Google
This is a digital copy of a book thaï was prcscrvod for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project
to make the world's bocks discoverablc online.
It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject
to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books
are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that's often difficult to discover.
Marks, notations and other maiginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book's long journcy from the
publisher to a library and finally to you.
Usage guidelines
Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to
prcvcnt abuse by commercial parties, including placing lechnical restrictions on automated querying.
We also ask that you:
+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for
Personal, non-commercial purposes.
+ Refrain fivm automated querying Do nol send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine
translation, optical character récognition or other areas where access to a laige amount of text is helpful, please contact us. We encourage the
use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help.
+ Maintain attributionTht GoogX'S "watermark" you see on each file is essential for informingpcoplcabout this project and helping them find
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it.
+ Keep it légal Whatever your use, remember that you are lesponsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other
countiies. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can'l offer guidance on whether any spécifie use of
any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner
anywhere in the world. Copyright infringement liabili^ can be quite severe.
About Google Book Search
Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps rcaders
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full icxi of ihis book on the web
at|http: //books. google .com/l
Google
A propos de ce livre
Ceci est une copie numérique d'un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d'une bibliothèque avant d'être numérisé avec
précaution par Google dans le cadre d'un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l'ensemble du patrimoine littéraire mondial en
ligne.
Ce livre étant relativement ancien, il n'est plus protégé par la loi sur les droits d'auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression
"appartenir au domaine public" signifie que le livre en question n'a jamais été soumis aux droits d'auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à
expiration. Les conditions requises pour qu'un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d'un pays à l'autre. Les livres libres de droit sont
autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont
trop souvent difficilement accessibles au public.
Les notes de bas de page et autres annotations en maige du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir
du long chemin parcouru par l'ouvrage depuis la maison d'édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains.
Consignes d'utilisation
Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages apparienani au domaine public et de les rendre
ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine.
Il s'agit toutefois d'un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les
dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des
contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées.
Nous vous demandons également de:
+ Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l'usage des particuliers.
Nous vous demandons donc d'utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un
quelconque but commercial.
+ Ne pas procéder à des requêtes automatisées N'envoyez aucune requête automatisée quelle qu'elle soit au système Google. Si vous effectuez
des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer
d'importantes quantités de texte, n'hésitez pas à nous contacter Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l'utilisation des
ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile.
+ Ne pas supprimer l'attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet
et leur permettre d'accéder à davantage de documents par l'intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en
aucun cas.
+ Rester dans la légalité Quelle que soit l'utilisation que vous comptez faire des fichiers, n'oubliez pas qu'il est de votre responsabilité de
veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n'en déduisez pas pour autant qu'il en va de même dans
les autres pays. La durée légale des droits d'auteur d'un livre varie d'un pays à l'autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier
les ouvrages dont l'utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l'est pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afficher un livre sur Google
Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous
vous exposeriez en cas de violation des droits d'auteur peut être sévère.
A propos du service Google Recherche de Livres
En favorisant la recherche et l'accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le français, Google souhaite
contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet
aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer
des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adressefhttp: //book s .google . coïrïl
» t
CHRONIQUES
Dl
J. FROISSART
998% - PARIS, TYPOGRAPHIE LAHURE
Rna dm Vknroi» •
y-"-
CHRONIQUES
DS
J. FROISSART
POBUftlS POUR U SOCIÉTÉ DB L'hIROIRB MK FBAHGI
PAR 8IMBON LUGB
TOME SEPTIÈME
1367-1370
(nBMIU L'sZnbinON du FIOTCB DX GAXXIS BN ■tPAOHB
joiqd'a là nomutatiov db b. du Guncuir
A LA CHAIGB DK OQHVÉrABLB OB nUHGB)
A
A PARIS
CHEZ H" Y* IULES RENOUARD
(H. LOON£S, SUCXXSSEUR)
LIBBAIRB DB LA SOCIÉTÉ DB L*HISTOIRB DB FBAHCB
BUB BB TOinUNMi, R* 6
M DGCG LXXVIII
m' ••
\
Z4?é
Anr. 14. Le Gonaeil déiigne les oorrages à publier, et choisit
les pvsomies les plus capables d'en préparer et d'en suivre la
pohlîcatxm.
n nomiiie, pour chaque ouvrage à publier, un Commissaire
responsable charge d'en surveiller l'exiëcution.
Le nom de l'Éditeur sera placé en tSte de chaque volume.
Aucun volume ne pourra paraître sous le nom de la Société
sans l'autorisation du Conseil, et s'il n'est acccHnpagné d'une dé-
daratîon du Commissaire responsable, portant que le travail lui
a paru mériter d'ttre publié.
Le Commissaire responsable soussigné déclare que le
iome Fil de l'Édition des CHmoNiQuas db J. Feoissaat, pré^
parée par M. Siii<qn Luci, lui a paru digne d'être publié
par la Socinri db l*Hx8toirb db Fbâiicb.
nu à Paris^ U i^ mai iS7S.
Signé L. DSUSLE.
Lre Secrétaire de k Société de rHîstoirc de France,
J. DBSNOYBRS.
SOHSIAIRE.
▼II — a
SOMMAIRE.
CHAPITRE Xa.
nmis DU norci db oallbs in isrAGNB, — 1367, 6 janvier.
HAttSANCB A. BOIDSAUX DU PBINCI MGHAKD, OVFVIS BICBÀID II,
^ Du iO au 29 janvier, concehtbatioh db l'abm^b anglaisb
A DAX; ABBITtB DU DUC DB LAlfCASTBB ; OCCUPATIOB DE MIBANDA
py 1» FyBV7B^I#A-BBmA ; BBTBBVUB OB OOH filIBB , PU FBniCB
as OAIABI BV my BOI DB KAYABBB, A 9BVBBMHU9B. -«» Dm \Â
am f 0 féwriwr. fabsagb du rf%tBrta bt du ntriL^ db bobcb-
▼AUX FAB. usa TBOIS COBFS PB LABlliB ABGLAI&B. — 13 mOTS^
ABUlVàVMNI COamviB BV BOI B« BATABBB BAB «OVIBB VB
MkmPt, — BBDDITMnr OB «AtTATIBBBA A DOIT FÈDBB BT ABBIT^B
MB AJiCUOB DBVABT TITOBIAt pifAITB PB THOMAS fBLTOV; MOBT
M 6«BLI.Ainil VBLMMr. «^ MOUVBMBIIT BéimOOBADB PB l'aBH^B
ASCLAISB; PAMAOB a LAGUABDIA, a tlARA; OCCT7PATION DB LO»
GBOVO BT DB HAYABBBTB. i*' avril. LBTTBB PU PBIHCB DB
«OAift A POB Bimmmu «^ i mmi, bi^omb bs bos bvbiqub
ftàmH A BAiBBA (S5 HeO à B7«).
Lk princesse de Galks mat «a moïkk à Bordeaux l'cniapt cpii
fbt depuis Rkhftrd II '. Le dimanche suivant, le prince de Galles
h Vf^UmrX ajoote que cet enfant na<]aît le joor de l'Apparition des
troU Rois, qui toiaba en cette année sn mercredi. Cette remarque est
perfaûeinent exacte. La fête de l*Épiphanie que Ton célèbre le 6 jan-
vier toml»» en 1367, un mercredi. Dant le quatrième livre de ms
CbrQaiqaee* Froiasait a pris soin de nous dire qu^il était à Bordeaux
a* momem de la naisience de Richard II : a A saToir est que j'esioie
CD k cité de Rowdiaus, et seans à uble, quant U rois Richars fu nés,
UqueU vint au monde par un meraedi, sur le polat de dis heures. »
Pe« s*en Mut mioM q«e l'ialatîgahW chrooiquear m prit part k
iT CHRONIQUES DE J. FROISSAUT.
part le matin de Bordeaux ^ et arrive le soir à Dax ', en Gascogne,
où il sëjoume trois jours, attendant que son frère le duc de Lan-
castre le vienne rejoindre. Parti de basse Normandie, celui-ci
débarque à Saint-Mathieu ', passe à Nantes, traverse le Poitou et
la Saintonge, franchit la Gironde à Blaye et arrive à Bordeaux
où la princesse fait ses relevailles en Tabbaye de Saint-André.
Après une courte halte dans cette ville, le duc de Lancastre s'em-
presse d'aller rejoindre son firère à Dax. Le prince de Galles
reçoit aussi, sur ces entrefaites, la visite du comte de Foix qu'il
charge de garder sa principauté pendant son absence. Inquiet sur
les dispositions de Charles le Mauvais, qui passe pour avoir conclu
un traité d'alliance avec don Enrique de Trastamare, il fait occu-
per par Hugh de Calverly, un de ses lieutenants, Miranda ^ et
Puente-la-Reina *. Le roi de Navarre, après avoir fait présenter
Texpédition d'Espagne ; et s'il n'alla pas plus loin que Dax, c'est qae
le prince de Galles le renvoya en Angleterre auprès de la reine Phi-
lippa, à la personne de laquelle Froissait était alors attaché en qualité
de clerc : a Car tu ne l'avoie (il s'aeit de Richard U) depuis qu*il fu
tentis sur les fons en l'église cathédrale de la cité de Bourdiaus, car
pour ces jours je y estoie. Et aroie intention d^aller au voyage d'Es-
paipne aroec le prince de Galles et les seigneurs qui au voyage furent ;
mais quant nous fusmes en la cité de Dax, le prince me renvoya arrière
en Angleterre devers madame sa mère. » La principale source où a
puisé Froissart, pour cette partie de ses Chroniques, est la chronique
rîmée du héraut Chandos sur les faits d'armes du prince de Galles,
publiée dans ces derniers temps par M. Coxe pour le Roxburgh-Club.
Life of Edward the black prince, in-4^ de i-xn et 1-399 'pages.
1. 10 janvier 1367.
2. Dax, Landes, jésc ou Jx, leçon que donnent les meilleurs manu-
scrits de Froissart, est l'ancienne et bonne forme du nom de cette loc»-
litë. La forme actuelle, qui n'a supplante définitivement la forme
primitive qu'à la fin du dernier siècle, résulte d'une soudure de la
préposition De, avec élision de Ye final, et de j4x,
3. Nous identifions le a Saint Mahieu de Fine Poterne » de Frois-
sart avec Saint-Mathieu-Fin-de-Terre ou Fineterre, promontoire et
hameau de la commune de Plougonvelin, Finistère, arr. Brest, c. Saint
Renan, sur l'Océan. Dans une quittance en date du 4 juillet 1374,
Pierre de Earrimel s'intitule capitaine de « Saint Mahie de Fine Po-
terne ». Bièl. Nat., Tit. se. de Clairambault, vol. 62, f» 4823.
4. Aujourd'hui Miranda-de-Arga, Espagne, prov. Navarre, diocèse
dePampelune, sur l'Arga. Il faut bienfse garder de confondre, suivant
un exemple récent {OEuvres de Froissart, xxv, 79), Miranda-de-
Arga, ville située, comme le fait remarquer Froissart, à l'entrée du
royaume de Navarre, du côté de la Gascogne, avec Miranda-de-Ebro,
bourg situé sur FÈbre et dans le diocèse de Burgos.
t 5. Aujourd'hui Puente la Reina, prov. Navarre, sur l'Arga. Cette
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, SS !^60-576. ▼
des excuses au prince à Daz , par rentremise de Martin de la
Carra S vient lui-même à Saint- Jean-Pied-de-Port*, où il s'a*
bouche avec le duc de Lancastre et Jean Ghandos, et là il mé-
nage une entrevue qui doit avoir Heu à Peyrehorade * entre lui,
don Pèdre et le prince de Galles. P. 1 à 2S, 259 à 26i .
Entrevue de don Pèdre, du prince de Galles et du roi de Na-
varre, à Peyrehorade*. Charles le Mauvais prend l'engagement
de livref passage à travers son royaume à l'armée anglaise. Le
captai de Ruch, les seigneurs d'Albret et de Clisson viennent re-
joindre à Bax ' le prince d'Aquitaine et de Galles. Rertrand du
Guesclin, de son côté, qui se tient alors auprès du duc d'Anjou,
traverse à marches forcées l'Aragon et revient en Espagne offrir
ses services à don Enrique de Trastamare auquel il amène un
cùTj^ de volcmtaires français et bretons. P. 5, 6, 261.
petite place forte, qui fait partie da diocèse de Pampelune, est à
k kD. 9. O. de cène rille. La chronique rimëe du héraut Ghandos
mentionne aussi cette occupation de Miranda et de Puente la Reina
par Hogh de Calrerly, qui commandait un détachement de TaTant-
garde de Tannée anglaise :
En ce temps et oe termeine,
Mirande et le Pont la Reine
Ot pris Hugh de CaWerley,
Dount NaTaire fuist effraé.
1. Don Martino Henriquez ou Enriquez de la Carra.
i. Bas0es-Pyrënëes, arr. Maulëon.
3. Landes, arr. Dax. ^
4. La forme de ce nom de lien, dans les dÎTers manuscrits de
Froissait, est Pierreferade ou Pierre ferrade. Cette forme est tout à fait
▼ieieuse. L'étymologie vraie de Peyrehorade est, sans aucun doute, le
compose latin Petraforata^ en français Pierreforée, Certains noms de
lieu, que Ton trouve dans d'autres régions de la France, tels que
Pierrepercée ou Pierrepertuse , sont les équivalents exacts de Peyre-
horade. Dans ce dernier mot, le changement de /* latin en h est un des
caractères distinctifs de l'espagnol, et notre savant confrère, M. A. Lon-
Snon, nous fait remarquer qu'on le retrouve dans beaucoup de noms
e lieu da pays basque : La Hitte, équivalent de La Fitte, Horcade,
érjnivalent de Forcade, etc.
5. Si le prince d'Aquitaine resta près d'un mois à Dax, il n'était
pas seulement occupé â y concentrer ses forces ; il y attendait surtout
de l'argent pour entrer en campagne. Par acte daté d'Ax (aujourd'hui
Dax, I^ndea) le 29 janvier 1367 (n. st.), Edouard, prince d'Aquitaine
et de Galles, donna procuration à Jean des Roches, sénéchal de Bi-
Soire, pour recevoir en son lien et place 30 000 francs sur la rançon
n roi Jean {Jreh. Ntst,^ J642, n* V\ C'est par erreur qu'Ax a été
identifié avec Ax-aur*Anége (Chron, de J, Proiuarty YI, xcz).)
ti CHRONIQUES DE }. FROlSSAAt.
Eûtfe Sftiftt-Jeati-ned-de-Pon et t^àmpelune se trouvent de»
dëfilës tellement étroits et inâceessibles que trente hommes en
pourraient fermer le passage à toute une armée. L'armée anglaise
entreprend ee passage à la mi-février ^ et pour ^opérer avec
moins de difficulté, se divise eu trois corps. Le premier corps ou
avant-garde, sous les ordres du duc de Lancastre, opère ce pas-
sage le lundi '. Noms des principaux chevaliers qui composent
cette avant-garde. P. 7, 8, 261 et f Ô2.
Le mardi, passage du deuxième corps, sous les ordres du prince
dé Galles, de don Pèdre et du roi de Navarre. Noms des prin-*
oipaux chevaliers qui composent ce deukième corps. Qiarles le
Mauvais flniène le prb<5e de Galles et don Pèdre en &a cité de
Fampelune, tandis que leurs hommes Vont camper siir les hau-
teurs qui dominent cette ville. P. 8, 9, 262 et 263.
Le mercredi, passage du troisième corps où figurent James,
roi détrôné de Majorque , le captai de fiuch , les comte» d'Âr<B
magnac et de Périgord, les seigneurs de Clisson, d'Albret, une
foule d'autres seigneurs anglo-gascons et les princi))aus chefs
des Compagnies. Tous ces gens d'armes, au nombre d'enviroâ
trente mille chevaux, restent campés sur le « comble » de Pampe-
lune jusqu'au dimanche suivant^ et mettent au pillage le pays
des environs, au grand mécontentement du roi de Navarre.
P. 9, 10, 263 et 264.
Pendant ce temps, don Enrique de Trastamare, qui attend de
jour en jour l'arrivée de Bertrand du Guesclin à la tête des trou-
pes auxiliaires de France, appelle sous les armes tous les hommes
valides du royaume de Gastille pour résister à ses adversaires.
Le rendez- vous général est à Santo Domingo * où le roi de GflS^
tille parvient à rassembler plus de soixante mille honunes, tant de
pied qu'à cheval. P. 10, 264.
1. En 1367, la mi-férrier ou le l4 février tomha un dimanche.
2. Sans doute le lundi 15 fétrîer.
3. Dimanche 21 février 1367. L^armée anglaise tout entière avait
franchi les défilés de Roncevaux à la date du 20 février 1367, comme
cela résulte d*une lettre adressée par don Pèdre le 19 février aux ha<*
hitants de Murcie. Cascales, Hijt. Je Mtireta, 116.
4. Aujourd'hui Santo Domingo de la Calzada, Espagne, pror. Lo-
grono, dioc. Calahorra , sur le cliemin qui va dé PampelUne a Burgos
en passant par Logrono. D'aprèi Ajala, beaucoup mieux informé que
Froissart sur ce qui se passe a la cour de ËUrgos, Bertrand du Gues-
clin se trouvait dès lors auprès de don Ënrlque.
soMMAUtt 81} AeIiiIA LfVMI, Jg Mo-S76. tu
Dott EflflqM envoie en If âVftité titt de sél héf fttttS )>OftÉr ifllè
kfttre « de déi ftti pHhdè de Q&lfe^. Céttd^i (todHê lèttafè de
4ette lettre à tes prineltMiat conseillers qui M M6t ptfs d'aecoM
sur Ito rëpotiée qu'il convient de fklfe au défi du roi de CàstiOe.
P. 10 à 12, 264 et 265.
PMdcDt que le prîdce M fient en IH ffiftrehe de Pâffipeinftè, les
Mm Ftlton, Tbooiii* et OuillâuBie, et Robert Rlibile^, à U tltê
de wBl ftoltente lauees et de troiê (seiits âfeherft, quittent le |foi
de l'ârai^, (Nittittt VÈbH à Logroflo et tdnt M poster eil tlfa fU«<
hge ëppM Ndyarretfi *. «^ Buf eês èfitrefâites) lé m de ffevum,
4ief«tMhtBt itir les frontières de \à AaTarre et de l'Ara^,
m ÏÊkm faire pfiMUitlîef pal* Olivlef de If duny *, et l'on sd^
poat anàsii^ que «'est tine ruse eauêertëe k raranée entre
ce prince et le chevalier breton qui Ta arrête : en demeurant
iàplif jnsqd'à VlBêvm de là tadipdgtiè^ Chartes échappe à Tôbli-»
|AtiM dé âè Joihdfe de »a per&btine à retpédittôti du tfïnté Aé
ualles et peut attendre les ëvénemenis'i Martin de la Carraf
1. Cmê letti% H'èlt, fcàttP la Hfté, jNié lA reprdddctlôil du texte
Aànhé p9f le hëHbi CliAndoA ; ffiftis fii Qiihddi hl Froissart h'onf fait
mèndoil d*dUe reptmié de dott finHqùë de Ti^itamàre i une lettre du
pHncè de Galiéi, fépohsé ÛAiêé dii éàtnp Aé iVaierà le i àrrll liél éi
dont on trouTe le teitte Ûàûs Ryifièf [ifoedéf^a^ %ol. ttt, U. &â%1 et dani
Ajrâla (/éhn^iâda ^ p. 535 et 556). Cette téponië é(A ufi doeament
d'nne importance capitale èû té ^iJi*il Hoili ifiobtfè côdibleft ce qilé
]l6dé Appéidfii Aujourd'hui le pAhcïpë de la légltlniiti^ est reit^ étran-
ger à rEspagiie du iboyen fige.
2. Thomas était léitidéhal d^AquitAlUé et GuiliAttiiië à^tiéchal dé
PtHtati.
3. Côikfiie rATifiéè àhàhiêe i*àtan(att alôrfc ¥eH Ëurgos par 1a rotiie
d« YitoHA, lé NaVarreté dotit il à^agit ici ne peUt être ^de lé ttaVai¥ete
aitué en AlaTa et Au diocéfte de Calahoff A ( fasali f foistart à crii par
éHtaf qu^il était question du Ifa^Aitete dé la province de Logroi^o.
Mr lA Nté ârdjié de TÈbré , plui iiliportant e< ()lds connu que cetiU
dé rAlarA. Voilà pourquoi dotrè ébfbniqyeur fait passer ibi pr^mata-
rénieiit l^Èbi^ë à U jtetite it'odpè d*^ctaii-eui'è cbmftiAlid^e (lAr thomal
Felton.
4. Dêi 1366, fiérirâud du Ctiééctift, A qui le fbl A^kHgàD ^ëhaît de
ddmief le fiolUié de Bo^ja, Avdit iiomm^ son éousbi Olitier de Maun^,
TUn dé êèi plus anolèdd èoU)pa£honft d^armei, éapitàlue Ae \à forteresse
Aé Borià, éhêf-fleu dd énmté de ce nom. Èof^a (aujourd'hui Espagne,
St&f. Zaf<agozA, dloé. TaraidUa) ^disait autrefëis partie du royaume
'Ahtgdn, et ée tfourè liresdde 4 la limité de ce pajrb, dé la if^avArre
et dé JA Galtille Vieille, à 20 kil. au S. Ë. de tudela.
i. Cette AirèstAtlbn Concertée eut liéU le IJ lAaré Izél {Grandes
Ckrtmifues^ VI, 2tô, 2%6). S*il faut en cioire Ayala (dans Cromcas de
Tin CHRONIQUES DE J. FROISSART.
lieutenant général de Navarre pendant la captivité du roi son
maître, fournit des guides au prince et à ses gens pour traverser
les défilés des montagnes ^. L'armée anglaise s'avance par le cèl
d'Arruis ^, traverse le Guipuxcoa ' et arrive à Salvatierra *• P. iS
à 15, 265 à 267.
Salvatierra n'impose aucune résistance et ouvre ses portes à
don Pèdre*. Pendant ce temps, Thomas Felton et ses éclaireurs,
qui se sont rendus maîtres de Navarrete, vont un jour réveiller
don Enrique jusque dans son camp et renseignent le prince,
établi à Salvatierra, sur la situation et les forces de son adver-
saire. — Don Enrique, de son côté, passe la rivière qui coule à
Najera *, et s'avance dans la direction de Yitoria à la rencontre
des Anglais. Aussitôt qu'il est informé de ce mouvement, le prince
los Rêfu de CttstUia, Madrid, 1875, I, 550), Charles le lUanvais avait
acheté la complaisance de son geôlier en loi promettant une rente de
3000 francs et la YÎlle de Gavraj en Normandie : a ë que el Rey de
Nararra daria por heredad al dicho Mosen Oliver on castillo ë rilla
que el Rey de Navarra aria en tierra de Normandia en Francia, que
oicen Gabraj, con très mil francos de oro de renta. s « Gabray » où
M. Mërimée a vu Guibray {But, de don Pèdre I^, Paris, 1874, p. 453)
est ëridemment une mauraise leçon pour Gayray (Manche, arr. Cou-
tances). Le château de Gavray appartenait en enet au roi de NaTaire,
qui n*eut jamais, en reranche, Guibray en sa possession.
1. Martin Enriquez de la Carra alla rejoindre, a la tête de trois
cents lances, l'armée anglaise près de Pampelune.
2. Petit rillage d'F<spagne, prov. Nararre, dioc. Pampelune, sur U
rire droite du ruisseau Lecuinhegui, près de Larracin. lie pas d*Ar-
ruiz est derenu dans Froissart le pas ae a Sarris j.
3. La prorince de Guipuzcoa {VEptuke de Froissart) est au nord-
ouest de fa Nararre, entre cette dernière prorince et la Biscaye.
4. Espagne, proT. Ala^a, dioc. Calahorra, sur la route de Pampe-
lune à Vitoria, a 16 kil. à l'est de cette dernière rille.
5. Cette reddition de Salvatierra à don Pèdre est confirmée par
Ayala : a .... la rilla de Salvatierra, que es en aquella comarca, se
diera al Rey Don Pedro é le acoriera. » Le 22 juin 1382, le chroni-
queur espagnol que nous venons de citer, don Pedro Lopez de Ayala,
tut fait comte de Salvatierra par don Juan l^', roi de Castille.
6. Najera, Espajrne, prov. Logrofio, dioc. Calahorra, sur le cours
d'eau Najerilla, affluent de la rive droite de TÈhre. D'après Ayala, les
positions qui fîirent successivement occupées par don Fnrique sont les
suivantes : Santo Domingo de la Calzada, Baîkaresj sur la rive droite
de l'Èbre ; sur la rive gauche, Anastro près de Trevino, enfin Zaldia-
ran , château royal juché sur l'une des plus hautes sUrrës de l'Alava.
Ce fut la force de cette dernière position qui décida le prince de
Galles, arrivé jusqu^à Vitoiia , à marcher sur Bni^goi par un antre
chemin.
SOMMAIRE BU PREMIER UVRE, $$ 560-876. xx
de GaDes vieot à son tour rejoindre devant Vitoria Thomas Fel-
ton et ses ëclaireurs. P. 45 à 18, 267 à 269.
Les chefs de l'année anglaise, le p rince, le dac de Lancastre,
Jean Ghandos, connétable d'Aquitaine, qui se croient à la veille
d'une grande bataille, font trois cents chevaliers nouveaux, et
dans le nombre, don Pèdre, le roi détrôné de Castille, et Thomas
HoUand, le fils d'un premier lit de la princesse d'Aquitaine et de
Galles. — Les deux armées restent immobiles en présence l'une de
l'autre. P. 18, 19, 269 et 270.
Thomas Felton fait une reconnaissance, à la tête de deux cents
hommes d'armes, bien deux lieues en avant des lignes anglaises.
— Au moment où Bertrand du Guesclin amène à don Enrique
un renfort de trois mille combattants de France et d'Aragon S
don Tello et don Sanche ^, frères du roi de Castille, partent avec
un corps de six mille chevaux pour aller réveiller les Anglais.
P. 19 à 21, 270 et 271.
Us dispersent une bande de fourrageurs de la compagnie de
Hugh de Calverly et vont jeter l'alarme jusqu'au quartier du duc
de Lancastre qui commande l'avant-garde de l'armée anglaise.
Au retour, ils rencontrent les deux cents hommes d'armes qui
sont allés en reconnaissance sous les ordres de Thomas Felton.
Ceux-ci descendent aussitôt de cheval, se retranchent sur un
tertre et attendent de pied ferme les Espagnols '. Seul, Guillaume
Felton, frère de Thomas, ne veut point quitter son cheval et se
précipite, la lance baissée, au plus épais des rangs ennemis où il
trouve la mort *• Cest seulement vers le soir que les Castillans
1. D'après la ohronîqae d'Ajala, ce renfort était, comme nons
TaTons dit plus haut, arriré depuis longtemps.
2. Ajala, qui omet don Sanche parmi ceux qui prirent part à cette
escarmouche, mentionne en rerancne, parmi les Français, Amoul, sire
d'Audrehem , maréchal de France, et le Bègue de Villaines ; parmi les
Aragonais, don Alfonso, comte de Dénia, fils de Tinfant don Pedro
d'Aragon ; enfin, parmi les Castillans, Pero Gonzalez de Mendoza, don
Pero Hoikiz, maître de CalatraTa, don Juan Ramirez de Arellano, et
les deux grands maitres de Santiago, en Castille et en Léon, don Pero
Ruiz de Sandoral et don Ferrand Osores.
3. Avala dit que cet engagement eut lieu à Arifiiz : a ceroa de una
aldea de Alara que dicen Ariiiiz. » Arifiez (proT. Alara, dioc. Cala-
horra) est aujourd'hui un petit rillage situé dans la banlieue de Vitoria,
•nr la route qui Ta de cette rille à Burgos et à Madrid.
4. La résistance héroïque des Anglais et la braToure téméraire de
Guillaume Felton lîapp^ent tellement les imaginations que le souTe-
X GHAONiQtn» DE i. rkomjMt.
pànriéiowtil à entflfdef eetto pd{gflë« d'Anglâifl qtt Sôfit tOtiS fUéê
ou faits prisonniers. P. Il i S6, fe7i à 174.
Don Telld et don Sanche amènent leof s priftoâûiëfs i dod Ein-
rîque. Lé lt>i de Castilie, etl préiebcè de Bertf Afid An OUèsclifi
et d'Amoul, sire d'Audrehem , fëlieite ses deuit îtèreS âû sûcthi
qu'ils viennetit de remporter. Dialogue entre le sire â'Audrehetd
ef don Efirîque i le sire d'Audrehetu conseille ati rot de Gastillë
d6 fie pa« livrer de bataille rati|;ëe, tiiaià dé garder lei pasSàg^i
des montagnes et d'affamer l'enneifli *• Dotl Ënri<(ue rëpdnd dU'il
disposé de Sept mille hommes d'armer, de dit mille géttëtaires
et de Boitante mille fatiUftsins S «t qu'avec ût telltfft forcée il e§f
bien décidé à tenter la fbrtiin« des artte». P. fe9 à 27, 17% et i79.
nir t^en est oonserrë dans TAlava jusqu*a nos jours. On montre encore
aujourd'hui prés d^Ariâez le tertfe ou Guillaume Felton tomba crible
de coups après avoir combattu tout un jour. On l'appelle, âani lé pa-^
Idis du pajsi Ingiesmendis la butte deë Anglais i Ajralaf €roniett del kej
Don Pedro dans Cronicasd^ hs Rfjes de Castilla, Madrid, 1876, gr. iB-8*^
p. 554, col. 1, note 2.
1. Le roi de France se ti^btiVâlt dlors lié par le traite de firétlgny,
mais tontes ses sjrmpathièt n*en étaient pas moins pouf don BflHqttej
Charles V adressa même un messa^^e spécial au roi de Castilie pour lui
donner le conseil rapporté par Froissart, conseil qui fut fortement
appuyé par le sire d^Audréhem et Bertrand du Guesclin : a EsCando el
Rej Don Eririqbe en el encitiar de Bafiares, do ténia été Cdnipaftafl
ajuntadasi ovo cartas mensageras del Rejr Don Carlos de Franciai por
las quales le enviô rogar é oonsejar que non pelease , é que escusase
aquella batalla, cà él le facia cierto que con el t^rincipe de Gales venia
la flor de la Cabaileria dèl mubdô : é por endé que desmanasë aquellà
pelea, é ficiese su guerra en otra gulsa ; ca el Principe é aquellas Com-
paras non podrian durar mucho en Castilla é que se tornarian. Sobre
e^to Mosen BeltTau de Claquin é él Mâriscdl de AUderiehan, que esta-
ban con el Rey Don EnHque ê eràn CdbâlIefO» YamIIos del RëJr dé
Fraticia, fablttron con el Rey bon Enrlqùe de parte del Rey de F'rartcia
todas estd« ratone» que le ètiviaba dëcir, é ffiandaba ê elldè qtie ftiblàs
•en côn él por tal mànera que la batàllà faon Aë fitiiese, tia el Rey de
Francia é todo ftU Coiisejb eran en esto. t Ayala, Ctonieà del Âëf Dbh
Pedro, 1367, cap. tî, p. 553.— Ayâla âjaùie que dbii Enriqfae rejeta ce
eonfteil èfi disant que, s^il le suivait, le» proTTÎnceè <iêdë^ à rintaéioiî 6é
déclareraient aussitôt pour doii Pèdre et que, d*allletiri, Fhctafieur Idl
défendait d'abandonner à la tengeanCe de MH enneifai del bitë», deé
filles et des hommes mû s'étaient déVdUéft à M éati^e.
2. Le héraut Gbanddl, dans sa thi-t^nique rimée, évaldè lêil fôrëél
de don fifarïqUe à dOÔO hbdmies â'àtthéê k cheial, 6000 àrbalétriertf,
montés ou non ttôntéft, et 50060 hdtâftsiiis. A^ala tf6mpte4900 lanéei
Mhlèmenf dàni l'àfinéè (JàsailâHé; D*aptès lé tiioiflé de Séridt-AIban, le
rlVal de don Pèdre ii'atalt pàà soiiâ se^ ôrdrèl moins de idlxante ttiiUe
SOBOIAllUi bO If^AEMlBA tlVRB, SS ^60-576. tt
L'ârméê anglttlse, campée depuis sit jours detant Yitorlâ, eùm^
mence à manquer de vivres et à souffrir de la fbfniue. Le prince
de Galles rentre en Navarre *, franchit le pas ou col de Laguar-
dia*, s'arrête deut Jours à Viana*, traverse sur le pont de Lo**
grofio la rivière qui sëpare la Navarre de la Castille *, et s'ëubilt
sur la rive droite de cette rivière, sous les murs mêmes dé Lo«
gfofio *, an milieu d'une campagne plantée d'oliviers. «^ A cette
nouvelle, don Enrique quitte San Vicente* et vient camper de-»
vant Najera.<»Fra()pé du courage et de l'esprit de résolution dé
son adversaire, le prince de Galles se décide, avant d*en venir
aux mains, à adresser une lettre à don Enrique. P. t7 à 29, 17S
et 276.
Par cette lettre, datée de Logrofio le 80 mars [1307], le prince
fait savoir au comte de Trasumare , en réponse au message qu'il
en a reçu, qu'il entre à main armée en Castille pour rétablir te
roî légitime, don Pèdre, allié du roi d'Angleterre son père. Il
lyottte quei si le comte veut se désister de ses prétentions sur la
couronne de Ciastille, il se fait fort d'obtenir pour lui de don
eombattantf ; « Erat antem Dumems comitiTae circiter Mxagînta millîa
beUatorom. » Chronieon >^fi^//jr (1328-1388), edited b^ Edward Atauude
Thompson, 1874| p. 58. — Nous crojons que Ja rente ou du moins la
Tralsemblance est entre réraluation exagérée des chroniqueurs anglais
et de FroisMrt et TéTaloation trop faible d'A^ala.
1. Le prince de Galles, arrivé a Pampelune, avait d*abord marché
sur Burgos par la route la plus courte, c'est-à-dire par Vitorta ; mais
trouvant les défilés de TAlava bien gardes par don Enrique , il prit le
narti de se diriger vers la capitale de la Vieille Castille en passant par
Logro&o.
3. Espagne^ prov. Alava, dioc. Calahorra, bourg situé à environ
4 kil. de l'Èbre, sur la rive gauche de ce fleuve.
3. Espagne, prov. Navarra , dioc. Calahorra, petite ville située
comme Laguardia sur la rive gauche et a peu de distance de TÈbre,
au nord de Logrofio.
4. Cette rivière^ ou plutôt ce fleuve^ est l'Èbre que Froissart appelle
« TEmer ».
3. La ville forte de Logroûo, située sur la rive droite de TÈbre et
réunie dès le moyen âge par un pont à la rive gauche de ce fleuve,
aujourd'hui capitale de la province du même nom, était restée fidèle
à don Pèdre. Cascales [Hist. de Mureia, 116 v») a publié une lettre
de don Pèdre datée de LogroHo, primero de abril era de 1405 (l*' avril
1367).
6. Espagne, prov. Logrofio, village situé sur TÈbre, un peu à Test
de Haro et à Touest de Loarono, non loin du confluent de TÈbre et de
rOjcrilk.
zxi CHRONIQUES DE J. FROISSART.
Pèdre la plus grande situation et qu'au reste il entrera en Gasdlle
par où il lui conviendra le mieux ^. P. 29, 276 et 277.
Un hëraut du prince de Galles apporte le message à Najera où
don Enrique est campe au milieu des bruyères. À la lecture de
cette lettre, Bertrand du Guesclin conseille au roi de Gasdlle de
prendre sans retard toutes ses mesures en vue d'une bataille dé-
sormais imminente. Don Enrique répond qu'il ne désire rien tant
que d'en venir aux mains et fait de nouveau l'énumération des
forces dont il peut disposer. P. 29, 30, 277 et 278.
Le vendredi ^ 2 avril , à Taube du jour, le prince de Galles
quitte Logrono et s'arrête entre neuf et dix heures du matin * à
Navarrete* qui n'est qu'à deux lieues de Logrono. Arrivé là, il
envoie des éclaireurs reconnaître la position de l'ennemi et donne
l'ordre de se préparer à la bataille pour le lendanain. P. 30, 31,
278 et 279.
1. La lettre rapportée par Froissart se retroaye, sauf la mesure et
la rime, dans la chronique rimée du héraut Chandos. Elle diffère
essentiellement, et pour le fond et pour la forme, de la lettre authen-
tique datée de Navarrete en Castille le 1*' avril 1367 et adressée par le
prince de Galles à don Enrique, comte de Trastamare, lettre dont
Rjmer a publié le texte en castillan et en latin [Foedtra^ édit. de 1830,
Tol. in, pars II, p. 823 et 824). La réponse de don Enrique, qui s^in-
titule roi de Castiile et de Léon, est datée de Najera le 2 avril, et nous
l'avons aussi sous sa double forme, en castillan et en latin. lh\d,^
p. 824 et 825. Cf. AjaJa, Croniea del Rey Don Pedro, 1367, cap. xi,
p. 555 et 556.
2. Cette indication du jour de la semaine est parfaitement exacte.
En 1367, le 2 avril est tombé un vendredi.
3. Froissart s'est servi de cette expression : a à heure de tierce. »
Tierce, en comptant à la manière romaine, c'est la troisième heure du
jour ou neuf heures du matin. Froissart a précisé lui-même le sens de
tierce dans deux passages où il a raconté la naissance de Richard II :
a Et vint cilz entes sus terre, environ heure de tierce. r> Et ailleurs :
a . . . . liquels (Richard II} vint au monde par un mercredi, sur le point
de dix heures. »
4. Navarrete est en effet à 11 kil. au sud-est de Logrofio, sur un
affluent de la rive droite de TÈbre. Ce Navarrete est parfois appelé
Navarrete de Rioja , pour le distinguer du Navarrete de TAlava aont
il a été question plus haut.
SOMMAIRE DU PREBUKR UYRB, $$ 577-594. xui
CHAPITRE XCn.
uffTAinunoir db doh ptoui.—- 1367, 3 atril. batâills os vaiha;
BUTiAiro DU GiTBScLnr KT u wAifeiiAT. d'audbxhbm nusoHmBis
DBS AHGLAis. — Fin doiml et mai, wnt vèdbb bt lb vbihcb db
GALLES A BDmGOS,— Ifoi. ABBIT^B DB DOH BHBIQUB BB LANGUBOOG.
— Juin, SÀOUB DU FBIirCB DB GALLBS A TALLADOUO BT D^ABT
DB DON VÈDBB POUB 8ÉVILLB; DISSBRTIIIBErTB BUTBB LB niHCS BT
LB BOI DB CASTILLB. i3 OOÛt, TBAIT^ d'alUARCB DB DOIT BIT-
BiQUB ATBC 1M DUC d' ANJOU. — jioât et Septembre» bbtoub du
PBIKCS DB GALLES BT DB l'aBH^B ANGLAISE BIT GUTEMin. *-
27 décembre, mise en libebt^ de bbbtband du gubsclin. —
4368, du 4 mars au 22 mai, siAgb et vbisb db tabasgon vab
DU gubsclin BT LB DUC d' ANJOU; BAVAGBS DBS COMPAGNIES AN-
GLAISES EN BOUBOOGNÊ, EN CHAMPAGNE, DANS l'auZBBBOIS, LA SO-
LOGEE, LA BKAUCB BT LB GÂTINAIS. — 4 mai, MABIAOB DU 8IBB
d'albbbt avec mabgubbitb de boubbon. — Fin de mai, ABBTviB
DE JEAN CHAND08 EN BASSE NORMANDIE (§5 577 à 594).
Ce Tendredi, sur le soir, don Enrique et Bertrand do Guesclin
se préparent, de leur côte, à marcher contre les Anglais. Après
minuit, les trompettes sonnent le réveil et, vers l'aube du jour, les
gens d'armes entrent en ligne. On forme trois batailles ou divi*
sions : la première, composée de quatre mille cbevaliers et écuyers
de France ou d'autres pays étrangers, sous les ordres de Ber-
trand du Guesclin; la seconde, un peu en arrière et à gaucbe de
la première, où Ton compte seize mille hommes et dans ce nonn
bre beaucoup de génétaires, sous la direction de don Tello et de
don Sanche, frères de don Enrique; la troisième enfin, dont
l'effectif est évalué à sept mille cavaliers et à quarante mille fan-
tassins*, sous le commandement de don Enrique lui-même. Celui-
1. Froissait, comme on le voit, donne à don Enriqae vingt-sept
mille chevaux et quarante mille hommes de pied. Ces chifi&Nes sont
évidemment très-exagérés. Ayala, témoin oculaire, ne compte dans
Parmëe castillane qae quatre mille cina cents lances et ne dit pas le
nombre précis des j^ënétaires ni de rinlanterie : « Asi qae ténia el Rey
Don Rnriqne, el dia desta batalla, en sa compaAa de los que iban de
XIV GHAONIQUn BB J. VaOISSART.
ci, monte selon l'usage du pays sur une forte mule et d'allure
rapide, parcourt les lignes, exhortant ses gens à bien faire et
promettant de leur donoer Texefpple. Enyiron soleil levant, les
Espagnols ainsi rangés s'avancent dans la direction de Navarrete.
l^ Angl^ 9e 9WX fl<i^ r^gés ^n bataille et mis ep o^ouye*
q)^nt 4^s le poÎQt du jour S Leç deux armées marchent aio$i l'une
contre l'autre. Tout à coup» à la descente d'une petite montagne,
l^ prince de Q^Ues et ses gens se trouvent en présence du gros
des force3 de don Enriquet Aussitôt pu fait halte des deux côtés
et Yw s'apprête k en venir avo, mains. Av^int que l'action soit
engagée» Jean Chandos se fait autoriser par le prince de Galles,
avecU cérémonial d'usage, à lever b^mnière*. P. 33 à 3S^ 281
a 283,
liCS Anglo^ïascons mettent pied à terre'. 14^ prince de G«il)es,
les mains jointes et les yeux levés ver^ le ciel, prie Dieu dq lui
donner la victoire et le prend 4 témoin de la justice de sa cause.
hb premier choc a Ueu entre l'avant^garde anglaise « que cqn-
duisent Jean Ghandos et le duc de Lancastre *, et ravw»trgarde
de Tarmée de don Enrique, camw^ndée par Sertr^nd du QueiK^lin
et le maréchal d'Audrehem. P. 35, 36, 283 et 284.
hsi prinee 4e Galles, à U tête de sa division, vi^t attaquer la
eaMla é dt pie quatni mil é qviaîeBtai à% oahallo ; é ott^ ténia el
RejF P«[| Ewiotte, de la» mfmta|i%9, é de Quipmieo» 4 Yiveaya 4 Aanm-
rias, mwchof £«cudero« de pie ; pero aprovecharon muv poco en esta
batalla, ca toda la pelea fué en los omes de armas. » àronka del Rey
Don Pedro primero dans Cromkas dé lo$ Reyéê de CtutUlm, Madrid, 1S7S^
I, 55J.
1. a E el Rey Don Pedro é el Principe é todaa sus CompaS&as par-*
tieron de l^avarrete sabado (samedi 3 ayrîl) por la maûana. » Ayala,
I, 556.
d. Jean Chasdct avait la grande situation terrienne d'vB ebcvalîar
banneivl au moins depuis qu'Edouard Kl lui ayait donné en 1360 le
magnifique domaine aie Saint-Sauveur-le- Vicomte ; mais, cettç dona-
tion ayant eu lien peu de temps après la conclusion du traité de Br^
tigny, le nouveau yicomte de Saint-Sauveur n'avait pas encore eu
Toccasion de lever, en d*autres termes, de déployer sur un champ de
bataille sa bannière.
3. « Todos vinieron à pie •, dit aussi Ayala (I, 552), en parlant des
Anglais.'
k. Ayala ajoute à ces noms ceux de Raoul Camois» de Hagli de
GaHerly, d*OKvier de Clisson , et dit que PefPselif de ravunt-^afde
anglaite sMlerait à trois miHe hommes d^amet (I, 553; 1B67, eap. ▼).
SOMMAlfiB OD FHEMm UVlf , SS «77-594. xv
Im^iîIIé oq divîtiûii éê dm Ttllo et de dttB Sanehe ; mais doi|
Tello lâche pied sans coup fërir et , suivi de deux ou trois mille
fsyevds* e'éloigne du ohamp de batailla ^ Vainqueore de ee efttë,
le pripce ^t don Mdra toumeal alors toutes leurs foroee oontre
les quarante mille hpmmea de la diyisioii de don Snrique. Les
ffOMleiifi eapagBola et Gatalana, dont les pierres ont d'abord
bris4 les beauaes et les bassinets des homipes d'armes ennemis,
ne peuvent soutenir longtemps la grêle de traits des arehers an^
fiais. Pendant oe temps, les eheTaliers de Franee et d'Aragon,
sooa les ordres de Bertrand du Guesclin, fopt éprouver de grandes
pertes à la division de Jean Gbandos et du due de Laneastre.
Une lutte corps à corps s'engage entre Jean Chandos et un che-
valier eastillaa nommé Martin Femandea *• Gelui->ci tarasse son
adversaire, mais Jean Chandos entraîne l'Espagnol dans sa ehute
el, le frappant d'un coup de poignard au défaut de la cuirasse,
h hlesee mortellemMit. P. 36 k 3i, i84 à 186.
JUaifûM des principaux guerriers anglais, gascons, ehefs des
Compagnies, qui se distinguent dans les trois divisions de l'armée
dn prioeo de Galles. -<«* Noms de plusieurs chevaliers de Franee
et de Hainaut qui combattent aux côtés de Bertrand du Guesclin
et du maréchal d' Audrehem. — Don Enrique fait tous ses efforts
l. Le témoignage de FMsiarty rdaltvimait à cette fiiîte honteuse
de don Tello, est oqnfiimé par Ayela : « £ les de la ala dereeha de la
aTsnguarda del Priaqipe • que eraa ei Goode de Armiflaque, é los de
Lebret, é otros muchos qua venian en aqoella haz, enderezaron i
Don Tello ; ë ël é los que eon 4k tstsbnn non los etperaron, ë movie-
ron del campo a todo ronsper Ce^endo. » (I, 557) 1367, cap. xii.^
3. La narration de Ffoissett semble tirée de celle du hmnt
Chandos :
Chamides fbt à terre abatus ;
Far dssm li esloit ehens
Vm CastiUas qni monh ta grant,
Appelles fu MaitiBS Forant,
Leqeel d«riBient se paTBoit
Conmient occire le purroit,
£i li plaia par la visière.
Cbaimdos, a très hardie ehière,
Un eotell prist à son eosté ;
Le Castillain en ad frappé
Qn'en um eorps loi ad «mbatu
Far feiee le eotelle agu.
Iie CaniUain mort s'estendi,
Et Chaandos sur ses pies sailli.
XTi CHR0NIQX7ES DB J. FROISSART.
pour rallier ses soldats et les ramène trois fois à la charge ^.
P. 38 à 41, 286 à 288.
Les fantassins et les gens des commonantës d'Espagne, armes
seulement de frondes, se dëbandent sous les décharges meur-
trières des archers anglais; toutefois, les génëtaires, échelonnés
à cheval sur les deux ailes, réussissent à maintenir pendant quel-
que temps les lignes qui commencent à plier. — Noms d'un certain
nombre de seigneurs et de sénéchaux des diverses parties de la
Guyenne, enrôlés sous la bannière du prince de Galles. — Don
Pèdre et don Enrique payent largement de leur personne et don-
nent à leurs partisans l'exemple de la bravoure. P. 41 à 43, 288
et 289.
La division de Bertrand du Guesclin oppose à l'avant-garde
anglaise la résistance la plus opiniâtre. Tous les compagnons
d'armes de Bertrand se font tuer ou sont faits prisonniers avec
leur chef. Noms de quelques-uns de ces prisonniers ^. Encouragés
par ce succès, Jean Ghandos et le duc de Lancastre vont joindre
leurs forces à celles du prince de Galles pour achever d'écraser
la division de don Enrique; celui-ci redouble d'efforts pour ra>
1. On dirait que Froissait s^est borné i mettre en proie, dans ce
passage, les vers saiyants dn hérant Ghandos :
Par trois fois les fist reculer.
En disant : a Seigniours, aidés moy
Par Dieuy car tous m'arés fidt roy ;
Et si m'avés fait serement
De moy aider loialment. 9
Mais sa parole rien ne vaut,
Car tousjours renforce Passant.
Ayala dit la même chose : « E ei Rey Don Enrique llegé dos 6 très
reces en su caballo armado de loriga, por acorrer à los suyos que es-
taban de pie s ; mais le chroniqueur espagncJ est le seul qui men-
tionne la bannière de TÉcharpe, « el pendon de la Vanda », qui serrit
dans cette journée de point de ralliement aux partisans de don
Enrique.
2. Ayala ne cite , parmi les prisonniers français , que Bertrand du
Guesclm, le maréchal d'Audrehem et le Bègue de Villaines, mais il
donne une longue liste des prisonniers espagnols (I, 557). Bertrand du
Guesclin avait entraîné à sa suite quelques-uns des chefs et un certain
nombre de soudoyers des garnisons des riUes par où il avait passé
Îiour se rendre en Espagne; et c*est ainsi que le capitaine de Lyon,
ean de Saint-Martin, cheralier, fut tué à Najera Lâreh, Hat.^ JJ 100,
no 135; JJ99, n» 4d4).
SOBfMAIRE DU PREMIER LITRE, $$ 577-594. xth
mener aa combat les fc^ards, et qainze cents des siens restent
sar le champ de bataille *. P. 43 à 44, 289 et 290.
Les E^gnols, ne pouvant soutenir le choc des trois divisions
anglaises, effectuent leur retraite en désordre du côté de Najera
dont ils sont sépares par une grosse rivière ; don Enrique, après
avoir vainement essayé de les retenir, remonte à cheval et se
sauve dans une autre .direction. Anglais et Gascons, remontant
aussi à cheval et s'élançant à la poursuite des fuyards, les écra-
sent aux abords du pont de Najera ou les forcent à se jeter dans
la rivière *. Le grand prieur de Saint-Jacques ' et le grand maftre
de Calatrava * parviennent à entrer dans la ville et se barricadent
dans une grande maison maçonnée de pierre; mais l'ennemi les
y force et, se répandant par les rues, fait main basse sur la vais-
selle et les joyaux de don Enrique. Cette bataille se >livre entre
Najera et Navarrete le samedi 3 avril 1367 ^ P. 44 à 46, 290
et 291.
La déconfiture des Espagnols a commencé vers midi et dure
jusqu'au soir. Le prince de Galles, le roi de Majorque, don Mar-
tines de la Carra, commandant en chef des forces navarraises,
font flotter leurs bannières sur des hauteurs pour rallier leurs
gens. Le prince de Galles tend la main à don Pèdre qui veut
s'agenouiller devant lui, et Finvite à rendre grâces à Dieu seul de
la victoire qu'ils viennent de remporter*; il charge quatre che-
1. En 1370, don Enriqae fit abandon de certaines redcTanoes assises
sur le cbiâteau de Najera en fareur de l*abbé et des moines da monas-
tère de San MiUan, parce que cet abbé et ces moines araient pris soin
de recneillir sur le champ de bataiJle de Najera les cadavres des par^
titans du roi de Castille tués dans cette journée et leur avaient rendu
les derniers honneurs. Sandoral, Fundaciones, F> 90.
2. La Najerilla, dont une crue subite, d'après la rédaction d'Ayala
dite Abreviada (I, 557, note 2), augmenta le désastre.
3. « Don Garcî Alrarez de Toledo, Maestre que fiiera de Santiago. »
Quelques lignes plus loin, don Pero Lopez de Avala se mentionne
lui-même parmi les prisonniers : « E Pero Lopez de Ayala. > I, 557.
k. c Don Pero Moniz, Maestre de Calatrava. i
5. Cette date est parfaitement exacte, a SabiUo ires dîas del mes de
«bril Uegamos cerca de Najara.... é peleam cicon el traydor del
Conde.... >, écrivait don Pèdre lui-même dans une lettre datée de
Burgos le 15 avril suivant et adressée aux habitants de Murcie. Cas-
cales, Hist, de Murcia.
6. Ici encore, Froissart semble copier le héraut Chandos :
Le roy daun Pètre est venus
Au prinw, qui moult fa ses dnu ,
vn — 4
XTiu CHRONIQUES DE J. IKOISSART.
▼aliers et quatre hërauts d'aller sur le champ de bataille comp-
ter les morts. Les pertes des Espagnols s'ëlèvent à dnq mille
soixante hommes d*armes ^ et à sept mille cinq cents fantassins et
gens de commmiautës, sans compter ceux qui se sont noyës dans
a rivière de Najera et dont on n'a pu retrouver les cadavres.
Les Anglais, an contraire, n ont à regretter que quatre chevaliers,
deux Gascons, un Anglais et un Allemand, vingt archers et qua-
rante simples soudoyers. Les vainqueurs passent ce samedi soir
et le lendemain dimanche de [la Passion '], en fêtes et en réjouis-
sances. P. 46 à 48, 291 et 292.
A la prière du prince de Galles, don Pèdre accorde le pardon
aux seigneurs espagnols, faits prisonniers à Najera, qui ont pris
es armes contre lui et consent à recevoir leurs serments. Il em-
brasse même son frère don Sanche *, et lui promet d'oublier sa
conduite passée. Gomez Carrillo est seul excepté de l'amnistie, et
on lui tranche la tête séance tenante *.|Don Pèdre, don Sanche,
Et lui ad dit : « Nostre cousin chier,
Je TOUS doi bien remercier.
Car à jour de huy m'avës fait tant.
Que jammès jour de mon Tirant
Je ne le pnrray desservir. »
— c Sire, fist il, vostre pleisir,
Merciés Dieu, et noun pas moy ;
Car, par la foy que tous doy.
Dieux Fad fait, et noun mie nous. »
1. Le corps de du Gnesclin perdit à lui seul quatre cents hommes
d*armes, la moitié de son effectif : « E con Mosen Beltran de Claouin
fueron muertos estos que aqui dirémos : Garci-Laso de la Vega, Suer
Perez de Quifiones, aancho Sanchez de Rojas, Juan Rodriguez Sar-
miento, Juan de Mendoza, Ferrand Sanchez de Ângulo é otros fasta
quatrocientos omes de armas. » Ayala, I, 557.
3. Ayala et les chroniqueurs espagnols appellent ce dimanche el
domingo de Lataro, c Ga la batalla tuera el sabado antes del domingo
de Lazaro, é el domingo estovieron en el campo. b Ayala, I, 559. —
La bataille de Najera se livra en effet la Teille du dimanche, dit en
France de la Passion ^ qui tomba en 1367 le k avril. Cette annëe, le di-
manche de Pâque ûewrie ou des Hameaux, que Froissart a substitué par
erreur au dimancne de la Passion, tomba seulement le 11 avril, c'est-
à-dire huit jours après la victoire du prince de Galles.
3. Don Sanche, frère naturel de don Pèdre et Tun des frères de don
Enrique, avait partage avec du Guesclin le commandement de TaTant-
garde castillane et aTait été fait prisonnier en même temps que le
chevalier breton.
4. D'après Ayala, le chevalier, qui fut ainsi tué par don Pèdre le
soir même de la bataille de Najera, s'appelait don Inigo Lopez de
SOHMAIBE DU PREBIIER UVRE, $$ 577-594.
le maître de Calatrava et les deux marëchanz de Tannée anglaise
marchent ensuite sur Burgos; le lundi matin, ils arrivent devant
cette ville dont les habitants leur ouvrent aussitôt les portes*.
Le prince de Galles, de son côte, après avoir fait halte à Bri-
viesca, du lundi au mercredi , vient dans la journée du mercredi
rejoindre son avant-garde sons les murs de Burgos où il établit
son camp et tient cour plénière *. P. 48 à 51 , 292 et 293.
Le prince anglab et don Pèdre célèbrent la fête de Pdques*
dans la ville de Burgos et y séjournent plus de trois semaines.
Mis en demeure d'exécuter ses engagements et de payer à ses
auxiliaires l'indemnité de guerre convenue , le roi de Castille dit
qu'il n'a point d'argent, mais qu'il va se rendre m la marche de
Séville pour s'en procurer *, et il promet d'être de retour au plus
tard au terme de la Pentecôte, n se dirige en effet vers Séville,
tandis que le prince de Galles va se loger à Valladolid. P. 51,
52, 293 à 295.
La victoire de Najera porte à son comble la renommée et la
gloire du prince de Galles, spécialement en Allemagne et en An-
gleterre; et les bourgeois de Londres donnent à cette occasion
une (ête triomphale. En France, au contraire, la nouvelle de
Orozco; il arait été fait prisomiier par un cheTaller gaicon (Croniea
del Rgy Don Pedro primero^ I, 562; 1367, cap. xix). Cest le lendemain
dimanche teulement que Gomez Carrillo et Sancho Sanchex Moscoto,
grand commandeur ae Santiago ou de Saint-Jacques, livrés i don
Pèdre, furent aussitôt décapités devant la tente et par Tordre du roi de
CastiUe.
1. Don Pèdre ne partit pour Burgos, en compagnie du prince de
Galles, que le lundi 5 avril; il ne put par conséquent arriver dans
cette rille le même jour. « E el lunes partieron todos para Burgos. »
ihid,^ I, 559.
2. Le prince de Galles et le duc de Laneastre campèrent d'abord,
le premier à Las Huelgas, le second à San Pablo, monastères situ<<s
dans la banlieue de Burgos; ils ne firent leur entrée dans la rille
même que deux jours après don Pèdre (Ayala, I, 563).
3. En 1367, Pâques tomba le 18 avril.
4. Par acte daté de Burgos, en Téglise cathédrale, devant le grand
autel» le 2 mai 1367, en présence de Jean, comte d'Armagnac, de Jean
Qiandos, vicomte de Saint-Sauveur, connétable d'Aquiuine, de Tho-
mas de Felton, sénéchal d'Aquitaine, de Martin Lopez, d'Olivier de
Qisson, de Robert Knolles, de Baudouin de Fr^ville, sénéchal de Poi-
tou , don Pèdre confirma les engagements pécuniaires qu'il avait pris
envers le prince de Galles le 23 septembre précédent; et par un autre
a ete, date du monastère de Las Huelgas près Burgos le 6 mai, il s'obli-
gea à payer an dit prince un million d*or. Rymer, m, 825.
CHRONIQUES DE J. FROISSART*
cette victoire produit la plas pénible impression , surtout quand
on apprend que Bertrand du Guesclin * et le marëchal d'André-
hem' ont ëté faits prisonniers. P. 52 à 54, 295 et 296.
1. Bertrand du Guesclin perdit ton sceau dans le tumulte de la
mêlée : c .... maxime in bello Nadrensi in quo, prout notorium erat,
dictus connestabuiarius captus fuerat et sigiilum suum ac omnia bona
Bua perdiderat. > Arch. Nat.^ sect. jud., X'*38, f» 246. — Bertrand
aTait ëté pris par un chevalier anglais nommé Thomas Chejne, auquel
Edouard III le racheta le 20 juillet 1367 au prix de quatorze cent
quatre*Tingt-trois lÎTres, six sous, six deniers « pur la fynance de Ber-
tram de GucscItu, chivaler, pris en la bataille de Nazare ». Le 28 mai
1381, John et William Cheyne, frères et héritiers de Thomas, rëcla-
maient encore le payement de cette somme, et Richard II donna des
ordres pour qu'il leur fût donné satisfaction (Rymer, ëdit. de 1740,
t. III, pars II, p. 133). D*après Cuvelier, le prince de Galles confia la
garde ae du Guesclin au captai de Buch qui nt coucher dans sa propre
chambre le vainqueur de Cocherel :
« Par foy ! bien tous en croi, dit lî castal soubtiz ;
Delez moi, en ma chambre, sera fais vostre lis. »
Chron, de 'È, du Guesclin^ ëdit. de Charrière,
I, 426, vers 12191 et 12192.
2* Le marëchal d'Audrehem, qui ëtait, suivant l'expression d'Ayala,
c Frances de Picardia », fait prisonnier à la bataille de Poitiers, avait
étë relâche, suivant l'usage, avant d'avoir entièrement paye sa rançon ;
mais il avait prête le serment de ne pas porter les armes contre le roi
d'Angleteire ou son fils, à moins que ce ne fât sous la bannière du roi
de France ou d'un prince de sa famille, de quelqu'un des Fleurs de Lis.
Le lendemain de la bataille de Najera, le prince de Galles, ayant fait
comparaître devant lui le sire d'Audrehem , l'appela parjure et traître
et lui dit qu'il méritait la mort. Toutefois un tribunal d'honneur, com-
pose de douze chevaliers, quatre Anglais, quatre Gascons et quatre
Bretons, dëclara, après un débat contradictoire, que le marëchal n'était
point coupable. Le système de défense du chevalier français, reconnu
valable par ses juges, consista à dire qu'il n'avait point viole son ser-
ment de ne porter les armes ni contre le roi d'Angleterre ni contre
son fils, puisqu'à Najera il s'était battu en rëalitë contre don Pèdre ,
non contre le prince de Galles qui n'avait ëtë, à le bien prendre , dans
cette joumëe qu'un capitaine a la solde du roi de Castille : a ca el
Capitan ë cabo desta batalla es el Rey Don Pedro , ë à sus gages ë &
su sueldo, como asoldado ë gagero, venides vos aqui el dia de noy, é
non venides como mayor desta hueste. i Cronicas de Cattilla^ I, 558
et 559.-^ Le marëchal d'Audrehem fut, comme du Guesclin, mis en
libertë sous caution dès les premiers mois de 1368 , et le comte de Foix
prêta six mille francs d'or a Amoul pour l'aider à payer sa rançon que
Charles V, par mandement en date du 2 mars, imputa sur les aides
du Languedoc {Bibl, Nat., Collection des titres originaux, au mot jàu-
dene/um). Dans des lettres de quittance générale qui furent dëlivrëes
au neux guerrier à Vincennes le 9 février 1370 (n. st.)t on trouve les
i
f
1
SOBIMAIRE DU PREMIER LIVRE, SS ^77-594. m
Don Eoriqae vainca avait gagne l'Aragon^ Arriva à Valence',
3 confie sa femme et ses enfants ' à la garde du roi don Pedro IV,
en guerre avec le prince de Galles; il se rend ensuite à Mont*-
pellier^ auprès du duc d'Anjou son allie, et, du chitean de
ligoei saiTantet qui tradaiient avec force la reconnaisiance du fouTe-
lain pour des services tout à fait exceptionnels : c .... redncentes illese
fidelitatis consoientiam et obsequia.... utilia reipublice regni nostri,
tam in premissia qaam etiam in aliis magnis, ardais et secretis, et fir-
miter tenentes et indubie quam dictas oonsiliarius noster, qai famosui
ezistit et génère et animo nobilis, quem non semel sed plories pro-
priam corpos mortis periculo certum est boncrifice submisisse pro statu
prospère rapublice regni nostri, et hostes ipsum duxisse et dactam
aia tenaisse captiyum, pro quibus excessiras redemptiones non de
lacili habitas exsoirisse dinoscitnr, omni prorsos spreta cupidine, re-
eeptas qaasconqae pecuniarnm summas per ipsam de ino mandato Tel
SQo nomine, in premissoram et aliorum conunissorum eidem execu-
ôone, atiliter exposait, nec ad acqairendam pecuniam, sed ut daret
actas nobiles, famam et bonorem , quse post mortem laudem et glo*
riam remémorant acquirentinm....» jérch. Nat,^ JJlOO, n* 35. — Le
fidèle et Taillant soldat, qui avait si noblement serri la France pendant
plus de trente ans, aTait bien le droit d*étre enterra k Saint-Denis, k
eôtë de nos rois, et c'est en effet le suprême bonneur que Cbarles Y
conféra au plus digne compagnon d'armes de du Guesclin.
1. Don Enrique, pour mieux fuir, ëcbangea le grand et massif destrier
bardé de fer qu'il aTait monté pendant l'action , « un caballo grande
mcio castellano é armado de lorfga », contre un genêt, a caballo gi-
nete », c'est4-dire une monture plus lëgère que lui donna un écujer
de l'AlaTa, nommé Rui Femandez de Gaona {Cronicas de CastUla^ I,
559). Le destrier fut pris par les Anglais, car nous apprenons par un
fragmcBt de compte, en date du lundi 5 juillet 1367, qu'Edouard III
fit payer seize liTres, treize sous, quatre deniers, à Franskin Forsett,
Talet d'écurie du prince d'Aquitaine : c ducenti domino régi quemdam
dextrarium Henrici bastardi Ispaniae, captum apud bellum de Nazerr. »
Rjmer, édit. de 1830, III, 825.
â. Don Ënrique n'alla pas à Valence. De Najera, il gagna Soria,
puis Ulueca, en Aragon, d'où don Pedro de Luna, qui devait dcTenir
{>las tard l'antipape Benoit XIII, serrant de guide au fugitif a traTert
es montagnes, le conduisit lui-même à Ortbez, à la cour du comte
de Foix.
3. A la première nouTelle de la défaite de son mari, do&a Juana,
femme de don Enrique, emmenant aTec elle l'infante Léonor d* Aragon
fiancée à son fils , aTait gagné précipitamment Saragosse dont l'arcbe*
Tê<pie, de la famille des Luna, lui était déToué; mais don Pedro IV,
roi d'Aragon, la reçut fort mal, rompit le mariage projeté entre sa
fiUe Léonor et le fils de don Enrique et ne se fit aucun scrupule d'en-
trer en négociations aTec les Tainqueurs de Najera.
4. En ^ttant Ortbez, don Enrique se rendit d'abord à Toulouse
oà téàdaat alors le due d'Anjou. '^
un CHRONIQUES DE J. FROISSA&T.
Boqaemanre * qui lui est assigne pour r^denoe , il fait des in-
cursions dans la principauté d'Aquitaine. Sur les plaintes de la
princesse de Galles, le roi de France adresse à ce soget des repré-
sentations à don Enrique et fait même enfermer au Louvre le
jeime comte d'Auxerre qui enrôle des gens d'armes pour les
amener au roi détrôné de Gastîlle. Don Enrique, à la tête de
quatre cents Bretons qu'il a pris à sa solde, n'en ouvre pas moins
les hostilités, envahit le Bigorre et s'empare de Bagnères. P. 54
à 56, 296 à 298.
Le prince de Galles se tient à Valladolid jusqu'à la Saint-Jean ^
d'été. Étonné de ne pas recevoir de nouvelles du roi de Gastille,
il envoie deux de ses chevaliers à Séville demander à don Pèdre
, pourquoi il ne tient pas ses engagements. Celui-ci répond que ses
sujets refusent de lui payer aucuns subsides tant que les Compa-
gnies, qui mettent JK>n royaume au pillage , ne seront pas sorties
d'Espagne. Pendant ce séjour du prince à Valladolid, le roi de
Majorque tombe malade, et l'on met en liberté moyennant rançon
ou l'on échange le sire d'Audrehem , le Bègue de Villaines et la
plupart des chevaliers de France et de Bretagne faits prisonniers
à Najera. Informé que don Enrique vient de recommencer la
guerre en Bigorre ', le prince ne veut à aucun prix délivrer Ber-
1. Tarn, air. Gaillac, c. Rabastens. Dès le 24 mai 1367, don En-
rique se trouTait à Serrian (Hérault, arr. Béziers) d'où il adressa au
roi d'Aragon une lettre qui a étë publiée par Zurita {Anales de Aragon y
édit. de 1610, 1. 9, p. 348). Dans cette lettre, le yaincn de Najera
annonce à don Pedro IV qu^il est sur de Talliance effectiTe du roi de
France et du duc d'Anjou , et qu'il Ta lever un corps de trois mille
lances. Une autre lettre de don Enrique, adressée à « son très cher et
amé frère » le dur d'Anjou, en date au 8 septembre 1367, est datée du
château de Roquepertuse (Hay du Chastelet, EUt, de du GueseRn,
p. 320). Dès la fin ae juin 1367, le compte du receveur municipal ou,
comme on l'appelait dans le pays, du boursier de Millau, en Rouergue,
est rempli de mentions relatives à l'approche de don Enrique et de
ses bandes. Le 9 juillet, les Aragonais^ car c'est ainsi que les désigne
le consul boursier de Millau, livrent un violent assaut à Nant (Aveyron,
arr.' Millau) et sont repoussés par Penni Terréta et le bour de Cau-
Ï>ène. Pendant ce temps, don Enrique, arrivé dans le Camarès et sur
es montagnes de Brusque , menace en personne Vabres et Saint-
AfTrique. Le Rouergue sous les Anglais^ par M. l'abbé Joseph Rouquette,
Millau, 1869, p. 88 à 92.
2. 24 juin 1367. Don Pèdre avait promis de payer la moitié de sa
dette dans un délai de ouatre mois, pendant lequel l'armée auxiliaire,
soldée par lui, occuperait la province de Valladolid.
3. C est /ans doute pour se procurer de l'argent en vue de cette
SOMMAIRK DU PREMIER UVRB, $$ 577-594. xxiii
traml du Goesdin, dans la crainte qu'il n'aille prêter assistance
an bâtard de Casdlle. P. 56 à 58, 298 et 299.
Edouard, irrite de la maoTaise foi de don Pèdre et très*
éptfm^é par le climat brûlant de l'E^Mgne*, se décide à re-
prendre le cbemin de la Gayenne; i) laisse à Valladolid le roi de
Majorque, encore trop malade pour remonter à cheval ou se faire
port^ en litière. Il effectue son retour par Madrigal, campe pen-
dant un mois dans la vallée de Soria, sur les confins de la Cas-
tille, de TAragon et de la Navarre, et réussit, à la suite de longs
pourparlers, à se faire octroyer par les rob de Navarre et d'Ara-
gon le passage a travers leur pays. Il préfère, comme plus direct,
le passage par la Navarre, dont le roi raccompagne jusqu'au pas
de Rcmcevaux. Après une halte de quatre jours i Rayonne, il
Ittion, que don Euriqae, retiré dans son comté de Getienoo,
Tendit an roi de France, par acte daté du chateaa de Serrian le 2 jnin
1367, le dit comte, comprenant notamment les ehlteanx de Cettenon
(Hérault, azr. Saint'-Pons, c. Saint-Chinian) et de Théun (Hérault,
air. Béaen, c. Murriel), an prix de ringt-tept mille francs d'or.
Anoel Chotard, conseiller du roi, et Jean de Beuil, eheraKer, cham-
heilan du duc d'Anjou, commis par ces deux princes, passèrent le
contrat de rente « dans la chambre oA Henri, roi de dstille, couchoit a .
Le 6 juin, le duc d'Anjou; ayant ratifié cet achat dans une réunion de
son Grand Conseil, tenue à Nimes, ordre fut donne à maître Jean
Pcrdi^er, recereur général de Languedoc, de verser la dite somme
an roi d^ Castille. Le 27 du même mois, dofta Juana, femme de don
Enrique, et Juan, infant de Castille, leur fils, ratifièrent à leur tour
cette Tente à Thézan où le mauTais accueil du roi d'Aragon les avait
déterminés à se rendre {jirch, Hat», seot. hist., J300, n** 109 à 109*).
— c Entendiendo esto el Rey Don Enrique y que los Ingleses se salian
de CastiUa y que el Principe de Gales no ténia pensamiento de quedar
en Espafta ni râler mas à su adrersario, apressurava el négocie y con-
certo se con d Conde de Auserta (Auxerre) y con el seflor de Benjo
(Beanjeu) y con el seftor de Vinay, para que con dos mil lanças y con
qninientos archeros hiziessen guerra en el ducado de Guiana hasia
Nnestra Sefiora de setiembre (8 septembre 1367); e hizo su capitan
général en Guiana al Conde de Auseru. t Zuriu, JnaUsj édit. de 1610,
p. 350.
1. a Edwardus princeps, per idem tempns, ut dicebatnr, intoxioatus
luit ; a quo qnidem tempore nsque ad nnem rilK suse nunquam ga-
risus est corporis sanitate. Sed et plores, strenui et ralentes, post ric-
toriam Hispanicam , flnxu rentris et aliis infirmitatibus perierunt
ibidem, ad magnnm detrimentum anglicani regni. » Thomm fFaitingham
kitt, €mgl. (1272-]381), London, 1863, p. 305 et 306. — c Post hsec
pcriit populus angUcanus in Hispania de floxu rentris et aliis infirmi-
tatibus quod rix quintns homo redierit in Angliam. » Knygbton, dans
Twyiden, p. 2629.
CHRONIQUES DE J. FROISSART.
rentre à Bordeaux et donne congé à ses gens^. Toutefois, il ne
peut licencier sur-le-champ les Compagnies qui attendent toujours
le payement de leur solde. A la nouvelle du retour du prince ,
don Enrique quitte Bagnères et va passer tout Thiver à la cour
du roi d'Aragon son allié ', où il se prépare à recommencer la
guerre contre don Pèdre, leur ennemi commun. P. 58 à 62,
299 à 302.
1. Le prince de Galles rentra en Guyenne et arrira à Bordeanx dans
les premiers jours de septembre 1367. Dès le 14, le 15 et le 16 de ce
mois, quelques-unes des bandes qu'on Tenait de licencier arrivèrent
aux portes de Montpellier sous les ordres d*Amaud Solier, dit le Li-
mousin, de Perrin de Savoie et d'Yvon de Groeslort {Groesiort est sans
doute une corruption de Keranloet; Yron de Keranloet ou de Kerloet
guerroyait alors dans le midi de la France^. Comme on n*osait yen-
anger par crainte des Compagnies, le Limousin prêta vingt lances
aux bourgeois de Montpellier, a per gardar lo labor de vinoemias. >
Thalamus parvtts, p. 381.
2. Cette assertion est très-inexacte. Don Enrique ne se rendit point
auprès de don Pedro IV, qui venait de conclure un traité d'alliance
avec les rois de P^avarre et d'Angleterre. Ce que le rival de don Pèdre
pouvait alors attendre de mieux du roi d 'Aragon , c'était une sympa-
thie dissimulée et une neutralité effective. II chercha et il trouva un
allié plus puissant , et cet allié ne fut autre que le duc d'Anjou , lieu-
tenant en Languedoc du roi de France. Nous avons été assez heureux
pour retrouver le texte d'un traité secret qui avait échappé jusqu'à ce
jour à toutes les recherches. Par acte daté d'Aigues-Mortes au diocèse
d'Arles, le 13 août 1367, don Enrique, roi de Castille et de Léon, re-
présenté par Alvarez Garcia , chevalier, Pero Femandez de Velasco,
damoiseau, ses conseillers, et Gomez Garcia, chancelier de son sceau
secret, et Louis, duc d'Anjou, représenté par François de Périllos,
vicomte de Rodes, et Pierre d'Avoir, seigneur de Chateaufromont ,
contractèrent une alliance offensive et défensive contre Edouard , roi
d'Angleterre, et ses enfants, spécialement Edouard, prince de Galles,
Jean, duc de Lancastre, et Lionel, ainsi que contre Charles, roi de
Navarre, et don Pèdre a qui nuper dictum regnum Castelle tenere
solebat 9. ^rc A. Nat,^ sect. hist., J 1036, n» 26. — Don Enrique confirma
ce traité au château de Roquepertuse le 8 septembre suivant {Hay du
Chastelet, Hut, de B, du Gueschn^ p. 320). Par conséquent il ne se mit
pas en marche pour rentrer en Espagne t^ers le milieu d'août, comme
l'affirme Mérimée {Hut, de don Pèdre, édit. de 1865, p. 499). Vers la
fin de septembre au plus tôt, le vaincu de Najera, entrant par la vallée
d'Aran dans le comté de Ribagorza, ne fit que passer à Estadilla et à
Balbastro, villes qui font partie de l'Aragon*, il ne s'arrêta que devant
Calahorra, c'est-a-dire lorsqu'il eut mis le pied en Castille. (Zurita,
Anales, édit. de 1610, II, 349.) Le duc d'Anjou avait chargé le séné-
chal de Carcassonne et Bernard de Villemur de faire la conduite à son
allié jusqu'à l'entrée de la vallée d'Aran (Dom Vaissete, IV, 580,
note zxvn).
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, SS ^*77-594. zxt
Bertrand du Guesclin, amène à Bordeaux * où il est le prison-
nier du prince de Galles et de Jean Chandos, est mb en liberté
moyennant le payement d'une rançon de cent mille francs '. A
peine délivre, Bertrand vient servir le duc d'Anjou* qui fait alors
la guerre à la reine de Naples, comtesse de Provence \ et assiège
1. Les poiirparlen , relatifs a la rançon et à la mise en liberté de
Bertrand da GuescHn , commencèrent dès les premiers jonrs de dë-
cemUe 1367, car Charles V s*exprime ainsi dans une lettre auto-
gru>he adressée à son trésorier Pierre Scatisse et datëe de Paris le
7 décembre de cette annëe : a Seiez ausin bien vfisé que au prince
nous sommez obligez, pour la delirrance Bertran de Caclin, en xxx
mile doblez d*Espaine ou la valeue, à paier en ti moiz aprez sa déli-
vrance, la moitié lez m premierz moiz aconpliz puiz son département
de prison, et l'autre moitié en la fin dez ti moiz. Sjr ne savonz encore
se le ait prince asetera la dite obligasion; et sy toit que nouz le saron, nouz
te 90US ferons savoir, s Arch. Hat,^ sect. hist., K 49, n* 34*; Musée des
jérckires^ p. 319 et 220.
2. Le prince d'Aquitaine et de Galles accepta Tobligation da roi de
France dont il est question dans la note précédente, et Bertrand da
Guesclin, duc de Trastamare, comte de Longuerille, fut mis en liberté
â Bordeaux, le 27 décembre 1367, jour où, ayant pris rengagement
de payer aa prince cent mille doubles d'or, des coin, poids et aloi de
Castilie, à savoir soixante mille doubles trois mois, et les quarante
mille doubles restants, six mois après sa mise en liberté, il donna hy-
pothèque sur tous ses biens à Charles Y qui s'était obligé envers le
prince pour les trois dixièmes de cette somme, c'est-â-dire pour trente
mille doubles d'or {Arch. iVa/., J381, n» 7; Charrière, II, 402 et 403).
En effet, le 31 mars de l'année suivante, Pierre Scatisse, trésorier da
roi à Nîmes, en vertu d'un mandement de Charles Y, daté de Melun
le 5 mars précédent, autorisa Jean Perdiguier, receveur des impo-
sitions en Languedoc , à payer sur les deniers de sa recette quinze
mille doubles d'or d'Espagne au prince d'Aquitaine , à Poitiers (J381,
n« 8 • et *; Musée des Archives^ p. 220).
3. Dès le 7 février 1368, Bertrand du Guesclin, déjà sorti de sa
STÎson de Bordeaux, était de passage à Montpellier, se rendant à
limes où il allait, en compagnie du maréchal d'Audrehem, rejoindre
le duc d'Anjou (Thalamus parvus, p. 382). Le 26 du même mois, le
duc de Trastamare, comte de Longueville, reparaissait à Montpellier;
il venait d'enrôler, pour une campagne en Provence, le bâtard de l'Ile,
Perrin de Savoie, le Petit Meschin, Noli Pavalhon, Amanieu d^Ortigue
et autres chefs de Compagnies qui désolaient les environs de cette
viUe {nid.).
4. Au commencement de 1368, Louis, dnc d'Anjou, à qui l'empe-
reur Charles IV avait cédé en 1365 ses droits sur le royaume d'Arles,
résolut de profiter de la présence de Bertrand du Guesclin et de l'ab-
lence de Jeanne, reine de Naples et comtesse de Provence, pour les
ûire valoir; dans les premiers joars de mars de cette année, il passa
le Rhdne et envahit la Provence (Dom Yaissete , Hist, de Languedoc^
IV, 335).
xxYi CHRONIQUES DE J. FROISSART.
Tarascon ^. — Le lundi après la Trinité ' 1368, lion, doc de da-
rence, l'un des fils d'Edouard III, après avoir traverse au milieu
des fêtes la France, le duché de Bourgogne et la Savoie, se marie
à Milan à la fille de Galeas Visconti, seigneur de Milan, et de
Blanche de Savoie, nièce du comte de Savoie. P. 62 à 64, 302
et 303.
Le prince de Galles invite les Compagnies, dont Tefiectif s'élève
à six mille combattants, à vider sa principauté d'Aquitaine. —
Noms des principaux chefs de ces Compagnies. — • Chassées de la
Guyenne, les Compagnies entrent en France* qu'elles appellent
leur chambre, passent la Loire et s'établissent en Champagne ^,
1. Bertrand du Guesclin assiégea Tarascon du samedi 4 mars an
lundi 22 mai 1368. Après une résistance de deux mois et demi, la ville
se rendit au duc d'Anjou {Thalamus parvus, p. 382). C'est pendant ce
siège que Bertrand leya une contribution de guerre de 5000 florins
sur les habitants d'Avignon et du Comtat Çireh, Nat,^ sect. hist.,
L377). Par uneJhuUe datée de Montefiascone le 1*^ septembre suivant,
le pape Urbain V, indigné de cette vexation, donna 1 ordre à l'official
d'Avignon de faire le procès de « Bertrandus de Clexquino, cornes de
Longavilla, Noljus Pavalhanus ac Parvus Meschinus, Bosonietus de
Pau et Petrinus de Savoye, capitanei cujusdam gentis armigere atque
detestabilis et perverse, que Societas appellatur. i Arch, de Faueluse^
série B-7 (registre des hommages de la Chambre apostolique).
2. Le lundi après la Trinité tomba en 1368 le 5 juin. Lionel, duc
de Qarence, dont la suite se composait de 457 serviteurs, parmi
lesquels figurait Froissart, et de 1280 chevaux, s'arrêta à Paris, au di-
manche 16 au jeudi 20 avril 1368 {Grandes Chroniques^ VI, 251 et 252).
Le prince anglais passa aussi quelques jours à Bourg en Bresse où
Amédée VI, comte de Savoie , faisait alors sa rësidetice {Arch, de la
Càte-^Or, B9292 et 9293; Invent., III, 398).
3. Les Compagnies, congédiées par le prince d'Aquitaine au retour
de son expédition en Espagne à la fin de 1367, se répandirent d'abord
en Auvergne et en Berry. A l'entrée du mois de février I3689 le gros
de ces handes passa la Loire à Marcîgnj-les-Nonnains (aujourd'hui
Marcigny, Saône- et-Loire, arr. CharoUes, sur la rive droite de la Loire,
près de Semur). Ces brigands restèrent quelque temps en Maçonnais,
ils entrèrent ensuite en Bourgogne, dans le duché; mais le défaut de
vivres les força bientôt d'évacuer cette [région , le duc Philippe ayant
eu soin de faire tout mettre en sûreté dans les forteresses {Grandes
Chroniques, VI, 249 ; Arch, Nat.^ JJ115, n« 66). Us envahirent l'Auxer-
rois où ils s'emparèrent des églises fortifiées de Gravant et de Ver-
manton (JJ 122, n* 221 ; JJ 111, n» 355).
4. A Gravant, la Grande Compagnie se divisa en deux bandes.
Tandis que l'une de ces bandes, composée de huit cents hommes d'ar-
mes anglais, passait l'Yonne et entrait en Gâtinais, l'autre bande, où
l'on comptait environ quatre mille combattants et dix mille pillards.
SOBOiÂlEtE DU PREMIER LIVRE, §$ 577-594. xxtii
dans Pardievêchë de Reims, les ëvêchës de Nôyon et de Sois-
sons. Elles se disent envoyées par le prince de Galles, et le roi
de France donne an seigneur de Clisson^, devenu l'un de ses
fifcvoris, le conunandement suprême des forces chargées de les
combattre. — D'un antre cAté, le mariage du seigneur d'Alfaret
avec [Marguerite*] de Bourbon, l'une des sœurs cadettes de la
rdne de France, qui a lieu sur ces entrefaites , excite au plus
haut degré le mécontentement du prince de Galles. P. 64 à 66,
304 et 305.
Edouard f dont les dettes ont été accrues par les frais de
Fexpéditioii d'Espagne, prend le parti, pour se mettre en me-
sure de les payer, de lever dans sa principauté d'Aquitaine un
fouage qui doit durer cinq ans*. Les habitants du Poitou, du
limousin, de la Saintonge, de la Rochelle, convoqués à Niort
par le conseil de Févèque de Bath*, chancelier du prince, se
femmes et enfants, passait la Seine, PAube et s'établissait en Cham-
pagne cm elle occupait Épemay, Fismes, Coincy-l' Abbaye, Ay (Gr,
Ckrom., YI, 250 ; JJ 100, n* 24 ; JJ 104, n*» 192, 211, 226). — Le sa-
medi 18 mars 1368, la Grande Compagnie mit le siège derant le fort
de Villien-Saint-Benoit (Yonne, arr. Joigny, o. Aillant), au bailliage
de Cepoy, qui se racheta après huit jours de résistance an prix ae
300 liinres (JJ99, no 594).
1 . Olirier, sire de Clisson, envoyé par Charles Y contre les Com-
pagnies oui infestaient la Beauce et la Sologne (JJ 111, n* 72; JJ 103,
n« 209), nt son mandement entre Tours et \^dôme en mai 1368. Jean
de Momfamn, de Tours, qui prit part à cette expédition sons Robert
de Beaumanob, commit sur la route un grand nombre de vols (JJ 122,
nM50>.
2. Froissart donne par eireor à cette princesse le prénom d'Isabelle,
qui était celui d'une de ses saurs morte sans alliance. Arnaud Ama-
nîen , sire d'Albret et ricomte de Tartas , se maria a Marguerite de
Bourbon, l'une des sœurs cadettes de la reine de France, par contrat
passé le 4 mai 1368 {Eut. généaL, I, 300; YI, 210, 211 ; Vin, 445).
Cf. tome YI de cette édition, p. xcvi, note 2, et les Archives hUtorlques
de la Gironde, I, 157 à 159.
3. L'édit fut promulgué à Angouléme le 26 janrier 1368 (n. st.).
Far cet édit, Edouard, prince d'Aquiuine, fixa la taille de la monnaie
pour eînq ans, à raison de 61 livres pour le marc d'or et de 5 lÎTres
5 sous pour le marc d'argent, et fit diverses autres concessions, en
emuidiratian Sun impét que les trois États de Guyenne^ réunis à Angou-
UwÊe^ avaient permis Rétablir pour cinq ans sttr tous les feus de la prinei-
pmaé^ à raison de 10 sous par feu et par an. Archives de Bordeaux^ I, 173
A 177.
4. Jean HareweU, évêqne de Bath et de WeUs, chancelier du prince
d'Aquitaine, obtînt d'Edouard III des lettres de non-préjudice, le 28
noTcmbre 1368 (Rymer, III, 852 et 853).
zxvni CHRONIQUES DE J. FROISSART.
laissent imposer ce fouage; mais les vassaux des hautes marches
de Gascogne, le comte d*Armagnac, le sire d'Àlbret son neveu*
les comtes de Périgord et de Comminges, le vicomte de Caraman
et plusieurs autres seigneur^ refusent de s'y soumettre. Ces hauts
barons viennent à Paris porter leurs plaintes au roi de France à
qui ils en appellent des exactions du prin^ conune à leur sou-
verain. Charles Y les accueille avec empressement, s'engage à ap-
puyer leurs réclamations et les entretient ainsi dans leur résis-
tance. Jean Chandos, opposé à la levée de ce fouage dont on
attend, à raison de un franc par feu, un produit annuel de douze
cent mille francs, voyant qu'il ne peut rien empêcher, quitte de
dépit le Poitou et va passer plus d'un an *■ dans sa terre de Saint-
Sauveur-le-Vicomte, en basse Normandie. P. 66 à 69, 305 à 311.
CHAPITRE XGIII.
BBSTAURATiON DE DON ENBiQUB. — 1367, fin de Septembre, BHTUés
DB DON ENRiQUE EN CASTiLLE. — Fin dtoctobre. BEDOrriON DE
BURGos. — 1368, fin de janvier, prise de l^on. — 1368, avril^
à 1369, fin de mars, siège de tolède. — 1368, 20 novembre,
TRATTÉ d'alliance AVEC LE ROI DE FRANCE ; RETOUR DE BERTRAND
DU GUESCLIN EN ESPAGNE. 1369, 14 marS, BATAILLE DB MON-
TiEL. — 23 mars, mort de don pioRE. — 4 mai, Bertrand dv
GUESCLIN CRÉÉ DUC DE MOLINA (§§ 595 à 600).
Don Enrique prend congé du roi d'Aragon à Valence ^ et entre
en campagne contre don Pèdre à la tète de trois mille cavaliers
1. Jean Chandos arriva à Saint-SauTeur-le-Vicomte vers la fin de
mai 1368 (Delisle, UUt, du château et des sires de Saint-Sauveur; preures,
p. 147). Nous apprenons par un article d'un registre des revenus du
roi de Navarre en Normandie, que Ferrando d'Ayenz, lieutenant du
captai de Buch à Cherbourg, fit abattre un certain nombre de pièces
de gibier dans la forêt de Brix pour fêter la venue du vicomte de
Saint-Sauveur, ce Pour despenz de pluseurs archiers qui furent par
trois jours es forests de Bris chassier et prendre venaisons, en esté
Van Lxviii , pour la venue de messire Jehan Chandos qui ou pais de Cos^
tentin devait venir. » Bibl, Nat,^ ms. fr. n» 10367, f* 130 v«. — Du reste,
Cbandos, comme nous rétablirons plus loin, ne passa guère que cinq
mois, et non un an, en basse Normandie.
2. Vojez le chapitre précédent , p. xxiv, note 2.
SOMBIAIRE DU PREMIER LIVRE, SS !^95-600. zxix
et de six mOle fantassins. Il occupe successÎTement Burgos ^, Val-
ladolid, où le roi de Majorque est fait prisonnier ^, Lëon*. P. 70,
li, 311 et 312.
Après la reddition de Lëon, don Enriqne voit la Galice * tout
entière se déclarer pour lui ainsi que plusieurs hauts barons que
don Pèdre s'est aliènes par sa cruauté. Il met le siège devant
Tolède, au moment où Bertrand du Guesclin, qui est déjà entre
en Aragon après sa campagne en Provence et devant Tarascon
au service du duc d'Anjou, s'avance à marches forcées pour le
venir rejoindre. — Don Pèdre, de son côté, qui se tient en la
marche de Séville et de Portugal, à la première nouvelle du re-
tour offensif de son adversaire, fait alliance avec les rois de Gre-
nade, des Béni-Mérîn et de Tlemcen, qui lui envoient vmgt mille
hommes*, et parvient à réunir sous ses ordres quarante mille
l. Le ^k leptembre 1367, don Enriqoe était à nneUeae de Haetca,
Poù il a daté une lettre adressée à don Pedro Jordan de Urnes, pre-
et il était déjà maître de Burgos le 6 noTembre sutTant, jour où il con<
finna les pririléges des habitants de Cordoue (Pellioer, Mêm, de don
F«m, de los Âios, p. 11).
3. Ce n*est pas à Vailadolid, c'est à Burffos que le mari de Jeanne,
reine de Naples, ancien roi de Majorque, mt fait prisonnier; il pava
on plutôt sa femme paja pour lui une rançon de 80 000 doubles. Ajala,
1367, cap. xxxT.
3. Après la prise de Duefias, dans la Vieille Castille, don Enriqne
rint assiéger Léon dans la seconde quinzaine de janvier et s*en rendit
maître après un siège de quelaues jours. Ajala, 1368, cap. i.
4. Dans les premiers mois ae 1308, la Galice, contrairement à l'as-
sertion de Froissart, dominée par don Femand de Gistro, demeurait
encore fidèle à don Pèdre, ainsi qu'une partie des Asturies; mais
toutes les autres prorinces du nord s'étaient déclarées pour don En-
riqne. Don Pèdre conservait la supériorité dans les provmces du midi,
en Murcie, en Estramadnre et en Andalousie, à Texception de Cordoue
et de quelques petites places de la frontière portugaise.
5. Mohamed, roi de Grenade, amena à don*Pèdre cinq mille géné-
taires et trente mille hommes de pied, dont un grand nombre d'arba-
létriers habiles et exercés. Les Maures mirent le siéffe devant Cordoue,
et ne pouvant prendre cette ville, détruisirent de fond en comble
JaÇn, Ubeda (Ajala, 1368, cap. v, note 1) ; ils enlevèrent du seul terri-
toire d'Utrera , à quelques lieues de Séville , plusieurs milliers de per-
flonnes. Argote de Molma, NobUza de Jndaîucia^^' ^^' — ^* Béni-
MértR ont été probablement les introducteurs en Espagne des moutons
CHRONIQUES DE J. FROISSAAT.
combattants^ tant Chrétiens que Juifs et Sarrasins. «— Sur ces
entrefaites *, Bertrand du Guesclin arrive sous les murs de Tolède
et apporte à Tarmëe assiégeante un renfort de deux mille sou-
doyers*. P. 71 à 73, 312 et 313.
Don Pèdre, après avoir concentré ses forces, quitte SéviUe et
entre en campagne pour faire lever le siège de Tolède*. Par le
conseil de Bertrand du Guesclin, don Enrique, laissant devant la
ville assiégée une partie de ses troupes sous les ordres de don
TeUo, l'un de ses frères, marche avec don Sanche, son autre
frère, et six miUe combattants, l'élite de son armée, à la rencon-
tre du roi de Castille. Il lance en avant des espions pour éclai-
rer sa marche, et, grâce à cette précaution, il tombe à Timpro-
viste, dans les environs de Montiel, sur l'ennemi qui chemine en
1. Un grand érénement diplomatique, dont Froissait ne dit rien,
avait précédé le retour de du Guesclin en Espagne. Le 20 noTembre
1368, à Tolède, « in palatio nostro, in obsidione nostra supra civita-
tem Toletanam », Charles Y, représenté par François de PériUos,
vicomte de Rodes, amiral de France, et par Jean de Rjre, chevalier de
la comté de Bourgogne , seigneur de Balançon (aujourd'hui château
situé en la commune de Therray, Jura, arr. Dôle, c. Montmirej-le-
Château), Charles V, dis-je, et don Enrique, roi de Castille et de Léon,
ayaient conclu un traité d'alliance offensiTe et défensive {Areh, Nat,^
J603, n<» 59; Rymer, III, 850 à 852; Dumont, Corps diplomatiaue^ II,
68 à 70; Hay du ChaBtelet, Hîtt, deB, du Guesclin, p. 320 à 322).
Don Enrique avait remis au roi de France la décision de tous les dif-
férends existant entre lui et don Pedro IV, roi d'Aragon (J603, n» 60;
Dumont, I, 321). Le 8 juin de l'année suivante, a in palatio nostro
nostre civitatis Toletane », en présence de Jean de Berguette , cham-
bellan, e id'Yvon de Keranbars, huissier d'armes, du roi de FVance,
don Enrique confirma, en les précisant, certaines stipulations du traité
du 20 novembre 1368 (J603, n* 61 ; Dumont, II, 74).
2. D'après Ayala (1369, cap. i), François de Périllos et Jean de Rye, les
deux négociateurs au traité français du 20 novembre 1368, promirent,
aussi à don fînrique de lui envoyer Bertrand du Guesclin avec cinq
cents lances. « Otrosi los dichos mensageros dixeron al Rey Don En-
rique como el Rey de Francia le enviaba luego en su ayuda à Mossen '
Beltran de Claquin con quinientas lanzas. n
3. c Le roi, dit Mérimée d'après Ayala, partant de Sérille, traversa
la Sierra-Morena par un de ses cols les moins élevés, probablement en
suivant la route qui passe par Constantina pour aller aboutir à Llerena.
Après avoir franchi sans obstacle, dans les premiers jours de mars
1369, la barrière de montagnes qui sépare l'Andalousie de la Manche,
il fit halte sur un des grands plateaux de cette province, là où s'élevait
autrefois le magnifique château de Calatrava, chef-lieu de l'ordre mi-
litaire de ce nom. Il était alors à quelque vingt lieues de Tolède. »
His$. de don Pèdre, p. 521.
SOMMAIRE DU PREMIKR LIVRE, §& 895-600. zxxi
désordre; il l'attaque maigre une supérioritë numérique de six
contre on et donne l'ordre de ne prœdre personne à rançon.
P. 73 à 76, 313 et 314.
Bertrand du Guesclin et ses Bretons^ ainsi que plusieurs che-
valiers de l'Aragon, font des prodiges de valeur. Du côté de don
Pèdre, les Juifs tournent le dos dès le début de lacticm; mais le
trait des Sarrasins de Grenade et des Béni-Mérin, armés d'arcs et
d'archigaies, produit de grands ravages. Don Pèdre brandit une
hache avec laquelle il donne de tels coups que nul ne l'ose ap-
procher. Don Enrique, précédé de sa bannière, va droit à la
bannière de don Pèdre. Les hommes d'armes qui entourent le roi
de Castille commencent alors à lâcher pied. Par le conseil de don
Femand de Castro, don Pèdre lui-même court s'enfermer avec
douze des siens dans le château de Montiel*. Ce château n'est
accessible que par un défilé dont le Bègue de Villaines se hâte de
garder l'entrée. Vingt-quatre mille hommes restent sur le champ
de bataiUe ', et don Enrique et Bertrand du Guesclin font plus
de trois grandes lieues à la poursuite des fuyards. Cette bataille
se livre sousMontiel le [14 mars 1369*]. P. 76 à 78, 314.
Don Enrique et Bertrand soumettent le château de Montiel au
1. Montiel était une riche commanderie de Saint* Jac^et, dont le
gouverneur, nomm^ Garci Moian, ëtait un des rieux semtenrt de don
Pèdre. c E aqnella noche el alcayde del castillo de Montiel, que era
un Cahallero de la Orden de Santiago Comendador de Montiel , mie
decian Garci Moran , que era Asturiano, él é los snjoa rieron grandes
faccos a dos leguaa del loaar de Montiel, ë ficieron saber al Rey Don
Pedro que pareacian grandes fuegos à dos léguas del castillo donde éi
estaha, é que catase si eran de sus enemigos. » Ayala, 1369, cap. ti.
~ Les feux, dont il est question dans ces lignes d'Ayala, étaient les
torches portées par Tayant-garde de du Guesclin. C'est pour n'avoir
pas tenu compte de Tayis de Garci Moran que don Pèdre fut surpris
et Tainea derant Montiel.
2. L'affaire de Montiel, qui fut une surprise plutôt qu'un combat,
ne fut au contraire nullement sanglante, a E en esta hatalla non mo-
rieron de los del Rey Don Pedro ornes de cuenta, salvo un Cahallero
de Gordoha que decian Juan Ximenes ; ë la razon porque pocos mo-
rieron fné porque los nnos posaban en las aldeas, é non eran llegados
i Ui hatalla ; ë los otros que y eran recogieronse con el Rey al castillo
de Montiel. » Ayala, 1369, cap. yi.
3. Protssart s'est trompe grossièrement en assignant à Taflaire de
Montiel la date du 13 août 1368. c Ë fné esta hataUei miercoles catoroe
dias de marao deste dicho aiko (1369), à hora de prima. » Ayala, 1369,
cap. TI. — Cette date est exacte de tout point : en 1369, le 14 mars
est tombe un mercredi.
zxxii CHRONIQUES DE J. FROISSART.
plus ëtroit blocus. Ce château est très-fort et pourrait faire une
longue résistance, mais il n'est pourvu de vivres que pour quatre
jours. Vers minuit, don Pèdre essaye de s'échapper^ en compa-
gnie de don Femand de Castro et des gens de sa suite, mais il
est fait prisonnier par le Bègue de Villaines, qui garde le passage
à la tète de trois cents compagnons. Il est conduit dans la tente
d'Yvon de Lakouet ', où don E^que se rend aussitôt, et, après
1. Don Pèdre essaya de s^échapper la nuit du 23 mars 1369, dix
jours après le combat de Montiel. Diaprés le récit d'Ayala, fort diffé-
rent de celui de Froissart, don Pèdre, par Tentremise a*un de ses che-
valiers, Men Rodriguez de Senabria, Tun des tenanciers de la sei-
fleurie de Trasiamare, naguère racheté par Bertrand du Guesclin à
emard de la Salle au prix de 5000 florins, don Pèdre, dis-je, aurait
fait proposer à Bertrand de lui donner en héritage Soria, Atienza,
Almazan, Monteagudo, Deza, Moron et de plus 200000 doubles cas-
tillanes d*or, si le chevalier breton consentait à le tirer d'affaire et à
le mettre en lieu sûr; et du Guesclin, après avoir communiqué à don
Ënrique les ouvertures de Men Rodriguez, aurait attiré don Pèdre
hors du château en feignant de se rendre à ses propositions (Ayala,
1369, cap. vin; Chronicon Briocense, dans dom Morice, Preuves de
^Hist, de Bretagne^ I, 4k6; Thalamus parvus^ p. 383).
2. Cet Yvon de Lakouet était entré au service du roi de France le
mercredi 26 avril de l'année précédente, et Olivier de Mauny s'était
porté garant des engagements pris par son compatriote, ainsi qu'il ré-
sulte de l'acte suivant : c Sachent tuit que je Olivier de Mauny, che-
valier, ay promis par la foy de mon corps et juré et jure aus sains
ewangiles de Dieu que, ou cas où messire Yon de Lacouet, chevalier de
Bretaingne, mouvroit ou feroit Compaingnes ou assemblées de gens
ou royaume de France pour grever ou dommager ycellui, aportend
dommage par moy et de tout mon povoir au dit messire Yon et à ses
aliez, par toutes les voyes et manières que je pourrë, si tost et incon-
tinant que par le roy nostre sire ou ses gens en seray acertenez...'; et,
pour ce tenir et non venir contre ou enfraindre, je, à la requeste du
dit messire Yon, me establis pleiges envers le roy nostre sire soubz
'obligacion de tous mes biens meubles et héritages à justicier par
toute justice. Donné en tesmoing de ce soubz mon seel le mercredi
xxvi« jour d'avril l'an mil ccclx et huit, s Arch. Nat,^ J621, n® 72. —
Charles V avait raison de prendre ses sûretés en enrôlant Yvon de La-
kouet. Ce chef de bande était, suivant l'expression consacrée, sujet à
caution, comme le prouve un acte daté de Paris en juin 1368 par lequel
le roi fit grâce à un certain Guillaume Bonnet, âgé de vingt ans, ori-
ginaire de Saint-Germain-du-Plain et demeurant à Chalon, qui, trois
ans auparavant, s'était mis en la route et compagnie c d'un Breton
nommé Lakouet et de ses gens^ qui aloient ou paiz dEspaigne^ lesquelz^
quant il passèrent devant la ColUoinne (aujourd'hui la Colonne, hameau
de Gigny, Saône-et-Loire, arr. Chalon, c. Sennecey), y mistrent et bour
tèrent Us feus en plusieurs Ueux et depuis à Brancion (aujourd'hui Brancion,
Saône-et-Loire, air. Mâcon, c. Toumus). Arch, JUat.^ JJfi9f n<> 236.
SOMMÀIRB DU PRKMIER LIVfi£, $$ 595-600. mm
mk'iébmge de paroles ifijnneuses, une lotte corps à corps s'en-
fage entre les deux frères. Don Pèdre a dTdbord le des^s; Q
terrasse ' son compétiieiir erletient sctis lai;'nuris'le i4comte <fe
Rocabertî S cheraller aragomâa présent à' celte scène , ééfàgt
doD-Enriqne qai tue d'un eoap dedâgue le^reideCastille.' P. 78
à 92,314 à 84».
Le lendeottin de la mort de don Pèdre, le adgnettr dé Montiel
▼ient rendre son château à don £nrique. À la nouvelle de cetle
mort, Tolède ouvre aussitôt ses portes au vainqueur, et le roi de
Portugal, après avoir d'abord dëfië le meurtrier de son cousin et
envahi la marche de Séville, ne tarde pas à faire la paix. Une
fus redevenu attitré et paisible possesseur du royaume dont il a
d^à été investi, don Bnrîque récompense magnifiquement les che-
valiers de France et de Bretagne, qui ont tant contribué à le re-
mettre sur le trône* Bertrand du Guesclin est cfëë connétable de
Castille et giratifié de la terre de Soria * qui vaut par an vingt
1. Le TÎeomte dé Roeabertî est auss! nommé par un auteur catalan
anonyme dont Toici le texte cité par Ltaguno dans ses notes sur Avala :
« Enfonces el Vizconde de Rocaberti diÔ un golpe de la daga al Rey
Don Pedro, y le trastomô de la otra parte. »
2. Par acte daté de Sévîlle le 4 mai 1369, don Rnrique, roi de Ca^
tîHe, de Tolède, de Lëon, de Galice, de Sérille, de Cordoue, de Mur-
cie, de Jaen, d'Algarbe, d^Algecîras et seigneur de Molîna, régnant
a>rec la reine doAa Juana sa femme et Tinfant don Juan héritier des
royaumes de Castille et de Lëon, donna à perpétuité à a messire Ber-
tran de Glaquen, comte de Lon^eville, d 1» son bourg de Molinas
avec le château et raulorisation de prendre le titre de duc de Molina,
S* le bourg de Soria avec le château, 3* le bourg d*Atienza arec le
ehâteaa, 4« le bourg d*Almatan arec le château, t^ Moron, 6® Mon-
teagado, 7® le bourg de I>eza. Don Enriqne ne retint que les minet
d*or, d'argent et d^azur (lazuJite) et te privilège de battre monnaie de
aept ans en sept' ans. Ces donations furent faites à la condition que du
GuescKn resterait au service de don Enriqne, et, après le décès du roi
de Castille, au service de l'infant don Juan, son fils et héritier pré»
iomptif (Dom Morice, Preuves de thitt. de Bretagne^ I, 1628 à 1631].
L'original du diplôme, dont nous venons de donner Tanalyfe, rédigé
en castillan, se trouve aujourd'hui à la bibliothèque de la ville de
Rennes à laquelle tt a été légué par la dernière duchesse de Gesvres ; et
le texte en a été publié par M. André {Buitetin de la Société archéolo^
gique d'IlU^tt'FUame^ t. Vil). — Le duché de Molina et tous les fiefs
énumérés plus haut, ainsi que le comté de Borja donné dès 1366 par le
foi d'Aragon, sont situés dans un rayon assez rapproché. Tout le monde
connaît cette chaîne de montagnes, analogue à nos Cévennes, qui, des
Astories à Gibraltar, coupe du nord au sud la péninsule ibérique en
denx venante très-inégaux, le versant oriental et le versant oceiden-
vn — e
CHRONIQUES DE J. FROISSART.
mille florins. Olivier de Bfaany, neveu de Bertrand, est investi
de la seigneurie d'Agreda ^, d'un revenu annuel de dix mille flo-
rins. Don Enriijue vient tenir sa oour à Burgos où les rois de
France, d'Aragon et le duc d'Anjou lui font parvenir leurs fâi-
citations. -— Mort tragique * de lion d'Angleterre marie à la fille
de Galeas Yisconti , seigneur de Milan ; guerre entre Galeas et
ÉdcNnurd lancer, apaisée par l'entremise du comte de Savoie.
P. 81 à 84, 317 à 319.
tal. Soria se trouTe sur le rersant occidental de cette ekahie, tout près des
raines de l*anti([ue Namance et non loin de la source du Duero, le seul
fleure qui arrose, arec le concours de nombreux affluents, il est rrai,
a Vieille Gastille et Lëon. Le comté de Borja s'ëtendait sur le versant
oriental de cette même chaîne, au bas des pentes de la Sierra Moncajo,
qui sëpare le Duero naissant et ses premiers affluents de la Taille de
'Èbre au milieu de laquelle s'élèye, sur la rire droite, la riUe de Boria,
qui avait donné son nom à ce comté. La seigneurie d'Agreda, cédëe
par don Enrtque à Olivier de Maunj, est précisément à mi-chemin de
Borja et de Soria. La ville forte de Molina (auj. Molina de Aragon,
Srov. de Guadalajara, dioc. de Sigûenza), che^lieu de la seigneurie
e ce nom, érigée en duché en faveur de du Guesdin, est située, comme
Soria, sur le versant occidental de la chaîne dont il s'agit, mais un peu
plus au sud, là où commence la vallée du Tage ou plutôt de son
premier affluent le Gallo ; elle commandait par conséquent la route
qui met Saragosse en communication avec Tolède, c'est-à-dire TAragon
avec la Nouvelle Gastille, la Manche et TEstramadure. Fa 1375, Ber-
trand du Guesclin vendit le comté de Borja à rarchevéque de Sara-
Sosse, moyennant le prix de 27000 florins d'or (^Arch, de r Archevêché
e Zaragoza , d'après une communication de M. le marquis de Santa
Coloma).
1. La ville d'Agreda, cédée à Olivier de Maunj, fait aujourd'hui
partie, ainsi du reste que presque toutes les seigneuries données à du
Guesclin, de la province de Soria.
2. Lionel, duc de Clarence, né à Anvers le 29 novembre 1338, fit
son testament le 3 octobre 1368 et mourut le 17 de ce mois. La ru-
meur publique avant attribué à un empoisonnement la mort de ce
, — . ^ venger, pnt y. *w- .
contre le duc de Milan et reçut à cette occasion , au mois de décembre
1308, les félicitations ainsi que les remercîments du roi d'Angleterre.
Keryyn, OEupres de Froutart^ xvin, 489, 490.
SOMMAIU DU PREBOJSR UYRE, §& 601-610. xzxr
CHAPITRE XaV.
■uiTCix DU THAiTi Di BBÉTiorr. — 1368, Wjanpier. ixHm d'um
fouAOs XN AQUiTAiRB. — Mai et juin, appel point ditaitt lb
mot I» nukKCB PAi Ln baioms db gabcooiib. — 3 décembre.
VAU8ANCB DO DAIJPBm CBUBLBS , l»nns CMUOMB VI. -^ 1368, ,
fin de décembre^ et 1369, Janvier, mâamojif db l'appbl d»
BABOHS db GAflCOGBB BT CITATIOff ADBBSSÏB AU PBOfCB DB GALLES.
— 1369, premiers mois^ défaitb db thomas db wbtbhmalk,
S^arrfCHAL AKGLAI8 DU BOUBRGUB, PBÉS DB MORTAUBAB. — * BBTOIIB
DB JBAB CBAVDOB EN GUYBirBB ; SOU ABBIVl^ A MOUTAUBAB. —
IDVTIJBB DBS BiCGOATIOBB BT D^CLABATIOIf DB GUBBBB.— 29 Of^rii,
BXDDinOir d'abBBTILLB BT du POHTIBO au BOI db] IBAirOB
(SS 601 JL 610).
Le prince de GaOes lève nn (buage * dans sa priocipaut^ d'A-
qaitaine et oonyoque à cet effet des parlements à Niort, à Angoa-
1. Le prinee de Galles ëtait à peine rentré â Bordeaux, an retour
de Mm ezpMition d'Espagne, que, tots le milieu de septembre 1367,
il eoDToqna pour le 3 octobre suiTant les trois ordres do rAquitatne, à
Saînt-Émilion, afin de leur demander des subsides. On ignore ce qui
se pana dans cette assemblée où beaucoup de députes, qptammeiit
ceux des communes du Rouergue, ne purent se rendre par crainte des
G>mpagmes qui infestaient alors toutes les routes. Le prince conroqua
une seccmde fois les Étau généraux de sa principauté à Angouléme
pour le mois de janvier 1368, en Tue d^obtenir le rote d'un fouage
Stt'il avait résolu d'imposer. Le 18 de ce mois, ce parlement, en retour
e concessions nombreuses et importantes, octroya pour cinq ans un
fooage de dix sous par feu au fils aine du prince de Galles, âgé de
moins de cinq ans; et l'ordonnance, relattre à ce fouage, fut promul-
guée le 36 janvier 1368 (vojes plus baut, p. xxni, note 3). Enfin,
m troisième pariement réuni k Saintes au mois d'août suivant, vota
un impôt sur les dîmes inféodées, c'est-A-dire aliénées par l'ËffUse et
possédées par des laïques, et Guillaume de Seris fut envoyé a Rome
pour obtenir Tadbésion du pape Urbain Y à cet impôt. Par consé-
quent, les parlements de Niort, de Poitiers, de Bordeaux et de Berg^
rac, dont parle Froissart , ne purent être que des assemblées prépar»-
tmres où Von fit choix des députés chargés de représenter ces villes
aux États généraux de Saint-Émilion , d'Angouléme et de Saintes.
Vojes l'onvrage solide et judicieux de if. l'abbé Rouquette, Lt Borner^
guêsotulêè jâMgUis^ p. 100 à 108.
zxxn CXOIONIQUBS DE J. mOtSâAlT.
lème, à Poitiers, à Bordeaux et à Bergerac. Les seigneurs de
Gascogne, notamment les comtes d'Armagnac ^, de Périgord, de
Gomminges et le seigneur d'Albret, s'insurgent contre cette pré-
tention et en appellent au roi de France^. Les personnages les
plu^ influents de l'entourage de Charles Y, notamment Gui de
Ligny, comte de Saint-Pol *, qui vient de rentrer en France,
I. laritë à adhâper à la ïerée dans ses teigneorie* da fovage Totë
par deux cheTaliers de sa maison, le seigneur
Gôraod de Jauiin. Oatre cfu'il invoqoait, en motivmnt ton refqâ, la né-
cessité où il était de demander des subsides à set rassaux pour payer
les dettes contractées, soit à l'occasion de sa rançon après Launac,
soit a la suite de l'expédition d*Ëspagne ik laquelle li renaît de prendre
part son» les ordres ' du prince, le comte d'Armagnac sontenait que
« nous et nos gens estions frans, ne onques a us ro/s de France et
d^Angleterre n'avions paie fouage ne aucune subvencion, et que, pour
rien, ne nous metterions en telle serritude. » Toutefois; c'est, seule-
ment après aToir vu ses réclamations réitérées repoussées par Edouard III
comme par le prince soniib que Jean, dans le courant du mois d'avril
1368, prit le parti de se rendre à Paris et de demander justice au roi
de France. Jhitl., p. 144 à 149.
2. Cet appel fut fait en mai et juin 1368 et coïncida à peu près arec
le mariage ci* Arnaud Amanieu, sire d'Albret, neveu du comte d'Arma-
Snac, avec Marguerite de Bourbon, l'une des sœurs cadettes de la reine
e France, dont le contrat fut passé le 4 mai de cette' année (,<^^A; Nat,^
JJ99, n» 345). Avant de consentir k recevoir l'appel des seigneurs ffà»-
oons et surtout de rendre publique celte résolution, Charle» V eonraut,
le 30 juin, avec le comte d'Armagnac et ses adhérents une cooventioii
secrète par laquelle le roi de France et les barons de Gaaôogne con-
tractaient une alliance indissoluble en cas de guerre avec l'Angleterre,
à la seule condition que le roi respecterait les privil^es des barons et
ne lèverait pendant dix ans aucun fouage extraordinaire sur lettrs do-
maines sans leur consentement (Biil. d» CÉeoU des Cftartef, xn^ 103;
RonoueCte, Le Bouêrguesous les AnglaUy p. 111). Le lendemain !•' juil-
let , le roi , voulant récompenser le comte d'Armagnac , chef de cette
ligue contre les Anglais, lui donna les comtés de Bigorre et de Gaure,
Montréal, Mezin, Franoescas, Asuffort, Lavardac, FaugnerbUes, Can-
deron. Cordes, Castels, Mas-d'Agenais, Lias, Montagnac, Monguilhem,
la moitié de la vicomte de Juilfaae, les hommages de Casaubon, de
Poudenas, de Pourcès, de Villeneuve, les appellations et premi ers res-
sorts de Lectoure (Ordonn.^Vi, 104). Toutes ces seigneuries étaient
encore soumises à la domination anglaise.
3. Par acte daté de Westminster le 10 février 1367, Edouard III
accorde un permis de séjour en France jusqu'au jour Saint-Micluel
prochain venant à Gui, comte de Saint-Pol, otage en Angleterre, et
s'engage à mettre en liberté au dit terme de Saint-Michel, Waleran et
Robert de Saint-Pol, puges au lieu et place de leur père^- quand même
SOMMAIBE DU FREMm UVRE, $$ 601-610. xam,
a^iès' «féir'ëlé peûdam pteîeiir» anoëes oU^ ea AngletejTO^
ooDseîllent de faire .droit'à la nxfiiite des bar«iu de Oa3cogiie, e^
s^ppayaut m ctifUiafMi stipalatÎDoa da traité de Bré^g^y. P. 84
Tnte it i'uqe de ce» stipuJatÎQns^ dite charte des sou*
missions, datée de Calais le 24 octobre 1360 ^ P. 87 à 91,
321, 322.
Diaprés les conseillers de*^ la éôbf de France, Charles T doit
recevoir Fappel des barons de Gascogne, non-seulement parce
qa'fidooard III a viole plosieurs stipulations du traité de firéti-
gny, mais encore, parce que les habitants de la priocipautë, sur-
tCMit ceux du Poitou, de la Saintonge, du Limousin, du Rouer^ue,
du Qnerejr et de l'Aunis, sont animes au plus haut degré contre
les Anglais, le peuple, parce qu'il est écrasé d'impôts, les gentils*
hommes du pays, parce que le prince d* Aquitaine les exclut de
tous les emplois au pro£t de ses compatriotes et des chevaliers
de son' entoorage. Le duc d'Anjou, qui réside alors à Toulouse
en qualité de lieutenant général dans le Languedoc, est un des
plus ardents à pousser le rot son frère à une rupture avec l'An*
glelerre ^.-^ Charles Y £ût lé meilleur accueil aux appelants^ sans
vouloir néanmottis prendre au début un engagement exprès , et
pendant ce temps il sonde les dispositions des habitants d'Abbé*
viBe et. êm Pontiea. — £n 13ê8, par un avent, naissance de
eeloî*^ ne serait' pat de retour à Londres dans le délai fixé (Rymer^
m, 819).
. 1. D'après Ut légistes de CharietV, le roi de France n'aTaft pas, â
prepreKimt parler, renoncé à la souyeraineté et au ressort; il en arait
tcalement siupendo Tosage en subordonnant ta renonciation d^finitire
m certaÎBct condiÔDat qa*Édouard lU n'avait pas remplies [Grandes
Cknmi^wjt VI, 254 à 263).
3. Lottfts, du» d'Anjoa, aTtît des griefs joersonnels contre Édonard III
r' l'aTsit d^noneë. comme déloyal et félon lorsque le second des fils
Toi J«an , Pun d«t. otages da traita de Brëtigny, mis en'liberté sot
parole à la fin de 1363, aTait refusé de revenir en Angleterre. Nommé
dans kt praniers jour» de naTembre..l36^ (JdandtmeMts de Otaries T^
p^ 61 y ^2) lieutenant du roi son frère en Lan^edoc, Louis suppoiv
tait impatiemment le, voisinage, de la domination anglaise. M. Tabbé
&Micpieue>a retrouTë dans les archives communales de Millau une
lettMde cf prince, adressée aux habitants de cette ville et datée de
TcMikmse.le. 2S décembre 1368, où Von voit bien l'actÎTité qu'il dé^
ploya pour ^re éclater un mouvement insurrectionnel en Guyenne et
MEtoutdant le Qnercj et le Ro^ergue, Le Âouerrue tous les jÊngUds^
p. 118 à 120.
xxxrnt CHRONIQTŒS DE J. FROtSSART.
Charles, fils atn^ da itn de France *, et de Charles d'Altvet, fils
du seigneur d'AlbretV P. 91 à 93, 32Sà 3Ï4. j
Charles T se décide à recevoir l'appel port^ devant le par-
lement de Paris contre le prince de Galles par la plupart des
barons de Gascogne *. — Noms de ces barons, — Un clerc de
n effet i
, premier jour de
l'ATcnt, et fut bapti)^ en l'^elite Saim-Pol le mercredi S décembre
soiTant [GraniUt Chroniquei, VI, 266 k 268). C'ett le jour même de la
naiuanee de M>n héritier présomptif, cotacidant arec l'Aveot, qoe
Charles V adreiM deux lettre* dont il ter* fait mention plu loin, l'une
aux habitants de Monltuban , l'autre 1 Gui de S^rërac, cheralier du
Roneivue, où pour la première foi* il déclarait publiquement reaermr
l'appel des barons de Gascogoe.
2. Charles d'Albrel, l'aîné des trois enfants d'Amanieu, lire d'Albret
et de Marguerite de Bourfion, «i l'on place sa naisMnce au mois de
décembre de cette «nnëe, serait venu au monde i huit mois.
3. Le prudent Charles V hàita beaucoup sTant de prendre une d^
terminaiion qni équinlaît k une mptuT« du traita de BrAi^j-, Dan*
une assemblée tenue le Tendredi 30 juin 1368, il consulta sou con-
•eil ; trente-sept membres de ce conseil furent d'avis que le roï devait
recevoir les appellations portées par les habitants de la Gujenne devant
le Parlement (^rcA. liai., J 393, n» 16 et 17). Le 28 décembre suivant,
Charles V, i pour auurer sa conscience d, soumit de nouveau la ques-
tion aux dëlibératioDS de quarante-buit personnes des plu* notables de
son royaume. II iiit décida, à l'unanimité, que le roi pouvait et devait
tuer de se* «onTcraineté et ressort en recevant les appellations de se*
sujets de Guyenne, el ce sous peine de péché mortel (^Arth. JVbi., J654,
n< 3}. Dé* le commencement de ce mois, Charles V avait écrit des
lettres aux principales villes et aux seignenn les plut marquants du
Rouergue et du Quercy, où il revendiquait son droit de ressort et de
souveraineté sur cette province au sujet des appellationi du comte
d'Armagnac et du sire d'Alhret (J 655, n° 23), tout en protestant en>
core qu'il ne voulait point rompre le traité de Brétignj. L'une de ce*
lettres, adressée aux habitants de Hontauhan, est datée du 3 décembre
1363 (Dom Vais*ete, Hlsi. de Languedoe, IV, 338). Par une autre lettre,
dat^e au**i de Paris le 3 décembre 1353, Cbarlei V notiSe i Gui de
r ' ' ' prinolpaux seianeun du Rooerjue, qu'il a reçn l'ap-
] GascRgne, e\ Pinvhe i fttife »on devoir • tel comme
I 1 1 »on seigneur io|tveraIii. ■ I,b 31 d**eMb»e suivant,
] u, adrpste de ton çdté une notiftcatlon analogue an
J \u Rouergue et potamment Ji *«t < rr*f amer les con-
i<le la Tille de IHiltau, > Sooqnelte, l» Roaerm rem
1 lao. — A i« même d»te, Çhar|« V av,[t i&vité te
( \ faire publier par toutes le* vi|te* de »on comté b
I s bargiii d« Gascogne ; gtais Louii de BAtle , ^ ■•
I uven, répondit le^O décembre 186B piT W refci
aiaei sec (Kervyn, OEuvret de Fre'utarl, xmt, 491).
SOMMÂIRB BU FREMIBR LIVBB, $$ Mi-*iO. mn
droit* et un chevmlier de Beance, nomnië Gapoonet deCtpenviI \
vont k Bordeaux porter au prince one lettre dn roi de Franee*
P. 93 à 95, 324.
Par cette lettre en date du 15 janvier [1399']« le prince est
somme de se rendre à Paris dans le plus bref délai pour y être
juge en Chambre des Pairs au sojet de l'appd inteijeié et des
plaintes portées contre lui par ses vassaux, tant de la Gascogne
que des antres parties de TAquitaine. P. 95, 96, 3S4.
Le prince de Galles entre en fureur en recevant cette somma-
tion : il |rëpond qu'il ira à Paris, puisqu'il y est ajourné par le
m de France, mais que ce sera le bassinet en tète et soixante
nulle hommes en sa compagnie *• H prétend que le roi Jean, en
cédant l'Aquitaine, a déclaré fmtnellement renoncer k toute es-
pèce de suzeraineté ou de ressort, et il reproche A Charles V, fils
et successeur de Jean, de violer, en recevant l'appel des barons
de Gascogne, l'une des stipulations du traité de Brétigny.-— Après
leur départ de Bordeaux , les deux messagers du roi de France
sont arrêtés en Agenais par un chevalier anglais nommé Guil-
lanme le Moine, sénéchal de ce pays, et mis en prison à Agen an
moment où ils se dirigent vers Toulouse pour y rendre compte an
doc d'Anjou du résulut de leur message. P. 96 à 99, 324, 3t5.
Jean, duc de Berry, otage en Angleterre, revient en France
1. Bernard Palot, juge criminel de Tooloaie.
3. Ce cfaeraUer s'appelait Jean de ChapouTal; Capomiet est lans
doate un samom. Messire Jean de ChaponTal , maftre d'hôtel da ré-
gent, fat gratifié en jnin 1358 des biens que Jean Rose, le rebelle de
Heanx, possédait an bailliage de Sentis {jirch, J9at.^ JJ 86, n^ 153).
3. Les lettres de citation du roi de France forent signifiées au pnnoe
de Galles & Bordeaux sur la fin de l'année 1368 on dans les premierf
Jpors de 1369. M. Lacabane a pnbKé le texte de ees lettres dans son
mide Charies V du ÙicihwtairM éê h Conf*r»«tUm, Cf. B\H, d$ tÈeolê
it Chartes^ xii, 10%.
k. La chronique rfmée da li^tit Qhmdot pi^te an pyin^ de Oelle
ane réponse conçue en termes presse identiques :
LorsfenMUida an roy de
De velMté h$»à\m et firanee
Qae vohmtieM eerteyneuMntt
D boit A sew manéemem,
Si Dieux li donnast faanfé es ne*
Il et toute sa «oupâignif^
iÀ èêtimi mrmê mm mmêf^
Ptar K deftedtw de meashiaU
» -7 -CH»0NIQIim:I« •!• EROISSàRT.
àHai&veiU'. d'iinMCongé d'an an. qu'il troinreie'mf^nêBde.pràlon*'
gfiv^jfosifaé la déelandûii de guerre ^. iean, copite.de Harcotiit,
obtient aussi un congé par l'entremise de son oncle Louia de Har-i
cmvcty Be^neur poitôvin-, qui. .à ce titre est alors. l'un des vassaux
dupiince d'Ânfiâtaine, et uae maladie dont il est atteint âpre»
acm retèur en .FY!anoe: l'amène à prolonger, oomme le duo dé
Beçry^r^dnsCQilgé jusqitt!^ Touvertuire des hostiUtës*. Mpias.heu*?
reux que cc$ deux premiers otages. Gui dé Bl^is, alors, jeune
toijer,^^ fcère du coaite Louis de Blois» est réduit à cacheter sa
Uberté loayeopiiant la/dession au roi d'Angleterre du comté > de
Soisdôns, i|u'Bdouaird III rétrocède k «on gendre le seigneur de
Goupy, en 'échange de quatre miUe francs de rente annuelle à va-*
lok SNT' la jîdot asÂgnée .à la. dame, de Goucy *• Le comte Pierre
dfAlepQciiiri recouvre aussi la liberté mojfeaaanit le. p^eoi^nt de
trente mille, francs V Quant au «duc Louis, de BourboQ, il se fait
pptFQyec.s^Q élarg^ement ^défipitif , en,iEersaat,vne spi^me de
" 1. L'acte qui antome Jean, duc de Berty'et d'Anrergne, à retournée
EB France et a 7 aéjcmcner, est daté de^Westminsterle l**'fémer • 1 S6d \
et ce- congé, accordé d'abord.poor on aa^ £ut proloDgé jusqu'à Pâques
1368 (Rymer., UI, 783, 785).
2. JéanVI, comte de Harcodrt et d^Auttiale, otaee en Angleterre,
paani' procuration  Londres .le 12 janEner'1365 (ni stv) pour serrir ses
fiefs en France, et spécialement en Tévêché de Poitiers (La Roque,
Additions aux preuves de V histoire de la maison de Harcourt^ IV, 1435).
Dans le courant de 1367,-41 la requête du prince, d'Aquitaine et de
GaUes,et cuparmy l'entreprise et piegge^e- de npst^ ^her et féal Loys
de, Harecourt , TOStre oncle », le comte de Harcourt fut autorisé à se
rendre en France. eta y résider pendant quelques, moiis; mais dès le
1er décembre de cette année, Edouard III le somma de reyenir se c<m^
Mituer otage à Londres^ et. cette sommation fut renouvelée le 5 janvier
de l'année suivante (Rymer,III,.837, 8^0). £n cette même année 1368»
le \k octobre, Jean VX se maria à Catherine de Bourbon, l'une des
aœurs cadettes de la reine de France. Louis de Harcourt, oncle de
Jean VI, était vicomte de Châtellerault, et, à ce titre, comme le dit
Froissart,. le seigneurle.plusimportant du Poitou. .
3. Gui de Blois, sçtigneur, de ^ea.u.n^ont en Hainaut, otage d^uia la
conclusion du traité de Brétigny, c'est-à-dire depuis la fin de 1360, ne
fut autorisé à repasser -anr le oentinentque le- 8 juillet 1367 (Rymer,
m, 830). Le 15 de ce même mois, par eonianit passé à Londres, il
céda, ainsi que le raconte Froissart, son comté de«Soissons à Enguer-
rand, sire de Coucy, en fayeur d'Élisabetb d'An^terre, dame de Coucy
(Anselme, ir«/. ^eiwW.,.VI, 97).
4. Pierre, comte d'AleqçoDi fatikutfmsé à se rendre en France et à
y séjourner, en même temps que Jean» duc de Beiry et d'Auvergne,
du 1er février 1366 à PAquea 1368 (Rymer, lU, 782, 783, 785).
soMUÂnBam^nEiiiiR uvre, SS ^<h-6io. su
^mgt^^wBé fiuacsS «t eBobtaoniV dor pipe UiMb ¥« dontii «
lo bannes gi4eea, VAvUbà de Wincbeeterpour GinUanme Wickam^
efaapekin et ÊiYori du rai d'Angleterre. P. »D à lût, 325, SS6.
. Le pnncede GaUee feit de gnads pv^ratifiidd guerre coMre
k rot de ^France et dit qu'il compte bien assister de sa personne
à lar. (ète du Lan<)>(; mais il est retenu à Bordeaia par une fay-
dropisie incurabàe , et Cbarles V a trourë le moyen de se faire
exactement renseigner sur la maladie de son adversaire. — Peu
après l'arrestatioa des deux messagers qui ont porte au prince la
citation du roi de France, les contes de Përigocd, de Gommînges,
te vicomte de Caraman et quelques autres seigneurs d'Aquitaine,
ralliés au parti français, se concertent pour tirer vengeance de
cette arreslalioiu Us tendent une ewbnseâde à Thomas de Wele»>
baie, sénéchal anglais du Rouergue '^ au moment où celui-ci fait
l.ija rançon de Lomi D, dnc de Beafaonnais, fat fixée i 40000
écoflf.ct non à 90000 francs, conaM le lapporte intxaeteaent Fvois-*
tut. Lb ptmBÎer payement en fat cfFeetvë le 6 décembre 1367; an
■owet* à**éompie- tbr porté par Hofiiet de Dfgoine en Angleterre, le
dl mm 1368 (n. vt.) ; et la rançon ne fnt eomplétemant pi^ée qs^à la
fin de celte année. Le due L4Nm n*en fnt pas moint mia en liberté dit
le Si janvier 1366 (Rymer, III, 783) ; le Ik joni de cette année, il était
à MooliM {jfrtk. Nai„ P1460, n«« 1936-74), le 18, i Son^igny, et le 34*
à Moathiel ( JrvA; de la CàtB^Or^ B§&&3). » C'est pour parfidse le
payeinent de «a rançon mie Loirit H, par aete daté de Paria le 16 dé»
eembre 1368, engagea k Jean Dœat, bonrgeob et épkier à Ldmdres^
•■ prix de ÛOO écoa d^or,- a aa- cotte d^eacarkte rooaée, ordonnée à
vetteme de homme, semée et ouvrée de phiâeii et dWcra oavraiges
de grosaea periea et mbis baiUaîs et sapbira a Arth. Nai,^ P 1368, n^^;
Ml. dm FKeoU dès Ckartu^ xvn, 268 à 373.
S. Thomas de Wetenhaie, cooain du faaBAux Hngh de CaWerlj, avait
été nommé aéûéehal du Roaergue dans le conrant dn mois de ami
1365, en remplacement d'Amanieu du Foatat; il tenait sa cour à
ViUeAnnehe(avjourd'biii Viliefranche-de^'Aoaergue, Avejvon), où ré*
«idak également Le trésorier dn prince d'Aquitaine en Rouergue*
Quoique Frouaart fasse vivre le sénéchal du Rouera ne jnaqn'à la red»
4bdon de Millan aa dnc d'Anjon , e'eat-««dire )uiqu an 31 asat 1370, il
est certain .que Thomas de Weienhale moumt dans la seconde moitié
dn aM>is de sepiembua 1369, à ia suite des blesaorea qu'il avait reçues
an eombat de Montlanr (Avayron^ arr. Saînt*-Aftnqiie, o« Rehnont), oà
il avait été battu par Jean, comte de Venddose et de Castres (an mo»
d'aoâl précédent, ta seigneurie de Castres avait été érigée en comté
-par Charles Y); Thoama fat enterré a Moatlaur, où Ton voit encoiv
•ag^ourd'hui son tonabeam; et le conseil de viUe de Milieu, resté fidèle
an parti, anglaia^ fit fabe an sénéchal im sM^ee solennel dans T^gliae
ilstr^-Dame de l'EapÎMCse» U Momi^m s9um Ut Am^fimâ^ p. 73» 130,
XLu CHRONIQUES DE J. FROiSSAlLT.
route, avec soixante lances et deox cents archers^ de Tillenenve-
d'Agen à Rodez ^; ils le surprennent à deux lieues de McHitauban,
le battent et le forcent à chercher un refuge derrière les rem-
parts de cette d^:*nière ville. A cette nouvelle, le prince de Galles,
•
1. Les historiens da Ronergne ont dit (Gaujal, Essms historique*
sur le Rouergue^ i, 411) et le saTant M. Lacabane a rëpëté {B'M.
de C École des Chartes^ xn, 103 et 104) que, dès le 17 septembre
1368, Rodez avait expulsa l'administratioD anglaise. Les registres des
comptes et des délibérations consulaires, conservés aux Archives mu-
nicipales de MiJian, contredisent cette assertion. On y voit que la cité
de Rodez, soumise à Pévêque de cette ville, et le bourg de Rode^, rele-»
vant du comte d'Armagnac, adhérèrent à l'appel au roi de France à la
fin de septembre seulement. Un certain Pierre Borda fut alors chargé
de porter à Paris l'acte contenant cette adhésion. Adhérer à l'appel,
c'était reconnaître implicitement la souveraineté du roi de France ;
mais la reconnaissance de cette souveraineté suprême ou du ressort
n'entraînait pas la déchéance du souverain immédiat, c'est-à-dire du
prince d^ Aquitaine. Malgré cette reconnaissance, la ville de Rodes, cité
et bouig , continua de rester soumise à la domination anglaise. Cela
est tellement vrai que le 29 septembre, le grand maréchal d'Aquitaine,
allant en ambassade à Rome, passa par Rodez et j reçut des consuls
les présents accoutumés. Rodez ne rompit ouvertement avec le gou»
vemement anglais et ne se donna officiellement à la France qu'à la fin
de janvier ou dans les premiers jours de février 1369. Le 27 février
seulement, les fleurs de lis furent placées sur le Poids et la maison
commune du bourg. La première place du Rouergue qui semble avoir
secoué ouvertement le jong étranger est Najac (Aveyron, arr. Ville*
firanche-de-Rouergue). Dès le 5 janvier 1369, Raymond Guerre, bour-
geois de Najac, se faisait donner les droits utiles de la chitellenie, mon-
tant à 20 marcs d'argent par an, ainsi que le droit de basse justice au
dit lieu de Najac, rapportant annuellement 60 sous tournois, en ré-
compense de son entremise « in et circa veram obedîenciam dicti loci
de Najaco erga dominum meum regem atque nos exhibitam et osten-
sam, s> Âreh, Ifat,^ JJIOO, n» 537; JJ 102, n» 202. — Mais, deux ans
plus tard, par acte daté d'Albi le 28 février 1371 (n.* st.), le duc d'An«-
joa, ayant appris que Raymond Guarra s^était fait wsMt aux dépens
de ise oancitoyens, lui vedrait les 90 mares d'argent dont il 'vient d^toe
question ppnr les assigne» à eeiir-«i, a eonsidevantas benam rel«a^
tatem et aaadialeai dilecoioaem qnas îpsi eonsulas et habîtatofee (Na#>
}aoi)arga demincon aeuM et nos, mutrAs fltrmtdiMê retrojsot^^ kabuerdBt
«I 4f /e«i0 mmuSfwwmu de pHmis toiius dt^êutus JqiàUmi$^ ad obedieii^
eiam pagie et nostwim v<onieAdo, et ipsion dominum meom suurn verumv
•divectuia et natnndem demimim receanosoendo et ù^lmiêes domim mei et
nêêêros^ «r#iiaf im dhto loeë emiitemies^ debêUemé0 et ah eàdem jfroj^ciemh. »
JJ 102, «^ 101. -* Quant à la déAitie de TheaMt de WetanhaU pf^
-de Montniba», elle n*a pu avoir lieu, si tant «M qu'il faille ajonisr
eniatqua fiftt a«r iMoit de P»oisiart, qu'au mois da janviev 1960, poifque
Jeeénécbai d«'%eiiefgue,> risseiurdeeetlè pTOwet» depuis plus de deux
ans, n'7 rentra qu'au mois de décembre 1368. La première MnoontM
SOMlfAIRE DU FREBOBR LIVRE, §§ 601-610. zuii
qui rëside alors à Angoulfeme, rappelle de Saint-Sauyeur-Ie-
'^comte, en basse Normandie, Jean Ghandos^ et l'envoie tenir
garnison à Montaoban. Le sënëchalda Ronergae se rend à Rodez,
et met cette ville en état de défense, ainsi que Millaa et Mon-
pazier*. —Noms des principaux seigneurs gascons, poitevins,
anglais, qui défendent sous Jean Chandos les frontières du Rouer>
gne contre les comtes d'Armagnac, de Périgord *, de Comminges,
fe vicomte de Caraman et le seigneur d'Albret. — Le duc d'Anjou
n'a point encore pris les armes, car le roi de France, son frère,
lui a défendu de commencer les hostilités sans son ordre exprès.
P. 102 à 105, 326 à 330.
Le roi de France met dans ses intérêts plusieurs chefs de Com-
pagnies qui ont remonté la Loire et sont cantonnés sur les mar-
ches de Berry et d'Auvergne * ; mais il le fait en grand secret,
pour ne pas donner Téveil au roi d'Angleterre, qui n'a que peu
de forces à Abbeville et dans le Pontieu, dont Charles Y travaille
à se remettre en possession. Pendant ce temps, le comte de Saar-
eat lieu le 17 janvier aa Mont d'Alazac, où Jean d'Armagnac, fib du
comte, tua 400 Anglais, en prit 60, et parmi ces derniers, Pierre
de Gontaut et un nereu du sénéchal de Quercj. Le Rouergue tout Ut
Anglau, p. 121 à 137.
1. Il importe beaucoup, pour préciser un peu la chronologie extrê-
mement rague et confuse de Froissart, d'établir la date au moins ap-
proximatire du départ de Jean Chandos pour la Guyenne. Le conné-
table d'Aquitaine, vicomte de Saint- Sauveur, était encore en basse
Normandie le 6 octobre 1368, jour où il donna quittance de 15000 fr.
à Gérard de Crépon, vicomte de Valognes (L. Delisle, Preuvet dé rhit'»
t(Art du château de Salnt^auveur^U'Pleomte , p. 167). Mais il était ar-
rivé en Gujrenne dès le mois de décembre suivant, ainsi que l'atteste
Tarticle de compte suivant : c A Navarre, rov des heraux de Monsei-
gneur (le roi de Navarre), par mandement de l'abbé de Cherebourg
au xvni« jour de décembre mccclxvui, pour aUer depert mettire Jehan
Chandot en Gujenne, » ib'id.^ p. 148.
9. Dordogna, arr. Bergerac
3. Le 24 novembre 1368, Charles Y fit l'avance de 12000 ffanai
d*ef k Taleyrand de P^rigovd, er^ie Ml do ce même asois^ de 40<00ûfr.
iéPor, àtL eoiAte de P^igord, pont* les frais de la goene ûotitva le^veî
d*Ang!eter)re (Delisle, Mandemeutt de Cht^Ut P', «.240 à S48)«
4. La plùpsit de oes ohelli de Compagnie étaient Bretons. L^m
d*euxj Alain de Tailleeol, surnomma Tabbé de Malepaf e, tpà prend le
tît^' d^éeuyei* dti roi dans une quitta»oe datée d'AageM le 2 avril
1366 fn. ftt.), (Htij du Chastelec, But, dé fiertrmnd du Gàetclim, p. 841 <et
94*S],V>eeut>ait'a1dM {Anh. yai:;JJ lOG, ii« lf2) lefort de BreviaMla^
en Soleghe (aa|oiii4*hiii ferme de la Riit^Iliibért, 'LeÎPf-etMChér, aaK
RomôrafltfB, c. Neung). • • ■•♦ •• •*■" «' ••' i»"*: »
xtxr ~ CHKONBJCES 1» T. FROBSSÂRT,
htttck'^'GrijXQÀnàïe de Dormans; envoyas en ambàssaiie liqpfès^
d^Édbuand ifl, font traîner à dessein les nëgociatîoQs en longueur
pendant deint mois*. Une fois ses préparatifs terâiinés et les
hostilitës ouvertes en Gascogne, le roi de France, qtn a pri($
secrètement toutes ses mesures pour se faire liyrer Abbéville,
envoie un Breton, Tun de ses valets de cuisiné *, défier lé roi d'An^
gleterréV Le comte de Saarbruck et Chiillaume de Dbnnans, aq
retour de leur* mission , i^ncontrent ce Breton à Doovret et se
hâtent d'autant plus de regagner Boulogne. -^ Guicbard d'Ai^léy.
maréchal d'Aquitaine, envoyé par le prince de Galles à Rome en'
mission auprès du pape Urbain Y, est informé dé l'ouverture des
hostilités -au moment oi il se dispose à rentrer en \Fraiice. Il lait
route par la Savoie dont le comt» est alors en guerre avec le
marquis de Saluces; mais, arrivé sur les confins de la Boor--
gogne, il est réduit à prendre on déguisement de pauvre « cha-
pelain » pour regagner la Guyenne. Jean Ysoré, chevalier bre^
ton, gendre de Guicbard d'Angle, né peut retourner -en Breta^é
qu'en promettant de se rallier au parti français; et un autre
compagnon de voyage du maréchal d'Aquitaine, Guillaume; dt
Seris *, chevalier poitevin, après être rest^ plus de cinq ai&s <Aehé
à l'abbaye de Clnny, finit aussi par se faire Français. I*. 106 à
1. Par acte daté de Westminster, le 30 octobre 1368, Edouard III
accorda des lettres de sauf-^conduit aux comtes de Tancarville et de
Saarbruck, k maître Guillaume de Dormans, cheTalîw, et à Jacx)ue$ le
Riche, doyen de Paris,, qui se rendaient en Angleterre avec une escorte
de cent chevaux (Rymer, III, 850). Le 24 décembre suivant, GharJes V
envoyait encore en Angleterre un de ses huissiers de salle porter des
fromages de France à sa « ties chiere et amee suer la royne d'Angle*
tem, » Delisle, Mandements de Charies V^ p. 245, vfi 483. -^ Lie 27- dé-
cembre , une somme de mille francs d!or . par mois ëtait allouée an
comte de Tancarville pour ses frais de yoyage et de séjour en Angle-
terre»
• i). Que le roi de France ait fait porter par un de ses valets de cui«
•ine un 'défi à son ' adversaire d'Angleterre, cela est dépourvu de
vraisemblance, et rien n*est-plus contraire à tout ce que 1-on- sait du
caractère de Charles V. Quoi qu'iten sohi les deux roks se préparèrent
ouvertement à la guerre dès les premiers mois de 1369.
3k Guillaume cfe Seris, que la Rochelle avait député^ vers le roî
de France, a Calais, avec quatre autres bourgeois, le 15 août 1360
(Ckrûmques de J .Frvis^flri^ YI, xvit, note 6), institué avec Jean Çhan^
^os, le 90 kûUet .1-366, gardiOi des terres et seigneuries situées «9
Poitou et Samtonge, et cédées par le duc d'Orléims à Thomas de Wor
soMMAnn DD fimnoi ira», $$ ooi-eio. nv
Le Valet breloD, envoyé par GiuHrles V^ anivte à LoiidMa «t
remet à destUMUioa fta lettr» de défi du roi de France. Édonend III,
après xnnt pria oonaaiuoDce du message^ eat tnuspoilé de 61-»
reor ^ à tel point que le comte daaphm d'AnTérgne, le comte de
férrieii, lea aeigneope de Rojre et de Meukmer, qui sont eoooiia
acages en Angleterre, redoutent des représailles sur leom per»
dectok, ran dés fiU d^Édouard m (Ryndner, m, 7'94),'aKeoi«'fldMe au
putianglû k la date da U juin 1367 (Deipk, Doammu fmm^ït ce
An^tn€^ p« lt7)t Alt gratifié par Charles V, cd aaai 1371, de 1009
livrées de terre 00 de 1000 lÎTres parîsis de rente annuelle et perpé-
tnelle, pour s^être rallié an parti français, « cam dilectus et fldeKt
asiles et eonnliarins noster GttfUeknaa de Sens, pniana prendans ia
pvlanMBto ttosiro Parisienst, habita noùcia nostri juris et jasticia m
gucrra qnam Edoardus An^lie et princept Wallie primogenitus suus,
cajos erat consiliarîos» nobis nortter suscitanuit , ipretis honoribtis
eaibos se gaodebat attolli et ooasasodisoiiiiiilKis« et diaaîssM peistsn
aenibaa et bonis sois qnibusciuDqae , mobiiibus et immobitibos, qoe
sub dictorum hottium nostrorum dominio possidebat, ad 00s accedens,
nostre le submiaerit obediencie, nobis et nostris le ofTereDS terri-
tnmm....» Arek, Nai.^ sect. bist., JJ102, vfi 272. — Douze jours arant
la reddition de la Rochelle, par acte daté de son château du Bois de
Viuonmes, le 27 *oât 137â, le roi de France doneai Cuillaunne de
8cns« cberaiier, sou conseiller, premier président en ton Parlement,
• pour ce que tiberalment s^ast soubmis à uostre obeîasauce, en cognoia-
lant le droit qui nous appartient eu la duché de Guienne s, une nuison
«>peléa la nuison de Fetsac, sîie i la Rochelle et confisquée sur Jean
it Ludanty prêtre anglais et raoereur de Saintonge^ JJ 103, n* 237. —
GniUauma d% Sens» institué premier préiident du Parlement, atant la
anois de mat 1371 , mourut a Lyon au retour d*un Tojage à Rome le
3 octobre 1373, et le ParWment a^ta en corps à ses obsèquçs qui
furent célébrées à Pans le 23 novembre suivant; U est mentionné
comme mort dans un mandement en date du 28 décembre 137(k, relatif
k un don de 200 francs fait à son neveu Etienne Poissonart, huissier
d'arama de Charles V, c pour considération des services que nous fist
an ton vivant nosCre dit coMeiller, oncle du dit Estienne. s Delisle,
Mmadêmatts dé ChatU» F^ p. 564. — En supposant exact pour tout le
icste le récit de Proissart, Guillaume de Seris ne serait donc resté i
l'abbaye de Cluny que deux ans tout au plus, et non cinq ans.
1. Le 26 avril 1869, Edouard lU renvoya cinquante pipes de via
une Cbailes V lui av«it fait porter en Angleterre et présenter par un
ues officiers de son échansonnerie nommé Jean Eustache (Rymer, III,
86%). Cet eut oi de vin, qui put paraître au roi d'Aagleterre une sorte
de bcatade et de provocation dérisoire en présence des préparatifs de
cnerre ouverte que Ton faimit dès Jors de Tautre côté du détroit
(Ddisle, MandemenU ^ p. 255, n« 507), n*aurait-il pas donné lieu a U
légende du défi rapportée plus haut, et le a Johauoes Eustachii, pin-
cerna rsgîs Fkuncise », ne serait-il pas le « Valet de cuisine breton m
dont parie Frotsaert ?
jKwt CHRONIQUES DE J. FROISSART.
somieB ^. -^ Sans perdre un moment, il envoie cpiatre oents hommes
d^armesy sous les ordres des seigneurs de Percy, de NeviU, de
Garlton et de Guillaume de Windsor, renforcer la garnison an-
glaise d'Abbeville *; mais on apprend bientôt que les bourgeois
de cette ville, h la suite de pourparlers secrets avec Charles Y, ont
ouvert leurs portes à un corps de six cents lances amené par Gui,
comte de Saint-Pol, et Hue de Châtillon, alors mattre des arba-
létriers de France *. Hue de Châtillon fait prisonnier Nicolas de
Louvain*, sénéchal du Pontieu, et les Français occupent Saint*
Valéry, le Crotoy ^ et Rue. Le comte de Saint-Pol emporte Pont-
Remy après un brillant assaut où son fils aîné Waleran est fait
chevalier. — A la nouvelle de Toccupation du Pontieu par les
Français, Edouard HI redouble de fureur; il envoie dans les
villes de l'intérieur de son royaume les bourgeois des bonnes
villes de France, otages du traité de Brétigny, et les soumet à
une captivité plus étroite. Toutefois, il permet au comte dauphin
d'Auvergne * de se racheter moyennant trente miUe francs, et an
1. A la nouTelle de» préparatifs maritimes du roi de France, l'opi-
nion publique, en Angleterre, fut tellement excitée contre les otages
français, qu'Edouard Ul dut dëfendie, le 26 avril 1369, de leur faire
outrage, menace ou riolence (Rymer, lU, 864).
2. Le 9 mars 1369, le roi d'Angleterre donna Tordre à Henri Les-
crop, gouTemeur de Calais, Merck, Oye, Sangate, Hames, Audruicq,
Gumes , Ardres , et à Nicolas de LouTain , gouverneur et sënéchal du
Pontieu, en résidence à Abbeville (Rymer, IH, 812), de mettre en bon
état de défense les forteresses confiées à leur garde (/^m/., 862).
3. Le dimanche 29 avril 1369, Abbeville et Rue se rendirent k
Charles Y et ouvrirent leurs portes à Hue de Châtillon, maître des ar-
balétriers de France. Le comté de Pontieu tout entier était redevenu
français dans la première quinzaine de mai, à l'exception de Noyellei
(auj. Noyelles-sur-Mer, Somme, arr. Abbeville, c. Nouvion) où les An-
glais parvinrent à se maintenir (Grandes Chroniques^ VI, 271 et 272).
Aussi, la plupart des privilèges, qui furent alors accordés aux bour-
geois d'Abbeville, en récompense de leur soumission spontanée, sont-
ils datés de ce même mois de mal 1369. Ordon»,^ Y, 177. Delisle, Jtfiaii-
déments, n^ 541 et 5^. Arch. Nat., JJIOO, n^ 8, 167, 169,|189, 212,
213, 219, 228, 517.
4. Nicolas de Louvain avait deux maisons: l'une à Rue, l'autre à
Abbeville c devant les Flos Saint Sépulcre », qui furent toutes les deux
confisquées en mai 1369. jireh. Nai,, JJ 100, n«* 502, 611.
5. Arch. Nat„ JJ 100, n« 171 k 173.
6. An commencement de 1369, Beraud, comte dauphin d'Auvergne,
se racheu moyennant 12000 nobles d'or, et, par acte daté de Souvi-
gny, le k juillet de cette année, Louis, duc de Bourbon, comte de
SOMMÀIBB DU FRIMIER LIVRE, SS 61l*6t7. x&vn
comte de Porcien ', moyennaDt dix miUe francs. Moins heureux
«pe ces denz otages, le seigneur de Roye ne recouvra la liberté
que pins tard et par un cas fortuit *. P. 109 à 143, S8f à 835.
CHAPITRE XGY.
nirABATirs vhitàibxs bt oufiuiTUBg dbs nosTarrÉs sua TOtms lu
FBOHTiiaEs DU moTAUKB. — 1368, s et 17 ooéU. piisb db yibb bt
BB gbItbau-ooktixb pab lbs couvagribs. — - 1369| avril et mai.
us GOHTBS DB CÂMBBIDGB BT DB PEMBBOBB BN pâBICOBD; SlfOB
DB BOUBDBIIXXS. — IBAlf GBAITDOS A MOMTAUBAH; FBISB DB BOQU»-
SBBBltBB, -^SliGB DB BÉALTILLB PAB LBS GBMB DU DUC d' ANJOU;
BXDDITION DB SOIXASTB PLACBS POBTBS DB LA GUYBBTNB AUX PBAK-
çAis. — 7 april. mabiaob du duc db boubgoobb atbc mabgub-
bub db vlahdbb. — ^o^, ABinria du boi db havabbb sb bassb
HOBMAlfDIB BT N^OOGIATIOIVS BlfTBB CB PaiHCB BT LB BOI d'aN-
GLEimaBB. -« BXPLOITS DBS FBABÇAIS BEI POFTOU; FBISB Dt LA
XOCHB-POSAY PAB IBAH DB BBBLOUBT. «- Jvril et mai. OAMPAOBB
DB BOBEBT XAOLLBS BT DB IBAN GHAlTDOS EN QTJBBCT; 8IÉGB DB
DUBATXL BT DB DOMMB; FBISB DB MOI88AG, DB OBAMAT, DB PONS,
DB BOGAMADOUB BT DB TILLBPBAHCHX. — BBDOmON DB BilLTCLLB
AUX PBANÇAI8 BT DB BOUEOBILLBS AUX ANGLAIS (§§ 6il à 6S7).
Edouard III , apprenant que le roi de France rassemble une
flotte pour envahir l'Angleterre, garnit de gens d'armes les fron*
tières d'Ecosse, les côtes de son royaume dans la région de
Southanq>ton, les lies de Jersey, de Guemesey et de Wight. —-
CXenntmX^ se porta garant du payement de cette somme. Rymer, III,
816, 817, 875.
1. Le payement de la rançon de Jean de GfaâdUon, comte de Por-
«ien, n'était pat encore dëfinitivement réglé le 28 octobre 1375. Ry-
mer, m, 10^3.
2. Nous lommes en mesure d'indiquer dès maintenant le cas fortuit
auquel Froissait fait allusion. En 1374, Bertrand da Gnetolin n^roda
et obtint la mise en liberté de Mathiea II du nom, seigneur de Roy«
et de Germigny, ota^e en Angleterre depuis 1360» à condition que le
dit Mathieu donnerait Marie, sa fflle umque, en mariage à Alam de
Mauny, neren à la mode de Bretagne du connétable de France. An-
sehne, Bist. gémM,^ VIII, 9 et 10.
wm CHRONIQUBS DE J. FROISSART.
Dans le BÙdî de la Fraace, le duc d'Anjou rëunU «a corps d'av-
mëeà Toulouse et s'apfirête à entrer en Guyenne, tuïdis que le
duc de Berry ^, à la tête des barons de l'AuTer^e, du Beny,
du Lyonnais , du Beaujolais et du Maçonnais, ouvre les hostilités
en Touraine et sur les marches de Poitou '. ^- Exploits de Louis
de Saint-Julien *, de Guillaume des Bordes * et du Breton Ker-
1. Par acte date de Paru le 5 féTiier 1369 (a. »t.)) Charlea Y iastîr
tua Jean, duc de Berry et d* Auvergne, son lieutenant général pour le
fait de la guerre es parties de Berry, d^Auvergne, de Bourbonnais, de
Forez, de Sologne, de Touraine, d'Anjou, du Maine, de fCotmandie,
d'entre les rivières de Seine et de Loire, de Maçonnais et de Lyonnais,
excepté les fiefs du duc de Bourgogne es pays de Lyonnais, et lui
donna pouvoir d'assembler des gens <rarmes pour résister aux Compa-
gnies qui éuieat m le royaume et à tous aatret. j4reK Nùl.'i sect.
adm., P 2294, f 730.
2. Dès la fin de 1368, la région de la Touraine, contiguê au Poitou,
avait beaucoup à souffrir du voisinage des garnisons anglaises. L'im-
prenable fbiterene de Loches, mise en bon état de défense oar En-
Suerrand de Hesdin quelques années auparavant, était le grana refuge
es malheureux habitants de cette région . comme on le voit par un
acte daté de Paris en décembre 1368, où Charles V autorise la création
d'an marché k Loches le lundi de chaque semaine, considérant que
c nonnulli patriote et alii in multitudine copiosa affluerint in eadem
tempore periculoso, et ipsorum quidam in ipsa sepius morentur ad
evitanda pericula que sepe eveniunt in illa patrîa prope metas cujus-
cumque fréquentant plores nostri malivoli. » Al^ch. Nat.^ JJ99, n<»280.
3. Ce brave chevalier était originaire de la Marche, Le 30 février
1369 (n. st.), Charles V le chargeait, ainsi que Troullart de Maignac,
de c certaines grans et secrètes besongnes » pour l'accomplissement
desqiiellet il faiaait donner à ces deux chevaliers une somme de
2000 francs d'or, a Sachent tuit que nous Loys de Saint Julian et
Troullart de Maignac, chevaliers, confessons avoir eu et receu de
François d*Aunoy, receveur sur le fait des aides ordenez pour la pro-
vision et défense du royaume es cité et diocèse de Paris, la somme de
deux mille frans d'or lesquelz le roy nostre sire nous a fait bailler
comptant par le dit receveur pour certaines grans et secrètes besongnes
toucnans te bien et prottfEt du roy nostre dit seigneur et du dit royau-
me. Desquelz deux mille frans nous nous tenons à bien payez et en
quittons le dit seigneur, yoelui receveur et touz antres à qui quittance
en appartient. En tesmoing de ce, nous avons scellé oeste quittance de
nostre seel commun ouquel sont les noms et l'emprainte des armes es^
quartelées de nous deux ensemble, qui fu faîcte l'an mil coclx huit,
le XX* jour de février. » BiSl, Nai.\ Titres scellés de Clairambauks
▼ol. 62, P 4799, au mot Julien.
4. Sr Guillaume Guenant, seigneur des Bordes fcbâteau situé à Pr4»>
ttgny-le-Petit, Lodre-et-Loire, arr. Loches, c. du Grand- Pressigny),
oheTaUer et chambellan da roi de France, guerroya sur la frontière dli
Poitou, ce ne put être que pendant la steohda moitié de 1369» car di^
f
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, §§ 611-627.
looet ^, qui commandent les forteresses françaises sur les marches
deTouraîne. P. 1t3. 114, 335, 336.
montres de la premiàre moidë de cette ann^ ëtablisieiit la pr^
sence de ce cheYaller à AlençoD le 28 janTier, à Saint-Lo le 15 mars
et à Saint-Omer le 12 juin (Èièl, Nat.^ Titres scellés de Clairambault,
an mot Bordés), Toatefois, la situation du domaine dés Bordes, si rap-
procha de La Roche-Posay, rend cette participation de GiuUaume
Gnenant à la guerre du border poitevin très-Traisemhlable. Les Gue-
naut étaient en outre seigneurs du Blanc (auj. chef-lieu d^arr. du
dëp. de rindre) dont le château, situe sur les confins du Berrj et
dn Poitou, était alors occupé par les Anglais. Le château du Blanc ne
fut repris par les Français sous la conduite de Jean de Villemur que
dans les premiers jours de février 1370 {Arch, Nat.^ JJIOO, n» 290).
1. Jean de Kerlouet. écujer, originaire de Plévin au diocèse de
Quimper (auj. Côtes-au-Nord , arr. Guingamp, c. Mael-Carhaix;
d*apr& la carte de Tétat-major, il 7 a encore un hameau de Ker-
louet en Plévin), était âgé de trente-cinq ans lorsqu'il, déposa à Angers
le 5 novemhre {1371 dans Fenquéte pour la canonisation de Charles
de Blois. Ancien serviteur et partisan dévoué du mari de Jeanne
de Penthièvre, Kerlouet avait accompagné Bertrand du Guesclin dans
sa première expédition en Espagne, et c'est au retour de cette expé-
dition, en 13689 qu'il commença à guerroyer contre les Anglais sur la
frontière du Poitou : « Item, quando iste (Jean de Kerlouet) et multi
alii regressi sunt de Yspania in societate Bertrandi de Guesclin, iste et
alii socii, numéro duodecim bellatorum vel circiter, iverunt in equitatu
versus Salmurum uhi inimici sui erant, ut dicehatur. Et dum fuerunt
prope Salmurum, invenerunt inimicos suos quasi numéro duodecim
IwUatoram. Et cum iste et socii aliquem capitaneum non haberent et
inimicos assalire vellent, petiverunt unus ah altero qualem damorem
levarent , et proclamaverunt sanctum Carolum et victoriam obtinue-
runt. » Dom Morice, Preuves de Ttûst, de Bretagne^ II, 19 et 20. —
Dans les quittances auxquelles Jean de Kerlouet a apposé son sceau
(reçu, soutenu par un homme armé, porte un cor de chasse accoté de
trois merlettes), le nom de cet écujrer breton est écrit tantôt Karalouêt
(quittance des 20 avril et 12 septembre 1371), tantôt Karelouet (quit-
tance du 23 avril 1371), tantôt enfin Kaierlouet (quittance du k octobre
1371). BibL Afat.y Titres originaux, au mot KarMouet et Titres scellés
de Qairambault, tome lxii, f^ 4819. — Le plus beau titre de Jean de
Kerlouet , ce sont les lignes suivantes du testament de Charles V daté
du château de Melun en octobre 1374 : « Item, voulons que pareille-
ment soient achetées trente livres de rente pour fonder une chapeUe
pour Caralouei , où plus profitablement pourra es^re fait au regart de
ses amis. » Arck. IVaL^ J153, n« 17; K50, n® 10, f 3. -r U importait
d'autant plus de bien établir ici l'individualité de Jean de Kerlouet
qu'on a confondu récemment (OEuvres de Fro'usart^ XX, 546, au mot
Ckaruel) cet écujer breton avec Tun de ses compatriotes, Ëven Charuei,
chevalier, et l'un des héros du combat des Trente. On est allé jusqu'à
dire, pour justifier cette identification, qa^Even était l'équivalent de
JeoM, Nous ne prendrions pas la peine de relever de telles méprises,
vn — d
I. CHRONIQUES DE J. FROISSART.
Un ëcuyer, dit le Poursuivant d'amours ^^ capitaine du chftteaa
de Beaufort^y en Champagne, pour le duc de Lancastre, em-
brasse le parti français, tandis qu'au contraire le Chanoine de
Robersart *, qui avait été jusqu'alors à la solde du roi de France,
entre au service du roi d'Angleterre. — Le duc d'Anjou réussit à
enrôler quelques chefs de Compagnies *, notamment Bertucat d'Al-
bret| le Petit Âf eschin, le bour de Bretenil, Amanieu d'Ortige, Perrot
de Savoie, Jacques de Bray et Emaudon de Pau. — Prise de Vire *,
•i elles n*ëmanaient d'un savant dont le nom, entoorë d*un prestige
légitime, pourrait les faire accepter de confiance.
1. Owen de Galles, ëcuyer, qui prétendait descendre des anciens
sonTendns du pays de Galles, réussit k rallier au parti français son
compatriote Jean Win (Laroque et M. Paulin Paris ont lu : Jacaues),
dit le Poursuixant d'amours, dans le courant de 1369 (Gr, Chron,^
VI, 320; Arch, Nai,j LL197, n» 4). Le 24 octobre 1365, a Johan
Win, escuier », alors au service d'Edouard UI, avait été chargé
par ce prince, ainsi que Nichol de Tamworth, chevalier, de faire éva*
cuer les forteresses des comtes de Bourgogne, de Nevers et de Rethel
occupées par les Compagnies anglaises TRymer, III, 777). Dans un
mandement du 13 février 1379 (n. st.) ou cet ëcuyer gallois, devenu
récuyer d'écurie du roi de France, est retenu pour 95 hommes d'ar-
mes, on donne aussi à Win, «dit Poursigant», le prénom de Jean
(Delisle, MandemenU de Charles V^ p. 739, 896). Le Poursuivant d'a-
mours était encore au service de Charles VI le 19 février 1383 {^irch,
JITar., JJ122, no 128).
2. Aujourd'hui Montmorency, Aube, arr. Arcis-sur-Aube, c. Cha-
vanges.
3. Thierrif dit le Chanoine de Robersart (Nord, arr. Avesnes, c.
Landrecies), seigneur d'Ëcaillon (Nord, arr. et c. Douai), reçut d'E-
douard III, dès le Vk août 1366, une pension de quatre cents livres.
Par acte daté du château de Rouen en juillet 1369, Charles V donna à
Jean de Dormans, cardinal évèque de Beauvais, son chancelier, quatre
marcs d'or achetés par le Chanoine de Robersart, deux' sur la ville de
Crépy en Laonnois, et les deux autres sur la ville de Vervîns en Thié-
rache , confisqués a pour ce que le dit Chanoine s*es^ faiz et rendoz
nostre ennemy et a tenu et tient le parti de Edwart son ainsné filz à
rencontre de nous et de nostre royaume. » Arch, Nat.^ JJIOO, n<> 232.
4. Au mois de janvier 1369, le duc d'Anjou enrôla Noli Pavalhan,
capitaine de 88 hommes d'armes. (Titres scellés de Gaignières cités par
dom Vaissete, Eut, de Languedoc^ IV, 339).
5. Les gens des Compagnies anglaises, commandés par Jean Cresse-
well, Hochequin Russel, Folcquiu l'Alemant et Toumelin Bell, s'em-
parèrent par surprise de la ville de Vire, le 2 août 1368 ; le château
de Vire, défendu par Raoul d'Auquetonville, résista aux attaques des
Anglais qui évacuèrent la ville elle-même dans les premiers jours de
septembre, moyennant le payement d'une rançon de 2200 francs d'or
(Grandes Chroniques^ VI, 253, 25^; BibL de P École des Chartes^ III,
27(1 a 277; Arch. Hat,, JJ 99, n* 593).
