvoir  des  Anglais. 


jM  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

ont  recours  à  la  mse;  ils  simulent  un  Ijour  un  mouvement  de 
retraite  et  attirent  ainsi  dans  une  embuscade  Emaudon  et  Ber- 
nardet  de  Badefol,  capitaines  de  la  forteresse  assiégée,  qui  sont 
pris  par  Jean  de  Montagu  ^  Celui-ci  est  fait  chevalier  par  le  comte 
de  Cambridge.  Bourdeilles  tombe  au  pouvoir  des  deux  comtes 
qui  confient  la  garde  de  cette  place  au  seigneur  de  Mussidan  ^  et 
rentrent  à  Angoulème.  P.  i50  à  153,  362  à  364. 

Jean  Cbandos,  Thomas  Felton  et  le  captai  de  Buch  retour- 
nent aussi  dans  cette  ville  où  ils  sont  rappelés  par  le  prince  de 
Galles;  Robert  KnoUes  se  joint  à  eux,  quoique  le  prince  l'ait 
invite  à  rester  en  Quercy.  Avant  leur  départ,  ils  chargent 
Bertucat  d'Albret  de  tenir  garnison  à  Rocamadour  et  conseillent 
aux  chefs  des  Compagnies  anglaises  de  concentrer  leurs  bandes 
sur  les  marches  du  Limousin  et  de  TAuvergne  pour  y  vivre  aux 
dépens  des  habitants  de  ces  deux  provinces.  ?•  153  à  155,  364 
à  366. 

1.  Jean  de  Montagu,  neTeu,  dit  ailleurs  Froisiart  (p.  219),  de  Guil- 
laume de  Montagu,  comte  de  Salisbury,  dont  il  derait  plus  tard  re- 
cueillir la  succession  et  porter  le  titre.  Le  11  juin  1369,  Edouard  m 
fit  délivrar  des  sauf-conduits  à  Jean  f  Mountagu,  chiraler  »,  et  à  Guil- 
laume «  Mountagu  » ,  écuyer,  qui  allaient  passer  la  mer  pour  prendre 
part  à  la  cherauchée  de  Jean,  duc  de  Lancastre  (Rymer,  111,  870). 

2.  Raymond  de  Montaut,  seigneur  de  Mussidan,  l'un  des  chefs  du 

Ïiarti  anglais  en  Périgord,  détenait  encore  à  la  fin  de  1369  la  chltel- 
enie  d^Aubeterre  (Quuvnte,  an*.  Barbezieux).  Par  acte  daté  de  Tou- 
louse au  mois  de  novembre  de  cette  année,  Louis,  duc  d'Anjou , 
donna  à  Hélie  de  Labatut,  fils  et  héritier  de  mattre  Pierre  de  Labatut, 
secrëtaîre  du  roi,  200  livres  tournois  sur  les  revenus  de  certaines  pa- 
roisses de  la  châtellenie  d*Aubeterre  confisqués  «  per  ipsius  Edouardi 
et  domini  de  Miucidano  et  aliorum  aibi  adherencium  rêbelUonem.  »  Arch» 
iVa/.,JJlOO,no764. 


SOMMAIRE  DU  PREMIKR  LIVRE,  $$  618-652.     uzi 


CHAPITRE  XCYL 

1369,    aoùi*  OGCOTATioir   db   muxErmcaB  vAm  lis  oonvàoiiiit 

ÈMOIÂOES.  PAOIBT    BT  rRiPABATin  d'u»  OnTABIOll  nANÇAISB 

BH  AaCX.KTBaBB.  —  BBDDinOir  DB  LA  BOCBB-gCB-TOV  AUX  AHOI«A18. 

MOBT  DE  JAMJB  d'aUDBLBT;  JBAN  OUUDOI,  filfiCBAL  DU  rOITDU. 

—   DB8CBBTB   DU    DUC   DB  LAUGASTIB    A  GAI.AIi  ;    CSBTAUCBiB    DB 
TOUHrSBBM.     — '   AFFAIBB    DB    PUBlTOlf  ;    LB    COICTB    DB     VBMBBOBB 

BST    SUBPBIS    BT    ASSIÉGÉ    PAB    LOUIS   DB     SAlfCBBBB.    MOBT    nM 

TBXLXrtk   Vin  HAnrAUT,    &BINB   d'aKGLRTBEBB.    VBOB  DBS  FOSTS* 

DB-Clî  ET    DE  SAIlfT-MAUm-SUft-LOIBB   FAB   LBS  AVOLAIS,   DB  8AX1IT- 
SATIN  FAB   LBS   PEAMÇAIS,  —  1370,    \^  joimier*  OOMBAT  DU  FOITT 

DB  LussAC  BT  MOBT  DB  JEAN  CHAKDôs.  —  Premiers  Jours  de 

Juillets  FBISE  DE  CHATBLLBBAULT  FAB  JBAK  PB  BBBLOUBT.  —  1369, 

derniers  moit^  et  1370,  premiers  mois,  siioM  bt  bbfbisb  db 

BBLLBFBBCHB  FAB  LB  DUC  DB  BOUBBOK   (5S  628  i   652). 

IVoîs  chefs  des  Compagnies  anglaises,  Hortingo,  Bernard  de 
Wtsk  et  Bernard  de  la  Salle ,  vont  s'établir  sur  les  marches  da 
limousin  dont  Jean  Devereoz  est  sën^hal  pour  le  prince  de 
Galles.  Us  surprennent  et  enlèvent  par  escalade  le  château  de 
Belleperche*,  en  Bourbonnais,  où  ils  font  prisonnière  la  mère 
du  duc  de  Bourbon  et  de  la  reine  de  France.  Ils  s'emparent  aussi 
de  Sainte-Sévère  '  qu'ils  livrent  à  Jean  Devereux.  -—  Louis  de 


1.  Aoj.  château  miné  situé  près  de  Bagneux  (Allier,  arr.  et  e.  Mou- 
lins, for  la  riTe  droite  de  TAllier,  entre  cette  riTÎère  et  la  forêt  de  Ba- 
gBolet),  k  15  kilomècret  au  nord  de  Moulins.  La  prise  de  Belleperche 
par  les  G>mpagnies  anglaises,  certainement  antérieure  au  10  noTembre 
1369  {Jreh,  Nat,,  sect.  adm.,  P  1378',  n«  3098*),  eut  Heu  probable- 
ment  pendant  la  première  qoinzaîne  du  mots  d'aoât  précédent.  Noos 
inclinons  à  croire  comme  M.  Chazaud  (La  chromi^ue  du  hom  dnc  Loyê 
ie  Bourbon^  Paris,  1876,  p.  352)  que  la  duchesse  douairière  dé  Bour- 
bon ëtait  déjà  prisonnière  des  Compagnies  lorsqu'elle  adressa,  le  18  août 
1369,  à  ses  receveurs  de  Murât,  Chantelle  et  Chareroche,  l'ordre  de 
délivrer  à  son  conseiller  Jean  Saulnier  diverses  quantités  de  seigle  et 
d'avoine  jusqu'à  concurrence  de  530  francs  d'or  qu'elle  lui  avait  em- 
pnintés  rP  1378*,  n*  3098'). 

2.  Indre,  arr.  la  Châtre ,  sur  la  rive  droite  de  l'Indre  supérieure , 
près  des  confins  du  Berry  et  de  la  Marche.  Les  Compaanies  anglaiifs 
occupaient  encore  le  château  de  Sainte-Sévère  à  la  fin  de  1371,  «  le- 


LZXiT  CHRONIQUBS  DE  J.  FROI86ART. 

amènes  de  Thonars  et  de  Poitiers*  Jean  [Bdon]  s'engage  i  rendre 
la  place,  s'il  n'est  secouru  par  le  roi  de  France,  les  ducs  d'Anjou 
et  de  Berry,  dans  le  délai  d'un  mois.  Le  mois  ëcoulë,  il  livre, 
suivant  la  convention,  la  Roche«sur-Yon  aux  Anglais  moyennant 
le  payement  de  six  mille  francs  pour  les  approvisionnements 
laissés  entre  les  mains  des  vainqueurs.  Rentré  à  Angers,  Jean 
[Belon]  est  mis  en  prison  et  noyé  dans  la  Maine  par  ordre  du 
duc  d'Anjou.  P.  159  à  i63,  369  à  372. 
Mort  de  James  d' Audeley,  sénéchal  du  Poitou  S  à  Fontenay-le- 

de  seê  recherches,  nous  a  mis  en  mesure  de  deviner  cette  énigme.  Le 
traître  qui  livra  pour  de  Targent  la  Roche-sur- Yon  aux  Anglais,  s'ap- 
pelait en  réalité  Jean  Belon,  et  il  était  originaire  de  l'Anjou,  peut-être 
même  d'Angers,  où  il  avait  une  maison  au  tertre  Saint-Laurent.  Par 
acte  daté  de  Jumiéges ,  le  2k  août  1369,  Charles  Y  confisqua  cette 
maison  et  la  donna  à  un  clerc,  nommé  Jean  de  la  Barre,  «  comme 
Jehan  Belon,  chevalier,  n'a  gaires  capitaine  du  chastel  de  la  Roche  sur 
Yon,  ait  vendu  et  délivré  faussement  auz  ennemis  et  de  nostre 
royaume  le  dit  chastel,  et  ait  tenu  et  encore  tiengne  la  partie  de  noz 
dis  ennemis  contre  nous  et  nostre  dit  royaume.  »  jireh,  Nat,^  JJIOO, 
n«  298,  f^  87  v«.  —  Le  12  janvier  suivant,  Jean  Belon  était  prisonnier 
à  Angers,  et  Charles  Y  chargea,  par  un  mandement  rendu  à  cette  date, 
Pierre  d^Avoir,  seigneur  de  Chateaufromont,  chevalier,  l'un  de  ses 
chambellans  et  des  chambellans  du  duc  d'Anjou,  de  faire  assigner  sur 
les  biens  confisqués  du  dit  Jean^  200  livres  de  terre  ou  de  rente  à  son 
amé  huissier  d*amies  Guyot  Mauvoisin,  a  comme  nous  aions  entendu 
que  Jehan  Beloi^,  chevalier,  garde  n'a  gaires  et  capitaine  de  la  tour 
ou  chastel  et  de  la  ville  de  la  Roche  sur  Yon,  laquelle  nostre  très 
chier  frère  le  duc  d'Anjou  li  avoit  bailliée ,  confians  de  sa  loyalté  et 
preudommie,  a  yceulx  chastel  et  ville  bailliez  et  livrez  à  noz  ennemis, 
pour  prouffît  qu'il  en  a  receu  d'eulz,  pour  laquelle  chose  a  esté  prins 
et  amené  prisonnier  à  Angers  et  y  est  encore  détenus,  et  pour  ce,  s'il 
est  ainsy,  ait  commis  crime  de  lèse  majesté  et  trahison  envers  nous,  s 
JJ102,  no  ^.  —  Un  Gascon,  nommé  Philippot  Loubat,  qui  comman- 
dait la  garnison  anglaise  de  Talmont  (Yendée,  arr.  les  Sables),  avait 
Cris  sans  doute  une  part  importante  à  la  reddition  de  la  Roche-sur- 
on,  car  James  d'Audeley  lui  fit  payer,  à  cette  occasion,  100  livres 
dans  les  premiers  jours  d*août  1369  (voyez  la  note  suivante). 
L'assertion  du  chroniqueur,  relative  à  l'exécution  de  Jean  Belon ,  est 
aussi  confirmée  par  l'article  de  compte  suivant  :  c  Des  hoirs  feu  Pierre 
Gnedon,  par  composicion  à  eulx  faite  par  Jehan  Chaperon,  escuier,  de 
la  voulenté  de  monseigneur  le  duc,  pour  pluseurs  biens  prins  par  le  dit 
feu  Pierre  sur  et  des  biens  feu  messire  Jehan  Belon ,  enepaiier^  en  sojr 
enfilant  tU  la  Roche  tur  Yon.  qui  par  ses  démérites  fut  après  exécuté^ 
lesquiex  biens  ainsi  prins  par  le  dit  Pierre  furent  estimez  i  la  somme 
de  Tii**  frans.  Pour  ce  par  la  main  de  Jehan  Chapperon,  escuier,  cap- 
pitaine  de  Diex  Aye,  le  xx«  jour  de  mars  kcoglxxt.  »  jâreh,  Nat.^ 
KK24a,  fo4vo.  Cf.  f^  19. 

1 .  Il  est  établi  par  des  actes  authentiques  que  Thomas  Percy  était 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  $$  618-681.    uut 

Oimie;  fanâ^ailles  de  oe  clieyâKer  à  Foitien.  Jean  Ghandos, 
oonnétabk  d'Aquitaine,  est  nommé  sàiédud  du  Poitou  *  en  rem* 

d^À  §énéehêl  dn  Poitou,  le  samedi  3  mars  1369  (BihU  Ifmt,^  fonds  latin, 
n^  17147,  f«  113  "v*),  et  Jean  Harpedenne,  sénéchal  de  Saintonge,  le 
27  noTembre  de  la  même  anDëe(6.Fillon,/eaii  Chandos,  Fontenaj,  1856, 
p.  30,  31)  ;  et  Ton  toU  par  un  autre  acte  que  eet  deux  chevaliers  rem- 
plissaient encore  les  mêmes  fonctions  le  25  septembre  1371  (Fillon,  IM,^ 
p.  33,  34).  Il  est  Trai,  comme  nous  le  dirons  tout  à  Theure,  que  Jean 
Chandos  fut  incontestablement  sénëchal  du  Poitou  pendant  la  seconde 
moitié  de  1369  ;  mais,  sauf  cette  interruption,  les  actes  de  la  première 
moitié  de  cette  année,  et  aussi  de  la  fin  de  1370,  nous  montrent  Tho- 
mas PercY  iuTesti  de  ces  fonctions.  Thomas  est  mentionné  comme 
sénéchal  du  Poitou  lorsqu'il  assiste,  à  Poitiers,  rers  le  milieu  du  mois 
de  norembre  1370,  en  compagnie  de  Nicol  Dagworth,  de  Guichard 
d'Angle  et  du  sire  de  Parthenay,  à  un  duel  qui  se  livre  dans  cette  ville 
entre  le  bour  de  Caumont  et  le  breton  Yves  ae  Launaj,  de  Plounévez- 
Lochrist  en  Léon  [Bihi.  I9at.^  fonds  latb,  n»  5381,  t.  II,  f«  56).  Frois- 
sait s'est  trompé  par  conséquent  en  prêtant  à  James  d'Audeley,  en 
1369 ,   le   titre   de   sénéchal   du   Poitou.    Après   avoir   fait   appel , 
pour  éclairer  et  rectifier  sur  ce  point  le  récit  de  Froissart,  aux  ém- 
dits  qui  ont  étudié  le  plus  à  fond  les  sources  de  l'histoire  dn  Poitou, 
nous  avons  trouvé ,  sans  le  chercher,  un  acte  authentique  qui  donne 
la  solution  du  problème.  L'acte  dont  il  s'agit  est  une  quittance,  em 
date  du  7  août  1369,  par  laquelle  Philippot  Loubat,  capitaine  de  Tal- 
mont,  reconnaît  avoir  reçu  de  Regnaut  de  Vivonne,  100  livres  à  lui 
octroyées  pour  le  fait  de  la  Roche-sur^ Yon,  t  par  le  commandement 
de  James  tTAuéelee^  seigneur  d'Oleron,  Ueutenant  em  Poitou  et  Limousim 
Je  monseigneur  le  prince  ^Aquitaine  et  de  Gaiies.  »  Bihi,  Nat,^  fonds 
Doat,  197,  f*  51 .  — -  D'après  James,  auteur  d'une  histoire  du  Prince 
Noir,  qui  a  adopté  une  opinion  déjà  exprimée  par  le  savant  généalo- 
giste Dngdale,  Froissart  se  serait  trompé  grossièrement  en  rapportant 
à  Tannée  1369  la  mort  de  James  ou  Jacques  d'Audelej.  Ce  chevalier 
aurait  simplement  quitté  le  Poitou  à  cette  date,  pour  retourner  en  An- 
gleterre, ou  Edouard  III  l'aurait  fait  comte  d'Auaeley  l'année  suivante, 
et  il  ne  serait  mort  que  le  l*'  avril  1386.  Quoique  Froissart,  après  la 
mort  de  Philippa  de  Hainaut  sa  bienfaitrice  et  son  retour  sur  le  conti- 
nent, en  1369,  n'ait  plus  entretenu  de  relations  directes  et  suivies  avec 
la  eheralerie  anglaise,  le  James  on  Jacques  d'Audeley,  mort  en  1386, 
qui  institua  son  légataire  un  de  ses  oncles  et  laissa  un  héritier,  âgé  de 
seiae  ans  seulement ,  ne  serait-il  pas  le  fils  de  celui  dont  parle  le  chro- 
niqueur, et  qui  fut  remplacé,  comme  chevalier  de  la  Jarretière,  par 
Thomas   de  Grantson,  mort  lui-même  en  1376?  Suivant  M.  l'abbé 
Anber,  à  qui  nous  sommes  redevables  d'une  monographie  consacrée  à 
la  cathédrale  de  Poiders,  le  tombeau  de  James  d'Audelej,  qui  oniait 
cette  cathédrale,  aurait  été  détruit  par  les  protestants  en  1562. 

1.  Dans  un  mandement  de  Jean  Harpedenne,  chevalier,  sénéchal  de 
Saintonge,  châtelain  et  capitaine  de  Fontenaj-le-Gomte,  daté  da 
Niort ^  te  97  novembre  1369,  Jean  Chandos  est  mentionné  comme  c  con- 
nestable  d'Acquytayne  et  seneschal  de  Poitou.  »  Fillon,  Jean  Chandos^ 
p.  30,  31*  —  Chandos  avait  dû  quitter  MonUnban  avant  le  15  juin 


txm  CaBDElONIQUES  DE  J.  FR0ISS4RT. 

placement  de  James  d'Audeley  et  fixe  sa  résidence  à  Poitiers.  — 
Le  yicomte  de  Rochechpuart,  emprisonne,  puis  mis  en  liberté  par 
le  prince  d'Aquitaine,  se  rend  à  Paris  où  il  prête  serment  de 
fidélité  au  roi  de  France;  il  met  le  breton  Thibaud  du  Pont  en 
sa  forteresse  et  fait  défier  le  prince.  P.  163,  164,  372,  373. 

Incursions  des  deux  maréchaux  du  duc  de  Lancastre  au  delà 
de  Guînes  et  de  la  rivière  d'Oske  ^^  vers  Tabbaye  de  licques  ', 
vers  Boulogne,  vers  la  cité  de  Thérouanne  défendue  par  le  comte 
Gui  de  Saint-Pol  et  son  fils  Waleran.  —  Les  nouvelles  en 
viennent  au  roi  de  France,  qui  se  tient  alors  à  Rouen,  au  moment 
où  le  duc  de  Bourgogne  est  sur  le  point  de  s'embarquer  et  de 
faire  voile  pour  l'Angleterre  en  compagnie  de  trois  mille  che- 
valiers. Force  est  de  renoncer  à  ce  projet  pour  marcher  à  la 

1369,  date  de  la  soumission  de  cette  ville  au  duc  d'Anjou  {jireh.  Nat,^ 
JJlOO,  n<»  500,  811).  D'un  autre  c6té,  c'est  après  la  prise  de  la  Roche- 
Posay  par  Jean  de  Kerlonet,  c'est-à-dire  rers  le  mois  de  juillet  de 
cette  année,  crue  les  Français  commencèrent  à  menacer  sérieusement 
les  frontières  au  Poitou ,  et  que  le  prince  d'Aouitaine  dut  ëprouTer  le 
besoin  de  leur  opposer  dans  cette  région  le  plus  renomme  de  ses  ca- 
pitaines. On  est  ainsi  amené  à  placer,  arec  assez  de  -vraisemblance,  l'arri- 
vée de  Jean  Chandos  à  Poitiers,  et  sa  nomination  comme  sénéchal  du 
Poitou,  vers  le  milieu  de  1369.  Le  1*'  octobrede  cette  année,  Edouard  III 
confia  au  célèbre  homme  de  guerre  la  earde  des  châteaux  de  Melle,  de 
Ghizé  (Oeux-SèTres ,  arr.  Melle ,  c.  Bnoux)  et  de  Cirray  (Carte,  Rôles 
gascons^  p.  157).  Dès  le  3  août  précédent,  Charles  V,  qui  se  trouvait 
alors  à  Rouen,  avait  confisqué  le  fief  le  Roi,  sis  à  Corbon  (Calvados, 
arr.  Pont-l'Évéque,  c.  Gambremer),  dans  la  vicomte  du  Neubourg  et  le 
bailliage  de  Beaumont- en-Auge,  que  tenait  de  lui  Chandos,  «  nostre 
ennemi  et  rebelle,  »  et  l'avait  donné  à  Regnault,  seigneur  de  Maule- 
vrier  et  d'Avoir  {Areh,  Nat,^  JJlOO,  n»  248).  Le  mois  suivant,  par  acte 
passé  à  l'abbaye  de  Sainte-Catherûie-lez-Rouen,  le  roi  de  France  avait 
aussi  confisqué  la  terre  de  Romilly,  lez  le  Pont-Saint-Pierre  (auj. 
Romilly-sur-Andelle,  Eure,    arr.   les  Andeljs,    c.   Écouis) ,   ainsi 

Su'une  rente  de  70  livres  tournois  sur  les  paroisses  de  Gressenville  et 
e  Crestot,  appartenant  à  a  Jehan  de  Chandos,  chevalier  anglois,  nostre 
ennemi  et  rebelle,  »  et  en  avait  disposé  en  faveur  d'Aude  Martel,  sa 
commère,  dame  de  «  Presegny  »  et  châtelaine  de  son  château  du 
Pont«de-r Arche,  veuve  de  Jean  de  Giencourt,  chevalier,  et  mère  de 
feu  Charles  de  Giencourt,  son  filleul  (JJ 100,  n»  205). 

1.  Froissart  semble  désigner  ici  la  rivière,  dite  d'Hem  ou  de  Uem, 
qui,  après  avoir  passé  à  Audrehem,  à  Toumehem,  à  Nordausque,  se 
sépare  en  deux  bras,  dont  l'un  se  jette  dans  l'Aa ,  près  de  Holque,  et 
dont  l'autre  va  alimenter  le  canal  de  Calais  à  Saint-Omer. 

2.  Pas-de-Calais,  arr.  Bouioane,  c.  Guines.  Abbaye  de  Prémontr<b, 
an  diocèse  de  Saint-Omer,  fondée  au  xq*  siècle,  reconstruite  en  partie 
en  1783,  détruite  en  1794. 


SOIIMAIRE  DU  PREMIER  UYRB,  §§  628-652.  lixtu 

rencontre  du  duc  de  Lancastre*  De  Rouen,  le  doc  de  Bourgogne 
se  dirige  vers  la  Picardie,  passe  la  Somme  au  pont  d'AbbeviUe  et 
irient,  par  M ontreuil-sur-Mer,  Hesdin  et  Saint-Pol,  se  loger  sur 
la  hauteur  de  Toumehem  ^  en  face  du  duc  de  Lancastre  qu'il 
trouve  campe  dans  la  vallëe  où  les  Anglais  se  sont  fortifiés  de 
faaieSv  de  fosses  et  de  palissades  et  où  Robert  de  Namur  est 
accouru  les  rejoindre.  Malgré  une  supériorité  numérique  de  sept 
contre  un,  le  duc  de  Bourgogne  reste  simplement  sur  la  défen- 
ÂTe,  car  il  lui  est  enjoint  de  ne  point  engager  de  combat  sans 
l'ordre  exprès  du  roi  son  frère,  et  il  reçoit  tous  lès  jours  de  Gand 
des  messages  du  comte  de  Flandre  son  beau-père  qui  lui  recouH 
mandent  la  même  réserve.  P.  164  à  467,  373  à  375. 

Jean  Chandos,  qui  se  tient  à  Poitiers,  invite  le  comte  de  Pem- 
broke,  capitaine  de  Mortagne*  où  il  a  sous  ses  ordres  une 
garnison  de  deux  cents  lances,  à  faire  avec  lui  une  chevauchée 
en  Anjou  et  Touraine.  Le  comte  refuse  de  se  rendre  à  cette  invi- 
tation dans  la  crainte  qu'on  n'attribue  au  sénéchal  du  Poitou  tout 

1.  Pa^-de^-Càlais,  arf.  SaintpOmer,  e.  Ardret»  sur  le  Hem,  à 
121  mètret  d^altitade.  Le  daede  Bonrgogoe  lint  camper  à  Toumehem, 
le  23  août  1369,  en  face  des  Anglais,  logés  entre  Gaines  et  Ardret,  à 
une  petite  Heae  des  Français.  Gr,  Chroniques,  YI,  316. 

2.  Tons  les  éditeort  de  Froissait,  et  toot  récemment  encore  M.  Ker* 
▼7B  de  LettenhoTe  {OEuvru  de  FroUuui^  XXV,  11^,  115,  an  mot  Jfdr- 
tagne-nr^MerV  ont  pensé  qu'il  s'agit  ici  de  Mortagne-to^Gîronde , 
Gharente-Inferienre,  air.  Saintes.  Il  est  Traî  que  le  chroniqneor  de 
Valeneiennes,  plot  /amilier  avec  les  noms  de  lien  des  bords  de  la  Gi- 
ronde, fleare  où  il  avait  lans  doate  narigné  lortqu^il  était  venu  d'An- 
gleterre à  Bordeaux,  qu'arec  ceux  du  Poitou,  ptsce  par  erreur  «  sur 
mer,  »  le  Mortagne  dont  le  comte  de  Pembroke  était  capitaine.  Biais 
ootie  que  le  jeune  comte,  qui  ne  cherchait  que  l'occasion  de  fiûre  des 
eheranchto  et  de  hantes  emprises  contre  1  ennemi,  arait  dâ  choiiîr 
pour  cek  un  potte  d'honneor,  sita^  à  l'extrême  frontière,  au  lien  d'al- 
ler tenir  aamison  an  eœor  même  des  pofsessions  anglaises,  tout  le  con- 
texte où  l'on  nous  montre  Jean  de  Hastings  gnerrojant  sans  cesse  sur 
les  confins  de  PAnjon  et  de  la  Touraine,  donne  lieu  de  croire  que  la 
f<Mrtercsse,  dont  le  gendre  d'Edouard  IH  avait  fait  son  onartier  général, 
dans  cette  campagne  en  Poitou,  est  le  Mortagne  situe  i  la  lunite  de 
cette  province  et  de  l'Anjou  (anj.  Mortagne- sur -Sèvre,  Vendée, 
air.  Ja  Roche-sur-Yon).  U  est  certain,  d'ailleurs,  que  cette  importante 
forteresse  appartenait  dès  lors  aux  Anglais;  et  ce  Ait  même,  avec  Lnsi- 
gnan  et  Gençay,  l'une  des  trob  places  poitevines  qui  seules  résistèrent 
a  da  Gnesclitt  et  n'étaient  pas  encore  redevenues  françaises  à  la  fin  de 
1372  {Gr,  Chran.,  YI,  337).  ^^^1  lorsque  Froissart  raconte  le  siège  de 
ce  Moftagne  par  Qisson,  en  1373,  il  continue  de  l'appeler  «  Mortagne 
sur  mer,  »  Y.  Preissart  de  BuchoB,  éd.  du  Panthéon,  I,  660. 


Lxxviii  CHRONIQUES  DE  J.  FR01SSAB.T. 

l'honneur  des  succès  qu'ils  pourraient  remporter.  Chandos,  à  la 
tète  de  trois  cents  lances  et  de  deux  cents  archers,  n'en  porte  pas 
Dooins  le  ravage  en  Anjou,  notanunent  dans  le  Londimob  ^,  et, 
s'avançant  sur  les  confins  de  l'Anjou  et  de  la  Touraine,  remonte 
la  vallëe  de  la  Creuse.  Il  lait  ensuite  une  pointe  dans  k  vicomte 
de  Rochechouart  et  esaxye  9ans  succès  d'emporter  la  viHe  de  ce 
nom  défendue  par  une  garnison  bretonne  dont  Thibaud  du  Pont* 
est  le  capitaine.  De  retour  à  Chauvigny  et  apprenant  que  Louis 
de  Sancerre  est  à  la  Haye,  en  Touraine,  il  invite  une  seconde  fois 
le  comte  de  Pembroke  à  le  venir  rejoindre  pour  marcher  contre 
les  Français  et  lui  donne  rendez- vous  à  Châtellerault;  il  reçoit  un 
nouveau  refus  et  rentre  à  Poitiers.  P.  167  à  170,  375,  376. 

Le  comte  de  Pembroke,  aussitôt  après  la  chevauchée  de 
Chandos,  va  à  son  tour  porter  le  ravage  dans  la  vicomte  de 
Rochechouart  et  le  Loudunois.  Louis  de  Sancerre  *,  parti  de  nuit 
de  la  forteresse  française  de  la  Roche-Posay  en  compagnie  de 
Jean  de  Beuil  ^,  de  Jean  de  Vienne,  de  Guillaume  des  Bordes, 


1.  Le  4  féTrier  1367  (n.  st.)>  Charles  Y  arait  donné  à  son  frère 
Lomi,  dae  d'Anjon  et  comte  du  Maine,  les  château  et  chatellenie  de 
Loadun  en  dédommagement  des  château  et  chatellenie  de  Champion 
ceaux  (Maine-et-Loire,  arr.  Cholet),  cédés  au  duc  de  Bretagne,  en  exé- 
cution d'un  des  articles  du  traite  de  Guërande.  jireh,  Hat.^  J375, 
n«  1. 

2.  Le  d  septembre  1371 ,  Thibaud  du  Pont  était  encore  capitaine  de 
Rochechouart,  et  Charles  Y  fit  payer  40  francs  d*or  à  Jean  du  Rocher, 
«  ëcuyer  de  Bretagne  >,  que  Thibaud  arait  envoyé  vers  le  roi  de  France. 
Dom  Morice,  Preuwes  de  P histoire  de  Bretagne^  I,  1603. 

3.  Dans  une  donation  faite  le  16  juillet  1369  k  Pk>tart  de  Clais, 
seigneur  de  Briantes  (Indre,  arr.  et  c.  la  Châtre),  des  biens  confis* 
qués  de  Jean  de  Pommiers,  cheralter  rebelle,  il  est  fait  mention  àm 
«  chastei  de  Flach  et  d*un  aultre  sien  chastel  (sien  se  rapporte -à  Plo- 
tart  de  Cluis),  appelle  Sodun  sur  Creuse  (auî.  Issoudun,  Creuse,  arr. 
Aubusson  ,  c.  Chënërailles),  remis  en  la  main  de  noetre  maresehai  de  San" 
eerre,  potu>  le  faire  garder  de  par  nous.  •  JJIOO,  n^  525  ;  cf.  ik°*  107 
et  108.— De  cette  pièce  et  d^une  foule  d'autres  dont  l'indication  serait 
trop  longue,  on  peut  conclure  qu'en  1369,  Louis  de  Sancerre,  maréchal 
de  France,  fut  surtout  charge  de  tenir  tète  aux  Anglais  sur  les  confins 
du  Berry,  de  la  Marche  et  du  Poitou. 

4.  Pendant  tout  le  cours  de  cette  campagne,  Jean,  sire  de  Beuil, 
nous  apparaît  dans  les  actes  comme  prëposë  surtout  à  la  défense  d'An- 
gers et  de  la  frontière  d'Anjou  (JJ 100,  n*  526  ;  JJ 102,  n»  1 35)  ;  mais,  de 
même  que  Jean  Chandos,  sénéchal  du  Poitou ,  lorsqu'il  voulait  entre- 

S rendre  une  expédition,  fkisait  appel  au  comte  de  Pembroke,  capitaine 
e  Mortagne-sur-Sèvre,  de  même  Jean  de  Kerlouet,  capitaine  français 
de  la  Roche*Po9ay,  projetant  un  coup  de  main  contre  Vennemi,  asso- 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  SS  628-65i. 

de  Louis  de  SaintJalien  et  du  breton  Kerionet,  tombe  à  l'impro- 
▼iste  MUT  les  Anglais  au  moment  où  ils  sont  occupes  à  se  loger  en 
on  village  appelé  Purnon  ^  ;  il,  en  tue  plus  de  cent  et  force  les  au- 
tres à  chercher  un  refuge  dans  une  (ùtU  maison  de  Templiers 
dépourvue  de  fossés  et  entourée  seulement  de  murs  en  pierre. 
Les  Français  livrent  un  premier  assaut  que  les  Anglab  par- 
viennent à  repousser  et  que  la  tombée  de  la  nuit  vient  interrom* 
pre.P.  170  i  17(1,  376  à  379. 

Ymv  minuit,  le  comte  de  Pembroke  envoie  un  de  ses  écuyers  à 
Poitiers  demander  du  secours  à  Jean  Chandos.  —  Le  lendemain 
matin,  les  Français  livrent  un  second  assaut  qui  dure  depuis  l'aube 
du  jour  jusqu'à  prime  (six  heures  do  matin).  P.  174  à  176, 
379  à  381. 

Entre  prime  et  tierce  (neuf  heures  du  matin)  et  au  plus  fort  de 
l'assaut,  le  comte  de  Pembroke  dépêche  vers  Jean  Chandos  un 

daît  ponr  la  cîrcoiistaiioe  les  forces  dont  il  pourait  disposer  à  oelles  de 
Louis  de  Sancerre,  qui  dirigeait  les  opërations  sur  la  marche  de  Berry, 
et  à  celles  de  Jean,  tire  de  Benil,  qui  remplissait  le  même  rôle  sur  la 
Barche  d* Anjou. 

1.  Anj.  hameau  de  la  commune  de  Verrue,  Vienne,  arr.  Loudun, 
e.  Monts- tnr-Guesnes.  D'après  Froissart,  la  localité  qu'il  appelle  c  Puh 
renon  »  démit  se  tronrer  sur  les  confins  de  l'Anjou  (le  Loudunois 
STsit  été  cédé  au  duc  d*Anjou  par  Charles  V)  et  du  Poitou,  et  à 
lept  lieues  de  Poitiers  (p.  377,  382).  Purnon  répond  à  peu  près 
k  ces  conditions;  mais,  quoique  M.  Kervyn  de  LettenhoTe  {OEuvres 
de  FroUsart^  VII,  542)  affirme,  j'ignore  sur  quelle  autorité,  que 
rhôtel  des  Templiers  de  Purnon  a  fait  place  à  un  prieuré  de  Saint- 
Augustin  maintenant  détruit,  mes  sarants  confrères,  MM.  Redet 
et  Richard,  m'écriTent  que  Purnon,  ancien  prieuré  de  Tordre  de 
Saint -Augustin,  dépendant  de  l'abbaye  de  Fontain&-le-Comte  près 
Poitiers  et  fief  relevant  de  la  haronnie  de  Mireheau,  n'a  jamais  appar- 
tenu à  l'ordre  du  Temple.  £n  1350,  Briant  de  Montiehan  en  était  sei- 
Steur.  La  commandene  du  Temple  la  plus  rapprochée  de  Purnon  est 
ontganguier  (Vienne,  arr.  Poitiers,  c.  Mireheau),  dont  les  bâtiments 
subsistent  encore  daiu  un  lieu  hUn  sec.  L'auteur  d'une  étude  récente 
sur  la  haronnie  de  Mireheau,  M.  de  Fouchier  (Mém,  de  la  Société  des 
Antiquaires  de  C  Ouest ^  année  1977),  appelé  à  se  prononcer  sur  ce  point, 
incline  à  penser  qu'il  ne  s'agit  pas  d'une  localité  poitevine,  mais  bien 
d*nn  château  situé  plus  au  sud  vers  le  Limousin.  C'est  aussi  l'opinion 
de  rérudit  M.  Sfannier,  si  profondément  versé  dans  l'histoire  des  com- 
manderies  :  il  identifie  le  a  Puirenon  »  de  Froissart  avec  Puydenut, 
dont  le  nom  s'écrivait  au  moyen  âge  Puydenou,  et  pouvait  se  lire 
Pnydenon.  Pnjdenut  était,  en  1369,  une  ancienne  commanderie  de 
Tem]^ers,  devenue  une  comnumdene  de  Saint-Jean-de-Jérusalem  au 

Cmd  prieuré  d'Auvergne  (aujourd'hui  hameau  de  la  conminne  de 
vîgnac ,  Haut^-Vienne,  arr  Saint* Yrieiz,  o.  Chaîna). 


CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

second  ^uyer  auquel  il  donne  un  anneau  d*or  qu'il  a  an  doigt 
pour  se  faire  plus  sûrement  reconnaître.  Le  premier  ëcuyer,  qui 
était  parti  de  Pumon  à  minuit,  s'égare  en  chemin  et  n'arrive  à 
Poitiers  que  vers  tierce  au  moment  où  le  sénéchal  du  Poitou  se 
dispose  à  entendre  la  messe.  Jean  Chandos,  qui  a  sur  le  cœur  le 
mauvais  vouloir  et  les  refus  antérieurs  du  comte  de  Pembroke, 
répond  que  le  secours  qu'on  lui  demande  n'arrivera  pas  en  temps 
utile  et  entend  toute  sa  messe.  Au  moment  où  il  va  se  mettre  à 
table,  arrive  le  second  messager.  Il  lui  fait  d'abord  la  même 
réponse  qu'au  premier  et  commence  à  prendre  son  repas.  Entre 
le  premier  et  le  second  service,  il  réfléchit  que  le  comte  de 
Pembroke  a  épousé  la  fille  du  roi  d'Angleterre  et  qu'il  a  pour 
compagnon  d'armes  le  comte  de  Cambridge,  le  propre  fils  de  son 
seigneur  et  maître  ;  il  se  décide  alors  à  lui  porter  seconrs.  Il  se 
lève^  s'arme,  monte  en  selle  et  sans  même  attendre  que  tous  ses 
gens  soient  prêts,  s'élance  de  toute  la  vitesse  de  son  cheval  sur 
la  route  de  Purnon.  P.  17G  à  179,  381  à  383. 

Vers  midi,  les  Français  qui  tiennent  le  comte  de  Pembroke 
assiégé  dans  la  forte  maison  de  Pumon,  sont  informés  que  Jean 
Chandos  s'avance  à  la  tête  de  deux  cents  lances.  Epuisés  par  les 
assauts  qu'ils  viennent  de  livrer,  ils  n'osent  attendre  l'attaque  de 
troupe»  fraîches  et  se  retirent  à  la  Roche-Posay  avec  leur  butin 
et  leurs  prisonniers.  A  peine  débloqué,  le  comte  de  Pembroke 
va  au-devant  de  Jean  Chandos  qu'il  rencontre  à  une  lieue  de 
Purnon;  puis  ces  deux  capitaines  se  séparent  et  retournent,  le 
premier  à  Mortagne^  \fi  second  à  Poitiers.  P.  1 79  à  181 ,  383, 384. 

Mort  de  la  reine  d'Angleterre,  au  château  de  Windsor,  la 
veille  de  la*  fête  de  Notre-Dame,  14  août  4369;  dernières 
volontés  et  dernières  paroles  de  la  bonne  reine.  P.  181  à  183, 
384,  385. 

Pendant  que  les  ducs  de  Bourgogne  et  de  Lancastre  sont  cam- 
pés en  face  l*un  de  l'autre  à  Toumehem ,  trois  cents  chevaliers 
du  Vermandois  et  de  l'Artois  viennent  un  matin,  au  point  du 
jour,  pour  réveiller  les  Anglais  dans  leur  camp  ;  ils  sont  repous- 

1.  Philippa  ou  Philippe  de  Hdinaut,  la  protectrice  déronëe  de 
Froissart,  8on  compatriote,  qu'elle  avait  attaché  a  sa  personne,  Inourut 
le  15  aoât  1369.  C^est  seulement  dans  la  première  rédaction  de  ses 
Chroniques  (p.  181  à  183),  il  importe  de  le  taire  remarquer,  que  l'an- 
cien derc  de  la  bonne  ftgne  s  est  érendu  arec  complaisance  et  one 
émotion  commanicative  sur  les  qualités  de  sa  bienfaitrice. 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  SS  628*652.  uaan 

ses  par  Robert  de  Namur,  le  seigneur  de  Spontin  *  et  Henri  de 
Senzeilles  *.  Un  chevalier  du  Vermandois,  nomme  Roger  de  Co- 
logne, est  taë  dans  cette  escarmouche.  P.  183  à  185,  375,  386. 

Le  duc  de  Bourgogne,  honteux  de  rester  depuis  plusieurs  jours 
avec  une  armée  de  quatre  mille  chevaliers  devant  une  poignée 
d'ennemis  sans  leur  ofirir  le  combat,  décampe  vers  minuit  de 
Touinehem  >,  à  l'insu  des  Anglais.  P.  185  à  188,  386. 

Tandis  que  le  duc  de  Bourgogne  se  dirige  vers  Saint-^Omer,  le 
duc  de  Lancastre,  de  son  côté,  reprend  le  chemin  de  Calais  *.  La 
semaine  même  de  ce  départ  de  Toumehem  des  deux  armées 
firançaise  et  anglaise,  le  comte  de  Pembroke,  Hugh  de  Calverly, 
Louis  de  Harcourt  et  les  seigneurs  poitevins  du  parti  anglais 
font  une  chevauchée  en  Anjou  ;  ils  assiègent  sans  succès  Saumur 
défendu  par  Robert  de  Sancerre  ^  ;  mais  ils  prennent  et  fortifient 

1.  Gnillaiime,  feignenr  de  Spontin  (auj.  Belgique,  prov.  Namnr, 
air.  Dinant,  c.  Ciney),  choisi  en  1367  comme  Tun  des  exécuteurs  tes- 
tamentaires de  Robert  de  Namnr,  mort  le  7  ayril  1385. 

2.  Belgique,  proT.  Namur,  arr.  et  c.  Philipperille. 

3.  Le  duc  de  Bourgogne  leva  son  camp  de  Toumehem  et  reprit  le 
chemin  de  Hesdin,  le  mercredi  2  septembre  1369  (Gr.  Chron.y  VI,  319). 
En  mai  1381,  on  fit  grâce  à  un  écuyer,  nomme  Guiot  d*Arcv,  qui, 
enriron  douze  ans  auparaTant  c  que  le  duc  de  Bourgogne  nst  son 
mandement  pour  aller  a  Toumehem  et  au  retour  qu^il  firent,  >  avait 
vole  i  Condé  chez  son  hôte,  en  complicité  avec  un  autre  écuyer, 
appelé  Jean  de  Maligny,  un  cheval  valant  50  francs,  sous  prétexte  de 
se  dédommager  de  la  perte  d'un  bassinet  qu^ls  n'avaient  pu  retrouver. 
Areh.  Nat.,  JJ119,  n»  bk. 

k.  D*après  la  version  beaucoup  plus  rraisemblable  des  Grandes  Cfuro- 
miques^  Jean,  duc  de  Lancastre,  loin  de  retourner  à  Calais  après  le 
départ  du  duc  de  Bourgogne,  continua  sa  marche  en  avant  et  entra  en 
Picardie  (Gr.  Chron.,  VI,  319). 

5.  Robert  de  Sancerre,  troisième  fils  de  Louis  I,  comte  de- Sancerre, 
tué  à  Crécy,  et  de  Béatrix  de  Roucy ,  était  le  frère  cadet  de  Jean  III,  comte 
de  Sancerre  et  de  Louis  de  Sancerre ,  institué  maréchal  de  France  le 
20  juin  1368.  Le  frète  aine  de  Louis  et  de  Robert,  que  Froissart  oublie 
de  mentionner,  joua,  comme  les  deux  cadets,  un  rôle  actif  et  même 
dirigeant  dans  la  guerre  du  t  border  »  poitevin  en  1369.  Jean  III, 
comte  de  Sancerre,  avait  épousé  Marguerite  de  Mermande,  fille  unique 
du  seigneur  du  dit  lien  (auj.  Marmande,  hameau  de  Vellèche,  Vienne, 
arr.  Châtellerauit ,  c.  Leigné-sur-Usseau)  et  de  Faye- la -Vineuse 
(Indre-et-Loire,  arr.  Loches,  c.  Richelieu).  Au  mois  d'octobre  1369, 
Charles  V  donna  au  comte,  son  amé  cousin,  des  biens  situés  sur  les 
confins  du  Poitou  et  de  la  Touraine  et  confisqués  sur  un  certain  nombre 
de  rebelles  (Guillaume  du  Plessis,  Pierre  de  la  Broche,  chevaliers,  la 
Thomasse,  veuve  de  feu  Imbert  Gui,  chevalier,  etc.),  pour  dédomma- 
ger le  dit  comte  de  ce  que  les  gens  des  Grandes  Compagnies  avaient 

VII  —  f 


Lxxxu  CHRONIQUES  D£  J.  FAOISSART. 

les  Pônts-de^-Cé  ainsi  que  l'abbaye  de  Saint-Maur-sur-Loire^. 

occapë  l'aniiëe  prëcëdente  pendant  quatre  mois  son  château  de  Faye- 
la-Vineuse,  et  pour  Paider  à  tenir  en  bon  ëtat  de  défense  plusieurs 
beaux  et  notables  forts  qu'il  possédait  es  parties  d'Anjou  et  de  Touiaine, 
les  uns  à  une  lieue,  les  autres  à  une  demi-lieue,  d'autres  enfin  à  un 
quart  de  lieue  des  frontières  du  Poitou  occupées  par  les  Anglais  (^Arck, 
Nat,^  JJ 100,  n*  297).  A  la  même  date,  comme  nous  Tavons  vu.  Jean,  m 
du  nom,  sire  de  Beuil,  tenait  tête  aux  Anglais  sur  les  confins  de  TAnjou 
et  du  Poitou,  et  c'est  alors  que  se  noua  entre  les  représentants  des 
deux  familles  cette  intimité  qui  aboutit,  un  demi-siècle  plus  tard,  au 
mariage  de  Jean,  lY  du  nom,  sire  de  Beuil,  avec  Marguerite  de  San- 
cerre,  et  par  suite,  en  1441,  à  l'adjudication  du  comté  de  Sancerre  a 
Jean,  Y  du  nom,  sire  de  Beuil,  amiral  de  France,  le  célèbre  auteur  du 
Joweneel  (Anselme,  YII,  848  à  850). 

1.  Maine-et-Loire,  arr.  Angers,  à  5  kil.  au  sud  de  cette  ville.  Les 
Ponts-de-Cé,  sorte  de  fauboui^  d'Angers,  situés  au  milieu  de  la  Loire, 
sur  trois  îles,  que  relie  une  série  de  ponts,  se  composent  d'une  rue  de 
plus  de  3  kil.  de  long,  traversant  le  canal  de  l'Authion  et  trois  larges 
bras  de  la  Loire.  Un  château  hâti  sur  un  tertre  an  bout  du  premier 
pont,  quand  on  vient  de  la  rive  droite  du  fleuve,  entre  l'fle  Saint- 
Aubin  et  l'ile  Forte,  commandait  le  passage  de  la  Loire,  ainsi  que  la 
route  qui  met  la  rive  gauche  de  ce  fleuve  en  communication  avec  la 
rive  droite  et  avec  Angers.  Le  château,  dont  les  Anglais  s'emparèrent 
en  1369,  avait  été  reconstruit  en  1206  par  Guillaume  des  Roches,  sur 
les  ruines  d'une  forteresse  plus  ancienne,  rasée  par  Philippe-Auguste  ; 
BOUS  sa  forme  actuelle,  ce  château  ne  remonte  guère  qu'a  1438.  Maî- 
tres du  cours  de  la  Mayenne  par  l'occupation  du  Lion-d'Angers  et  du 
cours  de  la  Loire  par  la  prise  des  Ponts-de-Cé,  les  chefs  des  Compa- 
gnies anglaises  tinrent,  pendant  un  moment,  la  capitale  de  l'Anjou 
enserrée  au  nord  et  au  midi.  L'occupation  du  Lion-d'Angers  fut 
assez  courte,  mais  celle  des  Ponts-deX^é  dura  jusqu'à  la  victoire  rem- 
portée par  du  Guesclin  à  Pontvallain ,  c'est-a-dire  jusque  vers  la  fin 
de  1370.  On  conserve  aux  Archives  Nationales  un  registre  provenant 
de  la  Chambre  des  comptes  d'Anjou  (coté  P  1336),  qui  est  tout  entier 
relatif  aux  Ponts-de-Cé,  et  nous  donne  la  statistique  de  cette  localité, 
si  importante  au  point  de  vue  stratégique ,  vers  la  fin  du  quatorzième 
siècle. 

2.  Abbaye  de  Bénédictins,  au  diocèse  d'Angers,  fondée  vers  543 
par  saint  Maur,  disciple  de  saint  Benoit.  Les  ruines  de  cette  abbaye, 
convertie  en  ferme,  se  voient  encore  sur  la  rive  gauche  de  la  Loire ,  à 
Saint-Georges-le-Thoureil  (Maine-et-Loire,  arr.  Saumur,  c.  Gennes), 
k  28  kil.  au  sud-est  d'Angers  et  à  21  kil.  au  nord-ouest  de  Saumur. 
D'après  une  inscription  en  lettres  gothiques,  encastrée  encore  aujour- 
d'hui dans  le  pilier  qui  sépare  les  deux  nefs  de  la.  petite  église  Saint- 
Martin  remontant  au  treizième  siècle,  l'abbaye  de  Saint-Maur  aurait 
été  occupée  dès  1355  par  Jean  Cressewell  et  Hugh  de  Calverly  : 

L'an  Min*  LY  fu  céans 
Des  Angloys  le  logeis 
Crissouale  et  Carvallay . 


SOMBfAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  $$  628-65Î.  uxuii 

Ed  reTânche,  un  moine  de  Saint-Savin^,  abbaye'  situëe  à  sept 
lieues  de  Poitiers ,  Uvre  en  haine  de  son  abbë  *  cette  abbaye  à 
Loob  de  Saint-Jolien  et  à  Kerlouet  qui  sont  à  k  tftte  des  forces 
firancaises  dans  cette  rëgi<Mi.  P.  188  à  i94,  386,  387. 

A  peine  revena  i  Calais  de  la  chevauchée  de  Toomehem,  le 
duc  de  Lancastre  se  remet  en  campagne  ;  il  passe  devant  Saint* 
Orner,  Théronanne,  Hesdin,  Saint-Pol,  Pemes  *,  Lucheux  *,  Saint- 
Riqoier.  Il  passe  la  Somme  au  guë  de  Rlanquetaque,  entre  en 
Vimeu,  puis  dans  le  comté  d'Eu,  passe  à  c6té  de  Dieppe  et  ne 
s'arrête  que  devant  Harfleur*  où  il  reste  trois  jours.  Le  but  de 

Cta  le  prienré  de  Trères^onaiilt,  situé  également  sur  la  rire  gauche 
de  la  Loire,  wi  peu  sa  md-ett  de  Tabbaye  de  Saiitt-AIanr|  qui  rat  oc-* 
copë  Tert  cette  époque  et  fortifié  par  les  Compagnies  anglo-gaaconnes 
{CoMt,  G.  dé  NMgi^co^  II,  318).  L'oocopation  des  PonU^e-Cé  et  de 
Sunt-Maor  par  les  Anglais  doit  remonter  aux  derniers  mois  de  1369. 
Le  fiuneox  routier  Jean  Crenewdl  fut  probablement  mis  dès  Ion  à  la 
tte  de  la  gamiion  de  Saint-Manr  dont  il  était  certainement  capitaine 
lonqne  «  Aui  mcoglxx.  ou  mois  de  décembre^  monieignenr  Bertran  de 
Gneidin,  eonnestable  ae  France  et  lieutenant  du  roy  nostre  sire,  or- 
denna  certain  subside,  trespas  on  acquit  sur  les  marcnandises  montans, 
deieendans  et  trayersans  par  la  riTière  de  Loire,  entre  Candes  (Indre- 
et-Loire,  arr.  et  c.  Chinon)  et  Chastecanx  (anj.  Champtoceaux , 
Mune-et-Loire ,  arr.  Cholet),  pour  paier  certaine  tomme  promise  et 
aceordée  k  Jehan  Keruoualle  anglais  et  à  tes  compagnons^  ennemis  du 
rofoume^  pour  rendre  et  délivrer  le  fort  de  Saint  Mor,  sur  la  dite  rieière^ 
ffiih  tenaient  alors.  »  Jrch.  Nat.^  eect.  adm.,  P1334',  ^  38.  Cf.  Gallia 
Chtstiana^  XIV,  685;  Paul  Marchegay,  drekifes  d'Anjou^  Angers,  1853, 
m-8«,  t.  II,  p.  287  à  292;  Célestin  Port,  Dîc/.  hist.  du  dép.  de  Maina^ 
tt'Loire,  aux  mots  PonU-do-Cé  et  Saint^Mtuir, 

1.  Anj.  Saint-SaTin-sur-Gartempe ,  Vienne,  air.  Montmorillon ,  à 
eBTÎroQ  35  kil.  an  sud  de  la  Roche-Posay,  à  41  kil.  à  Test  de  Poitiers, 
à  25  kil.  à  Touest  du  Blanc. 

S.  Abbaye  de  Bénédictins  au  diocèse  de  Poitiers. 

3.  Le  4  juin  1370,  cet  abbé,  nommé  Jocelin  Badereau,  adressa  une 
requête  à  Charles  Y  au  sujet  des  déprédations  commises  au  préjudice 
de  son  monastère  par  les  gêna  d'armes  qui  s*en  étaient  emparée,  ainsi 
que  par  les  garnisons  bretonnes  de  la  Roche-Posay  et  du  Blanc.  Gallia 
Ctwistiama,  U,  1288. 

k.  Auj.  Pemes  en  Artois,  Pas-de-Calais,  arr.  Saint-Pol-sui^Temoise, 
€.  Henchin.  La  dame,  appelée  par  Froîssart  (p.  192)  madame  du  Doaire^ 
€»t  Jeanne  de  Luxemboura,  tcutc  de  Gui ,  comte  de  Saint-Pol,  qui 
■Tait  reçu  en  douaire  le  château  et  la  seigneurie  de  Pemei. 

5.  Somme,  arr.  et  c.  Donllens. 

6.  Seine-Liférieure,  arr.  le  HaTre,  c.  MontÎTilliers.  Le  duc  de  Lan- 
Goitre  dut  mettre  le  siège  derant  Harfleur  peu  ayant  le  21  octobre  1369, 
ear,  dans  un  numdement  de  Charles  V  en  date  de  ce  jour,  on  lit  ce 
<!ai  mit  :  c  Nous  ayons  entendu  que  no9  ennemis  se  sont  deslogez  de 


Lxxxiv  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

r  expédition  est  de  s'emparer  de  cette  ville  afin  d'y  brûler  la 
flotte  et  le  matériel  naval  '  du  roi  de  France  ;  mais  le  comte  de 
Saint-Pol,  qui  s'est  enferme  à  temps  dans  la  forteresse  menacée 
avec  une  garnison  de  deux  cents  lances,  déjoue  cette  tentative. 
Dès  le  quatrième  jour,  le  duc  de  Lancastre  lève  le  siège,  va 
ravager  la  terre  du  seigneur  d'Estouteville  *  et  se  dirigé  vers 


depont  Harfieu  et  ont  entencion  d*euls  traire  vers  la  mière  d'Oise  pour 
ycelle  passer,  s'il  peyent.  »  Delisle,  Mandements  de  Charles  V^  p.  294i. 

1.  Il  s'agit  ici  au  matériel  nayal  rassemblé  en  Tue  de  cette  aescente 
dans  ]e  pays  de  Galles  d'Owen  de  Galles  pour  laquelle  Charies  Y  avait 
fait  tant  de  sacrifices  et  qui  avorta  si  misérablement  à  la  fin  de  décem- 
bre 1369  (6r.  C/iron.,  Vl,  320  à  322).  Philippe  d'Alençon,  archevêque 
de  Rouen,  avait  prête  2000  francs  pour  cette  expédition,  et,  le  16  janvier 
1370  (n.  st.),  le  roi  donna  l'ordre  de  lui  rembourser  les  trois  quarts  de 
cette  somme  (Mandements  de  Charies  F,  p.  317).  Pour  recruter  les 
équipages  de  cette  flotte  improvisée,  on  fit  flèche  de  tout  bois,  et  en 
novembre  1369  un  malfaiteur  eut  sa  grâce,  c  parmi  ce  toutes  voies 
qu'il  promettroit  que  aveeques  la  première  armée  des  gens  d^ armes  que  nota 
ferons  passer  en  Angleterre  il  iroit  souffisamment  appareilliez.  »  Arch» 
Nat,^  JJlOO,  n»  307.  —  Telle  fut  la  popularité,  c  la  grant  mencion  de 
l'armée  qui  se  fist  en  la  mer  par  Yvain  de  Galles  »,  qu'il  y  eut  jusqu'à 
un  orfèvre  de  Paris ,  Andriet  le  Maître,  c  qui  fist  chevance  de  deux 
chevaux ,  quant  Yvain  de  Galles  se  mist  en  la  mer,  et  s'en  ala  avec 
icelui  Yvain.  »  JJlOO,  n»  633;  JJ102,  n»  131.  —  Dans  un  acte,  daté 
de  Paris  le  10  mai  1372,  où  il  se  reconnaît  redevable  envers  Charles  V 
d'une  somme  de  300000  francs  d'or,  Owen  de  Galles  accuse  les  rois 
d'Angleterre,  c  meus  de  convoitise  damnée  »,  d'avoir  occis  ou  fait 
occire  quelques-uns  de  ses  prédécesseurs^  rois  de  Galles  {Arch,  Nat.^ 
JJN,  f  55,  n«27). 

2.  Auj.  Estouterille-Écalles,  Seine-Inférieure,  arr.  Rouen,  c.  Buchy. 
Tout  le  tableau  de  la  chevauchée  du  duc  de  Lancastre  dans  le  pays  de 
Caux  est  retracé  dans  une  lettre  de  grâce  délivrée  en  mai  1376  à 
un  certain  Guillaume  le  Cordier  qui  s'était  retiré  avec  son  père  et 
ses  enfants  dans  le  fort  de  Raimes  (un  château  ruiné  de  Ramé,  situé 
à  GomerviUe,  entre  Montivilliers  et  fiolbec,  est  marqué  sur  la  carte  de 
Cassini,  feuille  du  Havre,  n»  60),  «  en  Can  mccclxix,  ou  moys  (ToC" 
tobre  ou  environ,  le  duc  de  Lancastre  et  pluseurs  autres  noz  ennemis 
estanz  sur  le  pais  de  Caux.  i»  Moyennant  un  sauf-conduit  acheté  de 
Gautier  Hewet,  chevalier  anglais,  logé  près  de  Raimes,  Guillaume  le 
Cordier  va  voir  si  son  manoir  n'est  pas  brûlé  et  s'il  n'y  aurait  pas 
moyen  d'y  rentrer.  Le  comte  de  la  Marche,  dont  les  gens  occupent  ce 
manoir,  refuse  de  le  rendre  à  Guillaume  ;  il  ne  consentirait  à  y  rece- 
voir que  la  femme  de  Guillaume,  parce  quelle  est  enceinte.  Guillaume 
le  Cordier  prend  le  parti  de  retourner  à  Raimes  a  l'aide  d'un  nouveau 
sauf-conduit  acheté  comme  le  premier  de  Gautier  Hewet.  Au  retour, 
comme  il  passe  à  Étienville,  il  donne  une  somme  de  70  francs  a 
Thomas  Caon ,  à  la  condition  que  l'hôtel  où  ce  chevalier  anglais  est 
logé  et  deux  autres  ne  seront  pas  brûlés;  puis  il  court  au  manoir  de 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  UYRE,  $$  628-652. 

Qisemont  pour  repasser  la  Somme  à  Blanquetaqne.  Au  moment 
où  les  Anglais  longent  les  murs  d'Abbeville,  Hue  de  Châtillon*, 
capitaine  de  cette  ville  et  maître  des  arbalétriers  de  France,  fait 
une  sortie  et  tombe  dans  une  embuscade  entre  les  mains  de 
Nicolas  de  Louvain,  sënëchal  du  Pontieu ,  qu'il  avait  lui-même 
fait  prisonnier  quelques  mois  auparavant  et  rançonne  à  dix  mille 
francs.  P.  i91  à  195,  387  à  389. 

Le  duc  de  Lancastre  repasse  la  Somme  à  Blanquetaque,  suit  le 
chemin  de  Rue,  de  Montreuil-sur-Mer  et  rentre  à  Calais  vers  la 
Saint-Martin  d'hiver.  Là,  il  donne  congé  à  Robert  de  Namur,  à 
Waleran  de  Borne  *  et  à  tous  les  Allemands,  puis  il  retourne  en 
Angleterre.  P.  495,  196,  389. 

La  nuit  du  30  décembre  1369,  Jean  Chandos,  sénéchal  du 
Poitou,  et  Thomas  Percy,  sénéchal  de  la  Rochelle',  font  une 

80D  père  où  il  troaye  des  hommes  d'armes  allemands  à  la  solde  du  duo 
de  Lancastre,  qui  Teolent  y  mettre  le  fea  ;  il  parrient  à  les  faire  renon« 
cer  à  leur  projet  en  leur  distribuant  hait  pots  de  cidre  et  une  douzaine 
de  blanc  pain  petit.  Il  retourne  ensuite  au  hameau  d'Etienrille  où  Ton 
a  brulë  depuis  son  départ  les  trois  maisons  pour  le  rachat  desquelles  il 
arait  payé  70  francs.  11  se  rend  à  Bolhec,  ou  il  apprend  que  le  duc  de 
Lancastre  se  trouve,  pour  se  plaindre  à  Thomas  Caon,  mais  là  on  lui 
Tole  son  cheral;  las  d'adresser  en  raîn  des  réclamations  à  Gautier 
Hewet,  loge  chez  Jean  le  Bouleur,  homme  de  fief  du  comte  de  Har- 
court,  il  achète  au  prix  de  deux  francs  une  jument  aux  Anglais  pour 
retourner  chez  lui.  Jreh.  Nat,^  JJ108,  n<>  382. 

1.  Hue  ou  Hugues  de  Châtillon,  seigneur  de  Dampîerre,  de  Sompuîs 
et  de  RoUencourt,  avait  succédé  dans  la  charge  de  grand  maître  des 
arbalétriers  de  France  à  Baudouin  d*Annequin  tuë  à  la  bataille  de  Co- 
eherel  le  16  mai  136^  (Anselme,  Hîsi,  généaL,  VI,  113  ;  VIII,  46  et  47). 
Le  châtelain  de  Beauvais  fut  fait  prisonnier  en  même  temps  que  Hu- 
gues de  Châtillon  {Gr.  Chron.,  VI,  390). 

2.  Waleran  de  Fapquemont,  seigneur  de  Borne,  rallié  k  Charles  Y 
le  19  septembre  1373  moyennant  une  pension  annuelle  de  1200  livres 
(Jrek,  Hat.^  J626,  n»  115). 

3.  Thomas  Percy,  sénéchal  du  Poitou ,  à  la  date  du  3  mars  1369, 
avait-il  été  transféré  dans  les  mêmes  fonctions  à  la  Rochelle  vers  le 
milieu  de  cette  année,  au  moment  où  il  avait  été  remplacé  par  Jean 
Chandos  comme  sénéchal  du  Poitou  ?  La  qualification  de  sénéchal  de 
la  Rochelle,  attribuée  ici  (p.  198)  pour  la  première  fois  à  Thomas,  don- 
nerait lieu  de  le  croire.  Thomas  Percy  ou  de  Percy,  fils  puiné  de 
Henri  Percy  et  de  Marie  de  Lancastre-Plantagenet,  fille  ae  Henri, 
comte  de  Lancastre  et  de  Leicester,  avait  par  sa  mère  du  sang  royal 
dans  les  veines ,  puisque  le  comte  de  Lancastre,  son  grand-père,  était 
le  petit-fils  de  Henri  lll,  roi  d'Angleterre.   Shaks|>eare  a  immortalisé 
Thomas  Percy  et  son  neveu  Uenn  Percy.  surnommé  Hotspur,  en  les 
fidsant  figurer  dans  ses  drames  de  Riekmrd  II  et  de  Henri  IV. 


u:xxvi  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

chevauchée  pour  reprendre  l'abbaye  de  Saint-Savin  dont  Louis 
de  Saint-Julien  est  capitaine.  Us  s'apprêtent  à  tenter  l'escalade  de 
cette  forteresse  lorsque,  vers  minuit,  ils  entendent  sonner  du  cor  : 
c'est  Jean  de  Rerlouet  qui  arrive  à  Saint--Savin  avec  quarante 
lances,  pour  prendre  part  à  une  expédition  en  Poitou.  Les  deux 
capitaines  anglais  s'imaginent  que  c'est  un  signal  donné  par  la 
sentinelle  de  l'abbaye  qui  les  a  reconnus  et  retournent  en  toute 
hâte  à  Chauvigny  ^.  Thomas  Percy  prend  alors  congé  de  Ghandos, 
traverse  la  Vienne  sur  le  pont  de  Chauvigny  et  remonte  par  la 
rive  gauche  le  cours  de  cette  rivière.  Le  31,  au  matin,  on  apprend 
que  Louis  de  Saint-Julien  et  Rerlouet ,  partis  pendant  la  nuit 
de  Saint-Savin,  chevauchent  pour  passer  la  Vienne  au  pont  de 
Lussac  ^  et  porter  le  ravage  en  Poitou  ;  Chandos  s'élance  aussitôt 
à  leur  poursuite.  Les  Français  ont  une  lieue  d'avance,  ils  arri- 
vent les  premiers  à  Lussac;  mais  ils  trouvent  le  pont  occupé  par 
Thomas  Percy  qui  se  tient  de  l'autre  côté  de  la  rivière  et  en- 
treprend de  leur  en  disputer  le  passage.  Us  mettent  pied  à  terre 
et  se  préparent  à  faire  l'assaut  du  pont,  lorsque  Jean  Chandos 
qui  les  poursuit  vient  les  charger  en  queue.  P.  i96  à  202, 
389  à  393. 

Jean  Chandos  est  blessé  mortellement  par  un  écuyer  nommé 
Jacques  de  Saint-Martin  '  et  rend  le  dernier  soupir  le  lendemain  à 
Mortemer  *•  Toutefois,  les  Anglais,  qui  reçoivent  un  renfort  pen- 

1.  Vienne,  arr.  Montmorillon,  bot  la  Vienne,  à  2k  kil.  k  l'est  de 
Poitiers. 

2.  Auj.  Lussac-les-Chateaux ,  Vienne,  arr.  Montmorillon,  sur  la 
Vienne,  à  36  kil.  au  snd-est  de  Poitiers  et  à  12  kil.  an  iud  de  Chau- 
TÎgny.  Au  moyen  âge,  quand  on  remontait  le  cours  de  la  Vienne,  le 
premier  pont  que  1  on  rencontrait  après  celui  de  Chaurigny  était  ]e 
pont  de  Lussac. 

3.  D'après  CuTelier,  un  archer  breton,  nomme  Alain  de  Guigueno, 
aurait  d'abord  percé  d'une  flèche  l'armure  de  Chandos  (Charriere,  II, 
p.  201  et  202,  yers  19213  à  19218);  et  un  homme  d'armes,  appelé 
Aimeri,  lui  aurait  ensuite  plongé  sa  lance  dans  la  poitrine  (Ibid,^  p.  20k 
et  205,  Ters  19310  à  19315).  Le  témoignage  si  précis  de  Froissart  mé- 
rite ici  plus  de  créance  que  celui  de  Cuveher. 

4.  Le  combat  où  Jean  Chandos  fut  blessé  mortellement  eut  lieu  le 

matin  du  jour  de  l'an,  mardi  l*r  janrier  1370  (p.  199  et  391).  D'après 

a  première  rédaction,  Chandos  aurait  survécu  trois  jours  (p.  395),  et, 

d'après  la  seconde,  un  jour  et  une  nuit  seulement  à  sa  blessure  (p.  207). 
Le  cheralier  anglais  serait  mort  par  conséquent,  suivant  la  première 
version,  le  3,  suivant  la  seconde,  le  2  janvier  1370.  Cuvelier  dit  que 
Chandos  mourut  à  Chauvigny  (/3/i/.,  p.  206,  vers  19377),  mais  la  tra- 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  Sg  628-652.  uxxvii 

dant  Tactioiif  restent  mattres  du  diamp  de  bataîHe;  Louis  de 
Saint-Jaliea  et  Jean  de  Ktrlouet  sont  faits  prisonniers^.  La  nx>rt 
de  Chandos  excite  les  regrets  des  Français  aussi  bien  que  des 
Anglais.  P.  202  à  207,  303  à  396. 
Thomas  Perçy  ^  succède  à  Jean  Chandos  dans  la  charge  de 

dition  constante  du  pays,  d'accord  arec  Froiuart,  est  que  miastre 
gnerrier  expira  à  Mortemer  (Yienne,  arr.  Montmorillon,  c.  Ltutac),  où 
S  fot  enterré  et  où  ion  tombeaa  existait  encore,  dit-on ,  au  commen- 
eement  de  la  Restauration,  époqne  où  on  raorait  détruit  pour  placer 
un  aatel  latéral  (Briquet,  HUt,  de  Niort ^  U,  68).  Jean  Bouchet  nous  a 
conserré  IVpitaphe  suiTante ,  qae  Ton  avait  gravée  sur  ce  tombeau , 
mais  qui  semble  très-postérienre  i  la  mort  de  Chandos  : 

Je  Jehan  Chandos,  des  Anglois  capitaine, 
Fort  cheraler,  de  Poictou  seneschal, 
Après  avoir  faict  guerre  très  lointaine 
An  roi  françois,  tant  à  pied  qu'à  cheval. 
Et  pris  Bertrand  de  Gnesquin  en  un  val, 
Les  Poictevins  près  Lussac  me  défirent, 
A  Mortemer  mon  corps  enterrer  firent , 
En  un  cercueil  eslevé  tout  de  neuf 
L'an  mil  trois  cents  soixante  et  neuf. 

Cette  date  de  1369  se  rapporte  à  l'ancien  stjle  diaprés  lequel  l'année 
1369  ne  finit  qu'a  Pâques  (14  avril)  de  Tannée  1370  nouveau  style.  In- 
d^Mndamment  de  ce  tombeau,  un  monument  ftit  élevé  â  rendroit 
moné  on  Chandos  avait  été  fîappé  mortellement,  à  l'extrémité  occi- 
dentale du  pont  de  Lussac  aujourd'hui  détruit,  sur  le  territoire  de  la 
paroisae  de  Civaux  (Vienne,  arr.  Montmorillon,  c.  Lussac).  Ce  monu- 
ment se  composait  d'un  entablement  soutenu  par  six  colonnes  et  sur- 
monté d'une  bannière  (Jf fiches  du  Poitou^  année  1775). 

1.  Par  acte  daté  de  Paris  le  20  mars  1370  (n.  st.),  Charles  V  donna 
les  biens  confisqués  de  Jacques  le  Tailleur,  rebelle ,  sis  en  la  vicomte 
de  Brosse,  à  Jean  du  Mesnil ,  écnyer,  c  pris  prisonnier  par  plusieurs 
fois  et  dwrrtùnement  en  la  betcigne  de  Chandos  et  mis  à  très  excessive 
Ttençon  montant  k  sept  cens  frans.  >  jireh,  Nat,^  JJlOO,  n«  785.  — 
D'après  Cuvelier  {Chron.  de  B.  Dugueselin^  II,  207,  vers  19382  a  19386), 
Ja  loUe  de  Tours  aurait  payé  aux  Anglais  la  rançon  de  Jean  de  Ker- 
loaet  fixée  à  3000  francs  d'or.  Nous  aurions  voulu  contrôler  l'asser- 
tion du  trouvère  picard  en  compulsant  les  registres  des  comptes  de 
eette  Tille;  malheureusement,  le  registre  correspondant  à  l'année  1369» 
où  Ja  dépense  dont  il  s'agit  a  du  être  inscrite,  est  en  déficit  (commu- 
nication de  notre  savant  confrère  M.  Delaville  le  Roulx). 

2.  D'après  M.  Fillon  {Jean  Chandos^  p.  23,  note  1),  ce  ne  serait  pas, 
comme  le  dit  ici  Froissart,  Thomas  Percy»  ce  serait  Baudouin  de  Fré- 
rille  ^ni  aurait  succédé  immédiatement  a  Jean  Chandos  ;  mais  il  n'est 
fourni  aucune  preuve  à  l'appui  de  cette  assertion.  Comme  Thomas 
Percy  était  oertamement  redevenu  sénéchal  du  Poitou  en  novembre  1370 
(vojrea  plus  haut,  p.  lxxiv,  note  1),  la  version  du  chroniqueur  reste 
très-vraisemblable. 


Lxixvni  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

sënëchal  du  Poitoa.  Louis  de  Saint-Julien  et  Rerlouet,  mis  à 
rançon  par  les  Anglais,  retournent  en  leurs  garnisons.  —  Enguer- 
rand,  sire  de  Goucy,  marié  à  l'une  des  filles  d'Edouard  III,  et 
Amanieu  de  Pommiers  veulent  rester  neutres  dans  la  guerre  qui 
vient  d'éclater  entre  les  rois  de  France  et  d'Angleterre  ;  le  pre- 
mier se  rend  en  Savoie  et  en  Lombardie,  et  le  second  va  en 
Chypre  et  au  Saint-Sëpulcre.  —  Jean  de  Bourbon,  comte  de  la 
Marche,  et  le  sire  de  Pierre-BufBère,  quoiqu'ils  soient  venus 
habiter  Paris,  n'en  refusent  pas  moins  de  renvoyer  leur  hommage 
au  prince  de  Galles  ;  mais  deux  autres  barons  du  Limousin, 
Louis,  sire  de  Malval  ',  et  Raymond  de  Mareuil  ',  neveu  de  Louis, 

1.  Par  acte  daté  de  Paris  le  8  juin  1369,  frère  Gui  Moriac,  cheTalier 
de  l'hôpital ,  de  Tordre  de  Saint-Jean  de  Jënualem  »  et  Guillaume  de 
Lussac,  ëcuyer,  déclarèrent  adhérer,  «  de  la  partie  et  comman- 
dement de  monseigneur  Loys  de  Maleraut ,  cheyalier  du  pais  de 
Guienne  »,  à  Tappel  fait  par  le  comte  d'Armagnac  par-derant  le  roi  de 
France,  comme  sonrerain  seigneur  du  duché  de  Guyenne,  contre  le  due 
de  Guyenne.  Areh,  Nat.   J&k2j  n»  16". 

2.  L*acte  d'adhésion  de  Rajrmond  de  Mareuil  est  daté  de  Paris  le 
vendredi  29  juin  1369,  et  roici  le  texte  de  ce  document  :  c  A  tous 
ceulz  qui  ces  lettres  yerront,  Raymon  de  Marueil,  chevalier  du  pais  de 
Guienne,  salut.  Comme,  pour  cause  de  plusieurs  griefs  et  oppressions 
à  nous  faiz  par  Edwart,  le  prince  de  Galles,  duc  de  Guienne,  et  ses 
genz  et  officiers,  indeuement  et  contre  raison,  nous  nous  soîons  adhert 
aus  appellacions  faites  par  le  conte  d'Armicnac  et  plusieurs  autres  no- 
bles du  dit  pais  de  Guienne  à  l'encontre  du  dit  prince  par  deTsnt  le 
roy  de  France  nostre  sourerain  seigneur  ou  sa  court  de  parlement  et 
par  ainsi  ayens  pris  et  recongneu,  prenons  et  recongnoissons  le  dit 
roy  de  France  à  nostre  souverain  seigneur,  savoir  faisons  que  nous 
avons  promis  et  jure,  promettons  et  jurons  aus  saintes  Ewangiles  que 
à  nostre  dite  adhésion  nous  ne  renoncerons  en  aucune  manière  senz  la 
licence  et  exprès  commandement  du  roy  nostre  souverain  seigneur, 
maiz  la  poursievrons  pardevant  lui  ou  sa  dite  court  de  parlement.  Et 
avecques  ce  promettons  et  jurons  estre  bons,  vrais  et  loyaulx  françoiz 
et  senrir  le  roy  nostre  dit  seigneur  loyaulment  en  ses  guerres  et  autre- 
ment et  tenir  sa  partie  contre  le  dit  prince  et  tous  autres  ennemis  du 
roy  nostre  dit  seigneur  de  tout  nostre  povoir  ;  et  se  nous  faisions  le 
contraire,  nous  voulons  et  nous  consentons  estre  tenuz  et  reputez  par 
devant  tout  homme,  faux,  mauvaiz,  parjure  et  traitre  chevalier.  En 
tesmoing  de  ce,  nous  avons  fait  mettre  nostre  seel  à  ces  présentes. 
Donné  a  Paris  le  penultime  jour  de  juing  l'an  mQ  ccc  soixante  et 
neuf..»  jirch,  *Nai.^  J6(i2,  n»  16".  —  Par  acte  daté  de  son  chiteau  de 
Monfort  le  lundi  7  mai  1369,  Regnault,  sire  de  Pons  et  de  Ribérac,  vi- 
comte de  Turenne  et  de  Carladez ,  donna  pleins  pouvoirs  pour  prêter 
la  même  adhésion  à  Regnault  de  Montferrant,  chevalier  (J642,  n»  16'), 
lequel  la  prêta  à  Paris  le  8  juin  suivant  (J  642,  o9  16').  Parmi  les  autres 
adnésions  dont  les  actes  npus  ont  été  conservés,  les  plus  importantes 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  §§  628-652.  uaxix 

embrassent  ouvertement  le  parti  du  roi  de  France.  —  Caponnet 
de  Chaponval,  délivre  de  sa  prison  d'Agen  et  échangé  contre 
Thomas  Banastre  pris  dans  une  escarmouche  devant  Périgueuz, 
rentre  en  France.  P.  207  à  210,  396  à  398. 

Par  acte  daté  de  Westminster  le  15  novembre  1370, 
Edouard  III  abolit  tous  fouages  et  aides  levés  indûment  par  le 
prince  de  Galles  et  accorde  amnistie  pleine  et  entière  à  tous  les 
sujets  de  la  principauté  qui,  après  avoir  pris  parti  pour  le  roi  de 
France,  voudront  bien  faire  leur  soumission^.  P.  210,  211,  398. 

Des  copies  de  cet  acte  sont  adressées  secrètement  à  Paris 
aux  vicomtes  de  Rochechouart  ^ ,   aux  seigneurs  de   Malval  * 

i  ngnaler  sont  celles  de  frère  Ytier  de  Pemce,  chevalier  de  Saint-Jetn- 
de-Jérnsaleniy  commaiidear  de  Belle-Chassagne  (Corrèze,  arr.  Ussel, 
c.  Somac),  en  date  du  8  juin  (J,642,  n«  16*),  de  Jean  de  Saint-Cfaamant, 
eheralier  (J  642,  nP  16**),  de  Jean  de  Rochefort,  cheralier,  sire  de 
Chastelvert  en  Limousin  (J6k2f  n^  16*),  enfin  de  Nicolas  de  Beaafort, 
seigneur  de  Limeuil  (Dordogne,  arr.  Bergerac,  c.  Saint«Alvère),  en 
date  du  27  mai  1369  (J642,  n»  16*). 

1.  Cette  ordonnance  ne  se  trouve  pas  dans  Rjmer;  elle  est  datée  du 
5  ou  du  15  noTembre  de  Tan  kk  du  règne  d'Edouard  III,  qui  cor- 
respond à  la  fin  de  1370,  quoique  Froissart  l'ait  ;  intercalée  au  milieu 
du  récit  des  érënements  du  commencement  de  cette  année.  Elle  dut 
être  promulguée  a  Tinstigation  de  Jean,  duc  de  Lancastre,  envoyé  par 
Edouard  III,  le  l*'  juillet  1370,  au  secours  du  prince  d'Aquitaine  avec 

Sleina  pouvoirs  d'accorder  toute  espèce  de  grâce  et  de  pardon ,  c  ut 
icto  primogenito  nostro  principi  ac  aliis  partium  iUarum  incolis  ex 
adventu  tuo  letitia  et  securitas  eo  major  accrescat.  »  Delpit,  Documents 
fraaçau,  p.  1 29  et  130.  —  Du  reste»  le  prince  d'Aquitaine  et  de  Galles  lui- 
même,  enrayé  sans  doute  des  progrès  de  rinsurrection,  venait  d'entrer 
dans  la  Toie  des  concessions,  rar  acte  date  d'Angouléme  le  28  janvier 
1370,  il  avait,  sur  la  plainte  des  Bordelais,  abaisse  et  remis  comme 
autrefois  à  13  sous  k  aeniers  par  tonneau  le  droit  sur  l'entrée  des  Tins 
éleré  depuis  cinq  ans  à  20  sous  et  attribué  à  la  Couronne  {Arch,  de 
Bordeaux^  lirre  des  BouUlons,  I,  147  et  148).  La  lettre  adressée  par 
Edouard  III,  le  30  décembre  1369,  aux  seigneurs  de  Guyenne  et  l'or- 
donnance, en  date  du  1*'  janvier  suivant,  par  laquelle  ce  prmce  établit 
sur  le  continent  une  juridiction  d'appel ,  de  suzeraineté  et  de  ressort 
dont  il  fixa  le  siège  à  Saintes,  ces  deux  actes  visaient  également  à  don* 
ner  satisfaction  aux  légitimes  réclamations  des  vassaux  de  la  princi- 
pauté d'Aquitaine  (Rymer,  III,  883  à  885).  Le  tableau  du  produit  des 
fouages  a  ëté  publié  par  M.  Delpit  {Documents  français  en  Jngleterre^ 
p.  173  et  174). 

2.  Le  13  mars  1370  (n.  st.),  Charles  V  retint  à  son  service  le  vicomte 
de  Rochechouart  et  Régnant  de  Dony  avec  120  combattants  (Delisle, 
Mandements^  p.  332),  dont  il  ordonna  de  payer  les  gages  le  11  mai 
suivant  (/^^.,  p.  348). 

3.  Le  12  juillet  1369,  Charles  Y  asûgna  à  Louis  de  Malval ,  en  ré- 


xc  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

et  de  Mareuil  ^  -—  Jean  de  Rerlouet,  Guillaume  des  Bordes  et 
Louis  de  Saint-Julien,  capitaines  de  la  Roche^Posay,  de  la  Haye 
en  Touraine  et  de  Saint-Savin  pour  le  roi  de  France,  prennent  un 
matin  par  escalade  la  ville  de  Châtellerault  ^«  Pris  à  l'improviste 
et  réveillé  en  sursaut,  Louis  de  Harconrt  n  a  que  le  temps  de  se 
sauver  en  chemise  sur  le  pont  de  Châtellerault  que  ses  gens  ont 
fortifié.  Depuis  lors,  des  escarmouches  ont  lieu  tous  les  jours 
entre  la  garnison  bretonne  de  la  ville,  dont  Rerlouet  prend  le 
commandement,  et  celle  du  pont.  P.  212,  398. 

Louis,  duc  de  Bourbon',  Louis  de  Sancerre,  maréchal  de 
France,  le  sire  de  Beaujeu  et  les  principaux  chevaliers  du 
Bourbonnais,  du  Beaujolais,  du  Forez  et   de  l'Auvergne  *,  met- 

compense  de  son  adhésion  à  Tappel  des  barons  de  Gascogne,  1000  li- 
vres de  rente  à  héritage  sur  le  cnateau  du  Metz-le-Maréchal  (situé  à 
Dordives,  Loiret,  arr.  Montargis,  c.  Ferrières),  à  la  condition  que 
Louis  rendrait  le  dit  château  en  échange  d'une  donation  équivalente 
en  Guyenne,  et  Raymond  de  Mareuil  se  porta  garant  de  ce  dernier 
engagement  (jirch,  Nat,^  J642,  n»  16*). 

1.  Par  acte  daté  de  Paris  le  12  juillet  1369,  le  roi  de  France  donna 
à  Raymond  de  Mareuil  2000  livres  de  rente  à  héritage  assises  sur  les 
château  et  chatellenie  de  Courtenay  (J642,  no  16'^),  et  cette  donation 
fut  confirmée  le  25  janvier  1370  (n.  st.).  Delisle,  ManJernents^  p.  330. 

2.  La  prise  de  Châtellerault  par  les  Français,  fait  militaire  dont  il 
faut  savoir  gré  à  Froissart  d'avoir  compris  l'importance,  dut  avoir  lien 
dans  les  premiers  jours  du  mois  de  juillet  1370,  comme  le  prouve 
l'article  de  compte  suivant,  emprunte  au  registre  de  la  Chambre  aux 
deniers  de  Jean ,  duc  de  Berry  (1370-1373)  :  c  A  Rougier  Piquet,  hé- 
raut du  Baudrin  de  l'FiUse,  qui  a  porté  lettres  a  mon  dit  seigneur 
(Jean,  duc  de  Beny),  faisant  meneion  que  noz  gens  avaient  pris  ChasteU" 
raut  que  Us  ennemis  tenaient^  pour  don  du  dit  seigneur  fait  ou  dit  Rogier 
pour  une  fois  tant  seulement,  par  mandement  du  dit  seigneur  donné 
U  VIII*  jour  du  dit  mois  (juillet  1370);  randu  à  cort  :  x  livres.  »  jireh, 
Nat.,  sect.  hist.,  KK251,  ^  26. 

3.  A  quelle  date  Louis,  duc  de  Bourbon,  entra-t«il  en  campagne 
pour  mettre  le  siëge  devant  Belleperche?  Cette  date  nous  est  fournie 
par  un  mandement  du  26  septembre  1369  par  lequel  Charles  V  retint 
a  son  service  le  duc  de  Bourbon  avec  300  hommes  d*armes,  dont 
5  chevaliers  bannerets  et  60  chevaliers  bacheliers,  c  pour  nous  servir 
en  nos  présentes  guerres  ou  pajrs  de  Bourbonois.iù  Mandements  de  Charles  F, 
p.  290  et  291. 

4.  Froissart  oublie  de  mentionner  les  Bourguignons  qui  allèrent  ren- 
forcer le  duc  de  Bourbon  trois  mois  environ  après  que  le  siège  avait 
été  mis  devant  Belleperche.  Le  3  décembre  1369,  le  duc  Philippe 
nomma  Eudes  de  Grancey  gouverneur  de  son  duchë  (dom  Plancher, 
Hist,  de  Bourgogne^  III ,  32)  ;  puis  il  se  rendit  a  Paris  où  il  resta  jus- 

3u'au  11  février  suivant.  Le  21  février  1370,  Nicolas  Corbeton,  bailli 
'AuxoiSy  fit  porter  lettres  aux  seigneurs  de  Marigny,  Sombemon,  Ma- 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  $$  628-652.      za 

tent  le  siège  devant  le  château  de  Relleperch'e  occupe  par  les 
Compagnies  anglaises.  Les  assiégés  réclament  du  secours  par 
l'entremise  de  Jean  Devereux,  sénéchal  du  Limousin,  qui  tient 
garnison  à  la  Souterraine^.  Les  comtes  de  Cambridge'  et  de 
Pembroke,  après  avoir  rassemblé  à  Limoges  quinze  cents  lances 
et  trois  mille  soudoyers,  accourent  en  plein  hiver  pour  faire  lever 
le  siège  de  Relleperche.  P.  213  à  246,  398  à  401. 

Les  deux  comtes  font  ofinr  la  bataille  au  duc  de  Bourbon  qui 
la  refuse.  Mécontents  de  ce  refus,  ils  menacent  le  duc  d'emmener 
loin  de  Relleperche  sa  mère,  la  duchesse  douairière  de  Bourbon. 
P.  216  à  218,  401,  402. 

Les  Compagnies  anglaises  évacuent  le  château  de  Relleperche, 
et  leurs  capitaines  emmènent  avec  eux  la  duchesse  de  Bourbon  à 
«  la  Roche-Vauclère *  )>,  en  Limousin;  mais  le  prince  de  Galles, 

lain,  c  facent  mencion  comment  monseigneur  (le  due  de  Bourgogne)  venoU 
devant  Belieperche  pour  combattre  à  Taide  de  Dieu  les  exmemis  qui  es- 
toient  Tenuz,  affin  que  les  diz  seigneurs  alassent  par  derers  li.  i  Arck, 
de  la  Côte-^Or^  fonds  de  la  Chambre  des  comptes  de  Bourgogne,  reg.  B 
2757;  Invent,  ^  I,  304  et  305.  Communication  du  savant  M.  Gamier. 

1.  Creuse,  arr.  Guëret,  sur  les  confins  du  Limousin  et  de  la  Marche. 
On  trouTera  de  curieux  détails  sur  Toccupation  de  la  Souterraine  par 
les  Anglais  dans  une  lettre  de  rémission  de  jmllet  1378  (Arch,  Nat.^ 
JJ 112,  n«  345,  fo  172  to)  et  dans  une  autre  de  juillet  1379  (JJ 115,  n*  177). 

2.  Edmond  ou  Ajmon,  comte  de  Cambridge,  le  troisième  fils,  et 
Jean  de  Hastings,  comte  de  Pembroke,  le  gendre  d'Edouard  in.  L'ex- 
pédition des  deux  princes  anglais,  tendant  à  faire  lever  le  siège  de 
Belieperche,  eut  lieu  en  janTier  et  février  1370,  comme  le  prouve  un 
article  de  compte  relatif  aux  irais  de  distribution  de  vingt  paires  de 
lettres  adressées  par  le  bailli  de  Chalon,  en  vertu  d'un  mandement  du 
duc  de  Bourgogne,  aux  nobles  du  dit  bailliage.  Ce  mandement  daté  de 
Paris  le  11  février  1370  leur  intimait  l'ordre  de  s'armer  incontinent 
pour  aller  servir  le  duo  «  sur  la  Loire,  contre  Ainmon,  fils  du  roi  d'En- 
gleterre,  qui,  avec  quatre  mil  combatans,  venait  lever  le  siège  des  gens 
1^ armes  du  roraulme  de  France  estons  devant  le  fort  de  Belieperche,  »  Arch, 
de  la  Câte^Jor^  fonds  de  la  Chambre  des  comptes  de  Bourgogne, 
reg.  B3572;  Invent, ^  I,  422. 

3.  Il  est  difficile  d'admettre,  malgré  Panalogie  du  nom,  que  Froxs- 
sart  ait  voulu  désigner  la  Roque-Valsergue ,  auj.  hameau  de  Saint- 
Saturnin,  Aveyron,  arr.  Millau,  c.  Campagnac.  Cette  importante  for- 
teresse n'était  pas  située  en  Limousin,  comme  le  dit  Froissart;  elle 
était  le  chef-lieu  d'une  des  quatre  grandes  chateUenies  du  Rouergue. 
Les  Français  l'avaient  reprise  aux  Anglais  dès  le  commencement  du 
mois  de  janvier  1369  (voyez  plus  haut ,  p.  uun,  note  3).  M.  Kervyn 
place*  le  château  de  la  Roche- Vauclair  sur  la  rive  droite  de  l'Alagnon, 
a  six  lieues  de  Saint-Flour,  où,  d'après  ce  savant,  on  en  verrait  encore 
quelques  raines (ÛS«pre«  de  Froissart^  XXV,  237).  Si  cela  est,  on  s'ex- 


xcii  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

peu  satisfait  de  rarrestation  de  cette  princesse,  voudrait  à  tout 
prix  rëchanger  contre  Simon  Burleigh.  P.  2i8,  219,  402. 

Le  duc  de  Bourbon  reprend  possession  de  Belleperche*  et 
remet  ce  château  en  bon  ëtat.  Les  comtes  de  Cambridge  et  de 
Pembroke  retournent,  le  premier  à  Angoulême,  le  second  à 
Mortagne  en  Poitou  \  tandis  que  les  Compagnies  parties  de  Belle- 
perche  se  répandent  en  Poitou  et  Saintonge  où  elles  portent  le 
ravage.  —  Au  retour  de  son  expédition  en  Guyenne,  Robert 
Rnolles  est  à  peine  rentre  dans  son  château  de  Derval,  en 
Bretagne,  qu'Edouard  III  le  mande  auprès  de  lui;  il  s'embarque 
aussitôt  pour  l'Angleterre,  débarque  à  la  Roche  Saint-Michel  ', 
en  Gomouailles,  et  arrive  à  Windsor.  P.  219,  220,  402,  403. 


CHAPITRE  XCVII. 

i370,  mai,  lb  duc  d'anjov  a  paris;  PiiPAEATiFS  de  guxxbb  des 

ROIS  DB  PRANCX  ET  d' ANGLETERRE.    1372,  du  i^   OU  22  aOÙi. 

DÏUVRAlfGE    DB    LA  DUCHESSE     DOUAIRliRE    DB     BOURBON     PRISE    A 

BELLEPERCHB.   —    1371,    du  K    OU   29    mars,  brtbevub    de 

VERNON;  TRATriî  de  paix  entre  les  rois  de  FRANCE  ET  DB  NAVARRE. 

—  1370,  f^rs  le  iti  juillet,  arrivée  de  bertrand  du  guesclin, 
rappela  d'espagne,  en  LANGUEDOC.  -—  Du  \}&  juillet  au   15 


pliqne  difficilement  qae  ces  ruines  ne  soient  marquées  ni  sur  la  carte 
de  Cassini  ni  même  sur  celle  de  l'État-major,  et  que  le  nom  ne  figure 
point  dans  le  Dictionnaire  deê  lieux  habités  du  Cantal^  publié  à  Aurillac 
en  1861  par  M.  Deribier-du-Chatelet. 

1.  Louis,  duc  de  Bourbon  >  dut  prendre  possession  de  Belleperche 
dans  les  premiers  jours  de  mars  1370,  car  les  honmies  d'armes  qui  re- 
venaient du  siëge  reçurent  leurs  gages  le  31  de  ce  mois  (B'M,  Nat,^ 
fonds  Gaignières,  t.  772,  p.  379.  405). 

2.  Nous  aTons  identifie  plus  naut  ce  Mortagne  arec  Mortagne-sur- 
S^rre,  mais  ce  n'est  point  parce  que  notre  chroniqueur  place  cette  lo- 
calité en  Poitou.  Froissait  dit  aussi  «  Saintes  en  Poitou  »  et  ne  donne 
en  général  d'antres  limites  à  cette  province  que  celles  qu'elle  avait  eues 
au  siècle  précédent  sous  Alphonse  de  Poitiers. 

3.  n  s'agit  ici  du  rocher  de  Saint-Michel,  situé  à  l'extrémité  du  pays 
de  Comouailles,  et  près  duquel  se  trouve  une  baie  du  même  nom.  Une 
certaine  analogie  entre  ce  site  et  celui  de  notre  Mont*Saint-Michel  fit 
fonder  en  cet  endroit  un  monastère,  au  dixième  siècle,  sorte  d'imitation 
anglaise  de  la  célèbre  abbaye  française. 


SOBIMÂIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  $$  653-668.     xcui 

août.  CAMFÀGini  DU  DUO  d'akjou  st  de  du  ouiscuet  sh 
cmnarNB  ;  occupatioit  db  mousac,  d'aobv,  db  TomcBiiiSy  du 
K>mT-sAnm-iiAiiB,  db  moutpazibb  bt  D'AiGUiixcm  ;  sitfoB  db 
be&obbàg  et  db  lalwdb  par  lbs  nAHÇAU.  --^  De  la  fin  de 
juiUet  à  la  mi-septembre,  CHBVAUCHtB  db  bobbbt  krolus  a 

TmATBBS  l'aMTOU,  LA  PICABDIB  BT  l'iLB  DB  VBASCB.  —  Z>ll  46  OU 
24  août.  LE  DUC  DB  BBBRT  BT  DU  OUBSCLOr  BR  LUOUSIir  ; 
MKODmON  DB  LUfOGBB  AU  DUC   DB  BBBBT.    ^  Du  ik  OU  i9  Sep* 

temhre,  sn£oB,  bxpbub  bt  bac  db  umoges  par  lb  pbincb  db 
GAIXB8.  ^  24  septembre,  robbbt  xifOixBs  detaiit  paru.  — 
S  octobre,  du  ouesclih  a  paru  ;  sa  noMiifATioif  a  l'opticb  db 
gohhétablb  db  vrancb  (5S  653  k  668). 

m 

Louis,  duc  d'Anjou,  lieutenant  en  Languedoc,  fait  un  voyage  à 
Paris  ^  où  il  arrête,  de  concert  avec  le  roi  de  France  et  ses  deux 
frères,  les  ducs  de  Bourgogne  et  de  Berry,  le  plan  de  la  pro- 
diaine  campagne  contre  les  Anglais.  Deux  corps  d'armëe  devront 
envahir  la  principauté  d'Aquitaine,  le  premier  sous  les  ordres  du 
duc  d'Anjou,  du  côté  de  Bergerac  et  de  la  Réole,  le  second,  sous 
la  conduite  du  duc  de  Berry,  du  côté  du  Limousin  et  du  Quercy. 


1.  Louis,  duc  d'Anjou,  qui  était  encore  à  Toulouse  pendant  la  pre- 
îère  quinzaine  d*aTiil  1370  {Ordonn,^  Y,  316  à  314,  586),  dut  arriTer 


à  Paris  dans  les  premiers  jours  de  mai.  Dès  le  7  de  oe  mois,  il  était 
dans  cette  rille  où  il  retint  Gontier  de  Baiffneux,  éyéque  du  Mans, 
comme  conseiller  de  ion  grand  Conseil,  à  8  francs  ou  10  florins  d*or 
de  gages  par  jour  (Bibl.  Nat,^  Titr.  orig.,  au  mot  Baigntux),  Le  11,  il 
rendit  risite  à  Bureau  de  la  Rivière  en  sa  belle  résidence  de  Croissy,  et 
Charles  V  donna  une  chapelle,  à  Toecasion  de  cette  visite,  à  son  pre- 
mier chambellan  (Mandements  de  Charles  V^  p.  361).  C'est  pendant  le 
séjour  du  duc  d'Anjou  à  Paris  que  le  roi  son  frère,  non  content  d'aroir 
confisqué  et  réuni  a  la  Couronne,  par  acte  en  date  du  14  mai,  le  duché 
d'Aquitaine  (Ordonn.^  VI,  308  à  310),  déclara  en  outre  confisqués,  le 
lendemain  15,  tous  les  biens  possèdes  par  les  Anglais  en  Guyenne 
{^âreh,  Jfat,y  JJ104,  no  51).  Le  16,  Charles  Y,  mettant  i  exécution,  en 
partie  du  moins,  une  promesse  faite  au  duc  d'Anjou  six  ans  aupara- 
Tant,  le  13  avril  1364  (Chron.  de  J,  FroUtart^  YI,  ux,  note  3),  oonna 
en  riager  4  Louis  le  duché  de  Touraine,  4  la  condition  qu*à  défaut 
d*héritiers  mâles  ce  duché,  le  comté  du  Maine  et  le  Loudunois  feraient 
retour  à  la  Couronne  (Areh.  Nat.^  J375,  n»  S;  P  2294,  f»*  768  et  769). 
Enfin,  le  18  mai,  un  différend  assez  grave,  qui  s'était  élevé  entre  les 
ducs  de  Bourix>n  et  d'Anjou  au  sujet  de  la  succession  de  Regnault  de 
Forez,  fut  aplani  ;  et  le  duc  d'Anjou  se  désista  de  toutes  ses  prétentions 
sur  le  pays  de  Forez  (P 1334 ,  n«  110). 


xciv  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

L'objectif  de  i'expëdition  sera  Augoulême  où  ces  deux  corps 
d'armée  y  après  avoir  opéré  leur  jonction,  iront  assiéger  le 
prince  d'Aquitaine.  En  même  temps,  on  décide  de  rappeler 
d'Espagne  Bertrand  du  Guesclin  et  de  le  nommer  connétable  de 
France. 

A  l'entrée  du  mois  de  mai  ^,  Louis,  duc  d'Anjou,  prend  congé 
de  ses  (rères  pour  retourner  dans  son  gouvernement;  il  s'arrête 
un  mois  à  Montpellier',  et  se  rend  ensuite  à  Toulouse  où  il 
rassemble  ses  gens  d'armes.  Le  petit  Meschin,  Emaudon  de  Pau, 
Perrot  de  Savoie  *,  le  bour  Camus  et  les  autres  chefs  des  Com- 
pagnies françabes  n'ont  pas  cessé  de  guerroyer,  pendant  l'absence 
du  duc,  sur  les  frontières  du  Quercy  et  du  Rouergue.  Le  duc  de 
Berry*,  à  Bourges,  le  duc  de  Bourbon,  à  Moulins',  le  comte 
Pierre  d'Alençon  '  font  aussi  des  levées  de  troupes  et  se  prépa* 

1.  Ce  n'est  pas  à  l'entrée,  c'ett  au  contraire  à  la  fin  de  mai  1370, 

3ae  Louis,  duc  d'Anjou,  partit  de  Paris  pour  retourner  en  Langue* 
oc. 

2.  De  passage  4  Romiemaure  (Gard,  arr.  Uzès),  le  12  juin,  à  Nî- 
mes le  28  du  même  mois,  le  duc  d'Anjou  était  à  Montpellier  le  2  juil- 
let et  n'y  resta  que  quelaues  jours;  il  arriva  à  Toulouse  le  11  juillet 
(Vaissete,  HUt,  de  Languedoc^  iV,  345). 

3.  De  ces  quatre  chefs  de  Compagnies,  deux  sans  aucun  doute,  le 
petit  Meschin  et  Perrot  de  Savoie,  et  probablement  aussi  un  troisième, 
celui  auquel  Froîssart  donne  le  prënom  d' c  Emaudon  » ,  appelé  ail- 
leurs Boulhomet  (Thalamus  parvus^  p.  384)  ou  Bosoniet  de  Pau  (acte  du 
1er  septembre  1368,  aux  Archives  de  Faueluse)^  avaient  ëtë  mis  à  mort 
à  Toulouse,  le  1 1  mai  de  Tannée  précédente.  Voyez  plus  haut,  p.  lxviii, 
note  1. 

4.  On  voit  par  une  cédule  autographe  de  Jean  le  Mercier,  attaché  à 
cette  expédition  en  qualité  de  trésorier  des  guerres,  que  Charles  V 
avait  assigné  à  son  frère  -Jean,  duc  de  Berry,  pour  les  frais  de  cette 
campasne,  2000  francs  en  juillet,  2000  francs  en  août,  et  en  outre, 
1552  francs  pour  les  gages  des  gens  d'armes  de  son  hôtel  pendant 
les  dits  deux  mois  {Areh,  Nat,^  E&  251,  F"  108).  Jean  le  Mercier  était 
en  Berry  dès  le  7  juin  1370,  jour  où  le  duc  Jean  lui  avait  fait  présent 
d'une  haquenée.  Ibid.^  f^  25  v*. 

5.  Jean,  duc  de  Berry,  chef  de  l'expédition,  alloua,  par  mande- 
ment du  27  juillet  1370,  700  livres  tournois  de  gages  par  mois  à  Louis, 
duc  de  Bourbon,  «  tant  pour  lui  que  pour  les  gens  d'armes  que  le  dit 
devoit  amener  en  ceste  chevauchée  cfevant  Limoges  ».  Ibid,^  f<**  23 
v«  et  24. 

6.  Pierre  II,  comte  d'Alençon  et  du  Perche,  ne  prit  aucune  part  à 
la  chevauchée  de  Limoges;  il  servait  alors  en  Normandie,  où  Charles  V 
l'avait  nommé,  le  16  mars  1370,  son  lieutenant  en  deçà  de  la 
rivière  de  la  Seine;  le  comte  d'Alençon  licencia  ses  gens  d'armes  à 
Caen,  le  7  septembre  suivant.  Àreh,  Nat.^  K  49,  n«  49. 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  $$  653-668.      xcr 

rent  à  entrer  en  campagne.  ^  Gai  de  Blois*,  de  retour  d*ane 
crasade  en  Pmsse  où  il  a  ëtë  ùàt  cheTalier  et  où  il  a  lewé  ban- 
nièrev  vient  da  Hainant  a  Paris  offirir  ses  salaces  an  roi  de 
France  qoi  l'envoie  rejoindre  le  corps  d'armëe  commandé  par  le 
duc  de  Berrj.  P.  220  à  223,  403  à  405. 

Le  nu  «l'Angleterre  met  sur  pied,  de  son  côté,  deux  corps 
d'armée.  Le  premier  doit  opérer  en  Guyenne  sous  les  ordres  dn 
doc  de  Lamâstre»  envoyé  an  secours  de  ses  frères.  Le  second, 
sous  la  conduite  de  Robert  KnoUes  ^,  doit  débarquer  à  Calais  et 
traverser  la  France  de  part  en  part.  —  Par  l'entremise  d'Eus- 
tache  d'Aubercfaicourt,  la  duchesse  douairière  de  Bourbon  est 
échangée  contre  Simon  Bnrleigh  *.  —  Des  négociations   s'ou- 

1.  On  dierche  en  vain  la  montre  de  Gui  de  Blois  parmi  celles  qa 
forçat  priai ^fi  à  ChâteUeraalt ,  le  12  août  1370,  c  pour  eaase  de  cer- 
taÎDe  entreprise  qae  mer  le  mareschal  (de  Sancerre)  avoit  faite 
MOT  le  reooavicmeDt  de  k  ville  de  Limoges  ».  En  reranche,  Alard  de 
Btihençon,  seigneur  de  Donstiennet  (Belgique,  pror.  Hainant,  arr.  et 
c.  Thnin,  à  19  kil.  de  Charleroj),  dit  Happart,  rioomte  et  gouTemeuT 
de  Blois,  fnt  nn  des  chevaliers  que  le  maréchal  de  Sancerre  enrôla 
pour  cette  expédition.  La  Roqne,  But.  de  la  maison  de  Mareourt^  addit. 
aux  preiiTet,  IV,  1568. 

3.  L*exp^tion  de  Robert  Knolles  avait  été  décidée  dès  la  fin  de 
1369.  Robert  devait  d^abord  débarquer  en  basse  Normandie,  et  l'on 
ae  renonça  à  ce  projet  que  dans  la  crainte  de  s'aliéner  le  roi  de  Na- 
▼aire  qui  sV  opposa  avec  énergie  pour  sauvegarder  ses  possessions  du 
Cotentm  (Secousse,  Reemeil  de  pièces  sur  Charles  11^  roi  de  Navarre^ 
p.  427  et  438).  Le  but  d'Edouard  III  était  de  forcer,  par  cette  diver- 
aoD,  le  roi  de  France  4  renoncer  à  son  projet  de  descente  dans  le  pa/s 
de  Gallca.  Personne  n'ignore  que  cette  entreprise,  dont  les  préparatifs 
ie  firent  au  Clos  des  Galées  de  Rouen  dans  le  courant  du  mois  de  dé- 
cembre 1369  (/7i^/.  Nat.y  Quittances,  XVIII,  812,  813,  815,  818), 
ioos  la  direction  d'Owen  de  Galles  et  de  Jean  Wm,  dit  le  Poursui- 
vant d'Amours,  aroita  misérablement  après  avoir  coûté  plus  de 
100000  francs  (Gr.  Chron,^  VI,  320|,  322).  Deux  mandements  du 
roi  d'Angleterre,  relatifs  aux  préparatifs  de  l'expédition  de  Ro- 
bert Knolies,  sont  datés  des  6  et  12  mai  1370  (Rymer,  lU,  890, 
892).  Le  1«  juillet  suivant,  Robert  fut  mis  à  la  tête  de  l'armée 
d'invasion;  et  Alain  de  Buxhill,  Thomas  de  Grantson,  Jean  Bour- 
cber  lui  furent  adjoints  comme  lieutenants  (iBid,,  894,  895).  Le 
10  juillet,  ces  quatre  chefs  reçurent  le  serment  d'obéissance  de  leurs 
principaiix  compagnons  d'armes  {I6id.^  p.  897,  898).  Vers  le  12  ou  le 
15  de  ce  mois,  une  flotte  de  transport,  dont  Raoul  de  Ferrières  fut 
nonuné  amiral,  dut  appareiller  de  Rye  et  de  Winchelsea  pour  le  pa/s 
de  Caux,  mais  elle  fut  poussée  plus  au  nord  par  des  venu  contraires 
tt  jeu  l'ancre  à  Calais  (l6id,,  p.  896,  897  ;  Secousse,  Recueil  sur  Char^ 
^  //,  p-  428). 

3.  Froissart  a  commis  ici  une  des  fautes  de  chronologie  les  plus 


xcYi  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

vrent  à  Vemon  entre  les  envoyés  *■  du  roi  de  France  et  du  roi  de 
Navarre,  qui  se  tient  alors  en  Normandie;  à  la  faveur  de  ces 
négociations,  un  traité  de  paix  est  conclu  entre  les  deux  rois. 
Charles  le  Mauvais  renonce  à  l'alliance  d'Edouard  III  et  promet 
de  le  faire  défier,  aussitôt  après  son  retour  en  Navarre;  il  s'en- 
gage, en  outre,  à  laisser  ses  deux  fils,  Charles  et  Pierre,  comme 
otages  entre  les  mains  de  Charles  V.  U  se  rend  auprès  du  roi  de 
France  à  Rouen,  puis  à  Parb*,  d'où  il  regagne,  en  prenant  le 
chemin  de  Montpellier  et  du  comté  de  Foix,  son  royaume  de 
Navarre  *.  P.  223  à  225,  405  à  408. 

grossières  qu'on  puisse  lui  reprocher.  Comme  M.  Chazaud  l'a  parfiii- 
tement  ëtalui  {La  chronique  au  bon  due  Loys  de  Bourbon^  Paris,  1876, 
p.  855  et  356),  Isabelle  de  Valois,  duchesse  douairière  de  Bonrbou, 
ne  recouvra  la  liberté  qu'an  mois  d'août  1372,  entre  la  reddition  de  la 
Rochelle  (15  août)  et  la  prise  du  captai  de]  Buch  (22  août].  Au 
moment  de  sa  déiiyrance  opérée  par  le  duc  de  Bourbon  son  fils, 
Bertrand  du  Guesclin  et  le  duc  d'Anjou  {Chron,  des  quatre  premiert 
Valois^  p.  244),  la  duchesse  était  enfermée  dans  la  tour  ae  Brou 
(Charente-Inférieure,  arr.  et  c.  de  Marennes,  commune  de  Saint- 
Somin).  Dès  le  23  juillet  précédent,  en  vertu  d'un  traité  conclu  avec 
le  duc  de  Bourbon,  Simon  Burleigh  et  Nicolas  Dagworth  s'étaient 
engagés  à  mettre  en  liberté  la  duchesse  et  à  la  ramener  à  Tours  ou  à 
Chinon  à  la  Toussaint  suivante  (jirch,  Nai,^  P  1358',  o9  504;  Huil- 
lard-BréhoUes,  Invent,  des  titres  de  la  maison  de  Bourbony  I,  565  et  566). 
Mais  on  avait  prévu  et  excepté  le  cas  où,  c  par  force  d^armes  de  la 

S  art  des  François  ou  autrement ,  il  avendroit  que  ma  dite  dame  seroit 
elivrée  b.  Ce  cas  se  produisit  sans  doute,  car  Simon  Burleigh,  par 
acte  daté  de  Saintes  le  24  septembre  1372,  reconnut  devoir  à  Louis, 
duc  de  Bourbon ,  1000  francs  d'or  dont  le  duc  avait  sans  doute  fait 
l'avance  à  ce  chevalier  anglais  comme  à-compte  sur  la  rançon  de  sa 
mère  {Arch,  Nat.,  P1358S  n»  567;  Huillard-Bréholles,  Invent,,  I,  667). 

1.  Ces  négociations  s'ouvrirent  directement  entre  les  rois  de  France 
et  de  Navarre,  à  Vemon,  du  25  au  29  mars  1371  (Gr,  Chron,^  VI, 
329  à  331). 

2.  Le  roi  de  Navarre  n'alla  pas  à  Rouen,  et  c'est  seulement  le 
24  mai  1371  qu'il  se  rendit  à  Paris  où  il  passa  en  fêtes  la  dernière  se- 
maine de  ce  mois  (Gr.  Chron,,  VI.  332). 

3.  Charles  le  Mauvais  ne  se  mit  en  route  pour  retourner  dans  son 
royaume  de  Navarre  qu'à  la  fin  de  1371.  Le  3  janvier  1372  (n.  st.),  il 
était  de. passage  à  l'abbaye  de  Cluny,  où  il  déclara  vouloir  être  «  d'o- 
res en  avant  frère  et  filz  des  ditz  religieux  et  de  la  dite  abbeje  ». 
{Jrch.  de  Clunjr^  layette  Privilèges^  péages  et  amortissements^  d'après  une 
copie  de  Lambert  de  Barive).  Les  savants  auteurs  de  VArt  de  vérifier 
les  dates  (I,  602,  V^  col.),  par  une  distraction  véritablement  incroyable, 
ont  attribué  cet  acte  à  Charles  V,  qu'ils  font  voyager  en  Bourgogne  en 
janvier  1372,  tandis  qu'en  réalité  ce  prince  était  alors  à  Paru  (Delisle, 
Mandements,  p.  ^30  à  443). 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  SS  ^3-668.    xcni 

Bertrand  da  Gnesclin  reçoit  dans  la  ville  de  Léon,  en  Gastille, 
des  lettres  et  de  nombreux  messages*,  tant  du  roi  Charles  V 
que  du  duc  d'Anjou,  qui  l'invitent  à  rentrer  en  France.  Le  che- 
valier breton  prend  aussitôt  congé  de  don  Enrique  et  va  avec 

1.  D'après  Cayelier  (Chronique  de  B,  du  GueseUn,  II,  130),  du  Gaes- 
din  aurait  été  mandé  cinq  fois  par  le  roi  de  France  : 

Car  ristoire  dit  et  pour  rrai  nous  afie 

Qae  Charles  H  bons  rois  de  France  la  garnie 

L'enToia  par  cinq  fois  querre,  je  fous  afie  (rers  17115  à  17117). 

Bertrand  ëtait  encore  occnpë  au  siège  de  Tolède  lorsque!  reçut  le 
premier  messager,  «  un  escuier  d'onnour  bel  et  paissant»  {I&id.,  p.  122, 
TCTS  16883  à  16946).  Il  travaillait  à  faire  rentrer  dans  le  deroir  un  cer- 
tain nombre  de  vassaux  rëvoUës  de  son  duché  de  Molina  lorsqu'un 
nouTean  message  lui  fut  apporte  par  Jean  de  Berguette  : 

LÀ  Tint  un  cheralier,  où  moult  ot  courtoisie. 

Monseigneur  de  Berguettes  ot  non. . .  (Ters  1 7 1 25  et  171 26) é 

L* Artésien  Jean  de  Berguette,  capitaine  de  Vatteville(auj.  Vatteritle- 
la-Rue,  Scine-Infér.,  arr.  Yretot,  c.  Caudebec),  fut  en  effet  arec  l'Ara- 
gonais  François  de  Périllos,  le  Comtois  Jean  de  Hye  et  le  Breton  Yvon 
de  Keranbars,  Tun  des  quatre  af;ents  diplomatiques  qui  prirent  part 
aax  négociations  avec  le  roi  de  Castille  et  furent  enrojés  en  Espagne 
pendant  les  années  1368  et  1369.  Le  8  juin  1369,  Jean  de  Berguette, 
ch«',  chambellan  du  roi  de  France,  et  Yvon  de  Keranbars,  huissier 
d'armes  du  dit  roi,  étaient  présents  dans  le  palais  de  Tolède  lorsque 
don  Enrique,  roi  de  Castille  et  de  Léon,  signa  certains  articles  adai- 
tionnels  et  interprétatifs  du  traité  d'alliance  conclu  au  siège  devant 
Tolède  le  20  novembre  de  Tannée  précédente  (Hay  du  Chastelet,  Mise, 
de  B.  du  Guesciin^  p.  Z2k).  A  cette  date,  il  y  avait  déjà  plusieurs  mois 
que  la  guerre  était  rallumée,  notamment  en  Guyenne  ainsi  qu*en  Picar- 
die, et  Charles  V  put  très-bien  charger  Jean  de  Berguette  d'inviter  le 
comte  de  Longueville  à  rentrer  en  France.  S'il  fallait  en  croire  Cuve- 
lier  (/W.,  p.  IZk  à  136),  le  cinquième  messager  (le  trouvère  ne  nomme 
pas  les  deux  autres),  dépéché  auprès  de  du Guesclin,  n'aurait  été  autre 
que  le  plus  ancien  compagnon  d'armes  du  chevalier  breton,  le  vieux 
maréchal  d'Audrehem  lui-même  : 

Li  vint  le  mareschal  d'Odrehan  lepreudon  (vers  17212). 

Au  moment  de  l'arrivée  du  maréchal,  Bertrand  était  venu  renforcer 
Jean  et  Alain  de  Beaumont,  ses  neveux,  qui  avaient  mis  le  sit'ge  devant 
Soria  ;  car  ce  bourg,  donné  par  don  Enrique  au  célèbre  capitaine  fran- 
çais, n'en  refusait  pas  moins  de  reconnaître  celui-ci  comme  son  sei- 
gneur. Le  duc  de  Molina  répondit  d'abord  avec  une  certaine  brusque- 
rie qu'il  avait  à  faire  ses  affaires  avant  de  se  charger  de  colles  du  roi  de 
France  : 

Mais  ma  chemise  m'est  plus  prez  certainement 

Que  ma  cote  ne  fait,  c'est  fait  évidamment  (vers  17227  et  17228). 

VII  —  g 


xcviii  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

tous  ses  gens  rejoindre  à  Toulouse  le  duc  d'Anjou.  —  Dans  le 
même  temps,  le  duc  de  Lança stre  s'embarque  à  Southampton  et 
cingle  vers  Bordeaux;  il  emmène  avec  lui  quatre  cents  hommes 
d'armes  et  un  égal  nombre  d'archers.  P.  225,  226,  408,  409. 

Le  duc  d'Anjou  entre  en  campagne  à  la  tête  de  deux 
mUle  hommes  et  de  six  mille  soudoyers  à  pied,  commandés 
par  Bertrand  du  Guesclin*,  auxquels  viennent  bientôt  s'a- 
jouter un  millier  de  combattants  des  Compagnies  françaises  can- 
tonnées en  Quercy;  il  s'avance  dans  la  direction  d'Agen.  Les 
Français ,    après  s'être  fait   rendre    successivement   Moissac  * , 

Le  trouvère  ajoute  qa*aussit6t  après  la  prise  de  Soria,  Bertrand  consen- 
tit à  suivre  le  maréchal  d'Audrehem  et  se  mit  en  route  pour  la  France. 
Il  est  certain  que  du  Guesclin  se  trouvait  dans  sa  ville  de  Soria  le  26 
avril  1370,  jour  où  le  duc  de  Molina,  comte  de  Longueville,  seigneur 
de  Soria  et  de  la  Roche-Tesson ,  assigna  en  viager  à  son  cousin  Alain 
de  Maunyla  seigneurie  d'Annevine(Seine-Inrér.,  an*.  Dieppe,  c.  Lon- 
gucTille),  autrefois  donnée  à  feu  Guillaume  du  Guesclin  son  frère  (dom 
Morice,  Preuves  de  Chist.  de  Bretagne^  1, 1638  et  1639). 

1.  Bertrand  du  Guesclin,  duc  de  Molina,  comte  de  Longueville  et  de 
Borja,  était  encore  à  Borja  le  26  juin  1370,  jour  où  il  donna  à  son 
cousin  Alain  de  Mauny  la  seigneurie  de  Ricarville  (Seine-Inf.,  arr. 
Dieppe,  c.  Envermeu)  relevant  du  comté  de  Longueville  {^Bihl.  de  tAr^ 
senal^  fonds  des  Belles-Lettres,  ms.  fr.  n^  168;  copies  du  16*  siècle  sur 
parchemin  reliées  a  la  suite  du  poême'dc  Cuvelier)^  Borja,  qui  faisait 
alors  partie  du  royaume  d'Aragon,  est  une  petite  ville  située  sur  la  rive 
droite  de  TEbre  (d'où,  pour  le  dire  en  passant,  la  célèbre  famille  des 
Borgia  a  tiré  son  nom  modifié  par  la  prononciation  et  l'orthographe  ita- 
liennes); et  en  supposant  que  Bertrand  se  soit  mis  en  route  pour  la 
France  dans  les  derniers  jours  de  juin,  il  ne  put  guère  arriver  à  Tou- 
louse avant  la  mi-juillet  1370.  Louis,  duc  d'Anjou,  de  son  côté,  arrivé 
à  Toulouse  le  11  de  ce  mois,  dut  se  mettre  en  campagne  le  15,  car,  dès 
le  lendemain  16,  il  datait  un  acte  de  Grenade-sur-Garonne  (dom  Vais- 
sete,  ffist.  de  Languedoc^  IV,  3^5)  et,  le  18,  un  autre  acte,  de  Beau- 
mont  (auj.  Beaumont-de-Lomagne ,  Tani-et-Garonne,  arr.  Castclsar- 
razin),  où  il  fit  halte  dans  sa  marche  sur  Moissac. 

2.  Bertrand  de  Guesclin,  duc  de  Molina  et  comte  de  Longueville, 
était  à  Moissac  le  26  juillet  1370  et  donna  quittance  dans  cette  ville 
de  6800  francs  d'or  à  valoir  sur  une  somme  de  25  320  francs  qu'il  avait 
prêtée  au  duc  d'Anjou  {Bibl,  Nat,^  Titres  originaux,  au  mot  du  Gues- 
clin). On  connaît  aussi  un  certain  nombre  d'actes  délivrés  par  Louis, 
duc  d'Anjou,  à  Moissac,  dont  trois  sont  datés  des  28  {Arch.  Nat.^  JJ 
163,  no  117),  31  juillet  (Ordonn.,  VI,  k03,  kOk)  et  l"  août  (JJ  102, 
n»  243  ;  JJ  156,  n»  260)  1370.  D'après  la  chronique  provençale  duT/m- 
/amus  parvus^  Moissac  se  rendit  au  duc  d^Anjou  le  23  de  ce  mois  :  «  Item, 
lo  XXIII  jorn  de  julli  (1370),  se  rendit  lo  luoc  de  Moyssac  c  motz  au- 
tres eutorn  al  dit  mossenhor  lo  duc.  i  Thalçimus  parvus,  p.  384.  —  Les 
comtes  d'Armagnac,  de  l'Isle-Jourdain,  de  Montlezun  ou  de  Pardiac, 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  UVRE,  $$  653-668.     xcix 
Âgeo  S  le  Port-SaÎDte-Marie  *,  AiguiUoa  *,  Tonneins  *  et  Mont- 


kneomte  de  Ganinan,  le  sire  de  BetQJea,  Jean  de  Vienne,  les  teignenrs 
de  Vinaj,  de  la  Barthe,  de  Payoomet  et  de  Malaoxe,  apposèrent  leurs 
sgnatnres  an  bas  de  la  capitolation  aoeordëe  à  Moissac  (aom  Vaissete, 
IV,  345). 

1.  Agen  aTait  fait  sa  soumission  dès  le  mois  de  ft^Trier  1370,  et  c'est 
alors  et  non,  comme  le  raconte  Froissart,  a  la  fin  de^  juillet,  que  le  duc 
d'Anjou  alla  prendre  possession  de  cette  Tille,  du  moins  pour  la  pre- 
mière fois,  au  nom  du  roi  de  France;  il  accorda,  entre  antres  Uveurs, 
aux  habitants  une  exemption  perpÀuelle  de  contributions,  aux  consuls 
le  droit  de  justice  en  matière  criminelle,  rétablissement  d'un  bôtcl  des 
monnaies;  et  il  profita  de  son  Tojra^  à  Paris  pour  faire  confirmer  ces 
prinlëges  à  Vincennes  le  18  mai  suirant  {Oraonn,^  XV,  636).  Tonte* 
fois,  il  est  certain  que  le  duc  d'Anjou,  unie  fois  maître  de  Moissac,  se 
rendit  à  Agen  ;  il  était  dans  cette  ville  le  8  août,  jour  où  il  fit  payer 
338  francs  d'or  à  Antoni  Doria,  ch*>',  «  pour  aroir  fait  renir  du  pais  de 
Gennes  et  de  Savoie  les  arbalestriers  en  nostre  service  et  pour  les  con- 
duire an  ducbé  de  Guienne  en  notre  compaignie  et  séquelle.  »  Bihl, 
Nat.^  Titres  originaux,  au  mot  Doire  ou  Doria,  —  Dès  le  31  |anTier 
de  cette  année,  U  arait  enrojé  messire  Jean  de  Chantemerie,  licencié 
en  lois,  institué  juge  mage  d'Agenab,  tenir  garnison  à  Condom» 
snrles  confins  de  cette  sénéchaussée  {BtbL  Nat.^  Quitt.,  XVUt,  836). 
Par  acte  daté  de  Toulouse  le  k  février  suivant,  il  avait  donné  pou- 
voir à  son  cher  cousin  le  comte   d*Annagnac  «  de  \mj  transporter 
en  ou  de9€att  la  PtUettÂgen  et  par  toutes  les  aultres  villes^  forteresses^  ehaS" 
teaus  et  Ueux  de  VAgenois^  et  toutes  aultres  qu'il  saura  non  estre  obéissons 
à  WÊonsâgneur  et  à  la  couronne  de  France^  et  de  induire  et  requérir  les 
nobles,  consuls  et  habitans,  »  afin  de  les  amener  à  faire  leur  soumission 
(/&i^.,  fonds  Doat,  197,  P>*  78  et  79).  —  Le  mois  suivant,  les  services 
rendus  par  Geraud  de.  Jaulin,  ch*^,  t  in  multis,  arduis  et  magnis  acti- 
bns  »  ayaient  été  récompensés  par  la  donation  des  bastides  de  Sainte- 
Maure   (auj.    Sainte-Maure-de-Peyriac,   Lot-et-Garonne,   arr    Nérac, 
e.  Méxîn)  et   de  Boulogne  (auj.  Sa int~Pé -de-Boulogne  ou  Saint-Pé- 
Saint-Simon),  a  que  sunt  de  conquesta  terrarum  Aquitanie.  >*  >^rc/i.  Nat,^ 
JJ 102,  n*  335.  —  Enfin,  au  commencement  du  printemps,  les  deux 
plus  puissants  seigneurs  de  cette  région,  Arnaud  Amanieu,  sire  d*AI- 
bret,  beau-frère  du  roi  de  France,  et  son  frère  Berard  d'AIbret,  sei- 
gneur de  Sainte-Bazeilie  (I^t-et-Garonne,  arr.  et  c.  Marmande),  étaient 
entrés  en  campagne  dans  la  partie  orientale  de  b  sénéchaussée  d'Age- 
nais  et  dans  le  Bazadais  où  le  sire  d'AIbret  avait  brillamment  inauguré 
cette  levée  de  boucliers  par    la  prise  de  Bazas  {Arch,  Nat.^  JJ  100, 
n*  889).  Pendant  ce  temps,  Puymirol  (Lot-et-Garonne,  arr.  Agen  ; 
JJ  100,  n»  784),  Villeneuve-d'Agen  (JJ  102,  n»  104),  suivant  l'exemple 
donné  pendant  la  première  moitié  de  1369  par  Nérac,  Castel jaloux, 
Mézin  et  un  certain  nombre    d'autres  localités  de  TAgenais  oriental 
(BihL  de  P École  des  Chartes^  XII,  105;  JJ  100, n°  744),  plus  récemment 
par  Agen  et  par  Penne  (JJ  102,  n®  lO^»),  Puymirol,  dis-je,  et  Ville- 
nenve-d'Agen  avaient  fait  leur  soumission.   Dans  le  courant  de  juillet, 
une  rencontre  avait  eu  lieu  près  d'Aiguillon  entre  les  Anglais  et  les 
Français  (foye%  plus  bas,  note  3),  et  le  26  de  ce  mois,  Charles  V,  à  la 


c  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

fois  pour  récompenser  Berard  d'AIbret  et  pour  l'encourager,  avait 
donn^  à  ce  chevalier  Monsegur  (Gironde,  arr.  la  Rëole),  Sauveterre  en 
Bazadais  (auj.  Sauveterre-de-Guyenne,  Gironde,  arr.  la  Rëoie),  Sainte- 
Foy  en  Agenai9(auj.  Sainte-Foj-la-Grande,  arr.  Libourne),  la  prévôté 
d*Entre-deux-Mers,  en  Bordelais,  «  lesquelles  choses  tiennent  et  occu- 
pent à  présent  noz  ennemis  et  rebelles  »  JJ  100,  n«  670. —  Il  ressort  de 
ce  rapiae  expose  que  les  hostilités  étaient  ouvertes  dans  TAgenais  long- 
temps avant  l'arrivée  du  duc  d'Anjou  ;  mais  ce  prince,  qui  connaissait 

e  prestige  irrésistible  du  nom  de  du  Guesclin,  encore  accru  par  les 
événements  dont  l'Espagne  venait  d'être  le  théâtre,  n'en  tint  pas  moins 
à  faire  une  apparition  a  Agen  en  compagnie  du  célt^bre  capitaine  et 
aussi  du  vicomte  de  Caraman  (JJ  102,  n*  116).  Il  ne  fit  pour  ainsi  dire 
que  passer  dans  cette  ville,  car  il  se  rendit  ensuite  dans  le  Périgord, 
principal  objectif  de  l'expédition,  et  notamment  à  Sarlat  où  sa  présence 
pendant  la  première  quinzaine  d'août  est  attestée  par  une  lettre  de  ré- 
mission (JJ  101,  n^  13d);  dès  le  18  de  ce  mois,  il  était  de  retouràTou- 

ouse  {Bibl.  Nat.^  Titres  originaux,  au  mot  Doria)^  après  avoir  passé  par 
Gourdoa  (JJ  151 ,  n**  198)  et  par  Cahors  d'où  il  a  daté  plusieurs  actes 
[Ordonn.,  V,  353, 354;  JJ  100,  n©  608;  K166^,  n«>  222). 

2.  Lot-et-Garonne,  arr.  Agen,  au  nord-ouest  d'Agen,  sur  la  rive 
droite  de  la  Garonne.  La  bailie  du  Port -Sainte-Marie  ne  fut  définiti- 
vement soumise  qu^au  mois  d'août  1372  (Ârch.  de  Lot-el^Garonne ^ 
Compte  de  la  sénéchaussée  d'Agenais  du  24  juin  1372  au  24  juin  1374, 
communiqué  par  mon  savant  confrère,  M.  Tholin). 

3.  Lot-et-Garonne,  arr.  Agen,  c.  le  Pori-Sainte-Marie,  au  nord- 
ouest  du  Port-Sainte-Marie,  sur  la  rive  gauche  du  Lot,  près  de  son 
confluent  avec  la  Garonne.  Par  acte  daté  de  Moissac  le  31  juillet  1370, 
Louis,  duc  d'Anjou,  donna  2000  francs  d'or  à  Pierre  Raymond  de 
Rabastens,  sénéchal  de    loulouse,   capitaine  général  en  Agenaîs^  pour 

'aider  à  payer  sa  rançon ,  lequel  Pierre  Raymond  avait  été  fait  pri- 
sonnier en  dernier  lieu  par  les  ennemis  auprès  d'Aiguillon  [Bibl.  Nat,^ 
Titres  originaux,  au  mot  Babastt-ns).  D'où  l'on  peut  conclure  que 
les  opérations  des  Français,  commandés  par  Pierre  Raymond  de 
Rabastens,  contre  Aiguillon,  avaient  commencé  avant  Tarrivée  du  duc 
d'Anjou  en  Agenais,  et  probablement  m^me  avant  Tentrée  en  campagne 
de  ce  prince  et  de  Bertrand  du  Guesclin.  Le  seigneur  de  Montpezat 
reconquit  la  bailie  d'Aiguillon  et  s'en  fit  céder  les  revenus  par  le  duc 
d'Anjou  en  juillet  1372.  C'est  aussi  la  date  de  la  réduction  complète 
des  bailies  de  Penne  (soumise  le  12  septembre  1372),  de  Castelnaud  et 
Saint-Pastour,  de  la  Gruère  (soumise  par  Jean  de  Caumont,  le  24  août 
1372),  de  CasteUeigneur  (soumise  par  Bertrand  du  Fossat,  fils  d'Ama- 
nieu),  de  Monflanquin  (soumise  en  septembre  1372  par  Jean  de  Dur- 
fort),  de  Miramont  (soumise  le  20  septembre  1372),  de  Sainte-Li^Tade, 
(soumise  en  septembre  1372).  Arch,  de  Lot-et-Garonne ^  Compte  précité 
de  la  sénéch.  d'Agenais. 

4.  Lot-et-Garonne,  arr.  Marmande,  au  nord -ouest  d'Aiguillon,  sur 
la  rive  droite  de  la  Garonne.  C'est  seulement  en  août  1372  que  Guil- 
laume Ferréol  remit  en  robéis«îance  du  roi  de  France  la  bailie  de 
Tonneins,  dont  le  duc  d'Anjou  l'autorisa  à  percevoir  les  revenus  {Ihid,), 
Contrairement  à  l'opinion  du  très-savant  historien  de  Marmande, 
M.  Tamizey  de  Larroque  (Notice  sur  Marmande^  Villeneuve-snr-Lot, 
1872,  p.  53),  il  nous  est  impossible  de  placer  vers  1369  l'occupation 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  §§  653-668.         ci 

pazier  ^,  mettent  le  sîëge  devant  Bergerac  *  défendu  par  une 
garnison  de  cent  lances  dont  Thomas  Felton  et  le  captai  de  Buch 
sont  capitaines.  —  Le  duc  de  Berry,  de  son  côté,  ayant  sous  ses 


de  cette  Tille  par  les  Français.  Sans  doute,  Charles  V,  par  acte  dat^ 
de  Paris   le   28  janvier  de  cette  annt^e ,  c  tesmoing  le  seel  de  nostre 
secret  mis  en  ceste  cedule  »,  donnait  à  Othon  de  Lomagne  600  liTres 
de  rente  annuelle  et  viagère  sur  le  p<<age  de  Marmande  {Arch.  Nat»^ 
JJ  100,  n*  793)  ;  mais  dans  une  conérmation  par  Louis  duc  d'Anjou, 
à  Toulouse,   au  mois  d*aTril    suivant,  de    la    donation   d'une  rente 
annuelle  de  220  livres  sur  le  pëage  de  Marmande,  faite  par  Jeanne  de 
Périgord  à  Anissant  des  Pins,  chevalier,  seigneur  de  Taillebourg,  on 
constate  que  la  dite  ville  de  Marmande  est  encore  au  pouvoir  des  An- 
glais, c  ex  eo  quia  rilla  de  Marmenda  est  adhuc  in  obediencia  principis 
Aquitanie  i,  JJ  102,  n*  13^.  —  D'un  autre  côté,  Marmande  avait  été 
repris  par  les  Français  avant  le   12  novembre  1371,  jour  où  les  gens 
des  Comptes  mandèrent  au  sénéchal  et   receveur  d'Agenais  de   faire 
payer  à  Anissant  des  Pins  a  emolumentum  dicti  pedagii  »,  BibL  Nat,^ 
Doat,  197,  f»  2k  V.  —  Par  acte  daté  d'Agen  en  juillet  1372,  le  duc  d'An- 
jou donna  la  seigneurie  de  Gontaud  (Lot-et-Garonne,  arr.  et  c.  Mar- 
mande) au  fameux  routier  Gassion  ou  Garcia  du  Castel,  a  qui  est  venus 
humblement  japieça  à  l'obéissance  de  mon  dit  seigneur  et  de  nous  », 
Areh.  A^o/.,  JJi04,  n*  356.  —  Dans  le  compte  de  la   sénéchaussée 
d'Agenais,  qui  va  du  2^  juin  1372  au  24  juin  1373,  on  trouve  ce  même 
Garcia  du  Castel  en  possession  du  château  et  du  péage  de  Marmande, 
tandis  que  Garcia  de  Jusix  tient  la  bailie  du  même  lieu,  en  vertu  d'une 
donation    viagère    faite   par  le  duc    d'Anjou    (Arch.  de  Lot^ei-Ga^ 
ronne^  ibid.).  Aussi,  lorsqu'au  mois  d'août  1373,  Charles  V  assigna  au 
sire  d'Albret  :  1"  les  château  et  ville  de  Marmande,  comme  assiette  de 
4000  livres  de  rente;  2*  la  terre  de  Caumont,    comme  assiette  de 
2000  livres  de  rente,  données  au  dit  sire  dès  le  19  novembre  1368, 
Arnaud  Amanieu  se  vit  disputer  la  jouissance  de  la  bailie  par  Garcia 
de  Jusix,  et  celle  du  péage  par  Garcia  du  Castel  {Arch,  Aat.^  J  474, 
n*  5;  JJ  105,  n*  67).  Le  18  avril  1374,  ce  dernier  fut  remplacé,  comme 
châtelain  de  Marmande ,  par  Arnaudot  de  Podensac ,  écuyer  (J  400 , 
n»  68).  Le  3  mars  précédent,  le  sire  d'Albret  avait  fait  hommage  par- 
devant  notaires  au  roi  de  France  pour  cette  seigneurie  (J  477,  n*  5  èu)^ 
hommage  qui  fut  renouvelé  et  prêté  personnellement,  le  lendemain 
4  mars,  par  Arnaud  Amanieu  (J  477,  n*  6). 

1.  Dordogne ,  arr.  Bergerac ,  au  nord  d'Agen,  sur  la  route  qui  va  de 
cette  ville  à  Sarlat  et  dans  le  Périgord  oriental. 

2«  La  ville  forte  de  Bergerac,  située  sur  la  rive  droite  de  la  Doi^ 
dogne,  commandait  à  la  fois  le  cours  de  cette  rivière  et  la  route  d'Agen 
à  Périgueux.  Aussi,  le  roi  d'Angleterre  s'était-il  fait  céder  cette  ville 
en  toute  propriété,  moyennant  un  échange  conclu  le  2  janvier  1362  entre 
le  comte  de  Périgord  et  Jean  Chandos  (/7/K  Nat.,  Doat,  241,  f^  181  v» 
et  182),  échange  qui  avait  été  ratiGé  par  Jean  II,  à  Avignon,  le  6  mai 
1363  (IM,,  (•  177  V»)  et  par  le  prince  d'Aquitaine,  à  Périgueux,  le 
20  juillet  1364  {Ibid,,  (•  180).  Aucun  historien  du  Périgord  ne  donne  la 
date  de  ce  siège  de  Bergerac,  raconté  ici  par  Froissart  ;  il  importe  donc, 


cil  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

ordres  douze  cents  lances  et  trois  mille  brigands,  envahit  le 
Limousin  et  assiège  Limoges  ^  ville  soumise  à  l'influence  toute- 


pour  fixer  cette  date  au  moins  d'une  manière  approximatÎTe ,  de 
reprendre  les  choses  de  plus  haut.  A  l'instigation  de  Talejrrand  de 
Périgord,  frère  du  comte  Ârchambaud  V,  seconde  par  plusieurs  Péri- 
gourdins  dévoues  au  parti  français,  tels  que  :  Nicolas  de  Beaufort, 
écuyer,  frère  du  cardinal  de  Beaufort  et  seigneur  de  Limeuil  sur  Dor- 
dogue  {Àrch,  Nat.^  JJ  100,  n»  177),  Hélic  de  Labatut,  fils  de  Pierre  de 
Labatut,  secrétaire  du  roi  sous  Philippe  VI  et  Jean  II  (JJ  100,  n*  764), 
Lambert  Boniface  (JJ  102,  n<'31'i),  Hélie  Séguin,  alors  maire  de  Périgueux, 
cette  ville  avait  adhéré  à  Tappei  au  roi  de  France,  vers  le  21  août  1369. 
Toutefois,  la  capitale  du  Périgord  continuait  encore  à  la  fin  de  cette 
année  de  rester  soumise  à  la  domination  étrangère,  comme  le  prouvent 
deux  proclamations  adressées  aux  bourgeois  de  Périgueux,  l'une  par 
Charles  V,  le  30  novembre  1369,  Tautre  par  le  duc  d'Anjou,  le  8  jan- 
vier 1370.  Ces  deux  proclamations  invitaient  les  babitants  à  ne  plus  recon- 
naître désormais  les  autorités  anglaises,  et  c'est  le  28  février  seulement 
que  le  maire  et  les  consuls  les  firent  publier  à  son  de*  trompe  sur  la 
place  de  la  Clautre  (Dessalles,  Périgueux  et  Us  deux  derniers  comtes^  p.  95 
a  99).  Pendant  l'hiver  de  1369-1370,  Anglais  et  Français  nWaient  pas 
cessé  de  se  faire  la  guerre  en  Périgord,  ainsi  que  l'attestent  plusieurs 
lettres  de  donation  délivrées  par  Charles  Y,  en  novembre  1369,  en 
faveur  de  Hélie  de  Sermet,  chevalier  (JJ  100,  n»  291),  le  15  février 
1370,  en  faveur  de  maître  Hélie  de  Labatut  (JJ  102,  n<>  1),  et  le  12  mars 
suivant,  en  faveur  d'Adémar  Uaoul,  écujer  (JJ  100,  no482).  Cette  pre- 
mière campagne  avait  abouti  à  la  prise  de  Saint-Âstier,  et  à  la  réduc- 
tion d'un  certain  nombre  d'autres  localités  sous  l'obéissance  du  roi  de 
France.  Dès  les  premiers  jours  de  mai,  les  opérations  avaient  été  pous- 
sées avec  plus  de  vigueur  encore  qu'auparavant.  Le  11  de  ce  mois, 
Charles  Y  avait  mandé  de  faire  payer  28  000  francs  d'or  par  an  àTaley- 
rand  de  Périgord,  «  qui  a  eu  et  a  la  charge  de  la  guerre^  »  et  12  000  francs 
au  comte  son  frère ,  tant  comme  la  dicte  guerre  durerait  (  Delisle  , 
Mandements  de  Charles  V^  p.  346,  347).  Enfin,  par  acte  daté  de  Paris 
le  l'»'*  juin  suivant,  le  roi  avait  donné  à  son  très  cher  cousin,  Talejrand 
de  Périgord,  comme  assiette  des  3000  livres  de  rente  dont  il  avait  été 
gratifié  par  le  duc  d'Anjou,  le  3  mars  1369  et  le  23  mai  1370,  «  villam 
et  castrum  de  Bergeraco  suh  obediencia  Edwardi  Anglie,  hostis  nostri^ 
nunc  exisientes.  »  JJ102,  n'  20. —  De  la  teneur  de  cet  acte,  on  est  fondé 
à  conclure  que  les  opérations  des  Français,  tendant  au  recouvrement  de 
Bergerac,  commencèrent  dans  les  premiers  jours  de  juin  1370,  car  au- 
trement la  donation  de  cette  place  forte ,  occupée  alors  par  l'ennemi , 
eût  été  absolument  dérisoire.  Dans  un  acte,  en  date  du  12  du  même 
mois,  Arnaud  d'Espagne,  chevalier,  sénéchal  de  Carcassonne,  iCSt  qua- 
lifié capitaine  de  par  le  roi  de  la  ville  de  Périgueux  et  du  pays  de  Péri- 
gord (JJ  100,  no»  563  et  564). 

1.  Il  n'y  eut  pas,  à  proprement  parler,  de  siège  de  Limoges,  mais 
une  simple  prise  de  possession  de  cette  ville  au  nom  du  roi  de  France, 
comme  le  prouve  l'itinéraire  du  duo  de  Berry  que  nous  avons  dressé  jour 
par  jour.  Le  duc  partit  de  Bourges  le  11  août  1370.  {jérch,  Nat,^  KK251, 


SOMBiAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  §$  653-668.       ciii 

puissante  de  son  ëvèque*,  malgré  la  garnison  anglaise  qui  Toc- 
cape  ^.  Noms  des  principaux  seigneurs  qui  prennent  part  à  Texpé^ 
didon  du  duc  de  Berry.  P.  226  à  229,  409  à  412. 


f^  5  T®);  le  lendemain  12,  il  ëtait  à  Vonillon  (Indre,  arr.  et  c.  Issoudim) 
d*où  il  envoya  Moussac,  son  écujer  de  corps,  à  Montluçon  porter  finance 
au  duc  de  Bourbon  pour  faire  venir  à  son  service  un  certain  nombre  de 
gens  d'armes  (Ibid,^  f«  45  t«).  Le  l(i,  il  passa  à  la  Châtre  où  il  fit  une 
offrande  de  quarante  sous  aux  reliques.  Le  15,  il  entendit  la  messe  à 
Sainte-Sévère  (Indre,  arr.  la  Châtre)  et  donna  vingt  sous  <  ou  chicf  » 
yrénéré  dans  IVglise  du  dit  lieu.  Le  même  jour,  il  fit  donner  cent  livres 
tournois  à  messire  Renaut  de  Mondeon,  ch«',  c  en  recompensacion  des 
bons  et  agréables  services  qu'il  luj  a  fais  et  fait  chascun  jour,  en  pour" 
fuyant  eertaint  traitiés  que  monseigneur  a  comanciés  en  IJmozin  (Jhid,^ 
fe'26  v«).  Le  16,  il  s^arréta  à  Duii  (auj.  Dnn-le-PalIeteau,  Creuse,  arr. 
Guéret,  sur  la  route  de  la  Chîître  à  Limoges)  où  il  perdit  quatre  livres 
tournois  en  jouant  au  jeu  de  paume  avec  Guichard  de  Marsë  son  cham- 
bellan (Jbid,^  ^  18)  et  remit  vingt  sous  au  capitaine  du  Maupas  (Jhid,^ 
fo  26  v«).  Le  duc  de  Beny  n'amva  devant  Limoges  que  le  21  août,  et 
le  jour  même  de  son  arrivée  fit  remettre  soixante  sous  tournois  par 
Guillaume  Bonnet ,  son  chambellan  ,  aux  Jacobins  devant  lÀmoges.  Le 
même  jour,  il  distribua  cent  quarante  livres  tournois  entre  Yësian  de 
Lomagne,  Jean  de  la  Châtre,  ch*'*,  et  Aubert  de  Garait,  écuyer,  a  pour 
baillier  et  donner  à  trois  certains  messagiers  envoies  es  parties  de  Lli- 
mosin,  pour  suievre  certains  traitiés  que  le  dit  seigneur  y  a  eneomansis 
avec  certaines  gens  du  dit  pais,  »  Ibid,,  f>  27.  —  Arrivé  devant  Limoges 
le  21,  nous  verrons  tout  à  Pheure  que  le  duc  de  Berrjr  en  repartit 
le  24  août. 

1.  Jean  de  Gros  de  Calmefort,  évéque  de  Limoges  depuis  le  26  oc- 
tobre 1348,  fut  certainement  le  principal  instigateur  de  la  reddition  de 
cette  ville  au  roi  de  France.  Le  24  août  1370,  le  duc  de  Berry,  étant 
logé  à  Hencmoustiers  (auj.  Eymoustiers,  Haute-Vienne,  arr.  Limoges), 
envoya  trois  messagers  «  pourter  lettres  de  monseigneur  à  Limoges  à  Ve- 
vesque  d*illecy  à  Tabbé  du  Bore  de  Dieux  et  au  mareschal  de  Sancerre.  » 
KÉ.  251,  f»  39  vo.  —  Gui  de  Gros,  parent  et  peut-être  frère  de  l'évéque 
de  Limoges,  était  Tun  des  religieux  de  l'abba}e  de  Grandmont  (située 
à  Saint-Sylvestre,  Haute-Vienne,  arr.  Limoges,  c.  Laurière,  â  25  kil. 
au  nord-est  de  Limoges);  or,  dès  le  15  août  1370,  cette  abbaye  était 
occupée  par  les  Français  sous  les  ordres  de  Jean  d'Armagnac  (Ibid,^ 
f^39  v«).  Aussi,  six  semaines  plus  tard,  Gui  de  Gros  et  les  autres  reli- 
gieux de  Grandmont  évacuèrent-ils  leur  abbaye  pour  échapper  a  la 
vengeance  des  Anglais  qui  avaient  repris  Limoges  :  o  A  frère  Guy  de 
Cros  et  cinq  autres  moines  de  l'abbaie  de  Grandmont  en  Llimozin, 
lesquieux  avaient  laissié  leur  abbaie  pour  double  des  Angloix  et  s'en  alloient 
en  France  pardevers  le  roy,  pour  don  et  aumosne  ae  mon  dit  seigneur 
(le  duc  de  Berry)  fait  à  eulx  par  mandement  du  dit  seigneurie  xix« jour 
du  dit  mois  (de  septembre  1370)  :  xii  livres  tournois.  »  Ib'd.^  f*28. 

2.  Dîx  mois  environ  avant  l'expédition  du  duc  de  Berry,  le  31  oc- 
tobre 1369,  un  capitaine  berrichon,  Guichard  de  Culan,  sVtait  emparé 
de  Chalnaset,  château  fort  situé  à  10  kil.  au  sud  de  Limoges  qui  com- 


{ 


civ  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

Le  prince  de  Galles  se  prépare  à  marcher  à  la  rencontre  du 
duc  d* Anjou  ;  il  quitte  Angoulême  et  établit  son  quartier  général 
à  Cognac  où  il  donne  rendez- vous  à  tous  ses  gens  d'armes.  — 
Pendant  le  siège  de  Bergerac  ',  les  Français  traitent  de  la  reddi- 
tion de  Lalinde  ^,  moyennant  une  certaine  somme  de  florins,  avec 


mandait  les  deux  routes  conduisant  de  cette  ville  dans  le  bas  Limou- 
sin et  le  Périgord  (Delisle,  Mandements  de  Charles  V^  p.  309,  349).  Six 
jours  avant  cette  occupation,  le  25  octobre^  Louis,  sire  de  Sully,  avait 
cédé  ce  château  au  roi  de  France  (Chalusset  fait  aujourd'hui  partie  de  la 
commune  de  Boisseuil,  Haute-Vienne,  arr.  Limoges,  c.  Pierre-Buffîère), 
ainsi  que  deux  autres  forts,  Chalus  (Haute-Vienne,  arr.  Saint-Yrieix) 
et  Courbefy  (auj.  hameau  de  Saint-Nicolas,  Haute- Vienne,  c.  Chalus), 
dont  le  premier  est  situé  au  point  de  jonction  des  deux  routes  qui  met- 
tent Périgueux  et  Nontron  en  communication  avec  Limoges  ;  et ,  le 
même  jour,  Charles  V  avait  donné  au  sire  de  Sully,  pour  le  dédom- 
mager, les  chatellenies  de  Moret  et  de  Grés  en  Gâtinais  {Arch.  Nat,^ 
J400,  n*  63).  Dès  la  première  moitié  de  cette  même  année  1369,  Louis, 
vicomte  de  Rochechouart,  sVtait,  comme  nous  Pavons  vu,  rallié  à 
Charles  V  et  avait  mis  une  garnison  française  dans  sa  forteresse  de  Ro- 
chechouart, la  plus  importante  du  haut  Limousin  occidental  (voyez 
plus  haut,  p.  Lxvi,  note  1).  En  mai  et  juin  1370,  la  soumission  de  Tulle 
(JJ  100,  n»»  719,  757,  758,  780,  781,  834)  et  de  Regnault,  seigneur  de 
Pons,  vicomte  de  Cariât  et  de  Turenne  en  partie  (JJ  100,  n^*  833, 
717,  718,  831),  avait  fait  rentrer  sous  Tobéissance  du  roi  de  France  une 
notable  portion  du  bas  Limousin.  Vers  le  même  temps,  enGn,  la  ville 
du  Dorât,  à  l'extrémité  septentrionale  du  haut  Limousin,  sur  les  con- 
fins de  cette  province  et  du  Poitou,  avait  embrassé  ouvertement  la 
cause  française  {prdonn,^  V,  304,  305).  On  voit  par  cet  exposé  qu'au 
moment  ou  Limoges  se  rallia  à  Charles  V,  c'est-à-dire  dans  le  courant 
du  mois  d'août  1370,  le  Limousin  était  déjà  à  moitié  perdu  pour  les 
Anglais. 

1.  Par  acte  daté  de  Cognac  le  8  octobre  1370,  Edouard,  prince  d'A- 
quitaine et  de  Galles,  donna  à  son  frère  Jean,  duc  de  Lancastre,  Ber- 
gerac et  la  Roche-sur-Yon  (Delpit,  Documents  français  en  Angleterre^ 
p.  130  et  131). 

2.  Dordogne,   arr.   Bergerac,  sur  la  rive  droite  de  la  Dordogne,  à 
Test  de  Bergerac  et  à  l'ouest  de  Limeuil.  Le  siège  de  Lalinde  eut  lieu 
probablement  au  mois  d'août  1370,  et  Bertucat  d'Albret,  rallié  au  parti 
français,  y  prit  sans  doute  une  part  importante,  car  c'est  à  cette  date 
que  Charles  V  donna  au  célèbre  partisan,  en  récompense  de  ses  ser- 
vices «n  ces  présentes  guerres^  Lalinde^  Castilionnès  (Lot-et-Garonne,  arr. 
Villeneuve-sur-Lot),  Beaumont-du-Périgord  (Dordogne,  arr.  Bergerac, 
sur  la  rive  gauche  de  la  Dordogne,  au  sud  de  Lalinde),  Villefranque  en 
Sarladois  (auj.  Villefranche-de-Belvès,  Dordogne,  arr.  Sarlat)   et  trois 
autres  petits  fiefs,  «  lesquelles  choses  tiennent  et  occupent  à  présent  noz 
ennemis^  sitost  qu'elles  seront  mises  et  revenues  en  nostre  obéissance.  » 
Arch,  Nai,^  JJ  100,  n^  645.  —  Limeuil,  qui  commande  le  cours  de  la 
Dordogne  en  amont  de  Lalinde,  appartenait  alors,  ainsi  que  Miremont 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  SS  653*668.       cv 

ToDnet  *  de  Badefol ,  capitaine  de  cette  dernière  place  ;  mais  le 
captai  de  Buch,  informe  à  temps  de  ce  projet,  accourt  avec  cent 
lances  de  Bergerac  et  tue  Tonnet  au  moment  où  celui-ci  s'apprête 
à  exécuter  le  marché  et  à  ouvrir  les  portes  de  Lalinde  aux  assié- 
geants. P.  229  à  232,  412  à  41  S. 

Le  roi  d'Angleterre  conclut  avec  l'Ecosse  une  trêve  de  neuf 
ans  '.  Robert  KnoUes  débarque  à  Calais  à  la  tête  de  quinze 


(anj.  Manzens-et-Miremont,  Dordogne,  arr.  Sarlat,  c.  IeBiigue),à  Ni- 
colas de  Beaufort,  veuf  de  Marguerite   de  Galard,  dame  de  Ltmeuil, 
fille  de  Jean  de  Galard  et  petite-fille  de  Pierre  de  Galard.  Louis,  duc 
d'Anjou,  qui  avait  besoin  de  ces  deux  places  pour  pousser  avec  plus  de 
vigueur  les  opérations  contre  Lalinde,  accorda  à  Nicolas  de  Beaufort 
par  acte    daté  de  Toulouse  le  6  août  1370,  les  avantages  suivants  : 
1»  2000  livres  de  rente  assises  sur  les  seigneuries  du  Mas-Saintes-Puelles 
et  de  Belleplaine  ;  2®  5000  francs  d'or  pour  sVquiper  dans  la  guerre 
contre  les  Anglais,  dont  3000  comptant,  et  les  2000  restants  au  terme 
de  la  Toussaint  suivante  ;  3"  la  solde  de  50  hommes  d'armes  pendant 
un  mois  pour  faire  la  guerre  en  Pt^rigord,  f  pro  faciendo  guerram  Je 
présenté  et  incontinenti  contra  dictos  inimicos  in  pat r ta  Petragoricensi,  d  En 
retour,  Nicolas  de  Beaufort  donna  au  duc,  comme  garants  des  engage- 
ments qu'il  venait  de  contracter,  le  comte  de  Përigord ,  Arnaud  d'Espagne, 
Bertrand  de  Ghana  c,  cheTaliers,  ainsi  que  le  seigneur  de  Canillac  son  frère, 
et  il  remit  en  Tobéissance  du  roi  de  France  tout  ce  qu'il  possédait  en 
Gujrenne,  soit  de  son  chef,  soit  du  chef  de  sa  femme,  a  et  uro  faciendo 
exinde  guerram  aptam  inimicis  predietis,  loca  tua  de  Limoiio^  ae  Miramonte 
et  alla  omnia  et  singula  que  ipsi  conjuges,  ambo  insimul  et  quilibet  per 
se,  habent  in  dicto  ducatu  Aquitanie.. .,/7ro  felici  expedieione  guerre pre^ 
dicte.  »  JJ102,  no  319. — Gharles  Y  confirma  d'autant  plus  volontiers, 
en  juillet  et  eu  octobre  de  Tannée  suivante,  les  donations  faites  par  le 
duc  d'Anjou  au  seigneur  de  Limeuil  que,  dans  l'intervalle,  Pierre  Roger 
de  Beaufort,  frère  de  Nicolas  de  Beaufort,  avait  ceint  la  tiare  sous  le 
aom  de  Grégoire  XI  (JJ  102,  n«  139). 

1 .  Ce  Tonnet  de  Badefol  (Tonnet  est  une  abréviation  familière  de 
Gastonnet,  diminutif  de  Gaston)  était  l'un  des  quatre  fils  légitimes  de 
Seguin  de  Gontaut,  sire  de  Badefols,  et  de  Marguerite  de  Berail.  Le 
fameux  Seguin ,  Jean  et  Pierre  de  Gontaut-Badefol  étaient  les  frères 
aînés  de  Gastonnet. 

2.  Une  trêve  de  quatorze  ans,  conclue  avec  l'Angleterre  le  18  juin 
1369,  fut  confirmée  le  5  juillet  1370  (Rymer,  III,  895  et  896).  David 
Bruce  n'en  était  pas  moins  en  secret  tout  dévoué  à  Charles  Y  au  ser- 
vice duquel  les  plus  illustres  chevaliers  d'Ecosse  s'empressaient  de 
mettre  leur  ëpée.  Au  mois  de  juillet  1370,  c'est-à-dire  k  la  date  même 
de  la  confirmation  de  cette  trêve,  le  roi  de  France  amortit  100  livres 
parisis  de  rente  annuelle  et  perpétuelle,  destinées  à  l'entretien  d*un  ou 
de  plusieurs  étudiants  en  l'Université  de  Paris,-  en  faveur  de  son  amé 
Jean  Gray,  Écossais,  secrétaire  de  son  très-cher  cousin  le  roi  d'Ecosse, 
c  cpii  tanquam  fidelis  noster,  licet  a  regno  nostro  non  traxerit  originem, 
•emper  et  continue  partem  nostram  contra  Ajiglicos  et  alios  inimicos 


Gvi  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSÂRT. 

cents  *  hommes  d'armes,  dont  cent  Ecossais,  et  de  quatre  mille  ar- 
chers,qu'il  a  enrôlés  pour  envahir  la  France.  Les  Anglais  passent 
à  Fiennes',  à  Thérouanne',  au  Mont-Saint-ÉIoi  \  mettent  le  feu 
aux  faubourgs  d'Arras ,  poursuivent  leur  marche  par  Bapaumc  ^, 
Roye  ^  et  Ham  "^  en  Vermandois.  Ils  ne  chevauchent  que  deux  ou 
trois  lieues  par  jour,  car  ils  vivent  sur  le  pays  et,  comme  on  vient 
de  faire  la  moisson,  ils  trouvent  partout  les  granges  pleines  de 
blés  ".  Partout  aussi ,  les  habitants  du  plat  pays  se  sont  mis  en 
sûreté  dans  les  forteresses.  Loin  de  s'attarder  à  faire  le  siège  de 
ces  forteresses,  Robert  Knolles  se  contente  d'exiger  de  grosses 
rançons,  à  titre  de  rachat  du  pays  environnant,  de  ceux  qui  y  sont 
enfermés  et  gagne  ainsi  cent  mille  francs;  il  n'épargne  que  les 
possessions  du  seigneur  de  Coucy*.  P.  232  à  235,  415  à  418. 
Robert  Knolles,  logé  à  Tabbaye  d'Ourscamps  *®,  offre  en  vain  la 

nostros  tenuit  et  sustinuit  tuo  posse.  i  Charles  V  ajoute  que  cet  amor- 
tissement est  octroya,  «  contemplacione  dilecti  nostri  Archebaldi  de 
Douglas,  Scoti  ac  militis  dicti  consanguinei  uoUtL»  Ârch,  iVaf.,  JJ  102, 
no  220.  Cf.  Delisle,  Mandements  <U  Charles  V,  p.  339. 

1.  Le  rédacteur  des  Grandes  Ovronitiues  (VI,  323  et  324)  évalue  les 
forces  de  Robert  Knolles  à  1600  hommes  d'armes  et  a  2500  arcbers,  et 
dit  qu^il  commença  sa  chevauchée  à  travers  la  France,  à  la  fin  de 
juillet. 

2.  Pas-de-Calais,  arr.  BouIogne-sur-Mer,  c.  Goines. 

3.  Pas-de-Calais,  arr.  Boulogne-sur-Mer,  c.  Âire-sur-la-Lys. 

4.  Pas-de-Calais,  arr.  Arras,  c.  Vimy.  Abbaye  d'hommes  de  Tordre 
de  Saint-Augustin  au  diocèse  d'Arras.  L'abbé  du  Mont-Saint- Éloi 
était  alors  un  Artësien,  Nicolas  de  Noyellette  {GalL  Christ.,  III,  430). 

5.  Pas-de-Calais,  arr.  Arras. 

6.  Somme,  arr.  Montdidier. 

7.  Somme,  arr.  Péronne. 

8.  La  récolte  fut  aussi  abondante  en  1370  quVlIe  avait  étë  insuOi- 
santé  l'année  précédente  où  les  Chartreux,  près  Paris,  n'avaient  en- 
grangé que  six  muids  de  blé,  •  tant  pour  la  stérilité  de  Caost  comme  pour 
la  gresle  »  (Delisle,  Mandements  de  Charles  V^  p.  357). 

9.  Froissart  désigne  ici ,  non-seulement  la  baronnie  de  Coùcy,  mciis 
encore  le  comté  de  Soissons  acheté  par  Enguerrand  trois  ans  aupara- 
vant. Robert  Knolles,  en  effet,  après  avoir  remonté  la  vallée  de  la 
Somme  jusqu'à  Ham,  s'engagea  dans  celle  de  l'Aisne.  Les  vingt-deux 
paroisses,  que  comprenait  alors  la  baronnie  de  Coucy,  sont  énumérées 
dans  un  acte  d'affranchissement  octroyé  par  Enguerrand,  sire  de  Coucy, 
au  mois  d'août  1368  [Arch.Nat.,  JJ99,  n»  424). 

10.  Abbaye  de  l'ordre  de  Citeaux  au  diocèse  de  Noyon;  anj.  section 
de  la  commune  de  Chiry-Ourscainps  (Oise,  arr.  Compiègne,  c.  Ribe- 
court),  sur  la  rive  gauche  de  l'Oise,  un  peu  au  sud  de  Noyon.  Il  est 
regrettable  que  le  savant  M.  Peigné-Delacourt ,  dans  son  Histoire  de 
Vabbaye  d'OurscampSy  où  les  chartes  et  autres  pièces  authentiques  ont 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  $$  653-^68.      cvn 

bataille  aux  habitants  de  Noyon  *  qui  ont  remis  les  remparts  de 
leur  ville  en  bon  ëtat  de  défense.  Un  chevalier  écossais,  nommé 
Jean  Âsneton,  vient  seol  avec  son  page  devant  les  barrières  jouter 
pendant  une  heure  contre  Lancelot  de  Lorris',  Jean  de  Roye, 
Dreux  de  Roye  '  et  dix  on  douze  autres  gentilshommes  en  gar- 
nison à  Noyon.  P.  235  à  237,  418,  419. 

Robert  KnoUes,  à  son  départ  de  la  marche  de  Noyon,  brûle 
Pont-l'Évèquel*,  sur  l'Oise.  Soixante  lances  de  la  garnison  de 
Noyon  font  une  sortie  et  mettent  en  déroute  Tarrière-garde 
anglaise  qui  a  allumé  cet  incendie.  KnoUes  se  dirige  vers  le 
Laonnois,  traverse  l'Oise,  l'Aisne  et  épargne  le  comté  de  Sois- 
sons  qui  appartient  au  seigneur  de  Goucy.  Poursuivi  par  le  comte 
de  Saint-Pol,  le  vicomte  de  Meaux,  le  seigneur  de  Canny,  Raoul 
de  Coucy,  Jean  de  Melun  et  autres  chevaliers  de  France,  il  passe 
la  Marne,  entre  en  Champagne  S  franchit  l'Aube  '  et  gagne  la 

été  analysées  avec  tant  de  confcience,  ne  fasse  aucune  mention  de 
cette  halte  de  Robert  Knolles  à  Oarscamps,  dont  Proissart  nous  a  con- 
serve le  souvenir.  Il  y  aurait  presque  autant  d^nconvënients,  pour  les 
progrès  de  la  science  historique,  a  négliger  les  chroniqueurs  qu'à  ne 
pas  prendre  soin  de  les  contrôler  par  Tétude  des  documents  originaux. 

1.  Par  mandements  en  date  au  20  février  et  du  7  mars  1370, 
Charles  V  avait  chargé  Pierre  de  Villiers  et  le  Bandrain  de  la  Heuse 
de  faire  mettre  en  bon  état  de  défense  les  forteresses  de  Normandie  et 
de  Picardie  (Delisle,  Mandements  de  Charles  V^  p.  322,  324,  325). 

2.  Le  "23  mars  1361  (n.  st.),  Jean  de  Lorris,  dit  Lancelot,  écuyer, 
jadis  gardien  du  château  de  Beaurain ,  fut  condamné  à  |paycr  une 
amende  de  60  livres  parisis  pour  avoir  fait  défaut  dans  un  appel  porté 
devant  le  Parlement  par  les  religieux  de  Clairmarais  {Arch.  fiat.^  JJ 117, 
n<»  210).  Quoi  qu'on  en  ait  dit  (Œuvres  de  Froissare^  XXII,  121),  ni 
Jean  de  Lorris ,  fils  aîné  de  Robert  de  Lorris  et  de  Perronnelle  des 
Essarts,  filleul  du  roi  Jean,  marié  avant  le  4  août  1353  à  Marie  de 
Cbâtillon,  ni  Guérin,  leur  second  fils,  marié  a  la  même  date  à  Isabelle 
de  Montmorency,  ne  portèrent  jamais  le  surnom  de  Lancelot  (JJ82, 
n*86). 

3.  Ces  deux  jeunes  damoiseaux  étaient  frères;  ils  étaient  les  fils  de 
Mathieu  de  Roye,  dit  le  Flamand,  seigneur  du  Plessis-de~Roye  (Oise, 
arr.  Compiègne,  c.  Lassigny),  marié  en  1350  à  Jeanne  de  Cherisy. 

k.  Oise,  arr.  Compiègne,  c.  Noyon,  sur  la  rive  gauche  de  TOise  et 
un  peu  au  sud  de  Noyon,  à  mi-chemin  de  cette  ville  et  d'Ourscamps. 

5.  Robert  Knolles  alla  faire  une  démonstration  devant  Reims  (Gr, 
Chron.f  VI,  324);  mais  toutes  les  précautions  étaient  prises  pour  le 
bien  recevoir.  Eln  vertu  d*nn  mandement  des  conseillers  généraux  sur 
le  fait  des  aides  du  27  avril  1370,  le  quart  de  Taide  levée  sur  la  dite 
ville  et  montant  à  3000  francs,  avait  été  appliqué  aux  fortifications  de 
Reims  (Varin,  Archives  de  Reims ^  III,  338). 

6.  Knolles  passa  devant  Troyes  et  poussa  mdme  une  pointe  jusqu'en 


cvra  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

marche  de  Provins  ^  Après  avoir  passé  et  repassé  plusieurs  fois  la 
Seine,  il  se  dirige  vers  Paris  dans  l'espoir  que  le  comte  de  Saint- 
Pol  et  le  seigneur  de  Clisson,  rois  à  la  tète  des  forces  françaises, 
lui  offriront  la  bataille.  Charles  Y  invite  Bertrand  du  Guesclin, 
qui  se  tient  en  Guyenne  avec  le  duc  d'Anjou,  à  se  rendre  en  toute 
hâte  à  Paris,  —  Urbain  V,  qui  depuis  quatre  ans  a  reporté  le 
saint-siége  à  Rome,  revient  à  Avignon  '  pour  s'employer  de  tout 
son  pouvoir  à  faire  la  paix  entre  les  deux  rois  de  France  et 
d'Angleterre.  P.  237  à  239,  4i9,  420. 

Jean,  duc  de  Lancastre,  débarque  à  Bordeaux  et  vient,  après 
avoir  fait  sa  jonction  en  route  avec  le  comte  de  Pembroke,  re- 


Auxerrois,  dans  le  courant  du  mois  d*août  1370,  puisque,  le  9  de  ce 
mois,  attendu  que  a  l'on  se  doubtoit  de  la  Tenue  des  ennemis  »,  les 
habitants  de  Vermanton,  au  bailliage  de  Sens,  portèrent  «  leur  four- 
ment  en  Tesglise  du  dit  lieu,  qui  est  forte,  et  en  laquelle  ceulz  de  la  dite 
ville  ont  leur  retrait,  en  temps  de  guerre  et  de  péril  ».  {Arch.  A/at., 
JJlUO,  n<>  669).  —  Henri  de  Poitiers,  ëvôque  de  Troyes,  ce  belliqueux 

Êriîiat  qui,  onze  ans  environ  auparavant,  le  23  juin  1359,  avaii  battu 
^ustache  d'Auberchicourt  à  Chaude-Fouace  ,  près  de  Nogent-sur- 
Seine  (Anselme,  II,  191),  Henri  de  Poitiers,  dis-je,  avait  présidé  à  la 
mise  en  état  de  défense  de  sa  ville  épiscopale,  mais  il  avait  dépensé  ce 
qui  lui  restait  d'énergie  dans  ce  suprême  effort;  et,  après  avoir  fait  son 
testament  le  21,  il  rendit  le  dernier  soupir  le  25  août.  Au  mois  d'oc- 
tobre suivant,  Charles  Y  légitima  les  quatre  enfants,  un  fils  et  trois 
iilles,  que  cet  évêque,  plus  valeureux  qu'édifiant,  avait  eus  avec  Jeanne 
de  Chevry,  religieuse  du  Paraclet  près  Nogent -sur- Seine  (JJ  100, 
no»  616  à  619). 

1.  En  quittant  l'Auxerrois  pour  se  diriger  sur  Paris,  les  Anglais 
passèrent  a  Vill<neuve-Ia-Guyard  (Yonne ,  arr.  Sens,  c.  Pont-sur- 
Yonne;  JJ122,  n*  317);  ils  avaient  sur  leurs  derrières  un  certain 
nombre  de  chevaliers  bourguignons,  tels  que  Guillaume,  bâtard  de 
Poitiers,  Jean  de  Bourgogne,  Gui  de  Pontailler,  Guillaume  de  la  Tre- 
mouille,  qui  les  poursuivirent  à  Montargis,  à  Moret  en  Gatinais  et  jus- 
qu'à Paris  (Archives  de  la  Cdte-d'Or,  B3757;  Invent. ^  I,  305).  Le  20  sep- 
tembre, Etienne  Braque,  trésorier  des  guerres,  fit  .payer  770  francs  aux 
gens  d'armes  préposés  à  la, défense  du  Chartrain,  parmi  lesquels  on 
remarquait  Barthélemi  de  Pologne  et  Henri  de  Wallenstein,  cheva- 
liers d* Allemagne,  et  le  lendemain  21,  une  somme  de  938  francs  fut 
appliquée  a  la  solde  de  ces  mêmes  gens  d'armes  [Archives  NicoUî^ 
fonds  du  marquisat  de  Goussainville ,  troisième  numéro,  liasse  18); 
mais  les  Anglais  firent  route  par  Château-Landon,  Nemours,  Fontai- 
nebleau, Corbeil  et  Essonnes  {Gr,  Chron.^  VI,  324). 

2.  Parti  de  Montefiascone  au  mois  d'août  et  embarqué  à  Comtto, 
sur  la  Marta ,  le  mois  suivant,  Urbain  V  débarqua  à  Marseille  le  1 7  et 
fit  son  entrée  à  Avignon  le  25  septembre  1370  (  Thalamus  parvus , 
p.  384). 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  §§  653-668.       cix 

joindre  à  Cognac  le  prince  d'Aquitaine  et  le  comte  de  Cambridge 
ses  frères.  —  A  cette  nouvelle,  le  duc  d'Anjou,  qui  a  conquis 
plus  de  quarante  forteresses  et  s'est  avance  jusqu'à  cinq  lieues  de 
Bordeaux,  voyant  que  Bertrand  du  Guesclin  est  mande  à  la  fois  à 
Paris  par  le  roi  de  France  et  devant  Limoges  par  le  duc  de  Berry, 
prend  le  parti  d'interrompre  sa  chevauchëe  et  de  licencier  ses 
gens.  Tandis  que  les  comtes  d'Armagnac,  de  Përigord  et  le  sei- 
gneur d'Albret  vont  pourvoir  à  la  sûretë  de  leurs  possessions  et 
que  le  duc  d'Anjou  établit  son  quartier  général  à  Cahors  S  du 
Guesclin  accourt  '  au  siège  de  Limoges  auprès  des  ducs  de  Berry 
et  de  Bourbon.  P.  239  à  24i,  420,  421. 


1 .  Le  8  août  1370,  Louis,  duc  d'Anjou,  était  à  Agen  où  il  fit  comp- 
ter 238  francs  d'or  à  Antoni  Doria ,  chevalier,  pour  avoir  fait  venir  en 
son  service  des  arbalëtrieni  de  Gènes  et  de  Savoie  (Bi6l,  Hat,^  Titres 
originaux,  au  mot  Doria).  Entre  le  8  et  le  18  de  ce  mois,  divers  actes 
attestent  la  présence  du  duc  à  Cahors  (OrJonn.,  V,  353,  354  ;  Kl 66, 
n»  222)  et  à  Goardon(JJ  151,  n»  198).  Enfin,  dès  le  18  août,  il  était  de 
retour  à  Toulouse,  où  il  donnait  Tordre  de  payer  à  Doria  une  nou- 
velle somme  de  125  francs  d*or  [Bihi,  Nat,^  Titres  originaux,  au  mot 
Dorici), 

2.  Le  30  juillet  1370,  Bertrand  dn  Guesclin,  qui  arrivait  de  Moissac, 
était  encore  à  Toulouse  où  il  donna  quittance  de  1500  francs  d*or 
pour  ses  gages  et  ceux  de  1000  hommes  d'armes  de  sa  compagnie  en- 
rôlés par  le  duc  d'Anjou  {^Bibl.  Nat»^  Titres  originaux,  au  mot  du  Gties-" 
clin).  Le  8  août  suivant,  il  dut  accompagner  le  duc  d'Anjou  à  Agen 
(voyez  plus  haut,  p.  xcix,  note  1),  puis  à  Sarlat,  qui  était  le  principal 
objectif  de  cette  chevauchée  du  lieutenant  royal  en  Languedoc.  Cette 
▼ille  avait  fait  sa  soumission  pleine  et  entière  le  mois  précédent  {Ârch, 
Nat.^  JJIOO,  n<»  599  à  602,  6(i3,  649,  671,  906,  908),  et  le  duc  d'An- 
jou venait  en  prendre  possession  au  nom  du  roi  son  frère,  en  compa- 
gnie du  sire  de  Beaujeu ,  de  Jean  de  Vienne ,  des  seigneurs  de  vi- 
nay  et  de  Revel ,  de  Pierre  de  Saint-Jory  et  de  son  maître  d'hôtel 
Artaud  de  Bcausemblant  (JJ 101 ,  n"  139).  Les  érudits  périgourdins 
les  plus  spéciaux,  notamment  le  savant  historien  des  deux  derniers 
comtes  de  Périgord,  paraissent  avoir  ignoré  complètement  cette 
campagne  de  du  Guesclin  en  Périgord,  sur  les  confins  de  cette  pro- 
vince et  du  Limousin ,  pendant  les  trois  dernières  semaines  d^août 
1370.  Le  peu  que  l'on  en  sait  atteste  au  plus  haut  degré  l'instinct  stra- 
tégique du  chevalier  breton.  Quel  était,  en  effet,  à  cette  date,  le  plus 
puissant  intérêt,  le  plus  pressant  besoin  militaire  des  Français  au  sud 
de  la  Loire?  N'était-ce  pas  évidemment  d'assurer,  de  maintenir  à 
tout  prix  lt*s  communications  entre  le  corps  d'armée  du  duc  de  Berrjr 

3ui  opérait  alors  en  Limousin,  et  les  troupes  que  le  duc  d'Anjou  venait 
e  mettre  en  mouvement  dans  le  Quercy,  l'Agenais  et  surtout  dans  le 
Périgord  ?  Quel  était,  au  contraire,  le  danger  qu'il  importait  le  plus  de 
conjurer,  sinon  de  laisser  à  deux  armées  anglaises  parties,  l'une  de  Co- 


ex  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

L'entremise  de  Bertrand  *  fait  aboutir  les  négociations  entamées 
entre  l'ëvêque  de  Limoges  et  le  duc  de  Berry.  Ce  dernier,  accom- 
pagné du  duc  de  Bourbon  et  de  Gui  de  Blois ,  fait  son  entrée 
dans  la  ville  assiégée  ;  il  en  confie  la  garde  à  une  garnison  de 

Saac  ou  d*Angou]éme  sons  les  ordres  du  prince  de  Galles,  l'autre  de 
ordeaux  sous  la  conduite  du  duc  de  Lancastre,  la  faculté  de  faire 
leur  jonction  après  s^dtre  avancées,  la  première  à  trayers  le  Nontronais 
et  le  Umousin,  la  seconde  a  trayers  le  Liboumais  et  le  Përigord? 
Mettre  d*abord  Périgueux  en  bon  état  de  défense ,  ensuite  occuper  en 
force  les  trois  routes  qui  conduisent  de  cette  yille  à  Limoges  par  Saint- 
Yrieix,  à  Angouléme  par  Brantôme  et  Mareuil,  enfin  à  Bordeaux 
par  Montpont  et  Liboume,  telles  étaient  les  mesures  les  plus  urgentes 
a  prendre  pour  se  prémunir  contre  le  danger  que  nous  yenons  de 
signaler.  Il  n'est  pas  une  seule  de  ces  mesures  dont  on  ne  doiye  attribuer 
l'initiatiye  à  du  Guesclin,  en  s'appuyant  uniquement  sur  des  témoigna- 
ges contemporains,  si  rares  et  si  incomplets  qu'ils  soient.  A  peine  arriyé 
a  Périgueux,  Bertrand  délogea  les  Anglais  d'une  abbaye  située  dans  la 
banlieue  de  cette  yille  (sans  doute,  la  Chancelade,  Dordogne,  arr.  et 
c.  Périgueux,  à  4  kil.  au  nord  de  cette  yille;  Cuyelier,  II,  vers  17376 
a  17504).  Le  27  août  1370,  Louis,  duc  d'Anjou,  fit  don  de  2500  francs 
aux  bourgeois  et  aux  religieuses  de  la  yille  de  Périgueux,  en  dédomma- 
gement des  pertes  qu'ils  ayaient  soutenues  par  le  fait  de  V armée  rojraU 
qui  avait  séjourné  ou  séjournait  encore  dans  la  dite  ville  et  ses  apporte 
nonces  {BibL  Nat,^  fonds  Lépine,  carton  Périgueux,  cité  par  Dessalles, 
I,  101).  Enfin,  yoici  l'extrait  d'un  document  authentique,  que  nous 
ayons  eu  la  bonne  fortune  de  découvrir,  et  qui  établit  d'une  manière 
irrécusable  le  passage  de  du  Guesclin  à  Périgueux ,  à  la  date  dont  il 
s'agit  :  c  Lettres  de  quittance  en  parchemin  de  550  deniers  d'or,  aul- 
trement  appelés  frans,  données  au  comte  de  Périgord  par  Bernard 
Fayier,  marchand  et  compteur  des  consuls  de  Périgueux,  en  lot/uelie 
somme  le  dit  comte  et  Bertranu  du  Gussclik  estaient  tenus  au  dit  Fa" 
vier.  De  l'ab  mil  tbois  cbut  ssptastb.  Signé  :  Bernard  de  Secerone.  » 
Bibl,  Nat  ^  fonds  Doat,  241,  f*  488  y».  —  Non  content  d'ayoir  fait 
mettre  Périgueux  en  état  de  résister  à  toutes  les  attaques  de  l'ennemi, 
Bertrand  assiégea  et  prit,  soit  par  lui ,  soit  par  les  frères  Mauny, 
Budes  et  Beaumont,  ses  cousins  et  ses  lieutenants.  Saint- Yrieix,  Bran-, 
tome  et  Montpont,  ces  clefs  des  trois  routes  qui  mettent  la  capitale  du 
Périgord  en  communication  ayec  Limoges,  Angouléme  et  Bordeaux. 
Cuyelier  (II,  yers  17323  à  17327)  et  Froissart  sont  d'accord  pour  faire 
honneur  à  du  Guesclin  de  la  prise  de  ces  trois  forteresses. 

1.  On  a  yu  plus  haut  que  Jean,  duc  de  Berry,  arrtya  deyant  Li- 
moges le  21  août.  Ce  jour-là  même,  Bertrand  du  Guesclin  fit  porter, 
du  Périgord  où  il  se  trouyait  alors,  une  lettre  au  duc  Jean  qui  répon- 
dit lui-même  immédiatement  au  message  du  chevalier  breton ,  comme 
cela  ressort  des  deux  articles  de  compte  suivants  :  «  Au  messaigier  de 
mcssire  Bertrant  du  Claquin  qui  a  pourté  lettres  à  monseigneur  (Jean, 
duc  de  Beny),  de  par  le  dit  messire  Bertrant,  pour  don  fait  à  luy  le 
XXI»  jour  d'aoust  (1370)  ensuivant  :  iiii  livres  tournois  ».  Jrch,  Nat.^ 
KK.251,  f>  34  ^.  —  c  Au  dit  Cambraj,  prisonnier  des  Anglois,  lequel 


f 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  §§  653-66».       cxi 

eent  lances  commandée  par  Jean  de  Villemur,  Hugues  de  la 
Roche  et  Roger  de  Reaufort  et  s'y  repose  trois  jours  ^.  Après  la 
reddition  de  Limoges,  les  deux  ducs  de  Rerry  et  de  Rourbon 
licencient  leurs  gens  et  retournent  dans  leurs  duchés  menaces 
par  la  chevauchée  de  Robert  KnoUes.  Resté  en  Limousin  avec 
deux  cents  lances,  Rertrand  du  Guesclin  s  enferme  dans  les 
châteaux  du  seigneur  de  Malval.  P.  24i,  242,  421,  422. 

A  la  nouvelle  de  la  reddition  de  Limoges,  le  prince  d'Aqui- 
taine jure  sur  Tâme  de  son  père  de  se  venger  de  cette  trahison*; 
il  est  d'autant  plus  irrité  contre  l'évêque,  qui  a  livré  la  ville  aux 
Français,  que  cet  évêque  est  son  compère'.  Il  part  de  Cognac 

monaeignenr  (Jean,  dac  de  Berry)  a  eoToié  pouiter  lettres  à  monsei- 
gneur Berirant  de  Qasqnin ,  pour  don  fait  a  luy  par  le  dit  seigneur, 
pour  aider  à  paier  sa  rançon,  par  mandement  du  dit  seigneur  donné  le 
XXI*  jour  du  dit  mois  (août  1370)  :  xl  liTres  ».  Ibid.^  f»  27. 

1.  Cela  est  parfaitement  exact.  Arrivé  le  21,  le  duc  de  Berrj  partit 
de  Limoges  le  24  au  matin  et  fit  remettre,  à  titre  d'aumône,  le  jour 
même  de  son  départ,  quatre  livres  tournois  aux  Carmes,  huit  livres 
tournois  aux  Cordetiers  et  aux  Augustins  de  cette  ville  {Ibid.^  f«  27). 
Dès  raprès-midi  du  24,  il  se  fit  conduire  d'Kymoutiers  à  Masléon  et 
donna  quarante  sous  à  un  écnjer  du  pays  qui  lui  avait  servi  de  guide 
{Ibid.,  F»  27  T»). 

2.  Le  duc  de  Berry,  prévoyant  cette  colère  du  prince  de  Galles , 
avait  envoyé,  le  jour  même  où  il  prit  possession  de  Limoges,  c'est-à-dire 
le  22  août  1370,  cinq  messagers  au  prince  de  Galles,  sans  doute  pour 
assumer  toute  la  responsabilité  de  la  reddition  et  eu  décharger,  autant 
que  possible,  les  habitants  de  cette  ville  :  c  A  cinq  messagiers  envoies 
en  Angolmois  pour  ter  lettres  de  par  mon  dit  seigneur  au  prince  de  Gales,,,  y 
par  la  main  Ymbaut  du  Peschin ,  par  mandement  du  dit  seigneur 
donné  le  xxii«  jour  du  dit  mois  (d'août  1370)  :  randu  à  court  :  xxx  li- 
vres tournois,  s  KK251,  f»  39  vo  et  40. 

3.  Jean  de  Gros  avait  tenu  sur  les  fonts  du  baptême  un  des  enfants 
du  prince  d'Aquitaine.  Le  27  août,  le  duc  Jean,  retournant  du  Limou- 
sin en  Berry,  fut  rejoint  à  Felletin  (Creuse ,  arr.  Aubusson) ,  par  un 
écuyer  qui  lui  remit,  de  la  part  de  l'évêque  de  Limoges,  une  lettre  où 
cet  infortuné  prélat  le  priait  sans  doute  de  ne  pas  abandonner  les  habi- 
tants de  sa  ville  épiscopale  (KK  251,  f«  27  v»);  mais  le  ftitile  et  égoïste 
prince  passait  ses  journées  à  jouer  aux  dés  avec  ses  chambellans,  et  la 
veille  même  il  avait  déboursé  quarante  livres  tournois,  pour  a  raimbre  » 
ou  racheter  ses  patenôtres  de  corail,  mises  en  gage  à  la  suite  d'une  dette 
de  jeu  (/^/^.,«f«  18).  Il  n'était  pourtant  pas  incapable  d'un  bon  mouve- 
ment, ainsi  que  l'atteste  le  touchant  article  de  compte  suivant  :  a  A  un 
pauvre  enffant  de  village  qui  fu  trouvés  tout  seul  en  l'oustel  où  mon  dit 
seigneur  se  lougha  à  Saint  Denis  du  Chastel  (auj.  hameau  de  la  Cour- 
tine, Creuse,  arr.  Aubnsson,  c.  Felletin)  :  lx  sous.  »  Ihid.^  f*  27.  —  Le 
1  k  septembre,  le  jour  même  où  le  prince  de  Galles  mit  le  siège  devant 
Limoges,  le  duc  de  Berry  envoya  Bertrand  du  Montail  porter  une  lettre. 


cxii  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

avec  douze  cents  lances,  mille  archers,  trois  mille  hommes  de 
pied,  et  vient  mettre  le  siège  devant  Limoges.  Noms  des  principaux 
seigneurs  anglais  et  poitevins,  qui  prennent  part  à  cette  expé- 
dition. La  garnison  de  Limoges  oppose  aux  Anglais  la  résistance 
la  plus  opiniâtre.  Le  prince,  n'espérant  pas  emporter  de  vive  force 
une  ville  si  bien  défendue,  prend  le  parti  de  faire  miner  les 
remparts.  P.  243  à  2(i5,  422  à  424. 