SOAfMÂlRB DU P&KBima UVRE, SS 611-627. u
CD basse Normandie « et de Ghâteau*Gontier S dans le Maine,
par le« Compagnies anglaises. — Les comtes de Cambridge et de
Fembroke, charges par Edouard III d'amener des renforts au
prince de Galles, débarquent en Bretagne, et profitent de leur
sëjour dans ce pays pour embaucher les Compagnies de Vire et
de Châteaa«-Gontier qu'ils décident à repasser la Loire au pont
de Nantes, ^^ Hugh de Calverly ', qui a quitté la marche d'Ara-
gon pour rejoindre le prince ' à Angoolème, à la première non-
1. Yen le 17 aoât 1368, quatre ou cina cents oompagnont anglais,
sous les ordres de Jean Crettewell et de Folcqain TAIemant, s'étant dé-
taches de la bande qui STsit surprit Vire, pénétrèrent dans le Maine et
réntsirent à te rendre maîtres de Château-<9ontier (GranJes Chroniques^
VI, Sô4). L'éracoation ou, comme on disait alors, le ridement de cette
place forte ne fat obtenu , comme celui de Vire, qu'à beaux deniers
comptants. Un subside spécial fut \eré sur !(*s deux diocèses du Mans
et d'Angers pour parfaire la somme destinée au rachat de Château-
Gotttîer. GuîUaaaie Bequet, reocTeur général eu diocèse du Mans, fut
même obligé, le Tersement s*étant trouTé insuffisant, de laisser ses chs-
raux en compte aux routiers {^rch. Nat,^ JJIOO, Tfi 84). C'est alors
sans doute que le Lîon-d'Angers (Maine-et-Loire, arr. Segré) fut oc-
cupé par deux chefs de bande, « Hochequin Roussel et Jehan Chache,
capitaines de deux routes demourans ou dit fort de Léon en Anjou »
JJlOO, n* 155. -^ Nous Toyons par un autre mandement, daté de la
Suze-sur-Sarthe le 8 septembre, qu^Amauri, sire de Craon, donna la
chasse à d'autres bandes qui, après leur départ de Château-Gontier,
ataieiit pénétré en Bretagne, et les poursuivit jusqu'à Saint- Saureur-le-
Vieomte. Dom Morice, Preuves de Chist. de Bretagne^ I, 1632 à 1634.
S. Hugh de Calverly, qui avait été fait comte de Carrion par dom
Pèdre, avait dâ rester en Espagne même après le départ du prince de
Galles et le retour de l'armée anglaise en Gujenne.
3. Avant dVntrer en campagne, le prince d'Aquitaine crut devoir
adresser un manifeste aux prélats, aux barons et aux communes de sa
principauté. Ce manifeste, daté d'Angouléme le 27 janrier 1369, est
surtout dirigé contre le comte d'Armagnac auquel le prince reproche
de manquer à ses serments, de le payer d'ingratitude fui qui Ta aidé à
acquitter sa rançon au comte de Foix, et enfin de le mettre en guerre
avec la maison de France. Dans sa réponse à ce manifeste, datée de
Rodez et adressée aux consuls de Millau, le 22 février, le comte d'Ar-
magnac dit que le prince lui reste redevable de 200 000 francs d'or
sur les frais de l'expédition d'Espagne, qu'il a toujours refusé de le
mettre en possession de Monségur, qu'il a été remboursé de l'argent
prêté pour payer le comte de Foix, que le prince et le roi d'Angleterre
son père n'ont jamais voulu faire droit aux réclamations relatives à la
levée du fouage, et « que nul serment de feauté, nui bornage, nul ser-
ment de conseil ne nous lie en riens que, quant le seigneur nous
griesve, nous ne puissions ne deions recourre au remède de droit, c'est
appeller à nostre seigneur souverain , et ainsi l'avons nous fait au roy
de France. » Ces deux documents, qui offrent un si rif intérêt, ont été
LU CHRONIQUES DE J. FROISSART.
velle de la reprise des [hosdlitës, est mis à la tête de deux mille
soudoyers de ces Compagnies d'outre-Loire, réunies à celles qu'il
a ramenées d'Espagne ; il fait des incursions sur les terres du
comte d'Armagnac et du seigneur d'Albreti P. Ii4àil8, 336,
337.
A peine arrivés à Angoulème, les comtes de Cambridge et de
Pembroke^ reçoivent du prince de Galles Tordre de faire une
chevauchée dans le comté de Périgord ^^ à la tète de trois mille
publiés pour la première fois par M. Tabbé Joseph Rouquette. Lu
Rouer gue sotu les Anglais^ p. 139 al 42, \kk à 149.
1 . Il importe beaucoup, pour donner une base solide à la chrono-
logie si flottante et si confuse de Froissart dans le récit des guerres de
Gascogne, de déterminer au moins d'une manière approxmiatÎTe la
date ae Parrivëe en Guyenne des comtes de Pembroke et de Cam-
bridge. Or, nous Toyons que, le 16 janvier 1369, Edouard III accorda
des lettres de sauf- conduit à son gendre Jean de Hastings , comte de
Pembroke, « qui in obseqnium régis, ibidem in comitiva Eduardi prin-
cipis Aquitanie et Vallie moraturus, profeeturus est versus partes A qui"
tanie. d Rymer, III, 857.
2. L'expédition des comtes de Cambridge et de Pembroke en Péri-
gord ne peut être antérieure à la seconde quinzaine d'avril 1369, car
c'est alors seulement qu'Archambaud Y, comte de Périfford, se décida
après de longues hésitations à donner son adhésion a Tappel porté
dcTant le roi de France par Jean, comte d'Armagnac, et le sire d'Al-
bret. Le comte avait été devancé par son frère Taleyrand de Périgord
qui avait adhéré à l'appel dès le 28 novembre de l'année précédente et
en faveur duquel Louis , duc d'Anjou , par acte daté de Toulouse en
mars 1369, venait de constituer une rente de 3000 livres à prendre
a in et super conquesta in senescallia Petragoricensi et in senescàllia Ca-
turcensî. > {Arcn. Nat,^ JJ 100, n^ ?78.) Le 15 du mois suivant, le
prince d'Aquitaine, pour retenir Archambaud dans le parti anglais,
confirma solennellement les privilèges de son comté {Bibl. Hfat,, fonds
Doaty reg. 244 ; Périgord, tome III, f» 19) ; mais il éuit trop tard : le
comte de Périgord, qui se trouvait alors à Canssade en Quercy (Tarn-
et~Garonne , arr. Montauban) , avait adhéré formellement a l'appel
deux jours auparavant {Ihid.^ reg. 242; Périgord, tome I, (^661). Dans
le courant de mai, Archambaud prit ouvertement parti contre les An-
glais et se rendit à Toulouse auprès du duc d'Anjou (Jrch. municipales
ae Périgueius, livre noir, (^ 46, cité par Dessalles, Périgueux et les deus
derniers comtes de Périgord^ Paris, 1847, p. 89). Tandis que Charles V,
par acte daté de Saint-Germain-en-Laye en mai 1369, confirmait,
pour récompenser le comte de Périgord, toutes les donations antérieu-
res faites en sa faveur {Areh.Nat,^ JJIOO, n» 431), le prince d'Aqui-
taine, impatient de se venger de cette défection, donnait l'ordre aux
comtes de Cambridge et de Pembroke de marcher sur le Périgord, et,
le 26 juin, après avoir confisqué ce comté, en faisait don à Regnault
de Pons, vicomte de Turenne et de Cariât, seigneur de Ribérac, de
Montfort, d'Aillac, de Carlux, oncle par alliance d' Archambaud V.
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, Sg 611-627. un
combattants. Ils mettent le siëge devant la forteresse de Rour-
ddlles^ que défendent les deux firères Ernaudon et Rernardet de
RadefoP, ëcuyers de Gascogne. P. 118, il 9, 337, 338.
En Poitou et sur les marches d'Anjou et de Touraine, la supé-
riorité du nombre est du côte des Français, et deux ou trois
cents Anglais ont à garder la frontière contre mille combattants.
Profitant de cette supériorité, sept cents Français, sous les ordres
de Jean de Reuil ', de Guillaume des Rordes, de Louis de Saint-
Julien et de Jean de Kerlouet, mettent un jour en déroute, sur
une chaussée rompue, entre Lusignan* et Mirebeau, une troupe
1. Dordogne, arr. Périgneuz, o. Rnntôme. Pendant le liége de
Ronrdeilles , les Aurais s'emparèrent de Ronssille (chatean titué en
DouTille, Dordogne, arr. Bergerac, c. Villamblard) et firent des tenta-
ÛTes infructuenses contre Auberoche (château situé au Change, arr.
Përigneux, c. SaTÎcnac-les-Églises) et Montignac (Dordogne, arr. Sar-
kt). DessaUes, Ibtd.^ p. 90.
3. Ernaudon et Rernardet de Radefol étaient les deux fils naturels
de Seguin de Gontaut, sire de Badefols (auj. BadefoIs>de-Gadouin
Dordoene , arr. Bergerac , c. Cadouin ) , père du fameux Seguin
de Badefol, empoisonne par le roi de Nararre a la fin de 1365. Se-
guin de Gontaut, qui aTait aussi donne le jour â trois filles naturelles,
riTait encore au commencement de 1369; il mourut peu après, le
23 août 1371, et fut enterré dans Tabbaje de Gidouin. Tandis que les
deux bâtards de ce seigneur sVtaient enrôlés dans le parti français et
commandaient la garnison de BourdeiJles, Gastonnet ou Tonnet, le
dernier né des fils légitimes de Seguin, était, comme nous le Terrons
l^us loin, capitaine de Bergerac pour les Anglais.
3. Le 5 aTril 1369, Charies V manda à Jean le Mercier, trésorier des
guerres, c]e fournir cinquante payes à son « amé et féal Jehan de Bueil,
cheralier, pour la garde de la ville tt Angers et du pays d'environ, b De*
lisle, Mandementi de Charles V^ p. 258. — Dans deux actes datés des 1 6 et
18 juillet suivants, Jean de Benil est mentionné comme faisant alors la
guerre sur les confins de la Touraine et du Poitou {Arch, Nai,^ JJ100«
n«526J.
4. Ce combat, qui fut livré près de Lusignan vers le milieu de 1369»
paraît avoir eu une certaine importance. Froissart est le Aenl chroni-
queur qui le mentionne , mais nous avons découvert un jicte relatif k
un chevalier français qui j perdit la vie, où Ton donne à cet engage-
ment le nom de < bataille i . Par cet acte daté du bois de Vincennes
en septembre 1369, Charles V donna les biens confisqués de Simon du
Felonx, de Robin du Portau et de Jean de Maisoncelles, sis en Lou-
dunois, à Philippe de Montjeban, veuve de Robert Fretart, fils de feu
Robert Fretart, en son vivant chambellan de Philippe de Valois, afin
de la dédommager de ce qu'elle avait pajé f pour la reançon de feu
Robert Fretart son filz lequel, pour nous servir en nos guerres, fn plu-
sieurs foi* prisonnier à Montbason et ailleurs et darriennement perdi un
cAcm/, du pris da cent livres^ n ia batauxb qui fu imfbAs LniovAir,
uv CHRONIQUES DE J. FROISSART.
d'Anglais commandés par Simon Burleigh ^ et d'Agortsses '• Ce
dernier réussit à s'échapper et se jette dans le château de La«
signan, mais Simon Burleigh reste au pouvoir des vainqueurs.
P. 120, 421, 338, 339.
Sur les firontières du Toulousain, JeanChandos', le captai de Buch*,
en lacnielle aussi fu mort le dit Robert, • Ar^, Nût,^ JJIOO9 n^ 393«
Cf. JJ 100, no» 112 et 280.
1. Simon Burleigh avait été éler^ avec le prince de Gallefl qui le char-
gea, ainsi que Guichard d'Angle, de diriger l'édacation de son second
U, depuis Richard II. Froissait fut mis de bonne heure en relation
avec ce chevalier auquel il dut sans doute quelques-uns de ses récits.
« De ma jeunesse, dit le chroniqueur racontant la mort violente de
Simon Burleigh en 1387, je Tavoie trouva courtois chevallier et à mon
semblant pourveu de bon sens et entendement. » Froissart de Buchon,
éd. du Panthéon, II, 613. — Simon Burleigh avait ëpous^ Marguerite
de Beaussé, veuve du seigneur de Machecoul (Loire-Inférieure, arr.
Nantes), laquelle lui avait fait donation de tous ses biens au détriment
de ton héritière naturelle Catherine de Machecoul , mariée à Pierre
de Craon. Par acte daté de Paris, au mois de juillet 1369, Charles V
déclara cette donation nulle et non avenue, et il importe de signaler
cet acte parce qu'il mentionne Poccupation à cette date de Saumur
par les Français, contrairement à l'assertion de tous les historiens an-
ciens et modernes de PAnjou (Arch, Nat,^ JJIOO, n« 540).
2. Ce chevalier dont le véritable nom est resté un mystère pour tbus
les éditeurs et commentateurs de Froissart, s'appelait Adam Chel, dît
d'Agorisses ; il était originaire du pays de Galles et marié à la dame de
Mortemart (Haute-Vienne, arr. Bellac, c. Mézières). Le 2 mars 1370,
Charles V déclara confisqué le château de Gençay (Vienne, arr. Civray)
qui appartenait à Adam Chel, et le donna à Jean de Villemur; puis,
deux jours après, le k du même mois, il révoqua la précédente dona-
tion et transporta le dit château à Louis, sire de Malval. Au reste, ces
donations ne tiraient guère à conséquence, puisque Gençay n*avait pas
cessé d'être au pouvoir d^Adam Chel. Arch, Nat,^ JJ 100,* f» 242 ^charte
barrée) et n®» 804 et 472.
3. Dès la fin de janvier 1369, Jean Chandos devait être arrive k
Montauban, puisque Thomas de Wetenhale, voulant relever le courage
et soutenir la fidélité des habitants de Millau, après la défaite des An-
Slais au mont d'Alazac arrivée le 17 de ce mois, leur disait que Chan-
lOt et Bertucat d'Albret, à la tête de troupes considérables, étaient en
route pour venir protéger le Rouergue et en chasser les ennemis {Le
Rouergue sous Us Anglais ^ p. 137). La mention de Bertucat d'Albret,
désigné par Thomas de Wetenhale comme le compagnon d*armes de
Chandos, prouve en outre, contrairement à l'assertion de Froissart, que
ee chef de Compagnies était encore, à cette date, dans le parti anglais,
4. Le 27 mars 1369, c'est-à-dire au moment même où Anglais et
Français se disputaient le Quercy à main armée, le prince d'Aquitaine
donna le comté de Bigorre à Jean de Grailly, captai de Buch, dont il
récompensait ainsi l'inaltérable fidélité à sa cause (Carte, Râles gascons^
'
SOMMAIRE DU PBEMIKR LIVRE, $^ 611-627. lt
le sire de FftrtkeiiayS Louis de Harcourt et Guiohard d'Angle,
qui tiennent garnison à Montauban et disposent d'an millier de
oombattanU, s'emparent, après quinze jours de si^ge, de Ro-
queserrière ', et peu s'en faut qu^ils ne surprennent Lavaur.
p. 157). Cette donation fut confirmée par Edouard ni , le 8 juin
soÎTant.
1. GoiUaume LarcheTéqae, seigneur de Parthenay. Par acte dat^ du
bois de Vincennes en juin 1369, Charles V donna à son am^ ëcujrer
d'ëeurie Guillaume Goffier les château et chatellenie de Rugnj en
Tooraine (aujourd'hui Rigny, Indre-et-Loire, arr. Chinon, c. Azay-
le-Rideau), confisqua sur Guillaume Larcheréque, aire de Parthenay,
qui les possédait au chef de sa femme, « pour ce que le dit Guillaume
s'est rendus nostre ennemi et a tenu et tient le parti du dit prince de
Gales, duc de Guienne, et s*est armez et arme contre nous et nos sub»
ffiez, en faisant et portant de jour en jour tous les dommages qu*il peut
a nostre dit royaiûme , et lequel chastel a esté pris par force de noz
gens. » jéreh, iVo/., JJIOO, n» 197. — Le 9 du mois snirant, le roi de
F^mnce, apprenant que la terre de la Fougereuse en la ricomtë de
Thouars (aujourd'hui section de Saint-Maurice*la-Fougereuse, Deux*
Serres, arr. Bressuire, c. Argenton-Château), appartenant à Briand de
la Haye, chcTalier du parti français, arait été donnée par le prince de
Galles au sire de Parthenay, assigna au dit Brianu 500 liyres de
rente sur les biens confisqués de Guillaume Lareheréque. JJ 100 ,
n» 201.
S. Le « Cerriéres » du texte (Terriireâ n'est sans doute qQ*nne anau*
Taise leçon prorenant de la similitude du / et du « dans l'écriture des
quatorzième et quinzième siècles), situé en Toulousain, suirant la re-
marque du chroniqueur, doit être identifié selon toute Traisemblanee
avec Roqueserrière (Haute-Garonne, arr. Toulouse, e. Montastrnc). Ce
que Froissart dit ensuite d'une tentative infructueuse contre Lavaur,
confirme cette identification. Les gens d'armes du prince d'Aquitaine
attaquèrent sans 'doute avec un acharnement particulier les châteaux
et manoirs de ce Pierre Raymond de Rabastens, seigneur de Cam-
pagnac (Tarn, arr. Gaillac, c. Castelnau-de-Montmiral) et de Mezens
(c. Rabastens), successirement sénéchal d'Agen, de Beaucaire et en
denier lien de Toulouse (Areh. Nai.^ JJ 102, n* 324), l'agent dont le
duc d'Anjou s'était surtout servi dans set négociations avec les appelants
du Quercy et du Rouergue (Ordonn,^ VI, 500 et 501). Quoi qu'il en
soit, les Anglais ravagèrent alors à tel point l'Albigeois que la popu«-
lation déserta en masse les campagnes pour chercher un refuge dans
les villes fermées. Les vignobles restèrent incultes faute de bras pour
les cultiver, et, sur la plainte des habitants de Castres, Charles V dut
défendre aux campagnards de transporter leurs vins et vendanges à
l'intérieur de cette ville et dans sa banlieue, c cum major pars terri torii
et pertinentiarum dicte civitatis habundet in vineis plusqnam in aliis
terris fraotiferis, que rinee, tam propter pestiferas mortalitates quam
eciam gnerrarum discrimina, pro majori parte inculte et derelicte re-
manserunt, presertim ille que distant et sunt longe a dieu civitate, et
oh hoc depopulatur cîvius antedicta. s Arch, Hat,^ JJ 100, n« 573»
LVi CHRONIQUES DE J. FROISSART.
— Les Français, de leur côte, ayant à leur tête les comtes de
Périgord^y de Gomminges, de Tlsle, les vicomtes de Garaman,
de BruniqueP, de Talar, de Montredon et de Lautrec, ainsi que
Bertucat d'Albret et les autres chefs des Compagnies, dëtachës du
parti anglais par les soins du duc d'Anjou, les Français, dis-je,
entrent en campagne avec un effectif d'environ dix mille hommes
et mettent le siëge devant Rëalville', en Quercy, dont ils font
1. On a TU plut haut qu'Archamband V, comte de Përigord, éuit à
Canssade en Quercy le 15 avril et à Toulouse en mai 1369. Le 2k et
le 28 norembre 1368, Charles Y avait assigne 40 000 francs au comte
de Périgord et 12 000 à Taleyrand, frère du comte,* payables tous les
ans dans le cas où le comte adhérerait à l'appel, depuis le moment où
le prince de Galles lui aurait déclare la guerre jusqu'à la fin de la lutte
(Delisle, Mandements Je Charles V^ p. 240 à 242).
2. Par acte daté de Toulouse le 20 décembre 1369, Louis, duc
d* Anjou, donna a Roger de Gomminges, vicomte de Bruniquel (Tarn-
et-Garonne, air. Montauban, c. Monclar), 200 livres de rente assises
sur divers lieux du diocèse de Gahors {Arch, Nat,^ JJ102, n* 140).
3. Tam-et-Garonne, arr. Montauban, c. Gaussaae. Au premier abord,
en lisant dans le texte le récit de ce long siège de Réalville par les gens
du duc d* Anjou, on serait tenté d'accuser Froissart d'une de ces erreurs
de date dont il est coutumier. On sait en effet que, dès le 18 mars
1369, les habitants avaient adhéré à Tappel au roi de France, après
avoir massacré la garnison anglaise (y/rcA. Nat,^ J716, n« 18; art. de
M. Léon Lacabane dans BibL de P Ecole des Chartes^ XII, 107). D'ail-
leurs, à la date même de cette adhésion, Louis, duc d'Alnou, donna k
messire Regnault de Donerel, doyen de Gayrac (Tam-et-Garonne, arr.
Montauban, c. Gaussade), la justice haute, moyenne et basse de Gayrac,
60 sous sur un moulin de la rivière de Vayron et le tiers du port de
Réalville en la sénéchaussée de Quercy {Arch, iVa/., *JJ 100, n^ 243).
Toutefois, il y a lieu de supposer que Réalville fut repris par les An-
glais peu après l'expulsion de ceux-ci, et que par conséquent les Fran-
çais, pour rentrer en possession de cette place , durent la soumettre à
un siège en règle. Cette supposition se fonde sur un acte daté de Ju-
miéges en août 1369, où l'on voit que Réalville, redevenu une seconde
fois français à cette date, et donné au sire de Puy cornet, avait été à
peu près détruit à l'occasion de la guerre. Par cet acte, Charles V, à la
prière de ce même Regnault de Donerel, doyen de Gayrac, dont il vient
d'être question, met hors de tout autre ressort que celui de Gahors la
temporalité du doyenné de Gayrac ressortant auparavant à la bailie de
Réalville, « licet, oceasione guerre per dictas Edwardum (Edouard III) et
Edwardum (Edouard, prince d'Aquitaine) commote et habite^ locus de Be-
galivUla fuerit et sit destruetus et devastatus sicque in eoaem non est
neque speratur quod sit aliquis ba juins seu baillivus qui ibidem rema-
nere esset ausus...; et una cum hoc prefatus locus de Regalivilla do-
mino de Puichcomet fuerit et sit concessus. » Arch, Nat,^ JJ 100 ,
n» 242.
SOBfMAIRE DU PREMI£R LIVRE, §§ 6i 1-627. ltxi
battre les remparts par quatre grands engins qu'on leur expëdîe
de Toulouse. P. 121 à 124, 339 à 341.
Pendant ce temps, Jean, duc de Berry, Jean d'Armagnac *■ son
beau-frère, Jean de Yillemur, Roger de Beaufort *, les seigneurs
de Beaujeu, de Villars et de Chalançon, font la guerre aux Anglais
sur les frontières du Limousin, de l'Auvergne et du Quercy.
L'archevêque de Toulouse ', envoyé en mission par Louis , duc
1. C'est Jean d* Armagnac, fils du comte d* Armagnac, qui fut le prin-
cipal chef des opëration§ militaires dans le Roaergue et V Albigeois au
commencement de 1369. Parti du Charollais, il trarersa 1* Auvergne,
pois le Gëraudan par où il pénëtra en Rouergue et inaugura la cam-
pagne, dans les premiers jours de janyier, par la prise de la Roque- Val-
lergne. Pendant ce temps, le comte d* Armagnac, seconde par Pierre
Raymond de Rabastens, sënéchal de Toulouse, que le duc d'Anjou lui
arait adjoint (Ordonn», VI, 500 et 501), se chargeait surtout des né-
gociations arec les principales Tilles {Ordonn,^ Y, 702 à 707; ^reA. /Vaf.,
JJ 100, n» 881).
2. Par acte date de Toulouse en fërrier 1369, Louis, duc d* Anjou,
donna à Roger de Beaufort, chevalier et seigneur de Beaufort, les
lieux de Montfancon (Lot, arr. Gonrdon, c. Bastide) et a de Avaro i,
en la sënëchaussée de Quercy {Âreh. Naf,, JJIOO, n» 303).
3. Cet archeréque s'appelait GeofBroi de Vayroles. Le 5 juin 1369,
0 fut gratifie par Charles V d'une somme de 800 livres d'or {Gall.
Christ.^ xin, 41); et la même année, Louis, duc d'Anjou, constituait
une rente annuelle et perpétuelle de 1000 livres au profit de GauM;lm
de Vayroles, seigneur de Lalbenque (Lot, arr. Cahors), frère de l'ar-
chev^ne de Toulouse (Jrch. Nat,^ JJ102, n* 111). Dès le mercredi
31 janvier 1369, le duc d'Anjou avait envoyé ce chevalier, qualifié
sénéchal du Quercy, avec cent hommes d'armes, prendre le gouverne-
ment du Périgord et du Quercy et traiter avec les habitants de ces
deux provinces. Gauselm était de retour à Toulouse le 3 juillet suivant,
jour où il donna quittance de 400 francs d'or pour ses gages en la pré"
tente guerre de Gaieogne {Bibl.de P École des Chartes^ XV, 199). Du
reste, Tévéque de Cahors était alors Begon de Castelnau; et ce n'est
pas révoque, comme Froissart le dit sans doute par confusion (p. 124),
c'est le sénéchal de cette ville et du Quercy, qui était le frère de Geof-
froî de Vayroles archevêque de Toulouse. Sauf cette erreur, Tassertion
de Froissart, relative aux services exceptionnels rendus par l'archevêque
de Toulouse et par son frère , est confirmée d'une manière éclatante
par un acte authentique, daté de Paris en avril 1371, où Charles V,
ratifiant la donation de 1000 livres tournois de rente faite à Gauselm
de Vayroles par le duc d'Anjou son frère, ainsi que l'assignation de
cette rente sur un certain nombre de seigneuries du Quercy et de
l'Albigeois, motive cette faveur dans les termes suivants : « considé-
rantes et ad memoriam reducentes omnia et singula pfemissa et lauda-
bilia et utilia servicia que Gofiredus, archiepiscopus Tolosanus, Gau-
selmi de Vairoliis germanus, et miles predictus ac eorum antecessores
Lx CHRONIQUES DE J. FROISSART.
française. Il garde donc la neutralité, et cet exemple est suivi par
Jeanne, duchesse de Brabant ^. En revanche, les ducs de Gueldre
et de Juliers dëfient le roi de France. P. 424 à 129, 341 à 345.
Le pape Urbain V refuse pendant cinq ans d'accorder les dis*
penses nécessaires pour le mariage d'Aymon, comte de Cam-
bridge, Tun des fils d'Edouard III, avec Marguerite de Flandre ^.
Louis, comte de Flandre, père de Marguerite, cédant aux solli-
citations de la comtesse d'Artois sa mère, prend le parti de don-
ner la main de sa fille à Philippe, duc de Bourgogne, frère cadet
du roi de France'. Charles V engage Lille et Douai* entre les
trat de mariage conclu à Saint-Quentin , le 3 mars de Tannée précé-
dente, entre Marie de France, fille de Charles V, et Guillaume , fils
aîné d'Aubert de Bavière, gouremeur des comtés de Hainaut, Hollande
et Zélande {Arch, Nat„ J412, n** 1). Par son mariage ayec Jean, sire
de Ligne, fils de Guillaume, Eustachie , Taînëe des filles de Jean III ,
tire de Barbençon, mort sans héritiers maies, porta la terre de ce nom
dans la maison de Ligne.
1. Wenceslas, duc de Luxembourg, frère puîné de Tempereur
Charles IV, marié à Jeanne, duchesse de Brabant et de Limbourg,
était Toncle maternel de Charles Y, fils de Bonne de Luxembourg. Sur
les relations d'intimitë qu'entretenaient alors le roi de France, le duc
et la duchesse de Brabant, voyez Pinchart, Études sur PhUtoir^ des arts^
Bruxelles, 1855, p. 17, 18, 30.
2. On ne saurait nier que, sur cette question des dispenses pour
mariage, Urbain Y n'ait fait preuve d'une véritable partiahté en faveur
du roi de France. Le mercredi 2 octobre 1364, le pape donnait dis-
Sensé pour le mariage de Marie de France , fille du roi Jean , avec
[enri, duc de Bar, parrain et parent au troisième degrë de consan-
guinité de la dite Marie (jérck. Nat,^ J437, n« 32) ; et, le jeudi 30 oc-
tobre de Tannée suivante, par deux bulles adressées aux archevêques
de Cambrai et de Canterburj, il révoquait toutes les dispenses de ma-
riage en termes généraux concédées par Clément YI et Innocent YI
aux empereurs, rois, princes, ducs et marquis ; et il commandait aux
dits archevêques de déclarer à Edmond, fils d'Edouard III, qui avait
obtenu pareille dispense pour contracter mariage avec Marguerite ,
fille de Louis, comte de Flandre , parente aux troisième et quatrième
degrés, que la dispense qu'il avait obtenue était révoquée, et que le
dit Edmond et la dite Marguerite tomberaient sous le coup des cen-
sures, s'ils passaient outre (J558, n<» 6 et 6 his). Enfin, par une bulle
datée de Saint-Pierre de Rome le 3 novembre 1367, Urbain Y décla-
rait Edmond et Marguerite libres de contracter ailleurs mariage et les
absolvait du serment qu'ils pouvaient s'être fait mutuellement (J 558, n» 7) .
3. Ce mariage, c qui longuement avoit esté traictiét, fut passé et
accordé le samedi après Pâques (Pâques tomba en 1369 le 1«' avril),
c'est-à-dire le 7 avril 1369 (Gr. Chron., YI, 271).
4. A ces deux châtellenies, mentionnées par Froissart, il faut ajouter
celle d'Orchies [Nord, arr. Douai).
SOBfMAIRE DU PREMIER LIVRE, gg 611-627. lzi
mains de son jetme frère, en considération de ce mariage qui se
célèbre à Gand^. Un tel événement a pour effet de refroidir
Edouard m à l'endroit des Flamands ses anciens alliés, mais les
communes de Flandre n'en continuent pas moins d'être plus favo-
rables an roi d'Angleterre qu'au roi de France. P. 129 à 131«
346.
Par l'entremise d'Eustacbe d'Auberchiconrt , capitaine de Ga«
rentan, Charles, roi de Navarre, qui se tient alors à Cherbourg *,
1. Ce mariage fat en effet célébré à Gand, le 19 jain 1369, en l'ab-
baje de Saint-Baron. Charles Y et les commnnefl flamandes eurent
soin de prendre leors suretës. Le 12 septembre 1368, le roi de France
le fit remettre une contre-lettre secrète où le duc de Bourgogne son
frère s'engageait à restituer les trois chatellenies de Lille, de Douai et
d'Orchies, dès que Louis de Maie, comte de Flandre, serait mort; et,
le 27 mars 1369, Marguerite de Maie dut prêter entre les mains de son
père le serment solennel de ne jamais consentir, après son entrée en
possession de lille , de Douai et d*Orchies, à Taliénation de « ces an-
dennes parties de la Flandre. » Inptnt, des Archives de Bruges^ Bruges,
1873, n, 155 à 157.
2. Le rédacteur des Grandes Chroniques dit que le roi de Nayarre
c Tint par la mer en Constantin s au mois de septembre 1369 (Gr,
Ckron.^ VI, 318). Ce n'est pas tout à fait exact. Charles le MauTais
airiTa à Cherbourg dès le 13 août de cette année, ainsi que Pétablit
l'article de compte suivant : cA messire Jaques Froîssart, clerc de
monseigneur (le roi de Nararre), par mandement de monseigneur d*A-
Tranches et de Ferrando d'Ajenz, lieutenanz de monseigneur, donné
le Ti aoust nul ccglxx, pour despens de ses gens et chevaliers, depuis le
xm aoust mil ccCLxix que monseigneur vint et arriva dans sa ville Je Che^
rehourg jusqu'au xin aTril mil ccclxx , ti sous par jour, ix livres par
roots, ce qui fait lxxii lÎTres, franc pour xxviii sous pièce, valant
L frans, I tiers, m sous. i> Bibl. Nat. , registre des revenus du roi de
Navarre en Normandie, ms. fr. n« 10367, f*" 136. — Aussitôt après son
arrivée à Cherbourg , le roi de Navarre entama des néeociations avec
Edouard III auprès de qui il dépécha, a Tan lxix, à la mi aoust o,
Jaquet de Rue et Pierre au Tertre. Le 29 août 1369, Edouard III oc-
troya des lettres de sauf-conduit à Baudouin de Beaulo , chevalier, &
Sanche Lopez, huissier d'armes, i Pierre du Tertre, secrétaire du roi
de Navarre, à Guillaume Dordan, bailli du Cotentin pour Charles le
Mauvais, envoya par le dit roi en Angleterre, a pro quibusdam nego-
tiis et tractadhus nos et praefatum regem Navarrœ tangentibus. a
Rymer, m, 879. — A la mi-juin de Tannée suivante, Pierre du Tertre
et Guillaume Dordan étaient encore en Angleterre où ils se firent dé-
livrer des passe-ports pour se rendre en Navarre (Rymer, édil. de 1740,
ni, 170). Mais c*est«seulement dans le courant du mois d*août 1370
que Charles le Mauvais passa la mer en personne et reçut l'hospitalité
an manoir de Clarendon où résidait alors le roi d'Angleterre (Rymer,
m, 899). C'est alors que les deux rois arrêtèrent les bases d'un traité
d'alliance en vertu duquel Edouard promettait à Charles la Champagne,
Lxii CHRONIQUES DE J. FROISSÂRT.
se rend en Angleterre où il conclut un traite d'alliance offenaive
et défensive avec Edouard III. Les nefs anglaises^ qui ont ramené
le Navarrais à Cherbourg, sont capturées au retour par des ma-
rins normands, et les chevaliers ou écuyers de distinction, em-
barqués sur ces navires, faits prisonniers. £usti|che d'Auberchî-
court prend congé du roi de Navarre pour répondre à Tappei du
prince de Galles. Arrivé à Angoulême, il se met aux ordres du
prince qui l'envoie à Montauban rejoindre Jean Chandos et le
captai de Buch. P. 131 à 133, 346, 347.
Les chevaliers et écuyers de Picardie, au nombre de mille
lances, vont, sous les ordres de Moreau de Fiennes, connétable
de France, et de Jean deWerchin, sénéchal de Hainaut, faire
une démonstration devant la bastide d'Ardres ^ occupée par les
Anglais. P. 133, 134, 347, 348.
La forteresse de Réalville, en Qaercy, abandonnée par Jean
Chandos et le captai de Buch qui font frontière à Montauban
ainsi que par les comtes de Cambridge et de Pembroke qui as-
siègent Bourdeilles, se rend aux Français *. Après la reddition de
Réalville, les chefs des Compagnies à la (solde du duc d'Anjou
la Bourgogne et le Lîmoasin. Le prince de Galles, qui reprit Limoges
le 19 septembre suivant, s'ëtant oppose à la cession de cette dernière
Srovince, le traite de Clarendon resta non avenu : ce qui décida le
'ayarrais à traiter avec Charles Y.
1. Pas-de-Calais, arr. Saint-Omer. Cette bastide d'Ardre» était une
sorte de poste aTancé qui gardait les approches de Calais. Le l^ dé-
cembre 1369, une convention ou, pour employer le terme de la chan-
cellerie anglaise, une endenture fiit conclue à Calais entre Jean, duc de
Lancastre, sénéchal d'Angleterre, lieutenant en ces parties de France,
et Jean, sire de Gommegnies. £n vertu de cette convention, le sei-
gneur de Gomm,egniés fut institué capitaine d'Ardres avec ime gar-
nison de 100 hommes d'armes, à savoir lui chevalier banneret, 10 che-
valiers bacheliers, 89 écujers et 200 archers (Rjrmer, III, 882). Ce
texte prouve que Vhomme tT armes ^ tel que l'entendaient les Anglais
en 1369, comprenait 3 personnes, 1 chevalier ou 1 écujer et 2 ar-
chers. On remarquera aussi la part prise a cette démonstration mili-
taire par Jean deWerchin, le chef du parti français en Hainaut, et par
suite l'ennemi personnel du seigneur ae Gommegnies, qui, non con-
tent de servir Edouard III, faisait de la propagande dans son pays en
faveur de l'alliance anglaise.
2. Cette prise de Réalville par les Français et la participation du
comte de Périgord et de son frère Talevrand à ce fait de guerre sont
rappelées dans un acte, daté de Paris le 27 juillet 1371, par lequel
Charles Y donne à Pierre de Campagnac, chevalier, frère de maître
Bertrand de Campagnac , en considération de services rendus qd la
SOMMAIAE DU PR£MIKa UVAB, $^ 6ii-627. uuii
vont loûr garniaon à Cahon, tandis qœ le oomte de P^igord et
les autres seigneurs regagnent leurs terres pour les défendre coi^
tre les incursions des Compagnies anglaises. — Exploits de Tho«
mas de Wetenhale ^, capitaine anglais de MiJlau ' et de la Roque*
Valsergue^ en Rouergue, contre les Français. P. 134 à 136,
348, 349.
eompagnie de nos fëaax ooosîiis le comte de Périgord et Taleyrand
de Périgord, 100 Uttcs tonmois de rente oonfiiquëet tor Evrard de la
Roche, che^dier, assises à Rëalville et à nous advenues depuis que
c dicta Regalis YiUa vi armorum per gMes nattra» capta fuit, » jirck,
Nai.^ JJ102» no 305. — L'occupation de Réalrille avait ëtë précëdëe de
la soumission d'une bourgade voisine, de Caussade, en latin Caleiata^
soomisaion qui en avril 1369 ëtait un fait accompli (JJIOO, n» 768).
1. Le 34 juin 1369, Thomas de Wetenhale, c se dicens senescalium
Ruthenensem 1, assiégeait la tour de Valady (Aveyron, avr. Rodez,
c. MarcilJac), sur le sommet de laquelle les habitants, vassaux du vi-
comte de Murât , avaient arboré une bannière aux armes de France
iidrek, Jfat., JJ 100, n« 830).
3. Froissart prétend que Thomas de Wetenhale tint Millau plus
d'an an et demi et ne rendit' cette place qu*à du Guesclin. Lorsqu'à
k fin de mai 1370, Millau ouvrit ses portes au duc d'Anjou et au roi
de France à la suite de négociations qui duraient depuis le 5 décembre
de Tannée précédente (^Arch. Nat,^ Jj 100, n^ 76), 727 et 797), il y
avait plu de huit mois que le sénéchal anglais du Rouergue était
mort; il avait succombé aux blessures reçues au combat de Montlaur
vers le milieu du mois de septembre 1369. Le chroniqueur de Yalen-
ciennes parait avoir confondu Thomas de Wetenhale, sénéchal du
Rouergue, avec Thomas de Walkefare, sénéchal anglais du Quercy,
dont un fief, appelé en latin « Naotavernas « et situé près de Cahors,
ffOLl confisqué en janvier 1370 (n. st.) au profit de Gauselm de Vay-
roles, sénéchal français de la même province {Areh, Nat,^ JJ108,
n* 183). Nous ne savons si Thomas de Walkefare contribua à retenir
Millau sons la domination anglaise pendant les premiers mois de 1370;
le sénéchal anglais du Quercjr fut pendu sur un échafaud à Toulouse,
au mois de septembre de cette année, par ordre du duc d'Anjou (dom
Vaiasete, HUt. </# Languedoc^ IV, 346).
3. Le lieu fort , appelé par Froissart c Vauclère » et situé en
Rouergue i, doit certainement être identifié avec la Roque- Valsergue
(AYeyron, arr. Millau, c. Campagnac), château qui était au moyen iige
le chef-lieu d'une des quatre grandes chalellenies du Rouergue. £ji
1368, Guillaume Pevret, châtelain anglais de la Roque- Valsergue, avait
été tué par un écuyer du pays, nommé Bernard Broissin {Areh. Nat.,
JJ 100, n^ 827). Ce fut la première place de cette sénéchaussée dont
les Français s'emparèrent dans les premiers jours du mois de janvier
1369, au début de la campagne contre les Auglais. Jean d'Armagnac,
fiU du comte de Rodez, à qui le duc de Berry, campé en Auvergne,
avait confié un détachement de ses troupes, après avoir traversé le Gé-
vandan, vint mettre le ûége devant la Roque-Valsergne, et livra plusieurs
assauts à cette fMteresse. Au dernier de ces assauts, le capitaine de la
LxiY CHRONIQUES DE J. FROISSART.
Prise de la Roche-Posay'j sur les confins du Poitou et de la
Touraine, par les Français sous les ordres du breton Kerlouet \
de Jean de Beuil, de Guillaume des Bordes et de Louis de Saint-
«
garnison anglaise fîit taë et la place emportée. Amauri de Narbonne,
qui arait pris part à ce fait d'armes, en transmit aussitôt la nouvelle a
Rodez. Mais Thomas de Wetenhale, qui se trouvait alors a Villefranche
avec Diego Massi, châtelain de Millau, était resté étranger, quoi qu'en
dise Froissart, à la courageuse résistance de la garnison de la Roque-
Valsergue.
1. Vienne, arr. Châtellerault, c. Pleumartin. La Roche-Posaj est
sur la rive gauche de la Creuse, au confluent de cette rivière avec la
Gartempe, a la limite du Poitou au sud-ouest , du Beriy au sud-est et
de la Touraine au nord. Cette forteresse commandait la route, an-
cienne voie romaine, qui mettait en communication, de temps immé-
morial, Poitiers et Tours. Occupée, peu après 1356, par le Basquin
du Poncet, elle avait servi de base d'opérations à ce chef de bande
dans toutes ses entreprises contre la Touraine, dans ses pointes sur
Cormerj et sur Véretz. Témoin vénérable de cette période de luttes,
l'église actuelle, dont la construction remonte au quatorzième siècle, a
conservé des restes de fortifications. A la date du 11 mai 1369, la
Roche-Posay était encore au pouvoir des Anglais , ce dont Charles V
se plaignait en ces termes dans une sorte de mémorandum diploma-
tique adressé à Edouard III, et où le roi de France énumère tous ses
griefs contre son adversaire d'Angleterre : « Item, que aucunes des for-
teresses ne furent oncques délivrées ; ainsois ont toujours esté occu-
pées et encores sont par le dit roj' d'Angleterre ou par ses subgiés ou
aliés, c'est assavoir la Roche de Posaj, » Gr. Clwon,^ VI, 296 et 297, —
D'un autre côté, Charles V, par acte daté de Paris en août 1369, donna
les biens confisqués de Jean de Surgères, chevalier, seigneur d'Azay-
sur-Cher, et de Guillaume du Plessis, chevalier, partisans des Anglais,
à Jean de Besdon, a qui nous a servi en noz guerres , et par espeeial à
prendre la Roche de Posay où il est continuelment. t Arch, Nat,y JJIOO,
n<> 91. — D^où l'on peut conclure que la prise de la Roche-Posay par
les Français eut lieu entre le 11 mai et le mois d'août 1369, vers le
milieu de cette année.
2. Dès le 12 septembre 1369, par acte daté de Sainte-Catherine sur
Rouen, Charles V assigna à son amé et féal huissier d'armes Jean de
Kerlouet 45G0 francs d'or à payer chaque année en quatre termes /^our
la garde des châteaux et ville de la Roche-Posay^ et il confirma cette do-
nation à Paris le 18 septembre (Hay du Chastelet, Hist. de B. du Gués-
clin ^ la. kZk), Les environs de la Roche-Posay eurent beaucoup à souf-
frir du voisinage de la garnison de cette forteresse, comme le prouvent
des lettres de rémission délivrées en mars 1379 (q^. st.) à Jean Fauge-
reux, de Saint* Savin en Poitou (auj. Saiut-Savin-sur-Gartempe, Vienne,
arr. Montmorillon), u comme pour le temps que feu Karalouet tenoit
le fort de la Roche de Ponzay, ouquel temps le prince de Galles nostre
ennemi occupoit le pays de Poitou, pour lequel fort advitailler et
garder, comme il feust assiz en frontière d'ennemis, il estoit de néces-
sité le dit suppliant et ses compaignons, pour la garnison du dit fort,
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, gg 614-627.
JoKen. — A cette nouvelle, Guichard d'Angle*, Louis de Har-
ooort * et le sagneur de Parthenajr ' quittent Montauban où ils
servent sous Jean Ghandos pour aller en Poitou défendre leurs
possessions. — Le seigneur de Chauvigny, vicomte de Brosses *,
aler et cherauchter en foornige, quérir et aroir des viTres en plasienrt
et divert lieux loing du dit fort, meftmement que le dit pays de Poitou
cnTiron yoelini fort ettoit Ion ga«të et destruit et comme tout desimë
de WTTes et autres biens par le fait et occasion de noz auerres. Et, «n
cherauchant par le dit pays de Poitou qnerant des diz riTres, prindrent
douie beols lesquelz leur furent ostez en la rilie d'Escuillë en Touraine
Sanj. ÉcueiUë, Indre, arr. Châteauroux). Elu laquelle ville , pour cause
les diz beufs à eulz ainsi ostez il prindrent par manière de marque
douze personnes, que bommes, que femmes, et par force les menèrent
ou dit fort et les urent composer à eulz à la somme de cent francs
d*or. Et aTecques ce cheraucbèrent par plusieurs foiz en la terre du
seigneur de Prully (auj. Preuilly, Indre-et-Loire, arr. Loches) et de
plusieurs autres noz subgiez ou dit pays et enriron, en prenant tontes
manières de TÎTres.... » Jrch, Nat,^ JJ114> n* 204.
1. Guichard d* Angle arait été créé maréchal d'Aquitaine "^ar le
prince de Galles. Par acte daté de son hôtel Saint- Pol le 19 ^rier
1371 (n. st.), Gbarles V donna à Gefiroi de la Celle, cheratier, 60 li-
vres tournois de terre en Touraine sur les biens confisqués de Guichard
d*Angle, c cberalier, rebelle. » Areh. Nat,^ JJ102, n« 182.
2. Par acte daté de Paris en novembre 1369, Charles V donna à-
Jean VI, comte de Harcourt, comme assiette des 2000 livres de terre
assignées en dot à sa belle-sœur, Catherine de Bourbon , comtesse de
Harcourt, le château de Mazères (auj. Mézières-en-Brenne , Indre 9
arr. le Blanc), avec Tlsle-Savary (auj. commune de Clion, Indre, arr.
Châteauroux, c. Ch&tillon-sur-Indre), confisqué sur Louis de Harcourt,
vicomte de Chatellerault, oncle du dit comte, ainsi que la ville et for-
teresse de Saint-Christophe en Touraine (auj. Saint*Christophe-sur*
le-Nais, Indre-et-Loire , arr. Tours , c. Neuvy-le-Roy), confisquée sur
Guillaume Larchevéque, seigneur de Parthenay, a noz desobeissanx
et rebelles et qui tiennent contre nous la partie de nos ennemis, s
Areh. Nat.^ JJlOO, n« 552. — Le dernier avril 1371, Charles Y gratifia
Louis de Maillé, chevalier, du fort du c Peu Milleron, sis es frontières
de Gnienne, qu'il a pris n'a gaires et mis en nostre obéissance 1 , con-
fisqua sur Louis de Harcourt, vicomte de Chatellerault, « nostre ennemi*
Cl rebelle. 9 JJ102, n« 259.
3. Outre la confiscation de Rugny et de la Fougereuse rapportée
plus haut (p. LV, note 1) et celle de Saint-Christophe dont il est
question dans la note précédente, Charles V confisqua, en novembre
1369, sur Guillaume Larchevéque, seigneur de Parthenay, les château
et ville de Semblançay (Indre-et-Loire, arr. Tours, c. Neuillé-^Pont-
Pierre) et les donna à son très-cher et amé firère le comte de Harcourt.
JJlOO, n«551.
4. Les ruines du château des Brossés se voient encore dans la com-
mune de ChaillaCy Indre, arr. du Blanc, c. de Saint-Benoit-du-Sault.
Par acte daté de Paris le 13 décembre 1369, Charies V donna à Gai,
•ni — e
X.ZT1 GEBiONIQUJSS DE J. FROISSART.
se tourne français et Dût occuper par des Bretons sa forteresse
de Brosses. Le vicomte de Rochechouart *, accuse aussi de dé-
fection, vient à Angoulême se justifier auprès du prince de Galles.
James d'Audeley, sénëchal du Poitou ', Baudouin de Frëville, së-
nëehal de Saintonge ', et les principaux seigneurs de ces deux pro-
vinces vont porter le ravage en Berry; ils assiègent .et prennent
Brosses et, pour punir le seigneur de Ghauvigny de sa défec-
tion, font pendre seize de ses hommes, puis ils retournent à
Poitiers. P. 136 à 439, 349 à 351.
Robert Knolles quitte son château de Derval *, en Bretagne, et
va à Angoulême offrir ses services au prince de Galles qui Tinsti-
tue souverain maître de son hôtel. Robert, ayant sous ses ordres
aire de Ghauvigny et de Gliâteauroax, vicomte de Broce, cheTalier,
500 livrëes de terre, pour le dédommager de la perte de ton château
de la Broce en Poitou, a que les ennemis tiennent », évalué avec ses
appar]fenances à 4000 livrées de terre. Areh, Nat., JJlOO, n» 470. — Il
y a aussi un château de la Brosse dans la commune de Thollet (Vienne,
air. Montmoriilon , c. la Trimouille), qui est, comme le premier, un
vestige de Tancienne vicomte de Brosses.
1. Louis, vicomte de Rochechouart, fils de Jean, 1^ du nom, tué
à la bataille de Poitiers, et de Jeanne de Sully, dame de Corbeffy,
frère de Jean de Rochechouart, archevêque de Bourges (Anselme, HUt,
génial.^ IV, 653; Gall, Christ.^ I, 580). Par acte daté de Paris en juin
1369, Charles V assigna à son amé et féal cousin Louis, vicomte de
Rochechouart, 2000 livres de rente assises sur les château et chutellenie
de Rochefort sur Charente, au diocèse de Saintes, et au besoin sur l'île
d'Oléron au dit diocèse. Arch, Nat,, JJlOO, n» 137.
2. Sur ce titre de sénéchal du Poitou donné par Froissart à James
d'Audeley, voyez plus bas, p. lxxtv, note 1,
3. Jean Uarpeaenne, chevalier anglais, s'intitule a seneschal de
Xaintonge », châtelain et capitaine de Fontenay-le-Comte, dans un
acte date de Niort le 27 novembre 1369 (Fillon, Jean Chandos^ conné^
t^le eP Aquitaine, Fontenay, 1856, p. 30 et 31). D*un autre côté, Bau-
douin de Fréville est déjà mentionné comme sénéchal du Poitou dans
une obligation souscrite à Burgos par don Pèdre le 2 mai 1367 (voyez
Elus haut, p. XIX, note 4). D'où il y a Heu de conclure qu'en 1369
audouin de Fréville n'était plus depuis longtemps sénéchal de Sain-
tonge.
k. Dès son avènement, Jean IV, duc de Bretagne, avait donné à
Robert Knolles les terres de Derval et de Rougé (Loire-Inférieure,
air. Châteaubriant) et en outre 2000 livres de rente sur la terre de Conq
(auj. Beuzec-Conq, Finistère, arr. Quimper, c. Concameau). j4rch. dép,
de la Lolre^Jnférieure^ Ë 154, cassette 59; lavent,^ p. 60. — Cette der-
nière donation nous explique pourquoi Knolles, voulant se rendre par
mer de Bretagne à Angoulême, sVmbarqua, comme FVoissart a soin
de nous le dire (p. 149), au port de Conq.
;
SOBCMAIEE 0U PREMIER LIVRE, SS 611-627. htm
cinq cents boomies d'armes, cinq cents archers et autant de bri-
gands, va tenir garnison à Agen ^ d'où il compte se rendre en
Qoercy où se trouvent les chefs des Compagnies rallies an parti
français. Il mënage une entrevue avec Bertucat d'Albret, le plus
important de ces chefs, et rëussit à le faire rentrer au service du
prince de Galles *, ainsi que cinq ou six cents soudoyers gascons.
P. 139 à 142, 351 à 3K4.
' 1. Dans une lettre dat^ de Castebnns le 22 janvier 1369 et adreitée
par Jean de Lerezon, ieîgneiur de Castelmns. aax consiUt de Mîllaa,
on lit que presque tons les gentilshommes ae TAgenais avaient em«
brassé le parti français et que la ville d^Agen elle-même était dès lors
entrée en pourparlers avec le duc d'Anjou pour se faire française:
• E may norel que totz los gentils homes d'Ajanez so Franoes, fora
d'un ; • ^^cn ^ue et en eert paiu am ic duc (d'Anjou) Je far Frtmcet, »
Rooqpiette, Le Bouerguê sous Us Anglais ^ j^, 137.^ Quoi qu'il en soit,
Agen ne se soumit aWe manière définitive qu'au commencement de
Tannée suivante , et le séjour que fit alors le duc d'Anjou dans cette
TÎlle, dont il voulait en quelque sorte prendre possession et dont il
confirma les prÎTiléges, est du mois de février 1370 (On^ona., XV,
636).
2. Par acte daté de Toulouse le !•' mai 1369, Louis, duc d*Anjon,
rit an serrice du roi de France Berard d'Albret , chcTalier, capitaine
e Lavardac (Lot-et-Garonne, arr. Nérac], de Ourance (arr. Nérac,
c. Honeilles) et de FeugaroUes (arr. Nérac, c. LarardacJ, lui et
25 hommes d'armes , pour la garde des dites places , aux gages de
15 francs par mois pour chaque homme d'armes {Bihl, N«U»^ Titres
originaux, xxrv, n^ 12). Troisième S\b de Bernard Ezv, sire d'Alhret
et ae Madie d'Armagnac , par conséquent frère cadet d'Arnaud Ama-
nieu, sire d'Alhret, marié le 8 mai de l'année précédente à Margue-
rite de Bourhon, Berard d'Albret était aussi seigneur de Saînte-Bazeille
(Lot-et-Garonne, arr. et c. Marmande) par son mariage avec Hélène
de Canmont. Il est possible que Bertucat d'Albret, après avoir promis
de se rallier au parti français en même temps que Berard d*Albret,
c'est-à-dire dans les premiers jours de mai 1369, ait ensuite manqué
à «a parole, comme le raconte Froissart, sur les instances de Robert
Knolles. Quoi qu'il en soit, c'est seulement pendant la première moitié
de 1370 aue Bertucat d'Albret se rallia effectirement au parti français.
An mois d'août de cette année, Charles V donna k perpétuité à l'avide
partisan, en récompense de ses services en ces présentes guerres^ Berge-
rac, LaÛnde, Castillonnès , Beaumont-du-Périgord et quatre autres
petites places encore occupées par les Anglais. Ar5i. Nat. , JJ 100, n^ 645.
— Le roi de France donnait, comme on le voit, ce qu'il n'avait pas.
Bertucat n'était pas homme à se payer d'une telle monnaie ; aussi ne
taid»-t-il pas à se remettre avec les Anglais au nom desquels lui et
Bernard de la Salle surprirent Figeac le 14 octobre 1372 (dom Vais-
sete, Hisi. de Languedoc^ Y, 351). — Quoique Froissart, dans le ma-
nuscrit d* Amiens (p. 340), ait rangé Garcia du Castel parmi les chefs
de Compagnies qui se rallièrent dèi le commencement ae 1 369 au parti
S
LZTm CHRONIQUES DE J. FROISSART.
Après la défection de Bertucat d'Albret , les autres chefs des
Compagnies, Amanieu d'Ortige, Jacques de Bray, Perrot de Sa-
voie , Emaudon de Pau , évacuent Cahors et se fortifient dans le
prieuré de Duravel *■ où Robert Knoiies vient les assiéger. A cette
nouvelle , Jean Chandos part de Montauban avec une troupe de
trois cents lances, se fait rendre en chemin Moissac * et vient re-
joindre Robert Knolles devant Duravel. P. 142 à 145, 354 à 356.
français, il j a lieu de croire que Garcia quitta le service du prince
d'Aquitaine à pea près à la même date que Bertucat, mais il fut plus
fidèle que ce aemier à la nouTcIle cause qu'il avait embrassée. Garcia
du Castel, comme son prénom Pindique clairement , appartenait a la
région pyrénéenne. D^ailleurs, dans le troisième livre des Chroniques
(Buchon, édit. du Panthéon, ET, 383), Espaing ou Ëspan du Leu (fief
litué à Oraas, Besses-Pyrénées, arr. Ghrthez, c. Sauveterre), chevauchant
en compagnie de Froissart sur la route de Lourdes, constate formelle-
ment cette origine : a messire Garcia du Chastel, un moult sage homme
et vaillant chevalier de ce nay$ ici et bon françois. » On est donc un
peu surpris de voir rattacoer Garcia du Castel à la famille exclusive-
ment bretonne et léonaise de Tannegui du Chastel : a Garsis du Chas-
tel était le cinquième fils de Tannegui du Chastel et de Tiphaine de
Plusquellec. » OEuvres de Froissart^ JHC, 5^9, au mot Chastel ^ — H faut
avouer que , si Ton n*avait lu ce qui précède , on se laisserait prendre
à tant d assurance et de précision généalogique. "
1. Lot, arr. Cahors, c. Puy-rèvêque, sur la rive droite du Lot. Le
prieuré de Duravel dépendait de Tabbaye de Moissac (Longnon, Pouillé
du diocèse de Cahors, Paris, 1877, p. 87 et 88). Ce sic'ge de Duravel
doit être antérieur au 11 mai 1369, jour où le duC d'Anjou infligea le
dernier supplice à cinq chefs de Compagnies, inculpés de trahison^
dont quatre, Perrin de Savoie, le Pe6t Meschln, Noli Pavalhon et Bo-
•onet de Pau, après aToir étë longtemps à la solde du roi d'Angleterre,
avaient été enrôlés par Bertrand du Gueselin dès la fin de février 1368
pour' faire le siège de Tarascon. Lorsque Froissart parle de l'adhésion
passagère au parti français, puis de la défection de Bertucat d'Albret,
il confond peut-être le rôle de ce dernier avec celui de quatre rou-
tiers qui avaient été longtemps ses compagnons d'armes. Quoi qu'il en
soit, le duc fit noyer dans la Garonne Perrin de Savoie et le Petit
Bf eschin et écarteler Amanieu de Lartigue , NoU Pavalhon et Bosonet
de Pau : c En Han mocguhx, a xi de may, lo dich mossenhor lo duc
d*Anjo fé$ neguar a Thoiosa ios sobredits Perrin de Savoya e Petit
Mesquin, e fesscapsar e seartayrar Ameinen /lisez : Ameineu) de Lar-
tigna e Noli Pavalhon e Boulhomet (on Ut ailleurs : Bosoniet) de Pan,
capitanis de las diohas companhas, per so ear avian con^irada tfacion
contra lo dich mossenhor lo duc de redre el prizonier als Angles o
d'auctr luy. » Thalamus parlas p. 383 et 384.
2. La reddition de cette ville à Jean Chandos, s'il &llait ajouter foi
au récit de Froissart, donnerait lieu de ranger Moissac parmi les places -
qui avaient secoué le joug anglais dès les premiers mois de I369ff
puisque, suivant le chroniqueur, il n'y avait nnl gentilhomme, et que
SOfllMAIRE DU PREMIER LIVRE, SS 611-627. 121X
Les Anglais sont (^ligës de lever le siège de Doravel et, a{n^
avoir assiège sans succès Domme ^ pendant quinie jours, ils en-
voient le héraut Cbandos à Angoulème demander des renforts au
prince de Galles. P. «45 à 147, 356 à 350.
Levée du siège de Domme. Gramat^, Fons*, Rocamadour*,
Yillefranche * se rendent aux Anglais. P. 147 à 150, 359 à 362.
Le siège de Bourdeilles par le corps d'armée anglais qui opère
en Pèngord sous le commandement des comtes de Cambridge et
de Pembroke, dure depuis plus de onze semaines. Les assiégeants
l«s habitants livrés k eux-mêmes n'en etaajèrent pas moins de rëtister
aux Ânglaif . Il eft Trtâ qu« , dès le moii d« leptembre 1367, Cattet-
tamsin, qui est à pen de dUtance an sud de MoiiMC, avait une gar»
nison française assez forte, dont OliTier de Maony était capitaine
(dom Vaîssete, Hist, de Languedoc^ IV, 335). Quoi qu'il en soit. Mois-
sac ne se rendit dèfinitirement au due d'Anjou que le 23 juillet 1370
(TkalûMiu parvus^ p. 384). L'identification du c Montiach s de Froissart
avec Monsac (Dordogne, arr. Bergerac, c. Beaumont), qui se pr^nte
an premier abord, ne serait admissible que si le chroniqueur faisait
jouer à un détachement de la garnison anglaise de Bergerac, enroyé
contre Durarel, le ràXe qu'il prête dans cette afiaire à Jean Cbandos,
capiuine de Montauban. D'ailleurs, le prieuré de Durarel dépendait,
comme nous l'avons dit plus haut, de rabbaje de Moissac. I^edot de
Lautrec, qui gouremait alors cette abbaje et qui appartenait à une
famille très-attachée au parti français, fut peut-être accusé» d'une cer-
taine connivence dans cette occupation d'un de ses prieurés par des
gens d'armes k la solde du duc d'Anjou, et Ton ne saurait par consé-
quent s'étonner de voir le siège de Moissac coïncider avec celui de
Dnravd.
1. Dordogne, arr. Sarlat, sur la rive gauche de la Andogne, an
nord de Dunivel et un peu au sud de Sarlat.
2. Lot, arr. Gourdon, à l'est de Domme.
3. Lot, arr. et c. Figeac, un peu au nord-ouest de Figeae.
4. Lot, arr. Gourdon, c. Gramat, le plus célèbre pèlerinage do
Qnercy et l'un des plus fréquentés du midi de la France an moyen
âge.
5. Froissart semble s'être embrouillé au milieu des nombreux Vill^
firanche que l'on trouve sur les bords de la Garonne et de ses affluents.
Après avoir placé d'abord en Toulousain (p. Ik9) le Villefranche oc-
cupé dans cette campagne par les Anglais, il le transporte ensuite em
Agenais^ sur lesmarenet du Toulousain (p. 150). Si Ton ne se place qu'au
point de vue stratégique, on peut hésiter entre Yillefrancne-de-Bel-
vès (Dordogne, arr. Sarlat) et Villefranche-d' Albigeois (Tarn, arr. Albi),
car si Villefranche-de-Rouergue, qui se trouve également dans la ré-
gion où opérait alors Cbandos (auî. chef-lieu d'arr. de l'Avejron), avait
reconnu la souveraineté de Charles Y dès le commencement de mars
1369, on ne voit pas que cette place soit retombée à aucun moment
pendant le cours de cette année au pouvoir des Anglais.
jM CHRONIQUES DE J. FROISSART.
ont recours à la mse; ils simulent un Ijour un mouvement de
retraite et attirent ainsi dans une embuscade Emaudon et Ber-
nardet de Badefol, capitaines de la forteresse assiégée, qui sont
pris par Jean de Montagu ^ Celui-ci est fait chevalier par le comte
de Cambridge. Bourdeilles tombe au pouvoir des deux comtes
qui confient la garde de cette place au seigneur de Mussidan ^ et
rentrent à Angoulème. P. i50 à 153, 362 à 364.
Jean Cbandos, Thomas Felton et le captai de Buch retour-
nent aussi dans cette ville où ils sont rappelés par le prince de
Galles; Robert KnoUes se joint à eux, quoique le prince l'ait
invite à rester en Quercy. Avant leur départ, ils chargent
Bertucat d'Albret de tenir garnison à Rocamadour et conseillent
aux chefs des Compagnies anglaises de concentrer leurs bandes
sur les marches du Limousin et de TAuvergne pour y vivre aux
dépens des habitants de ces deux provinces. ?• 153 à 155, 364
à 366.
1. Jean de Montagu, neTeu, dit ailleurs Froisiart (p. 219), de Guil-
laume de Montagu, comte de Salisbury, dont il derait plus tard re-
cueillir la succession et porter le titre. Le 11 juin 1369, Edouard m
fit délivrar des sauf-conduits à Jean f Mountagu, chiraler », et à Guil-
laume « Mountagu » , écuyer, qui allaient passer la mer pour prendre
part à la cherauchée de Jean, duc de Lancastre (Rymer, 111, 870).
2. Raymond de Montaut, seigneur de Mussidan, l'un des chefs du
Ïiarti anglais en Périgord, détenait encore à la fin de 1369 la chltel-
enie d^Aubeterre (Quuvnte, an*. Barbezieux). Par acte daté de Tou-
louse au mois de novembre de cette année, Louis, duc d'Anjou ,
donna à Hélie de Labatut, fils et héritier de mattre Pierre de Labatut,
secrëtaîre du roi, 200 livres tournois sur les revenus de certaines pa-
roisses de la châtellenie d*Aubeterre confisqués « per ipsius Edouardi
et domini de Miucidano et aliorum aibi adherencium rêbelUonem. » Arch»
iVa/.,JJlOO,no764.
SOMMAIRE DU PREMIKR LIVRE, $$ 618-652. uzi
CHAPITRE XCYL
1369, aoùi* OGCOTATioir db muxErmcaB vAm lis oonvàoiiiit
ÈMOIÂOES. PAOIBT BT rRiPABATin d'u» OnTABIOll nANÇAISB
BH AaCX.KTBaBB. — BBDDinOir DB LA BOCBB-gCB-TOV AUX AHOI«A18.
MOBT DE JAMJB d'aUDBLBT; JBAN OUUDOI, filfiCBAL DU rOITDU.
— DB8CBBTB DU DUC DB LAUGASTIB A GAI.AIi ; CSBTAUCBiB DB
TOUHrSBBM. — ' AFFAIBB DB PUBlTOlf ; LB COICTB DB VBMBBOBB
BST SUBPBIS BT ASSIÉGÉ PAB LOUIS DB SAlfCBBBB. MOBT nM
TBXLXrtk Vin HAnrAUT, &BINB d'aKGLRTBEBB. VBOB DBS FOSTS*
DB-Clî ET DE SAIlfT-MAUm-SUft-LOIBB FAB LBS AVOLAIS, DB 8AX1IT-
SATIN FAB LBS PEAMÇAIS, — 1370, \^ joimier* OOMBAT DU FOITT
DB LussAC BT MOBT DB JEAN CHAKDôs. — Premiers Jours de
Juillets FBISE DE CHATBLLBBAULT FAB JBAK PB BBBLOUBT. — 1369,
derniers moit^ et 1370, premiers mois, siioM bt bbfbisb db
BBLLBFBBCHB FAB LB DUC DB BOUBBOK (5S 628 i 652).
IVoîs chefs des Compagnies anglaises, Hortingo, Bernard de
Wtsk et Bernard de la Salle , vont s'établir sur les marches da
limousin dont Jean Devereoz est sën^hal pour le prince de
Galles. Us surprennent et enlèvent par escalade le château de
Belleperche*, en Bourbonnais, où ils font prisonnière la mère
du duc de Bourbon et de la reine de France. Ils s'emparent aussi
de Sainte-Sévère ' qu'ils livrent à Jean Devereux. -— Louis de
1. Aoj. château miné situé près de Bagneux (Allier, arr. et e. Mou-
lins, for la riTe droite de TAllier, entre cette riTÎère et la forêt de Ba-
gBolet), k 15 kilomècret au nord de Moulins. La prise de Belleperche
par les G>mpagnies anglaises, certainement antérieure au 10 noTembre
1369 {Jreh, Nat,, sect. adm., P 1378', n« 3098*), eut Heu probable-
ment pendant la première qoinzaîne du mots d'aoât précédent. Noos
inclinons à croire comme M. Chazaud (La chromi^ue du hom dnc Loyê
ie Bourbon^ Paris, 1876, p. 352) que la duchesse douairière dé Bour-
bon ëtait déjà prisonnière des Compagnies lorsqu'elle adressa, le 18 août
1369, à ses receveurs de Murât, Chantelle et Chareroche, l'ordre de
délivrer à son conseiller Jean Saulnier diverses quantités de seigle et
d'avoine jusqu'à concurrence de 530 francs d'or qu'elle lui avait em-
pnintés rP 1378*, n* 3098').
2. Indre, arr. la Châtre , sur la rive droite de l'Indre supérieure ,
près des confins du Berry et de la Marche. Les Compaanies anglaiifs
occupaient encore le château de Sainte-Sévère à la fin de 1371, « le-
LZXiT CHRONIQUBS DE J. FROI86ART.
amènes de Thonars et de Poitiers* Jean [Bdon] s'engage i rendre
la place, s'il n'est secouru par le roi de France, les ducs d'Anjou
et de Berry, dans le délai d'un mois. Le mois ëcoulë, il livre,
suivant la convention, la Roche«sur-Yon aux Anglais moyennant
le payement de six mille francs pour les approvisionnements
laissés entre les mains des vainqueurs. Rentré à Angers, Jean
[Belon] est mis en prison et noyé dans la Maine par ordre du
duc d'Anjou. P. 159 à i63, 369 à 372.
Mort de James d' Audeley, sénéchal du Poitou S à Fontenay-le-
de seê recherches, nous a mis en mesure de deviner cette énigme. Le
traître qui livra pour de Targent la Roche-sur- Yon aux Anglais, s'ap-
pelait en réalité Jean Belon, et il était originaire de l'Anjou, peut-être
même d'Angers, où il avait une maison au tertre Saint-Laurent. Par
acte daté de Jumiéges , le 2k août 1369, Charles Y confisqua cette
maison et la donna à un clerc, nommé Jean de la Barre, « comme
Jehan Belon, chevalier, n'a gaires capitaine du chastel de la Roche sur
Yon, ait vendu et délivré faussement auz ennemis et de nostre
royaume le dit chastel, et ait tenu et encore tiengne la partie de noz
dis ennemis contre nous et nostre dit royaume. » jireh, Nat,^ JJIOO,
n« 298, f^ 87 v«. — Le 12 janvier suivant, Jean Belon était prisonnier
à Angers, et Charles Y chargea, par un mandement rendu à cette date,
Pierre d^Avoir, seigneur de Chateaufromont, chevalier, l'un de ses
chambellans et des chambellans du duc d'Anjou, de faire assigner sur
les biens confisqués du dit Jean^ 200 livres de terre ou de rente à son
amé huissier d*amies Guyot Mauvoisin, a comme nous aions entendu
que Jehan Beloi^, chevalier, garde n'a gaires et capitaine de la tour
ou chastel et de la ville de la Roche sur Yon, laquelle nostre très
chier frère le duc d'Anjou li avoit bailliée , confians de sa loyalté et
preudommie, a yceulx chastel et ville bailliez et livrez à noz ennemis,
pour prouffît qu'il en a receu d'eulz, pour laquelle chose a esté prins
et amené prisonnier à Angers et y est encore détenus, et pour ce, s'il
est ainsy, ait commis crime de lèse majesté et trahison envers nous, s
JJ102, no ^. — Un Gascon, nommé Philippot Loubat, qui comman-
dait la garnison anglaise de Talmont (Yendée, arr. les Sables), avait
Cris sans doute une part importante à la reddition de la Roche-sur-
on, car James d'Audeley lui fit payer, à cette occasion, 100 livres
dans les premiers jours d*août 1369 (voyez la note suivante).
L'assertion du chroniqueur, relative à l'exécution de Jean Belon , est
aussi confirmée par l'article de compte suivant : c Des hoirs feu Pierre
Gnedon, par composicion à eulx faite par Jehan Chaperon, escuier, de
la voulenté de monseigneur le duc, pour pluseurs biens prins par le dit
feu Pierre sur et des biens feu messire Jehan Belon , enepaiier^ en sojr
enfilant tU la Roche tur Yon. qui par ses démérites fut après exécuté^
lesquiex biens ainsi prins par le dit Pierre furent estimez i la somme
de Tii** frans. Pour ce par la main de Jehan Chapperon, escuier, cap-
pitaine de Diex Aye, le xx« jour de mars kcoglxxt. » jâreh, Nat.^
KK24a, fo4vo. Cf. f^ 19.
1 . Il est établi par des actes authentiques que Thomas Percy était
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, $$ 618-681. uut
Oimie; fanâ^ailles de oe clieyâKer à Foitien. Jean Ghandos,
oonnétabk d'Aquitaine, est nommé sàiédud du Poitou * en rem*
d^À §énéehêl dn Poitou, le samedi 3 mars 1369 (BihU Ifmt,^ fonds latin,
n^ 17147, f« 113 "v*), et Jean Harpedenne, sénéchal de Saintonge, le
27 noTembre de la même anDëe(6.Fillon,/eaii Chandos, Fontenaj, 1856,
p. 30, 31) ; et Ton toU par un autre acte que eet deux chevaliers rem-
plissaient encore les mêmes fonctions le 25 septembre 1371 (Fillon, IM,^
p. 33, 34). Il est Trai, comme nous le dirons tout à Theure, que Jean
Chandos fut incontestablement sénëchal du Poitou pendant la seconde
moitié de 1369 ; mais, sauf cette interruption, les actes de la première
moitié de cette année, et aussi de la fin de 1370, nous montrent Tho-
mas PercY iuTesti de ces fonctions. Thomas est mentionné comme
sénéchal du Poitou lorsqu'il assiste, à Poitiers, rers le milieu du mois
de norembre 1370, en compagnie de Nicol Dagworth, de Guichard
d'Angle et du sire de Parthenay, à un duel qui se livre dans cette ville
entre le bour de Caumont et le breton Yves ae Launaj, de Plounévez-
Lochrist en Léon [Bihi. I9at.^ fonds latb, n» 5381, t. II, f« 56). Frois-
sait s'est trompé par conséquent en prêtant à James d'Audeley, en
1369 , le titre de sénéchal du Poitou. Après avoir fait appel ,
pour éclairer et rectifier sur ce point le récit de Froissart, aux ém-
dits qui ont étudié le plus à fond les sources de l'histoire dn Poitou,
nous avons trouvé , sans le chercher, un acte authentique qui donne
la solution du problème. L'acte dont il s'agit est une quittance, em
date du 7 août 1369, par laquelle Philippot Loubat, capitaine de Tal-
mont, reconnaît avoir reçu de Regnaut de Vivonne, 100 livres à lui
octroyées pour le fait de la Roche-sur^ Yon, t par le commandement
de James tTAuéelee^ seigneur d'Oleron, Ueutenant em Poitou et Limousim
Je monseigneur le prince ^Aquitaine et de Gaiies. » Bihi, Nat,^ fonds
Doat, 197, f* 51 . — - D'après James, auteur d'une histoire du Prince
Noir, qui a adopté une opinion déjà exprimée par le savant généalo-
giste Dngdale, Froissart se serait trompé grossièrement en rapportant
à Tannée 1369 la mort de James ou Jacques d'Audelej. Ce chevalier
aurait simplement quitté le Poitou à cette date, pour retourner en An-
gleterre, ou Edouard III l'aurait fait comte d'Auaeley l'année suivante,
et il ne serait mort que le l*' avril 1386. Quoique Froissart, après la
mort de Philippa de Hainaut sa bienfaitrice et son retour sur le conti-
nent, en 1369, n'ait plus entretenu de relations directes et suivies avec
la eheralerie anglaise, le James on Jacques d'Audeley, mort en 1386,
qui institua son légataire un de ses oncles et laissa un héritier, âgé de
seiae ans seulement , ne serait-il pas le fils de celui dont parle le chro-
niqueur, et qui fut remplacé, comme chevalier de la Jarretière, par
Thomas de Grantson, mort lui-même en 1376? Suivant M. l'abbé
Anber, à qui nous sommes redevables d'une monographie consacrée à
la cathédrale de Poiders, le tombeau de James d'Audelej, qui oniait
cette cathédrale, aurait été détruit par les protestants en 1562.
1. Dans un mandement de Jean Harpedenne, chevalier, sénéchal de
Saintonge, châtelain et capitaine de Fontenaj-le-Gomte, daté da
Niort ^ te 97 novembre 1369, Jean Chandos est mentionné comme c con-
nestable d'Acquytayne et seneschal de Poitou. » Fillon, Jean Chandos^
p. 30, 31* — Chandos avait dû quitter MonUnban avant le 15 juin
txm CaBDElONIQUES DE J. FR0ISS4RT.
placement de James d'Audeley et fixe sa résidence à Poitiers. —
Le yicomte de Rochechpuart, emprisonne, puis mis en liberté par
le prince d'Aquitaine, se rend à Paris où il prête serment de
fidélité au roi de France; il met le breton Thibaud du Pont en
sa forteresse et fait défier le prince. P. 163, 164, 372, 373.
Incursions des deux maréchaux du duc de Lancastre au delà
de Guînes et de la rivière d'Oske ^^ vers Tabbaye de licques ',
vers Boulogne, vers la cité de Thérouanne défendue par le comte
Gui de Saint-Pol et son fils Waleran. — Les nouvelles en
viennent au roi de France, qui se tient alors à Rouen, au moment
où le duc de Bourgogne est sur le point de s'embarquer et de
faire voile pour l'Angleterre en compagnie de trois mille che-
valiers. Force est de renoncer à ce projet pour marcher à la
1369, date de la soumission de cette ville au duc d'Anjou {jireh. Nat,^
JJlOO, n<» 500, 811). D'un autre c6té, c'est après la prise de la Roche-
Posay par Jean de Kerlonet, c'est-à-dire rers le mois de juillet de
cette année, crue les Français commencèrent à menacer sérieusement
les frontières au Poitou , et que le prince d'Aouitaine dut ëprouTer le
besoin de leur opposer dans cette région le plus renomme de ses ca-
pitaines. On est ainsi amené à placer, arec assez de -vraisemblance, l'arri-
vée de Jean Chandos à Poitiers, et sa nomination comme sénéchal du
Poitou, vers le milieu de 1369. Le 1*' octobrede cette année, Edouard III
confia au célèbre homme de guerre la earde des châteaux de Melle, de
Ghizé (Oeux-SèTres , arr. Melle , c. Bnoux) et de Cirray (Carte, Rôles
gascons^ p. 157). Dès le 3 août précédent, Charles V, qui se trouvait
alors à Rouen, avait confisqué le fief le Roi, sis à Corbon (Calvados,
arr. Pont-l'Évéque, c. Gambremer), dans la vicomte du Neubourg et le
bailliage de Beaumont- en-Auge, que tenait de lui Chandos, « nostre
ennemi et rebelle, » et l'avait donné à Regnault, seigneur de Maule-
vrier et d'Avoir {Areh, Nat,^ JJlOO, n» 248). Le mois suivant, par acte
passé à l'abbaye de Sainte-Catherûie-lez-Rouen, le roi de France avait
aussi confisqué la terre de Romilly, lez le Pont-Saint-Pierre (auj.
Romilly-sur-Andelle, Eure, arr. les Andeljs, c. Écouis) , ainsi
Su'une rente de 70 livres tournois sur les paroisses de Gressenville et
e Crestot, appartenant à a Jehan de Chandos, chevalier anglois, nostre
ennemi et rebelle, » et en avait disposé en faveur d'Aude Martel, sa
commère, dame de « Presegny » et châtelaine de son château du
Pont«de-r Arche, veuve de Jean de Giencourt, chevalier, et mère de
feu Charles de Giencourt, son filleul (JJ 100, n» 205).
1. Froissart semble désigner ici la rivière, dite d'Hem ou de Uem,
qui, après avoir passé à Audrehem, à Toumehem, à Nordausque, se
sépare en deux bras, dont l'un se jette dans l'Aa , près de Holque, et
dont l'autre va alimenter le canal de Calais à Saint-Omer.
2. Pas-de-Calais, arr. Bouioane, c. Guines. Abbaye de Prémontr<b,
an diocèse de Saint-Omer, fondée au xq* siècle, reconstruite en partie
en 1783, détruite en 1794.
SOIIMAIRE DU PREMIER UYRB, §§ 628-652. lixtu
rencontre du duc de Lancastre* De Rouen, le doc de Bourgogne
se dirige vers la Picardie, passe la Somme au pont d'AbbeviUe et
irient, par M ontreuil-sur-Mer, Hesdin et Saint-Pol, se loger sur
la hauteur de Toumehem ^ en face du duc de Lancastre qu'il
trouve campe dans la vallëe où les Anglais se sont fortifiés de
faaieSv de fosses et de palissades et où Robert de Namur est
accouru les rejoindre. Malgré une supériorité numérique de sept
contre un, le duc de Bourgogne reste simplement sur la défen-
ÂTe, car il lui est enjoint de ne point engager de combat sans
l'ordre exprès du roi son frère, et il reçoit tous lès jours de Gand
des messages du comte de Flandre son beau-père qui lui recouH
mandent la même réserve. P. 164 à 467, 373 à 375.
Jean Chandos, qui se tient à Poitiers, invite le comte de Pem-
broke, capitaine de Mortagne* où il a sous ses ordres une
garnison de deux cents lances, à faire avec lui une chevauchée
en Anjou et Touraine. Le comte refuse de se rendre à cette invi-
tation dans la crainte qu'on n'attribue au sénéchal du Poitou tout
1. Pa^-de^-Càlais, arf. SaintpOmer, e. Ardret» sur le Hem, à
121 mètret d^altitade. Le daede Bonrgogoe lint camper à Toumehem,
le 23 août 1369, en face des Anglais, logés entre Gaines et Ardret, à
une petite Heae des Français. Gr, Chroniques, YI, 316.
2. Tons les éditeort de Froissait, et toot récemment encore M. Ker*
▼7B de LettenhoTe {OEuvru de FroUuui^ XXV, 11^, 115, an mot Jfdr-
tagne-nr^MerV ont pensé qu'il s'agit ici de Mortagne-to^Gîronde ,
Gharente-Inferienre, air. Saintes. Il est Traî que le chroniqneor de
Valeneiennes, plot /amilier avec les noms de lien des bords de la Gi-
ronde, fleare où il avait lans doate narigné lortqu^il était venu d'An-
gleterre à Bordeaux, qu'arec ceux du Poitou, ptsce par erreur « sur
mer, » le Mortagne dont le comte de Pembroke était capitaine. Biais
ootie que le jeune comte, qui ne cherchait que l'occasion de fiûre des
eheranchto et de hantes emprises contre 1 ennemi, arait dâ choiiîr
pour cek un potte d'honneor, sita^ à l'extrême frontière, au lien d'al-
ler tenir aamison an eœor même des pofsessions anglaises, tout le con-
texte où l'on nous montre Jean de Hastings gnerrojant sans cesse sur
les confins de PAnjon et de la Touraine, donne lieu de croire que la
f<Mrtercsse, dont le gendre d'Edouard IH avait fait son onartier général,
dans cette campagne en Poitou, est le Mortagne situe i la lunite de
cette province et de l'Anjou (anj. Mortagne- sur -Sèvre, Vendée,
air. Ja Roche-sur-Yon). U est certain, d'ailleurs, que cette importante
forteresse appartenait dès lors aux Anglais; et ce Ait même, avec Lnsi-
gnan et Gençay, l'une des trob places poitevines qui seules résistèrent
a da Gnesclitt et n'étaient pas encore redevenues françaises à la fin de
1372 {Gr, Chran., YI, 337). ^^^1 lorsque Froissart raconte le siège de
ce Moftagne par Qisson, en 1373, il continue de l'appeler « Mortagne
sur mer, » Y. Preissart de BuchoB, éd. du Panthéon, I, 660.
Lxxviii CHRONIQUES DE J. FR01SSAB.T.
l'honneur des succès qu'ils pourraient remporter. Chandos, à la
tète de trois cents lances et de deux cents archers, n'en porte pas
Dooins le ravage en Anjou, notanunent dans le Londimob ^, et,
s'avançant sur les confins de l'Anjou et de la Touraine, remonte
la vallëe de la Creuse. Il lait ensuite une pointe dans k vicomte
de Rochechouart et esaxye 9ans succès d'emporter la viHe de ce
nom défendue par une garnison bretonne dont Thibaud du Pont*
est le capitaine. De retour à Chauvigny et apprenant que Louis
de Sancerre est à la Haye, en Touraine, il invite une seconde fois
le comte de Pembroke à le venir rejoindre pour marcher contre
les Français et lui donne rendez- vous à Châtellerault; il reçoit un
nouveau refus et rentre à Poitiers. P. 167 à 170, 375, 376.
Le comte de Pembroke, aussitôt après la chevauchée de
Chandos, va à son tour porter le ravage dans la vicomte de
Rochechouart et le Loudunois. Louis de Sancerre *, parti de nuit
de la forteresse française de la Roche-Posay en compagnie de
Jean de Beuil ^, de Jean de Vienne, de Guillaume des Bordes,
1. Le 4 féTrier 1367 (n. st.)> Charles Y arait donné à son frère
Lomi, dae d'Anjon et comte du Maine, les château et chatellenie de
Loadun en dédommagement des château et chatellenie de Champion
ceaux (Maine-et-Loire, arr. Cholet), cédés au duc de Bretagne, en exé-
cution d'un des articles du traite de Guërande. jireh, Hat.^ J375,
n« 1.
2. Le d septembre 1371 , Thibaud du Pont était encore capitaine de
Rochechouart, et Charles Y fit payer 40 francs d*or à Jean du Rocher,
« ëcuyer de Bretagne >, que Thibaud arait envoyé vers le roi de France.
Dom Morice, Preuwes de P histoire de Bretagne^ I, 1603.
3. Dans une donation faite le 16 juillet 1369 k Pk>tart de Clais,
seigneur de Briantes (Indre, arr. et c. la Châtre), des biens confis*
qués de Jean de Pommiers, cheralter rebelle, il est fait mention àm
« chastei de Flach et d*un aultre sien chastel (sien se rapporte -à Plo-
tart de Cluis), appelle Sodun sur Creuse (auî. Issoudun, Creuse, arr.
Aubusson , c. Chënërailles), remis en la main de noetre maresehai de San"
eerre, potu> le faire garder de par nous. • JJIOO, n^ 525 ; cf. ik°* 107
et 108.— De cette pièce et d^une foule d'autres dont l'indication serait
trop longue, on peut conclure qu'en 1369, Louis de Sancerre, maréchal
de France, fut surtout charge de tenir tète aux Anglais sur les confins
du Berry, de la Marche et du Poitou.
4. Pendant tout le cours de cette campagne, Jean, sire de Beuil,
nous apparaît dans les actes comme prëposë surtout à la défense d'An-
gers et de la frontière d'Anjou (JJ 100, n* 526 ; JJ 102, n» 1 35) ; mais, de
même que Jean Chandos, sénéchal du Poitou , lorsqu'il voulait entre-
S rendre une expédition, fkisait appel au comte de Pembroke, capitaine
e Mortagne-sur-Sèvre, de même Jean de Kerlouet, capitaine français
de la Roche*Po9ay, projetant un coup de main contre Vennemi, asso-
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, SS 628-65i.
de Louis de SaintJalien et du breton Kerionet, tombe à l'impro-
▼iste MUT les Anglais au moment où ils sont occupes à se loger en
on village appelé Purnon ^ ; il, en tue plus de cent et force les au-
tres à chercher un refuge dans une (ùtU maison de Templiers
dépourvue de fossés et entourée seulement de murs en pierre.
Les Français livrent un premier assaut que les Anglab par-
viennent à repousser et que la tombée de la nuit vient interrom*
pre.P. 170 i 17(1, 376 à 379.
Ymv minuit, le comte de Pembroke envoie un de ses écuyers à
Poitiers demander du secours à Jean Chandos. — Le lendemain
matin, les Français livrent un second assaut qui dure depuis l'aube
du jour jusqu'à prime (six heures do matin). P. 174 à 176,
379 à 381.
Entre prime et tierce (neuf heures du matin) et au plus fort de
l'assaut, le comte de Pembroke dépêche vers Jean Chandos un
daît ponr la cîrcoiistaiioe les forces dont il pourait disposer à oelles de
Louis de Sancerre, qui dirigeait les opërations sur la marche de Berry,
et à celles de Jean, tire de Benil, qui remplissait le même rôle sur la
Barche d* Anjou.
1. Anj. hameau de la commune de Verrue, Vienne, arr. Loudun,
e. Monts- tnr-Guesnes. D'après Froissart, la localité qu'il appelle c Puh
renon » démit se tronrer sur les confins de l'Anjou (le Loudunois
STsit été cédé au duc d*Anjou par Charles V) et du Poitou, et à
lept lieues de Poitiers (p. 377, 382). Purnon répond à peu près
k ces conditions; mais, quoique M. Kervyn de LettenhoTe {OEuvres
de FroUsart^ VII, 542) affirme, j'ignore sur quelle autorité, que
rhôtel des Templiers de Purnon a fait place à un prieuré de Saint-
Augustin maintenant détruit, mes sarants confrères, MM. Redet
et Richard, m'écriTent que Purnon, ancien prieuré de Tordre de
Saint -Augustin, dépendant de l'abbaye de Fontain&-le-Comte près
Poitiers et fief relevant de la haronnie de Mireheau, n'a jamais appar-
tenu à l'ordre du Temple. £n 1350, Briant de Montiehan en était sei-
Steur. La commandene du Temple la plus rapprochée de Purnon est
ontganguier (Vienne, arr. Poitiers, c. Mireheau), dont les bâtiments
subsistent encore daiu un lieu hUn sec. L'auteur d'une étude récente
sur la haronnie de Mireheau, M. de Fouchier (Mém, de la Société des
Antiquaires de C Ouest ^ année 1977), appelé à se prononcer sur ce point,
incline à penser qu'il ne s'agit pas d'une localité poitevine, mais bien
d*nn château situé plus au sud vers le Limousin. C'est aussi l'opinion
de rérudit M. Sfannier, si profondément versé dans l'histoire des com-
manderies : il identifie le a Puirenon » de Froissart avec Puydenut,
dont le nom s'écrivait au moyen âge Puydenou, et pouvait se lire
Pnydenon. Pnjdenut était, en 1369, une ancienne commanderie de
Tem]^ers, devenue une comnumdene de Saint-Jean-de-Jérusalem au
Cmd prieuré d'Auvergne (aujourd'hui hameau de la conminne de
vîgnac , Haut^-Vienne, arr Saint* Yrieiz, o. Chaîna).
CHRONIQUES DE J. FROISSART.
second ^uyer auquel il donne un anneau d*or qu'il a an doigt
pour se faire plus sûrement reconnaître. Le premier ëcuyer, qui
était parti de Pumon à minuit, s'égare en chemin et n'arrive à
Poitiers que vers tierce au moment où le sénéchal du Poitou se
dispose à entendre la messe. Jean Chandos, qui a sur le cœur le
mauvais vouloir et les refus antérieurs du comte de Pembroke,
répond que le secours qu'on lui demande n'arrivera pas en temps
utile et entend toute sa messe. Au moment où il va se mettre à
table, arrive le second messager. Il lui fait d'abord la même
réponse qu'au premier et commence à prendre son repas. Entre
le premier et le second service, il réfléchit que le comte de
Pembroke a épousé la fille du roi d'Angleterre et qu'il a pour
compagnon d'armes le comte de Cambridge, le propre fils de son
seigneur et maître ; il se décide alors à lui porter seconrs. Il se
lève^ s'arme, monte en selle et sans même attendre que tous ses
gens soient prêts, s'élance de toute la vitesse de son cheval sur
la route de Purnon. P. 17G à 179, 381 à 383.
Vers midi, les Français qui tiennent le comte de Pembroke
assiégé dans la forte maison de Pumon, sont informés que Jean
Chandos s'avance à la tête de deux cents lances. Epuisés par les
assauts qu'ils viennent de livrer, ils n'osent attendre l'attaque de
troupe» fraîches et se retirent à la Roche-Posay avec leur butin
et leurs prisonniers. A peine débloqué, le comte de Pembroke
va au-devant de Jean Chandos qu'il rencontre à une lieue de
Purnon; puis ces deux capitaines se séparent et retournent, le
premier à Mortagne^ \fi second à Poitiers. P. 1 79 à 181 , 383, 384.
Mort de la reine d'Angleterre, au château de Windsor, la
veille de la* fête de Notre-Dame, 14 août 4369; dernières
volontés et dernières paroles de la bonne reine. P. 181 à 183,
384, 385.
Pendant que les ducs de Bourgogne et de Lancastre sont cam-
pés en face l*un de l'autre à Toumehem , trois cents chevaliers
du Vermandois et de l'Artois viennent un matin, au point du
jour, pour réveiller les Anglais dans leur camp ; ils sont repous-
1. Philippa ou Philippe de Hdinaut, la protectrice déronëe de
Froissart, 8on compatriote, qu'elle avait attaché a sa personne, Inourut
le 15 aoât 1369. C^est seulement dans la première rédaction de ses
Chroniques (p. 181 à 183), il importe de le taire remarquer, que l'an-
cien derc de la bonne ftgne s est érendu arec complaisance et one
émotion commanicative sur les qualités de sa bienfaitrice.
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, SS 628*652. uaan
ses par Robert de Namur, le seigneur de Spontin * et Henri de
Senzeilles *. Un chevalier du Vermandois, nomme Roger de Co-
logne, est taë dans cette escarmouche. P. 183 à 185, 375, 386.
Le duc de Bourgogne, honteux de rester depuis plusieurs jours
avec une armée de quatre mille chevaliers devant une poignée
d'ennemis sans leur ofirir le combat, décampe vers minuit de
Touinehem >, à l'insu des Anglais. P. 185 à 188, 386.
Tandis que le duc de Bourgogne se dirige vers Saint-^Omer, le
duc de Lancastre, de son côté, reprend le chemin de Calais *. La
semaine même de ce départ de Toumehem des deux armées
firançaise et anglaise, le comte de Pembroke, Hugh de Calverly,
Louis de Harcourt et les seigneurs poitevins du parti anglais
font une chevauchée en Anjou ; ils assiègent sans succès Saumur
défendu par Robert de Sancerre ^ ; mais ils prennent et fortifient
1. Gnillaiime, feignenr de Spontin (auj. Belgique, prov. Namnr,
air. Dinant, c. Ciney), choisi en 1367 comme Tun des exécuteurs tes-
tamentaires de Robert de Namnr, mort le 7 ayril 1385.
2. Belgique, proT. Namur, arr. et c. Philipperille.
3. Le duc de Bourgogne leva son camp de Toumehem et reprit le
chemin de Hesdin, le mercredi 2 septembre 1369 (Gr. Chron.y VI, 319).
En mai 1381, on fit grâce à un écuyer, nomme Guiot d*Arcv, qui,
enriron douze ans auparaTant c que le duc de Bourgogne nst son
mandement pour aller a Toumehem et au retour qu^il firent, > avait
vole i Condé chez son hôte, en complicité avec un autre écuyer,
appelé Jean de Maligny, un cheval valant 50 francs, sous prétexte de
se dédommager de la perte d'un bassinet qu^ls n'avaient pu retrouver.
Areh. Nat., JJ119, n» bk.
k. D*après la version beaucoup plus rraisemblable des Grandes Cfuro-
miques^ Jean, duc de Lancastre, loin de retourner à Calais après le
départ du duc de Bourgogne, continua sa marche en avant et entra en
Picardie (Gr. Chron., VI, 319).
5. Robert de Sancerre, troisième fils de Louis I, comte de- Sancerre,
tué à Crécy, et de Béatrix de Roucy , était le frère cadet de Jean III, comte
de Sancerre et de Louis de Sancerre , institué maréchal de France le
20 juin 1368. Le frète aine de Louis et de Robert, que Froissart oublie
de mentionner, joua, comme les deux cadets, un rôle actif et même
dirigeant dans la guerre du t border » poitevin en 1369. Jean III,
comte de Sancerre, avait épousé Marguerite de Mermande, fille unique
du seigneur du dit lien (auj. Marmande, hameau de Vellèche, Vienne,
arr. Châtellerauit , c. Leigné-sur-Usseau) et de Faye- la -Vineuse
(Indre-et-Loire, arr. Loches, c. Richelieu). Au mois d'octobre 1369,
Charles V donna au comte, son amé cousin, des biens situés sur les
confins du Poitou et de la Touraine et confisqués sur un certain nombre
de rebelles (Guillaume du Plessis, Pierre de la Broche, chevaliers, la
Thomasse, veuve de feu Imbert Gui, chevalier, etc.), pour dédomma-
ger le dit comte de ce que les gens des Grandes Compagnies avaient
VII — f
Lxxxu CHRONIQUES D£ J. FAOISSART.
les Pônts-de^-Cé ainsi que l'abbaye de Saint-Maur-sur-Loire^.
occapë l'aniiëe prëcëdente pendant quatre mois son château de Faye-
la-Vineuse, et pour Paider à tenir en bon ëtat de défense plusieurs
beaux et notables forts qu'il possédait es parties d'Anjou et de Touiaine,
les uns à une lieue, les autres à une demi-lieue, d'autres enfin à un
quart de lieue des frontières du Poitou occupées par les Anglais (^Arck,
Nat,^ JJ 100, n* 297). A la même date, comme nous Tavons vu. Jean, m
du nom, sire de Beuil, tenait tête aux Anglais sur les confins de TAnjou
et du Poitou, et c'est alors que se noua entre les représentants des
deux familles cette intimité qui aboutit, un demi-siècle plus tard, au
mariage de Jean, lY du nom, sire de Beuil, avec Marguerite de San-
cerre, et par suite, en 1441, à l'adjudication du comté de Sancerre a
Jean, Y du nom, sire de Beuil, amiral de France, le célèbre auteur du
Joweneel (Anselme, YII, 848 à 850).
1. Maine-et-Loire, arr. Angers, à 5 kil. au sud de cette ville. Les
Ponts-de-Cé, sorte de fauboui^ d'Angers, situés au milieu de la Loire,
sur trois îles, que relie une série de ponts, se composent d'une rue de
plus de 3 kil. de long, traversant le canal de l'Authion et trois larges
bras de la Loire. Un château hâti sur un tertre an bout du premier
pont, quand on vient de la rive droite du fleuve, entre l'fle Saint-
Aubin et l'ile Forte, commandait le passage de la Loire, ainsi que la
route qui met la rive gauche de ce fleuve en communication avec la
rive droite et avec Angers. Le château, dont les Anglais s'emparèrent
en 1369, avait été reconstruit en 1206 par Guillaume des Roches, sur
les ruines d'une forteresse plus ancienne, rasée par Philippe-Auguste ;
BOUS sa forme actuelle, ce château ne remonte guère qu'a 1438. Maî-
tres du cours de la Mayenne par l'occupation du Lion-d'Angers et du
cours de la Loire par la prise des Ponts-de-Cé, les chefs des Compa-
gnies anglaises tinrent, pendant un moment, la capitale de l'Anjou
enserrée au nord et au midi. L'occupation du Lion-d'Angers fut
assez courte, mais celle des Ponts-deX^é dura jusqu'à la victoire rem-
portée par du Guesclin à Pontvallain , c'est-a-dire jusque vers la fin
de 1370. On conserve aux Archives Nationales un registre provenant
de la Chambre des comptes d'Anjou (coté P 1336), qui est tout entier
relatif aux Ponts-de-Cé, et nous donne la statistique de cette localité,
si importante au point de vue stratégique , vers la fin du quatorzième
siècle.
2. Abbaye de Bénédictins, au diocèse d'Angers, fondée vers 543
par saint Maur, disciple de saint Benoit. Les ruines de cette abbaye,
convertie en ferme, se voient encore sur la rive gauche de la Loire , à
Saint-Georges-le-Thoureil (Maine-et-Loire, arr. Saumur, c. Gennes),
k 28 kil. au sud-est d'Angers et à 21 kil. au nord-ouest de Saumur.
D'après une inscription en lettres gothiques, encastrée encore aujour-
d'hui dans le pilier qui sépare les deux nefs de la. petite église Saint-
Martin remontant au treizième siècle, l'abbaye de Saint-Maur aurait
été occupée dès 1355 par Jean Cressewell et Hugh de Calverly :
L'an Min* LY fu céans
Des Angloys le logeis
Crissouale et Carvallay .
SOMBfAIRE DU PREMIER LIVRE, $$ 628-65Î. uxuii
Ed reTânche, un moine de Saint-Savin^, abbaye' situëe à sept
lieues de Poitiers , Uvre en haine de son abbë * cette abbaye à
Loob de Saint-Jolien et à Kerlouet qui sont à k tftte des forces
firancaises dans cette rëgi<Mi. P. 188 à i94, 386, 387.
A peine revena i Calais de la chevauchée de Toomehem, le
duc de Lancastre se remet en campagne ; il passe devant Saint*
Orner, Théronanne, Hesdin, Saint-Pol, Pemes *, Lucheux *, Saint-
Riqoier. Il passe la Somme au guë de Rlanquetaque, entre en
Vimeu, puis dans le comté d'Eu, passe à c6té de Dieppe et ne
s'arrête que devant Harfleur* où il reste trois jours. Le but de
Cta le prienré de Trères^onaiilt, situé également sur la rire gauche
de la Loire, wi peu sa md-ett de Tabbaye de Saiitt-AIanr| qui rat oc-*
copë Tert cette époque et fortifié par les Compagnies anglo-gaaconnes
{CoMt, G. dé NMgi^co^ II, 318). L'oocopation des PonU^e-Cé et de
Sunt-Maor par les Anglais doit remonter aux derniers mois de 1369.
Le fiuneox routier Jean Crenewdl fut probablement mis dès Ion à la
tte de la gamiion de Saint-Manr dont il était certainement capitaine
lonqne « Aui mcoglxx. ou mois de décembre^ monieignenr Bertran de
Gneidin, eonnestable ae France et lieutenant du roy nostre sire, or-
denna certain subside, trespas on acquit sur les marcnandises montans,
deieendans et trayersans par la riTière de Loire, entre Candes (Indre-
et-Loire, arr. et c. Chinon) et Chastecanx (anj. Champtoceaux ,
Mune-et-Loire , arr. Cholet), pour paier certaine tomme promise et
aceordée k Jehan Keruoualle anglais et à tes compagnons^ ennemis du
rofoume^ pour rendre et délivrer le fort de Saint Mor, sur la dite rieière^
ffiih tenaient alors. » Jrch. Nat.^ eect. adm., P1334', ^ 38. Cf. Gallia
Chtstiana^ XIV, 685; Paul Marchegay, drekifes d'Anjou^ Angers, 1853,
m-8«, t. II, p. 287 à 292; Célestin Port, Dîc/. hist. du dép. de Maina^
tt'Loire, aux mots PonU-do-Cé et Saint^Mtuir,
1. Anj. Saint-SaTin-sur-Gartempe , Vienne, air. Montmorillon , à
eBTÎroQ 35 kil. an sud de la Roche-Posay, à 41 kil. à Test de Poitiers,
à 25 kil. à Touest du Blanc.
S. Abbaye de Bénédictins au diocèse de Poitiers.
3. Le 4 juin 1370, cet abbé, nommé Jocelin Badereau, adressa une
requête à Charles Y au sujet des déprédations commises au préjudice
de son monastère par les gêna d'armes qui s*en étaient emparée, ainsi
que par les garnisons bretonnes de la Roche-Posay et du Blanc. Gallia
Ctwistiama, U, 1288.
k. Auj. Pemes en Artois, Pas-de-Calais, arr. Saint-Pol-sui^Temoise,
€. Henchin. La dame, appelée par Froîssart (p. 192) madame du Doaire^
€»t Jeanne de Luxemboura, tcutc de Gui , comte de Saint-Pol, qui
■Tait reçu en douaire le château et la seigneurie de Pemei.
5. Somme, arr. et c. Donllens.
6. Seine-Liférieure, arr. le HaTre, c. MontÎTilliers. Le duc de Lan-
Goitre dut mettre le siège derant Harfleur peu ayant le 21 octobre 1369,
ear, dans un numdement de Charles V en date de ce jour, on lit ce
<!ai mit : c Nous ayons entendu que no9 ennemis se sont deslogez de
Lxxxiv CHRONIQUES DE J. FROISSART.
r expédition est de s'emparer de cette ville afin d'y brûler la
flotte et le matériel naval ' du roi de France ; mais le comte de
Saint-Pol, qui s'est enferme à temps dans la forteresse menacée
avec une garnison de deux cents lances, déjoue cette tentative.
Dès le quatrième jour, le duc de Lancastre lève le siège, va
ravager la terre du seigneur d'Estouteville * et se dirigé vers
depont Harfieu et ont entencion d*euls traire vers la mière d'Oise pour
ycelle passer, s'il peyent. » Delisle, Mandements de Charles V^ p. 294i.
1. Il s'agit ici au matériel nayal rassemblé en Tue de cette aescente
dans ]e pays de Galles d'Owen de Galles pour laquelle Charies Y avait
fait tant de sacrifices et qui avorta si misérablement à la fin de décem-
bre 1369 (6r. C/iron., Vl, 320 à 322). Philippe d'Alençon, archevêque
de Rouen, avait prête 2000 francs pour cette expédition, et, le 16 janvier
1370 (n. st.), le roi donna l'ordre de lui rembourser les trois quarts de
cette somme (Mandements de Charies F, p. 317). Pour recruter les
équipages de cette flotte improvisée, on fit flèche de tout bois, et en
novembre 1369 un malfaiteur eut sa grâce, c parmi ce toutes voies
qu'il promettroit que aveeques la première armée des gens d^ armes que nota
ferons passer en Angleterre il iroit souffisamment appareilliez. » Arch»
Nat,^ JJlOO, n» 307. — Telle fut la popularité, c la grant mencion de
l'armée qui se fist en la mer par Yvain de Galles », qu'il y eut jusqu'à
un orfèvre de Paris , Andriet le Maître, c qui fist chevance de deux
chevaux , quant Yvain de Galles se mist en la mer, et s'en ala avec
icelui Yvain. » JJlOO, n» 633; JJ102, n» 131. — Dans un acte, daté
de Paris le 10 mai 1372, où il se reconnaît redevable envers Charles V
d'une somme de 300000 francs d'or, Owen de Galles accuse les rois
d'Angleterre, c meus de convoitise damnée », d'avoir occis ou fait
occire quelques-uns de ses prédécesseurs^ rois de Galles {Arch, Nat.^
JJN, f 55, n«27).
2. Auj. Estouterille-Écalles, Seine-Inférieure, arr. Rouen, c. Buchy.
Tout le tableau de la chevauchée du duc de Lancastre dans le pays de
Caux est retracé dans une lettre de grâce délivrée en mai 1376 à
un certain Guillaume le Cordier qui s'était retiré avec son père et
ses enfants dans le fort de Raimes (un château ruiné de Ramé, situé
à GomerviUe, entre Montivilliers et fiolbec, est marqué sur la carte de
Cassini, feuille du Havre, n» 60), « en Can mccclxix, ou moys (ToC"
tobre ou environ, le duc de Lancastre et pluseurs autres noz ennemis
estanz sur le pais de Caux. i» Moyennant un sauf-conduit acheté de
Gautier Hewet, chevalier anglais, logé près de Raimes, Guillaume le
Cordier va voir si son manoir n'est pas brûlé et s'il n'y aurait pas
moyen d'y rentrer. Le comte de la Marche, dont les gens occupent ce
manoir, refuse de le rendre à Guillaume ; il ne consentirait à y rece-
voir que la femme de Guillaume, parce quelle est enceinte. Guillaume
le Cordier prend le parti de retourner à Raimes a l'aide d'un nouveau
sauf-conduit acheté comme le premier de Gautier Hewet. Au retour,
comme il passe à Étienville, il donne une somme de 70 francs a
Thomas Caon , à la condition que l'hôtel où ce chevalier anglais est
logé et deux autres ne seront pas brûlés; puis il court au manoir de
SOMMAIRE DU PREMIER UYRE, $$ 628-652.
Qisemont pour repasser la Somme à Blanquetaqne. Au moment
où les Anglais longent les murs d'Abbeville, Hue de Châtillon*,
capitaine de cette ville et maître des arbalétriers de France, fait
une sortie et tombe dans une embuscade entre les mains de
Nicolas de Louvain, sënëchal du Pontieu , qu'il avait lui-même
fait prisonnier quelques mois auparavant et rançonne à dix mille
francs. P. i91 à 195, 387 à 389.
Le duc de Lancastre repasse la Somme à Blanquetaque, suit le
chemin de Rue, de Montreuil-sur-Mer et rentre à Calais vers la
Saint-Martin d'hiver. Là, il donne congé à Robert de Namur, à
Waleran de Borne * et à tous les Allemands, puis il retourne en
Angleterre. P. 495, 196, 389.
La nuit du 30 décembre 1369, Jean Chandos, sénéchal du
Poitou, et Thomas Percy, sénéchal de la Rochelle', font une
80D père où il troaye des hommes d'armes allemands à la solde du duo
de Lancastre, qui Teolent y mettre le fea ; il parrient à les faire renon«
cer à leur projet en leur distribuant hait pots de cidre et une douzaine
de blanc pain petit. Il retourne ensuite au hameau d'Etienrille où Ton
a brulë depuis son départ les trois maisons pour le rachat desquelles il
arait payé 70 francs. 11 se rend à Bolhec, ou il apprend que le duc de
Lancastre se trouve, pour se plaindre à Thomas Caon, mais là on lui
Tole son cheral; las d'adresser en raîn des réclamations à Gautier
Hewet, loge chez Jean le Bouleur, homme de fief du comte de Har-
court, il achète au prix de deux francs une jument aux Anglais pour
retourner chez lui. Jreh. Nat,^ JJ108, n<> 382.
1. Hue ou Hugues de Châtillon, seigneur de Dampîerre, de Sompuîs
et de RoUencourt, avait succédé dans la charge de grand maître des
arbalétriers de France à Baudouin d*Annequin tuë à la bataille de Co-
eherel le 16 mai 136^ (Anselme, Hîsi, généaL, VI, 113 ; VIII, 46 et 47).
Le châtelain de Beauvais fut fait prisonnier en même temps que Hu-
gues de Châtillon {Gr. Chron., VI, 390).
2. Waleran de Fapquemont, seigneur de Borne, rallié k Charles Y
le 19 septembre 1373 moyennant une pension annuelle de 1200 livres
(Jrek, Hat.^ J626, n» 115).
3. Thomas Percy, sénéchal du Poitou , à la date du 3 mars 1369,
avait-il été transféré dans les mêmes fonctions à la Rochelle vers le
milieu de cette année, au moment où il avait été remplacé par Jean
Chandos comme sénéchal du Poitou ? La qualification de sénéchal de
la Rochelle, attribuée ici (p. 198) pour la première fois à Thomas, don-
nerait lieu de le croire. Thomas Percy ou de Percy, fils puiné de
Henri Percy et de Marie de Lancastre-Plantagenet, fille ae Henri,
comte de Lancastre et de Leicester, avait par sa mère du sang royal
dans les veines , puisque le comte de Lancastre, son grand-père, était
le petit-fils de Henri lll, roi d'Angleterre. Shaks|>eare a immortalisé
Thomas Percy et son neveu Uenn Percy. surnommé Hotspur, en les
fidsant figurer dans ses drames de Riekmrd II et de Henri IV.
u:xxvi CHRONIQUES DE J. FROISSART.
chevauchée pour reprendre l'abbaye de Saint-Savin dont Louis
de Saint-Julien est capitaine. Us s'apprêtent à tenter l'escalade de
cette forteresse lorsque, vers minuit, ils entendent sonner du cor :
c'est Jean de Rerlouet qui arrive à Saint--Savin avec quarante
lances, pour prendre part à une expédition en Poitou. Les deux
capitaines anglais s'imaginent que c'est un signal donné par la
sentinelle de l'abbaye qui les a reconnus et retournent en toute
hâte à Chauvigny ^. Thomas Percy prend alors congé de Ghandos,
traverse la Vienne sur le pont de Chauvigny et remonte par la
rive gauche le cours de cette rivière. Le 31, au matin, on apprend
que Louis de Saint-Julien et Rerlouet , partis pendant la nuit
de Saint-Savin, chevauchent pour passer la Vienne au pont de
Lussac ^ et porter le ravage en Poitou ; Chandos s'élance aussitôt
à leur poursuite. Les Français ont une lieue d'avance, ils arri-
vent les premiers à Lussac; mais ils trouvent le pont occupé par
Thomas Percy qui se tient de l'autre côté de la rivière et en-
treprend de leur en disputer le passage. Us mettent pied à terre
et se préparent à faire l'assaut du pont, lorsque Jean Chandos
qui les poursuit vient les charger en queue. P. i96 à 202,
389 à 393.
Jean Chandos est blessé mortellement par un écuyer nommé
Jacques de Saint-Martin ' et rend le dernier soupir le lendemain à
Mortemer *• Toutefois, les Anglais, qui reçoivent un renfort pen-
1. Vienne, arr. Montmorillon, bot la Vienne, à 2k kil. k l'est de
Poitiers.
2. Auj. Lussac-les-Chateaux , Vienne, arr. Montmorillon, sur la
Vienne, à 36 kil. au snd-est de Poitiers et à 12 kil. an iud de Chau-
TÎgny. Au moyen âge, quand on remontait le cours de la Vienne, le
premier pont que 1 on rencontrait après celui de Chaurigny était ]e
pont de Lussac.
3. D'après CuTelier, un archer breton, nomme Alain de Guigueno,
aurait d'abord percé d'une flèche l'armure de Chandos (Charriere, II,
p. 201 et 202, yers 19213 à 19218); et un homme d'armes, appelé
Aimeri, lui aurait ensuite plongé sa lance dans la poitrine (Ibid,^ p. 20k
et 205, Ters 19310 à 19315). Le témoignage si précis de Froissart mé-
rite ici plus de créance que celui de Cuveher.
4. Le combat où Jean Chandos fut blessé mortellement eut lieu le
matin du jour de l'an, mardi l*r janrier 1370 (p. 199 et 391). D'après
a première rédaction, Chandos aurait survécu trois jours (p. 395), et,
d'après la seconde, un jour et une nuit seulement à sa blessure (p. 207).
Le cheralier anglais serait mort par conséquent, suivant la première
version, le 3, suivant la seconde, le 2 janvier 1370. Cuvelier dit que
Chandos mourut à Chauvigny (/3/i/., p. 206, vers 19377), mais la tra-
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, Sg 628-652. uxxvii
dant Tactioiif restent mattres du diamp de bataîHe; Louis de
Saint-Jaliea et Jean de Ktrlouet sont faits prisonniers^. La nx>rt
de Chandos excite les regrets des Français aussi bien que des
Anglais. P. 202 à 207, 303 à 396.
Thomas Perçy ^ succède à Jean Chandos dans la charge de
dition constante du pays, d'accord arec Froiuart, est que miastre
gnerrier expira à Mortemer (Yienne, arr. Montmorillon, c. Ltutac), où
S fot enterré et où ion tombeaa existait encore, dit-on , au commen-
eement de la Restauration, époqne où on raorait détruit pour placer
un aatel latéral (Briquet, HUt, de Niort ^ U, 68). Jean Bouchet nous a
conserré IVpitaphe suiTante , qae Ton avait gravée sur ce tombeau ,
mais qui semble très-postérienre i la mort de Chandos :
Je Jehan Chandos, des Anglois capitaine,
Fort cheraler, de Poictou seneschal,
Après avoir faict guerre très lointaine
An roi françois, tant à pied qu'à cheval.
Et pris Bertrand de Gnesquin en un val,
Les Poictevins près Lussac me défirent,
A Mortemer mon corps enterrer firent ,
En un cercueil eslevé tout de neuf
L'an mil trois cents soixante et neuf.
Cette date de 1369 se rapporte à l'ancien stjle diaprés lequel l'année
1369 ne finit qu'a Pâques (14 avril) de Tannée 1370 nouveau style. In-
d^Mndamment de ce tombeau, un monument ftit élevé â rendroit
moné on Chandos avait été fîappé mortellement, à l'extrémité occi-
dentale du pont de Lussac aujourd'hui détruit, sur le territoire de la
paroisae de Civaux (Vienne, arr. Montmorillon, c. Lussac). Ce monu-
ment se composait d'un entablement soutenu par six colonnes et sur-
monté d'une bannière (Jf fiches du Poitou^ année 1775).
1. Par acte daté de Paris le 20 mars 1370 (n. st.), Charles V donna
les biens confisqués de Jacques le Tailleur, rebelle , sis en la vicomte
de Brosse, à Jean du Mesnil , écnyer, c pris prisonnier par plusieurs
fois et dwrrtùnement en la betcigne de Chandos et mis à très excessive
Ttençon montant k sept cens frans. > jireh, Nat,^ JJlOO, n« 785. —
D'après Cuvelier {Chron. de B. Dugueselin^ II, 207, vers 19382 a 19386),
Ja loUe de Tours aurait payé aux Anglais la rançon de Jean de Ker-
loaet fixée à 3000 francs d'or. Nous aurions voulu contrôler l'asser-
tion du trouvère picard en compulsant les registres des comptes de
eette Tille; malheureusement, le registre correspondant à l'année 1369»
où Ja dépense dont il s'agit a du être inscrite, est en déficit (commu-
nication de notre savant confrère M. Delaville le Roulx).
2. D'après M. Fillon {Jean Chandos^ p. 23, note 1), ce ne serait pas,
comme le dit ici Froissart, Thomas Percy» ce serait Baudouin de Fré-
rille ^ni aurait succédé immédiatement a Jean Chandos ; mais il n'est
fourni aucune preuve à l'appui de cette assertion. Comme Thomas
Percy était oertamement redevenu sénéchal du Poitou en novembre 1370
(vojrea plus haut, p. lxxiv, note 1), la version du chroniqueur reste
très-vraisemblable.
Lxixvni CHRONIQUES DE J. FROISSART.
sënëchal du Poitoa. Louis de Saint-Julien et Rerlouet, mis à
rançon par les Anglais, retournent en leurs garnisons. — Enguer-
rand, sire de Goucy, marié à l'une des filles d'Edouard III, et
Amanieu de Pommiers veulent rester neutres dans la guerre qui
vient d'éclater entre les rois de France et d'Angleterre ; le pre-
mier se rend en Savoie et en Lombardie, et le second va en
Chypre et au Saint-Sëpulcre. — Jean de Bourbon, comte de la
Marche, et le sire de Pierre-BufBère, quoiqu'ils soient venus
habiter Paris, n'en refusent pas moins de renvoyer leur hommage
au prince de Galles ; mais deux autres barons du Limousin,
Louis, sire de Malval ', et Raymond de Mareuil ', neveu de Louis,
1. Par acte daté de Paris le 8 juin 1369, frère Gui Moriac, cheTalier
de l'hôpital , de Tordre de Saint-Jean de Jënualem » et Guillaume de
Lussac, ëcuyer, déclarèrent adhérer, « de la partie et comman-
dement de monseigneur Loys de Maleraut , cheyalier du pais de
Guienne », à Tappel fait par le comte d'Armagnac par-derant le roi de
France, comme sonrerain seigneur du duché de Guyenne, contre le due
de Guyenne. Areh, Nat. J&k2j n» 16".
2. L*acte d'adhésion de Rajrmond de Mareuil est daté de Paris le
vendredi 29 juin 1369, et roici le texte de ce document : c A tous
ceulz qui ces lettres yerront, Raymon de Marueil, chevalier du pais de
Guienne, salut. Comme, pour cause de plusieurs griefs et oppressions
à nous faiz par Edwart, le prince de Galles, duc de Guienne, et ses
genz et officiers, indeuement et contre raison, nous nous soîons adhert
aus appellacions faites par le conte d'Armicnac et plusieurs autres no-
bles du dit pais de Guienne à l'encontre du dit prince par deTsnt le
roy de France nostre sourerain seigneur ou sa court de parlement et
par ainsi ayens pris et recongneu, prenons et recongnoissons le dit
roy de France à nostre souverain seigneur, savoir faisons que nous
avons promis et jure, promettons et jurons aus saintes Ewangiles que
à nostre dite adhésion nous ne renoncerons en aucune manière senz la
licence et exprès commandement du roy nostre souverain seigneur,
maiz la poursievrons pardevant lui ou sa dite court de parlement. Et
avecques ce promettons et jurons estre bons, vrais et loyaulx françoiz
et senrir le roy nostre dit seigneur loyaulment en ses guerres et autre-
ment et tenir sa partie contre le dit prince et tous autres ennemis du
roy nostre dit seigneur de tout nostre povoir ; et se nous faisions le
contraire, nous voulons et nous consentons estre tenuz et reputez par
devant tout homme, faux, mauvaiz, parjure et traitre chevalier. En
tesmoing de ce, nous avons fait mettre nostre seel à ces présentes.
Donné a Paris le penultime jour de juing l'an mQ ccc soixante et
neuf..» jirch, *Nai.^ J6(i2, n» 16". — Par acte daté de son chiteau de
Monfort le lundi 7 mai 1369, Regnault, sire de Pons et de Ribérac, vi-
comte de Turenne et de Carladez , donna pleins pouvoirs pour prêter
la même adhésion à Regnault de Montferrant, chevalier (J642, n» 16'),
lequel la prêta à Paris le 8 juin suivant (J 642, o9 16'). Parmi les autres
adnésions dont les actes npus ont été conservés, les plus importantes
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, §§ 628-652. uaxix
embrassent ouvertement le parti du roi de France. — Caponnet
de Chaponval, délivre de sa prison d'Agen et échangé contre
Thomas Banastre pris dans une escarmouche devant Périgueuz,
rentre en France. P. 207 à 210, 396 à 398.
Par acte daté de Westminster le 15 novembre 1370,
Edouard III abolit tous fouages et aides levés indûment par le
prince de Galles et accorde amnistie pleine et entière à tous les
sujets de la principauté qui, après avoir pris parti pour le roi de
France, voudront bien faire leur soumission^. P. 210, 211, 398.
Des copies de cet acte sont adressées secrètement à Paris
aux vicomtes de Rochechouart ^ , aux seigneurs de Malval *
i ngnaler sont celles de frère Ytier de Pemce, chevalier de Saint-Jetn-
de-Jérnsaleniy commaiidear de Belle-Chassagne (Corrèze, arr. Ussel,
c. Somac), en date du 8 juin (J,642, n« 16*), de Jean de Saint-Cfaamant,
eheralier (J 642, nP 16**), de Jean de Rochefort, cheralier, sire de
Chastelvert en Limousin (J6k2f n^ 16*), enfin de Nicolas de Beaafort,
seigneur de Limeuil (Dordogne, arr. Bergerac, c. Saint«Alvère), en
date du 27 mai 1369 (J642, n» 16*).
1. Cette ordonnance ne se trouve pas dans Rjmer; elle est datée du
5 ou du 15 noTembre de Tan kk du règne d'Edouard III, qui cor-
respond à la fin de 1370, quoique Froissart l'ait ; intercalée au milieu
du récit des érënements du commencement de cette année. Elle dut
être promulguée a Tinstigation de Jean, duc de Lancastre, envoyé par
Edouard III, le l*' juillet 1370, au secours du prince d'Aquitaine avec
Sleina pouvoirs d'accorder toute espèce de grâce et de pardon , c ut
icto primogenito nostro principi ac aliis partium iUarum incolis ex
adventu tuo letitia et securitas eo major accrescat. » Delpit, Documents
fraaçau, p. 1 29 et 130. — Du reste» le prince d'Aquitaine et de Galles lui-
même, enrayé sans doute des progrès de rinsurrection, venait d'entrer
dans la Toie des concessions, rar acte date d'Angouléme le 28 janvier
1370, il avait, sur la plainte des Bordelais, abaisse et remis comme
autrefois à 13 sous k aeniers par tonneau le droit sur l'entrée des Tins
éleré depuis cinq ans à 20 sous et attribué à la Couronne {Arch, de
Bordeaux^ lirre des BouUlons, I, 147 et 148). La lettre adressée par
Edouard III, le 30 décembre 1369, aux seigneurs de Guyenne et l'or-
donnance, en date du 1*' janvier suivant, par laquelle ce prmce établit
sur le continent une juridiction d'appel , de suzeraineté et de ressort
dont il fixa le siège à Saintes, ces deux actes visaient également à don*
ner satisfaction aux légitimes réclamations des vassaux de la princi-
pauté d'Aquitaine (Rymer, III, 883 à 885). Le tableau du produit des
fouages a ëté publié par M. Delpit {Documents français en Jngleterre^
p. 173 et 174).
2. Le 13 mars 1370 (n. st.), Charles V retint à son service le vicomte
de Rochechouart et Régnant de Dony avec 120 combattants (Delisle,
Mandements^ p. 332), dont il ordonna de payer les gages le 11 mai
suivant (/^^., p. 348).
3. Le 12 juillet 1369, Charles Y asûgna à Louis de Malval , en ré-
xc CHRONIQUES DE J. FROISSART.
et de Mareuil ^ -— Jean de Rerlouet, Guillaume des Bordes et
Louis de Saint-Julien, capitaines de la Roche^Posay, de la Haye
en Touraine et de Saint-Savin pour le roi de France, prennent un
matin par escalade la ville de Châtellerault ^« Pris à l'improviste
et réveillé en sursaut, Louis de Harconrt n a que le temps de se
sauver en chemise sur le pont de Châtellerault que ses gens ont
fortifié. Depuis lors, des escarmouches ont lieu tous les jours
entre la garnison bretonne de la ville, dont Rerlouet prend le
commandement, et celle du pont. P. 212, 398.
Louis, duc de Bourbon', Louis de Sancerre, maréchal de
France, le sire de Beaujeu et les principaux chevaliers du
Bourbonnais, du Beaujolais, du Forez et de l'Auvergne *, met-
compense de son adhésion à Tappel des barons de Gascogne, 1000 li-
vres de rente à héritage sur le cnateau du Metz-le-Maréchal (situé à
Dordives, Loiret, arr. Montargis, c. Ferrières), à la condition que
Louis rendrait le dit château en échange d'une donation équivalente
en Guyenne, et Raymond de Mareuil se porta garant de ce dernier
engagement (jirch, Nat,^ J642, n» 16*).
1. Par acte daté de Paris le 12 juillet 1369, le roi de France donna
à Raymond de Mareuil 2000 livres de rente à héritage assises sur les
château et chatellenie de Courtenay (J642, no 16'^), et cette donation
fut confirmée le 25 janvier 1370 (n. st.). Delisle, ManJernents^ p. 330.
2. La prise de Châtellerault par les Français, fait militaire dont il
faut savoir gré à Froissart d'avoir compris l'importance, dut avoir lien
dans les premiers jours du mois de juillet 1370, comme le prouve
l'article de compte suivant, emprunte au registre de la Chambre aux
deniers de Jean , duc de Berry (1370-1373) : c A Rougier Piquet, hé-
raut du Baudrin de l'FiUse, qui a porté lettres a mon dit seigneur
(Jean, duc de Beny), faisant meneion que noz gens avaient pris ChasteU"
raut que Us ennemis tenaient^ pour don du dit seigneur fait ou dit Rogier
pour une fois tant seulement, par mandement du dit seigneur donné
U VIII* jour du dit mois (juillet 1370); randu à cort : x livres. » jireh,
Nat., sect. hist., KK251, ^ 26.
3. A quelle date Louis, duc de Bourbon, entra-t«il en campagne
pour mettre le siëge devant Belleperche? Cette date nous est fournie
par un mandement du 26 septembre 1369 par lequel Charles V retint
a son service le duc de Bourbon avec 300 hommes d*armes, dont
5 chevaliers bannerets et 60 chevaliers bacheliers, c pour nous servir
en nos présentes guerres ou pajrs de Bourbonois.iù Mandements de Charles F,
p. 290 et 291.
4. Froissart oublie de mentionner les Bourguignons qui allèrent ren-
forcer le duc de Bourbon trois mois environ après que le siège avait
été mis devant Belleperche. Le 3 décembre 1369, le duc Philippe
nomma Eudes de Grancey gouverneur de son duchë (dom Plancher,
Hist, de Bourgogne^ III , 32) ; puis il se rendit a Paris où il resta jus-
3u'au 11 février suivant. Le 21 février 1370, Nicolas Corbeton, bailli
'AuxoiSy fit porter lettres aux seigneurs de Marigny, Sombemon, Ma-
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, $$ 628-652. za
tent le siège devant le château de Relleperch'e occupe par les
Compagnies anglaises. Les assiégés réclament du secours par
l'entremise de Jean Devereux, sénéchal du Limousin, qui tient
garnison à la Souterraine^. Les comtes de Cambridge' et de
Pembroke, après avoir rassemblé à Limoges quinze cents lances
et trois mille soudoyers, accourent en plein hiver pour faire lever
le siège de Relleperche. P. 213 à 246, 398 à 401.
Les deux comtes font ofinr la bataille au duc de Bourbon qui
la refuse. Mécontents de ce refus, ils menacent le duc d'emmener
loin de Relleperche sa mère, la duchesse douairière de Bourbon.
P. 216 à 218, 401, 402.
Les Compagnies anglaises évacuent le château de Relleperche,
et leurs capitaines emmènent avec eux la duchesse de Bourbon à
« la Roche-Vauclère * )>, en Limousin; mais le prince de Galles,
lain, c facent mencion comment monseigneur (le due de Bourgogne) venoU
devant Belieperche pour combattre à Taide de Dieu les exmemis qui es-
toient Tenuz, affin que les diz seigneurs alassent par derers li. i Arck,
de la Côte-^Or^ fonds de la Chambre des comptes de Bourgogne, reg. B
2757; Invent, ^ I, 304 et 305. Communication du savant M. Gamier.
1. Creuse, arr. Guëret, sur les confins du Limousin et de la Marche.
On trouTera de curieux détails sur Toccupation de la Souterraine par
les Anglais dans une lettre de rémission de jmllet 1378 (Arch, Nat.^
JJ 112, n« 345, fo 172 to) et dans une autre de juillet 1379 (JJ 115, n* 177).
2. Edmond ou Ajmon, comte de Cambridge, le troisième fils, et
Jean de Hastings, comte de Pembroke, le gendre d'Edouard in. L'ex-
pédition des deux princes anglais, tendant à faire lever le siège de
Belieperche, eut lieu en janTier et février 1370, comme le prouve un
article de compte relatif aux irais de distribution de vingt paires de
lettres adressées par le bailli de Chalon, en vertu d'un mandement du
duc de Bourgogne, aux nobles du dit bailliage. Ce mandement daté de
Paris le 11 février 1370 leur intimait l'ordre de s'armer incontinent
pour aller servir le duo « sur la Loire, contre Ainmon, fils du roi d'En-
gleterre, qui, avec quatre mil combatans, venait lever le siège des gens
1^ armes du roraulme de France estons devant le fort de Belieperche, » Arch,
de la Câte^Jor^ fonds de la Chambre des comptes de Bourgogne,
reg. B3572; Invent, ^ I, 422.
3. Il est difficile d'admettre, malgré Panalogie du nom, que Froxs-
sart ait voulu désigner la Roque-Valsergue , auj. hameau de Saint-
Saturnin, Aveyron, arr. Millau, c. Campagnac. Cette importante for-
teresse n'était pas située en Limousin, comme le dit Froissart; elle
était le chef-lieu d'une des quatre grandes chateUenies du Rouergue.
Les Français l'avaient reprise aux Anglais dès le commencement du
mois de janvier 1369 (voyez plus haut , p. uun, note 3). M. Kervyn
place* le château de la Roche- Vauclair sur la rive droite de l'Alagnon,
a six lieues de Saint-Flour, où, d'après ce savant, on en verrait encore
quelques raines (ÛS«pre« de Froissart^ XXV, 237). Si cela est, on s'ex-
xcii CHRONIQUES DE J. FROISSART.
peu satisfait de rarrestation de cette princesse, voudrait à tout
prix rëchanger contre Simon Burleigh. P. 2i8, 219, 402.
Le duc de Bourbon reprend possession de Belleperche* et
remet ce château en bon ëtat. Les comtes de Cambridge et de
Pembroke retournent, le premier à Angoulême, le second à
Mortagne en Poitou \ tandis que les Compagnies parties de Belle-
perche se répandent en Poitou et Saintonge où elles portent le
ravage. — Au retour de son expédition en Guyenne, Robert
Rnolles est à peine rentre dans son château de Derval, en
Bretagne, qu'Edouard III le mande auprès de lui; il s'embarque
aussitôt pour l'Angleterre, débarque à la Roche Saint-Michel ',
en Gomouailles, et arrive à Windsor. P. 219, 220, 402, 403.
CHAPITRE XCVII.
i370, mai, lb duc d'anjov a paris; PiiPAEATiFS de guxxbb des
ROIS DB PRANCX ET d' ANGLETERRE. 1372, du i^ OU 22 aOÙi.
DÏUVRAlfGE DB LA DUCHESSE DOUAIRliRE DB BOURBON PRISE A
BELLEPERCHB. — 1371, du K OU 29 mars, brtbevub de
VERNON; TRATriî de paix entre les rois de FRANCE ET DB NAVARRE.
— 1370, f^rs le iti juillet, arrivée de bertrand du guesclin,
rappela d'espagne, en LANGUEDOC. -— Du \}& juillet au 15
pliqne difficilement qae ces ruines ne soient marquées ni sur la carte
de Cassini ni même sur celle de l'État-major, et que le nom ne figure
point dans le Dictionnaire deê lieux habités du Cantal^ publié à Aurillac
en 1861 par M. Deribier-du-Chatelet.
1. Louis, duc de Bourbon > dut prendre possession de Belleperche
dans les premiers jours de mars 1370, car les honmies d'armes qui re-
venaient du siëge reçurent leurs gages le 31 de ce mois (B'M, Nat,^
fonds Gaignières, t. 772, p. 379. 405).
2. Nous aTons identifie plus naut ce Mortagne arec Mortagne-sur-
S^rre, mais ce n'est point parce que notre chroniqueur place cette lo-
calité en Poitou. Froissait dit aussi « Saintes en Poitou » et ne donne
en général d'antres limites à cette province que celles qu'elle avait eues
au siècle précédent sous Alphonse de Poitiers.
3. n s'agit ici du rocher de Saint-Michel, situé à l'extrémité du pays
de Comouailles, et près duquel se trouve une baie du même nom. Une
certaine analogie entre ce site et celui de notre Mont*Saint-Michel fit
fonder en cet endroit un monastère, au dixième siècle, sorte d'imitation
anglaise de la célèbre abbaye française.
SOBIMÂIRE DU PREMIER LIVRE, $$ 653-668. xcui
août. CAMFÀGini DU DUO d'akjou st de du ouiscuet sh
cmnarNB ; occupatioit db mousac, d'aobv, db TomcBiiiSy du
K>mT-sAnm-iiAiiB, db moutpazibb bt D'AiGUiixcm ; sitfoB db
be&obbàg et db lalwdb par lbs nAHÇAU. --^ De la fin de
juiUet à la mi-septembre, CHBVAUCHtB db bobbbt krolus a
TmATBBS l'aMTOU, LA PICABDIB BT l'iLB DB VBASCB. — Z>ll 46 OU
24 août. LE DUC DB BBBRT BT DU OUBSCLOr BR LUOUSIir ;
MKODmON DB LUfOGBB AU DUC DB BBBBT. ^ Du ik OU i9 Sep*
temhre, sn£oB, bxpbub bt bac db umoges par lb pbincb db
GAIXB8. ^ 24 septembre, robbbt xifOixBs detaiit paru. —
S octobre, du ouesclih a paru ; sa noMiifATioif a l'opticb db
gohhétablb db vrancb (5S 653 k 668).
m
Louis, duc d'Anjou, lieutenant en Languedoc, fait un voyage à
Paris ^ où il arrête, de concert avec le roi de France et ses deux
frères, les ducs de Bourgogne et de Berry, le plan de la pro-
diaine campagne contre les Anglais. Deux corps d'armëe devront
envahir la principauté d'Aquitaine, le premier sous les ordres du
duc d'Anjou, du côté de Bergerac et de la Réole, le second, sous
la conduite du duc de Berry, du côté du Limousin et du Quercy.
1. Louis, duc d'Anjou, qui était encore à Toulouse pendant la pre-
îère quinzaine d*aTiil 1370 {Ordonn,^ Y, 316 à 314, 586), dut arriTer
à Paris dans les premiers jours de mai. Dès le 7 de oe mois, il était
dans cette rille où il retint Gontier de Baiffneux, éyéque du Mans,
comme conseiller de ion grand Conseil, à 8 francs ou 10 florins d*or
de gages par jour (Bibl. Nat,^ Titr. orig., au mot Baigntux), Le 11, il
rendit risite à Bureau de la Rivière en sa belle résidence de Croissy, et
Charles V donna une chapelle, à Toecasion de cette visite, à son pre-
mier chambellan (Mandements de Charles V^ p. 361). C'est pendant le
séjour du duc d'Anjou à Paris que le roi son frère, non content d'aroir
confisqué et réuni a la Couronne, par acte en date du 14 mai, le duché
d'Aquitaine (Ordonn.^ VI, 308 à 310), déclara en outre confisqués, le
lendemain 15, tous les biens possèdes par les Anglais en Guyenne
{^âreh, Jfat,y JJ104, no 51). Le 16, Charles Y, mettant i exécution, en
partie du moins, une promesse faite au duc d'Anjou six ans aupara-
Tant, le 13 avril 1364 (Chron. de J, FroUtart^ YI, ux, note 3), oonna
en riager 4 Louis le duché de Touraine, 4 la condition qu*à défaut
d*héritiers mâles ce duché, le comté du Maine et le Loudunois feraient
retour à la Couronne (Areh. Nat.^ J375, n» S; P 2294, f»* 768 et 769).
Enfin, le 18 mai, un différend assez grave, qui s'était élevé entre les
ducs de Bourix>n et d'Anjou au sujet de la succession de Regnault de
Forez, fut aplani ; et le duc d'Anjou se désista de toutes ses prétentions
sur le pays de Forez (P 1334 , n« 110).
xciv CHRONIQUES DE J. FROISSART.
L'objectif de i'expëdition sera Augoulême où ces deux corps
d'armée y après avoir opéré leur jonction, iront assiéger le
prince d'Aquitaine. En même temps, on décide de rappeler
d'Espagne Bertrand du Guesclin et de le nommer connétable de
France.
A l'entrée du mois de mai ^, Louis, duc d'Anjou, prend congé
de ses (rères pour retourner dans son gouvernement; il s'arrête
un mois à Montpellier', et se rend ensuite à Toulouse où il
rassemble ses gens d'armes. Le petit Meschin, Emaudon de Pau,
Perrot de Savoie *, le bour Camus et les autres chefs des Com-
pagnies françabes n'ont pas cessé de guerroyer, pendant l'absence
du duc, sur les frontières du Quercy et du Rouergue. Le duc de
Berry*, à Bourges, le duc de Bourbon, à Moulins', le comte
Pierre d'Alençon ' font aussi des levées de troupes et se prépa*
1. Ce n'est pas à l'entrée, c'ett au contraire à la fin de mai 1370,
3ae Louis, duc d'Anjou, partit de Paris pour retourner en Langue*
oc.
2. De passage 4 Romiemaure (Gard, arr. Uzès), le 12 juin, à Nî-
mes le 28 du même mois, le duc d'Anjou était à Montpellier le 2 juil-
let et n'y resta que quelaues jours; il arriva à Toulouse le 11 juillet
(Vaissete, HUt, de Languedoc^ iV, 345).
3. De ces quatre chefs de Compagnies, deux sans aucun doute, le
petit Meschin et Perrot de Savoie, et probablement aussi un troisième,
celui auquel Froîssart donne le prënom d' c Emaudon » , appelé ail-
leurs Boulhomet (Thalamus parvus^ p. 384) ou Bosoniet de Pau (acte du
1er septembre 1368, aux Archives de Faueluse)^ avaient ëtë mis à mort
à Toulouse, le 1 1 mai de Tannée précédente. Voyez plus haut, p. lxviii,
note 1.
4. On voit par une cédule autographe de Jean le Mercier, attaché à
cette expédition en qualité de trésorier des guerres, que Charles V
avait assigné à son frère -Jean, duc de Berry, pour les frais de cette
campasne, 2000 francs en juillet, 2000 francs en août, et en outre,
1552 francs pour les gages des gens d'armes de son hôtel pendant
les dits deux mois {Areh, Nat,^ E& 251, F" 108). Jean le Mercier était
en Berry dès le 7 juin 1370, jour où le duc Jean lui avait fait présent
d'une haquenée. Ibid.^ f^ 25 v*.
5. Jean, duc de Berry, chef de l'expédition, alloua, par mande-
ment du 27 juillet 1370, 700 livres tournois de gages par mois à Louis,
duc de Bourbon, « tant pour lui que pour les gens d'armes que le dit
devoit amener en ceste chevauchée cfevant Limoges ». Ibid,^ f<** 23
v« et 24.
6. Pierre II, comte d'Alençon et du Perche, ne prit aucune part à
la chevauchée de Limoges; il servait alors en Normandie, où Charles V
l'avait nommé, le 16 mars 1370, son lieutenant en deçà de la
rivière de la Seine; le comte d'Alençon licencia ses gens d'armes à
Caen, le 7 septembre suivant. Àreh, Nat.^ K 49, n« 49.
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, $$ 653-668. xcr
rent à entrer en campagne. ^ Gai de Blois*, de retour d*ane
crasade en Pmsse où il a ëtë ùàt cheTalier et où il a lewé ban-
nièrev vient da Hainant a Paris offirir ses salaces an roi de
France qoi l'envoie rejoindre le corps d'armëe commandé par le
duc de Berrj. P. 220 à 223, 403 à 405.
Le nu «l'Angleterre met sur pied, de son côté, deux corps
d'armée. Le premier doit opérer en Guyenne sous les ordres dn
doc de Lamâstre» envoyé an secours de ses frères. Le second,
sous la conduite de Robert KnoUes ^, doit débarquer à Calais et
traverser la France de part en part. — Par l'entremise d'Eus-
tache d'Aubercfaicourt, la duchesse douairière de Bourbon est
échangée contre Simon Bnrleigh *. — Des négociations s'ou-
1. On dierche en vain la montre de Gui de Blois parmi celles qa
forçat priai ^fi à ChâteUeraalt , le 12 août 1370, c pour eaase de cer-
taÎDe entreprise qae mer le mareschal (de Sancerre) avoit faite
MOT le reooavicmeDt de k ville de Limoges ». En reranche, Alard de
Btihençon, seigneur de Donstiennet (Belgique, pror. Hainant, arr. et
c. Thnin, à 19 kil. de Charleroj), dit Happart, rioomte et gouTemeuT
de Blois, fnt nn des chevaliers que le maréchal de Sancerre enrôla
pour cette expédition. La Roqne, But. de la maison de Mareourt^ addit.
aux preiiTet, IV, 1568.
3. L*exp^tion de Robert Knolles avait été décidée dès la fin de
1369. Robert devait d^abord débarquer en basse Normandie, et l'on
ae renonça à ce projet que dans la crainte de s'aliéner le roi de Na-
▼aire qui sV opposa avec énergie pour sauvegarder ses possessions du
Cotentm (Secousse, Reemeil de pièces sur Charles 11^ roi de Navarre^
p. 427 et 438). Le but d'Edouard III était de forcer, par cette diver-
aoD, le roi de France 4 renoncer à son projet de descente dans le pa/s
de Gallca. Personne n'ignore que cette entreprise, dont les préparatifs
ie firent au Clos des Galées de Rouen dans le courant du mois de dé-
cembre 1369 (/7i^/. Nat.y Quittances, XVIII, 812, 813, 815, 818),
ioos la direction d'Owen de Galles et de Jean Wm, dit le Poursui-
vant d'Amours, aroita misérablement après avoir coûté plus de
100000 francs (Gr. Chron,^ VI, 320|, 322). Deux mandements du
roi d'Angleterre, relatifs aux préparatifs de l'expédition de Ro-
bert Knolies, sont datés des 6 et 12 mai 1370 (Rymer, lU, 890,
892). Le 1« juillet suivant, Robert fut mis à la tête de l'armée
d'invasion; et Alain de Buxhill, Thomas de Grantson, Jean Bour-
cber lui furent adjoints comme lieutenants (iBid,, 894, 895). Le
10 juillet, ces quatre chefs reçurent le serment d'obéissance de leurs
principaiix compagnons d'armes {I6id.^ p. 897, 898). Vers le 12 ou le
15 de ce mois, une flotte de transport, dont Raoul de Ferrières fut
nonuné amiral, dut appareiller de Rye et de Winchelsea pour le pa/s
de Caux, mais elle fut poussée plus au nord par des venu contraires
tt jeu l'ancre à Calais (l6id,, p. 896, 897 ; Secousse, Recueil sur Char^
^ //, p- 428).
3. Froissart a commis ici une des fautes de chronologie les plus
xcYi CHRONIQUES DE J. FROISSART.
vrent à Vemon entre les envoyés *■ du roi de France et du roi de
Navarre, qui se tient alors en Normandie; à la faveur de ces
négociations, un traité de paix est conclu entre les deux rois.
Charles le Mauvais renonce à l'alliance d'Edouard III et promet
de le faire défier, aussitôt après son retour en Navarre; il s'en-
gage, en outre, à laisser ses deux fils, Charles et Pierre, comme
otages entre les mains de Charles V. U se rend auprès du roi de
France à Rouen, puis à Parb*, d'où il regagne, en prenant le
chemin de Montpellier et du comté de Foix, son royaume de
Navarre *. P. 223 à 225, 405 à 408.
grossières qu'on puisse lui reprocher. Comme M. Chazaud l'a parfiii-
tement ëtalui {La chronique au bon due Loys de Bourbon^ Paris, 1876,
p. 855 et 356), Isabelle de Valois, duchesse douairière de Bonrbou,
ne recouvra la liberté qu'an mois d'août 1372, entre la reddition de la
Rochelle (15 août) et la prise du captai de] Buch (22 août]. Au
moment de sa déiiyrance opérée par le duc de Bourbon son fils,
Bertrand du Guesclin et le duc d'Anjou {Chron, des quatre premiert
Valois^ p. 244), la duchesse était enfermée dans la tour ae Brou
(Charente-Inférieure, arr. et c. de Marennes, commune de Saint-
Somin). Dès le 23 juillet précédent, en vertu d'un traité conclu avec
le duc de Bourbon, Simon Burleigh et Nicolas Dagworth s'étaient
engagés à mettre en liberté la duchesse et à la ramener à Tours ou à
Chinon à la Toussaint suivante (jirch, Nai,^ P 1358', o9 504; Huil-
lard-BréhoUes, Invent, des titres de la maison de Bourbony I, 565 et 566).
Mais on avait prévu et excepté le cas où, c par force d^armes de la
S art des François ou autrement , il avendroit que ma dite dame seroit
elivrée b. Ce cas se produisit sans doute, car Simon Burleigh, par
acte daté de Saintes le 24 septembre 1372, reconnut devoir à Louis,
duc de Bourbon , 1000 francs d'or dont le duc avait sans doute fait
l'avance à ce chevalier anglais comme à-compte sur la rançon de sa
mère {Arch, Nat., P1358S n» 567; Huillard-Bréholles, Invent,, I, 667).
1. Ces négociations s'ouvrirent directement entre les rois de France
et de Navarre, à Vemon, du 25 au 29 mars 1371 (Gr, Chron,^ VI,
329 à 331).
2. Le roi de Navarre n'alla pas à Rouen, et c'est seulement le
24 mai 1371 qu'il se rendit à Paris où il passa en fêtes la dernière se-
maine de ce mois (Gr. Chron,, VI. 332).
3. Charles le Mauvais ne se mit en route pour retourner dans son
royaume de Navarre qu'à la fin de 1371. Le 3 janvier 1372 (n. st.), il
était de. passage à l'abbaye de Cluny, où il déclara vouloir être « d'o-
res en avant frère et filz des ditz religieux et de la dite abbeje ».
{Jrch. de Clunjr^ layette Privilèges^ péages et amortissements^ d'après une
copie de Lambert de Barive). Les savants auteurs de VArt de vérifier
les dates (I, 602, V^ col.), par une distraction véritablement incroyable,
ont attribué cet acte à Charles V, qu'ils font voyager en Bourgogne en
janvier 1372, tandis qu'en réalité ce prince était alors à Paru (Delisle,
Mandements, p. ^30 à 443).
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, SS ^3-668. xcni
Bertrand da Gnesclin reçoit dans la ville de Léon, en Gastille,
des lettres et de nombreux messages*, tant du roi Charles V
que du duc d'Anjou, qui l'invitent à rentrer en France. Le che-
valier breton prend aussitôt congé de don Enrique et va avec
1. D'après Cayelier (Chronique de B, du GueseUn, II, 130), du Gaes-
din aurait été mandé cinq fois par le roi de France :
Car ristoire dit et pour rrai nous afie
Qae Charles H bons rois de France la garnie
L'enToia par cinq fois querre, je fous afie (rers 17115 à 17117).
Bertrand ëtait encore occnpë au siège de Tolède lorsque! reçut le
premier messager, « un escuier d'onnour bel et paissant» {I&id., p. 122,
TCTS 16883 à 16946). Il travaillait à faire rentrer dans le deroir un cer-
tain nombre de vassaux rëvoUës de son duché de Molina lorsqu'un
nouTean message lui fut apporte par Jean de Berguette :
LÀ Tint un cheralier, où moult ot courtoisie.
Monseigneur de Berguettes ot non. . . (Ters 1 7 1 25 et 171 26) é
L* Artésien Jean de Berguette, capitaine de Vatteville(auj. Vatteritle-
la-Rue, Scine-Infér., arr. Yretot, c. Caudebec), fut en effet arec l'Ara-
gonais François de Périllos, le Comtois Jean de Hye et le Breton Yvon
de Keranbars, Tun des quatre af;ents diplomatiques qui prirent part
aax négociations avec le roi de Castille et furent enrojés en Espagne
pendant les années 1368 et 1369. Le 8 juin 1369, Jean de Berguette,
ch«', chambellan du roi de France, et Yvon de Keranbars, huissier
d'armes du dit roi, étaient présents dans le palais de Tolède lorsque
don Enrique, roi de Castille et de Léon, signa certains articles adai-
tionnels et interprétatifs du traité d'alliance conclu au siège devant
Tolède le 20 novembre de Tannée précédente (Hay du Chastelet, Mise,
de B. du Guesciin^ p. Z2k). A cette date, il y avait déjà plusieurs mois
que la guerre était rallumée, notamment en Guyenne ainsi qu*en Picar-
die, et Charles V put très-bien charger Jean de Berguette d'inviter le
comte de Longueville à rentrer en France. S'il fallait en croire Cuve-
lier (/W., p. IZk à 136), le cinquième messager (le trouvère ne nomme
pas les deux autres), dépéché auprès de du Guesclin, n'aurait été autre
que le plus ancien compagnon d'armes du chevalier breton, le vieux
maréchal d'Audrehem lui-même :
Li vint le mareschal d'Odrehan lepreudon (vers 17212).
Au moment de l'arrivée du maréchal, Bertrand était venu renforcer
Jean et Alain de Beaumont, ses neveux, qui avaient mis le sit'ge devant
Soria ; car ce bourg, donné par don Enrique au célèbre capitaine fran-
çais, n'en refusait pas moins de reconnaître celui-ci comme son sei-
gneur. Le duc de Molina répondit d'abord avec une certaine brusque-
rie qu'il avait à faire ses affaires avant de se charger de colles du roi de
France :
Mais ma chemise m'est plus prez certainement
Que ma cote ne fait, c'est fait évidamment (vers 17227 et 17228).
VII — g
xcviii CHRONIQUES DE J. FROISSART.
tous ses gens rejoindre à Toulouse le duc d'Anjou. — Dans le
même temps, le duc de Lança stre s'embarque à Southampton et
cingle vers Bordeaux; il emmène avec lui quatre cents hommes
d'armes et un égal nombre d'archers. P. 225, 226, 408, 409.
Le duc d'Anjou entre en campagne à la tête de deux
mUle hommes et de six mille soudoyers à pied, commandés
par Bertrand du Guesclin*, auxquels viennent bientôt s'a-
jouter un millier de combattants des Compagnies françaises can-
tonnées en Quercy; il s'avance dans la direction d'Agen. Les
Français , après s'être fait rendre successivement Moissac * ,
Le trouvère ajoute qa*aussit6t après la prise de Soria, Bertrand consen-
tit à suivre le maréchal d'Audrehem et se mit en route pour la France.
Il est certain que du Guesclin se trouvait dans sa ville de Soria le 26
avril 1370, jour où le duc de Molina, comte de Longueville, seigneur
de Soria et de la Roche-Tesson , assigna en viager à son cousin Alain
de Maunyla seigneurie d'Annevine(Seine-Inrér., an*. Dieppe, c. Lon-
gucTille), autrefois donnée à feu Guillaume du Guesclin son frère (dom
Morice, Preuves de Chist. de Bretagne^ 1, 1638 et 1639).
1. Bertrand du Guesclin, duc de Molina, comte de Longueville et de
Borja, était encore à Borja le 26 juin 1370, jour où il donna à son
cousin Alain de Mauny la seigneurie de Ricarville (Seine-Inf., arr.
Dieppe, c. Envermeu) relevant du comté de Longueville {^Bihl. de tAr^
senal^ fonds des Belles-Lettres, ms. fr. n^ 168; copies du 16* siècle sur
parchemin reliées a la suite du poême'dc Cuvelier)^ Borja, qui faisait
alors partie du royaume d'Aragon, est une petite ville située sur la rive
droite de TEbre (d'où, pour le dire en passant, la célèbre famille des
Borgia a tiré son nom modifié par la prononciation et l'orthographe ita-
liennes); et en supposant que Bertrand se soit mis en route pour la
France dans les derniers jours de juin, il ne put guère arriver à Tou-
louse avant la mi-juillet 1370. Louis, duc d'Anjou, de son côté, arrivé
à Toulouse le 11 de ce mois, dut se mettre en campagne le 15, car, dès
le lendemain 16, il datait un acte de Grenade-sur-Garonne (dom Vais-
sete, ffist. de Languedoc^ IV, 3^5) et, le 18, un autre acte, de Beau-
mont (auj. Beaumont-de-Lomagne , Tani-et-Garonne, arr. Castclsar-
razin), où il fit halte dans sa marche sur Moissac.
2. Bertrand de Guesclin, duc de Molina et comte de Longueville,
était à Moissac le 26 juillet 1370 et donna quittance dans cette ville
de 6800 francs d'or à valoir sur une somme de 25 320 francs qu'il avait
prêtée au duc d'Anjou {Bibl, Nat,^ Titres originaux, au mot du Gues-
clin). On connaît aussi un certain nombre d'actes délivrés par Louis,
duc d'Anjou, à Moissac, dont trois sont datés des 28 {Arch. Nat.^ JJ
163, no 117), 31 juillet (Ordonn., VI, k03, kOk) et l" août (JJ 102,
n» 243 ; JJ 156, n» 260) 1370. D'après la chronique provençale duT/m-
/amus parvus^ Moissac se rendit au duc d^Anjou le 23 de ce mois : « Item,
lo XXIII jorn de julli (1370), se rendit lo luoc de Moyssac c motz au-
tres eutorn al dit mossenhor lo duc. i Thalçimus parvus, p. 384. — Les
comtes d'Armagnac, de l'Isle-Jourdain, de Montlezun ou de Pardiac,
SOMMAIRE DU PREMIER UVRE, $$ 653-668. xcix
Âgeo S le Port-SaÎDte-Marie *, AiguiUoa *, Tonneins * et Mont-
kneomte de Ganinan, le sire de BetQJea, Jean de Vienne, les teignenrs
de Vinaj, de la Barthe, de Payoomet et de Malaoxe, apposèrent leurs
sgnatnres an bas de la capitolation aoeordëe à Moissac (aom Vaissete,
IV, 345).
1. Agen aTait fait sa soumission dès le mois de ft^Trier 1370, et c'est
alors et non, comme le raconte Froissart, a la fin de^ juillet, que le duc
d'Anjou alla prendre possession de cette Tille, du moins pour la pre-
mière fois, au nom du roi de France; il accorda, entre antres Uveurs,
aux habitants une exemption perpÀuelle de contributions, aux consuls
le droit de justice en matière criminelle, rétablissement d'un bôtcl des
monnaies; et il profita de son Tojra^ à Paris pour faire confirmer ces
prinlëges à Vincennes le 18 mai suirant {Oraonn,^ XV, 636). Tonte*
fois, il est certain que le duc d'Anjou, unie fois maître de Moissac, se
rendit à Agen ; il était dans cette ville le 8 août, jour où il fit payer
338 francs d'or à Antoni Doria, ch*>', « pour aroir fait renir du pais de
Gennes et de Savoie les arbalestriers en nostre service et pour les con-
duire an ducbé de Guienne en notre compaignie et séquelle. » Bihl,
Nat.^ Titres originaux, au mot Doire ou Doria, — Dès le 31 |anTier
de cette année, U arait enrojé messire Jean de Chantemerie, licencié
en lois, institué juge mage d'Agenab, tenir garnison à Condom»
snrles confins de cette sénéchaussée {BtbL Nat.^ Quitt., XVUt, 836).
Par acte daté de Toulouse le k février suivant, il avait donné pou-
voir à son cher cousin le comte d*Annagnac « de \mj transporter
en ou de9€att la PtUettÂgen et par toutes les aultres villes^ forteresses^ ehaS"
teaus et Ueux de VAgenois^ et toutes aultres qu'il saura non estre obéissons
à WÊonsâgneur et à la couronne de France^ et de induire et requérir les
nobles, consuls et habitans, » afin de les amener à faire leur soumission
(/&i^., fonds Doat, 197, P>* 78 et 79). — Le mois suivant, les services
rendus par Geraud de. Jaulin, ch*^, t in multis, arduis et magnis acti-
bns » ayaient été récompensés par la donation des bastides de Sainte-
Maure (auj. Sainte-Maure-de-Peyriac, Lot-et-Garonne, arr Nérac,
e. Méxîn) et de Boulogne (auj. Sa int~Pé -de-Boulogne ou Saint-Pé-
Saint-Simon), a que sunt de conquesta terrarum Aquitanie. >* >^rc/i. Nat,^
JJ 102, n* 335. — Enfin, au commencement du printemps, les deux
plus puissants seigneurs de cette région, Arnaud Amanieu, sire d*AI-
bret, beau-frère du roi de France, et son frère Berard d'AIbret, sei-
gneur de Sainte-Bazeilie (I^t-et-Garonne, arr. et c. Marmande), étaient
entrés en campagne dans la partie orientale de b sénéchaussée d'Age-
nais et dans le Bazadais où le sire d'AIbret avait brillamment inauguré
cette levée de boucliers par la prise de Bazas {Arch, Nat.^ JJ 100,
n* 889). Pendant ce temps, Puymirol (Lot-et-Garonne, arr. Agen ;
JJ 100, n» 784), Villeneuve-d'Agen (JJ 102, n» 104), suivant l'exemple
donné pendant la première moitié de 1369 par Nérac, Castel jaloux,
Mézin et un certain nombre d'autres localités de TAgenais oriental
(BihL de P École des Chartes^ XII, 105; JJ 100, n° 744), plus récemment
par Agen et par Penne (JJ 102, n® lO^»), Puymirol, dis-je, et Ville-
nenve-d'Agen avaient fait leur soumission. Dans le courant de juillet,
une rencontre avait eu lieu près d'Aiguillon entre les Anglais et les
Français (foye% plus bas, note 3), et le 26 de ce mois, Charles V, à la
c CHRONIQUES DE J. FROISSART.
fois pour récompenser Berard d'AIbret et pour l'encourager, avait
donn^ à ce chevalier Monsegur (Gironde, arr. la Rëole), Sauveterre en
Bazadais (auj. Sauveterre-de-Guyenne, Gironde, arr. la Rëoie), Sainte-
Foy en Agenai9(auj. Sainte-Foj-la-Grande, arr. Libourne), la prévôté
d*Entre-deux-Mers, en Bordelais, « lesquelles choses tiennent et occu-
pent à présent noz ennemis et rebelles » JJ 100, n« 670. — Il ressort de
ce rapiae expose que les hostilités étaient ouvertes dans TAgenais long-
temps avant l'arrivée du duc d'Anjou ; mais ce prince, qui connaissait
e prestige irrésistible du nom de du Guesclin, encore accru par les
événements dont l'Espagne venait d'être le théâtre, n'en tint pas moins
à faire une apparition a Agen en compagnie du célt^bre capitaine et
aussi du vicomte de Caraman (JJ 102, n* 116). Il ne fit pour ainsi dire
que passer dans cette ville, car il se rendit ensuite dans le Périgord,
principal objectif de l'expédition, et notamment à Sarlat où sa présence
pendant la première quinzaine d'août est attestée par une lettre de ré-
mission (JJ 101, n^ 13d); dès le 18 de ce mois, il était de retouràTou-
ouse {Bibl. Nat.^ Titres originaux, au mot Doria)^ après avoir passé par
Gourdoa (JJ 151 , n** 198) et par Cahors d'où il a daté plusieurs actes
[Ordonn., V, 353, 354; JJ 100, n© 608; K166^, n«> 222).
2. Lot-et-Garonne, arr. Agen, au nord-ouest d'Agen, sur la rive
droite de la Garonne. La bailie du Port -Sainte-Marie ne fut définiti-
vement soumise qu^au mois d'août 1372 (Ârch. de Lot-el^Garonne ^
Compte de la sénéchaussée d'Agenais du 24 juin 1372 au 24 juin 1374,
communiqué par mon savant confrère, M. Tholin).
3. Lot-et-Garonne, arr. Agen, c. le Pori-Sainte-Marie, au nord-
ouest du Port-Sainte-Marie, sur la rive gauche du Lot, près de son
confluent avec la Garonne. Par acte daté de Moissac le 31 juillet 1370,
Louis, duc d'Anjou, donna 2000 francs d'or à Pierre Raymond de
Rabastens, sénéchal de loulouse, capitaine général en Agenaîs^ pour
'aider à payer sa rançon , lequel Pierre Raymond avait été fait pri-
sonnier en dernier lieu par les ennemis auprès d'Aiguillon [Bibl. Nat,^
Titres originaux, au mot Babastt-ns). D'où l'on peut conclure que
les opérations des Français, commandés par Pierre Raymond de
Rabastens, contre Aiguillon, avaient commencé avant Tarrivée du duc
d'Anjou en Agenais, et probablement m^me avant Tentrée en campagne
de ce prince et de Bertrand du Guesclin. Le seigneur de Montpezat
reconquit la bailie d'Aiguillon et s'en fit céder les revenus par le duc
d'Anjou en juillet 1372. C'est aussi la date de la réduction complète
des bailies de Penne (soumise le 12 septembre 1372), de Castelnaud et
Saint-Pastour, de la Gruère (soumise par Jean de Caumont, le 24 août
1372), de CasteUeigneur (soumise par Bertrand du Fossat, fils d'Ama-
nieu), de Monflanquin (soumise en septembre 1372 par Jean de Dur-
fort), de Miramont (soumise le 20 septembre 1372), de Sainte-Li^Tade,
(soumise en septembre 1372). Arch, de Lot-et-Garonne ^ Compte précité
de la sénéch. d'Agenais.
4. Lot-et-Garonne, arr. Marmande, au nord -ouest d'Aiguillon, sur
la rive droite de la Garonne. C'est seulement en août 1372 que Guil-
laume Ferréol remit en robéis«îance du roi de France la bailie de
Tonneins, dont le duc d'Anjou l'autorisa à percevoir les revenus {Ihid,),
Contrairement à l'opinion du très-savant historien de Marmande,
M. Tamizey de Larroque (Notice sur Marmande^ Villeneuve-snr-Lot,
1872, p. 53), il nous est impossible de placer vers 1369 l'occupation
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, §§ 653-668. ci
pazier ^, mettent le sîëge devant Bergerac * défendu par une
garnison de cent lances dont Thomas Felton et le captai de Buch
sont capitaines. — Le duc de Berry, de son côté, ayant sous ses
de cette Tille par les Français. Sans doute, Charles V, par acte dat^
de Paris le 28 janvier de cette annt^e , c tesmoing le seel de nostre
secret mis en ceste cedule », donnait à Othon de Lomagne 600 liTres
de rente annuelle et viagère sur le p<<age de Marmande {Arch. Nat»^
JJ 100, n* 793) ; mais dans une conérmation par Louis duc d'Anjou,
à Toulouse, au mois d*aTril suivant, de la donation d'une rente
annuelle de 220 livres sur le pëage de Marmande, faite par Jeanne de
Périgord à Anissant des Pins, chevalier, seigneur de Taillebourg, on
constate que la dite ville de Marmande est encore au pouvoir des An-
glais, c ex eo quia rilla de Marmenda est adhuc in obediencia principis
Aquitanie i, JJ 102, n* 13^. — D'un autre côté, Marmande avait été
repris par les Français avant le 12 novembre 1371, jour où les gens
des Comptes mandèrent au sénéchal et receveur d'Agenais de faire
payer à Anissant des Pins a emolumentum dicti pedagii », BibL Nat,^
Doat, 197, f» 2k V. — Par acte daté d'Agen en juillet 1372, le duc d'An-
jou donna la seigneurie de Gontaud (Lot-et-Garonne, arr. et c. Mar-
mande) au fameux routier Gassion ou Garcia du Castel, a qui est venus
humblement japieça à l'obéissance de mon dit seigneur et de nous »,
Areh. A^o/., JJi04, n* 356. — Dans le compte de la sénéchaussée
d'Agenais, qui va du 2^ juin 1372 au 24 juin 1373, on trouve ce même
Garcia du Castel en possession du château et du péage de Marmande,
tandis que Garcia de Jusix tient la bailie du même lieu, en vertu d'une
donation viagère faite par le duc d'Anjou (Arch. de Lot^ei-Ga^
ronne^ ibid.). Aussi, lorsqu'au mois d'août 1373, Charles V assigna au
sire d'Albret : 1" les château et ville de Marmande, comme assiette de
4000 livres de rente; 2* la terre de Caumont, comme assiette de
2000 livres de rente, données au dit sire dès le 19 novembre 1368,
Arnaud Amanieu se vit disputer la jouissance de la bailie par Garcia
de Jusix, et celle du péage par Garcia du Castel {Arch, Aat.^ J 474,
n* 5; JJ 105, n* 67). Le 18 avril 1374, ce dernier fut remplacé, comme
châtelain de Marmande , par Arnaudot de Podensac , écuyer (J 400 ,
n» 68). Le 3 mars précédent, le sire d'Albret avait fait hommage par-
devant notaires au roi de France pour cette seigneurie (J 477, n* 5 èu)^
hommage qui fut renouvelé et prêté personnellement, le lendemain
4 mars, par Arnaud Amanieu (J 477, n* 6).
1. Dordogne , arr. Bergerac , au nord d'Agen, sur la route qui va de
cette ville à Sarlat et dans le Périgord oriental.
2« La ville forte de Bergerac, située sur la rive droite de la Doi^
dogne, commandait à la fois le cours de cette rivière et la route d'Agen
à Périgueux. Aussi, le roi d'Angleterre s'était-il fait céder cette ville
en toute propriété, moyennant un échange conclu le 2 janvier 1362 entre
le comte de Périgord et Jean Chandos (/7/K Nat., Doat, 241, f^ 181 v»
et 182), échange qui avait été ratiGé par Jean II, à Avignon, le 6 mai
1363 (IM,, (• 177 V») et par le prince d'Aquitaine, à Périgueux, le
20 juillet 1364 {Ibid,, (• 180). Aucun historien du Périgord ne donne la
date de ce siège de Bergerac, raconté ici par Froissart ; il importe donc,
cil CHRONIQUES DE J. FROISSART.
ordres douze cents lances et trois mille brigands, envahit le
Limousin et assiège Limoges ^ ville soumise à l'influence toute-
pour fixer cette date au moins d'une manière approximatÎTe , de
reprendre les choses de plus haut. A l'instigation de Talejrrand de
Périgord, frère du comte Ârchambaud V, seconde par plusieurs Péri-
gourdins dévoues au parti français, tels que : Nicolas de Beaufort,
écuyer, frère du cardinal de Beaufort et seigneur de Limeuil sur Dor-
dogue {Àrch, Nat.^ JJ 100, n» 177), Hélic de Labatut, fils de Pierre de
Labatut, secrétaire du roi sous Philippe VI et Jean II (JJ 100, n* 764),
Lambert Boniface (JJ 102, n<'31'i), Hélie Séguin, alors maire de Périgueux,
cette ville avait adhéré à Tappei au roi de France, vers le 21 août 1369.
Toutefois, la capitale du Périgord continuait encore à la fin de cette
année de rester soumise à la domination étrangère, comme le prouvent
deux proclamations adressées aux bourgeois de Périgueux, l'une par
Charles V, le 30 novembre 1369, Tautre par le duc d'Anjou, le 8 jan-
vier 1370. Ces deux proclamations invitaient les babitants à ne plus recon-
naître désormais les autorités anglaises, et c'est le 28 février seulement
que le maire et les consuls les firent publier à son de* trompe sur la
place de la Clautre (Dessalles, Périgueux et Us deux derniers comtes^ p. 95
a 99). Pendant l'hiver de 1369-1370, Anglais et Français nWaient pas
cessé de se faire la guerre en Périgord, ainsi que l'attestent plusieurs
lettres de donation délivrées par Charles Y, en novembre 1369, en
faveur de Hélie de Sermet, chevalier (JJ 100, n» 291), le 15 février
1370, en faveur de maître Hélie de Labatut (JJ 102, n<> 1), et le 12 mars
suivant, en faveur d'Adémar Uaoul, écujer (JJ 100, no482). Cette pre-
mière campagne avait abouti à la prise de Saint-Âstier, et à la réduc-
tion d'un certain nombre d'autres localités sous l'obéissance du roi de
France. Dès les premiers jours de mai, les opérations avaient été pous-
sées avec plus de vigueur encore qu'auparavant. Le 11 de ce mois,
Charles Y avait mandé de faire payer 28 000 francs d'or par an àTaley-
rand de Périgord, « qui a eu et a la charge de la guerre^ » et 12 000 francs
au comte son frère , tant comme la dicte guerre durerait ( Delisle ,
Mandements de Charles V^ p. 346, 347). Enfin, par acte daté de Paris
le l'»'* juin suivant, le roi avait donné à son très cher cousin, Talejrand
de Périgord, comme assiette des 3000 livres de rente dont il avait été
gratifié par le duc d'Anjou, le 3 mars 1369 et le 23 mai 1370, « villam
et castrum de Bergeraco suh obediencia Edwardi Anglie, hostis nostri^
nunc exisientes. » JJ102, n' 20. — De la teneur de cet acte, on est fondé
à conclure que les opérations des Français, tendant au recouvrement de
Bergerac, commencèrent dans les premiers jours de juin 1370, car au-
trement la donation de cette place forte , occupée alors par l'ennemi ,
eût été absolument dérisoire. Dans un acte, en date du 12 du même
mois, Arnaud d'Espagne, chevalier, sénéchal de Carcassonne, iCSt qua-
lifié capitaine de par le roi de la ville de Périgueux et du pays de Péri-
gord (JJ 100, no» 563 et 564).
1. Il n'y eut pas, à proprement parler, de siège de Limoges, mais
une simple prise de possession de cette ville au nom du roi de France,
comme le prouve l'itinéraire du duo de Berry que nous avons dressé jour
par jour. Le duc partit de Bourges le 11 août 1370. {jérch, Nat,^ KK251,
SOMBiAIRE DU PREMIER LIVRE, §$ 653-668. ciii
puissante de son ëvèque*, malgré la garnison anglaise qui Toc-
cape ^. Noms des principaux seigneurs qui prennent part à Texpé^
didon du duc de Berry. P. 226 à 229, 409 à 412.
f^ 5 T®); le lendemain 12, il ëtait à Vonillon (Indre, arr. et c. Issoudim)
d*où il envoya Moussac, son écujer de corps, à Montluçon porter finance
au duc de Bourbon pour faire venir à son service un certain nombre de
gens d'armes (Ibid,^ f« 45 t«). Le l(i, il passa à la Châtre où il fit une
offrande de quarante sous aux reliques. Le 15, il entendit la messe à
Sainte-Sévère (Indre, arr. la Châtre) et donna vingt sous < ou chicf »
yrénéré dans IVglise du dit lieu. Le même jour, il fit donner cent livres
tournois à messire Renaut de Mondeon, ch«', c en recompensacion des
bons et agréables services qu'il luj a fais et fait chascun jour, en pour"
fuyant eertaint traitiés que monseigneur a comanciés en IJmozin (Jhid,^
fe'26 v«). Le 16, il s^arréta à Duii (auj. Dnn-le-PalIeteau, Creuse, arr.
Guéret, sur la route de la Chîître à Limoges) où il perdit quatre livres
tournois en jouant au jeu de paume avec Guichard de Marsë son cham-
bellan (Jbid,^ ^ 18) et remit vingt sous au capitaine du Maupas (Jhid,^
fo 26 v«). Le duc de Beny n'amva devant Limoges que le 21 août, et
le jour même de son arrivée fit remettre soixante sous tournois par
Guillaume Bonnet , son chambellan , aux Jacobins devant lÀmoges. Le
même jour, il distribua cent quarante livres tournois entre Yësian de
Lomagne, Jean de la Châtre, ch*'*, et Aubert de Garait, écuyer, a pour
baillier et donner à trois certains messagiers envoies es parties de Lli-
mosin, pour suievre certains traitiés que le dit seigneur y a eneomansis
avec certaines gens du dit pais, » Ibid,, f> 27. — Arrivé devant Limoges
le 21, nous verrons tout à Pheure que le duc de Berrjr en repartit
le 24 août.
1. Jean de Gros de Calmefort, évéque de Limoges depuis le 26 oc-
tobre 1348, fut certainement le principal instigateur de la reddition de
cette ville au roi de France. Le 24 août 1370, le duc de Berry, étant
logé à Hencmoustiers (auj. Eymoustiers, Haute-Vienne, arr. Limoges),
envoya trois messagers « pourter lettres de monseigneur à Limoges à Ve-
vesque d*illecy à Tabbé du Bore de Dieux et au mareschal de Sancerre. »
KÉ. 251, f» 39 vo. — Gui de Gros, parent et peut-être frère de l'évéque
de Limoges, était Tun des religieux de l'abba}e de Grandmont (située
à Saint-Sylvestre, Haute-Vienne, arr. Limoges, c. Laurière, â 25 kil.
au nord-est de Limoges); or, dès le 15 août 1370, cette abbaye était
occupée par les Français sous les ordres de Jean d'Armagnac (Ibid,^
f^39 v«). Aussi, six semaines plus tard, Gui de Gros et les autres reli-
gieux de Grandmont évacuèrent-ils leur abbaye pour échapper a la
vengeance des Anglais qui avaient repris Limoges : o A frère Guy de
Cros et cinq autres moines de l'abbaie de Grandmont en Llimozin,
lesquieux avaient laissié leur abbaie pour double des Angloix et s'en alloient
en France pardevers le roy, pour don et aumosne ae mon dit seigneur
(le duc de Berry) fait à eulx par mandement du dit seigneurie xix« jour
du dit mois (de septembre 1370) : xii livres tournois. » Ib'd.^ f*28.
2. Dîx mois environ avant l'expédition du duc de Berry, le 31 oc-
tobre 1369, un capitaine berrichon, Guichard de Culan, sVtait emparé
de Chalnaset, château fort situé à 10 kil. au sud de Limoges qui com-
{
civ CHRONIQUES DE J. FROISSART.
Le prince de Galles se prépare à marcher à la rencontre du
duc d* Anjou ; il quitte Angoulême et établit son quartier général
à Cognac où il donne rendez- vous à tous ses gens d'armes. —
Pendant le siège de Bergerac ', les Français traitent de la reddi-
tion de Lalinde ^, moyennant une certaine somme de florins, avec
mandait les deux routes conduisant de cette ville dans le bas Limou-
sin et le Périgord (Delisle, Mandements de Charles V^ p. 309, 349). Six
jours avant cette occupation, le 25 octobre^ Louis, sire de Sully, avait
cédé ce château au roi de France (Chalusset fait aujourd'hui partie de la
commune de Boisseuil, Haute-Vienne, arr. Limoges, c. Pierre-Buffîère),
ainsi que deux autres forts, Chalus (Haute-Vienne, arr. Saint-Yrieix)
et Courbefy (auj. hameau de Saint-Nicolas, Haute- Vienne, c. Chalus),
dont le premier est situé au point de jonction des deux routes qui met-
tent Périgueux et Nontron en communication avec Limoges ; et , le
même jour, Charles V avait donné au sire de Sully, pour le dédom-
mager, les chatellenies de Moret et de Grés en Gâtinais {Arch. Nat,^
J400, n* 63). Dès la première moitié de cette même année 1369, Louis,
vicomte de Rochechouart, sVtait, comme nous Pavons vu, rallié à
Charles V et avait mis une garnison française dans sa forteresse de Ro-
chechouart, la plus importante du haut Limousin occidental (voyez
plus haut, p. Lxvi, note 1). En mai et juin 1370, la soumission de Tulle
(JJ 100, n»» 719, 757, 758, 780, 781, 834) et de Regnault, seigneur de
Pons, vicomte de Cariât et de Turenne en partie (JJ 100, n^* 833,
717, 718, 831), avait fait rentrer sous Tobéissance du roi de France une
notable portion du bas Limousin. Vers le même temps, enGn, la ville
du Dorât, à l'extrémité septentrionale du haut Limousin, sur les con-
fins de cette province et du Poitou, avait embrassé ouvertement la
cause française {prdonn,^ V, 304, 305). On voit par cet exposé qu'au
moment ou Limoges se rallia à Charles V, c'est-à-dire dans le courant
du mois d'août 1370, le Limousin était déjà à moitié perdu pour les
Anglais.
1. Par acte daté de Cognac le 8 octobre 1370, Edouard, prince d'A-
quitaine et de Galles, donna à son frère Jean, duc de Lancastre, Ber-
gerac et la Roche-sur-Yon (Delpit, Documents français en Angleterre^
p. 130 et 131).
2. Dordogne, arr. Bergerac, sur la rive droite de la Dordogne, à
Test de Bergerac et à l'ouest de Limeuil. Le siège de Lalinde eut lieu
probablement au mois d'août 1370, et Bertucat d'Albret, rallié au parti
français, y prit sans doute une part importante, car c'est à cette date
que Charles V donna au célèbre partisan, en récompense de ses ser-
vices «n ces présentes guerres^ Lalinde^ Castilionnès (Lot-et-Garonne, arr.
Villeneuve-sur-Lot), Beaumont-du-Périgord (Dordogne, arr. Bergerac,
sur la rive gauche de la Dordogne, au sud de Lalinde), Villefranque en
Sarladois (auj. Villefranche-de-Belvès, Dordogne, arr. Sarlat) et trois
autres petits fiefs, « lesquelles choses tiennent et occupent à présent noz
ennemis^ sitost qu'elles seront mises et revenues en nostre obéissance. »
Arch, Nai,^ JJ 100, n^ 645. — Limeuil, qui commande le cours de la
Dordogne en amont de Lalinde, appartenait alors, ainsi que Miremont
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, SS 653*668. cv
ToDnet * de Badefol , capitaine de cette dernière place ; mais le
captai de Buch, informe à temps de ce projet, accourt avec cent
lances de Bergerac et tue Tonnet au moment où celui-ci s'apprête
à exécuter le marché et à ouvrir les portes de Lalinde aux assié-
geants. P. 229 à 232, 412 à 41 S.
Le roi d'Angleterre conclut avec l'Ecosse une trêve de neuf
ans '. Robert KnoUes débarque à Calais à la tête de quinze
(anj. Manzens-et-Miremont, Dordogne, arr. Sarlat, c. IeBiigue),à Ni-
colas de Beaufort, veuf de Marguerite de Galard, dame de Ltmeuil,
fille de Jean de Galard et petite-fille de Pierre de Galard. Louis, duc
d'Anjou, qui avait besoin de ces deux places pour pousser avec plus de
vigueur les opérations contre Lalinde, accorda à Nicolas de Beaufort
par acte daté de Toulouse le 6 août 1370, les avantages suivants :
1» 2000 livres de rente assises sur les seigneuries du Mas-Saintes-Puelles
et de Belleplaine ; 2® 5000 francs d'or pour sVquiper dans la guerre
contre les Anglais, dont 3000 comptant, et les 2000 restants au terme
de la Toussaint suivante ; 3" la solde de 50 hommes d'armes pendant
un mois pour faire la guerre en Pt^rigord, f pro faciendo guerram Je
présenté et incontinenti contra dictos inimicos in pat r ta Petragoricensi, d En
retour, Nicolas de Beaufort donna au duc, comme garants des engage-
ments qu'il venait de contracter, le comte de Përigord , Arnaud d'Espagne,
Bertrand de Ghana c, cheTaliers, ainsi que le seigneur de Canillac son frère,
et il remit en Tobéissance du roi de France tout ce qu'il possédait en
Gujrenne, soit de son chef, soit du chef de sa femme, a et uro faciendo
exinde guerram aptam inimicis predietis, loca tua de Limoiio^ ae Miramonte
et alla omnia et singula que ipsi conjuges, ambo insimul et quilibet per
se, habent in dicto ducatu Aquitanie.. .,/7ro felici expedieione guerre pre^
dicte. » JJ102, no 319. — Gharles Y confirma d'autant plus volontiers,
en juillet et eu octobre de Tannée suivante, les donations faites par le
duc d'Anjou au seigneur de Limeuil que, dans l'intervalle, Pierre Roger
de Beaufort, frère de Nicolas de Beaufort, avait ceint la tiare sous le
aom de Grégoire XI (JJ 102, n« 139).
1 . Ce Tonnet de Badefol (Tonnet est une abréviation familière de
Gastonnet, diminutif de Gaston) était l'un des quatre fils légitimes de
Seguin de Gontaut, sire de Badefols, et de Marguerite de Berail. Le
fameux Seguin , Jean et Pierre de Gontaut-Badefol étaient les frères
aînés de Gastonnet.
2. Une trêve de quatorze ans, conclue avec l'Angleterre le 18 juin
1369, fut confirmée le 5 juillet 1370 (Rymer, III, 895 et 896). David
Bruce n'en était pas moins en secret tout dévoué à Charles Y au ser-
vice duquel les plus illustres chevaliers d'Ecosse s'empressaient de
mettre leur ëpée. Au mois de juillet 1370, c'est-à-dire k la date même
de la confirmation de cette trêve, le roi de France amortit 100 livres
parisis de rente annuelle et perpétuelle, destinées à l'entretien d*un ou
de plusieurs étudiants en l'Université de Paris,- en faveur de son amé
Jean Gray, Écossais, secrétaire de son très-cher cousin le roi d'Ecosse,
c cpii tanquam fidelis noster, licet a regno nostro non traxerit originem,
•emper et continue partem nostram contra Ajiglicos et alios inimicos
Gvi CHRONIQUES DE J. FROISSÂRT.
cents * hommes d'armes, dont cent Ecossais, et de quatre mille ar-
chers,qu'il a enrôlés pour envahir la France. Les Anglais passent
à Fiennes', à Thérouanne', au Mont-Saint-ÉIoi \ mettent le feu
aux faubourgs d'Arras , poursuivent leur marche par Bapaumc ^,
Roye ^ et Ham "^ en Vermandois. Ils ne chevauchent que deux ou
trois lieues par jour, car ils vivent sur le pays et, comme on vient
de faire la moisson, ils trouvent partout les granges pleines de
blés ". Partout aussi , les habitants du plat pays se sont mis en
sûreté dans les forteresses. Loin de s'attarder à faire le siège de
ces forteresses, Robert Knolles se contente d'exiger de grosses
rançons, à titre de rachat du pays environnant, de ceux qui y sont
enfermés et gagne ainsi cent mille francs; il n'épargne que les
possessions du seigneur de Coucy*. P. 232 à 235, 415 à 418.
Robert Knolles, logé à Tabbaye d'Ourscamps *®, offre en vain la
nostros tenuit et sustinuit tuo posse. i Charles V ajoute que cet amor-
tissement est octroya, « contemplacione dilecti nostri Archebaldi de
Douglas, Scoti ac militis dicti consanguinei uoUtL» Ârch, iVaf., JJ 102,
no 220. Cf. Delisle, Mandements <U Charles V, p. 339.
1. Le rédacteur des Grandes Ovronitiues (VI, 323 et 324) évalue les
forces de Robert Knolles à 1600 hommes d'armes et a 2500 arcbers, et
dit qu^il commença sa chevauchée à travers la France, à la fin de
juillet.
2. Pas-de-Calais, arr. BouIogne-sur-Mer, c. Goines.
3. Pas-de-Calais, arr. Boulogne-sur-Mer, c. Âire-sur-la-Lys.
4. Pas-de-Calais, arr. Arras, c. Vimy. Abbaye d'hommes de Tordre
de Saint-Augustin au diocèse d'Arras. L'abbé du Mont-Saint- Éloi
était alors un Artësien, Nicolas de Noyellette {GalL Christ., III, 430).
5. Pas-de-Calais, arr. Arras.
6. Somme, arr. Montdidier.
7. Somme, arr. Péronne.
8. La récolte fut aussi abondante en 1370 quVlIe avait étë insuOi-
santé l'année précédente où les Chartreux, près Paris, n'avaient en-
grangé que six muids de blé, • tant pour la stérilité de Caost comme pour
la gresle » (Delisle, Mandements de Charles V^ p. 357).
9. Froissart désigne ici , non-seulement la baronnie de Coùcy, mciis
encore le comté de Soissons acheté par Enguerrand trois ans aupara-
vant. Robert Knolles, en effet, après avoir remonté la vallée de la
Somme jusqu'à Ham, s'engagea dans celle de l'Aisne. Les vingt-deux
paroisses, que comprenait alors la baronnie de Coucy, sont énumérées
dans un acte d'affranchissement octroyé par Enguerrand, sire de Coucy,
au mois d'août 1368 [Arch.Nat., JJ99, n» 424).
10. Abbaye de l'ordre de Citeaux au diocèse de Noyon; anj. section
de la commune de Chiry-Ourscainps (Oise, arr. Compiègne, c. Ribe-
court), sur la rive gauche de l'Oise, un peu au sud de Noyon. Il est
regrettable que le savant M. Peigné-Delacourt , dans son Histoire de
Vabbaye d'OurscampSy où les chartes et autres pièces authentiques ont
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, $$ 653-^68. cvn
bataille aux habitants de Noyon * qui ont remis les remparts de
leur ville en bon ëtat de défense. Un chevalier écossais, nommé
Jean Âsneton, vient seol avec son page devant les barrières jouter
pendant une heure contre Lancelot de Lorris', Jean de Roye,
Dreux de Roye ' et dix on douze autres gentilshommes en gar-
nison à Noyon. P. 235 à 237, 418, 419.
Robert KnoUes, à son départ de la marche de Noyon, brûle
Pont-l'Évèquel*, sur l'Oise. Soixante lances de la garnison de
Noyon font une sortie et mettent en déroute Tarrière-garde
anglaise qui a allumé cet incendie. KnoUes se dirige vers le
Laonnois, traverse l'Oise, l'Aisne et épargne le comté de Sois-
sons qui appartient au seigneur de Goucy. Poursuivi par le comte
de Saint-Pol, le vicomte de Meaux, le seigneur de Canny, Raoul
de Coucy, Jean de Melun et autres chevaliers de France, il passe
la Marne, entre en Champagne S franchit l'Aube ' et gagne la
été analysées avec tant de confcience, ne fasse aucune mention de
cette halte de Robert Knolles à Oarscamps, dont Proissart nous a con-
serve le souvenir. Il y aurait presque autant d^nconvënients, pour les
progrès de la science historique, a négliger les chroniqueurs qu'à ne
pas prendre soin de les contrôler par Tétude des documents originaux.
1. Par mandements en date au 20 février et du 7 mars 1370,
Charles V avait chargé Pierre de Villiers et le Bandrain de la Heuse
de faire mettre en bon état de défense les forteresses de Normandie et
de Picardie (Delisle, Mandements de Charles V^ p. 322, 324, 325).
2. Le "23 mars 1361 (n. st.), Jean de Lorris, dit Lancelot, écuyer,
jadis gardien du château de Beaurain , fut condamné à |paycr une
amende de 60 livres parisis pour avoir fait défaut dans un appel porté
devant le Parlement par les religieux de Clairmarais {Arch. fiat.^ JJ 117,
n<» 210). Quoi qu'on en ait dit (Œuvres de Froissare^ XXII, 121), ni
Jean de Lorris , fils aîné de Robert de Lorris et de Perronnelle des
Essarts, filleul du roi Jean, marié avant le 4 août 1353 à Marie de
Cbâtillon, ni Guérin, leur second fils, marié a la même date à Isabelle
de Montmorency, ne portèrent jamais le surnom de Lancelot (JJ82,
n*86).
3. Ces deux jeunes damoiseaux étaient frères; ils étaient les fils de
Mathieu de Roye, dit le Flamand, seigneur du Plessis-de~Roye (Oise,
arr. Compiègne, c. Lassigny), marié en 1350 à Jeanne de Cherisy.
k. Oise, arr. Compiègne, c. Noyon, sur la rive gauche de TOise et
un peu au sud de Noyon, à mi-chemin de cette ville et d'Ourscamps.
5. Robert Knolles alla faire une démonstration devant Reims (Gr,
Chron.f VI, 324); mais toutes les précautions étaient prises pour le
bien recevoir. Eln vertu d*nn mandement des conseillers généraux sur
le fait des aides du 27 avril 1370, le quart de Taide levée sur la dite
ville et montant à 3000 francs, avait été appliqué aux fortifications de
Reims (Varin, Archives de Reims ^ III, 338).
6. Knolles passa devant Troyes et poussa mdme une pointe jusqu'en
cvra CHRONIQUES DE J. FROISSART.
marche de Provins ^ Après avoir passé et repassé plusieurs fois la
Seine, il se dirige vers Paris dans l'espoir que le comte de Saint-
Pol et le seigneur de Clisson, rois à la tète des forces françaises,
lui offriront la bataille. Charles Y invite Bertrand du Guesclin,
qui se tient en Guyenne avec le duc d'Anjou, à se rendre en toute
hâte à Paris, — Urbain V, qui depuis quatre ans a reporté le
saint-siége à Rome, revient à Avignon ' pour s'employer de tout
son pouvoir à faire la paix entre les deux rois de France et
d'Angleterre. P. 237 à 239, 4i9, 420.
Jean, duc de Lancastre, débarque à Bordeaux et vient, après
avoir fait sa jonction en route avec le comte de Pembroke, re-
Auxerrois, dans le courant du mois d*août 1370, puisque, le 9 de ce
mois, attendu que a l'on se doubtoit de la Tenue des ennemis », les
habitants de Vermanton, au bailliage de Sens, portèrent « leur four-
ment en Tesglise du dit lieu, qui est forte, et en laquelle ceulz de la dite
ville ont leur retrait, en temps de guerre et de péril ». {Arch. A/at.,
JJlUO, n<> 669). — Henri de Poitiers, ëvôque de Troyes, ce belliqueux
Êriîiat qui, onze ans environ auparavant, le 23 juin 1359, avaii battu
^ustache d'Auberchicourt à Chaude-Fouace , près de Nogent-sur-
Seine (Anselme, II, 191), Henri de Poitiers, dis-je, avait présidé à la
mise en état de défense de sa ville épiscopale, mais il avait dépensé ce
qui lui restait d'énergie dans ce suprême effort; et, après avoir fait son
testament le 21, il rendit le dernier soupir le 25 août. Au mois d'oc-
tobre suivant, Charles Y légitima les quatre enfants, un fils et trois
iilles, que cet évêque, plus valeureux qu'édifiant, avait eus avec Jeanne
de Chevry, religieuse du Paraclet près Nogent -sur- Seine (JJ 100,
no» 616 à 619).
1. En quittant l'Auxerrois pour se diriger sur Paris, les Anglais
passèrent a Vill<neuve-Ia-Guyard (Yonne , arr. Sens, c. Pont-sur-
Yonne; JJ122, n* 317); ils avaient sur leurs derrières un certain
nombre de chevaliers bourguignons, tels que Guillaume, bâtard de
Poitiers, Jean de Bourgogne, Gui de Pontailler, Guillaume de la Tre-
mouille, qui les poursuivirent à Montargis, à Moret en Gatinais et jus-
qu'à Paris (Archives de la Cdte-d'Or, B3757; Invent. ^ I, 305). Le 20 sep-
tembre, Etienne Braque, trésorier des guerres, fit .payer 770 francs aux
gens d'armes préposés à la, défense du Chartrain, parmi lesquels on
remarquait Barthélemi de Pologne et Henri de Wallenstein, cheva-
liers d* Allemagne, et le lendemain 21, une somme de 938 francs fut
appliquée a la solde de ces mêmes gens d'armes [Archives NicoUî^
fonds du marquisat de Goussainville , troisième numéro, liasse 18);
mais les Anglais firent route par Château-Landon, Nemours, Fontai-
nebleau, Corbeil et Essonnes {Gr, Chron.^ VI, 324).
2. Parti de Montefiascone au mois d'août et embarqué à Comtto,
sur la Marta , le mois suivant, Urbain V débarqua à Marseille le 1 7 et
fit son entrée à Avignon le 25 septembre 1370 ( Thalamus parvus ,
p. 384).
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, §§ 653-668. cix
joindre à Cognac le prince d'Aquitaine et le comte de Cambridge
ses frères. — A cette nouvelle, le duc d'Anjou, qui a conquis
plus de quarante forteresses et s'est avance jusqu'à cinq lieues de
Bordeaux, voyant que Bertrand du Guesclin est mande à la fois à
Paris par le roi de France et devant Limoges par le duc de Berry,
prend le parti d'interrompre sa chevauchëe et de licencier ses
gens. Tandis que les comtes d'Armagnac, de Përigord et le sei-
gneur d'Albret vont pourvoir à la sûretë de leurs possessions et
que le duc d'Anjou établit son quartier général à Cahors S du
Guesclin accourt ' au siège de Limoges auprès des ducs de Berry
et de Bourbon. P. 239 à 24i, 420, 421.
1 . Le 8 août 1370, Louis, duc d'Anjou, était à Agen où il fit comp-
ter 238 francs d'or à Antoni Doria , chevalier, pour avoir fait venir en
son service des arbalëtrieni de Gènes et de Savoie (Bi6l, Hat,^ Titres
originaux, au mot Doria). Entre le 8 et le 18 de ce mois, divers actes
attestent la présence du duc à Cahors (OrJonn., V, 353, 354 ; Kl 66,
n» 222) et à Goardon(JJ 151, n» 198). Enfin, dès le 18 août, il était de
retour à Toulouse, où il donnait Tordre de payer à Doria une nou-
velle somme de 125 francs d*or [Bihi, Nat,^ Titres originaux, au mot
Dorici),
2. Le 30 juillet 1370, Bertrand dn Guesclin, qui arrivait de Moissac,
était encore à Toulouse où il donna quittance de 1500 francs d*or
pour ses gages et ceux de 1000 hommes d'armes de sa compagnie en-
rôlés par le duc d'Anjou {^Bibl. Nat»^ Titres originaux, au mot du Gties-"
clin). Le 8 août suivant, il dut accompagner le duc d'Anjou à Agen
(voyez plus haut, p. xcix, note 1), puis à Sarlat, qui était le principal
objectif de cette chevauchée du lieutenant royal en Languedoc. Cette
▼ille avait fait sa soumission pleine et entière le mois précédent {Ârch,
Nat.^ JJIOO, n<» 599 à 602, 6(i3, 649, 671, 906, 908), et le duc d'An-
jou venait en prendre possession au nom du roi son frère, en compa-
gnie du sire de Beaujeu , de Jean de Vienne , des seigneurs de vi-
nay et de Revel , de Pierre de Saint-Jory et de son maître d'hôtel
Artaud de Bcausemblant (JJ 101 , n" 139). Les érudits périgourdins
les plus spéciaux, notamment le savant historien des deux derniers
comtes de Périgord, paraissent avoir ignoré complètement cette
campagne de du Guesclin en Périgord, sur les confins de cette pro-
vince et du Limousin , pendant les trois dernières semaines d^août
1370. Le peu que l'on en sait atteste au plus haut degré l'instinct stra-
tégique du chevalier breton. Quel était, en effet, à cette date, le plus
puissant intérêt, le plus pressant besoin militaire des Français au sud
de la Loire? N'était-ce pas évidemment d'assurer, de maintenir à
tout prix lt*s communications entre le corps d'armée du duc de Berrjr
3ui opérait alors en Limousin, et les troupes que le duc d'Anjou venait
e mettre en mouvement dans le Quercy, l'Agenais et surtout dans le
Périgord ? Quel était, au contraire, le danger qu'il importait le plus de
conjurer, sinon de laisser à deux armées anglaises parties, l'une de Co-
ex CHRONIQUES DE J. FROISSART.
L'entremise de Bertrand * fait aboutir les négociations entamées
entre l'ëvêque de Limoges et le duc de Berry. Ce dernier, accom-
pagné du duc de Bourbon et de Gui de Blois , fait son entrée
dans la ville assiégée ; il en confie la garde à une garnison de
Saac ou d*Angou]éme sons les ordres du prince de Galles, l'autre de
ordeaux sous la conduite du duc de Lancastre, la faculté de faire
leur jonction après s^dtre avancées, la première à trayers le Nontronais
et le Umousin, la seconde a trayers le Liboumais et le Përigord?
Mettre d*abord Périgueux en bon état de défense , ensuite occuper en
force les trois routes qui conduisent de cette yille à Limoges par Saint-
Yrieix, à Angouléme par Brantôme et Mareuil, enfin à Bordeaux
par Montpont et Liboume, telles étaient les mesures les plus urgentes
a prendre pour se prémunir contre le danger que nous yenons de
signaler. Il n'est pas une seule de ces mesures dont on ne doiye attribuer
l'initiatiye à du Guesclin, en s'appuyant uniquement sur des témoigna-
ges contemporains, si rares et si incomplets qu'ils soient. A peine arriyé
a Périgueux, Bertrand délogea les Anglais d'une abbaye située dans la
banlieue de cette yille (sans doute, la Chancelade, Dordogne, arr. et
c. Périgueux, à 4 kil. au nord de cette yille; Cuyelier, II, vers 17376
a 17504). Le 27 août 1370, Louis, duc d'Anjou, fit don de 2500 francs
aux bourgeois et aux religieuses de la yille de Périgueux, en dédomma-
gement des pertes qu'ils ayaient soutenues par le fait de V armée rojraU
qui avait séjourné ou séjournait encore dans la dite ville et ses apporte
nonces {BibL Nat,^ fonds Lépine, carton Périgueux, cité par Dessalles,
I, 101). Enfin, yoici l'extrait d'un document authentique, que nous
ayons eu la bonne fortune de découvrir, et qui établit d'une manière
irrécusable le passage de du Guesclin à Périgueux , à la date dont il
s'agit : c Lettres de quittance en parchemin de 550 deniers d'or, aul-
trement appelés frans, données au comte de Périgord par Bernard
Fayier, marchand et compteur des consuls de Périgueux, en lot/uelie
somme le dit comte et Bertranu du Gussclik estaient tenus au dit Fa"
vier. De l'ab mil tbois cbut ssptastb. Signé : Bernard de Secerone. »
Bibl, Nat ^ fonds Doat, 241, f* 488 y». — Non content d'ayoir fait
mettre Périgueux en état de résister à toutes les attaques de l'ennemi,
Bertrand assiégea et prit, soit par lui , soit par les frères Mauny,
Budes et Beaumont, ses cousins et ses lieutenants. Saint- Yrieix, Bran-,
tome et Montpont, ces clefs des trois routes qui mettent la capitale du
Périgord en communication ayec Limoges, Angouléme et Bordeaux.
Cuyelier (II, yers 17323 à 17327) et Froissart sont d'accord pour faire
honneur à du Guesclin de la prise de ces trois forteresses.
1. On a yu plus haut que Jean, duc de Berry, arrtya deyant Li-
moges le 21 août. Ce jour-là même, Bertrand du Guesclin fit porter,
du Périgord où il se trouyait alors, une lettre au duc Jean qui répon-
dit lui-même immédiatement au message du chevalier breton , comme
cela ressort des deux articles de compte suivants : « Au messaigier de
mcssire Bertrant du Claquin qui a pourté lettres à monseigneur (Jean,
duc de Beny), de par le dit messire Bertrant, pour don fait à luy le
XXI» jour d'aoust (1370) ensuivant : iiii livres tournois ». Jrch, Nat.^
KK.251, f> 34 ^. — c Au dit Cambraj, prisonnier des Anglois, lequel
f
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, §§ 653-66». cxi
eent lances commandée par Jean de Villemur, Hugues de la
Roche et Roger de Reaufort et s'y repose trois jours ^. Après la
reddition de Limoges, les deux ducs de Rerry et de Rourbon
licencient leurs gens et retournent dans leurs duchés menaces
par la chevauchée de Robert KnoUes. Resté en Limousin avec
deux cents lances, Rertrand du Guesclin s enferme dans les
châteaux du seigneur de Malval. P. 24i, 242, 421, 422.
A la nouvelle de la reddition de Limoges, le prince d'Aqui-
taine jure sur Tâme de son père de se venger de cette trahison*;
il est d'autant plus irrité contre l'évêque, qui a livré la ville aux
Français, que cet évêque est son compère'. Il part de Cognac
monaeignenr (Jean, dac de Berry) a eoToié pouiter lettres à monsei-
gneur Berirant de Qasqnin , pour don fait a luy par le dit seigneur,
pour aider à paier sa rançon, par mandement du dit seigneur donné le
XXI* jour du dit mois (août 1370) : xl liTres ». Ibid.^ f» 27.
1. Cela est parfaitement exact. Arrivé le 21, le duc de Berrj partit
de Limoges le 24 au matin et fit remettre, à titre d'aumône, le jour
même de son départ, quatre livres tournois aux Carmes, huit livres
tournois aux Cordetiers et aux Augustins de cette ville {Ibid.^ f« 27).
Dès raprès-midi du 24, il se fit conduire d'Kymoutiers à Masléon et
donna quarante sous à un écnjer du pays qui lui avait servi de guide
{Ibid., F» 27 T»).
2. Le duc de Berry, prévoyant cette colère du prince de Galles ,
avait envoyé, le jour même où il prit possession de Limoges, c'est-à-dire
le 22 août 1370, cinq messagers au prince de Galles, sans doute pour
assumer toute la responsabilité de la reddition et eu décharger, autant
que possible, les habitants de cette ville : c A cinq messagiers envoies
en Angolmois pour ter lettres de par mon dit seigneur au prince de Gales,,, y
par la main Ymbaut du Peschin , par mandement du dit seigneur
donné le xxii« jour du dit mois (d'août 1370) : randu à court : xxx li-
vres tournois, s KK251, f» 39 vo et 40.
3. Jean de Gros avait tenu sur les fonts du baptême un des enfants
du prince d'Aquitaine. Le 27 août, le duc Jean, retournant du Limou-
sin en Berry, fut rejoint à Felletin (Creuse , arr. Aubusson) , par un
écuyer qui lui remit, de la part de l'évêque de Limoges, une lettre où
cet infortuné prélat le priait sans doute de ne pas abandonner les habi-
tants de sa ville épiscopale (KK 251, f« 27 v»); mais le ftitile et égoïste
prince passait ses journées à jouer aux dés avec ses chambellans, et la
veille même il avait déboursé quarante livres tournois, pour a raimbre »
ou racheter ses patenôtres de corail, mises en gage à la suite d'une dette
de jeu (/^/^.,«f« 18). Il n'était pourtant pas incapable d'un bon mouve-
ment, ainsi que l'atteste le touchant article de compte suivant : a A un
pauvre enffant de village qui fu trouvés tout seul en l'oustel où mon dit
seigneur se lougha à Saint Denis du Chastel (auj. hameau de la Cour-
tine, Creuse, arr. Aubnsson, c. Felletin) : lx sous. » Ihid.^ f* 27. — Le
1 k septembre, le jour même où le prince de Galles mit le siège devant
Limoges, le duc de Berry envoya Bertrand du Montail porter une lettre.
cxii CHRONIQUES DE J. FROISSART.
avec douze cents lances, mille archers, trois mille hommes de
pied, et vient mettre le siège devant Limoges. Noms des principaux
seigneurs anglais et poitevins, qui prennent part à cette expé-
dition. La garnison de Limoges oppose aux Anglais la résistance
la plus opiniâtre. Le prince, n'espérant pas emporter de vive force
une ville si bien défendue, prend le parti de faire miner les
remparts. P. 243 à 2(i5, 422 à 424.
Robert Knolles, s'avançant à travers la Brie, vient camper
devant Paris * un jour et deux nuits. De son hôtel de Saint-Pol,
Charles Y peut apercevoir la fumée des incendies allumés par les
Anglais du côté du Gâtinais. Le roi est entouré de l'élite de ses
chevaliers ; mais, par le conseil du sire de Clisson, il leur a fait
défense de s'aventurer en rase campagne contre l'ennemi. A la
porte Saint-Jacque notamment, se tiennent le comte de Saint-Pol,
le vicomte de Rohan, les principaux seigneurs de la Picardie et
de l'Artois. Le mardi, jour où les Anglais lèvent leur camp après
avoir mis le feu aux villages où ils étaient logés, un de leurs che-
valiers, qui a voulu par bravade frapper du fer de sa lance les
barrières de cette porte Saint-Jacque, est tué au retour par un
boucher de Paris. P. 245 à 248, 424, 425.
Pendant le siège de Limoges par le prince de Galles, Bertrand
du Guesclin, prenant pour base d'opérations les forteresses fran-
çaises de Louis de Mal val et de Raymond de Mareuil, fait la
guerre aux Anglais en Limousin au nom de la veuve de Charles
où il devait faire appel à la clémence d'Edouard en faveur des assiégés.
Ibid,^ {• 40.
1. Le dimanche 22 septembre 1370, Robert Knolles et ses gens
vinrent camper vers Mons (auj. Athis-Mons) et Ablon (Seine-et-Oise,
arr. Corbeil , c. Longjuraeau), et le mardi 24, ils se rangèrent en
bataille entre Villejuir et Paris. Quoique Paris eût alors une garnison
de 1200 hommes d'armes, Charles V refusa de faire donner ses troupes.
Les Anglais mirent alors le feu à Villejuif, à Gentiily, à Cachan, à
Arcueil, à l'hôtel de Bicdtre, et allèrent loger, ce même mardi, au soir,
à Antony. Puis, dès le lendemain, ils levèrent leur camp et se dirigèrent
vers la Normandie, à travers la Beauce (Gr. Chron.^ VI, 324, 325). Le
jeudi 26, ils étaient déjà dans les environs de Gallardoti {Ârch, Nat.^
JJlOO, n" 911), et le dimanche 29, un de leurs détachements sacca-
t geait la paroisse Saint -Gervais de Srez {BiAt. Nat.^ Quitt., XVIH,
1054). On voit par les registres du chapitre de Notre-Dame, qu'avant
I de s*éloîgner des environs de Paris, ils avaient prélevé de fortes ran-
I çons sur Orly, ItteviJle et presque tons les villages de cette région
{Arch. Aat., LL 210, f^' 527, 532, 586).
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, §§ 653-668. cui
de* Blois à qui ce pays a jadis appartenu; il se fait rendre Saint-
Yrieix* et met dans cette place une garnison bretonne *. P. 248,
249, 425, 42'6.
Ce siëge de limoges dore environ un mois^. Les mineurs du
1. Par aete date de Paris le 9 juillet 1369, Jeamie de PenthièTie,
▼icomtesse de Limoges, avait donné la yicomtë de Limoges a Charles Y
{Areh, Nat,^ J 242» n* 51); mais cet acte ëtait de pare forme et des-
tiné à permettre an roi de France d'arracher le Limousin aux Anglais.
Charles Y, par une contre-lettre secrète, de mdme date que l'acte pré-
cédent, déclarait la dite donation non avenue, et s'engageait à restituer
int^ralement à sa cousine, Jeanne de Penthièvre, et à ses héritiers, la
▼icomté de Limoges (Ârch, départ, des Basses-Pf renées, série E, n** 137).
Cette importante contre-lettre a été signalée et publiée pour la pre-
mière fois par dom Plaine (Jeanne de Penthièvre^ Saint-Brieuc , 1873,
p. 44 à 46).
2. Divers documents mentionnent la soumission de Saint-Yrieix, au
roi de France, dès le milieu de 1370 (Ordonn,^ YI, 242; Areh, Nat,,
JJ114, n* 146). On sait même, par un autre document, qu'à cette date
des Bretons j tenaient garnison {Arch, Nat, y JJ 109, n« 386).
3. Bertrand ne fit qu'une très-courte apparition sur les confins du
Limousin et du Périgord ; le 30 août 1370 , il était à Montauban
où le duc de Molina, comte de Longueville et de Soria, donna quit-
tance de 10 000 francs d'or, pour ses gages et ceux des gens d'armes de
sa compagnie servant en Guyenne, a tant en la compaignie du dit monsei-
gneur le duc (d* Anjou) comme autrement, estant es frontières de Limosin
et autre part ou dit duché de Guienne, où le dit monseigneur le duc a
ordenné estre en frontière contre les ennemis du royaume. » Bibl. Nat,^
Titres originaux, an mot du Gueselin .— Le 1 4 septembre suivant, du Gués
clin était de retour à Toulouse où le duc de Molina , comte de Lon-
gueville, seigneur de Soria, donna quittance de 3000 francs d'or pour
ses gages et ceux des gens d'armes a estans du comandement du dit
monseigneur (le duc d'Anjou) avec nous et en nostre compaignie ou
pais de Perregueurs et sur le pais et Angoulesme, » Ibid, — La chevauchée
de Bertrand sur les confins du Périgord, du Limousin et de l'Angou-
mois, se place aind entre le 30 juillet, date d'une quittance de
1500 frvncs d'or donnée i Toulouse, et le 30 aoât suivant, date d'une
antre quittance de 10000 francs, délivrée à Montauban et analysée dans
les lignes qui précèdent. D'ailleurs, dans un acte daté de Poitiers le
9 aoât 1372, du Gueselin, duc de Molina et connétable de France, fait
allusion à sa campagne de 1370, sur les confins du Limousin, et rap-
pelle qu'il avait rallié au parti français les trois frères Jean, Aimeri
et Rouffiiut de 3onneval, « du pays de Limousin, en la vicomte de
Limoges, pour lors que nous çenismes d'Espaingne, s Jreh, Nat,^ JJ 109,
n« 64.
4. Le siège de Limoges ne dura pas un mois, mais seulement six
jours, du 14 au 19 septembre 1370. c item, aqnel an meteyss (1370), a
XIX joms del mes de setembre, fon preza et destrucha la cuitat de
Lymotges per, lo princep de Galas loqual y avia tengut seti per alcun
temps petit. » Thalamus parvus^ p. 395.
vn — A
cxiv CHRONIQUES DE J. FAOISSART
prince de Galles parviennent à faire tomber un pan du mur
d'enceinte dans les fosses, et les Anglais entrent aussitôt dans la
ville par cette brèche. Ils passent au fil de Vépée plus de trois
mille habitants de Limoges ; ils saisissent Tévêque lui-même dans
son palais et l'emmènent devant le prince qui le menace de lui
faire trancher la tête. Seuls, les hommes d'armes de la garnison,
au nombre de quatre-vingts, s'adossant contre une muraille, dé-
ploient au vent leurs bannières et refusent de se rendre. Des
combats corps à corps s'engagent entre le duc de Lancastre et
Jean de Villemur, entre le comte de Cambridge et Hugues de la
Roche*, entre le comte de Pembroke et Roger de Beaufort*;
les trois chevaliers français sont réduits à rendre leurs épées.
P. 249 à 252, 426 à 428.
Les Anglais brûlent la ville de Limoges', la mettent au pillage
et retournent chargés de butin * à Cognac. Le duc de Lancastre
1. Hagaes de la Roche était marié à Dauphine de Beaufort* Fane
des filles de Guillaume Roger, comte de Beaufoit, et de sa première
femme Marie de Chambon, et par conséquent l'une des sœurs de Roger
de Beaufort et du cardinal de Beaufort, élu pape à la fin de cette mâne
année sous le nom de Grégoire XI (Anselme, Mut» génial.^ YI, 317).
2. Roger de Beaufort, émancipé par son père le 26 mars 1361 (n. st.),
était le troisième fils de Guillaume Roger, comte de Beaufort, H* du
nom, et de Marie de Chambon; Guillaume Roger, comte de Beaufort,
m* du nom, et Pierre Roger, ne en 1339, qui allait bientôt derenir le
pape Grégoire XI, étaient ses aines (Anselme, Hist, généal.^ VI, 316). Le
25 septembre 1371, Grégoire XI intercéda auprès d'Edouard III pour
la mise en liberté de son frère, prisonnier de Jean de Grailly, captai de
Buch (Rjmer, III, 923). Les démarches du pontife restèrent sans
résultat , puisque Roger de Beaufort et son neveu, Jean de la Roche,
étaient encore prisonniers des Anglais le 27 juin 1375 (Ibid,^ 1033,
1034) et le 27 mai 1377 (I6id., 1078).
3. a Civitas Lemoricensis capta fuit cum onmibus in ea existentibus ,
tam incolis quam aliis, qui pro sui tuidone ad eam confugerant, ac mul*
tis nobilibus riris qui pro ejus succursu et adjutorio illuc advenerant ;
fuit que demum totaliter demoUta et destructa ae mdificia ejus ad terram
prostraia^ et exinde effecta inhabitabilis et déserta^ sota eccUsia cathedraU
dumtaxat rémanente, » Baluze, Vitsspap, Apenion,^ I, col. 392.
4.(a Fortuna eos (il s'agit des doyei. et chanoines de la cathédrale de
Limoges) capi per dictos inimicos permîsit et sic omnia bana etjocaUa
ipsius ecclesie una eum suis propriis perdiderunt^ et eos redimi oportnit
quasi ultra posse, » lit'-on oans un privilège du 27 janvier 1372 (n. st.)
où Charles Y soustrait les chanoines de Limoges à toute autre juridio*
tion que celle du Parlement de Parif , pouii es dédommager de ce
u'ils ont souffert pour la cause française (Âreh, Nai.j JJ 104. no287).
e prince de Galles, de son côté, affsx^f v j««. de rejeter sur Téveque seul
l
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, §§ 653-668. cxv
prie le prince son frère de lai livrer Tëvêque auquel il iait grâce \
à la prière du pape Urbain Y. P. 252, 253, 428, 429.
La nouvelle de k reprise de limoges, du massacre des haU-
tants et de la destruction de la yiUe, porte un coup sensible à
Charles ^ Y. Sur ces entrefai^s, Moreau de Fiennes ayant voulu
se démettre de l'office de connétable de France, la voix publique
désigne Bertrand du Guesclin pour le remplacer. Le chevalier
breton est mandé à Paris par messages, et les courriers porteurs
de ces messages le trouvent dans la vicomte de Limoges où il
tonte la responsabilité de la reddition de limoges, avait fait grâce au
chapitre de cette ville par acte daté de Bordeaux le 10 mars 1371
{Areh, dép. des Basuê-Pyrinées ^ fonds de la ricomté de Limoges,
série E) ; mais les chanoines dorent trourer cette clémence on peu tar-
diTe.
1. On fit grilce de la rie à Jean de Gros, éTÉque de Limoges, mais non
de sa rançon, au payement de laonelle le roi de FVance contribua, le
4 février 1371, pour une somme de 100 francs {fifidL Chrut,^ II, 534).
Jean de Gros était le cousin du pape Grégoire XI qui le fit cardinal
dans un conclare tenu six mois après son élection, le 6 juin lâ71 (^f.
pap, A9enion,^ I, 427). Le massacre de Limoges avait soulevé dans
toute la chrétienté une réprobation générale, et 1 élection de Grégoire XI
elle-même, qui eut lieu te 30 décembre 1370, environ trois mois après
ce massacre, doit être considérée comme une sorte de protestation dn
sacré collège contre la conduite barbare du prince de Galles. Pierre
Roger, dit le cardinal de Beaufort, n'avait pas encore, au moment de
son élection, reçu la prêtrise (il* ne fut ordonné prêtre que le 4 jan-
vier 1371), mais il était originaire de ce Limousin livré alors à la ven-
geance d'un vainqueur impitoyable, il était le cousin de cet évêque de
Limoges que le prince de Galles avait voulu faire mettre à mort, û était
enfin le propre frère de ce Roger de Beaufort, le beau-frère de ce Hu-
gues de la Roche, l'oncle de ce Jean de la Roche , tombés aux mains
des Anglais après avoir défendu Limoges avec tant d'héroïsme ; et les
membres du sacré collège obéirent sans aucun doute à Tune des plus
nobles inspirations de l'esprit chrétien en donnant, dans de telles cir-
constances, leurs suffrages à Pierre Roger.
2. De nombreux actes attestent que Charles V n*eut rien plus à cœur
que de dédommager, autant qu'il était en son pouvoir, les habitants de
tomoffes de ce qu'ils avaient souffert pour la cause française. Non con-
tent d'avoir réuni inséparablement leur ville à la Couronne, il les mit,
le 2 janrier 1372, en possession du château (Or Jonn., V, 439, 443). Le
27 dn même mois, il autorisa les doyen et chanoines de Limoges à
faire construire pour leur usage une forteresse, entièrement distincte et
indépendante de la cité proprement dite, afin de pouvoir s'y renfermer
et s'y défendre an besoin contre l'ennemi (Jreh, Nat.^ JJ 104, n^ 263 ;
Ordonn.^ V, 446, 447). Enfin, le 16 juin 1376, il décida que les affaires
de l'église et de l'évêque de Limoges ne pourraient être jugées que par
le Pariement de Paris (ftrdonn.^ VI, 204).
\
cxvi CHRONIQUES DE J. FROISSART.
vient de s'emparer de Brantôme. Bertrand confie la garde des
places conquises à son neveu Olivier de Mauny et se rend aussi»
t5t auprès du roi de France. Il est investi, malgré ses objections^
de l'office de connétable; le roi le fait asseoir à sa table et lui
assigne quatre mille francs de revenu par an ^ P. 253 à 25S,
429, 430.
1. Les proTÎtÎQiu de l'office de connétable de France, vacant par la
démiaâon de Robert, sire de Fiennes, dit Morel, en fareiir de Bertrand
du Guesclin , duc de Molina et comte de Longuenlle , sont datées de
Paris en Thôtel Saint-Pol le mercredi 2 octobre 1370 (Mëm. de la
Chambre des Comptes coté D, P> 101, cite par Blanchard, Compil.
ehronol.^ p. 155). On lit dans un acte, en date du 5 de ce mois, que
du Guesclin fut pourru de cet office sur l'avis du grand Conseil du roi
et d'une assemblée de prélats , de nobles, de bourgeois et d'habitants
de Paris : « par la délibération et adris de nostre grant Conseil et de
plusieurs prelas , nobles', bourgoiz et habîlans de nostre bonne ville de
rarisy avons ordenné de mettre sus sans delaj certaine provision pour
la defFense de nostre dit rojraume, pour laquelle briefment exécuter et
mener. à bonne et desiderable conclusion, avons, par la dicte delièera^
tion et advis^ fait et establi nostre connestable de France, nostre amé et
féal Bertran du Guesclin. > {Areh, Nat,^ sect. hist., K49, n» 52.)
CHRONIQUES
DE J. FROISSART.
LIVRE PREMIER.
§ 560. Tant fu démenés li temps, en Êdsant les
pourveances^ dou prince et en attendant la venue dou
duch de Lancastre, que madame la princesse travilla
d'enfant et en délivra par le grasce de Dieu. Ce fu
uns biaus fîlz qui fu nés le jour de l'Apparition des 5
trois Rois y que on eut adonc en ceste anée par un
merkedi. Et vint cilz enfes sus terre^ environ heure
de tierce^ de quoi li princes et tous li hosteulz fu-
rent grandement resjoy, et fu baptiziés le venredi
ensiewant, à heure de haute nonne^ ens es saints- 10
fons de l'église Saint Andrieu , en le cité de Bour-
diaus. Et le baptisa li archevesques dou dit lieu^ et le
tinrent sus fons li evesques d'Agen eii Aginois et li
rois de Mayogres. Et eut à nom cilz enfes Richars^
et fu depuis rois d'Engleterre , si com vous orés 15
compter avant en Tystore.
vu — 1
2 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1367]
Le dimence apriès, à heure de prime^ se parti de
Bourdiaus en très grant arroi li dis princes^ et toutes
manières de gens d'armes qui là sejournoient ossi;
mes la grigneur partie de ses hos estoient ja passet
5 et logiet environ la cité de Dase en Gascongne. Si
vint li princes ce dimence au soir en celle ditte cité,
et là se loga et y séjourna trois jours , car on li dist
que ses frères li dus de Lancastre venoit. Voirement
approçoit il durement et estoit, passet avoit quinze
10 joursy arivés en Bretagne, à Saint Mahieu de Fine
Poterne, et venus à Nantes où li dus de Bretagne
l'avoit grandement festiié et conjoy. Depuis esploita
tant li dus de Lancastre qu'il chevauça parmi Poito
et Saintonge et vint à Blaves, et là passa il le rivière
15 de Geronde, et ariva sus le kay à Bourdiaus. Si vint
en l'abbeye de Saint Andrieu où la princesse gisoit^
qui le conjoy et reçut doucement, et toutes les dames
et damoiselles qui là estoient à ce jour. Li dus de
Lancastre ne volt gaires séjourner à Bourdiaus, mes
20 prist congiet à sa suer la princesse et se parti o toute
se compagnie, et chevauça tant qu'il vint en le cité
de Dasc, où ses frères l'attendoit encores. Si se con-
joïrent grandement, quant il se trouvèrent, car moult
s'amoient, et là eut grans approcemens d'amour et
25 entre leurs gens.
Assés tost apriès que li dus de Lancastre fîi là ve-
nus, vint li contes de Fois à Dasc pardevers yaus,
qui fist grant chière et grant reverense de bras et de
samblant au dit prince et à son frère, et se ofFri dou
30 tout en leur commandement. Li princes, qui bien
savoit honnourer tous signeurs, cescun selonc ce qu'il
estoit, le honnoura grandement et le remercia moult
[13671 LIVRE PREMIER, $ 560. 3
de ce que il les estoit là venus veoir. En apriès, il li
recarga son pays et li pria que il en volsist songnier
dou garder jusques à son retour. Li contes de Fois li
acorda liement et volentiers. Sur ce s'en retourna li
dis contes^ quant il eut pris congiet^ en son pays. Et 5
li princes et li dus de Lancastre demorèrent encores
à Dasc^ et toutes leurs gens espars environ et sus le
pays et à l'entrée des pors et dou passage de Navare;
car point ne savoient encores de vérité se il passe^
roient ou non, ne se li rois de Navare ouveroit le 10
passage^ quoique il leur ewist en couvent, car famés
couroit communément parmi l'ost que de nouviel il
s'estoit composés et acordés au roy Henri, dont li
princes et ses consaulz estoient durement esmervil*
liet^ et li rois dan Piètres moult merancolieus. I5
Or avint , entrues qu'il sejournoient là et que ces
parolles couroient , que messires Hues de Cavrelée et
les routes s'avancièrent à l'entrée de Navare et prisent
le cité de Mirande et le ville dou Pont le Royne,
dont tous li pays fu durement effraés, et en vinrent 20
les nouvelles au dit roy de Navare. Quant il entendi
ce que les Compagnes voloient par force entrer en
son pays, si fu durement courouciés et escrisi errant
tout le fait au prince. Li princes s'en passa assés
briefînent pour tant que li rois de Navare, ce li sam- 25
bloit et au roy dan Piètre, ne tenoit mies bien tous
leurs couvens. Et li escrisi et manda li dis princes
qu'il se venîst escuser, ou envoiast, des parolles que
on li amettoit; car ses gens disoient notorement que
il s'estoit tournés devers le roy Henri. Quant li rois 30
de Navare entendi ce que on l'amettoit de trahison,
si fu plus courouciés que devant, et envoia un sien
4 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1367]
especial chevalier devers le prince, lequel chevalier
on nommoit monsigneur Martin de le Rare. Cilz vint
en le cité de Dasc escuser le dit roy de Navare, et
parlementa tant et si bellement au dit prince que li
5 princes se apaisa, parmi tant que il devoit retourner
en Navare devers son sîgneur le roy, et le devoit
faire venir à Saint Jehan dou Piet des Pors, et, lui
là venut^ li princes aroit conseil se il iroit parler à
lui ou il y envoieroit. Sus cel estât se parti li dis mes-
sires Martins de le Kare, dou dit prince, et retourna
en Navare devers le roy et li recorda tout son trettiet,
et en quel estât il avoit trouvé le prince et son con-
seil^ et ossi comment il s'estoit partis d'yaus. Cilz
messires Martins fist tant qu'il amena le dit roy son
15 signeur à Saint Jehan dou Piet des Pors^ et puis se
restraist en le cité de Daso, devers le prince.
Quant li princes sceut que li rois de Navare estoit ap-
prociés, il eut conseil d'envoiier devers lui son frère le
duch de Lancastre et monsigneur Jehan Chandos. Cil
20 doi, à privée mesnie, se misent au chemin avoec le dit
monsigneur Martin qui les amena en le ditte ville de
Saint Jehan dou Piet des Pors devers le roy de Na-
vare, liquels les rechut liement, et eurent là longe-
ment parlement ensamble. Finablement, il fu acordé
25 que li rois de Navare approceroit encores le dit prince
et venroit en un certain lieu, que on dist ou pays
Pierre Ferade, et là venroient li princes et li rois
dan Piètres parler à lui , et là de recief il renouvele-
roient leurs couvens, et saroit cescuns quel cose il
30 devoit tenir et avoir. Li rois de Navare se dissimuloit
ensi, pour tant qu'il voloit encores estre plus segurs
de ses couvenences qu'il n'estoit; car il 4oubtoitque,
I i 367J LIVRE PREMIER , S Î^^K ÎJ
se les Compagnes fuissent entré en son pays , et on
ne li euist en devant plainnement seelé ce qu'il de-
voit ou voloit avoir, qu'il n'i venroit jamès bien à
temps.
§ 561 • Sus ce trettié retournèrent li dus de Lan- 5
castre et messires Jehans Chandos, et comptèrent au
dit prince comment il avoient esploitié, et ossi au
roy dan Piètre. Cilz trettiés li plaisi assés bien , et
tinrent leur journée , et vinrent ou dit liu où elle
estoit assignée, et d'autre part, li rois de Navare et 10
ses plus especiaus consaulz. Là furent à Pierre Ferade
cil troi signeur, li rois dan Piètres, li princes de Gal-
les et li dus de Lancastre d'un costé, et li rois de Na*
vare d'autre, longement ensamble en parlement. Et
fu là devisé, ordonné et acordé quel cose cescuns de- 16
voit faire -et avoir, et là furent renouvelées les cou-
venences qui trettiés avoient estet entre ces parties en
le cité de Bayone. Et là* sceut de vérité li dis rois de
Navare quel cose il devoit avoir et tenir sus le royau-
me de Castille, et jurèrent bonne pais, amour et so
confédération ensamble , li rois dans Piètres et lui.
Et se départirent de ce parlement amiablement en-
samble, sus ordenance que li princes et ses hos pooient
passer, quant il leur plaisoit, et trouveroient le pas-
sage et les destrois ouvers, et tous vivres appareilliés Î5
parmi le royaume de Navare, voires prendant et
paiant. Adonc se retrest li dis rois de Navare en se
cité de Pampelune, et li princes et ses frères et li rois
dans Pièfres en leurs logeis, en Dasc. Encores es-
toient à venir pluiseur grant signeur de Poito, de 30
Bretagne et de Gascongne, en l'ost dou prmce, qui
6 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1367]
se tenoient derrière; car, si com il est dit ci dessus^
on ne sceut clerement jusqiies en le fin de ce parle-
ment, se li princes aroit par là passage ou non. Et
meismement on supposoit en France que il ne pas*
5 seroit point et que li rois de Navare li briseroit son
voiage, et on en vei tout le contraire. Dont, quant
li chevalier et li escuier, tant d'un costé comme de
l'autre^ en sceurent le vérité^ et que li passages estoit
. ouvers, si avancièrent leurs besongnes et se hastèrent
10 dou plus qu'il peurent; car il sentirent tantost, puis-
que li princes passeroit^ que on ne retouri'oit point
sans bataille. Si vint li sires de Clicon à belle route
de gens d'armes, et ossi tout darrainnier et moult
envis li sires de Labreth^ à tout deux cens lances^ et
15 s'acompagna en ce voiage avoech le captai de Beus.
Tout cil treltiet, cil parlement et cil detriement
estoient sceu en France, car toutdis y a voit messa-
giers alans et venans sus les chemins, qui portoient
et raportoient les nouvelles. De quoi^ quant messires
20 Bertrans de Claiekin, qui se tenoit dalés le duch
d'Ango, sceut que li princes passeroit^ et que li pas-
sage de Navare li estoient ouvert^ si avança ses be«
songnes^ et renforça ses semonses et ses mandemens^
et cognent tantost que ceste cose ne se departiroit
25 jamais sans bataille. Si se mist au chemin par devers
Arragon, pour venir devers le roy Henri et se avança
dou plus qu'il peut. Et ossi le sievirent toutes ma-
nières de gens d'armes, qui en estoient mandé ou
priiet, et pluiseur ossi dou royaume de France et
30 d'ailleurs, qui en avoient affection et qui se voloient
avancier. Or parlerons nous dou passage dou prince^
et com ordeneement il passa et toute se route.
[1367] LIVRE PRBIIfER, S ^^' ^
§ 562. Entre Saint Jehan dou Piet des Pors et le
cité de Pampelune sont li destroit des montagnes et
H fors passage de Navare^ qui sont moult perilleus
et très felenes à passer, car il y a telz cent lieus sus
ce passage que trente homme les garderoient à non 5
passer contre, tout le monde. Et adonc faisoit il moult
froit et très destroit sus ce passage, car ce fu en le
moiiené de février ou environ qu'il passèrent. Ançois
qu'il se mesissent à voie ne ahatesissent de passer^
Il signeur r^ardèrent et consillièrent comment il pas- 10
seroient ne par quele ordenancé. Si veirent bien, et
leur fu dit de ceulz qui cognissoient le passage^ qu'il
ne pooient passer tout ensamble, et pour tant se or-
denèrent il à passer en trois batailles et par trois
jours, le lundi, le mardi et le merkedi. Le lundis pas* 15
sèrent cil de Tavantgarde, desquelz li dus de Lan-
castre estoit chapitainne. Si passèrent en se compa-
gnie li connestables d'Aquitainne ^ messires Jehans
Chandos, qui bien avoit douze cens pennons desous
lui, tous parés de ses armes^ d'argent à un pel agui- 20
siet de geules. Ce estoit moult belle cose à regar-
der. Et là estoient li doi marescal d'Acquitainne ossi^
messires Guichars d'Angle et messires Estievenes de
Cousentonne^ et avoient cil le pennon saint Jorge en
leur compagnie. Là estoient en l'avantgarde, avoech 25
le dit duch, messires Guillaumes de Biaucamp, filz au
conte deWarvich, messires Huges de Hastinges, li
sires de Nuefville, li sires de Rais, bretons, qui ser-
voit monsigneur Jehan Chandos à trente lances, en
ce voiage , et à ses frès , pour le prise de le bataille 30
d*Auroy. Là estoient li sires d'Aubeterre, messires
Garsis dou Chastiel, messires Richars Tanton^ mes-
8 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1367]
sires Robers Ceni^ messires Robers Brikés^ Jehans
Cresuelle, Aymeris de Rocewart, Gaillars de le Motte,
GuiUaumes de Cliceton , Willekok ^ le Boutillier et
Penneriel. Tout cil estoient pennon dessous monsi-
5 gneur Jehan Chandos ^ et pooient estre environ dix
mil chevaus, et passèrent tout le lundi.
§ 563. Ce mardi, passèrent li princes de Galles et
li rois dans Piètres et ossi li rois de Navare^ qui estoit
revenus devers le dit prince pour lui acompagnier
10 et ensengnier le passage. En le route dou dit prince
estoient messires Loeis de Harcourt, viscontes de
Chastieleraut y li viscontes de Rocewart^ li sires de
Pons, li sires de Partenay^ li sires de Puiane^ li sires
de Tannai Bouton^ li sires d'Ai^enton et tout li Poi-
15 tevin^ messires Thumas de Felleton^ grans senes*
ohaus d'Aquitainne y messires Guillaumes ses frères^
messires Eustasses d' Aubrecicourt ^ 11 seneschaus de
Saintonge^ li seneschaus de le Rocelle, li seneschaus de
Quersin^ li seneschaus de Limosin^ li seneschaus 'de
30 Roerge, li seneschaus d'Aginois, li seneschaus de Bi-
gorre^ messires Richars de Pontchardon^ messires
Neel Lorinch^ messires d'Aghorises^ messires Thumas
de Wettevale , messires Thumas Balastre y messires
Loeis de Merval j messires Raimons de Morueil^ li
25 sires de Pierebufiere^ et bien quatre mil tous hommes
d'armes^ et estoient environ douze mil chevaus. Si
eurent ce mardi moult dur passage et moult destroit de
vent et de nege. Toutesfois, il passèrent oullre, et se
logèrent toutes ces gens d'armes en le comble de Pam-
30 pelune. Mes li dis rois de Navare amena le prince
de Galles et le roy dan Piètre en se cité de Pampe-
[1367] LIVRE PREMIER, % S64. 9
lune au souper^ et là les tint tout aise^ il avoit bien
de quoi.
§ 564. Ce merkedi passèrent li rois James de
Mayogres^ li contes d'Ermignach^ li sires de Labretb^
ses neveus messires Bernars de Labreth, sires de Ge- 5
ronde^ li contes de Pieregorch, li viscontes de Quar^
main^ li contes de G^mmignes^ li captaus de Beus, li
sires de Giçon^ li troi frère de Pumiers, messires Je-
hans^ messires Helyes et messires Âymenions, li sires
de Cbaumont, li sires de Muchident» messires Robers lO
CanoUes y li sires de Lespare , li sires de Rosem , li
sires de Condom^ li sires de Labarde, li soudis de
Lestrade , messires Petiton de Courton ^ messires Ây-
meris de Tarse , messires Bertrans de Taride , li sires
de Pincornet, messires Perducas de Labreth^ li bours 15
de Bretueil^ li bours Camus, Naudon de Bagherant,
Bemart de la Salle, Hortingo, Lamit et tous li rema-
nans des Compagnes. Si estoient bien dix mil chevaus^
et eurent un peu plus courtois passage ce merkedi
que n'euissent cil qui passèrent le mardi. Et se logiè- so
rent toutes ces gens d'armes^ premier^ moiien^ et se-
cont^ et li tierch^ en le comble de Pampelune^ en at-
tendant l'un l'autre^ et en rafreskissant yaus et leurs
chevaus. Et se tinrent là environ Pampelune, pour
tant qu'il i trouvèrent largement à vivre^ pain, char 25
et vin et toutes aultres pourveances pour yaus et pour
leurs chevaus^ jusques au dimence ensiewant. Si
vous di que ces Compagnes ne paioient mies tout ce
que on leur demandoit, et ne se pooient abstenir de
pillier et de prendre là où il le trouvoient^ et lisent^ 30
environ Pampelune çt ossi sus leur chemin^ moult
10 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [i367]
de destourbiers. De quoi li rois de Navare estoit
moult eouroueiésy mes amender ne le pooit, et se re-
penti, par trop de fois, de ce qu'il avoit au prince
et à ses gens ouvert ne aministré le passage; car
5 plus i avoit de damage que de pourfît. ,
§ 565. Bien estoit enfourmés li rois Henris dou
passage le prince, car il avoit ses messages et ses es-
pies toutdis alant et venant. Si s'estoit pourveus et
pourveoit encores tous les jours moult grossement
10 de gens d'armes et de communautés de Castille, dont
il s'appelloit rois, pour résister encontre le prince, et
attendoit de jour en jour monsigneur Bertran de
Claiekin et grant secours de France. Et avoit fait un
especial mandement et commandement par tout son
15 royaume à tous ses feauls et ses subgès que, sus à
perdre le teste, cescuns, selonch son estât, à piet ou
à cheval, venist dalés lui pour aidier à garder et def-
fendre son hiretage. Chilz rois Henris estoit dure-
ment amés, et ossi tout cil de Castille avoient rendu
20 painne à lui couronner : si estoient tenu de li aidier,
et pour tant obéirent il plus legierement à son com-
mandement. Si estoient venu et venoient encorés
efforciement tous les jours dalés lui où ses mande-
mens estoit. Et avoit li dis rois Henris à Saint Domi-
25 nike, où il estoit logiés, plus de soissante mil hommes,
c'a piet, c'a cheval, liquel estoient tout apparilliet
de faire sa volenté ,' de vivre et de morir, se il cou-
venoit.
§ 566. Quant li rois Henris eut oy les certainnes
30 nouvelles que li princes de Galles o son effort estoit
[1367] LIVRE PREBOER, $ 566. ii
ens ou royaume de Navare et aVoit passé les destrois
de Raincevaus et approçoit durement^ si eut bien
cognissance que combatre le couvenroit au prince.
£t de ce par samblance estoit il tous joians; si dist
si haut que tout cil d'environ l'oïrent : ce Ou prince 5
de Galles a vaillant et preu chevalier, et pour ce
qu'il sente que c'est sus mon droit que je Tatens , je
li voeil escrire une partie de men entente. » Adonc
demanda il un clerch; il vint avant. « Escrips, » dist
li rois Henris; cils escrisi. Là devisa de soi meismes lo
H rois Henris unes lettres qui parloient ensi :
« A très poissant et très honneré le prince de
Galles et d'Aquitainnes. Chiers sires ^ comme nous
avons entendu que vous et vos gens soiiés passet
pardeça les pors et que vous aiiés fais acors et allian- 15
ces à nostre ennemi et que vous nous volés grever et
guerriier, dont nous avons grant merveille, car on-
ques nous ne vous fourfesimes cose ne vorrions faire,
pourquoi ensi à main armée vous doiiés venir sur
nous pour nous toUir tant petit d'iretage que Diex 20
nous a donné, mes vous avés le grasce, l'eur et le
fortune d'armes plus que nulz princes aujourd'ui,
pour quoi nous espérons que vous vos glorefîiés en
vo poissance. Et pour ce que nous savons de vérité
que vous nous querés pour avoir bataille, voeilliés 25
nous laissier savoir par lequel lés vous enterés en
CastiUe, et nous vous serons au devant pour deffen-
dre et garder nostre signourie. Escript, etc. » '
Quant ceste lettre fu escripte, li rois Henris le fist
seeler, et puis appella un sien hiraut et li dist : 30
«Va-t-ent au plus droit que tu poes par devers le
prince de Galles et li baille ceste lettre de par mi. »
/
il , CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1367]
Lî hiraus respondi : « Monsîgneur, volentiers, » Adonc
se parti il dou roy Henri et s'adreça parmi Navare,
et fist tant qu'il trouva le prince; si se agenoulla
devant lui et li bailla la lettre de par le roy Henri.
5 Li princes fist lever le hiraut^ et prist les lettres
et les ouvri et les lisi par deux fois pour mieulz en-
tendre. Quant il les eut leutes et bien imaginées , il
manda une partie de son conseil et fîst partir le hi-
raut. Quant ses consaulz fu venus ^ se lisi de recief
10 la lettre et leur exposa de mot à mot^ et puis en de-
manda à avoir conseil. Et dist li princes, entrues que
on conseilloit la response : a Yraiement, cilz bastars
Henris est uns vaillans chevaliers et plains de grant
proèce, et le muet grandement hardemens à ce qu*il
15 nous a escript maintenant. »
Là furent longement ensamble li princes et ses
consaulz. Finablement, il ne peurent estre d'acort
de rescrire^ et fu dit au hiraut : a Mon ami , vous ne
vous poës encore partir de ci. Quant il plaira à mon*
30 signeur le prince^ il rescrira par vous, non par au-
trui. Si vous tenés dalés nous tant que vous ares
response, car monsigneur le voet ensi. » Li hiraus
respondi : « Diex i ait part 1 » Ensi demora il dalés le
prince et les compagnons qui le tinrent tout aise.
35 S 567. Che propre jour, au soir, que li hiraus eut
aporté ces lettres au prince, s'avança messires Thumas
de Felleton et demanda un don au prince. Li prin-
ces, qui mies ne savoit quel cose il voloit, li detnanda :
a Et quel don volés vous avoir ?» — « Monsigneur,
30 dist messires Thumas , je vous prie que vous m*a-
cordés que je me puisse partir de vostre host et che-
[i367] LIVRE PREMIER, $ 567. ^ 13
vaucier devant. J'ay pluiseurs chevaliers et escuiers
de ma sorte ^ qui se désirent à avancier, et je vous
prommech que nous chevaucerons si avant que nous
sarons le couvine des enneiofis ne quel part il se tien-
nent ne se logent. » Li princes li acorda liement et 5
volen tiers celle requeste^ et l'en seeut encores grant
gré. "
Âdonc se départi de l'ost et dou prince li dis mes-
sires Thumas de Felleton , qui se fîst chiés de ceste
ehevaucie. En se compagnie se misent chil que je 10
vous nommerai : premièrement messires GuiUaumes
de Felleton ses frères^ messires Thumas du Fort,
messires Robers CanoUes , messires Gaillars Vighier^
messires Raoulz de Hastinghes, messires d'Aghorises et
pluiseur aultre chevalier et escuier^ et estoient huit l&
vint lances et trois cens arciers^ tous bien montés et
bonnes gens d'armes. Et encores y estoient messires
Hues de Stanfort^ messires Symons de Burlé et mes-
sires Richars Tanton , qui ne font mies à oublier. Et
chevaucièrent ces gens d*armes et cil arcier parmi le 20
royaume de Navare^ et avoient ghides qui les me-
noient. Et passèrent le rivière d'Emer^ qui est moult
forte et moult rade, au Groing^ et alèrent logier
oultre en un village que on dist Navaret , et là se
tim*ent pour mieulz oïr et entendre où li rois Henris 25
se lenoit, et aprendre son convenant»
Endementrues que ce se faisoit et que cil chevalier
d'Engleterre se logoient au Navaret, et encores se te-
noit li princes en le marce de Pampelune, fu li rois
de Navare pris en chevauçant de ville à aultre, dou 30
costé des François, de monsigneur Olivier de Mauni,
dont 11 princes et tout li Englès et cil de leur lés fu-
14 , CHRONIQUES DE J. FROISSART. \i36r\
rent trop durement esmervilliet. Et supposoient li
aucun en l'ost dou prince que tout par cautele il s'es-
toit fais prendre , pour tant qu'il ne voloit point le
prince convoiier plus avant ne aler avoecques lui en
5 se compagnie^ pour tant que il ne savoit encores
comment la besongne se porteroit dou roy Henri et
dou roy dan Piètre : il n'estoit nuls qui en seuist à
deviner le certain. Mais toutesfois madame sa femme ^
la royne de Navare, en fu moult esbahie et descon-
10 fortée et s'en vint agenoullier devant le prince, en
disant : « Chiers sires, pour Dieu merci, voeilliés en-
tendre au roy mon signeur qui est pris fraudeleuse-
ment et ne savons comment, et tant faire, chiers
sires, par pité et pour l'amour de Dieu, que nous le
15 raions. » Adonc en respondi li princes moult douce-
ment et dist : « Certes , dame et belle cousine , sa
prise nous desplaist grandement, et y pourverons de
remède temprement. Si vous prions que vous vos
voeilliés reconforter; car, se nous pourfitons en ce
20 voiage, sachiés véritablement qu'il y partira, et n'en-
tenderons à aultre cose , nous revenu, si le rares. »
La dame de ceste parolle remercia grandement le
prince.
Or fu gouvreneres et baus de tout le royaume de
25 Navarre, messires Martins de le Kare , uns moult sa-
ges chevaliers. (]hils emprist le prince à mener et à
conduire parmi le royaume de Navare, et li fist avoir
gides pour ses gens, car aultrement il ne seuissent
ne peuissent avoir tenu les destours ne les divers
30 chemins. Si se départi li princes de là où il estoit lo-
giés, et passèrent il et ses gens parmi un pas que
on appelle de Sarris, qui moult -leur fii divers à pas-
[1367] LIVRE PREMIER, $ fXS. i5
ser^ car il estoit petis et garnis de mauvais chemin.
Et puis passèrent parmi Epuske; si y eurent moult
de disetes , car il y trouvèrent peu de vivres^ et tout
sus ce passage , jusques adonc qu'il vinrent a Saûve-
terre.
5
§ 568. Sauveterre est une moult bonne ville ^ et
gist auques en bon pays et cras , selonch les marces
voisines. Et est ceste ville de Sauveterre à l'issue de
Navare et à l'entrée d'Espagne; si se tenoit pour le
roy Henri. Si s'espardirent toutes les hos en celui lo
pays, et les Compagnes s'avancièrent^ qui cuidièrent
aler assallLr Sauveterre et prendre de force et toute
pillier. De ce estoient il en grant volenté^ pour le
grant avoir qu'il sentoient dedens^ que cil dou pays
d'environ y avoient mis et aporté, sus le fiance de le 15
forterèce ; mais cil de Sauveterre ne veurent mies
attendre ce peril^ car il cogneurent et sentirent tan-
tost que il ne pooient nullement durer contre si grant
host que li princes menoit^ se on les assalloit. Si s'en
vinrent rendre tantost au roy dan Piètre et li crièrent 20
merci , et li présentèrent les clés de la ditte ville. Li
rois dan Piètres^ par le conseil dou prince, les reçut
à merci ; aultrement n'euist ce mies esté^ car il les
voloit tous destruire. Toutesfois il furent pris à merci^
et entrèrent li princes , li rois dan Piètres ^ li rois de 25
Mayogres et li dus de Lancastre par dedens^ et li con-
tes d'Ermignach et tous li demorans de l'ost se lo-
gièrent par les villages. Nous nos soufferons un petit
à parler dou prince et parlerons de ses gens qui es-
toient à Navaret. 30
Cil chevalier dessus nommet^ qui là se tenoient^ de-
16 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1367]
siroient moult leurs corps à avanchier ; car il estoîent
cinq journées en sus de leurs gens^ quant il se par-
tirent premièrement d'yaus. Et issoient souvent hors
de Navaret et chevauçoient sus le marce des ennemis^
5 pour aprendre le convenant d'yaus ne quel part il
se tenoient. Et ja estoient ossi logiés li rois Henris
sus les camps et toutes ses hos^ qui moult desiroient
à oïr et savoir nouvelles dou prince. Et se esmervil-
loit moult li dis rois Henris de ce que ses hiraus ne
10 revenoit. Si couroient ossi ses gens tous les jours ^
pour aprendre nouvelles des Englès jusques à bien
priés de Navaret; et sceut li contes dan Tilles, frères
au roy Henri, qu'il y avoit gens d'armes de leurs en-
nemis en garnison en le ville de Navaret. Dont il
15 pensa que il les iroit temprement viseter et veoir de
plus priés ; mais , ançois qu'il le fesist, il avint que
cil chevalier d'Engleterre chevaucièrent un soir si
avant qu'il s*embatirent ou logeis dou roy Henri. Et
fîsent une grant escarmuce, et resvilUérent mervil-
20 leusement Tost et en occirent aucuns et prisent; et
par especial li chevaliers dou get fu pris, et s'en re-
tournèrent au Navaret sans damage. À l'endemain,
il envoiièrent un hiraut au prince qui se tenoit à
Sauveterre, et li segnefiièrent par celi tout ce qu'il
25 avoient veu et trouvé, et en quel estât si ennemi
gisoienty et quel poissance il avoient, car il en furent
tout enfourmé par les prisonniers qu'il tenoient. De
ces nouvelles fu U princes tous joians et de ce ossi
que ses gens se portoient si bien sus le frontière.
30 Li roifi Henris, qui estoit moult courouciés de ce
que cil Englès qui se tenoient à Navaret l'avoient
ensi resvilliet, dist qu'il les voloit approcier. Si se
11367] LIVRE PREMIER, § S68. 17
desloga^ et toutes ses gens^ de là où il estoient loget^
et avoit en pourpos que de venir logier ens es plains
devant Yictore. Si passèrent la ditte rivière qui keurt
à Nazres, et se traisent tout devant pour venir devers
Yictore. Quant messires Thumas de Felleton et li che- 5
valier dessus nommet qui au Navaret se tenoient, en-
tendirent ces nouvelles que li rois Henris avoit râ-
passe Taigue et traioit toutdis avant pour trouver le
prince et ses gens , si eurent conseil et volenté de
yaus deslogier de Ifavaret et de prendre les camps ^ 10
pour mieus savoir encores le parfaite vérité des Es-
pagnos. Si se deslogièrent de Navaret et se misent as
camps ^ et envoiièrent les certainnes nouvelles au
prince comment li rois Henris approçoit durement
et le desiroit par samblant à trouver. 15
Quant li princes, qui se tenoit encores à Sauveterre^
entendi ce que li rois Henris avoit passet Paigue et
prendoit son chemin et ses adrèces pour venir vers
lui, si en fii moult resjoïs^ et dist si haut que tout
Foirent cil qui estoient autour de lui : « Par ma foy, 20
cils bastars Henris est uns vaillans e.t hardis chevaliers^
et li vient de grant proèce et de grant hardement de
nous querre ensi. Et puisqu'il nous quiert et nous le
querons par droit , nous nos devenons temprement
trouver et combatre. Se est bon que nous nos par- 25
tons de ci et alons devant Yictore premièrement
prendre le lieu et le place^ ançois que nostre ennemi
y viennent. » Dont se départirent il à Fendemain
bien matin de Sauveterre^ premièrement li princes et
toutes ses gens^ et cheminèrent tant qu'il vinrent de- 30
vant Yictore. Si trouva là li princes ses chevaliers ,
monsigneur Thumas de Felleton et les aultres dessus
vu — a
18 CHRONIQUES DE J. FROISSÀRT. [1367]
nommés , asquelz il fist grant feste ^ et lor demanda
d'unes coses et d'autres. Entrues qu'il se devisoient,
leur coureur raportèrent qu'il avoient veu les cou-
reurs de leurs ennemis^ et tenoient de certain que li
5 rois Henris et ses gens n'estoient point lonch de là^
par les assens qu'il avoient veus et le couyenant des
Ëspagnolz.
§ 569. Quant li princes de Galles entendi ces nou
velles^ si fist sonner ses trompetes et criier à l'arme^
10 de cief en cor, toute son host. Quant il oïrent ces
nouvelles^ il se remisent et recueillièrent tout ensam*
ble : si se ordonnèrent et rengièrent moult couve-
gnablement sus les camps , par batailles ^ ensi que il
dévoient estre; car cescuns sa voit, très au partir de
15 Sauveterre, quel cose il devoit faire, ne où il se devoit
traire. Si se ordonnèrent tantost^ et se traist cascuns
là où il devoit aler. Là veist on grant noblèce de ba-
nières et de pennons et de toute armoierie. Si vous
di que c*estoit une grant biauté à regarder.
SO Là estoit li avantgarde si bien rengie et si bien or-
donnée qu'à parer, de laquele li dus de Lancastre es-
toit chiés et gouvreneres, et avoecques lui messires
Jehans Chandos^ connestables d'Aquitainnes , liquelz
y estoit moult estoffeement et en grant arroi. Là y eut
25 fait par les batailles pluiseurs chevaliers. Si fist li dus de
Lancastre, en l'avantgarde, chevaliers, monsigneur
Raoul Camois, monsigneur Gautier Oursvich, mon-
signeur Thumas de Daimeri, monsigneur Jehan de
Grandson, et en fist li dis dus jusques à douze. Et
30 messires Jehans Chandos en fist ossi aucuns de bons
escuiers d'Engletetre et de son hostel, c'est à savoir :
[1367] LIVRE PREMIER, § 570. 19
Cliton^ Gourion, Prieur, Guillaumes de Ferinton,
Aymeri de Rocewart, Gaillart de le Motte et monsi-
gneur Robert Briket. Et li prinehes fist chevaliA^s^
tout premièrement dan Piètre le roy d'Espagne,
monsigneur Thumas de Hollandes, filz à sa femme la 5
princesse, monsigneur Hue de Courtenay, monsi-
gneur Phelippe et monsigneur Pierre de Courtenay,
monsigneur Jehan Trivet, monsigneur Nicolas Bonde
et des aultres pluiseurs.
Et ensi faisoient li aultre signeur, par leurs ba- lo
tailles. Si en y eut fait ce jour bien trois cens et
plus, et furent là rengié tout ce jour, ensi que
vous oés, pour attendre bataille [et leurs ennemis,
se il fuissent trait avant ; mais il ne vinrent point ne
approcièrent de plus priés que li coureur avoient 15
esté, car li rois Henris attendoit encore grant secours
d'Arragon, et par especial monsigneur Bertran de
Claiekin qui devoit venir à plus de trois mil com-
batans, et sans ces gens il ne se fust nient volentiers
combatus. De tout ce fu li dis princes moult ewireus, 20
car ossi toute se arrieregarde, où plus avoit de six mil
combatans, estoit en derrière plus de sept liewes
dou pays : de quoi li princes eut, ce jour qu'il furent
rengiet devant Yictore , tamainle angousse au coer,
pour ce que se arrieregarde detrioit tant à venir. 25
Nequedent, se li Espagnol fuissent trait avant pour
combatre, li princes sans nulle faute les euist recueil-
lies et combatus.
§ 570. Quant ce vint au soir et qu'il estoit heure
de retraire, li doi mareschal, messires Guichars d'An- 30
gle et messires Estievenes de Gousenton, ordonné-
#»•
20 CHRONIQUES D£ J. FROISSART. [1367]
rent et commandèrent de retraire et de tout homme
logier^ et que à Fendemain, au son des trompe tes,
ceseuns se retraisist sus les camps, en ce propre cou-
venant où il avoient esté. Tout obéirent à ceste or-
5 denance, excepté messire Thumas de Felleton et
se route dont j'ay parlé chi dessus; car il se partirent
ce propre soir dou prince, et chevaucièrent plus
ayant pour mieulz aprendre de l'estat des ennemis ,
et s'en alèrent logier en sus de Tost dou prince bien
10 deux grans liewes dou pays.
Avint ce soir que li contes dan Tilles, frères ger-
mains au roy Henri, estoit ens ou logeis le dit roy
son frère, et parloient d'armes et d'unes coses et d'au-
tres; si dist ensi au roy Henri : « Sire, vous savés que
15 nostre ennemi sont logiet mouU priés de ci, et n'est
nulz qui les resveille. Je vous pri que vous me donnés
congiet que le matin je puisse chevaucier pardevers
yaus, à tout une route de vostres gens qui en sont en
grant volenté, et je vous ay en couvent que nous
20 irons si avant que nous vous raporterons vraies en-
sengnes et certainnes nouvelles des ennemis. » Li
rois Henris , qui vei son frère en grant volenté , ne li
volt mies oster ne brisier son bon désir, mes li acorda
legierement.
26 En celle propre heure, descendi en l'ost li dis mes-
sires Bertrans de Claiekin à plus de trois mil comba-
tans de France et d'Arragon, dont li rois Henris et
cil d'Arragon furent grandement resjoy ; et fu festiés,
honnourés et recueillies si grandement comme à lui
30 apertenoit.
Li contes dan Tilles ne veult mies séjourner sus
son pourpos , mes quist et pria tous les compagnons
[4367] LIVRE PREMIER, § 571. 2i
qu'il pensoit de grant volenté et à avoir. Et en euist
volentiers priiet monsigneur Bertran de Claiekin,
monsigneur Ernoul d'Audrehen et monsigneur le
Beghe de Velainne et le visconte de Rokebertin, d^Ar-
ragon^ se il euist enduré; mais^ pour tant que il es- 5
toient tantost venu, il les laissa, et ossi li rois Henris
li deffendi que point ne leur en parlast. Li eontes
dan Tilles s'en passa ossi assés briefment y et en eut
aucuns de France et d'Arragon qui avoient là séjour-
né toute le saison; et fist tant qu'il eut bien six mil 10
chevaux et les hommes montés sus^ tous appareilliés
et bien abilliés^ et estoit ses frères Sanses en se com-
pagnie.
§ 571 . Quant ce vint au matin^ à l'aube dou jour^
il furent tout armé et monté à cheval; si se partirent 15
de Fost et chevaucièrent en bon convenant par devers
le logeis des Englès. Environ soleil levant ^ il encon-
trèrent en une valée une partie des gens monsigneur
Huon de Cavrelée et son harnas , qui avoient jeu le
nuit une grande liewe en sus de l'host dou prince^ 20
et li dis messires Hues meismes. Sitos que cil Espa-
gnol et François d'un costé les perchurent, il bro-
chièrent sus yaus et tantost les desconfirent^ car il
n'i avoit que mesnies et garçons. Si furent tout tuet
ou en partie^ et li dis harnas conquis. 85
Messires Hues de Cavrelée, qui venoit par derrière,
fu enfourmés de cest affaire : si tourna un aultre
chemin; mes toutesfois il fu perceus et caciés, et le
convint fuir, et le demorant de ses gens, jusques en
l'ost dou duch de Lancastre. Li Espagnol, qui es- 30
toient plus de six mil en une route, chevaucièrent
2t CHRONIQUES DE J. FROISSART. [i367]
adonc caudement avant, et se boutèrent de celle em--
painte sus l'un des corons de Tavantgarde ens es lo-
geis dou dit duch de Lancastre. Si commencièrent à
escriier Castille et à faire un grant esparsin et à ruer
5 par terre loges et foellies^ et à abattre, ochire et me-
hagnier gens, tout ce qu'il en pooient trouver devant
yaus. Li avantgarde se commença à estourmir, et
gens et signeur à resviilier et yaus armer et traire
devant la loge dou duch de Lancastre qui ja estoit
10 armés et mis avant^ se banière devant soy. Si se trai-
sent Englès et Gascon moult hasteement sus les camps,
cescuns sires desous se banière ou son pennon , ensi
que ordonné estoit très au partir de Sauveterre, et
cuidièrent adonc moult bien estre combatu.
15 Si se traist tantost li dus de Lancastre et se banière
sus une montagne qui estoit assés priés de là^ pour
avoir l'avantage. Là vinrent messires Jebians Chandos
et li doi mareschal et pluiseur bon chevalier^ qui se
misent tout en ordenance dalés le dit duc. En apriès^
80 vinrent li princes et li rois dan Piètres et, tout ensi
comme il venoient^ il s'ordonnoient. Et sachiés que
li contes dan Tilles et ses frères avoient avisé à venir
sus ceste montagne et prendre l'avantage, mais il
Êillirent à leur avis, ensi que vous oés recorder. Et
25 quant il veirent ce qu'il n'i pooient revenir et que li
hos englesce estoit priesque toute estourmie, si se
partirent et recueillièrent ensamble, et chevaucièrent
oultre en bon convenant, en espoir que de trouver
aucune aventure. Mais, ains leur département, il y
30 eut Élit aucunes apertises d'armes, car aucun cheva-
lier englès et gascon se partirent de leur arroi, et vin-
rent ferir en ces Espagnols et en portèrent par terre ;
[1367J LIVRE PREMIER, § 571. 23
mes toutdis se tenoient les batailles sus la ditte mon-
tagne^ car il cuidoient bien estre combatu.
Au retour que cil Espagnol fisent, en eslongant le
prince et en rapprochant leur host y il encontrèrent
chiaus de lavantgarde^ les chevaliers dou prince^ 5
monsigneur Thumas de Felleton et ses frères , mon*
signeur Richart Tanton^ monsigneur d*AgoriseSy mon-
signeur Hue de Hastinges , monsigneur Gaillart Yi-
ghier et les autres, qui bien estoient deux cens chevaliers
et escuiers^ Englès et Gascon. Si brochièrent tantos lo
vers yaus parmi une valée^ en escriant : « Castille au
roy Henri 1 » Li chevalier dessus nommet^ qui veirent
devant yaus en leur encontre celle grosse route d^Es-
pagnols^ lesquels il ne pooient eschiewer^ se confortè-
rent au mieulz qu'il peurent^ et se traisent sus les 15
camps^ et prisent l'avantage d'une petite montagne^
et là se misent tout ensamble. Evous les Espagnols
venus, qui s'arrestèrent devant yaus^ en considérant
comment il les poroient avoir et combatre.
Là fist messires Guillaumes de Felleton une grant so
apertise d'armes et un grant oultrage ; car il descendi
de la montagne, la lance abaissie , en esporonnant le
coursier^ et s'en vint ferir entre les Espagnols^ et
consievi un Casteloing de son glave si roidement qu'il
li perça toutes ses armeures^ et li passa la lance par- 35
mi le corps ^ et l'abati tout mort entre yaus. Là fu li
dis messires Guillaumes environnés et enclos de toutes
pars^ et là se combati si vaillamment que nulz che-
valiers mieulz de lui^ et leur porta grant damage^ et
moult leur cousta ançois que il le peuissent atierer. 30
Si frère et li aultre chevalier^ qui sus le montagne
estoient^ le veoient bien combatre, et les grans aper^
34 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1367]
lises d'armes qu'il faisoit^ et le péril où il estoit; mes
conforter ne le pooient , se il ne se voloient perdre.
Si se tinrent tout quoi sus la ditte montagne en leur
ordenanee^ et li chevaliers se combati tant qu'il peut
5 durer. Là fu occis li dis messires Guillaumes de
Felleton.
Depuis entendirent li Espagnol et li François d'un
costet^ à requerre et à envaïr les Englès^ qui sus le
montagne se tenoient^ liquel^ ce saciés, y fîsent ce
10 jour pluiseurs grans apertises d armes; et à le fois,
d'une empainte^ il descendoient et venoient combat-
tre leurs ennemis^ et puis^ en yaus reboutant trop
sagement, il se venoient remettre en leur montagne^
et se tinrent en cel estât jusques à haute nonne. Bien
15 les euist li dis princes de Galles envoiiet conforter^
se il le seuist^ et les euist délivré de ce péril; mes
riens n'en savoit : si leur, convint attendre l'aventure.
Quant il se furent là tenu et combatu jusques à l'eure
que je di^ li contes dan Tilles^ qui trop anoiiés
20 estoit de ce que tant se tenoient, dist ensi tout hault,
et par grant mautalent : « Signeur, par la poitrine de
nous^ tenront meshui ci ces gens? Nous les deuissions
ores avoir tous dévorés. Avant! Avant! Combatons
les de milleur ordenance que nous n'aions fait. On
25 n*a riens ^ se on ne le compère. »
A ces mos^ s'avancièrent François et Espagnol de
grant volenté, et s'en vinrent en yaus tenant par les
bras^ dru et espès, bouter de lances et de glaves sus
les Englès^ et montèrent de force la montagne^ et
30 entrèrent ens es Englès et Gascons^ vosissent ou
non, car il estoient si grant fuison que il ne les peu-
rent rompre ne ouvrir. Là eut fait sus la montagne
j^.es.A^Î-^-^T^f^^^eoi tenir :^
_,is. Ooq'*'* °"^ fort »»«""*
^ ^*^ n'en «cap», f'^'* ^^^^^,us el
«»*''■ *«^^»««'*^* ^ rt doa duc de
le *t ?*«*• • yV. vosl dou pno« ^nç»é »
ma'<^ U Biootagoe » <^
- Sa fisent
^ous avcs g*
26 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1367]
bon gré, et le vous guerredonnerai temprement^ et
bien saciés que tout li aultre venront par ce pas. »
Adonc s'avança de parler messires Ernoulz d'Audre-
hen, et dist : « Sire, sire, salve «soit vostre grasce^ je
5 ne vous voeil pas reprendre de vostre paroUe, mes je
le voeil un petit amender, et vous di que, quant vous
assamblerés par bataille au prince, vous trouvères là
droites gens d'armes ; car là est la fleur de toute la
chevalerie dou monde, et les trouvères durs , sages
10 et bien combatans , ne ja , pour morir, plain piet ne
fubront. Si avés bien mestier que vous aiiés avis et
conseil sus ce point; mes, se vous volés croire mon
conseil, vous les desconfiriés tous sans ja cop ferir;
car, se vous faisiés tant seulement garder les destrois
15 et les passages, par quoi pourveances ne leur puis-
sent venir, vous les affameriés et desconfiriés par ce
point, et retourroient en leur pays, sans arroy et
sans ordenance, et lors les ariés vous à vostre vo-
lenté. »
20 Dont respondi li rois Henris , et dist : « Ma-
reschaus, par l'ame à mon père, je désire tant à
veoir le prince et de esprouver ma poissance à le
sienne , que ja nous ne nos partirons sans bataille.
Et, Dieu merci, j'ay et arai bien de quoi; car tout
25 premièrement ja sont en nostre host sept mil hom-
mes d'armes, montés cescuns sus bon coursier ou
destrier, et tous couvers de fier, qui ne ressongneront
trait ne arcier. Et en apriès, j'en ay bien dix mil
d'autres gens d'armes, montés sus genès et armés de
30 piet en cap. Dou sourplus, j'ay bien soissante mil
hommes de communautés , à lances , à archigaies ^ à
dars et à pavais, qui feront un grant fait, et tout ont
[1367] LIVRE FREAflER, $ 573. 27
juret que point ne me faurront jusques au morir^
siques^ dan mareschaus^ je ne me doi mies esbahir,
mes conforter grandement en le poissance de Dieu
et de mes gens. »
En cel estât finèrent il leur parlement , et aportè- 5
rent chevalier et escuier vin et espisses; si en prisent
li rois et li signeur d'environ^ et puis retournèrent
cescuns en lor logeis. Si furent serementé comme
prisonniers^ et départi li un de l'autre^ li chevalier et
escuier englès et gascon , qui pris avoient esté le jour- lo
née. Or retourrons nous un petit au prince , et par-
lerons de sen ordenance.
§ 573. Li princes de GaUes et li dus de Lancastre
se tinrent tout ce jour sus la montagne. Au vespre, il
iWrent enfourmé de leurs gens qu'il estoient tout 15
mort et pris. Si en furent durement courouciet, mes
amender ne le peurent. Si se retraisent à leurs logeis
et se tinrent là tout le soir. Quant ce vint au matin ^
il eurent conseil de partir de là et de traire plus
avant et se deslogièrent et s'en vinrent logier devant ao
Yictore. Et furent là tout armé ensi que pour tantos
combatre, car il estoient enfourmé que li rois Henris
et li bastars ses frères et leurs gens n'estoient mies
trop loing^ mais il ne traioient point avant. Et sa-
chiés que h princes de Galles et leurs gens estoient .95
en grant defaute de vivres et de pourveances pour
yaus et pour leurs chevaus^ car il logoient en moult
mauvais pays et magre^ et li rois Henris et ses gens
en bon pays et cras. Si vendoit on en l'ost dou prince
un pain un florin j encores tout ewireus qui avoir le 30
povoit y et Êiisoit moult destroit temps de froit , de
28 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1367]
vent, de plueve et de nege : en celle mesaise et dan-
gier furent il six jours.
Quant li princes et 11 signeur veirent que li Espa-
gnol ne trairoient point ayant pour yaus combatre
5 et que là estoient en grant destrèce^ si eurent conseil
que il iroient querre passage ailleurs. Si se deslogiè-
rent et se misent au chemin^ en retournant viers Na-
yare, et passèrent un pays et uns destrois que on ap-
pelle le pas de 1^ Garde; et quant il l'eurent passet^
10 il s'en vinrent à une ville que on appelle Yiane. T^à
se rafreschirent li princes^ li dus de I^ncastre^ li
contes d'Ermignachy et li signeur deux jours, et puis
s'en vinrent passer la rivière qui départ Mavare et
Castille au pont dou Groing. Et s'en vinrent logier
15 ce jour devant le Groing ens es vregiés desous les oli-
viers, et trouvèrent milleur pays que il n'euissent
fait en devant^ mes trop avoient grant deffaute de
vivres.
Quant li rois Henris sceurque li princes et ses gens
20 avoient passet le rivière au pont au Groing, si se
desloga de Saint Yinchant^ où il s'estoit tenus moult
longement, et s'en vint logier devant le ville de Naz-
res , sus ceste meisme rivière. Les nouvelles vinrent
au dit prince comment li rois Henris estoit approciés.
25 Si en fu durement liés et dist tout en hault : « Par
saint Jorge^ en ce bastart a un vaillant homme , et à
ce qu'il monstre, il nous désire à trouver et à com-
batre. Si nous trouvera temprement, et nous comba-
terons^ ce ne poet remanoir nullement. » Adonc ap-
30 pella li princes le duc de Lancastre son frère et
aucuns des barons de son conseil qui là estoient^ et
rescrisi par leur avis as lettres que li rois Henris leur
[1367] LIVRE PREMIER, S ^^^* ^^
avoit envoiiesy laquelle fourme des lettres devisoient
ensi.
§ 574. c< Edouwars^ par le grasce de Dieu, princes
de Galles et dus d'Âquitainnes^ à honnouré et re-
nommé Henri, conte de Tristemare, qui pour le pre- 5
sent s'appelle rois de Castille. Comme ensi soit que
vous nous avés envoiiet unes lettres par vostre hi-
raut, es queles sont contenu pluiseur article faisant
mention que vous sariés volentiers pourquoi nous
tenons à ami vostre ennemit nostre cousin le roy dan lo
Piètre, et à quel title nous vous faisons guerre et
sommes entré à main armée en Castille, respondons
à cestes : saciés que c'est pour soustenir droiture et
garder raison^ ensi qu'il apartient à tous rois et en-
fans de roys^ et pour entériner grans alliances ^ que 15
nostre signeur de père le roy d'Engleterre et li rois
dans Piètres ont eu de jadis ensamble. Et pour ce
que vous estes renommés aujourd'ui de bonne che-
valerie^ nous vous acorderions volentiers à lui^ se
nous poions^ et ferions tant par priière envers nostre 20
cousin le roy dan Piètre^ que vous ariés grant part
au royaume de Castille ; mes de le couronne et hire-
tage vous feut déporter. Si aiiés avis et brief conseil
sur ce^ et sachiés encores que nous enterons ou dit
royaume de Castille, par lequel lés que il nous plaira 25
le mieus. Escript dalés le Groing^ le trentime jour
de march. »
§ 575. Quant ceste lettre fu escripte^ on le cloy et
seela, et fu baUlie au hiraut qui avoit l'autre aportée
et qui le response avoit attendu plus de trois sepmain- 30
30 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1367]
nés. Si se parti dou prince et des signeurs à tout
grant pourfît^ et chevauça tant qu'il vint devant
Nazres^ ens es bruières où li dis rois estoit logiés. Si
vint jusques au logeis dou roy Henri, et là se traisent
5 li plus grant baron de Tost, pour oïr nouvelles, quant
il sentirent leur hiraut revenu. Li dis hiraus s'enge-
nilla devant le roy Henri et li bailla la lettre que li
princes li envoioit. Li rois le prist et ouvri et appella
au lire monsigneur Bertran de Claiekin et aucuns
10 chevaliers de son conseil. Là fu la ditte lettre leute
et bien considérée.
Adonc parla znessires Bertratis de Claiekin, et dist
au roy Henri : c< Sire y sachiés que temprement vous
vos combaterës : de tant congnoi je bien le prince.
15 Si aiiés avis sur ce; car vous avés bien mestier que
vous regardés à vos besongnes, et entendes à vos
gens et à ordener vos batailles. » — « Dan Bertran ,
respondi li rois Henris , ce soit ou nom de Dieu I
Le poissance dou prince ne prise jou noient^ car
20 j'ai bien trois mil chevaus armés qui seront sus les
deux èles de mes batailles. Et arai bien six mil géni-
teurs et bien vingt mil hommes d*armes des mil-
leurs que on puist trouver en toute Castille , Galisse,
Portingal , Cordewan , Toulete et Seville , et dix mil
25 de bons arbalestriers et bien soissante mil de piet à
tout lances et archigaies. Et ont tout juret qu'il ne
me faurront pour morîr, siques^ dan Bertran^ j'en
arai le milleur par le grasce de Dieu en qui je me
confie^ et le bon droit ossi que j'ay à la querielle et
30 à la besongne. »
§ 576. Ensi se devisoient li rois Henris et messires
[i367] LIVRE PREMIER, $ 576. 31
Bertrans de Claiekin ensamble d*unes coses et d'au-
ires, et laissièrent à parler des lettres que li princes
avoit envoiies^ car c*estoit bien li intention dou roy
Henri et de monsigneur Bertran qu'il se eombate-
roient^ et entendirent à ordener leurs gens et leurs 5
besongnes. A ce donc estoient moult renommé et
honnouré en l'ost li contes dan Tilles et li contes
Sanses^ pour le chevaucie que il avoit mis sus^ et dont
il estoient venu à bon coron.
Or vous parlerons dou prince comment il perse- 10
vera. Quant ce vint au venredi , le second jour dou
mois d'avril, il se desloga de devant le Groing où il
estoit logiés, et toute son host ossi. Et chevaucièrent
ses gens tout armet et rengiet par bataille, ensi que
pour tantost combatre , car bien savoient que li rois 15
Henris n*estoit mies loing. Et cheminèi^nt ce jour
deux liewes et s'en vinrent à heure de tierce droit à
Navaret et là se logièrent. Sitos qu'il eurent pris
terre, li princes envoia ses coureurs devant pour sa-
voir le convenant des ennemis et là où il estoient 20
logiet. Cil coureur^ tantost montés sus fleur de cour-
siers^ se départirent de l'ost dou prince et chevau-
cièrent si avant que il veirent Tost entièrement des
Espagnolz^ qui estoient logiet ens es bruières devant
Nazres ; et ce raportèrent il au prince qui volentiers 25
en oy parler, et sur ce eut il avis. Quant ce vint au
soir, il fîst secrètement segnefiier par toute son host^
que, au premier son de le trompeté, on s'apparillast;
au secont son, on s'armast, et au tierch, on montast
à cheval et partesist, en sievant les banières des ma- 30
reschaus et le pennon de saint Jorge, et que nulz, sus le
tieste, ne s'avançast d'aler devant, s'il n'i estoit envoiiés.
32 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1367]
§ 577. Tout en tel manière que li princes de
Galles avoity ce venredi^ sus le soir^ envoiiet ses cou
reurs devanti pour aviser le convenant des Espagnolz,
U rois Henris a voit ossi envoiiet les siens^ pour apren-
5 dre de l'estat dou prince et où il estoit logiés et com-
ment. Si en raportèrent cil qui envoiiet y furent, le
vérité^ et sur ce eurent li dis rois Henris et messires
Berlrans avis et conseil. Si fisent ce venredi^ de haute
keure^ toutes leurs gens souper^ et puis aler reposer^
10 pour estre plus fresc et plus nouviel à heure de mie-
nuit que ordené estoit de yaulz armer et appareillier
et traire sus les camps et ordener leurs batailles ; car
bien supposoient que à l'endemain il se combate-
roient. Si se tinrent li Espagnol ce soir tout aise, et
15 bien avoient de quoi^ de tous vivres très largement;
et li Englès en avoient très grant defaute : pour ce
desiroient il moult à combatre^ ou tout perdre ou tout
gaagnier.
Apriès mienuit, sonnèrent les trompètes en Post
20 dou roy Henri. A ce son^ se resvillièrent toutes
gens, et s'armèrent et appareillièrent ; au secont son
apriès^ environ l'aube dou jour, se traisent il tout
hors de leurs logeis^ et se misent sus les camps et or-
donnèrent trois batailles. La première eurent mes-
25 sires Bertrans de Claiekin,. messires Ernoulz d'An-
drehen, li viscontes de Rokebertin et li contes de
Dune, d'Arragon. Et là furent tout li estragnier, tant
de France comme d'autre pays, et y furent doi baron
de Haynau , li sires d'Antoing et messires Alars^ sires
30 de Brifueil. Là furent messires 11 Bèghes de Yellainnes^
li Bèghes de Y illers , messires Jehans de Berghètes ,
messires Gauwains de Bailluel, li Alemans de Saint
[1367] ÎJVRE PREMIER, $ 578. 33
Venant j qui fii là fais chevaliers , et pluiseur aullre
bon chevalier de France, d^Arragon, de Prouvence et
des marées voisines. Si estoient bien en ceste bataille
yaus quatre mil chevalier et escuier, moult frichement
armé et ordené à l'usage de France. La seconde ba- 5
taille eurent li contes dan Tilles et ses firères, li
contes Sanses, et estoient bien en celle ordenance
yaus seize mil, parmi les géniteurs et chiaus à cheval,
et se traisent un petit en sus de le bataille monsi-
gneur Bertran, à le seùestre main. La tierce bataille 10
et la plus grosse sans comparison gouvrenoit li rois
Henris, et estoient en son arroi yaus bien sept mil à
cheval et quarante mil de piet, parmi les arbalestriers.
Quant il furent tout ordené, li rois Henris, montés
sus une mule fort et rade à l'usage dou pays, se 15
parti de son arroi et s'en ala viseter les signeurs , de
rench en rench, en yaus priant moult doucement
que il vosissent ce jour entendre à garder sen hon-
neur, et leur remoustroit sa besongne de si bonne
chière que tout en a voient joie. Et quant il eut ensi 20
aie de Tun à l'autre, il s'en revint en sa bataille,
dont il s'estoit partis, et tantost fu jours, environ
soleil levant. Si se misent à voie par devers Navaret,
pour trouver leurs ennemis, tout rengiet, serré et or-
donné par batailles, ensi que pour tantost combatre, 25
sans fourpasser l'un l'autre.
§ 578. Li princes de Galles, en tel manière, sus
l'aube dou jour, fu trais, et toutes ses gens, sus les
camps, et se misent en leurs batailles, ensi que il dé-
voient aler et estre, et se partirent ensi ordonné ; car 30
bien savoient que il enconteroient et trouveroient
. Yll — 3
34 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1367]
leurs ennemis; et ne chevauçoit nuls devant le ba-
taille des mareschaus, se il n'estoit ordenës pour
courir. Et bien sa voient li signeur ens es deux hos^ par
le raport de leurs coureurs, que il se dévoient trou-
5 ver. Si chevaucièrent ensi et cheminèrent tout le pas,
li un contre l'autre. Quant li solaus fu levés, c'estoit
grant biautés de veoir ces banières venteler et ces
armeures resplendir contre le soleil. En cel estât che-
vaucièrent et cheminèrent tout souef, tant que il ap-
10 procièrent durement l'un l'autre. Et puièrent li dis
princes et ses gens une petite montagne, et au des-
cendre, il perchurent tout derement leurs ennemis
qui venoient le chemin droitement vers yaus. Quant
il eurent tout avalé cette ditte montagne, il se traisent
15 en leurs batailles sus les camps, et se tinrent tout
quoi. Ossi, si tretost que li Espagnol les'veirent, il
lisent ensi et se arrestèrent en leurs batailles. Si res-
traindi cescuns ses armeures et mist en point, ensi
que pour tantost combatre.
20 Là aporta messires Jehans Chandos sa banière entre
ses mains, que encores n'avoit nulle part boutée
hors, au prince, et li dist ensi : « Monsigneur, vechi
ma banière : je vous le baille par tel manière que il
le vous plaise à desvoleper et que aujourd*ui je le
25 puisse lever; car, Dieu merci, j*ai bien de quoi,
terre et hyretage, pour tenir estât, ensi qu'il apartient
à ce. » Adonc prisent li princes et li rois dans Piètres
qui là estoit, la banière entre leurs mains, et le des-
volepèrent, qui es toit d'argent à un peu aguisiet de
30 geules, et li rendirent par le hanste, en disant ensi :
« Tenés , messire Jehan , veci vostre banière : Diex
vous en laist vostre preu faire 1 » Lors se parti mes-
r
[1367] LIVRE PREMIER, $ 879. 35
sires Jehans Chandos^ et raporta sa banière entre ses
gens^ et le mist en mi yaus^ et si dist : «Signeur^
veci ma banière et la vostre ; or le gardés ensi que
la nostre. » Adonc le prisent li compagnon qui en
furent tout resjoy, et disent que^ s'il plaisoit à Dieu 5
et à monsigneur saint Gorge , il le garderoient bien
et s'en acquitteroient à leur pooir. Si demora la ba-
nière ens es mains d'un bon escuier englès que on
appeloit Guillaume Aleri, qui le porta ce jour et qui
bien et loyaument s'en acquitta en tous estas. lo
§ 579. Assés tost apriès, descendirent de leurs
chevaus sus le sabelon li Englès et li Gascon et se re-
cueillièrent et misent moult ordonneement ensamble,
cescuns sires desous se banière et son pennon , en
arroy de bataille, ensi que ordonné estoient très donc 1&
qu'il passèrent les montagnes. Si estoit ce grans solas
à veoir et considérer les banières, les pennons et le
noble armoierie qui là estoit. Adonc se commenciè-
rent, et tout de piet^ les batailles à esmouvoir.
Un petit devant l'approcement^ et que on venist iO
ensamble, li princes de Galles ouvri ses y ex, en regar-
dant vers le ciel et joindi ses mains et dist ensi :
«Vrais pères JhesuCrisy qui m'avés fourme, consentes
par vostre bénigne grasce que la journée d'ui soit
pour mi et pour mes gens , si com vous savés que , 25
pour raison et droiture aidier à garder et à soustenir,
et ce roi escaciet et deshireté remettre en son hire-
tage et royaume^ je me sui ensonniiés et me avance
de combatre. n
Apriès ces paroUes , il tendi le main droite au roy 30
dan Piètre qui estoit dalés lui et le prist par le main,
36 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1367]
en disant ensi : a Sire rois, au jour d'ui sarés vous se
jamais vous auerés riens au royaume de Castille, »
Et puis dist : «Avant, banière, ou nom de Dieu et
de saint Gorge! » A ees mos^ li dus de Lancastre et
5 messires Jehans Chandos^ qui menoient Tavantgarde^
approcièrent. Dont il avint que li dus de Lancastre
dist à monsigneur Guillaume de Biaucamp : a Yesià
nos ennemis^ mes vous me verés au jour d'ui bon
chevalier^ ou je morrai en le painne. »
10 En ces paroUes , il approcièrent et li Espagnol ossi
et assamblèrent de premiers li bataille dou duch de
Lancastre et de monsigneur Jehan Chandos à le ba-
taille monsigneur Bertran de Claiekin et dou mares-
chai d'Audrehen , où bien avoit quatre mil hommes
15 d'armes.
§ 580. A l'assambler de ceste bataille dont je vous
parolle^ eut de premier encontre grant bouteis de
lances et grant estekeis, et furent grant temps en un
estaty ançois que il peuissent entrer li un dedens Tau-
20 tre. Là eut fait tamainte grant apertise d'armes , et
maint homme reversé et jette par terre , qui onques
puis ne se relevèrent. Quant ces deuj^ premières ba-
tailles furent assamblées, les aultres ne veurent mies
séjourner, mes s'approcièrent et boutèrent ensamble
25 vistement. Et s'en vint li dis princes de Galles assam-
bler à le bataille dou conte dan Tille et dou conte
Sanse , et là estoit li rois dans Piètres de Castille et
messires Martins de le Rare qui representoit le roi
de Navare. Dont il avint ensi que, quant li princes et
30 ses gens approcièrent sus le bataille dou conte dan
Tille, li dis contes dan Tilles ressongna et se parti
[i367] LIVRE PREMIER, S ^BO. 37
sans arroi ne riens combatre^ on ne scet qu'il H falli^
et bien deux] mil hommes à cheval de se route. Si
fu ceste seconde bataille tantost ouverte et desconfîte;
car li captaus de Beus et li sires de Cliçon et leurs
gens vinrent sus chiaus de piet de le bataille dou 5
conte dan Tille ^ et les occirent et mehagnièrent et
abatirent et en fisent grant esparsin.
Adonc se radreça li bataille dou prince et dou roy dan
Piètre sus le bataille dou roy Henri^ où plus avoit de ^
quarante mil hommes^ c'a piet^ c'a cheval^ et là com- lO
mença la bataille , et li estours grans et fors de tous
costés; car cil Espagnol et Cateloing avoient fondes,
dont il jettoient pierres et effondroient hyaumes et
bachinés^ de quoi il mehagnièrent et occirent tamaint
homme. Là fu grans li bouteb entre les batailles des 15
lances et des glaves, et y eut maint homme occis et
mehagnié et mis par terre. Là traioient archier d'En-
gleterre, qui de ce sont coustumier^ moult aigrement^
et bersoient ces Espagnole et mettoient en grant
meschief. Là crioit on d'un lés : « Castille au roy 20
c Henri ! » et d'autre part : « Saint Goi^e I Giane I y>
Et encores se combatoient les premières batailles,
cestes dou duch de Lancastre et de monsigneur Jehan
Chandos^ et des deus mareschaus, monsigneur Gui-
chart d'Angle et monsigneur Estievene de Cousenton^ 25
à monsigneur Bertran de Claiekin et les chevaliers
de France et d'Arragon. Là y eut fait tamainte grant
apertise d'armes^ et furent li un et li aultre moult
fort à ouvrir et à entamer. Et tenoient li pluiseur
leurs lances à deus mains ^ et les boutoient en près- 30
sant l'un contre l'autre , et li aucun se combatoient
de courtes espées et de dages. A ce commencement,
38 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1367]
se tinrent trop bien et se combatirent moult vaillam-
ment François et Arragonnois^ et y couvint les bons
chevaliers d'Engleterre souffrir moult de painne.
Là fU| je vous di, messires Jehans Chandos très bons
5 chevaliers^ et y fîst, desous sa bannière^ pluiseurs
grandes apertises d'armes , et tout en combatant et
reculant ses ennemis^ il s'encloy si avant entre yaus^
que il fu presses et boutés et abatus à terre; et chei
sus lui uns grans homs casteloing^ qui s'appelloit
10 Martins Ferrans^ qui moult estoit, entre les Espa-
gnolzy renommés d'outrage et de hardement. Cils
mist grant entente à occire monsigneur Jehan Chan-
dos , et le tint desous lui en grant meschief. Adonc
s'avisa li dis chevaliers d'un coutiel de plates qu'il
15 portoit à son chaint : si le trait et feri tant ce dit
Martin ou dos et ens es costes , que il li embara ou
corps, et le navra à mort^ estant sur lui^ et puis le
reversa d'autre part. Si se leva li dis messires Jehans
Chandos au plus tost qu'il peut^ et ses gens furent
20 tout appareilliet autour de lui^ qui à grant painne
avoient rompu la presse là où il estoit cheus.
§ 581 . Che samedi au matin, entre Nazres et Na-
varet, fu la bataille durement grande , felenesce et
horrible , et moult y eut de gens mis en grant mes-
25 chief. lÀ fu li princes de Galles bons chevaliers , et
li dus de Lancastre ses frères, et messires Jehans
Chandos^ messires Guichars d*Angle, li captaus de
Beus^ li sires de Cliçon, li sires de Ray s, messires
Hues de Cavrelée, messires Eustasses d'Aubrecicourt,
30 messires Gautiers Huet^ messires Mahieus de Gour-
nay , messires Loeis de Harcourt , li sires de Pons , li
11367] LIVRE PREMIER, $ 581. 39
sires de Partenay. D'autre part, se eombatoîent H
Gascon^ li contes d'Ennignach^ li sires de Labreth,
li sires de Pumiers et si frère, li sires de Moucident,
li sires de Rosem , li contes de Pieregorth , li contes
de Commignes , li viscontes de Rarmain ; li sires de 5
Condon, li sires de I^espare^ li sires de Chaumont^
messires Bietremiex de Taride^ li sires de Pincomet^
messires Bernardet de Labreth , sires de Geronde ,
messires Aymeris de Tarste^ li soudis de Lestrade,
messires Petiton de Courton et pluiseur aultre che- lo
valier et escuier^ qui s'acquittoient en armes à leur
loyal pooir.
Desous le pennon saint Jorge et le banière de
monsigneur Jehan Chandos^ estoient les Compa-
gnes, où bien avoit douze cens pennonchiaus. Là y irj
avoit des bons chevaliers et escuiers^ durs^ hardis et
appers^ telz que monsigneur Perducas de Labreth,
monsigneur Robert Ceni^ monsigneur Robert Briket,
monsigneur Garsis dou Chastiel , monsigneur Gail-
lart Vighier, Jehan Cressuelle, Naudon de Bagherant^ 20
Âymenion d'Ortige, Perrot de Savoie, le bourch
Camus ^ le bourch de I^espare, le bourc de Bretuel^
Espiote et Lamit et pluiseur aultre. Si vous di que
messires Bertrans de Claiekin et messires Emouls
d'Audrehen et li contes Sanses et messires Gommes 25
Garils, et li chevalier de France et d'Arragon, qui se
combatoient à ces routes , ne l'avoient mies d'avan-
tage , car ces Compagnes estoient et sont gens dure-
ment fait et usé d'armes.
Et encores estoient là grant fuison de bons che- ?o
valiers et escuiers d'Engleterre desous le banière
dou duch de Lancastre et ceste de monsigneur Jehan
40 CHRONIQUES DE J. FROISSÂRT. [1367]
Chandos. Car là estoient messires Guillaumes de
Biaucamp^ filz au conte de Warvich, messires Raoulz
Camois , messires Gautiers Oursvich , messires Thu-
mas de Daimeri^ messires Thumas de Graindson,
5 messires Jehans dlppre, messires Aymeris de Ro-
chewart , monâigneur Gaillart de le Motte et plus de
deus cens^ tous chevaliers, que je ne puis mies tous
deviser.
Ossi^ à parler justement d'armes, li dis messires
10 Bertrans de Claiekin et li mareschaus d'Audrehen
et messires li Bèghes de Yellainnes^ li sires d'An-
toing, li sires de Brifueil^ messires Gauwains de Bail-
luel^ messires Jehans de Berghètes^ li Bèghes de
Villers , li Alemans de Saint Venant et 11 bon cheva-
15 lier et escuier de France qui là estoient, s'acquit*
tèrent très loyaument. Et sachiés de vérité que, se li
Espagnol en euissent ossi bien fait leur devoir que
cil lisent^ li Englès et li Gascon euissent eu plus à
soufirir que il n'eurent.
20 Se ne demora il mies au roy Henri que il n'en
fesist bien son devoir de combatre vaillamment et
hardiement , et de reconforter et amonnester ses
gens^ et ^^Xev au devant de chiaus qui branloient
et qui fuioient^ en disant ensi : ce Signeur, je sui vos
25 rois. Vous m'avés fait roy de toute Castille^ et juré
et voé que,. pour à morir, vous ne me fiiurrés.
Gardés pour Dieu vostre sierement et ce que vous
m'avés juré et prommis, et vous acquittés envers
moy : je m'acquitterai envers vous, car ja plain piet
30 je ne fuirai , tant que je vous voie combatre. » Par
ces parolles et pluiseurs aultres plainnes de confort
remist li rois Henris trois fois ce jour ses gens en-
[1367] LIVRE PREMIER, S 582. 41
samble , et il meismes de sa main se combati si vail-
lamment^ que on Ten doit bien honnerer et recom*
mender.
§ 582. Moult fu ceste bataille grande et périlleuse,
et moult y eut de gens mors , navrés , estains et me- 5
hagniés. Si portoient ces communautés d'Espagne à
leur usage fondes , dont il jettoient pierres^ et ce
greva au commencement moult les Englès. Mais
quant cilz jès fu passés, et il sentirent ces saiettes, il
ne tinrent puis nul conroy. Si y avoit il en le bataille lO
dou roy Henri grant fuison de bonnes gens d'armes,
tant d*Espagne^ de Lusebonne^ d'Arragon, que de
Portingal , qui s'acquittèrent loyaument et qui ne se
desconfirent mies si tost, mes se combatirent très
vaillamment de lances^ de gisarmes^ d'arcigaies, 15
d'espois et d'espées. Et y avoit encores sus èle, en le
bataille dou dit roy Henri, pluiseurs géniteurs montés
sus chevaus tous armés , qui tenoient leurs batailles
en vertu ; car, quant elles branloient ou se voloient
ouvrir par aucun costé^ cil géniteur qui estoient sus 20
èle, les reboutoient avant et les resviguroient. Si
n'eurent mies li Englès ne li Gascon le journée d'a-
vantage; mes le comparèrent et achatèrent moult
grandement par bonne chevalerie et par grant proèce
et vaillandise d*armes; car, au voir dire, avoech le 25
prince estoit là toute la fleur de la chevalerie dou
monde et li milleur combatant.
Un petit en sus de le bataille dou prince , estoit li
rois James de Mayogres et se route, qui se combatoit
vaillanonent et s'acq uittoit à son loyal pooir. D'autre 90
part, estoit messires Martins de le Rare, qui represen-
42 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1367]
toit le roy de Navare^ qui ossi en faisoit bien son de-
voir. Je ne puis mies de tous les bons parler; mes, là
dalés le prince et en sa bataille^ avoit pluiseurs bons
chevaliers^ tant d'Engleterre comme de Gascongne^
5 monsigneur Richart de Pontchardon^ monsigneur
Thumas le Despensier, monsigneur Thumas de Hol-
landes, monsigneur Neel Lorinch, monsigneur Hue et
monsigneur Pfaelippe de Courtenay^ monsigneur Je-
han Trivet^ monsigneur Nicolas Bonde et monsigneur
10 Thumas Trivet et pluiseurs aultres , telz que le se-
neschal de Saintonge^ monsigneur fiauduin de Frai-
ville , le seneschal de Bourdiaus , le seneschal de le
Rocelle^ le seneschal d'Aginois^ le seneschal de Poito,
le seneschal d'Angouiesmois^ le seneschal de Roei^e^
15 le seneschal de Limosin^ le seneschal de Bigorre^
monsigneur Loeis de Melval^ monsigneur Raymon
de Marueil et pluiseurs aultres.
Et saciés que nulz ne s*i faindoit de bien combatre^
et ossi il trouvoient bien à qui ; car Espagnol et Ca-
20 tellain estoient priés de cent mil testes armées^ siques
la grant quantité de peuple les tenoit en vertu, et ne
pooit estre qu^il n^en euist des bien combatans et bien
faisans à leur pooir. Là estoit li rois dan Piètres moult
escaufés, et qui durement desiroit à trouver et à en-
25 contrer son frère le bastart Henri, et disoit : « Où est
cilz filz de putain, qui s'appelle rois de Castille? » Li rois
Henris se combatoit d'autre part moult vaillamment,
et tenoit ce qu'il pooit ses gens en vertu, et leur
disoit : « Bonnes gens, vous m'avés fait roy et cou-
30 ronné roy. Aidiés moy à deffendre et garder l'iretage
dont vous m'avés ahireté. » Telz parolles et aultres,
que ce jour il leur dist , en fisent pluiseurs hardis et
[1367] LIVRE PREMIER, § S83. 43
yaillans^ et demorer sus les camps ^ qui pour leur
honneur ne daignoient fuir.
§ 583. La bataille et la route ^ qui fu le mieulz
oombatue et plus entettement^ ce fu ceste de monsi-
gneur Bertran de Claiekin ; car là estoient droites 5
gens d'armes qui se combatoient et vendoient à leur
loyal pooir, et là furent faites pluiseurs grans apertises
d'armes. Et par especial, messires Jehans Chandos y
fu très bons chevaliers, et consilla et gouvrena ce
jour le duch de Lancastre en tel manière comme il lo
fîst jadis son frère le prince de Galles, à le bataille de
Poitiers, de quoi il fu moult honnourés et recom-
mendés, ce fu bien raisons, car un vaillant homme
et bon chevalier, qui ensi s'acquitte envers ses si-
gneurs, on le doit moult recommender. Et n'entendi 15
ce jour onques à prendre prisonnier de sa main, fors
au combatre et toutdis aler avant. Si furent pris de
ses gens et desous sa banière pluiseur bon chevalier
et escuier de France et d'Arragon , et par especial
messires Bertrans de Claiekin, messires Emoulz d'Au- 20
drehen et messires li Bèghes deVellainnes et plus
de soissante bons prisonniers. Finablement , la ba- <
taille à monsigneur Bertran de Claiekin fu desconfite,
et furent tout mort et pris sans recouvrier chil qui y
estoient, tant de France comme d'Arragon. Et là fu 25
mors li Bèghes de Yillers, et pris li sires d'Antoing
en Haynau, et li sires de Brifueil et messires Gauwains
de Bailluel, messires Jehans de Berghètes, messires
li Alemans de Saint Venant et moult d'aultres.
Adonc s'en revinrent ces banières et cil pennon, la 30
banière dou duch de Lancastre, la banière monsigneur
kk CHRONIQUES DE J. FROISI^T. [1367]
Jehan Chandos et le banière des mareschaus et le pen-
non saint Jorge, sus la bataille dou roy Henri^ en es-
eriant à haute vois : « Saint Jorge ! Giane ! » J^rs fu-
rent Espagnol et cil de leur costé moult fort rebouté.
5 Là veist on monsigneur le captai de Beus et le signeur
de Cliçon bien combatre; et^ d'autre part, monsigneur
Eustasse d'Aubrecicourt, monsigneur Hue de Cavre-
lée, monsigneur le soudich , monsigneur Jehan d'E-
vrues^ furent là bons chevaliers. Là estoit li princes
10 en bon convenant , qui se moustroit bien estre uns
sires et uns bons chevaliers , et requeroit et comba-
toit ses ennemis de grant volenté.
D'autre part^ li rois Henris, en tous estas, se acquitta
très vaillamment^ et recouvra et retourna ses gens par
15 trois fois. Car, très donc que li contes dan Tilles et bien
troi mil à cheval se partirent^ se commencièrent li
aultre moult à desconfîre, et s'en voloient li plus partir
et fuir. Mes li dis rois Henris leur avoit aie au devant^
en disant : <« Biau signeur^ que faites vous ? Pourquoi
20 me volés vous ensi guerpîr et trahir , qui m'avés fait
roy et mis le couronne ou chief et Tiretage de Cas-
tille en le main ? Retournés vous et le m'aidiés à
calengier et deffendre^ et demorés dalés moy : la
journée^ par la grasce de Dieu^ sera à nous. » Siques
25 par telz parolles et telz reconfors, encoraga les plui«
seurs et fist combatre longement et là demorer, qui
n'osoient de honte fuir, quant il veoient leur roy et
leur signeur devant yaus. Et moururent plus de mil
et cinq cens, qui se fuissent bien sauvet autrement et
30 eussent pris le temps bien à pdint et à leur avantage.
§ 584. Quant la bataille des mareschaus de France
[i367] LIVflE PRETER, § K84. 45
fil outrée et desconfîte^ et toutes les trois grosses ba-
tailles des Englès remises ensamble , li Espagnol ne
peurent ce fais souflrir ne porter ; mes se commen-
eièrent à ouvrir, à fuir et yaus desconfîre, et retraire
moult effraeement et sans arroi devers la cité de 5
Nazres et le grosse rivière qui là couroit ; ne , pour
cose que li rois Henris desist ne criast à yaus^ il ne
veurent retourner. Quant li dis rois Henris vei le pes-
tilense et le desconfiture sus ses gens ^ et que point
de recouvrier nH avoit, si demanda sen cheval, et lO
monta apertement et se bouta entre les fuians, et ne
prist mies le chemin de le rivière ne de le cité de
Nazres, car pas ne s'i voloit enclore, mes une aultre
voie f en eslongant tous perilz : de tant fu il bien
avisés y car assés sentoit et cognissoit que, se il estoit 15
pris, il seroit mors sans merci.
Adonc montèrent Englès et Gascon as chevaus, et
commencièrent à cachier et à encauchier Espagnole
et Cateloins, qui s'en fuioient tout desconfi jusques à
la grosse rivière et à l'entrée dou pont de la cité de 30
Nazres. Là eut grant hisdeur et grant efiîision de sanc
et moult de gens occis et noiiés ; car li plus saloient
en Taigue, qui estoit rade, noire et hideuse, et s'a-
voient plus chier li aucun à noiier que ce qu'il fuissent
occis d'espée. En celle fuite et cace, avoit entre les 25
dultres deux vaillans hommes d'Espagne, chevalier
d'armes et portant abit religieus, dont li uns s*appel-
loit li grans prieus de Saint Jame , et li aultres , ji
grans mestres de Caltrave.
Cil et une partie de leurs gens se traisent , pour 30
estre à sauveté, devers le cité de Nazres, et furent
de si priés poursivi, que Englès et Gascon à leur
46 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1367]
dos conquisent le dit pont. Et là eut grant oceision,
et entrèrent en la cité avoecques les dessus dis,
qui estoient bouté en une forte maison ouvrée et
mâchonnée de pierre, mais tantos fu conquise, et li
5 dessus dit chevaliers pris^ et moult de leurs gens
mors^ et toute la ditte cité courute , où pillart fîsent
grandement leur pourfit. Et ossi fîsent il ou logeis le
dit roy Henri et des Espagnolz. Et moult y trouvèrent
cil qui premièrement se traisent celle part, moult de
10 vaisselle d'argent et de bons jeuiaus; car li dis rois
Henris et ses gens y estoient venu très efibrceement et
en très grant arroi. Et quant ce vint à le desconfi-
ture , il n'eurent mies loisir de retourner celle part
et de mettre à sauveté ce que au matin laissiet y
15 avoient.
Si fu ceste desconfiture moult grande et moult hor-
rible, et par especial saciés que, sus le rivage, il y eut
moult de gens mors. Et disent adonc li aucun, si com
je Foy depuis recorder chiaus qui y furent, que on
20 vei l'aiguë au quai desous Nazres, rouge dou sanch
des hommes et des chevaus, qui là furent mors et
occis. Ceste bataille fu entre Nazres et Navaret , en
Espagne, en l'an de l'incarnation Nostre Signeur
mil trois cens soissante et six, le tierch joijr dou mois
25 d'avril, et ce jour fu samedis.
§ 585. Apriès le desconfiture de le bataille de
Nazres , qui fu toute passée entre nonne et remon-
tière , li princes de Galles fist mettre sa banière en
un buisson tout hault sus une petite montagne pour
30 ralloiier ses gens, et là se recueilloient et rassam-
bloient tout chil qui de le cache revenoient. Là vin-
[i367] UVRE PREMIER, § 585. 47
rent li dus de Lancastre ^ messires Jehans Chandos y
li sires de Cliçon^ li captaus de Beus^ et puis li contes
d'Ermignach , li sires de Labreth et tout li baron ,
et levoient en hault leurs banières pour recuellier
leurs gens^ et se rengoient sus les camps à le mesure 5
qu'il venoient. Là estoit ossi messires James^ rois de
MaiogreSy se banière devant lui^ où ses gens se re-
cueilloient , et un petit plus en sus messires Martins
de le Rare , le banière son signeur le roy de Navare
qu'il representoit^ devant lui, et ensi tout li conte et 10
tout li baron : laquele cose estoit belle à regarder et
considérer.
Adonc vint li rois dan Piètres tous escaufés^ qui
revenoit de le cace, montés sus un noir coursier,
se banière armoiie de Castille devant lui, et des- 15
cendi à terre si tretost que il perçut le banière dou
prince^ et se traist celle part. Li dis princes, quant
il le vei venant^ s'avança^ pour lui honnourer^
contre li. Là se volt li rois dans Piètres agenouiller, .
en remerchiant le dit prince; mes li princes se hasta 20
moult de le prendre par le main, et ne le volt mies
consentir. Là dist 11 rois dan Piètres : « Chiers sires
et biaus cousins , je vous doi moult de grasces et de
loenges donner pour la belle journée que j'ai hui eu
et par vous. » Dont respondi li princes moult avisée- 25
ment : « Rendes ent grasces à Dieu et toute loenge y
car la victore vient de li et non de moy. »
Lors se traisent ensamble là endroit li signeur dou
conseil dou prince , et parlèrent d'autres besongnes.
Et fu là tant li dis princes^ que toutes leurs gens furent 30
revenu de le cace, et qu'il eut ordonné quatre cheva-
liers et quatre hiraus à aler par les pamps, pour aviser
48 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1367]
quel gent de pris et quel quantité y estoient mort et
demoré , et ossi pour savoir le vérité dou roy Henri^
qu'il appelloient entre yaus le bastart , se il estoit
mors ou non ; car encores n'en savoient il noient.
5 Apriès ceste ordenanee^ li princes et ses gens se ava-
lèrent ens es logeis le dit roy Henri et des Espagnolz.
Si s'espardirent par ordenance tout partout^ et se lo-
gièrent bien et aisiement; car li dit logeis estoient
grant et estendut^ et moult i trouvèrent largement de
10 bonnes pourveances , dont il avoient eu grant souf-
freté. Si soupèrent et se tinrent ce soir, ce poés vous
bien savoir , en grant reviel.
Apriès souper^ revinrent li chevalier et li hiraut^
qui avoient cerchié les camps et viseté les mors. Si
15 rap'ortèrent , par compte^ que cinq mil et soissante
hommes d'armes^ Espagnolz et François^ y estoient
demoret^ mais point n'i estoit trouvés li rois Henris :
de quoi li rois dans Piètres n'estoit mies plus liés. Et
entre ces hommes d'armes^ il n*avoient trouvé que
20 quatre de leurs chevaliers mors^ dont li doi estoient
Gascon^ li tiers Alemans et li quars Englès, messires
Raoulz de Ferrières; et encores mors^ de commu-
nautés, environ sept mil et cinq cens, sans chiaus qui
furent noiiet^ dont on ne poet savoir le nombre^ et
25 des leurs environ vingt arciers et quarante aultres
% hommes. Si se tinrent là y ce samedi^ dou soir, tout
aise. Bien trouvèrent de quoi y vins et viandes , bien
et plentiveusement^ et s'i rafreschirent, et le dimence
tout le jour^ qui fu li Paske florie.
30 § 586. Le dimence au matin^ à heure de prime,
quant li princes fu levés et appareilliés^ si issi devant
[1367] LIVRE PREMIER, § 586. 49
son pavillon. Adonc vinrent devers lui li dus de I.an-
castre, ses frères, li contes d'Ermignaeh, U sires de
Labret , messires Jehans Chandos , li captaus de
Beus, li sires de Pumiers, messires Guîchars d'Angle,
li rois de Maiogres, ses compères, et grant fuison de 5
barons et de chevaliers. Assés tost apriès, vint devers
le prince li rois dans Piètres de Castille, auquel li dis
princes faisoit toute honneur et reverense. Si se
avança de parler li rois dans Piètres, et dist ensi :
« Chiers et ^biaus cousins , je vous pri et requier en 10
amisté, que vous me voelliés délivrer les mauvais
traïtteurs de mon pays, mon frère Sanse le bastart et
les aultres ; si les ferai decoler, car bien Font des-
servi. »
Adonc s'avisa li princes, et dist ensi au roy dan 15
Piètre , qui ceste requeste avoit fait : « Sire rois, je
vous pri et requier, en nom d'amour et par linage,
que vous me donnés et acordés un don. » Li rois
dan Piètres, qui nullement ne li euist refusé, li acor-
da et dist ensi : « Mon cousin , tout ce que jou ay, 20
est vostre. » I^rs dist li princes : « Sire rois, je vous
pri que vous'pardonnés à toutes vos gens, qui vous ont
estet rebelle , vos mautalens. Si ferés bien et cour-
toisie, et si en demorrés plus à pais en vostre dit
royaume, excepté Gomme Garilz : de cesti voeil jou 25
bien que vous faciès vo volcnté. » Li rois dans Piè-
tres li acorda ceste requeste ; mes fu moult à envis.
Nonpourquant, il ne l'i osa escondire, tant se sentoit il
tenus à lui, et dist : c< Biaus cousins, je le vous acorclo
bonnement. » 20
Là furent mandé tout li prisonnier d'Espagne ,
qui estoient en l'ost, devant le prince, et là les acor-
VII — 4
50 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1367]
da li dis princes au roy dan Piètre leur signeur, et
baisa le conte Sanse son frère, et li pardonna son
mautalent^ et ensi tous les aultres. Et parmi tant^
il li eurent en couvent et jurèrent feaulté^ hommage
5 et service à tenir bien et loyaument à tousjours
mes y et devinrent si homme ^ et le recogneurent à
roy et à signeur. Geste courtoisie, avoech pluLseurs
aultres, li fîst li princes, lesqueles depuis il recogneut
et desservi assés petitement , si com vous orés avant
10 en Tistore. Et ossi li dis princes fîst grant courtoisie
as barons d'Espagne, qui prisonnier estoient; car, se
li rois dans Piètres les euist tenus en son aïr, il les
euist tous fait morir sans merci. Là li f u délivrés
messires Gomme Garilz , douquel il n*euist pris
15 nulle raençon , tant fort le haioit : si le fîst decoler
devant ses y ex au dehors des logeis.
Tantost apriès messe et boire, li rois dan Piètres
monta à cheval , et li contes Sanses ses frères et li
mestres de Caletrave et tout cil qui si homme es-
20 toient devenu, et li doi mareschal messires Guiçars
d'Angle et messire Estievenes de Cousentonne et bien
cinq cens hommes d'armes, et se partirent de l'ost
et dou prince et chevaucièrent viers Burghes. Si y
vinrent le lundi au matin. Cil de le ville de Burghes,
25 qui enfourmé estoient de toute la besongne comment
elle avoit aie et de le desconfiture dou roy Henri,
n'eurent mies conseil ne volenté d'yaus clore contre
le roy dan Piètre; mes vinrent pluiseur riche homme
et li plus notable au dehors de le ville, et li presen-
30 tèrent les clés et le rechurent à signeur, et le menè-
rent et toutes ses gens en le ditte ville de Burges à
grant joie et solennité.
[1367] LIVRE PREMIER, § 887. 51
Ce dimence , tout le jour^ se tint li princes ens es
logeis que il avoit trouvés et conquis^ et le lundi apriès
boire il se desloga, et toutes ses gens^ et s'en vinrent
ce jour logier à Barbesque. Si y furent jusques au
merkedi que il s'en vinrent tout devant Burghes, et 5
entra li dis princes en le ville à grant reverense , et
ossi li dus de Lancastre^ li contes d'Ermignacb et
aucun grant signeur; et leurs gens tinrent leurs logeis
sus les camps au dehors de Burghes, car tout ne
peuissent mies estre entré en le ville ne bien aisiet. 10
Et proprement li dis princes venoit tous les jours en
son logeis et là rendoit et faisoit jugemens d'armes
et de toutes coses à. ce apartenans, et y tint gage et
camp de bataille^ par quoi on poet bien dire que
toute Espagne fu un jour à lui et à son obéissance. 15
§ 587. Li princes de Galles et li rois dan Piètres
tinrent leurs Paskes en le ville de Burghes , et y sé-
journèrent, que là environ, plus de trois sepmainnes.
En ce séjour, vinrent cil d'Esturges, de Toulette, de
Luzebonne , de Ck)rdewan , de Galisse , de Seville et 20
de toutes les marces et limitations dou royaume de
Castille, faire hommage au roy dan Piètre. Et le vint
veoir et le dit prince cilz loyaus chevaliers de Cas-
tille, dan Ferrans de Castres, liquels fu des dessus dis
festés et honnourés et veus moult volentiers. 25
Quant li rois dan Piètres eut là séjourné ce terme que
je vous di et plus, et qu'il eut veu et entendu que nuls
n'estoit mais rebelles à lui , mais en se obéissance , li
princes de Galles, par le information de ses gens et
pour faire ce qu'il apertenoit , li dist : « Sire rois , 30
Dieu merci, vous estes sii'cs et rois de vostre pays, et
52 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [4367]
n'î sentons mes nul rebelle, qne tout n'obéissent à
vous, et nous séjournons chi à grant fret. Si vous di-
sons que vous querés argent pour paiier chiaus qui
vous ont remis en vostre royaume, et nous tenés vos
5 couvens , ensi que juré et seelé Pavés : si vos en sa-
rons gré. Et com plus briefinent le ferés, tant y
ares plus de pourfit; car vous savés que gens d'ar-
mes voelent vivre et estre paiiet de leurs gages, où
que il soit pris. »
10 A ces paroUes respondi li rois dan Piètres, et
dist : « Sire cousins, nous tenrons et acomplirons
à nostre loyal pooir volentiers ce que juré et seelé
avons, mais tant qu'en présent, nous n'avons point
d'argent ; si nous trairons en le marce de Seville :
15 là en procurrons nous tant que pour bien satis-
faire partout. Si vous tenrés chi ou ou Val d'Olif , où ,
il y a encores plus grasse marce , et nous retourrons
devers vous, au plus tost que nous porons, et au plus
tart dedens le Pentecouste. » Geste response plaisi
20 adonc moult bien au prince et à son conseil.
Si se parti depuis assés briefment li rois dans Piètres
dou dit prince, et chevauça devers le cité de Seville,
sur le intention de ce que pour procurer et impetrer
. argent, ensi que couvens se portoit. Et li princes s'en
25 vint logier en le ville dou Val d'Olif, et tout li signeur
et ses gens s'espardirent sus le pays, pour trouver
et avoir vivres et pourveances pour yaus et pour leur
chevaus plus largement. Si y séjournèrent à peu de
pourfit, car les Compagnes ne se pooient tenir de
30 pillier.
§ 588. Or furent esparses ces nouvelles en France,
[i367J LIVRE PREMIER, § 588. 53
en Engleterre, en Alemagne et en tous pays, que li
princes de Galles et se poissance avoîent desconfi par
bataille le roy Henri, et mort et pris ou cachiet en voies
ou noiiet, à ce jour que la bataille fu dalés Nazres,
plus de cent mil hommes. Si en fu li dis princes re- 5
nommés et honnourés de bonne chevalerie et de
haute emprise , en tous les lieus et marces où on en
ooit parler, et par especial en l'empire d*Alemagne et
ou royaume d'Engleterre. Et disoient li Alemant , li
Thioîs, li Flamenc et li Englès, que li princes de lo
Galles estoit la fleur de toute la chevalerie dou monde,
et que uns telz princes estoit dignes et tailliés de
gouvrener tout le monde, quant par sa proèce il
avoit eu trois si hautes journées et si notables : la
première à Creci en Pontieu; la seconde, dix ans 15
apriès, à Poitiers; et la tierce, ossi dix ans apriés, en
Espagne, devant la cité de Nazres.
Si en fisent en le cité de Londres, en Engleterre, li
bourgois de la ditte ville le solennité toute sus, pour le
victore et le triumphe, ensi que anciennement on faisoit 20
pour les rois qui a voient obtenu place et desconfis leurs
ennemis. Si furent en France regreté et lamenté li bon
chevalier de leur royaume, qui avoient estet mort et
pris à le journée, et par especial messires Bertrans
de Claiekin et messires Ernoulz d'Audrehen. Si fine- 25
rent il depuis moult courtoisement, et furent li aucun
mis à finance ; mes messires Bertrans de Claiekin ne
le fu mies si tost , car messires Jehans Chandos qui
estoit ses mestres, ne le voloit point délivrer, et ossi
li dessus dis messires Bertrans n'i pressoit point 30
plenté. Or vous parlerons un petit dou roy Henri et
comment il persévéra, quant il se parti de le bataille.
54 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1367]
et puis retourrons au prince et au roy daa Piètre de
Castille.
§ 589. Li rois Henris, si eom chi dessus est dit^ se
sauva au mieulz qu'il peut , et eslonga ses ennemis ,
5 et enmena sa femme et ses enfans^ au plus hastee-
ment qu'il peut, en le cité de Valence en Ârragon, là
où li dis rois d'Arragon se tenoit, qui es toit ses com-
pères et ses amis , auquel il recorda toute sen aven-
ture , et pour lequele li dis rois d'Arragon fu moult
10 courouchiés.
Assés tost apriès, li rois Henris eut conseil que
il passeroit oultre et iroit veoir le duc d'Ango, qui
pour le temps se tenoit à Montpellier, et li re-
corder oit ossi se mesescance, Cilz avis plaisi bien
15 au dit roy d'Arragon, et consentoit bien que il se
partesist, pour tant qu'il estoit ennemis au prince,
qui li estoit encores trop priés voisins. Si se parti li
dis rois Henris dou roy d'Arragon, et laissa en le cité
de Valence sa femme et ses enfans, etesploita tint
20 par ses journées , que il passa Nerbonne qui est la
première cité dou royaume de France à ce lés là , et
puis Besiers et Loupian et tout le pays, et vint à
Montpellier. Là trouva il le duc d'Ango qui moult
l'amoit et qui trop fort haoit les Englès, quoique il
25 ne leur fesist point de guerre : liquelz dus , qui tous
enfourmés estoit de Tafaire le rov Henri, le rechut et
recueilia moult liement et le reconforta de ce qu'il
peut; et fu avoecques lui une espasse de temps, et
vint en Avignon veoir le pape Urbain V", qui se devoit
80 partir et aler à Romme, ensi qu'il fist.
Depuis retourna li dis rois Henris à Montpellier de-
[1367] LIVRE PREMIER, g 8d9. 85
vers le duch d'Ango, et eurent conseil et trettiés ensam-
ble. Et me fut adonc dit et recordet par chiaus qui en
cuidoient bien aucune cose savoir, et depuis on en vei
l'apparant ^ que li rois Henris acata ou emprunta au
duch d'Ango un chastiel séant dalés Tholouse, sus les 5
frontières de le princeté, lequel chastiel on appelle
Rokemore. LÀ recueilla il et assambla gens, Bretons et
aultres , de Compagnes , qui n'estoient point passet
oultre en Espagne avoech le prince , et furent à ce
commencement environ trois cens. 10
Ces nouvelles vinrent à madame la princesse qui
se tenoit à Bourdiaus^ que li rois Henris pourcaçoit
confort et ayde de tous costés , pour faire guerre à
le prinçauté et ducé d'Acquitainne; si en fu toute
esbahie , et pour tant qu'il se tenoit encores sus le 15
royaume de France , elle en escrisi et envoia grans
messages par devers le roy de France , en lui sup-
pliant moult chierement que il ne vosist mies con-
sentir que li bastars d'Espagne li fesist guerre et euist
son retour et son ressort en France , car trop grans 20
mauls en poroit nestre et venir, Li rois Charles de
France descendi legierement à le priière le princesse
et envoia message quoiteusement devers le bastart
Henri, qui se tenoit en ce chastiel de Rokemaure, sus
les frontières de Montalben , et qui commençoit ja à 25
heriier le pays d'Acquitainne et la terre dou prince ,
en lui mandant et commandant qu'il ne fesist, lui
estant ne sejornant sus son royaume^ point de guerre
à le terre son chier neveu le prince de Galles et d'Ac-
quittainnes. Et encores^ pour donner plus grant exem- 30
pie à ses gens que point ne se aherdesissent avoech
le bastart Henri , il fist le jone conte d'Auçoirre sder
S6 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1367]
tenir prison ens ou chastiel dou Louvre, pour tant
que il estoit en grans trettiés devers le roy Henri, et
y devolt aler à tout grant geat d'armes, ce disoit on :
|)our ce li fist li rois brisier son pourpos.
b Au mandement dou roy de France obel li rois Henris,
ce fu bien raisons; mais pour ce ne laissa il mies à faire
se emprise, et se parti de Rokemaure à tout bien quatre
cens Bretoas. Si estoient alloiiet et ahers avoecqucs
lui cil chevalier et escuier breton qui chi s'ensievent :
10 messires Ernoulz Limozins, messîres JoETrois Richon,
' messires Yons de Lakonet, messires Selevestre Bude,
Aliot de Talay et Alains de Saint Pol. Et vinrent ces
gens d'armes, Breton et aultre, à chevauçant rade-
ment, parmi les montagnes, et entrèrent en Bigorre,
15 en le princeté, et prisent de nuit et eschiellèrent une
ville que on appelle Baniers : si le fortefiièrent et
remparèrent bien et fort, et puis chevaucièrent en le
terre dou prince, et le commencièrent à courir, et y
portèrent grant dftmage. Mais la princesse y envoia
30 au devant monsigneur Jame d'Audelëe, qui estoit
demorés en Aquittainne tous souverains et gouvre-
nères pour garder le pays. Non obstant ce, se y fisent
li rois Henris et li Breton moult de damage, car tous-
jours leur croissoîent gens.
25 Or retourrons nous au prince de Galles et à ses
gens qui se tenoient ou Val d'Olif et là environ , en
attendant la revenue dou roy dan Piètre, qui point
ne revenoit ne tenoît son jour, ensi aue dit avoit .
dont li princes estoit tous a
80 § 590. Quant li princes (
Val d'Olif jusques à te Sair
[i367] LIVRE PREMIER, § 590. 57
et encores oultre, attendans le roy dan Piètre, qui
l^oint ne revenoit , ne de lui nulles certainnes nou-
velles il n*ooit, si fu moull merancolieus, et mist son
conseil ensamble, pour savoir quel cose en estoit
bonne à faire. Si fu li princes consilliés que il en- 5
voiast deux ou trois chevaliers des siens devers le dit
roy, pour li remoustrer ces besongnes et demander
pourquoi il ne tenoit son couvent et son jour, ensi
que ordonné avoit. Si furent priiet d'aler devers le
roy dan Piètre messires Neel Lorinch , messires Ri- 10
eliars de Pontchardon et messires Thumas BaJastre.
Si esploitièrent tant li chevalier dou prince , et che-
vaucièrent tant par leurs journées, que il vinrent en
le cité de Seville , là où li rois dan Piètres se tenoit ,
qui les rechut par samblant assés liement. Cil cheva- 15
lier lisent leur message bien et à point, tout ensi que
cargié estoient de par leur signeur le prince. Li rois
dans Piètres respondi à ces paroUes^ en lui escusant^
et dist : « Certes , signeur, il nous desplaist grande-
ment de ce que nous ne poons tenir ce que en cou- 20
vent ayons à nostre cousin le prince. Si l'avons nous
par pluiseurs fois remoustré et fait remoustrer à nos
gens ens es marces par de deçà ; mes nos gens s'es-
cusent, et dient ensi que il ne poeent faire point d'ar-
gent ne ne feront^ tant que ces Compagnes soient sus 25
le pays. Et ja ont il ruQt jus et tout desrobés trois ou
quatre de nos trésoriers qui portoient finance devers
nostre cousin le prince : se li dires, de par nous^ que
nous le prions que il se voeille retraire et mettre hors
de nôslre royaume ces maleoites gens de Compagnes, 30
et nous laisse par de deçà aucuns de ses chevaliers^
asquelz, ou nom de lui , nous paierons et deliverons
58 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1367]
l'argent tel qu'il le demande^ et où nous sommes
tenu et obligiet. » Ce fu toute la finable response
que li messagier dou prince en peurent avoir. Si se
partirent dou roy dan Piètre et retournèrent arrière
5 devers le prince ou Val d*01if. Se li comptèrent et à
son conseil tout ce que oy et trouvé avoient : de
laqueie response li dis princes fu plus merancolieus
que devant^ et vei bien que li rois dan Piètres li
defalloit de couvent et varioit de raison à faire.
10 En ce séjour que li dis princes fist ou Val d'Olif, où
il fu plus de quatre mois, tout l'estet ensievant^ ajut
tous quois malades au lit li rois de Mayogres , dont
li princes 'fu moult courouciés. Ossi furent là mis à
finance et rançonné messires Emouls d'Audrehen,
15 messires li Bèghes de Yellainnes et pluiseur chevalier
de France et de Bretagne y qui avoient esté pris à le
besongne de Nazres^ et escangiet pour monsigneur
Thumas de Felleton , pour monsigneur Richart Tan-
ton^ pour monsigneur Huge de Hàstinges et pour les
20 aul très ; mes encores[demora ens ou dangier dou prince
messires Bertrans de Claiekin, ne point ne fu ran-
çonnés si tost que li aultre ; , car li Englès et li con-
sauls dou prince disoient ensi que, se il estoit ran-
çonnés ne délivrés, il feroit de recief plus forte
S5 guerre quejdevant, avoech le bastart Henri : douquel
li princes estoit ja enfourmés que il estoit en Bigorre,
et avoit pris le ville de Baniers et guerrioit et herioit
durement son pays; pour laquel cose la délivrance
à monsigneur Bertran n'estoit pas si belle ne si has-
30 tieve, et tout li couvenoit porter.
§ 591 . Quant li princes de Galles oy les escusances
[1367] LIYRE^PREBIIER, ^ 59i. 89
dou roy dan Piètre ^^si fu plus pensieus que devant^
et en demanda à avoir conseil. Ses gens^ qui desiroient .
moult à retourner, car il portoient à grant meschief
le caleur et Tair dou pays d'Espagne, et meismement
li princes en estoit tous pesans et maladieus , se li 5
consillièrent qu'il retournast et que, se li rois dans
Piètres l'avoit defalli , il faisoit son blasme et sa des-
honneur. Âdonc fu ordonné et anoncié partout que
d'yaus mettre au retour. Quant ce vint sus le mou-
voir et le département, li princes envoia devers le 10
roy de Mayogres à son hostel monsigneur Jehan
Chandos et monsigneur Hue de Ck)urtenay, en li re-
moustrant comment il voloit partir et issir d'Espagne,
si euist sur çou avis; car trop à envis le lairoit der-
rière, ou cas qu'il s'en vorroit retourner. Li rois de 15
Mayogres respondi as dessus dis chevaliers et dist :
K Grant mercis à monsigneur le prince, nostre chier
compère ; mes, tant qu'en présent, je ne poroie souf-
frir le chevaucier ne porter en littière. Se me cou-
vient chi demorer et séjourner jusques au plaisir de so
Dieu. » Adonc parlèrent U chevalier encores , et li
demandèrent : a Monsigneur, et volés vous que mes-
sires li princes vous laisse une quantité de gens d'ar-
mes , pour vous garder et raconduire , quant vous
serés en point de chevaucier? » Il respondi cpie nen- 25
nil et qu'il ne savoit com lonch séjour il feroit. Lors
prisent congiet li doi baron dou roy de Mayogres, et
retournèrent devers leur signeur le prince, auquel il
recordèrent tout ce qu'il avoient esploitié et les res-
ponses dou roy de Mayogres. Li princes respondi et 30
dist : « A le bonne heure. »
Dont se parti li princes et toutes ses gens , et se
(ÎO CHRONIQUES DE J. FROISSART. [13G7]
mist au retour devers une bonne cité, que on dîst
« ÎM'ïdrigay, et là se rafresehi, et puis s'en vint logier
ou val de Sorie , sus le département d'Espagne , de
Navare etd'Arragon. Et là séjourna li dis princes plus
5 d'un mois et toutes ses gens, car aucun passage li es-
toient clos sus les marces d'Arragon. Et disoit on
communément en l'ost que li rois de Navare, qui
nouvellement estoit retournés de se prison , s'estoît
composés au bastart d'Espagne et au roy d'Arragon,
10 et devoit empeechier de tout son pooir le passage et
le retour dou prince et de ses gens; mais il n'en fu
riens, si com il apparut puissedi. Nompourquant, li
Englès et li Gascon et les Compagnes en fisent doubte,
pour tant qu'il estoit en son pays et se ne venoit
15 point devers le prince.
En ce séjour faisant ou val de Sorie , li dis prin-
ces envoia les plus especiaulz de son conseil sus
un certain pas entre Espagne et Arragon, là où li
consauls dou dit roy d'Arragon fu ossi à l'encontre ,
20 et là eurent grans parlemens ensamble et par plui-
seurs journées. Finablement trettiés et conseil se
portèrent telement que li rois d'Arragon deut ou-
vrir son pays pour laissier retourner paisieulement
les gens dou prince; et ossi il dévoient passer sans
25 molesté ne violense faire nul au pays , et paiier cour-
toisement tout ce qu'il prenderoient. Adonc vinrent
li rois de Navare et messires Martins de le Kare
contre le prince, quant il sceurent que li trettiés se
portoît ensi entre le prince et le roy d'Arragon, et
30 li fisent toute Tonneur et reverense qu'il peurent, et
li offrirent doucement passage pour lui et pour son
frère le duch de Lancastre et pluiseurs barons et che-
[1367] LIVRE PREMIER, § 591. 61
valiers d'Engleterre et de Gascongne, mais il voloient
bien que les Compagnes presissent un aultre chemin
que parmi Navare. Li princes et li signeur, qui
veoient leur chemin et leur adrèce plus propisce
parmi Navare que sus les marées d'Arragon , ne veu- 5
renl mies renoncîer à ceste courtoisie , mes en re-
merciièrent grandement le roy et son conseil. Ensi
se départirent ces gens d'armes et les hos dou prince,
et se misent au retour, et rapassèrent au plus cour-
toisement qu'il peurent. 10
Si passa li dis princes parmi le royaume de Na-
vare , et le raconvoiièrent li dis rois de Navare
et messires Martins de le Rare jusques au pas de
Raincevaus. Et tant esploita adonc 11 dis princes
qu'il vint en le cité de Bayone, où il fu receus à 15
grant joie. Et là se rafresci et reposa quatre jours ,
et puis s'en parti et revint à Bom*diaus^ où on le
reçut à grant solennité. Et vint miadame la prin-
cesse contre lui, qui faisoit porter Edouwart son
ainsné fil , qui pooit avoir d'eage à ce jour environ 20
trois ans. Ensi se départirent ces gens d armes li un
de l'autre, et se retraisent li signeur, baron et che-
valier de Gascongne en leurs maisons, et tout li se-
nescal en leurs senescaudies. Et les Compagnes,
ensi que il revenoient et rapassoient, se recueilloient 25
en le princeté, en attendant argent et paiement, car
li princes estoit grandement tenus à yaus. Si les vo-
loit, ce disoit, tous satisfaire à son pooir, où cV.r-
gens fust pris ne à quel meschief : ja fust ensi quo li
rois dans Piètres ne li euist point tenus ses comcns, 30
se ne le dévoient mies, ce disoit li princes, cii qui
Tavoient servi, comparer.
62 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [4367]
Si tost que li rois Henris , qui se tenoit en le gar-
uison de Baniers en Bigorre et estoit tenus tout le
temps^ entendi que li princes estoit retournés d'Es-
pagne en le prineeté, il se parti de là à tout ce qu'il
5 avoit de gens d'armes^ Bretons et Compagnes , et
entra en Arragon , et vint devers le roy d^Arragon ,
qui moult Tamoit et qui liement le reehut. Là se tint
tout l'ivier avoecques lui, et eurent de rechief al-
liances entre li et le roy d' Arragon, pour guerriier le
10 roy dan Piètre. Et couroient ja les routes de Bretons
qui s'estoient ahers avoecques lui, desquelz estoient
chapitainne messire Hernaulz Limozins , messires
Joffrois Ricon et messires Yons de Lakonet , sus le
pays d'Espagne, et y faisoient guerre pour le roy
15 Henri. Or parlerons nous de la délivrance monsi-
gneur Bertran de Claiekin.
§ 592. Apriès ce que li princes de Galles fu retour-
nés en Aquitainne, et ses frères li dus de I^ncastre
en Engleterre^ et ensi tout li baron sus leurs lieus,
20 demora encores prisonniers messires Bertrans de
Claiekin au prince et à monsigneur Jehan Chandos,
et ne pooit venir à raençon ne à finance, dont moult
desplaisoit au roy Henri, se amender le peuist. Or
avint , si com je fui adonc et depuis enfourmés , que
25 un jour li princes de Galles estoit en goges, si vei de-
vant lui ester monsigneur Bertran de Claiekin. Si
l'appella et li demanda comment il li estoit. « Monsi-
gneur, respondi messires Bertrans, il ne me fu, Dieu
merci, onques mes mieulz, et c'est drois qu'il me
30 soit bien, car je sui li plus honnourés chevaliers dou
monde , quoique je demeure en vo prison , et vous
[1367] LIVRE PREMIER, $ 59f. 63
sarés pourquoi et comment. On dist, parmi le royau-
me de France et ailleurs ossi , que vous me doublés
et reissongniés tant que vous ne m'oses mettre hors
de vostre prison. »
Li princes de Galles entendi ceste parolle et 5
cuida bien que messires Bertrans le desist à bon
sens^ car voirement ses consaulz ne voloit nullement
que il euist encores sa délivrance , jusques adonc
que li rois dans Piètres aroit paiiet le prince et
tout ce qu'il estoit tenus envers lui et ses gens. Si 10
respondi : « Voires , messire Bertran , pensés vous
donc que pour vostre chevalerie nous vous retenons?
Par saint Gorge ! nennil ; et , biau sire j paiiés cent
mil frans^ et vous jserés délivrés. « Messires Ber-
trans^ qui desiroit sa délivrance et à oïr sus quele fin 15
il pooit partir, hapa ce mot et dist : « Monsigneur, à
Dieu le veu , je n'en paierai mies mains. » Si tretost
que li princes l'oy ensi parler, il se repenti, ce dist
on ; car ses consaulz li ala au devant , et li disent :
« Monsigneur, vous avés trop mal fait, quant si legie- 20
rement vous Pavés rançonné. »
*
Et volsissent bien adonc les gens dou prince que il
se fust repentis et euist brisiet ceste couvenence. Mes li
princes, qui fu sages et loyaus chevaliers toutdis, en
respondi bien à point, et dist : « Puisque acordé li 35
avons, nous li tenrons, ne ja n^en irons arrière. Blasmes
et virgongne nous seroit, se reprocié nous estoit que
nous ne le vosissions mettre à finance, quant il s'i voet
mettre si grossement que paiier cent mil fians. » Depuis
ceste ordenance, messires Bertrans fu songneus et 30
diligens de querre finance et de paiier et de priier ses
amis y et esploita si^bien que , parmi l'ayde qu'il eut
64 ^ CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1368]
dou roy de France et dou dueh d'Ângo qui moult
Famoit, il paia sus mains d'un mois les cent mU
frans, et sVn vint servir le duch d'Ango, à bien doux
mil combatans, en Prouvence, qui seoit pour le tenij::;
5 devant le ville de Tarascon, qui se tient ou tcnoit
pour le royne de Naples.
En ce temps, fu trettiés li mariages de monsigneur
Lyon, fil au roy d'Engleterre, duch de Clarense et
conte de Dulnestre, à le fille monsigneur Galeas, si-
lo gneur de Melans , laquele jone dame estoit nièce à
monsigneur le conte de Savoie , et fille de madame
Blance sa suer. Si se porta si bien trettiés et consaulz
entre les parties, que li mariages fu acordés, et vint
li dis dus de Clarense, acompagniés grandement de
15 chevaliers et d'escuiers d'Engleterre, en France, où
li rois et li dus de Bourgongne et li dus de Bourbon
et li sires de Concile recueillièrent grandement et
liement en France et à Paris . Et passa li dessus dis
dus parmi le royaume de France et vint en Savoie,
20 où li gentilz contes de Savoie le rechut très honnera-
blement en Chamberi , et fu là deux jours en très
grans reviaus de danses , de caroles et de tous esba-
temens. Au tierc jour, il parti , et le conduisi li dis
contes de Savoie jusques à Melans, et là espousa il sa
25 nièce, la fille à monsigneur Galeas, le lundi apriès le
Trinité, Tan mil trois cens soixante huit. Or retoiu*-
rons as besongnes de France.