Robert  Knolles,  s'avançant  à  travers  la  Brie,  vient  camper 
devant  Paris  *  un  jour  et  deux  nuits.  De  son  hôtel  de  Saint-Pol, 
Charles  Y  peut  apercevoir  la  fumée  des  incendies  allumés  par  les 
Anglais  du  côté  du  Gâtinais.  Le  roi  est  entouré  de  l'élite  de  ses 
chevaliers  ;  mais,  par  le  conseil  du  sire  de  Clisson,  il  leur  a  fait 
défense  de  s'aventurer  en  rase  campagne  contre  l'ennemi.  A  la 
porte  Saint-Jacque  notamment,  se  tiennent  le  comte  de  Saint-Pol, 
le  vicomte  de  Rohan,  les  principaux  seigneurs  de  la  Picardie  et 
de  l'Artois.  Le  mardi,  jour  où  les  Anglais  lèvent  leur  camp  après 
avoir  mis  le  feu  aux  villages  où  ils  étaient  logés,  un  de  leurs  che- 
valiers, qui  a  voulu  par  bravade  frapper  du  fer  de  sa  lance  les 
barrières  de  cette  porte  Saint-Jacque,  est  tué  au  retour  par  un 
boucher  de  Paris.  P.  245  à  248,  424,  425. 

Pendant  le  siège  de  Limoges  par  le  prince  de  Galles,  Bertrand 
du  Guesclin,  prenant  pour  base  d'opérations  les  forteresses  fran- 
çaises de  Louis  de  Mal  val  et  de  Raymond  de  Mareuil,  fait  la 
guerre  aux  Anglais  en  Limousin  au  nom  de  la  veuve  de  Charles 


où  il  devait  faire  appel  à  la  clémence  d'Edouard  en  faveur  des  assiégés. 
Ibid,^  {•  40. 

1.  Le  dimanche  22  septembre  1370,  Robert  Knolles  et  ses  gens 
vinrent  camper  vers  Mons  (auj.  Athis-Mons)  et  Ablon  (Seine-et-Oise, 
arr.  Corbeil ,  c.  Longjuraeau),  et  le  mardi  24,  ils  se  rangèrent  en 
bataille  entre  Villejuir  et  Paris.  Quoique  Paris  eût  alors  une  garnison 
de  1200  hommes  d'armes,  Charles  V  refusa  de  faire  donner  ses  troupes. 
Les  Anglais  mirent  alors  le  feu  à  Villejuif,  à  Gentiily,  à  Cachan,  à 
Arcueil,  à  l'hôtel  de  Bicdtre,  et  allèrent  loger,  ce  même  mardi,  au  soir, 
à  Antony.  Puis,  dès  le  lendemain,  ils  levèrent  leur  camp  et  se  dirigèrent 
vers  la  Normandie,  à  travers  la  Beauce  (Gr.  Chron.^  VI,  324,  325).  Le 
jeudi  26,  ils  étaient  déjà  dans  les  environs  de  Gallardoti  {Ârch,  Nat.^ 
JJlOO,  n"  911),  et  le  dimanche  29,  un  de  leurs  détachements  sacca- 
t  geait  la   paroisse  Saint -Gervais  de  Srez  {BiAt.  Nat.^  Quitt.,  XVIH, 

1054).  On  voit  par  les  registres  du  chapitre  de  Notre-Dame,  qu'avant 
I  de  s*éloîgner  des  environs  de  Paris,  ils  avaient  prélevé  de  fortes  ran- 

I  çons  sur  Orly,  ItteviJle  et  presque  tons  les  villages  de  cette  région 

{Arch.  Aat.,  LL  210,  f^'  527,  532,  586). 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  §§  653-668.    cui 

de*  Blois  à  qui  ce  pays  a  jadis  appartenu;  il  se  fait  rendre  Saint- 
Yrieix*  et  met  dans  cette  place  une  garnison  bretonne  *.  P.  248, 
249,  425,  42'6. 
Ce  siëge  de  limoges  dore  environ  un  mois^.  Les  mineurs  du 

1.  Par  aete  date  de  Paris  le  9  juillet  1369,  Jeamie  de  PenthièTie, 
▼icomtesse  de  Limoges,  avait  donné  la  yicomtë  de  Limoges  a  Charles  Y 
{Areh,  Nat,^  J  242»  n*  51);  mais  cet  acte  ëtait  de  pare  forme  et  des- 
tiné à  permettre  an  roi  de  France  d'arracher  le  Limousin  aux  Anglais. 
Charles  Y,  par  une  contre-lettre  secrète,  de  mdme  date  que  l'acte  pré- 
cédent, déclarait  la  dite  donation  non  avenue,  et  s'engageait  à  restituer 
int^ralement  à  sa  cousine,  Jeanne  de  Penthièvre,  et  à  ses  héritiers,  la 
▼icomté  de  Limoges  (Ârch,  départ,  des  Basses-Pf  renées,  série  E,  n**  137). 
Cette  importante  contre-lettre  a  été  signalée  et  publiée  pour  la  pre- 
mière fois  par  dom  Plaine  (Jeanne  de  Penthièvre^  Saint-Brieuc ,  1873, 
p.  44  à  46). 

2.  Divers  documents  mentionnent  la  soumission  de  Saint-Yrieix,  au 
roi  de  France,  dès  le  milieu  de  1370  (Ordonn,^  YI,  242;  Areh,  Nat,, 
JJ114,  n*  146).  On  sait  même,  par  un  autre  document,  qu'à  cette  date 
des  Bretons  j  tenaient  garnison  {Arch,  Nat,  y  JJ  109,  n«  386). 

3.  Bertrand  ne  fit  qu'une  très-courte  apparition  sur  les  confins  du 
Limousin  et  du  Périgord  ;  le  30  août  1370 ,  il  était  à  Montauban 
où  le  duc  de  Molina,  comte  de  Longueville  et  de  Soria,  donna  quit- 
tance de  10  000  francs  d'or,  pour  ses  gages  et  ceux  des  gens  d'armes  de 
sa  compagnie  servant  en  Guyenne,  a  tant  en  la  compaignie  du  dit  monsei- 
gneur le  duc  (d* Anjou)  comme  autrement,  estant  es  frontières  de  Limosin 
et  autre  part  ou  dit  duché  de  Guienne,  où  le  dit  monseigneur  le  duc  a 
ordenné  estre  en  frontière  contre  les  ennemis  du  royaume.  »  Bibl.  Nat,^ 
Titres  originaux,  an  mot  du  Gueselin .— Le  1 4  septembre  suivant,  du  Gués 
clin  était  de  retour  à  Toulouse  où  le  duc  de  Molina ,  comte  de  Lon- 
gueville, seigneur  de  Soria,  donna  quittance  de  3000  francs  d'or  pour 
ses  gages  et  ceux  des  gens  d'armes  a  estans  du  comandement  du  dit 
monseigneur  (le  duc  d'Anjou)  avec  nous  et  en  nostre  compaignie  ou 
pais  de  Perregueurs  et  sur  le  pais  et  Angoulesme,  »  Ibid,  —  La  chevauchée 
de  Bertrand  sur  les  confins  du  Périgord,  du  Limousin  et  de  l'Angou- 
mois,  se  place  aind  entre  le  30  juillet,  date  d'une  quittance  de 
1500  frvncs  d'or  donnée  i  Toulouse,  et  le  30  aoât  suivant,  date  d'une 
antre  quittance  de  10000  francs,  délivrée  à  Montauban  et  analysée  dans 
les  lignes  qui  précèdent.  D'ailleurs,  dans  un  acte  daté  de  Poitiers  le 
9  aoât  1372,  du  Gueselin,  duc  de  Molina  et  connétable  de  France,  fait 
allusion  à  sa  campagne  de  1370,  sur  les  confins  du  Limousin,  et  rap- 
pelle qu'il  avait  rallié  au  parti  français  les  trois  frères  Jean,  Aimeri 
et  Rouffiiut  de  3onneval,  «  du  pays  de  Limousin,  en  la  vicomte  de 
Limoges,  pour  lors  que  nous  çenismes  d'Espaingne,  s  Jreh,  Nat,^  JJ  109, 
n«  64. 

4.  Le  siège  de  Limoges  ne  dura  pas  un  mois,  mais  seulement  six 
jours,  du  14  au  19  septembre  1370.  c  item,  aqnel  an  meteyss  (1370),  a 
XIX  joms  del  mes  de  setembre,  fon  preza  et  destrucha  la  cuitat  de 
Lymotges  per,  lo  princep  de  Galas  loqual  y  avia  tengut  seti  per  alcun 
temps  petit.  »  Thalamus  parvus^  p.  395. 

vn  —  A 


cxiv  CHRONIQUES  DE  J.  FAOISSART 

prince  de  Galles  parviennent  à  faire  tomber  un  pan  du  mur 
d'enceinte  dans  les  fosses,  et  les  Anglais  entrent  aussitôt  dans  la 
ville  par  cette  brèche.  Ils  passent  au  fil  de  Vépée  plus  de  trois 
mille  habitants  de  Limoges  ;  ils  saisissent  Tévêque  lui-même  dans 
son  palais  et  l'emmènent  devant  le  prince  qui  le  menace  de  lui 
faire  trancher  la  tête.  Seuls,  les  hommes  d'armes  de  la  garnison, 
au  nombre  de  quatre-vingts,  s'adossant  contre  une  muraille,  dé- 
ploient au  vent  leurs  bannières  et  refusent  de  se  rendre.  Des 
combats  corps  à  corps  s'engagent  entre  le  duc  de  Lancastre  et 
Jean  de  Villemur,  entre  le  comte  de  Cambridge  et  Hugues  de  la 
Roche*,  entre  le  comte  de  Pembroke  et  Roger  de  Beaufort*; 
les  trois  chevaliers  français  sont  réduits  à  rendre  leurs  épées. 
P.  249  à  252,  426  à  428. 

Les  Anglais  brûlent  la  ville  de  Limoges',  la  mettent  au  pillage 
et  retournent  chargés  de  butin  *  à  Cognac.  Le  duc  de  Lancastre 


1.  Hagaes  de  la  Roche  était  marié  à  Dauphine  de  Beaufort*  Fane 
des  filles  de  Guillaume  Roger,  comte  de  Beaufoit,  et  de  sa  première 
femme  Marie  de  Chambon,  et  par  conséquent  l'une  des  sœurs  de  Roger 
de  Beaufort  et  du  cardinal  de  Beaufort,  élu  pape  à  la  fin  de  cette  mâne 
année  sous  le  nom  de  Grégoire  XI  (Anselme,  Mut»  génial.^  YI,  317). 

2.  Roger  de  Beaufort,  émancipé  par  son  père  le  26  mars  1361  (n.  st.), 
était  le  troisième  fils  de  Guillaume  Roger,  comte  de  Beaufort,  H*  du 
nom,  et  de  Marie  de  Chambon;  Guillaume  Roger,  comte  de  Beaufort, 
m*  du  nom,  et  Pierre  Roger,  ne  en  1339,  qui  allait  bientôt  derenir  le 
pape  Grégoire  XI,  étaient  ses  aines  (Anselme,  Hist,  généal.^  VI,  316).  Le 
25  septembre  1371,  Grégoire  XI  intercéda  auprès  d'Edouard  III  pour 
la  mise  en  liberté  de  son  frère,  prisonnier  de  Jean  de  Grailly,  captai  de 
Buch  (Rjmer,  III,  923).  Les  démarches  du  pontife  restèrent  sans 
résultat ,  puisque  Roger  de  Beaufort  et  son  neveu,  Jean  de  la  Roche, 
étaient  encore  prisonniers  des  Anglais  le  27  juin  1375  (Ibid,^  1033, 
1034)  et  le  27  mai  1377  (I6id.,  1078). 

3.  a  Civitas  Lemoricensis  capta  fuit  cum  onmibus  in  ea  existentibus , 
tam  incolis  quam  aliis,  qui  pro  sui  tuidone  ad  eam  confugerant,  ac  mul* 
tis  nobilibus  riris  qui  pro  ejus  succursu  et  adjutorio  illuc  advenerant  ; 
fuit  que  demum  totaliter  demoUta  et  destructa  ae  mdificia  ejus  ad  terram 
prostraia^  et  exinde  effecta  inhabitabilis  et  déserta^  sota  eccUsia  cathedraU 
dumtaxat  rémanente,  »  Baluze,  Vitsspap,  Apenion,^  I,  col.  392. 

4.(a  Fortuna  eos  (il  s'agit  des  doyei.  et  chanoines  de  la  cathédrale  de 
Limoges)  capi  per  dictos  inimicos  permîsit  et  sic  omnia  bana  etjocaUa 
ipsius  ecclesie  una  eum  suis  propriis  perdiderunt^  et  eos  redimi  oportnit 
quasi  ultra  posse,  »  lit'-on  oans  un  privilège  du  27  janvier  1372  (n.  st.) 
où  Charles  Y  soustrait  les  chanoines  de  Limoges  à  toute  autre  juridio* 
tion  que  celle  du  Parlement  de  Parif ,  pouii   es  dédommager  de  ce 

u'ils  ont  souffert  pour  la  cause  française  (Âreh,  Nai.j  JJ 104.  no287). 

e  prince  de  Galles,  de  son  côté,  affsx^f  v j««.  de  rejeter  sur  Téveque  seul 


l 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  §§  653-668.     cxv 

prie  le  prince  son  frère  de  lai  livrer  Tëvêque  auquel  il  iait  grâce  \ 
à  la  prière  du  pape  Urbain  Y.  P.  252,  253,  428,  429. 

La  nouvelle  de  k  reprise  de  limoges,  du  massacre  des  haU- 
tants  et  de  la  destruction  de  la  yiUe,  porte  un  coup  sensible  à 
Charles  ^  Y.  Sur  ces  entrefai^s,  Moreau  de  Fiennes  ayant  voulu 
se  démettre  de  l'office  de  connétable  de  France,  la  voix  publique 
désigne  Bertrand  du  Guesclin  pour  le  remplacer.  Le  chevalier 
breton  est  mandé  à  Paris  par  messages,  et  les  courriers  porteurs 
de  ces  messages  le  trouvent  dans  la  vicomte  de  Limoges  où  il 


tonte  la  responsabilité  de  la  reddition  de  limoges,  avait  fait  grâce  au 
chapitre  de  cette  ville  par  acte  daté  de  Bordeaux  le  10  mars  1371 
{Areh,  dép.  des  Basuê-Pyrinées ^  fonds  de  la  ricomté  de  Limoges, 
série  E)  ;  mais  les  chanoines  dorent  trourer  cette  clémence  on  peu  tar- 
diTe. 

1.  On  fit  grilce  de  la  rie  à  Jean  de  Gros,  éTÉque  de  Limoges,  mais  non 
de  sa  rançon,  au  payement  de  laonelle  le  roi  de  FVance  contribua,  le 
4  février  1371,  pour  une  somme  de  100  francs  {fifidL  Chrut,^  II,  534). 
Jean  de  Gros  était  le  cousin  du  pape  Grégoire  XI  qui  le  fit  cardinal 
dans  un  conclare  tenu  six  mois  après  son  élection,  le  6  juin  lâ71  (^f. 
pap,  A9enion,^  I,  427).  Le  massacre  de  Limoges  avait  soulevé  dans 
toute  la  chrétienté  une  réprobation  générale,  et  1  élection  de  Grégoire  XI 
elle-même,  qui  eut  lieu  te  30  décembre  1370,  environ  trois  mois  après 
ce  massacre,  doit  être  considérée  comme  une  sorte  de  protestation  dn 
sacré  collège  contre  la  conduite  barbare  du  prince  de  Galles.  Pierre 
Roger,  dit  le  cardinal  de  Beaufort,  n'avait  pas  encore,  au  moment  de 
son  élection,  reçu  la  prêtrise  (il*  ne  fut  ordonné  prêtre  que  le  4  jan- 
vier 1371),  mais  il  était  originaire  de  ce  Limousin  livré  alors  à  la  ven- 
geance d'un  vainqueur  impitoyable,  il  était  le  cousin  de  cet  évêque  de 
Limoges  que  le  prince  de  Galles  avait  voulu  faire  mettre  à  mort,  û  était 
enfin  le  propre  frère  de  ce  Roger  de  Beaufort,  le  beau-frère  de  ce  Hu- 
gues de  la  Roche,  l'oncle  de  ce  Jean  de  la  Roche ,  tombés  aux  mains 
des  Anglais  après  avoir  défendu  Limoges  avec  tant  d'héroïsme  ;  et  les 
membres  du  sacré  collège  obéirent  sans  aucun  doute  à  Tune  des  plus 
nobles  inspirations  de  l'esprit  chrétien  en  donnant,  dans  de  telles  cir- 
constances, leurs  suffrages  à  Pierre  Roger. 

2.  De  nombreux  actes  attestent  que  Charles  V  n*eut  rien  plus  à  cœur 
que  de  dédommager,  autant  qu'il  était  en  son  pouvoir,  les  habitants  de 
tomoffes  de  ce  qu'ils  avaient  souffert  pour  la  cause  française.  Non  con- 
tent d'avoir  réuni  inséparablement  leur  ville  à  la  Couronne,  il  les  mit, 
le  2  janrier  1372,  en  possession  du  château  (Or Jonn.,  V,  439,  443).  Le 
27  dn  même  mois,  il  autorisa  les  doyen  et  chanoines  de  Limoges  à 
faire  construire  pour  leur  usage  une  forteresse,  entièrement  distincte  et 
indépendante  de  la  cité  proprement  dite,  afin  de  pouvoir  s'y  renfermer 
et  s'y  défendre  an  besoin  contre  l'ennemi  (Jreh,  Nat.^  JJ 104,  n^  263  ; 
Ordonn.^  V,  446,  447).  Enfin,  le  16  juin  1376,  il  décida  que  les  affaires 
de  l'église  et  de  l'évêque  de  Limoges  ne  pourraient  être  jugées  que  par 
le  Pariement  de  Paris  (ftrdonn.^  VI,  204). 


\ 


cxvi  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

vient  de  s'emparer  de  Brantôme.  Bertrand  confie  la  garde  des 
places  conquises  à  son  neveu  Olivier  de  Mauny  et  se  rend  aussi» 
t5t  auprès  du  roi  de  France.  Il  est  investi,  malgré  ses  objections^ 
de  l'office  de  connétable;  le  roi  le  fait  asseoir  à  sa  table  et  lui 
assigne  quatre  mille  francs  de  revenu  par  an  ^  P.  253  à  25S, 
429,  430. 

1.  Les  proTÎtÎQiu  de  l'office  de  connétable  de  France,  vacant  par  la 
démiaâon  de  Robert,  sire  de  Fiennes,  dit  Morel,  en  fareiir  de  Bertrand 
du  Guesclin ,  duc  de  Molina  et  comte  de  Longuenlle ,  sont  datées  de 
Paris  en  Thôtel  Saint-Pol  le  mercredi  2  octobre  1370  (Mëm.  de  la 
Chambre  des  Comptes  coté  D,  P>  101,  cite  par  Blanchard,  Compil. 
ehronol.^  p.  155).  On  lit  dans  un  acte,  en  date  du  5  de  ce  mois,  que 
du  Guesclin  fut  pourru  de  cet  office  sur  l'avis  du  grand  Conseil  du  roi 
et  d'une  assemblée  de  prélats ,  de  nobles,  de  bourgeois  et  d'habitants 
de  Paris  :  «  par  la  délibération  et  adris  de  nostre  grant  Conseil  et  de 
plusieurs  prelas ,  nobles',  bourgoiz  et  habîlans  de  nostre  bonne  ville  de 
rarisy  avons  ordenné  de  mettre  sus  sans  delaj  certaine  provision  pour 
la  defFense  de  nostre  dit  rojraume,  pour  laquelle  briefment  exécuter  et 
mener. à  bonne  et  desiderable  conclusion,  avons,  par  la  dicte  delièera^ 
tion  et  advis^  fait  et  establi  nostre  connestable  de  France,  nostre  amé  et 
féal  Bertran  du  Guesclin.  >  {Areh,  Nat,^  sect.  hist.,  K49,  n»  52.) 


CHRONIQUES 


DE  J.  FROISSART. 


LIVRE  PREMIER. 


§  560.  Tant  fu  démenés  li  temps,  en  Êdsant  les 
pourveances^  dou  prince  et  en  attendant  la  venue  dou 
duch  de  Lancastre,  que  madame  la  princesse  travilla 
d'enfant  et  en  délivra  par  le  grasce  de  Dieu.  Ce  fu 
uns  biaus  fîlz  qui  fu  nés  le  jour  de  l'Apparition  des  5 
trois  Rois  y  que  on  eut  adonc  en  ceste  anée  par  un 
merkedi.  Et  vint  cilz  enfes  sus  terre^  environ  heure 
de  tierce^  de  quoi  li  princes  et  tous  li  hosteulz  fu- 
rent grandement  resjoy,  et  fu  baptiziés  le  venredi 
ensiewant,  à  heure  de  haute  nonne^  ens  es  saints-  10 
fons  de  l'église  Saint  Andrieu ,  en  le  cité  de  Bour- 
diaus.  Et  le  baptisa  li  archevesques  dou  dit  lieu^  et  le 
tinrent  sus  fons  li  evesques  d'Agen  eii  Aginois  et  li 
rois  de  Mayogres.  Et  eut  à  nom  cilz  enfes  Richars^ 
et  fu  depuis  rois  d'Engleterre ,  si  com  vous  orés  15 
compter  avant  en  Tystore. 

vu  —  1 


2  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1367] 

Le  dimence  apriès,  à  heure  de  prime^  se  parti  de 
Bourdiaus  en  très  grant  arroi  li  dis  princes^  et  toutes 
manières  de  gens  d'armes  qui  là  sejournoient  ossi; 
mes  la  grigneur  partie  de  ses  hos  estoient  ja  passet 

5  et  logiet  environ  la  cité  de  Dase  en  Gascongne.  Si 
vint  li  princes  ce  dimence  au  soir  en  celle  ditte  cité, 
et  là  se  loga  et  y  séjourna  trois  jours ,  car  on  li  dist 
que  ses  frères  li  dus  de  Lancastre  venoit.  Voirement 
approçoit  il  durement  et  estoit,  passet  avoit  quinze 

10  joursy  arivés  en  Bretagne,  à  Saint  Mahieu  de  Fine 
Poterne,  et  venus  à  Nantes  où  li  dus  de  Bretagne 
l'avoit  grandement  festiié  et  conjoy.  Depuis  esploita 
tant  li  dus  de  Lancastre  qu'il  chevauça  parmi  Poito 
et  Saintonge  et  vint  à  Blaves,  et  là  passa  il  le  rivière 

15  de  Geronde,  et  ariva  sus  le  kay  à  Bourdiaus.  Si  vint 
en  l'abbeye  de  Saint  Andrieu  où  la  princesse  gisoit^ 
qui  le  conjoy  et  reçut  doucement,  et  toutes  les  dames 
et  damoiselles  qui  là  estoient  à  ce  jour.  Li  dus  de 
Lancastre  ne  volt  gaires  séjourner  à  Bourdiaus,  mes 

20  prist  congiet  à  sa  suer  la  princesse  et  se  parti  o  toute 
se  compagnie,  et  chevauça  tant  qu'il  vint  en  le  cité 
de  Dasc,  où  ses  frères  l'attendoit  encores.  Si  se  con- 
joïrent  grandement,  quant  il  se  trouvèrent,  car  moult 
s'amoient,  et  là  eut  grans  approcemens  d'amour  et 

25  entre  leurs  gens. 

Assés  tost  apriès  que  li  dus  de  Lancastre  fîi  là  ve- 
nus, vint  li  contes  de  Fois  à  Dasc  pardevers  yaus, 
qui  fist  grant  chière  et  grant  reverense  de  bras  et  de 
samblant  au  dit  prince  et  à  son  frère,  et  se  ofFri  dou 

30  tout  en  leur  commandement.  Li  princes,  qui  bien 
savoit  honnourer  tous  signeurs,  cescun  selonc  ce  qu'il 
estoit,  le  honnoura  grandement  et  le  remercia  moult 


[13671  LIVRE  PREMIER,  $  560.  3 

de  ce  que  il  les  estoit  là  venus  veoir.  En  apriès,  il  li 
recarga  son  pays  et  li  pria  que  il  en  volsist  songnier 
dou  garder  jusques  à  son  retour.  Li  contes  de  Fois  li 
acorda  liement  et  volentiers.  Sur  ce  s'en  retourna  li 
dis  contes^  quant  il  eut  pris  congiet^  en  son  pays.  Et  5 
li  princes  et  li  dus  de  Lancastre  demorèrent  encores 
à  Dasc^  et  toutes  leurs  gens  espars  environ  et  sus  le 
pays  et  à  l'entrée  des  pors  et  dou  passage  de  Navare; 
car  point  ne  savoient  encores  de  vérité  se  il  passe^ 
roient  ou  non,  ne  se  li  rois  de  Navare  ouveroit  le  10 
passage^  quoique  il  leur  ewist  en  couvent,  car  famés 
couroit  communément  parmi  l'ost  que  de  nouviel  il 
s'estoit  composés  et  acordés  au  roy  Henri,  dont  li 
princes  et  ses  consaulz  estoient  durement  esmervil* 
liet^  et  li  rois  dan  Piètres  moult  merancolieus.  I5 

Or  avint ,  entrues  qu'il  sejournoient  là  et  que  ces 
parolles  couroient ,  que  messires  Hues  de  Cavrelée  et 
les  routes  s'avancièrent  à  l'entrée  de  Navare  et  prisent 
le  cité  de  Mirande  et  le  ville  dou  Pont  le  Royne, 
dont  tous  li  pays  fu  durement  effraés,  et  en  vinrent  20 
les  nouvelles  au  dit  roy  de  Navare.  Quant  il  entendi 
ce  que  les  Compagnes  voloient  par  force  entrer  en 
son  pays,  si  fu  durement  courouciés  et  escrisi  errant 
tout  le  fait  au  prince.  Li  princes  s'en  passa  assés 
briefînent  pour  tant  que  li  rois  de  Navare,  ce  li  sam-  25 
bloit  et  au  roy  dan  Piètre,  ne  tenoit  mies  bien  tous 
leurs  couvens.  Et  li  escrisi  et  manda  li  dis  princes 
qu'il  se  venîst  escuser,  ou  envoiast,  des  parolles  que 
on  li  amettoit;  car  ses  gens  disoient  notorement  que 
il  s'estoit  tournés  devers  le  roy  Henri.  Quant  li  rois  30 
de  Navare  entendi  ce  que  on  l'amettoit  de  trahison, 
si  fu  plus  courouciés  que  devant,  et  envoia  un  sien 


4  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1367] 

especial  chevalier  devers  le  prince,  lequel  chevalier 
on  nommoit  monsigneur  Martin  de  le  Rare.  Cilz  vint 
en  le  cité  de  Dasc  escuser  le  dit  roy  de  Navare,  et 
parlementa  tant  et  si  bellement  au  dit  prince  que  li 
5  princes  se  apaisa,  parmi  tant  que  il  devoit  retourner 
en  Navare  devers  son  sîgneur  le  roy,  et  le  devoit 
faire  venir  à  Saint  Jehan  dou  Piet  des  Pors,  et,  lui 
là  venut^  li  princes  aroit  conseil  se  il  iroit  parler  à 
lui  ou  il  y  envoieroit.  Sus  cel  estât  se  parti  li  dis  mes- 
sires  Martins  de  le  Kare,  dou  dit  prince,  et  retourna 
en  Navare  devers  le  roy  et  li  recorda  tout  son  trettiet, 
et  en  quel  estât  il  avoit  trouvé  le  prince  et  son  con- 
seil^ et  ossi  comment  il  s'estoit  partis  d'yaus.  Cilz 
messires  Martins  fist  tant  qu'il  amena  le  dit  roy  son 

15  signeur  à  Saint  Jehan  dou  Piet  des  Pors^  et  puis  se 
restraist  en  le  cité  de  Daso,  devers  le  prince. 

Quant  li  princes  sceut  que  li  rois  de  Navare  estoit  ap- 
prociés,  il  eut  conseil  d'envoiier  devers  lui  son  frère  le 
duch  de  Lancastre  et  monsigneur  Jehan  Chandos.  Cil 

20  doi,  à  privée  mesnie,  se  misent  au  chemin  avoec  le  dit 
monsigneur  Martin  qui  les  amena  en  le  ditte  ville  de 
Saint  Jehan  dou  Piet  des  Pors  devers  le  roy  de  Na- 
vare, liquels  les  rechut  liement,  et  eurent  là  longe- 
ment  parlement  ensamble.  Finablement,  il  fu  acordé 

25  que  li  rois  de  Navare  approceroit  encores  le  dit  prince 
et  venroit  en  un  certain  lieu,  que  on  dist  ou  pays 
Pierre  Ferade,  et  là  venroient  li  princes  et  li  rois 
dan  Piètres  parler  à  lui ,  et  là  de  recief  il  renouvele- 
roient  leurs  couvens,  et  saroit  cescuns  quel  cose  il 

30  devoit  tenir  et  avoir.  Li  rois  de  Navare  se  dissimuloit 
ensi,  pour  tant  qu'il  voloit  encores  estre  plus  segurs 
de  ses  couvenences  qu'il  n'estoit;  car  il  4oubtoitque, 


I  i  367J  LIVRE  PREMIER ,  S  Î^^K  ÎJ 

se  les  Compagnes  fuissent  entré  en  son  pays ,  et  on 
ne  li  euist  en  devant  plainnement  seelé  ce  qu'il  de- 
voit  ou  voloit  avoir,  qu'il  n'i  venroit  jamès  bien  à 
temps. 

§  561  •  Sus  ce  trettié  retournèrent  li  dus  de  Lan-     5 
castre  et  messires  Jehans  Chandos,  et  comptèrent  au 
dit  prince  comment  il  avoient  esploitié,  et  ossi  au 
roy  dan  Piètre.  Cilz  trettiés  li  plaisi  assés  bien ,  et 
tinrent  leur  journée ,  et  vinrent  ou  dit  liu  où  elle 
estoit  assignée,  et  d'autre  part,  li  rois  de  Navare  et  10 
ses  plus  especiaus  consaulz.  Là  furent  à  Pierre  Ferade 
cil  troi  signeur,  li  rois  dan  Piètres,  li  princes  de  Gal- 
les et  li  dus  de  Lancastre  d'un  costé,  et  li  rois  de  Na* 
vare  d'autre,  longement  ensamble  en  parlement.  Et 
fu  là  devisé,  ordonné  et  acordé  quel  cose  cescuns  de-  16 
voit  faire -et  avoir,  et  là  furent  renouvelées  les  cou- 
venences  qui  trettiés  avoient  estet  entre  ces  parties  en 
le  cité  de  Bayone.  Et  là*  sceut  de  vérité  li  dis  rois  de 
Navare  quel  cose  il  devoit  avoir  et  tenir  sus  le  royau- 
me de  Castille,  et  jurèrent  bonne  pais,  amour  et  so 
confédération  ensamble ,  li  rois  dans  Piètres  et  lui. 
Et  se  départirent  de  ce  parlement  amiablement  en- 
samble, sus  ordenance  que  li  princes  et  ses  hos  pooient 
passer,  quant  il  leur  plaisoit,  et  trouveroient  le  pas- 
sage et  les  destrois  ouvers,  et  tous  vivres  appareilliés  Î5 
parmi  le  royaume  de  Navare,  voires  prendant  et 
paiant.  Adonc  se  retrest  li  dis  rois  de  Navare  en  se 
cité  de  Pampelune,  et  li  princes  et  ses  frères  et  li  rois 
dans  Pièfres  en  leurs  logeis,  en  Dasc.  Encores  es- 
toient  à  venir  pluiseur  grant  signeur  de  Poito,  de  30 
Bretagne  et  de  Gascongne,  en  l'ost  dou  prmce,  qui 


6  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1367] 

se  tenoient  derrière;  car,  si  com  il  est  dit  ci  dessus^ 
on  ne  sceut  clerement  jusqiies  en  le  fin  de  ce  parle- 
ment,  se  li  princes  aroit  par  là  passage  ou  non.  Et 
meismement  on  supposoit  en  France  que  il  ne  pas* 
5  seroit  point  et  que  li  rois  de  Navare  li  briseroit  son 
voiage,  et  on  en  vei  tout  le  contraire.  Dont,  quant 
li  chevalier  et  li  escuier,  tant  d'un  costé  comme  de 
l'autre^  en  sceurent  le  vérité^  et  que  li  passages  estoit 
.  ouvers,  si  avancièrent  leurs  besongnes  et  se  hastèrent 

10  dou  plus  qu'il  peurent;  car  il  sentirent  tantost,  puis- 
que li  princes  passeroit^  que  on  ne  retouri'oit  point 
sans  bataille.  Si  vint  li  sires  de  Clicon  à  belle  route 
de  gens  d'armes,  et  ossi  tout  darrainnier  et  moult 
envis  li  sires  de  Labreth^  à  tout  deux  cens  lances^  et 

15  s'acompagna  en  ce  voiage  avoech  le  captai  de  Beus. 

Tout  cil  treltiet,  cil  parlement  et  cil  detriement 

estoient  sceu  en  France,  car  toutdis  y  a  voit  messa- 

giers  alans  et  venans  sus  les  chemins,  qui  portoient 

et  raportoient  les  nouvelles.  De  quoi^  quant  messires 

20  Bertrans  de  Claiekin,  qui  se  tenoit  dalés  le  duch 
d'Ango,  sceut  que  li  princes  passeroit^  et  que  li  pas- 
sage de  Navare  li  estoient  ouvert^  si  avança  ses  be« 
songnes^  et  renforça  ses  semonses  et  ses  mandemens^ 
et  cognent  tantost  que  ceste  cose  ne  se  departiroit 

25  jamais  sans  bataille.  Si  se  mist  au  chemin  par  devers 
Arragon,  pour  venir  devers  le  roy  Henri  et  se  avança 
dou  plus  qu'il  peut.  Et  ossi  le  sievirent  toutes  ma- 
nières de  gens  d'armes,  qui  en  estoient  mandé  ou 
priiet,  et  pluiseur  ossi  dou  royaume  de  France  et 

30  d'ailleurs,  qui  en  avoient  affection  et  qui  se  voloient 
avancier.  Or  parlerons  nous  dou  passage  dou  prince^ 
et  com  ordeneement  il  passa  et  toute  se  route. 


[1367]  LIVRE  PRBIIfER,  S  ^^'  ^ 

§  562.  Entre  Saint  Jehan  dou  Piet  des  Pors  et  le 
cité  de  Pampelune  sont  li  destroit  des  montagnes  et 
H  fors  passage  de  Navare^  qui  sont  moult  perilleus 
et  très  felenes  à  passer,  car  il  y  a  telz  cent  lieus  sus 
ce  passage  que  trente  homme  les  garderoient  à  non    5 
passer  contre,  tout  le  monde.  Et  adonc  faisoit  il  moult 
froit  et  très  destroit  sus  ce  passage,  car  ce  fu  en  le 
moiiené  de  février  ou  environ  qu'il  passèrent.  Ançois 
qu'il  se  mesissent  à  voie  ne  ahatesissent  de  passer^ 
Il  signeur  r^ardèrent  et  consillièrent  comment  il  pas-  10 
seroient  ne  par  quele  ordenancé.  Si  veirent  bien,  et 
leur  fu  dit  de  ceulz  qui  cognissoient  le  passage^  qu'il 
ne  pooient  passer  tout  ensamble,  et  pour  tant  se  or- 
denèrent  il  à  passer  en  trois  batailles  et  par  trois 
jours,  le  lundi,  le  mardi  et  le  merkedi.  Le  lundis  pas*  15 
sèrent  cil  de  Tavantgarde,  desquelz  li  dus  de  Lan- 
castre  estoit  chapitainne.  Si  passèrent  en  se  compa- 
gnie li  connestables  d'Aquitainne  ^  messires  Jehans 
Chandos,  qui  bien  avoit  douze  cens  pennons  desous 
lui,  tous  parés  de  ses  armes^  d'argent  à  un  pel  agui-  20 
siet  de  geules.  Ce  estoit  moult  belle  cose  à  regar- 
der. Et  là  estoient  li  doi  marescal  d'Acquitainne  ossi^ 
messires  Guichars  d'Angle  et  messires  Estievenes  de 
Cousentonne^  et  avoient  cil  le  pennon  saint  Jorge  en 
leur  compagnie.  Là  estoient  en  l'avantgarde,  avoech  25 
le  dit  duch,  messires  Guillaumes  de  Biaucamp,  filz  au 
conte  deWarvich,  messires  Huges  de  Hastinges,  li 
sires  de  Nuefville,  li  sires  de  Rais,  bretons,  qui  ser- 
voit  monsigneur  Jehan  Chandos  à  trente  lances,  en 
ce  voiage ,  et  à  ses  frès ,  pour  le  prise  de  le  bataille  30 
d*Auroy.  Là  estoient  li  sires  d'Aubeterre,  messires 
Garsis  dou  Chastiel,  messires  Richars  Tanton^  mes- 


8  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1367] 

sires  Robers  Ceni^  messires  Robers  Brikés^  Jehans 
Cresuelle,  Aymeris  de  Rocewart,  Gaillars  de  le  Motte, 
GuiUaumes  de  Cliceton ,  Willekok  ^  le  Boutillier  et 
Penneriel.  Tout  cil  estoient  pennon  dessous  monsi- 
5  gneur  Jehan  Chandos  ^  et  pooient  estre  environ  dix 
mil  chevaus,  et  passèrent  tout  le  lundi. 

§  563.  Ce  mardi,  passèrent  li  princes  de  Galles  et 
li  rois  dans  Piètres  et  ossi  li  rois  de  Navare^  qui  estoit 
revenus  devers  le  dit  prince  pour  lui  acompagnier 

10  et  ensengnier  le  passage.  En  le  route  dou  dit  prince 
estoient  messires  Loeis  de  Harcourt,  viscontes  de 
Chastieleraut  y  li  viscontes  de  Rocewart^  li  sires  de 
Pons,  li  sires  de  Partenay^  li  sires  de  Puiane^  li  sires 
de  Tannai  Bouton^  li  sires  d'Ai^enton  et  tout  li  Poi- 

15  tevin^  messires  Thumas  de  Felleton^  grans  senes* 
ohaus  d'Aquitainne  y  messires  Guillaumes  ses  frères^ 
messires  Eustasses  d' Aubrecicourt  ^  11  seneschaus  de 
Saintonge^  li  seneschaus  de  le  Rocelle,  li  seneschaus  de 
Quersin^  li  seneschaus  de  Limosin^  li  seneschaus  'de 

30  Roerge,  li  seneschaus  d'Aginois,  li  seneschaus  de  Bi- 
gorre^  messires  Richars  de  Pontchardon^  messires 
Neel  Lorinch^  messires  d'Aghorises^  messires  Thumas 
de  Wettevale ,  messires  Thumas  Balastre  y  messires 
Loeis  de  Merval  j  messires  Raimons  de  Morueil^  li 

25  sires  de  Pierebufiere^  et  bien  quatre  mil  tous  hommes 
d'armes^  et  estoient  environ  douze  mil  chevaus.  Si 
eurent  ce  mardi  moult  dur  passage  et  moult  destroit  de 
vent  et  de  nege.  Toutesfois,  il  passèrent  oullre,  et  se 
logèrent  toutes  ces  gens  d'armes  en  le  comble  de  Pam- 

30  pelune.  Mes  li  dis  rois  de  Navare  amena  le  prince 
de  Galles  et  le  roy  dan  Piètre  en  se  cité  de  Pampe- 


[1367]  LIVRE  PREMIER,  %  S64.  9 

lune  au  souper^  et  là  les  tint  tout  aise^  il  avoit  bien 
de  quoi. 

§  564.  Ce  merkedi  passèrent  li  rois  James  de 
Mayogres^  li  contes  d'Ermignach^  li  sires  de  Labretb^ 
ses  neveus  messires  Bernars  de  Labreth,  sires  de  Ge-    5 
ronde^  li  contes  de  Pieregorch,  li  viscontes  de  Quar^ 
main^  li  contes  de  G^mmignes^  li  captaus  de  Beus,  li 
sires  de  Giçon^  li  troi  frère  de  Pumiers,  messires  Je- 
hans^  messires  Helyes  et  messires  Âymenions,  li  sires 
de  Cbaumont,  li  sires  de  Muchident»  messires  Robers  lO 
CanoUes  y  li  sires  de  Lespare ,  li  sires  de  Rosem ,  li 
sires  de  Condom^  li  sires  de  Labarde,  li  soudis  de 
Lestrade ,  messires  Petiton  de  Courton  ^  messires  Ây- 
meris  de  Tarse ,  messires  Bertrans  de  Taride ,  li  sires 
de  Pincornet,  messires  Perducas  de  Labreth^  li  bours  15 
de  Bretueil^  li  bours  Camus,  Naudon  de  Bagherant, 
Bemart  de  la  Salle,  Hortingo,  Lamit  et  tous  li  rema- 
nans  des  Compagnes.  Si  estoient  bien  dix  mil  chevaus^ 
et  eurent  un  peu  plus  courtois  passage  ce  merkedi 
que  n'euissent  cil  qui  passèrent  le  mardi.  Et  se  logiè-  so 
rent  toutes  ces  gens  d'armes^  premier^  moiien^  et  se- 
cont^  et  li  tierch^  en  le  comble  de  Pampelune^  en  at- 
tendant l'un  l'autre^  et  en  rafreskissant  yaus  et  leurs 
chevaus.  Et  se  tinrent  là  environ  Pampelune,  pour 
tant  qu'il  i  trouvèrent  largement  à  vivre^  pain,  char  25 
et  vin  et  toutes  aultres  pourveances  pour  yaus  et  pour 
leurs  chevaus^  jusques  au  dimence  ensiewant.  Si 
vous  di  que  ces  Compagnes  ne  paioient  mies  tout  ce 
que  on  leur  demandoit,  et  ne  se  pooient  abstenir  de 
pillier  et  de  prendre  là  où  il  le  trouvoient^  et  lisent^  30 
environ  Pampelune  çt  ossi  sus  leur  chemin^  moult 


10  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [i367] 

de  destourbiers.  De  quoi  li  rois  de  Navare  estoit 
moult  eouroueiésy  mes  amender  ne  le  pooit,  et  se  re- 
penti, par  trop  de  fois,  de  ce  qu'il  avoit  au  prince 
et  à  ses  gens  ouvert  ne  aministré  le  passage;  car 
5  plus  i  avoit  de  damage  que  de  pourfît.  , 

§  565.  Bien  estoit  enfourmés  li  rois  Henris  dou 
passage  le  prince,  car  il  avoit  ses  messages  et  ses  es- 
pies  toutdis  alant  et  venant.  Si  s'estoit  pourveus  et 
pourveoit  encores  tous  les  jours  moult  grossement 

10  de  gens  d'armes  et  de  communautés  de  Castille,  dont 
il  s'appelloit  rois,  pour  résister  encontre  le  prince,  et 
attendoit  de  jour  en  jour  monsigneur  Bertran  de 
Claiekin  et  grant  secours  de  France.  Et  avoit  fait  un 
especial  mandement  et  commandement  par  tout  son 

15  royaume  à  tous  ses  feauls  et  ses  subgès  que,  sus  à 
perdre  le  teste,  cescuns,  selonch  son  estât,  à  piet  ou 
à  cheval,  venist  dalés  lui  pour  aidier  à  garder  et  def- 
fendre  son  hiretage.  Chilz  rois  Henris  estoit  dure- 
ment amés,  et  ossi  tout  cil  de  Castille  avoient  rendu 

20  painne  à  lui  couronner  :  si  estoient  tenu  de  li  aidier, 
et  pour  tant  obéirent  il  plus  legierement  à  son  com- 
mandement. Si  estoient  venu  et  venoient  encorés 
efforciement  tous  les  jours  dalés  lui  où  ses  mande- 
mens  estoit.  Et  avoit  li  dis  rois  Henris  à  Saint  Domi- 

25  nike,  où  il  estoit  logiés,  plus  de  soissante  mil  hommes, 
c'a  piet,  c'a  cheval,  liquel  estoient  tout  apparilliet 
de  faire  sa  volenté ,'  de  vivre  et  de  morir,  se  il  cou- 
venoit. 

§  566.  Quant  li  rois  Henris  eut  oy  les  certainnes 
30  nouvelles  que  li  princes  de  Galles  o  son  effort  estoit 


[1367]  LIVRE  PREBOER,  $  566.  ii 

ens  ou  royaume  de  Navare  et  aVoit  passé  les  destrois 
de  Raincevaus  et  approçoit  durement^  si  eut  bien 
cognissance  que  combatre  le  couvenroit  au  prince. 
£t  de  ce  par  samblance  estoit  il  tous  joians;  si  dist 
si  haut  que  tout  cil  d'environ  l'oïrent  :  ce  Ou  prince  5 
de  Galles  a  vaillant  et  preu  chevalier,  et  pour  ce 
qu'il  sente  que  c'est  sus  mon  droit  que  je  Tatens ,  je 
li  voeil  escrire  une  partie  de  men  entente.  »  Adonc 
demanda  il  un  clerch;  il  vint  avant.  «  Escrips,  »  dist 
li  rois  Henris;  cils  escrisi.  Là  devisa  de  soi  meismes  lo 
H  rois  Henris  unes  lettres  qui  parloient  ensi  : 

«  A  très  poissant  et  très  honneré  le  prince  de 
Galles  et  d'Aquitainnes.  Chiers  sires  ^  comme  nous 
avons  entendu  que  vous  et  vos  gens  soiiés  passet 
pardeça  les  pors  et  que  vous  aiiés  fais  acors  et  allian-  15 
ces  à  nostre  ennemi  et  que  vous  nous  volés  grever  et 
guerriier,  dont  nous  avons  grant  merveille,  car  on- 
ques  nous  ne  vous  fourfesimes  cose  ne  vorrions  faire, 
pourquoi  ensi  à  main  armée  vous  doiiés  venir  sur 
nous  pour  nous  toUir  tant  petit  d'iretage  que  Diex  20 
nous  a  donné,  mes  vous  avés  le  grasce,  l'eur  et  le 
fortune  d'armes  plus  que  nulz  princes  aujourd'ui, 
pour  quoi  nous  espérons  que  vous  vos  glorefîiés  en 
vo  poissance.  Et  pour  ce  que  nous  savons  de  vérité 
que  vous  nous  querés  pour  avoir  bataille,  voeilliés  25 
nous  laissier  savoir  par  lequel  lés  vous  enterés  en 
CastiUe,  et  nous  vous  serons  au  devant  pour  deffen- 
dre  et  garder  nostre  signourie.  Escript,  etc.  »  ' 

Quant  ceste  lettre  fu  escripte,  li  rois  Henris  le  fist 
seeler,  et  puis  appella  un  sien  hiraut  et  li  dist  :   30 
«Va-t-ent  au  plus  droit  que  tu  poes  par  devers  le 
prince  de  Galles  et  li  baille  ceste  lettre  de  par  mi.  » 


/ 


il  ,  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1367] 

Lî  hiraus  respondi  :  «  Monsîgneur,  volentiers,  »  Adonc 
se  parti  il  dou  roy  Henri  et  s'adreça  parmi  Navare, 
et  fist  tant  qu'il  trouva  le  prince;  si  se  agenoulla 
devant  lui  et  li  bailla  la  lettre  de  par  le  roy  Henri. 

5  Li  princes  fist  lever  le  hiraut^  et  prist  les  lettres 
et  les  ouvri  et  les  lisi  par  deux  fois  pour  mieulz  en- 
tendre. Quant  il  les  eut  leutes  et  bien  imaginées ,  il 
manda  une  partie  de  son  conseil  et  fîst  partir  le  hi- 
raut.  Quant  ses  consaulz  fu  venus  ^  se  lisi  de  recief 

10  la  lettre  et  leur  exposa  de  mot  à  mot^  et  puis  en  de- 
manda à  avoir  conseil.  Et  dist  li  princes,  entrues  que 
on  conseilloit  la  response  :  a  Yraiement,  cilz  bastars 
Henris  est  uns  vaillans  chevaliers  et  plains  de  grant 
proèce,  et  le  muet  grandement  hardemens  à  ce  qu*il 

15  nous  a  escript  maintenant.  » 

Là  furent  longement  ensamble  li  princes  et  ses 
consaulz.  Finablement,  il  ne  peurent  estre  d'acort 
de  rescrire^  et  fu  dit  au  hiraut  :  a  Mon  ami ,  vous  ne 
vous  poës  encore  partir  de  ci.  Quant  il  plaira  à  mon* 

30  signeur  le  prince^  il  rescrira  par  vous,  non  par  au- 
trui. Si  vous  tenés  dalés  nous  tant  que  vous  ares 
response,  car  monsigneur  le  voet  ensi.  »  Li  hiraus 
respondi  :  «  Diex  i  ait  part  1  »  Ensi  demora  il  dalés  le 
prince  et  les  compagnons  qui  le  tinrent  tout  aise. 

35  S  567.  Che  propre  jour,  au  soir,  que  li  hiraus  eut 
aporté  ces  lettres  au  prince,  s'avança  messires  Thumas 
de  Felleton  et  demanda  un  don  au  prince.  Li  prin- 
ces, qui  mies  ne  savoit  quel  cose  il  voloit,  li  detnanda  : 
a  Et  quel  don  volés  vous  avoir  ?»  —  «  Monsigneur, 

30  dist  messires  Thumas ,  je  vous  prie  que  vous  m*a- 
cordés  que  je  me  puisse  partir  de  vostre  host  et  che- 


[i367]  LIVRE  PREMIER,  $  567.  ^  13 

vaucier  devant.  J'ay  pluiseurs  chevaliers  et  escuiers 
de  ma  sorte  ^  qui  se  désirent  à  avancier,  et  je  vous 
prommech  que  nous  chevaucerons  si  avant  que  nous 
sarons  le  couvine  des  enneiofis  ne  quel  part  il  se  tien- 
nent ne  se  logent.  »  Li  princes  li  acorda  liement  et  5 
volen tiers  celle  requeste^  et  l'en  seeut  encores  grant 
gré.  " 

Âdonc  se  départi  de  l'ost  et  dou  prince  li  dis  mes- 
sires  Thumas  de  Felleton ,  qui  se  fîst  chiés  de  ceste 
ehevaucie.  En  se  compagnie  se  misent  chil  que  je  10 
vous  nommerai  :  premièrement  messires  GuiUaumes 
de  Felleton  ses  frères^  messires  Thumas  du  Fort, 
messires  Robers  CanoUes ,  messires  Gaillars  Vighier^ 
messires  Raoulz  de  Hastinghes,  messires  d'Aghorises  et 
pluiseur  aultre  chevalier  et  escuier^  et  estoient  huit   l& 
vint  lances  et  trois  cens  arciers^  tous  bien  montés  et 
bonnes  gens  d'armes.  Et  encores  y  estoient  messires 
Hues  de  Stanfort^  messires  Symons  de  Burlé  et  mes- 
sires Richars  Tanton ,  qui  ne  font  mies  à  oublier.  Et 
chevaucièrent  ces  gens  d*armes  et  cil  arcier  parmi  le  20 
royaume  de  Navare^  et  avoient  ghides  qui  les  me- 
noient.  Et  passèrent  le  rivière  d'Emer^  qui  est  moult 
forte  et  moult  rade,  au  Groing^  et  alèrent  logier 
oultre  en  un  village  que  on  dist  Navaret ,  et  là  se 
tim*ent  pour  mieulz  oïr  et  entendre  où  li  rois  Henris  25 
se  lenoit,  et  aprendre  son  convenant» 

Endementrues  que  ce  se  faisoit  et  que  cil  chevalier 
d'Engleterre  se  logoient  au  Navaret,  et  encores  se  te- 
noit  li  princes  en  le  marce  de  Pampelune,  fu  li  rois 
de  Navare  pris  en  chevauçant  de  ville  à  aultre,  dou  30 
costé  des  François,  de  monsigneur  Olivier  de  Mauni, 
dont  11  princes  et  tout  li  Englès  et  cil  de  leur  lés  fu- 


14  ,  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  \i36r\ 

rent  trop  durement  esmervilliet.  Et  supposoient  li 
aucun  en  l'ost  dou  prince  que  tout  par  cautele  il  s'es- 
toit  fais  prendre ,  pour  tant  qu'il  ne  voloit  point  le 
prince  convoiier  plus  avant  ne  aler  avoecques  lui  en 
5  se  compagnie^  pour  tant  que  il  ne  savoit  encores 
comment  la  besongne  se  porteroit  dou  roy  Henri  et 
dou  roy  dan  Piètre  :  il  n'estoit  nuls  qui  en  seuist  à 
deviner  le  certain.  Mais  toutesfois  madame  sa  femme ^ 
la  royne  de  Navare,  en  fu  moult  esbahie  et  descon- 

10  fortée  et  s'en  vint  agenoullier  devant  le  prince,  en 
disant  :  «  Chiers  sires,  pour  Dieu  merci,  voeilliés  en- 
tendre au  roy  mon  signeur  qui  est  pris  fraudeleuse- 
ment  et  ne  savons  comment,  et  tant  faire,  chiers 
sires,  par  pité  et  pour  l'amour  de  Dieu,  que  nous  le 

15  raions.  »  Adonc  en  respondi  li  princes  moult  douce- 
ment et  dist  :  «  Certes ,  dame  et  belle  cousine ,  sa 
prise  nous  desplaist  grandement,  et  y  pourverons  de 
remède  temprement.  Si  vous  prions  que  vous  vos 
voeilliés  reconforter;  car,  se  nous  pourfitons  en  ce 

20  voiage,  sachiés  véritablement  qu'il  y  partira,  et  n'en- 
tenderons  à  aultre  cose ,  nous  revenu,  si  le  rares.  » 
La  dame  de  ceste  parolle  remercia  grandement  le 
prince. 

Or  fu  gouvreneres  et  baus  de  tout  le  royaume  de 

25  Navarre,  messires  Martins  de  le  Kare ,  uns  moult  sa- 
ges chevaliers.  (]hils  emprist  le  prince  à  mener  et  à 
conduire  parmi  le  royaume  de  Navare,  et  li  fist  avoir 
gides  pour  ses  gens,  car  aultrement  il  ne  seuissent 
ne  peuissent  avoir  tenu  les  destours  ne  les  divers 

30  chemins.  Si  se  départi  li  princes  de  là  où  il  estoit  lo- 
giés,  et  passèrent  il  et  ses  gens  parmi  un  pas  que 
on  appelle  de  Sarris,  qui  moult -leur  fii  divers  à  pas- 


[1367]  LIVRE  PREMIER,  $  fXS.  i5 

ser^  car  il  estoit  petis  et  garnis  de  mauvais  chemin. 
Et  puis  passèrent  parmi  Epuske;  si  y  eurent  moult 
de  disetes ,  car  il  y  trouvèrent  peu  de  vivres^  et  tout 
sus  ce  passage ,  jusques  adonc  qu'il  vinrent  a  Saûve- 
terre. 


5 


§  568.  Sauveterre  est  une  moult  bonne  ville  ^  et 
gist  auques  en  bon  pays  et  cras ,  selonch  les  marces 
voisines.  Et  est  ceste  ville  de  Sauveterre  à  l'issue  de 
Navare  et  à  l'entrée  d'Espagne;  si  se  tenoit  pour  le 
roy  Henri.  Si  s'espardirent  toutes  les  hos  en  celui   lo 
pays,  et  les  Compagnes  s'avancièrent^  qui  cuidièrent 
aler  assallLr  Sauveterre  et  prendre  de  force  et  toute 
pillier.  De  ce  estoient  il  en  grant  volenté^  pour  le 
grant  avoir  qu'il  sentoient  dedens^  que  cil  dou  pays 
d'environ  y  avoient  mis  et  aporté,  sus  le  fiance  de  le   15 
forterèce  ;  mais  cil  de  Sauveterre  ne  veurent  mies 
attendre  ce  peril^  car  il  cogneurent  et  sentirent  tan- 
tost  que  il  ne  pooient  nullement  durer  contre  si  grant 
host  que  li  princes  menoit^  se  on  les  assalloit.  Si  s'en 
vinrent  rendre  tantost  au  roy  dan  Piètre  et  li  crièrent  20 
merci ,  et  li  présentèrent  les  clés  de  la  ditte  ville.  Li 
rois  dan  Piètres^  par  le  conseil  dou  prince,  les  reçut 
à  merci  ;  aultrement  n'euist  ce  mies  esté^  car  il  les 
voloit  tous  destruire.  Toutesfois  il  furent  pris  à  merci^ 
et  entrèrent  li  princes ,  li  rois  dan  Piètres  ^  li  rois  de  25 
Mayogres  et  li  dus  de  Lancastre  par  dedens^  et  li  con- 
tes d'Ermignach  et  tous  li  demorans  de  l'ost  se  lo- 
gièrent  par  les  villages.  Nous  nos  soufferons  un  petit 
à  parler  dou  prince  et  parlerons  de  ses  gens  qui  es- 
toient à  Navaret.  30 
Cil  chevalier  dessus  nommet^  qui  là  se  tenoient^  de- 


16  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1367] 

siroient  moult  leurs  corps  à  avanchier  ;  car  il  estoîent 
cinq  journées  en  sus  de  leurs  gens^  quant  il  se  par- 
tirent premièrement  d'yaus.  Et  issoient  souvent  hors 
de  Navaret  et  chevauçoient  sus  le  marce  des  ennemis^ 

5  pour  aprendre  le  convenant  d'yaus  ne  quel  part  il 
se  tenoient.  Et  ja  estoient  ossi  logiés  li  rois  Henris 
sus  les  camps  et  toutes  ses  hos^  qui  moult  desiroient 
à  oïr  et  savoir  nouvelles  dou  prince.  Et  se  esmervil- 
loit  moult  li  dis  rois  Henris  de  ce  que  ses  hiraus  ne 

10  revenoit.  Si  couroient  ossi  ses  gens  tous  les  jours  ^ 
pour  aprendre  nouvelles  des  Englès  jusques  à  bien 
priés  de  Navaret;  et  sceut  li  contes  dan  Tilles,  frères 
au  roy  Henri,  qu'il  y  avoit  gens  d'armes  de  leurs  en- 
nemis en  garnison  en  le  ville  de  Navaret.  Dont  il 

15  pensa  que  il  les  iroit  temprement  viseter  et  veoir  de 
plus  priés  ;  mais ,  ançois  qu'il  le  fesist,  il  avint  que 
cil  chevalier  d'Engleterre  chevaucièrent  un  soir  si 
avant  qu'il  s*embatirent  ou  logeis  dou  roy  Henri.  Et 
fîsent  une  grant  escarmuce,  et  resvilUérent  mervil- 

20  leusement  Tost  et  en  occirent  aucuns  et  prisent;  et 
par  especial  li  chevaliers  dou  get  fu  pris,  et  s'en  re- 
tournèrent au  Navaret  sans  damage.  À  l'endemain, 
il  envoiièrent  un  hiraut  au  prince  qui  se  tenoit  à 
Sauveterre,  et  li  segnefiièrent  par  celi  tout  ce  qu'il 

25  avoient  veu  et  trouvé,  et  en  quel  estât  si  ennemi 
gisoienty  et  quel  poissance  il  avoient,  car  il  en  furent 
tout  enfourmé  par  les  prisonniers  qu'il  tenoient.  De 
ces  nouvelles  fu  U  princes  tous  joians  et  de  ce  ossi 
que  ses  gens  se  portoient  si  bien  sus  le  frontière. 

30  Li  roifi  Henris,  qui  estoit  moult  courouciés  de  ce 
que  cil  Englès  qui  se  tenoient  à  Navaret  l'avoient 
ensi  resvilliet,  dist  qu'il  les  voloit  approcier.  Si  se 


11367]  LIVRE  PREMIER,  §  S68.  17 

desloga^  et  toutes  ses  gens^  de  là  où  il  estoient  loget^ 
et  avoit  en  pourpos  que  de  venir  logier  ens  es  plains 
devant  Yictore.  Si  passèrent  la  ditte  rivière  qui  keurt 
à  Nazres,  et  se  traisent  tout  devant  pour  venir  devers 
Yictore.  Quant  messires  Thumas  de  Felleton  et  li  che-  5 
valier  dessus  nommet  qui  au  Navaret  se  tenoient,  en- 
tendirent ces  nouvelles  que  li  rois  Henris  avoit  râ- 
passe Taigue  et  traioit  toutdis  avant  pour  trouver  le 
prince  et  ses  gens ,  si  eurent  conseil  et  volenté  de 
yaus  deslogier  de  Ifavaret  et  de  prendre  les  camps  ^  10 
pour  mieus  savoir  encores  le  parfaite  vérité  des  Es- 
pagnos.  Si  se  deslogièrent  de  Navaret  et  se  misent  as 
camps  ^  et  envoiièrent  les  certainnes  nouvelles  au 
prince  comment  li  rois  Henris  approçoit  durement 
et  le  desiroit  par  samblant  à  trouver.  15 

Quant  li  princes,  qui  se  tenoit  encores  à  Sauveterre^ 
entendi  ce  que  li  rois  Henris  avoit  passet  Paigue  et 
prendoit  son  chemin  et  ses  adrèces  pour  venir  vers 
lui,  si  en  fii  moult  resjoïs^  et  dist  si  haut  que  tout 
Foirent  cil  qui  estoient  autour  de  lui  :  «  Par  ma  foy,  20 
cils  bastars  Henris  est  uns  vaillans  e.t  hardis  chevaliers^ 
et  li  vient  de  grant  proèce  et  de  grant  hardement  de 
nous  querre  ensi.  Et  puisqu'il  nous  quiert  et  nous  le 
querons  par  droit ,  nous  nos  devenons  temprement 
trouver  et  combatre.  Se  est  bon  que  nous  nos  par-  25 
tons  de  ci  et  alons  devant  Yictore  premièrement 
prendre  le  lieu  et  le  place^  ançois  que  nostre  ennemi 
y  viennent.  »  Dont  se  départirent  il  à  Fendemain 
bien  matin  de  Sauveterre^  premièrement  li  princes  et 
toutes  ses  gens^  et  cheminèrent  tant  qu'il  vinrent  de-  30 
vant  Yictore.  Si  trouva  là  li  princes  ses  chevaliers , 

monsigneur  Thumas  de  Felleton  et  les  aultres  dessus 

vu  — a 


18  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSÀRT.  [1367] 

nommés ,  asquelz  il  fist  grant  feste  ^  et  lor  demanda 
d'unes  coses  et  d'autres.  Entrues  qu'il  se  devisoient, 
leur  coureur  raportèrent  qu'il  avoient  veu  les  cou- 
reurs de  leurs  ennemis^  et  tenoient  de  certain  que  li 
5  rois  Henris  et  ses  gens  n'estoient  point  lonch  de  là^ 
par  les  assens  qu'il  avoient  veus  et  le  couyenant  des 
Ëspagnolz. 

§  569.  Quant  li  princes  de  Galles  entendi  ces  nou 
velles^  si  fist  sonner  ses  trompetes  et  criier  à  l'arme^ 

10  de  cief  en  cor,  toute  son  host.  Quant  il  oïrent  ces 
nouvelles^  il  se  remisent  et  recueillièrent  tout  ensam* 
ble  :  si  se  ordonnèrent  et  rengièrent  moult  couve- 
gnablement  sus  les  camps ,  par  batailles  ^  ensi  que  il 
dévoient  estre;  car  cescuns  sa  voit,  très  au  partir  de 

15  Sauveterre,  quel  cose  il  devoit  faire,  ne  où  il  se  devoit 
traire.  Si  se  ordonnèrent  tantost^  et  se  traist  cascuns 
là  où  il  devoit  aler.  Là  veist  on  grant  noblèce  de  ba- 
nières  et  de  pennons  et  de  toute  armoierie.  Si  vous 
di  que  c*estoit  une  grant  biauté  à  regarder. 

SO  Là  estoit  li  avantgarde  si  bien  rengie  et  si  bien  or- 
donnée qu'à  parer,  de  laquele  li  dus  de  Lancastre  es- 
toit  chiés  et  gouvreneres,  et  avoecques  lui  messires 
Jehans  Chandos^  connestables  d'Aquitainnes ,  liquelz 
y  estoit  moult  estoffeement  et  en  grant  arroi.  Là  y  eut 

25  fait  par  les  batailles  pluiseurs  chevaliers.  Si  fist  li  dus  de 
Lancastre,  en  l'avantgarde,  chevaliers,  monsigneur 
Raoul  Camois,  monsigneur  Gautier  Oursvich,  mon- 
signeur Thumas  de  Daimeri,  monsigneur  Jehan  de 
Grandson,  et  en  fist  li  dis  dus  jusques  à  douze.  Et 

30  messires  Jehans  Chandos  en  fist  ossi  aucuns  de  bons 
escuiers  d'Engletetre  et  de  son  hostel,  c'est  à  savoir  : 


[1367]  LIVRE  PREMIER,  §  570.  19 

Cliton^  Gourion,  Prieur,  Guillaumes  de  Ferinton, 
Aymeri  de  Rocewart,  Gaillart  de  le  Motte  et  monsi- 
gneur  Robert  Briket.  Et  li  prinehes  fist  chevaliA^s^ 
tout  premièrement  dan  Piètre  le  roy  d'Espagne, 
monsigneur  Thumas  de  Hollandes,  filz  à  sa  femme  la  5 
princesse,  monsigneur  Hue  de  Courtenay,  monsi- 
gneur Phelippe  et  monsigneur  Pierre  de  Courtenay, 
monsigneur  Jehan  Trivet,  monsigneur  Nicolas  Bonde 
et  des  aultres  pluiseurs. 

Et  ensi  faisoient  li  aultre  signeur,  par  leurs  ba-  lo 
tailles.  Si  en  y  eut  fait  ce  jour  bien  trois  cens  et 
plus,  et  furent  là  rengié  tout  ce  jour,   ensi   que 
vous  oés,  pour  attendre  bataille  [et  leurs  ennemis, 
se  il  fuissent  trait  avant  ;  mais  il  ne  vinrent  point  ne 
approcièrent  de  plus  priés  que  li  coureur  avoient   15 
esté,  car  li  rois  Henris  attendoit  encore  grant  secours 
d'Arragon,  et  par  especial  monsigneur  Bertran  de 
Claiekin  qui  devoit  venir  à  plus  de  trois  mil  com- 
batans,  et  sans  ces  gens  il  ne  se  fust  nient  volentiers 
combatus.  De  tout  ce  fu  li  dis  princes  moult  ewireus,   20 
car  ossi  toute  se  arrieregarde,  où  plus  avoit  de  six  mil 
combatans,  estoit  en  derrière  plus  de  sept  liewes 
dou  pays  :  de  quoi  li  princes  eut,  ce  jour  qu'il  furent 
rengiet  devant  Yictore ,  tamainle  angousse  au  coer, 
pour  ce  que  se  arrieregarde  detrioit  tant  à  venir.   25 
Nequedent,  se  li  Espagnol  fuissent  trait  avant  pour 
combatre,  li  princes  sans  nulle  faute  les  euist  recueil- 
lies et  combatus. 

§  570.  Quant  ce  vint  au  soir  et  qu'il  estoit  heure 
de  retraire,  li  doi  mareschal,  messires  Guichars  d'An-  30 
gle  et  messires  Estievenes  de  Gousenton,  ordonné- 


#»• 


20  CHRONIQUES  D£  J.  FROISSART.  [1367] 

rent  et  commandèrent  de  retraire  et  de  tout  homme 
logier^  et  que  à  Fendemain,  au  son  des  trompe  tes, 
ceseuns  se  retraisist  sus  les  camps,  en  ce  propre  cou- 
venant  où  il  avoient  esté.  Tout  obéirent  à  ceste  or- 
5  denance,  excepté  messire  Thumas  de  Felleton  et 
se  route  dont  j'ay  parlé  chi  dessus;  car  il  se  partirent 
ce  propre  soir  dou  prince,  et  chevaucièrent  plus 
ayant  pour  mieulz  aprendre  de  l'estat  des  ennemis , 
et  s'en  alèrent  logier  en  sus  de  Tost  dou  prince  bien 

10  deux  grans  liewes  dou  pays. 

Avint  ce  soir  que  li  contes  dan  Tilles,  frères  ger- 
mains au  roy  Henri,  estoit  ens  ou  logeis  le  dit  roy 
son  frère,  et  parloient  d'armes  et  d'unes  coses  et  d'au- 
tres; si  dist  ensi  au  roy  Henri  :  «  Sire,  vous  savés  que 

15  nostre  ennemi  sont  logiet  mouU  priés  de  ci,  et  n'est 
nulz  qui  les  resveille.  Je  vous  pri  que  vous  me  donnés 
congiet  que  le  matin  je  puisse  chevaucier  pardevers 
yaus,  à  tout  une  route  de  vostres  gens  qui  en  sont  en 
grant  volenté,  et  je  vous  ay  en  couvent  que  nous 

20  irons  si  avant  que  nous  vous  raporterons  vraies  en- 
sengnes  et  certainnes  nouvelles  des  ennemis.  »  Li 
rois  Henris ,  qui  vei  son  frère  en  grant  volenté ,  ne  li 
volt  mies  oster  ne  brisier  son  bon  désir,  mes  li  acorda 
legierement. 

26  En  celle  propre  heure,  descendi  en  l'ost  li  dis  mes- 
sires  Bertrans  de  Claiekin  à  plus  de  trois  mil  comba- 
tans  de  France  et  d'Arragon,  dont  li  rois  Henris  et 
cil  d'Arragon  furent  grandement  resjoy  ;  et  fu  festiés, 
honnourés  et  recueillies  si  grandement  comme  à  lui 

30  apertenoit. 

Li  contes  dan  Tilles  ne  veult  mies  séjourner  sus 
son  pourpos ,  mes  quist  et  pria  tous  les  compagnons 


[4367]  LIVRE  PREMIER,  §  571.  2i 

qu'il  pensoit  de  grant  volenté  et  à  avoir.  Et  en  euist 
volentiers  priiet  monsigneur  Bertran  de  Claiekin, 
monsigneur  Ernoul  d'Audrehen  et  monsigneur  le 
Beghe  de  Velainne  et  le  visconte  de  Rokebertin,  d^Ar- 
ragon^  se  il  euist  enduré;  mais^  pour  tant  que  il  es-  5 
toient  tantost  venu,  il  les  laissa,  et  ossi  li  rois  Henris 
li  deffendi  que  point  ne  leur  en  parlast.  Li  eontes 
dan  Tilles  s'en  passa  ossi  assés  briefment  y  et  en  eut 
aucuns  de  France  et  d'Arragon  qui  avoient  là  séjour- 
né toute  le  saison;  et  fist  tant  qu'il  eut  bien  six  mil  10 
chevaux  et  les  hommes  montés  sus^  tous  appareilliés 
et  bien  abilliés^  et  estoit  ses  frères  Sanses  en  se  com- 
pagnie. 

§  571 .  Quant  ce  vint  au  matin^  à  l'aube  dou  jour^ 
il  furent  tout  armé  et  monté  à  cheval;  si  se  partirent  15 
de  Fost  et  chevaucièrent  en  bon  convenant  par  devers 
le  logeis  des  Englès.  Environ  soleil  levant  ^  il  encon- 
trèrent  en  une  valée  une  partie  des  gens  monsigneur 
Huon  de  Cavrelée  et  son  harnas ,  qui  avoient  jeu  le 
nuit  une  grande  liewe  en  sus  de  l'host  dou  prince^  20 
et  li  dis  messires  Hues  meismes.  Sitos  que  cil  Espa- 
gnol et  François  d'un  costé  les  perchurent,  il  bro- 
chièrent  sus  yaus  et  tantost  les  desconfirent^  car  il 
n'i  avoit  que  mesnies  et  garçons.  Si  furent  tout  tuet 
ou  en  partie^  et  li  dis  harnas  conquis.  85 

Messires  Hues  de  Cavrelée,  qui  venoit  par  derrière, 
fu  enfourmés  de  cest  affaire  :  si  tourna  un  aultre 
chemin;  mes  toutesfois  il  fu  perceus  et  caciés,  et  le 
convint  fuir,  et  le  demorant  de  ses  gens,  jusques  en 
l'ost  dou  duch  de  Lancastre.  Li  Espagnol,  qui  es-  30 
toient  plus  de  six  mil  en  une  route,  chevaucièrent 


2t  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [i367] 

adonc  caudement  avant,  et  se  boutèrent  de  celle  em-- 
painte  sus  l'un  des  corons  de  Tavantgarde  ens  es  lo- 
geis  dou  dit  duch  de  Lancastre.  Si  commencièrent  à 
escriier  Castille  et  à  faire  un  grant  esparsin  et  à  ruer 

5  par  terre  loges  et  foellies^  et  à  abattre,  ochire  et  me- 
hagnier  gens,  tout  ce  qu'il  en  pooient  trouver  devant 
yaus.  Li  avantgarde  se  commença  à  estourmir,  et 
gens  et  signeur  à  resviilier  et  yaus  armer  et  traire 
devant  la  loge  dou  duch  de  Lancastre  qui  ja  estoit 

10  armés  et  mis  avant^  se  banière  devant  soy.  Si  se  trai- 
sent  Englès  et  Gascon  moult  hasteement  sus  les  camps, 
cescuns  sires  desous  se  banière  ou  son  pennon ,  ensi 
que  ordonné  estoit  très  au  partir  de  Sauveterre,  et 
cuidièrent  adonc  moult  bien  estre  combatu. 

15  Si  se  traist  tantost  li  dus  de  Lancastre  et  se  banière 
sus  une  montagne  qui  estoit  assés  priés  de  là^  pour 
avoir  l'avantage.  Là  vinrent  messires  Jebians  Chandos 
et  li  doi  mareschal  et  pluiseur  bon  chevalier^  qui  se 
misent  tout  en  ordenance  dalés  le  dit  duc.  En  apriès^ 

80  vinrent  li  princes  et  li  rois  dan  Piètres  et,  tout  ensi 
comme  il  venoient^  il  s'ordonnoient.  Et  sachiés  que 
li  contes  dan  Tilles  et  ses  frères  avoient  avisé  à  venir 
sus  ceste  montagne  et  prendre  l'avantage,  mais  il 
Êillirent  à  leur  avis,  ensi  que  vous  oés  recorder.  Et 

25  quant  il  veirent  ce  qu'il  n'i  pooient  revenir  et  que  li 
hos  englesce  estoit  priesque  toute  estourmie,  si  se 
partirent  et  recueillièrent  ensamble,  et  chevaucièrent 
oultre  en  bon  convenant,  en  espoir  que  de  trouver 
aucune  aventure.  Mais,  ains  leur  département,  il  y 

30  eut  Élit  aucunes  apertises  d'armes,  car  aucun  cheva- 
lier englès  et  gascon  se  partirent  de  leur  arroi,  et  vin- 
rent ferir  en  ces  Espagnols  et  en  portèrent  par  terre  ; 


[1367J  LIVRE  PREMIER,  §  571.  23 

mes  toutdis  se  tenoient  les  batailles  sus  la  ditte  mon- 
tagne^ car  il  cuidoient  bien  estre  combatu. 

Au  retour  que  cil  Espagnol  fisent,  en  eslongant  le 
prince  et  en  rapprochant  leur  host  y  il  encontrèrent 
chiaus  de  lavantgarde^  les  chevaliers  dou  prince^  5 
monsigneur  Thumas  de  Felleton  et  ses  frères ,  mon* 
signeur  Richart  Tanton^  monsigneur  d*AgoriseSy  mon- 
signeur Hue  de  Hastinges ,  monsigneur  Gaillart  Yi- 
ghier  et  les  autres,  qui  bien  estoient  deux  cens  chevaliers 
et  escuiers^  Englès  et  Gascon.  Si  brochièrent  tantos  lo 
vers  yaus  parmi  une  valée^  en  escriant  :  «  Castille  au 
roy  Henri  1  »  Li  chevalier  dessus  nommet^  qui  veirent 
devant  yaus  en  leur  encontre  celle  grosse  route  d^Es- 
pagnols^  lesquels  il  ne  pooient  eschiewer^  se  confortè- 
rent au  mieulz  qu'il  peurent^  et  se  traisent  sus  les  15 
camps^  et  prisent  l'avantage  d'une  petite  montagne^ 
et  là  se  misent  tout  ensamble.  Evous  les  Espagnols 
venus,  qui  s'arrestèrent  devant  yaus^  en  considérant 
comment  il  les  poroient  avoir  et  combatre. 

Là  fist  messires  Guillaumes  de  Felleton  une  grant  so 
apertise  d'armes  et  un  grant  oultrage  ;  car  il  descendi 
de  la  montagne,  la  lance  abaissie ,  en  esporonnant  le 
coursier^  et  s'en  vint  ferir  entre  les  Espagnols^  et 
consievi  un  Casteloing  de  son  glave  si  roidement  qu'il 
li  perça  toutes  ses  armeures^  et  li  passa  la  lance  par-  35 
mi  le  corps ^  et  l'abati  tout  mort  entre  yaus.  Là  fu  li 
dis  messires  Guillaumes  environnés  et  enclos  de  toutes 
pars^  et  là  se  combati  si  vaillamment  que  nulz  che- 
valiers mieulz  de  lui^  et  leur  porta  grant  damage^  et 
moult  leur  cousta  ançois  que  il  le  peuissent  atierer.   30 
Si  frère  et  li  aultre  chevalier^  qui  sus  le  montagne 
estoient^  le  veoient  bien  combatre,  et  les  grans  aper^ 


34  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1367] 

lises  d'armes  qu'il  faisoit^  et  le  péril  où  il  estoit;  mes 
conforter  ne  le  pooient ,  se  il  ne  se  voloient  perdre. 
Si  se  tinrent  tout  quoi  sus  la  ditte  montagne  en  leur 
ordenanee^  et  li  chevaliers  se  combati  tant  qu'il  peut 

5  durer.  Là  fu  occis  li  dis  messires  Guillaumes  de 
Felleton. 

Depuis  entendirent  li  Espagnol  et  li  François  d'un 
costet^  à  requerre  et  à  envaïr  les  Englès^  qui  sus  le 
montagne  se  tenoient^  liquel^  ce  saciés,  y  fîsent  ce 

10  jour  pluiseurs  grans  apertises  d  armes;  et  à  le  fois, 
d'une  empainte^  il  descendoient  et  venoient  combat- 
tre leurs  ennemis^  et  puis^  en  yaus  reboutant  trop 
sagement,  il  se  venoient  remettre  en  leur  montagne^ 
et  se  tinrent  en  cel  estât  jusques  à  haute  nonne.  Bien 

15  les  euist  li  dis  princes  de  Galles  envoiiet  conforter^ 
se  il  le  seuist^  et  les  euist  délivré  de  ce  péril;  mes 
riens  n'en  savoit  :  si  leur,  convint  attendre  l'aventure. 
Quant  il  se  furent  là  tenu  et  combatu  jusques  à  l'eure 
que  je  di^  li  contes  dan  Tilles^  qui  trop  anoiiés 

20  estoit  de  ce  que  tant  se  tenoient,  dist  ensi  tout  hault, 
et  par  grant  mautalent  :  «  Signeur,  par  la  poitrine  de 
nous^  tenront  meshui  ci  ces  gens?  Nous  les  deuissions 
ores  avoir  tous  dévorés.  Avant!  Avant!  Combatons 
les  de  milleur  ordenance  que  nous  n'aions  fait.  On 

25  n*a  riens  ^  se  on  ne  le  compère.  » 

A  ces  mos^  s'avancièrent  François  et  Espagnol  de 
grant  volenté,  et  s'en  vinrent  en  yaus  tenant  par  les 
bras^  dru  et  espès,  bouter  de  lances  et  de  glaves  sus 
les  Englès^  et  montèrent  de  force  la  montagne^  et 

30  entrèrent  ens  es  Englès  et  Gascons^  vosissent  ou 
non,  car  il  estoient  si  grant  fuison  que  il  ne  les  peu- 
rent  rompre  ne  ouvrir.  Là  eut  fait  sus  la  montagne 


j^.es.A^Î-^-^T^f^^^eoi  tenir  :^ 

_,is.  Ooq'*'*  °"^    fort  »»«""* 
^  ^*^  n'en  «cap»,  f'^'*    ^^^^^,us  el 

«»*''■      *«^^»««'*^*  ^      rt  doa  duc  de 
le  *t  ?*«*•  •  yV.  vosl  dou  pno«  ^nç»é  » 

ma'<^     U  Biootagoe  »  <^ 


-    Sa  fisent 


^ous  avcs  g* 


26  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1367] 

bon  gré,  et  le  vous  guerredonnerai  temprement^  et 

bien  saciés  que  tout  li  aultre  venront  par  ce  pas.  » 

Adonc  s'avança  de  parler  messires  Ernoulz  d'Audre- 

hen,  et  dist  :  «  Sire,  sire,  salve  «soit  vostre  grasce^  je 

5  ne  vous  voeil  pas  reprendre  de  vostre  paroUe,  mes  je 
le  voeil  un  petit  amender,  et  vous  di  que,  quant  vous 
assamblerés  par  bataille  au  prince,  vous  trouvères  là 
droites  gens  d'armes  ;  car  là  est  la  fleur  de  toute  la 
chevalerie  dou  monde,  et  les  trouvères  durs ,  sages 

10  et  bien  combatans ,  ne  ja ,  pour  morir,  plain  piet  ne 
fubront.  Si  avés  bien  mestier  que  vous  aiiés  avis  et 
conseil  sus  ce  point;  mes,  se  vous  volés  croire  mon 
conseil,  vous  les  desconfiriés  tous  sans  ja  cop  ferir; 
car,  se  vous  faisiés  tant  seulement  garder  les  destrois 

15  et  les  passages,  par  quoi  pourveances  ne  leur  puis- 
sent venir,  vous  les  affameriés  et  desconfiriés  par  ce 
point,  et  retourroient  en  leur  pays,  sans  arroy  et 
sans  ordenance,  et  lors  les  ariés  vous  à  vostre  vo- 
lenté.  » 

20  Dont  respondi  li  rois  Henris ,  et  dist  :  «  Ma- 
reschaus,  par  l'ame  à  mon  père,  je  désire  tant  à 
veoir  le  prince  et  de  esprouver  ma  poissance  à  le 
sienne ,  que  ja  nous  ne  nos  partirons  sans  bataille. 
Et,  Dieu  merci,  j'ay  et  arai  bien  de  quoi;  car  tout 

25  premièrement  ja  sont  en  nostre  host  sept  mil  hom- 
mes d'armes,  montés  cescuns  sus  bon  coursier  ou 
destrier,  et  tous  couvers  de  fier,  qui  ne  ressongneront 
trait  ne  arcier.  Et  en  apriès,  j'en  ay  bien  dix  mil 
d'autres  gens  d'armes,  montés  sus  genès  et  armés  de 

30  piet  en  cap.  Dou  sourplus,  j'ay  bien  soissante  mil 
hommes  de  communautés ,  à  lances ,  à  archigaies  ^  à 
dars  et  à  pavais,  qui  feront  un  grant  fait,  et  tout  ont 


[1367]  LIVRE  FREAflER,  $  573.  27 

juret  que  point  ne  me  faurront  jusques  au  morir^ 
siques^  dan  mareschaus^  je  ne  me  doi  mies  esbahir, 
mes  conforter  grandement  en  le  poissance  de  Dieu 
et  de  mes  gens.  » 

En  cel  estât  finèrent  il  leur  parlement ,  et  aportè-  5 
rent  chevalier  et  escuier  vin  et  espisses;  si  en  prisent 
li  rois  et  li  signeur  d'environ^  et  puis  retournèrent 
cescuns  en  lor  logeis.  Si  furent  serementé  comme 
prisonniers^  et  départi  li  un  de  l'autre^  li  chevalier  et 
escuier  englès  et  gascon ,  qui  pris  avoient  esté  le  jour-  lo 
née.  Or  retourrons  nous  un  petit  au  prince ,  et  par- 
lerons de  sen  ordenance. 

§  573.  Li  princes  de  GaUes  et  li  dus  de  Lancastre 
se  tinrent  tout  ce  jour  sus  la  montagne.  Au  vespre,  il 
iWrent  enfourmé  de  leurs  gens  qu'il  estoient  tout  15 
mort  et  pris.  Si  en  furent  durement  courouciet,  mes 
amender  ne  le  peurent.  Si  se  retraisent  à  leurs  logeis 
et  se  tinrent  là  tout  le  soir.  Quant  ce  vint  au  matin  ^ 
il  eurent  conseil  de  partir  de  là  et  de  traire  plus 
avant  et  se  deslogièrent  et  s'en  vinrent  logier  devant  ao 
Yictore.  Et  furent  là  tout  armé  ensi  que  pour  tantos 
combatre,  car  il  estoient  enfourmé  que  li  rois  Henris 
et  li  bastars  ses  frères  et  leurs  gens  n'estoient  mies 
trop  loing^  mais  il  ne  traioient  point  avant.  Et  sa- 
chiés  que  h  princes  de  Galles  et  leurs  gens  estoient  .95 
en  grant  defaute  de  vivres  et  de  pourveances  pour 
yaus  et  pour  leurs  chevaus^  car  il  logoient  en  moult 
mauvais  pays  et  magre^  et  li  rois  Henris  et  ses  gens 
en  bon  pays  et  cras.  Si  vendoit  on  en  l'ost  dou  prince 
un  pain  un  florin  j  encores  tout  ewireus  qui  avoir  le  30 
povoit  y  et  Êiisoit  moult  destroit  temps  de  froit ,  de 


28  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1367] 

vent,  de  plueve  et  de  nege  :  en  celle  mesaise  et  dan- 
gier  furent  il  six  jours. 

Quant  li  princes  et  11  signeur  veirent  que  li  Espa- 
gnol ne  trairoient  point  ayant  pour  yaus  combatre 

5  et  que  là  estoient  en  grant  destrèce^  si  eurent  conseil 
que  il  iroient  querre  passage  ailleurs.  Si  se  deslogiè- 
rent  et  se  misent  au  chemin^  en  retournant  viers  Na- 
yare,  et  passèrent  un  pays  et  uns  destrois  que  on  ap- 
pelle le  pas  de  1^  Garde;  et  quant  il  l'eurent  passet^ 

10  il  s'en  vinrent  à  une  ville  que  on  appelle  Yiane.  T^à 
se  rafreschirent  li  princes^  li  dus  de  I^ncastre^  li 
contes  d'Ermignachy  et  li  signeur  deux  jours,  et  puis 
s'en  vinrent  passer  la  rivière  qui  départ  Mavare  et 
Castille  au  pont  dou  Groing.  Et  s'en  vinrent  logier 

15  ce  jour  devant  le  Groing  ens  es  vregiés  desous  les  oli- 
viers, et  trouvèrent  milleur  pays  que  il  n'euissent 
fait  en  devant^  mes  trop  avoient  grant  deffaute  de 
vivres. 

Quant  li  rois  Henris  sceurque  li  princes  et  ses  gens 

20  avoient  passet  le  rivière  au  pont  au  Groing,  si  se 
desloga  de  Saint  Yinchant^  où  il  s'estoit  tenus  moult 
longement,  et  s'en  vint  logier  devant  le  ville  de  Naz- 
res ,  sus  ceste  meisme  rivière.  Les  nouvelles  vinrent 
au  dit  prince  comment  li  rois  Henris  estoit  approciés. 

25  Si  en  fu  durement  liés  et  dist  tout  en  hault  :  «  Par 
saint  Jorge^  en  ce  bastart  a  un  vaillant  homme ,  et  à 
ce  qu'il  monstre,  il  nous  désire  à  trouver  et  à  com- 
batre. Si  nous  trouvera  temprement,  et  nous  comba- 
terons^  ce  ne  poet  remanoir  nullement.  »  Adonc  ap- 

30  pella  li  princes  le  duc  de  Lancastre  son  frère  et 
aucuns  des  barons  de  son  conseil  qui  là  estoient^  et 
rescrisi  par  leur  avis  as  lettres  que  li  rois  Henris  leur 


[1367]  LIVRE  PREMIER,  S  ^^^*  ^^ 

avoit  envoiiesy  laquelle  fourme  des  lettres  devisoient 
ensi. 

§  574.  c<  Edouwars^  par  le  grasce  de  Dieu,  princes 
de  Galles  et  dus  d'Âquitainnes^  à  honnouré  et  re- 
nommé Henri,  conte  de  Tristemare,  qui  pour  le  pre-    5 
sent  s'appelle  rois  de  Castille.  Comme  ensi  soit  que 
vous  nous  avés  envoiiet  unes  lettres  par  vostre  hi- 
raut,  es  queles  sont  contenu  pluiseur  article  faisant 
mention  que  vous  sariés  volentiers  pourquoi  nous 
tenons  à  ami  vostre  ennemit  nostre  cousin  le  roy  dan   lo 
Piètre,  et  à  quel  title  nous  vous  faisons  guerre  et 
sommes  entré  à  main  armée  en  Castille,  respondons 
à  cestes  :  saciés  que  c'est  pour  soustenir  droiture  et 
garder  raison^  ensi  qu'il  apartient  à  tous  rois  et  en- 
fans  de  roys^  et  pour  entériner  grans  alliances  ^  que   15 
nostre  signeur  de  père  le  roy  d'Engleterre  et  li  rois 
dans  Piètres  ont  eu  de  jadis  ensamble.  Et  pour  ce 
que  vous  estes  renommés  aujourd'ui  de  bonne  che- 
valerie^ nous  vous  acorderions  volentiers  à  lui^  se 
nous  poions^  et  ferions  tant  par  priière  envers  nostre  20 
cousin  le  roy  dan  Piètre^  que  vous  ariés  grant  part 
au  royaume  de  Castille  ;  mes  de  le  couronne  et  hire- 
tage  vous  feut  déporter.  Si  aiiés  avis  et  brief  conseil 
sur  ce^  et  sachiés  encores  que  nous  enterons  ou  dit 
royaume  de  Castille,  par  lequel  lés  que  il  nous  plaira  25 
le  mieus.  Escript  dalés  le  Groing^  le  trentime  jour 
de  march.  » 

§  575.  Quant  ceste  lettre  fu  escripte^  on  le  cloy  et 
seela,  et  fu  baUlie  au  hiraut  qui  avoit  l'autre  aportée 
et  qui  le  response  avoit  attendu  plus  de  trois  sepmain-  30 


30  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1367] 

nés.  Si  se  parti  dou  prince  et  des  signeurs  à  tout 
grant  pourfît^  et  chevauça  tant  qu'il  vint  devant 
Nazres^  ens  es  bruières  où  li  dis  rois  estoit  logiés.  Si 
vint  jusques  au  logeis  dou  roy  Henri,  et  là  se  traisent 

5  li  plus  grant  baron  de  Tost,  pour  oïr  nouvelles,  quant 
il  sentirent  leur  hiraut  revenu.  Li  dis  hiraus  s'enge- 
nilla  devant  le  roy  Henri  et  li  bailla  la  lettre  que  li 
princes  li  envoioit.  Li  rois  le  prist  et  ouvri  et  appella 
au  lire  monsigneur  Bertran  de  Claiekin  et  aucuns 

10  chevaliers  de  son  conseil.  Là  fu  la  ditte  lettre  leute 
et  bien  considérée. 

Adonc  parla  znessires  Bertratis  de  Claiekin,  et  dist 
au  roy  Henri  :  c<  Sire  y  sachiés  que  temprement  vous 
vos  combaterës  :  de  tant  congnoi  je  bien  le  prince. 

15  Si  aiiés  avis  sur  ce;  car  vous  avés  bien  mestier  que 
vous  regardés  à  vos  besongnes,  et  entendes  à  vos 
gens  et  à  ordener  vos  batailles.  »  —  «  Dan  Bertran , 
respondi  li  rois  Henris ,  ce  soit  ou  nom  de  Dieu  I 
Le  poissance  dou  prince  ne  prise  jou  noient^  car 

20  j'ai  bien  trois  mil  chevaus  armés  qui  seront  sus  les 
deux  èles  de  mes  batailles.  Et  arai  bien  six  mil  géni- 
teurs et  bien  vingt  mil  hommes  d*armes  des  mil- 
leurs  que  on  puist  trouver  en  toute  Castille ,  Galisse, 
Portingal ,  Cordewan ,  Toulete  et  Seville ,  et  dix  mil 

25  de  bons  arbalestriers  et  bien  soissante  mil  de  piet  à 
tout  lances  et  archigaies.  Et  ont  tout  juret  qu'il  ne 
me  faurront  pour  morîr,  siques^  dan  Bertran^  j'en 
arai  le  milleur  par  le  grasce  de  Dieu  en  qui  je  me 
confie^  et  le  bon  droit  ossi  que  j'ay  à  la  querielle  et 

30  à  la  besongne.  » 

§  576.  Ensi  se  devisoient  li  rois  Henris  et  messires 


[i367]  LIVRE  PREMIER,  $  576.  31 

Bertrans  de  Claiekin  ensamble  d*unes  coses  et  d'au- 
ires,  et  laissièrent  à  parler  des  lettres  que  li  princes 
avoit  envoiies^  car  c*estoit  bien  li  intention  dou  roy 
Henri  et  de  monsigneur  Bertran  qu'il  se  eombate- 
roient^  et  entendirent  à  ordener  leurs  gens  et  leurs  5 
besongnes.  A  ce  donc  estoient  moult  renommé  et 
honnouré  en  l'ost  li  contes  dan  Tilles  et  li  contes 
Sanses^  pour  le  chevaucie  que  il  avoit  mis  sus^  et  dont 
il  estoient  venu  à  bon  coron. 

Or  vous  parlerons  dou  prince  comment  il  perse-  10 
vera.  Quant  ce  vint  au  venredi ,  le  second  jour  dou 
mois  d'avril,  il  se  desloga  de  devant  le  Groing  où  il 
estoit  logiés,  et  toute  son  host  ossi.  Et  chevaucièrent 
ses  gens  tout  armet  et  rengiet  par  bataille,  ensi  que 
pour  tantost  combatre ,  car  bien  savoient  que  li  rois  15 
Henris  n*estoit  mies  loing.  Et  cheminèi^nt  ce  jour 
deux  liewes  et  s'en  vinrent  à  heure  de  tierce  droit  à 
Navaret  et  là  se  logièrent.  Sitos  qu'il  eurent  pris 
terre,  li  princes  envoia  ses  coureurs  devant  pour  sa- 
voir le  convenant  des  ennemis  et  là  où  il  estoient  20 
logiet.  Cil  coureur^  tantost  montés  sus  fleur  de  cour- 
siers^ se  départirent  de  l'ost  dou  prince  et  chevau- 
cièrent si  avant  que  il  veirent  Tost  entièrement  des 
Espagnolz^  qui  estoient  logiet  ens  es  bruières  devant 
Nazres  ;  et  ce  raportèrent  il  au  prince  qui  volentiers  25 
en  oy  parler,  et  sur  ce  eut  il  avis.  Quant  ce  vint  au 
soir,  il  fîst  secrètement  segnefiier  par  toute  son  host^ 
que,  au  premier  son  de  le  trompeté,  on  s'apparillast; 
au  secont  son,  on  s'armast,  et  au  tierch,  on  montast 
à  cheval  et  partesist,  en  sievant  les  banières  des  ma-  30 
reschaus  et  le  pennon  de  saint  Jorge,  et  que  nulz,  sus  le 
tieste,  ne  s'avançast  d'aler  devant,  s'il  n'i  estoit  envoiiés. 


32  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1367] 

§  577.  Tout  en  tel  manière  que  li  princes  de 
Galles  avoity  ce  venredi^  sus  le  soir^  envoiiet  ses  cou 
reurs  devanti  pour  aviser  le  convenant  des  Espagnolz, 
U  rois  Henris  a  voit  ossi  envoiiet  les  siens^  pour  apren- 

5  dre  de  l'estat  dou  prince  et  où  il  estoit  logiés  et  com- 
ment. Si  en  raportèrent  cil  qui  envoiiet  y  furent,  le 
vérité^  et  sur  ce  eurent  li  dis  rois  Henris  et  messires 
Berlrans  avis  et  conseil.  Si  fisent  ce  venredi^  de  haute 
keure^  toutes  leurs  gens  souper^  et  puis  aler  reposer^ 

10  pour  estre  plus  fresc  et  plus  nouviel  à  heure  de  mie- 
nuit  que  ordené  estoit  de  yaulz  armer  et  appareillier 
et  traire  sus  les  camps  et  ordener  leurs  batailles  ;  car 
bien  supposoient  que  à  l'endemain  il  se  combate- 
roient.  Si  se  tinrent  li  Espagnol  ce  soir  tout  aise,  et 

15  bien  avoient  de  quoi^  de  tous  vivres  très  largement; 
et  li  Englès  en  avoient  très  grant  defaute  :  pour  ce 
desiroient  il  moult  à  combatre^  ou  tout  perdre  ou  tout 
gaagnier. 

Apriès  mienuit,  sonnèrent  les  trompètes  en  Post 

20  dou  roy  Henri.  A  ce  son^  se  resvillièrent  toutes 
gens,  et  s'armèrent  et  appareillièrent  ;  au  secont  son 
apriès^  environ  l'aube  dou  jour,  se  traisent  il  tout 
hors  de  leurs  logeis^  et  se  misent  sus  les  camps  et  or- 
donnèrent trois  batailles.  La  première  eurent  mes- 

25  sires  Bertrans  de  Claiekin,.  messires  Ernoulz  d'An- 
drehen,  li  viscontes  de  Rokebertin  et  li  contes  de 
Dune,  d'Arragon.  Et  là  furent  tout  li  estragnier,  tant 
de  France  comme  d'autre  pays,  et  y  furent  doi  baron 
de  Haynau ,  li  sires  d'Antoing  et  messires  Alars^  sires 

30  de  Brifueil.  Là  furent  messires  11  Bèghes  de  Yellainnes^ 
li  Bèghes  de  Y illers ,  messires  Jehans  de  Berghètes , 
messires  Gauwains  de  Bailluel,  li  Alemans  de  Saint 


[1367]  ÎJVRE  PREMIER,  $  578.  33 

Venant  j  qui  fii  là  fais  chevaliers ,  et  pluiseur  aullre 
bon  chevalier  de  France,  d^Arragon,  de  Prouvence  et 
des  marées  voisines.  Si  estoient  bien  en  ceste  bataille 
yaus  quatre  mil  chevalier  et  escuier,  moult  frichement 
armé  et  ordené  à  l'usage  de  France.  La  seconde  ba-     5 
taille  eurent  li  contes  dan  Tilles  et  ses  firères,  li 
contes  Sanses,  et  estoient  bien  en  celle  ordenance 
yaus  seize  mil,  parmi  les  géniteurs  et  chiaus  à  cheval, 
et  se  traisent  un  petit  en  sus  de  le  bataille  monsi- 
gneur  Bertran,  à  le  seùestre  main.  La  tierce  bataille  10 
et  la  plus  grosse  sans  comparison  gouvrenoit  li  rois 
Henris,  et  estoient  en  son  arroi  yaus  bien  sept  mil  à 
cheval  et  quarante  mil  de  piet,  parmi  les  arbalestriers. 
Quant  il  furent  tout  ordené,  li  rois  Henris,  montés 
sus  une  mule  fort  et  rade  à  l'usage  dou  pays,  se  15 
parti  de  son  arroi  et  s'en  ala  viseter  les  signeurs ,  de 
rench  en  rench,  en  yaus  priant  moult  doucement 
que  il  vosissent  ce  jour  entendre  à  garder  sen  hon- 
neur, et  leur  remoustroit  sa  besongne  de  si  bonne 
chière  que  tout  en  a  voient  joie.  Et  quant  il  eut  ensi  20 
aie  de  Tun  à  l'autre,  il  s'en  revint  en  sa  bataille, 
dont  il  s'estoit  partis,  et  tantost  fu  jours,  environ 
soleil  levant.  Si  se  misent  à  voie  par  devers  Navaret, 
pour  trouver  leurs  ennemis,  tout  rengiet,  serré  et  or- 
donné par  batailles,  ensi  que  pour  tantost  combatre,   25 
sans  fourpasser  l'un  l'autre. 

§  578.  Li  princes  de  Galles,  en  tel  manière,  sus 
l'aube  dou  jour,  fu  trais,  et  toutes  ses  gens,  sus  les 
camps,  et  se  misent  en  leurs  batailles,  ensi  que  il  dé- 
voient aler  et  estre,  et  se  partirent  ensi  ordonné  ;  car    30 
bien  savoient  que  il  enconteroient  et  trouveroient 

.  Yll  —  3 


34  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1367] 

leurs  ennemis;  et  ne  chevauçoit  nuls  devant  le  ba- 
taille des  mareschaus,  se  il  n'estoit  ordenës  pour 
courir.  Et  bien  sa  voient  li  signeur  ens  es  deux  hos^  par 
le  raport  de  leurs  coureurs,  que  il  se  dévoient  trou- 
5  ver.  Si  chevaucièrent  ensi  et  cheminèrent  tout  le  pas, 
li  un  contre  l'autre.  Quant  li  solaus  fu  levés,  c'estoit 
grant  biautés  de  veoir  ces  banières  venteler  et  ces 
armeures  resplendir  contre  le  soleil.  En  cel  estât  che- 
vaucièrent et  cheminèrent  tout  souef,  tant  que  il  ap- 

10  procièrent  durement  l'un  l'autre.  Et  puièrent  li  dis 
princes  et  ses  gens  une  petite  montagne,  et  au  des- 
cendre, il  perchurent  tout  derement  leurs  ennemis 
qui  venoient  le  chemin  droitement  vers  yaus.  Quant 
il  eurent  tout  avalé  cette  ditte  montagne,  il  se  traisent 

15  en  leurs  batailles  sus  les  camps,  et  se  tinrent  tout 
quoi.  Ossi,  si  tretost  que  li  Espagnol  les'veirent,  il 
lisent  ensi  et  se  arrestèrent  en  leurs  batailles.  Si  res- 
traindi  cescuns  ses  armeures  et  mist  en  point,  ensi 
que  pour  tantost  combatre. 

20  Là  aporta  messires  Jehans  Chandos  sa  banière  entre 
ses  mains,  que  encores  n'avoit  nulle  part  boutée 
hors,  au  prince,  et  li  dist  ensi  :  «  Monsigneur,  vechi 
ma  banière  :  je  vous  le  baille  par  tel  manière  que  il 
le  vous  plaise  à  desvoleper  et  que  aujourd*ui  je  le 

25  puisse  lever;  car,  Dieu  merci,  j*ai  bien  de  quoi, 
terre  et  hyretage,  pour  tenir  estât,  ensi  qu'il  apartient 
à  ce.  »  Adonc  prisent  li  princes  et  li  rois  dans  Piètres 
qui  là  estoit,  la  banière  entre  leurs  mains,  et  le  des- 
volepèrent,  qui  es  toit  d'argent  à  un  peu  aguisiet  de 

30  geules,  et  li  rendirent  par  le  hanste,  en  disant  ensi  : 
«  Tenés ,  messire  Jehan ,  veci  vostre  banière  :  Diex 
vous  en  laist  vostre  preu  faire  1  »  Lors  se  parti  mes- 


r 


[1367]  LIVRE  PREMIER,  $  879.  35 

sires  Jehans  Chandos^  et  raporta  sa  banière  entre  ses 
gens^  et  le  mist  en  mi  yaus^  et  si  dist  :  «Signeur^ 
veci  ma  banière  et  la  vostre  ;  or  le  gardés  ensi  que 
la  nostre.  »  Adonc  le  prisent  li  compagnon  qui  en 
furent  tout  resjoy,  et  disent  que^  s'il  plaisoit  à  Dieu  5 
et  à  monsigneur  saint  Gorge ,  il  le  garderoient  bien 
et  s'en  acquitteroient  à  leur  pooir.  Si  demora  la  ba- 
nière ens  es  mains  d'un  bon  escuier  englès  que  on 
appeloit  Guillaume  Aleri,  qui  le  porta  ce  jour  et  qui 
bien  et  loyaument  s'en  acquitta  en  tous  estas.  lo 

§  579.  Assés  tost  apriès,  descendirent  de  leurs 
chevaus  sus  le  sabelon  li  Englès  et  li  Gascon  et  se  re- 
cueillièrent  et  misent  moult  ordonneement  ensamble, 
cescuns  sires  desous  se  banière  et  son  pennon ,  en 
arroy  de  bataille,  ensi  que  ordonné  estoient  très  donc  1& 
qu'il  passèrent  les  montagnes.  Si  estoit  ce  grans  solas 
à  veoir  et  considérer  les  banières,  les  pennons  et  le 
noble  armoierie  qui  là  estoit.  Adonc  se  commenciè- 
rent,  et  tout  de  piet^  les  batailles  à  esmouvoir. 

Un  petit  devant  l'approcement^  et  que  on  venist  iO 
ensamble,  li  princes  de  Galles  ouvri  ses  y  ex,  en  regar- 
dant vers  le  ciel  et  joindi  ses  mains  et  dist  ensi  : 
«Vrais  pères  JhesuCrisy  qui  m'avés  fourme,  consentes 
par  vostre  bénigne  grasce  que  la  journée  d'ui  soit 
pour  mi  et  pour  mes  gens ,  si  com  vous  savés  que ,  25 
pour  raison  et  droiture  aidier  à  garder  et  à  soustenir, 
et  ce  roi  escaciet  et  deshireté  remettre  en  son  hire- 
tage  et  royaume^  je  me  sui  ensonniiés  et  me  avance 
de  combatre.  n 

Apriès  ces  paroUes ,  il  tendi  le  main  droite  au  roy  30 
dan  Piètre  qui  estoit  dalés  lui  et  le  prist  par  le  main, 


36  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1367] 

en  disant  ensi  :  a  Sire  rois,  au  jour  d'ui  sarés  vous  se 
jamais  vous  auerés  riens  au  royaume  de  Castille,  » 
Et  puis  dist  :  «Avant,  banière,  ou  nom  de  Dieu  et 
de  saint  Gorge!  »  A  ees  mos^  li  dus  de  Lancastre  et 
5  messires  Jehans  Chandos^  qui  menoient  Tavantgarde^ 
approcièrent.  Dont  il  avint  que  li  dus  de  Lancastre 
dist  à  monsigneur  Guillaume  de  Biaucamp  :  a  Yesià 
nos  ennemis^  mes  vous  me  verés  au  jour  d'ui  bon 
chevalier^  ou  je  morrai  en  le  painne.  » 

10  En  ces  paroUes ,  il  approcièrent  et  li  Espagnol  ossi 
et  assamblèrent  de  premiers  li  bataille  dou  duch  de 
Lancastre  et  de  monsigneur  Jehan  Chandos  à  le  ba- 
taille monsigneur  Bertran  de  Claiekin  et  dou  mares- 
chai  d'Audrehen ,  où  bien  avoit  quatre  mil  hommes 

15  d'armes. 

§  580.  A  l'assambler  de  ceste  bataille  dont  je  vous 
parolle^  eut  de  premier  encontre  grant  bouteis  de 
lances  et  grant  estekeis,  et  furent  grant  temps  en  un 
estaty  ançois  que  il  peuissent  entrer  li  un  dedens  Tau- 

20  tre.  Là  eut  fait  tamainte  grant  apertise  d'armes ,  et 
maint  homme  reversé  et  jette  par  terre ,  qui  onques 
puis  ne  se  relevèrent.  Quant  ces  deuj^  premières  ba- 
tailles furent  assamblées,  les  aultres  ne  veurent  mies 
séjourner,  mes  s'approcièrent  et  boutèrent  ensamble 

25  vistement.  Et  s'en  vint  li  dis  princes  de  Galles  assam- 
bler  à  le  bataille  dou  conte  dan  Tille  et  dou  conte 
Sanse ,  et  là  estoit  li  rois  dans  Piètres  de  Castille  et 
messires  Martins  de  le  Rare  qui  representoit  le  roi 
de  Navare.  Dont  il  avint  ensi  que,  quant  li  princes  et 

30  ses  gens  approcièrent  sus  le  bataille  dou  conte  dan 
Tille,  li  dis  contes  dan  Tilles  ressongna  et  se  parti 


[i367]  LIVRE  PREMIER,  S  ^BO.  37 

sans  arroi  ne  riens  combatre^  on  ne  scet  qu'il  H  falli^ 
et  bien  deux] mil  hommes  à  cheval  de  se  route.  Si 
fu  ceste  seconde  bataille  tantost  ouverte  et  desconfîte; 
car  li  captaus  de  Beus  et  li  sires  de  Cliçon  et  leurs 
gens  vinrent  sus  chiaus  de  piet  de  le  bataille  dou  5 
conte  dan  Tille  ^  et  les  occirent  et  mehagnièrent  et 
abatirent  et  en  fisent  grant  esparsin. 

Adonc  se  radreça  li  bataille  dou  prince  et  dou  roy  dan 
Piètre  sus  le  bataille  dou  roy  Henri^  où  plus  avoit  de     ^ 
quarante  mil  hommes^  c'a  piet^  c'a  cheval^  et  là  com-   lO 
mença  la  bataille ,  et  li  estours  grans  et  fors  de  tous 
costés;  car  cil  Espagnol  et  Cateloing  avoient  fondes, 
dont  il  jettoient  pierres  et  effondroient  hyaumes  et 
bachinés^  de  quoi  il  mehagnièrent  et  occirent  tamaint 
homme.  Là  fu  grans  li  bouteb  entre  les  batailles  des   15 
lances  et  des  glaves,  et  y  eut  maint  homme  occis  et 
mehagnié  et  mis  par  terre.  Là  traioient  archier  d'En- 
gleterre,  qui  de  ce  sont  coustumier^  moult  aigrement^ 
et  bersoient  ces  Espagnole  et  mettoient  en  grant 
meschief.  Là  crioit  on  d'un  lés  :  «  Castille  au  roy  20 
c  Henri  !  »  et  d'autre  part  :  «  Saint  Goi^e  I  Giane  I  y> 

Et  encores  se  combatoient  les  premières  batailles, 
cestes  dou  duch  de  Lancastre  et  de  monsigneur  Jehan 
Chandos^  et  des  deus  mareschaus,  monsigneur  Gui- 
chart  d'Angle  et  monsigneur  Estievene  de  Cousenton^  25 
à  monsigneur  Bertran  de  Claiekin  et  les  chevaliers 
de  France  et  d'Arragon.  Là  y  eut  fait  tamainte  grant 
apertise  d'armes^  et  furent  li  un  et  li  aultre  moult 
fort  à  ouvrir  et  à  entamer.  Et  tenoient  li  pluiseur 
leurs  lances  à  deus  mains  ^  et  les  boutoient  en  près-  30 
sant  l'un  contre  l'autre ,  et  li  aucun  se  combatoient 
de  courtes  espées  et  de  dages.  A  ce  commencement, 


38  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1367] 

se  tinrent  trop  bien  et  se  combatirent  moult  vaillam- 
ment François  et  Arragonnois^  et  y  couvint  les  bons 
chevaliers  d'Engleterre  souffrir  moult  de  painne. 
Là  fU|  je  vous  di,  messires  Jehans  Chandos  très  bons 
5  chevaliers^  et  y  fîst,  desous  sa  bannière^  pluiseurs 
grandes  apertises  d'armes ,  et  tout  en  combatant  et 
reculant  ses  ennemis^  il  s'encloy  si  avant  entre  yaus^ 
que  il  fu  presses  et  boutés  et  abatus  à  terre;  et  chei 
sus  lui  uns  grans  homs  casteloing^  qui  s'appelloit 

10  Martins  Ferrans^  qui  moult  estoit,  entre  les  Espa- 
gnolzy  renommés  d'outrage  et  de  hardement.  Cils 
mist  grant  entente  à  occire  monsigneur  Jehan  Chan- 
dos ,  et  le  tint  desous  lui  en  grant  meschief.  Adonc 
s'avisa  li  dis  chevaliers  d'un  coutiel  de  plates  qu'il 

15  portoit  à  son  chaint  :  si  le  trait  et  feri  tant  ce  dit 
Martin  ou  dos  et  ens  es  costes ,  que  il  li  embara  ou 
corps,  et  le  navra  à  mort^  estant  sur  lui^  et  puis  le 
reversa  d'autre  part.  Si  se  leva  li  dis  messires  Jehans 
Chandos  au  plus  tost  qu'il  peut^  et  ses  gens  furent 

20  tout  appareilliet  autour  de  lui^  qui  à  grant  painne 
avoient  rompu  la  presse  là  où  il  estoit  cheus. 

§  581 .  Che  samedi  au  matin,  entre  Nazres  et  Na- 
varet,  fu  la  bataille  durement  grande ,  felenesce  et 
horrible ,  et  moult  y  eut  de  gens  mis  en  grant  mes- 

25  chief.  lÀ  fu  li  princes  de  Galles  bons  chevaliers ,  et 
li  dus  de  Lancastre  ses  frères,  et  messires  Jehans 
Chandos^  messires  Guichars  d*Angle,  li  captaus  de 
Beus^  li  sires  de  Cliçon,  li  sires  de  Ray  s,  messires 
Hues  de  Cavrelée,  messires  Eustasses  d'Aubrecicourt, 

30  messires  Gautiers  Huet^  messires  Mahieus  de  Gour- 
nay ,  messires  Loeis  de  Harcourt ,  li  sires  de  Pons ,  li 


11367]  LIVRE  PREMIER,  $  581.  39 

sires  de  Partenay.  D'autre  part,  se  eombatoîent  H 
Gascon^  li  contes  d'Ennignach^  li  sires  de  Labreth, 
li  sires  de  Pumiers  et  si  frère,  li  sires  de  Moucident, 
li  sires  de  Rosem ,  li  contes  de  Pieregorth ,  li  contes 
de  Commignes ,  li  viscontes  de  Rarmain  ;  li  sires  de  5 
Condon,  li  sires  de  I^espare^  li  sires  de  Chaumont^ 
messires  Bietremiex  de  Taride^  li  sires  de  Pincomet^ 
messires  Bernardet  de  Labreth ,  sires  de  Geronde , 
messires  Aymeris  de  Tarste^  li  soudis  de  Lestrade, 
messires  Petiton  de  Courton  et  pluiseur  aultre  che-  lo 
valier  et  escuier^  qui  s'acquittoient  en  armes  à  leur 
loyal  pooir. 

Desous  le  pennon  saint  Jorge  et  le  banière  de 
monsigneur  Jehan  Chandos^  estoient  les  Compa- 
gnes, où  bien  avoit  douze  cens  pennonchiaus.  Là  y  irj 
avoit  des  bons  chevaliers  et  escuiers^  durs^  hardis  et 
appers^  telz  que  monsigneur  Perducas  de  Labreth, 
monsigneur  Robert  Ceni^  monsigneur  Robert  Briket, 
monsigneur  Garsis  dou  Chastiel ,  monsigneur  Gail- 
lart  Vighier,  Jehan  Cressuelle,  Naudon  de  Bagherant^  20 
Âymenion  d'Ortige,  Perrot  de  Savoie,  le  bourch 
Camus  ^  le  bourch  de  I^espare,  le  bourc  de  Bretuel^ 
Espiote  et  Lamit  et  pluiseur  aultre.  Si  vous  di  que 
messires  Bertrans  de  Claiekin  et  messires  Emouls 
d'Audrehen  et  li  contes  Sanses  et  messires  Gommes  25 
Garils,  et  li  chevalier  de  France  et  d'Arragon,  qui  se 
combatoient  à  ces  routes ,  ne  l'avoient  mies  d'avan- 
tage ,  car  ces  Compagnes  estoient  et  sont  gens  dure- 
ment fait  et  usé  d'armes. 

Et  encores  estoient  là  grant  fuison  de  bons  che-  ?o 
valiers  et  escuiers   d'Engleterre  desous  le  banière 
dou  duch  de  Lancastre  et  ceste  de  monsigneur  Jehan 


40  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSÂRT.  [1367] 

Chandos.  Car  là  estoient  messires  Guillaumes  de 
Biaucamp^  filz  au  conte  de  Warvich,  messires  Raoulz 
Camois ,  messires  Gautiers  Oursvich ,  messires  Thu- 
mas  de  Daimeri^  messires  Thumas  de  Graindson, 
5  messires  Jehans  dlppre,  messires  Aymeris  de  Ro- 
chewart ,  monâigneur  Gaillart  de  le  Motte  et  plus  de 
deus  cens^  tous  chevaliers,  que  je  ne  puis  mies  tous 
deviser. 

Ossi^  à  parler  justement  d'armes,  li  dis  messires 

10  Bertrans  de  Claiekin  et  li  mareschaus  d'Audrehen 
et  messires  li  Bèghes  de  Yellainnes^  li  sires  d'An- 
toing,  li  sires  de  Brifueil^  messires  Gauwains  de  Bail- 
luel^  messires  Jehans  de  Berghètes^  li  Bèghes  de 
Villers ,  li  Alemans  de  Saint  Venant  et  11  bon  cheva- 

15  lier  et  escuier  de  France  qui  là  estoient,  s'acquit* 
tèrent  très  loyaument.  Et  sachiés  de  vérité  que,  se  li 
Espagnol  en  euissent  ossi  bien  fait  leur  devoir  que 
cil  lisent^  li  Englès  et  li  Gascon  euissent  eu  plus  à 
soufirir  que  il  n'eurent. 

20  Se  ne  demora  il  mies  au  roy  Henri  que  il  n'en 
fesist  bien  son  devoir  de  combatre  vaillamment  et 
hardiement ,  et  de  reconforter  et  amonnester  ses 
gens^  et  ^^Xev  au  devant  de  chiaus  qui  branloient 
et  qui  fuioient^  en  disant  ensi  :  ce  Signeur,  je  sui  vos 

25  rois.  Vous  m'avés  fait  roy  de  toute  Castille^  et  juré 
et  voé  que,. pour  à  morir,  vous  ne  me  fiiurrés. 
Gardés  pour  Dieu  vostre  sierement  et  ce  que  vous 
m'avés  juré  et  prommis,  et  vous  acquittés  envers 
moy  :  je  m'acquitterai  envers  vous,  car  ja  plain  piet 

30  je  ne  fuirai ,  tant  que  je  vous  voie  combatre.  »  Par 
ces  parolles  et  pluiseurs  aultres  plainnes  de  confort 
remist  li  rois  Henris  trois  fois  ce  jour  ses  gens  en- 


[1367]  LIVRE  PREMIER,  S  582.  41 

samble ,  et  il  meismes  de  sa  main  se  combati  si  vail- 
lamment^ que  on  Ten  doit  bien  honnerer  et  recom* 
mender. 

§  582.  Moult  fu  ceste  bataille  grande  et  périlleuse, 
et  moult  y  eut  de  gens  mors ,  navrés ,  estains  et  me-     5 
hagniés.  Si  portoient  ces  communautés  d'Espagne  à 
leur  usage  fondes ,  dont  il  jettoient  pierres^  et  ce 
greva  au   commencement  moult  les  Englès.   Mais 
quant  cilz  jès  fu  passés,  et  il  sentirent  ces  saiettes,  il 
ne  tinrent  puis  nul  conroy.  Si  y  avoit  il  en  le  bataille  lO 
dou  roy  Henri  grant  fuison  de  bonnes  gens  d'armes, 
tant  d*Espagne^  de  Lusebonne^  d'Arragon,  que  de 
Portingal ,  qui  s'acquittèrent  loyaument  et  qui  ne  se 
desconfirent  mies  si  tost,  mes  se  combatirent  très 
vaillamment  de  lances^  de  gisarmes^  d'arcigaies,   15 
d'espois  et  d'espées.  Et  y  avoit  encores  sus  èle,  en  le 
bataille  dou  dit  roy  Henri,  pluiseurs  géniteurs  montés 
sus  chevaus  tous  armés ,  qui  tenoient  leurs  batailles 
en  vertu  ;  car,  quant  elles  branloient  ou  se  voloient 
ouvrir  par  aucun  costé^  cil  géniteur  qui  estoient  sus  20 
èle,  les  reboutoient  avant  et  les  resviguroient.   Si 
n'eurent  mies  li  Englès  ne  li  Gascon  le  journée  d'a- 
vantage; mes  le  comparèrent  et  achatèrent  moult 
grandement  par  bonne  chevalerie  et  par  grant  proèce 
et  vaillandise  d*armes;  car,  au  voir  dire,  avoech  le  25 
prince  estoit  là  toute  la  fleur  de  la  chevalerie  dou 
monde  et  li  milleur  combatant. 

Un  petit  en  sus  de  le  bataille  dou  prince ,  estoit  li 
rois  James  de  Mayogres  et  se  route,  qui  se  combatoit 
vaillanonent  et  s'acq  uittoit  à  son  loyal  pooir.  D'autre  90 
part,  estoit  messires  Martins  de  le  Rare,  qui  represen- 


42  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1367] 

toit  le  roy  de  Navare^  qui  ossi  en  faisoit  bien  son  de- 
voir. Je  ne  puis  mies  de  tous  les  bons  parler;  mes,  là 
dalés  le  prince  et  en  sa  bataille^  avoit  pluiseurs  bons 
chevaliers^  tant  d'Engleterre  comme  de  Gascongne^ 

5  monsigneur  Richart  de  Pontchardon^  monsigneur 
Thumas  le  Despensier,  monsigneur  Thumas  de  Hol- 
landes, monsigneur  Neel  Lorinch,  monsigneur  Hue  et 
monsigneur  Pfaelippe  de  Courtenay^  monsigneur  Je- 
han Trivet^  monsigneur  Nicolas  Bonde  et  monsigneur 

10  Thumas  Trivet  et  pluiseurs  aultres ,  telz  que  le  se- 
neschal  de  Saintonge^  monsigneur  fiauduin  de  Frai- 
ville  ,  le  seneschal  de  Bourdiaus ,  le  seneschal  de  le 
Rocelle^  le  seneschal  d'Aginois^  le  seneschal  de  Poito, 
le  seneschal  d'Angouiesmois^  le  seneschal  de  Roei^e^ 

15  le  seneschal  de  Limosin^  le  seneschal  de  Bigorre^ 
monsigneur  Loeis  de  Melval^  monsigneur  Raymon 
de  Marueil  et  pluiseurs  aultres. 

Et  saciés  que  nulz  ne  s*i  faindoit  de  bien  combatre^ 
et  ossi  il  trouvoient  bien  à  qui  ;  car  Espagnol  et  Ca- 

20  tellain  estoient  priés  de  cent  mil  testes  armées^  siques 
la  grant  quantité  de  peuple  les  tenoit  en  vertu,  et  ne 
pooit  estre  qu^il  n^en  euist  des  bien  combatans  et  bien 
faisans  à  leur  pooir.  Là  estoit  li  rois  dan  Piètres  moult 
escaufés,  et  qui  durement  desiroit  à  trouver  et  à  en- 

25  contrer  son  frère  le  bastart  Henri,  et  disoit  :  «  Où  est 
cilz  filz  de  putain,  qui  s'appelle  rois  de  Castille?  »  Li  rois 
Henris  se  combatoit  d'autre  part  moult  vaillamment, 
et  tenoit  ce  qu'il  pooit  ses  gens  en  vertu,  et  leur 
disoit  :  «  Bonnes  gens,  vous  m'avés  fait  roy  et  cou- 

30  ronné  roy.  Aidiés  moy  à  deffendre  et  garder  l'iretage 
dont  vous  m'avés  ahireté.  »  Telz  parolles  et  aultres, 
que  ce  jour  il  leur  dist ,  en  fisent  pluiseurs  hardis  et 


[1367]  LIVRE  PREMIER,  §  S83.  43 

yaillans^  et  demorer  sus  les  camps  ^  qui  pour  leur 
honneur  ne  daignoient  fuir. 

§  583.  La  bataille  et  la  route  ^  qui  fu  le  mieulz 
oombatue  et  plus  entettement^  ce  fu  ceste  de  monsi- 
gneur  Bertran  de  Claiekin  ;  car  là  estoient  droites    5 
gens  d'armes  qui  se  combatoient  et  vendoient  à  leur 
loyal  pooir,  et  là  furent  faites  pluiseurs  grans  apertises 
d'armes.  Et  par  especial,  messires  Jehans  Chandos  y 
fu  très  bons  chevaliers,  et  consilla  et  gouvrena  ce 
jour  le  duch  de  Lancastre  en  tel  manière  comme  il  lo 
fîst  jadis  son  frère  le  prince  de  Galles,  à  le  bataille  de 
Poitiers,  de  quoi  il  fu  moult  honnourés  et  recom- 
mendés,  ce  fu  bien  raisons,  car  un  vaillant  homme 
et  bon  chevalier,  qui  ensi  s'acquitte  envers  ses  si- 
gneurs,  on  le  doit  moult  recommender.  Et  n'entendi  15 
ce  jour  onques  à  prendre  prisonnier  de  sa  main,  fors 
au  combatre  et  toutdis  aler  avant.  Si  furent  pris  de 
ses  gens  et  desous  sa  banière  pluiseur  bon  chevalier 
et  escuier  de  France  et  d'Arragon ,  et  par  especial 
messires  Bertrans  de  Claiekin,  messires  Emoulz  d'Au-   20 
drehen  et  messires  li  Bèghes  deVellainnes  et  plus 
de  soissante  bons  prisonniers.  Finablement ,  la  ba-  < 
taille  à  monsigneur  Bertran  de  Claiekin  fu  desconfite, 
et  furent  tout  mort  et  pris  sans  recouvrier  chil  qui  y 
estoient,  tant  de  France  comme  d'Arragon.  Et  là  fu  25 
mors  li  Bèghes  de  Yillers,  et  pris  li  sires  d'Antoing 
en  Haynau,  et  li  sires  de  Brifueil  et  messires  Gauwains 
de  Bailluel,  messires  Jehans  de  Berghètes,  messires 
li  Alemans  de  Saint  Venant  et  moult  d'aultres. 

Adonc  s'en  revinrent  ces  banières  et  cil  pennon,  la  30 
banière  dou  duch  de  Lancastre,  la  banière  monsigneur 


kk  CHRONIQUES  DE  J.  FROISI^T.  [1367] 

Jehan  Chandos  et  le  banière  des  mareschaus  et  le  pen- 
non  saint  Jorge,  sus  la  bataille  dou  roy  Henri^  en  es- 
eriant  à  haute  vois  :  «  Saint  Jorge  !  Giane  !  »  J^rs  fu- 
rent Espagnol  et  cil  de  leur  costé  moult  fort  rebouté. 

5  Là  veist  on  monsigneur  le  captai  de  Beus  et  le  signeur 
de  Cliçon  bien  combatre;  et^  d'autre  part,  monsigneur 
Eustasse  d'Aubrecicourt,  monsigneur  Hue  de  Cavre- 
lée,  monsigneur  le  soudich ,  monsigneur  Jehan  d'E- 
vrues^  furent  là  bons  chevaliers.  Là  estoit  li  princes 

10  en  bon  convenant ,  qui  se  moustroit  bien  estre  uns 
sires  et  uns  bons  chevaliers ,  et  requeroit  et  comba- 
toit  ses  ennemis  de  grant  volenté. 

D'autre  part^  li  rois  Henris,  en  tous  estas,  se  acquitta 
très  vaillamment^  et  recouvra  et  retourna  ses  gens  par 

15  trois  fois.  Car,  très  donc  que  li  contes  dan  Tilles  et  bien 
troi  mil  à  cheval  se  partirent^  se  commencièrent  li 
aultre  moult  à  desconfîre,  et  s'en  voloient  li  plus  partir 
et  fuir.  Mes  li  dis  rois  Henris  leur  avoit  aie  au  devant^ 
en  disant  :  <«  Biau  signeur^  que  faites  vous  ?  Pourquoi 

20  me  volés  vous  ensi  guerpîr  et  trahir ,  qui  m'avés  fait 
roy  et  mis  le  couronne  ou  chief  et  Tiretage  de  Cas- 
tille  en  le  main  ?  Retournés  vous  et  le  m'aidiés  à 
calengier  et  deffendre^  et  demorés  dalés  moy  :  la 
journée^  par  la  grasce  de  Dieu^  sera  à  nous.  »  Siques 

25  par  telz  parolles  et  telz  reconfors,  encoraga  les  plui« 
seurs  et  fist  combatre  longement  et  là  demorer,  qui 
n'osoient  de  honte  fuir,  quant  il  veoient  leur  roy  et 
leur  signeur  devant  yaus.  Et  moururent  plus  de  mil 
et  cinq  cens,  qui  se  fuissent  bien  sauvet  autrement  et 

30  eussent  pris  le  temps  bien  à  pdint  et  à  leur  avantage. 

§  584.  Quant  la  bataille  des  mareschaus  de  France 


[i367]  LIVflE  PRETER,  §  K84.  45 

fil  outrée  et  desconfîte^  et  toutes  les  trois  grosses  ba- 
tailles des  Englès  remises  ensamble ,  li  Espagnol  ne 
peurent  ce  fais  souflrir  ne  porter  ;  mes  se  commen- 
eièrent  à  ouvrir,  à  fuir  et  yaus  desconfîre,  et  retraire 
moult  effraeement  et  sans  arroi  devers  la  cité  de  5 
Nazres  et  le  grosse  rivière  qui  là  couroit  ;  ne ,  pour 
cose  que  li  rois  Henris  desist  ne  criast  à  yaus^  il  ne 
veurent  retourner.  Quant  li  dis  rois  Henris  vei  le  pes- 
tilense  et  le  desconfiture  sus  ses  gens  ^  et  que  point 
de  recouvrier  nH  avoit,  si  demanda  sen  cheval,  et  lO 
monta  apertement  et  se  bouta  entre  les  fuians,  et  ne 
prist  mies  le  chemin  de  le  rivière  ne  de  le  cité  de 
Nazres,  car  pas  ne  s'i  voloit  enclore,  mes  une  aultre 
voie  f  en  eslongant  tous  perilz  :  de  tant  fu  il  bien 
avisés  y  car  assés  sentoit  et  cognissoit  que,  se  il  estoit  15 
pris,  il  seroit  mors  sans  merci. 

Adonc  montèrent  Englès  et  Gascon  as  chevaus,  et 
commencièrent  à  cachier  et  à  encauchier  Espagnole 
et  Cateloins,  qui  s'en  fuioient  tout  desconfi  jusques  à 
la  grosse  rivière  et  à  l'entrée  dou  pont  de  la  cité  de  30 
Nazres.  Là  eut  grant  hisdeur  et  grant  efiîision  de  sanc 
et  moult  de  gens  occis  et  noiiés  ;  car  li  plus  saloient 
en  Taigue,  qui  estoit  rade,  noire  et  hideuse,  et  s'a- 
voient  plus  chier  li  aucun  à  noiier  que  ce  qu'il  fuissent 
occis  d'espée.  En  celle  fuite  et  cace,  avoit  entre  les  25 
dultres  deux  vaillans  hommes  d'Espagne,  chevalier 
d'armes  et  portant  abit  religieus,  dont  li  uns  s*appel- 
loit  li  grans  prieus  de  Saint  Jame ,  et  li  aultres ,  ji 
grans  mestres  de  Caltrave. 

Cil  et  une  partie  de  leurs  gens  se  traisent ,  pour  30 
estre  à  sauveté,  devers  le  cité  de  Nazres,  et  furent 
de  si  priés  poursivi,  que  Englès  et  Gascon  à  leur 


46  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1367] 

dos  conquisent  le  dit  pont.  Et  là  eut  grant  oceision, 
et  entrèrent  en  la  cité  avoecques  les  dessus  dis, 
qui  estoient  bouté  en  une  forte  maison  ouvrée  et 
mâchonnée  de  pierre,  mais  tantos  fu  conquise,  et  li 

5  dessus  dit  chevaliers  pris^  et  moult  de  leurs  gens 
mors^  et  toute  la  ditte  cité  courute ,  où  pillart  fîsent 
grandement  leur  pourfit.  Et  ossi  fîsent  il  ou  logeis  le 
dit  roy  Henri  et  des  Espagnolz.  Et  moult  y  trouvèrent 
cil  qui  premièrement  se  traisent  celle  part,  moult  de 

10  vaisselle  d'argent  et  de  bons  jeuiaus;  car  li  dis  rois 
Henris  et  ses  gens  y  estoient  venu  très  efibrceement  et 
en  très  grant  arroi.  Et  quant  ce  vint  à  le  desconfi- 
ture ,  il  n'eurent  mies  loisir  de  retourner  celle  part 
et  de  mettre  à  sauveté  ce  que  au  matin  laissiet  y 

15   avoient. 

Si  fu  ceste  desconfiture  moult  grande  et  moult  hor- 
rible, et  par  especial  saciés  que,  sus  le  rivage,  il  y  eut 
moult  de  gens  mors.  Et  disent  adonc  li  aucun,  si  com 
je  Foy  depuis  recorder  chiaus  qui  y  furent,  que  on 

20  vei  l'aiguë  au  quai  desous  Nazres,  rouge  dou  sanch 
des  hommes  et  des  chevaus,  qui  là  furent  mors  et 
occis.  Ceste  bataille  fu  entre  Nazres  et  Navaret ,  en 
Espagne,  en  l'an  de  l'incarnation  Nostre  Signeur 
mil  trois  cens  soissante  et  six,  le  tierch  joijr  dou  mois 

25  d'avril,  et  ce  jour  fu  samedis. 

§  585.  Apriès  le  desconfiture  de  le  bataille  de 
Nazres ,  qui  fu  toute  passée  entre  nonne  et  remon- 
tière ,  li  princes  de  Galles  fist  mettre  sa  banière  en 
un  buisson  tout  hault  sus  une  petite  montagne  pour 
30  ralloiier  ses  gens,  et  là  se  recueilloient  et  rassam- 
bloient  tout  chil  qui  de  le  cache  revenoient.  Là  vin- 


[i367]  UVRE  PREMIER,  §  585.  47 

rent  li  dus  de  Lancastre  ^  messires  Jehans  Chandos  y 
li  sires  de  Cliçon^  li  captaus  de  Beus^  et  puis  li  contes 
d'Ermignach ,  li  sires  de  Labreth  et  tout  li  baron , 
et  levoient  en  hault  leurs  banières  pour  recuellier 
leurs  gens^  et  se  rengoient  sus  les  camps  à  le  mesure    5 
qu'il  venoient.  Là  estoit  ossi  messires  James^  rois  de 
MaiogreSy  se  banière  devant  lui^  où  ses  gens  se  re- 
cueilloient ,  et  un  petit  plus  en  sus  messires  Martins 
de  le  Rare ,  le  banière  son  signeur  le  roy  de  Navare 
qu'il  representoit^  devant  lui,  et  ensi  tout  li  conte  et  10 
tout  li  baron  :  laquele  cose  estoit  belle  à  regarder  et 
considérer. 

Adonc  vint  li  rois  dan  Piètres  tous  escaufés^  qui 
revenoit  de  le  cace,  montés  sus  un  noir  coursier, 
se  banière  armoiie  de  Castille  devant  lui,  et  des-   15 
cendi  à  terre  si  tretost  que  il  perçut  le  banière  dou 
prince^  et  se  traist  celle  part.  Li  dis  princes,  quant 
il  le  vei  venant^   s'avança^  pour  lui  honnourer^ 
contre  li.  Là  se  volt  li  rois  dans  Piètres  agenouiller,     . 
en  remerchiant  le  dit  prince;  mes  li  princes  se  hasta  20 
moult  de  le  prendre  par  le  main,  et  ne  le  volt  mies 
consentir.  Là  dist  11  rois  dan  Piètres  :  «  Chiers  sires 
et  biaus  cousins ,  je  vous  doi  moult  de  grasces  et  de 
loenges  donner  pour  la  belle  journée  que  j'ai  hui  eu 
et  par  vous.  »  Dont  respondi  li  princes  moult  avisée-  25 
ment  :  «  Rendes  ent  grasces  à  Dieu  et  toute  loenge  y 
car  la  victore  vient  de  li  et  non  de  moy.  » 

Lors  se  traisent  ensamble  là  endroit  li  signeur  dou 
conseil  dou  prince ,  et  parlèrent  d'autres  besongnes. 
Et  fu  là  tant  li  dis  princes^  que  toutes  leurs  gens  furent  30 
revenu  de  le  cace,  et  qu'il  eut  ordonné  quatre  cheva- 
liers et  quatre  hiraus  à  aler  par  les  pamps,  pour  aviser 


48  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1367] 

quel  gent  de  pris  et  quel  quantité  y  estoient  mort  et 
demoré ,  et  ossi  pour  savoir  le  vérité  dou  roy  Henri^ 
qu'il  appelloient  entre  yaus  le  bastart ,  se  il  estoit 
mors  ou  non  ;  car  encores  n'en  savoient  il  noient. 
5  Apriès  ceste  ordenanee^  li  princes  et  ses  gens  se  ava- 
lèrent ens  es  logeis  le  dit  roy  Henri  et  des  Espagnolz. 
Si  s'espardirent  par  ordenance  tout  partout^  et  se  lo- 
gièrent  bien  et  aisiement;  car  li  dit  logeis  estoient 
grant  et  estendut^  et  moult  i  trouvèrent  largement  de 

10  bonnes  pourveances ,  dont  il  avoient  eu  grant  souf- 
freté.  Si  soupèrent  et  se  tinrent  ce  soir,  ce  poés  vous 
bien  savoir ,  en  grant  reviel. 

Apriès  souper^  revinrent  li  chevalier  et  li  hiraut^ 
qui  avoient  cerchié  les  camps  et  viseté  les  mors.  Si 

15  rap'ortèrent ,  par  compte^  que  cinq  mil  et  soissante 
hommes  d'armes^  Espagnolz  et  François^  y  estoient 
demoret^  mais  point  n'i  estoit  trouvés  li  rois  Henris  : 
de  quoi  li  rois  dans  Piètres  n'estoit  mies  plus  liés.  Et 
entre  ces  hommes  d'armes^  il  n*avoient  trouvé  que 

20  quatre  de  leurs  chevaliers  mors^  dont  li  doi  estoient 
Gascon^  li  tiers  Alemans  et  li  quars  Englès,  messires 
Raoulz  de  Ferrières;  et  encores  mors^  de  commu- 
nautés, environ  sept  mil  et  cinq  cens,  sans  chiaus  qui 
furent  noiiet^  dont  on  ne  poet  savoir  le  nombre^  et 

25  des  leurs  environ  vingt  arciers  et  quarante  aultres 

%  hommes.  Si  se  tinrent  là  y  ce  samedi^  dou  soir,  tout 
aise.  Bien  trouvèrent  de  quoi  y  vins  et  viandes ,  bien 
et  plentiveusement^  et  s'i  rafreschirent,  et  le  dimence 
tout  le  jour^  qui  fu  li  Paske  florie. 

30  §  586.  Le  dimence  au  matin^  à  heure  de  prime, 
quant  li  princes  fu  levés  et  appareilliés^  si  issi  devant 


[1367]  LIVRE  PREMIER,  §  586.  49 

son  pavillon.  Adonc  vinrent  devers  lui  li  dus  de  I.an- 
castre,  ses  frères,  li  contes  d'Ermignaeh,  U  sires  de 
Labret ,    messires   Jehans  Chandos ,  li   captaus  de 
Beus,  li  sires  de  Pumiers,  messires  Guîchars  d'Angle, 
li  rois  de  Maiogres,  ses  compères,  et  grant  fuison  de     5 
barons  et  de  chevaliers.  Assés  tost  apriès,  vint  devers 
le  prince  li  rois  dans  Piètres  de  Castille,  auquel  li  dis 
princes  faisoit   toute   honneur  et  reverense.   Si  se 
avança  de  parler  li  rois  dans  Piètres,  et  dist  ensi  : 
«  Chiers  et  ^biaus  cousins ,  je  vous  pri  et  requier  en   10 
amisté,  que  vous  me  voelliés  délivrer  les  mauvais 
traïtteurs  de  mon  pays,  mon  frère  Sanse  le  bastart  et 
les  aultres  ;  si  les  ferai  decoler,  car  bien  Font  des- 
servi. » 

Adonc  s'avisa  li  princes,  et  dist  ensi  au  roy  dan  15 
Piètre ,  qui  ceste  requeste  avoit  fait  :  «  Sire  rois,  je 
vous  pri  et  requier,  en  nom  d'amour  et  par  linage, 
que  vous  me  donnés  et  acordés  un  don.  »  Li  rois 
dan  Piètres,  qui  nullement  ne  li  euist  refusé,  li  acor- 
da  et  dist  ensi  :  «  Mon  cousin ,  tout  ce  que  jou  ay,  20 
est  vostre.  »  I^rs  dist  li  princes  :  «  Sire  rois,  je  vous 
pri  que  vous'pardonnés  à  toutes  vos  gens,  qui  vous  ont 
estet  rebelle ,  vos  mautalens.  Si  ferés  bien  et  cour- 
toisie, et  si  en  demorrés  plus  à  pais  en  vostre  dit 
royaume,  excepté  Gomme  Garilz  :  de  cesti  voeil  jou  25 
bien  que  vous  faciès  vo  volcnté.  »  Li  rois  dans  Piè- 
tres li  acorda  ceste  requeste  ;  mes  fu  moult  à  envis. 
Nonpourquant,  il  ne  l'i  osa  escondire,  tant  se  sentoit  il 
tenus  à  lui,  et  dist  :  c<  Biaus  cousins,  je  le  vous  acorclo 
bonnement.  »  20 

Là  furent  mandé  tout  li  prisonnier  d'Espagne , 
qui  estoient  en  l'ost,  devant  le  prince,  et  là  les  acor- 

VII  —  4 


50  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1367] 

da  li  dis  princes  au  roy  dan  Piètre  leur  signeur,  et 
baisa  le  conte  Sanse  son  frère,  et  li  pardonna  son 
mautalent^  et  ensi  tous  les  aultres.  Et  parmi  tant^ 
il  li  eurent  en  couvent  et  jurèrent  feaulté^  hommage 
5  et  service  à  tenir  bien  et  loyaument  à  tousjours 
mes  y  et  devinrent  si  homme  ^  et  le  recogneurent  à 
roy  et  à  signeur.  Geste  courtoisie,  avoech  pluLseurs 
aultres,  li  fîst  li  princes,  lesqueles  depuis  il  recogneut 
et  desservi  assés  petitement ,  si  com  vous  orés  avant 

10  en  Tistore.  Et  ossi  li  dis  princes  fîst  grant  courtoisie 
as  barons  d'Espagne,  qui  prisonnier  estoient;  car,  se 
li  rois  dans  Piètres  les  euist  tenus  en  son  aïr,  il  les 
euist  tous  fait  morir  sans  merci.  Là  li  f u  délivrés 
messires  Gomme   Garilz ,    douquel   il   n*euist   pris 

15  nulle  raençon ,  tant  fort  le  haioit  :  si  le  fîst  decoler 
devant  ses  y  ex  au  dehors  des  logeis. 

Tantost  apriès  messe  et  boire,  li  rois  dan  Piètres 
monta  à  cheval ,  et  li  contes  Sanses  ses  frères  et  li 
mestres  de  Caletrave  et  tout  cil  qui  si  homme  es- 

20  toient  devenu,  et  li  doi  mareschal  messires  Guiçars 
d'Angle  et  messire  Estievenes  de  Cousentonne  et  bien 
cinq  cens  hommes  d'armes,  et  se  partirent  de  l'ost 
et  dou  prince  et  chevaucièrent  viers  Burghes.  Si  y 
vinrent  le  lundi  au  matin.  Cil  de  le  ville  de  Burghes, 

25  qui  enfourmé  estoient  de  toute  la  besongne  comment 
elle  avoit  aie  et  de  le  desconfiture  dou  roy  Henri, 
n'eurent  mies  conseil  ne  volenté  d'yaus  clore  contre 
le  roy  dan  Piètre;  mes  vinrent  pluiseur  riche  homme 
et  li  plus  notable  au  dehors  de  le  ville,  et  li  presen- 

30  tèrent  les  clés  et  le  rechurent  à  signeur,  et  le  menè- 
rent et  toutes  ses  gens  en  le  ditte  ville  de  Burges  à 
grant  joie  et  solennité. 


[1367]  LIVRE  PREMIER,  §  887.  51 

Ce  dimence ,  tout  le  jour^  se  tint  li  princes  ens  es 
logeis  que  il  avoit  trouvés  et  conquis^  et  le  lundi  apriès 
boire  il  se  desloga,  et  toutes  ses  gens^  et  s'en  vinrent 
ce  jour  logier  à  Barbesque.  Si  y  furent  jusques  au 
merkedi  que  il  s'en  vinrent  tout  devant  Burghes,  et  5 
entra  li  dis  princes  en  le  ville  à  grant  reverense ,  et 
ossi  li  dus  de  Lancastre^  li  contes  d'Ermignacb  et 
aucun  grant  signeur;  et  leurs  gens  tinrent  leurs  logeis 
sus  les  camps  au  dehors  de  Burghes,  car  tout  ne 
peuissent  mies  estre  entré  en  le  ville  ne  bien  aisiet.  10 
Et  proprement  li  dis  princes  venoit  tous  les  jours  en 
son  logeis  et  là  rendoit  et  faisoit  jugemens  d'armes 
et  de  toutes  coses  à.  ce  apartenans,  et  y  tint  gage  et 
camp  de  bataille^  par  quoi  on  poet  bien  dire  que 
toute  Espagne  fu  un  jour  à  lui  et  à  son  obéissance.      15 

§  587.  Li  princes  de  Galles  et  li  rois  dan  Piètres 
tinrent  leurs  Paskes  en  le  ville  de  Burghes ,  et  y  sé- 
journèrent, que  là  environ,  plus  de  trois  sepmainnes. 
En  ce  séjour,  vinrent  cil  d'Esturges,  de  Toulette,  de 
Luzebonne ,  de  Ck)rdewan ,  de  Galisse ,  de  Seville  et  20 
de  toutes  les  marces  et  limitations  dou  royaume  de 
Castille,  faire  hommage  au  roy  dan  Piètre.  Et  le  vint 
veoir  et  le  dit  prince  cilz  loyaus  chevaliers  de  Cas- 
tille, dan  Ferrans  de  Castres,  liquels  fu  des  dessus  dis 
festés  et  honnourés  et  veus  moult  volentiers.  25 

Quant  li  rois  dan  Piètres  eut  là  séjourné  ce  terme  que 
je  vous  di  et  plus,  et  qu'il  eut  veu  et  entendu  que  nuls 
n'estoit  mais  rebelles  à  lui ,  mais  en  se  obéissance ,  li 
princes  de  Galles,  par  le  information  de  ses  gens  et 
pour  faire  ce  qu'il  apertenoit ,  li  dist  :  «  Sire  rois ,  30 
Dieu  merci,  vous  estes  sii'cs  et  rois  de  vostre  pays,  et 


52  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [4367] 

n'î  sentons  mes  nul  rebelle,  qne  tout  n'obéissent  à 
vous,  et  nous  séjournons  chi  à  grant  fret.  Si  vous  di- 
sons que  vous  querés  argent  pour  paiier  chiaus  qui 
vous  ont  remis  en  vostre  royaume,  et  nous  tenés  vos 

5  couvens ,  ensi  que  juré  et  seelé  Pavés  :  si  vos  en  sa- 
rons  gré.  Et  com  plus  briefinent  le  ferés,  tant  y 
ares  plus  de  pourfit;  car  vous  savés  que  gens  d'ar- 
mes voelent  vivre  et  estre  paiiet  de  leurs  gages,  où 
que  il  soit  pris.  » 

10  A  ces  paroUes  respondi  li  rois  dan  Piètres,  et 
dist  :  «  Sire  cousins,  nous  tenrons  et  acomplirons 
à  nostre  loyal  pooir  volentiers  ce  que  juré  et  seelé 
avons,  mais  tant  qu'en  présent,  nous  n'avons  point 
d'argent  ;  si  nous  trairons  en  le  marce  de  Seville  : 

15   là  en  procurrons  nous  tant  que   pour  bien  satis- 
faire partout.  Si  vous  tenrés  chi  ou  ou  Val  d'Olif ,  où  , 
il  y  a  encores  plus  grasse  marce ,  et  nous  retourrons 
devers  vous,  au  plus  tost  que  nous  porons,  et  au  plus 
tart  dedens  le  Pentecouste.  »  Geste  response  plaisi 

20  adonc  moult  bien  au  prince  et  à  son  conseil. 

Si  se  parti  depuis  assés  briefment  li  rois  dans  Piètres 

dou  dit  prince,  et  chevauça  devers  le  cité  de  Seville, 

sur  le  intention  de  ce  que  pour  procurer  et  impetrer 

.    argent,  ensi  que  couvens  se  portoit.  Et  li  princes  s'en 

25  vint  logier  en  le  ville  dou  Val  d'Olif,  et  tout  li  signeur 
et  ses  gens  s'espardirent  sus  le  pays,  pour  trouver 
et  avoir  vivres  et  pourveances  pour  yaus  et  pour  leur 
chevaus  plus  largement.  Si  y  séjournèrent  à  peu  de 
pourfit,  car  les  Compagnes  ne  se  pooient  tenir  de 

30  pillier. 

§  588.  Or  furent  esparses  ces  nouvelles  en  France, 


[i367J  LIVRE  PREMIER,  §  588.  53 

en  Engleterre,  en  Alemagne  et  en  tous  pays,  que  li 
princes  de  Galles  et  se  poissance  avoîent  desconfi  par 
bataille  le  roy  Henri,  et  mort  et  pris  ou  cachiet  en  voies 
ou  noiiet,  à  ce  jour  que  la  bataille  fu  dalés  Nazres, 
plus  de  cent  mil  hommes.  Si  en  fu  li  dis  princes  re-  5 
nommés  et  honnourés  de  bonne  chevalerie  et  de 
haute  emprise ,  en  tous  les  lieus  et  marces  où  on  en 
ooit  parler,  et  par  especial  en  l'empire  d*Alemagne  et 
ou  royaume  d'Engleterre.  Et  disoient  li  Alemant ,  li 
Thioîs,  li  Flamenc  et  li  Englès,  que  li  princes  de  lo 
Galles  estoit  la  fleur  de  toute  la  chevalerie  dou  monde, 
et  que  uns  telz  princes  estoit  dignes  et  tailliés  de 
gouvrener  tout  le  monde,  quant  par  sa  proèce  il 
avoit  eu  trois  si  hautes  journées  et  si  notables  :  la 
première  à  Creci  en  Pontieu;  la  seconde,  dix  ans  15 
apriès,  à  Poitiers;  et  la  tierce,  ossi  dix  ans  apriés,  en 
Espagne,  devant  la  cité  de  Nazres. 

Si  en  fisent  en  le  cité  de  Londres,  en  Engleterre,  li 
bourgois  de  la  ditte  ville  le  solennité  toute  sus,  pour  le 
victore  et  le  triumphe,  ensi  que  anciennement  on  faisoit  20 
pour  les  rois  qui  a  voient  obtenu  place  et  desconfis  leurs 
ennemis.  Si  furent  en  France  regreté  et  lamenté  li  bon 
chevalier  de  leur  royaume,  qui  avoient  estet  mort  et 
pris  à  le  journée,  et  par  especial  messires  Bertrans 
de  Claiekin  et  messires  Ernoulz  d'Audrehen.  Si  fine-  25 
rent  il  depuis  moult  courtoisement,  et  furent  li  aucun 
mis  à  finance  ;  mes  messires  Bertrans  de  Claiekin  ne 
le  fu  mies  si  tost ,  car  messires  Jehans  Chandos  qui 
estoit  ses  mestres,  ne  le  voloit  point  délivrer,  et  ossi 
li  dessus  dis  messires   Bertrans   n'i   pressoit  point  30 
plenté.  Or  vous  parlerons  un  petit  dou  roy  Henri  et 
comment  il  persévéra,  quant  il  se  parti  de  le  bataille. 


54  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1367] 

et  puis  retourrons  au  prince  et  au  roy  daa  Piètre  de 
Castille. 

§  589.  Li  rois  Henris,  si  eom  chi  dessus  est  dit^  se 
sauva  au  mieulz  qu'il  peut ,  et  eslonga  ses  ennemis , 

5  et  enmena  sa  femme  et  ses  enfans^  au  plus  hastee- 
ment  qu'il  peut,  en  le  cité  de  Valence  en  Ârragon,  là 
où  li  dis  rois  d'Arragon  se  tenoit,  qui  es  toit  ses  com- 
pères et  ses  amis ,  auquel  il  recorda  toute  sen  aven- 
ture ,  et  pour  lequele  li  dis  rois  d'Arragon  fu  moult 

10  courouchiés. 

Assés  tost  apriès,  li  rois  Henris  eut  conseil  que 
il  passeroit  oultre  et  iroit  veoir  le  duc  d'Ango,  qui 
pour  le  temps  se  tenoit  à  Montpellier,  et  li  re- 
corder oit  ossi  se  mesescance,  Cilz  avis  plaisi  bien 

15  au  dit  roy  d'Arragon,  et  consentoit  bien  que  il  se 
partesist,  pour  tant  qu'il  estoit  ennemis  au  prince, 
qui  li  estoit  encores  trop  priés  voisins.  Si  se  parti  li 
dis  rois  Henris  dou  roy  d'Arragon,  et  laissa  en  le  cité 
de  Valence  sa  femme  et  ses  enfans,  etesploita  tint 

20  par  ses  journées ,  que  il  passa  Nerbonne  qui  est  la 
première  cité  dou  royaume  de  France  à  ce  lés  là ,  et 
puis  Besiers  et  Loupian  et  tout  le  pays,  et  vint  à 
Montpellier.  Là  trouva  il  le  duc  d'Ango  qui  moult 
l'amoit  et  qui  trop  fort  haoit  les  Englès,  quoique  il 

25  ne  leur  fesist  point  de  guerre  :  liquelz  dus ,  qui  tous 
enfourmés  estoit  de  Tafaire  le  rov  Henri,  le  rechut  et 
recueilia  moult  liement  et  le  reconforta  de  ce  qu'il 
peut;  et  fu  avoecques  lui  une  espasse  de  temps,  et 
vint  en  Avignon  veoir  le  pape  Urbain  V",  qui  se  devoit 

80  partir  et  aler  à  Romme,  ensi  qu'il  fist. 

Depuis  retourna  li  dis  rois  Henris  à  Montpellier  de- 


[1367]  LIVRE  PREMIER,  g  8d9.  85 

vers  le  duch  d'Ango,  et  eurent  conseil  et  trettiés  ensam- 
ble.  Et  me  fut  adonc  dit  et  recordet  par  chiaus  qui  en 
cuidoient  bien  aucune  cose  savoir,  et  depuis  on  en  vei 
l'apparant  ^  que  li  rois  Henris  acata  ou  emprunta  au 
duch  d'Ango  un  chastiel  séant  dalés  Tholouse,  sus  les  5 
frontières  de  le  princeté,  lequel  chastiel  on  appelle 
Rokemore.  LÀ  recueilla  il  et  assambla  gens,  Bretons  et 
aultres ,  de  Compagnes ,  qui  n'estoient  point  passet 
oultre  en  Espagne  avoech  le  prince ,  et  furent  à  ce 
commencement  environ  trois  cens.  10 

Ces  nouvelles  vinrent  à  madame  la  princesse  qui 
se  tenoit  à  Bourdiaus^  que  li  rois  Henris  pourcaçoit 
confort  et  ayde  de  tous  costés ,  pour  faire  guerre  à 
le  prinçauté  et  ducé  d'Acquitainne;  si  en  fu  toute 
esbahie ,  et  pour  tant  qu'il  se  tenoit  encores  sus  le  15 
royaume  de  France ,  elle  en  escrisi  et  envoia  grans 
messages  par  devers  le  roy  de  France ,  en  lui  sup- 
pliant moult  chierement  que  il  ne  vosist  mies  con- 
sentir que  li  bastars  d'Espagne  li  fesist  guerre  et  euist 
son  retour  et  son  ressort  en  France ,  car  trop  grans  20 
mauls  en  poroit  nestre  et  venir,  Li  rois  Charles  de 
France  descendi  legierement  à  le  priière  le  princesse 
et  envoia  message  quoiteusement  devers  le  bastart 
Henri,  qui  se  tenoit  en  ce  chastiel  de  Rokemaure,  sus 
les  frontières  de  Montalben ,  et  qui  commençoit  ja  à  25 
heriier  le  pays  d'Acquitainne  et  la  terre  dou  prince , 
en  lui  mandant  et  commandant  qu'il  ne  fesist,  lui 
estant  ne  sejornant  sus  son  royaume^  point  de  guerre 
à  le  terre  son  chier  neveu  le  prince  de  Galles  et  d'Ac- 
quittainnes.  Et  encores^  pour  donner  plus  grant  exem-  30 
pie  à  ses  gens  que  point  ne  se  aherdesissent  avoech 
le  bastart  Henri ,  il  fist  le  jone  conte  d'Auçoirre  sder 


S6  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1367] 

tenir  prison  ens  ou  chastiel  dou  Louvre,  pour  tant 
que  il  estoit  en  grans  trettiés  devers  le  roy  Henri,  et 
y  devolt  aler  à  tout  grant  geat  d'armes,  ce  disoit  on  : 
|)our  ce  li  fist  li  rois  brisier  son  pourpos. 
b      Au  mandement  dou  roy  de  France  obel  li  rois  Henris, 
ce  fu  bien  raisons;  mais  pour  ce  ne  laissa  il  mies  à  faire 
se  emprise,  et  se  parti  de  Rokemaure  à  tout  bien  quatre 
cens  Bretoas.  Si  estoient  alloiiet  et  ahers  avoecqucs 
lui  cil  chevalier  et  escuier  breton  qui  chi  s'ensievent  : 
10  messires  Ernoulz  Limozins,  messîres  JoETrois  Richon, 
'       messires  Yons  de  Lakonet,  messires  Selevestre  Bude, 
Aliot  de  Talay  et  Alains  de  Saint  Pol.  Et  vinrent  ces 
gens  d'armes,  Breton  et  aultre,  à  chevauçant  rade- 
ment,  parmi  les  montagnes,  et  entrèrent  en  Bigorre, 
15  en  le  princeté,  et  prisent  de  nuit  et  eschiellèrent  une 
ville  que  on  appelle  Baniers  :  si  le  fortefiièrent  et 
remparèrent  bien  et  fort,  et  puis  chevaucièrent  en  le 
terre  dou  prince,  et  le  commencièrent  à  courir,  et  y 
portèrent  grant  dftmage.  Mais  la  princesse  y  envoia 
30  au  devant  monsigneur  Jame  d'Audelëe,  qui  estoit 
demorés  en  Aquittainne  tous  souverains  et  gouvre- 
nères  pour  garder  le  pays.  Non  obstant  ce,  se  y  fisent 
li  rois  Henris  et  li  Breton  moult  de  damage,  car  tous- 
jours  leur  croissoîent  gens. 
25        Or  retourrons  nous  au  prince  de  Galles  et  à  ses 
gens  qui  se  tenoient  ou  Val  d'Olif  et  là  environ ,  en 
attendant  la  revenue  dou  roy  dan  Piètre,  qui  point 
ne  revenoit  ne  tenoît  son  jour,  ensi  aue  dit  avoit . 
dont  li  princes  estoit  tous  a 

80       §  590.  Quant  li  princes  ( 
Val  d'Olif  jusques  à  te  Sair 


[i367]  LIVRE  PREMIER,  §  590.  57 

et  encores  oultre,  attendans  le  roy  dan  Piètre,  qui 
l^oint  ne  revenoit ,  ne  de  lui  nulles  certainnes  nou- 
velles il  n*ooit,  si  fu  moull  merancolieus,  et  mist  son 
conseil  ensamble,   pour  savoir  quel  cose  en   estoit 
bonne  à  faire.  Si  fu  li  princes  consilliés  que  il  en-     5 
voiast  deux  ou  trois  chevaliers  des  siens  devers  le  dit 
roy,  pour  li  remoustrer  ces  besongnes  et  demander 
pourquoi  il  ne  tenoit  son  couvent  et  son  jour,  ensi 
que  ordonné  avoit.  Si  furent  priiet  d'aler  devers  le 
roy  dan  Piètre  messires  Neel  Lorinch ,  messires  Ri-   10 
eliars  de  Pontchardon  et  messires  Thumas  BaJastre. 
Si  esploitièrent  tant  li  chevalier  dou  prince ,  et  che- 
vaucièrent  tant  par  leurs  journées,  que  il  vinrent  en 
le  cité  de  Seville ,  là  où  li  rois  dan  Piètres  se  tenoit , 
qui  les  rechut  par  samblant  assés  liement.  Cil  cheva-   15 
lier  lisent  leur  message  bien  et  à  point,  tout  ensi  que 
cargié  estoient  de  par  leur  signeur  le  prince.  Li  rois 
dans  Piètres  respondi  à  ces  paroUes^  en  lui  escusant^ 
et  dist  :  «  Certes ,  signeur,  il  nous  desplaist  grande- 
ment de  ce  que  nous  ne  poons  tenir  ce  que  en  cou-   20 
vent  ayons  à  nostre  cousin  le  prince.  Si  l'avons  nous 
par  pluiseurs  fois  remoustré  et  fait  remoustrer  à  nos 
gens  ens  es  marces  par  de  deçà  ;  mes  nos  gens  s'es- 
cusent,  et  dient  ensi  que  il  ne  poeent  faire  point  d'ar- 
gent ne  ne  feront^  tant  que  ces  Compagnes  soient  sus  25 
le  pays.  Et  ja  ont  il  ruQt  jus  et  tout  desrobés  trois  ou 
quatre  de  nos  trésoriers  qui  portoient  finance  devers 
nostre  cousin  le  prince  :  se  li  dires,  de  par  nous^  que 
nous  le  prions  que  il  se  voeille  retraire  et  mettre  hors 
de  nôslre  royaume  ces  maleoites  gens  de  Compagnes,   30 
et  nous  laisse  par  de  deçà  aucuns  de  ses  chevaliers^ 
asquelz,  ou  nom  de  lui ,  nous  paierons  et  deliverons 


58  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1367] 

l'argent  tel  qu'il  le  demande^  et  où  nous  sommes 
tenu  et  obligiet.  »  Ce  fu  toute  la  finable  response 
que  li  messagier  dou  prince  en  peurent  avoir.  Si  se 
partirent  dou  roy  dan  Piètre  et  retournèrent  arrière 

5  devers  le  prince  ou  Val  d*01if.  Se  li  comptèrent  et  à 
son  conseil  tout  ce  que  oy  et  trouvé  avoient  :  de 
laqueie  response  li  dis  princes  fu  plus  merancolieus 
que  devant^  et  vei  bien  que  li  rois  dan  Piètres  li 
defalloit  de  couvent  et  varioit  de  raison  à  faire. 

10  En  ce  séjour  que  li  dis  princes  fist  ou  Val  d'Olif,  où 
il  fu  plus  de  quatre  mois,  tout  l'estet  ensievant^  ajut 
tous  quois  malades  au  lit  li  rois  de  Mayogres ,  dont 
li  princes 'fu  moult  courouciés.  Ossi  furent  là  mis  à 
finance  et  rançonné  messires  Emouls  d'Audrehen, 

15  messires  li  Bèghes  de  Yellainnes  et  pluiseur  chevalier 
de  France  et  de  Bretagne  y  qui  avoient  esté  pris  à  le 
besongne  de  Nazres^  et  escangiet  pour  monsigneur 
Thumas  de  Felleton ,  pour  monsigneur  Richart  Tan- 
ton^  pour  monsigneur  Huge  de  Hàstinges  et  pour  les 

20  aul  très  ;  mes  encores[demora  ens  ou  dangier  dou  prince 
messires  Bertrans  de  Claiekin,  ne  point  ne  fu  ran- 
çonnés si  tost  que  li  aultre  ; ,  car  li  Englès  et  li  con- 
sauls  dou  prince  disoient  ensi  que,  se  il  estoit  ran- 
çonnés  ne    délivrés,  il  feroit  de  recief  plus  forte 

S5  guerre  quejdevant,  avoech  le  bastart  Henri  :  douquel 
li  princes  estoit  ja  enfourmés  que  il  estoit  en  Bigorre, 
et  avoit  pris  le  ville  de  Baniers  et  guerrioit  et  herioit 
durement  son  pays;  pour  laquel  cose  la  délivrance 
à  monsigneur  Bertran  n'estoit  pas  si  belle  ne  si  has- 

30   tieve,  et  tout  li  couvenoit  porter. 

§  591 .  Quant  li  princes  de  Galles  oy  les  escusances 


[1367]  LIYRE^PREBIIER,  ^  59i.  89 

dou  roy  dan  Piètre  ^^si  fu  plus  pensieus  que  devant^ 
et  en  demanda  à  avoir  conseil.  Ses  gens^  qui  desiroient . 
moult  à  retourner,  car  il  portoient  à  grant  meschief 
le  caleur  et  Tair  dou  pays  d'Espagne,  et  meismement 
li  princes  en  estoit  tous  pesans  et  maladieus ,  se  li    5 
consillièrent  qu'il  retournast  et  que,  se  li  rois  dans 
Piètres  l'avoit  defalli ,  il  faisoit  son  blasme  et  sa  des- 
honneur. Âdonc  fu  ordonné  et  anoncié  partout  que 
d'yaus  mettre  au  retour.  Quant  ce  vint  sus  le  mou- 
voir et  le  département,  li  princes  envoia  devers  le  10 
roy  de  Mayogres  à  son  hostel  monsigneur  Jehan 
Chandos  et  monsigneur  Hue  de  Ck)urtenay,  en  li  re- 
moustrant  comment  il  voloit  partir  et  issir  d'Espagne, 
si  euist  sur  çou  avis;  car  trop  à  envis  le  lairoit  der- 
rière, ou  cas  qu'il  s'en  vorroit  retourner.  Li  rois  de   15 
Mayogres  respondi  as  dessus  dis  chevaliers  et  dist  : 
K  Grant  mercis  à  monsigneur  le  prince,  nostre  chier 
compère  ;  mes,  tant  qu'en  présent,  je  ne  poroie  souf- 
frir le  chevaucier  ne  porter  en  littière.  Se  me  cou- 
vient  chi  demorer  et  séjourner  jusques  au  plaisir  de  so 
Dieu.  »  Adonc  parlèrent  U  chevalier  encores ,  et  li 
demandèrent  :  a  Monsigneur,  et  volés  vous  que  mes- 
sires  li  princes  vous  laisse  une  quantité  de  gens  d'ar- 
mes ,  pour  vous  garder  et  raconduire ,  quant  vous 
serés  en  point  de  chevaucier?  »  Il  respondi  cpie  nen-  25 
nil  et  qu'il  ne  savoit  com  lonch  séjour  il  feroit.  Lors 
prisent  congiet  li  doi  baron  dou  roy  de  Mayogres,  et 
retournèrent  devers  leur  signeur  le  prince,  auquel  il 
recordèrent  tout  ce  qu'il  avoient  esploitié  et  les  res- 
ponses  dou  roy  de  Mayogres.  Li  princes  respondi  et  30 
dist  :  «  A  le  bonne  heure.  » 
Dont  se  parti  li  princes  et  toutes  ses  gens ,  et  se 


(ÎO  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [13G7] 

mist  au  retour  devers  une  bonne  cité,  que  on  dîst 

«  ÎM'ïdrigay,  et  là  se  rafresehi,  et  puis  s'en  vint  logier 
ou  val  de  Sorie ,  sus  le  département  d'Espagne ,  de 
Navare  etd'Arragon.  Et  là  séjourna  li  dis  princes  plus 
5  d'un  mois  et  toutes  ses  gens,  car  aucun  passage  li  es- 
toient  clos  sus  les  marces  d'Arragon.  Et  disoit  on 
communément  en  l'ost  que  li  rois  de  Navare,  qui 
nouvellement  estoit  retournés  de  se  prison ,  s'estoît 
composés  au  bastart  d'Espagne  et  au  roy  d'Arragon, 

10  et  devoit  empeechier  de  tout  son  pooir  le  passage  et 
le  retour  dou  prince  et  de  ses  gens;  mais  il  n'en  fu 
riens,  si  com  il  apparut  puissedi.  Nompourquant,  li 
Englès  et  li  Gascon  et  les  Compagnes  en  fisent  doubte, 
pour  tant  qu'il  estoit  en  son  pays  et  se  ne  venoit 

15   point  devers  le  prince. 

En  ce  séjour  faisant  ou  val  de  Sorie ,  li  dis  prin- 
ces envoia  les  plus  especiaulz  de  son  conseil  sus 
un  certain  pas  entre  Espagne  et  Arragon,  là  où  li 
consauls  dou  dit  roy  d'Arragon  fu  ossi  à  l'encontre , 

20  et  là  eurent  grans  parlemens  ensamble  et  par  plui- 
seurs  journées.  Finablement  trettiés  et  conseil  se 
portèrent  telement  que  li  rois  d'Arragon  deut  ou- 
vrir son  pays  pour  laissier  retourner  paisieulement 
les  gens  dou  prince;  et  ossi  il  dévoient  passer  sans 

25  molesté  ne  violense  faire  nul  au  pays ,  et  paiier  cour- 
toisement tout  ce  qu'il  prenderoient.  Adonc  vinrent 
li  rois  de  Navare  et  messires  Martins  de  le  Kare 
contre  le  prince,  quant  il  sceurent  que  li  trettiés  se 
portoît  ensi  entre  le  prince  et  le  roy  d'Arragon,  et 

30  li  fisent  toute  Tonneur  et  reverense  qu'il  peurent,  et 
li  offrirent  doucement  passage  pour  lui  et  pour  son 
frère  le  duch  de  Lancastre  et  pluiseurs  barons  et  che- 


[1367]  LIVRE  PREMIER,  §  591.  61 

valiers  d'Engleterre  et  de  Gascongne,  mais  il  voloient 
bien  que  les  Compagnes  presissent  un  aultre  chemin 
que  parmi  Navare.  Li  princes  et  li  signeur,  qui 
veoient  leur  chemin  et  leur  adrèce  plus  propisce 
parmi  Navare  que  sus  les  marées  d'Arragon ,  ne  veu-  5 
renl  mies  renoncîer  à  ceste  courtoisie ,  mes  en  re- 
merciièrent  grandement  le  roy  et  son  conseil.  Ensi 
se  départirent  ces  gens  d'armes  et  les  hos  dou  prince, 
et  se  misent  au  retour,  et  rapassèrent  au  plus  cour- 
toisement qu'il  peurent.  10 

Si  passa  li  dis  princes  parmi  le  royaume  de  Na- 
vare ,  et  le  raconvoiièrent  li  dis  rois  de  Navare 
et  messires  Martins  de  le  Rare  jusques  au  pas  de 
Raincevaus.  Et  tant  esploita  adonc  11  dis  princes 
qu'il  vint  en  le  cité  de  Bayone,  où  il  fu  receus  à  15 
grant  joie.  Et  là  se  rafresci  et  reposa  quatre  jours , 
et  puis  s'en  parti  et  revint  à  Bom*diaus^  où  on  le 
reçut  à  grant  solennité.  Et  vint  miadame  la  prin- 
cesse contre  lui,  qui  faisoit  porter  Edouwart  son 
ainsné  fil ,  qui  pooit  avoir  d'eage  à  ce  jour  environ  20 
trois  ans.  Ensi  se  départirent  ces  gens  d  armes  li  un 
de  l'autre,  et  se  retraisent  li  signeur,  baron  et  che- 
valier de  Gascongne  en  leurs  maisons,  et  tout  li  se- 
nescal  en  leurs  senescaudies.  Et  les  Compagnes, 
ensi  que  il  revenoient  et  rapassoient,  se  recueilloient  25 
en  le  princeté,  en  attendant  argent  et  paiement,  car 
li  princes  estoit  grandement  tenus  à  yaus.  Si  les  vo- 
loit,  ce  disoit,  tous  satisfaire  à  son  pooir,  où  cV.r- 
gens  fust  pris  ne  à  quel  meschief  :  ja  fust  ensi  quo  li 
rois  dans  Piètres  ne  li  euist  point  tenus  ses  comcns,  30 
se  ne  le  dévoient  mies,  ce  disoit  li  princes,  cii  qui 
Tavoient  servi,  comparer. 


62  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [4367] 

Si  tost  que  li  rois  Henris ,  qui  se  tenoit  en  le  gar- 
uison  de  Baniers  en  Bigorre  et  estoit  tenus  tout  le 
temps^  entendi  que  li  princes  estoit  retournés  d'Es- 
pagne en  le  prineeté,  il  se  parti  de  là  à  tout  ce  qu'il 
5  avoit  de  gens  d'armes^  Bretons  et  Compagnes ,  et 
entra  en  Arragon ,  et  vint  devers  le  roy  d^Arragon , 
qui  moult  Tamoit  et  qui  liement  le  reehut.  Là  se  tint 
tout  l'ivier  avoecques  lui,  et  eurent  de  rechief  al- 
liances entre  li  et  le  roy  d' Arragon,  pour  guerriier  le 

10  roy  dan  Piètre.  Et  couroient  ja  les  routes  de  Bretons 
qui  s'estoient  ahers  avoecques  lui,  desquelz  estoient 
chapitainne  messire  Hernaulz  Limozins ,  messires 
Joffrois  Ricon  et  messires  Yons  de  Lakonet ,  sus  le 
pays  d'Espagne,  et  y  faisoient  guerre  pour  le  roy 

15  Henri.  Or  parlerons  nous  de  la  délivrance  monsi- 
gneur  Bertran  de  Claiekin. 

§  592.  Apriès  ce  que  li  princes  de  Galles  fu  retour- 
nés en  Aquitainne,  et  ses  frères  li  dus  de  I^ncastre 
en  Engleterre^  et  ensi  tout  li  baron  sus  leurs  lieus, 

20  demora  encores  prisonniers  messires  Bertrans  de 
Claiekin  au  prince  et  à  monsigneur  Jehan  Chandos, 
et  ne  pooit  venir  à  raençon  ne  à  finance,  dont  moult 
desplaisoit  au  roy  Henri,  se  amender  le  peuist.  Or 
avint ,  si  com  je  fui  adonc  et  depuis  enfourmés ,  que 

25  un  jour  li  princes  de  Galles  estoit  en  goges,  si  vei  de- 
vant lui  ester  monsigneur  Bertran  de  Claiekin.  Si 
l'appella  et  li  demanda  comment  il  li  estoit.  «  Monsi- 
gneur, respondi  messires  Bertrans,  il  ne  me  fu,  Dieu 
merci,  onques  mes  mieulz,  et  c'est  drois  qu'il  me 

30  soit  bien,  car  je  sui  li  plus  honnourés  chevaliers  dou 
monde ,  quoique  je  demeure  en  vo  prison ,  et  vous 


[1367]  LIVRE  PREMIER,  $  59f.  63 

sarés  pourquoi  et  comment.  On  dist,  parmi  le  royau- 
me de  France  et  ailleurs  ossi ,  que  vous  me  doublés 
et  reissongniés  tant  que  vous  ne  m'oses  mettre  hors 
de  vostre  prison.  » 

Li  princes  de  Galles  entendi  ceste  parolle  et  5 
cuida  bien  que  messires  Bertrans  le  desist  à  bon 
sens^  car  voirement  ses  consaulz  ne  voloit  nullement 
que  il  euist  encores  sa  délivrance ,  jusques  adonc 
que  li  rois  dans  Piètres  aroit  paiiet  le  prince  et 
tout  ce  qu'il  estoit  tenus  envers  lui  et  ses  gens.  Si  10 
respondi  :  «  Voires ,  messire  Bertran ,  pensés  vous 
donc  que  pour  vostre  chevalerie  nous  vous  retenons? 
Par  saint  Gorge  !  nennil  ;  et ,  biau  sire  j  paiiés  cent 
mil  frans^  et  vous  jserés  délivrés.  «  Messires  Ber- 
trans^ qui  desiroit  sa  délivrance  et  à  oïr  sus  quele  fin  15 
il  pooit  partir,  hapa  ce  mot  et  dist  :  «  Monsigneur,  à 
Dieu  le  veu ,  je  n'en  paierai  mies  mains.  »  Si  tretost 
que  li  princes  l'oy  ensi  parler,  il  se  repenti,  ce  dist 
on  ;  car  ses  consaulz  li  ala  au  devant ,  et  li  disent  : 
«  Monsigneur,  vous  avés  trop  mal  fait,  quant  si  legie-  20 

rement  vous  Pavés  rançonné.  » 

* 

Et  volsissent  bien  adonc  les  gens  dou  prince  que  il 
se  fust  repentis  et  euist  brisiet  ceste  couvenence.  Mes  li 
princes,  qui  fu  sages  et  loyaus  chevaliers  toutdis,  en 
respondi  bien  à  point,  et  dist  :  «  Puisque  acordé  li  35 
avons,  nous  li  tenrons,  ne  ja  n^en  irons  arrière.  Blasmes 
et  virgongne  nous  seroit,  se  reprocié  nous  estoit  que 
nous  ne  le  vosissions  mettre  à  finance,  quant  il  s'i  voet 
mettre  si  grossement  que  paiier  cent  mil  fians.  »  Depuis 
ceste  ordenance,  messires  Bertrans  fu  songneus  et  30 
diligens  de  querre  finance  et  de  paiier  et  de  priier  ses 
amis  y  et  esploita  si^bien  que ,  parmi  l'ayde  qu'il  eut 


64       ^  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1368] 

dou  roy  de  France  et  dou  dueh  d'Ângo  qui  moult 
Famoit,  il  paia  sus  mains  d'un  mois  les  cent  mU 
frans,  et  sVn  vint  servir  le  duch  d'Ango,  à  bien  doux 
mil  combatans,  en  Prouvence,  qui  seoit  pour  le  tenij::; 
5  devant  le  ville  de  Tarascon,  qui  se  tient  ou  tcnoit 
pour  le  royne  de  Naples. 

En  ce  temps,  fu  trettiés  li  mariages  de  monsigneur 
Lyon,  fil  au  roy  d'Engleterre,  duch  de  Clarense  et 
conte  de  Dulnestre,  à  le  fille  monsigneur  Galeas,  si- 
lo gneur  de  Melans ,  laquele  jone  dame  estoit  nièce  à 
monsigneur  le  conte  de  Savoie ,  et  fille  de  madame 
Blance  sa  suer.  Si  se  porta  si  bien  trettiés  et  consaulz 
entre  les  parties,  que  li  mariages  fu  acordés,  et  vint 
li  dis  dus  de  Clarense,  acompagniés  grandement  de 
15  chevaliers  et  d'escuiers  d'Engleterre,  en  France,  où 
li  rois  et  li  dus  de  Bourgongne  et  li  dus  de  Bourbon 
et  li  sires  de  Concile  recueillièrent  grandement  et 
liement  en  France  et  à  Paris .  Et  passa  li  dessus  dis 
dus  parmi  le  royaume  de  France  et  vint  en  Savoie, 
20  où  li  gentilz  contes  de  Savoie  le  rechut  très  honnera- 
blement  en  Chamberi ,  et  fu  là  deux  jours  en  très 
grans  reviaus  de  danses ,  de  caroles  et  de  tous  esba- 
temens.  Au  tierc  jour,  il  parti ,  et  le  conduisi  li  dis 
contes  de  Savoie  jusques  à  Melans,  et  là  espousa  il  sa 
25  nièce,  la  fille  à  monsigneur  Galeas,  le  lundi  apriès  le 
Trinité,  Tan  mil  trois  cens  soixante  huit.  Or  retoiu*- 
rons  as  besongnes  de  France. 

§  593.  Vous  avés  bien  chi  dessus  oy  recorder  dou 

voiage  que  li  princes  de  Galles  fist  en  Espagne ,  et 

30   comment  il  se  parti  maucontens  dou  roy  dan  Piètre 

et  retourna  arrière  en  Acquitaiane.  Quant  il  fu  re- 


[i368]  LIVRE  PREMIER,  §  593.  65 

venus ^  toutes  manières  de  gens  d*armes  et  de  Com- 
pagnes le  sievirent,  tant  pour  ce  que  il  ne  voloient 
mies  demorer  en  Kspagne ,  que  pour  estre  paiiet  de 
leurs  gages ,  ensi  que  au  pantir  couvens  se  portoil  : 
siques,  quant  il  furent  trestout  retournet^  li  princes  5 
n*eut  mies  ses  paiemens  si  appareilliés  que  il  volsist^ 
car  li  Toiages  d'Espagne  l'avoit  si  miné  et  effondré 
d^argent,  que  merveilles  seroit  à  penser. 

Or  sejoumoient  ces  gens  de  Ck>mpagnes  sus  son  pays 
d'Aquitainne^  qui  ne  se  pooient  toutdis  tenir  de  mal*  10 
faire ,  et  estoient  bien  six  mil  combat  ans.  Si  leur  fîst 
dire  li  princes  et  priier  que  il  volsissent  bien  issir  hors 
de  son  pays  et  aler  ailleurs  pourcachier  et  vivre,  car  il 
ne  les  y  voloit  plus  soustenir.  Les  capitainnes  des  Com- 
pagnes^ qui  estoient  tout  ou  Englès  ou  Gascon,  telz  que  4 5 
messires  Robers  Brikés,  Jehan  Cressuelle,  messires  Ro- 
bers  Ceni,  messires  Gaillars  Vigier,  le  bourch  de  Bre- 
tueil^  le  bourch  Camus,  le  bourch  de  Lespare^  Naudon 
de  Bagerant ,  Bernart  de  la  Salle ,  Hortingo  et  Lamit 
et  pluiseur  aultre ,  ne  voloient  mies  courouchier  le  20 
prince;  mes  vuidièrent  le  princeté  dou  plus   tost 
qu'il  peurent,  et  entrèrent  en  France  qu'il  appelloient 
leur  cambre^  et  passèrent  le  grosse  rivière  de  Loire, 
et  s'en  vinrent  en  Campagne  et  puis  en  Tarchevesquié 
de  Rains,  en  Fevesquiet  de  Noion  et  de  Soissons^  et  25 
toutdis  leur  croissoient  gens.  Et  estoient  si  conforté 
de  leurs  besongnes  que  il  euissent^  à  ce  qu'il  mous- 
troient,  volen tiers  combatu  les  François,  n'euissent 
cure  où,  pour  yaus  enventurer.  Et  cerchièrent  en 
ce  temps  tout  le  royaume  de  France,  et  y  fîsent  30 
moult  de  maulz  et  de  tribulations  et  de  villains  fais, 
dont  les  plaintes  en  venoient  tous  les  jours  au  roy 

vil  —  5 


66  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT.  [1368] 

de  France  et  à  son  conseil^  et  se  n'i  pooient  mettre 
remède,  car  on  ne  s*osoit  enventurer  pour  yaus  com- 
batre.  Et  disoient  bien  cil  qui  pris  estoient^  car  tout- 
dis  on  les  poursievoit  et  costioit  à  gens  d'armes^  si 
5  ne  se  pooient  mies  si  bien  garder  qu'il  n*en  y  euist 
des  atrapés^  que  li  princes  de  Galles  les  envoioit  là , 
dont  li  royaumes  estoit  tous  esmervilliés ,  pourquoi 
couvertement  li  princes  les  faisoit  guerriier,  et  moult 
diversement  en  parloient  sus  se  partie.  Si  manda 

10  adonc  li  rois  de  France  le  signeur  de  Cliçon ,  et  en 
fist  un  grant  chapitainne  contre  ces  Ck>mpagnesy  pour 
tant  qu'il  estoit  bons  chevaliers  et  hardis ,  et  s'éna- 
moura grandement  li  rois  de  France  de  lui. 

En  ce  temps,  fu  li  mariages  Êiis  dou  signeur  de  La^ 

15  breth  et  de  madame  Ysabiel  de  Bourbon,  soer  au 
duc  Loeis  de  Bourbon  et  à  la  royne  de  France  et  à 
madame  Bonne,  contesse  de  Savoie  :  dou  quel  ma- 
riage li  princes  de  Galles  ne  fu  noient  resjoïs ,  mes 
euist  plus  chier  cpie  li  sires  de  Labreth  se  fust  ma- 

20  ries  ailleurs. 

§  594.  Entrues  que  ces  Ck>mpagnes  couroient  en 
France,  fu  li  princes  de  Galles  consilliés  d'aucuns  de 
son  conseil  pour  eslever  un  fouage  en  Aquitainne.  Et 
par  especial  li  evesques  de  Badè^  ses  canceliers,  y  rendi 

25  grant  painne  à  lui  consillier^  car  li  estât  dou  prince 
et  de  madame  la  princesse  estoient  adonc  si  grant  et 
si  estoffet  que  nulz  aultres  de  prince  ne  de  signeur, 
en  crestiennetet,  ne  s'acomparoit  au  leur^  de  tenir 
grant  fuison  de  chevaliers  et  d'escuiers,  de  dames  et 

30  de  damoiselles,  et  de  faire  grans  firès.  Au  conseil  de 
ce  fouage  furent  appellet  tout  li  baron  de  Gascongne, 


[1368]  LIVRE  PREfiilER,  S  ^^^-  67 

de  Poito  et  de  Saintoage^  asquelz  il  en  apertenoit  à 
parler^  et  pluiseur  riche  homme  des  cités  et  des  bonnes 
villes  d*Aquitainne.  Là  leur  fîi  remoustré  à  Niorth^ 
où  ciiz  parlemens  estoit  assamblés,  especialment  et 
generalment  de  par  le  dessus  dit  evesque  de  Bade^     5 
cancelier  d'Aquitainne^  et  présent  le  prince,  sus  quel 
estât  on  voloit  eslever  ce  fouage,  lequel  fouage  li 
princes  n'avoit  mies  intention  de  longement  tenir 
ne  faire  courir  en  son  pays,  fors  tant  seulement  cinq 
ans^  tant  qu'il  fust  espaiiés  dou  grant  argent  qu'il  lo 
devoit^  acrut  par  le  volage  d'Espagne. 