§ 593. Vous avés bien chi dessus oy recorder dou
voiage que li princes de Galles fist en Espagne , et
30 comment il se parti maucontens dou roy dan Piètre
et retourna arrière en Acquitaiane. Quant il fu re-
[i368] LIVRE PREMIER, § 593. 65
venus ^ toutes manières de gens d*armes et de Com-
pagnes le sievirent, tant pour ce que il ne voloient
mies demorer en Kspagne , que pour estre paiiet de
leurs gages , ensi que au pantir couvens se portoil :
siques, quant il furent trestout retournet^ li princes 5
n*eut mies ses paiemens si appareilliés que il volsist^
car li Toiages d'Espagne l'avoit si miné et effondré
d^argent, que merveilles seroit à penser.
Or sejoumoient ces gens de Ck>mpagnes sus son pays
d'Aquitainne^ qui ne se pooient toutdis tenir de mal* 10
faire , et estoient bien six mil combat ans. Si leur fîst
dire li princes et priier que il volsissent bien issir hors
de son pays et aler ailleurs pourcachier et vivre, car il
ne les y voloit plus soustenir. Les capitainnes des Com-
pagnes^ qui estoient tout ou Englès ou Gascon, telz que 4 5
messires Robers Brikés, Jehan Cressuelle, messires Ro-
bers Ceni, messires Gaillars Vigier, le bourch de Bre-
tueil^ le bourch Camus, le bourch de Lespare^ Naudon
de Bagerant , Bernart de la Salle , Hortingo et Lamit
et pluiseur aultre , ne voloient mies courouchier le 20
prince; mes vuidièrent le princeté dou plus tost
qu'il peurent, et entrèrent en France qu'il appelloient
leur cambre^ et passèrent le grosse rivière de Loire,
et s'en vinrent en Campagne et puis en Tarchevesquié
de Rains, en Fevesquiet de Noion et de Soissons^ et 25
toutdis leur croissoient gens. Et estoient si conforté
de leurs besongnes que il euissent^ à ce qu'il mous-
troient, volen tiers combatu les François, n'euissent
cure où, pour yaus enventurer. Et cerchièrent en
ce temps tout le royaume de France, et y fîsent 30
moult de maulz et de tribulations et de villains fais,
dont les plaintes en venoient tous les jours au roy
vil — 5
66 CHRONIQUES DE J. FROISSAAT. [1368]
de France et à son conseil^ et se n'i pooient mettre
remède, car on ne s*osoit enventurer pour yaus com-
batre. Et disoient bien cil qui pris estoient^ car tout-
dis on les poursievoit et costioit à gens d'armes^ si
5 ne se pooient mies si bien garder qu'il n*en y euist
des atrapés^ que li princes de Galles les envoioit là ,
dont li royaumes estoit tous esmervilliés , pourquoi
couvertement li princes les faisoit guerriier, et moult
diversement en parloient sus se partie. Si manda
10 adonc li rois de France le signeur de Cliçon , et en
fist un grant chapitainne contre ces Ck>mpagnesy pour
tant qu'il estoit bons chevaliers et hardis , et s'éna-
moura grandement li rois de France de lui.
En ce temps, fu li mariages Êiis dou signeur de La^
15 breth et de madame Ysabiel de Bourbon, soer au
duc Loeis de Bourbon et à la royne de France et à
madame Bonne, contesse de Savoie : dou quel ma-
riage li princes de Galles ne fu noient resjoïs , mes
euist plus chier cpie li sires de Labreth se fust ma-
20 ries ailleurs.
§ 594. Entrues que ces Ck>mpagnes couroient en
France, fu li princes de Galles consilliés d'aucuns de
son conseil pour eslever un fouage en Aquitainne. Et
par especial li evesques de Badè^ ses canceliers, y rendi
25 grant painne à lui consillier^ car li estât dou prince
et de madame la princesse estoient adonc si grant et
si estoffet que nulz aultres de prince ne de signeur,
en crestiennetet, ne s'acomparoit au leur^ de tenir
grant fuison de chevaliers et d'escuiers, de dames et
30 de damoiselles, et de faire grans firès. Au conseil de
ce fouage furent appellet tout li baron de Gascongne,
[1368] LIVRE PREfiilER, S ^^^- 67
de Poito et de Saintoage^ asquelz il en apertenoit à
parler^ et pluiseur riche homme des cités et des bonnes
villes d*Aquitainne. Là leur fîi remoustré à Niorth^
où ciiz parlemens estoit assamblés, especialment et
generalment de par le dessus dit evesque de Bade^ 5
cancelier d'Aquitainne^ et présent le prince, sus quel
estât on voloit eslever ce fouage, lequel fouage li
princes n'avoit mies intention de longement tenir
ne faire courir en son pays, fors tant seulement cinq
ans^ tant qu'il fust espaiiés dou grant argent qu'il lo
devoit^ acrut par le volage d'Espagne.
A celle ordenance tenir et obéir estoient assés d'acort
cil de Poito^ de Saintonge y de Limozin^ de Roei^e et
de le Rocelle^ parmi tant que li princes devoit tenir ses
•monnoies estables sept ans. A ce pourpos refusoient 15
et varioient cil des hautes marées de Gascongne , li
contes d*£rmignach , li sires de Labreth ses neveus ,
li contes de Pieregorth^ li contes de Commignes^ li
viscontes de Carmain, li sires de la Barde, li sires de
Taride , li sires de Pincomet et pluiseur aultre hault 20
baron et grant chevalier, tout de ces marées et cités
et bonnes villes de leur ressort. Et disoient que, dou
temps passé et qull avoient obéi au roy de France,
il n'avoient esté grevé ne pressé de nul souside, im-
position, fouage ne gabelle, ne ja ne seroient, tant 25'
que deffendre le poroient^ et que leurs terres et si-
gneuries estoient franches et exentes de toutes dé-
bites, et à tenir en cel estât li princes leur avoit juret.
Non obstant ce, pour yaus partir amiablement de ce
parlement et dou prince, il respondirent qu'il en 30
aroient avis et metteroient ensamble, yaus retourné,
pluiseups prelas, evesques^ abbés, barons et cheva-
68 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1368]
liers, asquelz il en touchoit bien à parler, et en
aroient plus grant délibération de conseil qu'il n'a-
voient là présentement. Li princes de Galles ne ses
consaulz n'en peurent adonc avoir aultre eose.
5 Ensi se départi cilz parlemens de le ville de Niorth,
et retournèrent cescuns en leurs lieus ; mes il leur fu
commandé et ordené de par le prince qu'il fiiissent
là tout revenu^ dedens un jour qui assignés y fu. Or
retournèrent cil baron et cil signeur de Gascongne
10 en leur pays , qui bien affremèrent que , sus l'estat
dont parti estoient devers le prince ^ plus ne retour-
roient, ne que ja, pour faire guerre au prince^ cilz
fouages ne courroit en leurs terres. Ensi se com-
mença li pays à esmouvoir et à rebeller contre le
15 prince. Et vinrent en France li contes d*Ermignach,
li sires de Labreth, li contes de Pieregorth, le contes
de Commignes et pluiseur aultre haut baron , prélat
et chevalier de Gascongne y et misent plaintes avant
en le cambre dou roy de France , le roy de France
20 présent et ses pers , sus les griés que li princes leur
voloit faire; et disoient que il avoient ressort au dit
roy et que à lui. se voloient retraire et retourner
comme à leur souverain.
Li rois de France , qui ne voloit mies obviier à le
25 pais qui se tenoit entre le roy d'Engleterre et lui,
se dissimuloit de ces paroUes^ et en respondoit moult
à point, et disoit à ces barons de Gascongne : « Certes,
signeur, le juridiction de nostre hiretage et la cou-
ronne de France vorrions toutdis garder et augmen-
30 ter; mes nous avons juré, apriès nostre signeur de
père, pluiseurs poins et articles en le pais , desquelz
il ne nous souvient mies de tous. Si y regarderons et
[i368] UVRE PRBfiflER, $ 594. 69
yiseterons par loisir^ et lotit ce qui sera pour yous,
nous le yous aiderons à garder^ telement que yous
nous en sarés gré ; et yous metterons à acord^ devers
nostre neyeu le prince^ tel, espoir qu'il n'est mies bien
consilliés^ que yous demorrés en yos francises et liber- 5
tés. » De ces responses que li rois de France faisoit,
se contentoient grandement li baron de Gascongne,
et se tenoient à Paris dalés le roy, qui point n'en
partoient ne retournoient en leur pays. De quoi li
princes ne s'en contentoit mies bien, et tousjours lo
perseyeroit et faisoit perseyerer son conseil sus Tes-
tât de ce fouage.
Messires Jehans Chandos^ qui estoit li uns des grans
de son conseil et yaillans et sages chevaliers dure-
ment, estoit contraires à ceste oppinion et bien yo*» iS
sist que li princes 8*en deportast. Et quant il yei que
point n'en yenroit à chief, afin que point n'en fîist de»
mandés ne encoupés j il prist congiet dou prince et
escusance d'aler en Normendie , en le terre de Saint
Salveur le Y isconte , dont il estoit sires , pour le yi- 20
seter^ car point n'i ayoit encores estet depuis trois
ans; li princes li acorda. Dont se départi de Poito
li dis messires Jehans Chandos, et s'en yint en Cons-
tentin , et séjourna en le ville de Saint Salveur, que
là enyiron, plus d*un an. Et toutdis procedoit li 25
princes sus ce fouage ; car ses consaulz , qui à ce ti-
roient, li remoustroient que ^ se il le pooient esploi-
tier^ il yaurroit par an douze cens mil frans, par paiier
tant seulement sus çascun feu un franc ^ et li fors
porter le foible. Nous retourrons au roy Henri, qui 30
estoit en ce temps retrais ou royaume d'Arragon et
recorderons comment il persévéra.
70 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1368]
§ 595. Le plus grant partie de Testât et de l'afaîre
dou prince savoient li roy voisin ,* telz que li rois
Pierres d'Arragon et li rois Henris, car il mettoient
grant cure au savoir, et bien avoient entendu com-
5 ment li baron de Gascongne estoient à Paris dalés
le roy et se commençoient tout à tourbler et à révé-
ler contre le prince. De ce n'estoient mies li dessus
dit roy couroucié , et par especial li rois Henris qui
tiroit à revenir au conques de Castille , qu'il avoit
10 perdu par le poissance dou prince. Si se parti dou
roy d'Arragon , et prist congiet à lui à Valense le
Grant; et se partirent en se compagnie, dou royaume
d'Arragon , li viscontes de Rokebertin et li viscontes
de Rodés, et furent bien troi mil hommes à cheval
15 et bien six mil de piet, parmi aucuns Geneuois qui
là estoient en saudées. Si chevaucièrent ces gens
d'armes par devers Espagne et jusques à le cité de
Burghes, qui tantost se tourna et ouvri contre le roy
Henri, et le rechurent à signeur; et de là il vinrent
ÎO devant le Val d'Olif, car li rois Henris entendi que li
rois de Mayogres y estoit, de laquelle avenue il fu
^ moult joians.
Quant cil de le ville dou Val d'OIif entendirent
que cil de Burghes estoient tourné et rendu au roy
25 Henri , si n'eurent mies conseil que d'yaus tenir ne
faire assallir : si se ouvrirent , et recueiliièrent le
dit roy Henri comme leur signeur, ensi que jadis
avoient fait. Si tost que li rois Henris fu entrés en
le ville, il demanda où li rois de Mayogres estoit et
30 se tenoit : on li ensengna liement et volentiers. Tan-
tost et sans delay, li rois Henris vint celle part et en-
tra en Tostel et en le cambre, là où li dis rois estoit
[1368] UVRB FREBfIBR, $ S96. 71
enoores tous pesans de sa maladie. Li rois Henris
vint jusques à lui^ et là li dist ensi : « Rois de Mayo-
gres^ vous avés esté nostre ennemi^ et à main armée
vous estes entrés en nostre royaume de Castille, pour
quoi nous mettons main à vous, et vous rendes nostre 5
prisonnier^ ou aultrement vous estes mors. » Li rois
de Mayogres^ qui se yeoit en dur parti et que def-
fense riens n'i yaloit^ respondi et dist : « Sire^ je sui
mors voirement, se vous volés. Volentiers je me rench
vostre prisonnier et non à autrui; et, se vous me 10
devés ou volés mettre, par quel condition que ce soit^
en aultres mains que ens es vostres , si le dittes^ car
je aroie plus chier à estre mors^ que ens es mains
remis de mon adversaire le roy d'Arragon. » Li rois
Henris respondi et dist { « Nennil^ car je ne vous fe- 15
roie pas loyauté , et se seroit grandement à mon
blasme. Vous demorrés mon prisonnier^ pour quitter
et pour rançonner^ se je voeil. » Ensi fu pris et siere-
mentes li rois James de Mayogres dou roy Henri^ qui
mist sus lui^ ou Val d'Olif^ grandes gardes pour plus so
especiaument garder, et puis chevauça oultre devers
le cité de Lyon en Espagne, qui tantost s'ouvri con-
tre lui, quant' il oïrent dire qu'il venoit celle part. -
§ 596. Quant la ville et la cité de Lyon en Espagne
se fil rendue au roy Henri^ tous li pays de le marce 25
de Galisse se commença à tourner. Et se vinrent
rendre au dit roy Henri pluiseur hault baron et si-
gneur, qui avoient en devant fait hommage au roy
dan Piètre; car, quel samblant d'amour qu'il li euis-
sent moustré, présent le prince^ il ne le pooient amer, 80
tant leur avoit il fait de grans cruaultés jadis ^ et es- ^
L-*-« k.
72 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [4368]
toient bien en double que encores de recief il ne
leur en fesist. Et li rois Henris les avoit tenus amia-
blement et porté doucement^ et leur prommetoit
bien à faire : pour tant se retraioient il tout devers
5 lui.
Encores n'estoit mies messires Bertrans de Claie-
kin venus en se compagnie^ mais il approçoit dure-
ment^ à tout bien deux mil combatans^ et estoit
partis dou duch d'Ango, qui avoit achievé sa guerre
10 en Prouvence et défiait son siège de devant Tarascon,
par composition 9 je ne sçai mies à dire quele. Si
s'estoient parti avoech le dessus dit monsigneur Ber-
tran aucun chevalier et escuier de France, qui desi-
roient les armes , et estoient ja entré en Arragon , et
15 chevauçoient fortement pour venir devers le roy
Henri qui avoit mis le siège devant le cité de Tou-
lète.
Les nouvelles dou reconquès et comment li pays
se tournoit devers le roy Henri, vinrent au roy dan
20 Piètre qui se tenoit en le marce de Seville et de Por-
tingal et estoit tenus tout le temps. Quant li rois
dan Piètres entendi ce, si fu durement courouciés
sus son frère le bastart et les barons de Castille qui
le relenquissoient, et dist et jura que il en prenderoit
25 si cruele vengance, que il seroit exemples à tous aul-
tres. Si fist tantost un mandement et commandement
partout à tous ceulz dont il esperoit à avoir Payde et
le service. Si manda et pria telz qui point ne vinrent
et s'escusèrent au mieulz qu'il peurent, et li aucun
30 de recief sans faintise se retournèrent devers le roy
Henri et li ren voilèrent leur hommage. Et quant li
rois dan Piètres vei ce que ses gens li falloient, si se
[1369] LIVRE PREMIER, $ 597. 73
commença à doilbter et se consilla à dan Ferrant de
Castres, qui onques ne ii falli^ liquelz li consilla que
il presist partout gens là où il les pooit avoir, tant en
Grenade comme ailleurs^ et que il se hastast de che-
Taucier contre son frère le bastart, ançois que il se 5
efforçast plus en son pays, ne moutepliast de gens
d'armes.
Li rois dans Piètres ne volt mies séjourner sur
ce pourpos^ mes pria ens ou royaume de Portin-
gal^ dont li rois estoit ses cousins germains, et y lo
eut grant gens ; et envoia devers le roy de Grenade
et devers le roy de Bellemarine et le roy de Trame-
sainnes, et fist alliances à yaus, parmi tant que trente
ans il les devoit tenir en segur estât et point faire de
guerre. Parmi tant , cil troi roy dessus dit li envoiiè- 15
rent plus de vingt mil Sarrasins^ pour aidier à faire
sa guerre. Si fist tant li rois dan Piètres, que d'uns^
que d'autres, Crestiiens^ Juis et Sarrasins^ qu'il eut
bien quarante mil bommes, tous assamblés en le marce
de SeviUe. En ces trettiés et pourcas qu'il faisoit, et 30
entrues que li sièges estoit devant Toulète^ descendi
en l'ost dou roy Henri messires Bertrans de Claiekin,
à tout deux mil combatans^ qui y fu receus à grant
joie , ce fu bien raisons , et furent tout cbil de Thost
resjoî de sa venue. 25
§ 597. Li rois dan Piètres, qui avoit fait son amas
de gens d'armes à Seville et là environ , si com chi
dessus est dit, et qui desiroit à combatre son frère le
bastart, se départi de Seville, à tout grant host, en
istance de ce que pour venir lever le siège de devant 30
Toulette. Entre le cité de Toulette et celi de Seville,
74 CHRONIQUES DE J. FROISSAAT. [1969]
puet bien avoir neuf journées de pays : si vinrent
les nouvelles en l'ost dou roy Henri ^ que H rois dans
Piètres approçoit et avoit en se compagnie plus de
quarante mil hommes, uns e'autres, et que sur ce il
5 euist avis. A ce conseil furent appelle li chevalier d'Ar-
ragon et de France qui là estoient^ et par especial mes-
sires Bertrans de Claieldn^ par lequel on voloit dou tout
ouvrer* Là donna li dis messires Bertrans un conseil
qui fu tenus : que tantost, avoech le plus grant partie
10 de ses gens^ li rois Henris se partesist et chevauçast
à effort devers le roy dan Piètre qui approçoit; et^ en
quel estât li et les siens que on le trouvast^ on le
combatesist. « Car pour quoi , dist il , si com nous
sommes enfourmé^ il vient à grant poissance sur
45 nous, qui trop nous poroit grever, se il venoit par
avis jusques à nous. Et, se nous alons sur lui, sans
ce que riens en sace, nous le prenderons bien lui et
ses gens en tel parti que tout despourveu, et que
nous en arons l'avantage, et seront desconfi, je n'en
30 doubte mies. »
Li consaulz et avis de monsigneur Bertran fii
oïs et tenus. Si se parti sus un soir li dis rois Henris
de Fhost, en se compagnie tous les milleurs com-
batans par élection que il euist, et laissa le demo-
25 rant de son host en le garde et gouvrenement dou
conte dan Tille , son frère , et puis chevauça avant.
Et avoit ses espies alans et venans, qui savoient et
raportoient songneusement le couvine dou roy dan
Piètre et de son host. Et li rois dan Piètres ne
30 savoit riens dou roy Henri , ne que [ensi chevau-
çast contre lui : de quoi il et ses gens en chevau-
çoient plus espars et en petite ordenance. Et avint
[1369] LIVRE PREMIER, g S97. 7S
que^ sus une ajournée^ li rois Henrîs et li sien deurent
enconlrer le roy dan Piètre et ses gens^ qui celle nuit
avoit jeu en un chastiel^ assés priés de là, que on
appelle Montueil y et l'a voit li sires de Montueil re-
cueilliet et honnouret ce qu'il pooit. Si en estoit au 5
matin partis et mis au chemin , et chevauçoit assés
esparsement^ car il ne cuidoit mies estre combatus
en ce jour. Evous venant soudainnement , banières
desploiies^ et tous pourveus de leurs £aiis^ le roy Henri^
le conte Sanse son frère ^ monsigneur Bertran de 10
Claiekin, par lequel conseil tout il ouvroient^ le
Bèghe de Vellainnes , le visconte de Rokebertin , le
visconte de Rodais et leurs routes. Et estoient bien
six mil combatans, et chevaucoient tout serré et de
grant randon. Et s'en viennent^ de plains eslais, de 15
grant volenté et sans faire nul parlement^ ens es pre-
miers qu'il encontrèrent , en escriant : <c Castille au
roy Henri I » et «c Nostre Dame I Claiekin ( » Si recu-
lèrent et abatirent ces premiers, roidement et mer-
viUeusement^ qui furent tantost desconfi et rebouté so
bien avant. Là. en y eut pluiseur occis et rués par
terre, car nulz n'estoit pris à raençon, et ensi estoit
ordonné dou conseil monsigneur Bertran^ très le jour
devant^ pour le grant plenté de mescreans, Juis et
aultres^ qui là estoient. 35
Quant li rois dan Piètres entendi ces nouvelles^
qui chevauçoit en le plus grant route, que ses gens
estoient assalli et envaï et rebouté villainnement de
son frère le bastart Henri et des François^ si fu
durement esmervilliés dont il venoient^ et vei bien 30
qu'il estoit trahis et decheus et en aventure de tout
perdre^ car ses gens estoient moult espars. Non
76 CHRONIQUES DB J. FROISSART. [4369]
pourquant^ comme bons chevaliers et hardis qu'il
estoit^ et de grant confort et emprise, il s'arresta tout
quois sus les camps ^ et fist sa banière desvoleper et
mettre avant pour recueillier ses gens, et envoia
5 noncier et dire à chiaus derrière, que il se hastais-
sent de traire avant, car il se combatoit as ennemis.
Dont s'avancièrent toutes manières de bonnes gens
qui oïrent ces nouvelles, et se traisent pour leur
honneur devers le banière dou roy dan Piètre, qui
10 venteloit sus les camps. ïà eut grant bataille et dure
mervilleusement , et maint homme reversé par terre
et occis dou costet le roy dan Piètre, car li rois Henris
et messires Bertrans et leurs routes les requeroient
de si grant volenté, que nulz ne duroit contre yaus.
15 Mes ce ne fu mies si tost fait et achievé^ car cil dou
roy dan Piètre estoient si grant fuison, que bien six
contre un ; mais tant y avoit de mal pour yaus et de
meschief qu'il furent pris si sus un piet , que ce les
esbahissoit et desconfisoit plus c'autre cose.
20 § 598. Geste bataille des Espagnolz l'un contre
Tautre, et des deux rois et leurs allîiés, assés priés dou
castiel de Montueil, fu en ce jour moult grande et
moult horible. Et moult y furent bon chevalier, dou
costé le roy Henri, messires Bertrans de Claiekin,
25 messires Jofirois Ricon, messires Ernaulz Limozins,
messires Yons de Lakonet , messires Jehans de Ber-
ghètes, messires Gauwains de Baillueil, messires li
Bèghes de Vellainnes, Alains de Saint Pol, Alyos de
Talay et li Breton qui là estoient; et ossi dou royaume
30 d'Arragon, li viscontes de Rokeberlin et li viscontes
de Rodés et pluiseur aultre bon chevalier et escuier
[1369] U^BE PREMIER, $ S98. 77
que je ne puis mies tous nommer. Et y fisent tamaintes
grandes apertises d'armes^ et bien leur besongnoit^
car il trouvèrent gens ossi contre yaus assés estragnes,
telz que Sarrasins et Portingalois. Car li Juis qui là
estoient^ tournèrent tantost les dos^ ne point ne se ô
combatlrent; mes ce fisent cil de Grenade et de
Bellemarine , qui portoient ars et archigaies , dont il
savoient bien jeuer^ et dont il fisent pluiseurs grans
apertises de traire et de lancier.
Et là estoit li rois dans Piètres hardis homs dure* lo
ment^ qui se combatoit moult vaillamment^ et tenoit
une hace dont il donnoit les cops si grans, que nulz
ne l'osoit approcier. Là s'adreça la banière dou roy
Henri son firère devers le sienne, bien espesse et bien
pourveue de bons combatans^ en escriant leurs cris et 15
en boutant fièrement de leurs lances. Lors se commen-
cièrent à ouvrir cil qui dalés le roy dan Piètre estoient,
et à esbahir malement. Dans Ferrans de Castres, qui
avoit à garder et consiliier le corps dou roy dan Piètre
son signeur, vei bien^ tant eut il de sentement, que leurs 20
gens se perdoient et desconfisoient, pour tant que trop
sus un piet pris on les avoit : si dist au roy dan Piètre :
« Sire, sauvés vous et vous recueillies en ce castiel de
Montueil, dont vous estes à ce matin partis. Se vous
estes en ce castiel, vous serés en sauvegarde; et, se 25
vous estes pris de vos ennemis, vous serés mors sans
merci. » Li rois dan Piètres crut ce conseil, et se
parti au plus tost qu'il peut, et se retraist devers
Montueil. Si y vint si à point, que il trouva les por-
tes dou chastiel ouvertes et le signeur qui le rechut, 30
lui douzime tant seulement. Entrues se combatoient
li aultre qui estoient espars sus les camps, et fai-
78 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
soient li aucun ce qu'il pooient; car li Sarrasin, qui
là estoient , avoient ossi chier à morir qu'il fuissent
longement cachiet : si se vendoient par ensi li aucun
moult durement.
5 Nouvelles vinrent au roy Henri et à monsigneur
Bertran que li rois dan Piètres estoit re trais et en-
clos ens ou chastiel de Montueil^ et que li Bèghes de
YeUainnes et se route Favoient poursievi jusques à là;
et se n'i avoit ou dit chastiel que un seul pas^ par où
10 on y entroit et issoit^ et devant celle entrée se tenoit
li dis Bèghes^ et avoit là mis son pennon. De ces
nouvelles furent durement resjoy li dessus dis mes-
sires Bertrans et li rob Henris y et se traisent de celle
part^ tout en combatant et occiant gens à fous et à
15 mons^ ensi que bestes^ et tant qu'il estoient tout las-
set d'occire, dou decoper et de l'abatre. Si dura ceste
cache plus de trois grans liewes, et y eut ce jour mort
plus de vingt quatre mil hommes^ uns c'autres. Et
trop petit s'en sauvèrent, se ce n'estoient cil dou
20 pays qui savoient les refuites et les adresces; car li
Sarrasin^ qui ne savoient ne cognissoient nient le
pays^ ne savoient où fuir : si leur couvenoit attendre
l'aventure , si furent tout mort. Ceste bataille fu
desous Montueil et là environ, en Espagne^ le trei-
25 zime jour dou mois d'aoust^ l'an de grasce mil trois
cens solfiante huit.
§ 599. Apriès le grande desconiiture qui eut estet
faite sus le roy dan Piètre et ses assamblés^ assés priés
de Montueil^ et que li rois Henris et messires Ber-
30 trans eurent obtenu le place et qu'il furent retourné
de le cache 9 il se recueiUièrent tout devant le dit
[1869] UYRB PREMIER, $ tf09. 79
chastiel de Montueil et se logièrent et amanagièrent
tout environ ; et bien disent que il n'avoient riens
&it ne esploitié , se il ne prendoient le cbastiel et le
roy dan Piètre qui dedens estoit. Si mandèrent tout
leur estât et afaii'e à leurs gens^ qui se tenoient de- 5
vant Toulète , afin qu'il en fuissent plus reconforté.
De ces nouvelles furent tout resjoy li contes dan
Tilles et li contes Sanses et cil qui le siège là tenoient.
li chastiaus de Montueil estoit fors assés pour bien
tenir un grant temps^ se pourveus euist esté; mes de 10
tous vivres, quant li rois dan Piètres y entra, il n'en
y avoit point pour lui vivre plus baut de quatre jours;
et ce esbabissoit grandement le roy dan Piètre et les
compagnons^ car il estoient si priés gettié, de nuit et
de jour, que uns oiselés ne se partesist point dou 15
cbastiel^ que il ne fust veus et aperçeus.
Li rois dan Piètres , qui estoit là dedens en grant
angoisse de coer, et qui veoit ses ennemis logiés autour
de lui y et qui bien savoit que à nul trettiet de pais ne
d'accort il ne vorroient entendre ne descendre, eut ta- 20
mainte imagination^ siques^ tout considéré, les perilz
où il se trouvoit et le faute de vivres qui laiens estoit^
il fu consilUés que^ à beure de mienuit^ dou cbastiel,
lui douzime, il se partiroiept et se metteroient en le
garde de Dieu , et aroient guides qui les meneroient 35
à l'un des corons de Tbost et à sauveté. Si se arres-
tèrent ou dit cbastiel sus cel estât, et se partirent se-
crètement, environ beure de mienuit, li rois dans
Piètres^ dans Ferrans de Castres et tant qu'il furent
yaus douze^ et faisoit celle nuit durement espès et 30
brun.
A ce donc faisoit le get à phis de trois cens com-
80 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
batans messires li Bèghes de Vellainnes^ ensi que
li rois dans Piètres estoit issus dou chastiel et se
route , et s'en venoit par une haute voie qui descen-
doit tout bas y et se tenoient si quoi que il sambloit
5 que il n'i euist nuUui. Li Bèghes de Vellainnes, qui
estoit toutdis en doubte et en soing de son fait et en
cremeur de tout perdre^ oy^ ce li sambb^ le son de
passer sus le pavement; si dist à chiaus qui dalés lui
estoient : « Signeur^ tout quoi et ne faites nul effroy.
10 J'ay oy gens : tantost sarons qui ce sont, qui cemi*
nent à ceste heure. Je ne sçai se ce seroient jamais
vitaillier^ qui venissent rafreschir ce chastiel de vivres,
car il n'en est mies bien pourveus. »
Adonc s'avança li dis Bèghes, sa daghe en son puing,
ib ses compagnons dalés lui, et vint à un homme priés
dou roy dan Piètre et demanda: «Qui est çou là? Parlés
ou vous estes mors, m Cil à qui messires li Bèghes s*a-
dreça , estoit englès : se li refusa à parler et se lança
oultre en lui eschievant, et li dis Bèghes le laissa
20 passer et s'adreça sus le roy dan Piètre; et li sambla^
quoique il fesist moult brun, que ce fust il, et le ra-
visa pour le roy Henri son frère, car trop bien se
ressambloient. Se li demanda, en portant se dage sus
se poitrine : « Et vous, qui estes? Nommés vous tan-
35 tost, ou vous estes mors. » Et en ce parlant il le prist
par le frain de son cheval , et ne volt mies qu'il li
escapast , ensi que li premiers avoit fait , quoique il
fust pris de ses gens.
Li rois dan Piètres, qui veoit une grosse route
30 de gens d'armes devant lui et qui bien sentoit que
escaper ne pooit , dist au Bèghe de Vellainnes qu'il
recogneut : « Bèghes , Bèghes , je sui li rois dan
[1369] UVRE PREMIER, S ^99. 84
Piètres, rois de CastiUe^ à qui on fait moult de tors
par mauvais conseil. Je me rench ton prisonnier et
me meth^ et toutes mes gens qui ci sont, et tout
comptés n'en y a que douze ^ en ta garde et vo-
lenté. Si le pri^ en nom de gentillèce, que tu nous 5
mettes à sauvetë; et je me rançonnerai à toy si gran-
dement com tu y orras; car^ Dieu merci ^ j'ai bien
encores de quoi^ mes que tu m'eschiewes des mains
dou bastart Henri mon frère. » Là deubt respondre,
si com je fui depuis enfourmés^ li dis Bèghes^ que il lo
venist tout seurement^ lui et sa route ^ et que ja ses
frères li bastars Henris, ne nuls auitres par lui^ ne
saroit riens de ceste avenue. Sur cel estât s'en alèrent
il, et en fu menés li rois dan Piètres ou logeis le Bèghe
de Yellainnes et proprement en le cambre monsignèur 15
Yon de Lakonet. Il n'eut point là estet une heure ^
quant li rois Henris et li viscontes de Rokebertin et
leurs gens y non pas grant fiiison^ vinrent ou logeis
dou dessus dit.
Sitost que li rois Henris entra en le cambre où ses 20
frères li rois dan Piètres estoit, il dist ensi par tel
langage : « Où est li filz de pute juis^ qui s'appelle
rois de Castille? » Adonc s'avança li rois dans Piètres^
qui (ut moult hardis et crueulz homs. « Mes tu es
filz de putain^ car je sui fîulz dou bon roy Al- 25
phons. » Et à ces mos il prist à bras le roy Henri
son frère et le tira à lui. en luitant, et fu plus fors de
li et l'abati desous lui^ sus une ambarde, que on dist
en françois une coûte de matelas de soie. £t mist
main à sa coutille^ et l'euist là occis sans remède, se 30
n'euist esté li viscontes de Rokebertin^ qui prist le
piet dou roy dan Piètre^ et le reversa par desous^ et
vu — 6
$2 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
mist le roy Henri par deseure : liquelz traist tantost
une longe coutille de Castille, que il portoit à escerpe^
et li embara ou corps ^ tout en afiilant desous en
amont , et tantost sallirent cil qui li aidièrent à par-
5 tuer. Et là furent mort ossi dalés li uns chevaliers
d'Engleterre , qui s'appelloit messires Raoulz Helme,
qui jadis avoit estet nommés li Vers Escuiers, et uns
escuiers qui s'appelloit Jakes RoUans^ pour tant qu'il
s'estoient mis à deffense; mes à dan Ferrant de Cas-
io très et as aultres on ne fist point de mal^ ains demo-
rèrent prisonnier à monsigneur le Bèghe de Vellain-
nes et à monsigneur Yon de Lakonet.
§ 600. Ensi fina li rois dan Piètres de Castille^ qui
jadis avoit régné en si grant prospérité; et encores le
15 laissièrent chil qui occis l'avoient^ trois jours sus
terre : dont il me samble que ce fu pités pour huma-
nité, et se gaboient li Espagnol de lui. A^l'endemain^
li sires de Montueil se vint rendre au roy Henri, qui
le reçut et prist à merci ^ et ossi tous chiaus qui se
20 voloient retourner devers lui. Ces nouvelles s'espar-
dirent par toute Castille, comment li rois dans Piètres
estoit mors. Si en furent couroucié si ami, et recon-
forté si anemi.
Quant les nouvelles vinrent au roy de Portingal ,
25 que ses cousins li rois dan Piètres estoit mors par
telle manière, si en fu durement courouciés, et dist
et jura que ce seroit amendé. Si envoia tantost
deffiances au roy Henri et li fist guerre, et tint le
' ~marce de Seville une saison contre lui. Mes pour ce
30 ne laissa mies li rois Henris à poursievir se emprise,
et s'en retourna devant Toulète, qui tantost se rendi
[1369] liVIlfi PREMIER, $ 600. 83
et tourna à lui , quant il sceurent la mort dou roy
dan Piètre^ et ossi fist tous U pays; ne meismement
li rois de Portingal n'eut mies conseil de tenir longe^
ment le guerre contre le roy Henri : si en fu fais
accors et pais par les moiiens^ prelas et barons d'Es- 5
pagne.
Si demora li rois Henris tout à pais dedens Cas*
tille, et messires Bertrans de Claiekin dalés lui et
messires Oliviers de Mauni et li aultre chevalier de
France et de Bretagne^ asquek li rois Henris fist io
grant pourfit^ et moult y estoit tenus^ et sans l'ayde
d'yaus il ne fust ja venus à chief de ses beson-
gnes. Si fist le dit monsigneur Bertran de Claiekin^
connestable de toute Castillei et li donna la terre de
Sorie ^ qui bien valoit par an vingt mil florins , et à i^
monsigneur Olivier de Mauni, son neveu ^ le terre
d'Ecrette^ qui bien en valoit ossi par an dix mil, et
ensi tous les aultres chevaliers. Si vint tenir son estât
à Burghes , et sa femme et ses enfans , en régnant
comme roi. De la prospérité et bonne aventure de 20
lui furent grandement resjoy li rois de France et li
dus d'Ango, qui moult Pamoient^ et ossi li rois
d'Ârragon»
En ce temps trespassa de ce siècle, en Âst en Pieu-
mont , messires Lyons d'Ëngleterre qui en celle sai- 25
son estoit passés oultre, si com ci dessus est dit^ et
avoit pris à femme la fille monsigneur Galeas, signeur
de Melans. Et pour tant qu'il morut assés mervil-
leusement^ messires Edouwars li Despensiers^ ses
compains , qui là estoit , en fist guerre au dit mon- 30
signeur Galleas et le heria un temps et rua jus par
pluiseurs fois de ses gens. En le fin^ messires li contes
84 CHRONIQUES DE J. FROISSAAT. . [1368]
de Savoie s'en ensonnia et les mist à acord. Or re-
venrons nous as besongnes et as avenues de la ducé
d'Acquitainne.
§ 601 . Vous avés chi dessus oy recorder comment
5 li princes de Galles esloit enfourmés et consilliés de
eslever un fouage en sa terre^ dont toutes gens se te-
noient à trop cargiet y et par especial cil de Gascon-
gne. Car cil des basses marées de Poito^ de Saintonge
et de la Rocelle s'i acordoient assés bien, pour tant
10 qu'il estoient plus prochain dou séjour dou prince,
et ossi il ont estet [tbutdis plus obéissant et descen-
dant as ordenances de leurs signeurs , et plus ferme
et mieulz estable que cil des lontainnes marées. Pour
ceste cose mettre à l'intention dou prince et de son
15 conseil, en furent pluiseur parlement assamblé à
Niorth , en Ângouloime^ à Poitiers^ à Bourdiaus et à
Bregei*ach ; et toutdis maintenoient cil de Gascongne,
que point n'en paieroient, ne ja en leurs terres cou-
rir ne le soufferoient, et mettoient avant qu'il avoient
20 ressort en le cambre dou roy de France. De ce res-
sort estoit li princes durement courouciés, et respon*
dit bien à l'encontre et disoit ensi que non avoient ,
et que li rois de France avoit quitté tous ressors et
toutes jurisditions, quant il rendi les terres à son si*
25 gneur de père, ensi que bien estoit apparant par les
trettiés et chartre de le pais , qui de ce faisoient cle-
rement et plainnement mention , et que nul article
n'i avoient li trettieur de le pais pour le roy de France
réservé.
30 A ce pourpos respondoient li Gascon , et disoient
que il n'estoit mies en le poissance et ordenance
[i368] LIVRE PREMIER, $ «04. 85
dou roy de France, ne ne fu onques, qu'il les peuist
quitter dou ressort; car li prélat, li baron ^ les
cités et les bonnes villes de Gascongne ne l'euissent
jamais souffert^ ne souSeroient encores^ se il estoit à
Élire j pour tousjours demorer le royaume de France 5
et le royaume d'Engleterre en guerre. Ensi estoient
en grignes li princes et li signeur de Gascongne , et
soustenoit cescuns se oppinion et disoit qu'il avoit
bon droit. Et se tenoient tout quoi à Paris^ dalés le
roy de France^ li contes d'Ermignach, li sires de La- lû
breth^ li contes de Pieregort^ li contes de Commignes
et pluiseur aultre baron de Gascongne , qui tutoient
et enfourmoient le roy nuit et jour, par grant loisir,
que li princes, par orgueil et presumption^ les voloit
tous suppediter, et eslever coses indeues en leurs 15
terres, lesqueles il ne soufferoient jamais à estre faites.
Et disoient et remoustroient au roy que ^il avoient
ressort à lui ; si yoloient que li princes fust appelles
en parlement en le cambre des pers^ sus les griefs et
molestes que il leur voloit Êiire. Li rois de France , 20
qui se veoit poursievis de ces signeurs de Gascongne,
qui le requeroient de confort et d'ayde comme leur
souverain, ou il se trairoient en aultre court, ce di-
soient il, si perderoit celle signourie, descendoit à en-
vis à leur requeste, pour tant qu'il sentoit bien que 25
la cose ne pooit venir à aultre chief que à guerre :
laquele, sans grant title de raison , il ne voloit nulle-
ment esmouvoir, car encores veoit il son royaume
trop grevé et trop pressé de Compagnes et d'enne-
mis, pour lui et son frère le duch de Berri, hosta- 30
giier enEngleterre : si voloit ses coses faire tout meu-
rement#
86 CHRONIQUES DE J. FR0IS3ART. [1368]
En ce temps estoit revenus en France messires
Guis de Lîni^ conte de Saint Pol , sans prendre con-
giet as Englès et par grant soutilleté : la matère en
seroit trop longue à démener, je m'en passerai brîef-
5 ment. Liquelz contes haoit tant les Englès qu'il n'en
pooit nul bien dire, et rendoit grant painne à ce que
li rois de France descendesist à le priière des Gascons;
car bien savôit que , se li princes estoit appelles, ce
seroit uns mouvemens de guerre. A l'oppinion dou
10 conte de Saint Pol estoient descendant pluiseur pré-
lat, conte, baron et chevalier dou royaume de France.
Et disoient bien ensi au roy que li rois d'Engleterre
ne li princes de Galles n'avoient en riens tenu le pais,
ne ce qu'il avoient juré et seelé, selonch le teneur des
15 trettiés, qui furent fait et ordené à Bretegni dalés
Chartres, et depuis confermé à Calais; car li Englès
avoient toujours couvertement et soutieument guer-
riiet le royaume de France, et avoit esté grevé et op-
pressé li royaumes de France plus, depuis le pais faite,
20 que en devant. <c Et tout ce que nous vous disons et
moustrons, vous le trouvères en vérité, se vous faites
lire les Chartres de le pais et en quoi li rois d'Engle-
terre et ses ainnés filz li princes de Galles se sousmi-
sent par foy et sierement. »
25 Âdonc li rois de France, pour li mieulz enfourmer
de vérité et condescendre à ses gens et garder les droi-
tures de son royaume, fist mettre avant et aporter en
le cambre de conseil toutes les Chartres de le pais; et
là les fist lire par pluiseurs jours et à grant loisir,
90 pour mieulz examiner les poins et les articles, qui
dedens estoient contenu. Si en furent veues et leues,
ce terme pendant, pluiseurs fois^ pour mieulz avenir
[i368] LIVRE PREMIER, § 602. 87
an fous de leur matère. Et entre les aultres, U en y
eut une des sousmissions , où li rois et ses consauls
s'arestèrent le plus , pour tant que elle parloit vive-
ment et elerement, de ce dont il voloient oir parler,
laquele lettre disoit en tel manière : .5
§ 602. Edouiwars, par le grasce de Dieu, roy d'En-
gleterre, signeur d'Irlande et d'Aquitainne ^ à tous
ceulz qui ces présentes lettres ver ont ou oront^ sa-
lut. Sachent tout que^ en l'acort et pais finable fais
entre nous et nostre très chier frère le roy de France, lO
sont contenu deux articles, contenans la fourme qui
s'ensieut. Item, que li roy dessus dit seront tenu de
Élire confremer toutes les coses dessus dittes par
nostre Saint Père le pape, et seront vallées par siere-
ment, sentenses et censures de court de Romme et 15
tous aultres liens ^ en la plus forte manière que faire
se pora. Et seront impetrées dispensations et abso-
lutions et lettres de la ditte court de Romme , tou-
chans la perfection et l'acomplissement de ce présent
trettiet ; et seront baillies as parties^ au plus tart dedens 20
trois sepmainnes^ apriès ce que li rois de France sera
arrivés à Calais. Item^ afin que les co^es dessus dittes,
traitiés et paroles soient plus fermes, estables et
vaillables^ seront faites et données les fermetés qui
s'ensievent : c'est à savoir, lettres seelées des seaulz 25
des rois et des ainsnés filz de ceulz, les milleurs qu'il
poront faire et ordonner par les consaulz des roys. Et
jureront li dit roy et leurs ainsnés enfans et aultres en-
fans, et ossi li aultre des linages des dis signeurs, et
aultres grans des royaulmçs, jusques au nombre de 30
vingt de çascune partie, qu'il tenront et aideront à
88 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1S68]
tenir^ pour tant comme çascun d'eulz touche^ les
dittes coses trettiies et acordées , et acompliront sans
jamais venir au contraire^ sans fraude et sans mal
engin y et sans faire nul empeechement. Et, se il y
5 avoit aucun del royaume de France ou dou royaume
d'Engleterre , qui fuissent rebelles ou ne volsissent
acorder les coses dessus dittes^ li doy roy dessus dit
ensamble feront tout leur pooir, de corps , de biens
et d'amis^ de mettre les dis rebelles en obéissance ^
10 selonch la fourme et teneur dou dit trettië. Et avoec
ce se sousmetteront li doy roy et leur royaume à le
cohertion de nostre Saint Père le pape , afin qu'il
puist constraindre par sentenses^ censures d'Eglise et
aultres voies deues, celi qui sera rebelles^ selonch ce
15 qui sera de raison. Et, parmi les fermetés et seurtés
dessus dittes^ renonceront li doy roy^ pour eulz et
leurs hoirs ^ par foy et sierement, à toutes grâces et
procès de Êiit. Et se, par désobéissance^ rébellion
ou poissance d'aucuns subgès dou royaume de France
20 ou aultre juste cause ^ le roy de France ou ses hoirs
ne pooient acomplir toutes les coses dessus dittes , li
rois d*Ëngleterre ^ ses hoirs ou aucuns pour eulz ne
• feront ou doient faire guen*e contre le roy de France,
ses hoirs ne son royaume; mes tous ensamble s'ef-
25 forceront de mettre les dis rebelles en obéissance et
d'acomplir les coses dessus dittes. Et ossi , se aucun
dou royaume et obéissant dou roy d'Engleterre ne
voloient rendre les chastiaus , villes ou forterèces
qu'il tiennent ou royaume de France et obéir au
30 trettié dessus dit, ou par juste cause ne poroit acom-
plir li dis rois de France ce qu'il doit faire par ce
présent trettiet, li doi roy ensamble doient faire leur
[1368] Uy&B PREMIER, $ 602. 89
plain pooir de guerriier les rebelles et de mettre en
bonne obéissance^ et de recouvrer villes, chastiaus et
forterèces. Et seront ossi Élites et données^ d'une par-
tie et d'autre^ selonc le nature dou fait^ toutes ma-
nières de fermetés et seurtés^ que on pora et sara de* 5
viser, tant par le pape et le colège de le court de
Romme ooiyme aultrement. Et nous, desiranâ avoir
et nourir perpétuelle pais et amour entre nous et
nostre dit frère et le royaume de France , avons re-
nunciet et par ces présentes renonçons à toutes guer- lo
res et aultres procès de fait contre nostre dit frère,
ses hoirs^ successeurs et le royaume de France et ses
subgès. Et prommetons et jurons et avons juré sus le
corps Jhesucris^ pour nous^ nos hoirs et successeurs^
que nous ne ferons ne venrons^ ne fidre ou venir 15
soufferons par fait ou par paroUe contre ceste pré-
sente renunciation y ne contre aucune de ces coses
contenues es dessus dis articles. Et^ se nous faisions
ou soufirions estre fait le contraire par quelconque
manière , ce que Diex ne voeille , nous volons estre 20
réputé et tenu pour faulz^ mauvais et parjure^ et en-
courre en tel blasme et diffame , comme rois sacrés
doit encourir en tel cas. Et renunçons à impetrer
toutes dispensations et absolutions dou pape et d'au-
tre contre le dit sierement. Et^ se impetrée es toit ^ S5
nous volons qu'elle soit nulle et de nulle valeur^ et
que nous ne nous en puissons aidier en aucune ma-
nière. Et^ pour tenir plus fermement les coses dessus
dittes f nous sousmetons nous , nos hoirs et nos suc-
cesseurs, à le jurisdiction et cohercion de l'Eglise de' 30
Romme. Et volons et consentons que nostre Saint
Père le pape conferme toutes ces coses ^ en donnant
90 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1368]
monitions et mandemens generaulz, pour Facom*
plissement d'icelles^ contre nous^ nos hoirs et sucées*
seurs et contre tous nos subgès^ soient commugnes,
universités, collèges ou personnes singulères quelcon-
5 ques^ et en donnant sentenses generaulz d'escume-
niementy de suspension ou d'entredit, pour estre en-
courues par nous ou par eulz^ sitos comme nous ou
eulz ferons ou attempterons le contraire^ en occuppant
ville, forterèce ou chastiel^ ou aultre cose quelconque
10 faisant, ratefiant ou agréant^ ou en donnant conseil^
confort^ faveur ne ayde^ celeement ou en appert^
contre les coses dessus dittes. Et avons fait sambla-
blement jurer toutes les dittes coses par nostre très
chier ainsnet fil Edouwart, prince de Galles, et nos
15 filz puisnés Leonniel^ conte de Dulnestre et Jehan ^
conte de Richemont , et Aymon de Langlëe et nos-
tre très chier cousin messire Phelippe de Navare,
et les dus de Lancastre et de Bretagne^ les contes
de Stafort et de Sasleberi, le signeur de Mauni^
20 Gui de Briane^ Renault de Gobehem, le captai de
Beus, le signeur de Montferrant, Jame d'Audelée,
Rogier de Biaucamp^ Jehan Chandos, Raoul de
Ferrières, Edouwart le Despensier, Thomas et Guil-
laume de Felleton , Eustasce d'Aubrecicourt , Franke
25 de Halle ^ Jehan de Montbray, Bietremieu de
Brouwes, Henri de Persi, Nicole de Cambourne,
Richart de Stafort^ Guillaume de Grantson, Raoul
Spingreniel^ Gastonnet de Graili et Guillaume Bour-
tonne, chevaliers. Et ferons ossi jurer samblablement^
30 au plus tost que faire porons bonnement^ nos aul-
tres enfans et la plus grant partie des prelas^ des
églises^ contes, barons et aultres nobles de nostre
p368] LIVRE PREMIER, % 603. 91
royaume. En tesmoing de laquel cose, nous avons fiadt
mettre nostre seel à ces présentes lettres^ données en
nostre ville de Calais, Tan de grasce Nostre Signeur
mil trois cens et soixante^ le vingt quatrime jour dou
mois de octembre. &
§ 603. Entre les aultres lettres qui avoient estet
données et acordées dalés Chartres comme en le ville
de Calais, quant li rois Jehans s'i tenoit ou temps
dessus dit y fu ceste lettre adonc dou roy Charlon,
son ainsnet fil , très bien leute et grandement et à 10
loisir examinée et visetée, présent les plus especiaus
de son conseil. Et là disoient bien li prélat et li ba-
ron de France, qui à ce consillier estoient appellet,
que li rois d'Engleterre ne li princes de Galles ne
Favoient en riens tenu ne acompli^ mes pris fors 15
chastiaus et villes^ séjourné et demoré ou dit royau-
me à grant damage , ranchonné et pillié le peuple ,
parquoi li paiement de le rédemption dou roy es-
toient CBcores ou en partie à paiier^ et que sur ce et
par ce point li rois de France et si soubget avoient 90
bon title et juste cause de brisier le pais et guerriier
les Englès, et yaus toUir l'iretage qu'il tenoient deçà
le mer.
Encores fu adonc dit ensi au roy^ secrètement et
par grant deliberacion de conseil : « Chiers sires^ em- S5
prendés hardiement^ et vous y avés cause. Et sachiés^
sitos que vous Tarés empris, vous verés et trouvères
que les trois pars dou pays de la ducé d'Aquitainne
se tourneront devers vous, prélat , conte, baron, che-
valier, escuier et bourgois de bonnes villes, vechi 30
conmient et pourquoi. Li princes procède à eslever
92 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [i368]
ce fouage dont point ne yenra à chief ^ mes en de-
morra en le hayne et malivolense de toutes gens» Et
sont cil de Poito, de Saintonge, de Limozin^ de
Roerge^ de Quersin et de le Rocelle^ de tel nature qu'il
5 ne poeent amer les Englès^ quel samblant qu*il leur
moustrent. Et li Englès ossi^ qui sont orguilleus et
presumptueus, ne les poeent osi amer ne fisent on-
ques, et encores maintenant mains que onques mais^
mais les tiennent en grant despit et vieuté. Et ont li
10 officiier dou prince si sourmonté toutes gens^ en Poito ,
en Saintonge et en le Rocelle^ qu'il prendent tout en
abandon^ et y font si grans levées que nulz n'a riens
au sien. Avoech tout ce, li gentil homme dou pays
ne poeent venir à nul office : tout emportent li En-
15 glès et li chevalier dou prince. »
Ensi estoit tart et tempre li propres rois de France
tutés et consilliés. Et meismement li dus d'Ango^ qui
pour le temps se tenoit en le cité de Toulouse^ y
rendoit grant painne^ et desiroit moult que la guerre
20 fust renouvelée^ ensi que cilz qui ne pooit amer les
Englès ne ne fîst onques^ pour aucuns actes de des-
plaisances que dou temps passet li avoient fois.
D'autre part, li Gascon songneusement li disoient :
ce Chiers sires ^ nous tenons^ dou temps passet et de
35 grant anciennetet^ à avoir nostre ressort en vostre
court. Si vous prions que vous nous faites droit et
loy, si com vostre court est la plus droiturière dou
monde^ dou prince^ sus les grans griés qu'il nous voet
faire et à nos gens; et, se vous nous defallés de droit
30 à faire^ nous nos pourcacerons ailleurs, et nous ren-
derons et metterons en court de tel signeur qui nous
en fera avoir raison, et vous perderés vostre signorie. »
[1368] UVRE PREMIER, $ 604. 93
li rois de France^ qui à enyis euist perdu l'amour
et le service de ces signeurs, car à grant blasme et
prejudisce li fust 'retourné , leur respondoit moult
courtoisement que ja , par £siute de loy ne de con-
seil^ il ne se trairoient en aultre court que en le 5
sienne^ mes il couvenoit user de telz besongnes par
grant avis. Ensi les démena il priés d'un an , et les
faisoit tous quois tenir à Paris; mais il paioit tous
leurs frès et leur donnoit encores grans dons et grans
jeuiaus^ et toutdis enqueroit secrètement comment^ 10
se la pais estoit brisie entre lui et les Englès , il se
maintenroient. Et cil respondoient que ja de la guerre
au lés de delà ne l'en faurroit ensonnier^ car il es-
toient grant et fort assés pour guerriier le prince et
se poissance. 15
Li rois^ de l'autre costet, tastoit ossi tout bellement
et secrètement à ceulz de Abbeville et de Pontieu,
quelz il les trouveroit , et s'il demorroient Englès ou
François. Cil de Abbeville ne desiroient aultre cose
que de estre François, tant haoient il les Englès. Ensi 20
acqueroit li rois de France amis de tous lés : aultre-
ment il n'euist osé bonnement £sûre ce qu'il fîst.
En ce temps fu nés^ et par un avent^ Charles de
France^ ainsnés filz dou roy de France» l'an mil trois
cens soixante huit^ dont li royaumes fu tous resjoïs. S5
En devant ce, avoit estet nés Charles de Labreth, filz
au signeur de Labreth. De le nativité de ces deux
en&ns^ qui estoient cousin, fu li royaumes moult
resleechiés^ et par especial li rois de France.
§ 604. Tant fu li rois de France tutés et enhortés 30
de diiaus de son conseil^ et songneusement quoitiés
94 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1368]
des Gascons^ que uns appiaus fu fais et fourmes pour
aler en Âquitainne appeller le prince de Galles en
parlement à Paris; et s'en fisent li contes d'Ermignach,
li sires de Labreth^ li contes de Pieregorth , li contes
5 de Commignes, li viscontes de Carmain , U sires de
Labarde, messires Bertrans de Taride, li sires de
Pincomet et pluiseur aultre^ cause et chief. Et con-
tenoit li dis apiaus comment^ sus grans griés dont chil
signeur se plaindoient que li princes de Galles et
10 d'Âquitainne leur voloit faire et à leurs terres , il ap-
pelloient et en traioient à ressort au roy de France ,
lequel^ si com de son droit et signourie, il avoient
pris et ordonné pour leur juge.
Quant li dis apiaus fu bien fais^ escrips et fourmes,
15 ensi qu'il apertenoit^ et bien corrigiés et examinés au
mieulz que li sage de France sceurent ne peurent faire^
et au plus doucement, toutes raisons gardées^ on les
carga à un derch de droit bien enlangagiet , pour mieulz
esploitier de le besongne, et à un chevalier de Biausse,
30 qui s'appelloit messires Caponnés de Capônval. Cil
doi, eu leur arroi et avoech leurs gens, se départirent
de Paris, et se misent au chemin par devers Poito, et
esploitièrent tant par leurs journées qu'il passèrent
Berri et Tourainne, Poito et Saintonge^ et vinrent à
95 Blaves, et là passèrent la rivière de Garone, et arri-
vèrent à Bourdiaus, où li princes et madame la prin-
cesse se tenoient pour le temps. Et partout disoient
li dessus dit qu'il estoient messagier au roy de France :
si estoient et avoient esté partout li bien venu^ pour
30 la cause dou dit roy^ de qui il se renommoient.
Quant il furent rentré en le cité de Bourdiaus^ il se
traisent à hostel, ja estoit tart, environ heure de ves-
•
[1369] LIVRE PREMIER, S ^0». 95
près : si se tinrent là tout ce jour jusques à l'endemain
que, à heure compétente, il vinrent vers l'abbeye de
Saint Andriu, où li dis princes se logoit et tenoit
son hostel. Li chevalier et li escuier dou prince les
recueiUièrent moult doucement^ pour le reverense 5
dou roy de France^ de qui il se renommoient^ et fu U
dis princes enfourmés de leur venue. Quant il furent
parvenu jusques au prince^ il l'enclinèrent moult bas
et le saluèrent^ et U fisent toute reverense^ ensi
comme à lui apertenoit et que bien le savoientfiûre, 10
et puis h bailUèrent lettres de créance. Li princes les
prist moult doucement et les lisi^ et puis lor dist :
« Vous nous estes li bien venu. Or dittes avant : que
volés vous dire? » — « Très chiers sires, dist li clers
de droite veci unes lettres qui nous furent baillies à 15
Paris ^ de nostre signeur le roy de France^ lesqueles
nous prommesimes par nos fois que nous publirions
en le présence de vous, car elles vous touchent. » Li
princes lors mua couleur, qui adonc fu tous esmer-
villiés que ce voloit estre , et ossi furent aucun che- 20
valier, qui dalés lui estoient. Nekedent, il se rafirena
et dist : « Dittes , dittes : toutes bonnes nouvelles
oyons nous volent iers. » Adonc prist li dis clers la
lettre et l'ouvri et le lisi^ de mot à mot, laquele lettre
contenoit ensi : 25
l § 605 . Charles, par le grasce de Dieu, rois de France^
à nostre neveu le prince de Galles et d' Aquitainnes ,
salut. Comme ensi soit que pluiseur prélat, baron,
chevalier, universités, commugnes et collèges des
marées et limitations de Gascongne, demorant et ha- 30
bitant es bondes de nostre royaume, avoech pluiseurs
•
96 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [iS69]
aultres de la ducé d'Âquitainne, se sont trait en nos-
tre court^ pour avoir droit sus aucuns griës et mo-
lestés indeus^ que vous, par foible conseil et simple
information^ leur avés proposé à faire ^ dont nous
5 sommes tout esmervilliet : donc^ pour obviier et re-
mediier à ces coses, nous nos sommes ahers avoech
yaus et aherdons, tant que, de nostre majesté royal
et signourie^ nous vous commandons que vous venés
en nostre cité de Paris en propre personne et vous
10 amoustrés et représentés devant nous en nostre cam-
bre des pers^ pour oïr droit sus les dites complaintes
et griefs^ esmeus de par vous, à faire sus vostre
peuple qui claime à avoir resort en nostre court ; et
à ce^ comment que ce soit^ n'i ait point de defaute^
15 et soit au plus hasteement que vous poés, apriès
ces lettres veues. En tesmoing de laquel cose^ nous
avons à ces présentes mis nostre seel. Donnet à Paris^
le quinzime jour dou mois de jenvier.
§ 606. Quant li princes de Galles ot oy lire ceste
20 lettre^ si fu plus esmervilliés que devant, et crola la
tieste et regarda de costé sus les dessus dis François.
Et quant il eut un petit pensé, si respondi par tel ma-
nière : « Nous irons volentiers à nostre ajom* à Paris,
puisque commandé nous est dou roy de France^ mes
25 ce sera le bachinet en le teste et soixante mil hom-
mes en nostre compagnie*- » Dont s'engenouUièrent
li doi François^ qui là estoient^ si disent : a Chiers
sires^ pour Dieu merci, ne prendés cest appel en trop
grant despit ne en trop grant courons. Nous som-
30 mes messagier au roy nostre signeur^ chi envoiiet de
par lui^ à qui nous devons toute obéissance^ si com li
[1369] LIVRE PREMIER, § 606. 97
Yostre le vous doivent; et nous couvint par com-
mandement aporter cest appel y et tout ce que vous
nous carçerés, nous le dirons volent iers au roy. » —
(c Nennil^ dist li princes^ je ne vous en sçai nul mal
gré, fors ceulz qui chi vous envoient. Et vostre roy 5
n'est pas bien consilliés, qui s'ahert avoech nos sub-
gès et se voelt faire juges de c'a lui riens n'apertient
ne où il n'a point de droit; car bien U sera moustré
que^ au rendre et mettre en le saisine monsigneur
mon père ou ses commis de toute la ducée d'Aqui- lo
tainne^ il en quitta tous les ressors. Et tout chil qui
ont fourme leur appiel contre mi^ n'ont aultre res-
sort que en le court d'Engleterre de monsigneur mon
père; et^ ançois que il soit aultrement, il coustera
cent mil vies. » 15
À ces paroles se départi U dis princes d'yaus^ et
entra en une cambre; si les laissa là tous quois ester.
Adonc vinrent avant chevalier englès^ qui leur di-
sent : <K Signeur, partes de ci et retournés à vostre
hostel. Vous avés bien fait ce pour quoi vous estes 20
venu : vous n'arés autre response que vous avés eu. »
Lors se départirent li chevaliers et li ders, et retour-
nèrent à leur hostel et là disnèrent. Et tantost apriès
disnerj, il toursèrent et montèrent , et se départirent
de Bourdiaus^ et se misent au chemin pour revenir 25
vers Thoulouse et compter au duch d'Ango comment
il avoient esploitié.
Li princes de Galles'^ si com chi dessus est dit ,
estoit tous merancolieus de cel appiel que on li avoit
&it. Ossi estoient si chevalier, et vosissent bien 30
U aucun^ et le consilloient au prince, que li doi mes-
sagier, qui lappiel avoient aporté, fuissent occis
VII — 7
98 CHRONIQUES DB J. FROISSART. [1369]
pour leur salaire^ mais li princes les en deffendoit.
Si eut il sus yaus tamainte imagination trop dure ,
et quant on li dist qu'il estoient parti et tenoient le
chemin de Thoulouse^ si appella monsigneur Thumas
^ de Felleton et le seneschal de Roerge et monsigneur
Richart de Pontchardon et monsigneur Thumas de
Persi et son cancelier l'evesque de Bade, et leur de-
manda : <c Chil François, qui s'en revont^ emportent
il nul sauf conduit de mi ? » Li dessus dit respondi-
10 rent qu'il n'en avoient oy nulles nouvelles. « Non,
dist li princes qui crolla la tieste, ce n'est pas bon
qu'A se partent si legierement de nostre pays, et voi-*
sent recorder leur gengles et leurs bourdes au duch
d'Ango, qui nous aime tout petit, et dient conmient
15 il m'ont ajourné en mon hostiel meismes. Ossi tout
considéré, il sont plus messagier à mes subgès, le
conte d'Ermignach et le signeur de Labreth, li conte
de Pieregorth et celi de Commignes et de Quarmaing,
qu'il ne soient au roy de France, siques^ à leur con-
20 traire et pour le despit qu*il nous ont fait et ont em-
pris à faire, nous acordons bien qu'il soient retenu
et mis en prison. »
De ces paroUes furent cil dou conseil dou prince
tout joiant , et disent ensi que on y avoit trop mis
25 au faire. Tantost en fu cargiés li seneschaus d'Aghi-
nois , qui s'appelloit messires Guillaumes le Monne ,
uns moult appers chevaliers d'Engleterre , liquelz
monta tantost à cheval avoech ses gens, et se départi
de Bourdiaus et poursievi tant, en lui hastant, les
30 François^ que il les raconsievi sus le terre d'Aginois.
Si les arresta et mist main à yaus d'office, et trouva
aultre cautèle que dou fait dou prince ; car, en yaus
[1369] LIVRE PREMIER, $ 607. 99
airestant^ point ne nomma le prince , mes dist que
leurs hostes dou soir s'estoit plains d'un cheval que
on li avoit cangié à son hostel.
li chevaUers et li clers furent tout esmervilliet de
ces nouyelles, et s'en escusèrent moult fort; mes, 5
pour escusance que il fesissent^ il ne peurent estre
desaresté, ains en furent mené en la cité d'Agen, et
là mis ou chastiel en prison. Et laissèrent bien partir
li dit Englès aucuns de leurs garçons, qui retournèrent
en France au plus tost qu'il peurent^ et passèrent 10
parini le cité de Thoulouse et recordèrent au duch
d*Ango l'afaire ensi qu'il aloit, qui n'en fu mies trop
courouciésy pour tant quil pensoit bien que c^estoit
eommencemens de hayne et de guerre, et se pourvei
couvertement et avisa selonch ce.j 15
Les nouvelles vinrent au roy de France, car li var-
let y retournèrent, qui recordèrent tout ce que il
avoient veu et oy dire à leurs mestres de Testât et
convenant dou prince. De laquele avenue li rois fu
moult courouciés et le tint en grant despit, et s'avisa 20
selonch ce, et sus les parolles que li princes avoit dit,
qu'il venroit à son ajour contre l'appiel qui fais es-
toit, personehnent, le bachinet en le tieste, et soixante
mil hommes en se compagnie.
5 607. De ceste response grande et fière n'en pen- 25
sèrent mies li rois de France et ses consauls mains,
et se ordonnèrent et pourveirent selonch che quoie-
ment et couvertement.
A ce donc estoit Retournés en France d'Engleterre,
par grasce que li rois li avoit fait, messires Jehans de 30
France, dus de Berri, et avoit congiet un an. Si se
100 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [4369]
dissimula et porta si bellement que onques puis n'i
retourna ; et prist tant d'escusances et d'autres moiiens
que la guerre fu toute ouverte, si com vous orés re-
corder assés briefinent.
5 Ossi messires Guillaumes, contes de Harcourt, es-
toit retournés en son pays ; et li avoit li dis rois d'En-
gleterre fait grasce, à le priière de monseigneur Tx>eis
de Harcourt, son oncle, qui estoit de Poito et pour
le temps des chevaliers feaulz dou prince. Liquelz
10 contes de Harcourt eut une maladie qui trop bien li
chei à point, car elle li dura tant que la guerre fu
toute renouvelée .: pourquoi onques puis ne rentra
en Engleterre.
Guys de Blois , qui pour le temps estoit uns jones
15 escuiers et frères au conte Loeis de Blois, s'estoit dé-
livrés franchement d'Engleterre; car, quant il per-
chât que li rois de France, pour qui il estoit là hosta-
giiers , ne le deliveroit pas y il fist trettier devers le
signeur de Couci qui avoit à femme le fille dou roy
20 d'Engleterre et qui tenoit à ce jour grant revenue en
Engleterre de par sa fenune , assignés sus les coffres
dou roy. Si se porta trettiés entre le dit roy^ le signeur
de Couci son fil et Gui de Blois^ que li dis Guis^ par
le consentement de ses deux frères Loeis et Jehan et
25 l'acûrt dou roy de France, resigna purement et abso-
luement ens es mains dou roy d'Engleterre la conté
de Soissons, laquele conté li dis rois d'Engleterre
rendi et donna à son fil le signeur de Couci, et
de ce li sires de Couci le quitta de quatre mil
30 frans de revenue par an : ensi se fisent ces pa-
reçons.
Li contes Pieres d*Alençon ossi^ par grasce que li
[i369] LIVRE PREMIER, $607. iOl
rois d'Engleterre li avoit fkit^ estoit retournés en
France. Si demora tant et trouva pluiseurs escusances,
pour quoi onques puissedi ne rentra en Tostagerie
dont il estoit partis; mais je croi que en le fin il paia
trente mil frans^ pour sa foy aquitter. 5
En devant ce, en estoit trop bien cheu au duch
Loeis de Bourbon qui pour celle cause estoit hosta-
giiers en Engleterre^ car par grasce que li rois d'En-
gleterre li avoit fidt il estoit retournés en France.
Dont il avint^ entrues qu'il estoit en France et à Paris lO
dalés le roy son serourge^ que li evesques de Winces-
tre, canceliers d'Engleterre^ trespassa de ce siècle.
A ce donc regnoit en Engleterre uns prestres qui
s'appelloit Guillaumes Wikam. Chilz estoit si très
bien dou roy d'Engleterre que par lui estoit tout Êiit^ 15
et sans lui n*estoit riens fait. Quant cilz offices et celle
eveskiet vaghièrent^ tantost li rois d'Engleterre^ par
l'information et priière dou dessus dit Wikan^ escrisi
au duch de Bourbon qu'il se vosist tant pour l'amour
de lui travillier que d'aler devers le saint père pape 20
Urbain et impetrer pour son chapellain l'evesquiet
de Wincestre^ et il li seroit courtois à se prison.
• Quant li dus de Bourbon vei les messages dou roy
d'Engleterre et ses lettres, si en fu moidt resjoïs et
remoustra tout Tafaire au roy de France^ de quoi 25
li rois d'Engleterre et messires Guillaumes Wikan le
prioient. Li rois li consilla bien d'aler devers le pape.
Si se parti li dis dus o son arroy et esploita tant par
ses journées qu'il vint en Avignon où li papes Urbains
pour le temps se tenoit^ car encores n'estoit il point 30
partis ne raies à Romme. Auquel saint père li dus de
Bourbon fîst sa priière^ à laquele li papes descendi et
i02 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [i369]
donna au dit duch Tevesquiet de Wincestre à fiiire
ent sa volentet; et, se il trouvoit tel le roy d'Engle-
terre que amiable à se composition^ il voloit bien
que li dis Wikan Teuist.
5 Sus cel estât, retourna li dus de Bourbon en France
et depuis en Engleterre^ et tretta de se délivrance
devers le roy et son conseil^ ançois qu'il vosist mous-
trer ses bulles. li rois y qui moult amoit ce Wikan^
fist tout ce qu'il veult. Et fu li dus de Bourbon quit-
10 tes de se prison^ mais encores paia il vint mil frans.
Et messires Guillaumes Wikan demora eveskes de
Wincestre et canceliers d'Engleterre. Ensi se deli-
vroient cil signeur de France qui estoient hostagier
en Engleterre. Or revenons au &it de Gascongne où
15 les guerres commencièrent premièrement, pour le
cause de l'appiel et dou ressort.
§ 608. Vous devés savoir que li princes de Galles
prist en grant despit l'ajour que on li avoit fait à es-
tre à Paris. Et bien estoit se intention, selonch la res*
20 ponse qu'il avoit ditte et faite as messagiers dou roy,
que, sus l'esté qui venoit^ il venroit tenir son siège
et remoustrer sa personne à le feste dou Lendi. Et
envoia tantost devers les capitainnes des Compagnes^
englès et gascons^ qui estoient de son accord^ et li-
25 quel se tenoient sus le rivière de Loire^ que il ne se
eslongassent mies trop^ car temprement il en aroit à
faire. Desqueles nouvelles li plus des Compagnes fu-
rent tout joiant. A ce n'euist point li princes £ailli^ mes
de jour en jour il aggrevoit d'enflé et de maladie^ la-
30 quele il avoit conçut en Espagne : dont ses gens es»
toient tout esbahi^ car ja ne pooit il point chévaucier .
[1369] UTHE PREMIER, % 608. 103
Et de ce estoit li rois de France tous enfouîmes, et
de l'estat et afaire de lui, et avoit par recepte toute
sa maladie. Si le jugoient li médecin et surgiien de
France plain de ydropisse et de maladie incurable»
Assés tost apriès la prise de monsigneur Caponnet 5
de Caponval et dou derch de droite qui furent pris
et arresté de monsigneur Guillaume le Monne, et
menet prisonniers en le cité d'Âgen, si com ci dessus
est dit, li contes de Pieregorg, U contes de Commi-
gnes et li viscontes de Quarmain, avoech monsigneur lo
Bertran de Taride, le signeur de la Barde et le signeur
de Pincornet, qui se tenoient en leurs terres, prisent
en grant despit 1^ prise des dessus dis messagiers,
car, ou nom d'yaus et pour yaus, il avoient eu ce
damage. Si se avisèrent que il se contrevengeroieul 15
et ouveroient le guerre par aucun lés j et reprende-
roient des gens le prince, car cilz grans despis ne
Êdsoit mies à souffrir. Si entendirent que messires
Thumas de Welkefare devoit chevaucier à Rodais,
pour entendre à le forterèce, et se tenoit à Yillenove 20
d'Âginois, et devoit partir de là à soixante lances tant
seulement.
Quant li dessus dit entendirent ces nouvelles, si
en furent tout joiant, et se misent en embusche
sus le dit 'monsigneur Thumas, trois cens lances, en 25
leur compagnie , siques , au dehors de Montalben ,
environ deux liewes en sus, ensi que li dis senes-
chaus de Roerge chevauçoit à soixante lances et deux
cens arciers, ceste grosse embusce des Gascons leur
salli au devant. Li Englès furent tout esbahi, qui 30
ne s'en donnoient garde. Toutesfois, il se misent
à deffense bien et faiticement ; mes li François , qui
104 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
estoient tout pourveu et avisé de leur fait^ les en-
vaïrent et assàllirent fièrement. Et là en eut^ de pre-
mier encontre^ grant fuison ruet par terre. Et ne
peurent li dit Englès à ce donc porter le fais^ ne souf-
5 frir les Gascons de Pieregorth^ de Commignes et
de Quarmaing; si se ouvrirent et desconfirent et
tournèrent Les dos. Et là en y eut grant fuison de
mors et de pris, et convint le dit monsigneur Thu-
mas fuir ; aultrement^ il euist esté pris. Si se sauva à
10 grant painne et à grant mesehief par le bonté de son
coursier^ et s'en vint bouter en le garnison de Mon-
talben : là fu il à sauveté. Li dessus dit François re*
tournèrent en leur pays ; si en menèrent leurs prison-
niers et leurs conques.
15 Ces nouvelles vinrent moult tost au prince, qui se
tenoit pour le temps en Angouloime, comment ses
seneschaus de Roergeavoit esté ruetjusdou conte de
Pieregorth et de chiaus qui l'avoient fait appieller en
le cambre des pers à Paris. De ceste avenue fu li
20 princes durement coureciés, et dist bien que ce
seroit amendé chierement et hasteement sus chiaus
et leurs terres, qui cest outrage avoient fait. Si escrisi
tantosL li dis princes devers monsigneur Jehan Chan-
dos, qui se tenoit en Constentin à Saint Salveur le
25 Visconte, en lui mandant que, ses lettres veues, il se
retraisist sans point de delay avant. Li dis messires
Jehans Chandos volt obéir et se hasta dou plus qu'il
peut, et s'en vint en Ângouloime devers son signeur
li prince , qui le rechut à grant joie ; et tantost li
30 dis princes l'envoia à tout grant fuison de gens
d'armes et d'archiers en le ville de Montalben^ pour
là faire firontière as Gascons françois^ qui monte-
[1369] UYRE PREMIER, § 608. 105
plioient tous les jours et couroient sus le tierre dou
prince.
Li dis messires Thumas de Welkefare^ seneschaus
de Roei^e^ se recueilla au mieulz qu'il peut^ et s'en
yint à Rodais , et pourvei et rafreschi grandement le 5
cité^ et ossi le ville et le chastiel de la Millau, sus les
marces de Montpdlier^ et toutes les garnisons de se
seneschandie et le fort chastiel de Montpesier, et par-
tout mist gens d'armes et arciers.
Messires Jehans Chandos, qui se tenoit à Mon- 10
talben , tint là franchement le marce et le frontière
contre les François^ avoech aultres harons et che-
Ysdiers que li princes y envola, telz que monsigneur
le captai de Beus^ les deux frères de Pumiers, mon-
signeur Jehan et monsigneur Helye^ le soudic de 15
Lestrade^ le signeur de Partenay^ le signeur de
Pons, monsigneur Loeis de Harcourt^ le signeur de
Puiane, le signeur de Tannai Bouton et monsigneur
Richart de Pontchardon. Si faisoicnt souvent des
issues chil chevalier et leurs routes sus les gens le 20
conte d'Ermignach et le signeur de Labreth^ qui fai-
soicnt ossi la frontière^ et li contes de Pieregorth^ li
contes de Ck>mniignes, h viscontes de Quarmaing^ li
sires de Taride, li sires de Pincornet, li sires de La-
barde et pluiseur aultre , tout d'une alliance. Si gae- 25
gnoient une fois li un, et puis li aultre^ ensi que tels
aventures aviennent en fais d'armes.
Encores se tenoit li dus d'Ango tous quois, qui ne
se mouvoit pour cose qu'il oïst dire ; car li rois de
France, ses frères^ li avoit deffendu qu'il ne fesist 30
point de guerre au prince^ jusques à tant qu'il oroit
et aroit de lui certainnes nouvelles.
406 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
$ 609. Li rois de France^ toute celle saison^ secrè-
tement et soutievement avoit ratrait pluiseurs capi-
tainnes des Compagnes^ Gascons et aultres^ qui s'es-
toient partis des Englès et estoient monté contre-
5 mont le Loire, sus les marces de Berri et d'Auvergne.
Et les consentoit là li rois de France à vivre et à de-
morer, mes point ne se nommoient encores ces
Compagnes François, car li rois de France n'en voloit
mies estre nommés, par quoi il perdesist son &it de
10 la conté de Pontîeu, qu'il tendoit fort à ravoir. Car,
se li rois d'Engleterre sentesist que li rois de France
li volsist avoir fait guerre, il euist bien obviiet au da-
mage qu'il rechut de Pontieu , car il euist si grosse-
ment pourveu le bonne ville d'Abbeville d*Englès et
15 de gens de par lui, qu'il en eussent esté mestre et
souverain, et ossi de toutes les garnisons appendans
à le ditte conté. A ce donc estoit seneschaus de Pon-
tieu, de par le roy d'Engleterre, uns bons chevaliers
englès, qui s'appelloit messires Nicoles de Louvaing,
20 et ouquel li rois d'Engleterre avoit grant fiance et à
bon droit, car, pour les membres à trencier, il n*euist
pensé ne consenti nulle lasqueté à faire.
En ce temps estoient envoiiet en Engleterre, de par
le roy de France, li conte^ de Salebruce et messires
25 Guillaumes de Dormans, pour parler au roy d'En-
gleterre et à son conseil et yaus remoustrer comment,
de leur partie, la pais avoit esté et estoit encores
tous les jours mal tenue, si com il disoient, tant
pour le fait des Compagnes, qui guerrioient et avoient
30 depuis six ans guerriiet le royaume de France, que
par aultres incidens, dont li rois de France et ses
consauls estoient enfourmet et se contentoient mal
[136»] UVRE PltEMIER, g 609. i07
sus le roy d'Engleterre et son fil le prince. Si avoient
li doy dessus dit demoret en Engleterre le terme de
deux mois^ et^ en ce terme pendant^ proposé plui-
seurs articles et raisons au corps dou dit roy, dont
pluiseurs fois Tavoient melancoliiet et courouciet; 5
mais il n'i acontoient c'un petit ^ car de ce à dire et
faire estoient il cargiet ddu roy de France et de son
conseil.
Or avint ensi que, quant li rois de France eut le
seurté secrètement de chiaus de Abbeville , que il se 10
retourroient François et que les guerres estoient toutes
ouvertes en Gascongne, et toutes gens d'armes dou
royaume de France appareilliet et en grant volenté
de faire guerre au prince et d'entrer en le princeté,
ils , qui ne voloit mies ou [temps présent ne avenir 15
estre reprociés que il euist envoiiés ses gens sus la
terre dou roy et dou prince et prendre villes, cités
et chastiaus et forterèces sus yaus sans deffiances,
eut conseil que il envoieroit deffiier le roy d 'Engle-
terre, ensi qu'il fist par ses lettres closes. Et porta 20
uns de ses variés de cuisine, breton, les dittes deffian-
ces et passa le mer si à point que il trouva à Douvres
les dessus dis, le conte de Salubruce et messire Guil-
laume de Dormans, qui retournoient d'Engleterre en
France et avoient acompli leiu* message, asquelz li 25
dis Bretons compta une partie de se entente^ car
ensi en estoit il cargiés. Et quant li dessus dit l'en-
tendirent, il partirent d'Engleterre au plus tost qu'il
peurent et rapassèrent le mer; si furent tout joiant,
quant il se trouvèrent en le ville et forterèce de Bou- 30
longne.
En ce temps, avoit esté envoiiés à Romme, deviers
i08 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [4369]
le pape Urbain Y*, de par le prince de Galles, pour
les besongnes de la ducé d'Aquittainne ^ messires
Guichars d'Angle^ mareschaus d*Aquittainne. Si avoit
trouvé le pape assés amiable et descendant à ses
5 priières^ siques au retour li dis messires Guichars oy
nouvelles que on faisoit guerre au prince et que li
François couroient sus le princeté; si en fu tous es*
bahis comment il poroit estre retournés. Non obstant
ce y il s'en vint devers monsigneur le gentil conte de
10 Savoie y lequel en ce temps il trouva en Pieumont^ en
le ville de Pinnerol^ car il faisoit guerre contre le
markis de Saluce. Li dis contes de Savoie reçut
liement et grandement monsigneur Guichart d'An-
gle et toute se route , et les tint deux jours moult
15 aise, et leur donna grans dons et biaus jeuiaus^ chain-
tures et autres presens ; et par especial , messires
Guichars en eut le milleur part^ car li gentils contes
de Savoie l'onnoroit et recommendoit grandement
pour sa bonne chevalerie. Et quant li dis messires
20 Guichars et ses gens se furent départi dou conte de
Savoie^ il passèrent sans nid dangier parmi le conté
de Savoie; et plus approçoient les mettes de France
et de Bourgongne, et tant ooient il dures nouvelles et
desplaisans à leur pourpos^ siques, tout considéré^
25 messires Guichars vei bien que nullement, çn l'estat
où il chevauçoit, il ne pooit retourner en Giane. Si
se dissimula et différa et mist et donna tout son estât
et son arroy en le gouvrenance et ordenance d'un
chevalier, qui en se compagnie estoit, qui s'appelloit
30 messires Jehans Ysorés. Chilz avoit sa fille espousée
et estoit bons François , des marces de Bretagne. Li
dis messires Jehans prist en carge et en conduit toutes
[1369} LIVRE PREMIER, $ 610. 409
les gens à monsigneur Guiehart d* Angle ^ son père^
et s'en vint en le terre le signeur de Biaugeu^ et là
passa le riyière de Sone ; et s'acointa si bellement dou
dit signeur de Biaugeu^ que li dis sires de Biaugeu
amena le chevalier et toute se route à Rion^ en Au- 5
vei^e^ devers le duch de Berri. Si se ofiri là à estre
bons François , ensi qu'il estoil. Parmi tant , il
passa paisieulement et vint chiés soy en Bretagne. Et
li dis messires Guichars^ en ghise et estât d'un povre
capellain^ tout deschiré et mal monté, rapassa parmi lo
France les marées de Bourgongne et d* Auvergne^ et
fist tant que^ en grant péril et en grant painne, il
rentra en le princeté^ et vint en Angouloime^ devers
le prince, où il fu moult liement recueillies et li bien
venus. Et uns aultres chevaliers de se route de Poito^ 15
qui estoit partis en légation avoech lui^ qui s'appelloit
niessires Guillaume de Seris , s'en vint bouter en le
abbeye de Clugni en Bourgongne, et là se tint plus
de cinq ans, que onques ne s'en osa partir ne bou-
gier^ et en le fin se rendi il François. 20
Or revenons au Breton qui porta les^ deffiances
dou roy Charle de France au roy Edouwart d'En-
gleterre. '
§ 610. Tant esploita cilz dis variés qu'il vint à
Londres, et entendi que li rois d'Engleterre et ses 25
consaulz estoient ou palais de Wesmoustier , et avoient
là un grant temps parlementé et consilliet sus les be-
songnes de le princeté et l'afaire dou prince, qui es-
toit des barons de Gascongne guerriiés, à savoir com-
ment il s'en maintenroient , et quelz gens d'Engle- 30
terre on y envoieroit pour conforter le prince. Evous
110 CHRONIQUES DE J. FROISSART. | [1369]
venues autres nouvelles^ qui leur donna plus à pen-
ser que devant ; car li variés, qui les dittes deffiances
aportoit, fist tant qu'il entra en le ditte cambre , où
li rois et tous ses consauls estoient^ et dist qu*il es-
5 toit uns variés de Tostel dou roy Charle de France,
là envoiiés de par le dit roy, et aportoit lettres^ qui
s'adreçoient au roy d*£ngleterre^ mes mies ne savoit
de quoi elles parloient, ne point à lui n'en aperte-
noit de parler ne dou savoir. Si les ofiri il en ge-
10 noulz au roy. li rois , ' qui desiroit à savoir quel
cose il y avoit dedens^ les fist prendre^ ouvrir et lire.
Or furent mouk esmervilliet li rois qui là estoit et
tout cil qui les oïrent Ure^ quant il entendirent les
deffiances^ et regardèrent bien et avisèrent desous et
15 deseure le seel, et cogneurent assés clerement que
les dittes defiSances estoient bonnes. Si fist on le
garçon partir^ et li fu dit que il avoit bien fait son
message et qu'il se mesist hardiement au retour, il
ne trouveroit point d'empeecement, ensi qu'il fist, et
20 retourna au plus tost qu'il peut parmi raison. £n-
cores estoient à ce jour bostagier en Engleterre , pour
le fait dou roy de France, li contes daufîns d'Auver-
gne, li contes de Porsiien, li sires de Roiie, li sires
de Maulevrier et pluiseur aultre, qui furent en grant
25 soussi de coer, quant il ourent ces nouvelles, car mies
ne savoient que li rois d'Engleterre et ses consaulz
vorroient foire d^yaus.
Vous devés savoir que ad»nc li rois d'Engleterre
et ses consaulz prisent en grant despit et desplai-
30 sance les deffiances aportées par un garçon; et di-
sent que ce n'estoit pas cose apertenans , que guerre
de si grans signeurs, comme dou roy de France et
[1369] LIVRE PREMIER^ S <^^0. iil
dou roy d'Engleterre ^ fust nonciée ne defldiée par
un varlet^ mes bien yaloit que ce fust par un prélat
ou par un vaillant homme ^ baron ou chevalier :
nequedent il n'en eurent adonc aultre cose. Si fu »
dit et consilliet là au roy que il envoiast , tantost et 5
sans delay, grans gens d'armes en Pontieu, pour
là garder le frontière, et especialment en le ville de
Âbbeville , qui gisoit en grant péril de estre prise.
Li rois entendi volentiers à ce conseil j et y furent
ordené et cargiet de là aler li sires de Persi , li sires 10
de Nuefville^ li sires de Carlestonne et messires GuU-
laumes de Windesore, à quatre cens honmies d'armes
et mil arciers.
Entrues que cil signeur et leur gens se ordenèrent
et appareillièrent dou plus tost qu'il peurent , et ja 15
estoient trait à Douvres et venu pour passer le mer,
aultres nouvelles leur vinrent de Pontieu, qui ne leur
furent mies trop plaisans. Car si tretost que li con-
tes Guis de Saint Pol et messires Hues de Chastillon,
mestres pour le temps des arbalestriers de France, peu- 20
rent penser et aviser ne considérer que li rois d'En-
gleterre estoit defïiiés, il se traisent. avant par devers
Pontieu^ et avoient fait secrètement leur mandement
de chevaUers et de escuiers d'Artois^ de Haynau, de
Cambresis, de Vermendois, de Vismeu et de Pikar-. 25
die, et estoient six cens lances, et vinrent à Abbeville.
Si leur furent les portes tantost ouvertes^ car c'estoit
cose toute pourparlée et avisée^ et entrèrent ces gens
d'armes ens, sans mal Êiire à nul de chiaus de le na-
tion de le ville. 30
Messires Hues de Chastillon^ qui estoit menères
et conduisières de ces gens d'armes, se traist tantost
IIS CHRONIQUES DE J. FROISSART. [i869]
de celle part où il pensoit à trouver le senescal de
Pontieuy monsigneur Nicole de Louvaing^ et fist tant
qu'il le trouva et qu'il le prist et retint pour son
prisonnier^ et prist encores un moult riche clerch
5 et vaillant homme durement ^ qui estoit trésoriers
de Pontieu. Ce jour eurent 11 François tamaint bon
et riche prisonnier et se saisirent dou leur, et per-
dirent li Englès tout ce que il avoient à ce jour en le
ditte ville de Abbeville. Encores coururent en ce jour
10 caudement li François à Saint Walleri^ et y entrèrent
de fait et s'en saisirent^ et ossi au Crotoi et le prisent^
et ensi le ville de Rue sus mer.
Âssés tost apriès y vint li contes de Saint Fol au
Pont de Rémi sus Somme , où aucun Englès de là
15 environ estoient recueilliet : si les fist assallir li dis
contes^ et là eut grant escarmuce et forte. Et y fu
fais chevaliers messires Gallerans ses ainsnés filz,
liquelz se porta bien et vaillamment en se nouvelle
chevalerie. Si furent cil Englès^ qui là estoient^ si dur
20 assalli qu'il furent desconfi, mort et pris, et li dis
pons et la forterèce conquise^ et demora as François.
Briefinent^ tous li pays et la conté de Pontieu fu de*
livrée des Englès , ne onques nulz n'i demora ^ qui
peuis^grever le pays.
25 Ces nouvelles vinrent au roy d'Engleterre , qui se
tenoit à Londres^ comment cil de Pontieu l'avoient
relenqui et estoient tourné françois. Si en fu durement
courouciési et eut li dis rois tamainte dure imagination
sus aucuns hostagiers de France, qui estoient encores
30 à Londres, quant il se ravisa que ce seroit cruaultés se
il leur faisoit comparer son mautalent. Nequedent, il
envoia tous les boui^ois des cités et bonnes villes de
[1369] LIVRE PREMIER, $ 61i. HZ
France, qui là estoient hostagier^ en aultres villes et
forterèoes parmi son royaume^ et ne les tint mies si au
lai^e que il avoient esté tenu dou temps passé. Et le
conte daufin d'Auvergne^ il rançonna à trente mil
firans^ et le conte de Porsiien à dix mil francs. Et 5
encores demora li sires de Roie en prison^ en grant
dangier^ car il n'estoit mies bien de court : se li
convint souffrir et endurer au plus bellement qu*il
peut et povoit^ tant que jours de délivrance vint pour
li, par grant fortune et aventure^ si com vous orés lo
avant en Tistore*
§ 611. Quant li rois d'Engleterre se vei deffiiés
dou roy de France et le conté de Pontieu perdue^
qui tant li avoit cousté au rempàrer villes^ chastiaus
et maisons^ car il y avoit mis cent mil francs deseure 15
toutes revenues, et il se vei guerriiés de tous coslés^
car dit li fu que li Escot estoient alloiiet au roy de
France, qui li feroient guerre^ si fu durement cou-
rouciés et merancolieus. Et toutesfois il doubta plus
la guerre des Escos que des François; car bien sa voit 20
que li Escot ne Famoient mies bien^ pour les grans
damages que dou temps passé il leur avoit fais. Si
envoia tantost grans geQs d'armes sur les frontières
d'Escosse, à Bervich, à Rosebourch, au Noef Ghastiel
sur Thin et là partout sus les frontières. Et ossi il mist S5
grans gens d'armes sus mer au lés devers Hantonnc,
Grenesie, l'isle de Wiske et Grenesee, car on li dist
que li rois de France faisoit un trop grant appareil de
naves et de vaissiaus pour venir en Engleterre. Si ne
se savoit de quel part gaitier, et vous di que li Englès 30
furent adonc bien esbahi.
vu — 8
114 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
Sitost que li dus d'Ango et li dus de Berri seeu-
rent que les defliances estoient et la guerre ouverte,
si ne veurent mies séjourner, mes fisent leurs mande-
mens grans et especiaulz, li uns en Auvergne , et li
5 aultres à Thoulouse, pour envoiier en le princeté. Li
dus de Berri avoit de son mandement tous les barons
d'Auvergne et de l'archeveskié de Lyons et de l'eves-
kié de Mascons, le signeur de Biaugeu, le signeur de
Villars, le signeur de Tournon, monsigneur Godefroy
10 de Boulongne, monsigneur Jehan d'£rmignach son
serourge, monsigneur Jehan de Villemur, le signeur
de Montaguty le signeur de Calençon, monsigneur
Hughe daufin, le signeur d'Achier, le signeur d'Achon,
le signeur de Rocefort et moult d'autres.
15 Si se traisent tantost ces gens d'armes en Tou-
rainne et sus les marées de Berri, et commencièrent
fort à guerriier et à heriier le bon pays de Poito, mes
il le trouvèrent pourveu et garni de bonnes gens
d'armes, chevaliers et escuiers : si ne l'eurent mies
20 d'avantage. Adonc estoient, sus les marces de Tou-
rainne et en garnison es forterèces françoises, mes-
sires Loeis de Saint Juliien, messires Guillaumes des
Bordes et Keranloet, Breton. Chil troi estoient com-
pagnon et grant capitainnes de gens d'armes. Si
25 fisent en ce temps pluiseurs grans apertises d'armes
sus les Englèsy ensi que vous orés recorder avant en
l'ystore.
§ 612. Li dus de Lancastre de son hiretage tenoit
un chastiel en Campagne, entre Troies et Chaalons,
30 qui s'appelloit Biaufort, douquel uns escuiers englès,
qui se nommoit le Poursieugant d'amours, estoit cha-»
[1369] LIVBS PREMIEH, $ 6iS. 115
pitainne. Quant cilz escuiers vei que la guerre estoit
renouvelée entre le roy d'Engleterre et le roy de
France , il avoit si énamouré le royaume de France
qa il se tourna François et jura foy et loyauté à tenir,
de ce jour en avant, comme bons François au roy de 5
France. Et li rois, pour ce, li fist grant pourfit et li
laissa en se garde j avoech un aultre escuier de Cam--
pagne j le dit chastiel de Biaufort. Cilz Poursieugans
d'amours et Yewains de Galles estoient compagnon
ensamble, et fîsent depuis sus les Englès et chiaus de 10
leur costé tamaintes grans apertises d'armes. Ossi
messires li Chanonnes de Robertsart avoit en devant
estet toutdis bons François, mais à celle guerre re-
nouvelée il se tourna Englès et devint homs de foy
et d'ommage au roy d'Engleterre qui fîi de son ser- 15
vice moult joians. Ensi se tournoient li chevalier et
li escuier d'un lés ou de l'autre.
Et tant avoit procuré li dus d'Ango devers les Com-
pagnes gascons que messires Perducas de Labrelh ,
li Petis Meschins, li bours de Bretueil, Aymenions 20
d'Ortige, Perros de Savoie , Jakes de Bray et Ernau-
don de Paus se tournèrent François : dont li Englès
furent moult courouciet, car leur force en fu dure-
ment afoibli. Et demorèrenl Englès Naudon de Ba-
gherant, li bours de Lespare, li bours Camus et les 25
plus grans capitainnes des leurs : si estoient messires
Robers Brikés , messires Robers Cheni, Jehans Crcs-
suellcy Gaillart de le Motte et Aymeri de Rochewart.
Si se tenoient ces Compagnes, Englès et GawScon de
leur heort, en l'eveskiet du Mans et sus le Basse Nor- 30
mendie, et avoient pris une ville que on appelle Vire,
et destruisoient et honnissoient tout le pays de là
il6 aiRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
environ. Ensi tournèrent toutes les Compagnes ou
d'un lés ou d aultre , et se tenoient tout ou Englès
ou François.
Li rois d'Engleterre eut conseil d'envoiier son fil
le conte de Cantbruge et le conte de Pennebruch^
5 en le ducé d*Aquitainne^ devers son fil le prince de
Galles^ à tcîut une cai^e de gens d'armes et d'arciers.
Si furent nommé et ordené cil qui avoecques yaus
iroient. Si me samble que li sires de Carbestone en
fu li unsy et messires Brians de Stapletonne^ messires
10 Thomas Balastre^ messires Jehans Trivés et pluiseur
aultre. Si montèrent en mer au plus tost qu'il peurent^
et estoient en somme quatre cens hommes d'armes
et quatre cens arciers. Si singlèrent devers Bretagne,
si eurent vent à souhet, si arrivèrent ou havene de
15 Saint Malo de l'Ule. Quant li dus de Bretagne sceut
que il estoient arrivé en son pays^ si en fu durement
joiant^ et envoia tantost aucuns de ses chevaliers
devers yaus pour les mieulz conjoïr, telz que mes-
sires Jehans de Lagnigay et messires Jehans Au-
20 gustins.
De la venue les chevaliers dou duch de Bretagne^
furent moult content li contes de Cantbruge et li
contes de Pennebruch. Encores ne savoient il de vé-
rité se 11 baron ^ li chevalier et les bonnes villes de
25 Bretagne les lairoient passer parmi leur pays^ pour
entrer en Poito. Si en fisent li doi dessus dit signeur
d*Engleterre requeste et priière au duc et au pays.
Li dus, qui moult estoit favourables as Englès et qui
30 envis les euist courechiés, s'i acorda legierement et
esploita tant par devers les barons et chevaliers et
bonnes villes de son pays^ qu'il leur fu acordé qu'il
[i36d] UVRE PREMIER, $ 612. 117
passeroient sans dangier et sans rihote, par paier tout
ce qu'il prenderoient sus le pays^ et II Englès si l'a*-
cordèrent ensi. Si trettièrent li contes de Cantbruge^
li contes de Pennebruch et leurs consauls devers ces
Compagnes qui se tenoient en Mainne^ à Chastiel 5
Gontier et à Vire , et qui avoient tout honni et
apoyri le pays de là environ^ qu'il passeroient oultre
avoecques euls. Si se porta trettiet et acort , qu'il se
partiroient de là et venroient passer la rivière de
Loire au pont de Nantes^ sans porter damage au pays : lo
ensi l'acordèrent li Breton.
En ce temps, estoit messires Hues de Cavrelée^ à
une grosse route de Compagnes^ sus le marce d'Arra-
gon , qui nouvellement estoit issus hors d'Espagne.
Sitost qu'il peut savoir et entendre que li François 15
faisoient guerre au prince , il se parti à tout ce qu'il
avoit de gens d'armes^ Compagnes et aultres, et passa
entre Fois et Arragon et entra en Bigorre^ et fist tant
qu'ils de bien guerriier pourveus^ vint devers le
prince qui se tenoit en le cité d'Angouloime. Quant 20
li princes le vei venu^ se li fist grant chière et lie^ et
li sceut grant gré de ce secours, et le fist un petit de-
morer dalés lui^ tant que les Compagnes^ qui estoient
issu hors de Normendie et qui avoient vendu les for-
tcrèces qu'il tenoient^ furent venu; car li Breton les 25
laissièrent passer parmi leur pays^ parmi tant qu'il
n'i portoient nul damage. Sitost qu'il furent venu en
Angouloime et là environ , li princes ordonna mon-
signeur Hue de Cavrelée à estre souverain et chapi-
tainne d*yaus; et estoient bien^ parmi chiaus qu'il 30
avoient amené avoecques lui d'Arragon^ deux mil
combatans. Si les enVoia tantost li dis princes eus es
118 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
terres le conte d'Ennîgnach et dou signeur de La-
breth, pour les ardoir et exillier; et y fîsent grant
guerre et y portèrent grant damage.
§ 613. Li contes de Cantbruge et li contes de Pen-
5 nebruch s'estoient tenu à Saint Malo de Tille, à tout
leur carge, si com chi dessus est dit, tant que toutes
les Compagnes de leur costé furent passet oullre, par
l'acort dou pays de Bretagne et le bonne dilîgense
que li dus de Bretagne y mist. Quant il se furent ra-
10 freschi, et il eurent le congié et acord de passer, il
passèrent et se départirent de Saint Malo, et s'en
vinrent par leurs journées en le cité de Nantes. Et là
les rechut li dus grandement et honnourablement ,
et se tinrent dalés lui trois jours, et s'i rafreschirent
15 yaus et leurs gens. Au qua trime jour, il passèrent
oultre et le grosse rivière de Loire au pont à Nantes,
et puis cheminèrent tant par leurs journées , qu'il
vinrent en Angouloime, où il trouvèrent le prince et '
madame la princesse. De la venue le conte de Cant-
20 bruge son frère et dou conte de Pennebruc fu li
princes grandement resjoïs : si leur demanda dou roy
leur père et de madame la royne leur mère et de ses
aultres frères, comment il le faisoient; et li dessus dit
en parlèrent bien et à point, ensi qu'il apertenoit.
25 Quant il eurent séjourné dalés le prince environ
quatre jours et il s'i furent rafreschi , li princes les
ordonna d'aler en le Gascongne et de faire une che-
vaucie en le conté de Pieregorth. Li doi dessus dit si-
gneur d'Engleterre et li chevalier, qui avoech yaus
30 estoient venu, s'i assentirent volentiers, et se ordon-
nèrent et pourveirent selonch che, et se départirent
[1369] LIVRE PREMIER, $ 614. 119
dou prince en grant ^arroy, et estoient bien troi
mil eombatans^ parmi pluiseurs chevaliers et es-
cuiers de Poilo, de Saintonge^ de Quersin, de Limo-
zin et de Roerge, que li princes ordonna et comman-
da d'aler en leur compagnie. Si chevaucièrent cil 5
signeur et ces gens d'armes, et entrèrent eiforciement
en le conté de Pieregorth : si le commencièrent à
courir et à exillier, et y fisent pluiseurs 'grans aper-
tises d*armes et moult de damages. Et quant il eu-
rent ars 'et couru le plus grant partie dou plat pays^ lo
il s'en vinrent mettre le siège devant une forterèce
que on appelle Bourdille, de laquele estoient chapi-
tainne doy escuier de Gascongne et frère^ Ernaudon
et Bernardet de Batefol.
§ 614. En le garnison de Bourdille, en le conté de 15
Pieregorth, a voit, avoech les deus chapitainnes des-
sus nommés, fuison de bons compagnons, que li
contes de Pieregorth y avoit ordonnés et establis,
pour aidier à garder le forterèce, laquele estoit bien
pourveue de toute artillerie, de vins, de vivres et de 20
toutes aultres pourveances, pour le tenir bien et lon-
gement; et ossi cil qui le gardoient, en estoient en
bonne volenté. Si eut devant Bourdille, le siège
pendant, pluiseurs grans apertises d'armes faites,
maint assaut, mainte envaïe, mainte recueilloite et 25
tamainte escarmuce, et priesque tous les jours, car
li doy escuier estoient hardi et orghilleus, et qui petit
amiroient les Englès; si venoient souvent à leurs bar-
rières escarmucier à yaus : une fois perdoient et l'au-
tre gaegnoient , ensi que les aventures aviennent en 30
telz fais d'armes et en samblables.
120 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
D'autre part , en Poilo et sus les marces dou dit
pays et d'Ango et de Tourainne, estoient bien mil
combatans, François, Bretons, Bourghegnons, Pikars,
Normans et Angevins; et couroient tous les jours
5 moult souvent en le terre dou prince et y faisoient
grant damage : desquelz estoient capitainne messires
Jehans de Buel, messires Guillaumes des Bordes, mes-
sires liOeis de Saint Juliien et Carenloet, Breton. A ren-
contre de ces gens d'armes se tenoient ossi, sus les
10 frontières de Poito et de Saintonge, aucun chevalier
dou prince, et par especial, messires Symons Burlé et
messires d'Aghorises, mes il n'avoient pas le quarte
partie de gens que li François, quant il chevauçoient,
se trouvoient; car il estoient toutdis mil combatans
15 ou plus ensamble, et li Ënglès environ deux cens ou
trois cens dou plus. Car li princes en avoit envoiié
en trois chevaucies grant fuison, à Montalben plus
de cinq cens avoech monsigneur Jehan Chandos, et
ens es terres le conte d*Ermignach, et le signeur de
20 Labreth ossi grant fuison avoecques monsigneur Hue
de Cavrelée, et le plus grant partie avoech le conte
de Cantbruge, son frère, devant Bourdille. Pour ce ne
demoroit mies que cil qui estoient en Poito contre
ces François, ne s'acquittassent bien et loyaument
25 de faire lor devoir de chevaucier et de garder les
frontières à leur pooir. Et toutdis l'ont ensi fait li Ën-
glès et toute manière de gens d'armes de leur costé,
ne n'ont pas ressongné pour ce se il n'estoient point
moult grant fuison.
30 Dont il avint que un jour li François furent en-
fourme de vérité que li Englès chevauçoient et es-
toient sus les camps : de ce furent il tout joiant, et
[1369] LIVRE PREMIER, § 6iS. i2i
s'ordonnèrent et cueillièrent selonch ce^ et se mi-
sent en embusee toutes leurs routes. Ensi que H
Englès retournoient, qui leur chevaucie avoient fait
entre Luzegnan et Mirabiel, sus une desroute cau-
chie qui là est, li François leur sallirent au devant, 5
qui bien estoient sept eens combatant, dont les des-
sus dittes capitainnes estoient meneur et gouvreneur,
messires Jehans de Buel, messires Guillaumes des Bor-
des, messires Loeis de Saint Juliien et Carenloet, Bre-
ton. La eut grant hustin et fort rencontre et tamaint 10
homme reversé par terre , car li Englès se misent à
deffense, qui se combatirent bien et vaillamment,
tant qu'il peurent durer, et y lisent li aucun pluiseurs
belles apertises d'armes. Et y furent très bon chevalier
messires Symons Burlé et messires d*Agorises; mes 15
iinablement il n*en eurent point le milleur, car il
n'a voient q'une puignie de gens ens ou regard des
François : si furent desconfî, et les convint fuir. Si
se sauva messires d'Aghorises au mieulz qu'il peut,
et s'en vint bouter ens ou chastiel de Luzegnan. Et 20
messires Symons Burlé fut si priés sievois et encauciés
que, sus une desroute caucie, assés priés de Luse-
gnan, il fu ra tains, et ne peut fuir ne escaper les
François. Si fu là pris li dis chevaliers, et toutes ses
gens mors ou pris : petit s'en sauvèrent. Et retour- 25
nèrent li François en leurs garnisons, qui furent
moult resjoy de ceste avenue, et ossi fu li rois de
France, quant il le seut, et li princes de Galles dure-
ment courechiés, qui moult plaindi le prise de son
chevalier monsigneur Symon Burlé, que moult amoit. 30
§ 615. Apriès ceste avenue qui avint entre Mirabiel
122 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
et Luzegnan, si com ci dessus est dit^ chevaucièrent
H Englès et li Poitevin mieulz ensamble et plus sa-
gement.
Or parlerons de monsigneur Jehan Chandos, de
5 monsigneur le captai, de monsigneur de Harcourt^
de monsigneur Guiehart d*AngIe et des aultres qui
se lenoient à Montalben, à sept liewes de Thoulouse,
et faiàoient souvent des issues honnerables et pourfi-
tables pour yaus sus les François, car il estoient bien
10 mil combatans et plus : si desiroient moult à trouver
les François, pour yaus combatre.
Entrues qu'il estoient là, il regardèrent qu'il n'em-
ploioient pas trop bien leur saison, fors que de garder
le frontière. Si se avisèrent qu'il venroient mettre le
15 siège par devant le ville de Terrières en Thoulousain.
Si se ordonnèrent selonch che, et se départirent un
jour en grant arrçy de Montalben, et s'en vinrent de-
vant Terrières. Quant il furent là parvenu, il le asse-
gièrent tout environ, et le imaginèrent bien que de
20 assaut il ne Taroient point à leur aise, se il ne l'a-
voient par mine. Si misent leurs mineurs en oevye,
liquel esploitîèrent si bien que, au chief de quinze
jours, il le prisent par mine; et furent mort tout cil
qui dedens estoient, et la ville robée et courue. En-
S5 cores en celle chevaucie, il avoient avisé une aultre
ville, à trois liewes de Thoulouse, que on appelle La-
val , et avoient mis leur embusche assés priés de là
en un bois, et s'en venoient devant environ qua-
rante des leurs, armés desous vestemens de villains.
30 Si furent deceu par un garçon qui venoit piet à piet
avoech yaus ; aultrement il euissent eu le ville, et falli-
rent à leur entente et retournèrent arrière à Montalben .
Ii369] LIVRE PREMIER, S ^1^- ^23
En ce temps, tenoient les camps li contes de Piere-
gorth, li contes de Commignes^ H contes de Lille, li
\iscontes de Quarmaing, li viscontes de Brunikiel, li
viseontes de Talar, li viscontes de Murendon, li vis-
contes de Lautré, messires Bertrans de Taride, li si- 5
res de Labarde, li sires de Pincornet, messires Per-
ducas de Labreth, li bourch de Lespare, li bourch de
Bretuel, Aymenion d'Ortige, Jakes de Bray, Perros de
Savoie et Ernaudon de Paus, et estoient bien ces gens
d'armes, parmi les Compagnes, dix mil combatans. Si 10
entrèrent , par le commandement et ordenance dou
duch d'Ango, qui pour le temps se tenoit en le cité
de Thoulouse, en Quersin moult efforciement, et
contournèrent le pays en grant tribulation, et ardi-
rent et exiliièrent le plus grant partie dou plat pays, 15
et s'en vinrent par devant Royauville en Quersin et
le assegièrent. Li seneschaus de Quersin Tavoit en
devant pourveu bien et souffissamment de tout ce que
il apertenoit pour une ville garder, et de bons com-
pagnons englès, qui jamais ne se fuissent rendu pour 20
morir, quoique cil de le ville en fuissent en bonne
volenté, se il peuissent.
Quant cil baron et chevalier de France l'eurent
assegié, il envoiièrent querre quatre moult grans en-
giens en le cité de Thoulouse. Tanlos on leur en- 25
voia, et fist on là achariier. Si furent drechiet et
mis en ordenance par devant le garnison de Royau-
ville. Si jettoient nuit et jour pierres et mangon-
niaus par dedens la ville , qui moult les constraindi .
et afoibli. Avoech tout ce, il avoient mineurs avoech 30
yaus, qu'il misent en leurs mines et qui se vantoient
qu'il prenderoient le ville, et toutdis se tenoient li
424 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [4369]
Englès comme bonnes et vaillans gens^ et se confor-
toient bien de ces mineurs^ et par samblant nul
compte n^en faisoient.
§ 616. Endementrues que ces gens d'armes Iran-
5 cois se tenoient si efForciement en Quersin , sus les
marces de Limozin et d'Auvergne, li dus de Berri, d'au-
tre part, estoit en Auvergne , et tenoit là grant genz
d'armes, telz que monsigneur Jehan d'Ermignach^
son serourge, monsigneur Jehan de Villemur, Rogier
10 de Biaufort, le signeur de Biaugeu, le signeur de Vil-
lars, le signeur de Serignach, le signeur de Caleneon^
monsigneur Griffon de M ontagut, monsigneur Hughe
Daufin et grant fuison de bonnes gens d'armes; et
couroient sus les marces de Roerge, de Quersin et de
15 Limozin, et apovrissoient et honnissoient durement le
pays où il entroient et conversoient, ne nulz ne du-
roit devant yaus. Dont il avint adonc que, par le pro-
movement de monsigneur le duch d*Ango, qui veoit
ses besongnes en bon parti, et que leurs gens tenoient
20 les camps en Quersin el en Roerge , il fist partir de
Thoulouse larchevesque de la ditte ville , qui estoit
grans clers et vaillans homs durement, et chevaucier
devers le cité de Ghaours, dont ses frères estoit eves-
ques.
25 Li dis archevesques preeça là telenient et si bel-
lement la querelle dou roy de France que la cité de
Ghaours se tourna Françoise, et jurèrent foy et loyauté
à tenir de ce jour en avant au roy de France. En
apriès, il chevauça oultre, et partout preeçoit et re-
30 moustroit la querelle dou roy de France si bellement^
que tous li pays se tournoit. Et fist à ce donc tourner
[1369] LIVRE PREBflER, § 616. 125
plus de soissante cités, villes , chastiaus et forterèces,
parmi le confort des gens le duch de Bem, qui che-
vauçoient ou pays^ messires Jehans d'Ermignach et
les aultres. Si fîst tourner Figeach, Gramach^ Roche-
madour et Chapedenach et pluiseurs bonnes villes et 5
fors chastiausy car il preeçoit le roy de France si grant
droit avoir en ceste querelle^ que les gens qui Pooient^
le ci'eoient en vérité; et ossi de nature et de volent é
il estoient trop plus François qu'englès, qui bien ai-
doit à le besongne. 10
En tel manière que cilz archevesques aloit preeçant
et remoustrant la querelle dou dit roy ens es mettes
et limitations de le Langue d'Ok^ estoient en Pikardie
pluiseur prélat et clerch de droit, qui souffissanmient
en faisoient bien leur devoir dou preechier et dou re- 15
moustrer as commummtés des cités et bonnes villes.
£t par especial messires Guillaumes de Dormans pree-
çoit la ditte querelle dou roy de France, de cité en cité
et de bonne ville en bonne ville, si bellement et si no-
tablement que toutes gens y entendoient volentiers, 20
et estoient les besongnes dou royaume par li et par
ses parolles telement coulourées que merveilles seroit
à oïr recorder.
Avoech tout ce , li roLs de France , meus eu dévo-
tion et en humilité , faisoit continuelement faire y 25
en le cité de Paris, grandes processions de tout le
clergié; et il meismes, tous descaus et à nus pies, et
madame la royne ensi en cel estât y aloient en sup-
pliant dévotement à Dieu que il volsist entendre à
eulz et as besongnes dou royaume , qui avoient de 30
lonch temps esté en grant tribulation. Et faisoit li
dis rois^ par tout son royaume, estre son peuple.
126 CHRONIQUES DB J. FROISSAKT. [1369]
ê
par constrainte des prelas et gens d'église , en eesle
afllietion.
Tout en tel manière faisoit li rois d'Engleterre en
son royaume. Et y avoit un evesque pour le temps à
5 Londres, qui en faisoit pluiseurs grans et belles pré-
dications^ et disoit et remoustroit en ses sermons
que li rois de France et li François, à leur trop
grant tort et prejudisce, avoient renouvelle le guerre,
et que c'estoit contre droit et contre raison, par plui-
10 seurs poins et articles que il leur moustroit.
Au voir dire, il estoit de nécessité, à l'un roy et
l'autre, puisque guerriier voloient, que il fesissent
mettre en termes et remoustrer à leur peuple Forde-
nance de leur querelle, par quoi çascuns entendesist
15 de plus grant volenté à conforter son signeur, et de
ce estoient il tout resvilliet en l'un royaume et en
l'autre.
Li rois d'Engleterre avoit envoiiet en Braibant et
en Ilaynau , pour savoir se il en seroit point aidiés.
20 Et avoit par.linage priiet son neveut le duc Aubert,
qui tenoit en bail pour ce temps le conté de Haynau,
que il li volsist ouvrir son pays et appareiliier pour
passer, aler et demorer et séjourner, se mestier fai-
soit, et pour par cesti lés entrer ens ou dit royaume
25 de France et faire y guerre. Li dus Aubers , à le
priière dou roy d'Engleterre, son oncle, et de madame
la royne d'Engleterre, sen ante, y fust assés legiere-
ment descendus, et en estoit en bonne volenté par
le pourcach et monition de monsigneur Edouwart
30 de Guéries, qui faisoit partie pour le dit roy et qui
avoit sa fille espousée, et dou duch de JuUers, son
cousin germain.
[1369] LIVRE PREMIER, S ^^6- ^^^
Cil doi , pour ce temps , estoient de foy et d'om-
mage loiiet et acouvenenciet au roy d'Engleterre ,
et avoient ja estet priiet et aviset de par le roy d'En*
gleterre, qui avoit envoiiet devers yaus grans me^
sages, que il retenissent gens, cescuns jusques à 5
mil lances, et il seroient delivret : pourquoi oil doi
signeur euissent volenliers veu avoech le roy d'En-
gleterre, que li dus Aubers euist esté de leur alliance;
et en estoit li dis dus grandement temptës, parmi grans
dons et gitans pourfis que li rois d'Engleterre li prom- lo
metoit à donner et à faire par ses chevaliers que il
avoit envoiiés devers lui et par le sigaeur de Gom-
megnies, qui se tenoit dalés le roy et qui estoit des
chevaliers dou roy, et qui pour ceste cause en partie
estoit retournés en Hainau. 15
A ce donc et en ce temps, avoit en Haynau grant
conseil et bon de monsigneur Jehan de Wercin , se-
nescal de Haynau , par qui tous li pays estoit gou-
vrenés, et liquels estoit sages homs et vaillans che-
valiers durement et bons François. Li dis seneschaus 20
estoit tant crus et tant amés dou dit duc et de ma-
dame la duçoise, que il brisa tous les pourpos des
Englès, parmi l'ayde dou conte de Blois et de mon-
signeur Jehan de Blois, son frère, et dou signeui-
de Barbençon, et dou sigoeur de Ligne, que li dus 25
Aubers et tous K pays demorèrent neutre et ne se
deurent tourner, ne de l'une part, ne d'autre. Et
ensi en respondi madame Jehane la duçoise de
Braibant.
Li rois Charles de France, qui estoit sages et sou- 30
lîeus, avoit carpenté et ou\Té tous ces trettiés trois
ans en devant ^ et bien savoit que il avoit des bons
128 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [4369]
amis en Haynau et en Braibant^ et par especial le
plus grant partie des oonsaulz des signeurs. Et pour
sa guerre embellir et coulourer^ il fist copiier par
ses elers pluiseùrs lettres toucbans à le pais jadis
5 confremëe à Calais , et là en dedens enclore toute le
substance dou fait et quel cose li rois d'Engleterre et
si enfant a voient juret à tenir^ et en quoi par leurs
seelés il s'estoient sousmis , et des rcfnonciations ossi
qu'il avoient faites, et des conmiissions que il de-
10 voient avoir eu baillies à leurs gens^ et tous les poins
et articles qui estoient pour lui , en condempnant le
fait des Englès^ et «es lettres publiier ens es cambres
des signeurs et de leurs consaulz^ afin que il en fuis-
sent mieus enfou^mé.
15 Tout en tel manière, à l'opposile, faisoit li rois
d'Engleterre ses moustrances et ses escusances en
Alemagne, là où il pensoit que elles li peuissent
aidier et valoir, Li dus de Guéries , neveus à ce rov
d'Engleterre, filz de sa suer, et li dus de Jullers,
20 cousins germains à ses enfans, liquel estoient pour
ce temps bon Englès et loyal , avoient pris en grant
dcspit l'ordenance des deffiances^ que li rois de
France avoit fait faire par un garçon , et en repren-
doient et blasmoient grandement le roy de France
25 et son conseil, quant par tel manière l'avoient
fait; car guerre de si grans signeurs et si renom-
més comme dou roy de France et dou roy d'En-
gleterre, devoit estre ouverte et deffiiée par gens
notables, telz que grans prelas, evesques ou abbés, et
30 disoient que li François l'avoient consilliet au roy à
faire par grant orgueil et presumption. Si envoiièrent
li dessus dit defilier le roy de France moult notable-
[i369] LIVRE PREMIER, § 617. iS9
ment y et seelèrent pluiseur chevalier d'Alemagne
avoech eulz, et estoit leur intention que d'entrer
tempren^ent en France et de faire y un si grant
trau, que il y parroit vint ans en apriès ; mais de ce
ne fîsent il riens, car leurs pourpos fu brisiés par 5
aultre voie qu il ne cuidoient adonc^ si com vous
orés avant en l'istore.
§ 617. Vous avés chi en devant bien oy parler et
recorder dou grant pourcach que li rois d'Engleterre
fist et mist par l'espasse de cinq ans et plus^ pour 10
avoir la fille le conte de Flandres en mariage pour
son fîl monsigneur Âymon, conte de Cantbruge. Les
devises et les ordenances en seroient trop longes à
démener : si m'en passerai briefinent. Et saciés que
onques 1» rois d'Engleterre ne peut tant esploitier, i^
par quelque voie ne moiien que ce fiist, que li papes
Urbains V les volsist dispenser. Si demora chilz ma-
riages à faire. Li contes de Flandres^ qui estoit priiés
d'autre part dou roy de France pour son frère le
duch de Bourgongne^ quant il vei que cilz mariages 20
ne se passeroit nient en Engleterre, et que sa fille
demoroit à marier et si n'avoit plus d'enfans, en-
tendis par le promovement de madame sa mère la
contesse d'Artois, au jone duch de Boui^ongne, car
c'estoit uns grans mariages et haulz et bien paraus à 25
lui. Si envoia grans messages en Engleterre, pour
trettier au dit roy quittances.
Cil esploitièrent si bien que li rois d^Engleterre^ qui
ne voloit que toute loyauté, quitta le conte de Flan-
dres de toutes couvenences; et retournèrent li message 30
à Bruges ^ et rëcordèrent au conte leur âgneur com-
VII — 9
130 CHRONIQUES OB J. FROISSART. [136»]
ment Q avoient esploitié. De oel esploil fo li contes
tous liés. Depuis ne demora gaires de temps que cilz
mariages se fist^ de Flandre et de Boui^ngne, panni
grans trettiés el consaolz, couvenences et alliances des
S uns as aultres. Et me fii adonc dit que li contes^ pour
ce mariage laissier passer, rechut grant pourfit, plus
de cent mil frans, et demorèrent encores à lui le ville
de Lille et ceste de Douay, en carge de grant argent
que li rois donnoit à son frère en mariage et au conte
10 de Flandres, qui prist le saisine et possession des
dessus dittes villes ,et y mist ses gens. Et furent ces
villes attribuées à Flandres^ par cause de wage^ je
n'ei\^ sçai plus avant.
Tantost apriès ceste ordenance^ on procéda ou ma-
15 riage qui se fist et confrema en le bonne ville de
Gand. Et là eut grans festes et grans solennités, au
jour des noces^ devant et apriès , et grant fuison de
signeurs, barons et chevaliers. Et par especial li
gentilz sires de Couci y fu^ qui bien affireoit en une
20 feste^ et mieulz le savoit Êiire que nulz aultres, car li
rois de France l'i envoia. Si furent ces noces bien et
grandement festées et joustées , et en a[Nriès cescuns
s'en retourna en son pays.
Li rois d'Engleterre , qui veoît que li contes de
25 Frandres^ par le cause de ce mariage^ estoit alloiiés
en France, ne savoit que supposer se li contes de
Flandres feroît partie contre 11, avoech le duch de
Bourgongne son fil^ qui par succession devoit estre
ses hoirs de le conté de Flandres, ne quelz couve-
30 nences U avoit entre le dit conte et le roy de France.
Si se tint li rois d'Engleterre un petit plus frans et
plus fors contre les Flamens^ et leur 0K>ustra grignes
[1369] UVRE PREMIER, § 618. 131
et fist moustrer par ses gens^ sus mer et ailleurs en
son pays, ensi que on les y trouvoit et que il venoient
en marehandise. De ce n'estoit mies li rois de France
coureciés y car il euist volentiers veu que la guerre
fiist ouverte entre les Flamens et les Englès y mes li 5
sage honmie de Flandres et li riche bourgoîs des
bonnes villes n'en avoient nulle volenté ; et souste-
noient toutdis plus les communautés de Flandres la
querelle et oppinion dou roy d'Engleterre à estre
juste et bonne que ceste dou roy de France. 10
§ 618. Li rois Edowars d'Engleterre, qui acqueroit
amis de tous lés, et bien li besongnoit selonch les
grans guerres et rebellions de pays qui li apparoient,
senti et entendi que li rois Charles de Navare ses cou-
sins, qui se tenoit en le Basse Normendie , seroit as- 15
ses tost de son acord, car il estoit en grignes et en
hayne contre le roy de France*, pour aucunes terres
qtii estoient en débat, que li dis rois de Navare
reclamoit de son hiretage, et li rois de France li de^
veoit. Si en avoient esté leurs gens et leurs consaulz 20
pluiseurs fois ensamble, mais il n'i avoient pout trou-
ver moiien ne acord. Si estoit la cose demorée en ce
parti, que cescuns se tenoit sus sa garde. Et avoit li
dis rois de Navare fait grossement et bien pourveir
ses vUles et ses castiaus , en Ck)nstentin et en le conté 20
d'Evrues, sus les bendes de Normendie^ et se tenoit
à Chierebourch, et partout ses garnisons gens d'ar-
mes.
A ce donc estoit dalés lui messires Eustasses d'Au-
brecicourt, mestres et gouvrenères d'une ville oultre 30
les Gués Saint Clément, ou clos de Constantin , qui se
132 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
tenoit pour le roy de Navare , car c'estoit de son hi-
retage^ et ceste ville appelle on Quarenten; et estoit
li dis messires Eustasses li plus espeeiaus de tout son
conseil : siques li rois d'Engleterre envoia devers lui^
5 car il estoit ossi ses homs et ses chevaliers^ pour sa-
voir l'intention dou roy de Navare. On le trouva tel,
et si bien esploita li dis messires Eustasses^ que li rois
de Navare^ à privée mesnie, entra en un vaissiel que
on appelle un lin^ et vint en Engleterre parler au dit
10 roy qui li fist grant chière et bonne^ Et eurent là en-
samble grans parlemens et lons^ et furent si bien d'acor t
que li rois de Navare, lui retourné à Chierebourch^
devoit defliier le roy de France, et recueillier et met-
tre par tout ses chastiaus les Englès.
15 Apriès ces alliances et confédérations entre ces
deux rois faites et confremées , li rois de Navare re-
tourna arrière en Normendie en le ville de Chiere-
bourch, et le raconduisirent chevalier et escuier de
l'ostel dou roy d'Engleterre et de madame la royne^
20 asquelz à leur retour il chei moult mal^ car il encon-
trèrent nefs normandes et escumeurs de mer^ qui
tantost les envaïrent et assallirent fièrement et qui
furent plus fort d'yaus. Si conquisent li dit Nor-
mant les Englès et les misent tout à bort : onques
25 homme il n'i prisent à merci. Ensi ala de ceste aven-
ture, de quoi li rois d'Engleterre fu moult courouciés^
quant il le sceut^ mes amender ne le peut tant c'a
ceste fois*
Âssés tost apriès la revenue dou roy de Navare qui
80 estoit retournés à Chierebourch , messires Eustasses
d'Aubrecicourt, qui avoit estet mandés et priiés dou
prince de Galles et envoiiés querre par messages et
I
[i369] LIVRE PREMKR, % 619. 133
par hiransy prist con^et dou dit roy de Navare^ pour
aler en le princeté servir le prince^ liquelz rois li donna
moult envis. Mes li dis messires Eustasses li moustra
tant de raisons^ que finablement il se parti et entra
en mer avoech ce qu'il avoit de gens^ et vint ariver à 5
Saint Malo de TllIe en Bretagne et là prist terre ^ et
puis chevauça vers Nantes pour là passer le Loire,
par Facort dou duc et de ehiaus dou pays^ qui enco-
res ne se mouvoient ne de l'un lés ne de l'autre. Si es-
ploita tant par ses journées li dis messires Eustasses, lo
qu'il entra en Poito, et vint en le cité d'Ângouloime,
devers le prince^ qui le rechut à joie et qui assés tost
apriès l'envoia devers monsigneur Jehan Chandos et
le captai, qui se tenoient à Montalben et Ëiisoient la
frontière contre les François. Si fii li dis messires 15
Eustasses li très bien venus entre les signeurs et com-
pagnons, si tretost qu'il y vint.
$ 619. En ce temps, misent sus li chevalier de Pi-
kardie une chevaucië de gens d'armes^ sus l'intention
de chevauchier et d*aller veoir ehiaus d'Arde^ de la- 20
quele furent adonc chief messires Moriaus de Fien-
nes^ connestables de France^ et messires Jehans de
Wercin^ seneschaus de Haynau^ par le commande-
ment dou roy de France. Si se assamblèrent en le
bonne ville de Saint Orner, et estoient bien mil lan- 25
ces, chevaliers et escuiers. Si vinrent ces gens d'ar-
mes faire leur monstre^ par devant le bastide d'Arde,
qui bien estoit garnie et pourveue d'Englès, et se lo-
gièrent par devant et donnèrent à entendre que il
tenroient là le siège. 30
Li Englès , qui pour ce temps estoient adonc de-
134 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
dens Arde^ n'en furent noient esbahi, mes se ordon-
nèrent et se apparillièrent pour deffendre^ se on les
assalloit. Si se armèrent et ordonnèrent un jour li
signeur de France et de Haynau^ qui là estoient^ et
5 se traisent tout sus les camps en moult frice et
noble arroy ; et là estoit grans biautés de veoir les
banières de ces signeurs mettre avant et faire lor
monstre. Si assalli on ce jour à petit de pourfit,
car il en y eut des navrés et des blechiés, et se
10 n'i conquisent riens. Et me samble^ selonch ce que
je fui adonc enfourmés^ que au cinquime jour il
se départirent d'Arde sans aultre esploit^ et retour-
na cescuns en son lieu. Ensi se desrompi ceste che-
vaucie.
«
15 § 620. Nous revenrons as besongnes des lontain-
nes marées ; si compterons dou siège qui se tenoit de-
vant Royauville^ en Quersin, que li François y avoient
mis et establi, qui estoient plus de douze mil comba-
tans^ parmi les Compagnes^ et toutes bonnes gens.
20 Et encores^ à deux journées priés d'yaus, se tenoient
les gens le duch de Berri, messires Jehans d'Ërmi-
gnach^ messires Jehans de Yillemur^ li sires de Biau-
geu et li aultre d'Auvergne et de Bourgongne, qui
bien estoient troi mil combatans^ qui tantost fuis--
25 sent trait avant , se il besongnast. Messires Jehans
Chandos et li captaus et messires Guichars d'Angle et
li aultre, qui faisoient fi*ontière à Montalben^ savoient
bien le siège des François devant Royauville et quel
nombre de leur costé il estoient sus le pays. Si ne
30 trouvoient mies gens assés pour yaus combatre ne le-
ver le siègC; car li contes de Gantbruge et li contes
[4369] LIVRE PREMIER, S <^S0* 13^
de Pennebruch^ qui seoient devant Bourdille^ ne vo-
loient nullement brisier leur siège.
Qr avint ensi que li François^ qui avoient devant
Royauville mis leurs mineurs en mine et qui avoient
grans engiens qui jettoient nuit et jour^ constraindi- 5
rent si cbiaus de Royauville quç li dit mineur vin-
rent à leur entente et fisent reverser un grant pan
dou mur, par quoi lA ville fu prise et tout li Englès^
qui dedens estoient^ mort sans prendre à merci, dont
ce fil damages^ car il y avoit de bons escuiers. ChS de lo
le nation de le ville furent pris à merci^ parmi tant
que, da ce jour en avant, il jurèrent à estre bon Fran-
çois et loyal. Si ordonnèrent cil signeur qui là estoient^
cbapitainnes et gens d*armes^ pour garder le ville, se
mestier Êdsoit^ et pour donner avis et conseil dou 15
remparer. Si se départirent ces gens d'armes^ apriès
le conques de Royauville, sus le pays de Quersin et
de Roerge, pour yaus rafreschir et estre mieuls à leur
aise, et s'en vinrent les Compagnes en le cité de
Chaours et là environ. Si en furent chapitainne Ây- 20
menions d'Ortige, Perros de Savoie, li Petis Mes-
chins, Jakes de Bray et Emaudon de Paus, et des-
truisoient tout le pays. Si retournèrent li contes de
Pieregorch^ li contes de Laille, li contes de Commi-
gnes, li viscontes de Quarmaing et li aultre Gascon ens 25
leurs terres ; car messires Hues de Cavrelée, messires
Robers Cheni, messires Robers Brikés , Jehans Gres-
suelle^ Lamit^ Naudon de Bagherant^ li bourch Ca-
mus, li bourch de Bretueil, li bom*ch de Lespare et
toutes ces gens de Compagnes y faisoient grant guerre^ 30
et avoient mort^ ars et destruit le terre le conte d'Ër-
mignach et ceste dou signeur de Labreth.
136 CHRONIQUES DE J. FROISSAAT. [1369]
£a ce temps, avoit un seneschal en Roei^e, très
vaillant homme et bon chevalier durement^ Englès^
qui s'appelloit messires Thumas de Wettevale, qui
tenoit le ville et le chastiel de la Millau^ à une jour-
5 née de Montpellier; et quoique li pays autour de lui
fust tournés François^ si tint il la ditte garnison de
la Millau plus d'an et demi^ et une aultre forterèce
en Roerge^ que on appelle Yaudère. Et fist, en ce
temps, pluiseurs belles chevaucies et issues honnera-
IQ bles sus les François, et des bons conques. Et jut là
très honnerablement jusques adonc que messires Ber-
trans de Gaiekin lé bouta hors , ensi que vous orés
recorder avant en Tystore. Et toutdis se tenoit li siè-
ges devant Bourdille.
15 $ 621 • S^s ^ marces de Poito et de Tourainne se
tenoient messires Jehans de Buel^ mesires Guillaumes
des Bordes, messires Loeis de Saint Juliien et Caren-
loet^ Breton^ à plus de douze cens combatans^ qui
imaginoient et estudioient nuit et jour comment il
20 peuissent prendre^ eskieller et embler villes, chas-
tiaus et forterèces, en Poito. Dont il avint que il em-
blèrent et prisent par eskiellement, de nuit, le chastiel
que on dist le Roce de Ponsoy^ à l'entrée de Poito,
séant sus le rivière de Cruese^ à deux liewes de le
^ Haie en Tourainne, et assés priés de Chastieleraut,
SUS ceste meisme rivière. Si en fu durement tous li
pays de Poito effraés^ car li François en fisent une
' grande garnison et reparèrent, pourveirent et rafres-
chh-ent de vivres et d'artiUerie bien et grossement.
Quant les nouvelles en vinrent au prince^ si en fu du-
rement coureciés, mes amender ne le peut. Si remanda
[13(^9] LIVRE PREMIER, § 62i. 137
tantost monsigneur Gulchart d'Angle^ messire Loeis
de Harcourty le signeur de Partenay, le signeur de
Puiane et pluiseurs aultres, qui se tenoient à Montai-
ben dalés monsigneur Jehan Chandos^ qu'il revenis-
sent apertement^ et qu il les voloit ailleurs envoiier. 5
Cil dessus dit signeur de Poito^ à l'ordenance dou
prince, se partirent de Montalben^ et esploitièrent
tant par leurs journées, qu'il vinrent en le cité d'An-
gouloime devers le prince, qui tantost les envoia à
Poitiers, pour garder le cité et faire frontière as Fran- 10
çois. Assés nouvellement s'estoit tournés françois uns
grans barons de Poito, li sires de Chauvegni^ viscon-
tes de Bruese, et sa ville ossi^ et l'avoit garnie de Bre-
tons et de gens d'armes, mes point n'estoit en sa
terre^ ains estoit venus en France dalés le roy. De 15
eeste avenue furent li princes et tout li baron de Poito
moult coureciet.
Si fil soupeçonnés li viscontes de Roeewart; et en
fa enfourmés li princes qu'il se voloit tourner fi'an-
çois. Dont il avint que li princes le manda en Angou- 30
loime où il estoit, et li dist se intention. Li viscontes
s'en defiendi et escusa au mieulz qu'il peut, mes pour
ce ne demora mies qu'il ne li couvenist tenir prison
fremée, et demora un grant temps en ce dangier.
En ce temps, estoit grans seneschaus de Poito mes^ 25
sires James d'Audelée, uns moult sages et vaillans
chevaliers : si mist sus une chevaucie de tous les ba-
rons et chevaliers de Poito. Là estoient messires Gui-
chars d'Angle, messires Loeis de Harcourt, li sires de
Pons, li sires de Partenay, li sires de Puiane, messi- 30
res JoflOrois d'Argenton, messires Mauburni de Laniè-
res, li sires de Tannai Bouton, messires Guillaumes
138 CHRONIQUES DE J, FROISSART. [1369]
de Montendre et pluiseur aultre chevalier et escuier
de Poito^ et estoient bien douze cens lances, et enco-
res y estoit messires Bauduins de Fraiville, seneschaus
de Saintonge. Si fisent cil signeur leur assamblëe à
5 Poitiers, et puis s'en partirent en grant arroy^ et che-
vaucièrent tant qu'il entrèrent en Berri. Si commen-
cièrent à ardoir et à exillier le pays et à honnir po-
vres gens^ et y fisent moult de damages^ et puis s'en
retournèrent par Tourainne. Et partout où il con-
10 vérsoient^ li pays estoit contournés en grant tribula-
tions ne nulz ne leur aloit au devant ^ car il estoient
si fort que il tenoient les camps.
Et entrèrent ces gens d'armes en le terre le signeur
de Chauvegni^ qui estoit tournés françois; si le ardi-
15 rent et exillièrent toute sans déport^ horsmis les forte-
rèces, et vinrent devant sa mestre ville de Bruese. Si
le assegièrent et le assallirent et fisent assallir un jour
tout entier par leurs gens^ mes riens n'i conquisent.
Dont s'alèrent il logier, et disent qu'il ne s'en parti-
20 roient mies ensi, et que elle estoit à yaus bien pren-
dable. Si se levèrent au point dou jour, et s'armèrent
et ordonnèrent, et sonnèrent leurs trompètes d'assaut»
Si approcièrent cil Poitevin et cil Englès, et se misent
en ordenance par connestablies , cescuns sires entre
25 ses gens et desous se banière. Là eut, par un samedi,
grant assaut et dur et bien continuet , car il y avoit
dedens le viUe gens d'armes et compagnons, qui se
deffendoient dou mieulz qu'il pooient, car il savoient
bien que c'estoit sus leurs vies. Si y fisent tamainte
30 apertise d'armes.
Li seneschaus de Poito et li seneschaus de Sain-
tonge, qui estoient en grant volenté et désir de con-
[1369] UVRE PREBOm, § 622. 139
querre la forterèce^ faisoient leurs arciers traire si
ouniement que à painnes ne s'osoit nulz amoustrer à
garittes pour deffendre. Si furent^ à ce jour et ce sa-
mediy au matin^ cil de Bruese si fort assalli et si con-
tinuelment par traire et lancier et escarmucier à .5
yaus^ que finablement la ville fu conquise et la porte
jettée par terre, et entrèrent ens tout cil qui entrer y
yeurent. Si furent pris li homme d'armes dou vis-
conte, et tantost en fisent li signeur de Tost pendre'
jusques à seize en leurs propres armeures, ou despit 10
dou dessus dit visconte, qui pas n'i estoit, mes se te-'
noit à Paris dalés le roy de France. Si fu toute la
ville courue, arse et robée, et y perdirent li habitant
et li demorant tout le leur. Encores en y eut fîiison de
mors et de navrés et de noiiés^ et puis si s'en cetoup- 15
nèrent li Englès et leurs routes en le cité de Poitiers,
pour yaus mieulz à leur aise rafreschir.
*
§ 622. Messires Robers Canolles, qui se tenoit en
Bretagne sus son hiretage, lequel il avoit biel et grant, *
et qui toutdis avoit estet bons et loyaus Englès, et 20
servi et amé le roy d'Engleterre et le prince de Gai-*
les son ainsnet fil, et esté en leurs armées -et chevaù-
cies, quant il entendi que li François faisoient ensi si
forte guerre au dit prince, et qu'il li tolloient et vo-
loient tollir son hiretage d*Acquitainne, lequel il li 25
avoU jadis aidiet à conquerre, se li vint à grant ami-
ration et desplaisance, et s'avisa en soi meismes
que il prenderoit ce qu'il poroit avoir de gens et s'en
iroit servir le prince à ses propres frès et despens.
Tout ensi comme il imagina et considéra , il fist , et 30
eueilla gens et manda tous ses subgès et ses feaub et
ikO CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
priia ses amis, et eut environ soixante hommes d'ar-
mes et otant d'arciers de se délivrance, et fist ses
pourveances sus le mer en quatre grosses nefs, en
une ville, en Bretagne, et port de mer^ que on appelle
5 Ronke.
' Quant toutes ses pourveances furent faites et ao-
omplies^ il se parti de Derval et se traist de celle
part : si entra en son vaissiel, et ses gens es leurs; si
desancrèrent et singlèrent tant au vent et as estoilles,
10 qu'il arrivèrent au kay en le Rocelle. Se li fisent li
bourgois de le Rocelle grant feste arrière coer, mais
il n*en osoient aultre cose faire. Et là trouva il mon-
signeur Jehan d'Evrues^ qui estoit chapitainne de le
Rocelle, de par le prince; car li seneschaus estoit
15 avoecques monsigneur Jehan Chandos, messires Thu-
mas de Persi. Messires Jehans d'Evrues rechut le dit
messire Robert moult liement et li fist toute le bonne
compagnie qu'il peut faire. Si se rafreschirent messi-
res Robers et ses gens en le Rocelle par deux jours.
20 Au troisime jour^ il s'en partirent et se misent au
chemin devers Angouloime, et tant esploitièrent par
leurs journées qu'il y parvinrent. De la venue monsi-
gneur Robert Canolles fu li princes grandement res-
joïs, et ne le peut par samblant trop conjoïr ne fes-
25 tiier, et ossi madame la princesse. Tantost li princes
le fist mestre et souverain de tous ses chevaliers et
escuiers d'ostel par cause d'amour^ d'onneur et de
vaillance^ et leur commanda à obéir à lui, si com à leur
souverain^ et il disent que ossi fer oient il volentiers.
30 Quant li dis messires Robers eut esté dalés le prince
environ cinq jours, et cil furent tout appareilliet ^
qui dévoient aler en se chevaucie^ et ossi il sceut
[1369] UVRE PREMIER, S 6S2. i4i
quel part il se trairoit^ il prist congiet au prince et
se parti d*Angouloiine^ bien acompagniés^ les che-
valiers dou prince avoech lui , telz que monsigneur
Richart de Pontchardon, monsigneur Estievene de
Gousenton, monsigneur d'Aghorises, monsigneur 5
Neel Lorinch, monsigneur Guillaume Toursiel, mon-
signeur Hughe de Hastinges, monsigneur Jehan Tri-
yet^ monsigneur Richart Tan ton ^ monsigneur Thu-
mas le Despensier, monsigneur Thumas de Walke-
hrCy monsigneur Thumas Balastre^ monsigneur Ni- lo
colas Bonde, monsigneur Guillaume le Monne^ se- '
neschal d'Aghinois^ monsigneur Bauduin de Fraiville
et plus de soixante chevaliers. Si estoient environ cinq
cens hommes d*armes et cinq cens arciers et otant
de brigans^ et tout en grant volenté de trouver les 15
François et de combatre. Si chevaucièrent les gens
le prince, dont messires Robers CanoUes estoit chiés
et gojuvrenères^ par devers Agen, pour venir en Quér-
sin où les Compagnes se tenoient^ et tant esploitièrent
qu'il vinrent en le cité d'Agen. Si se tinrent là un pe- 20
tit, pour yaus rafreschir et entendre des ennemis.
Entrues que li dis messires Robers Canplles sejour-
noit à Agen^ et ses gens là environ^ il entendi que
messires Perducas de Labreth^ uns grans chapitainnes
de Compagnes, et qui en avoit plus de trois cens de 25
se route desous lui, estoit sus le pays, et en celle sai-
son par le pourcach dou duch d'Ango tournés fran-
çois. Si envoia tantost ]i dis messires Robers Ca-
noUes devers lui hiraus et certains messages, et fist
tant que , sus saufconduit^ il vint parler à lui sus les ^^
camps en un certain lieu qu'il y ordonnèrent. Quant
lidis messires Robers vei le dit monsigneur Perducas,
14i CHRONIQUES DE J. FROISSâRT. [1369]
se H fîst grant chière et lie^ et puis petit à petit entra
en parolles. Se li commença à remoustrer comment
il avoit grandement fait son blasme^ quant il estoit
tournés françois et issus hors dou service le prince
5 qui tant l'avoit amé^ honnouré et avanciet. Que vous
feroije lonch compte? Messires Robers CanoUes,
comme sages et soid)tis^ preeça tant le dit Perducas
de Labreth^ qu'il le retourna englès et toutes ses
gens^ et se retournèrent adonc des compagnons gas-
10 cons plus de cinq cens : dont li dus d'Ango fu moult
courouchiés^ quant il sceut les nouvelles, et en tint
mains de bien et de seurté ou dit monsigneur Perdu*
cas. Et ossi fisent tout li aultre qui estoient de le par-
tie des François, et en resongnièrent trop plus gran-
15 dément les Englès.
§ 623. Ces nouvelles vinrent en le cité de Chaours
as aultres compagnons, à Aymenion d'Ortige, au
Petit M eschin, à Jaket de Bray, à Perrot de Savoie et
à Ernaudon de Paus, qui tenoient là une très grande
20 garnison et avoient tenu tout le temps, que messires
Perducas de Labretb estoit retournés englès et toute
se route ossi; si en eurent les dessus dittes chapi-
tainnes grant anoi et grant efiroy. Et regardèrent et
considérèrent, entre yaus, que li cités de Chaours es-
25 toit de trop grant garde et trop foible pour yaus te-
nir contre les Englès. Si s'en partirent et le recom-
mendèrent à l'evesque dou lieu et as bourgois de le
ville, et s'en vinrent en une priorie assés priés de là,
que il avoient tout le temps malement fortefiie, la-
30 quelle on appelle Durviel. Ceste forterèce n'estoit
point de grant garde : si se boutèrent tout dedens
[1369] LIVRB PRElflER, $ 623. 14?
et misent en bonne ordenanoe , pour attendre leurs
ennemis : liquel vinrent celle part tantost et sans de«
lay qu*il sceurent qu'il s'estoient là retrait, et asse-
gièrent et environnèrent le ditte forterèce^ et puis y
estabUrent et fîsent tamaint assault ; mes cil estoient 5
si usé et si mesnier d'armes, et ossi si bien pourveu
de bonne artillerie^ qu'il n'en faisoient compte.
Quant messires Jebans Chandos^ messires Thumas
de Felleton, messires li captaus^ messires Jehans de
Pumiers^ messires Thumas de Persi^ messires Eustas- lo
ses d'Aubrechicourt et li chevalier dou prince^ qui se
tenoient à Montalben^ entendirent que messires Ro-
bers CanoUes avoit assegiet les capitainnes des Com-
pagnes en le garnison de Durviel^ si eurent conseil
que U se trairoient de celle part^ car la cose s'ordon- 15
noit assés que il trouveroient là aucun grant fait d'ar-
mes. Si se départirent de Montalben en une route
plus de trois cens lances^ et y en laissièrent bien deux
cens en garnison^ desquelz estoient chapitainne mes-
sires Aymeris de Tarse, messires li soudis de Lestrade 30
et messires Bernadet de Labreth^ sires de Geronde.
Si chevaucièrent li dessus dit moult efforciement,
pour venir au siège de Durviel.
Ensi que il chevauçoient , il trouvèrent en leur
chemin une ville assés forte^ Françoise , qui s'appelle 35
Montsach^ et estoit tant seulement en le garde des
hommes^ \ïar il n'i avoit nul gentil homme. Si en-
voiièrent de premiers li signeur leurs coureurs de-
vant, pour aviser et considérer le viUe. Si raportèrent
li coureur que elle estoit assés forte, et que sans siège 30
et assaut on ne les pooit avoir. Dont se consillièrent
li signeur sus les camps ^ pour savoir quel cose en
i44 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
esloH bonne à faire, Adonc il trouvèrent^ en conseil^
que ce ne seroit pas bon d'yaus là arrester et de bri-
sier leur emprise, pour aler devant Durviel; si pas-
sèrent ouUre.
5 A ce donc estoit enoores assës matin. Ensi que il
pooient estre ja à une liewe en sus^ il encontrèrent
quatre sommiers cargiés de vitaille, qui aloient en le
ville. Si furent tantost pris et arresté li dit sommelier, et
leur fu demandé dont il venoieût, ossi où il aloient. Cil
10 cogneurent la vérité qu'il estoient parti de Thoulouse
-et avoient intention d entrer en le ville de Montsach
. et de là mener leur vitaille. Dont furent il examiné
plus avant de l'estat de le ville, et quelz gens il estoient
là ded»[is. Li sommelier respondirent à ce et disent,
1 5 qui n'osèrent mentir^ que la ville estoit moult astrainte
de famine^ et n^i pensoient là dedens avoir de tous
vivres^ se assegiet estoient^ pour vivre quatre jours,
et qu'il n'i avoit dedens nul gentil homme, ne aultre
deffense que des bonhommes de le ville. Dont semi-
20 sent li gentil homme ensamble^ et eurent conseil qu'il
n'iroient plus avant^ si aroient rendu painne à con-
querre le ditte ville. Si retournèrent et retinrent le
vitaille pour yaus^ et rendirent as quatre sommeliers
leurs chevaus,. et leur disent que il ralaissent as nou*
25 velles pourveances. Et puis s'en vinrent mettre le
siège devant Montsach^ et se commencièrent à logier
bien et faiticement^ ensi qu'il deuissent là demorer
un mois; et fîsent ce premier jour samblant qu'il as-
sauroient à l'endemain^ et levèrent devant les murs
30 aucuns canons qu'il portoient.
Quant cil de Montsach en veirent le manière , si
se commencièrent à efiraer, et sentirent bien que
[1369] LIVRE PBSMIER, $ 624. i48
il ne 86 poroient longement tenir, ear il n'avoient
nulles pourveances. Si eommenoièrent à trettier de-
vers les dessus dis ehevaliers d'Engleterre^ et se por-
tèrent trettiet si bien que il recogneurent le prince
à signeur et à tenir le ditte ville de lui à tousjours 5
mes, sans fraude et mal engin ; et parmi tant il de-
moroient en paix, et ne leur ostoit on riens dou
leur. Si ordonnèrent li chevalier, messires Jehans
Chandos et li aultre, à le requeste de chiaus de le
ville, un chevalier estre leur ohapitainne , lequel on lo
appelloit messire Robert Miton, et vingt hommes
d'armes et quarante arciers avoech lui, as saus et as
gages des hommes de le ville ; puis passèrent oultre
et chevaucièrent tant qu'il vinrent devant Durviel ,
où messires Robets CanoUes et li aultre estoient. Si 15
eut là grans recognissances et grans approcemens d'a-
mour, quant il se trouvèrent tout ensamble, et se
misent au siège avoeeques les aultres, tout par bonne
ordenance.
§ 624. Ce siège pendant devant Durviel, il y eut 20
phiiseurs assaus, escarmoces, paletis et grans fais d'ar-
mes^ car c'estoient toutes bonnes gens devant, qui
tenoient le si^e ; et cil dedens ossi estoient tout bon
combatant et bien usé d'armes : aultrement, il ne se
fuissent point longement tenu. Si vous di que li En- 25
glès et cil de leur costë qui là gisoient au siège, ne
Tavoient mies d'avantage, mes estoient en trop dur
parti par deux manières ; car il plouvoit nuit et jour
si ouniement que trop grevoit as honmies et as che-
vaus; et avoech tout ce, il avoient si grant defaute 30
de vivres qu'il ne savoient que mengier. Et y vendoit
VII — 10
146 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
on un pain trois vies gros : enoores n'en pooit on
recouvrer pour son aident bien souvent. De vins
avoient il assés et largement, et oe leur fiiisoii grant
confort. En oel estât furent il plus de cinq sep-
5 mainnes»
Quant il veirent que riens ne fiûsoient et que le
garnison de Durviel pas ne prenderoient^ et si se-
joumoient là en grant malaise^ si s'avisèrent que il se
deslogeroient et iroient plus avant et en plus cras
10 pays. Si se deslogièrent et se traisent par devant le
ville et le chastiel de Domme^ dont messires Robers
de Domme estoit sires et gouvrenères^ et avoit avoech
lui un sien cousin chevalier^ qui s'appelloit messire
Pierre Sengler. Si avoient^ en devant, cil doi chevalier
15 les vivres dou plat pays là environ tous retrais là de-
dens. Quant li Englès et li Gascon^ qui bien estoient
quinze cens hommes d'armes et deux mil, que arciers,
que brigans^ furent là venu^ si se ordenèrent et mi-
sent en arroy de siège bien et faiticement^ et com-
so mencièrent à assallir le forterèce de grant volenté.
Si y livrèrent pluiseurs grans assaus et escarmuces,
où il y eut fait , le siège pendant, des grans apertises
d'armes. Quant il eurent là esté à siège quinze jours^
et il eurent veu que riens n'i faisoient et si y gisoient
25 à grant painne et à grant fret, si se avisèrent et con-
siUièrent li un par l'autre qu'il segnefîeroient leur
estât et leur a&ire au prince de Galles leur signeur,
qui se tenoit en Ângouloime. Si en fîi ordonnés
d'aler celle part et de faire ce message Chandos li
30 hiraus^ liquelz se parti de ses mestres et esploita tant
par ses journées qu'il vint en le cité d'Ângouloime
où il trouva le prince à moult privée mesnie^ car
[1369] UVEE PRElflER, S ^^^' ^^7
tout si chevalier et eseuier estoient d'une part ou
d'autre.
Quant li hiraus Chandos fu là venus, il se mist en
genoulz devant le prince et li recommanda tous ses
mestres dessus nommés, lesquelz il avoit laissiés au 5
si^e de Domme. Et puis li recorda et remoustra
bien et sagement Testât et Fa&ire de leur ordenance,
ensi qne enfourmé et chargié Tavoient^ avoecques
lettres de créance qu'il aportoit à monsigneur le
prince. li princes entendi à ce bien et volentiers et lo
dist qu'il en aroit avis; si fîst demorer le hiraut datés
lui et y fu dnq jours. Au sixime jour, il li fîst déli-
vrer sus son seel lettres escriptes et seelées, et li dist
au départir ': « Chandos^ salués nous tous les compa-
gnons, y Cilz respondi : « Mons^eur^ volentiers. » is
Lors se parti dou prince li dis hiraus et se mist au
retour par devers Quersin. Or vous recorderai de
chiaus de l'ost comment il esploitièrent et quel cose
il fisent^ entrues que li dis hiraus ala et vint et fîst
son message. 20
^ 625. Assés tost apriès che que Chandos fu
partis de ses mestres dou si^e de Domme y messires
Jehans Chandos , messires Robers Canolles , messires
Thumas de Felleton^ messires li captaus de Beus et
messires James d'Audelée et li aultre signeur et che- 25
valier qui là estoient^ eurent conseil et avis qu'il def-
feroient leur siège ^ car riens au là seoir ne conque-
roient , et chevauceroient plus avant sus le pays , et
reconquerroient villes et garnisons qui s'estoienl
tournées françoises nouvellement par l'effort des 30
Compagnes et des gens le duch de Berri. Si se deslo-
148 CHRONIQDES DB J. FROISSART. [4369]
gièrent et se départirent de Domme, et se misent au
chemin et vinrent par devant Gramath , qai tantost
se rendirent et tom^nèrent englès qu'il furent là venu.
Si se rafreschirent li signeur et leurs gens dedens le
5 ville de Gramath par trois Jours, et entrues avisèrent
où il se trairoient. Quant il s'en partirent^ il ehevauciè-
rent devant une aultre forterèce^ que les Compagnes
avoient nouvellement pris^ que on claime Fours.
Silos que cil de celle garnison sentirent les Englès
10 venir à si grant effort et que cil de Gramath s'es-
toient tourné ^ il se tournèrent ossi et devinrent en-
glès j et jurèrent que il le demorroient à tousjours ,
mes il en mentirent.
Si passèrent oultre li dit Englès^ et vinrent de-
15 vant Rocemadour. Cil de le ville de Rocemadour
estoient malement fortefliet; si n'eurent mies vo-
lente que d'yaus rendre. Quant li Englès furent venu
jusques à là et il eurent avisé et considéré le ma-
nière de chiaus de le ville, si fîsent traire avant leurs
20 gens et leur artillerie, et le commencièrent à assal-
Ur de grant façon et de bonne ordenance. Là eut^
je vous di , moult grant assaut et moult dur et plui-
seurs hommes navrés et bleciés dou tret et dedens
et dehors. Si dura cilz assaus un jour tout entier.
25 Quant ce vint au vespre^ li Englès se retraisent en
leurs logeis et avoient bien entention que de assallir
à l'endemain. Mais celle nuit cil de Rocemadour se
consillièrent qu'il avoient ce jour senti le force et le
vertu de chiaus de l'ost, et comment il les avoient
30 fort apressés. Et disent bien li plus sage et mieulz
avisé que à le longe il ne se pooient tenir, et , se il
estoient pris de force, il seroient tout mort et perdu ^
[1369] LIVRE FRBMIER, S ^^^' 449
et leur ville arse^sans merci, Siques^ tout considéré^ le
bien contre le mal , quant ce vint au matin , il tret-
tièrent pour yaus rendre as Englès; et se porta trettiés
qu'il obéirent en acord devers les dessus dis cbeva-
liers d'Engleterre, parmi tant que^ de ce jour en avant, 5
il seroient bon Englès^ et le jurèrent solennelment.
Avoech tout ce^ il deurent à leurs frès mener et con-
duire^ le terme de quinze jours^ cinquante sommiers
de vivres apriès l'ost^ pour yaus avitaillier des pour-
veances de le ville , mais on les paioit courtoiseinent 10
parmi un certain fiier qui ordonnés y estoit. Ensi de-
mora Rocemadour en pais.
Et puis chevaucièrent li Englès oultre par devers
Yillefiance en Thoulousain^ gastant et exillant tout
le plat pays et mettant les povres gens en grant is
misère , et conquérant villes et chastiaus , qui s'es-
toient tournées nouvellement françoises; si se re-
toumoient englesces^ les unes par trettiés et les aul-
très de force. Si vinrent li dessus dit signeur et
leurs gens devant Y illefrance , qui estoit assés bien 20
fremée et pourveue de vivres et d'artillerie , car tous
li plas pays de là environ s'i estoit retrais. Quant il
furent là venu^ il le assegièrent et assallirent de grant
volenté. Et y eut, en quatre jours qu'il furent par
devant^ tamaint grant assaut et fort^ et pluiseurs 25
navrés de chiaus de dedens et de chiaus de dehors.
Tout considéré^ cil de le ville regardèrent que à
le longe il ne se poroient tenir et qu'il ne seroient
aidié ne conforté, de nul costé, au mains ne leur
estoit il point apparant. Si se tournèrent et rendirent 30
englès^ par composition telle, que on ne leur devoit
porter point de damage. Ensi devint Villefrance en
150 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
Aginois ^ sus les marces de Toulousain , englesce : de
quoi li dus d'Ango^ qui se tenoit à Thoulouse , fu
moult courouciésy quant il en sceut les nouvelles,
mes amender ne le peut tant qu'à celle fois. Si mist
5 et laissa dedens messires Jebans Chandos à gouvre-
neur et chapitainne un chevalier englès, qui s'appel
loit messires Robers Rous^ et puis passèrent oultre
en exillant le pays.
Or retourrons au siège de Bourdille, en Pieregorth,
10 et compterons comment li contes de Cantbruge et li
contes de Pennebruch persévérèrent.
§ 626. Entrues que cil dessus nommé baron et
chevalier d'Engleterre et leurs routes fiiisoient leurs
chevaucies et leurs conques^ tant en Roei^e, en Quer-
15 sin qu'en Aginois^ où il furent une moult lontainne
saison, se tenoit li sièges devant le garnison de Bour-
dille^ qui y fu plus de onze sepmainnes. Et vous di
que, le siège là tenant^ ensi que vous oés^ il y eut plui-
seurs assaus, escarmuces et paletis et aultres grans
20 apertises d'armes priesque tous les jours ; car cil de
dedens venoient par usage tous les jours à main ar-
mée jusques à leurs barrières hors de le porte, et là
escarmuçoient moult vaillamment et hardiement à
tous venansy et si bien s'i portoient que proprement
25 de chiaus de l'host il avoient grant loenge. Ensi se tin-
rent un grant temps en cel estât, et fuissent encores
trop plus tenut se orghieulz et presumptions ne les
euist temptés, car il estoient gens assés et tout hardi
compagnon, pour tenir et deflFendre leur forterèce, et
30 bien pourveu de vivres et d'artillerie, et tant que cil
de l'ost se commencièrent à taner, quoique il gesis-
[1869] UVRB FRmiKR, S <^M* ^^t
sent là moult honourablement, mes li signeur regar-
dèrent qu'il y estoient à grant fret et que trop peu il
oonqueroient.
Or eurent un jour conseil et avis comment il se
maintenroienty pour leur a&ire approcier. Si ordon- 5
nèrent que, à lendemain à heure de prime ^ il fe*
roient toutes leurs gens armer et yaus tenir secrète-
ment en leurs logeis, et en envoieroient aucuns es-
carmucier à chiaus de le forterèce; il les sentoient
bien de si grant volentë que tantost il isteroient hors 10
et se metteroient as camps bien et apertement pour
yaus combatre. En ce fiiisant^ leurs gens qui là se-
roient eniroiiet escarmucier^ se fainderoient et s'en re-
tourroient tout combatant petit à petit devers leurs
logeis , ensi que desconfis y pour chiaus dou dit fort 15
attraire plus avant; et il aroient ordené une bataille
de leurs gens tout à cheval, qui se metteroient entre
leurs ennemis et le forterèce, par quoi, quant il vor-
roient retourner^ il ne poroient. Cilz avis fu arestés
entre yaus; et disent que^ se on ne les avoit par celle 20
voie, on ne les aroit point aise; siques, à Fendemain,
il fîsent très le matin armer secrètement toutes leurs
gens, et en envoiièrent jusques à deux cens escarmu-
cier à chiaus de BourdUle.
Quant li compagnon qui dedens estoient, et les 25
capitainnes Emaudons et Bemadés les veirent ve-
nir,si en furent tout joiant et s'armèrent aperte-
ment , et fisent armer toutes leurs gens ; si pooient
bien estre environ septvingt, tout able et legier com-
pagnon. Et fisent ouvrir leur porte toute arrière, 30
et vinrent à leurs barrières et recueiiUèrent à lances
et as pavais les Englès bien et faiticement ; et y
i52 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
eut tant &it que li Englès reculèrent et perdirent
terre^ et ossi estoit il ensi ordené. Li compagnon
de BourdiUe fîsent passer leur pennon devant et di-
sent ensi : « Avant 1 Avant 1 Par le cap saint Antone ,
5 a cesti sont nostre. » Lors les envaïrent il de grant
volenté, et en yaus cachant en jettèrent aucuns
par terre et blechièrent et prisent pour prisonniers.
Et pour ce qu'il voloient tout avoir^ et ensi que on
dist souvent : « Grant convoitise fait petit çiont, »
10 il eslongièrent si leur forterèce que^ quant il veurent
retourner, il ne peurent. Car messires Jehans de Mon-
taguty qui estoit sus l'embusche à plus de cinq cens
combatans, et qui droit là sus le place fu fois cheva-
liek^ de monsigneur le conte de Cantbruge, se mist à
15 toute se route entre le forterèce et yaus^ et descendi-
rent piet à piet droit devant yaus^ et puis les envaï-
rent de grant volenté.
Quant li compagnon de BourdiUe se veirent
ensi attrapé, si cogneurent bieu qu'il avoient trop
20 folement cachiet. Nonpourquant , il se recueillièrent
et se remisent tout ensamble comme vaillans gens^
et se commenchièrent à combatre et à faire tant
de grans apertises d'armes que merveilles seroit à
recorder; et se tinrent^ sans yaus desconfire, bien
S5 le terme de deux heures de jour, toutdis lan-
çant et yaus deffendans, entrans et retraians moult
vaillamment de leurs ennemis ; et tant y fîsent d'ar-
mes , que proprement li signeur d'Engleterre qui là
estoient , y prisent grant plaisance. Et là fu messires
30 Jehans de Montagut très bons chevaliers, et vaillam-
ment et biel s'i combati et assalli ses ennemis. Fina-
blement, cil de BourdiUe furent là desconfî, tout mort
[1369] UVRB PRKMIER, $ 6S7. 183
ou pris^ onques pies n'en escapa^ et li prisonnier res-
cous^ que pris avoient, et li doi escuier capitainne y
Ërnaudons et Bemadés de Batefol, pris et prisonnier
au dit monsigneur Jehan de Montagut. Entrues que
cilz estours avoit là esté^ li contes de Cantbruge et li 5
contes de Pennebruch s'estoient avandet et avoient
conquis les barrières et le porte, et estoient entré
ens^ le banière le conte de Cantbruge tout devant.
Ensi eurent li Englès le garnison de Bourdille, et fi-
sent les hommes de le ville jurer foy et seurté et à 10
tenir le viUe de par le prince. Si ordenèrent li signeur
à demorer, pour le garder^ le signeur de Mucident et
ses gens, et li baillièrent soixante arciers, et puis def-
fisent leur siège^ et eurent conseil qu'il se retrairoient
en Ângouloime devers le prince^ pour savoir quel 15
cose il vorroit que il fesissent. Ensi se deffist li sièges
de Bourdille^ et se misent tout li signeur et leurs
routes au retour.
Qr retourrons nous as dessus dis chevaliers d'Ëngle-
terre et de Gascongne qui chevauçoient en Quersin^ 20
et parlerons de Chandos le hiraut et des nouvelles
que il leur aporta de par le prinche de Galles.
§ 627. Ensi que li dessus dit et leurs routes et les
Compagnes avoech yaus chevauçoient ens es marées
de Roerge et de Quersin, et qu'il faisoient tourner 25
villes et chastiaus et mettoient le pays où il conver-
soient^ en grant tribulation^ evous Chandos le hiraut
revenu, qui les trouva devant une forterèce, en Quer-
sin, que il avoient moult astraint. Sitos que il vei-
rent le hiraut revenu, se li fisent grant chière et li de- 30
mandèrent des nouvelles. Il leur dist que messires li
164 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
princes les saluoit tous et les desiroit moult à ireoir.
A ces moSy il leur bailla les lettres que li princes leur
envoioit; si les prisent li baron et les lisirent. Si
trouvèrent, avoech salus et amistés^ que il ordonnoit
5 et yoloit que messires Jehans Ghandos, messires Thu-
mas de Felleton et messires li captaus de Beus re-
tournassent en Angouloime devers lui^ et messires
Robers Canolles et ses gens et toutes les Compagnes^
demorassent en Testât où il estoient et feissent
10 guerre.
Quant cil quatre signeur qui là estoient chief de
toutes ces gens d*armes^ entendirent ces nouvelles, si
regardèrent tout Tun l'autre^ et puis demandèrent quel
cose en seroit bonne à faire. Si se adrecièrent d'une
15 vois dessus messire Robert Ganolle et li disent : a M es-
sire Robert, vous veés et entendes comment messires
li princes nous remande, et voet et ordonne que vous
demorés sus ce pays et soiiés chiés et gouvrenères de
ces gens d'armes. » — a Signeur, ce respondi messi-
20 res Robers, messires li princes me fait plus d'onneur
que je ne vaille; mais sachiés que ja sans vous je n'i
demorrai, et, se vous partes, je partirai. » Depuis, il
ne se volt aultrement laissier enfourmer ne adire^
mes toutdis dist qu'il partiroit. Si eurent conseil de
25 retourner tout quatre devers le prince, pour savoir
plus plainnement sen entente. Ensi se desrompi ceste
grande chevaucie.
Quant ce vint an département, il envoiièrent
monsigneur Perducas de Labretfa en le vUIe de Ro-
30 cemadour, et toutes ses gens, pour là faire frontière
contre les François. Et disent ensi li signeur as au-
tres capitainnes des Compagnes : « Signeur , vous
i
1
[1369] LIVRE PREMIBR, $ 6t8. îm
oës comment messires li princes nous remande; si
nous feult obéir ^ et ne savons de vérité que il nous
Yoet. Si vous dirons que vous ferés : vous recueillerés
vos gens et vous remetterés ensamble, et vous mon-
terés amont sus les marces de Limozin et d'Auvergne 5
et ferés là guerre. Car sans guerre vous ne poés ne
savés vivre, et nous vous jurons et promettons loyau-
ment^ se vous prendés ne conquerés ville , chastiel
ou forterèce en France, où que ce soit ne en quel
marce^ et vous y soiiés ass^et^ nous vous irons ooor 10
forter telement que vous nous en sarés gret, et lève-
rons le siège. >» Cil qui ces paroUes et prommesses
entendirent^ respondbrent : a C'est bien dit, et nous
le retenons ensi; car espoir en arons nous mestier. »
Ensi se départirent li un de l'autre^ et se desrompi 15
eeste grosse chevaucie^ les Compagnes d'un lés et li
signeur d'autre, qui s'en revinrent tout par acord de-
vers le prince en le cité d'Ângouloime, qui leur fîst
grant chière. Et estoient revenu ossi de le conté de
Pieregorth, un petit en devant, li contes de Cant- 20
bruge^ li contes de Pennebruch^ messires Jehans de
Montagut et tout li aultre.
Or vous parlerons des Compagnes, qui parti es-
toient de monsigneur Jehans Chandos, comment il
persévérèrent. 25
§ 628. Entre les Compagnes, avoit là trois escuiers
de la terre dou prince, grant chapitainne de Com-
pagnes et hardi et apert homme d'armes durement,
et grant aviseur et eskielleur de forterèces. Si ap-
pelloit on l'un Hortingo, l'autre Bernart de Wisk et 30
le tierc Bernart de la Salle. Cil troi compagnon ne
156 CHRONIQUES I» J. FROfiSSART. [4369]
vécurent mies séjourner plentë, que il ne fesissent
parler d yaus et aucun esploit d'armes. Si s'en vin-
renty avoech leurs routes^ en Limozin yaus rafreschir.
En ce temps, en estoit seneschaus et gouvrenères de
5 par le prince messires Jehans d'Evrues. Cil troi dessus
dit jettèrent leur avis à prendre en France aucune
forterèce et regardèrent que Belleperce^ en Bourbon-
nois, estoit uns biaus chastiaus et fors, et ens démo-
roit la mère dou duch de Bourbon et de la royne de
10 France. Si entendirent par leurs espies que la bonne
dame estoit là asseulée entre ses gens , et n'avoit ou
dit casiiel point trop grant garde. Ëncores li chastel-
lains dou lieu aloit et venoit souvent hors et n'en
estoit mies trop songneus.
15 Cil compagnon et une partie de leurs gens, chiaus
que il veurent eslire^ ne sommillièrent point trop
sus leur entente , mes chevaucièrent un jour et une
nuit^ et vinrent sus Tajournée à Belleperce^ et l'es-
chiellèrent et le prisent^ et madame la mère de
20 la royne de France dedens , et fu tout leur tout ce
que il y trouvèrent. Si regardèrent que la forterèce
estoit belle et bonne et en gras pays^ et disent que
il le tenroient contre tout homme. Encores en ceste
propre nuit, il prisent une aultre forterèce qui s*ap-
25 pelloit Sainte Sivière , sus les marces de Limozin ,
et ceste donnèrent il à monsigneur Jehan d'Evrues.
Ces nouvelles furent tantost sceues en France que
Belleperce estoit prise et emblée des Englès^ et la
mère de la royne de France dedens. Si en fu li rois
30 forment courouciés. et ossi furent la rovne et li dus
de Bourbon, mes amender ne le peurent tant c'a
ceste fois.
[ia69] UVBE PBEIOER, $ 6S9. 157
En ce temps, fu eslens en France, pour estre li uns
des mareschaus des gueires, messires Loeis de Sans-
soirre, vaillant homme et hardi chevalier durement.
Encores vivoit messires Ernouls d' Audrehen , mais il
estoit si vieulz et si fix>issiés d'armes et de traveil 5
dou temps passée que bonnement il ne se pooit mes
ensonniier de Toffisce ; mes encores s'armoit il vo-
lentiersy quant il venoit à point. Or vous parlerons
un petit des besongnes de Pikardie ossi bien que
nous vous avons parlé de cestes des lontainnes 10
marées^ et d'une grant assamblée qui fu faite à Tour-
nehen.
§ 629. Li rois de France^ toute celle saison d'esté,
avoit Eût un très grant appareil de nefe, de barges et
de vaissiaus, sus le havene de Harflues et sus le rivière 15
de Sainne , entre Roem et Harflues. Et avoit inten<-
tien que d'envoiier une armée en Ëngleterre si grande
et si bien estoffée de toutes bonnes gens d'armes^
chevaliers et escuiers, desquelz messires Phelippes
ses frères^ dux de Bourgongne, seroit chiés et gou- 20
vreneur^ que pour tout destruire et ardoir Ëngleterre.
Et se tenoit et sejournoit proprement li rois de
France en le cité de Roem , pour mieulz entendre à
ses besongnes. Et aloit^ toutes les sepmainnes, deux
ou trois fois, veoir se navie, et avoit à ce très grande 35
affection.
Avoech tout ce , ses mandemens estoit si grans et
si estendus par tout son royaume que, là environ
Roem, ou Vexin et en Biau voisin, venoient et aplou-
voient tous les jours tant de gens d'armes que mer- 30
veilles serôit à penser. Et toutdis se &isoient et ap-
158 GfiDRGNIQUBS DE J. FROISSART. [1360]
proçoient les pourveances en celle navie si grandes
et si grosses que donc que ce fiist pour aler en Cas-
telle ou en PortingaL
Mais li sires de Cliçon , qui estoit li uns des espe-
5 ciaulz dou conseil dou roy, ne s'i acordoit point
bien^ et moult desconsilloit au roy^ à tant de nobles
de son royaume, aler en Engleterre; et disoit qu'il
n'estoient mies si bien usé ne coustumier d'aler en
Engleterre et faire y guerre que li Englès estoient
10 de passer le mer et venir en France. Et alegoit à ce
assés de raisons , ensi que cilz qui cognissoit mieulz
le condition et le nature des Englès et Testât dou
pays d*Engleterre que moult d'autres. Non obstant
ce, on ne pooit brisier le pourpos dou roy et de au-
15 cuns de son conseil que ceste armée ne se parfesist.
Li rois d'Engleterre et ses fîulz li dus de Lancastre,
et pluiseur de leur conseil, estoient assés avisé et en-
fourmé de ceste armée , et comment li François les
dévoient venir veoir et guerriier en leur pays, de
20 lacpiel cose il estoient tout joiant. Et avaient pourveu
les passages, les pors et les havenes sus mer à ren-
contre de Pontieu et de Normendie , pour yaus re-
cueillier , se il venoient , bien et souffissamment de
bonnes gens d'armes et d'arciers. Et estoit tous li
25 royaumes d 'Engleterre avisés et confortés pour com-
batre les François, se il venoient.
Et eut adonc li rois d'Engleterre conseil et volenté
que d'envoiier son fil le duch de Ijancastre, à tout
une carge de gens d'armes et d'arciers, en le ville de
30 Calais. Si ordonna et nomma proprement li rois
chiaus qui iroient avoecques lui, le conte de Sallcr
brin , le conte de Warvich , monsigneur Gautier de
[1369] LIVRE PREMIER, $ 630, 159
Mani, le signeur de Ros, monsigneur Henri de Persi^
le signeur de Basset^ le signeur de Willebi^ le signeur
de Ware^ le signeur de la Poule^ monsigneur Thomas
de Grantson^ messire Alain de Bouqueselle^ monsi-
gneur Riehart Sturi et pluiseurs aultres : si estoient ô
six cads hommes d'armes et quinze cens arciers. Si
vinrent li dessus dit en le ville de Douvres et là en-
viron. Et passèrent y quant leur navie fu toute preste
et il eurent vent à volenté , et arrivèrent en le forte
ville de Calais. Si issirent hors de leurs vaissiaus, et lo
en misent petit à petit toutes leurs coses hors , et se
herb^èrent tout en le ditte ville.
En celle saison , avoit li rois d'Engleterre escript
et priiet especialment monsigneur Robert de Namur
que il le vosist servir, sa guerre faisant , à tout se 15
carge de gens d'armes. Li dis messires Robers^ qui
toutdis avoit esté bons englès et loyaus^ avoit res*
pondu que il seroit apparilliés, sitost cpie on le man-
deroît et qu'il saroit que li rois ou uns de ses enfans
seroit à Calais, ou trais sus les camps pour chevau- 20
cier sus France. Siques , si tretot que il entetidi que
li dus de Lancastre estoit arrivés à Calais , il semonst
tous ses compagnons et chiaus dont il voloit estre
aidiés et servis^ et fist tout son harnas appareillier
moult estoffeement, ensi comme à lui apertenoit. Or, 25
retourrons nous un petit as besongnes dePoito.
§ 630. "Vous devés savoir que, quant li departe-
mens fa fais des barons et des chevaliers de Gyane^
qui avoient chevauciet en Quersin et en Roerge , et
Chandos li hiraus lor eut aporté les nouvelles dou 30
prince, il retournèrent tout par un acord en le cité
160 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
d' Angouloime^ où il trouvèrent le prince qui les reçut
moult liement. Un petit devant ce^ estoient retourné
li contes de Cantbruge^ li contes de Pennebruch et
leurs gens^ apriès le conques de Bourdille^ si com
5 ci dessus est contenu. Si se conjoïrent et fîsent grant
feste cil signeur et cil baron , quant il se trouvèrent
tout ensamble ; et se avisèrent et cohsillièrent où il
se trairoient^ pour mieulz emploiier leur saison. Si
regardèrent que^ sus les marces d'Ango, avoit un biau
10 chastiel et fort^ qui se tenoit dou ressort d'Ango,
lequel on appelloit le Roce sur Ion. Si disent tout et
avisèrent que il se trairoient celle part et y mette-
roient le siège et le conquerroient , se il pooient. Si
ordonnèrent leurs besongnes en celle instance , et se
15 misent au chemin et se traisent tout de celle part.
Encores leur revinrent depuis tout li baron et li che-
valier de PoitOy monsigneur Jame d'Audelée, li sires
de Pons, li sires de Partenay, messires Loeis de Har-
courty messires Guichars d'Angle, li sires de Puiane,
20 li sires de Tannai Bouton, messires JoflErois d'Argen-
ton , messires Mauburni de Linières et li seneschaus
de le Rocelle, messires Thumas de Persi. Si se trou-
vèrent cil signeur et ces gens d'armes grant fuison ,
quant il furent remis tout ensamble, plus de trois
25 mil lances. Si esploitièrent tant que il vinrent devant
le dit chastiel de le Roce sur Ion, qui estoit biaus et
fors et de bonne garde et bien pourveus de toutes
pourveances et d'artillerie. Si en estoit gouvrenères
et chapitainnesy de par le duch d' Ango, uns chevaliers
30 qui s'appelloit messires Jehans Blondiaus, et qui tenoit
desous lui laiens moult de bons compagnons as saus
et as gages dou dit duch. Si ordenèrent li dessus
[1369] LIVRE PEEBUER, § 680. IH
nommet signeur et baron qui là estoient , leur siège ^
par bonne manière et grant ordenance, et l'environ-
nèrent tout autour^ car bien estoient gens pour ce
Eure. Et fîsent là amener et achariier de le ville de
Touwars et de le cité de Poitiers grans engiens, et les 5
fîsent drecier devant le forterèce et encores pluiseurs .
canons et espringalles qu'il avoient de pourveance
en leur host, et pourveu de lonch temps, et usagé de
mener. Si estoit leur host durement plentiveuse de
tous vivres, car il leur en venoit grant (uison de Poito lo
et des marces proçainnes.
Quant messires Jehans Blondiaus se vei ensi assegiés
et appressés de tant de bonnes gens d'armes, car là
estoient priés tout li baron et li chevalier d'Aquitainne,
et se ne li apparoit nuls confors de nul costé^ si se com- i5
mença à efiraer ; car bien veoit que li signeur qui là
estoient^ ne le lairoient jusques à tant qu'il Taroient
pris par forceou aultrement. En l'ost dou conte de Cant-
bruge et de monsigneur Jehan Chandos et des barons
qui là estoient^ avoit aucuns chevaliers des marces ao
de Poito^ qui bien cognissoient le dit capitainne et qui
Tavoient compagnie dou temps passé. Si vinrent cil
jusques as barrières^ et fîsent tant que sus assegu-
rances il parlèrent à lui et le menèrent tant par pa-
roUes, car il n'estoit mies bien soutilz^ comment qu'il 25
fust assés bons chevaliers , qu'il entra en trettié de
rendre le forterèce^ se elle n'estoit secourue et li sièges
levés dedens le terme d'un mois^ parmi tant que il
devoit avoir six mil frans françois pour les pour-
veances dou chastiel. Cilz trettiés fu entamés et mis 30
oultre, et demorèrent cil dou chastiel et li chastiaus
en segiu*, le dit terme, parmi le composition dessus
▼H ^ il
16S CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
ditte; et se dedens le mois U n'estoit secourus^ li
chastiaus estoit rendus.
Geste cose acordée^ li dis chevaliers tantost le
segnefîa au roy de France^ au duch d'Ango et au
5 duch de Berri et à tous les signeurs dont il cuidoit
estre aidiés, afin que il se peuist mieulz escuser de
blasme, se il en estoit approciés. Nonobstant ce et
toutes ses segnefiances^ quoique li chastiaus fîist biaus
et bons et moult nécessaires à estre François pour les
10 pays d'Ango et de Tourrainne, onques il ne fii se-
courus ne confortés de nullui : siques , sitos que li
mois fu passés et espirés^ li signeur englès qui là es-
toient j requisent au dit chevalier que il leur tenist
couvent^ et de ce avoit il livret bons pièges. Li dis
15 messires Tehans ne volt mies aler à l'encontre, et dist
ensi à ses compagnons , puisque li rois de France et
li dus d'Ango voloient perdre le forterèce, il ne le
pooit mies tous sens garder ne amender. Si le rendi
as signeurs qui là estoient^ liquel en prisent tantost
20 le saisine et possession y et en eurent grant joie. Et
eut^ ensi que couvens portoit^ li dis messires Jehans
six mil frans tous appareilliés pour les pourveances
dou dit chastiel^ qui bien le valoient. Et fu aconvoiiés
et tout li sien des Englès jusques en le cité d'Angiers.
35 Si tretost qu'il fu là venus ^ il fu pris et arestés dou
gouvreneur d'Angiers et mis ou chastiel en prison.
Si entendi ensi que^ de nuit y il fu boutés en un sach
et jettes en le rivière qui là keurt et noiiés par Uor-
denance et commandement dou duch d'Ango, pour
30 ce que il avoit pris or et argent pour le forterèce qui
estoit bien taillie de lui tenir un an, se mestîer faisoit.
Ensi eurent li Englès le chastiel de le Roce sur Ion
[1369] LITRE HU3BIIER, $ 631. 163
en AngOy et y misent grant garnison de par yaus et
le remparèrent bien et faiticement , et puis s'en re-
tournèrent en Angouloime deviers le prince.
§ 631 . Âpriès le conques de le Roce sur Ion , si
com ci dessus est dit , dont li François fiirent moult s
courouciet, li signeur s'en retournèrent en Angou-
loime^ et là leur donna congiet li princes as aucuns
de retourner en leurs maisons. Si s'en ala messires
James d'Audelée^ cilz vaillans chevaliers et seneschaus
de Poilo pour le temps, séjourner et demorer à Fon- lo
tenay le Conte. Là s'alitta li dis chevaliers de maladie
qui si le ragreva que il morut : de quoi messires li
princes et madame la princesse furent moult courou-
ciet y et ossi furent tout li baron et li chevalier de
Poito. Se li fist on son obsèque moult reveramment i5
en le cite de Poitiers, et y fu li princes personelment.
Assés tos apriès, par le priière et requesle de tous les
barons et chevaliers de Poito, messires Jehans Chan-
dos qui estoit connestables d'Aquitainnes, fu senes-
chaus de Poito, et s'en vint demorer et séjourner en 20
le cité de Poitiers. Si faisoit souvent des issues et
des chevaucies sus les François, et les tenoit si court
qu'il n'osoient chevaucier, fors en grant route.
En ce temps , fu délivrés de prison li viscontes de
Rocewart, que li princes avoit fait tenir, pour ce que 25
il le soupeçonnoit françois : siques, à le priière et re-
queste de ses amis de Poito, qui estoient adonc dalés
le prince, li dis princes le délivra et li rendi toute sa
terre. Quant li dis viscontes fu délivrés de prison, il
s'en vint couvertement, au plus tost qu'il peut, à Paris 30
devers le roy et se tourna françois, et revint arrière
i64 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [i369]
en sa terre ^ sans ce que on sceuist riens encores de
son afaire, et mist Thiebaut dou Pont^ Breton ^ un
très bon homme d'armes, en se forterèce , et envoia
tantost deffiier le prince et fist grant guerre au prince.
5 Or parlerons un petit dou duch de Lancastre.
$ 632. Quant li dus de Lancastre fu venus et arri-
vés à Calais, ensi que ci dessus est dit, et il et ses
gens se furent un petit rafreschi, si ne veurent point
là plenté séjourner, que il ne fesissent aucun esploit
10 d'armes en France. Si se départirent un jour si doy
inareschal, à bien trois cens lances et otant d'archiers,
et passèrent oultre Ghines et chevaucièrent si avant
qu'il vinrent jusques oultre le rivière d'Oske; et cou-
rurent tout le pays de là environ, et prisent leur
15 tour devers l'abbeye de Liques, et acueillièrent
toute le proie et ramenèrent à sauveté en le ville de
Calais. Et, l'endemain, il fisent un aultre chemin et
vinrent viers Boulongne, et portèrent moult grant
damage au plat pays. A ce donc se tenoient li contes
20 Guis de Saint Pol et messires Gallerans ses filz en le
cité de Tieruane, à tout grant gent d'armes; mes point
n'issirent contre les dis Englès^ quant il chevauciè-
rent, car il ne se sentoient mies fort assés pour yaus
combatre ne tollir les camps.
25 Ces nouvelles vinrent au roy de France, qui se te-
noit en le cité de Roem et qui là avoit le plus grant
appareil et le plus biel dou monde, comment li dus
de Lancastre efforciement estoit venus et arivés à
Calais, et couroient ses gens tous les jours sus France.
30 Quant li rois et ses consaulz entendirent ce, si eurent
nouvelles imaginations. En celle propre sepmainne.
[i369] UVRE PREfifŒR, S ^^^' ^^^
devoit li dus de Boui^ongne^ o toute se carge où plus
avoit de trois mil chevaliers^ entrer en mer pour aler
en Engieterre. Là regardèrent li rois, li prélat et ses
consaulz, que il estoit mieulz seans et apertenans,
ou cas que on sentoit et savoit les Englès par deçà le 5
mer, d^yaus venir requerre et combatre que d'aler
en Engieterre. Si fii tous li premiers pourpos brisiés,
et cilz arrestés et segnefiiés par tout l'ost des Fran-
çois, que cescuns, au plus tost que il peuist, se des-
logast de Roem et là environ^ et s'apparillast et avan- lo
çast de venir devers le ville de Calais avoec le duch
de Bourgongne, et dou commandement dou roy, car
on voloit aler combatre les Englès par deçà le mer.
Dont veissiés gens d'armes resjoïr et yaus apparillier,
ce fu tantost tout toursé et deslogié, et se misent à 15
voie, cescuns qui mieulz mieulz.
Li dus de Bourgongne^ o tout son arroy, se mist au
chemin et prist se adrèce pour venir passer le rivière
de Somme au pont à Abbeville, et fîst tant par ses jour-
nées qu'il vint à Moustruel sus mer, et là et illuech en 20
viron, à Hedin et à Saint Pol, et sus celle marce atten-
dirent li François Tun l'autre. Ja estoient venues ces
nouvelles au duch de Lancastre^ que li François appro-
çoient fort pour yaus venir combatre. De quoi li dus de
Lancastre estoit, o toutes ses gens, issus de Calais et 25
venus logier et prendre terre en le valée de Tourne-
hen. Gaires ne demora apriès ce qu'il fu là venus,
que cilz gentilz chevaliers, messires Robers de Namur,
en grant arroi, le vint servir à cent lances de bonnes
gens, iuison de chevaliers et d'escuiers en se compa- 30
gnie. De sa venue fîi li dus de Lancastre moult res-
joïs, et li dist : « Mon biel oncle, vous nous estes li
166 CHRONIQUES DE L FROISSART. [1369]
bien venus. On nous donne à entendre que li dus de
Bourgongne approce fort à grant gent et nous Yoet
venir combatre. » — ce Sire, respondi messires Robers^
Diex y ait part ! si les verons volentiers. » Là se lo-
5 gièrent moult Êûticement et apertement li Ënglès
droit ou val de Toumehen^ et se fortefîièrent de sois
et de haies au plus foible lés de leur host. Et tous les
jours y venoient vivres et pourveances de Calais^ et
si eouroient leur coureur en le conté de Ghines^ qui
10 en conqueroient ; mes c'estoit petit, car tous li plas
pays de là environ estoit perdus^ et avoit on tout
mis eus es forterèces.
Or vint li dus de Bourgongne à tout son arroi et
sa grande chevalerie. Si se loga sus le mont de
15 Tournehen^ et commandèrent si mareschal à logier
toutes gens à l'encontre des Englès. Si se logièrent li
dit François bien ordeneement tantost et sans delay,
et comprendoit leur logeis moult grant fîiison, et
bien y avoit raison; car je oy adonc recorder pour
30 certain que li dus de Bourgongne eut là avoech lui
quarante cens chevaliers : considérés donc se li de-
morans de l'host n'estoit point grant. Et se tinrent
là un grant temps li un devant Fautre, sans riens
faire, car li dus de Bourgongne, comment que il fuist
25 li plus fors et qu'il euist de bonnes gens d'armes sept
contre un, si ne se voloit il point combatre sans
l'ordenance et congié dou roy son frère , qui n'avoit
mies adonc encores avis ne conseil de ce faire. Et sa-
chiés de vérité que^ se li François se fuissent trait
30 avant pour combatre les Ënglès, ja li dit Englès ne les
euissent refusés^ mais estoient tous les jours appa-
rilliés et avisés pour yaus recevoir et avoient leurs
[1369] IIVBB FUDOER, $ 633. 167
conrois tous ordenés^ et savoit çascuns quel cose il
devoit Élire, se il traioienl avant; mais^ pour ce que il
estoient petit et en leur fort , il ne se voloient point
partir nicement de leur avantage. Si venoient bien
souyent aucun compagnon enventureus escarmuci^r 5
as François : une heure y perdoient et l'autre y gae-
gnoient^ ensi que les aventures aviennent en telz &is
d'armes.
En oe temps', estoit li contes Loeis de Flandres
moult enclins à l'onneur et prospérité dou duch de 10
Bom^ongne, son fil, et se tenoit en une moult belle
maison dalës Gand, que nouvellement avoit fait
edefiier. Si ooit souvent nouvelles dou dit duch et
de son estat^ et li dus de lui , par messagiers alans et
venans. £t bien consiUoit li dis contes à son fil^ pour 15
son honneur^ que il ne passast point oultre l'orde-
nance dou roy son frère ne de son conseil.
Or retourrons un petit as besongnes des lontainnes
marces^ car li chevalier et li escuier y avoient plus
souvent à faire^ et y trouvoient des aventures que il 20
ne fesissent d'autre part^ pour les guerres qui y es-
toient plus caudes.
§ 633. Ce terme pendant que ceste assamblée fu
fidte à Tournehen et là environ , avinrent en Poito
aucun fait d'armes qui ne font mies à oublier^ car 25
messires Jehans Chandos qui estoit seneschaus de-
Poito et uns très hardis et vaillans chevaliers^ et qui
très grant désir avoit de trouver les François et corn*
batre^ ne voloit point plenté séjourner. Si mist, en-
trues que il se tenoit à Poitiers^ une chevaucie de . 30
gens d'armes sus^ Englès et Poitevins, et dist que il
i«8 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [i369]
voloit chevaucier en Ango et revenir en Tourainne
et veoir les François qui se tenoient sus les frontières.
Tout son pourpos et sa chevaucie il segnefia au
conte de Pennebruch qui se tenoit en garnison, à bien
5 deux cens lances^ à Mortagne sus mer. Li contes de
ces nouvelles fu moult resjols , et volentiers y iîist
aies, mes ses gens et aucun chevalier de son conseil
li brisièrent son désir et li disent : « Monsigneur^
vous estes uns jones homs et uns sires à par&ire. Se
10 vous vos metës maintenant en le compagnie et en le
route de Chandos, il en ara le vois et le renommée,
et vous n'i serés ja nommés fors que ses compains.
Si vault trop mieulz que vous, qui estes uns grans
' sires et de haute estration, que vous faciès vostre fait
15 à par vous et laissiés faire Chandos^ qui n*est que
uns bachelers ou regart de vous^ le sienne à par lui. »
Ces parolles et aultres refroidièrent si le conte de
Pennebruch que il n'i eut nulle volenté d'aler et
s'escusa devers monsigneur Jehan Chandos.
20 Pour ce ne volt mies br isier messires Jehans Chandos
sen emprise, mes fîst sen assamblée à Poitiers bien et
ordeneement^ et s'en parti à tout trois cens lances^ che-
valiers et escuiers^ et deux cens arciers. £t là furent
messires Thumas de Persi^ messires Estievenes de
25 Gousenton^ messires Richars de Pontchardon^ mes-
sires Eustasses d'Aubrecicourt, messires Richars Tan-
ton., messires Thumas li Despensiers, messires Neel
liOrinch y messires d'Agorises ^ messires Thumas Ba-
lastre ^ messires Jehans Trivés y messires Guillaumes
30 de Montendre^ messires Mauburnis de Linières, mes-
sires Jofirois d'Argenton et pluiseur aultre. Si che-
vaucièrçnt ces gens d'armes et cil arcier arreement
[1369] LIVRE PREMIER, $ 633. 469
et hardiement et par bonne ordenanoe^ ensi que pour
&ire un grant Êdt^ et trespassèrent Poito et entrèrent
en la duoé d'Ângo. Si tretost que il s*i trouvèrent ,
il se commencièrent à logier sus le pays et à envoiier
leurs coureurs devant ardoir et exillier tout le plat 5
pays. Si fisent en ce dit bon pays et gras d'Ângo ces
gens d^armes moult de maulz, ne nulz ne leur vint
ne ala au devant^ et y séjournèrent plus de quinze
jours^ especialment dedens un pays qui est durement
bons et plentiveus que on appelle Loudonnois; et 10
puis se misent au retour entre Ango et Tourainne et
tout contreval le rivière de Cruese. Et entrèrent mes-
sires Jehans Chandos et ses gens en le terre le vis-
conte de Rochewart. Si le ardirent et gastèrent ma-
lement, ne riens n'i laissièrent fors les forterèces, que 15
tout ne fîist essillié. Et furent devant le ville de Ro-
chewart et Fassallirent de grant façon, mes riens n'i
conquisenty car il y avoit dedens Bretons et bonnes
gens d'armes, desquelz Thiebaus dou Pont et Alyos
de Talay estoient chapitainne. Cil le gardèrent de 20
blasme et de prendre.
Si passèrent oultre li dit Englès, et vinrent à
Chauvegni. Là entendi messires Jehans Chandos que
li mareschaus de France, messires Loeis de Sans-
soire , et grant gent d'armes estoient à le Haie en' 25
Tourainne. Si eut très grant volenté d'aler celle part,
et segnefîa encores se intention moult hasteement
au conte de Pennebruch , en lui priant que il y vol-
sist estre et aler avoech lui devant le Haie en Tou-
rainne, et qu'il le trouveroit à Chastieleraut. Si fu 30
Chandos li hiraus noncières et portères de ce mes--
sage , et trouva le dit conte de Pennebruch à Mor-
iTO ŒRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
tagne sus mer, qui là Êdsoit son amas et sen assam-
l>lée de gens d'armes^ et Yoloit faire , ensi qu'il
apparoit^ une eheyaucie. Si s'eseusa eneores li dis
contes par l'information de son conseil^ et dist qu'il
5 n'i pooit estre. Au retour que li htraus fist^ il trouva
son mestre et ses gens à Chastieleraut^ se li fist res-
ponse de son message. Quant messires Jehans Chan-
• dos entendi ce, si en fii tous merancolieus et cognut
tantost que par oi^eil et presumption li contes lais-
10 sôit ce voiage à faire. Si respondi à ces parolles et
dist : 9L Diex y ait part I » et donna là le plus grant
partie de ses gens congiet et les départi^ et ilz meis-
mes retourna en le cité de Poitiers.
§ 634. Or vous compterons dou conte Jehan de
15 Pennebruch quel cose il fist. Si tretost comme il peut
savoir que messires Jehans Chandos fu retrais à Poi-
tiers et qu'il eut donné ses gens congiet , il mist sa
.chevaucie sus^ où bien avoit trois cens lances, Englès
et Poitevins^ et se départi de Mortagne. Et eneores
20 y eut aucuns chevaliers et escuiers de Poito et de
Saintonge^ et ossi Englès qui avoient esté avoech
• Chandos, qui se remisent en se route. Si chevauciè-
rent ces gens d*armes^ desquelz li contes de Penne-
bruch estoit chiés et souverains , et passèrent parmi
25 Poito^ et fisent et prisent à l'adrèce ce propre chemin
que messires Jehans Chandos et ses gens avoient fait.
Et entrèrent en Âugo et parardirent et essillièrent
dou plat pays grant fuison que li premier avoient
laissiet^ qui s'estoit rançonnés, et se reposèrent et
80 rafreschirent en ce bon pays de Loudonnois, et
puis reprisent leur adrèce, et s'en vinrent en le
• »
[1369] UVRB FBEmEH, $ 634. 171
teire le visoonte de Rodiewait, où il fisent gfant
damage.
Li François qui se tenoient ens es garoisons frao-
çoises, sus les marces de Poito, de Touraioiie et
d'Ango, où moult avoit de bonnes gens grant fiùsODf &
entendirent et sœurent de vérité de ces deux chevau-
ines comment par oi^pieil li contes de Pennebruch,
quiestoit uns jones homs, n'avoit vola venir en le com-
pagnie de monsigneur Jehan Chandos. Si se avisèrent
qne il le metteroient jus, se U pooient, et feroient ce 10
trop plus aisifflooent qoe le dessus dit monsigneur
Jehan Chandos. Si fisent un mandemMit secrètement
de toutes les garnisons là environ, et s'en fîst ohiés
messires Loeis de Sanssoire, mareschaus de France.
Si se avalèrent ces gens d'armes de nuit secrètement U
tout en le Roce de Ponsoy, en Poito, qui estoit fran-
çoise. là estoit messires Robers de Sanssoirre, cou- .
sins au dit mareschal, mesures Jehans de Viane,
messires Jehans de Buel, messires Guillaumes des
Bordes, mesures Loeis de Saint Juliien et Karenioet, SO
Ureton, et estaient bien sept cens cond>atans.
Li contes de Pennebruch avoit pris son tour et
>it rentrés en Poito et parars toute le terre dou
onte de Rocewart. En se compagnie estoient
:res Bauduins de Fraiville, seneschaus de Sain- 3a
. messires Thumas de P»si, messires d'Agho-
messire Jehans Oursvich , messires Jehans
ne, messires Jakes de Suigières, messires
'lurson, messires Thumas de Saint Aubin,
essires Robers Tin- 30
^ , messires Jehans
bet et pluiseur aul-
in CHRONIQUES DE J. FROISSART. [i369]
ire. Si chevauçoient cil Englès et cil Poitevin sans
nul esmay, et n'avoient encores oy nouvelles de nul-
les gens d'armes , et s'en estoient rentré à tout grant
pillage et grant avoir en Poito. Si s'en vinrent un
5 jour, de haute nonne , logier en un village que on
appelle Puirenon, ensi que cil qui cuidoient estre
tout asseguré. Et si que leur varlet entendoient à esta-
bler leurs chevaus et appareillier le souper, evous
ces François venus, qui sa voient bien lor couvine,
10 tout avisé de ce qu'il dévoient faire ; et entrèrent en
ce village de Puirenon, les lances abaissies et escriant
leurs cris : « Nostre Dame ! Sanssoire au mareschal ! »
et puis commencièrent à abatre et à decoper gens
par ces rues et dedens leurs hosteulz. Li cris et la
15 noise se commença tantost à eslever, et gens entrer
en très grant efiroy, car il estoient soudainnement
. souspris.
Ces nouvelles vinrent au conte de Pennebruch,
à monsigneur Thumas de Persi , à monsigneur Bau-
20 duin de Fraiville et as aultres chevaliers, que c'es-
toient li François qui les avoient envaïs et assallis.
Si furent tantos chil signeur et leurs gens appareilliet,
et se traisent hors de leurs hosteulz et se commen-
cièrent à recueillier ensamble, mes il n'i peurent tout
25 venir; car li force des François fii là si grande que
li Englès et li Poitevin d'un lés ne les peurent souf-
frir, et en y eut à celle première empainle mors que
pris plus de six vingt. Et n'eurent li contes de Pen-
nebruch et aucun chevalier qui là estoient, plus
30 de remède et d'avis qu'il se retraisent , au plus tost
qu'il peurent, en une plate maison de Templiers,
seans tout au sech, et tant seulement fremée de pierre.
[ij» uns Ftmm, S «*^
^ . > 9
lignaJKiiMt d hotttertoi «* €«ïb«bi -.
(p y pwiHŒ» à temps. Toat ik <»rT^
laïamiiphseikplasgran^P'»'-* '' •'- -
wfidelH»ehe«Bsperdas;etp«ri.A'-* r^
(HWntLffh toote sa 'vaisseUe»
UFneois «pi ks sievoieol de pr«v «i^-^- :'a
rlalaial b recueiUiel el endo»; « ea 3x -ra .>l
joittddifeiit entre -was : « U ne ooti* V'^ '*'-'
I». Tort «ont noslie : nous leur feror.n v-
««ÏKtlodaiiiagesqtt'UontfcaenV.r'--' "
Binoe. > DoDt se traiseal deveo c^t^ »-•* «^ «' • •
ocdaHCMil el trop bien apparevi. ^t. ^ ^-. ir .m •. ,
blé pour asaaffir. Qoanl tt furent U t--. >. -3. -
heoie de remontière : si re?ard.r^r.-. U 1.: v^»-*- <
nisèrenldeTOrt et derrière, et a^»->^'**'- *•-'"' •
ilesl«lbienprendables.SiU.r:r>n^ryx-^ ♦ *- ••'
dnrmeat et resWement, et etU U t.-r v*^ • - f -
apeitise d'armes, car U Fran-,oU eù.v--- Ç' ♦ '■- - ^^
« bonnes gens. Si assaUoka ^- '^ -^-'^ -^ "^ •^
donnoient k dit conte Penn^:*-'--^'^'^",*^'" -
i faire; et U Englès, qui ne^>>^.- r-' V- •» ' -'-
se prendoient priés de bi«.o i-.f* ^ .'^/«v^ *- -
yaus deCFendre , car d leur Xt>MfS^"A'
Si y eut ce jour dreciel auai»^ ^.^*^ vra,-.
gaonsaventureusmontansam....t, p*>'^i^-- v^ - -
testes, pour yaus contregard^ a (^r..^../ V. >-• .-
etdoutoet;etquantUvenoientU^ta«y^..- .. v * v. .
riens6iit,cardtrouW.entbiena»i." '/-•>- i^' ' -
mes, chevaliers et escuiers, ten^n. Us^>^ *-../' '
1 • , «.« \ps oombatoient »*«►:>♦ .**-» '- *:-' -
leurs mains, qui les w«»^
main, et qui les faisoient descend,* j^ m v^, -, . t -
fuissent monté. Avoec tout ee, .1 y ..^M ."-^ '. '^
174 . CHRONIQUES DB /. FROISSART. [1369]
gleterre^ entrelardés entre ces gens d'armes^ à deux
pies, tous descaus^ tous drois sus le mur^ et traioient
assés ouniement^ lequel tret li François assallant qui
estoient desous ^ durement ressongnoient. En oe
5 frefely assaut et rihote, il furent jusques à le nuit que
li François^ qui estoient tout lasset et travilliet d'assal-
lir^et de combatre, se retraisent et sonnèrent leurs
trompètes de retrait^ et disent qu'il en avoient assés
&it pour ce jour, jusques au matin que de recief on
ib les venroit assallir. Tout considéré entre yaus , di-
soient li François : « U ne nous poeent escaper, ne
eslongier qu'il ne soient nostre; car nous les tenons
pour enclos et affiunés. » Si s'en vinrent à leur logeis
liet et joiant^ et se aisièrent de ce qu'il eurent^ et
15 fisent grans gais par devant le ditte maison dou Pui*
renon, pour estre mieulz assegur de leur aÊûre.
^ S 635. Vous devés bien croire et sçavoir de vérité
que li signeur, premièrement li contes de Penne-
bruch et li chevalier qui là estoient assis et enclos
20 de leurs ennemis dedens l'ostel dou Puirenon^ n'es-
toient mies à leur aise^ car il sentoient leur forterèce
qui n'estoit pas trop forte pour durer à le longe en-
contre tant de bonnes gens d'armes , et si estoient
mal pourveu d'arteillerie , qui leur estoit uns grans
25 griés, et ossi de vivres, mes de ce ne faisoient il nul
compte, car au fort il viveroient bien un jour et une
nuit pour yaus garder, se mestier faisoit. Quant ce
vint en le nuit qu'il faisoit brun et espès, il priièrent
à un escuier^ homme d'armes des leurs en qui il
30 avoietit grant fiance, et li disent que il se volsist
partir et on li feroit voie par derrière, et chevauçast
[1369] liVRI PRKMIER, $ 638. i7!{
esploitiirierementy il seroit au jour à Poitiets ; là trou-
▼eroit il monsigneur Jehan Chandog et ses compa-
gnons : se leur desist comment il leur esjtoit; encores
venroient il bien à temps pour yaus conforter^ car il
se tenroient bien en le ditte maison jusques à nonne. 5
ÏÀ escuiers^ qui vei le grant dangîer où il et tout si
signeur estoient^ dist qu'il feroit ce message yolen-
tiers^ et encores s'ahati il de trop bien savoir le che^.
min. Si se parti de laiens environ heure de micmuit,
quant cil de Thost furent asserisiet^^ par une Êiusse lo
posteme ^ et se mist au chemin au plus droit qu'il
peut et qu'il sceut pour venir à Poitiers. Mes tant y
eut que onques celle nuit il ne peut ne sceut tenir
voie ne chemin, et sH fourvoia^ et fu grans jours
ançois qu'il peuist entrer en le voie de Poitiers. 15
Quant ce vint à l'aube dou jour^ li François qui
avoient assis les Englès ou Puirenon , ensi que vous
oés, sonnèrent leurs trompètes et s'armèrent^ et disent
et regardèrent entre yaus qu'il assaurroient à le froi-
dure dou jour, car ce leur estoit plus pourfitable que 20
en le caleur dou jour. Li contes de Pennebruch et
It chevalier qui dedens leur clos estoient, et qui toute
le nuit point dormi n'avoient^ mes, ce qu'il avoient
peut, fortefiiet s'estoient de pierres et de'baus que
sus les murs aporté avoient, sentirent bien que li 25
François se ordenoient pour yaus venir assallir : si se
confortèrent et avisèrent selonch ce. Devant heure
de soleil levant, une bonne espasse, furent li dit Fran-
çois, signeur et gens d*armes, tout apparilliet et or-
donné pour venir assallir, et lors fîi commandé de 30
par leurs signeurs et ohapitainnes de traire avant. ,
Lors s'en vinrent devers lé dit hostel par connesta-
176 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1359]
blieSy et entrèrent de recief de grant Yolenté en l'ou-
vrage de leur assaut; et trop bien à ce commence-
ment s*en acquittèrent et lisent leur devoir. Et avoient
aporté eschielles , si les apoioient contre les murs et
5 montoient sus à Pestrivëe, armé et paveschié souffis-
samment^ car aultrement il n'euissent point duré; et
tenoient à honneur et à grant vasselage celi qui pooit
estre montés premiers : ossi estoit ce vraiement. Là
n'estoient mies li Englès wiseus ne recréant d'yaus
10 deffendre^ car aultrement il euissent estet pris tantost ;
mes se deffendoient si vaillanunent que merveilles
seroit à penser, et jettoient pierres sus ces targes et
ces bachinés : par quoi il les rompoient et effon-
droient^ et en navrèrent pluiseurs et blecièrent bien
15 griefînent par celle desfense^ ne on ne vei onques
mes gens yaus si vaillamment tenir ne deffendre en
si petite force contre tant de bonnes gens d'armes.
Ensi fîi cilz assaus continués dou matin jusques à
prime.
20 § 636. Entre prime et tierce et ou plus fort de l'as-
saut^ et que li François se ragrignoient moult de ce
que tant duroient li dit Englès, tant qu'il s'avançoient
malement sans yaus espargnier, et avoient mandés
ens es villages de là environ piks et haviaus pour
25 effondrer le mur^ et c'estoit ce que li dit Englès res-
songnoient^ li contes de Pennebruch appella de re-
cief un sien escuier, ouquel il avoit moult grant
fiance^ et li dist : a Mon ami^ montés sus mon cour-
sier et issiés hors par derrière; on vous fera voie. Si
30 chevauciés à grant esploit devers Poitiers, et recordés
à monsigneur Jehan Chandos Testât et le dangier et
[4869] LIVRE PREMIER, § 636. 177
le péril où nous sommes^ et me reeommendés à lui à
tout ces ensengnes. » Lors trait un aniel d'or hors
de son doi et dist : « Donnés li de par moy, il re-
cognistera bi^ ces ensengnes que elles sont vraies. »
Li dis escuièrs, qui tint ceste afaire à haute honneur, 5
prist l'aniel et monta vistement sus un coursier le
plus apert de laiens, et se départi par derrière entrues
c'on assalloity car on li fist voie, et se mist au che-
min devers Je cité de Poitiers. Et toutdis duroit li as-
saus grans et fors, et assalloient François mervilleu- 10
sèment bien, et Englès se deffendoient de grant corage;
et bien le couvenoit, car aultrement sans desfense
plus grande que nulle aultre, il n'euissent point duré
deux heures.
Or vous parlerons dou premier escuier le dit conte, 15
qui estoit partis dou Puirenon à heure de mienuit, et
qui toute le nuit s'estoit fourvoiiés, sans tenir voie ne
sentier. Quant ce vint au matin et il fu grans jours,
il recogneut son chemin ; si se mist à adrèce par de-
vers Poitiers, et ja estoit ses chevaus tous lassés. Tou- 20
tes fois il vint là environ heure de tierce, et descendi
en le place devant l'ostel monsigneur Jehan Chandos.
Si entra tantost ens et le trouva qu'il estoit à messe;
si s'en vint devant lui et s'engenilla, et fist son mes-
sage bien et à point. Messires Jehans Chandos, qui 25
encores avoit en le teste le merancolie de l'autre jour,
dou conte de Pennebruch qui n'avoit volu chevaucier
avoech lui, ne fu mies à ce premier si enclins que
merveilles, et respondi tant seulement : a Ce seroit
fort que nous y peuissiens venir à temps! » et oy toute 30
sa messe. Tantost apriès messe, les tables furent mi-
ses et dreci«s, et la cuisine appareillie ; si demanda
vu — iî
478 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
on au dit monsigneur Jehan se il voloit disner. Il res-
pondi : « Oïl, puisqu'il est pries. » Tantos il se traist
en le salle. Chevalier et escuier sallirent avant^ qui
aportèrent l'aiguë. Tout ensi comme il lavoit pour
5 seoir à table, evous le secont message dou conte Je-
han de Penebruch, qui entre en la salle et encline
monsigneur Jehan Chandos^ et trait tantost l'aniel
hors de son doy et li dist : « Ciers sires , messires li
contes de Pennebruch se recommende à vous à tout
10 ces ensengnes , et vous prie chierement que vous le
venés conforter et oster d'un grant dangier et péril
où il est au Puirenon. »
Messires Jehans Chandos prist Paniel et le regarda
et le recogneut, et vei bien que c'estoîent vraies
15 ensengnes. Si respondi : « Ce seroit fort de là venir
à temps^ quant il estoient en tel dangier et tel parti
que vous me comptés, à voslre département. » Et
puis dist : a Alons , alons disner* : se il estoient tout
mort et tout pris , se nous fault il disner. » Si s'as-
20 sist à table li dis messires Jehans Chandos et tout
li aultre , et mengièrent leur premier mes. Ensi qu'il
estoient ja servi dou secont et l'avpient ahers, mes-
sires Jehans Chandos qui avoit moult imaginé sus
ces besongnes, leva la tieste, en regardant sus les
25 compagnons, et dist une paroUe qui fu volentiers
oye : « Li contes de Pennebruch, qui est uns sires de
noble sanch et de hault afaire et de grant linage , et
qui est fîlz de mon naturel signeur le roy d*Engle-
terre, car il eut sa fille espousée, et qui est compains
30 en armes et en toutes aultres coses à monsigneur de
Cantbruge, me prie si bellement, que je doi bien des-
cendre à se priière et lui secourir et conforter, si g'i
[1369] LIVRE PREMIER, S 637. 179
puis venir à temps. » Adonc bouta il la table oultre
et dist : « As chevaus I As chevaus ! Je voeil chevau-
eier devers le Puirenon. » Lors veissiés gens avoir
grant joie de ces parolles et yaus tantost apparillier^
et ces trompètes sonner, et gens d'armes parmi Poi- 5
tiers monter à cheval^ çascuns qui mieulz mieulz; car
il furent tantost enfourmé dou fait que messires Je-
han s Chandos chevauçoit viers Puirenon, pour con-
forter le conte de Pennebruch et se route, que li Fran-
çois avoient là assis. Lors se misent as camps chevalier lO
et escuier et gens d'armes, et se trouvèrent tantost
plus de deux cens lances^ et toutdis leur croissoient
gens.
§ 637. Ensi que messires Jehans Chandos et se
route chevauçoient efForciement, certainnes nouvelles i5
en vinrent au Puirenon entre les François, qui con^
tinuelment avaient assalli dou point dou jour jus-
ques à heure de miedi, et leur disent leurs espies
qu'il avoient toutdis sus les camps : a Chier signeur,
avisés vous, car messires Jehans Chandos est partis 20
de Poitiers à plus de deux cens lances, et s*en vient
celle part à grant esploit et à grant désir qu'il vpus
puist trouver. »
Quant messires Loeis de Sanssoirre, messires Je-
hans de Yiane , messires Jehans de Buel et U aultre 25
qui là estoient, entendirent ces nouvelles, si se con-
sillièrent, et disent ensi là entre yaus li plus avisé :
« Nos gens sont lassé et travillié d*assallir et de
rihoter à ces Englès hui et hier : si vault mieulz que
tout bellement nous nos mettons au retour et à sau- 30
veté nostre gaaing et nos prisonniers, que ce que nous
480 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
attendons ci l'aventure et monsigneur Jehan Chandos
et se route qui sont fresch et nouviel , car plus y po-
rtons perdre que gaegnier. )> Ciiz consaulz fu tantost
creus^ car il n'i couvenoit point un lonch séjour. Si
5 fisent li signeur sonner les trompètes de retrait. A ce
son se retraiirent toutes leurs gens et se recueiilièrent
et misent ensamble^ et aroutèrent tout leur harnas et
leur caroy, et se misent au chemin pour revenir de-
vers le Roce de Ponsoy.
10 Li contes de Pennebruch et li aultre compagnon,
qui veirent celle retrette, cogneurent tantost que
li François avoient oy nouvelles; si disent par vé-
rité : « Chandos chevauce : pour ce sont retret cil
François qu'il ne l'osent attendre. Or tost, or tost,
15 partons de ci, retraions nous vers Poitiers, nous
l'enconterons. » Donc montèrent as chevaus cil qui
les avoient , et qui point n'en avoit , il aloit tout à
piet, et li pluiseur montoient li doi sus un cheval.
Si se départirent dou Puirenon et prisent le chemin
20 de Poitiers. £t n'estoient mies, en sus de le maison
où si vaillamment s'estoient tenu, une liewe, quant
il encontrèrent monsigneur Jehan Chandos et toute
se route, en cel estât que je vous ay dit, les aucuns
à piet, les aultres yaus deux sus un cheval. Si se
25 fisent là grans recognissances et grans approcemens
d'amour. Et dist messires Jehans Chandos qu'il es-
' toit moult courouciés, quant il n'estoit là venus à
temps, pour quoi il euist trouvés les François. Si
chevaueièrent ensi , en genglant et en parlant , en-
30 viron trois liewes, et puis prisent congiet li un de
l'autre.
Si retourna messires Jehans Chandos à Poitiers , et
[i369] LIVRE PREMIER, g 638. 481
messires li contes de Peimebruch à Mortagne sus
mer, dont il s'esloit premièrement partis; et li mares-
ehaus de France et leurs gens retournèrent à le Roce
de Ponsoy, et là se rafreschirent et départirent leur
butin. Et puis si se retraist cescuns en se garnison^ et 5
emmenèrent leurs prisonniers; si les rançonnèrent
courtoisement^ quant il veurent^ ensi que Englès et
François ont toutdis fait Fun Fautre.
Or, retourrons nous à Fassamblée de Tournehen
et parlerons de le mort la plus gentilz royne, plus 10
large et plus courtoise qui onques régna à son temps :
ce fu madame Phelippe de Haynau^ royne d*£ngle-
terre et d'Irlande.
§ 638. En ce temps que ceste assamblée de tant
de nobles dou royaume de France fu faite à Tourne- 15
hen, desquelz li dus de Bourgongue estoit chiés et
souverains, et li dus de Lancastre qui se tenoit en le
valée avoecques ses gens de Fautre part, avint en En-
gleterre une cose toute commune, mes elle fu trop
piteuse et moult triste pour le roy, ses enfans et tout 20
le pays. Car la bonne dame, royne d'Engleterre, qui
tant de biens avoit fais en son vivant et reconforté
tant de chevaliers et tant de dames et de damoiselles,
et si laidement donné et départi le sien à toutes gens,
et qui si naturelment avoit toutdis amé chiaus et 25
celles de le nation de Haynau, le pays dont elle fu
née, s'acouça malade au lit ens ou chastiel de Winde-
sore ; et tant porta celle maladie que elle aggreva du-
rement et que fins de jour vint.
Quant la bonne dame et royne cognent que morir 30
le couvenoit, elle fist appeller le roy son mari; et
/
i82 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [i369]
quant li rois ta devant lui^ elle traist hors -de sa cou-
vreture sa droite main et le mist en le main droite
dou dit roy qui grant tristèce avoit au ciier. Et là dist
la bonne dame ensi : « Monsigneur^ Dieu merci^ nous
5 avons en pais et en joie et en grant prospérité usé
nostre temps. Si vous pri que^ à ce département^ vous
me voeilliés acorder trois dons. » Li rois^ tout en
larmiant^ respondi et dist : «( Dame, demandés : il
vous sont acordé. »
10 cr Monsigneur, à toutes manières de bonnes gens
où dou temps passé j'ay eu à faire de leur marchean-
dise, tant deçà le mer comme delà, de ce que je sui
tenue envers yaus, vous les en voeilliés croire legie-
rement et paiier^ pour moy acquitter ; en apriès, tou-
15 tes les ordenances que j'ay fait^ et lais ordonnés as
églises de ce pays et à celles de delà le mer où j'ai eu
ma dévotion et à ceulz et celles qui m'ont servi, que
vous les voeilliés tenir et acomplir. Tiercement,
monsigneur, je vous pri que vous ne voelliés eslire
20 aultre sépulture que de jesir dalés moy, ou clostre de
Wesmoustier, quant Diex fera sa volenté de vous. »
Li rois, tout en plorant, respondi : n Dame, je le vous
acors. »
En apriès, la bonne dame fist le signe de le vraie
25 crois sus lui et commanda le roy à Dieu, et son fil
monsigneur Thumas le mainsné qui estoit dalés lui,
et puis assés tost elle rendi son esperit : lequel, je croy
fermement, li saint angele de paradys ravirent et em-
portèrent à grant joie en le glore des cieulz, car
30 onques en sa vie ne fist ne pensa cose par quoi elle
le deuist perdre. Si trespassa la dessus ditte royne
d'Ëngleterre l'an de grasce Nostre Signeur mil trois
[i369] LIVRE PREBflER, § 639. 183
cens soixante neuf, le vegiile Nostre Dame^ en le
moiienne d'aoust.
§ 639. Les nouvelles en vinrent à Tournehen, en
l'est des Englès : si en furent toutes manières de gens
durement coureciet^ et par espeeial ses fîlz li dus de 5
Lancastre. Il n'est mors que il ne couviegne oubliier
et passer. Pour ce, ne laissièrent mies li Englès à te-
nir lor estât et leur ordenance^ et 'furent là un grant
temps devant les François.
Or avint que aucun chevalier et escuier de France, 10
qui là estoient et qui leurs ennemis tous les jours
veoient, se consillièrent un jour et eurent parlement
ensamble de aler à Fendemain, au point dou jour, es-
carmucier les Englès, et dou resvillier sus leur gait.
De cel acprt furent plus de trois cens chevaliers et 15
escuiers, et li plus estoient de Yermendois, d'Artois
et de Corbiois, as armes. Si le segnefiièrent ensi li un
à l'autre , sans parler à leurs mareschaus. Quant ce
vint au matin qu'il deurent faire leur emprise, il fiirent
au point dou jour tout armé et monté à cheval et mis 20
ensamble. Si chevaucièrent en cel estât sans efiroy,et
commencièrent à tourniier le mont de Tournehen ,
pour venir à leur avantage et ferir en Fune des èles
de l'ost des Englès.
A ce costet estoit li logeis de monsigneur Robert 25
de Namur et de ses gens. Celle propre nuit, avoit
fait le gait li dis messires Robers, siques sus Fa-
journement il s'estoit retrais et seoit à table tous
armés, horsmis son bachinet, et li sires de Spontin
dalés lui. Evous venu ces François, qui se fièrent 30
en ces logeis de monsigneur Robert et d'aucuns aul-
184 CHRONIQUES DE J. FROISSiJlT. [1369]
tres^ Alemans et Englès^ qui estoient ossi logiet de
ce costet. Encores n'estoient point desarmet cil qui
avoient fait le gait avoech monsigneur Robert^ dont
trop bien leur chei et vint à point ; car il se misent
5 tantost au devant de ces gens d'armes et de ces Fran-
çois, qui venoient esporonnant de grant volenté, et
leur deffendirent et brisièrent le chemin. Les nouvel-
les vinrent tantost au dit monsigneur Robert que ses
gens se combatoient et estoient assalli des François.
10 En l'eure, il bouta le table oultre où il seoit^ et dist
au signeur de Spontin> : ce Alons, alons aidier nos
gens. » Tantost il mist son bachinet et monta à che-
val, et fist prendre sa banière qui estoit devant son
pavillon, et desvoleper.
15 LÀ li fu dit : « Sire, envoiiés devers le duc de
Lancastre : si ne vous combaterés point sans lui. »
Il respondi franchement et dist : « Je ne sçai , je
voeil aler, le plus droit chemin que je porai, de-
vers mes gens. <Jui voelt envoiier devers monsigneur
20 de Lancastre, si envoie ; et qui m'aime, se me sieuce. »
Lors se parti, le glave ou poing, en approçant les en-
nemis, le signeur de Spontin et monsigneur Henri de
Senselles dalés lui, et ossi li aultre chevalier. Tantos
furent à le bataille, et trouvèrent leurs gens qui se
25 combatoient as François, qui estoient moult grant
fuison, et qui deuissent bien avoir fait, au voir dire,
un grant fait. Mais si tretost qu'il veirent monsigneur
Robert de Namur venu et se banière , il ressortirent
et brisièrent leur conroy, car il se doubtèrent espoir
30 que toute li hos ne iîist estourmie. Si estoit elle en
pluiseurs lieus, et ja estoit haus solaus levés. Là fu
mors desous le banière de monsigneur Robert uns
[1369] LIVRE PREMIER, § 640. iSS
chevaliers de Yermendois^ qui s'appelloit messires
Rogiers de Coulongne^ dont ce fîi damages ; car il es-
toit friches homs^ doulz et courtois durement et bons
chevaliers en tous estas.
Ensi se porta ceste besongne. Li François retour- 5
nèrent sans plus de fait, qui doubtèrent à plus per-
dre ; et messires Robers ne les volt mies cachier trop
folement. Si recueilla ses gens , quant li François fu-
rent tout retrait et rebouté, et s'en revinrent en leurs
logeis. 10
§ 640. Depuis ceste avenue, n'i eut nul fait d'ar^
mes qui à recorder face. Si desplaisoit il bien à au*
cuns chevaliers, de l'un costet et de l'autre, de ce que
on ne se combatoit^ et disoit on tous les jours : « On
se combatera demain! On se combatera demain! x) 15
Et cilz jours ne vint onques. Car, si com ci dessus est
dit^ li dus de Bourgongne ne voloit mies brisier Tor-
denance dou roy, son frère, ne aler contre; car il
li estoit destroitement commandé^ et avoit tousjours
messagiers alans et venans dou roy au duch et dou 20
duc au roy. Li dus de Bourgongne, si com je fui
adonc enfourmés, imagina et considéra qu'il gisoit là
à grant fret et qu'il n'i pooit estre longement hon-
nourablement, quant il avoit bien quatre mil cheva-
liers et plus, et il veoit tous les jours ses ennemis, qui 25
n'estoient que une puignie de gens^ et point ne les
aloit combatre. Si envoia des ses chevaliers devers le
roy son frère, qui li remoustrèrent vivement se en-
tention. Li rois cognent assés que li dus avoit raison.
Se li remanda que, ses lettres veues, il se deslogast et 30
donnast toutes ses gens congiet et se retraisist vers
186 CHRONIQUES DE J. TROISSART. [1369]
Paris hastecment j car il meismes y aloit, et là li or-
donneroit il d'aler aultre part. Quant li dus de Bout-
gongne oy ces nouvelles, si les segnefia secrètement
as plus grans de toute son host^ et dist : < Il nous
5 fault deslogier^ li rois nous remande, ji Quant ce vint
à heure de mienuit^ cil qui enfourmé estoient de ce
faXlj eurent tout toursé et furent tout monté| et bou-
tèrent le feu en leurs logeis.
A ceste heure, revenoit messires Henris de Sen-
10 selles à son logeis, et faisoit le gait des gens monsî-
gneur Robert de Namur, à qui il estoit. Si perçut
un feu et puis deux et puis trois. Si dist en soi
meismes : «c Li François nous poroient bien venir
resvillier; il en font durement contenance. Alons,
15 alons y dist il à chiaus qui estoient dalés lui , devers
monsigneur Robert; si Tesvillons, par quoi il soit
pourveus bien et à point. » Si s'en vint li dis messires
Henris tantost en la loge de monsigneur Robert , et
appella ses cambrelens et dist : « Il fault que messires
20 s'esveille. » Li varlet alèrent jusques au lit^ et li dis
messires Henris dalés yaus, qui esvilla le dit monsi-
gneur Robert y et li dist tout TaËdre ensi qu'il aloit.
Donc respondi messires Robers : « Nous orons assés
tost aultres nouvelles ; faites armer et apparillier nos
25 gens. j> Et il meismes s'arma et appareilla tantost. Et
quant ses gens furent venu, il fist prendre se banière
et s'en ala devers le tente dou duch de Lancastre,
qui ja s'armoit, car on li avoit segnefiiet ces nouvel-
les, et fu tantost appareilliés et se traist devant sa
30 tente, sa banière en présent. Et là vinrent li signeur
petit à petit devers le dit duch; et, ensi qu'il venoient,
il se rengoient et se taisoient tout quoy et sans lu-
[13691 "^™^ PMffl». S «<> ««^
îére Et envoia adooc paor ses maresdiaos U dua
rengier tous ses arders au devant dou lieu \vxt où il
esoeroient que U François les venroient oomhatre, wî
a wnoient; car pour eerlain il cuidoient bien entre
mbatu. Quant il eurent esté en cel estât bien deuu &
heures et plus, et il veirent que nulz ne venoit, ni
forent plus esmerviUiet que devant.
4donc appella li dus de Lancastre aucuns %i'^ru^ir%
qui là estoient dalés lui, et leur demanda quH ^//t^ ^u
esXoit bonne à foire. Li uns dis^iit d'un H K '4\'^^% .%
d'autre, çascuns selonch sen opinion. M ^j».^?/ I. ''^ >»
Tint à ce vaillant et sage chevalier, m^pf» << /'^^ ••^* Os \ .^ -#
deMauni, il demanda : • El rfm%. uté^^f^ O4 »■ ^-^^
qa'en dittes?» — «Je ne scaî, diu rr*/-»-i.**i O4 , .*'-,
mes se j'en estoie creus ne oj%- j^ ^vr'i'x -.^î-v** -w^». i
arctcrs et mes gens d'armiî^ p3rr jy^ '..•-?* -> v« * i- ♦^
iitrie petit à petit touldU a*.*- • 7. i»*-*v y ••//» r" •'■
toors. se vera on dc^aiit I -»!- • !>. 'C .*. j <*^ ■'•-'i /*• - ^
ce conseil, et li autre frr.». .v.*-! *• v^ •.*■•*'',
soient au dndi qu*îi i*^ 4^ v.i*- V i . ' ..» i * * > ^^ '
d en œ débat JQ5q"-i*-% iii^^o* -. u^ -r •/•'*• -i- '. /
monsignearRobçr. i*: '^^••.:vi* ** <-*• >>•• **'>" v * -*
Waknnl de fiorz*^- 1 suv*. -»^ * <•>*'»- v^ .. .^ 1 '. 1
estoîeni abk, lor :-•>•. ruv-, > *^ v** 1
V -'jà^ • ''
Si c'en pj'l'*-'^" «t'^v***. »-• i-m . »«►* '^'*
• Sr**. si?"^- i»t su
&j« iy* 1> //>» »''^ ^
188 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
Adonc respondi li dus y si com je fui adonc enfour-
mes, et dist : t Messire Gautier, j'ay usé par conseil
jusques à ores , et encor feray; mais je ne poroie
croire que tant de vaillans gens et de noble chevale-
5 rie qui là sont, se deuissent ensi partir sans cop ferir.
Espoir les feus qu'il ont fais, c'est pour nous attraire,
et tantos revenront no coureur qui nous en diront
le vérité. »
§ 641 . Ensi comme il parloient et se devisoient,
10 evous les coureurs revenus , et disent au pourpos de
monsigneur Gautier de Mauni tout ce qu'il avoient
veu et trouvé, et que li dus de Bourgongne et ses
gens s'en aloient, et n'avoient nuUui trouvé, fors au-
cuns povres vitailliers qui sievoient l'ost. Là eut de
15 son conseil li dis messires Gantiers de Mauni haute
honneur, et grandement en fu recommendés. Si se
traist li dus dedens son logeis , et cescuns sires ou
sien, et s'alèrent desarmer. Et fust li dis dus venus
disner ens es logeis des François et en leur place, se
20 ce n'euist esté pour le feu qui y estoit trop grans et li
fumière ; mais dou soir il y vint souper et logier sus
le montagne, et ses gens ossi, et se tinrent là tout aise
de ce qu'il eurent. A l'endemain, il se deslogièrent et
retournèrent en le ville de Calais. Et li dus de Bour-
25 gongne, quant il se desloga, s'en vint ce jour à Saint
Omer et là se tint, et toute son host se départi, et
s'en râla cescuns en son lieu. On les euist depuis à
grant dur remis ensamble.
En celle propre sepmainne que li départie de Tour-
30 nehen se fist, li contes de Pennebruch, qui estoit en
Poito et qui avoit pris en trop grant desplaisance ce
[1369] LIVRE PREMIER, § 641. 189
que messires Loeis de Sansoirre^ messires Jehans de
Viane/ messires Jehans de Buel et li aultre Tavoient
ensi ruet jus au Puirenon, si corn ci dessus est con-
tenu, si s*ayisa que il se conlrevengeroit, se il pooit.
Si se parti de Mortagne sus mer o tout son arroy, en- 5
viron deux cens lances, et s'en vint en Angouloime
dalés le prince, qui li fist grant chière. Li dis contes
li pria que il li volsist prester ses gens et acorder à
mettre une chevaucie sus, car il avoit grant désir de
lui contrevengier dou despit que li François li avoient lo
fait. Li princes, qui moult l'amoit, li acorda legiere-
ment.
A ce donc estoit nouvellement revenus et issus
hors de le conté d'Ermignach messires Hues de Ca-
vrelée, et avoit ramené plus de cinq cens combatans, 15
gens de Compagnes. Si l'ordonna li princes à aler en
ceste chevaucie avoech le dit conte. Ëncores en fu-
rent priiet dou conte de Pennebruch messires Loeis
de Harcourt, messires Guichars d'Angle, messires Per-
chevaus de Coulongne, li sires de Pons, li sires de 20
Partenay, li sires de Puiane, messires Thumas de
Persi, messires Richars de Pontchardon et pluîseur
chevalier dou prince et de son hostel qui s'i accor-
dèrent volentiers, car il desiroient à chevaucier. Si
furent bien, quant il furent tout ensamble, six cens 25
lances, trois cens arciers et quinze cens aultres gens
à manière de brigans, à tout lances et pavais, qui si-
voient l'ost à piet.
Si se départirent toutes ces gens , dont li dis con-
tes de Pennebruch estoit chiés et gouvrenères, de 30
le cité d'Angouloime et dou prince , et cheminèrent
tant en leur arroy qu'il entrèrent en Angho. Si com-
190 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [4369]
mencièrent le pays à ardoir et à exillier et à faire
moult de desrois, et passèrent oultre à l'un des lés^
ardant et exillant villes et petis fors qui ne se pooient
tenir^ et en rançonnoient le plat pays jusques à Sau-
5 mur sus Loire. Si se logièrent tantost ens es four-
bours^ et commencièrent le ville à assallir; mais il
ne le peurent prendre, car messires Robers de San-
soirre, à tout grant gent d'armes, estoit dedens her-
bergiés. Chil le gardèrent et deffendirent bien de re-
10 Devoir et prendre nul damage , mes tous li pays de
là environ fu pris, ars, gastés et essilliés, et y fisent en
ceste ehevaueie li Ënglès moult de desrois. Et s'en
vint messires Hues de Cavrelée et sa route, à une
ajournée, combatre chiaus qui se tenoient à un pont
lô sus Loire, que on dist ou pays le Pont de Sels. Si fu-
rent cil desconfî, qui le gardoient^ et li pons pris, et
se boutèrent les Compagnes dedens , et forlefiièrent
telement ce dit pont, que il le tinrent depuis un
grant temps. Eneores en ceste ehevaueie, prisent li
20 Englès une abbeye sus Loire, que on dist Saint Mor.
Si le remparèrent et fortefiièrent telement qu'il en fi-
sent une grande garnison, et qui moult greva et ada-
maga le pays, l'ivier et Testet ensievant.
En ce temps et en celle saison, avoit en Poito une
25 abbeye, et eneores est, que on appelle Saint Salvin,
à sept liewes de Poitiers. Dedens celle abbeye avoit
un monne qui trop durement haoit son abbé, et
bien li moustra ; car, pour le grant hayne que il avoit
à lui, il trahi dant abbé et tout le couvent, et rendi
30 et délivra l'abbeye et le ville à monsigneur Loeis de
Saint Juliien et à Carenloet, Breton , qui le prisent et
ramparèrent et fortefiièrent malement et en fisent
[4369] LITRE PREMIER, g ^^- ^^^
une bonne garnison. De le prise de Saint Salvin fu li
dis messires Jehans Chandos si courouciés qu'il ne
s'en pooit ravoir , pour tant qu'il estoit seneschaus
de Poito^ et on avoit pris et emblé une tele maison
en se senescaudie. Si dist bien en soi meismes que, 5
se il vivoit longement, il le raroit, comment que ce
fiist, et le comparroient chierement cil qui cel ou-
trage avoient Êiit. Nous lairons un petit à parler des
besongnes de Poito et parlerons dou duch de Lan-
castre. 10
§ 642. Quant li dus de Lancastre fu retrais à Ca-
lais apriès le département de Tournehen , si com ci
dessus est contenu , et ilz et ses gens s'i furent repo-
set et rafréschi par trois jours, il eut avis et conseil
qu'il isteroit hors et trairoit ses gens sus les camps et 15
chevauceroit sus le royaume de France. Si fu com-
mandé et ordonné ensi de par les mareschaus, le conte
de Warvich et monsigneur Rogier de Biaucamp, que
cescuns se traisist sus les camps : laquel cose on fist
moult volentiers , car il desiroient trop à chevaucier 20
en France. Lors se départirent de Calais toutes ma-
nières de gens d'armes et d'arciers moult ordonnee-
ment, car çascuns savoit quel cose il devoit faire et
où il estoit ordonnés d'aler. Si eslongièrent ce premier
jour Calais tant seulement cinq liewes. ÂFendemain, 25
il vinrent devant Saint Omer, et là eut escarmuce à
le porte, mes li Englès n'i arrestèrent point plenté :
si passèrent oultre et vinrent logier sus les mons de
Herfaut; et le tierch jour coururent il devant le cité
de Tierouwane. Là estoit li contes Guis de Saint Pol 30
à tout grant fuison de gens d'armes. Se n'i arrestèrent
i92 CHRONIQUES DE J. FROISSÂRT. [i369]
point li Englès^ et passèrent oultre et prisent le che*
min de Hedin^ et se iogièrent ce soir sus une petite
rivière.
Quant li contes de Saint Pol senti que li Englès
5 s'en aloient vers son pays, il cognent bien qu'il n'i
aloient mies pour son pourfit^ car trop le haioient.
Si se parti de nuit, et recommanda le cité au signeur
de Saintpi et à monsigneur Jehan de Roie, et che-
vauça tant qu'il vint en se ville de Saint Pol. A Pen-
10 demain, à heure de prime, li Englès furent devant ;
et là eut grant escarmuce, et vint grandement bien à
point la venue dou conte à chiaus de Saint Pol, car
par lui et par chiaus qu'il y amena, fu la ville gardée.
Si vous di que li dus de Lancastre et toutes ses gens
15 se reposèrent et rafreschirent dou tout à leur aise en
le conté de Saint Pol , et ardirent et essillièrent tout
le plat pays et y fisent moult de damages. Et furent
devant le chastiel de Pernes, où madame dou Doaire
se tenoit. Et proprement li dus de Lancastre tasta les
20 fons des fossés à une glave, mais point n'i assallirent,
quoiqu'il en fesissent grant apparant. Si passèrent
oultre et vinrent viers Luceux, un très biau chastiel
dou dit conte. Si ardirent le ville, mes li chastiaus
n'eut garde, puis passèrent oultre en approçant Saint
25 Rikier en Pontieu ; et ne cheminoient li dit Englès le
jour non plus de trois ou de quatre liewes. Si ar-
doient et essilloient tout le plat pays où il conver-
soienl. Si passèrent le rivière de Somme à le Blanke
Take, desous Abbcville, et puis entrèrent ou pays de
30 Vismeu, et avoient entention de venir à Harflues, sus
le rivière de Sainne, pour ardoir le navie dou roy de
France. Li contes de Saint Pol et messires Moriaus de
[1369] LIVRÉ PREMIER, § 642. 193
Tiennes y connestables de France^ à tout grant gent
d'armes^ costioient et poursievoient l'ost des Englès^
par quoi li Englès ne s'osoient desrouter^ fors aler
leur droit chemin, ou chevaucier en si grant route
que pour bien combatre les François, se il traisissent 5
avant. Ensi cheminèrent il tout le Yismeu et le conté
d*Eu, et entrèrent en l'archeveskié de Roem et pas-
sèrent au deseure de Dieppe, et lisent tant par leurs
journées que il vinrent devant Harflues, et là se lo-
gièrent. Li contes de Saint Pol s'estoit avanciés et lo
boutés dedens le ville^ à bien deux cens lances. Là fii-
rent li Englès devant Harflues trois jours^ mes riens
n'i assallirent. Au quart jour, il s'en partirent, et pri-
sent leur retour parmi le terre le signeur d'Estoute-
ville, lequel il n'amoient mies plenté, et Tardirent et 15
essillièrent toute ou en partie, et puis s'en revinrent
parmi le Vexin , et se ravalèrent devers Oizemont ,
pour revenir passer le Somme à le Blanke Take.
En ce temps, estoit dedens le bonne ville d'Abbe-
ville messires Hues de Chastellon , mestres des arba- 20
lestriers de France, capitains et souverains. Quant il
senti le duch de Lancastre rapasser, il s'arma et fîst
armer dix ou douze tant seulement de ses compa-
gnons et monter à cheval, et dist qu'il voloit aler veoir
le garde de le porte de Rouvroy, par quoi il n'i euist 25
point de defaute et que li Englès, qui ne dévoient mies
passer trop lonch à ce lés là devers Eu, ne le trou-
vassent point nicement gardée. Encores estoit il moult
matin et faisoit moult grant bruine. Messires Nicoles
de Louvaing, qui dou temps passé avoit estet senes- 30
chaus de Pontieu et lequel messires Hues de Castil-
lon avoit en celle propre anée pris et rançonné à
VII — 13
i94 CHRONIQUES DE J. FROISSÂRT. [1369]
dix mil frans, dont trop bien l'en souvenoit, et qui
avoit grant entente dou regaegnier^ se il pooit, s'estoit,
lui vingtime tant seulement^ très le point dou jour^
partis de le route le dit duch; et ensi que eilz qui sa-
5 voit toutes les voies^ les adrèces et les destours de là
environ, car il les avoit bien trois ans usés et hantés,
s'estoit venus bouter^ sus aventure de gaegnier et non
de perdre, et mis en embusce entre le darrainne porte
d'Abbeville, qui siet sus les marès^ et une aultre c*on
10 dist de Rouvroy ; et avoit passet un petit rieu qui keurt
parmi uns mares, et estoit quatis et arrestés en vieses
maisons non habitées, qui là estoient toutes desclo*
ses. On ne cuidast jamais que li route des Englès se
deuist mettre en embusche si pries de le ville ^ et là
15 se tenoient li dis messires Nicoles et ses gens tout
quoy. Ëvous à chevauçant tout parmi celle rue de
Rouvroy, lui dixime tant seulement, monsigneur Hue
de Chastillon^ armé de toutes pièces huersmis de son
bachinet^ mes ses pages le portoit sus un coursier
20 derrière lui^ et passé oultre ce rieu et un petit pont
qui là estoit et l'embusche dou dessus dit monsigneur
Nicole, et tiroit à venir à le porte darrainière, pour
parler as arbalestriers qui le gardoient, à savoir des
nouvelles deâ Englès. Quant messires Nicoles de Lou-
25 vaing le vei, qui bien le recogneut, si n'euist mies
estet si Ués qui li euist donné vingt mil firans, et salli
hors de sen embusche et dist : « Âlons, alons, vechi
ce que je demande, le mestre des arbalestriers : je ne
desiroie autrui que lui. » Lors point son coursier des
30 esporons, et baisse le lance, et s'en vient dessus le dit
monsignçur Hue de Chastillon et li escrie : « Rent
toi, Chastillon! Rent toy ou tu es mors. » Messires
[4369] LIVRE PREMIER, $ 643. 495
Haes^ qui fii tous esmervilliés dont ces gens d'armes
issoient^ et qui n'eut mies loisir de mettre son bachi-
nety ne de monter sus son coursier^ et qui se vei en
trop dur parti, demanda : « Â qui me renderai je? »
Messsires Nicoles respondi : ic A Louvaing I A Lou- 5
vaing ! » £t cilz^ pour eskiewer le péril et qui ne pooit
fuir^ dist : « Je me rench. » Dont fu-il pris et saisis,
et li fu dit : « Chevauciés tantost avoech nous : veoi
le route dou duch qui passe ci devant. ]> A celle em-
painte fu là occis uns moult faitis bourgois d' Abbeville, 10
qui s'appelloit Leurens d'Autelz, dont ce fu damages.
Ensi fu pris et atrapés par grant infortuneté messires
Hues de Chastillon, mestres pour le temps des arba-
lestriers de France et chapitainnes d'Abbeville, de
messire Nicole de Louvaing : de laquelle prise li dus 15
de Lancastre eut grant joie^ et ossi eurent tout li £n-
glès.
§ 643. Moult furent les gens d'Abbeville et li amit
de monsigneur Hue de Chastillon couroucié de sa
prise; mes amender ne le peurent, tant c*à ceste fois. ^0
Or chevaucièrent li Ënglès^ et passèrent le rivière de
Somme à le Blanke Take, et puis montèrent amont de-
vers le ville de Rue sus mer, et en apriès vers Mous-
truel, et fisent tant par leurs journées qu'il rentrèrent
en le ville de Calais. Là donna li dus de Lancastre 25
congié à tous les estragniers^ et se départirent de lui
messires Robers de Namur et ses gens, messires Wal-
lerans de Borne et tout li Alemant. Si retourpa li dus
de Lancastre arrière en Engleterre , et li Alemant en
leur pays; et n'avoient mes enteation de guerriier 30
jusques à l'esté, car ja estoit li Saint Martins en ivier
196 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [i369]
et plus avant. Mais, aa temps qui revenoit^ li dus de
Lancastre a voit dit as estragniers qu'il rapasseroit le
mer plus efforciement que il n'avoit fait, et prieroit
ses cousins, le duch de JuUers et le duch de Guéries,
5 et feroient un grant trau en France.
Or nous tairons et soufferons à parler des beson-
gnes de Pikardie , car il n'en y eut nulles en grant
temps puissediy et parlerons de celles de Poito où li
fait d'armes avenoient moult souvent.
10 § 644. Trop touchoit et anoioit au coer li prise
de Saint Salvin à monsigneur Jehan Chandos, qui es-
toit pour ce temps seneschaus de Poito, et mettoit
toutes ses intentions et imaginations à ce que il le
peuist ravoir, fust par embler ou eskieller, il n'avoit
15 cure comment. Et pluiseurs fois en fîst des embus-
ches et des chevaucies, de nuit et de jour, et à toutes
falioit; car messires Loeis de Saint Juliien, qui le gar-
doit, en estoit durement songneus, et bien savoit
que la ditte prise de Saint Salvin desplaisoit moult
so à monsigneur Jehan Chandos.
Or avint ensi que, le nuit devant le nuit de l'an,
ou chief dou mois de jenvier, messires Jehans Chan-
dos se tenoit en le cité de Poitiers et avoit £adt une
semonse et un mandement des barons et chevaliers
95 de Poito, et leur avoit dit que il venissent là tout se-
crètement, car il voloit chevaucier. Li Poitevin ne li
euissent jamais refusé , car moult l'amoient. Si s'as-
samblèrent en le cité de Poitiers, et y vinrent mes-
sires Guichars d'Angle, messires Loeis de Harcourt,
ao li sires de Pons , li sires de Partenay, li sh*es de Pui-
sances, li sires de Tannai Bouton, li sires de Puiane,
[1369] LIVRE PREMIER» % 644. i97
messires Jofirois d'Argenton , messires Mauburni de
Linières j messires Thomas de Persi , messires Bau-
duins deFraiville^ messires Riehars de Pontehardon
et pluiseur aultre.
Quant il fîirent tout assamblé^ il estoient bien trois 5
cens lances. Si se partirent de nuit de Poitiers, et ne
savoient^ excepté li signeur, où on les menoit^ et
avoient li dit Englès leurs eschielles et tout leur arroi
pourveu : si vinrent jusques au dit lieu. Là furent il
tout enfourmé de leur fait, et descendirent de leur lo
chevaus et les livrèrent à leurs garçons. Si entrèrent
ens es fossés , et estoit environ de mienuit. En cel
estât où il estoient , et que briefînent il euissent fait
leur fait et fuissent venu à leur entente , il oent le
gette dou fort qui corne^ je vous dirai pourquoi. 15
Celle propre nuit^ estoit partis de le Roce de Ponsoy
Keranloet à quarante lances, et venoit à Saint Salvin
querre monsigneur Loeis de Saint Juliien, pour che-
vaucier en Poito : si resvilla la guette et chiaus dou
fort. 20
Or cuidièrent li Englès, qui estoient à l'opposite
et qui riens ne savoient de cela , ne que François
vosissent entrer ou fort, qu'il fuissent aperceu et
que. par gardes ou par espies. on seuist leur venue et
leur Z^rise. Si foîent trop inalement couroucié, et 35
especialment messires Jehans Chandos. Si se traisent
tantost hors des fossés et disent : «Alons, alons^
nous avons pour celle nuit falli à no fait. » Si mon-
tèrent sus leurs chevaus, et retournèrent tout en-
samble à Chauvegni, qui siet sus le rivière de Cruese 30
à deux liewes priés de là. Quant il furent là tout venu-
li Poitevin demandèrent à monsigneur Jehan Chan^
498 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
dos se il voloit plus riens. Il leur respondi : « Nennil^
retournés, ou nom de Dieu; je demorrai meshui en
ceste ville, »
Lors se départirent tout li Poitevin et aucun che^
5 valier d^Engleterre avoech yaus^ et estoient bien
deux cens lances. Si entra li dis messires Jehans
Chandos en un hostel et fist alumer le feu. Là estoit
encores dalés lui messires Thumas de Persi et se
route, seneschaus de le Rocelle; si dist à monsigneur
10 Jehan Chandos : « Sire, es ce vostre entention donc
de ci meshui demorer? » — « Oil voir, messire Thu-
mas; pourquoi le demandés vous? » — « Sire, pour
tant que je vous prie ^ puisque chevaucier ne volés,
que vous me donnés congiet^ et je chevaucerai quel-
15 que part avoech mes gens , pour savoir se je trouve-
roie jamais nulle aventure. » — «Aies ou nom de
Dieu I » Ce dist messires Jehans Chandos. A ces mos^
se parti messires Thumas de Persi et trente lances en
se compagnie.
20 Ensi demora li dessus dis Chandos entre ses gens,
et messires Thumas passa le pont à Chauvegni et prist
le lonch chemin pour retourner à Poitiers. Et messires
Jehans Chandos demora^ qui estoit tous merancolieus
de ce qu'il avoit falli à sen entente, et estoit entrés en
25 une grande cuisine et trais ou fouier, et là se caufoit
de feu d'estrain que ses hiraus li fèiisoit, et se gengloit
à ses gens et ses gens à lui^ qui volentiers li euissent
osté se merancolie.
Une grant espasse apriès ce qu'il fu là venus, et
30 qu'il s'ordonnoit pour un peu dormir, et avoit de-
mandé se il estoit priés de jour, evous entré en l'ostel
et venu devant lui un homme qui li dist : a Monsi-
[1369] UVRB PREMIER, § 644. 199
gneur^ je vous aporte nouvelles. » ^-. « Queles? » res-
pondi il. — « Monsigneur, li François chevaucent. j»
— « Et comment le scès tu?» — « Monsigneur, je
me sui partis de Saint Salvin avoecques yaus. » —
(( Et quel chemin tiennent il? » — « Monsigneur, je 5
ne sçai, de vérité, fors tant qu'il tiroient, ce me
sambla , viers Poitiers. » — • « Et liquel sont ce des
François? >i — - « C'est messires Ix)eis de Saint Ju-
liien et Keranloet li Bretons et leurs routes. » — « Ne
m'en chaut , respondi messires Jehans Chandos, je 10
n'ai meshui nulle volenté de chevaucier. Il poront
bien trouver rencontre sans mi. » Si demora une es-
passe en ce pourpos tous pensieus^ et puis s'avisa et
dist : « Quoi que j'aie dit, c'est bon que je chevauce
toutdis; me fault retourner vers Poitiers^ et tantost 15
sera jom:*s. • — « C'est voirs, sire, » ce respondirent si
chevalier qui là estoient.
Lors fist messires Jehans Chandos restraindre ses
plates, et se mist en arroy pour chevaucier, et ossi
fîsent tout li aultre. Si montèrent as chevaus et se 20
partirent, et prisent le droit chemin de Poitiers, cos-
tiant le rivière. Si pooient estre li François en ce
propre chemin une grande liewe devant yaus, qui
tiroient à passer le rivière au pont à Leuzach. Et en
eurent li Englès le cognissance par leurs chevaus qui 25
sievoient le route des chevaus des François, et en-
trèrent ou froais des chevaus as François , si disent :
« Ou messires Thumas de Persi , ou li François che-
vaucent devant nous. » Tantos fii ajournée et'jours,
car, à l'entrée de jenvier, les matinées sont tantost 30
espandues. Et pooient estre li François et li Breton ,
d'un costé, environ une liewe en sus dou dit pont.
200 CHRONIQUES DB J. FROISSART. [1369]
quant il perçurent d'autre part le rivière monsi-
gneur Thumas de Persi et se route ; et messires Thu-
mas et li sien les avoient ja aperceus. Si chevauçoient
les grans galos, pour avoir l'avantage dou pont dessus
5 dit, et avoient dit : ir Yeés là les François , il sont
une grosse route contre nous. Esploitons nous^ si
arons l'avantage dou pont. »
Quant messires Loeis et Keranloet perchurent les
Englès d'autre part le rivière y qui se hastoient pour
10 venir au pont, si se avancièrent ossi. Toutesfois li
Englès y vinrent devant et en furent mestre y et des-
cendirent tout à piet et s'ordenèrent pour le pont
garder et yaus deffendre. Quant li François furent
venu jusques au pont^ il se misent tout à piet, et
15 baillièrent leurs chevaus à leurs variés et pages et
les lisent traire arrière ; et prisent leurs lances et se
misent en bonne ordenance , pour aler calengier le
pont et assallir les Englès^ qui se tenoient francement
sus leur pas et n'estoient de riens efïraé^ comment
dO qu'il fuissent un petit ou regard des François.
Ensi que cil François et Breton estudioient et ima-
ginoient comment ne par quel tour, à leur plus grant
avantage, les Englès envaïr et assallir il poroient^
evous monsigneur Jehan Chandos et se route y ba-
25 nière desploiie tout ventelant^ qui estoit d'argent à
un pel aguisié de geules^ laquele Jakes Aleri, uns
homs d'armes^ portoit^ et pooient estre environ qua-
rante lances y qui approce durement les François. Et
ensi que li Englès estoient sus un terne ^ espoir trois
30 bonniers de terre en sus dou pont^ li garçon des
François , qui les perçurent et qui se tenoient entre
le pont et le dit tertre , furent tout efiraé et disent :
[1369] LIVRE PREIIIER, S ^^' ^i
« Alons^ alons^ veci Chandos; saavons nous et nos
chevaus. » Si s'en partirent et fuirent en voies , et
laissièrent là leurs mestres.
Quant messires Jehans Chandos fu venus jusques
à yaus, sa banière devant lui^ si n'en fist pas trop 5
grant compte^ car petit les prisoit et amiroit; et
tout à cheval les commença à rampronner, en disant :
N Entre vous^ François^ vous estes trop malement
bonnes gens d'armes ; vous chevauciés^ à vostre aise
et vostre volenté , de nuit et de jour. Vous prendës 10
villes et forterèces en Poito^ dont je sui seneschaus.
Vous rançonnés povres gens sans mon congié. Vous
chevauciés partout à tieste armée ; il samble que li
pays soit tout vostre , et, par Dieu^ non est. Messire
Loeis^ messire Loeis^ et vous Keranloet^ vous estes 15
maintenant trop grant mestre. Il a plus d'un an et
demi que j'ai mis toutes mes ententes que je vous
peuisse trouver ou encontrer; or vous voi je, Dieu
merci : si parlerons à vous et sarons liquelz est plus
fors en ce pays, ou je^ ou vous. On m'a dit et 20
compté par pluiseurs fois que vous me desiriés à
veoir : si m'avés trouvé. Je sui Jehans Chandos^ se
bien me ravisés. Vos grans apertises d'armes, qui
sont maintenant si renommées , se Dieu plaist^ nous
les esprouverons. > 25
Ensi et par telz langages les recueilloit messires Je-
hans Chandos^ qui ne volsist nulle part estre fors
que là , tant les desiroit il à combatre. Messires Loeis
et Reranloet se tenoient tout quoy^ ensi que tout
conforté qu'il seroient combatu. Et riens n'en sa- 30
voient messires Thumas de Persi et li Englès , qui
estoient delà le pont^ car li pons de Leusach est
202 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
haus, à boce oa milieu^ et cela leur en tolloit le
veue.
§ 645. Entre ces ramipronnes et ces paroUes de
monsigneur Jehan Chandos qu'il disoit et £aiisoit as
5 François, uns Bretons prist son glave et ne se peut
abstenir de commencier meslëe, et vint assener à un
escuier englès qui s'appelloit Simekins Dodalé , et li
arresta son glave en se poitrine , et tant le bouta et
tira que le dessus dit il mist jus de son cheval à terre.
10 Messires Jehans Chandos^ qui oy effroy derrière lui^
se retourna sus costé et vei son escuier jesir à terre,
et que on feroit sus lui, si s*escaufia en parlant plus
que devant, et dist à ses compagnons et à ses gens :
c< Comment lairés vous chi ensi cest homme tuer? A
15 piet ! A piet ! j» Tantost il sallirent à piet, et ossi lisent
tout li sien, et fu Simekins rescous. Yeci bataille com-
mencie.
Messires Jehans Chandos qui estoit grans cheva-
liers et fors et hardis et confortés en toutes ses be-
20 songnes, se banière devant lui, environnés des siens
et vestis dessus ses anneures d'un grant vestement
qui li batoit jusques en terre^ armoiié de se armoierie,
d?un blanc samit à deux pelz aguisiés de geules, l'un
devant et l'autre derrière^ et bien sambloit souffissans
25 homs et entreprendans, en cel estât, piet avant aultre,
le glave ou poing, s'en vint sus ses ennemis. Or faisoit
à ce matin un peu reslet. Si estoit la voie moullie, si-
ques, en passant, il s'entouella en son parement qui
estoit sus le plus Ions , tant q'un petit il s'abuscha.
30 Evous un cop qui vint sus lui, lanciet d'un escuier
qui s'appelloit Jakes de Saint JVtartin , qui estoit fors
[4369] LIVRE PBEMIER, § 645. 203
homs et apers durement ; et fd li cops d*une glave qui
le prist en char^ et s'arresta desous l'oeil , entre le nés et
le firbnt. £t ne vei point messires Jehans le cop venir
sus lui de ce lés là^ car il avoit l'oeil estaint^ et avoit
eu bien cinq ans^ et le perdi ens es landes de Bout- 5
diaus, en cachant un cerf. Ayoech tout ce meschief^
messires Jehans Chandos ne portoit onques point de
visière^ siques^ en abuschant, sus le cop qui estoit lan-
ciés de roit brach il s^apoia. Se li entra li fiers là
dedens, quis'encousijusquesoucerviel^ et puis retira lo
cilz son glave à lui. Messires Jehans Chandos^ pour la
dolour c{u*il senti^ ne se peut tenir en estant, mes
chei à terre et tourna deux tours moult dolereuse*
ment^ ensi que cilz qui estoit férus à mort, car on-
ques puis ce cop il ne parla. ^ 15
Quant ses gens veirent celle aventure ^ il furent
tout foursenet. Âdonc salli avant messires Ëdouwars
Cliffors j ses oncles , qui le prist> entre ses cuisses ^
car li François tiroient que il l'euissent devers yaus ;
et le deffendi de son glave très vaillamment^ et 20
lanooit les cops si grans et si arrestés , quç nulz ne
Posoit approcier. Là estoient doi aultre chevalier,
messires Jehans Clambo et messires Bertrans de Cas-
selis^ qui sambloient bien hors dou sens^ pour leur
mestre qu'il veoient là ensi jesir. Li Breton, qui es- 25
toient plus que li Ënglès^ furent grandement re-
conforté , quant il ' veirent le capitainne de leurs en-
nemis à terre, et bien pensoient que il estoit navrés
à mort. Si s'avancièrent en disant : « Par Dieu, si-
gneur englès, vous nous demorrés; vous estes tout 30
nostre : vous ne nos poés escaper. » Là fisent li dit
Englès merveilles d'armes , tant pour yaus garder et
204 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [4369]
osier dou dangier que pour contrevengier leur si-
gneur, lequel il veoient en bien dur parli. Cilz Jakes de
Saint Martin, qui donné avoit ee cop^ fu avisés d'un es-
cuier de monsigneur Jehan Chandos : si vint sur lui
5 moult aïreement et le feri en cousant de son glave^ et
li tresperça tout oultre les deux cuisses^ et puis re-
traist son glave. Pour ce ne laissa mies encores cilz
Jakes à combatre. Se messires Thumas de Persi, qui
premièrement estoit venus au pont, euist riens sceu
10 de ceste aventure^ les gens de monsigneur Jehan Chan-
dos euissent estet par lui trop grandement réconforté^
mes nennil ; ançois , pour ce que il n*ooient nulles
nouvelles des Bretons^ dont il avoient veu le route
grande et grosse , il cuidoient qu'il fuissent retrait.
15 Si se retraisent ossi li dis messires Thumas de Persi
et ses gens, et tinrent le chemin de Poitiers^ ne on-
ques à ce. donc il ne sceurent riens de le besongne.
Là se combatirent li François et li Englès un grant
temps devant le pont de I^usach^ et y eut fait main-
20 tes grans apertises d'armes. Briefinent li Englès ne
peurent là souffrir ne porter le fais des Bretons ne
des François, et furent là ensi que priés desconfi et
pris li plus grant partie ; mes toutdis se tenoit messi-
res Edouwars Gifibrs^ qui point ne se voloit partir de
25 son neveu. Et se li François euissent eu leui*s che-
vaus^ il s'en fuissent parti à leur honneur et en euis*
sent mené des bons prisonniers, mais il n'en avoient
nulz, car li garçon, si com ci dessus est dit, en estoient
fui atout ; él ossi cil des Englès estoient retrait et des-
30 tourné bien avant de le besongne. Si demorèrent en
ce dangier, dont il estoient tout courouciet^ et disoient
entre yaus : ce Veci très mauvaise ordenance^ et par
[1369] LIVRE PREMIER, $ 64IS. 205
nos garçons. La place est nostre^ et si n'en poons
partir^ car dur nous est, qui sommes armé et travil-
liéy d'aler à piet parmi ce pays qui nous est tous con-
traires; et si sommes plus de cinq liewes en sus de le
plus proçaine forterèce que nous avons^ et si avons ci 5
des nostres bleciés et navrés que nous ne poons lais-
sier derrière. i>
Entrues qu'il estoient en cel estri^ et que il ne
savoient lequel faire ^ et avoient envoiiés deux de
leurs Bretons, tous desarmés, courir par les camps, 10
pour savoir se il veroient nulz de leurs chevaus ne
de leurs variés, evous monsigneur Guichart d'Angle,
monsigneur Loeis de Harcourt^ le signeur de Pons^
le signeur de Partenay, monsigneur Jofiroi d'Argen-
ton^ le signeur de Puissances , le signeur de Puiane^ 15
le signeur de Tannai Bouton^ messire Jake de Sur--
gières, tous chevaliers^ et les aultres qui bien estoient
deux cens lances, et queroient les François, car on leur
avoit dit qu'il chevauçoient , et avoient proprement
eu leur cheval le vent^ le flair et le froais des leurs; 30
si s'en vendent tout à randonnant, banières et pen-
nous ventelans. Sitos que li Breton et li François les
veirent approcier, il cogneurent bien que c^estoient
leur ennemi, li baron et li chevalier de Poito; si di^
sent ensi as Englès qui là estoient : cr Veci vos gens 25
qui vos viennent au secours, et nous savons bien que
nous ne poons durer à yaus. Vous, et vous, et vous, si les
commencièrent tous à nommer;| estiés no prisonnier ;
nous vous quittons bonnement de vos fois et de vo
prison, et nous rendons prisonnier à vous, parmi 30
tant que vous nous ferés bonne compagnie. Encores
avons*iK)us plus chier que nous soions à vous que à
S06 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1370]
chiaus qui viennent. » Et chil respondirent : « Diex
y ait part ! » Ensi furent li Euglès quitte de leurs fois
et eurent prisonniers. Tantost furent li dessus dit Poi-
tevin venu à lances abaissies, en escriant leurs cris;
5 et adonc li François et li Breton se traisent d'un lés
et disent : ce Ho4 signeur^ -cessés, cessés^ nous som-
mes prisonnier. » Là tiesmongnièrent li Englès et di-
sent : <t II est vérités, ce sont nostre. » Keranloet fu
à monsigneur Bertran de Casselis^ et messires Loeis
10 de Saint Juliien à monsigneur Jehan Clambo. Il n'en
y eut nul qui n'euist son mestre.
Or furent trop durement dolant et desconforté cil
baron et cil chevalier de Poito^ quant il veirent là
leur seneschal monsigneur Jehan Chandos jesLr en tel
15 estât, et qu'il ne pooit parler^ si le conunencièrent à
regretter et à dolouser moult amèrement^ en disant :
« Ha I gebtiis chevaliers, fleur de toute honneur^ mes-
sire Jehan Chandos, à mal fu la glave forgie, dont
vous estes navrés et mis en péril de mort. » Là plo-
20 roient moult tenrement cil qui li estoient autour.
Bien les entendoit et se complaindoit, mes nul mot ne
pooit parler. Là tordoient leurs poins et tiroiént leurs
cheviaus et jettoient grans cris et grans plains, payr
especial li chevalier et li escuier de son hostel. Là fu
25 li dis monsigneur Jehan Chandos de ses gens desar-
més moult doucement et couchiés sus targes et sus
pavais, et amenés et aportés tout le pas à Mortemer,
le plus proçainne forterèce de là. Et li autre baron et
chevalier retournèrent à Poitiers, et là menèrent il
30 leurs prisonniers. Si entendi que cilz Jakes de Saint
Martin, qui avoit navré le dit monsigneur Jehan Chan-
dos, fu si mal poursongniés de ses plaies qu'il morut
[i370] UyR£ PREMIER, S ^^* ^'^
à Poitiers. Li gentilz chevaliers dessus nommés ne
vesqui de ceste navrure q'un jour et une nuit^ et
morut. Diex en ait l'ame pour se deboinaireté ; car
onques^ depuis cent ans, ne fu plus courtois^ plus gen-
tilz ne plus plains de toutes bonnes et nobles vertus 5
et conditions, entre les Englès, de lui.
Quant li princes et la princesse^ li contes de Cant-
bruge, li contes de Pennebruch et li baron et chevalier
d'Ëngleterre, qui estoient en Giane^ sceurent la mort
dou dessus dit, si furent durement courecié et descon- lo
forté^ et disent bien quil avoienttrop perdu. Partout,
deçà et delà le mer^ de ses amis et amies fu plains et
regretés messires Jehans Chandos; et li rois de France
et li signeur en France Teurent tantost ploré. Ënsi
aviennent les bésongnes. Li Ënglès l'amoient , pour 15
tant qu'en li estoient toutes hautainnes emprises. Li
François le haioient, pour ce qu'il le ressongnoient. Si
l'oy je bien, en ce temps, plaindre et regreter des bons
chevaliers et des vaillans de France. £t disoient ensi
que de lui estoit grans damages , et mieuls vausist 20
qu'il euist esté pris que mors; car^ se il euist esté pris^
il estoit bien si sages et si imaginatis que il euist trouvé
aucun moiien ^ par quoi pais euist esté entre France
et Engleterre, et si estoit tant amés dou roy d'Engle-
terre et de ses enfans qu'il l'euissent creu plus 25
que tout le monde. Si perdirent François et Englès
moult à se mort, ne onques je n'en oy dire aultre
oose, et plus li Ënglès que li François; car par lui, en
GhianC) euissent esté faites toutes recouvrances.
§ 646. Apriès le mort de monsigneur Jehan Chan- 30
dos, fu seneschaus de Poilo messires Thumas de
208 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [4370]
Persi. Or reschei la terre de Saint Salveur le Visconte
à donner au roy d'Engleterre ; si le donna à un sien
chevalier, qui s'appelloit messires Alains de Bouque-
sele^ appert homme d'armes durement. De tout l'a-
5 voir et trésor de monsigneur Jehan Chandos, où bien
avoit quatre cen^ mil frans^ fu hoirs et successères li
princes de Galles^ car li dessus dis ne fu onques ma-
riés, et si n'avoit nul enfant. Assés tost apriès, ftœent
rançonnés et mis à finance tout li compagnon fran-
10 çois^ qui avoient estet pris au pont à Leuzach; et
payèrent de deniers appareilliéS| parmi ce que li rois
de France les aida. Et retournèrent en leurs garnisons
messires Loeis de Saint Juliien^ messires Guillaumes
des Bordes et Keranloet, Bretons.
15 En ce temps^ estoient aucun chevalier de France et
d'Aquitainne et de Gascongne, en grant anoi de ce
qu*il veoient ensi la guerre des deux rois moutepliier^
et par especial li sires de Couci, à qui il en touchoit
moult et devoit bien touchier^ car il tenoit bel hire-
20 tage et grant en Engleterre^ tant de par lui que de par
madame sa femme , qui estoit fille dou dit roy^ à la-
quele terre il couvenoit qu'il renonçast^ se il voloit
servir le roy de France, dont il estoit de nation et
d'armes.. Si s'avisa li gentilz sires de Couci, qui s*ap-
25 pelloit Engherans^ que il se dissimuleroit moiienne-
ment de l'un roy etde l'autre, et s'en iroit oubliier le
temps, où que fust. Si ordonna ses besongnes belle-
ment et sagement^ et prist congiet dou roy de France
son naturel signeur^ et se parti de France à petite
> 30 mesnie, et fist tant par ses journées, qu'il vint en Sa-
voie. Là f u il recheus liement et honnourablement
dou dit conte et des barons et chevaliers de le conté
[i370] LIVRE PREMIER, § 646. 209
de Savoie. Et quant il eut là esté tant que bon li fu,
il s'en parti et passa oultre et entra en Lombardie, et
vint devers les signeurs de Melans^ monsigneur Ga-
leas et monsigneur Bernabo , où il tu à ce commen-
cement entre yaus li bien venus. 5
Tout en tel manière se départi de la ducé d'Aqui-
tainne messires Aymenions de Pumiers^ qui estoit
chevaliers dou prince^ et dist que, la guerre durant^
il ne s'armeroit ne pour Pun roy ne pour l'autre. Si
s*en ala li dessus dis oultre mer, en Cippre et au lO
Saint Sépulcre, et en pluiseurs aultres biaus volages.
En ce temps ^ estoit venus à Paris li contes de le
Marce, messires Jehans de Bourbon^ d'un lés, qui te-
noit sa terre dou prince. Et volentiers euist veu li rois
de France qu'il euist renvoiiet son hommage au prince i5
et fust demorés François, mes li dis contes n'en volt
adonc riens faire ; et ossi ne fist li sires de Pierebu-
fîère, uns banerès de Limozin, qui estoit là à Paris sus
cel estât. Mais doi aultre baron et grant signeur ma-
lement de Limosin^ qui estoient à Paris ossi^ messi- 20
res Loeis , sires de Melval , et messires . Raimons de
Maruel^ ses neveus, qui pour ce temps se tenoient à
Paris^ se tournèrent François^ et lisent depuis par leurs
forterèces grant guerre au prince. De quoi li rois d'En-
gleterre et ses consauls estoient moult courouciet que 25
li baron de Ghiane et li chevalier se tournoient ensi
François sans nulle contrainte , Fors de leur volenté.
Si eut conseil li dis rois d'Engleterre qu'il Feroit es-
crire unes lettres ouvertes, seeléesdeson scel, etapor-
ter par deux ou trois de ses chevaliers en Poito et en 30
Aquitainne, et là publiier par toutes les cités, chastiaus
et bonnes viltes.
vu — 14
210 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1370]
En ce temps, fîi delivtés de se prison d'Agen mes-
sires Caponnés de Caponval et escangiés pour un aul-
tre chevalier dou prince , qui avoit estet pris en une
escarmuce devant Pieregorth , messires Thumas Ba-
5 lastre. Mes li ciers de droit, qui envoiiés avoit esté
avoecques lui^ demora à Âgen, car il morut prison-
niers^ et li dessus dis messires Caponnés revint en
France. Or parlerons des lettres ouvertes que li rois
d'Engleterre envoia en Aquitainnes.
10 § 647. Edowars, par le grasce de Dieu, roy d'En-
gleterre, signeur d'Irlande et d'Aquitainne , à tous
ceulz qui ces présentes lettres verront ou oront, salut. .
Sachent tout que nous, considerans et regardans di-
ligamment as besongnes des metes et limitations de
15 nostre signourie d'Aquitainne, ensi comme elle s'es-
tent de cief en cor, nous avons esté présentement en-
fourmé et enditté que, pour aucuns molestes et gries
fais ou empensés à faire de par nostre très chier fil le
prince de Galles es pays dessus dis, [certaines plaintes
20 et mu^murations s'i sont nagaires eslevées] : pour quoi
nous sommes tenu, et le volons es tre, de obviier et
remediier à toutes coses indeues et touchans hayne et
rancune entre nous et nos feaulz amis et subgès. Si
nonçons et prononçons, certefîons et ratefions que
25 nous, de meure et bonne volenté et par grant déli-
bération de nostre conseil à ce appelle, volons que
noslre très chier filz le princes de Galles se déporte de
toutes actions faites ou à faire, restitue à tous ceulz
et celles qui grevé ne pressé aroient esté par lui, par
30 ses gens ou officiiers en Aquitainne, tous cous, frès,
damages, levés ou à lever, ou nom des dittes aydes et
[1370] LIVRE PREMIER, S 647. 211
fouages. Et, se aucun des nostres feauls sougès et amis,
tant prelas comme gens d'église^ universités^ collè-
ges, evesques, contes, viscontes, barons, chevaliers,
communautés et gens des cités et bonnes villes, se
soient retourné et se voellent tenir, par mauvaise in- 5
formation et povre avis, à Foppinion de nostre adver-
saire de France, nous leur pardonnons ce méfiait, se,
ces lettres veues, se retournent vers nous, ou un mois
apriès. Et prions à tous nos loyaus et certains amis
et feaulz que il se tiegnent en segur estât, tant que lo
de leurs fois et hommages il ne soient reprocié, la-
quelle cose nous desplairoit grandement, et le verions
trop envis. Et, se de nostre chier fil le prince ou des
officiiers ses gens il se plaindent à présent qu'il soient
grevé ou pressé ou aient esté dou temps passé, nous 15
leur ferons amender si grandement que par raison i
devera souffire, pour nourir pais, amour, concorde et
unité entre nous, nostre fil et ceulz des marces et li-
mitations dessus dittes. Et pour ce qu'il tiengnent ces
coses en vérité , nous volons que cescuns prende et 20
ait le copie de ces présentes, lesqueles nous avons
solenelment juret à tenir fermement et non enfrain-
dre , sus le corps de Jhesu Crist , présent nostre très
chier fil Jehan duch de Lancastre, Guillaume conte de
Sallebrin, le conte de Warvich, le conte de Herfort, 25
Gautier de Mauni, le baron de Persi et cesti de Nuef-
ville, de Lussi et de Stanfort, Richart de Pennebruge,
Rogier de Biaucamp, Gui de Briane, le sîgneur de
Manne, cesti de le Vare, Alain de Boukesele et Ri-
chart Sturi, chevaliers. Donné en nostre palais de 30
Wesmoustier, Tan de nostre règne quarante qua-
trime, le quinzime jour de novembre.
142 ^ CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1370]
§ 648. Ces lettres furent aportées par deux cheva-
liers de l'ostel dou roy d^Engleterre en le prineeté et
ducainné d'Aquitainne, et notefiies et publiies partout^
et proprement les copies secrètement envoiies à Paris
5 devers le visconte de Rocewart, le signeur de Mel-
val, le signeur de Moruel et les aultres qui là se te-
noient, ou ailleurs à chiaus qui François retourné
s'estoient. Mes, pour cose que ces lettres envoiies fuisr
sent publiies parmi le dit pays d*Aquitainne, je n'oy
10 point dire que nulz en laiast pour ce à faire sen en-
tente^ mes se retournoient encores tous les jours^ et
conqueroient toutdis li François avant.
Et avint que messires Loeis de Saint Juliien^ sitos
qu'il fu retournés en le Roce de Ponsoy, et que messi-
15 res Guillaumes des Bordes fu retournés en le garnison
de le Haie en Tourainne^ et Keranloet à Saint Salvin^
il misent secrètement sus une chevaucie de gens d'ar-
mes et de compagnons y et vinrent escieller^ sus un
ajournement^ le ville de Cbastielerraut, et eurent pries
so atrapé monsigneur Loeis de Harcourt^ qui dormoit
en son hostel en le ditte ville et qui de ce ne se don-
noit garde. Si n'eut plus de retour que il s'enfui en
purs ses linges draps^ et tous descaus^ de maison en
maison et de jardin en jardin, et fist tant que il s'en
25 vint bouter sus le pont de Chastielerraut , que ses
gens avoient fortefiiet. Là se sauva il et recueilla et s'i
tint un grant temps. Mes li François et li Breton fu-
rent signeur et mestre de le ville, et en fisent une
grande et belle garnison^ et en fu Keranloet capi-
30 tainne ; et venoient tous les jours li Breton combatre
à chiaus dou dit pont y et là eut fait tamainte grant
escarmuce et apertise d'armes.
[i370] LIVRE PREMIER, $ 649. 213
§ 649. Li dus Loeis de Bourbon^ qui sentoit les
Englès et les Compagnes en son pays de Bourbonnois,
et comment Hortingo,Bemars de Wisc et Bernarsde
la Salle tenoient son chastiel de Belleperce et madame
sa mère dedens, se li tournoit à grant desplaisance 5
et vii^ngne^ s'avisa que il metteroit sus une che-
vaucie de gens d^armes^ et venroit mettre le siège par
devant le dit chastiel, et ne s*en partiroit si le raroit.
Si en parla au roy de France : li rois li acorda legie-
rement et dist qu'il li aideroit à faire son fait et son lo
siège de gens et de mise. Si se parti li dis dus de Pa-
ris, et fist son mandement à Moulins en Auvei^e et
à Saint Poursin^ et eut tantost grant fuison de gens
d'armes et de bons combatans. Et le vint servir li si-
res de Biaugeu à deux cens lances^ li sires de Villars 15
et de Roussellon à cent lances^ et grant fuison de ba-
rons et de chevaliers d'Auvergne et de Forès^ dont il
estoit sires de par madame sa femme , fille à ce gen*-
til signeur monseigneur Beraut^ conte daufîn d*Au-
vergne. 20
Si s'en vint li dessus dis dus logier et amanagier
devant le chastiel de Belleperce , et y fist devant une
bastide grande et grosse^ où ses gens se tenoient et
retraioient à couvert tous les soirs , et tous tes jours
venoient escarmucier à chiaus dou fort. Et a voit li 25
dis dus de Bourbon là fait venir, amener et acha-
riier jusques à quatre grans enghiens^ qui estoient
levé et drecié devant le forterèce, liquel jettoient à
l'estrivée, nuit et jour^ pierres et mangonniaus^ tele-
ment qu'il desrompoient et brisoient tous les combles so
des tours et de le maison , et abatirent le plus grant
partie des tois. De quoi la mère dou duch de Bour-
244 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [4370]
bon^ qui laiens estoit prisonnière en son chastiel^ es-
toît durement eilraée et grevée pour les engiens , et
fist pluiseurs priières à son fil le duch de Bourbon ,
quHl se Yolsist cesser de cel assaut des engiens qui si
5 le grevoient* Mes li dus de Bourbon^ qui bien savoit
et supposoit que ceste requeste venoit de ses enne-
misy respondoit que ja ne s'en deporteroit, pour cose
^. qui avenir en peuist.
Quant li compagnon dou fort veirent comment il
10 estoient pressé et grevé, et que tous les jours mou-
teplioit li effors des François, car en cor y estoit venus
de recief messires Loeis de Sanssoirre, mareschaus de
France, à tout grant fuison de gens d*armes, si s'avi-
sèrent qu'il manderoient et segnefieroient leur po-
15 vreté à monsigneur Jehan d'Evrues, seneschal de Li-
mozin, qui se tenoit à le Soteresne, à deux journées
petites d'yaus, et qui savoit comment li signeur de
Poito et de Gascongne , en celle anée , quant il par-
tirent de le chevaucie de Quersin, leur eurent en cou-
20 vent sus leurs fois que, se il prendoient forterèce en
France et il y estoient assegiet, il seroient conforté.
Si escrisirent tantost lettres, et envoyèrent de nuit un
de leurs variés à le Soteresne devers monsigneur Jehan
d'Evrues.
25 Li dis messires Jehans d'Evrues recogneut bien
les ensengnes, et respondi, quant il eut leu les
lettres, qu'il s'en aquitteroit bien et volentiers, et ilz
meismes, pour mieulz esploitier, iroit en Angouloime
devers le prince et les signeurs qui là estoient, et les
so enditteroit telement que cil de Belleperce seroient
conforté et délivré de ce péril. Si se parti li dis mes-
sires Jehans, quant il eut recommendé sa garnison à
[1370] LITRE PREMIER, § 64&. 245
ses compagnons^ et chevauça tant par ses journées
qu'il vint en Angouloime. Là trouva il le conte de
Cantbruge, le conte de Pennebruch, messire Jehan
de Montagut^ messire Robert Canolle, monsigneur
Thumas de Persi^ monsigneur Thumas de Felleton, 5
monsigneur Guiçs^rt d'Angle, le captai et pluiseurs
autres chevaliers. Si leur remoustra bellement et sa-
gement comment li compagnon estoient astraint et
assegiet ou chastiel de Belleperce, dou duch de Bour-
bon, dou conte de Saint Fol et des François. A ces lo
parolles entendirent li chevalier de Poito et d'Engle-
terre volentiers, et respondirent qu'il seroient con-
forté^ si com on leur avoit prommis.
De ceste bésongne et pour aler celle part furent car-
giet li contes de Cantbruge et li contes de Pennebruch; 15
et fîst tantost un mandement li princes à tous ses feaulz
et subgès, que, ses lettres veues, on se traisist devers
le cité de Limoges. Donc s'avancièrent chevalier, es-
cuier. Compagnes et gens d'armes, et vinrent là où il
estoient mandé et ordonné. Si en y eut grant fuison, 20
quant il furent tout assamblé, plus de quinze cens lan-
ces et trois mil d'autres gens, et esploitièrent tant qu'il
vinrent devant Belleperce, et se logièrent et ordonnè-
rent à l'opposite des François, qui se tenoient en leur
bastide ossi belle et ossi forte et environnée d'aiguë 25
comme une bonne ville seroit. Si se logièrent li En-
glès et li Poitevin à ce commencement assés diverse-
ment , pour estre à l'aise d'yaus et de leurs chevaus ,
car U faisoit froit et lait ensi comme en yvier. Si n'a-
voient mies toutes leurs aises, et si avoit estet tous 30
li pays robes et pilliés des gens d'armes et des Com-
pagnes alans et venans, pour quoi il ne recouvroient
216 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1370]
de nulz vivres fors à dangier, et ne savoienl leur fou-
reur où fourer^ fors sus yaus meismes; mais on leur
amenoit^ quant on pooit, vivres de Poito et des mar-
ées voisines.
5 Or segnefîa adone li dis mareschaus de France^
messires Loeis de Sanssoire^ Tordenance et l'estat des
Englès à Paris au roy et as chevaliers qui là se te-
noient^ et en fist mettre et ataehier eedules au palais
et ailleurs^ en disant : « Entre vous y chevalier et es-
10 cuier^ qui désirés à trouver les armes et qui les deman-
dés, je vous avise et di pour vérité que li contes de
Cantbruges et li contes de Pennebruch et leurs gens
sont venu devant Belleperce, en istance de ce que
pour lever le siège de nos gens^ qui là nous sommes
\h longement tenu et qui tant avons astraint la ditte for-
terèce , qu'il fault qu^elle se rende temprement , ou
nous soions combatu et levé par force d'armes. Si
venés celle part hasteement, et là trouvères vous au-
cun grant fait d'armes^ et sachiés que li Englès gisent
20 assés diversement, et sont bien en lieu et en parti pour
yaus porter damage. » Je croi bien que, à le moni-
tion et requeste dou dit mareschal , aucun bon che-
valier et escuier dou royaume de France s'avanciè-
rent pour traire celle part. Toutes fois sçai je bien
25 que li gouvrenères de Blois ^ Alars de Donsceneue ,
à tout cinquante lances, y vint^ et ossi fîsent li contes
de Porsiien et messires Hues de Porsiien^ ses frères.
§ 650. Quant li contes de Canbruge et li contes
de Pennebruch et li baron de Poito et d'Aquitainnes,
30 qui là estoient moult estoffeement^ eurent estet de-
vant les François et ossi devant Belleperce le terme
[1370] LIVRE PREMIBR, % 650. 217
de quinze jours ^ et il veirent que point n'issoient de
leur bastide pour yaus venir eombatre , si eurent
conseil et avis que d'envoiier un hiraut d'armes de-
vers yaus, pour savoir quel cose il voloient faire. Si
en fu Chandos li hiraus eargiés, endittés et enfourmés 5
quel cose il leur diroit. Tant esploita li dessus dis
qu'il vint devers le duch de Bourbon , qui là estoit
entre ses gens. Si dist li hiraus ensi : n Monsigneur,
mi mestre et signeur m'envoient devers vous et vous
font à savoir par mi, qu'il sont trop esmervilliet de 10
ce que vous les avés sceus ja le terme de quinze
jours devant vous, et si n'estes point issus de vostre
fort pour yaus eombatre. Si vous mandent que , se
vous volés traire hors et venir devers yaus pour eom-
batre, il vous lairont prendre et aviser pièce de terre, 15
pour vous et yaus eombatre ensamble. Si en ait le
victore cilz à qui Diex l'ordonnera. »
 ceste paroUe respondi li dus de Bourbon et dist :
« Chandos, vous dires à vos mestres que je ne me com-
bâterai point à leur volenté et ordenance. Et bien sçai 20
voirement qu'il sont là^ mes point ne me partirai de
ci, ne delSerai mon siège, si arai racquis le chastiel de
Belleperce. » — « Monseigneur, dist li hiraus, je leur
dirai bien ensi. » Lors se départi sus cel estât Chan-
dos, et retourna devers ses- mestres et leur fist ceste 26
response. Si ne leur plaisi mies bien , et se remisent
en conseil ensamble. Issu de ce conseil, il disent
à Chandos aultres paroUes, lesquelles il voloient qu'il
raportast as François, si com il fist; et leur dist de
recief, quant il fu revenus : <c Signeur, mi signeur et 30
mestre vous mandent par moy que, puisque eomba-
tre ne traire hors de vos logeis ne volés, ne le pa-
Si 8 CHRONIQUES JX J. FROISSART. [4370]
reçon prendre qu'il vous ont fait^ que, dedens trois
jours, sire dux de Bourbon, à heure de tierce ou de
miedi^ vous verés vostre dame de mère mettre à che-
val et mener ent en voies. Si aiiés avis sur ce^ et le
5 rescoués, se vous volés ou poés. »
Lors respondi li dus de Bourbon^ et dist : u Chan*
dos, Chandos^ dittes à vostres mestres que il guerrient
mal honourablement^ quant une anciienne femme^ as-
seulée entre ses gens, il ont pris et Ten voelent mener
10 et ravir comme prisonnière. Et point n'a on veu^ en
guerre de signeurs^ dou temps passée que les dames et
damoiselles y fussent prises ne ravies. De madame ma
mère me desplaira^ se je l'en voi mener^ et le rarons
quant nous porons^ mes la forterèce n*enmenront il
15 point. Geste nous demorra, et pour ce que vous nous
avés ci mis avant des pareçons^ vous dires encores à
vos mestres que, se il voelent mettre sus les camps
jusques à cinquante hommes d'armes, nous en y
metterons ossi otant. Si en ait qui en poet avoir. »
20 — a Monsigneur, dist li hiraus , je leur dirai volen-
tiers tout ensi. » A ces mos, se départi Chandos d'yaus
et prist congiet, et s'en revint arrière devers le conte
de Cantbrugeet le conte de Pennebruch et les aul-
tres, à qui il fîst se relation. A le pareçon que li dus
25 de Bourbon leur envoia, n'eurent il point conseil
d'entendre. Si s'ordonnèrent selonc ce que pour
partir de là et mener ent la dame et chiaus dou fort,
qui estoient grandement ennoiiet et travilliet des en-
ghiens de l'ost.
30 § 651 . Quant ce vint au jour que li Englès mis et
ordonné y avoient, il sonnèrent au matin leurs trom-
j
[i370] LIVRE PREMIER, § 6»2. 219
pètes. Si s^annèrent et apparillièrent toutes gens , et
se traisent sus les camps tout en arroy de bataille , à
piet et à cheval, ensi que pour combatre, banièrcs et
pennons devant yaus. El là leva ce jour banière mes-
sires Jehans de Montagut^ neveus au conte de Salle- 5
brin. En cel estât où il estoient^ tout ordonné et ap-
pareilliez ensi que je vous recorde, et pipoient et
comoient leur ménestrel en grant reviel, à heure de
tierce, il lisent vuidier et partir chiaus de le forterèce
de Belleperce et madame de Bourbon^ et le lisent mon- 10
ter sus un palefroi bien ordonné et arrêt pour lui,
et ses dames et damoiselles avoech lui. Tout ce
pooient veoir li François qui estoient en leurs logeis,
se il voloient, et bien le veirent ; mes onques ne s'en
meurent ne bougièrent. 15
Si se départirent li Englès et leurs routes à heure
de midi; et adestroient la ditte dame messires Eus-
tasses d'Aubrecicourt et messires Jehans d'Evrues. Si
se traisent en cel estât en le princeté ; et demora la
dame une espasse de temps prisonnière as dittes 30
Compagnes, en le Roce Vauclère, en Limozin. Mes
onques ne pleut bien sa prise au prince; et disoit,
quant on l'en parloit^ que, se aultres gens Teuissent
pris que Compagnes, il leur euist fait remettre arrière
tantos. Et quant Ji dessus dit compagnon qui le te- 25
noient, l'en parloient, il leur disoit, quel trettié ne
marchié qu'il fesissent, il reuist son chevalier, mon-
signeur Symon Burlé, que li Franchois tenoient.
§ 652. Vous devés savoir que li dus de Bourbon
fu ce jour moult courouciés que li Englès en menè-
rent madame sa mère. Assés tost apriès leur depar-
30
2f0 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1370]
tement^ il se iraist avant et envoia ses gens prendre
et saisir comme sien le ehastiel de Belleperce que li
Englès avoient laissiet tout vaghe. Si le fist li dis dus
remparer, rapareiliier et refortefiier mieulz que de-
5 vant. Ensi se def&st et se départi ceste grande che-
vaueie : cescuns se re trais t sus son lieu^ et s'en râlè-
rent li François en leurs garnisons^ et li dus de Bour-
bon retourna en France , et li contes de Cantbruge
se tint en Angouloime dalés son frère le prince, et li
10 contes de Pennebruch^ o chiaus de se carge^ s'en vint
tenir en Mortagne sus mer, en Poito. Si s'espardirent
ces Compagnes et ces gens d'armes qui estoient re-
tourné de Belleperce, en Poito et en Saintonge, et
esvuidoient de vivres tout le pays , et encores y fai-
15 soient il moult de maulz et de villains fais^ ne il ne
s'en savoient ne pooient abstenir.
Assés tost apriès, se départi dou prince messires
Robers CanoUes, et retourna en Bretagne en son
ehastiel de Derval. Si n'eut pas esté là un mois,
20 quant li rois d*Engleterre li manda que il passast
mer et le venist veoir en Engleterre. A ce mande-
ment obéi li dis messires Robers CanoUes, et s'or-
donna et appareilla selonch ce, et entra en mer et
singla tant qu'il vint en CornuaiUe. Là prist il terre
25 en le Roce Saint Michiel, et puis chevauça tant
parmi le pays qu'il vint à Windesore, où il trouva le
roy qui le reçut liement, et ossi fisent tout li baron
d'Engleterre, pour tant qu'il en pensoient bien avoir
besongne , et qu'il estoit uns grans capitains et me-
30 nères de gens d'armes.
§ 653. En ce temps, se départi li dus d'Ango
[1370] LIVRE PREMIER, § 653. m
de le cité de Thoulouse^ et chevauça en grant arroi
parmi le royaume de France et esploita tant par ses
journées qu'il vint en le bonne cité de Paris. Là
trouva il le roy son frère et le duch de Berri et le
duch de Bourgongne ses aultres frères, qui le rechu- 5
rent liement et doucement. Et eurent adont li quatre
frère ^ le terme pendant qu'il furent ensamble à
Paris^ pluiseurs consaulz et consultations ensamble
sus l'estat des besongnes dou dit royaume^ à savoir
comiment il guerrieroient et se maintenroient sus 10
l'esté à venir. £t fri adonc ordonné et proposé que on
feroit deus grans et grosses armées et chevaucies en le
ducé d'Aquitainnes, desqueles li dus d'Ango et se route
gouATcneroit l'une et enteroit en Ghiane par devers
le Riolle et Bregerach, et li dus de Berri au lés devers 15
Limoges et Quersin. £t se dévoient ces deus armées
trouver devant le cité d'Angouloime et là dedens asse-
gier le prince. Encores fri adonc proposé et avisé par
grant délibération de conseil que on remanderoit en
Castille monsigneur Bertran de Claiekin, ce vaillant 20
chevalier, qui si loyaument s*estoit combatus pour la
couronne de France, et qu'il seroit priiés d'estre con-
nestables de France.
Quant li rois Charles et si frère et leurs consaulz
eurent tout ordonné et jette leur pourpos ensi qu'il 25
voloient que il se fesist^ et il se fru^ent esbatu un
grant temps ensamble et ce vint à l'entrée dou
mois de may^ li dus d'Ango prîst congiet à yaus
tous pour retourner premièrement en son pays, pour
tant qu'il avoit le plus lontain chemin à faire. Si 30
fu convoiiés des barons et de chevaliers de France,
pour ce qu'il en estoit durement bien amés et re-
%n CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1370]
commendës. Si chevauça ii dis dus par ses journées
tant et si bien esploita qu'il vint à Montpellier^ et
là séjourna plus d'un mois , et puis revint à Thou-
louse. Si se pourvei tantost de gens d'armes partout
5 où il les peut avoir^ et ja en avoit il grant fuison
qui se tenoient sus les camps et faisoient frontière as
Englèsy en Roerge et en Quersin. Car le Petit Mes-
cliiny Ëmaudon de Paus, Perros de Savoie, le bour
Camus, Antone le Nègre^ Lamit^ Jakes de Bray et
10 grant fuison de leurs routes s'estoient tenu toute le
saison environ Chaours, et avoient honni et apovri
tout le pays. D'autre part, li dus de Berri s* en revint
à Bourghes en Berri^ et fist un très grant mandement
de chevaliers et d'escuiers d'Auvergne, de France et
15 de Bourgongne. Ossi li dus de Bourbon se retray en
son pays^ et fist sa semonse pour estre en ceste
chevaucie, et assambla grant fuison de chevaliers et
d'escuiers de le conté de Forés et de Bourbonnois.
Li contes Pierres d'Alençon et messires Robers
20 d'Alençon ses frères se pourveirent d'autre part bien
et estoffeement.
En celle saison, estoit revenus de Prusce messires
Guis de Blois, qui là avoit esté chevaliers fais nou*-
vellement et avoit levé banière à une escarmuce et
25 grande rèse qui fu faite sus les ennemis de Dieu :
siques, sitos que li gentilz chevaliers fii retournés en
Haynau, et il oy nouvelles de ceste chevaucie qui se
faisoit et devoit faire de ses cousins de France en la
ducé d'Aquitainne^ il se pourvei bien et grossement
30 pour y aler. Et se parti de Haynau à tout son arroy, et
s'en vint à Paris représenter au roy qui le vei moult
volentiers et qui l'ordonna d'aler avoec le duc de
[1370] LIVRE PREMIER, § 654. 223
Berri en ceste chevaucie^ à une carge de gens d'armes^
chevaliers et escuiers. Si se parti tantost messires
Guis de Blois de le cité de Paris , et chevauça vers
Orliiens pour venir en Berri.
§ 654. Tout en tele manière que li rois de France 5
avoit ordonné ses années et ses chevaucies^ ordonna
li rois d'Engleterre en celle saison deus armées et
chevaucies. Et fu ensi fait que li dus de Lancastre
s'en iroît à quatre cens hommes d'armes et otant
d^arciers en la ducé d'Aquitainne pour conforter ses lo
frères^ car on supposoit bien en ce parti que là se
trairoient les plus fortes guerres pour le saison.
Avoech tout ce , li rois d'Engleterre et ses consaulz
jettèrent leur avis que il feroient une armée de gens
d'armes et d'arciers pour envoiier en Pikardie, de 15
laquele seroit chiés messires Robers Ganoiles^ qui
bien se savoit ensonniier de mener et gouvrener
gens d'armes et routes, car il Tavoit usé de grant
temps. Messires Robers à le priière et ordenance dou
roy d'Engleterre et de son conseil descendi liement, 20
et emprist ce voiage à faire et ariver Calais^ et
de passer parmi le royaume de France et de com-
batre les François, se il se mettoient contre lui as
camps : de ce se tênoit il pour tous confortés. Si
se pourvei selonch ce bien et grandement^ et ossi 25
fisent tout cil qui avoecques lui dévoient aler en ce
voiage.
En ce temps ^ fu délivrée de sa prison la mère au
duch de Bourbon en escange pour monsigneur Sy-
mon Burlé, chevalier dou prince. Et aida grande- 30
ment à faire les trettiés et les pourcas de se deli-
/
224 CHRONIQUES D£ J. FROISSART. [1370]
vrance messires Eustasses d'Aubrecicourt, de quoi li
dus de Bourbon et la royne de France l'en sceurent
bon gré.
Toute celle saison , avoient esté grant trettié et
j grant parlement entre le conseil dou roy de France
et le conseil dou roy de Navare qui se tenoit à Chie-
rebourch. Et tant s'ensonniièrent les parties de l'un
roy et de l'autre, que on remoustra au roy de France,
qu'il n'a voit que faire de tenir hayne à son serourge,
10 le roy de Navare, et qu'il avoit, pour le présent,
guerre assés as Englès, et trop mieulz valoit que il
laissast aler aucune cose dou sien, que plus grans
maulz en sourdissent; car, se il voloit consentir à
ariver les Englès en ses forterèces dou clos de Cous-
is tentin, il greveroient trop le pays de Normendie,
laquele cose faisoit bien à considérer et resongnier.
Tant fu li rois de France endittés et preeciés, qu'il
s'acorda à le pais, et vint en le cité de Roem, et là
furent tout li trettié remis avant et confermé. Et
20 alèrent devers le roy de Navare li arcevesques de
Roem, li contes d'Alençon, li contes de Sallebruce,
messires Guillaumes de Dormans et messires Robers
de Lorris : si le trouvèrent à Yrenon. Là y eut grans
disners et biaus, et grans festes, et puis amenèrent li
25 dessus nommé le dit roy de Navare à Roem devers
le roy de France. Là furent de recief toutes les
alliances et confédérations faites, jurées, escriptes et
seelées. Et me samble que li rois de Navare, par
pais faisant, de voit renoncier à tous couvens et pro-
30 ces d'amour, qui estoient entre lui et le roy d'Engle-
terre, et, lui revenu en Navare, il devoit faire def-
fiier le roy d'Engleterre. Et, pour plus grant seurté
[4370] LIVRE PREMIER, § 655. 225
d'amour tenir et nourir entre lui et le roy de France,
il devoit laiier ses deus fîlz, Charle et Pierre, dalés
leur oncle le roy de France.
Sus cel estât 9 il se partirent ensamble de Roem,
et vinrent en le cité de Paris. Et là eut de rechief 5
grans festes et grans solennités, et quant il eurent
assés jeué et festié ensemble , congiés fu pris. Et se
parti li rois de Navare moult amiablement dou roy
de France, et laissa ses deus enfans avoecques leur
oncle, et puis prist le chemin de Montpellier, et re- lO
tourna par là en le conté de Fois et puis en son
pays de Navare. Or retournions nous as besongnes
d'Aquitainnes.
§ 655. Vous savés, si com ci dessus est dit, com-
ment li dus d'Ango avoit esté en France, sus Testât 15
que, lui revenu en le Langue d'Ok, entrer effbrciement
en Ghiane; car nullement il ne pooit amer le prince
et les Englès, ne ne fist onques. Ossi ains son dépar-
tement, par le promotion de lui, li rois de France
envoia lettres et grans messages en Castelle devers le 20
dit roy Henri, que il volsist renvoiier en France mon-
signeur Bertran de Claiekin, si Fen saroit bon gré;
et ossi très amiablement li rois et li dus d'Ango en
escripsirent au dit monsigneur Bertran. Si fisent leur
message bien et à point chil qui envoiet y furent, et 25
trouvèrent en le cité de Lyon, en Espagne, le dit roy
Henri et le dit monsigneur Bertran, et leur remous -
trèrent les lettres que li rois de France et li dus
d'Ango lor envoiioient. Li rois Henris n'euist jamais ^
retenu monsigneur Bertran, et ossi messires Bertrans 30
ne se fust jamais excusés. Si se ordonna au plus tost
\ii — 15
tS6 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1370]
qu41 peut, et prîst congiet dou roy Henri, et se parti
à tout ses gens et esploita tant par ses journées que il
vint à Thoulouse où U dus d'Ango estoit, qui ja avoit
assamblé grant fuison de gens d'armes, chevaliers et
5 escuiers, et n'attendoit aultre cose que messires Ber-
trans fust venus, siques, à le venue dou dessus dit, li
dus d*Ango et tout li François furent grandement
resjoy et se ordonnèrent pour partir de Thoulouse et
entrer en le terre dou prince.
10 En ce temps, estoit venus à Hantonne li dus de Lan-
castre à quatre cens hommes d'armes et otant d*ar-
ciers. Et faisoient cargier leurs nefs et leurs vaissiaus
de toutes leurs pourveances, et avoient intention de
singler vers Bourdiaus, mes qu'il euissent vent.
15 Avoecques le dit duc estoient de se carge li sires de
Ros, messires Mikieus de la Poule, messires Robers
Rous, messires Jehans de Saint Lo et nlessires Guil-
laumes de Biaucamp, filz au conte de Warvich.
$ 656. Or se départi li dus d'Ango de le cité de
îO Thoulouse en très grant arroy et bien ordonné. Là
estoient li contes d'Ermignach, li sires de Labreth,
li contes de Pieregorth , li contes de Commignes, li
viscontes de Quarmaing, li contes de Lisle, li viscon-
tes de Nerbonne, li viscontes de Brunekiel, li viscon-
25 tes de Talar, li sires de Labarde, li sires de Pincor-
net, messires Bertrans de Taride, li senescaus de
Thoulouse, li seneschaus de Carcassonne, li senes-
caus de Biaukaire et pluiseur aultre. Et estoient
deus mil lances, chevaliers et escuiers, et sis mil
30 brigans à piet, à lances et as pavais. Et de toutes ces
gens d'armes estoit connestables et gouvrenères mes-
[1370] LIVRE PREMIER, $ 656. Ml
sires Bertrans de Claiequin. Et prisent le chemin d'A-
ginois, et trouvèrent encores sus les camps plus de
mil combatans^ gens de Compagnes et routes, qui
les avoient attendu toute le saison en Quersin^ et
chevaucièrent devers Agen. 5
La première forterèce où il vinrent, ce fu devant
Montsach. Li pays estoit si effraés de la venue dou
duch d'Ango^ pour le grant nombre de gens qu'il
menoit, qu*il fremissoient tout devant lui, et n'a-
voient les villes et li chastiel nulles volentés c[ue 10
d'yaus tenir. Quant li François furent venu devant
Montsach, il se rendirent tantost et se tournèrent
françois. £t puis chevaucièrent oultre devers le cité
d'Agen qui se tourna ossi et rendi françoise, et puis
vinrent devant Tonnins sur Garone. Et chevau- 15
ooient li François à leur aise, poursievant le ri-
vière pour trouver plus cras pays, et vinrent au Port
Sainte Marie qui se tourna tantost françoise< Et par-
tout mettoient li François gens darmes et faisoient
garnison et prisent Tonnins, et tantost se rendi et 20
tourna li chastiaus. Si y establirent un chevalier et
vingt lances, pour le garder.
En apriès; il prisent le chemin de Montpesier et
d'Agillon, ardant et exillant tout le pays. Quant il
furent venu à Montpesier qui est bonne ville et fors 25
chastiaus, il furent si effreé des gens le duch d'Ango,
que tantost se rendirent ; puis vinrent devant le fort
chastiel d*AghiIlon : là furent il quatre jours. Pour
le temps de lors , n avoit mies dedens le ville et le
chastiel d'Aghillon si vaillans gens que quant mes- 30
sires Gantiers de Mauni et ses gens l'eurent en
garde, car il se rendirent tantost au duch d'Ango :
2â8 CHRONIQUES DE J. FROISSÀRT. [1370]
dont cil de Bregerach furent moult esmervilliet com*
ment il s'estoient si tos rendu. A ce jour estoient
chapitainne de Bregerach messires Thumas de Fel-
leton et li captaus de Beus, à cent lances^ Englès et
s Gascon.
Tout en tele manière comme li dus d'Ango et ses
gens estoient entré en le terre dou prince^ au lés de-
vers Agen et Thoulousain^ chevauçoient li dus de
Berri et ses routes en Limozin à bien douze cens
^^ lances et trois mil brigans^ conquérant villes et chas-
tiaus etardant et exillant le pays. Avoech le duch de
Berri estoient li dus de Bourbon^ li contes d^Alençon,
messires Guis de Blois, messires Robers d'Alençon,
contes du Perce^ messires Guis de Blois, messires
^^ Jehans d'Ermignach, messires Hughes Daufin^ messi-
res Jehans de Villemur, messires Hughes de la Roce,
li sires de Biaugeu, li sires de Villai^, li sires de Seri-
gnach^ messires Griffons de Montagut, messires Loeis
de Melval^ messires Raymons de Maruel^ messires
^^ Jehans de Boulongne^ messires Godefrois ses oncles,
li viscontes d'Uzès, li sires de SuUi, li sires de Calen-
çon , li sires de Cousant , li sires d'Apcier, li sires
d'Apçon, messires Jehans de Viane, messires Huges
de Viane, Ainbaus dou Peschin et pluiseur aultre
-^ bon ciievalier et escuier. Si entrèrent ces gens d'ar-
mes en Limozin et y fisent moult de desrois, et s'en
vinrent mettre le siège devant le cité de Limoges.
Par dedens a voit aucuns Englès en garnison, que
messires Hues de Cavrelée, qui estoit seneschaus dou
^^ pays , y aVoit ordonnés et establis. Mais il n'en es-
toient mies mestre; ançois le tenoit et gouvrenoit
li evesques dou lieu, ouquel li princes de Galles
[1370] LIVRE PREMIER, § 657. 229
avoit grant fiance^ pour tant que c'estoit ses eom-
pères.
§ 657. Li princes de Galles qui se tenoii en le cité
d'Angouloime^ fu enfourmés et certefiiés de ces deus
grosses chevaucies dou duc d'Ango et dou duch de 5
Berriy et comment il estoient entré efforciement en sa
terre et par deus lieus. Et fu encores ensi dit au prince,
à ce que on pooit veoir et imaginer^ il tiroient à
venir devant Angouloime et li laiens assegier et
madame la princesse^ et que sur ce il euist avis. Li lo
princes, qui fu uns moult vaillans homs et imagi-
natis et confortés en toutes ses besongnes, respondi
que ja si ennemi ne le trouveroient enfremé en
ville ne en chastiel^ et qu'il voloit issir as camps
contre eulz. Si mist tantost clers et messagiers en 15
oevre d'escrire lettres et d^envoiier partout ses feaulz
et ses subgès en Poito, en Saintonge^ en le Rocelle,
en Roerge, en Quersin, en Aginois, en Gaurre et en
Bigorre ; et leur mandoit expresseement que cescuns
se presist priés de venir^ au plus tost que il peuist et 20
à tout le plus de gens qu^l pooit avoir, devers lui en
le ville de Congnach : là estoit ses mandemens assis.
Et se tray tantost de celle part^ madame la princesse
o lui^ et Richart leur jone fil.
Entrues que cilz mandemens se faisoit et que tou- 25
tes gens mandés s'apparilloient^ li François chevau-
çoient toutdis avant, gastant et exillant le pays^ et
s'en vinrent devers le Linde, une bonne ville et
forte seans sus le rivière de Bourdonne à une liewe
de Bregerach. Si en estoit chapitainne, de par le cap- 30
tal qui là l'avoit establi , uns moult appers cheva-
230 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1370]
liers de Gascongne qui s'appelloit messires Thonnés
de Batefol : cils avoit la ditte ville de le Linde en
garde. Or vinrent là par devant li dus d'Ango, li
contes d'Ermignach^ li sires de Labreth^ li contes de
5 Pieregorth, li contes de Comminges^ li viscontes de
Carmaing et tout li aultre baron et chevalier de leurs
routes. Si misent tantost par de devant le siège par
grant ordenance, et disent que il ne s'en partiroient
si l'aroient.
10 La ville estoit bonne et forte et bien pourveue
de tous biens et d'arteillerie^ car messires li captaus
et messires Thumas de Felleton y avoient esté de-
puis quinze jours y et l'avoient rafreschi à leur en-
tente. Et trop bien estoient cil de le Linde tailliet
15 d'yaus tenir^ se il voloient, parmi le confort que il
pooient avoir basteement, se il leur besongnoit^ de
Bregerach. Mes li homme de le ville estoient si enclin
à yaus tourner François que merveilles estoit , et en-
tendirent as trettiés et as prommesses que li dus
20 d'Ango leur faisoit et faisoit faire par ses gens. Et tant
fu preeciés li dis capitainnes messires Thonnés qu'il s'i
acoixla ossi^ parmi une somme de florins qu'il devoit
avoir et grant pourfit tous les ans dou duch d*Ango et
sur ce estre bons François. Et fu tout ordonné que,
25 sus une matinée, il devoit mettre les François en le
ville. Che marchié et le trettié furent sceu en le ville
de Bregerach le soir dont ce se devoit faire et livrer
l'endemain. Adonc estoit là venus li contes de Cant-
bruges à tout deus cens lances^ qui fu presens au ra-
30 port que on en fist.
De ces nouvelles furent messires li captaus et
messires Thumas de Felleton trop esmerveilliet , et
[i370] UVRB PREMIER, $ 657. Î3i
disent qu*il seroient au livrer le ville. Si se partirent
de Bregerach apriès mienuit à tout cent lances, et
chevaucièrent devers le Linde et vinrent là au point
dou jour. Si lisent ouvrir le porte à leur lés , et
puis chevaucièrent oultre^ sans point attendre^ à 5
l'autre porte par où li François dévoient entrer, qui
estoient ja tout apparilliet et entroient , et les met-
toit li dis messires Thonnés dedens. Donc se traist
avant li captaus de Beus, Tespée ou poing, et des-
cendi à piet assés priés de le porte ^ et ossi fisent lo
tout li aultre^ et dist en approçant messire Thonnet :
cr Ha 1 mauvais traittres > tu y morras tout premiè-
rement : jamais ne feras trahison après cesti. » A
ces mos, il li lança sen espée sur lui et le bouta si roi-
dément qu'il li embara ou corps et li fist sever plus 15
d'un piet à l'autre lés^ et l'abati là en le place tout
mort. Li François^ qui perçurent monsigneur le cap-
tai et se banière et monsigneur Thumas de Felleton
et se banière et leurs gens et comment il avoient
iàlli à leur entente, reculèrent tantost et tourné- 20
rent les dos.
Ensi demora 11 ville englesce^ et fu adonc en
grant péril d'estre courue et arse des Englès propre-
ment , et les gens tout mort , pour ce qu'il avoient
consenti ce tretlié. Mais il s'escusèrent si bellement 25
que ce qu'il en avoient fait ne consenti à faire, c'es-
toit par cremeur, et avoit esté principaument par
le foiblèce de leur chapitainne qui ja Tavoit com-
paré. Si s'en passèrent à tant et demorèrent en pais.
Mais cil doi signeur dessus dit demorèrent là tant que 30
li dus d'Ango et ses gens s'i tinrent et qu'il reprisent
un aultre chemin, (h* parlerons un petit de Testât et
232 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [4370]
de l'ordenance d'Engleterre, car il en chiet à parler,
et de le chevaucie monsigneur Robert CanoUe qu'il
fist parmi le royaume de France.
§ 658. Ançois que messires Robers Canolles et ses
5 gens se partesissent d'Engleterre, il y eut moult grarïs
consaulz entre les Englès et les Escos. Et furent si
sagement démenées les parolles , et par si vaillans et
si bonnes gens qui ressongnoient le damage de Tun
royaume et de Tautre, que unes triewes furent prises
10 entre l'un roy et l'autre, leurs pays, leurs gens et
tous leurs ahordans, à durer neuf ans. Et se pooient
li Escot armer et aler, comme saudoiier, leurs gages
prendans, dou quel lés qu'il voloient, Englès ou Fran-
çois : dont il avint que messires Robers, en se route,
15 en eut bien cent lances. Quant li dis messires Robers
et toutes ses gens, qui avoecques lui dévoient aler et
estre, furent appareilliet et venu à Douvres, et il fo-
rent passé oultre à Calais, il meismes passa tout dar-
rainnement etariva ou havene de Calais, et puis issi
20 à terre où il fu receus à grant joie dou chapitainne,
monsigneur Nicole Stanbourne, et de tous les com-
pagnons. Quant il se furent rafreschi cinq jours et il
eurent jette leur avis quel part il iroient et quel che-
min il tenroient, si ordonnèrent leur caroy et leurs
25 pourveances , et issirent par un matin et se misent
sus les camps moult ordonneement. Si estoient envi-
ron quinze cens lances et quatre mil arciers, parmi
les Galois.
Avoecques monsigneur Robert estoient issu d'En-
30 gleterre, par l'ordenance dou roy, messires Thumas
de Grantson , messires Alains de BouqueseUe , mes-
[1370] LIVRE PREMIER, § 658. 233
sires Gillebiers Giflkrs, li sires de Fil Watîer, mes-
sires Jehans de Boursier, messires Guillaumes de
Nuefville, messires Jofirois Ourselee et pluiseur aul-
tre, tout appert chevalier et vaillant homme d'armes.
Si vinrent, ce premier jour, logier assés priés de Fien- 5
nés. Messires Moriaus de Fiennes, qui pour le temps
estoit connestables de France, se tenoit en son chas-
tiel, et grant fuison de bons compagnons avoecques
lui, chevaliers et escuiers, qui furent tout pourveu et
avisé de rechevoir les Englè». A l'endemain, quant il lo
les vinrent veoir et il se misent en ordenajice pour
assallir, si passèrent oultre li Englès sans assallir; car
il veirent bien qu'il n'i avoit point d'avantage. Et
passèrent le conté de Gines et entrèrent en le conté
de Faukemberghe et l'ardirent toute; el vinrent de- 15
vant le cité de Tieruane , mes point n'i assallirent ,
car elle estoit si bien pourveue de gens d'armes qu'il
euissent perdu leur painne. Si prisent leur chemin
tout parmi le pays de Tierenois pour entrer en Artois;
et ^nsi qu'il chevaucoient trois ou quatre liewes le 20
jour, non plus n'estoit ce point, pour le cause de leur
caroy et des gens de piet , il se logoient ens es gros
villages et de haute heure, à miedi ou à nonne. Si
vinrent ensi , leur host atrainnant , tant qu'il furent
devant le bonne cité d'Arras. Li rois de France avoit, 25
celle saison, par tout ses cités, chastiaus, forterèces et
bonnes villes, à pons et à passages, mis grant fuison
de bonnes gens d'armes pour les garder et defFendre,
se il estoient assalli, et ne voloit que nulz*issist
contre yaus.
Quant messires Robers CanoUes et ses gens se dé-
partirent dou Mont Saint Eloy et de là environ , et
30
234 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1370]
il s'i furent rafreschi et leurs chevaus deux jours, il
s'ordoonèrent et passèrefnt oultre au dehors de la cité
d'Arras. Messires Guillaumes de Nuefville et messires
JofTrois Ourselee^ qui estoient mareschal de l'host^ ne
5 se peurent abstenir que il n'alaissent veoir chiaus
d'Arras de plus priés. Si se départirent de leur grosse
bataille environ deux cens lances et quatre cens ar-
ciers , et s'avalèrent ens es fourbours d'Arras et vin-
rent jusques as bailles : si les trouvèrent bien pour-
10 veues d'arbalestriers et de gens d'armes. Adonc estoit
dedens le ville d'Arras messires Charles de Poitiers
dalés madame d'Artois; mais il ne fist nul samblant
d'issir hors^ ne de combatre les Englès. Quant li En-
glès eurent fait leur course et il se furent un petit
15 aresté devant les bailles^ et il veirent que nulz n'iste-
roit contre yaus^ il se misent au retour devers leurs
compagnons qui les attendoient en une bataille ren-
gie et ordenée sus les camps; mais au partir il veu-
rent donner souvenance qu'il avoient là esté , car il
20 boutèrent les feus ens es foui*bours d'Arras, pour at-
traire hors chiaus de le ville qui nulle volenté n'en
avoient : liquelz feus fist grant damage , car il ardi
un grant monastère de Frères Preceours, clostre et
tout^ qui estoit au dehors de le ville.
25 Apriès celle empainte^ li Englès passèrent oultre et
prisent le chemin de Bapaumes, ardant et exillant
tout le pays. Si fisent tant par leurs journées qu'il
entrèrent en Vermendois et vinrent à Roie : si fu la
ville arse; et puis passèrent oultre et cheminèrent vers
30 Hem en Vermendois. Là avoient retrait tout cil dou
plat pays^ et ossi à Saint Quentin^ à Peronne et à
Noion ^ tout le leur : pour quoi li Englès ne trou-
[1370] LIVRE PREMIER, $ 659. 235
voient riens , fors les granges plainnes de blés , car
c'estoit apriès aoust. Si chevauçoient courtoisement,
sans yaus trop lasser ne travillier, deux ou trois
liewes le jour; et quant il trouvoient une crasse marce,
il y sejoumoient deux ou trois jours. Et envoioit 5
messires Robers CanoUes courir devant une ville ou
unchastiel qui estoient chief dou pays environ, et par-
loient li mareschal as chapitainnes sus assegurances^
en disant : « Combien vorrés vous donner en deniers
appareilliés pour ce pays de ci environ, et nous le res- 10
piterons d'ardoir et de courir villainnement? » Là se
composoienty sus certains trettiés et ordenances, li plas
pays à monsigneur Robert, et paioient une quantité
de florins : si estoient, parmi celle composition, respité
d'ardoir. Et y pourfita li dis messires Robers en ce 15
voiage, par ceste ordenance, de le somme et valeur de
cent mil frans : dont depuis il fu mal de court et acu-
sés au roy d'Engleterre qu'il n'avoit point bien fait
le besongne , si com il vous sera recordé avant en
Tystore. Toutesfois , la terre le signeur de Couci de- 20
mora toute en pais, ne onques li Englès n'i fourfîsent
à homme ne à femme qui y fust , ne qui desist seu-
lement : « Je sui à monsigneur de Couci, » qui vau-
sist un denier; et, se il estoit pris ou levé, il estoit
rendu au double. 25
§ 659. Tant esploitièrent li Englès qu'il vinrent
devant le bonne cité de Noion, qui bien estoit pour-
veue et garnie de bonnes gens d'armes. Si se arres-
tèrent là environ, et Tapprocièrent de moult priés, et
là avisèrent bien se nulz assaus leur poroit valoir. Si 30
le trouvèrent, à leur avis, bien breteskie et garitée et
236 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1370]
appareillie de defFendre, se mestier faisoit. Et estoit
messires Robers logiés en J'abbeye d'Oskans, et ses
gens là environ. Et vinrent un jour devant la cité,
rengié et ordené par manière de bataille, pour savoir
5 se cil de le garnison et li communauté de le ville
isteroient point ^ mais il n'en avoient nulle volenté.
Là eut un chevalier d'Escoce qui fist une grant aper-
tise d'armes, car il se parti de son conroi, son glave
en son poing, monté sus son coursier, son page der-
10 rière lui, et broça des esporons tout contreval le
montagne, et fu tantost devant les barrières. Et appel-
loit on le dit chevalier monsigneur Jehan Asneton ,
hardi homme et outrageus malement, et ossi avisé et
arresté en toutes ses apertises, là et ailleurs. Quant il
15 fu venus devant les barrières de Noion , il mist piet
à terré de son coursier et dist à son page : « Ne te
pars de ci; » et prist son glave en ses mains, et s'en
vint jusques as bailles, et s'escueilla, et salli oultre par
dedens les barrières. Là avoit des bons chevaliers
20 dou pays , messires Jehans de Roie, messires Drues
de Roie , messires Lancelos de Lorris, et bien dix ou
douze aultre, qui furent tout esmervilliet qu'il voloit
faire. Nonpourquant il le recueillièrent moult fditi- .
cément.
25 Là dist li chevaliers escos : « Signeur, je vous vieng
veoir; vous ne daigniés issir hors de vos barrières, et
je y daigne bien entrer. Je voeil esprouver ma ceva-
lerie à le vostre, et me conquerés, se vous poés. »
Apriès ces mos, il jetta et lança grans cops à yaus de
30 son glave, et eulz à lui des leurs. Et furent en cel
estât , ils tous seuls sus yaus escarmuçans et faisans
très grans apertises d'armes, plus d'une heure, et en
LIVRE PREMIER, $ 660. 237
navra un ou deux dès leurs. Et prendoit si grant plai-
sance à lui là combatre qu'il s'entr'oublioit ; et le
regardoient les gens de le ville de le porte et des ga-
rittes à grant merveille^ et li euissent porté dou tret
grant damage, se il vosissent, mes nennil, car li che^ 5
valier francois lor avoient deflfendu.
*
Tant fu en cel estât que ses pages vint sus son cour-
sier moult priés des bailles^ qui li dist tout en hault
en son langage : « Monsigneur, partes vous , il est
heure; car no gent se partent. » Li chevaliers qui lO
bien l'entendi^ s'apparilla sur ce et lança depuis deux
ou trois cops; et quant il eut fait, il se relança à
l'autre lés sans nul damage, et tous armés qu'il estoit^
il se jetta sus son coursier derrière son page. Quant
il fu suSy il dist as François : «Adieu, adieu, signeur^ 15
grant mercis. » Si broça des esporons et fu tantost
à ses compagnons : laquele apertise d'armes de mon-
signeur Jehan Asneton fîi durement prisie de toutes
gens.
§ 660. Messires Robers CanoUes, à son départe- 20
ment qu'il fist de le marce de Noion, ses gens ardi-
rent le ville dou Pont l'Evesque, sus le rivière d'Oise,
où il avoit grant fuison de bons hosteulz. Li cheva-
lier et li escuier qui estoient en le cité de Noion, eu-
rent grant desplaisance de ce feu et entendirent que 25
messires Robers Canolles et se route estoient parti
et retret. Si vuidièrent de la ditte cité environ sois-
sante lances, et vinrent encores si à point en le ville
dou Pont l'Evesque que il trouvèrent chiaus qui le
feu y avoient bouté et des autres ossi qui estoient zo
demoret derrière poiu* entendre au pillage. Si furent
238 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [4370]
resvillié de grant manière : car li plus grant partie en
furent mort et occis, et demorèrent sus le place. Et y
gaegnièrent li François plus de quarante chevaus et
rescousent pluiseurs prisonniers qu'il en voloient
5 mener^ et encore des biaus hosteulz qui euissent esté
tout ars^ se il n'i fuissent venu si à point ; et ramené-
en Noion plus de dix prisonniers englès asquelz on
copa les tiestes.
Or chevaucièrent li Englès en leur ordenance , et
10 montèrent amont pour venir en Laonnois, et pour
passer à leur aise le rivière d'Oize et ossi ceste d*Esne.
Si ne fourfisent riens à le conté de Soissons, pour tant
qu*elle estoit au signeur de Couci. Bien est vérités
qu'il estoient poursievoit et costiiet d'aucuns signeurs
15 et chevaliers de France, telz que dou conte Gui de
Saint Pol, dou visconte de Miaus^ dou signeur de
Kauni^ de monsigneur Raoul de Couci^ de monsi-
gneur Jehan de Melun, fil au conte de Tankarville,
et de leurs gens^ par quoi li Englès bonnement ne
SO s'osoient point desrouter^ mes se tenoient ensamble.
Et ossi li François ne se freoient point entre yaus,
mes se logoient tous les soirs ens es fors et ens es
bonnes villes, et li Englès sus le plat pays^ qui trou-
voient assés à vivre et de ces nouviaus vins dont il
25 faisoient grant larghèce. Et chevaucièrent ensi tant,
ardant et exillant et rançonnant le pays, qu'il pas-
sèrent le rivière de Marne et entrèrent en Campagne^
et puis le rivière d'Aube, et retournèrent en le marce
de Prouvins. Et passèrent et repassèrent pluiseurs fois
30 le rivière de Sainne, et tiroient à venir devant le cité
de Paris ; car on leur avoît dit que li rois avoit là fait
un grant mandement de gens d'armes , desquels li
[i370] LIVRE PREMIER, § 66i. 239
contes de Saint Pol et li sires de Cliçon dévoient
estre chief et gouvreneur. Si les desiroient li Englès
durement fort à combatre, et par samblant il mous-
troient qu'il ne voloient aultre cose que la bataille.
Et pour ce li rois de France escrisi à monsigneur Ber- 5
tran de Claiekin^ qui estoit en Âquitainnes avoech le
duch d'AngOy que, ses lettres veues, il se retraisist en
France, car il le voloit ensonniier d'autre part.
En ce temps, revint en* le cité d'Avignon papes
Urbains V**, qui avoit demoret à Romme et là environ lO
quatre ans, et revint en istance de ce que pour re-
garder comment pais se poroit faire entre les deux
rois, qui estoit renouvelée, qui trop li desplaisoit.
De la revenue dou dit pape et de tous les cardinaus
furent la cité d'Avignon et la marce d'environ moult 15
resjoïe, car il en pensoient à valoir mieulz. Or parle-
rons dou prince de, Galles comment il persévéra.
§ 661 . Vous avés chi dessus oy recorder comment
li princes de Galles avoit fait son mandement à Con-
gnach, sus l'enlention que de chevaucier contre le 20
duch d'Ango qui li ardoit et gastoit son pays. Si se
avancièrent de venir à son mandement, au plus tost
qu'il peurent, li baron, li chevalier et li escuier d'En-
gleterre, de Poito, de Saintonge et de la terre qui se
tenoit dou prince. Et se parti li contes de Pennebruch 25
de se garnison, à tout cent lances, et s'en vint de-
vers le prince.
En ce temps, arriva ou havene de Bourdiaus li dus
Jehans de Lancastre o sen armée, dont cil dou pays
furent moult resjoy, pour tant qu'il le sentoient bon 30
chevalier et grant chapitainne de gens d'armes. Li dus
240 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [i370]
de Lancastre et ses gens n'i fisent point trop lontain
séjour en le cité de Bourdiaus, mes s'en partirent tan-
tost, car il entendirent que li princes voloit aler
contre ses ennemis. Si se misent tantos au chemin
5 et trouvèrent , à une jourrée de Congnach , le conte
de Pennebruch qui tiroit celle part. Si se fisent
grans recognissances ^ quant il se retrouvèrent, et
chevaucièrent ensamble et vinrent à Congnach où il
trouvèrent le prince^ madame la princesse et le
10 conte de Cantbruge, qui furent moult resjoy de la
venue des dessus dis. Et tous jours venoient gens
d'armesy de Poito^ de Saintonge, de la Rocelle^ de
Bigorre^ de Gaurre et de Gascongne, et ossi des mar-
ées voisines obeissans au prince.
15 Li dus d'Ango, li contes d'Ermignach, U sires de
I^brethy li conte et li visconte, li baron et li cheva-
lier de leur acort^ si com ci dessus est dit^ qui
avoient conquis cités, villes, chastiaus et forterèces
en leur venue plus de quarante, et avoient approciet
20 le cité de Bourdiaus à cinq liewes priés et gasté tout
le pays environ Bregerach et le Linde, entendirent
que li princes de Galles avoit fait un grant mande-
ment et estoit venus à Congnac, et ossi li dus de JLan-
castre estoit arivés à tout grant fuison de gens d'ar-
25 mes et d'arciers ou pays. Si eurent conseil ensamble
comment il s'en poroient chevir.
Pour le temps de lors, estoit nouvellement mandés
messires Bertrans de Claiekin dou roy de France et
dou dueh de Berry, qui se tenoit à siège devant le
30 cité de Limoges 9 et les avoit telement astraihs qu'il
estoient sus tel estât que pour yaus rendre, mais
qu'il y euisl bons moiiens. A ce conseil dou
{1370] LIVRE PREMIER, § 662. 241
duch d'Ângo et des barons et chevaliers qui es-
toient là dalés lui et mis ensamble pour consil-
lier, fu appelles messires Bertrans de Claiekin, c'es-
toit raisons. Là eut pluiseurs parolles dittes et mises
avant. Finablement, tout considéré, on consilla au 5
duch d'Ango de desrompre pour celle saison se che-
vaucie et d envoiier toutes ses gens ens es garnisons
et de guerriier par garnisons^ car il en avoient assés
fait pour ce temps. Ossi^ il besongnoit et venoit gran-
dement à point les signeurs de Gascongne qui là es- lo
toient^ le conte d'Ermignach, le conte de Pieregorth
et les autres, de retraire en leurs liens et en leurs
pays , pour faire frontière , car il ne savoient que li
princes , qui avoit fait si grant assamblée , avoit em*
pensé. Si se départirent tout par commun acord li un 15
de Tautre, et se viut li dus d'Ango en le cité de
Chaours. Si s'espardirent ses gens et les Compagnes
parmi le pays que conquis avoient , et se boutèrent
ens es garnisons. Li contes d'Ermignach, li sires de
Labreth et li aultre retournèrent en leurs pays et 20
pourveirent leurs villes et leurs chastiaus grandement,
ensi que cil qui esperoient à avoir le guerre, et lisent
ossi estre tous appareilliés leurs gens , pour garder et
deffendre lor pays, s'il besongnoit. Or parlerons de
monsigneur Bertran de Claiekin qui se parti dou 25
duch d'Ango et fist se route à par li, et chevauça tant
qu'il vint au siège de Limoges où li dus de Berri et
li dus de Bourbon et grant chevalerie de France se
ten oient.
§ 662. Quant messires Bertrans fîi venus au siège, 30
si s'en esjoïrent grandement li François, et fu grant
\ii — 16
242 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1370]
nouvelles de lui dedens le cité et dehors. Tantost il
commença à aherdre les trettiés qui estoient entamé
entre l'evesque de Limoges et chiaus de le cité et le
duch de Berri, et les poursievi si songneusement et
5 si sagement qu'il se fisent et se tournèrent françois,
li evesques et chil de Limoges ; et entrèrent li dus de
Berri , li dus de Bourbon , messires Guis de Blois et
li signeur de France par dedens à grant joie , et en
prisent les fois et les hommages^ et s'i rafreschirent
10 et reposèrent par trois jours.
Là en dedens li dessus dit signeur eurent conseil et
avis qu'il desromperoient leur chevaucie pour celle
saison, ensi que li dus d'Ango avoit fait, et s'en re-
tourroient en leurs pays pour prendre garde à leurs
15 villes et forterèces pour monsigneur Robert CanoUes
qui tenoit les camps en France, et qu'il avoient bien
esploitié quant il avoient pris une tele cité comme
Limoges est. Cilz consaulz et avis ne fu de noient
brisiés. Si se départirent li signeur li un de l'autre, et
20 demora messires Bertrans ou pays de Limozin à tout
deux cens lances : si se bouta ens es chastiaus le si-
gneur de Melval qui estoit tournés françois.
Quant li dus de Berri se départi de Limoges, il
ordonna et institua à demorer en lé ditte cité, à le re-
55 queste de l'evesque dou dit lieu, monsigneur Jehan
de Villemur, monsigneur Huge de la Roce et Rogier
de Biaufort, à cent hommes d'armes , et puis se re-
traist en Berri, et li dus de Bourbon en Bourbonnois;
et li aultre signeur des lontainnes marces s'en revin-
30 rent en leurs pays. Or parlerons dou prince com-
ment il esploita.
[1370] LIVRE PREMIER, § 663. 243
«
§ 663. Quant les nouvelles vinrent au prince de
Galles que la cité de Limoges estoit tournée françoise
et que li evesques dou dit lieu^ qui estoit ses compères
et en qui il avoit eu dou temps passé moult grant fiance,
avoit esté à tous les trettiés et la voit aidié à rendre . 5
si en iu durement coureciés^ et en tint mains de bien
et de compte des gens d'église où il ajoustoit en
devant grant foy. Si jura l'ame de son père que chie-
rement comparer il feroit cil outrage à tous ceulz de
le cité, ne jamais n'entenderoit à aultre cose, si raroit 10
le ditte cité et s'en aroit fait se volonté et pris ven-
gance dou fourfet. Quant la plus grant partie de ses
gens ftirent venu, on les nombra à douze cens lances^
chevaliers et escuiers, mil arciers et trois mil hom-
mes de piet. Si se départirent de Congnac. Avoech 15
le prince estoient si doi frère, li dus de Lancastre, li
contes de Cantbruge^ et li contes de Pennebruch qui
s'appelloit ossi leurs frères. Messires Thumas de Fel-
leton et messires li captaus de Beus estoîent demoret
à Bregerach , pour là garder le frontière contre les 20
François et les Compagnes qui se tenoient sus le pays.