A  celle  ordenance  tenir  et  obéir  estoient  assés  d'acort 
cil  de  Poito^  de  Saintonge  y  de  Limozin^  de  Roei^e  et 
de  le  Rocelle^  parmi  tant  que  li  princes  devoit  tenir  ses 
•monnoies  estables  sept  ans.  A  ce  pourpos  refusoient  15 
et  varioient  cil  des  hautes  marées  de  Gascongne ,  li 
contes  d*£rmignach ,  li  sires  de  Labreth  ses  neveus , 
li  contes  de  Pieregorth^  li  contes  de  Commignes^  li 
viscontes  de  Carmain,  li  sires  de  la  Barde,  li  sires  de 
Taride ,  li  sires  de  Pincomet  et  pluiseur  aultre  hault  20 
baron  et  grant  chevalier,  tout  de  ces  marées  et  cités 
et  bonnes  villes  de  leur  ressort.  Et  disoient  que,  dou 
temps  passé  et  qull  avoient  obéi  au  roy  de  France, 
il  n'avoient  esté  grevé  ne  pressé  de  nul  souside,  im- 
position, fouage  ne  gabelle,  ne  ja  ne  seroient,  tant  25' 
que  deffendre  le  poroient^  et  que  leurs  terres  et  si- 
gneuries  estoient  franches  et  exentes  de  toutes  dé- 
bites, et  à  tenir  en  cel  estât  li  princes  leur  avoit  juret. 
Non  obstant  ce,  pour  yaus  partir  amiablement  de  ce 
parlement  et  dou  prince,  il  respondirent  qu'il  en  30 
aroient  avis  et  metteroient  ensamble,  yaus  retourné, 
pluiseups  prelas,  evesques^ abbés,  barons  et  cheva- 


68  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1368] 

liers,  asquelz  il  en  touchoit  bien  à  parler,  et  en 
aroient  plus  grant  délibération  de  conseil  qu'il  n'a- 
voient  là  présentement.  Li  princes  de  Galles  ne  ses 
consaulz  n'en  peurent  adonc  avoir  aultre  eose. 
5  Ensi  se  départi  cilz  parlemens  de  le  ville  de  Niorth, 
et  retournèrent  cescuns  en  leurs  lieus  ;  mes  il  leur  fu 
commandé  et  ordené  de  par  le  prince  qu'il  fiiissent 
là  tout  revenu^  dedens  un  jour  qui  assignés  y  fu.  Or 
retournèrent  cil  baron  et  cil  signeur  de  Gascongne 

10  en  leur  pays ,  qui  bien  affremèrent  que ,  sus  l'estat 
dont  parti  estoient  devers  le  prince  ^  plus  ne  retour- 
roient,  ne  que  ja,  pour  faire  guerre  au  prince^  cilz 
fouages  ne  courroit  en  leurs  terres.  Ensi  se  com- 
mença li  pays  à  esmouvoir  et  à  rebeller  contre  le 

15  prince.  Et  vinrent  en  France  li  contes  d*Ermignach, 
li  sires  de  Labreth,  li  contes  de  Pieregorth,  le  contes 
de  Commignes  et  pluiseur  aultre  haut  baron ,  prélat 
et  chevalier  de  Gascongne  y  et  misent  plaintes  avant 
en  le  cambre  dou  roy  de  France ,  le  roy  de  France 

20  présent  et  ses  pers ,  sus  les  griés  que  li  princes  leur 
voloit  faire;  et  disoient  que  il  avoient  ressort  au  dit 
roy  et  que  à  lui. se  voloient  retraire  et  retourner 
comme  à  leur  souverain. 

Li  rois  de  France ,  qui  ne  voloit  mies  obviier  à  le 

25  pais  qui  se  tenoit  entre  le  roy  d'Engleterre  et  lui, 
se  dissimuloit  de  ces  paroUes^  et  en  respondoit  moult 
à  point,  et  disoit  à  ces  barons  de  Gascongne  :  «  Certes, 
signeur,  le  juridiction  de  nostre  hiretage  et  la  cou- 
ronne de  France  vorrions  toutdis  garder  et  augmen- 

30  ter;  mes  nous  avons  juré,  apriès  nostre  signeur  de 
père,  pluiseurs  poins  et  articles  en  le  pais ,  desquelz 
il  ne  nous  souvient  mies  de  tous.  Si  y  regarderons  et 


[i368]  UVRE  PRBfiflER,  $  594.  69 

yiseterons  par  loisir^  et  lotit  ce  qui  sera  pour  yous, 
nous  le  yous  aiderons  à  garder^  telement  que  yous 
nous  en  sarés  gré  ;  et  yous  metterons  à  acord^  devers 
nostre  neyeu  le  prince^  tel,  espoir  qu'il  n'est  mies  bien 
consilliés^  que  yous  demorrés  en  yos  francises  et  liber-  5 
tés.  »  De  ces  responses  que  li  rois  de  France  faisoit, 
se  contentoient  grandement  li  baron  de  Gascongne, 
et  se  tenoient  à  Paris  dalés  le  roy,  qui  point  n'en 
partoient  ne  retournoient  en  leur  pays.  De  quoi  li 
princes  ne  s'en  contentoit  mies  bien,  et  tousjours  lo 
perseyeroit  et  faisoit  perseyerer  son  conseil  sus  Tes- 
tât de  ce  fouage. 

Messires  Jehans  Chandos^  qui  estoit  li  uns  des  grans 
de  son  conseil  et  yaillans  et  sages  chevaliers  dure- 
ment, estoit  contraires  à  ceste  oppinion  et  bien  yo*»   iS 
sist  que  li  princes  8*en  deportast.  Et  quant  il  yei  que 
point  n'en  yenroit  à  chief,  afin  que  point  n'en  fîist  de» 
mandés  ne  encoupés  j  il  prist  congiet  dou  prince  et 
escusance  d'aler  en  Normendie ,  en  le  terre  de  Saint 
Salveur  le  Y isconte ,  dont  il  estoit  sires ,  pour  le  yi-   20 
seter^  car  point  n'i  ayoit  encores  estet  depuis  trois 
ans;  li  princes  li  acorda.  Dont  se  départi  de  Poito 
li  dis  messires  Jehans  Chandos,  et  s'en  yint  en  Cons- 
tentin ,  et  séjourna  en  le  ville  de  Saint  Salveur,  que 
là  enyiron,  plus  d*un  an.  Et  toutdis  procedoit  li  25 
princes  sus  ce  fouage  ;  car  ses  consaulz ,  qui  à  ce  ti- 
roient,  li  remoustroient  que  ^  se  il  le  pooient  esploi- 
tier^  il  yaurroit  par  an  douze  cens  mil  frans,  par  paiier 
tant  seulement  sus  çascun  feu  un  franc  ^  et  li  fors 
porter  le  foible.  Nous  retourrons  au  roy  Henri,  qui  30 
estoit  en  ce  temps  retrais  ou  royaume  d'Arragon  et 
recorderons  comment  il  persévéra. 


70  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1368] 

§  595.  Le  plus  grant  partie  de  Testât  et  de  l'afaîre 
dou  prince  savoient  li  roy  voisin  ,*  telz  que  li  rois 
Pierres  d'Arragon  et  li  rois  Henris,  car  il  mettoient 
grant  cure  au  savoir,  et  bien  avoient  entendu  com- 

5  ment  li  baron  de  Gascongne  estoient  à  Paris  dalés 
le  roy  et  se  commençoient  tout  à  tourbler  et  à  révé- 
ler contre  le  prince.  De  ce  n'estoient  mies  li  dessus 
dit  roy  couroucié ,  et  par  especial  li  rois  Henris  qui 
tiroit  à  revenir  au  conques  de  Castille ,  qu'il  avoit 

10  perdu  par  le  poissance  dou  prince.  Si  se  parti  dou 
roy  d'Arragon ,  et  prist  congiet  à  lui  à  Valense  le 
Grant;  et  se  partirent  en  se  compagnie,  dou  royaume 
d'Arragon ,  li  viscontes  de  Rokebertin  et  li  viscontes 
de  Rodés,  et  furent  bien  troi  mil  hommes  à  cheval 

15  et  bien  six  mil  de  piet,  parmi  aucuns  Geneuois  qui 
là  estoient  en  saudées.  Si  chevaucièrent  ces  gens 
d'armes  par  devers  Espagne  et  jusques  à  le  cité  de 
Burghes,  qui  tantost  se  tourna  et  ouvri  contre  le  roy 
Henri,  et  le  rechurent  à  signeur;  et  de  là  il  vinrent 

ÎO  devant  le  Val  d'Olif,  car  li  rois  Henris  entendi  que  li 
rois  de  Mayogres  y  estoit,  de  laquelle  avenue  il  fu 
^  moult  joians. 

Quant  cil  de  le  ville  dou  Val  d'OIif  entendirent 
que  cil  de  Burghes  estoient  tourné  et  rendu  au  roy 

25  Henri ,  si  n'eurent  mies  conseil  que  d'yaus  tenir  ne 
faire  assallir  :  si  se  ouvrirent ,  et  recueiliièrent  le 
dit  roy  Henri  comme  leur  signeur,  ensi  que  jadis 
avoient  fait.  Si  tost  que  li  rois  Henris  fu  entrés  en 
le  ville,  il  demanda  où  li  rois  de  Mayogres  estoit  et 

30  se  tenoit  :  on  li  ensengna  liement  et  volentiers.  Tan- 
tost et  sans  delay,  li  rois  Henris  vint  celle  part  et  en- 
tra en  Tostel  et  en  le  cambre,  là  où  li  dis  rois  estoit 


[1368]  UVRB  FREBfIBR,  $  S96.  71 

enoores  tous  pesans  de  sa  maladie.  Li  rois  Henris 
vint  jusques  à  lui^  et  là  li  dist  ensi  :  «  Rois  de  Mayo- 
gres^  vous  avés  esté  nostre  ennemi^  et  à  main  armée 
vous  estes  entrés  en  nostre  royaume  de  Castille,  pour 
quoi  nous  mettons  main  à  vous,  et  vous  rendes  nostre    5 
prisonnier^  ou  aultrement  vous  estes  mors.  »  Li  rois 
de  Mayogres^  qui  se  yeoit  en  dur  parti  et  que  def- 
fense  riens  n'i  yaloit^  respondi  et  dist  :  «  Sire^  je  sui 
mors  voirement,  se  vous  volés.  Volentiers  je  me  rench 
vostre  prisonnier  et  non  à  autrui;  et,  se  vous  me   10 
devés  ou  volés  mettre,  par  quel  condition  que  ce  soit^ 
en  aultres  mains  que  ens  es  vostres ,  si  le  dittes^  car 
je  aroie  plus  chier  à  estre  mors^  que  ens  es  mains 
remis  de  mon  adversaire  le  roy  d'Arragon.  »  Li  rois 
Henris  respondi  et  dist  { «  Nennil^  car  je  ne  vous  fe-   15 
roie  pas  loyauté ,  et  se  seroit  grandement  à  mon 
blasme.  Vous  demorrés  mon  prisonnier^  pour  quitter 
et  pour  rançonner^  se  je  voeil.  »  Ensi  fu  pris  et  siere- 
mentes  li  rois  James  de  Mayogres  dou  roy  Henri^  qui 
mist  sus  lui^  ou  Val  d'Olif^  grandes  gardes  pour  plus  so 
especiaument  garder,  et  puis  chevauça  oultre  devers 
le  cité  de  Lyon  en  Espagne,  qui  tantost  s'ouvri  con- 
tre lui,  quant'  il  oïrent  dire  qu'il  venoit  celle  part.  - 

§  596.  Quant  la  ville  et  la  cité  de  Lyon  en  Espagne 
se  fil  rendue  au  roy  Henri^  tous  li  pays  de  le  marce  25 
de  Galisse  se  commença  à  tourner.  Et  se  vinrent 
rendre  au  dit  roy  Henri  pluiseur  hault  baron  et  si- 
gneur,  qui  avoient  en  devant  fait  hommage  au  roy 
dan  Piètre;  car,  quel  samblant  d'amour  qu'il  li  euis- 
sent  moustré,  présent  le  prince^  il  ne  le  pooient  amer,  80 
tant  leur  avoit  il  fait  de  grans  cruaultés  jadis  ^  et  es-  ^ 


L-*-« k. 


72  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [4368] 

toient  bien  en  double  que  encores  de  recief  il  ne 
leur  en  fesist.  Et  li  rois  Henris  les  avoit  tenus  amia- 
blement  et  porté  doucement^  et  leur  prommetoit 
bien  à  faire  :  pour  tant  se  retraioient  il  tout  devers 

5   lui. 

Encores  n'estoit  mies  messires  Bertrans  de  Claie- 
kin  venus  en  se  compagnie^  mais  il  approçoit  dure- 
ment^ à  tout  bien  deux  mil  combatans^  et  estoit 
partis  dou  duch  d'Ango,  qui  avoit  achievé  sa  guerre 

10  en  Prouvence  et  défiait  son  siège  de  devant  Tarascon, 
par  composition  9  je  ne  sçai  mies  à  dire  quele.  Si 
s'estoient  parti  avoech  le  dessus  dit  monsigneur  Ber- 
tran  aucun  chevalier  et  escuier  de  France,  qui  desi- 
roient  les  armes ,  et  estoient  ja  entré  en  Arragon ,  et 

15  chevauçoient  fortement  pour  venir  devers  le  roy 
Henri  qui  avoit  mis  le  siège  devant  le  cité  de  Tou- 
lète. 

Les  nouvelles  dou  reconquès  et  comment  li  pays 
se  tournoit  devers  le  roy  Henri,  vinrent  au  roy  dan 

20  Piètre  qui  se  tenoit  en  le  marce  de  Seville  et  de  Por- 
tingal  et  estoit  tenus  tout  le  temps.  Quant  li  rois 
dan  Piètres  entendi  ce,  si  fu  durement  courouciés 
sus  son  frère  le  bastart  et  les  barons  de  Castille  qui 
le  relenquissoient,  et  dist  et  jura  que  il  en  prenderoit 

25  si  cruele  vengance,  que  il  seroit  exemples  à  tous  aul- 
tres.  Si  fist  tantost  un  mandement  et  commandement 
partout  à  tous  ceulz  dont  il  esperoit  à  avoir  Payde  et 
le  service.  Si  manda  et  pria  telz  qui  point  ne  vinrent 
et  s'escusèrent  au  mieulz  qu'il  peurent,  et  li  aucun 

30  de  recief  sans  faintise  se  retournèrent  devers  le  roy 
Henri  et  li  ren voilèrent  leur  hommage.  Et  quant  li 
rois  dan  Piètres  vei  ce  que  ses  gens  li  falloient,  si  se 


[1369]  LIVRE  PREMIER,  $  597.  73 

commença  à  doilbter  et  se  consilla  à  dan  Ferrant  de 
Castres,  qui  onques  ne  ii  falli^  liquelz  li  consilla  que 
il  presist  partout  gens  là  où  il  les  pooit  avoir,  tant  en 
Grenade  comme  ailleurs^  et  que  il  se  hastast  de  che- 
Taucier  contre  son  frère  le  bastart,  ançois  que  il  se  5 
efforçast  plus  en  son  pays,  ne  moutepliast  de  gens 
d'armes. 

Li  rois  dans  Piètres  ne  volt  mies  séjourner  sur 
ce  pourpos^  mes  pria  ens  ou  royaume  de  Portin- 
gal^  dont  li  rois  estoit  ses  cousins  germains,  et  y  lo 
eut  grant  gens  ;  et  envoia  devers  le  roy  de  Grenade 
et  devers  le  roy  de  Bellemarine  et  le  roy  de  Trame- 
sainnes,  et  fist  alliances  à  yaus,  parmi  tant  que  trente 
ans  il  les  devoit  tenir  en  segur  estât  et  point  faire  de 
guerre.  Parmi  tant ,  cil  troi  roy  dessus  dit  li  envoiiè-  15 
rent  plus  de  vingt  mil  Sarrasins^  pour  aidier  à  faire 
sa  guerre.  Si  fist  tant  li  rois  dan  Piètres,  que  d'uns^ 
que  d'autres,  Crestiiens^  Juis  et  Sarrasins^  qu'il  eut 
bien  quarante  mil  bommes,  tous  assamblés  en  le  marce 
de  SeviUe.  En  ces  trettiés  et  pourcas  qu'il  faisoit,  et  30 
entrues  que  li  sièges  estoit  devant  Toulète^  descendi 
en  l'ost  dou  roy  Henri  messires  Bertrans  de  Claiekin, 
à  tout  deux  mil  combatans^  qui  y  fu  receus  à  grant 
joie ,  ce  fu  bien  raisons ,  et  furent  tout  cbil  de  Thost 
resjoî  de  sa  venue.  25 

§  597.  Li  rois  dan  Piètres,  qui  avoit  fait  son  amas 
de  gens  d'armes  à  Seville  et  là  environ ,  si  com  chi 
dessus  est  dit,  et  qui  desiroit  à  combatre  son  frère  le 
bastart,  se  départi  de  Seville,  à  tout  grant  host,  en 
istance  de  ce  que  pour  venir  lever  le  siège  de  devant  30 
Toulette.  Entre  le  cité  de  Toulette  et  celi  de  Seville, 


74  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT.  [1969] 

puet  bien  avoir  neuf  journées  de  pays  :  si  vinrent 
les  nouvelles  en  l'ost  dou  roy  Henri  ^  que  H  rois  dans 
Piètres  approçoit  et  avoit  en  se  compagnie  plus  de 
quarante  mil  hommes,  uns  e'autres,  et  que  sur  ce  il 

5  euist  avis.  A  ce  conseil  furent  appelle  li  chevalier  d'Ar- 
ragon  et  de  France  qui  là  estoient^  et  par  especial  mes- 
sires  Bertrans  de  Claieldn^  par  lequel  on  voloit  dou  tout 
ouvrer*  Là  donna  li  dis  messires  Bertrans  un  conseil 
qui  fu  tenus  :  que  tantost,  avoech  le  plus  grant  partie 

10  de  ses  gens^  li  rois  Henris  se  partesist  et  chevauçast 
à  effort  devers  le  roy  dan  Piètre  qui  approçoit;  et^  en 
quel  estât  li  et  les  siens  que  on  le  trouvast^  on  le 
combatesist.  «  Car  pour  quoi ,  dist  il ,  si  com  nous 
sommes  enfourmé^  il  vient  à  grant  poissance  sur 

45  nous,  qui  trop  nous  poroit  grever,  se  il  venoit  par 
avis  jusques  à  nous.  Et,  se  nous  alons  sur  lui,  sans 
ce  que  riens  en  sace,  nous  le  prenderons  bien  lui  et 
ses  gens  en  tel  parti  que  tout  despourveu,  et  que 
nous  en  arons  l'avantage,  et  seront  desconfi,  je  n'en 

30  doubte  mies.  » 

Li  consaulz  et  avis  de  monsigneur  Bertran  fii 
oïs  et  tenus.  Si  se  parti  sus  un  soir  li  dis  rois  Henris 
de  Fhost,  en  se  compagnie  tous  les  milleurs  com- 
batans  par  élection  que  il  euist,  et  laissa  le  demo- 

25  rant  de  son  host  en  le  garde  et  gouvrenement  dou 
conte  dan  Tille ,  son  frère ,  et  puis  chevauça  avant. 
Et  avoit  ses  espies  alans  et  venans,  qui  savoient  et 
raportoient  songneusement  le  couvine  dou  roy  dan 
Piètre  et  de  son  host.   Et  li  rois  dan  Piètres  ne 

30  savoit  riens  dou  roy  Henri ,  ne  que  [ensi  chevau- 
çast contre  lui  :  de  quoi  il  et  ses  gens  en  chevau- 
çoient  plus  espars  et  en  petite  ordenance.  Et  avint 


[1369]  LIVRE  PREMIER,  g  S97.  7S 

que^  sus  une  ajournée^  li  rois  Henrîs  et  li  sien  deurent 
enconlrer  le  roy  dan  Piètre  et  ses  gens^  qui  celle  nuit 
avoit  jeu  en  un  chastiel^  assés  priés  de  là,  que  on 
appelle  Montueil  y  et  l'a  voit  li  sires  de  Montueil  re- 
cueilliet  et  honnouret  ce  qu'il  pooit.  Si  en  estoit  au  5 
matin  partis  et  mis  au  chemin ,  et  chevauçoit  assés 
esparsement^  car  il  ne  cuidoit  mies  estre  combatus 
en  ce  jour.  Evous  venant  soudainnement ,  banières 
desploiies^  et  tous  pourveus  de  leurs  £aiis^  le  roy  Henri^ 
le  conte  Sanse  son  frère  ^  monsigneur  Bertran  de  10 
Claiekin,  par  lequel  conseil  tout  il  ouvroient^  le 
Bèghe  de  Vellainnes ,  le  visconte  de  Rokebertin ,  le 
visconte  de  Rodais  et  leurs  routes.  Et  estoient  bien 
six  mil  combatans,  et  chevaucoient  tout  serré  et  de 
grant  randon.  Et  s'en  viennent^  de  plains  eslais,  de  15 
grant  volenté  et  sans  faire  nul  parlement^  ens  es  pre- 
miers qu'il  encontrèrent ,  en  escriant  :  <c  Castille  au 
roy  Henri  I  »  et  «c  Nostre  Dame  I  Claiekin  (  »  Si  recu- 
lèrent et  abatirent  ces  premiers,  roidement  et  mer- 
viUeusement^  qui  furent  tantost  desconfi  et  rebouté  so 
bien  avant.  Là. en  y  eut  pluiseur  occis  et  rués  par 
terre,  car  nulz  n'estoit  pris  à  raençon,  et  ensi  estoit 
ordonné  dou  conseil  monsigneur  Bertran^  très  le  jour 
devant^  pour  le  grant  plenté  de  mescreans,  Juis  et 
aultres^  qui  là  estoient.  35 

Quant  li  rois  dan  Piètres  entendi  ces  nouvelles^ 
qui  chevauçoit  en  le  plus  grant  route,  que  ses  gens 
estoient  assalli  et  envaï  et  rebouté  villainnement  de 
son  frère  le  bastart  Henri  et  des  François^  si  fu 
durement  esmervilliés  dont  il  venoient^  et  vei  bien  30 
qu'il  estoit  trahis  et  decheus  et  en  aventure  de  tout 
perdre^  car  ses  gens  estoient  moult  espars.   Non 


76  CHRONIQUES  DB  J.  FROISSART.  [4369] 

pourquant^  comme  bons  chevaliers  et  hardis  qu'il 
estoit^  et  de  grant  confort  et  emprise,  il  s'arresta  tout 
quois  sus  les  camps  ^  et  fist  sa  banière  desvoleper  et 
mettre  avant  pour  recueillier  ses  gens,  et  envoia 

5  noncier  et  dire  à  chiaus  derrière,  que  il  se  hastais- 
sent  de  traire  avant,  car  il  se  combatoit  as  ennemis. 
Dont  s'avancièrent  toutes  manières  de  bonnes  gens 
qui  oïrent  ces  nouvelles,  et  se  traisent  pour  leur 
honneur  devers  le  banière  dou  roy  dan  Piètre,  qui 

10  venteloit  sus  les  camps.  ïà  eut  grant  bataille  et  dure 
mervilleusement ,  et  maint  homme  reversé  par  terre 
et  occis  dou  costet  le  roy  dan  Piètre,  car  li  rois  Henris 
et  messires  Bertrans  et  leurs  routes  les  requeroient 
de  si  grant  volenté,  que  nulz  ne  duroit  contre  yaus. 

15  Mes  ce  ne  fu  mies  si  tost  fait  et  achievé^  car  cil  dou 
roy  dan  Piètre  estoient  si  grant  fuison,  que  bien  six 
contre  un  ;  mais  tant  y  avoit  de  mal  pour  yaus  et  de 
meschief  qu'il  furent  pris  si  sus  un  piet ,  que  ce  les 
esbahissoit  et  desconfisoit  plus  c'autre  cose. 

20  §  598.  Geste  bataille  des  Espagnolz  l'un  contre 
Tautre,  et  des  deux  rois  et  leurs  allîiés,  assés  priés  dou 
castiel  de  Montueil,  fu  en  ce  jour  moult  grande  et 
moult  horible.  Et  moult  y  furent  bon  chevalier,  dou 
costé  le  roy  Henri,  messires  Bertrans  de  Claiekin, 

25  messires  Jofirois  Ricon,  messires  Ernaulz  Limozins, 
messires  Yons  de  Lakonet ,  messires  Jehans  de  Ber- 
ghètes,  messires  Gauwains  de  Baillueil,  messires  li 
Bèghes  de  Vellainnes,  Alains  de  Saint  Pol,  Alyos  de 
Talay  et  li  Breton  qui  là  estoient;  et  ossi  dou  royaume 

30  d'Arragon,  li  viscontes  de  Rokeberlin  et  li  viscontes 
de  Rodés  et  pluiseur  aultre  bon  chevalier  et  escuier 


[1369]  U^BE  PREMIER,  $  S98.  77 

que  je  ne  puis  mies  tous  nommer.  Et  y  fisent  tamaintes 
grandes  apertises  d'armes^  et  bien  leur  besongnoit^ 
car  il  trouvèrent  gens  ossi  contre  yaus  assés  estragnes, 
telz  que  Sarrasins  et  Portingalois.  Car  li  Juis  qui  là 
estoient^  tournèrent  tantost  les  dos^  ne  point  ne  se  ô 
combatlrent;  mes  ce  fisent  cil  de  Grenade  et  de 
Bellemarine ,  qui  portoient  ars  et  archigaies ,  dont  il 
savoient  bien  jeuer^  et  dont  il  fisent  pluiseurs  grans 
apertises  de  traire  et  de  lancier. 

Et  là  estoit  li  rois  dans  Piètres  hardis  homs  dure*   lo 
ment^  qui  se  combatoit  moult  vaillamment^  et  tenoit 
une  hace  dont  il  donnoit  les  cops  si  grans,  que  nulz 
ne  l'osoit  approcier.  Là  s'adreça  la  banière  dou  roy 
Henri  son  firère  devers  le  sienne,  bien  espesse  et  bien 
pourveue  de  bons  combatans^  en  escriant  leurs  cris  et   15 
en  boutant  fièrement  de  leurs  lances.  Lors  se  commen- 
cièrent  à  ouvrir  cil  qui  dalés  le  roy  dan  Piètre  estoient, 
et  à  esbahir  malement.  Dans  Ferrans  de  Castres,  qui 
avoit  à  garder  et  consiliier  le  corps  dou  roy  dan  Piètre 
son  signeur,  vei  bien^  tant  eut  il  de  sentement,  que  leurs  20 
gens  se  perdoient  et  desconfisoient,  pour  tant  que  trop 
sus  un  piet  pris  on  les  avoit  :  si  dist  au  roy  dan  Piètre  : 
«  Sire,  sauvés  vous  et  vous  recueillies  en  ce  castiel  de 
Montueil,  dont  vous  estes  à  ce  matin  partis.  Se  vous 
estes  en  ce  castiel,  vous  serés  en  sauvegarde;  et,  se  25 
vous  estes  pris  de  vos  ennemis,  vous  serés  mors  sans 
merci.  »  Li  rois  dan  Piètres  crut  ce  conseil,  et  se 
parti  au  plus  tost  qu'il  peut,  et  se  retraist  devers 
Montueil.  Si  y  vint  si  à  point,  que  il  trouva  les  por- 
tes dou  chastiel  ouvertes  et  le  signeur  qui  le  rechut,  30 
lui  douzime  tant  seulement.  Entrues  se  combatoient 
li  aultre  qui  estoient  espars  sus  les  camps,  et  fai- 


78  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

soient  li  aucun  ce  qu'il  pooient;  car  li  Sarrasin,  qui 
là  estoient ,  avoient  ossi  chier  à  morir  qu'il  fuissent 
longement  cachiet  :  si  se  vendoient  par  ensi  li  aucun 
moult  durement. 

5  Nouvelles  vinrent  au  roy  Henri  et  à  monsigneur 
Bertran  que  li  rois  dan  Piètres  estoit  re trais  et  en- 
clos ens  ou  chastiel  de  Montueil^  et  que  li  Bèghes  de 
YeUainnes  et  se  route  Favoient  poursievi  jusques  à  là; 
et  se  n'i  avoit  ou  dit  chastiel  que  un  seul  pas^  par  où 

10  on  y  entroit  et  issoit^  et  devant  celle  entrée  se  tenoit 
li  dis  Bèghes^  et  avoit  là  mis  son  pennon.  De  ces 
nouvelles  furent  durement  resjoy  li  dessus  dis  mes- 
sires  Bertrans  et  li  rob  Henris  y  et  se  traisent  de  celle 
part^  tout  en  combatant  et  occiant  gens  à  fous  et  à 

15  mons^  ensi  que  bestes^  et  tant  qu'il  estoient  tout  las- 
set  d'occire,  dou  decoper  et  de  l'abatre.  Si  dura  ceste 
cache  plus  de  trois  grans  liewes,  et  y  eut  ce  jour  mort 
plus  de  vingt  quatre  mil  hommes^  uns  c'autres.  Et 
trop  petit  s'en  sauvèrent,  se  ce  n'estoient  cil  dou 

20  pays  qui  savoient  les  refuites  et  les  adresces;  car  li 
Sarrasin^  qui  ne  savoient  ne  cognissoient  nient  le 
pays^  ne  savoient  où  fuir  :  si  leur  couvenoit  attendre 
l'aventure ,  si  furent  tout  mort.  Ceste  bataille  fu 
desous  Montueil  et  là  environ,  en  Espagne^  le  trei- 

25  zime  jour  dou  mois  d'aoust^  l'an  de  grasce  mil  trois 
cens  solfiante  huit. 

§  599.  Apriès  le  grande  desconiiture  qui  eut  estet 

faite  sus  le  roy  dan  Piètre  et  ses  assamblés^  assés  priés 

de  Montueil^  et  que  li  rois  Henris  et  messires  Ber- 

30  trans  eurent  obtenu  le  place  et  qu'il  furent  retourné 

de  le  cache  9  il  se  recueiUièrent  tout  devant  le  dit 


[1869]  UYRB  PREMIER,  $  tf09.  79 

chastiel  de  Montueil  et  se  logièrent  et  amanagièrent 
tout  environ  ;  et  bien  disent  que  il  n'avoient  riens 
&it  ne  esploitié ,  se  il  ne  prendoient  le  cbastiel  et  le 
roy  dan  Piètre  qui  dedens  estoit.  Si  mandèrent  tout 
leur  estât  et  afaii'e  à  leurs  gens^  qui  se  tenoient  de-  5 
vant  Toulète ,  afin  qu'il  en  fuissent  plus  reconforté. 
De  ces  nouvelles  furent  tout  resjoy  li  contes  dan 
Tilles  et  li  contes  Sanses  et  cil  qui  le  siège  là  tenoient. 
li  chastiaus  de  Montueil  estoit  fors  assés  pour  bien 
tenir  un  grant  temps^  se  pourveus  euist  esté;  mes  de  10 
tous  vivres,  quant  li  rois  dan  Piètres  y  entra,  il  n'en 
y  avoit  point  pour  lui  vivre  plus  baut  de  quatre  jours; 
et  ce  esbabissoit  grandement  le  roy  dan  Piètre  et  les 
compagnons^  car  il  estoient  si  priés  gettié,  de  nuit  et 
de  jour,  que  uns  oiselés  ne  se  partesist  point  dou  15 
cbastiel^  que  il  ne  fust  veus  et  aperçeus. 

Li  rois  dan  Piètres ,  qui  estoit  là  dedens  en  grant 
angoisse  de  coer,  et  qui  veoit  ses  ennemis  logiés  autour 
de  lui  y  et  qui  bien  savoit  que  à  nul  trettiet  de  pais  ne 
d'accort  il  ne  vorroient  entendre  ne  descendre,  eut  ta-  20 
mainte  imagination^  siques^  tout  considéré,  les  perilz 
où  il  se  trouvoit  et  le  faute  de  vivres  qui  laiens  estoit^ 
il  fu  consilUés  que^  à  beure  de  mienuit^  dou  cbastiel, 
lui  douzime,  il  se  partiroiept  et  se  metteroient  en  le 
garde  de  Dieu ,  et  aroient  guides  qui  les  meneroient  35 
à  l'un  des  corons  de  Tbost  et  à  sauveté.  Si  se  arres- 
tèrent  ou  dit  cbastiel  sus  cel  estât,  et  se  partirent  se- 
crètement, environ  beure  de  mienuit,  li  rois  dans 
Piètres^  dans  Ferrans  de  Castres  et  tant  qu'il  furent 
yaus  douze^  et  faisoit  celle  nuit  durement  espès  et  30 
brun. 

A  ce  donc  faisoit  le  get  à  phis  de  trois  cens  com- 


80  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

batans  messires  li  Bèghes  de  Vellainnes^  ensi  que 
li  rois  dans  Piètres  estoit  issus  dou  chastiel  et  se 
route ,  et  s'en  venoit  par  une  haute  voie  qui  descen- 
doit  tout  bas  y  et  se  tenoient  si  quoi  que  il  sambloit 
5  que  il  n'i  euist  nuUui.  Li  Bèghes  de  Vellainnes,  qui 
estoit  toutdis  en  doubte  et  en  soing  de  son  fait  et  en 
cremeur  de  tout  perdre^  oy^  ce  li  sambb^  le  son  de 
passer  sus  le  pavement;  si  dist  à  chiaus  qui  dalés  lui 
estoient  :  «  Signeur^  tout  quoi  et  ne  faites  nul  effroy. 

10  J'ay  oy  gens  :  tantost  sarons  qui  ce  sont,  qui  cemi* 
nent  à  ceste  heure.  Je  ne  sçai  se  ce  seroient  jamais 
vitaillier^  qui  venissent  rafreschir  ce  chastiel  de  vivres, 
car  il  n'en  est  mies  bien  pourveus.  » 

Adonc  s'avança  li  dis  Bèghes,  sa  daghe  en  son  puing, 

ib  ses  compagnons  dalés  lui,  et  vint  à  un  homme  priés 
dou  roy  dan  Piètre  et  demanda:  «Qui  est  çou  là?  Parlés 
ou  vous  estes  mors,  m  Cil  à  qui  messires  li  Bèghes  s*a- 
dreça ,  estoit  englès  :  se  li  refusa  à  parler  et  se  lança 
oultre  en  lui  eschievant,  et  li  dis  Bèghes  le  laissa 

20  passer  et  s'adreça  sus  le  roy  dan  Piètre;  et  li  sambla^ 
quoique  il  fesist  moult  brun,  que  ce  fust  il,  et  le  ra- 
visa pour  le  roy  Henri  son  frère,  car  trop  bien  se 
ressambloient.  Se  li  demanda,  en  portant  se  dage  sus 
se  poitrine  :  «  Et  vous,  qui  estes?  Nommés  vous  tan- 

35  tost,  ou  vous  estes  mors.  »  Et  en  ce  parlant  il  le  prist 
par  le  frain  de  son  cheval ,  et  ne  volt  mies  qu'il  li 
escapast ,  ensi  que  li  premiers  avoit  fait ,  quoique  il 
fust  pris  de  ses  gens. 

Li  rois  dan  Piètres,  qui  veoit  une  grosse  route 

30  de  gens  d'armes  devant  lui  et  qui  bien  sentoit  que 
escaper  ne  pooit ,  dist  au  Bèghe  de  Vellainnes  qu'il 
recogneut  :  «  Bèghes ,  Bèghes ,  je  sui  li  rois  dan 


[1369]  UVRE  PREMIER,  S  ^99.  84 

Piètres,  rois  de  CastiUe^  à  qui  on  fait  moult  de  tors 
par  mauvais  conseil.  Je  me  rench  ton  prisonnier  et 
me  meth^  et  toutes  mes  gens  qui  ci  sont,  et  tout 
comptés  n'en  y  a  que  douze  ^  en  ta  garde  et  vo- 
lenté.  Si  le  pri^  en  nom  de  gentillèce,  que  tu  nous  5 
mettes  à  sauvetë;  et  je  me  rançonnerai  à  toy  si  gran- 
dement com  tu  y  orras;  car^  Dieu  merci  ^  j'ai  bien 
encores  de  quoi^  mes  que  tu  m'eschiewes  des  mains 
dou  bastart  Henri  mon  frère.  »  Là  deubt  respondre, 
si  com  je  fui  depuis  enfourmés^  li  dis  Bèghes^  que  il  lo 
venist  tout  seurement^  lui  et  sa  route  ^  et  que  ja  ses 
frères  li  bastars  Henris,  ne  nuls  auitres  par  lui^  ne 
saroit  riens  de  ceste  avenue.  Sur  cel  estât  s'en  alèrent 
il,  et  en  fu  menés  li  rois  dan  Piètres  ou  logeis  le  Bèghe 
de  Yellainnes  et  proprement  en  le  cambre  monsignèur  15 
Yon  de  Lakonet.  Il  n'eut  point  là  estet  une  heure  ^ 
quant  li  rois  Henris  et  li  viscontes  de  Rokebertin  et 
leurs  gens  y  non  pas  grant  fiiison^  vinrent  ou  logeis 
dou  dessus  dit. 

Sitost  que  li  rois  Henris  entra  en  le  cambre  où  ses  20 
frères  li  rois  dan  Piètres  estoit,  il  dist  ensi  par  tel 
langage  :  «  Où  est  li  filz  de  pute  juis^  qui  s'appelle 
rois  de  Castille?  »  Adonc  s'avança  li  rois  dans  Piètres^ 
qui  (ut  moult  hardis  et  crueulz  homs.  «  Mes  tu  es 
filz  de  putain^  car  je  sui  fîulz  dou  bon  roy  Al-  25 
phons.  »  Et  à  ces  mos  il  prist  à  bras  le  roy  Henri 
son  frère  et  le  tira  à  lui. en  luitant,  et  fu  plus  fors  de 
li  et  l'abati  desous  lui^  sus  une  ambarde,  que  on  dist 
en  françois  une  coûte  de  matelas  de  soie.  £t  mist 
main  à  sa  coutille^  et  l'euist  là  occis  sans  remède,  se  30 
n'euist  esté  li  viscontes  de  Rokebertin^  qui  prist  le 

piet  dou  roy  dan  Piètre^  et  le  reversa  par  desous^  et 

vu  —  6 


$2  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

mist  le  roy  Henri  par  deseure  :  liquelz  traist  tantost 
une  longe  coutille  de  Castille,  que  il  portoit  à  escerpe^ 
et  li  embara  ou  corps  ^  tout  en  afiilant  desous  en 
amont ,  et  tantost  sallirent  cil  qui  li  aidièrent  à  par- 
5  tuer.  Et  là  furent  mort  ossi  dalés  li  uns  chevaliers 
d'Engleterre ,  qui  s'appelloit  messires  Raoulz  Helme, 
qui  jadis  avoit  estet  nommés  li  Vers  Escuiers,  et  uns 
escuiers  qui  s'appelloit  Jakes  RoUans^  pour  tant  qu'il 
s'estoient  mis  à  deffense;  mes  à  dan  Ferrant  de  Cas- 
io très  et  as  aultres  on  ne  fist  point  de  mal^  ains  demo- 
rèrent  prisonnier  à  monsigneur  le  Bèghe  de  Vellain- 
nes  et  à  monsigneur  Yon  de  Lakonet. 

§  600.  Ensi  fina  li  rois  dan  Piètres  de  Castille^  qui 
jadis  avoit  régné  en  si  grant  prospérité;  et  encores  le 

15  laissièrent  chil  qui  occis  l'avoient^  trois  jours  sus 
terre  :  dont  il  me  samble  que  ce  fu  pités  pour  huma- 
nité, et  se  gaboient  li  Espagnol  de  lui.  A^l'endemain^ 
li  sires  de  Montueil  se  vint  rendre  au  roy  Henri,  qui 
le  reçut  et  prist  à  merci  ^  et  ossi  tous  chiaus  qui  se 

20  voloient  retourner  devers  lui.  Ces  nouvelles  s'espar- 
dirent  par  toute  Castille,  comment  li  rois  dans  Piètres 
estoit  mors.  Si  en  furent  couroucié  si  ami,  et  recon- 
forté si  anemi. 

Quant  les  nouvelles  vinrent  au  roy  de  Portingal , 

25  que  ses  cousins  li  rois  dan  Piètres  estoit  mors  par 
telle  manière,  si  en  fu  durement  courouciés,  et  dist 
et  jura  que  ce  seroit  amendé.  Si  envoia  tantost 
deffiances  au  roy  Henri  et  li  fist  guerre,  et  tint  le 

'  ~marce  de  Seville  une  saison  contre  lui.  Mes  pour  ce 

30  ne  laissa  mies  li  rois  Henris  à  poursievir  se  emprise, 
et  s'en  retourna  devant  Toulète,  qui  tantost  se  rendi 


[1369]  liVIlfi  PREMIER,  $  600.  83 

et  tourna  à  lui ,  quant  il  sceurent  la  mort  dou  roy 
dan  Piètre^  et  ossi  fist  tous  U  pays;  ne  meismement 
li  rois  de  Portingal  n'eut  mies  conseil  de  tenir  longe^ 
ment  le  guerre  contre  le  roy  Henri  :  si  en  fu  fais 
accors  et  pais  par  les  moiiens^  prelas  et  barons  d'Es-  5 
pagne. 

Si  demora  li  rois  Henris  tout  à  pais  dedens  Cas* 
tille,  et  messires  Bertrans  de  Claiekin  dalés  lui  et 
messires  Oliviers  de  Mauni  et  li  aultre  chevalier  de 
France  et  de  Bretagne^  asquek  li  rois  Henris  fist  io 
grant  pourfit^  et  moult  y  estoit  tenus^  et  sans  l'ayde 
d'yaus  il  ne  fust  ja  venus  à  chief  de  ses  beson- 
gnes.  Si  fist  le  dit  monsigneur  Bertran  de  Claiekin^ 
connestable  de  toute  Castillei  et  li  donna  la  terre  de 
Sorie  ^  qui  bien  valoit  par  an  vingt  mil  florins ,  et  à  i^ 
monsigneur  Olivier  de  Mauni,  son  neveu ^  le  terre 
d'Ecrette^  qui  bien  en  valoit  ossi  par  an  dix  mil,  et 
ensi  tous  les  aultres  chevaliers.  Si  vint  tenir  son  estât 
à  Burghes ,  et  sa  femme  et  ses  enfans ,  en  régnant 
comme  roi.  De  la  prospérité  et  bonne  aventure  de  20 
lui  furent  grandement  resjoy  li  rois  de  France  et  li 
dus  d'Ango,  qui  moult  Pamoient^  et  ossi  li  rois 
d'Ârragon» 

En  ce  temps  trespassa  de  ce  siècle,  en  Âst  en  Pieu- 
mont  ,  messires  Lyons  d'Ëngleterre  qui  en  celle  sai-  25 
son  estoit  passés  oultre,  si  com  ci  dessus  est  dit^  et 
avoit  pris  à  femme  la  fille  monsigneur  Galeas,  signeur 
de  Melans.  Et  pour  tant  qu'il  morut  assés  mervil- 
leusement^  messires  Edouwars  li  Despensiers^  ses 
compains ,  qui  là  estoit ,  en  fist  guerre  au  dit  mon-  30 
signeur  Galleas  et  le  heria  un  temps  et  rua  jus  par 
pluiseurs  fois  de  ses  gens.  En  le  fin^  messires  li  contes 


84  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT.        .   [1368] 

de  Savoie  s'en  ensonnia  et  les  mist  à  acord.  Or  re- 
venrons  nous  as  besongnes  et  as  avenues  de  la  ducé 
d'Acquitainne. 

§  601 .  Vous  avés  chi  dessus  oy  recorder  comment 
5  li  princes  de  Galles  esloit  enfourmés  et  consilliés  de 
eslever  un  fouage  en  sa  terre^  dont  toutes  gens  se  te- 
noient  à  trop  cargiet  y  et  par  especial  cil  de  Gascon- 
gne.  Car  cil  des  basses  marées  de  Poito^  de  Saintonge 
et  de  la  Rocelle  s'i  acordoient  assés  bien,  pour  tant 

10  qu'il  estoient  plus  prochain  dou  séjour  dou  prince, 
et  ossi  il  ont  estet  [tbutdis  plus  obéissant  et  descen- 
dant as  ordenances  de  leurs  signeurs ,  et  plus  ferme 
et  mieulz  estable  que  cil  des  lontainnes  marées.  Pour 
ceste  cose  mettre  à  l'intention  dou  prince  et  de  son 

15  conseil,  en  furent  pluiseur  parlement  assamblé  à 
Niorth ,  en  Ângouloime^  à  Poitiers^  à  Bourdiaus  et  à 
Bregei*ach  ;  et  toutdis  maintenoient  cil  de  Gascongne, 
que  point  n'en  paieroient,  ne  ja  en  leurs  terres  cou- 
rir ne  le  soufferoient,  et  mettoient  avant  qu'il  avoient 

20  ressort  en  le  cambre  dou  roy  de  France.  De  ce  res- 
sort estoit  li  princes  durement  courouciés,  et  respon* 
dit  bien  à  l'encontre  et  disoit  ensi  que  non  avoient , 
et  que  li  rois  de  France  avoit  quitté  tous  ressors  et 
toutes  jurisditions,  quant  il  rendi  les  terres  à  son  si* 

25  gneur  de  père,  ensi  que  bien  estoit  apparant  par  les 
trettiés  et  chartre  de  le  pais ,  qui  de  ce  faisoient  cle- 
rement  et  plainnement  mention ,  et  que  nul  article 
n'i  avoient  li  trettieur  de  le  pais  pour  le  roy  de  France 
réservé. 

30  A  ce  pourpos  respondoient  li  Gascon ,  et  disoient 
que  il  n'estoit  mies  en  le  poissance  et  ordenance 


[i368]  LIVRE  PREMIER,  $  «04.  85 

dou  roy  de  France,  ne  ne  fu  onques,  qu'il  les  peuist 
quitter  dou  ressort;  car  li  prélat,  li  baron ^  les 
cités  et  les  bonnes  villes  de  Gascongne  ne  l'euissent 
jamais  souffert^  ne  souSeroient  encores^  se  il  estoit  à 
Élire  j  pour  tousjours  demorer  le  royaume  de  France  5 
et  le  royaume  d'Engleterre  en  guerre.  Ensi  estoient 
en  grignes  li  princes  et  li  signeur  de  Gascongne ,  et 
soustenoit  cescuns  se  oppinion  et  disoit  qu'il  avoit 
bon  droit.  Et  se  tenoient  tout  quoi  à  Paris^  dalés  le 
roy  de  France^  li  contes  d'Ermignach,  li  sires  de  La-  lû 
breth^  li  contes  de  Pieregort^  li  contes  de  Commignes 
et  pluiseur  aultre  baron  de  Gascongne ,  qui  tutoient 
et  enfourmoient  le  roy  nuit  et  jour,  par  grant  loisir, 
que  li  princes,  par  orgueil  et  presumption^  les  voloit 
tous  suppediter,  et  eslever  coses  indeues  en  leurs  15 
terres,  lesqueles  il  ne  soufferoient  jamais  à  estre  faites. 
Et  disoient  et  remoustroient  au  roy  que  ^il  avoient 
ressort  à  lui  ;  si  yoloient  que  li  princes  fust  appelles 
en  parlement  en  le  cambre  des  pers^  sus  les  griefs  et 
molestes  que  il  leur  voloit  Êiire.  Li  rois  de  France ,  20 
qui  se  veoit  poursievis  de  ces  signeurs  de  Gascongne, 
qui  le  requeroient  de  confort  et  d'ayde  comme  leur 
souverain,  ou  il  se  trairoient  en  aultre  court,  ce  di- 
soient il,  si  perderoit  celle  signourie,  descendoit  à  en- 
vis  à  leur  requeste,  pour  tant  qu'il  sentoit  bien  que  25 
la  cose  ne  pooit  venir  à  aultre  chief  que  à  guerre  : 
laquele,  sans  grant  title  de  raison ,  il  ne  voloit  nulle- 
ment esmouvoir,  car  encores  veoit  il  son  royaume 
trop  grevé  et  trop  pressé  de  Compagnes  et  d'enne- 
mis, pour  lui  et  son  frère  le  duch  de  Berri,  hosta-  30 
giier  enEngleterre  :  si  voloit  ses  coses  faire  tout  meu- 
rement# 


86  CHRONIQUES  DE  J.  FR0IS3ART.  [1368] 

En  ce  temps  estoit  revenus  en  France  messires 
Guis  de  Lîni^  conte  de  Saint  Pol ,  sans  prendre  con- 
giet  as  Englès  et  par  grant  soutilleté  :  la  matère  en 
seroit  trop  longue  à  démener,  je  m'en  passerai  brîef- 
5  ment.  Liquelz  contes  haoit  tant  les  Englès  qu'il  n'en 
pooit  nul  bien  dire,  et  rendoit  grant  painne  à  ce  que 
li  rois  de  France  descendesist  à  le  priière  des  Gascons; 
car  bien  savôit  que ,  se  li  princes  estoit  appelles,  ce 
seroit  uns  mouvemens  de  guerre.  A  l'oppinion  dou 

10  conte  de  Saint  Pol  estoient  descendant  pluiseur  pré- 
lat, conte,  baron  et  chevalier  dou  royaume  de  France. 
Et  disoient  bien  ensi  au  roy  que  li  rois  d'Engleterre 
ne  li  princes  de  Galles  n'avoient  en  riens  tenu  le  pais, 
ne  ce  qu'il  avoient  juré  et  seelé,  selonch  le  teneur  des 

15  trettiés,  qui  furent  fait  et  ordené  à  Bretegni  dalés 
Chartres,  et  depuis  confermé  à  Calais;  car  li  Englès 
avoient  toujours  couvertement  et  soutieument  guer- 
riiet  le  royaume  de  France,  et  avoit  esté  grevé  et  op- 
pressé li  royaumes  de  France  plus,  depuis  le  pais  faite, 

20  que  en  devant.  <c  Et  tout  ce  que  nous  vous  disons  et 
moustrons,  vous  le  trouvères  en  vérité,  se  vous  faites 
lire  les  Chartres  de  le  pais  et  en  quoi  li  rois  d'Engle- 
terre  et  ses  ainnés  filz  li  princes  de  Galles  se  sousmi- 
sent  par  foy  et  sierement.  » 

25  Âdonc  li  rois  de  France,  pour  li  mieulz  enfourmer 
de  vérité  et  condescendre  à  ses  gens  et  garder  les  droi- 
tures de  son  royaume,  fist  mettre  avant  et  aporter  en 
le  cambre  de  conseil  toutes  les  Chartres  de  le  pais;  et 
là  les  fist  lire  par  pluiseurs  jours  et  à  grant  loisir, 

90  pour  mieulz  examiner  les  poins  et  les  articles,  qui 
dedens  estoient  contenu.  Si  en  furent  veues  et  leues, 
ce  terme  pendant,  pluiseurs  fois^  pour  mieulz  avenir 


[i368]  LIVRE  PREMIER,  §  602.  87 

an  fous  de  leur  matère.  Et  entre  les  aultres,  U  en  y 
eut  une  des  sousmissions ,  où  li  rois  et  ses  consauls 
s'arestèrent  le  plus ,  pour  tant  que  elle  parloit  vive- 
ment et  elerement,  de  ce  dont  il  voloient  oir  parler, 
laquele  lettre  disoit  en  tel  manière  :  .5 

§  602.  Edouiwars,  par  le  grasce  de  Dieu,  roy  d'En- 
gleterre,  signeur  d'Irlande  et  d'Aquitainne  ^  à  tous 
ceulz  qui  ces  présentes  lettres  ver  ont  ou  oront^  sa- 
lut. Sachent  tout  que^  en  l'acort  et  pais  finable  fais 
entre  nous  et  nostre  très  chier  frère  le  roy  de  France,  lO 
sont  contenu  deux  articles,  contenans  la  fourme  qui 
s'ensieut.  Item,  que  li  roy  dessus  dit  seront  tenu  de 
Élire  confremer  toutes  les  coses  dessus  dittes  par 
nostre  Saint  Père  le  pape,  et  seront  vallées  par  siere- 
ment,  sentenses  et  censures  de  court  de  Romme  et  15 
tous  aultres  liens  ^  en  la  plus  forte  manière  que  faire 
se  pora.  Et  seront  impetrées  dispensations  et  abso- 
lutions et  lettres  de  la  ditte  court  de  Romme ,  tou- 
chans  la  perfection  et  l'acomplissement  de  ce  présent 
trettiet  ;  et  seront  baillies  as  parties^  au  plus  tart  dedens  20 
trois  sepmainnes^  apriès  ce  que  li  rois  de  France  sera 
arrivés  à  Calais.  Item^  afin  que  les  co^es  dessus  dittes, 
traitiés  et  paroles  soient  plus  fermes,  estables  et 
vaillables^  seront  faites  et  données  les  fermetés  qui 
s'ensievent  :  c'est  à  savoir,  lettres  seelées  des  seaulz  25 
des  rois  et  des  ainsnés  filz  de  ceulz,  les  milleurs  qu'il 
poront  faire  et  ordonner  par  les  consaulz  des  roys.  Et 
jureront  li  dit  roy  et  leurs  ainsnés  enfans  et  aultres  en- 
fans,  et  ossi  li  aultre  des  linages  des  dis  signeurs,  et 
aultres  grans  des  royaulmçs,  jusques  au  nombre  de  30 
vingt  de  çascune  partie,  qu'il  tenront  et  aideront  à 


88  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1S68] 

tenir^  pour  tant  comme  çascun  d'eulz  touche^  les 
dittes  coses  trettiies  et  acordées ,  et  acompliront  sans 
jamais  venir  au  contraire^  sans  fraude  et  sans  mal 
engin  y  et  sans  faire  nul  empeechement.  Et,  se  il  y 
5  avoit  aucun  del  royaume  de  France  ou  dou  royaume 
d'Engleterre ,  qui  fuissent  rebelles  ou  ne  volsissent 
acorder  les  coses  dessus  dittes^  li  doy  roy  dessus  dit 
ensamble  feront  tout  leur  pooir,  de  corps ,  de  biens 
et  d'amis^  de  mettre  les  dis  rebelles  en  obéissance ^ 

10  selonch  la  fourme  et  teneur  dou  dit  trettië.  Et  avoec 
ce  se  sousmetteront  li  doy  roy  et  leur  royaume  à  le 
cohertion  de  nostre  Saint  Père  le  pape ,  afin  qu'il 
puist  constraindre  par  sentenses^  censures  d'Eglise  et 
aultres  voies  deues,  celi  qui  sera  rebelles^  selonch  ce 

15  qui  sera  de  raison.  Et,  parmi  les  fermetés  et  seurtés 
dessus  dittes^  renonceront  li  doy  roy^  pour  eulz  et 
leurs  hoirs  ^  par  foy  et  sierement,  à  toutes  grâces  et 
procès  de  Êiit.  Et  se,  par  désobéissance^  rébellion 
ou  poissance  d'aucuns  subgès  dou  royaume  de  France 

20  ou  aultre  juste  cause ^  le  roy  de  France  ou  ses  hoirs 
ne  pooient  acomplir  toutes  les  coses  dessus  dittes ,  li 
rois  d*Ëngleterre  ^  ses  hoirs  ou  aucuns  pour  eulz  ne 

•  feront  ou  doient  faire  guen*e  contre  le  roy  de  France, 
ses  hoirs  ne  son  royaume;  mes  tous  ensamble  s'ef- 

25  forceront  de  mettre  les  dis  rebelles  en  obéissance  et 
d'acomplir  les  coses  dessus  dittes.  Et  ossi ,  se  aucun 
dou  royaume  et  obéissant  dou  roy  d'Engleterre  ne 
voloient  rendre  les  chastiaus ,  villes  ou  forterèces 
qu'il  tiennent  ou  royaume  de  France  et  obéir  au 

30  trettié  dessus  dit,  ou  par  juste  cause  ne  poroit  acom- 
plir li  dis  rois  de  France  ce  qu'il  doit  faire  par  ce 
présent  trettiet,  li  doi  roy  ensamble  doient  faire  leur 


[1368]  Uy&B  PREMIER,  $  602.  89 

plain  pooir  de  guerriier  les  rebelles  et  de  mettre  en 
bonne  obéissance^  et  de  recouvrer  villes,  chastiaus  et 
forterèces.  Et  seront  ossi  Élites  et  données^  d'une  par- 
tie et  d'autre^  selonc  le  nature  dou  fait^  toutes  ma- 
nières de  fermetés  et  seurtés^  que  on  pora  et  sara  de*    5 
viser,  tant  par  le  pape  et  le  colège  de  le  court  de 
Romme  ooiyme  aultrement.  Et  nous,  desiranâ  avoir 
et  nourir  perpétuelle  pais  et  amour  entre  nous  et 
nostre  dit  frère  et  le  royaume  de  France ,  avons  re- 
nunciet  et  par  ces  présentes  renonçons  à  toutes  guer-  lo 
res  et  aultres  procès  de  fait  contre  nostre  dit  frère, 
ses  hoirs^  successeurs  et  le  royaume  de  France  et  ses 
subgès.  Et  prommetons  et  jurons  et  avons  juré  sus  le 
corps  Jhesucris^  pour  nous^  nos  hoirs  et  successeurs^ 
que  nous  ne  ferons  ne  venrons^  ne  fidre  ou  venir  15 
soufferons  par  fait  ou  par  paroUe  contre  ceste  pré- 
sente renunciation  y  ne  contre  aucune  de  ces  coses 
contenues  es  dessus  dis  articles.  Et^  se  nous  faisions 
ou  soufirions  estre  fait  le  contraire  par  quelconque 
manière ,  ce  que  Diex  ne  voeille ,  nous  volons  estre  20 
réputé  et  tenu  pour  faulz^  mauvais  et  parjure^  et  en- 
courre  en  tel  blasme  et  diffame ,  comme  rois  sacrés 
doit  encourir  en  tel  cas.  Et  renunçons  à  impetrer 
toutes  dispensations  et  absolutions  dou  pape  et  d'au- 
tre contre  le  dit  sierement.  Et^  se  impetrée  es  toit  ^   S5 
nous  volons  qu'elle  soit  nulle  et  de  nulle  valeur^  et 
que  nous  ne  nous  en  puissons  aidier  en  aucune  ma- 
nière. Et^  pour  tenir  plus  fermement  les  coses  dessus 
dittes  f  nous  sousmetons  nous ,  nos  hoirs  et  nos  suc- 
cesseurs, à  le  jurisdiction  et  cohercion  de  l'Eglise  de'  30 
Romme.  Et  volons  et  consentons  que  nostre  Saint 
Père  le  pape  conferme  toutes  ces  coses  ^  en  donnant 


90  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1368] 

monitions  et  mandemens  generaulz,  pour  Facom* 
plissement  d'icelles^  contre  nous^  nos  hoirs  et  sucées* 
seurs  et  contre  tous  nos  subgès^  soient  commugnes, 
universités,  collèges  ou  personnes  singulères  quelcon- 

5  ques^  et  en  donnant  sentenses  generaulz  d'escume- 
niementy  de  suspension  ou  d'entredit,  pour  estre  en- 
courues par  nous  ou  par  eulz^  sitos  comme  nous  ou 
eulz  ferons  ou  attempterons  le  contraire^  en  occuppant 
ville,  forterèce  ou  chastiel^  ou  aultre  cose  quelconque 

10  faisant,  ratefiant  ou  agréant^  ou  en  donnant  conseil^ 
confort^  faveur  ne  ayde^  celeement  ou  en  appert^ 
contre  les  coses  dessus  dittes.  Et  avons  fait  sambla- 
blement  jurer  toutes  les  dittes  coses  par  nostre  très 
chier  ainsnet  fil  Edouwart,  prince  de  Galles,  et  nos 

15  filz  puisnés  Leonniel^  conte  de  Dulnestre  et  Jehan  ^ 
conte  de  Richemont ,  et  Aymon  de  Langlëe  et  nos- 
tre très  chier  cousin  messire  Phelippe  de  Navare, 
et  les  dus  de  Lancastre  et  de  Bretagne^  les  contes 
de  Stafort  et  de  Sasleberi,  le  signeur  de  Mauni^ 

20  Gui  de  Briane^  Renault  de  Gobehem,  le  captai  de 
Beus,  le  signeur  de  Montferrant,  Jame  d'Audelée, 
Rogier  de  Biaucamp^  Jehan  Chandos,  Raoul  de 
Ferrières,  Edouwart  le  Despensier,  Thomas  et  Guil- 
laume de  Felleton ,  Eustasce  d'Aubrecicourt ,  Franke 

25  de  Halle  ^  Jehan  de  Montbray,  Bietremieu  de 
Brouwes,  Henri  de  Persi,  Nicole  de  Cambourne, 
Richart  de  Stafort^  Guillaume  de  Grantson,  Raoul 
Spingreniel^  Gastonnet  de  Graili  et  Guillaume  Bour- 
tonne,  chevaliers.  Et  ferons  ossi  jurer  samblablement^ 

30  au  plus  tost  que  faire  porons  bonnement^  nos  aul- 
tres  enfans  et  la  plus  grant  partie  des  prelas^  des 
églises^  contes,  barons  et  aultres  nobles  de  nostre 


p368]  LIVRE  PREMIER,  %  603.  91 

royaume.  En  tesmoing  de  laquel  cose,  nous  avons  fiadt 
mettre  nostre  seel  à  ces  présentes  lettres^  données  en 
nostre  ville  de  Calais,  Tan  de  grasce  Nostre  Signeur 
mil  trois  cens  et  soixante^  le  vingt  quatrime  jour  dou 
mois  de  octembre.  & 

§  603.  Entre  les  aultres  lettres  qui  avoient  estet 
données  et  acordées  dalés  Chartres  comme  en  le  ville 
de  Calais,  quant  li  rois  Jehans  s'i  tenoit  ou  temps 
dessus  dit  y  fu  ceste  lettre  adonc  dou  roy  Charlon, 
son  ainsnet  fil ,  très  bien  leute  et  grandement  et  à  10 
loisir  examinée  et  visetée,  présent  les  plus  especiaus 
de  son  conseil.  Et  là  disoient  bien  li  prélat  et  li  ba- 
ron de  France,  qui  à  ce  consillier  estoient  appellet, 
que  li  rois  d'Engleterre  ne  li  princes  de  Galles  ne 
Favoient  en  riens  tenu  ne  acompli^  mes  pris  fors  15 
chastiaus  et  villes^  séjourné  et  demoré  ou  dit  royau- 
me à  grant  damage ,  ranchonné  et  pillié  le  peuple , 
parquoi  li  paiement  de  le  rédemption  dou  roy  es- 
toient CBcores  ou  en  partie  à  paiier^  et  que  sur  ce  et 
par  ce  point  li  rois  de  France  et  si  soubget  avoient  90 
bon  title  et  juste  cause  de  brisier  le  pais  et  guerriier 
les  Englès,  et  yaus  toUir  l'iretage  qu'il  tenoient  deçà 
le  mer. 

Encores  fu  adonc  dit  ensi  au  roy^  secrètement  et 
par  grant  deliberacion  de  conseil  :  «  Chiers  sires^  em-  S5 
prendés  hardiement^  et  vous  y  avés  cause.  Et  sachiés^ 
sitos  que  vous  Tarés  empris,  vous  verés  et  trouvères 
que  les  trois  pars  dou  pays  de  la  ducé  d'Aquitainne 
se  tourneront  devers  vous,  prélat ,  conte,  baron,  che- 
valier, escuier  et  bourgois  de  bonnes  villes,  vechi  30 
conmient  et  pourquoi.  Li  princes  procède  à  eslever 


92  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [i368] 

ce  fouage  dont  point  ne  yenra  à  chief  ^  mes  en  de- 
morra  en  le  hayne  et  malivolense  de  toutes  gens»  Et 
sont  cil  de  Poito,  de  Saintonge,  de  Limozin^  de 
Roerge^  de  Quersin  et  de  le  Rocelle^  de  tel  nature  qu'il 
5  ne  poeent  amer  les  Englès^  quel  samblant  qu*il  leur 
moustrent.  Et  li  Englès  ossi^  qui  sont  orguilleus  et 
presumptueus,  ne  les  poeent  osi  amer  ne  fisent  on- 
ques,  et  encores  maintenant  mains  que  onques  mais^ 
mais  les  tiennent  en  grant  despit  et  vieuté.  Et  ont  li 

10  officiier  dou  prince  si  sourmonté  toutes  gens^  en  Poito , 
en  Saintonge  et  en  le  Rocelle^  qu'il  prendent  tout  en 
abandon^  et  y  font  si  grans  levées  que  nulz  n'a  riens 
au  sien.  Avoech  tout  ce,  li  gentil  homme  dou  pays 
ne  poeent  venir  à  nul  office  :  tout  emportent  li  En- 

15  glès  et  li  chevalier  dou  prince.  » 

Ensi  estoit  tart  et  tempre  li  propres  rois  de  France 
tutés  et  consilliés.  Et  meismement  li  dus  d'Ango^  qui 
pour  le  temps  se  tenoit  en  le  cité  de  Toulouse^  y 
rendoit  grant  painne^  et  desiroit  moult  que  la  guerre 

20  fust  renouvelée^  ensi  que  cilz  qui  ne  pooit  amer  les 
Englès  ne  ne  fîst  onques^  pour  aucuns  actes  de  des- 
plaisances que  dou  temps  passet  li  avoient  fois. 
D'autre  part,  li  Gascon  songneusement  li  disoient  : 
ce  Chiers  sires  ^  nous  tenons^  dou  temps  passet  et  de 

35  grant  anciennetet^  à  avoir  nostre  ressort  en  vostre 
court.  Si  vous  prions  que  vous  nous  faites  droit  et 
loy,  si  com  vostre  court  est  la  plus  droiturière  dou 
monde^  dou  prince^  sus  les  grans  griés  qu'il  nous  voet 
faire  et  à  nos  gens;  et,  se  vous  nous  defallés  de  droit 

30  à  faire^  nous  nos  pourcacerons  ailleurs,  et  nous  ren- 
derons  et  metterons  en  court  de  tel  signeur  qui  nous 
en  fera  avoir  raison,  et  vous  perderés  vostre  signorie.  » 


[1368]  UVRE  PREMIER,  $  604.  93 

li  rois  de  France^  qui  à  enyis  euist  perdu  l'amour 
et  le  service  de  ces  signeurs,  car  à  grant  blasme  et 
prejudisce  li  fust  'retourné ,  leur  respondoit  moult 
courtoisement  que  ja ,  par  £siute  de  loy  ne  de  con- 
seil^ il  ne  se  trairoient  en  aultre  court  que  en  le  5 
sienne^  mes  il  couvenoit  user  de  telz  besongnes  par 
grant  avis.  Ensi  les  démena  il  priés  d'un  an ,  et  les 
faisoit  tous  quois  tenir  à  Paris;  mais  il  paioit  tous 
leurs  frès  et  leur  donnoit  encores  grans  dons  et  grans 
jeuiaus^  et  toutdis  enqueroit  secrètement  comment^  10 
se  la  pais  estoit  brisie  entre  lui  et  les  Englès ,  il  se 
maintenroient.  Et  cil  respondoient  que  ja  de  la  guerre 
au  lés  de  delà  ne  l'en  faurroit  ensonnier^  car  il  es- 
toient  grant  et  fort  assés  pour  guerriier  le  prince  et 
se  poissance.  15 

Li  rois^  de  l'autre  costet,  tastoit  ossi  tout  bellement 
et  secrètement  à  ceulz  de  Abbeville  et  de  Pontieu, 
quelz  il  les  trouveroit ,  et  s'il  demorroient  Englès  ou 
François.  Cil  de  Abbeville  ne  desiroient  aultre  cose 
que  de  estre  François,  tant  haoient  il  les  Englès.  Ensi  20 
acqueroit  li  rois  de  France  amis  de  tous  lés  :  aultre- 
ment  il  n'euist  osé  bonnement  £sûre  ce  qu'il  fîst. 

En  ce  temps  fu  nés^  et  par  un  avent^  Charles  de 
France^  ainsnés  filz  dou  roy  de  France»  l'an  mil  trois 
cens  soixante  huit^  dont  li  royaumes  fu  tous  resjoïs.  S5 
En  devant  ce,  avoit  estet  nés  Charles  de  Labreth,  filz 
au  signeur  de  Labreth.  De  le  nativité  de  ces  deux 
en&ns^  qui  estoient  cousin,  fu  li  royaumes  moult 
resleechiés^  et  par  especial  li  rois  de  France. 

§  604.  Tant  fu  li  rois  de  France  tutés  et  enhortés  30 
de  diiaus  de  son  conseil^  et  songneusement  quoitiés 


94  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1368] 

des  Gascons^  que  uns  appiaus  fu  fais  et  fourmes  pour 
aler  en  Âquitainne  appeller  le  prince  de  Galles  en 
parlement  à  Paris;  et  s'en  fisent  li  contes  d'Ermignach, 
li  sires  de  Labreth^  li  contes  de  Pieregorth ,  li  contes 
5  de  Commignes,  li  viscontes  de  Carmain ,  U  sires  de 
Labarde,  messires  Bertrans  de  Taride,  li  sires  de 
Pincomet  et  pluiseur  aultre^  cause  et  chief.  Et  con- 
tenoit  li  dis  apiaus  comment^  sus  grans  griés  dont  chil 
signeur  se  plaindoient  que  li  princes  de  Galles  et 

10  d'Âquitainne  leur  voloit  faire  et  à  leurs  terres ,  il  ap- 
pelloient  et  en  traioient  à  ressort  au  roy  de  France , 
lequel^  si  com  de  son  droit  et  signourie,  il  avoient 
pris  et  ordonné  pour  leur  juge. 

Quant  li  dis  apiaus  fu  bien  fais^  escrips  et  fourmes, 

15  ensi  qu'il  apertenoit^  et  bien  corrigiés  et  examinés  au 
mieulz  que  li  sage  de  France  sceurent  ne  peurent  faire^ 
et  au  plus  doucement,  toutes  raisons  gardées^  on  les 
carga  à  un  derch  de  droit  bien  enlangagiet ,  pour  mieulz 
esploitier  de  le  besongne,  et  à  un  chevalier  de  Biausse, 

30  qui  s'appelloit  messires  Caponnés  de  Capônval.  Cil 
doi,  eu  leur  arroi  et  avoech  leurs  gens,  se  départirent 
de  Paris,  et  se  misent  au  chemin  par  devers  Poito,  et 
esploitièrent  tant  par  leurs  journées  qu'il  passèrent 
Berri  et  Tourainne,  Poito  et  Saintonge^  et  vinrent  à 

95  Blaves,  et  là  passèrent  la  rivière  de  Garone,  et  arri- 
vèrent à  Bourdiaus,  où  li  princes  et  madame  la  prin- 
cesse se  tenoient  pour  le  temps.  Et  partout  disoient 
li  dessus  dit  qu'il  estoient  messagier  au  roy  de  France  : 
si  estoient  et  avoient  esté  partout  li  bien  venu^  pour 

30  la  cause  dou  dit  roy^  de  qui  il  se  renommoient. 

Quant  il  furent  rentré  en  le  cité  de  Bourdiaus^  il  se 
traisent  à  hostel,  ja  estoit  tart,  environ  heure  de  ves- 


• 


[1369]  LIVRE  PREMIER,  S  ^0».  95 

près  :  si  se  tinrent  là  tout  ce  jour  jusques  à  l'endemain 
que,  à  heure  compétente,  il  vinrent  vers  l'abbeye  de 
Saint  Andriu,  où  li  dis  princes  se  logoit  et  tenoit 
son  hostel.  Li  chevalier  et  li  escuier  dou  prince  les 
recueiUièrent  moult  doucement^  pour  le  reverense    5 
dou  roy  de  France^  de  qui  il  se  renommoient^  et  fu  U 
dis  princes  enfourmés  de  leur  venue.  Quant  il  furent 
parvenu  jusques  au  prince^  il  l'enclinèrent  moult  bas 
et  le  saluèrent^  et  U  fisent  toute  reverense^  ensi 
comme  à  lui  apertenoit  et  que  bien  le  savoientfiûre,   10 
et  puis  h  bailUèrent  lettres  de  créance.  Li  princes  les 
prist  moult  doucement  et  les  lisi^  et  puis  lor  dist  : 
«  Vous  nous  estes  li  bien  venu.  Or  dittes  avant  :  que 
volés  vous  dire?  »  —  «  Très  chiers  sires,  dist  li  clers 
de  droite  veci  unes  lettres  qui  nous  furent  baillies  à  15 
Paris ^  de  nostre  signeur  le  roy  de  France^  lesqueles 
nous  prommesimes  par  nos  fois  que  nous  publirions 
en  le  présence  de  vous,  car  elles  vous  touchent.  »  Li 
princes  lors  mua  couleur,  qui  adonc  fu  tous  esmer- 
villiés  que  ce  voloit  estre ,  et  ossi  furent  aucun  che-  20 
valier,  qui  dalés  lui  estoient.  Nekedent,  il  se  rafirena 
et  dist  :  «  Dittes ,  dittes  :  toutes  bonnes  nouvelles 
oyons  nous  volent iers.  »  Adonc  prist  li  dis  clers  la 
lettre  et  l'ouvri  et  le  lisi^  de  mot  à  mot,  laquele  lettre 
contenoit  ensi  :  25 

l  §  605 .  Charles,  par  le  grasce  de  Dieu,  rois  de  France^ 
à  nostre  neveu  le  prince  de  Galles  et  d' Aquitainnes , 
salut.  Comme  ensi  soit  que  pluiseur  prélat,  baron, 
chevalier,  universités,  commugnes  et  collèges  des 
marées  et  limitations  de  Gascongne,  demorant  et  ha-  30 
bitant  es  bondes  de  nostre  royaume,  avoech  pluiseurs 


• 


96  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [iS69] 

aultres  de  la  ducé  d'Âquitainne,  se  sont  trait  en  nos- 
tre  court^  pour  avoir  droit  sus  aucuns  griës  et  mo- 
lestés indeus^  que  vous,  par  foible  conseil  et  simple 
information^  leur  avés  proposé  à  faire ^  dont  nous 
5  sommes  tout  esmervilliet  :  donc^  pour  obviier  et  re- 
mediier  à  ces  coses,  nous  nos  sommes  ahers  avoech 
yaus  et  aherdons,  tant  que,  de  nostre  majesté  royal 
et  signourie^  nous  vous  commandons  que  vous  venés 
en  nostre  cité  de  Paris  en  propre  personne  et  vous 

10  amoustrés  et  représentés  devant  nous  en  nostre  cam- 
bre des  pers^  pour  oïr  droit  sus  les  dites  complaintes 
et  griefs^  esmeus  de  par  vous,  à  faire  sus  vostre 
peuple  qui  claime  à  avoir  resort  en  nostre  court  ;  et 
à  ce^  comment  que  ce  soit^  n'i  ait  point  de  defaute^ 

15  et  soit  au  plus  hasteement  que  vous  poés,  apriès 
ces  lettres  veues.  En  tesmoing  de  laquel  cose^  nous 
avons  à  ces  présentes  mis  nostre  seel.  Donnet  à  Paris^ 
le  quinzime  jour  dou  mois  de  jenvier. 

§  606.  Quant  li  princes  de  Galles  ot  oy  lire  ceste 
20  lettre^  si  fu  plus  esmervilliés  que  devant,  et  crola  la 
tieste  et  regarda  de  costé  sus  les  dessus  dis  François. 
Et  quant  il  eut  un  petit  pensé,  si  respondi  par  tel  ma- 
nière :  «  Nous  irons  volentiers  à  nostre  ajom*  à  Paris, 
puisque  commandé  nous  est  dou  roy  de  France^  mes 
25  ce  sera  le  bachinet  en  le  teste  et  soixante  mil  hom- 
mes en  nostre  compagnie*-  »  Dont  s'engenouUièrent 
li  doi  François^  qui  là  estoient^  si  disent  :  a  Chiers 
sires^  pour  Dieu  merci,  ne  prendés  cest  appel  en  trop 
grant  despit  ne  en  trop  grant  courons.  Nous  som- 
30  mes  messagier  au  roy  nostre  signeur^  chi  envoiiet  de 
par  lui^  à  qui  nous  devons  toute  obéissance^  si  com  li 


[1369]  LIVRE  PREMIER,  §  606.  97 

Yostre  le  vous  doivent;  et  nous  couvint  par  com- 
mandement aporter  cest  appel  y  et  tout  ce  que  vous 
nous  carçerés,  nous  le  dirons  volent iers  au  roy.  »  — 
(c  Nennil^  dist  li  princes^  je  ne  vous  en  sçai  nul  mal 
gré,  fors  ceulz  qui  chi  vous  envoient.  Et  vostre  roy     5 
n'est  pas  bien  consilliés,  qui  s'ahert  avoech  nos  sub- 
gès  et  se  voelt  faire  juges  de  c'a  lui  riens  n'apertient 
ne  où  il  n'a  point  de  droit;  car  bien  U  sera  moustré 
que^  au  rendre  et  mettre  en  le  saisine  monsigneur 
mon  père  ou  ses  commis  de  toute  la  ducée  d'Aqui-  lo 
tainne^  il  en  quitta  tous  les  ressors.  Et  tout  chil  qui 
ont  fourme  leur  appiel  contre  mi^  n'ont  aultre  res- 
sort que  en  le  court  d'Engleterre  de  monsigneur  mon 
père;  et^  ançois  que  il  soit  aultrement,  il  coustera 
cent  mil  vies.  »  15 

À  ces  paroles  se  départi  U  dis  princes  d'yaus^  et 
entra  en  une  cambre;  si  les  laissa  là  tous  quois  ester. 
Adonc  vinrent  avant  chevalier  englès^  qui  leur  di- 
sent :  <K  Signeur,  partes  de  ci  et  retournés  à  vostre 
hostel.  Vous  avés  bien  fait  ce  pour  quoi  vous  estes  20 
venu  :  vous  n'arés  autre  response  que  vous  avés  eu.  » 
Lors  se  départirent  li  chevaliers  et  li  ders,  et  retour- 
nèrent à  leur  hostel  et  là  disnèrent.  Et  tantost  apriès 
disnerj,  il  toursèrent  et  montèrent ,  et  se  départirent 
de  Bourdiaus^  et  se  misent  au  chemin  pour  revenir  25 
vers  Thoulouse  et  compter  au  duch  d'Ango  comment 
il  avoient  esploitié. 

Li  princes  de  Galles'^  si  com  chi  dessus  est  dit , 
estoit  tous  merancolieus  de  cel  appiel  que  on  li  avoit 
&it.   Ossi  estoient  si  chevalier,  et  vosissent   bien   30 
U  aucun^  et  le  consilloient  au  prince,  que  li  doi  mes- 
sagier,  qui  lappiel  avoient  aporté,  fuissent  occis 

VII  —  7 


98  CHRONIQUES  DB  J.  FROISSART.  [1369] 

pour  leur  salaire^  mais  li  princes  les  en  deffendoit. 
Si  eut  il  sus  yaus  tamainte  imagination  trop  dure , 
et  quant  on  li  dist  qu'il  estoient  parti  et  tenoient  le 
chemin  de  Thoulouse^  si  appella  monsigneur  Thumas 
^  de  Felleton  et  le  seneschal  de  Roerge  et  monsigneur 
Richart  de  Pontchardon  et  monsigneur  Thumas  de 
Persi  et  son  cancelier  l'evesque  de  Bade,  et  leur  de- 
manda :  <c  Chil  François,  qui  s'en  revont^  emportent 
il  nul  sauf  conduit  de  mi  ?  »  Li  dessus  dit  respondi- 
10  rent  qu'il  n'en  avoient  oy  nulles  nouvelles.  «  Non, 
dist  li  princes  qui  crolla  la  tieste,  ce  n'est  pas  bon 
qu'A  se  partent  si  legierement  de  nostre  pays,  et  voi-* 
sent  recorder  leur  gengles  et  leurs  bourdes  au  duch 
d'Ango,  qui  nous  aime  tout  petit,  et  dient  conmient 
15  il  m'ont  ajourné  en  mon  hostiel  meismes.  Ossi  tout 
considéré,  il  sont  plus  messagier  à  mes  subgès,  le 
conte  d'Ermignach  et  le  signeur  de  Labreth,  li  conte 
de  Pieregorth  et  celi  de  Commignes  et  de  Quarmaing, 
qu'il  ne  soient  au  roy  de  France,  siques^  à  leur  con- 
20  traire  et  pour  le  despit  qu*il  nous  ont  fait  et  ont  em- 
pris  à  faire,  nous  acordons  bien  qu'il  soient  retenu 
et  mis  en  prison.  » 

De  ces  paroUes  furent  cil  dou  conseil  dou  prince 
tout  joiant ,  et  disent  ensi  que  on  y  avoit  trop  mis 
25  au  faire.  Tantost  en  fu  cargiés  li  seneschaus  d'Aghi- 
nois ,  qui  s'appelloit  messires  Guillaumes  le  Monne , 
uns  moult  appers  chevaliers  d'Engleterre ,  liquelz 
monta  tantost  à  cheval  avoech  ses  gens,  et  se  départi 
de  Bourdiaus  et  poursievi  tant,  en  lui  hastant,  les 
30  François^  que  il  les  raconsievi  sus  le  terre  d'Aginois. 
Si  les  arresta  et  mist  main  à  yaus  d'office,  et  trouva 
aultre  cautèle  que  dou  fait  dou  prince  ;  car,  en  yaus 


[1369]  LIVRE  PREMIER,  $  607.  99 

airestant^  point  ne  nomma  le  prince ,  mes  dist  que 
leurs  hostes  dou  soir  s'estoit  plains  d'un  cheval  que 
on  li  avoit  cangié  à  son  hostel. 

li  chevaUers  et  li  clers  furent  tout  esmervilliet  de 
ces  nouyelles,  et  s'en  escusèrent  moult  fort;  mes,  5 
pour  escusance  que  il  fesissent^  il  ne  peurent  estre 
desaresté,  ains  en  furent  mené  en  la  cité  d'Agen,  et 
là  mis  ou  chastiel  en  prison.  Et  laissèrent  bien  partir 
li  dit  Englès  aucuns  de  leurs  garçons,  qui  retournèrent 
en  France  au  plus  tost  qu'il  peurent^  et  passèrent  10 
parini  le  cité  de  Thoulouse  et  recordèrent  au  duch 
d*Ango  l'afaire  ensi  qu'il  aloit,  qui  n'en  fu  mies  trop 
courouciésy  pour  tant  quil  pensoit  bien  que  c^estoit 
eommencemens  de  hayne  et  de  guerre,  et  se  pourvei 
couvertement  et  avisa  selonch  ce.j  15 

Les  nouvelles  vinrent  au  roy  de  France,  car  li  var- 
let  y  retournèrent,  qui  recordèrent  tout  ce  que  il 
avoient  veu  et  oy  dire  à  leurs  mestres  de  Testât  et 
convenant  dou  prince.  De  laquele  avenue  li  rois  fu 
moult  courouciés  et  le  tint  en  grant  despit,  et  s'avisa  20 
selonch  ce,  et  sus  les  parolles  que  li  princes  avoit  dit, 
qu'il  venroit  à  son  ajour  contre  l'appiel  qui  fais  es- 
toit,  personehnent,  le  bachinet  en  le  tieste,  et  soixante 
mil  hommes  en  se  compagnie. 

5  607.  De  ceste  response  grande  et  fière  n'en  pen-  25 
sèrent  mies  li  rois  de  France  et  ses  consauls  mains, 
et  se  ordonnèrent  et  pourveirent  selonch  che  quoie- 
ment  et  couvertement. 

A  ce  donc  estoit  Retournés  en  France  d'Engleterre, 
par  grasce  que  li  rois  li  avoit  fait,  messires  Jehans  de  30 
France,  dus  de  Berri,  et  avoit  congiet  un  an.  Si  se 


100  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [4369] 

dissimula  et  porta  si  bellement  que  onques  puis  n'i 
retourna  ;  et  prist  tant  d'escusances  et  d'autres  moiiens 
que  la  guerre  fu  toute  ouverte,  si  com  vous  orés  re- 
corder assés  briefinent. 
5  Ossi  messires  Guillaumes,  contes  de  Harcourt,  es- 
toit  retournés  en  son  pays  ;  et  li  avoit  li  dis  rois  d'En- 
gleterre  fait  grasce,  à  le  priière  de  monseigneur  Tx>eis 
de  Harcourt,  son  oncle,  qui  estoit  de  Poito  et  pour 
le  temps  des  chevaliers  feaulz  dou  prince.  Liquelz 

10  contes  de  Harcourt  eut  une  maladie  qui  trop  bien  li 
chei  à  point,  car  elle  li  dura  tant  que  la  guerre  fu 
toute  renouvelée .:  pourquoi  onques  puis  ne  rentra 
en  Engleterre. 

Guys  de  Blois ,  qui  pour  le  temps  estoit  uns  jones 

15  escuiers  et  frères  au  conte  Loeis  de  Blois,  s'estoit  dé- 
livrés franchement  d'Engleterre;  car,  quant  il  per- 
chât que  li  rois  de  France,  pour  qui  il  estoit  là  hosta- 
giiers ,  ne  le  deliveroit  pas  y  il  fist  trettier  devers  le 
signeur  de  Couci  qui  avoit  à  femme  le  fille  dou  roy 

20  d'Engleterre  et  qui  tenoit  à  ce  jour  grant  revenue  en 
Engleterre  de  par  sa  fenune ,  assignés  sus  les  coffres 
dou  roy.  Si  se  porta  trettiés  entre  le  dit  roy^  le  signeur 
de  Couci  son  fil  et  Gui  de  Blois^  que  li  dis  Guis^  par 
le  consentement  de  ses  deux  frères  Loeis  et  Jehan  et 

25  l'acûrt  dou  roy  de  France,  resigna  purement  et  abso- 
luement  ens  es  mains  dou  roy  d'Engleterre  la  conté 
de  Soissons,  laquele  conté  li  dis  rois  d'Engleterre 
rendi  et  donna  à  son  fil  le  signeur  de  Couci,  et 
de    ce  li   sires  de  Couci  le  quitta  de  quatre  mil 

30  frans  de  revenue  par  an  :  ensi  se  fisent  ces  pa- 
reçons. 

Li  contes  Pieres  d*Alençon  ossi^  par  grasce  que  li 


[i369]  LIVRE  PREMIER,  $607.  iOl 

rois  d'Engleterre  li  avoit  fkit^  estoit  retournés  en 
France.  Si  demora  tant  et  trouva  pluiseurs  escusances, 
pour  quoi  onques  puissedi  ne  rentra  en  Tostagerie 
dont  il  estoit  partis;  mais  je  croi  que  en  le  fin  il  paia 
trente  mil  frans^  pour  sa  foy  aquitter.  5 

En  devant  ce,  en  estoit  trop  bien  cheu  au  duch 
Loeis  de  Bourbon  qui  pour  celle  cause  estoit  hosta- 
giiers  en  Engleterre^  car  par  grasce  que  li  rois  d'En- 
gleterre  li  avoit  fidt  il  estoit  retournés  en  France. 
Dont  il  avint^  entrues  qu'il  estoit  en  France  et  à  Paris  lO 
dalés  le  roy  son  serourge^  que  li  evesques  de  Winces- 
tre,  canceliers  d'Engleterre^  trespassa  de  ce  siècle. 

A  ce  donc  regnoit  en  Engleterre  uns  prestres  qui 
s'appelloit   Guillaumes  Wikam.   Chilz  estoit  si  très 
bien  dou  roy  d'Engleterre  que  par  lui  estoit  tout  Êiit^   15 
et  sans  lui  n*estoit  riens  fait.  Quant  cilz  offices  et  celle 
eveskiet  vaghièrent^  tantost  li  rois  d'Engleterre^  par 
l'information  et  priière  dou  dessus  dit  Wikan^  escrisi 
au  duch  de  Bourbon  qu'il  se  vosist  tant  pour  l'amour 
de  lui  travillier  que  d'aler  devers  le  saint  père  pape  20 
Urbain  et  impetrer  pour  son  chapellain  l'evesquiet 
de  Wincestre^  et  il  li  seroit  courtois  à  se  prison. 
•   Quant  li  dus  de  Bourbon  vei  les  messages  dou  roy 
d'Engleterre  et  ses  lettres,  si  en  fu  moidt  resjoïs  et 
remoustra  tout  Tafaire  au  roy  de  France^  de  quoi  25 
li  rois  d'Engleterre  et  messires  Guillaumes  Wikan  le 
prioient.  Li  rois  li  consilla  bien  d'aler  devers  le  pape. 
Si  se  parti  li  dis  dus  o  son  arroy  et  esploita  tant  par 
ses  journées  qu'il  vint  en  Avignon  où  li  papes  Urbains 
pour  le  temps  se  tenoit^  car  encores  n'estoit  il  point  30 
partis  ne  raies  à  Romme.  Auquel  saint  père  li  dus  de 
Bourbon  fîst  sa  priière^  à  laquele  li  papes  descendi  et 


i02  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [i369] 

donna  au  dit  duch  Tevesquiet  de  Wincestre  à  fiiire 
ent  sa  volentet;  et,  se  il  trouvoit  tel  le  roy  d'Engle- 
terre  que  amiable  à  se  composition^  il  voloit  bien 
que  li  dis  Wikan  Teuist. 

5  Sus  cel  estât,  retourna  li  dus  de  Bourbon  en  France 
et  depuis  en  Engleterre^  et  tretta  de  se  délivrance 
devers  le  roy  et  son  conseil^  ançois  qu'il  vosist  mous- 
trer  ses  bulles.  li  rois  y  qui  moult  amoit  ce  Wikan^ 
fist  tout  ce  qu'il  veult.  Et  fu  li  dus  de  Bourbon  quit- 

10  tes  de  se  prison^  mais  encores  paia  il  vint  mil  frans. 
Et  messires  Guillaumes  Wikan  demora  eveskes  de 
Wincestre  et  canceliers  d'Engleterre.  Ensi  se  deli- 
vroient  cil  signeur  de  France  qui  estoient  hostagier 
en  Engleterre.  Or  revenons  au  &it  de  Gascongne  où 

15  les  guerres  commencièrent  premièrement,  pour  le 
cause  de  l'appiel  et  dou  ressort. 

§  608.  Vous  devés  savoir  que  li  princes  de  Galles 
prist  en  grant  despit  l'ajour  que  on  li  avoit  fait  à  es- 
tre  à  Paris.  Et  bien  estoit  se  intention,  selonch  la  res* 

20  ponse  qu'il  avoit  ditte  et  faite  as  messagiers  dou  roy, 
que,  sus  l'esté  qui  venoit^  il  venroit  tenir  son  siège 
et  remoustrer  sa  personne  à  le  feste  dou  Lendi.  Et 
envoia  tantost  devers  les  capitainnes  des  Compagnes^ 
englès  et  gascons^  qui  estoient  de  son  accord^  et  li- 

25  quel  se  tenoient  sus  le  rivière  de  Loire^  que  il  ne  se 
eslongassent  mies  trop^  car  temprement  il  en  aroit  à 
faire.  Desqueles  nouvelles  li  plus  des  Compagnes  fu- 
rent tout  joiant.  A  ce  n'euist  point  li  princes  £ailli^  mes 
de  jour  en  jour  il  aggrevoit  d'enflé  et  de  maladie^  la- 

30  quele  il  avoit  conçut  en  Espagne  :  dont  ses  gens  es» 
toient  tout  esbahi^  car  ja  ne  pooit  il  point  chévaucier . 


[1369]  UTHE  PREMIER,  %  608.  103 

Et  de  ce  estoit  li  rois  de  France  tous  enfouîmes,  et 
de  l'estat  et  afaire  de  lui,  et  avoit  par  recepte  toute 
sa  maladie.  Si  le  jugoient  li  médecin  et  surgiien  de 
France  plain  de  ydropisse  et  de  maladie  incurable» 

Assés  tost  apriès  la  prise  de  monsigneur  Caponnet    5 
de  Caponval  et  dou  derch  de  droite  qui  furent  pris 
et  arresté  de  monsigneur  Guillaume  le  Monne,  et 
menet  prisonniers  en  le  cité  d'Âgen,  si  com  ci  dessus 
est  dit,  li  contes  de  Pieregorg,  U  contes  de  Commi- 
gnes  et  li  viscontes  de  Quarmain,  avoech  monsigneur  lo 
Bertran  de  Taride,  le  signeur  de  la  Barde  et  le  signeur 
de  Pincornet,  qui  se  tenoient  en  leurs  terres,  prisent 
en  grant  despit  1^  prise  des  dessus  dis  messagiers, 
car,  ou  nom  d'yaus  et  pour  yaus,  il  avoient  eu  ce 
damage.  Si  se  avisèrent  que  il  se  contrevengeroieul  15 
et  ouveroient  le  guerre  par  aucun  lés  j  et  reprende- 
roient  des  gens  le  prince,  car  cilz  grans  despis  ne 
Êdsoit  mies  à  souffrir.  Si  entendirent  que  messires 
Thumas  de  Welkefare  devoit  chevaucier  à  Rodais, 
pour  entendre  à  le  forterèce,  et  se  tenoit  à  Yillenove  20 
d'Âginois,  et  devoit  partir  de  là  à  soixante  lances  tant 
seulement. 

Quant  li  dessus  dit  entendirent  ces  nouvelles,  si 
en  furent  tout  joiant,  et  se  misent  en  embusche 
sus  le  dit 'monsigneur  Thumas,  trois  cens  lances,  en  25 
leur  compagnie ,  siques ,  au  dehors  de  Montalben , 
environ  deux  liewes  en  sus,  ensi  que  li  dis  senes- 
chaus  de  Roerge  chevauçoit  à  soixante  lances  et  deux 
cens  arciers,  ceste  grosse  embusce  des  Gascons  leur 
salli  au  devant.  Li  Englès  furent  tout  esbahi,  qui  30 
ne  s'en  donnoient  garde.  Toutesfois,  il  se  misent 
à  deffense  bien  et  faiticement  ;  mes  li  François ,  qui 


104  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

estoient  tout  pourveu  et  avisé  de  leur  fait^  les  en- 
vaïrent  et  assàllirent  fièrement.  Et  là  en  eut^  de  pre- 
mier encontre^  grant  fuison  ruet  par  terre.  Et  ne 
peurent  li  dit  Englès  à  ce  donc  porter  le  fais^  ne  souf- 
5  frir  les  Gascons  de  Pieregorth^  de  Commignes  et 
de  Quarmaing;  si  se  ouvrirent  et  desconfirent  et 
tournèrent  Les  dos.  Et  là  en  y  eut  grant  fuison  de 
mors  et  de  pris,  et  convint  le  dit  monsigneur  Thu- 
mas  fuir  ;  aultrement^  il  euist  esté  pris.  Si  se  sauva  à 

10  grant  painne  et  à  grant  mesehief  par  le  bonté  de  son 
coursier^  et  s'en  vint  bouter  en  le  garnison  de  Mon- 
talben  :  là  fu  il  à  sauveté.  Li  dessus  dit  François  re* 
tournèrent  en  leur  pays  ;  si  en  menèrent  leurs  prison- 
niers et  leurs  conques. 

15  Ces  nouvelles  vinrent  moult  tost  au  prince,  qui  se 
tenoit  pour  le  temps  en  Angouloime,  comment  ses 
seneschaus  de  Roergeavoit  esté  ruetjusdou  conte  de 
Pieregorth  et  de  chiaus  qui  l'avoient  fait  appieller  en 
le  cambre  des  pers  à  Paris.  De  ceste  avenue  fu  li 

20  princes  durement  coureciés,  et  dist  bien  que  ce 
seroit  amendé  chierement  et  hasteement  sus  chiaus 
et  leurs  terres,  qui  cest  outrage  avoient  fait.  Si  escrisi 
tantosL  li  dis  princes  devers  monsigneur  Jehan  Chan- 
dos,  qui  se  tenoit  en  Constentin  à  Saint  Salveur  le 

25  Visconte,  en  lui  mandant  que,  ses  lettres  veues,  il  se 
retraisist  sans  point  de  delay  avant.  Li  dis  messires 
Jehans  Chandos  volt  obéir  et  se  hasta  dou  plus  qu'il 
peut,  et  s'en  vint  en  Ângouloime  devers  son  signeur 
li  prince ,  qui  le  rechut  à  grant  joie  ;  et  tantost  li 

30  dis  princes  l'envoia  à  tout  grant  fuison  de  gens 
d'armes  et  d'archiers  en  le  ville  de  Montalben^  pour 
là  faire  firontière  as  Gascons  françois^  qui  monte- 


[1369]  UYRE  PREMIER,  §  608.  105 

plioient  tous  les  jours  et  couroient  sus  le  tierre  dou 
prince. 

Li  dis  messires  Thumas  de  Welkefare^  seneschaus 
de  Roei^e^  se  recueilla  au  mieulz  qu'il  peut^  et  s'en 
yint  à  Rodais ,  et  pourvei  et  rafreschi  grandement  le  5 
cité^  et  ossi  le  ville  et  le  chastiel  de  la  Millau,  sus  les 
marces  de  Montpdlier^  et  toutes  les  garnisons  de  se 
seneschandie  et  le  fort  chastiel  de  Montpesier,  et  par- 
tout mist  gens  d'armes  et  arciers. 

Messires  Jehans  Chandos,  qui  se  tenoit  à  Mon-   10 
talben ,  tint  là  franchement  le  marce  et  le  frontière 
contre  les  François^  avoech  aultres  harons  et  che- 
Ysdiers  que  li  princes  y  envola,  telz  que  monsigneur 
le  captai  de  Beus^  les  deux  frères  de  Pumiers,  mon- 
signeur Jehan  et  monsigneur  Helye^  le  soudic  de   15 
Lestrade^  le  signeur  de  Partenay^   le  signeur  de 
Pons,  monsigneur  Loeis  de  Harcourt^  le  signeur  de 
Puiane,  le  signeur  de  Tannai  Bouton  et  monsigneur 
Richart  de  Pontchardon.    Si  faisoicnt  souvent  des 
issues  chil  chevalier  et  leurs  routes  sus  les  gens  le  20 
conte  d'Ermignach  et  le  signeur  de  Labreth^  qui  fai- 
soicnt ossi  la  frontière^  et  li  contes  de  Pieregorth^  li 
contes  de  Ck>mniignes,  h  viscontes  de  Quarmaing^  li 
sires  de  Taride,  li  sires  de  Pincornet,  li  sires  de  La- 
barde  et  pluiseur  aultre ,  tout  d'une  alliance.  Si  gae-  25 
gnoient  une  fois  li  un,  et  puis  li  aultre^  ensi  que  tels 
aventures  aviennent  en  fais  d'armes. 

Encores  se  tenoit  li  dus  d'Ango  tous  quois,  qui  ne 
se  mouvoit  pour  cose  qu'il  oïst  dire  ;  car  li  rois  de 
France,  ses  frères^  li  avoit  deffendu  qu'il  ne  fesist  30 
point  de  guerre  au  prince^  jusques  à  tant  qu'il  oroit 
et  aroit  de  lui  certainnes  nouvelles. 


406  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

$  609.  Li  rois  de  France^  toute  celle  saison^  secrè- 
tement et  soutievement  avoit  ratrait  pluiseurs  capi- 
tainnes  des  Compagnes^  Gascons  et  aultres^  qui  s'es- 
toient  partis  des  Englès  et  estoient  monté  contre- 

5  mont  le  Loire,  sus  les  marces  de  Berri  et  d'Auvergne. 
Et  les  consentoit  là  li  rois  de  France  à  vivre  et  à  de- 
morer,  mes  point  ne  se  nommoient  encores  ces 
Compagnes  François,  car  li  rois  de  France  n'en  voloit 
mies  estre  nommés,  par  quoi  il  perdesist  son  &it  de 

10  la  conté  de  Pontîeu,  qu'il  tendoit  fort  à  ravoir.  Car, 
se  li  rois  d'Engleterre  sentesist  que  li  rois  de  France 
li  volsist  avoir  fait  guerre,  il  euist  bien  obviiet  au  da- 
mage qu'il  rechut  de  Pontieu ,  car  il  euist  si  grosse- 
ment  pourveu  le  bonne  ville  d'Abbeville  d*Englès  et 

15  de  gens  de  par  lui,  qu'il  en  eussent  esté  mestre  et 
souverain,  et  ossi  de  toutes  les  garnisons  appendans 
à  le  ditte  conté.  A  ce  donc  estoit  seneschaus  de  Pon- 
tieu, de  par  le  roy  d'Engleterre,  uns  bons  chevaliers 
englès,  qui  s'appelloit  messires  Nicoles  de  Louvaing, 

20  et  ouquel  li  rois  d'Engleterre  avoit  grant  fiance  et  à 
bon  droit,  car,  pour  les  membres  à  trencier,  il  n*euist 
pensé  ne  consenti  nulle  lasqueté  à  faire. 

En  ce  temps  estoient  envoiiet  en  Engleterre,  de  par 
le  roy  de  France,  li  conte^  de  Salebruce  et  messires 

25  Guillaumes  de  Dormans,  pour  parler  au  roy  d'En- 
gleterre  et  à  son  conseil  et  yaus  remoustrer  comment, 
de  leur  partie,  la  pais  avoit  esté  et  estoit  encores 
tous  les  jours  mal  tenue,  si  com  il  disoient,  tant 
pour  le  fait  des  Compagnes,  qui  guerrioient  et  avoient 

30  depuis  six  ans  guerriiet  le  royaume  de  France,  que 
par  aultres  incidens,  dont  li  rois  de  France  et  ses 
consauls  estoient  enfourmet  et  se  contentoient  mal 


[136»]  UVRE  PltEMIER,  g  609.  i07 

sus  le  roy  d'Engleterre  et  son  fil  le  prince.  Si  avoient 
li  doy  dessus  dit  demoret  en  Engleterre  le  terme  de 
deux  mois^  et^  en  ce  terme  pendant^  proposé  plui- 
seurs  articles  et  raisons  au  corps  dou  dit  roy,  dont 
pluiseurs  fois  Tavoient  melancoliiet  et  courouciet;  5 
mais  il  n'i  acontoient  c'un  petit  ^  car  de  ce  à  dire  et 
faire  estoient  il  cargiet  ddu  roy  de  France  et  de  son 
conseil. 

Or  avint  ensi  que,  quant  li  rois  de  France  eut  le 
seurté  secrètement  de  chiaus  de  Abbeville ,  que  il  se  10 
retourroient  François  et  que  les  guerres  estoient  toutes 
ouvertes  en  Gascongne,  et  toutes  gens  d'armes  dou 
royaume  de  France  appareilliet  et  en  grant  volenté 
de  faire  guerre  au  prince  et  d'entrer  en  le  princeté, 
ils ,  qui  ne  voloit  mies  ou  [temps  présent  ne  avenir   15 
estre  reprociés  que  il  euist  envoiiés  ses  gens  sus  la 
terre  dou  roy  et  dou  prince  et  prendre  villes,  cités 
et  chastiaus  et  forterèces  sus  yaus  sans  deffiances, 
eut  conseil  que  il  envoieroit  deffiier  le  roy  d 'Engle- 
terre, ensi  qu'il  fist  par  ses  lettres  closes.  Et  porta  20 
uns  de  ses  variés  de  cuisine,  breton,  les  dittes  deffian- 
ces  et  passa  le  mer  si  à  point  que  il  trouva  à  Douvres 
les  dessus  dis,  le  conte  de  Salubruce  et  messire  Guil- 
laume de  Dormans,  qui  retournoient  d'Engleterre  en 
France  et  avoient  acompli  leiu*  message,  asquelz  li  25 
dis  Bretons  compta  une  partie  de  se  entente^  car 
ensi  en  estoit  il  cargiés.  Et  quant  li  dessus  dit  l'en- 
tendirent, il  partirent  d'Engleterre  au  plus  tost  qu'il 
peurent  et  rapassèrent  le  mer;  si  furent  tout  joiant, 
quant  il  se  trouvèrent  en  le  ville  et  forterèce  de  Bou-  30 
longne. 

En  ce  temps,  avoit  esté  envoiiés  à  Romme,  deviers 


i08  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [4369] 

le  pape  Urbain  Y*,  de  par  le  prince  de  Galles,  pour 
les  besongnes  de  la  ducé  d'Aquittainne  ^  messires 
Guichars  d'Angle^  mareschaus  d*Aquittainne.  Si  avoit 
trouvé  le  pape  assés  amiable  et  descendant  à  ses 

5  priières^  siques  au  retour  li  dis  messires  Guichars  oy 
nouvelles  que  on  faisoit  guerre  au  prince  et  que  li 
François  couroient  sus  le  princeté;  si  en  fu  tous  es* 
bahis  comment  il  poroit  estre  retournés.  Non  obstant 
ce  y  il  s'en  vint  devers  monsigneur  le  gentil  conte  de 

10  Savoie  y  lequel  en  ce  temps  il  trouva  en  Pieumont^  en 
le  ville  de  Pinnerol^  car  il  faisoit  guerre  contre  le 
markis  de  Saluce.  Li  dis  contes  de  Savoie  reçut 
liement  et  grandement  monsigneur  Guichart  d'An- 
gle et  toute  se  route ,  et  les  tint  deux  jours  moult 

15  aise,  et  leur  donna  grans  dons  et  biaus  jeuiaus^  chain- 
tures  et  autres  presens  ;  et  par  especial ,  messires 
Guichars  en  eut  le  milleur  part^  car  li  gentils  contes 
de  Savoie  l'onnoroit  et  recommendoit  grandement 
pour  sa  bonne  chevalerie.  Et  quant  li  dis  messires 

20  Guichars  et  ses  gens  se  furent  départi  dou  conte  de 
Savoie^  il  passèrent  sans  nid  dangier  parmi  le  conté 
de  Savoie;  et  plus  approçoient  les  mettes  de  France 
et  de  Bourgongne,  et  tant  ooient  il  dures  nouvelles  et 
desplaisans  à  leur  pourpos^  siques,  tout  considéré^ 

25  messires  Guichars  vei  bien  que  nullement,  çn  l'estat 
où  il  chevauçoit,  il  ne  pooit  retourner  en  Giane.  Si 
se  dissimula  et  différa  et  mist  et  donna  tout  son  estât 
et  son  arroy  en  le  gouvrenance  et  ordenance  d'un 
chevalier,  qui  en  se  compagnie  estoit,  qui  s'appelloit 

30  messires  Jehans  Ysorés.  Chilz  avoit  sa  fille  espousée 
et  estoit  bons  François ,  des  marces  de  Bretagne.  Li 
dis  messires  Jehans  prist  en  carge  et  en  conduit  toutes 


[1369}  LIVRE  PREMIER,  $  610.  409 

les  gens  à  monsigneur  Guiehart  d*  Angle  ^  son  père^ 
et  s'en  vint  en  le  terre  le  signeur  de  Biaugeu^  et  là 
passa  le  riyière  de  Sone  ;  et  s'acointa  si  bellement  dou 
dit  signeur  de  Biaugeu^  que  li  dis  sires  de  Biaugeu 
amena  le  chevalier  et  toute  se  route  à  Rion^  en  Au-    5 
vei^e^  devers  le  duch  de  Berri.  Si  se  ofiri  là  à  estre 
bons   François ,  ensi  qu'il  estoil.   Parmi  tant ,   il 
passa  paisieulement  et  vint  chiés  soy  en  Bretagne.  Et 
li  dis  messires  Guichars^  en  ghise  et  estât  d'un  povre 
capellain^  tout  deschiré  et  mal  monté,  rapassa  parmi  lo 
France  les  marées  de  Bourgongne  et  d* Auvergne^  et 
fist  tant  que^  en  grant  péril  et  en  grant  painne,  il 
rentra  en  le  princeté^  et  vint  en  Angouloime^  devers 
le  prince,  où  il  fu  moult  liement  recueillies  et  li  bien 
venus.  Et  uns  aultres  chevaliers  de  se  route  de  Poito^   15 
qui  estoit  partis  en  légation  avoech  lui^  qui  s'appelloit 
niessires  Guillaume  de  Seris ,  s'en  vint  bouter  en  le 
abbeye  de  Clugni  en  Bourgongne,  et  là  se  tint  plus 
de  cinq  ans,  que  onques  ne  s'en  osa  partir  ne  bou- 
gier^  et  en  le  fin  se  rendi  il  François.  20 

Or  revenons  au  Breton  qui  porta  les^  deffiances 
dou  roy  Charle  de  France  au  roy  Edouwart  d'En- 
gleterre.  ' 

§  610.  Tant  esploita  cilz  dis  variés  qu'il  vint  à 
Londres,  et  entendi  que  li  rois  d'Engleterre  et  ses  25 
consaulz  estoient  ou  palais  de  Wesmoustier ,  et  avoient 
là  un  grant  temps  parlementé  et  consilliet  sus  les  be- 
songnes  de  le  princeté  et  l'afaire  dou  prince,  qui  es- 
toit  des  barons  de  Gascongne  guerriiés,  à  savoir  com- 
ment il  s'en  maintenroient ,  et  quelz  gens  d'Engle-  30 
terre  on  y  envoieroit  pour  conforter  le  prince.  Evous 


110  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  |  [1369] 

venues  autres  nouvelles^  qui  leur  donna  plus  à  pen- 
ser que  devant  ;  car  li  variés,  qui  les  dittes  deffiances 
aportoit,  fist  tant  qu'il  entra  en  le  ditte  cambre ,  où 
li  rois  et  tous  ses  consauls  estoient^  et  dist  qu*il  es- 

5  toit  uns  variés  de  Tostel  dou  roy  Charle  de  France, 
là  envoiiés  de  par  le  dit  roy,  et  aportoit  lettres^  qui 
s'adreçoient  au  roy  d*£ngleterre^  mes  mies  ne  savoit 
de  quoi  elles  parloient,  ne  point  à  lui  n'en  aperte- 
noit  de  parler  ne  dou  savoir.  Si  les  ofiri  il  en  ge- 

10  noulz  au  roy.  li  rois ,  '  qui  desiroit  à  savoir  quel 
cose  il  y  avoit  dedens^  les  fist  prendre^  ouvrir  et  lire. 
Or  furent  mouk  esmervilliet  li  rois  qui  là  estoit  et 
tout  cil  qui  les  oïrent  Ure^  quant  il  entendirent  les 
deffiances^  et  regardèrent  bien  et  avisèrent  desous  et 

15  deseure  le  seel,  et  cogneurent  assés  clerement  que 
les  dittes  defiSances  estoient  bonnes.  Si  fist  on  le 
garçon  partir^  et  li  fu  dit  que  il  avoit  bien  fait  son 
message  et  qu'il  se  mesist  hardiement  au  retour,  il 
ne  trouveroit  point  d'empeecement,  ensi  qu'il  fist,  et 

20  retourna  au  plus  tost  qu'il  peut  parmi  raison.  £n- 
cores  estoient  à  ce  jour  bostagier  en  Engleterre ,  pour 
le  fait  dou  roy  de  France,  li  contes  daufîns  d'Auver- 
gne, li  contes  de  Porsiien,  li  sires  de  Roiie,  li  sires 
de  Maulevrier  et  pluiseur  aultre,  qui  furent  en  grant 

25  soussi  de  coer,  quant  il  ourent  ces  nouvelles,  car  mies 
ne  savoient  que  li  rois  d'Engleterre  et  ses  consaulz 
vorroient  foire  d^yaus. 

Vous  devés  savoir  que  ad»nc  li  rois  d'Engleterre 
et  ses  consaulz  prisent  en  grant  despit  et  desplai- 

30  sance  les  deffiances  aportées  par  un  garçon;  et  di- 
sent que  ce  n'estoit  pas  cose  apertenans ,  que  guerre 
de  si  grans  signeurs,  comme  dou  roy  de  France  et 


[1369]  LIVRE  PREMIER^  S  <^^0.  iil 

dou  roy  d'Engleterre  ^  fust  nonciée  ne  defldiée  par 
un  varlet^  mes  bien  yaloit  que  ce  fust  par  un  prélat 
ou  par  un  vaillant  homme  ^  baron  ou  chevalier  : 
nequedent  il  n'en  eurent  adonc  aultre  cose.  Si  fu     » 
dit  et  consilliet  là  au  roy  que  il  envoiast ,  tantost  et    5 
sans  delay,  grans  gens  d'armes  en  Pontieu,  pour 
là  garder  le  frontière,  et  especialment  en  le  ville  de 
Âbbeville ,  qui  gisoit  en  grant  péril  de  estre  prise. 
Li  rois  entendi  volentiers  à  ce  conseil  j  et  y  furent 
ordené  et  cargiet  de  là  aler  li  sires  de  Persi ,  li  sires  10 
de  Nuefville^  li  sires  de  Carlestonne  et  messires  GuU- 
laumes  de  Windesore,  à  quatre  cens  honmies  d'armes 
et  mil  arciers. 

Entrues  que  cil  signeur  et  leur  gens  se  ordenèrent 
et  appareillièrent  dou  plus  tost  qu'il  peurent ,  et  ja  15 
estoient  trait  à  Douvres  et  venu  pour  passer  le  mer, 
aultres  nouvelles  leur  vinrent  de  Pontieu,  qui  ne  leur 
furent  mies  trop  plaisans.  Car  si  tretost  que  li  con- 
tes Guis  de  Saint  Pol  et  messires  Hues  de  Chastillon, 
mestres  pour  le  temps  des  arbalestriers  de  France,  peu-  20 
rent  penser  et  aviser  ne  considérer  que  li  rois  d'En- 
gleterre estoit  defïiiés,  il  se  traisent. avant  par  devers 
Pontieu^  et  avoient  fait  secrètement  leur  mandement 
de  chevaUers  et  de  escuiers  d'Artois^  de  Haynau,  de 
Cambresis,  de  Vermendois,  de  Vismeu  et  de  Pikar-.  25 
die,  et  estoient  six  cens  lances,  et  vinrent  à  Abbeville. 
Si  leur  furent  les  portes  tantost  ouvertes^  car  c'estoit 
cose  toute  pourparlée  et  avisée^  et  entrèrent  ces  gens 
d'armes  ens,  sans  mal  Êiire  à  nul  de  chiaus  de  le  na- 
tion de  le  ville.  30 

Messires  Hues  de  Chastillon^  qui  estoit  menères 
et  conduisières  de  ces  gens  d'armes,  se  traist  tantost 


IIS  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [i869] 

de  celle  part  où  il  pensoit  à  trouver  le  senescal  de 
Pontieuy  monsigneur  Nicole  de  Louvaing^  et  fist  tant 
qu'il  le  trouva  et  qu'il  le  prist  et  retint  pour  son 
prisonnier^  et  prist  encores  un  moult  riche  clerch 

5  et  vaillant  homme  durement  ^  qui  estoit  trésoriers 
de  Pontieu.  Ce  jour  eurent  11  François  tamaint  bon 
et  riche  prisonnier  et  se  saisirent  dou  leur,  et  per- 
dirent li  Englès  tout  ce  que  il  avoient  à  ce  jour  en  le 
ditte  ville  de  Abbeville.  Encores  coururent  en  ce  jour 

10  caudement  li  François  à  Saint  Walleri^  et  y  entrèrent 
de  fait  et  s'en  saisirent^  et  ossi  au  Crotoi  et  le  prisent^ 
et  ensi  le  ville  de  Rue  sus  mer. 

Âssés  tost  apriès  y  vint  li  contes  de  Saint  Fol  au 
Pont  de  Rémi  sus  Somme ,  où  aucun  Englès  de  là 

15  environ  estoient  recueilliet  :  si  les  fist  assallir  li  dis 
contes^  et  là  eut  grant  escarmuce  et  forte.  Et  y  fu 
fais  chevaliers  messires  Gallerans  ses  ainsnés  filz, 
liquelz  se  porta  bien  et  vaillamment  en  se  nouvelle 
chevalerie.  Si  furent  cil  Englès^  qui  là  estoient^  si  dur 

20  assalli  qu'il  furent  desconfi,  mort  et  pris,  et  li  dis 
pons  et  la  forterèce  conquise^  et  demora  as  François. 
Briefinent^  tous  li  pays  et  la  conté  de  Pontieu  fu  de* 
livrée  des  Englès ,  ne  onques  nulz  n'i  demora  ^  qui 
peuis^grever  le  pays. 

25  Ces  nouvelles  vinrent  au  roy  d'Engleterre ,  qui  se 
tenoit  à  Londres^  comment  cil  de  Pontieu  l'avoient 
relenqui  et  estoient  tourné  françois.  Si  en  fu  durement 
courouciési  et  eut  li  dis  rois  tamainte  dure  imagination 
sus  aucuns  hostagiers  de  France,  qui  estoient  encores 

30  à  Londres,  quant  il  se  ravisa  que  ce  seroit  cruaultés  se 
il  leur  faisoit  comparer  son  mautalent.  Nequedent,  il 
envoia  tous  les  boui^ois  des  cités  et  bonnes  villes  de 


[1369]  LIVRE  PREMIER,  $  61i.  HZ 

France,  qui  là  estoient  hostagier^  en  aultres  villes  et 
forterèoes  parmi  son  royaume^  et  ne  les  tint  mies  si  au 
lai^e  que  il  avoient  esté  tenu  dou  temps  passé.  Et  le 
conte  daufin  d'Auvergne^  il  rançonna  à  trente  mil 
firans^  et  le  conte  de  Porsiien  à  dix  mil  francs.  Et  5 
encores  demora  li  sires  de  Roie  en  prison^  en  grant 
dangier^  car  il  n'estoit  mies  bien  de  court  :  se  li 
convint  souffrir  et  endurer  au  plus  bellement  qu*il 
peut  et  povoit^  tant  que  jours  de  délivrance  vint  pour 
li,  par  grant  fortune  et  aventure^  si  com  vous  orés  lo 
avant  en  Tistore* 

§  611.  Quant  li  rois  d'Engleterre  se  vei  deffiiés 

dou  roy  de  France  et  le  conté  de  Pontieu  perdue^ 

qui  tant  li  avoit  cousté  au  rempàrer  villes^  chastiaus 

et  maisons^  car  il  y  avoit  mis  cent  mil  francs  deseure   15 

toutes  revenues,  et  il  se  vei  guerriiés  de  tous  coslés^ 

car  dit  li  fu  que  li  Escot  estoient  alloiiet  au  roy  de 

France,  qui  li  feroient  guerre^  si  fu  durement  cou- 

rouciés  et  merancolieus.  Et  toutesfois  il  doubta  plus 

la  guerre  des  Escos  que  des  François;  car  bien  sa  voit  20 

que  li  Escot  ne  Famoient  mies  bien^  pour  les  grans 

damages  que  dou  temps  passé  il  leur  avoit  fais.  Si 

envoia  tantost  grans  geQs  d'armes  sur  les  frontières 

d'Escosse,  à  Bervich,  à  Rosebourch,  au  Noef  Ghastiel 

sur  Thin  et  là  partout  sus  les  frontières.  Et  ossi  il  mist  S5 

grans  gens  d'armes  sus  mer  au  lés  devers  Hantonnc, 

Grenesie,  l'isle  de  Wiske  et  Grenesee,  car  on  li  dist 

que  li  rois  de  France  faisoit  un  trop  grant  appareil  de 

naves  et  de  vaissiaus  pour  venir  en  Engleterre.  Si  ne 

se  savoit  de  quel  part  gaitier,  et  vous  di  que  li  Englès  30 

furent  adonc  bien  esbahi. 

vu  — 8 


114  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

Sitost  que  li  dus  d'Ango  et  li  dus  de  Berri  seeu- 
rent  que  les  defliances  estoient  et  la  guerre  ouverte, 
si  ne  veurent  mies  séjourner,  mes  fisent  leurs  mande- 
mens  grans  et  especiaulz,  li  uns  en  Auvergne ,  et  li 
5  aultres  à  Thoulouse,  pour  envoiier  en  le  princeté.  Li 
dus  de  Berri  avoit  de  son  mandement  tous  les  barons 
d'Auvergne  et  de  l'archeveskié  de  Lyons  et  de  l'eves- 
kié  de  Mascons,  le  signeur  de  Biaugeu,  le  signeur  de 
Villars,  le  signeur  de  Tournon,  monsigneur  Godefroy 

10  de  Boulongne,  monsigneur  Jehan  d'£rmignach  son 
serourge,  monsigneur  Jehan  de  Villemur,  le  signeur 
de  Montaguty  le  signeur  de  Calençon,  monsigneur 
Hughe  daufin,  le  signeur  d'Achier,  le  signeur  d'Achon, 
le  signeur  de  Rocefort  et  moult  d'autres. 

15  Si  se  traisent  tantost  ces  gens  d'armes  en  Tou- 
rainne  et  sus  les  marées  de  Berri,  et  commencièrent 
fort  à  guerriier  et  à  heriier  le  bon  pays  de  Poito,  mes 
il  le  trouvèrent  pourveu  et  garni  de  bonnes  gens 
d'armes,  chevaliers  et  escuiers  :  si  ne  l'eurent  mies 

20  d'avantage.  Adonc  estoient,  sus  les  marces  de  Tou- 
rainne  et  en  garnison  es  forterèces  françoises,  mes- 
sires  Loeis  de  Saint  Juliien,  messires  Guillaumes  des 
Bordes  et  Keranloet,  Breton.  Chil  troi  estoient  com- 
pagnon et  grant  capitainnes  de  gens  d'armes.   Si 

25  fisent  en  ce  temps  pluiseurs  grans  apertises  d'armes 
sus  les  Englèsy  ensi  que  vous  orés  recorder  avant  en 
l'ystore. 

§  612.  Li  dus  de  Lancastre  de  son  hiretage  tenoit 

un  chastiel  en  Campagne,  entre  Troies  et  Chaalons, 

30  qui  s'appelloit  Biaufort,  douquel  uns  escuiers  englès, 

qui  se  nommoit  le  Poursieugant  d'amours,  estoit  cha-» 


[1369]  LIVBS  PREMIEH,  $  6iS.  115 

pitainne.  Quant  cilz  escuiers  vei  que  la  guerre  estoit 
renouvelée  entre  le  roy  d'Engleterre  et  le  roy  de 
France ,  il  avoit  si  énamouré  le  royaume  de  France 
qa  il  se  tourna  François  et  jura  foy  et  loyauté  à  tenir, 
de  ce  jour  en  avant,  comme  bons  François  au  roy  de  5 
France.  Et  li  rois,  pour  ce,  li  fist  grant  pourfit  et  li 
laissa  en  se  garde  j  avoech  un  aultre  escuier  de  Cam-- 
pagne  j  le  dit  chastiel  de  Biaufort.  Cilz  Poursieugans 
d'amours  et  Yewains  de  Galles  estoient  compagnon 
ensamble,  et  fîsent  depuis  sus  les  Englès  et  chiaus  de  10 
leur  costé  tamaintes  grans  apertises  d'armes.  Ossi 
messires  li  Chanonnes  de  Robertsart  avoit  en  devant 
estet  toutdis  bons  François,  mais  à  celle  guerre  re- 
nouvelée il  se  tourna  Englès  et  devint  homs  de  foy 
et  d'ommage  au  roy  d'Engleterre  qui  fîi  de  son  ser-  15 
vice  moult  joians.  Ensi  se  tournoient  li  chevalier  et 
li  escuier  d'un  lés  ou  de  l'autre. 

Et  tant  avoit  procuré  li  dus  d'Ango  devers  les  Com- 
pagnes gascons  que  messires  Perducas  de  Labrelh , 
li  Petis  Meschins,  li  bours  de  Bretueil,  Aymenions  20 
d'Ortige,  Perros  de  Savoie ,  Jakes  de  Bray  et  Ernau- 
don  de  Paus  se  tournèrent  François  :  dont  li  Englès 
furent  moult  courouciet,  car  leur  force  en  fu  dure- 
ment afoibli.  Et  demorèrenl  Englès  Naudon  de  Ba- 
gherant,  li  bours  de  Lespare,  li  bours  Camus  et  les  25 
plus  grans  capitainnes  des  leurs  :  si  estoient  messires 
Robers  Brikés  ,  messires  Robers  Cheni,  Jehans  Crcs- 
suellcy  Gaillart  de  le  Motte  et  Aymeri  de  Rochewart. 
Si  se  tenoient  ces  Compagnes,  Englès  et  GawScon  de 
leur  heort,  en  l'eveskiet  du  Mans  et  sus  le  Basse  Nor-  30 
mendie,  et  avoient  pris  une  ville  que  on  appelle  Vire, 
et  destruisoient  et  honnissoient  tout  le  pays  de  là 


il6  aiRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

environ.  Ensi  tournèrent  toutes  les  Compagnes  ou 
d'un  lés  ou  d  aultre ,  et  se  tenoient  tout  ou  Englès 
ou  François. 

Li  rois  d'Engleterre  eut  conseil  d'envoiier  son  fil 
le  conte  de  Cantbruge  et  le  conte  de  Pennebruch^ 
5  en  le  ducé  d*Aquitainne^  devers  son  fil  le  prince  de 
Galles^  à  tcîut  une  cai^e  de  gens  d'armes  et  d'arciers. 
Si  furent  nommé  et  ordené  cil  qui  avoecques  yaus 
iroient.  Si  me  samble  que  li  sires  de  Carbestone  en 
fu  li  unsy  et  messires  Brians  de  Stapletonne^  messires 

10  Thomas  Balastre^  messires  Jehans  Trivés  et  pluiseur 
aultre.  Si  montèrent  en  mer  au  plus  tost  qu'il  peurent^ 
et  estoient  en  somme  quatre  cens  hommes  d'armes 
et  quatre  cens  arciers.  Si  singlèrent  devers  Bretagne, 
si  eurent  vent  à  souhet,  si  arrivèrent  ou  havene  de 

15  Saint  Malo  de  l'Ule.  Quant  li  dus  de  Bretagne  sceut 
que  il  estoient  arrivé  en  son  pays^  si  en  fu  durement 
joiant^  et  envoia  tantost  aucuns  de  ses  chevaliers 
devers  yaus  pour  les  mieulz  conjoïr,  telz  que  mes- 
sires Jehans  de   Lagnigay  et  messires  Jehans  Au- 

20  gustins. 

De  la  venue  les  chevaliers  dou  duch  de  Bretagne^ 
furent  moult  content  li  contes  de  Cantbruge  et  li 
contes  de  Pennebruch.  Encores  ne  savoient  il  de  vé- 
rité se  11  baron  ^  li  chevalier  et  les  bonnes  villes  de 

25  Bretagne  les  lairoient  passer  parmi  leur  pays^  pour 
entrer  en  Poito.  Si  en  fisent  li  doi  dessus  dit  signeur 
d*Engleterre  requeste  et  priière  au  duc  et  au  pays. 
Li  dus,  qui  moult  estoit  favourables  as  Englès  et  qui 

30  envis  les  euist  courechiés,  s'i  acorda  legierement  et 
esploita  tant  par  devers  les  barons  et  chevaliers  et 
bonnes  villes  de  son  pays^  qu'il  leur  fu  acordé  qu'il 


[i36d]  UVRE  PREMIER,  $  612.  117 

passeroient  sans  dangier  et  sans  rihote,  par  paier  tout 
ce  qu'il  prenderoient  sus  le  pays^  et  II  Englès  si  l'a*- 
cordèrent  ensi.  Si  trettièrent  li  contes  de  Cantbruge^ 
li  contes  de  Pennebruch  et  leurs  consauls  devers  ces 
Compagnes  qui  se  tenoient  en  Mainne^  à  Chastiel     5 
Gontier  et  à  Vire ,  et  qui  avoient  tout  honni  et 
apoyri  le  pays  de  là  environ^  qu'il  passeroient  oultre 
avoecques  euls.  Si  se  porta  trettiet  et  acort ,  qu'il  se 
partiroient  de  là  et  venroient  passer  la  rivière  de 
Loire  au  pont  de  Nantes^  sans  porter  damage  au  pays  :   lo 
ensi  l'acordèrent  li  Breton. 

En  ce  temps,  estoit  messires  Hues  de  Cavrelée^  à 
une  grosse  route  de  Compagnes^  sus  le  marce  d'Arra- 
gon ,  qui  nouvellement  estoit  issus  hors  d'Espagne. 
Sitost  qu'il  peut  savoir  et  entendre  que  li  François  15 
faisoient  guerre  au  prince ,  il  se  parti  à  tout  ce  qu'il 
avoit  de  gens  d'armes^  Compagnes  et  aultres,  et  passa 
entre  Fois  et  Arragon  et  entra  en  Bigorre^  et  fist  tant 
qu'ils  de  bien  guerriier  pourveus^  vint  devers  le 
prince  qui  se  tenoit  en  le  cité  d'Angouloime.  Quant  20 
li  princes  le  vei  venu^  se  li  fist  grant  chière  et  lie^  et 
li  sceut  grant  gré  de  ce  secours,  et  le  fist  un  petit  de- 
morer  dalés  lui^  tant  que  les  Compagnes^  qui  estoient 
issu  hors  de  Normendie  et  qui  avoient  vendu  les  for- 
tcrèces  qu'il  tenoient^  furent  venu;  car  li  Breton  les  25 
laissièrent  passer  parmi  leur  pays^  parmi  tant  qu'il 
n'i  portoient  nul  damage.  Sitost  qu'il  furent  venu  en 
Angouloime  et  là  environ ,  li  princes  ordonna  mon- 
signeur  Hue  de  Cavrelée  à  estre  souverain  et  chapi- 
tainne  d*yaus;  et  estoient  bien^  parmi  chiaus  qu'il  30 
avoient  amené  avoecques  lui  d'Arragon^  deux  mil 
combatans.  Si  les  enVoia  tantost  li  dis  princes  eus  es 


118  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

terres  le  conte  d'Ennîgnach  et  dou  signeur  de  La- 
breth,  pour  les  ardoir  et  exillier;  et  y  fîsent  grant 
guerre  et  y  portèrent  grant  damage. 

§  613.  Li  contes  de  Cantbruge  et  li  contes  de  Pen- 
5  nebruch  s'estoient  tenu  à  Saint  Malo  de  Tille,  à  tout 
leur  carge,  si  com  chi  dessus  est  dit,  tant  que  toutes 
les  Compagnes  de  leur  costé  furent  passet  oullre,  par 
l'acort  dou  pays  de  Bretagne  et  le  bonne  dilîgense 
que  li  dus  de  Bretagne  y  mist.  Quant  il  se  furent  ra- 

10  freschi,  et  il  eurent  le  congié  et  acord  de  passer,  il 
passèrent  et  se  départirent  de  Saint  Malo,  et  s'en 
vinrent  par  leurs  journées  en  le  cité  de  Nantes.  Et  là 
les  rechut  li  dus  grandement  et  honnourablement , 
et  se  tinrent  dalés  lui  trois  jours,  et  s'i  rafreschirent 

15   yaus  et  leurs  gens.  Au  qua trime  jour,  il  passèrent 
oultre  et  le  grosse  rivière  de  Loire  au  pont  à  Nantes, 
et  puis  cheminèrent  tant  par  leurs  journées ,  qu'il 
vinrent  en  Angouloime,  où  il  trouvèrent  le  prince  et  ' 
madame  la  princesse.  De  la  venue  le  conte  de  Cant- 

20  bruge  son  frère  et  dou  conte  de  Pennebruc  fu  li 
princes  grandement  resjoïs  :  si  leur  demanda  dou  roy 
leur  père  et  de  madame  la  royne  leur  mère  et  de  ses 
aultres  frères,  comment  il  le  faisoient;  et  li  dessus  dit 
en  parlèrent  bien  et  à  point,  ensi  qu'il  apertenoit. 

25  Quant  il  eurent  séjourné  dalés  le  prince  environ 
quatre  jours  et  il  s'i  furent  rafreschi ,  li  princes  les 
ordonna  d'aler  en  le  Gascongne  et  de  faire  une  che- 
vaucie  en  le  conté  de  Pieregorth.  Li  doi  dessus  dit  si- 
gneur d'Engleterre  et  li  chevalier,  qui  avoech  yaus 

30  estoient  venu,  s'i  assentirent  volentiers,  et  se  ordon- 
nèrent et  pourveirent  selonch  che,  et  se  départirent 


[1369]  LIVRE  PREMIER,  $  614.  119 

dou  prince  en  grant  ^arroy,  et  estoient  bien  troi 
mil  eombatans^  parmi  pluiseurs  chevaliers  et  es- 
cuiers  de  Poilo,  de  Saintonge^  de  Quersin,  de  Limo- 
zin  et  de  Roerge,  que  li  princes  ordonna  et  comman- 
da d'aler  en  leur  compagnie.  Si  chevaucièrent  cil  5 
signeur  et  ces  gens  d'armes,  et  entrèrent  eiforciement 
en  le  conté  de  Pieregorth  :  si  le  commencièrent  à 
courir  et  à  exillier,  et  y  fisent  pluiseurs  'grans  aper- 
tises  d*armes  et  moult  de  damages.  Et  quant  il  eu- 
rent ars  'et  couru  le  plus  grant  partie  dou  plat  pays^  lo 
il  s'en  vinrent  mettre  le  siège  devant  une  forterèce 
que  on  appelle  Bourdille,  de  laquele  estoient  chapi- 
tainne  doy  escuier  de  Gascongne  et  frère^  Ernaudon 
et  Bernardet  de  Batefol. 

§  614.  En  le  garnison  de  Bourdille,  en  le  conté  de  15 
Pieregorth,  a  voit,  avoech  les  deus  chapitainnes  des- 
sus nommés,  fuison  de  bons  compagnons,  que  li 
contes  de  Pieregorth  y  avoit  ordonnés  et  establis, 
pour  aidier  à  garder  le  forterèce,  laquele  estoit  bien 
pourveue  de  toute  artillerie,  de  vins,  de  vivres  et  de  20 
toutes  aultres  pourveances,  pour  le  tenir  bien  et  lon- 
gement;  et  ossi  cil  qui  le  gardoient,  en  estoient  en 
bonne  volenté.  Si   eut  devant  Bourdille,  le  siège 
pendant,  pluiseurs  grans  apertises  d'armes  faites, 
maint  assaut,  mainte  envaïe,  mainte  recueilloite  et  25 
tamainte  escarmuce,  et  priesque  tous  les  jours,  car 
li  doy  escuier  estoient  hardi  et  orghilleus,  et  qui  petit 
amiroient  les  Englès;  si  venoient  souvent  à  leurs  bar- 
rières escarmucier  à  yaus  :  une  fois  perdoient  et  l'au- 
tre gaegnoient ,  ensi  que  les  aventures  aviennent  en  30 
telz  fais  d'armes  et  en  samblables. 


120  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

D'autre  part ,  en  Poilo  et  sus  les  marces  dou  dit 
pays  et  d'Ango  et  de  Tourainne,  estoient  bien  mil 
combatans,  François,  Bretons,  Bourghegnons,  Pikars, 
Normans  et  Angevins;  et  couroient  tous  les  jours 

5  moult  souvent  en  le  terre  dou  prince  et  y  faisoient 
grant  damage  :  desquelz  estoient  capitainne  messires 
Jehans  de  Buel,  messires  Guillaumes  des  Bordes,  mes- 
sires liOeis  de  Saint  Juliien  et  Carenloet,  Breton.  A  ren- 
contre de  ces  gens  d'armes  se  tenoient  ossi,  sus  les 

10  frontières  de  Poito  et  de  Saintonge,  aucun  chevalier 
dou  prince,  et  par  especial,  messires  Symons  Burlé  et 
messires  d'Aghorises,  mes  il  n'avoient  pas  le  quarte 
partie  de  gens  que  li  François,  quant  il  chevauçoient, 
se  trouvoient;  car  il  estoient  toutdis  mil  combatans 

15  ou  plus  ensamble,  et  li  Ënglès  environ  deux  cens  ou 
trois  cens  dou  plus.  Car  li  princes  en  avoit  envoiié 
en  trois  chevaucies  grant  fuison,  à  Montalben  plus 
de  cinq  cens  avoech  monsigneur  Jehan  Chandos,  et 
ens  es  terres  le  conte  d*Ermignach,  et  le  signeur  de 

20  Labreth  ossi  grant  fuison  avoecques  monsigneur  Hue 
de  Cavrelée,  et  le  plus  grant  partie  avoech  le  conte 
de  Cantbruge,  son  frère,  devant  Bourdille.  Pour  ce  ne 
demoroit  mies  que  cil  qui  estoient  en  Poito  contre 
ces  François,  ne  s'acquittassent  bien  et  loyaument 

25  de  faire  lor  devoir  de  chevaucier  et  de  garder  les 
frontières  à  leur  pooir.  Et  toutdis  l'ont  ensi  fait  li  Ën- 
glès et  toute  manière  de  gens  d'armes  de  leur  costé, 
ne  n'ont  pas  ressongné  pour  ce  se  il  n'estoient  point 
moult  grant  fuison. 

30  Dont  il  avint  que  un  jour  li  François  furent  en- 
fourme  de  vérité  que  li  Englès  chevauçoient  et  es- 
toient sus  les  camps  :  de  ce  furent  il  tout  joiant,  et 


[1369]  LIVRE  PREMIER,  §  6iS.  i2i 

s'ordonnèrent  et  cueillièrent  selonch  ce^  et  se  mi- 
sent en  embusee  toutes  leurs  routes.   Ensi  que  H 
Englès  retournoient,  qui  leur  chevaucie  avoient  fait 
entre  Luzegnan  et  Mirabiel,  sus  une  desroute  cau- 
chie  qui  là  est,  li  François  leur  sallirent  au  devant,     5 
qui  bien  estoient  sept  eens  combatant,  dont  les  des- 
sus dittes  capitainnes  estoient  meneur  et  gouvreneur, 
messires  Jehans  de  Buel,  messires  Guillaumes  des  Bor- 
des, messires  Loeis  de  Saint  Juliien  et  Carenloet,  Bre- 
ton. La  eut  grant  hustin  et  fort  rencontre  et  tamaint  10 
homme  reversé  par  terre ,  car  li  Englès  se  misent  à 
deffense,  qui  se  combatirent  bien  et  vaillamment, 
tant  qu'il  peurent  durer,  et  y  lisent  li  aucun  pluiseurs 
belles  apertises  d'armes.  Et  y  furent  très  bon  chevalier 
messires  Symons  Burlé  et  messires  d*Agorises;  mes   15 
iinablement  il  n*en  eurent  point  le  milleur,  car  il 
n'a  voient  q'une  puignie  de  gens  ens  ou  regard  des 
François  :  si  furent  desconfî,  et  les  convint  fuir.  Si 
se  sauva  messires  d'Aghorises  au  mieulz  qu'il  peut, 
et  s'en  vint  bouter  ens  ou  chastiel  de  Luzegnan.  Et  20 
messires  Symons  Burlé  fut  si  priés  sievois  et  encauciés 
que,  sus  une  desroute  caucie,  assés  priés  de  Luse- 
gnan,  il  fu  ra tains,  et  ne  peut  fuir  ne  escaper  les 
François.  Si  fu  là  pris  li  dis  chevaliers,  et  toutes  ses 
gens  mors  ou  pris  :  petit  s'en  sauvèrent.  Et  retour-  25 
nèrent  li  François  en  leurs   garnisons,  qui  furent 
moult  resjoy  de  ceste  avenue,  et  ossi  fu  li  rois  de 
France,  quant  il  le  seut,  et  li  princes  de  Galles  dure- 
ment courechiés,  qui  moult  plaindi  le  prise  de  son 
chevalier  monsigneur  Symon  Burlé,  que  moult  amoit.   30 

§  615.  Apriès  ceste  avenue  qui  avint  entre  Mirabiel 


122  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

et  Luzegnan,  si  com  ci  dessus  est  dit^  chevaucièrent 
H  Englès  et  li  Poitevin  mieulz  ensamble  et  plus  sa- 
gement. 

Or  parlerons  de  monsigneur  Jehan  Chandos,  de 
5  monsigneur  le  captai,  de  monsigneur  de  Harcourt^ 
de  monsigneur  Guiehart  d*AngIe  et  des  aultres  qui 
se  lenoient  à  Montalben,  à  sept  liewes  de  Thoulouse, 
et  faiàoient  souvent  des  issues  honnerables  et  pourfi- 
tables  pour  yaus  sus  les  François,  car  il  estoient  bien 

10  mil  combatans  et  plus  :  si  desiroient  moult  à  trouver 
les  François,  pour  yaus  combatre. 

Entrues  qu'il  estoient  là,  il  regardèrent  qu'il  n'em- 
ploioient  pas  trop  bien  leur  saison,  fors  que  de  garder 
le  frontière.  Si  se  avisèrent  qu'il  venroient  mettre  le 

15  siège  par  devant  le  ville  de  Terrières  en  Thoulousain. 
Si  se  ordonnèrent  selonch  che,  et  se  départirent  un 
jour  en  grant  arrçy  de  Montalben,  et  s'en  vinrent  de- 
vant Terrières.  Quant  il  furent  là  parvenu,  il  le  asse- 
gièrent  tout  environ,  et  le  imaginèrent  bien  que  de 

20  assaut  il  ne  Taroient  point  à  leur  aise,  se  il  ne  l'a- 
voient  par  mine.  Si  misent  leurs  mineurs  en  oevye, 
liquel  esploitîèrent  si  bien  que,  au  chief  de  quinze 
jours,  il  le  prisent  par  mine;  et  furent  mort  tout  cil 
qui  dedens  estoient,  et  la  ville  robée  et  courue.  En- 

S5  cores  en  celle  chevaucie,  il  avoient  avisé  une  aultre 
ville,  à  trois  liewes  de  Thoulouse,  que  on  appelle  La- 
val ,  et  avoient  mis  leur  embusche  assés  priés  de  là 
en  un  bois,  et  s'en  venoient  devant  environ  qua- 
rante des  leurs,  armés  desous  vestemens  de  villains. 

30  Si  furent  deceu  par  un  garçon  qui  venoit  piet  à  piet 
avoech  yaus  ;  aultrement  il  euissent  eu  le  ville,  et  falli- 
rent  à  leur  entente  et  retournèrent  arrière  à  Montalben . 


Ii369]  LIVRE  PREMIER,  S  ^1^-  ^23 

En  ce  temps,  tenoient  les  camps  li  contes  de  Piere- 
gorth,  li  contes  de  Commignes^  H  contes  de  Lille,  li 
\iscontes  de  Quarmaing,  li  viscontes  de  Brunikiel,  li 
viseontes  de  Talar,  li  viscontes  de  Murendon,  li  vis- 
contes  de  Lautré,  messires  Bertrans  de  Taride,  li  si-  5 
res  de  Labarde,  li  sires  de  Pincornet,  messires  Per- 
ducas  de  Labreth,  li  bourch  de  Lespare,  li  bourch  de 
Bretuel,  Aymenion  d'Ortige,  Jakes  de  Bray,  Perros  de 
Savoie  et  Ernaudon  de  Paus,  et  estoient  bien  ces  gens 
d'armes,  parmi  les  Compagnes,  dix  mil  combatans.  Si  10 
entrèrent ,  par  le  commandement  et  ordenance  dou 
duch  d'Ango,  qui  pour  le  temps  se  tenoit  en  le  cité 
de  Thoulouse,  en  Quersin  moult  efforciement,  et 
contournèrent  le  pays  en  grant  tribulation,  et  ardi- 
rent  et  exiliièrent  le  plus  grant  partie  dou  plat  pays,  15 
et  s'en  vinrent  par  devant  Royauville  en  Quersin  et 
le  assegièrent.  Li  seneschaus  de  Quersin  Tavoit  en 
devant  pourveu  bien  et  souffissamment  de  tout  ce  que 
il  apertenoit  pour  une  ville  garder,  et  de  bons  com- 
pagnons englès,  qui  jamais  ne  se  fuissent  rendu  pour  20 
morir,  quoique  cil  de  le  ville  en  fuissent  en  bonne 
volenté,  se  il  peuissent. 

Quant  cil  baron  et  chevalier  de  France  l'eurent 
assegié,  il  envoiièrent  querre  quatre  moult  grans  en- 
giens  en  le  cité  de  Thoulouse.  Tanlos  on  leur  en-  25 
voia,  et  fist  on  là  achariier.  Si  furent  drechiet  et 
mis  en  ordenance  par  devant  le  garnison  de  Royau- 
ville. Si  jettoient  nuit  et  jour  pierres  et  mangon- 
niaus  par  dedens  la  ville ,  qui  moult  les  constraindi  . 
et  afoibli.  Avoech  tout  ce,  il  avoient  mineurs  avoech   30 
yaus,  qu'il  misent  en  leurs  mines  et  qui  se  vantoient 
qu'il  prenderoient  le  ville,  et  toutdis  se  tenoient  li 


424  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [4369] 

Englès  comme  bonnes  et  vaillans  gens^  et  se  confor- 
toient  bien  de  ces  mineurs^  et  par  samblant  nul 
compte  n^en  faisoient. 

§  616.  Endementrues  que  ces  gens  d'armes  Iran- 
5  cois  se  tenoient  si  efForciement  en  Quersin ,  sus  les 
marces  de  Limozin  et  d'Auvergne,  li  dus  de  Berri,  d'au- 
tre part,  estoit  en  Auvergne ,  et  tenoit  là  grant  genz 
d'armes,  telz  que  monsigneur  Jehan  d'Ermignach^ 
son  serourge,  monsigneur  Jehan  de  Villemur,  Rogier 

10  de  Biaufort,  le  signeur  de  Biaugeu,  le  signeur  de  Vil- 
lars,  le  signeur  de  Serignach,  le  signeur  de  Caleneon^ 
monsigneur  Griffon  de  M ontagut,  monsigneur  Hughe 
Daufin  et  grant  fuison  de  bonnes  gens  d'armes;  et 
couroient  sus  les  marces  de  Roerge,  de  Quersin  et  de 

15  Limozin,  et  apovrissoient  et  honnissoient  durement  le 
pays  où  il  entroient  et  conversoient,  ne  nulz  ne  du- 
roit  devant  yaus.  Dont  il  avint  adonc  que,  par  le  pro- 
movement  de  monsigneur  le  duch  d*Ango,  qui  veoit 
ses  besongnes  en  bon  parti,  et  que  leurs  gens  tenoient 

20  les  camps  en  Quersin  el  en  Roerge ,  il  fist  partir  de 
Thoulouse  larchevesque  de  la  ditte  ville ,  qui  estoit 
grans  clers  et  vaillans  homs  durement,  et  chevaucier 
devers  le  cité  de  Ghaours,  dont  ses  frères  estoit  eves- 
ques. 

25  Li  dis  archevesques  preeça  là  telenient  et  si  bel- 
lement  la  querelle  dou  roy  de  France  que  la  cité  de 
Ghaours  se  tourna  Françoise,  et  jurèrent  foy  et  loyauté 
à  tenir  de  ce  jour  en  avant  au  roy  de  France.  En 
apriès,  il  chevauça  oultre,  et  partout  preeçoit  et  re- 

30  moustroit  la  querelle  dou  roy  de  France  si  bellement^ 
que  tous  li  pays  se  tournoit.  Et  fist  à  ce  donc  tourner 


[1369]  LIVRE  PREBflER,  §  616.  125 

plus  de  soissante  cités,  villes ,  chastiaus  et  forterèces, 
parmi  le  confort  des  gens  le  duch  de  Bem,  qui  che- 
vauçoient  ou  pays^  messires  Jehans  d'Ermignach  et 
les  aultres.  Si  fîst  tourner  Figeach,  Gramach^  Roche- 
madour  et  Chapedenach  et  pluiseurs  bonnes  villes  et  5 
fors  chastiausy  car  il  preeçoit  le  roy  de  France  si  grant 
droit  avoir  en  ceste  querelle^  que  les  gens  qui  Pooient^ 
le  ci'eoient  en  vérité;  et  ossi  de  nature  et  de  volent é 
il  estoient  trop  plus  François  qu'englès,  qui  bien  ai- 
doit  à  le  besongne.  10 

En  tel  manière  que  cilz  archevesques  aloit  preeçant 
et  remoustrant  la  querelle  dou  dit  roy  ens  es  mettes 
et  limitations  de  le  Langue  d'Ok^  estoient  en  Pikardie 
pluiseur  prélat  et  clerch  de  droit,  qui  souffissanmient 
en  faisoient  bien  leur  devoir  dou  preechier  et  dou  re-  15 
moustrer  as  commummtés  des  cités  et  bonnes  villes. 
£t  par  especial  messires  Guillaumes  de  Dormans  pree- 
çoit la  ditte  querelle  dou  roy  de  France,  de  cité  en  cité 
et  de  bonne  ville  en  bonne  ville,  si  bellement  et  si  no- 
tablement que  toutes  gens  y  entendoient  volentiers,  20 
et  estoient  les  besongnes  dou  royaume  par  li  et  par 
ses  parolles  telement  coulourées  que  merveilles  seroit 
à  oïr  recorder. 

Avoech  tout  ce ,  li  roLs  de  France ,  meus  eu  dévo- 
tion et  en  humilité ,  faisoit  continuelement  faire  y  25 
en  le  cité  de  Paris,  grandes  processions  de  tout  le 
clergié;  et  il  meismes,  tous  descaus  et  à  nus  pies,  et 
madame  la  royne  ensi  en  cel  estât  y  aloient  en  sup- 
pliant dévotement  à  Dieu  que  il  volsist  entendre  à 
eulz  et  as  besongnes  dou  royaume ,  qui  avoient  de  30 
lonch  temps  esté  en  grant  tribulation.  Et  faisoit  li 
dis  rois^  par  tout  son  royaume,  estre  son  peuple. 


126  CHRONIQUES  DB  J.  FROISSAKT.  [1369] 

ê 

par  constrainte  des  prelas  et  gens  d'église ,  en  eesle 
afllietion. 

Tout  en  tel  manière  faisoit  li  rois  d'Engleterre  en 
son  royaume.  Et  y  avoit  un  evesque  pour  le  temps  à 
5  Londres,  qui  en  faisoit  pluiseurs  grans  et  belles  pré- 
dications^ et  disoit  et  remoustroit  en  ses  sermons 
que  li  rois  de  France  et  li  François,  à  leur  trop 
grant  tort  et  prejudisce,  avoient  renouvelle  le  guerre, 
et  que  c'estoit  contre  droit  et  contre  raison,  par  plui- 

10   seurs  poins  et  articles  que  il  leur  moustroit. 

Au  voir  dire,  il  estoit  de  nécessité,  à  l'un  roy  et 
l'autre,  puisque  guerriier  voloient,  que  il  fesissent 
mettre  en  termes  et  remoustrer  à  leur  peuple  Forde- 
nance  de  leur  querelle,  par  quoi  çascuns  entendesist 

15  de  plus  grant  volenté  à  conforter  son  signeur,  et  de 
ce  estoient  il  tout  resvilliet  en  l'un  royaume  et  en 
l'autre. 

Li  rois  d'Engleterre  avoit  envoiiet  en  Braibant  et 
en  Ilaynau ,  pour  savoir  se  il  en  seroit  point  aidiés. 

20  Et  avoit  par.linage  priiet  son  neveut  le  duc  Aubert, 
qui  tenoit  en  bail  pour  ce  temps  le  conté  de  Haynau, 
que  il  li  volsist  ouvrir  son  pays  et  appareiliier  pour 
passer,  aler  et  demorer  et  séjourner,  se  mestier  fai- 
soit, et  pour  par  cesti  lés  entrer  ens  ou  dit  royaume 

25  de  France  et  faire  y  guerre.  Li  dus  Aubers ,  à  le 
priière  dou  roy  d'Engleterre,  son  oncle,  et  de  madame 
la  royne  d'Engleterre,  sen  ante,  y  fust  assés  legiere- 
ment  descendus,  et  en  estoit  en  bonne  volenté  par 
le  pourcach  et  monition  de  monsigneur  Edouwart 

30  de  Guéries,  qui  faisoit  partie  pour  le  dit  roy  et  qui 
avoit  sa  fille  espousée,  et  dou  duch  de  JuUers,  son 
cousin  germain. 


[1369]  LIVRE  PREMIER,  S  ^^6-  ^^^ 

Cil  doi ,  pour  ce  temps ,  estoient  de  foy  et  d'om- 
mage  loiiet  et  acouvenenciet  au  roy  d'Engleterre , 
et  avoient  ja  estet  priiet  et  aviset  de  par  le  roy  d'En* 
gleterre,  qui  avoit  envoiiet  devers  yaus  grans  me^ 
sages,  que  il  retenissent  gens,  cescuns  jusques  à  5 
mil  lances,  et  il  seroient  delivret  :  pourquoi  oil  doi 
signeur  euissent  volenliers  veu  avoech  le  roy  d'En- 
gleterre,  que  li  dus  Aubers  euist  esté  de  leur  alliance; 
et  en  estoit  li  dis  dus  grandement  temptës,  parmi  grans 
dons  et  gitans  pourfis  que  li  rois  d'Engleterre  li  prom-  lo 
metoit  à  donner  et  à  faire  par  ses  chevaliers  que  il 
avoit  envoiiés  devers  lui  et  par  le  sigaeur  de  Gom- 
megnies,  qui  se  tenoit  dalés  le  roy  et  qui  estoit  des 
chevaliers  dou  roy,  et  qui  pour  ceste  cause  en  partie 
estoit  retournés  en  Hainau.  15 

A  ce  donc  et  en  ce  temps,  avoit  en  Haynau  grant 
conseil  et  bon  de  monsigneur  Jehan  de  Wercin ,  se- 
nescal  de  Haynau ,  par  qui  tous  li  pays  estoit  gou- 
vrenés,  et  liquels  estoit  sages  homs  et  vaillans  che- 
valiers durement  et  bons  François.  Li  dis  seneschaus  20 
estoit  tant  crus  et  tant  amés  dou  dit  duc  et  de  ma- 
dame la  duçoise,  que  il  brisa  tous  les  pourpos  des 
Englès,  parmi  l'ayde  dou  conte  de  Blois  et  de  mon- 
signeur Jehan  de  Blois,  son  frère,  et  dou  signeui- 
de  Barbençon,  et  dou  sigoeur  de  Ligne,  que  li  dus  25 
Aubers  et  tous  K  pays  demorèrent  neutre  et  ne  se 
deurent  tourner,  ne  de  l'une  part,  ne  d'autre.  Et 
ensi  en  respondi  madame  Jehane  la  duçoise  de 
Braibant. 

Li  rois  Charles  de  France,  qui  estoit  sages  et  sou-   30 
lîeus,  avoit  carpenté  et  ou\Té  tous  ces  trettiés  trois 
ans  en  devant  ^  et  bien  savoit  que  il  avoit  des  bons 


128  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [4369] 

amis  en  Haynau  et  en  Braibant^  et  par  especial  le 
plus  grant  partie  des  oonsaulz  des  signeurs.  Et  pour 
sa  guerre  embellir  et  coulourer^  il  fist  copiier  par 
ses  elers  pluiseùrs  lettres  toucbans  à  le  pais  jadis 
5  confremëe  à  Calais ,  et  là  en  dedens  enclore  toute  le 
substance  dou  fait  et  quel  cose  li  rois  d'Engleterre  et 
si  enfant  a  voient  juret  à  tenir^  et  en  quoi  par  leurs 
seelés  il  s'estoient  sousmis ,  et  des  rcfnonciations  ossi 
qu'il  avoient  faites,  et  des  conmiissions  que  il  de- 

10  voient  avoir  eu  baillies  à  leurs  gens^  et  tous  les  poins 
et  articles  qui  estoient  pour  lui ,  en  condempnant  le 
fait  des  Englès^  et  «es  lettres  publiier  ens  es  cambres 
des  signeurs  et  de  leurs  consaulz^  afin  que  il  en  fuis- 
sent mieus  enfou^mé. 

15  Tout  en  tel  manière,  à  l'opposile,  faisoit  li  rois 
d'Engleterre  ses  moustrances  et  ses  escusances  en 
Alemagne,  là  où  il  pensoit  que  elles  li  peuissent 
aidier  et  valoir,  Li  dus  de  Guéries ,  neveus  à  ce  rov 
d'Engleterre,  filz  de  sa  suer,  et  li  dus  de  Jullers, 

20  cousins  germains  à  ses  enfans,  liquel  estoient  pour 
ce  temps  bon  Englès  et  loyal ,  avoient  pris  en  grant 
dcspit  l'ordenance  des  deffiances^  que  li  rois  de 
France  avoit  fait  faire  par  un  garçon ,  et  en  repren- 
doient  et  blasmoient  grandement  le  roy  de  France 

25  et  son  conseil,  quant  par  tel  manière  l'avoient 
fait;  car  guerre  de  si  grans  signeurs  et  si  renom- 
més comme  dou  roy  de  France  et  dou  roy  d'En- 
gleterre, devoit  estre  ouverte  et  deffiiée  par  gens 
notables,  telz  que  grans  prelas,  evesques  ou  abbés,  et 

30  disoient  que  li  François  l'avoient  consilliet  au  roy  à 
faire  par  grant  orgueil  et  presumption.  Si  envoiièrent 
li  dessus  dit  defilier  le  roy  de  France  moult  notable- 


[i369]  LIVRE  PREMIER,  §  617.  iS9 

ment  y  et  seelèrent  pluiseur  chevalier  d'Alemagne 
avoech  eulz,  et  estoit  leur  intention  que  d'entrer 
tempren^ent  en  France  et  de  faire  y  un  si  grant 
trau,  que  il  y  parroit  vint  ans  en  apriès  ;  mais  de  ce 
ne  fîsent  il  riens,  car  leurs  pourpos  fu  brisiés  par  5 
aultre  voie  qu  il  ne  cuidoient  adonc^  si  com  vous 
orés  avant  en  l'istore. 

§  617.  Vous  avés  chi  en  devant  bien  oy  parler  et 
recorder  dou  grant  pourcach  que  li  rois  d'Engleterre 
fist  et  mist  par  l'espasse  de  cinq  ans  et  plus^  pour  10 
avoir  la  fille  le  conte  de  Flandres  en  mariage  pour 
son  fîl  monsigneur  Âymon,  conte  de  Cantbruge.  Les 
devises  et  les  ordenances  en  seroient  trop  longes  à 
démener  :  si  m'en  passerai  briefinent.  Et  saciés  que 
onques  1»  rois  d'Engleterre  ne  peut  tant  esploitier,    i^ 
par  quelque  voie  ne  moiien  que  ce  fiist,  que  li  papes 
Urbains  V  les  volsist  dispenser.  Si  demora  chilz  ma- 
riages à  faire.  Li  contes  de  Flandres^  qui  estoit  priiés 
d'autre  part  dou  roy  de  France  pour  son  frère  le 
duch  de  Bourgongne^  quant  il  vei  que  cilz  mariages  20 
ne  se  passeroit  nient  en  Engleterre,  et  que  sa  fille 
demoroit  à  marier  et  si  n'avoit  plus  d'enfans,  en- 
tendis par  le  promovement  de  madame  sa  mère  la 
contesse  d'Artois,  au  jone  duch  de  Boui^ongne,  car 
c'estoit  uns  grans  mariages  et  haulz  et  bien  paraus  à  25 
lui.  Si  envoia  grans  messages  en  Engleterre,  pour 
trettier  au  dit  roy  quittances. 

Cil  esploitièrent  si  bien  que  li  rois  d^Engleterre^  qui 
ne  voloit  que  toute  loyauté,  quitta  le  conte  de  Flan- 
dres de  toutes  couvenences;  et  retournèrent  li  message  30 
à  Bruges  ^  et  rëcordèrent  au  conte  leur  âgneur  com- 

VII  —  9 


130  CHRONIQUES  OB  J.  FROISSART.  [136»] 

ment  Q  avoient  esploitié.  De  oel  esploil  fo  li  contes 
tous  liés.  Depuis  ne  demora  gaires  de  temps  que  cilz 
mariages  se  fist^  de  Flandre  et  de  Boui^ngne,  panni 
grans  trettiés  el  consaolz,  couvenences  et  alliances  des 
S  uns  as  aultres.  Et  me  fii  adonc  dit  que  li  contes^  pour 
ce  mariage  laissier  passer,  rechut  grant  pourfit,  plus 
de  cent  mil  frans,  et  demorèrent  encores  à  lui  le  ville 
de  Lille  et  ceste  de  Douay,  en  carge  de  grant  argent 
que  li  rois  donnoit  à  son  frère  en  mariage  et  au  conte 

10  de  Flandres,  qui  prist  le  saisine  et  possession  des 

dessus  dittes  villes  ,et  y  mist  ses  gens.  Et  furent  ces 

villes  attribuées  à  Flandres^  par  cause  de  wage^  je 

n'ei\^  sçai  plus  avant. 

Tantost  apriès  ceste  ordenance^  on  procéda  ou  ma- 

15  riage  qui  se  fist  et  confrema  en  le  bonne  ville  de 
Gand.  Et  là  eut  grans  festes  et  grans  solennités,  au 
jour  des  noces^  devant  et  apriès ,  et  grant  fuison  de 
signeurs,  barons  et  chevaliers.  Et  par  especial  li 
gentilz  sires  de  Couci  y  fu^  qui  bien  affireoit  en  une 

20  feste^  et  mieulz  le  savoit  Êiire  que  nulz  aultres,  car  li 
rois  de  France  l'i  envoia.  Si  furent  ces  noces  bien  et 
grandement  festées  et  joustées ,  et  en  a[Nriès  cescuns 
s'en  retourna  en  son  pays. 

Li  rois  d'Engleterre ,  qui  veoît  que  li  contes  de 

25  Frandres^  par  le  cause  de  ce  mariage^  estoit  alloiiés 
en  France,  ne  savoit  que  supposer  se  li  contes  de 
Flandres  feroît  partie  contre  11,  avoech  le  duch  de 
Bourgongne  son  fil^  qui  par  succession  devoit  estre 
ses  hoirs  de  le  conté  de  Flandres,  ne  quelz  couve- 

30  nences  U  avoit  entre  le  dit  conte  et  le  roy  de  France. 
Si  se  tint  li  rois  d'Engleterre  un  petit  plus  frans  et 
plus  fors  contre  les  Flamens^  et  leur  0K>ustra  grignes 


[1369]  UVRE  PREMIER,  §  618.  131 

et  fist  moustrer  par  ses  gens^  sus  mer  et  ailleurs  en 
son  pays,  ensi  que  on  les  y  trouvoit  et  que  il  venoient 
en  marehandise.  De  ce  n'estoit  mies  li  rois  de  France 
coureciés  y  car  il  euist  volentiers  veu  que  la  guerre 
fiist  ouverte  entre  les  Flamens  et  les  Englès  y  mes  li  5 
sage  honmie  de  Flandres  et  li  riche  bourgoîs  des 
bonnes  villes  n'en  avoient  nulle  volenté  ;  et  souste- 
noient  toutdis  plus  les  communautés  de  Flandres  la 
querelle  et  oppinion  dou  roy  d'Engleterre  à  estre 
juste  et  bonne  que  ceste  dou  roy  de  France.  10 

§  618.  Li  rois  Edowars  d'Engleterre,  qui  acqueroit 
amis  de  tous  lés,  et  bien  li  besongnoit  selonch  les 
grans  guerres  et  rebellions  de  pays  qui  li  apparoient, 
senti  et  entendi  que  li  rois  Charles  de  Navare  ses  cou- 
sins, qui  se  tenoit  en  le  Basse  Normendie ,  seroit  as-  15 
ses  tost  de  son  acord,  car  il  estoit  en  grignes  et  en 
hayne  contre  le  roy  de  France*,  pour  aucunes  terres 
qtii  estoient  en  débat,  que  li  dis  rois  de  Navare 
reclamoit  de  son  hiretage,  et  li  rois  de  France  li  de^ 
veoit.  Si  en  avoient  esté  leurs  gens  et  leurs  consaulz  20 
pluiseurs  fois  ensamble,  mais  il  n'i  avoient  pout  trou- 
ver moiien  ne  acord.  Si  estoit  la  cose  demorée  en  ce 
parti,  que  cescuns  se  tenoit  sus  sa  garde.  Et  avoit  li 
dis  rois  de  Navare  fait  grossement  et  bien  pourveir 
ses  vUles  et  ses  castiaus ,  en  Ck)nstentin  et  en  le  conté  20 
d'Evrues,  sus  les  bendes  de  Normendie^  et  se  tenoit 
à  Chierebourch,  et  partout  ses  garnisons  gens  d'ar- 
mes. 

A  ce  donc  estoit  dalés  lui  messires  Eustasses  d'Au- 
brecicourt,  mestres  et  gouvrenères  d'une  ville  oultre  30 
les  Gués  Saint  Clément,  ou  clos  de  Constantin ,  qui  se 


132  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

tenoit  pour  le  roy  de  Navare ,  car  c'estoit  de  son  hi- 
retage^  et  ceste  ville  appelle  on  Quarenten;  et  estoit 
li  dis  messires  Eustasses  li  plus  espeeiaus  de  tout  son 
conseil  :  siques  li  rois  d'Engleterre  envoia  devers  lui^ 
5  car  il  estoit  ossi  ses  homs  et  ses  chevaliers^  pour  sa- 
voir l'intention  dou  roy  de  Navare.  On  le  trouva  tel, 
et  si  bien  esploita  li  dis  messires  Eustasses^  que  li  rois 
de  Navare^  à  privée  mesnie,  entra  en  un  vaissiel  que 
on  appelle  un  lin^  et  vint  en  Engleterre  parler  au  dit 

10  roy  qui  li  fist  grant  chière  et  bonne^  Et  eurent  là  en- 
samble  grans  parlemens  et  lons^  et  furent  si  bien  d'acor t 
que  li  rois  de  Navare,  lui  retourné  à  Chierebourch^ 
devoit  defliier  le  roy  de  France,  et  recueillier  et  met- 
tre par  tout  ses  chastiaus  les  Englès. 

15  Apriès  ces  alliances  et  confédérations  entre  ces 
deux  rois  faites  et  confremées ,  li  rois  de  Navare  re- 
tourna arrière  en  Normendie  en  le  ville  de  Chiere- 
bourch,  et  le  raconduisirent  chevalier  et  escuier  de 
l'ostel  dou  roy  d'Engleterre  et  de  madame  la  royne^ 

20  asquelz  à  leur  retour  il  chei  moult  mal^  car  il  encon- 
trèrent  nefs  normandes  et  escumeurs  de  mer^  qui 
tantost  les  envaïrent  et  assallirent  fièrement  et  qui 
furent  plus  fort  d'yaus.  Si  conquisent  li  dit  Nor- 
mant  les  Englès  et  les  misent  tout  à  bort  :  onques 

25  homme  il  n'i  prisent  à  merci.  Ensi  ala  de  ceste  aven- 
ture, de  quoi  li  rois  d'Engleterre  fu  moult  courouciés^ 
quant  il  le  sceut^  mes  amender  ne  le  peut  tant  c'a 
ceste  fois* 

Âssés  tost  apriès  la  revenue  dou  roy  de  Navare  qui 

80  estoit  retournés  à  Chierebourch ,  messires  Eustasses 
d'Aubrecicourt,  qui  avoit  estet  mandés  et  priiés  dou 
prince  de  Galles  et  envoiiés  querre  par  messages  et 


I 


[i369]  LIVRE  PREMKR,  %  619.  133 

par  hiransy  prist  con^et  dou  dit  roy  de  Navare^  pour 
aler  en  le  princeté  servir  le  prince^  liquelz  rois  li  donna 
moult  envis.  Mes  li  dis  messires  Eustasses  li  moustra 
tant  de  raisons^  que  finablement  il  se  parti  et  entra 
en  mer  avoech  ce  qu'il  avoit  de  gens^  et  vint  ariver  à  5 
Saint  Malo  de  TllIe  en  Bretagne  et  là  prist  terre  ^  et 
puis  chevauça  vers  Nantes  pour  là  passer  le  Loire, 
par  Facort  dou  duc  et  de  ehiaus  dou  pays^  qui  enco- 
res  ne  se  mouvoient  ne  de  l'un  lés  ne  de  l'autre.  Si  es- 
ploita  tant  par  ses  journées  li  dis  messires  Eustasses,  lo 
qu'il  entra  en  Poito,  et  vint  en  le  cité  d'Ângouloime, 
devers  le  prince^  qui  le  rechut  à  joie  et  qui  assés  tost 
apriès  l'envoia  devers  monsigneur  Jehan  Chandos  et 
le  captai,  qui  se  tenoient  à  Montalben  et  Ëiisoient  la 
frontière  contre  les  François.  Si  fii  li  dis  messires  15 
Eustasses  li  très  bien  venus  entre  les  signeurs  et  com- 
pagnons, si  tretost  qu'il  y  vint. 

$  619.  En  ce  temps,  misent  sus  li  chevalier  de  Pi- 
kardie  une  chevaucië  de  gens  d'armes^  sus  l'intention 
de  chevauchier  et  d*aller  veoir  ehiaus  d'Arde^  de  la-  20 
quele  furent  adonc  chief  messires  Moriaus  de  Fien- 
nes^  connestables  de  France^  et  messires  Jehans  de 
Wercin^  seneschaus  de  Haynau^  par  le  commande- 
ment dou  roy  de  France.  Si  se  assamblèrent  en  le 
bonne  ville  de  Saint  Orner,  et  estoient  bien  mil  lan-  25 
ces,  chevaliers  et  escuiers.  Si  vinrent  ces  gens  d'ar- 
mes faire  leur  monstre^  par  devant  le  bastide  d'Arde, 
qui  bien  estoit  garnie  et  pourveue  d'Englès,  et  se  lo- 
gièrent  par  devant  et  donnèrent  à  entendre  que  il 
tenroient  là  le  siège.  30 

Li  Englès ,  qui  pour  ce  temps  estoient  adonc  de- 


134  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

dens  Arde^  n'en  furent  noient  esbahi,  mes  se  ordon- 
nèrent et  se  apparillièrent  pour  deffendre^  se  on  les 
assalloit.  Si  se  armèrent  et  ordonnèrent  un  jour  li 
signeur  de  France  et  de  Haynau^  qui  là  estoient^  et 

5  se  traisent  tout  sus  les  camps  en  moult  frice  et 
noble  arroy  ;  et  là  estoit  grans  biautés  de  veoir  les 
banières  de  ces  signeurs  mettre  avant  et  faire  lor 
monstre.  Si  assalli  on  ce  jour  à  petit  de  pourfit, 
car  il  en  y  eut  des  navrés  et  des  blechiés,  et  se 

10  n'i  conquisent  riens.  Et  me  samble^  selonch  ce  que 
je  fui  adonc  enfourmés^  que  au  cinquime  jour  il 
se  départirent  d'Arde  sans  aultre  esploit^  et  retour- 
na cescuns  en  son  lieu.  Ensi  se  desrompi  ceste  che- 
vaucie. 

« 

15  §  620.  Nous  revenrons  as  besongnes  des  lontain- 
nes  marées  ;  si  compterons  dou  siège  qui  se  tenoit  de- 
vant Royauville^  en  Quersin,  que  li  François  y  avoient 
mis  et  establi,  qui  estoient  plus  de  douze  mil  comba- 
tans^  parmi  les  Compagnes^  et  toutes  bonnes  gens. 

20  Et  encores^  à  deux  journées  priés  d'yaus,  se  tenoient 
les  gens  le  duch  de  Berri,  messires  Jehans  d'Ërmi- 
gnach^  messires  Jehans  de  Yillemur^  li  sires  de  Biau- 
geu  et  li  aultre  d'Auvergne  et  de  Bourgongne,  qui 
bien  estoient  troi  mil  combatans^  qui  tantost  fuis-- 

25  sent  trait  avant ,  se  il  besongnast.  Messires  Jehans 
Chandos  et  li  captaus  et  messires  Guichars  d'Angle  et 
li  aultre,  qui  faisoient  fi*ontière  à  Montalben^  savoient 
bien  le  siège  des  François  devant  Royauville  et  quel 
nombre  de  leur  costé  il  estoient  sus  le  pays.  Si  ne 

30  trouvoient  mies  gens  assés  pour  yaus  combatre  ne  le- 
ver le  siègC;  car  li  contes  de  Gantbruge  et  li  contes 


[4369]  LIVRE  PREMIER,  S  <^S0*  13^ 

de  Pennebruch^  qui  seoient  devant  Bourdille^  ne  vo- 
loient  nullement  brisier  leur  siège. 

Qr  avint  ensi  que  li  François^  qui  avoient  devant 
Royauville  mis  leurs  mineurs  en  mine  et  qui  avoient 
grans  engiens  qui  jettoient  nuit  et  jour^  constraindi-     5 
rent  si  cbiaus  de  Royauville  quç  li  dit  mineur  vin- 
rent à  leur  entente  et  fisent  reverser  un  grant  pan 
dou  mur,  par  quoi  lA  ville  fu  prise  et  tout  li  Englès^ 
qui  dedens  estoient^  mort  sans  prendre  à  merci,  dont 
ce  fil  damages^  car  il  y  avoit  de  bons  escuiers.  ChS  de  lo 
le  nation  de  le  ville  furent  pris  à  merci^  parmi  tant 
que,  da  ce  jour  en  avant,  il  jurèrent  à  estre  bon  Fran- 
çois et  loyal.  Si  ordonnèrent  cil  signeur  qui  là  estoient^ 
cbapitainnes  et  gens  d*armes^  pour  garder  le  ville,  se 
mestier  Êdsoit^  et  pour  donner  avis  et  conseil  dou  15 
remparer.  Si  se  départirent  ces  gens  d'armes^  apriès 
le  conques  de  Royauville,  sus  le  pays  de  Quersin  et 
de  Roerge,  pour  yaus  rafreschir  et  estre  mieuls  à  leur 
aise,  et  s'en  vinrent  les  Compagnes  en  le  cité  de 
Chaours  et  là  environ.  Si  en  furent  chapitainne  Ây-  20 
menions  d'Ortige,  Perros  de  Savoie,  li  Petis  Mes- 
chins,  Jakes  de  Bray  et  Emaudon  de  Paus,  et  des- 
truisoient  tout  le  pays.  Si  retournèrent  li  contes  de 
Pieregorch^  li  contes  de  Laille,  li  contes  de  Commi- 
gnes,  li  viscontes  de  Quarmaing  et  li  aultre  Gascon  ens  25 
leurs  terres  ;  car  messires  Hues  de  Cavrelée,  messires 
Robers  Cheni,  messires  Robers  Brikés ,  Jehans  Gres- 
suelle^  Lamit^  Naudon  de  Bagherant^  li  bourch  Ca- 
mus, li  bourch  de  Bretueil,  li  bom*ch  de  Lespare  et 
toutes  ces  gens  de  Compagnes  y  faisoient  grant  guerre^  30 
et  avoient  mort^  ars  et  destruit  le  terre  le  conte  d'Ër- 
mignach  et  ceste  dou  signeur  de  Labreth. 


136  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT.  [1369] 

£a  ce  temps,  avoit  un  seneschal  en  Roei^e,  très 
vaillant  homme  et  bon  chevalier  durement^  Englès^ 
qui  s'appelloit  messires  Thumas  de  Wettevale,  qui 
tenoit  le  ville  et  le  chastiel  de  la  Millau^  à  une  jour- 

5  née  de  Montpellier;  et  quoique  li  pays  autour  de  lui 
fust  tournés  François^  si  tint  il  la  ditte  garnison  de 
la  Millau  plus  d'an  et  demi^  et  une  aultre  forterèce 
en  Roerge^  que  on  appelle  Yaudère.  Et  fist,  en  ce 
temps,  pluiseurs  belles  chevaucies  et  issues  honnera- 

IQ  bles  sus  les  François,  et  des  bons  conques.  Et  jut  là 
très  honnerablement  jusques  adonc  que  messires  Ber- 
trans  de  Gaiekin  lé  bouta  hors ,  ensi  que  vous  orés 
recorder  avant  en  Tystore.  Et  toutdis  se  tenoit  li  siè- 
ges devant  Bourdille. 

15  $  621  •  S^s  ^  marces  de  Poito  et  de  Tourainne  se 
tenoient  messires  Jehans  de  Buel^  mesires  Guillaumes 
des  Bordes,  messires  Loeis  de  Saint  Juliien  et  Caren- 
loet^  Breton^  à  plus  de  douze  cens  combatans^  qui 
imaginoient  et  estudioient  nuit  et  jour  comment  il 

20  peuissent  prendre^  eskieller  et  embler  villes,  chas- 
tiaus  et  forterèces,  en  Poito.  Dont  il  avint  que  il  em- 
blèrent  et  prisent  par  eskiellement,  de  nuit,  le  chastiel 
que  on  dist  le  Roce  de  Ponsoy^  à  l'entrée  de  Poito, 
séant  sus  le  rivière  de  Cruese^  à  deux  liewes  de  le 

^  Haie  en  Tourainne,  et  assés  priés  de  Chastieleraut, 
SUS  ceste  meisme  rivière.  Si  en  fu  durement  tous  li 
pays  de  Poito  effraés^  car  li  François  en  fisent  une 

'  grande  garnison  et  reparèrent,  pourveirent  et  rafres- 
chh-ent  de  vivres  et  d'artiUerie  bien  et  grossement. 
Quant  les  nouvelles  en  vinrent  au  prince^  si  en  fu  du- 
rement coureciés,  mes  amender  ne  le  peut.  Si  remanda 


[13(^9]  LIVRE  PREMIER,  §  62i.  137 

tantost  monsigneur  Gulchart  d'Angle^  messire  Loeis 
de  Harcourty  le  signeur  de  Partenay,  le  signeur  de 
Puiane  et  pluiseurs  aultres,  qui  se  tenoient  à  Montai- 
ben  dalés  monsigneur  Jehan  Chandos^  qu'il  revenis- 
sent  apertement^  et  qu  il  les  voloit  ailleurs  envoiier.  5 
Cil  dessus  dit  signeur  de  Poito^  à  l'ordenance  dou 
prince,  se  partirent  de  Montalben^  et  esploitièrent 
tant  par  leurs  journées,  qu'il  vinrent  en  le  cité  d'An- 
gouloime  devers  le  prince,  qui  tantost  les  envoia  à 
Poitiers,  pour  garder  le  cité  et  faire  frontière  as  Fran-  10 
çois.  Assés  nouvellement  s'estoit  tournés  françois  uns 
grans  barons  de  Poito,  li  sires  de  Chauvegni^  viscon- 
tes  de  Bruese,  et  sa  ville  ossi^  et  l'avoit  garnie  de  Bre- 
tons et  de  gens  d'armes,  mes  point  n'estoit  en  sa 
terre^  ains  estoit  venus  en  France  dalés  le  roy.  De  15 
eeste  avenue  furent  li  princes  et  tout  li  baron  de  Poito 
moult  coureciet. 

Si  fil  soupeçonnés  li  viscontes  de  Roeewart;  et  en 
fa  enfourmés  li  princes  qu'il  se  voloit  tourner  fi'an- 
çois.  Dont  il  avint  que  li  princes  le  manda  en  Angou-  30 
loime  où  il  estoit,  et  li  dist  se  intention.  Li  viscontes 
s'en  defiendi  et  escusa  au  mieulz  qu'il  peut,  mes  pour 
ce  ne  demora  mies  qu'il  ne  li  couvenist  tenir  prison 
fremée,  et  demora  un  grant  temps  en  ce  dangier. 

En  ce  temps,  estoit  grans  seneschaus  de  Poito  mes^  25 
sires  James  d'Audelée,  uns  moult  sages  et  vaillans 
chevaliers  :  si  mist  sus  une  chevaucie  de  tous  les  ba- 
rons et  chevaliers  de  Poito.  Là  estoient  messires  Gui- 
chars  d'Angle,  messires  Loeis  de  Harcourt,  li  sires  de 
Pons,  li  sires  de  Partenay,  li  sires  de  Puiane,  messi-  30 
res  JoflOrois  d'Argenton,  messires  Mauburni  de  Laniè- 
res, li  sires  de  Tannai  Bouton,  messires  Guillaumes 


138  CHRONIQUES  DE  J,  FROISSART.  [1369] 

de  Montendre  et  pluiseur  aultre  chevalier  et  escuier 
de  Poito^  et  estoient  bien  douze  cens  lances,  et  enco- 
res  y  estoit  messires  Bauduins  de  Fraiville,  seneschaus 
de  Saintonge.  Si  fisent  cil  signeur  leur  assamblëe  à 
5  Poitiers,  et  puis  s'en  partirent  en  grant  arroy^  et  che- 
vaucièrent  tant  qu'il  entrèrent  en  Berri.  Si  commen- 
cièrent  à  ardoir  et  à  exillier  le  pays  et  à  honnir  po- 
vres  gens^  et  y  fisent  moult  de  damages^  et  puis  s'en 
retournèrent  par  Tourainne.  Et  partout  où  il  con- 

10  vérsoient^  li  pays  estoit  contournés  en  grant  tribula- 
tions ne  nulz  ne  leur  aloit  au  devant  ^  car  il  estoient 
si  fort  que  il  tenoient  les  camps. 

Et  entrèrent  ces  gens  d'armes  en  le  terre  le  signeur 
de  Chauvegni^  qui  estoit  tournés  françois;  si  le  ardi- 

15  rent  et  exillièrent  toute  sans  déport^  horsmis  les  forte- 
rèces,  et  vinrent  devant  sa  mestre  ville  de  Bruese.  Si 
le  assegièrent  et  le  assallirent  et  fisent  assallir  un  jour 
tout  entier  par  leurs  gens^  mes  riens  n'i  conquisent. 
Dont  s'alèrent  il  logier,  et  disent  qu'il  ne  s'en  parti- 

20  roient  mies  ensi,  et  que  elle  estoit  à  yaus  bien  pren- 
dable.  Si  se  levèrent  au  point  dou  jour,  et  s'armèrent 
et  ordonnèrent,  et  sonnèrent  leurs  trompètes  d'assaut» 
Si  approcièrent  cil  Poitevin  et  cil  Englès,  et  se  misent 
en  ordenance  par  connestablies ,  cescuns  sires  entre 

25  ses  gens  et  desous  se  banière.  Là  eut,  par  un  samedi, 
grant  assaut  et  dur  et  bien  continuet ,  car  il  y  avoit 
dedens  le  viUe  gens  d'armes  et  compagnons,  qui  se 
deffendoient  dou  mieulz  qu'il  pooient,  car  il  savoient 
bien  que  c'estoit  sus  leurs  vies.  Si  y  fisent  tamainte 

30  apertise  d'armes. 

Li  seneschaus  de  Poito  et  li  seneschaus  de  Sain- 
tonge, qui  estoient  en  grant  volenté  et  désir  de  con- 


[1369]  UVRE  PREBOm,  §  622.  139 

querre  la  forterèce^  faisoient  leurs  arciers  traire  si 
ouniement  que  à  painnes  ne  s'osoit  nulz  amoustrer  à 
garittes  pour  deffendre.  Si  furent^  à  ce  jour  et  ce  sa- 
mediy  au  matin^  cil  de  Bruese  si  fort  assalli  et  si  con- 
tinuelment  par  traire  et  lancier  et  escarmucier  à  .5 
yaus^  que  finablement  la  ville  fu  conquise  et  la  porte 
jettée  par  terre,  et  entrèrent  ens  tout  cil  qui  entrer  y 
yeurent.  Si  furent  pris  li  homme  d'armes  dou  vis- 
conte,  et  tantost  en  fisent  li  signeur  de  Tost  pendre' 
jusques  à  seize  en  leurs  propres  armeures,  ou  despit  10 
dou  dessus  dit  visconte,  qui  pas  n'i  estoit,  mes  se  te-' 
noit  à  Paris  dalés  le  roy  de  France.  Si  fu  toute  la 
ville  courue,  arse  et  robée,  et  y  perdirent  li  habitant 
et  li  demorant  tout  le  leur.  Encores  en  y  eut  fîiison  de 
mors  et  de  navrés  et  de  noiiés^  et  puis  si  s'en  cetoup-   15 
nèrent  li  Englès  et  leurs  routes  en  le  cité  de  Poitiers, 
pour  yaus  mieulz  à  leur  aise  rafreschir. 

* 

§  622.  Messires  Robers  Canolles,  qui  se  tenoit  en 
Bretagne  sus  son  hiretage,  lequel  il  avoit  biel  et  grant,  * 
et  qui  toutdis  avoit  estet  bons  et  loyaus  Englès,  et  20 
servi  et  amé  le  roy  d'Engleterre  et  le  prince  de  Gai-* 
les  son  ainsnet  fil,  et  esté  en  leurs  armées  -et  chevaù- 
cies,  quant  il  entendi  que  li  François  faisoient  ensi  si 
forte  guerre  au  dit  prince,  et  qu'il  li  tolloient  et  vo- 
loient  tollir  son  hiretage  d*Acquitainne,  lequel  il  li  25 
avoU  jadis  aidiet  à  conquerre,  se  li  vint  à  grant  ami- 
ration  et  desplaisance,  et  s'avisa   en  soi  meismes 
que  il  prenderoit  ce  qu'il  poroit  avoir  de  gens  et  s'en 
iroit  servir  le  prince  à  ses  propres  frès  et  despens. 
Tout  ensi  comme  il  imagina  et  considéra ,  il  fist ,  et  30 
eueilla  gens  et  manda  tous  ses  subgès  et  ses  feaub  et 


ikO  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

priia  ses  amis,  et  eut  environ  soixante  hommes  d'ar- 
mes et  otant  d'arciers  de  se  délivrance,  et  fist  ses 
pourveances  sus  le  mer  en  quatre  grosses  nefs,  en 
une  ville,  en  Bretagne,  et  port  de  mer^  que  on  appelle 
5  Ronke. 

'  Quant  toutes  ses  pourveances  furent  faites  et  ao- 
omplies^  il  se  parti  de  Derval  et  se  traist  de  celle 
part  :  si  entra  en  son  vaissiel,  et  ses  gens  es  leurs;  si 
desancrèrent  et  singlèrent  tant  au  vent  et  as  estoilles, 

10  qu'il  arrivèrent  au  kay  en  le  Rocelle.  Se  li  fisent  li 
bourgois  de  le  Rocelle  grant  feste  arrière  coer,  mais 
il  n*en  osoient  aultre  cose  faire.  Et  là  trouva  il  mon- 
signeur  Jehan  d'Evrues^  qui  estoit  chapitainne  de  le 
Rocelle,  de  par  le  prince;  car   li  seneschaus  estoit 

15  avoecques  monsigneur  Jehan  Chandos,  messires  Thu- 
mas  de  Persi.  Messires  Jehans  d'Evrues  rechut  le  dit 
messire  Robert  moult  liement  et  li  fist  toute  le  bonne 
compagnie  qu'il  peut  faire.  Si  se  rafreschirent  messi- 
res Robers  et  ses  gens  en  le  Rocelle  par  deux  jours. 

20  Au  troisime  jour^  il  s'en  partirent  et  se  misent  au 
chemin  devers  Angouloime,  et  tant  esploitièrent  par 
leurs  journées  qu'il  y  parvinrent.  De  la  venue  monsi- 
gneur Robert  Canolles  fu  li  princes  grandement  res- 
joïs,  et  ne  le  peut  par  samblant  trop  conjoïr  ne  fes- 

25  tiier,  et  ossi  madame  la  princesse.  Tantost  li  princes 
le  fist  mestre  et  souverain  de  tous  ses  chevaliers  et 
escuiers  d'ostel  par  cause  d'amour^  d'onneur  et  de 
vaillance^  et  leur  commanda  à  obéir  à  lui,  si  com  à  leur 
souverain^  et  il  disent  que  ossi  fer  oient  il  volentiers. 

30  Quant  li  dis  messires  Robers  eut  esté  dalés  le  prince 
environ  cinq  jours,  et  cil  furent  tout  appareilliet ^ 
qui  dévoient  aler  en  se  chevaucie^  et  ossi  il  sceut 


[1369]  UVRE  PREMIER,  S  6S2.  i4i 

quel  part  il  se  trairoit^  il  prist  congiet  au  prince  et 
se  parti  d*Angouloiine^  bien  acompagniés^  les  che- 
valiers dou  prince  avoech  lui ,  telz  que  monsigneur 
Richart  de  Pontchardon,  monsigneur  Estievene  de 
Gousenton,    monsigneur    d'Aghorises,  monsigneur    5 
Neel  Lorinch,  monsigneur  Guillaume  Toursiel,  mon- 
signeur Hughe  de  Hastinges,  monsigneur  Jehan  Tri- 
yet^  monsigneur  Richart  Tan  ton  ^  monsigneur  Thu- 
mas  le  Despensier,  monsigneur  Thumas  de  Walke- 
hrCy  monsigneur  Thumas  Balastre^  monsigneur  Ni-  lo 
colas  Bonde,  monsigneur  Guillaume  le  Monne^  se-  ' 
neschal  d'Aghinois^  monsigneur  Bauduin  de  Fraiville 
et  plus  de  soixante  chevaliers.  Si  estoient  environ  cinq 
cens  hommes  d*armes  et  cinq  cens  arciers  et  otant 
de  brigans^  et  tout  en  grant  volenté  de  trouver  les  15 
François  et  de  combatre.  Si  chevaucièrent  les  gens 
le  prince,  dont  messires  Robers  CanoUes  estoit  chiés 
et  gojuvrenères^  par  devers  Agen,  pour  venir  en  Quér- 
sin  où  les  Compagnes  se  tenoient^  et  tant  esploitièrent 
qu'il  vinrent  en  le  cité  d'Agen.  Si  se  tinrent  là  un  pe-  20 
tit,  pour  yaus  rafreschir  et  entendre  des  ennemis. 