Encores estoient avoech le prince messires Guiçars
d'Angle, messires Loeis de Harcourt, li sires de Pons,
li sires de Partenay, li sires de Puiane, li sires de Tan-
nai Bouton , messires Percevaus de Coulongne , mes- 25
sires Jofirois d'Ai^enton, Poitevins ; et de Gascons : li
sires de Pumiers, messires Helies de Pumiers, li sires
de Muchident, li sires de Lespare, li sires de Montfer-
rant, li sires de Chaumont, li sires de Longuerem, mes-
sires Aymeris de Tarste, le soudich de l'Estrade, le si- 30
gneur de Condon, messires Bernardet de Labret, sires
de Geronde, et pluiseur aultre ; Englès : monsigneur
244 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1370]
Thumas de Persi, li signeur de Ros, monsigneur Guil-
laume de Biaucamp, monsigiieur Mikiel de la Poule,
monsigneur Estievene de Gousenton^ monsigneur
Richart de Pontehardon^ monsigneur Bauduin de
5 Fraiville^ monsigneur Symon de Burlé, monsigneur
d*Agorises, monsigneur Jehan d'Evrues, monsigneur
Guillaume de NeufVille et des aultres que je ne puis
mies tous nommer; et Haynuier : monsigneur Eus-
tasce d'Aubrecicourt ; et des Compagnes : monsigneur
10 Perducas del^breth, Maudon de Bagerant, Lamit,
le bourch de Lespare, le bourch Camus, le bourch
de Bretuel , Espiote , Bernart de la Salle , Hortingo ,
Bernart de Wist et moult d'autres.
Si se misent toutes ces gens d'armes au ehemin en
15 grant ordenance, et tinrent les camps; et commença
li pays à frémir tous contre yaus. Dès lors ne pooit
li princes chevaucier, mes se faisoit mener en litière
par grant ordenance. Si prisent le chemin de Limo-
zin pour venir devant Limoges, et tant chevaucièrent
20 li Englès qu*il y parvinrent. Si l'assegièrent tantost et
sans delay tout autour, et jura li princes que jamais
ne s'en partiroit si l'aroit à sa volenté. Li evesques
dou lieu et li bourgois de le ville sentoient bien qu'il
se estoient trop fourfet et qu'il avoient grandement
25 couroucié le prince : de quoi moult il se repentoient,
et se n'i pooient remediier^ car il n'estoient mies si-
gneur ne mestre de leur cité. Messires Jehans de
Villemur et messires Huges de la Roce et Rogiers de
Biaufort^ qui le gardoient et qui chapitainne en es-
30 toient, reconfortoient grandement les gens de le ville,
quant esbahir les veoient, et disoient : « Signeur^ ne
vous efiraés de riens : nous sommes fort et gens assés
[1370] LIVRE PREMIER, § 664. 245
pour tenir contre les gens et le poissance don prince;
par assaut ne nous poet il prendre ne avoir, car nous *
sommes bien pourveu d^artillerie. x)
Au dire voir, quant li princes et si mareschal eu-
rent bien imaginé et considéré le circuité et le force 5
de Limoges^ et il sceurent le nombre des gentilz
hommes qui dedens estoient, si disent bien que par
assaut il ne Taroient jamais. Ijors jeuèrent il d'un
aultre avis^ et menoit par usage toutdis li princes
avoech lui en ses chevaucies grant fuison de huirons lO
c'on dist mineurs. Chil furent tantost en oevre mis
et commencièrent à miner efforciement par grant or-
denance. Li chevalier qui estoient en le cité, cog-
neurent tantost que on les minoit : si commencièrent
à fosser à l'encontre d'yaus, pour briser leur mine. Or 15
parlerons un petit de monsigneur Robert CanoUes.
§ 664. Messires Robers CanoUes, si com ci dessus
est dit, estoit, o grant gent d'armes et arciers, entrés
ou royaume, et tout comparoient les povres gens et li
plas pays; car, ensi que li Englès aloient et venoient, 20
il y faisoient moult de desrois, et à ce qu'il mous-
troient, il ne voloient el que le bataille. Et quant il
eurent passé tous les pays , Artois , Vermendois, l'e-
vesquié de Laon, Tarcevesquié de Rains, Campagne,
et retourné en Brie, il prisent leur tour par devers le 25
cité de Paris, et s'i logièrent un jour et deus nuis.
Pour le temps de lors, .li rois Charles de France y
estoit, qui bien pooit veoir de son hostel de Saint
Pol les feus et les fumières qu'il faisoient au lés de-
vers le Gastinois. 30
A ce jour estoient en le cité de Paris li connesta-
246 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1370]
bles de France messires Moriaus de Fiennes, li con-
tes de Saint Pol, li contes de Tankarville, li contes
de Salebruce, li viscontes de Miaus^ messires Raouls
de Couci, li senescaus de Haynau, messires Oudars
5 de Renti^ messires Engherans du Edins^ sires de
Chastiel Y illain , messires Jehans de Viane y li sires
de le Rivière et pluiseur aultre grant chevalier et vail-
lant dou royamne de France ; mes point n'en issoient^
car li rois ne le voloit souffrir et le deffendoit. Car li
10 sires de Cliçon, qui estoit ossi là et li plus especiaus
de son conseil et li mieulz creus de tous les aultres ,
y mettoit grant detri et disoit : « Sires, vous n'avés que
faire d'emploiier vos gens contre ces foursenés : lais-
siés les aler et yaus saucier. Il ne vous poent toUir
15 vostre hiretage, ne bouter hors par fumières. » A le
porte Saint Jake et as barrières estoient li contes de
SaintlPol, li viscontes de Rohem, messires Raouls de
Couci, li sires de Kauni, li sires de Cresèkes, messi-
res Oudars de Renti, messires Engherans du Edins.
20 Or avint ce mardi au matin qu'il se deslogièrent ,
et que li Englès boutèrent les feus ens es villages où
il avoient esté logié, tant que on les veoit tout clere-
ment de Paris. Uns chevaliers de leur route avoit
voé le jour devant qu'il venroit si avant jusques
25 à Paris qu'il hurteroit as bailles de le porte. II n'en
menti point, mais se parti de ses conrois le glave ou
poings le targe au col, armés de toutes pièces, et
s'en vint esporonnant son coursier, derrière lui sus
un aultre coursier son escuier, qui portoit son baci-
30 net. Quant il deubt approcier Paris, il prist son ba-
cinet et le mist en sa tieste : ses escuiers li laça par
derrière. Lors se parti cils brochans des esporons, et
[1370] LIVRE PREMIER, S ««4- 2^7
s'en vint de plains eslais ferir jusques ens es bail-
les. Elles estoient ouvertes : se li fist on voie, et cui-
dièrent li signeur qui là estoient, que il deuist entrer
dedens, mais il n'en avoit nulle volenté; ançois,
quant il eut fait son fait et hurté as bailles ensi que 5
Yoé avoit, il tira sus frain et se mist au retour. Lors
disent li chevalier de France qui le veirent retraire :
« Aies, aies, vous vos estes bien acquittés. »
A son retour, cils chevaliers, je ne sçai comment
on le nommoit, né de quel pays il estoit, mais il s'ar- 10
moit de geules à deus fasses noires et à une bor-
dure noire endentée, eut un dur rencontre; car il
trouva un boucler sur le pavement, un fort loudier,
qui bien Favoit veu passer : si le ratendi et tenoit
une hace trenchans à longe puignie et pesant dure- 15
ment. Ensi que li chevaliers s*en raloit tout le pas et
qui de ce ne se donnoit garde, cils^ maleois bouciers
li vient sur costé et li desclike un cop entre le col et
les espaules si très dur qu'il le reverse tout en dens
sus le col de son cheval ; et puis recuevre. et le fiert 2C
ou visbus, et li embat sa hace tout la dedens. Li che-
valiers, de la grant dolour qu'il senti, chei à terre, et
li coursiers s'enfui jusques à Fescuier qui l'attendoit
au tournant d'une rue sus les camps : si prent le
coursier, et fu tous esmervilliés qu'il estoit avenu à 25
son mestre, car bien l'avoit veu chevaucier jusques
as bailles, et là hurter de son glave, et puis retourner
arrière. Si s'en vient celle part, et n'eut gaires aie avant,
quant il le vei entre quatre compagnons qui feroient
sus li ensi que sur une kieute. Si fu si efFraés qu'il 30
n*osa aler plus avant, car bien veoit qu'il ne li pooit
aidier : si se mist au retour, dou plus tost qu'il peut.
248 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1370]
Ensi fu là mors li chevaliers de le route des Ënglès, et
le fisent li signeur qui estoient à le porte^ ensepelir
en sainte terre; et li eseuiers retourna en Tost, qui
recorda l'aventure qui estoit avenue à son mestre.
5 Si en furent tout li compagnon coureciet, et vinrent
ce soir jesir entre Mont le Heri et Paris sus une petite
rivière, et s'i logièrent de haute heure.
§ 665. Entrues que messires Robers CanoUes et li
Englès faisoient leur voiage et que li princes de Gai-
10 les et si doi frère et leurs gens seoient devant le cité
de Limoges^ messires Bertrans de Claiekin et se route,
où il avoit espoir deus cens lances^ chevauçoient à
Tun des corons dou pays de Limozin ; mais de nuit
point ne gisoient as camps^ pour le doubte des ren-
15 contres des Englès^ mes eus es forterèces £rançoises
qui estoient tournées de monsigneur Loeis de Mel-
val^ de monsigneur Raymon de Marueil et des aul-
très. Et tout le jour chevauçoient et se mettoient
en grant painne de conquerre villes et fors. Bien le
20 savoit li princes , et en venoient à lui les plaintes
tous les jours; mais il ne voloit mies deffaire ne
brisier son siège, car il avoit pris trop à cuer l'ave-
nue de Limoges.
Et entra li dessus dis messires Bertrans en le vis-
25 conté de Limoges, un pays qui se tenoit et rendoit
dou duch de Bretagne monsigneur Jehan de Mont-
fort^ non des Englès^ et le commença à courir ou
nom de madame la femme à monsigneur Gharlon de
Blois, à laquele li hiretages avoit esté de jadis. Si y
30 fist là grant guerre^ ne nuls ne li ala au devant; car
li dus de Bretagne ne cuidoit mies que messires Ber-
[i370] LIVRE PREMIER, § 666. 249
trans le deuist guerriier, et vint devant Saint Iriet :
si l'assalli et fist assallir durement. Par dedens le ville
de Saint Iriet n'avoit nul gentil homme qui le seuls -
sent deffendre ne garder. Si furent si effreé quant
a seurent la venue de monsigneur Bertran de Claie- 5
kin, et ossi que on les assalloit si efibrciement^ com-
ment que leur ville fiist forte assés^ qu'il se rendi-
rent tantost et sans delay^ et se misent en Tobeis-
sanee de madame de Bre^gne pour qui il faisoit
guerre. De Saint Iriet fisent li Breton une grande 10
garnison , et le remparèrent et le fortefiièrent male-
ment^ qui greva depuis moult grandement au pays, ^
et par laquelle il prisent pluiseurs aultres villes et
chastiaus en le viseonté de Limoges. Or retourrons
nous au prinche de Galles. 15
§ 666. Environ un mois^ et non plus, sist li princes
de Galles devant le cité de Limoges , et onques n'i
fist assaUir ne escarmucier, mes toutdis songnoit de
se mine. Li chevalier qui dedens estoient et cil de le
ville, qui bien savoient que on les minoit^ fisent mi- 20
ner ossi à l'encontre d'yaus pour occire les mineurs
englès, mes il fallirent à leur mine. Quant li mineur
dou prince qui , tout à fait que il minoient , estan-
çonnoient, fiirent au dessus de leur ouvrage, si di-
sent au prince : « Monsigneur^ nous ferons reverser, 2$
quant il vous plaira, un grant pan dou mur ens es
fossés , par quoi vous enterés ens tout à vostre aise
sans dangier. » Ces paroUes plaisirent grandement
bien au prince. «Oïl^ dist il, je voeil que demain, à
heure de prime , vostre ouvrage se monstre. » Lors 30
boutèrent cil le feu en leur mine, quant il soeurent
250 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1370]
que poins fu. A rendemain, ensi que li princes l'avoit
ordené^ reversa uns grans pans dou mur qui rempli
les fossés à cel endroit où il estoit cheus : tout ce vei-
rent li Englès volentiers^ et estoient là tout armé et
5 ordené sus les camps pour tantost entrer en le ville.
Cil de piet y pooient bien entrer par là tout à leur
aise, et y entrèrent, et coururent à le porte, et copè-
rent les flaiaus et l'abatirent par terre et toutes les
bailles ossi. Et lu tout ce fait si soudainnement que
10 les gens de le ville ne s'en donnoient garde. Evous
le prince , le duch de Lancastre , le conte de Cant-
bruge, le conte de Pennebruch, messire Guiçart
d'Angle et tous les aultres, et leurs gens, qui entrent
ens., et pillart à piet qui estoient tout apparilliet de
15 mal faire et de courir le ville et de occire hommes et
femmes et enfans , car ensi leur estoit il commandé.
Là eut grant pité; car hommes, femmes et enfans se
jettoient en genoulz devant le prince et crioient : ^
« Merci , gentilz sires , merci 1 » Mais il estoit si en-
20 flammés d'aïr que point n'i entendoit, ne nuls ne
nulle n'estoit oïs, mes tout mis à l'espée, quanques
on trouvoit et encontroit, cil et celles qui point cou-
pable n'i estoient; ne je ne sçai comment il n'avoient
pité des povres gens qui n*estoient mies tailliet de
25 faire nulle trahison ; mais cil le comparoient et com-
parèrent plus que li grant mestre qui l'avoient fait.
Il n'est si durs coers, se il fiist adonc à Limoges et
il li souvenist de Dieu, qui ne plorast tenrement ddu
grant meschief qui y estoit, car plus de trois mil per-
so sonnes, hommes, femmes et enfans, y furent deviiet
et decolet celle journée. Diex en ait les âmes, car il
furent bien martir I En entrant en le ville, une route
[1370] LIVRE PREMIER, § 666. 251
d'Englès s'en alèrent devers le palais Tevesque : si lu
là trouvés et pris as mains et amenés sans conroy et
sans ordenance devant le prince qui le regarda moult
Tellement; et la plus belle paroUe qu'il li dist, ce fu
qu'il li feroit trencier le tieste, foy qu'il devoit à Dieu 5
et à saint Gorge^ et le fist oster de sa présence.
Or parlerons des chevaliers qui laiens estoient.
Messires Jehans de Villemur^ messires Hughes de la
Roce et Rogiers de Biaufort^ qui estoient chapitaihne
de le cité y quant il veirent le tribulation et le pesti- 10
lence qui ensi couroit sus yaus et sus leurs gens ^ si
disent : « Nous sommes tout mort : or nous vendons
chierement^ ensi que chevalier doient faire. » Là dist
messires Jehans de Yillemur à Rogier de Biaufort :
« Rogier, il vous faut estre chevalier. » Rogiers res- 15
pondi et dist : <c Sire, je ne sui pas si vaillans que
pour estre chevaliers , et grant mercis quant vous le
me ramentevés. » Il n'i eut plus dit^ et saciés qu'il
n'avoient mies bien loisir de parler longement en-
samble. Toutesfois, il se recueillièrent en une place et 20
acostèrent un vies mur, et desvelopèrent là leurs ba-
nières messires Jehans de Yillemur et messires Hu-
ghes de la Roce, et se misent en bon convenant. Si
pooient estre tout rassamblé environ quatre vingt.
Là vinrent li dus de Lancastre, li contes de Gant- 25
bruge et leurs gens, et misent tantost piet à terre
comme il les veirent, et les vinrent requerre de grant
volenté. Vous devés savoir que leurs gens ne durè-
rent point plenté à l'encontre des Englès, mes furent
tantost ouvert, mort et pris. 30
Là se combatirent longement main à main li dus
de Lancastre et messires Jehans de Yillemur, qui es-
î»2 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [i370]
toit grans chevaliers et fors et bien tailliés de tous
membres, et li contes de Cantbruge et messires Huges
de la Roce, et li contes de Pennebruch et Rogiers de
Biaufort. Et fisent cil troi contre ces trois pluiseurs
5 grans apertises d*armes, et les laissoient tout li aultre
convenir. Mal pour yaus, se il se fuissent trait avant.
Proprement li princes en son chariot vint celle part,
et les regarda moult volentiers, et y rafrena et ra-
douci, en yaus regardant, grandement son mauta-
10 lent. Et tant se combatirent que li troi François,
d'un acord, disent en rendant leurs espées : « Signeur,
nous sommes vostres et nous avés conquis : si ouvrés
de nous au droit d'armes. » — <c Par Dieu , messire
Jehan , ce dist li dus de Lancastre , nous ne le vor-
15 rions pas faire aultrement , et nous vous retenons
comme nos prisonniers. » Ensi furent pris li troi
dessus dity si com je fui enfourmés depuis.
§ 667. On ne se cessa mies à tant ; mes fu toute la
cités de Limoges courue, pillie et robée sans déport,
20 et toute arse et mise à destruction; et puis s'en par-
tirent li Englès qui enmenèrent leur conques et leurs
prisonniers et se retraisent vers Congnach où ma-
dame la princesse estoit. Et donna li princes congiet
toutes ses gens d'armes, et n'en fist pour celle saison
25 plus avant, car il ne se sentoit mies bien haitiés, et
tous les jours aggrevoit : dont si frère et ses gens es-
toient tout esbahi.
Or vous dirai de Tevesque de Limoges comment il
fina, liquels fu en grant péril de perdre la teste. Li
30 dus de Lancastre le rouva au dit prince; il 11 acorda
et li fist délivrer à faire sa volenté. Li dis evesques
I
I
[i370] LIVRE PREMIER, $ 668. 253
eut amis sus le chemin, et en fîi papes Urbains en-
fouîmes^ qui nouvellement estoit revenus de Rome
en Avignon^ dont trop bien en chei au dit evesque :
autrement il euist esté mors. Si le requist li dis papes
au duch de Lancastre par si douces paroUes et si 5
traittables, que li dus de Lancastre ne li volt point
escondire. Si li ottria et envoia^ dont li papes li sceut
grant gré. Or parlerons des avenues de France.
§ 668. Si fu enfourmés li rois de France de le des-
truction et dou reconquès de Limoges, et comment li lo
princes et ses gens l'avoient laissiet toute vaghe, ensi
comme une ville déserte : si en fîi trop durement
courouciés^ et prist en grant compassion le damage
et anoy des habitans d'icelle. Or fu avisé et regardé
en France, par l'avis et conseil des nobles et des pre- 15
las et le commune vois de tout le royaume qui bien
y aida^ que il estoit de nécessité que li François cuis-
sent un cief et gouvreneur nommé connestable; car
messires Moriaus de Fiennes se voloit déporter et
oster de l'offisce^ combien qu'il fust vaillans homs de 30
le main, entreprendans as armes et amés de tous
chevaliers et escuiers : siques, tout considéré et ima-
giné, d'un commun acord^ on y eslisi et donna on
vois souverainne monsigneur Bertran de Claiekin,
mais que il vosist emprendre l'office, pour le plus 25
vaillant, mieus tailliet et sage de ce faire et le plus
ewireus et fortuné de ses besongnes^ qui en ce temps
s'armast pour le couronne de France. Adonc escrisi
li rois devei*s lui et envoia certains messages que il
venist parler à lui à Paris. Cil qui y furent envoiiet, ao
le trouvèrent en le visconté de Limoges où il pren-
' 254 CHRONIQUES DE J. FROISSÀRT. [1370]
doit chastiaus et fors^ et les Êdsoit rendre à madame
de Bretagne^ femme à monsigneur Charlon de Blois;
et avoit nouvellement pris une ville qui s'appelloit
Brandome y et estoient les gens rendu à lui : si che-
5 vauçoit viers une aultre*
Quant li message dou roy de France tinrent venu
jusques à lui^ il les recueilla joieusement et sagement^
ensi que bien le savoit faire. Cil li baillièrent les letr
très dou roy et fisent leur message bien et à point.
10 Quant messires Bertrans se vei si espeeialment man-
dés, si ne se volt mies escuser de venir devers le roy
de France, pour savoir quel cose il voloit. Si se parti
au plus tost qu'il peut, et envoia le plus grant partie
de ses gens ens es garnisons qu*il avoit conquises. Et
15 en fist souverain et gardiien messire Olivier de Mauni
son neveu; puis chevauça tant par ses journées qu'il
vint en le cité de Paris où il trouva le roy et grant
fuison de seigneurs de son conseil qui le recueiUiè-
rent liement et li fisent tout grant reverense. Là li
20 dist et remoustra li rois proprement comment on
l'avoit esleu et avisé à estre connestable de France.
Adonc s'escusa messires Bertrans moult grandement
et très sagement, et dist qu'il n'en estoit mies dignes,
et que c'estoit uns povres chevaliers et petis bacelers
35 ou regard des grans signeurs et vaillans hommes de
France , comment que fortune l'euLst un petit avan-
ciet. Là li dist li rois que il s'escusoit pour noient et
qu'il couvenoit qu'il le fust, car il estoit ensi ordon-
né et déterminé de tout le conseil de France, lequel
30 il ne voloit mies brisier.
Lors s'escusa encores li dis messires Bertrans par
une aultre voie et dist : a Chiers sires et nobles rois.
[1370] LIVRE PREMIER, S 668. 25S
je ne vous voeil, ne puis, ne ose desdire de vostre
bon plaisir; mais il est bien vérités que je sui uns
povres homs et de basse venue. Et li oflisces de le
connestablie est si grans et si nobles qu'il convient,
qui bien s'en voelt acquitter^ exercer et esploitier et 5
commander moult avant, et plus sus les grans que sus
les petis. Et veci messigneurs vos frères, vos neveus
et vos cousins , qui aront carge de gens d'armes , en
hos et en chevaucies : comment oseroi je commander
sus yaus? Certes, sire, les envies sont si grandes que 10
je les doi bien ressongnier; si vous pri chierement
que vous me déportés de cel office et le bailliés à un
aultre qui plus volentiers l'emprende que je et qui
mieuls le sace faire. » Lors respondi li rois et dist :
« Messire Bertran , messire Bertran , ne vous escusés 15
point par celle voie; car je n'ai frère, ne neveu, ne
conte, ne baron en mon royaume, qui n'obéisse à
vous; et, se nulz en estoit au contraire, il me coure-
ceroit telement qu'il s'en perceverôit. Si prendés
l'office liement, et je vous en prie. » Messires Ber- 20
trans cogneut bien que escusances , que il sceuist ne
peuist faire ne inoustrer, ne valoient riens : si s'a-
corda finablement à Tordenance dou roy, mes ce fu
à dur et moult envis. Là fu pourveus à grant joie
messires Bertrans de Ctaiekin de l'office de le con- 25
nestablie de France; et pour li plus exaucier, li rois
Fassist dalés lui à sa table, et li moustra tous les
signes d'amour qu'il peut; et li donna en ce jour
avoech l'offisce plus de quatre mil frans de revenue,
en hiretage, lui et son hoir. A celle promotion mist 30
grant painne et grant conseil li dus d'Ango.
Tfm DU TEXTE DU TOME SEPTIÈME.
VARIANTES.
va — 17
VARIANTES.
§ 560. Tant ta. — Ms. étAmiem : En ce tamps, estoit ma-
damme la princesse moult enchainte. Si einst vollentiers li prinches
yen, enssi qu'il fist, que elle fîist accouchie devant son départe-
ment. Dont il ayint, entroes qu'il ordounnoit ses besoingnes et ses
paiemens, que la damme acoucha d'un biau fil, droitement par un
merquedi, à heure de tierce, le jour de l'Aparition des Trois Roys,
Tan mil trois cens soissante six. Et eut à nom chils fils : Richars,
et fu depuis roys d'Engleterre, si comme vous orés avant en •
l'istoire.
Le dimenche apriès , à heure de primme , se parti li prinches
de Bourdiauxj en très grant arroy, et touttez mannières de gens
d'armes ossi; mes li plus grant partie de ses hos estoient logiet à
Dasc et là environ. Si vint li prinches en le chitë de Dasc, et s'i
loga et séjourna, car on li dist que ses firères li dus de Lancastre
venoit. Et il estoit vray, car li dus de Lancastre voirement estoit
arrivés à grant gent d'armes en Constentin, en Normandie. Et
passa parmy le pays et parmy Bretaigne , et vint à Nantez, où li
dus de Bretaingne et la duçoise et li sires de Clichon et li baron
doupays lerechorent et festiièrent grandement, mes il ne séjourna
guaires, car on li dist que li prinches estoit partis de Bourdiaux. .
Si prist congiet au duc de Bretaingne et à le duçoise et à tous les
barons qui là estoient, puis se parti et chevaucha tant par ses
joumëes qu'il passa le Rocelle et Poito et tout le pays; et vint en
la bonne chitë de Bourdiaux. Si trouva le princesse gisant, qui le
rechupt liement et douchement, enssi q'une damme en cel estât.
Li dus prist congiet à lui assez briefment, et esploita tant qu*il vint
à Dasc, où il trouva son frère le prinche, quiencorres là l'atendoit.
Si furent les recongnissances grandes, car il ne s' estoient veu de
grant temps.
Assës tost apriès chou que li dus Jehans de Lancastre fu de-
viers son firère le prince venus , vint H comtes de Foys en grant
260 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1367]
arroi par deviers ces seigneurs pour yaux veoir tant seullement,
car mie n'estoit sen entension d'aler ens ou voiaige d'Espaigne •
ossi il n'en estoit point priiës ne mandes. Se le virent li dessus
dit seigneur vollentiers, et fu d'iaux biel conjols et bien rechus,
et au tierch jour qu'il eut là este, il s'en parti et retourna en son
pays, et promist et jura , à son département, au prinche toutte
amour et bon vinage. Encorres se tenoit li prinches à Dasc tous
quoys, et ses gens espars sus le pays, à l'entrée des pors don
royaumme de Navarre, car point ne savoient de certain se il pas-
seroient par là, ne se li roys de Navarre leur ouveroit le passaige,
car il ne se trairoit point avant. Mes disoit on communément en
lost du prince qu'il s'estoit accordés au roy Henry et qu'il doroit
les pas : de quoy li prinches et li roys Pierres estoient tons me-
rancolieux.
Or avint, entroex qu'il sejoumoient là, [que] messires Hues de
Cavrelée et les routtes prissent le chité de Mirande et le Pont le
Roynne, à l'entrée de Navare, dont tous li pais fu durement ef-
fraésy et en vinrent les nouvelles jusquez au roy. Quant li roys
de Navare entendi chou, que les G>mpaignes volloient par forche
entrer en son piiys, si fu durement courouchiés, et escripsi errant
tout le fait au prinche. Li prinches s'en passa assés bellement,
pour tant que on lui avoit dounnet à entendre qu'il se volloit tour-
ner deviers le roy ITenry ; mes c'estoit tout faux , enssi que bien
apparut, car li roys de Navarre envoya à Dasc, deviers le prinche,
un sien chevalier, le plus especial qu'il ewist, monseigneur Martin
de le Kare, sage homme et vaillant durement. Chilx messires
Martins parlementa au prinche et au roy dan Pierre moult longe-
ment. Et se porta parlemens si bien, qu'il alla querre son seigneur
le roy de Navarre et Tamena à le ville de Saint Jehan dou Piet
des Pors. Si allèrent deviers le roy de Navarre, pour mieux savoir
sen entente, li duz de Lancastre et messires Jehans Camdos. Si
les rechupt li roys liement et bien les festia. F~ 142 v« et 143.
Page i; ligne 3 : travilla. — Ms. Al : traw.eilla. F^ 373 v«.
— Ms. A 8 : travailla. F» 275.
P. 1, 1. 7 : enfes. — Ms. AS: enfant.
. P. 1, 1. 10 : ens es. — Ms. A % : dedens les.
P. 2, l. 5 : de Dasc. — Ms. A 8 ; d'Asc.
P. 3, 1. 2 ; songnier. — Ms, A 8 ; estre soingneux. F'»273 v«.
P. 3, 1. 11 : quoique il leur ewist en couvent. — Ms, 4 S .'
combien qu'il leur eust encouvenancié.
[4367] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 562. 261
P. 3, 1. 23 : errant. — Ms. J S: tantost.
P. 4, 1. 2 : le Rare. — Ms. ^ 8 ; la Kare.
P. 4, 1. 20 et 21 : ayoec. -— Le ms. A 8 ajoute : le chevalier.
F» 276.
P. 4, 1. 29 : couyans. — Ms, A% : couvenans.
P. 4, 1. 31 : segurs. — Ms. Al : seur. P» 274 v«. — Ms. A
8 : asseur.
P. 5, 1. 1 : entre. — Ms. Al : entres. — - Ms. A B : entrées.
§ tt61. Sus ce trettië. — Ms. ef Amiens : Depuis, se porta
lors tretiës qu'il amenèrent le roy de Navarre deviers le princh
en ung certain lieu parlementer, assés priés de Saint Jehan
dou Piet des Pors, en une ville que on appelle ou pais Piere-
f[o]rade. Là fîi ossi li rois dans Pières et ses conssaux, lî
prinches et ses conssaux. Là parlementèrent il ung grant temps.
Si furent renouvellëes leurs convenances devant faittes, et ordoun-
nées, acordëes et confremmëes. Et sceut chacuns quel cose il de-
voit tenir et avoir, et le jurèrent de rechief pour tenir un peu
plus establement, et l'endemain, il vinrent à Saint Jehan dou
Piet des Pors, et se logièrent li cors des grans seigneurs en le
ville, et li demorant par les camps et par les villaiges. F» 143.
P. 5, 1. 8 : li. — Mss. B 4', ^ 7, 8 ; leur.
P. 5, 1. 8 : plaisi. — Ms, A % : pleut.
P. 5, 1. 16 et 17 : renouvelées.... cstet. — M$. AS: renou-
veliez et couvenanciez quelz traittiez avoient este. P* 276.
P. 5, 1. 22 : ce. — Ms. A 8 : leur,
P. 5, 1. 24 : plaisoit. — Ms.* AS : plairoit.
P. 5, 1. 26 et 27 : voires prendant et paiant. — Ms. AS:
parmy les paiant.
P. », 1. 29 : en Dasc. — Ms. ^ 8 : en la cité de Dasc.
P. 6^ 1. 4 et 5 : il ne passeroit point. — M$. ^ 8 .- ilz ne pas-
seroient point.
P. 6, 1. 15 : Beus. — Jlf^. ^ 8 ; Beuch.
P. 6, 1. 20 I Glaiekin. — Ms. A S : Guesclinr.
§ 562. Entre Saint Jehan. — Ms. it Amiens : Entre Saint JeKan
dou Piet des Pors et Pampelune sont li destroit des montaignes
et li fort passage de Navarre, qui sont moult périlleux et moût
fellenës à passer. Et par especial adonc estoient, car ce fu droite-
ment en février, le qoatorzime jour, qu'il negoit et gelloit et fai-
Î62 CHRONIQUES DE J. KROISSART. [1367]
soit moot diviers tamps pour hommes et pour chevaiiz. Or regar-
dèrent li seigneur qu'il passeroient ces destrois et ces montaignes
en troix batailles et par troix journées, pour mieux passer à leur
aise. Si ordoonnèrent par droite honneur en l'avantgarde le duc
de Lancastre, et eut avoecq lui moût noble cheyalerie. Si en non-
meray les aucuns : premièrement, monsigneur Thummas.' don
Fort 9 messire Hues de Hastinges , messire Guillaumme de Bian-
camp, fis au comte de Warvich, li sires de NoefVille et messires
Jelums Camdos, qui estoit connestables de Tost et menères et sou-
verains de touttes les Compaignez, où il avoit bien quinze cens
lanches. Là estoit li sires de Rays, bretons, qui servoit mcmsei-
gneur Jehan Camdos à une quantité de gens d'armes en che
Yoiaige, sus ses frès, pour §e prise de devant Anroy. Et puis li
sires d'Aubeterre, messires Garsis don Castiel , messires Richars
Tanton, messires Robers Cheni, Gaillars de le Motte, Aimmeris
de Rochuwart, Guillaunmies de Qicleton, Willekot, le Boutiliier et
Penneriel ; tout chil estoient pennon et desoubz le pennon mon-
signeur Jehan Camdos. Apriès, passèrent li doy marescal de
rhost, messires Guichars d'Angle et messires Estievenes de
Gousenton, à belle compaignie de gens d'armes, et estoient plus
de dix mil cevaux. Si passèrent ces destrois et ces montaignes par
un lundi, à grant painne et à grant meschief. Touttefob, il fissent
tant qu'il furent tout outre, et se'logièrent le soir par deviers Pan-
pelune. Et avcnent li marescal le pennon Saint Gorge en leur
routte. F*i43.
P. 7, 1. 4 : felenés. — Mss. ^ 7, 8 .• félons. F» 275.
P. 7, 1. 4 : telz cent lieus. — Ms. A%: cent lieues. F« 276 v*.
P. 7, 1. 7 et 8 : en le moiiene. — Ms, A% : on milieu.
P. 7, 1. 9 : ahatesîssent* — Ms. ^ 8 ; se hastassent.
P. 7, 1. 23 : Estievenes. — Ms. A% : Estienne.
P. 7, 1. 27 et 28 : li sires de Nuefville. — Ms. A 17 •* mon-
seigneur Jdian de Neufville. P 344*
P. 7, 1. 28 : bretons. — Zems.Ail ajoute : gallou.
P. 8, 1. 2 : Rocewart. — Ms, A8 : Rochechouart.
P. 8, 1. 3 : WiUekok. — Mss. A %, 15 A 17 ; Yillebok.
F» 277.
P. 8, 1. 3 : le BouteUier. — Ms.AS : le Bouteillier.
5 tt6S. Ce mardi. '^Ms» d Amiens : Le mardi passèrent li prin-
ces de Galles, li roi dans Pierres et li roys de Navarre et très
[1367] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 864. 263
grant et noble chevalerie. Si estoient en le routte messires Loeys
de Harcourt, viscontes de Ghasteleraut et li viscontes de Rocou-
wart, messires Ustasses d'Aubrecicourt , messires Thummas de
Felleton, lî sires de Partenay, messires Helyes, messires Jehans,
messires Aimmenions de Pommiers, messires Thumas le Despens-
sier, li sires de Glichon, 11 sires de Courton, li sires de le Ware,
H sires de Boursier, li senescaux d'Acqnittaine, et cilz d'Aginois,
chils de Quersin, chilx de Roherge, chîlx de Poito et chils de
Bigorre, et bien yaux quatre mille, touttes bonnes gens, et estoient
bien huit mil chevaux : si eurent ossi moult destroit passage et
moult viUain.de froit, de nèges et de glace. Touttesfoix, il passè-
rent oultre et vinrent logier par deviers Panpelune. F' 143.
P. 8, 1. 10 : en le route. — Ms. -^ 8 ; en la droite route.
F» 277.
P. 8, 1. 19 et 20 : li seneschaus de Roerge. — Ces mots mon"
queni dans le msm A 8.
P. 8, 1. 24 : Loeis de Merval, — Ms. A V\ : monseigneur
Loys de Marueil. F» 344 v^.
P. 8, 1. 24 : messires Raimons de Morueil. — Ms, AVI \ mon-
seigneur Raymond de Merval.
P. 8, 1. 29 : le comble. — Ms. ^ 8 ; la comble.
§ 864. Le mercredi. — Ms, éC Amiens: Le [merquedi], passa
fi arrieregarde. Là estoient fi roys James de Maiogres, li comtes
d'Ermignach, messires Berars de Labreth, li sires de Muchident,
fi sires de Lespare, messires Aimmerîs de Tarse, li sires de Chau-
mont^ li sires de la Barde, fi soudis de Lestrade et tamaint bon
chevalier; et ossi messires Perdikas de Labreth, li bours de
Bretuel, fi bours Camus, Naudon de Bagerant, Bemart de le Salle,
Lamit et tous fi remannans des Gompaignes. Si se logièrent tout-
tes ces gens en le comble de Pampelune, et y trouvèrent assés
pain, car et vin, et poiurveanches pour leurs chevaux. Puis pas-
sèrent le venredi, fi sires de Labreth et fi captaux de Beux, à tout
deux cens lanches, et assës tost apriès messires Robers Canolles,
à bien cent lanches. Et enssi qu'il venoient, il se logoient par
l'ordounnance des marescaux, non mie autrement.
Quant touttes ces gens d'armes furent passes, ensi que vous
avés oy, par les destrois de Navare, et qu'il se furent iogiet en le
comble de Panpelune, il s'i rafresquirent là, je ne sai quant jours
Et entroes vint li roys de Navarre à Panpelune, et estoit inou
fSL -^r "^
A %
•V.
\ vi
— JE ^ 4 .
— /i» *ieir
#1/
■wvi r'ot^^ilt p«i^*i«*^ ^mnf |i*nâO «int F«C <te» Fnr^
^JT^ <t «y^M*/ ^91 d^ ^/jMDMs. 4Êt fia^atamt^ & fat
w^^r» *^/^^ y€f h, <wiv4Mil 4tt *» Imosksw et cinf «^
fif(>(. Ii pr^yJ»^ frtfl^e 1^ kttTM WÊ^ui hmalili ii m et
fe ^ivf^nt, prm «# l/iOfiM A^Mlwt ysat et les Bs« Se
Uifr^^f^ f>» fffiéfnéi% pr\é:%^ m tnmmt je Un
0tfrt^f$î m Ut «iifi^rfikpf ff^iofi ; « A U't% ymsmnt tt très
U^ ymiM iUi Cffiïkê H â'Actfaiumnt. 9 El h
Amimm fUtUnt ÊtUfmê Uàk qa» àty ^tûâeat
^nnmm ftfmê nrrifui mitoodo que tous et ?o$ gens soda
^ -
-ai
substance de par
r, -W.
'ZtJ. l 7
•K fîTï
C"
[1367] VARIANTES DU PREMIER LITRE, g 567. 265
par deçà les pors, et que vous aiiës les acors à nostre ennemy et
certainDes alliances, et vous nous Yoeilliës gueriier, dont nous
ayons grant merveille, car oncques nous ne vous fourfesismes
cose nulle, ne faire vorions, pour quoy ensi à main armée vous
doiiés venir sur nous pour nous toUir tant peu d*iretaige que
Dieux nous a dounnë, mes vous avés le grâce, Teur et le fortune
d'armes plus que nulx prinches terriiens ait au jour d'ui. Et pour
chou que nous savons de vente que vous nous querës pour avoir
bataille, voeiUiës nous laissier savoir par lequel les vous vorrës
entrer en Castille, et nous vous serons au devant pour deffendre
et garder nostre seignourie. Escript, etc. 39 Quant li prinches eut
leu la lettre et bien conssiderëe, 0 manda une partie de son cons-
aeil pour respondre à ces lettrez, et là fu mandes li rois dans
Pières. Si tinrent leur parlement enssamble pour conssillier le re&-
ponsce. Et bien dist li prinches que chilz bastars estoit ungs
vaillans et hardis homs, quant tel cose il requeroit, et li venoit
de grant hardement et de bon couraige. A che consseil eut
mainte parolle ditte et retournée. Et ne furent mies bien d'acort
adonc de donner responsce, et fissent demorer le hirault et le
tinrent tout aise, et li dissent qu'il le dévoient bien conjoir et
festiier, car U leur avoit aporté riches nouvelles. F<^ 143 v^.
P. 10, 1. 30 : o son effort. — Ms, Al : k son grant effort.
F» 275 V». — Ms. A%:k tout son grant effort. P 277 v^.
P. 11, 1. 4 : joians. — Mss. A^ 7, 8 ; joyeux.
P. 12, 1. 14 : grandement hardemens. -* Ms. AS: grande-
ment et hardiement.
P. 12, 1. 1 2 à 1 5 : vraiement. .. . maintenant. »- Ms. Ail : par
saint George, en ce bastart a un moult noble et vaillant cheva-
lier, et lui vient de très hault et noble couraige d'uinsi nous dési-
rer à trover pour nous combatre. T^ 335.
§ 867. Che propre jour. — » Ms. tt Amiens : Endementroes et
en ce meysme jour, s'avancha messires Thummas de Felleton^ et
demanda ung don au prinohe qu'il le volsist laissier aller des
premiers chevauchier deviers les ennemis, pour enquerre et sa-
voir de leur convenant, et où il se logoient ne tenoient. Li
prinches li acorda vollentiers.
■ Adonc se parti messires Thummas de Felleton, qui se fist chiës
de ceSte chevanchie. Si se missent avoecq lui messires Guillaumes
de Felleton, messires Thumas du Fort, messires Robers Ganollez,
• ■ •
#.
266 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1367]
messires Hues de Stamfort, messires Simons de Burlëe, monsei-
gneur Richart Tanton, monseigneur Gaillart Vighier, monseigneur
Raoul de Hastinges et messire d'Âgorisse. Si estoient bien huit
vingt lanches et trois cens archiers, tous bien montés et bonnes
gens d'armes, et chevauchièrent parmy Navarre, et avoient ghi-
des qui les menoient. Et passèrent le rivière d'Emer, qui est
moult fort et moult rade, au Groîng, et vinrent logier à Navaret
pour entendre et olr coumment li hos dou roj Henry se mainte-
noit ne où elle estent.
Endementroes que chou se faisoit et ordounnoit, fîi li rois de
Navare pris assés mervilleusement de monsigneur Olivier de
Mauni, si comme on disoit, entroes qu'il chevauchoit d'une ville à
autre. Dont moult estoit esmervilliés li prinches, et en appaisa
bellement et doucement la roynne de Navarre, sa femme, qui, en
plourant et en lamentant, K vint recorder le fait. Si li dist :
« Damme et belle cousinne, je vous promet loyaument que, se
nous pourfitons ens ou voiaige où nous allons, il y partira gran-
dement, et amenderons cbe fourfait sus chiaux qui Tout fait; mes
tant c'a ores, nons n'y poons mie bonnement entendre. Touttes-
fois, nous vous prions et enjoindons, se il vous faut nulle cose,
que vous ne nous voeilliës mies espargnier, car vous nous trou-
verez appareilliet. » — « Monsigneur, dist li damme, grant
merchis, et Dieux vous voeille oyr de tout le bien que vous me
proumetés. »
Or fu gouvernères et baux de tout le royaume de Navarce
messires Martins de le Kiire, qui emprist le prince à conduire et
amener parmy Navarre, et li fist avoir gides pour lui et pour ses
gens, qui chevauchoîent devant. Si se parti li prinches et touttes
ses os, et passèrent parmy ung pas, c'on appelle de Sarris, qui
moult leur fut diviers à passer, car il est estrois et petis, puis
cheminèrent parmy Epuske; mes illuecq trouvèrent il moût petit
de vivres, et tout sus ce pays, jusques à tant qu'il vinrent à
Sauveterre. F^ 143 v».
P. 13, 1. 31 : de monsigneur Olivier de Mauni. — Ms, Jil:
d'un vaillant chevalier durement, nomme monseigneur Olivier de
Mauny, Breton. F» 345.
P. 14, 1. 8 : deviner. — Ms. A%: deviser. P 278 v*.
P. 14, 1. 14 : sires. — Les mss, Al^% ajoutent: nourvous en
prions.
P. 14, 1. 18 : temprement. — Ms. J S : brieûnent.
VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 568. Î67
'^2 à 26 : La dame.... chevaliers. — Ms, A % : 1a
>'c s'en retourna et messire Martin de la Rare.
Vstours. — Ms, A % : destrois.
. — Ms, AS: le.
ï)etis. — Mss. A T et B k : est estrois et
. A%: estoit estroit et petit.
— Ms,B k : Espuske. F» 276 V>. —
cV Amiens : Sauveterre est une
n bon pays et gras, selonc les
vare et à l'entrée d'Espaigne.
> en cesd pays pour trouver vivres,
^es. Si quidièrent les dites Compaignes,
• >Libs le connes table et les marescaux, assail-
li cstoient en grant voUenté, tant pour recouvrer
ic vivres que pour le grant prouffit dou pillaige qu'A
lit dedans ; car tous li pays y estoit retrès de là environ,
..- le ûanche de le forterèce. Mes quant chil de Sauveterre en-
tendirent le prinche venu et se puissance et le roy dan Pière
avoecq lui, il furent tantost conssilliës d'iaux rendre, et se vinrent
représenter et offrir moult humblement au roy dan Pière, et li
criièrent merchy. Et li priièrent que il leur volsist pardounner
son maniaient, car il le recepvoient et recongnissoient pour leur
seigneur natui^el. Et ce qu'il s'estoient tourné deviers le bastart
son firère, che fu de force, non mie autrement, si ques li roys
dans Pierres leur pardounna son mautalent par le consseil dou
prinche. Et entrèrent dedens le fremeté li corps des seigneurs à
grant joie, et là se logièrent, et y furent par Tespasse de six jours.
Entroes estoient à Navaret, plus avant sus le frontière dou
pays y messires Thummas de Felleton, messires Guillaumes de
Felleton, messires Simons de Burlëe, messires Thununas dou Fort,
messires Hues de Stanfort, messires Robers CanoUes et li autre
chevalier et escuier dessus dit, qui avoient chevauchiet devant
pour mieux savoir le vérité dou convenant le roy Henry, et es-
toient bien huit vingt lanches et trois cens archiers. Si chevau-
choient bien souvent hors de Navaret, une fois d'un lés, et puis
d'un autre, pour mieux venir à leur entente. Et ja estoit logiés
li roys Henris sus les camps avoecques touttes ses hos. Si couroient
ossi li coureu** "'* '* sus le pays, pour aprendre les nou-
268 CHRONIQtJES DE J. FROISSART. [1367]
velles des Englès. Et avint que chil chevalier d'Engleterre che-
▼anchièrent un soir si avant, qu'il vinrent sus le get des Espa-
gnols, et se ferirent ens et prissent le chevalier dou get et
encorres des autres, et pub s'en retournèrent à Navaret. Si man-
dèrent au prinche tout ce qu'il avoient trouvet et fait, et là où 11
Espagnol estoient, car il en furent tout enfourmé par les prison-
niers qu'il tenoient. Et li roys fienris, d'autre part, sceut ossi par
ses gens et ses coureurs une partie dou convenant des Englez,
et dist qu'il volloit chevauchier et aller contre yaux.
Si se desloga [li roys Henris] et touttes ses gens de là où il
estoient logiet, et avoient en pourpos que de venir logier ens es
plains devant Victore. Si passèrent le rivierre et se traissent de
celle part. Quant messires Thununas de Felleton et li chevalier
dessus nommet entendirent ces nouvellez que U roys Henris avoit
passet l'aigfae et traioit tondis avant pour trouver le prinche et
ses gens, si eurent consseil et vollentë d'iaux deslogier de Navaret
et de prendre les camps, pour mieux savoir encorres le parfaite
venté des Espagnols. Si se deslogièrent de Navaret et se missent
as camps, et envoiièrent les certainnes nouvelles au prinche coum-
ment li roys Henris aprochoit durement.
Quant li prinches entendi chou, qui se tenoit encorres à Sauve-
terre, que li roys Henris prendoit son chemin et ses adrèchez
pour venir contre lui , si dist si hault que pluisseurs chevaliers
l'olrent : « Par me foy, chils bastars Henris est ungs vaillans et
hardis chevaliers, et li vient de grant proèce et de grant harde-
ment de nous querre enssî. Et puisqu'il nous quiert et nous le
querons ossi, nous nos devenons temprement trouver et combat-
tre. S'est bons que nous nos partons de chy et que nous allons
devant Victore premièrement prendre lieu et place, ainschois que
nostre ennemy y viegnent. » Dont se partirent à l'endemain bien
matin de Sauveterre li prinches et touttes ses gens, et cheminè-
rent tant qu'il vinrent devant Victore. Si trouva là li prinches
ses chevaliers, monseigneur Thumas de Felleton et les autres des-
sus nommes, à qui il fist grant feste, et leur demanda d'une oose
et d'autre. Entroes qu'il se devisoient, leur coureur raportèrent
qu'il avoient veu les coureurs des ennemis et tenoient de certain
que li roys Henris et ses gens n'estoient mies loing, par les assens
qu'il avoient veus et le convenant des Espagnolx. F^ 144.
P. 15| 1. 10 : Si s'espardirent toutes les hos. — M$, ^ 8 ; Si
s'espardy trestout l'ost. F» 278 v*.
\'\
TAOTES DU PREMIER LIVRE, S ^^' ^^^
**er. — Le im. J 8 afomie : ne reaislar.
— Ms. A 8 : Nazares. F* 279.
ssée l'aiguë. — Afr. ^ 8 •' passe la
Ms. et Amiens : Quant li prinches
. sounner ses trompettes et criier à
ost, qui toutte se remistet requeilla
hloment sus les cans par batailles, enssi
-t aler et pour tantost combattre. Là veist
^'A) bannierrez, de pennons et de toutte ar-
. que c'estoit une grant biautës au regarder. Là
..trde si bien rengie et si bien ordonnée ç'à parer ,
•. Lancastre estoit chiës et gouvrenères, et avoecques
..^tablez d'Acquittainne, messires Jehans Camdos, qui y
ut estofeement et en grant aroy. Là y eut fait par les
^ piuisseurs chevaliers. Si fist là li dus de Lancastre, en
lU garde, cbeyalier monseigneur Raoul Camois et monseigneur
■uitier Oursuwich et mcrnseigneur Thumas de Dainmiri et mon-
seigneur Jehan de Gramdson. Et en fist encorres li dus des autres
que je ne puis mies tout nommer, mes il y en y eult douze. Et
messires Jehans Camdos en fist ossi aucuns de bons escuiers
d'Engleterre et de son hostel, dont je me passeray briefment. Mes
il fist chevaliers : Gliton, Courson, Prieur, Guillaume de Feriton,
Ainmeri de Rocouwart, monseigneur Robert Bricquet et cesti de
le Motte Gaillart. Et li prinches fist chevaliers tout premièrement :
dan Pière le roy d'Espaigne, et monseigneur Thumas de Hollan-
dez, filz madamme le princesse, sa fenune, qu'elle eut de mon-
seigneur Thumas de Hollandes, qui fu si bons chevaliers , dont
ceste histoire fait mention chi dessus eus es gerrez de Bretaigne
et ailleurs, et monseigneur Henri de Gourtenay, monseigneur
Phelippe et monseigneur Pière de Gourtenay, monseigneur Jehan
Trivet et monseigneur Nicoulas Bonde et des autres piuisseurs.
Et enssi £ûssoient li autre par leurs bataillez de leurs amis et* de
leurs escuiers qui y volloient avanchier et qui estoient digne et
tailliet de devenir chevalier. Si en y eut fait ce jour bien trois
cens et plus. Et furent là rengiet tout ce jour pour atendre le ba-
taille et les ennemis^ qui point ne vinrent ne n'aprochièrent de plus
pries que li coureur ave' • car li roys Henris atendoit
encorres grans gens qr en sen ayde d'Arragon et
270 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [i3«7]
d'ailleim, et par especial monseignenr Beitran de daiequm , qui
amenoit plus de deux mil combatans. Si ne se Tolloit mies com-
battre sans toattes ses geos. Et de ce fa li prinches tons euwi-
reuz ; car ossi toatte sen arieregarde, oii bien avoit plus de six
mil combatans, estoit en derière plus de sept lieuwes dou pays,
dont 11 princbes, tout ce jour cpi'il furent rengiet devant Victore,
eut tamaint angouisse au coer, pour ce que tant demouroit li ar-
rieregarde. Mes nonpourquant, se li Espagnol fuissent trais avant,
il les emst combatus, coumment qu'il fist, il n'est mies doubte.
F» i44.
P. 18, 1. 14 : très au partir. — Ms. J B : dès au départir.
F* 279 V.
P. 18, 1. 29 : Grandson. — Âiss. Jl^B^eiBk : Grandon.
F* 277 y.
P. 19, 1. 1 : Gliton, Gourton. — Ms. Bk: (Xcbon, Tourson.
F» 278.
P. 19, 1. 1 : Gourton. — Mu. Jl^S : Gourson.
P. 19, 1. 1 : Ferinton. — Ms. Al : Feranton.
P. 19, 1. 2 : Rocewart. — Ms. A%: Rochechoart.
P. 19, 1. 10 : trois mU. ^Ms. AB : quatre mil. F* 280,
P. 19, 1. 19 : nient.— Mss. S k et A B : mie.
§ 870. Quant ce vint. — Ms» d^ Amiens : Quant ce vint au
soir et qu'il estoit beure de retraire, li marescal ordounnèrent et
coummandèrent de retraire et d'aller logîer, et ossi que chacuns
retoumast l'endemain sus le dite plache et que nulx ne passast
Tavangarde, et que cbacuns fust sus se garde et se logast desoubz
se bannierre bien et couvignablement. Tout tinrent ce ban et ceste
ordounnanche, excepté messires Tbumas de Felleton et se routte
de chevaliers, dont je parlay orains, qui chevauchoient devant pour
mieux entendre des Espagnos. Encorres, sus le soir, quant tout li
autre se retraissent , il se partirent de le grosse ost et s'allèrent
logier plus avant bien deux lieuwes dou pays.
Avint ce soir que li comtes dan Tilles , frères au roy Henry et
au roy Piètre , estoit en son logeis avoecques son frère le roy
Henry ; se li dist enssi : « Sire, vous savës que nostre ennemy sont
iogiet moult priés de chy. Si vous pri que vous me dounnës con-
giet que le matin je puisse chevauchier par deviers yaux à toutte
une routte de vostres gens , qui en sont en grant voUenté. Et je
vous ay en couvent que nous yrons si avant que je vous raporte-
[1367] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, S ^'7^- ^^^
ray vraies nouvelles et certainnez enssaignes des ennemis. » li
roys Henris, qui vit son frère en grant vollenté, ne li vot mies
oster ne brisier son bon désir, mes li acorda lîement. Tontte celle
nuit, H comtes dan Tilles quist et pria les compaignons, tant de
Franche comme de GastUlei pour aler avoecq lui en ceste
chevauchie, et en eult au matin bien suc mil, bien montés sus
bons chevaux. Et estoit ses frères Sansses avoecq hii et messires
Gonmes Garils; et de France : messires Emoux d'Audrehen, ma-
rescauz de Franche , messires li Règhes de Velainnes, li sires de
Nœfville, messires Jehans, li Bèghes de Villers, messires Jehans
de Berghètes, li AUemans de Saint Venant et plniseur chevalier et
escuier de Franche. Et encorrez y fust allés messires Rertrans de
Glaiequin, mes il estoit tantost descendus en Tost, qu'il venoit de
deviers Arragon à belle routte de gens d'armes. Se ne vot mies
acorder li roys Henris qu'il y alast, et messires Bertrans ne vot
riens faire oultre son coummandement. Encorres estoit li princes
logiës, et tonttes ses gens, ens es plains devant Victore. F^ 144
r« et v«.
' P. 19, 1. 30 : Guichars. -^ Ms. Jt % : Richart. F> 280.
P. 20, 1. 3 et 4 : couvâDumt. — Ms» AS: couvine.
P. 20, 1. 16 : resveille. — Ms. A 8 : recule.
P. 20, 1. 28 : cil d' Arragon. — M$. A 9 : ceulx de son ost.
P. 21, 1. 4 : Velaînne. — Ms.AS: Villaines.
S tt71. Quant ce vint. — Mt. et Amiens: Quant ce vint au
matin sus l'aube don jour, li comtes dan Tilles et tout li sien,
qui en le chevauchie dévoient aller, furent armé et monté, et se
partirent de leur ost et chevauchièrent par deviers les Bnglès, et
estoient bien six mil chevaux. Et vinrent si à point, sus une des
elles de Tost, qu'il encontrèrent en une vallée les sommiers et le
hamas monsigneur Hue de Cavrelée, à qui il fissent moult
grant dammaige ; car il tuèrent les variez qui les menoient, et
tournèrent tous les soummiers par deviers yaux, et cachièrent
plus d'une lieuwe monseigneur Hue et aucuns de ses hommes,
qui s'estoient ce matin deslogiet et s'en venoient deviers le
prinche. Et se ferirent les gens le comte dan Tille ens es logeis
de l'avaDtgarde, et couroient à val et à mont. Si en tuèrent
pluisseurs en leurs lis. Dont s'estourmirent durement chil de
l'avantgarde, et criièrent : « A l'arme! » Et s'arma chacuns
moût vistement, et se traissent deviers le logeis le duc, liquelx
272 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1367]
fu ossi moal tost armés, et se mist sus les camps, se bannierre
devant lui, et s'en vint prendre moult aviseement une montaigne
qui estoit au dehors de son logeis, et là se ralliièrent touttes ses
gens.
Si vous di que li Espagnol quidoient prendre celle montai-
gne, mais il n'y peurent venir à tans ; si «étendirent à autre
cose, à ochire et à decopper chiaux qu'il pooient enclore sus les
camps. Tantost fii li hos toutte estourmie. Si vinrent deviers le
duc de Lancastre li prinches, messires Jehans Gamdos et touttei
les autres bannierres de Tost des seigneurs qui là estoient; et
enssi qu'il venoient, il se rengoîent et ordounnoient sus le mon-
taigne et mettoient en bon couvenant. Si coummenchiàvnt à re-
bonter ces coureurs fort et roit. Là eut fait tamainte belle apper-
tise d'armes, tant d'un lés comme de l'autre, car Espagnol et
François estoient monté sus fleur de courssier, et couroient et
environnoient appertement les Englès, et leur lanchoient, en cou-
rant et en saillant, lanches et garvelos, et en blecièrent et navrè-
rent pluisseurs. Mes il se partirent assés briefmenty car toutte li
hos estoit si estourmie» que chacuns venoit là, qui mieux mieux,
et se mettoient en ordounnanche dallés le prince et le duc de Lan^
castre et desoubs leurs bannierrez.
Au retour que dl Espagnol et cil Franchois fissent, il encon-
trèrent les dessus dis chevalliers, monseigneur Thmnmas de Fel-
leton et ses frères, monseigneur Richart Tanton, monseigneur
d'Agorisse, monseigneur Huge de Hastinghes et monseigneur
GaiUart Vigier et des autres assés, et estoient bien deux cens
chevaliers et escuiers, englès et gascons. Si tost que Franchois et
Espagnol les perchurent, il brochièrent deviers yaux parmy ung
grant val. Ossi, quant li Englès les virent, il ne veurent mies
fuir, mes se requeillièrent tout enssamble et prissent l'avantaige
d'une petitte montaigne, pour yaux mieux combattre à leur aise.
Evous le comte dan Tille, monseigneur Ernoul d'Audrehen, mon-
seigneur Jehan de Noefville, monseigneur le Bèghe de Vellainnes
et les autres chevaliers et escuiers de Franche, qui s'en viennent
sour ces Englès et les assaillent fièrement et vaillamment de tous
costés, et Englès et Gascon ossi à yaux deffendre très apperte-
ment et moût vassaument.
Si fist une grant appertise d'armes et ung grant outraige mes-
sires Guillaummes de FeUeton; car il se parti de se routte, le
large au col, le lanche desoubz le brach, et feri ceval des espe-
J367] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, $ bli. 273
rons et s'en vint de plains eslais ferir entre les Espagnols. Si
conssieuwi un Kateloing qoi estoit durement grans mestres et
bien armes, mes touttes ses armures ne li vallirent nient, et li
bouta le lanche tout parmi le corps et le reverssa mort jus de
son cheval. Tant fu li dis messires Guillaummes [de Felleton] en^
vironnës d^uns et d'autres et assaillis fièrement, et lanchiës d'ar-
chigaies et de dars, et ses chevaux desoubz lui ochis. Là se def-
fendi li chevaliers moult vaillamment, et se combati une grant
espasse, et y fist merveilles d'armes de son corps ; mes finable-
ment, il ne peult durer ne li délivrer d'iaux tous. Si fu là ochis
entre ces Espagnols et ces Gatelains, qui n'en eurent nulle pité,
ja fîist il bons chevaliers et vaillans homs et de grant linage du-
rement.
Et d'autre part se combatoient chil qui pris le montaigne
avoient, moult vaillamment, et ossi sans espargnier on les assail-
loit, et leur lanchoient Espagnol lanches et dars. Au voir dire,
oncques on ne vit si peu de gens que chil estoient, faire les
grans appertises d'armes que cil fissent; car bien souvent il des-
cendoient et venoient combattre vaillamment main à main as
Espagnols et as Franchois, et les reculoient, et puis se retraioient
en leur montaigne, et Espagnol tantost revenoient sus y aux moult
fièrement. Là furent et se tinrent en cel estât dou matin jusques
à haulte nonne, qu'il quidoient tondis que secours leur dewist
venir, mes leurs gens estoient arrien*e bien deux grosses lieuwes
dou pays. Si leur couvint, en y aux combatant et dépendant, en-
durer mainte painne, et faire mainte appertise de leurs corps.
Là dist une fois li comtes dans Tilles, pour ce que ces gens
tant se tenoient, dont moult courouchiés estoit : « Avant! Avant,
seigneur ! Par le corps Jhesu Cris ! nous duront meshui ces gens ?
Nous les dewissiens ores avoir tous mengiés et dévorés. » Adonc
s'avanchièrent touttes mannierres de gens, Espagnoix et Fran-
choix, et s'en vinrent bouter sus yaux et les envayrent si fière-
ment que merveilles fu. Et vous di que finablement par forche
d'armes il les conquissent et prissent tous, petit s'en sauvèrent.
Là furent pris li troy frère de Felleton, messires Hues de Hastin-
ghes, messires d'Agorises, messires Richars Tanton, messires
Gaillars Vigier, li sires de Miton et plus de soissante chevaliers
englès et gascons, et ossi assés d'escuiers, tous gentils hommes et
gens d'armes, et si en laissièrent partie mors sus le place.
F*»144 v» et 145.
vu — 18
â74 CHRONIQUES DE J. FROISSÂRT. [i367]
P. 21 y I. 20 : dou prince. — Ms. A% : des Anglois. F* 280 v«.
P. 22, U 23 : prendre l'avantage. — Mss. B k^ A % : prendre
premièrement pour avoir l'avantaige. F* 278 v*.
P. 22, 1. 26 : estourmie. — Ms. A% : effraiez.
P. 22, 1. 29 ; aucune. — /> m/. ^ 8 ajoute : bonne.
P. 22, 1. 32 : portèrent, — Le ms. A 8 ajoute : aucuns.
P. 23, I. 6 : ses frères. — Mss. A 7^ S : son.
P. 23, 1. 8 et 9 : Vighier. -^ Ms. B k : de le Mote. F* 278 v».
P. 23, 1. 17 et i8 : E vous les Espagnols venus. ^-Ms. AS:
Et puis vindrent les Espaingnolz.
P. 23, 1. 22 : esporonnant; — Ms. AS: esproovant. F® 28i .
P. 23, 1. 29 : mieulz de lui. — Ms. A S : ne pourroit mienlx.
P. 23, 1. 31 : Si frère. —Mss. A1,S : Son frère.
P. 24, I. 15 : envoiiet. — Le ms. A S ajoute : secourir et.
§ S7S. Apriès le prise. — Ms, tt Amiens : Si s'en retournè-
rent appertement et en menèrent leurs prisonniers, et ne cessè-
rent de chevauchier. Si vinrent en Tost le roy Henry qui les re-
chupt à grant joie, car li comtes dan Tilles, ses frères, li présenta
et li recorda toutte se chevauchie, coumment il trouvèrent pre-
mièrement les gens mcssire Hue de Cavrelée et coumment il les
desconfirent; et apriès, il s'adrecicrent en Tavantgarde dou
prinche et resvillièrent fièrement le duc et toutte se routte, et
ossi coumment il si combatii-ent ; et quant il s'en furent parti, il
trouvèrent et encontrèrent ces chevaliers qui les avoient pour-
sieuwois et heriiés, passet avoit quinze jours, et coumment il les
assaillirent et prissent par force d*armes. « En nom Dieu! biau
frère y dist li roy s Henris, vous avës bien esploitiet et vaillam-
ment* Si soiiës li bien venus, et vous en say très bon gret; car
vous m*avés grandement resjoy et toutte nostre host. Et vous di
que j'ay bien espoir que tout li autre venront par ce parti et que
tout seront nostre prisounnier : ossi nous voellent il tolir nostre
hiretaige. »
A ces paroHes se traîst avant messires Emous d'Audrehen,
marescaux de Franche, qui oy avoit le roy Henry parler enssi.
Si dist : a Ha ! chiers sires, coumment qu'il nous soit bien venu
de cest encontre, encorres n'avés vous mies desconffis tous les
bons chevaliers dou prinche, car bien sachtës que, quant à
yaux vous combaterës, droite gent d'armes vous les trouvères,
tiers et hardis, tel que doient y estre tout bon chevalier : car je
[43671 VARUNTES DU PREMIER LIVRE, § 573. 275
ne croy mie que, en toute chrestienneté^ on en dewist autant
trouver de bons que li prinches en a avoecq lui. Mes, se vous me
voliîés croire, vous les desconfiriés bien sans cop ferir; car, se
vous voUiës tenir et garder les pas par où il doient passer, et ossi
vostre host bien songneusement garder, il ne poroient entrer en
Espaingne, ne vous porter nul contraire, mes s'en retoiu*oient par
deffaulte de vivrez, et lairoient vostre pays en pès/ » Adonc crola
la teste li roys Henris, et dist : c< Dans marescaux, par mon
chief, j'ay grant désir de veoir le prince desoubs sa bannière, et
d'assambler ma puissance à la sienne ; car, se Dieux donne, enssi
qu'il fera, s'il li plaist, et j'y ay bien fianche, que nous les puis«
sions desconfire, j'en seroie honnourés à tous les jours dou monde,
en toutte terre où on en orroit parler, et demourroie en pais en
cbe royaumme, et tout mi hoir à tousjours mes. »
Ensi se devisoient li roys Henris et messires Ernouls d'Audre-
hen en leurs logeis, et fissent as chevaliers d'Eagleterre et de
Gascongne prisonniers très bonne compaignie, par le consseil et
enort des chevaliers de Franche : autrement n euist ce mies
estet. F» 143.
P. 25, 1. 28 et 29 : retenoit. — Mx. A 8 ; entendoit. F« 28i V.
P. 26, 1. 8 : est. — Le ms, A 8 ajoute : toute.
P. 26, 1. 28 : dix mil. — Mss. A 7 et S : vingt mil.
P. 26, 1. 32 : dars. — Le ms. A il ajoute : pennars, cous*
tilles, faussars et espaphus. F^ 347.
P. 26, 1. 32 : pavais. — Ms. AS : penars.
§ 875. Li princes. — Ms. d* Amiens : Li prinches de Galles
se tenoit tous rengiës, et ses battailJes touttes ordonnées devant
Victore, et s'y tinrent tout le jour qu'il furent escarmuchiet dou
comte dan Tille, car il quidoit que li roys Henris et ses batailles
deuissent descendre et aprochier celle part; mais il ne l'avoit
mies en son consseil, ainschois se tenoit en ung biau plain, c'on
claimme Saint Vinchant, où il avoient de tous vivres assés et lar-
gement, et li prinches et ses gens n'en avoient pas trop grant
fuison.
Quant les nouvelles vinrent au prinche qui si chevalier estoient
pris, messires Thummas de Felleton et li autre, et ochis mes-
sires Guillaummes de Felleton, si en fu durement courouchiés,
et ossi fu toutte li hos. Celle nuit se logièrent â devant Saint
Victore, tout armé et en leur batailles chacuns sires avoecques
276 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [4367]
ses gens et desoubs se bannierre, et Tendemain il s'armèrent
et missent en ordounnanche de bataille, enssi qu'il a voient estet
le jour devant. Si vous di que il faisoit moult dor tamps et moult
destroit de vent, de pleuve et de nège. Et enduroient et soufiroient
gens d'armes et chevaux moult de durtez et mallaises, et y men-
gast bien ungs homs le jour pour demy florin de pain et otant en
vin : encorres tous euwireux qui le pooit avoir. Si furent en
celle mesaise six jours, sans cevauchier avant ne retourner ar*
rierre.
Quant li prinches et li seigneur qui avoecq lui estoient vi*
rent que li roys Henris n'aprocheroit point et que bonnement
on ne pooit aller jusques à lui par les destrois et les pas, qui
estoient bien gardé, il se deslogièrent de devant Saint Victore et
retournèrent deviers Navarre, et passèrent ung pas et ung des-
trois qui est appelles li pas de le Garde ; et quant il eurent passé
ce pas, il s'en vinrent tout cheminant parmy le pays, et chevau-
cièrent tant qu'il vinrent à Vianne. La se loga li prinches. Si s'i
rafreschy et touttes ses gens ossi, et puis vint passer le rivierre
au pont dou Groing, et se loga che jour devant le Groing, de-
soubs les oliviers ens es vregiers.
Quant li roys Henris seult que li princes avoit passet le pont
dou Groing et qu'il estoit logiës là environ, si dist qu'il l'apro-
cheroit, et se desloga de Saint Vinchant et s'en vint logier de-
soubz Nasères, sus celle meysme rivierre.
Che sceut li prinches tantost qu'il estoit logiés ens ungs biaus
plains sus le rivierre. Si en fu tous liés et eut adonc consseil et
voUentë qu'il li rescriproit lettres et feroit response deue et cou-
vignable as lettres que li roys Henris li avoit envoiies. Si res-
cripsi, en disant ensi. F® 145 V.
P. 27, 1. 30 : ewireux. — Ms. A %: voulentiers. F* 282.
P. 28, 1. 21 : Saint Vinchant. — Mss. AS, 15 à 17 ; Saint
Michaut.
P. 28, 1. 26 : homme. — Ms. AS : chevalier.
P. 28, 1. 29 : remanoir. — Ms. AS: demourer.
P. 29, 1. 1 : devisoient. — Ms. AS: devisoit.
§ S74. Ëdouwars. — Ms, (f Amiens : « A très renoummé et hon-
nouré Henri, conte de Tnstemare, et qui pour le temps présent
s'appelle roys de Castille. Comme enssi soit que vous nous avés
escript et segnediet par vos lettrcz que vollentiers vous vorriës
[4367] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, $ 575. 277
savoir pourqaoy nous tenons à amy vostre ennemy, et pourquoy
nous sommes aloiiet avoecq lui, tant qu'à ce, nous vous respon-
dons que nous avons, de grant temps a, eu atianches et couvens
enssamble, et que cestes ne sont pas de nouviel. De recief, nous
l'aidons et comfortons et le tenons à amy , par amour et par
pitë et pour aidier à deffendre droiture ; car ce n'est ne drois ne
raisons q'uns bastars doie tenir ne porter courounne. Touttesfois,
pour tant que de proèehe, d'onneur et de vasseillaige, vous estes
assës renoummës, et que on vous tient, tant qu'en armes, à moult
vaillant homme, nous avons bonne voUenté et grande affection de
vous mettre à acord, se nous poions, et à bonne pais, par deviers
le roy dam Pière, nostre chier et amé cousin. Et là où nous le
porions faire, nous en serions tous joiant, et vous ferions tenir
grant part en Castille ; nies le courounne et le nom de roy vous
faut il laiier. Et che que vous en vorrés faire, se par traitié vous
voiles aller avant, si nous renvoiiës tantost, ces lettres veues et
conssillieSy vaillans et sages homs qui de che se sachent enson-
niier. Et, se vostre oppinion voilés tenir, sachiës que nous vous
combaterons au plus tost que nous porrons, et enterons en Es-
paigne par lequel lés il nous venra le mieux à point. Escript, etc.
de par le prinche d'Acquittainne et de Galles. » F* i45 v**.
P. 29, 1. 42 : respondons. — Mss. B 4, A^ 7, 8 ; respondans.
F» 280.
P. 29, 1. 4 5 : entériner. — Ms. JS : entretenir. P> 347 v».
5 tt78. Quant ceste. — Ms. d Amiens : Si tos que la lettre fu
escripte, on le saiella, et le fist délivrer li prinches au hiraux le
roy Henry, qui les autres avoit aportées et qui le responsce atten-
doit. Si se parti li dis hiraus dou prinche et des seigneurs, tous
liés et tous joyans, car on li dounna grans dons et biaux jeuiaus,
draps et mantiaux fourrés d'ermine et de vair. Si s'en revint en
l'ost de son seigneur devant Nazères. Si bailla au roy Henry la
lettre de par le prince, liquels tantost l'buvri et lisi tout chou
qui dedens estoit, et appella au lire monseigneur Bertran de
Claiequin et aucuns de son cousseil, et puis leur demanda qu'il
leur en sambloit. « En nom Dieu, sire, dist messires Bertrans de
Claiequin, à vous en tient dou respondre et dou scavoir. Vous
poés olr quel cose li prinches vous mande, coumment il dist
qu'il vous acorderoit voUentiers entre vous et vostre frère : or
savés vous se vous y voilez avoir acord, parmy tant que vous
• \
278 CHROIflQUBS I» J. FROISSART. [1367]
vos déporteras de le oourounne. » — « Par me foy, dan Ber-
tran, dist li roys Henris, nennil. Li comte, li baron, li chevalier
et tout chil de ce pays m'ont courounné et tiennent à roy, et roys
voeil je demourer, vivre et morir en cel estât. » Dont respondi
messires Bertrans et dist : « Sire, or soiiës tous confortés, car
temprement vous combaterës ; de tant connoie je bien le prinche
et son aflaire; Si est bien mestier que vous aiiës avis soor ce, et
que vous entendes à faire vostre gent à appareillier tellement
qu'il n*y ait riens que dire, quant li bataille se fera, et regardés
sur quel avantaige et par quel ordounnance vous vorrés ouvrer ;
car je vous di que avoecq le prinche et en ses conrois est toutte
fleur de chevalerie et de bachelerie : là sont li meilleur oomba-
tant de tout le monde, li plus sage, li plus hardi, li plus fort et li
plus dur, et qui le mieux y sèvent prendre leur avantaige. » —
a Dan Bertran, respondi li rois Henris, tout ce croi je assés,
mes sachiés que contre leur puissanche je sui tous comfortés, car
je aray bien trois mil chevaux armés qui seront sur les deux cos-
tés des deux esles de mes batailles? Et aray bien six mil géniteurs
et touttes les milleurs gens d'armes c'on puist trouver en £spain-
gne, en Porlingal, en Cordouan, en Se ville et ou royaumme
d'Arragon. Et de telz gens d'armes y aray bien vingt mil, et aray
bien soissante mil hommes de piet à tout lanches et archigaies.
Et m'a chacuns proummis foy et loiauté, et ne me fauront pour
tout morir en le plache : siques, dan Bertran, je ne m'esmaie mie
que je n'en aie le milleur, par le grasce de Dieu en qui de tout
je me confie. » F<« 145 v«et 146.
P. 30, 1. 3 : Nazres. —Ms.JS : Nazares. F» 282 y*.
P. 30, 1. 9 : de Claiekin. — Ms. ji S : du Guesclin.
P. 30, 1. 13 : temprement. ~ 3îs. A % : briefment.
P. 30, 1. 24 : Gordewan. — Ms, A% : Cordoen,
P. 30, 1. 26 : archigaies. -^ Le mt. A M ajoute : espaphus.
F* 348.
§ tf 76. Ensi se devisoient. — Ms. ^Amiens : Or vous dirons
dou prince qui à Tendemain, qui fu par un venredi, se desloga
de devant le Groing , et touttes ses gens ordonneement chevau-
chans en bataille, chacuns sire dcsoubs se bannierre ou se pennon,
enssi que pour tantost combattre, et cheminèrent ce jour deux
lieuwes. Et envoiea li prinches partout ses coureurs avant et ar-
rierre pour savoir le vérité des Espagnos, liquel se traviUièrent
^1367] VARIANTES DU PREMIER UVRE, $ 577. 279
mottlt pour reporter ent le certainnetë. Touttesfois, li coureur
dou prince chevaucièrent tant et si avant qu'il virent et trouvè-
rent le couvine et i*ordounnanche dou roy Henry et de toutte sen
ho$t, et en raportèrent le vérité au prince et a son conseil à Na~
varet là où il estoit logiés, et dissent coumment 11 Espagnol estoient
logîés eus es bruières assës pries dou Nasares, tout seloncq le ri*
vierre. De ces nouvelles fu li princes tous joieans, et fist segne-
fiier secrètement tout aval son host que chacuns fuist armés et
appareilliés pour partir au son des trompettes, et que nus ne che-
vauchast devant le pennon saint Gorge et le bannierre des ma-
rescaux, et ossi que chacuns s'avisast , x^onfessast et adrechast à
son loyal pooir, qui dévotion en avoit, car à ^l'endemain sans
faulte on se combateroit. F^ 146 v^*.
P. 31, 1. 14 : par bataille. — Ms, J S : par manière de ba-
taille. F* 282 V*.
P. 31, 1. 20 : couvenant, -^ Ms. A 8 : couvine. F" 283.
P. 31 , 1. 2!i : Nacres. — Ms. AS: Nazares.
P. 31, 1. 32 : envoiiés. ^- Ms. AS: commis,
5 tt77. Tout en tel manière. — Ms. tT Amiens : Tout enssi
que li prinches avoit ordounnés et envoiiés ses coureurs devant
pour adviser et espiier le convenant des Espagnols, li roys Hçnris,
d'autre part, avoit envoiiés les siens pour aprendre de Testât dou
prinche et où il estoit logiés. Si raportèrent si coureur que li prin-
ches estoit à Navaret, et touttes ses gens logiés là et environ. De ces
nouvelles fu li roys Henris moult liés et dist\ puisqu'il li estoient
si priés, que l'endemain il les combateroit. Et fist, dou soir, de
haute heure, toutte mannière de gens soupper et aler reposer, et
fist segnefiier et ordounner que, au premier son de ses trompettes,
chacuns se levast et appareillast; au second son, il fuissent tout
armé ; au tierch son, il fuissent tout sus les camps, et à piet, tout
cil qui le dévoient estre ; et à cheval, tout armé, chil qui ordoun-
net y estoient d'estre, et que nuls, sus le teste, ne se mesist de-
vant les bannierres des marescaux. Chib bans fu tenus. Et s'alla
chacuns aisier et reposer en son logeis, boire et mengier, car il
avoient assés et largement de quoy, et dormir ent qui dormir
volt.
Quant ce vint environ mienuit, les trompettes dou roy Henry
sounnèrent : si se levèrent et appareillièrent touttes mannierres de
genSy et fissent en leurs logeis grant fuisson de feux, et alumèrent
280 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1367]
grant pientë de torses et de cerge» pour veotr plus cler, et se
taisoient tout quoi. Enssi que une grande heure apriès, on sonnna
de rechief secondement les trompettes le roj. Adonc s'armèrent
touttes gens par bon loisir. Enssi que deux heures apriès, on
sounna le tierch cop. Dont se partirent il de leurs logeis et se
traissent touttes mannierres de gens, à piet et à cheval, sus les
camps, et ordounnèrent leurs batailles par l'avis de monseigneur
Bertran de Claiequin, dou comte dan Tille, dou comte de Dunne,
ung très bon chevalier d*Arragon , et de monsigneur Emoui
d'Audrehen. Chil quatre signeur dessus noummet fissent touttes
les ordounnanches.
Si eurent la premierre bataille messires Bertrans de Claiequin,
li comtes Sansses, frères an roy fienry, li comtes de Dunne, U
marescaux d'Audrehen , li Bèghes de Vellainnes, messires Jehans
de Noefviile, li Bèghes de Villers. Et furent tout li Franchois, li
Normant, li Breton, li Pickart, li Bourghignon et li compaignon
estraignier enssamble : s'en y avoit bien quatre mil, chevaliers et
escuiers, et tout en grant vollenté de combattre et de bien faire
le besoingne. Si se tenoient ces gens en leurs batailles, en bon
convenant et tout à piet.
De la seconde bataille estoit chiës li comtes dan Tilles, frères
au roy Henry et bons chevaliers durement, et avoit avoecq lui
bien seize mil hommes parmi les geneteurs et chiaux à cheval, et
se traissent ung petit en sus, à le senestre main de le bataille
monsigneur Bertran.
A l'autre costë, sus destre, estoit li grosse bataille dou roy
Henry, liquels avoit bien trente mil hommes d'armes et bien trois
mil arbaleslriers et grant fuison d'autres gens dou pays à man-
nière de villains, qui n*estoient mies, au voir dire, trop bien ar-
mes ; mes il portoient lanches et gavrelos pour lanchier, archi-
gaies trenchans et fortes coutilles, et li pluisseur, fondes, pour
jetter pierres.
D'autre part, sus les deux esles des batailles, estoient li cheval
armé et li chevaucheur sus, moult bien armet et en bon couve-
nant, et estoient environ troi mil et cinq cens, fort et hardi par
samblant. Si gouvrenoient ces cevauceurs quatre hardis cheval-
liers, durement renommet d'armes en Espaigne et en Castille. Li
ungs fu appelles messires Gomes Garils ; li autres , li grans
prieurs de Saint Jehan; li tiers, li maistres de Saint Jame; li
quars, messires Ferrans, mestres de Caletrave» Et estoient chil
[1367] VARUNTES DU PREMIER LIVRE, g 5^78. 281
chevalier et chil chevauceur enssi estaubli et mis sus les deux
esles des batailles, pour radrechier et recomforter les mesaisiës et
entendre as batailles qui branleroient.
Quant touttes ces batailles furent ordounnëes et que chacuns
seut ce qu'il dut faire, li rois Henris monta sus ung moult biel
palefroy et fist venir ses deux frères dalles lui, dan Tille et
Sanse ; et puis chevaucha par devant les batailles en amoneslant
ses gens et en priant qu'il vohissent, pour leur honneur, enten-
dre à bien faire le besoingne, et leur remoustroit coumment il le
avoîent fait roy et proiunmis et juret qu'il ne li fauroient. Et fai-
soit, en chevauchant et en passant devant ses batailles, à chacun
si bonne chière et si lie, que tout se contentoient de lui et li re<-
nouvelloient ses couvens, et li disoîent et affioient que pour morir
il ne li fauroient. Quant il eut enssi cevaucié de renck en renck,
il s'en revint en se bataille et renvoiea ses frères as leurs , et se
tinrent enssi et sus le place moult faiticement ordounné jusques au
jour. Or vous deviserai le convenant des Englès ossi bien que
j'ay fait celui des Espagnols. F^ 146 v^.
P. 32, 1. 25 et 26 : d'Audrehem. — Les nus. u^ 15 à 17 ajou-
tent : monsigneur Olivier de Mauny, monsigneur Hervë de Man-
ny son frère. Ms. ji il, ^ 348.
P. 33, 1. 2 : France. — Les mss. ^ 15 à 17 ajoutent : de Rre-
tàgne. F« 348.
P. 33, 1. 4 : frichement. — Ms. A 8 : friquement. P'283.
P. 33, 1. 9 : en sus. — Ms, A% : arrière.
P. 33, 1. 15 : rade. — Mss, J7,S : roide. F« 280 v«.
P. 33, 1. 19 : sa. — Mss. Al,%: la.
P. 33, 1. 26 : fourpasser. — Ms. A %: suppasser. F« 283 v*.
g )S78, li princes de Galles — Ms. et Amiens : Celle meysme
nuit que li prinches estoit à Navaret et qu'il seult par ses cou-
reurs qui li raportèrent, que li roys Henris estoit à deux lieuwes de
là, il congnut et senti bien que combattre les couvenoit; et c' es-
toit li plus grans désirs qu'il ewist, car li plus de touttes ses gens
estoient à grant destrèce de faminne et avoient estet bien quinze
jours. Si volloit don tout, et ossi faisoit ses gens, mettre et aven-
turer pour mieux avoir leur aise qu'il n'ewissent eus jusques à
ores. Dont, ce venredi apriès mienuit, droit sus l'aube dou joiur
dou samedi, li prinches se leva et fist sounner ses trompettes. Si
s'armèrent touttes mannierres de gens. Et oy li prinches messe.
282 CHRONIQUES DE J. FROISSÂRT. [1367]
et oflsi fissent pluisseurs signeurs en leurs logeis, et s acumeniiè-
rent tout chil qui veurent et qui dévotion en eurent. Assés tost
apriès, on sounna les trompettes dou département, car li prinches
volioit aprocier les ennemis. Si montèrent tout à cheval qui che-
val eurent, et se partirent de Navaret et de leurs logeis si gente-
ment et si arreement rengiet et ordounnet que c'estoit ungs grans
déduis dou veoir. Si vous di qu'il ne prissent mies adonc le plus
droit chemin pour venir sus le roy Henry, mes chevaudiièrent à
le droite main en tournant une grande montagne, et le passèrent,
et puis descendirent en ung val. Ja estoit grans jours et solaus
levés moult biaux et moult clers. Quant li Englès eurent avallet
celle montaingne, il perchurent leurs ennemis en très bon conve-
nant, et touttes leurs battailles rengies et ordounnëes, et bannières
et penons venteler au vent , et ossi li Espagnol les perchurent.
Dont se coummenchièrent touttes les batailles à restraindre , tant
d'un lés comme de l'autre^ et virent bien qu'il les couvenoit com-
battre* Si fissent en Tost le roy Henry à che donc pluisseurs che-
valiers, car ençorres en y avoient il petit fait ; et par especial en
le bataille monsigneur Bertran de Gaiequin en y eult pluisseurs
fais. Et tondis aprochoient les gens le prinche, car il requeroient
leurs ennemis.
Ung bien petit devant ce que les batailles dévoient aprochier,
messires Jehans Camdos aporta se bannierre, toutte envolepée, au
prinche, et li dist enssi moult doucement : « Monsigneur, je vous
ay servi ung long tamps à mon loyal pooir, et tout ce que Dieux
m'a dounné de bien, il me vient de vous : si savés ossi que je sui
tout vostres et seray tant que je vivray. Si vous pry que je puisse
estre à banierre ; car. Dieu merchy, j'ay bien de quoy, terre et
mise, pour l'estre, et ve e ci, je le vous présente : si en faittes
vostre plaisir. » Et adonc li prinches, li roys dan Pierre d'Es-
paingne et li dus de Lancastre prissent le bannierre de monsigneur
Jehan Camdos, et le desploiièrent ei li baillièrent par le hanste,
et li dissent tout en baillant : «c Tenés vostre bannierre : Dieu vous
en lait vostre preu faire I » Dont se parti messires Jehans Camdos
dou prinche, se bannierre en son poing, et s'en vint entre ses
gens et ses compaignons, et le mist enmy yaux et leur dist :
ce Biau signeur, vechy me bannierre et le vostre : gardés le bien,
car otant bien est elle vostre que nostre. » Adonc le prissent h
compaignon, qui en fissent grant joie, et dissent que elle seroit
bien gardée, se il plaisoit à Dieu. Et fii baillie et délivrée a ung
[i367] VARIAirriSS DU PREBflER UVRE, $ S79. 283
bon escoier englès, qui ce jour le porta et qui bien s'en acquitta,
et estoit nommes li dis escuiers Guillaummes AUeri. Si estoit la
bannierre monsigneur Jehan Camdos, d'argent à ung pel aguisiet
de geulles; et avoient touttes les Compagnes qui se tenoient
desoubz lui en leurs tanches ung petit pignonciel de ces meysmes
parures, dont il en y avoit plus de douze cens. F* 146 v^.
P. 34, 1. 6 : li un contre Tautre. — Ms* J S : les uns contre
les autres. P t83 v«.
P. 34, 1. 10 : puiièrent. — Ms. A % : pri$t«
P. 34, 1. 12 : perchurent. -^ Ms. A % : apperceurent.
P. 34, 1. 14 : traisent. — Ms. AS: tralrent.
P. 34, 1. 23 : je vous le baille. — Ms. A S : je la vous baille.
P. 34, L 27 : prisent. — Ms. A 8 : prist.
P. 34, 1. 29 : peu. -- Ms. A 7 : pel.
P. 34, L 30 : hanste. — Ms. A 8 ; hanfle.
P. 35, 1. 2 : en mi. — Ms. A S : ou milieu.
P. 35, 1. 4 : nostre. — Ms. A 8 ; vostre.
P. 35, 1. 5 : disent. — Ms. AS: disbient.
^ 879. Assës tost. — Ms. if Amiens : Assis tost apriès, des-
cendirent tout li Englès et li Gascons de leurs chevaux et se mis-
sent à piet sour le sablon, chacuns en se bataille, moult ordon-
neement et faiticement, sans passer li ungs l'autre, fors enssi qu'il
estoit estanbli^. Et estoient leurs batailles touttes enssi arestëes et
ordounnées que elles avoient estet très donc qu'il passèrent les
montaignes de Rainchevaux, si comme il est recordë chi dessus.
Là estoit li prinches qui disoit à ses gens : « Biau signeur, voyës
nos ennemis qui ont grant largèce de ce dont nous avons grant
disette : il ont de tous vivres à fuisson, et nous advons grant fa-
minne. Si voeilliës hui tant faire que vous les concquerés par bien
faire de ferir de lanche et d'espée. Et soiiës tous preudomme e
loyal, car j'ay grant [fianche en Dieu et en vous que li journëe
sera pour nous. »
Adonc joindi li prinches ses mains vers le ciel et dist : « Vray
pères souverains, qui nous avës crées et fais, si voirement que
vous savës que je sui chi venus pour droit aidier à soustenir et ce
roy escachiet remettre en son hiretaige , si consentes que nous
ayons victore contre nos ennemis ! a> Et puis dist tantost apriès :
«c Avant, bannierre , ou nom de Dieu et de saint Gorge 1 » Et en
allant, il prist le roy dan Pierre par le main, et puis li dist tout
S84 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1367]
en hault : « Sire roy, au jour d'ui saurës vous se jammaià aurës
riens ou royaumme de Castille, et aiiës en Dieu ferme espe-*
rance. »
A ces mos , li dus de Lancastre et messires Jehans Camdos ,
qui menoient l'avantgarde, aprocièrent. Dont, en aprochant, il
avint que li dus de Lancastre dist à monsigneur Guillaumme de
Biaucamp, qui estoit dalles lui : « Guillaumme, vêla nos ennemis;
mes, foy que je doi à Dieu , vous me verés hui bon chevalier, ou
je demorray en le place. » Et puis tantost il dist : « Avant 1 Avant I
bannierre, ou nom de Dieu et de saint Gorge, et face chacuns son
devoir I » Et fist là li dus de Lancastre chevalier en celle meysme
heure monsigneur Jehan d'Ippre, et puis se mbt tout devant les
autres, desoubs se bannierre, et chacuns, qui mieux mieux, le
sieuwi, qui se rencoragoient tout pour lui. Adonc coummencha K
bataille de tous costés. F^ i46 v« et 147.
P. 35, 1. 15 : donc. — Ms. A S : dès lors. F» 284.
P. 35, 1. 19 : et tout de piet. — Mi. ^ 8 : un petit.
P. 35, 1. 22 : joindi. — Ms. A ^ : joingni.
P. 35, 1. 23 : pères. — Les nus. ^7,8 ajoutent : Diex, Dieu.
P. 35, 1. 25 : mi. — Mss. ^ 7, 8 : moy.
P. 35, 1. 27 : escaciet. — Ms. A 7 : eschacië. ?• 281. —
Ms. A 8 : enchacië. F» 284.
P. 35, 1. 28 : ensonniiés. — Ms. A, 8 : enhardîz.
P. 36, 1. 7 : Biaucamp* — Les mss. A 7, S ajoutent : « Guil-
laume, ».
§ 880. A l'assambler. — Ms. if Amiens : Si vous di que
ceste première bataille s*asambla à le bataille monsigneur Bertran
de Clalequin, qui estoit forte et espesse, et bien pourvueue et
garnie de bonnes gens d'armes de Franche, d'Artois, de Picardie,
de Bourgoingne, de Bretaigne, d'Arragon et de tous pays. Là
eut, de premières venues, grans bouteis de lanches et des glaves,
et les arestoient les ungs sus l'autre, et puis boutoient par forche
de -bras et de poitrinnes, et se tenoient si serré qu'il ne pooient
entrer li uns en Fautre. D'autre part, archier et arbalestrier
traioient vistement l'un contre l'autre, et chil qui perdoient ou
brisoient lors lances ou qui ne s*en pooient aidier en le presse,
recourroient as haches dures et trenchans, dont il estoient bien
pourvueu, et en dounnoient les horions si grans que merveilles
estoit à Tolr et au regarder. Là se combatoient li bon chevalier,
[1367] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 580. 285
tant d'an les comme de l'autre, moult vaillamment. Là estoient H
dus de Lancasfre, messires Jehans Gamdos, messires Thummas
dou Fort, messires Guillaummes de Biaucamp, fils au comte de
Warwichy messires Hues de Hastinges, chacuns bannierre des-
ploiie, el requeroient leurs ennemis moult vaillamment. En celle
route et dalles jaux estoient li doy marescal dou prinche, en
moult bon convenant, et bien acompaigniet de bonnes gens d'ar-
mes, messires Guichars d'Angle et si doi fil, et messires Estie-
vennes de Goussentonne, qui merveilles y faisoient d'armes. Là
estoient une partie des Compaingnes qui moult dur et moult fiè-
rement se combatoient. Si vous di que messires Bertrans de
Claiequin et li sien, qui eurent ce premier encontre, ne l'avoient
mies d'avantage, mes ossi se combatoient il moult vaillamment et
très hardiement. S'en couvint, par le bouteis des lanches et des
glaives, tamainl reversser à terre des ungs et des autres ; et qui
estoit cheus entre pies , il estoit mors sans remède , s'il n'estoit
trop bien secourus.
Geste bataille fu durement aspre et fellenesse et bien combatue
de lances acérées, des haces, de dagbes, d'espées et de coutiaux,
et point n'espargnoient l'un l'autre. Là avoient li grant et li fort
bon avantage de rompre les presses. Si veoit on bannierres et
pennons par routtes entrer en l'un l'autre, et puis combattre et
yaux entoueillier, une heure renversser et Tautre redrechier.
Et avint ou plus fort de le bataille que messires Jehans Gam-
dos fu abatus et priés mis à grant meschief, car ungs Gateloins,
grans et fors et durs malement, estoit cheus sus lui et metoit
grant painne coumment il le pewist, et le playa ens ou visaige
parmi le visière tant que li sans li courroit tout contreval. Et
avoit chUs à nom Martins Ferrans, hardis homs et outrageux
durement, et croy que il ewist porte à monsigneur Jehan Gamdos
trop grant contraire, mes li chevaliers s'aviza d'un coutiel de
plat qu'il avoit à son costë. Si le sacha vistement et en feri le
Gateloing ung tel horion ou corps qu'il li rompi les plattes, et li
embarra tout ens et li coppa les boyaux. De ce cop morut li
Gateloings et reverssa d'autre part. Adonc se leva messires Je-
hans Gamdos au mieux qu'il peult, et prist sen espëe qui estoit
grande et roide et bien taillans, et se feri en le priesse. Si vous
di qui qu'il consuiwoit à cop, il estoit tous certains de le mort, et
y fist adonc li chevaliers merveilles d'armes. F" 147.
P. 36, 1. 46 et i7 : AFassambler.... parolle. —Mss. ^ 7, 8 ; Là.
«86 CHRONIQUES DB J. FROISSART. [1367]
P. 36, I. 19 et «0 : li un.... Tautre. — • Af#. ^ 8 : les uns de-
dens les autres.
P. 37, 1. i : arroi. — Les mss. ^ 7, 8 ajoatent : et sanz or-
denance.
P. 37, 1. 4 : li captaus de Beus. — Ms, ^ 8 : le captai de
Beuch.
P. 37, 1. 1« : Gateloing. — Ms. A % : Catellains. F» 284 v*.
P. 37, I. 13 et 14 : et effondroîent hyaumes et bachinës. —
Ms. J il : et avoient effondre maint bachinet de Tainnes que
les Espaîngnolz avoient. F^ 349.
P. 37, 1. 19 : bersoient. — Ms. AS: blecoient.
P. 38y 1. 5 : et y fist desous sa bannière. — Ms, ^ 17 .* et là
leva bannière.
P. 38, 1. 9 : casteloing. — Ms. AS : castellaîns.
P. 38, 1. 15 : à son chaint. — Ms. A S : en son sain.
§ S8I. Che samedi. — Ms. d'Amiens : D'autre part, apro-
chièrent les batailles, et vint li prinches et ses bannierres sus le
les destre pour combattre au comte dan Tille qui estoit sus le
costë senestre. En le bataille dou prinche a voit grant fuisson de
bonne chevalerie et de riches paremens. Là estoient li rois dans
Pierres et se bannierre ens es plainnes armes de Castîlle, li ban-
nierre le roy de Navarre et messires Martins de le Rare qui le
representoit. Mes, enssi que li prinches et ceste grosse bataille
devoit approchier, li comtes dan Tille resongna et se parti sans
plus atendre, et ossi fist li plus de cbiaux qui avoecq lui estoient
monte à cheval. Chil avoient bon avantaige de fuir.
Adonc aprocha li captaus de Beus et se routte, et prissent leur
adrèce sus chiaux de piet de le bataille le comte dan Tille qui s'en
fuioit. Si les coummenchièrent Gascon et Englès à ochire et à de-
copper, et à renversser et abattre par terre comme bestes. La eult
grant occision et qui moût effrea les Espagnos, car li prinches à
toutte se grosse routte s'en vint assambler fièrement sus le bataille
le roy Henry qui estoit durement forte et espesse et bien pourvueue
de gens qui ossi s'aquitoient de combattre assës souflissamment,
car li roys Henris, comme bons chevaliers, leur rendoit grant cor-
raige et leurdisoit : a Biau signeur, je demour[r]ay d'allés vous :
aidiés moy à deffendre et à soustenir mon droit et à garder Tire-
taige dont vous m'avës fait roy. » Là y fissent il de le main mer
veilles d'armes.
[1367] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 581. 287
Au costë senestre , avoit une petite montaingne j et là avoit
on establi rarrieregarde des Englès à estre à rencontre des che-
vaux armes. Là estoient li rois de May ogres , li comtes d'Ermi-
gnach, li sires de Saverach, messires Renaus de Maroeil, mes-
sires Berars de Labreth, messires Perducas de Labreth, messires
Hues de Cavrelëe, messires Loeis de Halcourt , messires Ustasses
d'Aubreciconrt. Et d'autre part se combatoient li sires de Glichon,
messires Ghautiers Hues, messires Robers Canolles, messires
ehans d'Eiwreus, messires Robers Cheni, messires Robers Bric-
quës , Carsuelle , Lamit, Naudon de Bageraat, li sires de Rais,
desous le bannierre Camdos.
Là n'y avoit chevalier ne escuier de le bataille dou prinche qui
ne vausist, par droite comparison, ung Rollant ou ung Olivier; et
bien le couvenoit, car il trouvèrent d'encontre dure gent et forte
et grant fîiisson. Et se chil qui estoient là sus les camps avoecq le
roy Henry se fuissent ossi loyaument acquitet de combattre, et de
faire leur devoir que fissent chil de le bataille monsigneur Ber«
tran de CSaiequin, il ewissent dounnet les Englès moult affaire. Là
estoient arbalestrier dou les le roy Henry qui traioient roit et
assës, mes leurs trës greva petit as Englès et as Gascons; car il
estoient fort armes de jackes et de bonnes fortes plattes. Ossi il
avoient archer grant fuisson qui traioient si ouniement et si espes-
sement que nulx ne s'osoit mettre ne bouter en leur trait, se il ne
voUoit estre mors davantaige. F* 147 r* et v«.
P. 38, 1. 22 : Nazres. — JRfy . ^ 8 ; Nazares. F» 284 v«.
P. 38, 1. 28 : li sires de Rays. — Le ms. A il ajoute : bre-
tons. F» 349 v«.
P. 39, 1. 3 : si. — Ms. A 7 ; son. F* 281 v«. — Ms. A S :
ses.
P. 39, 1. 7 : Bietremiex. — Ms. A 8 : Berthelemy.
P. 39, 1. 8 : Bemardet. —Ms. A S : Bernart.
P. 39, 1. 9 : Lestrade. — Ms. A B : Lestran. F« 285.
P. 39, 1. 11 : s'acquittoient. — Ms. AS: s'aquitèrent.
P. 39, 1. 19 : dou Chastiel. — Ze ms. A 17 ajoute : breton.
F* 349 V*.
P. 39, 1. 29 : fait. — Ms. A S : fors.
P. 40, 1. 4 : Thummas de Graindson. — Ms. A 8 ; Jehan de
Graindon.
P. 40, 1. 7 et 8 : mies tous deviser. — Ms. AS: nommer ne
tous deviser.
288 CHRONIQUES DE J. FROISSâRT. [1367]
P. 40, 1. Î4 : vos. — Ms. A 8 : vostre.
P. 41,1. 2 et 3 : recommender. — Lts m^.A i5à ilajouieni:
entre les preux.
g 882. Moult îu ceste. — Ms, tt Amiens : Moult Ai ceste ba-
taille dure et felenesse et bien combatue, tant d'un les comme de
Tautre, car Espagnol lanchoient dars et archigaies trenchans dont
il navroient et mehaignoient durement chiaux qu'il en conssui-
woient; et si avoient li pluisseur fondes dont il jettoient pierres
et plommëes dures et pesans, pour effondrer bachinës, con dur
qu'il fuissent. Là s'avanturoient chevalier, et estoient de tous
costez, et s'abandounnoient li aucun moult hardiement. Et par es-
pecial, dou costë des Englès, messires Jehans Camdos y fu très
bons chevaliers et y ûst merveilles d'armes. Là estoient il par routtes
et par corapaingnes, entrelachiet l'un à l'autre, où il se combatoient
main à main, et dounnoient si grans horions de haches et d*es-
pées que c'estoit grant hideur à l'olr, si comme je l'oy recorder
les hiraux qui estoient à l'un des les de le bataille, et regardoient
les combatans et jugeoient des fuians et des bien faissans. Si
vous di finablement que Espagnol se coummencièrent à ouvrir et
à esbahir ; et encorres se fuissent il plus tost desconfit, se ne fust
li rois Henris qui les amonestoit et prioit de bien faire et les re-
tourna et raloiea par trois fois, et leur remoustroit moult cler et
moult hault : « Ah ! biau seigneur, ja m'avës vous fait roy de
Gastille et juré et proummis foy et loyaultë et que nullement vous
ne me faurës, et vous me voles faillir. Retournes, bonne gent, et
vous combatës hardiement. Ve me ci dalles vous, ne ja vous ne
me verres plain piet fuir : je aroie plus chier à morir que il me
fuist réprouve. » F° 147 \^.
P. 41, 1. 12 : Lusebonne. — Ms. A 8 ; Lissebonne. F" 285.
P. 41, 1. 13 : loyaument. — Le ms, A 8 ajoute : et moult vou-
lentiers. F» 285 v«.
P. 41, 1. 15 : gisarmes. — Ms, AS: juisarmes.
P. 41, 1. 16 : d'espois. — Ms, AS: des poings.
P. 41, 1. 20 : estoient. — Le ms. A S ajoute : montez.
P. 41, 1. 21 : resviguroient. — Ms. A 8 ; ressoignoient.
P. 41, 1. 23 : vaillandise. —Ms.Al : vaillantisse. F« 282. - -
Ms, AS: vaillance,
P. 42, 1. 11 et 12 : monsigneur Rauduin de Fraiville. — M%,
A S : \e seneschal de Frainville.
[i367] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 583. 289
P. 42, 1. i6 : Melval. —Ms.A S : Maleval.
P. 42, 1. 22 : pooit. — Ms. A 8 ; puet.
P. 42, 1. 31 : ahireté. —Ms. A% : hérité.
g S83. La bataille. — - Ms, et Amiens : Par telx langages et
par si faittes raisons requeilla et remist li rois Henris par trois
fois ses gens enssamble , et il meysmes de son corps il y fu très
bons chevaliers et vaillamment se combatt. Mes, au voir dire, ses
gens trouvèrent plus durs combatans , plus hardis et plus entre-
prendans qu'il ne fuissent, et bien apparu; car, par combattre
durement et assaillir hardiement, il les reboutèrent et reculèrent,
et fissent partie tous chiaux qui à cheval estoient et fuir les frains
abandounnës. Dont, quant li roys Henris vit che grant meschief
contourner et descendre sus li et qu'il n'y avoit mes nul recou-
vrier qu'il ne fuissent desconffit, si eut plus chier à fuir qu'à
atendre l'aventure d'estre pris ; car bien sa voit, s'il estoit pris,
qu'il seroit mors sans merchy et sans remède , ne li rois dans
Pierres, ses frères, n'aroit nulle pitë de lui. Si monta à cheval
dou plus tost qu'il peult, et se bouta entre les fuians et se sauva
par telle manierre.
Encorres se combatoient li Frenchois et li Breton, dont mes-
sires Bertrans estoit souverains. Si vous di que là entre yaux
eult tamainte belle appertisse d'armes faitte , mainte prise et
mainte rescousse , tant d[un les comme de l'autre ; mes li grosse
bataille dou duc de Lancastre et de monsigneur Jehan Camdos et
des marescaux et des Compaingnes se tray celle part. Si ne
peurent gaires depuis longement durer. Là fu pris messires Ber-
trans de Claîequin desoubz le bannierre monsigneur Jehan Cam-
dos et fu ses prisons. Et furent pris li comtes Sansses, frères au roy
dam Pierre et au roy Henry, qui s'en fuioit, messires li Bèghes de
Vellaines, messires Jehans de Noefville et plus de deux mil che-
valiers et escniers. Et y fu mors entre les autres ungs bons che-
valiers franchois, li Bèghes de Villers, et pluisseurs autres cheva-
liers et escuiers que je ne puis mies tout noummer; et, dou costë
des Englès, ungs bons chevaliers qui s'appelloit li sires de Feriè-
res. Et encorres en y eut des autres pluisseurs; car si grosse ba-
taille que ceste fu ne puet mie estre outrée à si petis frès qu il n'en
y ait mors otant bien de chiaux qui le place obtiennent, que des
descomfis, quoyque li victore leur demeure. Ceste bataille fu de-
soubs Nazarcs, en Espaingne, Tan de grasce \o.^t:'o Signeur mil
vil — 49
MO CHRONIQUES DE h FROISSAAT. [13<7]
rois cens soixante six, le troisimme jour dou mois d'avril.
F* 447 v«.
P. 43, 1. 3 : et. — Ms. A 8 ; de.
P. 43 , 1. 4 : entettement. — Mss. B k et A % : onlerement,
entieremeat. F" 283.
P. 43, 1. 15 : moult. — Ms. A 8 ; bien.
P. 43, 1. 27 : Gauwains. — Ms. A 8 ; Gautier.
P. 44, 1. 3 : Lors. — Ms. A % : La.
P. 44, 1. 8 et 9 : d'Evrues..., chevaliers. — Ms. A 8; d'Bvreux
et les bons chevaliers.
P. 44, 1. 28 : moururent. — Ms. AS: mouru. P 286.
S tt84. Quant la bataille. — Ms, J Amiens : Che samedi, si
comme vous poés olr, fu grande li descomfiture sus les Espagnols
et les Catelloins et les Franchois, d'un costë. Et fu justement ra-
porté au prinche qu'il y eut mort, de droite gent d'armes, cinq
cens et soixante, et d'autres gens combatans, sept mil et cinq cens,
sans chiaux qui se noiièrent. Car li encbaux de le descomfiture
dura jusques à le grosse rivière desoubz Nazares; siques li
pluisseur, pour yaux sauver et pour le hydeur qu'il avoient de
leurs ennemis, entroient ens à cheval et à piet : si estoient otant
bien perdu comme en devant.
Encorres, meysmement sus le pont de le ville de Nazeres, fu li
enchaux, li pestilensce et li mortalités trop grans ; et chil qui ne
pooient entrer en le ville des Espagnolx saloient en le rivierre,
fust à cheval ou à piet, tant estoient fort eshidé. Et entrèrent les
gens dou prinche en le ville de Nazeres, par forche. Là eut grant
ocision et grant mortalité d'ommes, de femmes et d'enfans que
nuls n'estoit pris à merci, se il n'estoit trop riches homs ou trop
grans sires malement. La furent pris et trouvé en une kave li
grans prieux de Saint Jehan et li grans maistres de Saint Jame,
qui s'estoient repus dallés ung mur, et ossi li grans mesures de
Caletrave.
Briefment à parier, li descomfiture, li mortalités et li odsions y
fu moult grans et moult oribles. Et dura li cache moût longement,
car ens es plains de Nazares où li bataille fu, il n'y avoit nul em-
peschement, haie ne buisson, arbre ne olivier, qui pewist des-
tourner les Englez et les Gascons à courir tout à leur voUenté, à
cacher, à prendre et à ochire. Et par especial il en noia ce jour
plus de quatre mil , et recorderent 11 aucun pour i^ertain que la
[1367] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 585. 291
riyierre avoit estet vermeille dou sancg qui vssi des corps des
hoaunes et des Ghevaulx. C3ie jour, fa pris en très bon convenant
et durement navrés et desonbz se bannierre, messires Ernouls
d'Audrehen, marescanz de Franche, et y fist li chevaliers mer-
veilles d'armes de son corps, et moult vaillamment se combati.
?•• 147 V et 148.
P. 44y lé 31 : de France. — Ces mots manquent dans les
mss» A 7, 8.
P. 45, 1. 1 : outrée. —Ms. A S : oultre. F» 286.
P. 45, L 6 : Nazres. — Ms, A%: Nazares.
P. 45, 1. 6 : conroit. — Ms. AS: court.
P. 45» 1. 1 8 : encauchier. — Le ms, A 8 ajoute : gens.
P. 45, 1. 22 : li plus. — Ms. A S : les pluseurs. F» 286 v<*.
P. 45, 1. 23 : rade. — Ms. A 8 ; roide.
P. 45, 1. 31 : devers. — Ms. AS: dedens.
P. 46, 1. 6 : où pillart. — Ms. A S : ei pilliée : si.
P.][46, 1. 18 : dûent. — Ms, A 8 : disdent.
P, 46, 1. 20 : rouge. — Ms. A 17 irogier. F> 350 v».
S 88tt. Apriès le desconfiture. -— Ms. if Amiens : Apriès le
desconfiture de le bataille de Nazares, li prinches, pour recueil-
lier ses gens qui repairoient de le cache, s'en vint sus une petitte
montaingne. Là fist il lever se bannierre contremont, à laquelle
touttes mannierres de gens de leur costé se radrechièrent. Si fu
il moult tart, ainschois que tout fuissent revenu. Adonc avala li
prinches moult ordounneement, sa bannierre devant lui', et s'en
vint ens es logeis doa roy Henri. Si y trouva, et ossi fist toutte
son host, de touttes pourveanches à grant fuisson, dont il furent
iNen servi et bien aisiet. Si se desarmèrent et appareillièrent,
diacuns sires par soy et entre ses gens, et entendirent li pluisseur
à mettre à point chiaux qui blechiës et navrés estoient. Adonc
s'en vint li rois dans Pierres deviers le prinche, et le volt enclin-
ner, mes li prinches ne le consenti mies. Se lî dist li rois : « Mon
chier cousin, je vous doy mont remerchiier, car par vous est
toutte m'onneur recouvrée, et m'avés hui tant fait que jammais
ne l'aray desservi. » Adonc respondy li prinches et dist : « Sire
roys, ne m'en donnés nulle loenge, mes à Dieu princhipaument,
car de li vient ceste belle aventure que nous avons. »
Adonc entrèrent il en autres parolles. Si fu li souppers, ens ou
logeis dou prinche^ appareilliés moût grans et moult biauz. Et y
S92 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1368]
dounna li prinches à souper le roy dam Pierre et le roy de
Blaîogres, et monsignenr Martin de le Kare, qui representoit le
roy de Navarre, et le comte d'Ermignach et ung comte don
royaumme d'Arragon qui estoit prisoumiiers, que on noummoit le
comte de Dunne. Et enssi en ses logeis« chacuns sires dounna i
soupper à ses prisounniers, qui prisounnier avoit, moult convigna^
blement. Et passèrent le nuit en ^grant joie et en grant déduit,
car il avoient bien de quoy, vivrez à grant fuisson, et trouvet
ossi grant plantet de vaissellemence d'or et d'argent et de bons
rices jeviaux, çaintures, draps et mantiaux; car ii rois Henris
et touttes ses gens estoient là venus moult estoffeement et bien
pourvuen de tout bon. F<* i48.
P. 46, 1. 27 et 28 : remontière. — Ms. A % : remontée.
F» 286 v«.
P. 46, 1. 28 : mettre. — Ms. A^ : tenir. .
P. 46, 1. 31 : le cache. — Ms. utf 8 ; la chace.
P. 47, 1. 4 : recuellier. — Ms. A B : recueillir.
P. 47, 1. 7 : Maiogres. — Ms. AS: Maillogres.
P. 47, 1. 18 : venant. — Ms. AS: venir.
P. 47, 1. 30 : leurs. — Ms. AS: ses.
P. 48y 1. 8 : li dit logeis estoient. — Ms. A S : \e dit logeis
estoit.
P. 48, 1. 15 : cinq mil. — Mss. Al, S: cinq cens. F* 283 v».
— Ms. A 17 : six cens. F* 351.
P. 48, 1. 24 : le nombre. — Ms. AS: compte. P 287.
P. 48, 1. 27 : Bien. -~ Le ms. A S ajoute : avoient de quoy et.
P. 48, 1, 28 : plentiveusement, — Ms. AS: plantureusement.
§ S86. Le dimence. — Ms. ^Amiens : Quant che vint le die-
menche au matin et que li prinches eult oy messe, li rois dans
Pierres vint deviers lui, emfourmés et advisës de quoy il devoit
parler : che fu qu'il requist au prinche c'on li delivrast le comte
Sansse son frère, le maistre de Caletraive, messire Gomme 6a-
ril, le grant prieur de Saint Jehan, le grant maistre de Saint
Jame et tous chiaux d'Espaîngne c'on tenoit pour prisounniers,
car il leis voiloit faire morir comme traiteurs et mauvais contre
lui. Quant li prinches l'oy et vit quelle affection il avoit, se li
requist ung don : « Quel don, dist li rois dans Pierres, mon chier
cousin, voilés vous avoir ? Ja savés vous que tout chou que j'ay
est vostre sans nul moiien, et vous acorde à faire vostre vollenté
[1367] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § S87. 293
dou toat. » — > <c Je vous pri et requîer, dist li prmches, qne
vous voeilUës pardounner à tous chiaux que vous tenës pour pri-
sonnniers, vostre mautalent, et à tout le demorant dou pays ossi,
si vous voilés estre ne demourer rois de Gastille. » Adonc s'avisa
li rois dans Pierres et dbt : « Ghiers cousins, pour l'amour de
vous je l'acorde, et je leur pardounne bonnement tout, excepté ce
faux traiteur Gomme Garilz qui m'a fait plus de maux que tout
li autre. 9> -»- « Gesti, dist li prinches, vous acorde jou bien. »
Dont furent mandé tout li chevalier d'Espaingne qui prisounnier
estoient, en l'ost; et là, présent le prinche et moult de grans
signenrs, leur pardounna li rois dans Pierres tous mautalens, et
baisa son frère le bastart le comte Sansse, en nom de pais, et tous
les auitres. Apriès, li fu délivrés à faire son plaisir messires
Gommes Garils. Il n'en edt nulle pité, tant fort le haioit pour les
grans contraires que chils li avoit fais et le fist décoller, voiant
tous chiaux qui veoir le peurent. ^^ 148.
P. 48, 1. 31 : devant. — Af j. ^ 8 : hors de. F» 287.
P. 49, 1. 1 3 : car. — Le nu. A 8 ajoute : moult.
P. 49, 1. 26 : vo. — Ms. A 8 ; vostre.
P. 50, 1. 4 : eurent en couvent. — Ms. AS: encouvenan-
dèrent.
P. 50, 1. 6 : si. ^- Ms. A 8 : ses.
P. 50, 1. 8 : li fist. -^ Ms.AS : leur fist.
P. 50, 1. 8 et 9 : recogneut et desservi. — Ms. A B: recong-
nurent et desservirent.
P. 50, 1. 27 : clore. — Mss. Bket A : clore ne tenir. F« 285.
P. 50, 1. 29 : le ville. — - Le ms. B 6 ajoute : bien cinq lieues.
P. 51, 1. 4 : Barbesque. — Ms. B ^ : Barbestre.
P. 51, 1. 10 : ne bien aisiet. — - Ms. AS: aisieement.
S S87. — li princes de Galles. — Ms. it Amiens : Che di-
menche, tout le jour,'demoura li prinches ens es logeis, qu'il avoit
concquis et trouvez de ses ennemis, et eurent là en dedens consseil
commuent il se maintenroient. Le lundi apriès messe et boire, li
rob dans Pierres se «parti dou prinche àgrant fîiison de gens d'ar-
mes, et chevaucha devers le grosse ville de Burghes^ et li prin-
ches et li demorans de ses gens s'en vinrent logier à Barbeske.
Sitost que li bourgois et li hommes de Burghes entendirent que
li rois dans Pierres venoit celle part , il yssirent tout contre lui
moult honnerablement , et le rechurent comme leur seigneur et
S94 CHRONIQUES DE J. FROISSAKT. [1367]
leur roy, et le menèrent dedens Burgfaes moult solempnement.
Au tierch jour apriès, yint li princes devant Burghei, oà il Ik
requeilliësossi moult grandement, et se logièrent touttes ses gens
là environ. Adonc vint à Burghes veoir le roy dom Pierre son
seigneur et le pmche de Ghalles, chilx chevaliers espagnols qui
point ne s'estoit tournes deviers le roy Henri, dans Ferrans de
Castres. Se le vit li prinches moult vollentiers, et le festia et
honnoura grandement, et ossi fissent tout li seigneur qui là
estoient.
Environ ung mois, séjournèrent li rois dans Pierres et li prin*
elles en le ville de Burghes. Là en dedens vinrent au dit roy
faire (eaxAti et boummaige tout chil de Gastille, des villes, dm
cités et des castiaux, et aussi tout gentil homme, seigneur, cheva-
lier et escuier, de Portingal, de SeviUe, de Toulète, de Corduan,
de lion , de Galise et de touttes les marches , loing et priés, et
jurèrent tout solempnellement, présent le prinche de Galles et
pluisseurs grans signeurs ad ce appiellës , à tenir et obéir au roy
dam Pierre comme leur droit signeur souverain. Avoeoq tout chou,
li prinches de Galles tint son jugement et son gage de bataille
devant Burghes, siques on puet bien dire tout notoirement
que toutte Espaingne , par concquès, fu à lui et à son coumman*
dément.
Quant li prinches eut tenu ses Paskes et ses festes à Burghes avoecq
le roy dam Pierre et là séjourne plus d'un mois, et que on ne sa-
voit ne sentoit mes nuls rebelles ens ou pays que tout ne fuissent
obéissant au dit roy, il y eut grans parlemens entre le roy et le
prinche et leurs conssaux; et là à ces dis parlemens furent renou-
vellet li sierment, les proummesses, li couvens, les ordounnances
et les obligations qui estoient jurées et escriptes entre l'un et
l'autre, très le coummencement dou voiaige. Et dubt li roys dam
Pierres partir du prince et aller ent se voie deviers SeviUe, en
instanche de che que d'assambler or et argent pour paiier le
prinche et ses gens, et li prinches le devoit attendre ou Val d'Olif ;
et devoit retourner li dis rois dedens un certain jour deviers le
prinche. Sur ce, il se parti et s'en alla à SeviUe et là où bon li
sambla^ car tous U pays estoit ouvers contre lui et appareiUiés à
son coummandement. Et U prinches et ses gens Tatendirent plus
de trois mois onltre le jour qu'U devoit retourner. Si eurent là en
dedens tamainte souffreté de pain et de vin et de tous autres vi->
vres, car U estoient grant gens, et si trouvoient chiauz dou pays
[1367] VARUNTES DU PREMIER LIVRE, $ 588. 295
durs et mal amis à yaux, et si ne pooient par couvent les gens le
prinche assaillir nulle fortrèche : enssi estoit il ordounnë; mes,
se il ewissent tenu ceste ordounnance , il fuissent tout mort de
lamine, car li rois dans Pierres les faisoit trop séjourner.
Si prist li prinches Haulte Mousque où il trouva de tous vivres
assëft largement pour vivre, lui et son host, environ ung mois, et
puis s'em parti et vint à Medine de Camp, une bonne grosse ville et
bien avitaillie. Si l'asiega li prinches tant seullement pour avoir
les vivres. Quant chil de le ville de Medine se virent asegiet, si
doubtèrent que de force il ne fuissent pris et perdissent corps et
biens. Si se composèrent deviers le prinche et ses gens, et avitailliè-
rent l'ost assés plentiveusement. Et se tinrent encorres là environ,
atendans que li rois dans Pierres revenist bu qu'il en oyssent
bonnes nouvelles; mes il le faisoit trop long, dont moult en des-
plaisi au prinche et à son consseil, et en le defiaulte de lui il con-
vint les Compaingnes espardre sus le pays pour avoir vivres. Si y
fissent pluisseurs contraires et y prissent pluisseurs villes et cas-
tiaux rebelles à yaux; et quant il les avoient pris par forche
avoecques les vivres, il les pilloient tous et y faisoient moult de '
destourbiers.
En ce temps fu délivre li rois Caries de Navarre de prison, par
le pourcach de madamme la roynne sa femme, et monsigneur
Martin de le Kare et l'evesque de Panpelune , et revint arrierre
en son royaumme de Navare, dont li prinches fu moult liez.
F» 148 r* et v«.
P. 51, 1. 18 : plus de trois sepmainnes. — Ms, A 8 : environ
trois sepmainnes et plus. F<» 288.
P. 51 9 1. 19 : En ce séjour. — Afr. ^ 8 : Et ce jour de Pas-
ques.
P. 52, 1. 1 : mes. -— Les mss. Al^ B ajoutent : nul empesche-
ment ne. P 284.
P. 52, 1. 6 : com plus. — Ms. AS: tant plus.
P. 52, 1. 19 : plaisi. — - Ms, AS: fut plaisant.
P. 52, 1. 23 et 24 : sur le.... portoit. — Ms, AS : en enten-
cion avoir grant argent, ainsi que encouvenancië lavoit. F* 288.
P. 52, 1. 26 : s'espardlrent. — Ms. AS: s'espandirent.
S »88. P. 53, U 4 : Nazres. — Ms. AS : Nazares. F«> 288.
P. 53, 1. 21 : place. — Ms. ^ 8 ; la place.
P. 53, 1. 25 : de aaiekin. — Ms. A S : du Gue&clin
296 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1367]
P. 53, 1. 25 : d'Audrehen. -— i> ms, A 17 ajtmie : le Bègue
de rillaiimes. F« 352 V.
P. 53, I. 29 : délivrer. — Le ms, A M ajoute : plas pour
double qu'il ne retoumast en Espaingne deffaire ce que le prince
ayo|t (ait que pour autre chose . F® 352 v®.
P. 53, 1. 30 : n'i pressoit. ^Ms.Al : n'y prisoit. F» 284 v«.
5 S89. Li rois Henris.— Jlfi. é! Amiens : Et encores ne savoit
on nulle vérité dou roy Henry en Tost dou prinche , se il estoit
mors ou vis. Bien dissent li pluisseur que on Tavoit veu sus le fin
de le bataille moult vaillamment combattre, mes on n'en savoît
plus avant, et tenoient li aucun adonc mieux qu'il fuist mors que
vis. Touttefois , à parler justement de ce roy Henri , quant il vit
le desconfiture et qu'il n'y avoit nul recouvrier, il se sauva sage-
ment et ne se bouta ne enclol en nulle fortrèce d* Espaingne, mes
prist ses adrèches et son chemin deviers le royaumme d'Arragon.
Et envoiea vistement certains messaigez deviers sa femme et ses
enfans qui se tenoient à Burghes , qu'il partesissent tantost et se
retrayssent deviers Arragon, siques, quant la damme oy les nou-
velles de le desconfiture de Nazres, si fu moult eCPraëe et courou-
chie, che fu bien raisons. Nonpourquant, elle tourssa et s'adrecba
deviers son mari qui s*estoit retrais à Vallenche le Grant. Or
vous parlerons dou prinche et dou roy dant Pierre coumment il
persévéra. F* 148.
.... En ce tamps estoit li dessus dis rois Henris li escachiës
afuis, si comme vous avës oy, ens ou royaumme d'Arragon, du-
rement courouchiés et tourblës sus le prinche et son pays, et
c'estoit bien raisons, car il l'avoient mis jus et arrierre de grant
signourie et de grant noblèce. Et se tint en Arragon jusques à
tant que il eut entendu coumment la besoingne alloit; et quant il
sceut que messires Bertrans de Claiequin estoit prisounniers, si en
eut grant joie, car bien penssa qu'il fineroit par argent. Si se
parti li dis rois Henris d'Arragon, et s'en vint à Toulouse dallés
le duc d'Ango qui le rechupt liement. Tantost li rois Henris as-
sambla ses ,compaignons, et fist tant qu'il eult trois cens armures
de fier, et entra en la terre dou prinche et prist une ville que on
appelle Bapiers , et fist grandement guerre au prinche. Si avoit
aucuns gens, guerrieurs et amis, et acqueroit encorres tous les
jours, pour guerriier le ducé d'Acquittainne et le terre dou prin-
che, et aussi les terres des signeurs de Giane qui avoecq le prin-
[1367] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, $ 589. 297
che estoîent en ce voiaige et qui ce destourbier li avoient porte.
Si ewist vollentiers yen li rois Henris que li jonnes comtes d'Au-
çoire, de Franche, qui ungs grans guerrières estoit et bien amës
de gens d'armes , se fuist boutes en celle guerre avoecq lui et
fîiist entres en Acquittainne au les deviers Poito, et ars et courut
le pays. Mes quant li connissance en vint au roy Carie de Franche
que li comtes d'Auçoire estoit priés moult aigrement des ungs et
des autres pour entrer en le terre dou prinche, si ne le veut mies
conssentir ; et deffendi à son chevalier le comte d'Auchoire qu'il
ne fîiist tels ne si hardis, sus à perdre tout chou qu'il tenoit ou
pooit tenir ou royaumme de Franche, qu'il se mesist en celle che-
vaucie. Et, pour estre plus asseurs dou dit comte, il le fist adonc
aller tenir prisson ens Ou castiel dou Louvre dedens Paris, et le
fist garder bien et songneusement. Che fu environ le Nostre
Damme my aoust Tan de grâce mil trois cens soiasante et sept.
P» 448 v«.
.... Or vous parlerons ung petit de le marce dou roy Henry et
coumment il est revenus sus et à le courounne et hiretaige des
pays, et de le mort dou roy dam Pierre son frère, et puis retour-
rons à autre matère dou duc d'Ango et dou ducq de Berri et as
chevauchies qu'il fissent en le langhe d'ock et sour le terre dou
prince.
Apriès ce que le desconfiture eut estet devait Nazres, si comme
il est chi dessus contenus en ceste histoire, ly roy s Henris se
sauva et s'en afui en Arragon jusques à tant que il eut entendu
coumment la besoingne alloit. Et quant il seut que messires Ber-
trans de Claequin estoit prisounniers, si en ot grant joie, car bien
penssa qu'il fineroit parmy argent. Si se parti li dis roys Henris
d' Arragon et s'en vint à Toulouse dallés le duc d'Ango qui le
rechut liement. Tantost li roys Henris assambla des compaignons
et fist tant qu'il en eult trois cens armures de fier et entra en le
tierre dou prinche et prist une ville que on appelle Baniers et
fist grandement guerre au prinche. Quant li prinches fu retour-
nes en son pays, 11 rois Henris se parti de Baniers et entra en
Arragon et rassambla grans gens, Bretons , Alemans , Bourgi«
gnons, et touttes mannierres de gens qui venoient à lui estoient
rechus, et entra de rechief en Castille et y fist grant gerre.
F* 167 v«.
P. 54 , 1. 5 et 6 : hasteement. — Ms. A % : hastivement.
P» 288 v«.
S98 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [4367]
P. 54, 1. 9 : lequcle. — Mit. B ket A: lequel. F* Î86.
P. S4, 1. i4 : se mesescance. — Ms. ji 1 : ses mésaventures.
P 284 T«. — Mss. JB ket ji S : ses meschances. P 286.
P. 55, 1. 6 : prîncetë. — Ms, AS: prinçautë.
P. 55, 1. 11 : vinrent. ^ Ms. A B : furent envolées. F» 289.
P. 55, 1. 21 : poroit. — Ms. AS: pourroient.
P. 55, L 23 : quoiteusement. — Ms, AS : hastivement.
P. 55, 1. 26 : heriier. — Ms. AS: guerroier.
P. 56, 1. 7 et 8 : quatre cens Bretons. — Ms. JB S : mû com-
batans.
P. 56, 1. 10 : Richon. — Lems. B 6 ajoute : Pons de la Court.
P. 56, 1. 12 : Alains. — Ms. A 17 ; Raoal. F* 353.
P. 56, 1. 42 : Saint Pol. — Le ms.A \1 ajoute : monseigneur
Eustace de la Houssoye, monseigneur Bertran de Guitë. P* 353.
P. 56, 1. 16 : Baniers. — Ms, AS: Banîères.
P. 56, 1. 27 à 29 : qui.... anoieus. ^- Ces mots manquent dans
les mss. A.
S K90. Quant li princes. — - Ms. d Amiens : Or revenrons à
le matère dou prinche qui estoit adonc en Espaingne. Quant li
prinches et ses gens eurent séjourné et atendu le roy dant Pierre
plus de six mois et enduret tamainte mesaise de fain, si eut cons*
seil li dis prinches qu'il envoieroit certains messaiges par deviers
li. Si y envoiea trois chevaliers des siens, monsigneur Ghuiçart
d'Angle, monsigneur Richart de Pontcardon et monsigneur Neel
Lorinch. Si chevauchièrent tant li dessus dis qu'il vinrent à Seville
deviers le roy dam Pierre qui les rechupt pour l'ounneur et amoor
dou prinche assés liement. Li chevalier dessus noummet moustrè-
rent au dit roy pour quoy il estoient là venu, et ossi que li prin-
ches et ses conssaux estoient tout esmervilliet de che qu'il n'avoit
tenu son jour de retourner deviers le prinche, enssi que proum-
mis l'avoit.
Adonc s'escuza li rois dans Pierres et dist que il n'avoit mies
tenut à lui, mes à ses gens, et qu'il estoit moult desirans et en-
grans de tenir et acomplir tous les couvens qu'il avoit au dit
prinche , et que moult y estoit tenus ; mes ses gens lui avoient
respondut, quant il leur en parloit, que, tant que li prinches et
les Gompaingnes se logeroient sour le pays, il ne poroient faire
argent. Si prioient li rois et ses gens au prinche que ii se volsis-
sent retraire, fust en Navarre ou en le principauté, et il quer-
[1367] yARUNTBS OU PRElilER UYKR, S ^^i- 299
roientt sans fallir et moult hasteement « or et argent pour paie-
OMntf et t'acquitteroient deviers lui et ossi déviera touttes les
cappittaiimea et les Gompaingnes. Che fu toutte la responsce qu'il
peurent adonc avoir dou roy dam Pien*e et de son consseil. Si
s'en retonrairent deviers le prinche , qui se tenoit à Medine de
Campi et U recordèrant tout chou qu'il avaient trouvet. P* 148
V* et «50.
P. tf7, 1. 3 % merancolieus. -*- Jlfr. jiB : melencolieux. P 269.
P. 57, 1. k : quel cose. — Ms. J S: quelle chose.
P. 57, 1. 8 ! couvent. •— Ms. A% : convenant.
P. 57^ I. 9 : priiet. — ilf#. ^ 8 .• presta. F* 289 v*.
P. 57, 1. 16 et 17 : tout.... estoient. — Ms, A % : ainsi que
eachargië leur estoit,
P. 57, 1. 20 et 21 : en couvent. — - Ms. AS : eouvenandë.
P. 58, 1. 3 : li messagier. -«- Ms. AS: les chevaliers.
P. 58, 1. 0 : couvent. — Ms. AS : convenances*
P. 58, 1. 14 : ajut. -* Ms. AS : acoucha.
P. 58, 1. 13 : oouroudës. ^^ Le ms. £ 6 ajoute •* car il fist
grant folie et le volloit ramener; mais le roy ne s'en volt partir,
anchois demora là : dont il s'en repenty, si comme vous orës re-
corder temprement en ches croniques. Et sachiës que en che
voiage d'Espaigne le prinche de Galles conchut et engenra une
maladie qui oncques puis ne le laissa , pour le grant calleur de
Tair et du soleil et des boires d'Espaigne qui ne sont mies condi*
tienne i chiens de Franche et d*Engleterre.
P. 58, 1. 27 : Baniers. — Ms. A S : Banières.
P. 58, 1. 27 : herioit. — Ms.AS : harioit.
P. 58, 1. 29 : Bertran* -^ Le ms. A S ajoute : du Guesclin.
P. 58, 1. 29 : n'estoit pas. -^ Ms. A S : ne fu mie, P 289 v\
P. 58, 1. 30 : tout. -^Lems.A S ajoute : ce.
S tt9i. Quant li princes. — Ms. d Amiens : Quant K prin-
ches de Galle eut entendu les nouvelles dou roy dant Piere,
si en fu tous esmervilliës, et congnut assës qu'il n'estoit mies
tels qu'il le supposoit à trouver. En ce temps qu'il estoit en
ces variations, li vinrent nouvelles d'Acquittainne, de par ma-
dame la princesse et le pays, que li roys Henris volloit entrer
et amenner gens d'armes en son pays pour gueriier, ardoir et
essiUier toutte sa terre d'Acquittainne. Adonc eut li prinches
consseil de retourner. Si se mist au retour par deviers Madrigay,
300 CHRONIQUES DE J. FROISSAAT. [1368]
et chevaucha tant qu'il Tint ou val de Sorrie, et là scgouma» et
touttes ses hos, bien un mois. Eadementroes eut grans conssaux
entre monsigneur Jehan Camdos et le consseil dou roy d'Arra-
gon; car la terre où li prinches sejoumoit marcist assés pries
de là. Si entendi que consseil se porta enssi adonc que li roys
d'Arragon ne ses gens ne dévoient de riens grever ne contra-
riier le prinche ne ses gens, et ossi on ne devoit noient four-
faire au royaumme d'Arragon. Apriès ce, s'en revinrent messires
Jehans Camdos et messires Martins de le Rare deviers le roy de
Navarre, et pourcachièrent tant que li rois de Navarre acorda à
rapasser le prinche et touttes ses gens parmy son royaumme,
bien paiiant tout chou qu'il prenderoient.
Si se parti li prinches dou val de Sorrie, et s'aceminna parmy
Navarre. Et li roys de Navarre li falsoit grant feste et grant honneur,
et le rafresqissoit tous les jours de nouvelles pourveanches, et le
conduisi et mena tout parmy le royaumme de Navarre et à la ville de
Saint Jehan dou Piet des Pors ; là prissent il congiet li ungs de l'autre.
Si rapassa li prinches, et ossi fissent touttes ses gens, les destrob
de Navarre, et s'en vint li dis prinches à Baione, et li dus de Lan-
castre, ses frères. Là les rechuprent ii bourgois de Baionne moult
grandement, et honnourèrent et festiièrent. Si séjournèrent là li
dessus dis prinches, li dus de Lancastre et li aucun seigneur bien
un mois, et s'y rafiresqirent. Si dounna li prinches à touttes man-
nierres de gens d'armes congiet, et remerchia bellement et sage-
ment les capitainnes, et leur dist qu'il venissent, dedens un cer-
tain jour qu'il leur nomma, à Bourdiaux querre leur paiement, et
que là seroient il paiiet pour yaux et pour leurs gens. Si se
comptentèrent bien li compaignon des paroUes dou prinche, et
dissent que ses paiemens estoit ass^s appareilliez.
Enssi se départirent touttes mannières de gens d'armes, qui
ens ou voiaige d'Espaigne avoient estet, et se traissent par de-
viers les landes de Bourdiaux et illuecq environ. Et li prinches,
quant ii se fa rafreschy en le cité de Bayone, il s'em parti à tout
son aroy, et s'en vint vers le bonne chité de Bourdiaux, où il fu
recheus à grant feste et grant pourcession, et vint madamme la
princesse contre lui, qui amenoit et faisoit aporter Edouwart, son
ainnet fil. Dont, quant il s'entrecontrèrent , il se conjoirent et
festiièrent grandement, et descendirent li prinches et les dammes
et li signeur en Tabbeie de Saint André', à telle solempnité que
vous m'avés oy recorder. Si se tint là li prinches ung grant
[1368] VARIANTES DU PAEMIER LIVRE, § 591. 301
temps, entendans à ses besoingnes et regardans à ses paîemens
pour paîier et lui acquitter deviers les Gompaignes, où il estoit
grandement tenus. Si paieoit les aucuns, et as autres il acreoit
tant qu'il fuist mieux aisiés de paiier, environ le Saint Remy.
Apriès, prist congiet li dus de Lancastre au prinche, son frère,
et à madamme la princesse, et se parti de Bourdiaux et s'en re-
vint arrierre en Engleterre. F^ 149.
.... En ce meysme temps, passa li dus Aubiers, ad ce donc
baus de Haynnau, de Hollande et de Zellandes, et vint en En-
gleterre, en grant aroy de chevaliers et d'escuiers de son pays,
pour veoir le roy englès son oncle et madamme la roynne Phe-
lippe, sa ante et ses chiers cousins leurs enfans. Si fu des dessus
dis bien conjols et festiiës à Londres et ou castiel de Windesore.
Et quant il eut là esté quinze jours, il s'em parti et prist congiet
au roy et à le roynne qui li dounna plnisseurs biaux jeuuiaux et
à ses chevaliers ossi. Si rapassa li dis dus Aubers la mer à Dou*
vres et arriva à Callais, et revint arrière au Kesnoy en Haynnau,
dont il estoit premièrement partis, deviers madame Marguerite,
la duçoise sa femme....
Quant li prinches fu retournes en son pays, li roys Henris se
parti de Baniers et entra en Arragon et rassambla grant gent,
Breton, Allemant et Bourghignon ; et touttes raannierres de gens
qui venoient à lui estoient recheus, et entra de rechief en Cas-
tille et y fist grant guerre. F* 167 v^.
P. 58, 1. 31 : escusances. ~- iftfr. A 8 ; excusacions. F^ 289 v^
P. 59, 1. 1 : pensieus. -» Ms. A % : pensifz.
P. 59, 1. 5 : pesans. — Ms. A ^ : pensis.
P. 59, 1* 6 : se. —- Ce mot manque dans le ms. A 8.
P. 59, 1. 10 : département. — iX/i. A 8 : départir. F"" 290.
P. 59, 1. 19 : en littière. — Ms. A% : ea l'estrier.
P. 59, 1. 26 : com. — Ms. AS : quel.
P. 60, 1. 12 : puissedi. . — Ms. A % : depuis.
P. 60, 1. 13 : lisent. ~ Ms, A 8 : faisoteut.
P* 60, 1. 23 : paisieulement. — Ms. AS: paisiblement.
P. 60, 1. 25 : molesté. — Ms. A 8 : molester.
P. 60, 1. 26 à 28 : Adonc... prince. — Ms. B 6 : Quant le roy
de Navarre seut que le prinche avoit accort et congiet de passer
parmy le royaulme d' Arragon, sy se party de Tudielle, où il
estoit, messire Martin de le Rare en sa compaignie, et s'en vint
ou val de Sorye devers le prinche. F^ 709.
302 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1368]
P. 60y 1. 28 : nul au pays. — Ms. A%: \ nul du pais.
P. 6i, 1. i : il voloient. — M$. ^ 8 : il Vouloit.
P. 61, 1. 8 : les hos. — > Ms, AH: Tost.
P. 61, 1. 9 : rapassèrent. — Ms. A% : passèrent.
P. 61, 1. 21 et 22 : li un de l'autre, — Ms. ^ 8 : les nns des
autres.
P. 61, 1. 24 : senescaudies. — Ms. A B : seneschaucies.
P. 61, 1. 26 : princetë. — - Ms, A B: princautë. — Le ms. B
6 ajoute : et s'en vinrent logier en Aginois et en Angoulesmob
et là se rasamblèrent. F* 7i0.
P. 61, 1. 29 : jasoit. — Ms.A% : ja (ust.
P. 62, 1. 3 : retournés. — Ms. A % : revenus.
P. 62, 1. 8 : rechief. — Le ms. 8 ajoute :^ nouvelles.
P. 62, 1. 12 : chapitainne. — Le ms. Ail a^onU : monsef-
gneur Sevestre Budes. P» 354 v*.
P. 62, 1. 12 : Hemaulz. — Mss. Al^ 8 : EmouU — Ms. A
17 ; Amoul.
P. 62, 1. 13 : Yons. — » Ms. A 17 : Bons.
§ ttOS. Apriès ce que. — Ms. ^Armens : En ce tamps, fu
tretiës li mariaiges entre monsigneur Lion, duch de Glarense,
fil au roy Edouwart d'Engleterre et à le roynne et la fille à mon-
signeur GaleaSy signeur de Melans, qu'il avoit de madamme
Blanche, serour.au comte Amë de Sa foie, liquel mariaiges se
fist et confremma , et se parti messires Lions , dus de Clarense ,
d'Engleterre moult estofieement et en grant arroy, à bien mil
chevaux. Si estoit ses compains en ce voiaige ungs grans ba-
nerës d'Engleterre et riches homs durement, que on noummoit
messire Edouieart le Despenssier. Si tint li 'dessus dis dus ses
Pasques en le bonne ville d'AbevîUe, qui estoit au roy son père,
et puis s'em parti et cevauça tant par ses journées qu'il vint à
Paris, où li roys Charles de Franche estoit, et li dus de Berri, li
dus de Bourgoigne, si frère, li dus Loeis de Bourbon et li comtes
de Savoie ossî, et rechurent le dit monsigneur Lion et festitèrent
grandement; et li dounna 11 rois Caries de Franche grans dons et
biaux jeuiaux et à tous ses chevaliers ossi. Puis s'en partirent et
chevauchièrent paimy Bourgoingne, et puis entrèrent en la comté
de Savoie. Si rechupt li dis comtes à Cambery monsigneur Lion
d'Engleterre et ses gens moult grandement, et les festia et hon-
noura durement, enssi que bien le savoit faire; puis s'em parti-
[1368] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, $ 592. 303
rent et passèrent oatre en Lombardie, et estoient de bonne ville
en bonne ville trop grandement festiiet et honnooret. Si acom-
paignoit le dit monsigneur Lion li gentilx comtes de Savoie et
l'amena à Melans. Là fu il grandement festiiés de monsigneur
Galeas et de monsigneur Rernabo. Si espousa la ditte damme, le
lundi apriès le jour de la Trenité , l'an de grâce mil trois cens et
soissante huit, en le bonne cite de Melans. F® 149 v^.
.... En ce tamps, se délivrèrent de leurs prisons des Englès,
par finance paiiant, messires Bertrans de Claiequin , li Bèghes de
Vellaines, messires Oliviers de Mauni et tout li autre, et se trais-
sent tantost deviers le roy Henry et li aidièrent à faire la gerre.
Li rois Henris eut tantost grans gens. F® 167 v«.
P. 63, 1. 20 : prisonniers. — Lems.A il ajoute : ce vaillant
chevalier. F® 254 v*»,
?• 62, 1. 25 : goges. — Ms. A % : gogues. F« 290 v«. —
Ms. Bk : gages.
P. 62, 1. 31 : en vo prison. •— Ms. ^ 8 ; en voz prisons.
P. 63, 1. 7 : voloit. — Ms» A 8 : vouloient.
P. 63, 1. 9 : et. — Mss. £ i, A 7,% : en.
P. 63, 1. 12 : retenons. — Ms, AS: retenions.
P. 63, 1. 13 : paiiés. ^^ Le ms. A 17 ajoute : sans detri.
P. 63, 1. 17 : mies mains. — Ms. ^ 8 : ja moins. F« 291.
P. 63, 1. 18 : se repenti. — Le ms. A il ajoute : car jamais
n*eust cuidié qu'il eust eu couraige ne puissance de paier si grant
somme. F*" 355.
P. 63, 1. 23 : couvenence. — Le ms» B 6 cloute : mais mes-
sire Thomas de Felleton, messire Robert Ganolle, messire Simon
de Burlë, messire Hues de Hostinghes^ messire d'Aghorisses et li
chevalier englès, qui avoient esté pris en Espaigne du conte dan
Telle, sy comme chi dessus est dit, en recordoient si grant bien
4ue li prinche s'y acorda legierement. P 712.
P. 63, 1. 32 : qu'il eut. — te ms. A il ajoute : du pape.
P. 64, 1. 4 à 6 : qui seoit.... Naples. — Ms. ^ 8 ; où le dit
duc estoit à siège devant la ville de Tarrascon qui se tenoit pour
la ville de Naples. F« 291 .
P. 64, 1. 10 : Melans. — Ms. A % : Milan.
P. 64, 1. 22 : reviaus. — Ms. AS: revel.
P. 64, 1. 22 : de danses, de caroles. — Ms. AS : et dances
de caroUes.
304 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1368]
5 ttOS. Vous av^s. — Ms. étAmiem ; En ce tamps, estoîent les
Compaignes si grandes et si fortes, qui revenues estoient d'Es*
paingne, esparsez ou royaumme de Franche, qu'il chevauchoient
ot aloient quel part qu'il voUoient, sans contredit. Dont touttes
mannierres de gens dou dit royaumme estoient tous esmervilliez ;
et en fu celle année la feste dou Lendi, dallés Saint Denis, toutte
perdue. Si en murmuroient signeur, comte « baron, chevalier,
escuier, marchant et bourgois des bonnes villes et citez dou
royaumme de France. Et disoient li plus que li prinches de Gal-
les et ses conssauz les y envoieoient pour fouller et susmettre le
pays; et ewissent adonc plus chier li aucun à avoir guerre ou-
verte au prinche et as Englès, que donc que tellez mannières de
gens pilleurs et robeurs leur fesissent gcrre. Toutteffois, il en
desplaisoit durement au roy de Franche, car ses royaummes en
estoit trop malement pressez et fouliez. Si traita deviers monsî*
gneur le captai de Beus et deviers monsigneur Olivier de Cli-
chon, et les retint à une grant somme de gens d'armez pour cbe-
vauchier et résister contre ces gens d'armes Compaignes. Si
estoient encorres dallés le roy de Franche et à ses saudeez
piuisseur chevalier et escuier d'Acquittainne, et le servoient
contre ces Compaingnes; mes, non obstant ce que li roys de
France ewist des bonnes cappittainnes assés de Giane et de Bre-
taingne, si estoient ces Compaignes si fort, que on ne les endu-
roit à combattre ; car c'estoient gens de petite valleur, mes dur et
bon combatant estoient, et ne desiroient ces gens riens que le
bataille pour yaiilx aventurer. P 149 v^.
P. 65, 1. 4 : convens se portoit. — Ms, AS: couvenancii
lavoit. F» 291 .
P. 65, 1. 11 : six mil. — Ms. A 17 ; huit mille. F* 355
▼•.
P. 65, 1. 19 : ïjannt. — Le ms. A 17 ajoute : Maleterre,
Breton.
P. 65, 1. 29 et 30 : n'euissent cure ou. — Ms. AS: s'ih
eussent voulu. F' 291 v*».
P. 65, 1. 29 : enventurer. — Ms. AS: aventurer.
P. 66, 1. 9 : sus se. — Mss» Al^S: sur sa.
P. 66, 1. 11 : Compagnes. -» Ms, AS: compaignons.
P. 66, 1. 18 : ne fu noient resjols. — Ms. A 17 .* fui moult
durement courrocié.
P. 66, 1. 10 : euist. — Ms. AS : eust eu.
[1368] VARIANTES DU JPREMIER UVRE, § 594. 305
P. 66, 1. 20 : aiilears. — • Le ms. J il ajoute : car depuis lui
fut il moult contraire. F^ 356.
§ 894. — Sntrues que ces Ck>mpagnes» — Ms. é£ Amiens :
Vous avés bien oy recorder tout le biau voiaige que li prinches
de Galles fist en Espaingne, et coumment, par puissance, il remist
le roy dan Piere en possession de tout le royaumme de Gastille
et des appendanches. Si devés savoir que ceste emprise li cousta
trop grossement, et s'endepta enviers piuisseurs chevaliers et
escuiers, qui n'en furent mies trop bien paiiet ; mes il estoit si
gentils et si nobles de couraige, que tout chil qui avoient à faire
à lui s'en contentoient bien, et si estoit si amës et si doubtés de
touttes gens d'armes que nulx ne Tosoit courouchier bonnement,
Or avint que, apriès le revenue d'Espaingne, se il avoit tenut
grant estât, noble et plentiveux en avant, encorres ne le veult il
de riens amenrir, mes acrobtre en tous kas, de tenir chevaliers
et escuiers grant fuisson, et faire grans frès et grans despens.
Avoecq tout chou, si offisciier faisoient les levées si grandes et les
provisions, et tout au title dou prinche, que cil de Poito, de
Saintonge, de le Rocelle, de Roherge, de Quersin et de la ducé
d'Acquittainne s'en tenoient à trop perse et foule ; car on leur
prendoit leurs vins, leurs bleds, leurs avainnes, leurs bestes, sans
compte et sans paiement. Et disoient li ofBsciier : a C'est tout pour
monsigneur le prinche. » Dont les povres gens n'en avoient autre
cose. Encorres avoecq tout chou, li prinches et ses conssauz
avt>ient mis et semës parmy toutte le dueë d'Acquitainne, de chief
en cor, senescaux, bailleur, mayeurs, trésoriers, vigiers, sergans
et tous autres officiers, de purs Englès ; et n'estoit nulx de le na-
tion des pays, frans ne villains, qui y ewist offisce, ne pewisl
venir à oflisce, fors les gens dou prinche. Et li pluisseur de ces
Englès tenoient le peuple en si grant vieuté que nuls ne s'osoit
drechier ne lever contre y aux, de cose que il fesissent ne desis-
sent; mes vivoient li plus des gens en grant subjection. Che fu
uns membres pour quoy li prinches et ses gens furent durement
enhày, *et murmuroient et disoient li pluisseur : (c Nous avons
ressort en le court dou roy de Franche ; si nous plainderons des
griefs que on nous fait. » Mes quant ces plaintes et parolies
venoient en place, et les gens le prinche les ooient, il respon-
doient tantost moult ireusement : « Dou resort et dou apel de
Franche est il noiens, car monsigneur tient ce pays quittement et
vit -^ 20
308 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [13M]
me saroie ne poroie hoDiierablemoit escuier enviers yaux. »
Telle fu la substance de la responsce que li sires de Labreth fist
adonc au prinche : de coy U prinches fu tous meranoolienx et un
tamps enfellonnë sus le dit sîgneur de Labreth « et en dubt y
estre priés mal pris au signeur de Labreth , le terme pendant
que on sejoumoit à Bourdiauz sus l'emprise de ce voîaige d*Es-
paigne ; mes li comtes d'Krmignach ammena les besoingnes, et
rafrenna le prinche et apaisa son nepveult le signeur de La-
breth, et fo ou voiaige d'Espaigne, mèsche fu tous des darre*
niers, et n'y eut que deux cens armures de fier. Depuis le rcTeone
d'Espaigne, il n'aloit ne venoit point en le cour don dit prinche,
de quoy li Englès disoient qu'il le faisoit par presumtion et qu'il
estoit trop grandement orguilleus. Enssi demorèrent les haynnes
ens es coers de ces'deux seigneurs, qui puisedi s'espanirent, si
comme tous orés recorder assës prochainnement en l'istoire.
Entre les estas des seigneurs terriiens estoit cilz dou prinche
grans et estofiës, et ossi de madamme la princhesse sa femme et
moût liex et moult joyeux estoit leurs hostels et moût renoumm&
partout. Or avoit adonc li prinches de Galles un canchiUier dalles
lui et tout mestre de son consseil, sage homme durement et de
grant advis, que on appelloit l'evesque de Bade en Engleterre.
Li prinches et li estoient souvent en secret et en requoy, et par-
loient des besoingnes de le princhipautë et coumment en hounneur
on les poroit parmaintenir. Si regarda chils evesques de Bade
que li voiaiges d'Espaingne avoit durement afoibli le mise et le
trésor dou prinche ; si conseilla enssi au dit prinche que ce se-
roit bon que uns fouages fust eslevés en la ducë d'Aoquittainne,
à durer une qantitë d'ans , et prendre sour chacun feu par an
un demy florin, tant que ses hostelz seroit rencraissiés en or et
en argent, et qu'il aroit paiiet les debtes qu'il avoit faitez pour
cause dou voiaige d'Espaigne. Ghilx conssaux pleut moult bien au
prinche et veut qu'il fuist remoustret à tout son pays, afin qu'il
em pewist avoir responsce. Si trestos que messires Jehans Cam-
dos entendi et senti que on volloit parlementer sour cel estât, il
prist congiet au prinche pour aller en Gonstentin jeuer et esbattre
à Saint Sauveur, dont il estoit sirèz, afin que de ce fouage et de
ce parlement il ne fust noient demandés ne enconppës. Li prinche
ce congiet li acorda assës lentement. Toutteffbis il l'eut et se parti
de Bourdiaux et de Polto et s*en vint à Saint Sauveur le Viscomte
en Normendie, et là se tint ung grant temps et tous ses hostels*
[1368] VARFANTES DU PREMIER LIVRE, § 594. 307
Vous avës bien oy recorder chy dessus en Tistoire que, quant
U prinches fu de premiers meus d'aller en Espaingne, et qu'il
regardoit quelx gens et quelx cârge il enmenroit avoecq lui pour
plus honnerablement parfumir son voiaige, entre les autres
priières et requestes qu'il fist à ses barons et à ses chevaliers, il
demanda une fois au signeur de Labreth, par grant avis, à quelle
somme de gens il le poroit servir en ce voiaige. Li sires de La-
breth li respondi adonc liement que il le serviroit à bien mil lan-
ches. Chilx services pleut grandement au prinche, et dist au si-
gneur de Labrech : « Je les retiens thous. » Or avint de celle
retenue chou que je vous diray. Ung grant temps apriès, quant
li prinches eut envoiiet monsigneur Jehan Camdos deviers les Com-
paingnes et qu'il en fu revenus, et qu'il eut dit au prinche quel
quantité de gens d'armes et de combatans des Compaingnes il
aroit, li prinches et ses conssaux regardèrent à ses besoingnes que
il ne pooit mies si desnuer son pays de gens d'armes que fuisson
n'en y demourast pour garder le pays, se il besongnoit, et que
mieux valioit que il menast touttez les Compaingnes qu'il en laiast
nul derrière ; et ou cas qu'il aroit touttez les Compaingnes et
grant plantet d'Englès et de barons, il n'aroit que faire de tant
de Gascons. Si contremanda au signeur de Labreth le plus
grant partie de ses gens, en disant ensi : « Sire de Labreth, je
vous remerchy grandement de vostre bel serviche, et tant qu'à
ceste foiSy nous nos déporterons bien d'une partie de vos gens.
Nous avons regardé et considéré nostres besoingnes : si n'en voi-
lons en che voiaige que deux cens lanches; mes prendés et eslisiés
lesquebL que vous voilés ^ et les autres laissiés leur faire ailleurs
leur prouffit. »
Quant li sires de Labreth oy ces nouvelles , si fu tous [lens-
sieus et courouchiés, et retint les messaiges dou prinche, tant
qu'il se fu conssilliés ; et quant il respondi , il rescripsî enssi :
ce Monsigneur, je sui tous esmervilliés de ce qu'à présent m'avés
escript et segnefiiet que je donne huit cens lanches congiet,
lesquelles, à vostre requeste et coummandement, j'ai ja de grant
tamps retenu, et leur ai fait brisier pluisseurs biaus voiaiges
qu'il e^wissent pris et eu, se il n'esperaissent à aller en vostre
service en Espaingne : pour quoy, monsigneur, je ne les saroie
eslire, ne poroie desevrer les uns des autres, car il me sont tout
un. Si vous plaise assavoir que ja vous n'arés les ungs sans les
autres, car, se vous m'avés, vous les ares tous; autrement, je ne
3i0 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1368]
Saint Pol ; mais chils n'avoit point congiet, jpais le pape Urbain Y
l'avoit dispense de sa foy, pour tant que le dit conte monstroit
pluisenrs articles qu'il trouvoit en veritë pour luy en confondant
les Englès* Sy demorèrent et vaquèrent ches choses ung grant
tamps. Et fu le mariage fait à Paris de madame Ysabiel de Bour-
bon, seur au duc de Bourbon, et du signeur de Labreth, et tout
che traita le conte d'Ermignac son oncle ; de quoy le prinche de
Galles s'en tint mal content sur le sire de Labredi de che qu'il
estoit sans son sceu alyës en Franche, et ossy sur le conte d'Er-
minac et sus chiaulx [qui] hantoient et frequentoient le court de
Franche, et en faisoit leur terres et leurs pays et leurs gens
tenir en plus grant subjection. Ensy se commença le guerre entre
le prinche et ches seigneurs dessus nommes, mais tondis parse-
veroit le dit prinche et voUoit avoir che servaigê.
Quant messire Jehan Gandos, qui fu très loyaulz chevaliers,
vey la manière de cheste ordenanche, afin qu'il ne fîist deman-
des, [il] prist congiet au prinche de aller viseter ses terres de
Saint Sauveur le Visconte en Constentin, et y ala et là se tint
plus d'un an. Et tondis procedoit le prinche par l'ennort de son
consail en che servaigê, et bien ly acordoient les pais que je vous
nommeray : prumiers Poito, Saintonge, le Rocelle, Àgenois,
Roergue, Quersin, Limosin et tout Bourdelois; et voUoient que
le prinche l'euist cinq ans tant seulement, et par ensy il devoit
tenir ses monnoies fermes et estables sept ans. Et commenchoient
ja ches gens payer cascun feu demy florin, et se portoit le fort
,1e foible. Ausy le prinche le volloit avoir eslevëe sur les églises,
mais chil respondoient qu'il estoient frans et exent de toutes
sousides et que , se de forche les constraindoit , il en appelle-
roient en le court de Romme, siques le prinche, qui ne les vol-
loit mies tenir en pais que il ne paiaissent otant que les aultres,
en estoit en grant mautalent sur yaulx, et eult consail de ^nvoier
à court de Rome devers le pape, ensy qu'il fist ; et envoia monsi-
gneur Guichart d'Angle, monsigneur Guillame de Seris et maistre
Jehan Briffault, de le Rocelle, pour empêtrer ches servaiges et
aultres choses qu'il avoient à besoigner. Et firent chil 'dessus dit
che voiage et vinrent à Romme, et se remonstrèrent au pape et
firent leur suplication et en parlèrent au pape ; mais il le trouvè-
rent moult dur et rebelle à leur opinions.
En che voiaige dessus dit faisant, les coses s'aprochèrent,
syques le duc de Berry et le conte d'Alençon furent recreut ung
[1368] VAIUANTES DU PREMIER LIVRE, $ 595. 311
an de revenir en Franche, et an chief de Tan retoumeroient en
Engleterre ; mais oncques depuis n'y râlèrent, car la gnerre se
renouvella entre. Franchois et Englès, sy comme vous orës recor-
der. Fw 719 à 723.
P. 66, 1. 21 : Entrues. — Ms. J%: Pendant que. P> 291 V».
P. 66
P. 66
P. 67
P. 67
P. 67
P. 67
P. 67
P. 68
P. 68
P. 69
1. 28 : crestîennetet. -— Ms, A 8 : crestientë.
1. 28 : s'acomparoit. — Ms. AS: s'appartenoit.
1. 10 : espaiiës. — Ms. AS: appaisiez. P* 292.
1. 11 : devoit. — Le ms A S ajoute : et avoit.
1. 14 : parmi tant. — Ms. AS: parmi ce.
1. 18 : Commignes. — Ms. AS: Ck>mminges.
1. 24 : souside. — Ms, AS: subside.
1. 1 : touchoit. — Ms, AS: appartenoit.
1. 22 : voloient. — Ms. AS: dévoient.
1. 30 : porter. — Ms, AS: porte.
§ 595. Le plus grant partie. — Ms. iT Amiens : En ce tamps,
estoit li dessus dis roys Henris li escachiës afuis, si comme vous
avés oy, ens ou royaumme d'Arragon, durement courouchiés et
tourblës sus le prinche et son pays ; et c'estoit une raisons, car
il Favoient mis jus et arrierre de grant signourie et de grant *
noblèce. Si avoit aucuns gens guerieurs et amis, et acqueroît en-
corres tous les jours pour gueriier le ducë d'Acquittainne, le terre
dou prinche, et ossi les terres des signeurs de Giane qui avoec-
ques le prinche estoient en ce voiaige et qui ce destourbier li
avoient porte. Si ewist vollentiers veu li dis roys, Henris que U
jonnes comtes d'Auçoirre, de Franche, qui uns grans gueriieres
estoit et bien amés de gens d'armes, se fust bouté en ceste guerre
avoecq lui et fuist entrés en Acquittainne, au les deviers Poito, et
ars et courut le pays. Mes quant li connissance en vint au i*oy
Carie de Franche que li comtes d'Auçoirre estoit pniës moult
aigrement des ungs et des autres pour entrer en le terre dou
prinche, si ne le veut mies conssentir ; et le deOendi à son che-
valier le comte d'Auchoire qu'il ne fuist telx ne si hardis, sus à
perdre tout chou qu'il tenoit ou pooit tenir ou royaumme de
Franche, qu'il se mesist en ceste chevauchie. Et pour estre plus
asseurs dou dit comte, il le fist adonc prisonnier ens ou castiel dou
Louvre dedens Paris, et le fist garder bien et songneusement :
che fu environ le Nostre Damme my aoust mil trois cens sois-
santé et sept. ¥^ 149.
311 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [I96S]
P. 70, 1. 6 et 7 : tourbler et à révéler. -— Ms. AS: troubler
et à rebeller. F* 292 y*.
P. 70, 1. 11 : d'Arragon. — • Le ms. B 6 ajauiê : à tout quatre
mil combatans. F"^ 711.
P. 70, L 14 : trob mil. -» Mss. ^ 20 à 22 : quatre mille.
P. 70, 1. 16 : en saudées. — Ms. AS: soudoiers.
P. 70, I. 18 : tourna. — Ms. AS: rendi.
P. 70, 1. 22 : joians, — Ms, A S •* joyeux.
P. 70, 1. 26 : ouvrirent. •— Ms. AS : rendirent.
P. 71, 1. 9 : rench. »- Ms. AS : rens.
. P. 71, 1. 11 : par quel condition que ce soit. — Ms. A 8 :
par quelque manière que ce aoit. F^ 293.
P. 71, 1. 18 ; et. — Ms. AS: ou.
S B96. Quant la ville. »- Ms. éû Amiens : Li roys Henris eut
tantost grans gens, que d'Arragon, que de Franche et de Cas-
tille ossi , qui se retournèrent viers lui , et s'en vint mettre le
siège devant Toullete, et moût le constraindirent. Chil de Tou*
lete envoiièrent au secours deviers le roy damp Pierre qui se
tenoit en le marche de Seville. Li roys dans Pierres, quant il
sceut ces nouvelles, queilla grant gens, et estoient bien quarante
mil, que Juis, que Sarrasins, dont il en avoit assés, et s'en ve-
noit pour lever le siège de Toullete. F* 167 v«.
Ms. ^ 6 : Si trestost que messire Bertran de Qaiquin sceut
quel chose il devoit paiier, il paia et se délivra parmy Taidde du
duc d'Angou qui y rendy painne et qui luy presta le plus grant
partie de l'argent. Sy s'en vint le dit messire Bertran en Cas-
tille devers le roy Henry qui seoit devant une chité apellée
Toullette, Se fu le roy Henry moult joieulx de la venue messire
Bertran et li rendy son offise de connestablerie de toute Espai-
gne, conmient que elle ly fuist encore à conquerre.
Le roy dan Piètre, qui se tenoit en le marche de Seville, avoit
bien entendu que son frère le bastart Henry estoit efforchiement
entres ou roialme de Castille, et avoit ja fait tourner à luy grant
plentë des hommes du pays et tenoit le siège devant Toullette.
Sique, pour résister à luy et remédier à ches besoignes, le roy
dan Piètre avrât fait ung grant mandement et espesial de toutes
gens là où il les pouroit avoir. Sy en avoit pluiseurs mandes et
priiet qui pas n'estoient venuz, mais s'estoient allés devers le roy
Henry. Le roy dan Piètre, pour estre plus fors et pour lever le
[1369] VARIANTES DU PREflOER UVRE, $ »97. 313
siège de Toulete, avoit proprement envoiet quérir gens d'armes
ou royalme de Grenade, et fait certaine composition au roj de
Grenade qui \y avoit envoiet dix mil Turs, Si povoit avoir le dit
roy dan Piètre en toute son armëe quarante lâîlle hommes. Sy se
party le dit roy de Seville, et chevauchèrent devers le chité de
Toulette, et povoit avoir de l'un à l'autre dix journées. F~ 712
et 713.
P. 72, 1. 8 : deux mil. •— Mss. ^ 15 â 17 ; trois mille. Ms.
A 17, P»357 V.
.* P. 72, 1. 19 : lé roy Henry^ — M$$.^ ^ 7, 8 .• son frère, le
bastart. F» 288 v*.
P. 72, 1. 21 : et estoit tenus tout le temps. — Ms. A ^ : o\x il
estoit petitement amez et doubtez. F* 293.
P. 73, 1. 14 : segur. — M$. A 8 : seur.
^ B97. Li rois dan Piètres. »• Mt. éC Amiens : Ces nouvelles
vinrent en l'ost dou roy Henry. Tantost, par lé consseil de mon-
signeur Bertran, on laissa au siège le moitiet de l'ost, et li autre
partirent et chevaucièrent trois journées contre le roy damp
Pierre, qui de ce ne se dounnoit garde, et le trouvèrent, li et ses
gens y tous despourvueus. Si le combatirent tantost, pourvueu
qu'il estoient, et le desconfirent, et y furent mort le plus grant
partie de ses gens, et li remanans s'enfuirent. F* 167 v«.
Ms, B 6 : Les nouvelles vinrent au roy Henry et à monsigneur
Bertran, qui estoient devant Toullette, comment le roy dan
Piètre s'en venoit pour lever le siège. Osy tost que il seurent la
vérité, messire Bertran y pourvey et dist au roy Henry : a Sire,
prendez à élection toute la fleur de vos gens et en laissiës une
partie pour tenir le siège, et aies radement contre vos iennemis;
et se vous poës tant faire que vous les trouvés sur les camps, sy
]es combatés, en quel estât qu'ilz soient, car de chy les atendre
et de les combatre par ordenanche, selonc che que il sont grant
foison, je n'y voy riens de bien pour vous. » Che consail fu te-
nus. Adonc on eslisy, par bon advis, tous les milleurs combatans
que il etdt, et furent environ sept mille. Et sy en demora cinq
mille devant Toullette, en le garde du conte Sanse. Sy se party le
roy Henry à toutes ses gens, et chevauchoient coiement, et avoit
ses espies devant qui rapcurtoient de jour et de nuit le conduite
de ses ennemis. Et tant firent. que, à quatre journées près de
Toulette, le roy Henry et messire Bertran entendirent que le roy
314 CHRONIQUES DE J. FROISSART, [1369]
dan Piètre cheTauchoit, lay et ses gens, sans ordonnancbe et
moult espars. F~ 713 et 714.