Entrues  que  li  dis  messires  Robers  Canplles  sejour- 
noit  à  Agen^  et  ses  gens  là  environ^  il  entendi  que 
messires  Perducas  de  Labreth^  uns  grans  chapitainnes 
de  Compagnes,  et  qui  en  avoit  plus  de  trois  cens  de  25 
se  route  desous  lui,  estoit  sus  le  pays,  et  en  celle  sai- 
son par  le  pourcach  dou  duch  d'Ango  tournés  fran- 
çois.  Si  envoia  tantost  ]i  dis  messires  Robers  Ca- 
noUes devers  lui  hiraus  et  certains  messages,  et  fist 
tant  que ,  sus  saufconduit^  il  vint  parler  à  lui  sus  les  ^^ 
camps  en  un  certain  lieu  qu'il  y  ordonnèrent.  Quant 
lidis  messires  Robers  vei  le  dit  monsigneur  Perducas, 


14i  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSâRT.  [1369] 

se  H  fîst  grant  chière  et  lie^  et  puis  petit  à  petit  entra 
en  parolles.  Se  li  commença  à  remoustrer  comment 
il  avoit  grandement  fait  son  blasme^  quant  il  estoit 
tournés  françois  et  issus  hors  dou  service  le  prince 

5  qui  tant  l'avoit  amé^  honnouré  et  avanciet.  Que  vous 
feroije  lonch  compte?  Messires  Robers  CanoUes, 
comme  sages  et  soid)tis^  preeça  tant  le  dit  Perducas 
de  Labreth^  qu'il  le  retourna  englès  et  toutes  ses 
gens^  et  se  retournèrent  adonc  des  compagnons  gas- 

10  cons  plus  de  cinq  cens  :  dont  li  dus  d'Ango  fu  moult 
courouchiés^  quant  il  sceut  les  nouvelles,  et  en  tint 
mains  de  bien  et  de  seurté  ou  dit  monsigneur  Perdu* 
cas.  Et  ossi  fisent  tout  li  aultre  qui  estoient  de  le  par- 
tie des  François,  et  en  resongnièrent  trop  plus  gran- 

15  dément  les  Englès. 

§  623.  Ces  nouvelles  vinrent  en  le  cité  de  Chaours 
as  aultres  compagnons,  à  Aymenion  d'Ortige,  au 
Petit  M eschin,  à  Jaket  de  Bray,  à  Perrot  de  Savoie  et 
à  Ernaudon  de  Paus,  qui  tenoient  là  une  très  grande 

20  garnison  et  avoient  tenu  tout  le  temps,  que  messires 
Perducas  de  Labretb  estoit  retournés  englès  et  toute 
se  route  ossi;  si  en  eurent  les  dessus  dittes  chapi- 
tainnes  grant  anoi  et  grant  efiroy.  Et  regardèrent  et 
considérèrent,  entre  yaus,  que  li  cités  de  Chaours  es- 

25  toit  de  trop  grant  garde  et  trop  foible  pour  yaus  te- 
nir contre  les  Englès.  Si  s'en  partirent  et  le  recom- 
mendèrent  à  l'evesque  dou  lieu  et  as  bourgois  de  le 
ville,  et  s'en  vinrent  en  une  priorie  assés  priés  de  là, 
que  il  avoient  tout  le  temps  malement  fortefiie,  la- 

30  quelle  on  appelle  Durviel.  Ceste  forterèce  n'estoit 
point  de  grant  garde  :  si  se  boutèrent  tout  dedens 


[1369]  LIVRB  PRElflER,  $  623.  14? 

et  misent  en  bonne  ordenanoe ,  pour  attendre  leurs 
ennemis  :  liquel  vinrent  celle  part  tantost  et  sans  de« 
lay  qu*il  sceurent  qu'il  s'estoient  là  retrait,  et  asse- 
gièrent  et  environnèrent  le  ditte  forterèce^  et  puis  y 
estabUrent  et  fîsent  tamaint  assault  ;  mes  cil  estoient  5 
si  usé  et  si  mesnier  d'armes,  et  ossi  si  bien  pourveu 
de  bonne  artillerie^  qu'il  n'en  faisoient  compte. 

Quant  messires  Jebans  Chandos^  messires  Thumas 
de  Felleton,  messires  li  captaus^  messires  Jehans  de 
Pumiers^  messires  Thumas  de  Persi^  messires  Eustas-  lo 
ses  d'Aubrechicourt  et  li  chevalier  dou  prince^  qui  se 
tenoient  à  Montalben^  entendirent  que  messires  Ro- 
bers  CanoUes  avoit  assegiet  les  capitainnes  des  Com- 
pagnes en  le  garnison  de  Durviel^  si  eurent  conseil 
que  U  se  trairoient  de  celle  part^  car  la  cose  s'ordon-  15 
noit  assés  que  il  trouveroient  là  aucun  grant  fait  d'ar- 
mes. Si  se  départirent  de  Montalben  en  une  route 
plus  de  trois  cens  lances^  et  y  en  laissièrent  bien  deux 
cens  en  garnison^  desquelz  estoient  chapitainne  mes- 
sires Aymeris  de  Tarse,  messires  li  soudis  de  Lestrade  30 
et  messires  Bernadet  de  Labreth^  sires  de  Geronde. 
Si  chevaucièrent  li  dessus  dit  moult  efforciement, 
pour  venir  au  siège  de  Durviel. 

Ensi  que  il  chevauçoient ,  il  trouvèrent  en  leur 
chemin  une  ville  assés  forte^  Françoise ,  qui  s'appelle  35 
Montsach^  et  estoit  tant  seulement  en  le  garde  des 
hommes^  \ïar  il  n'i  avoit  nul  gentil  homme.  Si  en- 
voiièrent  de  premiers  li  signeur  leurs  coureurs  de- 
vant, pour  aviser  et  considérer  le  viUe.  Si  raportèrent 
li  coureur  que  elle  estoit  assés  forte,  et  que  sans  siège  30 
et  assaut  on  ne  les  pooit  avoir.  Dont  se  consillièrent 
li  signeur  sus  les  camps  ^  pour  savoir  quel  cose  en 


i44  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

esloH  bonne  à  faire,  Adonc  il  trouvèrent^  en  conseil^ 
que  ce  ne  seroit  pas  bon  d'yaus  là  arrester  et  de  bri- 
sier  leur  emprise,  pour  aler  devant  Durviel;  si  pas- 
sèrent ouUre. 

5  A  ce  donc  estoit  enoores  assës  matin.  Ensi  que  il 
pooient  estre  ja  à  une  liewe  en  sus^  il  encontrèrent 
quatre  sommiers  cargiés  de  vitaille,  qui  aloient  en  le 
ville.  Si  furent  tantost  pris  et  arresté  li  dit  sommelier,  et 
leur  fu  demandé  dont  il  venoieût,  ossi  où  il  aloient.  Cil 

10  cogneurent  la  vérité  qu'il  estoient  parti  de  Thoulouse 

-et  avoient  intention  d  entrer  en  le  ville  de  Montsach 

.  et  de  là  mener  leur  vitaille.  Dont  furent  il  examiné 

plus  avant  de  l'estat  de  le  ville,  et  quelz  gens  il  estoient 

là  ded»[is.  Li  sommelier  respondirent  à  ce  et  disent, 

1 5  qui  n'osèrent  mentir^  que  la  ville  estoit  moult  astrainte 
de  famine^  et  n^i  pensoient  là  dedens  avoir  de  tous 
vivres^  se  assegiet  estoient^  pour  vivre  quatre  jours, 
et  qu'il  n'i  avoit  dedens  nul  gentil  homme,  ne  aultre 
deffense  que  des  bonhommes  de  le  ville.  Dont  semi- 

20  sent  li  gentil  homme  ensamble^  et  eurent  conseil  qu'il 
n'iroient  plus  avant^  si  aroient  rendu  painne  à  con- 
querre  le  ditte  ville.  Si  retournèrent  et  retinrent  le 
vitaille  pour  yaus^  et  rendirent  as  quatre  sommeliers 
leurs  chevaus,.  et  leur  disent  que  il  ralaissent  as  nou* 

25  velles  pourveances.  Et  puis  s'en  vinrent  mettre  le 
siège  devant  Montsach^  et  se  commencièrent  à  logier 
bien  et  faiticement^  ensi  qu'il  deuissent  là  demorer 
un  mois;  et  fîsent  ce  premier  jour  samblant  qu'il  as- 
sauroient  à  l'endemain^  et  levèrent  devant  les  murs 

30  aucuns  canons  qu'il  portoient. 

Quant  cil  de  Montsach  en  veirent  le  manière ,  si 
se  commencièrent  à  efiraer,  et  sentirent  bien  que 


[1369]  LIVRE  PBSMIER,  $  624.  i48 

il  ne  86  poroient  longement  tenir,  ear  il  n'avoient 
nulles  pourveances.  Si  eommenoièrent  à  trettier  de- 
vers les  dessus  dis  ehevaliers  d'Engleterre^  et  se  por- 
tèrent trettiet  si  bien  que  il  recogneurent  le  prince 
à  signeur  et  à  tenir  le  ditte  ville  de  lui  à  tousjours  5 
mes,  sans  fraude  et  mal  engin  ;  et  parmi  tant  il  de- 
moroient  en  paix,  et  ne  leur  ostoit  on  riens  dou 
leur.  Si  ordonnèrent  li  chevalier,  messires  Jehans 
Chandos  et  li  aultre,  à  le  requeste  de  chiaus  de  le 
ville,  un  chevalier  estre  leur  ohapitainne ,  lequel  on  lo 
appelloit  messire  Robert  Miton,  et  vingt  hommes 
d'armes  et  quarante  arciers  avoech  lui,  as  saus  et  as 
gages  des  hommes  de  le  ville  ;  puis  passèrent  oultre 
et  chevaucièrent  tant  qu'il  vinrent  devant  Durviel , 
où  messires  Robets  CanoUes  et  li  aultre  estoient.  Si  15 
eut  là  grans  recognissances  et  grans  approcemens  d'a- 
mour, quant  il  se  trouvèrent  tout  ensamble,  et  se 
misent  au  siège  avoeeques  les  aultres,  tout  par  bonne 
ordenance. 

§  624.  Ce  siège  pendant  devant  Durviel,  il  y  eut  20 
phiiseurs  assaus,  escarmoces,  paletis  et  grans  fais  d'ar- 
mes^ car  c'estoient  toutes  bonnes  gens  devant,  qui 
tenoient  le  si^e  ;  et  cil  dedens  ossi  estoient  tout  bon 
combatant  et  bien  usé  d'armes  :  aultrement,  il  ne  se 
fuissent  point  longement  tenu.  Si  vous  di  que  li  En-  25 
glès  et  cil  de  leur  costë  qui  là  gisoient  au  siège,  ne 
Tavoient  mies  d'avantage,  mes  estoient  en  trop  dur 
parti  par  deux  manières  ;  car  il  plouvoit  nuit  et  jour 
si  ouniement  que  trop  grevoit  as  honmies  et  as  che- 
vaus;  et  avoech  tout  ce,  il  avoient  si  grant  defaute  30 

de  vivres  qu'il  ne  savoient  que  mengier.  Et  y  vendoit 

VII  —  10 


146  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

on  un  pain  trois  vies  gros  :  enoores  n'en  pooit  on 
recouvrer  pour  son  aident  bien  souvent.  De  vins 
avoient  il  assés  et  largement,  et  oe  leur  fiiisoii  grant 
confort.  En  oel  estât  furent  il  plus  de  cinq  sep- 
5  mainnes» 

Quant  il  veirent  que  riens  ne  fiûsoient  et  que  le 
garnison  de  Durviel  pas  ne  prenderoient^  et  si  se- 
joumoient  là  en  grant  malaise^  si  s'avisèrent  que  il  se 
deslogeroient  et  iroient  plus  avant  et  en  plus  cras 

10  pays.  Si  se  deslogièrent  et  se  traisent  par  devant  le 
ville  et  le  chastiel  de  Domme^  dont  messires  Robers 
de  Domme  estoit  sires  et  gouvrenères^  et  avoit  avoech 
lui  un  sien  cousin  chevalier^  qui  s'appelloit  messire 
Pierre  Sengler.  Si  avoient^  en  devant,  cil  doi  chevalier 

15  les  vivres  dou  plat  pays  là  environ  tous  retrais  là  de- 
dens.  Quant  li  Englès  et  li  Gascon^  qui  bien  estoient 
quinze  cens  hommes  d'armes  et  deux  mil,  que  arciers, 
que  brigans^  furent  là  venu^  si  se  ordenèrent  et  mi- 
sent en  arroy  de  siège  bien  et  faiticement^  et  com- 

so  mencièrent  à  assallir  le  forterèce  de  grant  volenté. 
Si  y  livrèrent  pluiseurs  grans  assaus  et  escarmuces, 
où  il  y  eut  fait ,  le  siège  pendant,  des  grans  apertises 
d'armes.  Quant  il  eurent  là  esté  à  siège  quinze  jours^ 
et  il  eurent  veu  que  riens  n'i  faisoient  et  si  y  gisoient 

25  à  grant  painne  et  à  grant  fret,  si  se  avisèrent  et  con- 
siUièrent  li  un  par  l'autre  qu'il  segnefîeroient  leur 
estât  et  leur  a&ire  au  prince  de  Galles  leur  signeur, 
qui  se  tenoit  en  Ângouloime.  Si  en  fîi  ordonnés 
d'aler  celle  part  et  de  faire  ce  message  Chandos  li 

30  hiraus^  liquelz  se  parti  de  ses  mestres  et  esploita  tant 
par  ses  journées  qu'il  vint  en  le  cité  d'Ângouloime 
où  il  trouva  le  prince  à  moult  privée  mesnie^  car 


[1369]  UVEE  PRElflER,  S  ^^^'  ^^7 

tout  si  chevalier  et  eseuier  estoient  d'une  part  ou 
d'autre. 

Quant  li  hiraus  Chandos  fu  là  venus,  il  se  mist  en 
genoulz  devant  le  prince  et  li  recommanda  tous  ses 
mestres  dessus  nommés,  lesquelz  il  avoit  laissiés  au    5 
si^e  de  Domme.  Et  puis  li  recorda  et  remoustra 
bien  et  sagement  Testât  et  Fa&ire  de  leur  ordenance, 
ensi  qne  enfourmé  et  chargié  Tavoient^  avoecques 
lettres  de  créance  qu'il  aportoit  à  monsigneur  le 
prince.  li  princes  entendi  à  ce  bien  et  volentiers  et  lo 
dist  qu'il  en  aroit  avis;  si  fîst  demorer  le  hiraut  datés 
lui  et  y  fu  dnq  jours.  Au  sixime  jour,  il  li  fîst  déli- 
vrer sus  son  seel  lettres  escriptes  et  seelées,  et  li  dist 
au  départir  ':  «  Chandos^  salués  nous  tous  les  compa- 
gnons, y  Cilz  respondi  :  «  Mons^eur^  volentiers.  »   is 
Lors  se  parti  dou  prince  li  dis  hiraus  et  se  mist  au 
retour  par  devers  Quersin.  Or  vous  recorderai  de 
chiaus  de  l'ost  comment  il  esploitièrent  et  quel  cose 
il  fisent^  entrues  que  li  dis  hiraus  ala  et  vint  et  fîst 
son  message.  20 

^  625.  Assés  tost  apriès  che  que  Chandos  fu 
partis  de  ses  mestres  dou  si^e  de  Domme  y  messires 
Jehans  Chandos ,  messires  Robers  Canolles ,  messires 
Thumas  de  Felleton^  messires  li  captaus  de  Beus  et 
messires  James  d'Audelée  et  li  aultre  signeur  et  che-  25 
valier  qui  là  estoient^  eurent  conseil  et  avis  qu'il  def- 
feroient  leur  siège  ^  car  riens  au  là  seoir  ne  conque- 
roient ,  et  chevauceroient  plus  avant  sus  le  pays ,  et 
reconquerroient  villes  et  garnisons  qui  s'estoienl 
tournées  françoises  nouvellement  par  l'effort  des  30 
Compagnes  et  des  gens  le  duch  de  Berri.  Si  se  deslo- 


148  CHRONIQDES  DB  J.  FROISSART.  [4369] 

gièrent  et  se  départirent  de  Domme,  et  se  misent  au 
chemin  et  vinrent  par  devant  Gramath ,  qai  tantost 
se  rendirent  et  tom^nèrent  englès  qu'il  furent  là  venu. 
Si  se  rafreschirent  li  signeur  et  leurs  gens  dedens  le 
5  ville  de  Gramath  par  trois  Jours,  et  entrues  avisèrent 
où  il  se  trairoient.  Quant  il  s'en  partirent^  il  ehevauciè- 
rent  devant  une  aultre  forterèce^  que  les  Compagnes 
avoient  nouvellement  pris^  que  on  claime  Fours. 
Silos  que  cil  de  celle  garnison  sentirent  les  Englès 

10  venir  à  si  grant  effort  et  que  cil  de  Gramath  s'es- 
toient  tourné  ^  il  se  tournèrent  ossi  et  devinrent  en- 
glès j  et  jurèrent  que  il  le  demorroient  à  tousjours , 
mes  il  en  mentirent. 

Si  passèrent  oultre  li  dit  Englès^  et  vinrent  de- 

15  vant  Rocemadour.  Cil  de  le  ville  de  Rocemadour 
estoient  malement  fortefliet;  si  n'eurent  mies  vo- 
lente  que  d'yaus  rendre.  Quant  li  Englès  furent  venu 
jusques  à  là  et  il  eurent  avisé  et  considéré  le  ma- 
nière de  chiaus  de  le  ville,  si  fîsent  traire  avant  leurs 

20  gens  et  leur  artillerie,  et  le  commencièrent  à  assal- 
Ur  de  grant  façon  et  de  bonne  ordenance.  Là  eut^ 
je  vous  di ,  moult  grant  assaut  et  moult  dur  et  plui- 
seurs  hommes  navrés  et  bleciés  dou  tret  et  dedens 
et  dehors.  Si  dura  cilz  assaus  un  jour  tout  entier. 

25  Quant  ce  vint  au  vespre^  li  Englès  se  retraisent  en 
leurs  logeis  et  avoient  bien  entention  que  de  assallir 
à  l'endemain.  Mais  celle  nuit  cil  de  Rocemadour  se 
consillièrent  qu'il  avoient  ce  jour  senti  le  force  et  le 
vertu  de  chiaus  de  l'ost,  et  comment  il  les  avoient 

30  fort  apressés.  Et  disent  bien  li  plus  sage  et  mieulz 
avisé  que  à  le  longe  il  ne  se  pooient  tenir,  et ,  se  il 
estoient  pris  de  force,  il  seroient  tout  mort  et  perdu  ^ 


[1369]  LIVRE  FRBMIER,  S  ^^^'  449 

et  leur  ville  arse^sans  merci,  Siques^  tout  considéré^  le 
bien  contre  le  mal ,  quant  ce  vint  au  matin ,  il  tret- 
tièrent  pour  yaus  rendre  as  Englès;  et  se  porta  trettiés 
qu'il  obéirent  en  acord  devers  les  dessus  dis  cbeva- 
liers  d'Engleterre,  parmi  tant  que^  de  ce  jour  en  avant,  5 
il  seroient  bon  Englès^  et  le  jurèrent  solennelment. 
Avoech  tout  ce^  il  deurent  à  leurs  frès  mener  et  con- 
duire^ le  terme  de  quinze  jours^  cinquante  sommiers 
de  vivres  apriès  l'ost^  pour  yaus  avitaillier  des  pour- 
veances  de  le  ville ,  mais  on  les  paioit  courtoiseinent  10 
parmi  un  certain  fiier  qui  ordonnés  y  estoit.  Ensi  de- 
mora  Rocemadour  en  pais. 

Et  puis  chevaucièrent  li  Englès  oultre  par  devers 
Yillefiance  en  Thoulousain^  gastant  et  exillant  tout 
le  plat  pays  et  mettant  les  povres  gens  en  grant  is 
misère ,  et  conquérant  villes  et  chastiaus ,  qui  s'es- 
toient  tournées  nouvellement  françoises;  si  se  re- 
toumoient  englesces^  les  unes  par  trettiés  et  les  aul- 
très  de  force.  Si  vinrent  li  dessus  dit  signeur  et 
leurs  gens  devant  Y illefrance ,  qui  estoit  assés  bien  20 
fremée  et  pourveue  de  vivres  et  d'artillerie ,  car  tous 
li  plas  pays  de  là  environ  s'i  estoit  retrais.  Quant  il 
furent  là  venu^  il  le  assegièrent  et  assallirent  de  grant 
volenté.  Et  y  eut,  en  quatre  jours  qu'il  furent  par 
devant^  tamaint  grant  assaut  et  fort^  et  pluiseurs  25 
navrés  de  chiaus  de  dedens  et  de  chiaus  de  dehors. 
Tout  considéré^  cil  de  le  ville  regardèrent  que  à 
le  longe  il  ne  se  poroient  tenir  et  qu'il  ne  seroient 
aidié  ne  conforté,  de  nul  costé,  au  mains  ne  leur 
estoit  il  point  apparant.  Si  se  tournèrent  et  rendirent  30 
englès^  par  composition  telle,  que  on  ne  leur  devoit 
porter  point  de  damage.  Ensi  devint  Villefrance  en 


150  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

Aginois  ^  sus  les  marces  de  Toulousain ,  englesce  :  de 
quoi  li  dus  d'Ango^  qui  se  tenoit  à  Thoulouse ,  fu 
moult  courouciésy  quant  il  en  sceut  les  nouvelles, 
mes  amender  ne  le  peut  tant  qu'à  celle  fois.  Si  mist 

5  et  laissa  dedens  messires  Jebans  Chandos  à  gouvre- 
neur  et  chapitainne  un  chevalier  englès,  qui  s'appel 
loit  messires  Robers  Rous^  et  puis  passèrent  oultre 
en  exillant  le  pays. 

Or  retourrons  au  siège  de  Bourdille,  en  Pieregorth, 

10  et  compterons  comment  li  contes  de  Cantbruge  et  li 
contes  de  Pennebruch  persévérèrent. 

§  626.  Entrues  que  cil  dessus  nommé  baron  et 
chevalier  d'Engleterre  et  leurs  routes  fiiisoient  leurs 
chevaucies  et  leurs  conques^  tant  en  Roei^e,  en  Quer- 

15  sin  qu'en  Aginois^  où  il  furent  une  moult  lontainne 
saison,  se  tenoit  li  sièges  devant  le  garnison  de  Bour- 
dille^  qui  y  fu  plus  de  onze  sepmainnes.  Et  vous  di 
que,  le  siège  là  tenant^  ensi  que  vous  oés^  il  y  eut  plui- 
seurs  assaus,  escarmuces  et  paletis  et  aultres  grans 

20  apertises  d'armes  priesque  tous  les  jours  ;  car  cil  de 
dedens  venoient  par  usage  tous  les  jours  à  main  ar- 
mée jusques  à  leurs  barrières  hors  de  le  porte,  et  là 
escarmuçoient  moult  vaillamment  et  hardiement  à 
tous  venansy  et  si  bien  s'i  portoient  que  proprement 

25  de  chiaus  de  l'host  il  avoient  grant  loenge.  Ensi  se  tin- 
rent un  grant  temps  en  cel  estât,  et  fuissent  encores 
trop  plus  tenut  se  orghieulz  et  presumptions  ne  les 
euist  temptés,  car  il  estoient  gens  assés  et  tout  hardi 
compagnon,  pour  tenir  et  deflFendre  leur  forterèce,  et 

30  bien  pourveu  de  vivres  et  d'artillerie,  et  tant  que  cil 
de  l'ost  se  commencièrent  à  taner,  quoique  il  gesis- 


[1869]  UVRB  FRmiKR,  S  <^M*  ^^t 

sent  là  moult  honourablement,  mes  li  signeur  regar- 
dèrent qu'il  y  estoient  à  grant  fret  et  que  trop  peu  il 
oonqueroient. 

Or  eurent  un  jour  conseil  et  avis  comment  il  se 
maintenroienty  pour  leur  a&ire  approcier.  Si  ordon-  5 
nèrent  que,  à  lendemain  à  heure  de  prime ^  il  fe* 
roient  toutes  leurs  gens  armer  et  yaus  tenir  secrète- 
ment en  leurs  logeis,  et  en  envoieroient  aucuns  es- 
carmucier  à  chiaus  de  le  forterèce;  il  les  sentoient 
bien  de  si  grant  volentë  que  tantost  il  isteroient  hors  10 
et  se  metteroient  as  camps  bien  et  apertement  pour 
yaus  combatre.  En  ce  fiiisant^  leurs  gens  qui  là  se- 
roient  eniroiiet  escarmucier^  se  fainderoient  et  s'en  re- 
tourroient  tout  combatant  petit  à  petit  devers  leurs 
logeis ,  ensi  que  desconfis  y  pour  chiaus  dou  dit  fort  15 
attraire  plus  avant;  et  il  aroient  ordené  une  bataille 
de  leurs  gens  tout  à  cheval,  qui  se  metteroient  entre 
leurs  ennemis  et  le  forterèce,  par  quoi,  quant  il  vor- 
roient  retourner^  il  ne  poroient.  Cilz  avis  fu  arestés 
entre  yaus;  et  disent  que^  se  on  ne  les  avoit  par  celle  20 
voie,  on  ne  les  aroit  point  aise;  siques,  à  Fendemain, 
il  fîsent  très  le  matin  armer  secrètement  toutes  leurs 
gens,  et  en  envoiièrent  jusques  à  deux  cens  escarmu- 
cier  à  chiaus  de  BourdUle. 

Quant  li  compagnon  qui  dedens  estoient,  et  les  25 
capitainnes  Emaudons  et  Bemadés  les  veirent  ve- 
nir,si  en  furent  tout  joiant  et  s'armèrent  aperte- 
ment ,  et  fisent  armer  toutes  leurs  gens  ;  si  pooient 
bien  estre  environ  septvingt,  tout  able  et  legier  com- 
pagnon. Et  fisent  ouvrir  leur  porte  toute  arrière,  30 
et  vinrent  à  leurs  barrières  et  recueiiUèrent  à  lances 
et  as  pavais  les  Englès  bien  et  faiticement  ;  et  y 


i52  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

eut  tant  &it  que  li  Englès  reculèrent  et  perdirent 
terre^  et  ossi  estoit  il  ensi  ordené.  Li  compagnon 
de  BourdiUe  fîsent  passer  leur  pennon  devant  et  di- 
sent ensi  :  «  Avant  1  Avant  1  Par  le  cap  saint  Antone , 
5  a  cesti  sont  nostre.  »  Lors  les  envaïrent  il  de  grant 
volenté,  et  en  yaus  cachant  en  jettèrent  aucuns 
par  terre  et  blechièrent  et  prisent  pour  prisonniers. 
Et  pour  ce  qu'il  voloient  tout  avoir^  et  ensi  que  on 
dist  souvent  :  «  Grant  convoitise  fait  petit  çiont,  » 

10  il  eslongièrent  si  leur  forterèce  que^  quant  il  veurent 
retourner,  il  ne  peurent.  Car  messires  Jehans  de  Mon- 
taguty  qui  estoit  sus  l'embusche  à  plus  de  cinq  cens 
combatans,  et  qui  droit  là  sus  le  place  fu  fois  cheva- 
liek^  de  monsigneur  le  conte  de  Cantbruge,  se  mist  à 

15  toute  se  route  entre  le  forterèce  et  yaus^  et  descendi- 
rent piet  à  piet  droit  devant  yaus^  et  puis  les  envaï- 
rent de  grant  volenté. 

Quant   li   compagnon   de   BourdiUe   se    veirent 
ensi  attrapé,  si  cogneurent  bieu  qu'il  avoient  trop 

20  folement  cachiet.  Nonpourquant ,  il  se  recueillièrent 
et  se  remisent  tout  ensamble  comme  vaillans  gens^ 
et  se  commenchièrent  à  combatre  et  à  faire  tant 
de  grans  apertises  d'armes  que  merveilles  seroit  à 
recorder;  et  se  tinrent^  sans  yaus  desconfire,  bien 

S5  le  terme  de  deux  heures  de  jour,  toutdis  lan- 
çant et  yaus  deffendans,  entrans  et  retraians  moult 
vaillamment  de  leurs  ennemis  ;  et  tant  y  fîsent  d'ar- 
mes ,  que  proprement  li  signeur  d'Engleterre  qui  là 
estoient ,  y  prisent  grant  plaisance.  Et  là  fu  messires 

30  Jehans  de  Montagut  très  bons  chevaliers,  et  vaillam- 
ment et  biel  s'i  combati  et  assalli  ses  ennemis.  Fina- 
blement,  cil  de  BourdiUe  furent  là  desconfî,  tout  mort 


[1369]  UVRB  PRKMIER,  $  6S7.  183 

ou  pris^  onques  pies  n'en  escapa^  et  li  prisonnier  res- 
cous^  que  pris  avoient,  et  li  doi  escuier  capitainne  y 
Ërnaudons  et  Bemadés  de  Batefol,  pris  et  prisonnier 
au  dit  monsigneur  Jehan  de  Montagut.  Entrues  que 
cilz  estours  avoit  là  esté^  li  contes  de  Cantbruge  et  li  5 
contes  de  Pennebruch  s'estoient  avandet  et  avoient 
conquis  les  barrières  et  le  porte,  et  estoient  entré 
ens^  le  banière  le  conte  de  Cantbruge  tout  devant. 
Ensi  eurent  li  Englès  le  garnison  de  Bourdille,  et  fi- 
sent  les  hommes  de  le  ville  jurer  foy  et  seurté  et  à  10 
tenir  le  viUe  de  par  le  prince.  Si  ordenèrent  li  signeur 
à  demorer,  pour  le  garder^  le  signeur  de  Mucident  et 
ses  gens,  et  li  baillièrent  soixante  arciers,  et  puis  def- 
fisent  leur  siège^  et  eurent  conseil  qu'il  se  retrairoient 
en  Ângouloime  devers  le  prince^  pour  savoir  quel  15 
cose  il  vorroit  que  il  fesissent.  Ensi  se  deffist  li  sièges 
de  Bourdille^  et  se  misent  tout  li  signeur  et  leurs 
routes  au  retour. 

Qr  retourrons  nous  as  dessus  dis  chevaliers  d'Ëngle- 
terre  et  de  Gascongne  qui  chevauçoient  en  Quersin^   20 
et  parlerons  de  Chandos  le  hiraut  et  des  nouvelles 
que  il  leur  aporta  de  par  le  prinche  de  Galles. 

§  627.  Ensi  que  li  dessus  dit  et  leurs  routes  et  les 
Compagnes  avoech  yaus  chevauçoient  ens  es  marées 
de  Roerge  et  de  Quersin,  et  qu'il  faisoient  tourner  25 
villes  et  chastiaus  et  mettoient  le  pays  où  il  conver- 
soient^  en  grant  tribulation^  evous  Chandos  le  hiraut 
revenu,  qui  les  trouva  devant  une  forterèce,  en  Quer- 
sin,  que  il  avoient  moult  astraint.  Sitos  que  il  vei- 
rent  le  hiraut  revenu,  se  li  fisent  grant  chière  et  li  de-  30 
mandèrent  des  nouvelles.  Il  leur  dist  que  messires  li 


164  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

princes  les  saluoit  tous  et  les  desiroit  moult  à  ireoir. 
A  ces  moSy  il  leur  bailla  les  lettres  que  li  princes  leur 
envoioit;  si  les  prisent  li  baron  et  les  lisirent.  Si 
trouvèrent,  avoech  salus  et  amistés^  que  il  ordonnoit 
5  et  yoloit  que  messires  Jehans  Ghandos,  messires  Thu- 
mas  de  Felleton  et  messires  li  captaus  de  Beus  re- 
tournassent en  Angouloime  devers  lui^  et  messires 
Robers  Canolles  et  ses  gens  et  toutes  les  Compagnes^ 
demorassent  en   Testât  où   il    estoient   et  feissent 

10  guerre. 

Quant  cil  quatre  signeur  qui  là  estoient  chief  de 
toutes  ces  gens  d*armes^  entendirent  ces  nouvelles,  si 
regardèrent  tout  Tun  l'autre^  et  puis  demandèrent  quel 
cose  en  seroit  bonne  à  faire.  Si  se  adrecièrent  d'une 

15  vois  dessus  messire  Robert  Ganolle  et  li  disent  :  a  M  es- 
sire  Robert,  vous  veés  et  entendes  comment  messires 
li  princes  nous  remande,  et  voet  et  ordonne  que  vous 
demorés  sus  ce  pays  et  soiiés  chiés  et  gouvrenères  de 
ces  gens  d'armes.  »  —  a  Signeur,  ce  respondi  messi- 

20  res  Robers,  messires  li  princes  me  fait  plus  d'onneur 
que  je  ne  vaille;  mais  sachiés  que  ja  sans  vous  je  n'i 
demorrai,  et,  se  vous  partes,  je  partirai.  »  Depuis,  il 
ne  se  volt  aultrement  laissier  enfourmer  ne  adire^ 
mes  toutdis  dist  qu'il  partiroit.  Si  eurent  conseil  de 

25  retourner  tout  quatre  devers  le  prince,  pour  savoir 
plus  plainnement  sen  entente.  Ensi  se  desrompi  ceste 
grande  chevaucie. 

Quant  ce  vint  an   département,  il  envoiièrent 
monsigneur  Perducas  de  Labretfa  en  le  vUIe  de  Ro- 

30  cemadour,  et  toutes  ses  gens,  pour  là  faire  frontière 
contre  les  François.  Et  disent  ensi  li  signeur  as  au- 
tres capitainnes  des  Compagnes  :  «  Signeur ,  vous 


i 
1 


[1369]  LIVRE  PREMIBR,  $  6t8.  îm 

oës  comment  messires  li  princes  nous  remande;  si 
nous  feult  obéir  ^  et  ne  savons  de  vérité  que  il  nous 
Yoet.  Si  vous  dirons  que  vous  ferés  :  vous  recueillerés 
vos  gens  et  vous  remetterés  ensamble,  et  vous  mon- 
terés  amont  sus  les  marces  de  Limozin  et  d'Auvergne  5 
et  ferés  là  guerre.  Car  sans  guerre  vous  ne  poés  ne 
savés  vivre,  et  nous  vous  jurons  et  promettons  loyau- 
ment^  se  vous  prendés  ne  conquerés  ville ,  chastiel 
ou  forterèce  en  France,  où  que  ce  soit  ne  en  quel 
marce^  et  vous  y  soiiés  ass^et^  nous  vous  irons  ooor  10 
forter  telement  que  vous  nous  en  sarés  gret,  et  lève- 
rons le  siège.  >»  Cil  qui  ces  paroUes  et  prommesses 
entendirent^  respondbrent  :  a  C'est  bien  dit,  et  nous 
le  retenons  ensi;  car  espoir  en  arons  nous  mestier.  » 
Ensi  se  départirent  li  un  de  l'autre^  et  se  desrompi  15 
eeste  grosse  chevaucie^  les  Compagnes  d'un  lés  et  li 
signeur  d'autre,  qui  s'en  revinrent  tout  par  acord  de- 
vers le  prince  en  le  cité  d'Ângouloime,  qui  leur  fîst 
grant  chière.  Et  estoient  revenu  ossi  de  le  conté  de 
Pieregorth,  un  petit  en  devant,  li  contes  de  Cant-  20 
bruge^  li  contes  de  Pennebruch^  messires  Jehans  de 
Montagut  et  tout  li  aultre. 

Or  vous  parlerons  des  Compagnes,  qui  parti  es- 
toient de  monsigneur  Jehans  Chandos,  comment  il 
persévérèrent.  25 

§  628.  Entre  les  Compagnes,  avoit  là  trois  escuiers 
de  la  terre  dou  prince,  grant  chapitainne  de  Com- 
pagnes et  hardi  et  apert  homme  d'armes  durement, 
et  grant  aviseur  et  eskielleur  de  forterèces.  Si  ap- 
pelloit  on  l'un  Hortingo,  l'autre  Bernart  de  Wisk  et  30 
le  tierc  Bernart  de  la  Salle.  Cil  troi  compagnon  ne 


156  CHRONIQUES  I»  J.  FROfiSSART.  [4369] 

vécurent  mies  séjourner  plentë,  que  il  ne  fesissent 
parler  d  yaus  et  aucun  esploit  d'armes.  Si  s'en  vin- 
renty  avoech  leurs  routes^  en  Limozin  yaus  rafreschir. 
En  ce  temps,  en  estoit  seneschaus  et  gouvrenères  de 
5  par  le  prince  messires  Jehans  d'Evrues.  Cil  troi  dessus 
dit  jettèrent  leur  avis  à  prendre  en  France  aucune 
forterèce  et  regardèrent  que  Belleperce^  en  Bourbon- 
nois,  estoit  uns  biaus  chastiaus  et  fors,  et  ens  démo- 
roit  la  mère  dou  duch  de  Bourbon  et  de  la  royne  de 

10  France.  Si  entendirent  par  leurs  espies  que  la  bonne 
dame  estoit  là  asseulée  entre  ses  gens ,  et  n'avoit  ou 
dit  casiiel  point  trop  grant  garde.  Ëncores  li  chastel- 
lains  dou  lieu  aloit  et  venoit  souvent  hors  et  n'en 
estoit  mies  trop  songneus. 

15  Cil  compagnon  et  une  partie  de  leurs  gens,  chiaus 
que  il  veurent  eslire^  ne  sommillièrent  point  trop 
sus  leur  entente ,  mes  chevaucièrent  un  jour  et  une 
nuit^  et  vinrent  sus  Tajournée  à  Belleperce^  et  l'es- 
chiellèrent  et  le  prisent^  et  madame  la  mère  de 

20  la  royne  de  France  dedens ,  et  fu  tout  leur  tout  ce 
que  il  y  trouvèrent.  Si  regardèrent  que  la  forterèce 
estoit  belle  et  bonne  et  en  gras  pays^  et  disent  que 
il  le  tenroient  contre  tout  homme.  Encores  en  ceste 
propre  nuit,  il  prisent  une  aultre  forterèce  qui  s*ap- 

25  pelloit  Sainte  Sivière ,  sus  les  marces  de  Limozin , 
et  ceste  donnèrent  il  à  monsigneur  Jehan  d'Evrues. 
Ces  nouvelles  furent  tantost  sceues  en  France  que 
Belleperce  estoit  prise  et  emblée  des  Englès^  et  la 
mère  de  la  royne  de  France  dedens.  Si  en  fu  li  rois 

30  forment  courouciés.  et  ossi  furent  la  rovne  et  li  dus 
de  Bourbon,  mes  amender  ne  le  peurent  tant  c'a 
ceste  fois. 


[ia69]  UVBE  PBEIOER,  $  6S9.  157 

En  ce  temps,  fu  eslens  en  France,  pour  estre  li  uns 
des  mareschaus  des  gueires,  messires  Loeis  de  Sans- 
soirre,  vaillant  homme  et  hardi  chevalier  durement. 
Encores  vivoit  messires  Ernouls  d' Audrehen ,  mais  il 
estoit  si  vieulz  et  si  fix>issiés  d'armes  et  de  traveil  5 
dou  temps  passée  que  bonnement  il  ne  se  pooit  mes 
ensonniier  de  Toffisce  ;  mes  encores  s'armoit  il  vo- 
lentiersy  quant  il  venoit  à  point.  Or  vous  parlerons 
un  petit  des  besongnes  de  Pikardie  ossi  bien  que 
nous  vous  avons  parlé  de  cestes  des  lontainnes  10 
marées^  et  d'une  grant  assamblée  qui  fu  faite  à  Tour- 
nehen. 

§  629.  Li  rois  de  France^  toute  celle  saison  d'esté, 
avoit  Eût  un  très  grant  appareil  de  nefe,  de  barges  et 
de  vaissiaus,  sus  le  havene  de  Harflues  et  sus  le  rivière   15 
de  Sainne ,  entre  Roem  et  Harflues.  Et  avoit  inten<- 
tien  que  d'envoiier  une  armée  en  Ëngleterre  si  grande 
et  si  bien  estoffée  de  toutes  bonnes  gens  d'armes^ 
chevaliers  et  escuiers,  desquelz  messires  Phelippes 
ses  frères^  dux  de  Bourgongne,  seroit  chiés  et  gou-  20 
vreneur^  que  pour  tout  destruire  et  ardoir  Ëngleterre. 
Et  se  tenoit  et  sejournoit  proprement  li  rois  de 
France  en  le  cité  de  Roem ,  pour  mieulz  entendre  à 
ses  besongnes.  Et  aloit^  toutes  les  sepmainnes,  deux 
ou  trois  fois,  veoir  se  navie,  et  avoit  à  ce  très  grande  35 
affection. 

Avoech  tout  ce ,  ses  mandemens  estoit  si  grans  et 
si  estendus  par  tout  son  royaume  que,  là  environ 
Roem,  ou  Vexin  et  en  Biau voisin,  venoient  et  aplou- 
voient  tous  les  jours  tant  de  gens  d'armes  que  mer-  30 
veilles  serôit  à  penser.  Et  toutdis  se  &isoient  et  ap- 


158  GfiDRGNIQUBS  DE  J.  FROISSART.  [1360] 

proçoient  les  pourveances  en  celle  navie  si  grandes 
et  si  grosses  que  donc  que  ce  fiist  pour  aler  en  Cas- 
telle  ou  en  PortingaL 
Mais  li  sires  de  Cliçon ,  qui  estoit  li  uns  des  espe- 
5  ciaulz  dou  conseil  dou  roy,  ne  s'i  acordoit  point 
bien^  et  moult  desconsilloit  au  roy^  à  tant  de  nobles 
de  son  royaume,  aler  en  Engleterre;  et  disoit  qu'il 
n'estoient  mies  si  bien  usé  ne  coustumier  d'aler  en 
Engleterre  et  faire  y  guerre  que  li  Englès  estoient 

10  de  passer  le  mer  et  venir  en  France.  Et  alegoit  à  ce 
assés  de  raisons ,  ensi  que  cilz  qui  cognissoit  mieulz 
le  condition  et  le  nature  des  Englès  et  Testât  dou 
pays  d*Engleterre  que  moult  d'autres.  Non  obstant 
ce,  on  ne  pooit  brisier  le  pourpos  dou  roy  et  de  au- 

15  cuns  de  son  conseil  que  ceste  armée  ne  se  parfesist. 

Li  rois  d'Engleterre  et  ses  fîulz  li  dus  de  Lancastre, 

et  pluiseur  de  leur  conseil,  estoient  assés  avisé  et  en- 

fourmé  de  ceste  armée ,  et  comment  li  François  les 

dévoient  venir  veoir  et  guerriier  en  leur  pays,  de 

20  lacpiel  cose  il  estoient  tout  joiant.  Et  avaient  pourveu 
les  passages,  les  pors  et  les  havenes  sus  mer  à  ren- 
contre de  Pontieu  et  de  Normendie ,  pour  yaus  re- 
cueillier ,  se  il  venoient ,  bien  et  souffissamment  de 
bonnes  gens  d'armes  et  d'arciers.  Et  estoit  tous  li 

25  royaumes  d 'Engleterre  avisés  et  confortés  pour  com- 
batre  les  François,  se  il  venoient. 

Et  eut  adonc  li  rois  d'Engleterre  conseil  et  volenté 
que  d'envoiier  son  fil  le  duch  de  Ijancastre,  à  tout 
une  carge  de  gens  d'armes  et  d'arciers,  en  le  ville  de 

30  Calais.  Si  ordonna  et  nomma  proprement  li  rois 
chiaus  qui  iroient  avoecques  lui,  le  conte  de  Sallcr 
brin ,  le  conte  de  Warvich ,  monsigneur  Gautier  de 


[1369]  LIVRE  PREMIER,  $  630,  159 

Mani,  le  signeur  de  Ros,  monsigneur  Henri  de  Persi^ 
le  signeur  de  Basset^  le  signeur  de  Willebi^  le  signeur 
de  Ware^  le  signeur  de  la  Poule^  monsigneur  Thomas 
de  Grantson^  messire  Alain  de  Bouqueselle^  monsi- 
gneur Riehart  Sturi  et  pluiseurs  aultres  :  si  estoient  ô 
six  cads  hommes  d'armes  et  quinze  cens  arciers.  Si 
vinrent  li  dessus  dit  en  le  ville  de  Douvres  et  là  en- 
viron. Et  passèrent  y  quant  leur  navie  fu  toute  preste 
et  il  eurent  vent  à  volenté ,  et  arrivèrent  en  le  forte 
ville  de  Calais.  Si  issirent  hors  de  leurs  vaissiaus,  et  lo 
en  misent  petit  à  petit  toutes  leurs  coses  hors ,  et  se 
herb^èrent  tout  en  le  ditte  ville. 

En  celle  saison ,  avoit  li  rois  d'Engleterre  escript 
et  priiet  especialment  monsigneur  Robert  de  Namur 
que  il  le  vosist  servir,  sa  guerre  faisant ,  à  tout  se  15 
carge  de  gens  d'armes.  Li  dis  messires  Robers^  qui 
toutdis  avoit  esté  bons  englès  et  loyaus^  avoit  res* 
pondu  que  il  seroit  apparilliés,  sitost  cpie  on  le  man- 
deroît  et  qu'il  saroit  que  li  rois  ou  uns  de  ses  enfans 
seroit  à  Calais,  ou  trais  sus  les  camps  pour  chevau-  20 
cier  sus  France.  Siques ,  si  tretot  que  il  entetidi  que 
li  dus  de  Lancastre  estoit  arrivés  à  Calais ,  il  semonst 
tous  ses  compagnons  et  chiaus  dont  il  voloit  estre 
aidiés  et  servis^  et  fist  tout  son  harnas  appareillier 
moult  estoffeement,  ensi  comme  à  lui  apertenoit.  Or,   25 
retourrons  nous  un  petit  as  besongnes  dePoito. 

§  630.  "Vous  devés  savoir  que,  quant  li  departe- 
mens  fa  fais  des  barons  et  des  chevaliers  de  Gyane^ 
qui  avoient  chevauciet  en  Quersin  et  en  Roerge ,  et 
Chandos  li  hiraus  lor  eut  aporté  les  nouvelles  dou  30 
prince,  il  retournèrent  tout  par  un  acord  en  le  cité 


160  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

d' Angouloime^  où  il  trouvèrent  le  prince  qui  les  reçut 
moult  liement.  Un  petit  devant  ce^  estoient  retourné 
li  contes  de  Cantbruge^  li  contes  de  Pennebruch  et 
leurs  gens^  apriès  le  conques  de  Bourdille^  si  com 

5  ci  dessus  est  contenu.  Si  se  conjoïrent  et  fîsent  grant 
feste  cil  signeur  et  cil  baron ,  quant  il  se  trouvèrent 
tout  ensamble  ;  et  se  avisèrent  et  cohsillièrent  où  il 
se  trairoient^  pour  mieulz  emploiier  leur  saison.  Si 
regardèrent  que^  sus  les  marces  d'Ango,  avoit  un  biau 

10  chastiel  et  fort^  qui  se  tenoit  dou  ressort  d'Ango, 
lequel  on  appelloit  le  Roce  sur  Ion.  Si  disent  tout  et 
avisèrent  que  il  se  trairoient  celle  part  et  y  mette- 
roient  le  siège  et  le  conquerroient ,  se  il  pooient.  Si 
ordonnèrent  leurs  besongnes  en  celle  instance ,  et  se 

15  misent  au  chemin  et  se  traisent  tout  de  celle  part. 
Encores  leur  revinrent  depuis  tout  li  baron  et  li  che- 
valier de  PoitOy  monsigneur  Jame  d'Audelée,  li  sires 
de  Pons,  li  sires  de  Partenay,  messires  Loeis  de  Har- 
courty  messires  Guichars  d'Angle,  li  sires  de  Puiane, 

20  li  sires  de  Tannai  Bouton,  messires  JoflErois  d'Argen- 
ton ,  messires  Mauburni  de  Linières  et  li  seneschaus 
de  le  Rocelle,  messires  Thumas  de  Persi.  Si  se  trou- 
vèrent cil  signeur  et  ces  gens  d'armes  grant  fuison , 
quant  il  furent  remis  tout  ensamble,  plus  de  trois 

25  mil  lances.  Si  esploitièrent  tant  que  il  vinrent  devant 
le  dit  chastiel  de  le  Roce  sur  Ion,  qui  estoit  biaus  et 
fors  et  de  bonne  garde  et  bien  pourveus  de  toutes 
pourveances  et  d'artillerie.  Si  en  estoit  gouvrenères 
et  chapitainnesy  de  par  le  duch  d' Ango,  uns  chevaliers 

30  qui  s'appelloit  messires  Jehans  Blondiaus,  et  qui  tenoit 
desous  lui  laiens  moult  de  bons  compagnons  as  saus 
et  as  gages  dou  dit  duch.  Si  ordenèrent  li  dessus 


[1369]  LIVRE  PEEBUER,  §  680.  IH 

nommet  signeur  et  baron  qui  là  estoient ,  leur  siège  ^ 
par  bonne  manière  et  grant  ordenance,  et  l'environ- 
nèrent tout  autour^  car  bien  estoient  gens  pour  ce 
Eure.  Et  fîsent  là  amener  et  achariier  de  le  ville  de 
Touwars  et  de  le  cité  de  Poitiers  grans  engiens,  et  les    5 
fîsent  drecier  devant  le  forterèce  et  encores  pluiseurs . 
canons  et  espringalles  qu'il  avoient  de  pourveance 
en  leur  host,  et  pourveu  de  lonch  temps,  et  usagé  de 
mener.  Si  estoit  leur  host  durement  plentiveuse  de 
tous  vivres,  car  il  leur  en  venoit  grant  (uison  de  Poito   lo 
et  des  marces  proçainnes. 

Quant  messires  Jehans  Blondiaus  se  vei  ensi  assegiés 
et  appressés  de  tant  de  bonnes  gens  d'armes,  car  là 
estoient  priés  tout  li  baron  et  li  chevalier  d'Aquitainne, 
et  se  ne  li  apparoit  nuls  confors  de  nul  costé^  si  se  com-  i5 
mença  à  efiraer  ;  car  bien  veoit  que  li  signeur  qui  là 
estoient^  ne  le  lairoient  jusques  à  tant  qu'il  Taroient 
pris  par  forceou  aultrement.  En  l'ost  dou  conte  de  Cant- 
bruge  et  de  monsigneur  Jehan  Chandos  et  des  barons 
qui  là  estoient^  avoit  aucuns  chevaliers  des  marces  ao 
de  Poito^  qui  bien  cognissoient  le  dit  capitainne  et  qui 
Tavoient  compagnie  dou  temps  passé.  Si  vinrent  cil 
jusques  as  barrières^  et  fîsent  tant  que  sus  assegu- 
rances  il  parlèrent  à  lui  et  le  menèrent  tant  par  pa- 
roUes,  car  il  n'estoit  mies  bien  soutilz^  comment  qu'il  25 
fust  assés  bons  chevaliers ,  qu'il  entra  en  trettié  de 
rendre  le  forterèce^  se  elle  n'estoit  secourue  et  li  sièges 
levés  dedens  le  terme  d'un  mois^  parmi  tant  que  il 
devoit  avoir  six  mil  frans  françois  pour  les  pour- 
veances  dou  chastiel.  Cilz  trettiés  fu  entamés  et  mis  30 
oultre,  et  demorèrent  cil  dou  chastiel  et  li  chastiaus 
en  segiu*,  le  dit  terme,  parmi  le  composition  dessus 

▼H  ^  il 


16S  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

ditte;  et  se  dedens  le  mois  U  n'estoit  secourus^  li 
chastiaus  estoit  rendus. 

Geste  cose  acordée^  li  dis  chevaliers  tantost  le 
segnefîa  au  roy  de  France^  au  duch  d'Ango  et  au 
5  duch  de  Berri  et  à  tous  les  signeurs  dont  il  cuidoit 
estre  aidiés,  afin  que  il  se  peuist  mieulz  escuser  de 
blasme,  se  il  en  estoit  approciés.  Nonobstant  ce  et 
toutes  ses  segnefiances^  quoique  li  chastiaus  fîist  biaus 
et  bons  et  moult  nécessaires  à  estre  François  pour  les 

10  pays  d'Ango  et  de  Tourrainne,  onques  il  ne  fii  se- 
courus ne  confortés  de  nullui  :  siques ,  sitos  que  li 
mois  fu  passés  et  espirés^  li  signeur  englès  qui  là  es- 
toient  j  requisent  au  dit  chevalier  que  il  leur  tenist 
couvent^  et  de  ce  avoit  il  livret  bons  pièges.  Li  dis 

15  messires  Tehans  ne  volt  mies  aler  à  l'encontre,  et  dist 
ensi  à  ses  compagnons ,  puisque  li  rois  de  France  et 
li  dus  d'Ango  voloient  perdre  le  forterèce,  il  ne  le 
pooit  mies  tous  sens  garder  ne  amender.  Si  le  rendi 
as  signeurs  qui  là  estoient^  liquel  en  prisent  tantost 

20  le  saisine  et  possession  y  et  en  eurent  grant  joie.  Et 
eut^  ensi  que  couvens  portoit^  li  dis  messires  Jehans 
six  mil  frans  tous  appareilliés  pour  les  pourveances 
dou  dit  chastiel^  qui  bien  le  valoient.  Et  fu  aconvoiiés 
et  tout  li  sien  des  Englès  jusques  en  le  cité  d'Angiers. 

35  Si  tretost  qu'il  fu  là  venus  ^  il  fu  pris  et  arestés  dou 
gouvreneur  d'Angiers  et  mis  ou  chastiel  en  prison. 
Si  entendi  ensi  que^  de  nuit  y  il  fu  boutés  en  un  sach 
et  jettes  en  le  rivière  qui  là  keurt  et  noiiés  par  Uor- 
denance  et  commandement  dou  duch  d'Ango,  pour 

30  ce  que  il  avoit  pris  or  et  argent  pour  le  forterèce  qui 
estoit  bien  taillie  de  lui  tenir  un  an,  se  mestîer  faisoit. 
Ensi  eurent  li  Englès  le  chastiel  de  le  Roce  sur  Ion 


[1369]  LITRE  HU3BIIER,  $  631.  163 

en  AngOy  et  y  misent  grant  garnison  de  par  yaus  et 
le  remparèrent  bien  et  faiticement ,  et  puis  s'en  re- 
tournèrent en  Angouloime  deviers  le  prince. 

§  631 .  Âpriès  le  conques  de  le  Roce  sur  Ion ,  si 
com  ci  dessus  est  dit ,  dont  li  François  fiirent  moult     s 
courouciet,  li  signeur  s'en  retournèrent  en  Angou- 
loime^ et  là  leur  donna  congiet  li  princes  as  aucuns 
de  retourner  en  leurs  maisons.  Si  s'en  ala  messires 
James  d'Audelée^  cilz  vaillans  chevaliers  et  seneschaus 
de  Poilo  pour  le  temps,  séjourner  et  demorer  à  Fon-   lo 
tenay  le  Conte.  Là  s'alitta  li  dis  chevaliers  de  maladie 
qui  si  le  ragreva  que  il  morut  :  de  quoi  messires  li 
princes  et  madame  la  princesse  furent  moult  courou- 
ciet  y  et  ossi  furent  tout  li  baron  et  li  chevalier  de 
Poito.  Se  li  fist  on  son  obsèque  moult  reveramment  i5 
en  le  cite  de  Poitiers,  et  y  fu  li  princes  personelment. 
Assés  tos  apriès,  par  le  priière  et  requesle  de  tous  les 
barons  et  chevaliers  de  Poito,  messires  Jehans  Chan- 
dos  qui  estoit  connestables  d'Aquitainnes,  fu  senes- 
chaus de  Poito,  et  s'en  vint  demorer  et  séjourner  en  20 
le  cité  de  Poitiers.  Si  faisoit  souvent  des  issues  et 
des  chevaucies  sus  les  François,  et  les  tenoit  si  court 
qu'il  n'osoient  chevaucier,  fors  en  grant  route. 

En  ce  temps ,  fu  délivrés  de  prison  li  viscontes  de 
Rocewart,  que  li  princes  avoit  fait  tenir,  pour  ce  que  25 
il  le  soupeçonnoit  françois  :  siques,  à  le  priière  et  re- 
queste  de  ses  amis  de  Poito,  qui  estoient  adonc  dalés 
le  prince,  li  dis  princes  le  délivra  et  li  rendi  toute  sa 
terre.  Quant  li  dis  viscontes  fu  délivrés  de  prison,  il 
s'en  vint  couvertement,  au  plus  tost  qu'il  peut,  à  Paris  30 
devers  le  roy  et  se  tourna  françois,  et  revint  arrière 


i64  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [i369] 

en  sa  terre  ^  sans  ce  que  on  sceuist  riens  encores  de 
son  afaire,  et  mist  Thiebaut  dou  Pont^  Breton  ^  un 
très  bon  homme  d'armes,  en  se  forterèce ,  et  envoia 
tantost  deffiier  le  prince  et  fist  grant  guerre  au  prince. 
5  Or  parlerons  un  petit  dou  duch  de  Lancastre. 

$  632.  Quant  li  dus  de  Lancastre  fu  venus  et  arri- 
vés à  Calais,  ensi  que  ci  dessus  est  dit,  et  il  et  ses 
gens  se  furent  un  petit  rafreschi,  si  ne  veurent  point 
là  plenté  séjourner,  que  il  ne  fesissent  aucun  esploit 

10  d'armes  en  France.  Si  se  départirent  un  jour  si  doy 
inareschal,  à  bien  trois  cens  lances  et  otant  d'archiers, 
et  passèrent  oultre  Ghines  et  chevaucièrent  si  avant 
qu'il  vinrent  jusques  oultre  le  rivière  d'Oske;  et  cou- 
rurent tout  le  pays  de  là  environ,  et  prisent  leur 

15  tour  devers  l'abbeye  de  Liques,  et  acueillièrent 
toute  le  proie  et  ramenèrent  à  sauveté  en  le  ville  de 
Calais.  Et,  l'endemain,  il  fisent  un  aultre  chemin  et 
vinrent  viers  Boulongne,  et  portèrent  moult  grant 
damage  au  plat  pays.  A  ce  donc  se  tenoient  li  contes 

20  Guis  de  Saint  Pol  et  messires  Gallerans  ses  filz  en  le 
cité  de  Tieruane,  à  tout  grant  gent  d'armes;  mes  point 
n'issirent  contre  les  dis  Englès^  quant  il  chevauciè- 
rent, car  il  ne  se  sentoient  mies  fort  assés  pour  yaus 
combatre  ne  tollir  les  camps. 

25  Ces  nouvelles  vinrent  au  roy  de  France,  qui  se  te- 
noit  en  le  cité  de  Roem  et  qui  là  avoit  le  plus  grant 
appareil  et  le  plus  biel  dou  monde,  comment  li  dus 
de  Lancastre  efforciement  estoit  venus  et  arivés  à 
Calais,  et  couroient  ses  gens  tous  les  jours  sus  France. 

30  Quant  li  rois  et  ses  consaulz  entendirent  ce,  si  eurent 
nouvelles  imaginations.  En  celle  propre  sepmainne. 


[i369]  UVRE  PREfifŒR,  S  ^^^'  ^^^ 

devoit  li  dus  de  Boui^ongne^  o  toute  se  carge  où  plus 
avoit  de  trois  mil  chevaliers^  entrer  en  mer  pour  aler 
en  Engieterre.  Là  regardèrent  li  rois,  li  prélat  et  ses 
consaulz,  que  il  estoit  mieulz  seans  et  apertenans, 
ou  cas  que  on  sentoit  et  savoit  les  Englès  par  deçà  le  5 
mer,  d^yaus  venir  requerre  et  combatre  que  d'aler 
en  Engieterre.  Si  fii  tous  li  premiers  pourpos  brisiés, 
et  cilz  arrestés  et  segnefiiés  par  tout  l'ost  des  Fran- 
çois, que  cescuns,  au  plus  tost  que  il  peuist,  se  des- 
logast  de  Roem  et  là  environ^  et  s'apparillast  et  avan-  lo 
çast  de  venir  devers  le  ville  de  Calais  avoec  le  duch 
de  Bourgongne,  et  dou  commandement  dou  roy,  car 
on  voloit  aler  combatre  les  Englès  par  deçà  le  mer. 
Dont  veissiés  gens  d'armes  resjoïr  et  yaus  apparillier, 
ce  fu  tantost  tout  toursé  et  deslogié,  et  se  misent  à  15 
voie,  cescuns  qui  mieulz  mieulz. 

Li  dus  de  Bourgongne^  o  tout  son  arroy,  se  mist  au 
chemin  et  prist  se  adrèce  pour  venir  passer  le  rivière 
de  Somme  au  pont  à  Abbeville,  et  fîst  tant  par  ses  jour- 
nées qu'il  vint  à  Moustruel  sus  mer,  et  là  et  illuech  en  20 
viron,  à  Hedin  et  à  Saint  Pol,  et  sus  celle  marce  atten- 
dirent li  François  Tun  l'autre.  Ja  estoient  venues  ces 
nouvelles  au  duch  de  Lancastre^  que  li  François  appro- 
çoient  fort  pour  yaus  venir  combatre.  De  quoi  li  dus  de 
Lancastre  estoit,  o  toutes  ses  gens,  issus  de  Calais  et  25 
venus  logier  et  prendre  terre  en  le  valée  de  Tourne- 
hen.  Gaires  ne  demora  apriès  ce  qu'il  fu  là  venus, 
que  cilz  gentilz  chevaliers,  messires  Robers  de  Namur, 
en  grant  arroi,  le  vint  servir  à  cent  lances  de  bonnes 
gens,  iuison  de  chevaliers  et  d'escuiers  en  se  compa-  30 
gnie.  De  sa  venue  fîi  li  dus  de  Lancastre  moult  res- 
joïs,  et  li  dist  :  «  Mon  biel  oncle,  vous  nous  estes  li 


166  CHRONIQUES  DE  L  FROISSART.  [1369] 

bien  venus.  On  nous  donne  à  entendre  que  li  dus  de 
Bourgongne  approce  fort  à  grant  gent  et  nous  Yoet 
venir  combatre.  » —  ce  Sire,  respondi  messires  Robers^ 
Diex  y  ait  part  !  si  les  verons  volentiers.  »  Là  se  lo- 

5  gièrent  moult  Êûticement  et  apertement  li  Ënglès 
droit  ou  val  de  Toumehen^  et  se  fortefîièrent  de  sois 
et  de  haies  au  plus  foible  lés  de  leur  host.  Et  tous  les 
jours  y  venoient  vivres  et  pourveances  de  Calais^  et 
si  eouroient  leur  coureur  en  le  conté  de  Ghines^  qui 

10  en  conqueroient  ;  mes  c'estoit  petit,  car  tous  li  plas 
pays  de  là  environ  estoit  perdus^  et  avoit  on  tout 
mis  eus  es  forterèces. 

Or  vint  li  dus  de  Bourgongne  à  tout  son  arroi  et 
sa  grande  chevalerie.   Si  se  loga  sus  le  mont  de 

15  Tournehen^  et  commandèrent  si  mareschal  à  logier 
toutes  gens  à  l'encontre  des  Englès.  Si  se  logièrent  li 
dit  François  bien  ordeneement  tantost  et  sans  delay, 
et  comprendoit  leur  logeis  moult  grant  fîiison,  et 
bien  y  avoit  raison;  car  je  oy  adonc  recorder  pour 

30  certain  que  li  dus  de  Bourgongne  eut  là  avoech  lui 
quarante  cens  chevaliers  :  considérés  donc  se  li  de- 
morans  de  l'host  n'estoit  point  grant.  Et  se  tinrent 
là  un  grant  temps  li  un  devant  Fautre,  sans  riens 
faire,  car  li  dus  de  Bourgongne,  comment  que  il  fuist 

25  li  plus  fors  et  qu'il  euist  de  bonnes  gens  d'armes  sept 
contre  un,  si  ne  se  voloit  il  point  combatre  sans 
l'ordenance  et  congié  dou  roy  son  frère ,  qui  n'avoit 
mies  adonc  encores  avis  ne  conseil  de  ce  faire.  Et  sa- 
chiés  de  vérité  que^  se  li  François  se  fuissent  trait 

30  avant  pour  combatre  les  Ënglès,  ja  li  dit  Englès  ne  les 
euissent  refusés^  mais  estoient  tous  les  jours  appa- 
rilliés  et  avisés  pour  yaus  recevoir  et  avoient  leurs 


[1369]  IIVBB  FUDOER,  $  633.  167 

conrois  tous  ordenés^  et  savoit  çascuns  quel  cose  il 
devoit  Élire,  se  il  traioienl  avant;  mais^  pour  ce  que  il 
estoient  petit  et  en  leur  fort ,  il  ne  se  voloient  point 
partir  nicement  de  leur  avantage.  Si  venoient  bien 
souyent  aucun  compagnon  enventureus  escarmuci^r  5 
as  François  :  une  heure  y  perdoient  et  l'autre  y  gae- 
gnoient^  ensi  que  les  aventures  aviennent  en  telz  &is 
d'armes. 

En  oe  temps',  estoit  li  contes  Loeis  de  Flandres 
moult  enclins  à  l'onneur  et  prospérité  dou  duch  de  10 
Bom^ongne,  son  fil,  et  se  tenoit  en  une  moult  belle 
maison  dalës  Gand,  que  nouvellement  avoit  fait 
edefiier.  Si  ooit  souvent  nouvelles  dou  dit  duch  et 
de  son  estat^  et  li  dus  de  lui ,  par  messagiers  alans  et 
venans.  £t  bien  consiUoit  li  dis  contes  à  son  fil^  pour  15 
son  honneur^  que  il  ne  passast  point  oultre  l'orde- 
nance  dou  roy  son  frère  ne  de  son  conseil. 

Or  retourrons  un  petit  as  besongnes  des  lontainnes 
marces^  car  li  chevalier  et  li  escuier  y  avoient  plus 
souvent  à  faire^  et  y  trouvoient  des  aventures  que  il  20 
ne  fesissent  d'autre  part^  pour  les  guerres  qui  y  es- 
toient  plus  caudes. 

§  633.  Ce  terme  pendant  que  ceste  assamblée  fu 
fidte  à  Tournehen  et  là  environ ,  avinrent  en  Poito 
aucun  fait  d'armes  qui  ne  font  mies  à  oublier^  car  25 
messires  Jehans  Chandos  qui  estoit  seneschaus  de- 
Poito  et  uns  très  hardis  et  vaillans  chevaliers^  et  qui 
très  grant  désir  avoit  de  trouver  les  François  et  corn* 
batre^  ne  voloit  point  plenté  séjourner.  Si  mist,  en- 
trues  que  il  se  tenoit  à  Poitiers^  une  chevaucie  de .  30 
gens  d'armes  sus^  Englès  et  Poitevins,  et  dist  que  il 


i«8  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [i369] 

voloit  chevaucier  en  Ango  et  revenir  en  Tourainne 
et  veoir  les  François  qui  se  tenoient  sus  les  frontières. 
Tout  son  pourpos  et  sa  chevaucie  il  segnefia  au 
conte  de  Pennebruch  qui  se  tenoit  en  garnison,  à  bien 
5  deux  cens  lances^  à  Mortagne  sus  mer.  Li  contes  de 
ces  nouvelles  fu  moult  resjols ,  et  volentiers  y  iîist 
aies,  mes  ses  gens  et  aucun  chevalier  de  son  conseil 
li  brisièrent  son  désir  et  li  disent  :  «  Monsigneur^ 
vous  estes  uns  jones  homs  et  uns  sires  à  par&ire.  Se 

10  vous  vos  metës  maintenant  en  le  compagnie  et  en  le 

route  de  Chandos,  il  en  ara  le  vois  et  le  renommée, 

et  vous  n'i  serés  ja  nommés  fors  que  ses  compains. 

Si  vault  trop  mieulz  que  vous,  qui  estes  uns  grans 

'  sires  et  de  haute  estration,  que  vous  faciès  vostre  fait 

15  à  par  vous  et  laissiés  faire  Chandos^  qui  n*est  que 
uns  bachelers  ou  regart  de  vous^  le  sienne  à  par  lui.  » 
Ces  parolles  et  aultres  refroidièrent  si  le  conte  de 
Pennebruch  que  il  n'i  eut  nulle  volenté  d'aler  et 
s'escusa  devers  monsigneur  Jehan  Chandos. 

20  Pour  ce  ne  volt  mies  br isier  messires  Jehans  Chandos 
sen  emprise,  mes  fîst  sen  assamblée  à  Poitiers  bien  et 
ordeneement^  et  s'en  parti  à  tout  trois  cens  lances^  che- 
valiers et  escuiers^  et  deux  cens  arciers.  £t  là  furent 
messires  Thumas  de  Persi^  messires  Estievenes  de 

25  Gousenton^  messires  Richars  de  Pontchardon^  mes- 
sires Eustasses  d'Aubrecicourt,  messires  Richars  Tan- 
ton.,  messires  Thumas  li  Despensiers,  messires  Neel 
liOrinch  y  messires  d'Agorises  ^  messires  Thumas  Ba- 
lastre  ^  messires  Jehans  Trivés  y  messires  Guillaumes 

30  de  Montendre^  messires  Mauburnis  de  Linières,  mes- 
sires Jofirois  d'Argenton  et  pluiseur  aultre.  Si  che- 
vaucièrçnt  ces  gens  d'armes  et  cil  arcier  arreement 


[1369]  LIVRE  PREMIER,  $  633.  469 

et  hardiement  et  par  bonne  ordenanoe^  ensi  que  pour 
&ire  un  grant  Êdt^  et  trespassèrent  Poito  et  entrèrent 
en  la  duoé  d'Ângo.  Si  tretost  que  il  s*i  trouvèrent , 
il  se  commencièrent  à  logier  sus  le  pays  et  à  envoiier 
leurs  coureurs  devant  ardoir  et  exillier  tout  le  plat  5 
pays.  Si  fisent  en  ce  dit  bon  pays  et  gras  d'Ângo  ces 
gens  d^armes  moult  de  maulz,  ne  nulz  ne  leur  vint 
ne  ala  au  devant^  et  y  séjournèrent  plus  de  quinze 
jours^  especialment  dedens  un  pays  qui  est  durement 
bons  et  plentiveus  que  on  appelle  Loudonnois;  et  10 
puis  se  misent  au  retour  entre  Ango  et  Tourainne  et 
tout  contreval  le  rivière  de  Cruese.  Et  entrèrent  mes- 
sires  Jehans  Chandos  et  ses  gens  en  le  terre  le  vis- 
conte  de  Rochewart.  Si  le  ardirent  et  gastèrent  ma- 
lement,  ne  riens  n'i  laissièrent  fors  les  forterèces,  que  15 
tout  ne  fîist  essillié.  Et  furent  devant  le  ville  de  Ro- 
chewart et  Fassallirent  de  grant  façon,  mes  riens  n'i 
conquisenty  car  il  y  avoit  dedens  Bretons  et  bonnes 
gens  d'armes,  desquelz  Thiebaus  dou  Pont  et  Alyos 
de  Talay  estoient  chapitainne.  Cil  le  gardèrent  de  20 
blasme  et  de  prendre. 

Si  passèrent  oultre  li  dit  Englès,  et  vinrent  à 
Chauvegni.  Là  entendi  messires  Jehans  Chandos  que 
li  mareschaus  de  France,  messires  Loeis  de  Sans- 
soire ,  et  grant  gent  d'armes  estoient  à  le  Haie  en'  25 
Tourainne.  Si  eut  très  grant  volenté  d'aler  celle  part, 
et  segnefîa  encores  se  intention  moult  hasteement 
au  conte  de  Pennebruch ,  en  lui  priant  que  il  y  vol- 
sist  estre  et  aler  avoech  lui  devant  le  Haie  en  Tou- 
rainne, et  qu'il  le  trouveroit  à  Chastieleraut.  Si  fu  30 
Chandos  li  hiraus  noncières  et  portères  de  ce  mes-- 
sage ,  et  trouva  le  dit  conte  de  Pennebruch  à  Mor- 


iTO  ŒRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

tagne  sus  mer,  qui  là  Êdsoit  son  amas  et  sen  assam- 
l>lée  de  gens  d'armes^  et  Yoloit  faire ,  ensi  qu'il 
apparoit^  une  eheyaucie.  Si  s'eseusa  eneores  li  dis 
contes  par  l'information  de  son  conseil^  et  dist  qu'il 
5  n'i  pooit  estre.  Au  retour  que  li  htraus  fist^  il  trouva 
son  mestre  et  ses  gens  à  Chastieleraut^  se  li  fist  res- 
ponse  de  son  message.  Quant  messires  Jehans  Chan- 

•  dos  entendi  ce,  si  en  fii  tous  merancolieus  et  cognut 
tantost  que  par  oi^eil  et  presumption  li  contes  lais- 

10  sôit  ce  voiage  à  faire.  Si  respondi  à  ces  parolles  et 
dist  :  9L  Diex  y  ait  part  I  »  et  donna  là  le  plus  grant 
partie  de  ses  gens  congiet  et  les  départi^  et  ilz  meis- 
mes  retourna  en  le  cité  de  Poitiers. 

§  634.  Or  vous  compterons  dou  conte  Jehan  de 
15  Pennebruch  quel  cose  il  fist.  Si  tretost  comme  il  peut 
savoir  que  messires  Jehans  Chandos  fu  retrais  à  Poi- 
tiers et  qu'il  eut  donné  ses  gens  congiet ,  il  mist  sa 
.chevaucie  sus^  où  bien  avoit  trois  cens  lances,  Englès 
et  Poitevins^  et  se  départi  de  Mortagne.  Et  eneores 
20  y  eut  aucuns  chevaliers  et  escuiers  de  Poito  et  de 
Saintonge^  et  ossi  Englès  qui  avoient  esté  avoech 

•  Chandos,  qui  se  remisent  en  se  route.  Si  chevauciè- 
rent  ces  gens  d*armes^  desquelz  li  contes  de  Penne- 
bruch estoit  chiés  et  souverains ,  et  passèrent  parmi 

25  Poito^  et  fisent  et  prisent  à  l'adrèce  ce  propre  chemin 
que  messires  Jehans  Chandos  et  ses  gens  avoient  fait. 
Et  entrèrent  en  Âugo  et  parardirent  et  essillièrent 
dou  plat  pays  grant  fuison  que  li  premier  avoient 
laissiet^  qui  s'estoit  rançonnés,  et  se  reposèrent  et 

80  rafreschirent  en  ce  bon  pays  de  Loudonnois,  et 
puis  reprisent  leur  adrèce,  et  s'en  vinrent  en  le 


•     » 


[1369]  UVRB  FBEmEH,  $  634.  171 

teire  le  visoonte  de  Rodiewait,  où  il  fisent  gfant 
damage. 

Li  François  qui  se  tenoient  ens  es  garoisons  frao- 
çoises,  sus  les  marces  de  Poito,  de  Touraioiie  et 
d'Ango,  où  moult  avoit  de  bonnes  gens  grant  fiùsODf     & 
entendirent  et  sœurent  de  vérité  de  ces  deux  chevau- 
ines  comment  par  oi^pieil  li  contes  de  Pennebruch, 
quiestoit  uns  jones  homs,  n'avoit  vola  venir  en  le  com- 
pagnie de  monsigneur  Jehan  Chandos.  Si  se  avisèrent 
qne  il  le  metteroient  jus,  se  U  pooient,  et  feroient  ce  10 
trop  plus  aisifflooent  qoe  le  dessus  dit  monsigneur 
Jehan  Chandos.  Si  fisent  un  mandemMit  secrètement 
de  toutes  les  garnisons  là  environ,  et  s'en  fîst  ohiés 
messires  Loeis  de  Sanssoire,  mareschaus  de  France. 
Si  se  avalèrent  ces  gens  d'armes  de  nuit  secrètement  U 
tout  en  le  Roce  de  Ponsoy,  en  Poito,  qui  estoit  fran- 
çoise.  là  estoit  messires  Robers  de  Sanssoirre,  cou-  . 
sins  au  dit  mareschal,  mesures  Jehans  de  Viane, 
messires  Jehans  de  Buel,  messires  Guillaumes  des 
Bordes,  mesures  Loeis  de  Saint  Juliien  et  Karenioet,   SO 
Ureton,  et  estaient  bien  sept  cens  cond>atans. 
Li  contes  de  Pennebruch  avoit  pris  son  tour  et 
>it  rentrés  en  Poito  et  parars  toute  le  terre  dou 
onte  de  Rocewart.  En  se  compagnie  estoient 
:res  Bauduins  de  Fraiville,  seneschaus  de  Sain-  3a 
.  messires  Thumas  de  P»si,  messires  d'Agho- 
messire   Jehans  Oursvich  ,   messires  Jehans 
ne,  messires  Jakes  de  Suigières,  messires 
'lurson,  messires  Thumas  de  Saint  Aubin, 

essires  Robers  Tin-  30 
^ ,  messires  Jehans 
bet  et  pluiseur  aul- 


in  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [i369] 

ire.  Si  chevauçoient  cil  Englès  et  cil  Poitevin  sans 
nul  esmay,  et  n'avoient  encores  oy  nouvelles  de  nul- 
les gens  d'armes ,  et  s'en  estoient  rentré  à  tout  grant 
pillage  et  grant  avoir  en  Poito.  Si  s'en  vinrent  un 
5  jour,  de  haute  nonne ,  logier  en  un  village  que  on 
appelle  Puirenon,  ensi  que  cil  qui  cuidoient  estre 
tout  asseguré.  Et  si  que  leur  varlet  entendoient  à  esta- 
bler  leurs  chevaus  et  appareillier  le  souper,  evous 
ces  François  venus,  qui  sa  voient  bien  lor  couvine, 

10  tout  avisé  de  ce  qu'il  dévoient  faire  ;  et  entrèrent  en 
ce  village  de  Puirenon,  les  lances  abaissies  et  escriant 
leurs  cris  :  «  Nostre  Dame  !  Sanssoire  au  mareschal  !  » 
et  puis  commencièrent  à  abatre  et  à  decoper  gens 
par  ces  rues  et  dedens  leurs  hosteulz.  Li  cris  et  la 

15  noise  se  commença  tantost  à  eslever,  et  gens  entrer 
en  très  grant  efiroy,  car  il  estoient  soudainnement 
.  souspris. 

Ces  nouvelles  vinrent  au  conte  de  Pennebruch, 
à  monsigneur  Thumas  de  Persi ,  à  monsigneur  Bau- 

20  duin  de  Fraiville  et  as  aultres  chevaliers,  que  c'es- 
toient  li  François  qui  les  avoient  envaïs  et  assallis. 
Si  furent  tantos  chil  signeur  et  leurs  gens  appareilliet, 
et  se  traisent  hors  de  leurs  hosteulz  et  se  commen- 
cièrent à  recueillier  ensamble,  mes  il  n'i  peurent  tout 

25  venir;  car  li  force  des  François  fii  là  si  grande  que 
li  Englès  et  li  Poitevin  d'un  lés  ne  les  peurent  souf- 
frir, et  en  y  eut  à  celle  première  empainle  mors  que 
pris  plus  de  six  vingt.  Et  n'eurent  li  contes  de  Pen- 
nebruch et  aucun  chevalier  qui  là  estoient,   plus 

30  de  remède  et  d'avis  qu'il  se  retraisent ,  au  plus  tost 
qu'il  peurent,  en  une  plate  maison  de  Templiers, 
seans  tout  au  sech,  et  tant  seulement  fremée  de  pierre. 


[ij»        uns  Ftmm,  S  «*^ 

^  .        >  9 

lignaJKiiMt  d  hotttertoi  «*  €«ïb«bi    -. 
(p  y  pwiHŒ»  à  temps.  Toat  ik  <»rT^ 

laïamiiphseikplasgran^P'»'-*  ''  •'-  - 
wfidelH»ehe«Bsperdas;etp«ri.A'-*  r^ 

(HWntLffh  toote  sa  'vaisseUe» 
UFneois  «pi  ks  sievoieol  de  pr«v  «i^-^-  :'a 
rlalaial  b  recueiUiel  el  endo»;  «  ea  3x -ra  .>l 
joittddifeiit  entre  -was  :  «  U  ne  ooti*  V'^  '*'-' 
I».  Tort  «ont  noslie  :  nous  leur  feror.n  v- 
««ÏKtlodaiiiagesqtt'UontfcaenV.r'--'     " 
Binoe.  >  DoDt  se  traiseal  deveo  c^t^  »-•*  «^  «'  •  • 
ocdaHCMil  el  trop  bien  apparevi.  ^t.  ^  ^-.  ir  .m  •. , 
blé  pour  asaaffir.  Qoanl  tt  furent  U  t--.    >. -3. - 

heoie  de  remontière  :  si  re?ard.r^r.-.  U  1.:  v^»-*-  < 
nisèrenldeTOrt  et  derrière,  et  a^»->^'**'-  *•-'"'    • 
ilesl«lbienprendables.SiU.r:r>n^ryx-^  ♦  *-  ••' 

dnrmeat  et  resWement,  et  etU  U  t.-r  v*^  •  -  f - 
apeitise  d'armes,  car  U  Fran-,oU  eù.v---  Ç'  ♦  '■-    -  ^^ 
«  bonnes  gens.  Si  assaUoka  ^-  '^  -^-'^  -^  "^  •^ 
donnoient  k  dit  conte  Penn^:*-'--^'^'^",*^'"    - 
i  faire;  et  U  Englès,  qui  ne^>>^.-  r-'  V-  •»  '  -'- 

se  prendoient  priés  de  bi«.o  i-.f*  ^  .'^/«v^  *-    - 

yaus  deCFendre ,  car  d  leur  Xt>MfS^"A' 
Si  y  eut  ce  jour  dreciel  auai»^  ^.^*^  vra,-. 

gaonsaventureusmontansam....t,  p*>'^i^--  v^  -  - 

testes,  pour  yaus  contregard^  a  (^r..^../  V.  >-•  .- 
etdoutoet;etquantUvenoientU^ta«y^..-  ..  v  *  v.  . 

riens6iit,cardtrouW.entbiena»i."  '/-•>-  i^'      '  - 
mes,  chevaliers  et  escuiers,  ten^n.  Us^>^  *-../'    ' 

1  •  ,   «.«  \ps  oombatoient  »*«►:>♦  .**-»  '-  *:-'      - 

leurs  mains,  qui  les  w«»^ 

main,  et  qui  les  faisoient  descend,*  j^  m  v^,  -, .  t    - 
fuissent  monté.  Avoec  tout  ee,  .1  y  ..^M  ."-^   '. '^ 


174  .  CHRONIQUES  DB  /.  FROISSART.  [1369] 

gleterre^  entrelardés  entre  ces  gens  d'armes^  à  deux 
pies,  tous  descaus^  tous  drois  sus  le  mur^  et  traioient 
assés  ouniement^  lequel  tret  li  François  assallant  qui 
estoient   desous  ^  durement  ressongnoient.  En  oe 

5  frefely  assaut  et  rihote,  il  furent  jusques  à  le  nuit  que 
li  François^  qui  estoient  tout  lasset  et  travilliet  d'assal- 
lir^et  de  combatre,  se  retraisent  et  sonnèrent  leurs 
trompètes  de  retrait^  et  disent  qu'il  en  avoient  assés 
&it  pour  ce  jour,  jusques  au  matin  que  de  recief  on 

ib  les  venroit  assallir.  Tout  considéré  entre  yaus ,  di- 
soient li  François  :  «  U  ne  nous  poeent  escaper,  ne 
eslongier  qu'il  ne  soient  nostre;  car  nous  les  tenons 
pour  enclos  et  affiunés.  »  Si  s'en  vinrent  à  leur  logeis 
liet  et  joiant^  et  se  aisièrent  de  ce  qu'il  eurent^  et 

15  fisent  grans  gais  par  devant  le  ditte  maison  dou  Pui* 
renon,  pour  estre  mieulz  assegur  de  leur  aÊûre. 

^  S  635.  Vous  devés  bien  croire  et  sçavoir  de  vérité 
que  li  signeur,  premièrement  li  contes  de  Penne- 
bruch  et  li  chevalier  qui  là  estoient  assis  et  enclos 

20  de  leurs  ennemis  dedens  l'ostel  dou  Puirenon^  n'es- 
toient  mies  à  leur  aise^  car  il  sentoient  leur  forterèce 
qui  n'estoit  pas  trop  forte  pour  durer  à  le  longe  en- 
contre tant  de  bonnes  gens  d'armes ,  et  si  estoient 
mal  pourveu  d'arteillerie ,  qui  leur  estoit  uns  grans 

25  griés,  et  ossi  de  vivres,  mes  de  ce  ne  faisoient  il  nul 
compte,  car  au  fort  il  viveroient  bien  un  jour  et  une 
nuit  pour  yaus  garder,  se  mestier  faisoit.  Quant  ce 
vint  en  le  nuit  qu'il  faisoit  brun  et  espès,  il  priièrent 
à  un  escuier^  homme  d'armes  des  leurs  en  qui  il 

30  avoietit  grant  fiance,  et  li  disent  que  il  se  volsist 
partir  et  on  li  feroit  voie  par  derrière,  et  chevauçast 


[1369]  liVRI  PRKMIER,  $  638.  i7!{ 

esploitiirierementy  il  seroit  au  jour  à  Poitiets  ;  là  trou- 
▼eroit  il  monsigneur  Jehan  Chandog  et  ses  compa- 
gnons :  se  leur  desist  comment  il  leur  esjtoit;  encores 
venroient  il  bien  à  temps  pour  yaus  conforter^  car  il 
se  tenroient  bien  en  le  ditte  maison  jusques  à  nonne.     5 
ÏÀ  escuiers^  qui  vei  le  grant  dangîer  où  il  et  tout  si 
signeur  estoient^  dist  qu'il  feroit  ce  message  yolen- 
tiers^  et  encores  s'ahati  il  de  trop  bien  savoir  le  che^. 
min.  Si  se  parti  de  laiens  environ  heure  de  micmuit, 
quant  cil  de  Thost  furent  asserisiet^^  par  une  Êiusse  lo 
posteme  ^  et  se  mist  au  chemin  au  plus  droit  qu'il 
peut  et  qu'il  sceut  pour  venir  à  Poitiers.  Mes  tant  y 
eut  que  onques  celle  nuit  il  ne  peut  ne  sceut  tenir 
voie  ne  chemin,  et  sH  fourvoia^  et  fu  grans  jours 
ançois  qu'il  peuist  entrer  en  le  voie  de  Poitiers.  15 

Quant  ce  vint  à  l'aube  dou  jour^  li  François  qui 
avoient  assis  les  Englès  ou  Puirenon ,  ensi  que  vous 
oés,  sonnèrent  leurs  trompètes  et  s'armèrent^  et  disent 
et  regardèrent  entre  yaus  qu'il  assaurroient  à  le  froi- 
dure dou  jour,  car  ce  leur  estoit  plus  pourfitable  que  20 
en  le  caleur  dou  jour.  Li  contes  de  Pennebruch  et 
It  chevalier  qui  dedens  leur  clos  estoient,  et  qui  toute 
le  nuit  point  dormi  n'avoient^  mes,  ce  qu'il  avoient 
peut,  fortefiiet  s'estoient  de  pierres  et  de'baus  que 
sus  les  murs  aporté  avoient,  sentirent  bien  que  li  25 
François  se  ordenoient  pour  yaus  venir  assallir  :  si  se 
confortèrent  et  avisèrent  selonch  ce.  Devant  heure 
de  soleil  levant,  une  bonne  espasse,  furent  li  dit  Fran- 
çois, signeur  et  gens  d*armes,  tout  apparilliet  et  or- 
donné pour  venir  assallir,  et  lors  fîi  commandé  de  30 
par  leurs  signeurs  et  ohapitainnes  de  traire  avant.  , 
Lors  s'en  vinrent  devers  lé  dit  hostel  par  connesta- 


176  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1359] 

blieSy  et  entrèrent  de  recief  de  grant  Yolenté  en  l'ou- 
vrage de  leur  assaut;  et  trop  bien  à  ce  commence- 
ment s*en  acquittèrent  et  lisent  leur  devoir.  Et  avoient 
aporté  eschielles ,  si  les  apoioient  contre  les  murs  et 

5  montoient  sus  à  Pestrivëe,  armé  et  paveschié  souffis- 
samment^  car  aultrement  il  n'euissent  point  duré;  et 
tenoient  à  honneur  et  à  grant  vasselage  celi  qui  pooit 
estre  montés  premiers  :  ossi  estoit  ce  vraiement.  Là 
n'estoient  mies  li  Englès  wiseus  ne  recréant  d'yaus 

10  deffendre^  car  aultrement  il  euissent  estet  pris  tantost  ; 
mes  se  deffendoient  si  vaillanunent  que  merveilles 
seroit  à  penser,  et  jettoient  pierres  sus  ces  targes  et 
ces  bachinés  :  par  quoi  il  les  rompoient  et  effon- 
droient^  et  en  navrèrent  pluiseurs  et  blecièrent  bien 

15  griefînent  par  celle  desfense^  ne  on  ne  vei  onques 
mes  gens  yaus  si  vaillamment  tenir  ne  deffendre  en 
si  petite  force  contre  tant  de  bonnes  gens  d'armes. 
Ensi  fîi  cilz  assaus  continués  dou  matin  jusques  à 
prime. 

20  §  636.  Entre  prime  et  tierce  et  ou  plus  fort  de  l'as- 
saut^ et  que  li  François  se  ragrignoient  moult  de  ce 
que  tant  duroient  li  dit  Englès,  tant  qu'il  s'avançoient 
malement  sans  yaus  espargnier,  et  avoient  mandés 
ens  es  villages  de  là  environ  piks  et  haviaus  pour 

25  effondrer  le  mur^  et  c'estoit  ce  que  li  dit  Englès  res- 
songnoient^  li  contes  de  Pennebruch  appella  de  re- 
cief un  sien  escuier,  ouquel  il  avoit  moult  grant 
fiance^  et  li  dist  :  a  Mon  ami^  montés  sus  mon  cour- 
sier et  issiés  hors  par  derrière;  on  vous  fera  voie.  Si 

30  chevauciés  à  grant  esploit  devers  Poitiers,  et  recordés 
à  monsigneur  Jehan  Chandos  Testât  et  le  dangier  et 


[4869]  LIVRE  PREMIER,  §  636.  177 

le  péril  où  nous  sommes^  et  me  reeommendés  à  lui  à 
tout  ces  ensengnes.  »  Lors  trait  un  aniel  d'or  hors 
de  son  doi  et  dist  :  «  Donnés  li  de  par  moy,  il  re- 
cognistera  bi^  ces  ensengnes  que  elles  sont  vraies.  » 
Li  dis  escuièrs,  qui  tint  ceste  afaire  à  haute  honneur,  5 
prist  l'aniel  et  monta  vistement  sus  un  coursier  le 
plus  apert  de  laiens,  et  se  départi  par  derrière  entrues 
c'on  assalloity  car  on  li  fist  voie,  et  se  mist  au  che- 
min devers  Je  cité  de  Poitiers.  Et  toutdis  duroit  li  as- 
saus  grans  et  fors,  et  assalloient  François  mervilleu-  10 
sèment  bien,  et  Englès  se  deffendoient  de  grant  corage; 
et  bien  le  couvenoit,  car  aultrement  sans  desfense 
plus  grande  que  nulle  aultre,  il  n'euissent  point  duré 
deux  heures. 

Or  vous  parlerons  dou  premier  escuier  le  dit  conte,    15 
qui  estoit  partis  dou  Puirenon  à  heure  de  mienuit,  et 
qui  toute  le  nuit  s'estoit  fourvoiiés,  sans  tenir  voie  ne 
sentier.  Quant  ce  vint  au  matin  et  il  fu  grans  jours, 
il  recogneut  son  chemin  ;  si  se  mist  à  adrèce  par  de- 
vers Poitiers,  et  ja  estoit  ses  chevaus  tous  lassés.  Tou-  20 
tes  fois  il  vint  là  environ  heure  de  tierce,  et  descendi 
en  le  place  devant  l'ostel  monsigneur  Jehan  Chandos. 
Si  entra  tantost  ens  et  le  trouva  qu'il  estoit  à  messe; 
si  s'en  vint  devant  lui  et  s'engenilla,  et  fist  son  mes- 
sage bien  et  à  point.  Messires  Jehans  Chandos,  qui  25 
encores  avoit  en  le  teste  le  merancolie  de  l'autre  jour, 
dou  conte  de  Pennebruch  qui  n'avoit  volu  chevaucier 
avoech  lui,  ne  fu  mies  à  ce  premier  si  enclins  que 
merveilles,  et  respondi  tant  seulement  :  a  Ce  seroit 
fort  que  nous  y  peuissiens  venir  à  temps!  »  et  oy  toute   30 
sa  messe.  Tantost  apriès  messe,  les  tables  furent  mi- 
ses et  dreci«s,  et  la  cuisine  appareillie  ;  si  demanda 

vu  —  iî 


478  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

on  au  dit  monsigneur  Jehan  se  il  voloit  disner.  Il  res- 
pondi  :  «  Oïl,  puisqu'il  est  pries.  »  Tantos  il  se  traist 
en  le  salle.  Chevalier  et  escuier  sallirent  avant^  qui 
aportèrent  l'aiguë.  Tout  ensi  comme  il  lavoit  pour 

5  seoir  à  table,  evous  le  secont  message  dou  conte  Je- 
han de  Penebruch,  qui  entre  en  la  salle  et  encline 
monsigneur  Jehan  Chandos^  et  trait  tantost  l'aniel 
hors  de  son  doy  et  li  dist  :  «  Ciers  sires ,  messires  li 
contes  de  Pennebruch  se  recommende  à  vous  à  tout 

10  ces  ensengnes ,  et  vous  prie  chierement  que  vous  le 
venés  conforter  et  oster  d'un  grant  dangier  et  péril 
où  il  est  au  Puirenon.  » 

Messires  Jehans  Chandos  prist  Paniel  et  le  regarda 
et  le  recogneut,  et  vei  bien  que  c'estoîent  vraies 

15  ensengnes.  Si  respondi  :  «  Ce  seroit  fort  de  là  venir 
à  temps^  quant  il  estoient  en  tel  dangier  et  tel  parti 
que  vous  me  comptés,  à  voslre  département.  »  Et 
puis  dist  :  a  Alons ,  alons  disner*  :  se  il  estoient  tout 
mort  et  tout  pris ,  se  nous  fault  il  disner.  »  Si  s'as- 

20  sist  à  table  li  dis  messires  Jehans  Chandos  et  tout 
li  aultre ,  et  mengièrent  leur  premier  mes.  Ensi  qu'il 
estoient  ja  servi  dou  secont  et  l'avpient  ahers,  mes- 
sires Jehans  Chandos  qui  avoit  moult  imaginé  sus 
ces  besongnes,  leva  la  tieste,  en  regardant  sus  les 

25  compagnons,  et  dist  une  paroUe  qui  fu  volentiers 
oye  :  «  Li  contes  de  Pennebruch,  qui  est  uns  sires  de 
noble  sanch  et  de  hault  afaire  et  de  grant  linage ,  et 
qui  est  fîlz  de  mon  naturel  signeur  le  roy  d*Engle- 
terre,  car  il  eut  sa  fille  espousée,  et  qui  est  compains 

30  en  armes  et  en  toutes  aultres  coses  à  monsigneur  de 
Cantbruge,  me  prie  si  bellement,  que  je  doi  bien  des- 
cendre à  se  priière  et  lui  secourir  et  conforter,  si  g'i 


[1369]  LIVRE  PREMIER,  S  637.  179 

puis  venir  à  temps.  »  Adonc  bouta  il  la  table  oultre 
et  dist  :  «  As  chevaus  I  As  chevaus  !  Je  voeil  chevau- 
eier  devers  le  Puirenon.  »  Lors  veissiés  gens  avoir 
grant  joie  de  ces  parolles  et  yaus  tantost  apparillier^ 
et  ces  trompètes  sonner,  et  gens  d'armes  parmi  Poi-  5 
tiers  monter  à  cheval^  çascuns  qui  mieulz  mieulz;  car 
il  furent  tantost  enfourmé  dou  fait  que  messires  Je- 
han s  Chandos  chevauçoit  viers  Puirenon,  pour  con- 
forter le  conte  de  Pennebruch  et  se  route,  que  li  Fran- 
çois avoient  là  assis.  Lors  se  misent  as  camps  chevalier  lO 
et  escuier  et  gens  d'armes,  et  se  trouvèrent  tantost 
plus  de  deux  cens  lances^  et  toutdis  leur  croissoient 
gens. 

§  637.  Ensi  que  messires  Jehans  Chandos  et  se 
route  chevauçoient  efForciement,  certainnes  nouvelles  i5 
en  vinrent  au  Puirenon  entre  les  François,  qui  con^ 
tinuelment  avaient  assalli  dou  point  dou  jour  jus- 
ques  à  heure  de  miedi,  et  leur  disent  leurs  espies 
qu'il  avoient  toutdis  sus  les  camps  :  a  Chier  signeur, 
avisés  vous,  car  messires  Jehans  Chandos  est  partis  20 
de  Poitiers  à  plus  de  deux  cens  lances,  et  s*en  vient 
celle  part  à  grant  esploit  et  à  grant  désir  qu'il  vpus 
puist  trouver.  » 

Quant  messires  Loeis  de  Sanssoirre,  messires  Je- 
hans de  Yiane ,  messires  Jehans  de  Buel  et  U  aultre  25 
qui  là  estoient,  entendirent  ces  nouvelles,  si  se  con- 
sillièrent,  et  disent  ensi  là  entre  yaus  li  plus  avisé  : 
«  Nos  gens  sont  lassé  et  travillié  d*assallir  et  de 
rihoter  à  ces  Englès  hui  et  hier  :  si  vault  mieulz  que 
tout  bellement  nous  nos  mettons  au  retour  et  à  sau-  30 
veté  nostre  gaaing  et  nos  prisonniers,  que  ce  que  nous 


480  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

attendons  ci  l'aventure  et  monsigneur  Jehan  Chandos 
et  se  route  qui  sont  fresch  et  nouviel ,  car  plus  y  po- 
rtons perdre  que  gaegnier.  )>  Ciiz  consaulz  fu  tantost 
creus^  car  il  n'i  couvenoit  point  un  lonch  séjour.  Si 
5  fisent  li  signeur  sonner  les  trompètes  de  retrait.  A  ce 
son  se  retraiirent  toutes  leurs  gens  et  se  recueiilièrent 
et  misent  ensamble^  et  aroutèrent  tout  leur  harnas  et 
leur  caroy,  et  se  misent  au  chemin  pour  revenir  de- 
vers le  Roce  de  Ponsoy. 

10  Li  contes  de  Pennebruch  et  li  aultre  compagnon, 
qui  veirent  celle  retrette,  cogneurent  tantost  que 
li  François  avoient  oy  nouvelles;  si  disent  par  vé- 
rité :  «  Chandos  chevauce  :  pour  ce  sont  retret  cil 
François  qu'il  ne  l'osent  attendre.  Or  tost,  or  tost, 

15  partons  de  ci,  retraions  nous  vers  Poitiers,  nous 
l'enconterons.  »  Donc  montèrent  as  chevaus  cil  qui 
les  avoient ,  et  qui  point  n'en  avoit ,  il  aloit  tout  à 
piet,  et  li  pluiseur  montoient  li  doi  sus  un  cheval. 
Si  se  départirent  dou  Puirenon  et  prisent  le  chemin 

20  de  Poitiers.  £t  n'estoient  mies,  en  sus  de  le  maison 
où  si  vaillamment  s'estoient  tenu,  une  liewe,  quant 
il  encontrèrent  monsigneur  Jehan  Chandos  et  toute 
se  route,  en  cel  estât  que  je  vous  ay  dit,  les  aucuns 
à  piet,  les  aultres  yaus  deux  sus  un  cheval.  Si  se 

25  fisent  là  grans  recognissances  et  grans  approcemens 

d'amour.  Et  dist  messires  Jehans  Chandos  qu'il  es- 

'    toit  moult  courouciés,  quant  il  n'estoit  là   venus  à 

temps,  pour  quoi  il  euist  trouvés  les  François.   Si 

chevaueièrent  ensi ,  en  genglant  et  en  parlant ,  en- 

30  viron  trois  liewes,  et  puis  prisent  congiet  li  un  de 
l'autre. 

Si  retourna  messires  Jehans  Chandos  à  Poitiers ,  et 


[i369]  LIVRE  PREMIER,  g  638.  481 

messires  li  contes  de  Peimebruch  à  Mortagne  sus 
mer,  dont  il  s'esloit  premièrement  partis;  et  li  mares- 
ehaus  de  France  et  leurs  gens  retournèrent  à  le  Roce 
de  Ponsoy,  et  là  se  rafreschirent  et  départirent  leur 
butin.  Et  puis  si  se  retraist  cescuns  en  se  garnison^  et  5 
emmenèrent  leurs  prisonniers;  si  les  rançonnèrent 
courtoisement^  quant  il  veurent^  ensi  que  Englès  et 
François  ont  toutdis  fait  Fun  Fautre. 

Or,  retourrons  nous  à  Fassamblée  de  Tournehen 
et  parlerons  de  le  mort  la  plus  gentilz  royne,  plus  10 
large  et  plus  courtoise  qui  onques  régna  à  son  temps  : 
ce  fu  madame  Phelippe  de  Haynau^  royne  d*£ngle- 
terre  et  d'Irlande. 

§  638.  En  ce  temps  que  ceste  assamblée  de  tant 
de  nobles  dou  royaume  de  France  fu  faite  à  Tourne-  15 
hen,  desquelz  li  dus  de  Bourgongue  estoit  chiés  et 
souverains,  et  li  dus  de  Lancastre  qui  se  tenoit  en  le 
valée  avoecques  ses  gens  de  Fautre  part,  avint  en  En- 
gleterre  une  cose  toute  commune,  mes  elle  fu  trop 
piteuse  et  moult  triste  pour  le  roy,  ses  enfans  et  tout  20 
le  pays.  Car  la  bonne  dame,  royne  d'Engleterre,  qui 
tant  de  biens  avoit  fais  en  son  vivant  et  reconforté 
tant  de  chevaliers  et  tant  de  dames  et  de  damoiselles, 
et  si  laidement  donné  et  départi  le  sien  à  toutes  gens, 
et  qui  si  naturelment  avoit  toutdis  amé  chiaus  et  25 
celles  de  le  nation  de  Haynau,  le  pays  dont  elle  fu 
née,  s'acouça  malade  au  lit  ens  ou  chastiel  de  Winde- 
sore  ;  et  tant  porta  celle  maladie  que  elle  aggreva  du- 
rement et  que  fins  de  jour  vint. 

Quant  la  bonne  dame  et  royne  cognent  que  morir  30 
le  couvenoit,  elle  fist  appeller  le  roy  son  mari;  et 


/ 


i82  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [i369] 

quant  li  rois  ta  devant  lui^  elle  traist  hors  -de  sa  cou- 
vreture  sa  droite  main  et  le  mist  en  le  main  droite 
dou  dit  roy  qui  grant  tristèce  avoit  au  ciier.  Et  là  dist 
la  bonne  dame  ensi  :  «  Monsigneur^  Dieu  merci^  nous 

5  avons  en  pais  et  en  joie  et  en  grant  prospérité  usé 
nostre  temps.  Si  vous  pri  que^  à  ce  département^  vous 
me  voeilliés  acorder  trois  dons.  »  Li  rois^  tout  en 
larmiant^  respondi  et  dist  :  «(  Dame,  demandés  :  il 
vous  sont  acordé.  » 

10  cr  Monsigneur,  à  toutes  manières  de  bonnes  gens 
où  dou  temps  passé  j'ay  eu  à  faire  de  leur  marchean- 
dise,  tant  deçà  le  mer  comme  delà,  de  ce  que  je  sui 
tenue  envers  yaus,  vous  les  en  voeilliés  croire  legie- 
rement  et  paiier^  pour  moy  acquitter  ;  en  apriès,  tou- 

15  tes  les  ordenances  que  j'ay  fait^  et  lais  ordonnés  as 
églises  de  ce  pays  et  à  celles  de  delà  le  mer  où  j'ai  eu 
ma  dévotion  et  à  ceulz  et  celles  qui  m'ont  servi,  que 
vous  les  voeilliés  tenir  et  acomplir.  Tiercement, 
monsigneur,  je  vous  pri  que  vous  ne  voelliés  eslire 

20  aultre  sépulture  que  de  jesir  dalés  moy,  ou  clostre  de 
Wesmoustier,  quant  Diex  fera  sa  volenté  de  vous.  » 
Li  rois,  tout  en  plorant,  respondi  :  n  Dame,  je  le  vous 
acors.  » 

En  apriès,  la  bonne  dame  fist  le  signe  de  le  vraie 

25  crois  sus  lui  et  commanda  le  roy  à  Dieu,  et  son  fil 
monsigneur  Thumas  le  mainsné  qui  estoit  dalés  lui, 
et  puis  assés  tost  elle  rendi  son  esperit  :  lequel,  je  croy 
fermement,  li  saint  angele  de  paradys  ravirent  et  em- 
portèrent à  grant  joie  en  le  glore  des  cieulz,    car 

30  onques  en  sa  vie  ne  fist  ne  pensa  cose  par  quoi  elle 
le  deuist  perdre.  Si  trespassa  la  dessus  ditte  royne 
d'Ëngleterre  l'an  de  grasce  Nostre  Signeur  mil  trois 


[i369]  LIVRE  PREBflER,  §  639.  183 

cens  soixante  neuf,  le  vegiile  Nostre  Dame^  en  le 
moiienne  d'aoust. 

§  639.  Les  nouvelles  en  vinrent  à  Tournehen,  en 
l'est  des  Englès  :  si  en  furent  toutes  manières  de  gens 
durement  coureciet^  et  par  espeeial  ses  fîlz  li  dus  de  5 
Lancastre.  Il  n'est  mors  que  il  ne  couviegne  oubliier 
et  passer.  Pour  ce,  ne  laissièrent  mies  li  Englès  à  te- 
nir lor  estât  et  leur  ordenance^  et  'furent  là  un  grant 
temps  devant  les  François. 

Or  avint  que  aucun  chevalier  et  escuier  de  France,   10 
qui  là  estoient  et  qui  leurs  ennemis  tous  les  jours 
veoient,  se  consillièrent  un  jour  et  eurent  parlement 
ensamble  de  aler  à  Fendemain,  au  point  dou  jour,  es- 
carmucier  les  Englès,  et  dou  resvillier  sus  leur  gait. 
De  cel  acprt  furent  plus  de  trois  cens  chevaliers  et  15 
escuiers,  et  li  plus  estoient  de  Yermendois,  d'Artois 
et  de  Corbiois,  as  armes.  Si  le  segnefiièrent  ensi  li  un 
à  l'autre ,  sans  parler  à  leurs  mareschaus.  Quant  ce 
vint  au  matin  qu'il  deurent  faire  leur  emprise,  il  fiirent 
au  point  dou  jour  tout  armé  et  monté  à  cheval  et  mis  20 
ensamble.  Si  chevaucièrent  en  cel  estât  sans  efiroy,et 
commencièrent  à  tourniier  le  mont  de  Tournehen , 
pour  venir  à  leur  avantage  et  ferir  en  Fune  des  èles 
de  l'ost  des  Englès. 

A  ce  costet  estoit  li  logeis  de  monsigneur  Robert  25 
de  Namur  et  de  ses  gens.  Celle  propre  nuit,  avoit 
fait  le  gait  li  dis  messires  Robers,  siques  sus  Fa- 
journement  il  s'estoit  retrais  et  seoit  à  table  tous 
armés,  horsmis  son  bachinet,  et  li  sires  de  Spontin 
dalés  lui.  Evous  venu  ces  François,  qui  se  fièrent  30 
en  ces  logeis  de  monsigneur  Robert  et  d'aucuns  aul- 


184  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSiJlT.  [1369] 

tres^  Alemans  et  Englès^  qui  estoient  ossi  logiet  de 
ce  costet.  Encores  n'estoient  point  desarmet  cil  qui 
avoient  fait  le  gait  avoech  monsigneur  Robert^  dont 
trop  bien  leur  chei  et  vint  à  point  ;  car  il  se  misent 
5  tantost  au  devant  de  ces  gens  d'armes  et  de  ces  Fran- 
çois, qui  venoient  esporonnant  de  grant  volenté,  et 
leur  deffendirent  et  brisièrent  le  chemin.  Les  nouvel- 
les vinrent  tantost  au  dit  monsigneur  Robert  que  ses 
gens  se  combatoient  et  estoient  assalli  des  François. 

10  En  l'eure,  il  bouta  le  table  oultre  où  il  seoit^  et  dist 
au  signeur  de  Spontin>  :  ce  Alons,  alons  aidier  nos 
gens.  »  Tantost  il  mist  son  bachinet  et  monta  à  che- 
val, et  fist  prendre  sa  banière  qui  estoit  devant  son 
pavillon,  et  desvoleper. 

15  LÀ  li  fu  dit  :  «  Sire,  envoiiés  devers  le  duc  de 
Lancastre  :  si  ne  vous  combaterés  point  sans  lui.  » 
Il  respondi  franchement  et  dist  :  «  Je  ne  sçai ,  je 
voeil  aler,  le  plus  droit  chemin  que  je  porai,  de- 
vers mes  gens.  <Jui  voelt  envoiier  devers  monsigneur 

20  de  Lancastre,  si  envoie  ;  et  qui  m'aime,  se  me  sieuce.  » 
Lors  se  parti,  le  glave  ou  poing,  en  approçant  les  en- 
nemis, le  signeur  de  Spontin  et  monsigneur  Henri  de 
Senselles  dalés  lui,  et  ossi  li  aultre  chevalier.  Tantos 
furent  à  le  bataille,  et  trouvèrent  leurs  gens  qui  se 

25  combatoient  as  François,  qui  estoient  moult  grant 
fuison,  et  qui  deuissent  bien  avoir  fait,  au  voir  dire, 
un  grant  fait.  Mais  si  tretost  qu'il  veirent  monsigneur 
Robert  de  Namur  venu  et  se  banière ,  il  ressortirent 
et  brisièrent  leur  conroy,  car  il  se  doubtèrent  espoir 

30  que  toute  li  hos  ne  iîist  estourmie.  Si  estoit  elle  en 
pluiseurs  lieus,  et  ja  estoit  haus  solaus  levés.  Là  fu 
mors  desous  le  banière  de  monsigneur  Robert  uns 


[1369]  LIVRE  PREMIER,  §  640.  iSS 

chevaliers  de  Yermendois^  qui  s'appelloit  messires 
Rogiers  de  Coulongne^  dont  ce  fîi  damages  ;  car  il  es- 
toit  friches  homs^  doulz  et  courtois  durement  et  bons 
chevaliers  en  tous  estas. 

Ensi  se  porta  ceste  besongne.  Li  François  retour-  5 
nèrent  sans  plus  de  fait,  qui  doubtèrent  à  plus  per- 
dre ;  et  messires  Robers  ne  les  volt  mies  cachier  trop 
folement.  Si  recueilla  ses  gens ,  quant  li  François  fu- 
rent tout  retrait  et  rebouté,  et  s'en  revinrent  en  leurs 
logeis.  10 

§  640.  Depuis  ceste  avenue,  n'i  eut  nul  fait  d'ar^ 
mes  qui  à  recorder  face.  Si  desplaisoit  il  bien  à  au* 
cuns  chevaliers,  de  l'un  costet  et  de  l'autre,  de  ce  que 
on  ne  se  combatoit^  et  disoit  on  tous  les  jours  :  «  On 
se  combatera  demain!  On  se  combatera  demain!  x)  15 
Et  cilz  jours  ne  vint  onques.  Car,  si  com  ci  dessus  est 
dit^  li  dus  de  Bourgongne  ne  voloit  mies  brisier  Tor- 
denance  dou  roy,  son  frère,  ne  aler  contre;  car  il 
li  estoit  destroitement  commandé^  et  avoit  tousjours 
messagiers  alans  et  venans  dou  roy  au  duch  et  dou  20 
duc  au  roy.  Li  dus  de  Bourgongne,  si  com  je  fui 
adonc  enfourmés,  imagina  et  considéra  qu'il  gisoit  là 
à  grant  fret  et  qu'il  n'i  pooit  estre  longement  hon- 
nourablement,  quant  il  avoit  bien  quatre  mil  cheva- 
liers et  plus,  et  il  veoit  tous  les  jours  ses  ennemis,  qui  25 
n'estoient  que  une  puignie  de  gens^  et  point  ne  les 
aloit  combatre.  Si  envoia  des  ses  chevaliers  devers  le 
roy  son  frère,  qui  li  remoustrèrent  vivement  se  en- 
tention.  Li  rois  cognent  assés  que  li  dus  avoit  raison. 
Se  li  remanda  que,  ses  lettres  veues,  il  se  deslogast  et  30 
donnast  toutes  ses  gens  congiet  et  se  retraisist  vers 


186  CHRONIQUES  DE  J.  TROISSART.  [1369] 

Paris  hastecment  j  car  il  meismes  y  aloit,  et  là  li  or- 
donneroit  il  d'aler  aultre  part.  Quant  li  dus  de  Bout- 
gongne  oy  ces  nouvelles,  si  les  segnefia  secrètement 
as  plus  grans  de  toute  son  host^  et  dist  :  <  Il  nous 

5  fault  deslogier^  li  rois  nous  remande,  ji  Quant  ce  vint 
à  heure  de  mienuit^  cil  qui  enfourmé  estoient  de  ce 
faXlj  eurent  tout  toursé  et  furent  tout  monté|  et  bou- 
tèrent le  feu  en  leurs  logeis. 

A  ceste  heure,  revenoit  messires  Henris  de  Sen- 

10  selles  à  son  logeis,  et  faisoit  le  gait  des  gens  monsî- 
gneur  Robert  de  Namur,  à  qui  il  estoit.  Si  perçut 
un  feu  et  puis  deux  et  puis  trois.  Si  dist  en  soi 
meismes  :  «c  Li  François  nous  poroient  bien  venir 
resvillier;  il  en  font  durement  contenance.  Alons, 

15  alons  y  dist  il  à  chiaus  qui  estoient  dalés  lui ,  devers 
monsigneur  Robert;  si  Tesvillons,  par  quoi  il  soit 
pourveus  bien  et  à  point.  »  Si  s'en  vint  li  dis  messires 
Henris  tantost  en  la  loge  de  monsigneur  Robert ,  et 
appella  ses  cambrelens  et  dist  :  «  Il  fault  que  messires 

20  s'esveille.  »  Li  varlet  alèrent  jusques  au  lit^  et  li  dis 
messires  Henris  dalés  yaus,  qui  esvilla  le  dit  monsi- 
gneur Robert  y  et  li  dist  tout  TaËdre  ensi  qu'il  aloit. 
Donc  respondi  messires  Robers  :  «  Nous  orons  assés 
tost  aultres  nouvelles  ;  faites  armer  et  apparillier  nos 

25  gens.  j>  Et  il  meismes  s'arma  et  appareilla  tantost.  Et 
quant  ses  gens  furent  venu,  il  fist  prendre  se  banière 
et  s'en  ala  devers  le  tente  dou  duch  de  Lancastre, 
qui  ja  s'armoit,  car  on  li  avoit  segnefiiet  ces  nouvel- 
les, et  fu  tantost  appareilliés  et  se  traist  devant  sa 

30  tente,  sa  banière  en  présent.  Et  là  vinrent  li  signeur 
petit  à  petit  devers  le  dit  duch;  et,  ensi  qu'il  venoient, 
il  se  rengoient  et  se  taisoient  tout  quoy  et  sans  lu- 


[13691  "^™^  PMffl».  S  «<>  ««^ 

îére  Et  envoia  adooc  paor  ses  maresdiaos  U  dua 
rengier  tous  ses  arders  au  devant  dou  lieu  \vxt  où  il 
esoeroient  que  U  François  les  venroient  oomhatre,  wî 
a  wnoient;  car  pour  eerlain  il  cuidoient  bien  entre 

mbatu.  Quant  il  eurent  esté  en  cel  estât  bien  deuu     & 
heures  et  plus,  et  il  veirent  que  nulz  ne  venoit,  ni 
forent  plus  esmerviUiet  que  devant. 

4donc  appella  li  dus  de  Lancastre  aucuns  %i'^ru^ir% 
qui  là  estoient  dalés  lui,  et  leur  demanda  quH  ^//t^  ^u 
esXoit  bonne  à  foire.  Li  uns  dis^iit  d'un  H  K  '4\'^^%    .% 
d'autre,  çascuns  selonch  sen  opinion.  M  ^j».^?/  I.  ''^  >» 
Tint  à  ce  vaillant  et  sage  chevalier,  m^pf» <<  /'^^  ••^*  Os  \  .^  -# 
deMauni,  il  demanda  :  •  El  rfm%.  uté^^f^  O4  »■  ^-^^ 
qa'en  dittes?»  —  «Je  ne  scaî,  diu  rr*/-»-i.**i  O4  ,  .*'-, 
mes  se  j'en  estoie  creus  ne  oj%-  j^  ^vr'i'x  -.^î-v**  -w^».     i 
arctcrs  et  mes  gens  d'armiî^  p3rr  jy^ '..•-?* ->  v«  *  i-     ♦^ 
iitrie  petit  à  petit  touldU  a*.*-  •    7.  i»*-*v  y  ••//»  r"  •'■ 
toors.  se  vera  on  dc^aiit  I  -»!-  •  !>.  'C  .*.  j  <*^  ■'•-'i    /*•  -  ^ 
ce  conseil,  et  li  autre  frr.».  .v.*-!    *•  v^  •.*■•*'', 
soient  au  dndi  qu*îi  i*^  4^  v.i*- V  i      .  '  ..»  i  *  *    >  ^^  ' 
d  en  œ  débat  JQ5q"-i*-%  iii^^o*  -.  u^  -r  •/•'*•  -i-  '.      / 
monsignearRobçr.  i*: '^^••.:vi*  **  <-*•  >>••  **'>"  v  *   -* 
Waknnl de fiorz*^- 1  suv*.  -»^  *  <•>*'»-     v^  ..  .^  1  '.    1 
estoîeni  abk,  lor  :-•>•.  ruv-,  >    *^  v**  1 


V  -'jà^  •  '' 


Si  c'en  pj'l'*-'^"  «t'^v***.  »-•  i-m     .  »«►*      '^'* 
•  Sr**.  si?"^-  i»t  su 


&j«    iy*  1>  //>»  »''^      ^ 


188  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

Adonc  respondi  li  dus  y  si  com  je  fui  adonc  enfour- 
mes,  et  dist  :  t  Messire  Gautier,  j'ay  usé  par  conseil 
jusques  à  ores ,  et  encor  feray;  mais  je  ne  poroie 
croire  que  tant  de  vaillans  gens  et  de  noble  chevale- 
5  rie  qui  là  sont,  se  deuissent  ensi  partir  sans  cop  ferir. 
Espoir  les  feus  qu'il  ont  fais,  c'est  pour  nous  attraire, 
et  tantos  revenront  no  coureur  qui  nous  en  diront 
le  vérité.  » 

§  641 .  Ensi  comme  il  parloient  et  se  devisoient, 

10  evous  les  coureurs  revenus ,  et  disent  au  pourpos  de 
monsigneur  Gautier  de  Mauni  tout  ce  qu'il  avoient 
veu  et  trouvé,  et  que  li  dus  de  Bourgongne  et  ses 
gens  s'en  aloient,  et  n'avoient  nuUui  trouvé,  fors  au- 
cuns povres  vitailliers  qui  sievoient  l'ost.  Là  eut  de 

15  son  conseil  li  dis  messires  Gantiers  de  Mauni  haute 
honneur,  et  grandement  en  fu  recommendés.  Si  se 
traist  li  dus  dedens  son  logeis ,  et  cescuns  sires  ou 
sien,  et  s'alèrent  desarmer.  Et  fust  li  dis  dus  venus 
disner  ens  es  logeis  des  François  et  en  leur  place,  se 

20  ce  n'euist  esté  pour  le  feu  qui  y  estoit  trop  grans  et  li 
fumière  ;  mais  dou  soir  il  y  vint  souper  et  logier  sus 
le  montagne,  et  ses  gens  ossi,  et  se  tinrent  là  tout  aise 
de  ce  qu'il  eurent.  A  l'endemain,  il  se  deslogièrent  et 
retournèrent  en  le  ville  de  Calais.  Et  li  dus  de  Bour- 

25  gongne,  quant  il  se  desloga,  s'en  vint  ce  jour  à  Saint 
Omer  et  là  se  tint,  et  toute  son  host  se  départi,  et 
s'en  râla  cescuns  en  son  lieu.  On  les  euist  depuis  à 
grant  dur  remis  ensamble. 

En  celle  propre  sepmainne  que  li  départie  de  Tour- 

30  nehen  se  fist,  li  contes  de  Pennebruch,  qui  estoit  en 
Poito  et  qui  avoit  pris  en  trop  grant  desplaisance  ce 


[1369]  LIVRE  PREMIER,  §  641.  189 

que  messires  Loeis  de  Sansoirre^  messires  Jehans  de 
Viane/  messires  Jehans  de  Buel  et  li  aultre  Tavoient 
ensi  ruet  jus  au  Puirenon,  si  corn  ci  dessus  est  con- 
tenu, si  s*ayisa  que  il  se  conlrevengeroit,  se  il  pooit. 
Si  se  parti  de  Mortagne  sus  mer  o  tout  son  arroy,  en-  5 
viron  deux  cens  lances,  et  s'en  vint  en  Angouloime 
dalés  le  prince,  qui  li  fist  grant  chière.  Li  dis  contes 
li  pria  que  il  li  volsist  prester  ses  gens  et  acorder  à 
mettre  une  chevaucie  sus,  car  il  avoit  grant  désir  de 
lui  contrevengier  dou  despit  que  li  François  li  avoient  lo 
fait.  Li  princes,  qui  moult  l'amoit,  li  acorda  legiere- 
ment. 

A  ce  donc  estoit  nouvellement  revenus  et  issus 
hors  de  le  conté  d'Ermignach  messires  Hues  de  Ca- 
vrelée,  et  avoit  ramené  plus  de  cinq  cens  combatans,  15 
gens  de  Compagnes.  Si  l'ordonna  li  princes  à  aler  en 
ceste  chevaucie  avoech  le  dit  conte.  Ëncores  en  fu- 
rent priiet  dou  conte  de  Pennebruch  messires  Loeis 
de  Harcourt,  messires  Guichars  d'Angle,  messires  Per- 
chevaus  de  Coulongne,  li  sires  de  Pons,  li  sires  de  20 
Partenay,  li  sires  de  Puiane,  messires  Thumas  de 
Persi,  messires  Richars  de  Pontchardon  et  pluîseur 
chevalier  dou  prince  et  de  son  hostel  qui  s'i  accor- 
dèrent volentiers,  car  il  desiroient  à  chevaucier.  Si 
furent  bien,  quant  il  furent  tout  ensamble,  six  cens  25 
lances,  trois  cens  arciers  et  quinze  cens  aultres  gens 
à  manière  de  brigans,  à  tout  lances  et  pavais,  qui  si- 
voient  l'ost  à  piet. 

Si  se  départirent  toutes  ces  gens ,  dont  li  dis  con- 
tes de  Pennebruch  estoit  chiés  et  gouvrenères,  de  30 
le  cité  d'Angouloime  et  dou  prince ,  et  cheminèrent 
tant  en  leur  arroy  qu'il  entrèrent  en  Angho.  Si  com- 


190  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [4369] 

mencièrent  le  pays  à  ardoir  et  à  exillier  et  à  faire 
moult  de  desrois,  et  passèrent  oultre  à  l'un  des  lés^ 
ardant  et  exillant  villes  et  petis  fors  qui  ne  se  pooient 
tenir^  et  en  rançonnoient  le  plat  pays  jusques  à  Sau- 
5  mur  sus  Loire.  Si  se  logièrent  tantost  ens  es  four- 
bours^  et  commencièrent  le  ville  à  assallir;  mais  il 
ne  le  peurent  prendre,  car  messires  Robers  de  San- 
soirre,  à  tout  grant  gent  d'armes,  estoit  dedens  her- 
bergiés.  Chil  le  gardèrent  et  deffendirent  bien  de  re- 
10  Devoir  et  prendre  nul  damage ,  mes  tous  li  pays  de 
là  environ  fu  pris,  ars,  gastés  et  essilliés,  et  y  fisent  en 
ceste  ehevaueie  li  Ënglès  moult  de  desrois.  Et  s'en 
vint  messires  Hues  de  Cavrelée  et  sa  route,  à  une 
ajournée,  combatre  chiaus  qui  se  tenoient  à  un  pont 
lô   sus  Loire,  que  on  dist  ou  pays  le  Pont  de  Sels.  Si  fu- 
rent cil  desconfî,  qui  le  gardoient^  et  li  pons  pris,  et 
se  boutèrent  les  Compagnes  dedens ,  et  forlefiièrent 
telement  ce  dit  pont,  que  il  le  tinrent  depuis  un 
grant  temps.  Eneores  en  ceste  ehevaueie,  prisent  li 
20  Englès  une  abbeye  sus  Loire,  que  on  dist  Saint  Mor. 
Si  le  remparèrent  et  fortefiièrent  telement  qu'il  en  fi- 
sent une  grande  garnison,  et  qui  moult  greva  et  ada- 
maga  le  pays,  l'ivier  et  Testet  ensievant. 

En  ce  temps  et  en  celle  saison,  avoit  en  Poito  une 
25  abbeye,  et  eneores  est,  que  on  appelle  Saint  Salvin, 
à  sept  liewes  de  Poitiers.  Dedens  celle  abbeye  avoit 
un  monne  qui  trop  durement  haoit  son  abbé,  et 
bien  li  moustra  ;  car,  pour  le  grant  hayne  que  il  avoit 
à  lui,  il  trahi  dant  abbé  et  tout  le  couvent,  et  rendi 
30  et  délivra  l'abbeye  et  le  ville  à  monsigneur  Loeis  de 
Saint  Juliien  et  à  Carenloet,  Breton ,  qui  le  prisent  et 
ramparèrent  et  fortefiièrent  malement  et  en  fisent 


[4369]  LITRE  PREMIER,  g  ^^-  ^^^ 

une  bonne  garnison.  De  le  prise  de  Saint  Salvin  fu  li 
dis  messires  Jehans  Chandos  si  courouciés  qu'il  ne 
s'en  pooit  ravoir ,  pour  tant  qu'il  estoit  seneschaus 
de  Poito^  et  on  avoit  pris  et  emblé  une  tele  maison 
en  se  senescaudie.  Si  dist  bien  en  soi  meismes  que,  5 
se  il  vivoit  longement,  il  le  raroit,  comment  que  ce 
fiist,  et  le  comparroient  chierement  cil  qui  cel  ou- 
trage avoient  Êiit.  Nous  lairons  un  petit  à  parler  des 
besongnes  de  Poito  et  parlerons  dou  duch  de  Lan- 
castre.  10 

§  642.  Quant  li  dus  de  Lancastre  fu  retrais  à  Ca- 
lais apriès  le  département  de  Tournehen ,  si  com  ci 
dessus  est  contenu ,  et  ilz  et  ses  gens  s'i  furent  repo- 
set  et  rafréschi  par  trois  jours,  il  eut  avis  et  conseil 
qu'il  isteroit  hors  et  trairoit  ses  gens  sus  les  camps  et  15 
chevauceroit  sus  le  royaume  de  France.  Si  fu  com- 
mandé et  ordonné  ensi  de  par  les  mareschaus,  le  conte 
de  Warvich  et  monsigneur  Rogier  de  Biaucamp,  que 
cescuns  se  traisist  sus  les  camps  :  laquel  cose  on  fist 
moult  volentiers ,  car  il  desiroient  trop  à  chevaucier  20 
en  France.  Lors  se  départirent  de  Calais  toutes  ma- 
nières de  gens  d'armes  et  d'arciers  moult  ordonnee- 
ment,  car  çascuns  savoit  quel  cose  il  devoit  faire  et 
où  il  estoit  ordonnés  d'aler.  Si  eslongièrent  ce  premier 
jour  Calais  tant  seulement  cinq  liewes.  ÂFendemain,   25 
il  vinrent  devant  Saint  Omer,  et  là  eut  escarmuce  à 
le  porte,  mes  li  Englès  n'i  arrestèrent  point  plenté  : 
si  passèrent  oultre  et  vinrent  logier  sus  les  mons  de 
Herfaut;  et  le  tierch  jour  coururent  il  devant  le  cité 
de  Tierouwane.  Là  estoit  li  contes  Guis  de  Saint  Pol  30 
à  tout  grant  fuison  de  gens  d'armes.  Se  n'i  arrestèrent 


i92  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSÂRT.  [i369] 

point  li  Englès^  et  passèrent  oultre  et  prisent  le  che* 
min  de  Hedin^  et  se  iogièrent  ce  soir  sus  une  petite 
rivière. 

Quant  li  contes  de  Saint  Pol  senti  que  li  Englès 
5  s'en  aloient  vers  son  pays,  il  cognent  bien  qu'il  n'i 
aloient  mies  pour  son  pourfit^  car  trop  le  haioient. 
Si  se  parti  de  nuit,  et  recommanda  le  cité  au  signeur 
de  Saintpi  et  à  monsigneur  Jehan  de  Roie,  et  che- 
vauça  tant  qu'il  vint  en  se  ville  de  Saint  Pol.  A  Pen- 

10  demain,  à  heure  de  prime,  li  Englès  furent  devant  ; 
et  là  eut  grant  escarmuce,  et  vint  grandement  bien  à 
point  la  venue  dou  conte  à  chiaus  de  Saint  Pol,  car 
par  lui  et  par  chiaus  qu'il  y  amena,  fu  la  ville  gardée. 
Si  vous  di  que  li  dus  de  Lancastre  et  toutes  ses  gens 

15  se  reposèrent  et  rafreschirent  dou  tout  à  leur  aise  en 
le  conté  de  Saint  Pol ,  et  ardirent  et  essillièrent  tout 
le  plat  pays  et  y  fisent  moult  de  damages.  Et  furent 
devant  le  chastiel  de  Pernes,  où  madame  dou  Doaire 
se  tenoit.  Et  proprement  li  dus  de  Lancastre  tasta  les 

20  fons  des  fossés  à  une  glave,  mais  point  n'i  assallirent, 
quoiqu'il  en  fesissent  grant  apparant.  Si  passèrent 
oultre  et  vinrent  viers  Luceux,  un  très  biau  chastiel 
dou  dit  conte.  Si  ardirent  le  ville,  mes  li  chastiaus 
n'eut  garde,  puis  passèrent  oultre  en  approçant  Saint 

25   Rikier  en  Pontieu  ;  et  ne  cheminoient  li  dit  Englès  le 

jour  non  plus  de  trois  ou  de  quatre  liewes.  Si  ar- 

doient  et  essilloient  tout  le  plat  pays  où  il  conver- 

soienl.  Si  passèrent  le  rivière  de  Somme  à  le  Blanke 

Take,  desous  Abbcville,  et  puis  entrèrent  ou  pays  de 

30  Vismeu,  et  avoient  entention  de  venir  à  Harflues,  sus 
le  rivière  de  Sainne,  pour  ardoir  le  navie  dou  roy  de 
France.  Li  contes  de  Saint  Pol  et  messires  Moriaus  de 


[1369]  LIVRÉ  PREMIER,  §  642.  193 

Tiennes  y  connestables  de  France^  à  tout  grant  gent 
d'armes^  costioient  et  poursievoient  l'ost  des  Englès^ 
par  quoi  li  Englès  ne  s'osoient  desrouter^  fors  aler 
leur  droit  chemin,  ou  chevaucier  en  si  grant  route 
que  pour  bien  combatre  les  François,  se  il  traisissent  5 
avant.  Ensi  cheminèrent  il  tout  le  Yismeu  et  le  conté 
d*Eu,  et  entrèrent  en  l'archeveskié  de  Roem  et  pas- 
sèrent au  deseure  de  Dieppe,  et  lisent  tant  par  leurs 
journées  que  il  vinrent  devant  Harflues,  et  là  se  lo- 
gièrent.  Li  contes  de  Saint  Pol  s'estoit  avanciés  et  lo 
boutés  dedens  le  ville^  à  bien  deux  cens  lances.  Là  fii- 
rent  li  Englès  devant  Harflues  trois  jours^  mes  riens 
n'i  assallirent.  Au  quart  jour,  il  s'en  partirent,  et  pri- 
sent leur  retour  parmi  le  terre  le  signeur  d'Estoute- 
ville,  lequel  il  n'amoient  mies  plenté,  et  Tardirent  et  15 
essillièrent  toute  ou  en  partie,  et  puis  s'en  revinrent 
parmi  le  Vexin ,  et  se  ravalèrent  devers  Oizemont , 
pour  revenir  passer  le  Somme  à  le  Blanke  Take. 

En  ce  temps,  estoit  dedens  le  bonne  ville  d'Abbe- 
ville  messires  Hues  de  Chastellon ,  mestres  des  arba-  20 
lestriers  de  France,  capitains  et  souverains.  Quant  il 
senti  le  duch  de  Lancastre  rapasser,  il  s'arma  et  fîst 
armer  dix  ou  douze  tant  seulement  de  ses  compa- 
gnons et  monter  à  cheval,  et  dist  qu'il  voloit  aler  veoir 
le  garde  de  le  porte  de  Rouvroy,  par  quoi  il  n'i  euist  25 
point  de  defaute  et  que  li  Englès,  qui  ne  dévoient  mies 
passer  trop  lonch  à  ce  lés  là  devers  Eu,  ne  le  trou- 
vassent point  nicement  gardée.  Encores  estoit  il  moult 
matin  et  faisoit  moult  grant  bruine.  Messires  Nicoles 
de  Louvaing,  qui  dou  temps  passé  avoit  estet  senes-  30 
chaus  de  Pontieu  et  lequel  messires  Hues  de  Castil- 
lon  avoit  en  celle  propre  anée  pris  et  rançonné  à 

VII  — 13 


i94  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSÂRT.  [1369] 

dix  mil  frans,  dont  trop  bien  l'en  souvenoit,  et  qui 
avoit  grant  entente  dou  regaegnier^  se  il  pooit,  s'estoit, 
lui  vingtime  tant  seulement^  très  le  point  dou  jour^ 
partis  de  le  route  le  dit  duch;  et  ensi  que  eilz  qui  sa- 
5  voit  toutes  les  voies^  les  adrèces  et  les  destours  de  là 
environ,  car  il  les  avoit  bien  trois  ans  usés  et  hantés, 
s'estoit  venus  bouter^  sus  aventure  de  gaegnier  et  non 
de  perdre,  et  mis  en  embusce  entre  le  darrainne  porte 
d'Abbeville,  qui  siet  sus  les  marès^  et  une  aultre  c*on 

10  dist  de  Rouvroy  ;  et  avoit  passet  un  petit  rieu  qui  keurt 
parmi  uns  mares,  et  estoit  quatis  et  arrestés  en  vieses 
maisons  non  habitées,  qui  là  estoient  toutes  desclo* 
ses.  On  ne  cuidast  jamais  que  li  route  des  Englès  se 
deuist  mettre  en  embusche  si  pries  de  le  ville  ^  et  là 

15  se  tenoient  li  dis  messires  Nicoles  et  ses  gens  tout 
quoy.  Ëvous  à  chevauçant  tout  parmi  celle  rue  de 
Rouvroy,  lui  dixime  tant  seulement,  monsigneur  Hue 
de  Chastillon^  armé  de  toutes  pièces  huersmis  de  son 
bachinet^  mes  ses  pages  le  portoit  sus  un  coursier 

20  derrière  lui^  et  passé  oultre  ce  rieu  et  un  petit  pont 
qui  là  estoit  et  l'embusche  dou  dessus  dit  monsigneur 
Nicole,  et  tiroit  à  venir  à  le  porte  darrainière,  pour 
parler  as  arbalestriers  qui  le  gardoient,  à  savoir  des 
nouvelles  deâ  Englès.  Quant  messires  Nicoles  de  Lou- 

25  vaing  le  vei,  qui  bien  le  recogneut,  si  n'euist  mies 
estet  si  Ués  qui  li  euist  donné  vingt  mil  firans,  et  salli 
hors  de  sen  embusche  et  dist  :  «  Âlons,  alons,  vechi 
ce  que  je  demande,  le  mestre  des  arbalestriers  :  je  ne 
desiroie  autrui  que  lui.  »  Lors  point  son  coursier  des 

30  esporons,  et  baisse  le  lance,  et  s'en  vient  dessus  le  dit 
monsignçur  Hue  de  Chastillon  et  li  escrie  :  «  Rent 
toi,  Chastillon!  Rent  toy  ou  tu  es  mors.  »  Messires 


[4369]  LIVRE  PREMIER,  $  643.  495 

Haes^  qui  fii  tous  esmervilliés  dont  ces  gens  d'armes 
issoient^  et  qui  n'eut  mies  loisir  de  mettre  son  bachi- 
nety  ne  de  monter  sus  son  coursier^  et  qui  se  vei  en 
trop  dur  parti,  demanda  :  «  Â  qui  me  renderai  je?  » 
Messsires  Nicoles  respondi  :  ic  A  Louvaing  I  A  Lou-  5 
vaing  !  »  £t  cilz^  pour  eskiewer  le  péril  et  qui  ne  pooit 
fuir^  dist  :  «  Je  me  rench.  »  Dont  fu-il  pris  et  saisis, 
et  li  fu  dit  :  «  Chevauciés  tantost  avoech  nous  :  veoi 
le  route  dou  duch  qui  passe  ci  devant.  ]>  A  celle  em- 
painte  fu  là  occis  uns  moult  faitis  bourgois  d' Abbeville,  10 
qui  s'appelloit  Leurens  d'Autelz,  dont  ce  fu  damages. 
Ensi  fu  pris  et  atrapés  par  grant  infortuneté  messires 
Hues  de  Chastillon,  mestres  pour  le  temps  des  arba- 
lestriers  de  France  et  chapitainnes  d'Abbeville,  de 
messire  Nicole  de  Louvaing  :  de  laquelle  prise  li  dus  15 
de  Lancastre  eut  grant  joie^  et  ossi  eurent  tout  li  £n- 
glès. 

§  643.  Moult  furent  les  gens  d'Abbeville  et  li  amit 
de  monsigneur  Hue  de  Chastillon  couroucié  de  sa 
prise;  mes  amender  ne  le  peurent,  tant  c*à  ceste  fois.  ^0 
Or  chevaucièrent  li  Ënglès^  et  passèrent  le  rivière  de 
Somme  à  le  Blanke  Take,  et  puis  montèrent  amont  de- 
vers le  ville  de  Rue  sus  mer,  et  en  apriès  vers  Mous- 
truel,  et  fisent  tant  par  leurs  journées  qu'il  rentrèrent 
en  le  ville  de  Calais.  Là  donna  li  dus  de  Lancastre  25 
congié  à  tous  les  estragniers^  et  se  départirent  de  lui 
messires  Robers  de  Namur  et  ses  gens,  messires  Wal- 
lerans  de  Borne  et  tout  li  Alemant.  Si  retourpa  li  dus 
de  Lancastre  arrière  en  Engleterre ,  et  li  Alemant  en 
leur  pays;  et  n'avoient  mes  enteation  de  guerriier  30 
jusques  à  l'esté,  car  ja  estoit  li  Saint  Martins  en  ivier 


196  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [i369] 

et  plus  avant.  Mais,  aa  temps  qui  revenoit^  li  dus  de 
Lancastre  a  voit  dit  as  estragniers  qu'il  rapasseroit  le 
mer  plus  efforciement  que  il  n'avoit  fait,  et  prieroit 
ses  cousins,  le  duch  de  JuUers  et  le  duch  de  Guéries, 
5  et  feroient  un  grant  trau  en  France. 

Or  nous  tairons  et  soufferons  à  parler  des  beson- 
gnes  de  Pikardie ,  car  il  n'en  y  eut  nulles  en  grant 
temps  puissediy  et  parlerons  de  celles  de  Poito  où  li 
fait  d'armes  avenoient  moult  souvent. 

10  §  644.  Trop  touchoit  et  anoioit  au  coer  li  prise 
de  Saint  Salvin  à  monsigneur  Jehan  Chandos,  qui  es- 
toit  pour  ce  temps  seneschaus  de  Poito,  et  mettoit 
toutes  ses  intentions  et  imaginations  à  ce  que  il  le 
peuist  ravoir,  fust  par  embler  ou  eskieller,  il  n'avoit 

15  cure  comment.  Et  pluiseurs  fois  en  fîst  des  embus- 
ches  et  des  chevaucies,  de  nuit  et  de  jour,  et  à  toutes 
falioit;  car  messires  Loeis  de  Saint  Juliien,  qui  le  gar- 
doit,  en  estoit  durement  songneus,  et  bien  savoit 
que  la  ditte  prise  de  Saint  Salvin  desplaisoit  moult 

so  à  monsigneur  Jehan  Chandos. 

Or  avint  ensi  que,  le  nuit  devant  le  nuit  de  l'an, 
ou  chief  dou  mois  de  jenvier,  messires  Jehans  Chan- 
dos se  tenoit  en  le  cité  de  Poitiers  et  avoit  £adt  une 
semonse  et  un  mandement  des  barons  et  chevaliers 

95  de  Poito,  et  leur  avoit  dit  que  il  venissent  là  tout  se- 
crètement, car  il  voloit  chevaucier.  Li  Poitevin  ne  li 
euissent  jamais  refusé ,  car  moult  l'amoient.  Si  s'as- 
samblèrent  en  le  cité  de  Poitiers,  et  y  vinrent  mes- 
sires Guichars  d'Angle,  messires  Loeis  de  Harcourt, 

ao  li  sires  de  Pons ,  li  sires  de  Partenay,  li  sh*es  de  Pui- 
sances,  li  sires  de  Tannai  Bouton,  li  sires  de  Puiane, 


[1369]  LIVRE  PREMIER»  %  644.  i97 

messires  Jofirois  d'Argenton ,  messires  Mauburni  de 
Linières  j  messires  Thomas  de  Persi ,  messires  Bau- 
duins  deFraiville^  messires  Riehars  de  Pontehardon 
et  pluiseur  aultre. 

Quant  il  fîirent  tout  assamblé^  il  estoient  bien  trois  5 
cens  lances.  Si  se  partirent  de  nuit  de  Poitiers,  et  ne 
savoient^  excepté  li  signeur,  où  on  les  menoit^  et 
avoient  li  dit  Englès  leurs  eschielles  et  tout  leur  arroi 
pourveu  :  si  vinrent  jusques  au  dit  lieu.  Là  furent  il 
tout  enfourmé  de  leur  fait,  et  descendirent  de  leur  lo 
chevaus  et  les  livrèrent  à  leurs  garçons.  Si  entrèrent 
ens  es  fossés ,  et  estoit  environ  de  mienuit.  En  cel 
estât  où  il  estoient ,  et  que  briefînent  il  euissent  fait 
leur  fait  et  fuissent  venu  à  leur  entente ,  il  oent  le 
gette  dou  fort  qui  corne^  je  vous  dirai  pourquoi.  15 
Celle  propre  nuit^  estoit  partis  de  le  Roce  de  Ponsoy 
Keranloet  à  quarante  lances,  et  venoit  à  Saint  Salvin 
querre  monsigneur  Loeis  de  Saint  Juliien,  pour  che- 
vaucier  en  Poito  :  si  resvilla  la  guette  et  chiaus  dou 
fort.  20 

Or  cuidièrent  li  Englès,  qui  estoient  à  l'opposite 
et  qui  riens  ne  savoient  de  cela ,  ne  que  François 
vosissent  entrer  ou  fort,  qu'il  fuissent  aperceu  et 
que.  par  gardes  ou  par  espies.  on  seuist  leur  venue  et 
leur  Z^rise.  Si  foîent  trop  inalement  couroucié,  et  35 
especialment  messires  Jehans  Chandos.  Si  se  traisent 
tantost  hors  des  fossés  et  disent  :  «Alons,  alons^ 
nous  avons  pour  celle  nuit  falli  à  no  fait.  »  Si  mon- 
tèrent sus  leurs  chevaus,  et  retournèrent  tout  en- 
samble  à  Chauvegni,  qui  siet  sus  le  rivière  de  Cruese  30 
à  deux  liewes  priés  de  là.  Quant  il  furent  là  tout  venu- 
li  Poitevin  demandèrent  à  monsigneur  Jehan  Chan^ 


498  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

dos  se  il  voloit  plus  riens.  Il  leur  respondi  :  «  Nennil^ 
retournés,  ou  nom  de  Dieu;  je  demorrai  meshui  en 
ceste  ville,  » 
Lors  se  départirent  tout  li  Poitevin  et  aucun  che^ 

5  valier  d^Engleterre  avoech  yaus^  et  estoient  bien 
deux  cens  lances.  Si  entra  li  dis  messires  Jehans 
Chandos  en  un  hostel  et  fist  alumer  le  feu.  Là  estoit 
encores  dalés  lui  messires  Thumas  de  Persi  et  se 
route,  seneschaus  de  le  Rocelle;  si  dist  à  monsigneur 

10  Jehan  Chandos  :  «  Sire,  es  ce  vostre  entention  donc 
de  ci  meshui  demorer?  »  —  «  Oil  voir,  messire  Thu- 
mas; pourquoi  le  demandés  vous?  »  —  «  Sire,  pour 
tant  que  je  vous  prie  ^  puisque  chevaucier  ne  volés, 
que  vous  me  donnés  congiet^  et  je  chevaucerai  quel- 

15  que  part  avoech  mes  gens ,  pour  savoir  se  je  trouve- 
roie  jamais  nulle  aventure.  »  —  «Aies  ou  nom  de 
Dieu  I  »  Ce  dist  messires  Jehans  Chandos.  A  ces  mos^ 
se  parti  messires  Thumas  de  Persi  et  trente  lances  en 
se  compagnie. 

20  Ensi  demora  li  dessus  dis  Chandos  entre  ses  gens, 
et  messires  Thumas  passa  le  pont  à  Chauvegni  et  prist 
le  lonch  chemin  pour  retourner  à  Poitiers.  Et  messires 
Jehans  Chandos  demora^  qui  estoit  tous  merancolieus 
de  ce  qu'il  avoit  falli  à  sen  entente,  et  estoit  entrés  en 

25  une  grande  cuisine  et  trais  ou  fouier,  et  là  se  caufoit 
de  feu  d'estrain  que  ses  hiraus  li  fèiisoit,  et  se  gengloit 
à  ses  gens  et  ses  gens  à  lui^  qui  volentiers  li  euissent 
osté  se  merancolie. 

Une  grant  espasse  apriès  ce  qu'il  fu  là  venus,  et 

30  qu'il  s'ordonnoit  pour  un  peu  dormir,  et  avoit  de- 
mandé se  il  estoit  priés  de  jour,  evous  entré  en  l'ostel 
et  venu  devant  lui  un  homme  qui  li  dist  :  a  Monsi- 


[1369]  UVRB  PREMIER,  §  644.  199 

gneur^  je  vous  aporte  nouvelles.  »  ^-.  «  Queles?  »  res- 
pondi  il.  —  «  Monsigneur,  li  François  chevaucent.  j» 
—  «  Et  comment  le  scès  tu?»  —  «  Monsigneur,  je 
me  sui  partis  de  Saint  Salvin  avoecques  yaus.  »  — 
((  Et  quel  chemin  tiennent  il?  »  —  «  Monsigneur,  je  5 
ne  sçai,  de  vérité,  fors  tant  qu'il  tiroient,  ce  me 
sambla ,  viers  Poitiers.  »  — •  «  Et  liquel  sont  ce  des 
François?  >i  — -  «  C'est  messires  Ix)eis  de  Saint  Ju- 
liien  et  Keranloet  li  Bretons  et  leurs  routes.  »  —  «  Ne 
m'en  chaut ,  respondi  messires  Jehans  Chandos,  je  10 
n'ai  meshui  nulle  volenté  de  chevaucier.  Il  poront 
bien  trouver  rencontre  sans  mi.  »  Si  demora  une  es- 
passe  en  ce  pourpos  tous  pensieus^  et  puis  s'avisa  et 
dist  :  «  Quoi  que  j'aie  dit,  c'est  bon  que  je  chevauce 
toutdis;  me  fault  retourner  vers  Poitiers^  et  tantost  15 
sera  jom:*s.  •  —  «  C'est  voirs,  sire,  »  ce  respondirent  si 
chevalier  qui  là  estoient. 

Lors  fist  messires  Jehans  Chandos  restraindre  ses 
plates,  et  se  mist  en  arroy  pour  chevaucier,  et  ossi 
fîsent  tout  li  aultre.  Si  montèrent  as  chevaus  et  se  20 
partirent,  et  prisent  le  droit  chemin  de  Poitiers,  cos- 
tiant  le  rivière.  Si  pooient  estre  li  François  en  ce 
propre  chemin  une  grande  liewe  devant  yaus,  qui 
tiroient  à  passer  le  rivière  au  pont  à  Leuzach.  Et  en 
eurent  li  Englès  le  cognissance  par  leurs  chevaus  qui  25 
sievoient  le  route  des  chevaus  des  François,  et  en- 
trèrent ou  froais  des  chevaus  as  François ,  si  disent  : 
«  Ou  messires  Thumas  de  Persi ,  ou  li  François  che- 
vaucent devant  nous.  »  Tantos  fii  ajournée  et'jours, 
car,  à  l'entrée  de  jenvier,  les  matinées  sont  tantost  30 
espandues.  Et  pooient  estre  li  François  et  li  Breton , 
d'un  costé,  environ  une  liewe  en  sus  dou  dit  pont. 


200  CHRONIQUES  DB  J.  FROISSART.  [1369] 

quant  il  perçurent  d'autre  part  le  rivière  monsi- 
gneur  Thumas  de  Persi  et  se  route  ;  et  messires  Thu- 
mas  et  li  sien  les  avoient  ja  aperceus.  Si  chevauçoient 
les  grans  galos,  pour  avoir  l'avantage  dou  pont  dessus 

5  dit,  et  avoient  dit  :  ir  Yeés  là  les  François ,  il  sont 
une  grosse  route  contre  nous.  Esploitons  nous^  si 
arons  l'avantage  dou  pont.  » 

Quant  messires  Loeis  et  Keranloet  perchurent  les 
Englès  d'autre  part  le  rivière  y  qui  se  hastoient  pour 

10  venir  au  pont,  si  se  avancièrent  ossi.  Toutesfois  li 
Englès  y  vinrent  devant  et  en  furent  mestre  y  et  des- 
cendirent tout  à  piet  et  s'ordenèrent  pour  le  pont 
garder  et  yaus  deffendre.  Quant  li  François  furent 
venu  jusques  au  pont^  il  se  misent  tout  à  piet,  et 

15  baillièrent  leurs  chevaus  à  leurs  variés  et  pages  et 
les  lisent  traire  arrière  ;  et  prisent  leurs  lances  et  se 
misent  en  bonne  ordenance ,  pour  aler  calengier  le 
pont  et  assallir  les  Englès^  qui  se  tenoient  francement 
sus  leur  pas  et  n'estoient  de  riens  efïraé^  comment 

dO  qu'il  fuissent  un  petit  ou  regard  des  François. 

Ensi  que  cil  François  et  Breton  estudioient  et  ima- 
ginoient  comment  ne  par  quel  tour,  à  leur  plus  grant 
avantage,  les  Englès  envaïr  et  assallir  il  poroient^ 
evous  monsigneur  Jehan  Chandos  et  se  route  y  ba- 

25  nière  desploiie  tout  ventelant^  qui  estoit  d'argent  à 
un  pel  aguisié  de  geules^  laquele  Jakes  Aleri,  uns 
homs  d'armes^  portoit^  et  pooient  estre  environ  qua- 
rante lances  y  qui  approce  durement  les  François.  Et 
ensi  que  li  Englès  estoient  sus  un  terne  ^  espoir  trois 

30  bonniers  de  terre  en  sus  dou  pont^  li  garçon  des 
François ,  qui  les  perçurent  et  qui  se  tenoient  entre 
le  pont  et  le  dit  tertre ,  furent  tout  efiraé  et  disent  : 


[1369]  LIVRE  PREIIIER,  S  ^^'  ^i 

«  Alons^  alons^  veci  Chandos;  saavons  nous  et  nos 
chevaus.  »  Si  s'en  partirent  et  fuirent  en  voies ,  et 
laissièrent  là  leurs  mestres. 

Quant  messires  Jehans  Chandos  fu  venus  jusques 
à  yaus,  sa  banière  devant  lui^  si  n'en  fist  pas  trop  5 
grant  compte^  car  petit  les  prisoit  et  amiroit;  et 
tout  à  cheval  les  commença  à  rampronner,  en  disant  : 
N  Entre  vous^  François^  vous  estes  trop  malement 
bonnes  gens  d'armes  ;  vous  chevauciés^  à  vostre  aise 
et  vostre  volenté ,  de  nuit  et  de  jour.  Vous  prendës  10 
villes  et  forterèces  en  Poito^  dont  je  sui  seneschaus. 
Vous  rançonnés  povres  gens  sans  mon  congié.  Vous 
chevauciés  partout  à  tieste  armée  ;  il  samble  que  li 
pays  soit  tout  vostre ,  et,  par  Dieu^  non  est.  Messire 
Loeis^  messire  Loeis^  et  vous  Keranloet^  vous  estes  15 
maintenant  trop  grant  mestre.  Il  a  plus  d'un  an  et 
demi  que  j'ai  mis  toutes  mes  ententes  que  je  vous 
peuisse  trouver  ou  encontrer;  or  vous  voi  je,  Dieu 
merci  :  si  parlerons  à  vous  et  sarons  liquelz  est  plus 
fors  en  ce  pays,  ou  je^  ou  vous.  On  m'a  dit  et  20 
compté  par  pluiseurs  fois  que  vous  me  desiriés  à 
veoir  :  si  m'avés  trouvé.  Je  sui  Jehans  Chandos^  se 
bien  me  ravisés.  Vos  grans  apertises  d'armes,  qui 
sont  maintenant  si  renommées ,  se  Dieu  plaist^  nous 
les  esprouverons.  >  25 

Ensi  et  par  telz  langages  les  recueilloit  messires  Je- 
hans Chandos^  qui  ne  volsist  nulle  part  estre  fors 
que  là ,  tant  les  desiroit  il  à  combatre.  Messires  Loeis 
et  Reranloet  se  tenoient  tout  quoy^  ensi  que  tout 
conforté  qu'il  seroient  combatu.  Et  riens  n'en  sa-  30 
voient  messires  Thumas  de  Persi  et  li  Englès ,  qui 
estoient  delà  le  pont^  car  li  pons  de  Leusach  est 


202  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

haus,  à  boce  oa  milieu^  et  cela  leur  en  tolloit  le 
veue. 

§  645.  Entre  ces  ramipronnes  et  ces  paroUes  de 
monsigneur  Jehan  Chandos  qu'il  disoit  et  £aiisoit  as 
5  François,  uns  Bretons  prist  son  glave  et  ne  se  peut 
abstenir  de  commencier  meslëe,  et  vint  assener  à  un 
escuier  englès  qui  s'appelloit  Simekins  Dodalé ,  et  li 
arresta  son  glave  en  se  poitrine ,  et  tant  le  bouta  et 
tira  que  le  dessus  dit  il  mist  jus  de  son  cheval  à  terre. 

10  Messires  Jehans  Chandos^  qui  oy  effroy  derrière  lui^ 
se  retourna  sus  costé  et  vei  son  escuier  jesir  à  terre, 
et  que  on  feroit  sus  lui,  si  s*escaufia  en  parlant  plus 
que  devant,  et  dist  à  ses  compagnons  et  à  ses  gens  : 
c<  Comment  lairés  vous  chi  ensi  cest  homme  tuer?  A 

15  piet  !  A  piet  !  j»  Tantost  il  sallirent  à  piet,  et  ossi  lisent 
tout  li  sien,  et  fu  Simekins  rescous.  Yeci  bataille  com- 
mencie. 

Messires  Jehans  Chandos  qui  estoit  grans  cheva- 
liers et  fors  et  hardis  et  confortés  en  toutes  ses  be- 

20  songnes,  se  banière  devant  lui,  environnés  des  siens 
et  vestis  dessus  ses  anneures  d'un  grant  vestement 
qui  li  batoit  jusques  en  terre^  armoiié  de  se  armoierie, 
d?un  blanc  samit  à  deux  pelz  aguisiés  de  geules,  l'un 
devant  et  l'autre  derrière^  et  bien  sambloit  souffissans 

25  homs  et  entreprendans,  en  cel  estât,  piet  avant  aultre, 
le  glave  ou  poing,  s'en  vint  sus  ses  ennemis.  Or  faisoit 
à  ce  matin  un  peu  reslet.  Si  estoit  la  voie  moullie,  si- 
ques,  en  passant,  il  s'entouella  en  son  parement  qui 
estoit  sus  le  plus  Ions ,  tant  q'un  petit  il  s'abuscha. 

30  Evous  un  cop  qui  vint  sus  lui,  lanciet  d'un  escuier 
qui  s'appelloit  Jakes  de  Saint  JVtartin ,  qui  estoit  fors 


[4369]  LIVRE  PBEMIER,  §  645.  203 

homs  et  apers  durement  ;  et  fd  li  cops  d*une  glave  qui 
le  prist  en  char^  et  s'arresta  desous  l'oeil ,  entre  le  nés  et 
le  firbnt.  £t  ne  vei  point  messires  Jehans  le  cop  venir 
sus  lui  de  ce  lés  là^  car  il  avoit  l'oeil  estaint^  et  avoit 
eu  bien  cinq  ans^  et  le  perdi  ens  es  landes  de  Bout-  5 
diaus,  en  cachant  un  cerf.  Ayoech  tout  ce  meschief^ 
messires  Jehans  Chandos  ne  portoit  onques  point  de 
visière^  siques^  en  abuschant,  sus  le  cop  qui  estoit  lan- 
ciés  de  roit  brach  il  s^apoia.  Se  li  entra  li  fiers  là 
dedens,  quis'encousijusquesoucerviel^  et  puis  retira  lo 
cilz  son  glave  à  lui.  Messires  Jehans  Chandos^  pour  la 
dolour  c{u*il  senti^  ne  se  peut  tenir  en  estant,  mes 
chei  à  terre  et  tourna  deux  tours  moult  dolereuse* 
ment^  ensi  que  cilz  qui  estoit  férus  à  mort,  car  on- 
ques puis  ce  cop  il  ne  parla.  ^  15 

Quant  ses  gens  veirent  celle  aventure  ^  il  furent 
tout  foursenet.  Âdonc  salli  avant  messires  Ëdouwars 
Cliffors  j  ses  oncles ,  qui  le  prist>  entre  ses  cuisses  ^ 
car  li  François  tiroient  que  il  l'euissent  devers  yaus  ; 
et  le  deffendi  de  son  glave  très  vaillamment^  et  20 
lanooit  les  cops  si  grans  et  si  arrestés ,  quç  nulz  ne 
Posoit  approcier.  Là  estoient  doi  aultre  chevalier, 
messires  Jehans  Clambo  et  messires  Bertrans  de  Cas- 
selis^  qui  sambloient  bien  hors  dou  sens^  pour  leur 
mestre  qu'il  veoient  là  ensi  jesir.  Li  Breton,  qui  es-  25 
toient  plus  que  li  Ënglès^  furent  grandement  re- 
conforté ,  quant  il  '  veirent  le  capitainne  de  leurs  en- 
nemis à  terre,  et  bien  pensoient  que  il  estoit  navrés 
à  mort.  Si  s'avancièrent  en  disant  :  «  Par  Dieu,  si- 
gneur  englès,  vous  nous  demorrés;  vous  estes  tout  30 
nostre  :  vous  ne  nos  poés  escaper.  »  Là  fisent  li  dit 
Englès  merveilles  d'armes ,  tant  pour  yaus  garder  et 


204  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [4369] 

osier  dou  dangier  que  pour  contrevengier  leur  si- 
gneur,  lequel  il  veoient  en  bien  dur  parli.  Cilz  Jakes  de 
Saint  Martin,  qui  donné  avoit  ee  cop^  fu  avisés  d'un  es- 
cuier  de  monsigneur  Jehan  Chandos  :  si  vint  sur  lui 

5  moult  aïreement  et  le  feri  en  cousant  de  son  glave^  et 
li  tresperça  tout  oultre  les  deux  cuisses^  et  puis  re- 
traist  son  glave.  Pour  ce  ne  laissa  mies  encores  cilz 
Jakes  à  combatre.  Se  messires  Thumas  de  Persi,  qui 
premièrement  estoit  venus  au  pont,  euist  riens  sceu 

10  de  ceste  aventure^  les  gens  de  monsigneur  Jehan  Chan- 
dos euissent  estet  par  lui  trop  grandement  réconforté^ 
mes  nennil  ;  ançois ,  pour  ce  que  il  n*ooient  nulles 
nouvelles  des  Bretons^  dont  il  avoient  veu  le  route 
grande  et  grosse ,  il  cuidoient  qu'il  fuissent  retrait. 

15  Si  se  retraisent  ossi  li  dis  messires  Thumas  de  Persi 

et  ses  gens,  et  tinrent  le  chemin  de  Poitiers^  ne  on- 

ques  à  ce.  donc  il  ne  sceurent  riens  de  le  besongne. 

Là  se  combatirent  li  François  et  li  Englès  un  grant 

temps  devant  le  pont  de  I^usach^  et  y  eut  fait  main- 

20  tes  grans  apertises  d'armes.  Briefinent  li  Englès  ne 
peurent  là  souffrir  ne  porter  le  fais  des  Bretons  ne 
des  François,  et  furent  là  ensi  que  priés  desconfi  et 
pris  li  plus  grant  partie  ;  mes  toutdis  se  tenoit  messi- 
res Edouwars  Gifibrs^  qui  point  ne  se  voloit  partir  de 

25  son  neveu.  Et  se  li  François  euissent  eu  leui*s  che- 
vaus^  il  s'en  fuissent  parti  à  leur  honneur  et  en  euis* 
sent  mené  des  bons  prisonniers,  mais  il  n'en  avoient 
nulz,  car  li  garçon,  si  com  ci  dessus  est  dit,  en  estoient 
fui  atout  ;  él  ossi  cil  des  Englès  estoient  retrait  et  des- 

30  tourné  bien  avant  de  le  besongne.  Si  demorèrent  en 
ce  dangier,  dont  il  estoient  tout  courouciet^  et  disoient 
entre  yaus  :  ce  Veci  très  mauvaise  ordenance^  et  par 


[1369]  LIVRE  PREMIER,  $  64IS.  205 

nos  garçons.  La  place  est  nostre^  et  si  n'en  poons 
partir^  car  dur  nous  est,  qui  sommes  armé  et  travil- 
liéy  d'aler  à  piet  parmi  ce  pays  qui  nous  est  tous  con- 
traires; et  si  sommes  plus  de  cinq  liewes  en  sus  de  le 
plus  proçaine  forterèce  que  nous  avons^  et  si  avons  ci  5 
des  nostres  bleciés  et  navrés  que  nous  ne  poons  lais- 
sier  derrière.  i> 

Entrues  qu'il  estoient  en  cel  estri^  et  que  il  ne 
savoient  lequel  faire  ^  et  avoient  envoiiés  deux  de 
leurs  Bretons,  tous  desarmés,  courir  par  les  camps,   10 
pour  savoir  se  il  veroient  nulz  de  leurs  chevaus  ne 
de  leurs  variés,  evous  monsigneur  Guichart  d'Angle, 
monsigneur  Loeis  de  Harcourt^  le  signeur  de  Pons^ 
le  signeur  de  Partenay,  monsigneur  Jofiroi  d'Argen- 
ton^  le  signeur  de  Puissances ,  le  signeur  de  Puiane^   15 
le  signeur  de  Tannai  Bouton^  messire  Jake  de  Sur-- 
gières,  tous  chevaliers^  et  les  aultres  qui  bien  estoient 
deux  cens  lances,  et  queroient  les  François,  car  on  leur 
avoit  dit  qu'il  chevauçoient ,  et  avoient  proprement 
eu  leur  cheval  le  vent^  le  flair  et  le  froais  des  leurs;  30 
si  s'en  vendent  tout  à  randonnant,  banières  et  pen- 
nous  ventelans.  Sitos  que  li  Breton  et  li  François  les 
veirent  approcier,  il  cogneurent  bien  que  c^estoient 
leur  ennemi,  li  baron  et  li  chevalier  de  Poito;  si  di^ 
sent  ensi  as  Englès  qui  là  estoient  :  cr  Veci  vos  gens  25 
qui  vos  viennent  au  secours,  et  nous  savons  bien  que 
nous  ne  poons  durer  à  yaus.  Vous,  et  vous,  et  vous,  si  les 
commencièrent  tous  à  nommer;|  estiés  no  prisonnier  ; 
nous  vous  quittons  bonnement  de  vos  fois  et  de  vo 
prison,  et  nous  rendons  prisonnier  à  vous,  parmi  30 
tant  que  vous  nous  ferés  bonne  compagnie.  Encores 
avons*iK)us  plus  chier  que  nous  soions  à  vous  que  à 


S06  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1370] 

chiaus  qui  viennent.  »  Et  chil  respondirent  :  «  Diex 
y  ait  part  !  »  Ensi  furent  li  Euglès  quitte  de  leurs  fois 
et  eurent  prisonniers.  Tantost  furent  li  dessus  dit  Poi- 
tevin venu  à  lances  abaissies,  en  escriant  leurs  cris; 
5  et  adonc  li  François  et  li  Breton  se  traisent  d'un  lés 
et  disent  :  ce  Ho4  signeur^  -cessés,  cessés^  nous  som- 
mes prisonnier.  »  Là  tiesmongnièrent  li  Englès  et  di- 
sent :  <t  II  est  vérités,  ce  sont  nostre.  »  Keranloet  fu 
à  monsigneur  Bertran  de  Casselis^  et  messires  Loeis 

10  de  Saint  Juliien  à  monsigneur  Jehan  Clambo.  Il  n'en 
y  eut  nul  qui  n'euist  son  mestre. 

Or  furent  trop  durement  dolant  et  desconforté  cil 
baron  et  cil  chevalier  de  Poito^  quant  il  veirent  là 
leur  seneschal  monsigneur  Jehan  Chandos  jesLr  en  tel 

15  estât,  et  qu'il  ne  pooit  parler^  si  le  conunencièrent  à 
regretter  et  à  dolouser  moult  amèrement^  en  disant  : 
«  Ha  I  gebtiis  chevaliers,  fleur  de  toute  honneur^  mes- 
sire  Jehan  Chandos,  à  mal  fu  la  glave  forgie,  dont 
vous  estes  navrés  et  mis  en  péril  de  mort.  »  Là  plo- 

20  roient  moult  tenrement  cil  qui  li  estoient  autour. 
Bien  les  entendoit  et  se  complaindoit,  mes  nul  mot  ne 
pooit  parler.  Là  tordoient  leurs  poins  et  tiroiént  leurs 
cheviaus  et  jettoient  grans  cris  et  grans  plains,  payr 
especial  li  chevalier  et  li  escuier  de  son  hostel.  Là  fu 

25  li  dis  monsigneur  Jehan  Chandos  de  ses  gens  desar- 
més moult  doucement  et  couchiés  sus  targes  et  sus 
pavais,  et  amenés  et  aportés  tout  le  pas  à  Mortemer, 
le  plus  proçainne  forterèce  de  là.  Et  li  autre  baron  et 
chevalier  retournèrent  à  Poitiers,  et  là  menèrent  il 

30  leurs  prisonniers.  Si  entendi  que  cilz  Jakes  de  Saint 
Martin,  qui  avoit  navré  le  dit  monsigneur  Jehan  Chan- 
dos, fu  si  mal  poursongniés  de  ses  plaies  qu'il  morut 


[i370]  UyR£  PREMIER,  S  ^^*  ^'^ 

à  Poitiers.  Li  gentilz  chevaliers  dessus  nommés  ne 
vesqui  de  ceste  navrure  q'un  jour  et  une  nuit^  et 
morut.  Diex  en  ait  l'ame  pour  se  deboinaireté  ;  car 
onques^  depuis  cent  ans,  ne  fu  plus  courtois^  plus  gen- 
tilz ne  plus  plains  de  toutes  bonnes  et  nobles  vertus  5 
et  conditions,  entre  les  Englès,  de  lui. 

Quant  li  princes  et  la  princesse^  li  contes  de  Cant- 
bruge,  li  contes  de  Pennebruch  et  li  baron  et  chevalier 
d'Ëngleterre,  qui  estoient  en  Giane^  sceurent  la  mort 
dou  dessus  dit,  si  furent  durement  courecié  et  descon-  lo 
forté^  et  disent  bien  quil  avoienttrop  perdu.  Partout, 
deçà  et  delà  le  mer^  de  ses  amis  et  amies  fu  plains  et 
regretés  messires  Jehans  Chandos;  et  li  rois  de  France 
et  li  signeur  en  France  Teurent  tantost  ploré.  Ënsi 
aviennent  les  bésongnes.  Li  Ënglès  l'amoient ,  pour  15 
tant  qu'en  li  estoient  toutes  hautainnes  emprises.  Li 
François  le  haioient,  pour  ce  qu'il  le  ressongnoient.  Si 
l'oy  je  bien,  en  ce  temps,  plaindre  et  regreter  des  bons 
chevaliers  et  des  vaillans  de  France.  £t  disoient  ensi 
que  de  lui  estoit  grans  damages ,  et  mieuls  vausist  20 
qu'il  euist  esté  pris  que  mors;  car^  se  il  euist  esté  pris^ 
il  estoit  bien  si  sages  et  si  imaginatis  que  il  euist  trouvé 
aucun  moiien  ^  par  quoi  pais  euist  esté  entre  France 
et  Engleterre,  et  si  estoit  tant  amés  dou  roy  d'Engle- 
terre  et  de  ses  enfans  qu'il  l'euissent  creu  plus  25 
que  tout  le  monde.  Si  perdirent  François  et  Englès 
moult  à  se  mort,  ne  onques  je  n'en  oy  dire  aultre 
oose,  et  plus  li  Ënglès  que  li  François;  car  par  lui,  en 
GhianC)  euissent  esté  faites  toutes  recouvrances. 

§  646.  Apriès  le  mort  de  monsigneur  Jehan  Chan-  30 
dos,  fu  seneschaus  de  Poilo  messires  Thumas  de 


208  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [4370] 

Persi.  Or  reschei  la  terre  de  Saint  Salveur  le  Visconte 
à  donner  au  roy  d'Engleterre  ;  si  le  donna  à  un  sien 
chevalier,  qui  s'appelloit  messires  Alains  de  Bouque- 
sele^  appert  homme  d'armes  durement.  De  tout  l'a- 
5  voir  et  trésor  de  monsigneur  Jehan  Chandos,  où  bien 
avoit  quatre  cen^  mil  frans^  fu  hoirs  et  successères  li 
princes  de  Galles^  car  li  dessus  dis  ne  fu  onques  ma- 
riés, et  si  n'avoit  nul  enfant.  Assés  tost  apriès,  ftœent 
rançonnés  et  mis  à  finance  tout  li  compagnon  fran- 

10  çois^  qui  avoient  estet  pris  au  pont  à  Leuzach;  et 
payèrent  de  deniers  appareilliéS|  parmi  ce  que  li  rois 
de  France  les  aida.  Et  retournèrent  en  leurs  garnisons 
messires  Loeis  de  Saint  Juliien^  messires  Guillaumes 
des  Bordes  et  Keranloet,  Bretons. 

15  En  ce  temps^  estoient  aucun  chevalier  de  France  et 
d'Aquitainne  et  de  Gascongne,  en  grant  anoi  de  ce 
qu*il  veoient  ensi  la  guerre  des  deux  rois  moutepliier^ 
et  par  especial  li  sires  de  Couci,  à  qui  il  en  touchoit 
moult  et  devoit  bien  touchier^  car  il  tenoit  bel  hire- 

20  tage  et  grant  en  Engleterre^  tant  de  par  lui  que  de  par 
madame  sa  femme ,  qui  estoit  fille  dou  dit  roy^  à  la- 
quele  terre  il  couvenoit  qu'il  renonçast^  se  il  voloit 
servir  le  roy  de  France,  dont  il  estoit  de  nation  et 
d'armes..  Si  s'avisa  li  gentilz  sires  de  Couci,  qui  s*ap- 

25  pelloit  Engherans^  que  il  se  dissimuleroit  moiienne- 
ment  de  l'un  roy  etde  l'autre,  et  s'en  iroit  oubliier  le 
temps,  où  que  fust.  Si  ordonna  ses  besongnes  belle- 
ment et  sagement^  et  prist  congiet  dou  roy  de  France 
son  naturel  signeur^  et  se  parti  de  France  à  petite 

>  30  mesnie,  et  fist  tant  par  ses  journées,  qu'il  vint  en  Sa- 
voie. Là  f u  il  recheus  liement  et  honnourablement 
dou  dit  conte  et  des  barons  et  chevaliers  de  le  conté 


[i370]  LIVRE  PREMIER,  §  646.  209 

de  Savoie.  Et  quant  il  eut  là  esté  tant  que  bon  li  fu, 
il  s'en  parti  et  passa  oultre  et  entra  en  Lombardie,  et 
vint  devers  les  signeurs  de  Melans^  monsigneur  Ga- 
leas  et  monsigneur  Bernabo ,  où  il  tu  à  ce  commen- 
cement entre  yaus  li  bien  venus.  5 

Tout  en  tel  manière  se  départi  de  la  ducé  d'Aqui- 
tainne  messires  Aymenions  de  Pumiers^  qui  estoit 
chevaliers  dou  prince^  et  dist  que,  la  guerre  durant^ 
il  ne  s'armeroit  ne  pour  Pun  roy  ne  pour  l'autre.  Si 
s*en  ala  li  dessus  dis  oultre  mer,  en  Cippre  et  au  lO 
Saint  Sépulcre,  et  en  pluiseurs  aultres  biaus  volages. 

En  ce  temps ^  estoit  venus  à  Paris  li  contes  de  le 
Marce,  messires  Jehans  de  Bourbon^  d'un  lés,  qui  te- 
noit  sa  terre  dou  prince.  Et  volentiers  euist  veu  li  rois 
de  France  qu'il  euist  renvoiiet  son  hommage  au  prince   i5 
et  fust  demorés  François,  mes  li  dis  contes  n'en  volt 
adonc  riens  faire  ;  et  ossi  ne  fist  li  sires  de  Pierebu- 
fîère,  uns  banerès  de  Limozin,  qui  estoit  là  à  Paris  sus 
cel  estât.  Mais  doi  aultre  baron  et  grant  signeur  ma- 
lement  de  Limosin^  qui  estoient  à  Paris  ossi^  messi-  20 
res  Loeis ,  sires  de  Melval ,  et  messires .  Raimons  de 
Maruel^  ses  neveus,  qui  pour  ce  temps  se  tenoient  à 
Paris^  se  tournèrent  François^  et  lisent  depuis  par  leurs 
forterèces  grant  guerre  au  prince.  De  quoi  li  rois  d'En- 
gleterre  et  ses  consauls  estoient  moult  courouciet  que  25 
li  baron  de  Ghiane  et  li  chevalier  se  tournoient  ensi 
François  sans  nulle  contrainte ,  Fors  de  leur  volenté. 
Si  eut  conseil  li  dis  rois  d'Engleterre  qu'il  Feroit  es- 
crire  unes  lettres  ouvertes,  seeléesdeson  scel,  etapor- 
ter  par  deux  ou  trois  de  ses  chevaliers  en  Poito  et  en  30 
Aquitainne,  et  là  publiier  par  toutes  les  cités,  chastiaus 
et  bonnes  viltes. 

vu  —  14 


210  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1370] 

En  ce  temps,  fîi  delivtés  de  se  prison  d'Agen  mes- 
sires  Caponnés  de  Caponval  et  escangiés  pour  un  aul- 
tre  chevalier  dou  prince ,  qui  avoit  estet  pris  en  une 
escarmuce  devant  Pieregorth ,  messires  Thumas  Ba- 
5  lastre.  Mes  li  ciers  de  droit,  qui  envoiiés  avoit  esté 
avoecques  lui^  demora  à  Âgen,  car  il  morut  prison- 
niers^ et  li  dessus  dis  messires  Caponnés  revint  en 
France.  Or  parlerons  des  lettres  ouvertes  que  li  rois 
d'Engleterre  envoia  en  Aquitainnes. 

10       §  647.  Edowars,  par  le  grasce  de  Dieu,  roy  d'En- 
gleterre,  signeur  d'Irlande  et  d'Aquitainne ,  à   tous 
ceulz  qui  ces  présentes  lettres  verront  ou  oront,  salut. . 
Sachent  tout  que  nous,  considerans  et  regardans  di- 
ligamment  as  besongnes  des  metes  et  limitations  de 

15  nostre  signourie  d'Aquitainne,  ensi  comme  elle  s'es- 
tent de  cief  en  cor,  nous  avons  esté  présentement  en- 
fourmé  et  enditté  que,  pour  aucuns  molestes  et  gries 
fais  ou  empensés  à  faire  de  par  nostre  très  chier  fil  le 
prince  de  Galles  es  pays  dessus  dis,  [certaines  plaintes 

20  et  mu^murations  s'i  sont  nagaires  eslevées]  :  pour  quoi 
nous  sommes  tenu,  et  le  volons  es  tre,  de  obviier  et 
remediier  à  toutes  coses  indeues  et  touchans  hayne  et 
rancune  entre  nous  et  nos  feaulz  amis  et  subgès.  Si 
nonçons  et  prononçons,  certefîons  et  ratefions  que 

25  nous,  de  meure  et  bonne  volenté  et  par  grant  déli- 
bération de  nostre  conseil  à  ce  appelle,  volons  que 
noslre  très  chier  filz  le  princes  de  Galles  se  déporte  de 
toutes  actions  faites  ou  à  faire,  restitue  à  tous  ceulz 
et  celles  qui  grevé  ne  pressé  aroient  esté  par  lui,  par 

30  ses  gens  ou  officiiers  en  Aquitainne,  tous  cous,  frès, 
damages,  levés  ou  à  lever,  ou  nom  des  dittes  aydes  et 


[1370]  LIVRE  PREMIER,  S  647.  211 

fouages.  Et,  se  aucun  des  nostres  feauls  sougès  et  amis, 
tant  prelas  comme  gens  d'église^  universités^  collè- 
ges, evesques,  contes,  viscontes,  barons,  chevaliers, 
communautés  et  gens  des  cités  et  bonnes  villes,  se 
soient  retourné  et  se  voellent  tenir,  par  mauvaise  in-    5 
formation  et  povre  avis,  à  Foppinion  de  nostre  adver- 
saire de  France,  nous  leur  pardonnons  ce  méfiait,  se, 
ces  lettres  veues,  se  retournent  vers  nous,  ou  un  mois 
apriès.  Et  prions  à  tous  nos  loyaus  et  certains  amis 
et  feaulz  que  il  se  tiegnent  en  segur  estât,  tant  que   lo 
de  leurs  fois  et  hommages  il  ne  soient  reprocié,  la- 
quelle cose  nous  desplairoit  grandement,  et  le  verions 
trop  envis.  Et,  se  de  nostre  chier  fil  le  prince  ou  des 
officiiers  ses  gens  il  se  plaindent  à  présent  qu'il  soient 
grevé  ou  pressé  ou  aient  esté  dou  temps  passé,  nous  15 
leur  ferons  amender  si  grandement  que  par  raison  i 
devera  souffire,  pour  nourir  pais,  amour,  concorde  et 
unité  entre  nous,  nostre  fil  et  ceulz  des  marces  et  li- 
mitations dessus  dittes.  Et  pour  ce  qu'il  tiengnent  ces 
coses  en  vérité ,  nous  volons  que  cescuns  prende  et  20 
ait  le  copie  de  ces  présentes,  lesqueles  nous  avons 
solenelment  juret  à  tenir  fermement  et  non  enfrain- 
dre ,  sus  le  corps  de  Jhesu  Crist ,  présent  nostre  très 
chier  fil  Jehan  duch  de  Lancastre,  Guillaume  conte  de 
Sallebrin,  le  conte  de  Warvich,  le  conte  de  Herfort,   25 
Gautier  de  Mauni,  le  baron  de  Persi  et  cesti  de  Nuef- 
ville,  de  Lussi  et  de  Stanfort,  Richart  de  Pennebruge, 
Rogier  de  Biaucamp,  Gui  de  Briane,  le  sîgneur  de 
Manne,  cesti  de  le  Vare,  Alain  de  Boukesele  et  Ri- 
chart Sturi,  chevaliers.  Donné  en  nostre  palais  de  30 
Wesmoustier,  Tan  de  nostre  règne  quarante  qua- 
trime,  le  quinzime  jour  de  novembre. 


142  ^     CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1370] 

§  648.  Ces  lettres  furent  aportées  par  deux  cheva- 
liers de  l'ostel  dou  roy  d^Engleterre  en  le  prineeté  et 
ducainné  d'Aquitainne,  et  notefiies  et  publiies  partout^ 
et  proprement  les  copies  secrètement  envoiies  à  Paris 
5  devers  le  visconte  de  Rocewart,  le  signeur  de  Mel- 
val,  le  signeur  de  Moruel  et  les  aultres  qui  là  se  te- 
noient,  ou  ailleurs  à  chiaus  qui  François  retourné 
s'estoient.  Mes,  pour  cose  que  ces  lettres  envoiies  fuisr 
sent  publiies  parmi  le  dit  pays  d*Aquitainne,  je  n'oy 

10  point  dire  que  nulz  en  laiast  pour  ce  à  faire  sen  en- 
tente^ mes  se  retournoient  encores  tous  les  jours^  et 
conqueroient  toutdis  li  François  avant. 

Et  avint  que  messires  Loeis  de  Saint  Juliien^  sitos 
qu'il  fu  retournés  en  le  Roce  de  Ponsoy,  et  que  messi- 

15  res  Guillaumes  des  Bordes  fu  retournés  en  le  garnison 
de  le  Haie  en  Tourainne^  et  Keranloet  à  Saint  Salvin^ 
il  misent  secrètement  sus  une  chevaucie  de  gens  d'ar- 
mes et  de  compagnons  y  et  vinrent  escieller^  sus  un 
ajournement^  le  ville  de  Cbastielerraut,  et  eurent  pries 

so  atrapé  monsigneur  Loeis  de  Harcourt^  qui  dormoit 
en  son  hostel  en  le  ditte  ville  et  qui  de  ce  ne  se  don- 
noit  garde.  Si  n'eut  plus  de  retour  que  il  s'enfui  en 
purs  ses  linges  draps^  et  tous  descaus^  de  maison  en 
maison  et  de  jardin  en  jardin,  et  fist  tant  que  il  s'en 

25  vint  bouter  sus  le  pont  de  Chastielerraut ,  que  ses 
gens  avoient  fortefiiet.  Là  se  sauva  il  et  recueilla  et  s'i 
tint  un  grant  temps.  Mes  li  François  et  li  Breton  fu- 
rent signeur  et  mestre  de  le  ville,  et  en  fisent  une 
grande  et  belle  garnison^  et  en  fu  Keranloet  capi- 

30  tainne  ;  et  venoient  tous  les  jours  li  Breton  combatre 
à  chiaus  dou  dit  pont  y  et  là  eut  fait  tamainte  grant 
escarmuce  et  apertise  d'armes. 


[i370]  LIVRE  PREMIER,  $  649.  213 

§  649.  Li  dus  Loeis  de  Bourbon^  qui  sentoit  les 
Englès  et  les  Compagnes  en  son  pays  de  Bourbonnois, 
et  comment  Hortingo,Bemars  de  Wisc  et  Bernarsde 
la  Salle  tenoient  son  chastiel  de  Belleperce  et  madame 
sa  mère  dedens,  se  li  tournoit  à  grant  desplaisance  5 
et  vii^ngne^  s'avisa  que  il  metteroit  sus  une  che- 
vaucie  de  gens  d^armes^  et  venroit  mettre  le  siège  par 
devant  le  dit  chastiel,  et  ne  s*en  partiroit  si  le  raroit. 
Si  en  parla  au  roy  de  France  :  li  rois  li  acorda  legie- 
rement  et  dist  qu'il  li  aideroit  à  faire  son  fait  et  son  lo 
siège  de  gens  et  de  mise.  Si  se  parti  li  dis  dus  de  Pa- 
ris, et  fist  son  mandement  à  Moulins  en  Auvei^e  et 
à  Saint  Poursin^  et  eut  tantost  grant  fuison  de  gens 
d'armes  et  de  bons  combatans.  Et  le  vint  servir  li  si- 
res de  Biaugeu  à  deux  cens  lances^  li  sires  de  Villars  15 
et  de  Roussellon  à  cent  lances^  et  grant  fuison  de  ba- 
rons et  de  chevaliers  d'Auvergne  et  de  Forès^  dont  il 
estoit  sires  de  par  madame  sa  femme ,  fille  à  ce  gen*- 
til  signeur  monseigneur  Beraut^  conte  daufîn  d*Au- 
vergne.  20 

Si  s'en  vint  li  dessus  dis  dus  logier  et  amanagier 
devant  le  chastiel  de  Belleperce ,  et  y  fist  devant  une 
bastide  grande  et  grosse^  où  ses  gens  se  tenoient  et 
retraioient  à  couvert  tous  les  soirs ,  et  tous  tes  jours 
venoient  escarmucier  à  chiaus  dou  fort.  Et  a  voit  li  25 
dis  dus  de  Bourbon  là  fait  venir,  amener  et  acha- 
riier  jusques  à  quatre  grans  enghiens^  qui  estoient 
levé  et  drecié  devant  le  forterèce,  liquel  jettoient  à 
l'estrivée,  nuit  et  jour^  pierres  et  mangonniaus^  tele- 
ment  qu'il  desrompoient  et  brisoient  tous  les  combles  so 
des  tours  et  de  le  maison ,  et  abatirent  le  plus  grant 
partie  des  tois.  De  quoi  la  mère  dou  duch  de  Bour- 


244  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [4370] 

bon^  qui  laiens  estoit  prisonnière  en  son  chastiel^  es- 
toît  durement  eilraée  et  grevée  pour  les  engiens ,  et 
fist  pluiseurs  priières  à  son  fil  le  duch  de  Bourbon , 
quHl  se  Yolsist  cesser  de  cel  assaut  des  engiens  qui  si 

5  le  grevoient*  Mes  li  dus  de  Bourbon^  qui  bien  savoit 
et  supposoit  que  ceste  requeste  venoit  de  ses  enne- 
misy  respondoit  que  ja  ne  s'en  deporteroit,  pour  cose 

^.  qui  avenir  en  peuist. 

Quant  li  compagnon  dou  fort  veirent  comment  il 

10  estoient  pressé  et  grevé,  et  que  tous  les  jours  mou- 
teplioit  li  effors  des  François,  car  en  cor  y  estoit  venus 
de  recief  messires  Loeis  de  Sanssoirre,  mareschaus  de 
France,  à  tout  grant  fuison  de  gens  d*armes,  si  s'avi- 
sèrent qu'il  manderoient  et  segnefieroient  leur  po- 

15  vreté  à  monsigneur  Jehan  d'Evrues,  seneschal  de  Li- 
mozin,  qui  se  tenoit  à  le  Soteresne,  à  deux  journées 
petites  d'yaus,  et  qui  savoit  comment  li  signeur  de 
Poito  et  de  Gascongne ,  en  celle  anée ,  quant  il  par- 
tirent de  le  chevaucie  de  Quersin,  leur  eurent  en  cou- 

20  vent  sus  leurs  fois  que,  se  il  prendoient  forterèce  en 
France  et  il  y  estoient  assegiet,  il  seroient  conforté. 
Si  escrisirent  tantost  lettres,  et  envoyèrent  de  nuit  un 
de  leurs  variés  à  le  Soteresne  devers  monsigneur  Jehan 
d'Evrues. 

25  Li  dis  messires  Jehans  d'Evrues  recogneut  bien 
les  ensengnes,  et  respondi,  quant  il  eut  leu  les 
lettres,  qu'il  s'en  aquitteroit  bien  et  volentiers,  et  ilz 
meismes,  pour  mieulz  esploitier,  iroit  en  Angouloime 
devers  le  prince  et  les  signeurs  qui  là  estoient,  et  les 

so  enditteroit  telement  que  cil  de  Belleperce  seroient 
conforté  et  délivré  de  ce  péril.  Si  se  parti  li  dis  mes- 
sires Jehans,  quant  il  eut  recommendé  sa  garnison  à 


[1370]  LITRE  PREMIER,  §  64&.  245 

ses  compagnons^  et  chevauça  tant  par  ses  journées 
qu'il  vint  en  Angouloime.  Là  trouva  il  le  conte  de 
Cantbruge,  le  conte  de  Pennebruch,  messire  Jehan 
de  Montagut^  messire  Robert  Canolle,  monsigneur 
Thumas  de  Persi^  monsigneur  Thumas  de  Felleton,  5 
monsigneur  Guiçs^rt  d'Angle,  le  captai  et  pluiseurs 
autres  chevaliers.  Si  leur  remoustra  bellement  et  sa- 
gement comment  li  compagnon  estoient  astraint  et 
assegiet  ou  chastiel  de  Belleperce,  dou  duch  de  Bour- 
bon,  dou  conte  de  Saint  Fol  et  des  François.  A  ces  lo 
parolles  entendirent  li  chevalier  de  Poito  et  d'Engle- 
terre  volentiers,  et  respondirent  qu'il  seroient  con- 
forté^ si  com  on  leur  avoit  prommis. 

De  ceste  bésongne  et  pour  aler  celle  part  furent  car- 
giet  li  contes  de  Cantbruge  et  li  contes  de  Pennebruch;   15 
et  fîst  tantost  un  mandement  li  princes  à  tous  ses  feaulz 
et  subgès,  que,  ses  lettres  veues,  on  se  traisist  devers 
le  cité  de  Limoges.  Donc  s'avancièrent  chevalier,  es- 
cuier.  Compagnes  et  gens  d'armes,  et  vinrent  là  où  il 
estoient  mandé  et  ordonné.  Si  en  y  eut  grant  fuison,   20 
quant  il  furent  tout  assamblé,  plus  de  quinze  cens  lan- 
ces et  trois  mil  d'autres  gens,  et  esploitièrent  tant  qu'il 
vinrent  devant  Belleperce,  et  se  logièrent  et  ordonnè- 
rent à  l'opposite  des  François,  qui  se  tenoient  en  leur 
bastide  ossi  belle  et  ossi  forte  et  environnée  d'aiguë  25 
comme  une  bonne  ville  seroit.  Si  se  logièrent  li  En- 
glès  et  li  Poitevin  à  ce  commencement  assés  diverse- 
ment ,  pour  estre  à  l'aise  d'yaus  et  de  leurs  chevaus , 
car  U  faisoit  froit  et  lait  ensi  comme  en  yvier.  Si  n'a- 
voient  mies  toutes  leurs  aises,  et  si  avoit  estet  tous  30 
li  pays  robes  et  pilliés  des  gens  d'armes  et  des  Com- 
pagnes alans  et  venans,  pour  quoi  il  ne  recouvroient 


216  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1370] 

de  nulz  vivres  fors  à  dangier,  et  ne  savoienl  leur  fou- 
reur  où  fourer^  fors  sus  yaus  meismes;  mais  on  leur 
amenoit^  quant  on  pooit,  vivres  de  Poito  et  des  mar- 
ées voisines. 

5  Or  segnefîa  adone  li  dis  mareschaus  de  France^ 
messires  Loeis  de  Sanssoire^  Tordenance  et  l'estat  des 
Englès  à  Paris  au  roy  et  as  chevaliers  qui  là  se  te- 
noient^  et  en  fist  mettre  et  ataehier  eedules  au  palais 
et  ailleurs^  en  disant  :  «  Entre  vous  y  chevalier  et  es- 

10  cuier^  qui  désirés  à  trouver  les  armes  et  qui  les  deman- 
dés, je  vous  avise  et  di  pour  vérité  que  li  contes  de 
Cantbruges  et  li  contes  de  Pennebruch  et  leurs  gens 
sont  venu  devant  Belleperce,  en  istance  de  ce  que 
pour  lever  le  siège  de  nos  gens^  qui  là  nous  sommes 

\h  longement  tenu  et  qui  tant  avons  astraint  la  ditte  for- 
terèce ,  qu'il  fault  qu^elle  se  rende  temprement ,  ou 
nous  soions  combatu  et  levé  par  force  d'armes.  Si 
venés  celle  part  hasteement,  et  là  trouvères  vous  au- 
cun grant  fait  d'armes^  et  sachiés  que  li  Englès  gisent 

20  assés  diversement,  et  sont  bien  en  lieu  et  en  parti  pour 
yaus  porter  damage.  »  Je  croi  bien  que,  à  le  moni- 
tion  et  requeste  dou  dit  mareschal ,  aucun  bon  che- 
valier et  escuier  dou  royaume  de  France  s'avanciè- 
rent  pour  traire  celle  part.  Toutes  fois  sçai  je  bien 

25  que  li  gouvrenères  de  Blois  ^  Alars  de  Donsceneue , 
à  tout  cinquante  lances,  y  vint^  et  ossi  fîsent  li  contes 
de  Porsiien  et  messires  Hues  de  Porsiien^  ses  frères. 

§  650.  Quant  li  contes  de  Canbruge  et  li  contes 
de  Pennebruch  et  li  baron  de  Poito  et  d'Aquitainnes, 
30  qui  là  estoient  moult  estoffeement^  eurent  estet  de- 
vant les  François  et  ossi  devant  Belleperce  le  terme 


[1370]  LIVRE  PREMIBR,  %  650.  217 

de  quinze  jours  ^  et  il  veirent  que  point  n'issoient  de 
leur  bastide  pour  yaus  venir  eombatre ,  si  eurent 
conseil  et  avis  que  d'envoiier  un  hiraut  d'armes  de- 
vers yaus,  pour  savoir  quel  cose  il  voloient  faire.  Si 
en  fu  Chandos  li  hiraus  eargiés,  endittés  et  enfourmés  5 
quel  cose  il  leur  diroit.  Tant  esploita  li  dessus  dis 
qu'il  vint  devers  le  duch  de  Bourbon ,  qui  là  estoit 
entre  ses  gens.  Si  dist  li  hiraus  ensi  :  n  Monsigneur, 
mi  mestre  et  signeur  m'envoient  devers  vous  et  vous 
font  à  savoir  par  mi,  qu'il  sont  trop  esmervilliet  de  10 
ce  que  vous  les  avés  sceus  ja  le  terme  de  quinze 
jours  devant  vous,  et  si  n'estes  point  issus  de  vostre 
fort  pour  yaus  eombatre.  Si  vous  mandent  que ,  se 
vous  volés  traire  hors  et  venir  devers  yaus  pour  eom- 
batre, il  vous  lairont  prendre  et  aviser  pièce  de  terre,  15 
pour  vous  et  yaus  eombatre  ensamble.  Si  en  ait  le 
victore  cilz  à  qui  Diex  l'ordonnera.  » 

  ceste  paroUe  respondi  li  dus  de  Bourbon  et  dist  : 
«  Chandos,  vous  dires  à  vos  mestres  que  je  ne  me  com- 
bâterai  point  à  leur  volenté  et  ordenance.  Et  bien  sçai  20 
voirement  qu'il  sont  là^  mes  point  ne  me  partirai  de 
ci,  ne  delSerai  mon  siège,  si  arai  racquis  le  chastiel  de 
Belleperce.  »  —  «  Monseigneur,  dist  li  hiraus,  je  leur 
dirai  bien  ensi.  »  Lors  se  départi  sus  cel  estât  Chan- 
dos, et  retourna  devers  ses- mestres  et  leur  fist  ceste  26 
response.  Si  ne  leur  plaisi  mies  bien ,  et  se  remisent 
en  conseil  ensamble.  Issu  de  ce  conseil,  il  disent 
à  Chandos  aultres  paroUes,  lesquelles  il  voloient  qu'il 
raportast  as  François,  si  com  il  fist;  et  leur  dist  de 
recief,  quant  il  fu  revenus  :  <c  Signeur,  mi  signeur  et  30 
mestre  vous  mandent  par  moy  que,  puisque  eomba- 
tre ne  traire  hors  de  vos  logeis  ne  volés,  ne  le  pa- 


Si  8  CHRONIQUES  JX  J.  FROISSART.  [4370] 

reçon  prendre  qu'il  vous  ont  fait^  que,  dedens  trois 
jours,  sire  dux  de  Bourbon,  à  heure  de  tierce  ou  de 
miedi^  vous  verés  vostre  dame  de  mère  mettre  à  che- 
val et  mener  ent  en  voies.  Si  aiiés  avis  sur  ce^  et  le 
5  rescoués,  se  vous  volés  ou  poés.  » 

Lors  respondi  li  dus  de  Bourbon^  et  dist  :  u  Chan* 
dos,  Chandos^  dittes  à  vostres  mestres  que  il  guerrient 
mal  honourablement^  quant  une  anciienne  femme^  as- 
seulée  entre  ses  gens,  il  ont  pris  et  Ten  voelent  mener 

10  et  ravir  comme  prisonnière.  Et  point  n'a  on  veu^  en 
guerre  de  signeurs^  dou  temps  passée  que  les  dames  et 
damoiselles  y  fussent  prises  ne  ravies.  De  madame  ma 
mère  me  desplaira^  se  je  l'en  voi  mener^  et  le  rarons 
quant  nous  porons^  mes  la  forterèce  n*enmenront  il 

15  point.  Geste  nous  demorra,  et  pour  ce  que  vous  nous 
avés  ci  mis  avant  des  pareçons^  vous  dires  encores  à 
vos  mestres  que,  se  il  voelent  mettre  sus  les  camps 
jusques  à  cinquante  hommes  d'armes,  nous  en  y 
metterons  ossi  otant.  Si  en  ait  qui  en  poet  avoir.  » 

20  —  a  Monsigneur,  dist  li  hiraus ,  je  leur  dirai  volen- 
tiers  tout  ensi.  »  A  ces  mos,  se  départi  Chandos  d'yaus 
et  prist  congiet,  et  s'en  revint  arrière  devers  le  conte 
de  Cantbrugeet  le  conte  de  Pennebruch  et  les  aul- 
tres,  à  qui  il  fîst  se  relation.  A  le  pareçon  que  li  dus 

25  de  Bourbon  leur  envoia,  n'eurent  il  point  conseil 
d'entendre.  Si  s'ordonnèrent  selonc  ce  que  pour 
partir  de  là  et  mener  ent  la  dame  et  chiaus  dou  fort, 
qui  estoient  grandement  ennoiiet  et  travilliet  des  en- 
ghiens  de  l'ost. 

30  §  651 .  Quant  ce  vint  au  jour  que  li  Englès  mis  et 
ordonné  y  avoient,  il  sonnèrent  au  matin  leurs  trom- 


j 


[i370]  LIVRE  PREMIER,  §  6»2.  219 

pètes.  Si  s^annèrent  et  apparillièrent  toutes  gens ,  et 
se  traisent  sus  les  camps  tout  en  arroy  de  bataille ,  à 
piet  et  à  cheval,  ensi  que  pour  combatre,  banièrcs  et 
pennons  devant  yaus.  El  là  leva  ce  jour  banière  mes- 
sires  Jehans  de  Montagut^  neveus  au  conte  de  Salle-  5 
brin.  En  cel  estât  où  il  estoient^  tout  ordonné  et  ap- 
pareilliez ensi  que  je  vous  recorde,  et  pipoient  et 
comoient  leur  ménestrel  en  grant  reviel,  à  heure  de 
tierce,  il  lisent  vuidier  et  partir  chiaus  de  le  forterèce 
de  Belleperce  et  madame  de  Bourbon^  et  le  lisent  mon-  10 
ter  sus  un  palefroi  bien  ordonné  et  arrêt  pour  lui, 
et  ses  dames  et  damoiselles  avoech  lui.  Tout  ce 
pooient  veoir  li  François  qui  estoient  en  leurs  logeis, 
se  il  voloient,  et  bien  le  veirent  ;  mes  onques  ne  s'en 
meurent  ne  bougièrent.  15 

Si  se  départirent  li  Englès  et  leurs  routes  à  heure 
de  midi;  et  adestroient  la  ditte  dame  messires  Eus- 
tasses  d'Aubrecicourt  et  messires  Jehans  d'Evrues.  Si 
se  traisent  en  cel  estât  en  le  princeté  ;  et  demora  la 
dame  une  espasse  de  temps  prisonnière  as  dittes  30 
Compagnes,  en  le  Roce  Vauclère,  en  Limozin.  Mes 
onques  ne  pleut  bien  sa  prise  au  prince;  et  disoit, 
quant  on  l'en  parloit^  que,  se  aultres  gens  Teuissent 
pris  que  Compagnes,  il  leur  euist  fait  remettre  arrière 
tantos.  Et  quant  Ji  dessus  dit  compagnon  qui  le  te-  25 
noient,  l'en  parloient,  il  leur  disoit,  quel  trettié  ne 
marchié  qu'il  fesissent,  il  reuist  son  chevalier,  mon- 
signeur  Symon  Burlé,  que  li  Franchois  tenoient. 


§  652.  Vous  devés  savoir  que  li  dus  de  Bourbon 
fu  ce  jour  moult  courouciés  que  li  Englès  en  menè- 
rent madame  sa  mère.  Assés  tost  apriès  leur  depar- 


30 


2f0  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1370] 

tement^  il  se  iraist  avant  et  envoia  ses  gens  prendre 
et  saisir  comme  sien  le  ehastiel  de  Belleperce  que  li 
Englès  avoient  laissiet  tout  vaghe.  Si  le  fist  li  dis  dus 
remparer,  rapareiliier  et  refortefiier  mieulz  que  de- 

5  vant.  Ensi  se  def&st  et  se  départi  ceste  grande  che- 
vaueie  :  cescuns  se  re trais t  sus  son  lieu^  et  s'en  râlè- 
rent li  François  en  leurs  garnisons^  et  li  dus  de  Bour- 
bon retourna  en  France ,  et  li  contes  de  Cantbruge 
se  tint  en  Angouloime  dalés  son  frère  le  prince,  et  li 

10  contes  de  Pennebruch^  o  chiaus  de  se  carge^  s'en  vint 
tenir  en  Mortagne  sus  mer,  en  Poito.  Si  s'espardirent 
ces  Compagnes  et  ces  gens  d'armes  qui  estoient  re- 
tourné de  Belleperce,  en  Poito  et  en  Saintonge,  et 
esvuidoient  de  vivres  tout  le  pays ,  et  encores  y  fai- 

15  soient  il  moult  de  maulz  et  de  villains  fais^  ne  il  ne 
s'en  savoient  ne  pooient  abstenir. 

Assés  tost  apriès,  se  départi  dou  prince  messires 
Robers  CanoUes,  et  retourna  en  Bretagne  en  son 
ehastiel  de  Derval.  Si  n'eut  pas  esté  là  un  mois, 

20  quant  li  rois  d*Engleterre  li  manda  que  il  passast 
mer  et  le  venist  veoir  en  Engleterre.  A  ce  mande- 
ment obéi  li  dis  messires  Robers  CanoUes,  et  s'or- 
donna et  appareilla  selonch  ce,  et  entra  en  mer  et 
singla  tant  qu'il  vint  en  CornuaiUe.  Là  prist  il  terre 

25  en  le  Roce  Saint  Michiel,  et  puis  chevauça  tant 
parmi  le  pays  qu'il  vint  à  Windesore,  où  il  trouva  le 
roy  qui  le  reçut  liement,  et  ossi  fisent  tout  li  baron 
d'Engleterre,  pour  tant  qu'il  en  pensoient  bien  avoir 
besongne ,  et  qu'il  estoit  uns  grans  capitains  et  me- 

30  nères  de  gens  d'armes. 

§  653.   En  ce  temps,   se  départi  li  dus  d'Ango 


[1370]  LIVRE  PREMIER,  §  653.  m 

de  le  cité  de  Thoulouse^  et  chevauça  en  grant  arroi 
parmi  le  royaume  de  France  et  esploita  tant  par  ses 
journées  qu'il  vint  en  le  bonne  cité  de  Paris.  Là 
trouva  il  le  roy  son  frère  et  le  duch  de  Berri  et  le 
duch  de  Bourgongne  ses  aultres  frères,  qui  le  rechu-  5 
rent  liement  et  doucement.  Et  eurent  adont  li  quatre 
frère  ^  le  terme  pendant  qu'il  furent  ensamble  à 
Paris^  pluiseurs  consaulz  et  consultations  ensamble 
sus  l'estat  des  besongnes  dou  dit  royaume^  à  savoir 
comiment  il  guerrieroient  et  se  maintenroient  sus  10 
l'esté  à  venir.  £t  fri  adonc  ordonné  et  proposé  que  on 
feroit  deus  grans  et  grosses  armées  et  chevaucies  en  le 
ducé  d'Aquitainnes,  desqueles  li  dus  d'Ango  et  se  route 
gouATcneroit  l'une  et  enteroit  en  Ghiane  par  devers 
le  Riolle  et  Bregerach,  et  li  dus  de  Berri  au  lés  devers  15 
Limoges  et  Quersin.  £t  se  dévoient  ces  deus  armées 
trouver  devant  le  cité  d'Angouloime  et  là  dedens  asse- 
gier  le  prince.  Encores  fri  adonc  proposé  et  avisé  par 
grant  délibération  de  conseil  que  on  remanderoit  en 
Castille  monsigneur  Bertran  de  Claiekin,  ce  vaillant  20 
chevalier,  qui  si  loyaument  s*estoit  combatus  pour  la 
couronne  de  France,  et  qu'il  seroit  priiés  d'estre  con- 
nestables  de  France. 

Quant  li  rois  Charles  et  si  frère  et  leurs  consaulz 
eurent  tout  ordonné  et  jette  leur  pourpos  ensi  qu'il  25 
voloient  que  il  se  fesist^  et  il  se  fru^ent  esbatu  un 
grant  temps  ensamble  et  ce  vint  à  l'entrée  dou 
mois  de  may^  li  dus  d'Ango  prîst  congiet  à  yaus 
tous  pour  retourner  premièrement  en  son  pays,  pour 
tant  qu'il  avoit  le  plus  lontain  chemin  à  faire.  Si  30 
fu  convoiiés  des  barons  et  de  chevaliers  de  France, 
pour  ce  qu'il  en  estoit  durement  bien  amés  et  re- 


%n  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1370] 

commendës.  Si  chevauça  ii  dis  dus  par  ses  journées 
tant  et  si  bien  esploita  qu'il  vint  à  Montpellier^  et 
là  séjourna  plus  d'un  mois ,  et  puis  revint  à  Thou- 
louse.  Si  se  pourvei  tantost  de  gens  d'armes  partout 
5  où  il  les  peut  avoir^  et  ja  en  avoit  il  grant  fuison 
qui  se  tenoient  sus  les  camps  et  faisoient  frontière  as 
Englèsy  en  Roerge  et  en  Quersin.  Car  le  Petit  Mes- 
cliiny  Ëmaudon  de  Paus,  Perros  de  Savoie,  le  bour 
Camus,  Antone  le  Nègre^  Lamit^  Jakes  de  Bray  et 

10  grant  fuison  de  leurs  routes  s'estoient  tenu  toute  le 
saison  environ  Chaours,  et  avoient  honni  et  apovri 
tout  le  pays.  D'autre  part,  li  dus  de  Berri  s* en  revint 
à  Bourghes  en  Berri^  et  fist  un  très  grant  mandement 
de  chevaliers  et  d'escuiers  d'Auvergne,  de  France  et 

15  de  Bourgongne.  Ossi  li  dus  de  Bourbon  se  retray  en 
son  pays^  et  fist  sa  semonse  pour  estre  en  ceste 
chevaucie,  et  assambla  grant  fuison  de  chevaliers  et 
d'escuiers  de  le  conté  de  Forés  et  de  Bourbonnois. 
Li  contes    Pierres   d'Alençon    et   messires   Robers 

20  d'Alençon  ses  frères  se  pourveirent  d'autre  part  bien 
et  estoffeement. 

En  celle  saison,  estoit  revenus  de  Prusce  messires 
Guis  de  Blois,  qui  là  avoit  esté  chevaliers  fais  nou*- 
vellement  et  avoit  levé  banière  à  une  escarmuce  et 

25  grande  rèse  qui  fu  faite  sus  les  ennemis  de  Dieu  : 
siques,  sitos  que  li  gentilz  chevaliers  fii  retournés  en 
Haynau,  et  il  oy  nouvelles  de  ceste  chevaucie  qui  se 
faisoit  et  devoit  faire  de  ses  cousins  de  France  en  la 
ducé  d'Aquitainne^  il  se  pourvei  bien  et  grossement 

30  pour  y  aler.  Et  se  parti  de  Haynau  à  tout  son  arroy,  et 
s'en  vint  à  Paris  représenter  au  roy  qui  le  vei  moult 
volentiers  et  qui  l'ordonna  d'aler  avoec  le  duc  de 


[1370]  LIVRE  PREMIER,  §  654.  223 

Berri  en  ceste  chevaucie^  à  une  carge  de  gens  d'armes^ 
chevaliers  et  escuiers.  Si  se  parti  tantost  messires 
Guis  de  Blois  de  le  cité  de  Paris ,  et  chevauça  vers 
Orliiens  pour  venir  en  Berri. 

§  654.  Tout  en  tele  manière  que  li  rois  de  France     5 
avoit  ordonné  ses  années  et  ses  chevaucies^  ordonna 
li  rois  d'Engleterre  en  celle  saison  deus  armées   et 
chevaucies.  Et  fu  ensi  fait  que  li  dus  de  Lancastre 
s'en  iroît  à  quatre  cens  hommes  d'armes  et  otant 
d^arciers  en  la  ducé  d'Aquitainne  pour  conforter  ses  lo 
frères^  car  on  supposoit  bien  en  ce  parti  que  là  se 
trairoient   les  plus  fortes  guerres   pour  le  saison. 
Avoech  tout  ce ,  li  rois  d'Engleterre  et  ses  consaulz 
jettèrent  leur  avis  que  il  feroient  une  armée  de  gens 
d'armes  et  d'arciers  pour  envoiier  en  Pikardie,  de   15 
laquele  seroit  chiés  messires  Robers  Ganoiles^  qui 
bien  se  savoit  ensonniier  de  mener  et  gouvrener 
gens  d'armes  et  routes,  car  il  Tavoit  usé  de  grant 
temps.  Messires  Robers  à  le  priière  et  ordenance  dou 
roy  d'Engleterre  et  de  son  conseil  descendi  liement,   20 
et   emprist   ce  voiage  à  faire  et  ariver  Calais^  et 
de  passer  parmi  le  royaume  de  France  et  de  com- 
batre  les  François,  se  il  se  mettoient  contre  lui  as 
camps  :  de  ce  se  tênoit  il  pour  tous  confortés.  Si 
se  pourvei  selonch  ce  bien  et  grandement^  et  ossi  25 
fisent  tout  cil  qui  avoecques  lui  dévoient  aler  en  ce 
voiage. 

En  ce  temps  ^  fu  délivrée  de  sa  prison  la  mère  au 
duch  de  Bourbon  en  escange  pour  monsigneur  Sy- 
mon  Burlé,  chevalier  dou  prince.  Et  aida  grande-  30 
ment  à  faire  les  trettiés  et  les  pourcas  de  se  deli- 


/ 


224  CHRONIQUES  D£  J.  FROISSART.  [1370] 

vrance  messires  Eustasses  d'Aubrecicourt,  de  quoi  li 
dus  de  Bourbon  et  la  royne  de  France  l'en  sceurent 
bon  gré. 

Toute  celle  saison ,  avoient  esté  grant  trettié  et 
j     grant  parlement  entre  le  conseil  dou  roy  de  France 
et  le  conseil  dou  roy  de  Navare  qui  se  tenoit  à  Chie- 
rebourch.  Et  tant  s'ensonniièrent  les  parties  de  l'un 
roy  et  de  l'autre,  que  on  remoustra  au  roy  de  France, 
qu'il  n'a  voit  que  faire  de  tenir  hayne  à  son  serourge, 
10  le  roy  de  Navare,  et  qu'il  avoit,   pour  le  présent, 
guerre  assés  as  Englès,  et  trop  mieulz  valoit  que  il 
laissast  aler  aucune  cose  dou  sien,   que  plus  grans 
maulz  en  sourdissent;  car,  se  il  voloit  consentir  à 
ariver  les  Englès  en  ses  forterèces  dou  clos  de  Cous- 
is  tentin,  il  greveroient  trop  le  pays  de   Normendie, 
laquele  cose  faisoit  bien  à  considérer  et  resongnier. 
Tant  fu  li  rois  de  France  endittés  et  preeciés,  qu'il 
s'acorda  à  le  pais,  et  vint  en  le  cité  de  Roem,  et  là 
furent  tout   li  trettié  remis  avant  et  confermé.  Et 
20  alèrent  devers  le  roy  de  Navare  li  arcevesques  de 
Roem,  li  contes  d'Alençon,  li  contes  de  Sallebruce, 
messires  Guillaumes  de  Dormans  et  messires  Robers 
de  Lorris  :  si  le  trouvèrent  à  Yrenon.  Là  y  eut  grans 
disners  et  biaus,  et  grans  festes,  et  puis  amenèrent  li 
25   dessus  nommé  le  dit  roy  de  Navare  à  Roem  devers 
le  roy  de  France.   Là  furent  de  recief  toutes  les 
alliances  et  confédérations  faites,  jurées,  escriptes  et 
seelées.  Et    me  samble  que  li  rois  de  Navare,  par 
pais  faisant,  de  voit  renoncier  à  tous  couvens  et  pro- 
30   ces  d'amour,  qui  estoient  entre  lui  et  le  roy  d'Engle- 
terre,  et,  lui  revenu  en  Navare,  il  devoit  faire  def- 
fiier  le  roy  d'Engleterre.  Et,  pour  plus  grant  seurté 


[4370]  LIVRE  PREMIER,  §  655.  225 

d'amour  tenir  et  nourir  entre  lui  et  le  roy  de  France, 
il  devoit  laiier  ses  deus  fîlz,  Charle  et  Pierre,  dalés 
leur  oncle  le  roy  de  France. 

Sus  cel  estât  9  il  se  partirent  ensamble  de  Roem, 
et  vinrent  en  le  cité  de  Paris.  Et  là  eut  de  rechief  5 
grans  festes  et  grans  solennités,  et  quant  il  eurent 
assés  jeué  et  festié  ensemble ,  congiés  fu  pris.  Et  se 
parti  li  rois  de  Navare  moult  amiablement  dou  roy 
de  France,  et  laissa  ses  deus  enfans  avoecques  leur 
oncle,  et  puis  prist  le  chemin  de  Montpellier,  et  re-  lO 
tourna  par  là  en  le  conté  de  Fois  et  puis  en  son 
pays  de  Navare.  Or  retournions  nous  as  besongnes 
d'Aquitainnes. 

§  655.  Vous  savés,  si  com  ci  dessus  est  dit,  com- 
ment li  dus  d'Ango  avoit  esté  en  France,  sus  Testât  15 
que,  lui  revenu  en  le  Langue  d'Ok,  entrer  effbrciement 
en  Ghiane;  car  nullement  il  ne  pooit  amer  le  prince 
et  les  Englès,  ne  ne  fist  onques.  Ossi  ains  son  dépar- 
tement, par  le  promotion  de  lui,  li  rois  de  France 
envoia  lettres  et  grans  messages  en  Castelle  devers  le   20 
dit  roy  Henri,  que  il  volsist  renvoiier  en  France  mon- 
signeur  Bertran  de  Claiekin,  si  Fen  saroit  bon  gré; 
et  ossi  très  amiablement  li  rois  et  li  dus  d'Ango  en 
escripsirent  au  dit  monsigneur  Bertran.  Si  fisent  leur 
message  bien  et  à  point  chil  qui  envoiet  y  furent,  et   25 
trouvèrent  en  le  cité  de  Lyon,  en  Espagne,  le  dit  roy 
Henri  et  le  dit  monsigneur  Bertran,  et  leur  remous - 
trèrent  les  lettres  que  li  rois  de  France  et    li  dus 
d'Ango  lor  envoiioient.  Li  rois  Henris  n'euist  jamais  ^ 
retenu  monsigneur  Bertran,  et  ossi  messires  Bertrans   30 
ne  se  fust  jamais  excusés.  Si  se  ordonna  au  plus  tost 

\ii  —  15 


tS6  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1370] 

qu41  peut,  et  prîst  congiet  dou  roy  Henri,  et  se  parti 
à  tout  ses  gens  et  esploita  tant  par  ses  journées  que  il 
vint  à  Thoulouse  où  U  dus  d'Ango  estoit,  qui  ja  avoit 
assamblé  grant  fuison  de  gens  d'armes,  chevaliers  et 
5  escuiers,  et  n'attendoit  aultre  cose  que  messires  Ber- 
trans  fust  venus,  siques,  à  le  venue  dou  dessus  dit,  li 
dus  d*Ango  et  tout  li  François  furent  grandement 
resjoy  et  se  ordonnèrent  pour  partir  de  Thoulouse  et 
entrer  en  le  terre  dou  prince. 

10  En  ce  temps,  estoit  venus  à  Hantonne  li  dus  de  Lan- 
castre  à  quatre  cens  hommes  d'armes  et  otant  d*ar- 
ciers.  Et  faisoient  cargier  leurs  nefs  et  leurs  vaissiaus 
de  toutes  leurs  pourveances,  et  avoient  intention  de 
singler  vers  Bourdiaus,   mes  qu'il   euissent  vent. 

15  Avoecques  le  dit  duc  estoient  de  se  carge  li  sires  de 
Ros,  messires  Mikieus  de  la  Poule,  messires  Robers 
Rous,  messires  Jehans  de  Saint  Lo  et  nlessires  Guil- 
laumes  de  Biaucamp,  filz  au  conte  de  Warvich. 

$  656.  Or  se  départi  li  dus  d'Ango  de  le  cité  de 
îO  Thoulouse  en  très  grant  arroy  et  bien  ordonné.  Là 
estoient  li  contes  d'Ermignach,  li  sires  de  Labreth, 
li  contes  de  Pieregorth ,  li  contes  de  Commignes,  li 
viscontes  de  Quarmaing,  li  contes  de  Lisle,  li  viscon- 
tes  de  Nerbonne,  li  viscontes  de  Brunekiel,  li  viscon- 
25  tes  de  Talar,  li  sires  de  Labarde,  li  sires  de  Pincor- 
net,  messires  Bertrans  de  Taride,   li  senescaus  de 
Thoulouse,   li  seneschaus  de  Carcassonne,  li  senes- 
caus  de   Biaukaire  et  pluiseur  aultre.    Et  estoient 
deus  mil  lances,  chevaliers  et  escuiers,  et  sis    mil 
30  brigans  à  piet,  à  lances  et  as  pavais.  Et  de  toutes  ces 
gens  d'armes  estoit  connestables  et  gouvrenères  mes- 


[1370]  LIVRE  PREMIER,  $  656.  Ml 

sires  Bertrans  de  Claiequin.  Et  prisent  le  chemin  d'A- 
ginois,  et  trouvèrent  encores  sus  les  camps  plus  de 
mil  combatans^  gens  de  Compagnes  et  routes,  qui 
les  avoient  attendu  toute  le  saison  en  Quersin^  et 
chevaucièrent  devers  Agen.  5 

La  première  forterèce  où  il  vinrent,  ce  fu  devant 
Montsach.  Li  pays  estoit  si  effraés  de  la  venue  dou 
duch  d'Ango^  pour  le  grant  nombre  de  gens  qu'il 
menoit,  qu*il  fremissoient  tout  devant  lui,  et  n'a- 
voient  les  villes  et  li  chastiel  nulles  volentés  c[ue  10 
d'yaus  tenir.  Quant  li  François  furent  venu  devant 
Montsach,  il  se  rendirent  tantost  et  se  tournèrent 
françois.  £t  puis  chevaucièrent  oultre  devers  le  cité 
d'Agen  qui  se  tourna  ossi  et  rendi  françoise,  et  puis 
vinrent  devant  Tonnins  sur  Garone.  Et  chevau-  15 
ooient  li  François  à  leur  aise,  poursievant  le  ri- 
vière pour  trouver  plus  cras  pays,  et  vinrent  au  Port 
Sainte  Marie  qui  se  tourna  tantost  françoise<  Et  par- 
tout mettoient  li  François  gens  darmes  et  faisoient 
garnison  et  prisent  Tonnins,  et  tantost  se  rendi  et  20 
tourna  li  chastiaus.  Si  y  establirent  un  chevalier  et 
vingt  lances,  pour  le  garder. 

En  apriès;  il  prisent  le  chemin  de  Montpesier  et 
d'Agillon,  ardant  et  exillant  tout  le  pays.  Quant  il 
furent  venu  à  Montpesier  qui  est  bonne  ville  et  fors  25 
chastiaus,  il  furent  si  effreé  des  gens  le  duch  d'Ango, 
que  tantost  se  rendirent  ;  puis  vinrent  devant  le  fort 
chastiel  d*AghiIlon  :  là  furent  il  quatre  jours.  Pour 
le  temps  de  lors ,  n  avoit  mies  dedens  le  ville  et  le 
chastiel  d'Aghillon  si  vaillans  gens  que  quant  mes-  30 
sires  Gantiers  de  Mauni  et  ses  gens  l'eurent  en 
garde,  car  il  se  rendirent  tantost  au  duch  d'Ango  : 


2â8  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSÀRT.  [1370] 

dont  cil  de  Bregerach  furent  moult  esmervilliet  com* 
ment  il  s'estoient  si  tos  rendu.  A  ce  jour  estoient 
chapitainne  de  Bregerach  messires  Thumas  de  Fel- 
leton  et  li  captaus  de  Beus,  à  cent  lances^  Englès  et 

s  Gascon. 

Tout  en  tele  manière  comme  li  dus  d'Ango  et  ses 
gens  estoient  entré  en  le  terre  dou  prince^  au  lés  de- 
vers Agen  et  Thoulousain^  chevauçoient  li  dus  de 
Berri  et  ses  routes  en  Limozin  à  bien  douze  cens 

^^  lances  et  trois  mil  brigans^  conquérant  villes  et  chas- 
tiaus  etardant  et  exillant  le  pays.  Avoech  le  duch  de 
Berri  estoient  li  dus  de  Bourbon^  li  contes  d^Alençon, 
messires  Guis  de  Blois,  messires  Robers  d'Alençon, 
contes  du  Perce^  messires  Guis  de  Blois,  messires 

^^  Jehans  d'Ermignach,  messires  Hughes  Daufin^  messi- 
res Jehans  de  Villemur,  messires  Hughes  de  la  Roce, 
li  sires  de  Biaugeu,  li  sires  de  Villai^,  li  sires  de  Seri- 
gnach^  messires  Griffons  de  Montagut,  messires  Loeis 
de  Melval^  messires  Raymons  de  Maruel^   messires 

^^  Jehans  de  Boulongne^  messires  Godefrois  ses  oncles, 
li  viscontes  d'Uzès,  li  sires  de  SuUi,  li  sires  de  Calen- 
çon ,  li  sires  de  Cousant ,  li  sires  d'Apcier,  li  sires 
d'Apçon,  messires  Jehans  de  Viane,  messires  Huges 
de  Viane,  Ainbaus  dou  Peschin  et  pluiseur  aultre 

-^  bon  ciievalier  et  escuier.  Si  entrèrent  ces  gens  d'ar- 
mes en  Limozin  et  y  fisent  moult  de  desrois,  et  s'en 
vinrent  mettre  le  siège  devant  le  cité  de  Limoges. 
Par  dedens  a  voit  aucuns  Englès  en  garnison,  que 
messires  Hues  de  Cavrelée,  qui  estoit  seneschaus  dou 

^^  pays ,  y  aVoit  ordonnés  et  establis.  Mais  il  n'en  es- 
toient mies  mestre;  ançois  le  tenoit  et  gouvrenoit 
li  evesques  dou  lieu,   ouquel  li  princes  de  Galles 


[1370]  LIVRE  PREMIER,  §  657.  229 

avoit  grant  fiance^  pour  tant  que  c'estoit  ses  eom- 
pères. 

§  657.  Li  princes  de  Galles  qui  se  tenoii  en  le  cité 
d'Angouloime^  fu  enfourmés  et  certefiiés  de  ces  deus 
grosses  chevaucies  dou  duc  d'Ango  et  dou  duch  de  5 
Berriy  et  comment  il  estoient  entré  efforciement  en  sa 
terre  et  par  deus  lieus.  Et  fu  encores  ensi  dit  au  prince, 
à  ce  que  on  pooit  veoir  et  imaginer^  il  tiroient  à 
venir  devant  Angouloime  et  li  laiens  assegier  et 
madame  la  princesse^  et  que  sur  ce  il  euist  avis.  Li  lo 
princes,  qui  fu  uns  moult  vaillans  homs  et  imagi- 
natis  et  confortés  en  toutes  ses  besongnes,  respondi 
que  ja  si  ennemi  ne  le  trouveroient  enfremé  en 
ville  ne  en  chastiel^  et  qu'il  voloit  issir  as  camps 
contre  eulz.  Si  mist  tantost  clers  et  messagiers  en  15 
oevre  d'escrire  lettres  et  d^envoiier  partout  ses  feaulz 
et  ses  subgès  en  Poito,  en  Saintonge^  en  le  Rocelle, 
en  Roerge,  en  Quersin,  en  Aginois,  en  Gaurre  et  en 
Bigorre  ;  et  leur  mandoit  expresseement  que  cescuns 
se  presist  priés  de  venir^  au  plus  tost  que  il  peuist  et  20 
à  tout  le  plus  de  gens  qu^l  pooit  avoir,  devers  lui  en 
le  ville  de  Congnach  :  là  estoit  ses  mandemens  assis. 
Et  se  tray  tantost  de  celle  part^  madame  la  princesse 
o  lui^  et  Richart  leur  jone  fil. 

Entrues  que  cilz  mandemens  se  faisoit  et  que  tou-  25 
tes  gens  mandés  s'apparilloient^  li  François  chevau- 
çoient  toutdis  avant,  gastant  et  exillant  le  pays^  et 
s'en  vinrent  devers  le  Linde,  une  bonne  ville  et 
forte  seans  sus  le  rivière  de  Bourdonne  à  une  liewe 
de  Bregerach.  Si  en  estoit  chapitainne,  de  par  le  cap-  30 
tal  qui  là  l'avoit  establi ,  uns  moult  appers  cheva- 


230  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1370] 

liers  de  Gascongne  qui  s'appelloit  messires  Thonnés 
de  Batefol  :  cils  avoit  la  ditte  ville  de  le  Linde  en 
garde.  Or  vinrent  là  par  devant  li  dus  d'Ango,  li 
contes  d'Ermignach^  li  sires  de  Labreth^  li  contes  de 
5  Pieregorth,  li  contes  de  Comminges^  li  viscontes  de 
Carmaing  et  tout  li  aultre  baron  et  chevalier  de  leurs 
routes.  Si  misent  tantost  par  de  devant  le  siège  par 
grant  ordenance,  et  disent  que  il  ne  s'en  partiroient 
si  l'aroient. 

10  La  ville  estoit  bonne  et  forte  et  bien  pourveue 
de  tous  biens  et  d'arteillerie^  car  messires  li  captaus 
et  messires  Thumas  de  Felleton  y  avoient  esté  de- 
puis quinze  jours  y  et  l'avoient  rafreschi  à  leur  en- 
tente. Et  trop  bien  estoient  cil  de  le  Linde  tailliet 

15  d'yaus  tenir^  se  il  voloient,  parmi  le  confort  que  il 
pooient  avoir  basteement,  se  il  leur  besongnoit^  de 
Bregerach.  Mes  li  homme  de  le  ville  estoient  si  enclin 
à  yaus  tourner  François  que  merveilles  estoit ,  et  en- 
tendirent as  trettiés  et  as  prommesses  que  li  dus 

20  d'Ango  leur  faisoit  et  faisoit  faire  par  ses  gens.  Et  tant 
fu  preeciés  li  dis  capitainnes  messires  Thonnés  qu'il  s'i 
acoixla  ossi^  parmi  une  somme  de  florins  qu'il  devoit 
avoir  et  grant  pourfit  tous  les  ans  dou  duch  d*Ango  et 
sur  ce  estre  bons  François.  Et  fu  tout  ordonné  que, 

25  sus  une  matinée,  il  devoit  mettre  les  François  en  le 
ville.  Che  marchié  et  le  trettié  furent  sceu  en  le  ville 
de  Bregerach  le  soir  dont  ce  se  devoit  faire  et  livrer 
l'endemain.  Adonc  estoit  là  venus  li  contes  de  Cant- 
bruges  à  tout  deus  cens  lances^  qui  fu  presens  au  ra- 

30  port  que  on  en  fist. 

De  ces  nouvelles  furent  messires  li  captaus  et 
messires  Thumas  de  Felleton  trop  esmerveilliet ,  et 


[i370]  UVRB  PREMIER,  $  657.  Î3i 

disent  qu*il  seroient  au  livrer  le  ville.  Si  se  partirent 
de  Bregerach  apriès  mienuit  à  tout  cent  lances,  et 
chevaucièrent  devers  le  Linde  et  vinrent  là  au  point 
dou  jour.  Si  lisent  ouvrir  le  porte  à  leur  lés ,  et 
puis  chevaucièrent  oultre^  sans  point  attendre^  à  5 
l'autre  porte  par  où  li  François  dévoient  entrer,  qui 
estoient  ja  tout  apparilliet  et  entroient ,  et  les  met- 
toit  li  dis  messires  Thonnés  dedens.  Donc  se  traist 
avant  li  captaus  de  Beus,  Tespée  ou  poing,  et  des- 
cendi  à  piet  assés  priés  de  le  porte  ^  et  ossi  fisent  lo 
tout  li  aultre^  et  dist  en  approçant  messire  Thonnet  : 
cr  Ha  1  mauvais  traittres  >  tu  y  morras  tout  premiè- 
rement :  jamais  ne  feras  trahison  après  cesti.  »  A 
ces  mos,  il  li  lança  sen  espée  sur  lui  et  le  bouta  si  roi- 
dément  qu'il  li  embara  ou  corps  et  li  fist  sever  plus  15 
d'un  piet  à  l'autre  lés^  et  l'abati  là  en  le  place  tout 
mort.  Li  François^  qui  perçurent  monsigneur  le  cap- 
tai et  se  banière  et  monsigneur  Thumas  de  Felleton 
et  se  banière  et  leurs  gens  et  comment  il  avoient 
iàlli  à  leur  entente,  reculèrent  tantost  et  tourné-  20 
rent  les  dos. 

Ensi  demora  11  ville  englesce^  et  fu  adonc  en 
grant  péril  d'estre  courue  et  arse  des  Englès  propre- 
ment ,  et  les  gens  tout  mort ,  pour  ce  qu'il  avoient 
consenti  ce  tretlié.  Mais  il  s'escusèrent  si  bellement  25 
que  ce  qu'il  en  avoient  fait  ne  consenti  à  faire,  c'es- 
toit  par  cremeur,  et  avoit  esté  principaument  par 
le  foiblèce  de  leur  chapitainne  qui  ja  Tavoit  com- 
paré. Si  s'en  passèrent  à  tant  et  demorèrent  en  pais. 
Mais  cil  doi  signeur  dessus  dit  demorèrent  là  tant  que  30 
li  dus  d'Ango  et  ses  gens  s'i  tinrent  et  qu'il  reprisent 
un  aultre  chemin,  (h*  parlerons  un  petit  de  Testât  et 


232  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [4370] 

de  l'ordenance  d'Engleterre,  car  il  en  chiet  à  parler, 
et  de  le  chevaucie  monsigneur  Robert  CanoUe  qu'il 
fist  parmi  le  royaume  de  France. 

§  658.  Ançois  que  messires  Robers  Canolles  et  ses 
5  gens  se  partesissent  d'Engleterre,  il  y  eut  moult  grarïs 
consaulz  entre  les  Englès  et  les  Escos.  Et  furent  si 
sagement  démenées  les  parolles ,  et  par  si  vaillans  et 
si  bonnes  gens  qui  ressongnoient  le  damage  de  Tun 
royaume  et  de  Tautre,  que  unes  triewes  furent  prises 

10  entre  l'un  roy  et  l'autre,  leurs  pays,  leurs  gens  et 
tous  leurs  ahordans,  à  durer  neuf  ans.  Et  se  pooient 
li  Escot  armer  et  aler,  comme  saudoiier,  leurs  gages 
prendans,  dou  quel  lés  qu'il  voloient,  Englès  ou  Fran- 
çois :  dont  il  avint  que  messires  Robers,  en  se  route, 

15  en  eut  bien  cent  lances.  Quant  li  dis  messires  Robers 
et  toutes  ses  gens,  qui  avoecques  lui  dévoient  aler  et 
estre,  furent  appareilliet  et  venu  à  Douvres,  et  il  fo- 
rent passé  oultre  à  Calais,  il  meismes  passa  tout  dar- 
rainnement  etariva  ou  havene  de  Calais,  et  puis  issi 

20  à  terre  où  il  fu  receus  à  grant  joie  dou  chapitainne, 
monsigneur  Nicole  Stanbourne,  et  de  tous  les  com- 
pagnons. Quant  il  se  furent  rafreschi  cinq  jours  et  il 
eurent  jette  leur  avis  quel  part  il  iroient  et  quel  che- 
min il  tenroient,  si  ordonnèrent  leur  caroy  et  leurs 

25  pourveances ,  et  issirent  par  un  matin  et  se  misent 
sus  les  camps  moult  ordonneement.  Si  estoient  envi- 
ron quinze  cens  lances  et  quatre  mil  arciers,  parmi 
les  Galois. 

Avoecques  monsigneur  Robert  estoient  issu  d'En- 

30  gleterre,  par  l'ordenance  dou  roy,  messires  Thumas 
de  Grantson ,  messires  Alains  de  BouqueseUe ,  mes- 


[1370]  LIVRE  PREMIER,  §  658.  233 

sires  Gillebiers  Giflkrs,  li  sires  de  Fil  Watîer,  mes- 
sires  Jehans  de  Boursier,  messires  Guillaumes  de 
Nuefville,  messires  Jofirois  Ourselee  et  pluiseur  aul- 
tre,  tout  appert  chevalier  et  vaillant  homme  d'armes. 
Si  vinrent,  ce  premier  jour,  logier  assés  priés  de  Fien-  5 
nés.  Messires  Moriaus  de  Fiennes,  qui  pour  le  temps 
estoit  connestables  de  France,  se  tenoit  en  son  chas- 
tiel,  et  grant  fuison  de  bons  compagnons  avoecques 
lui,  chevaliers  et  escuiers,  qui  furent  tout  pourveu  et 
avisé  de  rechevoir  les  Englè».  A  l'endemain,  quant  il  lo 
les  vinrent  veoir  et  il  se  misent  en  ordenajice  pour 
assallir,  si  passèrent  oultre  li  Englès  sans  assallir;  car 
il  veirent  bien  qu'il  n'i  avoit  point  d'avantage.  Et 
passèrent  le  conté  de  Gines  et  entrèrent  en  le  conté 
de  Faukemberghe  et  l'ardirent  toute;  el  vinrent  de-  15 
vant  le  cité  de  Tieruane ,  mes  point  n'i  assallirent , 
car  elle  estoit  si  bien  pourveue  de  gens  d'armes  qu'il 
euissent  perdu  leur  painne.  Si  prisent  leur  chemin 
tout  parmi  le  pays  de  Tierenois  pour  entrer  en  Artois; 
et  ^nsi  qu'il  chevaucoient  trois  ou  quatre  liewes  le  20 
jour,  non  plus  n'estoit  ce  point,  pour  le  cause  de  leur 
caroy  et  des  gens  de  piet ,  il  se  logoient  ens  es  gros 
villages  et  de  haute  heure,  à  miedi  ou  à  nonne.  Si 
vinrent  ensi ,  leur  host  atrainnant ,  tant  qu'il  furent 
devant  le  bonne  cité  d'Arras.  Li  rois  de  France  avoit,  25 
celle  saison,  par  tout  ses  cités,  chastiaus,  forterèces  et 
bonnes  villes,  à  pons  et  à  passages,  mis  grant  fuison 
de  bonnes  gens  d'armes  pour  les  garder  et  defFendre, 
se  il  estoient  assalli,  et  ne  voloit  que  nulz*issist 
contre  yaus. 

Quant  messires  Robers  CanoUes  et  ses  gens  se  dé- 
partirent dou  Mont  Saint  Eloy  et  de  là  environ ,  et 


30 


234  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1370] 

il  s'i  furent  rafreschi  et  leurs  chevaus  deux  jours,  il 
s'ordoonèrent  et  passèrefnt  oultre  au  dehors  de  la  cité 
d'Arras.  Messires  Guillaumes  de  Nuefville  et  messires 
JofTrois  Ourselee^  qui  estoient  mareschal  de  l'host^  ne 
5  se  peurent  abstenir  que  il  n'alaissent  veoir  chiaus 
d'Arras  de  plus  priés.  Si  se  départirent  de  leur  grosse 
bataille  environ  deux  cens  lances  et  quatre  cens  ar- 
ciers ,  et  s'avalèrent  ens  es  fourbours  d'Arras  et  vin- 
rent jusques  as  bailles  :  si  les  trouvèrent  bien  pour- 

10  veues  d'arbalestriers  et  de  gens  d'armes.  Adonc  estoit 
dedens  le  ville  d'Arras  messires  Charles  de  Poitiers 
dalés  madame  d'Artois;  mais  il  ne  fist  nul  samblant 
d'issir  hors^  ne  de  combatre  les  Englès.  Quant  li  En- 
glès  eurent  fait  leur  course  et  il  se  furent  un  petit 

15  aresté  devant  les  bailles^  et  il  veirent  que  nulz  n'iste- 
roit  contre  yaus^  il  se  misent  au  retour  devers  leurs 
compagnons  qui  les  attendoient  en  une  bataille  ren- 
gie  et  ordenée  sus  les  camps;  mais  au  partir  il  veu- 
rent  donner  souvenance  qu'il  avoient  là  esté ,  car  il 

20  boutèrent  les  feus  ens  es  foui*bours  d'Arras,  pour  at- 
traire  hors  chiaus  de  le  ville  qui  nulle  volenté  n'en 
avoient  :  liquelz  feus  fist  grant  damage ,  car  il  ardi 
un  grant  monastère  de  Frères  Preceours,  clostre  et 
tout^  qui  estoit  au  dehors  de  le  ville. 

25  Apriès  celle  empainte^  li  Englès  passèrent  oultre  et 
prisent  le  chemin  de  Bapaumes,  ardant  et  exillant 
tout  le  pays.  Si  fisent  tant  par  leurs  journées  qu'il 
entrèrent  en  Vermendois  et  vinrent  à  Roie  :  si  fu  la 
ville  arse;  et  puis  passèrent  oultre  et  cheminèrent  vers 

30  Hem  en  Vermendois.  Là  avoient  retrait  tout  cil  dou 
plat  pays^  et  ossi  à  Saint  Quentin^  à  Peronne  et  à 
Noion  ^  tout  le  leur  :  pour  quoi  li  Englès  ne  trou- 


[1370]  LIVRE  PREMIER,  $  659.  235 

voient  riens ,  fors  les  granges  plainnes  de  blés ,  car 
c'estoit  apriès  aoust.  Si  chevauçoient  courtoisement, 
sans  yaus  trop  lasser  ne  travillier,  deux  ou  trois 
liewes  le  jour;  et  quant  il  trouvoient  une  crasse  marce, 
il  y  sejoumoient  deux  ou  trois  jours.  Et  envoioit  5 
messires  Robers  CanoUes  courir  devant  une  ville  ou 
unchastiel  qui  estoient  chief  dou  pays  environ,  et  par- 
loient  li  mareschal  as  chapitainnes  sus  assegurances^ 
en  disant  :  «  Combien  vorrés  vous  donner  en  deniers 
appareilliés  pour  ce  pays  de  ci  environ,  et  nous  le  res-  10 
piterons  d'ardoir  et  de  courir  villainnement?  »  Là  se 
composoienty  sus  certains  trettiés  et  ordenances,  li  plas 
pays  à  monsigneur  Robert,  et  paioient  une  quantité 
de  florins  :  si  estoient,  parmi  celle  composition,  respité 
d'ardoir.  Et  y  pourfita  li  dis  messires  Robers  en  ce  15 
voiage,  par  ceste  ordenance,  de  le  somme  et  valeur  de 
cent  mil  frans  :  dont  depuis  il  fu  mal  de  court  et  acu- 
sés  au  roy  d'Engleterre  qu'il  n'avoit  point  bien  fait 
le  besongne ,  si  com  il  vous  sera  recordé  avant  en 
Tystore.  Toutesfois ,  la  terre  le  signeur  de  Couci  de-  20 
mora  toute  en  pais,  ne  onques  li  Englès  n'i  fourfîsent 
à  homme  ne  à  femme  qui  y  fust ,  ne  qui  desist  seu- 
lement :  «  Je  sui  à  monsigneur  de  Couci,  »  qui  vau- 
sist  un  denier;  et,  se  il  estoit  pris  ou  levé,  il  estoit 
rendu  au  double.  25 

§  659.  Tant  esploitièrent  li  Englès  qu'il  vinrent 
devant  le  bonne  cité  de  Noion,  qui  bien  estoit  pour- 
veue  et  garnie  de  bonnes  gens  d'armes.  Si  se  arres- 
tèrent  là  environ,  et  Tapprocièrent  de  moult  priés,  et 
là  avisèrent  bien  se  nulz  assaus  leur  poroit  valoir.  Si  30 
le  trouvèrent,  à  leur  avis,  bien  breteskie  et  garitée  et 


236  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1370] 

appareillie  de  defFendre,  se  mestier  faisoit.  Et  estoit 
messires  Robers  logiés  en  J'abbeye  d'Oskans,  et  ses 
gens  là  environ.  Et  vinrent  un  jour  devant  la  cité, 
rengié  et  ordené  par  manière  de  bataille,  pour  savoir 
5  se  cil  de  le  garnison  et  li  communauté  de  le  ville 
isteroient  point  ^  mais  il  n'en  avoient  nulle  volenté. 
Là  eut  un  chevalier  d'Escoce  qui  fist  une  grant  aper- 
tise  d'armes,  car  il  se  parti  de  son  conroi,  son  glave 
en  son  poing,  monté  sus  son  coursier,  son  page  der- 

10  rière  lui,  et  broça  des  esporons  tout  contreval  le 
montagne,  et  fu  tantost  devant  les  barrières.  Et  appel- 
loit  on  le  dit  chevalier  monsigneur  Jehan  Asneton , 
hardi  homme  et  outrageus  malement,  et  ossi  avisé  et 
arresté  en  toutes  ses  apertises,  là  et  ailleurs.  Quant  il 

15  fu  venus  devant  les  barrières  de  Noion ,  il  mist  piet 
à  terré  de  son  coursier  et  dist  à  son  page  :  «  Ne  te 
pars  de  ci;  »  et  prist  son  glave  en  ses  mains,  et  s'en 
vint  jusques  as  bailles,  et  s'escueilla,  et  salli  oultre  par 
dedens  les  barrières.  Là  avoit  des  bons  chevaliers 

20   dou  pays ,  messires  Jehans  de  Roie,  messires  Drues 
de  Roie ,  messires  Lancelos  de  Lorris,  et  bien  dix  ou 
douze  aultre,  qui  furent  tout  esmervilliet  qu'il  voloit 
faire.  Nonpourquant  il  le  recueillièrent  moult  fditi-  . 
cément. 

25  Là  dist  li  chevaliers  escos  :  «  Signeur,  je  vous  vieng 
veoir;  vous  ne  daigniés  issir  hors  de  vos  barrières,  et 
je  y  daigne  bien  entrer.  Je  voeil  esprouver  ma  ceva- 
lerie  à  le  vostre,  et  me  conquerés,  se  vous  poés.  » 
Apriès  ces  mos,  il  jetta  et  lança  grans  cops  à  yaus  de 

30  son  glave,  et  eulz  à  lui  des  leurs.  Et  furent  en  cel 
estât ,  ils  tous  seuls  sus  yaus  escarmuçans  et  faisans 
très  grans  apertises  d'armes,  plus  d'une  heure,  et  en 


LIVRE  PREMIER,  $  660.  237 

navra  un  ou  deux  dès  leurs.  Et  prendoit  si  grant  plai- 
sance à  lui  là  combatre  qu'il  s'entr'oublioit  ;  et  le 
regardoient  les  gens  de  le  ville  de  le  porte  et  des  ga- 
rittes  à  grant  merveille^  et  li  euissent  porté  dou  tret 
grant  damage,  se  il  vosissent,  mes  nennil,  car  li  che^     5 

valier  francois  lor  avoient  deflfendu. 

* 

Tant  fu  en  cel  estât  que  ses  pages  vint  sus  son  cour- 
sier moult  priés  des  bailles^  qui  li  dist  tout  en  hault 
en  son  langage  :  «  Monsigneur,  partes  vous ,  il  est 
heure;  car  no  gent  se  partent.  »  Li  chevaliers  qui  lO 
bien  l'entendi^  s'apparilla  sur  ce  et  lança  depuis  deux 
ou  trois  cops;  et  quant  il  eut  fait,  il  se  relança  à 
l'autre  lés  sans  nul  damage,  et  tous  armés  qu'il  estoit^ 
il  se  jetta  sus  son  coursier  derrière  son  page.  Quant 
il  fu  suSy  il  dist  as  François  :  «Adieu,  adieu,  signeur^  15 
grant  mercis.  »  Si  broça  des  esporons  et  fu  tantost 
à  ses  compagnons  :  laquele  apertise  d'armes  de  mon- 
signeur  Jehan  Asneton  fîi  durement  prisie  de  toutes 
gens. 

§  660.  Messires  Robers  CanoUes,  à  son  départe-  20 
ment  qu'il  fist  de  le  marce  de  Noion,  ses  gens  ardi- 
rent  le  ville  dou  Pont  l'Evesque,  sus  le  rivière  d'Oise, 
où  il  avoit  grant  fuison  de  bons  hosteulz.  Li  cheva- 
lier et  li  escuier  qui  estoient  en  le  cité  de  Noion,  eu- 
rent grant  desplaisance  de  ce  feu  et  entendirent  que  25 
messires  Robers  Canolles  et  se  route  estoient  parti 
et  retret.  Si  vuidièrent  de  la  ditte  cité  environ  sois- 
sante  lances,  et  vinrent  encores  si  à  point  en  le  ville 
dou  Pont  l'Evesque  que  il  trouvèrent  chiaus  qui  le 
feu  y  avoient  bouté  et  des  autres  ossi  qui  estoient   zo 
demoret  derrière  poiu*  entendre  au  pillage.  Si  furent 


238  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [4370] 

resvillié  de  grant  manière  :  car  li  plus  grant  partie  en 
furent  mort  et  occis,  et  demorèrent  sus  le  place.  Et  y 
gaegnièrent  li  François  plus  de  quarante  chevaus  et 
rescousent   pluiseurs  prisonniers  qu'il  en  voloient 

5  mener^  et  encore  des  biaus  hosteulz  qui  euissent  esté 
tout  ars^  se  il  n'i  fuissent  venu  si  à  point  ;  et  ramené- 
en  Noion  plus  de  dix  prisonniers  englès  asquelz  on 
copa  les  tiestes. 

Or  chevaucièrent  li  Englès  en  leur  ordenance ,  et 

10  montèrent  amont  pour  venir  en  Laonnois,  et  pour 
passer  à  leur  aise  le  rivière  d'Oize  et  ossi  ceste  d*Esne. 
Si  ne  fourfisent  riens  à  le  conté  de  Soissons,  pour  tant 
qu*elle  estoit  au  signeur  de  Couci.  Bien  est  vérités 
qu'il  estoient  poursievoit  et  costiiet  d'aucuns  signeurs 

15  et  chevaliers  de  France,  telz  que  dou  conte  Gui  de 
Saint  Pol,  dou  visconte  de  Miaus^  dou  signeur  de 
Kauni^  de  monsigneur  Raoul  de  Couci^  de  monsi- 
gneur  Jehan  de  Melun,  fil  au  conte  de  Tankarville, 
et  de  leurs  gens^  par  quoi  li  Englès  bonnement  ne 

SO  s'osoient  point  desrouter^  mes  se  tenoient  ensamble. 
Et  ossi  li  François  ne  se  freoient  point  entre  yaus, 
mes  se  logoient  tous  les  soirs  ens  es  fors  et  ens  es 
bonnes  villes,  et  li  Englès  sus  le  plat  pays^  qui  trou- 
voient  assés  à  vivre  et  de  ces  nouviaus  vins  dont  il 

25  faisoient  grant  larghèce.  Et  chevaucièrent  ensi  tant, 
ardant  et  exillant  et  rançonnant  le  pays,  qu'il  pas- 
sèrent le  rivière  de  Marne  et  entrèrent  en  Campagne^ 
et  puis  le  rivière  d'Aube,  et  retournèrent  en  le  marce 
de  Prouvins.  Et  passèrent  et  repassèrent  pluiseurs  fois 

30  le  rivière  de  Sainne,  et  tiroient  à  venir  devant  le  cité 
de  Paris  ;  car  on  leur  avoît  dit  que  li  rois  avoit  là  fait 
un  grant  mandement  de  gens  d'armes ,  desquels  li 


[i370]  LIVRE  PREMIER,  §  66i.  239 

contes  de  Saint  Pol  et  li  sires  de  Cliçon  dévoient 
estre  chief  et  gouvreneur.  Si  les  desiroient  li  Englès 
durement  fort  à  combatre,  et  par  samblant  il  mous- 
troient  qu'il  ne  voloient  aultre  cose  que  la  bataille. 
Et  pour  ce  li  rois  de  France  escrisi  à  monsigneur  Ber-  5 
tran  de  Claiekin^  qui  estoit  en  Âquitainnes  avoech  le 
duch  d'AngOy  que,  ses  lettres  veues,  il  se  retraisist  en 
France,  car  il  le  voloit  ensonniier  d'autre  part. 

En  ce  temps,  revint  en*  le  cité  d'Avignon  papes 
Urbains  V**,  qui  avoit  demoret  à  Romme  et  là  environ  lO 
quatre  ans,  et  revint  en  istance  de  ce  que  pour  re- 
garder comment  pais  se  poroit  faire  entre  les  deux 
rois,  qui  estoit  renouvelée,  qui  trop  li  desplaisoit. 
De  la  revenue  dou  dit  pape  et  de  tous  les  cardinaus 
furent  la  cité  d'Avignon  et  la  marce  d'environ  moult  15 
resjoïe,  car  il  en  pensoient  à  valoir  mieulz.  Or  parle- 
rons dou  prince  de,  Galles  comment  il  persévéra. 

§  661 .  Vous  avés  chi  dessus  oy  recorder  comment 
li  princes  de  Galles  avoit  fait  son  mandement  à  Con- 
gnach,  sus  l'enlention  que  de  chevaucier  contre  le  20 
duch  d'Ango  qui  li  ardoit  et  gastoit  son  pays.  Si  se 
avancièrent  de  venir  à  son  mandement,  au  plus  tost 
qu'il  peurent,  li  baron,  li  chevalier  et  li  escuier  d'En- 
gleterre,  de  Poito,  de  Saintonge  et  de  la  terre  qui  se 
tenoit  dou  prince.  Et  se  parti  li  contes  de  Pennebruch  25 
de  se  garnison,  à  tout  cent  lances,  et  s'en  vint  de- 
vers le  prince. 

En  ce  temps,  arriva  ou  havene  de  Bourdiaus  li  dus 
Jehans  de  Lancastre  o  sen  armée,  dont  cil  dou  pays 
furent  moult  resjoy,  pour  tant  qu'il  le  sentoient  bon   30 
chevalier  et  grant  chapitainne  de  gens  d'armes.  Li  dus 


240  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [i370] 

de  Lancastre  et  ses  gens  n'i  fisent  point  trop  lontain 
séjour  en  le  cité  de  Bourdiaus,  mes  s'en  partirent  tan- 
tost,  car  il  entendirent  que  li  princes  voloit  aler 
contre  ses  ennemis.  Si  se  misent  tantos  au  chemin 

5  et  trouvèrent ,  à  une  jourrée  de  Congnach ,  le  conte 
de  Pennebruch  qui  tiroit  celle  part.  Si  se  fisent 
grans  recognissances ^  quant  il  se  retrouvèrent,  et 
chevaucièrent  ensamble  et  vinrent  à  Congnach  où  il 
trouvèrent  le    prince^   madame  la  princesse   et  le 

10  conte  de  Cantbruge,  qui  furent  moult  resjoy  de  la 
venue  des  dessus  dis.  Et  tous  jours  venoient  gens 
d'armesy  de  Poito^  de  Saintonge,  de  la  Rocelle^  de 
Bigorre^  de  Gaurre  et  de  Gascongne,  et  ossi  des  mar- 
ées voisines  obeissans  au  prince. 

15  Li  dus  d'Ango,  li  contes  d'Ermignach,  U  sires  de 
I^brethy  li  conte  et  li  visconte,  li  baron  et  li  cheva- 
lier de  leur  acort^  si  com  ci  dessus  est  dit^  qui 
avoient  conquis  cités,  villes,  chastiaus  et  forterèces 
en  leur  venue  plus  de  quarante,  et  avoient  approciet 

20  le  cité  de  Bourdiaus  à  cinq  liewes  priés  et  gasté  tout 
le  pays  environ  Bregerach  et  le  Linde,  entendirent 
que  li  princes  de  Galles  avoit  fait  un  grant  mande- 
ment et  estoit  venus  à  Congnac,  et  ossi  li  dus  de  JLan- 
castre  estoit  arivés  à  tout  grant  fuison  de  gens  d'ar- 

25  mes  et  d'arciers  ou  pays.  Si  eurent  conseil  ensamble 
comment  il  s'en  poroient  chevir. 

Pour  le  temps  de  lors,  estoit  nouvellement  mandés 
messires  Bertrans  de  Claiekin  dou  roy  de  France  et 
dou  dueh  de  Berry,  qui  se  tenoit  à  siège  devant  le 

30  cité  de  Limoges  9  et  les  avoit  telement  astraihs  qu'il 
estoient  sus  tel  estât  que  pour  yaus  rendre,  mais 
qu'il    y    euisl    bons   moiiens.    A    ce    conseil    dou 


{1370]  LIVRE  PREMIER,  §  662.  241 

duch  d'Ângo  et  des  barons  et  chevaliers  qui  es- 
toient  là  dalés  lui  et  mis  ensamble  pour  consil- 
lier,  fu  appelles  messires  Bertrans  de  Claiekin,  c'es- 
toit  raisons.  Là  eut  pluiseurs  parolles  dittes  et  mises 
avant.  Finablement,  tout  considéré,  on  consilla  au  5 
duch  d'Ango  de  desrompre  pour  celle  saison  se  che- 
vaucie  et  d  envoiier  toutes  ses  gens  ens  es  garnisons 
et  de  guerriier  par  garnisons^  car  il  en  avoient  assés 
fait  pour  ce  temps.  Ossi^  il  besongnoit  et  venoit  gran- 
dement à  point  les  signeurs  de  Gascongne  qui  là  es-  lo 
toient^  le  conte  d'Ermignach,  le  conte  de  Pieregorth 
et  les  autres,  de  retraire  en  leurs  liens  et  en  leurs 
pays ,  pour  faire  frontière ,  car  il  ne  savoient  que  li 
princes ,  qui  avoit  fait  si  grant  assamblée ,  avoit  em* 
pensé.  Si  se  départirent  tout  par  commun  acord  li  un  15 
de  Tautre,  et  se  viut  li  dus  d'Ango  en  le  cité  de 
Chaours.  Si  s'espardirent  ses  gens  et  les  Compagnes 
parmi  le  pays  que  conquis  avoient ,  et  se  boutèrent 
ens  es  garnisons.  Li  contes  d'Ermignach,  li  sires  de 
Labreth  et  li  aultre  retournèrent  en  leurs  pays  et  20 
pourveirent  leurs  villes  et  leurs  chastiaus  grandement, 
ensi  que  cil  qui  esperoient  à  avoir  le  guerre,  et  lisent 
ossi  estre  tous  appareilliés  leurs  gens ,  pour  garder  et 
deffendre  lor  pays,  s'il  besongnoit.  Or  parlerons  de 
monsigneur  Bertran  de  Claiekin  qui  se  parti  dou  25 
duch  d'Ango  et  fist  se  route  à  par  li,  et  chevauça  tant 
qu'il  vint  au  siège  de  Limoges  où  li  dus  de  Berri  et 
li  dus  de  Bourbon  et  grant  chevalerie  de  France  se 
ten  oient. 

§  662.  Quant  messires  Bertrans  fîi  venus  au  siège,   30 

si  s'en  esjoïrent  grandement  li  François,  et  fu  grant 

\ii  —  16 


242  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1370] 

nouvelles  de  lui  dedens  le  cité  et  dehors.  Tantost  il 
commença  à  aherdre  les  trettiés  qui  estoient  entamé 
entre  l'evesque  de  Limoges  et  chiaus  de  le  cité  et  le 
duch  de  Berri,  et  les  poursievi  si  songneusement  et 
5  si  sagement  qu'il  se  fisent  et  se  tournèrent  françois, 
li  evesques  et  chil  de  Limoges  ;  et  entrèrent  li  dus  de 
Berri ,  li  dus  de  Bourbon ,  messires  Guis  de  Blois  et 
li  signeur  de  France  par  dedens  à  grant  joie ,  et  en 
prisent  les  fois  et  les  hommages^  et  s'i  rafreschirent 

10   et  reposèrent  par  trois  jours. 

Là  en  dedens  li  dessus  dit  signeur  eurent  conseil  et 
avis  qu'il  desromperoient  leur  chevaucie  pour  celle 
saison,  ensi  que  li  dus  d'Ango  avoit  fait,  et  s'en  re- 
tourroient  en  leurs  pays  pour  prendre  garde  à  leurs 

15  villes  et  forterèces  pour  monsigneur  Robert  CanoUes 
qui  tenoit  les  camps  en  France,  et  qu'il  avoient  bien 
esploitié  quant  il  avoient  pris  une  tele  cité  comme 
Limoges  est.  Cilz  consaulz  et  avis  ne  fu  de  noient 
brisiés.  Si  se  départirent  li  signeur  li  un  de  l'autre,  et 

20  demora  messires  Bertrans  ou  pays  de  Limozin  à  tout 
deux  cens  lances  :  si  se  bouta  ens  es  chastiaus  le  si- 
gneur de  Melval  qui  estoit  tournés  françois. 

Quant  li  dus  de  Berri  se  départi  de  Limoges,  il 
ordonna  et  institua  à  demorer  en  lé  ditte  cité,  à  le  re- 

55  queste  de  l'evesque  dou  dit  lieu,  monsigneur  Jehan 
de  Villemur,  monsigneur  Huge  de  la  Roce  et  Rogier 
de  Biaufort,  à  cent  hommes  d'armes ,  et  puis  se  re- 
traist  en  Berri,  et  li  dus  de  Bourbon  en  Bourbonnois; 
et  li  aultre  signeur  des  lontainnes  marces  s'en  revin- 

30  rent  en  leurs  pays.  Or  parlerons  dou  prince  com- 
ment il  esploita. 


[1370]  LIVRE  PREMIER,  §  663.  243 

« 

§  663.  Quant  les  nouvelles  vinrent  au  prince  de 
Galles  que  la  cité  de  Limoges  estoit  tournée  françoise 
et  que  li  evesques  dou  dit  lieu^  qui  estoit  ses  compères 
et  en  qui  il  avoit  eu  dou  temps  passé  moult  grant  fiance, 
avoit  esté  à  tous  les  trettiés  et  la  voit  aidié  à  rendre .     5 
si  en  iu  durement  coureciés^  et  en  tint  mains  de  bien 
et  de  compte  des  gens  d'église  où  il  ajoustoit  en 
devant  grant  foy.  Si  jura  l'ame  de  son  père  que  chie- 
rement  comparer  il  feroit  cil  outrage  à  tous  ceulz  de 
le  cité,  ne  jamais  n'entenderoit  à  aultre  cose,  si  raroit   10 
le  ditte  cité  et  s'en  aroit  fait  se  volonté  et  pris  ven- 
gance  dou  fourfet.  Quant  la  plus  grant  partie  de  ses 
gens  ftirent  venu,  on  les  nombra  à  douze  cens  lances^ 
chevaliers  et  escuiers,  mil  arciers  et  trois  mil  hom- 
mes de  piet.  Si  se  départirent  de  Congnac.  Avoech   15 
le  prince  estoient  si  doi  frère,  li  dus  de  Lancastre,  li 
contes  de  Cantbruge^  et  li  contes  de  Pennebruch  qui 
s'appelloit  ossi  leurs  frères.  Messires  Thumas  de  Fel- 
leton  et  messires  li  captaus  de  Beus  estoîent  demoret 
à  Bregerach ,  pour  là  garder  le  frontière  contre  les  20 
François  et  les  Compagnes  qui  se  tenoient  sus  le  pays. 
Encores  estoient  avoech  le  prince  messires  Guiçars 
d'Angle,  messires  Loeis  de  Harcourt,  li  sires  de  Pons, 
li  sires  de  Partenay,  li  sires  de  Puiane,  li  sires  de  Tan- 
nai Bouton ,  messires  Percevaus  de  Coulongne ,  mes-  25 
sires  Jofirois  d'Ai^enton,  Poitevins  ;  et  de  Gascons  :  li 
sires  de  Pumiers,  messires  Helies  de  Pumiers,  li  sires 
de  Muchident,  li  sires  de  Lespare,  li  sires  de  Montfer- 
rant,  li  sires  de  Chaumont,  li  sires  de  Longuerem,  mes- 
sires Aymeris  de  Tarste,  le  soudich  de  l'Estrade,  le  si-  30 
gneur  de  Condon,  messires  Bernardet  de  Labret,  sires 
de  Geronde,  et  pluiseur  aultre  ;  Englès  :  monsigneur 


244  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1370] 

Thumas  de  Persi,  li  signeur  de  Ros,  monsigneur  Guil- 
laume de  Biaucamp,  monsigiieur  Mikiel  de  la  Poule, 
monsigneur  Estievene  de  Gousenton^  monsigneur 
Richart  de  Pontehardon^  monsigneur  Bauduin  de 
5  Fraiville^  monsigneur  Symon  de  Burlé,  monsigneur 
d*Agorises,  monsigneur  Jehan  d'Evrues,  monsigneur 
Guillaume  de  NeufVille  et  des  aultres  que  je  ne  puis 
mies  tous  nommer;  et  Haynuier  :  monsigneur  Eus- 
tasce  d'Aubrecicourt  ;  et  des  Compagnes  :  monsigneur 

10  Perducas  del^breth,  Maudon  de  Bagerant,  Lamit, 
le  bourch  de  Lespare,  le  bourch  Camus,  le  bourch 
de  Bretuel ,  Espiote ,  Bernart  de  la  Salle ,  Hortingo , 
Bernart  de  Wist  et  moult  d'autres. 

Si  se  misent  toutes  ces  gens  d'armes  au  ehemin  en 

15  grant  ordenance,  et  tinrent  les  camps;  et  commença 
li  pays  à  frémir  tous  contre  yaus.  Dès  lors  ne  pooit 
li  princes  chevaucier,  mes  se  faisoit  mener  en  litière 
par  grant  ordenance.  Si  prisent  le  chemin  de  Limo- 
zin  pour  venir  devant  Limoges,  et  tant  chevaucièrent 

20  li  Englès  qu*il  y  parvinrent.  Si  l'assegièrent  tantost  et 
sans  delay  tout  autour,  et  jura  li  princes  que  jamais 
ne  s'en  partiroit  si  l'aroit  à  sa  volenté.  Li  evesques 
dou  lieu  et  li  bourgois  de  le  ville  sentoient  bien  qu'il 
se  estoient  trop  fourfet  et  qu'il  avoient  grandement 

25  couroucié  le  prince  :  de  quoi  moult  il  se  repentoient, 
et  se  n'i  pooient  remediier^  car  il  n'estoient  mies  si- 
gneur ne  mestre  de  leur  cité.  Messires  Jehans  de 
Villemur  et  messires  Huges  de  la  Roce  et  Rogiers  de 
Biaufort^  qui  le  gardoient  et  qui  chapitainne  en  es- 

30  toient,  reconfortoient  grandement  les  gens  de  le  ville, 
quant  esbahir  les  veoient,  et  disoient  :  «  Signeur^  ne 
vous  efiraés  de  riens  :  nous  sommes  fort  et  gens  assés 


[1370]  LIVRE  PREMIER,  §  664.  245 

pour  tenir  contre  les  gens  et  le  poissance  don  prince; 
par  assaut  ne  nous  poet  il  prendre  ne  avoir,  car  nous    * 
sommes  bien  pourveu  d^artillerie.  x) 

Au  dire  voir,  quant  li  princes  et  si  mareschal  eu- 
rent bien  imaginé  et  considéré  le  circuité  et  le  force     5 
de  Limoges^  et  il  sceurent  le  nombre  des  gentilz 
hommes  qui  dedens  estoient,  si  disent  bien  que  par 
assaut  il  ne  Taroient  jamais.  Ijors  jeuèrent  il  d'un 
aultre  avis^  et  menoit  par  usage  toutdis  li  princes 
avoech  lui  en  ses  chevaucies  grant  fuison  de  huirons  lO 
c'on  dist  mineurs.  Chil  furent  tantost  en  oevre  mis 
et  commencièrent  à  miner  efforciement  par  grant  or- 
denance.  Li  chevalier  qui  estoient  en  le  cité,  cog- 
neurent  tantost  que  on  les  minoit  :  si  commencièrent 
à  fosser  à  l'encontre  d'yaus,  pour  briser  leur  mine.  Or  15 
parlerons  un  petit  de  monsigneur  Robert  CanoUes. 

§  664.  Messires  Robers  CanoUes,  si  com  ci  dessus 
est  dit,  estoit,  o  grant  gent  d'armes  et  arciers,  entrés 
ou  royaume,  et  tout  comparoient  les  povres  gens  et  li 
plas  pays;  car,  ensi  que  li  Englès  aloient  et  venoient,  20 
il  y  faisoient  moult  de  desrois,  et  à  ce  qu'il  mous- 
troient,  il  ne  voloient  el  que  le  bataille.  Et  quant  il 
eurent  passé  tous  les  pays ,  Artois ,  Vermendois,  l'e- 
vesquié  de  Laon,  Tarcevesquié  de  Rains,  Campagne, 
et  retourné  en  Brie,  il  prisent  leur  tour  par  devers  le  25 
cité  de  Paris,  et  s'i  logièrent  un  jour  et  deus  nuis. 
Pour  le  temps  de  lors,  .li  rois  Charles  de  France  y 
estoit,  qui  bien  pooit  veoir  de  son  hostel  de  Saint 
Pol  les  feus  et  les  fumières  qu'il  faisoient  au  lés  de- 
vers le  Gastinois.  30 

A  ce  jour  estoient  en  le  cité  de  Paris  li  connesta- 


246  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1370] 

bles  de  France  messires  Moriaus  de  Fiennes,  li  con- 
tes de  Saint  Pol,  li  contes  de  Tankarville,  li  contes 
de  Salebruce,  li  viscontes  de  Miaus^  messires  Raouls 
de  Couci,  li  senescaus  de  Haynau,  messires  Oudars 

5  de  Renti^  messires  Engherans  du  Edins^  sires  de 
Chastiel  Y illain ,  messires  Jehans  de  Viane  y  li  sires 
de  le  Rivière  et  pluiseur  aultre  grant  chevalier  et  vail- 
lant dou  royamne  de  France  ;  mes  point  n'en  issoient^ 
car  li  rois  ne  le  voloit  souffrir  et  le  deffendoit.  Car  li 

10  sires  de  Cliçon,  qui  estoit  ossi  là  et  li  plus  especiaus 
de  son  conseil  et  li  mieulz  creus  de  tous  les  aultres , 
y  mettoit  grant  detri  et  disoit  :  «  Sires,  vous  n'avés  que 
faire  d'emploiier  vos  gens  contre  ces  foursenés  :  lais- 
siés  les  aler  et  yaus  saucier.    Il  ne  vous  poent  toUir 

15  vostre  hiretage,  ne  bouter  hors  par  fumières.  »  A  le 
porte  Saint  Jake  et  as  barrières  estoient  li  contes  de 
SaintlPol,  li  viscontes  de  Rohem,  messires  Raouls  de 
Couci,  li  sires  de  Kauni,  li  sires  de  Cresèkes,  messi- 
res Oudars  de  Renti,  messires  Engherans  du  Edins. 

20  Or  avint  ce  mardi  au  matin  qu'il  se  deslogièrent , 
et  que  li  Englès  boutèrent  les  feus  ens  es  villages  où 
il  avoient  esté  logié,  tant  que  on  les  veoit  tout  clere- 
ment  de  Paris.  Uns  chevaliers  de  leur  route  avoit 
voé  le  jour   devant  qu'il  venroit  si  avant  jusques 

25  à  Paris  qu'il  hurteroit  as  bailles  de  le  porte.  II  n'en 
menti  point,  mais  se  parti  de  ses  conrois  le  glave  ou 
poings  le  targe  au  col,  armés  de  toutes  pièces,  et 
s'en  vint  esporonnant  son  coursier,  derrière  lui  sus 
un  aultre  coursier  son  escuier,  qui  portoit  son  baci- 

30  net.  Quant  il  deubt  approcier  Paris,  il  prist  son  ba- 
cinet  et  le  mist  en  sa  tieste  :  ses  escuiers  li  laça  par 
derrière.  Lors  se  parti  cils  brochans  des  esporons,  et 


[1370]  LIVRE  PREMIER,  S  ««4-  2^7 

s'en  vint  de  plains  eslais  ferir  jusques  ens  es  bail- 
les. Elles  estoient  ouvertes  :  se  li  fist  on  voie,  et  cui- 
dièrent  li  signeur  qui  là  estoient,  que  il  deuist  entrer 
dedens,  mais  il  n'en  avoit  nulle  volenté;  ançois, 
quant  il  eut  fait  son  fait  et  hurté  as  bailles  ensi  que  5 
Yoé  avoit,  il  tira  sus  frain  et  se  mist  au  retour.  Lors 
disent  li  chevalier  de  France  qui  le  veirent  retraire  : 
«  Aies,  aies,  vous  vos  estes  bien  acquittés.  » 

A  son  retour,  cils  chevaliers,  je  ne  sçai  comment 
on  le  nommoit,  né  de  quel  pays  il  estoit,  mais  il  s'ar-  10 
moit  de  geules  à  deus  fasses  noires  et  à  une  bor- 
dure noire  endentée,  eut  un  dur  rencontre;  car  il 
trouva  un  boucler  sur  le  pavement,  un  fort  loudier, 
qui  bien  Favoit  veu  passer  :  si  le  ratendi  et  tenoit 
une  hace  trenchans  à  longe  puignie  et  pesant  dure-  15 
ment.  Ensi  que  li  chevaliers  s*en  raloit  tout  le  pas  et 
qui  de  ce  ne  se  donnoit  garde,  cils^  maleois  bouciers 
li  vient  sur  costé  et  li  desclike  un  cop  entre  le  col  et 
les  espaules  si  très  dur  qu'il  le  reverse  tout  en  dens 
sus  le  col  de  son  cheval  ;  et  puis  recuevre.  et  le  fiert  2C 
ou  visbus,  et  li  embat  sa  hace  tout  la  dedens.  Li  che- 
valiers, de  la  grant  dolour  qu'il  senti,  chei  à  terre,  et 
li  coursiers  s'enfui  jusques  à  Fescuier  qui  l'attendoit 
au  tournant  d'une  rue  sus  les  camps  :  si  prent  le 
coursier,  et  fu  tous  esmervilliés  qu'il  estoit  avenu  à  25 
son  mestre,  car  bien  l'avoit  veu  chevaucier  jusques 
as  bailles,  et  là  hurter  de  son  glave,  et  puis  retourner 
arrière.  Si  s'en  vient  celle  part,  et  n'eut  gaires  aie  avant, 
quant  il  le  vei  entre  quatre  compagnons  qui  feroient 
sus  li  ensi  que  sur  une  kieute.  Si  fu  si  efFraés  qu'il  30 
n*osa  aler  plus  avant,  car  bien  veoit  qu'il  ne  li  pooit 
aidier  :  si  se  mist  au  retour,  dou  plus  tost  qu'il  peut. 


248  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1370] 

Ensi  fu  là  mors  li  chevaliers  de  le  route  des  Ënglès,  et 
le  fisent  li  signeur  qui  estoient  à  le  porte^  ensepelir 
en  sainte  terre;  et  li  eseuiers  retourna  en  Tost,  qui 
recorda  l'aventure  qui  estoit  avenue  à  son  mestre. 
5  Si  en  furent  tout  li  compagnon  coureciet,  et  vinrent 
ce  soir  jesir  entre  Mont  le  Heri  et  Paris  sus  une  petite 
rivière,  et  s'i  logièrent  de  haute  heure. 

§  665.  Entrues  que  messires  Robers  CanoUes  et  li 
Englès  faisoient  leur  voiage  et  que  li  princes  de  Gai- 

10  les  et  si  doi  frère  et  leurs  gens  seoient  devant  le  cité 
de  Limoges^  messires  Bertrans  de  Claiekin  et  se  route, 
où  il  avoit  espoir  deus  cens  lances^  chevauçoient  à 
Tun  des  corons  dou  pays  de  Limozin  ;  mais  de  nuit 
point  ne  gisoient  as  camps^  pour  le  doubte  des  ren- 

15  contres  des  Englès^  mes  eus  es  forterèces  £rançoises 
qui  estoient  tournées  de  monsigneur  Loeis  de  Mel- 
val^  de  monsigneur  Raymon  de  Marueil  et  des  aul- 
très.  Et  tout  le  jour  chevauçoient  et  se  mettoient 
en  grant  painne  de  conquerre  villes  et  fors.  Bien  le 

20  savoit  li  princes ,  et  en  venoient  à  lui  les  plaintes 
tous  les  jours;  mais  il  ne  voloit  mies  deffaire  ne 
brisier  son  siège,  car  il  avoit  pris  trop  à  cuer  l'ave- 
nue de  Limoges. 

Et  entra  li  dessus  dis  messires  Bertrans  en  le  vis- 

25  conté  de  Limoges,  un  pays  qui  se  tenoit  et  rendoit 
dou  duch  de  Bretagne  monsigneur  Jehan  de  Mont- 
fort^  non  des  Englès^  et  le  commença  à  courir  ou 
nom  de  madame  la  femme  à  monsigneur  Gharlon  de 
Blois,  à  laquele  li  hiretages  avoit  esté  de  jadis.  Si  y 

30  fist  là  grant  guerre^  ne  nuls  ne  li  ala  au  devant;  car 
li  dus  de  Bretagne  ne  cuidoit  mies  que  messires  Ber- 


[i370]  LIVRE  PREMIER,  §  666.  249 

trans  le  deuist  guerriier,  et  vint  devant  Saint  Iriet  : 
si  l'assalli  et  fist  assallir  durement.  Par  dedens  le  ville 
de  Saint  Iriet  n'avoit  nul  gentil  homme  qui  le  seuls - 
sent  deffendre  ne  garder.  Si  furent  si  effreé  quant 
a  seurent  la  venue  de  monsigneur  Bertran  de  Claie-    5 
kin,  et  ossi  que  on  les  assalloit  si  efibrciement^  com- 
ment que  leur  ville  fiist  forte  assés^  qu'il  se  rendi- 
rent tantost  et  sans  delay^  et  se  misent  en  Tobeis- 
sanee  de  madame  de  Bre^gne  pour  qui  il  faisoit 
guerre.  De  Saint  Iriet  fisent  li  Breton  une  grande   10 
garnison ,  et  le  remparèrent  et  le  fortefiièrent  male- 
ment^  qui  greva  depuis  moult  grandement  au  pays,  ^ 
et  par  laquelle  il  prisent  pluiseurs  aultres  villes  et 
chastiaus  en  le  viseonté  de  Limoges.  Or  retourrons 
nous  au  prinche  de  Galles.  15 

§  666.  Environ  un  mois^  et  non  plus,  sist  li  princes 
de  Galles  devant  le  cité  de  Limoges ,  et  onques  n'i 
fist  assaUir  ne  escarmucier,  mes  toutdis  songnoit  de 
se  mine.  Li  chevalier  qui  dedens  estoient  et  cil  de  le 
ville,  qui  bien  savoient  que  on  les  minoit^  fisent  mi-  20 
ner  ossi  à  l'encontre  d'yaus  pour  occire  les  mineurs 
englès,  mes  il  fallirent  à  leur  mine.  Quant  li  mineur 
dou  prince  qui ,  tout  à  fait  que  il  minoient ,  estan- 
çonnoient,  fiirent  au  dessus  de  leur  ouvrage,  si  di- 
sent au  prince  :  «  Monsigneur^  nous  ferons  reverser,  2$ 
quant  il  vous  plaira,  un  grant  pan  dou  mur  ens  es 
fossés ,  par  quoi  vous  enterés  ens  tout  à  vostre  aise 
sans  dangier.  »  Ces  paroUes  plaisirent  grandement 
bien  au  prince.  «Oïl^  dist  il,  je  voeil  que  demain,  à 
heure  de  prime ,  vostre  ouvrage  se  monstre.  »  Lors  30 
boutèrent  cil  le  feu  en  leur  mine,  quant  il  soeurent 


250  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1370] 

que  poins  fu.  A  rendemain,  ensi  que  li  princes  l'avoit 
ordené^  reversa  uns  grans  pans  dou  mur  qui  rempli 
les  fossés  à  cel  endroit  où  il  estoit  cheus  :  tout  ce  vei- 
rent  li  Englès  volentiers^  et  estoient  là  tout  armé  et 
5  ordené  sus  les  camps  pour  tantost  entrer  en  le  ville. 
Cil  de  piet  y  pooient  bien  entrer  par  là  tout  à  leur 
aise,  et  y  entrèrent,  et  coururent  à  le  porte,  et  copè- 
rent  les  flaiaus  et  l'abatirent  par  terre  et  toutes  les 
bailles  ossi.  Et  lu  tout  ce  fait  si  soudainnement  que 
10  les  gens  de  le  ville  ne  s'en  donnoient  garde.  Evous 
le  prince ,  le  duch  de  Lancastre ,  le  conte  de  Cant- 
bruge,  le  conte  de  Pennebruch,  messire  Guiçart 
d'Angle  et  tous  les  aultres,  et  leurs  gens,  qui  entrent 
ens.,  et  pillart  à  piet  qui  estoient  tout  apparilliet  de 
15  mal  faire  et  de  courir  le  ville  et  de  occire  hommes  et 
femmes  et  enfans ,  car  ensi  leur  estoit  il  commandé. 
Là  eut  grant  pité;  car  hommes,  femmes  et  enfans  se 
jettoient  en  genoulz  devant  le  prince  et  crioient  :  ^ 
«  Merci ,  gentilz  sires ,  merci  1  »  Mais  il  estoit  si  en- 
20  flammés  d'aïr  que  point  n'i  entendoit,  ne  nuls  ne 
nulle  n'estoit  oïs,  mes  tout  mis  à  l'espée,  quanques 
on  trouvoit  et  encontroit,  cil  et  celles  qui  point  cou- 
pable n'i  estoient;  ne  je  ne  sçai  comment  il  n'avoient 
pité  des  povres  gens  qui  n*estoient  mies  tailliet  de 
25  faire  nulle  trahison  ;  mais  cil  le  comparoient  et  com- 
parèrent plus  que  li  grant  mestre  qui  l'avoient  fait. 

Il  n'est  si  durs  coers,  se  il  fiist  adonc  à  Limoges  et 
il  li  souvenist  de  Dieu,  qui  ne  plorast  tenrement  ddu 
grant  meschief  qui  y  estoit,  car  plus  de  trois  mil  per- 
so sonnes,  hommes,  femmes  et  enfans,  y  furent  deviiet 
et  decolet  celle  journée.  Diex  en  ait  les  âmes,  car  il 
furent  bien  martir  I  En  entrant  en  le  ville,  une  route 


[1370]  LIVRE  PREMIER,  §  666.  251 

d'Englès  s'en  alèrent  devers  le  palais  Tevesque  :  si  lu 
là  trouvés  et  pris  as  mains  et  amenés  sans  conroy  et 
sans  ordenance  devant  le  prince  qui  le  regarda  moult 
Tellement;  et  la  plus  belle  paroUe  qu'il  li  dist,  ce  fu 
qu'il  li  feroit  trencier  le  tieste,  foy  qu'il  devoit  à  Dieu  5 
et  à  saint  Gorge^  et  le  fist  oster  de  sa  présence. 

Or  parlerons  des  chevaliers  qui  laiens  estoient. 
Messires  Jehans  de  Villemur^  messires  Hughes  de  la 
Roce  et  Rogiers  de  Biaufort^  qui  estoient  chapitaihne 
de  le  cité  y  quant  il  veirent  le  tribulation  et  le  pesti-  10 
lence  qui  ensi  couroit  sus  yaus  et  sus  leurs  gens  ^  si 
disent  :  «  Nous  sommes  tout  mort  :  or  nous  vendons 
chierement^  ensi  que  chevalier  doient  faire.  »  Là  dist 
messires  Jehans  de  Yillemur  à  Rogier  de  Biaufort  : 
«  Rogier,  il  vous  faut  estre  chevalier.  »  Rogiers  res-  15 
pondi  et  dist  :  <c  Sire,  je  ne  sui  pas  si  vaillans  que 
pour  estre  chevaliers ,  et  grant  mercis  quant  vous  le 
me  ramentevés.  »  Il  n'i  eut  plus  dit^  et  saciés  qu'il 
n'avoient  mies  bien  loisir  de  parler  longement  en- 
samble.  Toutesfois,  il  se  recueillièrent  en  une  place  et  20 
acostèrent  un  vies  mur,  et  desvelopèrent  là  leurs  ba- 
nières  messires  Jehans  de  Yillemur  et  messires  Hu- 
ghes de  la  Roce,  et  se  misent  en  bon  convenant.  Si 
pooient  estre  tout  rassamblé  environ  quatre  vingt. 
Là  vinrent  li  dus  de  Lancastre,  li  contes  de  Gant-  25 
bruge  et  leurs  gens,  et  misent  tantost  piet  à  terre 
comme  il  les  veirent,  et  les  vinrent  requerre  de  grant 
volenté.  Vous  devés  savoir  que  leurs  gens  ne  durè- 
rent point  plenté  à  l'encontre  des  Englès,  mes  furent 
tantost  ouvert,  mort  et  pris.  30 

Là  se  combatirent  longement  main  à  main  li  dus 
de  Lancastre  et  messires  Jehans  de  Yillemur,  qui  es- 


î»2  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [i370] 

toit  grans  chevaliers  et  fors  et  bien  tailliés  de  tous 
membres,  et  li  contes  de  Cantbruge  et  messires  Huges 
de  la  Roce,  et  li  contes  de  Pennebruch  et  Rogiers  de 
Biaufort.  Et  fisent  cil  troi  contre  ces  trois  pluiseurs 

5  grans  apertises  d*armes,  et  les  laissoient  tout  li  aultre 
convenir.  Mal  pour  yaus,  se  il  se  fuissent  trait  avant. 
Proprement  li  princes  en  son  chariot  vint  celle  part, 
et  les  regarda  moult  volentiers,  et  y  rafrena  et  ra- 
douci, en  yaus  regardant,  grandement  son  mauta- 

10  lent.  Et  tant  se  combatirent  que  li  troi  François, 
d'un  acord,  disent  en  rendant  leurs  espées  :  «  Signeur, 
nous  sommes  vostres  et  nous  avés  conquis  :  si  ouvrés 
de  nous  au  droit  d'armes.  »  —  <c  Par  Dieu ,  messire 
Jehan ,  ce  dist  li  dus  de  Lancastre ,  nous  ne  le  vor- 

15  rions  pas  faire  aultrement ,  et  nous  vous  retenons 
comme  nos  prisonniers.  »  Ensi  furent  pris  li  troi 
dessus  dity  si  com  je  fui  enfourmés  depuis. 

§  667.  On  ne  se  cessa  mies  à  tant  ;  mes  fu  toute  la 
cités  de  Limoges  courue,  pillie  et  robée  sans  déport, 

20  et  toute  arse  et  mise  à  destruction;  et  puis  s'en  par- 
tirent li  Englès  qui  enmenèrent  leur  conques  et  leurs 
prisonniers  et  se  retraisent  vers  Congnach  où  ma- 
dame la  princesse  estoit.  Et  donna  li  princes  congiet 
toutes  ses  gens  d'armes,  et  n'en  fist  pour  celle  saison 

25  plus  avant,  car  il  ne  se  sentoit  mies  bien  haitiés,  et 
tous  les  jours  aggrevoit  :  dont  si  frère  et  ses  gens  es- 
toient  tout  esbahi. 

Or  vous  dirai  de  Tevesque  de  Limoges  comment  il 
fina,  liquels  fu  en  grant  péril  de  perdre  la  teste.  Li 

30  dus  de  Lancastre  le  rouva  au  dit  prince;  il  11  acorda 
et  li  fist  délivrer  à  faire  sa  volenté.  Li  dis  evesques 


I 


I 


[i370]  LIVRE  PREMIER,  $  668.  253 

eut  amis  sus  le  chemin,  et  en  fîi  papes  Urbains  en- 
fouîmes^ qui  nouvellement  estoit  revenus  de  Rome 
en  Avignon^  dont  trop  bien  en  chei  au  dit  evesque  : 
autrement  il  euist  esté  mors.  Si  le  requist  li  dis  papes 
au  duch  de  Lancastre  par  si  douces  paroUes  et  si  5 
traittables,  que  li  dus  de  Lancastre  ne  li  volt  point 
escondire.  Si  li  ottria  et  envoia^  dont  li  papes  li  sceut 
grant  gré.  Or  parlerons  des  avenues  de  France. 

§  668.  Si  fu  enfourmés  li  rois  de  France  de  le  des- 
truction et  dou  reconquès  de  Limoges,  et  comment  li   lo 
princes  et  ses  gens  l'avoient  laissiet  toute  vaghe,  ensi 
comme  une  ville  déserte  :  si  en  fîi  trop  durement 
courouciés^  et  prist  en  grant  compassion  le  damage 
et  anoy  des  habitans  d'icelle.  Or  fu  avisé  et  regardé 
en  France,  par  l'avis  et  conseil  des  nobles  et  des  pre-  15 
las  et  le  commune  vois  de  tout  le  royaume  qui  bien 
y  aida^  que  il  estoit  de  nécessité  que  li  François  cuis- 
sent  un  cief  et  gouvreneur  nommé  connestable;  car 
messires  Moriaus  de  Fiennes  se  voloit  déporter  et 
oster  de  l'offisce^  combien  qu'il  fust  vaillans  homs  de  30 
le  main,  entreprendans  as  armes  et  amés  de  tous 
chevaliers  et  escuiers  :  siques,  tout  considéré  et  ima- 
giné, d'un  commun  acord^  on  y  eslisi  et  donna  on 
vois  souverainne  monsigneur  Bertran  de  Claiekin, 
mais  que  il  vosist  emprendre  l'office,  pour  le  plus  25 
vaillant,  mieus  tailliet  et  sage  de  ce  faire  et  le  plus 
ewireus  et  fortuné  de  ses  besongnes^  qui  en  ce  temps 
s'armast  pour  le  couronne  de  France.  Adonc  escrisi 
li  rois  devei*s  lui  et  envoia  certains  messages  que  il 
venist  parler  à  lui  à  Paris.  Cil  qui  y  furent  envoiiet,   ao 
le  trouvèrent  en  le  visconté  de  Limoges  où  il  pren- 


'    254  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSÀRT.  [1370] 

doit  chastiaus  et  fors^  et  les  Êdsoit  rendre  à  madame 
de  Bretagne^  femme  à  monsigneur  Charlon  de  Blois; 
et  avoit  nouvellement  pris  une  ville  qui  s'appelloit 
Brandome  y  et  estoient  les  gens  rendu  à  lui  :  si  che- 

5  vauçoit  viers  une  aultre* 

Quant  li  message  dou  roy  de  France  tinrent  venu 
jusques  à  lui^  il  les  recueilla  joieusement  et  sagement^ 
ensi  que  bien  le  savoit  faire.  Cil  li  baillièrent  les  letr 
très  dou  roy  et  fisent  leur  message  bien  et  à  point. 

10  Quant  messires  Bertrans  se  vei  si  espeeialment  man- 
dés, si  ne  se  volt  mies  escuser  de  venir  devers  le  roy 
de  France,  pour  savoir  quel  cose  il  voloit.  Si  se  parti 
au  plus  tost  qu'il  peut,  et  envoia  le  plus  grant  partie 
de  ses  gens  ens  es  garnisons  qu*il  avoit  conquises.  Et 

15  en  fist  souverain  et  gardiien  messire  Olivier  de  Mauni 
son  neveu;  puis  chevauça  tant  par  ses  journées  qu'il 
vint  en  le  cité  de  Paris  où  il  trouva  le  roy  et  grant 
fuison  de  seigneurs  de  son  conseil  qui  le  recueiUiè- 
rent  liement  et  li  fisent  tout  grant  reverense.  Là  li 

20  dist  et  remoustra  li  rois  proprement  comment  on 
l'avoit  esleu  et  avisé  à  estre  connestable  de  France. 
Adonc  s'escusa  messires  Bertrans  moult  grandement 
et  très  sagement,  et  dist  qu'il  n'en  estoit  mies  dignes, 
et  que  c'estoit  uns  povres  chevaliers  et  petis  bacelers 

35  ou  regard  des  grans  signeurs  et  vaillans  hommes  de 
France ,  comment  que  fortune  l'euLst  un  petit  avan- 
ciet.  Là  li  dist  li  rois  que  il  s'escusoit  pour  noient  et 
qu'il  couvenoit  qu'il  le  fust,  car  il  estoit  ensi  ordon- 
né et  déterminé  de  tout  le  conseil  de  France,  lequel 

30  il  ne  voloit  mies  brisier. 

Lors  s'escusa  encores  li  dis  messires  Bertrans  par 
une  aultre  voie  et  dist  :  a  Chiers  sires  et  nobles  rois. 


[1370]  LIVRE  PREMIER,  S  668.  25S 

je  ne  vous  voeil,  ne  puis,  ne  ose  desdire  de  vostre 
bon  plaisir;  mais  il  est  bien  vérités  que  je  sui  uns 
povres  homs  et  de  basse  venue.  Et  li  oflisces  de  le 
connestablie  est  si  grans  et  si  nobles  qu'il  convient, 
qui  bien  s'en  voelt  acquitter^  exercer  et  esploitier  et  5 
commander  moult  avant,  et  plus  sus  les  grans  que  sus 
les  petis.  Et  veci  messigneurs  vos  frères,  vos  neveus 
et  vos  cousins ,  qui  aront  carge  de  gens  d'armes ,  en 
hos  et  en  chevaucies  :  comment  oseroi  je  commander 
sus  yaus?  Certes,  sire,  les  envies  sont  si  grandes  que  10 
je  les  doi  bien  ressongnier;  si  vous  pri  chierement 
que  vous  me  déportés  de  cel  office  et  le  bailliés  à  un 
aultre  qui  plus  volentiers  l'emprende  que  je  et  qui 
mieuls  le  sace  faire.  »  Lors  respondi  li  rois  et  dist  : 
«  Messire  Bertran ,  messire  Bertran ,  ne  vous  escusés  15 
point  par  celle  voie;  car  je  n'ai  frère,  ne  neveu,  ne 
conte,  ne  baron  en  mon  royaume,  qui  n'obéisse  à 
vous;  et,  se  nulz  en  estoit  au  contraire,  il  me  coure- 
ceroit  telement  qu'il  s'en  perceverôit.  Si  prendés 
l'office  liement,  et  je  vous  en  prie.  »  Messires  Ber-  20 
trans  cogneut  bien  que  escusances ,  que  il  sceuist  ne 
peuist  faire  ne  inoustrer,  ne  valoient  riens  :  si  s'a- 
corda  finablement  à  Tordenance  dou  roy,  mes  ce  fu 
à  dur  et  moult  envis.  Là  fu  pourveus  à  grant  joie 
messires  Bertrans  de  Ctaiekin  de  l'office  de  le  con-  25 
nestablie  de  France;  et  pour  li  plus  exaucier,  li  rois 
Fassist  dalés  lui  à  sa  table,  et  li  moustra  tous  les 
signes  d'amour  qu'il  peut;  et  li  donna  en  ce  jour 
avoech  l'offisce  plus  de  quatre  mil  frans  de  revenue, 
en  hiretage,  lui  et  son  hoir.  A  celle  promotion  mist  30 
grant  painne  et  grant  conseil  li  dus  d'Ango. 

Tfm   DU   TEXTE   DU   TOME   SEPTIÈME. 


VARIANTES. 


va  —  17 


VARIANTES. 


§  560.  Tant  ta.  —  Ms.  étAmiem  :  En  ce  tamps,  estoit  ma- 
damme  la  princesse  moult  enchainte.  Si  einst  vollentiers  li  prinches 
yen,  enssi  qu'il  fist,  que  elle  fîist  accouchie  devant  son  départe- 
ment. Dont  il  ayint,  entroes  qu'il  ordounnoit  ses  besoingnes  et  ses 
paiemens,  que  la  damme  acoucha  d'un  biau  fil,  droitement  par  un 
merquedi,  à  heure  de  tierce,  le  jour  de  l'Aparition  des  Trois  Roys, 
Tan  mil  trois  cens  soissante  six.  Et  eut  à  nom  chils  fils  :  Richars, 
et  fu  depuis  roys  d'Engleterre,  si  comme  vous  orés  avant  en  • 
l'istoire. 

Le  dimenche  apriès ,  à  heure  de  primme ,  se  parti  li  prinches 
de  Bourdiauxj  en  très  grant  arroy,  et  touttez  mannières  de  gens 
d'armes  ossi;  mes  li  plus  grant  partie  de  ses  hos  estoient  logiet  à 
Dasc  et  là  environ.  Si  vint  li  prinches  en  le  chitë  de  Dasc,  et  s'i 
loga  et  séjourna,  car  on  li  dist  que  ses  firères  li  dus  de  Lancastre 
venoit.  Et  il  estoit  vray,  car  li  dus  de  Lancastre  voirement  estoit 
arrivés  à  grant  gent  d'armes  en  Constentin,  en  Normandie.  Et 
passa  parmy  le  pays  et  parmy  Bretaigne ,  et  vint  à  Nantez,  où  li 
dus  de  Bretaingne  et  la  duçoise  et  li  sires  de  Clichon  et  li  baron 
doupays  lerechorent  et  festiièrent  grandement,  mes  il  ne  séjourna 
guaires,  car  on  li  dist  que  li  prinches  estoit  partis  de  Bourdiaux. . 
Si  prist  congiet  au  duc  de  Bretaingne  et  à  le  duçoise  et  à  tous  les 
barons  qui  là  estoient,  puis  se  parti  et  chevaucha  tant  par  ses 
joumëes  qu'il  passa  le  Rocelle  et  Poito  et  tout  le  pays;  et  vint  en 
la  bonne  chitë  de  Bourdiaux.  Si  trouva  le  princesse  gisant,  qui  le 
rechupt  liement  et  douchement,  enssi  q'une  damme  en  cel  estât. 
Li  dus  prist  congiet  à  lui  assez  briefment,  et  esploita  tant  qu*il  vint 
à  Dasc,  où  il  trouva  son  frère  le  prinche,  quiencorres  là  l'atendoit. 
Si  furent  les  recongnissances  grandes,  car  il  ne  s' estoient  veu  de 
grant  temps. 

Assës  tost  apriès  chou  que  li  dus  Jehans  de  Lancastre  fu  de- 
viers  son  firère  le  prince  venus ,  vint  H  comtes  de  Foys  en  grant 


260  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1367] 

arroi  par  deviers  ces  seigneurs  pour  yaux  veoir  tant  seullement, 
car  mie  n'estoit  sen  entension  d'aler  ens  ou  voiaige  d'Espaigne  • 
ossi  il  n'en  estoit  point  priiës  ne  mandes.  Se  le  virent  li  dessus 
dit  seigneur  vollentiers,  et  fu  d'iaux  biel  conjols  et  bien  rechus, 
et  au  tierch  jour  qu'il  eut  là  este,  il  s'en  parti  et  retourna  en  son 
pays,  et  promist  et  jura ,  à  son  département,  au  prinche  toutte 
amour  et  bon  vinage.  Encorres  se  tenoit  li  prinches  à  Dasc  tous 
quoys,  et  ses  gens  espars  sus  le  pays,  à  l'entrée  des  pors  don 
royaumme  de  Navarre,  car  point  ne  savoient  de  certain  se  il  pas- 
seroient  par  là,  ne  se  li  roys  de  Navarre  leur  ouveroit  le  passaige, 
car  il  ne  se  trairoit  point  avant.  Mes  disoit  on  communément  en 
lost  du  prince  qu'il  s'estoit  accordés  au roy Henry  et  qu'il  doroit 
les  pas  :  de  quoy  li  prinches  et  li  roys  Pierres  estoient  tons  me- 
rancolieux. 

Or  avint,  entroex  qu'il  sejoumoient  là,  [que]  messires  Hues  de 
Cavrelée  et  les  routtes  prissent  le  chité  de  Mirande  et  le  Pont  le 
Roynne,  à  l'entrée  de  Navare,  dont  tous  li  pais  fu  durement  ef- 
fraésy  et  en  vinrent  les  nouvelles  jusquez  au  roy.  Quant  li  roys 
de  Navare  entendi  chou,  que  les  G>mpaignes  volloient  par  forche 
entrer  en  son  piiys,  si  fu  durement  courouchiés,  et  escripsi  errant 
tout  le  fait  au  prinche.  Li  prinches  s'en  passa  assés  bellement, 
pour  tant  que  on  lui  avoit  dounnet  à  entendre  qu'il  se  volloit  tour- 
ner deviers  le  roy  ITenry  ;  mes  c'estoit  tout  faux ,  enssi  que  bien 
apparut,  car  li  roys  de  Navarre  envoya  à  Dasc,  deviers  le  prinche, 
un  sien  chevalier,  le  plus  especial  qu'il  ewist,  monseigneur  Martin 
de  le  Kare,  sage  homme  et  vaillant  durement.  Chilx  messires 
Martins  parlementa  au  prinche  et  au  roy  dan  Pierre  moult  longe- 
ment.  Et  se  porta  parlemens  si  bien,  qu'il  alla  querre  son  seigneur 
le  roy  de  Navarre  et  Tamena  à  le  ville  de  Saint  Jehan  dou  Piet 
des  Pors.  Si  allèrent  deviers  le  roy  de  Navarre,  pour  mieux  savoir 
sen  entente,  li  duz  de  Lancastre  et  messires  Jehans  Camdos.  Si 
les  rechupt  li  roys  liement  et  bien  les  festia.  F~  142  v«  et  143. 

Page  i;  ligne  3  :  travilla.  —  Ms.  Al  :  traw.eilla.  F^  373  v«. 
—  Ms.  A  8  :  travailla.  F»  275. 

P.  1,  1.  7  :  enfes.  —  Ms.  AS:  enfant. 
.  P.  1,  1.  10  :  ens  es.  —  Ms.  A  %  :  dedens  les. 

P.  2,  l.  5  :  de  Dasc.  —  Ms.  A  8  ;  d'Asc. 

P.  3,  1.  2  ;  songnier.  —  Ms,  A  8  ;  estre  soingneux.  F'»273  v«. 

P.  3,  1.  11  :  quoique  il  leur  ewist  en  couvent.  —  Ms,  4  S  .' 
combien  qu'il  leur  eust  encouvenancié. 


[4367]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  562.         261 

P.  3,  1.  23  :  errant.  —  Ms.  J  S:  tantost. 

P.  4,  1.  2  :  le  Rare.  —  Ms.  ^  8  ;  la  Kare. 

P.  4,  1.  20  et  21  :  ayoec.  -—  Le  ms.  A  8  ajoute  :  le  chevalier. 
F»  276. 

P.  4,  1.  29  :  couyans.  —  Ms,  A%  :  couvenans. 

P.  4,  1.  31  :  segurs.  —  Ms.  Al  :  seur.  P»  274  v«.  —  Ms.  A 
8  :  asseur. 

P.  5, 1.  1  :  entre.  —  Ms.  Al  :  entres.  — -  Ms.  A  B  :  entrées. 

§  tt61.  Sus  ce  trettië.  —  Ms.  ef  Amiens  :  Depuis,  se  porta 
lors  tretiës  qu'il  amenèrent  le  roy  de  Navarre  deviers  le  princh 
en  ung  certain  lieu  parlementer,  assés  priés  de  Saint  Jehan 
dou  Piet  des  Pors,  en  une  ville  que  on  appelle  ou  pais  Piere- 
f[o]rade.  Là  fîi  ossi  li  rois  dans  Pières  et  ses  conssaux,  lî 
prinches  et  ses  conssaux.  Là  parlementèrent  il  ung  grant  temps. 
Si  furent  renouvellëes  leurs  convenances  devant  faittes,  et  ordoun- 
nées,  acordëes  et  confremmëes.  Et  sceut  chacuns  quel  cose  il  de- 
voit  tenir  et  avoir,  et  le  jurèrent  de  rechief  pour  tenir  un  peu 
plus  establement,  et  l'endemain,  il  vinrent  à  Saint  Jehan  dou 
Piet  des  Pors,  et  se  logièrent  li  cors  des  grans  seigneurs  en  le 
ville,  et  li  demorant  par  les  camps  et  par  les  villaiges.  F»  143. 

P.  5, 1.  8  :  li.  —  Mss.  B  4',  ^  7,  8  ;  leur. 

P.  5,  1.  8  :  plaisi.  —  Ms,  A  %  :  pleut. 

P.  5,  1.  16  et  17  :  renouvelées....  cstet.  —  M$.  AS:  renou- 
veliez et  couvenanciez  quelz  traittiez  avoient  este.  P*  276. 

P.  5,  1.  22  :  ce.  —  Ms.  A  8  :  leur, 

P.  5,  1.  24  :  plaisoit.  —  Ms.*  AS  :  plairoit. 

P.  5,  1.  26  et  27  :  voires  prendant  et  paiant.  —  Ms.  AS: 
parmy  les  paiant. 

P.  »,  1.  29  :  en  Dasc.  —  Ms.  ^  8  :  en  la  cité  de  Dasc. 

P.  6^  1.  4  et  5  :  il  ne  passeroit  point.  —  M$.  ^  8  .-  ilz  ne  pas- 
seroient  point. 

P.  6,  1.  15  :  Beus.  —  Jlf^.  ^  8  ;  Beuch. 

P.  6, 1.  20  I  Glaiekin.  —  Ms.  A  S  :  Guesclinr. 

§  562.  Entre  Saint  Jehan.  —  Ms.  it Amiens  :  Entre  Saint  JeKan 
dou  Piet  des  Pors  et  Pampelune  sont  li  destroit  des  montaignes 
et  li  fort  passage  de  Navarre,  qui  sont  moult  périlleux  et  moût 
fellenës  à  passer.  Et  par  especial  adonc  estoient,  car  ce  fu  droite- 
ment  en  février,  le  qoatorzime  jour,  qu'il  negoit  et  gelloit  et  fai- 


Î62  CHRONIQUES  DE  J.  KROISSART.  [1367] 

soit  moot  diviers  tamps  pour  hommes  et  pour  chevaiiz.  Or  regar- 
dèrent li  seigneur  qu'il  passeroient  ces  destrois  et  ces  montaignes 
en  troix  batailles  et  par  troix  journées,  pour  mieux  passer  à  leur 
aise.  Si  ordoonnèrent  par  droite  honneur  en  l'avantgarde  le  duc 
de  Lancastre,  et  eut  avoecq  lui  moût  noble  cheyalerie.  Si  en  non- 
meray  les  aucuns  :  premièrement,  monsigneur  Thummas.'  don 
Fort  9  messire  Hues  de  Hastinges ,  messire  Guillaumme  de  Bian- 
camp,  fis  au  comte  de  Warvich,  li  sires  de  NoefVille  et  messires 
Jelums  Camdos,  qui  estoit  connestables  de  Tost  et  menères  et  sou- 
verains de  touttes  les  Compaignez,  où  il  avoit  bien  quinze  cens 
lanches.  Là  estoit  li  sires  de  Rays,  bretons,  qui  servoit  mcmsei- 
gneur  Jehan  Camdos  à  une  quantité  de  gens  d'armes  en  che 
Yoiaige,  sus  ses  frès,  pour  §e  prise  de  devant  Anroy.  Et  puis  li 
sires  d'Aubeterre,  messires  Garsis  don  Castiel ,  messires  Richars 
Tanton,  messires  Robers  Cheni,  Gaillars  de  le  Motte,  Aimmeris 
de  Rochuwart,  Guillaunmies  de  Qicleton,  Willekot,  le  Boutiliier  et 
Penneriel  ;  tout  chil  estoient  pennon  et  desoubz  le  pennon  mon- 
signeur Jehan  Camdos.  Apriès,  passèrent  li  doy  marescal  de 
rhost,  messires  Guichars  d'Angle  et  messires  Estievenes  de 
Gousenton,  à  belle  compaignie  de  gens  d'armes,  et  estoient  plus 
de  dix  mil  cevaux.  Si  passèrent  ces  destrois  et  ces  montaignes  par 
un  lundi,  à  grant  painne  et  à  grant  meschief.  Touttefob,  il  fissent 
tant  qu'il  furent  tout  outre,  et  se'logièrent  le  soir  par  deviers  Pan- 
pelune.  Et  avcnent  li  marescal  le  pennon  Saint  Gorge  en  leur 
routte.  F*i43. 

P.  7, 1.  4  :  felenés.  —  Mss.  ^  7,  8  .•  félons.  F»  275. 

P.  7,  1.  4 :  telz  cent lieus.  —  Ms.  A%:  cent  lieues.  F«  276 v*. 

P.  7,  1.  7  et  8  :  en  le  moiiene.  —  Ms,  A%  :  on  milieu. 

P.  7,  1.  9  :  ahatesîssent*  —  Ms.  ^  8  ;  se  hastassent. 

P.  7, 1.  23  :  Estievenes.  —  Ms.  A%  :  Estienne. 

P.  7,  1.  27  et  28  :  li  sires  de  Nuefville.  —  Ms.  A  17  •*  mon- 
seigneur Jdian  de  Neufville.  P  344* 

P.  7,  1.  28  :  bretons.  —  Zems.Ail  ajoute  :  gallou. 

P.  8,  1.  2  :  Rocewart.  —  Ms,  A8  :  Rochechouart. 

P.  8,  1.  3  :  WiUekok.  —  Mss.  A  %,  15  A  17  ;  Yillebok. 
F»  277. 

P.  8,  1.  3  :  le  BouteUier.  —  Ms.AS  :  le  Bouteillier. 

5  tt6S.  Ce  mardi.  '^Ms»  d Amiens  :  Le  mardi  passèrent  li  prin- 
ces de  Galles,  li  roi   dans  Pierres  et  li  roys  de  Navarre  et  très 


[1367]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  864.         263 

grant  et  noble  chevalerie.  Si  estoient  en  le  routte  messires  Loeys 
de  Harcourt,  viscontes  de  Ghasteleraut  et  li  viscontes  de  Rocou- 
wart,  messires  Ustasses  d'Aubrecicourt ,  messires  Thummas  de 
Felleton,  lî  sires  de  Partenay,  messires  Helyes,  messires  Jehans, 
messires  Aimmenions  de  Pommiers,  messires  Thumas  le  Despens- 
sier,  li  sires  de  Glichon,  11  sires  de  Courton,  li  sires  de  le  Ware, 
H  sires  de  Boursier,  li  senescaux  d'Acqnittaine,  et  cilz  d'Aginois, 
chils  de  Quersin,  chilx  de  Roherge,  chîlx  de  Poito  et  chils  de 
Bigorre,  et  bien  yaux  quatre  mille,  touttes  bonnes  gens,  et  estoient 
bien  huit  mil  chevaux  :  si  eurent  ossi  moult  destroit  passage  et 
moult  viUain.de  froit,  de  nèges  et  de  glace.  Touttesfoix,  il  passè- 
rent oultre  et  vinrent  logier  par  deviers  Panpelune.  F'  143. 

P.  8,  1.  10  :  en  le  route.  —  Ms.  -^  8  ;  en  la  droite  route. 
F»  277. 

P.  8,  1.  19  et  20  :  li  seneschaus  de  Roerge.  —  Ces  mots  mon" 
queni  dans  le  msm  A  8. 

P.  8,  1.  24  :  Loeis  de  Merval,  —  Ms.  A  V\  :  monseigneur 
Loys  de  Marueil.  F»  344  v^. 

P.  8, 1.  24  :  messires  Raimons  de  Morueil.  —  Ms,  AVI  \  mon- 
seigneur Raymond  de  Merval. 

P.  8,  1.  29  :  le  comble.  —  Ms.  ^  8  ;  la  comble. 

§  864.  Le  mercredi.  — Ms,  éC Amiens:  Le  [merquedi],  passa 
fi  arrieregarde.  Là  estoient  fi  roys  James  de  Maiogres,  li  comtes 
d'Ermignach,  messires  Berars  de  Labreth,  li  sires  de  Muchident, 
fi  sires  de  Lespare,  messires  Aimmerîs  de  Tarse,  li  sires  de  Chau- 
mont^  li  sires  de  la  Barde,  fi  soudis  de  Lestrade  et  tamaint  bon 
chevalier;  et  ossi  messires  Perdikas  de  Labreth,  li  bours  de 
Bretuel,  fi  bours  Camus,  Naudon  de  Bagerant,  Bemart  de  le  Salle, 
Lamit  et  tous  fi  remannans  des  Gompaignes.  Si  se  logièrent  tout- 
tes ces  gens  en  le  comble  de  Pampelune,  et  y  trouvèrent  assés 
pain,  car  et  vin,  et  poiurveanches  pour  leurs  chevaux.  Puis  pas- 
sèrent le  venredi,  fi  sires  de  Labreth  et  fi  captaux  de  Beux,  à  tout 
deux  cens  lanches,  et  assës  tost  apriès  messires  Robers  Canolles, 
à  bien  cent  lanches.  Et  enssi  qu'il  venoient,  il  se  logoient  par 
l'ordounnance  des  marescaux,  non  mie  autrement. 

Quant  touttes  ces  gens  d'armes  furent  passes,  ensi  que  vous 
avés  oy,  par  les  destrois  de  Navare,  et  qu'il  se  furent  iogiet  en  le 
comble  de  Panpelune,  il  s'i  rafresquirent  là,  je  ne  sai  quant  jours 
Et  entroes  vint  li  roys  de  Navarre  à  Panpelune,  et  estoit  inou 


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Amimm  fUtUnt  ÊtUfmê  Uàk  qa»  àty  ^tûâeat 

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[1367]      VARIANTES  DU  PREMIER  LITRE,  g  567.  265 

par  deçà  les  pors,  et  que  vous  aiiës  les  acors  à  nostre  ennemy  et 
certainDes  alliances,  et  vous  nous  Yoeilliës  gueriier,  dont  nous 
ayons  grant  merveille,  car  oncques  nous  ne  vous  fourfesismes 
cose  nulle,  ne  faire  vorions,  pour  quoy  ensi  à  main  armée  vous 
doiiés  venir  sur  nous  pour  nous  toUir  tant  peu  d*iretaige  que 
Dieux  nous  a  dounnë,  mes  vous  avés  le  grâce,  Teur  et  le  fortune 
d'armes  plus  que  nulx  prinches  terriiens  ait  au  jour  d'ui.  Et  pour 
chou  que  nous  savons  de  vente  que  vous  nous  querës  pour  avoir 
bataille,  voeiUiës  nous  laissier  savoir  par  lequel  les  vous  vorrës 
entrer  en  Castille,  et  nous  vous  serons  au  devant  pour  deffendre 
et  garder  nostre  seignourie.  Escript,  etc.  39  Quant  li  prinches  eut 
leu  la  lettre  et  bien  conssiderëe,  0  manda  une  partie  de  son  cons- 
aeil  pour  respondre  à  ces  lettrez,  et  là  fu  mandes  li  rois  dans 
Pières.  Si  tinrent  leur  parlement  enssamble  pour  conssillier  le  re&- 
ponsce.  Et  bien  dist  li  prinches  que  chilz  bastars  estoit  ungs 
vaillans  et  hardis  homs,  quant  tel  cose  il  requeroit,  et  li  venoit 
de  grant  hardement  et  de  bon  couraige.  A  che  consseil  eut 
mainte  parolle  ditte  et  retournée.  Et  ne  furent  mies  bien  d'acort 
adonc  de  donner  responsce,  et  fissent  demorer  le  hirault  et  le 
tinrent  tout  aise,  et  li  dissent  qu'il  le  dévoient  bien  conjoir  et 
festiier,  car  U  leur  avoit  aporté  riches  nouvelles.  F<^  143  v^. 

P.  10,  1.  30  :  o  son  effort.  —  Ms,  Al  :  k  son  grant  effort. 
F»  275  V».  —  Ms.  A%:k  tout  son  grant  effort.  P  277  v^. 

P.  11,  1.  4  :  joians.  —  Mss.  A^  7,  8  ;  joyeux. 

P.  12,  1.  14  :  grandement  hardemens.  -*  Ms.  AS:  grande- 
ment et  hardiement. 

P.  12,  1. 1 2  à  1 5  :  vraiement. .. .  maintenant.  »-  Ms.  Ail  :  par 
saint  George,  en  ce  bastart  a  un  moult  noble  et  vaillant  cheva- 
lier, et  lui  vient  de  très  hault  et  noble  couraige  d'uinsi  nous  dési- 
rer à  trover  pour  nous  combatre.  T^  335. 

§  867.  Che  propre  jour.  — »  Ms.  tt Amiens  :  Endementroes  et 
en  ce  meysme  jour,  s'avancha  messires  Thummas  de  Felleton^  et 
demanda  ung  don  au  prinohe  qu'il  le  volsist  laissier  aller  des 
premiers  chevauchier  deviers  les  ennemis,  pour  enquerre  et  sa- 
voir de  leur  convenant,  et  où  il  se  logoient  ne  tenoient.  Li 
prinches  li  acorda  vollentiers. 

■  Adonc  se  parti  messires  Thummas  de  Felleton,  qui  se  fist  chiës 
de  ceSte  chevanchie.  Si  se  missent  avoecq  lui  messires  Guillaumes 
de  Felleton,  messires  Thumas  du  Fort,  messires  Robers  Ganollez, 


•  ■  • 


#. 


266  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1367] 

messires  Hues  de  Stamfort,  messires  Simons  de  Burlëe,  monsei- 
gneur Richart  Tanton,  monseigneur  Gaillart  Vighier,  monseigneur 
Raoul  de  Hastinges  et  messire  d'Âgorisse.  Si  estoient  bien  huit 
vingt  lanches  et  trois  cens  archiers,  tous  bien  montés  et  bonnes 
gens  d'armes,  et  chevauchièrent  parmy  Navarre,  et  avoient  ghi- 
des  qui  les  menoient.  Et  passèrent  le  rivière  d'Emer,  qui  est 
moult  fort  et  moult  rade,  au  Groîng,  et  vinrent  logier  à  Navaret 
pour  entendre  et  olr  coumment  li  hos  dou  roj  Henry  se  mainte- 
noit  ne  où  elle  estent. 

Endementroes  que  chou  se  faisoit  et  ordounnoit,  fîi  li  rois  de 
Navare  pris  assés  mervilleusement  de  monsigneur  Olivier  de 
Mauni,  si  comme  on  disoit,  entroes  qu'il  chevauchoit  d'une  ville  à 
autre.  Dont  moult  estoit  esmervilliés  li  prinches,  et  en  appaisa 
bellement  et  doucement  la  roynne  de  Navarre,  sa  femme,  qui,  en 
plourant  et  en  lamentant,  K  vint  recorder  le  fait.  Si  li  dist  : 
«  Damme  et  belle  cousinne,  je  vous  promet  loyaument  que,  se 
nous  pourfitons  ens  ou  voiaige  où  nous  allons,  il  y  partira  gran- 
dement, et  amenderons  cbe  fourfait  sus  chiaux  qui  Tout  fait;  mes 
tant  c'a  ores,  nons  n'y  poons  mie  bonnement  entendre.  Touttes- 
fois,  nous  vous  prions  et  enjoindons,  se  il  vous  faut  nulle  cose, 
que  vous  ne  nous  voeilliës  mies  espargnier,  car  vous  nous  trou- 
verez appareilliet.  »  —  «  Monsigneur,  dist  li  damme,  grant 
merchis,  et  Dieux  vous  voeille  oyr  de  tout  le  bien  que  vous  me 
proumetés.  » 

Or  fu  gouvernères  et  baux  de  tout  le  royaume  de  Navarce 
messires  Martins  de  le  Kiire,  qui  emprist  le  prince  à  conduire  et 
amener  parmy  Navarre,  et  li  fist  avoir  gides  pour  lui  et  pour  ses 
gens,  qui  chevauchoîent  devant.  Si  se  parti  li  prinches  et  touttes 
ses  os,  et  passèrent  parmy  ung  pas,  c'on  appelle  de  Sarris,  qui 
moult  leur  fut  diviers  à  passer,  car  il  est  estrois  et  petis,  puis 
cheminèrent  parmy  Epuske;  mes  illuecq  trouvèrent  il  moût  petit 
de  vivres,  et  tout  sus  ce  pays,  jusques  à  tant  qu'il  vinrent  à 
Sauveterre.  F^  143  v». 

P.  13,  1.  31  :  de  monsigneur  Olivier  de  Mauni.  —  Ms,  Jil: 
d'un  vaillant  chevalier  durement,  nomme  monseigneur  Olivier  de 
Mauny,  Breton.  F»  345. 

P.  14,  1.  8  :  deviner.  —  Ms.  A%:  deviser.  P  278  v*. 

P.  14,  1.  14  :  sires.  —  Les  mss,  Al^%  ajoutent:  nourvous  en 
prions. 

P.  14, 1.  18  :  temprement.  —  Ms.  J  S  :  brieûnent. 


VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  568.  Î67 

'^2  à  26  :  La  dame....  chevaliers.  —  Ms,  A  %  :  1a 
>'c  s'en  retourna  et  messire  Martin  de  la  Rare. 
Vstours.  —  Ms,  A  %  :  destrois. 
.  —  Ms,  AS:  le. 
ï)etis.  —  Mss.  A  T  et  B  k  :  est  estrois  et 
.  A%:  estoit  estroit  et  petit. 
—  Ms,B  k  :  Espuske.    F»  276  V>.  — 


cV Amiens  :  Sauveterre    est  une 
n  bon  pays  et  gras,  selonc  les 
vare  et  à  l'entrée  d'Espaigne. 
>  en  cesd  pays  pour  trouver  vivres, 
^es.  Si  quidièrent  les  dites  Compaignes, 
•  >Libs  le  connes table  et  les  marescaux,  assail- 
li cstoient  en  grant  voUenté,  tant  pour  recouvrer 
ic  vivres  que  pour  le  grant  prouffit  dou  pillaige  qu'A 
lit  dedans  ;  car  tous  li  pays  y  estoit  retrès  de  là  environ, 
..-  le  ûanche  de  le  forterèce.  Mes  quant  chil  de  Sauveterre  en- 
tendirent le  prinche  venu  et  se  puissance  et  le  roy  dan  Pière 
avoecq  lui,  il  furent  tantost  conssilliës  d'iaux  rendre,  et  se  vinrent 
représenter  et  offrir  moult  humblement  au  roy  dan  Pière,  et  li 
criièrent  merchy.  Et  li  priièrent  que  il  leur  volsist  pardounner 
son  maniaient,  car  il  le  recepvoient  et  recongnissoient  pour  leur 
seigneur  natui^el.  Et  ce  qu'il  s'estoient  tourné  deviers  le  bastart 
son  firère,  che  fu  de  force,  non  mie  autrement,  si  ques  li  roys 
dans  Pierres  leur  pardounna  son  mautalent  par  le  consseil  dou 
prinche.  Et  entrèrent  dedens  le  fremeté  li  corps  des  seigneurs  à 
grant  joie,  et  là  se  logièrent,  et  y  furent  par  Tespasse  de  six  jours. 
Entroes  estoient  à  Navaret,  plus  avant  sus  le  frontière  dou 
pays  y  messires  Thummas  de  Felleton,  messires  Guillaumes   de 
Felleton,  messires  Simons  de  Burlëe,  messires  Thununas  dou  Fort, 
messires  Hues  de  Stanfort,  messires  Robers  CanoUes  et  li  autre 
chevalier  et  escuier  dessus  dit,  qui  avoient  chevauchiet  devant 
pour  mieux  savoir  le  vérité  dou  convenant  le  roy  Henry,  et  es- 
toient bien  huit  vingt  lanches  et  trois  cens  archiers.  Si  chevau- 
choient  bien  souvent  hors  de  Navaret,  une  fois  d'un  lés,  et  puis 
d'un  autre,  pour  mieux  venir  à  leur  entente.  Et  ja  estoit  logiés 
li  roys  Henris  sus  les  camps  avoecques  touttes  ses  hos.  Si  couroient 
ossi  li  coureu**  "'* '*  sus  le  pays,  pour  aprendre  les  nou- 


268  CHRONIQtJES  DE  J.  FROISSART.  [1367] 

velles  des  Englès.  Et  avint  que  chil  chevalier  d'Engleterre  che- 
▼anchièrent  un  soir  si  avant,  qu'il  vinrent  sus  le  get  des  Espa- 
gnols, et  se  ferirent  ens  et  prissent  le  chevalier  dou  get  et 
encorres  des  autres,  et  pub  s'en  retournèrent  à  Navaret.  Si  man- 
dèrent au  prinche  tout  ce  qu'il  avoient  trouvet  et  fait,  et  là  où  11 
Espagnol  estoient,  car  il  en  furent  tout  enfourmé  par  les  prison- 
niers qu'il  tenoient.  Et  li  roys  fienris,  d'autre  part,  sceut  ossi  par 
ses  gens  et  ses  coureurs  une  partie  dou  convenant  des  Englez, 
et  dist  qu'il  volloit  chevauchier  et  aller  contre  yaux. 

Si  se  desloga  [li  roys  Henris]  et  touttes  ses  gens  de  là  où  il 
estoient  logiet,  et  avoient  en  pourpos  que  de  venir  logier  ens  es 
plains  devant  Victore.  Si  passèrent  le  rivierre  et  se  traissent  de 
celle  part.  Quant  messires  Thununas  de  Felleton  et  li  chevalier 
dessus  nommet  entendirent  ces  nouvellez  que  U  roys  Henris  avoit 
passet  l'aigfae  et  traioit  tondis  avant  pour  trouver  le  prinche  et 
ses  gens,  si  eurent  consseil  et  vollentë  d'iaux  deslogier  de  Navaret 
et  de  prendre  les  camps,  pour  mieux  savoir  encorres  le  parfaite 
venté  des  Espagnols.  Si  se  deslogièrent  de  Navaret  et  se  missent 
as  camps,  et  envoiièrent  les  certainnes  nouvelles  au  prinche  coum- 
ment  li  roys  Henris  aprochoit  durement. 

Quant  li  prinches  entendi  chou,  qui  se  tenoit  encorres  à  Sauve- 
terre,  que  li  roys  Henris  prendoit  son  chemin  et  ses  adrèchez 
pour  venir  contre  lui ,  si  dist  si  hault  que  pluisseurs  chevaliers 
l'olrent  :  «  Par  me  foy,  chils  bastars  Henris  est  ungs  vaillans  et 
hardis  chevaliers,  et  li  vient  de  grant  proèce  et  de  grant  harde- 
ment  de  nous  querre  enssî.  Et  puisqu'il  nous  quiert  et  nous  le 
querons  ossi,  nous  nos  devenons  temprement  trouver  et  combat- 
tre. S'est  bons  que  nous  nos  partons  de  chy  et  que  nous  allons 
devant  Victore  premièrement  prendre  lieu  et  place,  ainschois  que 
nostre  ennemy  y  viegnent.  »  Dont  se  partirent  à  l'endemain  bien 
matin  de  Sauveterre  li  prinches  et  touttes  ses  gens,  et  cheminè- 
rent tant  qu'il  vinrent  devant  Victore.  Si  trouva  là  li  prinches 
ses  chevaliers,  monseigneur  Thumas  de  Felleton  et  les  autres  des- 
sus nommes,  à  qui  il  fist  grant  feste,  et  leur  demanda  d'une  oose 
et  d'autre.  Entroes  qu'il  se  devisoient,  leur  coureur  raportèrent 
qu'il  avoient  veu  les  coureurs  des  ennemis  et  tenoient  de  certain 
que  li  roys  Henris  et  ses  gens  n'estoient  mies  loing,  par  les  assens 
qu'il  avoient  veus  et  le  convenant  des  Espagnolx.  F^  144. 

P.  15|  1.  10  :  Si  s'espardirent  toutes  les  hos.  —  M$,  ^  8  ;  Si 
s'espardy  trestout  l'ost.  F»  278  v*. 


\'\ 


TAOTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  ^^'         ^^^ 

**er.  —  Le  im.  J  8  afomie  :  ne  reaislar. 
—  Ms.  A  8  :  Nazares.  F*  279. 

ssée  l'aiguë.  —  Afr.  ^  8  •'  passe  la 


Ms.  et  Amiens  :  Quant  li  prinches 
.  sounner  ses  trompettes  et  criier  à 
ost,  qui  toutte  se  remistet  requeilla 
hloment  sus  les  cans  par  batailles,  enssi 
-t  aler  et  pour  tantost  combattre.  Là  veist 
^'A)  bannierrez,  de  pennons  et  de  toutte  ar- 
.  que  c'estoit  une  grant  biautës  au  regarder.  Là 
..trde  si  bien  rengie  et  si  bien  ordonnée  ç'à  parer , 
•.  Lancastre  estoit  chiës  et  gouvrenères,  et  avoecques 
..^tablez  d'Acquittainne,  messires  Jehans  Camdos,  qui  y 
ut  estofeement  et  en  grant  aroy.  Là  y  eut  fait  par  les 
^  piuisseurs  chevaliers.  Si  fist  là  li  dus  de  Lancastre,  en 
lU  garde,  cbeyalier  monseigneur  Raoul  Camois  et  monseigneur 
■uitier  Oursuwich  et  mcrnseigneur  Thumas  de  Dainmiri  et  mon- 
seigneur Jehan  de  Gramdson.  Et  en  fist  encorres  li  dus  des  autres 
que  je  ne  puis  mies  tout  nommer,  mes  il  y  en  y  eult  douze.  Et 
messires  Jehans  Camdos  en  fist  ossi  aucuns  de  bons  escuiers 
d'Engleterre  et  de  son  hostel,  dont  je  me  passeray  briefment.  Mes 
il  fist  chevaliers  :  Gliton,  Courson,  Prieur,  Guillaume  de  Feriton, 
Ainmeri  de  Rocouwart,  monseigneur  Robert  Bricquet  et  cesti  de 
le  Motte  Gaillart.  Et  li  prinches  fist  chevaliers  tout  premièrement  : 
dan  Pière  le  roy  d'Espaigne,  et  monseigneur  Thumas  de  Hollan- 
dez,  filz  madamme  le  princesse,  sa  fenune,  qu'elle  eut  de  mon- 
seigneur Thumas  de  Hollandes,  qui  fu  si  bons  chevaliers ,  dont 
ceste  histoire  fait  mention  chi  dessus  eus  es  gerrez  de  Bretaigne 
et  ailleurs,  et  monseigneur  Henri  de  Gourtenay,  monseigneur 
Phelippe  et  monseigneur  Pière  de  Gourtenay,  monseigneur  Jehan 
Trivet  et  monseigneur  Nicoulas  Bonde  et  des  autres  piuisseurs. 
Et  enssi  £ûssoient  li  autre  par  leurs  bataillez  de  leurs  amis  et* de 
leurs  escuiers  qui  y  volloient  avanchier  et  qui  estoient  digne  et 
tailliet  de  devenir  chevalier.  Si  en  y  eut  fait  ce  jour  bien  trois 
cens  et  plus.  Et  furent  là  rengiet  tout  ce  jour  pour  atendre  le  ba- 
taille et  les  ennemis^  qui  point  ne  vinrent  ne  n'aprochièrent  de  plus 
pries  que  li  coureur  ave'  •  car  li  roys  Henris  atendoit 

encorres  grans  gens  qr  en  sen  ayde  d'Arragon  et 


270  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [i3«7] 

d'ailleim,  et  par  especial  monseignenr  Beitran  de  daiequm ,  qui 
amenoit  plus  de  deux  mil  combatans.  Si  ne  se  Tolloit  mies  com- 
battre sans  toattes  ses  geos.  Et  de  ce  fa  li  prinches  tons  euwi- 
reuz  ;  car  ossi  toatte  sen  arieregarde,  oii  bien  avoit  plus  de  six 
mil  combatans,  estoit  en  derière  plus  de  sept  lieuwes  dou  pays, 
dont  11  princbes,  tout  ce  jour  cpi'il  furent  rengiet  devant  Victore, 
eut  tamaint  angouisse  au  coer,  pour  ce  que  tant  demouroit  li  ar- 
rieregarde.  Mes  nonpourquant,  se  li  Espagnol  fuissent  trais  avant, 
il  les  emst  combatus,  coumment  qu'il  fist,  il  n'est  mies  doubte. 
F»  i44. 

P.  18,  1.  14  :  très  au  partir.  —  Ms.  J  B  :  dès  au  départir. 
F*  279  V. 

P.  18,  1.  29  :  Grandson.  —  Âiss.  Jl^B^eiBk  :  Grandon. 
F*  277  y. 

P.  19, 1.  1  :  Gliton,  Gourton.  —  Ms.  Bk:  (Xcbon,  Tourson. 
F»  278. 

P.  19,  1. 1  :  Gourton.  —  Mu.  Jl^S  :  Gourson. 

P.  19,  1.  1  :  Ferinton.  —  Ms.  Al  :  Feranton. 

P.  19,  1.  2  :  Rocewart.  —  Ms.  A%:  Rochechoart. 

P.  19,  1.  10  :  trois  mU.  ^Ms.  AB  :  quatre  mil.  F*  280, 

P.  19,  1. 19  :  nient.—  Mss.  S  k  et  A  B  :  mie. 

§  870.  Quant  ce  vint.  —  Ms»  d^ Amiens  :  Quant  ce  vint  au 
soir  et  qu'il  estoit  beure  de  retraire,  li  marescal  ordounnèrent  et 
coummandèrent  de  retraire  et  d'aller  logîer,  et  ossi  que  chacuns 
retoumast  l'endemain  sus  le  dite  plache  et  que  nulx  ne  passast 
Tavangarde,  et  que  cbacuns  fust  sus  se  garde  et  se  logast  desoubz 
se  bannierre  bien  et  couvignablement.  Tout  tinrent  ce  ban  et  ceste 
ordounnanche,  excepté  messires  Tbumas  de  Felleton  et  se  routte 
de  chevaliers,  dont  je  parlay  orains,  qui  chevauchoient  devant  pour 
mieux  entendre  des  Espagnos.  Encorres,  sus  le  soir,  quant  tout  li 
autre  se  retraissent ,  il  se  partirent  de  le  grosse  ost  et  s'allèrent 
logier  plus  avant  bien  deux  lieuwes  dou  pays. 

Avint  ce  soir  que  li  comtes  dan  Tilles ,  frères  au  roy  Henry  et 
au  roy  Piètre ,  estoit  en  son  logeis  avoecques  son  frère  le  roy 
Henry  ;  se  li  dist  enssi  :  «  Sire,  vous  savës  que  nostre  ennemy  sont 
iogiet  moult  priés  de  chy.  Si  vous  pri  que  vous  me  dounnës  con- 
giet  que  le  matin  je  puisse  chevauchier  par  deviers  yaux  à  toutte 
une  routte  de  vostres  gens ,  qui  en  sont  en  grant  voUenté.  Et  je 
vous  ay  en  couvent  que  nous  yrons  si  avant  que  je  vous  raporte- 


[1367]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  ^'7^-         ^^^ 

ray  vraies  nouvelles  et  certainnez  enssaignes  des  ennemis.  »  li 
roys  Henris,  qui  vit  son  frère  en  grant  vollenté,  ne  li  vot  mies 
oster  ne  brisier  son  bon  désir,  mes  li  acorda  lîement.  Tontte  celle 
nuit,  H  comtes  dan  Tilles  quist  et  pria  les  compaignons,  tant  de 
Franche  comme  de  GastUlei  pour  aler  avoecq  lui  en  ceste 
chevauchie,  et  en  eult  au  matin  bien  suc  mil,  bien  montés  sus 
bons  chevaux.  Et  estoit  ses  frères  Sansses  avoecq  hii  et  messires 
Gonmes  Garils;  et  de  France  :  messires  Emoux  d'Audrehen,  ma- 
rescauz  de  Franche ,  messires  li  Règhes  de  Velainnes,  li  sires  de 
Nœfville,  messires  Jehans,  li  Bèghes  de  Villers,  messires  Jehans 
de  Berghètes,  li  AUemans  de  Saint  Venant  et  plniseur  chevalier  et 
escuier  de  Franche.  Et  encorrez  y  fust  allés  messires  Rertrans  de 
Glaiequin,  mes  il  estoit  tantost  descendus  en  Tost,  qu'il  venoit  de 
deviers  Arragon  à  belle  routte  de  gens  d'armes.  Se  ne  vot  mies 
acorder  li  roys  Henris  qu'il  y  alast,  et  messires  Bertrans  ne  vot 
riens  faire  oultre  son  coummandement.  Encorres  estoit  li  princes 
logiës,  et  tonttes  ses  gens,  ens  es  plains  devant  Victore.  F^  144 
r«  et  v«. 
'     P.  19,  1.  30  :  Guichars.  -^  Ms.  Jt  %  :  Richart.  F>  280. 

P.  20,  1.  3  et  4  :  couvâDumt.  —  Ms»  AS:  couvine. 

P.  20,  1.  16  :  resveille.  —  Ms.  A  8  :  recule. 

P.  20,  1.  28  :  cil  d' Arragon.  —  M$.  A  9  :  ceulx  de  son  ost. 

P.  21, 1.  4 :  Velaînne.  —  Ms.AS:  Villaines. 

S  tt71.  Quant  ce  vint.  —  Mt.  et  Amiens:  Quant  ce  vint  au 
matin  sus  l'aube  don  jour,  li  comtes  dan  Tilles  et  tout  li  sien, 
qui  en  le  chevauchie  dévoient  aller,  furent  armé  et  monté,  et  se 
partirent  de  leur  ost  et  chevauchièrent  par  deviers  les  Bnglès,  et 
estoient  bien  six  mil  chevaux.  Et  vinrent  si  à  point,  sus  une  des 
elles  de  Tost,  qu'il  encontrèrent  en  une  vallée  les  sommiers  et  le 
hamas  monsigneur  Hue  de  Cavrelée,  à  qui  il  fissent  moult 
grant  dammaige  ;  car  il  tuèrent  les  variez  qui  les  menoient,  et 
tournèrent  tous  les  soummiers  par  deviers  yaux,  et  cachièrent 
plus  d'une  lieuwe  monseigneur  Hue  et  aucuns  de  ses  hommes, 
qui  s'estoient  ce  matin  deslogiet  et  s'en  venoient  deviers  le 
prinche.  Et  se  ferirent  les  gens  le  comte  dan  Tille  ens  es  logeis 
de  l'avaDtgarde,  et  couroient  à  val  et  à  mont.  Si  en  tuèrent 
pluisseurs  en  leurs  lis.  Dont  s'estourmirent  durement  chil  de 
l'avantgarde,  et  criièrent  :  «  A  l'arme!  »  Et  s'arma  chacuns 
moût  vistement,  et  se  traissent  deviers  le  logeis  le  duc,  liquelx 


272  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1367] 

fu  ossi  moal  tost  armés,  et  se  mist  sus  les  camps,  se  bannierre 
devant  lui,  et  s'en  vint  prendre  moult  aviseement  une  montaigne 
qui  estoit  au  dehors  de  son  logeis,  et  là  se  ralliièrent  touttes  ses 
gens. 

Si  vous  di  que  li  Espagnol  quidoient  prendre  celle  montai- 
gne, mais  il  n'y  peurent  venir  à  tans  ;  si  «étendirent  à  autre 
cose,  à  ochire  et  à  decopper  chiaux  qu'il  pooient  enclore  sus  les 
camps.  Tantost  fii  li  hos  toutte  estourmie.  Si  vinrent  deviers  le 
duc  de  Lancastre  li  prinches,  messires  Jehans  Gamdos  et  touttei 
les  autres  bannierres  de  Tost  des  seigneurs  qui  là  estoient;  et 
enssi  qu'il  venoient,  il  se  rengoîent  et  ordounnoient  sus  le  mon- 
taigne et  mettoient  en  bon  couvenant.  Si  coummenchiàvnt  à  re- 
bonter  ces  coureurs  fort  et  roit.  Là  eut  fait  tamainte  belle  apper- 
tise  d'armes,  tant  d'un  lés  comme  de  l'autre,  car  Espagnol  et 
François  estoient  monté  sus  fleur  de  courssier,  et  couroient  et 
environnoient  appertement  les  Englès,  et  leur  lanchoient,  en  cou- 
rant et  en  saillant,  lanches  et  garvelos,  et  en  blecièrent  et  navrè- 
rent pluisseurs.  Mes  il  se  partirent  assés  briefmenty  car  toutte  li 
hos  estoit  si  estourmie»  que  chacuns  venoit  là,  qui  mieux  mieux, 
et  se  mettoient  en  ordounnanche  dallés  le  prince  et  le  duc  de  Lan^ 
castre  et  desoubs  leurs  bannierrez. 

Au  retour  que  dl  Espagnol  et  cil  Franchois  fissent,  il  encon- 
trèrent  les  dessus  dis  chevalliers,  monseigneur  Thmnmas  de  Fel- 
leton  et  ses  frères,  monseigneur  Richart  Tanton,  monseigneur 
d'Agorisse,  monseigneur  Huge  de  Hastinghes  et  monseigneur 
GaiUart  Vigier  et  des  autres  assés,  et  estoient  bien  deux  cens 
chevaliers  et  escuiers,  englès  et  gascons.  Si  tost  que  Franchois  et 
Espagnol  les  perchurent,  il  brochièrent  deviers  yaux  parmy  ung 
grant  val.  Ossi,  quant  li  Englès  les  virent,  il  ne  veurent  mies 
fuir,  mes  se  requeillièrent  tout  enssamble  et  prissent  l'avantaige 
d'une  petitte  montaigne,  pour  yaux  mieux  combattre  à  leur  aise. 
Evous  le  comte  dan  Tille,  monseigneur  Ernoul  d'Audrehen,  mon- 
seigneur Jehan  de  Noefville,  monseigneur  le  Bèghe  de  Vellainnes 
et  les  autres  chevaliers  et  escuiers  de  Franche,  qui  s'en  viennent 
sour  ces  Englès  et  les  assaillent  fièrement  et  vaillamment  de  tous 
costés,  et  Englès  et  Gascon  ossi  à  yaux  deffendre  très  apperte- 
ment et  moût  vassaument. 

Si  fist  une  grant  appertise  d'armes  et  ung  grant  outraige  mes- 
sires Guillaummes  de  FeUeton;  car  il  se  parti  de  se  routte,  le 
large  au  col,  le  lanche  desoubz  le  brach,  et  feri  ceval  des  espe- 


J367]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  bli.         273 

rons  et  s'en  vint  de  plains  eslais  ferir  entre  les  Espagnols.  Si 
conssieuwi  un  Kateloing  qoi  estoit  durement  grans  mestres  et 
bien  armes,  mes  touttes  ses  armures  ne  li  vallirent  nient,  et  li 
bouta  le  lanche  tout  parmi  le  corps  et  le  reverssa  mort  jus  de 
son  cheval.  Tant  fu  li  dis  messires  Guillaummes  [de  Felleton]  en^ 
vironnës  d^uns  et  d'autres  et  assaillis  fièrement,  et  lanchiës  d'ar- 
chigaies  et  de  dars,  et  ses  chevaux  desoubz  lui  ochis.  Là  se  def- 
fendi  li  chevaliers  moult  vaillamment,  et  se  combati  une  grant 
espasse,  et  y  fist  merveilles  d'armes  de  son  corps  ;  mes  finable- 
ment,  il  ne  peult  durer  ne  li  délivrer  d'iaux  tous.  Si  fu  là  ochis 
entre  ces  Espagnols  et  ces  Gatelains,  qui  n'en  eurent  nulle  pité, 
ja  fîist  il  bons  chevaliers  et  vaillans  homs  et  de  grant  linage  du- 
rement. 

Et  d'autre  part  se  combatoient  chil  qui  pris  le  montaigne 
avoient,  moult  vaillamment,  et  ossi  sans  espargnier  on  les  assail- 
loit,  et  leur  lanchoient  Espagnol  lanches  et  dars.  Au  voir  dire, 
oncques  on  ne  vit  si  peu  de  gens  que  chil  estoient,  faire  les 
grans  appertises  d'armes  que  cil  fissent;  car  bien  souvent  il  des- 
cendoient  et  venoient  combattre  vaillamment  main  à  main  as 
Espagnols  et  as  Franchois,  et  les  reculoient,  et  puis  se  retraioient 
en  leur  montaigne,  et  Espagnol  tantost  revenoient  sus  y  aux  moult 
fièrement.  Là  furent  et  se  tinrent  en  cel  estât  dou  matin  jusques 
à  haulte  nonne,  qu'il  quidoient  tondis  que  secours  leur  dewist 
venir,  mes  leurs  gens  estoient  arrien*e  bien  deux  grosses  lieuwes 
dou  pays.  Si  leur  couvint,  en  y  aux  combatant  et  dépendant,  en- 
durer mainte  painne,  et  faire  mainte  appertise  de  leurs  corps. 

Là  dist  une  fois  li  comtes  dans  Tilles,  pour  ce  que  ces  gens 
tant  se  tenoient,  dont  moult  courouchiés  estoit  :  «  Avant!  Avant, 
seigneur  !  Par  le  corps  Jhesu  Cris  !  nous  duront  meshui  ces  gens  ? 
Nous  les  dewissiens  ores  avoir  tous  mengiés  et  dévorés.  »  Adonc 
s'avanchièrent  touttes  mannierres  de  gens,  Espagnoix  et  Fran- 
choix,  et  s'en  vinrent  bouter  sus  yaux  et  les  envayrent  si  fière- 
ment que  merveilles  fu.  Et  vous  di  que  finablement  par  forche 
d'armes  il  les  conquissent  et  prissent  tous,  petit  s'en  sauvèrent. 
Là  furent  pris  li  troy  frère  de  Felleton,  messires  Hues  de  Hastin- 
ghes,  messires  d'Agorises,  messires  Richars  Tanton,  messires 
Gaillars  Vigier,  li  sires  de  Miton  et  plus  de  soissante  chevaliers 
englès  et  gascons,  et  ossi  assés  d'escuiers,  tous  gentils  hommes  et 
gens  d'armes,  et  si  en  laissièrent  partie  mors  sus  le  place. 
F*»144  v»  et  145. 

vu  —  18 


â74  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSÂRT.  [i367] 

P.  21  y  I.  20  :  dou  prince.  —  Ms.  A%  :  des  Anglois. F*  280 v«. 

P.  22,  U  23  :  prendre  l'avantage.  —  Mss.  B  k^  A  %  :  prendre 
premièrement  pour  avoir  l'avantaige.  F*  278  v*. 

P.  22,  1.  26  :  estourmie.  —  Ms.  A%  :  effraiez. 

P.  22,  1.  29  ;  aucune.  —  />  m/.  ^  8  ajoute  :  bonne. 

P.  22,  1.  32  :  portèrent,  —  Le  ms.  A  8  ajoute  :  aucuns. 

P.  23,  I.  6  :  ses  frères.  —  Mss.  A  7^  S  :  son. 

P.  23,  1.  8  et  9  :  Vighier.  -^  Ms.  B  k  :  de  le  Mote.  F*  278  v». 

P.  23,  1.  17  et  i8  :  E  vous  les  Espagnols  venus.  ^-Ms.  AS: 
Et  puis  vindrent  les  Espaingnolz. 

P.  23,  1.  22  :  esporonnant;  —  Ms.  AS:  esproovant.  F®  28i . 

P.  23,  1.  29  :  mieulz  de  lui.  —  Ms.  A  S  :  ne  pourroit  mienlx. 

P.  23,  1.  31  :  Si  frère.  —Mss.  A1,S  :  Son  frère. 

P.  24,  I.  15  :  envoiiet.  —  Le  ms.  A  S  ajoute  :  secourir  et. 

§  S7S.  Apriès  le  prise.  —  Ms,  tt Amiens  :  Si  s'en  retournè- 
rent appertement  et  en  menèrent  leurs  prisonniers,  et  ne  cessè- 
rent de  chevauchier.  Si  vinrent  en  Tost  le  roy  Henry  qui  les  re- 
chupt  à  grant  joie,  car  li  comtes  dan  Tilles,  ses  frères,  li  présenta 
et  li  recorda  toutte  se  chevauchie,  coumment  il  trouvèrent  pre- 
mièrement les  gens  mcssire  Hue  de  Cavrelée  et  coumment  il  les 
desconfirent;  et  apriès,  il  s'adrecicrent  en  Tavantgarde  dou 
prinche  et  resvillièrent  fièrement  le  duc  et  toutte  se  routte,  et 
ossi  coumment  il  si  combatii-ent ;  et  quant  il  s'en  furent  parti,  il 
trouvèrent  et  encontrèrent  ces  chevaliers  qui  les  avoient  pour- 
sieuwois  et  heriiés,  passet  avoit  quinze  jours,  et  coumment  il  les 
assaillirent  et  prissent  par  force  d*armes.  «  En  nom  Dieu!  biau 
frère  y  dist  li  roy  s  Henris,  vous  avës  bien  esploitiet  et  vaillam- 
ment* Si  soiiës  li  bien  venus,  et  vous  en  say  très  bon  gret;  car 
vous  m*avés  grandement  resjoy  et  toutte  nostre  host.  Et  vous  di 
que  j'ay  bien  espoir  que  tout  li  autre  venront  par  ce  parti  et  que 
tout  seront  nostre  prisounnier  :  ossi  nous  voellent  il  tolir  nostre 
hiretaige.  » 

A  ces  paroHes  se  traîst  avant  messires  Emous  d'Audrehen, 
marescaux  de  Franche,  qui  oy  avoit  le  roy  Henry  parler  enssi. 
Si  dist  :  a  Ha  !  chiers  sires,  coumment  qu'il  nous  soit  bien  venu 
de  cest  encontre,  encorres  n'avés  vous  mies  desconffis  tous  les 
bons  chevaliers  dou  prinche,  car  bien  sachtës  que,  quant  à 
yaux  vous  combaterës,  droite  gent  d'armes  vous  les  trouvères, 
tiers  et  hardis,  tel  que  doient  y  estre  tout  bon  chevalier  :  car  je 


[43671      VARUNTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  573.  275 

ne  croy  mie  que,  en  toute  chrestienneté^  on  en  dewist  autant 
trouver  de  bons  que  li  prinches  en  a  avoecq  lui.  Mes,  se  vous  me 
voliîés  croire,  vous  les  desconfiriés  bien  sans  cop  ferir;  car,  se 
vous  voUiës  tenir  et  garder  les  pas  par  où  il  doient  passer,  et  ossi 
vostre  host  bien  songneusement  garder,  il  ne  poroient  entrer  en 
Espaingne,  ne  vous  porter  nul  contraire,  mes  s'en  retoiu*oient  par 
deffaulte  de  vivrez,  et  lairoient  vostre  pays  en  pès/  »  Adonc  crola 
la  teste  li  roys  Henris,  et  dist  :  c<  Dans  marescaux,  par  mon 
chief,  j'ay  grant  désir  de  veoir  le  prince  desoubs  sa  bannière,  et 
d'assambler  ma  puissance  à  la  sienne  ;  car,  se  Dieux  donne,  enssi 
qu'il  fera,  s'il  li  plaist,  et  j'y  ay  bien  fianche,  que  nous  les  puis« 
sions  desconfire,  j'en  seroie  honnourés  à  tous  les  jours  dou  monde, 
en  toutte  terre  où  on  en  orroit  parler,  et  demourroie  en  pais  en 
cbe  royaumme,  et  tout  mi  hoir  à  tousjours  mes.  » 

Ensi  se  devisoient  li  roys  Henris  et  messires  Ernouls  d'Audre- 
hen  en  leurs  logeis,  et  fissent  as  chevaliers  d'Eagleterre  et  de 
Gascongne  prisonniers  très  bonne  compaignie,  par  le  consseil  et 
enort  des  chevaliers  de  Franche  :  autrement  n  euist  ce  mies 
estet.  F»  143. 

P.  25,  1.  28  et  29  :  retenoit.  —  Mx.  A  8  ;  entendoit.  F«  28i  V. 

P.  26,  1.  8  :  est.  —  Le  ms,  A  8  ajoute  :  toute. 

P.  26,  1.  28  :  dix  mil.  —  Mss.  A  7  et  S  :  vingt  mil. 

P.  26,  1.  32  :  dars.  —  Le  ms.  A  il  ajoute  :  pennars,  cous* 
tilles,  faussars  et  espaphus.  F^  347. 

P.  26, 1.  32  :  pavais.  —  Ms.  AS  :  penars. 

§  875.  Li  princes.  —  Ms.  d* Amiens  :  Li  prinches  de  Galles 
se  tenoit  tous  rengiës,  et  ses  battailJes  touttes  ordonnées  devant 
Victore,  et  s'y  tinrent  tout  le  jour  qu'il  furent  escarmuchiet  dou 
comte  dan  Tille,  car  il  quidoit  que  li  roys  Henris  et  ses  batailles 
deuissent  descendre  et  aprochier  celle  part;  mais  il  ne  l'avoit 
mies  en  son  consseil,  ainschois  se  tenoit  en  ung  biau  plain,  c'on 
claimme  Saint  Vinchant,  où  il  avoient  de  tous  vivres  assés  et  lar- 
gement, et  li  prinches  et  ses  gens  n'en  avoient  pas  trop  grant 
fuison. 

Quant  les  nouvelles  vinrent  au  prinche  qui  si  chevalier  estoient 
pris,  messires  Thummas  de  Felleton  et  li  autre,  et  ochis  mes- 
sires Guillaummes  de  Felleton,  si  en  fu  durement  courouchiés, 
et  ossi  fu  toutte  li  hos.  Celle  nuit  se  logièrent  â  devant  Saint 
Victore,  tout  armé  et  en  leur  batailles  chacuns  sires  avoecques 


276  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [4367] 

ses  gens  et  desoubs  se  bannierre,  et  Tendemain  il  s'armèrent 
et  missent  en  ordounnanche  de  bataille,  enssi  qu'il  a  voient  estet 
le  jour  devant.  Si  vous  di  que  il  faisoit  moult  dor  tamps  et  moult 
destroit  de  vent,  de  pleuve  et  de  nège.  Et  enduroient  et  soufiroient 
gens  d'armes  et  chevaux  moult  de  durtez  et  mallaises,  et  y  men- 
gast  bien  ungs  homs  le  jour  pour  demy  florin  de  pain  et  otant  en 
vin  :  encorres  tous  euwireux  qui  le  pooit  avoir.  Si  furent  en 
celle  mesaise  six  jours,  sans  cevauchier  avant  ne  retourner  ar* 
rierre. 

Quant  li  prinches  et  li  seigneur  qui  avoecq  lui  estoient  vi* 
rent  que  li  roys  Henris  n'aprocheroit  point  et  que  bonnement 
on  ne  pooit  aller  jusques  à  lui  par  les  destrois  et  les  pas,  qui 
estoient  bien  gardé,  il  se  deslogièrent  de  devant  Saint  Victore  et 
retournèrent  deviers  Navarre,  et  passèrent  ung  pas  et  ung  des- 
trois qui  est  appelles  li  pas  de  le  Garde  ;  et  quant  il  eurent  passé 
ce  pas,  il  s'en  vinrent  tout  cheminant  parmy  le  pays,  et  chevau- 
cièrent  tant  qu'il  vinrent  à  Vianne.  La  se  loga  li  prinches.  Si  s'i 
rafreschy  et  touttes  ses  gens  ossi,  et  puis  vint  passer  le  rivierre 
au  pont  dou  Groing,  et  se  loga  che  jour  devant  le  Groing,  de- 
soubs les  oliviers  ens  es  vregiers. 

Quant  li  roys  Henris  seult  que  li  princes  avoit  passet  le  pont 
dou  Groing  et  qu'il  estoit  logiës  là  environ,  si  dist  qu'il  l'apro- 
cheroit,  et  se  desloga  de  Saint  Vinchant  et  s'en  vint  logier  de- 
soubz  Nasères,  sus  celle  meysme  rivierre. 

Che  sceut  li  prinches  tantost  qu'il  estoit  logiés  ens  ungs  biaus 
plains  sus  le  rivierre.  Si  en  fu  tous  liés  et  eut  adonc  consseil  et 
voUentë  qu'il  li  rescriproit  lettres  et  feroit  response  deue  et  cou- 
vignable  as  lettres  que  li  roys  Henris  li  avoit  envoiies.  Si  res- 
cripsi,  en  disant  ensi.  F®  145  V. 

P.  27,  1.  30  :  ewireux.  —  Ms.  A  %:  voulentiers.  F*  282. 

P.  28,  1.  21  :  Saint  Vinchant.  —  Mss.  AS,  15  à  17  ;  Saint 
Michaut. 

P.  28,  1.  26  :  homme.  —  Ms.  AS  :  chevalier. 

P.  28,  1.  29  :  remanoir.  —  Ms.  AS:  demourer. 

P.  29,  1.  1  :  devisoient.  —  Ms.  AS:  devisoit. 

§  S74.  Ëdouwars.  —  Ms,  (f  Amiens  :  «  A  très  renoummé  et  hon- 
nouré  Henri,  conte  de  Tnstemare,  et  qui  pour  le  temps  présent 
s'appelle  roys  de  Castille.  Comme  enssi  soit  que  vous  nous  avés 
escript  et  segnediet  par  vos  lettrcz  que  vollentiers  vous  vorriës 


[4367]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  575.  277 

savoir  pourqaoy  nous  tenons  à  amy  vostre  ennemy,  et  pourquoy 
nous  sommes  aloiiet  avoecq  lui,  tant  qu'à  ce,  nous  vous  respon- 
dons  que  nous  avons,  de  grant  temps  a,  eu  atianches  et  couvens 
enssamble,  et  que  cestes  ne  sont  pas  de  nouviel.  De  recief,  nous 
l'aidons  et  comfortons  et  le  tenons  à  amy ,  par  amour  et  par 
pitë  et  pour  aidier  à  deffendre  droiture  ;  car  ce  n'est  ne  drois  ne 
raisons  q'uns  bastars  doie  tenir  ne  porter  courounne.  Touttesfois, 
pour  tant  que  de  proèehe,  d'onneur  et  de  vasseillaige,  vous  estes 
assës  renoummës,  et  que  on  vous  tient,  tant  qu'en  armes,  à  moult 
vaillant  homme,  nous  avons  bonne  voUenté  et  grande  affection  de 
vous  mettre  à  acord,  se  nous  poions,  et  à  bonne  pais,  par  deviers 
le  roy  dam  Pière,  nostre  chier  et  amé  cousin.  Et  là  où  nous  le 
porions  faire,  nous  en  serions  tous  joiant,  et  vous  ferions  tenir 
grant  part  en  Castille  ;  nies  le  courounne  et  le  nom  de  roy  vous 
faut  il  laiier.  Et  che  que  vous  en  vorrés  faire,  se  par  traitié  vous 
voiles  aller  avant,  si  nous  renvoiiës  tantost,  ces  lettres  veues  et 
conssillieSy  vaillans  et  sages  homs  qui  de  che  se  sachent  enson- 
niier.  Et,  se  vostre  oppinion  voilés  tenir,  sachiës  que  nous  vous 
combaterons  au  plus  tost  que  nous  porrons,  et  enterons  en  Es- 
paigne  par  lequel  lés  il  nous  venra  le  mieux  à  point.  Escript,  etc. 
de  par  le  prinche  d'Acquittainne  et  de  Galles.  »  F*  i45  v**. 

P.  29, 1.  42  :  respondons.  —  Mss.  B  4,  A^  7,  8  ;  respondans. 
F»  280. 

P.  29,  1.  4  5  :  entériner.  —  Ms.  JS  :  entretenir.  P>  347  v». 

5  tt78.  Quant  ceste.  —  Ms.  d Amiens  :  Si  tos  que  la  lettre  fu 
escripte,  on  le  saiella,  et  le  fist  délivrer  li  prinches  au  hiraux  le 
roy  Henry,  qui  les  autres  avoit  aportées  et  qui  le  responsce  atten- 
doit.  Si  se  parti  li  dis  hiraus  dou  prinche  et  des  seigneurs,  tous 
liés  et  tous  joyans,  car  on  li  dounna  grans  dons  et  biaux  jeuiaus, 
draps  et  mantiaux  fourrés  d'ermine  et  de  vair.  Si  s'en  revint  en 
l'ost  de  son  seigneur  devant  Nazères.  Si  bailla  au  roy  Henry  la 
lettre  de  par  le  prince,  liquels  tantost  l'buvri  et  lisi  tout  chou 
qui  dedens  estoit,  et  appella  au  lire  monseigneur  Bertran  de 
Claiequin  et  aucuns  de  son  cousseil,  et  puis  leur  demanda  qu'il 
leur  en  sambloit.  «  En  nom  Dieu,  sire,  dist  messires  Bertrans  de 
Claiequin,  à  vous  en  tient  dou  respondre  et  dou  scavoir.  Vous 
poés  olr  quel  cose  li  prinches  vous  mande,  coumment  il  dist 
qu'il  vous  acorderoit  voUentiers  entre  vous  et  vostre  frère  :  or 
savés  vous  se  vous  y  voilez  avoir  acord,  parmy  tant  que  vous 


•  \ 


278  CHROIflQUBS  I»  J.  FROISSART.  [1367] 

vos  déporteras  de  le  oourounne.  »  —  «  Par  me  foy,  dan  Ber- 
tran,  dist  li  roys  Henris,  nennil.  Li  comte,  li  baron,  li  chevalier 
et  tout  chil  de  ce  pays  m'ont  courounné  et  tiennent  à  roy,  et  roys 
voeil  je  demourer,  vivre  et  morir  en  cel  estât.  »  Dont  respondi 
messires  Bertrans  et  dist  :  «  Sire,  or  soiiës  tous  confortés,  car 
temprement  vous  combaterës  ;  de  tant  connoie  je  bien  le  prinche 
et  son  aflaire;  Si  est  bien  mestier  que  vous  aiiës  avis  soor  ce,  et 
que  vous  entendes  à  faire  vostre  gent  à  appareillier  tellement 
qu'il  n*y  ait  riens  que  dire,  quant  li  bataille  se  fera,  et  regardés 
sur  quel  avantaige  et  par  quel  ordounnance  vous  vorrés  ouvrer  ; 
car  je  vous  di  que  avoecq  le  prinche  et  en  ses  conrois  est  toutte 
fleur  de  chevalerie  et  de  bachelerie  :  là  sont  li  meilleur  oomba- 
tant  de  tout  le  monde,  li  plus  sage,  li  plus  hardi,  li  plus  fort  et  li 
plus  dur,  et  qui  le  mieux  y  sèvent  prendre  leur  avantaige.  »  — 
a  Dan  Bertran,  respondi  li  rois  Henris,  tout  ce  croi  je  assés, 
mes  sachiés  que  contre  leur  puissanche  je  sui  tous  comfortés,  car 
je  aray  bien  trois  mil  chevaux  armés  qui  seront  sur  les  deux  cos- 
tés  des  deux  esles  de  mes  batailles?  Et  aray  bien  six  mil  géniteurs 
et  touttes  les  milleurs  gens  d'armes  c'on  puist  trouver  en  £spain- 
gne,  en  Porlingal,  en  Cordouan,  en  Se  ville  et  ou  royaumme 
d'Arragon.  Et  de  telz  gens  d'armes  y  aray  bien  vingt  mil,  et  aray 
bien  soissante  mil  hommes  de  piet  à  tout  lanches  et  archigaies. 
Et  m'a  chacuns  proummis  foy  et  loiauté,  et  ne  me  fauront  pour 
tout  morir  en  le  plache  :  siques,  dan  Bertran,  je  ne  m'esmaie  mie 
que  je  n'en  aie  le  milleur,  par  le  grasce  de  Dieu  en  qui  de  tout 
je  me  confie.  »  F<«  145  v«et  146. 

P.  30,  1.  3  :  Nazres.  —Ms.JS  :  Nazares.  F»  282  y*. 

P.  30, 1.  9  :  de  Claiekin.  —  Ms.  ji  S  :  du  Guesclin. 

P.  30,  1.  13  :  temprement.  ~  3îs.  A  %  :  briefment. 

P.  30,  1.  24  :  Gordewan.  —  Ms,  A%  :  Cordoen, 

P.  30,  1.  26  :  archigaies.  -^  Le  mt.  A  M  ajoute  :  espaphus. 
F*  348. 

§  tf  76.  Ensi  se  devisoient.  —  Ms.  ^Amiens  :  Or  vous  dirons 
dou  prince  qui  à  Tendemain,  qui  fu  par  un  venredi,  se  desloga 
de  devant  le  Groing ,  et  touttes  ses  gens  ordonneement  chevau- 
chans  en  bataille,  chacuns  sire  dcsoubs  se  bannierre  ou  se  pennon, 
enssi  que  pour  tantost  combattre,  et  cheminèrent  ce  jour  deux 
lieuwes.  Et  envoiea  li  prinches  partout  ses  coureurs  avant  et  ar- 
rierre  pour  savoir  le  vérité  des  Espagnos,  liquel  se  traviUièrent 


^1367]      VARIANTES  DU  PREMIER  UVRE,  $  577.         279 

mottlt  pour  reporter  ent  le  certainnetë.  Touttesfois,  li  coureur 
dou  prince  chevaucièrent  tant  et  si  avant  qu'il  virent  et  trouvè- 
rent le  couvine  et  i*ordounnanche  dou  roy  Henry  et  de  toutte  sen 
ho$t,  et  en  raportèrent  le  vérité  au  prince  et  a  son  conseil  à  Na~ 
varet  là  où  il  estoit  logiés,  et  dissent  coumment  11  Espagnol  estoient 
logîés  eus  es  bruières  assës  pries  dou  Nasares,  tout  seloncq  le  ri* 
vierre.  De  ces  nouvelles  fu  li  princes  tous  joieans,  et  fist  segne- 
fiier  secrètement  tout  aval  son  host  que  chacuns  fuist  armés  et 
appareilliés  pour  partir  au  son  des  trompettes,  et  que  nus  ne  che- 
vauchast  devant  le  pennon  saint  Gorge  et  le  bannierre  des  ma- 
rescaux,  et  ossi  que  chacuns  s'avisast ,  x^onfessast  et  adrechast  à 
son  loyal  pooir,  qui  dévotion  en  avoit,  car  à  ^l'endemain  sans 
faulte  on  se  combateroit.  F^  146  v^*. 

P.  31,  1.  14  :  par  bataille.  —  Ms,  J  S  :  par  manière  de  ba- 
taille. F*  282  V*. 

P.  31,  1.  20  :  couvenant,  -^  Ms.  A  8  :  couvine.  F"  283. 

P.  31 ,  1.  2!i  :  Nacres.  —  Ms.  AS:  Nazares. 

P.  31,  1.  32  :  envoiiés.  ^-  Ms.  AS:  commis, 

5  tt77.  Tout  en  tel  manière.  —  Ms.  tT Amiens  :  Tout  enssi 
que  li  prinches  avoit  ordounnés  et  envoiiés  ses  coureurs  devant 
pour  adviser  et  espiier  le  convenant  des  Espagnols,  li  roys  Hçnris, 
d'autre  part,  avoit  envoiiés  les  siens  pour  aprendre  de  Testât  dou 
prinche  et  où  il  estoit  logiés.  Si  raportèrent  si  coureur  que  li  prin- 
ches estoit  à  Navaret,  et  touttes  ses  gens  logiés  là  et  environ.  De  ces 
nouvelles  fu  li  roys  Henris  moult  liés  et  dist\  puisqu'il  li  estoient 
si  priés,  que  l'endemain  il  les  combateroit.  Et  fist,  dou  soir,  de 
haute  heure,  toutte  mannière  de  gens  soupper  et  aler  reposer,  et 
fist  segnefiier  et  ordounner  que,  au  premier  son  de  ses  trompettes, 
chacuns  se  levast  et  appareillast;  au  second  son,  il  fuissent  tout 
armé  ;  au  tierch  son,  il  fuissent  tout  sus  les  camps,  et  à  piet,  tout 
cil  qui  le  dévoient  estre  ;  et  à  cheval,  tout  armé,  chil  qui  ordoun- 
net  y  estoient  d'estre,  et  que  nuls,  sus  le  teste,  ne  se  mesist  de- 
vant les  bannierres  des  marescaux.  Chib  bans  fu  tenus.  Et  s'alla 
chacuns  aisier  et  reposer  en  son  logeis,  boire  et  mengier,  car  il 
avoient  assés  et  largement  de  quoy,  et  dormir  ent  qui  dormir 
volt. 

Quant  ce  vint  environ  mienuit,  les  trompettes  dou  roy  Henry 
sounnèrent  :  si  se  levèrent  et  appareillièrent  touttes  mannierres  de 
genSy  et  fissent  en  leurs  logeis  grant  fuisson  de  feux,  et  alumèrent 


280  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1367] 

grant  pientë  de  torses  et  de  cerge»  pour  veotr  plus  cler,  et  se 
taisoient  tout  quoi.  Enssi  que  une  grande  heure  apriès,  on  sonnna 
de  rechief  secondement  les  trompettes  le  roj.  Adonc  s'armèrent 
touttes  gens  par  bon  loisir.  Enssi  que  deux  heures  apriès,  on 
sounna  le  tierch  cop.  Dont  se  partirent  il  de  leurs  logeis  et  se 
traissent  touttes  mannierres  de  gens,  à  piet  et  à  cheval,  sus  les 
camps,  et  ordounnèrent  leurs  batailles  par  l'avis  de  monseigneur 
Bertran  de  Claiequin,  dou  comte  dan  Tille,  dou  comte  de  Dunne, 
ung  très  bon  chevalier  d*Arragon ,  et  de  monsigneur  Emoui 
d'Audrehen.  Chil  quatre  signeur  dessus  noummet  fissent  touttes 
les  ordounnanches. 

Si  eurent  la  premierre  bataille  messires  Bertrans  de  Claiequin, 
li  comtes  Sansses,  frères  an  roy  fienry,  li  comtes  de  Dunne,  U 
marescaux  d'Audrehen ,  li  Bèghes  de  Vellainnes,  messires  Jehans 
de  Noefviile,  li  Bèghes  de  Villers.  Et  furent  tout  li  Franchois,  li 
Normant,  li  Breton,  li  Pickart,  li  Bourghignon  et  li  compaignon 
estraignier  enssamble  :  s'en  y  avoit  bien  quatre  mil,  chevaliers  et 
escuiers,  et  tout  en  grant  vollenté  de  combattre  et  de  bien  faire 
le  besoingne.  Si  se  tenoient  ces  gens  en  leurs  batailles,  en  bon 
convenant  et  tout  à  piet. 

De  la  seconde  bataille  estoit  chiës  li  comtes  dan  Tilles,  frères 
au  roy  Henry  et  bons  chevaliers  durement,  et  avoit  avoecq  lui 
bien  seize  mil  hommes  parmi  les  geneteurs  et  chiaux  à  cheval,  et 
se  traissent  ung  petit  en  sus,  à  le  senestre  main  de  le  bataille 
monsigneur  Bertran. 

A  l'autre  costë,  sus  destre,  estoit  li  grosse  bataille  dou  roy 
Henry,  liquels  avoit  bien  trente  mil  hommes  d'armes  et  bien  trois 
mil  arbaleslriers  et  grant  fuison  d'autres  gens  dou  pays  à  man- 
nière  de  villains,  qui  n*estoient  mies,  au  voir  dire,  trop  bien  ar- 
mes ;  mes  il  portoient  lanches  et  gavrelos  pour  lanchier,  archi- 
gaies  trenchans  et  fortes  coutilles,  et  li  pluisseur,  fondes,  pour 
jetter  pierres. 

D'autre  part,  sus  les  deux  esles  des  batailles,  estoient  li  cheval 
armé  et  li  chevaucheur  sus,  moult  bien  armet  et  en  bon  couve- 
nant,  et  estoient  environ  troi  mil  et  cinq  cens,  fort  et  hardi  par 
samblant.  Si  gouvrenoient  ces  cevauceurs  quatre  hardis  cheval- 
liers, durement  renommet  d'armes  en  Espaigne  et  en  Castille.  Li 
ungs  fu  appelles  messires  Gomes  Garils  ;  li  autres ,  li  grans 
prieurs  de  Saint  Jehan;  li  tiers,  li  maistres  de  Saint  Jame;  li 
quars,  messires  Ferrans,  mestres  de  Caletrave»  Et  estoient  chil 


[1367]      VARUNTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  5^78.         281 

chevalier  et  chil  chevauceur  enssi  estaubli  et  mis  sus  les  deux 
esles  des  batailles,  pour  radrechier  et  recomforter  les  mesaisiës  et 
entendre  as  batailles  qui  branleroient. 

Quant  touttes  ces  batailles  furent  ordounnëes  et  que  chacuns 
seut  ce  qu'il  dut  faire,  li  rois  Henris  monta  sus  ung  moult  biel 
palefroy  et  fist  venir  ses  deux  frères  dalles  lui,  dan  Tille  et 
Sanse  ;  et  puis  chevaucha  par  devant  les  batailles  en  amoneslant 
ses  gens  et  en  priant  qu'il  vohissent,  pour  leur  honneur,  enten- 
dre à  bien  faire  le  besoingne,  et  leur  remoustroit  coumment  il  le 
avoîent  fait  roy  et  proiunmis  et  juret  qu'il  ne  li  fauroient.  Et  fai- 
soit,  en  chevauchant  et  en  passant  devant  ses  batailles,  à  chacun 
si  bonne  chière  et  si  lie,  que  tout  se  contentoient  de  lui  et  li  re<- 
nouvelloient  ses  couvens,  et  li  disoîent  et  affioient  que  pour  morir 
il  ne  li  fauroient.  Quant  il  eut  enssi  cevaucié  de  renck  en  renck, 
il  s'en  revint  en  se  bataille  et  renvoiea  ses  frères  as  leurs  ,  et  se 
tinrent  enssi  et  sus  le  place  moult  faiticement  ordounné  jusques  au 
jour.  Or  vous  deviserai  le  convenant  des  Englès  ossi  bien  que 
j'ay  fait  celui  des  Espagnols.  F^  146  v^. 

P.  32,  1.  25  et  26  :  d'Audrehem.  —  Les  nus.  u^  15  à  17  ajou- 
tent :  monsigneur  Olivier  de  Mauny,  monsigneur  Hervë  de  Man- 
ny  son  frère.  Ms.  ji  il,  ^  348. 

P.  33,  1.  2  :  France.  —  Les  mss.  ^  15  à  17  ajoutent  :  de  Rre- 
tàgne.  F«  348. 

P.  33,  1.  4  :  frichement.  —  Ms.  A  8  :  friquement.  P'283. 

P.  33, 1.  9  :  en  sus.  —  Ms,  A%  :  arrière. 

P.  33,  1.  15  :  rade.  —  Mss,  J7,S  :  roide.  F«  280  v«. 

P.  33,  1.  19  :  sa.  —  Mss.  Al,%:  la. 

P.  33,  1.  26  :  fourpasser.  —  Ms.  A  %:  suppasser.  F«  283  v*. 

g  )S78,  li  princes  de  Galles  —  Ms.  et  Amiens  :  Celle  meysme 
nuit  que  li  prinches  estoit  à  Navaret  et  qu'il  seult  par  ses  cou- 
reurs qui  li  raportèrent,  que  li  roys  Henris  estoit  à  deux  lieuwes  de 
là,  il  congnut  et  senti  bien  que  combattre  les  couvenoit;  et  c' es- 
toit li  plus  grans  désirs  qu'il  ewist,  car  li  plus  de  touttes  ses  gens 
estoient  à  grant  destrèce  de  faminne  et  avoient  estet  bien  quinze 
jours.  Si  volloit  don  tout,  et  ossi  faisoit  ses  gens,  mettre  et  aven- 
turer pour  mieux  avoir  leur  aise  qu'il  n'ewissent  eus  jusques  à 
ores.  Dont,  ce  venredi  apriès  mienuit,  droit  sus  l'aube  dou  joiur 
dou  samedi,  li  prinches  se  leva  et  fist  sounner  ses  trompettes.  Si 
s'armèrent  touttes  mannierres  de  gens.  Et  oy  li  prinches  messe. 