P. 73, 1. 29 et 30 : en istance de ce que. — Ms. J 1 : en
istance de ce. F* 389. -* Ces mots manquent dans le manuscrit
J B.
P. 74, 1. 1 : neuf. — Ms. A S : sept. F* 293 V.
P. 74, 1. 13 et 14 : car.... enfourmé. i— ilfr. AS: car, dîst
iL, nous sommes enfourniez.
P. 74y 1. 18 : que tout. — Ms. A S : et si.
P. 75, 1. 1 : sus une ajournée. — Ms. A B : sur un adjourner.
P. 75, 1. 4 : Montueil. — Ms, AS: Nentueil.
P. 75, 1. 8 : Evous. — Ms. AS :Ei TÎndrent.
P. 75, 1, 23 ; très. — Ms. A S : dès.
P. 75, 1. 31 et p. 76, 1. 1 : Non pour quant. — Ms. AS :
Combien que.
P. 76, 1. 17 et 18 : pour yaux et de meschief. — Ms» AS :
pouryeus.
S 898. P. 76, 1. 26 : Yons. — Ms. A 17 : Yvons. F» 359,
P. 76, 1. 28 : Saint Pol. — Le ms. A 17 ajoute : monseigneur
Olivier et monseigneur Ilervë, monseigneur Eon et Alain de
Mauny, frères, monseigneur Eustace de la Hôussoie, monseigneur
Robert de Guîtë, Helot du Taillay et plusieurs autres bons che-
valiers et escniers que je ne puis mie tous nommer. F^ 359.
P. 76, 1. 29 : Talay. — Ms. A S : Calay. P 294.
P. 77, 1. 6 : usent. — Ms. A S : furent.
P. 77, 1. 9 : apertises. — Le ms. A S ajoute : d'armes.
P. 77, 1. 21 : perdoient. — Ms. AS: espardoient.
P. 77, 1. 21 : desconfisoient. — Les mss. B ketAl ajoutent:
car tous s'esbahissoient. F^ 292.
P. 77, 1. 25 : en ce castiel. — Ms. ^ 8 ; là retrais. F* 294 v».
P. 78, 1. 2 : estoient. — Les mss. B k et A 7, S ajoutent : et
qui le pais point ne congnissoient. P 292.
P. 78, 1. 14 et 15 : à fous et à mons. — Ms. A S: k fort et
à mort.
P. 78, 1. 18 : vingt quatre mil. — Mss. ^ 15 à 17 : trente
mille. — Ms. A 17, f* 360.
P. 78, I. 20 : refuites. -^ Ms. A S : refuges.]
§ 899. Apriès le grande. — Ms. if Amiens : Et ilz meysmes
[1360] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, g 509. 315
(don Pèdre) se bouta en un castiel qui estoit prias de là^ que on
appelle Montuel. Tantost on mist le siège devant, et estoit si
priés gardes de jour et de nuit^ qu'uns oizellës n'en partesist
point sans congiet. Ghils castiaux n'estoit point pourvueus pour
tenir. Li roys dant Pierre, qui se veoit en ce parti, n'estoit point
aise ; si vot yssir de nuit, lui douzime, et li enventurer, enssi
qu'il fist. Celle nuit faisoit le get messires li Bèghes de Vellainne ;
si le trouva et ses compaignons. Si furent tout pris, et les en-
mena U dis Bèghes en son logeis. Ces nouvelles vinrent au roy
Henry, qui s'arma et fist armer ses compaignons, et vint là, et la
premierre parole qu'il dist fu telle : ex Où est li fils de pute Juis,
qui s'appelle roys de Gastille ? » Adonc respondi li roys dans
Pierre et dist : a Mes tu y es fils de pute, car je suis fils le bon
roy Alphons. » Adonc le prist et embraça et le jetta desoubs lui.
Là estoit li viscomtes de Rokebertin qui le retourna par le piet et
le mist desoubs. Adonc bouta li roys Henris à son frère une
espëe ou ventre, et là le tua et un escuier englès oBsi. Enssi fu
sa guerre afinëe, et reconcquist tout le royaumme d'Espaingne,
car cbacuns se tourna deviers li, si tost c'on seut le mort le roy
dam Pierre. F» 167 v».
' Ms. J? 6 ; Quant le roy Henry sceut que le roy dan Piètre
estoit là entrés en chc castiel, sy en fu moult joieulx. Et ordonna
toutes ses gens de logier là environ et de faire grant gait de nuit
et de jour par quoy il ne leur puist escapper, car c'estoit son
entente que jamais de là ne partiroit sy l'aroit, comment qu'il
fust. Ensy furent là quatre jours. Le roy dan Piètre, qui se veoit
enclos en chelle forterèche, qui petitement estoit pourveue, car
de tons vivres il n'i avoit point pour quinze jours dont il estoit
moult esbahisy eult îmagynadons et consauls comment il poroit
user et partir de là sauve sa vie. Sy m'a samblë, ensy que je fus
adonc ynformës, que le sire de Mantuiel luy impetra adonc ung
apointement fait devers ung grant baron de l'ost qui faisoit le
gait à son tour. Et le devoit chilz baron, luy treizime, mettre
hors de tout péril parmy soissante mille florins qu'il devoit avoir.
Sur che conduit et ordenanche s'y aseura bien le roy dan Piètre,
faire ly couvenoit, car il estoit si astrains que plus ne se pooit
tenir. Et se party et toute ses gens, environ heure de minuit, du
dit castiel.
Celle propre nuit faisoit le gait le Bèghes de Vellaines, je ne
dich mie que che fùst chUz sus quelles asseuranches il se mettoit
316 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
hors, car 3 l'euist trahjt, mais che fa chil qui le prist i Tyssoi
du castiel. Et furent tout chil pris qui avecques luy estoioit, et
les envoia le dit Bèghes en son logis comme ses prisonniers. Sy
n'eurent gaires là estet quant le roy Henry, bien acon^iaigma à
torses et (alos, entra en la loge et en le cambre où son frère le
roy dan Piètre estoit, et entrant yreusement il demanda : « Où
est 1^ filz de pute Juis qui s'appelle roy de Castille ?» Le roy
dan Piètre, qui oy le vois de son frère et entendit ces paroUes,
senty bien qu'il estoit mors, mais nul compte n'en fist; et res-
pondy en hault à son frère le bastart, en soy tirant devers luy et
en faisant chière de lion : « Mais tu ies filz de pute, car je sds
du sanc du bon roy Alphons. » Et à ches mos, il l'embracha et
le reversa sur une amborde, que on dist en Franche ung lit de
matelas de soie, et le jetta desous luy; et traist ung coutiel et
Feuist ochb sans faulte, quant le visconte de Rockebertin se
traist avant et le prist par le piet de derière et le reversa d'autre
part sus le lit jus du bastart Henry* Adonc en eult qui ly bouta
au roy dan Piètre une espée ou ventre tout outre le corps. Ensy
morut le roy dan Piètre. P* 716 à 718.
P. 78, 1. 28 : assamblés. — Ms. J S : assemblées. F* 294 v*.
P. 79, 1. 2 : disent. — Ms. J S : disoient.
P. 79, 1. 5 : afaire. — Ms. A %: gouvernement.
P. 79, 1. 10 : esté. — Le ms. A 8 ajcute : de tous vivres.
P. 79, 1. 15 : oiselés. — Ms. AS: oyseau.
P. 79, L 20 et 21 : tamainte. — Ms. A 8 : grant. F* 295.
P. 80, 1. 10 : sarons. — Ms. A% : sachons.
P. 80, 1. 10 et 11 : ceminent. — Ms. AS: viennent.
P. 80, 1. 11 et 12 : jamab vitaillier. — Ms. AS: gens ba-
tailleurs.
P. 80, 1. 16 : est çou. — Ms. Al: estez-vous. F* 290 y.
— Ms. AS: esta.
P. 80, 1. 22 : frère. — Le ms. A S ajoute : le bastart.
P. 80, I. 24 : nommés vous. — Le ms. A S ajoute : et vous
rendez.
P. 81, 1. 10 : depuis. — Le ms. A S ajoute : acertenez et.
P. 81, 1. 22 : pute juis. — Ms. AS : putain juif.
P. 81 , I. 29 : matelas. — Ms. AS: materas.
P. 82, 1. 2 : escerpe. — Ms. AS : escharpe.
P. 82, 1. 4 : dl. — Ms. ^ 8 : ses gens.
P. 82, 1. 12 : Yon. — Ms. A 17 : Yvon. F» 360 V.
[1368] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 600. 317
5 600. Enn fina. — ilfr. J Amiens : En ce tamps, fu ochis li
Arceprestres, qui s'appelloit messires Rénaux, de qui vous avez oy
parler en l'istoire chy dessus, qui estoit assez bons chevaliers et
anus au royaumme de Franche ; car' il avoit la damme de Cas-
tielvillain à espeuse et estoit compères dou duc de Bourgoingne.
Si fu ochis par guerre d'iunis et de haynne li dis Arceprestres
sour les camps, assés priés de le cite de Mascon sus le Sone, dont
li rois de Franche et li dus de Bourgoingne lurent moult cou-
rouciet.
En ce tamps, fu conssilliës li roys de Franche qu'il mandast
monsigneur Jehan de Montfort, duc de Bretaingne, qu'il venist
relever la duché de Bretaigne, enssi qu'il appertenoit, et en fesist
hoummaige et feaulté à lui. Si y envoiea li dis roys ses lettrez et
ses messaîgez. Quant li dus de Bretaingne entendi chou, si s'en
oonssilla as barons et as chevaliers de Bretaingne. Si trouva en
consseil que voirement estoit il tenus dou faire, car, sus cel estât
et par ce couvent qu'il l'avoit juret et proummis au roy et à tous
chkttx de Bretaingne, Tavoit on mis en possession paisiule de la
dite duché; et autrement, s*il ne le faisoit, il n'en pooit joTr, ne
avoir l'amour des Bretons entirement : siques li dus de Bretaingne
vint adonc en France assés envis en grant arroy et noble, et fist
hoummaige au roy de Franche et le recongnut à tenir en fief de
lui, présent les pers et les barons de Franche , qui à chou furent
appiellet. Et rechupt li roys de Franche le dit duc moult belle-
ment et moult liement, enssi que bien le savoit faire. Si fu li dis
dus environ cinq jours à Paris, puis prist congiet au roy et s'em
parti, et s'en revint arrierre en Bretaingne droit à Venues, là où
madamme sa femme se tenoit, fille à madame la princesse d'Ac-
quittainne.
Vous avés bien chy dessus oy coumment li dus de Glarense fu
mariés en Lombardie à le fille monsigneur Galeas, lîquelx dus,
assés tost appriès son mariaige, trespassa de ce siècle : dont ses
gens furent moult esmervilliet, car il estoit jonnes chevaliers, fors
et appers durement ; si suppeçonnèrent que on ne Tewist empui*
sonnet. Et em fist guerre moult grande et moult forte li dis sires
Despenssiers as signeurs de Melans et à leurs gens, par le com-
fort d'aucuns chevaliers et escuiers et archiers d'Engleterre, qu'il
avoit avoecq lui, et tint par le guerre les signeurs de Melans
moût court, et rua par pluisseurs fois ses gens si)s. Et y fu pris,
dou costé les signeurs de Melans ^ li sires de Montegny Saint
318 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [i368]
Christofile en Haynnau, et ossi messires Aimeris de Namur, fils
bastars au comte Guillaumme de Namur. Et fissent là li Englès
une guerre moult honnerable pour yaux, et reboutèrent pluisseurs
foix les Lombars et lors aidans. Touttesfois, messires Galeas en-
voiea le corps enbapsmë de monsigneur Lion, duc de Glarense,
par un evesque, arrierre en Engleterre : là fu il enseveli. Si de-
moura de ce duc de Clarense une fiUe qu'il eut de sa premieme
femme, la comtesse de Duluestre, qui clammoit grant part à l'ire-
taige d'Irlande, et fu ceste fille mariée au jonne conte de le Marce
en Engleterre.
En ce tamps» faisoit guerre messires Caries de Behaingne, em-
perères de Romme, as seigneurs de Melans, pour le cause de
l'Eglise, car.li dessus dit signeur estoient assës rebellez au pappe
Urbain V*, qui se tenoit adonc à Romme. Si en convint le gentil
roy Piere de Cippre ensonniier, qui estoit adonc à Bouloingne le
Crasse, et mist acort entre l'Eglise et les seigneurs de Melans.
Ossi li sirez Despenssiers s'apaisa à yaus, parmy tant qu'il s'escu-
zèrent de le mort le duc de Clarense, et jurèrent que par yaux
ne par leur couppe il n'estoit mies mors. Or parlerons don prinche
de Gallez et des merveilles qui avinrent en Acquittainne , dont il
estoit sirez, et recorderons, au plus justement que nous porons,
coununent et pourquoy il fu gueriiës et reperdi tous les pays et
les senescaudies qui li estoient dounnées et acordëes par le traitiet
de le pais, si comme il est chi dessus contenut sus l'an mil trois
cens soissante et ung, et coumment ossi il s'em parti et s'en revint
arrière en Engleterre. F* 150.
P. 82, 1. 17 : se gaboient li Espagnol de lui. — 2> m/. A 29
ajoute : quant il le veoyent ainsi mort estendu sur la terre. Au
quart jour, il fut enterré en l'atre de l'église de Montueil. Quant
le seigneur de Montueil sceut que le roy don Piètre estoit pris et
tous ses compagnons, car il s'en doutoit pour le grant rumour
qu'il avoit ouy tantost après qu'il s'estoit parti de la place, et
puis lui fut dit comment il estoit mors, dont il eut grant douleur
au coer, si s'appensa que l'endemain il traicteroit pour appoincter
deviers le roy Henri, comme il fist.
P. 82, 1. 20 et 21 : s'espardirent.— iftff. ^ 8 ; s'espandirent.
F« 295 V».
P. 82, 1. 22 et 23 ; réconforte. — Ms, J 8 : tous resjouis.
P. 82, 1. 39 : se. — Ms. A 8 ; son.
P. 83, 1. 2 : pays. —MséBQ : Et ossy firent tous chilz d'Es-
[1368] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 601. 319
paigne, de Castîlle, de Gorduan, de Gallise, de Luxebonne, de Se-
ville, et luy firent tous foyaultë et éommaige. F^ 718.
P. 83, 1. 15 : florins. — Ms. J S: frans.
P. 83, 1. 25 : d'Engleterre. — Le ms.B 6 ajoute : duc de Gla-
rense. F« 719.
P. 83, 1. 28 : Melans. — Ms. J S : Millan.
P. 83, 1. 29 et 30 : ses compains. — Ms. A % : son compain-
gnon.
P. 84, 1. i : ensonnia. — Ms. A % : enfoima.
S 601. Vous avés. — Ms, d Amiens : Ou pourcach et ou par-
lement de ce fouaige que H prinches volloit aleuer en la duché
d'AcquittainnCy en Tayde de son noble estât à pam^aintenir et
paîier chiauz à qui il avoit acrut ou voiaige d'Espaingne, furent
appellet tout li noble, comte, viscomte, baron, chevalier et bour-
gois des bones villes, et ossi tout li prélat d'Acquittainne, c'estoit
bien raison. Si en y eult pluisseurs parlemens à Bourdiaux, en
Anghouloime et en Niorth , car il venoit as pluisseurs moult à
dur et à contraire d'eslever tel cose en leur pays, et sambloit as
barons et as chevaliers par especial que li peuples en seroit trop
grevés, et qu'il estoit assés pressés en autre mannierre des grans
levées que li offisciier dou prinche faisoient sus les petittes gens.
Non obstant chou, li evesques de Bade, qui estoit moult sages et
très agus en ses parolles, proposoit que il n'estoit nulle terre si
paisieule, ne où li commun peuple ewist si bel ne si bon demou-
rer^ qu'il avoient en la terre dou prinche; car il n'estoient
gueriiet ne herriiet de nul homme dou monde , mes porté et de-
porté , cremu et doublé de touttes gens , et especialment de leurs
voisins.
Que vous feroie je lonch recort? Tant fu proposé et parlementé
que tout Poito, Saintonge, le Rocelle, Roherge, Quersin et Bi«
gorre acordèrent au prinche à paiier ce fouage, et chacun feu
par an, le tierme de cinq ans, demy franch, et li prinches devoit
tenir estable, sans muer, ses monnoies sept ans. Quant ces nou-
velles vinrent en le terre dou comte d'Ermignach , dou signeur
de Labreth, dou comte de Pierregorth, dou comte de Laille, dou
comte de Gonmiinges^ dou viscomte de Quarmaing, dou signeur
de la Barde et de pluisseurs autres signeurs des marches de
Gascoingne, si dissent tout couvertement que ja ne s'i accorde-
roient, ne que chilx fouaiges ne c6ur[r]oit en leur pays. Adonc li
320 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1368]
prinches et ses conssaux proposèrent k Tenoontre et dissent que
si feroient. Li dessus dit seigneur fissent responscez au pria-
che, et fondèrent et foarmèrent apiaux pour plaidier et venir en
le cambre de parlement à Paris. Li prinches respondi que de ce
ne couvenoit nulle part apeller fors en sa court, et qu'il n'avoient
nulle souverainnetë.
En ces variations et detriemens vinrent li dessus dit signeur
de Gascoingne à Paris deviers le roy Carie, et se plaindirent don
grief que li prinches leur voUoit faire en leurs terres. li roys de
France, k che premier, leur respondi que ce pesoit li que nulle
disense se boutoit entre le prinche de Galles, son nepveult, et
qu'il n'y pooit mettre consseil ne remède , car il avoient bonne
pès, li rois Edouwars, ses frères, et ilz et leurs royaummes : si le
volloit, se il plaisoit à Dieu, tenir entirement et parfaitement^
enssi que juret et proummis l'avoit, et li roys ses pères. Dont
respondirent li baron de Gascoingne, qui volloient faire partie
contre le prinche, et dissent : « Chiers sires et nobles roys, nous
tenons et advons tousjours tenus que, quant li pais fu confremmëe
entre vous et le roy d'Engleterre , vous ne quittastes oncques le
resort de touttes les terres d'Acquittainne, mais le retenistez et
reservastes; et ossi il n'estoit mies, ne n'est encorres, de nul roy
de Franche en le puissanche ne ordounnanche, dou dounner ne
dou quitter : de ce sommes nous bien privilegiiet. Pourtant,
sire, se vous voilés à nous entendre et recepvoir nostre apel, et
mander le prinche que il viegne à cest apel sus les griés qu'il
nous fait, vous nous adrecherës de justice et de raison. Et, se
nous partons de vostre court où nous tenons nostre resort, che
ne sera pas en le defiaulte de nous, mes de la vostre, se nous
querons ailleurs qui de ce nous aide et adrèce. » Adonc re^wndi
li roys de Franche : « Je m'en consseilleray. » Chilx conssaux dou
roy fu moult Ions, et tondis demouroient et sejoumoient chil si-
gneur de Gascoingne à Paris, pourssuiwans le roy et le cons*
seil.... ¥• ISl.
.... En ce tamps, estoit revenus d'Engleterre en Franche li comtes
Guis de Saint Pol et de lini, qui tant haieoit lez Englès qu'il n'en
pooit nui bien dire, et vist vollentiers, pour soy contrevenger de
aucuns contraires et anois qu'il li avoient fais , que li gerre fust
renouvellëe entre le roy de Franche et le roy Englès, et le cons-
silloit et enortoit le roy tempre et tart ce qu'il pooit. Et disott
que li royaummes d'Engleterre n'estoit que uugs petis pays ens
[1368] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, S ^02. 321
ou regart dou royaumme de Ffance ; car il Tavoit pluisseurs fois
cheyauciet de chief an qor, et adviset et consideret très bien et
ossi toutte leur puissanche, et que, de quatre ou cinq provinsses
que il y a ou royaumme de Franche, la meneur est plus rendable
et plus grosse de chitës, de villes, de castiauz, de chevaliers et
d'escuiers que li cors d'Engleterre ne soit, et que moût s'esmer-
villoit et estoit esmervilliës coumment il pooient avoir eu, de tamps
passet, le forche et le concquès qu'il avoient : siques ces parollez
et pluisseurs autres dont li rois estoit tutës et consilliés, tant dou
dit comte de Saint Pol que de pluisseurs qui point n'amoient les
Englès, resvilloient le dit roy de Franche; souvent, une heure y
entendoit vollentiers, et une autre heure s'empassoit assës brief-
ment. F^" 152.
P. 85, 1. i3 : nuit et jour. ^^Ms. A 8 : tous les jours.
P. 86, 1. 1 : revenus. — Ms. j? 6 : Et ja estoit revenus (d'En-
gleterre) le duc de Bourbon et estoit qui te de sa foy, et ossy
Guis de Blois, par l'acort du roy dTEngleterre. Et ossy estoit le
conte Guis de Saint Pol, mais chilx n'avoit point congiet. Mais le
pape Urbain V* Tavoit dispense de sa foy, pour tant que le dit
conte moustroit pluiseurs articles qu'il trouvoit en vérité pour
luy, en confondant les Englès. F« 721 .
P. 86, 1. 3 : soutilleté. — Ms. A 8 : soubtiveté.
P. 86, 1. 4 : démener. — Ms, AS: devisier.
P. 86, 1. 9 : de. — - Z> ms* A 8 ajoute : grant.
P. 86, 1. 26 : condescendre. — Ms. AS: contendre.
P. 87, 1. 3 et 4 : vivement. — Ms. AS: plainement.
5 008. Edouwars. — Ms. if Amiens: Se li (au roi de France)
disoient li aucun signeur de Franche et li plus espedal de son
consseil, et li moustroient et declaroient par pluisseurs poins de
le chartre de le pais, que li rois d'Engleterre ne li prinches de
Galles n'avoient en riens tenu cest article de le pais qui faisoit
mention qu'il dévoient faire wuidier touttes mannierres de gens
d'armes et de Gompaignes dou royaumme de Franche , quant il
jurèrent, devant la chité de Cartres et depuis à Calais, le pès,
mes les y tenoient et envoieoient encorres tous les jours, et gue-
rioient couvertement le royaumme ; et avoient pieur guerre assés
que donc que il l'euissent toutte ouverte as Englès, car il ne sa-
voient de qui il estoient gueriiet , et si estoient pris , pilliet et
robet de tous costës. Dont , sus cel estât , li roys de Franche en
vil — 21
322 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1368]
avoit envoiïet en Engleterre par pluîsseurs fois son consseil, le
comte de Tancarville une heure , et puis l'autre, monsigneur
Bouchigau, son marescal, et aucuns grans clers en droit avoecq
yaux, pour remoustrer au roy englès et à son consseil coumment
li cartre de le pais parloit, et que il gardast le sierement qu'il
avoit juret. Li roys Edouwars respondoit à chou et disoit que,
se li royaummez de France estoit gueriiës, ce ne pooit il amender,
mes moût Tempesoit, et que si marescal et chil qui de par lui y
avoient estet estaubli, estoient allet, tantost apriès le pais faitte, de
ville eh ville et de fort en fort, et coummandé à chiaux qui les
tenoient, qu'il wuidaissent et partesissent , et que en avant il
n'avoient nulle cause de gueriier, car il estoit bonne pais entre
lui et le roy de Franche. Dont, se sus ce coummandement il y
estoient demouret ou parti et depuis revenu, îl ne pooit mies les
ennemis dou royaumme dé" Franche bouter hors ne yaux gue-
riiefy car il estoit assés ensonniiës de garder sa terre et ses
frontières et de tenir en pès. Telles ou pareilles estoient les res-
ponses que li roys englès faisoit et proposoit au roy de Franche
et à son conseil, quant il venoit en Engleterre, lesquelles res-
ponsces ne souflBssoient mies bien au roy de Franche et à son
consseil. Et emparloient souvent, en yaux complaindant des griefs
que ces malles gens nommés Compaignes leur faisoient, au roy,
li dit signeur, duc, comte, baron et chevalier, pour le cause de
leur peuple qui estoit contournez en grant tribulation et misère.
Et en avoit li dis roys grant pité et compation, et voUentiers
l'ewist plus tost amende qu'il ne fist , et mis remède ; mes il
sentoit encorres hostagiiers en Engleterre, pour le rédemption
dou roy son père, pluisseurs grans signeurs de son royaumme
et de son sancq, son frère le ducq de Berri, le duc de Bourbon,
le comte d'Alençon, le comte de Halcourt, le comte de Porsiien
et pluisseurs autres grans barons. Si lez voloit tout ravoir ou ero
partie, ainschois qu'il resmeuist le guerre... ¥^ 152.
§ 605. Entre les aultres. — 3fs, d Amiens : Liquelx roys
eult mainte ymagination et maint pourpos, ainschois que il se
volsist mettre ne bouter en le querelle des Gascons, qui moût
le pressoient que li prinches fust mandés sus lez griefs qu'il vol-
loit faire en leurs terres, et en eut li roys pluisseurs consulta-
tions avoecq deus ou trois des plus especials qu^il ewist. Et fist
lire par pluisseurs foix à grant loisir les carti*es de le pais, et les
[1368] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 603. 323
examina et avisa bien mot à mot, et clause à clause; et y trouva
voirement, si comme je fui adonc enfouîmes, que il n'avoit mies
quittet le resort des terres qui estoient délivrées et rendues au
roy d'Engleterre , et pluisseur grant article, dont ses conssaulx
proposoit et enfourmoit le roy, que li Englès avoient mal tenu :
lesqnes articles je ne voeil mies encorres déclarer, mes em parle-
ray, quant temps et lieux venra, et ossi des deffensces que li roys
d'Engleterre mettoit à rencontre... F<» 451.
A ce donc se tenoit en la langhe d'Ock , et estoit tenus ung
grant temps en avant, li dus d'Angho, frères dou roy de Fran-
che, une fois à Thoulouse, puis à Carcasonne, à Biauqaire ou à
Montpellier, en très grant arroy et noble , et la duçoise sa femme
avoecq lui, fille qui fu à monsigneur Carlon de Blois. Et acrois-
soit tondis, de jour en jour, li estât dou dit duc en honneur et en
prospérité, et tenoit auques le court sannable à l'ostel dou dit
prinche , et estoit si plains et si remplis d'or, d'argent et de rices
jeuiaux, que c'estoit merveilles à pensser. Et avoit de loncq
tamps assamblé et amasset si très grant trésor que sans nombre,
dont il en avoit mis une partie eus ou fort castiel de Rokemore,
qui siet sus le Rosne et à deux lieuwes d'Avignon. Si vous di que
li dus d'Ango ne pooit nullement amer, ne ne fist oncques, les
Englès ne lor affaire, mes les haioit de tout son corraige, et
mettoit et rendoit grant painne à ce que li guerre renouvellast
entre le roy son frère et yaux. Si avoit atrais et atraioit encorres
tous les jours touttes mannierres de gens d'armes, especiaulment
capittainnes des Compaingnes , pour lui renforchier et afoiblir le
prinche et lez Englès. Si avoit ratrait Petit Mescin, Jake de Bray,
Perrot de Savoie, Ammenion de Lortighe et pluisseurs autres
bons giierieurs, dont il peusse estre bien servis et aidiës, et qui
estoient souverain des routtez, et leur dounnoit et proumetoît grans
dons et proufis à faire, et leur faisoit tous les jours. D'autre part,
li roys de Franche se maintenoit en cas pareil, et avoit ossi re-
trais deviers lui et fès ses amis de pluisseurs, par dons et par lar-
gèces, car il supposoit bien qu'il en aroit à faire.... F^ 152.
En ce tamps, avinrent deux grans joies au roy Carie de Fran-
che. La premierre si fu que madamme la roynne, sa femme, ajut
d'un biau fil qui eut à nom Caries : dont tous li royaummes de
Franche fu grandement resjols. Assës tost ''apriès, ajut la serour
de la ditte roynne de Franche d'un biau fil, madamme Ysabiel
de Bourbon , femme au droit signeur de Labreth ; et eult à [nom
3i4 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1368]
cils filx Carie contre le roy de Franche : che fu la seconde joie
dou roy, tant amoit il l'afinitë et l'alianche au dessus dit signeur
de Labreth. De le natintë le jone Carie de Franche fu li royaum-
mes de chief en cor si resjols que on ne le vous poroit dire ne dé-
clarer, et s'en rengroissa grandement li corraiges des royaux et
ossi de touttes mannierres de gens. Che fu par uns avens, devant
Noël, Tan mil trois cens soissante et huit... F* 153.
5 004. Tant lîi li rois. — Ms. tt Amiens : Touttefois, li roys
de France s'aresta adonc sus les poins dou certain artide qui
touchoit au ressort, et rechupt et tint à bon Tappiel dou signeur
de Labreth et de tous les autres signeurs de Gascoingne , et dist
qu'il feroit partie avoecq yaux à l'encontre dou pnnche, se il ne
volloit obéir à raison. Et fist li dis roys founner et escripre let-
tres moult bien dittëes et ordounnëes et, ainschois qu'elles fuissent
scellées, bien examinées. Si furent ces lettres baillies et délivrées
à ung chevalier de Biausse, qui se noummoit messire Chaponnet de
Chaponval , et à ung autre clerch de droit ossi. Si cevaucièrent
tant par leurs journées qu'il entrèrent en Poito, et vinrent en
Angouloime où li prinches se tenoit adonc. Si fissent leur mes-
saige bien et deuement au prinche de par le roy de France, et li
baillièrent les lettres qu'il apportoient. F^ 1 51 v«.
$ 606. Quant li princes. -— Ms. d Amiens : Si trestost que
li prinches les eult, il les ouvri et les lisi. Si perchupt coumment
il estoit mandés et adjoumés à estre à Paris à l'encontre dou
comte d'Ermlgnach , dou signeur de Labreth , dou comte de
Pierregorth, dou comte de Commingnes, dou viscomte de Quar-
maing , dou comte de Laille , dou viscomte de Murendon , dou
signeur de la Barde, dou signeur de Taride , dou signeur de Pi-
cornet et de pluisseurs autres, qui tout s'estoient boutet en l'apiel.
Si fu trop durement esmerviUiés et sancmeuchonnés et airés sus
chiaux qui telles lettres li avoient aportées, et frémi et rougi
tout d'air, et se tut ungs grans [tamps], regardans les messaîges
par grant fellonnie , car, avant les lettres veutes , il ne quidast
mies qu'il fust homs au monde qui l'osast com^ucfaier. Et eut,
je vous di, en présent tamainte dure pensée sus le clercq et le
chevalier, que pour yaux faire tranchier les testes tantost et sans
delay; mes il se rafrenna, et dist, quant il eut ung grant tamps
penssé et busiiet : « Je yray voirement à Paris i mes che sera
[i368] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, S 807. 3t8
le bachinet en le teste et soissante mil hommes en me com-
paingnie. »
Che ne fait mies à demander se li prinches de Galles et d'Ac-
qoittainne (il grandement tourblës en couraige et fort courouchiés,
quant soi se Vei semonre et adjoamer ou nom de ses subgës en
estraingne court, ilz qui se tenoit et presumoit ungs des grans
don monde et à qui le plus droite gens d'armes et touttes man-
nierres de gueriieurs obeyssoient. Toutteffois, il respondi adonc
enssi comme chy dessus est dit. Lors fissent ses gens partir et
yssir de sa cambre et de sa présence le chevalier et le clerc des-
sus noummet, qui n'estoient mies à leur aise, car nulx ne les ac-
compagna à leur hostel, et sentirent bien qu'il ayoient bien dure-
ment courouchiet le prinche. Si se fuissent voUentiers tantost
parti, mes il leur fu dit que point ne partesissent jusquez à tant
que il aroient responsce du prince. Si obéirent et séjournèrent
en Angouloime quatre jours, sans point yssir de leur hostel. Au
dnqime jour, il leur fu dit qu'il pooient bien partir, se il volloienl,
car il avoient bien fait leur messaige, et que li prinches n^'y respon*
deroit autrement qu'il avoit respondu. Sur chou il se partirent^
et prissent leur chemin pour venir viers Toulouse et pour yssir de
la princhipautë au plus tost qu'il pewissent, car il n'y estoient
mies trop bien asseur. Enssi qu'il chevauchoient tout leur chemin
à grant esploit, il furent rencontre et arestë dou senescal d'Aghi-
nois, monsigneur Guillaumme le Monne, et pris et menet em pri-
son à Pennes en Aginois. Ces nouvelles s'espandirent tantost et
vinrent en Franche, car li varlet des dessus dit n'eurent nul em-
peschement, mes cheminèrent tant qu'il se trouvèrent à Paris, et
recordèrent à tous ceux qui leur demandèrent de leurs mestres,
coumment il leur estoit. Quant li roys de Franche en sent le vente
et la responsce dou prinche , il n'en fu mies mains penssieux.
Toutteffois, il s'en porta et passa adonc au plus bellement qu'il
peut, et n'en fist nul grant samblant... F«' iSl v« et 152.
5 607. De ceste response. — Ms. éÇ Amiens : En ce meysme
tamps et en celle meysme sepmainne, estoit revenus à Paris mes-
sire Guis de Blois qui adonc estoit encorres escuiers, mes il fu
fais celle annëe chevaliers en Prusse et y leva bannierre. Si estoit
revenus, si comme dessus est dit, d'Engleterre quittes de se foy,
car il avoit esté ostagiiers pour le roy de Franche et séjourné
pour ceste cause en Engleterre six ans ou environ. Si regardèrent
326 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1368]
adonc chil qui dalles lui estoient et qui le gouTrenoient, doy es-
cuier, Hues de Villers et Jehans de Leglisuelle, qu'il perdoit son
tamps; si traitièrent par deviers le cônsseil dou roy englès, sus se
delivranche, avoecques le cônsseil et Tavis d'un sage baron de
Franche, monsigneur Carie de Montmorensi , qui se boutta sage-
ment ou traitiet et fist tant qu'il fu délivrez et quittes ossi de sa
foy et de sa prison enviers le dit roy englès, parmy deux mil frans
qu'il paiia. Et li dis messires Guis de Blois rendi, quitta et ahî»
reta le roy englès de le comte de Soissons qui estoit adonc
ses hiretages. En ces traitiés et pourkas à faire, aida grandement
et mist pluiseurs painnes et conssaux li sires de Coudbi qui ten-
doit et tiroit à avoir la ditte comté de Soissons, ensi qu'il eut, en
escange d'autre terre et revenue dont il estoit assignés sour les
coffres dou dit roy englès , de par madamme Ysabiel sa femme,
fille au dit roy englès que li jonnes sires de Couchy avoit nouvel-
lement pris par mariaige : ceste est la cause pourquoy il parvint
premièrement à le comté de Soissons. Or revenons à le matère
dou prinche qui estoit adonc en Espaingne. F<^ 149.
P. 99, 1. 27 : selonch che. — Le nu. J S ajoute : grande-
ment. F» 299 v«.
P. iOO, 1. 5 : Guillaumes. —Ms. AS : Jehan. F* 300.
P. 100, 1. 29 : de ce. — Ms, A 8 : parmy ce.
P. 100, 1. 30 et 31 : pareçons. — Mi. AS: pactions et con-
venances.
P. 10], 1. 3 : Tostagerie. — Ms. A 8 : l'ostage.
P. 101, 1. 14 : Guillaummes Wikam. — Ms. AB : messire
Guillaume.
P. 101, 1. 46 : offices. — Le ms. A % ajoute : de chancellerie.
P. 101, 1. 17 : vaghièrent. — Ms. A 8 ; furent vacans.
P. 101, 1. 23 : m^sages. — Ms. A S : messagiers.
P. 102, 1. 3 : que amiable à se composition. — Ms. A % :
qu'il lui feust courtois et aimable à sa composicion.
P. 102, 1. 4 : l'euist. — Ms. A 8 : eust le dit eveschié.
P. 102, 1. 14 : en Engleterre. — Ms. J5 6 : Se fu le conte
daufin d'Auvergne mis à finanche , et paia trente mille frans , et
le comte de Poursien dix mille, et tout li aultres hostaigiers des
chités et bonnes villes de Franche furent espars parmi Engleterre
et tenus en diverses prisons. F« 727.
S 608. Vous devés savoir. — Ms. dt Amiens : Vous avés chy
[1369] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, $ 608. 327
dessus bien oy recorder coumment li priaches de Galles fu ajour-
nes à venir en le cambre de parlement à Paris à rencontre dou
comte d'Ermignach', dou seigneur de Labreth, dou comte de
Pierregorth, dou comte de Comminges, dou viscomte de Quar-
maing et de pluisseurs grans signeurs de Gascoingne, à olr droit
et le déclaration de Tapel qu'il avoient fourme contre lui, sus les
griefs qu*il voUoit faire en leurs terres. Si sachiës que de cel
adjour li prinches fu durement couroucbiés et le prist en grant
despit, et dist bien que la cose ne demourroit mies enssi. Non
obstant ce, toudis procedoit il dou fouaige que il volloit eslever,
et li avoient chil de Poito, de Saintonge, de le Rocelle, de Ro-
berge, de Querzin et de Limosin acordet; car il n'en pooient ne
n'osoient ad présent autre cose faire, tant estoit leurs pays raem-
pli d'Englès, offisciers au prinche, et ossi touttes ces terres des*
sus nonmmëes sont moult enclinnes et obeissans à celui qu'il tien-
nent pour leur naturel seigneur, et adonc il y tenoient le prinche
et nul autre... F® i5î v«, col. 1.
Si vous di que adonc avoit ung senescal en Roherge , qxû 8*ap->
pelloit messire Thummas de Welkefare , chevalier englès , et se
tenoit li di senescaux à VîUenove d'Aghinois. D'autre part, sus le
frontière dou pays estoient li viscomtes de Quarmaing, ungs moût
appers chevaliers, li sires de la Barde, li sires de Taride et li
sires de Picornet. Chil dit signeur et chevalier, qui s' estoient mis
et bouteit en l'apiel avoecq les autres, avoient pris en grant des-
pit le prise de monsigneur Caponnet de Caponval et de son com-
paigncMi. Si s'avisèrent qu'il feroient embusce sus les gens dou
prinche et en atraperoient ossi aucuns. Si seurent par espies que
messires Thumas de Welkefare devoit chevauchier deviers Ro-
dais, ensi qu'il fist, à gens d'armes, pour entendre à le forterèche
et rafreschir de tout chou que il y besôngnoit. Si tost qu'il seurent
ces nouvelles, il se queillièrent, et furent bien trois cens lanches,
et se missent sus leur embusce par où ii chevaliers englès devoit
passer. Enssi que monsigneur Thummas de Welkefare et se
routte chevauchoient, et pooient estre environ soissante lanches et
deux cens archiers, que brighans, ceste embusche leur sailli au
devant, les lanches abaissies, en escriant et disant : <c Vous n'en
yrés mies ensi. » Lors se ferirent ens de plains eslais, et en y eut
de premier encontre pluisseurs abatus, d'un lés, et d'autre. Là se
deffendirent Englès de leur costë au mieux qu'il peurent, et se
combatirent vassaument ; mes finablement, il ne peurent durer.
a28 GHRONIQUBS DE J. FROISSART. [1369]
car li Franchois estoient grant fuisson et tout pourvueu de leur
fait. Si furent li Englès desconfis, et à grant meschief se sauva li
senescaus de Roherge messires Thummas de Welkefare, et s'en
vint par force de bon courssier à Montaiben et se bouta ens ou
fort, et ses gens furent tous espars, et se sauvèrent cbil qui sau-
ver se peurent.
Ces nouvelles vinrent au prinche, qui se tenoit en le cité de
Angouloime, et n'estoit mies trop bien betiës, coununent li sires de
Pincomet, li viscomtes de Quarmaing et li sires de la Barde avoient
renc(Hitrë son senescal de Roherge et desconfit et cachiet jusques
à Montaiben. Si en fii li prinches durement courouchiés, mes
amender ne le peut, tant qu'a ceste fois.
Adonc estoit li dus d'Angho à Thoulouse, mes il se tenoit en-
corres tous quoîs, fors tant qu'il traitoit et faisoit traitier tondis
as cappittainnes des Compaingnes, que il les pewist avoir à son
acort, enssi qu^il en eult pluisseurs, enssi comme vous orës cbi
apriès. Ossi d'autre part, deviers le prinche estoient revenu mes-
sires Thumas de Felleton, messires d'Agohrises, messires Hues de
Hastingues, messires Richars Tanton, messires Gaillars Vigbier et
cbil qui avoient estet pris en Espain]g;ne en Tavant garde dou duc
de LÛicastre, si comme il est chi dessus dit et contenu en l'is-
toire, et s'estoient ranchounnet et delivret, li ung par mise de
deniers, li autre par escange. Ossi, dou costé des FVanchois, se
délivrèrent de prison et finèrent au mieux qu'ils peurent, messires
Ernouls d'Audrehen, messires Jehans de Noefville, li Bèghes de
Vellainnes, li Alemans de Saint Venant et li chevalier et escuier de
Franche qui avoient estet 'pris à le bataille de Nasares. Et fu
ranchounnés messires Bertrans de Claiequin deviers monsîgneur
Jehan Camdos, qui estoit ses mestres, à cent mil frans. Bien les
paiia li di messires Bertrans en biaux florins tous appareilliez...
F*«152 v*etl53.
Quant li prinches de Galles vit et entendi que c'estoit à certes,
que on le guerioit enssi de tous costës et que li Franchois se met-
toient en painne de li tollir son pays, si s'avisa qu'il se defiende-
roit, mais il n'estoit mies em point de chevaucha'. Si envoia
tantost deviers monsigneur Jehan Camdos , qui se tenmt à Saint
Sauveur le Yiscomte , en lui segnefiant et mandant que il retour-
nast tantost. Quant messires Jehans Camdos oy ces nouvelles, si
ne li plaisurent pas trop bien, car trop le deshetoit et anuimt la
guerre renouvellëe, et sorti et dist tantost que grans maux en
[1369] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 608. 3S9
venroient. Nonpourquant, il se hasta au plus tost qu'il peult, et
s'en yint en Anghouloime deviers le prinche, qui le vit moût vol-
lentiers. Assës tost apriès le revenue de monsigneur Jehan Cam-
dos, fist li prinches ung grant mandement de chevaliers et d'es-
cuiers d'Acquittainne, de chiaux qu'il tenoit à avoir le comfort.
A son mandement vinrent li captaux de Beus, li doy frère de
Pamiers, messires Jehans et messires Elies, car messires Aimme-
nons de Pummiers s'estoit partis et disoit que il s'en yroit outre
mer aventurer en estraingnes terres, et que point de celle guerre
ne se volloit ensonniier, ne firanchois, ne englès. Si y vinrent en*
corres li sires de Partenay, messires Aimmeris de Tarse, li sires
de le Ware, englès, messires James d'Audelëe, senescaux de
Poitou ; et les envoiea li prinches en le marche de Toulouse yaux
tenir à Montalben , pour delfendre le pays contre les Franchois
qui là se tenoient.
Quant messires Jehans Gamdos et li captaux, qui estoient chief
et souverain de ceste cevaucie, furent venu à Montalben, et H
chevalier dessus noummez, assës tost apriès leur revinrent me^
sires Loeis de Halcourt, messires Rammons de Moroel, messires
Loeis de Melval, troy grant baron et de grant affairé; si fissent à
Montalben une bonne garnison, et coummenchièrent à chevaucher
ou pays thoulouzain et à faire moût dé dammaiges. Adonc estoient
les terres en grant variement , car un jour estoient franchois et
l'autre, englès ; ne point de estableté n'y avoit, fors li plus fors
tenoit le plache : quant plus fors revenoit, il reconcqueroit chou
qui avoit estet concquis.
A ce donc avoit ung senescal en Roherge, bon chevalier dure-
ment, qui se noummoit messire Thummas de Wettevale, et tenoit
une fortrèche à quatorze lieuwes de Montpellier, que où appel-
loit la Millau, sus les mettes de Roherge et de limozin. Si sachiés
qu'il se tint en le ditte fortrèche moult vaillamment, si comme vous
orës chy apriès, et tout chil qui avoecques lui estoient. F<* 1 S4 v^.
P. i02, 1. 18 : l'ajour. — Ms. J S: rajoumement. F» 300v«.
P. 102, 1. 23 : Compagnes. — Le ms. B 6 ajoute : telz que
Naudons de Bagherant, le bourc de Bretuel, le bourch Camus, le
bourch de Lespare, Lami, Espiote, Hanequin Franchois, messire
Rdl)ert Brickës, Cressuelle, messire Robiers Ceni, messire Perdu-
cas de Labreth, messire Garsis de Castiel, messire Gaillart Vi-
ghier, Bemart de le Salle, Bemart de Wesc, Hortigo et pluisseur
aultre. F» 728.
330 CHRONIQUES DE J. FRCHSSART. [i369]
P. i02, 1. 26 : temprement. — M$. A%: brief.
P. i02, 1. 27 : faire. •» Les mss. £. k et A 1 ajmueni : et
les ensonmeroit. F* 298. — Ms. A % : et les embesongneroit.
F» 300 v«.
P. i02, 1. S8 : joiant. — Ms. A B ; joieux.
P, 102, 1. 29 : d'enflé. — Mt. A % : d'enfleure.
P. i03, 1. 4 : ydropisse. — Ms. AS: ydropisie.
P.^105, 1. 7 : Montpesier. — Ms. A 8 ; Montpellier. F^" 301.
§ 609. li rois de France. — Ms. tt Amiens : En ce tamps,
estoit li roys de Franche en grant branle pour gueriier le roy
d'Engleterre, car li roys englès li requeroit fortement qu'il se de-
livrast de parpaiier le rédemption dou roy son père, et que trop
y metoit au paiier, ou autrement il li feroit guerre ; car, seloncq
le teneur de le pais, on devoit avoir tout paiiet dedens trois ans,
et encorres y avoit seize cens mil frans de Franche à paiier.
Enssi estoient les grongnes de l'un à l'autre : li roys englès cou*
roochiës et dur emfourmez sour le roy de Franche, pour tant
qu'il ne se delivroit point de paiier la somme des deniers où te-
nus il estoit, et qu'il avoit consenti que sez filx li prinches de
Galles estoit adjournës de ses soubjès em parlement à Paris, et
consenti encorres qu'il li faisoient guerre , et si avoient cil leur
retour en Franche et dalës le roy ; et li roys Franchois, d'autre
part, ossi courouciez et dur enfourmës sour le roy englès, pour
tant qu'il soustenoit et comfortoit lec Compaignes, si comme on
disoit, et les envoieoit en Franche, et qu'il volloit tenir la duchë
d'Acquittainne sans resort, qui estoit grandement ou prejudisce
dou royaumme et hors de le vollenté de touttes gens residans en
celui pays. Si n'en pooit longement estre ne demourer, que guerre
ne se remeuist entre ces deux rois, mes li rois de Franche ne le vol-
loit mies recoummenchier, se il ne savoit bien coumment : si s'es-
toit pourvueus de loing temps, tout bellement et tout sagement,
d'avoir atrais et acquis à lui tous ses voisins, le duc Àubert, bail
de Haynnau, et les signeurs de celui pays, ossi le duc de Brai-
bant et les signeurs de celle terre, le comte de Clèves, Tevesque
de Liège, l'evesque de Mies, l'evesque de Verdun, le duc de Loe-
rainne, le duc de Bar, le comte de Montbliar, le comte de Genève,
le comte de Savoie et touttes ses gens, le signeur de Roussellmi
et les gentils hommes de la duché de Prouvenche et de la comté
de Venisin, ossi le comte de Fois et touttes ses gens, le roy
[iae9] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 609. 331
d'Arragon et touttes ses gens, et tous les marcissans environ-
neement autour de son royaumme. Et sentoit encorres bien que
pluisseurs signeurs, comte, baron, ehevalîer et escuier de la
duchë d' Acquittaine , se retouroient deviers lui, se la guerre
estoit renouvellëe, et moût de villes, de chités et de castianx de
la ditte duchë, qui point n'amoient les Englez. Et par especial, il
avoit tous les coers des gentils hommes de Bretaingne, qui moult
li pooient valloir, car il savoient bien que li dus de Bretaigne
estoit plus englès que franchois ; mes, là où ses pays vorroit estre
pour lui , dou corps ne de le haynne dou dit ducq ne faisoit il
mies grant compte. Avoecq touttes ces coses, li rois Caries s'estoit
trop fort arestës à savoir se cil de Pontieu vorroient estre de son
acort; il trouva que oil moult voUentiers, car il ne pooient ainmer
les Englès. Che plaisy grandement au roy de Franche ^t traita
enviers chiaux de Abbeville tout secrètement et bellement, et leur
proummist et jura, là où il se vorroient rendre deviers lui, que
jammais ne les metteroit hors don demainne dou royaumme, et
les tenroit en plus grant francise et liberté que chiauz de Paris.
Enssi se composèrent ces besoingnes... F^ 153.
gOr avint que li princes, pour mieux venir à sen entension, par le
consseil de Tevesque de Bade, envoiea grans messages deviers le
pappe Urbain qui adonc tenoit son siège à Romme, tek que son ma-
rescal d'Acquittainne monsigneur Guichart d'Angle, monsigneur
Jehan Isoret son fil, monsigneur Guillaumme de Seris et maistre
Jehan Bnffaut, un advocat de le Rocelle, pour impetrer cel fouage
sus le clergiet et pour pluisseurs autres besoingnes. Si lairons à
parler des dis messagiers qui fissent leur voiaige et esploitièrent
d'aucunes coses, et non pas de touttes, deviers le pappe, si comme
je leur oy recorder, car je me parti de Romme avoecq yaux et
rappassay les mons en leur compaignie, et parlerons de cel apiel
des barons de Gascoingne, et coumment il s'eslevèrent et parsev&-
rèrent contre le prinche... F* 152 v*.
En ce tamps, revenoit de Romme li marescaux d'Acquittainne
messires Guichars d'Angle, qui y estoit allés pour les besoingnes
dou prinche. Si entendi, entroes qu'il estoit en Savoie sur son
retour, que la guerre estoit renouvellée entre les deux roys. Si
se doubta que il ne fust pris ou espiiés, et se parti secrètement
de ses gens et se mist en abit et estât d'un povre cappelain et
laissa tout son arroy. Si rapassa parmi Auvergne messires Gui-
chars, enssi que je vous di, et parmi Limozin, et entra en Poito.
338 CHRONIQUES DE J. FROISSAAT. [1369]
Et messiresGnillauiniiiesde Seris, uns chevaliers de Poito, qui es-
toit en se compaignie, ne s'osa aventurer enssi que U dis messires
Guichars fist, mes s'en vint à l'abbeie de Qngny et se mist en
sainte terre, et se tint là plus de cinq ans. F* 154.
P. i07, 1. 21 : breton. — Le ms. B. 6 ajouie : et en eult cent
frans. F^ 726.
§ 6i0. Tant esploita. — Ms. itjmiens : Et avint que li com-
tes de Tamcarville et messires Guillaumes de Dormans estoient
allé en Engleterre, de par le roy de Franche, pour parler au roy
englès sus Testât don ressort que li roys franchois volloit cal-
lengier et maintenir que point ne Tavoit quitté, mes par le teneur
de la cartre de le pais tenu et réserve. Entroes que li dessus dit
estoient en Engleterre, li rois de Franche fist escripre unes lettres
de deffianches au roy englès, et les fist baîllier à ung varlet bre-
ton de son hostel, et li fist dire que il portast en Engleterre ces
lettres au roy englès, mes il fesist retourner, ainschois qu'il les
mesist avant, le comte de Tamkarville et monsigneur Guillaumme
de Dormans, et que, au retour, il aroit cent frans tous appa-
reilliés. li variez, pour le convoitise dou gaegnier, emprist volen-
tiers le voiaige à faire, et dist qu'il le feroit bien et sagement. Si
se parti de Paris et se mist à voie, et esploita tant qu'il vint à
Bouloingne, et passa là le mer et ariva à Douvres^ et là trouva il
le comte de Tamkarville et monsigneur Guillaumme .de Dormans,
asquelx il dist une partie de sen entente, et sur quel estât il alloit
au roy englès. Si trestost que li dessus dit l'entendirent, il hastè-
rent leur passaige et vinrent à Bouloingne, et li variés chevaucha
vers Londres et fist tant que il y vint.
Adonc estoitli roys englès à Wesmousder dehors Londres, et
là avoit ung moult grant parlement de chiauz de son pays pour
avoir consseil sour aucunnes requestes que li rois de Franche
avoit faittes par les dessus dis, le comte de Tancarville et mon-
ûgneur Guillaumme des Dormans , et ossi sus Testât de la duché
d'Acquittainne ; car moult desplaisoit au roy englès que ses filz 11
prinches s'esmouvoit ne herioit ses gens en Acquittainne ; et es-
toit bien sen entente que il y pourveroit temprement de remède,
car il ne volloit mies estre en le malevolense de ses subgès, et
n'estoit pas cose bien appertenans.
Enssi que cils parlemens estoit assamblés et que li roys et si
doy fil, li dus de Lancastre et li comtes de Cantbruge, et tout
[1369] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 610. 333
prélat, baron et chevalier estoient mis enssamble pour parlementer
et conssillier pluisseurs coses, li variés, qui les defBances por-
toît, vint à Fuis de le cambre et appella l'uissier, et dist qu'il
estoit messagiers au roy de France, li wuissiers, pour le reve-
renche de celui dont il se noumma, li dist : <c Entres ens, et vous
tenës dallés moy, et je regarderay coumment vous parlerés au
roy. » Il entra ens et se tint dallez Tuissier. Assés tost apriès,
entra en le cambre li sires de Perssi, à qui li Englès dist : « Mon-
signeur, se il vous plaist et il vous viegne à point, si avanchés ce
varlet, qui est, si comme il dist, au roy de Franche et aporte let-
tres au roy. » Li sires de Perssi respondi : « Moût vollentiers. »
II passa avant et enclina le roy et ses enfans, et puis tous les
signeurs. Assés tost apriès, il dist que là éstoit ung messaîges de
par le roy de Franche, qui apportoit lettres. Si tost que li rois
englès oy ce, pour le grant désir qu'il eut de savoir de quoy les
lettres parloient, il dist : « Faittes le avant venir. » On le fist
venir. Il s'agenouilla et bailla ses lettres. Li roys les prist et les
ouvri, et puis les fist lire. Si faisoient mention plainnement coum-
ment li roys de Franche le deffioit. De ces nouvelles furent li
signeur d'Engleterre tout esmervilliet , et regardèrent li ung
l'autre sans point parler. Si fu li variés enquis de rechief, et
examinés à savoir qui ces lettres li avoit baillies. Il respondi :
ce li roys de France. » Adonc le fist on partir de la cambre, et
qu'il se tenist au dehors tant qu'il aroit responsce. Il fist ce que
on li dist. Lors demanda li roys englès consseil sour ce que vous
avez oy. On li consseilla que tan tost et sans delay il envoiiast à
Callais, à Ghinnes, à Ardre, et par especial à Abbeville et en le
comté de Pontieu, car elle estoit en grant péril d'estre perdue; et
ossi tous les ostagiers de Franche, qui estoient pour le tamps en
Engleterre, tant baron et chevalier que bourgois des bonnes
villes, on les envoiiast en divers lieus en Engleterre, et fuissent la
tenu tout court em prison. Que vous feroie je loiog compte?
Chils parlemens finna ensi, et fu respondut à celui qui les lettres
de deffianches avoit apportées, que il pooit bien partir quant il
volloit, et que à ses lettres ne couvenoit nulle responsce. Il se
parti et s'en revint en Franche, sans avoir nul griefs dou corps.
Or vous diray de l'ordounnanche dou roy de Franche. ... F* f 53 v*.
Sitost que on peut savoir ne presummér certainnement que li
roys englès fu deffiiés, et que li comtes de Tamcarviile et mes-
sires Guillaummes des Dormans furent revenu à Bouloingne et eu-
334 CHRONIQUES DE J. FROISSÀRT. [1369]
rent dit les nouvelles don varlet qui les deffianches portoit, li
comtes Guis de Saint Pol, qui estoit tous pourvueus de grans
^ns d^armes, chevaucha tout couvertement à grant esploit deviers
Abbeville. Si trouva le porte toutte ouverte et les gens de le ville
tout appareilliës pour lui recepvoir. Si entra li dis comtes de
Saint Pol dedens Abbeville baudement à plus de cinq cens armu-
res de fier, et se saisi de le ville et dou marchiet, et prist ad ce
jour messire Nichole de Louvaing, qui estoit senescaus de Pontieu
de par le roy englès, et le trésorier dou pays, qui estoit englès,
et tous les Englès qui y estoient à ce jour, et les mist em prison.
Et puis chevauchièrent à Saint Wallery, et le saisirent et du
castiel ossi, et puis de Noyelle et dou Grotoi, et puis de Lonch en
Pontieu. Apriès, - chevaucha li comtes de Saint Pol deviers le
Pont de Remy ; car il entendi que là avoit bien deux cens Englès
qui s'y estoient retret et s'i tenoient sus le comfort]de le fortrèche.
Si vint là li dis comtes de Saint Pol et monsigneur Moriaux de
Fiennes, connestables adonc de Franche» avoecq lui, et messires
Hues de Castellon, li sires de Saintpi, li sires de Bremeu^ li sires
de Loncvillers, li sires de Bassentin, li sires d'Aveluis, messires
Oudars de Renti, li sires de Reli, messires Engherans du Edins
et pluisseurs autres chevaliers et escuiers, et estoient bien six
cens combatans. Si vinrent droit au Pont de Remy. Là trouvèrent
il les Englès tous aprestës pour yaux attendre et deffendre le
passage. Adonc coummencha là li hustins moût durs et moût fors,
et fist là li comtes de Saint Pol son fil chevalier, monsigneur Wal-
lerant, qui estoit en Teage adonc de quinze ans ou environ. Là
eut une escarmuche grande et forte, et maint homme blechié d'un
lés et de Tautre. Finablement, li Englès furent desconfi, et li
Pons Remy, sus le rivière de Somme, pris et gaegniës, et tout li
Englès mort ou pris, petit s'en sauvèrent. Que vous feroie je loinc
recort? Tous li pays de Pontieu fu délivrés des Englès, et les
villes et les fortrèches mises et rendues au comte de Saint Pol,
qui y estoit establi de par le roy de Franche. Si trouvèrent les
Franchois le ville d'Abbeville en bon estât, et bien rappareillie et
fortefiiée, car li rois englès y avoit toudis fait ouvrer; et li avoit
li comtés de Pontieu cousté cent mil florins, dessus touttes reve-
nues, à remparer les villes et les castiaux qui y sont, car il le
tenoit pour son bon hiretaige.
Avoecques les deffiances et les nouvelles dessus dittes qui vinrent
au roy englès et à ses gens* cestes de le perte de Pontieu leur fu-
[1369] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 6ii. 335
rent moût diverses. Et se coummenchièrent moult à doubler, et
estoient li pluisseur parmy Engleterre enssi que tout foursenë sus
les Franchois, qui poui* ostaiges demouroient entre yaux ; mes li
roys fist faire un ban , et sus le hart , que nuls ne fesist mal as
Franchois, qui là estoient : autrement il n'ewissent nient duret.
Si se ranchounnèrent li baron de Franche au plus tost qu'il peurent
et trouvèrent le roy englez assés courtois, et rappassèrent le mer ;
et ossi les bonnes villes et les chités de Franche rachatèrent leurs
bourgois. F' 1 54.
P. i09, 1. 31 : Evous. — Ms. ^ S : Et vont. F» 302.
P. 110, l. 1 : donna. — Ms, AS: donnèrent.
P. 111, I. 4 : nequedent. — Ms, A % : néanmoins.
P. 1 il, 1. 12 : quatre cens. — Mss. A T^ B : trois cens.
F' 297.
P. 111, 1. 26 : six cens. — Mss. ^ 7, 8 ; six vingt,
P. 112, 1. 14 : Pont de Rémi. — Ms. A 8 ; Pont de Saint
Remy,
P. 112, 1. 17 : Gallerans. — Ms. B ^ : Wallerant de Ligny,
aysné filz audit conte. F® 730.
§ 611. Quant li rois. — Ms. d Amiens : Sitos que li dus
d'Ango |)eut connoistre et sentir que li rois englès estoit deffiiés ,
si en fu moult joieaus, et dist que il feroit au prinche et à ses
gens une très forte guerre ; car point ne lez amoit. Si avoit ja de
son acord pluisseurs chevaliers et escuiers ^e Gascoingne, et ossi
bons cappitainnes des Gompaignes. D'autre part, se tenoit à Rion
en Auvergne li dus de Berri, qui metoit sus grant gens d'armes,
telx que le signeur de Biaugeu, le signeur de Perreus, son nep-
veult, monsigneur Joffroi de Bouloingne et monsigneur Griffon de
Montagut, monsigneur Robert Daufin, monsigneur Huge Daufin,
le signeur de Calenchon , le signeur de la Tour, monsigneur
Jehan de Bouloingne, le comte de Ventadour et de Montpensé, le
signeur de Sulli, le signeur d'Achier, le signeur d'Achon, le
signeur de Gonsaut, Ambaut dou Plachier et tamaint chevalier
et escuier d'Auviergne et des marches voisinnes. Si entrèrent ces
gens d'armes en le duché d'Acquittainne, et coummenchièrent à
prendre, à pillier et à rober, et à chevaucher sour le pays dou
prinche et à faire moût de maux. D'autre part, couroient ossi et
chevauchoient en Roherge messires Jehans d'Ermignach, messires
Jehans de Villemur, Rogiers de Biaufort, li sires de Rocefort, li
336 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1360]
sires de Seregnach, et mettoient le pays en grant misère de Ro-
herge et de limozio. F* 154 v^.
P. 113, 1. i4 : remparer. — Mss. Aly % : reparer. ¥• 303.
P. ii 3, I. 15 : deseure. — Ms. J S : pardessus.
P. 114, 1. 7 : l'archevcskié. —Ms. ^ 8 ; l'eveschië. F» 303 v\
P. 114, 1. 23 : Reranloet. — Mu. B\ et B k : Kamel. —
Ms. A 8 : Carnet. — Ms. A 7 : Kaerenloet. F» 197 v«.
§ 619. Li dus de Lancastre. ^ Ms. d Amiens : Vous avés
bien chy dessus oy recorder coumment les Compaignes avoient
estet en Franche, et ivernet et ostoiiet, siques, sitost que li Gascon
entendirent que li roys de Franche vorroit gueriier, il se parti-
rent des Englès. Si estoit li plus grans chiës de ces Compaignes
gascons messires Perducas de Labreth , et des Compaignes en-
glesses, messires Robers Bricquës et Jehans Carsuelle. Si se trais-
sent li Gascon deviers le ducq d'Ango, et estoient de leur routte
li Petis Meschins, li bours de Bretoeil, Ammenion de Lortige,
Perrot de Savoie, Jakes de Bray, Ernauton de Paus et pluisseur
aultre, et estoient bien troi mil combatans. Li Englès qui s'estoient
descompaigniet d'iaus, pooient estre environ quinze cens comba-
tans, et s'estoicnt retret deviers Normendie et par deviers les
Mans, et avoient pris Castiel Ghontier et une bonne ville que on
appelle le Vire, et pluisseurs autres fortrèches, dont il guerioient
et destruisoient tout le pays et y faisoient moult de maux. Dont il
avint que li prinches les remanda et leur fist asavoir que ii vende-
sissent leur forterèce et se retraissent deviers lui. Si trestost que
il olrent ces nouvelles, il furent tout joieant et eurent grant désir
de obéir au coummandement du prinche. Si se délivrèrent de tout
ce qu'il tenoient, au plus bellement qu'il peurent, et se requeilliè-
rent enssamble pour passer plus efibrchiement. En ce tamps que
ces routtes yssoient hors de Normendie, il avoient à ciauz du
pays vendu Castiel Ghontier et le Vire et tout chou que il y te-
noient.
Et arivèrent au port de Saint Malo de l'iUe messires Aimmons,
comtes de Cantbruge, et li comtes de Pennebrucq et li sires de
Carbestonne, ungs banerés englès, à quatre cens hommes d'armes
et quatre cens archiers ; et les envoieoit li roys englès en la du*
ché d'Acquittainne deviers le prinche, pour lui aidier à faire sa
gerre. Si olrent nouveUes assés tost li uns de l'autre, dont il furent
moult joieant; car il dissent qu'il passeroient tout enssamble,
[1369] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, $ 613. 337
si comme il fissent. Et envoilèrent tantost li doy comte dessus noum-
met deviers le ducq de Bretaingne, qui se tenoit à Nantes, et de-
viers le consseil dou pays, em priant que on les volsist laissier
passer paisîulement parmy Bretaigne , bien paiiant tout ce que il
y prenderoient. Li messagier que li dit seigneur y envoiièrent,
esploitièrent si bien, que li passaiges leur fu ouvers et acordés
par Tacord dou duch, qui ne le ûst mies envis, et de tous les ba-
rons dou pays, et passèrent paisiulement parmy Bretaigne et au
pont à Nantes. Et rechupt les seigneurs li dis dus moult grande-
ment, et les festia par deux jours en le chité de Nantes ; et puis
s'em partirent et chevauchièrent et esploitièrent tant que il entrè-
rent en Poito et vinrent en Anghouloime deviers le prinche, qui
les rechupt à grant joie, et ossi fist madamme la princesse.
En ce tamps, estoit messires Hues de Cavrelée sus le marche
d'Arragon, à une routte de gens d'armes, de quoy, sitost que il
entendi que li Franchois guerioient le prinche, il se parti et s'en
vint en Angouloimé deviers lui, et amena ce qu'il avoit de gens.
Se le rechupt li prinches à grant joie, et le fist tantost cappittainne
et souverain de touttes les Gompalngnes, qui estoient nouvellement
venues de Normendie. Si le envoiea li dis prinches, et toutes ces
gens d'armes, en le terre le comte d'Ermignach et le seigneur de
Labreth, pour ardoir et destruire leur pays et faire y guerre, car
chil li estoient grant ennemit. F^* 155.
P. 115, 1. 21 : d'Ortige. — Ms. A% : d'Ortinge. F» 303 Y*.
P. 115, 1. îl : Perros. — Ms. AS: Pierre.
P. 115, K 21 : Jakes. — Ms. A S : Raoul.
P. 115, 1. 28 : Rochewart. — Ms. AS: Rochechouart.
P. 116, 1. 6 : d'arciers. — Ms. AS: d'arbalestriers. —
Ms. B S : et plus de trois mille combatans. F^ 730.
P. 116, 1. 15 : li dus de Bretagne. — £es mss. £ ket Al^
8 ajoutent : messires Jehans de Montfort. F® 301 v°.
P. 116, 1. 19 : Lagnigay. — Ms. AS : Lagingay.
P. 117, 1. 1 : rihote. — Ms. AS : riote.
P. 117, 1. 31 : deux mU. — Ms. £ % : bien mille. F» 731.
§ 613. Li contes de Cantbruge. — Ms. d Amiens : Encorres
envoiea li prinches son frère monsigneur Aimenon et le jone
comte de Pennebrucq, à tout grant fuisson de gens d'armes, en le
comte de Pieregorth. Si chevauchièrent chil seigneur en grant
routte, et estoient bien troi mil combatans, uns c'autres, et entre-
vu — 22
338 CHRONIQUES DE J. FROISSÂRT. [1369]
rent en grant effort en le comté dessus dite et vinrent mettre le
siège devant ung très fort castel que on claimme Bourdille. Si
l'environnèrent tout autour. Par dedens estoient en garnison li
doy enfant de Batefol, hardi homme durement et bons guerieurs,
frères bastars à monsigneur Seghin de Batefol, dont j'ay parle
chy en avant en l'istoire.
Si estoient li doy escuier pourvueu moût bien dedens Bourdille
de toutte artillerie, d'espringalles, de kanons et d'ars à tours, et
de bons compaignons hardis et sceurs, pour le deffendre et tenir,
et si avoient assés par raison de quoy vivre. Si vous di que de-
vant Bourdille eut tamaint assaut, mainte eskarmuce et maint
puignies, et priesque tous les jours. F^ 155. •
P. H8y 1. 25 et 26 : environ quatre jours. — Ms. A% : trois
jours. F» 304 v«,
P. 118, 1. 27 : d'aler en le Gascongne. — Ms, ^ 8 : de partir
d'Angoulesme.
P, 119, 1. 8 : exillier. — Ms. A%: assaillir.
§ 614. En le garnison. — Ms. et Amiens : Enssi estoient les
guerres efforchies de tous costës ens ou royaunmie de Franche,
car messîres Jehans de Buel, uns très bons chevaliers bourghi-
gnons, et messires Guillaummes des Bordes et Caruels estoient
sour les marches de Poito, à plus de quinze cens combatans, et
faisoient là une moult forte guerre environ Chastieleraut, qui se
tenoit de monsigneur Loeis de Halcourt, et coururent moût du
plain pays de Poito à Tencontre d'yaux. Ossi de par le prinche
estoit uns bons chevaliers englès et grans cappitainnes de gens
d'armes, messires Simons de Burlé, qui defiendoit et gardoit le
pays ce qu*il pooit, et chevauchoit à le fois sus les Franchois, et
li Franchois sour lui, et avoient souvent des durs rencontres : à le
•fois gaegnoient li ung, et puis li autre. Dont il avint que messires
Jehans de Buel et messires Guillaumes des Bordes et Caruels, bre-
tons, et leurs routtes chevauchoient un jour ; si trouvèrent, entre
Mirabel et Luzegnan, monsigneur Simon de Burle' et ses compai-
gnons. Là eut dur hustin et fort et bien combatu, et pluisseurs
reverssés d'un lés et de l'autre. Toutteffois, li Franchois s'effor-
chièrent si, et si vaillamment se comba tirent, que par force il re-
culèrent les Englez et missent en cache. Et couvint mcssire Simon
fuir, et fu si dur et si roit encauchiet que, au destroit d'un pas-
sage d'une desroute cauchic qui là estoit, il fu ratains, et trebuça
[1369] VARUNTES DU PREMIER LIVRE, § 615. 339
ses conrssiers, et chei. Si fu tantost environnes de touttes pars,
assaillis fièrement et requis que il se volsist rendre, ou autrement
il estoît mors. Quant messires Simons se vi à terre et en ce parti
à tel meschief, et que defiensce n'i valloit riens, si se rendi et
fiancha prison à monsigneur Jehan de Buel. Si retournèrent li
Franchois à grant joie, qui eurent le journée devant yaux, et
ramenèrent leurs prisonniers à sauvetë. De le prise monsigneur
Simon de Burlé fust li prinches courouchiés, mes amender ne le
peut tant c'a ceste fois. F<> i55.
P. il 9, 1. 27 : hardi. — Le ms. A 8 ajoute : entreprenans.
F" 304 v«.
P. 419, 1. Î8 : amiroient. — Ms. B k: cremoîent. F« 302.—
Ms, A^ : amoient,
P. 120, 1. 8 : Garenloet. — Mss. £ k et A S : Oiarnet, Car-
net. — Ms. Al: Jehan Kaeranloet. F» 299.
P. 121, 1. 6 : sept cens combatans. -^Ms. B % : quinze cens
tanches. F» 732.
P. 121, 1. 13 : li aucun. — Ms, AS: les Anglois.
P. 121, 1. 17 : puignie. — Ms. AS: poingniée.
P. 121, 1. 2t : sievoîs. — Ms. AS: poursuis.
P. 121, 1. 30 : moult. — Le ms. A 8 ajoute : il priaoit et.
F« 305.
§ 618. Apriès ceste avenue. — Ms. ^Amiens : Vous avës
bien chy dessus oy compter coumment messires Jehans Camdos se
tenoit à Montalben, et messires Loeys de Halcourt, messire Loeys
de Melval, monsigneur Rainmon de Maruel, li sires de Pierebufière,
li sires de le Ware, li captaux de Beus, li sires de Lespare, li
soudis de Lestrade, messires Thummas de Felleton et li doy frère
de Pummiers et pluisseur bon chevalier et escuier, et gardoient le
frontière contre les Franchois. Si faisoient souvent des yssues et
des chevauchies d'un lés et de l'autre, et ne demandoient autre
cose que il pewissent trouver leurs ennemis. Si partirent un jour
de Montalben en grant arroy et chevauchièrent deviers Toulouse,
et vinrent mettre le siège devant un fort castiel, que on appelle
Terrières. Si l'environnèrent de tous costés, et puis ordounnèrent
et counimandèrent as mineurs qui là estoient, qu'il s'aprestassent
et se missent em painne et en pourcach de l'avoir par mine. Li
mineur, qui sont coustummiers et usés de chou faire, eurent tan-
tost adviset là ou il coummencheroient leur minne. Si abillièrent
340 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
leurs instnimens et minèrent vistement et fortement, et fissent
grans petruis par desoubs lez murs. Avoec tout ce, quant li che*-
valier sentirent que leur ouvrier estoient au dessus de leur ou-
vraige, il se missent à assaillir chiaux de dedens. Là eut grant
assaut fort et bien ordounnë, mes finablement chil qui estoient en
le mine, entrèrent par desoubs terre en le villine; et ensonunèrent
tellement les deffendans, qu'il les reboutèrent arrière des murs,
et perdirent tout arroy et ordounnanche de deffendre, et entrèrent
ens li assallans par force. Si fu la ville de Terrières prise et gae-
gnie, toutte pillée et robée, et y eut moult de gens ochis. Quant
li Englès en eurent fait leur voUenté, il s'en partirent et s'en re-
vinrent arrière à Montalben.
Assës tost apriès, fissent il une autre chevauchie, et avoient
espiiet et adviset le bonne ville c'on dist Laval, à trois lieuwes
près de Toulouse. Si avoient laissiet une grosse embusque en
un bois, environ demy lieuwe enssus de le ville, et yauz six vingt
armes couvertement et en cotes de vilains, et en venoient tout
devant, et fuissent sans faute entre en le ville; mais il furent
descheu par l'un de leurs compaignons, de qui la coûte de fier
passoit et appairoit dessous sa coûte de viilain; et le perchupt un
variez dou pais, qui venoit piet à piet avoecq yaux, siques, quant
il durent approchier la porte, il se mist au cours tout devant, et
dist as gardes de le porte : « Cloës, cioés, seigneurs I Tral I trall
Veci les Englès. » Si cloirent chil tantost le porte et sounnèren!
leur cloche et se missent as murs et as defiensces de la ville. Par
enssi fallirent li Englès à leur emprise, dont il furent! moult cou-
rouchiet, et retournèrent arrierre à Montalben, dont il s'estoient
parti.
En ce tamps, chevauchoient adonc, dou costé des Franchois, li
viscomtes de Quarmaing, li comtes de Gomignes, lî comtes de
Laille, li comtes de Pieregorth, li comtes de Murendon, li comtes
de Talar, li viscomtes de Brunikiel, les gens le seigneur de La-
breth, et le comte d'Ermignach, li sires de la Barde, li sires de
Tharide, li sires de Picomet, et les Gompaingnes : messires Perdu-
cas de Labreth, messires Berardet de Labret, messires Garcis
dou Gastiel, le Petit Mescin, Janikot, d'Orteine, Lamit, le bourch
de Tarse, le bourch de Bretuel, et vous di que à ce donc il tenoient
les camps. Si entrèrent en Quersin, gastant et essillant le pays,
et s'en vinrent devant Roiauville en Quersin ; si Tasegièrent. Par
dedens avoit aucuns bons escuiers englès et archiers, que li senes-
[f369] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, $ 616. 3M
eaux de Quersin y avoit estaublis, qui jammès ne se fuissent
rendu, quoyque les Englès de le ville en fuissent bien en voUenté,
mais dissent qu'il se tenroient bien et vaillamment. Quant li Fran-
chois furent venu devant Royauville, si l'asegièrent de tous les
et dissent bien qu'il ne se partiroient mies enssi. Si assaillirent
chiauz de dedens fortement, et fissent drechier grans engiens de-
vant le ville, qu'il faisoient acariier avoecq yauz, qui estoient de
la chité de Thoulouse. Là eut, je vous di, par pluisseurs jours,
moult de grans assaus et de belles appertisses d'armes faittes.
Touttefois finablement, à un grant assaut qui fu entre les autres, li
Franchois assaillirent si ouniement et si bien continuèrent que de
forche ils prissent Royauville. Et furent tous li englès qui dedens
estoient mort et ochis, sans nul prendre à merci. Et fissent jurer as
hommes de le ville que , de ce jour en avant , il seroient bons
franchois et loyal, et le jurèrent et eurent en couvent; et furent
tout joiant, quant par enssi il peurent escaper. V^ 155.
P. 1 22, 1. 7 : Montalben. '■^Lenis.BQ ajoute : et estoient bien
douze cens lanches et trois mille combatans^ parmy les archiers.
F» 732.
P. 122, 1. 29 : desous. — Ms. A 8 : couvertement. P> 305 v*.
P. 122, 1. 31 et 32 : aultrement.... Montalben. — Ms. AS:
lequel descouvri la besoingne, et par ce ilz fallirent à avoir la
ville et à leur entente, et s'en retomèrent arrière à Montalben*
P. 123, 1. 8 : d'Ortige. ^ Ms. A S : d'Ortînge.
P. 123, 1. 9 : Paus. — ilf^. ^ 8 .* Pans«
P. 123, 1. 10 : dix mil. — Ms. B % : plus de douze mille.
F* 734.
P. 123, 1. 22 : peuissent. ^ Ms, A % : eussent peu.
§ 616. Endementrues. — ilfr. d Amiens : Entroes que ces gens
d'armes se tenoient sour le pays et chevauchoient tant d'un les
comme de l'autre, se parti de Thoulouse li arcevesques de la ditte
chitë, par le promovement dou duc d'Ango qui là se tenoit. Et
s'en vint en le chitë de Chaours, dont ses frerres estoit evesques,
qui le rechupt liement. Ghils arcevesques de Thoulouse preecha
la querelle dou roy de Franche si bellement et si sagement , et si
volentiers l'olrent chil de Chaours, que briefiment il se tournèrent
et relenquirent le prinche et les Englès, et jurèrent solempnelment
à estre bons françois et loyal. Apriès, chevaucha li dis arcevesques
verg Villefranche de Quersin, et preecha, en la ditte ville, la que-
34S CHRONIQUES DE J. FROISSAAT. [i969]
relie dou dit roj de Franche : si se toaraa ossi la ditte vîUe et
devint franchoise. Et ptiis chevaucha vers Rodes, et le fist tour-
ner, et Figachy Gramach, Rocemadour et Capdonach« Et fist
li arcevesques de Toulouse retourner franchoises plus de sois-
sante villes, cites et castiaux, parmj le comfort de monsigneur
Jehan d'Ermignach, de monsigneur Jehan de Villemur, de Rogier
de Biaufort, dou signeur de Seregnac, qui chevauchoient et
tenoient sour le pays grant routte. Enssi estoient ces terres que
je vous nomme, en grans variemens; ne meysmement les cbitéi,
les villes ne li castiel ne savoient que faire pour le milleur, ne li
plus des gens dou pays ne savoient liquel avoient droit ou tort : si
estoient tout en grant branlle et vi voient en grant tribulation....
F*i55.
Or revenrons au roy d'Engleterre , qui fu durement cou-
rouchiës des nouvelles qu'il avoit oyes et de celles encorres que il
ooit tous les jours, de che que on li tolloit et prendoit enssi le
pays qui se tenoit pour sien. Si envoiia tantost grans gens d'ar-
mes à CallaiSy à Ghinnes et à Ardre, pour defiendre et garder les
frontierres contre les Franchois; car li comtes de Saint Pol, qui
li estoit moût grans ennemis, se tenoit à Saint Orner à plus de
mil combatans, et couroient li Franchois tous les jours jusques à
Ardre. Et si envoiea encorres li dis roys englès grant fuisson de
gens d'armes sus les mettes .d'Escoche , à Bervich et à Rose-
bourch ; car il se doubtoît que li Escos ne se revellassent contre
li t sus son pays, et que li rois d'Escoce n'ewist fait nouvelles
alianches au roy de Franche.
Encorres envoiea grans messaiges li roys englès deviers son
nepveut monsigneur Edouwart de Guerlle, en lui remoustrant, et
complaindoit des tors que li rois de Franche li faisoit, et que,
par linaige et pour droit aider à soustenir, il ne li vosist mies
fallir. Messires Edouwars de Guerlles et li dus de Jullers, ses
serourges, eurent en couvent au roy englès que il le serviroient
et aideroient à mil lanches contre le roy de Franche et les Fran-
chois, et deffiièrent cil doy seigneur tost et appertement le roy de
Franche. Quant li rois de Franche s'en vit defQiés, il trouva
voies et pourcach pour yaux guerriier et ensonniier dou duc de
Braibant , son oncle, et dou comte de Clèves et de aucuns sei-
gneurs d'Alemaigne qu'il atraist à son acord.
Encorres envoiea grans messaiges li roys englès deviers sa cou-
sinne madamme Jehanne, dnçoise de Braibant, en lui complain-
[1369] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 6i6. 343
dant des tors et des injures que li roys de Franche li faisoit. Et
prioit li roys à sa consinne, à tout le mains, se elle ne ses pays
ne voUoient estre de son acord ne tenir lez allianches de jadis ,
que li dus de Braibant, ses cousins et pères à le dite damme, et li
pays de Braibant avoient juret et saieÛet, elle ne fust mies enne-
mie ne contraire «\ lui. Li chevalier qui envoiiet y estoient, mes-
sires Richars Sturi et messires Thummas Kock, de par le roy
englès, esploitièrent si bien que la duçoise de Braibant eut en
couvent que elle ne ses pays ne se mouveroit de ceste guerre. Et
enssi eut li dus Aubers, car grans messaiges li furent envoiiet.
Encorres escripsi fiablement li roys englès et manda à ce jentil
chevalier monsigneur Robert de Namur, que il fuist tous appa-
reilliës de venir deviers lui, quant il seroit mandés, et qu'il rete-
nist chevaliers et escuiers de tous lés, car il les paieroit et deli-
veroit thous. Ces nouvelles pleurent moult bien à monsigneur Ro-
bert de Namur, et festia et' requeilli liement lez messaiges dou roy
englès, et leur dist que il estoit tous près, quant li rois le vorroit
mander, et deux cens ou trois cens armures de fer en se compai-
gnie. Ensi se pourveoient li doy roy de gens d'armes, li uns d'un
costë et li autre d'autre, et prioient et requeroient leurs amis
partout où il les penssoient à avoir... F* 154.
Se li roys Caries de Franche faisoit grant appareil par terre
et par mer pour gueriier le roy d'Engleterre, li roys englès otant
bien se pourveoit à l'autre lés, et fist tant que ses nepveux mes-
sires Edouwars de Guérie, qui avoit à espeuse Taisnée fille à
monsigneur le duc Aubert^ defQa le roy de Franche et proumnûst
à son oncle le dit roy et ses 'cousins, ses enfans, que il feroit une
très grande guerre et forte en Franche ; et avoit de son acort son
serourge le duc de JuUers, et dévoient y estre tout doy de une
alianche et d'une yssue, et dévoient mettre sus mil lanches de
droite gens d'armes, bien montes et bien armes.
Encorres escripsi li roys englès et envoiea grans messaiges de-
viers ce gentil chevalier monsigneur Robert de f^amur, en lui
priant et amonestant que il se pourveyst grandement, seloncq son
estât, de chevaliers et d'escuiers et de gens d'armes. Messires
Robers respondi qu'il estoit tous près, quant il plairoit au roy ou
à son fil le duc de Lancastre^ qu'il trayst avant.
Entroes que ces besoingnes s'ordounnoient et que cil roy se
pourveoient enssi par terre et par mer, et que chacuns acqueroit
amis là où il les pooit ne penssoit à avoir, se avisa encorres li
344 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
dis roys de Franche que il envoieroit as barons de TEmpire» es-
peciaiement en la duché de Braibant et en le comté de Flandres
et de Haynnau, de Hollandes et de Zellandes, la certainne trieur
de le chartre de le pais qui jadis fu faitte et acordée à Bretegny,
pries de Gartres, pour mieus emfourmer les seigneurs en quoy li
roys d'Engleterre, par son seellé, et si emfant, estoient obligiet
et aloiiet. Si le fist coppiier em pluisseurs coppies, et en envoiea
au ducq de Braibant, son oncle, au ducq Aubert, son cousin, au
comte de Clèfves, à messire Jehans de Blois, et enssi as barons et
as conssaux des seigneurs, laquelle chartre de le paix parloit enssi :
u Edouwars, etc. * »
Encorres estoit escript en ceste grosse lettre une autre lettre
obligatoire tretians sus fourme de commission , envoiie dou dit
roy Edouwart d'Engleterre par ses marescaux , de fortrèce en
fortrècCy apriès le pais ûdte traitie à Bretegny dallés Chartrez, et
confremée à Calais ; et en faisoit faire li dis roys de France men-
tion, pour tant que il volloit que on sewist clerement se li roys
d'Engleterre et li prinches de Galles, ses fils, avoient bien tenu et
acompli ce que il avoient juré et promis par leur seellé, laquelle
teneur de la ditte ooppie s'ensuist ensi : « Edouwars, etc. ' »
Si prioit li roys Caries de Fraitche humblement à tous les sei-
gneurs dessus dis et à leurs conssaux que ilz volsissent , à grant
loisir, lire ou faire lire ces présentes lettres, et regarder et yma-
giner sus et bien examiner de poinct em poinct, car il juroit et
prommetoit en se loyauté que oncque li roys d'Engleterre ne ses
fils li prinches de Galles, par especial, n'en avoient mies tenu
ne acompli le dizime partie : pour qnoy il disoit que ilz avoient
allé et erré contre leur sierement, et enfiraint et brisié le pais sans
nul title de raison, et tenu et envoiiés gens d'armes et Compaignes
sus le royaumme de Franche, et avoient retenu pluisseurs cap-
pittainnes et autres des Compaingnes, tant Englès comme Gascon,
qui avoient estet pris ou royaumme de Franche. Quant on les
faisoit morir pour leurs villains fais, tek que le bourch Camus, le
bourch de Bretuel, Espiotte, Batillier et Jehan le Nègre, sus leur
mort, il confessoient que li prinches de Galles les avoit envoiiés,
et envoieoit ains le guerre ouverte encorres tous les jours. Si
1. Le manmcrit d'Amiens donne ici la charte qae nous avons pu»
bUée tome VI, S 480, p. 27 à 33.
2. Voyez ci-dewni % 602, p. 87 k 91.
[1309] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, S ^^0* 3^^
devës sçavoir que telx paroUes et moustranches que li roys de
Franche moustroit et declaroit, coulouroient moût ses besoingnes.
Si les fist il preechier, publiier et remoustrer notoirement et ge-
neraument parmy son royaumme par monsigneur Guillaume de
Dormans , qui bien le savoit faire, et pluisseurs autres prelas et
ses offisciers, ydosnes et propisses à ce faire ; et en signe d'ume-
lité et en cremeur de Dieu , il en faisoit faire pourcessions pu-
blicques, et ils meysmes et la roynne de Franche y aloient en
grant dévotion, tout à nus pies. D'autre part, li roys Edouwart
d'Engleterre, en son pays et par dechà le mer, as seigneurs de
son acord et à H alyé se complaindoit trop grandement dou roy
de Franche, et moustroit voies de droit et de raison, qui ooit et
entendoit ses lettres et ses proches. Et pour ce, se il envoieoient
enssi des uns as autres, ne se laissoient.'il mies à pourveir et a
gueriier Tun l'autre par mer et par terre. F^* 162 à 164.
P. 124, 1. 8 à 13 : telz que.... gens d'armes. — Ms, B Q :
messire Jehan d'Erminach, messire Jehan de Villemur, le sire de
Bieaugieu, le sire d'Alençon, messire Jehan de Boullongne, messire
de Sailly, messire Robert de Sansoire, marisal de Franche, ou
lieu de messire Emoul d'Audrehem qui estoit nouvellement mort
à Paris sus son lit. P> 734.
P. 124, 1. 11 : Serignach. — Mf . j4 S : Sergnac. P» 306.
P. 124, 1. 15 : apovrissoient. — Le nu» A 8 ajoute : domma-
goient.
P. 124, 1. 19 : leurs gens. — ilf/. A S : le duc de Berry et ses
gens.
P. 124, 1. 25 et 26 : si bellement. — Ms. AS: par si bonne
manière.
P. 124, 1. 30 : la querelle. — Ms. ^ 8 : le bon droit.
P. 125, 1. 4 : Gramach. — Ms. AS: Gramat.
P. 126, 1. 18 : envoiiet. -^Ms. AS: enjoint.
P. 126, 1. 24 : lés. ^Ms.AS : pais.
P. 127, 1. 30 et 31 : soutiens. — Mss, A 1, S : soubtilz.
F» 300 v«.
P. 128, 1. 10 : eu. — Jlfr ^ 8 ; sur ce.
P. 128, 1. 12 : cambres. — Le ms, A S ajoute : et compain-
gnies.
P. 129, 1. 4 : trau. — Ms. Al: dommage. — Ms» AS :
cam.
P. 129, 1. 4 : vint. — Ms. A 1 : neuf.
346 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
§ 617. Vous avés. — Ms. J Amiens : En ce tamps, envoiea U
comtes Loeis de Flandres grans messaiges en Engleterre, pour
requerre au roy que il le volsist quitter d'aucuns couvens que il
avoient enssamble , pour le cause dou mariaige dont j'ay parlé
chy dessus en ceste histoire, de la fille dou dit comte et dou fil
dou dit roy, le comte de Gantbruge : lequel mariaige pappes
Urbains ne vot oncques dispensser, et cousta au roi d*£ngleterre
li pourcach très grant avoir, mais li pappes avoit dit et juret
que, pour lui detraire as chevaux, il ne le dispensseroit ja. Et
qant li roys englès vit chou que il n'en aroit aultre cose , enssi
comme tout tannes il quitta le comte de Flandres et la damme
ossi. Si vous di que, sitost que les quittanches furent faittes, li
mariaiges fu fais, car il estoit ja tout tredés de celle damme, fille
au comte Loeis de Flandres, et de monsigneur Phelippe, ducq de
Bourgoingne, maisnë frère dou roy Carie de Franche, parmy tant
que ly roys de Franche rendi et quitta tout liegement au comte de
Flandres et à le comtet], et à tousjours mes, Lille et Douay et
touttes lez appendanches; et encorres eut li comtes de Flandres,
pour lez frès de lui et de ses gens, six vingt mil frans franchois.
Si espousa li dis dus de Bourgoingne la fille au comte de Flan-
dres en l'abbeie de Saint Piere de Gand, et là eut grans festez et
nobles et moût de signeurs, et y jousta on par trois jours. Ce fu
environ le | Saint Jehan Baptiste, Tan de grasce mil trois cens
soissante et neuf. Or revenrons as besoingnes d'Acquittainne.
F» 154 V*.
P. 129, 1. 25 : paraus. — Mss. ^ 7, 8 ; pareil. F« 301.
P. 129, 1. 28 : Cil. — Le ms. A 8 ajoute : qui envoiex y furrat.
P. 1 30, 1. 5 : li contes. — Le ms. A 8 ajoute : de Flandres.
P. 130, 1. 12 : wage. — Ms. A 8 : gage.
P. 130, 1. 19 : affreoit. — ifefx. A 8 : afiferoit.
P. 130, 1, 3i et 32 : un petit plus firans et plus fors. — Ms,
A 1 : xm petit plus frans et plus durs, — Ms, A % : plus dur et
plus fel. F* 307 v«.
P. 130, 1. 32 : grignes. — ilf j. A 8 : griefz.
§ 618. Li roia Edowars. — Ms, i Amiens: En ce tamps, passa
li roys Caries de Navarre outre en Engleterre , et trouva le roy
englès et le duc de Lancastre, son fil , et une partie du consseil
d'Engleterre en l'ille de Cepée , en ung moût biel castiel que li
roys englès avoit là fait faire et fonder nouvellement sus le rivière
[1369] VAIUAirrES DU PREMIER LIVRE, § 619. 347
de Tamise, assës priés de Cantorbie. Si eurent chi) doy roy par-
lemenSy tretiës et aliances adonc enssamble, et devoit 11 roys de
Navarre faire gaerre au roy de Franche, lui revenut en Normen-
die. Enssi le proumroîst il au roy englèz et Teut en couvent ; si
s'en retourna arrière en son pays à Chierebourch, où il se tenoit.
Et le raconvoiièrent les gens dou roi englès, tant qu'il fu ^à où
il volloit y estre, asquelx il n'ezchei mies trop bien à leur retour;
car, ensi qu'il s'en ralloient en SUgleterre, il encontrèrent quatre
nefs de Normans à qui il leur couvint parler. Si furent assailli li
Englès qui là estoient, mort et desconfit une nef tant seuUement 9
mais petit y avoit de gentils honmiez, fors que gens d'offîsse. Si
desplaisoit il mont au oy englès , quant il oy recorder ces nou-
velles que ses gens avoient eu ung si dur rencontre. P 162.
P. 131, 1. 12 : les. —Ms. A 8 : coste*. P> 307 v«.
P. 131, 1. 26 : se tenoit. — Ms, ^ 8 : se tenoient.
P. 131, 1. 27 : partout. — ilfr. A 8 : par toutes.
P. 132, 1. 20 : moult mal. — Les mss. A iti à il ajoutera :
car endeméntres que le roi de Navarre, qui nouvellement estoit
venu d'Engleterre de parlementer avec le roi , si comme j'ai dit
d devant, festioit ces chevaliers d'Engleterre qui raconduit et ra-
mène l'avoienty seurent aulcuns Normans et Bretons et aultres
escumeurs de mer, ceste avenue du roi de Nayarre et des Englès,
et comment il s'en dévoient tantost retourner en Engleterre. Si
s'ordonnèrent et misent en aguet sus mer, et assës tost rencon-
trèrent ces chevaliers d'Engleterre qui parti estoient de Chiere-
bourch et du roi de Navarre et s'en retoumoient en leur pays ne
point ne se donnment de garde. Si rencontrèrent.... F" 338 v<».
P. 132, 1. 32 : querre. — Ms. AS : quérir.
P. 133, 1. 2 : donna. — Le ms. A 8 ajoute : congiet.
P. 133, 1. 14 : le captai. — Le ms. A S ajoute : de Beuch.
§ 619. En ce temps. — Ms, d* Amiens : Si comme nous avons
parle ung grant tamps des besoingnes et des avenues qui avinrent
adonc en Ango, em Poito, en Tourainne, en Saintonge, en le Ro-
celle et en le Langhe d'Ok, et des rebellions des villes, des chitës
et des castiaux, et ossi des gentilz hommes qui s'esmurent et se
levèrent contre le prinche tl'Acquittainne et se tournèrent fran-
chois, nous convient parler des avenues qui avinrent en celle
saison en Picardie, environ Saint Omer, Arde, Ghines et Calais.
Si vous di que li roys Caries de Franche avoit si grossement et si
348 CHRONIQUES DB J. FROISSAET. [i369]
grandement pourvuea ces frontières de bonnes gens d'armes, qoe
on ne pooit entrer ne chevauchier ou pays de Pikardie , fors à
grant routte; et en estoit cappittainnes et mestres souverains li
comtes de Saint Pol, qui tenoît plus de mil combatans ens è$
fortrèches et sus les frontières par les garnisons. Et estoit à ce
donc cappittainnes de Boulongne li sires de Saintpi, qui de gar-
der son frontière faisoit moût bien son devoir. Si s'esmurent en
cel estet tout li chevaliers et eecuier d'Artois, et de Haynnau
aucuns, et par especial messires Jehans de Werchin, senescaux
de Haynnau, li sires de Floion, et li connestables de France pour
le temps, messires Moriaux de Fiennes, et s'en vinrent devant le
bastide d'Arde, et s'y ordounnèrent et appareillièrent pour l'as-
saillir. Et là eut à ceste assamblëe plus de cinq cais chevaliers
et escuiers franchois et leurs gens; mes noient n'y fissent. Si
furent il par devant je croy cinq jours, et y fissent aucunes es«
carmuches , mes riens n'y conquestèrent. Quant il virent que il
ne pooient riens gaegnier à assaillir Arde et que elle estoit trop
bien gardée et pourvueue, si s'avisèrent que il se retrairoient en
leur fortrèce et guerriroient par garnisons. Si se départirent,
et s'en ralla chacuns là où il estoit ordounnës pour li tenir, et
li senescaux de Haynnau s'en alla en Franche Jdeviers le roy.
F» 161 V*.
P. 133, 1. 20 : d'Arde.—Ms. A 8 .• d'Ardre. F« 308.
P. 133, 1. 23 : seneschaus. — Ms, AS: connestable.
P. 134, 1. 5 : firice. — Ms, A 8 : frique.
§ 6S0. Nous revenrons.— Ms. d Amiens : La (devant Royan-
ville) eut, je vous di, par pluisseurs jours moult de grans assaus
et de belles appertisses d'armes faittes. ToutteCTois finablement, à
un grant assaut qui fu entre les autres, li Franchois assaillirent
si ouniement et si bien continuèrent que de forche il prissent
Royauville,^ et furent tout li Englès qui dedens estoient mort et
ochis, sans nul prendre à merci. Et fissent jurer as hommes de le
ville que, de ce jour en avant, il seroient bons Franchois et loyal,
et le jurèrent et eurent en couvent, et furent tout joyant, quant
par enssi il peurent escaper.
Et toudis se tenoit en la Millau li senescaux de Roherge, mes-
sires Thummas de Wettevale, quoique li pays d'environ lui se
toumast franchois, et faisoit souvent desyssues et des^phevauchies
moult honnerables pour lui; et tenoit enoorres une fortrèche, que
[1369] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 62i. 349
on appelloit le Roche Vauclère , ou souveut chevauchoit de l'un
à l'autre, pour rafreschir ses gens et y aux renouveller de com-
fort et de corage et regarder coumment il leur estoit. Or retour -
rons nous au siège de Bourdille , en le comte de Pieregorth, qui
ne fait mies à oubliier. F^ 155 v^.
P. 134, 1. 19 : gens. — Le ms. A 8 ajoute : d'armes.
P. 134, 1, 25 : besongnast. — Ms. A 8 : besoing eust esté.
P. 135, 1. 1 : Pennebruch. — "^Ms. A 8 ; Pennebroch.
P. 1 35, 1. 1 : seoient. — Ms. AS: estoient à siège.
P. J35, 1. 22 : Paus. — Jlfj. A 8 : Pans.
P. 435, 1. 24 : Laille. — Mss. A 1,8: Lisle.
P. 136, 1. 3 : Wettevale. — iltff. A 8 .' Witevale.
P. 136, 1. 8 : Roerge. — Ms, AS: Bretaingne.
P. 136, 1. 11 : jusques adonc. ^^Ms. AS: jusques à ce.
§691. Sur les marces. — Ms, d'Amiens : En ce tamps, si
comme je vous ay ja dit chy dessus, estoient sour les marces de
Poito et de Tourainne messires Guillaummes des Bordes, mes-
sires Jehans de Buel, messires Loeis de Saint Juliien et Caruel le
Breton et leurs routtes. Si penssoient et estudioient nuit et jour
coumment il pewissent grever les Englès et leurs ennemis. Si
avisèrent tant qu'il prissent de nuit et emblèrent par esciellement
le fort castiel qui s'appelle le Roche de Ponsoy en Poito, sus le
rivierre de Cruese, à deux liewes de le Haie en Tourainne et
asses priés de Casteleraut : de quoy tous li pays d'environ fu du-
rement effraés, et chil dou lés des Franchois grandement recom-
fortes, car tantost il missent une bonne grosse garnison dedens,
sus le comfort de le fortrèce.
En ce meysme tamps, tenoient les camps en Poito messires
Guichars d'Angle, marescaux d'Acquittainne, et messires James
d'Audelée, senescaux de Poito, et messires Bauduins de Fraville,
senescaux de Saintonge; et avoient bien douze cens combatans,
et cevauchoient sus les marches de Berri et de Tourainne et met-
toient le pays où il converssoient, qui estoit contraire à yaux, en
grant tribulation. Et vinrent li dessus noummet chevalier et leur
routtes devant le ville de Breuse, qui est au seigneur de Cauve-
gny, ung grant baron de Poito, liquelx viscomtez de Breuse et
sires de Gauvegny estoit tournés franchois : dont li prinches avoit
grant mautalent et avoit coummandé à monseigneur Guîchart
d'Angle que la terre dou dessus dist chevalier fust toutte courue
350 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
et gastée sans déport , pour tant qu'il s'estoit tournes firanchois
et l'avoît relenqui, qui estoit ses naturelx sires.
Quant messires Guichars d* Angle et li chevalier dessus noum-
met et leurs gens furent venut devant le ville de Breuse, il s'a-
restèrent et l'avisèrent, et imaginèrent moût bien coumment il le
poroient assaillir à leur plus grant prouffit, Toutteffois, quant il
l'eurent bien considéré, il s'ordounnèrent à Tasaut, les archiers
par devant, qui coummencièrent à traire moult fort et moût roit,
et chil de le fortrèche à traire contre yaux et bien defiendre. Là
eut grant assaut et dur et bien continué, mes che premier jour
il n'y fissent riens. Dont se retraissent sus le soir li Englès et li
Poitevin à leurs logeis, et dissent que« à l'endemain, il feroient
leur pooir dou concquerre , [quoi qu'il dewist couster. Si passè-
rent enssi celle nuit. L'endemain au matin, il s'armèrent et ordoun-
nèrent, et aprocièrent le ville de grant voUenté et le coummenciè-
rent à assaillir fortement et vistement, et se prendre chacun priés
de bien faire le besoingne. Si eut aucuns compaignons appers et
aventureux, qui vinrent jusquez as murs de le ville, car li fosset
n'estoit mies trop larges ne trop 'perfons , et avoient piks et ha-
viaux en leurs mains, dont il picquetoient les dis murs ; et pour
le get des pierres qui leur pooient venir d'amont, il estoient très
bien paveschiet. Ossi y avoit archiers d'ingleterre qui estoient
aroutté sus les fossés : chil traioient si roit et si ouniement que à
painnes osoit nuls aparoir as gharittes pour defiendre le ville. Et
tant picquetèrent et assaillirent chil d'aval des fossés, qu'il per-
trusièrent le mur d'un grant trau et tant que doy homme y
pooient de froncq bien entrer. En peu d'eure, li murs fu si cflbr-
chiés que li assallant en rompirent ung grant pan, par quoy
touttes gens sans dangier pooient bien par là entrer en le ville.
Enssi Bruse prise, et les gens contourné à grant meschief, car
on les ochioit sans merchy, dont c'estoit pités, et furent pris seize
cens hommes d'armes dou viscomte de Breuse, et tantost et sans
delay pendu en leurs armures meysmes. Geste contrevenganche
prissent les gens dou prinche des homines et de le ville de Breuse,
affin que li autre ewissent cause et matère de yaux castiier; et
quant il en eurent fait leur voUenté, il se retraissent deviers la
chité de Poitiers. Ces nouvelles vinrent au signeur de Cauvegny,
qui se tenoit à Paris, coumment sa ville de Breuse estoit prise et
gastée et ses gens mors et mis à destruction. Si en fu durement
courouchiés, che fu bien raisons, et dist qu'il l'ameq^eroit, quant
[1369] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, .^ ^^^' 351
il poroit, sas messire Gaichars d'Angle, qui estoit ses voisins et
qui li avoit pourcachiet che dammaige.
En ce tamps, manda li prinches de Galles en Angouloime, là où
il se tenoit tous malades, le viscomte de Rochuwart, que il venist
parler à lui, car li prinches estoit enfourmés que il se volloit
tourner franchois. Se vint li viscomtes deviers le prinche. Si
trestost qu'il fu venus, li prinches le fist prendre et mettre en
prison courtoise et bien garder, et jura qu'il ne partiroit de là
jusques à tant que il aroit bonne caution dou dit viscomte , qu'il
seroit bons Englès et demourroit dalés lui et ses gens en touttes
besoingnes, ensi qu'uns feables doit demourer dalés son seigneur.
De le prise dou dit viscomte et de le souppechon que li princes
avoit sour lui, furent tout si prolsme moût courouchiet, et si n'en
peurent avoir autre cose, tant qu'à ceste fois. Enssi estoient adonc
li seigneur et les terres en le duché d'Acquittainne en grant va-
riement et guerriiet de leurs voisins. Si ne savoient li pluisseur
bonnement que faire. F« 1 56 r* et v«.
P. 136, 1. 17 et 18 : Carenloet. — Mss. B : Charnel. — Ms.
Al : Kaeranloet. F* 302 v«. — Ms. A^: Carnet. F*» 309.
P. 136, 1. 18 : douze cens. — Mss. B k et A S: douze mille.
P306.
P. 136, 1. 23 : le Roce de Ponsoy — Ms. ^ 8 ; la Roche de
Posoy.
P. 137, 1. 18 : Rocewart. — Ms. AS: Rochechouart.
P. 138, 1. 3 : Fraiville. — Ms. A S : Franville.
P. 138, 1. 10 : contournés. — Ms. B 4 : tournés. F« 306 v«.
— Ms, AS: tourmentez.
P. 138, 1. 29 : tamainte. — Le ms. AS: ajoute : belle.
P. 139, 1. 10 : ou.— Ms, A 8 ; en.
S 622. Messires Robers. — Ms. iP Amiens : Or entendi mes-
sires Robers Canolles les nouvelles coumment 11 Franchois faisoient
très forte guerre au prinche, et li tolloient tous les jours ses vil-
les et ses castiaux, et ardoient et essilloient en la ducé d'Acquit-
tainne moût avant. Si s'avisa li dis messires Robers que il ven-
roit deviers le prinche et le serviroit et conforteroit à ce besoing
de son corps et de ses gens, car moult y estoit tenus pour tant
que li roys ses pères l'avoit moût amet et avanchiet en tous cas. Si
fist ses pourveanches pour lui et pour ses gens en quatre vais-
siaux, sus ung havene de mer en Eretaigne, que on appelle
352 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
Ronke ; et quant il eut tout aprestë, il vint celle part et entra en
son vaissîel à soixante hommes d'armes, et naga et singla tant
qu'il arriva ou havene au kay de le Rocelle. Si yssirent, il et ses
gens, de leurs vaissiaux, et descargièrent tout bellement leurs
pourveanches et leurs chevaux et se rafreschirent quatre jours en
le Rocelle. Au cinquime, s'em partit messires Robers Canolles
et se routte, et chevaucièrent tant parmy Saintonge et Poito que
il vinrent en la cité d'Angouloime, là où li princes et la princesse
et leur enffant se tenoient, Edouwars et Richars. De le venue
monsigneur Robert Canolle fu li prinches grandement resjoys« car
li dis messires Robers se présenta et offri en son serviche et à
faire tout ce qu'il li plairoit. De quoy 11 prmches li dist par pluis-
seurs fois : « Monsigneur Robert, très grans merchis ^ et je vous
doy moult regrasciier, et bien y sui tenus, de ce c'a che besoing
vous m'estes venus secourir. Si vous fay et ordounne souverain
mestre et olppittainne de tous les chevaliers et escuiers de mon
hostel. » — <c Monsigneur, respondi messires Robers, et quant
vous me voullés de tant honnourer, je ne le doy mies refusser ; et
Dieux me lait faire esploit qui vous vaille, car j'ay très grant
désir de vous servir en tous kas. »
En ce tamps, avoit une grosse garnison de Franche en le chité
de Chaours, qui estoit tournée francoise, si comme il vous est dit
chy dessus par le pourcach de l'arcevesque de Thoulouse. Si en
estoient souverain et cappittainne bon guerieurs durement et gens
de Compaingnes, c'est assavoir : Anmienîons d'Ortige, Perros de
Savoie, Jakes de Bray, Ernautons de Paus et Petis Meschins. Si
estoient tout chil de le comté de Fois appert bacheler et hardit
homme durement, et faisoient souvent des yssues grandes et
belles, et chevauchoient en Quersin, en Limozin et jusques en
Roherge et en Aginois, et mettoient le pays en grant destruction.
Et se rendoient à yaux villes, cités et castiel, et prendoient hom-
mes et prisonniers à force et à esploit, et y faisoient moût de
desrois, tout au title et ou nom dou roy de Franche et dou duc
d'Ango, pour qui il chevauchoient. Et vinrent devant une bonne
ville que on nomme Fumel, et y sissent quatre jours , et le pris-
sent par force et par assault, et fu toutte robée et pillie ; et puis
en fissent une garnison et le remparèrent. Apriès, il vinrent à
Villenove d'Aghinois et l'asegièrent, et y fissent ung jour moût
grant assaut. Chil de le ville doubtèrent qu'il ne fuissent pris par
forche et tout gastet et essilliet; si se rendirent, saufve leurs corps
[4369] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, $ 622. d»Z
et leurs biens, et jurèrent qu'il seroient en avant bons Franchois
et loyaly mes puis en mentirent.
,Ges nouvelles parvinrent jusques au prinche, qui se tenoit à
Angouloime, coumment li Franchois destruisoient et gastoient son
pays : si en fu durement courouchiës. Adonc estoit assés nouvel-
lement venus messires Robers Canolles. Si s'avisa li prinches que
il Tenvoieroit de celle part pour contrester as Gompaingnes, et
li deliveroit touttes ses gens d'armes. Si l'en délivra graut fuisson
et tous les chevaliers et escuiers • de son hostel, premièrement :
monsigneur Thummas de Persi, monsigneur Estievene de Gou«>
senton, monsigneur Richart de Pontchardon, monsigneur d'Ag-
horiset, monsigneur Noël Lorinch, monsigneur Guillaumme Tours-
siel, monsigneur Nicoulas Bonde, .monsigneur Jehan Trivet, mon-
signeur Richart Tantonne , monsigneur Thummas 'de Welkefare
et pluisseurs autres; et estoient bien, quant il furent tout as-
samblë, cinq cens lanches et cinq cens archiers et otant de bri*
gans à tous pavais. Si chevauchièrent ces gens d'armes, dont
messires Rdi>er8 estoit chiés, deviers la chité d'Aghens, car leurs
ennemis estoient ens ou pays, et tondis leur croissoienr gens, car
encorres y revint messires Ustasses d'Abrecicourt à une routte de
gens d'armes, par l'ordounnanche dou prinche.
Entroes que messires Robers Canolles et ses gens chevauchoient
celle part, il entendi que messires Perducas de Labreth, qui es-
toit ungs grans cappittaines entre les Gompaingnes^ estoit sus le
pays à tout une grosse routte de compaignons, et si estoit nouvel-
lement tournes franchois. Adonc envoîea li dis messires Robers
deviers lui parlementer et tretiier qu'il se volsist retourner englès
et qu'il avoit estet decheus et enchantés malement, quant il estoit
devenus franchois et avoit laissiet le prinche, son droit signeur,
qui tant de biens li avoit fais et pooit faire ; et encorres, se il se
voloit retourner, il li feroit le prinche pardounner son mautalent.
Tant fu li dis messires Perducas de Labret prechiës, qu'il se
retourna englès et fist tourner plus de trois cens armures de fier
des Gompaignes. De tant fu rengroissie et remforchie li che-
vauchie monsigneur Robert Ganolle. F<" 186 v« et 157.
P. i40, 1. 2 : otant d'arciers. — Ms. Bt: cent arciers. F> 738.
P. 140, 1. 15 : Chandos. — Le ms. A 8 aj<me : et.
P. 140, 1. 17 ; le bonne. — Ms. ^ 8 ; la meillei^.
Pv 141, 1. 5 : d'Aghorises. -^Ms. Â S : d'Aghoriseth.
P. 141« 1. il : entendre des. — - Ms, A%: attendre leurs.
vn — 23
354 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
P. i42, 1. 10 : plas de cinq cens. — Ms. B. 6 : dont il avoit
bien trois cens, et pour Tamour de luy s'en retournèrent plus de
trois cens. F" 739.
P. 142, 1. 12 : bien. — Mi. A%: compte.
6S3. Ces nouvelles. — M$. dAmiem : Quant Ammenions
d'Ortîge f Emautons de Pans et Petis Meschins et leur compai-
gnon, qui menoient les routtes, entendirent que messires Perdu-
cas de Labreth estoit tournes englès, si en furent mont couron-
chiet, et dissent que il avoit fait une grant lasquetë au duc
d'Ango, car il avoit proummis et juret qu'il demour[r]oit à tous-
jours mes- bons Franchois; et n'en peurent il avoir autre cose,
tant qu'à présent. Si n'eurent mies consseil d'atendre messire
Robert GanoUes ne se routte, mes s'en vinrent en une forterèche
que on claimme Durviel, que il avoient malement fortifiie, et une
prestrie. Si le pourveirent, avoecq ce que elle estoit bien pour-
vueue de tous vivres, de vins, de chars, de fannnes et d'avainnes
et de grant fuisson de bonne artillerie, et se retraissent là de-
dens les cappittaines dessus noummës. *
Quant ces nouvelles vinrent à messire Robiers GanoUes qu'il ne
trouveroit point sus les camps chiauK qu'il demandoit pour com-
battre, et qu'il s'estoient boutés en le forterèce de Durviel, si dist
qu'il se trairoit celle part et y meteroit le siège. Si s'achemina et
toutte se routte deviers Durviel, et fissent tant que il y vinrent.
Si Tasegièrent de tous poins bien et ordounneement , et y fissent
biaux logeis et grans 4e bois et de arbres, et bielles fueillies, où
leur chevaux estoient establé. Si coururent leur coureur aval le
pays pour avoir vivres et vitailles pour avitaillier Fost, mes il le
trouvoient si povre et si desrobet partout qu'il n'y avoit riens
deux joumëes environ ; car les Gompaingnes avoient tout mis eus
on destruit le demorant, pour le cause de chou qu'il ne voUoient
point que leur ennemy en ewissent aise.
Le siège pendant devant Durviel, il y eult maint assaut et
tamainte escarmuche fette et mainte appertisse d'armes, car c'es-
toient , d'un les et de l'autre , droite gens d'armes. Si venoient
priesque tous les jours chil de Durviel, Ammenion d'Ortige, Jakes
de Bray, Perros de Savoie, Petis Meschins, li bours de Bretuel,
Lamit, Emauton de Paus et leur compaignon lanchier, escarmu-
cier et combattre as Englès à leurs barrières. Si vous di que il ne
se partoient nient qu'il n'en y ewist des mors et des blechiës
[1369] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, S 623. 355
d'un les et de l'autre, mais la oose estoit trop mieux partie pour
chiaux de dedens que pour chiaux de dehors ; car il estoient bien
avitailliet, et chil dou siège n'en avoient fors à grant dangier, et
fu tel fois que on vendoit en l'ost ung pain un florin : encorres
n'en pooit on recouvrer.
Or avint, sitost que messires Jehans Gamdos et li captaus de
Beus et messires Thummas de Felleton et li autre chevalier dou
prinche qui se tenoient à Montalben, entendirent que messires
Robers GanoUes et ses gens avoient assis Durviel en Agenois et
grant fuisson des cappittainnes des Ck>mpaignes dedens, il s'avi-
sèrent li ungs par l'autre qu'il se trairoient de celle part ; car il
leur fu dit que li comtes de Gomminges, li viscomtes de Quar-
maing, li seneschaux de Toulouse, li senescaux de Biauquaire et
chils de Carcasonne, messires Bertrans de Taride, li sires de la
Barde et pluisseur autre chevalier et escuier se queilloient et
les dévoient venir combattre et lever le siège. Si ne volloient mies
que, en le deflaut d'iaux, lors gens fuissent noient foullë. Si se
partirent de Montalben moult ordounneemenf, et y laissièrent à
cappittainne monsigneur le soudich de Lestrade et monsigneur
Bemadet de Labreth , et puis chevauchièrent deviers Durviel. Si
avint qu'il trouvèrent en leur chemin une ville qui s'apelloit Mon-
sach, et se tenoit franchoise ; assës forte estoit, mes il n'y avoit
dedens nul gentil homme pour le garder et deffendre, fors que les
hommes de le viUe. Si dist messires Jehans Gamdos : « Ghe se-
roit blammes pour nous, se nous laissions ceste fortrèce derrière,
et nous poroit bien, sus le tamps à venir, faire dammaige. Je cons-
seile que nous Talons veoir de plus priés, et regardons quelle cose
nous em porrons (aàre. » Ghis conssaux fu tenus et creus ; il s'a-
cheminèrent deviers Mbssac. Si l'imaginèrent moût bien. Quant
il y furent parvenu et virent que elle estoit forte malement et que
par assaut elle ne fesoit point à prendre, si se tinrent tout quoy
un espasse, et se conssillièrent enssamble quel cose il feroient.
Et estoient ja tout ravise dou départir, et aller leur chemin devant
Durviel, quant aucuns coureurs des leurs vinrent par deviers
yaux, qui avoient chevauchiet sour le pays et trouve quatre som-
meliers, qui amenoient en Durviel pourveanches pour vivre, et
les avoient examine si avant qu'il disoient ensi que dedens Mon-
sach n'avoit de tous vivres non pour durer plus hault de sept
jours. Tout che raportèrent li coureur englès à leurs signeurs, à
qui il fissent présent des hommes et de leur vitaille.
356 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
Quant messires Jehans Camdos et li autre chevalier eurent
entendu que la nécessité de vivres estoit si grans dedens le for-
trèche là où il se tenoient devant, si dissent enssi : « Noos nos
logerons ychy, car longement ne se poront tenir, mes que che
soit ventes que on nous a dit. a> Si se logièrent erramment par
devant le fort de Montsach et Tenvironnèrent de tous oostës, et
fissent tous les chemins moût songneusement getier, par quoj nul
vivre ne pewissent en le ville venir, et ne fissent oncques nul
samblant de l'asaillir, car il veoient bien que il y perderoient leur
painne. Quant chil de Montsach virent que c'estoit tout à certes
que messires Jehans Camdos et li captaux et li autre chevalier
les avoient asegiës, et si n'avoient mies vivres dedens la ville par
quoy sus ce comfort il se pewissent longement tenir, et si n'eA
esperoient nul à avoir de nul costë, si se coummendèrent à esba-
hir, et eurent consseil qu'il trairoient deviers monsîgneur Jehan
Camdos, enssi qu'il fissent. Il jurèrent et proummissent que, de
ce jour en avant, il seroient bon Englès et loyal et obeyssant au
prinche , et ne le relenquiroient pour nul seigneur. Parmy tant
et sus ce sierement se deslogièrent li Englès, et se traiasent de-
viers Durviel, où messires Robers CanoUes et li autre estoient.
Tant chevauchièrent messires Jehans Camdos, li captaus et li
autre de leur compaignie, qu'il vinrent devant Durviel. De tant
fu li sièges renforchiet. Si se co^jolrent li baron et li chevalier
grandement, quant il se trouvèrent enssamble. F> 187.
P. 142, 1. 23 : anoi, — Le ms» A S ajoute: an cuer. F« 310 v*.
P. 142, h 28 : ville. -^ Le ms. B % ajoute : et leur laissèrent
environ cent lanches pour aidier à consillier cheulx de la ville.
F* 740.
P. 142, 1. 28 : priorie. — Mts. Al, S: (vîoré. F« 303 V.
P. I(i3, 1. 6 : use. — Ms. A 8 ; avisiez.
P. 143, 1. 9 : captaus. — Le ms. A S ajoute ; de Bench.
P. 143, 1. 20 : Tarse. —Ms. AS : Tarstre.
P. 143, 1. 27 : honmies. — Le ms. A % ajoute : de la ville.
P. 144, 1. 6 : en sus. — Ms. AS : oultre.
P. 144, 1. 8 : sommelier. — Ms» AS: sommiers.
P. 144, 1. 15 : astrainte. — Ms. AS : estrainte.
P. 145, I. 12 : sans. — Ms.AS : firais.
S 624. Ce siège pendant. — Ms. d Amiens : Depuis la venue
des dessus dis, eut à Durviel tamaint assaut et maint paletich.
[1369] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 6S4. 357
et pluisseurs biaux fès d'armes empris et fait. Si y veoit on sou-
vent Jones bachelers, chevaliers et escuiers, pour yaus aloser et
avanchier as armes, enventurer leurs corps et venir as barrierres
de le forterèche lanchier et escarmuchier à chiaux de dedens. Et
chil dou fort ossi venoient contre yauz, et se combatoient enssi li
ungs à l'autre tout le jour. Si vous di que chacuns se prendoit
endroit li moût pries de bien faire le besoingne. Moût bien se
tinrent chil de le fortrèche de Durviel, tant que riens n'y perdi-
rent. Si fu li sièges devant yaux plus de cinq sepmainnes en-
tières, et tous les jours avoient l'assaut et le hustin par trois ou
par quatre estours, et gisoient li Englès qui devant se tenoient,
en grant painne ; car, tous les jours et priesque touttes les nuis,
plouvoit si ouniement que ce leur faisoit trop d'anois, et en
estoient lez armures et leurs draps tout souilliet et tout poury.
Avoecq tout ce qui leur estoit uns grans griefs, 11 plus grant par-
tie des leurs ne mangoient pas touttes les fois qu'il leur en sou-
venoit. Des vins avoient il assës par raison, qui grandement
recomfortoit les mesaises, mais de pain moût petit, et à grant
dur en recouvroient ; et ce qu'il en avoient, il leur venoit de
moût loing. ileysmement leur foureur et leur coureur ne savoient
où aller pour mieux fourer, et telle fois estoit qu'il chevau-
choient si loing, qu'il estoient trouvet et rencontret des garnisons
(ranchoises, qui estoient enexesëes sus le pays : si perdirent bien
souvent tout.
Quant chil qui devant Durviel seoient, virent que il ne con-
questoient riens à là seoir, ne appairans n'estoit de riens conc-
quester, e^ que leur ost estoit en grant destrèche de faminne, si
eurent consseil et advis qu'il se deslogeroient et se trairoient
plus avant en plus cras pays. Si se deslogièrent et s'en vinrent
devant un castiel que on dist de Domme, dont messires Robers
de Domme estoit sires, et se tenoit adonc par dedens et avoecq
lui messires Pierres Senglers, doi bon chevalier et hardi et preu
as armes. Là se traist et atraya toutte li hos des Englès et des
poursuiwans, et asegièrent Domme et Tenvirounnèrent de tous
costës, affîn que ilz le pewissent mieux constraindre et plus tost
prendre.
Par devant Domme avoit à siège grant chevalerie et bonne. Si
vous en noummeray les aucuns : premièrement monsigneur Jehan
Gamdos, monsigneur le captai de Beus, monsigneur Loeis de
Qalcourt , monsigneur Robert Canolles, monsigneur Thummas de
358 CHRONIQUES DE J. FROISSAAT. [i369]
Felleton et son frère, monsîgnear Loeis de Melval, le signeor de
Pierebufière, monsigneur Raimmont de Maruel, monsigneur Ri-
chart de Pontchardon, monsigneur Thummas de Ferai, monsi-
gneur Thummas le Despenssier, monsigneur d'Aghorises, monsi-
gneur Ustasse d' Aubredcourt, monsigneur Thummas de Wetevale,
monsigneur Estevene de Ghousenton, monsigneur Richart Tanton
et pluisseurs autres que je ne puis mies tout noummer. Si avoient
chil signeur belles routtes et grandes compaignies, et, à chou
qu'il disoieçt et moustroient, U desiroient grandement à trouver
les Franchois et yaux combattre. Si se tinrent devant Donune à
siège bien ordounnë et bien estaubli, et y fissent asaillir par pluis-
seurs fois, mes petit y concquissent ; car li doy chevalier qui
dedens estoient, messires Robers de Domme et messires Pierres
Sengler, estoient bon homme d'arme, durement et sage guerieur.
Si penssoient et songnoient moult ïÂea de le fortrèche et des com-
paignons saudoiiers qui dedens avoecq se tenoient.
Quant il eurent là sis et estet environ quinze jours, il se cons-
sillièrent et regardèrent l'un parmy l'autre quel cose il poroient
faire, car il sejoumoient sour le pays à grans frès et à grant
painne, et si ne faissoient mies trop grant esploit. Si eurent
consseil que il envoieroient Camdos le hiraut deviers le prinche
en le chité d'Angouloime, et li remoustrer Taffaire et le vérité de
leur chevauchie, à savoir de par lui quel cose il lui plaisoit qu'il
fesissent. Si escripsirent li quatre, qui estoient chief et souverain
de ceste chevauchie, messires Jehans Camdos, messires Robers
CanoUes, messires li captaus de Beus et messires Thummas de
Felleton; et, avoecq les lettres, il emfourmèrent et endittèrent
Camdos le hiraut d'aucune cose dont il devoit parler au prinche.
Si se parti d'iaux et dou siège de Domme. Quant touttes ses be-
soingnes furent ordounnées, il se mist à voie deviers Angouloime.
Or lairons ung petit de lui et parlerons des'signeurs englès et
limozins qui estoient devant Domme... F®* 157 v^ et 158.
Tant chevaucha li db hiraus, envoiiës en messaige, qu'il vînt en
le chité d'Angouloime et trouva le prinche assés à privée mesnée,
car touttes ses gens, chevaliers et escuiers, estoient en ces die-
vauchies et armées dessus dittes ; ne nuls n'avoit cause ne raison
de séjourner à l'ostel, se il ne voloit estre deshonnerés. Sitost
que li dis Camdos fii venus deviers le prinche, il le requeUla
moult liement et li demanda de touttes nouvelles, et chils l'en
dist assés, si avant qu'il les savoit et non autrement. Et li bailla
[4369] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, g 625. 359
li hirain les lettres que li dit cevallier li envoieoient. Il les prist;
si les ouvri et les lisi. Quant il les eut leutes, il penssa sus moût
longeioei^, et puis dist au Idraut : <c Gamdos, je rescripray de-
viers yauz temprement ce que je yoeil qu'il fâchent. » Il res*
pondi : « Monsigneur, à le bonne heure. » F<» 158 v^.
P. 145, 1. 22 : devant. — il/j. A 8 ; d'armes. P» 311.
P. 146, 1. 1 : vies. — Ms. J S : vieulx.
P. 146, 1. 14 : Sengler. — Ms. A%: Sanglier.
P. 146, 1. 21 : livrèrent.... assaus. — Ms. JS: levèrent plui-
seurs grans engins.
P. 146, 1. 24 : faisoient. -^ Le ms. A % ajoute : ne riens n'y
conquestoient.
§ 628. Assés tost. — Ms^ d Amiens : Quant li signeur englès
qui devant Domme se tenoient, virent et considérèrent qu'il ne
prenderoient point le fort, si eurent consseil qu'il chevaucheroient
avant et concquerroient autres villes qui estoient tournées fran-
choises, et trouveroient plus plentiveusement à vivre. Si se deslo-
gièrent de Domme et s'aroutèrent par deviers Gramath, et fissent
tant qu'il y vinrent. Si l'asegièrent de tous sens, et envoiièrent
leurs archiers et leurs bidaus bien pavesciës, assaillir et escar*
mucher à chiaux de dedens. Quant chil de Gramath virent appro-
chier tant de gens d'armes et que tout se logoient environ yaux,
si furent durement efiraet, et coummenchièrent à traitier deviers
monsigneur Jehan Gamdos que il se renderoient volentiers, et
seroient, de ce jour en avant, bons Englès sans plus variier, mais
que on les volsist prendre à merchi et sauver yaux et le leur, là
chevalier eurent consseU que oïl. Si prissent et rechurent chiaux
de Gramath à merchy, parmy tant qu'il jurèrent tout ensi que
chy devant est devise. Si entrèrent aucuns des seigneurs en le
ville de Gramath, et s'y rafreschirent et reposèrent par trois jours ;
et chil qui ne se peurent logier ne hebergier dedens» se logièrent
par dehors et trouvèrent là assés largement et à fuisson de tous
vivres pour yaux et pour leurs chevaux, car la ville en estoit
bien pourvueue et bien garnie. Au quatrime jour, il s'em partirent
et se traissent par deviers une autre fortrèche que on claimme
Fours, que les Ck>mpaignes franchoises avoient assés nouvellement
fait tourner. Tant chevauchièrent et esploitièrent qu'il vinrent par
devant; si s'i logièrent à siège fait et ordounné. Quant cil de
Fours virent le mannierre que les Englès se logièrent là et que
ï
r
i
360 CHRONIQUES DE J. FROISSABT. [1869]
chil de Gramalh estoknt rendu, qui estoient leur ▼obin et avoient
ossi forte ^ille ou plus qu'il n'ewissent, si n'eurent mies oonsseU
ne Yollèntë de yauz tenir là où on les voroit prendre à merchy.
ai traitièrent deviers monsigneur Jehan Camdos, que li prinohes
de Galles aToit là envoiiet et estaubli avœoq ses gens pour cons*
sillier, qui estoit li plus grans cappittainnes de ceste chevanchie ;
et dissent que il estoient en bonne vollentë d'yauz rendre, sauve
lor corps et lors biens, se on les voiloit prendre à merchy. Mes-
iires Jehans CSamdos et li chevalier eurent consseil que où. Si les
prissent et se missent en sasine de le fortrèche, et y laissèrent à
gouverneur un escuier gascon des gens le captai, que on appel-
loit Naudon d'Axerant, et environ quarante archiers d'Englelerre
avoecq lui; et puis s'em partirent et chevauchièrent plus avant
par deviers Rocemadour, qui est une bonne ville et forte. Si tos
que li dessus dit chevalier englès et gascon des gens le prinche
vinrent par devant, il l'envirounnèrent et envoiièrent leurs gens
assaillir et escarmuchier. Si y eut moût grant assaut et (duisseurs
navres et bled^s de chiaux de dedens et des assallans. Au vespre,
n se retraissent à leurs logeis, et se aisièrent et reposèrent le
nuit. Quant ce vint à l'endemain au matin, il fissent leurs gens
tout de rechief armer et aroutter par devant Rochemadour et
aller asaillir. Quant chil de le ville virent le convenant des En-
glès et coumment il estoient en grant vollentë d'iauz porter dam-
maige, et ossi très bien pourven et appareilliet et grant fîiisson de
bonnes gens d'armes, si se coummenchièrent à efifraer. Et dissent
li plus sage et qui le plus avoient à perdre, que à le longe il ne
se poroient tenir as gens le prinche , et que mieux leur valloit à
ûdre une pais honteuse que d'iaux mettre en péril et en adven-
ture de tout perdre. A ce consseil entendirent tonttes mannierres
de gens vollentiers, car il n'avoient nul gentil homme qui les
gardast ne conseillast. Si traitièrent deviers monsigneur Jehan
Camdos et les autres chevaliers, en yaux remoustrant que on les
volsist prendre et recepvoir en le fourme et mannierre que on
avoit fait chiaux de Gramath et de Fours, et il jurroient à estre
bon Englès et loyal de ce jour en avant, et requissent que on leur
volsist laissier à cappittainne ung chevalier englès et gens avoecq
lui à leur coustage, pour garder et deffendre le ville, se li Fran-
chois y venoient. Chils tretiës fu vollentiers oys des chevaliers
d'Engleterre, et rechurent chiaux de Rochemadour à merchi, et
entrèrent ens et s'i reposèrent et rafiresdûrent par deux jours;
[1369] VARIAMTE8 DU PREMIER LIVRE, S ^^5. 361
et quant il s'em partirent, 3 y laûsîirent on cbetalier englès
qui s'appelloit monseigneur Guillaumes Tonrsei et environ qoa*
rante armnres de fier avoecq lui.
Apriès le rendaige de Rochemadonr, chevauchièrent deniers
Villefiranche, à Tentrëe de Thoulousain, gastant et essillant tout le
pays de chou qu'il y trouvoient; mes c'estoit petit, car les gens
dou. plat pays, par le coummandement dou duc d'Ango, avoient
tout retret ens es fortrèches, et ossi les Gompaignes franchoises
avoient tout courut ce pay^ et tout pilliet : se n'y avoit point de
remanant. Et recouvroient li Englès de vivres à grant dangier, et
le plus qu'il en avoient, c'estoit par tretiez et par rachas de petis
fors et de villages qu'il ranchounnoient as vivres. Et envoieoient
souvent leurs coureurs devant une fortrèche, qui disoient à chiaux
de dedens : « O bon homme de laiiens, que nous donrës vous de
sonunades de pain, de vin, de farinne et d'avainne, et nous res-
piterons à ardoir tous les villaiges de chy environ?» Là estoient
Ô d'acord, et se composoient à une cantité de sommiers de pour-
veanches. Parmy tant li Englès passoient oultre : autrement il
n'avoient nulx vivres fors que de chars, nuds de ce recouvraient
il assës par raison. Si chevauchièrent tant en cel estât qu'il vin-
rent à ViUefranche, que li Frandiois avoient fortefiié et laissiet
dedens environ quarante saudoiiers pour le garder, qui assés bien
en fissent leur devoir, car il le tinrent quatre jours contre les
Englès, maugrë tous chiaux de le ville. Au dnqime jour, il se ren-
dirent sauve leurs cors et leurs biens, et s'em partirent li estra-
gnier sans dammaige» et li Englès prissent le aaisinne de le ville.
Or vous parlerons de Camdos le hirault, que li quatre chevalier
dessus noununet, cappiltainne et meneur de touttes ces gens d'ar^
mes, avoient envoiiet deviers le prinche, et ossi coumment il es-
ploita. F» 158 r« et V».
P. 148, 1. 5 : entrues: — Ms. Al : entrementres, F* 304 v«.
— M$. J S: pendant ce. F» 311 v*.
P. 148, 1. 8 : daime. — Ms. AS: appelle.
P. 148, 1. 17 : que. —-Ce moi manque dans le ms. A 8.
P. 148, 1. 30 : apressës. — * Ms, A 8 : assaillis et pressez.
F* 312.
P. i49, 1. 3 : trettiés. «— Xe ms. A 8 ajoute : si bien.
P. 1 49, 1. 27 et 28 : à le longe. — ^ Ms. AS: longuement.
P. 150, 1. 3 : courouciÀ. — Le ms. A S ajoute : et dolens.
P. 150, 1. 8 : pays. — lei finit le premier livre dans les mss.
36S CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
A 20 (m. />*., je 86 d^ /tf BiU* NiU. de Paris) H A ^ {nu. de
Froissart de la bibL de la pille de Breslau).
P. 150, 1. 9 à il : Or retourrons.... persévérèrent. — CeOe
phrase manque dans les mss, A 21 et 22.
■
§ 686. Entmes. — Ms. et Amiens : Vous devës savoir que
devant Bourdille eult moult grant siège de par les Englès, les
Gascons et les Poitevins. Si en estoient chief et souverain li
comtes de Cantbruge , fib au roy englès, et li comtes Jehans de
Pennebnic, qui n'estoit mies encorres fais chevalliers; et là estoit
messires Jehans de Montagut , filz dou frère au comte de Sale-
brin, qui 7 devint chevaliers, si conmie je vous diraj assés brief-
ment. Ad ce siège devant le fort castiel de Bourdille avoit moult
des bonnes gens d'armes et qui souvent resvilloient chianx de
dedens. Ossi li 'compaignon et li saudoiier dou dit fort estoient
roout vaillant et moût hardi, et qui souvent se venoient combattre
as bailles main à main as Englès, dont on le doit bien recorder à
proèche ; et tout devant estoient li doy frère de Batefol, Emau-
don et Bemardet, qui merveillez y faisoient d'armes. Avint que,
ung jour entre les autres, le siège pendant, il s'armèrent et fis-
sent armer tous leurs compaignons, et pooient estre moût bien
deux cens armures de fier, tout à cheval, et que bidans et gens
de piet à pavais, environ trois cens. Si parlementèrent dou soir
que à la journée il wuideroient hors de leur fortrèche , et ven-
roient resvillier chiaux de l'ost, qui si souvent les resvilloient, et
s'aventuroient assavoir se ilz poroient prendre nulx bons prisoun-
niers , car il ne faisoient tout le jour que heriier et picqueter,
sans trop grant fais d'armes emprendre ne acfaiever.
Ghils conssaux et advis fu tenus; il s'armèrent et aprestèrent
bien et gaiement, et wuidièrent hors de Bourdille à l'aube poîndant,
et s'en vinrent par une fausse voie autour d'une montaigne en cos-
tiant l'ost des Englès, pour venir par derrière et chevauchier tout
parmy et rentrer par devant en leur ville. Geste emprise fu moult
hautainne, au voir dire, et vinrent tout enssi que ordounné l'avoient,
et se ferirent par derrière en l'ost, en s'escriant : « Bourdille I »
et coummenchièrent à ochir, à decopper et à mehaignier gens à
grant esploit. Geste nuit avoit fait le gait chilz banerës d'Engle-
terre li sires de Garbestonne , et estoit entre ses gens, à l'un des
corons des logeis, encorres en sen ordounnanche, chacuns des
siens le bachinet en le teste. Si tost qu'il entendi le huée et W
[1369] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, g 626. 363
meutûiy il desploiia se bannierre et dist : « Avant t Avant t de par
Dieu et monsigneur saint Jorge 1 Ghe sont nostre ennemy qui
nous viennent resvillier. » Dont brochièrent chevaux des espé-
rons, et vinrent au devant de chiaux de Bourdille. Là eut grant
hustin et fort et dur encontre. La noise et la huëe estoit ja es-
parse par les logeis. Si s'esmurent touttes manierres de gens, et
venoient de celle part, fust à cheval, fust à piet. Si se traissent
tantost li comtes de Pennebrucq et Jehans de Montagut deviers le
tente de monsigneur Ammon, comte de Gantbruge, qui ossi ht
tantost armes et montes à cheval, le glaive ou poing et le targe
au col.
Quant li frère de Batefol, qui cappittainne estoient de Bour-
dille, virent que li faos estoit estourmie et acouroit sus yaux,
si se coummendiièrent à retraire deviers leurs fortrèches , tout
combatant et escarmuchant; mes li comtes de Gantbruge et li
comtes de Pennebrucq et li chevalier et escuiier qui là estoient,
se missent entre le ville et yaux, et descendirent tout à piet. Là fist
messires Ammon, filx au roy d'Engleterre, le jouene comte Jehan
de Pennebrucq chevalier, et monsigneur Jehan de Montagut, et
des autres jusques à douze. Là eut grant bataille et dur rencontre,
car il estoient tous combatans d'un lés et de l'autre. Là eut fait
maintes belles appertisses d'armes , mainte prise et mainte res-
cousse. Quant chil qui estoient dedens Bourdille , virent les com-
paignons combattre leurs prolsmes, leurs frères et leurs amis, si
dissent entr'iaux que il ne seroient mies bien conssilliet ne preu-
domme, se il ne les aidoient à leur pooir. Si ouvrirent leur porte
et se rengièrent devant le barrière, et avoient là entre yaux des
bons arbalestriers. Si coummencièrent à traire et à bersser sour les
Englès, et li archier englès contre yaux. Là eut, je vous di, maint
grant escarmuche. Et y fu, en se nouvelle chevalerie, li comtes de
Pennebrucq très bons chevaliers, et y fist merveilles d'armes de
le main, et ossi fu messires Jehans de Montagut. Là estoit li
comtes de Gantbruge en bon convenant, et li sires 8e Carbes-
tonne, et chacuns s'acquittoit à son loyal pooir.
Que vous feroie je loing parlement? Chil de Bourdille furent si
dur reboutë, que li Englès concquissent le barrière et se missent
ens avoecq yaux, et enchauchièrent leurs ennemis de si priés, qu'il
n'eurent pooir ne loisir de refremmer le porte. Et entra li comtes
de Pennebrucq premièrement ens, et sa bannierre tout devant, et
furent ses gens mestre et souverain des bailles et de le porte, et
364 CHRONIQUES DE J. FROISSÂRT. [1369]
gaegnièrem de premier encontre le ^ille. Là eut grant oocision et
grant encauch, et forent pris li doy frère de Battefoi et tout cbil à
qui 11 Englès veurent entendre pour prisounniers ; mes li plus furent
mort et ochis sans merchy. Tantost apriès le prise de BoordîUe, li
comtes de Cantbruge en escripsi à son frère le prinche, assavoir
qu'il voUoit que on en fesist et qui on y laiast à cappittainne pour
tenir et garder contre les Franchois; et il rescripsi et manda à
son frère et as seigneurs qui là estoient , que il y ordounnoit le
signeur de Muchident, et voUoit qu'il em ftdst souverains et cap-
pittainnes. Che plaisi moût bien as dessus dis seigneurs. Si le déli-
vrèrent tantost au seigneur de Mucident et le missent en sa garde,
et y fissent une belle et forte garnison. Et attendirent encorres
li seigneur as tours, as portes et as deffenses de le ville ; et tout
ce qui estoit défiait etbrîsiet, il le remparrèrent et missent à point,
et le pourveirent et rafresquirent de vins et de vivres, et ossi de
bons saudoiiers. F" 156.
P. ISO, 1. 16 : se tenoit li sièges. — Ms. At^ : ^ tenoient
le conte de Cantebruge et le conte de Pennebroq à siège. Tome II,
F* «56.
P. 150, 1. 17 : onze. —Ms. A%: neuf. F« 312.
P. 151, 1. 4 : Or eurent un jour. — Ms, A %: Ot avint un
jour qu'il eurent.
P. 151, 1. 26 : Bemadës. — Ms. A%: Bemardës.
P. 151, 1. 29 : able. —Ms.Al : abUes. F» 805 v«« — Ms.
A 8 ; jeunes. F» 312 v*.
P. 152, 1. 25 : le terme. — Ms. AS: l'espace.
P. 153, 1. 10 : seurtë. — Le ms. A 8 ajoute : à eulx.
P. 153, 1. 13 à 22 : arciers.... Galles. Cette fin manque dans le
ms.A^i, t. II, f» 257.
P. 153, 1. 13 et 14 : deffisent. -^Ms. AS : depedèrent.
5 687. Ensi que. — Ms. if Amiens : Depuis, ne demoura
gaires de*temps que li prinches fu si consilliës de soy meymes
qu'il rescripsi as chevaliers dessus nounmiës. Et raporta li hi-*
raux les lettres et trouva les seigneurs englès sus les camps où
il ch'evauchoient. Et estoient en Quersin, et mettoieat leurs
gens le pays en grant tribulation. Et avoient ja fait tourner
pluisseurs villes et forterèches en Roherge, en Quersin et en
Aginois, meysmement celles que li Franchois avoient pris. Si
fu li hiraus li bien venus entre yaux, et prissent les lettres que li
[1369] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 627. 365
prinches leur envoieoit, qui faisoient mention, avoecq salus et
amistës : li prinches mandoit et voUoit que messires Jehans Gam-
dos, messires Thummas de Felleton et messires li captaux de
Beus, chil troy tant seulement , venissent en Angouloîme parler à
lui, et messires Robers Canolles , avoecq le demourant de le che-
valerie et escuierie et de touttes les autres gens d'armes, tenbt
les camps. Quant il otrent ces nouvelles, si se traissent en consseil
et s'avisèrent li ung par l'autre que il obeiroîent au coummande-
ment dou prinohe, c'estoit raisons. Si dissent à monsigneur Robert
Ganolle : « Sire, vous oës que messires li princes nous escript et
nous mande et voet que vous soiiës chiës de ceste chevauchie. y>
Dont respondi messires Robers et dist : « Biau seigneur, li prin-
ches, Dieux li puist merir! me honneure plus que je ne vaille;
mes ce n'est pas me vollentë ne men entente que je fâche
chief tous seux de ceste guerre, car, se vous partes, je partiray
ossi. »
Là eut pluisseurs parolles entre yaux, lesquelles je ne puis mies
touttes recorder; mes finablement, il conssillièrent et avisèrent
qu'il revenroient deviers le prinche et romperoient ceste chevau-
chie, et envderoient toutes gens d'armes en leurs garnisons et
guer[r]iroient par garnissons. Si appellèrent li dessus dît chevalier
les cappittainnes des Compagnes, et leur dissent enssi : «Signeur,
li prinches nous mande. Si voilons aller deviers *lui savoir, plus
plainnement qu'il nous a escript, quel cose il nous voet. Or en-*
voieons nous touttes nos gens ens-es garnisons, et ne penssons en
grant tams gueriier autrement. Si vous dounnons bon congiet de
faire vostre prouffit partout là où vous le poires faire sus le
royaumme de Franche; et, se il avient que vous prendës ne
concquerés ville , cité ne castîel en Franche , et vous le voeilliës
tenir et faire guerre à nos ennemis ou nom de nous, et vous aiiés
afiaire ou soiiës, par cas d'aventure, assegiet, nous vous proum-
mettons et jurons loyaument que nous, vous comforterons, où que
ce soit ne à quel meschief. » De ces parolles et proummesses se
contentèrent bien li compaignon et dissent : a Ghiers seigneurs ,
grant merchis, et c'est bien dit. » Ensi se defHst et desrompi
adonc celle chevaucie, et s'en ralla chacuns en se garnison là où
il estoient ordounnës. Et li quatre chevalier s*en vinrent en Angou-
loime deviers le prinche, à qui il recordèrent une partie de leur
eiqploit et toot ce que il avoient fait et ordounnë. Li prinches n'y
sceat riens que corrigieir ne amender ; car il les tenoit pour si
366 CHRONIQUES DE J. FROISSAHT. [1869]
bons et si avises, que dessus yaux ne voUoit il riens deviser.
F»* 158 v« et 159.
P. 153, 1. 23 et 24 : Ensi.... yaas. — Ms, A 22 : Aynsy que
messire Jehans Chandoz et les autre seigneurs d'Angleterre et de
Gascongne, T. II, f» 257.
P. 153, 1. 27 : evous. — M$. A % : Et puis. F» 313.
P. 153, 1. 28 : revenu. — Mt. AS: revint.
P. 154, 1. 21 : vaille. — Ms, AS : vauldray jamab.
P. 154, 1. 23 : adiré. — Ms. AS: oonseillier.
P. 155, 1. 9 et 10 : où que ce soit ne en quel marce. *— Ms.
A S : en quelque lieu que ce soit ne en quelque marche.
F» 313 V».
P. 155, 1. 14 : retenons. — Ms. AS: recevons.
§ 688. Entre les Compagnes. — Ms, tt Amiens : Assés tost
apriès chou que li comtes de Pennebruc fu revenus à Poitiers et
qu'il eut enssi estet rues jus de monsigneur Guillaummes des
Bordes et des autres, si comme vous avés oy chy dessus, il se re-
couvra au mieux qu'il peult , et ossi se recouvrèrent ses gens ; et
s'en vint li db comtes en Angouloime deviers le prinche , qui là
se tenoit. Se li de^plaisoit souvent dou rencontre que li Franchois
li avoient fait, et dist que il meteroit sus une plus grosse chevau-
chie de gens d'armes que il n'ewîst eu par devant. Si em pria
pluisseurs chevaliers et escuiers de Poito, de Saintonge et des
marches là environ. Entroes qu'il faisoit sen asamblëe, avint que
troy hommes d'armes, cappittainnes des Compaingnes et des gens
le prinche, fissent et achievèrent une moult hardie emprise ou
pays de Bourbonnois , si comme je le vous diray. Vous avës bien
oy recorder chy dessus que, quant li chevauchie des Englès et des
Gascons fu faite en Quersin et en Roherge devant, Domme et
Fuiguach et sus cesti pays, et que li signeur se départirent li uns
de l'autre, car messires Robers Canolles ne volloit mies tous seux
tenir les camps, il dounnèrent congiet as Compaignes de faire leur
proufit où que ce fust ou royaumme de Franche; et ou cas qu'il y'
prenderoient vDle, chitez ou casti^, et il seroient apressé des
Franchois, on les comforteroit.
Dont les Compaignes qui avoecq les Englès s'estoient tenu, se
d partirent et se tinrent enssamble , et se traissent par deviers
Auvergne. Entr'iaux avoit trois escuiers, appers hommes d'ar-
mes et hardis durement, dont on noummoit l'un Bemart de
[1369] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, S ^^^' 3^7
West; l'autre, Hortingo; le tierch, Ghikos de la Sale. Ghil troy
estoient meneur et gouvreneur de tous les autres. Si s'avisèrent
ung jour qu'il feroient une emprise assës hardie et mervilleuse ,
et jetèrent leur avis que de nuit il chevancheroient environ cent
compaignons tant seulement, et venroient dou matin, en cottes
de villain, par devant Belleperche en Bourbonnois, et ente-
roient en le forterèche ; car li dis castiaux n'estoit mies trop bien
gardes , si comme il avoient entendu , et si estoit dedens la mère
dou ducq de Bourbon et de la roynne de Franche , dont il
aroient grant proufBt, se il le pooient prendre. Tout enssi comme
li dessus dit s'avisèrent, il persévérèrent, et chevauchièrent ung
jour tout le jour et le nuit enssuiwant à petit de repos ; et s'en
vinrent sus l'ajournement embuschier assës priés de Belleperche,
et se missent en une viese maison où nulz ne demouroit, dehors
les fourbours. Quant il furent venu jusques à là, li troy dessus
noummet et trente dez leurs tant seulement, vestis dessus leurs
armures de cottes de villains, se partirent de leur embuschement;
et s'en y avoit aucuns qui menoient petis aulnes cargiés de fruis
et de poullaille , et li autres , credns plains d'oels et de froum-
maiges sus lors testes, et li remannans, grans pains de soille
à l'usaige dou pays : se devoit che jour y estre li marchiés ou
dit fort.
Quant il vinrent devant le porte, il le trouvèrent toute ouverte
et trois hommes qui le gardoient, qui trop bien leur demandèrent
dont il estoient et dont il venoient si matin. Il trouvèrent tantost
une bourde et une escuzanche, et dissent que il estoient de Mou-
lins en Auviergne, et qu'il venoient là ou marchiet. Les gardes
les laissièrent ens entrer tout paisiulement. Si tost qu'il furent
ens, il se saisierent de le porte et de celi dou fort et ochirent les
gardes, et sommèrent un cor ; auquel son, chil <pii estoient en l'em-
busque, vinrent tantost avant et entrèrent en le ville, et trouvè-
rent leurs compaignons qui estoient maistre dou castiel. Enssi fu
prise et emblée la forterèce de Belleperche, et la mère de la
roynne de Franche dedens. Si le trouvèrent bien pourvueuwe de
tons vivres et de grant fuisson de vins. Si s'avisèrent qu'il le ten-
roient et garderoient bien contre tout homme. Ces nouvelles vin-
rent au ducq de Bourbon, qui estoit à Paris, que on avoit pris et
emblet Belleperche, son dit castiel, et le tenoient les Gompaignes,
et madamme sa mère dedens. Si en fu li dis dus moût courouchiez,
che fu bien raison, mes amender ne le p6ut, tant c'adonc. Tou*
368 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
teJBbis, il s'en complaindi au roy, son serotirge, qui li proununist
que hasteement il y pourveroit de remède.
En ee mey sme jour que ii dessus dit cappittainne des Gompaignes
englesees prissent Belleperche, il esploidèrent encorres plus avant
et prissent une antre fortrèche que on appelle Saint Sivière; et le
fortefiièrent tantost et le dounnèrent à monsigneur Jehan d'Ewrues^
cappittainne et gouverneur de limozin, pour tant que ses g^is y
avoient estet. Et se tenoit li dis messires Jehans d'Evrues en une
autre garnison que on appelle le Soteresne, et avoec lui grant
fuisse» de bonnes gens d'armes. P 161 v^.
P. 186, 1. 8 : ens. — M$, ^ 8 ; y. F» 313 ▼<".
P. 156, 1. 11 : asseulëe. -— Ms, A % : seule.
P. 156, 1. 14 : songneus. — Lg nu. A 8 ajoute : de le gard^*
P. 156, 1. 20 : France. -^ le ms,A % ajomte : qui esunt.
P. 187, 1. 2 et 3 : Sanssoirre. — Mss, A 1^ B : Sanoerre.
F» 306 ▼•.
P. 187, 1. 7 : ensonniier. — Ms. A 8: embesoignier. F" 314.
P. 157, 1. 8 à 12 : Or vous.... Toumefaen. — Cette phrase
manque dans le ms. A 22, t. Il, ^ 258.
§-6S9. Li 'rois de France. — Ms. tf Amiens : En ce tamps,
faisoit li roys de Franche le pins bel et le plus grant aupareil de
navie que on ewist oncques mes veu sus le rivierre de Sainne,
mouvant de Roem jusques à Harfluez. Et avoit li dis rois enten-
tion et désir très grant que d'envoiier son frère le ducq de Bour-
goingne en Engleterre gaster et essillier le pays. Si retenoit li
roys chevaliers, escuiers et gens d'armes de tous costës, et faisoit
si grandes et si grosses pourveanches que merveilles seroit à
croire et à pensser. Si dévoient y estre patron de toute ceste na-
vie li viscomtes de^erbonne, messires Oliviers deClichon et mes-
sires Jehans de Vianne. Et meysmement li roys de Franche s'en
vint tous quois demourer et séjourner en le chitë de Roem, pour
mieux entendre à ses besoingnes et à ceste navie. Si chargoit on
tous les jours le dilte navie de bisquit , de vins, de chars, d'aige
douce et de touttes pourveanches qui fallent et qui appertien-
nent sus mer, ossi grossement que ce fust pour aller em Pkmsse
ou en Jérusalem. Et cousta chilz arrois si grandement au roy de
Franche , que merveilles seroit à recompter; mais il le faisoit
de si grant vdUentë, que il ne plaindoit cose qu'il y mesist....
F* 162.
[1369] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 630. 369
En celle saison, li dos de Lancastre, filz au roy d'Engleterre,
[passa] le mer à mil lanches et deux mil archiers et vint ariver à
Callais; et quant ilz et ses gens se furent là rafresci, il s'em par-
tirent en grant arroi. Si estoit li comtes de Warvich marescaux
de son ost, et entrèrent ses gens ou royaumme de Franche, et
prist li dus terre et logeis sour le mont de Tournehon. Là vint
deviers lui messires Robers de Namur à soissante lanches bien
estoffëes, et acompaigniës de chevaliers et d'escuiers. F« 164 v*.
P. 157, 1. 14 à 16 : un très... Harflues. — Ms, ^ 6 ; le plus
grande assamblëe de navie, de gros vaissieaulx et de moiens et de
petis, ou havre de Harfleus, entre Roem et le mer, que on euist
oncques veu celle part ne ailleurs. P 746.
P. 157, 1. 15 : sus le havene d'Harfiues. — - Ms, A % : sur le
port de Harfleu. Y"* 31 4.
P. 157, 1. 25 : se navie. — Ms, ^ 8 ; la navire.
P. 157, 1. 26 : affection. — Le ms, B 6 ajoute : che fu en-
viron le Saint Jehan Raptiste Tan mil trois cens soissante neuf.
F« 747.
P. 158, 1. 2 : que donc que ce fut. — Ms, Al : que ce fîist.
F» 307. — ifcf^. A 8 : comme se feust. F» 314.
P. 158, 1. 15 : ne se parfesist. — Ms. Al : ne se partesist.
— M$. ^ 8 ; ne partesist.
P. 158, 1. 31 et 32 : Sallebrin. — Ms,A^ : Sallebery. — U
ms. B 6 ajoute : le conte de Sufforc. F<> 748.
P. 159, 1. 6 : quinze cens. — Ms, B Q : douze cens. P^ 747.
P. 159, 1. 14 : especialment. — Le ms, B 6 ajoute : che gentil
chevalier. F*» 747.
P. 159, 1. 22 : semonst. — ilfj. A 8 : semonni. F» 314 v«.
P. 159, 1. 24 : appareillier. — Le ms. B 6 ajoute: en la ville
de Bruge. F« 748.
P. 159, 1. 25 et 26 : Or... Poito. — Cette phrase manque dans
le ms. A 22, /. //, f» 258 ^.
S 650. Vous devés. — Ms. d Amiens : Or revenrons nous au
comte Ammon de Cantbruge et au comte de Pennebrucq, qui
s'estoient tenu et rafresci en Bourdille, et avoient à leur départe-
ment ordounnë à gouverneur et gardien de Bourdille monsigneur
de Mucident , gascon , et grant fuisson de compaignons avoecq
lui, dont il estoit cappitains. £t estoient li dessus dit signeur venu
em Poito. Dont il avint que li prinches, pour remforchier teur
vn — 24
370 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
cevauchie, y envoiea monsîgneur Jehan Gamdos, monsigneur
Thummas de Felleton, le captai, monsigneur Robert Canolles,
monsigneur Richart de Pontchardon , monsigneur. Estievene de
Gousenton et touttes les gens d'armes qui estoient revenu avoecq
yaux. Si vous di que, quant il se furent remis enssamble, il se
trouvèrent grant fuisson , et eurent avis quel part il se trairoient
pour mieux exploitier et emplojier leur tamps à grever leurs
ennemis.
Adonc se porta conssanx et certains acors qne il se trairoient
deviers une moult belle fortr^ce que on appelle le Roche sur Ion
en Poito, sus les marches d'Ango et dou resort d'Ango meysme-
ment. Si se traissent celle part à grant esploit, et y fissent amenner
et acariier touttes leurs pourveanches , et se logièrent et amana-
gièrent à Fenviron, et y ordounnèrent fueillies et establement pour
leurs chevaux. Par dedens le Roche sur Ion avoit ung chevallier
angevin qui s'appelloit messire Jehan Blondiaux, qui en estoit
cappittainne de par le duc d'Ango, et avoit avoecq lui en le
forterèche pluisseurs bons compaignons deffensables et bien ap-
pers, pour deifendre et garder le dit castiel; et estoient bien pour-
vueu de tous vivres pour yaux tenir ung grant tamps, et ossi de
toutte artillerie très bien garni. Si tost que li seigneur d'Engle-
terre eurent asegiet le Roche sur Ion, il y envoiièrent leurs gens
asaillir et escarmuchier. Si y eut par pluisseurs fois grans assaux
et escarmuches, car cil dou fort se deffendoient aigrement et
vassaument. Quant chil qui devant seoient virent que par traire
ne lanchier on ne les pooit adammaigier , mes perdoient moult
souvent de leurs gens à Tescarmuche et à Tasaut, si en forent
moult courouchiet, et s'avisèrent li signeur que en avant il assau-
roient par enghiens. Si en fissent drechier jusques à six grans et
mervilleux, qui nuit et jour jettoient pierres de fais à le fortrèche.
Ghils atournemens d'assaut esbahy et effrea grandement chiaux de
dedens.
Tant fissent li signeur par devant, et si constraindîrent chiaux
dou fort, que il regardèrent l'un par l'autre pour le miUeur à
leur avis qu'il estoient trop cuvriiet par ces enghiens, et que,
à enssi continuer, il ne se pooient longement tenir. Si traittiè-
rent deviers le comte de Cantbruge, monsigneur Ammon, et le
comte Jehan de Pennebruc et monsigneur Jehan Camdos et
le captai et monsigneur Guichart d'Angle et les barons qui là
estoient, qu'il prenderoient une souOranche de quinze jours, et au
[1369] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 630. 371
chief de ce terme, journée de bataille; et^ 9e adonc il n'estoient
comfortë et levet par bataille dou siège, il dévoient rendre le
forterèce as Englès, parmy t^nt que le ditte cappittainne messires
Jehans Blondiaux devoit avoir six mU francs franchois pour ses
pourveanches. Chilx tretiés se passa. Li respis fu dounnës et tenus
les quinze jours. Nulx ne vint ne n'aparu pour combattre les
Englès ne lever le siège. Quant li cappittainnes vit ce, si en fu
durement courouchiës; car il ne quidoit mies que li rois de
Franche ne li dus d'Ango ne li dewissent faire comfort pour
alegier une telle fortrèche de ses ennemis. ToutteObis, il ne pooit
aller ariere que il ne delivrast le castiel, car il en avoit baillet as
Englès quatre escuiers gentils hommez em pièges. Si rendy le for-
trèce et s'em parti, et touttes ses gens, sans dammaige, et reut
sez pièges et six mil frans franchois tous appareilliés pour les
pourveanches dou dit castiel. Si em prissent li signeur englès,
gascons et poitevin, qui là estoient, le possession, et y establirent
bonnes gardes, et un chevalier de Poito pour garder, et puis s'em
partirent et se retrayrent deviers Poitiers.
Or vous diray de monsigneur Jehan Blondiel coumment il fina.
Apriès ce qu'il se fu partis et eut rendu le ditte forterèce, si
comme vous avés oy, il prist son chemin pour aller à Paris. Ensi
qu'il passoit parmy le chitë d'Angiers et qu'il estoit descendus
en son hostel, il fu pris et arestës dou connestable d'Ango et des
gens dou duc, et mennës en prisson. Si oy dire et compter pour
vérité qu'il fu depuis accuses de traysson et de villain fait, pour
le cause de ce qu'il avoit pris et rechupt monnoie dou dit castiel.
Si fu noiiës li dis chevalliers en le rivière qui keurt parmy le
chitë de Angiers. F® i49.
P. 139, 1. 27 et p. 160, 1. 11 : Vous devës.... le Roce sur
Ion. — Ms. A 22 .* Vous devez savoir que, quant le département
fut fait des barons et des chevaliers de Guienne qui avoient che-
vaulchië en Caoursin et en Rouergue, et ilz furent retournez en
Angoulesme devers le prince de Galles , ilz eurent conseil d'aller
assaillir ung bel chastel et fort appelé la Roche sur Ion , sus les
marches. T. II, ^ 259.
P. 159, 1. 28 : Gyane. — Ms. A 7 : Guiane. F» 397 v«. —
Ms. A 8 ; Guienne. F*» 314 v«.
P. 160, 1. 8 : emploiier. — Ms. AS: exploitier.
P. 160, 1. 24 : remis. — Ms. AS: revenus.
P. 160, 1. 24 et 25 : plus de trois mil lances. — Ms. jS 6 : et
372 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
estoient plus de quatre cens chevaliers et tous ensamble bien huit
mil combatans. F* 752.
P. 460, 1. 27 : de toutes. — M$. A%: àt, bonnes.
P. 160, 1. 3i : laiens. — Ms, ^ 8 : ou dit chasteau.
P. 160, 1. 31 et 32 : as sans et as gages. — Afr. A% : aux firais
et despens.
P. 161, 1. 5 : Touwars. — Ms. A 7 : Thouars. F« 307 v*. —
Ms. A 8 ; Touars. F» 315.
P. 161, 1. 7 : espringalles. — Ms. AS: espingalles.
P. 161, 1. 9 : plentiveuse. — Ms. AS: plantureux.
P. 161, ]. 23 et 24 : assegurances. — - Ms. AS: asseurances
et saufconduit.
P. 161 , 1. 24 et 25 : parolles. — Ms. A S : traictiez.
P. 161, 1. 30 : pourveances. — Le ms. B 6 ajoute : que les
dit Englès trouvèrent. F« 752.
P. 161, 1. 32 : en segur. — Ms. AS: aussi en seur estât.
P. 162, 1. 5 et 6 : cuidoit estre aidiës. — Ms. AS: pensoit
estre secourus.
P. 162, 1. 21 : ensi que couvens portoit. — Ms. AS: aussi
ce que couvenancié lui estoit.
P. 162, 1. 31 : lui. —Ms. ^ 8 : se.
P. 163, h 2 : faiticement. — Le ms. B 6 ajotae : et né Teuissent
pas rendu pour cent mil firans. F* 753.
§ 651 . Apriès le conques. ^ Ms, d^ Amiens : Âpriès le prise et
concquès de le Roce sur Ion, s'en revinrent li signeur, si comme
dessus est dit, à Poitiers, et se départirent li pluisseur et s'en al-
lèrent en leurs garnisons et en leurs forterèces. Si se retraist li
comtes de Cantbruge deviers son frère le prinche de Galles en An-
gouloimCy et li comtes de Pennebrncq ossi. Or a vînt que messires
James d'Audelëe, qui estoit grans senescaux de Poito et durement
bons chevaliers et hardis et ungs grans capitains entre les Englès,
s'en vint à Fontenay le Comte em Poito, et là s*acoucha malades,
de laquelle maladie il morut. De le mort de lui furent li prinches
et tout li chevalier d'Engleterre et de Poito moût courouchiés,
mes amender ne le peuvent.
Apriès le trespas de monsigneur Jame d*Audelée, fu senes-
caux et gouvrenères de Poito messires Jehans Camdos, à le
prierre et requeste de tous les barons et chevaliers dou pays.
Et s'en vint demourer à Poitiers et là tenoit il sa garnison, et
[1369] VÂ&lAZfTBS DU PREMIER LIVRE, S 632. 373
faisoit .sauvent des chevauchies et des yssues sus les Franchois,
et par espedal deviers le Roce de Ponsoy, que li Franchois le-
noient et avoient pris, où [estcuent] messires Guillaummes des
Bordes, messires Loels de Saint Juliien, Caruel et moût de bonnes
gens d'armes. Et SToit lî roys de Franche grandement renforcié
ses garnisons de chevaliers et d'escuiers sur les frontières et les
marches de Poito , et en avoit en le Haie en Tourainne grant
fnisson, k Loches et à Saumur ; et tout sus celle rÎTière de Loire
estoit lî pays raemplis de Bretons et de Bourghignons , et estoit
entre ywa une moût grande cappittainne messires Jehans de
Tianne.
En ce tamps, fil délivra de prison lî viscomtes de Rochnwart
que lî prinches avoit fait tenir moult longement, par suppechon
qu'il ne devenist franchois. Si le délivra li dis piinches à le priîère
et requeste de ses amis; et, si trestost comme il fu délivrés, il
s'en vint à Paris deviers le roy et se tourna franchois. Et revint
arrîerre en son pays et y mist un bon homme d'armes et ses gens,
en le ville de Rochnwart, qui s'appelloit Thîeubaut don Pont. Et
fist touttes ses gens tourner, et puis fist grant guerre su prinche
qni fu durement coorouchiés. quant u legierement l'avoit delivret
de prison , et ossî en furent moult abaobi tout chî) qui pruet en
avoient. F" 149.
P. 163, 1. 4 : Apriès. — lei commence le mt. £ 2 (I. H du ms.
n* S006 de la Bîbl. oat.).
P. 163, 1. 11 : s'alitla. — lUt,J8 ; acoucha. F* 31S v.
P. 163, 1. 25 : Rocewart. — Ms. A 8 .* Rochechouart.
P. 164, I. S : un petit don duch de Lancastre. — Ms. S 6 :
entreuls que on se tenoît à Toumehem, d'une aventure qu'il avint
encore au conte Jehan de Pennebourcq. F" 7S3.