282  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSÂRT.  [1367] 

et  oflsi  fissent  pluisseurs  signeurs  en  leurs  logeis,  et  s  acumeniiè- 
rent  tout  chil  qui  veurent  et  qui  dévotion  en  eurent.  Assés  tost 
apriès,  on  sounna  les  trompettes  dou  département,  car  li  prinches 
volioit  aprocier  les  ennemis.  Si  montèrent  tout  à  cheval  qui  che- 
val eurent,  et  se  partirent  de  Navaret  et  de  leurs  logeis  si  gente- 
ment  et  si  arreement  rengiet  et  ordounnet  que  c'estoit  ungs  grans 
déduis  dou  veoir.  Si  vous  di  qu'il  ne  prissent  mies  adonc  le  plus 
droit  chemin  pour  venir  sus  le  roy  Henry,  mes  chevaudiièrent  à 
le  droite  main  en  tournant  une  grande  montagne,  et  le  passèrent, 
et  puis  descendirent  en  ung  val.  Ja  estoit  grans  jours  et  solaus 
levés  moult  biaux  et  moult  clers.  Quant  li  Englès  eurent  avallet 
celle  montaingne,  il  perchurent  leurs  ennemis  en  très  bon  conve- 
nant, et  touttes  leurs  battailles  rengies  et  ordounnëes,  et  bannières 
et  penons  venteler  au  vent ,  et  ossi  li  Espagnol  les  perchurent. 
Dont  se  coummenchièrent  touttes  les  batailles  à  restraindre ,  tant 
d'un  lés  comme  de  l'autre^  et  virent  bien  qu'il  les  couvenoit  com- 
battre* Si  fissent  en  Tost  le  roy  Henry  à  che  donc  pluisseurs  che- 
valiers, car  ençorres  en  y  avoient  il  petit  fait  ;  et  par  especial  en 
le  bataille  monsigneur  Bertran  de  Gaiequin  en  y  eult  pluisseurs 
fais.  Et  tondis  aprochoient  les  gens  le  prinche,  car  il  requeroient 
leurs  ennemis. 

Ung  bien  petit  devant  ce  que  les  batailles  dévoient  aprochier, 
messires  Jehans  Camdos  aporta  se  bannierre,  toutte  envolepée,  au 
prinche,  et  li  dist  enssi  moult  doucement  :  «  Monsigneur,  je  vous 
ay  servi  ung  long  tamps  à  mon  loyal  pooir,  et  tout  ce  que  Dieux 
m'a  dounné  de  bien,  il  me  vient  de  vous  :  si  savés  ossi  que  je  sui 
tout  vostres  et  seray  tant  que  je  vivray.  Si  vous  pry  que  je  puisse 
estre  à  banierre  ;  car.  Dieu  merchy,  j'ay  bien  de  quoy,  terre  et 
mise,  pour  l'estre,  et  ve  e  ci,  je  le  vous  présente  :  si  en  faittes 
vostre  plaisir.  »  Et  adonc  li  prinches,  li  roys  dan  Pierre  d'Es- 
paingne  et  li  dus  de  Lancastre  prissent  le  bannierre  de  monsigneur 
Jehan  Camdos,  et  le  desploiièrent  ei  li  baillièrent  par  le  hanste, 
et  li  dissent  tout  en  baillant  :  «c  Tenés  vostre  bannierre  :  Dieu  vous 
en  lait  vostre  preu  faire  I  »  Dont  se  parti  messires  Jehans  Camdos 
dou  prinche,  se  bannierre  en  son  poing,  et  s'en  vint  entre  ses 
gens  et  ses  compaignons,  et  le  mist  enmy  yaux  et  leur  dist  : 
ce  Biau  signeur,  vechy  me  bannierre  et  le  vostre  :  gardés  le  bien, 
car  otant  bien  est  elle  vostre  que  nostre.  »  Adonc  le  prissent  h 
compaignon,  qui  en  fissent  grant  joie,  et  dissent  que  elle  seroit 
bien  gardée,  se  il  plaisoit  à  Dieu.  Et  fii  baillie  et  délivrée  a  ung 


[i367]      VARIAirriSS  DU  PREBflER  UVRE,  $  S79.         283 

bon  escoier  englès,  qui  ce  jour  le  porta  et  qui  bien  s'en  acquitta, 
et  estoit  nommes  li  dis  escuiers  Guillaummes  AUeri.  Si  estoit  la 
bannierre  monsigneur  Jehan  Camdos,  d'argent  à  ung  pel  aguisiet 
de  geulles;  et  avoient  touttes  les  Compagnes  qui  se  tenoient 
desoubz  lui  en  leurs  tanches  ung  petit  pignonciel  de  ces  meysmes 
parures,  dont  il  en  y  avoit  plus  de  douze  cens.  F*  146  v^. 

P.  34,  1.  6  :  li  un  contre  Tautre.  —  Ms*  J  S  :  les  uns  contre 
les  autres.  P  t83  v«. 

P.  34,  1.  10  :  puiièrent.  —  Ms.  A  %  :  pri$t« 

P.  34,  1.  12  :  perchurent.  -^  Ms.  A  %  :  apperceurent. 

P.  34,  1.  14  :  traisent.  —  Ms.  AS:  tralrent. 

P.  34,  1.  23  :  je  vous  le  baille.  —  Ms.  A  S  :  je  la  vous  baille. 

P.  34,  L  27  :  prisent.  —  Ms.  A  8  :  prist. 

P.  34,  1.  29  :  peu.  --  Ms.  A  7  :  pel. 

P.  34,  L  30  :  hanste.  —  Ms.  A  8  ;  hanfle. 

P.  35,  1.  2  :  en  mi.  —  Ms.  A  S  :  ou  milieu. 

P.  35,  1.  4  :  nostre.  —  Ms.  A  8  ;  vostre. 

P.  35,  1.  5  :  disent.  —  Ms.  AS:  disbient. 

^  879.  Assës  tost.  —  Ms.  if  Amiens  :  Assis  tost  apriès,  des- 
cendirent tout  li  Englès  et  li  Gascons  de  leurs  chevaux  et  se  mis- 
sent à  piet  sour  le  sablon,  chacuns  en  se  bataille,  moult  ordon- 
neement  et  faiticement,  sans  passer  li  ungs  l'autre,  fors  enssi  qu'il 
estoit  estanbli^.  Et  estoient  leurs  batailles  touttes  enssi  arestëes  et 
ordounnées  que  elles  avoient  estet  très  donc  qu'il  passèrent  les 
montaignes  de  Rainchevaux,  si  comme  il  est  recordë  chi  dessus. 
Là  estoit  li  prinches  qui  disoit  à  ses  gens  :  «  Biau  signeur,  voyës 
nos  ennemis  qui  ont  grant  largèce  de  ce  dont  nous  avons  grant 
disette  :  il  ont  de  tous  vivres  à  fuisson,  et  nous  advons  grant  fa- 
minne.  Si  voeilliës  hui  tant  faire  que  vous  les  concquerés  par  bien 
faire  de  ferir  de  lanche  et  d'espée.  Et  soiiës  tous  preudomme  e 
loyal,  car  j'ay  grant  [fianche  en  Dieu  et  en  vous  que  li  journëe 
sera  pour  nous.  » 

Adonc  joindi  li  prinches  ses  mains  vers  le  ciel  et  dist  :  «  Vray 
pères  souverains,  qui  nous  avës  crées  et  fais,  si  voirement  que 
vous  savës  que  je  sui  chi  venus  pour  droit  aidier  à  soustenir  et  ce 
roy  escachiet  remettre  en  son  hiretaige ,  si  consentes  que  nous 
ayons  victore  contre  nos  ennemis  !  a>  Et  puis  dist  tantost  apriès  : 
«c  Avant,  bannierre ,  ou  nom  de  Dieu  et  de  saint  Gorge  1  »  Et  en 
allant,  il  prist  le  roy  dan  Pierre  par  le  main,  et  puis  li  dist  tout 


S84  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1367] 

en  hault  :  «  Sire  roy,  au  jour  d'ui  saurës  vous  se  jammaià  aurës 
riens  ou  royaumme  de  Castille,  et  aiiës  en  Dieu  ferme  espe-* 
rance.  » 

A  ces  mos ,  li  dus  de  Lancastre  et  messires  Jehans  Camdos , 
qui  menoient  l'avantgarde,  aprocièrent.  Dont,  en  aprochant,  il 
avint  que  li  dus  de  Lancastre  dist  à  monsigneur  Guillaumme  de 
Biaucamp,  qui  estoit  dalles  lui  :  «  Guillaumme,  vêla  nos  ennemis; 
mes,  foy  que  je  doi  à  Dieu ,  vous  me  verés  hui  bon  chevalier,  ou 
je  demorray  en  le  place.  »  Et  puis  tantost  il  dist  :  «  Avant  1  Avant  I 
bannierre,  ou  nom  de  Dieu  et  de  saint  Gorge,  et  face  chacuns  son 
devoir  I  »  Et  fist  là  li  dus  de  Lancastre  chevalier  en  celle  meysme 
heure  monsigneur  Jehan  d'Ippre,  et  puis  se  mbt  tout  devant  les 
autres,  desoubs  se  bannierre,  et  chacuns,  qui  mieux  mieux,  le 
sieuwi,  qui  se  rencoragoient  tout  pour  lui.  Adonc  coummencha  K 
bataille  de  tous  costés.  F^  i46  v«  et  147. 

P.  35,  1.  15  :  donc.  —  Ms.  A  S  :  dès  lors.  F»  284. 

P.  35,  1.  19  :  et  tout  de  piet.  —  Mi.  ^  8  :  un  petit. 

P.  35,  1.  22  :  joindi.  —  Ms.  A  ^  :  joingni. 

P.  35,  1.  23  :  pères.  —  Les  nus.  ^7,8  ajoutent  :  Diex,  Dieu. 

P.  35,  1.  25  :  mi.  —  Mss.  ^  7,  8  :  moy. 

P.  35,  1.  27  :  escaciet.  —  Ms.  A  7  :  eschacië.  ?•  281.  — 
Ms.  A  8  :  enchacië.  F»  284. 

P.  35,  1.  28  :  ensonniiés.  — Ms.  A,  8  :  enhardîz. 

P.  36,  1.  7  :  Biaucamp*  —  Les  mss.  A  7,  S  ajoutent  :  «  Guil- 
laume, ». 

§  880.  A  l'assambler.  —  Ms.  if  Amiens  :  Si  vous  di  que 
ceste  première  bataille  s*asambla  à  le  bataille  monsigneur  Bertran 
de  Clalequin,  qui  estoit  forte  et  espesse,  et  bien  pourvueue  et 
garnie  de  bonnes  gens  d'armes  de  Franche,  d'Artois,  de  Picardie, 
de  Bourgoingne,  de  Bretaigne,  d'Arragon  et  de  tous  pays.  Là 
eut,  de  premières  venues,  grans  bouteis  de  lanches  et  des  glaves, 
et  les  arestoient  les  ungs  sus  l'autre,  et  puis  boutoient  par  forche 
de -bras  et  de  poitrinnes,  et  se  tenoient  si  serré  qu'il  ne  pooient 
entrer  li  uns  en  Fautre.  D'autre  part,  archier  et  arbalestrier 
traioient  vistement  l'un  contre  l'autre,  et  chil  qui  perdoient  ou 
brisoient  lors  lances  ou  qui  ne  s*en  pooient  aidier  en  le  presse, 
recourroient  as  haches  dures  et  trenchans,  dont  il  estoient  bien 
pourvueu,  et  en  dounnoient  les  horions  si  grans  que  merveilles 
estoit  à  Tolr  et  au  regarder.  Là  se  combatoient  li  bon  chevalier, 


[1367]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  580.         285 

tant  d'an  les  comme  de  l'autre,  moult  vaillamment.  Là  estoient  H 
dus  de  Lancasfre,  messires  Jehans  Gamdos,  messires  Thummas 
dou  Fort,  messires  Guillaummes  de  Biaucamp,  fils  au  comte  de 
Warwichy  messires  Hues  de  Hastinges,  chacuns  bannierre  des- 
ploiie,  el  requeroient  leurs  ennemis  moult  vaillamment.  En  celle 
route  et  dalles  jaux  estoient  li  doy  marescal  dou  prinche,  en 
moult  bon  convenant,  et  bien  acompaigniet  de  bonnes  gens  d'ar- 
mes, messires  Guichars  d'Angle  et  si  doi  fil,  et  messires  Estie- 
vennes  de  Goussentonne,  qui  merveilles  y  faisoient  d'armes.  Là 
estoient  une  partie  des  Compaingnes  qui  moult  dur  et  moult  fiè- 
rement se  combatoient.  Si  vous  di  que  messires  Bertrans  de 
Claiequin  et  li  sien,  qui  eurent  ce  premier  encontre,  ne  l'avoient 
mies  d'avantage,  mes  ossi  se  combatoient  il  moult  vaillamment  et 
très  hardiement.  S'en  couvint,  par  le  bouteis  des  lanches  et  des 
glaives,  tamainl  reversser  à  terre  des  ungs  et  des  autres  ;  et  qui 
estoit  cheus  entre  pies ,  il  estoit  mors  sans  remède ,  s'il  n'estoit 
trop  bien  secourus. 

Geste  bataille  fu  durement  aspre  et  fellenesse  et  bien  combatue 
de  lances  acérées,  des  haces,  de  dagbes,  d'espées  et  de  coutiaux, 
et  point  n'espargnoient  l'un  l'autre.  Là  avoient  li  grant  et  li  fort 
bon  avantage  de  rompre  les  presses.  Si  veoit  on  bannierres  et 
pennons  par  routtes  entrer  en  l'un  l'autre,  et  puis  combattre  et 
yaux  entoueillier,  une  heure  renversser  et  Tautre  redrechier. 

Et  avint  ou  plus  fort  de  le  bataille  que  messires  Jehans  Gam- 
dos fu  abatus  et  priés  mis  à  grant  meschief,  car  ungs  Gateloins, 
grans  et  fors  et  durs  malement,  estoit  cheus  sus  lui  et  metoit 
grant  painne  coumment  il  le  pewist,  et  le  playa  ens  ou  visaige 
parmi  le  visière  tant  que  li  sans  li  courroit  tout  contreval.  Et 
avoit  chUs  à  nom  Martins  Ferrans,  hardis  homs  et  outrageux 
durement,  et  croy  que  il  ewist  porte  à  monsigneur  Jehan  Gamdos 
trop  grant  contraire,  mes  li  chevaliers  s'aviza  d'un  coutiel  de 
plat  qu'il  avoit  à  son  costë.  Si  le  sacha  vistement  et  en  feri  le 
Gateloing  ung  tel  horion  ou  corps  qu'il  li  rompi  les  plattes,  et  li 
embarra  tout  ens  et  li  coppa  les  boyaux.  De  ce  cop  morut  li 
Gateloings  et  reverssa  d'autre  part.  Adonc  se  leva  messires  Je- 
hans Gamdos  au  mieux  qu'il  peult,  et  prist  sen  espëe  qui  estoit 
grande  et  roide  et  bien  taillans,  et  se  feri  en  le  priesse.  Si  vous 
di  qui  qu'il  consuiwoit  à  cop,  il  estoit  tous  certains  de  le  mort,  et 
y  fist  adonc  li  chevaliers  merveilles  d'armes.  F"  147. 

P.  36, 1.  46  et  i7  :  AFassambler....  parolle.  —Mss.  ^  7,  8  ;  Là. 


«86  CHRONIQUES  DB  J.  FROISSART.  [1367] 

P.  36,  I.  19  et  «0  :  li  un....  Tautre.  — •  Af#.  ^  8  :  les  uns  de- 
dens  les  autres. 

P.  37,  1.  i  :  arroi.  —  Les  mss.  ^  7,  8  ajoatent  :  et  sanz  or- 
denance. 

P.  37,  1.  4  :  li  captaus  de  Beus.  —  Ms,  ^  8  :  le  captai  de 
Beuch. 

P.  37,  1. 1«  :  Gateloing.  —  Ms.  A  %  :  Catellains.  F»  284  v*. 

P.  37,  I.  13  et  14  :  et  effondroîent  hyaumes  et  bachinës.  — 
Ms.  J  il  :  et  avoient  effondre  maint  bachinet  de  Tainnes  que 
les  Espaîngnolz  avoient.  F^  349. 

P.  37,  1.  19  :  bersoient.  —  Ms.  AS:  blecoient. 

P.  38y  1.  5  :  et  y  fist  desous  sa  bannière.  —  Ms,  ^  17  .*  et  là 
leva  bannière. 

P.  38,  1.  9  :  casteloing.  —  Ms.  AS  : castellaîns. 

P.  38, 1.  15  :  à  son  chaint.  —  Ms.  A  S  :  en  son  sain. 

§  S8I.  Che  samedi.  —  Ms.  d'Amiens  :  D'autre  part,  apro- 
chièrent  les  batailles,  et  vint  li  prinches  et  ses  bannierres  sus  le 
les  destre  pour  combattre  au  comte  dan  Tille  qui  estoit  sus  le 
costë  senestre.  En  le  bataille  dou  prinche  a  voit  grant  fuisson  de 
bonne  chevalerie  et  de  riches  paremens.  Là  estoient  li  rois  dans 
Pierres  et  se  bannierre  ens  es  plainnes  armes  de  Castîlle,  li  ban- 
nierre  le  roy  de  Navarre  et  messires  Martins  de  le  Rare  qui  le 
representoit.  Mes,  enssi  que  li  prinches  et  ceste  grosse  bataille 
devoit  approchier,  li  comtes  dan  Tille  resongna  et  se  parti  sans 
plus  atendre,  et  ossi  fist  li  plus  de  cbiaux  qui  avoecq  lui  estoient 
monte  à  cheval.  Chil  avoient  bon  avantaige  de  fuir. 

Adonc  aprocha  li  captaus  de  Beus  et  se  routte,  et  prissent  leur 
adrèce  sus  chiaux  de  piet  de  le  bataille  le  comte  dan  Tille  qui  s'en 
fuioit.  Si  les  coummenchièrent  Gascon  et  Englès  à  ochire  et  à  de- 
copper,  et  à  renversser  et  abattre  par  terre  comme  bestes.  La  eult 
grant  occision  et  qui  moût  effrea  les  Espagnos,  car  li  prinches  à 
toutte  se  grosse  routte  s'en  vint  assambler  fièrement  sus  le  bataille 
le  roy  Henry  qui  estoit  durement  forte  et  espesse  et  bien  pourvueue 
de  gens  qui  ossi  s'aquitoient  de  combattre  assës  souflissamment, 
car  li  roys  Henris,  comme  bons  chevaliers,  leur  rendoit  grant  cor- 
raige  et  leurdisoit  :  a  Biau  signeur,  je  demour[r]ay  d'allés  vous  : 
aidiés  moy  à  deffendre  et  à  soustenir  mon  droit  et  à  garder  Tire- 
taige  dont  vous  m'avës  fait  roy.  »  Là  y  fissent  il  de  le  main  mer 
veilles  d'armes. 


[1367]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  581.  287 

Au  costë  senestre ,  avoit  une  petite  montaingne  j  et  là  avoit 
on  establi  rarrieregarde  des  Englès  à  estre  à  rencontre  des  che- 
vaux armes.  Là  estoient  li  rois  de  May  ogres ,  li  comtes  d'Ermi- 
gnach,  li  sires  de  Saverach,  messires  Renaus  de  Maroeil,  mes- 
sires  Berars  de  Labreth,  messires  Perducas  de  Labreth,  messires 
Hues  de  Cavrelëe,  messires  Loeis  de  Halcourt ,  messires  Ustasses 
d'Aubreciconrt.  Et  d'autre  part  se  combatoient  li  sires  de  Glichon, 
messires  Ghautiers  Hues,  messires  Robers  Canolles,  messires 
ehans  d'Eiwreus,  messires  Robers  Cheni,  messires  Robers  Bric- 
quës ,  Carsuelle ,  Lamit,  Naudon  de  Bageraat,  li  sires  de  Rais, 
desous  le  bannierre  Camdos. 

Là  n'y  avoit  chevalier  ne  escuier  de  le  bataille  dou  prinche  qui 
ne  vausist,  par  droite  comparison,  ung  Rollant  ou  ung  Olivier;  et 
bien  le  couvenoit,  car  il  trouvèrent  d'encontre  dure  gent  et  forte 
et  grant  fîiisson.  Et  se  chil  qui  estoient  là  sus  les  camps  avoecq  le 
roy  Henry  se  fuissent  ossi  loyaument  acquitet  de  combattre,  et  de 
faire  leur  devoir  que  fissent  chil  de  le  bataille  monsigneur  Ber« 
tran  de  CSaiequin,  il  ewissent  dounnet  les  Englès  moult  affaire.  Là 
estoient  arbalestrier  dou  les  le  roy  Henry  qui  traioient  roit  et 
assës,  mes  leurs  trës  greva  petit  as  Englès  et  as  Gascons;  car  il 
estoient  fort  armes  de  jackes  et  de  bonnes  fortes  plattes.  Ossi  il 
avoient  archer  grant  fuisson  qui  traioient  si  ouniement  et  si  espes- 
sement  que  nulx  ne  s'osoit  mettre  ne  bouter  en  leur  trait,  se  il  ne 
voUoit  estre  mors  davantaige.  F*  147  r*  et  v«. 

P.  38,  1.  22  :  Nazres.  —  JRfy .  ^  8  ;  Nazares.  F»  284  v«. 

P.  38,  1.  28  :  li  sires  de  Rays.  —  Le  ms.  A  il  ajoute  :  bre- 
tons. F»  349  v«. 

P.  39,  1.  3  :  si.  —  Ms.  A  7  ;  son.  F*  281  v«.  —  Ms.  A  S  : 
ses. 

P.  39,  1.  7  :  Bietremiex.  —  Ms.  A  8  :  Berthelemy. 

P.  39,  1.  8  :  Bemardet.  —Ms.  A  S  :  Bernart. 

P.  39, 1.  9  :  Lestrade.  —  Ms.  A  B  :  Lestran.  F«  285. 

P.  39,  1.  11  :  s'acquittoient.  —  Ms.  AS:  s'aquitèrent. 

P.  39,  1.  19  :  dou  Chastiel.  —  Ze  ms.  A  17  ajoute  :  breton. 
F*  349  V*. 

P.  39,  1.  29  :  fait.  —  Ms.  A  S  :  fors. 

P.  40,  1.  4  :  Thummas  de  Graindson.  —  Ms.  A  8  ;  Jehan  de 
Graindon. 

P.  40,  1.  7  et  8  :  mies  tous  deviser.  —  Ms.  AS:  nommer  ne 
tous  deviser. 


288  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSâRT.  [1367] 

P.  40,  1.  Î4  :  vos.  —  Ms.  A  8  :  vostre. 
P.  41,1.  2  et  3  : recommender. —  Lts  m^.A  i5à  ilajouieni: 
entre  les  preux. 

g  882.  Moult  îu  ceste.  —  Ms,  tt Amiens  :  Moult  Ai  ceste  ba- 
taille dure  et  felenesse  et  bien  combatue,  tant  d'un  les  comme  de 
Tautre,  car  Espagnol  lanchoient  dars  et  archigaies  trenchans  dont 
il  navroient  et  mehaignoient  durement  chiaux  qu'il  en  conssui- 
woient;  et  si  avoient  li  pluisseur  fondes  dont  il  jettoient  pierres 
et  plommëes  dures  et  pesans,  pour  effondrer  bachinës,  con  dur 
qu'il  fuissent.  Là  s'avanturoient  chevalier,  et  estoient  de  tous 
costez,  et  s'abandounnoient  li  aucun  moult  hardiement.  Et  par  es- 
pecial,  dou  costë  des  Englès,  messires  Jehans  Camdos  y  fu  très 
bons  chevaliers  et  y  ûst  merveilles  d'armes.  Là  estoient  il  par  routtes 
et  par  corapaingnes,  entrelachiet  l'un  à  l'autre,  où  il  se  combatoient 
main  à  main,  et  dounnoient  si  grans  horions  de  haches  et  d*es- 
pées  que  c'estoit  grant  hideur  à  l'olr,  si  comme  je  l'oy  recorder 
les  hiraux  qui  estoient  à  l'un  des  les  de  le  bataille,  et  regardoient 
les  combatans  et  jugeoient  des  fuians  et  des  bien  faissans.  Si 
vous  di  finablement  que  Espagnol  se  coummencièrent  à  ouvrir  et 
à  esbahir  ;  et  encorres  se  fuissent  il  plus  tost  desconfit,  se  ne  fust 
li  rois  Henris  qui  les  amonestoit  et  prioit  de  bien  faire  et  les  re- 
tourna et  raloiea  par  trois  fois,  et  leur  remoustroit  moult  cler  et 
moult  hault  :  «  Ah  !  biau  seigneur,  ja  m'avës  vous  fait  roy  de 
Gastille  et  juré  et  proummis  foy  et  loyaultë  et  que  nullement  vous 
ne  me  faurës,  et  vous  me  voles  faillir.  Retournes,  bonne  gent,  et 
vous  combatës  hardiement.  Ve  me  ci  dalles  vous,  ne  ja  vous  ne 
me  verres  plain  piet  fuir  :  je  aroie  plus  chier  à  morir  que  il  me 
fuist  réprouve.  »  F°  147  \^. 

P.  41,  1.  12  :  Lusebonne. —  Ms.  A  8  ;  Lissebonne.  F"  285. 

P.  41,  1.  13  :  loyaument. —  Le  ms,  A  8  ajoute  :  et  moult  vou- 
lentiers.  F»  285  v«. 

P.  41,  1.  15  :  gisarmes.  —  Ms,  AS:  juisarmes. 

P.  41,  1.  16  :  d'espois. —  Ms,  AS:  des  poings. 

P.  41,  1.  20  :  estoient.  —  Le  ms.  A  S  ajoute  :  montez. 

P.  41, 1.  21  :  resviguroient.  —  Ms.  A  8  ;  ressoignoient. 

P.  41,  1.  23  :  vaillandise.  —Ms.Al  :  vaillantisse.  F«  282.  -  - 
Ms,  AS:  vaillance, 

P.  42,  1.  11  et  12  :  monsigneur  Rauduin  de  Fraiville.  —  M%, 
A  S  :  \e  seneschal  de  Frainville. 


[i367]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  583.  289 

P.  42,  1.  i6  :  Melval.  —Ms.A  S  :  Maleval. 
P.  42,  1.  22  :  pooit.  —  Ms.  A  8  ;  puet. 
P.  42,  1.  31  :  ahireté.  —Ms.  A%  :  hérité. 

g  S83.  La  bataille.  — -  Ms,  et  Amiens  :  Par  telx  langages  et 
par  si  faittes  raisons  requeilla  et  remist  li  rois  Henris  par  trois 
fois  ses  gens  enssamble ,  et  il  meysmes  de  son  corps  il  y  fu  très 
bons  chevaliers  et  vaillamment  se  combatt.  Mes,  au  voir  dire,  ses 
gens  trouvèrent  plus  durs  combatans ,  plus  hardis  et  plus  entre- 
prendans  qu'il  ne  fuissent,  et  bien  apparu;  car,  par  combattre 
durement  et  assaillir  hardiement,  il  les  reboutèrent  et  reculèrent, 
et  fissent  partie  tous  chiaux  qui  à  cheval  estoient  et  fuir  les  frains 
abandounnës.  Dont,  quant  li  roys  Henris  vit  che  grant  meschief 
contourner  et  descendre  sus  li  et  qu'il  n'y  avoit  mes  nul  recou- 
vrier  qu'il  ne  fuissent  desconffit,  si  eut  plus  chier  à  fuir  qu'à 
atendre  l'aventure  d'estre  pris  ;  car  bien  sa  voit,  s'il  estoit  pris, 
qu'il  seroit  mors  sans  merchy  et  sans  remède ,  ne  li  rois  dans 
Pierres,  ses  frères,  n'aroit  nulle  pitë  de  lui.  Si  monta  à  cheval 
dou  plus  tost  qu'il  peult,  et  se  bouta  entre  les  fuians  et  se  sauva 
par  telle  manierre. 

Encorres  se  combatoient  li  Frenchois  et  li  Breton,  dont  mes- 
sires  Bertrans  estoit  souverains.  Si  vous  di  que  là  entre  yaux 
eult  tamainte  belle  appertisse  d'armes  faitte ,  mainte  prise  et 
mainte  rescousse ,  tant  d[un  les  comme  de  l'autre  ;  mes  li  grosse 
bataille  dou  duc  de  Lancastre  et  de  monsigneur  Jehan  Camdos  et 
des  marescaux  et  des  Compaingnes  se  tray  celle  part.  Si  ne 
peurent  gaires  depuis  longement  durer.  Là  fu  pris  messires  Ber- 
trans de  Claîequin  desoubz  le  bannierre  monsigneur  Jehan  Cam- 
dos et  fu  ses  prisons.  Et  furent  pris  li  comtes  Sansses,  frères  au  roy 
dam  Pierre  et  au  roy  Henry,  qui  s'en  fuioit,  messires  li  Bèghes  de 
Vellaines,  messires  Jehans  de  Noefville  et  plus  de  deux  mil  che- 
valiers et  escniers.  Et  y  fu  mors  entre  les  autres  ungs  bons  che- 
valiers franchois,  li  Bèghes  de  Villers,  et  pluisseurs  autres  cheva- 
liers et  escuiers  que  je  ne  puis  mies  tout  noummer;  et,  dou  costë 
des  Englès,  ungs  bons  chevaliers  qui  s'appelloit  li  sires  de  Feriè- 
res.  Et  encorres  en  y  eut  des  autres  pluisseurs;  car  si  grosse  ba- 
taille que  ceste  fu  ne  puet  mie  estre  outrée  à  si  petis  frès  qu  il  n'en 
y  ait  mors  otant  bien  de  chiaux  qui  le  place  obtiennent,  que  des 
descomfis,  quoyque  li  victore  leur  demeure.  Ceste  bataille  fu  de- 
soubs  Nazarcs,  en  Espaingne,  Tan  de  grasce  \o.^t:'o  Signeur  mil 

vil  —  49 


MO  CHRONIQUES  DE  h  FROISSAAT.  [13<7] 

rois  cens  soixante  six,  le  troisimme  jour  dou  mois  d'avril. 
F*  447  v«. 

P.  43,  1.  3  :  et.  —  Ms.  A  8  ;  de. 

P.  43 , 1.  4  :  entettement.  —  Mss.  B  k  et  A  %  :  onlerement, 
entieremeat.  F"  283. 

P.  43, 1. 15  :  moult.  —  Ms.  A  8  ;  bien. 

P.  43, 1.  27  :  Gauwains. —  Ms.  A  8  ;  Gautier. 

P.  44,  1.  3  :  Lors.  —  Ms.  A  %  :  La. 

P.  44, 1.  8 et  9  :  d'Evrues...,  chevaliers. — Ms.  A  8;  d'Bvreux 
et  les  bons  chevaliers. 

P.  44,  1.  28  :  moururent.  —  Ms.  AS:  mouru.  P  286. 

S  tt84.  Quant  la  bataille.  —  Ms,  J Amiens  :  Che  samedi,  si 
comme  vous  poés  olr,  fu  grande  li  descomfiture  sus  les  Espagnols 
et  les  Catelloins  et  les  Franchois,  d'un  costë.  Et  fu  justement  ra- 
porté  au  prinche  qu'il  y  eut  mort,  de  droite  gent  d'armes,  cinq 
cens  et  soixante,  et  d'autres  gens  combatans,  sept  mil  et  cinq  cens, 
sans  chiaux  qui  se  noiièrent.  Car  li  encbaux  de  le  descomfiture 
dura  jusques  à  le  grosse  rivière  desoubz  Nazares;  siques  li 
pluisseur,  pour  yaux  sauver  et  pour  le  hydeur  qu'il  avoient  de 
leurs  ennemis,  entroient  ens  à  cheval  et  à  piet  :  si  estoient  otant 
bien  perdu  comme  en  devant. 

Encorres,  meysmement  sus  le  pont  de  le  ville  de  Nazeres,  fu  li 
enchaux,  li  pestilensce  et  li  mortalités  trop  grans  ;  et  chil  qui  ne 
pooient  entrer  en  le  ville  des  Espagnolx  saloient  en  le  rivierre, 
fust  à  cheval  ou  à  piet,  tant  estoient  fort  eshidé.  Et  entrèrent  les 
gens  dou  prinche  en  le  ville  de  Nazeres,  par  forche.  Là  eut  grant 
ocision  et  grant  mortalité  d'ommes,  de  femmes  et  d'enfans  que 
nuls  n'estoit  pris  à  merci,  se  il  n'estoit  trop  riches  homs  ou  trop 
grans  sires  malement.  La  furent  pris  et  trouvé  en  une  kave  li 
grans  prieux  de  Saint  Jehan  et  li  grans  maistres  de  Saint  Jame, 
qui  s'estoient  repus  dallés  ung  mur,  et  ossi  li  grans  mesures  de 
Caletrave. 

Briefment  à  parier,  li  descomfiture,  li  mortalités  et  li  odsions  y 
fu  moult  grans  et  moult  oribles.  Et  dura  li  cache  moût  longement, 
car  ens  es  plains  de  Nazares  où  li  bataille  fu,  il  n'y  avoit  nul  em- 
peschement,  haie  ne  buisson,  arbre  ne  olivier,  qui  pewist  des- 
tourner  les  Englez  et  les  Gascons  à  courir  tout  à  leur  voUenté,  à 
cacher,  à  prendre  et  à  ochire.  Et  par  especial  il  en  noia  ce  jour 
plus  de  quatre  mil ,  et  recorderent  11  aucun  pour  i^ertain  que  la 


[1367]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  585.         291 

riyierre  avoit  estet  vermeille  dou  sancg  qui  vssi  des  corps  des 
hoaunes  et  des  Ghevaulx.  C3ie  jour,  fa  pris  en  très  bon  convenant 
et  durement  navrés  et  desonbz  se  bannierre,  messires  Ernouls 
d'Audrehen,  marescanz  de  Franche,  et  y  fist  li  chevaliers  mer- 
veilles d'armes  de  son  corps,  et  moult  vaillamment  se  combati. 
?••  147  V  et  148. 

P.  44y  lé  31  :  de  France.  —  Ces  mots  manquent  dans  les 
mss»  A  7,  8. 

P.  45,  1.  1  :  outrée.  —Ms.  A  S  :  oultre.  F»  286. 

P.  45,  L  6  :  Nazres.  —  Ms,  A%:  Nazares. 

P.  45, 1.  6  :  conroit.  —  Ms.  AS:  court. 

P.  45»  1. 1 8  :  encauchier.  —  Le  ms,  A  8  ajoute  :  gens. 

P.  45, 1.  22  :  li  plus.  —  Ms.  A  S  :  les  pluseurs.  F»  286  v<*. 

P.  45, 1.  23  :  rade.  —  Ms.  A  8  ;  roide. 

P.  45,  1.  31  :  devers.  —  Ms.  AS:  dedens. 

P.  46, 1.  6  :  où  pillart.  —  Ms.  A  S  :  ei  pilliée  :  si. 

P.][46, 1. 18  :  dûent.  —  Ms,  A  8  :  disdent. 

P,  46, 1.  20  :  rouge.  —  Ms.  A  17  irogier.  F>  350  v». 

S  88tt.  Apriès  le  desconfiture.  -—  Ms.  if  Amiens  :  Apriès  le 
desconfiture  de  le  bataille  de  Nazares,  li  prinches,  pour  recueil- 
lier  ses  gens  qui  repairoient  de  le  cache,  s'en  vint  sus  une  petitte 
montaingne.  Là  fist  il  lever  se  bannierre  contremont,  à  laquelle 
touttes  mannierres  de  gens  de  leur  costé  se  radrechièrent.  Si  fu 
il  moult  tart,  ainschois  que  tout  fuissent  revenu.  Adonc  avala  li 
prinches  moult  ordounneement,  sa  bannierre  devant  lui',  et  s'en 
vint  ens  es  logeis  doa  roy  Henri.  Si  y  trouva,  et  ossi  fist  toutte 
son  host,  de  touttes  pourveanches  à  grant  fuisson,  dont  il  furent 
iNen  servi  et  bien  aisiet.  Si  se  desarmèrent  et  appareillièrent, 
diacuns  sires  par  soy  et  entre  ses  gens,  et  entendirent  li  pluisseur 
à  mettre  à  point  chiaux  qui  blechiës  et  navrés  estoient.  Adonc 
s'en  vint  li  rois  dans  Pierres  deviers  le  prinche,  et  le  volt  enclin- 
ner,  mes  li  prinches  ne  le  consenti  mies.  Se  lî  dist  li  rois  :  «  Mon 
chier  cousin,  je  vous  doy  mont  remerchiier,  car  par  vous  est 
toutte  m'onneur  recouvrée,  et  m'avés  hui  tant  fait  que  jammais 
ne  l'aray  desservi.  »  Adonc  respondy  li  prinches  et  dist  :  «  Sire 
roys,  ne  m'en  donnés  nulle  loenge,  mes  à  Dieu  princhipaument, 
car  de  li  vient  ceste  belle  aventure  que  nous  avons.  » 

Adonc  entrèrent  il  en  autres  parolles.  Si  fu  li  souppers,  ens  ou 
logeis  dou  prinche^  appareilliés  moût  grans  et  moult  biauz.  Et  y 


S92  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1368] 

dounna  li  prinches  à  souper  le  roy  dam  Pierre  et  le  roy  de 
Blaîogres,  et  monsignenr  Martin  de  le  Kare,  qui  representoit  le 
roy  de  Navarre,  et  le  comte  d'Ermignach  et  ung  comte  don 
royaumme  d'Arragon  qui  estoit  prisoumiiers,  que  on  noummoit  le 
comte  de  Dunne.  Et  enssi  en  ses  logeis«  chacuns  sires  dounna  i 
soupper  à  ses  prisounniers,  qui  prisounnier  avoit,  moult  convigna^ 
blement.  Et  passèrent  le  nuit  en  ^grant  joie  et  en  grant  déduit, 
car  il  avoient  bien  de  quoy,  vivrez  à  grant  fuisson,  et  trouvet 
ossi  grant  plantet  de  vaissellemence  d'or  et  d'argent  et  de  bons 
rices  jeviaux,  çaintures,  draps  et  mantiaux;  car  ii  rois  Henris 
et  touttes  ses  gens  estoient  là  venus  moult  estoffeement  et  bien 
pourvuen  de  tout  bon.  F<*  i48. 

P.  46,  1.  27  et  28  :  remontière.  —  Ms.  A  %  :  remontée. 
F»  286  v«. 

P.  46,  1.  28  :  mettre.  —  Ms.  A^  :  tenir.  . 

P.  46,  1.  31  :  le  cache.  —  Ms.  utf  8  ;  la  chace. 

P.  47,  1.  4  :  recuellier.  —  Ms.  A  B  :  recueillir. 

P.  47,  1.  7  :  Maiogres.  —  Ms.  AS:  Maillogres. 

P.  47,  1. 18  :  venant.  —  Ms.  AS:  venir. 

P.  47,  1.  30  :  leurs.  —  Ms.  AS:  ses. 

P.  48y  1.  8  :  li  dit  logeis  estoient.  —  Ms.  A  S  :  \e  dit  logeis 
estoit. 

P.  48,  1.  15  :  cinq  mil.  —  Mss.  Al,  S:  cinq  cens.  F*  283  v». 
—  Ms.  A  17  :  six  cens.  F*  351. 

P.  48, 1.  24  :  le  nombre.  —  Ms.  AS:  compte.  P  287. 

P.  48,  1.  27  :  Bien.  -~  Le  ms.  A  S  ajoute  :  avoient  de  quoy  et. 

P.  48,  1,  28  :  plentiveusement,  —  Ms.  AS:  plantureusement. 

§  S86.  Le  dimence.  —  Ms.  ^Amiens  :  Quant  che  vint  le  die- 
menche  au  matin  et  que  li  prinches  eult  oy  messe,  li  rois  dans 
Pierres  vint  deviers  lui,  emfourmés  et  advisës  de  quoy  il  devoit 
parler  :  che  fu  qu'il  requist  au  prinche  c'on  li  delivrast  le  comte 
Sansse  son  frère,  le  maistre  de  Caletraive,  messire  Gomme  6a- 
ril,  le  grant  prieur  de  Saint  Jehan,  le  grant  maistre  de  Saint 
Jame  et  tous  chiaux  d'Espaîngne  c'on  tenoit  pour  prisounniers, 
car  il  leis  voiloit  faire  morir  comme  traiteurs  et  mauvais  contre 
lui.  Quant  li  prinches  l'oy  et  vit  quelle  affection  il  avoit,  se  li 
requist  ung  don  :  «  Quel  don,  dist  li  rois  dans  Pierres,  mon  chier 
cousin,  voilés  vous  avoir  ?  Ja  savés  vous  que  tout  chou  que  j'ay 
est  vostre  sans  nul  moiien,  et  vous  acorde  à  faire  vostre  vollenté 


[1367]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  S87.         293 

dou  toat.  »  — >  <c  Je  vous  pri  et  requîer,  dist  li  prmches,  qne 
vous  voeilUës  pardounner  à  tous  chiaux  que  vous  tenës  pour  pri- 
sonnniers,  vostre  mautalent,  et  à  tout  le  demorant  dou  pays  ossi, 
si  vous  voilés  estre  ne  demourer  rois  de  Gastille.  »  Adonc  s'avisa 
li  rois  dans  Pierres  et  dbt  :  «  Ghiers  cousins,  pour  l'amour  de 
vous  je  l'acorde,  et  je  leur  pardounne  bonnement  tout,  excepté  ce 
faux  traiteur  Gomme  Garilz  qui  m'a  fait  plus  de  maux  que  tout 
li  autre.  9>  -»-  «  Gesti,  dist  li  prinches,  vous  acorde  jou  bien.  » 
Dont  furent  mandé  tout  li  chevalier  d'Espaingne  qui  prisounnier 
estoient,  en  l'ost;  et  là,  présent  le  prinche  et  moult  de  grans 
signenrs,  leur  pardounna  li  rois  dans  Pierres  tous  mautalens,  et 
baisa  son  frère  le  bastart  le  comte  Sansse,  en  nom  de  pais,  et  tous 
les  auitres.  Apriès,  li  fu  délivrés  à  faire  son  plaisir  messires 
Gommes  Garils.  Il  n'en  edt  nulle  pité,  tant  fort  le  haioit  pour  les 
grans  contraires  que  chils  li  avoit  fais  et  le  fist  décoller,  voiant 
tous  chiaux  qui  veoir  le  peurent.  ^^  148. 

P.  48, 1.  31  :  devant.  —  Af j.  ^  8  :  hors  de.  F»  287. 

P.  49,  1.  1 3  :  car.  —  Le  nu.  A  8  ajoute  :  moult. 

P.  49,  1.  26  :  vo.  —  Ms.  A  8  ;  vostre. 

P.  50,  1.  4  :  eurent  en  couvent.  —  Ms.  AS:  encouvenan- 
dèrent. 

P.  50, 1.  6  :  si.  ^-  Ms.  A  8  :  ses. 

P.  50, 1.  8  :  li  fist.  -^  Ms.AS  :  leur  fist. 

P.  50,  1.  8  et  9  :  recogneut  et  desservi.  —  Ms.  A  B:  recong- 
nurent  et  desservirent. 

P.  50,  1.  27  :  clore.  —  Mss.  Bket  A  :  clore  ne  tenir.  F«  285. 

P.  50,  1.  29  :  le  ville.  — -  Le  ms.  B  6  ajoute  :  bien  cinq  lieues. 

P.  51,  1.  4  :  Barbesque.  —  Ms.  B  ^  :  Barbestre. 

P.  51,  1.  10  :  ne  bien  aisiet.  — -  Ms.  AS:  aisieement. 

S  S87.  —  li  princes  de  Galles.  —  Ms.  it Amiens  :  Che  di- 
menche,  tout  le  jour,'demoura  li  prinches  ens  es  logeis,  qu'il  avoit 
concquis  et  trouvez  de  ses  ennemis,  et  eurent  là  en  dedens  consseil 
commuent  il  se  maintenroient.  Le  lundi  apriès  messe  et  boire,  li 
rob  dans  Pierres  se  «parti  dou  prinche  àgrant  fîiison  de  gens  d'ar- 
mes, et  chevaucha  devers  le  grosse  ville  de  Burghes^  et  li  prin- 
ches et  li  demorans  de  ses  gens  s'en  vinrent  logier  à  Barbeske. 
Sitost  que  li  bourgois  et  li  hommes  de  Burghes  entendirent  que 
li  rois  dans  Pierres  venoit  celle  part ,  il  yssirent  tout  contre  lui 
moult  honnerablement ,  et  le  rechurent  comme  leur  seigneur  et 


S94  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAKT.  [1367] 

leur  roy,  et  le  menèrent  dedens  Burgfaes  moult  solempnement. 
Au  tierch  jour  apriès,  yint  li  princes  devant  Burghei,  oà  il  Ik 
requeilliësossi  moult  grandement,  et  se  logièrent  touttes  ses  gens 
là  environ.  Adonc  vint  à  Burghes  veoir  le  roy  dom  Pierre  son 
seigneur  et  le  pmche  de  Ghalles,  chilx  chevaliers  espagnols  qui 
point  ne  s'estoit  tournes  deviers  le  roy  Henri,  dans  Ferrans  de 
Castres.  Se  le  vit  li  prinches  moult  vollentiers,  et  le  festia  et 
honnoura  grandement,  et  ossi  fissent  tout  li  seigneur  qui  là 
estoient. 

Environ  ung  mois,  séjournèrent  li  rois  dans  Pierres  et  li  prin* 
elles  en  le  ville  de  Burghes.  Là  en  dedens  vinrent  au  dit  roy 
faire  (eaxAti  et  boummaige  tout  chil  de  Gastille,  des  villes,  dm 
cités  et  des  castiaux,  et  aussi  tout  gentil  homme,  seigneur,  cheva- 
lier et  escuier,  de  Portingal,  de  SeviUe,  de  Toulète,  de  Corduan, 
de  lion ,  de  Galise  et  de  touttes  les  marches ,  loing  et  priés,  et 
jurèrent  tout  solempnellement,  présent  le  prinche  de  Galles  et 
pluisseurs  grans  signeurs  ad  ce  appiellës ,  à  tenir  et  obéir  au  roy 
dam  Pierre  comme  leur  droit  signeur  souverain.  Avoeoq  tout  chou, 
li  prinches  de  Galles  tint  son  jugement  et  son  gage  de  bataille 
devant  Burghes,  siques  on  puet  bien  dire  tout  notoirement 
que  toutte  Espaingne ,  par  concquès,  fu  à  lui  et  à  son  coumman* 
dément. 

Quant  li  prinches  eut  tenu  ses  Paskes  et  ses  festes  à  Burghes  avoecq 
le  roy  dam  Pierre  et  là  séjourne  plus  d'un  mois,  et  que  on  ne  sa- 
voit  ne  sentoit  mes  nuls  rebelles  ens  ou  pays  que  tout  ne  fuissent 
obéissant  au  dit  roy,  il  y  eut  grans  parlemens  entre  le  roy  et  le 
prinche  et  leurs  conssaux;  et  là  à  ces  dis  parlemens  furent  renou- 
vellet  li  sierment,  les  proummesses,  li  couvens,  les  ordounnances 
et  les  obligations  qui  estoient  jurées  et  escriptes  entre  l'un  et 
l'autre,  très  le  coummencement  dou  voiaige.  Et  dubt  li  roys  dam 
Pierres  partir  du  prince  et  aller  ent  se  voie  deviers  SeviUe,  en 
instanche  de  che  que  d'assambler  or  et  argent  pour  paiier  le 
prinche  et  ses  gens,  et  li  prinches  le  devoit  attendre  ou  Val  d'Olif  ; 
et  devoit  retourner  li  dis  rois  dedens  un  certain  jour  deviers  le 
prinche.  Sur  ce,  il  se  parti  et  s'en  alla  à  SeviUe  et  là  où  bon  li 
sambla^  car  tous  U  pays  estoit  ouvers  contre  lui  et  appareiUiés  à 
son  coummandement.  Et  U  prinches  et  ses  gens  Tatendirent  plus 
de  trois  mois  onltre  le  jour  qu'U  devoit  retourner.  Si  eurent  là  en 
dedens  tamainte  souffreté  de  pain  et  de  vin  et  de  tous  autres  vi-> 
vres,  car  U  estoient  grant  gens,  et  si  trouvoient  chiauz  dou  pays 


[1367]      VARUNTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  588.         295 

durs  et  mal  amis  à  yaux,  et  si  ne  pooient  par  couvent  les  gens  le 
prinche  assaillir  nulle  fortrèche  :  enssi  estoit  il  ordounnë;  mes, 
se  il  ewissent  tenu  ceste  ordounnance ,  il  fuissent  tout  mort  de 
lamine,  car  li  rois  dans  Pierres  les  faisoit  trop  séjourner. 

Si  prist  li  prinches  Haulte  Mousque  où  il  trouva  de  tous  vivres 
assëft  largement  pour  vivre,  lui  et  son  host,  environ  ung  mois,  et 
puis  s'em  parti  et  vint  à  Medine  de  Camp,  une  bonne  grosse  ville  et 
bien  avitaillie.  Si  l'asiega  li  prinches  tant  seullement  pour  avoir 
les  vivres.  Quant  chil  de  le  ville  de  Medine  se  virent  asegiet,  si 
doubtèrent  que  de  force  il  ne  fuissent  pris  et  perdissent  corps  et 
biens.  Si  se  composèrent  deviers  le  prinche  et  ses  gens,  et  avitailliè- 
rent  l'ost  assés  plentiveusement.  Et  se  tinrent  encorres  là  environ, 
atendans  que  li  rois  dans  Pierres  revenist  bu  qu'il  en  oyssent 
bonnes  nouvelles;  mes  il  le  faisoit  trop  long,  dont  moult  en  des- 
plaisi  au  prinche  et  à  son  consseil,  et  en  le  defiaulte  de  lui  il  con- 
vint les  Compaingnes  espardre  sus  le  pays  pour  avoir  vivres.  Si  y 
fissent  pluisseurs  contraires  et  y  prissent  pluisseurs  villes  et  cas- 
tiaux  rebelles  à  yaux;  et  quant  il  les  avoient  pris  par  forche 
avoecques  les  vivres,  il  les  pilloient  tous  et  y  faisoient  moult  de  ' 
destourbiers. 

En  ce  temps  fu  délivre  li  rois  Caries  de  Navarre  de  prison,  par 
le  pourcach  de  madamme  la  roynne  sa  femme,  et  monsigneur 
Martin  de  le  Kare  et  l'evesque  de  Panpelune ,  et  revint  arrierre 
en  son  royaumme  de  Navare,  dont  li  prinches  fu  moult  liez. 
F»  148  r*  et  v«. 

P.  51,  1.  18  :  plus  de  trois  sepmainnes.  —  Ms,  A  8  :  environ 
trois  sepmainnes  et  plus.  F<»  288. 

P.  51 9  1.  19  :  En  ce  séjour.  —  Afr.  ^  8  :  Et  ce  jour  de  Pas- 
ques. 

P.  52,  1.  1  :  mes.  -—  Les  mss.  Al^  B  ajoutent  :  nul  empesche- 
ment  ne.  P  284. 

P.  52,  1.  6  :  com  plus.  —  Ms.  AS:  tant  plus. 

P.  52,  1. 19  :  plaisi.  — -  Ms,  AS:  fut  plaisant. 

P.  52,  1.  23  et  24  :  sur  le....  portoit.  — Ms,  AS  :  en  enten- 
cion  avoir  grant  argent,  ainsi  que  encouvenancië  lavoit.  F*  288. 

P.  52, 1.  26  :  s'espardlrent.  —  Ms.  AS:  s'espandirent. 

S  »88.  P.  53,  U  4  :  Nazres.  —  Ms.  AS  :  Nazares.  F«>  288. 

P.  53,  1.  21  :  place.  —  Ms.  ^  8  ;  la  place. 

P.  53,  1.  25  :  de  aaiekin.  —  Ms.  A  S  :  du  Gue&clin 


296  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1367] 

P.  53,  1.  25  :  d'Audrehen.  -—  i>  ms,  A  17  ajtmie  :  le  Bègue 
de  rillaiimes.  F«  352  V. 

P.  53,  I.  29  :  délivrer.  —  Le  ms,  A  M  ajoute  :  plas  pour 
double  qu'il  ne  retoumast  en  Espaingne  deffaire  ce  que  le  prince 
ayo|t  (ait  que  pour  autre  chose .  F®  352  v®. 

P.  53, 1.  30  :  n'i  pressoit.  ^Ms.Al  :  n'y  prisoit.  F»  284  v«. 

5  S89.  Li  rois  Henris.— Jlfi.  é! Amiens  :  Et  encores  ne  savoit 
on  nulle  vérité  dou  roy  Henry  en  Tost  dou  prinche ,  se  il  estoit 
mors  ou  vis.  Bien  dissent  li  pluisseur  que  on  Tavoit  veu  sus  le  fin 
de  le  bataille  moult  vaillamment  combattre,  mes  on  n'en  savoît 
plus  avant,  et  tenoient  li  aucun  adonc  mieux  qu'il  fuist  mors  que 
vis.  Touttefois ,  à  parler  justement  de  ce  roy  Henri ,  quant  il  vit 
le  desconfiture  et  qu'il  n'y  avoit  nul  recouvrier,  il  se  sauva  sage- 
ment et  ne  se  bouta  ne  enclol  en  nulle  fortrèce  d* Espaingne,  mes 
prist  ses  adrèches  et  son  chemin  deviers  le  royaumme  d'Arragon. 
Et  envoiea  vistement  certains  messaigez  deviers  sa  femme  et  ses 
enfans  qui  se  tenoient  à  Burghes ,  qu'il  partesissent  tantost  et  se 
retrayssent  deviers  Arragon,  siques,  quant  la  damme  oy  les  nou- 
velles de  le  desconfiture  de  Nazres,  si  fu  moult  eCPraëe  et  courou- 
chie,  che  fu  bien  raisons.  Nonpourquant,  elle  tourssa  et  s'adrecba 
deviers  son  mari  qui  s*estoit  retrais  à  Vallenche  le  Grant.  Or 
vous  parlerons  dou  prinche  et  dou  roy  dant  Pierre  coumment  il 
persévéra.  F*  148. 

....  En  ce  tamps  estoit  li  dessus  dis  rois  Henris  li  escachiës 
afuis,  si  comme  vous  avës  oy,  ens  ou  royaumme  d'Arragon,  du- 
rement courouchiés  et  tourblës  sus  le  prinche  et  son  pays,  et 
c'estoit  bien  raisons,  car  il  l'avoient  mis  jus  et  arrierre  de  grant 
signourie  et  de  grant  noblèce.  Et  se  tint  en  Arragon  jusques  à 
tant  que  il  eut  entendu  coumment  la  besoingne  alloit;  et  quant  il 
sceut  que  messires  Bertrans  de  Claiequin  estoit  prisounniers,  si  en 
eut  grant  joie,  car  bien  penssa  qu'il  fineroit  par  argent.  Si  se 
parti  li  dis  rois  Henris  d'Arragon,  et  s'en  vint  à  Toulouse  dallés 
le  duc  d'Ango  qui  le  rechupt  liement.  Tantost  li  rois  Henris  as- 
sambla  ses  ,compaignons,  et  fist  tant  qu'il  eult  trois  cens  armures 
de  fier,  et  entra  en  la  terre  dou  prinche  et  prist  une  ville  que  on 
appelle  Bapiers ,  et  fist  grandement  guerre  au  prinche.  Si  avoit 
aucuns  gens,  guerrieurs  et  amis,  et  acqueroit  encorres  tous  les 
jours,  pour  guerriier  le  ducé  d'Acquittainne  et  le  terre  dou  prin- 
che, et  aussi  les  terres  des  signeurs  de  Giane  qui  avoecq  le  prin- 


[1367]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  589.         297 

che  estoîent  en  ce  voiaige  et  qui  ce  destourbier  li  avoient  porte. 
Si  ewist  vollentiers  yen  li  rois  Henris  que  li  jonnes  comtes  d'Au- 
çoire,  de  Franche,  qui  ungs  grans  guerrières  estoit  et  bien  amës 
de  gens  d'armes ,  se  fuist  boutes  en  celle  guerre  avoecq  lui  et 
fîiist  entres  en  Acquittainne  au  les  deviers  Poito,  et  ars  et  courut 
le  pays.  Mes  quant  li  connissance  en  vint  au  roy  Carie  de  Franche 
que  li  comtes  d'Auçoire  estoit  priés  moult  aigrement  des  ungs  et 
des  autres  pour  entrer  en  le  terre  dou  prinche,  si  ne  le  veut  mies 
conssentir  ;  et  deffendi  à  son  chevalier  le  comte  d'Auchoire  qu'il 
ne  fîiist  tels  ne  si  hardis,  sus  à  perdre  tout  chou  qu'il  tenoit  ou 
pooit  tenir  ou  royaumme  de  Franche,  qu'il  se  mesist  en  celle  che- 
vaucie.  Et,  pour  estre  plus  asseurs  dou  dit  comte,  il  le  fist  adonc 
aller  tenir  prisson  ens  Ou  castiel  dou  Louvre  dedens  Paris,  et  le 
fist  garder  bien  et  songneusement.  Che  fu  environ  le  Nostre 
Damme  my  aoust  Tan  de  grâce  mil  trois  cens  soiasante  et  sept. 
P»  448  v«. 

....  Or  vous  parlerons  ung  petit  de  le  marce  dou  roy  Henry  et 
coumment  il  est  revenus  sus  et  à  le  courounne  et  hiretaige  des 
pays,  et  de  le  mort  dou  roy  dam  Pierre  son  frère,  et  puis  retour- 
rons  à  autre  matère  dou  duc  d'Ango  et  dou  ducq  de  Berri  et  as 
chevauchies  qu'il  fissent  en  le  langhe  d'ock  et  sour  le  terre  dou 
prince. 

Apriès  ce  que  le  desconfiture  eut  estet  devait  Nazres,  si  comme 
il  est  chi  dessus  contenus  en  ceste  histoire,  ly  roy  s  Henris  se 
sauva  et  s'en  afui  en  Arragon  jusques  à  tant  que  il  eut  entendu 
coumment  la  besoingne  alloit.  Et  quant  il  seut  que  messires  Ber- 
trans  de  Claequin  estoit  prisounniers,  si  en  ot  grant  joie,  car  bien 
penssa  qu'il  fineroit  parmy  argent.  Si  se  parti  li  dis  roys  Henris 
d' Arragon  et  s'en  vint  à  Toulouse  dallés  le  duc  d'Ango  qui  le 
rechut  liement.  Tantost  li  roys  Henris  assambla  des  compaignons 
et  fist  tant  qu'il  en  eult  trois  cens  armures  de  fier  et  entra  en  le 
tierre  dou  prinche  et  prist  une  ville  que  on  appelle  Baniers  et 
fist  grandement  guerre  au  prinche.  Quant  li  prinches  fu  retour- 
nes en  son  pays,  11  rois  Henris  se  parti  de  Baniers  et  entra  en 
Arragon  et  rassambla  grans  gens,  Bretons ,  Alemans ,  Bourgi« 
gnons,  et  touttes  mannierres  de  gens  qui  venoient  à  lui  estoient 
rechus,  et  entra  de  rechief  en  Castille  et  y  fist  grant  gerre. 
F*  167  v«. 

P.  54 ,  1.  5  et  6  :  hasteement.  —  Ms.  A  %  :  hastivement. 
P»  288  v«. 


S98  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [4367] 

P.  54,  1.  9  :  lequcle.  —  Mit.  B  ket  A:  lequel.  F*  Î86. 

P.  S4,  1.  i4  :  se  mesescance.  —  Ms.  ji  1  :  ses  mésaventures. 
P  284  T«.  —  Mss.  JB  ket  ji  S  :  ses  meschances.  P  286. 

P.  55,  1.  6  :  prîncetë.  —  Ms,  AS:  prinçautë. 

P.  55,  1.  11  :  vinrent.  ^  Ms.  A  B  :  furent  envolées.  F»  289. 

P.  55,  1.  21  :  poroit.  —  Ms.  AS:  pourroient. 

P.  55,  L  23  :  quoiteusement.  —  Ms,  AS  :  hastivement. 

P.  55,  1.  26  :  heriier.  —  Ms.  AS:  guerroier. 

P.  56,  1.  7  et  8  :  quatre  cens  Bretons.  —  Ms.  JB  S  :  mû  com- 
batans. 

P.  56, 1. 10  :  Richon.  —  Lems.  B  6  ajoute  :  Pons  de  la  Court. 

P.  56,  1.  12  :  Alains.  —  Ms.  A  17  ;  Raoal.  F*  353. 

P.  56,  1.  42  :  Saint  Pol.  —  Le  ms.A  \1  ajoute  :  monseigneur 
Eustace  de  la  Houssoye,  monseigneur  Bertran  de  Guitë.  P*  353. 

P.  56,  1.  16  :  Baniers.  —  Ms,  AS:  Banîères. 

P.  56,  1.  27  à  29  :  qui....  anoieus.  ^-  Ces  mots  manquent  dans 
les  mss.  A. 

S  K90.  Quant  li  princes.  — -  Ms.  d Amiens  :  Or  revenrons  à 
le  matère  dou  prinche  qui  estoit  adonc  en  Espaingne.  Quant  li 
prinches  et  ses  gens  eurent  séjourné  et  atendu  le  roy  dant  Pierre 
plus  de  six  mois  et  enduret  tamainte  mesaise  de  fain,  si  eut  cons* 
seil  li  dis  prinches  qu'il  envoieroit  certains  messaiges  par  deviers 
li.  Si  y  envoiea  trois  chevaliers  des  siens,  monsigneur  Ghuiçart 
d'Angle,  monsigneur  Richart  de  Pontcardon  et  monsigneur  Neel 
Lorinch.  Si  chevauchièrent  tant  li  dessus  dis  qu'il  vinrent  à  Seville 
deviers  le  roy  dam  Pierre  qui  les  rechupt  pour  l'ounneur  et  amoor 
dou  prinche  assés  liement.  Li  chevalier  dessus  noummet  moustrè- 
rent  au  dit  roy  pour  quoy  il  estoient  là  venu,  et  ossi  que  li  prin- 
ches et  ses  conssaux  estoient  tout  esmervilliet  de  che  qu'il  n'avoit 
tenu  son  jour  de  retourner  deviers  le  prinche,  enssi  que  proum- 
mis  l'avoit. 

Adonc  s'escuza  li  rois  dans  Pierres  et  dist  que  il  n'avoit  mies 
tenut  à  lui,  mes  à  ses  gens,  et  qu'il  estoit  moult  desirans  et  en- 
grans  de  tenir  et  acomplir  tous  les  couvens  qu'il  avoit  au  dit 
prinche ,  et  que  moult  y  estoit  tenus  ;  mes  ses  gens  lui  avoient 
respondut,  quant  il  leur  en  parloit,  que,  tant  que  li  prinches  et 
les  Gompaingnes  se  logeroient  sour  le  pays,  il  ne  poroient  faire 
argent.  Si  prioient  li  rois  et  ses  gens  au  prinche  que  ii  se  volsis- 
sent  retraire,  fust  en  Navarre  ou  en  le  principauté,  et  il  quer- 


[1367]     yARUNTBS  OU  PRElilER  UYKR,  S  ^^i-        299 

roientt  sans  fallir  et  moult  hasteement  «  or  et  argent  pour  paie- 
OMntf  et  t'acquitteroient  deviers  lui  et  ossi  déviera  touttes  les 
cappittaiimea  et  les  Gompaingnes.  Che  fu  toutte  la  responsce  qu'il 
peurent  adonc  avoir  dou  roy  dam  Pien*e  et  de  son  consseil.  Si 
s'en  retonrairent  deviers  le  prinche ,  qui  se  tenoit  à  Medine  de 
Campi  et  U  recordèrant  tout  chou  qu'il  avaient  trouvet.  P*  148 
V*  et  «50. 

P.  tf7, 1.  3  %  merancolieus.  -*- Jlfr.  jiB  :  melencolieux.  P  269. 

P.  57, 1.  k  :  quel  cose.  —  Ms.  J  S:  quelle  chose. 

P.  57, 1.  8  !  couvent.  •—  Ms.  A%  :  convenant. 

P.  57^  I.  9  :  priiet.  —  ilf#.  ^  8  .•  presta.  F*  289  v*. 

P.  57, 1. 16  et  17  :  tout....  estoient.  —  Ms,  A  %  :  ainsi  que 
eachargië  leur  estoit, 

P.  57,  1. 20  et 21  :  en  couvent.  — - Ms.  AS  : eouvenandë. 

P.  58, 1.  3  :  li  messagier. -«-  Ms.  AS:  les  chevaliers. 

P.  58, 1.  0  :  couvent.  —  Ms.  AS  :  convenances* 

P.  58,  1. 14  :  ajut.  -*  Ms.  AS  :  acoucha. 

P.  58,  1.  13  :  oouroudës.  ^^  Le  ms.  £  6  ajoute  •*  car  il  fist 
grant  folie  et  le  volloit  ramener;  mais  le  roy  ne  s'en  volt  partir, 
anchois  demora  là  :  dont  il  s'en  repenty,  si  comme  vous  orës  re- 
corder  temprement  en  ches  croniques.  Et  sachiës  que  en  che 

voiage  d'Espaigne  le  prinche  de  Galles  conchut  et  engenra  une 
maladie  qui  oncques  puis  ne  le  laissa ,  pour  le  grant  calleur  de 
Tair  et  du  soleil  et  des  boires  d'Espaigne  qui  ne  sont  mies  condi* 
tienne  i  chiens  de  Franche  et  d*Engleterre. 

P.  58,  1.  27  :  Baniers.  —  Ms.  A  S  :  Banières. 

P.  58,  1.  27  :  herioit.  —  Ms.AS  :  harioit. 

P.  58,  1.  29  :  Bertran*  -^  Le  ms.  A  S  ajoute  :  du  Guesclin. 

P.  58,  1.  29  :  n'estoit  pas.  -^  Ms.  A  S  :  ne  fu  mie,  P  289  v\ 

P.  58, 1.  30  :  tout.  -^Lems.A  S  ajoute  :  ce. 

S  tt9i.  Quant  li  princes.  —  Ms.  d Amiens  :  Quant  K  prin- 
ches  de  Galle  eut  entendu  les  nouvelles  dou  roy  dant  Piere, 
si  en  fu  tous  esmervilliës,  et  congnut  assës  qu'il  n'estoit  mies 
tels  qu'il  le  supposoit  à  trouver.  En  ce  temps  qu'il  estoit  en 
ces  variations,  li  vinrent  nouvelles  d'Acquittainne,  de  par  ma- 
dame la  princesse  et  le  pays,  que  li  roys  Henris  volloit  entrer 
et  amenner  gens  d'armes  en  son  pays  pour  gueriier,  ardoir  et 
essiUier  toutte  sa  terre  d'Acquittainne.  Adonc  eut  li  prinches 
consseil  de  retourner.  Si  se  mist  au  retour  par  deviers  Madrigay, 


300  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT.  [1368] 

et  chevaucha  tant  qu'il  Tint  ou  val  de  Sorrie,  et  là  scgouma»  et 
touttes  ses  hos,  bien  un  mois.  Eadementroes  eut  grans  conssaux 
entre  monsigneur  Jehan  Camdos  et  le  consseil  dou  roy  d'Arra- 
gon;  car  la  terre  où  li  prinches  sejoumoit  marcist  assés  pries 
de  là.  Si  entendi  que  consseil  se  porta  enssi  adonc  que  li  roys 
d'Arragon  ne  ses  gens  ne  dévoient  de  riens  grever  ne  contra- 
riier  le  prinche  ne  ses  gens,  et  ossi  on  ne  devoit  noient  four- 
faire  au  royaumme  d'Arragon.  Apriès  ce,  s'en  revinrent  messires 
Jehans  Camdos  et  messires  Martins  de  le  Rare  deviers  le  roy  de 
Navarre,  et  pourcachièrent  tant  que  li  rois  de  Navarre  acorda  à 
rapasser  le  prinche  et  touttes  ses  gens  parmy  son  royaumme, 
bien  paiiant  tout  chou  qu'il  prenderoient. 

Si  se  parti  li  prinches  dou  val  de  Sorrie,  et  s'aceminna  parmy 
Navarre.  Et  li  roys  de  Navarre  li  falsoit  grant  feste  et  grant  honneur, 
et  le  rafresqissoit  tous  les  jours  de  nouvelles  pourveanches,  et  le 
conduisi  et  mena  tout  parmy  le  royaumme  de  Navarre  et  à  la  ville  de 
Saint  Jehan  dou  Piet  des  Pors  ;  là  prissent  il  congiet  li  ungs  de  l'autre. 
Si  rapassa  li  prinches,  et  ossi  fissent  touttes  ses  gens,  les  destrob 
de  Navarre,  et  s'en  vint  li  dis  prinches  à  Baione,  et  li  dus  de  Lan- 
castre,  ses  frères.  Là  les  rechuprent  ii  bourgois  de  Baionne  moult 
grandement,  et  honnourèrent  et  festiièrent.  Si  séjournèrent  là  li 
dessus  dis  prinches,  li  dus  de  Lancastre  et  li  aucun  seigneur  bien 
un  mois,  et  s'y  rafiresqirent.  Si  dounna  li  prinches  à  touttes  man- 
nierres  de  gens  d'armes  congiet,  et  remerchia  bellement  et  sage- 
ment les  capitainnes,  et  leur  dist  qu'il  venissent,  dedens  un  cer- 
tain jour  qu'il  leur  nomma,  à  Bourdiaux  querre  leur  paiement,  et 
que  là  seroient  il  paiiet  pour  yaux  et  pour  leurs  gens.  Si  se 
comptentèrent  bien  li  compaignon  des  paroUes  dou  prinche,  et 
dissent  que  ses  paiemens  estoit  ass^s  appareilliez. 

Enssi  se  départirent  touttes  mannières  de  gens  d'armes,  qui 
ens  ou  voiaige  d'Espaigne  avoient  estet,  et  se  traissent  par  de- 
viers les  landes  de  Bourdiaux  et  illuecq  environ.  Et  li  prinches, 
quant  ii  se  fa  rafreschy  en  le  cité  de  Bayone,  il  s'em  parti  à  tout 
son  aroy,  et  s'en  vint  vers  le  bonne  chité  de  Bourdiaux,  où  il  fu 
recheus  à  grant  feste  et  grant  pourcession,  et  vint  madamme  la 
princesse  contre  lui,  qui  amenoit  et  faisoit  aporter  Edouwart,  son 
ainnet  fil.  Dont,  quant  il  s'entrecontrèrent ,  il  se  conjoirent  et 
festiièrent  grandement,  et  descendirent  li  prinches  et  les  dammes 
et  li  signeur  en  Tabbeie  de  Saint  André',  à  telle  solempnité  que 
vous  m'avés  oy  recorder.  Si  se  tint  là  li  prinches  ung  grant 


[1368]      VARIANTES  DU  PAEMIER  LIVRE,  §  591.         301 

temps,  entendans  à  ses  besoingnes  et  regardans  à  ses  paîemens 
pour  paîier  et  lui  acquitter  deviers  les  Gompaignes,  où  il  estoit 
grandement  tenus.  Si  paieoit  les  aucuns,  et  as  autres  il  acreoit 
tant  qu'il  fuist  mieux  aisiés  de  paiier,  environ  le  Saint  Remy. 
Apriès,  prist  congiet  li  dus  de  Lancastre  au  prinche,  son  frère, 
et  à  madamme  la  princesse,  et  se  parti  de  Bourdiaux  et  s'en  re- 
vint arrierre  en  Engleterre.  F^  149. 

....  En  ce  meysme  temps,  passa  li  dus  Aubiers,  ad  ce  donc 
baus  de  Haynnau,  de  Hollande  et  de  Zellandes,  et  vint  en  En- 
gleterre, en  grant  aroy  de  chevaliers  et  d'escuiers  de  son  pays, 
pour  veoir  le  roy  englès  son  oncle  et  madamme  la  roynne  Phe- 
lippe,  sa  ante  et  ses  chiers  cousins  leurs  enfans.  Si  fu  des  dessus 
dis  bien  conjols  et  festiiës  à  Londres  et  ou  castiel  de  Windesore. 
Et  quant  il  eut  là  esté  quinze  jours,  il  s'em  parti  et  prist  congiet 
au  roy  et  à  le  roynne  qui  li  dounna  plnisseurs  biaux  jeuuiaux  et 
à  ses  chevaliers  ossi.  Si  rapassa  li  dis  dus  Aubers  la  mer  à  Dou* 
vres  et  arriva  à  Callais,  et  revint  arrière  au  Kesnoy  en  Haynnau, 
dont  il  estoit  premièrement  partis,  deviers  madame  Marguerite, 
la  duçoise  sa  femme.... 

Quant  li  prinches  fu  retournes  en  son  pays,  li  roys  Henris  se 
parti  de  Baniers  et  entra  en  Arragon  et  rassambla  grant  gent, 
Breton,  Allemant  et  Bourghignon  ;  et  touttes  raannierres  de  gens 
qui  venoient  à  lui  estoient  recheus,  et  entra  de  rechief  en  Cas- 
tille  et  y  fist  grant  guerre.  F*  167  v^. 

P.  58,  1.  31  :  escusances.  ~- iftfr.  A  8  ;  excusacions.  F^  289  v^ 

P.  59,  1. 1  :  pensieus.  -»  Ms.  A  %  :  pensifz. 

P.  59,  1.  5  :  pesans.  —  Ms.  A  ^  :  pensis. 

P.  59,  1*  6  :  se.  —-  Ce  mot  manque  dans  le  ms.  A  8. 

P.  59,  1.  10  :  département.  —  iX/i.  A  8  :  départir.  F""  290. 

P.  59, 1. 19  :  en  littière.  —  Ms.  A%  :  ea  l'estrier. 

P.  59,  1.  26  :  com.  —  Ms.  AS  :  quel. 

P.  60,  1.  12  :  puissedi. . —  Ms.  A  %  :  depuis. 

P.  60,  1.  13  :  lisent.  ~  Ms,  A  8  :  faisoteut. 

P*  60,  1.  23  :  paisieulement.  —  Ms.  AS:  paisiblement. 

P.  60,  1.  25  :  molesté.  —  Ms.  A  8  :  molester. 

P.  60,  1.  26  à  28  :  Adonc...  prince.  —  Ms.  B  6  :  Quant  le  roy 
de  Navarre  seut  que  le  prinche  avoit  accort  et  congiet  de  passer 
parmy  le  royaulme  d' Arragon,  sy  se  party  de  Tudielle,  où  il 
estoit,  messire  Martin  de  le  Rare  en  sa  compaignie,  et  s'en  vint 
ou  val  de  Sorye  devers  le  prinche.  F^  709. 


302  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1368] 

P.  60y  1.  28  :  nul  au  pays.  —  Ms.  A%:  \  nul  du  pais. 

P.  6i,  1.  i  :  il  voloient.  —  M$.  ^  8  :  il  Vouloit. 

P.  61,  1.  8  :  les  hos.  — >  Ms,  AH:  Tost. 

P.  61,  1.  9  :  rapassèrent.  —  Ms.  A%  :  passèrent. 

P.  61, 1.  21  et  22  :  li  un  de  l'autre,  —  Ms.  ^  8  :  les  nns  des 
autres. 

P.  61,  1.  24  :  senescaudies.  —  Ms.  A  B  :  seneschaucies. 

P.  61,  1.  26  :  princetë.  — -  Ms,  A  B:  princautë.  —  Le  ms.  B 
6  ajoute  :  et  s'en  vinrent  logier  en  Aginois  et  en  Angoulesmob 
et  là  se  rasamblèrent.  F*  7i0. 

P.  61, 1.  29  :  jasoit.  —  Ms.A%  :  ja  (ust. 

P.  62,  1.  3  :  retournés.  —  Ms.  A  %  :  revenus. 

P.  62, 1.  8  :  rechief.  —  Le  ms.  8  ajoute  :^  nouvelles. 

P.  62,  1.  12  :  chapitainne.  —  Le  ms.  Ail  a^onU  :  monsef- 
gneur  Sevestre  Budes.  P»  354  v*. 

P.  62, 1.  12  :  Hemaulz.  —  Mss.  Al^  8  :  EmouU  —  Ms.  A 
17  ;  Amoul. 

P.  62,  1.  13  :  Yons.  — »  Ms.  A  17  :  Bons. 

§  ttOS.  Apriès  ce  que.  —  Ms.  ^Armens  :  En  ce  tamps,  fu 
tretiës  li  mariaiges  entre  monsigneur  Lion,  duch  de  Glarense, 
fil  au  roy  Edouwart  d'Engleterre  et  à  le  roynne  et  la  fille  à  mon- 
signeur GaleaSy  signeur  de  Melans,  qu'il  avoit  de  madamme 
Blanche,  serour.au  comte  Amë  de  Sa  foie,  liquel  mariaiges  se 
fist  et  confremma ,  et  se  parti  messires  Lions ,  dus  de  Clarense , 
d'Engleterre  moult  estofieement  et  en  grant  arroy,  à  bien  mil 
chevaux.  Si  estoit  ses  compains  en  ce  voiaige  ungs  grans  ba- 
nerës  d'Engleterre  et  riches  homs  durement,  que  on  noummoit 
messire  Edouieart  le  Despenssier.  Si  tint  li  'dessus  dis  dus  ses 
Pasques  en  le  bonne  ville  d'AbevîUe,  qui  estoit  au  roy  son  père, 
et  puis  s'em  parti  et  cevauça  tant  par  ses  journées  qu'il  vint  à 
Paris,  où  li  roys  Charles  de  Franche  estoit,  et  li  dus  de  Berri,  li 
dus  de  Bourgoigne,  si  frère,  li  dus  Loeis  de  Bourbon  et  li  comtes 
de  Savoie  ossî,  et  rechurent  le  dit  monsigneur  Lion  et  festitèrent 
grandement;  et  li  dounna  11  rois  Caries  de  Franche  grans  dons  et 
biaux  jeuiaux  et  à  tous  ses  chevaliers  ossi.  Puis  s'en  partirent  et 
chevauchièrent  paimy  Bourgoingne,  et  puis  entrèrent  en  la  comté 
de  Savoie.  Si  rechupt  li  dis  comtes  à  Cambery  monsigneur  Lion 
d'Engleterre  et  ses  gens  moult  grandement,  et  les  festia  et  hon- 
noura  durement,  enssi  que  bien  le  savoit  faire;  puis  s'em  parti- 


[1368]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  592.         303 

rent  et  passèrent  oatre  en  Lombardie,  et  estoient  de  bonne  ville 
en  bonne  ville  trop  grandement  festiiet  et  honnooret.  Si  acom- 
paignoit  le  dit  monsigneur  Lion  li  gentilx  comtes  de  Savoie  et 
l'amena  à  Melans.  Là  fu  il  grandement  festiiés  de  monsigneur 
Galeas  et  de  monsigneur  Rernabo.  Si  espousa  la  ditte  damme,  le 
lundi  apriès  le  jour  de  la  Trenité ,  l'an  de  grâce  mil  trois  cens  et 
soissante  huit,  en  le  bonne  cite  de  Melans.  F®  149  v^. 

....  En  ce  tamps,  se  délivrèrent  de  leurs  prisons  des  Englès, 
par  finance  paiiant,  messires  Bertrans  de  Claiequin ,  li  Bèghes  de 
Vellaines,  messires  Oliviers  de  Mauni  et  tout  li  autre,  et  se  trais- 
sent  tantost  deviers  le  roy  Henry  et  li  aidièrent  à  faire  la  gerre. 
Li  rois  Henris  eut  tantost  grans  gens.  F®  167  v«. 

P.  63,  1.  20  :  prisonniers.  —  Lems.A  il  ajoute  :  ce  vaillant 
chevalier.  F®  254  v*», 

?•  62,  1.  25  :  goges.  —  Ms.  A  %  :  gogues.  F«  290  v«.  — 
Ms.  Bk  :  gages. 

P.  62, 1.  31  :  en  vo  prison.  •—  Ms.  ^  8  ;  en  voz  prisons. 

P.  63,  1.  7  :  voloit.  —  Ms»  A  8  :  vouloient. 

P.  63, 1.  9  :  et.  —  Mss.  £  i,  A  7,%  :  en. 

P.  63, 1.  12  :  retenons.  —  Ms,  AS:  retenions. 

P.  63,  1.  13  :  paiiés.  ^^  Le  ms.  A  17  ajoute  :  sans  detri. 

P.  63,  1.  17  :  mies  mains.  —  Ms.  ^  8  :  ja  moins.  F«  291. 

P.  63,  1.  18  :  se  repenti.  —  Le  ms.  A  il  ajoute  :  car  jamais 
n*eust  cuidié  qu'il  eust  eu  couraige  ne  puissance  de  paier  si  grant 
somme.  F*"  355. 

P.  63,  1.  23  :  couvenence.  —  Le  ms»  B  6  cloute  :  mais  mes- 
sire  Thomas  de  Felleton,  messire  Robert  Ganolle,  messire  Simon 
de  Burlë,  messire  Hues  de  Hostinghes^  messire  d'Aghorisses  et  li 
chevalier  englès,  qui  avoient  esté  pris  en  Espaigne  du  conte  dan 
Telle,  sy  comme  chi  dessus  est  dit,  en  recordoient  si  grant  bien 
4ue  li  prinche  s'y  acorda  legierement.  P  712. 

P.  63,  1.  32  :  qu'il  eut.  —  te  ms.  A  il  ajoute  :  du  pape. 

P.  64, 1.  4  à  6  :  qui  seoit....  Naples.  —  Ms.  ^  8  ;  où  le  dit 
duc  estoit  à  siège  devant  la  ville  de  Tarrascon  qui  se  tenoit  pour 
la  ville  de  Naples.  F«  291 . 

P.  64,  1.  10  :  Melans.  —  Ms.  A  %  :  Milan. 

P.  64, 1.  22  :  reviaus.  —  Ms.  AS:  revel. 

P.  64, 1.  22  :  de  danses,  de  caroles.  —  Ms.  AS  :  et  dances 
de  caroUes. 


304  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1368] 

5  ttOS.  Vous  av^s.  —  Ms.  étAmiem  ;  En  ce  tamps,  estoîent  les 
Compaignes  si  grandes  et  si  fortes,  qui  revenues  estoient  d'Es* 
paingne,  esparsez  ou  royaumme  de  Franche,  qu'il  chevauchoient 
ot  aloient  quel  part  qu'il  voUoient,  sans  contredit.  Dont  touttes 
mannierres  de  gens  dou  dit  royaumme  estoient  tous  esmervilliez  ; 
et  en  fu  celle  année  la  feste  dou  Lendi,  dallés  Saint  Denis,  toutte 
perdue.  Si  en  murmuroient  signeur,  comte  «  baron,  chevalier, 
escuier,  marchant  et  bourgois  des  bonnes  villes  et  citez  dou 
royaumme  de  France.  Et  disoient  li  plus  que  li  prinches  de  Gal- 
les et  ses  conssauz  les  y  envoieoient  pour  fouller  et  susmettre  le 
pays;  et  ewissent  adonc  plus  chier  li  aucun  à  avoir  guerre  ou- 
verte au  prinche  et  as  Englès,  que  donc  que  tellez  mannières  de 
gens  pilleurs  et  robeurs  leur  fesissent  gcrre.  Toutteffois,  il  en 
desplaisoit  durement  au  roy  de  Franche,  car  ses  royaummes  en 
estoit  trop  malement  pressez  et  fouliez.  Si  traita  deviers  monsî* 
gneur  le  captai  de  Beus  et  deviers  monsigneur  Olivier  de  Cli- 
chon,  et  les  retint  à  une  grant  somme  de  gens  d'armez  pour  cbe- 
vauchier  et  résister  contre  ces  gens  d'armes  Compaignes.  Si 
estoient  encorres  dallés  le  roy  de  Franche  et  à  ses  saudeez 
piuisseur  chevalier  et  escuier  d'Acquittainne,  et  le  servoient 
contre  ces  Compaingnes;  mes,  non  obstant  ce  que  li  roys  de 
France  ewist  des  bonnes  cappittainnes  assés  de  Giane  et  de  Bre- 
taingne,  si  estoient  ces  Compaignes  si  fort,  que  on  ne  les  endu- 
roit  à  combattre  ;  car  c'estoient  gens  de  petite  valleur,  mes  dur  et 
bon  combatant  estoient,  et  ne  desiroient  ces  gens  riens  que  le 
bataille  pour  yaiilx  aventurer.  P  149  v^. 

P.  65,  1.  4  :  convens  se  portoit.  —  Ms,  AS:  couvenancii 
lavoit.  F»  291 . 

P.  65,  1.  11  :  six  mil.  —  Ms.  A  17  ;  huit  mille.  F*  355 
▼•. 

P.  65,  1.  19  :  ïjannt.  —  Le  ms.  A  17  ajoute  :  Maleterre, 
Breton. 

P.  65,  1.  29  et  30  :  n'euissent  cure  ou.  —  Ms.  AS:  s'ih 
eussent  voulu.  F'  291  v*». 

P.  65,  1.  29  :  enventurer.  —  Ms.  AS:  aventurer. 

P.  66,  1.  9  :  sus  se.  —  Mss»  Al^S:  sur  sa. 

P.  66,  1.  11  :  Compagnes.  -»  Ms,  AS:  compaignons. 

P.  66, 1.  18  :  ne  fu  noient  resjols.  —  Ms.  A  17  .*  fui  moult 
durement  courrocié. 

P.  66,  1. 10  :  euist.  —  Ms.  AS  :  eust  eu. 


[1368]      VARIANTES  DU  JPREMIER  UVRE,  §  594.         305 

P.  66,  1.  20  :  aiilears.  — •  Le  ms.  J  il  ajoute  :  car  depuis  lui 
fut  il  moult  contraire.  F^  356. 

§  894.  —  Sntrues  que  ces  Ck>mpagnes»  —  Ms.  é£ Amiens  : 
Vous  avés  bien  oy  recorder  tout  le  biau  voiaige  que  li  prinches 
de  Galles  fist  en  Espaingne,  et  coumment,  par  puissance,  il  remist 
le  roy  dan  Piere  en  possession  de  tout  le  royaumme  de  Gastille 
et  des  appendanches.  Si  devés  savoir  que  ceste  emprise  li  cousta 
trop  grossement,  et  s'endepta  enviers  piuisseurs  chevaliers  et 
escuiers,  qui  n'en  furent  mies  trop  bien  paiiet  ;  mes  il  estoit  si 
gentils  et  si  nobles  de  couraige,  que  tout  chil  qui  avoient  à  faire 
à  lui  s'en  contentoient  bien,  et  si  estoit  si  amës  et  si  doubtés  de 
touttes  gens  d'armes  que  nulx  ne  Tosoit  courouchier  bonnement, 
Or  avint  que,  apriès  le  revenue  d'Espaingne,  se  il  avoit  tenut 
grant  estât,  noble  et  plentiveux  en  avant,  encorres  ne  le  veult  il 
de  riens  amenrir,  mes  acrobtre  en  tous  kas,  de  tenir  chevaliers 
et  escuiers  grant  fuisson,  et  faire  grans  frès  et  grans  despens. 
Avoecq  tout  chou,  si  offisciier  faisoient  les  levées  si  grandes  et  les 
provisions,  et  tout  au  title  dou  prinche,  que  cil  de  Poito,  de 
Saintonge,  de  le  Rocelle,  de  Roherge,  de  Quersin  et  de  la  ducé 
d'Acquittainne  s'en  tenoient  à  trop  perse  et  foule  ;  car  on  leur 
prendoit  leurs  vins,  leurs  bleds,  leurs  avainnes,  leurs  bestes,  sans 
compte  et  sans  paiement.  Et  disoient  li  ofBsciier  :  a  C'est  tout  pour 
monsigneur  le  prinche.  »  Dont  les  povres  gens  n'en  avoient  autre 
cose.  Encorres  avoecq  tout  chou,  li  prinches  et  ses  conssauz 
avt>ient  mis  et  semës  parmy  toutte  le  dueë  d'Acquitainne,  de  chief 
en  cor,  senescaux,  bailleur,  mayeurs,  trésoriers,  vigiers,  sergans 
et  tous  autres  officiers,  de  purs  Englès  ;  et  n'estoit  nulx  de  le  na- 
tion des  pays,  frans  ne  villains,  qui  y  ewist  offisce,  ne  pewisl 
venir  à  oflisce,  fors  les  gens  dou  prinche.  Et  li  pluisseur  de  ces 
Englès  tenoient  le  peuple  en  si  grant  vieuté  que  nuls  ne  s'osoit 
drechier  ne  lever  contre  y  aux,  de  cose  que  il  fesissent  ne  desis- 
sent;  mes  vivoient  li  plus  des  gens  en  grant  subjection.  Che  fu 
uns  membres  pour  quoy  li  prinches  et  ses  gens  furent  durement 
enhày,  *et  murmuroient  et  disoient  li  pluisseur  :  (c  Nous  avons 
ressort  en  le  court  dou  roy  de  Franche  ;  si  nous  plainderons  des 
griefs  que  on  nous  fait.  »  Mes  quant  ces  plaintes  et  parolies 
venoient  en  place,  et  les  gens  le  prinche  les  ooient,  il  respon- 
doient  tantost  moult  ireusement  :  «  Dou  resort  et  dou  apel  de 
Franche  est  il  noiens,  car  monsigneur  tient  ce  pays  quittement  et 

vit  -^  20 


308  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [13M] 

me  saroie  ne  poroie  hoDiierablemoit  escuier  enviers  yaux.  » 
Telle  fu  la  substance  de  la  responsce  que  li  sires  de  Labreth  fist 
adonc  au  prinche  :  de  coy  U  prinches  fu  tous  meranoolienx  et  un 
tamps  enfellonnë  sus  le  dit  sîgneur  de  Labreth  «  et  en  dubt  y 
estre  priés  mal  pris  au  signeur  de  Labreth ,  le  terme  pendant 
que  on  sejoumoit  à  Bourdiauz  sus  l'emprise  de  ce  voîaige  d*Es- 
paigne  ;  mes  li  comtes  d'Krmignach  ammena  les  besoingnes,  et 
rafrenna  le  prinche  et  apaisa  son  nepveult  le  signeur  de  La- 
breth, et  fo  ou  voiaige  d'Espaigne,  mèsche  fu  tous  des  darre* 
niers,  et  n'y  eut  que  deux  cens  armures  de  fier.  Depuis  le  rcTeone 
d'Espaigne,  il  n'aloit  ne  venoit  point  en  le  cour  don  dit  prinche, 
de  quoy  li  Englès  disoient  qu'il  le  faisoit  par  presumtion  et  qu'il 
estoit  trop  grandement  orguilleus.  Enssi  demorèrent  les  haynnes 
ens  es  coers  de  ces'deux  seigneurs,  qui  puisedi  s'espanirent,  si 
comme  tous  orés  recorder  assës  prochainnement  en  l'istoire. 

Entre  les  estas  des  seigneurs  terriiens  estoit  cilz  dou  prinche 
grans  et  estofiës,  et  ossi  de  madamme  la  princhesse  sa  femme  et 
moût  liex  et  moult  joyeux  estoit  leurs  hostels  et  moût  renoumm& 
partout.  Or  avoit  adonc  li  prinches  de  Galles  un  canchiUier  dalles 
lui  et  tout  mestre  de  son  consseil,  sage  homme  durement  et  de 
grant  advis,  que  on  appelloit  l'evesque  de  Bade  en  Engleterre. 
Li  prinches  et  li  estoient  souvent  en  secret  et  en  requoy,  et  par- 
loient  des  besoingnes  de  le  princhipautë  et  coumment  en  hounneur 
on  les  poroit  parmaintenir.  Si  regarda  chils  evesques  de  Bade 
que  li  voiaiges  d'Espaingne  avoit  durement  afoibli  le  mise  et  le 
trésor  dou  prinche  ;  si  conseilla  enssi  au  dit  prinche  que  ce  se- 
roit  bon  que  uns  fouages  fust  eslevés  en  la  ducë  d'Aoquittainne, 
à  durer  une  qantitë  d'ans ,  et  prendre  sour  chacun  feu  par  an 
un  demy  florin,  tant  que  ses  hostelz  seroit  rencraissiés  en  or  et 
en  argent,  et  qu'il  aroit  paiiet  les  debtes  qu'il  avoit  faitez  pour 
cause  dou  voiaige  d'Espaigne.  Ghilx  conssaux  pleut  moult  bien  au 
prinche  et  veut  qu'il  fuist  remoustret  à  tout  son  pays,  afin  qu'il 
em  pewist  avoir  responsce.  Si  trestos  que  messires  Jehans  Cam- 
dos  entendi  et  senti  que  on  volloit  parlementer  sour  cel  estât,  il 
prist  congiet  au  prinche  pour  aller  en  Gonstentin  jeuer  et  esbattre 
à  Saint  Sauveur,  dont  il  estoit  sirèz,  afin  que  de  ce  fouage  et  de 
ce  parlement  il  ne  fust  noient  demandés  ne  enconppës.  Li  prinche 
ce  congiet  li  acorda  assës  lentement.  Toutteffbis  il  l'eut  et  se  parti 
de  Bourdiaux  et  de  Polto  et  s*en  vint  à  Saint  Sauveur  le  Viscomte 
en  Normendie,  et  là  se  tint  ung  grant  temps  et  tous  ses  hostels* 


[1368]      VARFANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  594.         307 

Vous  avës  bien  oy  recorder  chy  dessus  en  Tistoire  que,  quant 
U  prinches  fu  de  premiers  meus  d'aller  en  Espaingne,  et  qu'il 
regardoit  quelx  gens  et  quelx  cârge  il  enmenroit  avoecq  lui  pour 
plus  honnerablement  parfumir  son  voiaige,  entre  les  autres 
priières  et  requestes  qu'il  fist  à  ses  barons  et  à  ses  chevaliers,  il 
demanda  une  fois  au  signeur  de  Labreth,  par  grant  avis,  à  quelle 
somme  de  gens  il  le  poroit  servir  en  ce  voiaige.  Li  sires  de  La- 
breth li  respondi  adonc  liement  que  il  le  serviroit  à  bien  mil  lan- 
ches.  Chilx  services  pleut  grandement  au  prinche,  et  dist  au  si- 
gneur de  Labrech  :  «  Je  les  retiens  thous.  »  Or  avint  de  celle 
retenue  chou  que  je  vous  diray.  Ung  grant  temps  apriès,  quant 
li  prinches  eut  envoiiet  monsigneur  Jehan  Camdos  deviers  les  Com- 
paingnes  et  qu'il  en  fu  revenus,  et  qu'il  eut  dit  au  prinche  quel 
quantité  de  gens  d'armes  et  de  combatans  des  Compaingnes  il 
aroit,  li  prinches  et  ses  conssaux  regardèrent  à  ses  besoingnes  que 
il  ne  pooit  mies  si  desnuer  son  pays  de  gens  d'armes  que  fuisson 
n'en  y  demourast  pour  garder  le  pays,  se  il  besongnoit,  et  que 
mieux  valioit  que  il  menast  touttez  les  Compaingnes  qu'il  en  laiast 
nul  derrière  ;  et  ou  cas  qu'il  aroit  touttez  les  Compaingnes  et 
grant  plantet  d'Englès  et  de  barons,  il  n'aroit  que  faire  de  tant 
de  Gascons.  Si  contremanda  au  signeur  de  Labreth  le  plus 
grant  partie  de  ses  gens,  en  disant  ensi  :  «  Sire  de  Labreth,  je 
vous  remerchy  grandement  de  vostre  bel  serviche,  et  tant  qu'à 
ceste  foiSy  nous  nos  déporterons  bien  d'une  partie  de  vos  gens. 
Nous  avons  regardé  et  considéré  nostres  besoingnes  :  si  n'en  voi- 
lons en  che  voiaige  que  deux  cens  lanches;  mes  prendés  et  eslisiés 
lesquebL  que  vous  voilés  ^  et  les  autres  laissiés  leur  faire  ailleurs 
leur  prouffit.  » 

Quant  li  sires  de  Labreth  oy  ces  nouvelles ,  si  fu  tous  [lens- 
sieus  et  courouchiés,  et  retint  les  messaiges  dou  prinche,  tant 
qu'il  se  fu  conssilliés  ;  et  quant  il  respondi ,  il  rescripsî  enssi  : 
ce  Monsigneur,  je  sui  tous  esmervilliés  de  ce  qu'à  présent  m'avés 
escript  et  segnefiiet  que  je  donne  huit  cens  lanches  congiet, 
lesquelles,  à  vostre  requeste  et  coummandement,  j'ai  ja  de  grant 
tamps  retenu,  et  leur  ai  fait  brisier  pluisseurs  biaus  voiaiges 
qu'il  e^wissent  pris  et  eu,  se  il  n'esperaissent  à  aller  en  vostre 
service  en  Espaingne  :  pour  quoy,  monsigneur,  je  ne  les  saroie 
eslire,  ne  poroie  desevrer  les  uns  des  autres,  car  il  me  sont  tout 
un.  Si  vous  plaise  assavoir  que  ja  vous  n'arés  les  ungs  sans  les 
autres,  car,  se  vous  m'avés,  vous  les  ares  tous;  autrement,  je  ne 


3i0  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1368] 

Saint  Pol  ;  mais  chils  n'avoit  point  congiet,  jpais  le  pape  Urbain  Y 
l'avoit  dispense  de  sa  foy,  pour  tant  que  le  dit  conte  monstroit 
pluisenrs  articles  qu'il  trouvoit  en  veritë  pour  luy  en  confondant 
les  Englès*  Sy  demorèrent  et  vaquèrent  ches  choses  ung  grant 
tamps.  Et  fu  le  mariage  fait  à  Paris  de  madame  Ysabiel  de  Bour- 
bon, seur  au  duc  de  Bourbon,  et  du  signeur  de  Labreth,  et  tout 
che  traita  le  conte  d'Ermignac  son  oncle  ;  de  quoy  le  prinche  de 
Galles  s'en  tint  mal  content  sur  le  sire  de  Labredi  de  che  qu'il 
estoit  sans  son  sceu  alyës  en  Franche,  et  ossy  sur  le  conte  d'Er- 
minac  et  sus  chiaulx  [qui]  hantoient  et  frequentoient  le  court  de 
Franche,  et  en  faisoit  leur  terres  et  leurs  pays  et  leurs  gens 
tenir  en  plus  grant  subjection.  Ensy  se  commença  le  guerre  entre 
le  prinche  et  ches  seigneurs  dessus  nommes,  mais  tondis  parse- 
veroit  le  dit  prinche  et  voUoit  avoir  che  servaigê. 

Quant  messire  Jehan  Gandos,  qui  fu  très  loyaulz  chevaliers, 
vey  la  manière  de  cheste  ordenanche,  afin  qu'il  ne  fîist  deman- 
des, [il]  prist  congiet  au  prinche  de  aller  viseter  ses  terres  de 
Saint  Sauveur  le  Visconte  en  Constentin,  et  y  ala  et  là  se  tint 
plus  d'un  an.  Et  tondis  procedoit  le  prinche  par  l'ennort  de  son 
consail  en  che  servaigê,  et  bien  ly  acordoient  les  pais  que  je  vous 
nommeray  :  prumiers  Poito,  Saintonge,  le  Rocelle,  Àgenois, 
Roergue,  Quersin,  Limosin  et  tout  Bourdelois;  et  voUoient  que 
le  prinche  l'euist  cinq  ans  tant  seulement,  et  par  ensy  il  devoit 
tenir  ses  monnoies  fermes  et  estables  sept  ans.  Et  commenchoient 
ja  ches  gens  payer  cascun  feu  demy  florin,  et  se  portoit  le  fort 
,1e  foible.  Ausy  le  prinche  le  volloit  avoir  eslevëe  sur  les  églises, 
mais  chil  respondoient  qu'il  estoient  frans  et  exent  de  toutes 
sousides  et  que ,  se  de  forche  les  constraindoit ,  il  en  appelle- 
roient  en  le  court  de  Romme,  siques  le  prinche,  qui  ne  les  vol- 
loit mies  tenir  en  pais  que  il  ne  paiaissent  otant  que  les  aultres, 
en  estoit  en  grant  mautalent  sur  yaulx,  et  eult  consail  de  ^nvoier 
à  court  de  Rome  devers  le  pape,  ensy  qu'il  fist  ;  et  envoia  monsi- 
gneur  Guichart  d'Angle,  monsigneur  Guillame  de  Seris  et  maistre 
Jehan  Briffault,  de  le  Rocelle,  pour  empêtrer  ches  servaiges  et 
aultres  choses  qu'il  avoient  à  besoigner.  Et  firent  chil 'dessus  dit 
che  voiage  et  vinrent  à  Romme,  et  se  remonstrèrent  au  pape  et 
firent  leur  suplication  et  en  parlèrent  au  pape  ;  mais  il  le  trouvè- 
rent moult  dur  et  rebelle  à  leur  opinions. 

En  che  voiaige  dessus  dit  faisant,  les   coses  s'aprochèrent, 
syques  le  duc  de  Berry  et  le  conte  d'Alençon  furent  recreut  ung 


[1368]      VAIUANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  595.         311 

an  de  revenir  en  Franche,  et  an  chief  de  Tan  retoumeroient  en 
Engleterre  ;  mais  oncques  depuis  n'y  râlèrent,  car  la  gnerre  se 
renouvella  entre.  Franchois  et  Englès,  sy  comme  vous  orës  recor- 
der. Fw  719  à  723. 
P.  66,  1.  21  :  Entrues.  —  Ms.  J%:  Pendant  que.  P>  291  V». 


P.  66 
P.  66 
P.  67 
P.  67 
P.  67 
P.  67 
P.  67 
P.  68 
P.  68 
P.  69 


1.  28  :  crestîennetet.  -—  Ms,  A  8  :  crestientë. 
1.  28  :  s'acomparoit.  —  Ms.  AS:  s'appartenoit. 
1.  10  :  espaiiës.  —  Ms.  AS:  appaisiez.  P*  292. 
1.  11  :  devoit.  —  Le  ms  A  S  ajoute  :  et  avoit. 
1.  14  :  parmi  tant.  —  Ms.  AS:  parmi  ce. 
1.  18  :  Commignes.  —  Ms.  AS:  Ck>mminges. 
1.  24  :  souside.  —  Ms,  AS:  subside. 
1.  1  :  touchoit.  —  Ms,  AS:  appartenoit. 
1.  22  :  voloient.  —  Ms.  AS:  dévoient. 
1.  30  :  porter.  —  Ms,  AS:  porte. 


§  595.  Le  plus  grant  partie.  —  Ms.  iT Amiens  :  En  ce  tamps, 
estoit  li  dessus  dis  roys  Henris  li  escachiës  afuis,  si  comme  vous 
avés  oy,  ens  ou  royaumme  d'Arragon,  durement  courouchiés  et 
tourblës  sus  le  prinche  et  son  pays  ;  et  c'estoit  une  raisons,  car 
il  Favoient  mis  jus  et  arrierre  de  grant  signourie  et  de  grant  * 
noblèce.  Si  avoit  aucuns  gens  guerieurs  et  amis,  et  acqueroît  en- 
corres  tous  les  jours  pour  gueriier  le  ducë  d'Acquittainne,  le  terre 
dou  prinche,  et  ossi  les  terres  des  signeurs  de  Giane  qui  avoec- 
ques  le  prinche  estoient  en  ce  voiaige  et  qui  ce  destourbier  li 
avoient  porte.  Si  ewist  vollentiers  veu  li  dis  roys,  Henris  que  U 
jonnes  comtes  d'Auçoirre,  de  Franche,  qui  uns  grans  gueriieres 
estoit  et  bien  amés  de  gens  d'armes,  se  fust  bouté  en  ceste  guerre 
avoecq  lui  et  fuist  entrés  en  Acquittainne,  au  les  deviers  Poito,  et 
ars  et  courut  le  pays.  Mes  quant  li  connissance  en  vint  au  i*oy 
Carie  de  Franche  que  li  comtes  d'Auçoirre  estoit  pniës  moult 
aigrement  des  ungs  et  des  autres  pour  entrer  en  le  terre  dou 
prinche,  si  ne  le  veut  mies  conssentir  ;  et  le  deOendi  à  son  che- 
valier le  comte  d'Auchoire  qu'il  ne  fuist  telx  ne  si  hardis,  sus  à 
perdre  tout  chou  qu'il  tenoit  ou  pooit  tenir  ou  royaumme  de 
Franche,  qu'il  se  mesist  en  ceste  chevauchie.  Et  pour  estre  plus 
asseurs  dou  dit  comte,  il  le  fist  adonc  prisonnier  ens  ou  castiel  dou 
Louvre  dedens  Paris,  et  le  fist  garder  bien  et  songneusement  : 
che  fu  environ  le  Nostre  Damme  my  aoust  mil  trois  cens  sois- 
santé  et  sept.  ¥^  149. 


311  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [I96S] 

P.  70,  1.  6  et  7  :  tourbler  et  à  révéler.  -—  Ms.  AS:  troubler 
et  à  rebeller.  F*  292  y*. 

P.  70, 1. 11  :  d'Arragon.  — •  Le  ms.  B  6  ajauiê  :  à  tout  quatre 
mil  combatans.  F"^  711. 

P.  70,  L  14  :  trob  mil.  -»  Mss.  ^  20  à  22  :  quatre  mille. 

P.  70,  1.  16  :  en  saudées.  —  Ms.  AS:  soudoiers. 

P.  70,  I.  18  :  tourna.  —  Ms.  AS:  rendi. 

P.  70,  1.  22  :  joians,  —  Ms,  A  S  •*  joyeux. 

P.  70, 1.  26  :  ouvrirent.  •—  Ms.  AS  :  rendirent. 

P.  71,  1.  9  :  rench.  »-  Ms.  AS  :  rens. 
.  P.  71, 1.  11  :  par  quel  condition  que  ce  soit.  —  Ms.  A  8  : 
par  quelque  manière  que  ce  aoit.  F^  293. 

P.  71,  1.  18  ;  et.  —  Ms.  AS:  ou. 

S  B96.  Quant  la  ville.  »-  Ms.  éû Amiens  :  Li  roys  Henris  eut 
tantost  grans  gens,  que  d'Arragon,  que  de  Franche  et  de  Cas- 
tille  ossi ,  qui  se  retournèrent  viers  lui ,  et  s'en  vint  mettre  le 
siège  devant  Toullete,  et  moût  le  constraindirent.  Chil  de  Tou* 
lete  envoiièrent  au  secours  deviers  le  roy  damp  Pierre  qui  se 
tenoit  en  le  marche  de  Seville.  Li  roys  dans  Pierres,  quant  il 
sceut  ces  nouvelles,  queilla  grant  gens,  et  estoient  bien  quarante 
mil,  que  Juis,  que  Sarrasins,  dont  il  en  avoit  assés,  et  s'en  ve- 
noit  pour  lever  le  siège  de  Toullete.  F*  167  v«. 

Ms.  ^  6  :  Si  trestost  que  messire  Bertran  de  Qaiquin  sceut 
quel  chose  il  devoit  paiier,  il  paia  et  se  délivra  parmy  Taidde  du 
duc  d'Angou  qui  y  rendy  painne  et  qui  luy  presta  le  plus  grant 
partie  de  l'argent.  Sy  s'en  vint  le  dit  messire  Bertran  en  Cas- 
tille  devers  le  roy  Henry  qui  seoit  devant  une  chité  apellée 
Toullette,  Se  fu  le  roy  Henry  moult  joieulx  de  la  venue  messire 
Bertran  et  li  rendy  son  offise  de  connestablerie  de  toute  Espai- 
gne,  conmient  que  elle  ly  fuist  encore  à  conquerre. 

Le  roy  dan  Piètre,  qui  se  tenoit  en  le  marche  de  Seville,  avoit 
bien  entendu  que  son  frère  le  bastart  Henry  estoit  efforchiement 
entres  ou  roialme  de  Castille,  et  avoit  ja  fait  tourner  à  luy  grant 
plentë  des  hommes  du  pays  et  tenoit  le  siège  devant  Toullette. 
Sique,  pour  résister  à  luy  et  remédier  à  ches  besoignes,  le  roy 
dan  Piètre  avrât  fait  ung  grant  mandement  et  espesial  de  toutes 
gens  là  où  il  les  pouroit  avoir.  Sy  en  avoit  pluiseurs  mandes  et 
priiet  qui  pas  n'estoient  venuz,  mais  s'estoient  allés  devers  le  roy 
Henry.  Le  roy  dan  Piètre,  pour  estre  plus  fors  et  pour  lever  le 


[1369]      VARIANTES  DU  PREflOER  UVRE,  $  »97.         313 

siège  de  Toulete,  avoit  proprement  envoiet  quérir  gens  d'armes 
ou  royalme  de  Grenade,  et  fait  certaine  composition  au  roj  de 
Grenade  qui  \y  avoit  envoiet  dix  mil  Turs,  Si  povoit  avoir  le  dit 
roy  dan  Piètre  en  toute  son  armëe  quarante  lâîlle  hommes.  Sy  se 
party  le  dit  roy  de  Seville,  et  chevauchèrent  devers  le  chité  de 
Toulette,  et  povoit  avoir  de  l'un  à  l'autre  dix  journées.  F~  712 
et  713. 

P.  72,  1.  8  :  deux  mil.  •—  Mss.  ^  15  â  17  ;  trois  mille.  Ms. 
A  17,  P»357  V. 

.*  P.  72,  1.  19  :  lé  roy  Henry^  —  M$$.^  ^  7,  8  .•  son  frère,  le 
bastart.  F»  288  v*. 

P.  72, 1.  21  :  et  estoit  tenus  tout  le  temps.  —  Ms.  A  ^  :  o\x  il 
estoit  petitement  amez  et  doubtez.  F*  293. 

P.  73,  1.  14  :  segur.  —  M$.  A  8  :  seur. 

^  B97.  Li  rois  dan  Piètres.  »•  Mt.  éC Amiens  :  Ces  nouvelles 
vinrent  en  l'ost  dou  roy  Henry.  Tantost,  par  lé  consseil  de  mon- 
signeur  Bertran,  on  laissa  au  siège  le  moitiet  de  l'ost,  et  li  autre 
partirent  et  chevaucièrent  trois  journées  contre  le  roy  damp 
Pierre,  qui  de  ce  ne  se  dounnoit  garde,  et  le  trouvèrent,  li  et  ses 
gens  y  tous  despourvueus.  Si  le  combatirent  tantost,  pourvueu 
qu'il  estoient,  et  le  desconfirent,  et  y  furent  mort  le  plus  grant 
partie  de  ses  gens,  et  li  remanans  s'enfuirent.  F*  167  v«. 

Ms,  B  6  :  Les  nouvelles  vinrent  au  roy  Henry  et  à  monsigneur 
Bertran,  qui  estoient  devant  Toullette,  comment  le  roy  dan 
Piètre  s'en  venoit  pour  lever  le  siège.  Osy  tost  que  il  seurent  la 
vérité,  messire  Bertran  y  pourvey  et  dist  au  roy  Henry  :  a  Sire, 
prendez  à  élection  toute  la  fleur  de  vos  gens  et  en  laissiës  une 
partie  pour  tenir  le  siège,  et  aies  radement  contre  vos  iennemis; 
et  se  vous  poës  tant  faire  que  vous  les  trouvés  sur  les  camps,  sy 
]es  combatés,  en  quel  estât  qu'ilz  soient,  car  de  chy  les  atendre 
et  de  les  combatre  par  ordenanche,  selonc  che  que  il  sont  grant 
foison,  je  n'y  voy  riens  de  bien  pour  vous.  »  Che  consail  fu  te- 
nus. Adonc  on  eslisy,  par  bon  advis,  tous  les  milleurs  combatans 
que  il  etdt,  et  furent  environ  sept  mille.  Et  sy  en  demora  cinq 
mille  devant  Toullette,  en  le  garde  du  conte  Sanse.  Sy  se  party  le 
roy  Henry  à  toutes  ses  gens,  et  chevauchoient  coiement,  et  avoit 
ses  espies  devant  qui  rapcurtoient  de  jour  et  de  nuit  le  conduite 
de  ses  ennemis.  Et  tant  firent. que,  à  quatre  journées  près  de 
Toulette,  le  roy  Henry  et  messire  Bertran  entendirent  que  le  roy 


314  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART,  [1369] 

dan  Piètre  cheTauchoit,  lay  et  ses  gens,  sans  ordonnancbe  et 
moult  espars.  F~  713  et  714. 

P.  73,  1.  29  et  30  :  en  istance  de  ce  que.  —  Ms.  J  1  :  en 
istance  de  ce.  F*  389.  -*  Ces  mots  manquent  dans  le  manuscrit 
J  B. 

P.  74, 1.  1  :  neuf.  —  Ms.  A  S  :  sept.  F*  293  V. 

P.  74,  1.  13  et  14  :  car....  enfourmé.  i—  ilfr.  AS:  car,  dîst 
iL,  nous  sommes  enfourniez. 

P.  74y  1.  18  :  que  tout.  —  Ms.  A  S  :  et  si. 

P.  75, 1.  1  :  sus  une  ajournée.  —  Ms.  A  B  :  sur  un  adjourner. 

P.  75, 1.  4  :  Montueil.  —  Ms,  AS:  Nentueil. 

P.  75,  1.  8  :  Evous.  —  Ms.  AS  :Ei  TÎndrent. 

P.  75,  1,  23  ;  très.  —  Ms.  A  S  :  dès. 

P.  75,  1.  31  et  p.  76,  1.  1  :  Non  pour  quant.  —  Ms.  AS  : 
Combien  que. 

P.  76, 1.  17  et  18  :  pour  yaux  et  de  meschief.  —  Ms»  AS  : 
pouryeus. 

S  898.  P.  76,  1.  26  :  Yons.  —  Ms.  A  17  :  Yvons.  F»  359, 

P.  76,  1.  28  :  Saint  Pol.  —  Le  ms.  A  17  ajoute  :  monseigneur 
Olivier  et  monseigneur  Ilervë,  monseigneur  Eon  et  Alain  de 
Mauny,  frères,  monseigneur  Eustace  de  la  Hôussoie,  monseigneur 
Robert  de  Guîtë,  Helot  du  Taillay  et  plusieurs  autres  bons  che- 
valiers et  escniers  que  je  ne  puis  mie  tous  nommer.  F^  359. 

P.  76,  1.  29  :  Talay.  —  Ms.  A  S  :  Calay.  P  294. 

P.  77,  1.  6  :  usent.  —  Ms.  A  S  :  furent. 

P.  77,  1.  9  :  apertises.  —  Le  ms.  A  S  ajoute  :  d'armes. 

P.  77,  1.  21  :  perdoient.  —  Ms.  AS:  espardoient. 

P.  77, 1.  21  :  desconfisoient.  —  Les  mss.  B  ketAl  ajoutent: 
car  tous  s'esbahissoient.  F^  292. 

P.  77, 1.  25  :  en  ce  castiel.  —  Ms.  ^  8  ;  là  retrais.  F*  294  v». 

P.  78,  1.  2  :  estoient.  —  Les  mss.  B  k  et  A  7,  S  ajoutent  :  et 
qui  le  pais  point  ne  congnissoient.  P  292. 

P.  78,  1.  14  et  15  :  à  fous  et  à  mons.  —  Ms.  A  S:  k  fort  et 
à  mort. 

P.  78,  1.  18  :  vingt  quatre  mil.  —  Mss.  ^  15  à  17  :  trente 
mille.  —  Ms.  A  17,  f*  360. 

P.  78,  I.  20  :  refuites.  -^  Ms.  A  S  :  refuges.] 

§  899.  Apriès  le  grande.  —  Ms.  if  Amiens  :  Et  ilz  meysmes 


[1360]     VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  509.         315 

(don  Pèdre)  se  bouta  en  un  castiel  qui  estoit  prias  de  là^  que  on 
appelle  Montuel.  Tantost  on  mist  le  siège  devant,  et  estoit  si 
priés  gardes  de  jour  et  de  nuit^  qu'uns  oizellës  n'en  partesist 
point  sans  congiet.  Ghils  castiaux  n'estoit  point  pourvueus  pour 
tenir.  Li  roys  dant  Pierre,  qui  se  veoit  en  ce  parti,  n'estoit  point 
aise  ;  si  vot  yssir  de  nuit,  lui  douzime,  et  li  enventurer,  enssi 
qu'il  fist.  Celle  nuit  faisoit  le  get  messires  li  Bèghes  de  Vellainne  ; 
si  le  trouva  et  ses  compaignons.  Si  furent  tout  pris,  et  les  en- 
mena  U  dis  Bèghes  en  son  logeis.  Ces  nouvelles  vinrent  au  roy 
Henry,  qui  s'arma  et  fist  armer  ses  compaignons,  et  vint  là,  et  la 
premierre  parole  qu'il  dist  fu  telle  :  ex  Où  est  li  fils  de  pute  Juis, 
qui  s'appelle  roys  de  Gastille  ?  »  Adonc  respondi  li  roys  dans 
Pierre  et  dist  :  a  Mes  tu  y  es  fils  de  pute,  car  je  suis  fils  le  bon 
roy  Alphons.  »  Adonc  le  prist  et  embraça  et  le  jetta  desoubs  lui. 
Là  estoit  li  viscomtes  de  Rokebertin  qui  le  retourna  par  le  piet  et 
le  mist  desoubs.  Adonc  bouta  li  roys  Henris  à  son  frère  une 
espëe  ou  ventre,  et  là  le  tua  et  un  escuier  englès  oBsi.  Enssi  fu 
sa  guerre  afinëe,  et  reconcquist  tout  le  royaumme  d'Espaingne, 
car  cbacuns  se  tourna  deviers  li,  si  tost  c'on  seut  le  mort  le  roy 
dam  Pierre.  F»  167  v». 

'  Ms.  J?  6  ;  Quant  le  roy  Henry  sceut  que  le  roy  dan  Piètre 
estoit  là  entrés  en  chc  castiel,  sy  en  fu  moult  joieulx.  Et  ordonna 
toutes  ses  gens  de  logier  là  environ  et  de  faire  grant  gait  de  nuit 
et  de  jour  par  quoy  il  ne  leur  puist  escapper,  car  c'estoit  son 
entente  que  jamais  de  là  ne  partiroit  sy  l'aroit,  comment  qu'il 
fust.  Ensy  furent  là  quatre  jours.  Le  roy  dan  Piètre,  qui  se  veoit 
enclos  en  chelle  forterèche,  qui  petitement  estoit  pourveue,  car 
de  tons  vivres  il  n'i  avoit  point  pour  quinze  jours  dont  il  estoit 
moult  esbahisy  eult  îmagynadons  et  consauls  comment  il  poroit 
user  et  partir  de  là  sauve  sa  vie.  Sy  m'a  samblë,  ensy  que  je  fus 
adonc  ynformës,  que  le  sire  de  Mantuiel  luy  impetra  adonc  ung 
apointement  fait  devers  ung  grant  baron  de  l'ost  qui  faisoit  le 
gait  à  son  tour.  Et  le  devoit  chilz  baron,  luy  treizime,  mettre 
hors  de  tout  péril  parmy  soissante  mille  florins  qu'il  devoit  avoir. 
Sur  che  conduit  et  ordenanche  s'y  aseura  bien  le  roy  dan  Piètre, 
faire  ly  couvenoit,  car  il  estoit  si  astrains  que  plus  ne  se  pooit 
tenir.  Et  se  party  et  toute  ses  gens,  environ  heure  de  minuit,  du 
dit  castiel. 

Celle  propre  nuit  faisoit  le  gait  le  Bèghes  de  Vellaines,  je  ne 
dich  mie  que  che  fùst  chUz  sus  quelles  asseuranches  il  se  mettoit 


316  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

hors,  car  3  l'euist  trahjt,  mais  che  fa  chil  qui  le  prist  i  Tyssoi 
du  castiel.  Et  furent  tout  chil  pris  qui  avecques  luy  estoioit,  et 
les  envoia  le  dit  Bèghes  en  son  logis  comme  ses  prisonniers.  Sy 
n'eurent  gaires  là  estet  quant  le  roy  Henry,  bien  acon^iaigma  à 
torses  et  (alos,  entra  en  la  loge  et  en  le  cambre  où  son  frère  le 
roy  dan  Piètre  estoit,  et  entrant  yreusement  il  demanda  :  «  Où 
est  1^  filz  de  pute  Juis  qui  s'appelle  roy  de  Castille  ?»  Le  roy 
dan  Piètre,  qui  oy  le  vois  de  son  frère  et  entendit  ces  paroUes, 
senty  bien  qu'il  estoit  mors,  mais  nul  compte  n'en  fist;  et  res- 
pondy  en  hault  à  son  frère  le  bastart,  en  soy  tirant  devers  luy  et 
en  faisant  chière  de  lion  :  «  Mais  tu  ies  filz  de  pute,  car  je  sds 
du  sanc  du  bon  roy  Alphons.  »  Et  à  ches  mos,  il  l'embracha  et 
le  reversa  sur  une  amborde,  que  on  dist  en  Franche  ung  lit  de 
matelas  de  soie,  et  le  jetta  desous  luy;  et  traist  ung  coutiel  et 
Feuist  ochb  sans  faulte,  quant  le  visconte  de  Rockebertin  se 
traist  avant  et  le  prist  par  le  piet  de  derière  et  le  reversa  d'autre 
part  sus  le  lit  jus  du  bastart  Henry*  Adonc  en  eult  qui  ly  bouta 
au  roy  dan  Piètre  une  espée  ou  ventre  tout  outre  le  corps.  Ensy 
morut  le  roy  dan  Piètre.  P*  716  à  718. 

P.  78,  1.  28  :  assamblés.  —  Ms.  J  S  :  assemblées.  F*  294  v*. 

P.  79,  1.  2  :  disent.  —  Ms.  J  S  :  disoient. 

P.  79,  1.  5  :  afaire.  —  Ms.  A  %: gouvernement. 

P.  79, 1.  10  :  esté.  —  Le  ms.  A  8  ajcute  :  de  tous  vivres. 

P.  79, 1.  15  :  oiselés.  —  Ms.  AS:  oyseau. 

P.  79,  L  20  et  21  :  tamainte.  —  Ms.  A  8  :  grant.  F*  295. 

P.  80,  1.  10  :  sarons.  —  Ms.  A%  :  sachons. 

P.  80,  1.  10  et  11  :  ceminent.  —  Ms.  AS:  viennent. 

P.  80,  1.  11  et  12  :  jamab  vitaillier.  —  Ms.  AS:  gens  ba- 
tailleurs. 

P.  80,  1.  16  :  est  çou.  —  Ms.  Al:  estez-vous.  F*  290  y. 
—  Ms.  AS:  esta. 

P.  80, 1.  22  :  frère.  —  Le  ms.  A  S  ajoute  :  le  bastart. 

P.  80,  I.  24  :  nommés  vous.  —  Le  ms.  A  S  ajoute  :  et  vous 
rendez. 

P.  81,  1.  10  :  depuis.  —  Le  ms.  A  S  ajoute  :  acertenez  et. 

P.  81, 1.  22  :  pute  juis.  —  Ms.  AS  :  putain  juif. 

P.  81 ,  I.  29  :  matelas.  —  Ms.  AS:  materas. 

P.  82,  1.  2  :  escerpe.  —  Ms.  AS  :  escharpe. 

P.  82,  1.  4  :  dl.  —  Ms.  ^  8  :  ses  gens. 

P.  82,  1.  12  :  Yon.  —  Ms.  A  17  :  Yvon.  F»  360  V. 


[1368]     VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  600.         317 

5  600.  Enn  fina.  —  ilfr.  J Amiens  :  En  ce  tamps,  fu  ochis  li 
Arceprestres,  qui  s'appelloit  messires  Rénaux,  de  qui  vous  avez  oy 
parler  en  l'istoire  chy  dessus,  qui  estoit  assez  bons  chevaliers  et 
anus  au  royaumme  de  Franche  ;  car'  il  avoit  la  damme  de  Cas- 
tielvillain  à  espeuse  et  estoit  compères  dou  duc  de  Bourgoingne. 
Si  fu  ochis  par  guerre  d'iunis  et  de  haynne  li  dis  Arceprestres 
sour  les  camps,  assés  priés  de  le  cite  de  Mascon  sus  le  Sone,  dont 
li  rois  de  Franche  et  li  dus  de  Bourgoingne  lurent  moult  cou- 
rouciet. 

En  ce  tamps,  fu  conssilliës  li  roys  de  Franche  qu'il  mandast 
monsigneur  Jehan  de  Montfort,  duc  de  Bretaingne,  qu'il  venist 
relever  la  duché  de  Bretaigne,  enssi  qu'il  appertenoit,  et  en  fesist 
hoummaige  et  feaulté  à  lui.  Si  y  envoiea  li  dis  roys  ses  lettrez  et 
ses  messaîgez.  Quant  li  dus  de  Bretaingne  entendi  chou,  si  s'en 
oonssilla  as  barons  et  as  chevaliers  de  Bretaingne.  Si  trouva  en 
consseil  que  voirement  estoit  il  tenus  dou  faire,  car,  sus  cel  estât 
et  par  ce  couvent  qu'il  l'avoit  juret  et  proummis  au  roy  et  à  tous 
chkttx  de  Bretaingne,  Tavoit  on  mis  en  possession  paisiule  de  la 
dite  duché;  et  autrement,  s*il  ne  le  faisoit,  il  n'en  pooit  joTr,  ne 
avoir  l'amour  des  Bretons  entirement  :  siques  li  dus  de  Bretaingne 
vint  adonc  en  France  assés  envis  en  grant  arroy  et  noble,  et  fist 
hoummaige  au  roy  de  Franche  et  le  recongnut  à  tenir  en  fief  de 
lui,  présent  les  pers  et  les  barons  de  Franche ,  qui  à  chou  furent 
appiellet.  Et  rechupt  li  roys  de  Franche  le  dit  duc  moult  belle- 
ment et  moult  liement,  enssi  que  bien  le  savoit  faire.  Si  fu  li  dis 
dus  environ  cinq  jours  à  Paris,  puis  prist  congiet  au  roy  et  s'em 
parti,  et  s'en  revint  arrierre  en  Bretaingne  droit  à  Venues,  là  où 
madamme  sa  femme  se  tenoit,  fille  à  madame  la  princesse  d'Ac- 
quittainne. 

Vous  avés  bien  chy  dessus  oy  coumment  li  dus  de  Glarense  fu 
mariés  en  Lombardie  à  le  fille  monsigneur  Galeas,  lîquelx  dus, 
assés  tost  appriès  son  mariaige,  trespassa  de  ce  siècle  :  dont  ses 
gens  furent  moult  esmervilliet,  car  il  estoit  jonnes  chevaliers,  fors 
et  appers  durement  ;  si  suppeçonnèrent  que  on  ne  Tewist  empui* 
sonnet.  Et  em  fist  guerre  moult  grande  et  moult  forte  li  dis  sires 
Despenssiers  as  signeurs  de  Melans  et  à  leurs  gens,  par  le  com- 
fort  d'aucuns  chevaliers  et  escuiers  et  archiers  d'Engleterre,  qu'il 
avoit  avoecq  lui,  et  tint  par  le  guerre  les  signeurs  de  Melans 
moût  court,  et  rua  par  pluisseurs  fois  ses  gens  si)s.  Et  y  fu  pris, 
dou  costé  les  signeurs  de  Melans  ^  li  sires  de  Montegny  Saint 


318  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [i368] 

Christofile  en  Haynnau,  et  ossi  messires  Aimeris  de  Namur,  fils 
bastars  au  comte  Guillaumme  de  Namur.  Et  fissent  là  li  Englès 
une  guerre  moult  honnerable  pour  yaux,  et  reboutèrent  pluisseurs 
foix  les  Lombars  et  lors  aidans.  Touttesfois,  messires  Galeas  en- 
voiea  le  corps  enbapsmë  de  monsigneur  Lion,  duc  de  Glarense, 
par  un  evesque,  arrierre  en  Engleterre  :  là  fu  il  enseveli.  Si  de- 
moura  de  ce  duc  de  Clarense  une  fiUe  qu'il  eut  de  sa  premieme 
femme,  la  comtesse  de  Duluestre,  qui  clammoit  grant  part  à  l'ire- 
taige  d'Irlande,  et  fu  ceste  fille  mariée  au  jonne  conte  de  le  Marce 
en  Engleterre. 

En  ce  tamps»  faisoit  guerre  messires  Caries  de  Behaingne,  em- 
perères  de  Romme,  as  seigneurs  de  Melans,  pour  le  cause  de 
l'Eglise,  car.li  dessus  dit  signeur  estoient  assës  rebellez  au  pappe 
Urbain  V*,  qui  se  tenoit  adonc  à  Romme.  Si  en  convint  le  gentil 
roy  Piere  de  Cippre  ensonniier,  qui  estoit  adonc  à  Bouloingne  le 
Crasse,  et  mist  acort  entre  l'Eglise  et  les  seigneurs  de  Melans. 
Ossi  li  sirez  Despenssiers  s'apaisa  à  yaus,  parmy  tant  qu'il  s'escu- 
zèrent  de  le  mort  le  duc  de  Clarense,  et  jurèrent  que  par  yaux 
ne  par  leur  couppe  il  n'estoit  mies  mors.  Or  parlerons  don  prinche 
de  Gallez  et  des  merveilles  qui  avinrent  en  Acquittainne ,  dont  il 
estoit  sirez,  et  recorderons,  au  plus  justement  que  nous  porons, 
coununent  et  pourquoy  il  fu  gueriiës  et  reperdi  tous  les  pays  et 
les  senescaudies  qui  li  estoient  dounnées  et  acordëes  par  le  traitiet 
de  le  pais,  si  comme  il  est  chi  dessus  contenut  sus  l'an  mil  trois 
cens  soissante  et  ung,  et  coumment  ossi  il  s'em  parti  et  s'en  revint 
arrière  en  Engleterre.  F*  150. 

P.  82, 1.  17  :  se  gaboient  li  Espagnol  de  lui.  —  2>  m/.  A  29 
ajoute  :  quant  il  le  veoyent  ainsi  mort  estendu  sur  la  terre.  Au 
quart  jour,  il  fut  enterré  en  l'atre  de  l'église  de  Montueil.  Quant 
le  seigneur  de  Montueil  sceut  que  le  roy  don  Piètre  estoit  pris  et 
tous  ses  compagnons,  car  il  s'en  doutoit  pour  le  grant  rumour 
qu'il  avoit  ouy  tantost  après  qu'il  s'estoit  parti  de  la  place,  et 
puis  lui  fut  dit  comment  il  estoit  mors,  dont  il  eut  grant  douleur 
au  coer,  si  s'appensa  que  l'endemain  il  traicteroit  pour  appoincter 
deviers  le  roy  Henri,  comme  il  fist. 

P.  82,  1.  20  et  21  :  s'espardirent.— iftff.  ^  8  ;  s'espandirent. 
F«  295  V». 

P.  82,  1.  22  et  23  ;  réconforte.  —  Ms,  J  8  :  tous  resjouis. 

P.  82,  1.  39  :  se.  —  Ms.  A  8  ;  son. 

P.  83, 1.  2  :  pays.  —MséBQ  :  Et  ossy  firent  tous  chilz  d'Es- 


[1368]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  601.         319 

paigne,  de  Castîlle,  de  Gorduan,  de  Gallise,  de  Luxebonne,  de  Se- 
ville,  et  luy  firent  tous  foyaultë  et  éommaige.  F^  718. 

P.  83, 1. 15  :  florins.  —  Ms.  J  S:  frans. 

P.  83,  1.  25  :  d'Engleterre.  —  Le  ms.B  6  ajoute  :  duc  de  Gla- 
rense.  F«  719. 

P.  83,  1.  28  :  Melans.  —  Ms.  J  S  :  Millan. 

P.  83, 1.  29  et  30  :  ses  compains.  —  Ms.  A  %  :  son  compain- 
gnon. 

P.  84,  1.  i  :  ensonnia.  —  Ms.  A  %  :  enfoima. 

S  601.  Vous  avés.  —  Ms,  d Amiens  :  Ou  pourcach  et  ou  par- 
lement de  ce  fouaige  que  H  prinches  volloit  aleuer  en  la  duché 
d'AcquittainnCy  en  Tayde  de  son  noble  estât  à  pam^aintenir  et 
paîier  chiauz  à  qui  il  avoit  acrut  ou  voiaige  d'Espaingne,  furent 
appellet  tout  li  noble,  comte,  viscomte,  baron,  chevalier  et  bour- 
gois  des  bones  villes,  et  ossi  tout  li  prélat  d'Acquittainne,  c'estoit 
bien  raison.  Si  en  y  eult  pluisseurs  parlemens  à  Bourdiaux,  en 
Anghouloime  et  en  Niorth ,  car  il  venoit  as  pluisseurs  moult  à 
dur  et  à  contraire  d'eslever  tel  cose  en  leur  pays,  et  sambloit  as 
barons  et  as  chevaliers  par  especial  que  li  peuples  en  seroit  trop 
grevés,  et  qu'il  estoit  assés  pressés  en  autre  mannierre  des  grans 
levées  que  li  offisciier  dou  prinche  faisoient  sus  les  petittes  gens. 
Non  obstant  chou,  li  evesques  de  Bade,  qui  estoit  moult  sages  et 
très  agus  en  ses  parolles,  proposoit  que  il  n'estoit  nulle  terre  si 
paisieule,  ne  où  li  commun  peuple  ewist  si  bel  ne  si  bon  demou- 
rer^  qu'il  avoient  en  la  terre  dou  prinche;  car  il  n'estoient 
gueriiet  ne  herriiet  de  nul  homme  dou  monde ,  mes  porté  et  de- 
porté  ,  cremu  et  doublé  de  touttes  gens ,  et  especialment  de  leurs 
voisins. 

Que  vous  feroie  je  lonch  recort?  Tant  fu  proposé  et  parlementé 
que  tout  Poito,  Saintonge,  le  Rocelle,  Roherge,  Quersin  et  Bi« 
gorre  acordèrent  au  prinche  à  paiier  ce  fouage,  et  chacun  feu 
par  an,  le  tierme  de  cinq  ans,  demy  franch,  et  li  prinches  devoit 
tenir  estable,  sans  muer,  ses  monnoies  sept  ans.  Quant  ces  nou- 
velles vinrent  en  le  terre  dou  comte  d'Ermignach ,  dou  signeur 
de  Labreth,  dou  comte  de  Pierregorth,  dou  comte  de  Laille,  dou 
comte  de  Gonmiinges^  dou  viscomte  de  Quarmaing,  dou  signeur 
de  la  Barde  et  de  pluisseurs  autres  signeurs  des  marches  de 
Gascoingne,  si  dissent  tout  couvertement  que  ja  ne  s'i  accorde- 
roient,  ne  que  chilx  fouaiges  ne  c6ur[r]oit  en  leur  pays.  Adonc  li 


320  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1368] 

prinches  et  ses  conssaux  proposèrent  k  Tenoontre  et  dissent  que 
si  feroient.  Li  dessus  dit  seigneur  fissent  responscez  au  pria- 
che,  et  fondèrent  et  foarmèrent  apiaux  pour  plaidier  et  venir  en 
le  cambre  de  parlement  à  Paris.  Li  prinches  respondi  que  de  ce 
ne  couvenoit  nulle  part  apeller  fors  en  sa  court,  et  qu'il  n'avoient 
nulle  souverainnetë. 

En  ces  variations  et  detriemens  vinrent  li  dessus  dit  signeur 
de  Gascoingne  à  Paris  deviers  le  roy  Carie,  et  se  plaindirent  don 
grief  que  li  prinches  leur  voUoit  faire  en  leurs  terres.  li  roys  de 
France,  k  che  premier,  leur  respondi  que  ce  pesoit  li  que  nulle 
disense  se  boutoit  entre  le  prinche  de  Galles,  son  nepveult,  et 
qu'il  n'y  pooit  mettre  consseil  ne  remède ,  car  il  avoient  bonne 
pès,  li  rois  Edouwars,  ses  frères,  et  ilz  et  leurs  royaummes  :  si  le 
volloit,  se  il  plaisoit  à  Dieu,  tenir  entirement  et  parfaitement^ 
enssi  que  juret  et  proummis  l'avoit,  et  li  roys  ses  pères.  Dont 
respondirent  li  baron  de  Gascoingne,  qui  volloient  faire  partie 
contre  le  prinche,  et  dissent  :  «  Chiers  sires  et  nobles  roys,  nous 
tenons  et  advons  tousjours  tenus  que,  quant  li  pais  fu  confremmëe 
entre  vous  et  le  roy  d'Engleterre ,  vous  ne  quittastes  oncques  le 
resort  de  touttes  les  terres  d'Acquittainne,  mais  le  retenistez  et 
reservastes;  et  ossi  il  n'estoit  mies,  ne  n'est  encorres,  de  nul  roy 
de  Franche  en  le  puissanche  ne  ordounnanche,  dou  dounner  ne 
dou  quitter  :  de  ce  sommes  nous  bien  privilegiiet.  Pourtant, 
sire,  se  vous  voilés  à  nous  entendre  et  recepvoir  nostre  apel,  et 
mander  le  prinche  que  il  viegne  à  cest  apel  sus  les  griés  qu'il 
nous  fait,  vous  nous  adrecherës  de  justice  et  de  raison.  Et,  se 
nous  partons  de  vostre  court  où  nous  tenons  nostre  resort,  che 
ne  sera  pas  en  le  defiaulte  de  nous,  mes  de  la  vostre,  se  nous 
querons  ailleurs  qui  de  ce  nous  aide  et  adrèce.  »  Adonc  re^wndi 
li  roys  de  Franche  :  «  Je  m'en  consseilleray.  »  Chilx  conssaux  dou 
roy  fu  moult  Ions,  et  tondis  demouroient  et  sejoumoient  chil  si- 
gneur de  Gascoingne  à  Paris,  pourssuiwans  le  roy  et  le  cons* 
seil....  ¥•  ISl. 

....  En  ce  tamps,  estoit  revenus  d'Engleterre  en  Franche  li  comtes 
Guis  de  Saint  Pol  et  de  lini,  qui  tant  haieoit  lez  Englès  qu'il  n'en 
pooit  nui  bien  dire,  et  vist  vollentiers,  pour  soy  contrevenger  de 
aucuns  contraires  et  anois  qu'il  li  avoient  fais ,  que  li  gerre  fust 
renouvellëe  entre  le  roy  de  Franche  et  le  roy  Englès,  et  le  cons- 
silloit  et  enortoit  le  roy  tempre  et  tart  ce  qu'il  pooit.  Et  disott 
que  li  royaummes  d'Engleterre  n'estoit  que  uugs  petis  pays  ens 


[1368]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  ^02.  321 

ou  regart  dou  royaumme  de  Ffance  ;  car  il  Tavoit  pluisseurs  fois 
cheyauciet  de  chief  an  qor,  et  adviset  et  consideret  très  bien  et 
ossi  toutte  leur  puissanche,  et  que,  de  quatre  ou  cinq  provinsses 
que  il  y  a  ou  royaumme  de  Franche,  la  meneur  est  plus  rendable 
et  plus  grosse  de  chitës,  de  villes,  de  castiauz,  de  chevaliers  et 
d'escuiers  que  li  cors  d'Engleterre  ne  soit,  et  que  moût  s'esmer- 
villoit  et  estoit  esmervilliës  coumment  il  pooient  avoir  eu,  de  tamps 
passet,  le  forche  et  le  concquès  qu'il  avoient  :  siques  ces  parollez 
et  pluisseurs  autres  dont  li  rois  estoit  tutës  et  consilliés,  tant  dou 
dit  comte  de  Saint  Pol  que  de  pluisseurs  qui  point  n'amoient  les 
Englès,  resvilloient  le  dit  roy  de  Franche;  souvent,  une  heure  y 
entendoit  vollentiers,  et  une  autre  heure  s'empassoit  assës  brief- 
ment.  F^"  152. 

P.  85,  1.  i3  :  nuit  et  jour.  ^^Ms.  A  8  :  tous  les  jours. 

P.  86,  1.  1  :  revenus.  —  Ms.  j?  6  :  Et  ja  estoit  revenus  (d'En- 
gleterre)  le  duc  de  Bourbon  et  estoit  qui  te  de  sa  foy,  et  ossy 
Guis  de  Blois,  par  l'acort  du  roy  dTEngleterre.  Et  ossy  estoit  le 
conte  Guis  de  Saint  Pol,  mais  chilx  n'avoit  point  congiet.  Mais  le 
pape  Urbain  V*  Tavoit  dispense  de  sa  foy,  pour  tant  que  le  dit 
conte  moustroit  pluiseurs  articles  qu'il  trouvoit  en  vérité  pour 
luy,  en  confondant  les  Englès.  F«  721 . 

P.  86,  1.  3  :  soutilleté.  —  Ms.  A  8  :  soubtiveté. 

P.  86,  1.  4  :  démener.  —  Ms,  AS:  devisier. 

P.  86,  1.  9  :  de.  — -  Z>  ms*  A  8  ajoute  :  grant. 

P.  86,  1.  26  :  condescendre.  —  Ms.  AS:  contendre. 

P.  87,  1.  3  et  4  :  vivement.  —  Ms.  AS:  plainement. 

5  008.  Edouwars.  —  Ms.  if  Amiens:  Se  li  (au  roi  de  France) 
disoient  li  aucun  signeur  de  Franche  et  li  plus  espedal  de  son 
consseil,  et  li  moustroient  et  declaroient  par  pluisseurs  poins  de 
le  chartre  de  le  pais,  que  li  rois  d'Engleterre  ne  li  prinches  de 
Galles  n'avoient  en  riens  tenu  cest  article  de  le  pais  qui  faisoit 
mention  qu'il  dévoient  faire  wuidier  touttes  mannierres  de  gens 
d'armes  et  de  Gompaignes  dou  royaumme  de  Franche ,  quant  il 
jurèrent,  devant  la  chité  de  Cartres  et  depuis  à  Calais,  le  pès, 
mes  les  y  tenoient  et  envoieoient  encorres  tous  les  jours,  et  gue- 
rioient  couvertement  le  royaumme  ;  et  avoient  pieur  guerre  assés 
que  donc  que  il  l'euissent  toutte  ouverte  as  Englès,  car  il  ne  sa- 
voient  de  qui  il  estoient  gueriiet ,  et  si  estoient  pris ,  pilliet  et 
robet  de  tous  costës.  Dont ,  sus  cel  estât ,  li  roys  de  Franche  en 

vil  —  21 


322  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1368] 

avoit  envoiïet  en  Engleterre  par  pluîsseurs  fois  son  consseil,  le 
comte  de  Tancarville  une  heure ,  et  puis  l'autre,  monsigneur 
Bouchigau,  son  marescal,  et  aucuns  grans  clers  en  droit  avoecq 
yaux,  pour  remoustrer  au  roy  englès  et  à  son  consseil  coumment 
li  cartre  de  le  pais  parloit,  et  que  il  gardast  le  sierement  qu'il 
avoit  juret.  Li  roys  Edouwars  respondoit  à  chou  et  disoit  que, 
se  li  royaummez  de  France  estoit  gueriiës,  ce  ne  pooit  il  amender, 
mes  moût  Tempesoit,  et  que  si  marescal  et  chil  qui  de  par  lui  y 
avoient  estet  estaubli,  estoient  allet,  tantost  apriès  le  pais  faitte,  de 
ville  eh  ville  et  de  fort  en  fort,  et  coummandé  à  chiaux  qui  les 
tenoient,  qu'il  wuidaissent  et  partesissent ,  et  que  en  avant  il 
n'avoient  nulle  cause  de  gueriier,  car  il  estoit  bonne  pais  entre 
lui  et  le  roy  de  Franche.  Dont,  se  sus  ce  coummandement  il  y 
estoient  demouret  ou  parti  et  depuis  revenu,  îl  ne  pooit  mies  les 
ennemis  dou  royaumme  dé"  Franche  bouter  hors  ne  yaux  gue- 
riiefy  car  il  estoit  assés  ensonniiës  de  garder  sa  terre  et  ses 
frontières  et  de  tenir  en  pès.  Telles  ou  pareilles  estoient  les  res- 
ponses  que  li  roys  englès  faisoit  et  proposoit  au  roy  de  Franche 
et  à  son  conseil,  quant  il  venoit  en  Engleterre,  lesquelles  res- 
ponsces  ne  souflBssoient  mies  bien  au  roy  de  Franche  et  à  son 
consseil.  Et  emparloient  souvent,  en  yaux  complaindant  des  griefs 
que  ces  malles  gens  nommés  Compaignes  leur  faisoient,  au  roy, 
li  dit  signeur,  duc,  comte,  baron  et  chevalier,  pour  le  cause  de 
leur  peuple  qui  estoit  contournez  en  grant  tribulation  et  misère. 
Et  en  avoit  li  dis  roys  grant  pité  et  compation,  et  voUentiers 
l'ewist  plus  tost  amende  qu'il  ne  fist ,  et  mis  remède  ;  mes  il 
sentoit  encorres  hostagiiers  en  Engleterre,  pour  le  rédemption 
dou  roy  son  père,  pluisseurs  grans  signeurs  de  son  royaumme 
et  de  son  sancq,  son  frère  le  ducq  de  Berri,  le  duc  de  Bourbon, 
le  comte  d'Alençon,  le  comte  de  Halcourt,  le  comte  de  Porsiien 
et  pluisseurs  autres  grans  barons.  Si  lez  voloit  tout  ravoir  ou  ero 
partie,  ainschois  qu'il  resmeuist  le  guerre...  ¥^  152. 

§  605.  Entre  les  aultres.  —  3fs,  d Amiens  :  Liquelx  roys 
eult  mainte  ymagination  et  maint  pourpos,  ainschois  que  il  se 
volsist  mettre  ne  bouter  en  le  querelle  des  Gascons,  qui  moût 
le  pressoient  que  li  prinches  fust  mandés  sus  lez  griefs  qu'il  vol- 
loit  faire  en  leurs  terres,  et  en  eut  li  roys  pluisseurs  consulta- 
tions avoecq  deus  ou  trois  des  plus  especials  qu^il  ewist.  Et  fist 
lire  par  pluisseurs  foix  à  grant  loisir  les  carti*es  de  le  pais,  et  les 


[1368]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  603.         323 

examina  et  avisa  bien  mot  à  mot,  et  clause  à  clause;  et  y  trouva 
voirement,  si  comme  je  fui  adonc  enfouîmes,  que  il  n'avoit  mies 
quittet  le  resort  des  terres  qui  estoient  délivrées  et  rendues  au 
roy  d'Engleterre ,  et  pluisseur  grant  article,  dont  ses  conssaulx 
proposoit  et  enfourmoit  le  roy,  que  li  Englès  avoient  mal  tenu  : 
lesqnes  articles  je  ne  voeil  mies  encorres  déclarer,  mes  em  parle- 
ray,  quant  temps  et  lieux  venra,  et  ossi  des  deffensces  que  li  roys 
d'Engleterre  mettoit  à  rencontre...  F<»  451. 

A  ce  donc  se  tenoit  en  la  langhe  d'Ock ,  et  estoit  tenus  ung 
grant  temps  en  avant,  li  dus  d'Angho,  frères  dou  roy  de  Fran- 
che, une  fois  à  Thoulouse,  puis  à  Carcasonne,  à  Biauqaire  ou  à 
Montpellier,  en  très  grant  arroy  et  noble ,  et  la  duçoise  sa  femme 
avoecq  lui,  fille  qui  fu  à  monsigneur  Carlon  de  Blois.  Et  acrois- 
soit  tondis,  de  jour  en  jour,  li  estât  dou  dit  duc  en  honneur  et  en 
prospérité,  et  tenoit  auques  le  court  sannable  à  l'ostel  dou  dit 
prinche ,  et  estoit  si  plains  et  si  remplis  d'or,  d'argent  et  de  rices 
jeuiaux,  que  c'estoit  merveilles  à  pensser.  Et  avoit  de  loncq 
tamps  assamblé  et  amasset  si  très  grant  trésor  que  sans  nombre, 
dont  il  en  avoit  mis  une  partie  eus  ou  fort  castiel  de  Rokemore, 
qui  siet  sus  le  Rosne  et  à  deux  lieuwes  d'Avignon.  Si  vous  di  que 
li  dus  d'Ango  ne  pooit  nullement  amer,  ne  ne  fist  oncques,  les 
Englès  ne  lor  affaire,  mes  les  haioit  de  tout  son  corraige,  et 
mettoit  et  rendoit  grant  painne  à  ce  que  li  guerre  renouvellast 
entre  le  roy  son  frère  et  yaux.  Si  avoit  atrais  et  atraioit  encorres 
tous  les  jours  touttes  mannierres  de  gens  d'armes,  especiaulment 
capittainnes  des  Compaingnes ,  pour  lui  renforchier  et  afoiblir  le 
prinche  et  lez  Englès.  Si  avoit  ratrait  Petit  Mescin,  Jake  de  Bray, 
Perrot  de  Savoie,  Ammenion  de  Lortighe  et  pluisseurs  autres 
bons  giierieurs,  dont  il  peusse  estre  bien  servis  et  aidiës,  et  qui 
estoient  souverain  des  routtez,  et  leur  dounnoit  et  proumetoît  grans 
dons  et  proufis  à  faire,  et  leur  faisoit  tous  les  jours.  D'autre  part, 
li  roys  de  Franche  se  maintenoit  en  cas  pareil,  et  avoit  ossi  re- 
trais deviers  lui  et  fès  ses  amis  de  pluisseurs,  par  dons  et  par  lar- 
gèces,  car  il  supposoit  bien  qu'il  en  aroit  à  faire....  F^  152. 

En  ce  tamps,  avinrent  deux  grans  joies  au  roy  Carie  de  Fran- 
che. La  premierre  si  fu  que  madamme  la  roynne,  sa  femme,  ajut 
d'un  biau  fil  qui  eut  à  nom  Caries  :  dont  tous  li  royaummes  de 
Franche  fu  grandement  resjols.  Assës  tost  ''apriès,  ajut  la  serour 
de  la  ditte  roynne  de  Franche  d'un  biau  fil,  madamme  Ysabiel 
de  Bourbon ,  femme  au  droit  signeur  de  Labreth  ;  et  eult  à  [nom 


3i4  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1368] 

cils  filx  Carie  contre  le  roy  de  Franche  :  che  fu  la  seconde  joie 
dou  roy,  tant  amoit  il  l'afinitë  et  l'alianche  au  dessus  dit  signeur 
de  Labreth.  De  le  natintë  le  jone  Carie  de  Franche  fu  li  royaum- 
mes  de  chief  en  cor  si  resjols  que  on  ne  le  vous  poroit  dire  ne  dé- 
clarer, et  s'en  rengroissa  grandement  li  corraiges  des  royaux  et 
ossi  de  touttes  mannierres  de  gens.  Che  fu  par  uns  avens,  devant 
Noël,  Tan  mil  trois  cens  soissante  et  huit...  F*  153. 

5  004.  Tant  lîi  li  rois.  —  Ms.  tt Amiens  :  Touttefois,  li  roys 
de  France  s'aresta  adonc  sus  les  poins  dou  certain  artide  qui 
touchoit  au  ressort,  et  rechupt  et  tint  à  bon  Tappiel  dou  signeur 
de  Labreth  et  de  tous  les  autres  signeurs  de  Gascoingne ,  et  dist 
qu'il  feroit  partie  avoecq  yaux  à  l'encontre  dou  pnnche,  se  il  ne 
volloit  obéir  à  raison.  Et  fist  li  dis  roys  founner  et  escripre  let- 
tres moult  bien  dittëes  et  ordounnëes  et,  ainschois  qu'elles  fuissent 
scellées,  bien  examinées.  Si  furent  ces  lettres  baillies  et  délivrées 
à  ung  chevalier  de  Biausse,  qui  se  noummoit  messire  Chaponnet  de 
Chaponval ,  et  à  ung  autre  clerch  de  droit  ossi.  Si  cevaucièrent 
tant  par  leurs  journées  qu'il  entrèrent  en  Poito,  et  vinrent  en 
Angouloime  où  li  prinches  se  tenoit  adonc.  Si  fissent  leur  mes- 
saige  bien  et  deuement  au  prinche  de  par  le  roy  de  France,  et  li 
baillièrent  les  lettres  qu'il  apportoient.  F^  1 51  v«. 

$  606.  Quant  li  princes.  -—  Ms.  d Amiens  :  Si  trestost  que 
li  prinches  les  eult,  il  les  ouvri  et  les  lisi.  Si  perchupt  coumment 
il  estoit  mandés  et  adjoumés  à  estre  à  Paris  à  l'encontre  dou 
comte  d'Ermlgnach ,  dou  signeur  de  Labreth ,  dou  comte  de 
Pierregorth,  dou  comte  de  Commingnes,  dou  viscomte  de  Quar- 
maing ,  dou  comte  de  Laille ,  dou  viscomte  de  Murendon ,  dou 
signeur  de  la  Barde,  dou  signeur  de  Taride ,  dou  signeur  de  Pi- 
cornet  et  de  pluisseurs  autres,  qui  tout  s'estoient  boutet  en  l'apiel. 
Si  fu  trop  durement  esmerviUiés  et  sancmeuchonnés  et  airés  sus 
chiaux  qui  telles  lettres  li  avoient  aportées,  et  frémi  et  rougi 
tout  d'air,  et  se  tut  ungs  grans  [tamps],  regardans  les  messaîges 
par  grant  fellonnie ,  car,  avant  les  lettres  veutes ,  il  ne  quidast 
mies  qu'il  fust  homs  au  monde  qui  l'osast  com^ucfaier.  Et  eut, 
je  vous  di,  en  présent  tamainte  dure  pensée  sus  le  clercq  et  le 
chevalier,  que  pour  yaux  faire  tranchier  les  testes  tantost  et  sans 
delay;  mes  il  se  rafrenna,  et  dist,  quant  il  eut  ung  grant  tamps 
penssé  et  busiiet  :  «  Je  yray  voirement  à  Paris  i  mes  che  sera 


[i368]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  807.         3t8 

le  bachinet  en  le  teste  et  soissante  mil  hommes  en  me  com- 
paingnie.  » 

Che  ne  fait  mies  à  demander  se  li  prinches  de  Galles  et  d'Ac- 
qoittainne  (il  grandement  tourblës  en  couraige  et  fort  courouchiés, 
quant  soi  se  Vei  semonre  et  adjoamer  ou  nom  de  ses  subgës  en 
estraingne  court,  ilz  qui  se  tenoit  et  presumoit  ungs  des  grans 
don  monde  et  à  qui  le  plus  droite  gens  d'armes  et  touttes  man- 
nierres  de  gueriieurs  obeyssoient.  Toutteffois,  il  respondi  adonc 
enssi  comme  chy  dessus  est  dit.  Lors  fissent  ses  gens  partir  et 
yssir  de  sa  cambre  et  de  sa  présence  le  chevalier  et  le  clerc  des- 
sus noummet,  qui  n'estoient  mies  à  leur  aise,  car  nulx  ne  les  ac- 
compagna à  leur  hostel,  et  sentirent  bien  qu'il  ayoient  bien  dure- 
ment courouchiet  le  prinche.  Si  se  fuissent  voUentiers  tantost 
parti,  mes  il  leur  fu  dit  que  point  ne  partesissent  jusquez  à  tant 
que  il  aroient  responsce  du  prince.  Si  obéirent  et  séjournèrent 
en  Angouloime  quatre  jours,  sans  point  yssir  de  leur  hostel.  Au 
dnqime  jour,  il  leur  fu  dit  qu'il  pooient  bien  partir,  se  il  volloienl, 
car  il  avoient  bien  fait  leur  messaige,  et  que  li  prinches  n^'y  respon* 
deroit  autrement  qu'il  avoit  respondu.  Sur  chou  il  se  partirent^ 
et  prissent  leur  chemin  pour  venir  viers  Toulouse  et  pour  yssir  de 
la  princhipautë  au  plus  tost  qu'il  pewissent,  car  il  n'y  estoient 
mies  trop  bien  asseur.  Enssi  qu'il  chevauchoient  tout  leur  chemin 
à  grant  esploit,  il  furent  rencontre  et  arestë  dou  senescal  d'Aghi- 
nois,  monsigneur  Guillaumme  le  Monne,  et  pris  et  menet  em  pri- 
son à  Pennes  en  Aginois.  Ces  nouvelles  s'espandirent  tantost  et 
vinrent  en  Franche,  car  li  varlet  des  dessus  dit  n'eurent  nul  em- 
peschement,  mes  cheminèrent  tant  qu'il  se  trouvèrent  à  Paris,  et 
recordèrent  à  tous  ceux  qui  leur  demandèrent  de  leurs  mestres, 
coumment  il  leur  estoit.  Quant  li  roys  de  Franche  en  sent  le  vente 
et  la  responsce  dou  prinche ,  il  n'en  fu  mies  mains  penssieux. 
Toutteffois,  il  s'en  porta  et  passa  adonc  au  plus  bellement  qu'il 
peut,  et  n'en  fist  nul  grant  samblant...  F«'  iSl  v«  et  152. 

5  607.  De  ceste  response.  —  Ms.  éÇ Amiens  :  En  ce  meysme 
tamps  et  en  celle  meysme  sepmainne,  estoit  revenus  à  Paris  mes- 
sire  Guis  de  Blois  qui  adonc  estoit  encorres  escuiers,  mes  il  fu 
fais  celle  annëe  chevaliers  en  Prusse  et  y  leva  bannierre.  Si  estoit 
revenus,  si  comme  dessus  est  dit,  d'Engleterre  quittes  de  se  foy, 
car  il  avoit  esté  ostagiiers  pour  le  roy  de  Franche  et  séjourné 
pour  ceste  cause  en  Engleterre  six  ans  ou  environ.  Si  regardèrent 


326  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1368] 

adonc  chil  qui  dalles  lui  estoient  et  qui  le  gouTrenoient,  doy  es- 
cuier,  Hues  de  Villers  et  Jehans  de  Leglisuelle,  qu'il  perdoit  son 
tamps;  si  traitièrent  par  deviers  le  cônsseil  dou  roy  englès,  sus  se 
delivranche,  avoecques  le  cônsseil  et  Tavis  d'un  sage  baron  de 
Franche,  monsigneur  Carie  de  Montmorensi ,  qui  se  boutta  sage- 
ment ou  traitiet  et  fist  tant  qu'il  fu  délivrez  et  quittes  ossi  de  sa 
foy  et  de  sa  prison  enviers  le  dit  roy  englès,  parmy  deux  mil  frans 
qu'il  paiia.  Et  li  dis  messires  Guis  de  Blois  rendi,  quitta  et  ahî» 
reta  le  roy  englès  de  le  comte  de  Soissons  qui  estoit  adonc 
ses  hiretages.  En  ces  traitiés  et  pourkas  à  faire,  aida  grandement 
et  mist  pluiseurs  painnes  et  conssaux  li  sires  de  Coudbi  qui  ten- 
doit  et  tiroit  à  avoir  la  ditte  comté  de  Soissons,  ensi  qu'il  eut,  en 
escange  d'autre  terre  et  revenue  dont  il  estoit  assignés  sour  les 
coffres  dou  dit  roy  englès ,  de  par  madamme  Ysabiel  sa  femme, 
fille  au  dit  roy  englès  que  li  jonnes  sires  de  Couchy  avoit  nouvel- 
lement pris  par  mariaige  :  ceste  est  la  cause  pourquoy  il  parvint 
premièrement  à  le  comté  de  Soissons.  Or  revenons  à  le  matère 
dou  prinche  qui  estoit  adonc  en  Espaingne.  F<^  149. 

P.  99,  1.  27  :  selonch  che.  —  Le  nu.  J  S  ajoute  :  grande- 
ment. F»  299  v«. 

P.  iOO,  1.  5  :  Guillaumes.  —Ms.  AS  :  Jehan.  F*  300. 

P.  100,  1.  29  :  de  ce.  —  Ms,  A  8  :  parmy  ce. 

P.  100,  1.  30  et  31  :  pareçons.  —  Mi.  AS:  pactions  et  con- 
venances. 

P.  10],  1.  3  :  Tostagerie.  —  Ms.  A  8  :  l'ostage. 

P.  101,  1.  14  :  Guillaummes  Wikam.  —  Ms.  AB  :  messire 
Guillaume. 

P.  101,  1.  46  :  offices.  —  Le  ms.  A  %  ajoute  :  de  chancellerie. 

P.  101,  1.  17  :  vaghièrent.  —  Ms.  A  8  ;  furent  vacans. 

P.  101,  1.  23  :  m^sages.  —  Ms.  A  S  :  messagiers. 

P.  102,  1.  3  :  que  amiable  à  se  composition.  —  Ms.  A  %  : 
qu'il  lui  feust  courtois  et  aimable  à  sa  composicion. 

P.  102,  1.  4  :  l'euist.  —  Ms.  A  8  :  eust  le  dit  eveschié. 

P.  102,  1.  14  :  en  Engleterre.  — Ms.  J5  6  :  Se  fu  le  conte 
daufin  d'Auvergne  mis  à  finanche ,  et  paia  trente  mille  frans ,  et 
le  comte  de  Poursien  dix  mille,  et  tout  li  aultres  hostaigiers  des 
chités  et  bonnes  villes  de  Franche  furent  espars  parmi  Engleterre 
et  tenus  en  diverses  prisons.  F«  727. 

S  608.  Vous  devés  savoir.  —  Ms.  dt  Amiens  :  Vous  avés  chy 


[1369]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  608.  327 

dessus  bien  oy  recorder  coumment  li  priaches  de  Galles  fu  ajour- 
nes à  venir  en  le  cambre  de  parlement  à  Paris  à  rencontre  dou 
comte  d'Ermignach',  dou  seigneur  de  Labreth,  dou  comte  de 
Pierregorth,  dou  comte  de  Comminges,  dou  viscomte  de  Quar- 
maing  et  de  pluisseurs  grans  signeurs  de  Gascoingne,  à  olr  droit 
et  le  déclaration  de  Tapel  qu'il  avoient  fourme  contre  lui,  sus  les 
griefs  qu*il  voUoit  faire  en  leurs  terres.  Si  sachiës  que  de  cel 
adjour  li  prinches  fu  durement  couroucbiés  et  le  prist  en  grant 
despit,  et  dist  bien  que  la  cose  ne  demourroit  mies  enssi.  Non 
obstant  ce,  toudis  procedoit  il  dou  fouaige  que  il  volloit  eslever, 
et  li  avoient  chil  de  Poito,  de  Saintonge,  de  le  Rocelle,  de  Ro- 
berge,  de  Querzin  et  de  Limosin  acordet;  car  il  n'en  pooient  ne 
n'osoient  ad  présent  autre  cose  faire,  tant  estoit  leurs  pays  raem- 
pli  d'Englès,  offisciers  au  prinche,  et  ossi  touttes  ces  terres  des* 
sus  nonmmëes  sont  moult  enclinnes  et  obeissans  à  celui  qu'il  tien- 
nent pour  leur  naturel  seigneur,  et  adonc  il  y  tenoient  le  prinche 
et  nul  autre...  F®  i5î  v«,  col.  1. 

Si  vous  di  que  adonc  avoit  ung  senescal  en  Roherge ,  qxû  8*ap-> 
pelloit  messire  Thummas  de  Welkefare ,  chevalier  englès ,  et  se 
tenoit  li  di  senescaux  à  VîUenove  d'Aghinois.  D'autre  part,  sus  le 
frontière  dou  pays  estoient  li  viscomtes  de  Quarmaing,  ungs  moût 
appers  chevaliers,  li  sires  de  la  Barde,  li  sires  de  Taride  et  li 
sires  de  Picornet.  Chil  dit  signeur  et  chevalier,  qui  s' estoient  mis 
et  bouteit  en  l'apiel  avoecq  les  autres,  avoient  pris  en  grant  des- 
pit le  prise  de  monsigneur  Caponnet  de  Caponval  et  de  son  com- 
paigncMi.  Si  s'avisèrent  qu'il  feroient  embusce  sus  les  gens  dou 
prinche  et  en  atraperoient  ossi  aucuns.  Si  seurent  par  espies  que 
messires  Thumas  de  Welkefare  devoit  chevauchier  deviers  Ro- 
dais, ensi  qu'il  fist,  à  gens  d'armes,  pour  entendre  à  le  forterèche 
et  rafreschir  de  tout  chou  que  il  y  besôngnoit.  Si  tost  qu'il  seurent 
ces  nouvelles,  il  se  queillièrent,  et  furent  bien  trois  cens  lanches, 
et  se  missent  sus  leur  embusce  par  où  ii  chevaliers  englès  devoit 
passer.  Enssi  que  monsigneur  Thummas  de  Welkefare  et  se 
routte  chevauchoient,  et  pooient  estre  environ  soissante  lanches  et 
deux  cens  archiers,  que  brighans,  ceste  embusche  leur  sailli  au 
devant,  les  lanches  abaissies,  en  escriant  et  disant  :  <c  Vous  n'en 
yrés  mies  ensi.  »  Lors  se  ferirent  ens  de  plains  eslais,  et  en  y  eut 
de  premier  encontre  pluisseurs  abatus,  d'un  lés, et  d'autre.  Là  se 
deffendirent  Englès  de  leur  costë  au  mieux  qu'il  peurent,  et  se 
combatirent  vassaument  ;  mes  finablement,  il  ne  peurent  durer. 


a28  GHRONIQUBS  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

car  li  Franchois  estoient  grant  fuisson  et  tout  pourvueu  de  leur 
fait.  Si  furent  li  Englès  desconfis,  et  à  grant  meschief  se  sauva  li 
senescaus  de  Roherge  messires  Thummas  de  Welkefare,  et  s'en 
vint  par  force  de  bon  courssier  à  Montaiben  et  se  bouta  ens  ou 
fort,  et  ses  gens  furent  tous  espars,  et  se  sauvèrent  cbil  qui  sau- 
ver se  peurent. 

Ces  nouvelles  vinrent  au  prinche,  qui  se  tenoit  en  le  cité  de 
Angouloime,  et  n'estoit  mies  trop  bien  betiës,  coununent  li  sires  de 
Pincomet,  li  viscomtes  de  Quarmaing  et  li  sires  de  la  Barde  avoient 
renc(Hitrë  son  senescal  de  Roherge  et  desconfit  et  cachiet  jusques 
à  Montaiben.  Si  en  fii  li  prinches  durement  courouchiés,  mes 
amender  ne  le  peut,  tant  qu'a  ceste  fois. 

Adonc  estoit  li  dus  d'Angho  à  Thoulouse,  mes  il  se  tenoit  en- 
corres  tous  quoîs,  fors  tant  qu'il  traitoit  et  faisoit  traitier  tondis 
as  cappittainnes  des  Compaingnes,  que  il  les  pewist  avoir  à  son 
acort,  enssi  qu^il  en  eult  pluisseurs,  enssi  comme  vous  orës  cbi 
apriès.  Ossi  d'autre  part,  deviers  le  prinche  estoient  revenu  mes- 
sires Thumas  de  Felleton,  messires  d'Agohrises,  messires  Hues  de 
Hastingues,  messires  Richars  Tanton,  messires  Gaillars  Vigbier  et 
cbil  qui  avoient  estet  pris  en  Espain]g;ne  en  Tavant  garde  dou  duc 
de  LÛicastre,  si  comme  il  est  chi  dessus  dit  et  contenu  en  l'is- 
toire,  et  s'estoient  ranchounnet  et  delivret,  li  ung  par  mise  de 
deniers,  li  autre  par  escange.  Ossi,  dou  costé  des  FVanchois,  se 
délivrèrent  de  prison  et  finèrent  au  mieux  qu'ils  peurent,  messires 
Ernouls  d'Audrehen,  messires  Jehans  de  Noefville,  li  Bèghes  de 
Vellainnes,  li  Alemans  de  Saint  Venant  et  li  chevalier  et  escuier  de 
Franche  qui  avoient  estet 'pris  à  le  bataille  de  Nasares.  Et  fu 
ranchounnés  messires  Bertrans  de  Claiequin  deviers  monsîgneur 
Jehan  Camdos,  qui  estoit  ses  mestres,  à  cent  mil  frans.  Bien  les 
paiia  li  di  messires  Bertrans  en  biaux  florins  tous  appareilliez... 
F*«152  v*etl53. 

Quant  li  prinches  de  Galles  vit  et  entendi  que  c'estoit  à  certes, 
que  on  le  guerioit  enssi  de  tous  costës  et  que  li  Franchois  se  met- 
toient  en  painne  de  li  tollir  son  pays,  si  s'avisa  qu'il  se  defiende- 
roit,  mais  il  n'estoit  mies  em  point  de  chevaucha'.  Si  envoia 
tantost  deviers  monsigneur  Jehan  Camdos ,  qui  se  tenmt  à  Saint 
Sauveur  le  Yiscomte ,  en  lui  segnefiant  et  mandant  que  il  retour- 
nast  tantost.  Quant  messires  Jehans  Camdos  oy  ces  nouvelles,  si 
ne  li  plaisurent  pas  trop  bien,  car  trop  le  deshetoit  et  anuimt  la 
guerre  renouvellëe,  et  sorti  et  dist  tantost  que  grans  maux  en 


[1369]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  608.         3S9 

venroient.  Nonpourquant,  il  se  hasta  au  plus  tost  qu'il  peult,  et 
s'en  yint  en  Anghouloime  deviers  le  prinche,  qui  le  vit  moût  vol- 
lentiers.  Assës  tost  apriès  le  revenue  de  monsigneur  Jehan  Cam- 
dos,  fist  li  prinches  ung  grant  mandement  de  chevaliers  et  d'es- 
cuiers  d'Acquittainne,  de  chiaux  qu'il  tenoit  à  avoir  le  comfort. 
A  son  mandement  vinrent  li  captaux  de  Beus,  li  doy  frère  de 
Pamiers,  messires  Jehans  et  messires  Elies,  car  messires  Aimme- 
nons  de  Pummiers  s'estoit  partis  et  disoit  que  il  s'en  yroit  outre 
mer  aventurer  en  estraingnes  terres,  et  que  point  de  celle  guerre 
ne  se  volloit  ensonniier,  ne  firanchois,  ne  englès.  Si  y  vinrent  en* 
corres  li  sires  de  Partenay,  messires  Aimmeris  de  Tarse,  li  sires 
de  le  Ware,  englès,  messires  James  d'Audelëe,  senescaux  de 
Poitou  ;  et  les  envoiea  li  prinches  en  le  marche  de  Toulouse  yaux 
tenir  à  Montalben ,  pour  delfendre  le  pays  contre  les  Franchois 
qui  là  se  tenoient. 

Quant  messires  Jehans  Gamdos  et  li  captaux,  qui  estoient  chief 
et  souverain  de  ceste  cevaucie,  furent  venu  à  Montalben,  et  H 
chevalier  dessus  noummez,  assës  tost  apriès  leur  revinrent  me^ 
sires  Loeis  de  Halcourt,  messires  Rammons  de  Moroel,  messires 
Loeis  de  Melval,  troy  grant  baron  et  de  grant  affairé;  si  fissent  à 
Montalben  une  bonne  garnison,  et  coummenchièrent  à  chevaucher 
ou  pays  thoulouzain  et  à  faire  moût  dé  dammaiges.  Adonc  estoient 
les  terres  en  grant  variement ,  car  un  jour  estoient  franchois  et 
l'autre,  englès  ;  ne  point  de  estableté  n'y  avoit,  fors  li  plus  fors 
tenoit  le  plache  :  quant  plus  fors  revenoit,  il  reconcqueroit  chou 
qui  avoit  estet  concquis. 

A  ce  donc  avoit  ung  senescal  en  Roherge,  bon  chevalier  dure- 
ment, qui  se  noummoit  messire  Thummas  de  Wettevale,  et  tenoit 
une  fortrèche  à  quatorze  lieuwes  de  Montpellier,  que  où  appel- 
loit  la  Millau,  sus  les  mettes  de  Roherge  et  de  limozin.  Si  sachiés 
qu'il  se  tint  en  le  ditte  fortrèche  moult  vaillamment,  si  comme  vous 
orës  chy  apriès,  et  tout  chil  qui  avoecques  lui  estoient.  F<*  1 S4  v^. 

P.  i02,  1. 18  :  l'ajour.  —  Ms.  J  S:  rajoumement.  F»  300v«. 

P.  102,  1.  23  :  Compagnes.  —  Le  ms.  B  6  ajoute  :  telz  que 
Naudons  de  Bagherant,  le  bourc  de  Bretuel,  le  bourch  Camus,  le 
bourch  de  Lespare,  Lami,  Espiote,  Hanequin  Franchois,  messire 
Rdl)ert  Brickës,  Cressuelle,  messire  Robiers  Ceni,  messire  Perdu- 
cas  de  Labreth,  messire  Garsis  de  Castiel,  messire  Gaillart  Vi- 
ghier,  Bemart  de  le  Salle,  Bemart  de  Wesc,  Hortigo  et  pluisseur 
aultre.  F»  728. 


330  CHRONIQUES  DE  J.  FRCHSSART.  [i369] 

P.  i02,  1.  26  :  temprement.  —  M$.  A%:  brief. 

P.  i02,  1.  27  :  faire.  •»  Les  mss.  £.  k  et  A  1  ajmueni  :  et 
les  ensonmeroit.  F*  298.  —  Ms.  A  %  :  et  les  embesongneroit. 
F»  300  v«. 

P.  i02,  1.  S8  :  joiant.  — Ms.  A  B  ;  joieux. 

P,  102,  1.  29  :  d'enflé.  —  Mt.  A  %  :  d'enfleure. 

P.  i03, 1.  4  :  ydropisse.  —  Ms.  AS:  ydropisie. 

P.^105, 1.  7  :  Montpesier.  —  Ms.  A  8  ;  Montpellier.  F^"  301. 

§  609.  li  rois  de  France.  —  Ms.  tt  Amiens  :  En  ce  tamps, 
estoit  li  roys  de  Franche  en  grant  branle  pour  gueriier  le  roy 
d'Engleterre,  car  li  roys  englès  li  requeroit  fortement  qu'il  se  de- 
livrast  de  parpaiier  le  rédemption  dou  roy  son  père,  et  que  trop 
y  metoit  au  paiier,  ou  autrement  il  li  feroit  guerre  ;  car,  seloncq 
le  teneur  de  le  pais,  on  devoit  avoir  tout  paiiet  dedens  trois  ans, 
et  encorres  y  avoit  seize  cens  mil  frans  de  Franche  à  paiier. 
Enssi  estoient  les  grongnes  de  l'un  à  l'autre  :  li  roys  englès  cou* 
roochiës  et  dur  emfourmez  sour  le  roy  de  Franche,  pour  tant 
qu'il  ne  se  delivroit  point  de  paiier  la  somme  des  deniers  où  te- 
nus il  estoit,  et  qu'il  avoit  consenti  que  sez  filx  li  prinches  de 
Galles  estoit  adjournës  de  ses  soubjès  em  parlement  à  Paris,  et 
consenti  encorres  qu'il  li  faisoient  guerre ,  et  si  avoient  cil  leur 
retour  en  Franche  et  dalës  le  roy  ;  et  li  roys  Franchois,  d'autre 
part,  ossi  courouciez  et  dur  enfourmës  sour  le  roy  englès,  pour 
tant  qu'il  soustenoit  et  comfortoit  lec  Compaignes,  si  comme  on 
disoit,  et  les  envoieoit  en  Franche,  et  qu'il  volloit  tenir  la  duchë 
d'Acquittainne  sans  resort,  qui  estoit  grandement  ou  prejudisce 
dou  royaumme  et  hors  de  le  vollenté  de  touttes  gens  residans  en 
celui  pays.  Si  n'en  pooit  longement  estre  ne  demourer,  que  guerre 
ne  se  remeuist  entre  ces  deux  rois,  mes  li  rois  de  Franche  ne  le  vol- 
loit mies  recoummenchier,  se  il  ne  savoit  bien  coumment  :  si  s'es- 
toit  pourvueus  de  loing  temps,  tout  bellement  et  tout  sagement, 
d'avoir  atrais  et  acquis  à  lui  tous  ses  voisins,  le  duc  Àubert,  bail 
de  Haynnau,  et  les  signeurs  de  celui  pays,  ossi  le  duc  de  Brai- 
bant  et  les  signeurs  de  celle  terre,  le  comte  de  Clèves,  Tevesque 
de  Liège,  l'evesque  de  Mies,  l'evesque  de  Verdun,  le  duc  de  Loe- 
rainne,  le  duc  de  Bar,  le  comte  de  Montbliar,  le  comte  de  Genève, 
le  comte  de  Savoie  et  touttes  ses  gens,  le  signeur  de  Roussellmi 
et  les  gentils  hommes  de  la  duché  de  Prouvenche  et  de  la  comté 
de  Venisin,  ossi  le  comte  de  Fois  et  touttes  ses  gens,  le  roy 


[iae9]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  609.         331 

d'Arragon  et  touttes  ses  gens,  et  tous  les  marcissans  environ- 
neement  autour  de  son  royaumme.  Et  sentoit  encorres  bien  que 
pluisseurs  signeurs,  comte,  baron,  ehevalîer  et  escuier  de  la 
duchë  d' Acquittaine ,  se  retouroient  deviers  lui,  se  la  guerre 
estoit  renouvellëe,  et  moût  de  villes,  de  chités  et  de  castianx  de 
la  ditte  duchë,  qui  point  n'amoient  les  Englez.  Et  par  especial,  il 
avoit  tous  les  coers  des  gentils  hommes  de  Bretaingne,  qui  moult 
li  pooient  valloir,  car  il  savoient  bien  que  li  dus  de  Bretaigne 
estoit  plus  englès  que  franchois  ;  mes,  là  où  ses  pays  vorroit  estre 
pour  lui ,  dou  corps  ne  de  le  haynne  dou  dit  ducq  ne  faisoit  il 
mies  grant  compte.  Avoecq  touttes  ces  coses,  li  rois  Caries  s'estoit 
trop  fort  arestës  à  savoir  se  cil  de  Pontieu  vorroient  estre  de  son 
acort;  il  trouva  que  oil  moult  voUentiers,  car  il  ne  pooient  ainmer 
les  Englès.  Che  plaisy  grandement  au  roy  de  Franche  ^t  traita 
enviers  chiaux  de  Abbeville  tout  secrètement  et  bellement,  et  leur 
proummist  et  jura,  là  où  il  se  vorroient  rendre  deviers  lui,  que 
jammais  ne  les  metteroit  hors  don  demainne  dou  royaumme,  et 
les  tenroit  en  plus  grant  francise  et  liberté  que  chiauz  de  Paris. 
Enssi  se  composèrent  ces  besoingnes...  F^  153. 
gOr  avint  que  li  princes,  pour  mieux  venir  à  sen  entension,  par  le 
consseil  de  Tevesque  de  Bade,  envoiea  grans  messages  deviers  le 
pappe  Urbain  qui  adonc  tenoit  son  siège  à  Romme,  tek  que  son  ma- 
rescal  d'Acquittainne  monsigneur  Guichart  d'Angle,  monsigneur 
Jehan  Isoret  son  fil,  monsigneur  Guillaumme  de  Seris  et  maistre 
Jehan  Bnffaut,  un  advocat  de  le  Rocelle,  pour  impetrer  cel  fouage 
sus  le  clergiet  et  pour  pluisseurs  autres  besoingnes.  Si  lairons  à 
parler  des  dis  messagiers  qui  fissent  leur  voiaige  et  esploitièrent 
d'aucunes  coses,  et  non  pas  de  touttes,  deviers  le  pappe,  si  comme 
je  leur  oy  recorder,  car  je  me  parti  de  Romme  avoecq  yaux  et 
rappassay  les  mons  en  leur  compaignie,  et  parlerons  de  cel  apiel 
des  barons  de  Gascoingne,  et  coumment  il  s'eslevèrent  et  parsev&- 
rèrent  contre  le  prinche...  F*  152  v*. 

En  ce  tamps,  revenoit  de  Romme  li  marescaux  d'Acquittainne 
messires  Guichars  d'Angle,  qui  y  estoit  allés  pour  les  besoingnes 
dou  prinche.  Si  entendi,  entroes  qu'il  estoit  en  Savoie  sur  son 
retour,  que  la  guerre  estoit  renouvellée  entre  les  deux  roys.  Si 
se  doubta  que  il  ne  fust  pris  ou  espiiés,  et  se  parti  secrètement 
de  ses  gens  et  se  mist  en  abit  et  estât  d'un  povre  cappelain  et 
laissa  tout  son  arroy.  Si  rapassa  parmi  Auvergne  messires  Gui- 
chars,  enssi  que  je  vous  di,  et  parmi  Limozin,  et  entra  en  Poito. 


338  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT.  [1369] 

Et  messiresGnillauiniiiesde  Seris,  uns  chevaliers  de  Poito,  qui  es- 
toit  en  se  compaignie,  ne  s'osa  aventurer  enssi  que  U  dis  messires 
Guichars  fist,  mes  s'en  vint  à  l'abbeie  de  Qngny  et  se  mist  en 
sainte  terre,  et  se  tint  là  plus  de  cinq  ans.  F*  154. 

P.  i07,  1.  21  :  breton.  —  Le  ms.  B.  6  ajouie  :  et  en  eult  cent 
frans.  F^  726. 

§  6i0.  Tant  esploita.  —  Ms.  itjmiens  :  Et  avint  que  li  com- 
tes de  Tamcarville  et  messires  Guillaumes  de  Dormans  estoient 
allé  en  Engleterre,  de  par  le  roy  de  Franche,  pour  parler  au  roy 
englès  sus  Testât  don  ressort  que  li  roys  franchois  volloit  cal- 
lengier  et  maintenir  que  point  ne  Tavoit  quitté,  mes  par  le  teneur 
de  la  cartre  de  le  pais  tenu  et  réserve.  Entroes  que  li  dessus  dit 
estoient  en  Engleterre,  li  rois  de  Franche  fist  escripre  unes  lettres 
de  deffianches  au  roy  englès,  et  les  fist  baîllier  à  ung  varlet  bre- 
ton de  son  hostel,  et  li  fist  dire  que  il  portast  en  Engleterre  ces 
lettres  au  roy  englès,  mes  il  fesist  retourner,  ainschois  qu'il  les 
mesist  avant,  le  comte  de  Tamkarville  et  monsigneur  Guillaumme 
de  Dormans,  et  que,  au  retour,  il  aroit  cent  frans  tous  appa- 
reilliés.  li  variez,  pour  le  convoitise  dou  gaegnier,  emprist  volen- 
tiers  le  voiaige  à  faire,  et  dist  qu'il  le  feroit  bien  et  sagement.  Si 
se  parti  de  Paris  et  se  mist  à  voie,  et  esploita  tant  qu'il  vint  à 
Bouloingne,  et  passa  là  le  mer  et  ariva  à  Douvres^  et  là  trouva  il 
le  comte  de  Tamkarville  et  monsigneur  Guillaumme  .de  Dormans, 
asquelx  il  dist  une  partie  de  sen  entente,  et  sur  quel  estât  il  alloit 
au  roy  englès.  Si  trestost  que  li  dessus  dit  l'entendirent,  il  hastè- 
rent  leur  passaige  et  vinrent  à  Bouloingne,  et  li  variés  chevaucha 
vers  Londres  et  fist  tant  que  il  y  vint. 

Adonc  estoitli  roys  englès  à  Wesmousder  dehors  Londres,  et 
là  avoit  ung  moult  grant  parlement  de  chiauz  de  son  pays  pour 
avoir  consseil  sour  aucunnes  requestes  que  li  rois  de  Franche 
avoit  faittes  par  les  dessus  dis,  le  comte  de  Tancarville  et  mon- 
ûgneur  Guillaumme  des  Dormans ,  et  ossi  sus  Testât  de  la  duché 
d'Acquittainne  ;  car  moult  desplaisoit  au  roy  englès  que  ses  filz  11 
prinches  s'esmouvoit  ne  herioit  ses  gens  en  Acquittainne  ;  et  es- 
toit  bien  sen  entente  que  il  y  pourveroit  temprement  de  remède, 
car  il  ne  volloit  mies  estre  en  le  malevolense  de  ses  subgès,  et 
n'estoit  pas  cose  bien  appertenans. 

Enssi  que  cils  parlemens  estoit  assamblés  et  que  li  roys  et  si 
doy  fil,  li  dus  de  Lancastre  et  li  comtes  de  Cantbruge,  et  tout 


[1369]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  610.         333 

prélat,  baron  et  chevalier  estoient  mis  enssamble  pour  parlementer 
et  conssillier  pluisseurs  coses,  li  variés,  qui  les  defBances  por- 
toît,  vint  à  Fuis  de  le  cambre  et  appella  l'uissier,  et  dist  qu'il 
estoit  messagiers  au  roy  de  France,  li  wuissiers,  pour  le  reve- 
renche  de  celui  dont  il  se  noumma,  li  dist  :  <c  Entres  ens,  et  vous 
tenës  dallés  moy,  et  je  regarderay  coumment  vous  parlerés  au 
roy.  »  Il  entra  ens  et  se  tint  dallez  Tuissier.  Assés  tost  apriès, 
entra  en  le  cambre  li  sires  de  Perssi,  à  qui  li  Englès  dist  :  «  Mon- 
signeur,  se  il  vous  plaist  et  il  vous  viegne  à  point,  si  avanchés  ce 
varlet,  qui  est,  si  comme  il  dist,  au  roy  de  Franche  et  aporte  let- 
tres au  roy.  »  Li  sires  de  Perssi  respondi  :  «  Moût  vollentiers.  » 
II  passa  avant  et  enclina  le  roy  et  ses  enfans,  et  puis  tous  les 
signeurs.  Assés  tost  apriès,  il  dist  que  là  éstoit  ung  messaîges  de 
par  le  roy  de  Franche,  qui  apportoit  lettres.  Si  tost  que  li  rois 
englès  oy  ce,  pour  le  grant  désir  qu'il  eut  de  savoir  de  quoy  les 
lettres  parloient,  il  dist  :  «  Faittes  le  avant  venir.  »  On  le  fist 
venir.  Il  s'agenouilla  et  bailla  ses  lettres.  Li  roys  les  prist  et  les 
ouvri,  et  puis  les  fist  lire.  Si  faisoient  mention  plainnement  coum- 
ment li  roys  de  Franche  le  deffioit.  De  ces  nouvelles  furent  li 
signeur  d'Engleterre  tout  esmervilliet ,  et  regardèrent  li  ung 
l'autre  sans  point  parler.  Si  fu  li  variés  enquis  de  rechief,  et 
examinés  à  savoir  qui  ces  lettres  li  avoit  baillies.  Il  respondi  : 
ce  li  roys  de  France.  »  Adonc  le  fist  on  partir  de  la  cambre,  et 
qu'il  se  tenist  au  dehors  tant  qu'il  aroit  responsce.  Il  fist  ce  que 
on  li  dist.  Lors  demanda  li  roys  englès  consseil  sour  ce  que  vous 
avez  oy.  On  li  consseilla  que  tan  tost  et  sans  delay  il  envoiiast  à 
Callais,  à  Ghinnes,  à  Ardre,  et  par  especial  à  Abbeville  et  en  le 
comté  de  Pontieu,  car  elle  estoit  en  grant  péril  d'estre  perdue;  et 
ossi  tous  les  ostagiers  de  Franche,  qui  estoient  pour  le  tamps  en 
Engleterre,  tant  baron  et  chevalier  que  bourgois  des  bonnes 
villes,  on  les  envoiiast  en  divers  lieus  en  Engleterre,  et  fuissent  la 
tenu  tout  court  em  prison.  Que  vous  feroie  je  loiog  compte? 
Chils  parlemens  finna  ensi,  et  fu  respondut  à  celui  qui  les  lettres 
de  deffianches  avoit  apportées,  que  il  pooit  bien  partir  quant  il 
volloit,  et  que  à  ses  lettres  ne  couvenoit  nulle  responsce.  Il  se 
parti  et  s'en  revint  en  Franche,  sans  avoir  nul  griefs  dou  corps. 
Or  vous  diray  de  l'ordounnanche  dou  roy  de  Franche. ...  F*  f  53  v*. 
Sitost  que  on  peut  savoir  ne  presummér  certainnement  que  li 
roys  englès  fu  deffiiés,  et  que  li  comtes  de  Tamcarviile  et  mes- 
sires  Guillaummes  des  Dormans  furent  revenu  à  Bouloingne  et  eu- 


334  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSÀRT.  [1369] 

rent  dit  les  nouvelles  don  varlet  qui  les  deffianches  portoit,  li 
comtes  Guis  de  Saint  Pol,  qui  estoit  tous  pourvueus  de  grans 
^ns  d^armes,  chevaucha  tout  couvertement  à  grant  esploit  deviers 
Abbeville.  Si  trouva  le  porte  toutte  ouverte  et  les  gens  de  le  ville 
tout  appareilliës  pour  lui  recepvoir.  Si  entra  li  dis  comtes  de 
Saint  Pol  dedens  Abbeville  baudement  à  plus  de  cinq  cens  armu- 
res de  fier,  et  se  saisi  de  le  ville  et  dou  marchiet,  et  prist  ad  ce 
jour  messire  Nichole  de  Louvaing,  qui  estoit  senescaus  de  Pontieu 
de  par  le  roy  englès,  et  le  trésorier  dou  pays,  qui  estoit  englès, 
et  tous  les  Englès  qui  y  estoient  à  ce  jour,  et  les  mist  em  prison. 
Et  puis  chevauchièrent  à  Saint  Wallery,  et  le  saisirent  et  du 
castiel  ossi,  et  puis  de  Noyelle  et  dou  Grotoi,  et  puis  de  Lonch  en 
Pontieu.  Apriès,  -  chevaucha  li  comtes  de  Saint  Pol  deviers  le 
Pont  de  Remy  ;  car  il  entendi  que  là  avoit  bien  deux  cens  Englès 
qui  s'y  estoient  retret  et  s'i  tenoient  sus  le  comfort]de  le  fortrèche. 
Si  vint  là  li  dis  comtes  de  Saint  Pol  et  monsigneur  Moriaux  de 
Fiennes,  connestables  adonc  de  Franche»  avoecq  lui,  et  messires 
Hues  de  Castellon,  li  sires  de  Saintpi,  li  sires  de  Bremeu^  li  sires 
de  Loncvillers,  li  sires  de  Bassentin,  li  sires  d'Aveluis,  messires 
Oudars  de  Renti,  li  sires  de  Reli,  messires  Engherans  du  Edins 
et  pluisseurs  autres  chevaliers  et  escuiers,  et  estoient  bien  six 
cens  combatans.  Si  vinrent  droit  au  Pont  de  Remy.  Là  trouvèrent 
il  les  Englès  tous  aprestës  pour  yaux  attendre  et  deffendre  le 
passage.  Adonc  coummencha  là  li  hustins  moût  durs  et  moût  fors, 
et  fist  là  li  comtes  de  Saint  Pol  son  fil  chevalier,  monsigneur  Wal- 
lerant,  qui  estoit  en  Teage  adonc  de  quinze  ans  ou  environ.  Là 
eut  une  escarmuche  grande  et  forte,  et  maint  homme  blechié  d'un 
lés  et  de  Tautre.  Finablement,  li  Englès  furent  desconfi,  et  li 
Pons  Remy,  sus  le  rivière  de  Somme,  pris  et  gaegniës,  et  tout  li 
Englès  mort  ou  pris,  petit  s'en  sauvèrent.  Que  vous  feroie  je  loinc 
recort?  Tous  li  pays  de  Pontieu  fu  délivrés  des  Englès,  et  les 
villes  et  les  fortrèches  mises  et  rendues  au  comte  de  Saint  Pol, 
qui  y  estoit  establi  de  par  le  roy  de  Franche.  Si  trouvèrent  les 
Franchois  le  ville  d'Abbeville  en  bon  estât,  et  bien  rappareillie  et 
fortefiiée,  car  li  rois  englès  y  avoit  toudis  fait  ouvrer;  et  li  avoit 
li  comtés  de  Pontieu  cousté  cent  mil  florins,  dessus  touttes  reve- 
nues, à  remparer  les  villes  et  les  castiaux  qui  y  sont,  car  il  le 
tenoit  pour  son  bon  hiretaige. 

Avoecques  les  deffiances  et  les  nouvelles  dessus  dittes  qui  vinrent 
au  roy  englès  et  à  ses  gens*  cestes  de  le  perte  de  Pontieu  leur  fu- 


[1369]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  6ii.  335 

rent  moût  diverses.  Et  se  coummenchièrent  moult  à  doubler,  et 
estoient  li  pluisseur  parmy  Engleterre  enssi  que  tout  foursenë  sus 
les  Franchois,  qui  poui*  ostaiges  demouroient  entre  yaux  ;  mes  li 
roys  fist  faire  un  ban ,  et  sus  le  hart ,  que  nuls  ne  fesist  mal  as 
Franchois,  qui  là  estoient  :  autrement  il  n'ewissent  nient  duret. 
Si  se  ranchounnèrent  li  baron  de  Franche  au  plus  tost  qu'il  peurent 
et  trouvèrent  le  roy  englez  assés  courtois,  et  rappassèrent  le  mer  ; 
et  ossi  les  bonnes  villes  et  les  chités  de  Franche  rachatèrent  leurs 
bourgois.  F'  1 54. 

P.  i09,  1.  31  :  Evous.  —  Ms.  ^  S  :  Et  vont.  F»  302. 

P.  110,  l.  1  :  donna.  —  Ms,  AS:  donnèrent. 

P.  111,  I.  4  :  nequedent.  —  Ms,  A  %  :  néanmoins. 

P.  1  il,  1.  12  :  quatre  cens.  —  Mss.  A  T^  B  :  trois  cens. 
F'  297. 

P.  111,  1.  26  :  six  cens.  —  Mss.  ^  7,  8  ;  six  vingt, 

P.  112,  1.  14  :  Pont  de  Rémi.  —  Ms.  A  8  ;  Pont  de  Saint 
Remy, 

P.  112,  1. 17  :  Gallerans.  —  Ms.  B  ^  :  Wallerant  de  Ligny, 
aysné  filz  audit  conte.  F®  730. 

§  611.  Quant  li  rois.  —  Ms.  d Amiens  :  Sitos  que  li  dus 
d'Ango  |)eut  connoistre  et  sentir  que  li  rois  englès  estoit  deffiiés , 
si  en  fu  moult  joieaus,  et  dist  que  il  feroit  au  prinche  et  à  ses 
gens  une  très  forte  guerre  ;  car  point  ne  lez  amoit.  Si  avoit  ja  de 
son  acord  pluisseurs  chevaliers  et  escuiers  ^e  Gascoingne,  et  ossi 
bons  cappitainnes  des  Gompaignes.  D'autre  part,  se  tenoit  à  Rion 
en  Auvergne  li  dus  de  Berri,  qui  metoit  sus  grant  gens  d'armes, 
telx  que  le  signeur  de  Biaugeu,  le  signeur  de  Perreus,  son  nep- 
veult,  monsigneur  Joffroi  de  Bouloingne  et  monsigneur  Griffon  de 
Montagut,  monsigneur  Robert  Daufin,  monsigneur  Huge  Daufin, 
le  signeur  de  Calenchon ,  le  signeur  de  la  Tour,  monsigneur 
Jehan  de  Bouloingne,  le  comte  de  Ventadour  et  de  Montpensé,  le 
signeur  de  Sulli,  le  signeur  d'Achier,  le  signeur  d'Achon,  le 
signeur  de  Gonsaut,  Ambaut  dou  Plachier  et  tamaint  chevalier 
et  escuier  d'Auviergne  et  des  marches  voisinnes.  Si  entrèrent  ces 
gens  d'armes  en  le  duché  d'Acquittainne,  et  coummenchièrent  à 
prendre,  à  pillier  et  à  rober,  et  à  chevaucher  sour  le  pays  dou 
prinche  et  à  faire  moût  de  maux.  D'autre  part,  couroient  ossi  et 
chevauchoient  en  Roherge  messires  Jehans  d'Ermignach,  messires 
Jehans  de  Villemur,  Rogiers  de  Biaufort,  li  sires  de  Rocefort,  li 


336  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1360] 

sires  de  Seregnach,  et  mettoient  le  pays  en  grant  misère  de  Ro- 
herge  et  de  limozio.  F*  154  v^. 

P.  113,  1.  i4  :  remparer.  —  Mss.  Aly  %  :  reparer.  ¥•  303. 

P.  ii  3,  I.  15  :  deseure.  —  Ms.  J  S  :  pardessus. 

P.  114, 1.  7  :  l'archevcskié.  —Ms.  ^  8 ; l'eveschië.  F»  303  v\ 

P.  114,  1.  23  :  Reranloet.  —  Mu.  B\  et  B  k  :  Kamel.  — 
Ms.  A  8  :  Carnet.  —  Ms.  A  7  :  Kaerenloet.  F»  197  v«. 

§  619.  Li  dus  de  Lancastre.  ^  Ms.  d Amiens  :  Vous  avés 
bien  chy  dessus  oy  recorder  coumment  les  Compaignes  avoient 
estet  en  Franche,  et  ivernet  et  ostoiiet,  siques,  sitost  que  li  Gascon 
entendirent  que  li  roys  de  Franche  vorroit  gueriier,  il  se  parti- 
rent des  Englès.  Si  estoit  li  plus  grans  chiës  de  ces  Compaignes 
gascons  messires  Perducas  de  Labreth ,  et  des  Compaignes  en- 
glesses,  messires  Robers  Bricquës  et  Jehans  Carsuelle.  Si  se  trais- 
sent  li  Gascon  deviers  le  ducq  d'Ango,  et  estoient  de  leur  routte 
li  Petis  Meschins,  li  bours  de  Bretoeil,  Ammenion  de  Lortige, 
Perrot  de  Savoie,  Jakes  de  Bray,  Ernauton  de  Paus  et  pluisseur 
aultre,  et  estoient  bien  troi  mil  combatans.  Li  Englès  qui  s'estoient 
descompaigniet  d'iaus,  pooient  estre  environ  quinze  cens  comba- 
tans, et  s'estoicnt  retret  deviers  Normendie  et  par  deviers  les 
Mans,  et  avoient  pris  Castiel  Ghontier  et  une  bonne  ville  que  on 
appelle  le  Vire,  et  pluisseurs  autres  fortrèches,  dont  il  guerioient 
et  destruisoient  tout  le  pays  et  y  faisoient  moult  de  maux.  Dont  il 
avint  que  li  prinches  les  remanda  et  leur  fist  asavoir  que  ii  vende- 
sissent  leur  forterèce  et  se  retraissent  deviers  lui.  Si  trestost  que 
il  olrent  ces  nouvelles,  il  furent  tout  joieant  et  eurent  grant  désir 
de  obéir  au  coummandement  du  prinche.  Si  se  délivrèrent  de  tout 
ce  qu'il  tenoient,  au  plus  bellement  qu'il  peurent,  et  se  requeilliè- 
rent  enssamble  pour  passer  plus  efibrchiement.  En  ce  tamps  que 
ces  routtes  yssoient  hors  de  Normendie,  il  avoient  à  ciauz  du 
pays  vendu  Castiel  Ghontier  et  le  Vire  et  tout  chou  que  il  y  te- 
noient. 

Et  arivèrent  au  port  de  Saint  Malo  de  l'iUe  messires  Aimmons, 
comtes  de  Cantbruge,  et  li  comtes  de  Pennebrucq  et  li  sires  de 
Carbestonne,  ungs  banerés  englès,  à  quatre  cens  hommes  d'armes 
et  quatre  cens  archiers  ;  et  les  envoieoit  li  roys  englès  en  la  du* 
ché  d'Acquittainne  deviers  le  prinche,  pour  lui  aidier  à  faire  sa 
gerre.  Si  olrent  nouveUes  assés  tost  li  uns  de  l'autre,  dont  il  furent 
moult  joieant;  car  il  dissent  qu'il  passeroient  tout  enssamble, 


[1369]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  613.         337 

si  comme  il  fissent.  Et  envoilèrent  tantost  li  doy  comte  dessus  noum- 
met  deviers  le  ducq  de  Bretaingne,  qui  se  tenoit  à  Nantes,  et  de- 
viers  le  consseil  dou  pays,  em  priant  que  on  les  volsist  laissier 
passer  paisîulement  parmy  Bretaigne ,  bien  paiiant  tout  ce  que  il 
y  prenderoient.  Li  messagier  que  li  dit  seigneur  y  envoiièrent, 
esploitièrent  si  bien,  que  li  passaiges  leur  fu  ouvers  et  acordés 
par  Tacord  dou  duch,  qui  ne  le  ûst  mies  envis,  et  de  tous  les  ba- 
rons dou  pays,  et  passèrent  paisiulement  parmy  Bretaigne  et  au 
pont  à  Nantes.  Et  rechupt  les  seigneurs  li  dis  dus  moult  grande- 
ment, et  les  festia  par  deux  jours  en  le  chité  de  Nantes  ;  et  puis 
s'em  partirent  et  chevauchièrent  et  esploitièrent  tant  que  il  entrè- 
rent en  Poito  et  vinrent  en  Anghouloime  deviers  le  prinche,  qui 
les  rechupt  à  grant  joie,  et  ossi  fist  madamme  la  princesse. 

En  ce  tamps,  estoit  messires  Hues  de  Cavrelée  sus  le  marche 
d'Arragon,  à  une  routte  de  gens  d'armes,  de  quoy,  sitost  que  il 
entendi  que  li  Franchois  guerioient  le  prinche,  il  se  parti  et  s'en 
vint  en  Angouloimé  deviers  lui,  et  amena  ce  qu'il  avoit  de  gens. 
Se  le  rechupt  li  prinches  à  grant  joie,  et  le  fist  tantost  cappittainne 
et  souverain  de  touttes  les  Gompalngnes,  qui  estoient  nouvellement 
venues  de  Normendie.  Si  le  envoiea  li  dis  prinches,  et  toutes  ces 
gens  d'armes,  en  le  terre  le  comte  d'Ermignach  et  le  seigneur  de 
Labreth,  pour  ardoir  et  destruire  leur  pays  et  faire  y  guerre,  car 
chil  li  estoient  grant  ennemit.  F^*  155. 

P.  115,  1.  21  :  d'Ortige.  —  Ms.  A%  :  d'Ortinge.  F»  303  Y*. 

P.  115,  1.  îl  :  Perros.  —  Ms.  AS:  Pierre. 

P.  115,  K  21  :  Jakes.  —  Ms.  A  S  :  Raoul. 

P.  115,  1.  28  :  Rochewart.  —  Ms.  AS:  Rochechouart. 

P.  116,  1.  6  :  d'arciers.  —  Ms.  AS:  d'arbalestriers.  — 
Ms.  B  S  :  et  plus  de  trois  mille  combatans.  F^  730. 

P.  116,  1.  15  :  li  dus  de  Bretagne.  —  £es  mss.  £  ket  Al^ 
8  ajoutent  :  messires  Jehans  de  Montfort.  F®  301  v°. 

P.  116, 1.  19  :  Lagnigay.  —  Ms.  AS  :  Lagingay. 

P.  117,  1.  1  :  rihote.  —  Ms.  AS  :  riote. 

P.  117,  1.  31  :  deux  mU.  —  Ms.  £  %  :  bien  mille.  F»  731. 

§  613.  Li  contes  de  Cantbruge.  —  Ms.  d Amiens  :  Encorres 
envoiea  li  prinches  son  frère  monsigneur  Aimenon  et  le  jone 
comte  de  Pennebrucq,  à  tout  grant  fuisson  de  gens  d'armes,  en  le 
comte  de  Pieregorth.  Si  chevauchièrent  chil  seigneur  en  grant 
routte,  et  estoient  bien  troi  mil  combatans,  uns  c'autres,  et  entre- 
vu —  22 


338  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSÂRT.  [1369] 

rent  en  grant  effort  en  le  comté  dessus  dite  et  vinrent  mettre  le 
siège  devant  ung  très  fort  castel  que  on  claimme  Bourdille.  Si 
l'environnèrent  tout  autour.  Par  dedens  estoient  en  garnison  li 
doy  enfant  de  Batefol,  hardi  homme  durement  et  bons  guerieurs, 
frères  bastars  à  monsigneur  Seghin  de  Batefol,  dont  j'ay  parle 
chy  en  avant  en  l'istoire. 

Si  estoient  li  doy  escuier  pourvueu  moût  bien  dedens  Bourdille 
de  toutte  artillerie,  d'espringalles,  de  kanons  et  d'ars  à  tours,  et 
de  bons  compaignons  hardis  et  sceurs,  pour  le  deffendre  et  tenir, 
et  si  avoient  assés  par  raison  de  quoy  vivre.  Si  vous  di  que  de- 
vant Bourdille  eut  tamaint  assaut,  mainte  eskarmuce  et  maint 
puignies,  et  priesque  tous  les  jours.  F^  155.  • 

P.  H8y  1.  25  et  26  :  environ  quatre  jours.  —  Ms.  A%  :  trois 
jours.  F»  304  v«, 

P.  118, 1.  27  :  d'aler  en  le  Gascongne.  — Ms,  ^  8  :  de  partir 
d'Angoulesme. 

P,  119,  1.  8  :  exillier.  —  Ms.  A%:  assaillir. 

§  614.  En  le  garnison.  —  Ms.  et  Amiens  :  Enssi  estoient  les 
guerres  efforchies  de  tous  costës  ens  ou  royaunmie  de  Franche, 
car  messîres  Jehans  de  Buel,  uns  très  bons  chevaliers  bourghi- 
gnons,  et  messires  Guillaummes  des  Bordes  et  Caruels  estoient 
sour  les  marches  de  Poito,  à  plus  de  quinze  cens  combatans,  et 
faisoient  là  une  moult  forte  guerre  environ  Chastieleraut,  qui  se 
tenoit  de  monsigneur  Loeis  de  Halcourt,  et  coururent  moût  du 
plain  pays  de  Poito  à  Tencontre  d'yaux.  Ossi  de  par  le  prinche 
estoit  uns  bons  chevaliers  englès  et  grans  cappitainnes  de  gens 
d'armes,  messires  Simons  de  Burlé,  qui  defiendoit  et  gardoit  le 
pays  ce  qu*il  pooit,  et  chevauchoit  à  le  fois  sus  les  Franchois,  et 
li  Franchois  sour  lui,  et  avoient  souvent  des  durs  rencontres  :  à  le 
•fois  gaegnoient  li  ung,  et  puis  li  autre.  Dont  il  avint  que  messires 
Jehans  de  Buel  et  messires  Guillaumes  des  Bordes  et  Caruels,  bre- 
tons, et  leurs  routtes  chevauchoient  un  jour  ;  si  trouvèrent,  entre 
Mirabel  et  Luzegnan,  monsigneur  Simon  de  Burle'  et  ses  compai- 
gnons. Là  eut  dur  hustin  et  fort  et  bien  combatu,  et  pluisseurs 
reverssés  d'un  lés  et  de  l'autre.  Toutteffois,  li  Franchois  s'effor- 
chièrent  si,  et  si  vaillamment  se  comba tirent,  que  par  force  il  re- 
culèrent les  Englez  et  missent  en  cache.  Et  couvint  mcssire  Simon 
fuir,  et  fu  si  dur  et  si  roit  encauchiet  que,  au  destroit  d'un  pas- 
sage d'une  desroute  cauchic  qui  là  estoit,  il  fu  ratains,  et  trebuça 


[1369]      VARUNTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  615.         339 

ses  conrssiers,  et  chei.  Si  fu  tantost  environnes  de  touttes  pars, 
assaillis  fièrement  et  requis  que  il  se  volsist  rendre,  ou  autrement 
il  estoît  mors.  Quant  messires  Simons  se  vi  à  terre  et  en  ce  parti 
à  tel  meschief,  et  que  defiensce  n'i  valloit  riens,  si  se  rendi  et 
fiancha  prison  à  monsigneur  Jehan  de  Buel.  Si  retournèrent  li 
Franchois  à  grant  joie,  qui  eurent  le  journée  devant  yaux,  et 
ramenèrent  leurs  prisonniers  à  sauvetë.  De  le  prise  monsigneur 
Simon  de  Burlé  fust  li  prinches  courouchiés,  mes  amender  ne  le 
peut  tant  c'a  ceste  fois.  F<>  i55. 

P.  il 9,  1.  27  :  hardi.  —  Le  ms.  A  8  ajoute  :  entreprenans. 
F"  304  v«. 

P.  419,  1.  Î8  :  amiroient.  —  Ms.  B  k:  cremoîent.  F«  302.— 
Ms,  A^  :  amoient, 

P.  120,  1.  8  :  Garenloet.  —  Mss.  £  k  et  A  S  :  Oiarnet,  Car- 
net. —  Ms.  Al:  Jehan  Kaeranloet.  F»  299. 

P.  121,  1.  6  :  sept  cens  combatans.  -^Ms.  B  %  :  quinze  cens 
tanches.  F»  732. 

P.  121,  1.  13  :  li  aucun.  —  Ms,  AS:  les  Anglois. 

P.  121,  1.  17  :  puignie.  —  Ms.  AS:  poingniée. 

P.  121,  1.  2t  :  sievoîs.  —  Ms.  AS:  poursuis. 

P.  121,  1.  30  :  moult.  —  Le  ms.  A  8  ajoute  :  il  priaoit  et. 
F«  305. 

§  618.  Apriès  ceste  avenue.  —  Ms.  ^Amiens  :  Vous  avës 
bien  chy  dessus  oy  compter  coumment  messires  Jehans  Camdos  se 
tenoit  à  Montalben,  et  messires  Loeys  de  Halcourt,  messire  Loeys 
de  Melval,  monsigneur  Rainmon  de  Maruel,  li  sires  de  Pierebufière, 
li  sires  de  le  Ware,  li  captaux  de  Beus,  li  sires  de  Lespare,  li 
soudis  de  Lestrade,  messires  Thummas  de  Felleton  et  li  doy  frère 
de  Pummiers  et  pluisseur  bon  chevalier  et  escuier,  et  gardoient  le 
frontière  contre  les  Franchois.  Si  faisoient  souvent  des  yssues  et 
des  chevauchies  d'un  lés  et  de  l'autre,  et  ne  demandoient  autre 
cose  que  il  pewissent  trouver  leurs  ennemis.  Si  partirent  un  jour 
de  Montalben  en  grant  arroy  et  chevauchièrent  deviers  Toulouse, 
et  vinrent  mettre  le  siège  devant  un  fort  castiel,  que  on  appelle 
Terrières.  Si  l'environnèrent  de  tous  costés,  et  puis  ordounnèrent 
et  counimandèrent  as  mineurs  qui  là  estoient,  qu'il  s'aprestassent 
et  se  missent  em  painne  et  en  pourcach  de  l'avoir  par  mine.  Li 
mineur,  qui  sont  coustummiers  et  usés  de  chou  faire,  eurent  tan- 
tost adviset  là  ou  il  coummencheroient  leur  minne.  Si  abillièrent 


340  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

leurs  instnimens  et  minèrent  vistement  et  fortement,  et  fissent 
grans  petruis  par  desoubs  lez  murs.  Avoec  tout  ce,  quant  li  che*- 
valier  sentirent  que  leur  ouvrier  estoient  au  dessus  de  leur  ou- 
vraige,  il  se  missent  à  assaillir  chiaux  de  dedens.  Là  eut  grant 
assaut  fort  et  bien  ordounnë,  mes  finablement  chil  qui  estoient  en 
le  mine,  entrèrent  par  desoubs  terre  en  le  villine;  et  ensonunèrent 
tellement  les  deffendans,  qu'il  les  reboutèrent  arrière  des  murs, 
et  perdirent  tout  arroy  et  ordounnanche  de  deffendre,  et  entrèrent 
ens  li  assallans  par  force.  Si  fu  la  ville  de  Terrières  prise  et  gae- 
gnie,  toutte  pillée  et  robée,  et  y  eut  moult  de  gens  ochis.  Quant 
li  Englès  en  eurent  fait  leur  voUenté,  il  s'en  partirent  et  s'en  re- 
vinrent arrière  à  Montalben. 

Assës  tost  apriès,  fissent  il  une  autre  chevauchie,  et  avoient 
espiiet  et  adviset  le  bonne  ville  c'on  dist  Laval,  à  trois  lieuwes 
près  de  Toulouse.  Si  avoient  laissiet  une  grosse  embusque  en 
un  bois,  environ  demy  lieuwe  enssus  de  le  ville,  et  yauz  six  vingt 
armes  couvertement  et  en  cotes  de  vilains,  et  en  venoient  tout 
devant,  et  fuissent  sans  faute  entre  en  le  ville;  mais  il  furent 
descheu  par  l'un  de  leurs  compaignons,  de  qui  la  coûte  de  fier 
passoit  et  appairoit  dessous  sa  coûte  de  viilain;  et  le  perchupt  un 
variez  dou  pais,  qui  venoit  piet  à  piet  avoecq  yaux,  siques,  quant 
il  durent  approchier  la  porte,  il  se  mist  au  cours  tout  devant,  et 
dist  as  gardes  de  le  porte  :  «  Cloës,  cioés,  seigneurs  I  Tral  I  trall 
Veci  les  Englès.  »  Si  cloirent  chil  tantost  le  porte  et  sounnèren! 
leur  cloche  et  se  missent  as  murs  et  as  defiensces  de  la  ville.  Par 
enssi  fallirent  li  Englès  à  leur  emprise,  dont  il  furent!  moult  cou- 
rouchiet,  et  retournèrent  arrierre  à  Montalben,  dont  il  s'estoient 
parti. 

En  ce  tamps,  chevauchoient  adonc,  dou  costé  des  Franchois,  li 
viscomtes  de  Quarmaing,  li  comtes  de  Gomignes,  lî  comtes  de 
Laille,  li  comtes  de  Pieregorth,  li  comtes  de  Murendon,  li  comtes 
de  Talar,  li  viscomtes  de  Brunikiel,  les  gens  le  seigneur  de  La- 
breth,  et  le  comte  d'Ermignach,  li  sires  de  la  Barde,  li  sires  de 
Tharide,  li  sires  de  Picomet,  et  les  Gompaingnes  :  messires  Perdu- 
cas  de  Labreth,  messires  Berardet  de  Labret,  messires  Garcis 
dou  Gastiel,  le  Petit  Mescin,  Janikot,  d'Orteine,  Lamit,  le  bourch 
de  Tarse,  le  bourch  de  Bretuel,  et  vous  di  que  à  ce  donc  il  tenoient 
les  camps.  Si  entrèrent  en  Quersin,  gastant  et  essillant  le  pays, 
et  s'en  vinrent  devant  Roiauville  en  Quersin  ;  si  Tasegièrent.  Par 
dedens  avoit  aucuns  bons  escuiers  englès  et  archiers,  que  li  senes- 


[f369]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  616.         3M 

eaux  de  Quersin  y  avoit  estaublis,  qui  jammès  ne  se  fuissent 
rendu,  quoyque  les  Englès  de  le  ville  en  fuissent  bien  en  voUenté, 
mais  dissent  qu'il  se  tenroient  bien  et  vaillamment.  Quant  li  Fran- 
chois  furent  venu  devant  Royauville,  si  l'asegièrent  de  tous  les 
et  dissent  bien  qu'il  ne  se  partiroient  mies  enssi.  Si  assaillirent 
chiauz  de  dedens  fortement,  et  fissent  drechier  grans  engiens  de- 
vant le  ville,  qu'il  faisoient  acariier  avoecq  yauz,  qui  estoient  de 
la  chité  de  Thoulouse.  Là  eut,  je  vous  di,  par  pluisseurs  jours, 
moult  de  grans  assaus  et  de  belles  appertisses  d'armes  faittes. 
Touttefois  finablement,  à  un  grant  assaut  qui  fu  entre  les  autres,  li 
Franchois  assaillirent  si  ouniement  et  si  bien  continuèrent  que  de 
forche  ils  prissent  Royauville.  Et  furent  tous  li  englès  qui  dedens 
estoient  mort  et  ochis,  sans  nul  prendre  à  merci.  Et  fissent  jurer  as 
hommes  de  le  ville  que ,  de  ce  jour  en  avant ,  il  seroient  bons 
franchois  et  loyal,  et  le  jurèrent  et  eurent  en  couvent;  et  furent 
tout  joiant,  quant  par  enssi  il  peurent  escaper.  V^  155. 

P.  1 22,  1.  7  :  Montalben.  '■^Lenis.BQ  ajoute  :  et  estoient  bien 
douze  cens  lanches  et  trois  mille  combatans^  parmy  les  archiers. 
F» 732. 

P.  122, 1.  29  :  desous.  —  Ms.  A  8  :  couvertement.  P>  305  v*. 

P.  122, 1.  31  et  32  :  aultrement....  Montalben.  —  Ms.  AS: 
lequel  descouvri  la  besoingne,  et  par  ce  ilz  fallirent  à  avoir  la 
ville  et  à  leur  entente,  et  s'en  retomèrent  arrière  à  Montalben* 

P.  123,  1.  8  :  d'Ortige.  ^  Ms.  A  S  :  d'Ortînge. 

P.  123,  1.  9  :  Paus.  —  ilf^.  ^  8  .*  Pans« 

P.  123,  1.  10  :  dix  mil.  —  Ms.  B  %  :  plus  de  douze  mille. 
F*  734. 

P.  123,  1.  22  :  peuissent.  ^  Ms,  A  %  :  eussent  peu. 

§  616.  Endementrues.  —  ilfr.  d Amiens  :  Entroes  que  ces  gens 
d'armes  se  tenoient  sour  le  pays  et  chevauchoient  tant  d'un  les 
comme  de  l'autre,  se  parti  de  Thoulouse  li  arcevesques  de  la  ditte 
chitë,  par  le  promovement  dou  duc  d'Ango  qui  là  se  tenoit.  Et 
s'en  vint  en  le  chitë  de  Chaours,  dont  ses  frerres  estoit  evesques, 
qui  le  rechupt  liement.  Ghils  arcevesques  de  Thoulouse  preecha 
la  querelle  dou  roy  de  Franche  si  bellement  et  si  sagement ,  et  si 
volentiers  l'olrent  chil  de  Chaours,  que  briefiment  il  se  tournèrent 
et  relenquirent  le  prinche  et  les  Englès,  et  jurèrent  solempnelment 
à  estre  bons  françois  et  loyal.  Apriès,  chevaucha  li  dis  arcevesques 
verg  Villefranche  de  Quersin,  et  preecha,  en  la  ditte  ville,  la  que- 


34S  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT.  [i969] 

relie  dou  dit  roj  de  Franche  :  si  se  toaraa  ossi  la  ditte  vîUe  et 
devint  franchoise.  Et  ptiis  chevaucha  vers  Rodes,  et  le  fist  tour- 
ner, et  Figachy  Gramach,  Rocemadour  et  Capdonach«  Et  fist 
li  arcevesques  de  Toulouse  retourner  franchoises  plus  de  sois- 
sante  villes,  cites  et  castiaux,  parmj  le  comfort  de  monsigneur 
Jehan  d'Ermignach,  de  monsigneur  Jehan  de  Villemur,  de  Rogier 
de  Biaufort,  dou  signeur  de  Seregnac,  qui  chevauchoient  et 
tenoient  sour  le  pays  grant  routte.  Enssi  estoient  ces  terres  que 
je  vous  nomme,  en  grans  variemens;  ne  meysmement  les  cbitéi, 
les  villes  ne  li  castiel  ne  savoient  que  faire  pour  le  milleur,  ne  li 
plus  des  gens  dou  pays  ne  savoient  liquel  avoient  droit  ou  tort  :  si 
estoient  tout  en  grant  branlle  et  vi voient  en  grant  tribulation.... 
F*i55. 

Or  revenrons  au  roy  d'Engleterre ,  qui  fu  durement  cou- 
rouchiës  des  nouvelles  qu'il  avoit  oyes  et  de  celles  encorres  que  il 
ooit  tous  les  jours,  de  che  que  on  li  tolloit  et  prendoit  enssi  le 
pays  qui  se  tenoit  pour  sien.  Si  envoiia  tantost  grans  gens  d'ar- 
mes à  CallaiSy  à  Ghinnes  et  à  Ardre,  pour  defiendre  et  garder  les 
frontierres  contre  les  Franchois;  car  li  comtes  de  Saint  Pol,  qui 
li  estoit  moût  grans  ennemis,  se  tenoit  à  Saint  Orner  à  plus  de 
mil  combatans,  et  couroient  li  Franchois  tous  les  jours  jusques  à 
Ardre.  Et  si  envoiea  encorres  li  dis  roys  englès  grant  fuisson  de 
gens  d'armes  sus  les  mettes  .d'Escoche ,  à  Bervich  et  à  Rose- 
bourch  ;  car  il  se  doubtoît  que  li  Escos  ne  se  revellassent  contre 
li  t  sus  son  pays,  et  que  li  rois  d'Escoce  n'ewist  fait  nouvelles 
alianches  au  roy  de  Franche. 

Encorres  envoiea  grans  messaiges  li  roys  englès  deviers  son 
nepveut  monsigneur  Edouwart  de  Guerlle,  en  lui  remoustrant,  et 
complaindoit  des  tors  que  li  rois  de  Franche  li  faisoit,  et  que, 
par  linaige  et  pour  droit  aider  à  soustenir,  il  ne  li  vosist  mies 
fallir.  Messires  Edouwars  de  Guerlles  et  li  dus  de  Jullers,  ses 
serourges,  eurent  en  couvent  au  roy  englès  que  il  le  serviroient 
et  aideroient  à  mil  lanches  contre  le  roy  de  Franche  et  les  Fran- 
chois, et  deffiièrent  cil  doy  seigneur  tost  et  appertement  le  roy  de 
Franche.  Quant  li  rois  de  Franche  s'en  vit  defQiés,  il  trouva 
voies  et  pourcach  pour  yaux  guerriier  et  ensonniier  dou  duc  de 
Braibant ,  son  oncle,  et  dou  comte  de  Clèves  et  de  aucuns  sei- 
gneurs d'Alemaigne  qu'il  atraist  à  son  acord. 

Encorres  envoiea  grans  messaiges  li  roys  englès  deviers  sa  cou- 
sinne  madamme  Jehanne,  dnçoise  de  Braibant,  en  lui  complain- 


[1369]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  6i6.         343 

dant  des  tors  et  des  injures  que  li  roys  de  Franche  li  faisoit.  Et 
prioit  li  roys  à  sa  consinne,  à  tout  le  mains,  se  elle  ne  ses  pays 
ne  voUoient  estre  de  son  acord  ne  tenir  lez  allianches  de  jadis , 
que  li  dus  de  Braibant,  ses  cousins  et  pères  à  le  dite  damme,  et  li 
pays  de  Braibant  avoient  juret  et  saieÛet,  elle  ne  fust  mies  enne- 
mie ne  contraire  «\  lui.  Li  chevalier  qui  envoiiet  y  estoient,  mes- 
sires  Richars  Sturi  et  messires  Thummas  Kock,  de  par  le  roy 
englès,  esploitièrent  si  bien  que  la  duçoise  de  Braibant  eut  en 
couvent  que  elle  ne  ses  pays  ne  se  mouveroit  de  ceste  guerre.  Et 
enssi  eut  li  dus  Aubers,  car  grans  messaiges  li  furent  envoiiet. 

Encorres  escripsi  fiablement  li  roys  englès  et  manda  à  ce  jentil 
chevalier  monsigneur  Robert  de  Namur,  que  il  fuist  tous  appa- 
reilliës  de  venir  deviers  lui,  quant  il  seroit  mandés,  et  qu'il  rete- 
nist  chevaliers  et  escuiers  de  tous  lés,  car  il  les  paieroit  et  deli- 
veroit  thous.  Ces  nouvelles  pleurent  moult  bien  à  monsigneur  Ro- 
bert de  Namur,  et  festia  et'  requeilli  liement  lez  messaiges  dou  roy 
englès,  et  leur  dist  que  il  estoit  tous  près,  quant  li  rois  le  vorroit 
mander,  et  deux  cens  ou  trois  cens  armures  de  fer  en  se  compai- 
gnie.  Ensi  se  pourveoient  li  doy  roy  de  gens  d'armes,  li  uns  d'un 
costë  et  li  autre  d'autre,  et  prioient  et  requeroient  leurs  amis 
partout  où  il  les  penssoient  à  avoir...  F*  154. 

Se  li  roys  Caries  de  Franche  faisoit  grant  appareil  par  terre 
et  par  mer  pour  gueriier  le  roy  d'Engleterre,  li  roys  englès  otant 
bien  se  pourveoit  à  l'autre  lés,  et  fist  tant  que  ses  nepveux  mes- 
sires Edouwars  de  Guérie,  qui  avoit  à  espeuse  Taisnée  fille  à 
monsigneur  le  duc  Aubert^  defQa  le  roy  de  Franche  et  proumnûst 
à  son  oncle  le  dit  roy  et  ses 'cousins,  ses  enfans,  que  il  feroit  une 
très  grande  guerre  et  forte  en  Franche  ;  et  avoit  de  son  acort  son 
serourge  le  duc  de  JuUers,  et  dévoient  y  estre  tout  doy  de  une 
alianche  et  d'une  yssue,  et  dévoient  mettre  sus  mil  lanches  de 
droite  gens  d'armes,  bien  montes  et  bien  armes. 

Encorres  escripsi  li  roys  englès  et  envoiea  grans  messaiges  de- 
viers ce  gentil  chevalier  monsigneur  Robert  de  f^amur,  en  lui 
priant  et  amonestant  que  il  se  pourveyst  grandement,  seloncq  son 
estât,  de  chevaliers  et  d'escuiers  et  de  gens  d'armes.  Messires 
Robers  respondi  qu'il  estoit  tous  près,  quant  il  plairoit  au  roy  ou 
à  son  fil  le  duc  de  Lancastre^  qu'il  trayst  avant. 

Entroes  que  ces  besoingnes  s'ordounnoient  et  que  cil  roy  se 
pourveoient  enssi  par  terre  et  par  mer,  et  que  chacuns  acqueroit 
amis  là  où  il  les  pooit  ne  penssoit  à  avoir,  se  avisa  encorres  li 


344  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

dis  roys  de  Franche  que  il  envoieroit  as  barons  de  TEmpire»  es- 
peciaiement  en  la  duché  de  Braibant  et  en  le  comté  de  Flandres 
et  de  Haynnau,  de  Hollandes  et  de  Zellandes,  la  certainne  trieur 
de  le  chartre  de  le  pais  qui  jadis  fu  faitte  et  acordée  à  Bretegny, 
pries  de  Gartres,  pour  mieus  emfourmer  les  seigneurs  en  quoy  li 
roys  d'Engleterre,  par  son  seellé,  et  si  emfant,  estoient  obligiet 
et  aloiiet.  Si  le  fist  coppiier  em  pluisseurs  coppies,  et  en  envoiea 
au  ducq  de  Braibant,  son  oncle,  au  ducq  Aubert,  son  cousin,  au 
comte  de  Clèfves,  à  messire  Jehans  de  Blois,  et  enssi  as  barons  et 
as  conssaux  des  seigneurs,  laquelle  chartre  de  le  paix  parloit  enssi  : 
u  Edouwars,  etc.  *  » 

Encorres  estoit  escript  en  ceste  grosse  lettre  une  autre  lettre 
obligatoire  tretians  sus  fourme  de  commission ,  envoiie  dou  dit 
roy  Edouwart  d'Engleterre  par  ses  marescaux ,  de  fortrèce  en 
fortrècCy  apriès  le  pais  ûdte  traitie  à  Bretegny  dallés  Chartrez,  et 
confremée  à  Calais  ;  et  en  faisoit  faire  li  dis  roys  de  France  men- 
tion, pour  tant  que  il  volloit  que  on  sewist  clerement  se  li  roys 
d'Engleterre  et  li  prinches  de  Galles,  ses  fils,  avoient  bien  tenu  et 
acompli  ce  que  il  avoient  juré  et  promis  par  leur  seellé,  laquelle 
teneur  de  la  ditte  ooppie  s'ensuist  ensi  :  «  Edouwars,  etc.  '  » 

Si  prioit  li  roys  Caries  de  Fraitche  humblement  à  tous  les  sei- 
gneurs dessus  dis  et  à  leurs  conssaux  que  ilz  volsissent ,  à  grant 
loisir,  lire  ou  faire  lire  ces  présentes  lettres,  et  regarder  et  yma- 
giner  sus  et  bien  examiner  de  poinct  em  poinct,  car  il  juroit  et 
prommetoit  en  se  loyauté  que  oncque  li  roys  d'Engleterre  ne  ses 
fils  li  prinches  de  Galles,  par  especial,  n'en  avoient  mies  tenu 
ne  acompli  le  dizime  partie  :  pour  qnoy  il  disoit  que  ilz  avoient 
allé  et  erré  contre  leur  sierement,  et  enfiraint  et  brisié  le  pais  sans 
nul  title  de  raison,  et  tenu  et  envoiiés  gens  d'armes  et  Compaignes 
sus  le  royaumme  de  Franche,  et  avoient  retenu  pluisseurs  cap- 
pittainnes  et  autres  des  Compaingnes,  tant  Englès  comme  Gascon, 
qui  avoient  estet  pris  ou  royaumme  de  Franche.  Quant  on  les 
faisoit  morir  pour  leurs  villains  fais,  tek  que  le  bourch  Camus,  le 
bourch  de  Bretuel,  Espiotte,  Batillier  et  Jehan  le  Nègre,  sus  leur 
mort,  il  confessoient  que  li  prinches  de  Galles  les  avoit  envoiiés, 
et  envoieoit  ains  le  guerre  ouverte  encorres  tous  les  jours.  Si 

1.  Le  manmcrit  d'Amiens  donne  ici  la  charte  qae  nous  avons  pu» 
bUée  tome  VI,  S  480,  p.  27  à  33. 

2.  Voyez  ci-dewni  %  602,  p.  87  k  91. 


[1309]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  ^^0*         3^^ 

devës  sçavoir  que  telx  paroUes  et  moustranches  que  li  roys  de 
Franche  moustroit  et  declaroit,  coulouroient  moût  ses  besoingnes. 
Si  les  fist  il  preechier,  publiier  et  remoustrer  notoirement  et  ge- 
neraument  parmy  son  royaumme  par  monsigneur  Guillaume  de 
Dormans ,  qui  bien  le  savoit  faire,  et  pluisseurs  autres  prelas  et 
ses  offisciers,  ydosnes  et  propisses  à  ce  faire  ;  et  en  signe  d'ume- 
lité  et  en  cremeur  de  Dieu ,  il  en  faisoit  faire  pourcessions  pu- 
blicques,  et  ils  meysmes  et  la  roynne  de  Franche  y  aloient  en 
grant  dévotion,  tout  à  nus  pies.  D'autre  part,  li  roys  Edouwart 
d'Engleterre,  en  son  pays  et  par  dechà  le  mer,  as  seigneurs  de 
son  acord  et  à  H  alyé  se  complaindoit  trop  grandement  dou  roy 
de  Franche,  et  moustroit  voies  de  droit  et  de  raison,  qui  ooit  et 
entendoit  ses  lettres  et  ses  proches.  Et  pour  ce,  se  il  envoieoient 
enssi  des  uns  as  autres,  ne  se  laissoient.'il  mies  à  pourveir  et  a 
gueriier  Tun  l'autre  par  mer  et  par  terre.  F^*  162  à  164. 

P.  124,  1.  8  à  13  :  telz  que....  gens  d'armes.  —  Ms,  B  Q  : 
messire  Jehan  d'Erminach,  messire  Jehan  de  Villemur,  le  sire  de 
Bieaugieu,  le  sire  d'Alençon,  messire  Jehan  de  Boullongne,  messire 
de  Sailly,  messire  Robert  de  Sansoire,  marisal  de  Franche,  ou 
lieu  de  messire  Emoul  d'Audrehem  qui  estoit  nouvellement  mort 
à  Paris  sus  son  lit.  P>  734. 

P.  124,  1.  11  :  Serignach.  —  Mf .  j4  S  :  Sergnac.  P»  306. 

P.  124, 1.  15  :  apovrissoient.  —  Le  nu»  A  8  ajoute  :  domma- 
goient. 

P.  124,  1. 19  :  leurs  gens.  —  ilf/.  A  S  :  le  duc  de  Berry  et  ses 
gens. 

P.  124,  1.  25  et  26  :  si  bellement.  —  Ms.  AS:  par  si  bonne 
manière. 

P.  124,  1.  30  :  la  querelle.  —  Ms.  ^  8  :  le  bon  droit. 

P.  125,  1.  4  :  Gramach.  —  Ms.  AS:  Gramat. 

P.  126,  1.  18  :  envoiiet. -^Ms.  AS:  enjoint. 

P.  126, 1.  24  :  lés.  ^Ms.AS  :  pais. 

P.  127,  1.  30  et  31  :  soutiens.  —  Mss,  A  1,  S  :  soubtilz. 
F»  300  v«. 

P.  128,  1. 10  :  eu.  —  Jlfr  ^  8  ;  sur  ce. 

P.  128,  1.  12  :  cambres.  —  Le  ms,  A  S  ajoute  :  et  compain- 
gnies. 

P.  129,  1.  4  :  trau.  —  Ms.  Al:  dommage.  —  Ms»  AS  : 
cam. 

P.  129,  1.  4  :  vint.  —  Ms.  A  1  :  neuf. 


346  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

§  617.  Vous  avés.  —  Ms.  J  Amiens  :  En  ce  tamps,  envoiea  U 
comtes  Loeis  de  Flandres  grans  messaiges  en  Engleterre,  pour 
requerre  au  roy  que  il  le  volsist  quitter  d'aucuns  couvens  que  il 
avoient  enssamble ,  pour  le  cause  dou  mariaige  dont  j'ay  parlé 
chy  dessus  en  ceste  histoire,  de  la  fille  dou  dit  comte  et  dou  fil 
dou  dit  roy,  le  comte  de  Gantbruge  :  lequel  mariaige  pappes 
Urbains  ne  vot  oncques  dispensser,  et  cousta  au  roi  d*£ngleterre 
li  pourcach  très  grant  avoir,  mais  li  pappes  avoit  dit  et  juret 
que,  pour  lui  detraire  as  chevaux,  il  ne  le  dispensseroit  ja.  Et 
qant  li  roys  englès  vit  chou  que  il  n'en  aroit  aultre  cose ,  enssi 
comme  tout  tannes  il  quitta  le  comte  de  Flandres  et  la  damme 
ossi.  Si  vous  di  que,  sitost  que  les  quittanches  furent  faittes,  li 
mariaiges  fu  fais,  car  il  estoit  ja  tout  tredés  de  celle  damme,  fille 
au  comte  Loeis  de  Flandres,  et  de  monsigneur  Phelippe,  ducq  de 
Bourgoingne,  maisnë  frère  dou  roy  Carie  de  Franche,  parmy  tant 
que  ly  roys  de  Franche  rendi  et  quitta  tout  liegement  au  comte  de 
Flandres  et  à  le  comtet],  et  à  tousjours  mes,  Lille  et  Douay  et 
touttes  lez  appendanches;  et  encorres  eut  li  comtes  de  Flandres, 
pour  lez  frès  de  lui  et  de  ses  gens,  six  vingt  mil  frans  franchois. 
Si  espousa  li  dis  dus  de  Bourgoingne  la  fille  au  comte  de  Flan- 
dres en  l'abbeie  de  Saint  Piere  de  Gand,  et  là  eut  grans  festez  et 
nobles  et  moût  de  signeurs,  et  y  jousta  on  par  trois  jours.  Ce  fu 
environ  le  | Saint  Jehan  Baptiste,  Tan  de  grasce  mil  trois  cens 
soissante  et  neuf.  Or  revenrons  as  besoingnes  d'Acquittainne. 
F»  154  V*. 

P.  129,  1.  25  :  paraus.  —  Mss.  ^  7,  8  ;  pareil.  F«  301. 

P.  129, 1.  28  :  Cil.  —  Le  ms.  A  8  ajoute  :  qui  envoiex  y  furrat. 

P.  1 30,  1.  5  :  li  contes.  —  Le  ms.  A  8  ajoute  :  de  Flandres. 

P.  130,  1. 12  :  wage.  —  Ms.  A  8  :  gage. 

P.  130,  1.  19  :  affreoit.  —  ifefx.  A  8  :  afiferoit. 

P.  130,  1,  3i  et  32  :  un  petit  plus  firans  et  plus  fors.  —  Ms, 
A  1  :  xm  petit  plus  frans  et  plus  durs,  —  Ms,  A  %  :  plus  dur  et 
plus  fel.  F*  307  v«. 

P.  130,  1.  32  :  grignes.  —  ilf j.  A  8  :  griefz. 

§  618.  Li  roia  Edowars. —  Ms,  i Amiens:  En  ce  tamps,  passa 
li  roys  Caries  de  Navarre  outre  en  Engleterre ,  et  trouva  le  roy 
englès  et  le  duc  de  Lancastre,  son  fil ,  et  une  partie  du  consseil 
d'Engleterre  en  l'ille  de  Cepée ,  en  ung  moût  biel  castiel  que  li 
roys  englès  avoit  là  fait  faire  et  fonder  nouvellement  sus  le  rivière 


[1369]      VAIUAirrES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  619.         347 

de  Tamise,  assës  priés  de  Cantorbie.  Si  eurent  chi)  doy  roy  par- 
lemenSy  tretiës  et  aliances  adonc  enssamble,  et  devoit  11  roys  de 
Navarre  faire  gaerre  au  roy  de  Franche,  lui  revenut  en  Normen- 
die.  Enssi  le  proumroîst  il  au  roy  englèz  et  Teut  en  couvent  ;  si 
s'en  retourna  arrière  en  son  pays  à  Chierebourch,  où  il  se  tenoit. 
Et  le  raconvoiièrent  les  gens  dou  roi  englès,  tant  qu'il  fu  ^à  où 
il  volloit  y  estre,  asquelx  il  n'ezchei  mies  trop  bien  à  leur  retour; 
car,  ensi  qu'il  s'en  ralloient  en  SUgleterre,  il  encontrèrent  quatre 
nefs  de  Normans  à  qui  il  leur  couvint  parler.  Si  furent  assailli  li 
Englès  qui  là  estoient,  mort  et  desconfit  une  nef  tant  seuUement  9 
mais  petit  y  avoit  de  gentils  honmiez,  fors  que  gens  d'offîsse.  Si 
desplaisoit  il  mont  au  oy  englès ,  quant  il  oy  recorder  ces  nou- 
velles que  ses  gens  avoient  eu  ung  si  dur  rencontre.  P  162. 

P.  131,  1.  12  :  les.  —Ms.  A  8  :  coste*.  P>  307  v«. 

P.  131,  1.  26  :  se  tenoit.  —  Ms,  ^  8  :  se  tenoient. 

P.  131,  1.  27  :  partout.  —  ilfr.  A  8  :  par  toutes. 

P.  132,  1.  20  :  moult  mal.  —  Les  mss.  A  iti  à  il  ajoutera  : 
car  endeméntres  que  le  roi  de  Navarre,  qui  nouvellement  estoit 
venu  d'Engleterre  de  parlementer  avec  le  roi ,  si  comme  j'ai  dit 
d  devant,  festioit  ces  chevaliers  d'Engleterre  qui  raconduit  et  ra- 
mène l'avoienty  seurent  aulcuns  Normans  et  Bretons  et  aultres 
escumeurs  de  mer,  ceste  avenue  du  roi  de  Nayarre  et  des  Englès, 
et  comment  il  s'en  dévoient  tantost  retourner  en  Engleterre.  Si 
s'ordonnèrent  et  misent  en  aguet  sus  mer,  et  assës  tost  rencon- 
trèrent ces  chevaliers  d'Engleterre  qui  parti  estoient  de  Chiere- 
bourch et  du  roi  de  Navarre  et  s'en  retoumoient  en  leur  pays  ne 
point  ne  se  donnment  de  garde.  Si  rencontrèrent....  F"  338  v<». 

P.  132,  1.  32  :  querre.  —  Ms.  AS  :  quérir. 

P.  133,  1.  2  :  donna.  —  Le  ms.  A  8  ajoute  :  congiet. 

P.  133,  1.  14  :  le  captai.  — Le  ms.  A  S  ajoute  :  de  Beuch. 

§  619.  En  ce  temps.  — Ms,  d* Amiens  :  Si  comme  nous  avons 
parle  ung  grant  tamps  des  besoingnes  et  des  avenues  qui  avinrent 
adonc  en  Ango,  em  Poito,  en  Tourainne,  en  Saintonge,  en  le  Ro- 
celle  et  en  le  Langhe  d'Ok,  et  des  rebellions  des  villes,  des  chitës 
et  des  castiaux,  et  ossi  des  gentilz  hommes  qui  s'esmurent  et  se 
levèrent  contre  le  prinche  tl'Acquittainne  et  se  tournèrent  fran- 
chois,  nous  convient  parler  des  avenues  qui  avinrent  en  celle 
saison  en  Picardie,  environ  Saint  Omer,  Arde,  Ghines  et  Calais. 
Si  vous  di  que  li  roys  Caries  de  Franche  avoit  si  grossement  et  si 


348  CHRONIQUES  DB  J.  FROISSAET.  [i369] 

grandement  pourvuea  ces  frontières  de  bonnes  gens  d'armes,  qoe 
on  ne  pooit  entrer  ne  chevauchier  ou  pays  de  Pikardie ,  fors  à 
grant  routte;  et  en  estoit  cappittainnes  et  mestres  souverains  li 
comtes  de  Saint  Pol,  qui  tenoît  plus  de  mil  combatans  ens  è$ 
fortrèches  et  sus  les  frontières  par  les  garnisons.  Et  estoit  à  ce 
donc  cappittainnes  de  Boulongne  li  sires  de  Saintpi,  qui  de  gar- 
der son  frontière  faisoit  moût  bien  son  devoir.  Si  s'esmurent  en 
cel  estet  tout  li  chevaliers  et  eecuier  d'Artois,  et  de  Haynnau 
aucuns,  et  par  especial  messires  Jehans  de  Werchin,  senescaux 
de  Haynnau,  li  sires  de  Floion,  et  li  connestables  de  France  pour 
le  temps,  messires  Moriaux  de  Fiennes,  et  s'en  vinrent  devant  le 
bastide  d'Arde,  et  s'y  ordounnèrent  et  appareillièrent  pour  l'as- 
saillir. Et  là  eut  à  ceste  assamblëe  plus  de  cinq  cais  chevaliers 
et  escuiers  franchois  et  leurs  gens;  mes  noient  n'y  fissent.  Si 
furent  il  par  devant  je  croy  cinq  jours,  et  y  fissent  aucunes  es« 
carmuches ,  mes  riens  n'y  conquestèrent.  Quant  il  virent  que  il 
ne  pooient  riens  gaegnier  à  assaillir  Arde  et  que  elle  estoit  trop 
bien  gardée  et  pourvueue,  si  s'avisèrent  que  il  se  retrairoient  en 
leur  fortrèce  et  guerriroient  par  garnisons.  Si  se  départirent, 
et  s'en  ralla  chacuns  là  où  il  estoit  ordounnës  pour  li  tenir,  et 
li  senescaux  de  Haynnau  s'en  alla  en  Franche  Jdeviers  le  roy. 
F»  161  V*. 

P.  133, 1.  20  :  d'Arde.—Ms.  A  8 .•  d'Ardre.  F«  308. 

P.  133,  1.  23  :  seneschaus.  —  Ms,  AS:  connestable. 

P.  134,  1.  5  :  firice.  —  Ms,  A  8  :  frique. 

§  6S0.  Nous  revenrons.—  Ms.  d Amiens  :  La  (devant  Royan- 
ville)  eut,  je  vous  di,  par  pluisseurs  jours  moult  de  grans  assaus 
et  de  belles  appertisses  d'armes  faittes.  ToutteCTois  finablement,  à 
un  grant  assaut  qui  fu  entre  les  autres,  li  Franchois  assaillirent 
si  ouniement  et  si  bien  continuèrent  que  de  forche  il  prissent 
Royauville,^  et  furent  tout  li  Englès  qui  dedens  estoient  mort  et 
ochis,  sans  nul  prendre  à  merci.  Et  fissent  jurer  as  hommes  de  le 
ville  que,  de  ce  jour  en  avant,  il  seroient  bons  Franchois  et  loyal, 
et  le  jurèrent  et  eurent  en  couvent,  et  furent  tout  joyant,  quant 
par  enssi  il  peurent  escaper. 

Et  toudis  se  tenoit  en  la  Millau  li  senescaux  de  Roherge,  mes- 
sires Thummas  de  Wettevale,  quoique  li  pays  d'environ  lui  se 
toumast  franchois,  et  faisoit  souvent  desyssues  et  des^phevauchies 
moult  honnerables  pour  lui;  et  tenoit  enoorres  une  fortrèche,  que 


[1369]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  62i.         349 

on  appelloit  le  Roche  Vauclère ,  ou  souveut  chevauchoit  de  l'un 
à  l'autre,  pour  rafreschir  ses  gens  et  y  aux  renouveller  de  com- 
fort  et  de  corage  et  regarder  coumment  il  leur  estoit.  Or  retour - 
rons  nous  au  siège  de  Bourdille ,  en  le  comte  de  Pieregorth,  qui 
ne  fait  mies  à  oubliier.  F^  155  v^. 

P.  134,  1.  19  :  gens.  —  Le  ms.  A  8  ajoute  :  d'armes. 

P.  134,  1,  25  :  besongnast.  —  Ms.  A  8  :  besoing  eust  esté. 

P.  135,  1.  1  :  Pennebruch.  — "^Ms.  A  8  ;  Pennebroch. 

P.  1 35,  1.  1  :  seoient.  —  Ms.  AS:  estoient  à  siège. 

P.  J35,  1.  22  :  Paus.  —  Jlfj.  A  8  :  Pans. 

P.  435,  1.  24  :  Laille.  —  Mss.  A  1,8:  Lisle. 

P.  136,  1.  3  :  Wettevale.  — iltff.  A  8  .'  Witevale. 

P.  136,  1.  8  :  Roerge.  — Ms,  AS:  Bretaingne. 

P.  136,  1.  11  :  jusques  adonc.  ^^Ms.  AS:  jusques  à  ce. 

§691.  Sur  les  marces.  —  Ms,  d'Amiens  :  En  ce  tamps,  si 
comme  je  vous  ay  ja  dit  chy  dessus,  estoient  sour  les  marces  de 
Poito  et  de  Tourainne  messires  Guillaummes  des  Bordes,  mes- 
sires  Jehans  de  Buel,  messires  Loeis  de  Saint  Juliien  et  Caruel  le 
Breton  et  leurs  routtes.  Si  penssoient  et  estudioient  nuit  et  jour 
coumment  il  pewissent  grever  les  Englès  et  leurs  ennemis.  Si 
avisèrent  tant  qu'il  prissent  de  nuit  et  emblèrent  par  esciellement 
le  fort  castiel  qui  s'appelle  le  Roche  de  Ponsoy  en  Poito,  sus  le 
rivierre  de  Cruese,  à  deux  liewes  de  le  Haie  en  Tourainne  et 
asses  priés  de  Casteleraut  :  de  quoy  tous  li  pays  d'environ  fu  du- 
rement effraés,  et  chil  dou  lés  des  Franchois  grandement  recom- 
fortes,  car  tantost  il  missent  une  bonne  grosse  garnison  dedens, 
sus  le  comfort  de  le  fortrèce. 

En  ce  meysme  tamps,  tenoient  les  camps  en  Poito  messires 
Guichars  d'Angle,  marescaux  d'Acquittainne,  et  messires  James 
d'Audelée,  senescaux  de  Poito,  et  messires  Bauduins  de  Fraville, 
senescaux  de  Saintonge;  et  avoient  bien  douze  cens  combatans, 
et  cevauchoient  sus  les  marches  de  Berri  et  de  Tourainne  et  met- 
toient  le  pays  où  il  converssoient,  qui  estoit  contraire  à  yaux,  en 
grant  tribulation.  Et  vinrent  li  dessus  noummet  chevalier  et  leur 
routtes  devant  le  ville  de  Breuse,  qui  est  au  seigneur  de  Cauve- 
gny,  ung  grant  baron  de  Poito,  liquelx  viscomtez  de  Breuse  et 
sires  de  Gauvegny  estoit  tournés  franchois  :  dont  li  prinches  avoit 
grant  mautalent  et  avoit  coummandé  à  monseigneur  Guîchart 
d'Angle  que  la  terre  dou  dessus  dist  chevalier  fust  toutte  courue 


350  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

et  gastée  sans  déport ,  pour  tant  qu'il  s'estoit  tournes  firanchois 
et  l'avoît  relenqui,  qui  estoit  ses  naturelx  sires. 

Quant  messires  Guichars  d* Angle  et  li  chevalier  dessus  noum- 
met  et  leurs  gens  furent  venut  devant  le  ville  de  Breuse,  il  s'a- 
restèrent  et  l'avisèrent,  et  imaginèrent  moût  bien  coumment  il  le 
poroient  assaillir  à  leur  plus  grant  prouffit,  Toutteffois,  quant  il 
l'eurent  bien  considéré,  il  s'ordounnèrent  à  Tasaut,  les  archiers 
par  devant,  qui  coummencièrent  à  traire  moult  fort  et  moût  roit, 
et  chil  de  le  fortrèche  à  traire  contre  yaux  et  bien  defiendre.  Là 
eut  grant  assaut  et  dur  et  bien  continué,  mes  che  premier  jour 
il  n'y  fissent  riens.  Dont  se  retraissent  sus  le  soir  li  Englès  et  li 
Poitevin  à  leurs  logeis,  et  dissent  que«  à  l'endemain,  il  feroient 
leur  pooir  dou  concquerre ,  [quoi  qu'il  dewist  couster.  Si  passè- 
rent enssi  celle  nuit.  L'endemain  au  matin,  il  s'armèrent  et  ordoun- 
nèrent,  et  aprocièrent  le  ville  de  grant  voUenté  et  le  coummenciè- 
rent à  assaillir  fortement  et  vistement,  et  se  prendre  chacun  priés 
de  bien  faire  le  besoingne.  Si  eut  aucuns  compaignons  appers  et 
aventureux,  qui  vinrent  jusquez  as  murs  de  le  ville,  car  li  fosset 
n'estoit  mies  trop  larges  ne  trop  'perfons ,  et  avoient  piks  et  ha- 
viaux  en  leurs  mains,  dont  il  picquetoient  les  dis  murs  ;  et  pour 
le  get  des  pierres  qui  leur  pooient  venir  d'amont,  il  estoient  très 
bien  paveschiet.  Ossi  y  avoit  archiers  d'ingleterre  qui  estoient 
aroutté  sus  les  fossés  :  chil  traioient  si  roit  et  si  ouniement  que  à 
painnes  osoit  nuls  aparoir  as  gharittes  pour  defiendre  le  ville.  Et 
tant  picquetèrent  et  assaillirent  chil  d'aval  des  fossés,  qu'il  per- 
trusièrent  le  mur  d'un  grant  trau  et  tant  que  doy  homme  y 
pooient  de  froncq  bien  entrer.  En  peu  d'eure,  li  murs  fu  si  cflbr- 
chiés  que  li  assallant  en  rompirent  ung  grant  pan,  par  quoy 
touttes  gens  sans  dangier  pooient  bien  par  là  entrer  en  le  ville. 
Enssi  Bruse  prise,  et  les  gens  contourné  à  grant  meschief,  car 
on  les  ochioit  sans  merchy,  dont  c'estoit  pités,  et  furent  pris  seize 
cens  hommes  d'armes  dou  viscomte  de  Breuse,  et  tantost  et  sans 
delay  pendu  en  leurs  armures  meysmes.  Geste  contrevenganche 
prissent  les  gens  dou  prinche  des  homines  et  de  le  ville  de  Breuse, 
affin  que  li  autre  ewissent  cause  et  matère  de  yaux  castiier;  et 
quant  il  en  eurent  fait  leur  voUenté,  il  se  retraissent  deviers  la 
chité  de  Poitiers.  Ces  nouvelles  vinrent  au  signeur  de  Cauvegny, 
qui  se  tenoit  à  Paris,  coumment  sa  ville  de  Breuse  estoit  prise  et 
gastée  et  ses  gens  mors  et  mis  à  destruction.  Si  en  fu  durement 
courouchiés,  che  fu  bien  raisons,  et  dist  qu'il  l'ameq^eroit,  quant 


[1369]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  .^  ^^^'         351 

il  poroit,  sas  messire  Gaichars  d'Angle,  qui  estoit  ses  voisins  et 
qui  li  avoit  pourcachiet  che  dammaige. 

En  ce  tamps,  manda  li  prinches  de  Galles  en  Angouloime,  là  où 
il  se  tenoit  tous  malades,  le  viscomte  de  Rochuwart,  que  il  venist 
parler  à  lui,  car  li  prinches  estoit  enfourmés  que  il  se  volloit 
tourner  franchois.  Se  vint  li  viscomtes  deviers  le  prinche.  Si 
trestost  qu'il  fu  venus,  li  prinches  le  fist  prendre  et  mettre  en 
prison  courtoise  et  bien  garder,  et  jura  qu'il  ne  partiroit  de  là 
jusques  à  tant  que  il  aroit  bonne  caution  dou  dit  viscomte ,  qu'il 
seroit  bons  Englès  et  demourroit  dalés  lui  et  ses  gens  en  touttes 
besoingnes,  ensi  qu'uns  feables  doit  demourer  dalés  son  seigneur. 
De  le  prise  dou  dit  viscomte  et  de  le  souppechon  que  li  princes 
avoit  sour  lui,  furent  tout  si  prolsme  moût  courouchiet,  et  si  n'en 
peurent  avoir  autre  cose,  tant  qu'à  ceste  fois.  Enssi  estoient  adonc 
li  seigneur  et  les  terres  en  le  duché  d'Acquittainne  en  grant  va- 
riement  et  guerriiet  de  leurs  voisins.  Si  ne  savoient  li  pluisseur 
bonnement  que  faire.  F«  1 56  r*  et  v«. 

P.  136,  1.  17  et  18  :  Carenloet.  —  Mss.  B  :  Charnel.  —  Ms. 
Al  :  Kaeranloet.  F*  302  v«.  —  Ms.  A^:  Carnet.  F*»  309. 

P.  136,  1.  18  :  douze  cens.  —  Mss.  B  k  et  A  S:  douze  mille. 
P306. 

P.  136,  1.  23  :  le  Roce  de  Ponsoy  —  Ms.  ^  8  ;  la  Roche  de 
Posoy. 

P.  137,  1. 18  :  Rocewart.  —  Ms.  AS:  Rochechouart. 

P.  138,  1.  3  :  Fraiville.  —  Ms.  A  S  :  Franville. 

P.  138,  1.  10  :  contournés.  —  Ms.  B  4  :  tournés.  F«  306  v«. 
—  Ms,  AS:  tourmentez. 

P.  138,  1.  29  :  tamainte.  —  Le  ms.  AS:  ajoute  :  belle. 

P.  139,  1.  10  :  ou.— Ms,  A  8  ;  en. 

S  622.  Messires  Robers.  —  Ms.  iP Amiens  :  Or  entendi  mes- 
sires  Robers  Canolles  les  nouvelles  coumment  11  Franchois  faisoient 
très  forte  guerre  au  prinche,  et  li  tolloient  tous  les  jours  ses  vil- 
les et  ses  castiaux,  et  ardoient  et  essilloient  en  la  ducé  d'Acquit- 
tainne moût  avant.  Si  s'avisa  li  dis  messires  Robers  que  il  ven- 
roit  deviers  le  prinche  et  le  serviroit  et  conforteroit  à  ce  besoing 
de  son  corps  et  de  ses  gens,  car  moult  y  estoit  tenus  pour  tant 
que  li  roys  ses  pères  l'avoit  moût  amet  et  avanchiet  en  tous  cas.  Si 
fist  ses  pourveanches  pour  lui  et  pour  ses  gens  en  quatre  vais- 
siaux,  sus  ung  havene  de  mer  en  Eretaigne,  que  on  appelle 


352  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

Ronke  ;  et  quant  il  eut  tout  aprestë,  il  vint  celle  part  et  entra  en 
son  vaissîel  à  soixante  hommes  d'armes,  et  naga  et  singla  tant 
qu'il  arriva  ou  havene  au  kay  de  le  Rocelle.  Si  yssirent,  il  et  ses 
gens,  de  leurs  vaissiaux,  et  descargièrent  tout  bellement  leurs 
pourveanches  et  leurs  chevaux  et  se  rafreschirent  quatre  jours  en 
le  Rocelle.  Au  cinquime,  s'em  partit  messires  Robers  Canolles 
et  se  routte,  et  chevaucièrent  tant  parmy  Saintonge  et  Poito  que 
il  vinrent  en  la  cité  d'Angouloime,  là  où  li  princes  et  la  princesse 
et  leur  enffant  se  tenoient,  Edouwars  et  Richars.  De  le  venue 
monsigneur  Robert  Canolle  fu  li  prinches  grandement  resjoys«  car 
li  dis  messires  Robers  se  présenta  et  offri  en  son  serviche  et  à 
faire  tout  ce  qu'il  li  plairoit.  De  quoy  11  prmches  li  dist  par  pluis- 
seurs  fois  :  «  Monsigneur  Robert,  très  grans  merchis  ^  et  je  vous 
doy  moult  regrasciier,  et  bien  y  sui  tenus,  de  ce  c'a  che  besoing 
vous  m'estes  venus  secourir.  Si  vous  fay  et  ordounne  souverain 
mestre  et  olppittainne  de  tous  les  chevaliers  et  escuiers  de  mon 
hostel.  »  —  <c  Monsigneur,  respondi  messires  Robers,  et  quant 
vous  me  voullés  de  tant  honnourer,  je  ne  le  doy  mies  refusser  ;  et 
Dieux  me  lait  faire  esploit  qui  vous  vaille,  car  j'ay  très  grant 
désir  de  vous  servir  en  tous  kas.  » 

En  ce  tamps,  avoit  une  grosse  garnison  de  Franche  en  le  chité 
de  Chaours,  qui  estoit  tournée  francoise,  si  comme  il  vous  est  dit 
chy  dessus  par  le  pourcach  de  l'arcevesque  de  Thoulouse.  Si  en 
estoient  souverain  et  cappittainne  bon  guerieurs  durement  et  gens 
de  Compaingnes,  c'est  assavoir  :  Anmienîons  d'Ortige,  Perros  de 
Savoie,  Jakes  de  Bray,  Ernautons  de  Paus  et  Petis  Meschins.  Si 
estoient  tout  chil  de  le  comté  de  Fois  appert  bacheler  et  hardit 
homme  durement,  et  faisoient  souvent  des  yssues  grandes  et 
belles,  et  chevauchoient  en  Quersin,  en  Limozin  et  jusques  en 
Roherge  et  en  Aginois,  et  mettoient  le  pays  en  grant  destruction. 
Et  se  rendoient  à  yaux  villes,  cités  et  castiel,  et  prendoient  hom- 
mes et  prisonniers  à  force  et  à  esploit,  et  y  faisoient  moût  de 
desrois,  tout  au  title  et  ou  nom  dou  roy  de  Franche  et  dou  duc 
d'Ango,  pour  qui  il  chevauchoient.  Et  vinrent  devant  une  bonne 
ville  que  on  nomme  Fumel,  et  y  sissent  quatre  jours ,  et  le  pris- 
sent par  force  et  par  assault,  et  fu  toutte  robée  et  pillie  ;  et  puis 
en  fissent  une  garnison  et  le  remparèrent.  Apriès,  il  vinrent  à 
Villenove  d'Aghinois  et  l'asegièrent,  et  y  fissent  ung  jour  moût 
grant  assaut.  Chil  de  le  ville  doubtèrent  qu'il  ne  fuissent  pris  par 
forche  et  tout  gastet  et  essilliet;  si  se  rendirent,  saufve  leurs  corps 


[4369]     VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  622.         d»Z 

et  leurs  biens,  et  jurèrent  qu'il  seroient  en  avant  bons  Franchois 
et  loyaly  mes  puis  en  mentirent. 

,Ges  nouvelles  parvinrent  jusques  au  prinche,  qui  se  tenoit  à 
Angouloime,  coumment  li  Franchois  destruisoient  et  gastoient  son 
pays  :  si  en  fu  durement  courouchiës.  Adonc  estoit  assés  nouvel- 
lement venus  messires  Robers  Canolles.  Si  s'avisa  li  prinches  que 
il  Tenvoieroit  de  celle  part  pour  contrester  as  Gompaingnes,  et 
li  deliveroit  touttes  ses  gens  d'armes.  Si  l'en  délivra  graut  fuisson 
et  tous  les  chevaliers  et  escuiers  •  de  son  hostel,  premièrement  : 
monsigneur  Thummas  de  Persi,  monsigneur  Estievene  de  Gou«> 
senton,  monsigneur  Richart  de  Pontchardon,  monsigneur  d'Ag- 
horiset,  monsigneur  Noël  Lorinch,  monsigneur  Guillaumme  Tours- 
siel,  monsigneur  Nicoulas  Bonde,  .monsigneur  Jehan  Trivet,  mon- 
signeur Richart  Tantonne ,  monsigneur  Thummas  'de  Welkefare 
et  pluisseurs  autres;  et  estoient  bien,  quant  il  furent  tout  as- 
samblë,  cinq  cens  lanches  et  cinq  cens  archiers  et  otant  de  bri* 
gans  à  tous  pavais.  Si  chevauchièrent  ces  gens  d'armes,  dont 
messires  Rdi>er8  estoit  chiés,  deviers  la  chité  d'Aghens,  car  leurs 
ennemis  estoient  ens  ou  pays,  et  tondis  leur  croissoienr  gens,  car 
encorres  y  revint  messires  Ustasses  d'Abrecicourt  à  une  routte  de 
gens  d'armes,  par  l'ordounnanche  dou  prinche. 

Entroes  que  messires  Robers  Canolles  et  ses  gens  chevauchoient 
celle  part,  il  entendi  que  messires  Perducas  de  Labreth,  qui  es- 
toit ungs  grans  cappittaines  entre  les  Gompaingnes^  estoit  sus  le 
pays  à  tout  une  grosse  routte  de  compaignons,  et  si  estoit  nouvel- 
lement tournes  franchois.  Adonc  envoîea  li  dis  messires  Robers 
deviers  lui  parlementer  et  tretiier  qu'il  se  volsist  retourner  englès 
et  qu'il  avoit  estet  decheus  et  enchantés  malement,  quant  il  estoit 
devenus  franchois  et  avoit  laissiet  le  prinche,  son  droit  signeur, 
qui  tant  de  biens  li  avoit  fais  et  pooit  faire  ;  et  encorres,  se  il  se 
voloit  retourner,  il  li  feroit  le  prinche  pardounner  son  mautalent. 
Tant  fu  li  dis  messires  Perducas  de  Labret  prechiës,  qu'il  se 
retourna  englès  et  fist  tourner  plus  de  trois  cens  armures  de  fier 
des  Gompaignes.  De  tant  fu  rengroissie  et  remforchie  li  che- 
vauchie  monsigneur  Robert  Ganolle.  F<"  186  v«  et  157. 

P.  i40, 1. 2  :  otant  d'arciers.  —  Ms.  Bt:  cent  arciers.  F>  738. 

P.  140, 1. 15  :  Chandos.  —  Le  ms.  A  8  aj<me  :  et. 

P.  140, 1.  17  ;  le  bonne.  —  Ms.  ^  8  ;  la  meillei^. 

Pv  141, 1.  5  :  d'Aghorises.  -^Ms.  Â  S  :  d'Aghoriseth. 

P.  141«  1.  il  :  entendre  des.  — -  Ms,  A%:  attendre  leurs. 

vn  —  23 


354  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

P.  i42, 1. 10  :  plas  de  cinq  cens.  —  Ms.  B.  6  :  dont  il  avoit 
bien  trois  cens,  et  pour  Tamour  de  luy  s'en  retournèrent  plus  de 
trois  cens.  F"  739. 

P.  142,  1.  12  :  bien.  —  Mi.  A%:  compte. 

6S3.  Ces  nouvelles.  —  M$.  dAmiem  :  Quant  Ammenions 
d'Ortîge  f  Emautons  de  Pans  et  Petis  Meschins  et  leur  compai- 
gnon,  qui  menoient  les  routtes,  entendirent  que  messires  Perdu- 
cas  de  Labreth  estoit  tournes  englès,  si  en  furent  mont  couron- 
chiet,  et  dissent  que  il  avoit  fait  une  grant  lasquetë  au   duc 
d'Ango,  car  il  avoit  proummis  et  juret  qu'il  demour[r]oit  à  tous- 
jours  mes-  bons  Franchois;  et  n'en  peurent  il  avoir  autre  cose, 
tant  qu'à  présent.  Si  n'eurent  mies  consseil  d'atendre  messire 
Robert  GanoUes  ne  se  routte,  mes  s'en  vinrent  en  une  forterèche 
que  on  claimme  Durviel,  que  il  avoient  malement  fortifiie,  et  une 
prestrie.  Si  le  pourveirent,  avoecq  ce  que  elle  estoit  bien  pour- 
vueue  de  tous  vivres,  de  vins,  de  chars,  de  fannnes  et  d'avainnes 
et  de  grant  fuisson  de  bonne  artillerie,  et  se  retraissent  là  de- 
dens  les  cappittaines  dessus  noummës.  * 

Quant  ces  nouvelles  vinrent  à  messire  Robiers  GanoUes  qu'il  ne 
trouveroit  point  sus  les  camps  chiauK  qu'il  demandoit  pour  com- 
battre, et  qu'il  s'estoient  boutés  en  le  forterèce  de  Durviel,  si  dist 
qu'il  se  trairoit  celle  part  et  y  meteroit  le  siège.  Si  s'achemina  et 
toutte  se  routte  deviers  Durviel,  et  fissent  tant  que  il  y  vinrent. 
Si  Tasegièrent  de  tous  poins  bien  et  ordounneement ,  et  y  fissent 
biaux  logeis  et  grans  4e  bois  et  de  arbres,  et  bielles  fueillies,  où 
leur  chevaux  estoient  establé.  Si  coururent  leur  coureur  aval  le 
pays  pour  avoir  vivres  et  vitailles  pour  avitaillier  Fost,  mes  il  le 
trouvoient  si  povre  et  si  desrobet  partout  qu'il  n'y  avoit  riens 
deux  joumëes  environ  ;  car  les  Gompaingnes  avoient  tout  mis  eus 
on  destruit  le  demorant,  pour  le  cause  de  chou  qu'il  ne  voUoient 
point  que  leur  ennemy  en  ewissent  aise. 

Le  siège  pendant  devant  Durviel,  il  y  eult  maint  assaut  et 
tamainte  escarmuche  fette  et  mainte  appertisse  d'armes,  car  c'es- 
toient ,  d'un  les  et  de  l'autre ,  droite  gens  d'armes.  Si  venoient 
priesque  tous  les  jours  chil  de  Durviel,  Ammenion  d'Ortige,  Jakes 
de  Bray,  Perros  de  Savoie,  Petis  Meschins,  li  bours  de  Bretuel, 
Lamit,  Emauton  de  Paus  et  leur  compaignon  lanchier,  escarmu- 
cier  et  combattre  as  Englès  à  leurs  barrières.  Si  vous  di  que  il  ne 
se  partoient  nient  qu'il  n'en  y  ewist  des  mors  et  des  blechiës 


[1369]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  623.  355 

d'un  les  et  de  l'autre,  mais  la  oose  estoit  trop  mieux  partie  pour 
chiaux  de  dedens  que  pour  chiaux  de  dehors  ;  car  il  estoient  bien 
avitailliet,  et  chil  dou  siège  n'en  avoient  fors  à  grant  dangier,  et 
fu  tel  fois  que  on  vendoit  en  l'ost  ung  pain  un  florin  :  encorres 
n'en  pooit  on  recouvrer. 

Or  avint,  sitost  que  messires  Jehans  Gamdos  et  li  captaus  de 
Beus  et  messires  Thummas  de  Felleton  et  li  autre  chevalier  dou 
prinche  qui  se  tenoient  à  Montalben,  entendirent  que  messires 
Robers  GanoUes  et  ses  gens  avoient  assis  Durviel  en  Agenois  et 
grant  fuisson  des  cappittainnes  des  Ck>mpaignes  dedens,  il  s'avi- 
sèrent li  ungs  par  l'autre  qu'il  se  trairoient  de  celle  part  ;  car  il 
leur  fu  dit  que  li  comtes  de  Gomminges,  li  viscomtes  de  Quar- 
maing,  li  seneschaux  de  Toulouse,  li  senescaux  de  Biauquaire  et 
chils  de  Carcasonne,  messires  Bertrans  de  Taride,  li  sires  de  la 
Barde  et  pluisseur  autre  chevalier  et  escuier  se  queilloient  et 
les  dévoient  venir  combattre  et  lever  le  siège.  Si  ne  volloient  mies 
que,  en  le  deflaut  d'iaux,  lors  gens  fuissent  noient  foullë.  Si  se 
partirent  de  Montalben  moult  ordounneemenf,  et  y  laissièrent  à 
cappittainne  monsigneur  le  soudich  de  Lestrade  et  monsigneur 
Bemadet  de  Labreth ,  et  puis  chevauchièrent  deviers  Durviel.  Si 
avint  qu'il  trouvèrent  en  leur  chemin  une  ville  qui  s'apelloit  Mon- 
sach,  et  se  tenoit  franchoise  ;  assës  forte  estoit,  mes  il  n'y  avoit 
dedens  nul  gentil  homme  pour  le  garder  et  deffendre,  fors  que  les 
hommes  de  le  viUe.  Si  dist  messires  Jehans  Gamdos  :  «  Ghe  se- 
roit  blammes  pour  nous,  se  nous  laissions  ceste  fortrèce  derrière, 
et  nous  poroit  bien,  sus  le  tamps  à  venir,  faire  dammaige.  Je  cons- 
seile  que  nous  Talons  veoir  de  plus  priés,  et  regardons  quelle  cose 
nous  em  porrons  (aàre.  »  Ghis  conssaux  fu  tenus  et  creus  ;  il  s'a- 
cheminèrent deviers  Mbssac.  Si  l'imaginèrent  moût  bien.  Quant 
il  y  furent  parvenu  et  virent  que  elle  estoit  forte  malement  et  que 
par  assaut  elle  ne  fesoit  point  à  prendre,  si  se  tinrent  tout  quoy 
un  espasse,  et  se  conssillièrent  enssamble  quel  cose  il  feroient. 
Et  estoient  ja  tout  ravise  dou  départir,  et  aller  leur  chemin  devant 
Durviel,  quant  aucuns  coureurs  des  leurs  vinrent  par  deviers 
yaux,  qui  avoient  chevauchiet  sour  le  pays  et  trouve  quatre  som- 
meliers, qui  amenoient  en  Durviel  pourveanches  pour  vivre,  et 
les  avoient  examine  si  avant  qu'il  disoient  ensi  que  dedens  Mon- 
sach  n'avoit  de  tous  vivres  non  pour  durer  plus  hault  de  sept 
jours.  Tout  che  raportèrent  li  coureur  englès  à  leurs  signeurs,  à 
qui  il  fissent  présent  des  hommes  et  de  leur  vitaille. 


356  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

Quant  messires  Jehans  Camdos  et  li  autre  chevalier  eurent 
entendu  que  la  nécessité  de  vivres  estoit  si  grans  dedens  le  for- 
trèche  là  où  il  se  tenoient  devant,  si  dissent  enssi  :  «  Noos  nos 
logerons  ychy,  car  longement  ne  se  poront  tenir,  mes  que  che 
soit  ventes  que  on  nous  a  dit.  a>  Si  se  logièrent  erramment  par 
devant  le  fort  de  Montsach  et  Tenvironnèrent  de  tous  oostës,  et 
fissent  tous  les  chemins  moût  songneusement  getier,  par  quoj  nul 
vivre  ne  pewissent  en  le  ville  venir,  et  ne  fissent  oncques  nul 
samblant  de  l'asaillir,  car  il  veoient  bien  que  il  y  perderoient  leur 
painne.  Quant  chil  de  Montsach  virent  que  c'estoit  tout  à  certes 
que  messires  Jehans  Camdos  et  li  captaux  et  li  autre  chevalier 
les  avoient  asegiës,  et  si  n'avoient  mies  vivres  dedens  la  ville  par 
quoy  sus  ce  comfort  il  se  pewissent  longement  tenir,  et  si  n'eA 
esperoient  nul  à  avoir  de  nul  costë,  si  se  coummendèrent  à  esba- 
hir,  et  eurent  consseil  qu'il  trairoient  deviers  monsîgneur  Jehan 
Camdos,  enssi  qu'il  fissent.  Il  jurèrent  et  proummissent  que,  de 
ce  jour  en  avant,  il  seroient  bon  Englès  et  loyal  et  obeyssant  au 
prinche ,  et  ne  le  relenquiroient  pour  nul  seigneur.  Parmy  tant 
et  sus  ce  sierement  se  deslogièrent  li  Englès,  et  se  traiasent  de- 
viers Durviel,  où  messires  Robers  CanoUes  et  li  autre  estoient. 

Tant  chevauchièrent  messires  Jehans  Camdos,  li  captaus  et  li 
autre  de  leur  compaignie,  qu'il  vinrent  devant  Durviel.  De  tant 
fu  li  sièges  renforchiet.  Si  se  co^jolrent  li  baron  et  li  chevalier 
grandement,  quant  il  se  trouvèrent  enssamble.  F>  187. 

P.  142,  1.  23  :  anoi,  —  Le  ms»  A  S  ajoute:  an  cuer.  F«  310  v*. 

P.  142,  h  28  :  ville.  -^  Le  ms.  B  %  ajoute  :  et  leur  laissèrent 
environ  cent  lanches  pour  aidier  à  consillier  cheulx  de  la  ville. 
F*  740. 

P.  142, 1.  28  :  priorie.  —  Mts.  Al,  S:  (vîoré.  F«  303  V. 

P.  I(i3, 1.  6  :  use.  —  Ms.  A  8  ;  avisiez. 

P.  143, 1.  9  :  captaus.  —  Le  ms.  A  S  ajoute  ;  de  Bench. 

P.  143,  1.  20  :  Tarse.  —Ms.  AS  : Tarstre. 

P.  143,  1.  27  :  honmies.  —  Le  ms.  A  %  ajoute  :  de  la  ville. 

P.  144, 1.  6  :  en  sus.  —  Ms.  AS  :  oultre. 

P.  144, 1.  8  :  sommelier.  —  Ms»  AS:  sommiers. 

P.  144, 1.  15  :  astrainte.  — Ms.  AS  :  estrainte. 

P.  145,  I.  12  :  sans.  —  Ms.AS  :  firais. 

S  624.  Ce  siège  pendant.  —  Ms.  d Amiens  :  Depuis  la  venue 
des  dessus  dis,  eut  à  Durviel  tamaint  assaut  et  maint  paletich. 


[1369]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  6S4.         357 

et  pluisseurs  biaux  fès  d'armes  empris  et  fait.  Si  y  veoit  on  sou- 
vent Jones  bachelers,  chevaliers  et  escuiers,  pour  yaus  aloser  et 
avanchier  as  armes,  enventurer  leurs  corps  et  venir  as  barrierres 
de  le  forterèche  lanchier  et  escarmuchier  à  chiaux  de  dedens.  Et 
chil  dou  fort  ossi  venoient  contre  yauz,  et  se  combatoient  enssi  li 
ungs  à  l'autre  tout  le  jour.  Si  vous  di  que  chacuns  se  prendoit 
endroit  li  moût  pries  de  bien  faire  le  besoingne.  Moût  bien  se 
tinrent  chil  de  le  fortrèche  de  Durviel,  tant  que  riens  n'y  perdi- 
rent. Si  fu  li  sièges  devant  yaux  plus  de  cinq  sepmainnes  en- 
tières, et  tous  les  jours  avoient  l'assaut  et  le  hustin  par  trois  ou 
par  quatre  estours,  et  gisoient  li  Englès  qui  devant  se  tenoient, 
en  grant  painne  ;  car,  tous  les  jours  et  priesque  touttes  les  nuis, 
plouvoit  si  ouniement  que  ce  leur  faisoit  trop  d'anois,  et  en 
estoient  lez  armures  et  leurs  draps  tout  souilliet  et  tout  poury. 
Avoecq  tout  ce  qui  leur  estoit  uns  grans  griefs,  11  plus  grant  par- 
tie des  leurs  ne  mangoient  pas  touttes  les  fois  qu'il  leur  en  sou- 
venoit.  Des  vins  avoient  il  assës  par  raison,  qui  grandement 
recomfortoit  les  mesaises,  mais  de  pain  moût  petit,  et  à  grant 
dur  en  recouvroient  ;  et  ce  qu'il  en  avoient,  il  leur  venoit  de 
moût  loing.  ileysmement  leur  foureur  et  leur  coureur  ne  savoient 
où  aller  pour  mieux  fourer,  et  telle  fois  estoit  qu'il  chevau- 
choient  si  loing,  qu'il  estoient  trouvet  et  rencontret  des  garnisons 
(ranchoises,  qui  estoient  enexesëes  sus  le  pays  :  si  perdirent  bien 
souvent  tout. 

Quant  chil  qui  devant  Durviel  seoient,  virent  que  il  ne  con- 
questoient  riens  à  là  seoir,  ne  appairans  n'estoit  de  riens  conc- 
quester,  e^  que  leur  ost  estoit  en  grant  destrèche  de  faminne,  si 
eurent  consseil  et  advis  qu'il  se  deslogeroient  et  se  trairoient 
plus  avant  en  plus  cras  pays.  Si  se  deslogièrent  et  s'en  vinrent 
devant  un  castiel  que  on  dist  de  Domme,  dont  messires  Robers 
de  Domme  estoit  sires,  et  se  tenoit  adonc  par  dedens  et  avoecq 
lui  messires  Pierres  Senglers,  doi  bon  chevalier  et  hardi  et  preu 
as  armes.  Là  se  traist  et  atraya  toutte  li  hos  des  Englès  et  des 
poursuiwans,  et  asegièrent  Domme  et  Tenvirounnèrent  de  tous 
costës,  affîn  que  ilz  le  pewissent  mieux  constraindre  et  plus  tost 
prendre. 

Par  devant  Domme  avoit  à  siège  grant  chevalerie  et  bonne.  Si 
vous  en  noummeray  les  aucuns  :  premièrement  monsigneur  Jehan 
Gamdos,  monsigneur  le  captai  de  Beus,  monsigneur  Loeis  de 
Qalcourt ,  monsigneur  Robert  Canolles,  monsigneur  Thummas  de 


358  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT.  [i369] 

Felleton  et  son  frère,  monsîgnear  Loeis  de  Melval,  le  signeor  de 
Pierebufière,  monsigneur  Raimmont  de  Maruel,  monsigneur  Ri- 
chart  de  Pontchardon,  monsigneur  Thummas  de  Ferai,  monsi- 
gneur Thummas  le  Despenssier,  monsigneur  d'Aghorises,  monsi- 
gneur Ustasse  d' Aubredcourt,  monsigneur  Thummas  de  Wetevale, 
monsigneur  Estevene  de  Ghousenton,  monsigneur  Richart  Tanton 
et  pluisseurs  autres  que  je  ne  puis  mies  tout  noummer.  Si  avoient 
chil  signeur  belles  routtes  et  grandes  compaignies,  et,  à  chou 
qu'il  disoieçt  et  moustroient,  U  desiroient  grandement  à  trouver 
les  Franchois  et  yaux  combattre.  Si  se  tinrent  devant  Donune  à 
siège  bien  ordounnë  et  bien  estaubli,  et  y  fissent  asaillir  par  pluis- 
seurs fois,  mes  petit  y  concquissent ;  car  li  doy  chevalier  qui 
dedens  estoient,  messires  Robers  de  Domme  et  messires  Pierres 
Sengler,  estoient  bon  homme  d'arme,  durement  et  sage  guerieur. 
Si  penssoient  et  songnoient  moult  ïÂea  de  le  fortrèche  et  des  com- 
paignons  saudoiiers  qui  dedens  avoecq  se  tenoient. 

Quant  il  eurent  là  sis  et  estet  environ  quinze  jours,  il  se  cons- 
sillièrent  et  regardèrent  l'un  parmy  l'autre  quel  cose  il  poroient 
faire,  car  il  sejoumoient  sour  le  pays  à  grans  frès  et  à  grant 
painne,  et  si  ne  faissoient  mies  trop  grant  esploit.  Si  eurent 
consseil  que  il  envoieroient  Camdos  le  hiraut  deviers  le  prinche 
en  le  chité  d'Angouloime,  et  li  remoustrer  Taffaire  et  le  vérité  de 
leur  chevauchie,  à  savoir  de  par  lui  quel  cose  il  lui  plaisoit  qu'il 
fesissent.  Si  escripsirent  li  quatre,  qui  estoient  chief  et  souverain 
de  ceste  chevauchie,  messires  Jehans  Camdos,  messires  Robers 
CanoUes,  messires  li  captaus  de  Beus  et  messires  Thummas  de 
Felleton;  et,  avoecq  les  lettres,  il  emfourmèrent  et  endittèrent 
Camdos  le  hiraut  d'aucune  cose  dont  il  devoit  parler  au  prinche. 
Si  se  parti  d'iaux  et  dou  siège  de  Domme.  Quant  touttes  ses  be- 
soingnes  furent  ordounnées,  il  se  mist  à  voie  deviers  Angouloime. 
Or  lairons  ung  petit  de  lui  et  parlerons  des'signeurs  englès  et 
limozins  qui  estoient  devant  Domme...  F®*  157  v^  et  158. 

Tant  chevaucha  li  db  hiraus,  envoiiës  en  messaige,  qu'il  vînt  en 
le  chité  d'Angouloime  et  trouva  le  prinche  assés  à  privée  mesnée, 
car  touttes  ses  gens,  chevaliers  et  escuiers,  estoient  en  ces  die- 
vauchies  et  armées  dessus  dittes  ;  ne  nuls  n'avoit  cause  ne  raison 
de  séjourner  à  l'ostel,  se  il  ne  voloit  estre  deshonnerés.  Sitost 
que  li  dis  Camdos  fii  venus  deviers  le  prinche,  il  le  requeUla 
moult  liement  et  li  demanda  de  touttes  nouvelles,  et  chils  l'en 
dist  assés,  si  avant  qu'il  les  savoit  et  non  autrement.  Et  li  bailla 


[4369]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  625.         359 

li  hirain  les  lettres  que  li  dit  cevallier  li  envoieoient.  Il  les  prist; 
si  les  ouvri  et  les  lisi.  Quant  il  les  eut  leutes,  il  penssa  sus  moût 
longeioei^,  et  puis  dist  au  Idraut  :  <c  Gamdos,  je  rescripray  de- 
viers  yauz  temprement  ce  que  je  yoeil  qu'il  fâchent.  »  Il  res* 
pondi  :  «  Monsigneur,  à  le  bonne  heure.  »  F<»  158  v^. 

P.  145,  1.  22  :  devant.  —  il/j.  A  8  ;  d'armes.  P»  311. 

P.  146,  1.  1  :  vies.  —  Ms.  J  S  :  vieulx. 

P.  146,  1. 14  :  Sengler.  — Ms.  A%:  Sanglier. 

P.  146, 1.  21  :  livrèrent....  assaus.  — Ms.  JS:  levèrent  plui- 
seurs  grans  engins. 

P.  146,  1.  24  :  faisoient.  -^  Le  ms.  A  %  ajoute  :  ne  riens  n'y 
conquestoient. 

§  628.  Assés  tost.  —  Ms^  d Amiens  :  Quant  li  signeur  englès 
qui  devant  Domme  se  tenoient,  virent  et  considérèrent  qu'il  ne 
prenderoient  point  le  fort,  si  eurent  consseil  qu'il  chevaucheroient 
avant  et  concquerroient  autres  villes  qui  estoient  tournées  fran- 
choises,  et  trouveroient  plus  plentiveusement  à  vivre.  Si  se  deslo- 
gièrent  de  Domme  et  s'aroutèrent  par  deviers  Gramath,  et  fissent 
tant  qu'il  y  vinrent.  Si  l'asegièrent  de  tous  sens,  et  envoiièrent 
leurs  archiers  et  leurs  bidaus  bien  pavesciës,  assaillir  et  escar* 
mucher  à  chiaux  de  dedens.  Quant  chil  de  Gramath  virent  appro- 
chier  tant  de  gens  d'armes  et  que  tout  se  logoient  environ  yaux, 
si  furent  durement  efiraet,  et  coummenchièrent  à  traitier  deviers 
monsigneur  Jehan  Gamdos  que  il  se  renderoient  volentiers,  et 
seroient,  de  ce  jour  en  avant,  bons  Englès  sans  plus  variier,  mais 
que  on  les  volsist  prendre  à  merchi  et  sauver  yaux  et  le  leur,  là 
chevalier  eurent  consseU  que  oïl.  Si  prissent  et  rechurent  chiaux 
de  Gramath  à  merchy,  parmy  tant  qu'il  jurèrent  tout  ensi  que 
chy  devant  est  devise.  Si  entrèrent  aucuns  des  seigneurs  en  le 
ville  de  Gramath,  et  s'y  rafreschirent  et  reposèrent  par  trois  jours  ; 
et  chil  qui  ne  se  peurent  logier  ne  hebergier  dedens»  se  logièrent 
par  dehors  et  trouvèrent  là  assés  largement  et  à  fuisson  de  tous 
vivres  pour  yaux  et  pour  leurs  chevaux,  car  la  ville  en  estoit 
bien  pourvueue  et  bien  garnie.  Au  quatrime  jour,  il  s'em  partirent 
et  se  traissent  par  deviers  une  autre  fortrèche  que  on  claimme 
Fours,  que  les  Ck>mpaignes  franchoises  avoient  assés  nouvellement 
fait  tourner.  Tant  chevauchièrent  et  esploitièrent  qu'il  vinrent  par 
devant;  si  s'i  logièrent  à  siège  fait  et  ordounné.  Quant  cil  de 
Fours  virent  le  mannierre  que  les  Englès  se  logièrent  là  et  que 


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360  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSABT.  [1869] 

chil  de  Gramalh  estoknt  rendu,  qui  estoient  leur  ▼obin  et  avoient 
ossi  forte  ^ille  ou  plus  qu'il  n'ewissent,  si  n'eurent  mies  oonsseU 
ne  Yollèntë  de  yauz  tenir  là  où  on  les  voroit  prendre  à  merchy. 
ai  traitièrent  deviers  monsigneur  Jehan  Camdos,  que  li  prinohes 
de  Galles  aToit  là  envoiiet  et  estaubli  avœoq  ses  gens  pour  cons* 
sillier,  qui  estoit  li  plus  grans  cappittainnes  de  ceste  chevanchie  ; 
et  dissent  que  il  estoient  en  bonne  vollentë  d'yauz  rendre,  sauve 
lor  corps  et  lors  biens,  se  on  les  voiloit  prendre  à  merchy.  Mes- 
iires  Jehans  CSamdos  et  li  chevalier  eurent  consseil  que  où.  Si  les 
prissent  et  se  missent  en  sasine  de  le  fortrèche,  et  y  laissèrent  à 
gouverneur  un  escuier  gascon  des  gens  le  captai,  que  on  appel- 
loit  Naudon  d'Axerant,  et  environ  quarante  archiers  d'Englelerre 
avoecq  lui;  et  puis  s'em  partirent  et  chevauchièrent  plus  avant 
par  deviers  Rocemadour,  qui  est  une  bonne  ville  et  forte.  Si  tos 
que  li  dessus  dit  chevalier  englès  et  gascon  des  gens  le  prinche 
vinrent  par  devant,  il  l'envirounnèrent  et  envoiièrent  leurs  gens 
assaillir  et  escarmuchier.  Si  y  eut  moût  grant  assaut  et  (duisseurs 
navres  et  bled^s  de  chiaux  de  dedens  et  des  assallans.  Au  vespre, 
n  se  retraissent  à  leurs  logeis,  et  se  aisièrent  et  reposèrent  le 
nuit.  Quant  ce  vint  à  l'endemain  au  matin,  il  fissent  leurs  gens 
tout  de  rechief  armer  et  aroutter  par  devant  Rochemadour  et 
aller  asaillir.  Quant  chil  de  le  ville  virent  le  convenant  des  En- 
glès et  coumment  il  estoient  en  grant  vollentë  d'iauz  porter  dam- 
maige,  et  ossi  très  bien  pourven  et  appareilliet  et  grant  fîiisson  de 
bonnes  gens  d'armes,  si  se  coummenchièrent  à  efifraer.  Et  dissent 
li  plus  sage  et  qui  le  plus  avoient  à  perdre,  que  à  le  longe  il  ne 
se  poroient  tenir  as  gens  le  prinche ,  et  que  mieux  leur  valloit  à 
ûdre  une  pais  honteuse  que  d'iaux  mettre  en  péril  et  en  adven- 
ture  de  tout  perdre.  A  ce  consseil  entendirent  tonttes  mannierres 
de  gens  vollentiers,  car  il  n'avoient  nul  gentil  homme  qui  les 
gardast  ne  conseillast.  Si  traitièrent  deviers  monsigneur  Jehan 
Camdos  et  les  autres  chevaliers,  en  yaux  remoustrant  que  on  les 
volsist  prendre  et  recepvoir  en  le  fourme  et  mannierre  que  on 
avoit  fait  chiaux  de  Gramath  et  de  Fours,  et  il  jurroient  à  estre 
bon  Englès  et  loyal  de  ce  jour  en  avant,  et  requissent  que  on  leur 
volsist  laissier  à  cappittainne  ung  chevalier  englès  et  gens  avoecq 
lui  à  leur  coustage,  pour  garder  et  deffendre  le  ville,  se  li  Fran- 
chois  y  venoient.  Chils  tretiës  fu  vollentiers  oys  des  chevaliers 
d'Engleterre,  et  rechurent  chiaux  de  Rochemadour  à  merchi,  et 
entrèrent  ens  et  s'i  reposèrent  et  rafiresdûrent  par  deux  jours; 


[1369]      VARIAMTE8  DU  PREMIER  LIVRE,  S  ^^5.         361 

et  quant  il  s'em  partirent,  3  y  laûsîirent  on  cbetalier  englès 
qui  s'appelloit  monseigneur  Guillaumes  Tonrsei  et  environ  qoa* 
rante  armnres  de  fier  avoecq  lui. 

Apriès  le  rendaige  de  Rochemadonr,  chevauchièrent  deniers 
Villefiranche,  à  Tentrëe  de  Thoulousain,  gastant  et  essillant  tout  le 
pays  de  chou  qu'il  y  trouvoient;  mes  c'estoit  petit,  car  les  gens 
dou.  plat  pays,  par  le  coummandement  dou  duc  d'Ango,  avoient 
tout  retret  ens  es  fortrèches,  et  ossi  les  Gompaignes  franchoises 
avoient  tout  courut  ce  pay^  et  tout  pilliet  :  se  n'y  avoit  point  de 
remanant.  Et  recouvroient  li  Englès  de  vivres  à  grant  dangier,  et 
le  plus  qu'il  en  avoient,  c'estoit  par  tretiez  et  par  rachas  de  petis 
fors  et  de  villages  qu'il  ranchounnoient  as  vivres.  Et  envoieoient 
souvent  leurs  coureurs  devant  une  fortrèche,  qui  disoient  à  chiaux 
de  dedens  :  «  O  bon  homme  de  laiiens,  que  nous  donrës  vous  de 
sonunades  de  pain,  de  vin,  de  farinne  et  d'avainne,  et  nous  res- 
piterons  à  ardoir  tous  les  villaiges  de  chy  environ?»  Là  estoient 
Ô  d'acord,  et  se  composoient  à  une  cantité  de  sommiers  de  pour- 
veanches.  Parmy  tant  li  Englès  passoient  oultre  :  autrement  il 
n'avoient  nulx  vivres  fors  que  de  chars,  nuds  de  ce  recouvraient 
il  assës  par  raison.  Si  chevauchièrent  tant  en  cel  estât  qu'il  vin- 
rent à  ViUefranche,  que  li  Frandiois  avoient  fortefiié  et  laissiet 
dedens  environ  quarante  saudoiiers  pour  le  garder,  qui  assés  bien 
en  fissent  leur  devoir,  car  il  le  tinrent  quatre  jours  contre  les 
Englès,  maugrë  tous  chiaux  de  le  ville.  Au  dnqime  jour,  il  se  ren- 
dirent sauve  leurs  cors  et  leurs  biens,  et  s'em  partirent  li  estra- 
gnier  sans  dammaige»  et  li  Englès  prissent  le  aaisinne  de  le  ville. 
Or  vous  parlerons  de  Camdos  le  hirault,  que  li  quatre  chevalier 
dessus  noununet,  cappiltainne  et  meneur  de  touttes  ces  gens  d'ar^ 
mes,  avoient  envoiiet  deviers  le  prinche,  et  ossi  coumment  il  es- 
ploita.  F»  158  r«  et  V». 

P.  148,  1.  5  :  entrues:  —  Ms.  Al  :  entrementres,  F*  304  v«. 
— M$.  J  S:  pendant  ce.  F»  311  v*. 

P.  148,  1.  8  :  daime.  — Ms.  AS:  appelle. 

P.  148,  1.  17  :  que.  —-Ce  moi  manque  dans  le  ms.  A  8. 

P.  148,  1.  30  :  apressës.  — *  Ms,  A  8  :  assaillis  et  pressez. 
F*  312. 

P.  i49, 1.  3  :  trettiés.  «— Xe  ms.  A  8  ajoute  :  si  bien. 

P.  1 49,  1.  27  et  28  :  à  le  longe.  — ^  Ms.  AS:  longuement. 

P.  150,  1.  3  :  courouciÀ.  —  Le  ms.  A  S  ajoute  :  et  dolens. 

P.  150,  1.  8  :  pays.  —  lei  finit  le  premier  livre  dans  les  mss. 


36S  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

A  20  (m.  />*.,  je  86  d^  /tf  BiU*  NiU.  de  Paris)  H  A  ^  {nu.  de 
Froissart  de  la  bibL  de  la  pille  de  Breslau). 

P.  150,  1.  9  à  il  :  Or  retourrons....  persévérèrent.  —  CeOe 
phrase  manque  dans  les  mss,  A  21  et  22. 

■ 

§  686.  Entmes.  —  Ms.  et  Amiens  :  Vous  devës  savoir  que 
devant  Bourdille  eult  moult  grant  siège  de  par  les  Englès,  les 
Gascons  et  les  Poitevins.  Si  en  estoient  chief  et  souverain  li 
comtes  de  Cantbruge ,  fib  au  roy  englès,  et  li  comtes  Jehans  de 
Pennebnic,  qui  n'estoit  mies  encorres  fais  chevalliers;  et  là  estoit 
messires  Jehans  de  Montagut ,  filz  dou  frère  au  comte  de  Sale- 
brin,  qui  7  devint  chevaliers,  si  conmie  je  vous  diraj  assés  brief- 
ment.  Ad  ce  siège  devant  le  fort  castiel  de  Bourdille  avoit  moult 
des  bonnes  gens  d'armes  et  qui  souvent  resvilloient  chianx  de 
dedens.  Ossi  li  'compaignon  et  li  saudoiier  dou  dit  fort  estoient 
roout  vaillant  et  moût  hardi,  et  qui  souvent  se  venoient  combattre 
as  bailles  main  à  main  as  Englès,  dont  on  le  doit  bien  recorder  à 
proèche  ;  et  tout  devant  estoient  li  doy  frère  de  Batefol,  Emau- 
don  et  Bemardet,  qui  merveillez  y  faisoient  d'armes.  Avint  que, 
ung  jour  entre  les  autres,  le  siège  pendant,  il  s'armèrent  et  fis- 
sent armer  tous  leurs  compaignons,  et  pooient  estre  moût  bien 
deux  cens  armures  de  fier,  tout  à  cheval,  et  que  bidans  et  gens 
de  piet  à  pavais,  environ  trois  cens.  Si  parlementèrent  dou  soir 
que  à  la  journée  il  wuideroient  hors  de  leur  fortrèche ,  et  ven- 
roient  resvillier  chiaux  de  l'ost,  qui  si  souvent  les  resvilloient,  et 
s'aventuroient  assavoir  se  ilz  poroient  prendre  nulx  bons  prisoun- 
niers ,  car  il  ne  faisoient  tout  le  jour  que  heriier  et  picqueter, 
sans  trop  grant  fais  d'armes  emprendre  ne  acfaiever. 

Ghils  conssaux  et  advis  fu  tenus;  il  s'armèrent  et  aprestèrent 
bien  et  gaiement,  et  wuidièrent  hors  de  Bourdille  à  l'aube  poîndant, 
et  s'en  vinrent  par  une  fausse  voie  autour  d'une  montaigne  en  cos- 
tiant  l'ost  des  Englès,  pour  venir  par  derrière  et  chevauchier  tout 
parmy  et  rentrer  par  devant  en  leur  ville.  Geste  emprise  fu  moult 
hautainne,  au  voir  dire,  et  vinrent  tout  enssi  que  ordounné  l'avoient, 
et  se  ferirent  par  derrière  en  l'ost,  en  s'escriant  :  «  Bourdille  I  » 
et  coummenchièrent  à  ochir,  à  decopper  et  à  mehaignier  gens  à 
grant  esploit.  Geste  nuit  avoit  fait  le  gait  chilz  banerës  d'Engle- 
terre  li  sires  de  Garbestonne ,  et  estoit  entre  ses  gens,  à  l'un  des 
corons  des  logeis,  encorres  en  sen  ordounnanche,  chacuns  des 
siens  le  bachinet  en  le  teste.  Si  tost  qu'il  entendi  le  huée  et  W 


[1369]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  626.         363 

meutûiy  il  desploiia  se  bannierre  et  dist  :  «  Avant  t  Avant  t  de  par 
Dieu  et  monsigneur  saint  Jorge  1  Ghe  sont  nostre  ennemy  qui 
nous  viennent  resvillier.  »  Dont  brochièrent  chevaux  des  espé- 
rons, et  vinrent  au  devant  de  chiaux  de  Bourdille.  Là  eut  grant 
hustin  et  fort  et  dur  encontre.  La  noise  et  la  huëe  estoit  ja  es- 
parse  par  les  logeis.  Si  s'esmurent  touttes  manierres  de  gens,  et 
venoient  de  celle  part,  fust  à  cheval,  fust  à  piet.  Si  se  traissent 
tantost  li  comtes  de  Pennebrucq  et  Jehans  de  Montagut  deviers  le 
tente  de  monsigneur  Ammon,  comte  de  Gantbruge,  qui  ossi  ht 
tantost  armes  et  montes  à  cheval,  le  glaive  ou  poing  et  le  targe 
au  col. 

Quant  li  frère  de  Batefol,  qui  cappittainne  estoient  de  Bour- 
dille, virent  que  li  faos  estoit  estourmie  et  acouroit  sus  yaux, 
si  se  coummendiièrent  à  retraire  deviers  leurs  fortrèches ,  tout 
combatant  et  escarmuchant;  mes  li  comtes  de  Gantbruge  et  li 
comtes  de  Pennebrucq  et  li  chevalier  et  escuiier  qui  là  estoient, 
se  missent  entre  le  ville  et  yaux,  et  descendirent  tout  à  piet.  Là  fist 
messires  Ammon,  filx  au  roy  d'Engleterre,  le  jouene  comte  Jehan 
de  Pennebrucq  chevalier,  et  monsigneur  Jehan  de  Montagut,  et 
des  autres  jusques  à  douze.  Là  eut  grant  bataille  et  dur  rencontre, 
car  il  estoient  tous  combatans  d'un  lés  et  de  l'autre.  Là  eut  fait 
maintes  belles  appertisses  d'armes ,  mainte  prise  et  mainte  res- 
cousse. Quant  chil  qui  estoient  dedens  Bourdille ,  virent  les  com- 
paignons  combattre  leurs  prolsmes,  leurs  frères  et  leurs  amis,  si 
dissent  entr'iaux  que  il  ne  seroient  mies  bien  conssilliet  ne  preu- 
domme,  se  il  ne  les  aidoient  à  leur  pooir.  Si  ouvrirent  leur  porte 
et  se  rengièrent  devant  le  barrière,  et  avoient  là  entre  yaux  des 
bons  arbalestriers.  Si  coummencièrent  à  traire  et  à  bersser  sour  les 
Englès,  et  li  archier  englès  contre  yaux.  Là  eut,  je  vous  di,  maint 
grant  escarmuche.  Et  y  fu,  en  se  nouvelle  chevalerie,  li  comtes  de 
Pennebrucq  très  bons  chevaliers,  et  y  fist  merveilles  d'armes  de 
le  main,  et  ossi  fu  messires  Jehans  de  Montagut.  Là  estoit  li 
comtes  de  Gantbruge  en  bon  convenant,  et  li  sires  8e  Carbes- 
tonne,  et  chacuns  s'acquittoit  à  son  loyal  pooir. 

Que  vous  feroie  je  loing  parlement?  Chil  de  Bourdille  furent  si 
dur  reboutë,  que  li  Englès  concquissent  le  barrière  et  se  missent 
ens  avoecq  yaux,  et  enchauchièrent  leurs  ennemis  de  si  priés,  qu'il 
n'eurent  pooir  ne  loisir  de  refremmer  le  porte.  Et  entra  li  comtes 
de  Pennebrucq  premièrement  ens,  et  sa  bannierre  tout  devant,  et 
furent  ses  gens  mestre  et  souverain  des  bailles  et  de  le  porte,  et 


364  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSÂRT.  [1369] 

gaegnièrem  de  premier  encontre  le  ^ille.  Là  eut  grant  oocision  et 
grant  encauch,  et  forent  pris  li  doy  frère  de  Battefoi  et  tout  cbil  à 
qui  11  Englès  veurent  entendre  pour  prisounniers  ;  mes  li  plus  furent 
mort  et  ochis  sans  merchy.  Tantost  apriès  le  prise  de  BoordîUe,  li 
comtes  de  Cantbruge  en  escripsi  à  son  frère  le  prinche,  assavoir 
qu'il  voUoit  que  on  en  fesist  et  qui  on  y  laiast  à  cappittainne  pour 
tenir  et  garder  contre  les  Franchois;  et  il  rescripsi  et  manda  à 
son  frère  et  as  seigneurs  qui  là  estoient ,  que  il  y  ordounnoit  le 
signeur  de  Muchident,  et  voUoit  qu'il  em  ftdst  souverains  et  cap- 
pittainnes.  Che  plaisi  moût  bien  as  dessus  dis  seigneurs.  Si  le  déli- 
vrèrent tantost  au  seigneur  de  Mucident  et  le  missent  en  sa  garde, 
et  y  fissent  une  belle  et  forte  garnison.  Et  attendirent  encorres 
li  seigneur  as  tours,  as  portes  et  as  deffenses  de  le  ville  ;  et  tout 
ce  qui  estoit  défiait  etbrîsiet,  il  le  remparrèrent  et  missent  à  point, 
et  le  pourveirent  et  rafresquirent  de  vins  et  de  vivres,  et  ossi  de 
bons  saudoiiers.  F"  156. 

P.  ISO,  1. 16  :  se  tenoit  li  sièges.  —  Ms.  At^  :  ^  tenoient 
le  conte  de  Cantebruge  et  le  conte  de  Pennebroq  à  siège.  Tome  II, 
F*  «56. 

P.  150, 1.  17  :  onze.  —Ms.  A%:  neuf.  F«  312. 

P.  151,  1.  4  :  Or  eurent  un  jour.  —  Ms,  A  %:  Ot  avint  un 
jour  qu'il  eurent. 

P.  151,  1.  26  :  Bemadës.  —  Ms.  A%:  Bemardës. 

P.  151,  1.  29  :  able.  —Ms.Al  :  abUes.  F»  805  v««  —  Ms. 
A  8  ;  jeunes.  F»  312  v*. 

P.  152, 1.  25  :  le  terme.  —  Ms.  AS:  l'espace. 

P.  153, 1.  10  :  seurtë.  —  Le  ms.  A  8  ajoute  :  à  eulx. 

P.  153, 1.  13  à  22  :  arciers....  Galles.  Cette  fin  manque  dans  le 
ms.A^i,  t.  II,  f»  257. 

P.  153,  1.  13  et  14  :  deffisent.  -^Ms.  AS  :  depedèrent. 

5  687.  Ensi  que.  —  Ms.  if  Amiens  :  Depuis,  ne  demoura 
gaires  de*temps  que  li  prinches  fu  si  consilliës  de  soy  meymes 
qu'il  rescripsi  as  chevaliers  dessus  nounmiës.  Et  raporta  li  hi-* 
raux  les  lettres  et  trouva  les  seigneurs  englès  sus  les  camps  où 
il  ch'evauchoient.  Et  estoient  en  Quersin,  et  mettoieat  leurs 
gens  le  pays  en  grant  tribulation.  Et  avoient  ja  fait  tourner 
pluisseurs  villes  et  forterèches  en  Roherge,  en  Quersin  et  en 
Aginois,  meysmement  celles  que  li  Franchois  avoient  pris.  Si 
fu  li  hiraus  li  bien  venus  entre  yaux,  et  prissent  les  lettres  que  li 


[1369]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  627.  365 

prinches  leur  envoieoit,  qui  faisoient  mention,  avoecq  salus  et 
amistës  :  li  prinches  mandoit  et  voUoit  que  messires  Jehans  Gam- 
dos,  messires  Thummas  de  Felleton  et  messires  li  captaux  de 
Beus,  chil  troy  tant  seulement ,  venissent  en  Angouloîme  parler  à 
lui,  et  messires  Robers  Canolles ,  avoecq  le  demourant  de  le  che- 
valerie et  escuierie  et  de  touttes  les  autres  gens  d'armes,  tenbt 
les  camps.  Quant  il  otrent  ces  nouvelles,  si  se  traissent  en  consseil 
et  s'avisèrent  li  ung  par  l'autre  que  il  obeiroîent  au  coummande- 
ment  dou  prinohe,  c'estoit  raisons.  Si  dissent  à  monsigneur  Robert 
Ganolle  :  «  Sire,  vous  oës  que  messires  li  princes  nous  escript  et 
nous  mande  et  voet  que  vous  soiiës  chiës  de  ceste  chevauchie.  y> 
Dont  respondi  messires  Robers  et  dist  :  «  Biau  seigneur,  li  prin- 
ches, Dieux  li  puist  merir!  me  honneure  plus  que  je  ne  vaille; 
mes  ce  n'est  pas  me  vollentë  ne  men  entente  que  je  fâche 
chief  tous  seux  de  ceste  guerre,  car,  se  vous  partes,  je  partiray 
ossi.  » 

Là  eut  pluisseurs  parolles  entre  yaux,  lesquelles  je  ne  puis  mies 
touttes  recorder;  mes  finablement,  il  conssillièrent  et  avisèrent 
qu'il  revenroient  deviers  le  prinche  et  romperoient  ceste  chevau- 
chie, et  envderoient  toutes  gens  d'armes  en  leurs  garnisons  et 
guer[r]iroient  par  garnissons.  Si  appellèrent  li  dessus  dît  chevalier 
les  cappittainnes  des  Compagnes,  et  leur  dissent  enssi  :  «Signeur, 
li  prinches  nous  mande.  Si  voilons  aller  deviers  *lui  savoir,  plus 
plainnement  qu'il  nous  a  escript,  quel  cose  il  nous  voet.  Or  en-* 
voieons  nous  touttes  nos  gens  ens-es  garnisons,  et  ne  penssons  en 
grant  tams  gueriier  autrement.  Si  vous  dounnons  bon  congiet  de 
faire  vostre  prouffit  partout  là  où  vous  le  poires  faire  sus  le 
royaumme  de  Franche;  et,  se  il  avient  que  vous  prendës  ne 
concquerés  ville ,  cité  ne  castîel  en  Franche ,  et  vous  le  voeilliës 
tenir  et  faire  guerre  à  nos  ennemis  ou  nom  de  nous,  et  vous  aiiés 
afiaire  ou  soiiës,  par  cas  d'aventure,  assegiet,  nous  vous  proum- 
mettons  et  jurons  loyaument  que  nous,  vous  comforterons,  où  que 
ce  soit  ne  à  quel  meschief.  »  De  ces  parolles  et  proummesses  se 
contentèrent  bien  li  compaignon  et  dissent  :  a  Ghiers  seigneurs , 
grant  merchis,  et  c'est  bien  dit.  »  Ensi  se  defHst  et  desrompi 
adonc  celle  chevaucie,  et  s'en  ralla  chacuns  en  se  garnison  là  où 
il  estoient  ordounnës.  Et  li  quatre  chevalier  s*en  vinrent  en  Angou- 
loime  deviers  le  prinche,  à  qui  il  recordèrent  une  partie  de  leur 
eiqploit  et  toot  ce  que  il  avoient  fait  et  ordounnë.  Li  prinches  n'y 
sceat  riens  que  corrigieir  ne  amender  ;  car  il  les  tenoit  pour  si 


366  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAHT.  [1869] 

bons  et  si  avises,  que  dessus  yaux  ne  voUoit  il  riens  deviser. 
F»*  158  v«  et  159. 

P.  153,  1.  23  et  24  :  Ensi....  yaas.  —  Ms,  A  22  :  Aynsy  que 
messire  Jehans  Chandoz  et  les  autre  seigneurs  d'Angleterre  et  de 
Gascongne,  T.  II,  f»  257. 

P.  153, 1.  27  :  evous.  —  M$.  A  %  :  Et  puis.  F»  313. 

P.  153,  1.  28  :  revenu.  —  Mt.  AS:  revint. 

P.  154,  1.  21  :  vaille.  —  Ms,  AS  :  vauldray  jamab. 

P.  154,  1.  23  :  adiré.  —  Ms.  AS:  oonseillier. 

P.  155,  1.  9  et  10  :  où  que  ce  soit  ne  en  quel  marce.  *—  Ms. 
A  S  :  en  quelque  lieu  que  ce  soit  ne  en  quelque  marche. 
F»  313  V». 

P.  155, 1.  14  :  retenons.  —  Ms.  AS:  recevons. 

§  688.  Entre  les  Compagnes.  —  Ms,  tt Amiens  :  Assés  tost 
apriès  chou  que  li  comtes  de  Pennebruc  fu  revenus  à  Poitiers  et 
qu'il  eut  enssi  estet  rues  jus  de  monsigneur  Guillaummes  des 
Bordes  et  des  autres,  si  comme  vous  avés  oy  chy  dessus,  il  se  re- 
couvra au  mieux  qu'il  peult ,  et  ossi  se  recouvrèrent  ses  gens  ;  et 
s'en  vint  li  db  comtes  en  Angouloime  deviers  le  prinche ,  qui  là 
se  tenoit.  Se  li  de^plaisoit  souvent  dou  rencontre  que  li  Franchois 
li  avoient  fait,  et  dist  que  il  meteroit  sus  une  plus  grosse  chevau- 
chie  de  gens  d'armes  que  il  n'ewîst  eu  par  devant.  Si  em  pria 
pluisseurs  chevaliers  et  escuiers  de  Poito,  de  Saintonge  et  des 
marches  là  environ.  Entroes  qu'il  faisoit  sen  asamblëe,  avint  que 
troy  hommes  d'armes,  cappittainnes  des  Compaingnes  et  des  gens 
le  prinche,  fissent  et  achievèrent  une  moult  hardie  emprise  ou 
pays  de  Bourbonnois ,  si  comme  je  le  vous  diray.  Vous  avës  bien 
oy  recorder  chy  dessus  que,  quant  li  chevauchie  des  Englès  et  des 
Gascons  fu  faite  en  Quersin  et  en  Roherge  devant, Domme  et 
Fuiguach  et  sus  cesti  pays,  et  que  li  signeur  se  départirent  li  uns 
de  l'autre,  car  messires  Robers  Canolles  ne  volloit  mies  tous  seux 
tenir  les  camps,  il  dounnèrent  congiet  as  Compaignes  de  faire  leur 
proufit  où  que  ce  fust  ou  royaumme  de  Franche;  et  ou  cas  qu'il  y' 
prenderoient  vDle,  chitez  ou  casti^,  et  il  seroient  apressé  des 
Franchois,  on  les  comforteroit. 

Dont  les  Compaignes  qui  avoecq  les  Englès  s'estoient  tenu,  se 
d  partirent  et  se  tinrent  enssamble ,  et  se  traissent  par  deviers 
Auvergne.  Entr'iaux  avoit  trois  escuiers,  appers  hommes  d'ar- 
mes et  hardis  durement,  dont  on  noummoit  l'un  Bemart  de 


[1369]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  ^^^'  3^7 

West;  l'autre,  Hortingo;  le  tierch,  Ghikos  de  la  Sale.  Ghil  troy 
estoient  meneur  et  gouvreneur  de  tous  les  autres.  Si  s'avisèrent 
ung  jour  qu'il  feroient  une  emprise  assës  hardie  et  mervilleuse , 
et  jetèrent  leur  avis  que  de  nuit  il  chevancheroient  environ  cent 
compaignons  tant  seulement,  et  venroient  dou  matin,  en  cottes 
de  villain,  par  devant  Belleperche  en  Bourbonnois,  et  ente- 
roient  en  le  forterèche  ;  car  li  dis  castiaux  n'estoit  mies  trop  bien 
gardes ,  si  comme  il  avoient  entendu ,  et  si  estoit  dedens  la  mère 
dou  ducq  de  Bourbon  et  de  la  roynne  de  Franche ,  dont  il 
aroient  grant  proufBt,  se  il  le  pooient  prendre.  Tout  enssi  comme 
li  dessus  dit  s'avisèrent,  il  persévérèrent,  et  chevauchièrent  ung 
jour  tout  le  jour  et  le  nuit  enssuiwant  à  petit  de  repos  ;  et  s'en 
vinrent  sus  l'ajournement  embuschier  assës  priés  de  Belleperche, 
et  se  missent  en  une  viese  maison  où  nulz  ne  demouroit,  dehors 
les  fourbours.  Quant  il  furent  venu  jusques  à  là,  li  troy  dessus 
noummet  et  trente  dez  leurs  tant  seulement,  vestis  dessus  leurs 
armures  de  cottes  de  villains,  se  partirent  de  leur  embuschement; 
et  s'en  y  avoit  aucuns  qui  menoient  petis  aulnes  cargiés  de  fruis 
et  de  poullaille ,  et  li  autres ,  credns  plains  d'oels  et  de  froum- 
maiges  sus  lors  testes,  et  li  remannans,  grans  pains  de  soille 
à  l'usaige  dou  pays  :  se  devoit  che  jour  y  estre  li  marchiés  ou 
dit  fort. 

Quant  il  vinrent  devant  le  porte,  il  le  trouvèrent  toute  ouverte 
et  trois  hommes  qui  le  gardoient,  qui  trop  bien  leur  demandèrent 
dont  il  estoient  et  dont  il  venoient  si  matin.  Il  trouvèrent  tantost 
une  bourde  et  une  escuzanche,  et  dissent  que  il  estoient  de  Mou- 
lins en  Auviergne,  et  qu'il  venoient  là  ou  marchiet.  Les  gardes 
les  laissièrent  ens  entrer  tout  paisiulement.  Si  tost  qu'il  furent 
ens,  il  se  saisierent  de  le  porte  et  de  celi  dou  fort  et  ochirent  les 
gardes,  et  sommèrent  un  cor  ;  auquel  son,  chil  <pii  estoient  en  l'em- 
busque, vinrent  tantost  avant  et  entrèrent  en  le  ville,  et  trouvè- 
rent leurs  compaignons  qui  estoient  maistre  dou  castiel.  Enssi  fu 
prise  et  emblée  la  forterèce  de  Belleperche,  et  la  mère  de  la 
roynne  de  Franche  dedens.  Si  le  trouvèrent  bien  pourvueuwe  de 
tons  vivres  et  de  grant  fuisson  de  vins.  Si  s'avisèrent  qu'il  le  ten- 
roient  et  garderoient  bien  contre  tout  homme.  Ces  nouvelles  vin- 
rent au  ducq  de  Bourbon,  qui  estoit  à  Paris,  que  on  avoit  pris  et 
emblet  Belleperche,  son  dit  castiel,  et  le  tenoient  les  Gompaignes, 
et  madamme  sa  mère  dedens.  Si  en  fu  li  dis  dus  moût  courouchiez, 
che  fu  bien  raison,  mes  amender  ne  le  p6ut,  tant  c'adonc.  Tou* 


368  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

teJBbis,  il  s'en  complaindi  au  roy,  son  serotirge,  qui  li  proununist 
que  hasteement  il  y  pourveroit  de  remède. 

En  ee  mey sme  jour  que  ii  dessus  dit  cappittainne  des  Gompaignes 
englesees  prissent  Belleperche,  il  esploidèrent  encorres  plus  avant 
et  prissent  une  antre  fortrèche  que  on  appelle  Saint  Sivière;  et  le 
fortefiièrent  tantost  et  le  dounnèrent  à  monsigneur  Jehan  d'Ewrues^ 
cappittainne  et  gouverneur  de  limozin,  pour  tant  que  ses  g^is  y 
avoient  estet.  Et  se  tenoit  li  dis  messires  Jehans  d'Evrues  en  une 
autre  garnison  que  on  appelle  le  Soteresne,  et  avoec  lui  grant 
fuisse»  de  bonnes  gens  d'armes.  P  161  v^. 

P.  186, 1.  8  :  ens.  —  M$,  ^  8  ;  y.  F»  313  ▼<". 

P.  156,  1.  11  :  asseulëe.  -—  Ms,  A  %  :  seule. 

P.  156, 1. 14  :  songneus.  —  Lg  nu.  A  8  ajoute  :  de  le  gard^* 

P.  156,  1.  20  :  France.  -^  le  ms,A  %  ajomte  :  qui  esunt. 

P.  187,  1.  2  et  3  :  Sanssoirre.  —  Mss,  A  1^  B  :  Sanoerre. 
F»  306  ▼•. 

P.  187, 1.  7  :  ensonniier.  —  Ms.  A  8:  embesoignier.  F"  314. 

P.  157, 1.  8  à  12  :  Or  vous....  Toumefaen.  —  Cette  phrase 
manque  dans  le  ms.  A  22,  t.  Il,  ^  258. 

§-6S9.  Li  'rois  de  France.  —  Ms.  tf  Amiens  :  En  ce  tamps, 
faisoit  li  roys  de  Franche  le  pins  bel  et  le  plus  grant  aupareil  de 
navie  que  on  ewist  oncques  mes  veu  sus  le  rivierre  de  Sainne, 
mouvant  de  Roem  jusques  à  Harfluez.  Et  avoit  li  dis  rois  enten- 
tion  et  désir  très  grant  que  d'envoiier  son  frère  le  ducq  de  Bour- 
goingne  en  Engleterre  gaster  et  essillier  le  pays.  Si  retenoit  li 
roys  chevaliers,  escuiers  et  gens  d'armes  de  tous  costës,  et  faisoit 
si  grandes  et  si  grosses  pourveanches  que  merveilles  seroit  à 
croire  et  à  pensser.  Si  dévoient  y  estre  patron  de  toute  ceste  na- 
vie li  viscomtes  de^erbonne,  messires  Oliviers  deClichon  et  mes- 
sires Jehans  de  Vianne.  Et  meysmement  li  roys  de  Franche  s'en 
vint  tous  quois  demourer  et  séjourner  en  le  chitë  de  Roem,  pour 
mieux  entendre  à  ses  besoingnes  et  à  ceste  navie.  Si  chargoit  on 
tous  les  jours  le  dilte  navie  de  bisquit ,  de  vins,  de  chars,  d'aige 
douce  et  de  touttes  pourveanches  qui  fallent  et  qui  appertien- 
nent  sus  mer,  ossi  grossement  que  ce  fust  pour  aller  em  Pkmsse 
ou  en  Jérusalem.  Et  cousta  chilz  arrois  si  grandement  au  roy  de 
Franche ,  que  merveilles  seroit  à  recompter;  mais  il  le  faisoit 
de  si  grant  vdUentë,  que  il  ne  plaindoit  cose  qu'il  y  mesist.... 
F*  162. 


[1369]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  630.         369 

En  celle  saison,  li  dos  de  Lancastre,  filz  au  roy  d'Engleterre, 
[passa]  le  mer  à  mil  lanches  et  deux  mil  archiers  et  vint  ariver  à 
Callais;  et  quant  ilz  et  ses  gens  se  furent  là  rafresci,  il  s'em  par- 
tirent en  grant  arroi.  Si  estoit  li  comtes  de  Warvich  marescaux 
de  son  ost,  et  entrèrent  ses  gens  ou  royaumme  de  Franche,  et 
prist  li  dus  terre  et  logeis  sour  le  mont  de  Tournehon.  Là  vint 
deviers  lui  messires  Robers  de  Namur  à  soissante  lanches  bien 
estoffëes,  et  acompaigniës  de  chevaliers  et  d'escuiers.  F«  164  v*. 

P.  157,  1.  14  à  16  :  un  très...  Harflues.  —  Ms,  ^  6  ;  le  plus 
grande  assamblëe  de  navie,  de  gros  vaissieaulx  et  de  moiens  et  de 
petis,  ou  havre  de  Harfleus,  entre  Roem  et  le  mer,  que  on  euist 
oncques  veu  celle  part  ne  ailleurs.  P  746. 

P.  157,  1.  15  :  sus  le  havene  d'Harfiues.  — -  Ms,  A  %  :  sur  le 
port  de  Harfleu.  Y"*  31 4. 

P.  157,  1.  25  :  se  navie.  —  Ms,  ^  8  ;  la  navire. 

P.  157,  1.  26  :  affection.  —  Le  ms,  B  6  ajoute  :  che  fu  en- 
viron le  Saint  Jehan  Raptiste  Tan  mil  trois  cens  soissante  neuf. 
F«  747. 

P.  158,  1.  2  :  que  donc  que  ce  fut.  —  Ms,  Al  :  que  ce  fîist. 
F»  307.  — ifcf^.  A  8  :  comme  se  feust.  F»  314. 

P.  158,  1.  15  :  ne  se  parfesist.  —  Ms.  Al  :  ne  se  partesist. 
—  M$.  ^  8  ;  ne  partesist. 

P.  158,  1.  31  et  32  :  Sallebrin.  —  Ms,A^  :  Sallebery.  —  U 
ms.  B  6  ajoute  :  le  conte  de  Sufforc.  F<>  748. 

P.  159,  1.  6  :  quinze  cens.  — Ms,  B  Q  :  douze  cens.  P^  747. 

P.  159, 1.  14  :  especialment.  —  Le  ms,  B  6  ajoute  :  che  gentil 
chevalier.  F*»  747. 

P.  159,  1.  22  :  semonst.  —  ilfj.  A  8  :  semonni.  F»  314  v«. 

P.  159,  1.  24  :  appareillier.  —  Le  ms.  B  6  ajoute:  en  la  ville 
de  Bruge.  F«  748. 

P.  159,  1.  25  et  26  :  Or...  Poito.  —  Cette  phrase  manque  dans 
le  ms.  A  22,  /.  //,  f»  258  ^. 

S  650.  Vous  devés.  —  Ms.  d Amiens  :  Or  revenrons  nous  au 
comte  Ammon  de  Cantbruge  et  au  comte  de  Pennebrucq,  qui 
s'estoient  tenu  et  rafresci  en  Bourdille,  et  avoient  à  leur  départe- 
ment ordounnë  à  gouverneur  et  gardien  de  Bourdille  monsigneur 
de  Mucident ,  gascon ,  et  grant  fuisson  de  compaignons  avoecq 
lui,  dont  il  estoit  cappitains.  £t  estoient  li  dessus  dit  signeur  venu 
em  Poito.  Dont  il  avint  que  li  prinches,  pour  remforchier  teur 

vn  —  24 


370  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

cevauchie,  y  envoiea  monsîgneur  Jehan  Gamdos,  monsigneur 
Thummas  de  Felleton,  le  captai,  monsigneur  Robert  Canolles, 
monsigneur  Richart  de  Pontchardon ,  monsigneur.  Estievene  de 
Gousenton  et  touttes  les  gens  d'armes  qui  estoient  revenu  avoecq 
yaux.  Si  vous  di  que,  quant  il  se  furent  remis  enssamble,  il  se 
trouvèrent  grant  fuisson ,  et  eurent  avis  quel  part  il  se  trairoient 
pour  mieux  exploitier  et  emplojier  leur  tamps  à  grever  leurs 
ennemis. 

Adonc  se  porta  conssanx  et  certains  acors  qne  il  se  trairoient 
deviers  une  moult  belle  fortr^ce  que  on  appelle  le  Roche  sur  Ion 
en  Poito,  sus  les  marches  d'Ango  et  dou  resort  d'Ango  meysme- 
ment.  Si  se  traissent  celle  part  à  grant  esploit,  et  y  fissent  amenner 
et  acariier  touttes  leurs  pourveanches ,  et  se  logièrent  et  amana- 
gièrent  à  Fenviron,  et  y  ordounnèrent  fueillies  et  establement  pour 
leurs  chevaux.  Par  dedens  le  Roche  sur  Ion  avoit  ung  chevallier 
angevin  qui  s'appelloit  messire  Jehan  Blondiaux,  qui  en  estoit 
cappittainne  de  par  le  duc  d'Ango,  et  avoit  avoecq  lui  en  le 
forterèche  pluisseurs  bons  compaignons  deffensables  et  bien  ap- 
pers,  pour  deifendre  et  garder  le  dit  castiel;  et  estoient  bien  pour- 
vueu  de  tous  vivres  pour  yaux  tenir  ung  grant  tamps,  et  ossi  de 
toutte  artillerie  très  bien  garni.  Si  tost  que  li  seigneur  d'Engle- 
terre  eurent  asegiet  le  Roche  sur  Ion,  il  y  envoiièrent  leurs  gens 
asaillir  et  escarmuchier.  Si  y  eut  par  pluisseurs  fois  grans  assaux 
et  escarmuches,  car  cil  dou  fort  se  deffendoient  aigrement  et 
vassaument.  Quant  chil  qui  devant  seoient  virent  que  par  traire 
ne  lanchier  on  ne  les  pooit  adammaigier ,  mes  perdoient  moult 
souvent  de  leurs  gens  à  Tescarmuche  et  à  Tasaut,  si  en  forent 
moult  courouchiet,  et  s'avisèrent  li  signeur  que  en  avant  il  assau- 
roient  par  enghiens.  Si  en  fissent  drechier  jusques  à  six  grans  et 
mervilleux,  qui  nuit  et  jour  jettoient  pierres  de  fais  à  le  fortrèche. 
Ghils  atournemens  d'assaut  esbahy  et  effrea  grandement  chiaux  de 
dedens. 

Tant  fissent  li  signeur  par  devant,  et  si  constraindîrent  chiaux 
dou  fort,  que  il  regardèrent  l'un  par  l'autre  pour  le  miUeur  à 
leur  avis  qu'il  estoient  trop  cuvriiet  par  ces  enghiens,  et  que, 
à  enssi  continuer,  il  ne  se  pooient  longement  tenir.  Si  traittiè- 
rent  deviers  le  comte  de  Cantbruge,  monsigneur  Ammon,  et  le 
comte  Jehan  de  Pennebruc  et  monsigneur  Jehan  Camdos  et 
le  captai  et  monsigneur  Guichart  d'Angle  et  les  barons  qui  là 
estoient,  qu'il  prenderoient  une  souOranche  de  quinze  jours,  et  au 


[1369]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  630.         371 

chief  de  ce  terme,  journée  de  bataille;  et^  9e  adonc  il  n'estoient 
comfortë  et  levet  par  bataille  dou  siège,  il  dévoient  rendre  le 
forterèce  as  Englès,  parmy  t^nt  que  le  ditte  cappittainne  messires 
Jehans  Blondiaux  devoit  avoir  six  mU  francs  franchois  pour  ses 
pourveanches.  Chilx  tretiés  se  passa.  Li  respis  fu  dounnës  et  tenus 
les  quinze  jours.  Nulx  ne  vint  ne  n'aparu  pour  combattre  les 
Englès  ne  lever  le  siège.  Quant  li  cappittainnes  vit  ce,  si  en  fu 
durement  courouchiës;  car  il  ne  quidoit  mies  que  li  rois  de 
Franche  ne  li  dus  d'Ango  ne  li  dewissent  faire  comfort  pour 
alegier  une  telle  fortrèche  de  ses  ennemis.  ToutteObis,  il  ne  pooit 
aller  ariere  que  il  ne  delivrast  le  castiel,  car  il  en  avoit  baillet  as 
Englès  quatre  escuiers  gentils  hommez  em  pièges.  Si  rendy  le  for- 
trèce  et  s'em  parti,  et  touttes  ses  gens,  sans  dammaige,  et  reut 
sez  pièges  et  six  mil  frans  franchois  tous  appareilliés  pour  les 
pourveanches  dou  dit  castiel.  Si  em  prissent  li  signeur  englès, 
gascons  et  poitevin,  qui  là  estoient,  le  possession,  et  y  establirent 
bonnes  gardes,  et  un  chevalier  de  Poito  pour  garder,  et  puis  s'em 
partirent  et  se  retrayrent  deviers  Poitiers. 

Or  vous  diray  de  monsigneur  Jehan  Blondiel  coumment  il  fina. 
Apriès  ce  qu'il  se  fu  partis  et  eut  rendu  le  ditte  forterèce,  si 
comme  vous  avés  oy,  il  prist  son  chemin  pour  aller  à  Paris.  Ensi 
qu'il  passoit  parmy  le  chitë  d'Angiers  et  qu'il  estoit  descendus 
en  son  hostel,  il  fu  pris  et  arestës  dou  connestable  d'Ango  et  des 
gens  dou  duc,  et  mennës  en  prisson.  Si  oy  dire  et  compter  pour 
vérité  qu'il  fu  depuis  accuses  de  traysson  et  de  villain  fait,  pour 
le  cause  de  ce  qu'il  avoit  pris  et  rechupt  monnoie  dou  dit  castiel. 
Si  fu  noiiës  li  dis  chevalliers  en  le  rivière  qui  keurt  parmy  le 
chitë  de  Angiers.  F®  i49. 

P.  139,  1.  27  et  p.  160,  1.  11  :  Vous  devës....  le  Roce  sur 
Ion.  —  Ms.  A  22  .*  Vous  devez  savoir  que,  quant  le  département 
fut  fait  des  barons  et  des  chevaliers  de  Guienne  qui  avoient  che- 
vaulchië  en  Caoursin  et  en  Rouergue,  et  ilz  furent  retournez  en 
Angoulesme  devers  le  prince  de  Galles ,  ilz  eurent  conseil  d'aller 
assaillir  ung  bel  chastel  et  fort  appelé  la  Roche  sur  Ion ,  sus  les 
marches.  T.  II,  ^  259. 

P.  159,  1.  28  :  Gyane.  —  Ms.  A  7  :  Guiane.  F»  397  v«.  — 
Ms.  A  8  ;  Guienne.  F*»  314  v«. 

P.  160,  1.  8  :  emploiier.  —  Ms.  AS:  exploitier. 

P.  160,  1.  24  :  remis.  —  Ms.  AS:  revenus. 

P.  160,  1.  24  et  25  :  plus  de  trois  mil  lances.  —  Ms.  jS  6  :  et 


372  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

estoient  plus  de  quatre  cens  chevaliers  et  tous  ensamble  bien  huit 
mil  combatans.  F*  752. 

P.  460,  1.  27  :  de  toutes.  —  M$.  A%:  àt,  bonnes. 

P.  160,  1.  3i  :  laiens.  —  Ms,  ^  8  :  ou  dit  chasteau. 

P.  160,  1.  31  et  32  :  as  sans  et  as  gages.  —  Afr.  A%  :  aux  firais 
et  despens. 

P.  161,  1.  5  :  Touwars.  —  Ms.  A  7  :  Thouars.  F«  307  v*.  — 
Ms.  A  8  ;  Touars.  F»  315. 

P.  161,  1.  7  :  espringalles.  —  Ms.  AS:  espingalles. 

P.  161,  1.  9  :  plentiveuse.  —  Ms.  AS:  plantureux. 

P.  161,  ].  23  et  24  :  assegurances.  — -  Ms.  AS:  asseurances 
et  saufconduit. 

P.  161 ,  1.  24  et  25  :  parolles.  —  Ms.  A  S  :  traictiez. 

P.  161,  1.  30  :  pourveances.  —  Le  ms.  B  6  ajoute  :  que  les 
dit  Englès  trouvèrent.  F«  752. 

P.  161,  1.  32  :  en  segur.  —  Ms.  AS:  aussi  en  seur  estât. 

P.  162,  1.  5  et  6  :  cuidoit  estre  aidiës.  —  Ms.  AS:  pensoit 
estre  secourus. 

P.  162,  1.  21  :  ensi  que  couvens  portoit.  —  Ms.  AS:  aussi 
ce  que  couvenancié  lui  estoit. 

P.  162,  1.  31  :  lui.  —Ms.  ^  8  :  se. 

P.  163,  h  2  :  faiticement.  —  Le  ms.  B  6  ajotae  :  et  né  Teuissent 
pas  rendu  pour  cent  mil  firans.  F*  753. 

§  651 .  Apriès  le  conques.  ^  Ms,  d^ Amiens  :  Âpriès  le  prise  et 
concquès  de  le  Roce  sur  Ion,  s'en  revinrent  li  signeur,  si  comme 
dessus  est  dit,  à  Poitiers,  et  se  départirent  li  pluisseur  et  s'en  al- 
lèrent en  leurs  garnisons  et  en  leurs  forterèces.  Si  se  retraist  li 
comtes  de  Cantbruge  deviers  son  frère  le  prinche  de  Galles  en  An- 
gouloimCy  et  li  comtes  de  Pennebrncq  ossi.  Or  a  vînt  que  messires 
James  d'Audelëe,  qui  estoit  grans  senescaux  de  Poito  et  durement 
bons  chevaliers  et  hardis  et  ungs  grans  capitains  entre  les  Englès, 
s'en  vint  à  Fontenay  le  Comte  em  Poito,  et  là  s*acoucha  malades, 
de  laquelle  maladie  il  morut.  De  le  mort  de  lui  furent  li  prinches 
et  tout  li  chevalier  d'Engleterre  et  de  Poito  moût  courouchiés, 
mes  amender  ne  le  peuvent. 

Apriès  le  trespas  de  monsigneur  Jame  d*Audelée,  fu  senes- 
caux et  gouvrenères  de  Poito  messires  Jehans  Camdos,  à  le 
prierre  et  requeste  de  tous  les  barons  et  chevaliers  dou  pays. 
Et  s'en  vint  demourer  à  Poitiers  et  là  tenoit  il  sa  garnison,  et 


[1369]      VÂ&lAZfTBS  DU  PREMIER  LIVRE,  S  632.  373 

faisoit  .sauvent  des  chevauchies  et  des  yssues  sus  les  Franchois, 
et  par  espedal  deviers  le  Roce  de  Ponsoy,  que  li  Franchois  le- 
noient  et  avoient  pris,  où  [estcuent]  messires  Guillaummes  des 
Bordes,  messires  Loels  de  Saint  Juliien,  Caruel  et  moût  de  bonnes 
gens  d'armes.  Et  SToit  lî  roys  de  Franche  grandement  renforcié 
ses  garnisons  de  chevaliers  et  d'escuiers  sur  les  frontières  et  les 
marches  de  Poito ,  et  en  avoit  en  le  Haie  en  Tourainne  grant 
fnisson,  k  Loches  et  à  Saumur  ;  et  tout  sus  celle  rÎTière  de  Loire 
estoit  lî  pays  raemplis  de  Bretons  et  de  Bourghignons ,  et  estoit 
entre  ywa  une  moût  grande  cappittainne  messires  Jehans  de 
Tianne. 

En  ce  tamps,  fil  délivra  de  prison  lî  viscomtes  de  Rochnwart 
que  lî  prinches  avoit  fait  tenir  moult  longement,  par  suppechon 
qu'il  ne  devenist  franchois.  Si  le  délivra  li  dis  piinches  à  le  priîère 
et  requeste  de  ses  amis;  et,  si  trestost  comme  il  fu  délivrés,  il 
s'en  vint  à  Paris  deviers  le  roy  et  se  tourna  franchois.  Et  revint 
arrîerre  en  son  pays  et  y  mist  un  bon  homme  d'armes  et  ses  gens, 
en  le  ville  de  Rochnwart,  qui  s'appelloit  Thîeubaut  don  Pont.  Et 
fist  touttes  ses  gens  tourner,  et  puis  fist  grant  guerre  su  prinche 
qni  fu  durement  coorouchiés.  quant  u  legierement  l'avoit  delivret 
de  prison ,  et  ossî  en  furent  moult  abaobi  tout  chî)  qui  pruet  en 
avoient.  F"  149. 

P.  163,  1.  4  :  Apriès. — lei  commence  le  mt.  £  2  (I.  H  du  ms. 
n*  S006  de  la  Bîbl.  oat.). 

P.  163,  1. 11  :  s'alitla.  —  lUt,J8  ;  acoucha.  F*  31S  v. 

P.  163,  1.  25  :  Rocewart.  —  Ms.  A  8  .*  Rochechouart. 

P.  164,  I.  S  :  un  petit  don  duch  de  Lancastre.  —  Ms.  S  6  : 
entreuls  que  on  se  tenoît  à  Toumehem,  d'une  aventure  qu'il  avint 
encore  au  conte  Jehan  de  Pennebourcq.  F"  7S3. 

§  658.  Quant  U  dus.  —  Mt.  tt/imieas  .*  Li  roys  de  Franche 
pour  le  tamps  se  tenoît  en  le  cbité  de  Roem,  et  avoit  là  sus  le  ri- 
TÎerre  et  ou  havene  de  Harflues  fait  le  plus  grant  appareil  de 
naves  et  de  calans  que  on  ewist,  en  grant  temps  avoit,  veu  en 
France,  et  grant  fuîsson  de  bonne  chevalerie  et  escuierie,  des- 
qnelx  li  dus  de  fiourgrangne,  ses  frèrez,  estoit  cbiës;  et  dévoient 
aller  touttes  ces  gens  d'armes  et  celle  navie  en  Engleterre.  Qant 
les  nouvelles  vinrent  au  roy  de  Franche  que  li  dus  de  Lancastre 
estoit  arîvës  à  Calais  et  couroient  ses  gens  sus  le  roîame ,  aï  fu 
tous  chîls  premiers  pourpos  brisiés,  et  fudit  au  roy  :  «Sire,  voos 


374  CHRONIQUES  DE  J.  i-HOISSART.  [4369] 

demandes  vos  ennemis  et  les  voUës  faire  aller  combattre  par  de 
delà  le  mer,  et  il  sont  decha;  encorres  vaut  mieux  que  vous  les 
fachiës  combattre  par  de  decfaa  a  l'avantaige  de  vos  gens,  que  par 
delà.  »  Adonc  coummanda  li  roys  de  Franche  et  ordounna  touttes 
gens  à  deslogier  d'environ  Roem,  et  de  passer  Sainne  et  Somme, 
et  de  venir  logier  et  prendre  terre  contre  les  Englès.  Si  se  des- 
logièrent  et  partirent  toottes  gens,  duc,  comte,  baron,  chevaliers 
et  escuier,  et  prissent  plutsseurs  voies  et  adrèches  pour  venir  vers 
Saint  Omer.  Si  rapassèrent  le  Sainne  et  le  rivière  de  Somme  à 
Amiens  et  à  Abeville,  et  fissent  tant  par  leurs  journées  qu'il  s'en 
vinrent  logier  entre  Liques  et  Tournehen,  assés  priés  de  l'ost  des 
Englès,  et  disoit  on  tous  les  jours  :  »  11  se  combateront.  »  Si  aUoient 
de  celle  part  tout  chevalier  et  escuier  qui  se  desiroient  à  avan- 
chier.  Et  me  fu  enssi  dit  et  affremë  pour  veritë  que  li  dus  de 
Bourgoigne  avoit  là  quarante  cens  chevaliers  et  plus,  de  quoi  U 
ainnés  c'estoit  messires  Philebers  de  l'Espinache  :  se  pooit  il  avoir 
à  ce  tamps  cent  ans  ou  environ;  ne  oncques  on  ne  vit  tant  ens- 
samble  à  Buironfosse,  à  Crechi,  ne  autre  part.  F"  i  64  v*. 

P.  464,  1.  21  :  Tieruane.  —  ilfx.  ^  8  ;  Terouenne.  F«  315  v«. 

P.  465,  1.  45  :  toursé.  —  Ms,  A%:  tourné. 

P.  465,  1.  20  :  Monstruel  sus  Mer.  —  Ms.  £6:k Saint Aumer. 
Là  se  loga  le  duc  de  Bourgongne  qui  bien  avoit  en  sa  compaignie 
dix  mil  hommes  d'armes,  chevaliers  et  escuiers.  P*  749. 

P.  465,  1.  30  et  34  :  compagnie.  —  Le  ms,  B  6  ajoute  :  et 
passa  parmy  Brabant  et  Flandre.  Sy  estoit  en  sa  compagnie  et 
dessoubz  luy  messire  Guillaumme  Lardenois,  le  sire  de  Spondn, 
messlre  Buriauls  de  Jupelu,  le  sire  de  Gennes,  messire  Lambert 
de  Gennes  son  frère,  messire  Ernoul  de  Malenbais,  messire  Danel 
de  Selles,  messire  Henry  de  Senselles  et  des  aultres  que  je  ne 
puis  tout  noummer.  Et  estoient  en  sa  compaignie  deux  cens  conn 
batans  ausquels  le  duc  de  Lancastre  fist  grant  feste.  F**  749 
et  750. 

P.  466, 1.  4  :  les.—  Mss.  J7,S:  le.  P»  308  v«. 

P.  466,  1.  6  :  sois.  —  Ms.  AS:  soies.  F»  316. 

P.  466, 1.  24  et  22  :  demorans.  —  Ms.  AS:  remenant. 

P.  464,  1.  22  :  grant.  —  Le  ms.  B  6  ajoute  :  Et  avoient  les 
François  grant  désir  de  combatre  les  Englès,  car  il  estoient  six 
contre  ung,  et  touttes  bonnes  gens  à  l'eslite.  Mais  tous  les  jours 
venoient  nouvelles  en  l'ost  et  commandement  de  par  le  roy  de 
Franche  que  point  ne  se  combatissent  sans  son  sceut  et  congiet, 


[1369]      VARIAINTËS  DU  PREMIER  LITRE,  §  633.  375 

car  le  roy  doubtoit  fort  le»  fortunes  et  furent  un  lonc  tamps  en 
cel  estât.  P  750. 

P.  166, 1.  25  î  euist.  —  Ms.  A  %  ':  veist. 

P.  167,  1.  3  :  leur.  —  3fs.  A  S  :  lieu. 

P.  167,  1.  20  :  aventures, —  Le  ms.J  S  ajoute  :  plus  souvent. 

§  653.  Ce  terme  pendant.  —  Ms.  d* Amiens  :  Entroes  que  mes- 
sires  Jehans'Camdos  estoit  gouvrenàres  de  Poitd,  il  mist  une  ce- 
vaucie  de  gens  d'armes  et  de  compaignons  sus,  et  estoîent  bien 
trois  cens  lanches  et  deux  eens  archiers,  et  en  pria  au  comte  de 
Pennebrucq  qu'il  y  volsist  estre.  Et  vollentiers  y  ewist  esté,  mes 
ses  conssaux  li  destourna,  et  li  fut  dit  ensi  :  a  Monsignetir,  vous 
estes  ungs  des  grans  d'Engleterre  et  li  plus  grans  apriès  les  en- 
fans  dou  roy,  et  ungs  jones  homs.  Si  avés  mestier,  pour  vostre 
honneur  et  vous  avaiichier,  que  vous  soiiës  renommes  chiës  d'une 
chevauchie  ;  et,  se  vous  allés  maintenant  avœcq  Camdos,  il  en  ara 
le  vois  et  le  huée,  et  vous  n'en  serés  de  riens  congneus  ne  avan- 
chiés ,  qui  est  uns  petis  chevaliers  ens  ou  regart  de  vous ,  coum- 
ment  qu'il  se  àoit  fais  et  avanchiés  par  les  guerres.  »  Siques  ces 
parolles  et  autres  do6t  li  comtes  de  Pennebrucq  fut  adonc  enfour- 
més  et  enortés,  le  destoumèrent  d'aller  en  ceste  chevauchie.  Non- 
pourquant  messires  Jehans  Camdos  ne  vot  mies  séjourner,  mais 
fist  sen  emprise  et  entra  en  Ango  et  en  ung  pays  que  on  appelle 
Loudunois,  et  ardi  et  gasta  moût  durement  celui  pays  ;  et  y  fissent 
ses  gens  pluisseurs  desrois ,  ne  nuls  ne  leur  vint  au  devant.  Si 
demoura  bien  Camdos  en  ceste  chevauchie  un  mois ,  et  puis  re- 
prist  sen  tour  par  Cauvegny  et  par  le  terre  le  comte  de  Rochuart, 
que  il  destruisi  malement;  et  s'en  vint  tout  contreval  le  rivierre 
de  Creusse,  et  puis  à  Castieleraut,  qui  est  hiretaiges  de  mons>- 
gneur  Loeis  de  Halcourt.  Si  s'aresta  là  et  touttes  ses  gens. 

Entroes  que  il  sejournoit  à  C&astieleraut,  il  eut  pourpos  que  de 
faire  une  chevauchie  jusques  à  le  Haie  en  Tourainne ,  où  il  avoit 
une  grant  gamisson  de  gens  d'armes,  car  là  se  tenoient  messires 
Robers  de  Sausoire  et  messires  Jehans  de  Vianne.  Si  segnefia  li 
dis  messires  Jehans  Camdos  sen  entente  et  sen  enprise  encorres 
au  comte  de  Pennebrucq ,  liquelx  y  fîist  venus  trop  vollentiers , 
mes  ses  conssaux  l'en  destoumèrent.  Toutteffob,  quant  il  eut 
assés  penssé  et  ymaginet  sus  ces  chevauchies  et  coumment  il  s'en 
estoit  escusés  par  Tinfourmation  qu'il  avoit  eus,  il  regarda  en 
soy  meysme  que  il  ne  faisoit  mies  bien.  Si  fist  un  jour  armer 


376  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

Umttes  ses  gens  et  monter  à  cheval,  et  chevauça  à  gnnl  esploit 
jusques  à  Castieleraut.  Encorre  trouva  il  monsigneor  Jehan  Cam- 
dos,  qui  là  se  tenoit,  mes  il  avoit  tout  son  pourpos  brisiet  et  rom- 
put  de  faire  le  chevauchie  devant  ditte.  Et  se  parti  li  dis  messires 
Jehans  Gamdos  assés  tost  apriès  de  Gastieleraut,  et  prist  le  che- 
min pour  revenir  à  Poitiers.  F"  1 49  v*. 

P.  167,  1.  23  :  assamblde.  —  Ms. A%:  chevauchiez  F"" 316 v*. 

P.  167,  1.  31  :  Poitevins.  —  Le  nu.  B  6  ajouu  :  et  estoient 
bien  cinq  cens  lanches.  F*  753. 

P.  168,  1. 1  :  en...  Tourainne.  —  Ms,  B  6  :  jusques  en  Tou- 
raine  et  jusques  à  la  rivière  de  Loire. 

P.  168,  1.  8  :  désir.  — Ms.  AS:  propos. 

P.  168,  1.  9  :  homs.  -^Ms,  A  8  :  seigneur. 

P.  168,  1.  16  :  le  sienne.  —  Mss,  i^  3,  4,  ««^  7,  8  :  le  sien.  — 
Ms.  Bk.f  313  v«. 

P.  169,  1.  7  :  moult.  —  Xe  /»#.  A  8  ajoute  :  d'ennuis  et. 

P.  169y  1. 10  :  Loudonnois.  —  Ms.  AS:  Laudonnois,  -—  Le 
'ms,  B  6  ajoute  :  et  y  séjourna  bien  ung  mois.  F*  754. 

P.  169,  1.  14  :  Rochewart.  —  Ms.  AS  :  Rochechouart. 

P.  169,  1.  19  :  Aljos.  —  Ms.  A  S  :  Alions. 

P.  169,  1.  19  et  20  :  Alyos  de  Talay.  —  Ms.  A  17  .*  Heliot  du 
Taillay.  F>  365. 

P.  169,  1.  25  et  26  :  à  le  Haie  en  Tourainne.  —  Ms.  A  S  :  ea 
la  Haie  de  Touraine. 

S  6!(4.  Or  vous  compterons.  •—  Ms.  it  Amiens  :  Che  jour  tout 
enthier,  demoura  li  comtes  de  Pennebrucq  à  Castieleraut,  et  l'en- 
demain  apriès  boire,  il  s'em  parti  et  prist  che  meysme  chemin 
que  messires  Jehans  Gamdos  avoit  fait.  Or  vous  diray  le  conve- 
nant des  Franchois  et  des  garnisons  qui  se  tenoient  sour  les  mar- 
ches et  frontières  de  Poito.  Bien  savoient  par  leurs  espies 
coumment  messires  Jehans  Gamdos  et  li  comtes  de  Pennebrucq 
n'avoient  point  chevauchiet  enssamble,  et  que,  par  grandeur  et 
orgoeil ,  il  avoient  laissiet  à  faire  leur  emprise  ou  em  partie.  Et 
entendirent  encorres  li  chevalier  franchois  que  li  comtes  de  Pen- 
nebruc  estoit  à  Gastieleraut ,  et  messires  Jehans  Gamdos,  partis. 
Ges  nouvelles  oyrent  il  moult  voUentiers.  Si  se  partirent  tantost 
et  sans  delay  de  le  Roche  de  Ponsoy,  où  il  estoient  recueilliet  et 
assamblet,  et  se  missent  as  camps  bien  cinq  cens  hommes  d'ar- 
mes, tous  montés  et  aprestés,  et  avisèrent  par  esclos  et  par  e»- 


[1369]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  634.  377 

pies  le  chemin  que  li  comtes  de  Pemiebrucq  tenoit.  Il  faisoit  celi 
meysmes  que  messires  Jehans  Camdos  avoit  fais  ens  ou  voyaige 
d'Ango,  qui  marchist  à  Poito.  Si  se  vint  logier  li  dis  comtes  en 
Ango,  à  rentrée  de  un  villaige  c'on  dist  Puirenon,  et  pooit  avoir 
en  se  route  de  touttes  gens  trois  cens  hommes.  Si  en  voUoit  û^re, 
par  l'-enhort  et  avis  de  son  consseil,  se  cevauchie  à  par  lui  et  ossi 
bien  que  messires  Jehans  Camdos  avoit  fait  le  sienne  ;  mes  il  l'en 
dubt  estre  près  mesavenut  et  mescheut,  si  comme  vous  orës  re- 
corder chy  apriès. 

En  ceste  queilloite  et  chevauchie  que  li  Franchois  avoient  mis 
sus  pour  rencontrer  les  Englès,  ou  cas  que  il  les  poroient  trouver 
ne  avoir  à  leur  avantaige,  avoit  fuisson  de  bons  chevaliers  et  es- 
cuierSv  car  il  estoient  queilliet  et  rasamblé  de  pluisseurs  garnisons, 
pour  tant  que  il  savoient  bien  que  li  Englès  cHevauchoient;  et 
par  especial  chil  de  le  Haie  en  Tourrainne  et  de  le  Roche  de 
Ponsoy  y  estoient  le  plus.  Là  estoient  messires  Jehans  de  Vianne, 
messires  Jehans  de  Buel,  messires  Guillaummes  des  Bordes,  mes- 
sires Loeiis  de  Saint  Julien,  Garuel,  breton,  et  messires  Robers 
de  Sansoir;  et  d'Avergne  :  messires  Robers  Daufins,  messires 
Hugues  Daufins,  messires  Grifons  de  Montagut,  li  sires  de  Ca- 
lençon,  messires  Jehans  d'Achier,  li  sires  de  Rochefort  et  pluis- 
seurs autres  chevaliers  et  escuiers.  Si  chevauchièrent  tellement  et 
si  sagement  par  l'ordounnanche  de  leurs  espies,  que  il  vinrent  et 
entrèrent  ou  village  de  Puirenon  contre  un  soir,  assés  tost  apriès 
che  que  li  comtes  de  Pennebrucq  et  ses  gens  y  fîiissent  venu  et 
descendu,  et  ja  se  coummenchoient  à  establer  et  à  logier  pour  y 
demourer  celle  nuit.  Evous  les  Franchois  venus,  bannierres  et 
pennons  devant  yaux,  en  escriant  :  uSausoire!  »,  les  lanches 
abaissies  et  les  espées  touttes  traites ,  et  montes  sour  bons  cours- 
siers  et  ronchins.  Si  entrent  en  ces  Englès,  et  les  coummenchent 
à  abattre  et  à  mehaignier,  à  ochire  et  à  decopper. 

Et  quant  li  Englès  se  virent  si  soudainnement  asaîUi,  si  furent 
tout  esmervilliet  dont  teix  gens  venoient.  Si  se  prendent  à  retraire 
petit  à  petit  deviers  le  logeis  le  comte  de  Pennebrucq,  qui  estoit  ja 
tous  armés,  et  se  routte,  et  montés  à  cheval,  se  bannière  devant  lui. 
Là  se  raloiièrent  chevaliers  et  escuiers  et  touttes  mannierres  d'au- 
tres gens  de  leur  ordounnanche.  Si  counmienchièrent  li  archier  à 
traire  fort  et  roit  sus  ces  Franchois  et  à  bersser  hommes  et  che- 
val, et  à  deffendre  et  garder  moult  bien  le  place,  et  tant  que  il 
se  furent  ensi  que  tout  rêqueilliet  et  mis  ensamble.  Là  eut  dur 


378  CHRONIQUES  DB  J.  FROISSâRT.  [1369] 

hustin  et  fort  puigneb,  car  li  Franchois  estoient  grank  fiiissoa  tt 
droite  gens  d'armes ,  et  tout  bien  monte  et  ïÂen  armé ,  et  si  fort 
et  si  espès  que  li  très  ne  les  pooit  noient  empirer.  Là  eut  maint 
homme  jette  par  terre  et  mis  à  meschief.  Si  vous  di  que  li  Englès 
ne  l'avoient  mies  d'avantaige.  Si  estoient  adonc  dallés  le  comte 
de  Pennebrucq  et  de  se  chevauchie  messires  Thnmmas  de 
Perssi,  messire  Bauduins  de  Fraiville,  messire  Thummas  le  Des- 
penssier,  messires  Richars  Masse,  messires  Jehans  Anssiel  et  pluis- 
seurs  autres  bons  chevaliers  et  escuiers.  Et  bien  leur  besongnoit 
que  il  fuissent  droite  gens  d'armes  et  encorres  plus  deux  tans  que 
il  ne  fuissent,  car  0  furent  à  ce  donc  ossi  dur  rencontré  et  re- 
bouté c'a  merveilles;  et  bien  y  pary,  car  une  grant  partie  des 
leurs  furent  mors  et  pris  sour  le  place.  Et,  par  especial,  y  furent 
pris  messires  Richars  liasse  et  messires  Jehans  Anssel,  et  bien 
ochis  des  leurs  cent  et  cinquante. 

Et  n  eurent  li  comtes  de  Pennebrucq  et  messires  Tliummas 
de  Perssi  et  li  remaaans  plus  de  recours  qu'il  s'avisèrent  d'une 
maison  de  Templiers,  qui  estoit  au  dehors  de  le  ville,  frem- 
mée  et  environnée  de  mur  de  blanche  pierre  et  toutte  secke, 
sans  aige  et  sans  fosset,  à  plainne  terre.  Toutteffois,  quant  il 
virent  le  meschief  qui  contournoit  sus  yaux,  il  se  retraissent 
celle  part ,  tout  combatant  et  escarmuchant;  et  fissent  tant  qu'il 
se  boutèrent  et  requelièrent  dedans  le. porte,  mes  il  laissièrent 
par  dehors  touttes  leurs  pourveanches ,  chars ,  charettes  et  som- 
miers, or  et  argent  et  vaissielle  et  tout,i'aroy,  l'ordounnaDce  et 
le  hamois  pour  lors  corps  et  pour  lors  gens,  et  une  partie  de 
lors  chevaux.  Encorres  se  tinrent  il  tous  euwireux ,  quant  il  se 
trouvèrent  laiens  enfremmé  pour  passer  le  nuit ,  à  quel  mesdef 
ne  péril  que  ce  fîist.  Quant  li  Franchois  virent  que  li  Englès 
estoient  là  retret,  si  se  retraissent  ossi,  car  il  futantost  tart, 
et  dissent  entre  yaux  :  «  Alons  nous  reposer.  Il  sont  mieux  que 
en  prison;  car  laiens  les  afammerons  nous,  se  nous  voilons,  ne 
il  ne  se  puevent  partir  sans  no  congiet.  »  Si  entendirent  leur 
varlet  au  pillage ,  au  trousser  et  au  destrousser,  et  au  mettre 
d'un  lés  tout  chou  que  trouvet  avoient,  et  ossi  à  entendre  à  gar* 
der  les  prisounniers  de  leurs  mestres,  et  ossi  à  faire  bon  get 
par  devant  l'ostel  dou  Puirenon,  où  li  Englès  estoient  enclos. 
F-  159  vo  et  160. 

P.  170,  1.  18  :  trois  cens.  —  Ms.  £6:  sept  vingt.  F»  754. 

P.  l""!,  1.  20  :  Karenloet.  —  Mss.  B  i  àk,  A%:  Gharuel, 


[1369]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  635.         379 

Charruel,  Karuel.  —  Mss.  A  7,  22  :  Jehan  Kaeranloet,  nn  très 
bon  escuier  breton.  F*  310. 

P.  171,  I.  21  :  sept  cens  combatans.  —  ilff.  ^  6  :  mil  lancfaes. 
F»  754. 

P.  171.  1.  25  :  Fraiville.  —Ms.  A%  :  Franville. 

P.  171 ,  1.  26  et  27  :  d'Aghorises.  —  Ms.  A  1  :  d'Agorisses. 
— Ms.  AS:  d'Angonses.  F«  317  V».  —  Ms.  A  22  ;  d'Angourisses. 
Tome  II,  1*  262. 

P.  171,  1.  29  :  Courson.  — jffs.  AS:  Tom^son. 

P.  171,  1.  32  :  Touchet.  —  Ms.  A  S  :  Ck)nchet. 

P.  172,  1.  6  :  Puirenon.  —  Ms.  A  22  :  Puirenou.  —  Ms.  B  6: 
le  Puirenon.  F»  755. 

P.  172,  1.  7  :  assegitfë. —  Mss»  A  l^S  :  assenrez. 

P.  172,  1.  8  et  9  :  evoos  ces  François  venus.  -^  Ms.  ^  8  :  et 
lors  vindrent  ces  François. 

P.  172,  1.  20  :  Fraiville.  —  ilf*.  A  S  :  Franville. 

P.  172,  1.  28  :  Et  n'eurent.  —  Ms.  A  S  :  Et  n'ot. 

P.  172,  1.  30  :  qu'il  se  retraisent.  —  Ms.  AS  :  fors  que  d'eulx 
retraire. 

P.  172,  1.  32  :  pierre.  —  Ms.  B  6  :  murs.  P  755. 

P.  173,  1. 14  :  remontière.  — Mss.  Al^S  :  remontée.  F*  310. 

P.  173,  1.  14  :  hostel.  —Ms.  A  S  :  chastel. 

P.  173, 1. 1 7  :  reskement.  —  Ms,  Al  :  richement.  -^  Ms.  AS: 
aigrement.  — Mss,  ^  15  à  17  :  radement. 

P.  173,  1.  25  :  paveschiës.  —  Ms.  A  S  :  les  pavais.  F«  318. 

P.  173,  1.  32  :  arciers.  — -  iKfr.  ^  8  .*  chevaliers. 

P.  174,  1.  5  :  frefel.  —  Ms.  A  S  :  effroy. 

P.  174,  1.  16  :  assegur.  — Mss.  A  1^  S  :  asseur. 

P.  174,  1.  16  :  afaire.  -—  Les  mss.  A  i^  à  il  ajoutent  :  et  que 
ces  Englès  ne  vuidassent  et  s'en  allassent  par  nuit. 

§  635»  Vous  devés.  —  Ms,  tf  Amiens  :  Quant  11  comtes  de 
Pennebrucq ,  messires  Thummas  de  Persi,  messires  Bauduins  de 
Fraiville,  senescaux  de  Saintonge,  messires  Thummas  li  Despens* 
siers  et  li  autre  chevalier  se  virent  là  enclos  en  une  plate  maison, 
sans  pourveanches  ne  artillerie,  et  sentirent  grant  fuisson  de  che* 
valiers  et  escuiers  franchois  par  devant  yaiix,  si  ne  furent  mies 
à  leur  aise,  car  il  ne  pooient  veoir  qu'il  fuissent  comfortë  de  nul 
costé.  Et  li  plus  prochains  comfors  et  secours  que  il  pooient  avoir, 
c'estoit  messires  Jehans  Gamdos;  encorres  espoir  se  tenoit  il  à 


380  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

Poitiers,  sept  graades  lieuwes  loing.  Toutteffois,  imaginet  et  con- 
sideret  bien  le  péril  où  il  estoient,  et  exammet  ossi  leurs  besoin- 
gnes,  il  s'avisèrent  et  consillérent  l'un  par  l'autre  qu'il  escrip- 
roient  à  monsigneur  Jehan  Camdos ,  lequel  il  esperoient  à  Poi- 
tiers, et  li  priroient  que  a  ce  besoing  il  les  comfortast  et  deli- 
vrast  de  ce  dangier.  Adonc  furent  lettres  escriptes  tantost  et 
saiellées  don  comte  de  Pennebrucq,  et  encorres  certainnes  ensei- 
gnes envoiies  et  cargies  à  celui  qui  emprist  à  faire  le  mesaige, 
qui  se  parti  tout  secrètement  environ  mienuit  de  Tostel  par  de- 
riere  le  Puirenon  et  montes  à  cheval,  comme  chilx  qui  cuidoit, 
ce  disoitf  trop  savoir  le  chemin  et  Tadrèche  à  Poitiers  ;  mes  toutte 
le  nuit  il  se  fourvoya ,  ne  oncques  ne  sceut  ne  peut  tenir  voie 
ne  sentier^  jusques  à  tant  qu'il  fu  haux  jour  et  qu'il  se  ravoiea  par 
assens  et  congnissance  de  pays.  Or  vous  parlerons  des  Franchois, 
qui  tenoient  pour  tous  emprisonnes  les  Englès. 

Geste  nuit  passèrent  et  reposèrent  li  Franchois  tout  aise ,  et 
droit  à  l'aube  don  jour  il  furent  tout  arme,  aprestë  et  ordounné 
pour  assaillir  les  Englès;  et  se  traissent  celle  part  où  il  estoient, 
bannières  et  pennons  devant  yaux  et  en  très  bon  arroy,  chacuns 
sires  entre  ses  gens,  et  par  connestablie.  Là  estoient  messires 
Jehans  de  Vianne  et  messires  Jehans  de  Buel,  d'un  les,  avoecq  les 
Bourguignons;  d'autre  part,  messires  Loeis  de  Saint  Juliien, 
messires  Guillaummes  des  Bordes  et  Caruel,  avoecq  les  Bretons; 
en  ung  autre  les,  messires  Robers  de  Sansoirre,  li  sires  d'Andre- 
siel,  avoecq  les  Françhob  ;  et  les  Àuvregnois,  messires  Griffons, 
sires  de  Montagut,  li  sires  de  Callençon,  li  sires  de  Roçefort,  li 
sires  de  Serignach,  messires  Robers  et  messires  Huges  Daufins. 
Si  coummencièrent  chil  seigneur  et  leurs  gens  à  assaillir  l'ostel  dou 
Puirenon,  où  li  Englès  se  tenoient ,  très  ra[u]be  dou  jour.  Là  eut 
grant  ass^gat,  dur  et  fier,  tant  à  le  porte  que  as  dis  murs  de  le 
maison  ;  et  lanchoient,  traioient  et  escarmuchoient  chil  de  dehors 
à  chiaux  de  dedens.  Là  estoient  chil  archier  d'Engleterre  moût 
able  et  moût  legier,  monte  li  pluisseur  à  deux  pies  sour  le  mur, 
leurs  ars  tous  entesés  ;  et  ne  traioient  point ,  se  0  ne  quidoient 
leurs  saiettes  bien  jemploiies,  car  il  se  doubtoient  que  il  n'en 
ewissent  défiante.  Toutteffois,  pour  le  doubtanche  de  leur  tret,  li 
Franchois  n'osoient  mies  bien  bonnement  aprochier  le  mur,  se  ce 
n'estoit  aucun  compaignon  able  et  legier  qui  s'avanchoient  et 
montoient  devant  les  seigneurs  pour  y  estre  plus  renomme  et 
honnourë.  Là  estoient  les  gens  d'armes  d'Engleterre,  qui  avoient 


[1369]      VARIANTES  DU  PREMŒR  LIVRE,  §  636.         381 

fais  escafauxy  au  les  deviers  yaux,  pour  mieux  advenir  as  deffensces 
et  combattre  entre  les  archiers,  et  trop  bien  se  combatoient  et 
deffendoient  à  tous  venans.  D'autre  part  ossi ,  s'aventurèrent 
aucun  Franchois,  Breton  et  Bourguignon,  et  mettoient  pavais  sour 
leurs  testes  et  venoient  jusques  au  mur,  et  hurtoient  et  pressoient 
ù  defiaire;  car  il  n'y  avoit  aige  ne  fosset  ne  nul  entre  deux. 
Toutteffois,  il  estoit  fors,  durs  et  secks  et  de  bonne  pierre  ;  si  ne 
le  pooit  on  point  deffaire  à  sen  aise,  parmy  tant  ossi  qu*il  estoit 
bien  gardés  et  deffendus.  Que  vous  feroi  je  loing  compte?  Chils 
debas  et  ceste  rihotte  dura,  dou  point  du  jour  que  li  aube  crieuve 
jusques  à  nonne,  sans  point  cesser.  Or  regardes  se  là  en  dedens 
on  n'eut  mies  bon  loisir  de  faire  maintes  belles  appertisses  d'ar- 
mes. On  se  poet  et  doit  esmervillier  coumment  gens  peurent  tant 
assaillir  sans  reposer,  et  ossi  coumment  chil  de  le  maison  se  peurent 
tant  tenir  sans  yaux  rendre  ou  esbahir;  car  il  n'estoient  qu'un 
petit  ens  ou  regart  des  Francbois,  foullé  et  travilliet,  et  qui  point 
n'avoient  la  nuit  souppet  ne  dormit  :  dont  il  n'estoient  mies  plus 
fort  ne  mieux  legier,  mes  il  veoient  bien  que  faire  leur  couve- 
noit,  autrement  il  estoient  tout  perdu.  Ce  estoit  la  cause  pour 
quoy  si  bien  il  se  deffendoient.  F*»  160  r*  et  v®. 

P.  174,  1.  26  :  viveroient;  lisez  :  juneroient.  ^  Ms,  A  8  ; 
jeuneroient.  F®  318. 

P.  174,  1.  27  :  faisoit.  —  Ms.  A  8  :  estoit. 

P.  175,  1. 1  :  esploiturierement.  —  Ms,  AS:  appertement. 

P.  175,  1.  8  :  s'ahati.  —  i*ff.  .^  8  :  se  vanta.  F«  318  v». 

P.  175,  1.  9  :  de  laiens.  — Ms.  /^  8  :  de  l'ostel  dessus  dit. 

P.  175,  1. 10  :  asserisiet.  — Ms.  AS:  assegrisiez. 

P.  175,  1.  24  :  peut.  — Ms.  A  7  ;  pou. 

P.  175,  1.  24  :  baus.  —  Ms.A%  :  bancs.  F«  318  ^f^. 

P.  176,  1.  9  :  wiseus.  —  Ms.  A  8  :  oiseux. 

P.  176,  1.  9  :  recréant.  —  Ms.  AS:  recreus. 

P.  176,  1.  17  :  petite  force,  —  ^j.  A  S  :  petit  fort. 

§  656.  Entre  prime.  —  Ms.  d'Amiens  :  Environ  heure  de 
primme  et  ou  plus  fort  de  l'assault,  appella  li  comtes  de  Penne- 
brucq  ung  sien  escuier,  bon  homme  d'arme,  et  li  dist  :  <c  Partez 
de  chy  au  plus  tost  que  vous  poés,  et  montes  sus  tout  le  milleur 
et  plus  appert  courssier  des  nostres,  et  ne  cessés  d'esperonner 
tant  que  vous  venés  à  Poitiers.  Et  dittes  à  monsigneur  Jehan 
Camdos  que  nous  le  saluons  moût  de  fois ,  et  li  recordés  tout 


382  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [i369] 

Tesut  où  TOUS  nous  laissiez,  et  U  dittes  de  par  nous  tous  que 
nous  le  prions  chierement  qu'il  nous  viegne  secourir,  et  qu'il  soit 
cby  dedens  heure  de  vespres  :  je  croy  que  nous  nos  tenrons  bien 
jusques  adonc,  à  ces  ensaignes  que  vous  li  baillerés  de  par  my  et 
que  bien  connistera.  »  Lors  traist  li  comtes  de  Pennebnicq  un 
aniel  d'or  hors  de  son  doy  et  le  bailla  à  l'escuier.  Cils  le  prist  et 
monta  erramment  sus  un  bon  courssier,  qui  estoit  tous  aprestés 
en  le  court,  et  se  parti  par  de  derierre,  oncques  n'y  fu  percheus; 
et  se  mist  au  chemin  deviers  Poitiers,  tout  le  cours  et  à  le  fois  les 
galos,  pour  le  courssier  laissier  resoufller.  Or  vous  diray  dou  pre- 
mier messaige  coumment  il  esploita.  Bien  est  ventez  que  toutte  le 
nuit  il  chevaucha;  mais  oncques  il  ne  sceut  ne  peut  tenir  voie 
ne  sentier,  si  fu  grans  jours.  Quant  ce  vint  au  jour,  il  recongnut 
son  chemin  et  vey  bien  que  il  s' estoit  fourvoiiës  toutte  le  nuit.  Si 
se  radrecha,  par  asens  de  pays,  par  deviers  le  chité  de  Poitiers,  et 
fist  tant  qu'il  y  parvint  environ  heure  de  tierche  Si  trouva  mon- 
signeur  Jehan  Camdos  à  son  hostel,  qui  de  voit  laver  ses  mains 
pour  seoir  à  table,  et  grant  fuisson  de  chevaliers  et  d'escuiers 
dalës  lui.  Li  messagiers  l'enclina  et  li  bailla  les  lettres  de  par  le 
comte  de  Pennebnicq  et  tous  les  compaignons.  Il  les  prist  et 
ouvri  et  lissi,  et  entendi  par  elles  coumment  il  estoient  enclos  en 
un  plat  hostel  à  petit  de  forche  au  Puirenon,  et  laiens  en  dur 
parti  et  en  grant  péril  contre  les  Franchois. 

Quant  messires  Jehans  Camdos  eut  bien  les  lettres  veuwes  de 
chief  en  qor,  si  fu  tous  pensieux  une  espasse,  et  regarda  que» 
de  Poitiers  jusques  au  Puirenon,  avoit  sept  lieuwes,  et  que  aven- 
ture seroit,  se  il  y  venoit  à  tamps.  Si  dist  enssi,  quant  il  eut 
pensé  :  «  Alons,  alons  à  table;  car,  se  il  estoient  tout  mort 
et  tout  prb,  se  nous  convenroit  il  mengier  et  boire.  »  Adonc 
s'asist  au  mengier  messires  Jehans  Camdos,  et  ossi  fissent  tout 
chil  qui  là  estoient,  Encorres  estoient  il  à  leur  premerain  mes, 
quant  li  hommes  d'armes,  que  li  comtes  de  Pennebrucq  y  en- 
voioit  de  rechief,  descendi  en  le  court,  liquelx  monta  tantost 
les  degrés  et  entra  en  le  sale,  et  les  trouva  seans  à  table.  Si  en- 
clina  monsigneur  Jehan  Camdos  et  se  traist  vers  lui,  et  fist  son 
messaige  bien  et  à  point  et  li  moustra  les  congnissanches  de 
Taniel  d'or  et  li  dist  et  pria  que ,  parmy  ces  enssaignes ,  il 
se  volsist  prendre  pries  de  venir  là  où  li  compaignon  estoient. 
Adonc  penssa  messires  Jehans  Camdos  un  petit,  et  puis  tantost 
leva  le  teste  et  dist  tout  en  haut  :  «  Or  avant ,  biau  signeur  !  As 


[1369]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  637.  383 

armes  et  as  chevaux  !  Vous  oés  et  veës  ooomment  li  comtes  de  Pen- 
nebrucq  nous  prie  et  nous  mande  que  nous  le  comfortons  à  ce 
besoing;  et  s^en  nous  demouroit,  on  la  nous  deveroit  tourner  à 
reproche  et  à  lasqueté ,  et  ossi  nous  sommes  moult  tenus  de  lui 
aidier,  car  ja  est  il  envoiiés  en  ce  pays  de  par  le  roy  nostre  si- 
gneur^  avoecq  monsigneur  de  Cantbruge,  pour  uns  des  ciés,  et  se 
le  tient  nos  roys  à  fil,  car  il  eut  sa  fille  espousëe.  Si  nous  esploi- 
tons  de  lui  secourir,  et  j'espoir  que  nous  y  venrons  tout  à. tan.  » 
Il  n'y  eut  plus  dit  ne  plus  fait ,  mes  se  partirent  touttes  gens  de 
table  et  se  coururent  armer,  et  sounnèrent  les  trompettes  mon- 
signeur Jehan  Camdos.  Si  s'aprestèrent  parmy  Poitiers  touttes- 
mannierres  de  gens  -d'armes  vistement,  et  montèrent  as  chevaux, 
et  se  partirent  plus  de  quatre  cens  hommes  parmy  les  archiers, 
et  prissent  le  plus  droit  chemin  qu'il  peurent  par  deviers  le  Pui- 
renon.  F"  460  v«  et  46i. 