§ 658. Quant U dus. — Mt. tt/imieas .* Li roys de Franche
pour le tamps se tenoît en le cbité de Roem, et avoit là sus le ri-
TÎerre et ou havene de Harflues fait le plus grant appareil de
naves et de calans que on ewist, en grant temps avoit, veu en
France, et grant fuîsson de bonne chevalerie et escuierie, des-
qnelx li dus de fiourgrangne, ses frèrez, estoit cbiës; et dévoient
aller touttes ces gens d'armes et celle navie en Engleterre. Qant
les nouvelles vinrent au roy de Franche que li dus de Lancastre
estoit arîvës à Calais et couroient ses gens sus le roîame , aï fu
tous chîls premiers pourpos brisiés, et fudit au roy : «Sire, voos
374 CHRONIQUES DE J. i-HOISSART. [4369]
demandes vos ennemis et les voUës faire aller combattre par de
delà le mer, et il sont decha; encorres vaut mieux que vous les
fachiës combattre par de decfaa a l'avantaige de vos gens, que par
delà. » Adonc coummanda li roys de Franche et ordounna touttes
gens à deslogier d'environ Roem, et de passer Sainne et Somme,
et de venir logier et prendre terre contre les Englès. Si se des-
logièrent et partirent toottes gens, duc, comte, baron, chevaliers
et escuier, et prissent plutsseurs voies et adrèches pour venir vers
Saint Omer. Si rapassèrent le Sainne et le rivière de Somme à
Amiens et à Abeville, et fissent tant par leurs journées qu'il s'en
vinrent logier entre Liques et Tournehen, assés priés de l'ost des
Englès, et disoit on tous les jours : » 11 se combateront. » Si aUoient
de celle part tout chevalier et escuier qui se desiroient à avan-
chier. Et me fu enssi dit et affremë pour veritë que li dus de
Bourgoigne avoit là quarante cens chevaliers et plus, de quoi U
ainnés c'estoit messires Philebers de l'Espinache : se pooit il avoir
à ce tamps cent ans ou environ; ne oncques on ne vit tant ens-
samble à Buironfosse, à Crechi, ne autre part. F" i 64 v*.
P. 464, 1. 21 : Tieruane. — ilfx. ^ 8 ; Terouenne. F« 315 v«.
P. 465, 1. 45 : toursé. — Ms, A%: tourné.
P. 465, 1. 20 : Monstruel sus Mer. — Ms. £6:k Saint Aumer.
Là se loga le duc de Bourgongne qui bien avoit en sa compaignie
dix mil hommes d'armes, chevaliers et escuiers. P* 749.
P. 465, 1. 30 et 34 : compagnie. — Le ms, B 6 ajoute : et
passa parmy Brabant et Flandre. Sy estoit en sa compagnie et
dessoubz luy messire Guillaumme Lardenois, le sire de Spondn,
messlre Buriauls de Jupelu, le sire de Gennes, messire Lambert
de Gennes son frère, messire Ernoul de Malenbais, messire Danel
de Selles, messire Henry de Senselles et des aultres que je ne
puis tout noummer. Et estoient en sa compaignie deux cens conn
batans ausquels le duc de Lancastre fist grant feste. F** 749
et 750.
P. 466, 1. 4 : les.— Mss. J7,S: le. P» 308 v«.
P. 466, 1. 6 : sois. — Ms. AS: soies. F» 316.
P. 466, 1. 24 et 22 : demorans. — Ms. AS: remenant.
P. 464, 1. 22 : grant. — Le ms. B 6 ajoute : Et avoient les
François grant désir de combatre les Englès, car il estoient six
contre ung, et touttes bonnes gens à l'eslite. Mais tous les jours
venoient nouvelles en l'ost et commandement de par le roy de
Franche que point ne se combatissent sans son sceut et congiet,
[1369] VARIAINTËS DU PREMIER LITRE, § 633. 375
car le roy doubtoit fort le» fortunes et furent un lonc tamps en
cel estât. P 750.
P. 166, 1. 25 î euist. — Ms. A % ': veist.
P. 167, 1. 3 : leur. — 3fs. A S : lieu.
P. 167, 1. 20 : aventures, — Le ms.J S ajoute : plus souvent.
§ 653. Ce terme pendant. — Ms. d* Amiens : Entroes que mes-
sires Jehans'Camdos estoit gouvrenàres de Poitd, il mist une ce-
vaucie de gens d'armes et de compaignons sus, et estoîent bien
trois cens lanches et deux eens archiers, et en pria au comte de
Pennebrucq qu'il y volsist estre. Et vollentiers y ewist esté, mes
ses conssaux li destourna, et li fut dit ensi : a Monsignetir, vous
estes ungs des grans d'Engleterre et li plus grans apriès les en-
fans dou roy, et ungs jones homs. Si avés mestier, pour vostre
honneur et vous avaiichier, que vous soiiës renommes chiës d'une
chevauchie ; et, se vous allés maintenant avœcq Camdos, il en ara
le vois et le huée, et vous n'en serés de riens congneus ne avan-
chiés , qui est uns petis chevaliers ens ou regart de vous , coum-
ment qu'il se àoit fais et avanchiés par les guerres. » Siques ces
parolles et autres do6t li comtes de Pennebrucq fut adonc enfour-
més et enortés, le destoumèrent d'aller en ceste chevauchie. Non-
pourquant messires Jehans Camdos ne vot mies séjourner, mais
fist sen emprise et entra en Ango et en ung pays que on appelle
Loudunois, et ardi et gasta moût durement celui pays ; et y fissent
ses gens pluisseurs desrois , ne nuls ne leur vint au devant. Si
demoura bien Camdos en ceste chevauchie un mois , et puis re-
prist sen tour par Cauvegny et par le terre le comte de Rochuart,
que il destruisi malement; et s'en vint tout contreval le rivierre
de Creusse, et puis à Castieleraut, qui est hiretaiges de mons>-
gneur Loeis de Halcourt. Si s'aresta là et touttes ses gens.
Entroes que il sejournoit à C&astieleraut, il eut pourpos que de
faire une chevauchie jusques à le Haie en Tourainne , où il avoit
une grant gamisson de gens d'armes, car là se tenoient messires
Robers de Sausoire et messires Jehans de Vianne. Si segnefia li
dis messires Jehans Camdos sen entente et sen enprise encorres
au comte de Pennebrucq , liquelx y fîist venus trop vollentiers ,
mes ses conssaux l'en destoumèrent. Toutteffob, quant il eut
assés penssé et ymaginet sus ces chevauchies et coumment il s'en
estoit escusés par Tinfourmation qu'il avoit eus, il regarda en
soy meysme que il ne faisoit mies bien. Si fist un jour armer
376 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
Umttes ses gens et monter à cheval, et chevauça à gnnl esploit
jusques à Castieleraut. Encorre trouva il monsigneor Jehan Cam-
dos, qui là se tenoit, mes il avoit tout son pourpos brisiet et rom-
put de faire le chevauchie devant ditte. Et se parti li dis messires
Jehans Gamdos assés tost apriès de Gastieleraut, et prist le che-
min pour revenir à Poitiers. F" 1 49 v*.
P. 167, 1. 23 : assamblde. — Ms. A%: chevauchiez F"" 316 v*.
P. 167, 1. 31 : Poitevins. — Le nu. B 6 ajouu : et estoient
bien cinq cens lanches. F* 753.
P. 168, 1. 1 : en... Tourainne. — Ms, B 6 : jusques en Tou-
raine et jusques à la rivière de Loire.
P. 168, 1. 8 : désir. — Ms. AS: propos.
P. 168, 1. 9 : homs. -^Ms, A 8 : seigneur.
P. 168, 1. 16 : le sienne. — Mss, i^ 3, 4, ««^ 7, 8 : le sien. —
Ms. Bk.f 313 v«.
P. 169, 1. 7 : moult. — Xe /»#. A 8 ajoute : d'ennuis et.
P. 169y 1. 10 : Loudonnois. — Ms. AS: Laudonnois, -— Le
'ms, B 6 ajoute : et y séjourna bien ung mois. F* 754.
P. 169, 1. 14 : Rochewart. — Ms. AS : Rochechouart.
P. 169, 1. 19 : Aljos. — Ms. A S : Alions.
P. 169, 1. 19 et 20 : Alyos de Talay. — Ms. A 17 .* Heliot du
Taillay. F> 365.
P. 169, 1. 25 et 26 : à le Haie en Tourainne. — Ms. A S : ea
la Haie de Touraine.
S 6!(4. Or vous compterons. •— Ms. it Amiens : Che jour tout
enthier, demoura li comtes de Pennebrucq à Castieleraut, et l'en-
demain apriès boire, il s'em parti et prist che meysme chemin
que messires Jehans Gamdos avoit fait. Or vous diray le conve-
nant des Franchois et des garnisons qui se tenoient sour les mar-
ches et frontières de Poito. Bien savoient par leurs espies
coumment messires Jehans Gamdos et li comtes de Pennebrucq
n'avoient point chevauchiet enssamble, et que, par grandeur et
orgoeil , il avoient laissiet à faire leur emprise ou em partie. Et
entendirent encorres li chevalier franchois que li comtes de Pen-
nebruc estoit à Gastieleraut , et messires Jehans Gamdos, partis.
Ges nouvelles oyrent il moult voUentiers. Si se partirent tantost
et sans delay de le Roche de Ponsoy, où il estoient recueilliet et
assamblet, et se missent as camps bien cinq cens hommes d'ar-
mes, tous montés et aprestés, et avisèrent par esclos et par e»-
[1369] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 634. 377
pies le chemin que li comtes de Pemiebrucq tenoit. Il faisoit celi
meysmes que messires Jehans Camdos avoit fais ens ou voyaige
d'Ango, qui marchist à Poito. Si se vint logier li dis comtes en
Ango, à rentrée de un villaige c'on dist Puirenon, et pooit avoir
en se route de touttes gens trois cens hommes. Si en voUoit û^re,
par l'-enhort et avis de son consseil, se cevauchie à par lui et ossi
bien que messires Jehans Camdos avoit fait le sienne ; mes il l'en
dubt estre près mesavenut et mescheut, si comme vous orës re-
corder chy apriès.
En ceste queilloite et chevauchie que li Franchois avoient mis
sus pour rencontrer les Englès, ou cas que il les poroient trouver
ne avoir à leur avantaige, avoit fuisson de bons chevaliers et es-
cuierSv car il estoient queilliet et rasamblé de pluisseurs garnisons,
pour tant que il savoient bien que li Englès cHevauchoient; et
par especial chil de le Haie en Tourrainne et de le Roche de
Ponsoy y estoient le plus. Là estoient messires Jehans de Vianne,
messires Jehans de Buel, messires Guillaummes des Bordes, mes-
sires Loeiis de Saint Julien, Garuel, breton, et messires Robers
de Sansoir; et d'Avergne : messires Robers Daufins, messires
Hugues Daufins, messires Grifons de Montagut, li sires de Ca-
lençon, messires Jehans d'Achier, li sires de Rochefort et pluis-
seurs autres chevaliers et escuiers. Si chevauchièrent tellement et
si sagement par l'ordounnanche de leurs espies, que il vinrent et
entrèrent ou village de Puirenon contre un soir, assés tost apriès
che que li comtes de Pennebrucq et ses gens y fîiissent venu et
descendu, et ja se coummenchoient à establer et à logier pour y
demourer celle nuit. Evous les Franchois venus, bannierres et
pennons devant yaux, en escriant : uSausoire! », les lanches
abaissies et les espées touttes traites , et montes sour bons cours-
siers et ronchins. Si entrent en ces Englès, et les coummenchent
à abattre et à mehaignier, à ochire et à decopper.
Et quant li Englès se virent si soudainnement asaîUi, si furent
tout esmervilliet dont teix gens venoient. Si se prendent à retraire
petit à petit deviers le logeis le comte de Pennebrucq, qui estoit ja
tous armés, et se routte, et montés à cheval, se bannière devant lui.
Là se raloiièrent chevaliers et escuiers et touttes mannierres d'au-
tres gens de leur ordounnanche. Si counmienchièrent li archier à
traire fort et roit sus ces Franchois et à bersser hommes et che-
val, et à deffendre et garder moult bien le place, et tant que il
se furent ensi que tout rêqueilliet et mis ensamble. Là eut dur
378 CHRONIQUES DB J. FROISSâRT. [1369]
hustin et fort puigneb, car li Franchois estoient grank fiiissoa tt
droite gens d'armes , et tout bien monte et ïÂen armé , et si fort
et si espès que li très ne les pooit noient empirer. Là eut maint
homme jette par terre et mis à meschief. Si vous di que li Englès
ne l'avoient mies d'avantaige. Si estoient adonc dallés le comte
de Pennebrucq et de se chevauchie messires Thnmmas de
Perssi, messire Bauduins de Fraiville, messire Thummas le Des-
penssier, messires Richars Masse, messires Jehans Anssiel et pluis-
seurs autres bons chevaliers et escuiers. Et bien leur besongnoit
que il fuissent droite gens d'armes et encorres plus deux tans que
il ne fuissent, car 0 furent à ce donc ossi dur rencontré et re-
bouté c'a merveilles; et bien y pary, car une grant partie des
leurs furent mors et pris sour le place. Et, par especial, y furent
pris messires Richars liasse et messires Jehans Anssel, et bien
ochis des leurs cent et cinquante.
Et n eurent li comtes de Pennebrucq et messires Tliummas
de Perssi et li remaaans plus de recours qu'il s'avisèrent d'une
maison de Templiers, qui estoit au dehors de le ville, frem-
mée et environnée de mur de blanche pierre et toutte secke,
sans aige et sans fosset, à plainne terre. Toutteffois, quant il
virent le meschief qui contournoit sus yaux, il se retraissent
celle part , tout combatant et escarmuchant; et fissent tant qu'il
se boutèrent et requelièrent dedans le. porte, mes il laissièrent
par dehors touttes leurs pourveanches , chars , charettes et som-
miers, or et argent et vaissielle et tout,i'aroy, l'ordounnaDce et
le hamois pour lors corps et pour lors gens, et une partie de
lors chevaux. Encorres se tinrent il tous euwireux , quant il se
trouvèrent laiens enfremmé pour passer le nuit , à quel mesdef
ne péril que ce fîist. Quant li Franchois virent que li Englès
estoient là retret, si se retraissent ossi, car il futantost tart,
et dissent entre yaux : « Alons nous reposer. Il sont mieux que
en prison; car laiens les afammerons nous, se nous voilons, ne
il ne se puevent partir sans no congiet. » Si entendirent leur
varlet au pillage , au trousser et au destrousser, et au mettre
d'un lés tout chou que trouvet avoient, et ossi à entendre à gar*
der les prisounniers de leurs mestres, et ossi à faire bon get
par devant l'ostel dou Puirenon, où li Englès estoient enclos.
F- 159 vo et 160.
P. 170, 1. 18 : trois cens. — Ms. £6: sept vingt. F» 754.
P. l""!, 1. 20 : Karenloet. — Mss. B i àk, A%: Gharuel,
[1369] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, $ 635. 379
Charruel, Karuel. — Mss. A 7, 22 : Jehan Kaeranloet, nn très
bon escuier breton. F* 310.
P. 171, I. 21 : sept cens combatans. — ilff. ^ 6 : mil lancfaes.
F» 754.
P. 171. 1. 25 : Fraiville. —Ms. A% : Franville.
P. 171 , 1. 26 et 27 : d'Aghorises. — Ms. A 1 : d'Agorisses.
— Ms. AS: d'Angonses. F« 317 V». — Ms. A 22 ; d'Angourisses.
Tome II, 1* 262.
P. 171, 1. 29 : Courson. — jffs. AS: Tom^son.
P. 171, 1. 32 : Touchet. — Ms. A S : Ck)nchet.
P. 172, 1. 6 : Puirenon. — Ms. A 22 : Puirenou. — Ms. B 6:
le Puirenon. F» 755.
P. 172, 1. 7 : assegitfë. — Mss» A l^S : assenrez.
P. 172, 1. 8 et 9 : evoos ces François venus. -^ Ms. ^ 8 : et
lors vindrent ces François.
P. 172, 1. 20 : Fraiville. — ilf*. A S : Franville.
P. 172, 1. 28 : Et n'eurent. — Ms. A S : Et n'ot.
P. 172, 1. 30 : qu'il se retraisent. — Ms. AS : fors que d'eulx
retraire.
P. 172, 1. 32 : pierre. — Ms. B 6 : murs. P 755.
P. 173, 1. 14 : remontière. — Mss. Al^S : remontée. F* 310.
P. 173, 1. 14 : hostel. —Ms. A S : chastel.
P. 173, 1. 1 7 : reskement. — Ms, Al : richement. -^ Ms. AS:
aigrement. — Mss, ^ 15 à 17 : radement.
P. 173, 1. 25 : paveschiës. — Ms. A S : les pavais. F« 318.
P. 173, 1. 32 : arciers. — - iKfr. ^ 8 .* chevaliers.
P. 174, 1. 5 : frefel. — Ms. A S : effroy.
P. 174, 1. 16 : assegur. — Mss. A 1^ S : asseur.
P. 174, 1. 16 : afaire. -— Les mss. A i^ à il ajoutent : et que
ces Englès ne vuidassent et s'en allassent par nuit.
§ 635» Vous devés. — Ms, tf Amiens : Quant 11 comtes de
Pennebrucq , messires Thummas de Persi, messires Bauduins de
Fraiville, senescaux de Saintonge, messires Thummas li Despens*
siers et li autre chevalier se virent là enclos en une plate maison,
sans pourveanches ne artillerie, et sentirent grant fuisson de che*
valiers et escuiers franchois par devant yaiix, si ne furent mies
à leur aise, car il ne pooient veoir qu'il fuissent comfortë de nul
costé. Et li plus prochains comfors et secours que il pooient avoir,
c'estoit messires Jehans Gamdos; encorres espoir se tenoit il à
380 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
Poitiers, sept graades lieuwes loing. Toutteffois, imaginet et con-
sideret bien le péril où il estoient, et exammet ossi leurs besoin-
gnes, il s'avisèrent et consillérent l'un par l'autre qu'il escrip-
roient à monsigneur Jehan Camdos , lequel il esperoient à Poi-
tiers, et li priroient que a ce besoing il les comfortast et deli-
vrast de ce dangier. Adonc furent lettres escriptes tantost et
saiellées don comte de Pennebrucq, et encorres certainnes ensei-
gnes envoiies et cargies à celui qui emprist à faire le mesaige,
qui se parti tout secrètement environ mienuit de Tostel par de-
riere le Puirenon et montes à cheval, comme chilx qui cuidoit,
ce disoitf trop savoir le chemin et Tadrèche à Poitiers ; mes toutte
le nuit il se fourvoya , ne oncques ne sceut ne peut tenir voie
ne sentier^ jusques à tant qu'il fu haux jour et qu'il se ravoiea par
assens et congnissance de pays. Or vous parlerons des Franchois,
qui tenoient pour tous emprisonnes les Englès.
Geste nuit passèrent et reposèrent li Franchois tout aise , et
droit à l'aube don jour il furent tout arme, aprestë et ordounné
pour assaillir les Englès; et se traissent celle part où il estoient,
bannières et pennons devant yaux et en très bon arroy, chacuns
sires entre ses gens, et par connestablie. Là estoient messires
Jehans de Vianne et messires Jehans de Buel, d'un les, avoecq les
Bourguignons; d'autre part, messires Loeis de Saint Juliien,
messires Guillaummes des Bordes et Caruel, avoecq les Bretons;
en ung autre les, messires Robers de Sansoirre, li sires d'Andre-
siel, avoecq les Françhob ; et les Àuvregnois, messires Griffons,
sires de Montagut, li sires de Callençon, li sires de Roçefort, li
sires de Serignach, messires Robers et messires Huges Daufins.
Si coummencièrent chil seigneur et leurs gens à assaillir l'ostel dou
Puirenon, où li Englès se tenoient , très ra[u]be dou jour. Là eut
grant ass^gat, dur et fier, tant à le porte que as dis murs de le
maison ; et lanchoient, traioient et escarmuchoient chil de dehors
à chiaux de dedens. Là estoient chil archier d'Engleterre moût
able et moût legier, monte li pluisseur à deux pies sour le mur,
leurs ars tous entesés ; et ne traioient point , se 0 ne quidoient
leurs saiettes bien jemploiies, car il se doubtoient que il n'en
ewissent défiante. Toutteffois, pour le doubtanche de leur tret, li
Franchois n'osoient mies bien bonnement aprochier le mur, se ce
n'estoit aucun compaignon able et legier qui s'avanchoient et
montoient devant les seigneurs pour y estre plus renomme et
honnourë. Là estoient les gens d'armes d'Engleterre, qui avoient
[1369] VARIANTES DU PREMŒR LIVRE, § 636. 381
fais escafauxy au les deviers yaux, pour mieux advenir as deffensces
et combattre entre les archiers, et trop bien se combatoient et
deffendoient à tous venans. D'autre part ossi , s'aventurèrent
aucun Franchois, Breton et Bourguignon, et mettoient pavais sour
leurs testes et venoient jusques au mur, et hurtoient et pressoient
ù defiaire; car il n'y avoit aige ne fosset ne nul entre deux.
Toutteffois, il estoit fors, durs et secks et de bonne pierre ; si ne
le pooit on point deffaire à sen aise, parmy tant ossi qu*il estoit
bien gardés et deffendus. Que vous feroi je loing compte? Chils
debas et ceste rihotte dura, dou point du jour que li aube crieuve
jusques à nonne, sans point cesser. Or regardes se là en dedens
on n'eut mies bon loisir de faire maintes belles appertisses d'ar-
mes. On se poet et doit esmervillier coumment gens peurent tant
assaillir sans reposer, et ossi coumment chil de le maison se peurent
tant tenir sans yaux rendre ou esbahir; car il n'estoient qu'un
petit ens ou regart des Francbois, foullé et travilliet, et qui point
n'avoient la nuit souppet ne dormit : dont il n'estoient mies plus
fort ne mieux legier, mes il veoient bien que faire leur couve-
noit, autrement il estoient tout perdu. Ce estoit la cause pour
quoy si bien il se deffendoient. F*» 160 r* et v®.
P. 174, 1. 26 : viveroient; lisez : juneroient. ^ Ms, A 8 ;
jeuneroient. F® 318.
P. 174, 1. 27 : faisoit. — Ms. A 8 : estoit.
P. 175, 1. 1 : esploiturierement. — Ms, AS: appertement.
P. 175, 1. 8 : s'ahati. — i*ff. .^ 8 : se vanta. F« 318 v».
P. 175, 1. 9 : de laiens. — Ms. /^ 8 : de l'ostel dessus dit.
P. 175, 1. 10 : asserisiet. — Ms. AS: assegrisiez.
P. 175, 1. 24 : peut. — Ms. A 7 ; pou.
P. 175, 1. 24 : baus. — Ms.A% : bancs. F« 318 ^f^.
P. 176, 1. 9 : wiseus. — Ms. A 8 : oiseux.
P. 176, 1. 9 : recréant. — Ms. AS: recreus.
P. 176, 1. 17 : petite force, — ^j. A S : petit fort.
§ 656. Entre prime. — Ms. d'Amiens : Environ heure de
primme et ou plus fort de l'assault, appella li comtes de Penne-
brucq ung sien escuier, bon homme d'arme, et li dist : <c Partez
de chy au plus tost que vous poés, et montes sus tout le milleur
et plus appert courssier des nostres, et ne cessés d'esperonner
tant que vous venés à Poitiers. Et dittes à monsigneur Jehan
Camdos que nous le saluons moût de fois , et li recordés tout
382 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [i369]
Tesut où TOUS nous laissiez, et U dittes de par nous tous que
nous le prions chierement qu'il nous viegne secourir, et qu'il soit
cby dedens heure de vespres : je croy que nous nos tenrons bien
jusques adonc, à ces ensaignes que vous li baillerés de par my et
que bien connistera. » Lors traist li comtes de Pennebnicq un
aniel d'or hors de son doy et le bailla à l'escuier. Cils le prist et
monta erramment sus un bon courssier, qui estoit tous aprestés
en le court, et se parti par de derierre, oncques n'y fu percheus;
et se mist au chemin deviers Poitiers, tout le cours et à le fois les
galos, pour le courssier laissier resoufller. Or vous diray dou pre-
mier messaige coumment il esploita. Bien est ventez que toutte le
nuit il chevaucha; mais oncques il ne sceut ne peut tenir voie
ne sentier, si fu grans jours. Quant ce vint au jour, il recongnut
son chemin et vey bien que il s' estoit fourvoiiës toutte le nuit. Si
se radrecha, par asens de pays, par deviers le chité de Poitiers, et
fist tant qu'il y parvint environ heure de tierche Si trouva mon-
signeur Jehan Camdos à son hostel, qui de voit laver ses mains
pour seoir à table, et grant fuisson de chevaliers et d'escuiers
dalës lui. Li messagiers l'enclina et li bailla les lettres de par le
comte de Pennebnicq et tous les compaignons. Il les prist et
ouvri et lissi, et entendi par elles coumment il estoient enclos en
un plat hostel à petit de forche au Puirenon, et laiens en dur
parti et en grant péril contre les Franchois.
Quant messires Jehans Camdos eut bien les lettres veuwes de
chief en qor, si fu tous pensieux une espasse, et regarda que»
de Poitiers jusques au Puirenon, avoit sept lieuwes, et que aven-
ture seroit, se il y venoit à tamps. Si dist enssi, quant il eut
pensé : « Alons, alons à table; car, se il estoient tout mort
et tout prb, se nous convenroit il mengier et boire. » Adonc
s'asist au mengier messires Jehans Camdos, et ossi fissent tout
chil qui là estoient, Encorres estoient il à leur premerain mes,
quant li hommes d'armes, que li comtes de Pennebrucq y en-
voioit de rechief, descendi en le court, liquelx monta tantost
les degrés et entra en le sale, et les trouva seans à table. Si en-
clina monsigneur Jehan Camdos et se traist vers lui, et fist son
messaige bien et à point et li moustra les congnissanches de
Taniel d'or et li dist et pria que , parmy ces enssaignes , il
se volsist prendre pries de venir là où li compaignon estoient.
Adonc penssa messires Jehans Camdos un petit, et puis tantost
leva le teste et dist tout en haut : « Or avant , biau signeur ! As
[1369] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 637. 383
armes et as chevaux ! Vous oés et veës ooomment li comtes de Pen-
nebrucq nous prie et nous mande que nous le comfortons à ce
besoing; et s^en nous demouroit, on la nous deveroit tourner à
reproche et à lasqueté , et ossi nous sommes moult tenus de lui
aidier, car ja est il envoiiés en ce pays de par le roy nostre si-
gneur^ avoecq monsigneur de Cantbruge, pour uns des ciés, et se
le tient nos roys à fil, car il eut sa fille espousëe. Si nous esploi-
tons de lui secourir, et j'espoir que nous y venrons tout à. tan. »
Il n'y eut plus dit ne plus fait , mes se partirent touttes gens de
table et se coururent armer, et sounnèrent les trompettes mon-
signeur Jehan Camdos. Si s'aprestèrent parmy Poitiers touttes-
mannierres de gens -d'armes vistement, et montèrent as chevaux,
et se partirent plus de quatre cens hommes parmy les archiers,
et prissent le plus droit chemin qu'il peurent par deviers le Pui-
renon. F" 460 v« et 46i.
P. 176, 1. 21 : se ragrignoient. — Ms, A 1 : sq chagrinoient.
F« 311. — Jlfj. u^ 8 : regrignoient. F*> 318 v\
P. 176, 1. 24 : haviaus. — Ms. A % : boyaux.
P. 176, 1. 25 : Englès. — Le ms. A 8 ajoute : doubtoient et.
P. 178, 1. 2 : pries. — Ms. A 8 : preste
P. 178, 1. 5 : evous. — Ms, ^ 8 : et vecy.
P. 178, 1. 22 : ahers. — Ms. AS: encommencié. ,
P. 178, 1. 31 : bellement. —^Ms, A%: benignement.
P. 179, 1. 13 : gens. — Les mss. Al, S ajoutent : et se misent
au chevauchier roidement. F* 311 v».
§ 637. Ensi que. — Ms. ^Amiens : Ces nouvelles furent
flceuwes en Tost des Franchois, qui encorres assailloient le comte
de Pennebrucq en Tospital dou Puirenon , que messires Jehan s
Camdos, à grant fuisson de gens d'armes et d'archier^, estoit
partis de Poitiers et venoit celle part pour secourir ses compai-
gnons. Si tost qu'il entendirent chou, les cappitainnes se traissent
d'un lés et parlèrent enssamble à savoir coumment ils se mainten-
roient, se il atenderoient les Englès ou non. Il regardèrent que
il avoient fait une belle chevauchie. mors de leurs ennemis plus
de huit vingt, et tenoient des bons prisounniers, chevaliers et es-
cuiers, et avoient encorres gaegniet durement grant butin en va-
selle d'or et d'argent, en çaintures et jeuiaux, en hamas, en che-
vaux et autres pourveanches ; et si estoient leurs gens lassés et
travilliés d'assaillir, siques, tout consideret et peset le bien contre
i
384 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
le maU il s'avisèrent qn'il se retrairoient tout beUement deviers
le Roche de Ponsoj et deviers Saumor, et metteroient tont leur
pillaige à sauvetë. Si fissent cesser à Tassant et entendre an
toorsser et au monter aux chevaux, et se partirent quant il furent
tout appareilliet. Si enmenèrent lors prisounniers et tinrent à celle
fois le chemin de Saumur. Quant li comtes de Pennebnicq et ses
gens, qui estoient en Puirenon, virent le département des Fran-
chois, si en furent tout joyant, car il avoient là séjourné en grant
péril. Si se partirent ossi assës tost, et n'avoient mies i leur dé-
partement tant de chevaux comme il estoient d'ommes, mes il
fissent au mieux qu'il peurent, et montèrent li piuisseur yaux
deux sur un cheval. Enssi les trouvèrent et encontrèrent messires
Jehans Camdos et se routte , qui venoient celle part à grant es-
ploit, bannierre desploiie. Si y eut grant recongnissances, quant
il se trouvèrent, et revinrent enssi enssamble à Poitiers , parlans
et devisans de leurs aventures. P i61.
P. 179, 1. 29 : rihoter. — JIffj. Al^% : noter.
P. 180, 1. 2 : fresch et. — Les mss. A l^S ajoutent : tous.
P. 180, 1. 3 : fn. — Les mss. Al, S ajoutent: tenus.
P. 180, 1. 12 et 13 : disent par vente. — Mss, Al^%: disant
entre eulz : « Pour vérité. 3>
P. 180, 1. 16 : l'enconterons. — Mss, J 7^ S : rencontrerons.
P. 180, 1. 20 : ensus. — ^/. ^ 8 : arrière. F* 319 v».
P. 180, 1. 23 : cel. —Ms.A S : tel.
P. 181, 1. 2 et 3 : li mareschaus. — Ms* A 1 : le mareschal.
F* 312. — Jlf^. ^ 8 ; les mareschaux. F"" 320.
§ 638. En ce temps. — Ms,.éP Amiens : En ce tamps que dûl
signeur de Franche et d'Engleterre se tenoient enssi l'un devant
l'autre à Toumehem, où il furent ung grant tams, trespassa de
ce siècle la bonne des bonnes, madamme Phelippe de Bayimau,
la noble roine d'Engleterre et courtoise à chiaux de son pays.
Certes, touttes nobles vertus furent en li tant comme elle vesqui,
et ne perdirent oncques li Englès tant comme elle dura; ne onc-
ques, tout son vivant, n'eut pestilense ne chier tams en Engleterre.
Si fu la noble roynne ensevelie à Wesmoustier à très grant so-
lempnité, ce fu bien raison. F^ 163 v<>.
P. 181, 1. 14 : temps. — Le ms, B 6 ajoute : droitement en
my auoust. F® 751.
P. 181 , 1. 27 : ens ou. — Ms. A 8 : dedens le. F» 320.
[4369] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, g 639. 385
P. 181,1. 31 : \e. — Ms.J 8 : lui.
P. 182, L 1 : lui. ^Ms. AS : elle.
P. 1 8â, 1. 8 : larmiant. — Le ms. A 8 ajoute : et plourant.
P. 182, 1. 15 : ordonnes. — M$s. B2 à k, J 1, S : laiiés,
kissiés.
P. 182, 1. 28 : angele. — Ms. Jl : anges. F*» 312. — Ms.
AS: angelz.
P. 183, 1. 2 : moiienne. — Mss. A 1^ S : la mi. '
P. 183, 1. 2 : d'aoust. — Le ms. B 6 ajoute : Sy fu ensep-
vellie en l'abeie de Wesmoustier dehors Londres. F®- 751.
§ 639. Les nouvelles. -^ Ms, éP Amiens : Or revenons au siège
de Toumehem, coununent chil signeur estoient l'un devant l'autre,
et se tenoient tondis li Englès sus leur garde, ne point ne des-
cendoient; car il n' estoient quun peu de gens -ou regart des
Franchois. Or avint, à un ajournement, que aucun chevalier et
escuier de Vermendois, d'Artois et de Pikardie, qui desiroient à
trouver les armes, se queillièrent enssaroble, et furent bien trois
cens lanches, et s'en vinrent au jour sus le montagne pour res*
villier à leur avantaige les Englès. Che soir, jusques au jour, avoit
fait le gait messires Robers de Namur avoecq ses gens. Si estoit
retrais sus l'ajoumëe et se desjunoit, et li sires de Spontin dalez
li. Quant les nouvelles li vinrent que li François combatoient ses
gens, tantost messires Robers bouta le table outre et mist son
bachinet, et monta à cheval et fist desvoleper se bannierre, et se
bouta en ses ennemis de grant voUenté, et chacuns, qui mie[u]s
mieux, le sieuvi. Li hos se coummencha à resvillier, et Englès à
traire de celle part. Là ne gaegnièrent point li Franchois , mes
furent reculé, et en y demora des leurs mors et pris ; et par es-
pecial messires Rogiers de Gouloingne y firmors, dont ce îa dam-
maiges. F® 164 v«.
P. 183, 1. 17 et 18 : li un à l'autre. — Ms. ^ 8 : les uns aux
autres. F» 320 vo.
P. 183, 1. 22 : toumiier. — Ms. A % : toumoier.
P. 183, 1. 27 et 28 : l'ajournement. — Mss. Aly 8 ; Ta-
oumée.
P. 1 83, L 30 : Evous. — Ms. A S : Et vecy .
P. 183, 1. 31, et p. 184, 1. 1 : aultres. — Les mss. A T, S
ajoutent : seigneurs.
P. 184, 1, 20 : sieuce. — Mss. Al, S': suive. F» 312 v<».
VII — 25
386 OIRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
P. i84, 1. 30 : estourmie. *- Ms. A % : \k prest et ordonna.
P. i 85, l. 2 : Coulongne. — Le ms, B 6 ajoute : ung chevalier
de Picardie. F» 751.
P. 185, 1. 3 : friches. — Ms. Al : firiques. — Ms. A S :
riches.
§ 640. Depuis ceste avenue. -* Ms. tf Amiens : Depuis ceste
avenue, n'y eut nul fait d'armes fait, qui à recorder face. A ce
que on disoit adonc, li dus de Bourgoîngne et la plus grant partie
de ses gens se fuissent vollentiers combatu as Englès, se li roys
de Franche Vewist souffert, mes tous les jours il leur contreman-
doit et destournoit. Dont il avint finablement qu'il se deslogièrent
et boutèrent le feu de nuit en leurs logeis, et se retraist li dus de
Bourgoingne à Saint Omer, et se départirent de li touttes gens
d'armes. Si se boutèrent es fortrèces et es garnisons , car autre-
ment il ne volloient gueriier pour celle saison. A l'endemain que
li dus de Bourgoingne fu partis, vinrent 11 Englès souper et jesir
en le place qu'il avoient laissiet, et puis, deux jours apriès, se re-
traissent viers Callais. F' 164 v«.
P. 186, 1. 14 : durement. — Mss. AT^S: droitement. F»*313.
P. 186, 1. 17 : point. — Mss, A 1, S : heure.
P. 187, 1. 20 : meuist. — Ms, Al: meust. — Ms, AS:
bougast. F» 321 v«.
1P. 187, 1. 24 : abl^. — Mss. Al^% : abiles et legiers.
S 64 t. Ensi. — Ms. éP Amiens : Or revenrons nous à le che-
vauchie que li comtes de Pennebrucq fist et coumment il l'em-
ploia, quant li comtes de Pennebrucq eut fait sen assamblée de
grant fuisson de bonnes gens d'armes ; et là estoient de Poito : li
sires de Pons, li sires de Partenay, messires Guiçars d'Angle,
messires Perchevaux de Goulloingne et pluisseurs autres cheva-
liers et escuiers, et ossi chil de l'ostel dou prinche, messires Es-
tievenes de Goussenton, messires Richars de Pontchardon, mes-
sires Neels liOrink, messires Thummas de Felleton, messires
Thummas de Persi, messires Richars Tanton, messires Guillaum-
mes Tourssés, messires Jehans Trivës, messires Thummas li Des-
penssiers et pluisseurs autres, et ossi messires Hues de Cavrelëe,
qui tenoit une grande routte de gens d'armes, et es toit nouvelle-
ment revenus de le comte d'Ermignach. Si chevauchièrent touttes
ces gens d'armes deviers Ango, et estoient bien cinq cens lanches
$ «
[1360] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 642. 387
et quinze cens autres hommes, et esploitièrent tant que il vinrent
à Saumur. Si se logièrent ens es fourbours et illuecq environ , et
coummencièrent à courir le pays et faire y moût de desrois. Par
dedens Saumur se tenoient messires Robers de Sansoir et mes-
sires Jehans de Buel et une moût grosse garnisson de Franchois,
qui gardoient et deffendoient le ville contre les Englès. Si vous
di que li Englès prissent une ville assés pries de là , qui s'apelle
li Pons de Selz, et en fissent une bastide et le fortefiièrent bien
et fort pour le tenir contre tous venans. Encorres prissent li
dessus dit une abbeie assés priés de là, que on dist de Saint Mort,
et le fortefiièrent ossi et y missent dedens une grosse garnisson
de gens d'armes.
En ce tamps, avoit à Saint Salvin en Poito, assés pries de Cau-
vegny, im monne, liquek traita à monsigneur Loeis de Saint
Juliien et à Giruel , qui se tenoient en le Roche de Ponsoy ; et
rendi li dis monnes l'abeie de Saint Salvin as Franchois, et Tabbë
dedens et tous les monnes. De ceste aventure fu messires Jehans
Camdos moult courouchiet, mes il n'en peut adonc autre cose
avoir. F** i 64 v*.
P. 188, 1. 10 : evous. — Ms. A % : et, vecy. F» 321 v».
P. 188, 1. 14 : vitaillers. — Ms, A% : vitailleurs. — Le ms.
Ail ajoute : tufies et giveliers. F"» 371.
P. 188, 1. 21 : fumière. — iiff . A 8 : fumée.
P. 188, 1. 27 : en soji lieu. — Ms. Al : sus soy. F» 313 v«.
— Ms. AS: chés soy.
P. 188, 1. 28 : dur. — Ms. AS: paine.
P. 189, 1. 27 : brigans. — Le ms. A 17 ajoute : petaux.
F* 371 V».
P. 190, 1. 4 : rançonnoient. — Mss. A 1^ S : rançonnant.
F» 314.
P. 190, 1. 25 : àbbeye. — Le ms. B ^ ajoute : entre Poitiers
et Chauvegni. F» 760.
P. 190, 1. 31 : Carenloet. — Mss. B : Charnel, Charruel. —
Ms. A S : Charuet. P> 322. — Aff. A 7 ; Jehan Kaeranloet.
S 642. Quant li dus. — Ms. et Amiens : Là (à Calais) se repo-
sèrent il (les Anglais) et rafresquirent, et entendirent à mettfe à
point touttes leurs besoingnes, enssi que pour chevauchier en
Franche. Si se départirent un jour de Calais li dus de Lancastre
et ses gens, et costiièrent Ghinnes et vinrent devant le castiel de
• t
388 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
Fienoes et le avisèrent, mes point n'y assaillirent; car il veoient
bien qu'il perderoient leur painne. Si s'em partirent le tierch
jour, et entrèrent ei^ le terre dou comte de Saint Pol et le mesai-
sièrent de grant fachon. Et vinrent devant Piernes, ung castiel
qui estoit de madamme dou Doaire; et proprement li dus de
Lancastre de son glaive tasta le parfont des fosses : autre cose
n'y eut fait. Si chevauchièrent li Englès oultre , ardant et essil-
lant, et vinrent courir jusques as portes de Abbeville. Ad ce donc
estoit laiiens messires Hues de Castillon , mestres des arbales-
triers, à tout grant gent d'armes, qui bien songna de le ville tant
qu'il n'y eut nul damraaîge. Si passèrent li Englès le Somme entre
Crotoy et Saint Walleri, ou pas c'on dist à le Blancque Taque, le
rivière de Somme, et puis entrèrent ou Vismeu, et chevauchièrent
enssi sans trouver nulle aventure jusques à Harflues. Et avoient
entention que de destruire le navie dou roy de Franche, qui
estoit ou avoit estet toutte celle saison à l'ancre devant Harflues ;
mes li Franchois l'avoîent remis en le mer. Si furent li Englès
trois jours devant Harflues , de laquelle ville li comtes Guis de
Saint Pol et messires Loeys de Namur estoîent cappittainne. Quant
il virent que il ne feroient autre cose, si n'eurent mies consseil
d^aller plus avant ne passer Sainne , car li yviers aprochoit. Si
retournèrent; mes, à leur retour, il ardirent le plus grant partie
de Je terre le signeur d'Estouteville , et fissent aucuns le cemin
qu'il avoient fait à l'aler. Si fu pris, à leur retour, de messire Ni-
colle de Louvaing , au dehors d'Abeville , messires Hues de Cas-
tillon. F- 164 V* et 165.
P. 191, 1. 30 : Tierouwane. — Ms, A 7 ; Terouane. F» 314.
— ilfr. A 8 : Therouenne. F* 322 v«.
P. 192, 1. 8 : Saintpi. — Ms. AS: Sempy.
P. 192, 1. 18 : Pemes. — Mss. A 1, S: Perites.
P. 192, 1. 19 : proprement. — - Les mss, ^ 7, 8 ajoutent : en
avisant le fort.
P. 192, 1. 22 : Luceux. — Ms. a 8 : Lucheu.
P. 193, 1. 11 à 13 : Là furent... assallirent. — Ms. /? 6-' Et
chevauchèrent ensy jusques à Harfleu, le grosse navire du roy,
qui avoit ja jeu tout le tamps à l'ancre; mais osi tost que on senty
les Englès venir, on le desancra et bouta ou parfont en mer hors
du péril des Englès. Et furent les dis Englès devant Harfleu trois
jours, ouquel lieu estoient le conte de Saint Pol, messire I/>is de
Namur et bien deux cens chevaliers en garnison. Se n'y.pooient
[i369] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 644. 389
les Englès riens faire et eulrent adoDc consail de retourner viers
Calais , car il en avoient pour celle saison assës fait, et sy leur
aprochoit l'ivier. F» 758.
P. 193, 1. 14 et 45 : d'Estoutevilie. — Le ms. B 6 ajoute t
qui mal courtoisement et sans congiet de son hostaigerie estoil
yssus d'Engleterre : pour tant et en son despit li fist tonte ardoir.
F» 758.
P. 193, 1. 30 : Louvaing. —Ms,£6 : Longheville. P» 759.
P. 194, 1. 10 : rieu. — Ms, A 7 : rien. — Ms, AS: ru.
F» 323.
P. 194, 1. 11 : vieses. — iHfw. ^ 7, 8 .• viôlles,
P. 194, 1. 12 et 13 : descloses. — Ms. A 8 : desolëes.
P. 194, 1. 20 : rieu. —Ms. AS : ruissel.
P. 194, 1. 29 : point. — Ms. AS: poingni.
§ 645. Moult furent. -» Ms, et Amiens : Et rapassèrent li
Englès à le Blancque Take , et rentrèrent en Caliais le nuit Saint
Martin en yvier, et là se départirent touttes gens d'armes li uns
de Tautre. Et fu messires Gantiers de Mauni en touttes ces che-
vauchies : che fu la dairainne fois pour li. Or revenons as lon-
tainnes marches. F® 165.
P. 195, 1. 26 : estragniers. — Mss. ^ 7, 8 ; estrangiers.
P. 196, 1. i : avant. — Le ms. JB 6 ajoute : Et me fu adonc
dit que le roy d'Engleterre fut moult courouciez à son filz le duc
de Lenclastre de che qu'il n'avoit aultrement chevauchiet en
Franche, et de che ossy qu'il n'avoit creu la parolle de messire
Gautier de Mauny à Tournehem. F® 759.
P. 196, 1. 5 : Iran. — Ms. A S : cran. F* 323 V».
P. 196, 1. 8 : puissedi. — Ms, AS: depuis ce.
P. 196, 1. 8 : de celles. — Ms. ^ 8 ; du pais.
S 644. Trop touchoit. — Ms. d'Amiens : Or revenrons nous
as avenues de Poito et de Saintonge et des lontainnes marches,
car les guerres y estoient plus fortes et plus rades c'ailleurs; et
plus souvent y avoient affaire li chevalier et li escuier que en
autre part, tant par rencontres, par che vauchies que par embus-
cernent. Et penssoient et soutilloient nuit et jour li ung et li autre
coumment il pewissent concquerre et gaegnier sus leurs voisins.
En ce tamps que messires Jehans Camdos estoit senescaux et gou-
verneurs de Poito, il se tenoit à Poitiers , et moût U anoioit de le
390 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [<369]
prise de Saint Salvin, que li Franchois tenpient et avoient forte-
fiië. Si TOUS di que par pluisseurs fois il se mist en painne pour
le ravoir, et en chevaucha maint jour et mainte nuitie. Tout ce
savoient assës bien li Franchois, qu^ il desplaisoit grandement à
monsigneur Jehan Camdos et que il tiroit moût à le ravoir : pour
ce, le gardoient il plus diligamment.
Or avint que, le nuit devant le nuit de l'an mil trois cens
soissante .neuf, messires Jehans Camdos se parti de le cite de
Poitiers , et avoecq lui messires Guichars d'Angle , messires
Loeis de Halcourt et li sires de Partenay et messires Thummas
de Perssi et leurs gens , bien montés et bien ordounnës. Et vin-
rent celle nuit à Saint Salvin et le quidièrent escieller et pren-
dre, et Tewissent pris et eu; mes d'aventure Caruelx, bretons,
estoit ce soir parti de le Roce de Ponsoy et avoit empris à
chevauchier en Poito. Si venoit querre monsigneur Lœjs de
Saint Juliien , qui estoit dedens Saint Salvin. Si vint si à point ,
que il esvilla le gette, entroes que li Englès estoient ens es
fosses, et ne savoient riens li uns de l'autre. Quant messires
Jehans Camdos et li chevalier qui là estoient, sentirent le gette
esvillie et olrent grant murmurement ou fort, et c'estoit des Fran-
chois qui y entroient, mes riens n'en savoient, si quidièrent
qu'il fuissent aperceu et oy. Si se retraissent tout bellement hors
des fossés de Saint Salvin, et montèrent as cevaux enssi que
cil qui avoient falli à leur emprise, et prissent le chemin de Cau-
vegny pour revenir à Poitiers et vinrent là environ mienuit. Et
là estoient parti de messire Jehan Camdos messires Guichars
d'Angle et messires Loeis de Harcourt et messires de Partenay à
plus de cent lanches , et ne quidoient mies que messires Jehans
Camdos dewist en avant chevauchier, si comme il fist, et ossi li
dessus dis leur avoit dounnet congiet de bon grë pour aller quel
part qu'il voloient. Enssi se départirent li ungs de l'autre, et en-
corres demoura monsigneur Thummas de Persi dallez monsigneur
Jehan Camdos, qui li pria, apriès le département des dessus dis ,
qu'il le laissast chevauchier à tout vingt lanches tant seullement,
pour savoir s'il trouveroit jammès aventure. Messires Jehans
Camdos, qui estoit tous merancolieux de ce qtt'il avoit failli à se
emprise de Saint Salvin, li respondi en basset : a Faittes ce que
vous vouUës. » Plus n'y eut dit. Messires Thummas se parti,
acompaigniës de vingt lanches tant seullement, et prist l'autre
chemin de le rivierre de Viane pour revenir ossi à Poitiers.
[i369] VARIANTES DU PREMIER UVRE, § 644. 391
Assës tost apriès ce que messires Jehans Camdos se caufoît à
on feu d'estrain que ses hiraux li faisoît, vint uns homs qui li
dist que « 11 Franchois chevauchent, et sont parti de Saint Salvin
messires Loejs de Saint -Juliien et Caruels, et s'en vont viers
Poitiers ; et croy bien que vous les raconsievrës , se vous voilés ,
au pont de Louzach ou environ. » De ces nouvelles se resjoy
messires Jehans Camdos, et dist : « Oïl , je ne désire autre cose.
Or tos as cevaux t » Dont restraindirent lors armures et mon-
tèrent as cevaux et chevauchièrent tout souef, car il estoit en-
corres entour Vajournëe, et trouvèrent assés tost le froais des
cevaux franchois, qui chevauçoient devant yaux, espoir de une
lieuwe, et poolent y estre environ soissante lanches. Or avint
que, environ soleil levant, le nuit de l'an^ messires Thummas de
Perssî, qui chevanchoit d'autre part de le rivierre, les perchupt
enssi que au quart d'une lieuwe pries dou pont de Louzach, et vit
bieji qu'il estoient grant routte enviers lui , et qu'il les avoient
ossi perchut, car il tiroient ossi à venir au pont devant pour le
gaegnier. Adonc se dist messires Thummas de Persi : « Avan-
chons nous tant que li pons soit nostrez; car li Franchois, à ce
que je puis veoir, en aroient voUentiers l'avantaige. » Donc se
hastèrent 11 ung et 11 autre. Toutteffois, 11 Englès vinrent premiè-
rement au pont que 11 Franchois ne fesissent, car il avoient à
monter de leur costé une montaigne, et li [Englès] estoient au
plain. Si descendirent li Englès à piet, et ossi fissent 11 Franchois,
et dounnèrent chacune partie lors cevaux à lors variés. Li Englès,
qui virent bien le convenant des Franchois et coumment il estoient
grant fuisson enviers yaux, s'avisèrent de rompre le pont deviers
leur l<^s, afiBn qu'il ne pewlssent passer oultre, fors en péril, et en
ostèrent à lors glaves et à lors haces, ne say cinq ou six aissielles,
et fu tantost fais»
Entroes que li Englès s'ensonnloient de ce faire, et 11 Franchois
s'ordounnoient de passer oultre et estoient ja monte sus le pont
pour venir combattre les Englès, atant evous venu monsigneur
Jehans Camdos en chevauchant les grans ghalos, se bannierre
devant lui d'argent à un pel aiguisiet de geulles, et n'estoient que
douze lanches seulement. Si trestost que 11 varlet des Franchois ,
qui gardoient les chevaux, virent leurs mestre[s] monter sus le
montalngne et il recongnurent le bannierre monsigneur Jehan
Camdos, il se doubtèrent et fuirent tout en voies, et en menèrent
les chevaux lors mestres et les laissièrent là à piet. Li Franchois,
392 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [4369]
qui montoient le pont de Louzach, olrent le firiente derrière yaux.
Si regardèrent sour costé et virent monsigneur Jehan Camdos et
se routte, tous a cheval, qui point ne descendoient. Si descendirent
chil qui le pont avoient monte, et se missent là en ordounnance
enssi que pour tantost combattre. Adonc les coummencha messires
Jehans Camdos tout à cheval à rampronner, et dbt enssi : « Si-
gneur franchois, signeur franchois, tant vous ai je quis que je
vous ai trouves. Vous chevauches au pays de Poito à vostre aise
et voilent^, et moût m'avës coustë au querre. Et trop desiroie, se
Diex m'ait, que je vous pewisse trouver em place où vostre
proèce fuist éprouvée; car vous estes si vaillant homme que vous
faîtes que vous voliez, ne riens ne se tient maintenant devant
vous. » F» 165.
P. 196, 1. 40 : anoioit. — ilf j. A 8 ; avoit. F» 323 V.
P. 496, 1. 21 : de Tan. . — Le ms. B 6 ajoute : mil trois cens
soissante neuf. F^ 760.
P. 197, I. 3 : Fraiville. -^ Ms. A % : Fresville.
P. 197, 1. 17 : Kefauloet. — Ms.Jl : Raeranlœt. F» 315 V.
— Ms, A 8 .-.Carlouet.
P. 198, 1. 18 : trente. — iRf/. B 6 ; vingt. F» 761.
P. 198, 1. 26 : ses hiraus. — Ms, A 15 : Chandos son héraut.
F« 360 v«.
P. 198, 1. 31 et 32 : evous entre... un homme. — Ms. ^ 15 :
et il entre un villain tuffe givelier tantost en Tostel. F<» 360 v«.
— Ms. A 17 : il entre en Tostel un grant villain tuffe givelier et
vint devant lui. F*" 373.
P. 199, 1. 2 : ce Monsigneur... chevaucent. » — Ms. ^ 15 :
« Certainement , monsigneur, ce dist le villain givelier, bomnle et
tacrier. » F« 360 v«,
P. 199, 1. 12 : me. — Mss. A1,S : moy.
P. 199, 1. 13 : pensieus. — Mss. A 1^ B : pensif, pensis.
P. 199, 1. 24 : Leuzach. -^ Ms. A S : Luzac.^
P. 199, 1. 27 : froais. — Ms. A B : froié. F* 324 V. — Ms.
B 6 ; train. Voir est que li Franchois estoient environ cent lan-
ches. F» 761.
P. 199, 1. 29 : ajournée. — Ms. AS : adjoumez.
P. 200, 1. 5 : veés là. -^ Ms. A S : velà.
P. 200y 1. 26 : uns. — Le ms. A 8 ajoute : bons.
P. 200, 1. 29 : terne. — Mss. A 1, S : tertre.
P. 201, 1. 6 : amiroit. --- Ms. A 8 : amoit.
[1369] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 645. 393
P. 201 ,1.7: rampronner. — Ms. A % : ramposner.
P. 201, 1. 8 : François. —Ms. Al : BretcHis. F» 316.
P. 201, 1. 32 : Leusach. — Mr. A 8 ; Saozac. F*" 325.
§ 048. Entre ces rampronnes. — Ms. d Amiens : Enssi, en
yaux regardant et dépariant , se tint là Camdos un espasse , ne
point ne les assailloit, ne point yaux ossi lui, tant qu'il avint que
ii uns de ses escuiers, que on clammoit Simmekin Dodale, appert
hoqunes durement , fu de l'un de ces Bretons verssës à terre jus
de son cheval. A ces cops, messires Jehans Camdos se retourne
et le voit par terre. Si se coummencha à airer, et dist as siens :
« Goumment ! signeur, lairës vous cest homme ensi ochire ? A
pietl A piet! » Adonc se mist messires Jehans Camdos à piet,
et dallés lui messires Edouwars Cliffors, ses oncles, et messires
Jehans Clambo et messires Bertrans de Gasselis et tout li
autre, et aprochîèrent les Franchois de grant voUentë, et li baron
ossi eux : adonc fu li escuiers englès rescous. Messires Jehans
Camdos estoit pares dessus ses armes d'ufii vestement, qui li bat-
toit jusques en terre, de blancq cendal, grant et large , à deux
pels aiguissiet de guelles, l'un devant et l'autre derierre ; et estoit
grans chevaliers, fors et hardis durement et comfortés en touttes
ses besoingnes. Si prist son glaive, et ainsi qu'il approchoit pour
assaillir, li pies, en apoiant sus, li gliça; car il avoit rellet dou
matin, et failli d'assir son glaive où il tendoit. Là avoî^ un es-
cuier que on appelloit Jacquet de Saint Martin, qui jetta son
glaive en lanchant sour monsigneur Jehan Camdos, et li asist
desous l'oeille au descendant dou froncq au nue, car point ne por-
toit de visière, et li encousi là dedens en fuissellant contremont.
Messires Jehans Camdos, qui rechupt adonc le cop de le mort et
qui senti l'anguisse très grant et très amère , se laissa cheoir en
reverssant, et tourna deux tours sus le terre pour la dolour
qu'il avoit, car oncques puis ne parla. Adonc vint ses oncles
dalles lui , messires Edouwart de Cliffort, et le prist entre ses
jambes, son glaive en son poing, et le deffendi en combatant vas-
saument et hardiment.
Depuis le cop féru dont messires Jehans Camdos fu aterrës, se
.confortèrent grandement li Franchois et li baron qui là estoient,
et requissent les Englès de grant vollenté. D'autre part ossi , li
Englès qui virent leur maistre et leur capitaine et que tant
amoient, là jesir navre et travilliet, et ne savoient coumment il li
394 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
estoit, moustroient enssi qu'il fuissent tout foursseoë, et reque-
roient lors ennemis de si grant corraige c'a merveille. Là eut lan-
chiet, féru et combatu moût longuement et escarmuchiet très
vaillamment et fait maintes belles appertises d* armes; et fu chils
escuiers, qui navret avoit monsigneur Jehan Camdos, féru d'une
glaive parmy les deux cuisses et portés à terre. Non obstant ce,
messires Loeis de Saint Juliien et Caruelz, qui estoient chief de
ceste chevauchie, se combatoient moût vaillamment et pressoient
moût à prendre monsigneur Jehan Camdos, en quel estât qu'il
fnst; et leur sambloit et voirs estoit qu'il leur fuist tourné à grant
vaillance. Si s'en missent il en grant painne, mes li dessus dis
messires Edouwars, ses oncles, s'en acquitta trop vaillamment
dou bien garder; et se combatoit et deflendoit à tous lés, là où il
le tenoit entre ses jambes, tellement que nulx ne Tosoit aprochier.
Là en y eut des Englès tirés et rués par terre et fianchés pri-
son. Et vous di que, se li Franchois ewissent eu lors cevaux, il
ewissent obtenu le place et tout mors et pris chiaux qui là estoient ;
mes il vint, entroes qu'il se herioient as Englès, uns trop grans
secours, dont nulle garde ne se dounnoient. Car messires Guichars
d'Angle, messires Loeis de Harcourt, li sires de Partenay et li
sires de Puianne et li autre compâignon, qui s'estoient parti de
Cauvegny de monsigneur Jehan Camdos, enssi que ci dessus est
dist, avoient entendu sur lor chemin que li Franchois chevau-
choient : se les desiroient à trouver; et les avoient ja poursieuwois
longement par esclos et froais de chevaux , et tant qu'il vinrent
là au pont de Leuzach si à point que li autre se combatoient. Et
estoient bien deux cens armures de fier, bannierres et penons
devant yaux, et cevauchant moût radement et en bon arroy.
Si trestost que li Franchois et 11 Breton les virent venant et il re-
congneurent leur armoirie, il seurent bien qu'U estoient descomfiB.
Si eurent plus chier à estre prisonnier à chiaux qui combatu les
avoient , que à ceux qui nouvellement venoient, car là estoient il
tout lasset et tout travilliet davantaige. Si se rendy messires Loeys
de Saint Juliien à messire Bertran de Casselis, et Caruelx à mon-
signeur Jehan Clambo. Là estoient ossi englès doy chevalier qui
ne sont mies à oubliier, messires Richars de Pontchardon et
messires Robers de Nuefville, et qui y fissent maintes belles ap-
pertisses d'armes, mais il y furent navré. Si furent porté hors de
le presse, pour bendeler et afiremer leurs plaies. Sitost que li
dessus dit messires Guichars d'Angle et messires Loeis de Har-
[1369] VAAUNTES DU PREMIER LIVRE, g 645. 395
court et li autres et leurs routes furent venu en le place où on se
combatoit, Franchois et Breton furent desconfi, et n*en parti
oncques homs, que ne fuissent mort ou pris. Là vinrent li signeur
deviers monsigneur Jehan Camdos, et descendirent dallés lui et
le coummenchièrent à regreter et dolouser moût doucement; et
quant il virent que vie y avoit, si en furent un peu plus aise, et
ordounnèrent qu'il fuist aportez en une fortrèce qui est priés de
là, que on claimme Mortemer. Se le apportèrent ses gens en
cris et en plours, car trop Tamoient, et bien le valloit ; et li autre
se retrairent à Poitiers et là menèrent lors prisonniers. Ces nou-
velles s'espardirent em pluisseurs pays que messires Jehans Gam-
dos estoit navrés à mort, et Tesperoit on : si en estoient tout si
amit courouchiés, et especialment li prinche et si frère et tout li
baron qui pour sa partie se tenoient ; ossi li escuiers qui le cop li
dounna, morut à Poitiers de sa navmre. Le tierch jour apriès
que messires Jehans Camdos fîi aportés à Mortemer en Poito, il
rendi ame. Si fu plains, regretés et dolousés de tous ses amis et
de tous chiaux qui le 'congnissoient et loncq et priés, et trop
afoibli adonc par se mort le puissanche dou prinche.
Moût fu plains et regretés messires Jehans Candos de tous les
Englès, et certes ce fu bien raison, car il estoit une grande cap-
pittainne entre yaux et sages chevaliers et vaillans durement et
bons gouvernerres de gens d'armes ; et moût euwireux es fortunes
avoit estet en touttes ses besoingnes. F^' 165 V* et 166.
P. 202, 1. 3 : rampronnes. — Ms, A % : ramposnes. Y^ 325.
P. 202, 1. 8 : se. — Ms, A 8 ; la.
P. 202, 1. 9 : le dessus dit. — M$s. Al^% : le dit escuier.
P. 202, 1. 15 : sallirent. — Jftf j^. B^hk^ Al,%: salli.
P. 202, 1. 27 : peu. — Mss. A 1^ S : petit.
P. 202, 1. 27 : un peu reslet. — Ms, A ib : une petite rousée.
F* 362,
P. 202, 1. 27 : reslet. — Ms. A 17 : resel. P» 374.
P. 202, 1. 28 : s'entouella. — Ms. A 7 ; s'en touilla. F» 316
v«. — Ms. AS: s'entorteilla.
P. 202, 1. 29 : s'abuscha. — Ms. A 7 .- s'abusca. — Ms. AS :
trébucha.
P. 203, 1. 8 : abuschant. — Ms. AS: trébuchant.
P. 203, 1. 18 : cuisses. — Ms. BS : bras. F» 763.
P. 204 , 1. 1 et 2 : signeur. — Le ms. A 7 ajoute : [messire
Jehan Chandos. F* 325 v*.
395 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
P. t04, 1.5: aireement. — M$. J % : arreement.
P. S94, 1. 8 : Jakes. ^ Le ms, J % ajouie : de Saint Martin.
P. 204, 1. 13 : avoient veu. — Afr. AS: savoient.
P. SOS, 1. 4 : en sus. — Ms. A ^ : arrière.
P. 205, I. 6 : des nostres. — Ms, J S : dt nos gens.
P. 205, 1. 20 : flair. —Jf/. J 8 ; fleur.
P. 205, 1. 20 : froaîs. — iftf/. ^ 8 : frais.
P. 206, 1.1 6 : dolouser. — Ms. AS: doulorer.
P. 206, l. 26 et 27 : sus targes et sus pavais. — Ms, B 6 : en
une litière. F* 764.
P. 206, 1. 32 : poursongniés. — Ms. AS: visitez. F* 326.
P. 207, I. i : à Poitiers. — Les mu. A i^ à il ajoutent : Et
ce firent les Anglois par desplaisance et pour contrevengier la
mort d'un si vaillant homme comme monsigneur Jehan Chandos,
dont ce fut mal fait. Et depuis le dit Rarenlouet fist moult chè-
rement comparer à pluseurs Anglois la mort du dit Jehan de
Saint Martin, si comme vous orrez ci après en l'istoire; ne onc-
ques il ne vint bien de traittier nul prisonnier autrement que
droit d'armes ne requiert. P 363 v*.
§ 646. Àpriès le mort. — Ms. tf Amiens : Apriès le mort de
lui (Jean Chandos), demoura messires Thuiçmas de Perssi senes-
caus et gouvreneres de Poito... F' 166 r*.
D'autre part, en celle meysme saison, fu la terre de Saint
Saulveur en Gonstentin, en le Basse Normendie, qui avoit este de
monsigneur Jehan Camdos, dounnëe et acordëe, à Tordounnanche
dou roy englès, à monsigneur Alain de Bouqueselle, un sien che-
valier, appert homme et courtois durement, liquelx l'envoiea
saisir et prendre de par lui, et en devint homs au roy d'Engle-
terre... F» 167.
■
En ce tamps, devint messires li Chanonnes de Roberssart englès,
qui en devant avoit estet si bons Franchois et gouvreneres de le
terre monsigneur de Gouchy, et avoit ruet jus par pluisseurs fois
des Englès ; mes li dis chevaliers disoit et moustroit que il se
pooit bien traire là où il lui plaisoit, sans fourfait, car il estoît
haynuiers et riens ne tenoit ou royaumme de Franche. Si furent
les Englès durement lies, car il estoit appers chevaliers et rades
durement, et Tamèrent moût en leur compaignie. Si puet on
moût bien croire et supposer que ce fu tout par le pourcach et
enhort le signeur de Gommegnies, son cousin, qui estoit adonc
'
[1369] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, S 646. 397
une grande cappittainne entre les Englès et soaverains de le bas-
tide de Arde.
En ce tamps et par celle guerre renouvelle des deux roys,
escheili sires de Couchy, messires Engherans, en un dur parti;
car il estoit as armes et dou plus biel de son hiretage franchois et
homs féaux et d'oummaige au roy de Franche et li uns des douze
pers. D'autre part, ossi il tenoit grant terre et grant revenue en
Engleterre de par madamme sa femme, la fille dou roy, que il
avoît pour espeuse, si comme vous avés chy dessus oy recorder.
Si se doubla li sires de Couchy, qui estoit sages et percevans che-
valiers durement, de escheir en le indination et malivolense de
son droit seigneur naturel le roy de Franche et de son père le
roy d'fingleterre. Sy s'escuza si bellement et si sagement deviers
l'un roy et l'autre que il s'en contentèrent. Et dist que de ceste
guerre, par le gret et congiet de l'un et de l'autre, il ne s'arme-
roit point, si comme il fist; mes se parti de Franche, la guerre
])endant, et ordounna ses besoingnes. Et laissa madamme sa
femme à Couchy et se ainsnëe fille , et l'autre en Engleterre ; et
puis s'en alla en Lombardie deviers les signeurs de Melans, là
où il fu un grant tamps, enschois qu'il retoumaist en Franche...
P 162 r«.
Si estoit li pays en grant variement, et par especial doy grant
baron de Limozin estoient en ce tamps venu à Paris et y sejour-
noient tout quoi, en tretiet et en pourkac que d'iaux tourner fran-
chois. Si estoient chil messires Loeys de Melval et messires
Raimmons de M[a]roel ses nepveus. Quant chil doi baron sceurent
le mort de monsigneur Jehan Camdos , se dissent bien , en lui
complaindant, que li prinches et li Englès avoient trop perdu et
que par li se pooient faire trop de belles recouvranches; il di-
soient veritë. Enssi chil doi baron dessus noummet se tournèrent
franchois, et fissent pluisseurs chevaliers et escuiers de leur pays
tourner franchois et ossi depuis tamainte belle fortrèce. Encorres
par leur enhort furent mande de par le roy de Franche, sus bon
sauf conduit, messires Jehans d» Bourbon, comtes de le Marche^
qui estoit homs féaux dou prince, et li sires de Pierebufière, mar-
chissant en Limozin. Quant il furent venus à Paris, li roys leur
fist bonne chière, et séjournèrent ung grant tamps dalles lui.
Si furent en ce séjour dou consseil dou roy moût priiet et pree-
chiet que eulx se volsissent tourner franchois ; mes a donc ilz ne
le fissent mies et s'en retournèrent arrierre en Limozin... F<> i 66 r^.
398 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1369]
P. 208, 1.16: anoi. —Ms.JB : ennuy. F» 326 v*.
P. 209, 1. 3 : Melans. — Ms. À 1 : Melan. F* 318. — Ms.
A 8 : Milan.
P. 209, 1. 4 : Bernabo. — Le ms. £ 6 ajoute : et puis fîi sau-
dder au pappe contre les signeurs de Mellan, et fu ensy waucrant
hors de son pais cinq ans ; et madamme sa femme se tenoit en se
terre et faisoit ses finanches. F* 764.
P. 209, 1. 21 : Melval. — Mi. A S : Maleval.
P. 210, 1. 6 et 7 : prisonniers. -*- Ze ms. A 8 ajoute : à Agen.
5 647. P. 211, 1. 32 : quinzime. — Ms. AS: dnquime.
F» 327 V*.
S 648. P. 212, i. 3 : ducainnë.— 3fj. A 8 .- duchië. F* 327 v«.
P. 212, 1. 5 : Rocewart. — Ms. Al: Rochouart. F» 318 v«.
— Ms. AS: Rochechouart.
P. 212, 1. 5 et 6 : Melval. ^ Ms. A S : Maleval.
P. 212, 1. 6 : Moruel. — Ms. A 8 ; Marueil.
P. 212, 1. 16 : Keranloet. — Aff^. £i à k: Caruels. Ms. £ 3,
^ 324. — Ms. A 7 : Kaeranloet. — Ms. A 8 : Carlouet.
P. 212, L 19 : eurent pries. — Ms. AS: eussent pris*
$ 649. là dus. — En ce tamps, se parti de Paris li dus de
Bourbon à grant fuisson de gens d'armes, chevaliers et es-
cuiers, et li marescaux de Franche avoecq lui, messires Loeys
de Sansoire ; et s'en vinrent mettre le siège devant Belleperce, où
Bemars de West, Hortingo et Chikos de la Salle se tenoient et
leur compagnon en garnison, et la mère dou duc de Bourbon
avoecq y aux prisonnierre. Si fissent li signeur de Franche qui là
s'amanagièrent, ung très bel logeis et grant devant Belleperce, à
mannierre d'une ville, bien fremmëe de fossés et de palis; et jura
li dus de Bourbon le siège à tenir, et dist que jammais n'en par-
tiroit jusques à tant qu'il raroit sa fortrèce. Là estoient avoecq
lui li sires de Sulli, messires Robers de Sansoire, li comtes de
Saint Pol et messires Galerans ses fils, messires Jehans de Bou-
loingne, messires Robers et messires Huges Daufin, li sires de
Montagut, d'Auvergne, li sires de Biaugeu, messires Ghodeffrois
de Bouioingne , li sires de Calençon , messires Jehans de Buel,
messires Jehans de Viilemur, messires Rogiers de Biaufort, mes-
sires Jehans de Vianne et li marescaux de Franche et pluisseurs
[1369] VARIANTES DU PREMIER UVRE, S 649. 399
autres barons, chevaliers et escuiers, que li roys y avoit envoiiës
en Tayde de son serourge le ducq de Bourbon. Si estoient li
Franchois bien quinze cens hommes d'armes et trois cens arba-
lestriers, et venoient souvent escarmucier et combattre à le bar-
rière à chiaux dedens; et avoient fait ouvrer et drechier gran»
enghiens devant le fortrèce , qui y jettoient pierres de fais qui
desrompoient et brisoient les combles et les couvertures dou
castiel. Chils assaux des enghiens estmt une cose qui moût travil-
loit et esbahissoit chiaux de dedens et especiaument la danmie
mère au duc de Bourbon qu'il tenoient prisonnierre. Et fist la
dite damme par pluisseurs fois priier et requerre à son fil le dit
ducq, que il se volsist déporter de faire jetter ces enghiens , car
trop le travilloient ; mais li dus n'y vot oncques entendre et dist
que ja ne s'en cesseroit jusques à tant que il aroit abatu le for-
trèce et mis rës à rés de le terre.
Quant li compaignon qui dedens estoient, virent ce, si se
doublèrent durement que maux ne leur em presist et que par
force il ne fuissent concquis : si envoiièrent certains messaiges
devant monsigneur Jehan d'Euvrues, senescal de Limozin, en
lui priant et requérant que il volsist aller deviers le prince et son
consseil, et que on leur tenist les couvens que on leur avoit
proummis, quant il se départirent d'iaux et de le chevauchie de
Rohergue et de Quersin.
Quant messires Jehans d'Evrues, qui se tenoit adonc en le So-
teresne, entendi les nouvelles de ses compaignons et en quel parti
et péril il gisoient dedens Belleperce, si monta tantost à ceval et
s'en vint en Angouloime deviers le prince. Si le trouva et mon-
signeur Ammon son frère et le comte de Pennebrucq avoecq lui
et pluisseurs chevaliers et escuiers. Si fist li dessus dis chevaliers
son mesaige bien et à point, et esploita si bien que li prinche&
respondi qu'il seroient comfortë et que il y envoieroit gens assës
pour combattre les Franchois et lever le siège. Si fist tantost li
prinches ungs très especial mandement en Poito et en Saintonge,
et une grande assemblée de barons , de chevaliers et d'escuiers.
Quant il furent tout venu, chacuns seloncq se quantité et son
|X)oir, et assamblé, il les recarga au comte de Gantbruge son frère
et au comte de Pennebruc, et leur enjoindi que il chevauçaissent
deviers Belleperce et dou sourplus il en ordounnaissent à leur
honneur et par bon consseil. Qiii obéirent au coummandement et
ordounnance dou prinche, et cheminèrent celle part à grant esploit.
400 CHRONIQUES DE J. FEOiSSART. [1369]
bien potirveu et bien garny de tout chou qu'il faut et appertîmit
à ung host et à gens d'armes ; et fissent tant par leurs journées
qu'il passèrent Limozin et Auvîergne et entrèrent en Bourbon-
nois. Si vinrent d'autre part et se logièrent deniers leur costé k
rencontre des Franchois : dont cil qui estoient en le fortrèche
furent grandement resjoy, et virent bien que temprement il
seroioit comforté, fust par bataille ou autrement.
Quant li dus de Bourbon et li signeur de Franche qui là es-
toient, vvent venus les Englès et qui se logoient contre yaux
devant Belleperche, si se missent sus leur garde et remforchièrent
leur gens et segnefièrent tout leur estât au roy de Franche. Si
trestost que li roys oy ces nouvelles, il fist de recief une semonsce
et un mandement de gens d'armes environ Paris x>ù il se tenoit
adonc, et tout mouvant de là jusques en Auviergne, en Biausse,
en Gastinois, en Brie et en Orlenois, en Blois, en Berry ; et rem-
forcha les gages des gens d'armes et des saudoiiers, affin que
plus voUentiers il se trayssent de celle part. Et meysmement mes-
sires Loeys de Sansoire, marescaux de France ou Heu de mon-
signeur Boucicau qui estoit nouvellement trespassës , envoiea
hiraux, lettrez et priières deviers ses amis et touttes gens d'armes
qui estoient tailliés d'iaux avancier et d'aller en celle chevauchie
pour leur honneur, en yaux amonestant et disant que il se vol-
sissent traire de celle part, et qu'il penssoit qu'il esploiteroient
pour yaux honnerablement sour les Englès; car il gisoient assés
merviileusement. Au coummandement dou roy de Franche et à le
priière et monition dou dit marescal, se partirent de leurs hostels
pluisseurs signeurs, chevaliers et escuiers, et se traissent deviers
Belleperce, et fu grandement leur host remforchie'. En cel estât
furent il plus de quinze jours l'un devant l'autre, que tous les
jours on se quidoit combattre; mes li Franchois ne partoient mies
de leur clos, se ce n' estoient aucun compaignon aventureux qui
venoient lanchier et escarmuohier as Englès, et li Englès à yaux.
Pi66.
?• 2i3y 1. 8 : si le raroit. — Ms. AS: jusques à ce qu'il le
raroit. F« 327 v«.
P. 214, 1. 19 : Quersin. — Ms. A 1 : Caoursin. F» 319. —
Ms. A 8 : Crecy. F» 328.
P. 214, 1. 19 et 20 : en couvent. — Ms. AS: encouve-
nancië.
P. 214, 1. 30 : enditteroit. — Ms. AS: induiroit.
[1370] VARIANTES DU PREBIIER UVRE, $ 690. 401
P. tl5, 1. 2 : trouva il. — Les mss. B f à k ajoutent : le
prince.
P. 215, 1. 6 : le captai. — Le ms. A 8 ajoute : de Beuch.
P. 215, 1. 21 et 22 : plus de... gens. — Ms. B 6 ; bien douze
cens lanches, que chevaliers, que escuiers, et troi mil aultres .
gens. F« 766.
P. 21(>, 1. 13 : en istance de ce que. — Ms. ^ 8 : en entencion
et. F* 3i8 V».
P. 21b, i. 18 : hasteeroent. — Mss. ^ 7, 8 : hastivement.
P. 216, 1. 21 : porter. — Ij'S mss. A 1^ H ajfnurnt : grant.
P. 2 6, i. t\ et 22 : le monicîon. — Ms, ^ 8 ; l'ennortacion.
P. 216, 1. 15 : Donsceneue. — Mss. ^7,8 : Donsteneve.
§ 680. Quant li contes. — Ms, d^ Amiens : Quant li Englès,
qui estoient logiës et espars sus les camps par villages et par
hamiaux et par connestablies, chacuns sires entre ses gens, virent
que li dus de Bourbon et li chevalier de France ne partiroient
point de leur fort ne venroient combattre, si eurent consseil
que d'envoiier Camdos le hiraut par deviers yaux pour remous-
trer une partie de leur entente. Adonc Gimdos, emfourmés de
ses mestres et avises quel cose il de voit dire et faire , se parti
d'iaux, et chevaucha tant qu'il vint ou logeis des Franchois et
par especial deviers le duc de Bourbon, qui estoit ciës de ceste
chevauchie et assamblée. Se li remoustra, presens pluisseurs ba-
rons et chevaliers qui là estoient de son consseil, coumment li
comtes 'le Cantbruge et ii comtes de Pennebrucq et leurs gens
s'estoient là tenu à celle entente que il quidoieut que ilz dewissent
yssir hors de leur clos et y aux combattre; et ou cas que ilz vo-
roient yssir et y aux traire sour les camps, li Englès estoient ap-
pareilliet d'iaux retraire arierre et livrer pièce de terre pour com-
battre; et, se il avoient plus chier deviers leur costé, li Englès
passeroient vollenliers oultre une petite rivierre qui là estoit, et
se venroient combattre à yaux. Li dus de Bourbon respondi que
il ne feroit ne l'un ne l'autre, et qu'il n' estoit mies là venus ne
arestës pour lui mettre en l'ordounnanche de ses ennemis , mes
il fuissent tout sceur que de là ne se partiroit il jusques adonc
que il aroit son castiel de Belleperce. Donc respondi li hiraux :
« Monsigneur, puisque vous ne voullés faire ne l'un ne l'autre ,
pour che my mestre et signeur vous segnefient de par moy que,
dedens trois jours, vous verres madamme vo mère, se vous voul-
vn — 26
409 GEIRONIQUBS DE J. FROISSART. [1370]
les, partir doa câstîel et mener ent Savoie : si voas avisas soor
che, et le resoouës, se vous povës. » Adoac respondi ii dus de
Bourbon, et dist : oc Camdos, dittez à vostres mestres, se il l'en-
mainnent , nous le rarons , quant nous porons ; mes c'est grant
cruaultés et mal honnerablement guerriet quant, en guerre de
rojrs et de signeurs, les femmes sont hors de sauvegarde. » Àdonc
se parti li hirauz , et s'en revint arrierre à ses mestres, et ra-
compta bien et sagement tout ce que vous avés devant oj.
P 166 V*.
P. 317, 1. 5 : endittës. — Jlf f. J% : induis. F* 328 v*.
P. Î47, 1. 10 : trop. — Mt. B^ : tous. F» 13.
P. SI 7, 1. 2! : racquis. — Ms. A % : conquis.
P. 217, 1. 27 : Issu. — ilfj. A% : issîrent. F* 329.
P. 21 8, 1. 8 et 9 : asseulëe. ^ Ms. AS: seule.
P. 218, 1. 12 : prises. — Ms. AS: prisonnières.
P. 218, l. 19 : poet. — Jl/f. £ 8 ; pourra.
P. 218, 1. 26 : selonc ce que. — Ms. AS: comme.
P* 218, 1. 28^: ennoiiet. — Ms, AS: courrouciez.
5 8tSl. Quant ce vint. — Ms. if Amiens: Si eurent li Englès
oonsseil sour chou, et droit an jour que mis et ordounnë il avoient,
il s'armèrent tout et missent en arroy de bataille bien et faitice-
menC, et levèrent leurs bannierres et leurs pcnnons, et fissent
arouter tous leurs archiers. Et là fu fais nouviaux chevaliers et
leva bannierre li sires de Pons en Poito, et le Gst chevalier li
comtes de Cantbruge, et un autre jone escuier de Haynuau,
Jehan d'Àubrecicourt, fils à monsigneur Nicolle et nepveus à mon-
signeur Ustasse, dont vous avës bien oy parler en pluisseurs
lieux en cest[e] histoire.
Enssi furent chil sigoeur d'Engleterre rengiet et ordounnë par
mannierre de bataille, du matin jusques à nonne ou priés, et tant
que on eut tout tourssë, cargié et aprestë ce que porter et mener
en volloient. Et fu la dessus dîtte dame montée et arëe bien et
deuwement, enssi que à lui appertenoit ; et l'enmenèrent li dessus
dit Englès, voyant tous chiaux de 1 host, qui veoîr le veurent...
F» 167.
P. 219, 1. 5 : Jchans. — Ms. £ 6 : Guillaumes. ¥• 766.
P. 219, 1. » et 6 : Sallebrin. — Ms.£± : Salsiberich. F* 13 t*.
'^Ms. AS : Sallebery. F» 329.
P. 219, 1. 11 : arrêt. — Ms. B% : arreet. — Ms. AS: arreé.
[1370] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, %y^Z. 408
P. 219, 1. 17 : adestroient. — jlfr. J 8 : adreçoient.
P. 219, 1. 19 : princeté. — Ms. £ 2 ; princhautë. — Ms. A% :
prînçautë.
P. 219, 1. 24 : pris. — Jlf#. A 8 ; fait. F» 329 y*.
P. 219, 1. 2S : tantos. — Le ms. A % ajoute : et sans delay.
P. 219, I. 25 et 26 : le tenoient. — Ms B t : pour prison-
nière le tenoient. -^ Ms, A% : prisonnière la tenoient.
P. 219, 1. 26 : quel. — ^J/. B ^ei A %: quelque.
§ 682. Vous devës savoir. — Ms. iP Amiens : Or revenrons au
duc de Bourbon , qui ne fu mies trop joieans quant il en vit sa
mère mener des Englès ; mes amender ne le peuit , tant c'a celle
fois. Touttesvoies, il acompii son veu et furni son sierement, car
il racquist Belleperche et entra dedens, et y mist une bonne gar-
nison de gens d'armes. Et le fist rem|>arer, rafiescir etVepourveir
bien et soufGssanment, et dounna à touttes mannieries de gens
d*armes congiet, et ils meysroe s'en revint en Franche. Si eut
par traitiet, si come chy dessus est dit, madamme se^mère en es-
c«inge pour monsigneur Simon Burlë.
Apriès le revenue de Belleperche, li comtes de Pennebrucq
s'en vint demorer à Mortaing sus mer en Poito , et les Gompaia-
gnes metoient le pays en grant tribulation. Si y avoit souvent des
escarmuches des uns as autres, des yssues, des rencontres et des
pugneiSy car il y avoit en le Roce de Ponsoy et en le Haye en
Tourainne grant garnison de Franchois Se couroient et chevau-
choient souvent li uns sus li autre, une heure perdoient et l'autre
gaegnoient, enssi que en telz fais aviennent souvent les aventures
de perdre et de gaegnier.
En ce tarops, passa messires Robers Canolles en Engleterre, car
li roys englès l'avoit mande qu'il venist parler à lui. Si y vint, et
le rechupt li roys moult liement et le retint dalës lui et de son
plusespecial consseil. P 167.
P. 2.0, 1. 4 : remparer. — Ms. A 8 ; reparer. F* 329 v*.
P. 220, I. 14 : esvuidoient. — Ms. B^: eswidoient. F» 13 v*.
— M.f. AS: widièrent.
P. 220, 1. 29 et 30 : menères. — Ms. A % : meneur.
S 683. En ce temps. — Ms. dt Amiens : Ossi s'en revintli
dus d'Ange en France veoir le roy son frère et ses autres frères.
404 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1370]
Si se tint à Pftris et'là environ , don miquaresme josques apriès
Pasques; et le solempnité de le Pasques, qui fu Tan de grasce
mil trois cens soissante et dix, tint ii roys Caries de France moût
grant court et très'solempnelle ; et y furent si troi Trère li dus
d'Ango, li dus de Berri, li dus de Bourgoingne, li dus d'Orieens,
li dus de Bourbon, lî comtes d'Alençon, li comtes de Bonloingne,
li comtes de Saint Pol, li comtes du Perce, li comtes de Yen-
dosme, li daufins d'Auvergne et tant de comtes, de barons et de
chevaliers que sans nombre. Et les avoit li roys mandes pour
solempniier le Pasque et festiier son frère le duc d'Ango, qui es-
toit revenus de le Langhe d'Ock et avoit durement bien esploitîé
ens es marches de Toulouse et raquis sus les Englès grant fuisson
de pays, de chitës, de castiauz et de bonnes villes, et fait re-
tourner franchois ossi grant plentë de seigneurs , chevaliers et
escuiers de le terre don prinche : pour tant, li roys lonnouroît
et veoit plus vollentiers , car li dus d' Ango li afBoit que , dedens
deax ans, il n'y aroit nul Eoglès en le Langhe d'Ock et que tons
li pays serait raquis franchois.
Quant les Pasques et les festes furent passées et que on eut
festiië et jeuë assës, et que li roys eut dounnë grans jeuiaux nobles
et rices as chevaliers estrainges et là ou il le veoit le mieux em-
ploiiet, car de ce est il moût coustumiers, il y eut grans conssaux
et grans parlement tenus enssamble à Paris entre les royaux. Si
fu adonc ordounnë et areste que , en cel estet, deux chevauchies
grandez et grosses se metteroient sus, dont li dus d'Aogo seroit
souverains de Tune, et li dus de Berri et li dus de Bourbon, de
l'autre ; et venroient mettre le siège devant le chite de Angouloime
et assegier le prinche. Et devoit li rays de Franche remander
messire Bertran de Claiequin, qui estoit en Espaingoe avoecq le
roy Henry... ¥• 167 r^et v«.
Quant li dus d'Ango eut estet une espasse de temps dalles son
frère le roy de Franche, il prist congiet et se parti de Paris, et
chevaucha tant par ses journées qu'il revint arnerre en le bonne
chitë de Toulouze , dont il estoit partis. Assës tost apriès chou
que il y fu venus , il fist une semonsce et ung très especial man-
dement à touttes gens d'armes, chevaliers et escuiers, que iU ve-
nissent tous à Thoulouze ou illuecq environ, et pria an comte
d'Ermignach, au seigneur de Labreth, au comte de Pierregorth,
au comte de Commioge et au viscomte de Quarmaing, que cha-
cnns s'emforçast endroit de lui de mettre sus touttez les gens
[4370] VARIANTES DU PREBIIER LIVRE, g 654. 405
d'armes qa'il poroieot avoir, car il voUoit faire une moult grosse
chevaurhie. Chacuns obey, qui semons et pries y fu. F* i67 v*.
P. 221 y 1. 14 : gouvreneroit. — Ms. A % : gouvemeroient.
F* 329 ¥•.
P. 221, 1. i4 : Ghiane. ^ Jlf f . A 8 ; Guienne.
P. 221, 1. 18 à 23 : Bncores... France. — Ms. B 6 ; Ossy le
duc d'Ango, qui moult am«*it monsigneur Bertran de Qaiquin,
le pourposa adonc estre connestable de France et pour le reman-
der en Espaigne; mais il n'en fu encores riens fa^t, quoyque le
roy de Franche y entendesbt yoUentiers. P 767.
P. 221, 1. 21 : se. — Z« jfu. i^ 8 ajouie : vaillamment.
¥• 330.
P. 221 , 1. 22 : d'estre. — Mss. ^ 2 et ^ 8 : qu'il volsist
estre.
P. 221, 1. 24 : Charles. —Ms. ^ 8 : de France.
P. 222, 1. 2 : tant. — Le ms. B 6 ajoute : et s'en vint par
Bourgogne et par Avignon et à Montpellier et fist là son mande-
ment de gens d'armes et de bidaus. P 767.
P. 222, 1. 5 : peut. — Mss. ^ 2 et ^ 8 : pooit, povoit.
P. 222, 1. 8 : Emaudon de Pans. — Ms. B 2 : Naudon de
Pons. P 14.
P. 222, 1. 21 : estoffeement. — Ms. A 8 : efforcieement.
$ 6tt4. Tout en tele manière. — Ms. d Amiens : Tout en tel
mannierre que li roys de Franche ordounnoit à faire ses chevau-
chies sour le terre dou prinche , ordounnoit li rois englès deux
antres chevauchies, dont li dus de Lancastre, ses fils, devoit y
estre chiës de l'une et envoiiés en Acquittainne deviers le prin-
che, son frère, et une quantité de gens d'armes et d'archiers; et
messires Robers Canolles, chiës de l'autre, et devoit passer le mer
et ariver à Calais à deux mil hommes d'armes et quatre mil ar-
chiers, et chevauchier parmy Artois, Vermendois et Pickardie et
tout le royaumme de Franche, et venir devant Paris. Tout ce
osoit bien messires Robers emprendre, dont li Englès avoient
grant joie; et pour leur voyaige acomplir et furnir plus seure-
ment et que leur pays ne fust ars, gastës ne essiiiies des Esco-
chois, que moult il doubtoient, entroes que ces gens d'armes
seroient hors d'Eogleterre, il envoiierent grans messages et sages
traiteurs, l'evesque de LîncoUe et fevesque de Durem et le comte
de Herfort et le signeur Latimeri au Noef Castiel sus Tin. Là
406 CHRONIQUES DB J. FROISSART. [1370]
•
eat tas marche de pays, entre Eervîch et Rosebonrch, grans
parlemens des signeors d'Escoche et d*yaux. Finablement , les
Goses fureot si bellement et si sagement demenëes et pourpariées,
que une trieuwe fu prise, dounnëe et acordëe et seeliëe entre les
deux royaummes d'Engleterre et d'Escooe et tous les converssans
de dedens à durer cinq ans; et pooient li Bicot, se il voUoient,
▼enir servir le roy englès, parmy lors gaiges prendant, ou les
Franchois, là où le mieux il leur plaisoit à traire. Apriès ces
ooses faittes et acomplies, li dessus dit messaigier, qui en Escoce
avoient estet envoiiet. retournèrent à Londres deviers le roy; si
recordèrent coumment il avoient esploitié. De chou se tinrent à
bien cootens li rois et tous ses conssaux. Si regardèrent qui s'en
yroit en Giane avoecq le duc de Lancastre. Si en furent esleu et
nomme li sires de Ros, messires Mikieus de la Pôle, messtres
Robers Rous et messires Jehans de Saint Lo, et furent en celle
routte deux cens hommes d'armes et trois coas arcbiers. Si or-
dounnèrent et aprestèrent tout leurs besoingnes bien et à point,
chevaux, armes, harnois et grant fuissou de bonne artillerie, et
s'en vinrent à EUntonne et pourveyrent leurs vaissiaux de touttes
pourveanches bien et largement, pour passer le mer et ariver à
Bourdiaux on là environ : telle estoit leur entente.
D'autre pnrt furent nomme, esleu et ordounné chil qui dévoient
pas^r le mer avoecq monsigneur Robert Canolies, première-
ment messires Thummas de Grantson, messires Alatns de Bou-
queselle , li sires de Fieu Watier, messires Gillebers Griffars ,
messires Jehans de Boursier, messires Jehanz Mestreourde et
pluisseur autre chevalier et escuier. Si ordounnèrent leurs besoin-
gnes, leurs armures et leurs harnas, et se pourveirent bien à
point pour passer environ le Saint Jehan Baptiste, que li bleds
coummenchent à menrir. Or revenrons as chevauchies que li
signeur de Franche missent sus et coumment et par où il entrè-
rent en Acquittainne, quant li dus d'Ango... F" 167 v^ et 168.
Si chevauchièrent et cheminèrent tant (les gens des Compagnies
anglabes qui emmenaient prisonnière la duchesse douairière de
Bourbon), par leurs journées, qu'il vinrent en Angouloime deviers
le prinche qui les rechupt à grant joie. El là fissent une requeste an
dit prinche messires Jehans d'Euwrues, Hortingos, Cikos de la Salle
et Bernars de Wes, qui Belleperche avoient pris et la damme te-
noient pour prisonnierre , à savoir qu'il voHoit qu'il fesisseut de
la dessus ditte damme. Li princbes de Galles , sur ceste paroUe
[1370] VAIUANTES DU PREMIER LIVRE, § 654. 407
penssa un petit, et puis respondi, lui bien consilliet en soi
meysmes : ce fiiau signeur, sans moy et mon consseil, vous le
presistes : si en faittcs dou sourplus ce que il vous samble que
bon soit ; mais je voeil , quel ordounnanche ne delivranche que
vous en fachiës, que messires Simons de Burlé soit quittes de se
prison et que je le raie. » Il respondirent : a VoUentiers. » Adonc
emprunièrent li compaignon à monsigneùr Simon de Hurlée, qui
estoit prisonniers à monsigneùr Jehan de Buel , la tour de Broe ,
qui stet à quatre lieuwes de le Rocelie, et là le tinrent ufig tarops
bien et courtoisement, et li faisoient avoir em partie tout son
estavoir. Si fu par tretiet tantost apriès ce délivrée pour le dessus
dit monsigneùr Simon de Burlëe et six mil frans que elle paiia
pour ses Très. Et si se ranchounna ossi messires Gaponnës de Ga-
ponval, li chevaliers franchois qui avoit aportë l'apiel au prinche
de par les seigneurs de Gascoingoe, et qui fu pris et emprison-
nés en Penne en Aginois. Si revînt en Franche , mes li clers qui
fu pris avoecq lui, mourut en prison.
Ossi se ranchounnèrent messires Loejs de Saint Juliien et Caruel,
qui avoient estet pris au pont de Luzach des gens monsigneùr
Jehan Gamdos , si comme vous avés chy dessus oy ; mais li es-
cuier Jakes de Saint Martin, qui li donna le cop de le mort, morut
des playes qu'il eut, assés tost apriès en le chité de Poitiers...
F* 167 r*.
En ce tamps, estoient en grant tretiet de pais ou de genre li
rois de Franche et li rois de Navarre pour aucunnes terres que
li rois de Navarre demandoit à avoir et à tenir on rovaumme de
Franche. Si s'en ensonnioient, par cause de moiien, li comtes de
Salebruche et messires Guiliaummes de Dormans. Tant fu parle-
menté et allé de l'un à l'autre que on les acorda; car on re-
moustra au roy de Franche qu'il valloit mieux qu'il se laiast à
dire et aucune [cose] aller du sien qu'il ewist gerre à son serourge
le roy de Navarre, car il avoit gerre assés as Englès. Si descendi
li roys de Franche à l'opinion de ses gens et pardounna au roy
de Navarre son mautalent, et vint li dessus dis rois à Paris où il
ht grandement festiiés.
Assés tost apriès , fu acordés li mariaiges de madammoiselle
Jehanne de Franche, qui fu fille au roy Phelippe et de la roynne
Blanche, serour au roy de Navarre, au fil le roy Pierre d'Aragon,
et fu moût honnerablement envoiiée celle part, car elle estoit ante
doa roy de Franche. Si s'en voUoit li rois acquitter, ensi qu'il
408 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1370]
fist, moult grandement ; mes elle trespassa sour le cemîn : Dîenx
en ait Tan met
Or revenrons as chevauchies que li sîgneur de Franche mis-
sent sus, et coumment et par où il entrèrent en Acquittainne.
F» i 72 v«.
P. 223, 1. ii : en ce parti. — Ms. ^ 8 ; en ce pais. F» 330.
P. 223, 1. 1 7 : ensonniier. — Ms, A % : embesoingnier.
P. 223, 1. 18 : usé. — 3/j. A 8 ; aprins.
P. 223, 1. 30 : Burlé. —Ms. ^ 8 : de Burlé.
P. 224 , 1. 7 : s'ensonniièrent. — Ms. AS: s'embesoingniè-
rent.
P. 224, 1. 15 : greveroient. — Mss. Bt et A % : greveroit.
F* 14 V*.
P. 224, 1. 17 : endittës et preeciës. — Ms, A 8 ; enduis et
pressez. F» 330 v«.
P. 224, 1. 23 : Vrenon. — Mss. Btet A % : Vemon.
P. 225, 1. 2 : laiier. — Mss. B ^ et A S : laissier.
S 6tStt, Vous savës. — Ms, ef Amiens : Adonc estoit remandët
par graus messaiges, en Castille, dou roy de Franche et dou ducq
d'Ango, messires Bertrans de Claiequin ; et li prioient affectueuse-
ment et chierement qu'il presist congiet dou roy Henri et s'en
revenist en Franche et se mesist en celle chevauchie dallés le dnc
d'Ango, car il avoient mestier de sen ayde et de son consseil
Messires Bertrans de Claiequin, qui moût aimoit le roy de Franche
et le duc d'Ango et a tousjours amé, ne se veut mies escuzer,
mes prist congiet dou roy Henri , liquelx li dounna assés liement
ou cas qu'il s'en retournoit en France pour gueriier le prinche et
les Englès. Et dounna encorresau départir monsigneur Bettran de
Claiequin grant fuisson de biaux jewiaux et de riches, d'or et
d'argent, de chevaux, de roules et de destriers. Ensi se parti li
dis messires Bertrans dou roy Henry et s'adrecha piirroi Arrngon
pour venir à Thoulouse deviers le duc d'Ango. Il chevaucha et
esploita tant par ses journées qu*il y parvint. Si fu moût gran-
dement festiiés et requeilliés dou duc d'Ango et de tous les barons
qui estoient adonc dallés lui... F^ 168.
En celle saison, li dus de Lancastre, fils au roy d'Engleterre,
[passa] le mer à mil lanches et deux mil archiers, et vint ariver
à Callais; et quant ils et ses gens se furent là rafresci, il s'em
partirent en grant arroi. Si estoit li comtes de Warvich mares-
[J370] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 6»6. 409
eaux de son ost, et entrèrent ses gens ou royaumme de Franche;
et print li dus terre et logeis sour le mont de Tournehon. Là vint
deviers lui messires Robers de Namur à soissante lanches bien
estoflëes, et acompaigniés de chevaliers et d*escuiers. F* 164 v^»
P. 2i5, 1. 14 : savés. — Mt, A % : devez savoir.
P. 225, 1. 16 : Langue d'Ok. — Le ms, A % ajoute : il devoit.
?• 330 V».
P. 225, 1. 22 : de Claiequin. — Ms. ^ 8 : du Gnesclin.
P. 225, 1. 22 : l'en. — Ms. A % : lui en.
P. 226 y 1. 15 : de se carge. — Ms, AS: en sa charge.
F» 331.
P. 226, 1. 16 : Mikieus. — Ms. AS: Michiel.
P. 226, 1. 10 à 18 : En ce temps... Warvich. — Ms. B S : Sy
party le duc de Lenclastre, environ le Saint Jehan Baptiste, à
toutes ses gens d*armes, et vint monter en mer à Hantone et es-
ploita tant qu'il vint à le Rochelle où il fu recheus à joie et toute
sa compaignie. F* 768.
$ 686. Or se départi. — Ms. it Amiens : Apriès la revenue
de monsigneur Bertran de Claiequin en Franche et qu'il se fu
trais deviers le duc d*Ango, ne demoura gaires de tamps que
ces deux chevauchies se missent as camps. li dus d'Ango, d'un
les premièrement, qui avoit bien douze cens lanches et quatre
mil bidaus, se parti de Thoulouse et prist le chemin pour venir
deviers le bonne chitë d'Agens et tout premièrement à Monsach.
li pays estoit si efiraés de la venue dou dit ducq d'Ango, pour le
grnnt nombre de gens qu*i] menoit et qui faisoient moût de
desrois, que les villes n'avoient nulle volentë diaux tenir ne de
dedendre En le cevaucie et en l'armée dou duc d'Ango estoient
li comtes d*Ermignach, li sires de Labreth, li comtes de Piere-
gorth, li comtes de O^roinges, li viscontes de Quarmaing, li
comtes de Nerbonne, messires Bertrans de Claiequin par quel
consseil tout se fesoit et entreprendoit, li viscomtes de Villemur,
li sires de la Barde, messires Bertrans de Taride, li senescaux de
Toulouse , li senescaux de Carcasonne et chils de Biauquaire et
pluisseurs grans seigneurs des marches de le Langhedoc, qui es-
toient de le tenuru de Franche et ossi qui s'estoient tourné. Et si
avoit li dus grant fuisson de gens de Compaingnes, messire Garsb
dou Castiel, messire Thonnet de Batefol, le bourcq de Breteuel,
Aimenion d'Ortige, Jake de Bray, Perrot de Savoie, Janikot
4i0 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1370]
d'Ortème, Petit Meschîn, messire Beroardet de Labreth, Lamît,
le bourcq de rEs|>are et pluisseurs autres. Si mettoient ces gens
d'armes , ces G)mpaingnes et leur route , le pays en grant tribu-
latioo. Et si trestot qu'il y furent venu devant Monsach, il se ren-
dirent et jurèrent feautë à tenir en avant au roy de Franche et au
duc d'Ango, puis s'en partirent li Franchois et chevauchièrent
deviers Agen. Quant il parfurent venu jusques à là, li bourgois
de le chitë n'eurent pas conssail d'iaux tenir ne faire guerriier :
si se rendirent et tournèrent et jurèrent à eslre bon et loyal
Franchois. Apriès, chevauchièrent li dus d'Ango et ses routtes de-
viers Tounins sur Geronde, en pourssuiwant le rivierre pour trou-
ver plus cras pays, et vinrent au Port Suinte Marie, qui se tourna
tantost franchoise, et puis le ville et li castiaux de Tounins sus
Geronde; et partout metoit et establissoit li dus d'Ango gens
d'armes et gardes. Quant Tounins sus Geronde se fu rendue , li
marescaux dou duoq chevauchièrent devant à tout trois cens ar-
mures de fier, et vinrent en Gastinoià et essillant le pays jusques
à une autre bonne ville qui s'appelle ossi Tounins TEvesque. li
homme de le ville eurent consseil qu'il se renderoient; si se
tournèrent franchois. Et li dus d'Ango et toutte li hos prissent le
chemin de Montpesier et d'Agitlon, ardant et gastant tout devant
yauz, affin que li pays futst plus effraés.
Tant chevauchièrent li Franchois qu'il vinrent devant Mont-*
pesier qui est une bonne ville et ungs fors castiaux ; mes il furent
si effraé des gens que li dus d*Ango menoit et qui le sîeuwoîent,
que tantost ilz se rendirent e'^ jurèrent à y estre bon et loyal
Franchois de ce jour en avant. Puis chevaucha li dis dus oultre,
et vint devant Agillon qui est ungs des fors castiaux dou monde
et de bonne garde, et où jadis li roys ses pères, en ce tamps qu'il
estoit dus de Normendie, sist si longement el oncques ne le peut
avoir. Mes li dus d'Ango n'y fu mies à siège quatre jours quant
il se rendirent, car il n'y a voit dedens nulx Englès qui ewissent
pooir de le tenir maugrë chiaux de le ville ; et chil qui y estoient,
s'em partirent sauve leurs corps et leurs biens, et s'eu y eut ossi
qui demorèrent et qui se tournèrent franchois. Enssi se perdoit
et amenrissoit li pats dou prinche y et si n'aloit nulx au devant.
Adonc estoient dedens le bonne ville de Bregerach li captaux de
Beus et messires Thummas de Feleton , qui moût s'esmervilloient
dou pays qui si legieremenc se toumoit franchois, et se n'y
pooient mettre consseil ne remède, dont moult leur anoioît. Si
{i370] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 656. 411
envoiîèrent tantost messages en Angouloime deviers le prinche en
lui segnefiaDt qu'il fuist sus sa garde , car li dus d*Ango tenoit
les camps et concqueroit villes et ci^tiaux devant lui , et se ren-
doit li pays assës simplement; et supposoient que ces deux ce-
vaucies, qui estoient sus les camps, dou duc d'Ango et dou ducq
de Berri, dévoient venir devant Anghouloime et y mettre le
siège.
Or parlerons un petit de le chevaucliie dou duc de Berri, si
comme nous avons fait de ceste dou duc d'Ango. Li dus de Berri
avoit fait sen assamb!ée à Montferrant en Auvergne, à Clermont
et à Rion. Si estoient avoecq lui grant fuisson de signeurs dont
' en UDummeray une partie : premièrement li dus de Bourbon, li
comtes d'Alençon, messires Robers d'Alençon, ses frerres, mes-
sires Loeis de Sanssoire, maiescaux de Franche, li comtes daufins
d'Auvergne , li comtes de Ventadour et de Monpensé , messires
Jehans de Bouloingne, fils au comte de Bouloingne, messires Go-
deiïrois de Bouloingne, ses oncles , messires Jehans de Villemur,
li sires de Sulli, li marquis de Gavillach, messires Rogiers de
Bîaiifort, messires Guis de la Roce, messires Rammons de Mo-
ruel. messires Loeis de Melval, chil doy baron estoit tourne fran-
chois , li sires de Biaugeu , li sires de Villars et de Roussellon ,
messires Robers Daufins, li sires de Montagut, li sires de Callen-
çon, li sires de Bari, li sires de Tournon, li sires de Montmoril-
Ion , li sires d'Achier et pluisseur autre. Et puis revint en celle
chevauchie messires Guis de filois , sires de Biaumont , à grant
routte de Haynuiers. Si estoient bien douze cens lanches et troi
mil armures de fier. Et là estoit ossi Ainbaus dou Plassier, uns
appers homs d'armes durement, et à grant routte. Et encores
revint ossi messires Jehans d'Ërmignach , serourges au duc de
Berri. Si chevauchièrent ces gens par deviers le marce de Poito
et le terre dou prinche, gastant et essillant le pays, ne riens ne
demoroît devant y aux. Et entrèrent en Limozin, dont messires
Hues de Cavrelée estoit senescaux; mes il n'avoit mies gens assés
pour le deffendre et garder contre les Franchois. Tant chevau-
chièrent li dus de Berri et li dessus dit signeur que il vinrent
devant le bonne chitë de Limoges, dont li evesques de Limoges
avoecq les gens de le cite estoit soii^^erains et gouvreneres de par
le prinche ; et y avoit li dis prinches grant fianche , car il estoit
ses compères .. F» 468 v« et 169.
P. ii6, 1. 28, à p. 227, 1. 5 : Et estoient... Agen. —Ms. M 6 :
412 CHRONIQUES DE J. FROISSAKT. [1370]
et bien quinze cens de gens de Gompaigne, desquels le Petit
Mesquin, Amenoit, Dortîgo, Jaques de Bray, Ernaudon de
Paus et Pierot de Savoie, estoient capitaines. D'aultre part, y
estoit le senescal de fiiaukaire, le senescal de Carcasone, le se-
nescal de Toulouse et le trésorier de Nîmes ; et estoient deus mil
lanches et sept mil bidaus. Et là estoit messire Bertran de Clai-
qain qui nouvellement estoit venu de Castille pour servir le duc
d'Ango, qui moult l'amoit et adonc le fist connestable de toutes
i!hes gens d'armes, gouvreneur et conduiseur. F^ 768 et 709.
P. 2f7, 1. 12 : Montsach. — Ms.Bl : Montsac. F* 15. — Afi.
A%: Moysach. F» 331.
P. 227, 1. 15 : Tonnins. ^Ms. B^ : Thaunins. — Ms.J% :
Thonnins.
P. 227, 1. 23 : llontpesier. — Ms. B±: Monpansier. F* 15
v«. — Ms, J S: Montpellier. — Ms. B 6 : Montpaissier. P 769.
P. 227, 1. 27 : se rendirent. — Lems.sA% ajoute : au roy de
France.
P. 228, 1. 4 : Beus. — Ms. J % : Beuch. P 331 v«.
P. 228, 1. 17 et 18 : Serignach. — Ms. A% : Segnach.
P. 228, 1. 1 8 : Griffons. — Ms.J^ : Geffiroy .
P. 228, 1. 19 : Melval. —Ms. A% : Maleval.
P. 228, 1. 22 : Cousant. —Ms.Bl : Gonsaut. F» 15 v*.
P. 228, 1. 24 : Ainbaus. —Ms. AS : Ymbaut.
P. 228, 1. 24 : dou Peschin. — Ms. B t : dou Plastiet.
P. 228, 1. 28 : garnison. — Le ms, A 8 ajoute : telz.
S 6B7. Li princes de Galles. — Mx. d* Amiens : Quant li
princes de Galles, qui adonc n'estoit mies bien hetiiSs , entendi
que ses pays se perdoit enssi et que li dus d'Ango avoit là recon-
quis et fait tourner vers lui plus de quarante, que citez, que villes,
que castiaux, et prendoient leur chemin pour venir devant An-
gouloime, et le savoit si de veritë que par ses féaux et amës che^
vâliers le captai de Beus et monsigneur Thummas de Felleton, si
fu moût penssieuz. Non|K)urquaDt il s'avisa qu'il se trairoit vers
Ck)ngnach, qui est forte ville et fors castiaux, et y trairoit sa
femme et ses enfans, et manderoit partout gens en Poito, en Sain-
tonge , en Roerghe , en Lîmozin , où il les poroit avoir, et puis
chevaucheroit contre les Franchois ; car il ne volloit mies que il
le trouvaissent enfremë, ne que 8i||amy ne ennemy pensassent le
contraire que il ne pewist encorres bien aidier. Si dist à mon-
[1370] VARIANTES OU PREMIER LIVRE, $ 657. 413
signeur Richart de Pontcbardoa et à monsigneor Estievene de
Goosenton : « Prendës de nos hommes deux cens armures de fier
et chevauchiës sagement sus ce pays, et pourveés de vins, de
bleds, de chars, d'avainnes et de farinnes le ville de Gougnach,
car je me voeille trabe de celle part et là faire mon amas de
gens d*armes pour chevauchier contre le duc d'Ango qui si efibr-
ciement est entres en mon pays. » Li dessus dit chevalier fissent
tantost le coummandement dou prinche et se partirent d'Angou*
loime à tout deux cens armures de fier, et chevauchièrent sus le
pays à destre et à senestre, et fissent amener et achariier touttes
mannierres de pourveanches en le ville de Gougnach. Encorres
escripsi li dis prinches au comte de Pennebrucq qui se tenoit en
Mortagne sus mer en Poito, et li manda que tantost il venist
deviers lui. £t envoiea li prinches son frère le comte de Gant-
bruge ens le ville de Bregerach pour le garder, se mestiers fai*
soit, contre les Franchois.
Or parlerons dou duc d'Ango, qui chevauchmt toudis avant en
concquerant le pays. Apriès chou que li ville et li castiaux de
Aguillon se furent rendu as Franchois et qu'il l'eurent concquis
à peu de painne, car il n'y avoit mies dedens si bonnes gens
d'armes que quant li comtes de Pennebrucq et messires Gantiers
de Mauni et messires Jebans de Noefville et messires Tbummas
K.ok et messires Franck de Halle l'aidièrent de jadis à garder
contre le ducq de Normendie , si comme il est contenu ichy par
devant en ceste histoire, li dus d'Ango et ses routtes chevau-
chièrent deviers Le Linde, une bonne ville et forte sus le rivierre
de Dourdonne et à une liewe de Bregerach. Si chevauchoient li
Franchois tout aisiement et en grant reviel, car li pays fremissoit
tout devant y aux. Si se logièrent leurs hos et leurs compaignies
sour le rivierre de Dourdonne en ces biaux mares et en ces biaux
plains, et envoiièrent leurs gens fourer de tous costés. Quant
chil de Linde sentirent les Franchois venir si efibrciement, si fu-
rent tout esbahi. Nonpourquant il estoient en ville forte et bien
fremëe et de bonne garde, mes que il ewissent vollenté d*iaux
tenir et dou defiendre, et si avoient leurs voisins prochains chiaux
de Bregerach , le comte de Gantbruge , le captai , monsigneur
Thnmmas de Felleton et bien trois cens armures de fier, dont il
pooient cstre sus une «heure recomforté ; mes il estoient si enclin
à estre franchois que tout cil qui bonnement se pooient ou
osoient retourner franchois, il le faisoient. Dont il a vint que mes-
4i4 CHRON^UES DE J. FROISSART. [1370]
sires Thonnés de Batefol, neveux à messire Seghin de Batefol qui
jadis fu une très aperte armure de 6er et uns grans chi<^s de
Cocnpaingnes, traita à chiaus de Linde tellement que ii li dévoient
et à ses gens ouvrir de nuit le porte, et ils y dévoient entrer
comme vil tain
Or ne say coumment ce peut y estre, car chih traitiés et
pourkas ne peut oneques si bellement ne si quoiement y estre
pouq^arlës ne acouvenenchiës que il ne futst sceus en le ville de
Bregerach, et en furent li chevalier que là estoient, emfourmë
et avise. Dont se partirent messires li captaux de Beus et mes-
sires Thummas de Felleton tout de nuit que chils rendaiges se
devoit faire, à cent armures de fier en leur compaignie, et ce-
vaucièrent couvertement et vinrent à Le Linde et esvillièrent les
gardes de le porte qui gardoient à ce lés par où il entrèrent et
qui riens ne savoient de ce couvenant. Sitost que li doi chevalier
et leurs gens furent en le ville, il se traissent deviers le porte
par où li Franchois dévoient entrer en le ville. Si y vinrent si à
point que elle estoit ja toutte ouverte et entrèrent ens deux et
deux, trois et trois et enssi Tun apriès Tautre, arme couverte-
ment et dessus leurs armures vestis de cottes de villains. Adonc
li captaux et messires Thummas de Felleton , sans plus atendre ,
qui bien savoient la besoingne coumment elle aloit , sachièrent
leurs espées et vinrent au devant en escriant : « lia ! des mauvais
traitours qui nous quident decepvoir 1 » Si feri li captaux de sen
espëe auques des premiers che messire Thonnet de Batefol qui
entroit et estoit desoubs le porte, un cop si grant et par tel ayr
en lanchant des deux mains, qu'il li percha touttes ses armurez
et li bouta ou corps si parfont qu'il li fist seuer à l'autre lés et
Ta bâti mort. Quant li autre virent leur cappittainne morir et per-
churent le cappital et les Englès, si furent tous esbahis, car bien
congnurent qu'il a voient falli à leur entente. Si se retraissent au
plus tost qu'il peurent, mes il ne revinrent mies tout, car il furent
cachiet et pourssuiwoit : si en y eut des mors et des mehaignës
grant fuisson. Ensi fu la ville de I^ Linde à ce donc gardée et
destournée d'estre prise, par le sens et appertise des deux che-»
valliers dessus nommés. F" 168 V* et 169.
P. 229, 1. 11 et 12 : imaginatis. — Ms. B^ : ymaginans.
F» 15 v*.
P. 229, 1. 20 : se presist priés de. — Ms. A% : s'apprestast
pour.
[1370] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, $ 658. 415
P. 229, 1. 28 : le Linde. — ilfi. ^ 8 : la linde. S" 332.
P. 230, 1. i : Tonnés. — Mss. B 1, k : Thiimas. F* 16. —
Ms. B 6 : Thomas. F« 770.
P. 230, 1. 2 : Ratefol. — Lm mss. i? 2, 4 ajoutent : nepyeu
jadis à monsigneur Seghin de Batefol.
P. 230, 1. 11 : captaus. -^ F.e ms. A 8 ajoute : de Eeuch.
P. 230, 1. 21 : preeciés. — Ms, A%: pressez.
P. 230, 1. 2S : matinëe. — Ms, A % : mâtine.
P. 231, 1. 13 : cesti. — Ms. B6: ceste cy.
P. 231, 1. 15 : embara. — Ms. AB : embrasa. F» 332.
P. 231 , 1. 15 : sever. — Ms, AS: saillir. — Ms. j9 2 ; se-
vrer.
P. 231, 1. 32 : chemin. — Le ms. B 6 njoute : Et puis s'en
retourna (le captai de Buch] devers Bregerach et là trouva venu
le conte de Cantbruge et le conte de Pennebourcq et messire
Thomas de Feileton à deux cens lauches Sy se partirent les Fran-
chois de devant le Linde et chevauchèrent vers Roergue pour
trouver les gens du duc de Berry qui estoient à grant puissanche
entres en Limosin et conqueroient villes et chastiaus, et ossy fai-
soit le signeur, et se tournoient vers luy et devenoient Irancliois.
F« 771.
5 6tt8« Ançois que. — Ms. tf Amiens : Or vous lairons nous
à parler im petit dou duc d'Ango, dou duc de Berri et dou prin-
che , et parlerons de monsigneur Robert Canolles qui estoit , en
ce meysme tamps que ces che vauchies* dessus dites se faissoient,
arivés à Calais , et estoient touttes ses pourveanches passées ,
g«ns d*armes, chevaux, harnas, charois et toutte mannierre d'ar-
tillerie.
Che fu, environ le Madelaine l'an mil trois cens soissante et dix,
que messires Robers Canolles se parti de Calais, qui representoit le
personne dou roy d'Engleterre. Et Tavoit li dis roys ordounnë et fait
chief de toutte ceste armée et chevauchie , et coummandé à tous
chevaliers et escuiers qui avoecquez lui estoient, et à tourtes au-
tres mannierres de gens, que il obeyssent à lui en touttes ses
ordounnanches et affaires; et qui en seroit rebelle, c'estoit sus à
estre en le indignation de li et à perdre le royaumme d'Engle-
terre. Enssi estoit créés messires Robers Canolles chief de ceste
chevauchie qui se fist si comme je vous diray enssuiwant; mes je
vous noummeray aucuns chevaliers qui estoient de se yssue : pre-
416 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1370]
nierement meisire Tharomâs de Grantson, messire Alabs de
Booqueselle, messire Gillebîert Griffait, le seigneur de Fil ^atier,
messire Jehaos de Boursier, messire iehaos Mestreourde et pluis-
seurs autres. Si estoient bien doi mil hommes d'armes et quatre
mil archiers et cinq mil hommes à piet, parmy les Gallois qui
sieuwoient l'ost; et y avoit environ cent lanches de Escochois
qui servotent les Englès à leurs saas et à leurs gaiges. Et avoient
bien mil kars, kariaus et tous atelés, et leurs pourveanrhes sus,
et dou sourplus très bien ordounnë de quanqu'il leur couvenoit.
Si se partirent de Calais moût areement et passèrent devant
Gfainnes et puis devant Arde , et envoiièrent leurs coureurs qui
coururent jusques ens es fourbours de Saint Omer et en ardirent
une partie, et puis retinrent à leur ost qui estoit logiës assës
pries de Tiereuanne. Et estoient li aucun de leurs coropaignons à
le escarmuche as barrierres, mais riens n'y avoient fait, car il
avoient trouvé moût à qui respondre. Si se deslogièrent de là et
s'acheminèrent deviers le cliité d'Arras, ardant et essillant le pays;
et tant esploitièrent que il vinrent en Tabbeie dou Mont Saint
Eloy, à deux petites lieuwes d'Arras. Là se logièrent messires
Robers et aucuns des chevaliers englès avoeeq lui, et li reman-
nans ens es villaiges d'environ. Si envoiièrent de leurs gens cou*
rir et escarmucier jusques à Arras, mes la ville estoit bien gardée
et pourvueue de tout ce que il appertenoit pour le deffendre ; si
y firent chil qui de premiers y vinrent, moût petit. Quant mes*
sires Robers Canolles et ses gens eurent séjourné an Mont Saint
Eloy que là environ par le tierme de quatre jours , et qu'il se
furent bien rafreschi et leurs cevaux, car il tn)uvoient bien de
quoy, le pays d'Artois plains el gras de bleds, d'avainnes et de fou-
raiges, car c' estoit à l'entrée d'aoust, il se deslogièrent et ran-
chounnèrent la dessus dite abbeie à non ardoir à trois cens frans
et à six tonniaux de vin et sept muis de pain tout quit, et puis
chevauchièrent oultre en costiant Arras pour venir vers Bapaum-
mes et vers Peronne en Vermendois. Enssi que il passoient au
dehors d'Arras par le porte qui oevre deviers Cambresis, li ma-
rescal de l'ost ne se peurent tenir qu'il ne venissent veoir uns
grans fourbours qui là sont. Si chevauchièrent à grant esploit
yaux et leurs routtes , et vinrent, pour yaux aventurer et faire
aucune appertisse d'armes, escarmucher jusques as bailles de le
ville. Là trouvèrent il bien à qui parler, car il y avoit par dedans
les hnilles grant ftiisson d'arbalestriers et d'autres gens deffen-
[i370] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, S «38. 417
dables qui leur vinrent au devant. Là eut trait et lanchiet moût
longdement et pluisseurs navres des uns et des autres. Au retour
que li Englès fissent, il trouvèrent ens ces fourbours une moût
belle église des Cordeliers. Si le violèrent et boutèrent le feu
dedens et Tardirent et ossi les grans fourbours qui là estoient où
il y avoit grant fuisson de bons hostels, et puis s'en revinrent à
leur host qui estoit logiés seloncq une petite rivierre qui vient
d'amont deviers Aluelz en Paillnel à Arras.
A Tendemain, se deslogièrent li Englès et cevaucièrent deviers
Bapaummes, ardant et essillant le pais, et ranchounnant les abbeies
et les aucunes fortes maisons que ils ewissent bien eu d'assaut, se
ils y volsissent avoir presse ; mes il en avoient plus chier à pren-
dre les florins que yauz travillier et trop séjourner. Et ossi il
tiroient à venir à Paris et là environ, pour veoir se il seroient
point combatu; car, si comme il disoient et moustroient, il ne
desiroient autre cose que le bataille. F<> 169 v<>.
P. 232, 1. H : aherdans. — Jlf/. J S : adherans. F* 332 v«.
P. 232, 1. 18 et 19 : darrainnement. — Ms. J S : derreniere-
ment.
P. 232, 1. 21 : Stanbourne. — Âîss. B ^ et A 8 ; de Stam-
bonme.
P. 232, 1. 22 : cinq. — ilfj. B 6 .' quinze. F« 772.
P. 232, 1. 27 et 28 : quinze... Gallois. — Ms. B 6 ; deux mil
hommes d'armes et quatre mil arciers tout paiiet, pour demi an,
de leurs gaiges. F» 772.
P. 233, 1. 10 : rechevoir. — Mss. B ^et A% : recoellir.
P. 233, .1. 14 à 16 : passèrent... Tieruane. — Ms. 27 6 .* che-
vauchèrent devant Ghines et devant Ardre et vinrent courir
devant Saint Omer, et puis prirent leur chemin devers Terouane.
F» 772.
P. 233, 1. 16 : Tieruane. — Ms. B 2 : Thierouwane. F» 16 v*.
— Ms. A% : Therouenne. F» 332 v«.
P. 233, 1. 17 et 18 : car... painne. — Ms. B 6 : car le conte
de Saint Pol estoit dedens à tout deux cens lanches qui se mirent
tantost à monstre pour deffendre le chité. F® 772.
P. 233, 1. 23 : d' Arras. — Les mss. B ^, k et A ajoutent : Et
se logièrent li seigneur et li capitaine en Tabeye dou Mont Saint
Eloy, assés près d' Arras. F° 16 v». — Le ms. A S ajoute : et leurs
gens là environ qui couroient et pilloient tout le pais, si long
qu*ilz s'osoient estendre. F» 332 v«. — Le ms.B6 ajoute : Et s'en
vu — 27
4ig CBDIOIIIQUSS DX J. FROISSiitT. [1370]
Tinrent logier aa Mont Saint Elqy et là fumt dcai joun. It rao-
chonna le dit mesnre Robert l'abeie du Mont Saint Slqy à non
ardoir, parn^ cent fraos et deua quarëes de TÎn et otant de pain.
P* ta4, L 9 s baillei.~lf#. J 8 : barrières. ¥• SftS.
P. 834, L 15 à ai I Àprièa... Saint Quentin. -*- Af#. J» 6 ; It
prirent le cbemin de Bray sur Somme et tant firent que il y tinraiC.
Là ot grant assault , mais riens n'y firent, oar la ville estoit bien
potirrene de gens d'armes qoi bien se defiendirent. Sy passèrent
U Bnglès onltre vers Peronne en Vermendoist mais riens n'y
firent, et puis s'en retournèrent vers Saint Quentin* F* 773.
Pê 135, L 1 : granges. '- Mi. J S : granohes.
P. 285, 1« 9 et 10 : en deniers appareiUiës. ^ Mi. J B : m
puA deniers.
P. 835, 1. 18 I oomposoient. -^ Jtf#« JS : composoit.
P. 235, 1. 22 : ne qui desist* «^ Mi, A%: mab qu'il deist*
Jî 6tt8. Tant eq>k>itièrent. --^ Ms, d Amiens : Si chevaucièrent
et cheminèrent tant (les Anglais) parmy che plain pays de Vm^
mendois que il vinrent assës pries de le chitë de Noyon qui estoit
bien pourveue de lui defiendre, se mestier faissoit. Si se logièrent
en râbbeie d'Eskans et là environ, sus celle rivierre d'Oise. En-
troes qu'il se tenoient à Eskans, vinrent aucuns des leurs veoir
Noyon et faprochièrent de si priés que, à le porte deviers k
Pont l'Evesque, il y eut une moût grant escarmuche, car dedeos
Noyon y avoit des bons chevaliers de là environ, messires Drues
de Roye, messires Flammens de Roîe, li sires de Turote et pluis-
seurs autres que li roys de Franche y avoit establi pour garder
le cite. Siqoes li Englès n'y porent riens faire, mes il y eut ong
chevalier des leurs, qui y fist une grant appertise d*armes, car il
se lança entre les bailles tous armes que il estoit, et s'en vint
combattre as chevaliers franchob qui là esUnent, et fu en cel
estât moût longement , lanchans à yaux et eux à lui ; et depuis
s'em parti sans damage, dont li Franchois meysmes le tinrent à
grant vasselaige. Tant demourèrent li routte des Englès à l'escar-
muche devant Noion que lor ost desloga d'Eskans et de là envi-
ron et oeminèrent plus avant. F* 169 v«.
P. 836, 1. 6 : volenté. *^ Af/. B 8 ; talent. F* 17.
P. 836, 1. 18 : Àsneton. '^ Mt.B% : Asneton. P 17 v*. ^
Mi. AB: ijsueton. F* 833 v*.
[1»70} VABLUfTIS DU fRKHIER UVas, $ 660. 41»
P. 136i 1, 16 1 i terre. — Les mst. S tel J S t^jaueiu t jns.
P. 136, 1. 18 I s'escaeilla. — Jf«. ^ 8 ; m eicuetlli.
P. SS7, 1. S : Toiijs«iit. — MSé Ai: euuemt vâula.
S 860. H«3Ûret ftoben. ^^ Mr. d'AnUtiu : Oio seiirent bî«a
li chevalier et li Mctûer qui dedeiU Noyon M tenoient Si le par-
tirent et pourssuîwirent chiaux qui les avoient etcarmuchiési û
se boQtèrenl entre iaux au paBser 1« rivière d'Oite an Pon
l'Evesqne. Si tn y eut des abatus, des navrés, des prit et des ne-
haignës, et des chevaux et dou harnas coucquis sua jaax, et poil
s'en retournèrent tout souef dedeus Noion.
Cei nouvelles vinrent en l'est que li Franohoii avoient rencon-
tra leurs gens el porte damauge i si en furMt durement courou-
flhife , et retournèrent bieir deux cens lanches et irois oena
■rohiers, qui qnidiirent trouver lei Franoboia au Pont l'Bveiqne,
mes ils en astoîent parti et j'a retrot dede&s Noy<m t dont ohil
Englès, par despii et pour yanx contre vengier, boutèrent le feo
en le ville don Pont l'Evesque et l'ardirent tonte, dont ce fa
dammaiges, oar il y àvtAt grant fuiaios de bons faostelx et de
Et quant 0 eurent fait leur emprise, il reionmireDt devien
leur ost qui tenoit le chemin de Soissons, ardant et esiillant le
pays, eicept^ la terre moosignenr de Goudiî; màs i caste ne
fissent il oncquei mal , ne à homme ne A femme qui Aut de la
terre dn dessus dit signeur.
Que TOUS feroie je loing record de le cevauchie monaignenr
Robert Canolles, qu'il 6it adonc en Franche, car il chevaucha
aasi panny le pays, gastant et essilknt les marches et les coi^
trées oiï il venoit, et rsnchoumiant villes, castiaux, abbeies et mai-
sons; et y Goncquist en son vcnaîge si grant avoir que sans nom-
bre, tant par le raenchoo de chlaus qu'il et ses gens preodoient,
que par le rédemption des villes et des pays qui se rachatoient à
estre non ars. Autrenwit, il avint eu cevoiaige as Bnglès petit
de bis d'armes qui à raeompter facent, se che ne fo sas le fin de
lenr chevanchie , ai ctHUme vous otét recorder cby apriès. Hie
lions lairons nn petit k parler de lui el de se nmtte, et parlerons
des avenues qui avinrent en Limoda en ce tamps qu'il dievaii-
choient en Franche.... F" 169 v* et 170.
En ce meysme tamps, revint en Aa^gnon li papes Urbains T* ei
tont A cardinal qui s'estment tenus quatre ans à itomme. F* 169 v*,
420 CHRONIQUES DE J. FROISSÀRT. [4370]
P. 237, 1. 27 : vuidièrent. — Ms. A%: vbdreDt. F» 333 ▼•.
P. 238, 1. 4 : rescousent. — Ms. A 8 : rescouirent.
P. 238, l. 7 : dii. — Mss, B%etA%: quinze. F» 47 v«.
P. 238, 1. 1 4 : poursievoit et costiiet. — Ms, B t : poursierô
et costiiet. -^ Ms, AH: poursuivis et costoiez. F* 334.
P. 238, 1. 48 : Jehan. -^ Ms. A 8 ; Guillaume.
P. 238, 1. 24 : freoient. — Ms. AS : feroient.
P. 239, 1. 8 : ensonniîer. — Ms. AS: embesoingnier.
P. 239, 1. 4 4 : en btance de ce que. — Ms. A S : en espe^
rance comment.
S 061. Vous avës. — Ms, d'Amiens : En ce tamps que ces
assamblëes et ordounnanches se faisoient et ces chevaucies don
duc d'Ango en le terre dou prînche, ariva li dus de Lancastre et
sen armée à Bourdiaux sus le Geronde, dont chil de Bourdiaux
urent tout resjoy, et ossi fu li prinches ses frères, quant il en
sceut le nouvelle : che fu bien raisons.
Sitost que li dus Jehans de Lancastre fu arrivés ou havene de
Bourdiaux et touttes ses gens, il traissent hors lors cevaux et
tout leur hamas, et demandèrent dou prinche où il estoit. On
leur dist que il se tenoit à Cougnach. Donc ne fissent il mies
depuis loing séjour; mes, au plus tost qu'il peurent esploitier, li
dus s'en vint celle part. Se li fist li prinches grant feste, et ossi
fist la princesse ; et entendirent moût vistement à leurs besoingnes
et pour mettre une grosse chevauchie sus, pour venir contre leurs
ennemis.... ¥• 468 v«.
Vous avez chy dessus bien oy recorder coumment li dus d'Ango,
d'un lés , et li dus de Berri , d'un autre lés , estoient efibrciement
entré en le terre dou prince et l'avoient ars et essillié en pluis-
seurs lieux et pris et fait tourner deviers yaux villes, chités et
castiaux à grant fuisson. Et encorres a voit li dus de Berri assegiet
le bonne chité de Limoges, et disoit qu'il ne s'empartiroit jusques
à tant qu'il Taroit concquis. Là estoient au siège avoecq lui mes-
sires li dus de Bourbon, messires Guis de Blois, 11 sirez de Sulli,
messires Jehans de Bouloingne, messire Jehans de Villemur, mes-
sire Rogiers de Biaufort, messires Huges Daufins, messires Grif-
fons de Montagut et li marescaux de Franche messires Loeis de
Sansoire, et grant fuisson de chevalerie que je ne puis mies toutte
noummer. Tant furent à ce siège devant la dite chité et si le
constraindirent par assaus et par enghiens que chil de Limoges se
[1370] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 662. 421
coummencierent à esbahir, car il ne veoient nul comfort qui leur
apparust, dont il n'estoient pas plus aise. F* 1 70.
P. 23U , 1. 29 : o. — Ms. B ^ : k tout. P> 18. — ilf^. ^ 8 :
et. F» 334.
P. 239, 1. 30 : qu'il. -^ Le ms. B % ajoute: tenoient et.
P. 240, 1. 5 : Congnach. — Ms. A% : Cognac.
P. 240, 1. 14 : prince. — Le ms. B 6 ajoute : Quant il furent
tout venut, sy en y eult grant foison, et estoient bien douze cens
lanches et quatre mil d*autres gens. F*' 774.
P. 240, 1. 31 : estât. •— Ms. A 8 ; point. F» 334 vo.
P. 241, 1. 11 : Pieregorth. — Les mss. B ^ à k et A ajoutent :
le seigneur de Labreth. F^* 18 v^',
P. 241, 1. 15 à 29 : si se départirent... tenoient. — Ms, B6 :
Et euToia (le duc d'Anjou) messire Bertran de Claiquin et tous
es Bretons en Limosiny car le duc son frère seoit devant Limo-
ges, et puis se retrait le duc d'Ango devers Toulouse. Et messire
Bertran esploita tant qu'il vint à Limoges au siège que les Fran-
chois y tenoient. Si fu là rechut des signeurs à grant joie.
F» 774.
§ 662. Quant messires. — Ms. tf Amiens : Ghe siège pendant,
y sourvint messires Bertrans de Gaiequin que li dus d' Ango y eih-
voia à bien six vint lanches, siques il aida à faire le traitiet et
le pourkach entre ces signeurs et chiaux de le cité de Limoges ;
et se rendirent par le consentement de l'evesque qui s*i acorda,
au ducq de Berry, et devinrent franchois parmy tant que yeux,
leurs corps et leurs biens dévoient y estre tout aseguré. Enssi
eurent li signeur dessus noummë le possession et saisine de le
chitë de Limoges, et y entrèrent à grant joie ; et fist li evesques
de ce que il appertenoit à lui feautë et hoummaige au ducq de
Berri comme au roy de Franche, et ossi fissent tout li homme et
li bourgois de la cité.
Apriès le prise et le concquès de Limoges, si comme vous avés
oy, et que li signeur de France y eurent séjourné environ cinq
jours et qu'il s'i furent rafrechy, il regardèrent qu'il avoient ad
ce conmmenchement moult bien esploitiet, quant il avoient pris et
concquis par fait d'armes une telle chité comme est Limoges. Si
ordounnèrent li doy ducq qui là estoient, li dus de Berry et li dus
de Bourbon, qu'il se partiroient de celui pays et s'en retrairoient
en Berri et en Bourbonnois, car il entendoient que messires Ro»
4Si CHRONIQUES DE J. FROISSART. [iS70]
biert CanoUes et li Englès chevauchoient et aToiant empria da
chevauchier en princhipauté parmy leurs terres. Si s'avisèrent
que il leur venroient au devant et tenroient le frontière contre les
Englez, [et] que milleur esploit ne pooient il faire que de garder
eur pays contre lors ennemis. Si se partirent de Limoges et i lais-
sièrent grant fuisson de gens en garnisson à le reqneste de Teves-
que et de ceux de le ville, et en fissent souverains et cappittainnes
monsigneur Jehan de Villemur, monsigneur Huge de le Aocht et
Rogier [de Biaufort], et estoient bien de bonnes gens cent hommea
d'armes. Encoires ordounnèrent ilz que messires Bertrans de Qaie-
quin demour[r]oit ens ou pays et y feroit guerre au miavz qu'il
poroit. Enssi se defîst leur emprise et cbovaucbie , car lî dut
d'Ango se retraist osai devers le chitë de Chaours; et li doi duch
dessus noumm^ se retraissisent chacun en son pays, li uns en
Berri et li autres en Bourbenois. Si se départirent leurs gêna, «t
s'en revinrent en France devers le roy messires Loeis de San*
soire, marescaus de France, et messires Guis de Blois et messires
Jehans de Bouloingne et aucun autre chevalier, car li roys faîsoît
son mandement à estre à Paris pour chevauchier contre messira
Robert CanoUes. F» 170.
P. 24S, 1. 4 à 22 t Tantost... françois. ~ jlf#. J? 6 .• Pour le
temps de lors, estoient chil de Limoges en traitiet pour rendre la
àté , et y metoit Tevesques du lieu grant paine. Si aida le dit
messire Bertran à faire et passer che traitiet, et se tourna la
chité de Limoges franchoise. Et tantost apriès che que le dac
de Berry eult pris le posession, il se retrait vers Berry à tout
ses gens, car enfourmës fu de messire Robert CanoUe qui voUoit
venir en Auvergne. Et pour che le duc de Berry et lè duc de
Bourbon se retrairent en leur pais pour garnir villes et chastiaus.
F* 775,
P.* 242, 1. 22 : Melval. ^Ms.J^ : Maleval. F<> 33».
§ 665. Quant les nouvelles. -^ M*, if Amiens : Bien estoit li
prinches de Galles qui se tenoit à Cougnach, enfounntfs de ces
chevauchies des seigneurs de Franche et quai diemîn il tenoient
et avoient tenu et coumment li sièges estoit devant Limogea :
dont il faisoit son amas et sen asamblëe de gens d'armes pour
venir celle paît et lever le siège et combattre les Franchois. Et
quant les nouvelles li vinrent que la cites de Limoges estoit ren-
due et tournée franchoise , si fu durement courrottchîés , car on
[4370] VARIANTES DU FASMDER UVRI, $ 663. ^18
li disi quA U evMqnes de la cit^, qui afltoit set oompèr«8, y aToit
grant coupe et que par li em partie s'estoit fes II treti^B. Donc se
basta plus li jurinches que devant, et se parti de Gougnaoh à
grant fuisson de gens d'armes, le duc de Lanoastre et le comte de
Gantbmge, ses deux frères, avoecq lui, et le comte de Pennebmc,
le captai de Beus, inonsigneur Thummas de Felieton, monsigneur
Hue de Gavrelëe, monsigneur Gautier Huet, monsigneur Guichart
d'Angle, le signeur de Duras, le signeur de Pnramiers, le signeur
de Rosem, le signeur de Longerem, monsigneur Aimeri de Tarse^
le signeur de Condon, le signeur de Ross, le signeur de Puiane,
le signeur de Tannaibouton , monsigneur Loeis de Haloourt , le
signeur de Partenay, le signeur de Pont et tamaint autres ba-
nereth et chevaliers ; et estoient bien douze cens hommes d'armes
et quatre mil autres hommes parmy les archiers, et très donc ne
pooit U princes chevauchier, mes se faisoit menner en litière. Si
chevauchièrent tant chil signeur avoecques leurs gens qu'il vin-
rent devant le chitë de Limoges : si le trouvèrent firemmëe et
remparëe bien et à point , et garnie et pourvueue de bonnes gens
d'armes et de toute artillerie, et les chevaliers franchols qui dedens
estoient, et chacun à se garde bien et faitîcement. Quant li doy
marescal dou prinche, messires Ouichars d'Angle et messires Bs-
tievenes de Gousentonne, eurent aviset et ymaginet le mannierre
de chiaux de dedens, il fissent logier leurs gens tout environ et
ordonnner et edeffier loges, feuillies et maisons pour yaux et pour
lors chevaux. Et affin que il pewissent plus tost venir à leur en-
tente, il missent en oevre grant fuisson de mineurs, dont il estoient
pourvueu, liquel entrèrent tantost en leur minne et coummen-
chièrent à minner et à entrer dedens terre à l'endroit des murs
pour les faire reversser. Enssi se tint li sièges devant Limoges,
ne 11 Englès n'y faisoient nul autre assaut. Bien sentoient U bour-
gois et li homme de Limoges que li prinches fai$oit fouir et miner
desoubz terre contre yaux pour mieux avoir le chitë et le ville à
sen aise. Si s'en doubtoient durement et se repentoient grande-
ment de cou qu'il s'estoient retourné franchois et ewissent vollen-
tiers fait traitiës et composition devers le prinche, se ilz les volslst
avoir eus ne repris à merchy; mais 11 n*y voUoit entendre et
disoit qu'il estoient mauvais traiteur et que jammais n'y aroit
fiance et que tous les meteroit à l'espëe, mais qu'il en pewist
venir au dessus : dont chil de Limoges, parmy ces manaches, es-
toient durement esbahi, car il ne s'en pooient partir ne aller,
424 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1370]
qu'il ne fuissent sceu ne aperceu. Si leur couvenoit là tous aten-
dre l'aventure. P 170.
P. 243, 1. 8 : Tame de son père. — Les nus. £ 1 à k ei J ^
ajoutent : que onques ne parjura. F* 19.
P. 243, 1. 11 et 12 : et s'en aroit fait... fourfet.— jlfr^. B^àk
et A% : et aroit fait as traitres chierement comparer leur fourfait.
P. 243, 1. 30 : Tarste. — Ms.B^ : Tharse.
P. 244, 1. 6 : d'Agorises. — Ms. Bt: d'Agoriset. — Afx. ^ 8 .*
d'Agonse. F« 335.
P. 2(i4, 1. 17 : mener. — Le ms, A 8 ajoute : et charrier.
• P. 245, 1. 12 : efibrciement. — Les mss. B ^ à k et A % ajou-
tent : et à faire leur ouvraige. F» 19 ▼•.
5 664. Messires Robers. -^ Ms, dt Amiens : Le siège pendant
devant le chité de Limoges, chevauchoit en Franche messires
Robers Canolles et se routte, qui ardoit et essilloit et ranchounnoit
le pays. Si passa le rivierre de Oize et puis le rivierre d'Esne, et
apriès, deseure Chaalons en Caropaigne, le rivierre de Marne; et
passa parmy Campaigne , tout gastant le pays, et vint à Bar le
Duch, et passa le rivierre d*Aube. Et puis, environ Meri sus Sainne,
il passa Sainne, et puis se ravalla deviers Troies et deniers Au-
cherrois , et revint em Brie et en Gastinois. Et fist tant par ses
journées qu'il vint assés priés de Paris, et se loga à trois lieuwes
de Paris ; et vinrent si coureur courir jusques as bailles de Paris.
Et là perdirent un chevalier bon homme d'armes et aventureus
durement que chils de Paris ocirent assés priés de Saint Germain
es Prés. Et quant il eurent fait leur emprise et leur voiaige et
que nus ne venoit contre yaux, il se partirent d'environ Paris où
il s'estoient logiet deux jours, et prissent le chemin d'Estampes
et de Chartres, et entrèrent en ce biau et plain pays de Biausse
où il fissent moult de meschiés. F® 170 v«.
P. 245, 1. 17 à 26 : Messires... nuis. — Ms, ^ 6 : En che
tamps, chevauchoit en France messire Robert GanoUe tout ensy
qu'il volloit, car nulz ne ly defifendoit ne aloit au devant. Et passa
toutes les rivières qu'il couvenoit passer pour venir devant Paris
au lés devers Gastinois, est à savoir le rivière de Somme pre-
mièrement et puis Oise, Aisne, Marne, Aube, Saine et Gesne, et
fu logiet devant Paris jour et demi. Et manda au roy de Franche
et à chiaus de Paris que, se on le volloit combattre, que on le
trouveroit tout apparilliet sus les camps. F<* 776.
[1370] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 665. 425
P. 245, 1. 19 : royaume. — Lts mss, B 1 àket A% ajouieni :
de France. Si cbevauchoit à petites journées et à grans frais parmi
le royaume. F» 19 v«.
P. 245, 1. 29 : fîimières. — Ms, A 8 : fumées. F"" 335 v«.
P. 246, 1. 6 : Chastiel Villain. ~Ms, J 8 : Chastel Julien.
P. 246, 1. 9 : deffendoit. — Le ms, B 6 ajoute : Dont se des-
loga le dit messire Robert de devant Paris, et prist le chemin
d'Orliens et de Gastinois pour aller sieuvant chelle bonne rivière
de Loire et le bon cras pais ; et dist, se il plaisoit à Dieu, il iroit
veoir le bon pais d'Ango et du Maine. F" 777.
P. 246, 1. 14 : saucier. — Ms. B i : sanchier. — Ms. A% :
fouler.
P. 246, 1. 25 : as bailles de le porte. — Ms. AS: aux bar-
rières de sa lance. P 336.
P. 247, 1. 13 : boucier. — Mss. B ^ et A S : bouchier. ¥^ 20.
P. 247, 1. 17 : maleob. — Ms. A 8 ; vaillant. F« 336.
P. 247, 1. 21 : visbus. — Ms. A 8 : chief fort.
P. 247, 1. 24 : si. — Ms, AS: cil escuieV.
P. 247, 1. 30 : kieute. — Ms. B 2 ; quieute pointe. — Ms. A
S : enclume.
P. 248, 1. 1 : là mors. — Le ms. B 6 ajoute : dont che fîi da-
maige, car je crpy bien que amours ly avoient fait faire celle
baulte emprise. P» 777.
P. 248» 1. 2 : ensepelir. — Ms. B 2 : ensevelir. — Ms. AS:
enterrer.
5 668. Entrues. — Ms. iP Amiens : Or revenons à monsi-
gneur Bertran de Glaiequin qui se tenoit sus les marches de lir
mozin, en le viscontë de Limoges, et a voit chevauchiet sus le terre
dou prinche à tout grant gens d'armes depuis le département dou
duc de Berri, dou duc de Bourbon et de monsigneur Gui de Blois
et des signeurs de Franche qui s'estoient retrait en Franche, par
Tordounnanche dou roy, pour chevauchier contre monsigneur
Robert CanoUe et ses routtes. Li dessus dis messires Bertrans, le
siège pendant devant Limoges, s'en vint devant une fortrèce, en
Limozin, et une bonne ville, que on appelle Saint Iriet, qui se tencut
de monsigneur Jehan de Montfort, ducq de Bretaigne. Us tantost,
comme chevaliers et saudoiiers à madamme femme qui fu mon-
signeur Carlon de Blois, fist guerre à le dite ville et l'assailU
vistement et aigrement. Chil de Saint Iriet se doubtèrent de plus
4te GHROIflQXTBS DE J. FR0I8SA&T. [1S10]
à perdre ! te te rendirent à montigneur Bertran, ponr le eanse de
U detsnt dite damme qoi ne po<»it amer oehii qui ton raarit aroit
mort, ja fust il tes cousins germains, et qui ses enfikns (kisoit
tenir prisonniers en Engleterre, Jehan et Ghui. Apriès chou que
chil de Saint Yriet te furent rendut, ohcTaucha messires Ber-
trans devant une antre fortrèce que on appelle Brendomme, et
l'atailli un jour tout entier ; et Tendemain il se rendirent en le
mannierre que chil de Saint Yriet ayoient fait. Encorres dierau-
cha messires Bertrans plus avant en le viscomtë de limoges,
et prist pluisseurs villes et eastiaux pour le cause de le damme.
F«170 v«.
P. 248, 1. 12 : avoit espoir. — Ms. A % : povoit avoir.
F» 336.
P. 248, 1. i2 et iS : chevaucoient à l'nn des corons. — Ms.
^ 8 .* chevauohoit À l'un des costei.
P. 2<i8, 1. 16 : de. — Ms, A% : lesquelles estoient i«
P. 249, 1. 14 et VS : Or.... Galles. «— Cette phrase manque
dans le ms, B 1, ^ 20 v*.
5 666. Environ un mois. — Ms, it Amiens : Or revenrons an
siège de Limoges. Quant li princhee de Galles et d'Acquittainne
eut estet asis devant le chit^ de Limoges par Tespaste de trois
sepmainnes et que nus n'apari pour li lever de là, car ii dus
d'Ango estoit retrès deviers Toulouse et U dus de Berri en son
pais, si comme chy dessus est dist, si mineur eurent leur minne
tellement appareillie que 11 dissent au prince que il feroient cheoîr
ung grant pan des murs, quant il li plairoit. Li prinches respondi
que cez nouvelles li ettoîent bellet. Dont fitt une mâtiné armer
tout ton ost, et ja estoit li feux boutët en le minne, pour ardoir
let estanchont tour quoy li minne se portoit. Quant il furent tout
ars, si comme li mineur avoient dèviset, li murs reverssa bien
toissante toises de large, par quoy on pooit tout aisiement entrer
à cheval et à piet dedens le chité de Limoges. Quant li chevalier
franchois et li homme de le chitë virent le grant meschief qui
leur estoit si prochains, si furent tout esbahy et perdirent avis et
contenance et te missent à le fuite pour yaux sauver; mes li
prinches et se bannierre, li dus de Lancastre et se bannierre , li
comtes de Gantbruge et se bannierre, li comtes de Pennebrucq et
se bannierre , et ensi tout li autre baron , chevalier et escuier et
toutte mannierres d'autres gens entrèrent eus, car li une des
[1870] VARIANTES DU PRElilER IIYRS, S 6^6- 4|7
portes Al taaiost ouverte et jett^e par terre. Là veist m grant
pitë des hommes et des fefnmes et des enfinns de le ville t car ils
se jettoient en genous devant le prinche et orioient mercby ; mes
nuls n'y estoit pris, car sans pité et sans miséricorde on les ocbioit
enssi que on les trouvoit et encontroit, tant estoient li prinohes et
li Englès escauffet sus yaux en grant fellonnie et air. Bien est
voirs que li evesques de Limoges [fu pris et] amenés devant le
prinche qui moût courouctez estoit sour lui. Et ossi li escuier et
chevalier, qui là estoient en saudées de par le roy, se requeilUè-
rent et missent à deffen$ce« et se retraissent deviers un fort hostel
et se rengièrent contre un mur, et là se dépendirent ce qu'il
peurent, et y fissent maintes belles appertisses d'armes; mes li
dus de Lancastre et messires Ammons ses frères et leurs gen$
vinrent celle part, si les assaillirent fièrement. Là se combati
moult vaillamment messires Jehans de Yillemur ipain à main au
duc de Lancastre, car il estoit fors chevaliers, hardie et appers,
et Rogiers de Beaufort au comte de Cantbruge, et mesures Hugea
de la Roche au comte de Pennebrucq} et enssi cbacuns chevaliers
d'Engleterre prendoit le siep, et escarmuchoient de leura esp^eat
enasi que gens d'armes et bon combataut doient faire, qui se
treuvent en tel parti. Là veist on tamaint tour et bien appert des.
espées dounner et rendre, et ne demoura mies qu'il n'en n'y ewiat
des navrés et mehaignés. Et se tmrent contre che mur li Fran^
chois, chevalier et escuier, ass^s honnerablement; mes finabl^
ment forche leur sourvint» et furent pris et fiancbiés prison.
F» 170 y*.
P. S40, 1. 46 ; un mois. «^ jl&. i? 6 ; trois sepmaines. F^ 778.
P. 849, 1. 16 : sist. -^Ms. J% : fut. F» 836 v.
P. 249, 1. 18 : songnoit. ~ JKIj. ^ 8 ; bien songnier. F« tO v«.
-*- Ms. AS: embesoingnier.
P. 249t L 38 s tout à fait que. -^ Ms. A 9 : tout aînsy
comme.
P. 249, 1. 23 et 24 : esUnçonnoient. ~ M*. A 8 : estant
choient.
P. 249, 1. 25 : reverser. "^ Mm, A 8 ; renverser.
P. 249, I. 26 : ens es. -^ Ms. A 8 : dedens les.
P. 249, 1. 27 : tu%.^Ms. A 8 ; dedens la cité.
P. 249, 1. 31 : cil. — Mi. AB : ces mineurs.
P. 250, 1. 9 t bailles. *«- itf/. A 8 .* barrières.
P. 250, 1. 10 : evous. — Jlf^, ^ 8 : et puis vecy.
428 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1370]
P. 250, 1. 14 : ens. -^ Lt ms. B, 6 ajoute : la banière du prin-
che et cbelle des marisaus tout devant. F> 778.
P. 250, 1. 20 : d'air. — Jtf>. ^ 8 ; d'ardeur.
P. 250, 1. 30 : deviiet. — Jlfr. A 8 : délivrez. F« 337.
P. 252, 1. 4 : Biaufort. — Mss. jS 2 tf 4 ; qui estoit adonc
escuiers. F* 21. '—Ms, A% : qui estoit lors escuier.
P. 252, 1. 8 et 9 : et y rafrena et radouci. — M$. udf 8 ; et se
rapaisa et adouci.
P. 252, 1. 11 : rendant. — Ms. AS: regardant.
P. 252) 1. 15 : retenons. — Mss, B%etA%: recepvons.
§ 067. On ne se cessa. — Ms. ^Amiens : Endementroes que
li chevalier d'Engleterre avoient entendu à combattre les dessus
dis et lors gens, li autre Englès, gens de Compaingnes, estoient
espars parmj Limoges et y faisoient le plus grant violense du
monde, car nuls n'estoit pris à merchy. De quel eage que ce fuist,
Jones ou vies» hommes, femroez et enfans, tout missent li Englès
à l'espëe , et sans déport fu la chitë toutte gastëe et robëe et une
grant partie arse et destruite. Et quant li ocisson fu passée et
qu'il en eurent acompli leur destrier et que li pilleur l'eurent
toutte pillie et robëe, dont bien sachiës qu'il y eut grant avoir,
car elle estoit riche et bien pourvueue, il s'em partirent, et n'eu*
rent mies consseil ne vollentë dou tenir, et laissièrent en cel estât
vaghe. En yaux retrayant, li Englès ardirent une partie de le terre
le signeur de Malval en Limozin et ossi le terre de monsigneur
Raimmon de Maruel , pour tant qu*il s' estoient tourne franchois.
Si vous di que li evesques de Limoges fu en grant péril d'estre
décolles , tant estoit li prinches courouciës sour lui , pour tant
qu'il estoit ses compères, et si avoit fait et aidiet à faire retourner
Limoges. Si le dounna li prinches au ducq de Lancastre qui ne
l'amoit mies pour celle cause trop grant plenté, et l'ewist fait
morir sans nul déport; mes pappes Urbains V*', qui estoit nou*
vellement revenus de Romme en Auvignon, quant il en seut le
veritë et le péril où li dis evesques estoit, il le requist et pria
moût chierement au duch de Lancastre qu'il li volsist dounner.
Li dus descendi à le priière dou Saint Père, parmy le bon consseil
qu'il eut, et li acorda le dessus dit evesque et li envoiea en Au-
vignon, dont li pappes l'en seut grant gret. Enssi fu sauvés et
délivrés de mort li evesques de Limoges. F**170v«et 171.
P. 252, 1. 20 : destruction. — Le ms, B ^ ajoute : Et chou
[1370] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 668. 429.
douze bourgois de la ville avoient tout fait qui point ne le com-
parèrent. P 779.
P. 252, 1. 23 : estoit. — Lems. Bt ajoute : et ses filz Richart.
F» 779.
P. 252, 1. 28 : Limoges. — Le ms, B 6 ajoute : qui compère
estoit du prinche. F* 778.
P. 252, 1. 30 : rouva. — Ms. A 8 : demanda. F» 337 v«.
P. 253, 1. 3 : Avignon. — Le ms. B 6 ajotue : entendy le des-
truxcion de Limoges et le prise de son cousin l'evesque et com-
ment le prinche le manechoit. P* 779.
§ 668. Si fu enfourmés. — Ms. et Amiens : Entroes qu'il
(Bertrand du Guesclin] estoit en cel esploit et qu'il cevauchoit
enssi pour la dessus ditte damme, Tenvoiea li rois de Franche
requerre, et li manda especialment et expressément qu'il revenist
en Franche. Messires Bertrans vot obéir au mandement dou roy
et s'en revint quoitousement avoecq touttes ses gens d*armes à
Paris. Si fu li très bien venus, moût festiiés et conjols dou roy et
de tous les barons, et fu tantos fais et crées connestables de
Franche, car chilx offisces vaghoit adonc de par monsigneur
Moroel de Fiennes qui de se vollentë s'en estoit ostës et desmis.
De Testât et ordounnance de le connestablie de France emprist
adonc messires Bertrans moût envis, et s'en excusza de premiers
par pluisseurs voies en disant et remoustrant que il estoit ungs
chevaliers de petite génération et venue, et, se Dieux a voit cons-
senti que aucunnes fortunes d'armes li fuissent avenues à se hon-
neur, se n'estoit il mies dignes ne tailliés ne saiges pour faire
un tel ofGsce ne excercer, que la connestablie de France est.
Touttefifois, excuzanches quil fesist ne moustrast, ne vallirent
riens; il fu tant priiës et tant requis dou roy et des barons de
Franche qu'il i entra , et fu fais et noummés connestables : dont
tous li royaummes de France eut grant joie, et especialment che-
valiers et escuiers qui sieuvoient et amoient les armes.
En ce tamps, estoit li sires de Clichon dalles le roy de Franche
et si bien de son consseil et de lui qu'il voUoit, et tant l'amoit et
creoit li rois que il ne faisoit à painnes riens sans son consseil et
especialment des guerres as Englès. F* i7i.
P. 253, 1. 48 à 20 : car.... l'offisce. — Ms. A il : car mon-
seigneur Morel de Fiennes ne povoit plus exercer l'offisce par
vieiUesce. F<» 363 v».
4d0 CHRONIQUIS Dl J. PROISSART. [1370]
P. f 83, 1. tS à t8 t pour le plos.t.. de France. ^^Mu. A 15
^ 17 ; èomme le plus vertueux et fortune en toutes ses besongnet
qui alor^ fust. M$. ^ 17, ^ 368 v«.
P. 253, 1. 26 : sage. — Mss. B%àketA%: ydosne, ydoint.
F»ll V.
P. 253, 1. 27 : ewireus. — Ms. B S .* heurem. «^ Mi. AS:
vertueux. P* 337 v*.
P. 254, 1. 4 : Brandome. <— J£r. B % : Bramdouve. •— Ms* A
8 * Brandonme.
P. 254, 1. 18 : seigneurSi ^^ Le mi. A % aj(Mê .* dé son
hostel et.
P. 254, 1. 24 : qne c'estoit. — Mi.A% : qu'il estoit. F» 338.
P. 254j 1. 26 : un petit. — Mis. B 3^ êi A S : ung pan, on
peu.
P. 255, 1. 18 : l'emprende. «^ ^#. ^^ 8 / le prenra.
P. 255, I. 19 ; perceveroit* -^ Ms. A 8 ; appercevroit.
P. 255, 1. 23 : l'ordenanoe. — Ma. B t et A % : Topimon.
P. 255, 1. 26 : de France. — Le ms. A il ajoute : et prist
congié du roy et s*en vint en lâmoân où il conquist maint cbastiel
et mainte forteresce. F* 363 V.
P. 255, 1. 26 : exaucier. *— Ms» B f : essauchier. F^ 22. — •
Mi, AS: avaneier.
P. 255, 1. 28 à 30 : en ce jour.... son hoir. «^ ilf /#. A : aveo^
ques FofBce ploseurs beaux dons et grans teires et revenues en
héritage pour lui et pour ses hoirs.
FOr DIS VABIASTBS UU TOHX SOTlftlIlt.
TABLiE.
CHAPITRE Xa.
Entrée du prince de Gallet en Espagne. — 1367, 6 janTier. Naiasance à
Bordeaux du prince Ricbard, depuis Richard U. — Du 10 au 29 jan-
TÎer* Concentration de Tarmëe anglaise à Dax ; arrirëe du duc de
Lancastre; occupation de Miranda et de Puente-la-Reina ; entrevue
de don Pèdre, du prince de Galles et du roi de Narafrep à Peyre-
horade. — Du 14 au 20 février. Passage des Pyrénées et du dëfilë
de Roncevaux par les trois corps de rarmëe anglaise. -«13 mars.
Arrestation concertée du roi de Navarre par Olivier de Mauny. —
Reddition de Salvatierra à don Pèdre et arrivée des Anglais devant
Vitoria ; défaite de Thomas Felton ; mort de Guillaume Felton. —
Mouvement rétrograde de Tarmée anglaise ; passage à Laguardia, à
Viana ; occupation de Logroiio et de Navarrete. — 1*' avril. Lettre
du prince de Galles à don Enrique. — 2 avril. Réponse de don En-
rique campé à Najera. — Sommaire^ p. i à xn. — Texte, p. 1 à 31.
— Fanantes^ p. 259 à 279.
CHAPITRE XCn.
Restauration de don Pèdre. — 1367, 3 avril. Bataille de Najera ; Ber-
trand du Guescliu et le maréchal d*Audrehem prisonniers des An-
glais. — Fin d'avril et mai. Don Pèdre et le prince de Galles à Bur-
gos. — Mai. Arrivée de don Enrique en Languedoc. — Juin. Séjour
du prince de Galles â Valladolid et départ de don Pèdre pour Se-
ville ; dissentiments entre le prince et le roi de Castille. — 13 août.
Traité d'alliance de don Enrique avec le duc d'Anjou. — Août et
septembre. Retour du prince de Galles et de l'armée anglaise en
Guyenne. — 27 décembre. Mise en liberté de Bertrand du Guesclin.
-^ 136B, du k mars au 22 mai. Siège et prise de Tarascon par du
Guesclin et le duc d'Anjou ; ravages des Compagnies anglaises en
Bourgogne, en Champagne, dans l'Auxerroîsi la Sologne, la Beauce
et le Gatinais. •— k mai. Mariage du seigneur d'Albret avec Margue-
rite de Bourbon. — Fin de mai. Arrivée de Jean Chandos en basse
Normandie. — Sommaire^ p. xm à xxvin» — Texte, p. 32 à 69« «•
rariantei, p. 279 à 311.
CHAPITRE XCm.
Resunration de don Enrique. — 1367, fin de septembre. Entrée de
don Enrique en Castille. — > Fin d'octobre. Reddition de Borgos. -*
432 TABLE.
136S, fin de janTier. Prise de Lëon, — ISOS, avril à 1369» fin de
nun. Siëge de Tolède.— 1368, 20 norembre. Traité d'alliance arec
le roi de France ; retour de Bertrand du Goesclin en Espagne. —
1369, 1% mars. Bauille de Montiel. — 23 mars. Mort de don Pèdre.
— 4 mai. Bertrand du Gnesclin crée duc de Molina. — Sommaire ,
p. xxTiu k xxxT. — Texi€^ p. 70 à 84. — Far'umttê^ p. 311 à 319.
CHAPITRE XCIV.
Rupture du traité de Brétigny. — 1368» 26 janrier. Lerée d'un fonage
en Aquitaine. — Mai et juin. Appel porté derant le roi de France
par les barons de Gascogne. — 3 décembre. Naissance du dauphin
Charles, depuis Charles VI. — 1368, fin de décembre et 1369, jan-
vier. Réception de Tappel des barons de Gascogne et citation adressée
an prince de Galles. — 1369, premiers mois. Défaite de Thomas de
Wetenhale, sénéchal anglais du Rouergue, près de Montauban. -—
Retour de Jean Chandos en Gujenne; son arrivée i Montauban. —
Rupture des négociations et d(<claration de guerre. — 29 avril. Red-
dition d'Abbeville et du Pontieu au roi de France. — Sommaire ^
p. xixv k xLvn. — Text€^ p. 84 à 113. — f^ariantes, p. 319 à 335.
CHAPITRE XCV.
Préparatifs militaires et ouverture des hostilités sur toutes les firontièret
du royaume.^ 1368, 2 et 17 août. Prise de Vire et de Château-Gontier
par les Compagnies. — 1369, avril et mai. Les comtes de Cambridge
et de Pembroke en Périgord ; siège de Bourdeilles. — Jean Chandos
k Montauban ; prise de Roqueserrière. — Siège de Réalville par les
gens du duc d'Anjou; Reddition de soixante places fortes de la
Guyenne aux Français. — 7 avril. Mariage du duc de Bourgogne
avec Marguerite de Flandre. — Août. Arrivée du roi de Navarre eu
basse Normandie et négociations entre ce prince et le roi d'Angle-
terre. — Exploits des Français en Poitou ; prise de la Roche-Posay
par Jean de Kerlouet. — Avril et mai. Campagne de Robert Knolles
et de Jean Chandos en Quercy ; siège de Duravel et de Domme ;
prise de Moissac, de Gramat, de Fons, de Rocamadour et de Ville-
franche. — Reddition de Réalville aux Français et de Bourdeilles
aux Anglais.— Sommaire, p. xlvii à ijcx. — Teste, p. 113 à 155. —
FarianteSf p. 335 à 366.
CHAPITRE XCVI.
1369, août. Occupation de Belleperche par les Compagnies anglaises.
— Projet et préparatifs d'une invasion française en Angleterre. —
Reddition de la Roche-sur- Yon aux Anglais. — Mort de James
d'Audeley ; Jean Chandos, sénéchal du Poitou. — Descente du duc
de Lancaftre à Calais ; chevauchée de Tonxnehem. — Affidre de
TABLE. 433
Pnmon; le comte de Pembroke est smpris et amégê par Louii de
Sancerre. — Mort de Philippa de Hainaat, reine d'Angleteire. — Prise
des Ponts-de-Gé et de Saint-Manr-smvLoire par les Anglais, de
Saint-Sayin par les Français. — 1370, 1^ janyier. Combat du Pont
de Lnssac et mort de Jean Ghandos. — Premiers jours de juillet.
Prise de Châtellerault par Jean de Kerlouet. — 1369, derniers mois,
et 1370, premiers mois. Siège et reprise de Belleperclie par le duc
de Bourbon. — Sommaire j^, lxxi à xcn. — Texte^ p. 155 & 220. —
rarUmteif p. 366 à 403.
CHAPITRE XCVn.
1370, mai. Le duo d* Anjou à Paris; préparatifs de gueire des rois de
France et d'Angleterre. — 1372, du 15 au 22 août. Délivrance de la
duchesse douairière de Bourbon prise à Belieperche. — 1371, du 25
an 29 mars. Entrerue de Vemon ; traite de paix entre les rois de
France et de Navarre. — 1370, vers le 15 juillet. Arrirée de Bertrand
du Guesclin, rappelé d'Espagne, en Languedoc. — Du 15 juillet au
15 août. Campagne du duc d'Anjou et de du Guesclin en Gujenne ;
occupation de Moissac, d'Agen, de Tonneins, du Port-Sainte-Marie,
de Montpazier et d'Aiguillon ; siège de Bergerac et de Lalinde par
les Français. — De la fin de juillet à la mi-septembre. Cherauchëe
de Robert KnoUes A travers l'Artois, la Picardie et l'Ile de FVanoe.
— Du 16 au 24 août. Le duc de Berrj et du Guesclin en Limousin;
reddition de Limoges au duc de Berry. — Du 14 au 19 septembre.
Siège, reprise et sac de Limoges par le prince de Galles. — - 24 sep-
tembre. Robert Knolles devant Paris. — 2 octobre. Du Guesclin A
Paris; sa nomination à l'office de connétable de France. — Sommaire^
p. xcn A cxvx. — Texte^ p. 220 à 255. — Ftwiottes, p. 403 à 430.
Vm DB LA VABLB DU TOMB SKPTXàMX.
TU — 28
S'»