P.  176,  1.  21  :  se  ragrignoient. —  Ms,  A  1  :  sq  chagrinoient. 
F«  311.  —  Jlfj.  u^  8  :  regrignoient.  F*>  318  v\ 

P.  176,  1.  24  :  haviaus.  —  Ms.  A  %  :  boyaux. 

P.  176,  1.  25  :  Englès.  —  Le  ms.  A  8  ajoute  :  doubtoient  et. 

P.  178,  1.  2  :  pries.  —  Ms.  A  8  :  preste 

P.  178,  1.  5  :  evous.  —  Ms,  ^  8  :  et  vecy. 

P.  178,  1.  22  :  ahers.  —  Ms.  AS:  encommencié.     , 

P.  178, 1.  31  :  bellement.  —^Ms,  A%:  benignement. 

P.  179,  1.  13  :  gens.  —  Les  mss.  Al,  S  ajoutent  :  et  se  misent 
au  chevauchier  roidement.  F*  311  v». 

§  637.  Ensi  que.  —  Ms.  ^Amiens  :  Ces  nouvelles  furent 
flceuwes  en  Tost  des  Franchois,  qui  encorres  assailloient  le  comte 
de  Pennebrucq  en  Tospital  dou  Puirenon ,  que  messires  Jehan  s 
Camdos,  à  grant  fuisson  de  gens  d'armes  et  d'archier^,  estoit 
partis  de  Poitiers  et  venoit  celle  part  pour  secourir  ses  compai- 
gnons.  Si  tost  qu'il  entendirent  chou,  les  cappitainnes  se  traissent 
d'un  lés  et  parlèrent  enssamble  à  savoir  coumment  ils  se  mainten- 
roient,  se  il  atenderoient  les  Englès  ou  non.  Il  regardèrent  que 
il  avoient  fait  une  belle  chevauchie.  mors  de  leurs  ennemis  plus 
de  huit  vingt,  et  tenoient  des  bons  prisounniers,  chevaliers  et  es- 
cuiers,  et  avoient  encorres  gaegniet  durement  grant  butin  en  va- 
selle  d'or  et  d'argent,  en  çaintures  et  jeuiaux,  en  hamas,  en  che- 
vaux et  autres  pourveanches  ;  et  si  estoient  leurs  gens  lassés  et 
travilliés  d'assaillir,  siques,  tout  consideret  et  peset  le  bien  contre 


i 


384  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

le  maU  il  s'avisèrent  qn'il  se  retrairoient  tout  beUement  deviers 
le  Roche  de  Ponsoj  et  deviers  Saumor,  et  metteroient  tont  leur 
pillaige  à  sauvetë.  Si  fissent  cesser  à  Tassant  et  entendre  an 
toorsser  et  au  monter  aux  chevaux,  et  se  partirent  quant  il  furent 
tout  appareilliet.  Si  enmenèrent  lors  prisounniers  et  tinrent  à  celle 
fois  le  chemin  de  Saumur.  Quant  li  comtes  de  Pennebnicq  et  ses 
gens,  qui  estoient  en  Puirenon,  virent  le  département  des  Fran- 
chois,  si  en  furent  tout  joyant,  car  il  avoient  là  séjourné  en  grant 
péril.  Si  se  partirent  ossi  assës  tost,  et  n'avoient  mies  i  leur  dé- 
partement tant  de  chevaux  comme  il  estoient  d'ommes,  mes  il 
fissent  au  mieux  qu'il  peurent,  et  montèrent  li  piuisseur  yaux 
deux  sur  un  cheval.  Enssi  les  trouvèrent  et  encontrèrent  messires 
Jehans  Camdos  et  se  routte ,  qui  venoient  celle  part  à  grant  es- 
ploit,  bannierre  desploiie.  Si  y  eut  grant  recongnissances,  quant 
il  se  trouvèrent,  et  revinrent  enssi  enssamble  à  Poitiers ,  parlans 
et  devisans  de  leurs  aventures.  P  i61. 

P.  179,  1.  29  :  rihoter.  —  JIffj.  Al^%  :  noter. 

P.  180,  1.  2  :  fresch  et.  —  Les  mss.  A  l^S  ajoutent  :  tous. 

P.  180,  1.  3  :  fn.  —  Les  mss.  Al,  S  ajoutent:  tenus. 

P.  180, 1.  12  et  13  :  disent  par  vente.  —  Mss,  Al^%:  disant 
entre  eulz  :  «  Pour  vérité.  3> 

P.  180,  1.  16  :  l'enconterons.  —  Mss,  J  7^  S  :  rencontrerons. 

P.  180,  1.  20  :  ensus.  —  ^/.  ^  8  :  arrière.  F*  319  v». 

P.  180,  1.  23  :  cel.  —Ms.A  S  :  tel. 

P.  181,  1.  2  et  3  :  li  mareschaus.  —  Ms*  A  1  :  le  mareschal. 
F*  312.  —  Jlf^.  ^  8  ;  les  mareschaux.  F""  320. 

§  638.  En  ce  temps.  —  Ms,.éP Amiens  :  En  ce  tamps  que  dûl 
signeur  de  Franche  et  d'Engleterre  se  tenoient  enssi  l'un  devant 
l'autre  à  Toumehem,  où  il  furent  ung  grant  tams,  trespassa  de 
ce  siècle  la  bonne  des  bonnes,  madamme  Phelippe  de  Bayimau, 
la  noble  roine  d'Engleterre  et  courtoise  à  chiaux  de  son  pays. 
Certes,  touttes  nobles  vertus  furent  en  li  tant  comme  elle  vesqui, 
et  ne  perdirent  oncques  li  Englès  tant  comme  elle  dura;  ne  onc- 
ques,  tout  son  vivant,  n'eut  pestilense  ne  chier  tams  en  Engleterre. 
Si  fu  la  noble  roynne  ensevelie  à  Wesmoustier  à  très  grant  so- 
lempnité,  ce  fu  bien  raison.  F^  163  v<>. 

P.  181,  1.  14  :  temps.  —  Le  ms,  B  6  ajoute  :  droitement  en 
my  auoust.  F®  751. 

P.  181 ,  1.  27  :  ens  ou.  —  Ms.  A  8  :  dedens  le.  F»  320. 


[4369]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  639.         385 

P.  181,1.  31  :  \e.  —  Ms.J  8  :  lui. 

P.  182,  L  1  :  lui.  ^Ms.  AS  :  elle. 

P.  1 8â,  1.  8  :  larmiant.  —  Le  ms.  A  8  ajoute  :  et  plourant. 

P.  182,  1.  15  :  ordonnes.  —  M$s.  B2  à  k,  J  1,  S  :  laiiés, 
kissiés. 

P.  182,  1.  28  :  angele.  —  Ms.  Jl  :  anges.  F*»  312.  —  Ms. 
AS:  angelz. 

P.  183,  1.  2  :  moiienne.  —  Mss.  A  1^  S  :  la  mi.  ' 

P.  183,  1.  2  :  d'aoust.  —  Le  ms.  B  6  ajoute  :  Sy  fu  ensep- 
vellie  en  l'abeie  de  Wesmoustier  dehors  Londres.  F®- 751. 

§  639.  Les  nouvelles.  -^  Ms,  éP Amiens  :  Or  revenons  au  siège 
de  Toumehem,  coununent  chil  signeur  estoient  l'un  devant  l'autre, 
et  se  tenoient  tondis  li  Englès  sus  leur  garde,  ne  point  ne  des- 
cendoient;  car  il  n' estoient  quun  peu  de  gens -ou  regart  des 
Franchois.  Or  avint,  à  un  ajournement,  que  aucun  chevalier  et 
escuier  de  Vermendois,  d'Artois  et  de  Pikardie,  qui  desiroient  à 
trouver  les  armes,  se  queillièrent  enssaroble,  et  furent  bien  trois 
cens  lanches,  et  s'en  vinrent  au  jour  sus  le  montagne  pour  res* 
villier  à  leur  avantaige  les  Englès.  Che  soir,  jusques  au  jour,  avoit 
fait  le  gait  messires  Robers  de  Namur  avoecq  ses  gens.  Si  estoit 
retrais  sus  l'ajoumëe  et  se  desjunoit,  et  li  sires  de  Spontin  dalez 
li.  Quant  les  nouvelles  li  vinrent  que  li  François  combatoient  ses 
gens,  tantost  messires  Robers  bouta  le  table  outre  et  mist  son 
bachinet,  et  monta  à  cheval  et  fist  desvoleper  se  bannierre,  et  se 
bouta  en  ses  ennemis  de  grant  voUenté,  et  chacuns,  qui  mie[u]s 
mieux,  le  sieuvi.  Li  hos  se  coummencha  à  resvillier,  et  Englès  à 
traire  de  celle  part.  Là  ne  gaegnièrent  point  li  Franchois ,  mes 
furent  reculé,  et  en  y  demora  des  leurs  mors  et  pris  ;  et  par  es- 
pecial  messires  Rogiers  de  Gouloingne  y  firmors,  dont  ce  îa  dam- 
maiges.  F®  164  v«. 

P.  183,  1.  17  et  18  :  li  un  à  l'autre.  —  Ms.  ^  8  :  les  uns  aux 
autres.  F»  320  vo. 

P.  183, 1.  22  :  toumiier. —  Ms.  A  %  :  toumoier. 

P.  183,  1.  27  et  28  :  l'ajournement.  —  Mss.  Aly  8  ;  Ta- 
oumée. 

P.  1 83,  L  30  :  Evous.  —  Ms.  A  S  :  Et  vecy . 

P.  183,  1.  31,  et  p.  184,  1.  1  :  aultres.  —  Les  mss.  A  T,  S 
ajoutent  :  seigneurs. 

P.  184,  1,  20  :  sieuce.  —  Mss.  Al,  S':  suive.  F»  312  v<». 

VII  —  25 


386  OIRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

P.  i84,  1.  30  :  estourmie.  *-  Ms.  A  %  :  \k  prest  et  ordonna. 

P.  i  85,  l.  2  :  Coulongne.  —  Le  ms,  B  6  ajoute  :  ung  chevalier 
de  Picardie.  F»  751. 

P.  185,  1.  3  :  friches.  —  Ms.  Al  :  firiques.  —  Ms.  A  S  : 
riches. 

§  640.  Depuis  ceste  avenue.  -*  Ms.  tf  Amiens  :  Depuis  ceste 
avenue,  n'y  eut  nul  fait  d'armes  fait,  qui  à  recorder  face.  A  ce 
que  on  disoit  adonc,  li  dus  de  Bourgoîngne  et  la  plus  grant  partie 
de  ses  gens  se  fuissent  vollentiers  combatu  as  Englès,  se  li  roys 
de  Franche  Vewist  souffert,  mes  tous  les  jours  il  leur  contreman- 
doit  et  destournoit.  Dont  il  avint  finablement  qu'il  se  deslogièrent 
et  boutèrent  le  feu  de  nuit  en  leurs  logeis,  et  se  retraist  li  dus  de 
Bourgoingne  à  Saint  Omer,  et  se  départirent  de  li  touttes  gens 
d'armes.  Si  se  boutèrent  es  fortrèces  et  es  garnisons ,  car  autre- 
ment il  ne  volloient  gueriier  pour  celle  saison.  A  l'endemain  que 
li  dus  de  Bourgoingne  fu  partis,  vinrent  11  Englès  souper  et  jesir 
en  le  place  qu'il  avoient  laissiet,  et  puis,  deux  jours  apriès,  se  re- 
traissent  viers  Callais.  F'  164  v«. 

P.  186,  1.  14  :  durement.  — Mss.  AT^S:  droitement.  F»*313. 

P.  186,  1.  17  :  point.  —  Mss,  A  1,  S  :  heure. 

P.  187, 1.  20  :  meuist.  —  Ms,  Al:  meust.  —  Ms,  AS: 
bougast.  F»  321  v«. 

1P.  187, 1.  24  :  abl^.  —  Mss.  Al^%  :  abiles  et  legiers. 

S  64  t.  Ensi.  —  Ms.  éP Amiens  :  Or  revenrons  nous  à  le  che- 
vauchie  que  li  comtes  de  Pennebrucq  fist  et  coumment  il  l'em- 
ploia,  quant  li  comtes  de  Pennebrucq  eut  fait  sen  assamblée  de 
grant  fuisson  de  bonnes  gens  d'armes  ;  et  là  estoient  de  Poito  :  li 
sires  de  Pons,  li  sires  de  Partenay,  messires  Guiçars  d'Angle, 
messires  Perchevaux  de  Goulloingne  et  pluisseurs  autres  cheva- 
liers et  escuiers,  et  ossi  chil  de  l'ostel  dou  prinche,  messires  Es- 
tievenes  de  Goussenton,  messires  Richars  de  Pontchardon,  mes- 
sires Neels  liOrink,  messires  Thummas  de  Felleton,  messires 
Thummas  de  Persi,  messires  Richars  Tanton,  messires  Guillaum- 
mes  Tourssés,  messires  Jehans  Trivës,  messires  Thummas  li  Des- 
penssiers  et  pluisseurs  autres,  et  ossi  messires  Hues  de  Cavrelëe, 
qui  tenoit  une  grande  routte  de  gens  d'armes,  et  es  toit  nouvelle- 
ment revenus  de  le  comte  d'Ermignach.  Si  chevauchièrent  touttes 
ces  gens  d'armes  deviers  Ango,  et  estoient  bien  cinq  cens  lanches 


$  « 


[1360]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  642.         387 

et  quinze  cens  autres  hommes,  et  esploitièrent  tant  que  il  vinrent 
à  Saumur.  Si  se  logièrent  ens  es  fourbours  et  illuecq  environ ,  et 
coummencièrent  à  courir  le  pays  et  faire  y  moût  de  desrois.  Par 
dedens  Saumur  se  tenoient  messires  Robers  de  Sansoir  et  mes- 
sires  Jehans  de  Buel  et  une  moût  grosse  garnisson  de  Franchois, 
qui  gardoient  et  deffendoient  le  ville  contre  les  Englès.  Si  vous 
di  que  li  Englès  prissent  une  ville  assés  pries  de  là ,  qui  s'apelle 
li  Pons  de  Selz,  et  en  fissent  une  bastide  et  le  fortefiièrent  bien 
et  fort  pour  le  tenir  contre  tous  venans.  Encorres  prissent  li 
dessus  dit  une  abbeie  assés  priés  de  là,  que  on  dist  de  Saint  Mort, 
et  le  fortefiièrent  ossi  et  y  missent  dedens  une  grosse  garnisson 
de  gens  d'armes. 

En  ce  tamps,  avoit  à  Saint  Salvin  en  Poito,  assés  pries  de  Cau- 
vegny,  im  monne,  liquek  traita  à  monsigneur  Loeis  de  Saint 
Juliien  et  à  Giruel ,  qui  se  tenoient  en  le  Roche  de  Ponsoy  ;  et 
rendi  li  dis  monnes  l'abeie  de  Saint  Salvin  as  Franchois,  et  Tabbë 
dedens  et  tous  les  monnes.  De  ceste  aventure  fu  messires  Jehans 
Camdos  moult  courouchiet,  mes  il  n'en  peut  adonc  autre  cose 
avoir.  F**  i  64  v*. 

P.  188,  1.  10  :  evous.  —  Ms.  A  %  :  et,  vecy.  F»  321  v». 

P.  188,  1.  14  :  vitaillers.  —  Ms,  A%  :  vitailleurs.  —  Le  ms. 
Ail  ajoute  :  tufies  et  giveliers.  F"»  371. 

P.  188,  1.  21  :  fumière.  —  iiff .  A  8  :  fumée. 

P.  188,  1.  27  :  en  soji  lieu.  —  Ms.  Al  :  sus  soy.  F»  313  v«. 
—  Ms.  AS:  chés  soy. 

P.  188,  1.  28  :  dur.  —  Ms.  AS:  paine. 

P.  189,  1.  27  :  brigans.  —  Le  ms.  A  17  ajoute  :  petaux. 
F*  371  V». 

P.  190,  1.  4  :  rançonnoient.  —  Mss.  A  1^  S  :  rançonnant. 
F»  314. 

P.  190,  1.  25  :  àbbeye.  —  Le  ms.  B  ^  ajoute  :  entre  Poitiers 
et  Chauvegni.  F»  760. 

P.  190,  1.  31  :  Carenloet.  —  Mss.  B :  Charnel,  Charruel.  — 
Ms.  A  S  :  Charuet.  P>  322.  —  Aff.  A  7  ;  Jehan  Kaeranloet. 

S  642.  Quant  li  dus.  —  Ms.  et  Amiens  :  Là  (à  Calais)  se  repo- 
sèrent il  (les  Anglais)  et  rafresquirent,  et  entendirent  à  mettfe  à 
point  touttes  leurs  besoingnes,  enssi  que  pour  chevauchier  en 
Franche.  Si  se  départirent  un  jour  de  Calais  li  dus  de  Lancastre 
et  ses  gens,  et  costiièrent  Ghinnes  et  vinrent  devant  le  castiel  de 


•  t 


388  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

Fienoes  et  le  avisèrent,  mes  point  n'y  assaillirent;  car  il  veoient 
bien  qu'il  perderoient  leur  painne.  Si  s'em  partirent  le  tierch 
jour,  et  entrèrent  ei^  le  terre  dou  comte  de  Saint  Pol  et  le  mesai- 
sièrent  de  grant  fachon.  Et  vinrent  devant  Piernes,  ung  castiel 
qui  estoit  de  madamme  dou  Doaire;  et  proprement  li  dus  de 
Lancastre  de  son  glaive  tasta  le  parfont  des  fosses  :  autre  cose 
n'y  eut  fait.  Si  chevauchièrent  li  Englès  oultre ,  ardant  et  essil- 
lant,  et  vinrent  courir  jusques  as  portes  de  Abbeville.  Ad  ce  donc 
estoit  laiiens  messires  Hues  de  Castillon ,  mestres  des  arbales- 
triers,  à  tout  grant  gent  d'armes,  qui  bien  songna  de  le  ville  tant 
qu'il  n'y  eut  nul  damraaîge.  Si  passèrent  li  Englès  le  Somme  entre 
Crotoy  et  Saint  Walleri,  ou  pas  c'on  dist  à  le  Blancque  Taque,  le 
rivière  de  Somme,  et  puis  entrèrent  ou  Vismeu,  et  chevauchièrent 
enssi  sans  trouver  nulle  aventure  jusques  à  Harflues.  Et  avoient 
entention  que  de  destruire  le  navie  dou  roy  de  Franche,  qui 
estoit  ou  avoit  estet  toutte  celle  saison  à  l'ancre  devant  Harflues  ; 
mes  li  Franchois  l'avoîent  remis  en  le  mer.  Si  furent  li  Englès 
trois  jours  devant  Harflues ,  de  laquelle  ville  li  comtes  Guis  de 
Saint  Pol  et  messires  Loeys  de  Namur  estoîent  cappittainne.  Quant 
il  virent  que  il  ne  feroient  autre  cose,  si  n'eurent  mies  consseil 
d^aller  plus  avant  ne  passer  Sainne ,  car  li  yviers  aprochoit.  Si 
retournèrent;  mes,  à  leur  retour,  il  ardirent  le  plus  grant  partie 
de  Je  terre  le  signeur  d'Estouteville ,  et  fissent  aucuns  le  cemin 
qu'il  avoient  fait  à  l'aler.  Si  fu  pris,  à  leur  retour,  de  messire  Ni- 
colle  de  Louvaing ,  au  dehors  d'Abeville ,  messires  Hues  de  Cas- 
tillon. F-  164  V*  et  165. 

P.  191, 1.  30  :  Tierouwane.  —  Ms,  A  7  ;  Terouane.  F»  314. 
—  ilfr.  A  8  :  Therouenne.  F*  322  v«. 

P.  192,  1.  8  :  Saintpi.  —  Ms.  AS:  Sempy. 

P.  192,  1.  18  :  Pemes.  —  Mss.  A  1,  S:  Perites. 

P.  192,  1.  19  :  proprement.  — -  Les  mss,  ^  7,  8  ajoutent  :  en 
avisant  le  fort. 

P.  192,  1.  22  :  Luceux.  —  Ms.  a  8  :  Lucheu. 

P.  193, 1.  11  à  13  :  Là  furent...  assallirent.  —  Ms.  /?  6-'  Et 
chevauchèrent  ensy  jusques  à  Harfleu,  le  grosse  navire  du  roy, 
qui  avoit  ja  jeu  tout  le  tamps  à  l'ancre;  mais  osi  tost  que  on  senty 
les  Englès  venir,  on  le  desancra  et  bouta  ou  parfont  en  mer  hors 
du  péril  des  Englès.  Et  furent  les  dis  Englès  devant  Harfleu  trois 
jours,  ouquel  lieu  estoient  le  conte  de  Saint  Pol,  messire  I/>is  de 
Namur  et  bien  deux  cens  chevaliers  en  garnison.  Se  n'y.pooient 


[i369]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  644.  389 

les  Englès  riens  faire  et  eulrent  adoDc  consail  de  retourner  viers 
Calais ,  car  il  en  avoient  pour  celle  saison  assës  fait,  et  sy  leur 
aprochoit  l'ivier.  F»  758. 

P.  193,  1.  14  et  45  :  d'Estoutevilie.  —  Le  ms.  B  6  ajoute  t 
qui  mal  courtoisement  et  sans  congiet  de  son  hostaigerie  estoil 
yssus  d'Engleterre  :  pour  tant  et  en  son  despit  li  fist  tonte  ardoir. 
F»  758. 

P.  193, 1.  30  :  Louvaing.  —Ms,£6  :  Longheville.  P»  759. 

P.  194,  1.  10  :  rieu.  —  Ms,  A  7  :  rien.  —  Ms,  AS:  ru. 
F»  323. 

P.  194,  1.  11  :  vieses.  —  iHfw.  ^  7,  8  .•  viôlles, 

P.  194,  1.  12  et  13  :  descloses.  —  Ms.  A  8  :  desolëes. 

P.  194,  1.  20  :  rieu.  —Ms.  AS  :  ruissel. 

P.  194,  1.  29  :  point.  —  Ms.  AS:  poingni. 

§  645.  Moult  furent.  -»  Ms,  et  Amiens  :  Et  rapassèrent  li 
Englès  à  le  Blancque  Take ,  et  rentrèrent  en  Caliais  le  nuit  Saint 
Martin  en  yvier,  et  là  se  départirent  touttes  gens  d'armes  li  uns 
de  Tautre.  Et  fu  messires  Gantiers  de  Mauni  en  touttes  ces  che- 
vauchies  :  che  fu  la  dairainne  fois  pour  li.  Or  revenons  as  lon- 
tainnes  marches.  F®  165. 

P.  195,  1.  26  :  estragniers.  —  Mss.  ^  7,  8  ;  estrangiers. 

P.  196,  1.  i  :  avant.  —  Le  ms.  JB  6  ajoute  :  Et  me  fu  adonc 
dit  que  le  roy  d'Engleterre  fut  moult  courouciez  à  son  filz  le  duc 
de  Lenclastre  de  che  qu'il  n'avoit  aultrement  chevauchiet  en 
Franche,  et  de  che  ossy  qu'il  n'avoit  creu  la  parolle  de  messire 
Gautier  de  Mauny  à  Tournehem.  F®  759. 

P.  196,  1.  5  :  Iran.  —  Ms.  A  S  :  cran.  F*  323  V». 

P.  196, 1.  8  :  puissedi.  —  Ms,  AS:  depuis  ce. 

P.  196,  1.  8  :  de  celles.  —  Ms.  ^  8  ;  du  pais. 

S  644.  Trop  touchoit.  —  Ms.  d'Amiens  :  Or  revenrons  nous 
as  avenues  de  Poito  et  de  Saintonge  et  des  lontainnes  marches, 
car  les  guerres  y  estoient  plus  fortes  et  plus  rades  c'ailleurs;  et 
plus  souvent  y  avoient  affaire  li  chevalier  et  li  escuier  que  en 
autre  part,  tant  par  rencontres,  par  che  vauchies  que  par  embus- 
cernent.  Et  penssoient  et  soutilloient  nuit  et  jour  li  ung  et  li  autre 
coumment  il  pewissent  concquerre  et  gaegnier  sus  leurs  voisins. 
En  ce  tamps  que  messires  Jehans  Camdos  estoit  senescaux  et  gou- 
verneurs de  Poito,  il  se  tenoit  à  Poitiers ,  et  moût  U  anoioit  de  le 


390  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [<369] 

prise  de  Saint  Salvin,  que  li  Franchois  tenpient  et  avoient  forte- 
fiië.  Si  TOUS  di  que  par  pluisseurs  fois  il  se  mist  en  painne  pour 
le  ravoir,  et  en  chevaucha  maint  jour  et  mainte  nuitie.  Tout  ce 
savoient  assës  bien  li  Franchois,  qu^  il  desplaisoit  grandement  à 
monsigneur  Jehan  Camdos  et  que  il  tiroit  moût  à  le  ravoir  :  pour 
ce,  le  gardoient  il  plus  diligamment. 

Or  avint  que,  le  nuit  devant  le  nuit  de  l'an  mil  trois  cens 
soissante  .neuf,  messires  Jehans  Camdos  se  parti  de  le  cite  de 
Poitiers ,  et  avoecq  lui  messires  Guichars  d'Angle ,  messires 
Loeis  de  Halcourt  et  li  sires  de  Partenay  et  messires  Thummas 
de  Perssi  et  leurs  gens ,  bien  montés  et  bien  ordounnës.  Et  vin- 
rent celle  nuit  à  Saint  Salvin  et  le  quidièrent  escieller  et  pren- 
dre, et  Tewissent  pris  et  eu;  mes  d'aventure  Caruelx,  bretons, 
estoit  ce  soir  parti  de  le  Roce  de  Ponsoy  et  avoit  empris  à 
chevauchier  en  Poito.  Si  venoit  querre  monsigneur  Lœjs  de 
Saint  Juliien ,  qui  estoit  dedens  Saint  Salvin.  Si  vint  si  à  point , 
que  il  esvilla  le  gette,  entroes  que  li  Englès  estoient  ens  es 
fosses,  et  ne  savoient  riens  li  uns  de  l'autre.  Quant  messires 
Jehans  Camdos  et  li  chevalier  qui  là  estoient,  sentirent  le  gette 
esvillie  et  olrent  grant  murmurement  ou  fort,  et  c'estoit  des  Fran- 
chois qui  y  entroient,  mes  riens  n'en  savoient,  si  quidièrent 
qu'il  fuissent  aperceu  et  oy.  Si  se  retraissent  tout  bellement  hors 
des  fossés  de  Saint  Salvin,  et  montèrent  as  cevaux  enssi  que 
cil  qui  avoient  falli  à  leur  emprise,  et  prissent  le  chemin  de  Cau- 
vegny  pour  revenir  à  Poitiers  et  vinrent  là  environ  mienuit.  Et 
là  estoient  parti  de  messire  Jehan  Camdos  messires  Guichars 
d'Angle  et  messires  Loeis  de  Harcourt  et  messires  de  Partenay  à 
plus  de  cent  lanches ,  et  ne  quidoient  mies  que  messires  Jehans 
Camdos  dewist  en  avant  chevauchier,  si  comme  il  fist,  et  ossi  li 
dessus  dis  leur  avoit  dounnet  congiet  de  bon  grë  pour  aller  quel 
part  qu'il  voloient.  Enssi  se  départirent  li  ungs  de  l'autre,  et  en- 
corres  demoura  monsigneur  Thummas  de  Persi  dallez  monsigneur 
Jehan  Camdos,  qui  li  pria,  apriès  le  département  des  dessus  dis , 
qu'il  le  laissast  chevauchier  à  tout  vingt  lanches  tant  seullement, 
pour  savoir  s'il  trouveroit  jammès  aventure.  Messires  Jehans 
Camdos,  qui  estoit  tous  merancolieux  de  ce  qtt'il  avoit  failli  à  se 
emprise  de  Saint  Salvin,  li  respondi  en  basset  :  a  Faittes  ce  que 
vous  vouUës.  »  Plus  n'y  eut  dit.  Messires  Thummas  se  parti, 
acompaigniës  de  vingt  lanches  tant  seullement,  et  prist  l'autre 
chemin  de  le  rivierre  de  Viane  pour  revenir  ossi  à  Poitiers. 


[i369]      VARIANTES  DU  PREMIER  UVRE,  §  644.         391 

Assës  tost  apriès  ce  que  messires  Jehans  Camdos  se  caufoît  à 
on  feu  d'estrain  que  ses  hiraux  li  faisoît,  vint  uns  homs  qui  li 
dist  que  «  11  Franchois  chevauchent,  et  sont  parti  de  Saint  Salvin 
messires  Loejs  de  Saint -Juliien  et  Caruels,  et  s'en  vont  viers 
Poitiers  ;  et  croy  bien  que  vous  les  raconsievrës ,  se  vous  voilés , 
au  pont  de  Louzach  ou  environ.  »  De  ces  nouvelles  se  resjoy 
messires  Jehans  Camdos,  et  dist  :  «  Oïl ,  je  ne  désire  autre  cose. 
Or  tos  as  cevaux  t  »  Dont  restraindirent  lors  armures  et  mon- 
tèrent as  cevaux  et  chevauchièrent  tout  souef,  car  il  estoit  en- 
corres  entour  Vajournëe,  et  trouvèrent  assés  tost  le  froais  des 
cevaux  franchois,  qui  chevauçoient  devant  yaux,  espoir  de  une 
lieuwe,  et  poolent  y  estre  environ  soissante  lanches.  Or  avint 
que,  environ  soleil  levant,  le  nuit  de  l'an^  messires  Thummas  de 
Perssî,  qui  chevanchoit  d'autre  part  de  le  rivierre,  les  perchupt 
enssi  que  au  quart  d'une  lieuwe  pries  dou  pont  de  Louzach,  et  vit 
bieji  qu'il  estoient  grant  routte  enviers  lui ,  et  qu'il  les  avoient 
ossi  perchut,  car  il  tiroient  ossi  à  venir  au  pont  devant  pour  le 
gaegnier.  Adonc  se  dist  messires  Thummas  de  Persi  :  «  Avan- 
chons  nous  tant  que  li  pons  soit  nostrez;  car  li  Franchois,  à  ce 
que  je  puis  veoir,  en  aroient  voUentiers  l'avantaige.  »  Donc  se 
hastèrent  11  ung  et  11  autre.  Toutteffois,  11  Englès  vinrent  premiè- 
rement au  pont  que  11  Franchois  ne  fesissent,  car  il  avoient  à 
monter  de  leur  costé  une  montaigne,  et  li  [Englès]  estoient  au 
plain.  Si  descendirent  li  Englès  à  piet,  et  ossi  fissent  11  Franchois, 
et  dounnèrent  chacune  partie  lors  cevaux  à  lors  variés.  Li  Englès, 
qui  virent  bien  le  convenant  des  Franchois  et  coumment  il  estoient 
grant  fuisson  enviers  yaux,  s'avisèrent  de  rompre  le  pont  deviers 
leur  l<^s,  afiBn  qu'il  ne  pewlssent  passer  oultre,  fors  en  péril,  et  en 
ostèrent  à  lors  glaves  et  à  lors  haces,  ne  say  cinq  ou  six  aissielles, 
et  fu  tantost  fais» 

Entroes  que  li  Englès  s'ensonnloient  de  ce  faire,  et  11  Franchois 
s'ordounnoient  de  passer  oultre  et  estoient  ja  monte  sus  le  pont 
pour  venir  combattre  les  Englès,  atant  evous  venu  monsigneur 
Jehans  Camdos  en  chevauchant  les  grans  ghalos,  se  bannierre 
devant  lui  d'argent  à  un  pel  aiguisiet  de  geulles,  et  n'estoient  que 
douze  lanches  seulement.  Si  trestost  que  11  varlet  des  Franchois , 
qui  gardoient  les  chevaux,  virent  leurs  mestre[s]  monter  sus  le 
montalngne  et  il  recongnurent  le  bannierre  monsigneur  Jehan 
Camdos,  il  se  doubtèrent  et  fuirent  tout  en  voies,  et  en  menèrent 
les  chevaux  lors  mestres  et  les  laissièrent  là  à  piet.  Li  Franchois, 


392  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [4369] 

qui  montoient  le  pont  de  Louzach,  olrent  le  firiente  derrière  yaux. 
Si  regardèrent  sour  costé  et  virent  monsigneur  Jehan  Camdos  et 
se  routte,  tous  a  cheval,  qui  point  ne  descendoient.  Si  descendirent 
chil  qui  le  pont  avoient  monte,  et  se  missent  là  en  ordounnance 
enssi  que  pour  tantost  combattre.  Adonc  les  coummencha  messires 
Jehans  Camdos  tout  à  cheval  à  rampronner,  et  dbt  enssi  :  «  Si- 
gneur  franchois,  signeur  franchois,  tant  vous  ai  je  quis  que  je 
vous  ai  trouves.  Vous  chevauches  au  pays  de  Poito  à  vostre  aise 
et  voilent^,  et  moût  m'avës  coustë  au  querre.  Et  trop  desiroie,  se 
Diex  m'ait,  que  je  vous  pewisse  trouver  em  place  où  vostre 
proèce  fuist  éprouvée;  car  vous  estes  si  vaillant  homme  que  vous 
faîtes  que  vous  voliez,  ne  riens  ne  se  tient  maintenant  devant 
vous.  »  F»  165. 

P.  196,  1.  40  :  anoioit.  —  ilf j.  A  8  ;  avoit.  F»  323  V. 

P.  496,  1.  21  :  de  Tan. . —  Le  ms.  B  6  ajoute  :  mil  trois  cens 
soissante  neuf.  F^  760. 

P.  197,  I.  3  :  Fraiville.  -^  Ms.  A  %  :  Fresville. 

P.  197,  1.  17  :  Kefauloet.  —  Ms.Jl  :  Raeranlœt.  F»  315  V. 

—  Ms,  A  8  .-.Carlouet. 

P.  198,  1.  18  :  trente.  —  iRf/.  B  6  ;  vingt.  F»  761. 

P.  198,  1.  26  :  ses  hiraus.  —  Ms,  A  15  :  Chandos  son  héraut. 
F«  360  v«. 

P.  198,  1.  31  et  32  :  evous  entre...  un  homme.  —  Ms.  ^  15  : 
et  il  entre  un  villain  tuffe  givelier  tantost  en  Tostel.  F<»  360  v«. 

—  Ms.  A  17  :  il  entre  en  Tostel  un  grant  villain  tuffe  givelier  et 
vint  devant  lui.  F*"  373. 

P.  199,  1.  2  :  ce  Monsigneur...  chevaucent.  »  —  Ms.  ^  15  : 
«  Certainement ,  monsigneur,  ce  dist  le  villain  givelier,  bomnle  et 
tacrier.  »  F«  360  v«, 

P.  199,  1. 12  :  me.  —  Mss.  A1,S  :  moy. 

P.  199, 1.  13  :  pensieus.  —  Mss.  A  1^  B  :  pensif,  pensis. 

P.  199,  1.  24  :  Leuzach.  -^  Ms.  A  S  :  Luzac.^ 

P.  199,  1.  27  :  froais.  —  Ms.  A  B  :  froié.  F*  324  V.  —  Ms. 
B  6  ;  train.  Voir  est  que  li  Franchois  estoient  environ  cent  lan- 
ches.  F»  761. 

P.  199,  1.  29  :  ajournée.  — Ms.  AS  :  adjoumez. 

P.  200,  1.  5  :  veés  là.  -^  Ms.  A  S  :  velà. 

P.  200y  1.  26  :  uns.  —  Le  ms.  A  8  ajoute  :  bons. 

P.  200, 1.  29  :  terne.  —  Mss.  A  1,  S  :  tertre. 

P.  201,  1.  6  :  amiroit.  ---  Ms.  A  8  :  amoit. 


[1369]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  645.  393 

P.  201 ,1.7:  rampronner.  —  Ms.  A  %  :  ramposner. 
P.  201,  1.  8  :  François.  —Ms.  Al  :  BretcHis.  F»  316. 
P.  201,  1.  32  :  Leusach.  —  Mr.  A  8  ;  Saozac.  F*"  325. 

§  048.  Entre  ces  rampronnes.  —  Ms.  d Amiens  :  Enssi,  en 
yaux  regardant  et  dépariant ,  se  tint  là  Camdos  un  espasse ,  ne 
point  ne  les  assailloit,  ne  point  yaux  ossi  lui,  tant  qu'il  avint  que 
ii  uns  de  ses  escuiers,  que  on  clammoit  Simmekin  Dodale,  appert 
hoqunes  durement ,  fu  de  l'un  de  ces  Bretons  verssës  à  terre  jus 
de  son  cheval.  A  ces  cops,  messires  Jehans  Camdos  se  retourne 
et  le  voit  par  terre.  Si  se  coummencha  à  airer,  et  dist  as  siens  : 
«  Goumment  !  signeur,  lairës  vous  cest  homme  ensi  ochire  ?  A 
pietl  A  piet!  »  Adonc  se  mist  messires  Jehans  Camdos  à  piet, 
et  dallés  lui  messires  Edouwars  Cliffors,  ses  oncles,  et  messires 
Jehans  Clambo  et  messires  Bertrans  de  Gasselis  et  tout  li 
autre,  et  aprochîèrent  les  Franchois  de  grant  voUentë,  et  li  baron 
ossi  eux  :  adonc  fu  li  escuiers  englès  rescous.  Messires  Jehans 
Camdos  estoit  pares  dessus  ses  armes  d'ufii  vestement,  qui  li  bat- 
toit  jusques  en  terre,  de  blancq  cendal,  grant  et  large ,  à  deux 
pels  aiguissiet  de  guelles,  l'un  devant  et  l'autre  derierre  ;  et  estoit 
grans  chevaliers,  fors  et  hardis  durement  et  comfortés  en  touttes 
ses  besoingnes.  Si  prist  son  glaive,  et  ainsi  qu'il  approchoit  pour 
assaillir,  li  pies,  en  apoiant  sus,  li  gliça;  car  il  avoit  rellet  dou 
matin,  et  failli  d'assir  son  glaive  où  il  tendoit.  Là  avoî^  un  es- 
cuier  que  on  appelloit  Jacquet  de  Saint  Martin,  qui  jetta  son 
glaive  en  lanchant  sour  monsigneur  Jehan  Camdos,  et  li  asist 
desous  l'oeille  au  descendant  dou  froncq  au  nue,  car  point  ne  por- 
toit  de  visière,  et  li  encousi  là  dedens  en  fuissellant  contremont. 
Messires  Jehans  Camdos,  qui  rechupt  adonc  le  cop  de  le  mort  et 
qui  senti  l'anguisse  très  grant  et  très  amère ,  se  laissa  cheoir  en 
reverssant,  et  tourna  deux  tours  sus  le  terre  pour  la  dolour 
qu'il  avoit,  car  oncques  puis  ne  parla.  Adonc  vint  ses  oncles 
dalles  lui ,  messires  Edouwart  de  Cliffort,  et  le  prist  entre  ses 
jambes,  son  glaive  en  son  poing,  et  le  deffendi  en  combatant  vas- 
saument  et  hardiment. 

Depuis  le  cop  féru  dont  messires  Jehans  Camdos  fu  aterrës,  se 

.confortèrent  grandement  li  Franchois  et  li  baron  qui  là  estoient, 

et  requissent  les  Englès  de  grant  vollenté.  D'autre  part  ossi ,  li 

Englès  qui  virent  leur  maistre  et  leur  capitaine   et  que  tant 

amoient,  là  jesir  navre  et  travilliet,  et  ne  savoient  coumment  il  li 


394  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

estoit,  moustroient  enssi  qu'il  fuissent  tout  foursseoë,  et  reque- 
roient  lors  ennemis  de  si  grant  corraige  c'a  merveille.  Là  eut  lan- 
chiet,  féru  et  combatu  moût  longuement  et  escarmuchiet  très 
vaillamment  et  fait  maintes  belles  appertises  d* armes;  et  fu  chils 
escuiers,  qui  navret  avoit  monsigneur  Jehan  Camdos,  féru  d'une 
glaive  parmy  les  deux  cuisses  et  portés  à  terre.  Non  obstant  ce, 
messires  Loeis  de  Saint  Juliien  et  Caruelz,  qui  estoient  chief  de 
ceste  chevauchie,  se  combatoient  moût  vaillamment  et  pressoient 
moût  à  prendre  monsigneur  Jehan  Camdos,  en  quel  estât  qu'il 
fnst;  et  leur  sambloit  et  voirs  estoit  qu'il  leur  fuist  tourné  à  grant 
vaillance.  Si  s'en  missent  il  en  grant  painne,  mes  li  dessus  dis 
messires  Edouwars,  ses  oncles,  s'en  acquitta  trop  vaillamment 
dou  bien  garder;  et  se  combatoit  et  deflendoit  à  tous  lés,  là  où  il 
le  tenoit  entre  ses  jambes,  tellement  que  nulx  ne  Tosoit  aprochier. 
Là  en  y  eut  des  Englès  tirés  et  rués  par  terre  et  fianchés  pri- 
son. Et  vous  di  que,  se  li  Franchois  ewissent  eu  lors  cevaux,  il 
ewissent  obtenu  le  place  et  tout  mors  et  pris  chiaux  qui  là  estoient  ; 
mes  il  vint,  entroes  qu'il  se  herioient  as  Englès,  uns  trop  grans 
secours,  dont  nulle  garde  ne  se  dounnoient.  Car  messires  Guichars 
d'Angle,  messires  Loeis  de  Harcourt,  li  sires  de  Partenay  et  li 
sires  de  Puianne  et  li  autre  compâignon,  qui  s'estoient  parti  de 
Cauvegny  de  monsigneur  Jehan  Camdos,  enssi  que  ci  dessus  est 
dist,  avoient  entendu  sur  lor  chemin  que  li  Franchois  chevau- 
choient  :  se  les  desiroient  à  trouver;  et  les  avoient  ja  poursieuwois 
longement  par  esclos  et  froais  de  chevaux ,  et  tant  qu'il  vinrent 
là  au  pont  de  Leuzach  si  à  point  que  li  autre  se  combatoient.  Et 
estoient  bien  deux  cens  armures  de  fier,  bannierres  et  penons 
devant  yaux,  et  cevauchant  moût  radement  et  en  bon  arroy. 

Si  trestost  que  li  Franchois  et  11  Breton  les  virent  venant  et  il  re- 
congneurent  leur  armoirie,  il  seurent  bien  qu'U  estoient  descomfiB. 
Si  eurent  plus  chier  à  estre  prisonnier  à  chiaux  qui  combatu  les 
avoient ,  que  à  ceux  qui  nouvellement  venoient,  car  là  estoient  il 
tout  lasset  et  tout  travilliet  davantaige.  Si  se  rendy  messires  Loeys 
de  Saint  Juliien  à  messire  Bertran  de  Casselis,  et  Caruelx  à  mon- 
signeur Jehan  Clambo.  Là  estoient  ossi  englès  doy  chevalier  qui 
ne  sont  mies  à  oubliier,  messires  Richars  de  Pontchardon  et 
messires  Robers  de  Nuefville,  et  qui  y  fissent  maintes  belles  ap- 
pertisses  d'armes,  mais  il  y  furent  navré.  Si  furent  porté  hors  de 
le  presse,  pour  bendeler  et  afiremer  leurs  plaies.  Sitost  que  li 
dessus  dit  messires  Guichars  d'Angle  et  messires  Loeis  de  Har- 


[1369]      VAAUNTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  645.         395 

court  et  li  autres  et  leurs  routes  furent  venu  en  le  place  où  on  se 
combatoit,  Franchois  et  Breton  furent  desconfi,  et  n*en  parti 
oncques  homs,  que  ne  fuissent  mort  ou  pris.  Là  vinrent  li  signeur 
deviers  monsigneur  Jehan  Camdos,  et  descendirent  dallés  lui  et 
le  coummenchièrent  à  regreter  et  dolouser  moût  doucement;  et 
quant  il  virent  que  vie  y  avoit,  si  en  furent  un  peu  plus  aise,  et 
ordounnèrent  qu'il  fuist  aportez  en  une  fortrèce  qui  est  priés  de 
là,  que  on  claimme  Mortemer.  Se  le  apportèrent  ses  gens  en 
cris  et  en  plours,  car  trop  Tamoient,  et  bien  le  valloit  ;  et  li  autre 
se  retrairent  à  Poitiers  et  là  menèrent  lors  prisonniers.  Ces  nou- 
velles s'espardirent  em  pluisseurs  pays  que  messires  Jehans  Gam- 
dos  estoit  navrés  à  mort,  et  Tesperoit  on  :  si  en  estoient  tout  si 
amit  courouchiés,  et  especialment  li  prinche  et  si  frère  et  tout  li 
baron  qui  pour  sa  partie  se  tenoient  ;  ossi  li  escuiers  qui  le  cop  li 
dounna,  morut  à  Poitiers  de  sa  navmre.  Le  tierch  jour  apriès 
que  messires  Jehans  Camdos  fîi  aportés  à  Mortemer  en  Poito,  il 
rendi  ame.  Si  fu  plains,  regretés  et  dolousés  de  tous  ses  amis  et 
de  tous  chiaux  qui  le  'congnissoient  et  loncq  et  priés,  et  trop 
afoibli  adonc  par  se  mort  le  puissanche  dou  prinche. 

Moût  fu  plains  et  regretés  messires  Jehans  Candos  de  tous  les 
Englès,  et  certes  ce  fu  bien  raison,  car  il  estoit  une  grande  cap- 
pittainne  entre  yaux  et  sages  chevaliers  et  vaillans  durement  et 
bons  gouvernerres  de  gens  d'armes  ;  et  moût  euwireux  es  fortunes 
avoit  estet  en  touttes  ses  besoingnes.  F^'  165  V*  et  166. 

P.  202,  1.  3  :  rampronnes.  —  Ms,  A  %  :  ramposnes.  Y^  325. 

P.  202,  1.  8  :  se.  —  Ms,  A  8  ;  la. 

P.  202,  1.  9  :  le  dessus  dit.  —  M$s.  Al^%  :  le  dit  escuier. 

P.  202,  1.  15  :  sallirent.  —  Jftf j^.  B^hk^  Al,%:  salli. 

P.  202,  1.  27  :  peu.  —  Mss.  A  1^  S  :  petit. 

P.  202,  1.  27  :  un  peu  reslet.  —  Ms,  A  ib  :  une  petite  rousée. 
F*  362, 

P.  202,  1.  27  :  reslet.  —  Ms.  A  17  :  resel.  P»  374. 

P.  202,  1.  28  :  s'entouella.  —  Ms.  A  7  ;  s'en  touilla.  F»  316 
v«.  — Ms.  AS:  s'entorteilla. 

P.  202,  1.  29  :  s'abuscha.  —  Ms.  A  7  .-  s'abusca.  —  Ms.  AS  : 
trébucha. 

P.  203,  1.  8  :  abuschant.  —  Ms.  AS:  trébuchant. 

P.  203,  1.  18  :  cuisses.  — Ms.  BS  :  bras.  F»  763. 

P.  204 ,  1.  1  et  2  :  signeur.  —  Le  ms.  A  7  ajoute  :  [messire 
Jehan  Chandos.  F*  325  v*. 


395  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

P.  t04,  1.5:  aireement.  —  M$.  J  %  :  arreement. 

P.  S94,  1.  8  :  Jakes.  ^  Le  ms,  J  %  ajouie  :  de  Saint  Martin. 

P.  204,  1.  13  :  avoient  veu.  —  Afr.  AS:  savoient. 

P.  SOS,  1.  4  :  en  sus.  —  Ms.  A  ^  :  arrière. 

P.  205,  I.  6  :  des  nostres.  —  Ms,  J  S  :  dt  nos  gens. 

P.  205,  1.  20  :  flair.  —Jf/.  J  8  ;  fleur. 

P.  205,  1.  20  :  froaîs.  —  iftf/.  ^  8  :  frais. 

P.  206,  1.1 6  :  dolouser.  —  Ms.  AS:  doulorer. 

P.  206,  l.  26  et  27  :  sus  targes  et  sus  pavais.  — Ms,  B  6  :  en 
une  litière.  F*  764. 

P.  206,  1.  32  :  poursongniés.  —  Ms.  AS:  visitez.  F*  326. 

P.  207,  I.  i  :  à  Poitiers.  —  Les  mu.  A  i^  à  il  ajoutent  :  Et 
ce  firent  les  Anglois  par  desplaisance  et  pour  contrevengier  la 
mort  d'un  si  vaillant  homme  comme  monsigneur  Jehan  Chandos, 
dont  ce  fut  mal  fait.  Et  depuis  le  dit  Rarenlouet  fist  moult  chè- 
rement comparer  à  pluseurs  Anglois  la  mort  du  dit  Jehan  de 
Saint  Martin,  si  comme  vous  orrez  ci  après  en  l'istoire;  ne  onc- 
ques  il  ne  vint  bien  de  traittier  nul  prisonnier  autrement  que 
droit  d'armes  ne  requiert.  P  363  v*. 

§  646.  Àpriès  le  mort.  —  Ms.  tf  Amiens  :  Apriès  le  mort  de 
lui  (Jean  Chandos),  demoura  messires  Thuiçmas  de  Perssi  senes- 
caus  et  gouvreneres  de  Poito...  F'  166  r*. 

D'autre  part,  en  celle  meysme  saison,  fu  la  terre  de  Saint 
Saulveur  en  Gonstentin,  en  le  Basse  Normendie,  qui  avoit  este  de 
monsigneur  Jehan  Camdos,  dounnëe  et  acordëe,  à  Tordounnanche 
dou  roy  englès,  à  monsigneur  Alain  de  Bouqueselle,  un  sien  che- 
valier, appert  homme  et  courtois  durement,  liquelx  l'envoiea 
saisir  et  prendre  de  par  lui,  et  en  devint  homs  au  roy  d'Engle- 
terre...  F»  167. 

■ 

En  ce  tamps,  devint  messires  li  Chanonnes  de  Roberssart  englès, 
qui  en  devant  avoit  estet  si  bons  Franchois  et  gouvreneres  de  le 
terre  monsigneur  de  Gouchy,  et  avoit  ruet  jus  par  pluisseurs  fois 
des  Englès  ;  mes  li  dis  chevaliers  disoit  et  moustroit  que  il  se 
pooit  bien  traire  là  où  il  lui  plaisoit,  sans  fourfait,  car  il  estoît 
haynuiers  et  riens  ne  tenoit  ou  royaumme  de  Franche.  Si  furent 
les  Englès  durement  lies,  car  il  estoit  appers  chevaliers  et  rades 
durement,  et  Tamèrent  moût  en  leur  compaignie.  Si  puet  on 
moût  bien  croire  et  supposer  que  ce  fu  tout  par  le  pourcach  et 
enhort  le  signeur  de  Gommegnies,  son  cousin,  qui  estoit  adonc 


' 


[1369]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  646.  397 

une  grande  cappittainne  entre  les  Englès  et  soaverains  de  le  bas- 
tide de  Arde. 

En  ce  tamps  et  par  celle  guerre  renouvelle  des  deux  roys, 
escheili  sires  de  Couchy,  messires  Engherans,  en  un  dur  parti; 
car  il  estoit  as  armes  et  dou  plus  biel  de  son  hiretage  franchois  et 
homs  féaux  et  d'oummaige  au  roy  de  Franche  et  li  uns  des  douze 
pers.  D'autre  part,  ossi  il  tenoit  grant  terre  et  grant  revenue  en 
Engleterre  de  par  madamme  sa  femme,  la  fille  dou  roy,  que  il 
avoît  pour  espeuse,  si  comme  vous  avés  chy  dessus  oy  recorder. 
Si  se  doubla  li  sires  de  Couchy,  qui  estoit  sages  et  percevans  che- 
valiers durement,  de  escheir  en  le  indination  et  malivolense  de 
son  droit  seigneur  naturel  le  roy  de  Franche  et  de  son  père  le 
roy  d'fingleterre.  Sy  s'escuza  si  bellement  et  si  sagement  deviers 
l'un  roy  et  l'autre  que  il  s'en  contentèrent.  Et  dist  que  de  ceste 
guerre,  par  le  gret  et  congiet  de  l'un  et  de  l'autre,  il  ne  s'arme- 
roit  point,  si  comme  il  fist;  mes  se  parti  de  Franche,  la  guerre 
])endant,  et  ordounna  ses  besoingnes.  Et  laissa  madamme  sa 
femme  à  Couchy  et  se  ainsnëe  fille ,  et  l'autre  en  Engleterre  ;  et 
puis  s'en  alla  en  Lombardie  deviers  les  signeurs  de  Melans,  là 
où  il  fu  un  grant  tamps,  enschois  qu'il  retoumaist  en  Franche... 
P  162  r«. 

Si  estoit  li  pays  en  grant  variement,  et  par  especial  doy  grant 
baron  de  Limozin  estoient  en  ce  tamps  venu  à  Paris  et  y  sejour- 
noient  tout  quoi,  en  tretiet  et  en  pourkac  que  d'iaux  tourner  fran- 
chois. Si  estoient  chil  messires  Loeys  de  Melval  et  messires 
Raimmons  de  M[a]roel  ses  nepveus.  Quant  chil  doi  baron  sceurent 
le  mort  de  monsigneur  Jehan  Camdos ,  se  dissent  bien ,  en  lui 
complaindant,  que  li  prinches  et  li  Englès  avoient  trop  perdu  et 
que  par  li  se  pooient  faire  trop  de  belles  recouvranches;  il  di- 
soient veritë.  Enssi  chil  doi  baron  dessus  noummet  se  tournèrent 
franchois,  et  fissent  pluisseurs  chevaliers  et  escuiers  de  leur  pays 
tourner  franchois  et  ossi  depuis  tamainte  belle  fortrèce.  Encorres 
par  leur  enhort  furent  mande  de  par  le  roy  de  Franche,  sus  bon 
sauf  conduit,  messires  Jehans  d»  Bourbon,  comtes  de  le  Marche^ 
qui  estoit  homs  féaux  dou  prince,  et  li  sires  de  Pierebufière,  mar- 
chissant  en  Limozin.  Quant  il  furent  venus  à  Paris,  li  roys  leur 
fist  bonne  chière,  et  séjournèrent  ung  grant  tamps  dalles  lui. 
Si  furent  en  ce  séjour  dou  consseil  dou  roy  moût  priiet  et  pree- 
chiet  que  eulx  se  volsissent  tourner  franchois  ;  mes  a  donc  ilz  ne 
le  fissent  mies  et  s'en  retournèrent  arrierre  en  Limozin...  F<>  i  66  r^. 


398  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1369] 

P.  208,  1.16:  anoi.  —Ms.JB  :  ennuy.  F»  326  v*. 

P.  209,  1.  3  :  Melans.  —  Ms.  À  1  :  Melan.  F*  318.  —  Ms. 
A  8  :  Milan. 

P.  209,  1.  4  :  Bernabo.  — Le  ms.  £  6  ajoute  :  et  puis  fîi  sau- 
dder  au  pappe  contre  les  signeurs  de  Mellan,  et  fu  ensy  waucrant 
hors  de  son  pais  cinq  ans  ;  et  madamme  sa  femme  se  tenoit  en  se 
terre  et  faisoit  ses  finanches.  F*  764. 

P.  209,  1.  21  :  Melval.  —  Mi.  A  S  :  Maleval. 

P.  210,  1.  6  et  7  :  prisonniers.  -*-  Ze  ms.  A  8  ajoute  :  à  Agen. 

5  647.  P.  211,  1.  32  :  quinzime.  —  Ms.  AS:  dnquime. 
F»  327  V*. 

S  648.  P.  212,  i.  3  :  ducainnë.— 3fj.  A  8 .-  duchië.  F*  327  v«. 

P.  212,  1.  5  :  Rocewart.  —  Ms.  Al:  Rochouart.  F»  318  v«. 
—  Ms.  AS:  Rochechouart. 

P.  212,  1.  5  et  6  :  Melval.  ^  Ms.  A  S  :  Maleval. 

P.  212,  1.  6  :  Moruel.  —  Ms.  A  8  ;  Marueil. 

P.  212,  1.  16  :  Keranloet.  —  Aff^. £i  à  k:  Caruels.  Ms. £  3, 
^  324.  —  Ms.  A  7  :  Kaeranloet.  —  Ms.  A  8  :  Carlouet. 

P.  212,  L  19  :  eurent  pries.  —  Ms.  AS:  eussent  pris* 

$  649.  là  dus.  —  En  ce  tamps,  se  parti  de  Paris  li  dus  de 
Bourbon  à  grant  fuisson  de  gens  d'armes,  chevaliers  et  es- 
cuiers,  et  li  marescaux  de  Franche  avoecq  lui,  messires  Loeys 
de  Sansoire  ;  et  s'en  vinrent  mettre  le  siège  devant  Belleperce,  où 
Bemars  de  West,  Hortingo  et  Chikos  de  la  Salle  se  tenoient  et 
leur  compagnon  en  garnison,  et  la  mère  dou  duc  de  Bourbon 
avoecq  y  aux  prisonnierre.  Si  fissent  li  signeur  de  Franche  qui  là 
s'amanagièrent,  ung  très  bel  logeis  et  grant  devant  Belleperce,  à 
mannierre  d'une  ville,  bien  fremmëe  de  fossés  et  de  palis;  et  jura 
li  dus  de  Bourbon  le  siège  à  tenir,  et  dist  que  jammais  n'en  par- 
tiroit  jusques  à  tant  qu'il  raroit  sa  fortrèce.  Là  estoient  avoecq 
lui  li  sires  de  Sulli,  messires  Robers  de  Sansoire,  li  comtes  de 
Saint  Pol  et  messires  Galerans  ses  fils,  messires  Jehans  de  Bou- 
loingne,  messires  Robers  et  messires  Huges  Daufin,  li  sires  de 
Montagut,  d'Auvergne,  li  sires  de  Biaugeu,  messires  Ghodeffrois 
de  Bouioingne ,  li  sires  de  Calençon ,  messires  Jehans  de  Buel, 
messires  Jehans  de  Viilemur,  messires  Rogiers  de  Biaufort,  mes- 
sires Jehans  de  Vianne  et  li  marescaux  de  Franche  et  pluisseurs 


[1369]      VARIANTES  DU  PREMIER  UVRE,  S  649.         399 

autres  barons,  chevaliers  et  escuiers,  que  li  roys  y  avoit  envoiiës 
en  Tayde  de  son  serourge  le  ducq  de  Bourbon.  Si  estoient  li 
Franchois  bien  quinze  cens  hommes  d'armes  et  trois  cens  arba- 
lestriers,  et  venoient  souvent  escarmucier  et  combattre  à  le  bar- 
rière à  chiaux  dedens;  et  avoient  fait  ouvrer  et  drechier  gran» 
enghiens  devant  le  fortrèce ,  qui  y  jettoient  pierres  de  fais  qui 
desrompoient  et  brisoient  les  combles  et  les  couvertures  dou 
castiel.  Chils  assaux  des  enghiens  estmt  une  cose  qui  moût  travil- 
loit  et  esbahissoit  chiaux  de  dedens  et  especiaument  la  danmie 
mère  au  duc  de  Bourbon  qu'il  tenoient  prisonnierre.  Et  fist  la 
dite  damme  par  pluisseurs  fois  priier  et  requerre  à  son  fil  le  dit 
ducq,  que  il  se  volsist  déporter  de  faire  jetter  ces  enghiens ,  car 
trop  le  travilloient  ;  mais  li  dus  n'y  vot  oncques  entendre  et  dist 
que  ja  ne  s'en  cesseroit  jusques  à  tant  que  il  aroit  abatu  le  for- 
trèce et  mis  rës  à  rés  de  le  terre. 

Quant  li  compaignon  qui  dedens  estoient,  virent  ce,  si  se 
doublèrent  durement  que  maux  ne  leur  em  presist  et  que  par 
force  il  ne  fuissent  concquis  :  si  envoiièrent  certains  messaiges 
devant  monsigneur  Jehan  d'Euvrues,  senescal  de  Limozin,  en 
lui  priant  et  requérant  que  il  volsist  aller  deviers  le  prince  et  son 
consseil,  et  que  on  leur  tenist  les  couvens  que  on  leur  avoit 
proummis,  quant  il  se  départirent  d'iaux  et  de  le  chevauchie  de 
Rohergue  et  de  Quersin. 

Quant  messires  Jehans  d'Evrues,  qui  se  tenoit  adonc  en  le  So- 
teresne,  entendi  les  nouvelles  de  ses  compaignons  et  en  quel  parti 
et  péril  il  gisoient  dedens  Belleperce,  si  monta  tantost  à  ceval  et 
s'en  vint  en  Angouloime  deviers  le  prince.  Si  le  trouva  et  mon- 
signeur Ammon  son  frère  et  le  comte  de  Pennebrucq  avoecq  lui 
et  pluisseurs  chevaliers  et  escuiers.  Si  fist  li  dessus  dis  chevaliers 
son  mesaige  bien  et  à  point,  et  esploita  si  bien  que  li  prinche& 
respondi  qu'il  seroient  comfortë  et  que  il  y  envoieroit  gens  assës 
pour  combattre  les  Franchois  et  lever  le  siège.  Si  fist  tantost  li 
prinches  ungs  très  especial  mandement  en  Poito  et  en  Saintonge, 
et  une  grande  assemblée  de  barons ,  de  chevaliers  et  d'escuiers. 
Quant  il  furent  tout  venu,  chacuns  seloncq  se  quantité  et  son 
|X)oir,  et  assamblé,  il  les  recarga  au  comte  de  Gantbruge  son  frère 
et  au  comte  de  Pennebruc,  et  leur  enjoindi  que  il  chevauçaissent 
deviers  Belleperce  et  dou  sourplus  il  en  ordounnaissent  à  leur 
honneur  et  par  bon  consseil.  Qiii  obéirent  au  coummandement  et 
ordounnance  dou  prinche,  et  cheminèrent  celle  part  à  grant  esploit. 


400  CHRONIQUES  DE  J.  FEOiSSART.  [1369] 

bien  potirveu  et  bien  garny  de  tout  chou  qu'il  faut  et  appertîmit 
à  ung  host  et  à  gens  d'armes  ;  et  fissent  tant  par  leurs  journées 
qu'il  passèrent  Limozin  et  Auvîergne  et  entrèrent  en  Bourbon- 
nois.  Si  vinrent  d'autre  part  et  se  logièrent  deniers  leur  costé  k 
rencontre  des  Franchois  :  dont  cil  qui  estoient  en  le  fortrèche 
furent  grandement  resjoy,  et  virent  bien  que  temprement  il 
seroioit  comforté,  fust  par  bataille  ou  autrement. 

Quant  li  dus  de  Bourbon  et  li  signeur  de  Franche  qui  là  es- 
toient, vvent  venus  les  Englès  et  qui  se  logoient  contre  yaux 
devant  Belleperche,  si  se  missent  sus  leur  garde  et  remforchièrent 
leur  gens  et  segnefièrent  tout  leur  estât  au  roy  de  Franche.  Si 
trestost  que  li  roys  oy  ces  nouvelles,  il  fist  de  recief  une  semonsce 
et  un  mandement  de  gens  d'armes  environ  Paris  x>ù  il  se  tenoit 
adonc,  et  tout  mouvant  de  là  jusques  en  Auviergne,  en  Biausse, 
en  Gastinois,  en  Brie  et  en  Orlenois,  en  Blois,  en  Berry  ;  et  rem- 
forcha  les  gages  des  gens  d'armes  et  des  saudoiiers,  affin  que 
plus  voUentiers  il  se  trayssent  de  celle  part.  Et  meysmement  mes- 
sires  Loeys  de  Sansoire,  marescaux  de  France  ou  Heu  de  mon- 
signeur  Boucicau  qui  estoit  nouvellement  trespassës ,  envoiea 
hiraux,  lettrez  et  priières  deviers  ses  amis  et  touttes  gens  d'armes 
qui  estoient  tailliés  d'iaux  avancier  et  d'aller  en  celle  chevauchie 
pour  leur  honneur,  en  yaux  amonestant  et  disant  que  il  se  vol- 
sissent  traire  de  celle  part,  et  qu'il  penssoit  qu'il  esploiteroient 
pour  yaux  honnerablement  sour  les  Englès;  car  il  gisoient  assés 
merviileusement.  Au  coummandement  dou  roy  de  Franche  et  à  le 
priière  et  monition  dou  dit  marescal,  se  partirent  de  leurs  hostels 
pluisseurs  signeurs,  chevaliers  et  escuiers,  et  se  traissent  deviers 
Belleperce,  et  fu  grandement  leur  host  remforchie'.  En  cel  estât 
furent  il  plus  de  quinze  jours  l'un  devant  l'autre,  que  tous  les 
jours  on  se  quidoit  combattre;  mes  li  Franchois  ne  partoient  mies 
de  leur  clos,  se  ce  n' estoient  aucun  compaignon  aventureux  qui 
venoient  lanchier  et  escarmuohier  as  Englès,  et  li  Englès  à  yaux. 
Pi66. 

?•  2i3y  1.  8  :  si  le  raroit.  —  Ms.  AS:  jusques  à  ce  qu'il  le 
raroit.  F«  327  v«. 

P.  214,  1.  19  :  Quersin.  —  Ms.  A  1  :  Caoursin.  F»  319.  — 
Ms.  A  8  :  Crecy.  F»  328. 

P.  214,  1.  19  et  20  :  en  couvent.  —  Ms.  AS:  encouve- 
nancië. 

P.  214,  1.  30  :  enditteroit.  —  Ms.  AS:  induiroit. 


[1370]      VARIANTES  DU  PREBIIER  UVRE,  $  690.         401 

P.  tl5,  1.  2  :  trouva  il.  —  Les  mss.  B  f  à  k  ajoutent  :  le 
prince. 

P.  215,  1.  6  :  le  captai.  —  Le  ms.  A  8  ajoute  :  de  Beuch. 

P.  215,  1.  21  et  22  :  plus  de...  gens.  —  Ms.  B  6  ;  bien  douze 
cens  lanches,  que  chevaliers,  que  escuiers,  et  troi  mil  aultres   . 
gens.  F«  766. 

P.  21(>,  1.  13  :  en  istance  de  ce  que.  —  Ms.  ^  8  :  en  entencion 
et.  F*  3i8  V». 

P.  21b,  i.  18  :  hasteeroent.  —  Mss.  ^  7,  8  :  hastivement. 

P.  216,  1.  21  :  porter.  —  Ij'S  mss.  A  1^  H  ajfnurnt  :  grant. 

P.  2  6,  i.  t\  et  22  :  le  monicîon.  — Ms,  ^  8  ;  l'ennortacion. 

P.  216,  1.  15  :  Donsceneue.  —  Mss.  ^7,8  :  Donsteneve. 

§  680.  Quant  li  contes.  —  Ms,  d^ Amiens  :  Quant  li  Englès, 
qui  estoient  logiës  et  espars  sus  les  camps  par  villages  et  par 
hamiaux  et  par  connestablies,  chacuns  sires  entre  ses  gens,  virent 
que  li  dus  de  Bourbon  et  li  chevalier  de  France  ne  partiroient 
point  de  leur  fort  ne  venroient  combattre,  si  eurent  consseil 
que  d'envoiier  Camdos  le  hiraut  par  deviers  yaux  pour  remous- 
trer  une  partie  de  leur  entente.  Adonc  Gimdos,  emfourmés  de 
ses  mestres  et  avises  quel  cose  il  de  voit  dire  et  faire ,  se  parti 
d'iaux,  et  chevaucha  tant  qu'il  vint  ou  logeis  des  Franchois  et 
par  especial  deviers  le  duc  de  Bourbon,  qui  estoit  ciës  de  ceste 
chevauchie  et  assamblée.  Se  li  remoustra,  presens  pluisseurs  ba- 
rons et  chevaliers  qui  là  estoient  de  son  consseil,  coumment  li 
comtes  'le  Cantbruge  et  ii  comtes  de  Pennebrucq  et  leurs  gens 
s'estoient  là  tenu  à  celle  entente  que  il  quidoieut  que  ilz  dewissent 
yssir  hors  de  leur  clos  et  y  aux  combattre;  et  ou  cas  que  ilz  vo- 
roient  yssir  et  y  aux  traire  sour  les  camps,  li  Englès  estoient  ap- 
pareilliet  d'iaux  retraire  arierre  et  livrer  pièce  de  terre  pour  com- 
battre; et,  se  il  avoient  plus  chier  deviers  leur  costé,  li  Englès 
passeroient  vollenliers  oultre  une  petite  rivierre  qui  là  estoit,  et 
se  venroient  combattre  à  yaux.  Li  dus  de  Bourbon  respondi  que 
il  ne  feroit  ne  l'un  ne  l'autre,  et  qu'il  n' estoit  mies  là  venus  ne 
arestës  pour  lui  mettre  en  l'ordounnanche  de  ses  ennemis ,  mes 
il  fuissent  tout  sceur  que  de  là  ne  se  partiroit  il  jusques  adonc 
que  il  aroit  son  castiel  de  Belleperce.  Donc  respondi  li  hiraux  : 
«  Monsigneur,  puisque  vous  ne  voullés  faire  ne  l'un  ne  l'autre , 
pour  che  my  mestre  et  signeur  vous  segnefient  de  par  moy  que, 
dedens  trois  jours,  vous  verres  madamme  vo  mère,  se  vous  voul- 

vn  —  26 


409  GEIRONIQUBS  DE  J.  FROISSART.  [1370] 

les,  partir  doa  câstîel  et  mener  ent  Savoie  :  si  voas  avisas  soor 
che,  et  le  resoouës,  se  vous  povës.  »  Adoac  respondi  ii  dus  de 
Bourbon,  et  dist  :  oc  Camdos,  dittez  à  vostres  mestres,  se  il  l'en- 
mainnent ,  nous  le  rarons ,  quant  nous  porons  ;  mes  c'est  grant 
cruaultés  et  mal  honnerablement  guerriet  quant,  en  guerre  de 
rojrs  et  de  signeurs,  les  femmes  sont  hors  de  sauvegarde.  »  Àdonc 
se  parti  li  hirauz ,  et  s'en  revint  arrierre  à  ses  mestres,  et  ra- 
compta  bien  et  sagement  tout  ce  que  vous  avés  devant  oj. 
P  166  V*. 

P.  317,  1.  5  :  endittës.  —  Jlf f.  J%  :  induis.  F*  328  v*. 

P.  Î47,  1.  10  :  trop.  —  Mt.  B^  :  tous.  F»  13. 

P.  SI 7,  1.  2!  :  racquis.  —  Ms.  A  %  :  conquis. 

P.  217,  1.  27  :  Issu.  —  ilfj.  A%  :  issîrent.  F*  329. 

P.  21 8,  1.  8  et  9  :  asseulëe.  ^  Ms.  AS:  seule. 

P.  218,  1.  12  :  prises.  —  Ms.  AS:  prisonnières. 

P.  218,  l.  19  :  poet.  —  Jl/f.  £  8  ;  pourra. 

P.  218,  1.  26  :  selonc  ce  que.  —  Ms.  AS:  comme. 

P*  218,  1.  28^:  ennoiiet.  —  Ms,  AS:  courrouciez. 

5  8tSl.  Quant  ce  vint.  —  Ms.  if  Amiens:  Si  eurent  li  Englès 
oonsseil  sour  chou,  et  droit  an  jour  que  mis  et  ordounnë  il  avoient, 
il  s'armèrent  tout  et  missent  en  arroy  de  bataille  bien  et  faitice- 
menC,  et  levèrent  leurs  bannierres  et  leurs  pcnnons,  et  fissent 
arouter  tous  leurs  archiers.  Et  là  fu  fais  nouviaux  chevaliers  et 
leva  bannierre  li  sires  de  Pons  en  Poito,  et  le  Gst  chevalier  li 
comtes  de  Cantbruge,  et  un  autre  jone  escuier  de  Haynuau, 
Jehan  d'Àubrecicourt,  fils  à  monsigneur  Nicolle  et  nepveus  à  mon- 
signeur  Ustasse,  dont  vous  avës  bien  oy  parler  en  pluisseurs 
lieux  en  cest[e]  histoire. 

Enssi  furent  chil  sigoeur  d'Engleterre  rengiet  et  ordounnë  par 
mannierre  de  bataille,  du  matin  jusques  à  nonne  ou  priés,  et  tant 
que  on  eut  tout  tourssë,  cargié  et  aprestë  ce  que  porter  et  mener 
en  volloient.  Et  fu  la  dessus  dîtte  dame  montée  et  arëe  bien  et 
deuwement,  enssi  que  à  lui  appertenoit  ;  et  l'enmenèrent  li  dessus 
dit  Englès,  voyant  tous  chiaux  de  1  host,  qui  veoîr  le  veurent... 
F»  167. 

P.  219,  1.  5  :  Jchans.  —  Ms.  £  6  :  Guillaumes.  ¥•  766. 
P.  219,  1.  »  et  6  :  Sallebrin.  —  Ms.£±  :  Salsiberich.  F*  13  t*. 
'^Ms.  AS  :  Sallebery.  F»  329. 
P.  219,  1.  11  :  arrêt.  —  Ms.  B%  :  arreet.  —  Ms.  AS:  arreé. 


[1370]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  %y^Z.         408 

P.  219, 1.  17  :  adestroient.  —  jlfr.  J  8  :  adreçoient. 

P.  219,  1.  19  :  princeté.  —  Ms.  £  2  ;  princhautë.  —  Ms.  A%  : 
prînçautë. 

P.  219,  1.  24  :  pris.  —  Jlf#.  A  8  ;  fait.  F»  329  y*. 

P.  219, 1.  2S  :  tantos.  —  Le  ms.  A  %  ajoute  :  et  sans  delay. 

P.  219,  I.  25  et  26  :  le  tenoient.  —  Ms  B  t  :  pour  prison- 
nière le  tenoient.  -^  Ms,  A%  :  prisonnière  la  tenoient. 

P.  219,  1.  26  :  quel.  —  ^J/.  B  ^ei  A  %:  quelque. 

§  682.  Vous  devës  savoir. — Ms.  iP Amiens  :  Or  revenrons  au 
duc  de  Bourbon ,  qui  ne  fu  mies  trop  joieans  quant  il  en  vit  sa 
mère  mener  des  Englès  ;  mes  amender  ne  le  peuit ,  tant  c'a  celle 
fois.  Touttesvoies,  il  acompii  son  veu  et  furni  son  sierement,  car 
il  racquist  Belleperche  et  entra  dedens,  et  y  mist  une  bonne  gar- 
nison de  gens  d'armes.  Et  le  fist  rem|>arer,  rafiescir  etVepourveir 
bien  et  soufGssanment,  et  dounna  à  touttes  mannieries  de  gens 
d*armes  congiet,  et  ils  meysroe  s'en  revint  en  Franche.  Si  eut 
par  traitiet,  si  come  chy  dessus  est  dit,  madamme  se^mère  en  es- 
c«inge  pour  monsigneur  Simon  Burlë. 

Apriès  le  revenue  de  Belleperche,  li  comtes  de  Pennebrucq 
s'en  vint  demorer  à  Mortaing  sus  mer  en  Poito ,  et  les  Gompaia- 
gnes  metoient  le  pays  en  grant  tribulation.  Si  y  avoit  souvent  des 
escarmuches  des  uns  as  autres,  des  yssues,  des  rencontres  et  des 
pugneiSy  car  il  y  avoit  en  le  Roce  de  Ponsoy  et  en  le  Haye  en 
Tourainne  grant  garnison  de  Franchois  Se  couroient  et  chevau- 
choient  souvent  li  uns  sus  li  autre,  une  heure  perdoient  et  l'autre 
gaegnoient,  enssi  que  en  telz  fais  aviennent  souvent  les  aventures 
de  perdre  et  de  gaegnier. 

En  ce  tarops,  passa  messires  Robers  Canolles  en  Engleterre,  car 
li  roys  englès  l'avoit  mande  qu'il  venist  parler  à  lui.  Si  y  vint,  et 
le  rechupt  li  roys  moult  liement  et  le  retint  dalës  lui  et  de  son 
plusespecial  consseil.  P  167. 

P.  2.0,  1.  4  :  remparer.  —  Ms.  A  8  ;  reparer.  F*  329  v*. 

P.  220,  I.  14  :  esvuidoient. — Ms.  B^:  eswidoient.  F»  13  v*. 
—  M.f.  AS:  widièrent. 

P.  220,  1.  29  et  30  :  menères.  —  Ms.  A  %  :  meneur. 

S  683.  En  ce  temps.  —  Ms.  dt  Amiens  :  Ossi  s'en  revintli 
dus  d'Ange  en  France  veoir  le  roy  son  frère  et  ses  autres  frères. 


404  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1370] 

Si  se  tint  à  Pftris  et'là  environ ,  don  miquaresme  josques  apriès 
Pasques;  et  le  solempnité  de  le  Pasques,  qui  fu  Tan  de  grasce 
mil  trois  cens  soissante  et  dix,  tint  ii  roys  Caries  de  France  moût 
grant  court  et  très'solempnelle  ;  et  y  furent  si  troi  Trère  li  dus 
d'Ango,  li  dus  de  Berri,  li  dus  de  Bourgoingne,  li  dus  d'Orieens, 
li  dus  de  Bourbon,  lî  comtes  d'Alençon,  li  comtes  de  Bonloingne, 
li  comtes  de  Saint  Pol,  li  comtes  du  Perce,  li  comtes  de  Yen- 
dosme,  li  daufins  d'Auvergne  et  tant  de  comtes,  de  barons  et  de 
chevaliers  que  sans  nombre.  Et  les  avoit  li  roys  mandes  pour 
solempniier  le  Pasque  et  festiier  son  frère  le  duc  d'Ango,  qui  es- 
toit  revenus  de  le  Langhe  d'Ock  et  avoit  durement  bien  esploitîé 
ens  es  marches  de  Toulouse  et  raquis  sus  les  Englès  grant  fuisson 
de  pays,  de  chitës,  de  castiauz  et  de  bonnes  villes,  et  fait  re- 
tourner franchois  ossi  grant  plentë  de  seigneurs ,  chevaliers  et 
escuiers  de  le  terre  don  prinche  :  pour  tant,  li  roys  lonnouroît 
et  veoit  plus  vollentiers ,  car  li  dus  d' Ango  li  afBoit  que ,  dedens 
deax  ans,  il  n'y  aroit  nul  Eoglès  en  le  Langhe  d'Ock  et  que  tons 
li  pays  serait  raquis  franchois. 

Quant  les  Pasques  et  les  festes  furent  passées  et  que  on  eut 
festiië  et  jeuë  assës,  et  que  li  roys  eut  dounnë  grans  jeuiaux  nobles 
et  rices  as  chevaliers  estrainges  et  là  ou  il  le  veoit  le  mieux  em- 
ploiiet,  car  de  ce  est  il  moût  coustumiers,  il  y  eut  grans  conssaux 
et  grans  parlement  tenus  enssamble  à  Paris  entre  les  royaux.  Si 
fu  adonc  ordounnë  et  areste  que ,  en  cel  estet,  deux  chevauchies 
grandez  et  grosses  se  metteroient  sus,  dont  li  dus  d'Aogo  seroit 
souverains  de  Tune,  et  li  dus  de  Berri  et  li  dus  de  Bourbon,  de 
l'autre  ;  et  venroient  mettre  le  siège  devant  le  chite  de  Angouloime 
et  assegier  le  prinche.  Et  devoit  li  rays  de  Franche  remander 
messire  Bertran  de  Claiequin,  qui  estoit  en  Espaingoe  avoecq  le 
roy  Henry...  ¥•  167  r^et  v«. 

Quant  li  dus  d'Ango  eut  estet  une  espasse  de  temps  dalles  son 
frère  le  roy  de  Franche,  il  prist  congiet  et  se  parti  de  Paris,  et 
chevaucha  tant  par  ses  journées  qu'il  revint  arnerre  en  le  bonne 
chitë  de  Toulouze ,  dont  il  estoit  partis.  Assës  tost  apriès  chou 
que  il  y  fu  venus ,  il  fist  une  semonsce  et  ung  très  especial  man- 
dement à  touttes  gens  d'armes,  chevaliers  et  escuiers,  que  iU  ve- 
nissent  tous  à  Thoulouze  ou  illuecq  environ,  et  pria  an  comte 
d'Ermignach,  au  seigneur  de  Labreth,  au  comte  de  Pierregorth, 
au  comte  de  Commioge  et  au  viscomte  de  Quarmaing,  que  cha- 
cnns  s'emforçast  endroit  de  lui  de  mettre  sus  touttez  les  gens 


[4370]      VARIANTES  DU  PREBIIER  LIVRE,  g  654.  405 

d'armes  qa'il  poroieot  avoir,  car  il  voUoit  faire  une  moult  grosse 
chevaurhie.  Chacuns  obey,  qui  semons  et  pries  y  fu.  F*  i67  v*. 

P.  221  y  1.  14  :  gouvreneroit.  —  Ms.  A  %  :  gouvemeroient. 
F*  329  ¥•. 

P.  221,  1.  i4  :  Ghiane.  ^  Jlf f .  A  8  ;  Guienne. 

P.  221,  1. 18  à  23  :  Bncores...  France.  —  Ms.  B  6  ;  Ossy  le 
duc  d'Ango,  qui  moult  am«*it  monsigneur  Bertran  de  Qaiquin, 
le  pourposa  adonc  estre  connestable  de  France  et  pour  le  reman- 
der en  Espaigne;  mais  il  n'en  fu  encores  riens  fa^t,  quoyque  le 
roy  de  Franche  y  entendesbt  yoUentiers.  P  767. 

P.  221,  1.  21  :  se.  —  Z«  jfu.  i^  8  ajouie  :  vaillamment. 
¥•  330. 

P.  221 ,  1.  22  :  d'estre.  —  Mss.  ^  2  et  ^  8  :  qu'il  volsist 
estre. 

P.  221,  1.  24  :  Charles.  —Ms.  ^  8  :  de  France. 

P.  222,  1.  2  :  tant.  —  Le  ms.  B  6  ajoute  :  et  s'en  vint  par 
Bourgogne  et  par  Avignon  et  à  Montpellier  et  fist  là  son  mande- 
ment de  gens  d'armes  et  de  bidaus.  P  767. 

P.  222, 1.  5  :  peut.  —  Mss.  ^  2  et  ^  8  :  pooit,  povoit. 

P.  222,  1.  8  :  Emaudon  de  Pans.  —  Ms.  B  2  :  Naudon  de 
Pons.  P  14. 

P.  222, 1.  21  :  estoffeement.  —  Ms.  A  8  :  efforcieement. 

$  6tt4.  Tout  en  tele  manière.  —  Ms.  d  Amiens  :  Tout  en  tel 
mannierre  que  li  roys  de  Franche  ordounnoit  à  faire  ses  chevau- 
chies  sour  le  terre  dou  prinche ,  ordounnoit  li  rois  englès  deux 
antres  chevauchies,  dont  li  dus  de  Lancastre,  ses  fils,  devoit  y 
estre  chiës  de  l'une  et  envoiiés  en  Acquittainne  deviers  le  prin- 
che, son  frère,  et  une  quantité  de  gens  d'armes  et  d'archiers;  et 
messires  Robers  Canolles,  chiës  de  l'autre,  et  devoit  passer  le  mer 
et  ariver  à  Calais  à  deux  mil  hommes  d'armes  et  quatre  mil  ar- 
chiers,  et  chevauchier  parmy  Artois,  Vermendois  et  Pickardie  et 
tout  le  royaumme  de  Franche,  et  venir  devant  Paris.  Tout  ce 
osoit  bien  messires  Robers  emprendre,  dont  li  Englès  avoient 
grant  joie;  et  pour  leur  voyaige  acomplir  et  furnir  plus  seure- 
ment  et  que  leur  pays  ne  fust  ars,  gastës  ne  essiiiies  des  Esco- 
chois,  que  moult  il  doubtoient,  entroes  que  ces  gens  d'armes 
seroient  hors  d'Eogleterre,  il  envoiierent  grans  messages  et  sages 
traiteurs,  l'evesque  de  LîncoUe  et  fevesque  de  Durem  et  le  comte 
de  Herfort  et  le  signeur  Latimeri  au  Noef  Castiel  sus  Tin.  Là 


406  CHRONIQUES  DB  J.  FROISSART.  [1370] 

• 

eat  tas  marche  de  pays,  entre  Eervîch  et  Rosebonrch,  grans 
parlemens  des  signeors  d'Escoche  et  d*yaux.  Finablement ,  les 
Goses  fureot  si  bellement  et  si  sagement  demenëes  et  pourpariées, 
que  une  trieuwe  fu  prise,  dounnëe  et  acordëe  et  seeliëe  entre  les 
deux  royaummes  d'Engleterre  et  d'Escooe  et  tous  les  converssans 
de  dedens  à  durer  cinq  ans;  et  pooient  li  Bicot,  se  il  voUoient, 
▼enir  servir  le  roy  englès,  parmy  lors  gaiges  prendant,  ou  les 
Franchois,  là  où  le  mieux  il  leur  plaisoit  à  traire.  Apriès  ces 
ooses  faittes  et  acomplies,  li  dessus  dit  messaigier,  qui  en  Escoce 
avoient  estet  envoiiet.  retournèrent  à  Londres  deviers  le  roy;  si 
recordèrent  coumment  il  avoient  esploitié.  De  chou  se  tinrent  à 
bien  cootens  li  rois  et  tous  ses  conssaux.  Si  regardèrent  qui  s'en 
yroit  en  Giane  avoecq  le  duc  de  Lancastre.  Si  en  furent  esleu  et 
nomme  li  sires  de  Ros,  messires  Mikieus  de  la  Pôle,  messtres 
Robers  Rous  et  messires  Jehans  de  Saint  Lo,  et  furent  en  celle 
routte  deux  cens  hommes  d'armes  et  trois  coas  arcbiers.  Si  or- 
dounnèrent  et  aprestèrent  tout  leurs  besoingnes  bien  et  à  point, 
chevaux,  armes,  harnois  et  grant  fuissou  de  bonne  artillerie,  et 
s'en  vinrent  à  EUntonne  et  pourveyrent  leurs  vaissiaux  de  touttes 
pourveanches  bien  et  largement,  pour  passer  le  mer  et  ariver  à 
Bourdiaux  on  là  environ  :  telle  estoit  leur  entente. 

D'autre  pnrt  furent  nomme,  esleu  et  ordounné  chil  qui  dévoient 
pas^r  le  mer  avoecq  monsigneur  Robert  Canolies,  première- 
ment messires  Thummas  de  Grantson,  messires  Alatns  de  Bou- 
queselle ,  li  sires  de  Fieu  Watier,  messires  Gillebers  Griffars , 
messires  Jehans  de  Boursier,  messires  Jehanz  Mestreourde  et 
pluisseur  autre  chevalier  et  escuier.  Si  ordounnèrent  leurs  besoin- 
gnes, leurs  armures  et  leurs  harnas,  et  se  pourveirent  bien  à 
point  pour  passer  environ  le  Saint  Jehan  Baptiste,  que  li  bleds 
coummenchent  à  menrir.  Or  revenrons  as  chevauchies  que  li 
signeur  de  Franche  missent  sus  et  coumment  et  par  où  il  entrè- 
rent en  Acquittainne,  quant  li  dus  d'Ango...  F"  167  v^  et  168. 

Si  chevauchièrent  et  cheminèrent  tant  (les  gens  des  Compagnies 
anglabes  qui  emmenaient  prisonnière  la  duchesse  douairière  de 
Bourbon),  par  leurs  journées,  qu'il  vinrent  en  Angouloime  deviers 
le  prinche  qui  les  rechupt  à  grant  joie.  El  là  fissent  une  requeste  an 
dit  prinche  messires  Jehans  d'Euwrues,  Hortingos,  Cikos  de  la  Salle 
et  Bernars  de  Wes,  qui  Belleperche  avoient  pris  et  la  damme  te- 
noient  pour  prisonnierre ,  à  savoir  qu'il  voHoit  qu'il  fesisseut  de 
la  dessus  ditte  damme.  Li  princbes  de  Galles  ,  sur  ceste  paroUe 


[1370]      VAIUANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  654.         407 

penssa  un  petit,  et  puis  respondi,  lui  bien  consilliet  en  soi 
meysmes  :  ce  fiiau  signeur,  sans  moy  et  mon  consseil,  vous  le 
presistes  :  si  en  faittcs  dou  sourplus  ce  que  il  vous  samble  que 
bon  soit  ;  mais  je  voeil ,  quel  ordounnanche  ne  delivranche  que 
vous  en  fachiës,  que  messires  Simons  de  Burlé  soit  quittes  de  se 
prison  et  que  je  le  raie.  »  Il  respondirent  :  a  VoUentiers.  »  Adonc 
emprunièrent  li  compaignon  à  monsigneùr  Simon  de  Hurlée,  qui 
estoit  prisonniers  à  monsigneùr  Jehan  de  Buel ,  la  tour  de  Broe , 
qui  stet  à  quatre  lieuwes  de  le  Rocelie,  et  là  le  tinrent  ufig  tarops 
bien  et  courtoisement,  et  li  faisoient  avoir  em  partie  tout  son 
estavoir.  Si  fu  par  tretiet  tantost  apriès  ce  délivrée  pour  le  dessus 
dit  monsigneùr  Simon  de  Burlëe  et  six  mil  frans  que  elle  paiia 
pour  ses  Très.  Et  si  se  ranchounna  ossi  messires  Gaponnës  de  Ga- 
ponval,  li  chevaliers  franchois  qui  avoit  aportë  l'apiel  au  prinche 
de  par  les  seigneurs  de  Gascoingoe,  et  qui  fu  pris  et  emprison- 
nés en  Penne  en  Aginois.  Si  revînt  en  Franche ,  mes  li  clers  qui 
fu  pris  avoecq  lui,  mourut  en  prison. 

Ossi  se  ranchounnèrent  messires  Loejs  de  Saint  Juliien  et  Caruel, 
qui  avoient  estet  pris  au  pont  de  Luzach  des  gens  monsigneùr 
Jehan  Gamdos ,  si  comme  vous  avés  chy  dessus  oy  ;  mais  li  es- 
cuier  Jakes  de  Saint  Martin,  qui  li  donna  le  cop  de  le  mort,  morut 
des  playes  qu'il  eut,  assés  tost  apriès  en  le  chité  de  Poitiers... 
F*  167  r*. 

En  ce  tamps,  estoient  en  grant  tretiet  de  pais  ou  de  genre  li 
rois  de  Franche  et  li  rois  de  Navarre  pour  aucunnes  terres  que 
li  rois  de  Navarre  demandoit  à  avoir  et  à  tenir  on  rovaumme  de 
Franche.  Si  s'en  ensonnioient,  par  cause  de  moiien,  li  comtes  de 
Salebruche  et  messires  Guiliaummes  de  Dormans.  Tant  fu  parle- 
menté et  allé  de  l'un  à  l'autre  que  on  les  acorda;  car  on  re- 
moustra  au  roy  de  Franche  qu'il  valloit  mieux  qu'il  se  laiast  à 
dire  et  aucune  [cose]  aller  du  sien  qu'il  ewist  gerre  à  son  serourge 
le  roy  de  Navarre,  car  il  avoit  gerre  assés  as  Englès.  Si  descendi 
li  roys  de  Franche  à  l'opinion  de  ses  gens  et  pardounna  au  roy 
de  Navarre  son  mautalent,  et  vint  li  dessus  dis  rois  à  Paris  où  il 
ht  grandement  festiiés. 

Assés  tost  apriès ,  fu  acordés  li  mariaiges  de  madammoiselle 
Jehanne  de  Franche,  qui  fu  fille  au  roy  Phelippe  et  de  la  roynne 
Blanche,  serour  au  roy  de  Navarre,  au  fil  le  roy  Pierre  d'Aragon, 
et  fu  moût  honnerablement  envoiiée  celle  part,  car  elle  estoit  ante 
doa  roy  de  Franche.  Si  s'en  voUoit  li  rois  acquitter,  ensi  qu'il 


408  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1370] 

fist,  moult  grandement  ;  mes  elle  trespassa  sour  le  cemîn  :  Dîenx 
en  ait  Tan  met 

Or  revenrons  as  chevauchies  que  li  sîgneur  de  Franche  mis- 
sent sus,  et  coumment  et  par  où  il  entrèrent  en  Acquittainne. 
F»  i  72  v«. 

P.  223, 1.  ii  :  en  ce  parti.  —  Ms.  ^  8  ;  en  ce  pais.  F»  330. 

P.  223,  1.  1 7  :  ensonniier.  —  Ms,  A  %  :  embesoingnier. 

P.  223,  1.  18  :  usé.  —  3/j.  A  8  ;  aprins. 

P.  223,  1.  30  :  Burlé.  —Ms.  ^  8  :  de  Burlé. 

P.  224 ,  1.  7  :  s'ensonniièrent.  —  Ms.  AS:  s'embesoingniè- 
rent. 

P.  224,  1. 15  :  greveroient.  —  Mss.  Bt  et  A  %  :  greveroit. 
F*  14  V*. 

P.  224,  1.  17  :  endittës  et  preeciës.  —  Ms,  A  8  ;  enduis  et 
pressez.  F»  330  v«. 

P.  224, 1.  23  :  Vrenon.  — Mss.  Btet  A  %  :  Vemon. 

P.  225,  1.  2  :  laiier.  — Mss.  B  ^  et  A  S  :  laissier. 

S  6tStt,  Vous  savës.  —  Ms,  ef  Amiens  :  Adonc  estoit  remandët 
par  graus  messaiges,  en  Castille,  dou  roy  de  Franche  et  dou  ducq 
d'Ango,  messires  Bertrans  de  Claiequin  ;  et  li  prioient  affectueuse- 
ment et  chierement  qu'il  presist  congiet  dou  roy  Henri  et  s'en 
revenist  en  Franche  et  se  mesist  en  celle  chevauchie  dallés  le  dnc 
d'Ango,  car  il  avoient  mestier  de  sen  ayde  et  de  son  consseil 
Messires  Bertrans  de  Claiequin,  qui  moût  aimoit  le  roy  de  Franche 
et  le  duc  d'Ango  et  a  tousjours  amé,  ne  se  veut  mies  escuzer, 
mes  prist  congiet  dou  roy  Henri ,  liquelx  li  dounna  assés  liement 
ou  cas  qu'il  s'en  retournoit  en  France  pour  gueriier  le  prinche  et 
les  Englès.  Et  dounna  encorresau  départir  monsigneur  Bettran  de 
Claiequin  grant  fuisson  de  biaux  jewiaux  et  de  riches,  d'or  et 
d'argent,  de  chevaux,  de  roules  et  de  destriers.  Ensi  se  parti  li 
dis  messires  Bertrans  dou  roy  Henry  et  s'adrecha  piirroi  Arrngon 
pour  venir  à  Thoulouse  deviers  le  duc  d'Ango.  Il  chevaucha  et 
esploita  tant  par  ses  journées  qu*il  y  parvint.  Si  fu  moût  gran- 
dement festiiés  et  requeilliés  dou  duc  d'Ango  et  de  tous  les  barons 
qui  estoient  adonc  dallés  lui...  F^  168. 

En  celle  saison,  li  dus  de  Lancastre,  fils  au  roy  d'Engleterre, 
[passa]  le  mer  à  mil  lanches  et  deux  mil  archiers,  et  vint  ariver 
à  Callais;  et  quant  ils  et  ses  gens  se  furent  là  rafresci,  il  s'em 
partirent  en  grant  arroi.  Si  estoit  li  comtes  de  Warvich  mares- 


[J370]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  6»6.         409 

eaux  de  son  ost,  et  entrèrent  ses  gens  ou  royaumme  de  Franche; 
et  print  li  dus  terre  et  logeis  sour  le  mont  de  Tournehon.  Là  vint 
deviers  lui  messires  Robers  de  Namur  à  soissante  lanches  bien 
estoflëes,  et  acompaigniés  de  chevaliers  et  d*escuiers.  F*  164  v^» 

P.  2i5,  1.  14  :  savés.  —  Mt,  A  %  :  devez  savoir. 

P.  225,  1.  16  :  Langue  d'Ok.  —  Le  ms,  A  %  ajoute  :  il  devoit. 
?•  330  V». 

P.  225, 1.  22  :  de  Claiequin.  —  Ms.  ^  8  :  du  Gnesclin. 

P.  225,  1.  22  :  l'en.  —  Ms.  A  %  :  lui  en. 

P.  226  y  1.  15  :  de  se  carge.  —  Ms,  AS:  en  sa  charge. 
F»  331. 

P.  226,  1.  16  :  Mikieus.  —  Ms.  AS:  Michiel. 

P.  226,  1.  10  à  18  :  En  ce  temps...  Warvich.  —  Ms.  B  S  :  Sy 
party  le  duc  de  Lenclastre,  environ  le  Saint  Jehan  Baptiste,  à 
toutes  ses  gens  d*armes,  et  vint  monter  en  mer  à  Hantone  et  es- 
ploita  tant  qu'il  vint  à  le  Rochelle  où  il  fu  recheus  à  joie  et  toute 
sa  compaignie.  F*  768. 

$  686.  Or  se  départi.  —  Ms.  it Amiens  :  Apriès  la  revenue 
de  monsigneur  Bertran  de  Claiequin  en  Franche  et  qu'il  se  fu 
trais  deviers  le  duc  d*Ango,  ne  demoura  gaires  de  tamps  que 
ces  deux  chevauchies  se  missent  as  camps.  li  dus  d'Ango,  d'un 
les  premièrement,  qui  avoit  bien  douze  cens  lanches  et  quatre 
mil  bidaus,  se  parti  de  Thoulouse  et  prist  le  chemin  pour  venir 
deviers  le  bonne  chitë  d'Agens  et  tout  premièrement  à  Monsach. 
li  pays  estoit  si  efiraés  de  la  venue  dou  dit  ducq  d'Ango,  pour  le 
grnnt  nombre  de  gens  qu*i]  menoit  et  qui  faisoient  moût  de 
desrois,  que  les  villes  n'avoient  nulle  volentë  diaux  tenir  ne  de 
dedendre  En  le  cevaucie  et  en  l'armée  dou  duc  d'Ango  estoient 
li  comtes  d*Ermignach,  li  sires  de  Labreth,  li  comtes  de  Piere- 
gorth,  li  comtes  de  O^roinges,  li  viscontes  de  Quarmaing,  li 
comtes  de  Nerbonne,  messires  Bertrans  de  Claiequin  par  quel 
consseil  tout  se  fesoit  et  entreprendoit,  li  viscomtes  de  Villemur, 
li  sires  de  la  Barde,  messires  Bertrans  de  Taride,  li  senescaux  de 
Toulouse ,  li  senescaux  de  Carcasonne  et  chils  de  Biauquaire  et 
pluisseurs  grans  seigneurs  des  marches  de  le  Langhedoc,  qui  es- 
toient de  le  tenuru  de  Franche  et  ossi  qui  s'estoient  tourné.  Et  si 
avoit  li  dus  grant  fuisson  de  gens  de  Compaingnes,  messire  Garsb 
dou  Castiel,  messire  Thonnet  de  Batefol,  le  bourcq  de  Breteuel, 
Aimenion  d'Ortige,  Jake  de  Bray,  Perrot  de  Savoie,  Janikot 


4i0  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1370] 

d'Ortème,  Petit  Meschîn,  messire  Beroardet  de  Labreth,  Lamît, 
le  bourcq  de  rEs|>are  et  pluisseurs  autres.  Si  mettoient  ces  gens 
d'armes ,  ces  G)mpaingnes  et  leur  route ,  le  pays  en  grant  tribu- 
latioo.  Et  si  trestot  qu'il  y  furent  venu  devant  Monsach,  il  se  ren- 
dirent et  jurèrent  feautë  à  tenir  en  avant  au  roy  de  Franche  et  au 
duc  d'Ango,  puis  s'en  partirent  li  Franchois  et  chevauchièrent 
deviers  Agen.  Quant  il  parfurent  venu  jusques  à  là,  li  bourgois 
de  le  chitë  n'eurent  pas  conssail  d'iaux  tenir  ne  faire  guerriier  : 
si  se  rendirent  et  tournèrent  et  jurèrent  à  eslre  bon  et  loyal 
Franchois.  Apriès,  chevauchièrent  li  dus  d'Ango  et  ses  routtes  de- 
viers Tounins  sur  Geronde,  en  pourssuiwant  le  rivierre  pour  trou- 
ver plus  cras  pays,  et  vinrent  au  Port  Suinte  Marie,  qui  se  tourna 
tantost  franchoise,  et  puis  le  ville  et  li  castiaux  de  Tounins  sus 
Geronde;  et  partout  metoit  et  establissoit  li  dus  d'Ango  gens 
d'armes  et  gardes.  Quant  Tounins  sus  Geronde  se  fu  rendue ,  li 
marescaux  dou  duoq  chevauchièrent  devant  à  tout  trois  cens  ar- 
mures de  fier,  et  vinrent  en  Gastinoià  et  essillant  le  pays  jusques 
à  une  autre  bonne  ville  qui  s'appelle  ossi  Tounins  TEvesque.  li 
homme  de  le  ville  eurent  consseil  qu'il  se  renderoient;  si  se 
tournèrent  franchois.  Et  li  dus  d'Ango  et  toutte  li  hos  prissent  le 
chemin  de  Montpesier  et  d'Agitlon,  ardant  et  gastant  tout  devant 
yauz,  affin  que  li  pays  futst  plus  effraés. 

Tant  chevauchièrent  li  Franchois  qu'il  vinrent  devant  Mont-* 
pesier  qui  est  une  bonne  ville  et  ungs  fors  castiaux  ;  mes  il  furent 
si  effraé  des  gens  que  li  dus  d*Ango  menoit  et  qui  le  sîeuwoîent, 
que  tantost  ilz  se  rendirent  e'^  jurèrent  à  y  estre  bon  et  loyal 
Franchois  de  ce  jour  en  avant.  Puis  chevaucha  li  dis  dus  oultre, 
et  vint  devant  Agillon  qui  est  ungs  des  fors  castiaux  dou  monde 
et  de  bonne  garde,  et  où  jadis  li  roys  ses  pères,  en  ce  tamps  qu'il 
estoit  dus  de  Normendie,  sist  si  longement  el  oncques  ne  le  peut 
avoir.  Mes  li  dus  d'Ango  n'y  fu  mies  à  siège  quatre  jours  quant 
il  se  rendirent,  car  il  n'y  a  voit  dedens  nulx  Englès  qui  ewissent 
pooir  de  le  tenir  maugrë  chiaux  de  le  ville  ;  et  chil  qui  y  estoient, 
s'em  partirent  sauve  leurs  corps  et  leurs  biens,  et  s'eu  y  eut  ossi 
qui  demorèrent  et  qui  se  tournèrent  franchois.  Enssi  se  perdoit 
et  amenrissoit  li  pats  dou  prinche  y  et  si  n'aloit  nulx  au  devant. 
Adonc  estoient  dedens  le  bonne  ville  de  Bregerach  li  captaux  de 
Beus  et  messires  Thummas  de  Feleton ,  qui  moût  s'esmervilloient 
dou  pays  qui  si  legieremenc  se  toumoit  franchois,  et  se  n'y 
pooient  mettre  consseil  ne  remède,  dont  moult  leur  anoioît.  Si 


{i370]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  656.         411 

envoiîèrent  tantost  messages  en  Angouloime  deviers  le  prinche  en 
lui  segnefiaDt  qu'il  fuist  sus  sa  garde ,  car  li  dus  d*Ango  tenoit 
les  camps  et  concqueroit  villes  et  ci^tiaux  devant  lui ,  et  se  ren- 
doit  li  pays  assës  simplement;  et  supposoient  que  ces  deux  ce- 
vaucies,  qui  estoient  sus  les  camps,  dou  duc  d'Ango  et  dou  ducq 
de  Berri,  dévoient  venir  devant  Anghouloime  et  y  mettre  le 
siège. 

Or  parlerons  un  petit  de  le  chevaucliie  dou  duc  de  Berri,  si 
comme  nous  avons  fait  de  ceste  dou  duc  d'Ango.  Li  dus  de  Berri 
avoit  fait  sen  assamb!ée  à  Montferrant  en  Auvergne,  à  Clermont 
et  à  Rion.  Si  estoient  avoecq  lui  grant  fuisson  de  signeurs  dont 
'  en  UDummeray  une  partie  :  premièrement  li  dus  de  Bourbon,  li 
comtes  d'Alençon,  messires  Robers  d'Alençon,  ses  frerres,  mes- 
sires  Loeis  de  Sanssoire,  maiescaux  de  Franche,  li  comtes  daufins 
d'Auvergne ,  li  comtes  de  Ventadour  et  de  Monpensé ,  messires 
Jehans  de  Bouloingne,  fils  au  comte  de  Bouloingne,  messires  Go- 
deiïrois  de  Bouloingne,  ses  oncles ,  messires  Jehans  de  Villemur, 
li  sires  de  Sulli,  li  marquis  de  Gavillach,  messires  Rogiers  de 
Bîaiifort,  messires  Guis  de  la  Roce,  messires  Rammons  de  Mo- 
ruel.  messires  Loeis  de  Melval,  chil  doy  baron  estoit  tourne  fran- 
chois ,  li  sires  de  Biaugeu ,  li  sires  de  Villars  et  de  Roussellon , 
messires  Robers  Daufins,  li  sires  de  Montagut,  li  sires  de  Callen- 
çon,  li  sires  de  Bari,  li  sires  de  Tournon,  li  sires  de  Montmoril- 
Ion ,  li  sires  d'Achier  et  pluisseur  autre.  Et  puis  revint  en  celle 
chevauchie  messires  Guis  de  filois ,  sires  de  Biaumont ,  à  grant 
routte  de  Haynuiers.  Si  estoient  bien  douze  cens  lanches  et  troi 
mil  armures  de  fier.  Et  là  estoit  ossi  Ainbaus  dou  Plassier,  uns 
appers  homs  d'armes  durement,  et  à  grant  routte.  Et  encores 
revint  ossi  messires  Jehans  d'Ërmignach ,  serourges  au  duc  de 
Berri.  Si  chevauchièrent  ces  gens  par  deviers  le  marce  de  Poito 
et  le  terre  dou  prinche,  gastant  et  essillant  le  pays,  ne  riens  ne 
demoroît  devant  y  aux.  Et  entrèrent  en  Limozin,  dont  messires 
Hues  de  Cavrelée  estoit  senescaux;  mes  il  n'avoit  mies  gens  assés 
pour  le  deffendre  et  garder  contre  les  Franchois.  Tant  chevau- 
chièrent li  dus  de  Berri  et  li  dessus  dit  signeur  que  il  vinrent 
devant  le  bonne  chitë  de  Limoges,  dont  li  evesques  de  Limoges 
avoecq  les  gens  de  le  cite  estoit  soii^^erains  et  gouvreneres  de  par 
le  prinche  ;  et  y  avoit  li  dis  prinches  grant  fianche ,  car  il  estoit 
ses  compères  ..  F»  468  v«  et  169. 

P.  ii6,  1.  28,  à  p.  227, 1.  5  :  Et  estoient...  Agen.  —Ms.  M  6  : 


412  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAKT.  [1370] 

et  bien  quinze  cens  de  gens  de  Gompaigne,  desquels  le  Petit 
Mesquin,  Amenoit,  Dortîgo,  Jaques  de  Bray,  Ernaudon  de 
Paus  et  Pierot  de  Savoie,  estoient  capitaines.  D'aultre  part,  y 
estoit  le  senescal  de  fiiaukaire,  le  senescal  de  Carcasone,  le  se- 
nescal  de  Toulouse  et  le  trésorier  de  Nîmes  ;  et  estoient  deus  mil 
lanches  et  sept  mil  bidaus.  Et  là  estoit  messire  Bertran  de  Clai- 
qain  qui  nouvellement  estoit  venu  de  Castille  pour  servir  le  duc 
d'Ango,  qui  moult  l'amoit  et  adonc  le  fist  connestable  de  toutes 
i!hes  gens  d'armes,  gouvreneur  et  conduiseur.  F^  768  et  709. 

P.  2f7, 1.  12  :  Montsach.  —  Ms.Bl  :  Montsac.  F*  15.  — Afi. 
A%:  Moysach.  F»  331. 

P.  227, 1.  15  :  Tonnins.  ^Ms.  B^  :  Thaunins.  —  Ms.J%  : 
Thonnins. 

P.  227,  1.  23  :  llontpesier.  —  Ms.  B±:  Monpansier.  F*  15 
v«.  —  Ms,  J  S: Montpellier.  —  Ms.  B  6  :  Montpaissier.  P  769. 

P.  227,  1.  27  :  se  rendirent.  — Lems.sA%  ajoute  :  au  roy  de 
France. 

P.  228,  1.  4  :  Beus.  —  Ms.  J  %  :  Beuch.  P  331  v«. 

P.  228,  1.  17  et  18  :  Serignach.  —  Ms.  A%  :  Segnach. 

P.  228,  1.  1 8  :  Griffons.  —  Ms.J^  :  Geffiroy . 

P.  228,  1.  19  :  Melval.  —Ms.  A%  :  Maleval. 

P.  228,  1.  22  :  Cousant.  —Ms.Bl  :  Gonsaut.  F»  15  v*. 

P.  228,  1.  24  :  Ainbaus.  —Ms.  AS  :  Ymbaut. 

P.  228,  1.  24  :  dou  Peschin.  —  Ms.  B  t  :  dou  Plastiet. 

P.  228,  1.  28  :  garnison.  —  Le  ms,  A  8  ajoute  :  telz. 

S  6B7.  Li  princes  de  Galles.  —  Mx.  d* Amiens  :  Quant  li 
princes  de  Galles,  qui  adonc  n'estoit  mies  bien  hetiiSs ,  entendi 
que  ses  pays  se  perdoit  enssi  et  que  li  dus  d'Ango  avoit  là  recon- 
quis et  fait  tourner  vers  lui  plus  de  quarante,  que  citez,  que  villes, 
que  castiaux,  et  prendoient  leur  chemin  pour  venir  devant  An- 
gouloime,  et  le  savoit  si  de  veritë  que  par  ses  féaux  et  amës  che^ 
vâliers  le  captai  de  Beus  et  monsigneur  Thummas  de  Felleton,  si 
fu  moût  penssieuz.  Non|K)urquaDt  il  s'avisa  qu'il  se  trairoit  vers 
Ck)ngnach,  qui  est  forte  ville  et  fors  castiaux,  et  y  trairoit  sa 
femme  et  ses  enfans,  et  manderoit  partout  gens  en  Poito,  en  Sain- 
tonge ,  en  Roerghe ,  en  Lîmozin ,  où  il  les  poroit  avoir,  et  puis 
chevaucheroit  contre  les  Franchois  ;  car  il  ne  volloit  mies  que  il 
le  trouvaissent  enfremë,  ne  que  8i||amy  ne  ennemy  pensassent  le 
contraire  que  il  ne  pewist  encorres  bien  aidier.  Si  dist  à  mon- 


[1370]      VARIANTES  OU  PREMIER  LIVRE,  $  657.         413 

signeur  Richart  de  Pontcbardoa  et  à  monsigneor  Estievene  de 
Goosenton  :  «  Prendës  de  nos  hommes  deux  cens  armures  de  fier 
et  chevauchiës  sagement  sus  ce  pays,  et  pourveés  de  vins,  de 
bleds,  de  chars,  d'avainnes  et  de  farinnes  le  ville  de  Gougnach, 
car  je  me  voeille  trabe  de  celle  part  et  là  faire  mon  amas  de 
gens  d*armes  pour  chevauchier  contre  le  duc  d'Ango  qui  si  efibr- 
ciement  est  entres  en  mon  pays.  »  Li  dessus  dit  chevalier  fissent 
tantost  le  coummandement  dou  prinche  et  se  partirent  d'Angou* 
loime  à  tout  deux  cens  armures  de  fier,  et  chevauchièrent  sus  le 
pays  à  destre  et  à  senestre,  et  fissent  amener  et  achariier  touttes 
mannierres  de  pourveanches  en  le  ville  de  Gougnach.  Encorres 
escripsi  li  dis  prinches  au  comte  de  Pennebrucq  qui  se  tenoit  en 
Mortagne  sus  mer  en  Poito,  et  li  manda  que  tantost  il  venist 
deviers  lui.  £t  envoiea  li  prinches  son  frère  le  comte  de  Gant- 
bruge  ens  le  ville  de  Bregerach  pour  le  garder,  se  mestiers  fai* 
soit,  contre  les  Franchois. 

Or  parlerons  dou  duc  d'Ango,  qui  chevauchmt  toudis  avant  en 
concquerant  le  pays.  Apriès  chou  que  li  ville  et  li  castiaux  de 
Aguillon  se  furent  rendu  as  Franchois  et  qu'il  l'eurent  concquis 
à  peu  de  painne,  car  il  n'y  avoit  mies  dedens  si  bonnes  gens 
d'armes  que  quant  li  comtes  de  Pennebrucq  et  messires  Gantiers 
de  Mauni  et  messires  Jebans  de  Noefville  et  messires  Tbummas 
K.ok  et  messires  Franck  de  Halle  l'aidièrent  de  jadis  à  garder 
contre  le  ducq  de  Normendie ,  si  comme  il  est  contenu  ichy  par 
devant  en  ceste  histoire,  li  dus  d'Ango  et  ses  routtes  chevau- 
chièrent deviers  Le  Linde,  une  bonne  ville  et  forte  sus  le  rivierre 
de  Dourdonne  et  à  une  liewe  de  Bregerach.  Si  chevauchoient  li 
Franchois  tout  aisiement  et  en  grant  reviel,  car  li  pays  fremissoit 
tout  devant  y  aux.  Si  se  logièrent  leurs  hos  et  leurs  compaignies 
sour  le  rivierre  de  Dourdonne  en  ces  biaux  mares  et  en  ces  biaux 
plains,  et  envoiièrent  leurs  gens  fourer  de  tous  costés.  Quant 
chil  de  Linde  sentirent  les  Franchois  venir  si  efibrciement,  si  fu- 
rent tout  esbahi.  Nonpourquant  il  estoient  en  ville  forte  et  bien 
fremëe  et  de  bonne  garde,  mes  que  il  ewissent  vollenté  d*iaux 
tenir  et  dou  defiendre,  et  si  avoient  leurs  voisins  prochains  chiaux 
de  Bregerach ,  le  comte  de  Gantbruge ,  le  captai ,  monsigneur 
Thnmmas  de  Felleton  et  bien  trois  cens  armures  de  fier,  dont  il 
pooient  cstre  sus  une  «heure  recomforté  ;  mes  il  estoient  si  enclin 
à  estre  franchois  que  tout  cil  qui  bonnement  se  pooient  ou 
osoient  retourner  franchois,  il  le  faisoient.  Dont  il  a  vint  que  mes- 


4i4  CHRON^UES  DE  J.  FROISSART.  [1370] 

sires  Thonnés  de  Batefol,  neveux  à  messire  Seghin  de  Batefol  qui 
jadis  fu  une  très  aperte  armure  de  6er  et  uns  grans  chi<^s  de 
Cocnpaingnes,  traita  à  chiaus  de  Linde  tellement  que  ii  li  dévoient 
et  à  ses  gens  ouvrir  de  nuit  le  porte,  et  ils  y  dévoient  entrer 
comme  vil  tain 

Or  ne  say  coumment  ce  peut  y  estre,  car  chih  traitiés  et 
pourkas  ne  peut  oneques  si  bellement  ne  si  quoiement  y  estre 
pouq^arlës  ne  acouvenenchiës  que  il  ne  futst  sceus  en  le  ville  de 
Bregerach,  et  en  furent  li  chevalier  que  là  estoient,  emfourmë 
et  avise.  Dont  se  partirent  messires  li  captaux  de  Beus  et  mes- 
sires  Thummas  de  Felleton  tout  de  nuit  que  chils  rendaiges  se 
devoit  faire,  à  cent  armures  de  fier  en  leur  compaignie,  et  ce- 
vaucièrent  couvertement  et  vinrent  à  Le  Linde  et  esvillièrent  les 
gardes  de  le  porte  qui  gardoient  à  ce  lés  par  où  il  entrèrent  et 
qui  riens  ne  savoient  de  ce  couvenant.  Sitost  que  li  doi  chevalier 
et  leurs  gens  furent  en  le  ville,  il  se  traissent  deviers  le  porte 
par  où  li  Franchois  dévoient  entrer  en  le  ville.  Si  y  vinrent  si  à 
point  que  elle  estoit  ja  toutte  ouverte  et  entrèrent  ens  deux  et 
deux,  trois  et  trois  et  enssi  Tun  apriès  Tautre,  arme  couverte- 
ment et  dessus  leurs  armures  vestis  de  cottes  de  villains.  Adonc 
li  captaux  et  messires  Thummas  de  Felleton ,  sans  plus  atendre , 
qui  bien  savoient  la  besoingne  coumment  elle  aloit ,  sachièrent 
leurs  espées  et  vinrent  au  devant  en  escriant  :  «  lia  !  des  mauvais 
traitours  qui  nous  quident  decepvoir  1  »  Si  feri  li  captaux  de  sen 
espëe  auques  des  premiers  che  messire  Thonnet  de  Batefol  qui 
entroit  et  estoit  desoubs  le  porte,  un  cop  si  grant  et  par  tel  ayr 
en  lanchant  des  deux  mains,  qu'il  li  percha  touttes  ses  armurez 
et  li  bouta  ou  corps  si  parfont  qu'il  li  fist  seuer  à  l'autre  lés  et 
Ta  bâti  mort.  Quant  li  autre  virent  leur  cappittainne  morir  et  per- 
churent  le  cappital  et  les  Englès,  si  furent  tous  esbahis,  car  bien 
congnurent  qu'il  a  voient  falli  à  leur  entente.  Si  se  retraissent  au 
plus  tost  qu'il  peurent,  mes  il  ne  revinrent  mies  tout,  car  il  furent 
cachiet  et  pourssuiwoit  :  si  en  y  eut  des  mors  et  des  mehaignës 
grant  fuisson.  Ensi  fu  la  ville  de  I^  Linde  à  ce  donc  gardée  et 
destournée  d'estre  prise,  par  le  sens  et  appertise  des  deux  che-» 
valliers  dessus  nommés.  F"  168  V*  et  169. 

P.  229,  1.  11  et  12  :  imaginatis.  —  Ms.  B^  :  ymaginans. 
F»  15  v*. 

P.  229, 1.  20  :  se  presist  priés  de.  —  Ms.  A%  :  s'apprestast 
pour. 


[1370]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  658.  415 

P.  229, 1.  28  :  le  Linde.  —  ilfi.  ^  8  :  la  linde.  S"  332. 

P.  230,  1.  i  :  Tonnés.  —  Mss.  B  1,  k  :  Thiimas.  F*  16.  — 
Ms.  B  6  :  Thomas.  F«  770. 

P.  230,  1.  2  :  Ratefol.  —  Lm  mss.  i?  2,  4  ajoutent  :  nepyeu 
jadis  à  monsigneur  Seghin  de  Batefol. 

P.  230,  1.  11  :  captaus.  -^  F.e  ms.  A  8  ajoute  :  de  Eeuch. 

P.  230,  1.  21  :  preeciés.  —  Ms,  A%:  pressez. 

P.  230,  1.  2S  :  matinëe.  — Ms,  A  %  :  mâtine. 

P.  231,  1.  13  :  cesti.  —  Ms.  B6:  ceste  cy. 

P.  231, 1.  15  :  embara.  —  Ms.  AB  :  embrasa.  F»  332. 

P.  231 ,  1.  15  :  sever.  —  Ms,  AS:  saillir.  —  Ms.  j9  2  ;  se- 
vrer. 

P.  231,  1.  32  :  chemin.  —  Le  ms.  B  6  njoute  :  Et  puis  s'en 
retourna  (le  captai  de  Buch]  devers  Bregerach  et  là  trouva  venu 
le  conte  de  Cantbruge  et  le  conte  de  Pennebourcq  et  messire 
Thomas  de  Feileton  à  deux  cens  lauches  Sy  se  partirent  les  Fran- 
chois  de  devant  le  Linde  et  chevauchèrent  vers  Roergue  pour 
trouver  les  gens  du  duc  de  Berry  qui  estoient  à  grant  puissanche 
entres  en  Limosin  et  conqueroient  villes  et  chastiaus,  et  ossy  fai- 
soit  le  signeur,  et  se  tournoient  vers  luy  et  devenoient  Irancliois. 
F«  771. 

5  6tt8«  Ançois  que.  —  Ms.  tf  Amiens  :  Or  vous  lairons  nous 
à  parler  im  petit  dou  duc  d'Ango,  dou  duc  de  Berri  et  dou  prin- 
che ,  et  parlerons  de  monsigneur  Robert  Canolles  qui  estoit ,  en 
ce  meysme  tamps  que  ces  che vauchies*  dessus  dites  se  faissoient, 
arivés  à  Calais ,  et  estoient  touttes  ses  pourveanches  passées , 
g«ns  d*armes,  chevaux,  harnas,  charois  et  toutte  mannierre  d'ar- 
tillerie. 

Che  fu,  environ  le  Madelaine  l'an  mil  trois  cens  soissante  et  dix, 
que  messires  Robers  Canolles  se  parti  de  Calais,  qui  representoit  le 
personne  dou  roy  d'Engleterre.  Et  Tavoit  li  dis  roys  ordounnë  et  fait 
chief  de  toutte  ceste  armée  et  chevauchie ,  et  coummandé  à  tous 
chevaliers  et  escuiers  qui  avoecquez  lui  estoient,  et  à  tourtes  au- 
tres mannierres  de  gens,  que  il  obeyssent  à  lui  en  touttes  ses 
ordounnanches  et  affaires;  et  qui  en  seroit  rebelle,  c'estoit  sus  à 
estre  en  le  indignation  de  li  et  à  perdre  le  royaumme  d'Engle- 
terre.  Enssi  estoit  créés  messires  Robers  Canolles  chief  de  ceste 
chevauchie  qui  se  fist  si  comme  je  vous  diray  enssuiwant;  mes  je 
vous  noummeray  aucuns  chevaliers  qui  estoient  de  se  yssue  :  pre- 


416  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1370] 

nierement  meisire  Tharomâs  de  Grantson,  messire  Alabs  de 
Booqueselle,  messire  Gillebîert  Griffait,  le  seigneur  de  Fil  ^atier, 
messire  Jehaos  de  Boursier,  messire  iehaos  Mestreourde  et  pluis- 
seurs  autres.  Si  estoient  bien  doi  mil  hommes  d'armes  et  quatre 
mil  archiers  et  cinq  mil  hommes  à  piet,  parmy  les  Gallois  qui 
sieuwoient  l'ost;  et  y  avoit  environ  cent  lanches  de  Escochois 
qui  servotent  les  Englès  à  leurs  saas  et  à  leurs  gaiges.  Et  avoient 
bien  mil  kars,  kariaus  et  tous  atelés,  et  leurs  pourveanrhes  sus, 
et  dou  sourplus  très  bien  ordounnë  de  quanqu'il  leur  couvenoit. 
Si  se  partirent  de  Calais  moût  areement  et  passèrent  devant 
Gfainnes  et  puis  devant  Arde ,  et  envoiièrent  leurs  coureurs  qui 
coururent  jusques  ens  es  fourbours  de  Saint  Omer  et  en  ardirent 
une  partie,  et  puis  retinrent  à  leur  ost  qui  estoit  logiës  assës 
pries  de  Tiereuanne.  Et  estoient  li  aucun  de  leurs  coropaignons  à 
le  escarmuche  as  barrierres,  mais  riens  n'y  avoient  fait,  car  il 
avoient  trouvé  moût  à  qui  respondre.  Si  se  deslogièrent  de  là  et 
s'acheminèrent  deviers  le  cliité  d'Arras,  ardant  et  essillant  le  pays; 
et  tant  esploitièrent  que  il  vinrent  en  Tabbeie  dou  Mont  Saint 
Eloy,  à  deux  petites  lieuwes  d'Arras.  Là  se  logièrent  messires 
Robers  et  aucuns  des  chevaliers  englès  avoeeq  lui,  et  li  reman- 
nans  ens  es  villaiges  d'environ.  Si  envoiièrent  de  leurs  gens  cou* 
rir  et  escarmucier  jusques  à  Arras,  mes  la  ville  estoit  bien  gardée 
et  pourvueue  de  tout  ce  que  il  appertenoit  pour  le  deffendre  ;  si 
y  firent  chil  qui  de  premiers  y  vinrent,  moût  petit.  Quant  mes* 
sires  Robers  Canolles  et  ses  gens  eurent  séjourné  an  Mont  Saint 
Eloy  que  là  environ  par  le  tierme  de  quatre  jours ,  et  qu'il  se 
furent  bien  rafreschi  et  leurs  cevaux,  car  il  tn)uvoient  bien  de 
quoy,  le  pays  d'Artois  plains  el  gras  de  bleds,  d'avainnes  et  de  fou- 
raiges,  car  c' estoit  à  l'entrée  d'aoust,  il  se  deslogièrent  et  ran- 
chounnèrent  la  dessus  dite  abbeie  à  non  ardoir  à  trois  cens  frans 
et  à  six  tonniaux  de  vin  et  sept  muis  de  pain  tout  quit,  et  puis 
chevauchièrent  oultre  en  costiant  Arras  pour  venir  vers  Bapaum- 
mes  et  vers  Peronne  en  Vermendois.  Enssi  que  il  passoient  au 
dehors  d'Arras  par  le  porte  qui  oevre  deviers  Cambresis,  li  ma- 
rescal  de  l'ost  ne  se  peurent  tenir  qu'il  ne  venissent  veoir  uns 
grans  fourbours  qui  là  sont.  Si  chevauchièrent  à  grant  esploit 
yaux  et  leurs  routtes ,  et  vinrent,  pour  yaux  aventurer  et  faire 
aucune  appertisse  d'armes,  escarmucher  jusques  as  bailles  de  le 
ville.  Là  trouvèrent  il  bien  à  qui  parler,  car  il  y  avoit  par  dedans 
les  hnilles  grant  ftiisson  d'arbalestriers  et  d'autres  gens  deffen- 


[i370]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  «38.  417 

dables  qui  leur  vinrent  au  devant.  Là  eut  trait  et  lanchiet  moût 
longdement  et  pluisseurs  navres  des  uns  et  des  autres.  Au  retour 
que  li  Englès  fissent,  il  trouvèrent  ens  ces  fourbours  une  moût 
belle  église  des  Cordeliers.  Si  le  violèrent  et  boutèrent  le  feu 
dedens  et  Tardirent  et  ossi  les  grans  fourbours  qui  là  estoient  où 
il  y  avoit  grant  fuisson  de  bons  hostels,  et  puis  s'en  revinrent  à 
leur  host  qui  estoit  logiés  seloncq  une  petite  rivierre  qui  vient 
d'amont  deviers  Aluelz  en  Paillnel  à  Arras. 

A  Tendemain,  se  deslogièrent  li  Englès  et  cevaucièrent  deviers 
Bapaummes,  ardant  et  essillant  le  pais,  et  ranchounnant  les  abbeies 
et  les  aucunes  fortes  maisons  que  ils  ewissent  bien  eu  d'assaut,  se 
ils  y  volsissent  avoir  presse  ;  mes  il  en  avoient  plus  chier  à  pren- 
dre les  florins  que  yauz  travillier  et  trop  séjourner.  Et  ossi  il 
tiroient  à  venir  à  Paris  et  là  environ,  pour  veoir  se  il  seroient 
point  combatu;  car,  si  comme  il  disoient  et  moustroient,  il  ne 
desiroient  autre  cose  que  le  bataille.  F<>  169  v<>. 

P.  232,  1.  H  :  aherdans.  —  Jlf/.  J  S  :  adherans.  F*  332  v«. 

P.  232,  1.  18  et  19  :  darrainnement.  — Ms.  J  S  :  derreniere- 
ment. 

P.  232,  1.  21  :  Stanbourne.  —  Âîss.  B  ^  et  A  8  ;  de  Stam- 
bonme. 

P.  232,  1.  22  :  cinq.  —  ilfj.  B  6  .'  quinze.  F«  772. 

P.  232,  1.  27  et  28  :  quinze...  Gallois.  —  Ms.  B  6  ;  deux  mil 
hommes  d'armes  et  quatre  mil  arciers  tout  paiiet,  pour  demi  an, 
de  leurs  gaiges.  F»  772. 

P.  233,  1.  10  :  rechevoir.  —  Mss.  B  ^et  A%  :  recoellir. 

P.  233,  .1.  14  à  16  :  passèrent...  Tieruane.  —  Ms.  27  6  .*  che- 
vauchèrent devant  Ghines  et  devant  Ardre  et  vinrent  courir 
devant  Saint  Omer,  et  puis  prirent  leur  chemin  devers  Terouane. 
F»  772. 

P.  233,  1.  16  :  Tieruane.  —  Ms.  B  2  :  Thierouwane.  F»  16  v*. 
—  Ms.  A%  :  Therouenne.  F»  332  v«. 

P.  233,  1.  17  et  18  :  car...  painne.  — Ms.  B  6  :  car  le  conte 
de  Saint  Pol  estoit  dedens  à  tout  deux  cens  lanches  qui  se  mirent 
tantost  à  monstre  pour  deffendre  le  chité.  F®  772. 

P.  233,  1.  23  :  d' Arras.  —  Les  mss.  B  ^,  k  et  A  ajoutent  :  Et 
se  logièrent  li  seigneur  et  li  capitaine  en  Tabeye  dou  Mont  Saint 
Eloy,  assés  près  d' Arras.  F°  16  v».  —  Le  ms.  A  S  ajoute  :  et  leurs 
gens  là  environ  qui  couroient  et  pilloient  tout  le  pais,  si  long 
qu*ilz  s'osoient  estendre.  F»  332  v«.  —  Le  ms.B6  ajoute  :  Et  s'en 

vu  —  27 


4ig  CBDIOIIIQUSS  DX  J.  FROISSiitT.  [1370] 

Tinrent  logier  aa  Mont  Saint  Elqy  et  là  fumt  dcai  joun.  It  rao- 
chonna  le  dit  mesnre  Robert  l'abeie  du  Mont  Saint  Slqy  à  non 
ardoir,  parn^  cent  fraos  et  deua  quarëes  de  TÎn  et  otant  de  pain. 

P*  ta4,  L  9  s  baillei.~lf#.  J  8  :  barrières.  ¥•  SftS. 

P.  834,  L  15  à  ai  I  Àprièa...  Saint  Quentin.  -*- Af#.  J»  6  ;  It 
prirent  le  cbemin  de  Bray  sur  Somme  et  tant  firent  que  il  y  tinraiC. 
Là  ot  grant  assault ,  mais  riens  n'y  firent,  oar  la  ville  estoit  bien 
potirrene  de  gens  d'armes  qoi  bien  se  defiendirent.  Sy  passèrent 
U  Bnglès  onltre  vers  Peronne  en  Vermendoist  mais  riens  n'y 
firent,  et  puis  s'en  retournèrent  vers  Saint  Quentin*  F*  773. 

Pê  135,  L  1  :  granges.  '-  Mi.  J  S  :  granohes. 

P.  285,  1«  9  et  10  :  en  deniers  appareiUiës.  ^  Mi.  J  B  :  m 
puA  deniers. 

P.  835,  1. 18  I  oomposoient.  -^  Jtf#«  JS  :  composoit. 

P.  235,  1.  22  :  ne  qui  desist* «^ Mi,  A%:  mab  qu'il  deist* 

Jî  6tt8.  Tant  eq>k>itièrent.  --^  Ms,  d Amiens  :  Si  chevaucièrent 
et  cheminèrent  tant  (les  Anglais)  parmy  che  plain  pays  de  Vm^ 
mendois  que  il  vinrent  assës  pries  de  le  chitë  de  Noyon  qui  estoit 
bien  pourveue  de  lui  defiendre,  se  mestier  faissoit.  Si  se  logièrent 
en  râbbeie  d'Eskans  et  là  environ,  sus  celle  rivierre  d'Oise.  En- 
troes  qu'il  se  tenoient  à  Eskans,  vinrent  aucuns  des  leurs  veoir 
Noyon  et  faprochièrent  de  si  priés  que,  à  le  porte  deviers  k 
Pont  l'Evesque,  il  y  eut  une  moût  grant  escarmuche,  car  dedeos 
Noyon  y  avoit  des  bons  chevaliers  de  là  environ,  messires  Drues 
de  Roye,  messires  Flammens  de  Roîe,  li  sires  de  Turote  et  pluis- 
seurs  autres  que  li  roys  de  Franche  y  avoit  establi  pour  garder 
le  cite.  Siqoes  li  Englès  n'y  porent  riens  faire,  mes  il  y  eut  ong 
chevalier  des  leurs,  qui  y  fist  une  grant  appertise  d*armes,  car  il 
se  lança  entre  les  bailles  tous  armes  que  il  estoit,  et  s'en  vint 
combattre  as  chevaliers  franchob  qui  là  esUnent,  et  fu  en  cel 
estât  moût  longement ,  lanchans  à  yaux  et  eux  à  lui  ;  et  depuis 
s'em  parti  sans  damage,  dont  li  Franchois  meysmes  le  tinrent  à 
grant  vasselaige.  Tant  demourèrent  li  routte  des  Englès  à  l'escar- 
muche  devant  Noion  que  lor  ost  desloga  d'Eskans  et  de  là  envi- 
ron et  oeminèrent  plus  avant.  F*  169  v«. 

P.  836, 1.  6  :  volenté.  *^  Af/.  B  8  ;  talent.  F*  17. 

P.  836, 1.  18  :  Àsneton.  '^  Mt.B%  :  Asneton.  P  17  v*.  ^ 
Mi.  AB:  ijsueton.  F*  833  v*. 


[1»70}      VABLUfTIS  DU  fRKHIER  UVas,  $  660.        41» 
P.  136i  1, 16  1  i  terre.  —  Les  mst.  S  tel  J  S  t^jaueiu  t  jns. 
P.  136,  1. 18  I  s'escaeilla.  —  Jf«.  ^  8  ;  m  eicuetlli. 
P.  SS7, 1.  S  :  Toiijs«iit.  —  MSé  Ai:  euuemt  vâula. 

S  860.  H«3Ûret  ftoben.  ^^  Mr.  d'AnUtiu  :  Oio  seiirent  bî«a 
li  chevalier  et  li  Mctûer  qui  dedeiU  Noyon  M  tenoient  Si  le  par- 
tirent et  pourssuîwirent  chiaux  qui  les  avoient  etcarmuchiési  û 
se  boQtèrenl  entre  iaux  au  paBser  1«  rivière  d'Oite  an  Pon 
l'Evesqne.  Si  tn  y  eut  des  abatus,  des  navrés,  des  prit  et  des  ne- 
haignës,  et  des  chevaux  et  dou  harnas  coucquis  sua  jaax,  et  poil 
s'en  retournèrent  tout  souef  dedeus  Noion. 

Cei  nouvelles  vinrent  en  l'est  que  li  Franohoii  avoient  rencon- 
tra leurs  gens  el  porte  damauge  i  si  en  furMt  durement  courou- 
flhife ,  et  retournèrent  bieir  deux  cens  lanches  et  irois  oena 
■rohiers,  qui  qnidiirent  trouver  lei  Franoboia  au  Pont  l'Bveiqne, 
mes  ils  en  astoîent  parti  et  j'a  retrot  dede&s  Noy<m  t  dont  ohil 
Englès,  par  despii  et  pour  yanx  contre vengier,  boutèrent  le  feo 
en  le  ville  don  Pont  l'Evesque  et  l'ardirent  tonte,  dont  ce  fa 
dammaiges,  oar  il  y  àvtAt  grant  fuiaios  de  bons  faostelx  et  de 

Et  quant  0  eurent  fait  leur  emprise,  il  reionmireDt  devien 
leur  ost  qui  tenoit  le  chemin  de  Soissons,  ardant  et  esiillant  le 
pays,  eicept^  la  terre  moosignenr  de  Goudiî;  màs  i  caste  ne 
fissent  il  oncquei  mal ,  ne  à  homme  ne  A  femme  qui  Aut  de  la 
terre  dn  dessus  dit  signeur. 

Que  TOUS  feroie  je  loing  record  de  le  cevauchie  monaignenr 
Robert  Canolles,  qu'il  6it  adonc  en  Franche,  car  il  chevaucha 
aasi  panny  le  pays,  gastant  et  essilknt  les  marches  et  les  coi^ 
trées  oiï  il  venoit,  et  rsnchoumiant  villes,  castiaux,  abbeies  et  mai- 
sons; et  y  Goncquist  en  son  vcnaîge  si  grant  avoir  que  sans  nom- 
bre, tant  par  le  raenchoo  de  chlaus  qu'il  et  ses  gens  preodoient, 
que  par  le  rédemption  des  villes  et  des  pays  qui  se  rachatoient  à 
estre  non  ars.  Autrenwit,  il  avint  eu  cevoiaige  as  Bnglès  petit 
de  bis  d'armes  qui  à  raeompter  facent,  se  che  ne  fo  sas  le  fin  de 
lenr  chevanchie ,  ai  ctHUme  vous  otét  recorder  cby  apriès.  Hie 
lions  lairons  nn  petit  k  parler  de  lui  el  de  se  nmtte,  et  parlerons 
des  avenues  qui  avinrent  en  Limoda  en  ce  tamps  qu'il  dievaii- 
choient  en  Franche....  F"  169  v*  et  170. 

En  ce  meysme  tamps,  revint  en  Aa^gnon  li  papes  Urbains  T*  ei 
tont  A  cardinal  qui  s'estment  tenus  quatre  ans  à  itomme.  F*  169  v*, 


420  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSÀRT.  [4370] 

P.  237,  1.  27  :  vuidièrent.  —  Ms.  A%:  vbdreDt.  F»  333  ▼•. 

P.  238,  1.  4  :  rescousent.  —  Ms.  A  8  :  rescouirent. 

P.  238,  l.  7  :  dii.  —  Mss,  B%etA%:  quinze.  F»  47  v«. 

P.  238,  1.  1 4  :  poursievoit  et  costiiet.  —  Ms,  B  t  :  poursierô 
et  costiiet.  -^  Ms,  AH:  poursuivis  et  costoiez.  F*  334. 

P.  238,  1.  48  :  Jehan.  -^  Ms.  A  8  ;  Guillaume. 

P.  238,  1.  24  :  freoient.  —  Ms.  AS  :  feroient. 

P.  239,  1.  8  :  ensonniîer.  —  Ms.  AS:  embesoingnier. 

P.  239,  1.  4  4  :  en  btance  de  ce  que.  —  Ms.  A  S  :  en  espe^ 
rance  comment. 

S  061.  Vous  avës.  —  Ms,  d'Amiens  :  En  ce  tamps  que  ces 
assamblëes  et  ordounnanches  se  faisoient  et  ces  chevaucies  don 
duc  d'Ango  en  le  terre  dou  prînche,  ariva  li  dus  de  Lancastre  et 
sen  armée  à  Bourdiaux  sus  le  Geronde,  dont  chil  de  Bourdiaux 
urent  tout  resjoy,  et  ossi  fu  li  prinches  ses  frères,  quant  il  en 
sceut  le  nouvelle  :  che  fu  bien  raisons. 

Sitost  que  li  dus  Jehans  de  Lancastre  fu  arrivés  ou  havene  de 
Bourdiaux  et  touttes  ses  gens,  il  traissent  hors  lors  cevaux  et 
tout  leur  hamas,  et  demandèrent  dou  prinche  où  il  estoit.  On 
leur  dist  que  il  se  tenoit  à  Cougnach.  Donc  ne  fissent  il  mies 
depuis  loing  séjour;  mes,  au  plus  tost  qu'il  peurent  esploitier,  li 
dus  s'en  vint  celle  part.  Se  li  fist  li  prinches  grant  feste,  et  ossi 
fist  la  princesse  ;  et  entendirent  moût  vistement  à  leurs  besoingnes 
et  pour  mettre  une  grosse  chevauchie  sus,  pour  venir  contre  leurs 
ennemis....  ¥•  468  v«. 

Vous  avez  chy  dessus  bien  oy  recorder  coumment  li  dus  d'Ango, 
d'un  lés ,  et  li  dus  de  Berri ,  d'un  autre  lés ,  estoient  efibrciement 
entré  en  le  terre  dou  prince  et  l'avoient  ars  et  essillié  en  pluis- 
seurs  lieux  et  pris  et  fait  tourner  deviers  yaux  villes,  chités  et 
castiaux  à  grant  fuisson.  Et  encorres  a  voit  li  dus  de  Berri  assegiet 
le  bonne  chité  de  Limoges,  et  disoit  qu'il  ne  s'empartiroit  jusques 
à  tant  qu'il  Taroit  concquis.  Là  estoient  au  siège  avoecq  lui  mes- 
sires  li  dus  de  Bourbon,  messires  Guis  de  Blois,  11  sirez  de  Sulli, 
messires  Jehans  de  Bouloingne,  messire  Jehans  de  Villemur,  mes- 
sire  Rogiers  de  Biaufort,  messires  Huges  Daufins,  messires  Grif- 
fons de  Montagut  et  li  marescaux  de  Franche  messires  Loeis  de 
Sansoire,  et  grant  fuisson  de  chevalerie  que  je  ne  puis  mies  toutte 
noummer.  Tant  furent  à  ce  siège  devant  la  dite  chité  et  si  le 
constraindirent  par  assaus  et  par  enghiens  que  chil  de  Limoges  se 


[1370]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  662.         421 

coummencierent  à  esbahir,  car  il  ne  veoient  nul  comfort  qui  leur 
apparust,  dont  il  n'estoient  pas  plus  aise.  F*  1 70. 

P.  23U ,  1.  29  :  o.  —  Ms.  B  ^  :  k  tout.  P>  18.  —  ilf^.  ^  8  : 
et.  F»  334. 

P.  239,  1.  30  :  qu'il.  -^  Le  ms.  B  %  ajoute:  tenoient  et. 

P.  240,  1.  5  :  Congnach.  —  Ms.  A%  :  Cognac. 

P.  240,  1. 14  :  prince.  —  Le  ms.  B  6  ajoute  :  Quant  il  furent 
tout  venut,  sy  en  y  eult  grant  foison,  et  estoient  bien  douze  cens 
lanches  et  quatre  mil  d*autres  gens.  F*'  774. 

P.  240,  1.  31  :  estât.  •—  Ms.  A  8  ;  point.  F»  334  vo. 

P.  241,  1. 11  :  Pieregorth.  — Les  mss.  B  ^  à  k  et  A  ajoutent  : 
le  seigneur  de  Labreth.  F^*  18  v^', 

P.  241, 1.  15  à  29  :  si  se  départirent...  tenoient.  —  Ms,  B6  : 
Et  euToia  (le  duc  d'Anjou)  messire  Bertran  de  Claiquin  et  tous 
es  Bretons  en  Limosiny  car  le  duc  son  frère  seoit  devant  Limo- 
ges, et  puis  se  retrait  le  duc  d'Ango  devers  Toulouse.  Et  messire 
Bertran  esploita  tant  qu'il  vint  à  Limoges  au  siège  que  les  Fran- 
chois  y  tenoient.  Si  fu  là  rechut  des  signeurs  à  grant  joie. 
F»  774. 

§  662.  Quant  messires.  —  Ms.  tf  Amiens  :  Ghe  siège  pendant, 
y  sourvint  messires  Bertrans  de  Gaiequin  que  li  dus  d' Ango  y  eih- 
voia  à  bien  six  vint  lanches,  siques  il  aida  à  faire  le  traitiet  et 
le  pourkach  entre  ces  signeurs  et  chiaux  de  le  cité  de  Limoges  ; 
et  se  rendirent  par  le  consentement  de  l'evesque  qui  s*i  acorda, 
au  ducq  de  Berry,  et  devinrent  franchois  parmy  tant  que  yeux, 
leurs  corps  et  leurs  biens  dévoient  y  estre  tout  aseguré.  Enssi 
eurent  li  signeur  dessus  noummë  le  possession  et  saisine  de  le 
chitë  de  Limoges,  et  y  entrèrent  à  grant  joie  ;  et  fist  li  evesques 
de  ce  que  il  appertenoit  à  lui  feautë  et  hoummaige  au  ducq  de 
Berri  comme  au  roy  de  Franche,  et  ossi  fissent  tout  li  homme  et 
li  bourgois  de  la  cité. 

Apriès  le  prise  et  le  concquès  de  Limoges,  si  comme  vous  avés 
oy,  et  que  li  signeur  de  France  y  eurent  séjourné  environ  cinq 
jours  et  qu'il  s'i  furent  rafrechy,  il  regardèrent  qu'il  avoient  ad 
ce  conmmenchement  moult  bien  esploitiet,  quant  il  avoient  pris  et 
concquis  par  fait  d'armes  une  telle  chité  comme  est  Limoges.  Si 
ordounnèrent  li  doy  ducq  qui  là  estoient,  li  dus  de  Berry  et  li  dus 
de  Bourbon,  qu'il  se  partiroient  de  celui  pays  et  s'en  retrairoient 
en  Berri  et  en  Bourbonnois,  car  il  entendoient  que  messires  Ro» 


4Si  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [iS70] 

biert  CanoUes  et  li  Englès  chevauchoient  et  aToiant  empria  da 
chevauchier  en  princhipauté  parmy  leurs  terres.  Si  s'avisèrent 
que  il  leur  venroient  au  devant  et  tenroient  le  frontière  contre  les 
Englez,  [et]  que  milleur  esploit  ne  pooient  il  faire  que  de  garder 
eur  pays  contre  lors  ennemis.  Si  se  partirent  de  Limoges  et  i  lais- 
sièrent  grant  fuisson  de  gens  en  garnisson  à  le  reqneste  de  Teves- 
que  et  de  ceux  de  le  ville,  et  en  fissent  souverains  et  cappittainnes 
monsigneur  Jehan  de  Villemur,  monsigneur  Huge  de  le  Aocht  et 
Rogier  [de  Biaufort],  et  estoient  bien  de  bonnes  gens  cent  hommea 
d'armes.  Encoires  ordounnèrent  ilz  que  messires  Bertrans  de  Qaie- 
quin  demour[r]oit  ens  ou  pays  et  y  feroit  guerre  au  miavz  qu'il 
poroit.  Enssi  se  defîst  leur  emprise  et  cbovaucbie ,  car  lî  dut 
d'Ango  se  retraist  osai  devers  le  chitë  de  Chaours;  et  li  doi  duch 
dessus  noumm^  se  retraissisent  chacun  en  son  pays,  li  uns  en 
Berri  et  li  autres  en  Bourbenois.  Si  se  départirent  leurs  gêna,  «t 
s'en  revinrent  en  France  devers  le  roy  messires  Loeis  de  San* 
soire,  marescaus  de  France,  et  messires  Guis  de  Blois  et  messires 
Jehans  de  Bouloingne  et  aucun  autre  chevalier,  car  li  roys  faîsoît 
son  mandement  à  estre  à  Paris  pour  chevauchier  contre  messira 
Robert  CanoUes.  F»  170. 

P.  24S,  1.  4  à  22  t  Tantost...  françois.  ~  jlf#.  J?  6  .•  Pour  le 
temps  de  lors,  estoient  chil  de  Limoges  en  traitiet  pour  rendre  la 
àté ,  et  y  metoit  Tevesques  du  lieu  grant  paine.  Si  aida  le  dit 
messire  Bertran  à  faire  et  passer  che  traitiet,  et  se  tourna  la 
chité  de  Limoges  franchoise.  Et  tantost  apriès  che  que  le  dac 
de  Berry  eult  pris  le  posession,  il  se  retrait  vers  Berry  à  tout 
ses  gens,  car  enfourmës  fu  de  messire  Robert  CanoUe  qui  voUoit 
venir  en  Auvergne.  Et  pour  che  le  duc  de  Berry  et  lè  duc  de 
Bourbon  se  retrairent  en  leur  pais  pour  garnir  villes  et  chastiaus. 
F*  775, 

P.*  242,  1.  22  :  Melval.  ^Ms.J^  :  Maleval.  F<>  33». 

§  665.  Quant  les  nouvelles.  -^  M*,  if  Amiens  :  Bien  estoit  li 
prinches  de  Galles  qui  se  tenoit  à  Cougnach,  enfounntfs  de  ces 
chevauchies  des  seigneurs  de  Franche  et  quai  diemîn  il  tenoient 
et  avoient  tenu  et  coumment  li  sièges  estoit  devant  Limogea  : 
dont  il  faisoit  son  amas  et  sen  asamblëe  de  gens  d'armes  pour 
venir  celle  paît  et  lever  le  siège  et  combattre  les  Franchois.  Et 
quant  les  nouvelles  li  vinrent  que  la  cites  de  Limoges  estoit  ren- 
due et  tournée  franchoise ,  si  fu  durement  courrottchîés ,  car  on 


[4370]     VARIANTES  DU  FASMDER  UVRI,  $  663.         ^18 

li  disi  quA  U  evMqnes  de  la  cit^,  qui  afltoit  set  oompèr«8,  y  aToit 
grant  coupe  et  que  par  li  em  partie  s'estoit  fes  II  treti^B.  Donc  se 
basta  plus  li  jurinches  que  devant,  et  se  parti  de  Gougnaoh  à 
grant  fuisson  de  gens  d'armes,  le  duc  de  Lanoastre  et  le  comte  de 
Gantbmge,  ses  deux  frères,  avoecq  lui,  et  le  comte  de  Pennebmc, 
le  captai  de  Beus,  inonsigneur  Thummas  de  Felieton,  monsigneur 
Hue  de  Gavrelëe,  monsigneur  Gautier  Huet,  monsigneur  Guichart 
d'Angle,  le  signeur  de  Duras,  le  signeur  de  Pnramiers,  le  signeur 
de  Rosem,  le  signeur  de  Longerem,  monsigneur  Aimeri  de  Tarse^ 
le  signeur  de  Condon,  le  signeur  de  Ross,  le  signeur  de  Puiane, 
le  signeur  de  Tannaibouton ,  monsigneur  Loeis  de  Haloourt ,  le 
signeur  de  Partenay,  le  signeur  de  Pont  et  tamaint  autres  ba- 
nereth  et  chevaliers  ;  et  estoient  bien  douze  cens  hommes  d'armes 
et  quatre  mil  autres  hommes  parmy  les  archiers,  et  très  donc  ne 
pooit  U  princes  chevauchier,  mes  se  faisoit  menner  en  litière.  Si 
chevauchièrent  tant  chil  signeur  avoecques  leurs  gens  qu'il  vin- 
rent devant  le  chitë  de  Limoges  :  si  le  trouvèrent  firemmëe  et 
remparëe  bien  et  à  point ,  et  garnie  et  pourvueue  de  bonnes  gens 
d'armes  et  de  toute  artillerie,  et  les  chevaliers  franchols  qui  dedens 
estoient,  et  chacun  à  se  garde  bien  et  faitîcement.  Quant  li  doy 
marescal  dou  prinche,  messires  Ouichars  d'Angle  et  messires  Bs- 
tievenes  de  Gousentonne,  eurent  aviset  et  ymaginet  le  mannierre 
de  chiaux  de  dedens,  il  fissent  logier  leurs  gens  tout  environ  et 
ordonnner  et  edeffier  loges,  feuillies  et  maisons  pour  yaux  et  pour 
lors  chevaux.  Et  affin  que  il  pewissent  plus  tost  venir  à  leur  en- 
tente, il  missent  en  oevre  grant  fuisson  de  mineurs,  dont  il  estoient 
pourvueu,  liquel  entrèrent  tantost  en  leur  minne  et  coummen- 
chièrent  à  minner  et  à  entrer  dedens  terre  à  l'endroit  des  murs 
pour  les  faire  reversser.  Enssi  se  tint  li  sièges  devant  Limoges, 
ne  11  Englès  n'y  faisoient  nul  autre  assaut.  Bien  sentoient  U  bour- 
gois  et  li  homme  de  Limoges  que  li  prinches  fai$oit  fouir  et  miner 
desoubz  terre  contre  yaux  pour  mieux  avoir  le  chitë  et  le  ville  à 
sen  aise.  Si  s'en  doubtoient  durement  et  se  repentoient  grande- 
ment de  cou  qu'il  s'estoient  retourné  franchois  et  ewissent  vollen- 
tiers  fait  traitiës  et  composition  devers  le  prinche,  se  ilz  les  volslst 
avoir  eus  ne  repris  à  merchy;  mais  11  n*y  voUoit  entendre  et 
disoit  qu'il  estoient  mauvais  traiteur  et  que  jammais  n'y  aroit 
fiance  et  que  tous  les  meteroit  à  l'espëe,  mais  qu'il  en  pewist 
venir  au  dessus  :  dont  chil  de  Limoges,  parmy  ces  manaches,  es- 
toient durement  esbahi,  car  il  ne  s'en  pooient  partir  ne  aller, 


424  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1370] 

qu'il  ne  fuissent  sceu  ne  aperceu.  Si  leur  couvenoit  là  tous  aten- 
dre  l'aventure.  P  170. 

P.  243,  1.  8  :  Tame  de  son  père.  —  Les  nus.  £  1  à  k  ei  J  ^ 
ajoutent  :  que  onques  ne  parjura.  F*  19. 

P.  243, 1. 11  et  12  :  et  s'en  aroit  fait...  fourfet.— jlfr^.  B^àk 
et  A%  :  et  aroit  fait  as  traitres  chierement  comparer  leur  fourfait. 

P.  243,  1.  30  :  Tarste.  —  Ms.B^  :  Tharse. 

P.  244,  1.  6  :  d'Agorises.  —  Ms.  Bt:  d'Agoriset.  —  Afx.  ^ 8 .* 
d'Agonse.  F«  335. 

P.  2(i4,  1.  17  :  mener.  —  Le  ms,  A  8  ajoute  :  et  charrier. 
•    P.  245,  1.  12  :  efibrciement.  —  Les  mss.  B  ^  à  k  et  A  %  ajou- 
tent :  et  à  faire  leur  ouvraige.  F»  19  ▼•. 

5  664.  Messires  Robers.  -^  Ms,  dt  Amiens  :  Le  siège  pendant 
devant  le  chité  de  Limoges,  chevauchoit  en  Franche  messires 
Robers  Canolles  et  se  routte,  qui  ardoit  et  essilloit  et  ranchounnoit 
le  pays.  Si  passa  le  rivierre  de  Oize  et  puis  le  rivierre  d'Esne,  et 
apriès,  deseure  Chaalons  en  Caropaigne,  le  rivierre  de  Marne;  et 
passa  parmy  Campaigne ,  tout  gastant  le  pays,  et  vint  à  Bar  le 
Duch,  et  passa  le  rivierre  d*Aube.  Et  puis,  environ  Meri  sus  Sainne, 
il  passa  Sainne,  et  puis  se  ravalla  deviers  Troies  et  deniers  Au- 
cherrois ,  et  revint  em  Brie  et  en  Gastinois.  Et  fist  tant  par  ses 
journées  qu'il  vint  assés  priés  de  Paris,  et  se  loga  à  trois  lieuwes 
de  Paris  ;  et  vinrent  si  coureur  courir  jusques  as  bailles  de  Paris. 
Et  là  perdirent  un  chevalier  bon  homme  d'armes  et  aventureus 
durement  que  chils  de  Paris  ocirent  assés  priés  de  Saint  Germain 
es  Prés.  Et  quant  il  eurent  fait  leur  emprise  et  leur  voiaige  et 
que  nus  ne  venoit  contre  yaux,  il  se  partirent  d'environ  Paris  où 
il  s'estoient  logiet  deux  jours,  et  prissent  le  chemin  d'Estampes 
et  de  Chartres,  et  entrèrent  en  ce  biau  et  plain  pays  de  Biausse 
où  il  fissent  moult  de  meschiés.  F®  170  v«. 

P.  245,  1.  17  à  26  :  Messires...  nuis.  —  Ms,  ^  6  :  En  che 
tamps,  chevauchoit  en  France  messire  Robert  GanoUe  tout  ensy 
qu'il  volloit,  car  nulz  ne  ly  defifendoit  ne  aloit  au  devant.  Et  passa 
toutes  les  rivières  qu'il  couvenoit  passer  pour  venir  devant  Paris 
au  lés  devers  Gastinois,  est  à  savoir  le  rivière  de  Somme  pre- 
mièrement et  puis  Oise,  Aisne,  Marne,  Aube,  Saine  et  Gesne,  et 
fu  logiet  devant  Paris  jour  et  demi.  Et  manda  au  roy  de  Franche 
et  à  chiaus  de  Paris  que,  se  on  le  volloit  combattre,  que  on  le 
trouveroit  tout  apparilliet  sus  les  camps.  F<*  776. 


[1370]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  665.         425 

P.  245,  1.  19  :  royaume.  —  Lts  mss,  B  1  àket  A%  ajouieni  : 
de  France.  Si  cbevauchoit  à  petites  journées  et  à  grans  frais  parmi 
le  royaume.  F»  19  v«. 

P.  245,  1.  29  :  fîimières.  —  Ms,  A  8  :  fumées.  F""  335  v«. 

P.  246,  1.  6  :  Chastiel  Villain.  ~Ms,  J  8  :  Chastel  Julien. 

P.  246,  1.  9  :  deffendoit.  —  Le  ms,  B  6  ajoute  :  Dont  se  des- 
loga  le  dit  messire  Robert  de  devant  Paris,  et  prist  le  chemin 
d'Orliens  et  de  Gastinois  pour  aller  sieuvant  chelle  bonne  rivière 
de  Loire  et  le  bon  cras  pais  ;  et  dist,  se  il  plaisoit  à  Dieu,  il  iroit 
veoir  le  bon  pais  d'Ango  et  du  Maine.  F"  777. 

P.  246, 1.  14  :  saucier.  —  Ms.  B  i  :  sanchier.  —  Ms.  A%  : 
fouler. 

P.  246,  1.  25  :  as  bailles  de  le  porte.  —  Ms.  AS:  aux  bar- 
rières de  sa  lance.  P  336. 

P.  247,  1. 13  :  boucier.  —  Mss.  B  ^  et  A  S  :  bouchier.  ¥^  20. 

P.  247,  1.  17  :  maleob.  —  Ms.  A  8  ;  vaillant.  F«  336. 

P.  247,  1.  21  :  visbus.  —  Ms.  A  8  :  chief  fort. 

P.  247,  1.  24  :  si.  —  Ms,  AS:  cil  escuieV. 

P.  247,  1.  30  :  kieute.  —  Ms.  B  2  ;  quieute  pointe.  —  Ms.  A 
S  :  enclume. 

P.  248,  1.  1  :  là  mors.  —  Le  ms.  B  6  ajoute  :  dont  che  fîi  da- 
maige,  car  je  crpy  bien  que  amours  ly  avoient  fait  faire  celle 
baulte  emprise.  P»  777. 

P.  248»  1.  2  :  ensepelir.  —  Ms.  B  2  :  ensevelir.  —  Ms.  AS: 
enterrer. 

5  668.  Entrues.  —  Ms.  iP Amiens  :  Or  revenons  à  monsi- 
gneur  Bertran  de  Glaiequin  qui  se  tenoit  sus  les  marches  de  lir 
mozin,  en  le  viscontë  de  Limoges,  et  a  voit  chevauchiet  sus  le  terre 
dou  prinche  à  tout  grant  gens  d'armes  depuis  le  département  dou 
duc  de  Berri,  dou  duc  de  Bourbon  et  de  monsigneur  Gui  de  Blois 
et  des  signeurs  de  Franche  qui  s'estoient  retrait  en  Franche,  par 
Tordounnanche  dou  roy,  pour  chevauchier  contre  monsigneur 
Robert  CanoUe  et  ses  routtes.  Li  dessus  dis  messires  Bertrans,  le 
siège  pendant  devant  Limoges,  s'en  vint  devant  une  fortrèce,  en 
Limozin,  et  une  bonne  ville,  que  on  appelle  Saint  Iriet,  qui  se  tencut 
de  monsigneur  Jehan  de  Montfort,  ducq  de  Bretaigne.  Us  tantost, 
comme  chevaliers  et  saudoiiers  à  madamme  femme  qui  fu  mon- 
signeur Carlon  de  Blois,  fist  guerre  à  le  dite  ville  et  l'assailU 
vistement  et  aigrement.  Chil  de  Saint  Iriet  se  doubtèrent  de  plus 


4te  GHROIflQXTBS  DE  J.  FR0I8SA&T.  [1S10] 

à  perdre  !  te  te  rendirent  à  montigneur  Bertran,  ponr  le  eanse  de 
U  detsnt  dite  damme  qoi  ne  po<»it  amer  oehii  qui  ton  raarit  aroit 
mort,  ja  fust  il  tes  cousins  germains,  et  qui  ses  enfikns  (kisoit 
tenir  prisonniers  en  Engleterre,  Jehan  et  Ghui.  Apriès  chou  que 
chil  de  Saint  Yriet  te  furent  rendut,  ohcTaucha  messires  Ber- 
trans  devant  une  antre  fortrèce  que  on  appelle  Brendomme,  et 
l'atailli  un  jour  tout  entier  ;  et  Tendemain  il  se  rendirent  en  le 
mannierre  que  chil  de  Saint  Yriet  ayoient  fait.  Encorres  dierau- 
cha  messires  Bertrans  plus  avant  en  le  viscomtë  de  limoges, 
et  prist  pluisseurs  villes  et  eastiaux  pour  le  cause  de  le  damme. 
F«170  v«. 

P.  248,  1.  12  :  avoit  espoir.  —  Ms.  A  %  :  povoit  avoir. 
F»  336. 

P.  248, 1.  i2  et  iS  :  chevaucoient  à  l'nn  des  corons.  — Ms. 
^  8  .*  chevauohoit  À  l'un  des  costei. 

P.  2<i8,  1.  16  :  de.  —  Ms,  A%  :  lesquelles  estoient  i« 

P.  249,  1.  14  et  VS  :  Or....  Galles.  «—  Cette  phrase  manque 
dans  le  ms,  B  1,  ^  20  v*. 

5  666.  Environ  un  mois.  —  Ms,  it Amiens  :  Or  revenrons  an 
siège  de  Limoges.  Quant  li  princhee  de  Galles  et  d'Acquittainne 
eut  estet  asis  devant  le  chit^  de  Limoges  par  Tespaste  de  trois 
sepmainnes  et  que  nus  n'apari  pour  li  lever  de  là,  car  ii  dus 
d'Ango  estoit  retrès  deviers  Toulouse  et  U  dus  de  Berri  en  son 
pais,  si  comme  chy  dessus  est  dist,  si  mineur  eurent  leur  minne 
tellement  appareillie  que  11  dissent  au  prince  que  il  feroient  cheoîr 
ung  grant  pan  des  murs,  quant  il  li  plairoit.  Li  prinches  respondi 
que  cez  nouvelles  li  ettoîent  bellet.  Dont  fitt  une  mâtiné  armer 
tout  ton  ost,  et  ja  estoit  li  feux  boutët  en  le  minne,  pour  ardoir 
let  estanchont  tour  quoy  li  minne  se  portoit.  Quant  il  furent  tout 
ars,  si  comme  li  mineur  avoient  dèviset,  li  murs  reverssa  bien 
toissante  toises  de  large,  par  quoy  on  pooit  tout  aisiement  entrer 
à  cheval  et  à  piet  dedens  le  chité  de  Limoges.  Quant  li  chevalier 
franchois  et  li  homme  de  le  chitë  virent  le  grant  meschief  qui 
leur  estoit  si  prochains,  si  furent  tout  esbahy  et  perdirent  avis  et 
contenance  et  te  missent  à  le  fuite  pour  yaux  sauver;  mes  li 
prinches  et  se  bannierre,  li  dus  de  Lancastre  et  se  bannierre ,  li 
comtes  de  Gantbruge  et  se  bannierre,  li  comtes  de  Pennebrucq  et 
se  bannierre ,  et  ensi  tout  li  autre  baron ,  chevalier  et  escuier  et 
toutte  mannierres  d'autres  gens  entrèrent  eus,  car  li  une  des 


[1870]      VARIANTES  DU  PRElilER  IIYRS,  S  6^6-         4|7 

portes  Al  taaiost  ouverte  et  jett^e  par  terre.  Là  veist  m  grant 
pitë  des  hommes  et  des  fefnmes  et  des  enfinns  de  le  ville  t  car  ils 
se  jettoient  en  genous  devant  le  prinche  et  orioient  mercby  ;  mes 
nuls  n'y  estoit  pris,  car  sans  pité  et  sans  miséricorde  on  les  ocbioit 
enssi  que  on  les  trouvoit  et  encontroit,  tant  estoient  li  prinohes  et 
li  Englès  escauffet  sus  yaux  en  grant  fellonnie  et  air.  Bien  est 
voirs  que  li  evesques  de  Limoges  [fu  pris  et]  amenés  devant  le 
prinche  qui  moût  courouctez  estoit  sour  lui.  Et  ossi  li  escuier  et 
chevalier,  qui  là  estoient  en  saudées  de  par  le  roy,  se  requeilUè- 
rent  et  missent  à  deffen$ce«  et  se  retraissent  deviers  un  fort  hostel 
et  se  rengièrent  contre  un  mur,  et  là  se  dépendirent  ce  qu'il 
peurent,  et  y  fissent  maintes  belles  appertisses  d'armes;  mes  li 
dus  de  Lancastre  et  messires  Ammons  ses  frères  et  leurs  gen$ 
vinrent  celle  part,  si  les  assaillirent  fièrement.  Là  se  combati 
moult  vaillamment  messires  Jehans  de  Yillemur  ipain  à  main  au 
duc  de  Lancastre,  car  il  estoit  fors  chevaliers,  hardie  et  appers, 
et  Rogiers  de  Beaufort  au  comte  de  Cantbruge,  et  mesures  Hugea 
de  la  Roche  au  comte  de  Pennebrucq}  et  enssi  cbacuns  chevaliers 
d'Engleterre  prendoit  le  siep,  et  escarmuchoient  de  leura  esp^eat 
enasi  que  gens  d'armes  et  bon  combataut  doient  faire,  qui  se 
treuvent  en  tel  parti.  Là  veist  on  tamaint  tour  et  bien  appert  des. 
espées  dounner  et  rendre,  et  ne  demoura  mies  qu'il  n'en  n'y  ewiat 
des  navrés  et  mehaignés.  Et  se  tmrent  contre  che  mur  li  Fran^ 
chois,  chevalier  et  escuier,  ass^s  honnerablement;  mes  finabl^ 
ment  forche  leur  sourvint»  et  furent  pris  et  fiancbiés  prison. 
F»  170  y*. 

P.  S40, 1.  46  ;  un  mois.  «^  jl&.  i?  6  ;  trois  sepmaines.  F^  778. 

P.  849, 1.  16  :  sist.  -^Ms.  J%  :  fut.  F»  836  v. 

P.  249,  1. 18  :  songnoit.  ~  JKIj.  ^  8  ;  bien  songnier.  F«  tO  v«. 
-*-  Ms.  AS:  embesoingnier. 

P.  249t  L  38  s  tout  à  fait  que.  -^  Ms.  A  9  :  tout  aînsy 
comme. 

P.  249,  1.  23  et  24  :  esUnçonnoient.  ~  M*.  A  8  :  estant 
choient. 

P.  249,  1.  25  :  reverser.  "^  Mm,  A  8  ;  renverser. 

P.  249,  I.  26  :  ens  es.  -^  Ms.  A  8  :  dedens  les. 

P.  249,  1.  27  :  tu%.^Ms.  A  8  ;  dedens  la  cité. 

P.  249,  1.  31  :  cil.  —  Mi.  AB  :  ces  mineurs. 

P.  250,  1.  9  t  bailles.  *«- itf/.  A  8  .*  barrières. 

P.  250,  1. 10  :  evous.  —  Jlf^,  ^  8  :  et  puis  vecy. 


428  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1370] 

P.  250,  1.  14  :  ens.  -^  Lt  ms.  B,  6  ajoute  :  la  banière  du  prin- 
che  et  cbelle  des  marisaus  tout  devant.  F>  778. 

P.  250,  1.  20  :  d'air.  —  Jtf>.  ^  8  ;  d'ardeur. 

P.  250,  1.  30  :  deviiet.  —  Jlfr.  A  8  :  délivrez.  F«  337. 

P.  252,  1.  4  :  Biaufort.  —  Mss.  jS  2  tf  4  ;  qui  estoit  adonc 
escuiers.  F* 21.  '—Ms,  A%  :  qui  estoit  lors  escuier. 

P.  252,  1.  8  et  9  :  et  y  rafrena  et  radouci.  —  M$.  udf  8  ;  et  se 
rapaisa  et  adouci. 

P.  252,  1.  11  :  rendant.  —  Ms.  AS:  regardant. 

P.  252)  1. 15  :  retenons.  —  Mss,  B%etA%:  recepvons. 

§  067.  On  ne  se  cessa.  —  Ms.  ^Amiens  :  Endementroes  que 
li  chevalier  d'Engleterre  avoient  entendu  à  combattre  les  dessus 
dis  et  lors  gens,  li  autre  Englès,  gens  de  Compaingnes,  estoient 
espars  parmj  Limoges  et  y  faisoient  le  plus  grant  violense  du 
monde,  car  nuls  n'estoit  pris  à  merchy.  De  quel  eage  que  ce  fuist, 
Jones  ou  vies»  hommes,  femroez  et  enfans,  tout  missent  li  Englès 
à  l'espëe ,  et  sans  déport  fu  la  chitë  toutte  gastëe  et  robëe  et  une 
grant  partie  arse  et  destruite.  Et  quant  li  ocisson  fu  passée  et 
qu'il  en  eurent  acompli  leur  destrier  et  que  li  pilleur  l'eurent 
toutte  pillie  et  robëe,  dont  bien  sachiës  qu'il  y  eut  grant  avoir, 
car  elle  estoit  riche  et  bien  pourvueue,  il  s'em  partirent,  et  n'eu* 
rent  mies  consseil  ne  vollentë  dou  tenir,  et  laissièrent  en  cel  estât 
vaghe.  En  yaux  retrayant,  li  Englès  ardirent  une  partie  de  le  terre 
le  signeur  de  Malval  en  Limozin  et  ossi  le  terre  de  monsigneur 
Raimmon  de  Maruel ,  pour  tant  qu*il  s' estoient  tourne  franchois. 

Si  vous  di  que  li  evesques  de  Limoges  fu  en  grant  péril  d'estre 
décolles ,  tant  estoit  li  prinches  courouciës  sour  lui ,  pour  tant 
qu'il  estoit  ses  compères,  et  si  avoit  fait  et  aidiet  à  faire  retourner 
Limoges.  Si  le  dounna  li  prinches  au  ducq  de  Lancastre  qui  ne 
l'amoit  mies  pour  celle  cause  trop  grant  plenté,  et  l'ewist  fait 
morir  sans  nul  déport;  mes  pappes  Urbains  V*',  qui  estoit  nou* 
vellement  revenus  de  Romme  en  Auvignon,  quant  il  en  seut  le 
veritë  et  le  péril  où  li  dis  evesques  estoit,  il  le  requist  et  pria 
moût  chierement  au  duch  de  Lancastre  qu'il  li  volsist  dounner. 
Li  dus  descendi  à  le  priière  dou  Saint  Père,  parmy  le  bon  consseil 
qu'il  eut,  et  li  acorda  le  dessus  dit  evesque  et  li  envoiea  en  Au- 
vignon, dont  li  pappes  l'en  seut  grant  gret.  Enssi  fu  sauvés  et 
délivrés  de  mort  li  evesques  de  Limoges.  F**170v«et  171. 

P.  252,  1.  20  :  destruction.  —  Le  ms,  B  ^  ajoute  :  Et  chou 


[1370]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  668.         429. 

douze  bourgois  de  la  ville  avoient  tout  fait  qui  point  ne  le  com- 
parèrent. P  779. 

P.  252,  1.  23  :  estoit.  —  Lems.  Bt  ajoute  :  et  ses  filz  Richart. 
F»  779. 

P.  252,  1.  28  :  Limoges.  —  Le  ms,  B  6  ajoute  :  qui  compère 
estoit  du  prinche.  F*  778. 

P.  252,  1.  30  :  rouva.  —  Ms.  A  8  :  demanda.  F»  337  v«. 

P.  253,  1.  3  :  Avignon.  —  Le  ms.  B  6  ajotue  :  entendy  le  des- 
truxcion  de  Limoges  et  le  prise  de  son  cousin  l'evesque  et  com- 
ment le  prinche  le  manechoit.  P*  779. 

§  668.  Si  fu  enfourmés.  —  Ms.  et  Amiens  :  Entroes  qu'il 
(Bertrand  du  Guesclin]  estoit  en  cel  esploit  et  qu'il  cevauchoit 
enssi  pour  la  dessus  ditte  damme,  Tenvoiea  li  rois  de  Franche 
requerre,  et  li  manda  especialment  et  expressément  qu'il  revenist 
en  Franche.  Messires  Bertrans  vot  obéir  au  mandement  dou  roy 
et  s'en  revint  quoitousement  avoecq  touttes  ses  gens  d*armes  à 
Paris.  Si  fu  li  très  bien  venus,  moût  festiiés  et  conjols  dou  roy  et 
de  tous  les  barons,  et  fu  tantos  fais  et  crées  connestables  de 
Franche,  car  chilx  offisces  vaghoit  adonc  de  par  monsigneur 
Moroel  de  Fiennes  qui  de  se  vollentë  s'en  estoit  ostës  et  desmis. 
De  Testât  et  ordounnance  de  le  connestablie  de  France  emprist 
adonc  messires  Bertrans  moût  envis,  et  s'en  excusza  de  premiers 
par  pluisseurs  voies  en  disant  et  remoustrant  que  il  estoit  ungs 
chevaliers  de  petite  génération  et  venue,  et,  se  Dieux  a  voit  cons- 
senti  que  aucunnes  fortunes  d'armes  li  fuissent  avenues  à  se  hon- 
neur, se  n'estoit  il  mies  dignes  ne  tailliés  ne  saiges  pour  faire 
un  tel  ofGsce  ne  excercer,  que  la  connestablie  de  France  est. 
Touttefifois,  excuzanches  quil  fesist  ne  moustrast,  ne  vallirent 
riens;  il  fu  tant  priiës  et  tant  requis  dou  roy  et  des  barons  de 
Franche  qu'il  i  entra ,  et  fu  fais  et  noummés  connestables  :  dont 
tous  li  royaummes  de  France  eut  grant  joie,  et  especialment  che- 
valiers et  escuiers  qui  sieuvoient  et  amoient  les  armes. 

En  ce  tamps,  estoit  li  sires  de  Clichon  dalles  le  roy  de  Franche 
et  si  bien  de  son  consseil  et  de  lui  qu'il  voUoit,  et  tant  l'amoit  et 
creoit  li  rois  que  il  ne  faisoit  à  painnes  riens  sans  son  consseil  et 
especialment  des  guerres  as  Englès.  F*  i7i. 

P.  253,  1.  48  à  20  :  car....  l'offisce.  —  Ms.  A  il  :  car  mon- 
seigneur Morel  de  Fiennes  ne  povoit  plus  exercer  l'offisce  par 
vieiUesce.  F<»  363  v». 


4d0  CHRONIQUIS  Dl  J.  PROISSART.  [1370] 

P.  f  83, 1.  tS  à  t8  t  pour  le  plos.t..  de  France.  ^^Mu.  A  15 
^  17  ;  èomme  le  plus  vertueux  et  fortune  en  toutes  ses  besongnet 
qui  alor^  fust.  M$.  ^  17,  ^  368  v«. 

P.  253, 1.  26  :  sage.  —  Mss.  B%àketA%:  ydosne,  ydoint. 
F»ll  V. 

P.  253,  1.  27  :  ewireus.  —  Ms.  B  S  .*  heurem.  «^  Mi.  AS: 
vertueux.  P*  337  v*. 

P.  254,  1.  4  :  Brandome.  <—  J£r.  B  %  :  Bramdouve.  •—  Ms*  A 
8  *  Brandonme. 

P.  254,  1.  18  :  seigneurSi  ^^  Le  mi.  A  %  aj(Mê  .*  dé  son 
hostel  et. 

P.  254,  1.  24  :  qne  c'estoit.  —  Mi.A%  :  qu'il  estoit.  F»  338. 

P.  254j  1.  26  :  un  petit.  —  Mis.  B  3^  êi  A  S  :  ung  pan,  on 
peu. 

P.  255,  1.  18  :  l'emprende.  «^  ^#.  ^^  8  /  le  prenra. 

P.  255,  I.  19  ;  perceveroit*  -^  Ms.  A  8  ;  appercevroit. 

P.  255, 1.  23  :  l'ordenanoe.  —  Ma.  B  t  et  A  %  :  Topimon. 

P.  255,  1.  26  :  de  France.  —  Le  ms.  A  il  ajoute  :  et  prist 
congié  du  roy  et  s*en  vint  en  lâmoân  où  il  conquist  maint  cbastiel 
et  mainte  forteresce.  F*  363  V. 

P.  255,  1.  26  :  exaucier.  *—  Ms»  B  f  :  essauchier.  F^  22.  — • 
Mi,  AS:  avaneier. 

P.  255,  1.  28  à  30  :  en  ce  jour....  son  hoir.  «^  ilf /#.  A  :  aveo^ 
ques  FofBce  ploseurs  beaux  dons  et  grans  teires  et  revenues  en 
héritage  pour  lui  et  pour  ses  hoirs. 


FOr   DIS  VABIASTBS   UU  TOHX  SOTlftlIlt. 


TABLiE. 


CHAPITRE  Xa. 
Entrée  du  prince  de  Gallet  en  Espagne. — 1367,  6  janTier.  Naiasance  à 
Bordeaux  du  prince  Ricbard,  depuis  Richard  U. — Du  10  au  29  jan- 
TÎer*  Concentration  de  Tarmëe  anglaise  à  Dax  ;  arrirëe  du  duc  de 
Lancastre;  occupation  de  Miranda  et  de  Puente-la-Reina  ;  entrevue 
de  don  Pèdre,  du  prince  de  Galles  et  du  roi  de  Narafrep  à  Peyre- 
horade.  —  Du  14  au  20  février.  Passage  des  Pyrénées  et  du  dëfilë 
de  Roncevaux  par  les  trois  corps  de  rarmëe  anglaise.  -«13  mars. 
Arrestation  concertée  du  roi  de  Navarre  par  Olivier  de  Mauny.  — 
Reddition  de  Salvatierra  à  don  Pèdre  et  arrivée  des  Anglais  devant 
Vitoria  ;  défaite  de  Thomas  Felton  ;  mort  de  Guillaume  Felton.  — 
Mouvement  rétrograde  de  Tarmée  anglaise  ;  passage  à  Laguardia,  à 
Viana  ;  occupation  de  Logroiio  et  de  Navarrete.  —  1*'  avril.  Lettre 
du  prince  de  Galles  à  don  Enrique.  —  2  avril.  Réponse  de  don  En- 
rique  campé  à  Najera.  —  Sommaire^  p.  i  à  xn.  —  Texte,  p.  1  à  31. 
—  Fanantes^  p.  259  à  279. 

CHAPITRE  XCn. 
Restauration  de  don  Pèdre.  —  1367,  3  avril.  Bataille  de  Najera  ;  Ber- 
trand du  Guescliu  et  le  maréchal  d*Audrehem  prisonniers  des  An- 
glais. —  Fin  d'avril  et  mai.  Don  Pèdre  et  le  prince  de  Galles  à  Bur- 
gos.  —  Mai.  Arrivée  de  don  Enrique  en  Languedoc.  —  Juin.  Séjour 
du  prince  de  Galles  â  Valladolid  et  départ  de  don  Pèdre  pour  Se- 
ville  ;  dissentiments  entre  le  prince  et  le  roi  de  Castille.  —  13  août. 
Traité  d'alliance  de  don  Enrique  avec  le  duc  d'Anjou.  —  Août  et 
septembre.  Retour  du  prince  de  Galles  et  de  l'armée  anglaise  en 
Guyenne.  —  27  décembre.  Mise  en  liberté  de  Bertrand  du  Guesclin. 
-^  136B,  du  k  mars  au  22  mai.  Siège  et  prise  de  Tarascon  par  du 
Guesclin  et  le  duc  d'Anjou  ;  ravages  des  Compagnies  anglaises  en 
Bourgogne,  en  Champagne,  dans  l'Auxerroîsi  la  Sologne,  la  Beauce 
et  le  Gatinais.  •—  k  mai.  Mariage  du  seigneur  d'Albret  avec  Margue- 
rite de  Bourbon.  —  Fin  de  mai.  Arrivée  de  Jean  Chandos  en  basse 
Normandie.  —  Sommaire^  p.  xm  à  xxvin»  —  Texte,  p.  32  à  69«  «• 
rariantei,  p.  279  à  311. 

CHAPITRE  XCm. 
Resunration  de  don  Enrique.  —  1367,  fin  de  septembre.  Entrée  de 
don  Enrique  en  Castille.  — >  Fin  d'octobre.  Reddition  de  Borgos.  -* 


432  TABLE. 

136S,  fin  de  janTier.  Prise  de  Lëon,  —  ISOS,  avril  à  1369»  fin  de 
nun.  Siëge  de  Tolède.— 1368,  20  norembre.  Traité  d'alliance  arec 
le  roi  de  France  ;  retour  de  Bertrand  du  Goesclin  en  Espagne.  — 
1369,  1%  mars.  Bauille  de  Montiel.  —  23  mars.  Mort  de  don  Pèdre. 

—  4  mai.  Bertrand  du  Gnesclin  crée  duc  de  Molina.  —  Sommaire , 
p.  xxTiu  k  xxxT.  —  Texi€^  p.  70  à  84.  —  Far'umttê^  p.  311  à  319. 

CHAPITRE  XCIV. 

Rupture  du  traité  de  Brétigny.  — 1368»  26  janrier.  Lerée  d'un  fonage 
en  Aquitaine.  —  Mai  et  juin.  Appel  porté  derant  le  roi  de  France 
par  les  barons  de  Gascogne.  —  3  décembre.  Naissance  du  dauphin 
Charles,  depuis  Charles  VI.  —  1368,  fin  de  décembre  et  1369,  jan- 
vier. Réception  de  Tappel  des  barons  de  Gascogne  et  citation  adressée 
an  prince  de  Galles.  —  1369,  premiers  mois.  Défaite  de  Thomas  de 
Wetenhale,  sénéchal  anglais  du  Rouergue,  près  de  Montauban.  -— 
Retour  de  Jean  Chandos  en  Gujenne;  son  arrivée  i  Montauban.  — 
Rupture  des  négociations  et  d(<claration  de  guerre.  —  29  avril.  Red- 
dition d'Abbeville  et  du  Pontieu  au  roi  de  France.  —  Sommaire ^ 
p.  xixv  k  xLvn.  —  Text€^  p.  84  à  113.  —  f^ariantes,  p.  319  à  335. 

CHAPITRE  XCV. 

Préparatifs  militaires  et  ouverture  des  hostilités  sur  toutes  les  firontièret 
du  royaume.^  1368, 2  et  17  août.  Prise  de  Vire  et  de  Château-Gontier 
par  les  Compagnies.  — 1369,  avril  et  mai.  Les  comtes  de  Cambridge 
et  de  Pembroke  en  Périgord  ;  siège  de  Bourdeilles.  —  Jean  Chandos 
k  Montauban  ;  prise  de  Roqueserrière.  —  Siège  de  Réalville  par  les 
gens  du  duc  d'Anjou;  Reddition  de  soixante  places  fortes  de  la 
Guyenne  aux  Français.  —  7  avril.  Mariage  du  duc  de  Bourgogne 
avec  Marguerite  de  Flandre.  —  Août.  Arrivée  du  roi  de  Navarre  eu 
basse  Normandie  et  négociations  entre  ce  prince  et  le  roi  d'Angle- 
terre. —  Exploits  des  Français  en  Poitou  ;  prise  de  la  Roche-Posay 
par  Jean  de  Kerlouet.  —  Avril  et  mai.  Campagne  de  Robert  Knolles 
et  de  Jean  Chandos  en  Quercy  ;  siège  de  Duravel  et  de  Domme  ; 
prise  de  Moissac,  de  Gramat,  de  Fons,  de  Rocamadour  et  de  Ville- 
franche.  —  Reddition  de  Réalville  aux  Français  et  de  Bourdeilles 
aux  Anglais.—  Sommaire,  p.  xlvii  à  ijcx. —  Teste,  p.  113  à  155. — 
FarianteSf  p.  335  à  366. 

CHAPITRE  XCVI. 

1369,  août.  Occupation  de  Belleperche  par  les  Compagnies  anglaises. 

—  Projet  et  préparatifs  d'une  invasion  française  en  Angleterre.  — 
Reddition  de  la  Roche-sur- Yon  aux  Anglais.  —  Mort  de  James 
d'Audeley  ;  Jean  Chandos,  sénéchal  du  Poitou.  —  Descente  du  duc 
de  Lancaftre  à  Calais  ;  chevauchée  de  Tonxnehem.  —  Affidre  de 


TABLE.  433 

Pnmon;  le  comte  de  Pembroke  est  smpris  et  amégê  par  Louii  de 
Sancerre. — Mort  de  Philippa  de  Hainaat,  reine  d'Angleteire. — Prise 
des  Ponts-de-Gé  et  de  Saint-Manr-smvLoire  par  les  Anglais,  de 
Saint-Sayin  par  les  Français.  —  1370,  1^  janyier.  Combat  du  Pont 
de  Lnssac  et  mort  de  Jean  Ghandos.  —  Premiers  jours  de  juillet. 
Prise  de  Châtellerault  par  Jean  de  Kerlouet.  — 1369,  derniers  mois, 
et  1370,  premiers  mois.  Siège  et  reprise  de  Belleperclie  par  le  duc 
de  Bourbon.  —  Sommaire  j^,  lxxi  à  xcn.  —  Texte^  p.  155  &  220.  — 
rarUmteif  p.  366  à  403. 

CHAPITRE  XCVn. 

1370,  mai.  Le  duo  d* Anjou  à  Paris;  préparatifs  de  gueire  des  rois  de 
France  et  d'Angleterre.  —  1372,  du  15  au  22  août.  Délivrance  de  la 
duchesse  douairière  de  Bourbon  prise  à  Belieperche.  —  1371,  du  25 
an  29  mars.  Entrerue  de  Vemon  ;  traite  de  paix  entre  les  rois  de 
France  et  de  Navarre.  — 1370,  vers  le  15  juillet.  Arrirée  de  Bertrand 
du  Guesclin,  rappelé  d'Espagne,  en  Languedoc.  —  Du  15  juillet  au 
15  août.  Campagne  du  duc  d'Anjou  et  de  du  Guesclin  en  Gujenne  ; 
occupation  de  Moissac,  d'Agen,  de  Tonneins,  du  Port-Sainte-Marie, 
de  Montpazier  et  d'Aiguillon  ;  siège  de  Bergerac  et  de  Lalinde  par 
les  Français.  —  De  la  fin  de  juillet  à  la  mi-septembre.  Cherauchëe 
de  Robert  KnoUes  A  travers  l'Artois,  la  Picardie  et  l'Ile  de  FVanoe. 
—  Du  16  au  24  août.  Le  duc  de  Berrj  et  du  Guesclin  en  Limousin; 
reddition  de  Limoges  au  duc  de  Berry.  —  Du  14  au  19  septembre. 
Siège,  reprise  et  sac  de  Limoges  par  le  prince  de  Galles.  — -  24  sep- 
tembre. Robert  Knolles  devant  Paris.  —  2  octobre.  Du  Guesclin  A 
Paris;  sa  nomination  à  l'office  de  connétable  de  France. — Sommaire^ 
p.  xcn  A  cxvx.  —  Texte^  p.  220  à  255.  —  Ftwiottes,  p.  403  à  430. 


Vm  DB  LA  VABLB  DU  TOMB  SKPTXàMX. 


TU  —  28 


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